ABRÉGÉ D' H rSTOIRE NATURELLE J> O U R L'INSTRUCTION DE LA JEUNESSE. I M 1 T É DE VA I. L E M A N D DE M. RAFF, Professeuu d'Hist. kt de Géogr. a Goistïingc3 ; P A R M. P.ERRAULT. PREMIÈRE P A R T I E. A V E C F 1 0 ü R E S. AMSTERDAM, chez Gabriel Dufour, Libraire. ï 7 9 3-   APPERCU DE L'OUVRAGE. s •■ PREMIÈRE PART IE. Pages Preface, 1-34 JntroduEtion, i- 20 Des trois Regnes de la Nature, en général, 27- 34 Du Regne végétal, ou des Plantes, 35-I33 Du Regne animal, 134-449 1) Du regne aiiimal en général, 134-150 2.) Des vers , 151-179 3) Des infeStes, 17P-318 (1) Des infecles en général, 179-194 (2) Première clajfe, de ceux qui ont des ailerons entiers, 194-213 (3) Seconde clajfe , de ceux qui ' n'ont que des demi-ailerons ou élytres, 213-230 £4) Troijieme clajfe , des lépidopter es ^ ou de ceux qui ont les quatre aües farineufes, 230-250 (5) Quatrieme clajfe , des hymé- nopt er es , c'ejt-d-dire, ,qui ont les quatre aües membraneufes & fans poujfiere, 251-258 (6) Cinquieme clajfe, des neurop- teres, c'ejl-a-dire , qui ont des aües a nerfs ou veinées, 258-291 X?) Sixieme clajfe, des dipteres, m qui n'ont que deux aües, 291-2 !)8 * 3  VI (8) Septieme clajfe , des apteres, ou de ceux qui n'ont point d'aïles du tout, 298-318 4) Bes poijfons, 3*8-34? (1) Despoijfons en général, 318-325 Première clajfe, des poijfons d ventre ras ou fans nageoires ,325-329 (3) Seconde clajfe , de ceux qui ont des nageoires au cou £? point J'bus le ventre, 329-333 v4) Troijïeme clajfe, de ceux qui ont les nageoires du ventre placées précifément au-defJ'ous de la poitrine, 333 34° (5) Qtiatrieme clajfe, des poijfons d nageoires peStorales, 3^0-347 5) Des amphibies, 347-382 (1) Des amphibies en général, 347-349 (2) Première clajfe , des faux- poijfons, 3 r6 (3) Seconde clajfe, desferpsns, 356-366 (4; Troijisme clajfe, dtsreptiles, 366-382 SECONDE PARTIE. 6) Des oifeaux, 1-131 Ci) Des oifeaux en général, 1- 23 (2) Première clajfe, des oifeaux de proie, 23-46 Cs) Seconde clajfe, des oifeaux babillards, ^q. C4) Troijïeme clajfe , des palmi- pedes ou aquatiquest 64- 77 (5) Quatrieme clajfe, des oifeaux de marais, 77' 91  p R E F A C E. III parler exaftement & proprement^ il fau'droit dire que tout cela tient a 1'hiftoire naturelle & en dépend. Comment dope eft-il arrivé que 1'on ne fe foit pas avifé de meilleure heure d'appercevoir que cette étude devroit faire le premier objet, le plus effentiel & le plus conftant de 1'attention & de la curiofité des enfans? —? Mais cette recherche ne feroit pas ici h fa place, & n'entre pas dans notre plan: Terreur eft trop évidente ; il fuffit prefque .de 1'aveir indiqué. Nous n'ignorons pas, d'un cöté_. qu'elle a déja été fentie par d'autres, qui fe font .occupés dans d'autres temps de projets pareiis a celui que nous venons d'exécuter : de 1'autre , qu'elle a été_accréditée par des perfonnes, même éclairées, foic faute de réflexions fufEfantes fur un objet trop peu analogue a leurs occupations journalieres , foit par une habitude trop ordinaire a ceux qui fe piquent d'efprit, de commencer par tout ft onder, furtouc par rapport a 1'éducation depuis que les travaux ou du moins les propos fur cette partie font, pour ainfi dire , devenu3 a la mode. Elles prétendent que pour vouloir tout enfeigner aux enfans, on ne leur apprend rien, & aflurent fort lefteraent que * 2  iv P R E F ~A C E. 1'hiftoire naturelle eft , comme beaucoup d'autres chofes auxquelles on s'efforce de les iniiier, fort au-dellus de leur portee; que ce qu'il en faut abfolument favoir, s'apprend affez de foi-mème dans le courant de la vie , &c. &c. 11 fembleroit, a les entendre ainfi parler , que paree que les tcntative.s none pas toujours été auffi heureufes quon 1'auroit défiré ou. qu'il auroit fallu, il faille s'en dégoüter & n'en plus faire, abandonner les chofes a leur ancien cours, & fe livrer de nouveau aux anciens abus que 1'on reconnoic, paree que 1'on n'a pas reulii du premier coup a y fubftituer ce que la fageffe demande. Mais heureufement que ces cenfeurs tombent en contradiétion avec eux-mêmes; leurs lumieres ne leur permettent pas de jetter les yeux fur les méthodes fubfiftantes d'éducation fans en reconnoitre les défauts, non plus que les fuites pernicieufes qui en réfultent pour la fociété. Seulement ils ne font contents de rien, ni des abus en vogue qu'il leur eft impoffible d'approuver, ni des efforts que 1'on fait pour y remédier autant que poflible; efforts qu'ils devroient néanmoins plutöt encourager & diriger. JNous croyons donc  P R E F A C E. v que pour obtenir leurs fuffrages , il furfira de leur avoir fait appercevoir une contradiétion dans leurs idees ou dans leurs difcours, a laquelle ils ne fongeoient pas. II eft peut - être vrai cependant que dans la multitude des ouvrages élémentaires, ou foi-difant tels, •c'eft -a-dire de ceux qui ont été intitulés pour les enfans, on en trouve plufieurs, foit chez nous, foic chez nos voifins , ou il paroit que la portée du jugement de eet age tendre n'a pas été exaótement appréciée, & qui traitent d'objets oü 1'on s'efforceroit en vain, & mal - a - propos même, de 1'élever. En voila fans doute plus qu'il n'en faut pour juftifier en général les réclamations des cenfeurs , mais nou pas pour en juftifier 1'univerfalité trop abfolue. lis devroient remarquer d'abord , que 1'abus dont ils fe plaignent, loin d'être particulier & propre aux inftituteurs modernes, eft fans comparaifon plus général & plus frappant dans la marche & les procédés du genre d'éducation autorifé par un long ufage. La plupart des objets fur lefquels on y force les jeunes-gens de fe morfondre en vain, non feulement n'y font pas mis a leur portée, mais ne fonc * 3  w P R E F d C E. pas même de nature a 1'être. Et que doitil réfulter de cette méprife ? Ce qu'il en réfulte effêétivement, & ce que 1'expérience nous montre a chaque pas, fans que nous en devinions la caufe, ou même fans que nous y faifions réflexions. C'eft que, une marche fi peu naturelle, fi violente (car on doit le*dire), ne pouvant avoir lieu fans bouleverfer 1'efprit au moment même de fon développement, fans, contrarier ce développement, fans rendre les efprits faux ou fans leur donner plus ou moins de pente au faux felon les difpofitions individuelles; il arrivé auffi que fur cinquante éleves a peine y en a-t-ii deux ou trois qu'une vigueur native des facultés intellectuelles préferve ou de 1'hébêtement, ou de la perverfion totale du ugement qui elt pire peut-être , & que e tres netit nnml'trf» favorifé de la nature , ne laiffe pas de fe fentir encore un peu de la fauflè pente que les autres ont été contraints de prendre. D'un autre cöté les cenfeurs verront dès qu'ils le voudront, que parmi les objets d'étude auxquels on peut faire le reproche ci-deffus, on auroit grand tort de eomprendre 1'hiftoire naturelle, & pour.  P R É F A C E. ia seu qu'ils veuillent bien fe donner la peins de pouffer plus loin leurs réflexions, ÜS fentiront au contraire que , s'il y a une étude propre a guérir ou a prévemr le mal dont nous nous plaignons, en s'adaptanc le mieux a la portée des jeunes efpnts ö£ a la progreflion naturelle de leur développement, c'eft celle que nous leur pro* P°linSeffet, fans nous perdre ici dans des^ analyfes & des démonitrations auffi étendues que cette matiere pourroit le com-porter , nous prions feulement que 1 on veuille bien nous en indiquer une autre, qui, a une utilité plus étendue, plus générale & plus effentielle , réuniiTe plus. d'aerément & de fimplicité , plus faite pour être le fondement & la bafe de toutes nos autres connoiffances, plus ïndiquée par la nature même pour former les rudimens de 1'efprit humain. Car voila, fi je ne me trompe , les caraóleres _ que 1'on peut dclirer dans une écude initiale,, foit qu'elle doive être commune a uu grand nombre d'éleves , foit même qu'ü> s'agiffe de 1'éducation. d'un petit nombre ou d'un feul. L'on fent bien d'ailleurs qu'en propo* Simt ici 1'hiftoire naturelle, nuus ne pen-*4  vin P R E F A C E. Tons point a faire fuivre par les aïles foibles & naifTantes de 1'imagination enfantine, 1 effor vigoureux, fublime, rapide , du genie de Büpfon, p. ex.; lorfquij penetre dans le laboratoire des êtres, ou lorfque du haut de la région oü il s'éleve il jette des regards d'aigle fur les révoJutions paffées & futures de 1'univers • qu il n eft point quefüon d'embarraffer de jeunes efpnts dans les épines des fyftêmes; en un mot, que tout ce dont il s'agit & tout ce dont i!s ont befoin , c'eft de les familiarifer avec 1'univers que leurs yeux a peine ouverts commencent d'app.rcevoir, de leur faire faire connoiiTance avec les objets qui les entourent, ou plutót de les dinger dans la connoiffance qu'ils font obhgés de faire néceffairement, Comme il n'étoit pas queftion ici de nouveaux fyftèmes , de nouvelles idéés., de découvertes a nous propres, il eft inu« tile de dire que nous avons dü nous feryrr des ouvrages déja exiftans fur 1'hiftoire naturelle. II eft vrai que fouvent ils ne font pas d'accord entr'eux fur bien des points, tant généraux que particubers , & quo;que nous euffions pu a toute force ' uo:is difpeüfer de mettre fous les yeuxad^s • "** 4  xxxii PRE FACE, enfans les maüeres litigïeufes, elles font trop multipliées pour que cela fut bien aifé ; de forte que 1'utilité de ce travail n'étant pas bien démontrée , nous avons préféré d'indiquer aux lieux qui en avoient befoin les différences & les incertitudes, de même que les fources principales oü 1 on peut puifer des lumieres, autre travail dont les maitres fans doute nous fauront gré. , Comme du refte il faut rendre honneur & gloire a qui elle eft due, nous croyons de notre devoir de dire que nous avons pris pour bafe un ouvrage de la nature du nótre, qui jouit aujourd'hui en Allemagne de la plus grande réputation ; mais nous avons eu 1'attention de le conférer, chemin faifant, avec les plus célebres naturaliftes .des autres nations, & furtout de la notre, en quoi le DiÜionnabs de Valmont db Bomare avec les notes de Haller, nous a été d'un grand fecours : ouvrage d'ailleurs qui jouit d'une jufte célébrité, &^d'autant plus digne de faire autorité, qu'il ne parle prefque partout que d'aprés les plus grands naturaliftes de notre fiécle, tels que Buffon , Auanson , Linnée, Daubenton, Vosmaer, Brisson, Beckmann, Pott, &c. &c.  p R É F A C E. xxxiii Le fyftême fuivi dans eet ouvrage, autant que 1'on avoit befoin d'en fuivre un f& en effet il auroit paru trop ridicule aujourd'hui d'écrire fur 1'hiftoire naturelle fans fyftême), c'eft celui du celebre chevalier de Linnée, & celui du profeffeur Blumenbacii. On fera peutetre furpris au premier abord de nous voir parler botanique, fans faire, en aucune maniere que ce foit, mention du fyftem. fexuel des plantes , quoique nous nignorions pas que c'eft 1'un des principes fondamentaux de cette fcience : mais nous efpérons qu'un inftant de réflexion fuffira aux lecteurs judicieux pour leur faire fentir les raifons prépondérantes qui nous ont empêchés d'entrer dans des détails circonftanciés de cette efpece. Une chofe qui n'offroit pas d'inconvémens, & qm au contraire a fes avantages, c'auroit ete de fuivre pour la botanique la claffification qui a pour fondement la forme & la difpolition des fleurs; ce qui donne les fleuronnées, demi - fleuronnées , radiees, verticillées, légumineufes, ombelliferes, papillionacées, &c. Mais nous avons penie que, comme il exifte en francois un tres petit ouvrage fur ce fujet particulier, dont  xxxiv P R É F A C E. Ie ftyle & la marche font d'ailleurs touta-fait appropriés a la portée des jeunes gens, il valoit mieux y renvoyer les mattres qui auroient du goüt pour cette méthode auffi agréable qu'utile. Ainfi ils le trouveront aifément dans la Colleclion des Oeuvres de J ean-Ja co^ues Rous. seau, _de laquelle ils pourront le détacher, s'il ne fe trouve pas imprimé a part.  A B R È G Ê DHISTOIRE NATURELLE POUR V1NSTRUCT10N DE LA JEUNESSE. INTRODUCTION. Le bon Ami. Eh bon jour, mes petjts Amis; aquoivous arnufez-voüs aujourd'hui? Les jeunes Ams. Vous nous aviez promis hier que nous irions enremble nous promener dans le bois pour y chercher des nids d'oifeaux: e(t-ce que vous ne vous en fouvenez donc plus? Le bon Ami. Si , je m'eii fouviens. Mais voila un vent furieux qui rendroit natre courfe inutile; entendez- vous comme il fbuffle? Les jeunes Amis. Mais croyez-vous doncquc 1'on ne puiflè pas encore A  Introduction. ? Le b. A. Vraiment je le crois; & comme 1'on a écrit tout ee qu'ont fait les rois & les ducs, de même nous verrons dans notre livre tout « qu'ont fait les nwöjeaiiK&teépewiew. Lesj. A. Et les arbres & les poiflons ont-ils fait aufli quelque chofe? Le b A. Ecoutez. Les arbres font tous faits é'une facon différente , produifent des trui» différens', viennent de différentes mamères & dans différens pays ; les poiffons ont aufli ditférentes fieures & différentes grandeurs; on s'informe de tout cela & on le neon»sou on 1'écrit, & voila ce que 1'on appelle Hijloire naturelle on de la Nature; a-petiprès comme la defcription de Paris ou d'autres villes, ou celle des palais, des églifes que vous avez lue, étoit en quelque facon Yhijloire de ces belles chofesla. oui ne font rien. „ Les j. A. Et cette defcription eft-elleauth dans 1'hiftoire naturelle ? Le b. A. Non, mes chers Amis, paree que ce font les hommes qui ont fait ces chofes-la, au lieu qu'ils n'ont pas fait les arbres ni les animaux; c'eft la nature. Les j. A. Mais eft-ce que les arbres ne viennent pas tout feuls quand on les a plantés, comme nous avons vu planter des pCcners dans les vignes? Le b. A. C'eft paree que nous ne voyonspas ce qui produit les végétaux, les minéraux, ni les animaux même, que nous les appellonsdes productions de la nature. Les j. A. Mais oü eft-ce qu'elle eft, U nature? ]. , ,. , „ Le b. A. Mes Amis, au lieu de dire les ou» vrages de la nature, nous devrions dire les ouA 4  8 htroiuction. vrages du grand Être, c'eft a-dire deDifci:: cnr ce mot de nature ne veut pas dire autre chofe. Lesj. A. Mais, bon Ami, pourquoi donc :eft- ce que 1'on a inventé ce mot? Le b. A. Qu'eft ce qui a fait les fouliers, les chapeaux, les habits que vous portez? Lesj. A. C'eft le tailleur, le cordonnier, le chapelier. Leb. A. C'eft-a-dire, des hommes, n'eftce pas? — Et la maifon oü nous fommes ? Les j. A. Elle a été faite par des macons. Le b. A. Par des macons & des charpentiers, & d'autres ouvriers. Et toutes les maifon s voifines? Les j. A. Auffi par des ouvriers. Le b. A. Et les maifons que nous trouvons dans la campagne quand nous nous y promenons? Les j. A. Mais .... de même auffi, n'eftce pas, bon Ami? Le b. A. Oui fans doute; & les beaux j'ardins que nous voyons , qui eft-ce qui les a plantés ? Les j. A. Ce font des jardiniers ? Le b. A. A la bonne heure ; & les belles campagnes des environs , qui eft-ce qui les a cultivéts ? Les j. A. Ce font des labottreurs. Leb. A. Fort bien ; & les villages d'alentour, qui eft-ce qui les a batis? Les j. A. Ce font des payfans. Le b. A. Et toutes les villes du royaume & des royaumee voifins, avêc tous les villages? Les j. A. Ce font auffi des ouvriers & des p«yfaus .... Cl'un d'eux , en interrompant.') Mais  i8 Introdudtion. Les ƒ. A. Cela eft - il bien vrai ? ah ciel! voila un bien brave laboureur,n'eft-ce pas,bon Amiy Le b. A. Trés-brave homme, & fes affaires ne profpéroient pas mal; fes voifins & fonMaltre lui laifföient de quoi récompenfer fa bonne volonté & la gaieté avec laquelle il travailloit pour eux tous. Les j. A. Mais eft-ce qu'il ne chaflbit jamais les oifeaux de fon champ ? Le b. A. C'étoit un trés bon tireur, & il en tuoit autant qu'il pouvoit; mais comme il y eu a tant, tant, & qu'on ne peut pas tout tuer, il favoit bien qu'il reftoit encore aflez de ces voifins-la pour manger la portion qu'il leur abandonnoit, & il le faifoit fans regret. Les j. A. Mais il y a donc bien, bien des bêtes & des oifeaux; dites, bon Ami ? Le b. A. Ah, mes petits Amis! il y en a des milliers d'efpèces. & il y en a des millions de plufieurs efpèces. Et après cela toutes les plantes, tous les arbres & les arbriffeaux, c'eft encore de même ; & en outre toutes les chofes qui fe trouvent dans la terre & que 1'on appelle des minéraux ou des fofliles. De tout cela il y en a des quantités infinies. Les j. A. Eft-ce que tout cela eft dansvotre livre, & dans les images? Le b. A. Tout cela ne peut pasyêtre,paree qu'il y en a beaucoup que 1'on ne connolt pas, ou que 1'on n'a jamais vus. Cependant Ton y en a mis plufieurs milliers. Les j. A. Comment eft-ce que Ion peut favoir qu'il y en a beaucoup d'autres , puifqu'on ne les a jamais vus, & qu'on ne les connolt pas? Le b. A. C'eft que toutes les fois que 1 on  Introduttion. 19 tft arrivé dans un pays oü 1'on n'étoit pas encore ve-nu, & même oü il n'y avoit perfonne, on v a toujours trouvé beaucoup de nouvelles éfpèces d'animaux & de plantes. Or, comme il v a encore de refte beaucoup de pays lemblables oü 1'on n'a pas encore pupénétrer, ona raifon de croire qu'il s'y trouve: encore: auffi réellement beaucoup d'animaux & de plantes oue Ton ne connoit pas. lesj A. Mais comment eft-ce que 1 on peut fe fouvenir de tout cela, pour le raconter ou le mettre dans les livres. . Ie b A Ah, je m'en vais vous le dire. Vous avez bien vu comment votre mamam , avec fes fervantes, arrange tout le hnge de la maifon dans fes armoires & dans fes tiroirs, n'eft * ce pus ^ r« \* hb mon Dieu. oui! elle met dun \dl a„ He imm °nfprr,hle. les netits i part pour nous , & les grands encore X part pour les grands Hts; & puis elle mee d'un autre cóté les chemifes, celles de papa, & puis celles de maman , & puis les nótres, tout cela a part; & puis après cela les nappes & les ferviettes &les effuie-mains, auffi chacun a part, & encore les groffiers a part, & le» fins a part; & puis après cela les Le b. A. Eh bien , vous voyez comment tout cela refte dans votre mémoire , quoique vous n'ayez pas eu deffein de 1'apprendre par cceur ! il en eft de même des habits & de 1'ar^enterie , & de la vaiffelle , & de tout le refte ; vous pourriez en rendre compte avec la même facüité, quoique la quantitc" en foit fortgrande, n'eft-ce pas?  ao Introduftitn. Les j. A. Oh mon Dieu, fi je Ie pourrois ï Tenez, par exemple, — Le b. A. Je vous en épargne la peine; je veux leulement vous faire voir qu'il faut faire Ia même chofe pour tout ce qui eft dans l'hiftpire naturelle. Prenons d'abord une grande armoire pour les animaux, & puis dans chaque tiroir nous mettrons. — Eh bien, vous riez, mes petits Amis? Les j. A. II faudra que 1'armoire foit bien grande, n'eft-ce pas, bon Ami? Le b. A. Non pas , mes petits Amis; ce rie fera point une armoire ; nous penferons leulement que nous avons une grande, grande, grande armoire, qui a beaucoup de tiroirs; nous mettrons a chaque tiroir un chilfre ou une lettre pour nous fouvenir de chacun; enfuite dans chaque tiroir nous enfermerons certaines efpèces d'animaux qui fe reffemblent en beaucoup de chofes ; par exemple , les bêtes £ quatre pieds ou quadrupèdes , les bêtes a plumes ou les oifeaux , les bêtes aquatiques ou les poiffons , &c. Ou bien , en attendant que nous ayons cette grande armoire avec fes tiroirs,nous écrivonsa part les noms de chaque efpèce dans un livre ou cahier, dans le mêmeordre que nous voudrons les enfermer dans les tiroirs, chacun dans fa place. — Les j. A. Et puis il y aura une page pour chaque tiroir, n'eft-ce pas? Le b. A. Juftement, voila ce que je cherchoie, pour vous le dire, & vous 1'avez trouvé tout feul plutót que moi. Les j. A. Et puis nous ferons un gros cahier pour Ia grande, grande armoire; n'eft-ce pas?.  Introdu&ion. ti' Le b. A. Prdcifément. Mais ce n'eft pas Ie tout. II nous faudra encore une autre grande armoire ou un autre gros cahier pour les végétaux , c'eft ■ a - dire , les arbres & les autres plantes de toute efpèce , oü nous donnerons auffi un tiroir ou une page a chaque forte. Les ƒ. A. De forte que nous aurons deux gros cahiers, comme cela? Le b. A. Sans doute, un pour chaque clajfe, ou comme 1'on dit ordinairement, pour chaque règne. — Les j. A. JEft-ce que 1'on appelle cela règne, bon Ami? . Le i. A. Oui, Ion a imaginé que chaque «rrande claffe formoit une efpèce de royaume a part , & on lui a donné le nom de règne, 'qui en quelque facon fignifie la même chofe. Lesj. A. Mais ce n'eft pourtant pas comme le règne de Louis le Grand ou de Henri Quatre, n'eft-ce pas? Le b. A. Oh non! c'eft une autre facon de parler. On dit le règne animal , pour fignifier tous les animaux réunis enfemble, chacun felon fon efpèce; enfuite le règne végétal, pour défigner tous les végétaux réunis de même par efpèces ; & enfin 1'on dit auffi le règne minéral, pour faire entendre la collection ou ralfemblage de tous les minéraux. Lesj. A. Ah! comme cela il y a donc trois règnes il nous faudra trois grandes armoires ou trois gros cahiers? Le b. A. Mon Dieu, oui ! & alors nous aurons renfermé a part tout ce que le Cuéateur a mis fur la terre ou dans la terre ou dans 1'eau , de ba même manière que votre chère maman. —  ai Introduftion. Les j. A. Mais eft-ce que nous ne ferons point de cahier pour ce qui eft auffi dans fair? Le b. A. Comment donc cela ? que voulezvous dire? • Lesj. A. N'eft-ce pas, bon Ami, que les oifeaux volent dans l'air, & les mouches aufli, & les hannetons, & les — — Le b. A. Oui bien, tout cela vole dans l'air, comme les poiflbns nagent dans 1'eau. Les j. A. Mais il y aura un gros cahier pour les poiflbns qui font dans 1'eau, n'eft-ce pas? Le b. A. Cela eft vrai; comme nous en aurons aufli un autre pour tout ce qui eft fur la terie, & un autre pour tout ce qui eft dans le fein de la terre même, toutefois en diftinguant les animaux des végétaux & des mindraux. Les j. A. Mais vous ne parlez point de faire auffi un cahier pour ce qui eft dans l'air ? Le b. A. Kt qu'eft - ce qu'il y a donc dans l'air, mes petits Amis? Les j. A. Mais, bon Ami, vous avez dit tout a I'heure que les oifeaux volent dans l'air comme les poiflbns nagent dans 1'eau ? Le b. A. Et dans quoi eft-ce que vous courez, vous? Les j. A. Dans quoi? — nous courons fur terre. Le b. A. Mais quand vous courez bien fort, qu'eft-ce que vous fentez venir contre votre vifage? Les j. A. Nous fentons comme du vent. Le b. A. Prdcifément, comme quand un oifeau bat des alles en l'air auprès de votre vifage , n'eft - ce pas ? Les j. A. Oui, juftcment, tout de même. C'eft auffi de l'air, n'eft - ce pas ?  Introduciion. 23 Le b A. Par conféquent, nous fommes dans l'air comme les oifeaux, mais nous ne pouvons pas monter fi haur. Ainfi tous les animaux font dans l'air, excepté les poiflbns ; mais comme ils fe nourrhïent tous fur la terre, qu ils pratiquent tous leurs nids ou leurs retraites fur la terre, on dit plutót qu'ils font fur la terre. A la vérité, les poiflbns fe nournfient aufli lur la terre qui eft au fond de 1'eau; mais comme nul des autres animaux ne peut y vivre, on diftingue les poiflbns par ce féjour qui leur elt P*L«j'.e^. Ah, comme cela, nous fommes auffi dans 1'dr comme les oifeaux 1 Et qu'eft - ce qu'il y a donc dans la terre? Le b A. II y a certaines plantes ou racmes qui reft'ent dans le fcin de la terre, d'oü il faut les tirer; mais on entend principalement par-la tout le règne minéral ou des minéraux, qui renferme tous les foffiles non - végétaux, c'eft- adire , tout ce que 1'on tire de la terre en y fouiflant; & en général 1'on peut dire, que ce ne font que différentes efpèces de pierres, de plufieurs fortes de couleurs & de plufieurs compofitions différentes. Les j. A. Eft-ce que 1'on comptc auffi les pierres dans 1'hiftoire naturelle ? Le b. A. Ce font auffi des créatures, des ouvrages du Créateur , & nous en tirpns une infinité d'ufages. Les u A. Mais cela ne fe remue pas, cela ne pouffe pas; n'eft - ce pas, bon Ami ? Le b. A. Pardonnez-moi,cela poufle,d une certaine facon; & auffi 1'on diftingue le règne minéral ou'des pierres comme étant celui des créatures qui u'ont pas le fentiment ainfi que  j>4 Introduction. les animaux, ni même la vie fimple ainfi que les plantes, mais qui feulement croiflent & lè torment dans le fein de la terre. Les j. A. Mais les pierres reftent toujours de la même grofleur, & nous n'en avons point vu de petites devenir groffes. Le b. A. Mais auffi elles n'ont pas toujours été telles que vous les voyez , & d'ailleurs, comme elles croiflent d'une toute autre manière que les plantes & les animaux, & que cette facon de croitre ne peut avoir lieu que dans le fein de la terre,il n'eft pas furprenant que nous ne 1'ayons jamais vu. Lesj. A. Et comment donc eft-ce que les pierres croiflent? L. b. A. 11 faut d'abord remarquer comment nous croiflbns, nous-mêmes, & les autres animaux, & enfuite les plantes. Tout cela prend fon accroiflement par 1'intérieur, c'eft - a - dire, que les alimens & les fucs que les animaux & les plantes recoivent dans leur intérieur, les uns par la bouche , les autres par leurs racines, leur font gagner de la grofleur. Les j. A. Et les pierres n'ont point de bouehes ni de racines, n'eft - ce pas ? Le b. A. Juftement, voila ce qui caufe la différence. Comment eft-ce que vous formez une groffe mcntagne de neige, rien que d'une petite boule groffe comme le poing ? Les j. A. Nous la roulons fur 1'autre neige, & il s'ajoute toujours de 1'autre neige a la boule , jufqu'a ce qu'elle foit devenue bien grofle, bien groffe , & que nous ne puiffions plus la remuer. Le b. A. De facon, que cette autre neige u'entre pas dans le ventre de la petite boule de.  igo Des trois regnes les trouviez fort agréables a la vue. II y a des gens qui en font devenus malades , d'autres même en font morts. Les j. A. J'ai eu bien fouvent envie d en manger; on m'a toujours dit qu'il n'en falloit pas manger, que c'étoit du poifon. Le b. A. C'eft fort heureux qu'il fe foit trouvé la quelqu'un pour vous le dire: il y en a beaucoup d'autres qui n'ont pas eu tant de Txmheur ou qui n'avoient pas été avertis d'avance. Cependant ces -jolis petits fruits ne font pas tous malfaifans; il y en a beaucoup que 1'ou peut manger au moins fansdanger ,&quelquesuns qui font agréables. Les j. A. Ah, je voudrois bien le favoir tout de fuite! Leb. A. Et moi auffi! mais cela ne fe trouve peut-être pas tout au commencement du livre, & fi nous le favions, nous n'aurions pas befoin de le chercher. Mais nous le trouverons en continuant — Les j. A. Mais il y a auffi des herbes quine font rien que pour les bêtes , n'eft-ce pas 1 comme du foin. — Le b. A. Précifément, on appel-Ie tout cela du foin; les bceufs & les moutons mangent tout cela, & les cbèvres broutent les builfons, fans favoir ce qu'elles broutent: nous ne voulons pas être comme des chèvres, des bceufs ou des anes. Les ƒ• A. Pour moi, je veux favoir les noms ,de tout ce qu'il y a dans le jardin & dans le pré, & quand je ne le faurai pas, j'en apporterai k la maifon, & vous me le direz, n eft-ce pas, bon Ami ? . Le b. A. Apponez, appertez, mon Ami.  eu des plantes. 43 f raines , ü 1'on aime mieux, tout cela bien frais cueilli; puis après l'avoir fait fécher a l'air, on les étend de même dans le livre: — Enfin, quand tout cela eft fait, on a un herbier, Öü 1'on confcrve toutes les plantes dans leur nature. Mais pour les attacnrer & les étendre fur le papier , il faudroit avoir plufieurs mains, de même que pour en amaflèr plufieurs, fans perdretrop de temps a cette recherche. Les j. A Ah , bon Ami, nous en chercherons tant que vous voudrez; faifons un herbier, un herbier, bon Ainil Le b. A. Oui, quand vous m'atttez fait commencer, vous ne pourrez peut-être pas continuer jufqu'a la fin , & il faudra laifler labefogne imparfaite. Les j. A. Oh non! oh non! je vous promets, nous le finirons, nous le finirons, bien fur! • Le b. A. Je veux bien le commencer , & dès demain nous verronsapréparerlepapier. Nous trouverons d'abord dans ce jardin feul de quoi 1'enrichir déja confidérablement; & après cela, nous irons faire notre quête dans la campagne. Les j. A. Y mettrons-nous aufli de ce qui borde les plwches & les allées ? Le b. A. Sans doute. Les j. A. Mais qu'eft-ce donc que cela, qui eft toujours verd? Leb. A. C'eft du buis. Le Buis. Le buis , que Fon écrit & prononce auffi bouis ,fe ibutient hiver & été conftamment avec fa verdure & fes feuilles. On en diftingue deux efpèces, le grand buis &le buis-nain; mais il  ifi du regne végétal. n'y en a qu'une, & la petite taille du buis-nsin, eft un effet de 1'art & de la contrainte , ou du terroir , dont la qualité n'ett pas favorable a Penner accroiffement de eet arbre. Cependant le tronc ne s'élève jamais fort haut par la culture ; ainfi quand on veut avoir une pyramide o t autre figure formée de eet arbre, il faut eu tr.tnlplanter un déja tout venu. En Piémont & en Savoie, dans le royaume de Naples, dans File de Corfe, on trouve des forêts entières de buis, oü il s'en trouve dont un homme ne peut embrafler le tronc ; on 1'y multiplie de boutures & de femences, auffi bien que par des branches coupées en avril, & plantées dans la terre humide. Quant aubuis-nain, comme il ne vient point a floraifon, on le multiplie par la divifion de fes racines. II y a auffi une efpèce de grand buis a feuilles dorées. En Italië on employé fes rameaux a faire des balais. Il donne un bois jaunatre , très-dur & très-pefant, qui ne iürnage point dans Peau, & n'eft: jamais attaqué des vers ; auffi eft-il d'un grand ufage pour les menuifiers, les tourneurs & les luthiers; 1'on en fait des flütes , des hautbois, des peignes , & toutes fortes de jouets pour les enfans, ou d'autres ufteufiles. Après une forte pluie, le buis exhale une odeur défagréable qui eft très-forte. Les j. A. Comment s'appellent toutes ces fleurs-la ? Le b. A. Voila le pied d'alouette, la balfamine, les pois d'Efpagne, lepavot, le muguet. Ici, ce font des fruits; voici des fraifes , plus loin des framboifes, la des grofeilles épineufes, & plus loin des grofeilles a grappes. Enfuite nous trouvons 1'eufraife, le fouci  tti des plantes. 47 Les j. A. Ceci eft un laurier, n'eft-ce pas? & cect un citronnier, ceci un oranger. — Mais pourquoi eft-ce qu'ils font dans des caifles ? Le b. A. C'eft que ces arbres-la craignent beaucoup le froid , de forte que ft on veut les conferver 1'hiver, il faut les ferrer dans des endroits chauds, comme des caves fouterraines, des chambres a poële, des ferres chaudes, dont on fe fert aufli pour conferver beaucoup de plantes délicates, de fleurs &c. Mais en Efpagne , en Portugal, en Italië, & dans les autres pays plus chauds que le nótre, ils croiflent en pleine terre, & y reftent tant 1'hiver que 1'été. Le Laurier. Celui-ci croitfans culture dansl'Italie &dans la Grèce, & cela en grande quantité, foit dans les champs, foit dans les bois, par-tout oü le hafard fait tomber fes baies ou femences. II y en a plufieurs efpèces différentes, mais la plus connue eft celle que vous voyez, appellée laurier franc ou laurier fauce, a caufe d'une odeur & d'une faveur aromatique qui le rend très-propre k être employé dans 1'aflaifonnement des mets, c'eft-a-dire, fes feuilles. Ses baies ont encore plus de force, & le bois même n'en eft pas dépourvu. Ces baies reflemblent a une petite cerife rougeatre, de figure un peu allongée , & quand le noyau eft dépouillé de fon enveloppe brune, on en tire une huile trés-eflen» tielle, qui eft d'un grand ufage en médeeine. Le Citronnier. Cet arbre eft fort commun en Italië, &en*  48 Du regne végétal core plus dans l'Elpagne& dans le Portugal; il eft gros comme le premier, il conferve fa verdure, & il porte prefque toujours a la fois des ileurs, des fruits verds, des fruits a demi mürs, & des fruits en maturité ; de forte que les derniers tombent de 1'arbre , tandis qu? les autres mürilfent, & même font encore naiifans. Le citronnier eft auffi précieuxpour nous que 1'oranger , & 1'on peut même dire que 1'excellent jus aigre de fes fruits lui donne 1'avantage fur le lecond, outre que 1'on en fait beaucoup d'ufage pour les alimens ou dans la cuifine. 11 y a plufieurs efpèces de citrons,les uns ronds, les autres allongés, les autres un peu pointus; il y en a de petits & de gros, & prefque tous ont 1'écorce ioégale & raboteufe. 11 y en a qui pefeut jufqu'a fix livres, & d'autres qui font a peine du poids de quelques onces. Les meilleurs citrons croiflent dans 1'Italie, & même particulièretnent dans un canton du grand duché deTofcane, c'eft-rt-dire, dans la plaine qui eft entre les villes de Pife & de Livourne. Mais c'eft dans la Sardaigne qu'il en vient la plus grande quantité, de même qu'en Efpagne , oü 1'on en peut avoir deux pour un liard , quand 1'année eft bonne. Quand on veut les envoyer dans d'autres pays éloignés, il faut les cueillir avant qu'ils foient tout-a-fait mürs, & lorfqu'ils font encore de couleur verte, au lieu d'être jaunes, comme vous leftvez. On en remplit des caiffes, oüil entre des fix ou huk cents, & même jufqu'a quinze cents. Toutes les parties du citron font utiles a quelque chofe, Pe'corce , la pulpe , le jus, ks grains mêmes, foit pour Ia cuifine,foit pour la médecine. On tire de fon écorce une huik elfen-  g0 Du regne végétal fruit préférable a celui-la, pour fe rafraichir dans les chaleurs. Cependant lameilleureel'pecc & même la plus groiïe, eft celle des Indes, connue fous le nom de pompelmont; ces oranges font fouvent plus grofles que latêted'unhomme, & elles ont le goüt des meilleurs raifins. On man ge 1'orange douce en été pour fe rafralchir; on fait avec le jus de 1'orange aigre une boiflbn femblable a la limonade, &nommée orangeade ; 1'écorce de 1'une & de 1'autre fe confit avec le liicre, comme vo.us favez, & 1'on en vend beaucoup. On appelle une orangerie '.Peudroit oü Ton éleve & raflemble beaucoup d'orangcrs , foit pendant 1'été, foit pendant 1'hiver, de même que d'autres plantes exotiques , c'eft-a-dire , e'ti angeres, du nombre defquelles eft la fuivante. Le Figuier. Celui que vous voyez Tab. II. Fig. 7. porte fi la fois des fruits mürs & d'autres qui ne le font qu'a demi. C'eft encore un arbre qui, dans les provinces méridionales duroyaume, de même qu'en Italië, en Efpagne, en Portugal & dans plufieurs autres pays, foit autour de la mer méditerranée,foit dans fes Ües,croit en plein champ, & vient beaucoup plus gros uue dans les pays oü 1'hiver eft plus long & plus rleoureux. Tous ne produifent pas des fruits de la même figure; car les uns donnent des figues longues , d'autres de rondes , d'autres de petites, d'autres de grofles ; les uns Manches ou jaunatres, les autres d'un brun violet. 1 outes ces efpèces de figues font faines & de bon gout quoique le fuc laiteux du bois fur lequel  m des plantes. 5l elles croiflent, (bit acre & malfaifant. On les fait fécher en très-grande quantité , & 1'on en remplit des caiflès, pour les envoyer dans les autres pays & même par tout le monde. En Egypte & en Paleftine 1'on trouve une efpèce de figuier qui produit des figues grofles -comme de belles pommes, fans être lui-même plus gros que nous voyons ceux de Provence , oü ils font comme des pommiers. Mais Peipece la plus finguliere fe voit en Amérique , & s'appelle nopal ou opuntia; eet arbre a des feuilles au lieu de branches, qui croiflent au bout 1'une de Pautre tout autour du tronc, vertes, épaiflcS de deux doigts, & d'oü 1'on voit fortir les fruits ou figues, un pêu différentes des nótres par la figure & encore plus par la couleur, qui eft d'un rouge foncé: aufli eet arbre fert-il a ia nourriture d'un infeóte nommé cochenille, qui nous donne la belle couleur rouge de l'écarlate,& les Américains fe fervent aufli pour teindre en rouge, du fuc même de ce fruit. Le b. A. A propos, vous fouvenez-vous de cette biftoire de la Bible que nous lifions il n'y a pas long temps, oü il eft parié de nos premiers parens , Adam & Eve , & aufli des feuilles du figuier? Les j. A. Ah oui, bon Ami! ils s'habillerent avec des feuilles de figuier, paree qu'ils étoient tout nuds; n'eft-ce pas ? Le b. A. Précifément; mais quoique les feuilles de ce figuier que vous voyez, foient plus larges que celles des autres arbres, croyezvous qu'il foit aifé de s'en faire un habit ? Les]. A. II faudroit les cottdre enfemble, comme font les tailleurs; mais cela nedureroit pas tant que Pétoffe; n'eft-ce pas?  £j Du regne végétal. Le b. A. Oh, ce ne feroit pas \k un grand embarras ; car on en feroit plus fouvent de neufs. Mais il y a une elpcce de figuier ou du moins de plante que 1'on appelletarier d Adam, ou Ptfang, ou bananier, qui pouffe des feuilles auffi grandes que la porte d'une chambre, de forte que deux fuffifent pour envelopper un homme, & que 1'on pourroit ctoire f „os «renners pareus s'cn font iervis. D aillaus ie fcauanier produit un fruit gros & long comme bos concombres, & qui a le gout des meMtfi res fimes: vous le trouverez fur la lable U. He ik : mais ce végétal eft moins un arbre mt'une efpèce de grand rofeau, oü 1'on ne voit Si bois, ni écorce, mais feulement plufieurs enveloppes les unes fur les autres,& nen dans le milieu. 11 croit a la hauteur de vmgt ou tante pieds, fans compter le rejeton ou panache nommé régime, qui fort du lommet & d'entre les feuilles, & au bout dtiquel leulemei.t viennent les fruits, tous en un paquet. Les Américains taillent les feuilles en forme de nlats & s'en fervent de la même facon- delorte flu'a chaque repas ils fe font une vaiflelletoute neuve. Au refte, ce rofeau meurt quand il a Dorté une fois des fruits, & il en repouffe un nouveau de la racinc, qui eft une efpèce de " £ros oighon, dans moins de qumze mois. les i A- Voila un,rofeau bien fingulier! mais elicc qu'on n'en a point dans ce pays-ci? Le b A. On cn a élevé dans quelques jardins de l'Europe,même dans des contrées afïez rade*, & Ton cn a eu cies fruits; mais apparemment qu'il feroit trop difficite de 1 y multiplier avec avantagc , a caufe des foms trop difpeiidieux qu'il exige dans nos climats .  ou des plantes. 52 Tenez, voila quelque chofe que vous connoisfez bien"? Les j. A. Oh oui; nous en faifons des farbacaucs & des pétards, & cela a de la inoëlle Manche Le b. A. Mais vous favez aufli le nom? Les j. A. C'eft du fureau. Le Sureau. C'eft un arbrifleau des plus utües , & fes bouquets de fleurs blanches font trés-agréables. Elles font fuivies de petites baies noires dont on fait de bonnes foupes, & defquelles on tire un rob ou firop très-falubre. Les fleurs ne font pas moins utiles: il y a des gens qui en font une efpèce de mets avec de la farine, du lait & des oeufs; on s'en fert beaucoup en médecine, de même que de la feconde écorce. On peut aufli mettre les baies, encore vertes , * confire dans le vinaigre & 1'eau de fel, & enfuite 1'on s'en fert en guife de capres. Le Caprier. Pour celui-ci, il croit en quantité dans Ia partie méridionale du royaume, de même que dans toute 1'Efpagne, en Italië &c., du moins fi nous parions du caprier épineux, qui eft le feul dont nous faflions ufage. 11 y en a un autre qui n'a point d'épines , mais c'eft un arbre qui croit en Arabie , & non point un arbrifleau ou plutót une efpèce de ronce. Toute 1'utilité que nous en tirons, fe borne i prendre les boutons avant qu'ils foient épanouis, & a les confire dans le vinaigre, pour C 3  j+ Du regne végétal les employer dans nos fauces. II y a des pays oü 1'on fupplée aux capres par la graine de creffon , qui croit par-tout en abondance öe fans peine, & qui a le même goüt. Le Grenadier. C'eft un petit arbre fort commun en Efpsene & en Italië, de même que dans nos provinces méridionales. II a les rameaux épineux, & produit de belles fleurs de couleur écarlate, & enfuite des fruits gros comme une orange, de couleur rougeatre, avec une écorce dure, rcmplis d'un fuc agréable & de beaucoup d* grains. II y a des grenades douces & des grenades aigres. Le Myrte. C'eft un arbufte trés - agréable , a petites feuilles toujours vertes & qui ne tombent jamais, d'ailleurs d'une odeur très-douce. Uu ne le plante guere que pour ragrément; cependant fes fleurs, fes baies & fes feuilles ont plufieurs propriétés ut.les On fe fervoit autrefois de fes rameaux dans les iokmmtés , rriftes ou joyeufes ; aujourd hui 1 on b ea h» que des boliquets. II fe multiphe de bou- Ty en a une autre efpèce, nommée myrte Mtard. qui eft grande comme un peut faule, & qui vient plus aifément que la première dans les pays froids. On le culuve lur-tout: beaucoup en Angleterre. Les deux efpèces fe laisfent tailler a volonté, & on peut leur donna toutes iórtes de formes dans les jardins.  ott dis plantes. 55 Le Cep de vigm. Voici 1'un des dons les plus utiles & les plus agréables de la Providence, & la production que 1'on cultive le plus après le bied. Son> fruit peut appaifer a la fois & la faim & la foif; fon mout ou fon jus eft d'un goüt déli-cieux; & quand il eft vieilli & changéen vin, il nous donne une boilfon fbrtifiante & réjouiflante. Le cep eft venu d'Afie, qui eft fa patrie, de la il fut porté en Grèce & en Italië, d'oü il paffa dans les Gaules, c'eft-a-dire, en France, & enfuite en Efpague ; enfin en AngTeterre, en Allemagne, & dans toiis les pays du monde, oü 1'on a pu le faire crottre. Mais la liqueur de la vigne, ou le vin, n'eft pas de la même qualité dans tous les pays; il y a de très-grandes variétés quant au goüt, a la force & a la couleur, felon les qualités du terroir & même du canton oü la vigne eft plantée. Souvent un vin médiocre ou mauvais croit prefque a cóté du plus excellent. En général, plus le pays eft chaud, plus le vin a de douceur, de vigueur & de feu; par exemple, le vin du Cap, ceux d'Efpagne, ceux de Hongrie, ceux de Grèce, &c. Mais les vins des contrées moins ardentes, ne font pas a méprifer pour cela , tels que ceux de la Mofelle, ceüx du Rhin, &c. II y a même plus: c'eft que ce délicieux vin du Cap tire fon origine des ceps crus fur le bord du Rhin. Vous favez ce que c'ell que les paffes, ou palferilles, ou raifins paffes, c'eft-a-dire, les taifins fecs que 1'on vend dans nos boutiques C4  jö Du regne végétal d'épiceries. On les tire du Levant, de 1'Itafie, de 1'Efpagne, & de notre Provencc, de même que du Lauguedoc. Ceux du Levant font les plus gros; les plus petits font ceux de Corinthe, tirés d'une autre efpèce de vigne qui ne le trouvoit cidevant que dans les environs de cette ville, mais qui fe cultivc aujourd'hui dans les iles de Zante, de Céphaioni-e, & de Téachi, appartenantes aux Vénitiens, & même en telle quantité, que dans les bonnes annécs on en recueille autour de treize millions de livres pefant. La culture de cette efpèce de vigne eft auffi connue dans quelques iles du rurc. Les Véuitiens en fourniifent une partie de 1'Europe & il s'en confument beaucoup en Ilollandc', en Allemagne & en Angleterre. Voyez leur figure Tab. I. fig. 5^6. Toutes ces paffes font faites a la chaleur du foleil, & enfuite entafl'ées & prelTées dans des tonnes & des barils pour être envoyees partout. Mais il y a auffi une efpèce de gros raifins qui croit en Afie, & dont le cep devient «ros comme un arbre; ces railifis font li énormément gros , qu'un enfant peut fe cacher a 1'aife derrière un feul, & qu'il s'en trouve parmi qui font trop pefants pour la charge d'un feul homme. Le Mürkr. C'eft eet arbre (Jab. III, fig- *9-) dont la feuille fait la feule nourriture du ver a loie. Mais il y en a deux efpèces , le no.tr & le blanc; le premier a la feuille d'un verd foncé, & ne fe cultive que pour fon fruit noiratre, qui eft bon a manger j le blanc produit une müre- rou-  on des plantes. 57 rougeatre & blanchatre, qui eft d'un goüt peu flatteur; mais c'eft celui dont la feuille, d'un verd clair & plus tendre que celle du noir, nous donne la foie, Cet arbre croit par-tout, fans beaucoup de peines, même fous les climatsfroids; & comme le ver a foie (Tab. III, fig. n £f 13O aaffi s'élever par-tout, cette culture offre de grands avantages. Les j. A. Ah ! c'eft celui que vous nous avez promis; n'eft-ce pas ? Le b. A. Prdcifément; mais eft-ce que vousfavez quand il faut cueillir la feuille, quand il faut faire éclorre le ver, comment il faut 1'élever ? car ce n'eft pas dans notre pays comme en Chine & en Perfe, & dans- les autres belles contrées de 1'Alie , oü les vers a foie vont eux-mêmes fe nourrir & travailler fur les müriers;. il faut du foin & de 1'adreffe pour rdufliir a en tirer de la foie. Les j. A. Oh! j'ai déja bien vu comment Pon fait : on les met dans une chambre oü on les arrange fur des rayons-, & puis 0» leur porte les feuilles , & puis Le b. A. Nous verrons , nous verrons ft vous êtes aufli habile que vous dites. Nous> voici dans une autre efpcce de jardin. Les j. A. Ceci , c'eft le jardin potager, n'eft-ce pas, bon Ami, oü il vient de la falade que 1'on mange, &. puis auffi des pois & des afperges? &e. Le b. A. Oui, ce jardin eft moins briünnt que 1'autre; mais fans lui, nous ferions mauyaife cuifine. Voyez, combten de chofes diiférentes , pour nous rdgaler! Les j. A. Muis eft-ce que tout cela eft C 5  eu des plantes. 6$ Le b. A. Et puis eft-ce qu'on ne peut pas encore être content en prifon, quand on eft avec fes bons Amis, comme me voila entouré? Les j. A. N'eft-ce pas, que nous y frons? allons, allons , ouvrons la porte! Le b. A. Oui, mais avant que d'y arriver, nous allons traverfer ce champ & ce pré; & fuivre le long de cette haie fleurie: tout cela eft plein de chofes que nous ne connoiffons pas : combien nous allons avoir a examiner! qui fait fi nous aurons le temps d'arriver au bois ? ix puis les lievres , & puis les écureuils , &c. Les ƒ. A. Ah, un joli écureuil! fi nous pou« vions en prendre un! Le b. A. Juftement! attendez donc que nous 1'ayons trouvé. Voyez-vous ce grand arbre? c'eft un maronier d'lnde , plus loin voila un tilleul; de ce cóté-la., c'eft un faule. Le Maronier d'lnde, & le Chdtaignier. C'eft dommage que Ie beau maron d'lnde ne puiffe pas être mangé, pas même par les animaux ; 1'arbre efl fi beau ! auffi ce n'eft prefque que pour fa beauté & celle de fes fleurs qu'on le cultive. Cependant, quand on rape le maron d'lnde & qu'on le fait macérer dans 1'eau, il fournit une affez bonne nourriture au bétail,-& même a la volaille. On en tire aufli de lapoudre a poudrer& de Pamidon. Quant au vrai maron, c'eft le fruit du chdtaignier cultivé & grcffé exprès, pour avoir de plus beau fruit que n'eft la chataigne ordinaire. Mais le chataignier (Tab. IX, fig. 12.) des bois , eft un trés bel arbre , & fon bois eift  66 Du regne végétal \- très bon pour la charpente. II croit de luimême dans plufieurs endroits du royaume, oü 1'on en trouve des forêts entieres, quoiqu'il y en ait eu bien davantage autrefois. Le fruit eft épineux, & contient deux , trois ou quatre ch\taignes, qui tombent d'elles-mêmes quand elles font müres. Le nom de eet arbre vient d'une ville de la Grèce, nommée Callanea, d'oü ce fruit nous eft venu; auffi croit-il cn plus grande quantité dans ce pays-la, de même qu'en Sieile, en Italië, en Efpague & eu Portugal. On en fait du pain dans notre provi'ticé de Limofin, dans celle de Périgord, & dans les montagnes des Cevennes. Le Tükul. Les payfans le nomment tillau; c'eft un bel arbre qui fert a border les allées, les chemins, les promenades. Le bois eft trés bon pour la menuiferie & le tour, & même pour la-fculpture & gravure en bois. On fait de groffes cordes de puits avec 1'écorce des jeunes til leuls; on file auffi la feconde écorce, & 1'on en fait de la grolfe toile. Les abeilles vont chercher du miel fur fes fleurs, & Pon en fait auffi un fort bon thé. Lesj. A. Eft-ce que c'eft de ce thé-la que Maman 'ooit fi fouvent? j'en ai bu auffi, moi; il y avoit de petites feuilles dans la théiere. Le b. A. C'étoit du véritable arbre, appelé thé, que vous avez bu, ou plutót de la décoclion de fes feuilles; mais il ne vient point dans notre pays.  ?a Du regne végétal. Le b A. C'eft une chofe qui a été effayée avec un tilleul , & qui a réufli. Ainfi vous voyez que les branches & les racines du» arbre font de la même nature. Les j. A. Mon Dieu! je voudrois bien voir cela au p0urrons bien le faire quand nous aurons le temps, & nous apprendrons bien d'autres chofes non moins finguheres,iurtom- fur les propriétés des arbres qui viennent dansles pays lointains, & qui font fi diftérens des nótres. , . Les j. A. Eft-ce qu'U y en a donc beau- C0VLe'b. A. Beaucoup, beaucoup. Tenez, je vais vous en nommer leulement quelques-uns tle ceux qui uous fournifient des chofes que vous connoiffez: par exemple la mutcade, la canelle, le girofle, la rhubarbe. Les i A Je connois bien la canelle & la mufcade, & le girofle; mals je ne conndis pas la rhubarbe. r Le b. A. Peut être; car vous ne favez pas li le médécin ne vous en a jamais fait prendre. La Rhubarbe. C'eft encore une plante qui vient a la Chine, en Afie, quoique 1'on en ait trouvé depuis dans la Tartarie rufie. & même plus haut dans la ' Sibérie. On a été long-temps lans en connoïtre autre chofe que 1'ufage; enfin 1'on eft parvenu a en avoir une plante, & on la cu tive auiourd'hui avec fuccès au jardin royal des plantes a Paris. C'eft une gmfle racine fort longue qui pouffe des feuilles a ras de terre, & une  ou des plantes. ?3 tïge d'un pied & demi de haut. Mais on ne fe. fert que de la racine, & 1'on ne s'en fert qu'cn médecine ; elle eft très-bonne pour évacuer les humeurs bilieufes & pour fortifier 1'eltomac. Le Mufcadier* C'eft un arbre grand comme un pommier, d'un bois moëlkux , d'une écorce cendrée , qui porte des fruits aflèz femblables a nos pèches, mais d'une toute autre nature, comme vous favez. Vous en voyez un, Tab. 2, fig. 1 r. Les fleurs ne paroiflent pas toutes a la fois, comme dans nos arbres fruitiers, mais longtemps les unes après les autres; de forte que Fort voit fur 1'arbre tout a la fois des fleurs & des fruits, les uns mürs, ks autres verds, & qu'on fait ordiuairement trois récoltes par an. Chaque fruit ou nöix mufeade eft converte de trois enveloppcs; quand elle eft müre, 1'enveloppe extérieure s'ouvre, fc détache & tombe, quelquefois fetile, qUelquefbis avec la noix & la feconde enveloppe, que 1'on appelle mal & propos fleur de mufeade , & qui fe trouve fous cette première écorce charnue & bonne a manger. Cette feconde enveloppe n'eft qu'une peau mince, de couleur jaune, que 1'on détache prqirement de la noix pour la faire fécher a part. Enfin 1'on trouve la coquille ligneufe qui enveloppe immédiatement laprécieufenoix, dont on fait tant d'ufage. Cette coquille dure n'eft bonne n rien ; mais la pellicule jaune a aufli fon ufage & fe nomme macis. On enteire la première écorce pour ja faire pourrir , cc alors il croit au-deflus une efpèce de champignon dont on fait grand cas dans le pays. Pea>  ^ du regne végétal. dant long-temps on a cru que k mufca,Uer a'exiftoit que dans les iles de Banda aux Indes cmentales, qui font aux Hollandois ; c eft aufli u qu'il y en a la plus grande quantité: mais ou en a trouvé dans quelques autres iles d Ai\e &. même dans 1'ïk dc France, ou 1 on 5'appUque a k multiplier. On pourroit les avoir a bon marché, de même que le girofle & Ja canelle, fi ks Hollandois, pour les vendre touiours c'ier, ne ks brüloknt pas dans les années oü elles font trop abondantes, felon cux. Le Ckofiier. C'eft un arbre grand comme le laurier, ou fi vous voiucz, comme nos cerifiers, qui ne vient que dans ks deux iles Moluques d Amboine & de Ternate, appartenantes aux Hollandois: fi ce n'eft que depuis quelque temps, les Franeois en ont planté plufieurs milliers qui réufliflent très-bien. Ce que nous appelons clou de girofle (Tab. II, fig. l), n'eft que le bouton qui renferme la fleur & 1'embnon du fiuit & que 1'on cueilk pour les faire deilécher'avant qu'ils foient épanouis. La mamere de les deffécher cc de ks durcir, eft de les ex? tofer a la fumée fur des claies pendant quelques jours , & enfuite au foleü auffi long-temps oüü le faut. 11 y a enfuite ce qu'on appelle le clou matrice, qui eftle fruit lui-meme venti a maturité, mais qui n'a pas tant de fprce que le bouton, & n'eft pas de même en ufage dans la cuifine, quoiqu'on le laffe confire dans le fucre, & que 1'on en mange pour fortifier 1 eltomac. Ordinairement on k lailfe fur 1'arbrc, & ü tombe de lui-même 1'année d'après, quand  ou des plantes. j§ il eft parfaitement mür. Entre les quatre pointes qui forment la tête du clou de girofle, on voit une efpèce de bouton gros comme uns petite lentille, a peu prés, que 1'on appelle b iüt du clou: c'eft la le vrai bouton qui renferme la fleur non encore éclofc. Le Cannellier. ' L'arbre a cannelle eft gros comme un poirier, & ne croit que dans 1'ile de Ceylan, de laquelle les Hollandois fe font emparés il y a plus d'un fiécle; & comme il ne s'en trouvoit ailleurs que dans trés peu d'endroits, ils ont mis tout en ufage, pour venir a bout d'arracher tous les autres cannelliers; de forte que tout celui qui croit dans le monde, fe trouve aujourd'liui chez eux, dans un efpace de quatorze lieues de terrein. Au refte, c'eft 1'écorce de eet arbre que nous employohs fous le nom ans d'autres pays éloigués, ou fe fert  ta des plantes. Sjr d'autres dcorces pour faire le papier; par exemple, les Chinois y emploient celle de la canne de Bambou.; dans Pinde on prend celle de divers arbres. Nos ancêtres, qui n'avoient pas encore inventé Part de faire du papier, écriyoient fur 1'écorce même des arbres, entr'autres- fur les feuilles d'une plante appellée papyrus ou papier , d'oü eft. venu le nom dont nous nous fervons encore aujourd'hui; ils fe fervoient auffi de la peau fine de quelques animaux, ce qui étoit le parchemin, dont nous avons auffi confervé 1'ufage dans certaines oc» cafions; Non feulement on fait du papier avec les débris de tout ce qui eft fait de lin, de chanvre r & de foie, & de 1'écorce de certains arbres, mais on en tire aulii des orties, des fcuillages, de la paille, de la mouflè, des coupeaux de bois, du> eoton de faules & de peupliers , & de plufieurs autres matieres; cependant toutes ces manieres de fabriquer du- papier, feroient ou trop coüteufes, ou inférieur res a la méthode commune pour la qualité du papier. On croit que c'eft au douzieme fiecle, que 1'on a commencé a faire du papier de chiffons ; mais les Chinois avoient déja. biën long* temps auparavant leur papier de coton , & mcme dès le temps d'Alexandre legrand, les Egyptiens en avoient déja une efpèce qu'ils tiroient d'une plante herbacée. . Les j. A. Oh, je voudrois bien voir comme 1'on fait du papier! cela doit être bien joli: n'eft-ce pas? Le b. A. Oui, fans doute; je verrai bien a .faire eu forte que nous puiffions avoir ce plaifir D 2  Du regne vêgital la; mais peut-être faudra-t-il aller bien loin; nous nous en informcrons. Les j- A. Et quand le papier eft décbiré , eft-ce qu'on ne fait rien avec les chiffons , comme avec les chiffons de linge? Le b. A. On a encore trouvé le moyen d'en tirer parti; car on les réduit de nouveau en pate ou bouillie ; & 1'on en fait des canons tant groffiers que fins. • Les j. A. Mais c'eft bien fingulier, que 1 on falie quelque chofe avec les orties! je croyois que c'étoient de mauvaifes herbes qui ne fervoient a. rien. Le b. A. 11 y a bien d'autres plantes qui font regardées comme inutiles , & que 1'on trouvera un jour le moyen d'employer a quelque ut age. LOrtk. Cette plante eft fi commune, que fa mulrfplication devient möme incommode, & qu'au fieu de la cultiver comme tant d'autres, on eft obligé de la détruire. Cependant on a trouvé qu'elle pouvoit n'être pas inutile, tant la grande efpèce que la petite. On a réufïï a tirer de la grande une filaffe trés-fine, dont on a fait de la toile qui s'eft trouvée bonne & facile a blanchir; en Allemagne, on en a fait de la trèsbelle mouffeliiie; mais comme on n'a pas encore trouvé le moyen d'en rendre Ia manipulation peu difpendieufe , on a abandonné cette invention, quoique 1'on en faffe encore de la dentelle dans quelques endroits, & fur-tout de la ficelle. D'ailleurs 1'ortie lournit une alles  ou des plantes. 'tj bonne nourriture pour plufieurs animaux; fes fleurs, fa graine, fon fue, toute la plante eft. utile en médecine a plufieurs remedes; enlin fa racine donne une efpèce de teinture, Aufli a-t-on fait des elfais pour la multiplier & la perfeélionner, & c'eft une preuve que 1'homme peut tirer parti de tout ce que lui offre la nature. UAmïantt. Et que dfriez-vous donc, fi je votts parlofs d'une toile qui fe fait avec une pierre, ou bien d'une toile que 1'on jette au feu pour la blanchir quand elle eft fale ? 11 ne faut pas rire, c'eft une chofe trés réelle. Aufli a-t-on nommé cette pierre, lin incombuftible; & c'eft pourquoi, en parlant du lin, je me la fuis rappelée, quoique nous ne cherchions pas des pierres & préfent, mais des plantes. Le vrai nom de cette pierre ou de ce fofltle eft, amiante, & il' y en a une efpèce plus dure & plus pefante que 1'on nomme asbeftes. Cette pierre, ordi* nairement affez molle, eft en effet compofée de certains paquets de filandres, que 1'on peut féparer les unes des autres, par le moyen de 1'eau chaude , de facon qu'on en fait du fil & enfin une efpèce de toile; mais vous penfez bien que cette toile doit cotiter extraordinaire ment cher : aufli n'y a-t-il que les princea & les grands feignenrs qui puiffent en avoir quelques ferviettes. Cependant il y en a dans plufieurs pays, & même en France dans le Languedoc , le Rouflillon , le Périgord, oii 1'on trouve des cordons & des jarretieres d'araiante, que Pon jette au feu quand elles font  Si Du regne yêgétul fales-, au lieu de les donner a la blanchiffeufév Les j. A. Oh mon Dieu , q.ue cela feroit commode, li nous avions tous de ce linge-la! Le b. A. Nous n'aurions pas- befoin de blanchiff'eufes; mais auffi la toile d'amiante perd toujours un peu de fon poids, toutes les fois qu'elle paffe par le feu; ainfi refte a favoir fi nos chemifes de lin & de chanvre ne fonffrent pas moins de déchet au blanchillage. Autrefois on en avoit prefque un befoin indifpenfable pour une certaine cérémonie, écceux qui avoient Ie moyen de s'en procurer affez pour faire un drap mortuaire, n'y manquoient pas. Car dans ce temps-la, ce n'étoit pas la coutume d'enterrer les morts, mais on brüloit leurs cadavres,. & 1'on ramaffoit enfuite foigneufenient les cendres, pour les conferver pieufement dans des urnes ou de grands vafes de différentes matieres. Ainfi pour empêcher que les cendres ne fe mèlaffent avec celles du bois , on avoit imaginé un moyen excellent , qui étoit d'envelopper le cadavre du mort dans un grand drap de toile d'amiante. Mais revenons aux plantes que nous avons fous les yeux: en voila une qui nous eft venue d'un pays dont nous n'avons pas auffi bonne opinion que nous devrions. Le Maïs ou Bied de Turquie. Cette plante fe nomme auffi bied d'Efpagne & bied d'lnde; ce dernier nom feroit le vrai, paree que nous 1'avons recue de 1'lnde; pour celui de maïs, c'eft fon nom propre en Amérique. La plante (Tab. VI, fig. 12.) croit comme une efpèce de rofeau, ayant de grandes-  cu des plantes. 89 feuilles fort larges & fort longues , & les dpi» (fig. 14.) font quelquefois longs d'un pied & gros a proportion; de facon que quoique les grains foient de la groffeur d'un pais & audela, chaque dpi en contient plufieurs centalnes, rangés par lignes paraiïeles fort ferrées, quelquefois jufqu'a fept cents. Chaque tige de maïs, quand il eft bien cultïvéy rapporte trois' épis, quelquefois moins. II y en a de rouge> de bleu, de violet, de jaune, de blanc, de bigarré. On en tire beaucoup d'ufage pour la nourrittire des hommes & du bétail, & les riches ont trouvé auffi le moyen de I'approprier a leur palais délicat, mais toujours fuivant leur méthode ruineufc , pernicieufe & deft'ruétive,. c'eft-a-dire, cn tirant les jeunes épis du fond des enveloppes. oü ils doivent fe groffir, & cnles faifant frire ou mettre en compote , afin de manger les fix ou fept cents grains dans un feul morceau. Les riches feroient mieux de tra» vailler a continuer les elfais que 1'ou a fait, pour en tirer du fucre ..... Les j. A.. Eft-ce. que 1'on pourroit faire du fucre avec le bied de Turquie? Le b. A. Non pas avec le bied ou le grain, mais avec la tige. N'avez-vous pas goüté dc la moëlle , & trouvé qu'elle avoit un petit goüt fucré? on cn a déja tiré un fyrop , qui resfemble beaucoup a celui' de la canne a fucre. Les j. A. Mais qu'eft-ce que creft donc que la canne a fucre ? Le b. A. Comment eft-ce que vous ne favez pas que le fucre n'eft que le fuc ou le jus de Ia moëlle d'une canne ou d'un rofeau?  