NIET UITLEENEN    I/ANBMOGRAPSE, o u IDÉÉS D'UN HONNÉTE-HOMME, SUR UN PROJET DE REGLEMENT, P R o p o s £ a toutts les Nations de VEuropey pour opérer une Réforme générale des mceurs , & par eïïe, h bonheur du Cenre-humain. a v JE C des notes historiques et justific A ti ves. Rccueillies par N.-E. Rétif-be-i.a-Bretone , édhtur de V'Ouvrage; Maudit Celui, qui le premier entouranr un champ d'un fofle, dit, Ce champ eft a moi ! J.-J. R, A LA-HA I Chés GosSE ScPinet, Iibraires de fon Altefle Sérénifllme. Et fe trouve a Paris , Chés la d.rae Veuve Duchesne & Beun, Iibraires, ruc Saintjacques, & Mérigot-jeune, quai-des-Auguflins. M.-D C C.-L X X X I I,  AVIS DE L'ÉDITEUR. Les Pur'ifies, ces Ennemis immortels de tout bieny m'ont reproché d'avoir composé k Pornographe: Je leur déclare iciy quc je m'en applaudis ; c'ejl un Projet utile, honnéte, & le Gouvernement ne commtttraït aucunt indécence enk réalisant: 11 n'y a rim d'indécent pour la Dïvinité, pour la Nature, & pour les Corps politics: Dieu <5* la Nature ont fait Vanus & la bouche, fansf'avilir ils ont règlé les fonBions des parties fecrettes , &c," Les Corps politics peuvent en-faire autant. Co mme Auteur^ je n'ai pas traité une matière infolite: Philon, qui valait bien nos Puriftes , a fait un Livre, De Meretricis mercede; & Philon avait des mceurs très-pures. Les Écrivains utiles ont toujours de la peine & du temps d perdre, pour répondre aux Sots & aux MaUintentionnés } c'ejl un mal néceffaire.  SUITE DE L'HISTOIRE DES PERSONNAGES Du Po RN OG RAP HE , de la MlMOGRAPHE , & des GYNOGRAPHES. C3 n fait que les trois Projets, ou Plans-de-Réforrne , font par Lettres, Sc qu'ils ont pour envelope 1'Hiftoire des Perfonnages, aufquels 1'Éditeur les attribue. Nous alons reprendre cette Hiftoire, ofi elle en-elt reftée dans les Gynographes ■, pour la conduire jufqu'a 1'inftant oü m.r D'Alzan commencera le Thefmographe > V.™ Projet des Idéés finguliïres. Septimanie f'était mariée, comme il eft dit, XV.m* LettreAzs Gynographes, p. 270. Elle avait rafliiré m.n"t Des-Tianges, & m.me D'Alzan, fur les inquiétudcs que leur avaient données les affiduités de m.r D'Alzan auprès d'elle. Mais elle n'était pas auffi parfaitemem innocente qu'elle 1'avait perfuadé aux deux Soeurs. Loin de-la% elle n'avait confenti a devenir 1'Epouse de m.r Du-Cha^alt que pour dérober les fuites d'une honteuse faiblefle, dont elle commencait a porter les marqués. Mais m.r D'Alzan ignorait lui-même cette fituation de Septimanie. Cependant, lorfqu'elle fut mariée , il éprouva , en-voyant fon Mari, une forte de honte, qui lui fit fentir, mieux que toutes les remontrauces, la turpitude de fa conduite. M/Du Chazal n'avait pas tardé a partir avecfonÉpouse, qui 1'avait prié de la mener avec lui, pour une tournee chés les Receveurs-des-tailles des différentes Provinces du Royaume. A fon retour, Septimanie paraiffait fort»avancéedans fa grofleffe. M.r D'Alzan fut encore plus mortifié qu'il ne 1'avait été d'abord, & il nc pouvait fe pardonna* I Part. A ij  M f fejure qu'il avait faire a fon Ami. Durant quelques jours, il chercha inutilement a fe procurer avec Septimanie, un cntretien qui le tranquilisat; elle paraiffait le fuir. Enfin il la joignit, & il voulut f'expliquer avec elle. —Non, Monfieur, répondit m.mc Du-Chazal; ötez-vous cette idéé; car rien n'efl plus faus-. Cependant rien n'était plus vrai. Environ le fixième mois aprèsfon mariage, Septimanie, ou m.me Du-Chazal fentit les douleurs de 1'enfantement. Mais elle avait pris fes précautions: elle avait écarté tout le monde, & n'avait avec elle qu'une Sagefemme, pour recevoir fon Enfant, qui fut une Fille. Elle la fit emporter a cette Femme, feignit une légere indifposition, releva, & parut encore grofie , au-moyen d'un artifice aisé qu'elle employa. Elle ala ainfi jufqu'au neuviême mois, qu'elle fit revenir la rnême Sagefemme avec fon Enfant, dans un infiant oü elle était encore abfolument feule. Au-retour de fes Gens & de fon Mari, elle ftignit qu'elle venait d'accoucher; elle fit présenter fa Fille a m.r Du-Chazal, qui n'ayant jamais vu de Nouveau-né , crut que la petite Adelaïde venait efFeftivement de voir le jour pour la première-fois. La Mère ne fit porter 1'Enfant au batême que quatre jours après: Le Prêtre plus-habile quelePère, feplaignit de ce qu'on avaitdifférc fi-longtemps (il voyait a-peu-près 1'age de la petite Adelaïde). Le Pèrc répondit, qu'il n'avait pas voulu contrarier fa Femme: le Prêtre fatiffait de la réponfe , en-refla-la. Cependant tout le monde était furpris de la prompte venue d'Adelaïde Du-Chazal: on 1'admirait a trois mois, & on lui en donnait fix, qu'elle avait réellement. Perfonne néanmoins ne fe douta de la vérité; le but de la Mère fut rempli; elle avait également trompé m.r D'Alzan, & fon Mari.  m Mais outre le motif frappant de fa conduite, que tout le monde voitd'abord, de conlerverfa réputation& 1'eftiniede' fon Mari, elle voulait en-outre calmer les inquiétudes & les remords de m.r D'Alzan , dont elle avait entrepris de conferver le cüeur; car elle 1'aimait encore. Elle avait auffiledeflèindefeménagerlalihméde chérir cette Enfant, tant qu'elle voudrait, a-causede fon Fère. Enfin, elle avait encore d'autres vues, que nous ne croyonspas devoir dévoiler, attendu qu'elles ne font pas encore reniplies, & qu'il ya beaucoupa présumer qu'elles échoueront, lorfqu'il fera queftion de marier cette Fille. Cependant m.r D'Alzan (1'Auteur du Projet qu'on va lire) f'éloigna infenfiblementde Septimanie, ravi d'avoir échappé au péril qu'il avait craint: car ce n'était pas un fcélérat, commeonfait, quoiqu'il eüt vers le plaisir un panchant fouvent infurmontable. II nef'occupadonc plusque de 1'éducation de fon Fils; & il fe proposa de faire élever par m.mc Des Tianges, Adelaïde Du-Chazal, avec m.lle DesTianges faNièce. Cette Dernière était deftinée a devenir 1'Epouse du jeune D'Alzan; mais comme il pouvak arriver, que malgré latendre amitié des deuxSoeurs, leurs Enfans ne pviiTent pas d'amour 1'Un pour 1'Autre, m.r D'Alzan regardait Adelaïde Du-Chazal, qui promettait d'érre belle, comme un autreParti, également convenable. II confia fes vues particulières a Septimanie, & cette fingulièreFemme, quoiqu'elle y connüt un empêchement, y applaudit, aulieu des le contrarier. - Tranquile fur tout ce qui 1'inquiétait auparavant, m.r D'Alzan fo' mait journellement fon Fils a la vertu. II était fon feul maitre pour fes études, fes exercices & la morale : Pour ladonner pure a fon Fils, il deyint lui-même exemplaire. C'eft ainfi que Ia paternité, outre fes autres A iij  [O avantages, a encore celui d'épurer les mceurs des Pères J & des Mères, lorfque leurs écarts n'ont eu pour cause que des paflions trop-vives. M.r D'Alzan réfléchit longtcmps fur la manière dont il devakélever fon Fils, 8c le fruit de fes réflexions folides fut, qu'un Teune-homme deftiné a être riche, dok avoir connu par expérienee &.fenti la misère du Pauvre. Le petit D'Alzan, depuisquatre ansjufqu'aux, fut placé chés unPaysan de la BafTe-bourgogne, &ffes aisé pour avoir toujours le néceffaire; pas affés riche pour avoir jamais de fuperflu. II fut élevé comme 1'égal des Enfans de eet Homme, dans la perfuasion que fon Père n'était pas plus-riche que le Paysan. A dix ans, fon Père le fit mettre au travail de la terre, & vint pa^er fix mois entiers avec lui dans ces dures occupations, aufquelles il fe foumit. II le quitta enfuite pour aler rempliv les devoirs de fon état. A treize ans, le jeune D'Alzan était fort, robufte, modefte, & fe croyait 1'égal des Paysans: il les eftirnait, il en-était eftimé. A quinze ans, fon Père le reprit, & lui apprit comme une chose fans conféquence, qu'il était riche. L'Enfant 1'entendit fans joie, comme fans étonnement. Ils commencèrent enfemble 1'étude du latin : Le corps de 1'Enfant étoitfort, 1'application fut vigoureuse : a dixfept ans, D'Alzan eut rattrappé les Pareffeus de Colléges, qui étudiaient depuis neuf oudix: mais que dis-je? il les furpaffait; il favait, & ils ne favent rien. Ce fut a eet Enfant, ainfi formé par fon Père, que font adreflees les Lettres fuivantes, & le Plan-de-réformation qu'elles contiennent. Nous fouhaitons , honorable Lecteur, qu'il augmente 1'amourque vons avez pour la vertu! ( Ce ft msD''Al^an quiva parler: la Préface fuivante tft celle qu'il a misc a la tête de fon Projet).  