L'EMPYRISME BÉVOILÉ, o u RÉFUTATION DES PRINCIPES &c.  ■4 ■ = U*-3&E^ ==ii Putant aliqui morbos omnes ab acido prol duci & omnes pariter per alcalia. remedi, curandos efle : hoe mede.ndi genu#, utpotu omnium facillimum & brevi dierum fpatiit a rudi quaque mulier.cula etiam addifceni dum pr£e csteris hodie invaluit; at Medk ignari illius Hippocratici quod centena fin quse hominem laedunt, talimedendi ratiorK mini videntur conjeórari potius five divi nare de rebus morborum , quam invenir! & fcire. Baglivi , Prax. Med. lib. i. cap. 5. §. a  L'EMPYRISME DÉVOILÉ, o u réfutation des principes THÉORIQUES ET PRATIQUES, D'un Ouvrage qui a pour titre, Médeeine fimplifiée , ou Manuel de Medecme & de Chirurgie-Pratique, &c. par J. J. 1je Frenne, Doaeur ès-Arts & en Medecine , &c. S U I VI E De VAnalyfe Chymique des *f"%s P™\ po Cés par /e Doaeur, tant pour les Maladies ai-ais ou chroniquesen général, que pour lapedte Vérole en particulier; Par P. J. B. Previnair15,Licencié en Médécine. *~Tu 'meüora paras, viLlx Medicinag,.TtXKte.,^ •k,., 'rrr^ë^~ V t" rr'Tt%r a amsterdam chez ChaivTGUion s Et fe trotive a Bruxelles, Chez E. Flon , Imprimcur-Libraire , rue des Fripiers. _ m7d c c. l x x x n i.   AVERTIS SEMENT. Nous ne prétendons point ici donner fimplement une refatationfeche & fiérile des principes de la Médecine fimplifiée ; eet Ouvrage ne mérite de fixer notre attention que paree quil peut devenir dangereux par le fond & par la forme ; cJeJt-d-dire 3par la nature des erreurs quil renferme, & par la manier e Jéduifante dont ces erreurs font préfentées au Public On voit évidemment que VAuteur tend d former une Médecine univerfelle > & d reculer leprogrès de ï'Art d'unfiecle & demi. Toutes nos preuves font tirées des meilleures fources ; nous invitons les jeunes Eleves a y recourir; nous  vj AVERTISSEMENT. ferons au comble de nos vceux x fi nous pouvons au moins éne utiles d quelques-uns 9 en leur indiquant les grands Ecriyains qui nous ont fourni des armes pour combattre le Docleur en les mettant en garde contre l'efprit de fyjlême. On trouvera peut-être que nous avons e'té trop ferieux dans quelques endifiits & trop peu dans quelques autres } que nous nous fommes trop ou trop peu étendus fur certaines matieres. Mais la forme meme de l'Ouvrage de M. de Frenne nous^ en faifoit une nécejjlte'. La vériié ejl toujours plus aimable, lorfquelle marche accompagne'e de 'Li'plaifanterie & du badinage1 , que. lorfquelle trempè fa plume dans le fid. 'Nouspardonnons  (AVERTISSEMENT. vlj a M. le Dofteur d'avoir infulté ï Art & le Corps entier des Me'decins; cefi lui impofer en revanche 1'oMigation de nous poffer quelques momens degaieté&d'enjouemmt, d'autant plus quil a attaqué fans av oir jamais été provoqué} & que nous ne Vavbns point décoré des épithetes pompeufes de menteur, calomniateur, féduaeur, &c. &c. &c. &c. &c. comme il ena décoréindifféremment tous les Me'decins, par une fuite dé la défiance modefte quil avoit en fes médicamens , & non pas en lui-même. Nous parottrons peut-être diffus d Var tic le des eaux minérales, furtout dans le parallele du régime de M. de Limbourg avec celui du Docteur. Mais la prolixité étoit indif  vüj AVERTISSEMENT. ■penfable ; & il ny a rien d'ailleurs que Vamour de Yhumanité nexcufe. & nautorife* INTRODUCTION,  INTRODUCTION O u HISTOIRE ABRÉGÉE Bes Me'decins d Secrets qui ont prétendu avoir trouvé la Médecine univerfelle, v, Si dans la fociété , dit M. Le Clerc , la raifon fait fouvent refpeaer des préjugés qu'elle condamne, cette indulgence tie s'étend pas jufques fur la Médecine; le Médecin, vraiment digne de ce titrer honorable , ne doit jamais admettre ni fe permettre rien qui ne tende dire&ement & efficacement au bien des roalades. Ami des hommes, fidele aux dcvoirs de fon état, ii doit s'clancer courageufement au-dela des barrières que lui oppofent lVnorance, 1'erreuï ou la crédulité. II A  * ÏNTRODUCTIÖN. doit s'infcrïre en faux contre tout ce qui ne porte pas 1'empreinte du vrai & qui n'eft pas conforme aux infpirations de la nature. Ce Médecin aura fans doute contre lui Pefprit departi,une cabale a craindre ; & qu'importe 3 C'eft aflez pour lui que fa conduite foit irréprochabe. II n'y a point de fiecle oü le flambeau de la raifon n'ait été obfcurci par les ténebres de 1'ignorance ou éclipfé par les preftiges de Terreur. Mais 1'antre du menibnge eft voifin du puits de la vérité; & la" main bienfaifante de la Nature fait toujours éclore 1'antidote a cöté du poifon. II faudroit, pour extirper & anéantir les crreurs, arracher du coeur humain les paffions qui groffifTent tous les objets, les préjugés qui les traveftilfent fous des formes étrangeres, la crédulité qui ne doute de rien, le pyrrhonifme qui doute de tout» 1'amour propre qui fe repait de brillantes chimères, & 1'intérêt qui enfante des roonftres. Dans toutes les fciences qui intéreflent 1'humanité , les erreurs ont des conféquences dangereufes; dans lrtWcdecine y  INTRODUCTION. $ elles font meurtrieres. Qu'impone dans le fond a la fociété le fyftême de 1'infini, ou celui qui attribue cinq mouvemens au globe de la terre, tandis que Copernic en retranche trois 4} Les fpéculations délicates & profondes des Mathématiciens & des Aftronomes décident - elles de la fanté, de la vie & de la mort des indiyidus*} La diverfiré & le choc des opinions dans les fciences de cette nature n'ont pas ( comme les hypothefes en Médecine) une influence direcle & immédiate fur le bien ou le mal qu'elles produifent. Tandis que le Charlatanifme croit, s'éleve & marche - comme un fuperbe géant, 1'homme tombe fous fa faulx & s'évanouit comme un vil atöme. Ce n'eft ni la Médecine, ni la pefte, ni les remedes, ni la famine, ni la guerre, ni les maladies qui dépeuplent la terre; ce font les faux Médecins, ceux qu'on appelle Charlatans, ceux qui tuent en pro» mettant la fanté. L'art, qui eft un inftrument falutaire dans les mams du Médeein fage & éclairé , devient un poignard daas celles de l'empyrique aveugle. A z  * IN TRODUCTION. Hippocrate avoit tiré la Médecine dm cahos ténébreux de Tempyrifme; il 1'avoit rapprochée, autant qu'il avoit pu, de la fimplicité de la nature. Ferme dans fes principes & circonfpe£t dans fes conféquences, il fut regardé comme Poracle des Médecins jufqu'au fiecle de Galien, qui finit, comme les Chinois, par battre le Dieu dont il avoit encenfé les autels. Mais la Vérité ne peut demeurer éternellement éclipfée. . Séduit par Tappas des fyftêmes, Galien, ■ & force de vouloir tout expliquer , porta le coup le plus fatal a la Médecine clinique, lorfqu'il prétendit enrichir Tart, d'un Commentaire fur les Ouvrages d'Hippocrate. Plus attentif a contredire la mé-1 thode de fon Maitre qu'a 1'éclaircir, il fe montra plus jalouxdu foin deluiravir 1'empire de la Médecine , que de le par* tager avec lui. II entraina d'abord dans fon fchifme tous ces jeunes adëptes, amis imprudens des nouveautés , qui cherchant envain dans les écarts de la Nature &c dans des faits particuliers Tapplication des principes gcnéraux, font toujours prêts  TNTRODUCTION. 5 •a tirer de fauffes conféquences des exceptions accidentelles, dont ils n'appercoivent pas les liaifons avec leurs caufes, ou dont les caufes leur font abfolument iinconnues. De-la tant de faux Médecins, d'empyriques & d'hommes a fecrets, qui comme les fauterelles de 1'Egypte , porterent fi long-temps le ravage dans ces champs heureux & fertiles, autrefóis défrichés & rendus féconds par la main du Pcre de la Médecine. De-la ces difputes óternellcs, ces contradiaions, eet efprit de fyftême, auffi fata! au progrès de 1'art qu'au bien de 1'humanité, qui produiftrent tant de révolutions étranges dans 1'art de guérir, jufqu'au temps oü le grand Boerhaave , fe frayant une route nouvelle a travers ce dcdale obfeur de probabilitcs & d'hypothefes , vint a bout de fixer les efprits agités par tant d'orages & encore flottans dans Tincertitude , en les forcant a fe foumettre au tribunal équitable de 1'expérience & de la faine Philofophie. Voulez-vous être immortel... ? (a) Pa- (a) Paracelfe , &c. fe flattoic d'avoir trouvS A 2  * ÏNTRODUCTION. racelfe monte fur fes tréteaux; il vous crie avec une voix de tonnerre. .. „ Que ceux qui aiment la vie viennent a moi; nouveau Prométhée, j'ai dérobé le feu du <~iel; je fojs ]e f{lint dépofita;re dg C£Ue flamme myftérieufe & facrée qui vous annne ; mes fublimes fecrets vous affurent les années de Mathufalem ; j'arrêterai le cours des générations & des ages« Quelle perte pour 1'Univers ! Paracelfe meurt a quarante-huit ans; & des immortels qu'il a faits , il n'en refte pas même un feul pour fervir de monument a fa glcire. Imbu desmêmes principes, Van Helmont trouvefa place vacante & s'en empare. Le defir fi naturel a 1'homme d'étendre les limkes de fa frêle & courte exiftence,enchame a fon char 1'aveugle &fuperffiticufe crédulité. A fa voix toute pu.flante, les cedres defcendent du fommet du Liban ; il les dépouille de cctte un remede univerfel qu'il appelloit Grand Arcane. ( Voyez Boerhaave de Ckemia. ) C'eft dans eet Ouvrage que Boerhaave foudroie les importeurs qui ont éerk avant lui.  INTRODUCTION. ? [eve prccieufe, de ces fucs incorrupt'r bles, qui depuis tant de fiecles , recéloient les principes de la vie; il n'immortalife pas , il rajeunit le genre huraain. Mais hélas!... Van Helmont meurt fans avoir pu fe rajeunir. ... O doae & profond Butler! S'il eüt feulement touché du bout de la langue cette pierre miraculeufe, dont la Nature t'avoit coniié le fecret, il auroit triomphé de la maladie qui le précipita dans le tombeau; & il le feroit enfuite rajeuni tout a fon aife Butler arrivé au dernier terme de fa vie , eüt fans doute rccours a 1'attouchement falutaire de fa pierre ; mais le mal fut plus fort que la pierre; & Butler.... le pauvre Butkr mourut. Artephius s'unRgmn qu'on pouvoittranfmettre les efprits vitaux d'un corps dans un autie , & y faire paffer par ce moven la force, la fanté & la jeuneffe. Raimond Lulle ( dans le 13me. fiecle ) s'occupa longtemps de la recherche d'un remede univerfel. Mais Raimond ne fut pas auffi heureux dans fes découvertcs que VIjh des Egyptiens. II n'appartcnoit qu'a Horui A 4  8 INTRODUCTION. de boire dans la coupe de Timmortalité. La transfufion du fang d'un animal dans un autre , a rendu le nom de Lower ijamais célebre. Cette nouvelle découverte bouleverfa tous les efprits & penfa produire dans 1'ordre phyfique & moral unerévolution étonnante. La transfufion du fang d'un lion dans les veines d'un lach-e & d'un poltron, devoit y porter le courage & la fierté ; celle du fan- dun cerf nepouvoit manquerde communiquer du relTort & de 1'agiKté a 1'homme le plus pefant & le plus pareffeux; celle du fang d'un ane....Ah! Dieu ! quelle malheureufe expérience n'en fit-on pas alors!... On ne la hafarda que fur quelques pauvres Malrres-ès-arts; & leurs defcendans s'en reffentent cncore , fans- qu'aucun d'eux foit devenu immortel. Vers le milieu de notre fiecle , un nouvel empyrique a paru fur la fcene avec une audace capable de déconcerter les Hippocrate , les Boerhaave & les Sydenham. II étoit chargé de quelques paquets de poudre, qui, fuivant 1'opinion des plus habiles Praticiens, ne contenoitque  INTR.ODUCTION. Q des élémens dangereux » de vrais cauftiques & des poifons déguifés, • II dit aux étiques, aux afthmatiques aux cpileptiques , aux frénétiqnes, &c. * achetez ma poudre & vous ferez guéris. Cette poudre plus violente & plus terrible que cette qui déeide du fort des nations, accreditée par quelques circonftances heureufes, avoit déja opéré quelques petits miracles, comme les fpécifiques des Charlatans en operent quelquefüis. Que ne peut 1'enthoufiafme de tous ceux qui aiment la vie ,fans connoitre les moyens de la conlerver 1 On acheta la poudre ; on mourut; les morts ne s'eit plaignirent pas, & les vivans feuls y gagnerent. Plutus décerna la couronne d'of è 1'Efculape Hétérodoxe , & Ailhaud de- vint Baron. Enfin parut Mefmer qui voulut tout guérir par le magnétifme animal. Ce nouvel adepte prit un ton plus impofant , plus perfuafif & plus majeftueux que touS les autres f il dit aux Nations : Peupks écoute\-moi, & les Peuples écouterent, Puis, il ajouta avec une efpece de gravité A 5  10 INTRODUCTION. qui tenoit de 1'infpiration : „ Je refpeae trop la Nature pour pouvoir me perfuader que la confervation individuelle de rhomme ait été réTervée au hafard des découvertes & aux obfervations vagues qui ont eu lieu dans la fucceffion de plufieurs fiecles, pour devenir le domaine de quelques particuliers. La Nature a parfaitemenr pourvu a tout pour 1'exiftence de Tindividu, comment la confervation feroit-elle privée du même avantage5? Celle des bêtes eft une preuve du contraire „. D'après 1'hypotefe de 1'Auteur, on fut fur le point de conclure que les hommes n'avoient pas plus befoin de Médecins que les ours & les loups ; mais une réflcxion plus müre fufpendit un jugement précipité. Au refte, fi 1'Auteur fuit fon fyftême, quelque fok d'ailleurs 1'opinion des gens fenfcs, on ne peut lui difputer 1'immortalké. L'immortalitc !... oui... nous ne parions point ici de l'immortalké morale, mais de rimmortalité phyiique. Les Charlatans ne connoiffent ni 1'une ni 1'autre. La gloire n'eft point faite pour eux; &  INTRO DU C TI ON. it la fanté n'eft point faite pour leurs malades. 11 n'exifte point & il n'exiftera jamais de remede univerfel. C'eft une vérité prouvée par la raifon autant que par 1'expérience. Les caufes des maladies n'étant pas toujours les mêmes, les caufes de la gucrit'on doivent naturellement difFérer entre elles. Comment 1'aleali (a) corrigeroit-il 1'alcalefcence , & Tacide , un vice qui proviendroit d'un excès d'acidité 1 J'aimerois mieux croire qu'on pourroit guérir une bleflure en enfoncant de nouveau le fer meurtrier dans la plaie. La Médecine univerfelle, la pierre Philofophale & 1'Akaheft (b) font troischimeres qui , depuis plufieurs fiecles ont travaillé 1'infatigablc imagination des (a) On appeüe alcali des fels que 1'on retire des cendres des plantes , ou des animaux ; ce dernier s'appelle alcali volatil, & le premier alcali fixe } ou fel cauftique. (b) Mot emprunté de 1'Arabe par les Alchimiftes , pour défigner un diffolvant univerfel ou une matiere propre ï difloudre tous les corps de la nature. A 6  ï* introduction. cmpyriques & des alchimiftes. Nous défefpérions d'arriver jamais a cesfublimes dccouvertes ; mais enfin nous y fommes arrivés. La Médecine univerfelle vient de naitre fous la dénomination modefte de Médecine JimpUfiée. Le grand oeuvre &lalcaheft lui ont cédé le pas, mais ils ne tarderont point a la fuivre. La nouvelle Minerve eft fortie armée de pied en cap du cerveau d'un Maftre-ès-arts Endu.te & frottée d'unc graifTe ou ongnent que les Galien de la foire appellent Pommade générale, die portoitfur ion bouclier , au-lieu de la tête de Médufe, lemafqued'Hippocrate(a) avec cette devde Immortalitati; tenant dans une main un petit flacon de teinture martiale elle paroiffoit affife ou appuyée fur un tonneau plein de leffive , fur lequel le Charlatanifme avoit tracé en lettres d'or cette infcription, Eau digeftive. Le char latanifme «flèmble en un moment autour de lui tous les Peuples de la terre. Com- ' (a) Nous prouverons plus loin Ia vérité da tableau.  IN TRO DU CTI ON. 13 bien 1'amour de la vie ne fait-il pas de tributaires 3. .. On achete des cendres au poids de 1'or (a). Ombre du grand Hippocrate , pkurez! pleurez Galien , Sydenham & Boerhaave, & vous Rhazès (b) , fléau des impofteurs! & vous Avicene, Averroès, &c. pleurez fur votre aveuglement & tombez aux pieds d'un moderne Doaeur.. . Si vous euffiez connu fa pommade, & fon eau digeftive, & fa teinture martiale , & fon régime... & bien d'autres chofes que nous ne connoilTons, ni vous, ni lui, ni moi , ah ! jamais vous n'auriez été des empyriques alfaffins, des charlatans barbares & avares, comme les Aftruc, les Petit, (a) Nous prouverons dans le cours de eet Ouvraoe que Vextrait digeftif du Dofleur n'eft autre chofe qu'un alcali végétal charge d'une plusoumoins grande quantité de phlomftique, & que cette Iiqueur eft jaunie par le faftran. (b) Rhazès , Médecin Arabe, a cempofé deux Chapitres, auxquels nous renvoyons VAuteur de la Méd. fimp. 1'un qui a pour titre , qualis Medicus eligi & probari debeat, 1'autre de impoj'oribus.  H INTRODUCTIOJT. les Van Swieten, les de Haen , les Stórck :;^ud'IesGaubius,lesFothe}ghlU ^Hoffinann^esZimmerman&lefTif! l0t' 7°US 3Uriez §uéri tout 1'Univers & ««cheèlatnortfonfceptre de fer. Maia ? NatUre Pas prodigue en grands prodUireun Newton , un Leibnit/, un dAlembert.un Roufieau, &c. & Com bien ne lui en fallnii- il 1. r» A all01t l1 Pas Pour enfanter Je Doöeur è 1'eau digeftiVelesVan Helmont, les Butler les Arthephius, les Lower A.lhaudfrémiffe„taufbndde er;^ fu paffes en un jour par un feul honune qui na voulu que les imiter. Admirons ]abonhom,nie de Boerhaave.lorfquy parle des fecrets & des fpé -fiques des Alchymiftes, & de J^t deans,auxqueLsrenviefeuleafait don^ k n°m »^&ig„oble de charla-  INTRODUCTION. 15 tans, (nomtrop odieuxfans doute pour vouloiren flétrir le Doftaur Ua pommade , qui, par excès d'amour pour humanité, vend libéralement trots fols de cendre & d'eau pour la fomme modtque de trois florins.) - J'ai vu , dn-il, une liqueur qu'on vendoit fous le titre pompeux de Panacee.... tous ces lecrets perdent leur mérite dès qu'ils font divulgués; & alors ceux qui fe vantoient d'en être les dépofitaires fe voient bientot fruftrés de tout le profit qu'ils rettroient de ce monopole (a) «. Ces pretendus fecrets, dont parle ici Boerhaave, étoientl'ouvrage de quelques empynques qui affuroient pofitivement que, . comme il n'y a qu'on feul feu & un leul Vulcam ardent , de même il n'y a qu'une feule "queu/capable de diffoudre tous les^corps folides en leur matiere primuive , & cela fans leur caufer aucun changement , m fans rien diminuer de leur force ; ce qui eft un fait connu & attefié de tous les adeptes.* Puis , Boerhaave ajoute inconn- (a) Voyez Boerhaave de Chemid,  ï6 INTRODÜCTION. dérément: „ Fondé fur cette doftrine, j'ai Went fermé la bouche a des gens def^tucs de fcience, mais riches "en pt' meires&enefpérances,ouadesfourbeS qui cherchoient des dupes (a) « Ne voila-t-il pas un Prophéte qui dédame contre les fpécifiques de notre Dofteur^Ecoutez fublime Boerhaavenous allons vous expliquer les principes que pofe 1'Auteur & ]es COnféquences qtnl entire; & vous conviendrez peutêtre que vous étiez né trop tót, ou que vous deviez mourir plus tard. La Véritc eft unedivinité farouche & fauvage: elle a echappé a tant de grands hommes < il etoit referve au Doéteur de 1'apprivoifer | Ia mene en lefie , comme AUhaud mena ia rortune. » Toutes les caufes des maladies de longue durée, dit-il, que ]es Médecins appellent chroniques (je ne parle point f des maladies vénériennes, ni des ecrouelles) toutes celles des maladies que la fievre continue accompagne , &quine (a) Ibid. Boernaave.  INTRODUCTION. tf font pas épidómiques, fe réduifent a trois, favoir ; le défaut d'excrcice du corps, les excès dans le boire ou dans le manger , que, les Médecins appellent en général intempérance; enfin, le défaut de tranquiHité d'efprit, qui comprend toutes les paffions de 1'ame & toutes les peines de 1'efprit. ... u lei on feroit tenté de croire que le nouvel adepte eft un des difciples de 1'Ecole de Salerne. Si tibi deficiant Medici, Medici tibi fiant Hac trim, mens hilaris , requies moderata., Diceta. Maishélas! il n'en eft rien. Aprèsavoir avancé qu'il n'exifte ni fievres bilieufes, ni fievres putrides, fi ce n'eft dans 1'imagination exaltée des.Médecins, il donne \ entendre que les maladies chromques proviennent d'indigeftions réitérées , qui produifent les crudités acides & le rclachement des folides. Voila en abrégé les principes & le fyftême de 1'Auteur. Quant a la guérifon des maladies, la pommade générale, l'eau digeftive , la teinture martiale , fecondées de fon régime merveüleux, compofent  -8 INTRODUCTION. fa théraPeutique (a) univerfelle. Ces re^Sf^nttoujours^rno^s,^,?et7JLtT°m vez mon Extrait digeftif «. N'eft - cè pas dans ce fens que lés loups difoient autrefois aux brebis: W Chafiez vos chiens, " ces perturbateurs du repos public , & » nous ne formerons plus déformais qu'un * peuple de freres. <* ' ' Les brebis obéirent, Et les brebis périrent. Entre les caufes (des maladies) que -1'Auteur profcrit, ignore-t-i-bque 1'excès du travail & de la marche, fur-tout en cte, a 1'ardeur du foleil, & en général la violence & la continuité des exercices du corps, font les caufes les plus communes & les plus frappantes des maladies de cette clafTe d'individus j auxquels ü prétcnd que fon Livre doit être pnncipalement urile 1 (a) En effet quels lont les iujets qu'atlaquent le plus fréquemment la fievre ardcnte, le phré,nitis, la péripneumonie , la pleuréfie , enfin toutes ces maladies inflammatoires que Ja fievre continue accompa^ne toujours avec des fymptömcs terribles, propor- (a) Voyez le titre de 1'Ouvrage du Dodcur.  DES PRINCIPES &c. 39 tionnés I 1'intenfité de la caufe & au tempérament du malade 1 Eft-ce 1'homme de lettres , tranquille & fédentaire au fond de fon cabinet , ou le vieillard goüteux & cacochyme, alfis au coin de fon feu , qui font pour 1'ordinaire les victimes de ces horribles fléaux 3 Non, ce ,font les jeunes fujets, ceux dont les humeurs font exaltées par un exercice ïmmodéré & par 1'excès des fatigues occafionnées par la danfe , par la paume., par la courfe, &c. L'expénence nous Papprend tous les jours, & la raiion ne dément pas 1'expérience. Les eft'ets ordinaires que produit 1'exceS de la marche & du travail font 1'oppüation inflammatoire des va'üTertux capillaircs , le trouble dans les fécrétions & les excrétions ; 1'acrimonic des humeurs en eft la fuite. Car plus le travail & la chaleur diffipent les parties fiuides des humeurs, en épaiffiffant la partie rouge du fanp , plus la caufe du mal acquiert de force & d'aaivité ; plus les fibres du fujet font fiches & rigides ; plus la fievre, 1'obftrudtion & 1'inflammatton des vailfeaux captllaires, fur-tout des vifceres nobles, deviennent redoutables & mortels , fi Ton n'y apporte de prompts iecours,  4P RÉFUTATION Louis XIV ayant recu un coup dc folerl a la chafle en 1658 , il ne fallut pas moinS que neuffaignées pour le fauver. Le Docteur dans cette circonftance crkique auroit été plus avare du fang du Monarque, qui auroit été immanquablement la victime du fyftême de 1'Anriphlébotomifte. Mais pourquoi, rne dira-t-il peut-être, lesperfonnes qui accompagnoient le Rok, ne furent - elles pas atteintes du même mal 1 La caufe étant commune , le même effet devoit s'enfuivre : cependant aucune n'en mourut. Ah ! Dodleur, reconnoiiTez donc dans les tempéramens des individus une diverfité marquée , que vous feignez dc ne pas connoïtre, paree qu'il eft de votre intérêt de paroïtre l'ignorer, & que votre fyftême s'écroule de lui-même , fi vöus admettez une différence ou une oppofition entre les conf- ' titutions des fujets, en prefcrivant a tous le même regime & les mêmes remedes. La rétention des matieres excrémentielles , fur-tout de la tranfpiration infenfible & de la fueur, eft encore une des caufes les plus ordinaires des maladies qui affligent communément les individus auxquels fon livre eft fpécialement deftiné, Combien cette caufe, que profcrit encore.  DES PRINCIPES &c. 4* 1'Auteur, ne produit-elle pas tous les jours de maladies qui ne lont pas épidémiques , telles que les catharres, les maladies de poitrine, &c. Combien de perfonnes, même des plus faines , furprifes en pleine tranfpiration , au milieu de 1'été, par un vent, par un froid prompt & fubit, n'en ont-elles pas fait la trifte expérience ! Alexandre , tout couvert de fueur & de pouffiere , fe plonge dans les eaux du Cydnus : on 1'en retire monrant. Qui 1 eut pu réduire a cette extrémité terrible , fi ce n'eft la fuppreffion foudaine de la tranlpiration 1 Que le Dofteur imite , s'il 1'ole, le Conqucrant de 1'Afie ; puifqu'il veut guérir feul les hommes, qu'il cffaie lur lui-même fa méthode, a laquelle iPattribue, a peu de chofes prés, le privilege exclufif de guérir ; qu'il arrête par une réadion brufque & fubite , les ettets falutaires de la tranlpiration;qu'il fe plonge dans la Senne après trois jours de diete, libre de toutes les peines qui peuvent travailler Tefprit, mais fatigué ou plutot épuifé, comme Alexandre, par 1'excès d'un exercice violent; qu'il obferve religieul'ement fon régime, qu'il fe frotte de fa pommade générale, quil noie les entrailles dans un Occan de teinture mar-  42 RÉFUTATION tiale & d'eau digeftive. Alors nous dirons; n Nous avons vu & nous avons cru ; & nous croirons . .. a 1'efficacité de fa méthode dans les fuppreffions lubites des excrétions cutanées. <* Le fait que nous venons de citer eft fufceptible de difFérentes modifications proportionnées a la conftitution & aux difpolïtions conftitutionelles des individus. Dans les uns, la matiere répercutce fedépofe fur 1'une ou 1'autre des parties les plus foibles de chaque fujet, & en général fur les parties avec lefquelles elle a le plus d'affinité ( nous ne parions point ici des afHnités miraculeufes des Alchymiftes). Dès que cette humeur, fubjuguée par une caufe étrangere , rebelle en apparence, mais toujours docile auxloix de la Nature qui 1'affujettit a ces variations, qui font des conféquences néceffaires de fes loix générales , fe trouve refferrée ou plutöt circonfcrite dans les bornes étroites qu'elle devoit franchir; elle s'agite, elle excite des orages; mais elle ne peut renverfer 1'obftacle qu'elle rencontre ; elle fe tait & fe calme enfin , comme la vague fatiguée de battre la plage qui lui oppofe une barriere'inébranlable ; elle s'égare loin des canaux qui font out  DES PRINCIPES &c. 43 verts il fa circulation ; elle veut fe frayer une route nouvelle ; la viteffe de fa marche, la force de la rópercuffion qui en eft le principe , la quantité de fes molécules, toutes les circonftances concourant a lui fermer les chemins , les paffages font bientöt obftrués ; 1'humeur croupit & dégénéré comme tous les fluides qui deviennent ftagnans par erreur de lieu. La douleur, la tenfion & la fievre univerfellc ou locale font les fymptómes des maux qui en réfultent. Dans les autres, la fueur rentrant dans le torrent de la circulation ., fe confond principalement avec la lymphe qu'elle épaiffit, & caufe ainfi la fievre inflammatoire rhumatifmale. L'expérience & Pobiervation ont dcmontré enfin que cette même matiere , ainfi répercutée , fe mêlant & s'amalgamant par métaflafe avec les fucs gaftriques & la bile, les exalte & leur communiqué des principes pernicieus , qui, fourvoyés dans la maffe du fang, irritent les folides & produifent des fievres, des diarrhées & des dyfienteries dangereufes, quoique la conftitution ne foit3pas épidémique , & fans que 1'indigeftion ait eu la moindre part au dérangement accidentel dc la conftitution,bien  44 RÉFUTATION loin d'en être la caufe prochaine ou irtlmédiate. Nous ne parierons point ici de la fuppreffion des urines & des felles , caufe trop commune de quelques maladies : nous n'ignorons pas cependant que cette fuppreffion eft fouvent 1'effet des indigeftions ou d'autres maladies. Sans doute que le Docleur ne regarde pas non plus les évacuations trop abon- dantes, telles que les pertes de lang , de la falive, celles qui proviennent de Tabus du coït, de la mafturbation , de 1'excès des veilles, &c. commes des caufes de maladies. Lifez & relifez Hoffman & Tiflbt : vous avez befoin de lire , Monfieur le Dofteur. Lifez 1'un, lorfqu'il parle del'excès du coït; 1'autre, lorfqu'il traite des maladies caufées par la mafturbation (a). Tous les maux , enfans de (a) M. Tiflbt après avoir décrit les maux qui furviennent aux hommes par 1'abus des plaifirs charnels , tels que les fievres arden- tes , Ia confomption dorfale , &c. » Les femmes, dit-il, qui courent la méme carrière de mauvaife vie , font plus particuliérement expofées a des accès d'hyfterie , ou a des vapeurs afFreufes , a des jaunifl'es incurables , a des crampes cruelles de l'eftomac & du dos, a de vives douleurs de nez, a des pertes blan-  DES PRINCIPES &c. 45 POnanifme , qui attaquent les nerfs , & que produit auffi 1'intempérance des plaifirs de 1'amour, tels que les fievres ardentes, la confomption dorfale , le niarafme , &c. Sont-ils caufés par le detaut d'exercice ou de tranquillité d'elpnt, ou par 1'excès dans le boire & le manger 1 Remarquez bien, Dodeur , qu'il n'y a point ici d'indigeftions,qu'il ne s'agit point de défaut, mais plutót d'excès d'exercice , & de la perte d'une des fubftances les plus précieufes de 1'individu ; que les fujets ne manquent pas de tranquillité d'efprit, puifqu'ils s'abandonnent lans réferve comme fans remords a toute ; 1'ivreffe des plaifirs. Mais dans une entreprife auffi belle & auffi utile a 1'humanité que la votre, on ne doit pas vous envier le privilege de donner par-ci, par-la , dans quelques travers , de prendre le conféquent pour 1'antécédent, & 1'effct pour la caufe. Notre fiecle ne vous en doit pas moins de reconnoiffance pour ches, dont 1'acreté eft la fource continuelle de'douleurs cuifantes, a des chütes, a des ulcérations de matrice , & a toutes les infirmités que ces deux maux entrament... (. Voyei l'Onanifme.)  46 RÉFUTATION le fervice important que vous avez rendu è la Médecine. Sans doute que le moyea le plus sur & le plus efficace pour firnplifier un art, c'eft de le tronquer & de le mutiler. D'après Fanalogie parfaite que vous aviez remarquée entre le corps humain & une machine quelconque , vous avez jugé a propos de dégager notre pathologie de ces roues paraiites, qui , en multipliant les frottemens, rendoient la machine défeétueufe. Retranchez d'une montre une des roues principales; felon vous, 1'ouvrage n'en léra que plus parfait. O Platon ! (a>6 Ariftote ! vous êtes amis du Docleur ès Arts! Mais la Véritc eft fon meilleur ami fur la terre ; magis amica veritas ; & c'eft eet ami qu'il. traite le plus mal. (a) C'eft le fens de 1'e'pigraphe du Dofteur, amicus Arifioteles , amicus Plato ; fed magis amica veritas.  DES PRINCIPES &c. 47 CHAPITRE III. N o u s voici arrivés au nouveau terne, qui réfulte des deux premiers que nous ont fournis la phyfiologie & la pathologie de 1'Auteur ; c'eft le tripte effet qui eft une conféquence de la triple caufe a laquelle il attribue le principe de toutes les maladies. « Ces trois caufes, (a) dit-il, n féparées ou réunies ( favoir le défaut d'exercicc du corps , les excès dans le boire ou dans le manger , enfin le défaut de tranquillité d'efprit) agiffent d'abord 11 plus ou moins fur la digeftion qu'elles 11 dérangent toujours; ellescaufentl'épaif11 fiffement, 1'acreté, ou la trop grande n fluidité des humeurs & du fang; « & comme fi le nouveau Pythagore craignoit de s'écarter un feul moment de la confiance religieufe qu'il a dans fon terne chéri ; «ces mêmes caufes cngendrent n ainfi, continue-t-il, la foiblejje, le re- (a) Méd. fimplif. pag. 3- Suite du précédent.  43 RÉFUTATION « lachement , V irritation ou Vagacement r> des folides, &c. « (a) Ne croiroit - on pas enteudre un Géometre qui prétendroit que toutes les figures ou courbes ne font compolées que de trois cötés & fe réduifent au fimple triangle 1 Revenons un moment fur nos pas, & reprenons un article que nous n'avons fait qu'effleurer légérement dans le Chapitre précédent. La roideur de la fibre eft un état oppofé a fa foibleife ou a fon relachement. Le Doéteur qui ne peut ignorer combien cette caufe influe fur la conftitution de certains individus & leur occafionne des maladies fréquentes, a-t-il prétendu , en Ia paffant fous filence, relever, avec plus d'éclat encore , la fimplicité fpécieufe de fa méthode ou s'eft-il flatté qu'une complaifance aveugle fermeroit la bouche a tant de praticiens confommés aux yeux defquels 1'expérience journaliere démontre avec la derniere évidence que la rigidité des fibres n'eft point une caufe chimérique, mais réelle de la plupart des maladies (a) Le terne eft d'autant plus parfait que Xirriuttion & Vagacement des folides font exactement la même chofe. qui  DES PRINCIPES &c. 49 qui affligent ordinairement cette claffe d'hommes, auxquels le nouveau Code & la Thérapeutique de 1'Auteur font fpécialement confacrés') Peut-il nier que les fujets , dont il eft ici queftion , ne foient prefque toujours d'un tempérament bilieux ou atrabilaire, loin qu'il faille rechercher la caufe de toutes leurs maladies dans un vice acide des humeurs & dans le relachement des folides charnus t r> Un travail modéré, dit l'illuftre Com» mentateur de Boerhaave (a) , fortifie 11 le corps; 1'excès au contraire deffeche les 11 fibres <*. II rapporte 1'exemple des campagnards qui, dès leur enfance affujettis a des travaux pénibles, ont, a la fleur de leur age , le corps courbé fous le poids des travaux , & périflent fouvent defféchés & rigides, a quarante ans, par le marafme des vieillards. II ajoute dans un autre paflage , n que ces hommes toutii a-fait décharnés & voraces , digerent 11 promptcment toutes fortes d'alimens, ii qui fe diffipent auffi-tót. u. Donc 1'indigeftion ne peut être regardée comme la caufe de ces fortes dc maladies. Les raffineurs de fucre, ceux qui travaillent (a) Voyez Van Slieten, torn. I, p.'4i&43.  50 RÉFUTATION. dans les forges & dans les verreries; en général tous ceux qui fe livrent a des exercices violens & immodérés ou a des mótiers pénibles, capables de diffiper les parties les plus tenues des humeurs, en deffóchant les folides , ne font-ils pas tous dans le même cas que ces campagnards dont parle le favant Van Swieten 1 Eft-ce ii des fujets ainfi confhtués que conviennent une leffive de cendre & la teinture martiale 1 Et dans ces cas déterminés, les remedes de 1'Auteur de la Médecine Jimplifiée ne font-ils pas de vrais poifons 1 Ecoutez & répondez , M. le Do «Steur ; ou vous voulez entretenir une erreur dangereufe au public & utile a vous fcul; ou vous êtes tombé de bonne-foi dans une erreur qui doit vous être devenue d'autant plus chere , qu'elle s'accommode parfaitement avec vos intéréts. Votre Livre que vous regardez comme un préfent fait a 1'efpece humaine, peut devenir d'un ufage auflï pernicieux dans les mains des habitans de la campagne, qu'une arme homicide dans les mains d'un phrénétique. Nous ne nions pas qu'il n'y ait des maux chroniques produits par le relachement exceffif des parties charnues , éx qui ne fe guéuifent que par les bains  DES PRINCIPES &c. 51 froids , les digeftifs & les toniques. Mais combien n'en exifte-t-il pas qui font produits & entretenus par une caufe toute contraire , & qui ayant été combattus envain pendant des mois entiers par les calmans, les alcalis, la teinture martiale & les toniques, ont été parfaitement guéris par 1'ufagc des boifFons relachantes & les bains tiedes 1 (a) Tels font ceux qui viennent dc l'exceffive rigidité ou de la trop grande irritabilité des fibres, jointe k 1'acrimonié des humeurs. II eft-aifé de s'appercevoir que le Docteur manque quelquefois de mémoire , ou qu'il eft fujet de temps-en-temps a quelques petites diftradtions qui ne tournent jamais qu'au détriment du malade , &non a celui du Médecin. Mais il falloit encore ce nouveau terne ; & comment admettre la rigidité des fibres au nombre des caufes fecondaires des maladies, puifque le Doóteur en avoit déja trois fous la main , favoir répaiffilTement, 1'acretc, & la trop grande fluidité du fang 1 Arrêtons-nous un moment a la confidération de ces trois efFets ou caufes fubalternes, & attachons-nous principalement (a) Voyez les (Euvres de Pome,de ThTot,&c. Ca  5i RÉFUTATION, l'épailfiflement & a la trop grande fluidité des humeurs & du fang. Suppofons , M. le Dofteur, que vous foyez 1'unique Médecin fur la terre ; placé glorieufe a laquelle vos talens & vos dccouvertes vous donnent le droit d'afpirer bientöt, lorfque les hommes, éclairés par vos fuccès, auront enfin ouvert les yeux furie charlatanifme de' vos confrères, auxquels vous favez fi bien rendre juftice. Voici deux fujets,l'un cpuifé,defféché par la trop grande fluidité de fes humeurs, tellement atténuées qu'elles fe volatilifent & fe diflipent; 1'autre appéfanti , abbattu par la furabondance & 1'épaiflïlfement des fiennes , qui j par leur ftagnation fpontnnce j obftruent les canaux ouverts aux feerétions, aux excrétions, &c. Qu'ordonnerez-vous au premier 1 L'eau digeftive, la teinture martiale & votre régime ; au fecond "i. . . Encore l'eau digeftive , la teinture martiale & votre régime .,. Et vous les guérirez tous deux 1 Sans dome, fi Ton veut vous en croire. Vos fpécifiques & vos moyens ont une vertu toute divine ; ils font une fource intariffhble de fanté & de vie; ils donnent du fang aux fujets •qui en ont trop peu ; ils en -otent a ceux  DES PRINCIPES, &c. 53 qui en ont trop; ils cpaiffiflent les humeurs trop atténuées; ils atténuent les humeurs trop épaiffies ; ils coagulent, diffolvent, divifent, condenfent, relachent, refferrent, affoibliffent, fortifient, guériflent & ne tuent jamais, li cc n'eft quand la circonftance Fexige votre eau digeftive eft cauftique & ne brüle jamais , lors même qu'elle trouve un foyer pour y déployer toute fa caufticité ; cnncmie née des acidcs,. c'eft it eux feuls qu'elle livre de terribles combats ;'& fi elle s'en prend quelquefois au malade, au-lieu de s'attaquer au mal, c'eft la néccffité qui 1'y déiermine , elle ne devient poifon que lorfqu'elle. ne trouve point de poifon» a .furmonter ; ou lorfque ceux qu'elle trour ve , ont quelque affinité avec elle. Alors le traité eft bientöt conclu ; &la place 11vrée. Ainli, Docleur , voila un fpécifique qui réunit exactement les deux contraires. Voila une eau qui peut tout ala fois éteindre & allumer un incendie : voila des moyens vraiment uniques, qui ont échappé aux Van Hclmont & aux Paracelfè , & dont les propriétés falutaires furpalfent'celles de leurs prétendus remedes univerfels. Voila enlin l'accompliffement de cette efpece de prophétie , que  54 RÉFUTATION vous pouvez lire dans une lettre que le célebre M. Tiflbt écrivit il y a treize a quatorze ans a M. de Haen. « Nous touchons peüt-être , dit ce grand Médecin , au moment oü quelque Paracelfè, ou quelque Van Helmont brülera publiquement les Ouvrages de Sydenham, de Boerhaave , de tous fes difciples; & élevera fur la place du bücher quelque hypothefe monftrueufe , qui prendra faveur, fi 1'Auteur a du genie & de 1'éloquen'ce. ■* Les Dieux ont prononcé; I'Oracle eft accompli. Souffrez, Docteur , qu'en paffant je rende un 'fincere hommage a votre génie créateur; fur-tout a cette fincffe féduifante avec laquelle vous favez irépandre des ombres fur vos tableaux pour faire reffortir la lumiere !... Expofer en vente vos fpécifiques, fans vous rendre comptable des événemens, vilipendcr férieuj'ement les peres & les foutiens de 1'art, pour perfuader au peuple , quelqucfois iimple & c'rédule , que vous ètes un antagonifte digne d'eux; (a) crier d'abord (a) Voyez les déclamations injurieufes du Doéleur contre les Médecins , répandues dans  s DES PRINCIPES &c. 55 & Tenvie & a la cabale , avant que vous foyez traduit au jugement du public, comme ces animaux qui s'enfuienten criant, avant que le baton fon levé fur leur tête; tenir une porte toujours ouverte pour la retraite , avant qu'on vous attaque dans votre fort; formcr autour de vous un triple rempart d'excufes ipecieufes & de raifonnemens fophilhques, enfans circonfpects d'une confcience ömorée , ou plutót d'un fage Machiavelifme , que vous expofez les premiers aux traits de 1'ennemi, comme des enfans perdus 5 parer les coups, avant d'être aflaiili; voler au combat avec 1'audace d'un géant, avant d'avoir vu paroltre un Pygmee ; prévenir les reproches du ton d'un homme «rêt a les repoulTer fans les craindve. ... Ah ' Dofteur , quels coups de Maïtre ! Et comme vos adverfaires confondus vont s'écrier avec. étonnement , Le Seigneur Jupiter fait dcrer la pil.ule ! la Préface & le corps de POuvrage de fa Méd. fimplif. für-tout ft fermere brochure,.mitulée , Obfervmons fur U petite viroh, &c. C 4  56 RÉFUTATION CHAPITRE IV. Fauffétè de la Théorie du Docleur fur les Epidémies. T * -■. Outes les maladies épidémiques , dit le Doéteur, viennent de caufes abfolument inconnues ; Sydenham, en 1'atmbuant a une altération infenfible de 1'Atmofphere, ne dit pas autre (a) chofe.