po Dn regne végétal La Canne a fucre. Cette plante précieufe , que vous voyez Tab. II, fig. 4, fe nommc aufli cannameie, comme qui diroit rofeau a miel, 6c cn effet c'eft uu vrai rofeau qui pouffe jufqu'a la bauteur de neuf ou dix pieds, & au-dela, de 1,1 grofleur de deux doigts, & tout garni de nceuds a la diftance de quatre a cinq doigts 1'un de 1'autre. II fort de chacun une feuille qui tombe a mefure que la canne mürit; & quand elle eft bien müre, on la coupe & on 1'écrafc ou prefle fous des rouleaux, pour en exprimer le fuc oü miel, qui fe cuit fur le champ, de peur qu'il ne s'aigriffe. Quand on le juge affez cuit, on le verfe dans des moules en pointe , ou les pains prennent la forme que nous leur voyons: c'eft aufli la qu'on purifie & qu'on blanchit le fucre; car dans la cuiffon il a la couleur du miel ou a peu prés. On nous 1'envoie auffi d'Amérique après la cuiffon, & alors nous le perfectionnons dans les rafineries qui font dans le royaume, par différens moyens. On cultive aufli la canne a fucre dans 1'Afie, dans 1'Afrique, en Efpagne, dans les royaumes de Naples cc de Sicilc. Mais la plus grande quantité vient d'Amérique , & les Francois feuls en recueillent de quoi fournir prefque toute 1'Europe. Le meilleur fucre blanc fe nommc fucre des Canaries, paree qu'il venoit autrefois de ces iles; mais aujourd'hui 1'on en fait ailleurs qui eft aufli bon. En France, notre fucre royal eft le meilleur de tous;& quoiqu'il ne foit pas d'un fi beau blan c que ceux d'Augleterre cc de Ilolla'nde, il fait  ou des plantes. J-ï p'tfs d'ufage, paree qu'il n'a pas tant perdu de ion miel. Ce qu'on appelle de la Caflbnade, eft du fucre qui n'a pas encore fubi le dernier ra» finement; mais elle peut trés bien fervir a la plupart des ufages auxquels le fucre eft propre. C'ell avec le beau fucre blanc que 1'on fait le fucre candit. Ainfi vous voyez comment 1'on vous apporte de bonnes chofes de bien loin» Les j. A. Oui, mais fi 1'on faifoit du fucre aufli. comme vous avez dit, avec le bied de Turquie 1 Le b. A. Eh! ma's nous avons un fucre tont faitj eft-ce que vous n'aimez pas le miel? II' eft vrai que fi on Ie faifoit dureïr, il deviendroit trop cher, a moins qu'on ne multipliat beaucoup davantage les ruches d'abeilles. Mais outre cela, nous aurons encore la refiburce du chervi, des carottes rouges & jannes , de 1'érable, & de beaucoup d'autres plantes. Si le fucre d'Amérique venoit amanquer, Ia néceffitë nous feroit trouver les moyens de tirer tous ces fucres d'une maniere plus fimple & moins difpendieufe que les effais que 1'on en a faits; car enfin, de s'en paffer, ce feroit un peu trop dur, ce feroit une chofe impoflible j qu'en dites-vous? Les j. A. Mais eft-il bien vrai que 1'on ne pourroit pas fe paffer de fucre ? moi, fai ma foeur qui ne vent pas en tater un feul petit morceau. Le b. A. Mais vous, vous mangez bien fa part avec la vótre; n'eft-ce pas ? Au fond , mes Amis, le fucre eft une tres bonne chofe, quand on n'en fait point un ufage exceffif, de même que toutes les autres bonnes chofes; & puifque le Créateur. nous a fait ce préfent, poiu-  gu des plantes. du grain une liqueur forte, qui porte aufli le nom de brandevin, comme celle qui fe tire d« vin même. La paille de feigle eft d'un bien meilleurufage que toute autre, foit pour les litieres, foit pour les paillalfes, fok pour la nourrimre des beftiaux, foit pour couvrir des toits, foit pour faire des chapcaux, foit pour une infinité d'autres chofes. Le bied, comme le feigle, fe feme ordinairement en automne, c'eft-a-dire, avant 1'hiver,' & c'eft pourquoi k grain que 1'on en re» cueille 1'été d'après fe norame grain d'hiver. 11 y a des endroits oü la femaille ne fe fait qu'au printemps , & alors ce font des bkds de mars. LOrge. C'eft encore une efpèce de grain dont 1'utiliré eft infinie. On en fait dc la biere, & furtout des gruaux, dont la plupart fe tircnt de Hollande' & d'AUcmagnc. L'orge mondée eft auffi d'un grand ufage dans la médccine. On tire la même utilité de 1'avoine, qui d'ailleurs eft la meikure pature des chevaux. Quant aux lentilles & aux pois, il n'y a guere que ks hommes qui en mangent; mais la vefce eft trés bonne pour le bétail, & 1'on ne s'en fert que pour cela. Les j. A. Ah! nous voila bientót dans ks bois. Le b. A. Oui, nous allons entrer dans le jardin de notre Maitre. Les j. A. Comment donc cela? dans le jar. -din de notre Maltre!  $6 Du fegne végétal Le b. A. Pvegardez du cöté de la campagne: öu'cft-ce que vous voyez? . Les j. A. Mais, voila tout pkm de terres oü il y a du grain de feme; & puis voila — ' Le b. A. Et puis voila des mailons, cc puis voila des jardins, & puis voila deshaics, & des arbres fruitiers, & beaucoup d autres chofes: de forte qu'il n'y H pas un poucc de terrein oü 1'homme n'ait porté la mam, & qui n'ait été faconné par lui, ou garni par Ion mduftrie. Et de ce cóté- ci, a préfent, voyez, ou'eft-ce qui fe préfente a nous? Les j. A. Ne voila rien que des arbres. • Le b. A. C'eft-a-dire, un jardin oü 1'on ne voit 1'ouvrage de 1'homme, ni 1'empreinte de fon induftrie; ainfi c'eft 1'ouvrage du Créateur tout feul; les arbres qui nous forment une eipece de palais a colonnades, & tant d aflees en labyrinthe, les herbes, & les fleurs, dont le mvé fe trouve tapiil'é fous nos pieds, c eft lui feul qui a tout femé, tout planté, tout foigné, tout arrofé. Par conféquent n'eft-ce pas le jardin de notre Maltre oü nous entrons? Ecoutez comme fes petits muficiens allés nous recoivent, quand nous voulons venir jouir de les bienfaits, & admirer fes ouvrages! Les i. A. Oh, que c'eft charmant! il faut venir nous promener ici tous les jours; n eftce pas? Le b. A. Ce feroit bien le moins que nous pourrions faire, pour répondre a la magnificence de 1'hóte fuprême qui nous y invite,- mais il nous impofe des devoirs, qui exigent fouvent aiïleurs notre préfence: il faut réferver ces viiitcs pour nos récréations:--nous en jouirons. ^ * avec  du des plantes. 9? avec plus de douceur & de fécurité en fa préfence. Les j. A. Ah, voila un écureuil qui vient de grimper fur un arbre! comme il étoit joli! je ne le vois plus. — Ah, le voila qui faute fur un autre arbre! voyez! voyez! Le b. A. Sur quel arbre? fur quel arbre?... Les j. A. Sur celui-Ia, la-bas. Le b. A. Lequel ? fur ce chêne ? fur ce hé* tre? fur ce fapin ? Les j. A. Comme -celui fous lequel nous fommes. Qu'eft-ce que tous ces peüts grains, comme des noifettes? Le b, A. Ce font des glands, Le Chêne. C'eft eet arbre, que vous voyez Tab. Vil, fig. 7, & qui fournit une fi bonne pature aux cochons qu'on amene dans les bois ; mais dans un cas de befoin , on pourroit auffi trouver moyen de manger des glands. II y a même des gens qui le font rótir comme le caffé, & qui en tirent une boiffon de même genre. Mais le bois du chêne nous eft encore plus utile que fon fruit: on ne peut prefque s'en pafler pour la charpente des édifices, & encore moins pour la conitruclion des vaiffeaux , de même que pour les confiruétions qui fe font dans Peau; Les menuifiers & les tourneurs 1'emploienc auffi, & ce qui ne peut leur fervir, eft de bon ufage pour le feu. Les j. A. Ah, voila des noix qui font def. fus: regardez! Le b. A. On les appelle des noix. a la vc% E  'I0© Du regne végétal de ceux a feuilles en aiguilles, tels que font le bin. Wfi le mélèfe, le cèdre, le genévner, le «iguet ou pèce, &c, & qui conlervem leur Feuillaee verd en toute faifon, tandis que les autres efpèces en reftent dépouillées pendant tout 1'hiver; au lieu que dans les pays chauds, les arbres de toutes les efpèces, quoiqu ils perÖent aufli leurs feuilles, ne reftent cependant Jamais nuds , paree qu'elles repoulfent en meme-temps, ou que les nouvelles challent les vjeifles1. Tous ces arbres deviennent fort grands , excepté' le genévrier, qui n'elt qu'un arbrilfeau. tl" v a des pins & des fapins qui ont des quatreVinat des cent, & même des cent quarante Pieds'de haut, & dont le trone ne peut être embraffé par deux hommes. Ils ont 1 écorce tantót rougeatre , tantót brune, tantót noua'tre tantót blancbatre; leur bois eft réimeux, & leurs graines font enfermées dans des pismons plus ou moins gros, qui reflemblent a Tm afl'embiage d'amandes collées les unes lur les autres , en forme de cöne ou de pyratmde, c'eft-a-dire, prefque d'un petit pain de fucre. Les pianons font mürs en octobre on en novembre , mais ils ne tombent que dans le mois de mal de L'année fuivante, & ils donnent bien- ®&&x£&-CI*- VII, fig- *0 « *» feuilla"-e formé d'épines vertes fohtaires, molles 1'écorce brune ou noiratre. II eft fort multiplié dans le royaume & dans les pays plus feptentrionaux; car les arbres de cette elpece ne réuflifl'ent pas dans les climats plus chauds. On en trouve beaucoup de quatre, cinq, hx pieds de diamêtre, & de plus de cent pieds £e hauteurj ils font tres-bons pour faire de  ou des plantes. ; io{ belles poutres , de belles planches, & d'ex, celleijs milts de vaiffeaux. Dans ja Lnponie, on fait avec fes- racines longues & déliées des, paaiers & des cordes. On en tire de la réfine, de la poix, &e, II y a auffi le fapin blanc, qui a la feuille échancrée par le bout, & 1'écorce unie, & qui fournit une réfine liquide, noramée térébentliine. Le Cèdre. Cet arbre autrement nommé pin du Liban ou du Libanon, qui eft une montagne d'Arabie oü i! croifibit autrefois uniquement, eftde la même efpèce; fon écorce eft d'un brun cendré, le bois rougerltre & odoriférant , & les feuilles femblables a celles du genévrier , raffemblées en paquets comme celles du mélèze. C'étoit «n arbre trés célebre dans 1'antiquité, a caufe de 1'excellence de fon bois qui palfoit pour incorruptible, qui exhale une odeur agréable; c'eö pourquoi les anciens livres en parient beaucoup, & entr'autres les livres facrés, oü 1'on voit que le roi des juifs, Salomon, en recut une grinde quantité du roi de Tyr, Hiram, pour la conftruclion de fon temple. Le Mélèze Les feuilles ên éguiljes de cet arbre croilTent raiiémblées par douzaines autour d'un pédicule commun, & forment de petits paquets autour des rameaux. Le mélèze exhale au printemps une fort bonne odeur,-& en été on trouve fur fes feuilles une manne qui n'eft pas des meilleures. U découk de fon tronc une réfine fort £3  • uit des planfes, ' éotnrtié une alumette, & s'emploie dans beau-' oup d'endroits pour allumér le feu. La fuie qui s'amaffe dans les fourneaux oü Ton brüle les bois réfineux, & oü 1'on fait du goudrou ou de la poix, forme ce que 1'on appelle noir de fumée: il fert a faire 1'encre d'imprimerie; ïï fert aux peintrés, aux cordonn iers, aux ma'. Cons, & k plufieurs autres artifans. La Pèce ou k Vignet. II a la grandeur & le port du pin , & fes feuilles naiffent de même deux a deux, mais elles font beaucoup plus longues , puifqu'elles' ont ordinairement un denii-pied ou environ;' d'ailleurs fes amandes ou fruits font enferméS' dans une' coquille épr.üfe & dure fans peau. Chaque pignon en contient une vingtaine, & elles font mangeables. Cet arbre eft fort coinmuil en Italië, en- Efpagne&• dans le royaume. Les j. A. Oh,- combien voila de fraifesi & des müres, & des brimbelles! Le b. A. Ces müres-la fe nömm'ent mürc<; de buiffon' ou de' renard,- pour les diftinguer' des véritables müres de mürier, qui ont bien meilleur goüt. Mais il y a une efpèce de müres de buiffon que vous conrroiffez bien, & dont nous trouverons fürement par-icL — Juftcment! comment cela a-t-il nom? Lesj. A. Ah! ce font des framboifes. Je croyois qu'il n'en venoit que dans les {ardins. Le b. A'. Point du tout; le framboifier eft une ronce de buiffon ; il y a même des ronces a fruit noir , qui donnent une müre prefque du même goüt. Quant aux brimbelles, ce n'eft pas lii leur vrai nom ; la plante fe nomme' E 4  leê &u regne vêgital grofles, jufqu'a pefer des fix, hint, dix livres.. Les j. A. Mais voyez donc , voila des^ arbres ou il croit de 1'iierbe, & qui font preique tout verds: eft-ce aufli de 1'herbe commedans les prés.. La MouJJh Le b. A. C'eft de la moufle; il y en a une* grande quantité d'efpeces, & ce font des plantes qui ont des.racines & des fortes de feuilles, le plus fouvent vertes, mais fouvent aufli jaunatres ou blancMtres, croifl'ant, comme vous voyez, fur les arbres, fur la terre, & fur toute forte de matieres qui vieilliffent, même fur les pierres. Elle nuit aux arbres auxquels elle s at* lache , paree qu'elle leur dérobe une grande partie de la feve, & d'ailleurs elle retient 1 eau. des pluies & des brouillards qui fait pourrir 1 é-corce; de forte qu'un arbre couvert de moufle , ïie produit que peu de fruits & de mauvaifequalité, & même meurt quelquefois. E le nuit aufli aux prés, paree qu'elle tient: la place de 1'herbe, & 1'empêche de croitre. Mais en revanche, la moufle eft utile pour faire des cendres qui fervent d'engrais , pour calfater les vaiffeaux & les maifons de bois, de même que pour empaqueter les plantes qui doivent fubir quelque tranfport; enfin 1'ön en fait plufieurs chofes d'agrément, outre qu'elle eft a ulagc. dans la médecine. La Moifijure. Mais vóici des efpèces de mouffes qui vont Wen vous -tonner. Vous avez vu fouvent qe  ■ eu des plantes. ioi> Le Genévrkr. E nous offre une image de ce que font la plupart des arbres dans les pays chauds, en ce qu'outre la faculté de reder verd hivcr & été, il porte prefqu'en tout temps des baies müres & des vertes a la fois. Ces baies qui font noires , font employées dans certains pays, pour aflaifonner les alimens ; nous n'en fajfons qu'un rob & un fyrop agréable,une boiffon ou cl'pece de vin fort bon & fort falubre, & une cau-ctevie qui en prend le nom. VEglantler. Vous ne faviez pas que k rofier fauvage, fi commun dans nos haies & nos builfons, portoit ce joli nom. Mais aufli fon fruit fe nomrne gratte-cu , paree que , fi en le mangeant on avale quelques-unes des graines qu'il renferme, & qui font garnies d'une quantité de filamens courts & roides , ces petits fi's caufent une fenfation défagréable quand ils viennent a s'évacuer du corps. II faut vous apprendre aufii, que cette efpèce d'éponge chevelue que vous voyez deffus, eft une forte de noix de galle ou fe logent des infeétes , & qu'on 1'emploie en médecine fous le nom fingulier de bedeguar. Vous fouviendrez-vous de ce nom , quand vous cueillerez fa jolie rofe fimple & d'une odeur fi douce ? Les gens du cominun s'imaginent, qu'en portant le bedeguar dans fa poche, on fe préferve de la fievre; mais ce font des contes de vieilks femmes. E ?  fio Bii regne vêgUaX Le jfonc ou Rtfeaw. Vous voyez que c'eft une plante aquatique» & il y en a de plufièurs efpèces; en généraly on peut en diltinguer deux' , favoir ceux qui font creux qui retiennent plus particuliérement le nom de rofeaux , & ceux qui ne le font pas, que 1'on nomrne de préférence, joncs, tels que ceux de nos cannes. Les j. A. Ah! eft-ce que nous trouverons aufli des joncs pour faire des cannes, dans cet: étang ? Le b. A. Nous avons des rofeauXdont on fait: des cannes enCore plus légeres, mais qui ont des nceuds & fur lefquels on fait des figures, ce qui les rend fort jolies. Mais les joncs que vous voulez dire ,-font des joncs des Indes, dont le vrai nom eft rotin ourotang; ainfi ils viennent de bien loin d'ici. Ce font les" Hollandois' qui les apportent du Bengale & d'autres contrées indiennes, & qui les vendent fort cher.Pour nos joncs , ils font trop mous & trop' foibles, & la moëlle dont ils font remplis , ne devient pas dure comme le bois , de même' que dans le rotin. C'eft aufli avec une petite efpèce de rotin que Pon garnit des fiéges & des canapés en treillis de jon c a jour; ce qui les rend trés commodes pour 1'été, & fur tout tres-légers. 11 y a une efpèce de grands rofeaux que Pon cultive dans les jardins, oü ils croiffent a neuf ou dix pieds dehauteur, & que 1'oft «mploie a divers ufagest  jia Du regne végétal Lesj. A. Comment? c'eft-la du tabac 1 tont cela, tout cela! Le b. A. Eh bien! avez-vous bu ou mangé du tabac? Les j. A. J'ai entendu dire fouvent z mamam qu'elle voudroit dc tout fon creur n'en avoir jamais taté, ou pouvoir s'en palier. Le b. A. II y a peu de fumeurs ou de renifleurs qui n'en difent autant , paree que fon ufage met dans un trés grand efclavage , & qu'au bout du compte , 1'on ne voit pas le bien qui en réfulte, fi non beaucoup de gain pour les vendeurs. J'ai vu quelques perfonneS F 5-  Ï3«f Bu regne végétal' des noires & fans coquille qué maman a fair piler & mêler avec du fucre ? Le b. A. Oh non! ces amandes-la. ne font pas fi groffes, ni fi longues que les dattes, & c'étoit du cacao pour faire du chocolat; n'eftce pas ? Le Cacaotier. C'eft un arbre affez grand, qui a toujours desfleurs & des feuilles. Ses fruits font gros comme un concombrc, & ont prefque la même figure, mais la coffe en eft taillée en cöte de melon. Ils font fufpendus le long de la tige Series groffes branches , au lieu de 1'être au bout des petites, comme nos fruits , & c'eft une chofe qui eft commune a plufieurs autres arbres dc 1'Amériquc. Ces groffes goufles font. remplies d'amandes ou graines, afiez grofles, au nombre de trente a quarante, enveloppéesd'une efpèce de moëlle blanche & bonne a manger ou a fucer (voyez les figures 7, 8 & 9 de la IX. Tab.*). On rótit ces amandes, & enfuite on les pile ou on les broie au chaud, &. !'on en fait une prite que 1'on appelle chocolat, dans lequel on mêle du fucre fi 1'on vent en adoucir famemnne, ou des aromates & des drogues, pour lui donner bonne odeur & plus ou moins de force. La plus commune eft lavanille; mais celui oü il n'y a que du fucre, ■s'appelle chocolat de fanté, paree que les autres drogues font trop échauflantes & nuifent i*. la fanté. Aufli en faifons- nous dans nos iles qui eft tout pur, & alors en le faifant, chacun y mêle ce qu'il veut. Ce lont les Elpagnols«gii 1'apporterent d'abord eu Europe, & qui  6ü des planter.' £311 fl'epuis 1520 en firent feu!s ufiige avec les'Per* t'ugais jüfqU'eri 164.6, oü il fut connu-des au-tres peuples; 1'on ne commenca d'en faire un: objet de cummerce qu'en 1680. C'eft uu au> ment fort ïiourriffant & fort fain.- La Vanille. Pour Ia vanille qui fert a I'afTaifomi'er, c'efï'" luie plante rampante-ou gr-impante, comme ie pois ou le haricot , taais d'nfle tige plus grof-* ie, comme celle de la citrou Ile , & portant .iufli des goufles ou cofles , grofles comme ledoigt, longues d'un demi pied, remplies d'uue: infinité de petites graines d'uii noir luifant qui exhalent une trè-s bonne odeur , & ont ime: iaveur trés forte. Mais je ne vous ai pas encore parlé du plus» grand miracle végétal. Que oiries-vous, ft' vous vöyiez une plante qui cacheroit ou ferreroit fes feuilles quand vous approcheriez la main1 pour la toucher. La Senfitive, ou Mime, ou Mimetife.: On a nommé cette plante finguHere de celiom-la , paree qu'eile paroit être douée delen timent. Les j. A. Mais eft-ce qu'elle n'en a pas touwde bon? Le b. A. Attendez, je vais tout vous dire^ Cette plante n'eft pas grande; fes tiges font prefque toujours rampantes & courbées vers fa'terre; les feuilles font un peu longues & étroi-fes, & fort lilfes; fes fleurs fortent au pied (dejrieuUle»7 ou3 comme 1'on dit, de ParflcHe-i»' F 6  jga. Du regne vfgétal il y cn a un bouquet a chaque endroit; eHés* font d'une belle couleur incarnate, & faites en godet. Ainfi vous la reconuoitrez bien a pre- . feut quand vous la. verrez par hafard dans des tndroits chauds & humides oü elle croit ordir nairement. D'ailleurs nous en chercherons en nous promenant. Le beau de cette plante,, c'eft que quand on la touche,, fes feuilles fe recourbent, ou fe rapprochent 1'une de 1'autre, fe flétriflént, & ne reprennent leur vigueur.' que quelque temps après. Ce qui elf bien plus fingulier, c'eft que quand le foleil fe couche, elle femble moutir ou s'endormir, & enfuite fe réveiller au jour, & paroitre d'autant plus belle que le foleil eft plus éclatant.. C'eft la même: chofe quand il arrivé fubitement un gros nuage. ou un temps orageux, elle paroit de même: perdre fa vivacité , tellcment que 1'obfcurité parfaite produit encore plus d'cfFét fur cette. plante que le toucher le plus rude, & c'eft ce. qui fait voir qu'elle n'a. point ce que 1'on appelle un fentiment animal. 11 y en a une efpèce qui vient des Indes & qui vous feroit bien rire;. car dès qu'il vient une moucbe fe pofer fur le milieu d'une feuille , la feuille fe referre & fe ferme, de facon: que lamouche eft prife;. auffi ]'appelle-t-on attrapemouche. Elle vous prendra de même 1c bout du doigt. 11 y a auffi en Amérique un arbrilfeau que 1'on appelle bonjour, paree que fes branches fe bailïënt quand cn paffe auprès; & comme ji a des épines, on tache d'éviter de recevoir fon compliment de trop prés , de peur d'en être piqué. Jl y a encore une petite plante . . . . ..  cu des7 planfes.- ï'33' ah! tenez, voyez-vous dans ce petit ruiffeau, IS, quelque chofe de verd,comme un paquet de filamens entremêlés? — Tirez-voir ce paquet de 1'eau. — Cela s'appelle conferva; il y en a un genre qu'on appelle tremella, & qui a plufieurs efpèces; fon nom vient de ce qu'elle naroït trembler. Chaque petit filet eft une plante k part, & de plus chaque nceud féparé devient' aufli une plante qui vit route feule. De forte que la nature de cette plante approche beaucoup de celle de ces efpèces de vermiffeaux appelés polypes', qui ne meurent point quand on les coupe en morceaux, mais dont chaque morceau vit & devient un infefte entier fembla-i ble au premier. Les j. A. Et oü eft-ce que 1'on en trouve donc? mon Dieu; que j'en voudrois bien voir!' Le b. A. Nous en. trouverons bientót; c££ n'ëft pas une chofë rare. F?  'jg5£ tht regne' aiï!müï.> (*) Le regne animal eft celui qu'on a traité Ie plus araplement, paree qu'il intéreffe plus les enfans que les deux autres regnes; cependant 1'on fuppofe que le bon Ami cherctiera les occafions de faire connoitre a fes jeuwes rtmis un beaucoup plus grand nombre- de plantes ine Ton n'én a placé ici. DU REGNE ANIM AL (*) Le Ion Ami. "^"oilA donc une de nos armoires remplie,Comment eft-ce que nous allons 1'étiqucter? Les jeunes Amis. Le regne végétal cu les plantes. A preTent nous1 ïémplirons celle du regne animal; n'eft-ce pas?' Le b. A. Volontkrs; ainfi nous allons voir' jios grands & nos petits camarades, qui favent eourir & manger comme nous. Les j. A. Et il y en a auffi qui favent na-ger, & d'autres encore qni favent voler; n'eft-" ce pas? Le b. A. Et d'autres encore qüi favent ramper. Les. j. A. Mais c'eft toujours fe remuer, cela; n'eft ce pas? Les b. A. De facon que fi nous trouvons quelque chofe qui ne fe remue pas, nous ne Ie mettrons pas avec les animaux? Les j. A. N'eft-ce pas, que les plantes ne fe remuent pas? Le b. A. Peut-on fe mcuvoirfans marcher?  Bil rigne animaf. i'cfïf Lesj. A. Par exemple quand nous fommes nflis&quc nous mangeons ou que nousjouons; n'eft-ce pas? Le b. A. Juftement; c'eft que nous-trouve* rons certains animaux qui ne bougent pas de leur place & qui fe remuent cependant, car ils mangent. Les j. A. Y a-t-il donc bien autant d'cfpeces-? d'animaux que de plantes ? Le b. A. Lequel trouvez-vous le plus admirable, ou une chofe qui ne fait que végéter fans fe remuer & fans rien fentir, comme unepl-ante, ou bien une chofe qui vit, qui fentr qui agit , qui fe remue, qui marche, &c. comme un animal ? Les j. A. Ce qui fe remue eft bien plus beaujn'eft-ce pas ? Le b. A. Eh bien! fi le Créateur avoit poiuv tant peuplé la terre d'un bien plus grand nom-bre de créatures vivantes & animées, que dë créatures fimplemcnt végérantes ; que üiriez*. Vous de cette magnificence? Les j. A. Cela eft-il bien poflible ? Le b- A. Jufqu'a préfent on a découvert qu'il. y avoit beaucoup plus d'animaux que de plantes; car on en a compté environ vingt-cinq mille efpèces, & 1'on en découvre tous les jours de nouvelles. Néanmoins on ne peut pas dire qu'il y ait plus d'animaux que de plantesf paree qu'alors, quoique les animaux fe mangent les uns les autres, cependant la plupart vivent des produéiions de la terre, & de cette facon „ elles ne fuffiroient pas pour les nourrir totts. Ceft pourquoi nous voyons que chaque efpece de plante eft plus' nombreufe que chaque efpèce d'aniaial;; par exemple, il y a plus d'épis de  j?36" Du regne animal,- bied qu'il n'y a d'animaux mangeant dü bied'. Les;. A. Et oü fo.nt-ils donc tous? Le b. A. Les uns fur la terre, les autres dans la terre, les autres dans 1'eau, foit air fond ,. foit au milieu , foit fur 1'eau ;• d'autres font tantót dans 1'eau, tantót fur terre; une infinité vivent fur les plantes, fur les autres animaux-, & il y en a de fi petits que l?on ne peut les voir fans verre ou microfcope. Les u A. Mais comment eft-ce qu'on peut, favoir fi ces petite*, petites chofes, font aufil des animaux ? Le b. A. Comme 1'on fait que les gros animaux en font;- c'eft-a-dire, paree qu'ils ont le mouvement & la viè. Mais je gage qu'il y a des gros animaux, que vous voyez tous les jours , & que vous ne connoiffez pas? Les ƒ. A. Comment cela- donc P Le b. A. Combien croyez-vous, par exemple , qu'il y ait d'animaux dans cette cham- fore? allons, comptez bien. Les j. A. Voila d'abord un canari dans cette cage, un chardonneret dans 1'autre; voila un' perroquet fur fon échelle, cela fait trois déja.Jït puis il dok y avoir Sultan fous la table ;' voyons — oui, le voila, cela fait quatre. Et puis je ne-fais pas combien il y a de mouches, je ne peux pas les fuivre pour les compter. Le b. A. Eh bien 1 ne comptons pas les mouches, ni ceux que nous ne voyons peutêtre pas, paree qu'ils font trop petits; parions feulement de ceux qui ne font pas plus petits ■ qu'un ferin de canarie, comme celui-ci. Les j. A. Eh bkn! mais en ce cas-la, j'ai tout compté; je ne vois plus rient  Du regne animal. 137 Le b. A. Vous n'avez pas bonne mémoire J regardez bien. Lesj. A. Je nevois plus rien, j'ai beau Le b. A. Voulez-vous que je vous montre ici dans cette chambre un animal plus gros que tultan & vous auffi ? Les j. A Ah! fi vous en avez quelqu'un de caché dans quelque coin. — Et oü eft-il donc? . Le b. A. Regardez-möi bien. Les j. A. Eli bien ! je vntts regarde. Leb. A. Eh bienl eft-ce que vous ne-Ie; voyez pas? Les j. A. Mais ce n'eft pas vous, bon Ami 1 Le b. A. Eh qui donc, puifque vous me regardez? Eft-ce que je ne mange pas, eft-ce-que je ne marche pas, eft-ce que je ne vis pas,, elt-ce que jene fens pas? que me manque-t-il' pour avoir fhounaur d'étre un animal auffi: bien que vous? Les j. A. Mats eft-ce que j'en fins auffi un ? Le b. A. Eft-ce qu'il vous manque quelque chofe pour cela? Les j. A. Mais nous parions, & les-animaux ne parient pas? Le b. A. Ah oui! pas mal; écoutez le per-r-oquet: tu as menti, tu as menti Eh bienl Les j. A. Oui, mais il ne fait ce qu'il dit. Le b. A. Eh bienl qu'eft-ce que cela fait? nous compterons des animaux qui parient» d'autres qui parient fans favoir ce qu'ils difent, d'autres qui ne parlent pas du tout, & beaucoup d'autres. Les j.. A. Mais pourtant les animaux ne foRC pas fatts comme nous. Le b. A. Eft-ce qu'un poiffon eft fait comme un oifeas 3 ou comme uu beetvf?  ï3$ Du regne animtri.- Les fi A. Mais tout cela ce foiit des bé'tes, & nous ne fommes pas des bêtes, nous autres» Le b. A. Vous avezraifon, nous ne fommei pas des bêtes; mais pourquoi ne voulez-vous pas que nous foyons des animaux ? Les j. A. Eft-ce que ce n'eft pas Ia même chofe ? Le b. A. Toutes les bêtes font des animaux, mais tous les animaux ne font pas des bêtes. Tout ce qui vit, fent & fe remue, eft du genre des animaux, & nous avons auffi ces mêmes facultés. Mais tout ce qui en vivant penfe & Saifonne, n'eft point ime böte; ainfi nous fommes des animaux fans être des bêtes, ou autre ment des brutes. Car il y a deux efpèces générales d'animaux , les animaux raifonnables & les brutes. C'elt pour cela, que quand il arrivé a qnelqa'un de nous, de faire ou de dire quelque chofe qui n'eft pas raifbnnable, ou 1'appeUe ttne béte, ou du moins' 0:1 appelle cela faire u:ie bê'tife ou dire une bêffle. Les j. A. Mus comment peut-on favoir fi. Pon dit une bêtife , ou non ? Le b. A. Pour cela, quand nous le faurons, nous ferons des gens d'efprit. En attendant, nous écouterons tout avec attention, nous exajniaerons tout, afin de bien connoitre tout ce dont on peut avoir a parler, & fur-tout nous nous garderons- bien de parler fans avoir penfé deux ou trois fois a ce que nous voudrons dire. Alors s'il nous arrivé encore de dire des bêtifes", du moins nous n'en dirons guere , & nous ne reflemblerons pas a ce perroquet qui parle trajours, & nous étourdit de fon caquet, fans favoir ce qu'il dit. Les- j. A. Ou bien, comme ce beau mon*  Du regne animal* 139 fleur qui Vint 1'autre jour chez nous, & qui faifoit tant lever les épaulcs a inaman ,. paree qu'il parloit toujours. Leb. A. Eh bien! favez-vous une chofe? En rangeant les animaux dans notre armoire, nous mettrons -k cóté les efpeces de gens qur leur relïemblent le plus ; par exemple , lesgrands caufeurs, comme votre beau monüeur, nous les rangerons a cóté des perroquets. Les A. "Ah oui, cela fera fort joli! Le b. A. Th bien! k préfent, voulcz-vous être 1111 animal ? Les j. A. Oui bien, mais non pas une béte. Le b. A. Ecoutez: il y a des bêtes qui mon» trent beaucoup d'intelligence & de prudencej chemin faifant & a mefure que nous les palferons en revue, vous nous direz celles auxquelles» vous aimez le mieux que 1'on vous affocie. Du li Ite, vous'verrez que 1 '011 peut apprendre beau»coup de chofes des bêtes, & qu'en effet 1'uom * me ea a imité beaucoup de chofes, quoiqu'ü foit le roi de la nature.. Les j. A. Comment donc cela ? Le b. A. Oui fans doute, vous êtes un petit; roi de ia nature; mais ce n'eft qu'autant que vous aurez de 1'adreffc & de rintelligence. Le Créateur, en nous mettaut fur la terre avec le pouvoir de la remuer & de déplaeertoirt ce qu'elle porte, de même qu'avcc 1'efpric dc ehoifir entre toutes ces chofes , & de favoir' pourquoi nous les arrangerons de telle ou telle maniere, femble nous avoir abandonné la nature a notre difpofition : de facon que. nous en fommes les rois. Nous avons bien fu nous fervir de cette autorité pour notre profit. Vous voyez comme nous avons apprivoifé. & réduit.  I4ó ï>u regne animal* en efclavage plufieurs efpeceS d'animaux qUë nous enchainons-pour nous fervir,ou quenouS malïacrons pour nous nourrir. Nous allons i. Ia chaffedes bêtes qui ne font pas appriyoifées, & nous les pourfuivons, nous les éloignons,nous les tuons, nous ks mangeons auffi quand nous en trouvons la chair de notre goüt. Il elt vrai qu'il y a des bêtes qui dévorent auffi des hommes, mais ks hommes ont 1'adreffe dé fe réunir, & de fe fUre des armes p us terribks que les griffes ou les dents des bêtes. & alors il n'y a point de bêtes qui puiffent nous réfu> ter, paree qu'elles n'ont pastanttfintelligence, quoiqu'elleS' atent chaeune plus de force qu'un bomme feul. II en eft de même des fruits ou des productions de la terre; nous nous fommes empftrésdes ineilkurs-, nous avons fu les rendre meilleurs encore & plus parfai.s qu'ils n'étoknt d'abord. Nous avons fu les fake croltre autour de nos mailbns; & ces mailbus même, nous avons fu tirer de la terre teut ce qu'il fallok pour ks batir , éV nous chargeons tous les jours cette terre des maffes énormes de nos habitations, que nous favons embellir cc rendre commodes. Nous avons fu tirer du fein de la terre de quoi nous armer & nous rendre plus fora que tous ks animaux ks plus gros & les plus terribles. De même nous ne pouvons pas vivre dans 1'eau comme les poiflbns , & cependant nous avons trouvé le moyen de pourfuivre les po:lfons dans- 1'eau & de les en tirer pour nous en nottrrir. Nous avons fu nous faire des maifons que nous faifons voyager fur 1'eau jufques dans ks pays les plus éloignés; ce font les vailkaux.-  Du regne animal. i$% Les oifeaux ont beau avoir des alles pour nous échapper & nous fuir, en nous bravant au milieu des airs oü nous ne pouvous le.s iüivre: kous avons iü ou les attendre quand la lalïïtude les force de .revenir fur la terre, ou bteii nous fit vous les faire defcendre malgré eux, en les blelfant au milieu des airs & en les épouvantant par notre tonnerre. Bien plus, nous avons fu faire des bateaux qui.s'élevent dansles airs, oü inpqs pouvous iüiyrc les vents cpmme no,us failöns fur la mer. Enlin d'un bout de la terre a 1'autre nous favons chercher, trouver& prendre tout ce qui peut nous être utile ou agréable. N'elt-ce pas la être roi.? mais aufli cet empire n'eft pas comme celui d'un imbéeille, qui cou« ené fur un fppha croit qu'il fuflit de vouloir & de commander : c'eft 1'euipire de la force, de 1'adrelfe, de ••1'intrUigence, de la diligence, du travail infatigable & opinitltre. II faut tour cela pour n'être pas béte. Les j. A. Mais les bêtes ne font pas faites toutes de la même facon. Le b. A. Vous le vu>ez vous-même: cepen» dant, en général, vous remarquerez toujours a •toute béte, une tête, un corps ou tronc, & des membres. Lw tête eft jointe au tronc par une partie plus mince que 1'un & 1'autre, qui eft le cou. Le tronc fe divife enfuite en partie fupérieure nommée poitrail, & en inférieure nommée ventre. La partie de derrière fe nomme le dos. Tout cela n'eft pas abfolument général & uniforme. Mais une chofe commune a tous les animaux fans exception , c'eft d'avoir le corps couvert d'une peau qui en fait partie, & qui dans les uns eft molle & tendre, dans les jiytres dure, rudej tantót yelue ou couyerts  m Ba regne animal. blables. Eft-ce le fang qui a de la mémcire, oji bien eft-ce la chair, ou bien iont-ce les os? Icquêl des trois croyez-vous qui ait de la mémoiré? „ . , Lesj. A. Mais,le fang ne peut pas avoir de fcmémoire; n'eft-ce pas, bon Ami? _ Le b A, Eh bien! c'eft donc la.chair? Les j. A. Mais eft-ce vrai, comme cela, bon Ami? . , , « i„ Le b. A. Gn auroit de la peine a vous le faire croire; n'eft-ce pas? Aflurément ni les os, ni les chairs, ni les humeurs ne peuvent le reffouvenir ? Les j. A. Mais comment donc cela i l e b. A. Vous vous Ibuvenez; ce ne font pas vos corps qui fe fouviennent, ni votre tête, ra vos pieds, ni votre poitrihe: ainfi c eft autre chofe qui a de la mémoire; voila de quoi nous ne pouvous plus doutcr. Les j*. A. Mais, qu'eibce que c eft donc i Le b A C'eft ce qui va devant le Créateur quand'nous fommes morts, & que l'onjnet notre cadavre dans la terre, oü ü refte & redevient de la terre. Voila ce qui fent, ce qui fe Teffouvient, cequipenfe, ce qui raitonne, ce nui fait du bien ou du mal, ce qui eft nous réellement, & ce qui fait que nous reftons touiours nous, pendant que notre corps changé, s'évapore, devient terre, ou air, ou vapeur, & que toutes ces matieres rendues a la végétation, fervent de nouveau a faire croltre des plantes femblables a celles qui nous ont noiirris, qui en nourriront d'autres (*). Les (*-) Nous avons cru qu'il n'étoit pas jufte de vouloif sspofer la conftitmion & la nat.ure de 1'homme, fans d*e  Du r«g'«e animal. MS Les j. A. Et comment eft-ce que cela s'appelle ? Le b. A. Nous appelons cela notre ame. Les j. A. Ah! je fais a préfent: la rille de chambre de maman dit que quand on elt bien lage, bien lage, 1'ame s'envole au ciel comme un pigeon; cela eft-il vrai? Le b. A. Vous avez bien vu que notre ame n'eft faite que pour penfer & fcntir, & non pas pour voler ni pour nager. Sans doute, le Créateur récompenfe lés créatures raifonnables quand elles ont obéi a fes loix; mais il n'a pas befoin de faire nager ou voler les ames pour leur faire penfer & fentir des chofes agréables qui les rencient parfaitement heurculës. Les j. A. Mais eft-ce que les chiens ont aufli une ame, paree qu'ils feuteut quand on les bat (*). Le b. A. Vous voyez que les bêtes ne font point de mal, ni de bien, paree qu'elles n'ont point de raifon comme nous: voila ce qui fait que quoique nous foyons aufli des animaux, nous ne fommes cependant pas des bêtes. Nous ne leur reffemblons que par la nature de notre un mot aux enfans dc ce qui le diftingue des bêtes. Quelque loin que nous aycjns pris de nous mettre a la portée de cet age tendre, nous ne donnons ici qu'un léger cannevas dé ce qui doit fervir de thême a un iniïituteur intelligent & digne d'exercer ce fublime emploi, Ie plus noble de tous lans aucune exceptton quelconque. Nous nous fommes ariêtés oü le catéchifme commence. (*) II ne faut pas s'étonner de voir faire cette quellioii par des enfans : on voit affez par la fuite de la converfation qu'elle peut tout naturellement leur venir dan» 1'efprit. Quant a la folution que je leur donne la , js ne crois pas que l'on puiffe leur en donner une autre, laps rif'quer de leur patier lansen être entendu: les détaili approloiulis de cette uiatiere i>e lont plus k leur portée. G  j^ö Da regne animal. corps, qui eft compofé de chair & d'os comme ceux des bêtes, & qui périt auffi de même a la fin, Mais continuons 1'examen du corps animal en général. Sous la peau ou fous le cuir, on trouve la graine , la chair, les os, les mtucles, tendons & cartilages, & une multitude étonnante de veines ou petits canaux , dont les mis font remplis de lang, les autres d'autres humeurs ou liqueurs qui ne font.pa* rouges. Ce n'eft pas a dire que tous les ïnfectes & auties petits animaux, aient toujours de véritablesos , mais leur corps doit toujours avoir quelques PaDe£ même tous les animaux n'ont pas du fang Eouae , comme les hommes & les oceufs, & d'autres. 11 y a des animaux a fang chaud, qui eft toujours rouge; ce font les oiieaux & fes animaux vivipares, c'eft-a;dirc, qu. font des petits, foit dans la mer, foit uu/. la .terre. Les autres poiflbns ont auffi le fang rouge, mais comme il eft moins chaud que le nótre, noas 1'appelons froid. Enfin les ïnfectes & les petits reptiles ou les vers, ont le fang froid & blanc» Ce que l'on appelle les entrailles, ce font les parties intéricures du corps, comme le cccur le poumon , la rate , 1'eltomac le foie , es boyïux, &c. Toutes ces parties; fout delhnees 4 quelque fonftion néceffaire ajkconfervation ^nVïdes différences entre les animaux pour la. maniere de refpirer, & pour le.nombre.des fens. Les uns refpirent par le nez & la bouche , les autres ont des trous & des conduits fatfS d'autre maniere; par exemple: ce que 1 on appelle mal a propos les omes d'une carpe, ne  Bu regne animal 147 font point fes oreilles, ce font fes poumons; c eh par Ja qu'elle refpire 1'eau & en même temps 1 air qui s y trouve & dont elle a befoin. Un grand nombre d'animaux peuvent fe faire entendre par la voix ou par des cris: beaucoup d autres font prïvés de cette factilté. II en elt de même pour la vue, 1'ouïe & 1'odorat: il y a des animaux qui n'ont point ces fens. Mais tous ont une iorte de fentiment & de soüt.fans qtioi ils ne vivroient pas. Quant a la parole, elle appartient a 1'homme tout feul ; fl n'v » point d'autre animal qui parle. Les j. A. Mais notre perroquet parle auffi. L.e b. A. Les oifeaux font de toutes les betes celles qui paroiirent avoir les organes de I V°«X, P1"8.,^8* les plus fouples, les plus fléxibles ; il y en a qui ont un rama<^e charmant, & on eft venu a bout de faire imitlr a quelques-uns de petits fragmens de nos chants, de nos articulations. Mais la parole ne leur eft pas propre pour cela. Ils ne répetent que les chants qu'on leur a fait entendre une infante de fois, & que Ie peu de mots qu'on a eu la patience de leur répéter mille & mille iois Us n y peuvent rien changer, ni aiouter; ils difent toujours la même chofe, fans qu'il y ait le momdre fens. D'ailleurs jamais pprroquet , pie ou fanfonnet, n'a pu apprendre a un de fes fèmblables les mots qu?ü Soit repeter. Ainü ces animaux-la ne parient pas011 appelle cela jafer ou caqueter. II y a des animaux qui metten t bas des peta-s faas comme eux , par exemple , les \aches & les brebis: je vous ai déja dit qu'ils s appeloient vivipares , a caufe de cela. II v en a a autres qui pondent des teufs , d'ou Pon G a  143 Du regne animal. voit fortir au bout de quelque temps les petits; . par exemple, les poules, les pigeons.. lous ces petits-la grandilfent peu a peu, deviennent «os comme pere & mere , & font des petits a leur tour. Ceux qui font des ceufs, s appeilent ovipares. - . ' Les j. A. Mais de quoi vivent donc tous les animaux? , _ . j_ Le b A II y en a plufieurs qui vivent de plantes', & qui mangent les femences, les graines, les herbes, les fruits même des aibres. par exemple, c'eft un plaifir que de voir un écureuil manger des uoifettes ; c eft fon mets Sri; auffi a-t-il foin d'en faire provifion «endant 1'automne, & de les mettre dans des «eux d'arbres pour fon hiver. II y a d'autres animaux qui fe nourriffent en dévorant ceux qui font plus foibles: par exemple, le loup le jette fur les agneaux & les mange; le renard fur les poules, le lion fur les loups même & fur d'autres plus gros encore: les grospoiflbns mansent de même les plus petits; les oifeaux de nroie dévorent d'autres oifeaux; par exemple-, le milan pourfuit & mange les pigeons; les petits oifeaux mangent des infeeïes & d autres petits animaux. Mais 1'homme mange tout, oifeaux, poiflbns, quadrupedes, plantes, fruits, §rï,rS ) *a' Eft-ce que les petites bêtes felaiffent donc comme cela prendre tout de fuite ^Le^b 5r°flVous voyez bien comme leslievres fe fauvent devant les chaffeurs & les chiens. Chacun défend fa peau du mieux qu ïllui eltposlible; mais il y en a toujours beaucoup de pris Chaque animal connoit bien Ion ennemi, & ne  Bu regne animal. i45T manque pas d'employer toute forte de rufes pour lui échapper; mais tout cela ue fert de rien, paree que le Créateur a arrangé les chofes de facon, que les petites bêtes doivent fervir de pature aux groffes, les foibles aux fortes, qj. J. que les unes faffent place aux autres. Les j. A. Mais qu'eft-ce qui mange donc les groifes bêtes? Le b. A. L'homme les pourfuit & les tue autant qu'il en peut attraper, foit qu'il veuille les manger, ou feulement les détruire pour conferver &protéger celles qu'il vent manger. Mais d ailleurs, les groffes bêtes carnacieres ne font pas en auffi grand nombre que les bêtes douces & pefantes. II y a une quantité prodigieufe de brebis , de lievres, de bceufs móme, de poules & d'oies &c., tandis qu'il n'y a pas beaucoup de loups, de tigres, d'aigles, &c. C'eft encore un effet de 1'attention de la divine providence: les animaux carnaciers font beaucoup moins de petits que les autres. Au refte, ces animaux voracesne font pas fans utihté pour nous; car ils nous débarrailent des charognes ou cadavres des bêtes mortes, qui nous empefteroient. Les loups, les chats, les chiens,fe chargent de cet emploi;les corbeaux fe mettent auffi de la partie, & vous aurez vu cela plus d'une fois. De forte que, comme vous voyez, la Providence a parfaitement bien arrangé & pré vu tout. Les j. A. Mais fi on ne mangeoit pas les bêtes , vivroient-elles bien long-temps ? Le b. A. II y a de grandes difTérences entre Ia durée de la vie des différens__animaux. Depuis un jour ou deux, un ou deux mois, un ou deux ans, jufqu'a un fidele & plus, on trouve des G 3  166 Du regne animal. Les Cornes iïAmmon. Ce font des coquilles applaties & contourndes en fpirale, & reffemblantes a des cornes de bellier, d'oü elles ont tiré leur nom; non pas que le nom d'Ammon fignifie bélier, mais paree que les Africains s'dtoient avifésde repréfenter leur dieu nommd Ammon , portant de femblables cornes. Ces coquilles (Tab. V,fig. ii.) ne font pas cheres,paree qu'elles fe trouveut en grande quantité par tout pays, & furtout dans le royaume, notamment en Bourgogne, en Normandie, en Guyenne, tellement qu'en certains endroits la terre en eft jonchde. Mais toutes ces coquilles font aujourd'hui pdtrifiées, c'eft-a-dire, changdes en pierre; & ce qu'il y a de fingulier , c'eft que l'on n'a pas encore pu retrouver dans la mer de coquillage vivant de cette efpece-la. Le Murex ou Rocker, II n'y a pas de coquillage dont les efpèces ïüent des noms plus finguliers ou plus nombreux que le murex, ainfi nommd, paree qu'il reflemble a un rocher hdriffd de pointes ("voyez la 3e- fig- de ]a Tab. V.~)\ on a la poire rótie, la poire feche , la mufique, le plein cbant, le foudre, Ie diagon, le cafque, la griffe du diable, le fcorpion, la tourterelle, & beaucoup d'autres. Mais les families les plus diftingudes du genre des murex, font les pourpres, ainfi nommdes, paree qu'elles fourniffent une liqueur qui donne la teinture couleur de pourpre, la plus brillante & la plus ineffacable ,  Du regne animal. 169 «rince d'ailleurs & fort Manche. On les trouve dans 1'lle d'Amboinc qui eft aux Hollandois. Les belles fe font payées vingt, trente, & jusqu'a foixante écus; mais on en a d'auez jolies aujourd'hui pour cinq ou fix. Les Tarets. Ce font des vers qui rongent les bois qui font dans 1'eau, comme des vaiffeaux & des digues, des pilotis &c.; mais il y en a différentes efpèces. La plus dangereufe a la tête revêt'ue de deux coquilles, qui la confervent & lui donnent la facilité de s'enfoncer dans le bois. On en a trouvé dans plufieurs de nos ports, oü ils rongeoient les vaiflèaux; on en a trouvé qui rongeoient de même les pilotis de Venife; en 1732, ils menacerent la Hollande fl'une ruïne totale, en rongeant les bois des digues qui empêcbent ce pays d'être inondé par la mer. Leurs vaiffeaux avoient apporté cette efpèce de ver a leur retour d'Amérique. Le Porc-épic de mer. On le nomme encore pomme de mer, poiffon armé, & on pourroit le rapporter au genre des ourfins; mais il eft de ceux dont la coquille eft molle dans 1'eau comme une écorce d'arbre, & ne fe durcit qu'en féchant a l'air. Le porc-épic de mer (Tab. V. fig. io.) eft un ver niembru, revêtu d'une coquille mince armée de longs piquans Ils fe trouvent dans les mers d Lurope aufli bien que dans celles des Indes & on petit les manger. Ils ont plus de deux cents pieds & plus de deux mille piqués, qui  j-7« Du regne animal. font te-us mobiles, & leur fervent, aufli bien (que les pieds, a nager, plonger, marcher, a fe ciéfeiidre & a s'attacher oü ils veulent. Leurs pieds font plus longs que leurs piquans, <&; .qunnd on les tire de 1'eau, ils les renferment 'totalement dans la coquille oü ils fe retirent a ]a maniere des hériflbns, lis ont deux trous, dont 1'un, qui eft la bouche, eft fitué au bas vers le milieu du corps , & 1'autre qui eft le derrière, fe trouve tantót haut, tantót bas, prés du bord ou fur le bord même ; quelque? fois les deux orifices n'en font qu'un. 11 y a aufli des porc-épics de mer fans piquans. On trouve des premiers qui font pétrifiés en entier, fous le pom de boutons, & d'autres dont les piquans feuls le font, & qui s'appellent pierres de juif? Etoile de mer. Ce zoopbyte ou ver de mer eft ainfi nommé, paree qu'il paroït ne confifter qu'en quatre^ ou jrinq rayons gros & longs, partans d'ua même centre. 11 a au moins quinze cents pieds pour fe mouvoir, & cependant il court tout au plus comme un limacon. II y a des étoiles de mer qui ne font pas plus grofles qu'un écu, & d autres plus grandes que la main , dont quelquesunes fe mangent, & dont d'autres font vcmmcufes. Quand elles font deiféchées, elles reifemblent a un morceau de cuir grifatrc ou d un brtin rougeatre. On en trouve dc pétrihées qui fe nommer aftérites; plus elles ont de rayons, plus elles font cheres (Tab. V, fig. ie.) f Celle appeléetête de Médufe (fig. 9, de ia Tab. j eft la Plus fmg»liei'e i e*le 9om*  Bu regne animal. 171 poféc d'une infinité de ramifications, naiffant les unes des autres, & dont les dernieres lont auffi iines que des chevetix; on en a compté jufqu'a plus de quatre-vingt mille. Tout cela forme une efpèce de filet, qui fe replie & feit a faifir la proie dont 1'animal fe nourrit (*). II y a des curieux qui raffemblent toutes ces coquilles-la , qu'ils paieiit quelquefois bien cher , & qui en rempliffent des cabinets qui leur coütent toujours beaucoup d'argent. Prefque tout cet argent-la tombe dans les mains des Hollandois, qui en apportent tous les ans une quantité prodigieufe de 1'Afrique & des Indes, dont ils ne font curieux que pour les changer contre des écus. Les j. A. Mais k quoi fervent ces cabinets pleins de coquilles? Le b. A. La plupart du temps & pour le plus ordinaire , ils ne fervent de rien a ceux qui les poffedent & qui en font la dépenfe, fi ce n'eft pour les faire voir, paree qu'ils font trop occupés des foins nombreux qu'exige une telle colleétion a faire &: a compléter, pour avoir le temps d'y étudier les fecrets de la nature , & d'y admirer la Toute-puifiance féconde du Créateur. Mais ces cabinets & ceux qui ont le moyen & le loifir d'en faire , rendent un grand fervice a ceux qui les vont vifiter pour O On a vu que nous n'avons point voulu exp)iqUJr le nom A'argonaute qui Te trouve plus haut; il en elt de même de celui de médufe qui fe trouve a cet articie. Ces deux explicatious ne font pas de rhilloire naturelle mais de 1'hifloire mythologique ou de la fable, & l'on "ft trop dans l'ufage de Ia faire apprendre de bonne heure aux enfans, pourquenous ayons befoin d'en parler ici. H %  Du regne animal. cn tirer le véritable ufage, qui eft celui que nous en faifons nous-mêmes. Lesj.A. Ah! je voudrois bien voir un de ces cabinets! J Le b. A. 11 faudra que je m informe d abord s'il y en a dans ce pays-ci, & alors nous irons ccrtaincment rendre vifite enfemble a 1'homme prévoyant qui aura eu la bonté de nous le tenir pret. Et nous verrons bien plus que cela, j'efpere, mais avec le temps; car je tacherai de vous faire voir des cabinets entiers d'hiftoire naturelle, ot'i il y aura bien autre chofe que dés coquilles & des efcargots. Les j. A. Eft-ce que l'on mange auffi tous ces petits animaux que vous appelez des vers ? Le b. A. Non pas tous, mais la plus grande partie. Les efcargots fur-tout font un mets trés commun dans plufieurs pays; je veux parler de ce gros efcargot que l'on trottve dans les vignes, & qui e'enferme dans fa coquille pendant 1'hiver. On les apprête au beurre, ou bien en falade, ou en friture. Les j. A. Fi! je nepourrois pas en manger, moi. Les b. A. Ah! ah! mes bons Amis, il y a bien d'autres bêtes que vous ne pourriez prefcue voir fans dégoüt, & que d'autres regardent comme un régal pour eux. II y a, par exemnle un pays en Amérique que 1 on appelle la Caltfoniie , oü les habitans mangent tout ce fiui s'appelle ver, quelque figure & quelque sioüt que cela puifle avoir; plus le ver eft gros % ioncr, mieux ils s'en accommodent. Et les Californieiis ne font pas les feuls qui font de ce goüt-la. Les i A. Mais comment fait-on pour prendre les moules & tous les autres vers de la mer?  Du regne animal. 173 Le b. A. Ce font des plongeurs qui vont les cberchcr. Ces plongeurs font des gens accoutumés & exercés a refter un certain temps dans 1'eau, & par conféquent a retenir leur haleine. Ils fe font attacher a une corde , ils fe lienr une éponge devant la bouche; ils prennent un panier ou un fac pendu au cou, & fe lailfenc defcendre dans la mer, oü. ils vont chercher les huitres, les moules, les perles, les éponges, les coraux, dont ils empliffent leur panier. Quand ils ne peuvent plus retenir leur haleine, ils tirent un petit cordon deftiné a cela, & alors on les retire fur le champ. Cependant on pCche des huitres tout le long de 1'année au filet, & quant aux coraux, mou'es, éponges, coqui'lages &c., la mer en jette affez fur fes bords pour que l'on puiffe s'en procurer fans danger. Car trop fouvent il périt des plongeurs; tantót ils étouffent faute d'air, tantót ils font attaquJs par des monftres marins, qui les dévorent on leur emportent quelque membre. Combien de fois n'arrive -1 - il pas que quand on retire un plongcur, on ne lui trouVe plus qu'une jambe ou qu'un bras? Les j. A. J'aimerois mieux, moi, ne point manger de moules, que de me faire manger un bras ou une jambe. Le b. A. Ou bien tout entier; car il y a des animaux marins qui ne font d'un homme qu'un morceau , encore avec armes & bagages, comme l'on a trouvé quelquefois dans Peftomac du requin, qui eft le plus terrible de. tous. Les j. A. Mais pourquoi donc eft-ce qu'ils y vont? n'eft-ce pas, bon Ami, que cela n'eft pas bien fait? Le b. A. II y a des gens affez pauvres & affez H3  Du regne animal*. mfortunés pour être réduits a faire tout ce queveulent les gens riches, afin d'avoir un peu de leur argent pour fe nourrir, eux & leur familie: de forte que pour ceux -la, ce font de vrais héros, de vrais martirs de 1'amour paternel & conjugal. II faut les plaindre & les admirer. Enfuite il y a des gens riches , qui pour devenir .plus riches encore-, appellent ces pauvres malheureux , & leur promettent un peu, trés peud'argent, s'ils veulent defcendre dans la mer & s'expofer a la mort, pour leur aller chereher toutes ces chofes qu'ils vendent enfuite bien cher» Les ƒ. A. Mais fi j'étois a la place de ces pauvres gens, moi, je garderois tout pour moi, & je le vendrois pour devenir riche aufli, au lieu de le donner a ces vilains riches. Le b. A. S'ans doute cela leur appartient de bon droit, felon la nature & la raifon;- mais ils ne font pas les plus forts; ce font les riches qui font les plus forts, paree qu'ils viennent toujours- accompagnés de foldats & de matelots, qui font aufli d'autres pauvres malheu* f-eux , qu'ils paient pour faire tout ce qu'on leur commande, foit mal ou bien. Les j. A. Mais je croyois, moi, que l'on ne pêchoit des coquillages & des éponges que pour les voir & s'amufer, ou bien pour les manger ? Le b. A. Ah! fi cela étoit ainfi, ceux qui paient les pêcheurs pour s'expofer a être dévorés, auroient peut-être un peu plus de confcience, & ne voudroient pas les expofer. Mais cesmarchands riches ne veulent avoir des perles & des coquillages que pour en faire de 1'argent, ii 1'argent fait oublier tou: ce qui feroit bien  jD« regne animal. ïf§ fait, paree que plu-s on en a, plus on en vent avoir, coüte qu'il coute. Voila fur-tout ce qui arrivé pour la pêche des perles, qui elf la plus précieufe de ce genre , & ce qui fait que les' vdritables perles font fi cheres. Les j. A. Eft-ce qu'il y en a donc qui ne font pas des vdritables? Le b. A. Oui, fans doute, onles cbntrefait, & les faulfes perles font bien plus communes& a meilleur marend que les vdritables. Les j. A. Et comment eft-ce que l'on fait donc pour les contrefaire ? Le b. A. On a remarqud que les vraies perles; font remplies d'une - efpèce de graiffe ou huile blanche figée; ainfi l'on a imagi'né de faire de' petites boules de verre de la grofleur des différentes perles, dans lefqnelles on fait couler un1 vernis compofd avec la partie brillante des écailles de poiffon, pour imiter 1'dclat des perles, & que fon remplit enfuite de cire blanche.Voila tout le fecret. II y en a d'autres qui fe font au tour avec des morceau.*: de mere, & que j'aimerois encore mieux , paree qu'au moins elles font folides; mais aufli ellesdoivent pefer un peu davantage au cou desdames. Les j. A. Eft-ce aufli des perles, ces petits grains rouges que l'on porte aufli au cou, & dont il y en a auffi qui ne font pas ronds? Le b. A. Toutes les perles, fans exception, doivent être du plus beau blanc. Ce que vousvoulez dire, c'eft du corail. Les Corauiï.- Or le corail (Tab. V, fig- ö0 etf une efpecé' tl 4.  176 Du regne animal. de coquille, qui eft formée par de trés petits vers a bras ou polypes , & que l'on a pris long-temps pour une plante de la mer qui s'en.durciffoit a l'air, paree qu'en effet il le forme des efpèces de tiges & de branches dans le corail; mais il n'a point de racines ; on le trouve fermement attaché par la bafe fur les rochers, & fur toutes fortes de corps qui font dans la mer. 11 y en a de fort beaux dans fa méditerranée ; mais ils ne pafient jamais de beaucoup la hauteur d'un pied, ni la grofleur d'un pouce. Les polypes de ctte claffe fe bfftiffent ainfi un logis peu a peu avec leur bave, comme les autres coquillages, & n'en fortent jamais. On les appercoit quelquefois a de petites ouvertures, oü ils étendent leurs bras que l'on avoit pris pour des fleurs, en forme cl'étoiles ; mais ils rentrent précipitnmment dès que l'on y touche, ou que l'on tire le corail tout-a-fait hors de 1'eau. 11 y a appatence qu'ils meurent aufli dans le même inftant, ou peu après. On fait avec le corail toute forte de jolies petites bagatelles: il y en a de jaune, de blanc & de rouge. Les Éponges. Auriez-vous cru que ces fubftances qui abforbent fi bien 1'eau,& dont nous faifonsgrand ufage a caufe de cette propriété, étoient aufli une maifon, un grand logis Mti paree pour une multitudc prodigieufe de petits vers ou polypes, a peu prés comme font ceux des coraux ? rien n'eft cependant plus vrat. Chacun d'eux a la-dedans fa celluie a part, & le tout eft compofé de filamens entrelacés trés fer-  Du regne animal. 177 rês, formant une maffe fouvent affez confidérable, mais trés légere. Les j. A. Ce font donc la les fameux polypes dont vous nous avez déja parlé? Les Polypes. Le b. A. Le nom de polype figrrifie un animal qui a plufieurs pieds; ainfi vous vovex que de cette facon, il y a des polypes bien ailleurs que dans les éponges & dans les coraux. Cependant on a donné ce nom par préférence i de petits vermifleaux, dont il y a une infinité delpeces, qui ont un corps membraneux cc en tuyau, puis terminé par les filamens qui lont fufceptibles de mouvemens féparés, & fervent de bras ou de pieds , de facon qu'ils ont plutót l'air de plantes que d'animaux, & qu'en eiiet 011 en a fait un genre a part fous le norn de zoophytes ou animaux plantes. Cette reflemblance eft encore plus grande par les phénomcnesfinguliersque nous offre leur llructure leur multiplicaiion, leur maniere de vivre. Les j. A. Et 011 eft-ce que l'on en trouve? comment eft ce qu'on les prend ? Le b. A. Ils fe tiennent dans les étangs & dans toutes les eaux tranquilles, mais pourtant traïcbes & non crottpies, oü ils s'attaclient aux limaces , aux lentilles d'eau, cc a plufieurs autres plantes. Pour en avoir, il ne s'agit que de prendre la plante fur laquelle ils fe trouvent & la mettre dans un verre d'eau claira, & aiï bout de quelque temps on les voit infailliblement paroltre, fe mouvoir, faire leurs évoluttons. 11 y en a de jaunes, de bruns, de verds . de rouges; on donne auffi aux difftrqites elpe' H 5  Bu regne animal. _ ces des noms analoguesa leur figure, par exemple , il y a les polypes a panache, comme a la fig.'8. de la Tab. V; les polypes a bras, les polypes a cornes (fig.- 7-) &c. Le polype en bouquet eft fur-tout remarquable, paree que c'eft un amas de polypes raflemblés en bouquet au bout d'un tuyau commun, auquel ils font tous attachés., C'eft la multiplication de ces animaux qui offre les fingularhés les plus frappantes; car les jeunes ïbrtent des gros & croiflent fur eux comme les rameaux & les feuilles fur les arbres. II fe forme de même un bouton au commencement, ou efpèce de mameion, qui groflit peu a peu,. iprend des bras au bout de quelques jours, & fe fépare bientót dc fa mere pour vivre a part. Mais les nolypes fe multiplient aufli par des eeufs.. Les j. A. Mais qu'cft-ce que les polypes peuvent donc manger. Le b. A. Des pucerons, des vermifleaux, qu'ils attendent & favent faifir avec leurs bras auffi leftement & aufli adroitement que 1'araignée prend la mouche, ou le chat une fouris. Rien de plus plaifant, que de voir une proie tomber dans les bras d'une mere polype , qui porte fur elle fes enfans & fes petits enfans (car il eft remarquable que les jeunes en produifent déja d'autres avant que d'avoir quitté lamere);alors chacun des petits joue des bras pour 1'attraper, & quand la mere 1'avale , on diroit qu'elle vole la nourriture a fes propres enfans, ou quefes enfans ne cherchent qu'a lui enlever la fienne. Enfin ils fe mangent eux-mêmes les uns les autres , fans que celui qui eft avalé en meure, car il refibrt du corps de celui qui la. jcangé., auffi entier qu'auparavant.  