m A MON FILS AURELE. oici Ie complement de 1'importantOuvrage, commencé par votre Mère & par votre Tante ( * ), pour une Réformation générale des moeurs. Je n'ai pas entendu , mon cher Fils, m'ériger en-Légiflateur. Ce font des vues que je présente modeftement, & que je n'avais deftinées d'abordqua votre inttruction particuliere. Mais les deux chères Perfonnes que je viens de vous designer, m'ont preflé de les publier , les croyant utiles au Public. Je fais fort-bien qu'un femblable Projet de Pviforme, ne pourrait étre exécuté, que par la réünion, prefqu'impoffible de toutes les volontés des Hommes qui composent uneNation. Maisdumoins, j'aurai comme Platen, Sjpifam: , Thomas Morus, & YAbbéde Saintpicrre, la fatiffaclion d'avoir présenté aux Hommes, un Roman de vertu & de bonheur. PuifTent-ils un-jour changer „mon Roman, en une véridique Hiftoire ! Dans le Projet de Reglement que je vais mettre fous vosieux, mon Fils, pour vous donner une idéé générale de la réforme immenfe qu'il y aurait a faire dans les moeurs, pour opérer Ie bonheur du Genre-humam, il entre une infinité de détails qui vous furprendront, & qui vous paraitront minucieus: mais je vous affure que tous font efTenciels, & qu'ilen-eft même quelques-unsque j'ai omis, non parce-qu'ils m'ont échappés, mais parce-qu'ils doivent resulterde 1'exécutiondu Plan-de^reforme. Par-exemple, il (*) Ce font les Perfonnages des trois Tomes précédens des Idéés fingdièrcs, le Pornografhe, la Mimograïhe, les Gynographes. A iv  [8] aurait falu qu'un article févère efit règlé la conduite a-tefiit par les Voituriers, les CarrofTes, les Fiacres, lesPorteurs, les Gens chargés d'enlever les immondices, &c.a, dans les rues de Paris, & qu'il leur eüt prefcrit Ia politefle chinoise: mais vous fentez qu'en-exécutant le Reglement, eet article deviendiait inutile, & n'oftïirait qu'une loi prefque ridicule. II en-eft de-même de celle quife troure dans les Gynographes, par laquelleil ferait expreflèmentinterdit aux Femmesdu-commundeproférerdesparolesgroflières: cette 1 oin'eft bonne que dans les commencemens de la réforme; car aubout de quelque-temps, elle devrait reflembler a celle qui prefcrirait a de petits Enfans de ne pas fe faire de mal a eux-mêmes. Ces confidérations m'ont fait regarder mon Reglement, tel que vousalez le voir, comme abfolument complet, encore qu'il y manque une infïnité de petits détails. It eft encore une autre chose que j'ai oubliée de traiter, parce-que je 1'ai regardée comme inutile, après la réforme : c'eft 1'éducation des Princes deftinés a règner. Mais les difcöurs de m.rs Garat & De-la-croix, que je viens de lire, m'ont fait voirqu'on peut êtred'unfentiment différent fur cette importante éducation. En-efFet, qui ne fait, qu'il ferait d'une urilité infinie, que non-feulement les Rois, mais tous Ceux qui les approchent, mais lesMagiftrats qui doivent rendre la jufiice, connüfTent le Pauvre, non-feulement par théorie, mais encore par la pratique, c'eft-hdire, par un temps confidérable, paffé avec lui comme fon Égal. II n'y a que ce moyen , de faire un vraiment bon Roi, de bons Miniftres, de bons Magiftrats , de bons Intendans-de-province: car pour gouverner juftement, il faut connaïtrc pai faitement les besoins & les facultés de Ceux qu'on gou vei ne, a quelque titre que ce foit. Mais ce ferait mal entendreceprincipe, quede f'imaginer , qu'on doive  l9l rendre les Magiftrats paysans: après avoir connu parfaitement cette condition, les Jeunes-gens doivent enfuite revemr a la leur, pour en-étudierles devoirs; en-prendreleton, lesmanièr-.