« Quand il feroit vrai que Sydenham attnbueroit la caufe des epidémies a une altération infenfible de 1'Atmofphere, pourroit-on dire qu'il Fattribue a une caufe inconnue 1 Et paree que cette altération ieroit fuppofée infenfible , en feroit-elle moins la vraie caufe , la caufe connue de ces iortes.de maladies 1 Ne croiroit-on pas, a entendrele Do&eur , que Sydenham , aveuglé par la manie de vouloir rendre raifon de tous les phénomenes, auroit étéforcé, comme quelques anciens fophiftes, derecourir aux qualités occultes des élémens , pour couvrir ion ignorance (a) Méd. fimp. Note, page 2.  DES P RIN-CIP E S &c. 5? & fe tirer d'embarras 1 II eft aifé de dénaturer les principes & les fentimens des plus grands hommes , & dc leur faire dire des abfurdités auxquellcs ils n'ont jamais penfé, lorfqu'égavQ dans la nuit des fyftêmes, on a befoin de leur appui pouf foutenir fes pas chancelans. Mais quoique la phyfiologie de l'air n'ait point encoreété portee au point de perfeftion oü les recherches & les dé.cou vertes de ceux qui viendront après nous, la feront fans doute arriver dans la fuite des fiecles y elle a néanmoins fait afiez de progrès jufqu'a nos jours pour démontrer fans peine & fans eftbrt, quelque folides que foient les fpéculations profondes du Docleur, « Qu'il eft des. maladies épidémiquesqui viennent de caufes abfolument connues. * D'ailleurs il eft faux- que Sydenham ait attribué la caufe des épidémies a 1'altération infenfible de l'air exclufivernent. « II y a, dit 'l'Hippocrate Anglois, diverfes conftitutions d'années qufne viennent ni du froid, ni du chaud, ni du fee', ni de 1'humide , mais plutöt d'une altération fecrete- & inexplicable, qui s'eft faite dans les entrailles de la: terre." (a) Ne (a) Page 6, Med, pratfqué , trad. Franc..- , c 5- ;  58 RÉFUTATION 'voit-on pas évidemment que Sydenham, d'accord avec Hippocrate, outre 1'altération fecretc dc la conftitution de 1'Atsmofphere , admet encore le chaud ou le froid, lefec ou l'huïhida, au nombre des caufes manifeftcs des maladies épidémiques 1 (a) S'il eüt été du fentiment que lui prête le Docleur, n'auroit-il pas dit tout fimplement, comme le Doéteurl'a dit lui-même , que les caufes de ces maladies font inexplicables & inconnues5? fi Telle ou telle maladie particuliere , ajoute ce favant Médecin dans un autre endroit de fon Ouvrage , arrivé principalement dans la faifon a laquelle elle eft détermince par les qualités fenfibles de Fair. (b) « Donc Sydenham reconnoft les qualités fenfibles de l'air pour' caufes déterminantes des épidémies; donc il ne les attribue point toutes , comme 1'avance faulfement le Doéteur, a des caufes inconnucs. (a) Hippocrate a aftribué Ia caufe d'une paraplégie ( paralyfie de tout le corps ) épidémique a la durée d'une conftitution atmofphérique, humide & tempérée.( Voye{Epid: I. chart. torn. o. (b) Méd. prat. pag. 172. II en donne ailleurs pour exemple 1 hiftöire de la rougeole & du cholera morbus.  DES PRINCIPES &c. 59 Si 1'autorité refpettable de ce Médecin Philofophe ne parott pas au Dofteur avoir affez de poids pour le convamcre, qu'il s'en rapporte du moins au témoignage des Hippocrate, des le Clerc , des .Galien , des Oribafe , des Trainen , des Boerhaave, des Van Swieten, &c. A moins qu'il n'ait fait un divorce éternel .avec la Vérité & la Raifon , il fera force de convenir qu'il exifte des maladies épidémiques dont les caufes ne font point des myfteres aux yeux du Médecin éclairé. D'ailleurs , a ne confulter que 1'expérience , ne iavons-nous pas que 'l'air eft quelquefois chargé de certains miafmes , dont les propriétés, comme les efFets , paroifFent de tcmps a autre diamétralement oppofées , puifque les uns épaiffifFent le fang , & les autres le diffolvent en communiquant aux Folides certain dégré d'irritation; diilinctions elfentielles & délicates, mais dont la connoiflance n'échappera guere a la fagacité des vrais obfervateurs. Ql la putridité étant de nature acre, cauftique & feptique, (le Dofteur fans doute ne me conteftera pas cette affertion ) les miafmes qui s'exhalent des corps en potirriture, portent & répandent dans Vat-  Go RÉFUTATION mofphere les qualités malignes des corps exhalans, & occafionnent ainfi les maladies épidémiques, putrides & même la pefte. Allons de bonne grace, convertiflezvous, M. le Doéteur; croyez aux qualités fenfibles & nuifibles de l'air ; & pour accréditer un faux fyftême en Médecine , ne vous mettez pas dans la néceffité de foutenir un paradoxe abfnrde, contraire au fentiment des plus grands Phyficiens. J'en vois déja une légion qui s'éleve contre vous. LesBoyle, les Arbuthqot,. les Hales, les Mufichenbroeck, les Mead, les Pringle, les Zimmerman , les Huxan , les Sigaud de la Fond, les Priftley, les Lavoifier, les Cavendifch , & tant d'autres qui fe font fpécialement attachés a développer & a expliquer les propriétés de l'air athmofphérique & de l'air fixe, tous ces Savans auront droit d'è s'imaginer que vous n'en voulez pas feulement aux Médecins mais que vous avez réfolu de leur déclarer auffi la guerrc. Au refte , 1'entreprife eft belle & digne de vous ; & fi vous fuccombez , étant fèul contre tous , ayant de plus a combattre rbxpérience & la raifon, le nombre dé- vos ennemis ne fera qu'illuftrer votre. défaittL..  DES PRINCIPES 62c. 61 L'Atmofphere , comme on le fait, abforbe continuellement les émanaüons qui échappent de tous les corps , tant de ceux qui fe trouvent a la furface du globe , que d'une partie des mixtes qui ie.trouvent rcnfermós dans les entrailles de la terre. C'eft de cette variété d'émanations que dépend la falubrité ou 1'infalubrité de l'air : ces exhalaifons font ou végétales ou minérales ou animales, felon la nature des corps exhalans. II en réfulte , & 1'expérience le confirme, que la falubrité de l'air , pour tous les animaux en génétal, dépend d'un équilibre plus ou moins parfait entre ces fortes d'émanations, & que, lorfque 1'équilibre eft une fois rompu , l'air devient plus pernicieux , en raifon de la- quantité & des qualités vicieufes de 1'une ou 1'autre de ces exhalaifons. Alors la nature foufFre, & tous les mixtes femblent être dans une crife violente & terrible. Les alimens même font altérés; le poifon des épidémies s'empare des voies alimentaires & de celles de la refpiration ; il s'iiifmue dans les pores par le contaft extérieur. La conftitution devient putride, maligne , (a) contagieufe, (a) M. Van Leempoel dans la thëlè döélo-  62 RÉFUTATION & même pcftilentielle, jufqu'a ce qu'une révolution heureufe, rétablifFant enfin 1'ordre primitiF, diffipe les principes du mal & ramene par-tout le calme & la tranquillité. Les minéraux exhalent des particules effentielles, propres a chaque clafle de minéraux dont elles fe dégagent. Leurs caracteres & leurs efFets font connus; la plupart ont une qualité corrofive , quelquefois acide ; & par-tout oü elles paffent, elles portent le feu deftrucleur & la mort , fi elles ne font promptement énervées ou expulfées par les forces de 1'art ou celles de 1'individu. Mais par malheur pour Phumanité, 1'expérience de tous les fiecles n'a démontré qu'avec trop d'évidcnce que la Médecine expeétante eft toujours infuffifante dans ces fortes rale qu'il vient de foutenir dans l'Univerfité de Louvain, avec autant d'éclat que de fagacité , a démontré qu'un grand nombre de fievres , & fur-tout les fievres putrides, doivent étre rapportées a la ciafle des maladies contagieufes. Le DoBeur a été nourri dans le feinde la même Univerfité , élevé dansles jnêmes principes & les mêmes feminiens-; jn'efl-ce pas un petit ingrat qui bat fa nourrice ?  DES PRINCIPES &c. 63 ;de maladies, fi elle n'eft pas même meuritriere, puifqu'en pareil cas le mal eft toujours plus fort que la Nature. Seloti Ie fentiment d'un célebre Phy;ficien de nos jours (M. Sigaud de la Fond, qui eft ici parfaitement d'accord lavec Boerhaave) , il s'exhale des végétaux , des huiles propres & natives que la chaleur dégage a la longue, & qui s'affimilent aifément a l'air ; il s'en cleve -quantité de felsnatifs, après favoneux, & qui approchent affcz de la nature de 1'alcali. 11 Quoique la putréfaéfion des végótaux, dit Pringle, ne foit pas a beaucoup prés auffi funefte que cclle des ani' maux , elle n'eft cependant pas fans danf ger: car les végétaux fe pouniffant dans un air renfermé , répandent une odeur cadavéreufe : & nous avons des exemples de fievres malignes occafionnées par les : cmanations des choux putrides, auffi'bien que par celles des plantes de marais.^ Les émanations animales font encore plus pernicieufes que celles des végétaux & des minéraux. «II eft sur , dit Boerhaave , (a) qu'il s'exhale continuellement (a) Elém. de chym. pag. 499.  64 RÉFUT-ATION du corps des animaux vivans, une grands quantité d'efprits particuliers k chaque animal. .. Ces efprits fe diffipent dans l'air & s'attachent aux corps qu'ils rencontrent.. . La contagion qui regne dans certaines maladies, ne nous apprend que trop combien l'air eji fouvent chargé de ces efprits infeclés-n. •n Les excrémens qui fortent continuellernent du corps de toutes fortes d'animaux, difpsroiiTent bientöt, & ne laiffent que quelque peu de terre; tout le refte fe difperfe dans l'air. Dans les pays chauds, ces élémens expofés en plein air, fe diffipent entiérement dans 1'efpace d'un jour; & même dans le climat tempéré que nous habitons, nous voyons que des tas de fumier -fe confument affez vite. En combien peu de temps 1'urine ne s'exhale-t-elle pas tout-a-fait par eilemême 1 •n Mais il y a encore ici quelque chofe de plus extraordinaire. Si le cadavre entier d'une baleine , qui eft le plus grand des animaux, eft jetté par les flots de la mer fur le rivage, dans un temps chaud, il remplira un grand efpace d'une odeur infupportable, & il ié réfoudra tout en petites particules qui ié répandront dans  DES PRINCIPES &c. 65 L'air , & ne laiiTeront fur la terre que des osblancs. Les cadavres des éléphans, des chameaux, des chevaux, & de prefque tous les autres animaux, de même que ceux des hommes , qui reftent quelquefois en grand nombre fur la terre lans fépulture , après un combat; ces cadavres , dis-je, font diffófis par la poumture, deviennent volaüls , & mólent atflfi prefque tous leurs élémens avec l'air. . Ceux-la même qu'on met en terre ... ie convertiffent en une matiere tenue , volatile , & qui fort enfuite aifément de la terre pour s'exhaler dans l'air. « Voilé , M. le Dofteur , notre théorie fur la diffolution des corps que renferment les trois regnes de la Nature; elle eft conforme au fentiment de tous les Phyficiens , a 1'exception du votre ; mais puifque vous avez votre Médecine particuliere , il n'eft pas étonnant que vous ayez de même une Phyfique qui n appartient qu'a vous feul. Nous ne rougifions point, comme vous le voyez, de citer nos Maitres; & nous fouhaitons que la poftérité puiffe vous citer un jour comme Pinventeur d'un rcmede univerfel. Mais reprenons notre thefe & paflbns aux laits. Des principes que nous avons polés,  66 RÉFUTATION il réfulte, qu'il eft des maladies épidémiques dont on ne doit rechercher la caufe que dans les qualités fenfibles de l'Atmofphere; que cette caufe , ainfi que fes efFets , peuvent varier fuivant les lieux, les faifons , le fol, le climat, la direction des vens, les phénomenes météorologiques, la déoompofition des corps, la nature des miafmes qu'ils exhalent, les moeurs & les coutumes des Pays, & en général toutes les circonftances Phyfiques ck morales qui peuvent influer fur la conftitution ; objets importans qu'un Médecin habile peut toujours foumettre a des obfervations fagcs & judicieufes. On peut donc avec raifon mettre au nombre des caufes de ces fortes de maladies , les exhalaifons qui s'éleventdes marais , des bords de la mer , & de tout amas d'eaux croupifiantes; les vapeurs méphitiques qui s'exhalent des rues & des maiiöns oü la propreté eft négligée ; les miafmes putrides des höpitaux, des prifons , des cimeticres, des puits , des caves , des fouterrains & des cloaques; le long féjour des armées dans les lieux malfains & marécageux , &c. II eft conftant que la plupart de ces caui'es\ réunies ou féparées, doivent naturellement occafionner dans  DES PRINCIPES &c. 6? les mixtes une difpofition plus óu moins grande a 1'alcalefcence & a la putréfaction, puifque Hoffinan aiTure dans fes CEuvres chymiques, qu'il a tiré un vrai .alcali des eaux marécageufcs; ce fait eft xonfirraé par les. obfervations de Lancifi. L'expcrience journaliere vient a 1'appui de ces premières réflcxions. Pourquoi les guerres & les inondations font-elles fouvent fuivies de maladies épidémiques , de fievres putrides & malignes, & fouvent même de la peftel La raifon en eft claire & a la portée d'un Phyficien novice , a peine affis fur les bancs de 1'école. Pendant & après la gucrre , les miafmes qu'exhalent les cadavres dc ceux qui en ont été les triftes victimes , répan.dus ik flottans dans la vafte étendue des airs , poufiés par les vents de contrée en contrée , portent par-tout le germe de la putréfacfion & la mort. La précaution même que Pon prend d'enterrer les morts, ne met pas toujours les vivans a 1'abri du danger. Les moléculcs putrides-brifent bientöt leurs entraves, s'échappent de leur prifon, & infeétent /tous les principes de la fanté & de la vie. Telle fut la caufe de cette épidémiehorriblc , qui, au rapport de Diodore de Sicile , fit périr  68 RÉFÜTATION une partie de 1'armce des Carthaginois fous les murs de Syracufe; telle fut la caufe de cette pefte a jamais mémorable, qui (en 541 ) mit le comble a 1'horreur des conquêtes fanglantes de Thamas Kouli-Kan , & qui en contribuant a détruire ce qui étoit échappé au fer des vainqueurs ,. les forca eux-mêmes a pleurer leurs victoires ; telle fut enfin, felon le témoignage de Tralies, la caufe du fléau qui défola 1'AUemagne , après le fiege de Vienne, lorfque cette Ville fut attaquée par les Turcs en 1683 , & celle de cette fievre maligne & putride , fi funefte dans fes effets, qui fe manifefta par des ravages affreux après cette guerre , oü les Suédois remporterent tant d'avantages fignalcs fur les Polonois. Les inondations n'ont pas des fuites moins dangereufes que la guerre. Lorfque les fleuves rentrent dans leur lit après leurs dcbordemens, la putréfa&ion des matieres végétales & des animaux fubmergés dans les eaux ftagnantes des marais formés par 1'inondation , fe communiqué bientöt a toute TAtmofphere par fexaltation nécelfaire des particules alcalefcentes atténuées par un fluïde qui les diffout, & attirées par un autre fluide qui s'amalgame  DES PRINCIPES &c. 69 'javec elles. C'eft aux débordemens du Nil ique tous les favans attribuent les peftes ifréquentes qui ont dépeupléla plus grande Ipartie de 1'Egypte. C'eft auffi a un déborderaent extraordinaire du Pö, que Fracaftor & Ramazzini ont attribuó les (maladies épidémiques, qui, depuis 1528 , lont fouvent affligé 1'Italie; & le réfultat ;:des obfervations de Baglivi, fur les efFets üdes inondations du Tibre i relativement a la ville de Rome, eft abfolument conforme a 1'opinion de ces deux favans. On peut appliquer le même raifonnemerit aux fievres épidémiques, malignes & putrides , qui font fi communes en Hollandc; particuliérement a celles dont par- lent Foreftus & Tralies, dont Tune em: porta une parcie des habitans de Leyde , I & 1'autre n'épargna pas plus ceux de Delft. . L'épidémie qui (en 1694) fe manifefta I a Rochcfort avec les fymptömes de la pefte , celle qui fe répandit dans toute i! la Bohème eri 1738 , n'eurent point d'aui tre caufe que les exhalaifons des marais I croupifFans. Je pafFe- fous filence les épi1 démies occafionnées par les exhalaifons | putrides des corps des animaux ; telles I que celle d'Oxford en 1577 , celle de \ Corck en Irlande, quiduradepuis 171S  ?o RÉFUTATION jufqu'en 1721 , celle qui défolal'Agénois en 1562, & la derniere pefte de Mar* feille , qui dut peut - être ion origine a deux ou trois caufes combinées, & qui fut apportée de POrient par des ballots de marchandifes. Voila un aflcz grand nombre de f'aits réunis pour démontrer la fauiTeté des principes de 1'Auteur de la Médecine fimplifiée^ Un fyftême auflï abfurde que le fien ne mérkeroit pas une réfutation fi fcrieufe, fi les vices de la théorie n'avoicnt aucune influence fur la Pratique. II eft aifé maintenant de conclure (& c'eft la conféquence générale que nous nous fommes propofés d'établïr d'une maniere peremptoire) qu'il eftfaux que toutes les maladies épidémiques viennent de caufes abfolument inconnues.  DES PRINCIPES &c. ?i CHAPITRE V. Faujfeté des conféquences que /'Auteur tire de fa Théorie fur les Epidémies. I L faut avouer que le Doaeur eft un JLogieien bien profond. Ses conféquences' lireiTemblent toujours il fes principes , excepté lorfque fes principes fontvrais,ce qui n'arrive que rarement. Nous venons d'examiner fon opinion fur les caufes des maladies épidémiques ; il ne faut pas avoir ibeaucoup de pénétration pour en deviner les conféquences : elles nc peuvent être que conformes au fyftême médical que le Docleur a adopté. Bornons-nous é une application qu'il fait de fa théorie & un' cas particulier. " « II eft donc ctonnant, dit-il, qüe dans i un (a) fiecle fi éclairé , différentes Académies aient ofé attribuer contre les obfervations de Sydenham, de Van SwieJten, la caufe de la maladie Ruffe, qui (a) Méd. fimp. Note , page 2.  ?a RÉFUTATION n'étoit qu'une fievre catharrale aux variations fenfibles & fréquentes de 1'Atmofphere, d'autant plus que cette raaladie n'a été vraiment épidémique a Bruxelles que lorfque le temps a été le plus beau & le plus fixe; & que jamais année ne fut moins fujette aux variations dans ce pays-ci, que 1'année 1782." Dans un fiecle fi éclairé ! c'eft ce qui doit vous faire trembler, M. le Doéteur. Mais, non , vous étes au-delfus de votre fiecle ; & nous fommes encore , par rapport a vous, en arriere de quelques générations. Nous marchions avant vous a quatre pattes; il n'appartenoit qu'a vous feul de nous redrelfer fur nos pieds. Différentes Académies aient ofé &c.cltez-les a votre tribunal ces Académies Hétérodoxes, qui font fans doute bien éloignées de croire a fa vertu & a 1'efficacité 'de vos fpécifiques & de votre régime. Ab! fi votre extrait digeftif avoit' autant de pouvoir & d'afcendant fur 1'ordre moral que'vous lui en attribuez dans 1'ordre phyfique, que nous verrions bicntöi tomber a vos pieds tous ces favans Aréopages qui tardent encore a vouscouronner des lauriers immortels qui vous font dus! . Contre  DES PRINCIPES &c. 73 Contre les obfervations de Sydenham y de Van Swieten, &c. Que dites - vous , Docleur ? Jamais Sydenham ni Van Swieten ne penferent, ne parierent, n'écrivirent, ne gucrirent comme vous; jamais ils ne rapporterent, comme nous vous 1'avons démontré , 1'origine de toutes les maladies épidémiques a des caufes abfolument inconnues & inexplicables; ils font convenusfeulement, comme nous en convenons nous-mêmes de bonne-foi, de la difficulté de déterminer ces caufes dans plufieurs cas particuliers. Savez-vous que vous les faites mentir adroitement, en les faifant parler mal - adroitement comme vous 1 Mais cette petite rufe n'eft pas même un pêché véniel , puifqu'il s'agit du bien de 1'humanité. Paflbns a 1'examen des phénomenes météorologiques qui précéderent ou accompagnerent la maladie Rufle k Bruxelles. Voici un axiöme que vous ne niere» pas , M. le Docteur, quoique vous paroiffiez plus porté pour les paradoxes que ipour les axiömes. Tous les phénomenes Iphyfiques, moraux & politiques, ont chaIcun une caufe particuliere , plusou moins ifimple , plus ou moins compliquée. L'efIfet ne précede pas la caufe ; mais la caufe D  r4 RÉFUTATION eft toujours antérieure a 1'cffet, quoique 1'un & 1'autre femblent quelqueFois tellement Hés enferable qu'il eft prefque impoffiblc de les confidórer féparément. 11 exifte des caufes dont les efFets ne fe manifeftent qu'a la longue, tels que 1'explofion d'un volcan qui n'arnve qu après une longue fermentation des raatieres volcartiques. Ces fortes de caufes lont du nombre de celles qu'on peut appellcr caufes perfévérantes. Souvent même le.concours d'une caufe acceffoire, combinée avec celles-ci, accélere leurs opérations & leurs efFets. Appliquons ces principes aux épidémies, & particuliérement a la maladie dont il s'agit. C'eft moins dans 1'état préfent de la température , que dans celui qui a précédé, qu'on doit rechercher les caules d'une épidémie aftuelle. Voilé le fentiment de Bacon & de Zimmerman fur les caufes des maladies épidémiques. Le pafFage rapide d'une conftitution atmofphérique é une autre conftitution diamétralement oppofée , ne . peut-il pas produire fur des pays entiers (toutes lescirconftances & les difpofitions phyfiques étant d'ailleurs les mêmes) les efFets étranges qu'il produit fur les individus 1 Or  DES PRINCIPES &c. 75 quelle a etc la conftitution de 1'année 1782, & fpécialement des mois qui ont précédé 1'époque oü 1'on doit fixer le commencement de 1'épidémie 1 Nous n'avons point oublié cette époque, M. le Docleur ; & nous avons obfervé avec M. le Baron de Poederlé , des variations fingulieres dans la température de cette même année , que vous prétendez avoir été dans nos Provinces moins fujette que toute autre aux variations. La température de 1'Atmofphere qui avoit été douce & humide dans le mois de Janvier, fit place dans le mois de Février a une température froide & feche, mais qui devint fi froide & fi humide dans le cours des mois fuivans , qu'a la fin de Mai la végétation fe trouva retardée d'un mois fur 1'année moyenne. A un froid & a une humidité fi extraordinaires pour la faifon , fuccéderent dans le mois de Juin une grande fécherefie & une chaleur exceffive. Cette conftitution Atmofphérique dura conftamment depuis le 9 Juin , époque oü commenca la maladie Ruffe, jufqu'au 29 Juillet oü elle ceffa. Toutes les maladies dépendent du concours de la difpofition naturelle & des caufes déterminantes. La difpofition naturelle D 2  f6 RÉFUTATION réfulte d'une caufe principale combinée ordinairement avec plufieurs caules iecondaires; les caufes détermmantes contribuent , comme caufes acceffoires, a développer 1'énergie & a accélérer les effcts des caufes principales. D'apres ces principes, n'eft-il pas évident que la température froide & humide du mois de ïvlai doit être regardée au moins comme la caufe éloignée de la maladie Ruüe; & la température chaude & feche des mois de Juin & de Juület, comme a caufe prochaine & déterminante de la même maladie. Une connoilTance mediocre de 1'aaion de l'air fur les corps & des efFets qui en rcfultent, fuffit pour en convaincre tout Ledeur itnparual & fenfé. . . . Si le froid, dit Zlmmerman , fe joint a 1'humidité, il arrête la tranfpiration; 1'aaion de 1'humidité feule fur la furface du corps ne produit que le relachement des fibres ; mais 1'aaion du froid combifié avec 1'humidité, rend la lymphe cpaiffe & vifqueufe, refferre les pores & ferme les voies- aux excréuons. De-la, les toux , les catharres, les péripneumomes féreufes, les maux de gorge & de poitrine, quelquefois même la paralyhe Oe 1'apoplexie,  DÉS PRINCIPES &c jf Si l'air , dit M. le Clerc, eft trop fee & trop chaud, il produit le même effet que les ventoufes qu'on applique fur la peau , en attirant, comme elles, les humeurs a la fuperficie du corps... Dès-lors cette tranfpiration infenfible qui refiembloit a une rofóe douce & bienfaifante, fe change en un dcluge de fueurs , qui eft bientöt fuivi de la diffipation de la partie aqueufe & lympathique ; diffipation d'autant plus funefte qu'elle eft plus exceffive... Les folides, deftitues de cette humidité falutaire qui entretenoit leur foupleffe & leur fiexibilité , perdent totalemcnt ou en partie, leur aCtivité & leur reiTort. Les fibres fe defiechent; de-la ,1a roideur fpafmodique des nerfs & 1'éréthifme. Le lang dépouillé de fa partie féreufe, enchainé & comme captif dans fon cours, fe fige & fe condenfe. La circulation eft embarraffée & difficile. La partie faline de ce fiuide , principe de la vie , féparée de fa partie huileufe , s'exalte & devient corroiïve, paree qu'il n'y a plus de menftrue qni mette obftacle a fon acrimonie. 11 en réfulte une cacochymie acre , feche, & tant foit peu alcaline... de-la , les dylfenteries , les fievres chaudes, putrides, inflammatoires, peftileaO 3  ?B RÉFUTATION tielles ; de-la, le defFéchement des folides , le marafme & 1'éréthifme; trop funeftes efFets de la raréfaction ou de 1'extrême dilatation des corps , de la liquéfadlion & de la diffipation des humeurs. Nous vous laiflbns le Foin , M. le Docteur, de faire vous-même 1'application dc ces principes; combinez les influences de ces deux difFérentes températures fur 1'économie animale; vous avouerez peutêtre que la première des deux a été la caufe prédifpofante , & la feconde, la caufe déterminante de la maladie RufFe ; ou du moins vous révoquerez un jugement trop précipité & dénué de tout fondement , jufqu'a ce que vous foyez en état de prouver, ou que les favans ont attribué inconfidérément la caufe de cette épidémie aux variations antérieures de la conftitution Atmofphérique; ou que 1'année 1782 n'a point été fujette a ces variations, ce qui eft abfolument contraire a toutes les obfervations météorologiques; ou enfin , ce qui répugne a tous les principes de la Phyfique , que cesvariation;-' de 1'Atmofphere ne peuvent caufer aucune altération , aucun dérangement dans la conftitution de 1'efpece humaine. Quoique je fache d'ailleurs qu'il y a un  DES PRINCIPES &c. 79 grand nombre d'épidémies,dont les caufes échappent è nos recherches , je crois que les raifons que j'ai alléguées ont alfez de force & de poids pour me déterminer a fuivre le fentiment commun, jufqu'a ce que vous ayez mieux réfolu le problême. J'ai toujours obfervé dans le traitement de cette maladie, que la peau des^ fujets qui en étoient attaqués , n'acquéroit un certain degré de foupleiTe & tl'humidité qu'après un affez grand ufage des boiiTons délayantes, rafraichifiantes & légerement apéritives ; & que lorfque la nature avoit travaillé les humeurs &, fait Ia coftion des matieres hétérogenes, elle s'cn débarraffoit avec fuccès par une moiteur ou une tranfpiration univerlelle, quelquefois par les urines. Les incraffans & les béchiques ont fufïï fouvent pour guérir quelques fujets atteints du même mal. Dans ce cas, 1'expeAoration étoit toujours fuivie d'un prompt & parfait rétabliiTement. Le Doaeur m'objeaera peut-être, que cette épidémie ayant pris nailfance dans le fond du Nord, comme les pays Septentrionaux abondent en mines de cuivre, d'étain , &c. les exhalaifons des fouterrains, en furchargeant fair de feta D 4  8o RÉFUTATION & de molécules acres, ont pu lui communiquer ur>e qualité pernicieufe , & occafionner ainfi cette maladie. Mais quand j'accorderois cette hypothefe au Doéteur 4 fa caufe en deviendroit-elle meilleure ? II n'y auroit point, ce me femble, de qualités occultes dans cette fuppofition, puifque la caufe du mal feroit encore connue. D'ailleurs, pourquoi recourir a des caufes fecretes & inconnues , lorfque la nature, par le concours & Penchalnément des circonftances, femble s'attacher elle-même a nous dévoiler les caufes manrfeftes des phénomènes qui Font 1'objet de nos. recherches4! N'eft-ce pas imiter ces oifeaux delanuit, qui vontchercher dans les ténebres un afyle écarté pour fe dérober aux rayons du jour 1 Pardonnez donc, M. le Do&eur, a ces Académies refpeétables, qui ont ofé dans un fiecle fiéclairé, attribuer la caufe d'une épidémie aux variations fenfibles & fréquentes de 1'Atmofphere : pardonnezleur , dis-je , de ne pas imputer a des caufes abfolument inconnues , des efFets dont les caufes font fenfibles & frappantes aux yeux de Pobiervateur. Les Charlatans ont fait quelquefois fortune par leurs fpécifiques, même dans notre fiecle; mais  BES PRINCIPES &c. Si !es Philofophes ne réuffiroient plus guere par la théorie des qualités occulte*. CHAPITRE VI. Faufeté de la Théorie du Doaeur fur les fievres. „ J_jEs fievres putrides, les fievres bilieufes, dit le Doaeur, les fievres putrides & bilieufes tout a la fois, &c. n'exiftent que dans I'imagination (a) <* Opinion monftrueufe { II n'exifte point de fievres putrides! Et combien votre cxtraït dïgeftif feul n'en peut-il pas occalionner , M. le Doaeur 1 Vous avez voulu vous épargner un embarras, en niant leur exiftence ; mais vous êtes le premier & le feul des Médecins qui ah ofc & qui ofera jamais avancer un paradoxe auflï extravagant & auffi abfurde; il eft conforme è votre théorie & a votre maniere de traiter ; il prouve combien vous êtes perfuadé de rinfuffifance de vos moyens, (a) Mid. fimp. page 9. D 5  82 RÉFUTATION fans vous difculper de 1'imprudence décidée avec laquelle vous paroiffez difpofé a les employer dans les cas même oü ces moyens , toujours dangereux , ne peuvent fervir qu'a. irriter le mal, loira de le dompter. II prouve combien vous avez dü être frappé du reproche que vous vous attendiez qu'on vous feroit de réduire toutes les maladies a une feule & même caufe. II prouve qu'après avoir adopté cette hypothefe , vous avez pu & vous avez dü même écarter de votre théorie toute idéé d'alcalefcence & de putréfaétion , d'oü 1'on pourroit conclure, fans même avoir fait 1'analyfe de votre extrait digeftif, que la bafe de ce prétendu fpécifique eft un alcali. Mais n'anticipons point fur lesréflexions poftérieures que nous nous propofons de faire fur votre thérapeutique; & bornons-nous feulement a prouver ici 1'exiftence & la réalité des fievres putrides & bilieufes. Dansles individus lesmieux organifés & les plus fains , le fang a par lui-même une qualité plaftique qui tend a 1'alcalefcence. (a) Le chyle qui nourrit le fang , (a) Si les alimens ont été tellement élaborés par les forces de la. nature,, qu'ils aient déja.  DES PRIN ClPES &c 83 qui renouvelle & entretient continuellement la maffe de fes molécules, tient de produit des liqueurs femblables a celles qu'ory trouve dans un homme fain qui n'a ni bu ni ma'ngé depuis vingt heures , alors foit queces hqueurs demeurent tranquilles & expofées a une certaine chaleur , foit qu'on les; agite fortenient, elles commencent d'eilesmêmes a le putréfier dans toute leur étendue. Les alimens tirés des autres animaux ont cette difpofition naturelle a la putréfaétion avant que d'avoir foufferr aucun changement dans notre corps- Cette putridité dénote eet état des humeursdans lequel l'eau s'en exhale, ou les fels atténués , dépouillés de leur acide , changés ou: féparés de leur terre & de leur huile , deviennent acres, volatils , alkalis ; il en- eft ainfi5 des huiles dont une partie fort tenue , privée de fa terre , acquiert, en fe mêlant a ce fel acre , une nature acre , volatile , fétide, tandis-que 1'autre fe mêlant intimement a la terre , dont l'eau, les fels & 1'huile la plus fubtile fe font détachés, forme une lie noiratre épaifie , imméable. Telle eft la nature des hommes ,- des ïnfectes, des poiflbns, des amphibies, de tousles animaux, des aquatiques , des volatilesr des reptiles , de ceux qui nagent, qui marchent, qu'ils tendent tous d'eux-mêmes h cette putréfaclion- _ Les caufes antécédentes de cette- putridité-font ■ I, Des alimens tir-és des autres animaux D 6.  84 RÉ FUTATION la nature des alimens, qui concourent a fa formation & il fa préparation. Si ces ( excepté le lak que 1'herbe produit;) fur tout des infectes , des poiflbns, d'oifeaux voraces & de végétaux alkalefcens. 2. L'abondance d'un fang louable ou déja pret a fe putréfïer. 3. La forte action des vaifl'eaux, des vifceres , de la bile. 4. La ftagnation ou la trop grande agitation des liqueurs,qui viennentdu défaut ou de 1'excès du mouvement animal. J. Une grande chaleur communiquée au corps pendant un long efpace de tems. Dans les premières voies, elle altere , öte 1'appetit, produit des rots nidoreux , une matiere fordide, amere & puante dans la bouche , fur la langua, des vomiflemens de matiere bilieufe corrompue, des crudités putrides, des diarrhées bilieufes, des douleurs iliaques ïnflammatoires , & un fentiment de chaleur incommode. Parvenue dans Tes humeurs , elle caufe une diffolution putride du fang, y fait naïtre une acrimonie alkaline , huileufe , volatile , Ie rend moins propre a la nutrition & plus propre a caufer la confomption , détruit les plus petits vaifleaux; ainfi elle trouble, déprave , détruit toutes las fonclions des parties folides & liquides. C'eft pourquoi la circulation, les fécrétions & les évacuations font dérangées : d'oü naiflent des fievres ard'entes , Ia putréfaclion des urïnes & de toutes les fécrétions , l'inflammation , la fuppuration , la gangrene, le fphacele & la moru '  DES PRINCIPES &c. 85 alimens font de nature alcaline, ils ne peuvent produire dans les fluïdes une La cure confifte a faire ufage. I. D'alimens & de boiffons difpofées a s'aigrir promptement, ou déja acides. ( Telles font les maiieres farineufes cuites dans l'eau ou laiflees en digeftion jufqu'a ce qu'elles commencent a fe corrompre, le lait & fes produclions herbacées , les fruits d'été , leurs fucs acides , crus ou changés en vin ou en vinaigre par la fermentation.) %. De médicamens acides tirés des végétaux crus ou fermentés , ou de fels & de fouffre convertis en acides par le feu. 3. De fels qui abforbent 1'alkali, tels que le fel gemme, le fel marin, & le fel de nitre. 4. Des délayans aqueux. J. D'attérans doux , tels que font les plantes farineufes en érrrulfion, ou en décoftion. 6. De matieres favoneufes déterfives, acides, oléagineufes, d'oxymel. 7. Le repos, le fommeil, les bains de vapeurs, les fomentations font falutaires en ce genre de mal. Selon ce qui a été dit , on peut aifémenï comprendre dans quel cas & pourquoi les rots acides qui fuccedent aux rots nidoreux font de bon augure; quels font les convalefcens qui ont un goüt défagréable de fel ammoniac , & quelle ën eft la raifon ; pourquoi les fueurs qui fentent 1'aigre font falutaires dans les maladies aigues; quelle acrimonie eft acide , alkaline , bilieufe , huileufe. ( Voye{ Boerhaave • Jyhorifm. depuis N 0. 80 juffu'è 89).  