Èu regne animaC 179' Pour le dernier miracle ,& pour le plus grand' fans doute que puiil'e nous olFrirle regne animaly. c'eft que lorfqu'011 les coupe ils ne tneurei*,t point, quand même on les hacheroit en rJ'x, douze, vingt morceaux; mais chaque morceau devient un polype tout entier ;on lui voit'pous-fer tête, pieds, corps, tout, en un riiot, ce qu'il faut pour être un polype parfait. On peut encore retourner le corps d'un polype comme uu gant, & en mettre deux 1'un dansTauire; ils; vivent tout comme auparavant. Ainfi vous voyez que la familie des vers dans-5 le regne animal, eft bien admivable & bien fur» prenante, quoique nous faffiöns fi peu de cas de ces petits animaux. Je' vais vous parler d'une' autre claffe de petites bêtes, qui aura aufli dc quoi vous étonner & vous amufer ? Les j. A. Je parie que vous allez nous dire 1'hiftoire des papilkms &des hannetons? Le b. A. C'eft-a-dire, que c'eft celle-la dont Vous êtes le plus curieux ? allons, il y a de quoi1 nous divertir. D'abord comment on appelle tout cela enfemble, papillons, mouches, cou-fins, hannetons, & autres? Les Infecles* Tout cela s'appelle des infeétes, & ce nom' fignifie une chofe coupée en morceaux, ou du moins qui offre des divifions; paree qu'en eftet' les infectes font compotes d'anneaux ou de feg-mens, dont 1'un eft la tête, 1'autre la poitrine, quoique dans quelques-uns ces deux parties^ n'en faflênt qu'une; la troifieme le ventre. Ils ont différentes ouvertures pour refpirer, & deux cïones ou antennes mobiles qui leur fervent al HG  i8o Du regne animal. reconnoltre les objets dont ils s'approchent, & 1 .s obftacles qui s'oppofent a leur marche, de facon qu'ils fe reglent en conféquence, pour aller en avant ou en arriere, pour prendre la gaucheou la droite , fe baifler, s'élever&c. lis ont auffi deux yeux pour le moins, a 1'exception de la puce d'eau qui n'en a qu'un au milieu de la tête; pour 1'ordinaire, letirs yeux font multiples; on en a comptö douze mille a un papilIon ; de plus, ces yeux n'ont point d'iris, de cils ,ni de paupieres. Ils ont au moins fix pieds, un cceur fans oreillettes & a une feule cavité ,1e fang blanc & froid. Les oifeaux, au contraire, & les bêtes a quatre pieds, ont deux cavitésdans le cceur, outre deux autres plus petites que l'on nomme oreillettes , & qui y font jointes. Les j. A. Mais peut-on manger des infeéles ? Le b. A. Mais oui, quelques-uns; ils nefont pas tous venimeux. Voyons, qu'eft-ce qui vous conviendroit? une affictte de hannetons a la poivrade, ou bien un plat d'écreviffes? Les j. A. Efi-ce donc que l'on mange auffilcs hannetons? Le b. A. Et les foürmis, & les mouches a miel, & que ne mange-t-on pas ? il n'y a prefque pas d'infedte qui ne foit quelque part un régal pour les hommes. II n'y a pas jufqu'aux poux & aux vers, qui ne foient de bons ragouts pour lts pauvres iauvages d'Amérique; & pour les fauterelles, il y a de fort honnêtes nations qui les mangent de grand appétit, par exemple dans le Levant, a telles enfeignes que Saint JeanBaptifte en faifoit fes repas dans le défert. La coutume fait tout, & nous pouvons nous accoutumer a bien des chofes. Quand on a été élevé a »anger du poifibn cru, des racines & des écorces d'arbres, & qu'on fe trouve réduit dans la  Du regne animal, i8i fuite a ne vivre que de pain blanc & de gateaux a la crème, il y a pour en devenir malade au moins pendant quinze jours. —— Vous riez , mes bons Amis ! il n'y a cependant rien de plus vrai. Les j. A. Mais eft-ce que les infeétes ont auffi de la chair comme les poulets? Le b. A. II s'en faut bien; toute leurTubftan» ce n'eft qu'une efpèce defucun peu épaiffi, foutenu de quelques membranes & de quelques cartilages; de même leur fang n'eft pas proprement un vrai fang, mais feulement une liqueur blanchatre. Ils n'ont même pas de narines , ni d'oreilles, & cependant la plupart ont 1'odorat & 1'oiü'e trés fenfibles. S'il y en a d'autres qui n'entendent, ni ne fentent auffi bien, ils en font en quelque forte dédommagés par 1'excellence & la multitude de leurs yeux,puifqu'ils en ont les uns fix,les autres huit,d'autres dix, douze,& même davantage, enfin jufqu'a des milliers: une mouche, par exemple, en a huit mille, & le papillon une douzaine de mille. Les j. A. Mais vous ne badinez pas, bon Ami? eft-ce bien tout de bon? une mouche quatre mille yeux! Le b. A. Nous les verrons, j'efpere, & je vous les ferai compter. Nous trouverons un bon microfcope, & vous n'en croirez qu'a vos propres yeux. 11 y a deux hommes trés habiles qui les ont comptés avant nous, 1'un s'appeloit Leuwenhoeck, & 1'autre Swammerdam. Les j. A. Mais enfin pourquoi donc eft-ce que les mouches ont tant d'yeux ? Leb. A. Efiayez-voir de prendre une mouche par derrière: — Eh bien 1 eft-ce qu'elle vous a attendu? II faut remarquer que la mouche ne H 7  fffc Dti regne animal peut tourher la tête ni a droit©,ni agauchc,ni la lever, quoiqu'elle puifl'e la bailiêr. Si elle n'avoit que deux petits yeux par-devant, volant par-tout, & fe fourrant par-tout comme elle fait, elle ne vivroit pas deux heuresfans être écrafée.Voila pourquoi elle a un fi grand nombre d'ycux, qui, raflemblës les uns- a cóté'des autres, & formant deux éminences arrondies fur fa tête, lui donnent la facilité de voir ce qui vient de tous les cötés. Et la pauvre abeille, qui eft obligée d'aller loin dé fa ruche, a un quart de lieue , ou même a une demi-lieue, chercher le miel& la cire fur les fleurs, commetlt ne s'égareroitelle pas , comment éviteroit-elle_ les dangers d'une fi longue route, fi la Providence ne lui avoit pas donlié une fi bonne provifion d'yeux? Auffi quand elle a fait fon tour, rapporte-t-elle fon butin fucré pour le joindre a celui de fes; camarades, fans s'égarer prefque jamais. Les j. A. A propos , bon Ami 3 tous les infeftes ont - ils auffi des alles , comme les abeilles ?' Le b. A. Vous avez vu despoux & des puces,; des écreviffes & des araignées, vous favez fi ces infecles ont des alles. Et il eft même fingulier qu'un infecte qui n'a point d'ailes , foit cbligé pour fe nourrir d'en attraper un autre, qui en a de bonnes , & qui vole trés bien ! car J'araignée ne mange que des mouches , mou-cherons, &c. Mais les ailes des infeétes font faites oe plu-fteurs manieres. Les uns les ont nues, comme ies rrouches & les papillons; les autres ont pour les c'ouvrir de bdBt etuis folides, que Pon ap-pelle des ailerons, comme les hannetons. II y en a auffi qui n'ont que de demi-ailerons,,  TTü regne animal. ceqliifait qu'ils volent trés foiblement,comme certaines eipeces de punaifes* Quant aux pieds, les-infeftes allés en ont ordinairement fix-; mais ceux qui font privés d'ailesen ont davajitage; par exemple, 1'araignée en a huit, 1'éci evifle. dix, la cloporte quatorze,une autre efpèce cent quarante-huit, & une autre jufqu'a deux cents. Les j. Ai Pourquoi donc eft- ce qu'ils n'en ont pas tous autant les uns que les autres? Le b. A. Ah,ah ! c'eft-la que brille lafageffe de la Providence créatrice. Tous les infecles ne font pas deftinés aux mêmes opérations; le Créateur a voulu affigner a chacun une nourriture particuliere, & par conféquent il faut que chacun s'y prenne pour 1'obtenir de manieres différente?.. Les uns vivent dans 1'eau, les autres fur la terre;. les uns tirent leur fubftance du regne végétal, les autres du regne animal. Aux uns il a fallu des pieds propres a creufer la terre, a d'autres des outils pour creufer lebois;. a ceux-ci la facttlté & les moyens de nager, a ceux-la de longues jambes pour fauter; a d'autres des ailes, a d'autres un plus grand nombre de pieds ; & tout cela non feulement pourfe procurer la pature , mais encore pour éviter Pennend. II y ades infedtes pour vus d'une trompe, qui dans fa petitelfe n'eft pas moins admirable que celle de 1'éléphant , que tous emploient pour percer & fucer, les uns un fuc mielleux, comme les abeilles, les autres d'autres matieres. En un mot, 1'inftincl & les facultés des infeftes font difpofds avec tant de variété & de précifion , qu'en voyant autour de foi une fi prodigieufe mulrtude d'êtres animis ramper-, voler, fauter, courir, rongers  1S4 Bu regne animal. (lieer &c., on fe fent pénctré d'admiration & de vénération pour la fageilë infinie de 1'Auteur de toutes chofes. — lit pas un ne fouffre la difette, chacun trouve ce qu'il lui faut, celuici des racines , celui-la des feuilles, un autre du bois pourri, un autre des herbes, la de la vafe, ici de la terre, de la chair, du cuir, enfin toute forte de fubftances. Les j. A. Mais eft - ce qu'ils ne fe trompent jamais ? Le b. A. Jamais: chacun fait oü il trouvera ce qui lui eft deftiné; il y va , le choifit entre mille autres chofes qui plaifent a d'autres; & dans le cas oü fa nourriture particuliere vien» droit a lui manquer, il fe laiffera plutót mourir de faim que de toucher ace qui neluiappartient pas , c'eft-a-dire, a quoi il ne fe fent point de goüt. Ce même inftincl: eft caufe que la femelle ne manque jamais de dépofer fes ccufs dans un endroit oü les petits trouverönt une pature allurée au moment oü ils feront éclos , de forte qu'elle peut vivre fans fouci a cet égard, & fans inquiétude fur leur fort. Par exemple: quelques-unes dépofent leurs ceufs dans la terre a cóté d'une provifion abondante de racines & de bois pourri; quelques autres fur les plantes, fur la viande, fur les ordures, & ailleurs: d'autres pénétrent dans le corps des animaux qui font crévés, comme des rats , des taupes , des grenouilles, & y placent leur poftérité a éclore. 11 y en a qui percent les feuilles des arbres pour y mettre leurs ceufs, comme fait Finfecte qui donne lieu a la naisfance de la noix de galle; les teignes s'envienrjent ronger nos habits & nos étoffes, en tirent des filets de laine qu'elles colknt enfemble &  Du regne animal. 185 s'en fabriquent un fourreau de drap, fi elles ont rongé de la laine, ou de feutre fi elles ont dépouillé une pelleterie. Elles y dépofent leurs oeufs, & les larves qui en naillent percent leur enveloppe, la mangent, rongent encore 1'étolTe qu'elles ont a leur portée, & en prennent, par conféquent, la couleur j ce qui fait que l'on en voit de jaunes , de rouges , de bleues, &c. Et que de peines ne fe donne pas 1'araignée pour fes ceufs, qu'elle s'attache entre les fambes, & qu'elle traine par-tout avec elle jufqu'a ce qu'ils foient éclos? _ L'abeille conftruit pour elle & pour fa poftérité une belle maifon de cire, avec 1'aide de fes compngnes; cette vafie maifon contient plufieurs milliers de cellules ou alvéoles exagoncs, qui olfrent une retraite füre pour la ponte des oeufs & la nailfancc des jeunes abcilles. Elle leur prépare outre cela une provilion abondante de miel pour leur nourriture, en amaffant de quoi fe nourrir au moins pendant quelques mois avec eux, comme fi elle étoit inftruite des approches & de la durée de 1'hiver. Les fourmis travaillent durant 1'été pour s'amafler de quoi vivre pendant 1'hiver; de fbite que l'on peut dire des ïnfectes que chacun d'eux pourvoit aux befoins de fa pbftérité dès avant qu'elle exifie. C'elt un plaifir que de voir une mere chercher avec inquiéttide un lieu avantagcux pour y placer fes oeufs, fe réjouir quand elle 1'a trouvé, y dépofer & ranger adroirement fa ponte, n'oublitr rien de ce qui lui doit êtfe utile, & après fon opération faite, s'envoler contente & mourir fans inquiétude. Les j. A. Mais que deviennent ces ceufs  ïS6 Du regne animal. quand il fait bieu froid, bien froid, & que totit' géle? Le b. A. Les oeufs ne gélent point, quelques petits qu'ils foient; Ia neige & les frknats ne peuvent leur nuire. Ils attendent le retour de la faifon, & dès que le momeut de la fortie des petits eft arrivé, c'eft-a-dire, qu'il fait affez chaud pour cela, on les voit paroitre pleins de vie & d'aétivité. Les j. A. Et y a-t-il auffi beaucoup d'iu»feétes? Le b. A. II y en a plus de quinze mille efpèces: 1'écréviflè eft la plus groflè, & la mite la plus petite; il y a même des mitcsii petites qu'on ne peut pas les voir fans microicope, quoiqu'il y en ait une cinquantaine enfemble ? mais il y en a auffi que l'on peut aifément appercevoir a ccil nu. Les j. A. Ah mon Dieu ! mais comment donc eft-ce qu'elles peuvejit être grolfes a peu prèsf Le b. A. Vous favez bien ce que c'eft qu'un grain de millet ? cela n'eft pas bien gros; eb. bien , on pourroit y voir placés trés a leur aife quelques milliers de cette efpèce d'infectes. Les j. A. Ah ciel! ah ciel 1 Le b. A. Or, tous ces petits animaux ont leurs membres bien formés, leurs veines, leur eftomac, leur tête, leurs yeux, &c, On voit tout cela bien diftinclement par le moyen d'un microfcope. Jugez a préfent de la puiffance inüuie du Créateur, qui peut donner a ces animaux iuvifibies des membres & une vie tout comme a nous! Les j. A. Eft oii eft-ce donc que tant d'ül' fectes peuyent deraeurer-?  Du regne animal. 1S9 par exemple, une mouche k qui l'on vient de couper la tête, ne laiffe pas de voler encore quelques momens & de s'enfuir. 11 y en a que l'on peut tenir des fix femaines ou deux mois embrochés a une épiugle fans qu'ils en meurent, quoiqu'ils ne mangent rien: car les infectes parfaits mangent fort peu & ne boiveat point du tout, a 1'exception des grillons qui, dit-on, boivent volontiers. 11 y a même des papillons qui n'ont point de bouche , & qui par conféquent, ne peuvent pas manger du tout; auffi ne vivent-ils que quelques heures , c'eft-a-dire, autant de temps qu'il leur en faut pour s'accoupler & fe prppager. D'autres infec« tes ne vivent guere plus long-temps; il y en a qui atteignent a peine l'&ge d'un jour. Celui de tous qui vitle plus long-temps, eft 1'écrévifle, qui va jufqu'a dix années, & même a dix-huit. Les j. A. N'eft-il pas vrai, bon Ami, qu'il y a des infecties qui viennent du bois pourri, ou de la viande gatée, ou d'autres vilaines chofes ? Le b. A. C'eft-a-dire, que les ceufs d'oü ces infeétés fortent, ont été dépofés fur ces fortes de matieres , comme nous 1'avons déja dit, paree qu'elles font propres a fournir tout de fuite la pature néceffaire a la couvée qui doit éclorre: Mais non pas que les bois pourris ou la charogne produifent des animaux vivans, Tous les infectes fortent de leurs oeufs qui ont été échauffés par la chaleur de l'air, & d'oü ils font par ce moyen fortis tous formés. Cependant ce n'eft pas l'infecte proprement dit, ou 1'infecte parfait, qui fort de 1'oeuf: ce n'eft qu'une Vniférable larve, une pauvre chenille, qui ne  j$2 Du regne animal. pour faire des ceufs qui produiront d'autres larves comme celles dont ils font fortis euxmêmes, & enfin a mourir. Voila a peu prés notre hiftoire a nous-mêmes (*). Cependant il faut bien remarquer que cette marche fi furprenante, fi admirable, n'eft pas abfolument générale pour tous les infecles: il y en a qui n'éprouvent pas ces quatre états confécutifs, d'ceufs, de larves, de nymphes & enfin de mouches ou de papillons. Les araignées, par exemple, dès au fortir de 1'ceuf, font des infecles parfaits, qui n'éprouvent plus «i'autre changement que de grandir ou groiïïr. On croit même que les cloportes, les punaifes de bois, &; quelques autres, font vivipares & engendrent tout de fuite des petits qui leur reflèmblent. Lesj. A. Comment! eft-ce que les mouches, Jes papillons, les hannetons, ne groflifiènt pas auffi bien que les araignées? moi, je croyois que les grofles mouches venoient des petites qui grandiflbient petit-a-petit. Le b. A. Peint du tout; 1'infecte quel qu'il foit, mouche, papillon, hanneton ou demoi» felle, refte tel qu'il s'eft trouvé au fortir de fa coque ou de fa larve devenue nymphe, & meurt gros ou petit fans aucun changement. 11 (*) Sans doute il y a ici un beau parallele a faire de ia vie de 1'homme avec celle del'infeéte, fes opérations & lés métamorphofes. S'il lè trouve quelques jeu. es gens en état de l'entendre, Pinftituleur fera fort bien dele leur mettre fous les yeux avec les précautions nécefiaires; mais ces précautions font li deMicates, que ce n'eft pas ici 1» lieu de les hafarder.  Dit regne animal 193 li n'en eft pas de ces infecles comme des - veaux qui deviennent des bceufs. Mais pour arranger toute la familie des infeétés dans notre armoire du regne animal, il faut en remarquer les dilférentes clalfes ou .efpèces. On pourroit en faire fept, favoir: La première de ceux qui ont des ailerons entiers , comme les hannetons , les cerfs-volans, & autres nommés coléopteres. La feconde de ceux qui n'ont que des demiailcrons ou élytres, comme certaines punaifes de bois , les cochenilles & autres nommés hémipteres. La troifieme des lépidopteres, c eft-a-dire , qui ont les quatre ailes farineufes , comme les papillons. • x La quatrieme des hyménopteres , c eft-adire , qui ont les quatre ailes membraneufes & fans poufiiere , comme les demoifelles, les guüpes, &c. La cinquieme des neuropteres, ceft-a-dire, qui ont des ailes a nerfs ou veinées, comme les tibcillcs» La fixieme des dipteres ou qui n'ont que deux ailes, comme les mouches, les coufins, les tipules, &c. La feptieme enfin des apteres, c eft-a-chre, de ceux qui n'ont point d'alles du tout, comme les araignées , les poux , les puces , les écréviffes, &c. Mais au lieu de ces fept clafies, il feroit plus court de n'en faire que trois ou quatre, favoir: La première des infeétés a quatre alles ou tétrapteres, foit avec étui, foit fans étui; cc qui en fera deux, fi l'on vent.  jrj^. Du regne animal. La feconde des dipteres ou a deux ailes, comme ci-devant. Kt la troifieme des apteres ou lans ailes. Cependant meflieurs les favans ont arrangé tont cela de facon avec leurs fept dalles, que • tout le monde Ven accommode, pour n'avoir pas la peine d'en faire foi-mêmc. II faudra bien que nous fafiïons de même , pour favoir ce que l'on dit lorfqu'on en pariera ; autrement nous ne nous entendrions pas. Ainfi je vais d'abord vous parler des hannetons, ou plutót des fcarabées ; car fcarabée eft le nom séoérique, ou du genre dont le hanneton n'eft qu'unc efpèce; enfuite nous parierons de chaque cfpece de fcarabée ; tout cela fe trouve dans ia première des fept claffes. Les Scarabces. On nomme ainfi les infecles qui ont fix pieds & deux ailes minces & tranfparentes, revêtues de deux étuis ou élytres d'une rnatiere fohde comme la corne ; qui font fortis d'une larve qui avoit fix pieds a fa partie antérieure (a rexception du fcarabée a tariere ou taret, dont li larve n'a point de pieds), & qui pafloit la plus grande partie de fa vie dans la terre, dans le fumier, dans le bois, ou dans 1 eau, fe nourriffant de feuilles, de racines, de bois pourri, des corps morts de rats , de iouris, tfe ferpens, de léfards, de grpuouilles, de crapauds, & autres ordures; qui, a compter de leur état d'ceuf jufqu'a celui de fcarabée, vivent quelques mois ou un an , ou meme jutqu'a cinq ans dans la terre, dans le tan, ou dans Je fumier; qui changent plufieurs tois üc  Du regne animal. 195 peau ; qui pendant 1'hiver fe creufent une retraite dans la terre a une profondeur oü. ils font ü 1'abri de la gelée , & oü ils reftent jufqu'a, ee que la chaleur du printemps les rappelle a la lumiere. Voila ce que font les larves des fcarabées tous les ans , jufqu'a ce qu'enfïn il arrivé un automne oü elles lè renferment dans le trou d'une motte de terre, ou dans un morceau de bois pourri, ou dans du fumier , ou dans une feuille; & la, changées en nymphes -ou feves, attendant que le printemps revienne pour reflufciter fous la forme de fcarabée, fortant de leurs trous peu a peu, s'envolant, s'accouplant, pondant leurs ceufs , & terminant la leur exiltence, fi les oifeaux ne les ont pas mangées plutót. Pour ces opérations, Pinfcéte allé vit tantót un mois ou deux, comme le hanneton ou fcarabée de mai, ainfi nommé, paree que c'eft le mois oü il vit ordinairement, de même que celui de juin, tantót depuis le printemps jufqu'en automne, tantót enfin deux ou trois ans & plus, comme le mélolonthe, le ftercoraire ou fouille-merde, le chryfomele, &c. II y a des fcarabées qui ont une corne, d'autres qui en ont deux , d'autres qui en ont trois, & d'autres enfin qui n'en ont point du tout. Dans plufieurs efpèces, il n'y a que les mrlles qui en aient, ou du moins les femelles les ont plus petites , comme vous aurez pu le remarquer dans les cerfs-volans. Tous non plus ne font pas de la même couleur: il y en a de noirs & de bruns, de bleus & de gris, de jauncs, de rouges & de bigarrés. Ils different de même par la grandeur; car il y en a qui ne font pas plus gros que la tête d'une petite épmgle, comme les pucerons terreftres , & I %  ■jpö Du regne animal. d'aurres qui font auffi gros que des moincaux; comme le fcarabée d'Amérique ou éiéphant. Les j. A. 11 y a donc bien des efpèces de fcarabées ? Le b. A. Oui , fans doute, on en compte plus de huit cents, que l'on nomme dilféremment d après leur figure , leur couleur, leur leiour , leur pature ; par exemple , les cerfsvolans, les dillequeurs, les foulons , les rbinoccros ou monocéros , les efcarbots, les hannetons , les charenfons , les chryfomeles ou dorés, les bupreftes, les cantharides, les ca« pricornes, les courtilieres, {kt. Les j. A. Mais comment ferons-nous pour ks connoitre tous V car nous ne connoiflons encore que les cerfs-volans, les fouille-merdcs, les hannetons Le b. A. Ah ! fur-tout nos chers hannetons , auxquels nous faifons faire la roue, & qui nous amufent tant! mais je fuis bien aife que vous les connoilliez li bien; car je vous prierai de m'en faire 1'hilloire a votre tour; il faut que chacun dife ce qu'il fait: vous voyez que pour moi, je vous dis tout ce que je puis ■ •^Lts' j. A. Ah ! cher bon Ami, c'eft bien jufté ; mais vous nous expliquerez mieux cela que" nous ne le favons. Le b. A. Peut-être: tout au plus pourraiïe vous apprendre quelques autres termes que vous n'avez pas encore eu occaiion d'entendre, Ainfi dites toujours comme vous voudrez. Les Hannetons. Les j. A. Eh bien, les hannetons ont fyf  Du regne animal lc 'dos deux étuis d'ailes qui font comme tmv* ges ou bruns, & durs; & nar-delFous*, deux ailes minces comme du papier bien tin , bien fin, ü fin que l'on pourroit voir au travers. Enfuite ils font noirs fous le ventre, avec des raies Manches & des points fur les cótés; ils ont fix pieds & deux cornes, & autour du cou un collier de corne dure qui elt noire; ils ont auffi des crochets aux pieds pour s'accrocher, & leurs yeux font noirs & comme de petit» diamans luifans n'eft-ce pas? Le A. Tout cela elt vrai , trés-jnfte; tout ce qu'il y a, c'eft que les gens du métier, au lieu de dire des étuis d'ailes , difent élytres ; au lieu de dire que l'on peut voir au travers, ils difent diaphane ou traufpareut; les cornes , ils les appellent des antennes. Dö même ils auroient commence par dire que les hannetons font du genre des fcarabées. Du refte, après ce que vous avez dit, il n'y a plusqu'a parler de Ia figure de la larve du hanneton, du tems qu'elle dure, & des autres ptrsr* cularités qui diltinguent cette familie. Je vais vous en dire ce que j'en fais. Le hanneton , qu'on appelle nlif 1 i fcarabée bourdonnant, provient d'une larve (Tab. VII l, fig. 35 ö" 37.) qui fort des ceufs placés fort avant dans la terre environ au mois de mai , felon que la faifon elt plus ou moins hadve. Cette larve relte en terre plus ou moins prés de la furface, trois , quatre ou ciuq ans , fous le nom de mans ou vers blancs , oü- elle fe nourrit des racines des plantes. Lc jetme hanneton forti de terre (figure 38.) de même au mois de mai ,, s'envole, & va ronger les feuilles qu'il réduit. en poudre , ce qui 1'a fait nommer meünier I 3  ioS Du regne animal. dans certains pays. Enfuite ils s'accouplent & reftent long-temps attachés deux a deux; après quoi la femelle s'enfonce dans la terre environ h une braflë de profondettr , s'y prépare une place commode, & y dépofe fes ceufs qui font d'un jaune clair & de figure ovale (fig. 36). Alors elle refiört de terre, vit encore quelques jours, & meurt. Souvent le hanneton tout formé refte encore une année entiere dans la terre , & n'en fort qu'au printemps d'après celui oü il elt forti de fa larve. 11 arrivé de même a d'autres qui ont déja vu un été , de s'endormir dans la terre' jufqu'après 1'hiver fuivant, & d'en fortir une feconde fois pour jouir encore des plaifir. de Ia vie. Ainfi un hanneton peut vivre deux ans , ou du moins deux étés; car on n'en a pas encore remarqué qui" aient vécu deux foi3 pendant, les quatre faifons entieres. On a vu aufli dYiirtres fcarabées, comme le monocéros, fe retiier dans la ter-re pendant un hïver entier. Les hannetons ne paroiffent guere avant ie mois de mai, & plutót après , paree qu'ils craignent beaucoup !e froid. Cependant ils 11e craignent pas moüis la grande chaleur, & c'eft pour cela que pendant le gros du jour , ils reftent cachés fous les feuilles, & n'en fortent que fur le foir quand le fort dc la chaleur eft tombé. Alors comme c'eft auffi t'hcure que nous choililfons pour nous promener , nous nous amufons quelquefois a leur courir après pour les attraper. On diftingue le male (Tab. VIII, fig. 39.) de la femelle (fig. 38.) aux houpes qui terminent les antennes ; car outre que les femellesont celles-ci plus petites, leurs houpes ne font  Bü regne anima!* ir>9 tiu'a fix feuillets , tand;s que celles des male* font a fept. D'autres difent même que le» femelles n'ont point de houpes. Quand le hanneton s'envole, il déploie auffi fes houpes. Les oifeaux les aiment beaucoup , de meme que leurs vers ou larves; les cochons s en ré, galent auffi volontiers , comme les poules Sé fur-tout les poules d'lnde. Le Hanneton d'été. Il a beaucoup de reffemblance avec celui dcr mai; la différence conüfte en ce qu'il eft plus petit , d'un brun pale, fins houpe h fes antennes qui font terminées par des efpèces de boutons; il ne s'arrête point fur les arbres, nf fur les buiffons; il ne vole guere que pendant le jour-, quoiqu'il róde auffi le foir quelquefois, & c'eft le bied qui eft fon rag-oüt. 11 a fix jambes velues, dont une paire eft toujours plus grande que 1'autrc (voyez la fig. f de I* Tab. mi.) Le Ckryfomele. Quant au brilïant & incomparable fcarabée de ce nom, il n'a point de temps bien pré:is pour fortir de terre ou des autres endroits oü s'arrête fa larve, comme les vieux troncs d'arbres creux, les fourmillieres, paree qu'elle fe' nourrit de bois pourri & des feves de ces infectes. Le ehryfomele {Tab. ril, fig. 33.) eft prefqu'auffi gros qu'un hanneton, & s'arrête plus volontiers fur les bouquets blancs du fureau en fleurs, fur les firènes, les narciffes, les lis & les rofiers. Avec du paifi trempé & I 4  £00 Du regne animal. du fruit, o-i peut garder uil chryfomele vivant deux ou trois ans. Les j. A. Et les hannetons aufli. Le b. A. Hélas non! Ie cher hanneton ne peut s'accoutumer a cet ordinaire ; mais le chryfomele eft beaucoup plus beau, ainfi l'on peut fort bien fe paflër du hanneton. Les j. A. Oui, mais il ne fait pas tout cc que fait le hanneton , qui vole quand nous voulons , d'abord que nous lui chantons une petite chanfon; tandis que 1'autre , au lieu de voler ou de marcher, quoiqu'on puifle lui fafre pour 1'exciter, retire fa tête & fes pieds dès qu'on le touche ou qu'on veut 1'attacher , & contrefait le mort. Le b. A. Eh bien, laiffons donc ce fcarabée peu complaifant; en voici un autre que vous ne eonnoiflez peut-être pas. Le Rhwocéros. Ce nom-la fignifie nez-cornu, paree qu'enr eflët il a une corne fur le devant de la tête, & on l'appelle aufli monocéros, paree qu'il n'en a qu'une ; il a cela de commun avec le gros animal ;\ quatre pieds qui porte le même nom. 11 eft, comme vous voyez Tab. VIII, fig. 31, deux 011 trois fois plus gros que le hanneton, & il fe tient dans le bois pourri, mais de préférence dans les vieux chênes creux ou dans les folfes a tan faites avec 1'écorce de chêne. II peut, comme le hanneton , fe cacher pendant 1'hiver, & reparoïtre au printemps avec les jeunes camarades. O11 en a vu un fe cacher derrière la boiferie d'une chambre, oü on Pa entendu ronger la planche pendant toutl'hïvers  Du regne animal. 2 0t fans pouvoir deviner ce que c'étoit, jufqu'au mois de mars qu'il fortit de fa cachctte, & cherchoit a gagner la clcf des champs; mais il fut repris & condamné comme délérteur a la mort, pour aller figurer enfuite dans le cabines d'hiftoire naturelle de la maifon. Quant aux fcarabées a trois cornes , il na s'en trouve qu'en Amérique , & fur-tout danste Brélil, oü ils font plus gros que nos cerfsvolans. Ils ont les cornes, cependant pointées,. de méme en avant, & tantót 1'une fur 1'autre v tantót 1'unc a cóté de 1'autre recourbées en dedans comme les pinces des écréviffes: ils portent le nom d'hercules, ou d'éléphans, ou de taureaux volans. Le Scarahée ftercoraire. II fort comme les autres d'une larve, & cette larve fe loge dans le fumier , oü elle vit tout au plus une année. II y a plufieurs fortes de fouil'.e-merde , car c'eft le nom vulgaire qu'il porte. Les uns dépofent ou plutót répandent leurs ceufs fur la fiente de chéval ou de vache, ou de brebis. Les autres cn forment des efpèces de petites boules pour y enfermer leursceufs. Lc nótre, défigné fur la Tab. VIII, fig* 17, eft de cette derniere efpèce ;on le voit voler ca & la, & travaillcr fur-tout a fe fourrer fous. la fiente des beftiaux, particulierement du cheval. Quand il s'arrête quelque part, il y faitun trcu dans la terre r y enfonce un peu de fumier qu'il a mis en peloton, dépofe un ceuf deflus , le recouvre encore de fumier, & s'envole pour en faire autant dans une dixaine d'autres ên•droits y ou méme davantage. Au bout de quel* - 5  202- Du regne animal. quelques jours la larve fort & fe nourrit de Ij proviiiou que fa mere lui a préparéc. Cette provilion dure jufqu'au printemps , alors elle ehange de peau quatre fois , & enfin devient nymphe pour paffer a 1'état de fcarabée. Nous avons dans nos contrées & dans plufieurs autres de 1'Europe, un fcarabée a corne unique, noir & fort brillant, qui eft prefqu'auflï gros que le ftercoraire, & qui d'ailleurs s'arrête volontiers furie fumier qu'il trouve dans les prés. & les paturages , fur lequel il dépofe aufli fe» eeufs dans des pelotes de fiente de vache. Le Caprhorne: On nomme ainfi 1'èfpece de fcarabée qui ades pinces affez fortes pour rongcr le bois tant: verd que fee, & les meubles même qui eu font faits , pour y dépofer leurs ceufs. 11 fort de ces ceufs des larves qui n'ont point de pieds, & qui percent le bois pour s'y loger ou s'en, nourrir, jufqu'a ce qu'elles fubiffent leur métamorphofe. On nomme dans quelques pays ce fcarabée bouc de bois ou chevre de bois , paree qu'il porte fes cornes recourbées comme celles de ces animaux. II y en a beaucoup „ tant grands que petits, de couleur noire, brune & tachetés ; & tous ont la vie fi dure qu'on peut les garder en. vie plus de fix femaines quoiqu'empalés avec une épingle,& fans Tien manger. Vous en trouverez un grand fur la Vllb. Tab. fig. 30, & un petit fur la X«. Tab. fig. O. A propos, aimez-vous les noifettes ? c'eft. de quoi il ne faut pas douter ; mais u'avezvous jamais trouvé. dedans, en les ouvrant.  Du regne amtnai. 20} ttnc erpece de ver affez épais qui remplifl'oit une bonne partie de la coquille ? eh bien ,> c'étoit une larve d'oü fort un fcarabée atrompe. Le Charanfon. Vers le mois d'aoüt & quelquefois plus fard fe fcarabée fait un trou dans la noifette encore verte & tendre , tant la commune des bois que la rouge des jardins, dans 1'aveline, & autres efpèces 5 il y dépofe un ceuf, d'oü au bout d'environ quinze jours il nait une larve qui rouge le fruit ; & quand elle a fini , ellefort cn automne , s'enfonce dans la terre, y devient nymphe , & enfin fcarabée après 1'hi-ver; voila le charanfon Tab. VUL fig. 41. Le Scarabée h reffort. II a plufieurs autres noms, comme efcarbot f fauterelle , maréchal , notopéde, & le nom commun eft tatipin. 11 eft petit, étroit & long* & remarquable par le reffort, au moyen duquel il peut s'élancer en l'air quand il eft couché fur le dos. Ce reffort eft la pointe de fon corfelet, qui s'en gaine dans le ventre, & s'en échappe enfuite avec force, ce qui enleve 1'infecte, qui retombe enfuite ordinairement fur fes pieds*Il y en a plufieurs efpèces. Le Cerf-volantr Celui - ci vient d'une larve qui paffe fix an> nées entieres a ronger du chène pourri avant'; que de fe transformer en fcarabée: après-qn»i; l 6  a©4 Du regne animal. 1'infecte fait comme fes confrères , c'eft-a-dire » voltige quelques jours durant, s'accouple, fait des ceufs, cc meurt. La raifon pour laquelle on les voit peu , c'eft qu'ils fe tiennent conti» nuellement & feulement dans les forêts de chénes , & cela dans les deux mois de juin & de juillet; c'eft la qu'ils vivent 6c qu'ils meurent. Ils mangent les feuilles ou plutót ils fucent la feve qui y arrivé; mais ils aiment beaucoup le miel, cc fi vous voulez vous en faire fuivre comme d'un chien, vous n'avez qu'a leur eu donner quand vous les aurez pris. Les j. A. Oh.' je luis bien aife de favoir cela; ils travailleront bien mieux quand nous ]es ferons tirer a la cbarrettc, & que nous leur mettrons au cou un joug comme on en met aux bceufs. Et puis quand il y aura une man.tée,& que deux ne lëront pas affez forts, nous en irons chercher d'autres tout frais a 1'étable pour tirer avec. Le b. A. Mais, gare les pinccs! Lesj. A. N'eft-ce pas, que les femelles ne font pas 11 grolfcs que les mrïles? Le b. A. Non, fans doute, & leurs cornes font plus petites auffi. Au refte, il faut remarquer que ces cornes font mobiles & peuvent fe rapprocher, au lieu que les cornes des beftiaux font immobiles. Ce fcarabée fe nomme aufli taureau-volant ou bceuf-volant, paree qu'il eft beaucoup plus gros que les autres efpèces de ces infecles. La bouche fe trouve entre les deux cornes; elle eft entourée de quatre houpes jaun&tres, qui repréfentent la langue ou plutót trompe a fucer ; prés defquelles on en voit deux autres plus petites, accompagnées de deux efpèces de machoires aflez grofles; outre  Du regne animal. £05 cela il a tout prés des yeux & par-delfus, quatre longues antennes a. quatre feuilles.... Les élytres font ordinairement d'un brun clair, & quelquefois d'un rouge obfeur. (Voytz la M' 28 de la Tab. Vil.) Le Ver luifant. C'eft. un fort joli petit fcarabée , fort remarquable par la lueur qu'il donne pendant les belles nuits d'été. Le male a des alles, mais la femelle en elt dépourvue ; elle eft un peu plus petite que la béte a dieu ou coccinelle, & de couleur brune. Son corps eft compofé de dix anneaux, dont les trois poftérieurs qui font jaunes, donnent une lueur dans 1'obfcurité. Le male elt plus petit & prefque tout noir, & luit auffi un peu dans la nuit. Le Scarahée fojfoyeur. Ce fcarabée provient d'une larve qui refte fix femaiues ou deux mois en terre a cóté de la charogne d'un rat ou d'un crapaud, d'une srenouille ou d'une taupe, dont elle fe nourrit. Quand 1'infeéte veut dépofer fes ceufs, il vole a droite & a gaucbe, tant qu'il ait trouvé quelque charogne femblable, ce qui ne tarde pas, attendu qu'il a 1'odorat excellent. Alors il 1'enterre, & au bout de quelques jours il en nait des larves qui trouveut par cette précaution de la chair fraiche, car elles ne fe nourriffent pas d'autre chofe; & fans le foin qu'a l'infedte d'enterrer leur provifion, la charogne fe defl'écheroit a l'air 011 feroit enlevée par d'autres animaux. Mais le difficile c'eft d'enlever le I 7  doe? Du regne animal. corps mort, & de le trainer fur Ia place poli? Fenterrer ; car il s'agit d'une malle toujours cent fois plus groffe & plus pefante que le petit infeefe : alors il appelle fes camarades a fon fecours. S'iis ne font que deux a remuer la maffe, Ia befogne eft forte & va bien lentement; mais s'il en vient un troifieme, un quatrieme ou plus, il n'y a pas de rat mort ou de taupe , qui ne foit enlevé en une couple d'heures de travail, ou le doublé tout au plus, & enterré de maniere que la place n'eft pas reconnoiffable. Auftl 1'mfecte a-t-il foin de choifir d'abord la place oü il veut ou peut enterrer la proie qu'il a trouvée. Si la terre eft affez meuble fur la place même, il ne va pas plus loin; mais fi c'eft un terrein dur, pierreux, ou peu profond, il traine la charogne jufqu'a. i'endroit oïi il peut placer en füreté fa poflérité. Si la béte fe trouve trop grofle , comme un chat, par exemple, unferpent, il la dépece, & n'en prend que ce qu'il en faut pour la provilion des larves qui doivent fortir de fes ceufs, & qui font ordinairement vingt ou trente. , C'eft un plaifir que nous pouvons nous doener dans le jaTdin. II n'y a qu'a mettre daus un coin quelque petite charogne, & épier lesfolfoyeurs depuis le mois de mai jufqu'au ■ftiois d'aoüt; il ne fe paffera pas quatre jours , fans que nous les voyions arriver; & fi nous leur déterrons leur rat ou leur grenouille, ils ne manqueront pas de procéder a un fecond enterrement»  Bu regnt animal. z©2 La Coccimlle. C'eft le fcarabée que vous connoiffez fi bien fous le nom de béte au bon Dieu ou vache a Dieu (voyez^- 18, Tab. IV), &fans doute vous 1'avez ainfi nommé, paree qu tl ne vous fait'point de mal, outre qu'il elt trés joh a caufe de fes belles couleurs. Au contraire, ris nous rendent de bons fervices, eii ce qu ds font erands ennemis des pucerons deftructeurs des fleurs & des feuilles de nos plantes potageies & autres.. Le Dermejïe. On le nomme encore fcarabée difféqueuf (Tab. VUL fig. 3ï), paree qu'il s'attache a dépouiller les cliarognes pendant a nuit, de même qu'a ronger la viande, le lard , d ou. vient que dans certains pays on 1 appelle aufli ron^e-lard; car il a d'ailleurs beaucoup d adrefle pours'introduire dans les garde mangers, oü 1'odeur de la viande l'attire. La tl dépofefes ceufs fur un morceau de lard ou de gradte,. & les larves qui en fortent au bout de quelque temps, ont bientót confommé la proviüon, Enfuite quand elles ont atteint leur grofleur, elles fe retirent dans quelque com de a cham* bre ou dans quelque fente, entredes planches, & s'v métamorphofent en fcarabées. II y en a plufieurs efbeces, tant gros que petits,bruns, gris & noirs: le plus conuu elt noir, avec une raie grife fur le dos, tacheté de points noirs, (Tab X, fig. 25). La larve de cet mfeéte gerce aiféraentle cuirle plus épais 3 les pelle-  aoS Du regne animal. teries, ks couvertures de livres, & ks livresmêmes, Ce que le dermefte a de plas fingulier, c'eft que dès qu'on le touche 11 peu que ce foit, il contrefait le mort, & ne houge plus quoiqu'on puiflë lui faire, comme de lui arracher les pieds, les antennes, 1'une après 1'autre, de le piquer, de le bruler. Peut-être 1'attouchement d'un homme lui caufe-t-il une efpèce de défaillance; mais il eft certain du moins que fi on k laifl'e ainfi quelque temps en repos, il ne manque pas de s'enfuir, foit en courant, fi on lui a laifle les pieds, foit en volant s'il ne lui refte que fes ailes. Le Perce-oreille. Pour celui-ci, que l'on nomme auffi oreillere, c'eft un des plus ddcrids des fcarabées , paree qu'on prdtend qu'il entre dans les oreilles des gens & qu'il les chagrine beaucoup; aufli c'eft un des plus connus. II fe tient dans les fruits,dans les fleurs. & fur-tout dansles tourncfols; mais il fait fes ceufs dans 1'dcorce des arbres ou dans la terre entre les pierres. La larve fort de 1'ceuf dans toute fa groffeur, & ce n'eft qu-après avoir changé quatre fois de peau qu'elle devient fcarabde & prend des ailes. Vous pouvez k voir fur la 29e. figure de la VW. Tab. Les j. A. Mais n'eft-ce pas qu'il entre aufli dans ks oreilles, & qu'il fait du mal? Le b. A. II y entre comme les puces, comme d'autres infeétés peuvent y entrer, par pui* hafard, & non point que ce foit fon goüt, ou qu'il recherche ce féjour; car du reik, nous  Du regne animal. a°9 avons dans ks oreilles une efpèce de cire amere que les infecles ne peuvent lupporter cV qm les dOoüte bien d'y entrer. Ainfi ceft fans donte'paree que le hafard en aura ainfi ronduit un dans 1'oredle de quelque perfonne qui fe fera coucbée fur 1'herbe, ou autrement, ce l'on aura donné ce nom a cet mkéte, qui tl auleurs auroit encore plüs beau jeu pour entfet dans les oreilles des beftiaux, fi fon ïnltuul le norroit la. A kt vérité, l'on a quelques exemples d'un perce-oreilk entré dans Lorerile & qui a pénétré même dans la tête; mais cela elt extrêmement rare. La VrilktU. C'eft un des fcarabées les plus nuifibks; il v en a diverfes efpèces, toutes égalepeut devonmtes contre la tark'rc deftruftiye defquelles rien n'clt cn füreté, plantes fcch.es, herbes, infecles , oifeaux , poiflbns , livres , tables meubles &c, il ronge, tout, perce tout, güte tout, pour faire un trou profond, au tonct duquel il pofe fes ceufs fur un lit de duvet compofé des matieres qu'il a rongées. Un u. redoute fur-tout pour les livres, archiyes, colleclions d'infeélcs; & fa maneeuvre elt a autant plus difficile a prévenir qu'il n ett pas p us gros qu'un pou; vous en trouyerez un, plus Irand que nature, fur la 17*. fig- dc .la fff* Tab. Parmi ces larrons, il en elt qui s attaehent de préférence aux fourrures, peauxecc. ; d'autres aux papiers, livres; d'autres aux étotfes & habits.  212 \ Du regne animal. ' ne au gfé des eaux, jufqu'a ce que les larves"' en fortent & faütent dans 1'eau. Elles nagent trés vite, piongent trés leftement, & exhaicnf ordiflairement une odeur défagréable. Ce nom fignifie creve-bceuf ou enfle-bceuf; ainfi le fcarabée qui le porte eft plutót un infeftc terrefire qu'aquatique , puifqu'il répand effeclivement une liqueur acre , puante & venimeufe, qui nuit aux beftiaux quand ils font machée, en paiffant dans les champs oü le buprefte fe trouve toujours. Mais cette odeur défagréable aura fait donner le méme nom a' quelque efpèce de fcarabées d'eau, qui lui reflemble d'ailleurs encore par les couleurs; car ils font fort dorés & fort brillatts 1'un & 1'autre, au point que les nations fauvages s'en fervent pour leur parure. II y en a d'aquatiques & de terreftres , & de chacunc plufieurs efpèces. Vous ne connoiffez fans doute que les belles demoifelles que l'on voit voler fur les eaux, qui ont le corps long & bleurltre , biïllant & fort a^üe, a groffe tête, avec quatre ailes fort tranfparentes , & volant avec beaucoup de grrkes , cc qui leur a fait donner probablement le nom qu'elles portent. Car il feroit peu poli de dire qu'il leur a été donné a caufe d'un organe fort fingulier & même tinique dans la nature, dont la nymphe dc ce fcarabée eft pourvue, favoir un mafque , qui dans une efpèce a la forme Le, Buprefte. La Demoifelle.  Du regne animal. £13 d'un cafque ; ce mafque cache une bouche .«aftrede, garnie de bonnes dents , & la nymphe le leve quand elle veut, pour huur les petits infeftes qui fe lont trop approchés pendant qu'ils voyoient le mafque baiffé. Ces nymphes, qui ont été pendant quelque temps de petits vets a üx pieds, vivent ainli dix a onze mois fous 1'eau avant que d'être transformées en demoifelles. Alors elles fortent de 1'eau & vont fe col Ier contre quelque plante oü la métamorphofe fe fait. Les demoifelles terreftres ne font pas moins curicufes, mais il faut attendre que nous eri trouvions, pour bien voir comment elles exercent leur adreffe. Ce n'eft lil que la première des fept claffes des infect.es; nous en avons pour long-temps, ft nous ne nous hatons pas de parler de la feconde. II.e CLASSE DES INSECTES. Les cara&eres qui diftinguent les infecles de, eette feconde claffe, font d'avoir la tête penchée vers le poitrail, d'être munis les uns de machoires . les autres d'une trompe, & la plupart de quatre alles appliquées directe ment le long du corps ou croifées fur le dos, & en partie recouvertes par des demi-élytres ou étuis. Quelques efpèces n'ont que deux ailes, & quelques femelles n'en ont point du tout. Les Pucerons. Vous connoiffez infailliblement cette claffe d'infectes extrêmement multipliée; car fouvent  Du regne animal. ti& noyer dans de 1'eau, & puis on a bien lavé les buis de lit avec cette eau-la. Le b. A. Cela eft jufte, j'avois déja vu faire la même chofe: mais vous avez oublié de nous dire la quantité proportionelle dc 1'eau & des feuilles qu'il faut employer: il faut environ deux poignées de feuilles de noyer ou de brou de noix vertes pour un demi-pot d'eau, qu'on laifi'e bouillir une demi-heure , & que l'on exprime enfuite. Cette décoction bannit les punaifes pour toujours. On s'en délivre affez bien auffi par le vitriol, ou bien encore avec les feuilles & les fleurs de lavande. On détruit encore 1'engeance toute entiere jufqu'aux ceufs même, en fe fervant d'un enduit de chaux fort ; claire nouvellement éteinte dans une eau d'a| lun, & appliqué a chaud (*). Les punaifes de terre fe tiennent partie dans jes jardins oü elles s'attachent aux grofcilliers de différentes efpèces, partie dans les bois fur les troncs des arbres, partie dans les pigeonniers & dans toutes fortes de trous. Elles font aufli de figure ronde, petites , & eu partie ■■ ailées. Les punaifes de bois reffemblent par la couleur a 1'écorce des arbres, ce qui les fait échapper aifément a la vue. 11 y a des punaifes de plufieurs couleurs , vertes , jaunes , rouges, noires, blanch!ttres9:bleuatres, grifes, variées, &c; mais toutes font d'une puanteur infup; portable. Les punaifes d'eau fe tiennent dans les eaux ( ) Tcutes les drogues fortes les expulfent par leur edeur ,• c ctt pouiquoi lor n'en voit jamais chez les apotnieaues, iii furtout chez les corroyeurs. Ka  620 Du regne animal. croupiflantes, ou elles fe nourriffent de moucherons & d'autres petits infeétés , qu'elles prennent en nageant fur le dos, de forte qu'on les voit rarement dans une autre pollure. La piquüre de leur trompe a fttcer eft douloureufe. Elles dépofent leurs ceufs dans 1'eau, & il y reftent long-temps avant que les petites punaifes en fortent. Voyez-en une Tab. FIIJ9 fig' 4- Le Scorpion d'eau. Cet infefte aquatique relfemble beaucoup, comme vous voyez par la 5?. fig. de la Vlll*. Tab., a la punaife d'eau; mais ce qui lui fait donner le nom de fcorpion, ce font fes deux pinces ou bras antérieurs , qui font femblables k ceux des fcorpions terreltres. Leur trompe de la queue ne leur fert qu'a la refpiration, & non point a piquer. II y en a deux efpèces, dont la plus grande ne fe trouve qu'en Amérique. Les Sauterelles. On ne fait qu'une feule familie des fauterelles & des grillons, paree que 1'une & 1'autre efpèce «ft munie d'une longue paire de jambes pour -fauter , fe nourrit d'herbe , de feuilles , de graines, d'écorces, & de racines, habite dans Ta terre dans de petits trous, & que le male fait également uu bruilfement de fes aües fupérieures ou élytres {Jab. Vlll, fig. 8.) Les fauterelles paroilfent tirer leur nom de leur marche, qui fe fait beaucoup plus par bonds & par fauts, que de toute autre manie-  Da regne animal. aai Te, quoiqu'elles aient des alles & des jambes. Elles meurent toiues avant riiivcr; mais les femelles laiflent des oeufs dans la terre, & il en fort au printemps, fans théta nprphofe, de petites fauterelles déja parfaites, a cela prés qu'elles n'ont point encore d'ailes, jufqu'a la quatrieme mtte oü il leur en vient. Alors ces infecles dévorans n'en devicnnent que plus dan- ^Ler 'j' A. Kft-ce donc que les fauterelles font du mal a quelque chofe, en mangeant de 1'herbe? Le b. A. Ordinairement dans nos pays tempérés,& dans les pays fróids encore plutót, elles ne font ni fort multipliées, ni fort nuifibles; mais dans les contréeslplas chaudes, comme la Turquie, la Hongrie, la Pologne, & en Afrique &c., les fauterelles font fi nombreufes qu'elles fe ralfemblent comme des armées , s'élevent dans l'air comme de grofles nuées noires, & couvrent les campagnes^ oü elles s'arrêtent jufqu'a des trois & quatre pieds d'épaifleur; jugez combien il y en a de millions a la fois! mais le plus terrible, c'eft qu'elles dévorent tout, confument tout ce qui s'appelle herbe ou plante, & laiflent la terre entierement dépouillée de moiffons , de fruits, -& de tout; de forte qu'elles occafionnent fouvent des famines, comme leurs cadavres , quand elles viennent a périr, foit par les pluies ou autrement, exhalent une puanteur infupportable , & engendrent des maladies peftilentielles. II eft vrai que quand elles ne viennent pas du dehors, on peut s'en garantie a force de foins; c'eft ainfi que dans plufieurs pays de la K 3  222 Du regne animal. domination autrichienne, on cnvoie h la qüête' de leurs ceufs en mai, juin & juillet, des fégtmens entiers de foldats, accompagnés de plufieurs milliers de payfans, qui en ont trouve & brülé quelquefois jufqu'a des deux cents boiffeaux. La même chofe eft auffi arrivce en France au commencement du fie'cle paifé, oü unc armée de fauterelles ayant palfé la mer pour venir fe jeter fur Ja Provence, on fe prélêrva de leur pofterité pour liannée fuivante, en dérruifant leurs ceufs dont elles rerapliffent des trous faits en terre en forme de tuyaux. On en ramaffa plus de trois mille quintaux; ce qui auroit fait une quantité effroyable de ces ar imaux. Auffi les peuples des contrées qui en font plus fréquemment affiigés, les regardentiis comme un fléau de Dieu, comme une plaie ou une puhition Les j. A. Ah, bon Ami! eft-ce que c'eft cela que nous avons lu dans les hiftoires de la bible, oü il eft parlé des plaies d'Egypte ? - Le b. A. Juftement, & il eft vrai que quelquefois ces vilains infeétés s'lntrpdüifent jufques dans les maifons & y conlüment tout, rongeant même jufqu'aux portes. D'ailleurs ces fauterelles fbnt plus groffes que celles de notre pays. De plus, on les mange auffi dans ce pays-la, & c'eft pourquoi vous avez vu que Saint Jean-Baptifte en avoit mangé avec du miel fauvage. 11 y a des peuples entiers qui en font leur nourriture habituelle; autrefois onlesportoit au marché h Athenes, & nous voyons que Moïfe avoit permis aux Juifs d'en manger de quatre efpèces. On prétend qu'elles deviennent rouges a la cuiffon comme les écréviffes, & que la shair en eft blanche & d'un goüt exquis.  Du regne animal. "3 Eft-ce que 1'envie ne vous prend pas d'en faire un ragout? II eft vrai que nous n avons pas ici cette belle efpèce de grandes fauterelles.. ~ Du refte les fauterelles font querelleufes, el es fe battent & fe mangent fouvent les unes les autres. Les Grillons. Ouant aux grillons, on en fait deux claffes, favoir ceux de champ , & les domeftiques. _ Ceux-ci que 1'on appelle auffi enen ou grien fe tiennent dans les endroits chauds, comme les trous de fours, des foyers, des cuifines, & s'y nourilfent de tout ce qu ils y peuvent trouver de bon pour eux, comme des miettes de pain, des grains de différentes efpèces , &c. lis font d'un jaune brun , ont deux minces & longues antennes, quatre pmr ces plus courtes, deux pointes a la queue, ou les femelles ont outrecela un atguillon fort ctur, oui leur fert a enfoncer leurs ceufs dans la terre oü ils doivent éclorre: enfin quatre aues dont les deux inférieures font plus longues que les fupérieures. (Voyez Tab. VIII, fig. 3*0 Le bruit que fait le gnllon male, ou ion chantftl'on veut,paroit provenir d autre chole que du battement de leurs ailes , comme on le penfe vulgairement. Ils ont, de même que les fauterelles, un organe en forme de tympan, fous les ailes, qui produit cette elpece de voix. , . , . . -i Les li A. Oh , je voudrois bien le voir! i'en veux prendre dans notre cuilme, ou il y en a beaucoup qui chantent le foif, paree que K 4  224 Du regne animal. nous avons "une vieiile cuifmiere qui dit que cela porte bonheur a la maifon. Le b. A. Eh bienl Terreur de cette bonne femme peut nous fervir, en nous fourniffant 1'occalion d'examiner les organes de cet infeéte. Les j. A. Mais nous avons aufli une vieife fervante qui dit que quand les grillons chai> tent d'une maniere plus lente & plus trifte, c'eft figue qu'il do!t mourir quelqu'un dans la maifon. Le b. A. A la bonne hetire , que ce foit une vieille fervante qui vous ait dit cela; car je fins bien fur qu'aucun de vous ne Pa entendu dire a un homme tant foit peu infiruit & raifonnable. Ctpendant les infectes font fenfibles a certains changemens dans l'air, dont nous ne nous appercevons pas nous-mêmes; par exemple , quand nous devons avoir dans peu un temps pluvieux, ils chantent avec plus de force & de vivacitê. Au refte, vous aurez dc la peine a en attraper; car ils courent trés vïte, & ne fortent de leurs trous que pendant la nuit pour chercher a manger: le feul moyen de les faire fortir, c'eft de remplir Peadroit oü ils font de ftimée de fureau; alors ils font comme enivrés & fe laiflent prendre, ou meurent bieniót. II y a des Africains qui en achetent pour les enfermer dans une efpèce de cage, & fe délectcr de leurmufique. Les grillons de campagne fe tiennent dans les prés & dans lts champs, oü ils trouvent a manger des racines, des graines humides, & autres chofes femblables. Ils réfltmblent aux domeftiques, a 1'exception qu'ils font plus bruns. Les uns & les autres  Du ngnt animctt. ti§ boivent volontiers, ceux-h\ dans les cuifmesde tout ce qui s'y épanche, ceux-ci de la rofée des plantes. II y a une autre efpèce de grillon champê* tre, nomtné grillon taupe ou taupe-griilon,, de même que courtille ou courfdliere, qui elt plus gros que le grillon domeftique, même dd la loiïgueur du doigt. II a les deux pieds de devant femblahles a ceux de la taupe, ou même aux pinces de l'écréviffe, tellement, qu'on le nom ra e en certains endroits ecrévifle de terre. Du refte, il fait du bruit comme le grillon & fouit comme la taupe. II dévore les plantes potageres des jardins, & dévafte les champs d'orge: les jardiniers les détruifent avec autant de foin que les taupes même. Le grillon-taupe ou la courtilliere n'acquiert des aiies que prés de deux ans après fafortie de 1'ceuf. Elle conftruit fon nid avec une induftrie particuliere. Les grillons font mangés par les oifeaux, las léfards, & les taupes. Nous avons encore le grillon-criquet, qui eft d'une efpèce particuliere & reflemble beaucoup a la fauterelle, faute comme elle, marche mal, & vole aflez bien; car il a de belles ailes, comme celles des beaux papillons , & qu'il replie dans des étuis fort étroits. II mange aufli les herbes, & fait quelquefois beaucoup de dégrit. La ManU. C'eft un infeéfe qui approche beaucoup de la fauterelle, & qui a différens noms. Dans cer^ tains pays il porte celui de feuille ambulante, qui lui vient des fréquentes variations de fei K 5  Ï2Ö Du regne animal- ailes; car elles reffemfclent d'abord a une feuille de laaie verte, enfuite a une feuille fanée, & enfin a une feuille feche. Peut-Être aufli ce nom lui vient-il de ce qu'a fa naiifance on diroit prefque que c'eft une feuille d'arbre qui fe détache; car comme fa chryfalide eft fufpendue a Pextrêmtté des branches ; il peut bien y avoir eu des gens affez peu inftruits pour croire que 1'animal qu'ils en voyoient fortir , naiffoit de l'arbre même. 11 paroitroit cependant qu'il faudroit diftinguer la feuille ambulante qui ne fe trouve qu'aux Indes , de la mante qui fe trouve cn Europe aufli. Le peuple de Provence appelle cet infecte prega-Diou, qui veut dire prie-Dieu , & en latin on 1'a nommé mante religieufe (mantis religiofa) , paree qu'il eft fouvent dans une pofture finguliere, c'elt-a-dirc , prefque debout fur fes grandes jambes de derrière , tandis qu'il replie & raproche les deux de devant, qui font plus courtes ; ce qui a l'air de relfembler a 1'attirudé que les gens peu inftrüifs croient néceflaire pour la priere. En effet, il ne marche prefque que fur fes jambes de derrière, & pendant .ce témps-la il travaiHê des deux autres a attraper les mouches & les moucUerons qu'il matige. Ce jeu dc bras a aufli fait croire aux gens fimples que la mante leur montroit le chemin en étendant fon bras, & de cette facon l'on en afait un infectefacré qui méritoit des égards,... Comment! cela vous fait rire ? Lesj. A. Ehl mais, qui eft-ce qui ne riroit pas? ne faudra-t-il pas lui faire la révérence & f;ter fon chapeau? Le b. A. Vous êtes fort heureux d'avoir de Pcfprit & de la raffon 3 mais il 11e faut pas fe  Da regne animaU 22/ trioquer des bonnes gens, pauvres ou riches, qui n'en ont pas tant. Les j. A. Eft-ce donc qu'il y adesriches qui dii'ent aufli comme cela? — (Un aütre) Oui! n'eft-ce pas; bon Ami, que 1'argent ne donne pas de 1'efprit? Le b. A. Non pas proprement: cependant il eft bien clairquc les riches font plus a même de fe faire inftruire que les pauvres , fi lort pouvoit toujours acheter rinftruction. Mais il y a bien pis; car il y a de bonnes gens qui croient que le prega-Diou ou la mante ne meurt qu'après avoir enfoncé fes pattes dans la terre, lorfque fon terme eft arrivé, & qu'ertfuite fes pieds prenoient racines & pouflbient une plante verdoyante , qui apparemment reproduifoit dans fes feuilles d'autres rnantes , comme nous avons déja dit. Voila bien de quoi rire davantage! La Mouche écumeufe. C'eft d'abord une efpèce de ver de la grof-fcur d'une mouche, d'un brun noiratre, nyant fix pieds & un aiguiilon i\ fucer, puis des alles après la quatrieme mue; il ne les a pas plutÖt qu'il s'envole, va s'accoupler, dépofe fes ceufs en terre, & meurt. Au printemps, les larves naiffent & grimpent fur les faules, oü on les trouve dans les mois de mai & de juin. Elles fuccnt de fes feuilles une grande quantité de feve ou fuc qu'elles rendent enfuite fous la forme d'une écume blanche affez épaiffe, ou de falive; on la voit couler & tonibejf a terre comme fi l'arbre en étoit couvert. On trouve ca & la fur les feuilles des fauks K 6  aa8 Du regne animal amas de cette écume & toujours l'iniècte caché dedans. Les gens du commun donnent a cette écume le nom de falive de coucou, dans Topinion oü ils font que c'eft cet oifeau qui la dépofe ; mais fi on le voit roder autour des ftules dans cette faifon, ce n'eft pas pour y dépofer tme écume, mais pour cherclier les infecles qui s'en enveloppent, ók dont il eft fort friand. On nomme ordinairement cette écume, écume printanniere; & quand la larve métamorphofée a acquis des ailes, on la nomme fauteielle-puce ou cigale-bédaude, & c'eft une pro-cigale, de même que le fuivant: on leur donne ce nom a caufe de la reflemblance que leur trompe leur donne avec la cigale, qui eft une efpèce de mouche plus groffe que le hanneton , par conféquent la plus grande qui foit dans nos contréts. Mais remarquons bien fi cette occafion,qu'il ne faut pas tomber dans Terreur ordinaire de confondre Ia cigale avec la fauterelle; il n'y a pas la moindre reflemblance entre ces deux infecles, quoiqu'ils chantent tous les deux; & fur-tout la cigale ne faute point, mais elle a fix jambes de la même longucur. Ainfi ce n'eft point a la fauterelle, mais a la cigale , que reflemble Tinfecle fingulier dont nous allons parler, favoir: Le Porte-lanteme. On croit que c'eft le même qui fe nomme aux Indes acoudia & en Amérique coujm & cocoyous, car il ne fe trouve que dans ces pays lointains & chauds. Au refie, nous lui donnons Ie nom de porte - lanterne, paree que fa tête jette pendant la nuit une lumiere trés claire &  Du regne animal. 