86 1ÉFUTATION furabondance d'acidité ; c'eft une vérité qui tombe fous les fens. Selon le fentiment de Boerhaave & des plus grands Maitres de 1'art, les animaux zoophages ou qui fe nourriffent d'autres animaux, ont des fucs qui s'alcalifent aifément. Donc tous les fluides, dans 1'homme , doivent avoir une difpofition prochaine a 1'alcalefcence fpontanée ; & il eft évident que 1'ufage fréquent d'un alcali doit fervir a entretenir cette difpofition & a en accélérer les efFets. Les enfans , qui fe nourriffent ordinairement de lait, font moins expofés que les adultes a 1'alcalefcence des humeurs, & ce n'eft même que par 1'ufage des boiffons & des végétaux acides que ceux-ci émouffent & enchafnent les puiffances nuifibles & pernicieufes de 1'alcali que renferment les alimens. ■n II eft des individus, dit 1'Auteur, que nous venons de citer, ( & ce phénomene n'eft que trop commun dans le pays que nous habitons) dont les corps ie putréfient même avant la mort. Leurs gencives font putrides ; & a peine peuton fupporter leur haleine a la diftance de trois pieds. Leur urine, leurs excrémens & leurs fueurs exhalent une odeur fétide. Lorfqu'on diffeque de pareils fujets 9  DES PRINCIPES &c. 8f on ne peut changer de place ou meme toucher leurs inteftins, fans qu'ils tombent en pourriture. « L'exemple de ces fortes de fujets eft une preuve malheureufement trop convaincante de la putréfa&ion fpontanée des humeurs. La Nature renverferoit-elle le cours ordinaire de fes loix générales pour les guérir par le moyen de 1'alcali 1 Ce n'eft qu'en votre faveur qu'elle peut opérer de pareils miracles; puilfe- t - elle , M. le Doéteur , le faire d'une manïere conforme a nos vceux & proportionnée a vos befoins! Qu'on introduife dans Ie corps d'un animal un poifon putride, par les voies alimentaires; quels ravages inouis , quels dérangemens finguliers ne caufe-t-il pas ' dans la conftitution *] Nous nous fervirons encore ici des paroles du fecond légiflateur de la Médecine. n Une petite cjiuantité d'ceufs , dit-il, putréfiés jufqu'a la nature des alcalis, & pris a deffein intérleurement, y produit des efFets étonnans. Tels font les naufces, vomifFement, répugnance , angoilFes , tranchées & flux de ventre , échaulfement de la bile , chaleur , foif & fievre. Sa feule odeur putride caufe des répugnances efFrayantes, des vertiges, &c. & femblable a un venin  88 RÉFUTATIÖN peftilenticl, il diffout d'une maniere furprenante les humeurs de notre corps. <* Le grand Bellini, pour fe convaincre pleinement des propriétés & des efFets de cette corruption deftruftive & mortelle, eut le courage d'cn hafarder 1'expérience fur lui-même ; il avala un demi grain d'oeuf pourri, comme on peut le voir dans une lettre qu'il ccrivit a Pitcarnius; & parmi les anxiétés & les autres fymptömes pernicieux qui fuivirent cette épreuve hardie , il lui furvint une diarrhée des plus violentes. (a) Son exemple n'eft pas du nombre de ceux qu'on doive fe propofer a imiter. Je vous confeillerois moins qu'a tout autre de le faire» M. le Docteur : vous auriez beau dans ce cas avoir recours a votre extrait digeftif & a votre regime : il feroit a craindre «qu'avec cette feule reffource , tous vos prétendus fecrets ne fe trouvafFent bientöt enfévelis avec vous dans la tombe. Si un demi grain de matiere putrcfiée, introduit a defFein dansle corps de 1'homme , peut bouleverfer 1'économie animale, jufqu'au point d'y occafionner la dépra- (a) Voyez aufTi Boerhaave, Van Swieten fur les fievres occaüonnées par des poifon».  DES PRINCIPES &c. 89 vation, la corruption des humeurs & la fievre, ne devons-nous pas en conclure que dans tous les cas oü nous appercevons les mêmes fymplómes , la caufe a dü néceffairement être la même, avec cette feule différence que dansles fievres que nous appellons putrides, (quoique d'ailleurs elles ne foient pas épidémiques) la dégénération des humeurs eft fpontaTiée & fe fait a la longue, en raifon de la conftitution de 1'individu & du régime qu'il fuit, au-lieu que dans 1'expérience de Bellini, elle étoit purement fadYice & fubite , quoique les conféquences n'en fuffent pas moins dangereufes. II réfulte de ces obfervations, que nos, humeurs ont une difpofition naturelle a la putréfaftion; que cette putvéfa6tion fpontanée doit être regardée comme la caufe des fievres vraiment putrides; & que ces fievres peuvent, fuivant les circonftances , être auffi-bien individuelles qu'épidémiques. Par fievres putrides, nous n'entendons point celles que certains Médecins , trompés par des apparences équivoques , rangent dans une même claffe, fans faire attention a la différence de leurs carao teres, en les comprenant toutes fous une  90 RÉFUTATION dénomination trop générale & trop étendue; mais celles qui lont vraiment putrides autant par leurs efFets que par leurs caufes. Nous nous garderons bien de donner dans un excès dire&ement oppofé & celui que nous reprochons au Döcleur. Expliquons d'abord ce que nous entendons par putridité dans les fievres ; ce n'eft point cette corruption fpontanée qu'on remarque dans les cadavres ; mais une dégénération notable des-humeurs, contraire a leur état naturel. Cette derniere efpece de putridité n'eft point une putridité complete & abfolue , comme la première ; mais elle y difpofe les corps ; c'eft elle qui eft la caufe des fievres dont nous parions. La léfion plus ou moins confidérable des foncYions animales , furtout le dérangement des évacuations & des excrétions , 1'odeur fétide des excrémens & de la fueur, &c. en font les fymptómes ordinaires ; fymptómes qui ctablifFent une diftindlion naturelle entre la fievre putride-continue & la fievre continue-fimple. Danscelle-ci ,1e mal dépend principalement de la quantité & de la furabondance du fang & des humeurs ; au-lieu que dans 1'autre il dépend encore des qualités plus ou moins vicieufes dc  DES PRINCIPES &c. 91 ces fluïdes, dont 1'agitation violente difpofe les mixt.es a 1'inflammation , qui eft bientöt fuivie de la putréfa£tion. II eft une claffe de fievres qu'on peut appeller fievres vraiment putrides & malignes. Ces fortes de fievres , dont le foyer fubtil git dans la maffe des humeurs, après en avoir impofé par des apparences de bénignité , deviennent bientöt pernicieufes & meurtrieres. L'acrimonie feptique, qui dénature & déprave alors tous les fluides, eft fi exaltée & fi active , qu'elle agace & ronge les nerfs , produit les ftafes & les inflammations, éteint & anéantit enfin tous les principes de la vie. Les alimens viciés , fur-tout le régime akalefcent, (tel que le prefcrit 1'Auteur pour toutes les maladie. chroniques) lorfque la conftitution des' fujets tend a 1'alcalefcence, font les caufes de cette efpece de fievres. Les marras , -qui par état font obligés de faire de longs trajets fans pouvoir fe procurerdes rafraichiffemens, & en général tous ceux qui, privés du fecours falutaire des végétaux , font réduits a fe nourrir de viandes gatées & d'alimens putrides ou alcalefcens, font plus expofés que les autres a ce terrible fléau. Les habitans de Bréda en furent  92 RÉFUTATION les déplorables vidlimes pendant ce fiege dont parle Vander Meye. Lesunspérirent par le fcorbut; la fievre putride & maligne emporta les autres ; au-lieu que les affiégeans qui fe nourrifibient de viandes fraiches & de végétaux , ne fe reflentirent aucunement de la maladie qui défoloit la ville. On obferva que le fang des malades étoit arrivé a un tel excès dediffolution & de putridité, que quelquesuns moururent après des hémorragies de nez, dans Pefpace de quatre heures. Un autre Médecin (Wepfer ) a pareillement obfervé dans un cas femblable, que le» molécules du fang devenoient fi tenuei , acquéroient une fiuiditc & une effervefcence fi prodigieufes, qu'elles fe frayoient un paflage par les extrémités des arteres, d'oü il réfultoit des hémorragies effrayantes; & qu'ayant ordonné la faignée au commenccmcnt de la maladie, en quelque lieu qu'on placat le fang , & quoiqu'on le laifsat repofer long-temps , il ne ie coaguloit pas, comme a 1'ordinaire. C'eft a cette claffe de fievres qu'on doit rapporter la maladie k laquelle Hippocrate , qui nous en a laiffé la defcription , donne le nom de Typhus. C'étoit peri-dant les ardeurs de 1'été & au commen-  DES PRINCIPES &c. 93 cement de la canicule, que cette maladie , dont il attribue la caufe a une agitation violente de la bile, exercoit principalement fes ravages. Une forte fievre , une chaleur brülante , une foibleffe , une pefanteur , un abbattement univerfel dans tout le corps, une laffitude & une débilité fi extraordinaires dans les bras & dans les jambes, que les fujets paroiffoient être abfolument perclus , des tranchées aiguës, & la fétidité infupportable des felles, étoient les fymptómes du mal. La méthode curative qu'il recommande, comme ayant été fuivie du fuccès, prouve que la diffolution putride des humeurs en étoit une des principales caufes. En effet, il ordonnoit, dans ce cas la, les boiffons légeres & froides, le vin noir, (a) aujiere, &c. & il faifoit appliquer de vieux (a) Le vin noir étoit un vin Grec , qui avoit une couleur rouge fi foncée , qu'elle paroiffoit noire. La pratique du célebre M. Leetfom dans les fievres putrides , eft parfaitetnent anaIogue a celle d'Hippocrate; il ordonne aux malades, par jour., jufqu'a enviror trois pintes, mefure de Paris , de vin de Bordeaux , autant de forte & petite biere qu'ils en peuvent boire , & au moins deux onces de kin*ina en décoéhon. » Pratique, aioute M. Bofc  94 RÉFUTATION linges trempés dans l'eau froide, fur les parties oü la plus grande chaleur fe faifoit fentir. Cette obfervation eft du célebre Van Swieten ; elle prouve qu'Hippocrate a connu les fievres putrides, quoiqu"il n'ait diftingué que deux fortes de fievres en général, (a) celles qu'il appelle ■bénignes, & celles qu'il appelle malignes ; divifion fondée uniquement fur les efFets & non fur les' caufes de ces maladies, & dans lefquelles les fievres putrides , les fievres bilieufes , celles qui font bilieufes & putrides tout a la fois, celles qu'on nomme ftmples & continues , gaftriques, fiercorales, &c. font néceffairement com* prifes. Le plus fameux des Commentateurs d'Hippocrate, Galien fut le premier qui, d'Antic, dont les effets paroiflent tenir du miracle , ■< & dont je viens moi-même de faire 1'expérience la plus heureufe, au moment ou j'écris, fur un fujet atteint d'une fievre putride & maligne , accompagnée de tous les fymptómes mórtels. (a) Toutes les autres efpeces de fievres, dont parle Hippocrate, rentrent dans cette divifion générale, qui dans fon Ouvrage , ne femble être qu'une fous-divifion ou divifion particuliere.  DES PRINCIPES &c. 95 dans la divifion générale des fievres, introduifit la dénomination de fievres putrides. Paree que cette dénomination eft poftérieure a Plippocrate } en doit-on conclure que ce grand homme ne connoifloit pas 1'eipece de maladies auxquelles elle convenoit4] Dira-t-on que Tournefort a ignoré la difFérence fexuelle des planter, paree que fon fyftême de Botanique n'eft point fondé comme celui de Linné , fur cette différence 1 La Médecine méthodique étoit encore dans fon enfance du temps d'Hippocrate ; elle fembla nattre dans le berceau de ce demi-Dieu, pour partager bientöt enfuite fes autels. II eft aifé de reconnoïtre Pépoque de la naiffance des arts, & de la diftinguer de celle de leur adolefcence. On commence par établir des divifions générales ; mais comme les efFets font toujours plus faciles a faifir que les caufes, ces divifions font d'abord fondécs fur les efFets. Enfuite une réflexion plus müre & un plus grand nombre d'obfcrvations, conduifent a la découverte & a la connoiffance des caufes; & on forme de nouvelles divifions générales, qui quelquefois le font moins que les premières, quoiqu'elles foient toujours moins vagues. Voila la marche pro-  96 RÉFUT ATION greffive de 1'efiprit humain, celle de tous les arts & de la Médec:ne en particulier. Ainfi on ne doit point s'étonner de la dénomination nouvelle de fievres putrides créée ou adoptée par Galien. Ces fortes de fievres s'annoncent par des fymptómes fi univoques , fi diftinaifs, fi caraaériftiques , qu'il eft prefque impoffible de leur approprier une autre dénomination , lorfqu'on veut donner une idéé jufte, claire & précife des maladies, en les définiflant par leurs caufes & non par leurs efFets. Sydenham , eet illuftre reftaurateur de la Médecine Hippocratique, a-t-il jamais douté un moment de l'exiftence des fievres putrides 1 Avec quelle fagefle & quelle fagacité n'en parle-t-il pas dans fes écrits 1 Avec quel fuccès ne les at-il pas traitées dans plufieurs cas par les acides & les antifeptiques les plus puiffans, tirés des minéraux & des végétaux 1 La maniere dontil guérifFoit la fievre maligne & celle qui fe manifefte fouvent a la fuite de la gangrêne dans quelque vifcere ou quelque extrémité, ( fievres qui par leurs fymptómes, doivent fans con» tredit être rangées au nombre des putri^ei-)fa maniere, dis-je, de traiter ces fortes  DES PRINCIPES &c. 9? fortes de maladies, ne démontre-t-elle pas 1'étude profonde qu'il avoit faite de leur nature & de leurs efFets 1 Boerhaave, ce Philofophe'fublime i grand Médecin & grand homme , qui \ né avec toute la force de la raifon , travaillé dès Penfance par 1'efprit de méduation , d'expérience , de méthode & d'analyfe, parvint ainfi a Pefprit géométrique de fon art, jufqu'au point oü il eft poffible peut-être a Phomme le mieux organifé , d'atteindre durant le cours ordinaire de la vie humaine; Boerhaave, ce génie prefque divin , a-t-il jamais foutenu que les fievres putrides & bilieufes n'exiftoient que dans 1'imagination des Médecins de fon temps £ Chargé des dépouiiles de 1'Orient & de 1'Occident, nche de fes propres découvertes & de celles des anciens &'des modernes, auroit-il enrichi a fon tour la Médecine de fes aphorifmes immortels fur 1'alcali fpontané & fur les fievres putrides, s3il eüt été perfuadé qu'aucune de ces maladies ne devoit fon origine a la putréfaclion fpontanée de nos humeurs % Lc favaiït Comracntateur de Boerhaave, Van Swieten, s'eft-il jamais écarté d'un feul pas du fentiment de ce grand E  9S RÉFUTATION Mattre 1 Avec quelle fagacité & quelle érudition délicate & profonde n'a-t-il pas garanti par-tout, par des faits toujours d'accord avec la raifon , la jufteffe & la folidité des fentences de 1'Oracle Hollandois 1 L'Hippocrate du Nord, fi fameux par cette diflertation viaorieufe , par laquelle il foudroya Bontefcoë , qui prétendoit que toutes les maladies veïioient d'un acide vifqueux, Hoffman , auffi célebre par fes écrits que refpeftable par 1'exaaitude de fes obfervations chniques & fes fuccès dans la pratique de fon art, ne s'eft-il pas étendu affez amplement fur les caufes, la nature & les fymptómes de ces fortes de fievres 1 Tous les Médecins de tous les fiecles , ceux du Nord , ceux du Midi, Francois , Anglois, Allemands, Suiffes, Hollandois, &c. ne font-ils pas unanimement d'accord fur ce point 1 Les Méad, les Pringle, les Huxam, les Quenat, les Lieutaud, les le Clerc, les Aubri, les de Haen , les Storck , les Colin, les Stoll, les Quarain , les Werlhof, les Zimmerman , les Tralies, les Neifeld , les Tiflbt, &c. quelle nuée de garans & de témoins fe raflemble pour confondre le Doaeur ! . Tous ces grands Praticiens fe feroient-  DES PRINCIPES &c. 99 ils trompés fur l'exiftence des fievres putrides 1 L'erreur auroit-elle été de tous les temps & de tous les lieux 1 La Vérité n'auroit-elle été errante & fugitive pendant tant de fiecles fur la terre, que pour devenir enfin la proie & le domaine du Doéteur, comme ce monftrueux Turbot ( dont parle Juvénal ) qui n'avoit échappc depuis nombre d'années aux filets du pêcheur, que paree qu'il fe jugeoit digne d'être fervi è la table du chauve Néron ? Mais la vérité n'eft apparue qu'en fonge au Doéfeur ; il faut efpérer qu'a fon réveil , les phantömes de la nuit ne tarde- rontpas a s'évanouir Réveillez-vous, Doéteur, réveillez-vous; ouvrez vos paupieres appefanties par un fommeil léthargique & menfonger ; déchirez le bandeau qui vous dérobe la lumiere de tous ces brillans flambeaux qui éclairent le Sanctuaire d'Efculape. Ne vous appercevezvous pas que votre efprit s'eft égaré, faute d'un fage guide, dans Pempire des fyftêmes & des chimères 1 Rentrez dans vous-même & jugez de quelle conféquence affreufe doit être votre théorie, fi elle eft jamais fuivie dans la pratique, puifqu'en fupprimant dans 1'une une feule clafie de maladies malignes, vous déE 2  ïoo RÉFUTATION pouillcz 1'autre des moyens cufatifs convenablcs a cette efpece de maïadjesl Nous ne nous éicndrons point fur les fievres bilieufes, que les Médecins mettent affez ordinakement au nombre des fievres ardentes ou inflammatoires, & dont les principaus fymptómes font les évacuations de la bile par haut & par bas, les naufées continuellcs, les anxiétés 'cardialgiques, les tranchées violentes, &c. Un tempérament colérique & fanguin, un régime chaud &■ acre, font les caufes prédifpofantes de ces fortes de fievres. L'emportement & la colere qui précédent ou fuivent les repas, fur-tout lorfqu'on y fait ufage d'alimens propres a la fcrmentation & de boiffons froides de meme nature , une agitation & un exercice immodérés du corps, une fuppreffion foudaine de la tranfpiration , occafionnent un épanchement de la bile cyftique dans le duodenum ; & cette bile rendue corrofive par fa fermentation avec les alimens, devient la caufe prochaine des fievres bilieufes. Après avoir démontré avec autant de folidité que devidence , que toutes nos humeurs tendent a une dégénération fpontanée , il eft inutile dc prouver que la  DÉS PRINCIPES &c. ioi bile doit être fujette aux merries inconvéniens , & avoir les mêraes difpoiitions a la putridité. <* *> La bile, dit Van Swieten, eft de toutes nos humeurs récrémentielles , la plus ardente & la plus difpofée a une prompte putréfaction. C'eft pourquoi les premiers fignes de putridité dans les cadavres, fe manifeftent toujours èk la région du foic. De tous les Auteurs qui ont traité des fievres , il n'en eft aucun peut-être qui les ait réduites a une meilleure théorie que M. Quenai. Après avoir expofc les opinions & la méthode des anciens , relatives a cette partie de la Pathologie , il établit une dittin£iion cflentielle entre les fievres ardentes-ftercorales , & les fievres ardentes-critiques, dont le levain git dans le torrent de la circulation. Eniuite , il explique la raifon pour laquelle les fievres ardentes ont été appellées bilieufes par les anciens , & en quoi la caufe des fievres ardentes diffefe de celle des fievres putrides continues. II ajoute , que la fievre ardente-critique eft ibuvent caulée par des maticres corrompues dans les premières voies ; & il conclut enfin que cette fievre peut être caufée par des fubfE3  ioi RÉFUTATION tances fort corrompues , telles que la bile dépravée dans la véficule , ou corrompue par des matieres retenties dans les inteftin*. Nous ne prétendons point ici, M. le Doéteur, donner une Pathologie complete des fievres, mais feulement tenir vos Lefteurs en garde contre la fubtilité de vos fophifmes, & les mettre ainfi h couvert de la furprife & du danger. Si Pintérêt de 1'humanité nous a rendus diffus & prolixes , les gens fenfés ne nous eu feront point un reproche ; plüt au Ciel que vous puffiez anéantir toutes les maladies ! Mais vous anéantirez feulement les dénominations de celles que vous ne connoiffez pas ou que vous feignez de ne pas connoitre; & le mal reftera toujours ; rayez, fi vous voulez, les fievres , les peftes, les épidémies de ce long catalogue , oü la Nature a tracé en lettres noires lesnoms des armes ofFenfives qu'elle a mifes entre les mains de la mort; les armes ne feront pas brifées, paree que leurs noms feront dans 1'oubli. Le nombre des caufes de la deftruction du genre humain fera toujours le même ï & les caufes anonymes, qu'on croira détruites, paree qu'on fe les repréfentera comme  DES PRINCIPES &c. 103 faüfles & chimériques, n'en deviendront que plus dangereufes & plus fatales (a). (a) Si Ie Dofteur défire quelques éclaircifiemens ukérieurs , relatifs aux caufes phyfiques & morales, capables de produire les difFérentes altérations de la bile , nous 1'invitons a lire les Ouvrages des HofFman, des Schulze , des Teichmeyer, des Degner, des Stahl, des Juncker , des Baglivi, des Boerhaave , des Tralies , des Zimmermari , des Pringle, des Bianchi, &c. qu'il life dans les (Euvres de Tiffot 1'hifroire de la fievre bilieufe, qui fit tant de ravages a Soleure en ijfï » qu'on Ia regarda comme une efpece de pefte. D'ailleurs , Hippocrate lui-même a connu le« fievres inflammatoires bilieufes. »4  ïo4 RÉFUTATION C H A PITRE VI. Infiuffifance & dangers de la Thérapeutique de /'Auteur dans le 'trattement des fievres n JVïOins il faut de remedes, dit un célcbre praticien , & plus la préfence d'un Médecin éclairé eft néceffaire.. . Sydenham'faifoit vingt vifites & une feule ordonnance ; Sydenham guérilfoit.... Ne feroit-ce pas cette fage réflexion qui auroit induit en erreur 1'Auteur de la Médecine fimplifiée , & qui 1'auroit déterminó a abandonner le traitement des fievres a la Nature 1 Le Médecin ne feroit-il fait que pour refter, comme on dit vulgairement, les bras croifés , fpeétateur oifif & inutile des combats affreux que fe livrent la Nature & le maH Mais les moyens curatifs des maladies chroniqucs fe réduifant a trois, fuivant le fyftême du Docteur, doit-on s'étonner que ceux des fievres fe réduifent a zéro ! Eft - il une Médecine plus fimplc que celle qui guérit fans le fecours d'aucun remede °[ II ne  DES PRINCIPES &c. 105 falloit pas certainement rêver, fuer fang & eau pendant vingt ans , altérer fa fortune & prodiguer fon temps, pour faire cette admirable découvertc. t> 11 y a trois chofes, dit le grand homme, que nous venons de citer plus haut, a confidcrer dans toutes les maladies, le pouvoir de la Nature , les fonclions de3 Médecins & les fecours de l'art. ... Le Médecin doit être Pinterprete de la Nature ; il ufurpe ce titre , s'il ne 1'eft pas...k Celui qui méconnoit les limites refpectives dc la Nature & de 1'Art, eft un ignorant dangereux ; celui qui les connott & les franchit fans néceffité, eft un téméraire , qui précipite fon malade avec lui.... Si la confervation & la deftruétion fetouehent, de combien de précautions le Médecin n'a-t-il pas befoin pour éviter les méprifes' dont il eft refponiable t <* Nous ne doutons pas, Docteur , que' vous ne foyez Vinterprete de- la Nature ; il y a même tout lieu de croire qu'elle vous a dit fon fecret a 1'oreille ; car qui auroit jamais deviné fans vous que dans toutes les fievres & dans tous les individus, fans égard a la conftitution , elle devoit toujours être fupérieure a la violence & al'intenlité du mal % Ainfi, lorfE5  io6 RÉFUTATION que le fujet fuccombe, la maladie eft tout a la fois plas forte & plus foible que la Nature; plus foible par la fupériorité que vous attribuez a celle-ci fur 1'autre; plus forte , puifqu'elle en triomphe en dépit de vos fpéculations. Comment donc déterminer , felon vos principes, les bornes du pouvoir de la Nature4) Quoique vous paroiffiez difpofé a renverfer les limites qui fervent, pour ainfi dire , de ligne de démarcation entr'elle & 1'art, il faut néanmoins que vous reconnoiffiez 1'exiftence 6c la réalité de ces limites. Dans quels cas les fecours de 1'art, que vous prefcrivez par une contradiéfion ridicule , tandis que vous paroiflez les profcrire, pour mieux en impofer par une apparence de fimplicité , deviennent-ils d'une indifpenfable néceffité 1 C'eft lorfque la Nature ne fe fuffit pas a elle-même ; c'eft lorfque ce principe aclif eft incapable d'ope'rer /ans l'affiftance & le concours des agens convenables. Or en quoi confiftent ces fecours de 1'art & les fonétions du Médecin dans le traitement des fievres *] Ils confiftent a lever tous les obftacles qui pourroient retarder ou empêcher la guérifon , a faciliter , h produire même la coclion & la dépuration de la roatiere morbifique ,  DES PRINCIPES &c. iof a calculer tellement les forces de la Nature , qu'on n'emprunte de Part qu'autant qu'il en eft befoin pour fubjuguer le mal, fans fatigucr la conftitution, & a proportionner toujours les moyens curatifs & 1'énergie de celle-ci & a la malignité de celui- è. ■n Le traitement, dit Ie Do£teur , qui convient dans toutes ces fievres continuesaiguës, catharrales, ardentes, inflammatoires, rémittentes, épidémiques,. prétendues putrides ou bilieufes; ce traitement, dis-je, fe réduit au feul régime fans aucun remede. u Ainfi le Doéteur comprend toutes les fievres dans la claffe des maladies dont il abandonne ia curation a la Nature. Par une bifarrerie finguliere , après avoir prefcrit un trai~ tement fans remedes, il tombe dans une de ces contradictions frappantes , qui an*noncent les écarts ordinaires des grandshommes & des génies fupérieurs; il or~ donne la faignée , le renouvellement de Patmofphere , quelques topiques , les lavemens , &c. comme fi ces moyens curatifs devoient être exclus de la claffe des remedes, fur-tout lorfqu'ils font bien adminiftrés ?S Mais qu'entend-il par remede 1 car il faut convenir entre nous de la fiE 6  io8 RÉFUTATION gnification des inots; on appelle remede r tout ce qui contrihue a la gudrifbn : or dans ce lens-la , le régime lui-même ne doit-il pas être regardé comme remede % D'ailleurs, profcrire tout remede, n'eft-ce pas profcrire tout ce qui peut contribuer a la guérifon % Le régime du Docteur, fecondé de fes remedes ( auxquels il craint de donner ce nom , de peur d'effrayer fes malades par des liftes ennuyeufes de drogues de médicamens ) peut convenïr dans certaines fievres ; telles que les fievres éphémeres & les fievres continues - fimples , dans lefquelles la Nature n'a befoin , pour expulfer les matieres hétérogenes & vainere le mal, que du fecours de quelques boiffons délayantes, rafratchifïantes & légérement apéritives : mais dans les fievres qui font plus compliquées... Quem Natura negat, dat Medicina modum» il faut que 1'art faffe une violence fa* lutaire a la Nature , ou plutöt qu'il lui ferve d'appui, en fuppléant par des forces étrangcres, aux forces qui lui manquent. Au refte, fuppofez même que la Nature 'emportat ^oujours^ fur les caufes morbi»'  DES PRINCIPES &c. rog Éques ( fuppontion dont les principes font aufli ridicules que les conféquences en peuvent devenir dangereufes) , ne faut-il pas qu'elle foit encore fagement góuvernée, fur-tout dans les engorgemens in-, flammatoires des vifceres nobles4? L'égalité & 1'oppofition de dejx puiflances ennemies font les garans certains de leur deftrudtion mutuelle : fi 1'une de ces deux puiffances eft fupérieure 'a 1'autre , elle ne doit la viéfoire qu'a 1'excès de fes forces , & en perd , möme dans ce conflicT: inégal, une quantité proportionnée a la réfiflance que 1'autre lui oppofe. Ces principes font applicables ala Nature : les remedes font de nouvelles armes entre fes mains, pour triompher du mal. La plupart des" fievres épidémiques bilieufes'& des vraies fievres putrides ne deviendroient-elles pas mortelles , li 1'on vouloit fe borner , dans leur traitement , aux' moyens indiqués par le Dodfeur *j AuIieu qu'un Médecin ordinaire les guérïrqit par rémétique ou les purgatifs, &c. acï-^ minnares avec prudence, felon les difFérentes indications. ' Mais le Dofteur a trouvé a propos de flétrir jufqu'au nom de ces' remedes & d'impofer a la Nature Une tache qu'elle eft rarement capable de'  iio RÉFUTATION reraplir. Qu'on lui demande comment il détruira dans ces fievres la malignité des fymptómes & des accidens les plus terribles, tels que les métaftafes de la matiere morbifique fur les parties vitales, les inflammations ou la gangrene que produit ordinairement la ftagnation des matieres putrides & bilieufes engorgées dans les premières voies 1 Se repofera-t-il, dans ces cas déterminés, fur 1'énergie de la Nature , ou fur 1'efficacité des moyens qu'il propofe 1 Nouveau difciple de Sthal T établira-t-il, comme lui, 1'autocratie de 1'ame dans la fanté & dans les maladies , hypothefe auffi fuperftitieufe qu'abfurde 1 Les lavemens, nous répondra-t-il peutêtre , le pctit lait, les jus acides , les animaux appliqués aux extrémités, les faignées de huit onces, fuffiront pour feconder la Nature & faciliter 1'expulfion des matieres nuifibles. Mais, Docleur, connoiffez-vous la Nature 1 Avez-vous jamais calculé, apprécié fa puiffance dans un feul individu , dans une feule maladie *3 Avez-vous jamais fait 1'épreuvèdes moyens falutaires que les plus favans praticiens emploient pour développer fes forces, & pour diriger leur adlion toute ^ntiere contre le mal, en leur communi-  DES PRINCIPES &c. in quant un nouveau degré d'aétivité 1 Lifez les Ouvrages des Barker, des le Clerc & des Aubri, &c. ils vous expliqueront ce qu'on doit entendre par la Nature, quelles font fes reflburces & fon impuiffance dans les fievres dont il eft ici queftion , & combien 1'art, tel qu'il eft aujourd'hui, a d'avantages réels & incomparables fur la Nature abandonnée a fes ccarts. Joignez a ces autorités celles des de Haen , des Storck, des Stoll, des Colin , des Quarain , des Tiflbt & de tous les praticiens célebres en général; combien de fois ( fi 1'on s'en rapporte k leur témoignage confirmé par 1'expérience) les purgatifs , les fudorifiques , les diurétiques, les véficatoires, &c. adminiftrés li propos dans le courant même d'une fievre aiguë, n'ont-ils pas arraché les malades des bras d'une mort, qui fans 1'un ou 1'autre de ces fecours, feroit devenue inévitable.? Mais fans nous arrêter adémontrer la néceffité des purgatifs ,&c. fur lefquels nous reviendrons encore dans le cours de eet Ouvrage, examinonsl'infuffifance & les dangers de la faignée telle que le Doéteur la prefcrit. On retrouve par-tout 1'homme a petits moyens, qui mutile au-lieu de fimplifier.  ni RÉFUTAT1Ö N Rien de fi commun dans la pratique vulgaire de la Médecine que d'entendre dire au hafard , il faut faigner, ou il ne ne faut pas faigner. Comment peut-otï prononcer fi légérement fur 1'ufage d'un* moyen , qui dans la cure de quelques fievres décide pour 1'ordinaire de la vie ou de la mort ; d'autant plus que fes efFets ont une influence direfte & immédiate fur les fluides & fur les folides , en un mot fur les forces vitales. II eft évident que la puifFance de la nature dépend de la fupériorité qu'ont les foncfions vitales fur les caufes morbifiques, mais dans une jufte proportion : tellement que fi la vraie pléthore, mife en mouvement par une caufe quelconque, occafionne a fon tour des mouvemens tumultueux &z irréguliers, on doit les appaiier par des faignées réitérées h proportion de Page & de la conftitution des mslades, afin de rétablir 1'équilibre entre les fluides & les folides. C'eft ainfi que dans plufieurs cas , les faignées, fagement adminiftrées, deviennent des remedes falutaires & héroïques. Les inflammations des poumons, les vraies pleuréfies , les maux de gorge inflammatoires, le tranfport des lochies ou du.  DES PRINCIPES &c. ii$ lait a la tête des femmes en couche , les engorgemens fanguins des vaiffcaux capillaires du cerveau dans les fujets pléthoriques , &c. foht autant de maladies formidables dans lefquelles des faignées de huit onces expoferoient les maladcs dans 1'intervalle a une mort certaine. II eft prouvé que dans tous ces cas , ïl n'y a que les'fortes faignées. & per largiora vafa , ou f , 8 &. même 9 petites , faites fucceffivement & conduiies avec fagacité fuivant 1'exigence des cas qui affurent la guérifon (a). Nous "en avons déja cité un exemple frappant, celui de Louis XIV, qui düt être faigné 9, fois pour un coup dc foleil qu'il avoit recu a la chaiTe : (a) Le Docteur, il eft vrai , recommande .de réitérer Ia faignée dans certains cas extraordinaires, jufqu'a quarante onces de fang. Mais il faut que le fujet foit jeune , robufte , que ce foit au printemps ou au commencement de 1'été , Sc que les faignées ne foient que de fept a huit ortces a la fois; faignées timdrées , qui dans 1'intervalle de 1'une a 1'autre , expoferoient le malade a une mort certaine, fur-tout dans les engorgemens inflammatcires des vifceres nobles, puifque dans ces cas, il faut faire une violence fubite & momentanée a la Nature. ( Voyei Méd. fwiplif, page'lj & l6. )  H4 RÉFUTATION peut-être accufa-t-on alors les Médecins de témérité ; mais la guérifon du Monarque n'étoit-elle pas leur juftification vivante .? Quel efFet, M. le Docteur, auroient produit 435 faignées de 8 onces, dans un cas tel que celui-lè, qui eft de 1'efpece de ceux oü Hippocrate, Galien , Sydenham & Boerhaave avoient coutume de faigner jufqu'a défaillance *? Je plaindrois bien un malade , qui dans un cas fcmblable oferoit vous commettre le foin de fa guérifon. Mais heureufement pour Thumanité , peut-être ne traitez-vous pas fouvent ces fortes de maladies: d'ailleurs, vous ne feriez pas fans doute affez aveuglé par 1'amour-propre , affez efclave de votre fyftême , pour facrifier la fanté de vos malades & la gloire fauffe & barbare de foutenir une théorie monftrueufe par une pratique meurtriere ; ou vous apprendriez bientöt a votre confuhon que ce n'eft pas tant du fang, que de la vie des hommes que le vrai Médecin doit être économe. Votre Ouvrage , M. 1'Antiphlébotomifte, (nous ne ceffons de le répéter) eft fpécialement deftiné aux marins, aux voyageurs, aux campagnards , aux foldats, &c. Quelle connoiffance médicale  DES PRINCIPES &c. 115 fuppofez-vous a ces gens-la, qui ne favent pas même oü tater le poulx 1 Vous riez, M. le Dodteur ; il me femble que vous avez le tact bien fin & bien délicat... & qu'en qualité de Chymifte profond, vous ne voustromperiez pas aux diagnoftics des métaux auffi facilement qu'a ceux des fievres : mais de même que vous êtes un grand homme trèsadroit, les payfans font des petits hommes trés - maladroits , qui n'ont point , comme vous, la connoiffance géométrique du battement de 1'artere ; battement trés - équivoque, mais fatiguant pour la mémoire , lorfqu'on veut calculer a la minute le nombre de pulfations. C'eft cependant pour ces adeptes-lït que vous déclarez que votre Livre eft fait. Mais qu'importe 1 Si le Gouvernement feconde vos vues bienfaifantes, il ne manquera pas d'établir inceffamment dans tous les villages des entrepots pour débiter vos fpécifiques & vos Livres ; & des écoles pour apprendre k tater le poulx... Les DocTeurs Tdte-poulx vous devront leur exiftence, & vous ferez le chef de la nouvelle fe£te Vous favez , Monfieur, combien il en coüte , même a un homme inftruit, a un homme qui n'eft pas Char-  n6 RÉFUTATIO'N latan , a un vrai Médecin , en un mot, qui n'eft pouffé ni par 1'intérêt, ni par le befoin , ni par le defir de tromper; vous favez, dis-je, combien il lui en coüte pour acquérir les connoiffances dont vous fuppolez capables les habitans de la campagne & les marins en général. Encore li vous leur donniez quelques notions prcliminaires 1 Mais , comment donner ces notions a vos difciples 7. .. Eft-ce dans votre Livre qu'ils les puiferont ?.. . Comme depuis tant d'années vous vous êtes livré tout entier a des recherches fi fublimes, a deviner, par exemple , comment on peut guérir certaines maladies , fans employer les moyens qui contribuent a Ia guérifon (a), il n'eft pas étonnant que vous ayez laiffé quelques légeres imperfedtions dans votre théorie ; je ne puis comprendre comment vous n'y avez pas perdu la tête: la mienne ne peut plus tenir contre de fi hautes fpéculations. La foibleffe vraie ou apparente qu'on remarque dans certains fujets , au premier inftant oü la fievre fe déclare, vient ou d'un cxcès de pléthore , ou de (a) Les remedes.  DES PRINCIPES &c. 117 1 la trop grande raréfaétion , ou de la pénurie, ou de Pacrimonie feptique des, humeur?. Dans les fievres les plus malignes, quoique la caufe varie, les pre:j miers fymptómes font fouvent les mêmes jen apparence; c'eft toujours un abattement réel ou fimulé qui les caraétérife; imais eet abattement eft tantót un effet ;;de la déperdition & de 1'épuifement des 1 forces , tantót des obftrucbons & des enIgorgemens qui leur oppofent des obftacles , & qui, en comprimant les nerfs , les rendent comme paralytiques, (a) Dans :1e premier cas , ce n'eft point par la ifaignée , ni par la diminution de la quantité des fluides déja trop épuifés, qu'on peut efpérer de feconder les opérations de la nature; dans le fecond, il n'y a point de moyen plus fur & plus effkace pour fauver le malade, Selon le grand 'Boerhaave, la débilité fébrile doit être attribuée ou a la diffipation des humeurs, qui produit le vuide dans les vaiffeaux, ou a leur cpaiffiffement qui les rend imméables & caufe les obftrudVions. 11 Cette «foiblcfle foudaine, ajoute le célebre Commentateur de PHippocrate Hollan- (a) Voyez de Haen (Ratio medendi ,p. I ).  ii8 RÉFUTATION dois, Ti eft Pindication certaine de la plu* n grande malignité du mal n. UOracle de Cos eft le premier qui ait reconnu & défini la caufe de cette débilité apparente ; elle n'a pas échappé k Galien , a Arétée , a Trallien , a Sydenham, &c. & Oribafe lui-même, Médecin du quatrieme fiecle, qui condamnoit la faignée dans le cas de débilité, Oribafe, en parlant d'une pefte qui de fon temps ravagea 1'Afie, avoue qu'ayant été attaqué de ce mal, il ne düt fa confervation qu'a une faignée de 3% onces , & que ceux qui fuivirent fon exemple, furent guéris comme lui. S'il eft des circonftances oü le mal exige une forte faignée , il en eft auffi oü la plus petite faignée peut caufer la mort. Mais les ruftiques éleves du Docteur liront fans doute les Obfervations des Solano , des Nihell, des Bordeu, &e. ils approfondirontla connoiflancedes tempéramens & des crifes, avant de hafarder 1'ouverture de la veine. Ils fauront tellement épier, étudier, fuivre pas a pas la Nature, calculer fes forces, feconder fes efForts, prévoir les époques critiques, que malgré les indications équivoques du DoBeur, ils faigneront toujours  DES PRINCIPES &c. 119 avec fuccès , même dans les cas oü la folution du problême jetteroit les praticiens confommés dans la plus grande perplexité. La fievre,la douleur, le lancement dans quelques parties , la conftitution du fujet, voila les donne'es du problême propofé par 1'Auteur, comme une qucftion déterminée : mais les données ne fuffifent pas pour le réfoudre , puifque dans les jeunes fujets des deux fexes, 1'excès de la mafturbation occafionne fouvent des fievres aiguës accompagnées des mêmes fymptómes, & dont la caufe doit être néanmoins plutót «ttribuée a 1'acrimonie des humeurs qu'a la vraie pléthorc. Or peut-on prefcrire la faignée dans ces fortes de maladies 1 Le problême retombe donc dans la claffe des queftions indéterminées , & n'eft point de nature a être réfolu par un Galien de village, auffi peu inftruit que lefuppofe le Dofteur. Hippocrate a-t-il jamais ordonné la faignée dans les maladies caufées par 1'épuifement, dans celles même qui fe maniieftoient par tous les fymptómes apparens d'inflammation 1 Vous chez fans ceffe Hippocrate, M. le Docteur, quoiqu'il nous fourniffe par-tout des armes pour vous combattre. Vous auriez du bien craindre au-contraire de prononcer fon  120 RÉFUTATION nom dans votre Ouvrage ? Que leshomrnes font inconféqucns! Dans certains fiecles , ils ont égorgé leurs freres au nom de Dieu ; dans d'autrcs ( & ce temps n'eft peut-être pas éloigné) ils les empoifonneront au nom d'Hippocrate. Venons auxfaits qui prou vent les dangers d1une faignée , même de huit onces, faitc mal-a-propos dans certains cas, d'après les indications du Doéteur. Les Hippocrate (a), les Sydenham, les Lancifi, (b) les Bianchi, les Le Camus , les Tiflbt font les garans de ces faits authentiques. Athenes, Rome, Paris, Londres , Laufanne, (d) Edimbourg, &c. L'Europe entiere enfin nous apprend par la voix de ces grands hommes, combien la faignée a été nuifiblc quelquefois dans les pleuréfies épidémiques, les inflammations du poulmon, les péripneumonies bilieufes, les fievres d'höpital, celles oü les (a) Hippocr. de morbis popularibus lib. 6. fe3. 7. (b) Lancifi. Hift. Rom. Epid. (c) Bianchi. Hift. Epatis. (d) Effais de Médecine de la fociété d'Edimbourg , Tome V.  DES PRINCIPES &c. iai les humeurs tendent a. la putréfaétion , & dans un grand nombre d'autres maladies qui en impofent par des fymptómes trompeurs d'inflammation. n II y eut ici ( en Suiflê ) dit Tiflbt, en 1*53 , des péripneumonies bilieufes; tous ceux qu'on faigna périrent ;j'en traitai plufieurs ,• je n'en faignai point; ils guérirent tous. Coelius Aurélianus avoit dit la même chofe , en parlant d'une pleuréüe qui régna de fon temps a Athenes & a Rome ; & M. Ie Camus, Auteur de la Médecine de 1'elJprit, ne balancoit pas d'aflurer que la lilte des pleurétiques, traités par les phlébotomiftcs pendant le mois d'Avril 1755 , devoit être un vrai Martyrologe. M. Petit s'eft auflï convaincu plufieurs fois du danger des faignées dans ces fortes de maladies , & de 1'efficacité des vélïcatoires; il avoue même que ce fut tt ce remede qu'il dut, dans cette circonftance la confervation de tous fes malades. Concluons, M. le üoól:eur;il eft prouve que les fortes faignées font d'une néceffité abfolue dans certains cas; que dans quelques autres, les petites faignées même font très-dangereufes ■ que vos indications étant les mêmes dans tous les cas, elles deviennent néceflairement équivoques, F  ófe RÉFUTATION infuffifantes '& d'une conféquence funefte dans la pratique ; que la reffemblance & runiformité des fymptómes tendant a induire les praticiens en erreur dans ces maladies qui fe déguifent fouvent fous un mafque infidieux , Pidentité de vos indications acheve de tromper vos adeptescampagnards ,de les prccipitcr même dans un cahos oü ils doivent périr, vidtimes d'une ignorance d'autant plus invincible ; que n'ayant d'autre flarnbéau que votre théorie pour éclairer leur marche incertaine au milieu des ténebres qui les environnent , ni d'autre guide pour les diriqer dans la route, que votre Code Médical; ils deviendront autant de fuicides involontaires , pour n'avoir pas fu diftingucr la pléthore de 1'inanition (a). (a)Le Doéteur va , dit-on , puvrir un cours public & gratuit de Phlébotomie, en faveur de fes nouveaux adeptes, oüil expliquera amplement tout ce qui concerne cette partie de f'Art, & les difFérens cas oü la faignée convient; ce fait paroit d'autant plus certain, qu'on Allure que le Docteur a lu depuis peu ce paffage de M. le Clerc....» Ce n'eft pas paree qu'une pleuréfie eft une pleurtfie qu'il faut multiplier les faignées , c'eft en raifon des ac- «rfom nut '.nrmmnsunpiir. .1] v en a ou ia lancette doit, pour ainfi dire , faire 1'office de  DES PRINCIPES, &c. ïas O vous qui ne connütes nos befoins que du moment oü vous commencates a contraéter nos vices ; vous , qui n'euffiez jamais été la proie des fléaux qui nous accablent fi vous n'euffiez refpiré l'air empoifonné des villes, vous, que 1'infolence faftueufe, qui daigne apeine vous compter parmi les hommes, écrafe ou foule aux pieds , comme de vils infeftes, mais que 1'honnête homme qui vous révere & vous chérit par reconnoilTance, regarde comme la portion la plus précieufe de 1'état; mortels plus groffiers , mais toujours plus vertueux que nous, vous ar¬ ia trachée artere, c'eft-a-dire, que s'il y a des pleuréfies uniquement occafionnées par une trop grande abondance de fang accumulé dans une partie , il y en a auflï de rhumatifmales & de fcorbutiques , qui n'exigent que très-peu de faignées. J'en ai vu d'épidémiques & bilieufes, ou les faignéesétoient mortelles : Sydenham a Londres , Baglivi a Rome , en onr vu de femblables; & les vrais Praticiens en font convaincus. « Ceux qui voudroient connoïtre tous les cas nombreux oü Ia maladie, en impofant par de faulïes apparences , femble exiger Ia faignée , quoique 1'extraclion de huit onces de fang dans ces cas cauferoit la mort, pourront recourir a YHifi. Nat. de Vhomme malade du même Auteur F 2  124 RÉFUTATION rofez la terre de vos fueurs pour nous nourrir ... Mais quel trafic barbare ne fait-on pas quelquefois parmi nous de votre vie ! On affecle de vous offrir aujourd'hui la fanté a un prix fi modique, qu'il eft a craindre que votre fimplicité naive, féduite par 1'illufion de quelque fuccès heureux, mais momentané , n'embraffe une vaine chimère pour la réalité. Habitans fortunés des campagnes , défiezvous des préfens perfides qu'on vous fait; que le premier de vous a qui quelque Empyrique préfentera un fpécifique nouveau , le rejette avec indignation, en s'écriant.... Quidquid id eft , timeo Da.na.os & donaferentes. Ces fleurs qu'on vous préfente , ne » -i 14 . i J- u~ lont pomi nees » i uumic uc vua ^ . ^.'ofl- iiüs In "NTatnrp nui les fit Wrtgcs 5 " i-" f -i- SHUIC , .uv.u» £ 1 Qui legitis flores & humi nafcentia fraga , Fiigidus (hinc fügite , 6 pueri!) latet anguis in herba.  DES PRINCIPES &c. 125 chapitre vii. P'laifantes Ohfervations du Doéleur dans le traitement d'une fievre qu'il ne fait pas trop bien définir lui-méme. T JLjE Docleur, qui ne fe fie pas toujours aux forces fupérieures de la Nature,, a trouvé bon de Ia feconder quelquefois dans certaines fievres , dont il paroit ne connoitre ni les fymptómes , ni le nom , fi 1'on en juge du moins par les obfervations favantes qu'il prétend avoir faites fur ces fortes de maladies , pour fervir de monument éternel a 1'efficacité de fes moyens. Ces obfervations font au nombre de deux eens; mais il n'en donne "qu'une & en lailfe 199 dans fon portefeuille ; celle même qu'il daigne citer ne concerne que fon frere (a) , dont le témoignage ne peut être fufpect , quoiqu'a 1'époque du traitement, il fut dans un délire affreux. Les peines, les fatigues de 1'efprit , des voyages pénibles faits & l'ardeur du foleil, la conftitution robufte (a) VoyezMéd. fimp. p. 26 jufqu'alap. a$». F 3  ia6 RÉFUTATION. du fujet, ( naturellement difpofée a 1'alcalefcence (a) ) furent les caufes prédifpofantes & dóterminantes de cette fievre que le Docteur appelle tantöt fievre continue-rémittente , tantót fievre vraiment ardente. Les pe'te'chies fur toute la furface, du corps , & même dans. les cheveux , (ligne évident de la dilfolution du fang) la noirceur de la langue , des foubrefauts dans les tendons, qui furent bientöt fuivis de convulfions générales, un délire furieux, &c. vtaHk les fymptómes qui caractérifoient la malignité du mal. Le jus de cerifes, le quinquina , quelques précautions propres a modificr la température de i'Atmofphere, (fans compter les remedes adminiftrés antérieurement par les autres Médecins qui avoient traité le malade au commencement de la maladie,) voila tous les moyens qui concoururent a la guérifon. Le Docteur ne fut sppellé que le vingtiemejour, &il guérit; que les Praticiens jugent fi la fievre étoit vraiment ardente, ou fi elle ne 1'étoit pas. II ne fait mention ni de la quantité, ni de la qualité desurines & de lafueur, ni de 1'état des gencives, de la refpira- (a)Voyez les Aphorifmes de Boerhaave fur l'alcali fpontan£, page 8i, 83 , 84 & 8; de eet Ouvrage.  DES PRINCIPES &c. 127 tion, du bas-ventre, desfelles, &c. Mais1'arnitié fraternelle lui avoit lans doute tellement brouille la cervelle, qu'il oublia de mettre en pratique les premiers préceptes d'Hippocrate. (a) Des fymptómes & du traitement de cette fievre , dont la defcription eft de main de Maftre, il s'enfuit que la fievre dont il eft ici queftion , étoit vraiment putride-maligne , quoiqu'en dife le Docteur. En effet, les tempéramens les plus robuftes ont une tendance & une difpofition prochaine a la putréfaftion ; les ardeurs de 1'été & la fatigue exceffive desvoyages contribuent a entretenir cette difpofition. Or le frere du Doüeur étoit dans ce cas. D'ailleurs les pétéchies de la peau n'étoient-elles pas des marqués certaines de la diflblution du fang 1 En falloit - iL davantage pour s'affurer de la putréfaction prochaine ou aéfuelle des humeurs'? Ajoutez a ces rcflexions que c'eft aux (a) Ad febrientem fi ingrediaris , dit Hippocrate, refpice hypochondrie refpirationem , linguam , gingivas , oculos , faciem : j'ajouterai; refpice & attende ad excreta. Mais leDocteur a une méthode toute nouvelle, & il ne s'embarrafle pas de tout ce fatras de fymptómes. Vive la ümplicité Hippocratique ! F 4  n8'RÉFUTATION acides, fur-tout au quinquina, un des plus puiffans anti-putrides, que le malade a été redevable de fa guérifon. Donc la conftitution individuelle du fujet étoit alcaline ; & la matiere morbifique, putride , mais (a) d'une putridité qui annoncoit la gangrene univerfelle, puifque le Docleur ne parle que des pétéchies , indices d'une mortification préfente ou prochaine , &r ne fait aucune mention de fuppuration,ckc. Vous avez fait un miracle , M. le Docteur , mais un fingulier miracle ! Vous avez une averfion fi forte contre les acides , qu'on feroit tenté de croire que la plupart des acides font des poifons aufiï' violens que les alcalis, dans la cure de certaines maladies. Vous n'avez employé, dites-vous , ni le vin de Mofelle, ni le jus de citron dans le traitement de la fievre en queftion. Je le crois ; mais le jus de cerifes , (b) adminiftré par feaux , mais (a) Cette fievre , dans fon principe , étoit inflammatoire; mais les inflammations finiffent ou par réfolution , ou par fuppuratiort dans 1'un ou 1'autre des vifceres , ou par fchirre, ou par gangrene. (b) Voyez la Méd. fimplif. page 2.3, le jus de ces cerifes nommées griottes , dont il prit en cinq jours plufieurs feaux, &c.  DES PRINCIPES &c. 129 ce quinquina, (a) dont fix gros ont fuffi, pouf amonir la fievre, &c. ne font-ils pas des remedes de nature acide : ces acides, direz-vous peut-être , font d'une autre categorie que les autres. Oui, nous vous 1'accordons, fi vousle defirez , puilque nous les employons nous-mêmes dans le traitement de plufieurs fievres que vous auriez rangées dans la claffe des hémitritées , fi vous euffiez fait la moindre attention a leurs fymptómes. Répondez, Docleur, a quelques queftions que nous allons vous faire. . .. Quelle eft la nature du vin de Moielle 1 . . . Acide... vous ne pouvez le contefter. Quelle eft la nature du jus de cerifes 1 .. . Acide . . . celle (a) Le quinquina eft un amer ; » on donne cette quahté , dit M. Sigaud de Lar'ond, a quantité de fubftances , qui produifent fur 1'organe du goüt une imprelTion particuliere... Quelques recherches que les Chymiftes aienc faites jufqu'a préfent, ils n'ont encore pu découvrir la nature des principes qui conftituent 1'amertume. Ils ont obfervé que les fubftances ve'gétales les plus ameres étoient compofées des mêmes principes que celles qu'on regarde comme douces; elles font pareillement compofées de terre , d eau , d'un fel acide , & d'une matiere huileufe & inflammafele. &c. F 5  i3o RÉFUTATION du quinquina4?.. . Acide .. . celle du jus de citron 1. .. Acide Comment!... vous guériffez par les acides r & vous ne voulez pas que d'autres guériflent par les mêmes moyens ! Mais votre acide eft fans doute plus falutaire & plus doux que celui des autres Médecins, de même que votre alcali eft plus docile & moins putréfiant que tous les autres diffolvans naturels ou faétices! Réconciliez-vous donc avec les anti-putrides, avec les anti-bilieux , avec tous les anti-feptiques en général, puifque vous leur devez la vie d'un frere refpectable & chéri. Ceffez de vous écrier avec extafe ; « Cette fievre auroit certainement paffe' pour très-putride ; cependant je Vat traitée fans jus de citron & fans vin de Mofèlle." Ne déclamez plus contre ces Médecins dont l'ignorance crajfe, impu" dente & préfomptueufe n'auroit du en impofer qu'a des fots , mais qui a féduitgrands & petits , favans & ignorans ;fune]le effet de V'enthoufiafme d'un Auteur, qui craignant toujours la putridité , ne prétend pas qu'un bouillon fe glijfe dans l'eftomacys'il n'ejl efcorté par le jus d'un citron^ Puifque vous faites boire a vos malades le jus de cerifes par tonneaux, devezvous vous déchainer avec tant de fureur  DES PRINCIPES &c. 131 contre ceux qui prefcrivent quelques verres de vin de Mofelle ou quelques taffes; de limonade 1 Nos acides ne fontdis pas tirés, comme les vótres , de la claffe des végétaux 1 Et fuppofez que les unsfoient plus forts que les autres , nous croyezvous affez gaüches pour ignorer la maniere dont on les énerve par le choix. d'un véhicule proportionné a leur énergie 1 Nous nous fervons même des acidev minéraux dans certains cas, & vous n'ignorez pas que ces acides ont une forceque n'ont point ceux qu'on tire du regnevégétal. Voila des remarques ou plutöt un commentaire que vous auriez dü fairefur votre propre Ouvrage; Opinionum commenta delet dies, naturce autem judicia confirmat. n Le temps deltructeur anéantit tous ces vains fyftêmes, qui n'ont d'autre bafe & d'autre fondement queTerreur; mais la Vérité , fille de la Nature , acquiert une vigueur nouvelle , en vieillilfant. <* Permettez - nous , Docteur , de. faire: une rcflexion fur la maniere finguliere que vous employez pour vous initier & la connoiffance diagnoftique des caufes d'une maladie; rcflexion importante qui fait honneur a votre bonhommie , a cette F 6  1-2 RÉFUTATION bonhommie qui ne peut être fufpedte r ( puifque vous vous en vantez a chaque inftant) & qui peut fervir de pendant a. votre amour pour 1'humanité. En parlant des infonnations que vous fites fur la nature de la fievre de M. votre frere ; n Je ne pus rien favoir, dites-vous, des Médecins qui vinrent le foir. u Ils étoient donc muets ces Médecins 1... ou ils parloient une autre langue que vous1? S'ils étoient muets , vous. ne devez pas leuren vouloir; s'ils parloient une langue étrangere , telle que le Grec ou le Latin, langues pour lefquelles on prétcnd que vous avez beaucoup de difpofition , il falloït vous munir d'un interprete ou trucheman privilégié, « Je conjeéturai, ajoutez-vous, par les récits des gardes-malades, que, pendant le prélude de la maladie & au commenccment de la fievre, il avoit été un jour moins mal que 1'autre.<* Ainfi ce nefont point les Médecins, mais les gardes-malades qui vous ont endoctriné ; digne difciple de ces grands Maïtres , vous ne pouviez manquer de réufïir. II paroit même que vous aviez taté le poulx de ces gardes-m\alades , pour vous aflurér de Pétat de celui de votre moribond, puifque vous avez trouvé fans vous  DES PRINCIPES &c. 133 en appercevoir que fa fievre étoit de la nature des intermittentes-mafquées. Votre fimplicité , Dofteur, n'a plus rien de merveilleux pour un Médecin qui penfe. Les gardes-malades valent bien en médecine certains Doéteurs, aux dépens deiquels on riroit bien fi on les comparoft a Boerhaave , a Sydenham , ou a vous. Bientót il faudra faire licence en médecine , & finir par prendre , comme vous , Ie titre de Docleur , pour être adinis au grade de garde-malade (a). Après avoir décrit, d'une maniere trèsdiffufe & très-incomplette , cetie cure farneufe dont vous paroiffez fi étonné vousmême , que vous ne favez encore a quel renverfement des loix de la Nature vous devez 1'attribuer , on devoit bien s'attendre a cette exclamation fublime , qui femble être le non plus ultra de votre glofe. 11 Voila la fimplicité Hippocratique & la feule vraie méthode de traiter les fievres; voila a quoi fe réduifent tous les préceptes de ce grand homme ! Plüt a Dicu que les lumieres du fiecle n'euf- (a) Voyez le titre des Ouvrages du Docteur , oü il fe qualifie Docleur ès-Arts & en Médecine.  134 RÉFUTATION fent pas rendu les Médecins plus favans l Voila la fimplicité Hippocratique , &c. De quel pays étoit Hippocrate, M. le Dotteur 1. . . d'un pays oü Diogene avoit un tonneau pour demeure. Mais favezvous en quoi confifte cette fimplicité que vous ne ceflez de pröner , paree que vous croyez 1'appercevoir auffi-bien dans les efprits que dans vos fpécifiques 1 La feule vraie méthode de traiter les fievres, &c. Combien y a-t-il de fortes de fievres , M. le Dofteur , fans compter les fievres putrides , bilieufes , &c. que vous ne connoiffez pas 1 La théorie des fievres eft dans votre Ouvrage au point oü fe trouvoit la Carte de 1'Amérique du temps de Chriftophe Colomb. Convenez que toute votre adrefie , comme nous vous. 1'avons déja dit, fe réduit a la fuppreffion de quelques noms. Voila d quoi fe réduifent tous les préceptes de ce grand homme y &c. Doéfeur ! ce grand homme n'étoit rien en comparaifon de vous. Nous le démontrerons bientöt , en faifant le parallele de votre méthode & de la fienne. Ce parallele eft important, puifque vous prétendez avoir feul touché le but oü il fe propofoit d'atteindre. Quelle admirable cari-  DES PRINCIPES &c. 135 cature , que votre portrait figurant a cöté de celui d'Hippocrate ! C'eft un de ces contraftes, qui, dans 1'ordre phyfique ck moral, ne doivent pas fe rencontrer dans 1'efpace de plufieurs milliers de générations. Plut a Dieu que les lumieres du fiecle n'eujfent pas vendu les Médecins plus favans .'En vérité , Docteur, vous iiniffez la par une optation, par un fouhait que vous devriez moins hafarder que perfonne. Puifque vous êtes plus inftruit vous feul que tous les autres, pourquoi vous plaindre de ce que les autres font trop inftruits'] Ne craignez-vous pas qu'on ne s'appercoive en lifant votre Ouvrage que vous avez vous-même trop de lamierest Ne quid nimis. Mais ne vous allarraez pas; nous nous garderons bien de vous tancer fur votre fcience. On n'eft pas toujours fi prodigue en reproehes fi fiatteurs. Telle eft rinjuftice criante d'un fiecle fi éclairé. On ne fait plus comment parler aux hommes ; dites-leur qu'ils font trop éclairés; ils vous prendront pour un aveugle; dites-leur qu'ils font aveugles, il$,vous mettront dans la claffe de ceux qui ont trop de lumieres. Qu'il eft difJicile dans ce bas-monde d'avoir le fens  i36 RÉFUTATION commun ! O Philofophes! oü eft votre fagelfe 1 Toute votre gloire ne tient qu'a un ril; il n'eft pas moins aifé de vous décrier pour les talens que vous avez, que de vous louer pour ceux que vous n'avez pas. Plüt a Dieu que les lumieres du fiecle ne vous eujje.it pas rendus plus favans ; c'eft-a-dïre, que vous fuffiez tous femblables au Doaeur ! Difons un mot des fievres intermittentes; fans cela , le paragraphe ne feroit pas complet. Ce fera peut-être unedigreffion ;mais qu'importc, dès que 1'Epifode tient a 1'Ouvrage 1 Dans les Romans épiques ou dramatiques, on n'y regarde pas de fi prés; & la Médecine jimplifiée eft un Roman d'une nature li étrange .... . . . . Ut nee pes , nee caput uni Reddatur formee Quand on lit cette brochure , ( fur-tout après en avoir lu le titre) on eft tenté. de lui appliquer involontairement ce vers d'Horace ... Definit in pifcem muiier , formofa fupeme. Le Docleur n'admet ni fievres putrides,  DES PRINCIPES &c. 157 ni fievres bilieufes : Mais dans le feu de la compolition , s'abandönnant au délire d'une imagination effervefcente , tantöt planant dans la nue , tantót retombant a terre fans s'en appercevoir , il s'éleve , il s'abbaiffe, il s'égare & ne fe retrouve jamais; ici, il marche comme 1'homme ; la , il rampe comme la vipere ; ailleurs , il vole comme 1'aigle ou bondit comme le Leviathan, dont parle Job , & finit ordinairement par ne favoir ni planer, ni voler, ni bondir, ni marcher Que fait-il alors 1 il joue le róle du Médecin malgré lui. II rentre dans la claffe des Médecins , fans s'en douter ; il divife, par exemple, les fievres intermittentes en bénignes & malignes, &c. N'altérons point fes paroles : elles mentent de paffer a la poftérité : *> Dans les endroits marécageux, dit-il^Jes fievres intermittentes, après un été chaud & fee, font toujours épidémiques , fouvent malignes & dangereufes ; ces fievres font fort communes en Flandres & en Hollande , &c. <* Comment, Dodteur anti-putride, vous reconnoiffez qu'il exifte des fievres malignes! Mais ne favez-vous pas que ces fievres font putrides & très-putrides .? En Hollande , elles font endémiques; nous avons  138 RÉFUTATION eu lieu de nous en convaincre par nos propres obfervations ; les fujets qui en étoient atteints , exhaloient, de leur vivant même , une odeur putride & cadavéreufe. Confultez les plus fameux praticiens Hollandois ; ils vous apprendront qu'avant de guérir ces fortes de maladies , il faut s'afiurer des premières voies ; & que les remedes les plus falutaires font les anti-feptiques les plus puiiTans, adminiftrés a très-grandes dofes. Vous préconifez votre extra.it digeftif, comme un remede fondant & altérant dans les fievres intermittentes-bénignes : mais tous les Praticiens , avant de donner le remede fpécifique, le quinquina par exemple , n'emploient-ils pas , comme vous, les alterans , les fels lixiviels , &c. avec quelques précautions néanmoins que vous femblez regarder comme frivoles & puériles , quoique vous fachiez peut-être combien on fait courir de dangers au maladc en les négligcant 1 Tous vos confeils, M. le Docteur , relatifs a la cure des fievres intermittentes - irréguliercs , font infuffifans ou dangereux. Comment voulez-vous qu'un homroe qui ne connoit pas 1'Art, démafque ces fievres infidieufes & terribles, qui, déguifées fous des dehors trom-  DES PRINCIPES &c. 139 peurs, & toujours annoncées dans votre Ouvrage par des fymptómes équivoques , empruntent fouvent, pour féduire même les Praticiens confommés, la forme & les traits caradtériftiques de quelques autres maladies , telles que la péripneumonie , la pleuréfie, la phrénitis ou l'apoplexie,&c. ? L'expérience & 1'autorité des plus grands Maitres (a) ne démontrent telles pas que la quamité de quinquina que vous ordonnezdans ces fortes de fievres , quantité qui fe reduit a quatre gros entre les deux accès, eft infuffifantc pour amortir le mal, & expofe le malade a fuccomber dans 1'intervalle k la violence de la maladie 1 II eft prouvé que dans ces cas , on ne peut donner affez de quinquina ; le bon fens feul en didte la raifon. En eïïety cette fievre eft pernicieul'e ou maligne , comme il vous plaira enfin de la nommer , ou elle ne 1'eft pas. Si elle eft bénigne, laiffez agir la Nature, en facilitant néanmoins , par des remedes convenables, la codiion des humeurs, & en les expulfant lorfqu'elles font cuites & (a) Voyez Torti , Werïhof & 1'Auteur du Traité qui a pour titre; De reconditafebrimn intermittentium Natura , &c.  140 RÉFUTATION mobiles. Si au contraire la fievre eft irreguliere &: maligne , on ne peut 1'enchainer & 1'a dompter affez tót a force de remedes ; c'eft alors qu'il faut opérer une révolution , pour parvenir sürement au hut de l'Art, qui eft de conferver la vie. On guérira par ce moyen bien des malades, que la méthode timide & circonfpecle du Docleur dépêcheroit infailliblement a 1'autre monde. Adieu , Docteur , vale, vive & gaude; puiffe la lecture de ce Chapitre faire partie de la première lecon de Thérapeutique que nous vous confeillons de donner inceffamment a vos difciples campagnards!  des principes &c. i4r CHAPITRE VUL Gentillejfes du Docleur. -Le Docleur eft fujet, comme Pindare, a fes écarts; & ce font ces écarts que nous appellons fes GentilleJJes. Tantöt, comme un nouveau Dom Quichotte prêt a combattré des moulins a vent, il s'arme de pied en cap & défie tous les Médecins de la terre de prouver que fa méthode n'eft pas la plus belle, la plus falutaire & la plus efficace qui ait jamais exifté. Tantöt, femblable a un autre Rolland , il attaque une légion entiere de Praticiens , qui difparoiffent devant lui comme une nuée de moucherons ; & s'il bat quelquefois en retraite , c'eft toujours comme eet animal auquel Homere compare Ajax, & qui, cbaflé par une troupe de payfans d'un champ couvert de moiffons, arrache encore quelques épis a droite & a gauche en fe retirnnt. Commencons par la Préfacc modefte de 1'Auteur. n Tous ces remedes nouveaux & dangereux, dit-il, vantés par les plus cé-  i4ft RÉFUTATION lebres Praticiens, dont 1'expérience a démenti les prétendus efFets, la conduite mercenaire, mais fur-tout la fureur & les cris putrides & bilieux des Médecins ne pouvoient manquer de faire méprifer leur fcience ; ils devoient décréditer, comme ils ont en efFet décrédité , la Médecine & les Médecins (a). <* Profcrivez, Doaeur, écrafez , foudroyez tous ces célebres Charlatans, auteurs de remedes nouveaux & dangereux. Vengez la Médecine fur ces faux Médecins qui la décréditent. Mais fongez 2t prévenir, avec votre adreffe ordinaire, une objeaion a laquelle vous ne vous attendez peut-être pas: ou vous annoncez vos fpécifiques comme nouveaux ; & dans ce cas, fi Ton vous démontre qu'ils font dangereux,vous rentrez dans la claffe de ces Médecins contre lefquels vous prétendez entrer en lice : ou vous convenez que ces fortes de remedes ont été connus des gens de 1'Art de toute aniiquité ; & alors vous perdez tout le fruit de votre découverte. Vos remedes, fur-tout votre extrait digejlif, n'ont point fans doute le mérite équivoque & fufpea de la nou- (a) Préf. M^d. fimpl. page 12.  DES PRINCIPES &c. 143 veauté, puifque nous en employons nousmêmes de femblables avec certaines modifications, dans plufieurs cas particuliers, hors defquels ils ne peuvent manquer d'être d'un ufage pernicieux & devenir même des poifons. Quant a la conduite mercenaire , que vous reprochez aux Praticiens, je fais que c'eft par un fentiment de charité purement chiétienne que votre zele s'exalte, s'enflamme & tonne contre ces mcprifables individus, qui, par une avidité baiTe & fordide, dégradent & aviliffent une profeffion que feul vous honorez. La vertu du cenfeur eft la plus belle cenfure du vice; & le prix modique auquel vous vendez votre leffive de cendre, fait Pcloge de votre généreux défintéreffemenr. Que ces cris putrides & bilieux, auxquels vous favez impofer filence avec tant de majefté , produifent un effet bien pittorefque dans le tableau que vous nous faites des Médecins ! Que cette expreffion neuve eft noble, hardie & tranchante! Que de grace & de finelfe dans votre perfifflage ! Des cris putrides ! Des cris bilieux! Ah ! Docleur , n'avez-vous pas reffenti une commotion fecrete dans la région  i44 RÉFUTATION du foie (a) , en accouchant de cette incomparable métaphore 1 n Le Public a élevé fur le pinacle du Temple d'Efculape de faux Docleurs , gens ignares & préfomptueux , qui ne font pas iuitiés aux myfteres de la doarine d'Hippocrate , qui néanmoins dans les Villes, dans les Capitales, dans les Cours même font pour ainfi dire les feuls en poffeffion de 1'Art, & prcfident tellement la Facultc , que ceux qui voudront dcformais afpirer au fecond rang., feront forcés d'effuyer 1'infolence & les dédains de ces ufurpateurs (b). <- II faut, Dodeur, que le Public foit bien fimple, pour s'abandonncr avec une confiance auffi téméraire & auffi fuperftitieufe a ces profanes qui le guériffent , fans y entendre finelTe & fans s'embarraffer des conféquences. Ne vaut-il pas mieux être tué méthodiquement que guéri contre les regies4) Quel gré les Villes, les Capitales & les Cours même ne doivent-elles pas vous favoir de cette noble franchife (a) On fait que le foie eft le vifcere qui fert a la fécrédon de la bile. (b) Ibid. Préf. page 13.  DES PRINCIPES &c. 145 franchife avec laquelle vous les tancez ] fur leur ftupide engouement 1 Ne parlez I pas cependant fi haut des Cours; les Gouf vernemens font des colofies a cent oreil! les & a cent yeux; Pexiftence d'un ini fedte ne leur échappe pas; & s'ils s'ap| percevoient de celle d'un géant tel que I vous , peut - être qu'une curiofité indif:! crete les porteroit a vouloir approfondir I la nature & 1'efficacité de vos moyens, ; & a ordonner une analyfe exacte & rigoureufe de vos fpécifiques. Vous con; cevez qu'un examen de cette forte pour1 roit avoir des fuites défavorables a votre 1 Thérapeutique expérimentale, & donner i des entraves & votre zele ardent pour; S le bien de 1'humanité. Bias, dans une ; tempête, difoit a quelques paffagers peu dévots , qui , convertis par le danger , invoquoient les Dieux -A grands cris; v Taifez-vous, de peur que les Dieux *i ne s'appercoivcnt que vous êtes ici." Profitez du confeil, M. le Docleur; mais : frondez feulement le Public qui éleve fur le, pinacle du Temple d'Efculape ces ufurpateurs infolens & dédaigneux, incapables d'exciter votre envie, quoiqu'ils foient 1 feuls en pojjejfion de VArt; criez a vos concitoyens qu'ils font aveuglés par la G  i46 RÉFUTATION prevention , par les préjugés & par Tignorance. Bientöt une prompte réforme vous fera jüftice de ces petits tyrans de la Faculté ; on défertera en foule leurs autels pour vcnir s'enyvrer de votre extrait digeftif & fe graiffer de votre pommade . .. Tant il eft vrai qu*il n'y a pas de plus sur moyen pour réuffir dans le monde, que de dire aux hommes en face qu'ils font des fots. Vous félicitez nos Provinces du rétablilfement (a) de 1'étude de la langue Grecque , dans les Pays-Bas Autrichiens... Ah! permettez de grace Que pour Pamour du Grec, Docleur, je vous embrafle. Hatez-vous donc de 1'apprendre , pour vous couvrir de gloire, & les Médecins de honte. Tachez fur-tout de parvenir a entendre Hippocrate en Grec , pour impofer filence aux méchans qui prétendent que vous ne 1'entendez pas dans votre propre langue. «Cependant, ajoutez-vous, par une contradiciion (b) des plus bizarres , les grands (a) Ibid. pages 1} & {4, note de la Pre'f, (b) Ibid.  DES PRINCIPES &c. i4? & les plus grands, qui eux-mêmes yeulent & autoriient des . fVïédecins qui ne'favent pas de Latin : Ia Faculté réclame envain contre ces abus ; plüt a Dieu que les feuls auteurs en tuffent les viclinses ! «. Les plus grands, qui eux-mêmes Ignorez-vous , Docteur , quels font ceux que vous défignez par ce titre & a qui vous imputez une contradiétion fi bizarre4? La fagelfe &' les lumieres du Gouvernement avoient droit de prétendre a un jugement moirts févere , & fur - tout plus refpectueux de votre part. Obfervez encore que ces points par lefquels vous entrecoupez le fens de votre phrafe, donnent plus a penfer que vous n'avez penfé peut-être vous-même, & que toute réticence eft fujette aux interprétations les plus injurieufes & les plus .malignes dans les difcoyrs.qui tendent au bldme, & non a la louange des perfonnes, qui en font Pabjer. Croyez-moi, Docr teur , quoique le Gouvernement foit trop humain , trop généreux & trop doux , pour vous faire un crime d'Etat d'une étourderie & d'une indifcrétion qui n'annoncent pas en vous un grand fond de prudence, arrachez de votre livre ce feuillet accompagné de plufieurs autres ; G 2  i48 RÉFUTATION & donnez-les en déco&ion i\ vos midr des; ils leur nuiront dans bien des cas moins que vos fpécifiques. Je laiffe au Ledleur le foin de déterminer & d'apprccier au jufte toute 1'étendue du vceu charitable par lequel vous terminez votre diatribe; mon but n'eft point de vous rendre odieux, mais de vous ramener, s'il fe peut, de vos écarts. ri Lorfque j'envifage , dites-vous, la méthode générale (a) de pratiquer ^ eet art,je me trouveforcé de convenir qu'elle eft bien digne d'un tel mépris, ft Sjlence , Médecins ! c'eft un nouveau Légiflateur qui parle Mais de grace, Docteur , comment pouvez-vous blamer , accufer , méprifer même la méthode générale des praticiens , puifque vous convenez vousmême , que depuis le temps oü vous avez commencé a exercer la profeffion de Médecin", vous avez fuivi une route toute différente 1 Aviez-vous effayé cette méthode , a vant de la condamner .? Et êtesvous fur d'ailleurs que , dans les cas particuliers oü vous en avez fait 1'application infruétueufe , toutes les fautes & tous les (a) Ibid. page 14. Préf.  DES PRINCIPES &c. 149 mauvais fuccès doivent être attribués a la pratique & non au praticien 1 Au refte, il eft facile a ceux qui connoiiTent le nombre prodigieux de fujets que vous avez traités , de calculer jufqu'oü doit s'étendre la fphere de vos obfervations. Avouez , Docleur, que vous avez abandonné le tronc pour vous attacher a une branche; gare que la branche ne caffe & que vous ne tombiez avec tous vos flacons d'eau digeftive. Souvent mépris vient de méprife ou d'impuiffance; un chalfeur mal-adroit doit-il s'en prendre a fon fulil de ce qu'il n'abbat paslegibier 1 Et paree que, faute d'échelle , je ne puis cueillir une grappe dans un cep trop élevé , m'en retournerai-je en difant, comme le renard , que les raifins ne font pas mürs Ü La méthode n'eft qu'un inftrument; mettez eet inftrument entre les mains d'un homme qui n'en connoiffe pas 1'ufage; c'eft alors qu'on aura lieu de s'écricr avec un Philoibphe : n On dit que c'eft le Médecin qui tue & non la Médecine , que la Médecine vienne donc fans le Médecin.« ...... Les plus fameux (a) Médecins (a) Méd. fimplif. page 07, g i  i5ö RÉFUT A TI O N vantent & louent la fimplicité dans la pratique de 1'art de'guérir. . .. Mais.. . par un aveuglement difficile a concevoir , ces illuftres praticiens , en contradidYion avec eux - mêmes , nous ont laiffé des MATIERES MEDICALES, c'eft-adire D'EN NUYEUSES LISTES DE MEDICAMENS , qui forment des livres , dont Ie volume énorme ejfraie , mais qui appauvrijfent vraitnejit VArt par une abondance ftérile ; de forte qu'il faut a mon avis , être ébloui par 1'éclat de leurs noms, & aveuglé en même-temps par les préjugés, pour fe perfuader qu'il en foit un fèul qui ait pratiqué'la Médecine avec la fimplicité requife.« Oui, Docteur, les plus fameux Médecins vantent la fimplicité dans la pratique de la Médecine; mais cette fimplicité ne confifte pas a retrancher les noms de quelques maladies , pour parortre fimplificr la maniere de traiter. Vous nous repréfentez ces illuftres praticiens, comme des gens- qui, par un aveuglement difficile a concevoir, jont en contradiclion avec eux-mêmes ,■ c'eft-a-dire que vous en faites d'habiles Médecins, qui ne connoiffent pas la Médecine , des gens fenfés , qui n'ont pas le fens commun , & des  DES PRINCIPES &c. 151 grands hommes, qui font des bêtes. Que cette maniere de louer & de blamer en même-temps, eft adroite & délicate , fur-tout lorfque, convaincu par le fentiment de fa propre foiblelTe, de la fupériorité d'un mérite tranfcendant, fous le poids duquel on fe fent écrafé-, on veut fe réferver 1'avantage de parottre jufte & judicieux , juge circonfpedt & réformateur éclairé, modefte & grand tout a la fois ! II eft vrai que ce> liftes ennuyeufes de médicamens contraftent finguliérement avec vos trois fpccifiques ; mais paree que quelques Médecins ont donné dans un excès, fautil que vous donniez dans 1'excès contraire1? Et n'y a-t-il pas de moyen géométrique entre un grand nombre & un petit 1 La fimplicité même, cette fimplicité vraiment Hippocratique , dont vous vous vantez par-tout d'être le reftaurateur & le modele , ne tient-elle pas le milieu entre toutes les hypothefes 1 N'eft-elle pas le point central oü vont aboutir toutes les lignes de la théorie & de la pratique 1 II n'eft pas furprenant que le volume énorme des livres de rnatieres médicales vous effraie ; vous avez peut-être peur des livres comme leshydrophobcs ont peur de l'eau ; & les enfans, des efprits &des revenans. G 4  j5a RÉFUTATION On s'appercoit clairement de cette bïbliophobie, a la fimple lecture de vos Ouvrages. Ils me tombent des mains malgré moi, lorfque vous citez Hippocrate , Boerhaave , Sydenham , &c. tantöt pour leur donner des camouflets, tantöt pour ïippuyer vos paradoxes; pour en faire tour-a-tour les Difciples & les Apötres de Terreur. Je ferois tenté de croire quelquefois que vous ne les avez jamais lus. La conféquence que vous tirez de votre bibliophobie , eft tout-a-fait jufte & modefte. On s'aveugle fur le compte de ces immortels praticiens ! On eft ébloui par l'éclat de leurs noms! II n'en eft pas un qui ait pratique la Médecine avec la fimplicité requifie! Ils jouiiTent donc d'une réputation ufurpée, tous ces illuftres Charlatans ! Ils ont tué fans doute , & ils ont fait croire qu'ils guérilfoient. Ils en ont impofé a tout TUnivers, & nous honorons encore la cendre des meurtriers & des bourreaux de nos peres! O Nature! Nature ! pourquoi es-tu fi avare de tes lecrets 1 Pourquoi as - tu reculé jufqu'a notre fiecle, Tépoque heureufe oü tu devois nous découvrir les fources les plus fécondes de la vie 1 Le Docleur devoitil donc être ton enfant gaté 1 Et n'au-  DES PRINCIPES • &«. 