229 trés forte, dont les Indiens font ufage pour s'éclairer foit en voyagcant dans la nuit, loit dans leurs maifoES, oü cet infecte les déhvre encore des coulins. Pour marcfier, ils s attachent une de ces mouches a chaque pied, une autre au bras, quelquefois encore:1111e kir la tête, & ils font plufieurs lieues ainfidans 1 oblcur'ité. On dit que cette lumiere provient d'une veflie que Vacoudia a fur la tête, & qiu eft quelquefois plus groffe qu'une noilette, de facon ou'on Pa regardée comrnc une lanterne. Nous avons auffi une petite efpèce de icarabée que nous nommons ver luifant, & qui donne auffi une lumiere pendant la nuit, mais trop foible pour éclairer (*). Les Blattes ou Kakerlaques. Le fecond de ces noms eft connu dans les iles de 1'Amérique, & l'on déiigne par tous les deux une efpèce d'infeétes dont il y a plufieurs claHês. Tous fuient la lumiere, mais ils font beaucoup plus petits dans nos contrées que dans 1'Amérique, oü ils font de la grotfeur d'un hanneton , & même plus , tantót bruns, tantót rougea\tres, tantótblanchdtres, & munis d'antennes fort longues & fort déliées, Ces infeétés font d'une voracité unique; ils s'introduifent par-tout, & rongent tout, ali- (*) 11 nous femble que la lumiere produite par les vers luifans a dté trop myftique jutqu'ici pour les pliyliciens , & qu'elle devroit être pour eux un objec d'obfervnrions bien importactes, qui peut-être nous éclajreroient un peu davamage la nature de la lumieie, S ebfeure pour nous jafqu'a préfent. K 7  2$o Da regne animal. mens, provifions, étoffes, linge , c'ttir, papier, rieu n'efl: épargné. La larve eft trés fnande de farine; cependant ils ne mangent du pain que la mie; a la campagne ils rongent auffi les racines des plantes. IIP. CLASSE DES INSECTES. Les Papillons. Ln troifieme claffe des infecles eft celle des papillons , caraclérifés en général par un corps velu, quatre ailes étendues & couvertes d'une efpèce de pouffierc, trois paires de jambes, une trompe roulée en fpirale , deux longues antennes, & deux gros yeux qui font compofés de plufieurs milliers de petits yeux rafiemblés. Leur exifience fe borne a faire des ceufs, & puis mourir. Je crois, mes bens Amis ? que nous voila en pays de connoiffance; car jefais que vous êtes grands amateurs de papillons. Les j. A. Oh oui, bon Ami, nous en avons bien vu. Mon Dieu! que c'eft joli de les voir fortir de la coque, & puis de leur voir faire des ceufs, & puis de voir éclore ces ceufs, de voir fortir les petites chenilles qui mangent tout de fuite de 1'herbe & des feuilles de choux! Le b. A. Eh! n'avez-vous pas vu auffi comment ces chenilles forment leur coque & deviennent chryfalidcs , avant que de devenir papillons? Les j. A. Ah, que c'eft encore joli! & puis auffi comme elles changent de peau trois ou quatre fois avant que de s'enfermer Le b. A. Eh bien! vous avez donc toute t'admirablc hiftoire des papillons: car la voila  Du regne animal. 23 r cn entier. Mais avez-vous remarqué combien de temps il leur faut pour devenir de jolis animaux allés ? . . 1 , Les j: A. Oh oui; mafs il leur faut plus de temps aux uns qu'aux autres: les uns n'y mettent que quelques iemaines , les autres quelques mois. Le b. A. II y a bien pis; car il y en a encore qui reftent plus d'une année eutiere renfermës dans leurs coques, de facon, qu'après V avoir paffe" deux Invers &un été, on ne les voit fortir qu'a la feconde année. Auffi y a-t-il une grande variété d'efpeces dans les papillons gros & petits; combien de couleurs n'y avezvous pas rcmarquécs? Les ƒ. A. Oh! je crois qu'on ne peut pas les compter, tant il y en a, de blancs, de jannes, de noirs, de bleues, de rouges, & puis de marbrés de toutes fortes dë facons Le b. A. Oui, c'eft bien dommage qu'il y en ait la plus graude partie que nous ne puiffions guere voir, paree qu'ils ne volent que ^ Le^'i. A. Ab ciel! cft-il poffible? Le b. A. Eft-ce donc que vous n'avez pas remarqué cela, comment la plupart des papillons ne fortent que le foir & pendant la nuit? Les j. A. Nous en avons bien vu voler la nuit, comme le papilion du ver afoie, mais nous avons cru qu'ils voloient auffi pendant le jour. . . . Le b. A. II n'en eft rien, mes Amis; & cela eft fi vrai, que l'on divife toute la familie des papillons en deux claffes générales, favoir, les papillons de jour & les pspillons de nuit, que l'on appelle auffi phalèues: on admet me-  2.3a Tiu regne animal. me encore une troifieme claffe, qui eft celle des papillons crépufculaires, c'eft-a-dire, qui ne paroilfent que le foir, & nommds autrement fphynx. Vous trouvez toutes ces trois claffës lur la XII'. Tab. Lts figures 13 —16 font un papilion de jour, avec les ceufs & coque: le papillon de nuit, fa coque & fes ceufs font reprdfentés par les figures 19—22; lc fphynx enfin, ou le papilion crépufculaire fe veit avtc fes ceufs & la chenille auxfigures 23—25. Les chenilles de ces trois efpèces ont toutes douze yeux, huit paires de jambes, & mangent de 1'herbe & des feuilles; mais on y trouve de grandes diffdrences quant a la forme, a la maniere de vivre, aux mdtamorphofes. Celles des papillons de jour font partie armdes de piquans, partie tout unies, partie couverts de petits poils. Les premières ont la tête en forme de cceur , changent quatre fois de peau, & fe fufpendent dans un lieu couvert avant que de fubir leur mdtamorphofe: elles ne font point de fils , & font pendues perpendiculairement, la tête en bas, a quelque branche d'arbre ou en quelque autre lieu für. Leurs chryfalides font anguleufes, & toutes dordes 011 marquetdes de points or & argent: on les nomme chenilles a piquants ou chenilles dplneufes. Celles qui font unies & celles qui font velues ont la tête ronde, changent quatre fois de peau, & aux approches de leur mdtamorphofe , ne cherchent pas long-temps un lieu commode ou abritd, mais fe fufpendent a un mur, a un poteau, a une branche, a une feuille, en un mot , a 1'endroit le plus prochain , 011 elles couvrent un petit elpace avec leurs fils, & s'at»  Du rtgne animal. *33 tachent elles-mêmes de la même maniere. Leurs chryfalides , ou nymphes font auffi anguleufes, mais non dordes, ni mouchetdes , & d'ailleurs attachdes par le cou avec un fil. Enfin quand ces chenilles fe font prdpardes par mille arrangemens induftrieux a la grande opération a laquelle elles font deftindes , elles reftent fufpendues ou pofdes dans la même place , fans mouvement , jufqu'a ce qu'elles foient devenues papillons, & qu'elles puifient s'envoler,- mais elles ne fe cachent jamais dans la terre. 11 y en a qui fe trouvent pendant tout 1'dté ,& d'autres qui ne fubfiftent que dans certains mois. Elles ne mangent que pendant Ie jour, & repofent pendant Ia nuit. Leurs papillons ne voitigent non plus que pendant le jour, & quand ils s'arrètent, ils tiennent leurs quatre ailes jointes & dlevdes fur le dos. Ils font partie des ceufs ronds & verds , partie coniques (voyez Tab. XII, fig. 27.) & jaunes, & toujours a Ia partie inférieure de la feuille oü ils font attachds. Diffdrentes efpèces de chenilles tirent leurs noms tantót de leur figure, comme la chenille a oreilles, celle a aigrettes, celle a broffes, 1'dpineufe, la chenille cloporte, 1'hdriflbnne, &C.; tantót de leurs opdrations, comme la mineufe des feuilles de vigne, 1'arpenteufe, la maconne, &c.; tantót des arbres ou plantes auxquelles elles s'aitachent de préférence , comme la chenille du pin, celle du faule, celle du tithymale, celle du chou, celle du chêne, celle du fenouil, celle des haies, celle des grains, &c.; tantót de leurs couleurs, comme 1'annulaire ou la livrée; enfin celles qui vivent eu fociété fe nomment procelfionnaires,  Du regne animal. ou encore évolutionnaires, paree qu'elles furvent un ordre réglé dans leur marche, comme un corps de troupe qui fait des évolutions fous les orcfres d'un chef. II y en a une efpèce qui eft trés deftructive pour les arbres fruitiers, fur lefquels le papillon ne manque jamais de dépoïer fes ceufs , de facon que les larves qui en fortent ne mettent quelquefois qu'un jour a dépouiller un arbre entier. Le papilion eft diurne. La chenille-ours ou hériflbnne, donne un papillon nocturne ou phalène. Celle de la vigne , un papillon crépufculaire ou fphynx; La chenille du chou donne auffi un papillon diurne d'un gris jaunatre, qui dépofe fes ceufs a la partie inférieure des feuilles du chou, & il en fort d'autres chenilles d'un verd d'herbe rayées de jaune; ce font ces infeétés qui criblent les feuilles du chou comme nous les voyons quelquefois. Celle de ces chenilles qui mérite fans doute d'être remarquée a part, c'eft la chenille a foie, que nous nommons ver a foie, qui produit un papillon nocturne. Mais parmi les papillons, c'eft-a.-dire, ceux de jour, auxquels ce nom fe donne plus particuliérement, voici les plus remarquables. Le porte-queue ou queue d'hirondelle, qui dépofe fes ceufs fur 1'anet, le fenouil, les feuilles de carotte; le chardonneret, qui les met fur les chardons, fur-tout le chardon-bénit, & fur le glouteron; le petit renard ou papillon d'ortie, qui choifit pour fa poftérité cette herbe piquante; le papillon des bleds la place fur cette plante deftinée a 1'homme, a qui elle coüte tant de travaux; le papillon feuille-morte, qui reffemble a un paquet de feuilles feches, fur les arbres. Vous trouverez  Du regne animal. 235 encore fur les orties les oeufs du C, qui cherche auffi le houblon & le grofeillier, & le damier, &c; fur le chou, le papillon a voiles, qui fe trouve auffi fur le pommier & fur le prunellier, le papillon-aurore , &c. ; le papillon-lis fur toute forte d'arbres a. fruits; le papillon-perle , fur les violettes , &c. Ainfi vous n'avez qu'a voir de quelle efpèce vous êtes le plus curieux, & alors chercher la plante qu'il aime, y prendre fa chenille, 1'emporter, la nourrir de la même plante, & attendre qu'elle fe transforme; s'il en coüte quelque foin, auffi a-t-on pour fa récompenfe de beaux papillons non gatés comme ceux que l'on vent prendre vivans, & dont on ne peut empêeher que les ailes foient toujours un peu endommagées , de quelque maniere que l'on s'en empare. Les papillonscrépufculaires, nommés fphynx, ne volent que fur le foir , & pour la plupart ils ont un vol lent & pefant. Prefque toutes leurs chenilles font trés belles, portent vers la queue une pointe ou tfpece de corne, fe tiennent dans les jardins, les bois, les champs , oü elles rongent les arbres & les plantes , & fe mettent "en nymphes fans filer. deffous la terre. Les plus renwrquables font: le Phénix, dont la chenille vit fur la vigne, le grand fphynx des vignes, dont la larve fe nourrit auffi des feuilks du cep & des balfamins; celui dulaurier-rofe, qui nait fur cet arbriffeau; la tête de mort, le plus grand de tous & le $!us fingulier, dont la chenille, la plus grande auffi que nous ayons, fe trouve fur le jafmin, fur les tiges de'pommes de terre, fur la garence, &e.  136 Du regne animal. Enfin les phalènes ou papillons de nuit ne volent ordinairement que dans 1'obfciirité, & lentement comme les fphynx ; ce font les plus nombreux ; il y en a une quantité prefque inuombrable , dont les chenilles font partie velues, partie fans poils, rampant toutes d'une maniere pefante, & vivant d'herbes, de chardons, d'orties, de cuir, de bois, &c. Quand leur transformation arrivé, la plupart fe retirent fous la terre, quelques-unes fe cachent dans le premier coin obfcur qu'elles trouvent, & s'y filent une enveloppe de foie ou efpèce de lbie , dans laqtïelle elles paflënt leur état de nymphes, & patiënt a celui de papillons; celles qui fe retirent fous terre, fe contentent de cette efpèce d'enfeveliffement, ou d'autres encore d'une cachette dans les feuillages, pour fiibir cette transformation. Chaque efpèce de ces chenilles fe file une coque de différente facon; les unes ont une vafte enveloppe de foie a tiflu lache, d'autres une coque étroite a mailles ferrées, & fe placent dans le milieu; telles que les chenilles communes a poils bruns , & les chenilles de jardin a tête marbrée, qui font 11 deftruétives; d'autres font un tiflu ferré comme le papier, par exemple, les chenilles annulaires. 11 y en a plufieurs qui fabriquent leur enveloppe fi induftrieufement avec de 1'herbe, du bois, de 1'écorce, 011 même avec leurs propres poils, que leurs tombeaux ont a la fois beaucoup de folidité & une beauté finguliere ■> telles font les chenilles vertes rayées de jaune des arbres fruitiers, les hériflonnes , les maconnes, &c. Les j. A. Mais comment peut-on diftinguer les papillons de nuit des papillons de jour , &  Du regne animal. 237' des autres encore, de même que leurs chenilles? Leb. A. En les examinant, on y reconnoït des ditférences all'ez confidérables, outre celle qui fe trouve dans le temps de leurs courfes. Celles des phalènes ne fe trouvent en campagne que la nuit, & le jour elles fe tiennent tranquilles dans leurs retraites: ily a pourtantdes exceptions; par exemple, du ver a foie qui rampe fur le mürier & en ronge les feuillesaufïï bien le jour que la nuit, de même que l'on voit auffi quelquefois les chenilles de jour roder & manger la nuit. Quant a la ftruéture , celles de nuit ont en partie une efpèce de corne ou de pointe a la partie poltérieure du corps. Celles des fphynx ne fe trouvent ordinairement que vers le ibir quand la brune vient, ce que l'on appelle le crépufcule. Mais les papillons même font plus aifés a diftinguer; car leurs antennes font différentes dans ceux de nuit & dans ceux de jour. Ceuxci les ont ou a boutons, ou a maffue, ou en corne de bélier; celles des phalènes au contratc font ou prifmatiques, ou a filets conique* ou grené-s, ou bien a barbe de plume. De plus , comme les papillons de nuit ne font point deftinés a vivre long-temps, ils n'ont la plupart point de trompe a fucer; ils n'exiftent que quelques momens , qui doivent être em» ployés a la reproducüon de leur efpèce,c'eft. a-dire, a 1'accouplement & a la ponte des ceufs. Les plus remarquables parmi ces derniers, font le paon, dont la chenille vit fur les faules, les prunelliers, les arbres a fruit; la queue fourchue; que l'on trouve fur le chêne, futIe faule, fur le peuplier; la feuille de chêne fur les arbres fruitiers & dans 1'herbe; le papillon  238 Du regne animal. de la chenille(hériffonne, qui court fort vite, fur les feuilles & fur 1'herbe ,• le papillon du ver a foie, fur le mürier, le loup ou chenille des bleds dans les champs de grains. II y a des chenilles de phalènes qui s'attachent tellement aux feuilles, foit pour leur nourriture , foit pour la ponte des ceufs, qu'on leur donne le nom de roule-feuilles; une autre fe nomme arpenteufe en baton, paree qu'elle fe tient feulement a la branche par une extrêmité du corps, & aüonge tout le refte droit & roide comme un petit morceau de bois; il y en a d'autres qui ne font pas moins curieufes. On en trouve, comme nous 1'avons dit, jufques furies chardons, fur les orties, fur le tithymale, fur les afperges , fur 1'ofeHle, fur le fenouil, enfin fur une multitude de plantes, d'arbres & d'arbriffeaux, tant dans la campagne, que dans les jardins , les vergers, les bois &c.; oü. les payfans , les bucherons, les faifeurs de balais, peuvent en ramaffer autant que l'on veut. Les j. A. Ah juftement! nous leur dirons de nous en apporter de toutes fortes. Le b. A. Fort bien; mais ne manquez pas de leur recommander d'apporter en mêmo temps ce qu'il faut pour nourrir chaque efpèce. Car, comme vous avez vu, toutes les chenilles 11e mangent pas de la même chofe; les unes ne veulent que du chou, les autres des feuilles d'arbres , les autres des herbes particulieres, & chacune fe laifferoit plutót mourir de faim que de manger d'autre chofe. Auffi les papillons le favent-ils bien , & ne manquent-ils pis de mettre leurs ceufs dans un endroit oü ils font affurés que leur couvêe trouvera tout dc  Du regne animal.- 239 fuite a manger, fans être obligée d'aller a la quête. . , . Et en effet, que deviendroient, par exemple, les chenilles qui ne mangent que 1'ortie, fi la mere ou le papillon femelle avoit mis fes eeufs a la cime d'un arbre? & celles qui doivent vivre du feuillage des arbres , comment fubfilteroient- elles fi elles naiflbient a plate terre, & qu'elles dufient faire un voyagc périlleux pour trouver l'arbre qui leur convient & grimper defius? Mais, quoique ces infecles foient i'objet de notre mépris, quoique nous comptions leur exiftence pour rien & moins encore , cependant la Providence divine a daigué en prendre grand foin, .& ne les a point abandonné au hafard. Le Créateur , après avoir préparé a chacune la proviüon qui lui convient, & avec abondance, a ordonné a chaque papillon de ne mettre fes ceufs que dans la place même oü fa couvée trouveroit la table mife pour elle; aufli chacun obéit-il a cet ordre avec la plus grande exactitude, & comme s'il favoit qu'il faut a fes chenilles du chou , de Portie, du fenouil, rien autre chofe, tandis que lui-même ne dévore ni feuille, ni racine, mais entretient fa vie éthérée, fa courre & briljante exiftence , avec le pur nectar dus fleurs. II faut bien que chacun ait été inftruit par celui qui lui donna 1'être , -avec cet inftinct maternel; & c'eft vraiment un plaifir que de voir, par exemple, un papillon, après avoir voltigé fur différentes fleurs dans un jardin, s'arrêter fur un chou pour y dépofer un ceuf^ puis retourner aux fleurs, revenir au chou, & continuer ces altcrnatives jufqu'a ce que fa ponte foit achevée.  140 Bu regne animal. Les j. A. Mais notre jardinier fait pe'rir toutes les chenilles qu'il rencontre: c'eft bien dommage 1 Le b. A. Vous aimeriez mieux fans doute qu'il les laifiat toutes devenir papillons pour vous divertir, n'eft ce pas? mais pour avoir ce plaifir, voudriez-vous bien vous palier de poires, de pommes, de fruits, de pain même, de jardinage, de légumes? car on peut dire qu'il n'y a pas une feule efpèce de plante qui n'ait une ou plufieurs efpèces d'infectes pour la dévorer; & les chenilles fe multiplient fi prodigieufemeut, que fi on les épargnoit, elles ne nous laifferoient rien a manger. Ainfi, puifque les oifeaux ne les mangent pas toutes, il faut bien que nous les défruifions nous-mêmes. 11 nous reftera toujours aflez de papillons pour admirer la magnificence du Créateur jufques dans fes moindres ouvrages, & d'autant plus mème qu'il a prodigué les miracles pour orner un infeéte delliné a périr, foit pour nourrir d'autres animaux, comme les oifeaux, foit pour laifler a 1'homme fa fubliltance. C'ell ainfi que 1'homme opulent proriigue 1'or, tandis que le pauvre recueille avec foin les chiffons dans la rue. Les j. A. Mais efi-ce que les chenilles & les papillons ne nous fervent donc de rien du tout que pour cela? Le b. A. Eft-ce que vous avez oublié la chenille - rofe qui fait les cocons de foie, & le iphalène ou papillon de nuit qui la multiplie ? ce n'eft pas Ia feule chenille qui file de la foie, mais c'elt celle qui donne la plus belle; & il y a apparence que l'on pourroit en tirer de plufieurs autres chenilles, qui probablement n'é- galeroit  Bu regne animal 24T ^aleroit pas ce',le~ci cn qualitë, mais auffi qui SVpenferoit de la culture difficüe du müxier blanc. Les j. A. Ah, bon Ami! il y long-temps que vous nous promettez des vers a foie: voila bien le moment. Le b. A. Eh bien ! pour commencer, voyons uft peu comment il faudra nous comporter avec eux, avant que de nous Charger de leur exiftence, Le Ver a foie. Le papillon de cette chenille eft une efpèce de pha'ène ou papillon de nnit, qui dépofe ■fes ceufs, foit iur le mürier même dans les pays affez chauds pour qu'on les laifle a l'air en libené , foit fur de petits morceaux d'étolfe, de papier, de planchettes, lorfqu'on les -éleve en chambre. La I9e. fig. de la UI: Tab. repréfente un mürier; vous voyez fig. 13. une petite chenille de papillon; &fig. tl. une autre plus grande avec ft trompe ; fig- 14. eft une femelle qui pond des ceufs (fig. 15). Ces ceufs font ronds & plats, ayant une petite foffette au milieu, de couleur jaune d'abord, enfuite brune, & enfin grife. Ces ceufs donnent naifiance a des chenilles brunes qui ont la tête noire, neuf anneaux, feize pieds, neuf trous de chaque cöté, & une pointe fur le derrière, mais qui ne reftent pas long-temps dans cet état, car chaque mue fait changer la couleur, jufqu'a ce qu'enfin elles devieïinent d'un jaune.pale. A la 16-. fig. vous voyez trois petites chenilles qui fottent de leurs ceufs. h  Du regne animal. Cette chenille, comme toutes les autres, n'eft a proprement parler, qu'un papillon couvert de plufieurs peaux dont il doit le dépouiller lücceilivement. La première tombe peu après la naiüance de la chenille, & il fe fait enfuite quatre autres mues , a environ fept jours d'intervalle. A chaque mue la chenille paroit comme malade, & refte quelques heitres, fouvent plus d'un jour fans manger & fans faire aucun mouvement. Mais dans les intervalles d une mue a 1 autre, elle fe nourrit de feuilles de routier blanc, & cette nourriture la fait grandir fi prompte, ment , que fa peau devient trop étroite , de facon qu'elle fe fépare & tombe. Dix ou treize jours après la quatrieme mue, après que les chenilles ont affez mangé, at ou échappé de la prifon, on k prend ec on Temporte au logis. Les j. A. Mais oü eft-ce que ks fourmis reftent donc pendant 1'hiver que la terre eft geke? elles ne meurent peut-être pas , bon Ami? Le b. A. II en meurt beaucoup, mais nou pas toutes (felon Bomare, il ne meurt que les maks & une grande partie des femelles, mais point d'ouviicres\ Elle6 creufent kurs babi-  soa Bu regne animal. tations juiqu'a cinq & fix pieds de profondeur en terre, & elies y relteut engourdies jufqu'au printemps. Mais dans les pays chauds, elles ne font point fivjettes a cette léthargie; elles y travaillent toujours & mangent de même fans dormir. Leur fourmilliere eft divifée en tin grand nombre de petites cellulcs, qui communiquent enfemble par de petites galeries qui font comme des canaux ronds fouterrains; ces cellules font de figure ovale, mais abfolument fans colle, ni glu ; & cependant la piuie ne les incommóde pas beaucoup. _ Elles commencent par couper la terre en petits morceaux, qu'enfuite elles emportent avec ies crocs dont leurs jambes font pourvues. Elles tiennent leur habitation dans une grande propreté, & dès qu'il en meurt quelqu'une, le cadavre eft emporté & abandonné a une bonne diftance. On croyoit autrefois que ces infecles formoient une efpcce d'état républlcain tout compofé de males & de femelles, comme vous le penfiez auffi d'abord. Mais on a reconnu que la plupart, comme parmi les abeilles & les guépes, ne font ni 1'un, ni 1'autre, & que le gros de la république n'eft compofé que d'ouvrieres deltinées a prendre foin des jeunes fourmis nées des ceufs que Ia reine a pondus. Or dans 1'efpace de fept a huit mois, elle en pond fept a huit milliers. Les fourmis femelles font plus longues & plus groffes que les males , & l'on diltingue les ouvrieres, non feulement a ce qu'elles forment le plus grand nombre a beaucoup prés & a ce qu'elles n'ont point d'ailes, mais encore  Du regne animal, -^5 ft ca que ce font les plus petites de toutes, au point que les males font mêuie du doublé plus SUChaqué colonie complette a tout au moins une reine, qui ie diltingue de la populace par fa -roifettr & fa couleur. Elle elf Cirïq fois plus erofl'e que les autres, & outre les deux yeux fmmobiles de celles-ci, die en a trois autres plus petits difpofés en triangle fur lc devant de a tête , qui lui fervent a parcourir commodement tous les coins & recoins obfcurs de fon palais fouterrain.pour y dépofer les ceufs dans les cellules ou olvéoles. Dès qu'elle paroitdans une celluie, elle y recoit 1'accueil le plus gracicux, fes fujettes font éclater la joie la plus vive, & s'empreUent de lui rendre tous les fervices poffibles, Mais cela ne dure que tant ou'elle a des ceufs a faire; dès qu elle a rempli cette fonction, elle perd beaucoup de cette confidération. II n'en eft pas de meme chez les abeilles , elles ne peuvent vivre fans leur reine, elles 1'aiment toujours ös ne qttittent point le lieu oü elle eft. . _ . . Les plus nombreufes des fourmis font lesjau. nes, dont la reine pond quelques ceuts dans chaque celluie depuis le mois de janvier julqu en (*) Toute 1'hitioirc de Cette reine de fourmis, fera d'autant „lus nouvelle , que Bomare n'en dit pas un mot, & adtll un aufli grand noftbre d, femelle» pondsntes que de ma es. Une autre düférence, c'eft qu'il donne les ouvrie™, nou pour les plus petites, maisipout• é.re d'unegrofleur SÓrcaaenrtM les femelles , qui font les plus grolTes de Ta colonic & les ttiilles qui font les plus petits. Voda des yi' iikations a faire, qui offriAnt aux jeunes gens uu iullHcmeut i.itérellaiit.  £64, Du regne animal. feptembre, & en tout environ buit ron'e cfe chaque efpèce', c'eft-a-dire, de males, de femelles, & d'ouvrieres. Elle pond au printemps les deux premières efpèces, & les autres en juillet & en aoüt;ceux-ci font blancs ft diaphancs, tandis que ceux de femelles font noirs, ft ceux de miltes, bruns. Ainfi les jeunes fourmis naiffint d'ceufs pondus par les vieiiles 1'année d'auparavant. Les fourmis-mulets, ou les ouvrieres, couvent les rcufs pendant quelques jours, & alors ils deviennent tout blancs;peu après ilsdevieunent rudes & couverts dc petits poils; enfin ils prènnent-la forme de vermiffeaux qui ne peuvent pas encore honger de leurs places. Mats dès qu'ils font devenus affez gros, les ouvrieres les portent vers la furface de la fourmilliere, & ne leur portent plus de nonrriture. Les j. A. Mais eft ce qu'elles peuvent vivre comme cela fans manger ? Le b. A. Comme les autres infecles qui fe mettent en feves ou en chryfalides: car voila ce que font alors ces vets ou chenilles: elles fe mettent a filet, & fe forment une efpèce detiflu de foie , dans lequel elles reftent enfermées. Voila ce que c'eft que ces gros paquets blancs que l'on prend communèment pour des ceufs de' fourmis. Les j. A. Comment! ce ne font donc pas des ceufs ? Le b. J. Mais, vous avez bien vu qu'ils font plus gros que les fourmis mêmes; or ce n'eft pas 1'ordinaire que i'icuf foit plus gros que 1'animal qui le pond, & cela n'eft pas naturel non plus;car comment une fourmi pourroit-elle oondre plufieurs milliers d'ceufs plus grosqu'el-  Du regne animal. 265 Ie menie? les ceufs de fonrrni font extrèmeineut petits, & k peiue peut-011 les appercevoir. Les j. A. Et combien de temps eft-ce que ces poupies duretit? Le b. A. C'eft felon l'cfpcce; les femelles reltent fix femaines en chryfalides , mais les males & les ouvrieres oumuldtres, feulement quatre femaines. Mais 11'avez-vous pas vu fouvent avec furprife combien les fourmis fe donnent de peines pour leurs poupées? Lesj. A. Üh fürement! car quand nous avons remué & bouleverfé quelque fourmilliere, nous avons toujours vu les fourmis empreflees aporter 'leurs ceufs, comme nous difions, fans s'embarrafl'er d'autre chofe, & nous étions furpris de^ce qu'elles les portoient fi facilement quoiqu'ils foient fort gros: il faut qu'ils foient bien légers; n'eft-ce pas, bon Ami? Let. A. Ou les fourmis fortes & lahorieufes, comme elles fo-n en eifer. Mais elles prenncnt bien d'autres foins que cela pour leurs nymphes: examinez-les, vous verrez que le matin, elles les apportent toutes aux rayons du foleil, & que le foir elles les remportent au dedans de la fourmilliere ; & quand 011 bouleverfe leurs demeures, on eft furpris de Ja promptitude avec laqtïelle elles mettent en füreté leurs ceufs, leurs vers & leurs nymphes ; en moins d'une demi-beure on ne voit plus rien de tout cela, tout elt caché fous la terre. Le b. A. Et pourquoi donc eft-ce qu'elles mettent leurs nymphes au fileil? Lesj. A. C'eft pour Jes faire éclore plus tót. Ce font les femelles qui fortent les premières Cces ceufs-Ja ayant été auffi pondus les premiers; ; elles paroiflent fous la forme de groffes M  ggrj Du regne animal, mouches , qui s'cnvolcnt tout de fuite. Peu après Pon voit fortir les males comme dc petites mouches , qui prennent auffi Peffor; & les autres ne viennent qu'après , qui n'ont point d'ailes, mais qui, au lieu de courir par les airs , font obligées de refter fur la place & d'y travailler a batir leurs habitations pour 1'aveuir. Les j. A. Mais cft-il vrai, ce qui eft raconto dans la fable de la cigale &dc la fourmi, que la fourmi fait des provifions pour 1'hiver ? 1 e b. A. La fable en ce point n'eft point une fable, & il eft trés vrai qu'elles ramaflent pendant 1'automne toutes fortes de petites gratr nes & même de petits morceaux de gomme, qu'elles favent caclrer fous la terre de maniere que ces provifione ne fe mouillent ni ne ie gatent jamais. . - Les ;'. A. Mais, bon Ami, h quoi cela leur fert - il donc fi elles dorment pendant tout i-'niver? . , „ IV [ Le b. A- II eft encore vrai qu'elles pallenf tout le temps des froids dans une efpèce de lethargie ou d'engourdilfemeiit, & par conléHuent qu'elles ne mangent point pendant ce temps-la, Mais auffi elles fe réveillent de ce long fommeil avant que les plantes aipntpouüe, & ainfi avant que de pouvoir trouver quelque pature fraichc , du moins avec facilité ; car les premiers zéphirs du printemps leur rendent toute leur acrivité , & leur appétit doit fe trouver cT'Voraut en proportion du long jeune qu eb les ont fait en dormant; & cependant ces premières chaleurs durenouveau ne font pas naine tout d'un coup de quoi nourrir les lourmis, Ainfi vous voyez que leur prévoyance eft enco; e  Du regne animal. 267 ■plus admirable, & qu'elles penfent a un befoin plus éloigné que vous n'imaginiez. Ce n'eft donc point k tort que cet infecte laborieux & prévoyant elt propofé pour modele aux hommes pareflèux & imprudens Les j. /I. Mais ks fourmis font - elles auffi .du mal? Le b. A. Du mal! non pas proprement; elles cherchent a vivre, & ne s'embarraffcnt pas fi les poires, les pommes, les cerifes, les abricots, qu'elles rongent, ont été réfervés par notre avidité pour nos palais mignons &friands, ni ft les boutons & les fleurs font gatés par leurs fréquentes courfes : cependant le mal n'eft pas bien confidérable, fi ce n'eft dans ks prairies oü leurs fourmillicres font trés nuifibks k 1'herbe. Lesj. A. Mais auffi eft-ce qu'elles ne fervent pas a quelque chofe? Le b. A. Oui bien: par exemple, elles fervent de pature a plufieurs autres animaux, möme affez gros; elles nous font auffi de quelque utilité fans le vouloir ,• en ce que nous leur volons la gomme ou la réfine qu'elles ramaflent fur les cerifiers & les pruniers,& nous nous en fervons fous le nom d'encens de Thuringe, paree qu'il en vient beaucoup de cette contrée dc 1'Alkmagne & d'autres, oü on 1'appelle encens fauvage ou encens des bois. D'ail- (*) Voilïi comment les naturaliftes fe contredirent les uns les autres. Bomare allure poliiivement que l'on a tort de leur fuppofer des provifions pour 1'hiver, puisqu'eiles le pafl'ent il doruiir, & qu'en effet elles n'eu font point: de lörte que fi l'on peut apprendre d'e'Ies i être laborieux , on n'y trouve poiut d'exeinple de prévoyance. M 2  e68 Du regne animal. leurs les fourmis détiuifcnt auffi beaucoup dü chenilles, foit dans les champs, les jardins ou les greniers,*& leurs poupées ou nymphes fourhiflent aux oifeaux, aux roflignols fur-tout , ïine béquée dont ils font trés friands. Elles 1'ou't auffi trés adroites a dilféquer les rats, les freuouilles & les crapauds, quand on leur eti fburhit, & c'elt une conimodité pour les amateurs qui font curieux de ces fortes de fqueiétès;. 11 v a beaucoup d'autres efpèces de fourmis, lui-iöut d'étiangeres , & en Amérique il y a des pays oü elles font un dégat infini , jufqu'a dévorer en peu de jours des magafins de fucre eutiers, & a inquiéter mémclcs hommes. Mais la plus fïnglillere de ces efpèces, ce font les fouimis de vifue ou viliteufes, qui viennent en corps d'armée , avec avant - garde & arriercgarde , vitoer les chiteaux & les maifons de campagne oü elles détruilènt tous les infecles & même les rats , de facon qu'on les recoit avec plaifir, & qu'on leur ouvre toutes lesportes & toutes les armoires; on elt même faché quand elles reftent long-temps fans venir. Ma's aufli il y a en Amérique des animaux qui font un grand dégat parmi les fourmis, & que l'on appelle pour cela fourmillieis, ou dans le pays, tawandua; il y cn a de plufieurs efpèces, dont Pune a le mufeau trés long & la langue menua, longue de plus de deux pieds (*). Voyez Tab, H, /  Du regne 'animal. aöo Les Abeilles. Cette efpèce d'infeétes nous eft beaucoup plus utile que les fourmis, puifque d'une feule ruche on retire tous les ans connnunémenttrois Ou quatre livres de cire , avec vingt, trente, ou quarante livres de miel. Auffi les nourriton avec grand foin , taudis que l'on détruit les fourmis. Les j. A. Mais quarante livres de miel! cela eft-il poffible, bon Ami? Le b. A. Saus doute. Mais regardez un peu comment ces petites mouches font laborieufes & affidues au travail tout lelong de 1'été. Elles ne font pas moins de quatre a cinq voyages par jours, & revknnent chaque fois bien chargées de butin dans la ruche. Les j. A. II eft vrai, les abeilles feroient de petits animaux charmans, 11 elles n'avoient un li perfide & li cruel aiguillon , qui rebute & dégoüte même leurs meilleurs amis de s'en approcher. Le b. A. Ah! ah! eft-ce que vous en avez taté quelquefois? Les j. A. Hélas! comment faire, a moins de ne jamais cn approcher. Le bi A. Eft-ce que vous voudriez donc que liibée d'enu de poiffbn; elles quittnit la place fur !e cliamp. On les éloiane auffi fans retour d'un garde-mar' ger ou autre lieu, en y piscant un cornet dc papier oü l'on a mis quelques gmins de bied qui ont bouilli un quart d'heme avec quelques poignées de c'gue, herbe & racine. Le fenfffi-e en poudre , étendu fur un morcau de papier & placé dans un tiroir , les chaffe aufli, M 3  270 Du regne animal. ces petits animaux, ft foibles, fi délicats, fuf> fent abandonnés au gré de tous leurs ennemis, fans pouvoir ni fe défendre, ni fe venger? Les j. A. Mais nous ne fommes pas leursennemis, bien au contraire. Le b. A. Et qu'eft-ce que vous leur vouliezr donc? Les. j. A. Je voulois feulement en prendre une Le b. A. Et puis la tuer pour vous amufer, n'eft-ce pas? Les j. A. Oh! pour cela, non; mais feulement voir ou elles tiennent leur cire & leur miel, & puis les lailfer s'envoler. Le b. A. Et vous croyez que d'aufli bons travailleurs que les abeilles n'ont rien de mieux a faire que de perdre le temps a fatisfaire votre. curiofité, & a fe déranger de leurs travaux pour vous amufer? Les j. A. Mais comment faire donc pour ftvoir ce que l'on veut favoir? Le b. A. A la bonne heure; mais 1'abcille fait tout ce qu'elle veut favoir, & s'embarrafle. fort peu de nos fantaifies. Et croyez-vous que: li elles avoient affez d'efprit pour-faire réllexion que nous ne leur faifons du bien qu'en traitres pour leur voler le fruit de leurs travaux, leur cire & leur miel; croyez-vous , dis-je, qu'ellesnous regarderoient comme leurs bons amis? Les j. A. Mais fi on leur en prend, elles en peuvent bien faire d'autre a leur aife,puifqu'on: leur fournit tout Le b. A. C'eft-a-dire, que fi l'on venoit vous voler tous vos plus beaux deffins, ceux qui vous ont conté le plus de travail, vous n'auriez rien a dire , pourvu que l'on vous-  Du regne animal. &ft fournit k Ia place quelques feuilles de papier avec des crayons ? qu'en peniez- V°Lej j. 'A. Mais nous faifons donc du mal & toutes'les bêtes, puifqnc nous mangeons 1.3 moutons & les oifeaux, & les lievres Je b. A. Et quand un fanglier éventre uiï chien ou même un cbalfeur de Ion bouton , pour défendre fa vie, croyez-vous qu il art mand tort, & qu'il mérite d'être exécuté oe la main du bourreau? C'eft la même chofe avec les abeilles: elles n'ont qu'un petit aiguillon au lieu d'un boutoir meurtrier, lans quoi ellesnous éventreroient tout de même, & avec raifon. Nous fommes les ennemis de tout ce qtit dans la nature a une vie & n'elt point de notre efpèce : & puifque le Créateur nous a preique mis dans cette néceffité, tout ce qui nous, rede a faire, c'eft de ne pas être des ennemis cruels & féroces , qui tuetrt & malfacrent fans nécelfité ou pour le feul plaifir de maifacrer. Les i. A. Et qu'eft-ce qui pourroit avoir Ie cceur Le b. A. N'eft-ce pas que vous a'imenez a demeurer avec ces peuples Indiens qui regardent comme un crime d'óter la vie a quoi que ce foit qui Fa recue du Créateur? Les j. A. Ahl bon Ami, que ce font l;ï cFaimables peuples; comment s'appellent-ils? Le b. A. Ce font les Baniancs, ou comme nous difons , Banians : cependant ils ne font point fcrupule de prendre le !ait des troupeaux & le miel des abeilles, mais ils ne les tueut point. Au refte ft 1'abeillc fe venge par un coup d'aiguillon bien cuifant pour nous , il eft eiïW 4  t7i Du regne animal. core plus fatal pour die; car elle népéut en donner qu'un feul , & ce coup elt en mêmetemps pour elle celui de la mort: fun aignillon rede dans ia plaie fans qu'elle puifle le rctirer, & lans aiguillon elle ne peut plus vivre, Ma-lgré cela, dans.la fureur elles ne raénagem rien, & défendent leurs foyers au péril de leur v:c. comme li elles euflcnt appris qu'il eft beau de mourir pour la patrie. Aufli leur a-t on vu Uier a coups d'aiguillons- des hommes & même des chevaux, quand on les irritoit trop, & qu on les frappoit a tort & a travers. 11 n'eft pas même für de s'en approcher trop ; elles ne fouffrent volontiers que celui qui les foigne tous les jours; il les prend apoignces, il eu fait ce qu'il veut, fans qu'elles lui falTent de mal. Ce n'eft pas un petit art que celui d'apprivoifer ces petits animaux. Ainfi quand vous voudrez vous inffruire de qittlqüö chofe, prenez bien vos précautions,. & ne vous dégoütez pas pour une piquüre:: car je parierois bien que vous n'avez pas fu ceite fois-la oü les abeilles tiennent le miel ni la cire. Les ;'. A. Hélas! bon Ami, cela eft bier vrai. Le b. A. Eh bien! vous verrez qu'ellts portent la rnatiere de la cire entre leurs pattcs de derrière, & qu'elles ont le miel dans leur corpsmime ; dc forte qu'a la lin, il vous auroit fallu tucr 1'abeille par amitié pour elle &pour faire connoiflance avec elle Les j. A. fVlais y en a-t-il aufli de trois fortes comme des fourmis'? Le b. A. Précifément; il y a dans chaque ruche , it. des abeilles ouvrieres ou muiets  Du regne animal. 273 (Tab. IV, fig. 15J, qui ne font ni males ni femelle;, & ce font les plus nombreufes; i". des males ou faux-bourdons (fig. 14.), qui font m uns nombreux & que l'on nommc ainfi pour ks diftinguer des bourdons velus qui ródfnt dans la campagne; 30. les abeilles femelles , que l'on nomme meres ou reines (fig- +3), & qui font les plus rares. Les ouvrieres font les plus petites, les males les plus grofles, & les femelles font de grofleur moyenne. Les males ont prés dtt doublé de la groffeur des ouvrieres, mais point d'aiguillon , d'ailleurs ils volent pefamment, font trés pareffeux, & fe laiffent prendre aifément dans 1'aü* tomne. Les femelles ou reines-meres ont un aiguillon, _ & font plus longues que ks males & les ouvrieres,du refte femblabks en tout a ccllesci. Avez-vous déja vu une ruche? Les j. A. Pas encore, bon Ami; vous nous feriez plaifir de nous en montrer. Le b. A. Tenez, en voila deux ( Tab. IV). Fig. 6. eft une ruche fermée; les abeilles entrent & fortent par cetre petite ouverture que vous voyez-la. Fig. 7 en elt une ouverte; on y voit les cellules hexagones, dont quelquesunes font remplies de miel. Les j. A. Mais combien eft-ce qu'il ya d'abeilks en tout dans une ruche? Le b. A. Tantót plus, tantót moins; dans quelques-unes dix , quinze & vingt mille, dans d'autres jufqu'a trente , quarante , & mérne foixante & dix mille. Sur tout .cela il n'y a qu'une feule reine, mere ou femelle; & le nombre des maks ne paffe pas deux ou trois Mj  274 Du rrgm animal cents, quoiqu'il aille auffi jufqu'a mille & 8 fcize cents. Tout le refte elt compofé d'ouvrieres. Lesj. A. Mais, pourquoi donc eft-ce qu'il y a tant d'ouvrieres en comparaifon des autres? Le b. A. C'eft qu'elles font obligées de travailler pour les autres, & de les Höurrir. Les j. A. Et les reines , ni même les males-, ne vont point a la quête, amafler du miel & de la cire? Le b. A. Non, fans doute; ils ne fortent même jamais de la ruche. Les j. A. Et qu'elt-ce qu'ils font donc toujours a garder la maifon? Le b. A. Ils s'accouplent, & font des ceufs, que la reine pond, & que les maks convent. Ainfi vous voyez que ce ne font point desmembres inutiles de 1'état, puifqu'ils fervent a k peupkr, & par conféquent a k perpétuer & ibuteuir ou conferver. Les j. A. Et combien d'ceufs pond donc Ja reine? Le b. A. Trente a quarante mille. Les j. A. Oh ciel! tous en une fois? Le b- A. Non pas ; elle prend pour ces fonctions un intervalle de fix,huit ou dix femaines;, mais chaque jour elle en pond une certaine quantité, c'eft-a-dire, deux ou trois cents. Lorfqu'elk veut pondre, elk commence par faire la vifite des cellules ou alvéoks préparés pour ces ceufs, accompagnée de quelques males qui examinent avec elle fi tout y elt en bon état: enfuite elle en dépofe un dans chaque alvéok, & continue ainfi tous les jours jnfqu'a ce que toutes les cellules foient pourvues, tant graades que petites».  Dü regre animal. 275 hts j, A. Eft-ce que toutes les Cftfobs ne font donc pas égalesV Le b. A. Comme les abeilles font de trots différentes grandeurs, il elt naturel qu'il y ai: auffi trois grandeurs pour les cellules en mêmi proportion. II en elt de même pour Ie nombre j car il n'y a que fix ou dix cellules royales , quelques eentaines pour les males, & plufieurs milliers pour les ouvrieres. Les p A. Et ce font les ouvrieres qui fonï toutes ces'cellules ? Le b. A. Et qui donc? c'eft la lettr premier' travail ; elles commencent par bien bottelier' tous les trous, toates les fentes, avec une ma-' tlere vifqueufe nommée propolis; enfuite ellesconltruilent les cellules , qui font toutes de figure hexagone ou a fix pans, avec la plïi» 'grande délicatefic & la plus grande régularité ,. mais d'une autre mattere, qui elt la cire. Cc n'elt qu'après la confiruétion achevée, qu'ellescommeucent a faire provilion de miel & de cire dans les rédttits partieuMers préparés pour les ferrer. C'eft un vrai plaifir que de les voir travaïller dans leurs ruches. Les unes s'occupent a boucher les moindres trous, foit pour fe préferver' du froid, foit pour fermer fentrée a leurs ennemis ou a des butes importuns. Les autres tiv.vaillent aux alvéoles; d'autres apportent la rnatiere a cire; d'autres atfendent a la porta 1'arrivé des picoreufes, pour les décharger de leurs fardeaux , en leur fecouant les jambes jufqu'a ce que les petits paquets cn tombenr,Ces petites boulettes font auflkót portées au magalin deltiné a cet ufage, & les butineufes revolent a une nouvelle collecte : cebeudanï U 6  £?6 Bu regne animal. fi elles ne trouvent perlönne a la porte pour les décharger, elles portent elles-mêmes leur prcvilicn au magafin, oü elles la dépofént en faifant entrerles deux jambes de dernicre dans la celluie, tandis qu'elles reftent fur les quatre autres, & puis en frottant & 1'ecouant ces deux jambes jufqu'a ce que le tout foit tombé. Alors ]1 s'en trouve d'autres la qui font occupées a pétrir cette rnatiere avec les pieds, a 1'étendre & a Fapplatir, puis a ranger les Ismes 1'une fur 1'autre , jufqu'a ce qu'elle foit réduite en cire. Les j. A. Eft-ce que ce n'eft pas déja de la cire toute prête? Le b. A. Non, fans doute, ce n'eft que la rnatiere a cire, ou avec laquelle les abeilles préparent enfuite ia cire dans un eitomac exprés dont elles font pourvues, & qui n'eft pas le möme que celui oü elles prépareut lc miel. Ainli il faut qu'elles avalent toute cette rnatiere a cire, & qu'enfuitè elles la rendent après un court intervalle en efpèce de bouillie; & c'eft alors feulement qu'en travaillant de la langue, des dents & des pieds, elles 1'emploient a la conflruction de leurs admirables cellules hexagones. Les j. A. Eft-ce que c'eft aufli de même pour le miel? Le b. A. La même chofe. Les fucs dont elles le tirent doivent être élaborés a leur tour dans un autre eftomac aufli delliné a ce feul i.fase, avant que ce foit un miel propre a leurs t eflems. Les j. A. Mais eft ce qu'elles ne ramaffent pas du miel & de la cire dans lemême voyagc? Le b. A, Oui bien, quand elles peuvent 3  Du regne animal. «77 & alors elles avalent tout de fuite les fites h miel, tandis qu'elles attachent la rnatiere a cire ü leurs jambes de derrière avec une adreflè & une promptitudc e'tonnantes. Vous n'avez qu'a faire bien attention quand elles le roulent & vautrent dans le calice des fleurs a travers les étamines couVertes de la poulliere odoriférante qui s'attache aux poils dont tout leur corps eft couvert, vous verrez avec quelle dextérité elles Ja ramalfent & la fufpendent en paquet a leurs jambes de derrière. Les j. A. Mais eft cc qu'il y a du miel fur toutes les fleurs que les abeilles vont fuccr? Le b. A. II eft vrai qu'elhs en fucent de plufieurs fortes bien différentes; mais clks ne s'y arrêteroient pas s'il n'y avoit rien a butiner. Aufli cette variété de fleurs fait que le miel n'a pas toujours le même goüt, ni la même couleur. Chaque mois leur fournit de nouvelles fleurs a butirer; mais c'eft la fleur de tilleul qui leur donne la pature qui foit le plus de leur goüt, de facon, que s'il vient a plcuvoir dans cette faifon, ks abeilles fouffrent beaucoup, & la récolte du miel ne fera pas bonne. En géuérat les abeilles ne peuvent fouffrir 1'humidité. Les j. A. Mais qu'eft-ce que ces pauvret petites bêtes font donc pendant 1'hiver? ne meurent-elles pas de froid & de faim , ou reftent-elles aufli engourdies comme les fourmis? Le b. A. Point du tout; elles reftent vivantes pourvu qu'on leur laiffe de quoi manger, & qu'c n ne leur ait pas volé toutes leurs proviiions. Et quant au froid, elles ne s'en apM 7  afS tht rsgne animal percoivcnt même pas ; il fait aflez cbaed d&aS leurs ruches, de facon qu'au printemps elle* font toutes prêtes pour alier de nouveau hunner fur les fleurs nouvelles.- Mais quand on ne leur lailfe point de miel, ou quand les temps pluvieux ne leur ont pas perm s de faire leurs provilions, pour lots il n'y a pas deux partis , k faut bien mourir de faim; cependant on ne regrette pas de les nourrir pendant 1'hiver, même d'autre miel que du leur ou de 1'année, paree que l'on fait qu'elles paieront bien cette dépenfe 1'année fuivante. Les j. A. Ah! mais, bon Ami, c'efl bien fingulier, que dans l'auiomne, oü il refte encore tant de lleurs fur pied, l'on en voie déja. de mortes a la porte des ruches ? Le b. A. Cci'-ainement, fi vous avez bien remarqué , ce n'é^oient point des ouvrieres ou burineufes, mais des males pareffeux qui n'étoient plus bons a rien qu'a confumer inmilement les provilions ;• car dans ce cas-la qn les chafie de la ruche, ou même on les met k mort. II eft vrai cependant que l'on trouve jtufli quelquefois ces ouvrieres mortes; mais voici comment la chofe fe paffe. A force de multiplier, il arrivé enfin qu'une ruche fe trouve trop pleine, & même fouvent, qu'il y a deux ou trois reines ou aavantage;» Alors il faut que les jeunes reines prennent leur parti, & quitent pour jamais leur patrie, leur terre natale, pour aller établir ailleurs une colonie, avec un certain nombre de mafs & plufieurs milliers d'ouvrieres; car elles ne veulent jamais avoir plus d'une reine dans une ruche; de facon qu'il n'y a pas de milieu, il  Da ftgne ani'fftai* a?p faut partir ou pêkf. ÖïdiriaireHrent elles pteft* pent le premier partil, & 1'émigration fe fait? e'eft ce qu'on appelle jeton ou effaim, Or comme lés abeilles ont un attachement extraordinaire pour leur reine, jufqu'a faire tout pour lui plaire, a ne s'arrêter qu'qü elle eft, a la fuivre par-tout, & même h cefler tout travail & tout butin quand il arrivé qu'elle tneürë ou périllè par quelque accident; en un mot, comme elle a 1'autorité eu main, il n'eft pas a craindre qu'une reine parijs fans fuite Ion cortege fe trouve toujours compofé de plu» fieurs milliers d'apeilles. Les j. A. Et oü vont-elles donc? Le b. A. Sur Ie premier arbre qu'elles ren> eöntrèrit, ou dans quclqu'autre lieu, indifféremment'. N'avez-vous pas vu que Sarnfen trouva du miel dans la gueule d'un lion mort,. & que le miel découloit des -arbres dans la terre de Canaan? Aujourd'hui même il ya encore des pays oü l'on trouve des abeilles fauvages? qui s'établiifent en corps fur les arbres, & y dépofent leur miel. Les j. A. Ah! que je voudrois bien voir cela. Y en a-t-il auffi chez nous? car fïïre-* ment les abeilles qui fortent des ruches pour fe pofer fur les arbres, font de même. Je voudrois bien en trouver....... Le b. A. Vottspouvez vous épargner la peine d'en chercher. Nous avons bien des efpèces d'abeilles fauvages, comme les abeilles macon-* nes , les charpentieres, les abeilles bourdonnes, les rofieies, les frelons, avec lefquelles kous ferons auffi quelque connoiifance; mais l'on n'en tire point dc miel, & ce ne font point les eüaims ïbïtis des ruches j car ou a grand  a2o Du regne animal. foin de les reprendre & de leur donner auffi une ruche en propre. Les j. A. Oui! mais il n'y a rien dans cette ruche; qu'eft ce qu'elles peuvent devenir dedans? Le b.A. N'ayez pas peur ; ces enfans - li lont auffi habiles que pere & mere. Au bout de quelques heures vous les verrez partir pour aller a la picorée, rapporter des pelotes de cire & leur provifion de propolis, enfuite du miel aufli, & enfin fe batir dans le panier vide un ëdifice tout femblable a celui dans lequel elles ont re9ti la naiffance. Les j. A. Mais fi elles vont bien loin cfiercher du butin, comment peuvent-elles rètrouver leur nouvelle maifon, qu'elles n'ont pas encore eu Ie temps de bien examiner? Le b. A. Oh! cela ne manque pas , & il arrivé bien rarement que quelqu'une s'égare. Cependant il eft vrai qu'elles coureut grand danger dans ce cis; car fi elles ont le malheur d'alkr fe prcfènicr a une porte étrangere, le peuple abeille n'eft point hofpitaüer; on la repouife, on 1'attaque même cruellement, & on la tue: voila juftement pourquoi l'on trouve quelquefois des cadavres d'ouvrieres dans 1'automne devant quelques ruches. Les j. A. Ah! voila qui eft bien vila'n. Le b. A. Cela n'eft pas beau; on feroit charmé de voir la république donner retraite a une pauvre égarée, & 1'aider a retrouver fes proprespénates, a charge de revanche enpareïl cas malencontreux. Mais voici bien pis; c'eft un maffacre en regie, ure Saint-Barthelcmi aunuelle, en un mot, une fête fanguinaire que les abeilles out coutume de célébrer dès qu'il  Du regne animal. »£t commence a faire froid, & qu'elles ne trouvent plus rien a butiner dans la campagne. Les j. A. Ah! ah! eft-ce qu'elles fe battent les unes les autres? Le b. A. Oh ! ce n'eft point une batailk , puifque ceux que l'on tue font fans armes : c'eft un vrai maffacre qu'elles exercent fur lesmaks. II faut qu'ils meurent tous avant 1'hiver. Elles en tuent une partie dans Ia ruche même ; qh bien elles leur coupent la trompe de peur qu'ils ne fucent encore du miel, de forte qu'ils meurent bientót dc faim ; ou bien elles les chafïent dehors comme des bouchesinntiles,dc facon que les pauvres exilés ne peuvent manquer de mourir de faim, ou de froid, ou d'être dévorés par ks oifeaux. Les j. A. Oh ciel! cft-il poffible? leurs propres camarades, avec lefquels elles ont vécu ft long-temps en paix, & qui forment la cour de leur reine .' en vérité je ne ks aime plus, plus du tour. Fi ! c'eft une horreur ! Mais enfin pourquoi donc traitent-clks leurs maks ft cruelkment ? Le b. A. En voici la ratfon, qui les excufe peut-être. L'hiver eft long, la familie eft nombreufe, & le miel qu'elles ont en provifion ne fuffit ordinairement que pour leur eonfommation & celle de leur reine. Les males qui font gros, font auffi de gros confommatturs ; s'il falloit partager avec eux la provifion , on n'en auroit pas pour paffer la moitié de l'hiver; ainfi toute la république mourroit infailliblcment de faim , & eux aufli par conféquent, Voila ce qui rend les ouvrieres impitoyabks. D'ailleurs les maks ne font plus bons a rien; la reine n'en a plus befoin, elle en aura de  252 Du regne animal. plus jeunes pour lui faire dis ceufs l'arrrféd prochaine; ils ne fout point nés pour travailler autremcnt; ils ne font plus que manger. Un lts a nourris faas rien faire tant que l'on a pit trouver quelque chofe en campagne; il paroic que c'eft bien affez: il vaut mieux qu'ils meurent tout dc fuite que d'attendre qu'ils aient alfamé tout fetat pour périr ni plus, ni moins avee les autres. Voila comment raifonneut lesabeilles, ou comment Ia nature a raifonné pour elles: trouve?-v:>us cela fort injufte? Je crois que non. Mais aéüs oublions prefque te plus beau point de toute 1'hiftoire des abeilles; celui de leur métamorp'io'c: car vous favez k préfent qu'il ne nair point d'infccte allé , & que tous ont commencé par être uu ver ou une chenille. Les j. A. Ah! oui , bon Ami, dites-nous donc cela; eft-cc auffi de même? Le b. A. Qui, c'eft la même chofe pour les abeüles. Vous avez vu que la reine a dépofe un ceuf dans chaque celluie. Au bout dc deux ou trois jours il en fort un ver, qui fe trouve fur une provifion de miel pétri avec de la cire dont il fe nourrit. Quand il a affez maugé, ovt ne lui apporte plus rien & l'on bouche avec' de la cire 1'cntrée de ion alvéole. Ce font les ouvrieres qui font tout cela. Alors ce ver ou cette chenille fe file une tapilferie en foie & quitte fa cafaque de ver pour devenir nymphe, c'eft-a-dire, que la jeune mouche ou abeille fe trouve enveloppée feulement d'une pellicule tranfparente qui en lailfe voir toutes les parties, (& c'eft la la dilférence des nymphes aux chryfalides qui font opaques & épailfes, quoique l'on confonde fouvent ces deux mots.) Ce «laange*  Du regne animal. 283 ffieiit fe fait au bout de fix jours. Enfin Ia nympbe fe de;veloppe infenfiblement , & dans vingt & un jours une abeille parfaite rompt fon enveloppe, ouvre fa prifon ou fon alvéole con. damué, & va bientót aux champs butiner comme les autres. Alors Ls autres viennent raccommoder la celluie dérangée, & la mettre en état de fervir de nouveau. Voila 1'hiftoire de toutes ces efpèces de mouefies. Les autres font: Les abeilles maconnes qui fe tiennent fur les vieux murs-, & s'y conilruifent des cellules de' fable & de mortier formé d'une rnatiere vifqueufe qu'elles fourniflent pour lier le fable, Ces cellules font ovales & aflez grandes, furtoüt trés folides. Les abeilles bourdonnes fe tiennent dans 1* terre, oü elles couvrent leurs nids par debors avec de la moufle, pour tromper 1'ceil dc leur ennemi. Les abeilles perce-bois font leurs travaux dans les yieux troncs d'arbres. Les abeilles rofieres vivent folitaires fous las terre, oü elles fe conftruifent un riid charmant avec des feuilles de rofes: elles ne font qu'une efpèce des coupeufes de feuilles, dont chacuue préfere une forte de feuilles aux autres. Les Frelons. Cette efpèce de motiebe elf trois on quatre fois plus groffe que 1'abeille, & beaucoup plus vclue , de couleur noire & rouge - brune, ounotre & jaune, marquetée de points rougcatres. Elles ont auffi un aiguillon, & voltigent fur les fleurs comme les mouches a miel. Si vous n'en  af!4 Du regne animal. avez pas déja vu de vivantcs , vous pouvez ert voir une copie Tab. IV, fig. iq. Les j. A. Et font-ils du miel auffi, & de la cire ? Le b. A. Oh! les frelons ne font pas fi laborieux , fi bons citoyens , ni fi iöigneüx. lis ne cherchent qu'a paturer chacun pour foi, & quand ils ne trouvent pas commodément ce qu'il leur faut, ils ont Peffronterie d'entrer de force dans la première ruche venue, & de s'emparer en brigands de la provifion des abeilles, qui pour cette raifon tiennent toujours bonne garde devant leur porte, afin de n'être pas trop importunées par ces vilains höres. Auffi a-t-on donne le nom de frelons aux impttdens parafites, plagiaires , contrefaéreui s, & autres voleurs Ou brigands tolérés par les loix. Les frelons fe tiennent ordinairement fous la terre .dans des trous de fouris ou de taupes, fouvent auffi dans des ruches abandonnées , dans des creux d'arbres , ou dans tout autre réduit écarté. Ils font leur nid avec des feuilles feches,qu'ils pétriflent avec une rnatiere vifqueu* fe, & dont la partie fupérieure ell conftrutte cn voute pour 1'écoulement de la pluie & des eaux, ou pour que la terre & d'autres corps roulent facüement en bas. Dans Fintérieur ils conllruifent des cellules pour leurs ceufs. Les j. A. De cette facon-ht, ils travaillent donc auffi & favent faire quelque chofe ? Le b. A. Sans doute; auffi fait-on trop ü'hon* neur quand on les compare aux brigands dont nous parlions tout-a-l'heure , qui ordinairement n'ont point d'autre fcience que celle de tromper.  Du regne animal, S85 Les j. A. Et y ca a-t-il beaucoup dans un. iüd ? Le b. A. Que trop ; ils font toujours au ffloins quelques milliers a la fois , & ils font ftitffi de trois efpèces , comme les abeilles, ma» les, femelles, & muiets. . Le;;'. A. Et .chalfent-ils aufli les males dans i'automne ? Le b. A. Oui, ils cohtrefont aufli en cela les abeilles , mais ils n'ont pas la même excufe 5 ear comme ils ne les imitent point dans la diligence & la prévoyancc avec laqtïelle elles font des proviüons d'biver, ils n'ont rien a ménager , & ils n'en meurent pas moins tous de faim dans le cours de la rude faifon, ou prefque tous. Lesj. A. De cette faconVla., il ne doit guste en refter pour 1'année fuivante. Le b. A. Malheureufement ils ne font que trop féconds , & pourvu qu'il y eu ait une couple qui relte vivante au printemps, il y en a bientót des milliers dc jeunes fur pied. Les j. A. Mais comment fout-ils pour refter en vie jufqu'au printemps? . Le b. A. 11 y en a beaucoup qui tombent en léthargie fattte de manger, comme les foarmis, & qui dorment ainfi tant que le froid dure , jufqu'a ce que les premières chaleurs les révcillent. Les Guêpes, Le nom de guêpes eft commun a toutes ces grofles mouches carnaflieres qui ne font point des abeilles , & les frelons même ne font qu'une efpèce de guêpes, Celles dont nous pari  a86 Du regne animal. Ions & dont vous voyez une , Tab. IV, fig. 12, ne laiflent pas d'être de grands artiftes ft des infecles trés induftricux : on peut même dire que de tous les iafecles, les guêpes fout .ceux qui conftruifent avec le plus d'art leurs habitations. Les j. A. Plus encore que les abeilles? Le b. A. Oui, que nos cheres abeilles même. Les j. A. Cela eft bien fingulier! & comment font-elles donc? Le b. A. En été elles cherchent un trou fait par quelque rat, mulot ou taupe, pour fervir d'emplaccment a leur conltruftion , & quand elles n'en trouvent pas de tout fait, elles prennent le parti d'en faire tin elles-mêmes, & de fouir la terre. Pour eet eiïet, elles coupent la terre par petits morceaux, & 1'emportent a une bonne diftance de la place; elles y travaillent avec tant de diligence, qü'en peu de jours elles creufent un trou d'un pied en tout fens; mais auffi tout met la main a 1'ceuvre, males, femelles , muiets , psrfonne n'eft privilégié. Tandis que les unes font occupées a fouir & k emporter la terre, d'autres font provifion de matëriaux , & d'autres cimentent la voute de 1'autre avec une rnatiere vifqueufe; d'autres enfin pofent les fondemens de leur admirable édifice, qui fe trouve en peu de jours parfait & achevé. Les j. A. C'eft donc une bien belle chofe! Le b. A. En vérité , mes Amis , je vous allure que je n'ai rien vu de plus admirable en fait d'ouvrages de Part. Quand on voit la pre» miere fois un nid de guêpes , on le preudroit pour une belle rofe ou une efpèce d'artichaut .compofé dc papier gris ? avec la dextérité la  Du regne animal. c8? plus inimitrible. J'y fus tron;pé moi-même, je 1'avoue, quand il m'en tomba un fous les yeux pour la première fois, L'on avoit beau me dire ce que c'étoit, je ne pus le croire que quand je vis de mes yeux les guêpes entrer & fortir; & alors je ne pus m'empêcher de rendre graccs au Créateur, qui me fourniilbit une li belle occafion de 1'adorer de nouveau da«s la magnificence de fes ccuvres, & jufques dans fes plus petites créatures. Ce nid charmant (voyez Tab. IV, fig. o), que Fartifte le plus indufhieux n'imiteroit qu'a peine , eft fait de bois réduit en poufficre, & pétri avec un ciment que les guêpes fournifient. Elles vont cherchcr le bois fur de vieilles poutres,fur de vieilles palliflades, fur de vieux toits, &c. Elles y cotipent de petites éclillès qu'elles réduifent en poudre pour en faire une pate vifqueufe, en fe fervant de leurs mrlchoires pour pulvérifer le bois, & de leurs pieds pour le pétrir. Enfuite elles étendent & «minciffent cette pitte pour en conftruire leur palais, & continuent a fabriquer de ces feuilles mhices , jufqu'a ce que leurs onze étages foient achevés avec les cellules qu'ils rènferment. '(Tab. IX, fig. 1!.) Les j. A. Onze étages! 