153 fois-tu traité tous les autres hommes que comme des batards 1 Concluons, Docteur ; il s'enfuit de votre propoiition que vous êtes le feul de tous les Médecins , qui ait pratiqué, qui pratique & qui prariquera jamais la Médecine, (fi qua fata; finant ) avec toute la fimplicité requifie: Pafibns k Partiele oü vous parlez avec tant de retenue & de circonfpeétion dela prétendue vertu de vos fpécifiques. n II feroit k fouhaiter, dites-vous, que Ti la compofition en fut connue. (a) Oui, Doéteur , pour le bien du Public , & non pour le votre. Le Publicfrémiroit, comme nous , s'il connoilfoit a quels dangers vous Pexpofez ; & vous ne tireriez pas long-temps parti de votre monopole.. * Je n'ai pas eu d'autre but depuis. r> vingt ans que je m'en occupe. A quoi vous occupez-vous depuis vingtans 1 Ce n'eft certainement pas a guérir 9 fur-tout fi vous n'employez pas d'autres remedes que les vötres ? Vous nous fakes trembler fur le fort de ceux que vousavez traités ; peut-être que. vous ferez. forcé bientöt d'avouer pour votre hon- (a), Méd. fimplif.- page fQ. G s  i54 RÉFUTATION neur que vous n'avcz pas quitté la pratique , faute de confcience, mais que la pratique elle-même vous a quitté , faüte de confiance. r> Dés que j'ai eu , (a) ajoutez-vous, » toute la certitude poffible de 1'efficacitc r> de mes remedes ( dont vous avie\ [urement fait Vexpérience aux dépens d'un grand nombréd'individus) nl'intérêt de n 1'humnnité ( que ce langage eft adroit ! Vhumanitél mais Pargent" Docleur Bartholo • c'eft bien ld le véritable argument irréfiftible O Cives! Cives ! qucerenda pecunia primum; Virtus poft nummos... • Horace.) n m'a fait faire la démarche nécelTaire pour les faire parvenir au Public par' une voie authentique. «• La voie la plus authentique étoit la connoifance publique de vos remedes , ou du moins le détail vrai & fincere des cas particuliers oh ils pouvoient convenir , fuivi d'une longue notice de ceux ou ils devenoient nuijibles. «Mais cette démarche, que je (a) Méd. fimplif. page ;o & jl.  DES PRINCIPES &c. 155 ii'ai voulu faire précóder ni de brigues ni dc cabales, ( on peut vous appliquer ici ce vers de Zaïre; Tout art t'eft étranger j tu n'en as pas befoin.) *> n'avoit d'autre appui que 1'importance •n de fon fujet; (cela eft raifonnable ; il s'agit de la vie des hommes ) n elle ne « pouvoit par conlequent être accueillie » favorablement dans un temps oü Pon n eft occupé de chofes fi elfentielles au, n bonheur des citoyens <*. Comment , Dofieur , vos fpécifique3 font fi efficaces! on eft occupé de chofes ejfentielles au bonheur des citoyens ! & le Gouvernement ne daigne pas feulement abbaifler fes regards fur vous ! Ah ! la fanté n'eft plus comptée pour rien fur Ia terre ; & vous n'obtiendrez plus de nouvelle penfion, avant. que vous n'ayez grailfé de pommade les yeux des grands & des plus grands.,. aveuglés, comme vous dites , par, les preftiges & les illufions que forment les brigues & les cabales de ceux qui les guériflent fans avoir recours a Peau digeftive. n Ce n'eft pas un mal que ces remedes V ne foient pas de fi-töt connüs. <* G 6  i56 RÉFUTATION Vous avez raifon, Docteur; moins vos fpécifiques feront connus, plus vous ferez de dupes. « Comme ces remedes dolvent opérer «une révolution & une réforme géné*>rale dans la pratique de la Médecine n & de la Chirurgie , ils auroient & effuyer r> tous les traits d'une envie intéreffée, ntrop féconde en artifices & menfonges; •» & par conféquent trop capable de fét) duire ceux qui n'ont point de connoifn fance de eet art. Je tombe a tes genoux, fublime réformateur de T'art; tu as furpris & prévenul'attente des nations ,• elles font dans 1'admiration , & la terre en filence; in eonfpeclu ejus filuit terra. Tu as dit; ego [urn Alpha & Omega 6c les peuples baifent la pouffiere de tes pas. DifparoilTez prétendus légiflateurs de la Médecine; une feule fiole d'eau digeftive contient plus d'élémens de fanté, que toutes vos pharmacopées volumineufes. Quant au refte de la phrafe , Doéteur, il eft encore plus beau & plus adroit que ee qui précede. J'ai vu bien des fois des Médecins de place imiter le ton & ufer des précautions des bons Médecins qui s'expriment comme vous.. Rien n'eft plus  DES PRINCIPES &c. 157 fin & mieux avifé , quand on annonce un fpecifique d'une efficacité équivoque & douteufe, que de prévenir le Public que tous ceux qui oferont en dire du mal, font des gens artificieux, envieux, intéreffés , menteurs , calomniateurs , féducteurs de ceux qui n'ont aucune teinture de 1'art, &c. Que vous connoiffez bien le coeur humain , mon cher Docteur ! que vous triompherez , lorfqu'on lira cette réfutation ! On s'écriera : n le Docteur 1'avoit bien prédit qu'on critiqueroit fa méthode ! Voyez, comme il a 1'efprit prophétique ! & il favoit pourtant que fa méthode étoit la feule bonne & la feule falutaire! mais le monde eft fi méchant, fi pervers, fi.... qu'on ne voudra bientót plus mourir , entre les mains des Médecins, fans favoir pourquoi. u n Mais n'étant pas d'abord connus, (le Docteur parle de fes (a) fpécifiques) « ceux qui feront ajfe\ o/e's pour les cri11 tiquer en aveugles , s'attireront le mé» pris des gens fenfés , de maniere que v> plufieurs de ceux qui ne guérhTent pas *> par les moyens ordinaires, ( & perfonne Ca). Méd. fimplif.. page ,1 & ;3..  158 RÉFUTATION « n'ignore que ce nombre ne foit des plus ti grands) recourront a une méthode efnficace annoncée par un homme de 111'art, qui s'eft entiérement dévoué a 111'étude des maladies chroniques , & qui « n'a pu faire ces découvertes qu'au prén judice de fes intéréts. <•<• Mais n'étant pas d'abord connus , &c. Comment, Docteur , vous comptez fur Yincognito de vos fpécifiques 1 Savezvous qu'on empoilbnne & qu'on tue, mais qu'on ne guérit jamais, incognito ?... C'eft bien la ce qu'on appelle fe couvrir de fon dernier retranchement ! Vous menacez du mépris des gens fenfés ceux qui oferont critiquer un remede inconnu ! les Charlatans de la Foire débitent tous les jours des remedes inconnus; les gens fenfés qui critiquent ces remedes feroientils dignes du mépris des gens fenfés qui ne les critiquent pas.1 Mais votre remede n'eft point inconnu , comme vous voulez le perfuader au Public, dans le deffein de lui faire croire enfuite que ceux qui ofent en révoquer 1'efficacité en doute, reffemblent a ces prorauateurs facrileges , qui moururent , dit-on , pour avoir touché Varche du bout du doig*. Vous croyez aux analyfes ou décompolitions chymi-  DES PRINCIPES &c. 159 ques ; car on dit que,vous vous connoiïïez beaucoup en cliymie : nous avons analyfé vos remede» ; que pouvez-vous demander de plus *J Que nous nous taifions peut-être 1 Avouez-le fincèrement ; ne nous céderiez-vous pas volontiers la moitic du bénéfice de vos lejjives, fi nous confentions a vous les voir débiter fans prévenir le Public fur les qualités de la marchandife 1 Peut-être uri jour viendra oü toute la Faculté, convertie par vos rombreux miracles, s'affociera avec vous, en applaudilfant a la bonne-foi avec laquelle vous prévoyez que tous les gens fenfés mépriferont ceux qui oferont critiquer vos remedes. Vous avez tout licu de vous attendre que ceux qui ne pourront être guéris par les motfens ordinaires , ne manqueront pas d'avoir recours aux moyens extraordinaires , c'eft - a- dire , aux vötres4? Le nombre des perfonnes non guéries par les moyens ordinaires eft certainement très-graud, puifque .... Contra vim mortis non eft medicamen in hortism 'Je vous félicite d'avance fur 1'affluence innombrable des malades, qui-des ex5-  i6o RÉFUTATION trémités de 1'Orient & de 1'Occident, du Nord & du Midi, viendront bientöt chez vous , par caravannes, comme les Pélerins de la Mecque, acheter la fanté par pintes & par mefures. Après avoit guéri d'abord toutes les maladies chroniques par trois moyens , vous finirez par les guérir , comme les fucceffeurs de Clovis guériffent les écrouelles, par le feul attouchement; vous ferez plus de miracles que le Prophete auquel Gabriel apporta le Koran , ou que la Vierge qui enfanta douze mille Prophêtes. Comment avez-vous encore la modeftie de vous affimiler aux Médecins, comme les élémens s'affimilent en chymie par affinité 1 Vous êtes un homme de l'Art, dites-vous i Mais votre empire en eft d'autant plus dangereux Qu'il rend de votre joug les peuples amoureux. Sertorius, Vous ralTemblerez autour de vous des millions de Difciples ; a la vue de cette foule prodigieufe de nouveaux adeptes, on s'écriera avec étonnement, en parlant de la Médecine. .,  DES PRINCIPES &c. 161 D'oü lui viennent de tous cötés, Ces enfans qu'en fon fein elle n'a point portés T Athalie. « Vous vous êtes, dites-vous , entiérement dévoué a 1'étude des maladies chroniques." Croyez-moi, Docteur,achevez votre cours d'études ; quelques années de College de plus ne vous nuiront pas , puifque vous avez déja fait tant de progrès. « Vous n'avez pu faire ces découvertes qu'au préjudice de vos intéréts, u Tout le monde peut s'alfurer qui des deux y perd le plus, du Public ou de vous. Au refte nous vous difpenfons du foin embarraffant de communiquer vos fecrets, en devancant de vingt ans 1'époque oü vous promettez d'en gratifier généreufement le public; tant nous craignons que, malgrétoute votre bonne volonté , des fecrets fi importans ne meurent avec vous. Nous ne finirions pas , fi nous prétendions relever toutes les petites gentillefles éparfes ca & la dans vos deux brochures ; en voici cependant une qu'il n'eft pas poffible de paffer fous filence, puifqu'elle 1'emporte fur toutes les autres, autant par le ton & par le ftyle  i62 RÉFUTATION que par 1'effet qu'elle doit (a) produire. n J'ai la fatisfacfion -de voir que dans cette Ville un grand nombre d'expériences (c'eft-a-dire cinq ou fix cas de la nature de ceux oü nous convenons de 1'efficacité de vos fpécifiques) , a depuis peu fait reconnoltre les vérités annoncées dans ce petit Ouvrage; ( vous ne parlez pas des expériences qui ont fait reconnoitre les faulfetés qui y font pareillement annoncées) & que la plupart des perfonnes les plus fenfées & les plus diftinguées n'en doutent plus (voila un moyen bien adroit pour fe procurer des témoins, fans compromettre pcrfonne & fans s'expofer aux contradiclions.) Malgré les cris douloureux de mes nombreux , mais vains adverfaires que la Médecine fimplifiée allarme, (voila une diatribe qui ne peut manquer d'intéreffer en votre faveur ; en effet votre Médecine fimplifiée eft un digne fujet d'allarme , & le nombre de vos adverfaires vous donne un air d'importance que vous n'auriez jamais cu fans eux. Mais qui font-ils ces vains adverfaires , que Vintérêt engage a mettre (a) Obfervations fur la petite vérole , pages 33 & 34-  DES PRINCIPES &c. 163 en jeu Vartifice , le menfonge , la calomnie même (a) , en un mot tous les refjbrts imaginables pour décréditer votre méthode (b) , au grand préjudice du Public , depuis trop long-temps la victime d'une pratique meurtriere (c) , qui ne confifte guere qu'd faigner, a purger , d corriger la bile par des acides (d) , fi meurtriere , ajoutez-vous (e) , qu'elle engendre plus de maladies dans une feule Ville , que tous les Médecins n'en guérijjent dans les Pays-Bas ? Savez-vous, Dofteur , que vos forties font terriblesl En vérité , vous êtes un petit méchant, un petit Cynique, un Diogene en petit, dont on doit bien fe garder ! Comme vous mordez a droite & ti gauche , avant même qu'on vous agace! Ah! ne craignez point que ces envieux & ces mercenaires qui prétendent connottre & qui connoiffent en effet la compolition de vos remedes, ne - (a) Précaution oratoire du Docteur. (b) Autre précaution du même genre. (c) Défintéreffement de 1'Auteur. (d) Aveu tacite de Ia nature de fon remede. (e) Hyperbole ou gafconnade , pour gagner la confiance.  i64 RÉFUTATION viennent vous ravir votre moijfon en infultant a votre bonhommie, (a) Comme on voit les frêlons, troupe lache & ftérile, Aller piller le miel que Pabeille difhle. les abeilles de votre efpece compofent un miel d'une nature toute particuliere; elles ne doivent point craindre les larcins des frêlons ; mais ceux pour lefquels ce miel eft diftilé , doivent bien en redouter 1'ufage. Ah ! Docleur anti-bilieux, \'otre imagination n'ctoit-elle pas e'chauffe'e par quelque matiere putride , lorfque vous avez enfantcce beau paragraphe4) (b) Vos inveclives, quoiqu'elles foient aigres comme du jus de limon , font tant foit peu bilieufes. (c) Ne feriez - vous pas tombé ici dans un délire putride ? (d) Et n'auriez-vous pas gagné, par contagion , le mal dont vous prétendez guérir tous ces Docleurs putrides & bilieux , armés (a) Ibid. p. 39. La bonhommie du Docteur !.. Sc Tartuffe ?. .. le pauvre homme ! (b) Méd. fimplif. p. II. (c) Ibid. p. 17. (d) Ibid. p. 60. I  DES PRINCIPES &c. 165 de purgatifs1*1. (a) Hélas! il n'eft que trop vrai, Docleur • chez vous, la bile pêche, il faut corriger la bile ; il faut purger cette bile, (b) fans vous confbndre pourtant dans la lie de ces Médecins fanatiquesbilieux , qui font fi courus a Bruxelles , quoique leur cervelle foit fouillée de matieres putrides & bilieufes. (c) (a) Ibid. p. 61. (b) Ibid. p. 6a. {c) Ibid. p. 63.  i66 r.éfutation CHAPITRE IX. Parallele du Docteur avec HippocratrQ Sydenham. X-Jn parallele entre trois grands hommes, quelle entreprife difficile ! Hippocrate , Docteur de YUniverfité d'Athcnes, Sydenham , Docleur de celle de Cambridge , 1'Auteur de la MédecineJïmplifiée, Dodeur de celle de Pardonnez , fu- blime difciple de Pythagore, li nous avons oublié 1'époque de votre theje doctorale , nous fommes convaihcus du mojns, en dépit de ces doutes & de ces réclamations étérnelles, auxquels vous êtes infiniment fupérieur, que vous avez fait de terribles licences en Médecine. Ne vous offenfez pas de la réiicence; vous n'en avez pas fujet, comme quelques Grands 1'auroient eu de s'ofïenfer des vötres. (a) Nous vous rendons toutefois un hommage fincere; vous aimez les ternes, & (a) Voyez Chapitre VIII, des Centillejfes du Docleur.  DES PRINCIPES &c. i6? nous allons faire un parallele ternaire; le mal nous a gagnés par contagion , fans nous en appercevoir ; & c'eft un mal qu'on ne guérit pas avec l'eau digeftive, la teinture martiale, & le régime. Pour nous en tenir fcrupuleufement a notre terne, nous ne parierons point ici de la faignée ; vous nous accuferez peut-être d'en avoir trop parlé... foit... Mais vous en aviez parlé trop peu , & votre traité de phle'botomie exigeoit un fupplément. II ne fera ici queftion que d'Hippocrate & de Sydenham , du régime convenable dans les maladies aiguës, des purgatifs que vöus profcrivez , de 1'émétique ... & de vous... O immortcl Hippocrate ! tu fus le Sydenham de la Grece, comme Sydenham fut 1'Hippocrate de 1'Angleterre ! mais le Docleur eft toutïi-la-fois 1'Hippocrate & le Sydenham de fa patrie ; il étoit le feul qui put affurer a Bruxelles la fupériorité fur Athenes & Cambridge , fur Londres & Paris , fur Pétersbourg & Stokholm , &c Hippocrate voyagea pendant douze ans pour s'inftruirc; le Docleur eft prêt a fe dévouer , a fe facrifier, comme lui, pour le bien de 1'humanité , en entreprenant même , s'il eft néceffaire , des  ï68 RÉFUTAT10N trajets de quinze lieues, (a) par mer & par terre, pour débiter la tante dans les bourgades & les villages. Le premier tranfcrivit a Ephefe les Tables de Médecine , qu'on y confervoit dans le Temple de Diane, & les Mémoires du Temple d'Efculape dans 1'ifle de Cos: le fecond , dédaignant de copier ceux qui 1'ont précédé & fier d'être en tout original, a donné lui - même des Tables nouvelles qu'une main profane & facrilege tremblera peut - être de copier dans la fuite des fiecles. L'un fut appellé & honoré sa la Cour des Princes & des Rois ; 1'autre les fera (b) rougir aux yeux de la poftérité de ne lui avoir pas rendu cette juftice. Le premier rejettoit avec hauteur les riches préfens du plus puiffant defpote de TAfie; le fecond forcera , par fes farcafmes falutaires, les maitres de la terre a faire refluer jufqu'a lui ces tréfors & ces diftinétions qu'ils aviliffent & proftituent, en les prodiguant a 1'ignorance & a la préfomption. Athenes décerna des couronnes (a) Méd. fimplif. pag. 160. (b) Voyez le Chapitre VIII des GentilleJJis du DoSeur.  DES PRINCIPES &c. 169 couronnes d'or au defcendant d'EfculaI pe; (a) Argos lui cleva des ftatues; ion I nom fut placé de fon vivant même dans Ila lifte des demi-Dieux a cöté de celui d'Hercule; & déja celui du Docleur , qui prévient par les éloges qu'il fe donne le jugement de fes contemporains , figure a la tête du catalogue des Héros del'empyrifme entre ceux des Synalus (b) & des Butler. L'un , par une modeftie fans exemple , par une fage défiance de lui-même , par la noble ingénuité avec laquelle il convenoit de fes fautes, par le généreux idéfintérelfement avec lequel il commu- ! (a) On prétend qu'Hippocrate étoit Ie l8me. jdefcendant d'Efculape. en ligne directe ; le iDocleur en defcend probablement auffi; mais ion ignore de quel cöté, vu que ce pere de la Médecine a laifle un grand nombre de ba«ards, d'oü font venus les Charlatans , &c. iNous Ie refpedons trop , pour lui imputer icette irrégularité d'extradion. ] (b) Synalus , Médecin d'Annibal, qui vivoic idans le 3Sme. fiecle du monde , guériffoit fes taalades par les enchantemens. Anciennement, iit M. Eloi, ceux qui fe mêloient de la Méilecine , cachoient leurs procédés fous le voile .nyftérieux des enchantemens & des incanlations; aujourd'hui les détours obliques , les «nenées baffes , la fouplefle adroite font les alens qui réuffiflent a faire des dupes. H  i7o RÉFUTATION niquoit fes connoiffances & fes découvertes aux étrangers, raontra que c'ótoit plutöt par principe d'humanité que dans la vue d'acqucrir de la gloire & d'en tirer du profit qu'il exercoit fa profeffion : 1'au- tre Mais ici le parallele eft en défaut. II y a plus d'adreffe fans doute a pallier fes fautes qu'a en convenir. A la place d'Hippocrate , le Doc/teur n'eut jamais avoué qu'il avoit été la caufe de la mort A'Antonomus, & que dans une épidémie, de 42 malades, il n'en avoit fauvé que 17. Lifez, M. le Dodleur , le ferment que ce grand homme exigeoit de fes difciples avant de les initier aux fecrets de 1'art. Que leur enjoignoit - il fur toutes chofes dans le traitement des maladies 1 D'ordonner a leurs malades le régime qu'ils jugeroient leur être le plus convenable. Hippocrate diftinguoit donc différente? fortes de régimes , bien éloigné en cela de penfer comme vous , qui prefcrivez toujours le même indiftinétement a tous les fujets, fans avoir égard a la différence des circonftances. Or fur quelles confidérations établiffoit-il la connoifi'ance diagnoftique du régime qui pouyoit convenir a chaque individu en particu-  DES PRINCIPES &c. ï?t lierl Sur quatre principales ; favoir, i°. la durée de la maladie & les forces du malade; a°. 1'age & le tempérament du malade; 30. la violence du mal ; 40. la faifon de 1'année & la température du climat. Eft-il raifonnable de croire que des hommes qui n'auront d'autre fecours, d'autre confeil, d'autre Médecin, que votre Livre, puiffent porter 1'efprit d'obfervation jufqu'au point de faire toutes ces réflexions dont la plupart vous font échappées ïi vous-même 1 Hippocrate, fi 1'on s'en rapporte a vous , n'ordonnoit dans les fievres que la fimple tifanne d'orge pour régime & pour remede. (a) Avez-vous oublié qu'il prefcrivoit encore le mélicrat ou l'eau miellée , & 1'oxymel qui , felon lui , eft d'un grand fecours dans les maladies aiguës, fur-tout lorfqu'il faut faciliter i'expeétoration & rendre la refpiration plus aifée 1 II ajoute même que la partie acide de cette boiffon eft très-falutaire aux tempéramens bilieux , dans les fievres ordinaires, pour avancer la fécrétion des humeurs , lorfque la nature eft trop lente. II ordonnoit le vin jaune fpiritueux (a) Méd. fimplif. p. ij. H 2  i7a RÉFUTATION aux fujets qui avoient 1'eftomac froid lorfqu'ils n'avoient ni délire ni pefanteur it la tête. Dans les maladies malignes, il employoit avec fuccès le vin noir auftere., ( efpece de vin modérément aftringent) lorfque 1'eftomac &le ventre du malade abondoient en matieres pituiteufes ou glaireufes., &c. pourvu néanmoins qu'il n'y eüt pas d'indications contraires qui le déterminalTent a en fupprimer 1'ufage. Vouloit-il exciter ou favorifer une cnfe par les urines ou la tranfpiration "I il employoit les décoaions des plantes (a) adoucilfantes & délayantes. Vous avez dópouillé la Thérapeutique de tous ces moyens curatifs, fans les remplacer .par d'autres moyens plus efficaces. Vous excluez du régime jufqu'au vin du Rhin , un des cordiaux anti-feptiques les plus légers & les plus falutaires, paree que vous fuppofez toujours dans vos fujets affez de force pour réfifter a la violence du mal. Vousiiouscbjeaerez peut-être que vous ne les affoibliffez pas par de fortes fat- (a% Hippocrate employoit les fimples dans ie traitement des maladies. On allure qu'il connoiffoit prés de 200 plantes ufuelles. Le JDocleur n'en connoit point 1'ufage.  DES PRINCIPES,. &c. 173 gnées ; & quoi 1 Hippocrate les affoibliffoit-il 1 Non. Mais il ne laiflbit pas,comme vous, toute la machine s'embrafer par un feu deftruéteur ; il n'avoit recours aux moyens violens que lorfqu'ils étoient né~ cefiaires ; c'eft dans ces cas-la même que vous femblez profcrire jufqu'aux moyens les plus doux; & vous laiffez mourir vos malades avec toutes leurs forces. L'émétique & les purgatifs font deux moyens puilfans & héroïques quele Docteur exclut encore du traitement des fievres. Comment ofe-t-il donc jurer fans ceiTe par Hippocrate , dont la methode par-tout en contradiftion avec la fienne, ne paroit jamais lui être plus diamétralement oppofée, que dans 1'ufage que celui-ei prefcrit de ces deux fortes de remedes , dont la pratique de tous les fiecles a tant de fois démontrc les avantages & même la nécefïjté. Le Médecin de Cos ordonnoit les vomitifs , non - feulement dans les flux de ventre immodérés ou fymptomatiques , & dans quelques autres maladies chroniques , mais encore dans les premières attaques de quelques fievres, par exemple dans le commencement d'un caufus , « lorfque le malade avoit la bouche amere, la langue charH 3  i74 RÉFUTATION. gée, des rapports, des foulevemens d'eftomac, comme il arrivé fouvent au commencement des fievres bilieufes & putrides , " paree .que , dit M. le Clerc, 1'amertume de la bouche, les naufées , les vomiflemens indiquent que Peftomac & les inteftins font le fiege ou le foyer de la fievre; en effet, dans ce cas, la matiere morbifique eft bien moins dans les vaifleaux fanguins que dans les premières voies. " Les fievres ardentes nous en fournifient quelquefois des exemples frappans; fi le Docleur veut s'en convaincre , qu'il life 1'hiftoire de ce jeune homme de la place des menteurs qui fut attaque d'une fievre ardente , dont Hippocrate nous a laiffé la defcription. p li convient en général , dit Hippocrate (a) , de purger en hiver par le bas & en été par le vomiflement. 11 Ceux , ajoute-t-il, (b) qui vomiflent difficilement & qui font médiocrement charnus , doivent être purgés par le bas, & non pendant les chaleurs de Pété : aulieu que ceux qui font maigres & qui vomiflent (c) aifément,doivent être pur- (a) Aphor. 4. Seéï. 4. (b) Aphor. 11. Seft. I. (cl Aphor. 7. Seét. 4.  DES PRINCIPES &c. 175 gés par le vomiffement, hors Thiver. <* 11 La raifon de cette pratique, dit M. Aubri, vient de ce que la bile , durant les chaleurs de 1'été, eft communément plus dominante; qu'elle devient acrimonieufe en cette faifon ; qu'elle reflue fouvent a 1'eftomac ; qu'elle y dégénéré en fe putréfiant ou autrement, & qu'elle occafionne des naufées , des maux de cceur, &c. ce qui , dans ce cas, exige le vomiffement (a) , comme la voie la plus commode & la plus courte. <* Voila , M. le Docteur , les principaux points de la doctrine d'Hippocraïe fur les vomitifs. Ce grand homme, non content de marquer les faifons oü ces fortes de remedes doivent être employées , & les tempéramens capables de les foutenir, indique encore les époques oü ils peuvent devenir nuifibles & les maladies dans lefquelles ils ne conviennent pas. Quelle raifon avez-vous eu de les profcrire 1 Eftee paree que 1'abus qu'on en a fait a été quelquefois pernicieux 1 A ce compte, ne devroit-on pas profcrire , je ne dis pas feulement toute efpece de remedes , mais les alimens même, & tout ce qui, (a) Aphor. 6. Sect. 4. H 4  i?6 RÉFUTATION par un ufage prudent & modéré, concourt a la confervation phyfique, morale & politique du genre humain ? Regardez-vous les vomitifs dans la Thérapeutique, comme des branches inutiles qu'il faut élaguer, ou ne vous flattezvous pas d'y fuppléer par votre extrait digeftif 1.... Credat Judaus Apella , Non ego Hippocrate, dans les maladies aiguës, ne préparoit pas feulement les voies a la Nature par le moyen des vomitifs ; mais dans les cas oü il ne pouvoit s'al» iürer de eet avantage , il purgeoit par le bas dans le commencement & dans le déclin du mal, fouvent le quatrieme jour. n Purgez, difoit-il, au commencement de la maladie (a) , s'il en eft befoin. Le malade jouit encore de toutes fes forces : fi vous laiffez échapper cette occafion favorable de le faire dans les commencemens , vous ferez obligé de diflerer jufqu'au déclin. Mais alors la longueur du mal a épuifé les forces du malade ; quand (a) Aphor. 33. Verf. de Duret.  DES PRINCIPES &c. 177 Ia maladie eft a fon plus haut degré de force, il vaut mieux fe tenir tranquille, Telle étoit la fageffe de ce grand Maïtre, & la connoiffance profonde qu'il avoit de la Nature , qu'il fembloit toujours fuivre fes opérations pour les diriger au but oü elle paroifibit tendre ; tantót en la fecondant par les vomitifs , lorfque la matiere morbifique , encore flottante dans les premières voies, feprêtoit d'elle-même a une évacuation facile par le haut ; tantöt en précipitant cetfe matiere par les felles , lorfque les douleurs fe faifant fentir audelfousdu diaphragme, annoncoit qu'elle étoit defcendue dans les intcftins. Hippocrate prefcrit encore la purgation tant que les urines font craiTes & épahTes ; lorfqu'elles font tenues, il la défend. II ne faut jamais purgcr dans les commencemens que quand la matiere eft mobile.,. .ou que quand les humeurs font en parfaite coction. Ce précepte excellent eft ce que les praticiens appsllent 1'Aphorifme d'or d'Hippocrate. Ainfi vous voyez,. Docleur, combien vous êtes au - dciTus de la riche fimplicité de ce fage Médecin , puifque pour réduire 1'Art a fes moindres termes , fans paroitre vous écarter de fa méthode, vous n'avez pas cru H 5  i78 RÉFUTATION trouver de plus sur moycn que de tronquer fa Thérapeutique. Examinons maintenant quel rapport il y a entre Sydenham & vous , & li vous méritez , comme lui, le pompeux éloge qu'en fait le grand Van Swieten , Nunquam fatis laudandus Sydenhamus ; & eet autre plus pompeux encore qu'en fait le célebre Boerhaave; Unum exirniurn habeo Thomam Sydenham , Anglice lumen , artis Phasbum ; cujus ego nomen fine honorifica prcefatïone memorare erubeficerem : quem quotiescontemplatur, occurrit animo vera Hippocratici viri fipecies, de cujus erga Rempublicam medicam meritis nunquam ita magnificè dicam , quin ejus id fit fuperatura dignitas. * Au-delTus de la iphere de la Médecine & du vulgaire des Médecins, s'éleve & plane le fameux Thomas Sydenham , dont je rougirois de prononcer le nom fans lui payer le tribut d'éloges qui lui font dus. Toutes les fois que j'envifage & que je contemple ce grand horome , il me femble voir en lui le flambeau de 1'Angleterre , 1'Hippocrate de fon fiecle, ou plutöt le Dicu de la Médecine , dont il a mérité fi juftement la reconnoiffance & les hommages par tant de bienfaits fignalés, que les louanges  DES PRINCIPES &c. ifg même les plus magnifiques , dont je pourrois le combler, feroient toujours beaucoup au-deiTous de la grandeur du fujet. <*Oppofons a ces éloges celui dont vous prétendez 1'honorer, en avancant que « che\ les pauvres (a) il guérifibit les fievres fans remedes. Guérir lans remedes , bon Dieu ! quand même un Médecin s'en tiendroit au feul régime , pourroiton dire encore qu'il guérit fans remedes"} S'il étoit vrai que Sydenham eüt guéri les pauvres par cette méthode , n'auroitil pas trompé les riches, en les guériffant d'une autre maniere ? II n'eft pas étonnant que vous foyez quelquefois inintelligible , puifque fouvent vous ne vous entendez pas vous-même.Si vousregardez les mots remedes Sz médicamens , comme fynonimes, vous êtes dans Terreur la plus groffiere oü puifie tomber un homme de 1'Art. Tous les médicamens font des remedes; mais tous les remedes ne font pas des médicamens : le dernier de ces mots n'esprime qu'une idéé particuliere ; & le premier, une idéé générale. D'ailleurs , fuppofez même que par remedes, on düt entendre feulement les médica- (a) Méd. fimplif. page 28. H 6  i8o RÉFUTATION mens, votre affertion feroit encore fauffe dans toute 1'étendue du terme , mats d'une fauffeté fi frappante , que votre bonne foi même & votre candeur pourroient quelquefois devenir fufpedles a ceux qui ne vous connoiffent pas affez , pour vous croire ennemi du menfonge & de Pimpofture. .. . Non , non , Docleur , jamais Sydenham ne fut tout a la fois Médecin chez les pauvres, & Charlatan chez les riches.,. . Vous prétendez vous couvrir de fon nom immortel, comme d'une Egide impénétrable a tous les traits. Le loup s'eft revêtu quelquefois de la peau de Pagneau, & 1'ane de celle du lion ; mais jamais le loup n'eft devenu agneau; jamais 1'ane n'eft devenu lion ; vous êtes peut-être Sydenham par la Métempfycole ; mais les ames ont des principes énergiques qui s'émouffent & s'énervent par un long ufage. Voyez comme Sydenham traitoit les pauvres dans les fievres ; lifez ; voici votre lentence fous vos yeux. n Lfne chofe que je ne veux pas paffer fous filence, (dit ce célebre pratictcn (a) en parlant des fievres continues) c'eft que (a) Méd. prat. de Sydenham , traduéhon de M. Jauk. page 33.  DES PRINCIPES &c. 181 foüvent étant appelle pour aller voir des gens du commun , dont les facultés ne leur permettoient pas de dépenfer beaueoup en remedes , je ne leur ai ordonné autre chofe, après les avoir fait faigner & vomir, quand Pindication le demandoit, tinon de demeurer au lit tout le temps de leur maladie , de fe nourrir feulement de décocfion d'avoine & d'orgc , ou autres femblables , de boire modérément, & fuivant leur foif, de Ia petite biere, la faifant ticdir auparavant , & de prendre chaque jour ou de deux en deux jours, jufqu'au dixieme ou onzieme de la maladie , un lavement de lait avec du fucre. Vers la fin de la fievre , lorfque la féparation de la matiere morbifique étoit commencée, je leur permettois , pour Paider, fi elle fe faiibit top lentement, d'ufer de temps en temps d'une boilfon plus forte, au-lieu de cordiaux. Tout ce que je faifois de plus , étoit de donncr a la fin de Ia maladie un léger purgatif, & de cette maniere je les guériffois, u Eh ! bien , Doaeur , Sydenham guériffoit - il les pauvres fans remedes4] N'ordonnoit-il pas la faignée, les vomitifs, les lavemens, les purgab.s, &c 1 Vous voulicz vous appuyer ïur  18a RÉFUT ATION nn chêne ; mais ce chêne eft devenu roieau encre vos mains. Le rofeau s'eft brilé & vous vous êtes percé la main. Ce ieul paflage de Sydenham i'uffit pour vous condamner fans appel ; mais quelques mots fur fa méthode générale ajouteront un nouveau degré de force a notre raifonnement. Sydenham fut 1'éleve & le difciple de. la Nature ; éclairé par le flambeau de 1'obfervation , il en devint 1'hiftorien ; il la fuivit pas a pas dans fa marche & dans fes écarts; il ne pouvoit s'égarer , puifqu'il avoit pris Hippocrate pour guide & 1'expérience pour maitre ; r> C'eft ainfi, dit M. Eloi, qu'en Architecte habile & judicieux, il a bati, fur les plus folides fondemens , un édifice plus durable quele bronzc & 1'airain , oü la critique & 1'envie font plus d'une fois venues fc brifer. u II favoit fi bien proportionner les fecours de 1'Art aux befoins de la Nature, que la fimplicité de fa Thérapeutique eüt pu faire croire, dans certains cas , qu'il guériflbit fans avoir recours aux remedes. Qu'on parcoure néanmoins toutes les recettes éparfes ca & la dans fes Ouvrages , on fe convaincra qu'outre la faignée , les vomitifs & les purgatifs, il employoit  DES PRINCIPES &c. 183 encore dans la pratique plus de 200 médicamens ; preuve évidente qu'il ne guérilToit pas fans remedes, comme le prétend le Docteur, mais qu'il favoit les adminiftrcr a propos & s'en fervir avec économie , fans donner dans 1'un ou 1'autre de ces excès oppofés qui cara£térifent la timidité ou 1'iinprudence , 1'avarice ou la prodigalité. Qu'ils font rares maintenant ces habiles praticiens , qui doués d'un grand fens & d'un taét fin & délicat, favent , comme Sydenham , déterminer les circonfiances oü la Nature, fe fuffifant a elle-même , femble dédaigner 1'appui des forces étrangeres, pour triompherdu mal; & celles oü , prête a fuccomber fous les coups d'un ennemi deftruéteur, elle implore le fecours de la main bienfaifante qui doit la loutenir dans le combat! Combien de fois Sydenham ne s'eft-il pas fervi avec le plus heureux fuccès de la teinture ó'opium, qui porte fon nom , pour calmer des douleurs infupportables , pour rendre le repos & la tranquillité aux fens trop agités & favorifer les criles ! Combien de fois , par le" moyen de ce remede, n'a-t-ii pas arraché des bras de la mort, des malheureux prêts a devenir les viétimes de la goute , ou d'une métaftafe  184 RÉFUTATION de la matiere morbiiique répercutée fur les vifceres nobles ! &c. Combien dé fois enfin n'a-t-il pas arrêté, par le même moyen , des évacuations trop abondantes , & même mortelles ! Ufez-en , Docteur, avec prudence a 1'exemple de Sydenham ; vous éprouverez que le Laudanum eft un calmant admirable, fur-tout dans les douleurs néphrétiques, &c. Sydenham, qui ne craignoit pas que 1'expérience ne démentit les vertus de ce fpécifique, qui par des effets prompts & furprenans, pouvoit en impofer jufqu'a la féduaion , Sydenham , dis-je , facrifiant au bien de 1'humanité le profit qu'il pouvoit tirer cle cette utile découverte , rendit fon fecret public , fans attendre qu'il fe fut enrichi par un monopole de vingt années ; monopole indigne d'un homme qui fait que les autres hommes font fes freres , d'un citoyen qui aime vraimentfa patrie, & fur-tout d'un Médecin qui doit eftimer & chérird'honneur de la profefiion a i'ógal de fon honneur perfonnel. Mais vous avez eu raifon d'adopter un fyftême tout différent; l'eau digeftive eft bien d'un autre prix quele Laudanum. Retournez fur vos pas, M. le Doaeur;  DES PRINCIPES &c. 185 vous avez franchi les bornes de la théorie de Sydenham , lans vous en appereevoir , comme le lévrier agile dépaiTe fouvent le gibier, au-lieu de le faifir. Faites une attention fcrupuleufe a fa maniere de traiter les fievres ; & vous jugerez alors vous même s'il y a la moindre reffemblance vraiment marquée entre fa méthode & la votre. II vous apprendra qu'il y a certaines fievres qui exigent chacune un traitement différent, que les unes fe guériffent par la diete feule , les autres par les fueurs ; celles-ci par la faignée , les vomitifs , la purgation ; cellesla lans évacuations fenfibles; que dans leur traitement, il faut avoir égard a la conftitution de 1'année , a la faifon , au tempérament du fujet, a fon régime antérieur, aux fymptómes du mal, &c. comment on peut aider ou opérer la coclion de la matiere fébrile , & par quclles voies elle doit être évacuée; que ia fievre qui regne dans le printemps ne doit pas être traitée de même que celle de 1'automne, ni celle d'hiver comme celle d'é;é , quoiqu'elles femblent porter 1'empreinte du même caraétere ; que la fievre d'une année n'a fouvent que des rapports très-éloignés avec celle de 1'année précé-  i86 RÉFUTATION dente; enfin que le régime & les remedes doivent fuivre les mêmes variations que les conftitutions épidémiques & individuelies ; que le moyen qui guérit dans un temps, tue dans un autre, quoique les circonftances foient les mêmes en apparence; & que les tempéramens même ne fourniffent fouvent au praticien que des indications trompeufes , paree que les difpofitions conftitutionDelles dépen^ dant de la complication de plufieurs caufes irrégulieres, le mal plus difficile a démafquer, femble, comme un nouveau Protée , fe jouer de la prudence du Médecin qu'il jette dans 1'incertitude , & fe dérober avec adreffe a 1'afcendant des moyens curatifs, dont le choix devient alórs problématique. Ces principes , M. le Do&eur , font auffi évidens & auffi inconteftables , que les axiömes qui fervent de bafe & de fondement a toutes les feiences phyficoMathématiques;. comment fe peut-il faire qu'un Médecin tel que vous les ignore *).... Citez maintenant Sydenham , & faites-en le Dieu de 1'empyrifme ; vous avez bien befoin du fecours d'un Dieu pour foutenir 1'édifice que vous avez bati fur le fable. Quelle relfource affreuie offrez-vpus  DES PRINCIPES &c. iB? a ceux que vous prétendez afFranchir du joug fervile de la Médecine & des Médecins !.. . Mais qu'importent qu'ils ie tuent eux-mêmes , pourvu que vous débitiez vos fpécifiques "i Selon vous, toujours même régime dans les fievres ; point de remedes, point de diftinclion de tempéramens, de faifons , d'ftge, &c. & voila comme vous vous vantez de guérir ! Guériffez - vous donc vous - même de cette manie de réforme qui s'eft emparée de vous, je ne fais comment, & rappellezvous que de notre temps on eüt appliqué a Paracelfè ce vers d'Horace.. . .... Anticyram ratio tibi deftinat omnem. Les anciens repréfentoient Janus avec deux têtes ou deux vifages; allégorie ingénieufe qui marquoit que ce Dieu connoiflbit égalcment le paffe & 1'avenir, & qu'une érudition pieufe a voulu appliquer a celui qui fauva les derniers débris du genre humain enféveli fous les eaux. Cet emblême vous conviendroit affez , M. le Docleur ; on pourroit vous peindre avec deux mafques , celui d'Hippocrate d'un cöté , & celui de Sydenham de 1'autre , pour montrer que vous con-  188 RÉFUTATION noifiez auffi-bien la Médecine des anciens que celle des modernes. Cette idéé la me plak paree qu'elle eft originale , & d'ailleurs elle eft conforme a la nature de fon objet. Vous avez voyagé en effet dans le monde médical, autant que 1'Amiral Anfon fur la furface de notre globe. Vous avez vu les deux hémifpheres de Va Médecine , le vieux & le nouveau continent ; mais il eft malheureux pour nous que vous n'ayez pas tenu un journal exatt de vos découvertes. Quoique vous n'ayez été ni a Cos, ni a Londres, vous favez cependant fi bien peindre d'après les antiques & les deifins modernes , qu'il paroït que fi vous avez copié Hippocrate óc Sydenham, c'eft plutót fur quelques vieilles médailles que d'après leurs Ouvrages : ce n'eft pas une mal-adrelfe ; vous vous êtes moulé fur Tachenius ; a la vue de fa marche & de fes écrits, vous vous êtes écrié, comme le Correge a la vue des tableaux de Raphaël; Anch'io fon pittore ; & vous êtes devenu Médecin comme Tachenius.  1 DES PRINCIPES &c. 189 C H A P I T R E X. De la Nature & des effets des fpécifiques du Docleur. T -■—'Es réflexions répandues ca & la & jettées au hafard dans le cours de eet Ouvrage , fur la nature & les efFets des fpécifiques du Docleur , femblcroient devoir nous difpenfer d'en faire un article féparé, fi nous n'avions pas tout lieu de craindre qu'il ne nous accusat avec fa candeur ordinaire, d'avoir voulu calomnier fes remedes fans les avoir analyfés. Rien n'infpire plus d'audace aun Charlatan que 1'ignorance réelle ou fuppofée du Public , il en eft de même de certains DoCleurs a fecrets, efpece d'animaux amphies , qu'on ne peut placer ni dans la claffe des Médecins, ni dans celle des Charlatans, mais qui préferent fouvent la gloire chimérique de briller dans une claffe inférieure a 1'humiliation plus chimérique encore de ramper dans une claffe plus élevée. Céfar eüt mieux aimé être Ie premier dans une chétive bicoque,  i9o RÉFUTATION que d'être le fecond dans Rome. Ets'il eüt exercé Part de guérir , il auroit fans doute préféré d'être le premier des Empyriques , plutót que le dernier des Médecins.Ces réflexions font trop vagues & trop générales , pour vous toucher; ce n'eft point la haine, mais 1'humanité qui nous les dióte ; que votre aveuglement foit volontaire , ou qu'il ne le foit pas, nous vous lailfons le foin de vous en punir vousmême, en nous réfervant feulement le droit de plaindre votre fort... & fur-tout celui de vos malades. Heureux ceux que vous avez guéris ! Plus heureux encore ceux qui n'ont pas cherché a 1'être par vos moyens ! Avouez en effet que votre méthode eft une vraie loterie , & que fi Pon parioit pour la vie ou pour la mort des fujets qui font un long & fréquent ufage de vos remedes, il y auroit toujours au moins fept chances malheureufes contre une feule chance falutaire. Nous n'exagérons point, M. le Docleur ; nous allons vous donner la preuve de ce que nous avancons, après avoir décompofé vos fpécifiques; nous n'omettrons aucune circonftance du détail de cette décompolition , afin que vous foyez vous-même votre juge. Vos moyens étoieht fufpecls  DES PRINCIPES &c. 191 avant Panalyfe ; & Panalyfe n'a fait que confirmer les foupcons. Si le bien public ne nous impofoit pasledevoir de divulguer ce prétendu fecret qui intéreffe la fanté de tous les membres de la fociété , nous n'aurions pas même fongé a traverfer votre trafic. Voici le moment arrivé oü nous devons lever le voile, qui couvroit un myftere dangereux; les preftiges vont s'évanouir ; Perreur rentrera dans la nuit éternelle; le menfonge, couvert de confufion ,.frémira de douleur & de défefpoir ; la Vérité percera lesnuages qui éclipfoient fon front majeftueux; la Médecine triomphante écrafera le Charlatanifme abbattu fous les pieds, elle le chargera de cent chaïnes d airain, &. .. Centum vinclus ahenis Toji tergum nodis frtmet korredus ore cruento. Virgile. Vous vous récrierez peut-être , M. le Docleur , fur Panalyfe de vos fpécifiques ; vous prétendrez qu'elle manque de précifion & d'exaclitude ; c'eft-la toujours la derniere refiburce des adeptes de votre forte ; mais il ne tiendra qu'ïi vous d'être  i92 RÉFUTATÏON témoin avec tous vos amis de la décompofition chymique. Peccator videbit & irafcetur , dentibus fuis fremet, & tabefcet; defiderium peccatorum peribit. Souvenez-vous toujours que fi votre intérêt particulier nous eft cher, nous devons encore plus chérir 1'intérê.t géncral de la fociété. ANALYSE Des Spécifiques du Do&eur. EXTRAIT d'une Lettre de Bruxelles, du 10 Juillet 1783. PArdonnez, Monfieur, fi j'ofe interrompre le cours de vos obfervations & de vos travaux; mais comme je fuis perfuadé qu'ils n'ont d'autre but que le bien de 1'humanitc , & que 1'amour de la Vérité eft la feule pafiion qui dirige toutes vos démarches, j'ai tout lieu de croire que vous verrez avec plaifir 1'analyfe chymique que je viens de faire de ce Polichrefte cauftique & brülant, que M. le  DES PRINCIPES &c 195 le Médecin D. F. débite fous la fauffe dénomination cYextrait digeftif. Chaque pinte coüte fix efcalins, & je m'en fuis procuré un afTez bon nombre, pour me convaincre que la manipulation employée. par le Docleur dans la compofition de ce prétendu fpécifique, eft irréguliere , fans poids & fans mefure, & abfolument contraire aux principes de 1'Art. Quant au fpécifique lui-même, je me fuis convaincu en le décompofant, que ce n'eft autre chofe qu'un alcali lixiviel, tiré des végétaux par incinération , par exemple de la potaffe & de la cendre des foyers, tel en un mot que la leftive ordinaire des lavandieres, & diffous dans une certaine quantité d'eau, chargé cependant d'une plus ou moins grande quantité de phlogiftique. Le Médecin D. F. jaunit cette liqueur avec le faffran , & la colorc a fon idéé, tantöt plus, tantöt moins, vraifemblablement pour la mafquer. II en eft de même de la liqueur, dont deux pintes difFérentes ne font prefque jamais également faturées de fubftance faline. Pour m'aflurer que la bafe de ce prétendu remede univerfel n'étoit qu'un alcali végétal phlogiftiqué Je me fuis borna I  m RÉFUTATION è en faturer les trois acides minéraux. Cette panacée combinée fucceffivement avec ces trois acides, m'a produit par évaporation & par refroidiffement les trois reiultats fuivans; Combinaifons Réfultats. i0 Avec Vadde vhriolique ... du tartre vittiolé. Avecl'acide marin... du fel fébrifuge de Sylv.us. . 4». Avec 1'acide nitreux ... du falpêtre ordinaire. Après avoir ajouté au réfidu defféché de ce dernier même volume de charbon vc»étal pulvérifé, j'ai mis ce mélange dans une cuillere de fer ; j'y ai mj>1« feu & il s'eft fait une explolion ietnbiable a celle de la poudre a canori ; ce .qu'ayant réitéré avec de 1'alcah phlogttttqué, ou plutót avec des eendjes gravelécs , j'ai obtenu le même refukat & le même effet. Mais il n'en a pas eté de même, lorfque je Pat voulu combmer avec Palcali fixe , traite felon 1 art ■ II réfultc de cette décompoiition , 1° que le prétendu extrait digeftif eft un cauftique mordant, déchirant, penetrant; a° que le procédé du Dofteur dans la compofition de fon remede eft d'autant plus dangereux.qu'il eft irrégulier , puil-  DES PRINCIPES &c. i9S qu'il ne met aucune égalité, aucune proportion dans la faturation de chaque pinte de liqueur; 3°. que dans 1'ufage qu'il en fait faire, il devroit favoir la quantité de particules acides que renferme chaque eftomac, pour en produire la faturation parfaite, paree qu'il doit toujours pécher par défaut ou par excès; par défaut, lorfque Palcali n'eft pas en quantité fuffifante pour opérer la neutralifation des acides; par excès, lorfqu'après avoir opéré cette neutralifation , il refte une furabondance d'alcahs qui doivent naturellement produire les plus grands ravages. Permettez-moi encore une réflexion, Monfieur; il paroit par le foin que le Dofteur a pris pour dégnifer la nature de Ion remede, qu'il avoit deflein d'en impofer aux gens de 1'Art par une de ces fupercheries fi groffieres & fi frappantes, que le moins inftruit des éleves en pharmacie n'en feroit pas la dupe. L'Empyrifme a beau vouloir fe traveftir; on le reconnoit toujours fous le mafque. Mais il importe au bien & au falut de la fociété qu'il foit promptement démafqué , de peur qu'en s'accréditant par quelques fuccès éphémeres, & par la conüivence inexcufable de ceux qui deI 2  I96 RÉFUTATION vroient réclamer contre fes abus pernicieus, il ne profite du voile perfide de incognito, pour répandre par-tout fon poifon deftruaeur. Au refte , que le Docleur , avant de fe mêler de compofer fes Stendus fpécifiques, faffe au moins un petit cours de pharmacie , pour apprendre a mieux determiner les dofes; ou qu ü abandonne ce foin è ceux qui en ont la connoiffimce. Ce n'eft pas d'aujourdhu qu"on fe fert des alcaüs & des remedes ïnXucs aux Gens. Mais il faut quils foient3 adminiftrés par des praticiens d une prudence confommée, &c. C'eft a vous, MonGeur, & aux Médecins éclaires comme vous , qu il apparüent de prévenir le Public d'une maniere étendue fur les fuites funeftes que peut avoir 1'ufage imprudent & peu reflechi d'un fel capable de produire les efFets e, plus dangereux dans 1'cconomie animale. Je fuis avec tous les fentnnens, &c. Bruxelles , le 10 Juillet 1783. DE ROOVER, Apothicaire. p S Quant ala pommade, que le Docteur'décore du titre pompeux de pommade générale , voici les obfervations que S a fourni 1'analyfe fur ce remede, connu  DES PRINCIPES &c. 197 bien long-temps avant M. D. F. quoiqu'il 1'annonce fous un autre nom, comme' im fpécifique de fon invention ; artifice affez ordinaire a ceux qui, ayant retrouvé parmi de vieilles recettes oubliées, quelques remedes furannés auxquels on en a fubftitué de plus doux ou d'équivalens, tachent pour leur intérêt, de leur donner dans 1'efprit du public le mérite des nouvelles découvertes. C'eft une compofition de fain - doux , de cire , de faturation de plomb avec 1'acide végétal, affez bien combinés & caraétérifés pour être regardés comme un fucre de Saturne , c'eft-adire, une faturation parfaite de litharge avec le vinaigre, que nous appellons vulgairement extrait de Saturne ou de Goulard. Voila donc cette fameufe Panacée qui devoitoccafionner une révolution fi étonnante dans Tart de guérir! Voila ce fpécifique univerfel, dont 1'ufage devoit fuppléer a tout ce vain amas de médicamens y dont la lifte volumineufe effraie ! Voilaenfin la bafefolide & durable fur laquelle étoit fondée cette Thérapeutique merveilJeufe, qui devoit rendre dcformais laI 3  198 RÉFUTATION fcience & le fecours des Médecins frivoles & fuperflus ! Nous n'en faifons point un fecret, M. le Doaeur; mais nousle divulguons généreufement, fans prétendre en tirer le moindre avantage ; nous avouons même que nous nous en fommes fervis plus d'une fois avec fuccès; mais nous ne 1'avons jamais regardé comme un remede propre a toutes les maJadies chroniques; mais nous ne 1'avons jamais adminiftré qu'avec une extréme précaution , après nous être affurés exactemcnt de la nature du principe de la maladie ; mais nous n'aurions jamais ofé penter qu'on düt le publier un jour comme un remede de nouvelle invention.« C'eit, dites-vous, des Ouvrages du célebre Boerhaave (a) & de quelques autres modernes , que j'ai puifé cette découverte ; ces grands hommes 1'ont vue fans la remarquer. <* Vous vous trompez , Doaeur, ils 1'ont peut-être encore mieux remarquée que vous. Mais vous avez fait un fpécifique général, de ce qu'ils regardoient comme un fpécifique particulier. Vous avez attribué la caufe de tous les maux chroniques aux crudités acides, (a) Méd. fimplif. page 46.  DES PRINCIPES &c. 199 au-lieu que ces grands hommes reconnoiffoient encore la furabondance des principes alcalins &c. comme la caufe d'un grand nombre de maladies de cette efpece. Vous vous êtes élevé contre cette diftinétion fondée fur la Nature & la Vérité; & vous avez exclu les alcalis de la pathologie, pour exclure les acides de la Thérapeutique. C'étoit bien le vrai moyen de vous mettre tout-a-fait a votre aife. Plüt au Ciel que vous euffiez pu réformer la conftitution de 1'efpece humaine, au-lieu de dépouiller 1'Art de fes relfources réelles! Mais 1'Art eft comme ce chêne robufte & fuperbe , (dont parle Horace) qui, mutilé fans ceffe par la hache du bucheron , femble renaïtre de fes débris & emprunter une nouvelle force de fes bleffures même. Duris ut ilex tonfa bipennibus , Nigrer feraci frondis in Algido , Per Damnet per caedes , ab ipfo Ducit opes animumque ferro. II eft donc prouvé par votre aveu même que Boerhaave a connu votre remede , & il s'explique trop clairement & ce fujet; en parlant des maladies pro i4  -oo RÉFUT ATI0N duites par un acide fpontanó (a) , pour qu'on puiffe fe perfuader qu'il n'y a pas fait attention. Lewis dans fa Pharmacopée de Londres, ne donne-t-il pas jufqu'a la formule de votre infufion alcaline , ii laquelle il vous a plu de donner le nom Sextrait digeftif? Le fel de tartre, le faffran , le jus de rcglifle infufés dans l'eau chaude, compofoient cette infufion fameufe , dont vous fakes tant de bruit, comme fi vous en étiez le feul dépofitaire. 11 vous convient bien maintenant d'ofer avancer, que *> vous donnez eet extraït digeftif (b) , comme un remede abiblument nouveau , dont les efFets étoient inconnus, dont on ne s'eft jamais fervi d'après un plan fuivi, ni dans des vues femblables aux votres!« Nous avouons qu'a 1'exception de Van Helmont, de Tachenius & de quelques autres Médecins de la même claffe , perfonne ne s'eft avifé de fe fervir d'un pareil remede dans des vues femblables aux vótres , c'eft-adire , d'en faire un remede univerfel pour (a) Voyez Aphor. Boerhaave fur 1'acide fpomané & fur la débilité des fibres. (b) Médecine fimplifiée, pag. 4J.  DES PRINCIPES &c, aot toutes les maladies chroniques indifFéremment, fans égard aux caufes de ces maladies : mais aurez - vous 1'afFurance de foutenir que les grands praticiens , tels que Boerhaave , Van Swieten , &c. ne s'en font jamais fervis d'après un plan, fuivi, & qu'ils n'en ont pas connu les efFets, paree qu'ils ne 1'ont adminiftré que dans les cas oü il pouvoit être efficace & falutaire, & qu'ils ont reftreint fon ufage a 1'efpece particuliere de maladies , hors defquelles il ne pouvoit man/quer d'être pernicieux & mortel 1 •>•> J'ai réfléchi, dites-vous , que lorfque les maladies chroniques font anciennes &. opiniatres, les plus grands praticiens conviennent tous de 1'efficacité des eaux minérales naturelles, qu'ils regardent comme des remedes univerfels contre tous ces maux, paree qu'une longue expérience en a démontré la vertu , ce qui felon mof eft une preuve convaincante, qu'ils reconnoiffent, & qu'ils avouent tacitement 1 que toutes ces maladies viennent des mê> mes caufes (a). Vous avez prétendu imiter les eauxminérales „ M. le Docleur , & fur - tout (a) Méd. fimplif. page 42... I 5  soa RÉFUTATION celles de Seltz & de Spa. Vous vous vantez même que votre eaufaclice, analogue a celle de Seltz, furpafle en vertu & en efficacité toutes les autres eaux minérales (a). Ainfi , 1'Art qui n'eft qu'une imitation de la Nature , eft devenu dans vos mains fupérieur a la Nature même. II ne faut pas s'étonner maintenant fi vous êtes devenu enthoufiafte de votre prétendue découverte, & fi vous attribuez a vos temedes une fupériorité fi marquée fur tous les remedes connus en Médecine, une puiffance fi extraordinaire, qu'on auroit de la peine d ajouter foi d leurs effets fans en avoir été témoin, mais que vous oferiei garantir d telle condition que Von fouhaiteroit (b). Examinons cependant fi eet enthoufiafme eft bien fondé. & fi Pon doit s'en rapporter au marchand fur 1'éloge qu'il fait de fa marchandife. Les principes des eaux minérales de Spa, font l'eau, le /er, un efprit acide, un efprit fulfureux, du fel alcali fixe , une matiere féléniteufè & de Vair : cette affertion eft prouvée par Panalyfe que les plus habiles Chymiftes ont faite de ces (a> Méd. Cmpl. page 46 & 49. lb) Ibid. page 4;.  DES PRINCIPES &c. 203. eaux ; or il eft évident que votre extrait digeftif, combiné même avec Ia teinture martiale, ne contient point les mêmes principes ; & conféquemment, il ne peut avoir les mêmes propriétés. En quoi coniifte principalement la vertu des eaux minérales 1 N'eft-ce pas dans eet efprit étkéré, (a) dont Pévaporation infenfible altere les principes énergiques des eaux minérales, & fait qu'elles ne produifent point le même efiet quand on les tranfporte , que quand on en fait ufage fur les lieux % Or , quelle autre puifiance que celle de la Nature peut communiquer aux eaux minérales eet efprit fubtil toujours prêt a s'en dégager 1 D'ailleurs , quoique ces eaux aient pour la plupart les mêmes principes pour bafe , peut-on croire qu'elles aient toutes les mêmes qualités, & que les mêmes eaux conviennent dans le traitement de tous les maux chroniques 1 A Spa même , quelle différence frappante ne trouve-t-on pas entre les eaux d'une; (a) M. Prieftley, d'accordavec Van Swieten, prétend que les eaux minérales ne doivent leurs vertus admirables qu'a un efpric éthéré qu'elles contiennent. Le Docteur avouelui-méme qu'il n'entre point d'èfprit dans la compofition de fon fpécifique. I 6  204 RÉFUTATION fontaine & celles d'une autre , entre celles du Pouhon, par exemple , & celles du> Watro\ t celles de la Géronftere & celles de la Sauveniere ,&c1 (a). Jene m'étendrai point fur les eaux minérales des autres Pays •, mais il eft bon de retnarcmer en paffant que celles de Plombieres n'ont point la même propriété que celles de Balarucy celles de Bourbonne-,M même que celles de Forges., &c. Quelle conféquence tirer de tout cela5* i°. qu'on ne peut imiter que très-imparfaitement les eaux minérales, & qu'il eft impoffible (a) n II eft trés-certain, dit M. de LimBourg, que non - feulement une fource eft plus ou moins efficace dans certains cas ; mais encore que Tune eft dangereufe dans des ïn«ommodités, dans lefquelles 1'autre fera infailliblement très-utile. La Géronftere, par. exemple, empirera des vices de la peau provenant d'acreté, qui fe guénflent tres-bien par la Sauveniere , la Groisbeeck; celles-ci atr contraire , ne foulageront point & feront trespernicieufes , dans d'autres cas , ou la Geronfiere feroittrès-efficace.M. de Limbourg ajoute que celle qui eft propre a.un tempérament,, eft rarement propre a un autre, Sec. Traité, des eaux minérales de Spa. Voy.ez auffi Van Swieten . de morbis chronicis ,,pag. 344,345 * & 346-.  DES PRINCIPES &c. &§ de compofer une eau faclice, qui ayant les mêmes propriétés , puiffe fuppléer exaéfement a leur ufage jj i°. qUe les qualités des eaux minérales variant g 1'infini, ftuvant la différente cambinailbn de leurs principes , celles qui conviennent a une efpece particuliere de maladies , peuvent devenir inutiles & même nuifibles dans une autre \ 3°. enfin, qu'elles ne peuvent être regatdées & qu'elles ne fontregardées en effet par aucun praticien comme un remede univerfel dans toutes les maladies chroniques. * Quoique les eaux de Spa , dit le favant M. de Limbourg , conviennent dans toutes les maladies que je viens de nommer , & dans plufieurs autres dont le détail feroit trop diffus, elles ne tien-' nent cependanr pas lieu de remede univerfel. Outre qu'il faut avoir plus d'égardf aux caufes & a la Nature qu'aux nomsde celles dans lefquelles elles font ordinairement utiles, il y en a plufieurs oü ellesferoient inutiles, &d'autres oü elles feroient abfolument contraires. u Loin que les eaux minérales doivent être ou foient en effet regardées comme un remede univerfel, leur ufage même exige certaines préparations , & le concours de. certains remedes, fans lefquels  ao6 RÉFUT ATION on ne peut en attendre Teftet qu'on s'en étoit prorais. Tantöt il faut diminuer par la faignée la trop grande abondance du fang ; tantöt débarrafferl'eftomac par les vomitifs , des matieres vicieufes dont il eft furcbargé; tantöt ..enfin éyacuer les matieres peccantes des inteftins par les purgatifs; & le choix de 1'un ou 1'autre de ces moyens n'eft point .indifférent ; il exige un difcernement exquis, qui ne peut être que le fruit d'une longue expérience. Tel eft le fentiment des plus grands Médecins en général, & en particulier celui du refpetlable praticien que nous venons de citer, a qui plus de 30 ans d'obfervations exa&es & utiles, le nombre prodigieux des maladies chroniques qu'il a traitées, la diverfité des phénomenes de toute efpece, dont il a toujours été a portée d'étudier & d'apprécier la caufe , ont acquis fans doute la connoiffance la plus précife & la plus profonde de cette partie intéreffante de la Pathologie. Ce fage Médecin recommande a ceux qui fréquentent les eaux, 1'ufage des purgatifs les plus doux & les plus analogues aux circonftances : par exemple, dans 1'ardeur du fang, dans 1'échauffement , pour les tempéramens  DES PRINCIPES &c. bilieux & alcalefcens, le fel polychrefte , le fel de glauber, les fels de fedlitz & d'epfom , les fyrops de chicorée avec de la rhubarbe , les feuilles de féné , les fleurs de pêcher, &c. pour les aigreurs, la magnefie blanche & les fels. lixiviels; dans 1'excès de férofité, la manne & la cafie; dans le relftchement des premières voies, la rhubarbe ; la fcammonée rendue favonneufe par fon union avec quelque fel alcalin , de même que les aloëtiques, dans la qualité froide & vifqueufe du fang & les vifcofitós des premières" voies. Voila , M. le Dodeur, la maniere dont M, Limbourg (praticien qui a fans doute vu & traité plus de maladies chroniques, pendant 1'efpace de trois ans, que vous n'en avez traité & que vous n'en traiterez peut-être pendant tout le cours de votre vie) prétend qu'on doit feconder la Nature, pendant 1'ufage des eaux minérales naturelles. Mais vous êtes bien un nutre homme que M. de Limbourg ; & votre eau minérale faaice n'a point beibin de ces moyens accelfoires. Eft-il befoin de faigner 1 elle fupplée jl la lancette comme par enchantement. Ne feroit-elle pas chargée de quelques petits  ao8 RÉFUTAT I O N Sylphes toujours attentifs a épier les cïrj conftances, pour moditier ou changer ia nature $ Elle prend toutes les formes que vous défirez : Faut-il devenir cafFe , jené , manne y &c Elle le devient fur-le- chainp Omnia transformat fe fe in miracula rerum.- Seule, elle tient lieu de tous ces végétaux , &c dont 1'ufage T felon vous r eft moins le fymbole d'une richeife reelle que d'une abondance ftérile. Mais tirons une conféquence férieufe de ce que nous venons de dire ; quand il feroit vrai que Peau faaice du Doaeur auroit toutes les vertus des eaux minérales naturelles qu'il a prétendu imiter , (ce qu'on ne peut jamais fuppofer, comme.nous 1'avons demontré) il ne s'enfuivroit pas pour cela qu'on pourroitl'employer comme remede unique, indépendamment des autres remedes , puifque les eaux minérales naturelles exigent elles-mêmes le concours de ces mêmes remedes , que le Doaeur profcrit. . Puifque la bafe de votre. extrait-digeltif eft un alcali, comme Panalyfe Pa démontré , il eft facile raaintenant d'en ap~  DES PRINCIPES &c. 209 précier au jufie les vertus , & de déterminer avec précifion dans quelles elpeces particulieres de maladies chroniques il peut être'adminiftré fans danger; ce ne peut être fans doute que dans celles qui proviennent d'une furabondance d'acidité , paree qu'alors 1'effet qu'il produit eft de neutralifer les fels acides ; (a) mais par-tout oü il ne trouvera point d'acides & neutralifer , il caufera nécefïairement les ravages les plus terribles, paree qu'alors toute fon aclion fe tournera toute entier e contre le tilfu & les parois des vifceres, & occafionnera un bouleverfement général dans les folides & dans le* (a) Tous les Praticiens favent que les alcalis fixes fe neutralifent avec les acides des premières voies ; & c'eft dans le cas oü les premières voies abondent en acides qu'ils les ordonnent. Mais lorfque le fang pêche par excès d'acidité , tous les plus grands Médecins , Boerhaave, Van Swieten , &c. ordonnent les alcalis volatils. Tachenius lui-méme fe fervoit de ces deux fortes d'alcalis. Les alcalis fixes, préparés felon fa méthode , ont 1'avantage fur tous les autres , paree qu'ils confervent en quelque forte 1'huile du végétal dont on les tire , & qu'ils doivent être par conféquent plus favoneux, plus réfolutifs & moins acres que les autres.  aio RÉFUTATION fluides. Quoique les Médecins emploient fouvent ces fels dans la pratique, en les énervant par une combinaifon analogue aux effets qu'ils en veulent obtenir , vous n'ignorez pas cependant que 1'alcali fixe pur eft un poifon corrofif, cauftique, brülant, dont la propriété eft de diffoudre le fang & de le difpofer a la putréfa&ion. (a) Adminiftré fans précaution & hors des cas oü il convient, fes molécules deviennent autant de cauteres qui brülent & rongent les parties oü elles s'attachent. m Si fur la peau moite & humide d'un iüjet fain , on applique, dit Boerhaave , un fel alcali fixe , de maniere qu'il refte conftamment fixé a la même place, & qu'on le recouvre extérieurement pour 1'empêcher de tomber ; ce fel eft bientöt difibus par cette moiteur naturelle du corps, qui fe renouvelle & 's'entretient fans cefie par la tranfpiration ; bientöt, mis en mouvement par l'a&ion de cette chaleur, qui eft propre è. tout individu dans 1'état de fanté, il excite la démangeaifon, la chaleur , des cuiffons femblables a ceux qui viennent d'une brülure, un gonflement de la peau, une (a) Crantz. Mat. méd. p. ',as plus a celle des autres , que les traits hi vifage : cette différence qui ne nous '< (a) Précis de Ia Méd. prat. Tome 2. des idigeJUons , par M. Lieutaud. K  -i8 RÉFUTAT10N éft connue que par quelques effets, eft prodigieufement variée ; & a peine trouveroit-on fiH plufieurs ruimers, deuxhommes qui auroient, a eet égard , les même* fecultés. u S'il y aune différence fi etrange entre les difFérens eftomacs, que les alimens même qui conviennent a 1 un ne peuvent convenir a1'autre m pour la quantité , ni pqur la qualité, comment voulez-vous,Doaeur,queles « remedes & le même regime puiflent convenir dans toutes les maladies chroniques Ttoutes fortes d'eftomacs 1 Suppofez même que les indigeftions fuffent la caufe immune de ces maladies, la diverfite des effets qu'elles produifent, n'exige-t-elfe ptnaturellement une différence dans le traitement ? Si la nature eft trop toible pour foutenir vos fpécifiques, vous ne vous en prendrez certainement pas a "ot e extrait digeftif nia votre teinture martiale, &c. Mais vous aurez recours Z fubterfuge ordinaire de certains Empyr ques , qui, lorfqu'ils voient qu^ls ne Suvent réuffir par les moyens qinlsont vantés, finiffent par affirmer que le mal eft in urable, & ötent ainfi aux malade» iufqu'a 1'efpoir d'une guérifon quMs auSt pu fe procurer aifément par une;  DES PRINCIPES &c. ai9 autre voie fouvent plus courte & plus fimplc. ■» L'état (a) de la bouche, ajoute M. Lieutaud , les rapports & le vomiffement peuvent nous faire connoltre la nature des matieres dépravées qui croupiffent dans 1'eftomac , & qui font Peffet des mauvaifes digeftions Ces matieres font acides, ameres, glaireufes , ou putrides. ( Nous nous bornerons ft celles qui font acides & a celles qui font putrides ) n Les rapports aigres , le gonflement, le tiraillement & 1'ardeur de 1'eftomac; la douleur ou pefanteur a la tête, la toux, le hoquet, la conftioation . & rmplrm,>f>>;= le ténefme, font les fignes de ce qu'on appelle les crudités acides , qui ne font qu'une efpece de pourriture (b) qui contrafte cette qualité : c'eft la caufe de cette efpece defaim canine, qu'éprouvent quelques mélancoliques. « Quel fuiet de triomohe nour vr»n« jlDofteur, & que vous auriez eu de mokifs pour chanter votre vicloire, fi M. (a) Ibid. p. , , 6 & 7. (b) M. Lieutaud entend par cette putridité icide, une efpece de putridité fi exaltée & J phlogiftiquee , qu'elle devient inflammable. K 2  ftao RÉFUTATION Lieutaud eüt cu la complaifance de s'en tenir la ' Voila des crudités acides , telles qtfil vous en faut dans votre méthode , propres enfin a fe neutralifer avec l alcali 5e votre extrait digeftif 1 Voila des cas oü votre fpécifique fagement adminifire peut produire les meilieurs effets ! Mais il n'en eft pas de même de toutes les indigefiïons; on ne rencontre pas partout des crudités de cette nature ; & votre extrait, loin d'être un remede univer el dans toutes les maiaaies piuuu^ r-- --dérangemens réitérés de 1'eftomac, leroit un poifon mortel dans un dérangement accidentel & paffager , de la nat ure de celui dont nous allons parler. Nous iuivons toujours M. Lieutaud pas a pas; votre oracle , M. le Dodeur , peut bien devenir votre juge. « Le goüt de pourn , dit-il, ou d'ceuf couvé , qu'on a dans la bouche , & que lesrapports de la meme nature y entretiennent; la pefanteur de 1'eftomac, les anxiétés, lesflatuofites,les vomiiTemensfétides, &lahbertc du ventre , ne laiffent aucun lieu de douter que 1'eftomac ne contienne ce qu'on appelle des crudités nidoreufes , matieres qui ont fouffert une putréfaftion alcalme. * Eh ! bien, Doaeur , que ferez-vous  DES PRINCIPES &c. 221 de ces crudités alcalines ? Ordonnerezvous votre extrait digeftif, pour les neutralifer 1 L'alcali qu'il contient, eft-il d'une nature affez bénigne & affez pacifique, pour qu'il ne contribue pas a irriter le feu qu'il trouvera tout allumé 1 C'eft donc la ce fpécifique fameux , avec le fecours duquel vous vous flattiez de refondre la Médecine & de fuppléer a tous les médicamens ! N'eft-il ptrs évident que dans les deux cas propoiés, fi vous guérifïez d'un cóté , vous devez tuer néceffairernent de 1'autre 1 En vérité, Doaeur-, je m'étonne que vous ayez ofé citer M. Lieutaud dans une circonftance oü il fe déclare ouvertement contre vous : vous 1'aviez lu cependant Mais vous avez gliffé trop légerement fur les crudités alcalines. Que eet alcali que vous rencontrez par-tout, doit vous caufer de chagrjn & de tourment! Sans cela, adieu la Médecine : l'extrait digeftifl'emporteroit fur les poudres d'Ailhaud. « L'ouverture des cadavres, ajoute encore M. (a) Lieutaud , ne nous donne pas beaucoup de lumieres fur la- vraie fource des mauvaifes dU geftions; mais elle nous apprend que 1'ef- (a) Lieutaud p. Io & II, Tome a. K 3  aaa RÉFUTATION toraac ne foufFre le plus fouvent que relativement a d'autres parties qui lont le fie^e principal de la maladie. u Ainfi 1'eftomac , quoique fain par lui-même , ne ibuffre le plus fouvent que par la relation ou le rapport qu'il a avec les autres vifr ceres ; je veux bien croire que les remedes introduits dans le premier, peuvent influer fur Pétat des autres, fans cependant les guérir. Je ne parle point ici feulement d'un eftomac chargé des difFérentes fortes de crudités, dont nous avons fait mention , mais d'un eftomac prodigieufement dilaté ou rétréci, dont les tuniques font exténuées & les rides effacces contenant des pierres , &c. déplace , detcendant même au-dela du nombril. Kepondez - moi , Doaeur ; quels font les iignes par lefquels on peut reconnoïtre oue le mal exige ou n'exige pas le iecours de votre extrait digeftif5] Vous me ' répondrez fans doute que ces cas ne iont pas ordinaires ; foit.. . mais lorfqu on annonce un fpécifique, dont on ne borne point 1'efficacité, il faut être arme de pied en cap, & prêt a combattre la raifon même , quand on n'auroit pas d autres adverfaires è redouter.. . . Mais , voici des phénomenes qui accompagnent plus  DES PRINCIPES &c. aa3 ordinairement les indigeftions. r> Tels font, dit M. Lieutaud , 1'engorgement fquirrheux du foie; fa couleur blanchatre & plombée , fon adhérence a 1'eftoraac ; fa groffeur démefurée, defcendant quelquefois jufqu'au baffin ; fon defféchement; fa fubftance , renfermant des abfcès , des tubercules , des hydatides, & affez fouvent ulcérée, putride & gangrence. On trouve encore plus fréquemment la rate extrêmement petite, flétrie, calleufe-, dans un état de putréfatlion , & quelquefois entiérement détruite : on a enfin obfervé les inteftins prodigieufement bourfoufflés, gangrénés, &c. des fquirrhes, des fuppurations & des pourritures au pancréas , a Pépiploon, au méfentere, aux reins , a la matrice. a Voila , M. le Docteur, les efpeces d'indigeftions pour le traitement defquelles M. Lieutaud prétend avec raifon que la Médecine n'offre que des tatonnemens. Or, pourquoi la Méd ecine fe trouve-t-elle alors dans une efpece d'incertitude & de perplexité f? C'eft paree que le mal dépend d'un vice organique qui affefte les folides autant que les fluides, & qu'il eft prefque impoftible d'en découvrir Ie foyer , c'efta-dire, de difcemer le vifcere dont la K 4  *a4 RÉFUTATION léfion particuliere eft la caufe de la léfion univerfelle des fonaions animales. Au refte , quelle que foit la fource de ces différentes indigeftions ; r> il n'eft pas douteux , pourfuit le même Auteur, qu'elles ne demandent les évacuans , c'eft-a-dire, les vomitifs & les purgatifs, &un régime bien entendu. Les délayans, les ftomachiques, les abforbans & les amers font les remedes qui conviennent pour les crudités acides. Or vous ne doutez pas que ces remedes ne foient infiniment plus doux que votre extrait digeftif ,& qu'ils n'expofent pas les malades aux mêmes danser*. Pour les crudités nidoreufes ou la putréfaction alcaline , il faut, après les évacuans, donner les ftomacUques , les fortifians , les amers & les acides, felon que eet état a été plus ou moins compliqué avec les autres, &c. (a) Quel terrible Médecin que ce M. Lieutaud ! H s'avife d'ordonner les acides dans certaines indigeftions , tandis qu'il ne devroit prefcrire, comme vous, d'autres remedes que les alcalis! A quoi doit-on attribuer cette inconféquence fatale a votre fyftême 1 Ah ! Doaeur , s'il a donné dans (a) Lieutaud. Ibid. page 14.  DES PRINCIPES &c. 225 ce petit travers, c'eft, fans doute , paree qu'il ne connoiffoit pas , comme vous, la theorie de l'air fixe. Mais je fuis furpris de vous entendre encore citer des praticiens fur lcfquels vous avez a tous égards tant d'avantages & de fupériorité ; comment d-aignez-vous vous comprometrre avec des gens de cette efpece , qui n'ont jamais fu ce que vous favez, & qui auroient infaillibiement aveuglé le monde entier, li vous n'étiez né pour 1'éclairer 1 II valoit mieux flétrir jufqu'aux noms de ces prétendus Médecins, dignes d'être marqués d'un C indélébile , (a) que de chercher a vous étayer de leur frêle autorité , qui ne fait qu'affoiblir vos raifonnemens , au-lieu de leur donner une nouvelle force. Croyez-moi, foulez d'un pied dédaigneux la cendre des Hippocrate, desHuxam, des Tronchin , des de Haen , des Boerhaave , des Van Swieten , des Sydenham , des Lieutaud , &c. Puniffez ces orgueilleux Précepteurs du genre humain des démentis infolens qu'ils ofent-vous donner a chaque page , lors même que vous penfez (a) Letcre initiale du mot Charlatan. K 5 ■  aa6 RÉFUT ATION qu'ils font prêts a fe ranger de votre parti: la vengeance que vous tirerez de leur ingratitude , ne fera que rehauffer 1'éclat de votre mérite , fans porter atteinte a cette réputation de candeur & de bonhommie qui vous eft acquife a fi jufte titre par vos écrits & par vos procédés. S'il eft des maladies chroniques qui viennent d'un excès d'acide dans les humeurs , il en eft auffi un grand nombre qui font produitespar la furabondance des alcalis ; relifez encore les Aphorifmes de Boerhaave fur les efFets de Palcali fpontarié ; nous les avons cités tout au long dans eet Ouvrage , & nous vous y renvoyons, M. le Dofteur , pour ne pas nous expofer a nous répéter continuellement (a). La vérité de ce principe inconteftable étant une fois admife, toute votre méthode s'écroule & tombe d'ellemême ; votre prétendu remede univerfel n'eft plus qu'un remede particulier ; vous êtes réduit a confefier que vous êtes le meurtrier au moins d'une partie de vos malades, & que 1'autre partie même ne doit fa guérifon qu'a une combinaifon heu- (a) Voyez Les pages 81 , 83 , 84, &c. de cette Réfutation^  DES PRINCIPES &c. iif reufe, mais fortuite , & a la quantité d'acides plus ou moins confidérable, que votre extrait digeftif trouve a énervef dans chaque eftomac; quantité qui eft en raifon compofée de tant de circonftances importantes, quoique acceffoires, que le calculateur le plus adroit & le plus profond tenteroit envain de la déterminer avec précifion. Les maladies chroniques ne viennent pas feulement des caufes que nous avons fpécifiées ci-deiTus , mais encore des remedes que 1'on prend imprudemmenf comme des préfervatifs contre ces fortes de maladies. * Les médicamens , felon le témoignage d'Hippocrate , tendant toujours a produire dans la conftitution de 1'individu une révolution & des ehangemensproportionnés aleur force & a l'état acluel du fujet, il arrivé fouvent qu'en accélérant la dégénération des fluides y ils occafionnent des maladies de -Jangueur.. Nous en rencontrons tous les jours des exemples furprenans dans plufieurs fujets, qui jouiflant des avantages d'une fanté heureufe & floriffante, ne font occupésque du foin de prévenir les maladies , & arrachent en conféquence des ordbn-aances aux Médecins, ou prennent des K 6  2*8 RÉFUT ATION remedes a leur fantaifie, pour ctiangef Pétat aétuel de leur corps , dont ils ne font jamais contens; efpece d'hommcs inquiets & ennemis de leur propre exiftence , qui ne peuvent fupporter ni la fanté , ni la maladie , & qui épuifent dans 1'une toutes les reflburces que la Nature leur avoit ménagées pour 1'autre. Les Médecins éclairés qui ont affaire a de pareils fujets, ufent avec eux d'une fage & prudente fupercherie ; ils les trompent ordinairement pour leur bonheur, en leur prefcrivant quelques petits remedes de peu de conféquence, dont ils ont foin d'exalter les vertus avec erophafe , mais qui ne peuvent exciter aucun trouble dans 1'économie animale. Si ces prétendus malades ne fe bornent point a ces fortes de remedes, & qu'ils falfent un abus fréquent de la faignée , des vomitifs & des purgatifs , ils finiffent par détruire abfolument leur fanté; bientöt ils deviennent la proie d'une infinité de maladies chroniques dont ils guérhTent très-difficilement, & dont la principale caufe eft Paffoiblilfement fuccffif & volontaire de leurs forces. En effet, comme 1'a trèsbien remarqué Celfe k Partiele oü il condamne Pabus fréquent des purgatifs, la  DES PRINCIPES &c. oo9 foiblejjeouvre la porte a toutes les ma-' ladtes. Tout le monde connoït 1'Epitaphe de eet Itahen , qui pour avoir donné dans un exces de cette nature, fut puni de fon vimprudence par une mort prématurée (a). Stava ben , ma perjlar meSli0 , fl0 qut C'eft certainement ce paflage de Van Swieten qui a fait prendre le change au Docleur & qu, l'a porté a déclarer une . & a la faignée, qu',l eondamne (b) dans prefque tous les cas. Mais il n'a pas fait attenuon e Van Swieten ne parle ici que des dcrangcmens funeftes que 1'abus de ces remedes peut caufer dans la conftitution des fujets fains,& qu'il ne pré- eflbla?C,Unemem réV°qUer en doüte li, eders falutaires que leur ufage prudert SdK°d;- d''inS h co«^ution des salades, dans toutes les circonftan.es oü » font indiqués. Mais revenons a notre propofmon generale : 1'ufage des remede, dans 1'etat de fanté eft ordinairement PW lir^r^' C°mmentO) Méd. fimpl. page 76.  