1 Le b. A. Tout autant, jamais plus ni moins. Alors les ouvrieres laiflent repofer les nulles & les femelles , & commencent a chercher des proviftons pour toute la familie, a laqtïelle elles apportent de la bouillie de vieux bois & du miel. La reine pond dans les cellules dix a douze mille oeufs dans un certain intervalle de temps. Ces ceufs font éclos deux ou trois jours après ; au bout de douze ou quinze autres ,  28S* Du regne animal. ce font des nymphes, & il n'en faut plus que huit ou dix pour que la guêpe foit parfaite , & brilè fon enveloppe, auffi bien que Ia porte de fa prifon, c'eft-a-dire, le couvercle de 1'atvéole oü elle étoit enfermée, pour s'cnvoler & fuivre les vieilles , a 1'exception des males & des femelles qui gardent toujours la maifon. Pour être a portée dc trouver aifément leur nourriture, elles ont foin de s'étabiir dans le voifinage des ruches , ou même dans des ruches vides, dans des creux d'arbres, dans les vignes, prés des cuifines, des boucheiies, des garde - mangers , oü elles trouvent fins peine du miel, de la cire, de la viande , du fruit, en un mot, une table toujours garnie. Viande, lard , foie, cerifes , tout ce qui a une faveur douce , eft fort de leur goüt: fouvent on leur en voit emporter dans l'air des morceaux prefqu'auffi gros qu'elles entre leurs pattes ; arrivées au logis, elles remettent tout le butin a la difcrétion de la reine, qui fait la diftribution , & qui pour cet effet fe rend a la porte de chaque alvéole pour donner aux larves leur portion , qu'elle leur met elle-même dans la bouche. Les guêpes Jont encore plus a craindre que ks abeilles pour leur aiguillon. On n'a qu'a en infulter une feule, elles fortent toutes de leur nid & fe jettent au vifage de Paggreffeur ; car elles font bientót avertks par les fentinelles qui font toujours en faclion a la porte d'ent-rée & a la porte de fortie. D'ailleurs comme elles font vokufes, il faut qu'elles foient guerrieres , attendu que ks abeilles ne font pas non plus fort patientes , quand elles viennent cnlever leur miel. Let  Du regne animal 259 Les j. A. Eft-ce donc que les guêpes peuvent èntrer dans la ruche malgré les abeilles ? I.e b. A. Comment faire? les frelons (Tab. VUL, fig. 13O & les guêpes font de furieus brigands. Les abeilles ont beau faire bonne garde; fouvent toutes les fentinelles font égorgées , & quoiqu'il en coüte auffi la vie a plus d'un ennemi, cependant a la fin les brigands trouvent le moyen de pdnétrer jufqu'aux magafins. II en eft des différentes efpèces de guêpes comme de celles des abeilles; toutes ne vivent pas en fociété, & il s'en trouve de folitaires , qui ne conftruifent point de nids, ni de cellules , & vivent de mouches, moucherons & autres infecles. Les unes pondent leurs ceufs dans le bois , d'autres percent le ventre des chenilles ou des chryfalides pour y dépofer les leurs, d'autres les mettent fur toutes fortes de feuilles. Les chenilles vertes , par exemple , qui dévaftent fi fouvent les rofiers & n'y laiffent des feuilles que les nervures, font des lar. ves de guêpes. Ces différentes efpèces de guêpes folitaires ont recu des noms en conféquence ; les unes s'appellent guêpes a galles , les autres guêpes ichneumones , d'autres percebois, &c. Les Mouches a galles. Celles-ci (Tab. VII, fig' 3°0 piquent les feuilles & les branches tendres des arbres, arbrillêaux & plantes , & y occafionnent par-la des tumeurs & des nceuds en mammelons, qui reflêmblent a des fruits , mais qui fervent & dépofer leurs ceufs; ce font ces excroiffances N  jpo Du regne animal. que l'on appelle galles , & dont nous avons; déja décrit la nature & les ufages. Tant que Ia larve elt en vie, la tumeur qui s'eft formée ■autour, groflit k peu prés comme fig. 31, & fe durcit coiTidérabkmeiit; mais fi elle y meurt, la galle refte petite comme fig. 32, mojle, & tombe meme bientót. II y a ure ei'pece de ces guêpes qui s attaché nu rolier, tant fauvage que cultive, dont elle piqué les jeunes poufi'es tendres pour y dépofer lés ceufs; alors il en réfulte une excroiflance rouflatre ve'ue en forme de moufle qui fe nomme bétléguer, ou cn différens pays éponges de rofier, pomme de fommejl &c., & qui éioit autrefois en grande réputation contre les fortiléges ; de iacon que ks vieilles femmes en aitachoient une au cou des enfans pour ks en préferver , 011 bien quand elles vouloient les faire dormir , leur en faifoient boire la ^coétion. Les Guêpes khneumones. Cellcs-ci tirent leur nom de leurs inclinations guerrieres & mturtrieres , & font de plufieurs eibeces. II y cn a qui ródent par-tout pour trouver des chenilles vivantes contre les murs des jardins, ks arbres, les palillades ; alors elles leur percent k ventre & y depofent leurs ceufs, de maniere que ks chenilles deviennent malades, & meurent avant que d'être en chryfalide, ou peu après. Ainfi lorfquon croit avoir une chrvfalide ou une larve de papillon, 011 eft tout étonné dc trouver a la place une larve de guêpe qui fe met en nymphe quelques jours après, & r,e tarde pas a donner fon &  "Du regne animal. 251 pe&e allé , mais bien différent du papillon. Ainfi ees fortes de guêpes fervent a la deltruction des chenilles & d'autres infeétés voraces ,pernicieux a nos jardins. II eft d'autres ichneumones qui font des trous dans la terre , & enfuite cherchent auelmift :groffe chenille qu'ils eftropient ou bleflênt de maniere a la laiffer vivre encore quelques jours; alors elles Pemportent dans leur trou & dépofent un ceuf, puis le couvrent d'herbes ou de feuillagc,& veillent pendant quelques jours avec grand loin , de peur que quelque ennemi ne détruife leur travail. Quand 1'ceuf eft éclos, da larve qui en fort dévore a fon aife le cadavre dc la chenille , fe met en nymphe fans fortir -du trou, & n'en part que quand elle eft devenue une guêpe parfaite. Les Guêpes per ce-bois. Celles-ci font leurs nids dans des mnrcesnv •de vieux bois, qu'elles percent & creufent avec leur aiguillon, & oü elles dépofent leurs ceufs; les larves qui en fortent y trouvent leur pature toute prête, paree qu'elles ne vivent que de bois pourri pendant deux ou trois ans; après quoi elles deviennent nymphes, & puis enfin guêpes. W*. CLASSE DES INSECTES. Lesj. A. N'eft-ce pas, bon Ami, que nous ■n'avons plus que deux claffes des infeétés a voir ? Le b. A. Vous en fouvenez-vous encore ? Lesj, A. Ohi fürement; nous avons encore N a  Da regne animal. les infecles a deux ailes , & enfuite ceux qui n'en ont point du tout. , . , Le b. A. Ainfi nous connoitrons bientos tous les'infecles: enfuite nous irons faire unc vilite aux poiiTons, & puis nous verrons d'autres races. Tour expédier donc notre fixieme clalie, nous n'avons qu'a examiner les mouches, les moucherons, les taons qui font leurs ceufs fur ks eadavras d'aniraaux, & même fur les animaux vivans, ou dans des lieux fales & infééts quoiqu'il y en aie quelques-unes qui foient vivipares. Les vers qui naiflent de ces ceufs v reftent & y mangent jufqu'a cc qu'ils aient palfé 1'état de nymphe, pendant lequel ils font de couleur brune ou lak, & font tnunis pour la plupart d'une longue queue. Plufieurs des infeétés a deux alles ont une trompe airüe • d'autres en ont une qui eft fléxible; d'autres'n'ont ni trompe, ni aiguillon, pas même de bouche, mais feulement trois points enfgncés ..... Lesj. A. Comment point de bouche? Le b. A. Non; ni bouche, ni trompe» JJOeJlre & k Taon. Mais il y a apparence , ou que ces trois trous fervent a 1'celtre pour fucer & afpirer quelque peu de liquide fur ks corps vivans oü il s'attache ou que parvenu a Pétat d mfecte parfait il n'a plus befoin de manger, ce qui n'eft point extraordinaire. II ne faut point le confordre avec le taon, qui fait auffi fes ceufs fur ks animaux , mais qui a un aiguillon fi cruel, i^u'jl ks tourmciue au poiut de ks rendre iu-  Du regnt animal. 29% fieits, comme on Fa vu arriver k des vaches,. a des bceufs , des chevaux , des anes , des cerfs, des ehameaux, des rennes, &c. II fortde ces ceufs de gros vers ronds , qui féjöur-» nent quelquefois tout le long de l'hiver dansla peau de ces animaux dont ils fucent le fang , & oü ils fe changent en nymphes. L'on voit' fur la peau des bêtes k cornes des bolles qui ne font caufées que par ces larves qui s'éteii* dent & groiliffenr. tl y a quatre efpèces de taons ConnueS, qui différent toutes par rapport a la couleur & a la groffeur. i°. Les taons des beftiaux , qui font m& ceufs fur les bceufs & les vaches. Les taons des rennes, qui toirrmentent particuliérement cet animal fi utile des pays: du Nord. 30. Le taon des chevaux , qui dépofe re* ceufs k PanuS des chevaux, c'eft-a-dire , k I'orifice des inteftins fous ia queue. Celui-ci eft' une efpèce d'ceftrt qui n'a pas de trompe, & Fon pen fe qu'il eft vivipare, attendu que lorf-qu'il a dépofé fa ponte a Pentrée du boyau, le cheval s'agite & devient fürieux. Quoiqu'il en foit, le ver pénétre par ce canal jufques dans Feftomac, &y refte jufqu'au temps de fa mé* tamorphofe; alors il fe laiffe entralrrer avec leg nutres- matieres, & tombe a terre oü il fe eren* fe un trou pour fe mettre en nymphe & devenir mouche a fon tour. 40. Le taon des brebis (mouche' du' ver duf nez des moutons) , qui pénetre par les narines'. dans la cavité de la tête des brebis, des che-vres & des cerfs, & y font leurs ceufs:: c'eft' encore uu- ceftre. II tourmente beaucoup pas' N 3  s94 Da regne animal'.- fes vars les bêtes a laine en Angleterre , ou on les frotte , en guife de retnede , avec un on* guent fait de goudron, de beurre & de fel.- 11 y a encore une certaine efpèce de taons bruns & rougeatres, qui reffemblent beaucoup aux groffes mouches communes , & qui s'attachent aux beftiaux , dont ils fucent le fang & les humeurs avec leur trompe percaute ; mais cette efpece-la n'y dépofe point fes ceufs, elle fait fa ponte dans la terre. Les Mouches. Si nous cssnoiffons mal lés efpèces de ces importuns infecles, ce n'eft pas.faute d'en voir autour de nous, puifqu'ils nous entourentprefque toute 1'année, & qu'ils ceffent a peine l'hiver de nous inquiéter. On ne peut rien garantir de leurs ordures tant que dure la belle faifon ; il y en a même d'alfez effrontées pour ofer nous attaquer les mains & le vifage , & nous y caufer par leur piquüre des tumeurs trés incommodes , qui nous dcfigurent encorela phyfionomie. II y a une grttnde quantité d'cfpeces dé mouches qui ont toutes une trompe flexible , éc font leurs ceufs fur la viande tant frï.iche que falée, furies charognes, furie fromage, furtout ce qui fort du corps des animaux-, & danstous les lieux infecls. II y en a cependant qui font vivipares, comme nous 1'avons déja dit. Les efpèces de mouches les plus connues font t les mouches domeftiques, les mouches bleues, les mouches de jardins, & les mouches de bois. Les mouches domeftiques dépofent leurs ceufsaans toutes fortes d'endroits humides &fa!ess  Du regne anima!.- £05* 4è non pas fur les habits, les nutrs , les livres, les tableaux, les boiferies , &c. Elles couvreni toutes ces chofes de petits points noirs f oui font leurs ordures & non pas leurs ceufs,fans quoi elles devroient fe multiplier au point de nous dévorer tous, fur-tout les gens qui' habitent prés des amas defumiers, des égoüts, & même dans les chambres balles. Toutes ce* mouches entrent par les portes & les fenêtres & reftent chez nous tant qu'elles y trouvent a manger; on les voit entrer & fortir a tout moment. Mais dans 1'arriere-faifon elles meurent prefque toutes, a 1'exception de quelques-unes; qui trouvent moyen de fe cacher dans les coins ou elles fe confervent vivantes jufqu'au printemps. Le même inftinct qui apprend aux autres infeétés a ne placer leurs ceufs (qu'aucim ne couve) que dans des endroits oü leur pofté-rité peut trouver fans peine leur pature, en feigne la même chofe aux mouches par rapport: i leurs petits que l'on nomme vers , & miesdans quelques endroits. Ces vers mangent beaucoup & grolTiflènt jufqu'a ce qu'ils deviennent mouches a leur tour, & alors ils ne grofliffent plus: les petites mouches reftent petites, & il y en a qui le font au point de ne pouvoir être bien vues qu'au microfcope; mais il y en' a aufli qui égalent prefque les frelons en groffe u r. Les mouches bleues de la viande ont dans Ia partie d'arrierc- une belle marqué cle cette couleur qui leur cn fait donner le nom. Elles dépofent leurs ceufs, comme l'on ne fait que trop, fur la viande , ou fur d'autres cadavres d'animaux. Ces ceufs font éclos dès le même jour, & les neuf jours (üivans les vers mangens' . N 4  2CÖ Du regne animat. tant, qu'ils Tont en état de fe mettre en nyrrrphes; ils y font neuf ou dix jours encore, & les mouches paroiffent enfuite. Ces nymphes font d'un rouge obfeur (Tab. IV. fig. 17). Les mouches de jardin ou de bois volent par bandes ou elfaims dans les jardins & dans ks bois, fur-tout par k beau temps, & font en l'air mille évolutions fans ordre, montant & defcendaut fans celle. Les Mouches piqimntes* On diftingue ainfi cette efpèce, quoique toutes les autres piquent aufli, paree qu'elles ont un trés long aiguillon, avec lequel elles font le fupplice perpdtuel des chevaux & du bétail, qu'elles mettent quelquefois en fang, furtout dans les temps chauds. Elles reffembknt du refte aux mouches domeftiques ; & quand il pleut elles eiitrent auffi dans les mailbus, & fe font fentir fur-tout aux jambes & aux pieds d'une maniere cruelle. Les Mouches brigandes ou ajiks. Elles font auffi grolfes que les mouches domeftiques, ont les jambes velues & k derrière couvett de poils rudes, & la bouche allongée, armée de deux machoires dures, qui leur fervent a prendre & dévorer une grande quantité d'autres infecles a deux ailes. Les Moucherons. Ces petits infecles fi facheux & fi connus, •nt le corps étroit & allongé, & une trompe  Dvi'jegne anima}. 2-97' armee d'aiguiHons en forme de broflesavec liaquellc ils fucent le fang des animaux, & furtout de 1'homme. Du refte, ils font fort gais',, fort vifs, fort animés ; on les voit toujours^ fautans, voltigeans, remuans, bourdonnans f partout oü ils fe trouvent. Ils font leurs ceufs dans les mares , les marais , les étangs, les folfés d'eau croupie, oü ils les laiffent tomber, en fe pofaut fur quelque brin d'herbc ou de bois qui Hotte (*). Lef larves qui en provieunent vivent dans 1'eau oü' elles fe nourrilfent de pucerons & autres infeétés aquatiques ; & les nymphes móme y ref>tent auffi jufqu'a ce que les mouchcrons en fortent & s'envolent. 11 y en a plufieurs efpèces,, dont les plus connu» dans nos contrées, fonts les moucherons bourdonnans.. Les Moucherons a longues jambes.- fis les ont effeflivement d'une longueur dé'-méfurée; leur trompe eft nu contraire cotirte^ & recourbée en arriere. Ils fe tiennent dansles jardins & dans les prés, & ne nuifent k rien; mais ils mettent leurs ceufs en terre & auprès des racines des plantes, auxquelles les< larves, par conféquent-, font beaucoup de tort.Cependant ils fréquentent auffi les marais & les fumiers pour y faire leur ponte. II y en ai (*) Bomare & d'autres naturaliftes qu'il cite,tant étrnti-gtrs que fran^ois, aflurent pofitivement que les ceufs dcs< mouclurons, au lieu d'être abandonnés \ 1'eau, tont collés aux feuilles des plantes aquatiqueï, de i»êm* que 1*9* nyjBplies.. W- $  fi£8< Du regne anim&ï'. de gros & de petits. On les nomme tipules {*% Les Moucherons /auteurs. Ceux-ci refTemblent beaucoup aux mouchesde la petite efpèce ; la plupart font de couleur noiratre ou gris de cendre, & volent fur le foir raffemblés cn grande quantité, comme s'ils dantoient en l'air. Les moucherons qui fautent fur les fumiers, Jont de couleur de briquc SEPTIEME ET DERNIERE CLASSE DES INSECTESi Cette derniere claflë va produire a nos yeuE une grande multitude d'efpeces bien différentes les unes des autres, foit par la grandeur, foit par la figure, par le féjour, par la nourrkure, par les organes, par le nombre & la longueur des jambes, le nombre & la grandeur des yeux, enfin par la maniere de fe multiplier; car les uns font ovipares, &les autres vivipares. Mais tous fe reffemblent en un point commun , qui eft fe défaut d'ailes. ^ On pourroit faire bien de nouvelles claffes des infeétés non ailés, comme nous en avons fait fix de ceux qui ont des ailes: cependant on les comprend tous fous une feule, qui fe trouve par la extrémement nombreufe. Elle comprend les puces, lespoux, les cirons, les araignées, les fcorpions, les fcolopendres, les C*j Bomare les diftingue bien des couDns, fur«tput a caufe du défaut de tromp* ou d'aiguiilon.  Du regne animal.: 29> iulcs, les cloportes, les écrévitles, les meiioeles, &e. Les Puces~. Ce font de méchans petits infecles, dont on1 voudroit bien fouvent ie débarraffer fans pouvoir en venir a bout: ils font fi excellens 1'auteurs qu'ils échappent aifément a nos efforts, & fe promenent impunément fur toute la furface de notre corps, lis fe nourriflcnt de notre ,fang; & quoiqu'ils nous avertiffent par la piquüre, & nous indiquent fur le'champ 1'eudroit qu'ils attaqucnt, nous ne réuffilfons pas pour cela a le garantir toujours de la faignée. Cet infecle a deux grandes relfources pour' éviter nos doigts; fes excellens yeux, qui font compofés d'une multitude d'autres yeux plus' petits, & fur-tout fes jambes alertes & 4 reftbrt, qui 1'enlevent & lc font difparoitre en' moins d'un clin d'ceil. Les j. A. Mais oü eft-ce qu'elles fe tiennent donc ordinairement, pour venir nous piquer quand nous y penfons le moins? Le b. A. Dans les vieux chiffons, dans Ics; balayures, dans la poufftere, dans- la paille;: elles font des ceufs & fe multipüent fort promptement: il en nait dans 1'été tous les mois une armée de jeunes. Elles font fort a charge aux hommes & aux animaux: mais le froid les tue dès 1'automne; & dans les pays fróids, comme' 1'Islande & le Grcenlande, il n'y en a que peu ou point. II y a des perfonnes auxquelles el«les s'attachent de préférence, comme les punaifes, & qui en font cruellement maltraitées.Mais le foin &la propreté les chalfent,. &-c-'efV  3co Dujegne animal. même Je feul moyen de fe délivrer de ces fangfues incommodes (*,. Les Poux. II en faut dire autant de ces autres bom-reaux de tant de créatures humaines, quoiqu'il y en ait certaines efpèces affez difficiles a extirper, Jorfqu'une fois elles fe font établies & nichées dans les vêtemens, &c. Aucune partie du monde, aucun pays, aucua animal même, n'eft cxempt de ces infeétés parafites;. il y en a jufques pour les animaux qui vivent dans Peau, Et qui pis eft, les poux ie multiplient avec la plus grande célérité; une femelle fe trouve ayeule dans 1'efpace d'un feul jour, & en trois ou quatre feraaines, elle fe voit une poftérité de deux a troismille jeunes poux. On peut dire que, de tous les infeétés qui font a charae a 1'homme, ceux-ci le font le plus. lis" fe nichent fur-tout dans les cheveux, & la ils tourmentent fouvent les pauvres enfans jufqu'a ne. leur laiffer de repos ni jour, ni nuit: ces petits infortunés pleurent fans ceffe, perdent toute leur vivacité, tombent malades, & fouvent en meurent. On a même des exemples de perfonnes dévorées par les poux, non pas précifément mangées comme un chat mange «ne fouris, mais tellement piquées, rongées (*) Une chofe qu'i! ne faut pas oublier, c'eft que les puces ne fortent pas de 1'ceuf; il n'en fort au'une larve W J0lt J?bit «"e métanjorphoje feuiblsbje'i ceJIe de» «ft<3cs- allés.  Dil regns animal 5©r cc épnifdes , qu'enfin elles en font mortes.. Ces facheux infteft s sÜnflnuent fous la peau & s'y pratiquent des galeries, des tranchées, comme les rats & les taupes font dsns la terre. Ainü, quoique ces petits animaux foient trés curieux pour leur ftruêture & leur figure-, de même que les puces, ce font encore des races incommodes & perfides, a 1'égard def> quelles nous fommes forcés de faire violence a 1'inclination qui nous porteroit a laiffer la vie a. tout ce que le Crdateur a honoré de de ce don célefte. On pourroit dire que cet: Etre tout-puiffant nous a offert dans ce petit animal prefque le chef-d'ceuvre des infectes, qui font eux-mêmes tous autant de chefsd'ccuvre, & l'on en a des détails infiniment curieux : mais il faut le voir au microfcope.. Du refte, il cbange plufieurs fois de peau i mefure qu'il prend fon accroiflément; mais il n'en changé plus quand il eft une fois en état d'engendrer, & alors il multiplie prodigieufement. Ses ceufs font ce qu'on appelle, lentes ou lendes, & que l'on voit fouvent dans les cheveux qui ne font pas affez foignés: il en meurt beaucoup avant que d'éclore, paree qu'il leur faut toujours pour celn. un lieu humide & chaud. Les Cirons: Voila encore une efpèce d'infeéte qui n'èif guere moins incommode & aufli curieux que le précédent ; mais il eft fi petit que l'on ne fauroit le diftingucr fans fe fervir de microfcope , même quand il y en a plufieurs enfemble.. Cependant ils ont huit jambes, chacunej  *ï<£ Du tegiti aiïimat. compofée de buit articles ou jointures, deug antennes & deux yeux a la tête qui eft poiiitue, & leur corps eft compofé de douze auneaux, y compris la tête. On voit h 1'aide du verre tous leurs membres & leurs mouvemens , & l'on dillingue même le cours du fang dans leurs petits vaiffeaux. Quelle délicateflë d'organes I Ils pénétrent aufli fous la peau, & s'y forment des galeries comme les mulots & les taupes font fous le gazon. II y en a un grand nombre d'efpeces, dont les plus connues fout ceux du fromage (plus proprement nommés tiques & fort fouvent mites,_) lefquels ne paroiffent aux yeux que comme une poufliere fine, & ceux qu'on nomme fileurs", paree qu'on leur attribue ces filets blanchrltres femblables a de longs fils d'araignée, que l'on trouve a la fin de 1'été & même jufqu'en automne, dans les prés, les champs, les jardins, oü les cironslè tiennent, & que l'on appelle fil de la vierge quoiqu'on les attribue aufli a mie- efpèce d'ajaignée. La Tique du bois. On la nomme aufli en certains pays , cordonnier, ou tiflèrand, ou revenant, ou araignée de bois; c'eft un infecte qui reflemble effeêtiVement prefque a une araignée, a caufe de la löngueurprodigieufede fes jambes, &qui court fur-tout la nuit: il a fes yeux fur le dos attachés a une efpèce de perche. Ses jambes confervent encore du mouvement long-temps après avoir été arrachées. II aime les lieux 1'ecrets & écartés.-  &d regne animal.- 303; Lef Tiqpte des livres, ou du papier. Elles out prefque la grofleur & la couleur d'une punaife de lit, mais elles reffemblent au fcorpion, a 1'exception de la queue qui leur man-que. Elles fe tiennent dans les fentes des vieuxédifices oü il ya quelque humidité, de même que parmi les vieux papiers, que l'on ne tient pas bienfecs, ou dans les bibliothéques & dansles colledtions de plantes, & c'eft la qu'elles font ravage^ Les Araignées* Quoiqu'bn ait cömmunément de 1'averfioiï pour les araignées, ce n'eft cependant pas un' infeéte aufli dégoütant que le poux-; d'ailleursil ne fait point de mal, & fur-tout n'a point de venin ,- malgré 1'opinion vulgaire ; de forte' qu'on pourroit le manger & 1'avaler fans dan-ger , fi 011 pouvoit le faire fans répugnance;ün peut laiffer a portée des araignées toutes fortes d'alirnens, viande, fruits, pain, patifferie r lait &c.; elles ne touclient a rien, ne gatent rien, ne fotiillent rien; & fi elles ten-dent quelquefois des fils par-deflüs, c'eft pour prendre les mouches qui voudroient y toucher.Ainfi c'eft a tort que l'on a de 1'averfion pour elles; on devroit bien plutót les accueillir, & leur voir fans regret multiplier leurs filets, qui ibnt un moyen affuré & prefque unique pour nous garantir des mouches, foit dans nos maifons, foit dans les jardins, oü les fruits qu'elles en ont couverts, croiflent & müriffent a 1'abri de toute atteinte jufqu'au moment de paroitrefiir nos tables, Pour moi, je ne voudrois  504- J5ö ngne animal. voir par-tout que toiles d'araignées , par-tout ces chafferefles tendre leurs filets aux ennemis qui nous dévorent (*% Les j. A. Oli ciel! bon Ami, eft-il bien poflible? les vilaines araignées! Le b. A. Et pourquoi donc vilaines? qu'ont» elles donc deplus vilain que les autres infeétés, avec leurs grandes jambes fi délicates, ii déliées, ft alertes , ft adroites ; leur tête & leur corps divifé comme celui des mouches, des fcarabées les plus beaux, & de nos channantes abeilles? avec leur toile plus fine dix fois que celle de nos chers vers a foie , & qui peut nous être utile deplus d'une maniere? avec leur naturel innocent, qui les empêche de rien gater de tout ce qui elt a notre ufage, & qui les rend cruelles feulement contre nos ennemis? En vérité, quand je vois un petit monfieur ou une belle demoifelles'effrayer & tomber enfyncope fï la vue d'une araignée, bien loin d'en avoir quelque compaffion, je ne fais qu'en rire & m'en moquer; & fi j'ai quelque pitié , ce n'eft que pour fon peu de bon fens. Les perfonnes auroient du apprendre depuis longtemps a n'avoir de l'affeétion ou de 1'averfiou , que felon les bonnes ou les mauvaifes qualités des chofes. Effayez voir de vous amufer dans Fété a la guerre des araignées contre les mouches , & je fins fur que vous y aurez plus d'un plaifir: d'abord celui du fpeélacle qui eft fort (*) On a vu dans une penfion notnbreufe de jeunes gens Ie Rarde-masafin ertretenir foigneufemenr beaucoup rt'araignées da: s nne grande piece oü il tenoit les babits; une longue expérieuce lui avoit ap.pris a s'applaudir decette méthode,.  Vu regne animal. s°S curieux, & enfuite celui d'être moins tourmentés par les mouches. . lfy a quarante-fept efpèces d'araignées,tou, tes différentes pour la groffeur lai coukur, la figure; il y en a de jannes, de blanjhes, de noires, de vertes, de rotiges, de griies, « marquetées: il y en a de *ï*^ ^JffS égalent-elles unepuee; mais il y£ groflls, jufqu'a égaler un petit «^nfrq1!^ Toutes ont beaucoup d'analpgie avec les écrè ViflLes unes dreflènt leurs toiles en ftffo.* les attachent aux poutres , aux e ' ™* arbres; les autres choififlent peur-cela e encoignures des murailles & des boifencs d autrés fe contentent de tendre quelques nl* devant les fentes & les trous; enfin tl y en a aufli ne file.it point du tour., On en ve.^ dont es fils trés déliés & trés Couples font fört é*artéf les uns des autres, tels que ceux des ^tgnées croifées ; on en voit qui font gros & lurés, comme ceux de 1'araignée domellique; oni yo* des filets qui ont la forme d'une rot e, & a au, tres qui ont d'autres figures. Att rel e toutes tirent ces fils de la partie de derrière, & lef font k douze brins. f. . Le naturel de ces animaux n e fi pom locia ble; chacunenevit que pour elle, qu'une s'avifed'entrer fur les ternes, d une autre, il y a combat a outrance , jufqu k ce que e plus fort refte maitre du filet & du butin Elles font quarante, foixanteou. quatre-ving» ceufs en un paquet, qu'elles enveloppen! d une Se de foie fine & fi ferrée qu'on la prendroit pour un cocon de ver a foie & que es «ufa iéfiücnt au plus grand froid fous ce feul abri,  S'öó' tïu regne animat, Elles fufpendent leur paquet dans toutes fortes de coins. II y a auffi des araignées quf K contentent de filer pour leurs ceufs une enveloppe moins forte, mais qui en revanche portent ce paquet attaché fous Je ventre jufqu'a ce que tous les petits foient éclos.- Les araignées ont huit yeux, & huit jambes plus ou moins longues, attachées au eorfélet:: elles fe nourriffient de mouches, moucherons, & autres ïnfectes,- qui tombent dans leurs toiles ,& ne peuventque bien raremenf leur échapper. La première fig. de la VUL' Tab. repréiente une araignée allant a la chaffe d'une mouche. Quand elles ne trouvent plus rien a manger, on peut les appnvoifer jufqu'a leur faire venir prendre ce qu'on leur donne ou l'on veut. Oh les accoutume même a la longue a manger de la mie de pain, mais elles préferent toujours' Jes mouches é* les- moucherons'. EITes en dévorent tous i'es ans de-s ccntaines de milliers, & c'eft a elles fur tout que nous avons l'obligarion de n'être pas accablés paria muliitude innombrable de ces infecles mcommodes. En effet , fougez un peu quelle foule effroyable il y en auroit autour de nous, fi fes toiles des araignées n'étoient pas tendues par-tout pour nous en débaraffer? On a vu un exemple fingulier de leur utilité a cet égard, & des fervices finguliers qu'elles nous rendent. Unhomme qui avoit une petite treille, s imaginant que les araignées nuifoient aux raifins, ne manquoit pas d'exterminer toutes celles^qui fe montroieut fur fes feps , de facon qu'il fe réjouiffoit d'avance des beaux raifins qu'fl alloit avoir cette annéc-la: point du tout; n n'en eut pas un qui ne fut gdté a inokié par les mouches & les moucheronss-  t)U regne animat. $8$ Convaincu de la faute qu'il avoit commife endétruifant ks ennemis de fes ennemis, il eut bien garde d'y retomber 1'année iuivante; mais< avant vu de même ks mouches & les moucherons s'approcher d'un cóté de fa treilk , & lesaraignées- de 1'autre,- il les laiffa faire, & les raiüns furent de toute beauté. . les i. A. Mais les toiles d'araignées nelontelles bonnes a rien? ü y en- a quelquefois defi-belles! . . Le b. A. Non pas, que je fache; on n a pas» encore trouvé k moven d'en tirer parti. 11 elt vrai qu'un favant du royaumè a fait faire desgants & des- bas, il y a déja beaucoup d années, avec la tbie des enveloppes oü ks araignées renferment leurs ceufs, que l'on avoit bien lavée & cordée. Mais quand on a voulus faire dés eflais plus- con^ucfabiss-,. on a trouvf mili- iaudroit un trop grand nombre- d araignées , & que comme ks araignées-fe tuentksunes les autres (ce qui forceroit de les nourrir chacuneapart), cette foie couterojtinfinnnent plus cher que celle des vers afoie, qui eft anke plus belle précifément paree que celle des araignées eft trop fine.. D'ailleurs ks feuilles de mftrier font plus aifées a prendre que la quantité prodigkufe de mouches qu'il faudroit pour nourrir des millions- d'araignées. C'eft auffi une chofe trés curieufe que de voir une araignée travailkr a fa toile. Elle commence par attacher un fil quelque part , enfuite elk fe laiffe tomber & refte fufpendue a fon lil a une certaine hauteur, oir elle cherche a attacher un fecond fil; puis eik paffe un troifieme & ainfi de fuite ks croifant les uns furies autres jufqu'a ce que tout 1'ouvrage foit fini. Lllefe-'  3°S Du regne animal. ménage un coin obfcur pour fe retirer quand! elle craint quelque chofe, auffi bien que pour y épier fa proie, & tous les filsaboutiffentordinairement a ce coin, qui eft au centre de la toile: c'eft auffi la qu'elles emportent leur proie pour la fucer, ri moins qu'elle ne foit bien petite, & alors elles la confotnment fur la place. Les araignées vivent trois ou quatre ans, & a chaque aimée croiflent de quelque chofe jufqu'a ce qu'elles aient atteint la grofleur de 1'efpece. A chaque printemps elles changent de peau , comme les écrévifl'es d'écaille. On les diftingue en araignées macounes, araignées domeftiques, araignées de'jardin," araignées campagnardes, & araignées aquatiques. 11 faut connoitre un peu les plus remarquables. Les Araignées domeftiques. Ce font celles dont on voit les toiles fortes& ferrées, tendues aux fenfitres des mailbus & dans tous les coins : lorfqu'uue mouche y a tombé, on les voit accourir de leur trou, envelopper leur proie de facon qu'elle ne peut échapper , & enfuite la fucer. Les Araignées croifées. On les nomme ainfi a caufe d'une croix de points blancs qu'elles out fur le dos; elles fe tiennent dans les jardins & en plein air entre les arbres , les arbrifléaux , &c. Elles font brunes & donnent a leur toile la forme d'une roue ; ce font les plus groffes araignées de nos contrées, quoiqu'elles ne le foient pas plus qu'une petite noifette.  Zhi regne animal. 309 Les Araignées oifeleufes. On les trouve a Surinam & feulement dans 1'Amérique méridionale ; & ce font les plus groffes de toutes les araignées connucs. Elles font affez fortes pour prendre de petits oifeaux qu'elles enveloppent de fils & qu'elles ittcent auffi bien que les ceufs : pour le colibri ou oifeau-mouche, cela ne fotiflre aiicun doute, ni aucune difficulté , puifqu'il elt plus petit qu'elles, n'étant pas plus gros qu'un hanneton , tandis qu'elles lont groffes comme le poing d'un enfant. II y en a auffi une efpèce de cette grofleur dont les toiles font fortes, grandes & dorécs, de même que les coques dont elles enveloppent leurs ceufs. Cette toie pourroit être de bon ufage, Les Tarentules. Celles-ei, comme les plus décriées, font les plus remarquables de toutes les araignées, & 1'une des efpèces nommées phalanges. Elle a fon nom de la ville de Tarente en Italië, dans le royaume de Naples, prés de laqtïelle on en trouve beaucoup dans les vignes, les champs , les jardins, &c. On a cru long-temps que les perfonnes piquées ou mordues par ces araignées , tomboieut dans une efpèce de délire ou de folie qui fe guériffoit par la mufique ecladanfe. Mais tout cela s'eft trouve fauxM'expérience , &l'on a reconnu que ceux qui fe difoient malades de cette piquftre pour gagncr de 1'argent en fe faifant voir, étoient des fourbes , ou des gens fimples apoftés par des fripons, qui fe trouvoient bien de cette maniere de gagner leur vie, On  gïo 'Bu regne animal. en .voit encore roder en Italië fous ce titre-lu que l'on fait danfer par-tout & quineguériifent jamais, paree que l'on y joint de 1'argent qui perpétue en eux Ie goüt d'être malades. Les Araignées aquatiques, Elles font d'un rouge obfeur, de Ia grofleur des punailes domeftiques , & fe tiennent toujours dans l'cau des mares, des bourbiers , des étangs, oü elles fe nourriflênt de pucerons d'eau <& d autres petits infecles (Tab. Vlll^fig. i4). II y a une autre efpèce d'araignée aquatique, prefque entiérement femblable aux araignées terreftres, mais dont la maniere de vivre eltinfiniment plus curieufe. Elle vit dans l'air au milieu de 1'eau , $ court également fur terre après des infecles. Son corps elt velu & onctueux, de forte que 1'eau ne peut jamais la toucher, & que quand elle a paru a la furface, elle entraine toujours une bulle d'air avec elle. Elle en proiite pour fe former une loge capable" de la contenir dans 1'eau, en y retenant parun tiflu de foie toutes les bulles d'air qu'elle raffemble. La.-dedans le male fait communiquer fa loge avec celle de la femelle , & ils olfrent enfemble un fpectacle unique dans la nature entiere, qui femble réalifer les contes que nous tonneau , ou a un moine dans fa celluie, ft un hermite dans fon antre, comme étoit le frere Bernard, ce fameux archimandritebourguignoB! qui a été cauonifé. O s  Si8 Da regns animat* Les Salicoques, Cheyrettes, Squilks, &k Ce font auffi de petits cancres que l'on mange aufli étant cuits. II y en a de mer & d'eau douce. Les premiers deviennent rouges a la cuite, & fe vendent tout cuits comme des chataignes fur les ports de mer, oü les matelots en ont toujours leurs pocb.es pieines. lis font de bon goüt. Les Cancres ou Crabes des Moluques. C'eft le plus gros des infecles, puifque c'eft auffi le plus gros des cancres, crabes & écreviffes. Sa forme eft trés finguliere, il a quatre pieds de long, fur un pied de large ou d'eV pai fleur,,. Les Monocles Binocles* Ce font de trés petits infeétés aquatiques , nommés aufli puces d'eau, qui s'attachent aux plantes aquatiques. 11 y en a qui n'ont qu'ui) ceil, & que l'on a nommés monocles pour cette raifon, c'étoit 1'opinion ci-devant; mais il eu eft qui aflurent comir.ecertain (fans citer cependant d'obfervation ni d'oblèrvateur) qu'ils en ont même plus de deux, qui font raflémbiés en un feul point & n'en forment qu'un: ce qui revient au même. D'autres font binocles , ou en ont deux. LES POISSONS. ' Ce font des animaux dont le cceur n'a qu'un ventricule & qu'une oreillette; qui ont le fang.  Dü regne animal.- 31^ r'ouge & froid, deux ouïcs pour la réfpiratión d'eux yeux, & 1'cau pour élément ou léjour ordinaire, lis fe nourrilfetndesinfect.es & des' plantes aquatiques, des lentilles d'eau, de gre-' nouilles, de vale, de tout ce qui fe trouve dan:/ 1'eau, & même les gros poiflbns mangent les' plus petits. Ils fe multiplient par la ponte des ' ceufs, & vivent depuis deux, fix", huit, dix' ans , jufqu'a deux cents. 11 y a même des gens qui croient que les poiflbns ne meurent jamais' tant qu'ils ne manquént pas d'eau. Du refte , il y a aufli des poiflbns qui font vivipares. Les poilfons n'ont point de pieds; mais ei' revanche ils ont des paquets d'arêtes tendiueuCes , recouvertes & liées par une membrane' mince, qui font difpofées en éventail .011 eu maniere d'ailes, & placées prés des ouïes, fur le dos, fous le ventre, a la partie d'arriere & a la queue: on les appelle nageoires.' C'eft 1'aide de ces membranes ainfi tendues fur de.-, cótes légeres , & en même temps de la veflie qu'ils ont dans le ventre, que les poiflbns' nagent & font dans 1'cau des' mouveinens en1 tbutfens; & fans ces organesilsferoientrèduits' a ramper au fond des eaux comme les écrevifies. Ainfi quand on coupe a unpoilfonquelque^ nageoire, par exemple, celle de la queue, alors'' il ne peut plus nager en avant, ou du moins, il a beaucoup de peine a s'avancer un peu h 1'aide de fes autres nageoires. Si on lui coüpe.: celles des cót4s , alors il tourne au gré des eaux, • & ne peut plus fe foutenir dans fa pófture natu-' relle, le ventre en bas. Si on le privé de celles' du dos & du derrière, il ne peut plus fe tour-," ner, ou plutót il ne nage plus, mais il eft forcéJ de fuivre le courant de 1'eau. O 4  S2° Du regne animal. La plupart des poiflbns ont dans L corps tiue veilie plcine d'air qu'ils renilent pour s'clever en fe rendant plus légers que 1'eau, te qu'ils compriment ou vident d'air pour defcenilrc vers k fond de 1'eau en fe rendant plus peians. Ceux qui font dépourvus de cette veffie , comme les plies & les foks, ou ceux a qui on a percé cette veflie avec une épingk, font obligés de refter au fond de 1'cau & ne peuvent pas s'ékver a la furface. Les j, A. Mais eft-ce que les poiflbns reftent toujours dans 1'eau, le jour & la nuit, l'hiver & 1'été? Le b. A. Ils fe gardent bien d'en fortir,. car s'ils refioient feulement quelques min ut es de» hors, ils fouffriroient beaucoup s'ils n'en monroient pas. II n'y a que 1'anguilk qui puifle relter hors de 1'eau tant qu'il lui plait. ■ Les j. A. Mais, comment font-ils pendant l'hiver, que 1'eau eft fi froide & même glacée; ne meurent • ils pas de froid? Les b. A. Ils n'ont pas froid fous la glacé, cuaime vous k penfez, & les poiflbns d'ailleurs nagent alors plus prés du fond. II eft vrai, que li 1'eau fe glacé jufqu'au fond , il faut bien qu'ils périfient; mais c'eft ce qui arrivé peu, & potirvu qu'on leur falie quelques trous dans la glacé qui les enferme & les garantit du froid, pour leur donner de l'air, on les retrotive a la fin de l'hiver gras & bien portans. Au refte, Ja plupart des poiflbns préferent 1'eau froide; plus elk 1'eft, plus üs s'y multiplient, plus ils y prennent d'embonpoint: la preuve de cela , c'eft que plus on avance vers k Nord, plus on en trouve dans la mer; c'eft dans la mer glaciale même, que fe tiennent ks harengs,, par  Bu regne animtf* <£2fli sxcmple:- & les cabliaux, morues, n'en fonC pas loin. Les ƒ. A. Mais, pourquoi donc ett-ce-qu'il' faut leur donner de l'air fous la glacé, puilV qu'ils font dans 1'eau? Le b. A. Ils font dans 1'eau, mais dansl'eaut même il leur faut de l'air qu'ils trouvent- mê'é-: dans cette eau & qu'ils refpirentcn avalant 1'eau:" cette petite quantité d'air ne fufïiroit pas pour' nous, mais elle fullit pour eux; ilsavalent 1'eau' par la bouche, & la rejettent par leurs ouks; §S c'elï dans ce paifage qu'ils prciinent la quantité d'air nouveau dont ils ont befoin.- C'e-lf: pour cela, que quand on ks tire hors de 1'eauv vous leurs voyez fans ceffe ouvrir la bouche & agiter leurs ouïes: alors ils ont trop d'air; ils> fe pamcnt. Les j. A. Mais les poiflbns ne font-ils pg.S) a la fin trop motiillés,, & n'en tombent-ils gas* maladcs ?' Le b> A. Point du tout; ils ne fe mouilknt point : vous voyez bien qu'ils font couvert* d'une cuirafle dure & huikufe que l'on nomme: ks écailks, & ceux qui n'en ont point, on;:' au moins une peau épaifle & grafie que 1'eauntó fauroit mouiller, ni péuétrer;- de forte que ja-mais la chair du poiflbn ne fe mouille.- Gess écailks font placées 1'unefur 1'autre, a .peu prescomme les tuiles d'un toit :■ elles font d'uney rnatiere cartilagineufe, & quelquefois-elles fonCfi petites qu'on a de la peine a les difbnguer tandis que d'autres fois elles font de la largetm' d'un écu. Les anguilks & quelques autres efpèces font' vivipares; toutes ks autres font ovipares, & iïï fort de leurs ceufs de petits poiflbns qui rety O 5  3fia Dii regne animal: femblent h des vermiftëaux, mais qui trouvant d'abord une bonne pature, groflifl'eut en peu de temps.. 11 y a des poiflbns qui donnent la nuit, te cherchent leur pature pendant le jour; & d'autres qui font le contraire. Ils ont cinq fens, la voir la vue, 1'ouïe, l'odorat, le goüt, & le tact; mais il leur manque la_ voix; feulement il y en a quelquesuns qui, lorfqu'on les pourfuit, lorfqu'on les prend , ou qu'on les tua , pouflent des fifflemens, ou des efpèces de gémifiernens, de gro— gnemens. C'ell de la que vient le proverbe: rnuet comme un poiflbn.. II y a une multitude prodigieufc de poiflbns tant gros que petits, depuis la grofleur d'un ver jufqu'a celle d'un bceuf, ou même d'un éléphant, & encore plus. Les j. A. Oh ! bon Ami, quels poiflbns! cela ell-il bien poflible? Le b. A. La baleine eft beaucoup plus groffe qu'un gros char de foin , & a la vérité , c'eft le plus gros animal qu'il y ait dans le monde. Car pour les craques, il y a beaucoup d'apparence que ce n'eft qu'une fable; maïs nous parierons enfuite du roman que l'on fait de cet animal long & large d'une demi-lieue, qui reflembleroit a une 11e quand il paroit fur les eaux. Au Tefte, il faut remarquer que ces gros animaux marins, tqui ont le fang rouge & chaud, qui font vivipares, qui alaitent leurs petits, &qui ont des poumons pour refpirer, ne font pas comptés au nombre des poilfons, quoiqu'ils vivent dans 1'eau. II y a aufli beaucoup de fingularités dans la ftru&ure des poiflbns; les uns, par exemple,  Dursghe animal. 3M peuvent voler, c'eft-a-dire, s'élancer' 'hors' de ' 1'eau & s'y ibutcnir a quelque diftance par le moyen de leurs nageoires étérfdués; d'autres' ont a la tête une efpèce He la-ice , de corne, ou ' d'épée, qui leur fert Foit a fe défendre , foit pour ' chercher leur pature & s'en rendre maitrès, &e. II y a des "poiflbns qui nagent feul a feul', & d'autres qui ne marchent qu'en fociété; d'autres, comme les harengs, font en troupe des • voyages de quelques femaines, & quittent leur patrie pour aller viftter d'autres parages, tandis que d'autres nc-s'éloignént pas des eaux'oüils' font nés. II y en a qui ne fe tiennent que dans ; les eaux falées, comme celles de la mer; d'au- ' tres dans les eaux douces, comme celles des" rivieres, des lacs, des.étangs; d'autres enfin qüi paflent des unes dans les autres. On peut manger prefque tous les poiflbns ,» ou en tirer quelque utilité. On les mange tantót frais, comme la carpe & la truite, tantót" ialés, comme la morue; le haren'g fe mangé de ; deux manieres, & d'une troifieme encore,-qui' eft d'être enfumé, comme aufli ie faumon. • Comme ce font les poiflbns femelles qui portent les ceufs, & les males qui ont la laite ou' laitancc, on appelle ceux-ci laités-, &les autres 1 ceuvés. II y a des millions d'hommes qui ne vivent' prefque que de poiflbns. II y a des peuples ■ qüi n'en pêchent que pour leur nourriture, comme les Lapons & les Grcenlandois, & d'autres peuples auxquels 1'infécondité de leur ' térroir ne laifle pour reflburce que le poiflort róti. Mais il y a des peuples aufli qui font du preduit de la pêche uh article important de ' leur commerce, & nous nous en trouvons trèss 06  3=4 Lu regne animal. bleu; car s'il nous falloit aller a Terre-ne uw ou dans la nier glaciale pêcber un hareng ou luie morue quand nous en voulons manger, il faudroit bien nous en palier. Mais il a des gens qui ne craignent ni les fatigues , nilesdangers, foit du voyage, foit de la pêche même, pour nous procurer tout cela felon notre goüt, & nous en lbmmes quittes pour quelques Hards que nous coüte un hareng, venu des mers du Nord. Lesj. A. Comment! ctt-ilpoffible que les Jiarengs viennent de fi loin? Le b. A. Vous avez mangé des harengs jufqu'a préfent fans favoir comment; vous avez cru qu'on les prenoit dans nos étangs comme .les carpes; Mais les chofes de ce monde vont bien autrement! La Providence divine a don3ié a chacun différentes inclinations qui le portent a des entreprifes auxquelles d'autres ne. penfent pas ou ne font pas propres. L'un conftruit des vaiffeaux, 1'autre s'embarque deffus pour courir fes mers & nous apporter les poiffons &les autres richeffes des parties du monde les plus éloignées. L'un nous habilie, 1'autre nous chaufle; celui-la laboure nos champs, ce-lui-ci nous inftruit par de bons livres ; cet autre prend mille peines pour fecourir & confoler fon procbain. N'y a-t-il pas la, de quoi admirer la fageflê du Créateur, & lui rendre graces? & pourrions nous fans rougir ne pas nous eropreffer & ne pas faire nos efforts pour contribuer de nos travaux au bonheur public, puifque nous fommes bien ailes d'en prendre notre part? Ltsj. A. Mais , bon Ami5 comment, fe fait-  Du regne animaL il donc qu'il y ait toujours despoiflbns, tanslis» que l'on en prend tant toutes les ahnées? Le b. A.. 11 elt vrai, qu'a voir la quantiré.de tonnes dc harengs, dc morues, de laumons-, de rayes, cc de tous ces .poiflbns qu'on apelle dans les provinces de la mafee , paree qu'ils-. viennent de la mer, on pourroit s'ctonner devoir les mers , les lacs & les ileuves toujours; également poiffonneux. Mais quand on remarqué d'un autre cóté la quantité encore plus étonnante des ceufs que chaque femelle renferme, on concoit cette multiplication perpétuelle. On peut dire en elfet que de tous les auir maux qui exiftent, les poiftons font ceux qui multiplient davantage:. une femelle pond char que année plufieurs centaines& même plufieurs milliers d'ceuk, & puifque vous avez. vu des: ceufs de carpe, vous pouvez une fois vous amufer a compter tous les petits grains qui en compofent la maffe; ce font autant d'ceufs , & vous verrez.. Pour fe faire quelque jour a travers la mul» titude infinie de poiflbns, on les diyife en quatre claflés. Ceux de la première n'ont point de nageoires fous le ventre, tels que 1'anguille & le poiffon-épée- On met dans la feconde ceux qui ont les nageoires du ventre avant celles du poitrail, comme lemerlu &la morue. La troifieme comprend tous ceux dont ks nageoires du ventre font au deflbus de celles du poitrail, tels que ks plics & les poiflbns volans. Enfiri la quatrieroe eft compofée des poiflbns qui ont les nageoires du ventre derrière celles de la pot» trine, comme les carpes & les truites.. O 7  3^5 Da regne animal.' PREMIÈRE CLASSE DES POISSOMS. C'eft celle des poiflbns a ventre ras ou fans nageoires, comme ks anguilles , ks torpilles , les loups de mer , ks épées de mer, &c. U Angmlh. Ce poiflbn (Tab. XI, fig. 5.) ale corps trés allongé, & 1'emble n'être qu'un ferpent d'eau, qui fe trouve par toute 1'Europe dans les rivieres , les lacs, ks étangs, &c. II a la tête pointue, le ventre blanc, & k dos d'un jaune noiratre; il mange de petits poiffons, des ceufs de poilfons, despoiflbns morts te autres chaiis, & fouvent pendant la nuit fort de 1'eau pour venir fur terre ronger les fruits & les plantes potageres (*). II eft vivipare, comme ks ferpens, quoiqu'il ait des ceufs dans k ventre; il eft trés recherché & effeétivement d'un goüt exquis, mais fa chair un peu grafie & vifqueufe nuit a beaucoup d'cftomacs. Les anguilles ont ordinairement deux pieds de long & trois ou quatre doigts d'épaiflèur, quoiqu'il s'en trouve aufli de longues & épaifles du doublé; dans Ia mer il y en a qui ont des dix a douze pieds de long & le corps plus gros que le bras. L'anguille a la vie fort dure, te ks tronconsde-fon corps découpé, font encore long-temps (*) Voila ut fait finjulier dont Bomare ne parle pas; il parottra fort douteux fi l'on confïdere que la peau du ventre de ce poiffon n'eft pas préparée pour rauipcr fur Ja Serre fecbe, comme dans lelerpent, &c.  Bil regne aninïnl. §lf' des movrvemens; on en voit même s'échapper du gril oü on les a mifes iür le feu. On écorcheles anguilles, & comme elles ont la peau tranlbarente , trés forte & trés durablc , les • Rulles en garniffent les cbaffis de leurs fenêtres: dans nos pays les payfans s'en ferventpour lier les deux pieces de leurs fléaux a battre le bletb- La Torpille.- On la nomme auffi torpède, tremble, &c." Elle fe trouve fur nos cótes de Poitou^ d'Aunis, de Gafcogne, de Provence, de même que dans 1'Amérique méridionale, & ailleurs :-mais ces torpilles étrangeres- different des nótres par la figure; les nótres font plates & larges, les autres longues comme Tanguille, mais toutes a ventre ras. On nomme auffi ces dernieres an- guilles tremblantes.- Cette efpèce de poiffon offre une fmgularité bien extraordinaire, en ce que dès qu'on le touche, on fe fent frappé d'un coup fubit qui eft fuivi d'un engourdiffement' dans le bras; on le fent même quoiqu'on ne touche la torpille qu'avec un baton. ■ Par cette faculté d'engourdir , elle fe défend contre les poiffons auffi bien que contre les hommes, foelie vit elle-même de poiffons ou encore des entrailles des animaux noyés. On a fait diverfes expériences fur ces poiffons , par lefquelles- il elt prouvé qu us ont beaucoup de vertu mag« uétique cc élecfrique. Le Loup de mer. Ce poiffon n'eft long que de quatre pieds au plus,. & n'a qu'un demi-pied de groiléurj.fa  Du regne animal'. couleur eft unbleu blanchatre rayé de noir. On: le nomme loup a caufe de fa, vóracité; fa chaijj elt de bon goüt. 11 fe trouve dans les mers du Nord & dans la Baltique, ce-même fur les cótes d'Augleterra & de France L'Epée de Mer. On 1'appclle auffi poiffon empereur. Ce poiffon porte a la tête une arme olfeufe qui a la; forme d'une larne d'épée (Tab. XI, fig. 25), longue de quatre, cinq. a fix pieds, & l.irga d'un demi-pied, qui lui fert pour 1'attaque & pour la défeufe; il fè nourrit de plantes marines & d'animaux marins. II fe trouve fur-tout dans les mers du Nord a la fuite des baleines, dont il eft un ennemi mortel & dangereux , puifqu'il leur enleve quelquefois des pieces de ehair oonfidérables, & qu'il les me a coups de poignard.. Souvent les épées de mer s'affembknt en nombre pour attaquer la baleine, & quelque groffe qu'elle foit ils en viennent i bout;. ils- trouvent même le moyen de lui entrer dans la gueule & de lui couper la langue, qui n'eft prefque qu'une énorme piece de lard, & qu'ils mangent avidement. C'eft un animal fort audacieux, qui fe révolte mè>* me contre 1'homme & qui s'en fait craindre. On le prend au harpon comme la baleine.- H s'en trouve de fort gros , qui ont dix-huit i. vingt pieds de longs , & pefent des deux cents livres. Sa chair eft bonne a manger. (*) II ell difficife de concilier cette difaiptionr informe üu loup. de mer avec celles qu'on trouve daas £«»«/■«..  Dn regne animal. %a f La dafle des poiffons a ventre tas comprend auffi le poiïlon a' queue déliée, la fmelte ou anguille de fable, le poiflbn ferpent, &c ïj/e CLASSÏÏ DES POISSONS. Ce font ceux qui ont des nageoires au cru & point fous le ventre, comme les uranolcopes, les poiflbns de S. Pierre, les cabliaux., ks rotzfiches, &c. L' Uranofcope. Les mariniers ont fait de ce mot, en Ie eorrompant, celui de rafpecon, kul conniu d'eux. Ce poiffon elt trés commun dans la méditerranée , long d'un pied, & large comme la raain; fur k dos il elt d'un gris eendré, & fous le ventre blanchatre; il dort le jour, & ne cherche fa pature que la nuit;. il fait la chaffe aux petits poiffons. Sou nom , qui fignifie contemp'ateur du ciel, vient de ce qu'il a les yeux fitnes fur fa tête, qui eft pkine de petites tumeurs; ce qui 1'obhge de fe tenir ,fur k fable au fond de 1'eau pour épkr fa proie, c'eft-a-dire, ks petits poifibns. qui nagent au defius de lui. Le Poijfon de S. Pierre. Ce nom donné par le vulgaire a un poiffon de 1'Océan & de la Méditerranée, de la Baltique & de la mer du Nord, n'eft fondé fur rien de vraikmblabk. II eft, a peu prés, de Ia grofleur de Ia carpe , & fa chair eft. de trés bon goüt*  333 Du regne ahimah- Le Cabliau. Ce poiffon , autrement nommé morue Olf poiffon a baton, fe trouve, comme le hareng, vers les mers de Laponie , de Grcenlande,' d'Islatide , de 1'ile de Terre-neuve, & dans"' toutes les mers" du Nord. 11 fe mnltiplie aulir prodigieufement que le hareng, & un obferi vateur a compté dans une femelle jufqu'a neuf millions, trois cents quatre-vingt quatre mille oeufs. On en pêche une quantitö étonnante, dont on fale ou fait fécher la plus grande partie, pour 1'envoyer par toute 1'Europê föus ie nom de morue. Le cabliau eft long de deux pieds, large prefque comme la main, & les- gros ont jufqu'a quatre pieds de long & un d'épaiffeur. Sa pature ordinaire confifte en harengs, en.petitcs plies, étoiles de mèr', crabes, écrevifies, &c. On le pêche fur-tout dans 1'Amérique feptentrionale, prés de 1'ile de Terre neuve.On ne peut pas prendre ce póilfon au filet, comme les harengs & tant d'autres",paree qu'il' les ronge & les coupe en pieces; ma:s ou elt obligé de fe fervir d'hamecons. Cependant les Norvégiens & les Hollandois en prennent beaucoup au filet. Pour cette pêche, qui fe fait depuis )e mois de février jufqu'a la lin de mai, quatre k fix hommes fe mettent dans un canot, & chacun avec un hamecon attaché a une longue corde, en prend par jour trois ou quatre cents. La pêche va de nuit comme de jour, & apeine a-t-on remis Phamecona 1'eau, qu'il faut prompiement le retirer. Quand le cabliau elt pris & arrivé a terre, il paile tout de fuite par les mains des décolleu-rs-,  Du regnr animali 33*s qui lui coupent la tête-, de Ia dans celles tfcff» habilleurs qui lui fcndentle ventre tout du long & le vident enfin partie dans celles des fil* leurs, partie dans celles des fécheurs. Les en-trailles ne font pas perdues: les Anglois en fet* rent de 1'huile, & nos Francois les emploient, auffi bien que les ceufs, a la pêche de- la far-dine. Les Anglois envoient tous les ans plus de cinq cents vaiffeaux a la pêche de la morue, &-' en prennent communément autour de quatre cents mille quintaux fecs, ou réduits en fmek.-fiche. Les Francois, les Hollandois , les Is* landois, les Norvégiens, les Ruffes , les Lappons, en prennent auffi beaucoup. 11 y a mê*me des peuples du Nord qui fe fervent de fes-'arötes-pour faire du feu, en guife du bois qui' leur man que. Le cabliau eft- un poiffon fort avidequi morcf ft tout ce qu'on lui préfente ou a tout ce qu'iL trouve, de facon qu'il avale fouvent des morceaux de bois, que fon eftomac, quelque borr qu'il foit, nc peut cependant pas digérer. Les ] . A. II a donc alors une indigeftion ; &-' meurt-il pour cela, bon Ami? Le h. /J. Bon, mourir! nos gourmands feroient bien heureux & nos médecins bien embarafl'és, fi nous avions le privilége fingulier &• vmique peut-être que la nature a donné au ca-bliau. Quand il fent fon eftomac ainfi embarrafie, il le fait fortir par fa bouche tout uniment, c'eft-ri-dire, il le vomit, & le retournecomme nous faifons une poche d'habit; puis quand il 1'a bien vidé, nettoyé & rincé dans1'eau, il ravale fon eftomac, le remet k fa place, & fe met a manger comme auparavanti -  332 Du regne animal. Ce poifïbn fe prépare de différentes manieres pour être vendu par les peuples qui le pêchent, & il prend alors différens noms fous lefquels il eft affez généralement connu. Dans 1'intérieur de la France, nous ne eonnoiffons guere que les noms de morue & de merluche; celle-ci eft le cabliau fee, & 1'autre le cabliau fa!é. Mais fur les ports ou connoit les noms originaux de ftockfiche, qui eft le cabliau décapité, fendu & fécbé dur comme un baton fur des bancs de cailloux arrangés exprès au bord de la mer; de hengfiche , qui eft ce même poiffon féché a des perches oü. on 1'a fufpendu après certaines préparations; de kleppliche, quand il a été féché fur les rochers; dc tfartfiche, quand il eft tendre; delaberdam, quand il a é'é falé rout fraisfans être fendu, mais toujours vidé & décapité» Le Chelfiche. Ceft encore une efpèce de cabliau qui' fe feche ou fe fale de même. 11 n'a guere qu'un pied & demi de long, la bouche ronde avec dc petites barbes, la peau couleur d'argent. On le trouve dans-la mer du Nord, oü les Anglois, les ücoffois & les Hollandois, en prennent beaucoup; on dit que les derniers en prennent fetils deux ou trois- millions de pieces. Ce nom,. qui eft allemand , lui vient de ce que quand il eft cuit dans 1'eau, fa chair fe divife par feuillettes. La meilleure maniere de le manger, c'eft de raccommoder au beurre avec de la moutarde,.  Du regne animal 333 Le Dorche. Encore une autre efpèce de cabliau , mais beaucoup plus petit que le chelfiche; il eft comme marbré, fa chair eft plus tendre que le chelfiche, & fe mange aufli a la fauce au beurre. On ie trouve cn foule dans la mer BaTtique, comme encore dans la mer du Nord, versies cótes de Norvege. 11 y a encore d'autres efpèces de cabliau, telles que le vittlingue, qui eft prefque tout blanc & fe tient dans la mer du Nord ; le quappe ou trouche, dont la chair elt trés délicate, £c fur-tout le foie excellent, mais qui ne fe trouve que dans les rivieres, les lacs , les étangs, &c. Le Rotzfiche. Ce nom, qui fignifie poiffon muqucux ou celui de fchlcimfiche , qui veut dire, a peu p;ès, la même chofe, öupoiflbn baveux, vient de ce qu'th efl'ct il eft tout end uit d'une efpèce de mucilage; il y en a de différent! s groffeurs & éouleuts; il fe tient dans ks niares, les rivieres, les mers. 11 y en a une efpèce nommée anguille-mere , qui a la forme d'une anguille, & fe trouve dans prefque toutes les mers de 1'Eurppe; longue d'un pied, d'un jaune obfcur marqué de nou-, avec une tête de crapaud, elle fait par an plus de trois cents petits tout vivans. Ill.e CLASSE DES POISSONS. Ce fbnt ceux qui ont les nageoires du ventre  .334 Du regne animal. placées précifétnent au-deflbus de la poitrineelle comprend les lucets ou rémores, les dorades, ks perches, ks turbots, ks plies, les loles, ks maquereaux, les merlaas, ks barbeaux, ks poillbns volans. Les Sucets ou Remores. Ce poiffon des Indcs eft long d'un pied ou au plus de deux, & fa tête a une conformation trés fmguliere, qui confide en ce que le deflus eft couvert d'une efpèce de peau écailkufe en forme de plis ou James dentckes ou aigues, par le moyen de laqtïelle il peut s'attacher au bois, a la pierre, aux gros poiffons avec tant de force , qu'il eft impoliibk de 1'en détacher fans Je tuer. Mais il ne faut pas croire pour cela , comme on 1'a cru qu'un feul remore foit en état d'arrêter Ie plus gros vaiffeau dans fa courfe, d'oü il a eu fon nom. Quand ils font en grand nombre attachés fous un petit batiment, il eft poffible que fa marche en foit retardée; mais jamais celle d'un grand vaiffeau, dont, au refte, la rapidité ne les empêche pas d'y refter attachés & de le fuivre ainfi. Les Dorades. Elles ont la tête comme tronquée & eu pente , la bouche garnie de petites dents, une grande nageoire fort longue fur le dos, & la peau jaune & luifante: elles ont quatre it cinq pieds de long, & un pied au moins de large , & fe trouvent dans 1'Océan vers ks cótes d'Afriqiie. Elles out la cuair grafie,  Du regne animal. S35 & d'un goftt de faumon. On dit que c'eft de "tous les poiffons celui qui nage le plus vite, & du refte fiavide, fur-tout du poiffon volant, qui fi on lui préfente un hamecon couvert de quelques plumes prés dc la furface de 1'eau, il fe préeipite pour 1'avaler, &court ainfi lui-mêr me au devant de la perte en penfant faire capture» Le Turbot. .C'eft un petit poiffon long d'un demi-pied, qui murmure & grogne quand il elt pris. On le prend en grande quantité dansle Nord, dans J'Elbe & dans 1'Eider , & dans nos rivieres même. II fe mange au beurre & au vinaigre. 