a3o RÉFUTATION un abös. Vous annoncez votre «gg dkeftif, non-feulement comme un ïpc cifique pour les maladies préfentes, mais Se-comme un préfervatif (a) contre les maladies ii venir. Vous en recom que 1'habitudedevientune autre na ure, en nous créant de nouveaux befoms r qui font plutót imaginaues& farces que conformesa la Nature. C'eft ainfi que vous vous flattez de profiter de la ere dulité de ceux qui n'ont aucune con uoiffance de la Médecine , en étendant tellement le débit de vos remedes que vous puifliez changer vos cendresteli or, fecret nniqne que n'ont point connu,1e» Nicolas Flamel, les Raymond Lulle , S aucun de ceux qui paffent pour avoir confommé fe grand oeuvre ! Mais con feiïez-le de bonne foi , M. le Doaeur , (rien n'honore tant un Médecin que la vérité) votre extrait étant alcalm , ne doit-il pas naturellement difpofer les humeurs de ceux qui en boiront habitue lement & cette alcalefcence, qui eit ie principe de toutes les maladies qui yien~ pent des alcalis, a la putréfaftion univer- (a) Obfirvat.furlipetite vérole , p. 40i &c-  DES PRINCIPES, &c. 231 felle des fluides & des folides, putréfaéfion dont les effets feront d'autant plus affreux , qu'ils ne fe manifefteront qu'a la longue, & lorfqu'il ne fera plus temps de remédier au mal 1 Comment préviendrez-vous cette dégénération des humeurs, qui doit être une fuite néceflaire des qualités vicieufes de votre prétcndu préfervatif.? Sera-ce par votre régime4]... Mais votre régime lui-même eft plus alcalin qu'acide ; ainfi il ne peut fervir qu'a difpofer les fluides & la putridité (a), . (a) Le Docleur n'ordonne que les viandes & les végétaux alcalefcens, & profcrit prefque tous les acides. ( Voyez Méd.fimplif. depuis la page J4 jufqu'a la page 69.) Nousne nous arrëterons point a réfuter un tas d'argumens & de raifons frivoles , dans lefquels le Docleur a trouvé a propos de noyer fa théorie. Par exemple , dans la note de la page 57» ii prétend que les boijfons chaudes ne reldchent point 1'eftomac ; il fe fonde fur ce que Pétat naturel de ce vifcere , eft d'être toujours arrofé par une vapeur tiede , état qui ne convient point aux parties externes du corps humain , telles que la main, &c. C'eft precifement paree que 1'état naturel de 1'eftomac eft d'être continuellement arrofé d'une vapeur tiede, que les boiffons froides lui conviennent; les boiffons chaudes, en augmentant le degré de chaleur , relachent les'fibres de  RÉFUTATION Mais puifque vous n'avez prétendu qu'inriter les eaux minérales , ne falloit-il pas tacher d'imitet le régime que les praticiens les plus confommés recommandent a leurs malades, pendant le temps qu ils font ufage de ces eaux1} Ofez comparer celui que vous prefcrivez avec^celui que prefcrit M. de Limbourg dans ion Traite des eaux minérales de Spa. „louchant la qualité des alimens , il faut premierement , dit-il, examiner leur nature & voir en quoi ils dégénerent d'eux-mêmes. Dans cette intention je divife les alimens en difFérentes claffes , & j'en fais la première de ceux qui inclinent a la pournture , & qu'on peut nommer alcalefcetis. Tels font ies oeufs, les poiffons , les ce vifcere. Tous les animaux en général, & Somme lui-même dans 1'état de nature ne font ufa«e que des boiffons froides; ce qui prouve queqces fortes de boiffons, fourmes 5" la nature même , font les feules qui conviennem aux animaux. Le Créateur ne leur en a point préparé d'autre ; le Doéteur auroit-Zmieux vu les chofes que D.eu meme l ïl les a vues mieux, felon lal, que Sydenham, Boerhaave & Van Sleten , &c. Mais Auteurs-la étoient, dit-il, des hommes ils ont Pu fe tromper; le Dodeur eft plus qu'un hpmme,il eft un Ange.  DES PRINCIPES &c. o33 vieux fromages, les viandes, fur-tout les gibiers , plufieurs plantes , 1'ail, les porreaux, les oignons, les afperges, les choux, les navets, le céleri, &c. II y a des alimens qui fe changent en une qualité oppofée, en aigreurs, ou qui font d'eux-mêmes acides. On les nomme acides, ou acefcens. J'en fais la feconde claffe, qui comprend le laitage , les grains, le pain , le riz , quantité de potages , la laitue, la chicorée, 1'ofeille, les fruits , &c. La troifieme claffe comprend les alimens qui inclinent a la vifcofité, ou a former des glaires , tels que ceux qui fe font de farine non fermentée, les pa-tif■feries , le riz ; les Iégumes proprement dits, comme les pois, les féves , les poiffons, les viandes des jeunes animaux. II y a des alimens émolliens , comme les alimens gras, farineux, le beurre, le lait, les émulfions, les bouillons; il y en a d'apéritifs , comme les écreviffes , les afperges, les fcorzoneres , les carottes ; il y en a qui font aftringens, comme les poires , les ncffles; d'autres font épaiffiffans , & par-la aftringens, le riz, les viandes róties ; d'autres font délayans, comme les bouillons, le petit lait, &c. Enfin les alimens font des effets, que la  *34 RÉFUTATION plupart croient être eiTentiellement &uniquement attachés aux remedes tirés de la pharmacie. II y a des alimens indigeftes par leur dureté, le falé , le fumé , le porc, &c. D'autres nuifent par 1'acrimonie , comme le falé & tout ce qui a des huiles exaltées, brülées, rances, ou qui eft propre a devenir tel, comme les gtaiffes, le lard , les fritures. ' II y en a qui font, ou qui laiffent .échappcr beaucoup de ventolités, on nomme ces alimens venteux; ils chargent & gonflent 1'eftomac , tels font les légumes, plufieurs végétaux , les choux , les navets , les bil'cuits pateux , la crème fouettée , les alimens vifqueux , ceux qui font propres a fermenter , ou a faire effervefcence & tous ceux de difficile digeftion. Si 1'on examine les fonéttons du corps humain , elles tendeot toutes a changer les alimens en pourriture. De eet eftet naturel, comparé a la nature des alimens , il me parolt que je puis étabhr les loix fuivantes du choix des alimens, I. Ceux qui font très-robuftes , ou qui fuppléent au défaut du mouvement & de la force naturelle par de grands travaux , doivent principalement fe nourrir  DES PRINCIPES &c. 235 d'alimens acefcens, d'acides mêmes, d'alimens vifqueux & de difficile digeftion. Ceux qui font d'un age mür, d'un tempérament chaud , inflammatoire, doivent auffi prendre des alimens acides , ou acefcens , & des délayans, II y a bien de la vraifemblance que 1'on pa-viendroit communément a un plus grand age, fi 1'on ne prenoit que des alimens de la feconde claffe $ paree que leur nature-eft oppofée a notre corruption naturelle. II. Les perfonnes délicates doivent, £t_ proportion de leur foibleffe , combiner différemment les alimens alcalefcens & acefcens. Prefque tous les autres leur font contraires. III. Ceux qui ont une rigidité,ou un relachement des fibres , &c. doivent choifir dans les alimens acefcens & alcalefcens , relativement aux qualités des alimens rapportés ci-deffus. IV. Les émoliens conviennent a ceux qui doivent encore grandir, a ceux qui ont une rigidité des fibres. V. Ceux qui ont une difpofition particuliere a quelque corruption , doivent éviter les alimens qui dégénerent dans Pacreté , qui leur eft naturelle ; ceux qui ont le fang falé, doivent éviter les ali-  a36 RÉFUTATION mens falés, &c. Les alimens acefcens conviennent a ceux qui inclinent a la pourriture , & les alimens akalefcens font fains a ceux qui font fujets aux aigreurs. Les délayans conviennent dans toutes»fortes d'acretés. VI. L'on doit avoir égard a 1'habitude , que 1'on regarde avec raifon comme une feconde nature. VII II faut faire attention aux faifons ; car pendant les chaleurs de 1'été les humeurs tendent davantage k la putréfaction ; ainfi il faut profiter dans ce temps des bienfaits de la nature , qui nous fournit hbéralement des fruits , des herbes & quantité de rafrafchiflans, lefquels fout diamétralement oppofés a la pourriture. VIII. II eft encore a propos de confidérer le temps & le lieu ; car d'un temps froid & dans une place froide 1'on digere mieux que dans les chaleurs. De toutes ces remarques il faut conclure qu'il n'eft pas polïible de donner un régime de vivre , qui convienne a tous fans exception. L'on voit auffi de-la 1'importance de faire quelque choix dans fa nourriture , fur-tout a 1'égard de ceux qui ne font pas d'une fanté a toute épreuve. Le célebre Boerhaave, qui nous a  DES PRINCIPES &c. z2? laiiTé de très-beaux dogmes a ce fujet, en a auffi été un modele de pratique. II étoit d'un tempérament inflammatoire & il avoit le fang falé; pour cette raifon , il aimoit tout ce qui étoit rafraïchiffant, de forte que c'étoit moins par inclination que par principes, qu'il avoit de 1'indifférence pour le vin & les liqueurs fpiritueufes , & qu'il étoit fi porté pour les fruits, le petit lait, &c. Ce choix d'alimens, qui ne fied pas mal dans tous les temps, devient néceffaire , lorfque 1'on boit les eaux minérales. Outre les regies précédentes j'en donnerai quelques-unes qui regardent particuliérement ceux qui prennent les eaux ferrugineufes. I. Les alimens alcalefcens, s'ils font contraires d'ailleurs , le font encore plus dans le temps de 1'ufage de ces eaux. Car elles contiennent un fel alcalin & du fer, qui n'agit favorablement qu'autant qu'il eft diflbus par un acide. Or les matieres alcalefcentes précipitent le fer de fon diffolvant. II. Ceux a qui les acefcens conviennem indépendamment de 1'ufage des eaux, doivent avec plus de raifon en prendre dans ce temps.  238 RÉFUTATION III Les alimens vifqueux , indigeftes ; falés,'venteux, quoiqu'ils ne fuffent pas fort contraires hors le temps de 1 ulage des eaux , doivent être bannis lorfqu on les prend. IV Je m'en rapporte a ce qui precede touchant quelques cas particuliere. II fuit de farticle précédent que le réoime qui convient le plus généralement a ceux qui prennent les eaux ferrugineufes, fe rapporte aux chefs fuivans. I Les viandes douces, de bon fuc , de facile digeftion , les poulets, les poules , les chapons, les perdreaux , les grianeaux, les gelinottes, les becafles , les lapreaux , les levreaux , le veau , le cabri, 1'agneau , le boeuf, le mouton , toutes ces viandes étant beaucoup mortifiees , font trop proches de la putréfacVion pour être recommandables. C'eft pour cette raifon que la viande de cerf, les oyes, les canards , les pigeons, les oiieaux voraces, les foies, les roignons, & les entrailles de toutes fortes d'animaux ne conviennent pas. _ II Les poiffons de riviere , qui lont de bon fuc & peu gluans, comme la truite, le brochet, la perche , les goujons, les écreviiTes. Mais en general le   a4o R É F U T A T I O N occafion on dcvroit ne point perdre de vue un bei aphorifme de Boerhaave L'alTaifonnement fait d acides, de jet & d'aromates, nuit par fon acrimomed ceux qui fe portent bien; ü detrmt les plus petits vaiffeaux , & excitant un faux appetit par fa pointe, fait que le corps eft plus accablé que nourri. J Quant au fruit ou deffert, les cerifes aigTes, les fraifes, les oranges, un bilcuit de Spa fee ou en brifée , les anis, font ce qu'il y a de plus convenable. Le, perfonnes fujettes aux vents & aux aigreurs, doivent éviter tous les fruits^d été b Ouant a la boiifon , le vin de Pontac & celui de Bourgogne font plus propres dans une foibleffe & un relachement des tibres conüdérable. Si 1'on craigtioit d échauffer, le vin de Bar pourroit leur etre fubftitué. Un vin de liqueur feroit meiLleur dans les aigreurs , les épuifemens, les maladies de poitrine. Et le vin de Mofelle fera préféré , lorfqu'il s'agit dc rafraichir, de corriger 1'acrete des humeurs , de réfoudre , d'atténuer , de defobftruer , dWrir par le bas. La bierre eft plus pefante &plus grotfiere que le vin. Cependant les perfonnes qui ont coutume d'en boire journellement, ^ peuvent  DES PRINCIPES &c. 241 peuvent en faire leur boiffon dans Ie temps de 1'ufage des eaux , pourvu qu'elle foit de bons grains, bien cuite , qu'elle ait bien fermenté , qu'elle n'ait ni moins de deux , ni plus de quatre mois, & qu'on. ne Ia tire pas d'uo tonneau levé. Ce que je dis ici de Phabitude , doit être appli- : qué avec un grain de fel a tout ce qui regarde le choix de toute autre boiffon & des alimens. Confuetudo eji altera na^ : tura. II feroit difficile de donner des regies I de la quantité qui convient a un cha1 cun. Je dis en général qu'il faut avoir beaucoup d'égard a 1'habitude ; mais fi 1'on étoit accoutumé a faire le fouper fort amplement, il faudroit fe réformer fur : eet article. II faut auffi régler la quani tité fuivant les forces du malade, fans négliger 1'attention qu'exigele raotif pour lequel il prend les eaux.Il convient auffi de imêler avec le vin un peu d'eau minérale , ou de l'eau douce, & de retrancher un peu de Ia quantité ordinaire de la boiffon , fur-tout le foir , de crainte que le corps n'étant échauffé pendant la nuit, ou les orifices des tuyaux abforbans n'étant pas difpofés a attirer l'eau minérale, elle ne produife des gonfleraens, &c. " L  S42 RÉFUTATION. Quelle différence, M. le Dofteur, entre ce régime & le votre ! Remarquez avec quelle prudence M. Limbourg fait le proportionner a la conftitution , aux difpofitions habituelles & al'état préfent de fes malades ! Tantót alcalin , tantot acide, quelquefois combiné de ces_ deux principes , toujours méthodique , jamais fyftématique, toujours propre a temperer 1'aaion des remedes, mais jamais a détériorer les humeurs des fujets, le regime entre fes mains femble fe prêter, comme un inftrument fouple & docile, a tous les tempéramens & a toutes les circonftances ; tel que ces rmffeaux limpides , dont la main d'un artifte fait fi bien diriger le cours , que leurs eaux femblent fe multiplier & fe reproduire en fe divifant & portent par-tout cette douce fralcheur , qui eft en quelque forte 1'ame & la vie des végétaux qu elles arrofent pour les défaltérer. Vous prétendez que la vertu & 1 erficacité de votre .fpécifique iexpliquent aifément par les principes de l'air (z)fixe. Mais favez-vous, M. le Doaeur, ce que c'eft que Vair fixe ? Comment par (a) Méd. fimplif. page 44.  DES PRINCIPES &c. 243 le moyen d'un alcali pourrez-vous introduire ou former cette efpece d'air dans un eftomac déja furchargé de matieres alcalefcentes 1 L'air fixe n'eft-il pas ce qu'on appelle proprement acide méphitiquel Or eet acide a-t-il jamais exifté dans votre extrait digeftif ? L'air fixe dit M. Sigaud Delafond , eft un des meilleurs anti-feptiques ou anti-putrides qu on connoiffe. Pourquoi ? paree qu'il eft & bafe acide. Mais votre remede eft alcahn ; il doit donc avoir des propriétés toutes contraires ; & 1'on s'appercoit bien, Dodeur, que vous en faites ufaee « On adminiftre 1'airfixe, ajoute le même Auteur, avec le plus grand fuccès dans les fievres putrides inflammatoires. dans les maladies fcorbutiques. .. .On en a tiré le plus grand parti contre les ulceres les plus dangereux. On a guéri par Ion moyen plufieurs cancers ouverts qui rendoient la fanie la plus fétide & la plus facheufe.... les pierres & les calculs de la veflie, &c. u Dans cette derniere forte de maladies, il peut rétablir parfaitement Zr 1 ^ Ceux ^ui ]'a"roient perdue (dit le Doaeur Saunders dans fa Lettre au Doaeur Percival) en perfévérant dans iulage des diffolvans lixiviels. Au refte La  i44 RÉFUTATION quelles quefoient les propriétés de 1'air fixe, ces favans Phyficiens ne 1'ont jamais regardé comme un remede univerfel dans les maladies chroniques; fi cela étoit?rien n'eft plus facile que d'cn fmpré^ner l'eau & de 1'adminiftrer finvan fe procédé du Dofteur Nooth, au moven de fon appareil perfeaionné par M Parker, &c Nous ne ferons point rtumération ennuyeufe de tout*Me. maladies oü vous jugez que votre extrait SSif convient il fuffit de remarquer en paffant que nous guériffons pareülemen"toutes ces maladies, mais par des moyens moins violens & moins dangeque les vötres. Nous nous contenerons de quelques courtes réflexions fur a eoutte , la gravelle & la pierre. C eft dans ces maux-la fur-tout que vos fpecffiques ont 1'avantage d'un momphc complet. «Puifque la matiere de la gr*veUe(a),dites-vous, de la pierre des Jeins & de laveffie, eft très-analogue a ïa matiere goutteufe ; ces remedes, parSérement Veau digefive, doit convc£ï: & convient réellement aux gravefcox, & a ceux qui ont la pierre; d (a-) Méd. fimplif. page "0-  DES PRINCIPES &c. 245 n'eft même point de doute que fon ufage n'en aflranchifle les goutteux «. « Le feul diffolvant, dit M. Saunders, qui foit maintenant en ufage pour dilToudre les calculs de la veflie eft la leffive , qui a été recommandée au Public fous diverfesformes, comme un remede fpécifique dans ces maladies. Le meilleur moyen connu d'obvier a 1'irritation & a la douleur qu'il produit communément, c'eft d'y joindre unparégorique. .. Mais 1'acide méphitique doit obtenir la préférence fur les plus fameux diflblvans lixiviels ou autres, qui font maintenant en ufage, paree qu'il eft falutaire a la conftitution, & qu'il arrête cette tendance a la putréfaótion déja fi dominante dans les diathefes calculeufes , & qu'on augmente fi fort par les fels alcalins, & par le régime feptique dont on recommande en général de faire ufage conjointement avec les diflblvans lixiviels... (a) n On fait bien , dit-il ailleurs , que tous les remedes empyriques qui font maintenant recommandés , & qu'on met en ufage pour (a) Appendix a la fuite des Exper. de Prieftley , fur l'air. Tomé 3. p. 481 & 48?. (b) Ibid. p. joa & fmv. 3 ^ 3  tj6 RÉFUTATION diffoudre le calcul humain font des alcalis , rendus plus ou moins cauftiques par une combinaifon avec la chaux, & qu'on ne fait que déguifer de difFérentes manieres , foit en leur affociant des amers & autres fubftances végétales , foit en les colorant par différens corps qui ne fauroient rien ajouter a leur énergie. On joint a quelques-uns une préparation d'opium , pour obvier k 1'irritation que les remedes lixiviels produifent dans les voies urinaires. Les remedes lixiviels qu'on emploie pour détruire le calcul humain font extrêmement deftruaifs pour quelques conftitutions. II y a des exernples qu'ils ont produit les maladies les plus putrides , & augmenté les diipoiitions aux afteaions fcorbutiques. ■ lis amenent quelquefois les plus dangereufeshémorrhagies;la diete animale, qui eft 1'article principal du régime qu on y affocie, augmente extrêmement 1 etat pstrefcent des fluides ; &j'ai de plus obfervé fréquemment , que ces remedes occafionnent tant d'irritation & de douleur , qu'il en réfulte une inflammation confidérable a la veflie «. Voila , M. le Doaeur, des remarques qui prouvent au moins qu il exilte  DES PRINCIPES &c. 247 un autre difïblvant plus doux, plus falutaire & tout auffi efficace que le votre, pour diffoudre les calculs de la veffie. On peut guórir fans s'expofer a la putréfaétion & aux maladies innombrables qu'occafionnent ordinairement la quantité exceffive des principes alcalins : feriezvous affez dépourvu d'humanité pour vouloir putréfier 1'efpece humaine toute vivante 1 Une pareille idéé vous fait horreur ; elle eft cependant une conféquence de votre fyftême. Si la Ville entiere ufoit de votre extrait digeftif, pour fe préferver des maladies, que deviendrions-nous, jufte ciel! Dans 1'efpace de dix années nous ne marcherions plus qu'environnés d'une foule de cadavres vivans, déja pourris & confommés ,par la mort lente & fucceffive de leurs parties animales, & les corps ne feroient plus que des amas & des dépots méphitiques d'une corruption horrible. Que ce tableau eft effrayant! mais qu'il s'en faut malheureufement qu'il foit outré ! Le remede perfide féduira le malade par la vaine, mais douce illufion d'un foulagement momentané ; il lui infpirera une confiance fuperftitieufe en 1'éblouiffant par Tapparence d'une fanté trompeuje L 4  a48 RÉFUTATION & paflagere ; 1'homme ne voit que le préfent; il s'endort dans le calme , fans prévoir la tempête ; la prófence des biens dont il jouit efface de fon cceur la cramte des maux dont il eft menacé. II n ett point de malades auxquels on ne puille appliquer ces vérités morales. Qu un remede fappe & détruife a la longue les fondemens de 1'économie animale , pourvu qu'il pallie le mal , il eft toujours bien recu. Tant il eft vrai qu'on apprehende toujours plus la mort qu'on ne déhre 1'immortalité. . , . II n'y a point de fiecle qui n ait vu éclore des monftres; la théorie & la pratique de la Médecine ont été fujettes plus que celles de tous les autres Arts a ces phénomenes extraordinaires qui carattérifent 1'extravagance de 1'efpnt humain, lorfqu'il abandonne la route que lui a tracée la main fage de la Nature. Nous aurions peine è croire , fi nous n en eutftons été les témoins oculair es, que des Médecins euffent jamais prétendu guenr leurs malades par 1'ufage des poiions les plus violens , employer des pilules qui contenoient de 1'arfénic dans le traitement des fievres , & des pilules de lel de faturne dans le traitement des mala-  BES PRINCIPES &c. 245 dies vénériennes ; pilules d'autarlt plus affreufes ( ajoute Triller en parlant de ces dernieres) qu'elles contiennent un poifon lent qui ronge , mine & délfeche le corps par le marafme, &c. compofition vraiment infernale , imaginée pour la deflruaion du genre humain, &c. Quant a fa première efpece de pïlulês, la fagefle du Magiftrat en a profcrit 1'ufage par un ade public & authentique, & il y a tout lieu de croire que fa prudence éclairée ne fermera pas les yeux fur les funeftes efFets que peut produire 1'extrait cauftique du Doaeur. v Les plus grands Médecins, dit Ie Doaeur, ont toujours confcillé les eaux minérales naturelles dans toute* les maladies de longue durée , oü je confeille mes eaux faaices; tous les Auteurs conviennent que l'indigeftion engendre toutes fortes de maladies; les plus illuftres foutiennent que toutes celles dontjeparle, ne viennent guere que d'indigefiions; & il n'eft pas furprenant qu'un remede qui, étant un puiffant réjblutif, prévient & corrige toujours l'indigeftion , fok fi efficace , & pour préferver des maladies & pour les guérir. Cette découverte a dü m'engager a fimplifier, a réformer, L 5  ft5o RÉFUTATION % refondre en un mot la pratique de la Médecine, enfin pour avoir trouvé le vrai fpécifique contre l'indigeftion & contre les maux qu'elle caufe, je ne fuis aucunement coupable de 1'ignorance des Médecins fur cette matiere ; ignorance quej'aiprouvéeParraveudefeuM.Lieu?aud , premier Médecin de Louis XVI, qui renferme fans doute celui de la la- CUIlnïft pas poffible de%enfermer tant de raifon & de bon fens en fi peu de mots. II eft vrai que les Médecins e commandent les eaux minérales dan» les 'maladies chroniques; mais ils favent , comme nous vous 1'avons dcja dt,ratre un choix fage & judicieux de ces eaux & n'ordonnent pas la même pour toutes ■fes maladies. Leur Thérapeutique n eft pasreftreinte comme celle du Dofteur l une feule forte d'eau naturelle ou factice. Nous convenons encore que lradiceftion eft la fource d'un grand nombre gde maux; mais il eft bon de «maguer que le Dofteur n'a pas entendu M. Lieu taud dans le paflage même quil cue, M. (a) Obferv. fur la petite vérole, pages 40 & 41.  DES PRINCIPES &c. 251 Lieutaud avoue a la vérité qu'il y a ün grand nombre d'indigeftions, pour le traitement deiquelles 1'Art n'offre que des tatonnemens; mais il eft aifé de s'appercevoir qu'il ne parle que de ces fortes d'indigeftions qui fontcompliquées avec un vice organique (a) des vifceres, & non de celles qui font produites limplement par la mauvaife coétion des alimens. II eft des remedes pour ces dernieres; il eft rare qu'on guériffe les autres; 1'extrait ■du Docteur même ne feroit alors qu'aug-menter le mal. Comment ofe-t-il donc accufer les Médecins d'ignorance fur cette ■matiere & généralifer une idéé que M. Lieutaud n'a prétendu appliquer qu'a (a) C eft-a dire , lorfque 1'organifation de que que vifcere eft dé truite. Le Docteur avoue qu il ne peut guérir ces fortes d'indigeftions par fes moyens ; ainfi , il ne guérit aucune ïndigefhon que nous ne guériffions tous les jours nous-mêmes, fansdétruire , comme lui par des caujfiques , la conftitution de nos maJades. En quoi confifte donc cette fupériorité quil prétend s'arroger fur M. Lieutaud &fur la *aculte. II ene trois fois le même paflajie dans fes deux Brochures, & toujours pour én tirer une fauffe conféquence. Que c'eft profiter bien adroitement d'une autorité refpectacle ! L 6  a5* RÉFUT ATIOK quelques cas particulier* 1 C'étoit pour fe mettre modeftement au-deffus de M. Lieutaud & de la Faculte toute enuere qu'il tait adroitement parler par la bou che de ce grand homme. Maa* nova virtute, puer; fic Uur ad aftra. Vous n'avez rien prouvé , M.le Docteur , par 1'aveu de M. Lieutaud , finon que'ce n'eft point pour vous que: fon Livre eft écrit, puifque la plus pente équivoque & la moindre obfcunte futt* fent pour vous écarter de la route Au iieu de fonger a- réformer & a la Médecine, tachez de réformer & de re/cWr* vos propre, idéés. On ne vou* imputera jamais Pignorance , & encore moins les connoiffances des Médecins fur les indigeftions ; mais , comme on pourroit nous rendre refponfables des Saux qui doivent être la fuite naturelle & néceffaire de votre méthode, fi nous ne prenions pas le foin d'en prévemr le Public; comme nous nous rendnons les complices d'un monopole coupable en nou, bornant a une connivence lache « ftupide, dans un cas oü le devoir nous m We 1'obligaüon facrée de faire tonner  DES PRINCIPES &c. 255 Ia Vérité ; de toutes les raifotis que nous avons alléguées, nous nous croyons fondés h conclure , que 1'ufage habituel de votre extrait digeftif, loin de prévenir les maladies, en peut & la longue caufer d'incurables , & que 1'effet le moins pernicieux qu'il puiffe produire, c'eft de faire violence a la nature, en bruiquant fes opérations , de traverfer 1'claboration des fluides, en précipitant les digeftions , ou de corrompre les folides par une dégradation infenfible, lorfqu'il ne trouve point de menftrue propre a dompter fon acrimonie.  a54 RÉFUT ATION CHAPITRE XII. '.Théorie des acides , confidérés comme •■ caufes de toutes les maladies. Plagiat du fyftême du Dofteur. .'Si vous n'êtes point 1'inventeur de vos prétendus fpécifiques, M. le Dofteur, comme nous vous 1'avons évidemment démontré , vous ne pouvez paffer * plus • iufte titre pour le créateur de votre iyitême pathologique. En profcnvant partout les remedes acides , vous vous trouviez réduit néceflairement a embraifer le fehtiment de ceux qui avoient attribué avant vous toutes les maladies -a «n vice acide des humeurs, & a profcrire, comme eux, 1'ufage des alcalis dans la plupart des maladies. Le premier plagiat autorifoit naturellement le fecond; mais ce fyftême eft plus ancien que vous ne le penfez peut-être vous même : fon origine remonte jufqu'au milieu du feizieme fiecle ; il eut au moins la gloire de renverfer celui de Galien, non pas paree  DES PRINCIPES &c. 255 qu'il étoit plus folide & plus raifonnable, mais paree qu'en imprimant une .commotion forte & fubite aux efprits, il fit fuccéder un fage fcepticifme a eet enthoufiafme aveugle , dont la contagion avoit tellement gagné tous les Médecins , qu'ils ne juroient plus que par. le nom d'un homme qui de leur maïtre étoit devenu leur idole , & devant lequel ils s'imaginoient que la raifon même devoit fe taire. Au refte , les obligations -que 1'on doit aux premiers Auteurs qui accréditerent 1'hypothefe que vous prétendez faire revivre, c'eft que , malgré leur extravagance , ils enrichirent 1'Art de traiter les maladies d'un grand nombre de remedes importans inconnus ou négligés , tels que le mercure , 1'antimoine, le foufre, le nitre , 1'opium , le fer , les efprits volatils d'urine , ceux de corne de cerf, de fang & d'autres fub"ftances animales, &c. Nous n'attendons pas moins de vos talens, M. le Dodteur; la fociété a droit de vous demander -compte de ces 20 ans de travaux que ivous n'avez certainement pas employés % la recherche d'un remede connu bien long temps avant vous. Paracelfè Bombaft, SuifTe du Canton  156 RÉFUTATION d'Appenzel f» , g™nd Chymifte , Chtrurgien , Aftrologue , homme immonde & crapuleux , ignorant entêtc de 1 Alchymie, qui après avoir brülé pubhque- CEuvres de Galien & cYAvicene , dont le premier lui avoit, difoit-il, ecnt des Enfers, & le fecond avoit eu une conference ave lui dans les parvis du iéjour tenebreux: Paracelfè, dis-je, dont la momare folie étoit de fe vanter hautement qu'il étoit le Monarque de 1'Empue Medtcal : qu'il guériffoit les maladies incurables a'vec certains mots ou,c«fte«, dont il élevoit la vertu au-deffus de toutes les forces de la nature j que par le moyen de la Chymie , il produiroit un enfant vrai & vivant qui , a la groffeur prè, , reffembleroit dans toutes fes parties aux faï Philippe-Aurele-Théophrafle BOMBAST de HOHENHEIM naqmt en 149J» dans un petit bourg de Zunch en Smiïe , dont le "om Einfidlen fignifie en Allemand Hermitage. Le Baron de.§aUerfvre «, con, traire qu'il vint au monde au vi age de Gfffi, au Camon d'Appenzel, & * familie de Hohïner, qui y futfi^ enc^ mourut le M Septembre IT4l agé de ƒ ans. V. le Dia. Hift. de Med. par M. W01. -  DES PRINCIPES &c. aST enfans ordinaires ; eet homme, prodige unique d'extravagance, de phrónéfie , de rodomontade, de fuperftition , qui affuroit Jtfes difciples qu'il confultoit leDiable, quand Dieu ne vouloit pas 1'aider ; voila , M. le Docleur , le véritable inventeur de cette efpece de pathologie, que vous annoncez aujourd'hui comme une découverte nouvelle ; ou du moins ce fut lui qui en fit naïtre 1'idce a Van Helmont. Van Helmont (a) , né avec un jugement plus fain & plus vigoureux que Paracelfè, mais avec un caraftere auffi (a) Jean-Baptifte Van Helmont, fieur de Rogembroch, Mérode, Oirfchot, Pellines,&c. qui fe plaifoit a prendre le titre de Medicus per ignem , naquit \ Bruxelles en ij77 d'une familie illuftre ; il prit fes degrés en Médecine dans 1'Univerfité de Louvain en 1799, le retira dans fon laboratoire de Vilvorden en 1609 , & mourut d'une pleuréfie le \o Decembre 1644. C'eft de lui que de Haen\ dit (Prtelea. in Boerh. inflit. patL Tom. y. p. 369. ) Helmontius debacchando in vens feétionem, & per fua, turn chemica, turn lpecinca curare adnitendo, ipfe pcenas tultc dignas , dum in fe fe negleéta inflammatione, phtiii pernt, & infinitos homines acutis decumbentes aut occidit, aut in longas , eafdemque paflim, tandem lethales , conjecit jerumnas.  ft58 RÉFUTATION dur & auffi infultant, enthoufiafte de fes fecrets, comme lui, ennemi déclare de la faignée & des purgatifs ( name bilarre & ridicule, dont il fut enfin lui - metne la viftime, comme fa femme & fes enfans 1'avoient été avant lui), porta julqu'au fanatifme fon admiration pour ce Médecin Suiife qu'il avoit pns pour modele : après avoir attaqué de front la doftrine de 1'école Galénique, il hnit par fapper les fondemens de la Médecine ellemême, en accufant d'impofture la methode d'Hippocrate & des anciens Grecs. Imitateur outré du verbiage & des rêveries de Paracelfè , pour ne rien ceder a ce vifionnaire, il ne -fe contenta pas de fe vanter d'avoir trouvé comme lui un remede univerfel, mais il bouleverla encore tous les principes de la Pathologie , en foutenant * que tout acide eit 1'ennemi naturel de nos mixtes; que la plus petite quantité qui pmffe s'en trouver dans nos veines, fuffit pour caufer les efFets les plus pernicieux; que cette efpece de fel produit feule les tranchées & les douleurs dans les inteftins, les ditficultés & les ftranguries dans les voies urinaires, la corrofivité des ulceres, les maladies de la peau, la goutte & tous  DES PRINCIPES &c. C59 les autres maux de cette forte ; enfin que toute efpece d'acidité quelconque eft incompatible avec la conftitution naturelle & abfolue de 1'individu confidéré dans 1'état de fanté. n L'acide , ajoute-t-il dans un autre endroit ,qui refte après la première codion, en fefouftrayant ü 1'élaboration de 1'eftomac , occafionne par fa crudité, des tranchées dans les inteftins ; en paffant dans les veines, il caufe difFérentes fievres, la contradlion de 1'abdomen, l'hydropifie, les obftruaions du méfentere, la paralyfie, &c.u Enfin, après avoir raffemblé quelques faits & quelques cas particuliers analogues a fes prin:ipes , il conclut généralement que les icides font les caufes auxquelles on doit ittribuer 1'origine de toutes les maladies. Tachenius (a) , difciple de Timpier, Médecin d'Herford en Weftphalie, après ivoir manifefté par la bafiefFe qu'il eut le voler fon Maitre, ce penchant naturel (a) Otton Tachenius prit Ie bonnet de DocIteur 1'année de Ia mort de Van Helmont; il étoit contemporain de Sylvius de le Bo'è. Mrs. XBurgrave & de Halier en parient èn ces termes ; omittere poffem fiagitiofa vita hominem furem Sc impoftorem. ( Voyez Methodus Jludii de Boerhaave ).  160 RÉFUTATION a la friponnerie qui caraaérife ordinairement les Charlatans, devenu garcon Apothicaire a Kiell, puis Médecin ambulant ; enfin Dofteur en Medecme a Padoue , chymifte a Venife ; Tachenius acheva la révolution étonnante que Paracelfè & Van Helmont avoient préparée. Les acides jouirent feuls du privilege d'exciter les maladies; &les alcalis, du pouvoir exclufif de les guérir. «C'eft fur-tout dans ce petit Ouvrage oü il traite du principe des maladies, que eet importeur remue ciel & terre pour prouver qu'elles viennent toutes des acides , Cx Jour perfuader a fes Lefteurs qu il n y a point de remedes plus efficaces & plus expeditifs dans leur traitement, que les fels volatils de fon invention, le iel de vipere & les terres abforbantes. « On ne fera pas furpris qu'avec autanlt de ioupleffe & de fubtilité d'efprit, Tachenius fe foit fait de fon temps un grand nombre de partifans illuftres, fur-tout fi 1 on fait attention que pour mieiix en impoier il avoit pris le mafque d'Hippocrate; & c'eft en cela feul, M. le Dofteur, que vous avez daigné 1'imiter. Un des plus refpeaables profélytes   a62 RÉFüT ATION grie , de 1'Allemagne , du Danemark , de la Suiffe, de la France , de ITtalie, de 1'Angleterre, accouroient en foule a fes lecons, & parmi lefquels on choifit enfuite plufieurs Profelfeurs pour enfeigner, je ne dis pas feulement dans 1'Univerfité de Leyde , mais encore dans un grand nombre d'autres Univerfités; fi 1'on fait, dis-je , une attention férieufe a tant de circonftances réunies qui confpiroient a accróditer les hypothefes de Sylvius (a) , il fera aifé de fupputer comment il a été poffible que ces opinions aient été ii vite répandues & recues avec tant d'avidité dans toute 1'Europe. Un des plus zélés partifans de la doctrine de Sylvius , Bontekoë rapportoit la caufe de toutes les maladies a un acide-* vifqueux: perfuadé que le fang ne pouvoit jamais avoir affez de ténuité, il n'épargnoit rien pour en défunir les principes & le tenir dans 1'état de la plus- (a) Corneille Bontekoë , natif d'AIcmaer , fut Licencié en Médecine a Leyde, puis Médecin de Frédéric-Guillaume , Elecleur de Brandebourg, qui lui donna une chaire a Francfort-fur-l'Oder. Il mourut d'une chüte le 3 Janvier l68y , agé de 38 ans.  DES PRINCIPES &c. 263 grande fluidité poffible. II rejettoit Ia poffibilité de la pléthore , & en conféquence condamnoit la faignée & 1'application des fangfues, les purgatifs , les veficatoires, les rafralchiffans, &c. n Ainfi ajoute M. Eloi, penfa-t-il pour les autres & pour lui-même. Vidime de fon fyftême, ü refufa d'être faigné , après la cnute qui le mit au tombeau a 1'a^e de 3» ans. Tel eft 1'empire de 1'opfnion. Bontekoë en fut 1'efclave dans celle de toutes les fciences , oü les faits doivent parler plus haut que la raifon , quand on n'a pas les yeux fermés a la lumiere • c eft pour avoir été fourds a la voix de' 1 expénence , que tant de Médecins ont débité de faufles hypothefes , dont ils ont été eux-mêmes les martyrs. <* Gehema (a), Chevalier & Médecin Polonois, célebre par Tufage du moxa quil employoit dans la goutte, devint encore plus célebre par un Ouvrage con- (a) Jean-Abraham Gehema étoit fiJs de Jacques, Starofte & Chambellan du Roi de Pologne D'abord Militaire, il s'attacha en! Tutte a Ia Médecine. II fut dtfciple de Bon tekoë , Docteur de 1'Univerfité ?de Levde PobgS^cr1" d" R°iS dS Pruffe ^ de'  a64 RÉFUTATION forme aux principes de Bontekoë , fon maitre , dans lequel, fuivant pas-a-pas les traces de celui-ci, il profent la iaignée , les fcarifications, les purgatifs, &c. Son fanatifme pour la théorie des acides , confidérés comme la caufe génerale des maladies, alla fi loin , que dans un autre Ouvrage diététique il condamna 1'ufage de tout aliment acide ou acejeent; le vinaigre, le fucre, les fruits d'étc bien mürs , les vins acides ou acidules étoient,felon lui, très-permcieux a lelpece humaine. N'eft-ce pas lè votre iyliême tout entier , M. le Dofteur..tel que vous 1'avez expofé vous-même 1 vous voyez qu'il s'en faut bien que cette méthode foit neuve , comme vous 1 avez aifuré. Je pourrois vous citer une de Médecins, tels que Blancard , JVald(chmidt, Craanen; Ettmuüer, Langius, &c qui, comme vous, ont été le jouet d'une erreur, qui a eu pendant pres de deux fiecles des influences fi ternbles fur la pratique générale de la Médecine. Mais comme cette cömpilation deviendroit trop longue & trop diffufe, nous nous contentcrons de vous renvoyer a l'Hiftoire de 1'Art , & fur-tout aux Ouvrages des Médecins qui ont fupérieurement ö traite  DES PRINCIPES &e. traité cette partie. Nous fifiirons feule^ ment par vous appliquer ces belles paroles, dont fe fert un favant Ecrivain pour déplorer le fort de M. Teichrnéyer, Profeflcur & Genes , fameux par 1'opiniatreté avec laquelle il foutenoitla même hypothefe. « Peut-être, dit-il, trouvera* t-on que je me fuis trop étendu fur 1'hifi totre des Auteurs qui ont été les partifafts outrés de la théorie des acides; mais ja ne puis cependant abandonncr cette mattere fans faire édater la jufte & vive douleur , dont toute mon ame a été profondément pénétrce, lorfque j'ai découyert que Ie célebre Teichrnéyer, Profeffeur a Genes, étoit encore anjourd'hui un des plus zélés défenfeurs d'un fyftême pathologique, auffi abfurde & auffi dangereux. Je Pavoue fincéremeflt, je ne puis concevoir comment, dans un fiecle oü les lumieres d'une faine Philoibphie ont prévalu fur 1'efprit de paradoxes & de fyftêmes, un Chymifte qui jouit d'une fi haute réputation, a pü s'nveugler,jufqu'aü pomt de laiflèr échapper de fa plume une propoiition auffi fauffe que celle-si; la plupart des maladies, tant aiguës que. chroniques , proviennent d'un acide coagulant & corröfif. Quelque vénératiort M *  *66 R É F U T A T I O N que j'aie pour ce favant diftingué , a qui fes connoiffances profbndes dans toutes les parties de 1'Art ont affuré les hommages & la reconnoiffance de 1'on fiecle , 1'intérêt de la vérité & ma confcience ne me permettent pas cepéndant de foufcrivc avec une l&chc complaifance a urte affertion qui peut avoir des conféquences fi functies. Tous ces Médecins, fectateurs de Van Helmont, ont été vos modeles / nonfeulement dans la théorie, mais encore dans la pratique; plufieurs même employoient des moyens plus doux que les vótres , puifque dans lê traitement des maladies, ils ne fe fervoient que des abforbans. * Heureux les Médecins , s'écrn» Tralies , s'ils connoiffoient toujours 1'efinemi qu'ils ont * combattre, s'ils n'avoient rien a redouter de fes embuches perfides, s'il fe préfcntoit toujours a cux fous la mêmeforme & couvert des mêmes armes, & qu'ils n'euflbnt befom dans tous les cas que des mêmes moyens, pour en triompher ! Que la vicloire leroit tacile , h Ja nature, les caufes & le caractcre des maladies étoient toujours les mêmes , u le même antidote pouvoit dompter tous les poifons, & s'il n'y avoit point de maux  DES PRINCIPES &c. a.6? quine fuflent forces de céder a Ia vertu des mêmes fpécifiques ! Mais ce fyftême pathologique,accrédité en fi peu de temps, fut renyerfé en moins de temps encore : eet édifice impofant & magnifique s'écroula plus vite qu'il ne s'étoit élevé ; il s'éyanouit comme les Palais enchantés des Fées; & a peine en retrouve-t-on les chétives ruines. <* Les Fréderic Hofman (a) , les (b) Berger , les Pitcarnius (c) , les (d) Boer.haave, les Baglivi (e), attaquerent cette opinion monftrueufe avec autant de bonheur que de courage; vainqueurs des préjugés qui avoient fafciné les yeux de Ia plupart des Médecins de leur temps , armés d'argumens viftorieux & péremptoires, ils foudroyerent, ils écraferent cette Hydre a cent têtes; 1'Empyrifme fut con- (a) Voyez fa diflert. De acidi & vifcidi pro fiabiliendis omnium morborum caufis infufficientid. (b) DifTert. De acido infonte. (c) Differt. De Operè quam prxflant corpora acida vel alcalina in curatione morborum^ (d) Orat. De chemid fuos errores expurgante. (e) Baglivi, prax, Méd. lib. i Cap. ;, $ a, M 2  268 R É F U T A T I O N fondu ; la vérité reparut plus brillante & plus belle ; les principes de la pathologie furent afFermis;& la Médecine triomphante rentra dans tous fes droits. Plufieurs Médecins, difciples enthoufiaftes des Van Helmont & des Sylvius , fe convertirent & abjurerent leur opinionheterodoxe fur les acides. De ce nombre fut Vallifneri, qui mérite a tous égards nos éloges par la candeur avec laquelle il fe rétraéta. Sa profeiïion de foi en fait de pathologie , mérite d'être confervée, quand ce ne feroit qu'a caufe de l'air de fmcérité qui y regne : n Borelli a obfervé, dit-il, qu'en mêlant un acide quelconque a la partie féreufe du fang, & en 1'approchant du feu , on empêchoit par-la ce fluide de fe coaguler. Ce phénomene m'embarrahe finguliérement; car j'avois la tête remplie de belles chimères fur les efFets de 1'acide. Dans toutes mes confultations, j'étois toujours 1'ennemi déclaré des acides; & tous mes remedes ne tendoient qu'üt les énerver. Maintenant je me trouve dans la plus grande perplexité. II eft vrai que Malpighi a coagulé la partie féreufe du fang par le moyen du feu , fans le fecours des acides; mais fes expériences ne peuvent  DES PRINCIPES &c. 269 entrer en parallele avec celle de Borelli; en^ effet , puifque 1'acidc qui eft dans les veines fe trouve expofé a 1'aélion de la chaleur, de même que celui qu'on approche du feu , pour quelle raifon rendroit-il plutöt a empêcher la coagulation du fang qu'a la favorifer .? L'huile de foufre ou de vitriol , qu'on fuppoferépandue dans les veines , ne rend point la folution du problême plus claire ou plus heureufe, pujfqu'il eft abfurde de ioutemr^que le fang des malades foit chargé d'une fi grande quantité de parties minérales d'une nature fi violente, a moins que leurs mixtes ne foient infeclcs d'un poifon pernicieux & mortel. Ainfi, puilque la théorie des acides chancele , a quel fentiment me confeillez-vous de m'en tenir déformais 1 Par quels contes & par quelles fables voulez-vous quej'amufe maintenant le peuple 1 Quoique le fang , continue-t-il , foit plutöt d'une nature ammoniacale qu'acide « quoique 1'unne, la partie féreufe du fang, & le fang lui-même que 1'on extrait par la faignée ne manifeftent que raremem, ou même jamais , un caraclere d'acidité , mais plutot une acrimonie volatile ou urineufe, cependant les iMédecins font prefque M 3  270 RÉFUTATION généralement inclinés a rapporter aux acides les caufes de prefque toutes les maladies. La pleuréfie , les autres efpeces d'inflammations , les tranchées , la douleur, les fievres , &c. tous les maux, felon eux, reconnoiffent les acides pour leur fource commune; ils ont toujours le nom cVacide a la bouche, comme fi le fang n'avoit pas par lui-même une difpofition naturelle a fe coaguler, indépendamment de toute efpece d'acidité ; mais la lenteur du mouvement, la comprefiïon des fluides dans les vaiffeaux, la langueur des efprits qui font les principes de 1'aétion du coeur, ne fuffifentelles pas , même fans le concours des acides , pour épaiffir le fang & Tenchainer dans fon cours (a). Voila , M. le Docleur, un de vos co-adeptes, dont la rétractation eft bien naive & bien ingénue; remarquez avec quelle fimplicité il fait un aveu public de fes fautes! Si vous 1'avez imité dans fes erreurs , imitez-le dans fa réüpifcence. Boerhaave & Sydenham étoient des hommes , comme vous le dites fort bien ; & en conféquence ils ont pu fe tromper ; (a) Voyez Mifcell. N. C. cent. V. & VI. Obferv. 97.  DES PRINCIPES &c. 271 mais ils ne fe font point trompés fur cette importante matiere, & les paroles du premier que nous avons citées a Partiele oü nous parions de vos remedes , (a) ne s'addreffent qu'aux Médecins de fon temps qui avoient embraffé le même fyftême que vous. Croyez auffi que vous êtes un homme & que vous avez pu quelquefois vous écarter de la vérité. Abjurez une héréfie qui dégrade vos connoiffances. Après la gloire d'être irréprochable, i! n'en eft point qui foit préférable a celle d'un repentir fincere & généreux. II eft démontré que votre théorie & votre Thérapeutique ne font point de vote invention ; & que 1'une & 1'autre ont été profcrites par tous les plus grands Médecins; qu'attendez-vous de plus pour vous rendre 1 Plagiaire malheureux & ftérile d'une hypothefe que la raifon réprouve & que dement 1'expérience , efclave imprudent d'une vaine chimère qui vous avoit féduit, deftruéteur aveugle des principes les plus fages & les plus importans è 1'humanité , il ne vous refte plus qu'a opter entre la honte d'une opiniatreté fanatique ou la gloire d'une rétradfation éclatante. CO Pages aio & 2,11 de cette Réfutatioo, M 4  2?2 RÉ FUT ATI ON. CHAPITRE XIII. Infuffifance & dangers de la Thérapeutique du Doéfeur dans le traitement de la petite vérote. Réflexions fur fa pommade génerale. Si les maladies qui attaquent les individus méritent de fixer les regards d'un Médecin Philofophe & ami de 1 numanité , combien a plus forte raifon , ces fléaux terribles , dont la Nature , par une confcquence nécelfaire de fes loix gcné- • ralcs, afflige des Nations entier.es , n'exn gent-ils pas toute 1'étendue de fes obfervations, toute Ia profondeur de fes connoiffances , toute 1'énergie de fon zele, de fon application & de fon aftivite 1 En effet, foit que ces fortes de fléaux dépendent des vices de la température abfolue du climat, foit qu'ils n'aicnt d'autres caufes que les altérations accidentelles & paffageres de la conftitution atmofphérique, quelle fatisfaction dclicieuie & fublime ne doit pas éprouver fecretement  DE S PRINCIPES &c. 273 celui qui , par une fage expérience , ayant trouvé. les moyens de prévenir le mal ou d'y remédier, peut fe dire dans le fond de fon coeur; «je ne fuis que le Médecin des hommes, & les hommes me regardent comme leur Dieu tutélaire ! Quel moment flatteur & touchant pour Hippocrate , que celui ou les Athéniens guéris de la pefte par ce grand homme , accoururent en foule a fes pieds pour lui décerner les honneurs divins l Plüt au Ciel, M. le Docleur, que tout 1'Univers vous rendit aujourd'hui le même hommage! Nous donnerions 1'exemple de brüler Pencens fur vos Autels , fur ces Autels oü vousl'avez allumé vousmême , ü vous pouviez produire quelque titre qui vous a.ffurat une place parmi les bienfaiteurs du genre humain.-Mais vous n'êtes pas de ces chymiftes qui ne fe tepaiffent que de fumée. Ce n'eft pas feulement la connoiiTance des maladies individuelies, endémiques, épidémiques , qui caraclérife le vrai Médecin. 11 eft des maladies qui femblent être communes a toute 1'efpece humaine; celles-la demandent une étude particuliere. Tels font les maux qui infe&ent les fources de la génération, & la petite M 5  474 RÉFUT ATION vérole qui femble naitre rlans notre berceau & vieillit fouvent avec nous. Nous ne parierons point de la première efpece de maladie , paree qu'elle eft étrangere a notre fujet. Remarquons feulement en paffant qu'après s'être manifeftée aTa première époque par les fymptómes les plus afFreux , fon virus s'eft énervé infenfiblement de fiecle en fiecle, & qu'il finira vraifemblablement par s'anéantir a la longue. La nature , en nous aflujettiffant aux maux phyfiques , n'a eu d'autre vue que de nous rendre la jouiffance des biens plus vive & plus douce ; tandis qye le fentiment des uns nous accablc , 1'efpérance des autres nous confole ; & fi les biens font paffagers, du moins les maux ne font point éternels.. . Quant a ce qui concerne la petite vérole , vous nous impofez vous-même 1'obligation d'en parler , pour prévenir le Public fur les dangers oü 1'expofe votre méthode dans le traitement de cette maladie. Nous nous fommes trop étendus fur votre extrait digeftf, pour ne pas dire deux mots de votre pommade générale. Avant d'entrer en matiere , voudriezvous bien me dire, M. le Dodeur, ce que vous entendez par pommade géné-  DES PRINCIPES, &c. 275, rak ? C'eft fans doute un fpécifique pour les maladies des yeux , des pieds , des oreilles, des mains, des bras, des jambes ^ des levres, de 1'anus, de la tête, du fein , &c. telles que les inflammations, les tumeurs froides, 1'éréfipelle , les hcmorrhoïdes , les polypes, les contufions, les entorfes, la brulure, les engelures , les panaris, les chancres,. les diflocations, les ulcercs, les bleflures, &c. &c Ainfi votre pommade eft tout-a-lafois relachante , aftringente , anodyne,, ftimulante , caimante, irritante, defiicative, humedante, attradive, repercuffive , cauftique , déterfive , fuppura^ tive, &c. Elle réunit donc colledivement toutes les qualités & toutes les vertus poffibles, quelle qu'en foit 1'incompatibilité ; & elle ne déploie 1'une ou 1'autrede ces vertus que d'une maniere analogue au befoin de 1'individu. Que de maladies guéries. par une fimple pommade ! En vérité , M. le Dodeur , cela tient du miracle ! fi vous ne la donniez du moins que pour les cors aux pieds , vous pourriez la débiter publiquement avec approbation de la Faculté , comme cela fe pratique en France. Vos malades ne s'en porteroient pas plus mal pour quelM 6  a?6 RÉFUTATION ques ortcils de moins. Mais 1'employef comme feul & unique remede dans toutes les efpeccs de petites véroles, c'eft montrer que vous faites bien peu de cas de la fanté des citoyens. n Tout le danger de cette maladie , dites-vous , vient de Pftcreté (a) de la matiere varioleufe , c'eft-a-dire , de la petite vérole , de 1'inflammation & du refferrement de la peau qui en eft VeP fet, & qui, empêchant la dépofition & 1'évaporation de la matiere, 1'oblige a refluer vers 1'intérieur au grand danger du malade *. Votre fyftême. eft expofé d'une maniere bien claire, quoiqu'en peu de mots ; felon vous, toute la malignitc de la petite vérole , dépend de la petite vérole même, fans égard a la diverfué des complications auxquelles elle eft fujette: ici vous n'êtes point plagiaire; 1'opinion eft toute neuve , & n'appartient qu'a vous feul. Nous allons faire en forte de 1'apprécier & de la réduire a, fa jufte valeur. Quoique le virus variolique foit homogene, il eft démontré néanmoins que toutes les petites véroles ne font pas de (a) Méd. fimpl. page !ƒ?•  DES PRINCIPES &c. zTr même nature. Nous n'en diftinguerons que de deux ibrtes ; celles qu'on appelle benignes ou difcreres , & celles qu'on appelle malignes ou confluentes. Dans les premières, votre pommade eft inutile; dans les autres , elle eft infuffifante & même dangereufe. La malignité de cette derntere efpece de petite vérole dépend de deux caufes principaies ; i°. de la conftitution individuelle du fujet; 2°. de la complication de la maladie avec' 1 épidémie regnaute. ? Plus le g^ten de nos humeurs eft ammalifé, dit M. de Roulfel, plus il a ioufiert d'élaboration, plus il a dégénéré ; plus, lorfqu'il eft impré^né de virus il fait de ravages , plus la petite vcrole eft confluente & maligne.. Les événemens des petites véroles de'cette efpece font d'autant plus rapides que les malades ont par leur difpofition particuliere ou mauvais régime, laifie contracter a leurs humeurs eet état de diffolution qui , dés les premières attaques fébnles, mene a la gangrene la plusfunefte... Les malades pléthoriques , forts & robuftes, dans 1'age adulte, qui ont fait excès de liqueurs fpiritueufes , de viandes fucculentes, de mets acres, fait des  ar8 RÉFUT ATION exerctces immodérés, fe font abandonnés a des paflions violentes, &c. éprouvent la petite vérole inflammatoire, d'autant plus confluente , que le fang eft épais &dépouillé de férofité , ou que la couenne eft compa&e & abondante. «• Oferez-vous foutenir, M. le Doéteur, que votre pommade générale, appliquée extérieurement, foit capable de remédier a ces vices internes de la conftitution individuelle % Comment un onguent dont 1'aaion ie borne a la fuperficie du corps deviendroit-il un fpécifique contre la dégénération fpontanée des humeurs 1 Comment corrigeroit - il la pléthore 1 Comment calmeroit-il 1'inflammation des vifceres'] Par quel enchantement atténueroit-il le fang épaiffi dans les veines, ou s'oppoferoit-il a fa diflblution 1 Frémifiez, M. le Docteur, en réfiéchiflant aux accidens afFreux auxquels vous expofez vos malades, en leur infpirant une fécurité funefte fur leur état & une averfion abfolue pour les vrais remedes, par l'air de confiance & de préfomption, avec lequel vous leur vantez votre pommade comme un remede unique & général; artirïce mercenaire, indigne d'un Médecin , & qui tend a en impofer a la  DES PRINCIPES &c. 279 crédulité du peuple , en lui perfuadant a fes dépens qu'un remede externe qui n'eft qu'acceflbire, peut fuppléer aux remedes internes de première néceffité. Répondez-moi , Docleur, que feriezvous file virus fcrofuleux, le virus vénérien , &c. fe trouvoient jamais compliqués avec le virus variolique 1 Vous auriez beau alors prodiguer la pommade ; le., malade mourroit , & la pommade générale n'en auroit ni plus ni moins de vertu. Dans les petites véroles confluentes on ne doit pas feulement avoir égard aux tempéramens & aux difpofitions des individus , mais encore a la nature des maladies endémiques ou épidémiques, avec lefquelles elles peuvent fe trouver compliquées , a la conftitution du climat & de 1'atmofphere qui amene ces fortes de maladies, aux faifons , aux vens , &c. Tantöt il arrivé que la petite vérole fe rencontre avec la fievre putride, tantöt avec la fievre bilieufe, fur-tout dans les pays & la faifon oü 1'excès de la chaleur fait pafler rapidement les humeurs de 1'inflammation a 1'alcalefcence, & de J'akalefcence a la putréfaclion ; alors t Ia marche de la maladie eft précipitée; .& le danger y répond a la chaleur & a  ü8o réfutation la violence de la fievre. Quelquefois lef virus variolique fe complique avec la fievre catharrale, fur-tout dans les individus gras, rel&chcs , d'un tempérament pituiteux , fujets a des digeftions tardives , a des déjections glaireufes , a de fauffes péripneumonies, &c. t> A quelques-uns de ces accidens, ajoute M de Rouflel , qui accompagnent la fievre varioleufe , fe joignent des lafiitudes géné^ rales dans tout le cours de la maladie; la confluence des puftules ; des dépots de 1'humeur varioleufe fur les Vifceres qui étoient les plus foibles ; des affeftions comateufes , avec les urines troubles, laiteufes ou bourbeufes; des pétéchies entre les puftules , & la corruption gé*nérale des humeurs. <* Ailleurs, c'eft une fievre lente - nerveufe , accompagnée de fpafmes, d'inquiétudes , & de tous fes autres fymptómes ordinaires, qui fe joint a la petite vérole confluente , fur-tout dansles fujets qui ont le genre nerveux trés-fenfible , qui font foibles & ont en même-temps la fibre très-irritable. « En général la petite vérole s'accommode au caraétere de toute maladie épidémique. Chaque tempérament eft plus ou moins foumis aux  DES PRINCIPES &c. 281 Variations de Patmofphere; toute épidémie varioleufe tient de 1'un & de 1'autre ; Ie régime, les paffions y ajoutent quelque différence. « L'humidité , la fécherefle , le froid, la chaleur, les changemens atmofphériques qui réfultent des difFérentes combinaifons de ces quatre conftitutions , la direcfion des vens, la nature des miafmes feptiques répandus dans l'air, la fituation des lieux , des habitations , les qualités vicieufes de certains alimens, 1'abus de quelques autres, toutes les difpofitions abfolues ou accidcntelles des fujets , &c. concourent a rendre les petites véroles plus ou moins confluentes & malignes Avez-vous prévu toutes ces circonftances importantes , lorfque vous avez compofé votre pommade 1 Lui avez-vous communiqué le pouvoir de guérir toutes les épidémies compliquées avec la matiere variolique ^ Quoi'? une pommade appliquéc fur la peau anéantiroit-elle le germe des maladies internes les plus dangereufes 1 Vous ne prétendez pas fans doute que la deftruétion du virus variolique puiffe entrainer celle du principe de la maladie individuelle ou épidémique avec laquelle il eft compliqué , puifque de même que  282 RÉFUTATION ce virus ne dégénéré point par fa complication avec un autre virus, il ne détruit point non plus celui qu'il rencontre. Jamais il n'énerve 1'aétion de celui qui fe joint 3 lui , & jamais il n'eft énervé par Paétion d'aucun autre. Que s'enfuitil de cela 1 Que 1'application de votre pommade eft infuffifante, & que 1'idée iaufle que vous avez taché d'en donner au Public , caufera toujours plus de morts que de guérifons. Vous m'objecterez peut-être, fans vous arrêter a compter teux que vous avez lailfés fur le champ de bataille , que vous avez guéri un grand nombre de malades avec le fecours feul de votre pommade : foit... Mais leurs petites véroles étoient-elles vraiment confluentes 5 Si elles ne 1'étoient pas , ne doit-on pas attribuer plutöt leur guérifon aux forces dé la nature 1 Si elles 1'étoient véritablement , n'avez - vous employé dans leur traitement aucun remede interne 1 Quand même vous feriez le plus grand Logicien de 1'univers, vous ne me convaincrez jamais de 1'efficacité de votre pommade, foit pour empêcher ou détruire les métaftafes de la matiere variolique fur les vifceres & fur les parties vitales, foit pour remédier a la com-  DES PRINCIPES &c. aS- plication de - fon virus avec un virus étranger. 11 faudroit avoir un front d'airain pour foutenir une abfurdité de cette nature. Au refte , fuppofez même la réalité de ces gucrifons prétendues opérées par le moyen de votre pommade ; quelle conféquence en pourroit-on tirer encore en votre faveur .? aucune. Les Charlatans s'enrichiroient-ils par le débit de leurs fpécifiques s'ils ne guériftbjent jamais 1 Que faut-il de plus pour les mettre en vogue , que trois a quatre cures dont le bruit fe répande de cercle en cercle , par les foins de quelques émiffaires alfidés & difcrets, mais fur - tout doués du don de la parole 1 fa Le Charlatan , dit Zimmermann (a), a un avantage conlidérable fur le vrai Médocin ; c'eft que, fi quelqu'une de fes promeffes fe réalife , on 1'éleve jufqu'aux nues, & fi le malade eft trompé, 1'on eft obligé de fe taire par honneur, & pour ne pas s'expofer a être blamé d'avoir confié fa guérifon a un malheureux qui a d'autant plus de droit d'être fripon, que le nombre des fots . eft toujours le plus grand. D'ailleurs, eet homme hardt (a) Traité de I'expe'rience en Médecine.  a84 RÉFUTATION ne rifque jamais la perte de fa réputation, paree que, comme il n'en a que dans 1'efprit des ignorans, le tort fera toujours du cöté de ceux qui ont voulu 1'écouter. Les hommes aiment tant le merveilleux, que le Charlatan a même feul le droit de faire goüter au peuple la nouveauté : plus fes promeffes feront abfurdes, plus il fera fur d'être cru. Mutato nomine, de te Fabula natratur. ..... .... Examinons maintenant, M. le Docteur , votre procédé dans le traitement de la petite vérole. ■» Pour devoir recourir a la faignée, il faut, dites-vous , que la maladie foit fort grave, que le malade foit a la fleur de 1'age, & qu'il ait fait abus de boiflbns échauffantes & fpiritueufes ; encore faut-il qu'elle ne foit que de fept a huit onces. u. (a) Voil4 encore de ces fortes de faignées avec le fecours defquelles un malade ne craint point de mourir d'inanition , mais d'inflaramation ! Eh ! pourquoi tant ménager le fang des hommes , M. le Dodeur5? (a) Méd. fimpl. page IJl.  DES PRINCIPES &c. 285 C'eft leur vie , je vous 1'ai déja dit, que vous devez ménager. Un fujet robufte , jeune , vigoureux , dont les humeurs lont exaltées , enflammées par un régime chaud & ardent , dont le fang dans tout fon cours reffemble a un torTent de feu , dont toute Ia machine eft en proie a un embrafement général! Vous ordonnez a un fujet pareil une faignée de huit onces! Autant vaudroit-il ne lui pas faire ouvrir la veine. Eteindrez-vous avec un verre d'eau 1'incendie d'une yille entiere 1 Je Ie croirai, fi par une faignée de cette efpece vous venez a bout de calmer 1'inflammation univerfelle dans un pareil tempérament. Qu'a la pléthore fe joignent la pleuréfie , la pcnpneumonie, &c. & au-deflus de tout cela , les fymptómes d'une petite vérole prochaine & inflammatoire , accompa:gnée d'un phrénitis, produit par 1'affeaion des ménmges du cerveau, oü git fouvent , du moins en partie, le foyer du virus variolique; fans doute qu'une faignée de huit onces produiia alors de merveilleux effets. Mais avouez que votre Ouvrage eft un enfant de la nuit, un tiflu de rêveries depuis le comaiencement iufqu'a la fin. J  jaoö RÉFUTATION * Durant la première période, ajoutez-vous , il faut fuivre (a) le régime des fievres continues-aiguës, (nous vous 1'accordons) mais fans prendre de lavemens. .-» Oh !... ceci n'eft point de nature a être accordé fi légerement; & nous ne fommes point affez partifans de la confiipation , pour imiter ce Morton dont parle Van Swieten , dans fon Commentaire fur Boerhaave, & 1'article de la pe•tite vérole (b). Vous favez, & le trait eft plus grotefque encore que plaifant, que ce Médecin , ennemi déclaré de la liberté du bas-ventre fut obligé, après une confiipation de dix-huit jours, dont une femme qu'il avoit guérie de la petite vérole, manqua d'être la viétime, d'extraire les excrémens avec une tenette ou un petit forceps. L'accouchement étoit laborieux fans doute; quelques lavemens auroient fuffi pour le rendre naturel. Le premier pas que doit faire un Médecin dans le traitement de toutes les maladies, c'eft de s'affurer des premières voies. Boerhaave vouloit toujours que (a) Méd. fimplif. page IJl. (b) Comment. in Boerh. p. 7;, 76 , T. V»  DES PRINCIPES &c. aS? IVVr?re £V^re dansJa Petite v«ole, ^Mmp du Van Swieten, hujus morbi adejjet, des qu\l y avoit la moindre apparence que cette maladie devoit fi mamfiefter. II penfoit avec raifon qu'en précipitam la matiere variolique par les fel- im'J1;mpêGhoit ^eUc "'"«"Gonnftt autant de ravages dans les parties fupéneures. Van Swieten , Sydenham , HofFmann, étoient du même fentiment Le premier dcplore le fort d'une illuftre mor« te, qui, faute de lavemens, fuccomba le onzieme jour de la maladie 5 le fecond gemit fur le malheur de plufieurs milliers d enfans, viclimes déplorables de 1'imprudence de quelques femmes , qui, dans des cas femblables, s'avifoient d'arrêter les diarrhees , le troificme enfin fe loue & s applaudit des heureux effets dont il a m redevable aux flux de ventre dans les petites véroles confluentes. II appuie ion fentiment fur 1'autorité & fur les obiervations ÜAmatus Lufitanus , qui remarque dans un de fes Ouvrages que de cent cinquante enfans attaqués de la petite vérole qu'il avoit eu a traiter pendant ]e cours d'un feul été, tous ceux a qui la diarrhée ou les.lavemens avoient procuré d'abondantes évacuations furent  m RÉFUTATION parfaitement guéris 5 au-"eu J'ai vu des enfans, dit M. Rouffel, qu'on ne pouvoit raffafier de viandes, mourir le fecond ou le troifieme jour d'une petite vérole confiuente , après la perte d'un fang très-diffous & très-fluide. u Remarquez bien que cette diffolution du fang ne vient que de 1'alcalefcence des alimens, & que c'eft plutöt a leur qualité qu'a leur quantité, que la caufe doit en être attribuée. Et voila comme vous plaifantez ! Voila comme vous vous jouez de la fanté des hommes ! Vous avez raifon; vous êtes bien au-deffus d'eux; & Machiayel n'en eüt pas fait moins que vous. t> On pourra toujours fauver le malade (par le moyen de la pommade), lorfque la matiere n'eft point refluée fur quelque vifcere.« (a) Voila une réflexion a laquelle on ne devoit guere s'attendre après 1'éloge pompeux que vous aviez fait de votre pommade. En quoi con- (a) Médecine fimplifiée, pag.  DES PRINCIPES &c. 291 fifte proprement le danger de la petite vérole 1 C'eft dans les métaftafes & les complications; hors de ces cas-ljl , la maladie eft toujours bénigne. Or, fi vous ne pouvez guérir par vos moyens, ni lorfque le virus reflue fur quelque vifcere ou fur les parties vitales, ni lorfqu'il eft compliqué avec un autre virus, quelle raifon avez - vous de vanter avec tant d'emphafe la vertu de votre fpécifique H Quels font donc les effets furprenans qu'il produit5} II relache, il détend la peau, il calme I'inflammation ; il favorife 1'éruption & la maturation des puftules £ Quand cela feroit vrai, quel avantage votre méthode auroit-elle fur celle des autres Médecins 1 En eft-il un feul qui ignore que les topiques graiffeux , onctueux , &c. ont la propriété de prévenir 1'éréthifme ou d'y remédier 1 Mais en eft-il un feul. auffi qui penfe que par ce moyen il puifle procurer 1'expulfion ou la dépuration de la matiere varioleufe flottante dans les premières voies "l &c. Lorfqu'il s'agit d'amollir & dc relacher la peau , tous les grands Médecins, tels que les Tronchin, les Senac, les Van Swieten , les Boerhaave , &c. ne recommandent-ils pas les fomentations, les N 2  aaa RÉFUTATION bains de vapeurs, 1'application des matieres graffes & huileufes , &c 1 Quel feryice avez-vous donc rendu a la Médecine dans le traitement de la petite vérole 1 aucun , puifque vous n'avez rien imaginé qui ne fut déja connu de tous les Praticiens. J'ofe dire plus encore ; vous avez compromis les Médecins, décrédité la Médecine, .& expofé les malades a une mort certaine , en attribuant la propriété de détruire la caufe de la maladie a^un remede qui eft tout au plus capable d'en détruire quelques fymptómes, en généralifant, fuivant votre louable coutume, ce qui n'étoit que particulier, &c en confondant 1'acceffoire avec le principal. » En confidérant, dites - vous, (a) la facilité avec laquelle j'ai réuffi dans les cas les plus graves, je fuis perfuadé qu'il eft moralement impoflible , qu'en fuivant cette méthode, le malade meure de cette maladie , lorfque le peu que j'exige peut avoir lieu. u Ce n'eft point dans les cas les plus graves que vous avez rêujji; mais feulement dans les petites véroles bénignes,, c'eft-&-dire , dans celles oü la Na- (a) Méd. fimplif. p. 160 & 161.  DES PRINCIPES &c. 293 ture n'ayant point befoin de fecours étrangers i fe fuffit a elle-même, indépendamment des remedes , pour rendre la guérifon certaine & facile , ou n'exige tour au plus que quelque calmant ou reldchant pour détendre la peau & diminuer 1'inflammation. Les cas les plus graves , font ceux, comme nous vous 1'avons déja dit, oü la petite vérole eft compliquée avec quelque autre maladie , & ceux oü la matiere variolique fe dépofe par métaftafe fur quelque vifcere ou fur quelque partie vitale. Or, vous convenez que dans ce cas-la , votre pommade eft infuffifante (a). Donc vous ne guériffez pas dans- kt cas les plus graves; ainfi, quand vous feriez Pinventeur de votre pommade, vous n'auriez encore rien fait pour le bien de 1'humanité. Dans les petites véroles bénignes, & en général dans celles qui n'ont d'autres fymptómes allarmahs que Péréthifme ou la trop grande inflammation , nous vous accorderons volpntiers Pimpoffibilité morale de la mort du malade ; mais il faut en revanche que vous nous accordiez , que dans ces fortes de petites véroles , tout autre remede que (a) Méd. fimplif, page N 2  294 RÉFUTATION votre pommade, dès qu'il 'eft calmantk reldchant, produira le même effet. v Oui , j'en fuis fi sur , ( de guérir ) ajoutez-vous, que j'entreprendrai d'aller a quinze lieues d'ici pour traiter quelqu'un qui aura la petite vérole, & de faire le voyage & le traitement a mes frais, s'il arrivé que le malade meure, ou. qu'il foit marqué confidérablement, pourvu que ce foit chez des perfonnes comme ilfaut, que le malade ait au moins fix ans, & que je puiffe y être avant Ia fin du hxieme ou même du feptieme jour de la maladie. u (a) Vous entreprendrez des voyages de qüliize Üeues, M. Ie Docleur, pour la douce fatisfaclion de guérir les hommes! a vos frais! fans efpoir de falaire ! pourvu que ce foient des perfonnes comme ilfaut qui vous appellent! Mais, fi ces perfonnes comme il faut étoient pauvres, ( car toutes les perfonnes comme il faut ne font pas riches) vous n'iriez certainement pas chez elles, M. le Docleur *? Au-lieu que fi un Créfus , qui ne feroit pas une perfonne comme ilfaut, imploroit votre fecours, vous prendriez bien (a) Méd. fimplif. pages ióo & iól.  DES PRINCIPES &c. % vfte Ia pofte & vous voleriez chez Ie favori de Plutus. II apprendroit bientöt & fes dépens que vous avez trouvé lc^ fecret de rendre Por potable. Vous feriez le voyage a fes dépens & vous ne le tueriez pas fans doute a vos frais. Vous exigez que le fujet foit au moins agé de fix ans, paree que vous ne comptez pas fans doute affez fur la bénignité de votre pommade, paree que vous connoiflez fon caraftere répercuflif & dangereux , & que dans un age fi tendre , trop foible par lui-méme pour fupporter la violence de fon aétion, fon application ne pourroit avoir que des fuites funeftes. Vous n'ignorez pas cependant'que ia petite vérole eft plus facile il fiiérir dans les enfans que dans les adultes; nous 'fes guenfions au berceau & fans votre pommade ; quel avantage avez-vous donc fur les autres Médecins, puifqu'ils font ce que vous convenez vous-même que vous ne pouvez pas faire H Que dis-je 1 Ils guériflent, même quand on ne les appelle que le dixieme ou le onzieme jour de a maladie; & vous ne guériffezpas, fi Ion ne vous appelle avant la fin du iixteme ou du feptieme ! Quel fujet avezvous donc de faire eet étalage faftueux N 4  a96 RÉFUTATION. de 1'efficacité de vos moyens *! Vous vantez votre pommade} comme un puiflant cojinétique , preuve évidente de fa qualité répercuffive : mais eft-il un meilleur cofmètique que l'eau froide, telle que 1'emploient ordinairement les Arabes dans la première période de cette maladie, pour garantir de 1'éruption le vifage ou toute autre partie du corps ? r> Van Swieten , dites-vous, (a) parle d'un Médecin Ecoffois qui appliquoit fur toute 1'habitude du corps 1'emplatre émollient de Mélilot; ce grand homme approuve fa méthode , qui n'a ccpcndant de celle-ci que 1'apparence. Doaeur s'eft jetté, a corps perdu „dans les acides, comme la P, écieufe-ridicule de Molière dans les tourbillons. II vous alcalife un homme tout entier , comme Noliet 1'élearifoit. Avez-vous, mon cher Leaeur , une petite vérole confluente , appellez M. le Doaeur ; fi vous êtes un Narcifie, un Adonis, &c. vous ne ferez certainement pas défiguré ; il poffede une pommade cofmétique , qui par fa qualité répercuffive peut occalionner des métaftafes en faifant difparohre les puftules de la peau ; & le malade peut difparoltre auffi vlte qu'une puftule. Concluons: le Dodeur auroit dü donner a fon Livre Ie titre de Médecine mutilée , au-lieu de celui de. Médecine fimplifiée. Nous n'attachons d'autre prix a cette Réfutation que la gloire & le plaifir de nous rendre unies; eet avantaee  314 RÉFUTATIO N&c. nous payera feul de tous nos travaux; nous nous en croirions amplement dédommagés , quand même eet Ouvrage ne contribueroit qu'a la confervation d'un bon Citoyen. Animus unicè fuit defeclus eftendere . . . . .... Eumque in finem venerandos meos collegas omnes hortor amicè, fi. in iftis penitius me quid profpiciant, melioraque norint, ea proferre in lucem velinr. Dehaen, Prcefat. Rat. Med. Tome V. FIN.  DES MATIERES. InTRODUCTION ou Hiftoire abrégée des Médecins a fecrets, qui ont prétendu avoir trouve la Médecine unieer felle , page i Chapitre I. Paf age de Locke mal interprété par le Docleur. 25 C h a p. II. Faufeté des principes du Dodeur furies caufes des maladies. 32 C h a p. III. Suite du précédent. 47 C h a p. IV. Faufeté de la Théorie du Dofteur fur les épidémies. 56 Chap. V. Faufeté des conféquences que /'Auteur tire de fa Théorie fur les épidémies. r X C h a p. V I. Faufeté de la Théorie du Dodeur fur les fievres. 81 Chap. VII. Infuffifance & dangers de la Thérapeutique de Z'Auteur dans Ie traitement des fievres. 104 Chap. VIII.' PLufintes Obfervations du Doaeur dans le traitement d'une TAB L E  3i6 T A B L E. fievre qu'il ne fait pas trop bien dèjinir lui-même. 125 Chap. IX. Gentillejfes du Docleur. 141 Chap. X. Parallele du Docteur avec Hippocrate & Sydenham. 166 Chap. XI. De la nature & des effets des fpécifiques du Docleur. 189 'Analyfe des fpécifiques du Docleur. 192 Chap. XII. Fauffeté de la Théorie du Docleur fur les maladies chroniques.il 5 Chap. XIII. Théorie des acides r \ confidérés comme caufes de toutes les maladies. Plagiat du fyftême du Docteur. 254 Chap. XIV. Infujfifiance & dangers de la Thérapeutique du Docleur dans le traitement de la petite vérole. Réfiexions j fur fa pommade générale. 272 Chap. XV. Conclufion générale de VOuvrage. 308 (JV. B. II s'eft gliffé une faute dans j les numéros des Chapitres : cette faute eft corrigée dans la table). Fin de li Table.