11 y en a une efpèce que l'on appelle en Languedoc tête d'ane, paree que fa tête eft fort groffe, prefque plus que tout le refte de fon corps, &qui n'a pas un demi-pied de long; il eft trés commun dans les eaux d'Europe dont le fond eft pierreux ou fabloneux. II fe cache le jour entre les pierres, & la nuit il ródc. La femelle a une lingularité dans' le naturel; c'eft qu'elle fait un creux au fond de 1'eau pour y dépofer fes ceufs, & qu'elle les garde affidument jufqu'a ce qu'ils foient éclos, de facon qu'elle fe laiffe plutót mourir de faim ou autrement 9 .que de les abandonner. La Pltè. Autre petit poiffon plat & large, dont Ie dos eft gris ataches jaunes, &le ventre blanc. C'eft Is feul animal exjftant qui ait les deux yeux:  $'j6 Du regne animal. d'un même cóté de la tête (*). Une autre fingularité, c'êll qu'il nage i'ur le cóté, & non fur le ventre, apparemment par une fuite de la pofttion des yeux, & des narines qui font aufli fur le cóté. De plus, elies n'ont pas toutes les deux yeux du même cóté, de forte que l'on en voit qui nagent fur le cóté gauche & d'autres fur le cóté droit. II y a de grofles & de petites plies ou plyes. Les plus petites n'ont jamais moins d'un demi-pied, & une efpèce fe nomme carrelet; les plus grandes font aufli grofles qu'un veau & fe nomment aufli platulés; on les trouve partie dans les eaux douces, partie dans la mer. Le goüt n'en eftpas mauvais. Les Poijfons a pierre (Epinoches). Le poilfon h pierre ou de rocher, olfre un affemblage des plus brillantes couleurs, & fon mufeau allongé en groin eft armé de piquans. Mais il y en a plus de vingt fortes différentes, toutes de figure finguliere, & qui ont des piquans tantót aux yeux, tantót aux levres. II ie trouve entre les rochers aux Indes& en Amérique. Mn voici deux elpeces remarquables. Le poiff m a trompe elt ainfi nommé, paree qu'il a une longue trompe offeufe en forme de bec avec une petite ouverture. II fe nourrit des infeétés qui coureut fur la ftirface des eaux, & fa facon de les prendre eft de faire for- (*) Bomare les place tin s la parc;e de tlefius , ce q'.ii appr cherok des uranofcopes ; il ne dit tien de la mar£he oblique de ce poiilbn.  Du regne animal. 537 jfbrtir fa trompe hors dc 1'eau pour jeter de 1'eau 1'ur ces infèctes & les faire tomber dans 1'eau , oü il les croque. Le poiffon angc ou éventail (Tab. XII, -fig. 53.J elt armé de trois pïquansbleus, fortaigus tant a la partie antérieurc du dos, qu'a la partie peftérieure du ventre, & fa tête elt auffi garnie de plufieurs petits piquans. Ses nageoires du ventre & du dos ont la forme d'une aile recourbée cn faucille, qui probablement a occalionné le nom d'éventail & peut-être d'ange , jein-te aux couleurs dont elles brillent; car elles font bleues dans le milieu & oranges a la pointe, de même que fa petite queue : mais fes écailles font d'un verd foncé & dc forme ronde. Du reüe, il n'eft pas plus gros qu'une grolfe nuix. Ce poiflbn eft rare en Europe; mais 1'épinoche qui eit auffi armée de piquans, & qui n'a qu'une nageoire, fans écailles, y eft fort -commune. Le Poiffon lippuou Perroquetde mer. 11 a le premier nom a caufe des levres épaiffes qui recouvrent fes dents, & le fecond de la variété de fes couleurs, qui en font le plus beau de tous les poiffons d'Europe; il eft paré de prefque toutes les couleurs de 1'arc en-ciel , car il eft couvert de ftries & de taches vertes , rouges, bleues. La Perche. C'eft un petit poiffon de fort bon goüt, qui fe trouve dans prefque toutes les eaux douccs P  *-.g Du regne animal. de 1'E'urope, naae trés vite, eft muni de nageoires piquantes", & ne fe nourrit prefque que de petits poilfons nouvellement éclos. Cependant il mange auffi les vers de terre, le fang cailféi,Te foie cc le mou des beftiaux, puifqu'on Ie prend ailcment avec cette amorce. 11 y a plufieurs elpeces de perches; perchede riviere, perchede fable, &c. La percbe aaiguillons en eft bérilfé fur Ie dos & fur le ventre, & reflemble prefque a la perche ordinaire pour la grofftur & la couleur. II y en a une fur-tout qui, ua moyen de trés longues nageoires pectorales, a la factflté dc s'élaöcer hors de 1'cau & de voler un peu, mais non pas auffi loin, ui aufli haüt que le vrai poiflbn volant. Le Ma qu er eau. Ce poiflbn fi connu a le corps rond, cpais, .«ras, la bouche garnie de petites dents trés ai 'lies, qui le mettent cn état d'attaquer avec avantage de beaucoup plus gros poiflons que lui & mcire des hommes; on en a vu des perfonnes blelfées a mort. 11 y en a de petites efpèces & de eranries, depuis un pied de long jufqu'a dix & au dela; on en voit qui pelent deux quintaux, . -. , ~ -r La plus urandeefpèce, c'eft le thon. Ce poiffon qui fe tient dans la mer du Nord , marche par milliers eu corps de troupes aufli bien raneées qu'un régiment. Quand oneu fait la pêche , Sn en Vale une partie coupés en morceaux , puis mis dans des tonnes que l'on embarque ; cc 1'autre partie coupés en longues tranches ou en ' filets, que 1'cm met dans.de petites caquespour  Du regne animal. 33^ ètreenvoyées a Conftantinople, ou l'on en fait le même cas que des fardiues parmi nous. Les Barbeaux de mer. Ils fe trouvent dans la Méditerranée, & ne pefent pas plus de deux livres. Quand on les a dépouillés de leurs écailles, ils font tout rouges. lis font fort recherchés en Italië, oü l'on en a confervé le goüt des anciens Romains, qui les payoient leur poids d'argentt Le Poiffon volant. II a les nageoires pectorales d'une grandeur: extraordinaire, qui lui donne le moyen de s'en fervir comme d'ailes pours'élancer hors de 1'eau & voler dans l'air; cependant dès que fes alles ceflènt d'être humides, il eft obligé de replonger malgré lui, fauf a lui de refortir quand il a mouillé fes nageoires volantes. Mais ce n'efl: point par goüt, ni par plaifir qu'il quitte quelquefois 1'élément humide; il faut qu'il fe voie pourfuivi de trop prés par fes ennemis qui font en grand nombre. Dans la mer méditerranée , dans les mers des Indes, de la Chine, de 1'Amérique , vers le cap de Bonne-Efpérance , on voit quelquefois plufieurs centaines de poiflbns volans s'élancer ;\ la fois hors des eaux, voltiger quelque temps caóVla, puis retomber dans la mer. Mais ils ne fuient un danger que pour tomber dans un autre; ils ont des ennemis partout ; les hommes & les oifeaux de proie les attendent & fondent fur eux au fortir de la mer, & a leur rentrée ils tombent dans la gueule des poUfons voraces qui ont fuivi leur vol & les P a  2^o Du regne animal. «uetteut aufli. Ils ont communétnent un pied & demi de long, & un demi-pied dc iarge. Mais il yen a plufieurs èipeces; celui que vous voyez Tab. rS, fig- 4Q? eft le coqde mer, qui a la tête guffe èc armee d'un calque , & trois allonges en foime de doigts au poitrail; le coq cuirallé, qui a le corps en forme de bottelier, &un mulèau fourebu; leroucouleur, qui , quand il eft pris, imite le chant du pigeon; le coucou de mer, qui imite auffi le chant de Pöifeau de ce nom; le flambenu de mer qui alc dedansde la bouche du plus beau roug'e , & qui , quand il 1'ouvre pendant la nuit, donne une vive lumiere, &C. IVe. CLASSE DES POISSONS. Celle-ci comprend les poiffons a nageoires pectorales, c'eft-a-dire,ceux qui ont les nageoires du ventre, non pas vers la poitrine comme ceux de la lil.1-' claflè, mais réellement fous le vetttre; tels font la lotte, le filure, le faumon , le brochet, le hareng, la carpe. La Lotte. C'eft un petit poiffon fort connu 'que l'on prend tout le long du printemps en quantité, & qui fe mange frit. Sa couleur eft un jaune fale & fa peau gjiflante, L'efpece nommée alofe, qui fe tieut dans lesfonds marécageux, & aro^ne quelquefois comme le turbot pendant une demi-heure, indaque les variations de 1'atmofphere auffi bien que la grenouille verte, quand on le met dans un vale d'eau avec un peu de fable au fond.  Du regne animal. 341 Le Silure. Ce poiflbn eft le plus grand qui fe trouve dans les fljuves de 1'Europe; il a commune"ment douze a feize pieds de long, & pefe depuis cent vingt jufqu'a cent cinquante livres. On en trouve dans le Danube, dans la Viftule, dans ï'iilbe, dans le Rhin, dans lePö, dans le Don, dans la Loire, dans la Garoune, &c. Toute chair elt de fon goüt, poiflbn, oifeau, qua drupede; on dit même qu'il attaque les chevaux que l'on fait aller a 1'eau, & qu'il n'épargue pas les hommes même. Sa chair fe matige aufli. Le Saumon. Tout le monde connoit ce poiflbn, qui fe mange frais, falé ou fumé. II fe trouve dans prefque toutes les mers d'Europe, mais au lemps du frai, il entre dans les fleuves, comme lc Rhin, J'iilbe, le Wefer, &c. 11 en cnire beaucoup dans 1'une des petites rivieres qui tombetit dans la rade de Breit, quoiqu'on n'en trouve point dans la rade même, ni dans Uiie autre riviere parallelle a la première. Ce poiflbn e(t alfez gros , & pefe quelquefois jufqu'a cinquante fivres. On le fend en deux d'un bout a 1'autre, on met chaque moitié dans un étui de bois, & on 1'envoie ainfi. II a la chair tendre & grafle, rougeacre quand elle eft fraiche, & d'un rouge de fang quand elle eft falée ou fumée. Les Anglois & les Hollandois en prennent le plus. P 3  34» Du regne animal. Le fauraon eft encore un poiffon voyageur, & ily a beaucoup d'ordre dans leur marche. A la tête, on voit le plus gros & le plus vieux en qualité de commandant, i'uivi a une petite diftance de deux autres, ceux-ci de trois , puis de quatre, enfuite de cinq, les rangsaugmentant ainfi d'un , tant que 1'efpace le permet; quelquefois le rang eft d'une cinquantaine. On met dans le genre du faumon , la truite faumonée, la truite commune, la truite rouge, le chabot, le lavaret, 1'ombre ou omblc. La truite faumonée a les yeux noirs entouTés de taches brunes, fe tient toujours dans les rivieres, & ne pefe au plus que quinze livres; du refte , elle reflemble prefque au faumon, & fa chair, qui eft rouge, a le même goüt. La truite commune a plufieurs taches noires & rouges par le corps, aime les eaux claires , -afond pierreux, fur-tout les étangs, les lacs, les viviers, qui font entourés d'arbres. II y a des truius qui pefent jufqu'a cinquante livres , & de petites qui font longues comme la main. Elle paffe pour le meilleur des poiflbns de riviere. La truite rouge eft multipliéeaun point étonnant dans les eaux de la Laponie , longue d'un pied, mange des moucherons & des inlectes aquatiques, a la chair rouge , & fournit avec les rennes la fubliltance aux Lapons iüédois. Le chabot n'eft que de la longueur du doigt, & fa vive couleur argentine, qui brille finguliérement pendant la nuit, lefait paroltre tranfparent. On le prend a 1'embouchure des rivieres de France, d'Angleterre , de Hollande , de Suede, en telle quantité, que l'on en fait de  Bu regne animal. 34.3 grands tas fur les marchés a poiffons oü il le vend a pleins paniers. Le lavaret fe trouve en quantité prodigeufe dans la mer du Nord, & dans les lacs de Gelieve & de Conltance. On le fale, fon enrier, foit fendu en deux, & l'on en remplit des tonnes. On en faitaufft griller pour les mettre dans de petites caques qui s'envoient de meme. L'omble ouombre a une forte odeur de thym , & fe prend fur toutes les cótes & dans toutes les rivieres de 1'Europe; il eft de bon goüt, & l'on en mange beaucoup. Le Brochet. 11 eft ft vorace qu'on lui donne auffi le notr» de loup de riviere; il eft fur tout friand du frai & des jeunes poiffons; il mange des poiffons auffi gros que lui; il mange méme_ fes caroarades. II y êf) a dé groS qT« pélEïlt JüitJU 2 t£"7 te livres: il fe trouve par toute 1'üurope (Tab. V, fig. 4*0 La pipe. C'eft un poiffon long & menu qui a ordinairement un pied de long & quelquefois un pied & demi, de la grofleur de deux doLjts, & fans écailles. II fe trouve dans les deux ludes (Tab. Kil, fig. 46.) Le Hareng. Tab. XI, fig. 4, eft un poiffon depaffare trés connu & de la plus grande utilité. II a pour patrie les mers du Nord les plus reculées, P 4  344 Du regne ari.mil. au milieu" des glacés oü les navigateurs néfatr* roieiit aborder: de forte que fi, par un arrangement admirable de la Providence, le défaut de nourriture ne les faifoit pas fortir de ces re* traites inacceffibles par millions fans nombre , pour vifiter prefque toutes les cótes &les mers du mon.le, nousferions privésde cette reffource importante. Ainfi les harengs viennent en corps d'armée fe jcter d'eux-mémes dans nos filets, & fe préfenter aux pêcheurs de toutes les nations européennes, qui les gucttent au pafiage fur les cótes de la Norvege, du Greenland e , de 1'Islande, de 1'Ecolfe, de 1'Angleterre, de la France, de la Höllande, &c. C'eft vers le mois de mai qu'ils commencent u fortir de deflbus leurs glacés, par bandes li ■oombreufes & fi ferrées, que fouvent ilsparoiffent fe pouffer hors de 1'eau ou en faire renller ia furface, de facon qu'on les voit venir de loin. Les j. A. Mais pourquoi donc eft-ce qu'ils fe ferrent tant ? ils ne doivent pas manquer de place au milieu de la mer? Le b. A. Auffi n'eft-ce pas faute de place; mais c'elt par la crainte des ennemis nombreux qui les pourfuivent. Les baleines, les requins, les chiens de mer, les cabliauX, & une infinité d'autres font a leurs troulfes, & en détruifent des quantités prodigieufes. Jngez fetdementde ce qu'en peut avaler un motiftre comme la balainc! & les oifeaux dc proie qui fuivent aufli leur marche dans les airs , dans 1'efpérance d'en attraper leur part quand ils s'élancent hors de 1'eau! On eft prefque étonné qu'il en puifiè refier quelques-uns; cependant ils ne périifeut pas tous dans un voyage auffi long & aufli pé-  Du regne animal. 345 rilleux; il eu refte encore une multkude qui en aoüt fe raffemblent & retournent en corps dans les mers du Nord, pour y donner naiffance a la génération de 1'année fuivante, qui n'eft pas moins nombreufe, & qui ne manque jamais de faire le méme voyage ou leur tour du monde. Ainfi les Grcenlandois , les Islandois , les Ecollbis, les Anglois, les Danois, les Nor. vé^iens, lesSuédois, les Pruffiens, les voient pafier a leur porte, & n'ont pas befoin d'aller au loin pour les pêcher. Mais les Hollandois envoient deux ou trois cents navires au devant d'eux jufqu'aux iles de Chetlande , prés de 1'Ecolfe, oü ils font encore beaux & gras (car il faut remarquer que le hareng s'amaigrit dans ce long voyage, &que plus il s'écarté du Nord „ plus il pert de fon embonpoint), & en rapportent, quand la pêche eft bonne, autour de deux a trois millions de tonnes toutes falées. Comme la vente du hareng a fait une grande partie de la richeffe des Hollandois, il eft bon de connoitre leur méthode de le faler & encaquer. Au mois de juin, la nitit d'après la fête de S. Jean aminuit précife, c'eft le moment oü. ils jetent leurs filets k la mer. Auffitöt que le hareng eft pris, ils lui ouvrent le ventre, le vident a 1'exception des ceufs & des fakes, & le lavent bien; puis ils 1'encaquent avec foin entre des couches de gros fel: c'eft ainfi qu'ils 1'envoient dans toutes les parties du monde» Le hareng frais & non encore falé eft un manger délicieux; mais comme il ne peut fe tranfporter de cette maniere , on en confomme Ja plus grande partie foit falé, foit fumé. Auffi , quoiiinc cette pêche foit connue depuis l'^  346 Du regne animal. 1163, ce poiffon eft-il beaucoup plus repandu depuis 1416 que l'on a commence; a le faler* C'eft un Hollandois nommé Btukel ou Bmkelszoon, qui eft 1'auteur de cette invention , de même que de la méthode de les encaqeur; & 1'importance de cette découverte, quelque fimple qu'elle foit, fit donner a toutes les opérations de cette manoeuvre & au hareng même, le nom decepêcheur: fontombeau, aBieruliet, dans la Flandre hollandoife, fut dans le fiécle fuivant vifttépar 1'Empereur Charles Quint. flufïï ce feul commerce fait-il vivre en Hollande plus devingt mille families, &il en nourriffoit ci-devant bien davantage. On a vu jadis des quinze cents buyfes ou Mtimens hollandois aller a cette pêche; ils fecontentent aujourd'hui du tiers & même de moins encore. 11 y a un certain nombre de ces buyfes qui reviennent tout de fuite avec du hareng nouvellement pris, & on les appelle chaffeurs ou bateaux de pofte. On met dans le genre du hareng, 1'anchois, •qui eft un petit poiffon de lafongueur du doigt au plus, &la fardine , qui eft un peu plus groffe. C'eft dans la Méditerrannée que l'on en trouve le plus, & nos pêcheurs francois y en prennent une grande quantité dans les mois de mai, juin & juillet; ils les falent dans des pots <& de petits barils, qu'ils envoient par tout le monde, oü on les mange en falade. II y a des jfardines qui font auffi groffes & auffi graffes que des harengs. La Carpe. Poiffon trés commun, qui fe trouve prefatie tai-tout; il eft affez gros, & l'on en trouve  Du regne animal. g47 de quatre pieds de long, qui pefent des quatorze a dix-huit livres (lab. V, fig. 38.J Le genre de la carpe comprend encore Ia barbue, qui a des barbes a cóté de la bouche ;. le goujon , qui n'eft pas plus long que le doigt: latanche, qui fe tient dans les eaux dormantes & devient quelquefois du poids de fept a huit livres; le karauche ou coraffin, plus petit que la carpe, & qui cependant la mange avec fa couvée; la dorade chinoife, qui n'a pas plus d'un demi-pied de long, tantót de couleur de \ fer rouai au feu, tantót du jaune d'or le plus brillant", dont la patrie elt la Chine, & que nous tenons en Europe dans des vafes de verre ou dans des viviers pour le plaifir de la voir , en la nourrilfant de pain ou d'iufeftes & de petits poiffons; le poiflbn blanc ou able, qui cd le moins recherché de tous les poiffons; & re fpirling, qui eft le plus petit de tous. LES AMPHIBIES. Voici une claffe a part a laquelle vous ne vous attendiez pas, mais dont vous m'auriez bien fait fouvenir par la fuite , quand vous vous feriez appercus que nous n'avions rien dit de plufieurs animaux que l'on traite communément de poiffons, mais qui n'en font pas. Ce font ceux qui ont bien aufli un cceur a une feule cavité ou ventricule & a une feule oreillette,avec le fang rouge & froid, mais qui relpirentpar le moyen de poumons &non d'ou'ies. De cenx-la, quelques-uns ne vivent que dans 1'eau, comme les lamproies; d'autres ne vivent que fur la terre, comme leslézards; d'autres fe tiennent indiiféremment fur la terre ou V 6  348 Du regne animal. dans 1'eau, comme les grenoüilles, & ce font ces derniers que l'on nomme amphibies, c'elta-dire, qui vivent dans les deux ëlémenS. Ces i'ortes d'animaux mangent des mouches , des poiflbns &c., & même aufli de 1'hcrbe & des plantes ; les uns font ovipares, te les autres vivipares. Prefque tous lts amphibies ont dans la figure & dans fafpccl quelque chofe de hideux, de trifte, d'efl'rayant même, & fur-tout la vie trés dure. Un crocodile peut vivre deux ans fans manger, & un ferpent jufqu'a cinq. Us ont pour la plupart une couleur peu agréable, quoiqu'il y en ait beaucoup aufli qui oilrent aux yeux ün mélange agréable des plus vives couleurs; ils ont la peau rafe, fale, froide, la voix rauque, 1'ceil hagard & malin , la démarche & 1'allure leurde, les parties du corps carlilagincufes: un grand r.ombre font venimeux ou ïmifibles a 1'homme; plufieurs fentent mauvais, & l'on doit ufer de beaucoup de précautions a leur égard. II y a quelques amphibies qui changent de peau tous les ans comme les ferpens; d'autres i'ubifl'ent une vraie métamorphofe, ten'aquierent certaines parties qu'a une certaine époque; par exemple , les grenoüilles ne font d'abord que de petits têtards, c'elt-a-dire, un petit infeéte aquatique, qui n'eft qu'une boule munie d'une queue; ce n'eft qu'avec le temps qu'ellts prennent la confurmation de grenoüilles. La vie des amphibies dure depuis deux jufqu'a trente ans, & au dela, & nous tirons des alimens d'une partie d'entr'eux, car on mange des tortues, des lamproies, des elturgeons, des haufes, despoiflbns afeje, des cuifiës de grenouil-  Du regne cmimal 345 les, & même il y a des pays oü l'on mange des ferpens comme des anguilles. 11 paroit que les lamproies, les haufes, les poiflbns afcic, lesraies, les i'quales, font une efpèce intermédiaire entre les poiffons, & les amphibies; car au lieu d'avoir des pieds comme leslézards & les crapauds, ils ont des nageoires te ne quitteru point 1'eau; mais on remarqtu iVrcnces .•af.-'cuxte les poiflbns. Ain¬ fi ces diföirences nous fourniront trois clafl'es: la pretnicrc des faux-poiffons; la feconde des feipens; la troifieme ces reptiles (*_). PREMIÈRE C L A S S E. Les Faux-poijfons. |H fent nnmmes ainfi, paree qu'ils reflemble n: aux pcillbaj p:ir les nageoires & leur féjour perpétuel dans 1'eau: tels font les lamproies, les fquales, les raies, les eflurgeons, &c. Les Lamproies. Ce fatix-poiflbn a le corps long te niiftèe, te fe trouve dans prefque toutes les rivieres d'Allemagne, de Pruffe, de Pologne, de Ruflïe, de France &c., ordinairement depuis la -S. Martin jufqu'a Paques, temps oü l'on en fait k pêche; on 1'envoie au loin partie frais, partie grillé & confit au vinaigre avec du laurier. C') Cette divifion parottra un peu nouvelle ; elle hc inanque cependant pas d'avamages. P 7  35*3 Du regne animal. II a rarement plus d'un pied de long & plus de deux doigts d'épaiflèur; il elt fans écailles & n'a que deux yeux, quoiqu'on lui donne tantót le nom de fept-ceil, tantót de neuf-yeux, paree que lc vulgaire a pris pour des yeux les fept trous qu'il a au cou & qui ne fervent qu'a la refpiration. La lamproie a dans le deflus de la tête un orifice qui lui fert a infpirer 1'eau, qu'elle rejete enfuite par fes fept trous, quoique peut-être ce foit tout au rebours, comme il pa* roit plus vraifemblable. Elle a au bord de la bouclie un grand nombre de petites dents, avec lefquelles elle peut s'attachcr trés fortement aux pierres, au bois, &c. La lampetre eft plus groffe, & fe trouve dans la mer du Nord oudans la Méditerraunée; elle fe mange comme la lamproie. Le Squaïe ou Chien de mer. Ces animaux font connus pour la voracité avec laquelle ils fe jettent fur les hommes & fur les animaux. Auffi les voit-on fans celle a la fuite des vaiffeaux, prêts a engloutir tout ce qui en fort, hommes , chevaux , chiens ou chats, veaux ou moutons, ordures ou vieilles guenilles: rien ne rebute leur terrible appétit. Cet animal fe tient dans la mer du Nord & dans la Méditerranée; il ale corps long& rond, la tête groffe, & la gueule effroyable : il eft vivipare. Quelque méchant qu'il puilfe être, ©n ne laiffe pas d'en prendre, & l'on a trouvé que fa chair étoit feche & dure, que fon foie donnoit beaucoup d'huile, & que la peau étoit  Du regne anima!. $jf excellente pour faire le chagrin ou fagri le plus 'au refte , il y a plufieurs efpeccs de fquales ou chiens de mer, depuis la grolfeurd'un veau, jufqu'a celle d'un bceuf, & même d une petite baleine. =. ■ _ . . L'efpadon ou poiffon a fcie en elt un qui le trouve dans la mer du Nord au dtilus de 1'Islande, du Spitzberg, du Grcenlande; il a dix a dix-huit pieds dc long, & un de diametre , fa tête elt armée d'une fcie de quatre a fix pieds de long fur prés d'un demi-pied de large, dont les dents font trés fortes & trés aigues, & qui reffemble parfaitcment a une fcie a deux mordans (Tab. XI, fig. m> C'eft pour ce fauxpoiffon une arme offcniive & défcnfive: il fe nourrit de poiflbns & de plantes marines. Son ennemi le plus cruel eft la baleine; ils fe guettent mutuellement, & quand il en trouve le moment , il emporte du corps de ce monftre une piece de lard; ce qui. a la vérité, ne le tue pas tout de fuite, mais a la longue feulement. Mais quand plufieurs efpadons attaquent a la fois une baleine, ils lui font de fi crnelles bleffures, qu'en peu d'heures elle devient leur proie: alors ils lui ouvrent le ventre , entrent dans fon corps, & mangent fa langue qui n'eft qu'une piece de lard: pour la chair, elle n'eft point de leur goüt , ils la laiflent aux ours blancs, qui ne manquent pas d'être auffi aux ■aguets a peu de diftance. Mais le plus grand & Ie plus redoutable des fquales, c'eft le requin ou mangeur d'liommes. II a vingt ou vingt-quatre pieds de long, & huit ou dix de diametre; fa gueule eft fi large iju'il peut avaler un hojnme d'un feul mor-  352 Ba regne animal. ceau; on a même trouvé fouvent des chevaux: entiers dans fon eftomac. Voici une hiftoire affez fnguücre que l'on aracontée. En 175»! un matelot s'étant laiffé tomber par hafard dans la mer Méditerranée, il fe trouva un requin tout prêt pour 1'avakr malgré fes cis. Mnisapeine 1'animal avoit-il ce malhettreux dans le ventre, que le capitaine du vaiffeau fit pointer un canon fur lui, & le coup arriva li jufte que le requiu revomit a 1'inftant le matelot encore en vis, que l'on retira & qui n'avoit prefque pas de mal. La béte que l'on avoit atiffi pêchée, après 1 avoir achevée, fut fulpendue fur ce vaiffeau; elle avoit vingt pieds de lor.gijcur fur huit dé groffcur, & pefoit trois mille deux cents vingt* quatré livres; le capitaine 1'abaodonna au matelot , qui la faifoit voir pour de 1'argent, & couroit les pays avec ce monftre (*). Comme il s'en trouve dans la Médite-ranée, il ne feroit pas impoffible que ce poiffon eiït avalé lc prophete Jonas. Aime-t-on mieux que ce monftre ait été un cachalo.t, qui eft du genre des baleines? k la bonne heure. Nous en parierons encore, lörfqué nous en feronsa la baleine: au moins elt-il vrai qu'on donne aufli au requin le nom de poiffon de Jonas, fl a dans la gueule fix rangées de dents mobiles èc triangulaires, dont il éleve & redrelfe le nombre qu'il lui plalt quand il veut dévorer' quelque proie. Ce font de ces dents que l'on trouve pétriliées • (*) On Ik cette anecdote dans la traducb'on allemande du IjMme dc Linnce , par le prolelleur ituljtr ; 3a. partLe,  Du regne ar.'mal. 353 don 1'ile de Mafte & ailleurs , & que l'on nomme gloffopetres (*). Les Raies. C'eft un faux-poiffon plat & prefque rond, qui fe trouve dans la mer du Nord & dans la Méditerranée, oü l'on en prend beaucoup; il eft fort bon a manger. II a au cou cinq orilices pour la refpiration , & fa bouche fe trouve pardeffous au bas de la tête. II y a des raies qui ne font pas plus larges que la main, d'autres qui ont quatre ou ftx pieds de long, & qui pefent jufqu'a deux cents livres; on en a même vu du doublé. ^ Les ceufs de raie ont une coque noiratre garnie de quatre longues pointes aux coins , & reffemblent a des rats, de maniere qu'on les nommc en effet rats de mer. Les torpilles font des efpèces de ce genre, & c'en font les plus rcmarquablcs, a caufe de la vertu électrique, avec laqüelle elle éngourdit & repoufle tout ce qui la touche. On fent> ce coup même quand on la touche hors de 1'eau; il eft fenfible par tout lc corps (f). Les Efturgeons. Ils ont depuis quatre pieds jufqu'a vingt de longueur, fur fix ou huit de grofleur, & pefent fouvent plus dc douze quintaux. On les trouve dans la mer du Nord & dans la Bakique, dans (*) Le nom de gloffopetre eft commun a toute autre péirification de dents que celles du rcqt;ip. (tv Cetie deniete pauüularité n'elt pas encore connue.  354 Bu regne animal. le Damibe, 1'Elbe, lr. Yifhtle & le Volga; on en pêche auffi en France dans la Loire, qui ont jufqu'a trois aunes de longueur ; on en mange la chair, & même les ceufs dc quelquesuns, comme dc la fterlette & riu haufe. Les ceufs font gros comme des Ientiües ; on les lave, & on les marine avec du fel, du poivre & des ciboules. Cette cfpece de compote fe vend fous le nom de kaviar, qui eft de couleur verdatre, & fe mange fur le pain comme du beurre: elle excite 1'appétit & fortifie l'eftomac Outre cet ufage que l'on tire des ceufs du haufe, cet animal eft encore remarquable en ce que fa peau, fa queue, fes nageoires, fes cntrailles , fa veffie, fervent a faire la colle de poiffon, infiniment utile pour coller le bois & tout ce que l'on veut: ce qui fait donner a ce faux-poiffon le nom d'ichthyocolle. On coupe tOUISS ces matieres en petits morceaux; enftnte on les ctrit en botuiiie , ik on met cette bouillié" en petites feuilles qui s'envoieut de tout cóté: ce font les Ruffes qui font le plus de cette colle & la meilleure. UOftracion. Autre faux-poiffon qui a la peau fort dure & coriace, ayant a chaque macboire dix dents rondes & obtufes, & des trous pour la refpiration qui font longs. II y a neuf efpèces de ce genre, qui toutes fe tiennent dans les mers des Indes, & auxquelles on a donné des noms analogues a leurs formes différentes: celui qui fe trouve Tab. XII, fig. 47, elt le quatre-corncs.  Du rtgnt animal. 355 Le Hérijjon de mer. On lc nomme ainfi, paree qu'il a tout le corps garni de piquans mobiles comme le hériflon terrefire. II a, cn guife de dents, deux machoires cartilagineufes, en forme dc bourrelets, ou plutót offeux, qui font fort du s, & qui font 1'effet de deux petites mcules. II fe trouve vers le cap de Bonne-Efpéranc*, & dans FAmérique feptentrionale. Au refte, il y en a deuK efpèces , le porc-épic de mer, qui elt de figure ovale (Tab. Xllffig. 50> & le poifibnboule, qui eft tout rond, a peu de choie pres , & de la grofleur d'un gros ballon a jouur(Tab. XII. fig. 48> Le Poiffon cornu. II a la tête aplatie , huk dents h chaq.it? machoire, & au-defius des nageoires de lapoitrinc, de longs trous pour refpirer, fitués dans une raie ou goutiere non recouverte: fa peau, qui eft comme du parchemin, eft recouverte d'écailles. II y en a huit efpèces qui toutes tirent leurs noms de leurs excroiffances cornucs, & qui fe trouvent dans 1'Océan entre 1'Afrique & 1'Amérique. L'un des plus remarquables eft le nez ridé, qui contraéte fon nez falevrefupérieure de maniere qu'on lui voit a nu toute Ia machoire d'en-haut. Sa première machoire eft comme rayonnante & en forme de corne (Tab. XII, fig. 50). Les Poijfons aiguilles. Ce font de petits animaux aquatiques, longs 4.meuus, qui fe trouvent dans la mer du Nord,  35°" Du regne animal. dans 'a Baltiquc, dans Ia Méditerranée: ilsfoflt rour ia phijiai t vivipares, & ne lont pas bons a mai|ger. L'cfpéce nommée aigtiille de mer, eft longue d'un pied ou tout au plus d'un pied & demi, & n'eft pas plus groll'e que le doigt. L'hippocampe elt un trés joli petit animal de la longueur du doigt, qui, quoique droit quan 1 il eft en vie, fe courbe & Ié contourne quand il cvl hors de 1'eau & qu'il meurt: fon nom vient de ceque dans 1'attiuide qui en réfultepour fa tête, elle refferftble a une têtede cheval. Cé petit animal & Ie précédent fe irouventdans prefque touj les cabinets d'hiftoire naturelle. DEUXIEME CLASSE. Les Serpens. Tous les genres contenus dans cette claffe font peu aimés de 1'homme, 6c l'on peut dire auffi qu'ils en font peu amis; une grande partie peut iDi riulre ét mettre fa vie cn danger. Les ferpens n'ont point dc pieds , ni d'autres membres; ils nc marchent qu'en fe trainant ou gliffknt fur Ie ventre, & ils font des mouvemens trés vifs fur la terre en recourbant & contournant leur corps, lis montent mémc fur les arbres; & quoiqu'ils ne puilfent pas relterlongtemps dans 1'eau, iis peuvent néainnoins s'y tenir auffi. Mais leur féjour ordinaire ce font les lieux humides & frais, comme fous les tas de fumier, de feuilles mortes, dans les trous de la terre : c'eft la qu'ils dégofent leurs ceufs enctiatïiés les uns aux autres, ou qu'il font leurs petits, quand ce font des efpèces vivipares. Ils ont le corps couvert a'écaillcs, ou d'an-  Du regne animal. 357 neattXi, ou de bandcs écailleufes; des oreilles fort lènfibles, une langue étroite & fendue, te des dents qui, a la vérité, ne leur fervent point a macher leur proie, puifqu'ils 1'avalent toujours enticre, mais leulement a la tenir ferme quand ils 1'ont fajfie ; 1'herbe, les mouches, les fcarabées, les araignées, les lézards, les oifeaux, les rats, les grenoüilles, les crapauds , les chats , les lievres, felon la groffeur du ferpent, tout s'engloutit entier dans fon eftomac; les cerfs même n'en font pas exempts. Les j. A. lit les cornes aufli avec ? Le b. A. Non, Maisce qu'iiya delingulier, c'elt que ne pouvant pas couper le bois du cerf, ils font obligés, dans cc cas, delelaiflér fortir de leur bouche jufqu'è ce qu'il tombe de lui-méme & que fa racine fe détacheen pourriffaut; ce qui n'arrive ordinairement qu'au bout de quelques jours. Les j. A. Mais, comment donc eft-ce que les ferpens peuvent avaler des animaux qui font plus gros qu'eux? Le b. A, 11 y a des ferpens qui font trés gros ; de dix a vingt pieds de long & de la grofleur d'un homme, comme le boa. Mais il elf vrai qu'ils peuvent étendre & élargir prodigteurement leur gueule te leur ventre. Ces animaux vivent dix a vinat ans, changent dc peau tous les ans, & grolïïffent toute leur vie. fis n'ont ni os, ni arètcs, mais de fimples cartilages. Quand ils dorment, ils roulent leur corps en fpiraie , & tiennent communément la tête élevée: en Europe, ils dorment tout l'hiver, du moins pour la plupart. Une chofe qui vous étonnera, c'eft que de ' tous les ferpens, il n'y cn a pas plus dc la een-  Sj8 Du regne animal. tieine partie qui foient venimeux; en Europe on n'en compte qu'un petit nombre qui aient cette mauvaiie qualité : en Allemagne & en gagnant vers le Nord, on n'en trouve aucun de venimeux. Plus un pays eftchaud, plus on y trouve d animaux dangereux , foit par leur fureur, foit par leur venin. Ainfi quand on fe fauve a la vue d'un ferpent, ou que faili d'épouvante dès que l'on appercoit ce pauvre aaiinal on n'a que la force de crier ft 1'aide , au fecours, c'eft par pure ignorance, c'eft fauïe de S inftruire ou d'avoir été inftruit. Lesj. A. Oh! pour moi, j'ai bien peur des ierpens: eft-ce donc qu'ils ne font point méchans ? Le b. A. Ni méchans , ni venimeux: ils ne mordent jamais, ni n'attaquent jamais perfonne, & ils ne font jaillir aucun venin contre les hommes ni contre les bêtes. Lesj. A. Mais cela eft-il bien pofïïble, bon Ami? Leb. A. Tenez, fi nous en trouvons un quelque jour, je veux vous faire voir qu'on peut le prendre fans crainte'; enfuite nous le garderons, nous le nourrirons, & vous aurez füremer.t du plaifir a confidérer toute la beauté de la robe de cette efpèce d'animal, qui par lui-même eft cent fois plus joli que certains animaux auxquels nous donnons la préférence. II y a bien plus; c'eft que peut-être me prendra-t-il envie de le faire rótir tïn beau matin comme un pigeon •, & de le croquer a mon déjeüné. Lesj. A. Ah, mon Dieu! bon Ami, ne faites pas cela! car fürement vous en mourrez. Le b. Ji. Je vous fuis bien obligé du foin que vous prenez pour ma coufervatignj mais  Da regne animal. 359 f. ie devois mourir pour avoir mangé une aucuille de buiffon, certainement i aurois vu enterrer quantité d'honnêtes gens de la Provence, qui fe portent cependant trés bien, & qui en mangent quand ils en ont fantaifie.. Les i. A. comment! des anguilles de buiffon? Je b A Oui; c'eft le nom qu'on leur donne dans les provinces du royaume oü l'on eft dans l'ufage d'en manger. Si nous voyageons quelque four enfemble de ces cótés-la, je demanderai exnrès, a la première auberge ou nous nous arrêterons, que l'on nous apprête une an- BUL« i A Eh bien! l'on nous doniiera une anguille, & non pas un ferpent; alors je fem volontiers écot avec vous. Leb A. Que voulcz-vous gager que Ion me demandera fi je veux une anguille de buiffon ou une anguille de riviere ? & alors je dirai, une anguille de buiflon, & je fins fur que quand vous en fentirez la bonne odeur, & que vous la verrez bien appretée, vous la trouverez tout aufli bien de votre goüt que moi. Lesj. A. Mais, eft-ce que vous en avez déja mangé 'bon Ami? bien vrai? Le b. A. La, regardez moi bienl nai-je pas l'air d'un homme mort? II y a long-temps que l'on doit m'avoir enterré, car il y a longtemps que je me fuis régalé de bons ierpens bien gras & bien dodus. Au refte, je pourrois vous citer bien d'autres pays oü fon eft dans l'ufage de manger ces animaux, &d autres dont on ne tate point dans ce pays-ci. Par exemple, a la Jamaïque, qui eft une ile de 1 Amérique, on porte au marché des ferpens, des lézards, 4es rats, dont tout le monde mange, qui le  £So Du regne animal. fervent fur les meilieur.es tables , & dont tout le monde fe trouve bien (*J; cependant on trouve dans ce pays bien plus de ferpens venimeux que dans 1 Europe : & il y a de même dans 1'Afrique , la vipère, le ferpent a lunettes, le ferpent a fonnettes, &c. Mais quant au ferpentgéant , au ferpent-aveugle &c., aucun d'eux n'eft dangereux. 11 eft même étonnant que l'on ne fe foit pas ayifé d'en apprivoifer quelques efpèces dans nos maifons, oü ils feroieut d'une grande utilité & d'une grande commodirc. Les j. A. Et comment donc cela? Le b. A. Les ferpens font grands ennemis1 des rats & de tout inleéte; ainfi ils nous en débarrafiéroieut mieux que les chats. D'ailleurs ils font d'une figure plus agréable que les chats; ils ne fout pas fi malfaifans; ils ne font point d'ordures; ils font famiïiers & fenliblesaux foins de 1'homme; ce feroient des animaux charmans, fi l'on avoit une fois le courage de s'y accoutumer. Les j. A. II eft vrai que cela feroit bien joli; un beau ferpent bien marbré qui feroit app'rivoifé & qui ne feroit point de ma] : je crois que je m'y accoutumerois bien. Le b. A. Nous verrons; mais en attendantil faut apprendre a connoitre ceux qui font dangereux & avec lefquels il ne feroit pas für de ié famitiafjfer. Pour cela commencons par le ferpent a fonnettes. - Les Serpens a fonnettes. Les j. A. Mais eft- ce qu'ils ont réellement des fonnettes? Le C*J Voyez Stoane, Introdudlion ii i'hift. nacur.de 1Jamnïiiue»  Da regne animat 3<5i Le b. A. Ón dcvroit dire plutót ferpent a «alhvmettes, comme le figniüe fon nom grec (croialophoruïy, car ce qui fait du bruit dans ce ferpent, en eft réellement une efpèce. Ce ferpent fe trouve en Afrique & en Amérique; fa longueur eft de quatre a fix pieds; il a trois ou quatre doirte qu'elle eft plutót utile que nuifiblc. On la nomme ferpent u collier, paree qu'elle a des deux cótés du cou une tache blanche qui a l'air d'un collier. La vipere d'Ëurope eft d'un gris brpn avec une raie^ noire iur le dos; elle mange des lér z'ards, des fcorpions, des grenoüilles, des erapauds, des taupes, des rats, des fcarabées, te de petits infecles. Elle a la vie fort dure, & peut paffer deux ans fans manger ; mais elle n'eft point venimeufe. Le cérafte ou ferpent corrp fe trouve en Egypte, & a au delfts des yeux deux petites excroiffances ou élévations , qu ont l'air de detx petites cornes, & d'oü h tire fon nom5  Du regne animal. 365 iriais de Vrais ferpens cornus, on n'en trouve nulle part, on fi l'on en a vu, c'étoit probabletnent par artifice, c'eft-a-dire, qu'on leur avoit planté dans la tête desergotsd'oifeaux, comme les Arabes l'on fait autrefois, & qui prennent raciné, 'comme l'on a rendu quelquefois des coqs cornus par le même moyen. Le Serpent a lunettes. II eft long de feize a dix-huit pieds, gros comme la jambe ou la cuiffe, & trés venimeux: ou ie le trouve que dans les Indes, &il a tiré ce nom d'une tache en forme de lunettes qu'il porte fur le dos ou für la tête. Le Serpent royaL On le homme auffi ferpent - géant a caufe do fa 'grofleur , ferpent - dieu, paree que les Indiéns le ré verent & Ru rendent une efpèce de cultc , & boa, dans la langue du pays. On dit qu'il peut avaler une bicbe toute entiere, & même le plus fort lion, un bceuf ou un tigre ; de forte que c'eft le plus gros de tous les ferpens, mais qui n'eft point venimeux. II a vingt ft trente pieds de long, eft: de la groffeür d'un homme , ou plus encore. Comme il détruit une infinité de fauterelles, de crapauds, de Iézards & de petits ferpens, il y a des peuples' dans 1'lnde qui ont pour lui beaucoup de vé* nération, qui lui rendent unculte, ®ardenC lc mettrtre d'un boa comme un crime digne des plus grands fupplices. Mais il y a aufli d'autres5 Indiens qui ne font pas fi fcrupulenx, & qui en tuent tant qu'ils peuvent pour les manger & O %  2(>6 Du regne animah en vendre la peau qui eft trés belle. Vbve^ Tab. XII, fig. A5. *f Le Serpent aveugle. Tl ne lahTe pas d'y voir elair, mais il a les yeux fi petits qu'on ne les appercoit qu'avec peine. II fe divife aifément en morceaux pour peu qu'on le tourmente: il fe trouve prefque dans tous les pays de 1'Europe, & n'eft point venimeux. TROISIEME C LA S S E. Les Reptiles. Les animaux qu'on nomme reptiles font ceux qui ont quatre pieds coivrtsdont ils fe fervent k peine pour s'aider a marcher, & qui ont la peau rafe ou couverte d'écailles a la maniere des ferpens ; tels que les lézards, tant volans que communs, les crocodiles, les grenoüilles & les erapauds, les tortues. Les Lézards volans. On les a nommés quelquefois dragons volans & ferpens volans; mais il n'y a pas plus de ferpens volans que de ferpens naturellement cornus, ou encore de ferpens a deux têtes, quoiqu'il y en ait une efpèce dont la queue eft groffe & renllée au lieu d'être pointue, & qui marche en avant & en arriere a volonté. Les dragons volans ne font que des lézards qui ont des efpèces d'ailes a peu prés comme les chauvefotiris, au moyen defquelies ils peuvent fauter  Du regne animah g6f leftement d'un arbre fur un autre & de tef re fuf ks arbres, mais non pas voler auffi librement' que les oifeaux, & fe mouvoir comme eu^' dans 1'atmofphere ; ce qui a fufli cependantpour leur faire donner le nom de lézards volans (Tab. XI, fig. l). Ils fe trouvent dans! 1'Afrique & dans les Indes, n'ont tout au plus1 que la longueur du doigt, relfemblent preP qu'en tout aux lézards ordinaires, & mangentdes mouches & d'autres petits infecles. Autrefois l'on avoit la fimplicité de croire qu'il y" avoit de certains animaux hideux dont Ie corps1 reffembloit aux lézards , avec une queue' deler* pent, une groffe tête,, une large gueule , deux pieds & deux ailes avec lefquelles ils voloient en liberté. On leur donnoit la longueur de vingt a quarante pieds, quelquefois fept têtesmontées fur fept cous fort longs. De plus, ils paffoient pour des animaux cruels & terribles. Les Lézards. I's ont le corps nud & allongé, quatre pieds avec des ergots, & une longue queue fort aiguc,de même que les crocodiles, qui leur n.(firnblent prefque tout-a-fait, & que l'on met, pour cette raifon, dans la même familie.- Les lézards peuvent courir trés vite, font gros comme fe doigt, & les plus grands n'ont pas plus de= trois pieds de long: ils ih tiennent dans deslieux humidcs & bbfcurs oü il y a beaucoup de mouches & de moucherons : plufieurs fe tiennent dans 1'eau, & fenourriffent d'ceufs de poiffons, de petits poiffons même, &delentilles d'eau (Tab XI, fig. 7). On trouve claus prefque tous les pays diï Q 4  3°"3 Bu regne anhmï. monde cet animal innocent qui n'a poinf de venin-, qui ne nuit a rien, & qui rend par-tout le fervice important de détruire une infinité d'infeétes nuiiibies. ou incommodes. Ce feroit un excellent ufage que de les attirer & nourrir même dans les jardins, paree qu'ils font aux mouches ce que le chat eft pour le rat. 11 y a beaucoup d'cndroits oü on les mange, de même que leurs ceufs: ceux de la petite efpèce, font gros comme des pois, & ceux dc la grande, comme des ceufs de pigeons. Ils ont.de fingulier que la queue leur repoulfe quand elle a été coupée. 11 y en a de bruns & de verds, & de marbres, de toutes fortes de couleurs & de nuances agréables. Les uns ont cinq ergots aux patres, les autres quatre, te il y en a même qui en ont quatre a celles de devant, & cinq a celles de derrière; ces ergots font, dans quelques efpèces, lies enfemble par une membranc, comme ceux des canards; dans d'autres, ifs font collés enfemble de" deux en deux, ou de trois en trois. Le lézard verd , nommé fauteur, a le dos verd, te fur les cótés des taches noires & brunes, le ventre jaunatre, & cinq ergots fort aigus. C'eft le plus beau de nos lézards; il fe tient dans les lieux fecs, fur les montagnes, fur les murs, & quelquefois dans les jardins ou aux environs. Quand onlefurprend, ilvousregarde fixément & ouvre la gueule; mais fi on veut Ie prendre, il fait un faut & prend la fuite : c'eft de la que vient fon nom. Jl eft tout au plus de la longueur de la main, & on peut le conferver long-temps vivant dans une bouteille avec un peu de moufle humide & de terre, pourvu qu'on lui donne de temps en taöps  Du regne animal. 369 quelque mouche , moucheron , ou autre in» feéte. 11 y a en Egypte une efpèce de lézard que l'on nomme gardien ou fentinelle, paree qu'il fe tient prés du crocodile, & fait un certain fiffleinent lorfqu'il voit des hommes s'approcher de cet endroit. II a trois pieds de long &un demi de large; & lorfqu'il fe voit trop prés d'un crocodile, la crainte d'en être croqtié, lui fait poufllr des cris fort aigus & fort vifs. Le lézard que l'on nomme caméléon (Tab. XI, fig. 16), fe trouve fur tout dans les Indes orientales, dans 1'Afrique méridionale, & en Efpagne, oü il monte fur les arbres & mange beaucoup de mouches & d'autres petits infeétés , qu'il prend aifément k 1'aidc de fa langue qut elt d'une longueur prodigieufe. Comme il a la faculté de s'enfler beaucoup & de s'amincer enfuite , on s'étoit imaginé jadis que cet animal ne mangeoit rien, vivoit de l'air, & que c'étoitr la fa maniere de prendre fon repas aérien. II eft long comme la main, & ft couleur eff. ordinaire un gris bleuatre; mais li on 1'irrite , il change fréquemment de couleur; il devient jaune, gris, noir. Une autre lingularité, c'eff. qu'il a les yeux d'un beau jaune d'or, & qu'il peut regarder de deux cótés a la fois, d'un teil par-devant, & de 1'autre par-derrière. Le guecco fe trouve dans les Indes , en Egypte, & dans la baffe Italië, & fon nom vient de ce que quand il veut pleuvoir , il répete plufieurs fois de fuite un cri qui fait entendre ces deux fillabes. II a un demi-pied de long, & 011 le dit venimeux , paree que l'on croit qu'en paffant fur les fruits & les plantes, fes pattes y laiflent une humeur malfaifante pouc Q 5  37° Thi regne animah ceux qui viennent a en manger fans les amfr hien lavés: ils éprouvent les plus vives douleurs de colique. Le balilifque ou bafilic (Tab. XII, fis;, i > n'a pas tout-a-fait un pied de long ; il elt d'un gris bleuatre, parfemé de taches blanches; il porte fur le chignon une crête membraneufe qtul peut étendre.comme des ailes, & qui lui donne une efpèce de petit vol. On le trouve en Egypte fur les arbres. C'eft encore un de ces reptiles, fur lefquels on a vu les fables lesplus ndicules, accréditées autrefois parmi le peuple:_ or, imaginez un peu le conté que l'on avoit fait fur celui-ci! mais vous y rêveriez en vain; le voici. „ Les coqs dans ce tempsla, difoit-on , faifoient des ceufs (aujourd'hui, yous favez qu'ils n'en font pas plus que les bceufs ne font des veaux), & ce qui fortoit de ces ceufs , c'étoient de petits bafilics qui avoient la vertu de faire tomber mort tout animal qui les regardoit, même les hommes qui avoient ce malheur. " Vous voyez que nous fommes fort heureux de vivre dans un temps oü la mode de faire des ceufs eft paffée parmi les coqs ; les poules ne nous en font point de fi funeftes. Mais j'oubliois une circonf- tance intéreffante : c'eft qu'il falloit que ces teufs de coq fuffent éclos dans du fumier, apparemment paree que les coqs ne vouloientpas fe donner la peine de couver comme des poules.. Le légouane, igouane ou fenembi , eft un des plus gros lézards, puifqu'il a prefque quatre pieds de long, & une palme de diametre. On le trouve en Amétique fur les arbres, oü les Indiens le prennent avec des filets , & le mangent avec délices. ü mord volontiers, égrai.  Du regne animal". 'ftfk trgne, donne des coups de queue, s'accroche aux habits quand on 1'a pris, fur-tout dans le temps de fes amours; mais il fe laiffe approcher fans méfiance. La falamandre eft encore un lézard furlcqueï on a débité une fable alfez fmguliere, que les ignorans croient peut-être encore :; favoir, qu'il peut vivre dans le feu auffi long-temps; que l'on veut. Voyez Tab. XI. fig. 6. Ce reptile eft long d'un erapan, & a peine de la grof-feur dtrdoigt; il a le dos noir & brillant,-te les Ventre jaunatre: fon dos eft chargé de deuxrangées de mamelons ,■ defquels il fait fortir une humeur blanchatre qui éteint les charbons au* tour de lui; mais fi on le jette dans un feu trop1 violent, fes mamelons n'y font rien, &ilbrüle ï autrement il échappe fatn & fauf au moyen de fes pompes , te retourne faire la chaffe aux; mouches dont il fe nourrit. La falamandre eik vivipare (*). Le Crocodik. Ce lézard fi formidable aux hommes & aux; animaux, fe trouve dans 1'Alie méridionale & dans 1'Afrique, dans les rivieres & dans les'' lacs; ceux du Nil en Egypte font fameux de toute antiquité. II eft vraiment amphibie, & vit également dans 1'eau, fur la furface de Peau & fur la terre. Rien de plus eifrayant que fon afpecf (Tab. XI, fig. 40). Il*a vingtquatre pieds de long, & plus de deux Af grolfeur au poitrail; mais fa partie d'arriere: O Eomare dit, d'aiucs d'autres auteurs, que la fafow mandre aq,uatique eft ovipEie.  372 Du regne animal. s'amincit & va fe terrjwner en pointe. Ses griffes de devanb ont cinq ergots , & celles de deniere, quatre, joints enfemble par une membrane; & trois de chaque griffe lont armés d'ongles trés longs & trés aigus. 11 a le dos noir , brun , ou grifatre , & tigré , & le ventre blanchatre. II dépofe tous les ans fur le fable du Nil une centaine d'ceufs, que la chaleur du foleil fait éclore , & qui font gros comme des ceufs d'oie. L'berbe, les poiffons , ies ferpens, les lézards, les brebis , les bceufs, les hommes même quand il peut en attraper, tout elf de fon goüt. II fe couche fur la vafe ou entre les joncs , & refte la fans mouvement pendant des jours entiers , gucttant les pcrfonncs qui viennent fe baigner, ou qui ont 1'imprudence de s'endormir au bord de 1'eau: on le voit fouvent fans s'en douter; & on le prendroit pour une vieille fouche rompue, ou quelque chofe de femblable. Dès qu'il voit un homme , il fe gliffe a la fourdine pour s'en approcher; & quand il fe voit a portée , il s'élance fur lui d'un faut, 1'étrangle & le dévore. Mais s'il ne voit pas moyen d'approcher, il taehe de 1'atteindre de fa longue queue pour le jeter par terre. On a même vu cet affreux reptile enlever un homme fur un canot, & le manger a la vue de ceux qui y étoient reftés, fans qu'on put fativer cet infortuné. Sa queue eft fi forte qu'elle peut renverfer le plus fort taureau, & lc tuer. Un animal auffi carnacier, qui vit des quarante a cinquante ans, & qui chaque année pond une centaine d'ceufs , fe multiplierok bientót affez pour détruire 1'efpece humaine,  Du regne animal 373 fi tous ces ceufs venoient a bien. Mais heureufement les peuples de ces pays-la en font une recherche foigneufe pour les détruire; d'un autre cóté il a pour ennemi un quadrupede, 1'ichneumon, qui eft trés friand de ces ceufs, & qui fait bien les trouver; enfin lescrocodiles fe détruifent eux-mêmes les uns les autres. On a prétcndu que 1'ichneumon, faifillant 1'inftant oü le crocodile dort la gueule ouverte, lui entroit dans le corps, lui mangeoit le foie & le poumon, & enfuite fe faifoit une iffue a travers fon ventre: mais il s'eft trouvé que c'étoit une fable. Si cet ichneumon étoit un reptile, nous en parlerions tout de fuite; mais il viendra a fa place. Les Grenoüilles. Savez-vous la chaufon fur l'air koa, koa, koa, avec le refrain ouhe, ouhe, ouhe? Et le mulicien qui la chante? Lesj. A. Et le couplet koa, koa, ker, ké, ké, que vous oubliez? Le b. A. Je penfois bien que vous la faviez toute entiere; vous devez depuis long-temps avoir fait la coimoiiïance des grenoüilles & de leurs cornperes les crapauds, qui fe font fi bien entendre le foir dans tous les coins oü ilya peu ou beaucoup d'eau. Les grenoüilles qui chantent plus clair fur a & fur é, font les grenoüilles aquatiques vertes des étangs qui ont une raie jaune fur le dos. Celles qui ne font que coafiér, font brunatres, & fe tiennent dans les mares & les ruilfeaux. Quant aux grenoüilles terreflres, elles fe tiennent fur les arbres & les buiflbns, Q 7  374 Du regne animal. Lesj. A. Comme les oifeaux.' & que foflfelles donc la , ou nous n'en avons jamais vu? fruits" qU niai,Seilt Ics feuilles ou les Le b. A. L'on voit prefque tous les jours des chofes que 1 on n'avoit jamais vues. Les grenoüilles Font fur les arbres comme fur 1'eau, la chaflc aux mouches & autres petits ïnfectes qui le promenent fur les étangs, fur les arbres , & fur les arbrifleaux. Cependant c'eft leau qui eft leur patwej elles y fortent des• mas, & d'autres infeétés: après la pluie elles fortent en foule des buiffons , & c'eft de la. qu'eft véntte 1'opinion ridicule du peuplc, ^de croire qu'il pleuvoit des grenoüilles. On n'eft pas dans 1'üfagê de les manger. Les grenoüilles. aquatiques fortent peu de 1'cau & fe tiennent principalement dans- les étangs, les viviers, les mnres, &c. Elles ont le dos verd ftr'ié de jaune, & le ventre blanc: elles font plus groffes que les grenoüilles depré , & fe nóumffeht auffi de petits infeétés. On eu mange les cuilfes. Lesjrg. 4 — 11 de la XÏD Tab., repréfentent une grenouille aquatique avec fa métamorphofe. Les grenoüilles d'arbres ou rafnes a'traent ft fe tcnir furies arbres fous les feuilles; elles ont Ia peau unie, large par devant, efflauquée par derrière, des yeux noirs &brillans, le dos d'un verd d'hcrbe, & le ventre blanc. Elles font fort agitées dans 1'eau, & coaffent quand il veut pleuvoir: ainfi l'on peut en faire un barometre, en les tenant fur fa fcnêtrc dans uu vafe de verre plein d'eau, oü on leur donne des mouches amanger; on faurad'avancetous les changemens de temps. Cette grenouille fe prend aifément, tandis que les autres qui ont meilleurc vue & 1'oreille plus fine, fe jettent dans l'eau pour Ie bruit le plus léger. On ne mange pas non plus les raines.  378 Du regne animal, Les Crapauds. Ce n'eft pas un animal de figure bien agréa« ble. Le crapaud a la tête petite (*), le corps large & épais, & les pieds lourds ; il eft luimême parefteux , & fe tralne toujours fur Ie ventre: ces animaux s'accouplent dans 1'eau comme les grenoüilles, & reftent plufieurs jours dans 1'accouplement. II y a dans le monde plufieurs efpèces de crapauds; chez nous on trouve fur-tout le crapaud commun & le crapaud igné. . Le crapaud commun (Tab. XII, fig. ï2.Jfe tient dans les vieux batimens, dans les lieux luimides & obfcurs , auftï en trouve-t-on quelquefois dans les caves; ils ont le corps large, le ventre gros, la peau raboteufe, de couleur verte, brune, tachée de jaune & de noir; ils ont cinq doigts liés par une membrane aux pattes de derrière, celles de devant fort courtes & feulement a quatre doigts; ils ont la démarche pefante; ils mangent des mouches, des limas, toutes fortes de vers, de même que des herbes , de la falade, & lenr cri eft ouo , ouo , de forte que quand ils font un concert a plufieurs voix, on diroit des chiens qui hurlent. Pendant le jour ils fe tiennent dans leurs coins obfcurs; ce n'eft que de nuit qu'ils vont a la ■chaffe des mouches & des limaces: quand ils font épouvantés ils font jaillir une liqueur, qui quoique non venimeufe, eft cependant nuilible, & fur-tout d'une odeur infupportable, qui fe (*) Bomare dit qu'il a la tcte un peu grcffe; rien ds plus facile a lavoir.  Du regne anïmaL difïïpe a peine au bout de quelques femaines. Le crapaud igné tire fon nom des taches d'un rouge de feu qu'il a au ventre: il elt beaucoup plus petit que 1'efpece précédente , & c'eit après la plihe que l'on en voit le plus; leur eri eft ounk, ounk. On ne mange aucune partie de ces animaux. 11 fe trouve a Surinam un crapaud du nom de pipal ou pipal (Tab. XII, fig. 3) , qui aune palme de long, la peau d'un brun nomttre furie dos, & d'un jaune gris fous le ventre, du refte, femblable aux autres crapauds. II porte les petits fur fon dos , jufqu'a ce qu'ils foient en état de fe tirer d'affaire : la femelle a coutume de fe vautrer dans fon frai, de facon que les ceufs s'attachent a fon dos plein de ridesj enfuite elle les porte jufqu'a ce qu'ils foient éclos, & que les jeunes crapauds aient despieds; ce qui demande un intervalle de douze femaines ordinairement. Les crapauds vivent douze a quïnze ans, quelques-uns vont jufqu'a cinquante & au dela. On a trouvé des crapauds vivans enfermés dans le milieu d'une pierre. Quelquefois les grenoüilles & les crapauds fe multiplient au point de dévorer toutes les plantes & dc devenir un fléau comme les rats. Les Tortues. Ce reptile infiniment utile, terminera notre clallè des amphibies : il tient de la figure du lézard & de la grenouille , mais il elt d'une ftruéture trés particuliere, en ce que fon corps eft cnfermé dans une efpèce d'étui de trés forte écaille, qui en fait partie, & dont elle ne peut  J io Du regne anmnl. fojre fortir que la tête, Ia queue & les pmss. Oa trouve des tortucs dans beaucoup de navs dVi de ^^qua., & de 1'Amérique. tfnfó-ffi58 elles font quatre- ¥ fab'e' fans s embarralte? de ce de c ut d^dr0nt; CeS -S» f0ntde dc ceux des cues ou environ, dans les nu» des efpèces, & comme dfiS * «_ h fentll3 S ÏK;tIte-3'„ Au bout de fix Gaines la kmelle revie.it a 1'endroit oü elle avoit mis la met ou elle leur apprend a chercher leur vie „ a moins que ce nefoit une tortue terreftre, mii gfij[? aYf É¥ &en prend foin de même 5' aquatiques.CS t0rtUeS ten'eftreS & Ies tonues fo,dom.f itUeSpaqi!afTes fs &nnent prefque g'S da"s 1'eau; elles ont les pieds en pat* rem l ,? " qUr! Ies,en>Pfichede courir & les dr «li»1 ^ei' fo,Vei»e™nt. Elles mangent dc petits poiffons , des écrevifJes, des vers , & ü autres petits animaux aquatiques. Les tortues de terre ont les doigts féparés & ibres; elles vont peu a Peau, g mangent de 1 herbe, des plantes. «MWffi Les tortues eu général croiffent lentement; dans 1 efpace de douze ans les petites croiflent \f nne- nn d'°i?t' & les £rofïl's d'«" travers dc mam; aufli vivent-elles quatre-vingt a quatre-vingt-djx ans , pendant lefquéls elles ne cellent jamais de croltre. Elles ont la vie tri 9 uure;, avec Ia tête coupée & Ie ventre ouven è elles peuvent encore refter en vie quelques  Du regne animal. 38,1 jmirs, fouvent même deux ou trois femaines ; cues peuvent .aufli vivre une année emiere lans manger. II y a des tortues de la largeur de la main, 6c d'autres de la grofleur d'un bceuf, &dupoids de deux , trois, fix, huit cents livres, dont 1'écaille eft large comme la porte d'une chambre. Les j. A.^Et ces groffes-lanefont-elles point de mal? Le b. A. Des tortues, faire du mal! c'eft bien 1'animal ie plus patfible & le moins malfaifant; & l'on en tire beaucoup d'utilité. On en mange la chair qui eft verte & grafie, & a le goüt de chair dc poulet; elle eft fort du goüt des marins dans leurs voyages. Leurs écailles fervent a faire .une infinité d'uttenfiles trés jolis : autrefois les inriiens fe fervoientdes plus grandes en guife de boucliers, ou pour les canots, ou pour les toits, Les j. A. Mais , comment eft-ce que l'on prend donc ces groifes bêtes ? Le b. A. Latortue eft encore 1'animal leplus aifé a prendre: il n'y a qu'a épier lc moment oü elle fort de la mer fur le foir , s'approchcr par derrière une perche a la main, & la renverfer avec fur le dos; elle eft prife. Mais fi l'on s'approche par-devant, elle vous jette au vifage uue quantité de fable; & fi elle peut même tenir fon homme, elle vous 1'écrafe. Celle que l'on appelle midas ou génnt, êcque vous voyez Tab. XI, fig. 8, eft laplus groffe de toutes ; fon écaille ett de la grandeur d'une porte de chambre, & fon poids de fept a huit cents livres: avec dix hommes furie dos, elle peut mai cher comme fi elle n'avoit rien, & le  S!a Hu regne animal. char le plus pefant peut palier fur elle farw récrafer ni même la faire plier. ,pC . Jii"1^ ^ométrique elf une des plus petites elle n'a que la largeur de la mail, &-l'é«age trèsjohe tachetée de noir & de iaune Enfin refpece nommée tortue fquSè a 1 écaille la plus belle & la meilleure; & fon nom vient de ce que fes écailles, &7une pa me de diametre, fontpofées les u es fur ks autres comme celles des poiflbns. Les tortues terreflres, qui font plus netites que les autres, & auxqu'elles ilparoit qu11 S réunir les tortues appelées d'eau douce S qu elles ne peuvent vivre toujours dans'l'eau ï TbZ^S en Frauce au£our dc MaS Fin de la première Partie.      vit (63 Cinquiemt clajfe, des galli- nacées, , 91-104 (7) Sixieme clajfe , des oifeaux a ramage, I04-131 7) Des animaux vivipares, I3J'44Ö (1) De* animaux vivipares en gé- néral, 13W47 (2) Première clajfe, de ceux qui volent, vu des chauve fouris, 147-152 (3) Secotóe cia/71r, des fouris qui ne volent pas, èf de tous les autres animaux rongeurs, 152-207 (4) Troifieme clajfe , des bét es féroces , voraces ou carnaffieres% . 207-267 (5) Quatrieme clajfe , des ani¬ maux folipedes ou qui ont le fabot entier, 267-281 (6) Cinquieme clajfe, de ceux qui ont le fabot fendu ,autrement dits Ufulques, ou pieds fourchus, • 281-334 (7) Sixieme claffe,de ceux qui,au lieu de poils, ont le corps couvert de piquans , ou d'écailles, ou de cuirajfes, 334"34° (8) Septieme clajfe, des animaux de forme monjtrueufe qui ont la peau prej'que dégarnie de poils, ou d'autre chofe, 340-363 (9) Huitieme clajfe, de ceux qui ont les pieds palmés ou en pattes d'oie, 363-383 (10) Neuvieme clajfe, des baleines ou cétacées, 383-402  Vfll CiO Dixieme clajfe, des tamanoirs & des ais ou parefjeux £? de tous les bradypes, d02 AO+ 02) Onzieme clajfe, des finges ou quadrumanes, 40^-427 03) Douzieme■ clajfe,des hommes, 427-449 Du Regne minéral, 3 Jfc aVt 1) Des terres, llntvi 4, Des pierres, 3) Des fels, 4) Om tö^x, Jfc O Des demi-metaux, 469-471 6) Z)w metaux, *L"T 7J[ft .^m, g£g Exphcation des figures, 476-480 iaW*»- 481-491 PRE FACE  P R É F A C E. I l n'efl que trop ordinaire dans le monde de ne regarder 1'étude de 1'hiftoire naturelle que comme une étude de fimple curiofité en général, & comme une partie de furérogation dans l'éducation des enfans; tandis que 1'étude feche de quelque langue morte , qui au fond ne peut être que d'une utiüté éventuelle , ou 1'étude trop relevée de quelque ouvrage de littérature ancienne & moderne, que 1'on ne peut ni ne doit même réuffir de mettre a la portée de eet age tendre, font mifes conftamment au premier rang des objets auxquels on 1'applique. Bien plus, parmi les études de fimple agrément qu'on leur permet ordinairement, il eft. rare que l'hi3toire de Ia nature obtienne même une place fubalterne. Cette erreur, que nous ofons appelier funefte, eft non-feulement enracinée & invétérée dans les établilTemens publics d'éducation , mais il eft même peu d'inftituteurs particuliers, defquels cependant en devroit attendre ou plus de lumieres,  « P R E F A C E. ou plus de facilité de fuivre celles qu'ils ont acquifes , qui en foient exempts: xx P R É F A C £, plus éloignés de nous, ce feroit contredire la fimplicité de ia nature même, contrarier la marche qu'elle nous indique, & retomber dansje défaut que nous avons eu pour but d'éviter dés le commencement; defir même auquel ce livre entier doit fon exiftence, Nous penfons donc que comme toutes les fciences font pour ainfi dire entées dans le fait fur 1'hiftoire naturelle, il feroit utile , néceffaire même, & furtout aifé de les faire naitre de cette grande fjuche, & de les enter derechef fur elle dans 1'efprit des enfans. Alors en effet la première qui fera dans ce cas, eft fans contredit la géographie , comme 1'une des grandes branches qui fe détachent du tronc , & qui ont enfuite leurs ramifications particulieres. En paffant des produélions indigenes aux produêlions exotiques, on fent affez combien il eft aifé de faire naitre aux enfans le defir de favoir Ia géographie , première difpoGtion toujours néceffaire & toujours li imprudem"ment, fi barbarement, fi impardonnablement négligée. Enfuite il en coüte peu de travail pour les y conduire infenfiblement, furtout-fi 1'on ne va pas s'imaginer qu'ij  2 IntroiuStion. Le bon Ami. Nous en effayeroHS, ii vous le voulez; mais vous verrez que nous aurons affez a faire pour couriv après nos chapeaux fans pouvoir nous occuper d'autre chofe. Dès demain fi le vent tombe, ou qu'il ne fuive point de pluie D'ailleurs pour le moment, j'ai quelque chofe a faire dont je Uns moi-même impatient: je me fauve vite dans ma chambre Les j, A. Ah non, non, ou bien nous iroiis avec vous; n'eft-ce pas? Le b. A. C'eft - a - dire que me voila encore prifonnier, & que j'ai la une troupe de petits géoliers; n'eft-ce pas? Les j. A. Gage que c'eft pour lire ces deux livres que vous avez fous le bras ? car nous favons bien que vous lifez toujours. Le b. A. Voyez les petits fripons, qui devi- nent tous mes fecrets \ II eft vrai; c'eft un livre qui eft fort joli, a ce que 1'on m'adit; je meurs d'envie d'en voir le commencement & le milieu & la fin. D'ailleurs, comme le relieur vient de me 1'apporter dans ce moment, il faut que je voie tout de fuite s'il a bien placé les eftampes, & s'il ne m'a rien gdté dans mon livre en le reliant. Les j. A. Ah ! des eftampes , des eftampes ! ... • oh, bon Ami! nous les verrons enfemble, n'eft-ce pas? vous nous avez touiours promis de nous en faire voir. Le b. A. Eh bien, foit! Et puifque cela eft ainfi, nous n'avons pas befoin d'aller plus loin; nous n'avons qu'a nous approcher de cette table; voyons ce que c'eft que tout cela. Lesj. A. Donnez-nous en un pendant que jfous verrez 1'autre.  IntroduStion. S Le b. A. Eh comme cela nous ne verrions donc pas enfemble les eftampes ? Les j. A. Oui, oui, il faut les voir enfemble ; vous aous direz ce que c'eft. Le b. A. Qouvrant le livre.') Ah ,je voistout de fuïte que vous connoiflez cela tout auffi bien, & peut-être mieux, que moi; voila des oifeaux , des poiflbns , des lièvres , des finges, des chats, des poiriers, des pommiers, des grofeillers, quefais-je? En voila de toutes les fa?ons. Les ƒ. A. Ah ciel! combien en voila! comme ceux-la font faits ! comme ils ont des cornes, des oreilles, desmufeaux! Et ce grand tronc qui eft comme un gros rofcau, & qui a de grandes, grandes feuilles fi larges tout en ha ut, eft-ce auffi un arbre? .... Le voila auffi grand qu'un poirier ou un cerifier! Le b. A. II doit y en avoir plufieurs qui ont a-peu-prés une figure comme cela : il n'y a qu'a voir le numéro, nous faurons au jufte de quoi il s'agit. Les j. A. Mais je n'en ai jamais vu de cette facon : oü eft-ce donc que ces arbres-la fe trouvent? Le b. A. On les trouve dans un pays qui eft bien loin d'ici, & oü il fait bien plus chauJque dans le nótre. Les j. A. Comment? méme dans Fété, o* 1'on a fi chaud que 1'on eft quelquefois prèi d'étouffer? Le b. A. La chaleur n'y eft peut-être pas beaucoup plus ardente que dans nos gros jours d'été ; mais c'eft que la 1'aifon chaude y eft beaucoup plus longue que chez nous, & c'eft juftement ce qu'il faut poui fake croitrc des A %  ^ Introduftion. erpèces d'arbres, qui ont des fruits excellens. Les i, A. Ainfi il n'en vient donc point dans notre pays? ... , n ,. Le b. A. Non, mon petit Ami: eelt bien dommage en vérité; j'aime beaucoup les fruits de tous ces arbres-la- Les j. A. Ah, bon Ami! eft ce que vous avez été dans ce pays fi loin , fi loin , & fi chaud? Le b'. A. Non pas, mon petit Ami; mais i'ai cependant mangé de ces fruits la, car on en apporte dans notre pays & dans d'autres auffi. Les j. A. Eft-ce que nous pouvons en mant eer auffi ? . . Le b, A. Voyez un peu le petit fnand! gage qu'il feroit capable de faire le voyage de ce paysla tout expres pour fe régaler de ces fruits? ' Les j. A. Mais vous dites qu'ils font fi bons a matiger! & puifque 1'on en apporte dans notre pays, nous p'avons pas befoin d'aller les cher» cher nous-mêmes fi loin. Le b. A- Voila ce qm s'appelle raifonner! Eh bien puifque cela eft ainfi, je vous donne ma parole que nous mangerons desaujourd hut des fruits de 1'arbre précifémenr que vous avez rep^arqué.^ ^ ^ ^ ; ce}a cfi>;i bien für? .... Et comment efVce que cela s'appelle donc? Eft-ce que j'en fais auffi le nom ? Le b. A. Nous verrons, nous verrons: mais il faut'que vous ayez la patience d'attendre; car 'ce n'eft pas moi qui le prépare. 'Les i A Ainfi cela eft donc bien vrai, tout ce qu'il y a dans ce. livre? Ce ne font point des monfongesj comme dans ce livre defablesdont vous nous avez détrompés ? ... Le b. A. Vous voyez, bien que je n'ai pas  Introduëtioti. $ lu moi-même le livre ; ainfi je n'ai pas encore pu voir fi tout y eft bien vrai. Ma1S en le lifant nous tacherons de nous enaüurer, ahn de ne pas nous laiffer tromper. Les i A. Nous iirons donc tout le livre avec vous, bon Ami, & 1'autre auffi, n'eft-ce pas? Le i A. Ce fera bien volontiers, mes petits Amis,'& j'v aurai bien du plaifir; mais vous vovez que cela me prendra bien plus de temps que fi je le lilöis tout feul; ainfi il ftudra favotr fi 'aurai toujours le temps. Ce fera felon...... Les j. A. Oh oui, bon Ami, vous aurez bien le temps, fi vous voulez tout de bon. Le b. A. De forte que s'il fe trouve quelquefois que réellement je ne puiffe abfolument pas trouver le temps de m'amufer avec mes petits Amis autant que je le defirerois de bon cceur, voila un petit malin qui dira tout de fuite que i'ai mauvaife volonté? Les}, A. Oh abfolument,abfolument, il n'y a rien a dire quand cela ne fe pourra pas abfolument. Le b. A. Allons, je vois bien que mes petits Amis nemeferontpointdegrace. Eh bien donc, puifque cela eft ainfi, nous allons voir tout de fuite le commencement; je penfe que vous ferez contens de moi? hem? Les j. A. Ah oui, bon Ami ! voyons , voyons, comment efi-ce que cela commence? 'Leb.A. Tenez, voyez vous-même. Les i. A. {lifant) abrégé d'histoue naturelle Ce font donc des hijloires, n'eft-ce pas, bon Ami? Le b. A. Et qui plus eft, naturelles, ou pour parler plus jufte , ce font des parties de 1'hiftoire naturelle , que 1'on a raccourcies A 3  {J • Introduiïion. pour qu'on ks retienne plus aifément daas la mémoire. Les j. A. Mais nous avons déja eu des livres d'hiftoire , fur lefquels il n'y avoit pas comme cela: Hijloire Naturelle. Le b. A. Apparemment que ce n'en étoit pas Jion plus. Vous fouvenez-vous par hafard encore du titre de ces livres d'hiftoire que vous avez déja eus? Les j. A. Oh fürement! II y en avoit un qui s'appeloit VHijloire des Rois de France. Le b. A. Et de quoi eft- ce qu'il étoit park dans certe hiftoirc? Les j. A. II étoit parlé des rois de France & de tout ce qu'ils ont fait, de leurs guerres, de leurs mariages Leb. A. N'y étoit-il pas auffi queftiondes peuples de France,& de différens perfonnages? Les j. A. Oh oui vraiment! par exemple, de plufieurs ducs, comtes, barons, & encore de bien d'autres chofes. Le b. A. Ah voila juftement ce que c'eft! vous avez raifon ; c'eft 1'hiftoire de tous ces grands meffiettrs-la, & de la nation francoife. Ce n'étoit pas 1'hiftoire des animaux, des arbres, des métaux,des renards. des caftors,des cerfs, des aigles, des perdrix, &c.; voila la difFérence. Les j. A. Mais eft-ce que les perdrix & ks renards ont auffi des rois & des ducs , que 1'on a fait auffi leur hiftoire? Le b. A. Apparemment que 1'hiftoire des rois & des grands feigueurs, c'eft 1'hiftoire des rois & des grandsfeigneurs; comme 1'hiftoire des chats & des fouris eft 1'hiftoire des fouris & des chats Les ƒ. A. Mais ils fe font auffi la guerre, n'eft-ce pas, bon Ami?  Introdu&ivn. 9 Mais j'ai lu hier dans mon livre d'hiftoire que la ville de .... avoit été batte par ...? Leb-A. C'eft-a dire, par les ordres de ce roi qui a employé a eet effet les ouvriers néceffaires. • Et les canaux que nous trou- VS que quefois, ou ces grands canaux dont l eft parlé dans 1'hiftoire des pays, qui eft-ce qufles a creufés? Ces belles routes, qui les Lel i A. Ce font auffi des ouvriers. Te l A Et les beaux vaiffeaux dont nous voyons-la' 1'image dans cette eftampe , avec iefqueïs on voyage fur mer , qui eft-ce qui les a conftruits? ^„„r;«r qui ne parloient point d'autre langue, & enfuite par des gens qui aimoient mieux parler cett» langue-la que la langue de leur pays. Les j. A. Et pourquoi donc cela? B  ojS Introdftion. Le b. A. Ils croyoient que c'étoit plus beau ; mais a préfent on ne trouve pas cela. On s'eft appercu que c'étoit une grande folie que de n'ofer rien apprendre de ce qu'il y a dans le monde, avant que d'avoir étudié long - temps une vieille langue, belle a la vérité, mais que 1 on «e parle plus. Auffi a -1 - on écrit toutes fortes de livres francois, pour apprendre tout ce que 1'on veut fans cette incommodité, & 1 on n apprend plus le latin avant que de favoir quelque autre chofe que ce foit au monde. Mais , voyez - vous, mes bons Amis, comment a lorce de caufer, nous n'avons pu lire qu'un feul mot de notre livre, & voila qu'il eft trop tard apréfent pour continuer; de facon qu il noustaudra remettre tout ie refte a une autre fois. Capendant j'avois compté m'arnufer fi bien ce inatin avec cette le&ure! — Allons, allons, ce qui efi: différé n'eft pas perdu.  Bes trois regnei de la nature. DES TROIS REGNES DE LA NATURE On voit dans la nature, c'eft-a-dire, fur h terre, trois efpèces différentes de créatures. i°. II y en a qui ont de la vie, du fentiment & du mouvement, comme les chevaux , les chiens, les poulets, les carpes ; car quand ou les blefle avec quelque fer tranchant ou autrement, ils meurent & ne font plus aftifs, ne fe remuent plus, ne mangent plus, &c. *°. 11 y en a d'autres qui n'ont point de fentiment ni de mouvement, mais qui ont feulement la vie, de facon qu'on les voit croitre & grandir, & que quand on les bleffe auffi, elles ne croiffent plus, ne grandifTent plus, ne pioduifent plus rien , mais devjennent feches & même pourries; par exemple, les fleurs, les grofeilliers , les chênes , les choux, Jes légunies, &c. 3°. Enfin il y en a d'autres, qui non-feule« ttient n'ont point Ia vie, ni le fentiment, ni 1c mouvement , comme les animaux dont nous avons parlé en premier lieu, mais pas même la vie ou la végétation, telle que celle des plantes nommées ci-defTus : ce font les pierres , les terres, les métaux, &c. Ces fortes de créatures n ont qu une forte d'accroiffiment extérieur, du moms la plupart, par lequelelles fe formeut *ians la terre, de même que de certaines autre* manières. B %  2j Des trois rtgnes Ces trois ibrtes de chofes ou de créatures, ainfi diftinguées , Formerit les trois ^vrfionsod clalfes que 1'on appelle les trois regnes ^name. Le premier eft le regne animal, oulon met tout ce qui a vie , fentiment & mouvement , c'eft-a-dire, tous les animaux, tant ceux qui font fur la terre que ceux qui font dans 1 eau, ou même dans la terre: comme le rat &K16phant, le moinean &l'oie, le vermiffeau & le muillon , la grenouille & la baleine, &c. P Le fecond eft le regne végétal, dans lequel on met tout ce qui a feulement vie, fans moti, vement ni fentiment , c'eft-a-dire, tous les végétaux ou toutes les plantes , »nW™ nue petites, foit de même celles qui font lur fa. terre , foit celles qui font (ous la terre foit celles qui font fous les eaux : comme e poirier & le pommier 1'épi de bed &Ma canne a fucre , la laitue & 1 herbe des ChL7troifième eft le regne minéral,dans lequel on raffemble tout ce qtun'a ni vie ,m fentiment, ni mouvement, mais feulement une certaine manière d'être formé & de le grofltr; & cela c'eft la terre même & les pierres avec toutes les chofes de la même nature qaitont cachets dans lts différentes efpèces de terres &:dcpie res comme le plomb & 1'étain, le fer & le ctu- V%IÏJS 50* th bon Ami! c'eft tout eomme' nous avons dit hier ; voila tout ce que nous voulions ranger dans nos grandes armoires & dans les tiroirs! *\f bon Ami. Ainfi vous n'avez plus JU* annorter vos grandes armoires, ou vos gios SEST SKfi! voulons-nous nous iervir de.  de lü nature. **y ce livre & la place des cahiers ? car je vois qu'on y a mis enfemble les trois regnes, 1'un après 1'autre. Les j. A. C'eft vrai! c'eft comme ft 1'on avoit coufu les trois cahiers enfemble, n'eft-ce pas ? Le b. A. Juftement, ou comme fi 1'on mettoit les trois grandes armoires a cóté 1'une de 1'autre dans la même chambre. Mais voyons quel cahier 1'on a mis le premier. — Les j. A. C'eft le regne végétal. Le b. A. Ah, j'en fuis bien aife! car a tout moment, quand nous nous promenous dans les jardins ou dans les prés, dans les champs,dans les bois, fur les collines, nous trouvons fous nos pieds & autour de nous une infinité d'herbes, de plantes, de fleurs, d'arbrifleaux, d'arbres. 11 me femble toujours que je les euteuds dire: homme! me connois-tu? fais-tu qui m'a fait? fais-tu comment je m'appelle? fais-tu k quoi je puis te fervir ? — Les j. A. Mon Dieu! je voudroisbien favoir comment s'appellent toutes ces jolies petites fleurs qui viennent dans les prés ! Le b. A. Oui, nous cueillons une fleur, & nous ne favons pas feulement comment elle a iiom! ou bien nous mangeons, en nous promenant, quelque fruit, quelque joli bouquet de graines, fans favoir ce que c'eft! Lesj. A. Mais, bon Ami, eft-ce que tous ces petits grains rougesou noirs, que 1'on trouve comme cela dans les bois ou fur les buiffons , eft-ce que tout cela eft bon a manger? Le b. A. Mon Dieu non , mes cbers AmisI gardez-vous bien de manger de ces chofes-la ayant que de favoir ce que c'eft, quoique vous  de la nature. 3* kous faurons bientót ce que c'eft, fl c'eft quelque chofe qui foit bon pour la médecine tant des hommes que des bêtes, ou feulement pour manger , ou bien pour la teinture , ou bien pour les animaux, ou bien pour autre chofe. Les j. A. Mais pourquoi eft-ce que 1'on ne fait pas venir tout cela dans les jardins; dites, bon Ami? cela feroit bien commode, n'eft-ce Le b. A. II faudroit donc avoir un jardin auiïï grand que tout le pays: cependant_ il y a d es gens qui ont de grands, grands jardins, oü ils font venir prefque de toutes fortes de chofes. Les /'. A. Mais eft-ce que fi je faifois un petit jardin , je ne pourrois pas avoir beaucoup de chofes dedans? Le b. A. Comment! eft-ce que vous voulez être un petit jardinier? Les j. A. j'ai déja planté des pois & femé des laitues plus d'une fois, & j'ai auffi arrofê fouvent les plantes , & puis encore j'ai aufli farclé & ratelé — Le b. A. Et point bêché? Les j. A. J'aurois bien auffi bêché fi la bèche n'étoit pas fi pefante. Mais je veuxprier papa de me faire faire une petite bêche & un petit rateau , & puis je ferai un petit jardin pour moi tout feul. Le b. A. Oui, mais oü trouverez-vous de la terre pour faire votre jardin? Les j. A. Je demanderai au jardinier qu il me cède un coin que je fa is bien. Leb. A. Mais s'il ne veut pas? Lesj. A. Je parkrai a papa. Leb. A. Mais votre cher papa voudra-t-il que vous paffiez votre temps a jardiner? B 4  32 DiS trois -regr.es Les j. A. Oh ! mais je ne travaillèrai ii moï jardin que dans mes heures de récréation. Le b. A. Ah , c'eft une autre affaire! Eh bien, fi vous pouvez arranger cela avec votre papa , je trlcherai de vous aider a y mettre des chofes que vous auriez de la peine atrouver autrement. Les j. A. Ah, bon Ami! & moi auffi! & moi auliï! — Le b. A. Mes Amis, je le veux bien; vous n'avez qu'a parler a vos parens , & obtenir d'eux qu'ils vous accordent eet amufemeut. Les j. A. Ecoutez, bon Ami, je voudrois bien avoir un müiïer pour faire venir des vers a foie, comme j'en ai vu chez notre voiün. Le b. A. Et qu'eft-ce que vous ferez de ces vers a foie? Les j. A. II me feront des cocons, & je ferai filer la foie, & puis j'en ferai faire des gants ou autre chofe, que je donnerai a mes amis. Le b. A. Allons, il faudra donc faire enforte de vous trouver un mürier & des vers a foie. Les j. A. Et quand eft-ce que nous les aurons? . Le b. A. Eh! vous n'avez pas encore de jardins pour les müriers qui doivent nourrir les vers, ni de chambres pour loger les vers & les faire travailler! Les j. A. Oh,nous aurons bientót tout cela ! Leb. A. Eh bien,j'aurai foindurefte. Mais vous ne fongez pas aux vers, aux chenilles, aux efcargots, aux limacons, aux hannetons, & autres ii.fectes, qui viendront vifiter vos jardins , & vous aider a en confommer les plantes avant qu'el'es foient en état de maturité ? Les i. A. Oh, nous aurons foin de les chafJ fer,  de la nature. 35 fer. ou bien nous les enfcrmerons pour les examiner ; nous les verrons jeter leurs oeufs , nous les verrons travaiüer. Le b. A. Ah, je vois bien que nous allons devenir tout de bon des naturaliftes, des botaniftes. Les j. A. Cela veut-il dire que nous faurons 1'hiftoire naturelle ? Le b. A* Oui, un naturalifte eft celui qüï ie fait une étude principale de cette fcience: mais botanifte, c'eft autre chofe; c'eft celui qui étudie principalement la botanique, comme nou* allons faire. Les j. A. Nous étudierons la botanique? Le b. A. Oui, mes Amis, la botanique c'eft la connoiiïance des plantes ou du regne végétal de la nature. Les j. A. Oh , je voudrois déja être un botanifte ! Le b. A. Eh bien, nous pouvons cornmen» eer tout de fuite; prenons notre livre, & voyons d'abord ce que c'eft qu'une plante, avec tout ce qui la forme ou la-compofe, c'eft-a-dire, toutes fes parties. Les j. A. Oh, je lefais déja bien, moi! ce font des fleurs, des choux, des cerifiers, des grofeilliers n'eft-ce pas? Le b, A. De facon qu'un chou c'eft une plante, & un cerifier c'eft aufli une plante, & un oeillet c'eft encore une plante ? Les j. A. Mais n'eft-ce pas comme cela s bon Ami? Le b. A. Mais un chou & un cerifier, eft-ce la même chofe? ou bien le grofeillier & 1'arti* chautf Les UA. Mais vous nous avez dit, bon Ami»  34 Des trois regnes de la nature. que tout cela c'étoient des plantes, paree que les plantes ne peuvent pas fe remuer, & qu'elles font mortes quand on les a coupées, quoiqu'elles ne feutent pas quand on les coupe! Le b. A. De forte que quand nous voyons une chofe qui eft attachée a la terre & qui poufl'e & vit fans avoir du fentiment, nous appellerons cela une plante en général, fans expliquer fi c'eft un arbre, ou un arbriffeau, ou une lierbe ? Les j. A. Mais n'étoit-ce pas eomme cela dans le livre ? Leb. A* En cecas-lè., voyons notre livre,  Du rsgne végétal ou dss puzntts* 33 DU REGNE VÉGÉTAL OU DES PLANTES, O n donne le norn de plante ou de fubftatiCt végétale, k toute chofe ou a toute créature ter«> reltre qui elt privée de fentiment & de moijve-* ment, mais qui croït de la terre a laqtïelle elle refte attachée jufqu'a ce qu'on 1'en lépare, de facon que par cette féparation, elle perd la vie & la faculté de s'accroitre. Ce font, par coiv> féquent, les arbres, les arbriffeaux, les herbes 3 ks mouffes &les champignons. II y a des plantes qui ne vivent que pendant quelques heures, d'autres pendant une demi" année; d'autres enfin, qui non-feulement paflent 1'année, mais qui durent même des cinq , dix, trente, foixante, quatre-vingts ans: le 'chêne peut refter fur pied pendant quatre ou cinq cents ans (*). Toutes les plantes ont des racines qui entrent dans la terre, d'oü elles pompent les fucs qui font croitre & monter !a plante au-d'ehorss de facon qu'elle produife des ieuilks, des fleurs & des fruits. Cependant il y a des plantes qui nagent dans 1'eau avec leurs racines, telles qnjp (*) Le» p!<|nt,es fk/ut les rron-c: , tiges , ou lacinej pafiéut i'i.iver , & repouflent a,u pfinienjp' , rom nummées vivsces , & foutts celies'qui meurctit ou fe ('eHèchent eatre deux hivers , i1a facon que peu. en «v^ir l'inpée d'après , il fsut e:i (emtr de nou^ ▼eau !a graine , on les iiomme annue'ftes, ou grai» •es d'été. B 6  36 Du regne végétal la nymphée & la lentille d'eau ; & 1'on peut mém elever toiues les plantes bubeufe>, en mettant les oi^nons dans 1'eau, comme les jacintlus, les tulipes, &c. Chaque plante eft couverte d'une peau fpongitufe que 1'on nomme écorce, fous laqtïelle fe trouve li b is ou la partie ligneufe,c'eft-a-dire, bnifcufe ; & enfuite tout-a fait au centre du bois , cVft Ja moële. Or , c'eft cette peau föi li: iuüe , ou écorce , qui fait la partie la plus' ell'entielle a la vie d'une plante , dn moius pour la plus grande partie : car, lorfqu'un arbre ou un aibriffeau , ou une plante de tclle autre efpèce que 1'on voudra, a été dépouillée de fon écorce, il faut qu'elle fe deffèche & périffe. Le feuillage n'eft pas auffi abl'olument néceffaire a la vie d'une plante ; cependant fi on 1'enlève tout a la fois, la plante en fouffrira d'une manière trèsfenlible. Toute plante produit des fleurs, ou du moins a une floraifon, a liquelle fuccèdent les fruits ou femer.ces; ainfi les fleurs ne font point un fimple ornement; mais ce font les parties de Ia géncration végétale, par lefqnelles les plantes pro Htifent les"graines de différentes efpèces, & enfuite par le moyen de ces graines, on obtient de nouvelles plantes femblables aux premières. Plufieürs de' ces fleurs donnent une odeur agréable, mais toutes doivent être remplacées par quelque chofe qui foit comme un fruit ou une femence. 11 y a quelques-unes de ces femences qui font revêtues d'une chairoupulpeépaiffe qui eft bonne a manger; par exemple celles du pommier, du poirier, duprunier, du coignaffier, &c.  «tó des plantes. 37 ■ Les jeunes Amis. Ah, voila qui eft bien fiugulier!j'avois cru,moi,que les iieursn'étoientque pour fentir bon , ou pour faire plaifir a la vue: les couleurs lont fi cljarmantes; ah mon Dieu! au printemps, c'eft uu plaifir que de voir les arbres fleuris. Le bon Ami. Point du tout, mes chers Amis: le Créateur apris plaifir a orner de mille agrémens tout ce qui fert a la multiplication de fes créatures , mais il ne faut pas pienUre eet ornement pour 1'dfentiel. C'eft de la que fortent les femences que 1'on appelle fruits. Les j. A. Et auili tous les fruits ne font donc que desfemences, pour ravoir d'autres plantes!; moi , j'avois cru que les fruits n'étoient que pour manger. Le b. A. De même, c'eft encore un arrangement admirable du Créateur, d'avoir donné ;\ beaucoup de fruits ou de femences, une enveloppe qui puiffe nous fournir en même-temps uu aliment délicieux & faiu , ou même d'avoir rendu plufieurs de ces femences bonnes a manger elles-mêmes; telles que font les amandes, les légumes, les bleds, &c. Mais il ne faut pas s'y tromper, ni oublier que les fruits font des femences ou que les femences forment les fruits. Lesj. A. Le froment eft-il auffi un fruit — & les pois auffi, bon Ami? Le b. A. 11 eft vrai que 1'on n'a coutume de donner le nom de fruit qu'aux femences des arbres fruitiers; mais les naturaliftes parient d'une manière plus exacte. Les j. A. Et les glands font-ils auffi des fruits ? Le b. A. AiTurément, & cependant 1'onn'appelle point pour 1'ordinaire le chêne un arbre B 7  38 regne végétal fmiüer, de même que plufieurs autres arbres qui donnent des fruits que les hommes nepeu•vent pns manger, Voila pourquoi il ne faut pas toujours s'en rapporter a la mauière ordinaire dont on entend parler de ces cnofes-la. Les j. A. Mat.s eft-ce que 1'on ne mangeque des fruits ou des femences ? L.e b. A. Vous mangez tous les joufs des pommes de terre, des raves, des carottes tant routes que jaunes; ce font la des racines,: voua buvez du thé, il eft fait avec des feuilles; vous mangez de la falattej des choux, ce font des feuilles encore & des cóies. ■ Lei j. A. Et les bêtes mangent auffi les tto* gnous des choux & de la faladc, n'eft-ce pas? Le b. A. Et qu'eft-ce que c'eft que cela, les trognöns? Les j. A. Mais n'eft-ce pas cela qui lort de terre, ou bien le tronc , n'elt-ce pas que c'eft. mieux dit? L.e b. A. .11 eft vrai; mais on ne fe fert pas de ce mot pour toutes les plantes; on ne donne des troncs qu'aux arhres feulement. Les ;'. A. Et pour les épis de bied, 1'on dit le tuyau, n'cft-ce pas? Le b. A. Pour le bied & les autres gram es & épis, 1'on dit tuyau; 1'on dit auffi chalumeau, cela eft vrai; mais pour toutes les plantes qui ne font ni des arbres, ni des arbriffeaux, le mot de tige eft généralament employé pour cette partie qui fort de terre ou des racines immédiatement, & qui porte des rameaux ou ramifications , au bout defquelles on voit les fleurs & enfuite les graines, óutre les feuilles, quoique dans plufieurs, les feuilles croiflent tout RU pied.  'oü des plantes. *9 Les j. A. Et ces gros potirons qu'on trouve dans les bois, font-ce auffi des plantes? Le b. A. Oui, fans doute, tous les champï-» gnons font des efpèces de plantes qui n'ont ni feuilles, ni fleurs apparentes,& qui ont en une feule pièce tout ce que les ijstres ont en plufieurs. 11 y a même une efpèce de fungus qui ne fort point de terre,& qui n'eft qu'une malle arrondie oü 1'on ne voit ni tigcs ni racines; c'eft la trute. Les f. A. Ah, c'eft cette vilaine cliofe noire ■que papa aime tant dans les ragouts; pour moi, je n en ai jamais pu manger. Le b. A. Ce n'eft pas non plus une fort bonne chofe. L es j. A. Mais comment eft-ce qu'on les feme donc? ou bien eft-ce qu'on les plante? Le b. A. Ni 1'un , ni 1'autre ; cela vient tout feul dans la terre, ou comme 1'on dit, fpontanément; c'eft une produétion fpontanée. Les j. A. Spontanée! c'eft quand cela vient tout feul, de foi-même ? Eft-ce que 1'on ne feme donc pas tout ce qui vient? Le b. A. Tout ce qui eft dans les jardins a été femé ou planté; enfuite prefque tout ce qui eft dans la campagne, excepté 1'herbe fimple, que 1'on n'a pas befoin de femer, de même que certaines ronces «Sc broufiailles. Les j. A. Et a-t-on auffi planté les bois qui font fi grands, fi grands ? Le b. A. La plupart n'ont point été plantés & font fpontanés; mais il y en a beaucoup qui ne font pas vernis d'eux-mêmes. Entr'autres il y a un pays a quelques centaines de lieues «J'ici, oü 1'on trouve une grande forêt toute de  49 Du regne végétal •cbênes, qui u été plantóe pat' une armée de 20000 foldats. Les ;'. /3. Et comment donc cela? . Le b. A. Ils avoient étó faits prifomüers, & le vainqueur les fit atteler comme des chevaux pour labourer le terrein de tout un pays; après quoi il leur commanda d'y iemer des glands, & il en eft venu une fuperbe forêt, comme il y en a trés peu. Les j. A. Comment s'appelle ce pays-la? Le b. A. C'eft la Tranlylvanie, qui appar» tient 4 rEmpcreur, & qui eft voifine de la Tur» quie, ou du pays des Turcs. Les j. A. Et pourquoi donc eft-ce que 1'on n'y a mis que du chêne ? Leb. A. C'eft apparemment paree que le bois de eet arbre eft 1'un des plus durs, des plus fulides, des plus durables, & par conféquent 1'un des meilleurs bois pour bdtir &pour faire toute forte de gros ouvrages. Les j. A. Mais le noyer, n'eft-il pas plus dut & plus beau? Le b. A. Oui, mais il eft bien plus rare , & d'ailleurs il eft plus caflant, par conféquent moins folide que le chêne. Les j. A. Et ces cbênes, ont-ils été bien longtem ps ii venir ? Leb. A. Le chêne refte long-temps h croitre, paree qu'il dure trés long-temps, c'eft-a-dire i des quatre a cinq cents ans, comme je vousl'ai déja dit. Mais il y a des arbres qui viennent de .graines en afl'ez peu de temps; il y a en a auffi qui viennent en plantant feulement un rameau en terre, c'eft-a-dire, de bouture, comme le faule. Enfuite les autres plantes ne demandent pas autant de temps pour croitre, teilement  ou des plantes. 4,1 qu'il y cn a qui croiflent en une feule nuit, • comme certains champignons. Les j. A. Mais comment s'appetlent donc ces Cortes de feuilles vertes qui viennent fur les branches de poinmier, & qui ne font pas faites comme les autres feuilles , mais qui ont aufli — Le b. A. Qui ont auffi des tiges & des têtes, n'eft-ce pas ? Vous en avez pu voir aufli de la même efpèce fur le chêne & fur d'autres arbres? — c'eft probablement du gui, & il y a plufieurs autres plantes de cette nature, qui croiflent fur les arbres & fe nourriiïent des fttcs qu'ils dérobent a ces mêmes arbres; c'eft pourquoi on les appelle parafites , du même nom que 1'on donne a ces gens qui s'efforcent d'entrer dans la fociété des gens riches en les flattant, afin d'avoir féance a leur table. Les j. A. En eft-ce auffi, que notre jardinier a ajouté au bout d'une branche, qu'il a enfuite frottce de botte, & enveloppée d'un chiffon? Le b. A. Eft-ce que vous lui avez demandé ce qu'il faifoit? Les j. A. Oui, mais j'ai bien bien vu qu'il fe moquoit de moi. Le b. A. Cela s'appelle greffer ou enter un arbre fur un autre, & cette opération fe fait de différentes manières que nous remarquerons dans 1'occafion. On s'eft même amufé fouvent a faire produire fur un même- arbre plufieurs efpèces de fruits, comme des poires, despommes, & des coings a la fois; despöches, des abricots, des prunes , & autres femblables: n'avez - vous jamais vu cela? . Les j. A. Oh, oui! Le b. A. Mais fi nous allions nouspromener  42 Du regne végétal. ' dans le jardin, nous verrions tout cela a notre aife , & nous nous amuferions davantage. Lesj. A. Allons, allons 1 mais nous prenons le livre avec nous, n'eft-ce pas? Le b. A. Oui, fans doute: nous pourrons examiner fi les figures reflemblent aux plantes qui fe trouveront a la fois dans le livre & dans Ie jardin. Les j. A. Voila déja le parterre ! je voudrois bien favoir le nom de toutes ces fleurs. Le b. A. Vous voyez ici 1'hépatique avec 1'oreille d'ours, la primerole, le violier jaune & le bleu, 1'ceillet frangé & celui des chartreux, la jacinthe étoilée & lajacinthe en grappe,qui, comme toutes les plantes de ce nom, crolt fpontanément dans la Perfe; la tubéreufe , le narcifie, le fafran: elles exhalent toutes une odeur agréable, & ce font les premiers dons que nous fait le printemps. Lesj. A. Pourquoi donc eft-ce que toutes les autres fleurs ne s'épanouiffent pas Stuffi ï préfent ? Le b. A. C'eft un arrangement du Créateur, qui, pour que la terre füt décorée dans toutes les faifons, a formé les fleurs de facon , que les unes veulent être imbibées plus long-temps des files de la terre, plus long temps échautfécs, les autres moins, avant que d'être en état de s'ouvrir. 11 en réfulte une variété plus agréable, que fi toutes les fleurs étaloient a la fois leur parure & duroient enfemble toute 1'année. Les j. 4. Et qu'eft-ce qui viendra après celles-la? Leb. A. Quand celles-la font prefqtte paffées, on voit paroitre l'impériale,la tulipe, l'iris,la venoncuje , le ]zïmQ. C'eft prefque dans le  ou des plantes. 4* même temps encore que la rofe étale fa magnificence, aufli bien que le lys blanc, 1'ceillet , les violiers de plufieurs couleurs, la giroflée, la julienne. A celles-Ia fuccèdent le tournefol5 la paffe - rofe, 1'ceil-de-cbrift ou ader. Outre cela, on voit répandus pax tout le jardin, le romarin toujours verd, qui en Italië &en Efpagne croit fans culture, le réféda & plufieurs autres plantes ou fleurs. Les j. A. Et toutes ces fleurs fentent bon 5 n'eft-ce pas? Le b. A. Non pas , il s'en trouve dans ce nombre qui n'ont point d'odeur. Par exemple, voila 1'humblê violette qui fecacliemodeftement dans 1'herbe , mais qui récompenfe par 1'odeur la plus fuave la peine de celui qui la recherche; tandis qu'ici la tulipe levant fièrement fa tête& faifant parade de fes fuperbes couleurs, ne fait ïien dire a 1'odorat, & ne peut flatter que Ia vue. L'ceillet au contraire réunit la beauté des couleurs & 1'odeur la plus agréable; la julienne ne répand fes exhalail'ons fuaves que le foir. Les j. A. A propos , ne voulons-nous pas voir ii les eftampes font bien reffemblantes aux fleurs ? Le b. A. Certainement; vous n'avez qu'a comparer vous-mêmes la copie avec Poriginal. Les j. A. Voila bien en effet a peu prés conv me les tulipes font faites, & voila aufli les jacinthes; mais il n'y a point de couleurs ! Leb.A. Ah, fansdoute, celamanque, & c'eft une partie effcntielle , fur-tout dans les -fleurs. On pourroit bien avoir les eftampes colorées ou enlcminées, de facon qu'elles repréfentent toutes les plantes fort au naturel; mais cela coüte fort cher , & c'eft ce qui m'a.-  44 Du regne végétal. vok fait penfer d'abord a faire un herbier, plutót que d'avoir ces repréfentations de papier ou 1'on ne voit que du noir fur du blanc. Les j. A. Qu'eft-ce que c'eft donc que cela, un herbier? . L. b. A. C'eft une chofe fort commode & fort agréable, mais qui eft affez pénible & affez longue a faire, & cela m'en a dégoüté, paree qu'il faudroit être aidé par plufieurs perionnes. Un herbier donc, c'eft un livre de plantes, & réellement de plantes, bien a la lettre, de véritables plantes, telles qu'on les trouve fur la terre, & même des arbres. Les i A. Et comment donc eft-ce que 1 oit peut en faire un livre, fur-tout encore avec des arbres^ Leb. A. Ce n'eft pas que cela foit bien difficile, au contraire, mais c'eft une chofe embarraffante a faire quand on eft feul. Par exemple , pour ce qui eft des arbres, qui vous paroillent li difficiles a mettre dans un livre, il elt bien vrai qu'on ne les v met pas tout entiers, mais on prend un petit bout derameau verd , ou on laifle un peu de bois d'écorce, & après 1 avoir fait fécher a l'air, on étend tous ces petits rameaux ent re les feuilles de papier d un gros livre blanc arrangéi exprès, de facon que les feuilles & le tout foit bien étendu fur chaque page, & pour les applatir encore mieux, on met le livre a la preffe entre des planches que 1'on charge de groffes pierres ou d'autres poids. Enfuite, pour les autres plantes plus petites, cela n'eft pas fi difficile; on en prend ou une toute entière fi elle n'eft pas plus grande que le livre , ou une partie proportionnée avec les feuilles, les fleurs, fi 1'on veut, les fruits ou  su des plantes. 4f tfientielle odorante, que 1'on nomme huile de cédre ou efience de cédre. On fait auffi avec cette écorce une confiture que vous connoiffez tous, ii je ne me trompe. On fait une boiflbn forr faine & fort agréable, en mêlant le jus de citron avec de 1'eau & du fucre; c'eftce qu'on appelle de la limonade, & ce nom vient de ce qu'en Italië un citron eft appellé limon ^limonia). Le citronnier eft origi- naire de la Médine, qui étoit un royaume en Afie, aujourd'hui appartenant aux Turcs. VOranger. L'oranger eft auffi venu de 1'Afie, mais d'un autre royaume, favoir de la Chine, d'oü les Portugais en apporterent dans leur pays, de forte que 1'on a même confervé a Lisbonne le premier arbre de cette efpèce,d'oü font fon is tous nos orangi rs, «Si tous ceux qui font en Europe. lis reflémblent prefque entiér.ment aux citron» uiers. II y a des oranges douces & des oranges ameres ou plutót aigres : celles-ci font d'un jaunepale, & d'une écorce bigarrée, ont beaucoup de grains & une chair fort amere; les autres au contraire ont 1'écorce mince & unie , de couleur defafran, peu dechatr, mais fort fucrée. Les plus belles oranges connues «Sc les plus groffes font celles de la Chine,que Pon a aufli nommées pon mes de la Chine; mais c'eft le Portugal qui pro<(uit la plus grande quantité dö ces fruits. 11 y en a dans les lndes ui e efpèce du coüt le plus délicieux;elles font d'unrouse foncé, méme intérieurement, & leur jus eft d'une acidité fi atréable, qu'il n'y a point de C  5s Du regne végétal bon a manger? eft-ce que nous mangeons *2 tout cela? ,. . Le b. A. Bon! & il manque encore la le meilleur,ce que nous mangeons tous les jours, ou comme 1'on dit, la vie des faints: favezvous ce que c'eft? Les A. Oh oui, c'eft le pain. Le b. A. Et oü eft-ce donc que le pain vient ? . , .r Les j. A. Maman le fait faire a la mailon, avec de la farine. c , Le b. A. Et de quoi eft-ce que Ion lait Ia farine? . . Les i. A. Mais — la farine vient du mouhn. Le b. A. Et qu'eft-ce que c'eft qu un ™ LmV. A. C'eft la que 1'on moud le bied. Le b. A. Et oü vient le bied? Jes ?'. A. 11 vient dans les terres. Le b A. Nous irons donc le vifiter quand nous aurons le temps-, en attendant, connoisiz-vous tout ce qui eft la dans les planches? la laitue pommée, la chicorée, la raiponce qui fe trouve auffi dans les champs. Les j A. Ceci, n'eft-ce pas du cerfeuil, & ceci du perfil? Le b. A. Oui; & ceci? . Les i A. Li, ce qui eft au com de la mu« mille, & qui reflemble il du perfil ? Le b. A. Eh bien! eft-ce que ce n'en eft PiLes j. A. Mais peut-être que c'en eft! Le b A. Ecrafez une feuille de chacune de ces deux plantes, & portez la au nez Les j. A. Celle-ci put, & le perfil ne put pas.  ou des plantes. Le b. A. Examinez bien les feuilles & la tige de la cigue & du perfil, de même que 1'odeur & la figure, paree que 1'on a pris quelquefois 1'une pour 1'autre, & ce qui pro quo peut caufer la mort: car la cigue eft une herbe venéneufe , dont les médecins cependant favent tirer quelque chofe de bon. ^Les j. A. J'ai fouvent foufllé dans un tuyau de cigue , moi! Le b. A. Cela peut être, mais fürement vous n'avez pas goüté de fon jus, car vous vous en löuviendriez bien mieux encore , fi du moins vous n'en étiez pas tout-a-fait mort. Ainfi une autre fois foufflez dans un autre tuyau,. croyez-moi. Cependant on peut la manier fans crainte & fans danger. —— Et connoiffezvous la roquette? Lesj. A. Oui, en voila! Le b. A. Cela s'appelle auffi du creffon de jardin , pour le diftinguer du creffon de fontaine que vous connoiffez bien; tous les deuxfe mangent dans la falade; on mange même celui de fontaine en quantité; il eft fort falutaire ordinairement. Ici nous avons des forêts de pois ramés, & d'autres, puis de fèves & de haricots; après cela nous trouvons des aifs ou des aux, & des oignons , & des ciboules^. & des écbalottes; enfuite d'un autre cóté voila des carottes, des bettes-raves, des pattonades; la c'eft du céleri; ici des raves, des navets. Ailieurs nous trou-vons des choux de toute efpèce, chou blanc , chou rouge, chou pommé, chou frifé, choufleur, cnou-rave-. De ce cóté>-la nous avons fépinardj la poirée, le porreau, le thym, la C 6  <5o Du regne végétal lavende, le ferpolet, la fauge, la mélifie, ls menthe, la marjolaine; & puis les radis &c. Les j. A. Ainfi tout cela eft bon a manger i & en avons-nous aufli mangé? Le b. A. Je n'en doute pas, mais vous n y avez pas pris garde ; a préfent vous^ n'avez qu'a faire attention a chaque fois que 1'on fervira uu nouveau plat de légumes ou de jardinage , vous connoitrez bientót la dittérence. A propos , j'oubliois de vous dire que cette herbe-ci, qui eft la menthe des jardins, donne un bon thé, & fur-tout fort bon pour la fanté. Voyons par - ici; je vois du raifort , des concombres, des meions, des citrouilles, cc de ce cóté-la des ananas, des artichauts, des afperges, de la réglifle, &c. Du Raifort. Voila le raifort ordinaire ou rave das Pariflens , qui a la peau rouge, & que 1'on mange a déjeuné, ou avec le bouilli. Enfuite voila le vrai raifort fauvage, mais que 1'on plante aulli dans les iardins, comme vous voyez. On 1 appelle aufli moutarde des Capucins , ou moutarde des Allemands, paree que nos payfans & les Allemands de tous rangs le rapent pour Pemployer dans les fauces, ou a manger avec la viande en guife de moutarde. Pour multiplier cette racine , il n'y a qu'a en couper une rouelle tout uniment, & la planter en terre, elle produira bientót un raifort. Le Concombre. C'eft encore un fruit que 1'on ne mange pas  ou £es plantes. 6? dans fa maturité ; on le cueille encore jeune & verd, on le met confire dans le vinaigre, & cela s'appelle compote de cornichons. II y a cependant des gens qui le mangeut quand il eft gros, foit cuit, foit cru en falade, coupé par rouelles minces; mais il eft contraire ala fanté , «Sc ne peut être employé que comme régime dans certains cas. Au refte , même quand on le mange gros, il ne faut pas attendre qu'il foit devenu jaune, fee «Sc dur; alorsil n'eft bon que pour la graine. Le Melon. Cette plante, la précédente «Sc la fuivanteV font regardées comme ne faifant qu'une feule familie, malgré les différences prodigieufes de faveur & de bonté. Le melon, que nous élevons avec tant de foin fur des couches dans la plupart de nos provinces , croit fans foins en plein champ dans l&s pays chauds, en Italië, en Efpagne, en Hongrie «Sec, pourvu que Je terrein foit bon. C'eft un fruit délicieux a manger cru; mais il faut bien choifir le point de la maturité, «Sc ce choix n'eft pas fans diflieulté; pour peu que le melon foit coupé ou trop tót ou trop tard, il perd beaucoup de fa bonté. II y en a de beaucoup d'efpeces, furtout dans la Provence, oü 1'on connoit d'abord notre melon rouge, puis le melon blanc, puis le verd, & le melon d'hiver. II y en a de petits qui ne font guere plus gros qu'une orange, & de gros qui pefent douze livres cc au-dela. Ils different de même pour la forme & 1'écorce; les uns font ovales, les autres ronds, d'autres un peu applatis; il y en a d'anguleux , de C 7  6z. Da regne végétai fillonnés, de marbres ou bigarrés, de rayés,. ibit de verd, foit de blanc, &c. La Citrouille, & la Cour ge. On confond prefque ces denx fruits, quoique leurs figures aient des différences bien marquées. La citrouille devient fort grolfe, & il y en a qui pefent jufqu'a des cent livres, & qu'un homme ne fauroit embraffer. Sa chair blanche eft d'une faveur alfez agréable , a manger cuite de différentes facons, & fa graine eft une efpèce d'amande d'affez bon goüt. La courge devient beaucoup plus longue que groffe, & il y en a qui ont jufqu'a trois ou quatre pieds de long. On la nomrae auffi calebaffe; & il y en a de trois efpèces, qui toutes les trois font employées en vafes quand 1'ccorce eft devenue bien dure, la chair defféchée, ik les graines libres dans le cceur du fruit oü on les entend fonner. Vous connoiffez fans doute les gourdes des pélerins & des chaffeurs, des payfans & de'beaucoup de pauvres gens? c'cfl une efpèce de courge ou calebaffe. II y en a encore une autre qui a le ventre plus gros & reffemble & un broc; auffi s'en fert-on fouvent au même ufage, a mettre du vin ou autre liquide. L'Ananas. C'elr. un des fruits les plus délicieux que 1'on connoiffe, ayant a la fois le goüt du meilleur melon & de 1'abricot le plus parfait. II croit fur une tige de deux a trois pieds de haut, qui a le pied environné de feuilles; fon;  ou 'des piaittes. 6a écorce a la couleur du citron ou bien de 1'orange , & au refte il y cn a plufieurs efpèces; les plus gros font comme des pommes de pin dont ils ont auffi la forme. Cette plante précieufe croit fpontanément dans 1'Amérique méridionale , au Bréfil , au Pérou, a Surinam, dans quelques iles de ces parages , & dans quelques contrées de 1'Afrique & de 1'Afie. Mais chez nous, & dans le refte de 1'Europe , on ne peut 1'élever que fur couche & dans des ferres. JJArtkhaut. Vous connoiffez les artichauts ; ils reffemblent prefque a des pommes de pin, & la tête qui porte les fleurs, eft enveloppée dans des feuilles épaifles d'un verd de mer , quelquefois rougedtres, épaifles, pointues & dures, excepté a la partie inférieure qui eft charnue & bonne a manger, de même que la bafe a laquelle elles tiennent, que 1'on appelle cu d'artichaut. On 1'apprête , foit cuit avec une fauce, foit erft a la poivrade. Nous en avons de plufieurs efpèces. On mange auffi les cótes. de cette plante, après qu'on les a fait blanchir fur pied, eu les enveloppant de paille autour de la tige; c'eft alors ce que 1'on appelle des cardes. La Réglife. Nous n'employons que les racines de cette plante, & je n'ai pas befoin de vous apprendre a la connoitre: je gage que vous en avez quelque morceau dans vos pocbes. Au refte il  Du regne végétal y en a trois efpèces, mais il n'y eh a qu'une qui foit cultivée dans le royaurae , & encore feulement du cöt'é le plus chaud, c'eft a-dire, cn Languedoc; ou plutot il faut dire qu'elle y croit d'elle-même, de même qu'en Italië, en quelques parties d'AUemagne, & fur-tout eu Efpagne , d'oü vient la plupart de celui que nous vendent les apothicaires & les épiciers. Vous favez auffi ce que c'eft que le jus de régliffe, que 1'on vend en batons noirs enveloppés de feuilles de laurier ? c'eft le fuc de cette racine, épaiffi au feu. On en met quelquefois dans la biere. Les f. A. Ah mon Dieu, que cela fent boa de ce cóté-la! qu'eft-ce que c'eft donc qui fent fi bon? Le b. A. Bon ! nous allions oublier le meilleur, 1'anis (Tak. III. fig. r.)> la coriandre (fig- 3.), le fenouil (fig. 5.), 1'anet (fig. 22.), le cumin (fig. 26.) Tenez, prenez ces pents grains longs ; tout cela fe mange , tout cel» fent bon, & a bon go ut. Les j. A. Mais la coriandre ne fent pas bon! Le b. A. II eft vrai; cette femenee ne donne une odeur agréable qu'après avoir été ramafl'ée & deflechée. Jadis la plante entiere paflbit pour un poifon; mais on eft revenu de cette erreur. On fait des dragées de toutes ces petites graines, qui font fort bonnes. Les j. A. Ah bon Ami! voila la porte pour aller au bois; il n'y a pas bien loin; eft-ce que nous n'y irons pas? Le b. A. C'eft-a-dire , que vous allez me tenir en prifon toute la journée? Les j. A. Mais on n'eft pas en prifon dans le bots!  tu des plantes. 67 Le Thé. Ceft un arbrifleau qui fe cultive dans Ia Chine & dans le Japon, en affez grande quantité pour fournir de fes feuilles a tout le refte du monde: il s'en débite en Europe feulement au moins huit ou dix millions de livres pefanr. Ce n'eft que depuis le quinzieme fiecle que les Européens en ont eu connoiflance; & cent ans après, il étoit déja ft commun partout, fi fort en ufage, que depuis ce temps, les Chinois & les fapouois en tirent une quantité étonnante d'argent. Les Européens aborderent alors dans la province de Fokien , dans le royaume de la Chine, qui eft fttuée a gauche de 1'ile de Formofa; & comme dans cette province eet arbufte fe nomme thé, il en a confervé le nom parmi nous, tandis que chez les autres Chinois" & même a la cour, fon vrai nom eft teiia ou tia. D'ailleurs on y joint le nom du pays chinois d'oü 1'on a tiré chaque efpèce, pour les diftinguer , attendu qu'il y en a de meilleur 1'un que 1'autre. Cependant la bonté du thé dépend de la maniere & du temps oü 1'on a cueilli les feuilles, & de la facon dont on les fait rótir ou fécher. Cet arbriflèau (Tab. I. fig. 9.) atteiht ordl" nairement dans 1'efpace de fept ans, la hauteur d'un homme & la grofleur du bras; il a beaucoup de branches & de rameaux, & fes feuilles , qui reflemblent a celles du cerifier a fruits aigres , font toujours vertes. II fleuriten autoj, ne;& peu de temps après la floraifon, il paroit un petit fruit femblable a une noifette & d'un goüt amcr, que 1'on ne mange point, La feuille  68 Da regne végétal encore fralche n'a point d'odeur; mais quand on la maciie on lui trouve un goüt amer & lierbeux, qui donne prefque des naufées. Mais & lorce de les faire rotir fur une platine cliaude, elles perdent leur amertume & acquierent une petite odeur agre'able avec un goüt légérement aromatique. Ainfi dès qu'elles font cueillies, on les met fur une platine de fer poli & chaud, & pendant qu'elles font encore chattdes, on les roule avec la main fur des nattes, pour les conferver enfuite ou les expédier. On n'óte a 1'arbre aucune feuille avant la troifieme année; mais aufli a cette époque il donne fa récolte la plus abondante, & même la meilleure. On les cueille une it une avec le plus grand foin, & 1'on fait deux ou trois cueillettes dans Pannée. Dès la fin de février ou le commencement de mars, 1'on va tous les jours vifiter les arbrifleaux, & Toa emporte toutes les nouvelles feuilles a mefure qu'elles paroiffent: c'eft la le meilleur thé. Quant au thé impérial, qui eft le plus précieux de toutes les efpèces, ce ne font que les boutons a peine entr'ouverts qui paroiflènt au bout des bran* ches, & que 1'on réferve pour 1'empereur de la Chine, ou pour les plus grands feigneurs, de' même que pour 1'empereur du Japon. L'on dit qu'un favant d'Europe (*), fe trouvant a la cour de ce dernier prince, on lui fit fervir du thé impérial, & celui qui le fervoit lui obferva que chaque tafle coütoit un itzibo (piece ■',„1 — (*) C'étoit un Allemand, nommé le doöeur Kampfer, qui a dotitié la defcription de eet empire cn deux volumes , dans fa langue.  cu des plantes. c$ d'or quarrée), qui vaut autour d'un demi» louis. La feconde cueillette, qui pour plufieurs ei! la première, fe fait un mois après , c'eft-adire, a la fin de mars ou au commencement d'avril, Iorfque les feuilles font prefque v utes forties & bien déployées. La troilieme & derniere, qui eft la plus abondante, fe fait un mois plus tard encore, & pour lors les feuilles font en trés-grande quantité, & plus grandes aufli. A chaque fois on fait un triage " des plus petites & des plus tendres; & pour que le thé ait toute fa délicatefie, il faut que les feuilles, après avoir paflë fur la platine, foient confervées une anuée. Mais il perd beaucoup de fa qualité par la longueurdu tranfport, foit par mer, foit par terre; on ne pourroit même guere le boire fans fucre, tandis que les Chinois n'y en mettent jamais. Au refte nous pourrions nous paffer de thé, fi nous n'écoutions pas tant la mode & les difcours des marchands, qui ont intérêt de nous vendre cher une feuille inu ile qui vient de fort loin. Nous avons une foule de plantes aromatiques douces, qui nous fourniroient une boiffon tout aufli agréable, & certainement aufli falubre pour le moins; telles font la primevere, la violette, 1'iris, la fleur de tilleul, la menthe , la petite fauge, que les Hollandois vantent tant aux Indiens, aüxquels ils en vendent beaucoup, tirée de Proven ce ; les Chinois même* qui nous vendent la leur, font beaucoup de cas de la notre.  7© Du regne végétal Le Saule. Pour en revenir a notre faule que vous voyez }a, c'eft un arbre fort commun & fort utile, croiffant par tout fur le bord des rivieres, des lacs, des étangs, & dans les lieux humides & marécageux. II y en a de plufieurs efpèces, & fur-tout deux divifions générales: les caffans qui confervent le nom de faule, & les fouples ou plians qui prennent celui d'ofier; & dont quelques-uns, comme le grand ofier rouge des vignes , croiflent aufli dans les lieu* fecs & éleyés. Les fleurs de eet arbre, ou chatons, naiffent fort long-temps avant les feuilles , & font une des premières nourritures des abeilles. II y en a quelques efpèces qui fourniifent une forte de coton trés fin, que 1'on peut riler & employer a divers ufages, de même qu'a faire du papier. II y en a de verds, de jaunes, de rottges, de blancs; a feuille étroite, a feuille lar•re, k feuille verte, a feuille blanchatre. Pour faire venir un faule, il fuflit de planter une branche coupée dans la terre. Vous ayez fürement vu de ces vieux faules creux qui n'ont plus que 1'écorce, pour ainfi dire, cV qui repeuflènt toujours des feuilles? Les j. A. Oh bien fouvent! & même je fuis entré dans un oü. 1'on avoit fait du feu, car il y avoit de la cendre & du charbon. Le b. A. Te le crois bien; on a vu de ces troncs de faule creux affez larges pour y dreffer une table de plufieurs couverts. Les j. A. Mais qu'eft-ce qui les fait donc devenir creux? Le b. A. II eft affez clair que ce ne peut  tu des flantes. 74 être que 1'eau qui refte fur la tête du .tronc; car vous voyez que les faules- ont la tête du tronc fort large, de facon que cette eau pénétre peu a peu dans le bois, qui eft fort .tendre & fpongieux, & le fait pourrir i la longue; après quoi il ne refte plus que 1'écorce, & un peu de bois a moitié pourri pardedans. Lesj. A. Mais c'eft bien üngulier, que les feuilles repoulfent toujours, de même que les petites branches, tandis qu'il n'y a point de moëlle. N'eft ce pas vrai, que c'eft la moëlle qui fait pouffer les arbres? Le b. A. Avez-vous vu croltre des arbres fans écorce? Les j. A. Vous avez dit dans la chambre, que quand on ótoit 1'écorce d'un arbre tout-afait, il falloit qu'il mourüt. Le b. A. On a effayé cela plufieurs fois, & 1'arbre écorcé a toujours péri ou beaucoup fouffert. Mais vous avez vu des arbres pouffer fans moëlle, puifque voila le faule qui eft dans ce cas la. Les j. A. Mais ft 1'on ótoit auffi la moëlle des autres arbres , eft - Ce qu'ils poufferoient encore après? Le b. A. Comment voulez-vous que 1'on falie? il fuffit que la nature nous en offre un exemple trés-fréquent dans le faule, tandis ,que 1'on a lieu d'étre convaincu qu'aucun arbre ne peut fubfifter long-temps fans écorce. Mais que diriez vous, fi 1'ou plantoit la töte d'un arbre en terre, & que les racines fuffent en l'air, & fi vous veniez avoir les racines déterrées pouffer des feuilles, tandis que les branches mifes en terre, deviendroicnt des racines? Les j. A. Ah ciel! cela eft-il poiïible?  >»' des plantes,' 8r Comme les autres palmiers , il n'a point dc branches, mais dc trés grandes feuilles, longues de quatre pieds fur prés de deux en largeur, dont-les- fn'diens fe fervent pour faife des paniers,des cordes,pour couvrir les toits, & a d autres ufages. Le tronc eft raboteux, & couvert ou dtvifé par des noeuds quireiTemblens a des anneaux. L'écorce a deux doigts d'épaisieur, & tout 1'intérieur eft plein d'une moëlle molle & de bon goüt, que 1'on réduit en farine, en la délayant dans 1'eau, & dont on fait de trés bon pain, Quand on veut tranfporter cette farine dans nos pays , on la réduit en petits grains rouffis au feu, & c'eft ia ce que nous connoiffons fous le nom de fagott, donc on fait d excellentes foupes. Ainfi en multiphant eet arbre fingulier (Tab.. X,fig, 20), lesÖabitans de ces pays-la peuvent fe difpenfer de temer des grains. H ne leur faudroit plusque 1 arbre iuivant, quoique d'ailleurs on liredu lagoutier une liqueur fort agréable,. Le Santo, C'eft un arbre fort fingulier, puifqu'ii fournii de 1 eau douce, & d'autant plus utile dans les pays ou la Providence 1'a placé , que 1'eau douce y eft fort difficile a tröuver. Ainfi il ne s agiroit pour les peuples de ces contrées, que de le donner des foins pour la multiplication oe ces efpèces de fontaines végétales, pour qu ils ne foulh-iflënt pas de la fécherefle des délerts, oü ils font errans pour la plupart. Le ianto a la propriété unique d'être fans celle enveloppé d'un brouillard épajs, de facon que; teau décöulc perpétuellement dc fes feuilles, dj  8ft T>u regne végétal d'oü 1'on peut la recevoir dans des vafes, & 1'employer aux ufages de la vie. Les Pommes de tem. Vous ne favez pas que cette racine que nous nommons tartouftles , & dans que^s provinces, crompires (par exemple a Chalons fur Saóne) , eft venue de 1'Aménque : ceux qui fa?ent que ces dei»: mots- a fout deux mots allemands un peu défigurés (*), en font encore plus étonnés; car d'après cela, il temoleroit que les Allemands 1'auroient apportée ciiez Us, tandis que Pon fait que la culture en fut d'abord effayée en Angleterre, d ou elle palfa fur le Continent; de forte que lAlleraasme ne 1'a probablement recue qu après nous. Quoique la pomme de terre ne ioit pas d'un grand goüt; fa chair farineufe prend tousceux que 1'on v'eut, & c'eft un a iment fein qui eft d'une grande relfource , foit pour les hommes, foit pour le bétail. On en trouve des quarW • cincluante ' & f^aLÏÏ feule plante. On les mange ou bouillies fimp e- ment? ouróties, ou apprétées de toutesfortes de facons. Ou en fait même du pain & de la poudr'e & cheveux. . . P C'eft un nommé Francois Drake, qui apjiorta cette plante en Europe 1 année 15S6 , f.j Tartouffie vient de ^m3^^%f/f^±P^ pommes de "«e^ou m>e^x ,e d {on dur, & que clans ?* riture pour les beftiaux. Le Safran. Pour cette plante-ci, qui eft la 24 fig. de Ia' III Tab., elle eft utile pour la couleur auffi, qui eft d'un beau jaune rougeatre, mais encore plus dans la médecine & mc-me pour Ia cuifine, du moins dans beaucoup de pays.Au refte, on ne la cultive ni pour fa tige, ni pour fes feuilles, ni pour fes racines, ni' »ême, a proprement parler, pour fa fleur,  tVfc Du regne végétal. mais feulement pour une par.ie de fa fleur; favoir de fes petits filets que vous voyez aü centre de la plupart des fleurs, & que 1'on appelle le piftil avec fes étamines. Cette fleur fe recueille en automne; mais la plante a cela de fingulier, que fes feuilles ne tombent qu'au printemps, & que les fleurs ne durent qu'un jour ou deux, de forte que comme elles ne paroiflent que les unes apres les autres, on a de 1'ouvrage tous les jours pour les recueillir Sa racine eft un oignon; elle prend dans toutes fortes de pays, pourvu que la terre foit convenablement préparée. Au refte, le fafran eft fort cher; la livre coüte une dixame d'écus' il a été beaucoup plus cher encore. 11 y' a une autre efpèce de fafran nommé fafran batard, & proprement cartame, dont la fleur cntiere donne un beau rouge. La graine eft un purgatif, que 1'on dit être violent; cependant les perroquets la mangent avec avidité, ce qui lui a fait donner le nom de graine de perroquet. La Moutarde. Cette plante eft fort commune dans la catiipagne & on la cultive aufli beaucoup pour fa graine, qui eft d'un grand ufage pour relever le goüt des alimens pour ceux quicroieut en avoir befoin ; car du refte, elle eft fort acre & cchaufle beaucoup. On la prépare, quand elle eft en poudre, avec du moüt, ou du vin & do lucre en place de moüt, alors elle n'eft pas trop forte & même eft agréable.  tu des plantes. 117 Le Prunelier. Nos buifïöns, nos haies, nos campagnes ofTrent par-tout cet arbriiiëau épineux , que 1'on nomme aufli prunier fauvage. Sa fleur s'emploie dans la pharmacie, & fes prunelles fe mangent quand elles font noires; ce qui n'arrive guere qtt'après les premières gelées: & alors on peut aulli en tirer par Ja fennentatiort une boiflbn vineufe qui eft falubre, & d'une grande reflburce pour les pauvres gens. Le Houblon. C'eft une plante rampante qui s'attache aux arbrifleaux voifins, & ome les buiflbns de belles guirlandes blanches mêlées de verdure; mais on la cultive pour Ia rendre plus belle, & on lui fournit de grands échalats pour s'élever. Ses fruits, qui ont l'air d'une fleur, font employés pour perfectionner la biere; & fi elle en devient plus amere , aufli eft-elle plus faine & préfervée de s'aigrir. Cette amertume d'ailleurs fe diflipe par la fuite , & la biere en a plus de force. On mange aufli les petits bouts ou les fommités du houblon, c'efta-dire, les jeunes poufles qui paroifïent au printemps. U Amandkr. Je parierois bien que voiei l'arbre (Tab. X9 fig. i.)auquel nous donnerons peut-être la préférence fur tous les autres; car c'eft celui qui fournit la rnatiere dont on fait les dragées, d$  jj8 Du regne végétal moins la plus grande partie, outre plufieurs autres bonnes chofes, comme le fyrop d'orseat, le nogat, ks pralines — & que fais-je encore ? — le lait d'amandes , les maflepaius, &c.; mais fur-tout aufli une huik fort fine & fort douce. D'ailleurs c'eft l'arbre qui au printemps nous réjouit le premier, paria décoration de fes fleurs. II eft vrai qu'il y a deux efpèces d'amandes; ks ameres font des traitreffes qui nous trompent bien fouvent quand nous croyons en manger une douce; quoiqu'il y ait des gens qui les aiment mieux ou du moins autant. Cependant gardez-vous bien d'en donner a vos linottes ou è vos ferins , car ks amandes ameres font un poifbn mortel pour les oifeaux & plufieurs autres animaux. Le bois d'amandier fert aufli a faire plufieurs petits ouvrages fort jolis , entr'autres celui de 1'amandier a fruit doux pour faire des éventails, &c. A propos! en parlant de fi bonnes chofes, fi nous «n tations un peu, qu'en dites-vous? Les j. A. Ah! vous cherchez dans votre poche; fürement vous avez des dragées? Le b. A. Oui; mais voyez, je ne fais plus fi vous en voudrez manger; voila que mes dragées fe font mêlées dans ma poche avec d'autres chofes qui ne fe mangent pas , & qui étoient dans un papier a part; le paquet s eft ouvert. , ■ , , .. Lesj. A. Oh ! cela nefait rien, cela ne fait rien! Mais qu'eft-ce que c'eft donc que tous ces petits grains? Le b. A. Ceux qui font jaunatres, font des grains d'encens, autrement dit olibans; ceux qui lont rouflatres, font des grains de myrrhe; j|s plus petits & les plus tranfparens font du  ou des plantes. imrtflric, & les plus noirdtres font de i'aloès, Enfuite voihi de la gomme, Tout cela, ce font des fucs qui découlent de certains arbres, qui ne croiflent que dans les pays chauds.. L'en;cens fert a parfumer, comme vous favez; la myrrhe auffi; mais ils font trés utiles aufli en médecine, fur-tout la derniere. Le maftic eft une efpèce de réfine trés précieufe, dont les Turcs font un grand ufage pour macher, & pour d'autres ufages; il donne a 1'haleine une odeur de baume, & rend la bouche trés faine. II fe tire d'un arbre appellé lentifque, que Pon cultive auffi dans la Provence & dans le Languedoc , & dont les feuilles font odorantes, comme celles du myrte. Pour 1'aloès, jl eft de la plus grande amertume, & vient d'une plante trés finguliere qui croit difficilemeut dans nos climats. Les feuilles font fort épaüTes, longues, étroites, charnues , armées de piquans, h les fleurs font faites en lys. Ce que vous voyez, c'eft le fuc de la plante exprimé & féché; il eft fort utile en médecine. La gomme eft un fuc gluant, jaunrltre ou blanchittrc, & tranfparent, qui fort de 1'écorce de plufieurs arbres: nous en voyons fur nos ceriliers, fur nos abricotiers , & fur beaucoup d'autres. Elle n'a ui odeur, ni faveur, excepté les efpèces qui tiennent un peu de la réfine; car ii y en beaucoup d'efpeces. Elle fert a une Infinité de chofes. JLe Noyer. ; Sans aller chercher bien loin, voici un arbre font les feuilles feutent bon auffi, outre que 1%  ï£9 Du regne végétal fruit en eft trés bon , foit verd, foit fee, comme vous favez. On en tire une trés bonne huile , qui tient le premier rang apres celle d'olives. Le brou verdatre qui enferme la coquille, fert beaucoup aux teintuners; le bois eft le meilleur & le plus beau que nos menuifiers puiffent employer. Cet arbre eft ongmaire de la Perfe, mais il eft extrémement commun dans toute 1'Europe. Enfuite voila des poiriers & des pommters de toute efpèce, des cornouilliers, des cenfiers a fruit doux & a fruit aigre, des pêchers, des abricotiers, des coignaffiers, des nélliers. Le nommier eft fur-tout remarquable ici, en ce que 1'on tire de fon fruit, dans certaines proVinces, un vin trés agréable & tres falubre, dont les Anglois nous achettent une grande quantité , & qui s'appelle du cidre. On fait ïuffi du poiré avec les poires; mais il ne vaut pas le cidre. On fait d'excellentes confitures ^AuiSê, ces arbres font prefque tous origiïraires des pays étrangers, je veux dire, üts cavs chauds. Par exemple, la pêche a eté tSnfplantée de la Perfe en Europe 1'abncqt eft venu de la Grece, la cerile de 1'Afie mi- fleS' ? QA. Mais pourquoi donc eft-ce que t0£ cefa ne mürit'pas tout a la fois? cel. feroit bien plus joli & bien commode; neft- CelTb. A. Oui da! Mais qu'eft-ce qui nous fait croitre & mürir tout cela? Les j. A. C'eft le bon Dieu. Leb A. Ainfi vous penfez que fi nous avions ité a la place du tCréateur quand il a arrangé  oü des plantes: m itoutcel-a, nous aurions pu l'arranger beaucoup mieux; n'eft-ce pas? Lesj. />. Mais non;jene dis pas cela; feule» .rnent je voudrois trouver a la fois les cerifes, Jes pommes, les raifins', les noix, & tout le refte. Leb. A. C'eft-A-dire, que vous n'êtes pas content que le créateur vous donne une chofe aujourd'hui, une autre demain, une autre après demain, de facon que chaque jour eft .marqué par de nouveaux bienfaits de fa part ? —. Et comment kriez-vous pour manger tout a la fois, ou tout conferver ? —- vous voyez qu'en hiver, oü nous avons recu tout ce que 1'année peut produiiv, nous n'en pouvons conferver que quelques reltes fees, & peu de chofes frakhes. h. ft - ce que vous n'aimez pas & ■vous amufer tous les jours, & fur-tout quand vous trouvez chaque jour un amufemeut nouveau? Eh bien! voyez, le Tout-puiffant a eu la bonté de vous préparer prefque pour chaque jour un amufement nouveau, une occupation nouvelle, utile & agréable; chaque jour un fpectacle nouveau réjouit vos yeux: chaque jour un fruit nouveau regale votre palais; chaque jour une nouvelle récolte enrichit votre magaftn; & voila de quoi vous vous plaignez vous y trouvez a redire ? Allons, moii cher Ami, ne pkurez point, ou bien pkurons enfemble de reconnoiil"ance.& d'amour pour uu fi bon Pere. Je vais vous expliquer tout cela de mon mieux. Vous voyez bien que pendant tout 1'hiver nous fommes privés de toutes fortes de récréations naturelles; la terre trifte & dépouillée ne nous offre que des frimats impitoyabks, qui nous fercent de nous réfugier & de nous ferF  I£2 Du regne végéiai toer dans nos mailbus, oü nous ne refpirons qu'un air mal t'aiu , oü notre fang efl tous Us 'iöurs defleché par l'aérjon du feu , enfin ou ious foupirons en attendant le retour du print temps. Le printemps vient donc, & nous rciouit a la fois tous les fens de la maniere la plus douce; il nous oifre des lleurs, de la verdurê naiÜantc , des herbages nouveaux , quelques fruits même propres a nous rafralchir le fang. L'été qui fait mürir la plupart des fruits & des récoltes, nous tatigue & nous épuife par les ardeurs; mais en même temps il nous donne une foule de rafraichiffemens ; la fraife , la framboife, lacerife, lagrofetllc, &c. En_ at* tendaiit tout fe mürit, & rautomne nous livre les alimens i'o'ides dont nous avons befoin pendant 1'hiver. Nous conlümons pendant tout ce t'èmps-la,tout ce qui feroit incapable de fe con* ferver, & qui paroit ne nous être donné que pour les bsfoins du moment. Nous ferrons & confervons tout le refte pour notre provifion, Eft-ce que nous pouvons déftrer quelque chole /de plus paternel de la part de notré Pere commun ? Eft-ce que la raifon qu'il nous a donnés auroit pu trouver un meilleur ordre de chotes ? Le Prunier. C'eft un arbre extrêmement commnn , & dont ilva mie grande variété d'efpeces; fes fruits font tantót bruns , tantót verdatres , tantót iaunatreS, tantót blanchatres, fotr petits ou •gros, ronds ou longs & ovales. La plupart font d'un goüt excellent quand ils font Irais, & on les fait aufli fécher pour faire ce que 1 Ort appelle des pruneaux, dont -les plus recherches.  >eu des plantes. -£23 font les brignoles , qui ne font peis noires, & Teflemblent prefque a des figues feches, tirant leur nom d'une ville de Provence. 11 y a aufli une efpèce de prune qui porte fpécialement le nom de pruneau d'AUemagne , paree qu'on les fait prefque toutes fécher, quoiqu'elles ne foient pas mauvaifes autrement; mais elles mürifl'ent tard. On fait une eau de prunes, qui eft aufli forte que Peau de cerifeS. Les j. A. J'ai cherché par-tout des olives dans le verger, comme nous en avons mangé hier, & je n'en ai pas pu trouver. Ah! & moi aufli du ris; quand nous avons été dans les terres, vous ne nous en avez point montré. Le b. A. Cela ne dépendoit pas de moi , comme vous allez voir. VQlivkr. C'eft un arbre qui ne croit que dans les pays -chauds, comme nos provinces méridionales da Languedoc & de Provence, & fur-tout en Italië , dans le Levant & ailleurs: on regarde File de Chypre , dans la mer méditerranée , comme fa patrie. L'olivier (Tab. V, fig. 13.) reflemble un peu au faule, il a peu d'apparence, elt rarement d'une belle venue ; mais il lelie verd toute 1'année, & n'exige que trés peu de foins. L'olive , qui reflemble a une noifette, eft verte d'abord, & devient noire en niüriflant. Elle eft charnue, & fon fuc elt huileux; elle renferme un noyau fort dur qui ne fert a rien. La meilleurc huile, ou huile fine, doit être claire & limpide, avec un petit ceïl verdiltre, & un goüt & même une odeur de fruit: celle qui eft jaunütre eft déja rancie, ou faite F a  jï4 Du regne végétal d'olives pourries: celle tirée du fruit qui n'eft pas affez mür, n'a d'aurre défaut que beau? coup d'amertume; car 1'olive eft d'une acreté qui ernpêche de la fouilrir dans la bouche fans avoir été confite dans une leffive de cendres & de chaux vive , avec différente* pratiques. Cette huile eft la meilleure que 1'on puiflé em* ployer dans les alimens, & on la mange feule avec plaifir quand elle eft ligée. Elle fert a une infinké d'ufages. Le Ris. Pourle ris (Tab. X,fig. 21.), H croit d'une maniere fingulf re, c'eft-A-dire, dans 1'eau, & cependant il lui feut une trés grande chaleur pour mürfr. Quoique fon grain ait beaucoup de reffimblance avec le bied, il n'en eft pas de même de 1'épi, qui confifte en une efpèce de panicule, oü chaque grain fe trouve a part dans fa capfule de couleur jaunatre. 11 faut inonder le terrein oü il eft fcmé, autrement il r.e donneroit point de récolte. Sa tige eft non* eufe, & a quelque reffemblance avec celle du bied fan afin. On penfe que cette efpecc de grain eft originaire de 1'Ethiopië, d'oü il fut porté en Oriënt, on il eft devenu 1'un des alimens les plus journaliers, quoique 1'on n'en faffe ras du pain comme on le pourroit trés bien. Les Chinois & les Turcs en cultivent .& en confomment une quantité prodigieufe. Depuis que les Kuropéens ont cultivé 1'Amérique, le ris V a été fort répandu & y a extraordinairement bien réuffi. On en cultive auffi en Efpagne & en Italië; & celui que nous avons dans ce pays-ci, vient la plupart de la Sicile & 4e  inS B» règne vigêtah tête eft couronnée de rameaux & de feuilles-: trés grandes, au cent re defquelles viennent les cocos. Cet arbre a le privilége unique de fleurir tous les mois. On tire un vin: de cet arbre ,; fous le nom de vin de palmier; les feuillesfervent a faire des voiles, des couvertures detoits; les branches- feuillées fervent de paraibis ; le bois fert k faire des navires & toutes fortes de chofes. Enfin cet arbre peut fournir a tous les befoins d'un ménage, & fes fruit* font réellement prefque toute la nourriture d'une iufinité d'ïndiens. Les j. A. Eft-ce vrai, bon Ami, que le* bouchons de bouteilles viennent fur les arbres ? Le b. A. Apeu pres, moti petit Ami; c'eftJinlire, qu'on les fait avec 1'écorce d'un arbre: qui s'appelle auffi lidge. Le Liége-, Or Te liége eft une efpèce de chêne , puifque' fa feuille, fa figure, fon fruit, reffemblent k ceux. du chêne verd, a quelques dilférencesprés de grandeur ou de couleur; par exemple, quand fon écorce vieille fe fend, on voit par dedans la nouvelle écorce qui la pouffe , & qui' eft d'un rouge éclatant.. Cette vieille écorce s'enleve tous les fept ahuitans, & cela pendant un fiécle ou deux.. Elle elt fort épnilfe, mais auffi extrêmement légere, & peut fervir a foutenir les corps pefans fur 1'eau; auffi veuxje vous apprendre quelque chofe de fort agréable & de fort commode, que 1'on a imagihë de 'faire avec ie liége. C'eft un corfet, avec lequel on peut fe promencr dans 1'eau fans nager, & tsêrne avec un livre a la niain fil'on veut, quel=-  tn des plantes. qreprofonde que foit la riviere. Cela s'appelleun fcaphandre; avee ce eorfet on n'a pas peur' {fe fe noyer. Le Kim ou Quinquina: Èn parlaut d'dcorce, il ne faut pas oubliéi?' nn arbre dont 1'écorce eft encore plus précietife, puifqti'elle rend Ia fanté aux malades, & guérit la fiévre. C'eft le quinquina, écorce de Farbre nommé apparemment Kina, qui ne croit' qu'au Pérou dans 1'Amérique. 11 n'eft pas bien bant & a beaucoup de branches; celui qui eft' le plus eftiaié, doit i'-tre en peiits tuyatix d'écorce roulée, blaucluhivs au dehors & jaune* en-dedans. C'elt un reméde excellent, mais if y a des précautioiis a prendre quand on en fait uuige. . . 11 y a une racine qui' porte e-n latin le nom1 de cliina, & en fraucois de fquiire;' c'eft auiü nn bon reme.ie dans certains cas, comme pour' ks maladies de la peau, quand on 1'a mile ci poudre. Mais cetta racine n'elt pas une écorce & vient de Flnde, & non pas de rAmérique; on croit même d'après fon nom, China raiix' (racine de la Chine), qu'elle a été tiréc premiérement de k Chine. Les j. A. Mon Dieu! combien il' y a donc-' de fortcs d'arbres-! Le b. A Voukx-vous favoir combicü il y a de fórtes d'arbres ou d'autres plantes ? .il y eu a plus de quittze mille, & de ces quirtze mille efpeccs, chacunc eft multipliée par miüions &'• millions. S'il y a des fortes plus rares, elles font en petit nombre. Combien croyez- vöus-- TC-  «8 Du regne végétal. que nous en connoiffbns déja, de ces quihze milliers & plus ? Les j. A. Bien —— cem; n'eft-ce pas?' Le b. A. Ce!a peutétre; mais nous en apprendron3 bien d'autres, & peut-étie viendrons-nous a bout dc les connoitre prefque toutes avec le temps. Muis cela eft fort difficile, paree qu'il y en a uiie infinhé qui rie croiflent que dans des pays fort ék>igné»i comme par exemple, les bois de ttinture^ & les bois de couleur. L'ébene eft un -arbre dont le bois eft tout noir; il y a aufli de l'ébene verd, de Pér-ene jaune, de l'ébene rougjs. H y a le bois rouge , qui elf une efpèce de térébinthe fort grand de FAmériquc; il y a le bois de palixan* dre qui eft violet; il y a le bois tapiré qui eft jaune & brun marqueté- de noir, & qui fent trés bon. Vous connoiffez le bois de Su. Lucie qui vient dans laLorraïne, province du royaume, prés d'une ville de ce nom; il y auffi le bois rofe qui a 1'odeur de cette fleur; enfin il y a des bois de toute couleur, de meme que pour la teinture; tels font le bois de Campéche qui teint en noir & en violet, outre qu'il fent fort bon; & le bois de Bréfil qui teint en rouge-, & beaucoup d'autres que nous connoitrons mieux quand nous cn verrons. Mais il faut encore vous faire un peu mieux connoitre ces efpèces d'arbres qui n'ont point de branches , mais de trés larges feuilles au fommet. Le Lattier. Le palmier a dattes ou dattier fe cultive un peu  Du regne animal de poils, tantót revêtue de plumes, tantót cFècailles, &c. II y a une grande partie qui changent de peau tous les ans, comme les Meeles .& les reptiles ; la chenille en prend même deux ou trois dans un feul été. Ou bien d'autres ne changent que le revêtement de leur peau , comme les oies & autres oifeaux qui muent, c'eft-a-dire, qui perdent leurs plumes pour en reprendre de nouvclles; comme aulu les lievres, les loups, les ours, qui perdent leurs poils tous les ans, & qui reprennent avant 1'hiver une nouvelle fourrurc. On pourroit même dire que tous les animaux & nous-mêmes, nous changeons tous les .ans : car il eft clair que nous renouvelons chaque jour en partie notre corps, par la nouvelle nourriture que nous prenons pour remplacer les pertes journalieres que fait notre corps; de forte qu'au bout d'un certain temps il doit nécelfairement être entiérement renou-> velé, & qu'au bout d'une année peut-être, nous ne portons plus le même corps que nous avions 1'année précédente. Comment trouvezvous cela ? vous ne faviez pas que le petit Emile, que voila, n'eft pas le même que celui de 1'année paffée? Les j. A. Et oü eft donc allé notre corps de 1'année paffée ? Le b. A. N'eft-il pas vrai que fi un homme ne mangeoit rien pendant long-temps, il deviendroit horriblement maigre; c'eft-a-dire, que fon corps ne feroit plus ü gros qu'il auroit été auparavant. Ainfi vous voyez donc clairement que notre corps diminue quand nous ne mangeons point; mais que quand nous mangeons , c'eft pour rejnplacer promptement ei  Du regne animal. 14.3 Journellement ce que nous perdons, de peur de devenir maigres auffi. Ce font donc autant de changemers journaliers dans notre corps; & après un cirtain temps, tout notre corps fe trouve changé, de facon que nous n'avons plu? le même. Les j. A. Mais c'eft pourtaut toujours nous j n'eft-ce pas, bon Ami? Le b. A. Si quelqu'un a donné 1'annde paffée un foufflet fur une jotie qui étoit a vous & que vous n'avez plus, n'eft-il pas vrai que vous ne voudrez plus de mal a ce quelqu'un? car ce n'eft plus vous que cet affront regarde aujour» d'hui. Les j. A. Mais pourtant je m'en fouviens toujours. Le b. A. Et fi quelqu'un vous a fait du bien, vous vous en fouvenez peut-être encore mieux; n'eft-ce pas? Les j. A. Oh l oui, fürement. Le b. A. Je le fais bien ; mais comment cela fe fait-il donc, puifque vous n'avez plus le même corps que vous aviez , & que tout eft changé? Lesj. A. Mais auffi cela eft-il bien vrai, que tout elt changé? Le b. A. L'on ne peut pas affurer que tout, tout exactement foit changé, jufqu'aux os ou parties dures & folides de notre corps: mais eft-ce que ce font nos os qui ont de la mémoire, pour fe reflbuvcnir du bien 011 du mal que l'on nous fait? Les j. A. Mais , c'eft notre tête qui a de Ia mémoirc; n'eft-ce pas? Leb.A. Dans notre tête ilya des os, du fang, dc la chair ■ & d'autres chofes a peu prés feta*  fg$ Du regne animal. animaux dont la vie s'arrête a tous les degrés. II y a même certains infectes du genre des mouches , qui ne vivent qu'une nuit & ne voient jamais le foleil; d'autres qui ne vivent qu'une heure ou deux. Les j. A. Et les animaux qui vivent fi longtemps , fi long - temps , comment s'appellent-ils? Le b. A. Cent ans & plus? ce font les bale nes, fur tout parmi les poiffons; mais il y a auffi des oifeaux qui atteignent cet age : par exemple, on a vu a Vienne en Autriche, un aigle vivre cent cinq ans. Mais tout cela nc vaut pas , a mon avis, le miracle que nous allons voir. Lesj. A. Et quoi donc, bon ami? Le b. A. Nous allons faire de petites bêtes avec nos canifs & nos cifeaux; car je vous ai promis une chaffe aux polypes , & nous partirons quand vous voudrez. Les j. A. Allons , allons , nous fommes tout prêts! mais comment, eft-ce que nous verrons donc un miracle? Le b. A. Non pas Uri feul, mais une centaine. Nous couperons un polype en deux, en trois , en quatre; chaque morceau prendra des pieds, une tête & une queue, & nous pourrons le recouper pour en avoir d'autres. Un ver qui rampe & qui peut 8 peine fe remuer, s'enferme dans une coque,& en fort pour voler fur les fleurs & fur les arbres. Vous verrez! vous verrez! Les j. A. Allons, allons! Les  Du fegne anxmaL 15; Les Vers. Ce font des animaux qui ont le fang froid & blanc, fans ofiemens & fans pieds,& mêmG dépourvus des antennes que l'on voit aux infectes, mais pourvus cependant en grandes'parties de filamens qu'ils jettent autour d'eux; vivant d'herbe, de vafe, de petits infectes. Les uns font des ceufs, les autres des petits, & meurent tous fans changer d'état & de forme. II elt vrai que les vers de terre, lombrics, achées &c., font revêtus de poils en forme de brolfe, ou d'efpeces d'éminens en crochetsj mais ce ne font point des pieds comme en ont les mouches, les hannetons, les moucherons, &c. C'eft ici la claffe d'animaux la plus nombreufe de toutes, avec celle des infec~t.es, paree que la nature femble avoir voulu multiplier les créatures en raifon de leur petite'ffe. Les noms feuls des efpèces que l'on connoit, forment une longue litanie, fans parler de celles qui nous font échappées jufqu'a ce jour. Nous allons en voir quelques-unes. Les Vers de terre. Leur corps paroit compofé d'anneaux qui fe rapprochent & s'éloignent fucceffivement. Lorfqu'il vient a pleuvoir pendant la nuit ou même pendant le jour, ou bien que le terrein devient humide , on les voit fortir de terre en tout ou en partie, & le terrein fe trouve tout parfemé de petits tröüs, ou plutót de petits monceaux de terre humide,filée en forme deboyau. Ainfi, quoique nous ne leur connoifïïons point G 4  J52 Du regne animal. d'utilité, on peut dire qu'ils fervent au mok;; pour ameublir la terre & y faire mieux pdnétrer les eaux de pluie. Les pêcheurs a la ligne s'en fervent auffi pour appater leurs hamecons , & les nomment achdes ou laiches; o ut re ce!a les poules les mangent, & ils fervent de parure a plufieurs autres oifeaux, de même qu'a d'autres petits animaux. Mais en revanche ils fout beaucoup de mal dans les jardins, en rongeant les racines des plantes. lis font des ccufs & fe multiplient avec une cdlérjté étonnante. Hs ont la vie fort dure, puisqu'ils ne meurent point quoiqu'on les coupe en deux ou trois morceaux; bien loin de la, chaque piece forme un nouveau ver tout entier en peu de temps. Mais s'ils font obligds de refter au foleil, ils font bientót morts. La taupe eft leur plus redoutable ennemi. Les Vers inteftïnaia. Ce font les plus connus de ceux qui fe logent dans le corps humain; mais il y en a beaucoup d'autres efpèces, autant prefque que notre corps a de parties propres a les loger. Ceux qui font dans les boyaux ou inteftins, font longs d'une palme , & n'ont point de vergettes comme ceux de terre, mais ils font vivipares, & fe trouvent quelquefois dans notre corps en nombre prodigieux. Les Vers en fd. On leur donne ce nom a caufe de leur figure; car ils font trés minces & pas plus gros qu'un fil„ fur une longueur d'un demi-pied, & méme 5 de  Du regne animal. de beaucoup plus, puifqu'il y cn a qui ont des quatre & fix pieds de long. On les trouve dans 1'eau, dans les terres humides & argilleufes, quelquefois dans le corps bumain & dans d'autres animaux. II y en a cinq fortes, mais ks plus remarquables font: i°. Le ver cutané , c'eft-a-dire , ver de la peau, nommé encore ver de Guinée, paree qu'il efi: trés commun dans cette partie de 1'Afrique , quoiqu'on le trouve aufli dans le Levant, comme en Arabie, en Perfe, &c. II s'infinue fous la peau, foit vers la cheville du pied, foit vers le genou, foit au bras; y croit & s'y allonge peu a peu jufqu'a fept a huk pieds, occafionne des tumeurs douloureufes, & d'autres accidens facbeux. On le nomme encore ver nerveux ou nervin dans certains pays. 2e. Le fikt d'eau, qui n'a qu'itn demi pied de long, fe tient dans Peau ou dans la vafe , de même que dans certaines parties du corps des chevaux & de quelques oifeaux. On le nomme encore ver des veaux, paree que les animaux 1'avaknt quelquefois en buvant, & qu'il leur fait beaucoup de mal. Le Ver [auteur. Celui-ci eft gros comme le ver de fromage, jaunatre avec un point blanc, qui eft ó la place des inteftins, vus a travers fa peautranfparente. II fe tient dans ks marais , dans ks racines pmréfiées, dans ks gros boyaux des hommes ns; ceux-ei font les plus communs, mais les premiers font les plus dangereux , paree qu'ils croiflent fort vïte , & quelquefois jufqu'a deux cents aunes. Le Ver hépatique. On le nomme ainfi, paree qu'il fe trouve fouvent dans le foie des brebis & des poiflbns, oü il refte fouvent virant même après que l'on afait cuire ces animaux. Ils fontplats&blancs, & cette efpèce fe nomme aufli gordius. La Satigfue. C'eft encore une efpèce de ver a corps nud, allongé, noiratre, mais non pointu ni a la tête, ai a la queue; qui fe trouve dans 1'eau & dans les lieux marécageux, oü il s'attache a la peau  Da regne atumaL ï55 des animaux & leur fuce le fang, de même qu'aüx hommes, d'oü lui eft venu fon nom, de même que l'ufage que l'on en fait fouvent pour fuppleer a la faignée & fe Faire tirer du fang. On met dans la claffe des vers tous les efcargots, limacons, limaces, petits coquillages, comme huitres, moules &c., lespolypes, les étqilès de mers, les ïnfectes qui font dans les coraux, dans les éponges,dans les coraliines, les oürflns, têtes de médufe, palmiers marins, &c. De toutes ces efpèces jointes a celles qui fuivent ci-après, on a compofé cinqclafles: La première, de ceux qui ont le corps nud, & n'ont point de membres. La feconde, de ceux qui ont des membres, mafs qui font pourtant nuds auffi. La troifieme, de ceux qui font couverts de coquilles, comme ks efcargots & ks moules, nommés teftacés. La quatrkme, des zoophytes, ou animauxplantes, comme ks polypes. La cinqukme , des Jithophytes , ou des pierres-plantes, comme ks coraux. &c. On a donne k la première claffe le nom d'inteftinaux,foit paree que les vers qui fetrouvent dans les inteftins des animaux, font tous de cette claffe, foit paree que ces vers étant fans bras comme fans offemens & tout compofés d'une fubftance molk, ils reffimbknt k de petits boyaux. On nomme la feconde celle des mollufques ou mollaffés, encore k raifon de leur fubdance qui n'a aucune partie dure ou .oJide. La troifieme, ou ksteftacées, ce qui feut dire portam coquille, font la claffe la plus aombreuie & la plus curieufe. A propreftent G <3  1^6 Du regne auimal. parler, ce font des moliufques, logés dans une coque plus ou moins folitfe & dure, de nature calcaire (c'eft-a-dire, de la chauxj. On dort mettre de ce nombre un poiffon fort iinguliei qui jette de 1'encre fort nóire, & dont il y a deux efpèces, la feche & le calmar. Les j. A. Mais a quoi fert donc cette encre* Le b. A, Elle ne nous fert a rien, mais elle lui eft fort utile, paree que comme il n'a point de défenfe dans fa fubitance molle, il eft réduit a fe cacher dans un nuagc d'encre, au moyen duquel il écbappe a fes ennemi?. Le plus grand des teftacées eft une des efpèces de cames, qui pefe jufqu'a fix cents livres, & qui peut couper le plus gros cable. II y a une efpèce de petit came, qui par le beau temps vient ouvrir les coquilles fur la furface des eaux,oü tandis que 1'une eft a plat, 1'autre fe tient élevéc comme le couvercle d'une tabatiere ouverre, & le vent la faifant naviguer, elle a l'air d'une voile. Le plus petit des teftacées, eft le petit dentale ,v mie la vue confond avec les grains de fable ou U fe trouve mélé. Voila toute 1'engeance ou toutes les families de vers, proprement dits; car on nomme fouvent de ce nom des mlectcs, auxquels il n'appartient point, par exemple, ceux qui font dans le fromage, dans les fruits, &c. , „ , Les j. A. Mais qu'eft-ce que c'eft donc que ces vers-la, fi ce ne font pas des vers? Le b. A. Ce font des larves, ce qui veut dire des marqués: car ces infectes-la ne rnfurent point dans 1'état oü ils font nés; lts fubi lent une ou plufieurs métamorphofes , & hmllent nar être des animaux allés. Quand une mouc-e a forme une nife ou pofé fes ceufs quelque  Du regne animah 157 part, comme iür un morceau de viande, de fromagc ccc., il en fort au bout de quelques jours un animal fampaïit que l'on nomme larve ou chenille, & qui doit rtevèriir mouche a fon tour, par une efpèce de feconde nailfancë. Les j. A. Et comment eft-ce que cela fe fait donc? Le b. A. En pa'ffant par Pétat de cbryfalide, de feve, de nymphe, pendant lequel la larve eft couvertc d'une pellicule ou d'une coque plus ou moins dure, ne mange point, & prend la forme d'uninfecle allé, comme de mouche, de papilion, de coufin, &c. Au contraire les vers, les efcargots, les polypes, reftent toujours ce qu'ils étoient d'abord, & tout le changement qu'ils éprouvent, confifte a grofïïr un peu. Les j. A. Mais c'eft bien fingulier ! Le b. A. Sans doute; quand 011 croit la béte morte, paree qu'elle eft fans mouvement & ne prend point d'alimens, on la voit relfufciter {bus une forme plus brillante, plus légere. Ne vous ai-je pas dit que nous verrions des miracles ? Les j. A. Mais les efcargots qui fe renferment dans leur coquille bien bouchée, en fontils auffi? Lts Efcargots. Le .b. A. Non, Pefcargot ne change pas de figure pour cela; au printemps, il brife la porte qu'il avoit faite a fa maifon , cc retourne paltre comme aupnravant, après avoir jeüné tout 1'hiver. Le vrai nom de cet animal eft celui de ümacon, dont les uns ont des coquilles &les G 7  Ï58 Du regne animal. autres font nu.ls. Ce que vous voyez fur leur tête, font des antennes qui leur fervent a fe conduire en tritam autour d'eux, quoique les deux points noirs qu'on appercoit au bout des grandes cornes , aient fait foupconner que c'étoient leurs yeux. Les j. A. Mais eft-ce qu'ils n'ont donc point d'yeux ? "Le b.A. II paroit qu'ils n'en ont pas befoin, paree que leurs cornes leur fuflifent pour fentir & reconnoitrc tous les objets dont ils s'approchent. D'ailleurs, s'il lui arrivé de voir fa maifon endomuiagée , il a bientót réparé le dommage avec fa bave, qui en fe durcilfant, bouche le trou. Bien plus ; fi on lui coupe quelque partie du corps, elle repoufle bienu't quoiqu'un peu défigurce ; cependant la tête ne repoufle pas quand on Pa coupc:e véritablement; mais fi l'on emporte la peau qui Penveloppe, tandis que 1'el'cargot fe recoquille, la tête reparoit bientót après. Les j. A. Eft-ce que vous avez coupé la tête a des limacons, bon Ami? pour moi, j'aurois regret de leur faire du mal. Le b. A. Quand on coupe la tête d'un efcargot pour s'inltruire & apprendre un nouveau miracle de la Toute-puiffauee divine, ce n'eft pas comme fi on prenoit plaifir ;t tourmenter ces animaux pour s'amufer. Voila pourquoi il nous eft permis même de les tuer pour nous fervir de nourriture. Les j. A. Mais ces pauvres animaux font deja all'ez a plaindre d'avoir a porter leur maifon par-tout avec eux. , Le b. A. C'eft bien plutót une commodité fort agréable; quelque temps qu'il faffe, ils  Du regne animal. 159 peuvent a I'iiiftant fe mettre a couvert. Les autres font obligés de chercher des trous pour le mettre a 1'abri, & quand 1'hiver vient, de fe creufer une retraite dans la terre, tandis que ceux-ci font toujours a leur aife. Les u A. Ah, qu'en voila de jolis! voyez donc comme les coquilles font bigarrées de toutes facons! Le b. A. Je vous en ferai bien voir d'autres plus jolies encore avec le temps. Les efcargots qui font dans la mer, ont des coquilles de toutes figures; il femble que le Créateur ait pris plaifir a nous y donner les modeles de mille configurations différentes , & du mélange des plus belles couleurs. II y en a de rondes & de demi-rondes, de longues , de courtes, d'ovales, de pointues, de pyramidales, contournées en fpirale, en forme d'oreilles, de cornet, de faucilles, & de mille autres formes. II y en a qui n'ont qu'une coquille, ou d'univalvesj d'autres en ont deux, & fe nomment bivalves; d'autres en ont un plus grand nombre, comme les ourfins, & fe nomment multivalves. Ces trois differences forment trois claffes de coquillages, dont les efpèces ont recu des noms analogues a leur figure, comme les trompés, les vis, les tonnes, les porcelaines, les pourpres, les rochers, les tuyaux, les nautiles, les oreilies de mer, de la première clalfe; les huitres, les moules, les eames, les cceurs, les peignes, les couteliers, & autres de la feconde; les glands, les ourfins, les tarets, les pouffepieds, & autres de la troifieme. Les uns fe tiennent au fond de la mer, des tacs, des rivieres, oü ils s'enfoncent dans'Ie lablc; les autres s'attachent aux rochers ou fur-  *6o Du regne animal. le dos d'autres animaux aquatiqucs, par exem< ple, Ia tortue porte fouvent des moules fur fon dos. Les tulipes de mer ou glands font toujours au bord de la mer, ou fur- les ponts dans les vaiffeaux, & y reftent immobiles; fouvent ou en voit fur le dos des tormes, des moules , des écréviffes de mer. Les vis fe tieunnent de même fur les bords de la mer, ou bien fur les rochers, & fe creufent une niche dans la pierre la plus dure, ou dans les pieds de corail, ou bien encore dans la coquille dpaiffe des huitres, & demeurent la fans en bouger. Les cames, qui font les plus groffes des moules, & dont quelques-unes pefent jufqu'a fix cents livres , lont aufli nommdes piunes marines. La Nacre de perles. On nomme ainfi le riche coquillage qui fournit les perles, quoique l'on dife auffi mere de perles, ou huitre a perles &c., & l'on entend par-la 1'efpece de coquillage qui en fournit le plus & de plus belles ; car il y a d'autres coquillages dans lefquels il s'en trouve auffi, comme les moules noires de rtviere, &c. Une mere a toujours plus d'une perle , fouvent même il s'en forme tant dans un coquillage que ce ver y eft étouffé; l'on prétend même que cette quantitd de perles ne fe forme que par 1'effet d'une maladie de 1'animal , le fuc extravafd qui les forme dtant deltiné naturellement a revêtir feulement Pintérieur de la coquille de cette belle couche nacrde, dont ks  Du regne animal. 161 couleurs font fi vives: de forte que,quand le ver eft attaqué de cette maladie, on lui trouve des perles jufques dans la tête & dans les inteftins. Mais 1'endroit ordinaire oü les perles fe Tangent dans un coquillage, c'eft autour des bords de la coquille, & prefque toujours auprès du trou fait a la coquille par un autre ver marin riommé fcolopendre; car alors pour le fermer éc empêcber que 1'eau ne s'introduife dans la coquille, la moule ou 1'buitre répand un fuc blanc qui fe durcit, & qui forme une boule plus groffe que le trou: ce font la les plus belles peries, & c'eft ce qui a fait imaginer de chercher des fcolopendres, pour en mettre beaucoup dans les lieux oü l'on pêche les perles, afin d'en avoir de plus belles. La moule a perles fe trouve dans beaucoup de pays; il y en a dans une petite riviere des Vóges qui paffe dans la Lorraine. II y en a dans 1'Elfier, riviere de Saxe, dans la Moldau en Bohème, & beaucoup dans le Nord. Mais ks plus belles & la plus grande quantité viennent des mers d'Afie, oü elles fe tiennent au fond de 1'eau, & fur-tout du golfe perfique: ce font ces perles orkntaks qui font fi cheres. Une feule perfe bien ronde & d'une belle eau, c'eft-a-dire, d'un beau blanc tranfparent, groffe d'ailleurs & fans taches, coüte depuis un écu jufqu'a dix, vingt, & même plus. 11 y en a quatre pêcheries principales dans cette partie du monde. Mais on en pêche auffi en Amérique fur les cótes du Mexique, oü il y en a aufli quatre pêcheries. Les meres de perles orkntaks font ordhiai»  lèa. Du regne animal. remcnt de la longueur d'un pied fur un demi de large & de PépaiiTeur d'un doigt, de forme piate & arrondie, d'un gris verdatre par-dehors, inais du plus beau blanc dans 1'intérieur. Les perles mêmes n'ont point de trous, ainfi ceux que l'on y voit ont été faits exprès, pour les attacher en lil ou autrement; on nomme fil de perles une rangée de ces joyaux enfilés en» femble. La nacre même ou écaille nacrée fert a faire des boutons d'habits , des pommeaux, de canne, des tabatieres, des boites, & plufieurs autres petits ouvrages. La Pinne marine. Cette efpèce de moule eft remarquablé furtout par les fils extrcmement fins avec lefquels elle s'attache aux rochers, afin de n'être pas emportée ou balottée par les flots. Ces fils font auffi fins que la plus belle foie, longs d'un demi-pied & plus, & l'on en fait des bas , des "bonnets, des gants en Italië, comme a Reggio, a Palerme, & ailleuis. On nomme auffi la pinne , nacre de Provence, paree qu'il s'en trouve auffi fur nos cótes de la méditerranée. L'Huitre. Ce coquillage eft fort recherché en France, en Angleterre, en Hollande, & dans le Nord, oü l'on en pêche en quantité , & oü on les mange crues avec un peu da fel, ou bouillies dans Peau, ou cuites au beurre. Les écailles font tout au plus larges d'une palmc ou deux, épaifles d'un doigt ou a peu prés, tantót rou-  Du regne animal. »«5 geatres , tantót bleuatres , tantót g'üfes. L'aniuial qu'elles renferment eft de lagrolfeur d'un efcargot, ou plus petit. Ainfi 1'huitre eft tin coquillage marin bivalve, de figure ronde ou a peu prés, qui demettre toujours dans la même place , qui ne fort jamais de fa loge, & qui ne donne d'autre figne de vie, qu'en ouvrant & fermant les deux battans dont elle eft compofée, ou en allongeant une efpèce de langue ou de patte avec laquelle il s'accroche & tire fa huttc comme les écréviffes, mais fi lentement, que l'on n'a pas cru devoir cette action comme un mouvement, ou qu'on ne Pa pas remarqué d'abord. On conferve dans la ville de Leyde une écaille d'huitre qui pefe cent cinquante livres. II fe trouve des huitres a belle écaille & qui font fort cheres, comme le manteau royal & le ma*-» teau de Pologne ; le premier s'elt vendu de dix a vingt écus, & 1'autre des cent & deux cents écus; aujourd'hui on les trouve a meilleur compte. Le marteau d'après fa forme, pourroit auffi bien porter le nom de crochet ou d'équerre. Voyez la Tab. V', fig. j. Les Coquillages coniques, ou cornets. C'eft de cette familie que font les amiraux (Tab. V, fig. 4.), qui font les plus chers & les plus rares de tous, puifqu'ils fe font vendus deux a troits cents écus, & qu'ils coütent encore aujourd'hui vingt a trente écus lapiece. Ce font fes belles couleurs de différentes nuances qui lui donnent du prix aux yeux des amateurs, & ils en diftingueut plufieurs efpèces, etnr'autres le vice-amiral.  1Ó4 Du regne animal. Les Porcelaines. Ce font de charmans petits coquillages ainfi nommés a caufe de leur beauté reflèmblante a celle des vafes de porcelaine, & qui n'ont pas befoin d'être nettoyés au fortir de la mer, comme les autres, ni dépouillés d'une enveloppe dégoutante. II y en a une grande quantité , qui ont tous quelque reflemblance avec une coquille d'ceuf qui auroit une ouverture eu long. Les uns n'ont qu'une bordure roulée en dedans, les autres les ont ainfi toutes les deux, & ce font ceux-ci que l'on appelle cauris, ou encore monnoie de Guinée, paree qu'il y a en effet des peuples en Afrique qui s'en fervent a cet ufage, auffi bien que des amandes ameres. On en pêche beaucoup prés des Maldives. Ou les nomme encore bujis. Les Cafques. On nomme ainfi ces coquillages a caufe de la reflemblance qu'ils ont avec un cafque romain; ils ont aufli une fentedans leur longueur. La harpe de David en eft une belle efpèce. ÜArgonaute. II s'appelle aufli nautile papyracée ; il a fa gondole plate, large au plus de deux palmes, d'un blanc de lait, trés mince, trés légere & a demi tr.anfparente, comme fi elle étoit de papier, & c'eft de la que lui vient fon nom. L'animal qui 1'habite, eft une efpèce de polype & huit pieds, relfemblant a une araignée; il n'y  Du regne animal. 165 eft point attaché, mais la nature Pa pourvu de voiles, o'avirons & de gouvernail, au moyen defquels il vogue hardiment fur les eaux, pionge avec fon petit bdteau, revient alafurface, & fait toutes les manoeuvres du plus habile pilote. De fes huit pieds ou bras, deux étendus en haut & joints par une peau mince, a peu prés comme celle qui joint les ergotsvdes oies & des canards, lui donnent voiles & milts; un autre lui fert de gouvernail, & les autres de rames ou d'avirons. Tant que la mer eft tranquille, & qu'il ne voit point d'ennemi s'approcher, il eft continuellement en campagne; mais dès qu'il s'éleve une tempête, ou qu'il fe croit en danger, il replie & rcfferre voiles, mats, gouvernail & avirons; fait pencher le derrière de fa barque pour la remplir d'eau, & fe faire enfondrer. Puis pour revenir fur Peau , il renverfe encore fa barque, fe gonfle pour en faire fortir Peau, & par ce moyen elle remonte fur le champ. On dit que c'eft de lui que les hommes ont appris la navigation , & en effet , comme nos barques reffemblent a fa coquille , il eft affez clair que le Créateur ne. les a pas pris pour modeles, mais nous aura donné cet adroit marinier pour nous en fervir. II y a plufieurs efpèces de nautile, entr'autres celui dont 1'écaille eft plus petite que celle de 1'argonaute , mais plus épaiffe, & nacrée dans 1'intérieur, de forte qu'elle s'eft vendue autrefois affez cher. On en fait dans les Indes des vafes a boire & d'autres uftenfiles. II peut naviguer & plonger comme Pargonaute, & les autres efpèces font douées des mêmes talens.  Du regne animal. 187 Le b. A. Tout cn eft plein furl a terre & dans 1'eau. Les êtres anhnés lont répandus partout autour de nous, quelque part que nous allions fur la terre & fur la mer; c'eft un fpectacle admirable que la nature nous offre en tous lieux. A ptine lc foleil eft-il couché, que tout en fourmille fur les arbres,fur les plantesr fur les fleurs, dans les prés, dans les cbamps, dans les étangs, fur les rivieres. Ici l'on voit une troupe de moucherons daniër en l'air, la Pon entend croaflèr la grenouiile, partout quelque chofe de vivant, d'organifé, d'admirable. Peut-on être aveugle, fourd, infenfible au mi» lieu de tant de voix qui célebrent notre Pere eómmun? Lesj.A. Mais tous ces infecles doivent faire furieufement de mal par-tout? Le b. A. A la vérité, quand ils fe multi-plient trop, ils nous caufent beaucoup de dommages. 11'ne faut que la,Air deux nids t'.e chenilles fur un arbre , pour voir l'arbre entier' dévoré dans 1'efpace de quelques femaines.. Aufli ne faut-il pas négliger de fe débarrafler de tant de bouches avides, fi l'on veut retirer quelque chofe de fon jardin. Mais auffi lesinfecles fervent de pature aux oifeaux & a plu-fieurs autres animaux, outre qu'ils fe mangent les uns les autres. D'ailleurs nous tirons un grand parti dc plufieurs efpèces d'inft clcs t telles que les écrévis. fes, les abeillês, les vers h foie, les cochenilles ; celles-ei nous fbunnfient ce beau rouge que Pon nomme couleur de pourpre: nous tironsi des autres le miel & la cire, des autres la foie, & nous mangeons les dcrévifiës. Ainfi vous. voyez que dans la grande maifon de notre  !88 Du regne animal Maltre, le plus petit domeftique a fa deftination a remplir.fa befogne a faire chaque année, de forte qu'aucun d'eux ne fe trouve la par hafard ou fans emploi. . Mais comme ces foibles créatures ieroient aifément troublées dans leur travail ou dans leur bien-être, par la main malfailante dun homme ou par quelque autre ennemi, & que leur exiftence même fe trouve expofée , le Créateur les a pourvues ou d'ailes pour s enluir rapidcment, ou d'artnes pour ledéfendre; de fourchcs, de lances, dc pinces, d aiguillons, qu'elles portent a la partie d'arriere. bayezvous combien la piquftre de 1'abeille eft cuifante ? II y a des chenilles qui fauvent leur vie par leur feule couleur, qui reffemblant k celle des plantes fur lefquelles elles vivent, les dérobe a notre vue. D'autres infecb s échappent a leur ennemi par le moyen d'un fil qu'ils laiflent couler & auquel ils fe fufpendent tout -a- coup. D'autres , au plus léger mouvement, le pelotonnent & fe laiflent tomber comme une petite boule. II y en a qui retirent leurs pieds quand on les touche ; d'autres font femblant d êue morts, & reftent fans mouvement , quoique l'on puiffe leur faire pour les réveiller. Ainfi ces petits animaux emploient mille rufes pour fe défendre & dérouter leur ennemi; fouvent même, lorfque 1'un d'eux-le trouve trop foible & prés d'étre la viérime d un perltcuttur, fis camarades viennent a fon (ecotirs; on en voit un exemple dans les gijêpesi & dans les fourmis: ce font des pcuples d ïnfectes desquels il ne faut jamais trop s approcher , « fur-tout quand on les a oifenfés. Au refte, les infecles ont la vie fort dure,  f oq Du regne animal reffemble point k ceux qui 1'ont engendrée, & dont quelques-unes ont des pieds, les autres point. Celles-ei doivent être pendant quelque temps notirries k la charge de leurs parens, ou du moins placées dans un endroit oü elles trouvent de quoi vivre au moment de leur naiffance; telles font les nifes de la viande & du fromage. Mais celles qui ont des pieds , vont elles-mêmes a la quête de leur pature fur les feuilles des arbres & fur les plantes de toute efpèce, & grandilfent fi rapidement, qu'elles font obligées de changer trois ou quatre fois de peau, paree que Pancienue leur devient trop étroite, & par conféquent de fe rajeunir. Pendant tout ce teajps-la toutes ces petites bêtes ne font pas encore des infecles, mais feulement des larves, qui n'ont rien a faire qu'a manger, & qui en effet confomment beaucoupquand elles font en grand nombre quelque part; d'oü il réfulte du dommage pour nous, quand les chofes qu'elles mangent font des chofes dont nous voulons faire ufage. Quant aux infeétés mêmes, lorfqu'ils font une fois formés, ils ne mangent prefque plus, & par conféquent ne peuvent faire grand dommage; feulement ils nous incommodent alfez fouvent, & ils dépofent par-tout les oeufs d'oü nailfent les chenilles dévorantes, ce qui nous les rend odieux a jufte titre. Lors donc que les larves, vers ou chenilles , ont pafte un certain temps a manger & paturer enfemble, & que la raefure eft remplie, c'ett-adite, que leur état de larve eft a fa perfection, elles fe féparent, ceilënt de manger, & ne fongent qu'a chercher un lieu commode & fur pour ■fe préparer k la grande métamorphofe a laquelle  Du regne animal, tot .elles font'deftinées. Alors elles entrent clans un .état que l'on peut appeler leur état mitoyen, paree qu'il eft le palfage a une feconde nais« iance. Elles fe renferment dans une efpèce de fourreau obfeur, comme dans un tombeau, & alors on les appelle feves, ou nymphes, ou cryfalides, iëlon que 1'enveloppe qui les renferme eft plus ou moins tran(parente ; en effet elles ont beaucoup de reffemblance avec une feve. La fig. 18 de la lik. Tab., & fig. 16, 2.1 êc 22 de la XII'. Tab. en font. Les j. yf.Mais elles ne font pas mortes pourtant, pendant ce tcmps-la; n'cft-ce pas, boa Ami ? Le b. A. Oh, pour cela non ! au contraire, elles y deviennent plus belles. Cependant , renfermées & comme enfeuillées dans leur fourreau, qui eft fouvent trés joli, elles femblent elfedtivement être mortes; elles y demeurent les unes deux ou irois femaines, les autres un mois, trois mois, fix même, dïx & encore plus long-temps, fans rien manger. Expofées a la gelée ou ti la chaleur de 1'eau bouillante, elles "ne meurent point pour cela; mais au temps marqué pour leur réfurrection , elles ne manquent jamais de fe réveiller de ce long fommeil, & de paroitre de nouveau a la lumiere, pleines de vie, fous une forme brillante & or« nées d.e mille couleurs. C'eft donc alors le véritable infecle qui femontre, l'infeéte parfait, dont il y a tant d'efpeces. Lesj. A. Et puis, que font-ils après cela? Le b. A. II leur refte une jouiifance courte, mais délicieufe , qui confifte a voler de fleur en fleur, d'une plante a 1'autre, a jouer quelque temps dans ks airs, puis a s'accoupkjr  aio Du regne animal* La Mouche dSEfpagne: On 1'appelle autrement cantharide, & l'airtre nom de ce fcarabée vient de ce qu'il rcf« femble k une mouche qui elt fort commune en Efpagne, d'oü nous 1'avons conuue d'abord. Cependant il s'en trouve aufli beaucoup cn France, de même qu'en Allemagne, en (Iolhnde, & ailleurs. La cantharide eft longue &ronde, d'un beau verd brillant comme l'or, que l'on emploie beaucoup dans la médecine j car on les fait fécher , enfuite on les pulvérife, on les paitrit avec de 1'huile & de la graifle pour en faire un onguent, dont les empldtreS appliqués fur la peau y font venir des veffies pleines d'humeurs, chalfées par ce moyen hors du corps qu'elles iucommodoient. La CaJJtde. Ce fcarabée tire fon nom, qui fignifie cafque, de ce que fon corcelet a les rebords altongésen avant, de maniere a recouvrir fa tête comme un cafque. 11 y retire même fes pattcs & tout fon corps, quand il eft intimidé , ce qui 1'a fait nommer dans quelques pays tortue-volante. II a deux taches rouges au milieu du dos, & fe tient dans les prés , fur les buiflbns, les broulfailles, ccc. Voyez Tab. VII, fig. 3<*. La Puce de terre. On les voit au printemps fauter par-tout fur les plantes dont elles dévorent les bourgeons Baiüans; elles nuifent inüniment aux jeunes-  Du regne animal. fliï pouffes de toute efpèce, & font du genre des fcarabées des bois, dont certaines efpèces lont a peine groffes comme le tiers d'une puce, dont on leur a donné le nom, foit a caufe de leur petitefie, fok paree qu'elles en ïmitent fes fauts. Les Scarabées Seau. II y a auffi une foule d'infeétes de cette efpèce dans les étangs, lcsbafiins, les eaux do£ mantes, ks mares, ks ruiffeaux même. Un cn trouve de gros & de petits, de noirs & de bruns, qui ont tous la têteplate, des pmces allongées , quatre antennes , & fix pieds, dont ks deux de derrière font beaucoup plus larges & plus longs que les autres, paree qu ils s en ferver.t comme d'avirons pour nager ou ramec dans 1'eau. Ou ks nomme dyüfqqes en 2ént> Hl, ce qui fknifie ploiigeur, & ils font beaucoup de mal dans les étangs a poiffons. L'hydrophïle entr'autres eft de couleur none grifatre; lés élytres font marquetées de raies jaunes étroites, & il demeure tout le long de 1'été dans les étangs & baffins , ou dans les eaux qui coulent doucemeut. Sa larve va éi vient dans 1'eau, jufqu'au temps de fa métamorpliofe; alors elle gagne lerivage, creufe la terre & s'y retire pour prendre la torme de karabée; après quoi I'inlëcte s'envok. Le male a ks élytres tout-a-fait plates, & d'un brun noiratre trés luifant. Quand la femclk (Tab, VIII, fig. 15.) vettt faire fes ceufs , elle cherche un morcèau dc bois, ou une large leuilkr ou autre chofe, les dépofe defllis, ks coiivre de qertain* fils bruns fort doux, & ks abandoa>  &Ï4 Du regne animal. on trouve des fleurs, par exemple desrofes, qui en font tellement couvertes qu'il n'eft pas pofiible de les toucher; ils criblent les feuilles, ils rongent les boutons, ils dévorent tout. il y en a un grand nombre d'efpeces, & tous önt une figure & une grofleur approchantes de celles du pou; mais vous ne les connoifliez peut-être pas fous le nom de pucerons. Tous ont une petite tête, une pompe aigue, deux yeux, deux antennes entre deux, fix pieds, & font de couleur noire, verte, jaune, rouge ^ brune, blanche, felon les arbres & les plantes dont ils fe nourriflent, & fur lefquellcs ils fe trouvent toujours entafles par grouppes. Souvent les gens de la campagne prennent les pucerons pour une maladie des plantes, pour une efpèce de nielle, paree qu'ils les dévorent fi rapidement que l'on n'a pas le temps de s'en appercevoir, & que les plantes attaquées & gatées dans leur naiffance ou dans leurs parties produétrices, reftent infécondes & périfiênr. On trouve fréquemment des feuilles d'arbres repliées & remplies d'une familie de pucerons, enfevelis dans une efpèce d'écume; ce qui provient de la piquüre des femelles, lorfqu'elles y pofent leurs ceufs. Les pucerons ont ordinairement des ailes, mais pas toujours, foit mdles, foit femelles. Ceux qui en ont volent de plante en plante pendant 1'automne, & cherchent a s'aecoupler. II n'efl: guere d'infeétes qui multiplient aufli prodigieufement que les pucerons: un feul dans 1'efpace de quinze jours, engendre k trois ou quatre reprifes plufieurs centames de petits tout formés , qui quelques jours après leur naiffance en produifent d'autres a leur tour, &  "Du regne animal. ai$ tt>& dure pendant tout 1'été. Enfin dans 1'automne ils ont foin de pondre une quantité prodigieufe d'ceufs, afin qu'après 1'hiver nous puiffions avoir tout de fuite une bonne provifion-.de ces hótes gourmands. Dans 1'efpace de quinze jours ils changent trois ou quatre fois de peau, grofliffant un peu a chaque. fois, & après cela, ils ne tardent pas de mounr. Les males font fenfiblement plus petits que les femelles, & font aufli en moindre nombre. Ainfi, comme nous venons de voir, cellcs-ci, après 1'accouplemcnt, tantót pondent des ceufs, tantót mettent bas des petits-tout vivans, & c'eft une exception bien iinguliere que la providence du Créateur a faite a fes regies apparentes, en faveur d'un animal auffi mépritable a nos yeux que le font les pucerons. Maïs elle a apparemment choifi cette efpèce k caufe dc fa petitelfe, pour nous donner un échantillon des miracles de fa Toute-puiflancc dans la multiplication des êtres animés; & en elfet on ne connoït point d'autre exemple aulïï fenfible d'une multiplication aufli extraordinaire, puifque chaque femelle de puceron, dans un feul accouplement, fe trouve mere jufqu'a la cinquieme génération, & que dans un inltant elle fe voit une poftérité de plus de quatre mille defcendans. Une autre fingularité non moins remarquable, c'eft que les males ne fécondent pas les femelles pour chaque fois qu'elles mettent bas ; 1'accouplement n'a lieu que dans 1'automne, & de ce moment la femelle eft fécondée pour tout 1'été fuivant. De plus,les ceufs que celleci pond en automne, contiennent les jeunes pucerons tout formés, de forte qu'au piïn»  ai6 Du regne animal temps , dès que les boutons commencent a paroltre, ces rongeurs impitoyables n'ont qu'a fortir promptenient de leur coquille, & a fe jeter avidement fur lout ce qui nalt. II eft vrai qu'ils font mangés a leur tour; les fourmis en font une grande confommation, & les abeilles n'en font pas moins friandes, a caufe d'une cfpece de fuc fort doux qu'ils donnent; fans doute qu'il y a encore bien d'autres infecles, oifeaux, animaux, qui s'occupènt a les détrttire. Les GaïïinfeEtes £? Pro-gallinftcles. Cet infecte tire fon nom de ce qu'il reflemble a une noix de galle, avec laquelle il eft aifé de le confondre; car du moins la femelle porte une efpèce de coque arrondie fur le dos , qui la fait appeler dans quelques pays pou a coque: mais pour le male, il elt ailé & reflemble a une mouche. II y en a plufieurs efpèces, qui toutes vivent fur les arbres & les plantes dont elles fucent les feuilles fans les ronger: ce qui pourtant nuit affez au végétal pour le faire même périr. Cette efpèce a pour voifine celle des progallinfectes, qui ont beaucoup de reifemblance avec les gallinfeétes, mais qui ont cependant des caraéteres partictiliers, dont le principal eft qu'ils pafl'ent la plus grande partie de leur vie collés contre 1'écorce des arbres, fans faire aucun mouvement lènfible, de forte qu'il faut les regarder avec la loupe pour les reconnoitre comme des animaux. De toutes les efpèces de gallinfectes & de pro - gallinfeétes, ks plus dignes d'attention font  Du regne animal. 217 font celles dont on tire la belle couleur rouge que nous avons fubftituée a la pourpre des anciens , favoir le kermès & la cochenille. Le Kermès. Ce gallinfeele fe trouve en France & fur-tout cn Provence fur une efpèce de petit chêne verd dont il fuce la feuille. Sa figure approche d'une petite boule dont on auroit coupé une tranche. La femelle fait des ceufs plus petits que la graine de pavot , remplis d'une liqueur d'un rouge pdle. Le male qui reflemble a la femelle dans fon premier age, finit par fe transformer en nymphe fous fa coque, & il en fort avec des ailes fous la forme d'un petit coufin. Or 011 ramafl'e ces infi éb s avant la métamorphofe, & on les arrofe de vinaigre, ce qui Lur fait prendre une couleur rotiüe , & l'on s'en fert pour la teinture. On s'en fert aufli pour la médecine . mais ils fe nrémrpnr ciin-ro™^,. C'eft la ce qu'on appelle graine de kermès. La Cochenille. C eft une graine a peu prés femblable k celle du kermès quand elle eft feche, & de même nature, c'eft-a-dire, que ce n'eft autre chofe quun pro-gallinfcéte ramaffé de la même mamere pour la teinture précieufe de Pécarlate & du cramoifi. Cet infeéle ne fe trouve nulle part qu au Mexique dans 1'Amérique. La Punaife. 11 y en a un grand nombre d'efpeces, dont K  siS Du regne animal. on fait plufieurs claiTes, favoir: les punaifes domeftiques, les punaifes de terre, les punaifes de bois, & les punaifes d'eau. Elles ont toutes beaucoup de reffemblance avec les fcarabées , mais elles ne font pas toutes ailées : d'ailleurs elles ne fubiffent point de métamorphofe, & confervent la figure qu'elles ont en naiflant, fi ce n'eft que plufieurs prennent des ailes au quatrieme changement de peau. Les punaifes domeftiques ou punaifes de lit (Tab. VIII, fig- 20 font des infeétés d'un rouge brun , a peu prés de la grofleur & de la figure d'une lentille, exhalant une odeur trés défagréable quand elles font écrafées, & qui fe tiennent dans des lieux chauds , comme les lits & autres femblables, oü 1'odeur du corps humain les attire. Les fentes des planches ou leurs jointures leur fervent de retraites pendant le jour: mais dès que l'on eft couché, & que les lits font échautfés par les perfonnes qui font dedans, les punaifes accourent de leurs trous & viennent fucer le fang de leur proie. Leurs tiiguillons font fi inquiétans que fouvent l'on en perd le repos pour la nuit entiere. Les j. A. Mais les punaifes n'ont point d'ailes; n'eft-ce pas? Le b. A. Ceja eft vrai, vous avez fort bien obfervé. Les j. A. Oh moi, je fais bien comment on les fait mourir pour n'en plus avoir: j'ai bien vu comme l'on a fait dans la maifon de 1'un de nos voifins. Le b. A. Eh bien, c'eft un fervice a nous rendre: nous pouvons quelque jour nous trouver dans le cas d'en faire ufage. Les j. A. On a fait cuire des feuilles de