&ladignité. Voila comme tont ie concilie. J'ai lu dans un?oyageur (je crois que c'eftDesmarchais), qui parle comme témoin cculaire, un paffagequi me parat d'une gunde importance fur cette matière: » Les Noirs w du Royaume de Juida, dit-il, qui eft un des principaux " dc 1'Af.que, n'ont pas lemême usageque leurs Voisins, » poiïi la fucceffion a la couronne: car chés les Uns, c'eft » un Seigneur du Pays, ou un Prince étranger, qu'on » appelle au tröne; chés les Autres, c'eft le Fils, le » Neven, ou le plus proche Parent en-age de règner : tailleurs, ce n'eft que le Fils des Soeurs, &c.a: Chacun » ayant a eet égard des lois différenresj qui toutes fe réii» niffent cn-un point; c'eft qu'un Monarc de Guinée n'eft » pas longtemps fur le tróne, f'il eft avare ou tyran. « Maisa Juida, lesPeuples admettentlafucceflion en ligne ». mafculine, & ils ont afTés bonne opinion de la fageffe » des Femmes, pour admettre que la couronne paffera «toujours au Fils-aïné de leur Souverain, pourvu » qu'il fok né depuis que fon Père jouit de la Royauté. " Ce n'eft pas la feule condition; il en-eft une-autre beau»coup plus extraordinaire, imposée par cette Nation, » qu'on peut regarder comme la plus fage des Peuples» noirs: L'Héritier présomptif de la couronne doit avoir » ete tranfporté^dans une province éloignée, pour y étre - élevé comme le Fils d'un Flomme privé, fans aucune » connailTance de fon rang, & des droits de fa nahTance » On 1'occupe au travail, k la garde desTroupeaux, &c » h On ne peut 1'inftruire de rien de ce qui regarde le gou» vernement j parce-que 1'Homme chés lequel on aplacé le  * Prince, ignore 1'importance de 1'Hóte qu'on lui a con*> fié. A la mort du Souverain règnant, on vient prendre » fon Fils, qu'on trouve ordinairement occupé aux travaux » les plus rudes de la campagne , & on lui annonce qu il » eft roi par le droit de fa naifTance. Mais comme fon » inexpérience pourrait nuire aux affaires, il exifte une loi » qui lui défend de fortir de fon palais avant fon couronne«ment: On lui dit:: Vous connaiffez la misère du « Pauvre ; il faut a-présent connaltre la majefté du tróne: » vous exercerez votre puiffance abfoluedèsque vous ferer » couronné; mais vous ne ferez couronnéque lorfque vous »> faurez règner.... Et il arrivé fouvent qu'un Monarc de » Juida , n'eft couronné que fix ou fept années après fon 7t avènement au tröne. On 1'inftrnit pendant ce temps-la » de tout ce qu'il doit faire : car il eft 1'unic Magiftrat de fes j» États, & il prononce lui-même les featences ». On nc peut douter que cette loi ne foit excellente: mais le Voyageur Atkins prétcnd que c'eft une politique des: Grands, pour règner fous le nom de leur Roi: la preuye qu'il en donne , c'eft que les Noirs de Juida regardent leur Souverain comme mie divinité; qu'ils ne 1'abordent |amais fans un refpeét mélé de frayeur ; qu'on ne parak devant lui que par fes ordres; qu'on ne f'en-approche qu'enrampant fur le ventre: >. Ces refpeas (ajoute-t-il), & le » defpotifme odieus qu'ilslui procurent, ne font qu'un piége >, pour 1'endormir , & règner eux-mêmes. Ils ont des » privileges que le Roi, qui dépend d'eux, parce-qu'ils » 1'environnent de routes parts, n oserait enfveindre: ils » portent 1'indépendance jufqua déclarer la guerre fans fa » participation ». LaifTons donc-la ces Noirs, qui ne font pas dignes de nous donner une lecon, & n'envisageons que le fait:  ["] convenons que leur usage pouvait avoir les plus excellens motifs, & que peut-être les a-t-ileus, avant que les Européans euffent corrompu cesNationsdemi-fauvages, & n'euflènt ajouté nos vices, a leur groffièreté. SiunEnfanc deftiné a remplir quelqu'un des emploisdiftinguésde 1'État, était élevé comme le Rogerde VÉ'colt des Pèrcs(*)t n'ell-il pas certain, quedevenu Homme, Magiftrat, Intendant, &c.a, ce Citoyen pourrait faire des biens infinis ? La connaiffance parfake qu'il aurait des Hommes de toutes les Gaffes, le ferait toujours agir avec fageffe; il n'outrerait pas la rigueur, & ne ferait jamais trop indulgent: II conflaïtrait fur-tout la Gaffe du-milieu, cette Gaffe importante qui tient a toutes les autres. Platen a fait une République; Thomas Morus une Utopie; 1'Abbé dz-Saintpicrre un projet de gouvernement amphyótionic entre les Princes de 1'Europe, qu'il appelle la Diète européane. Tous ces projets onc été regardés comme des chimères inexécutables. Je vais, mon Fils, chercher la raison d'un impollibilité, qui dok vous parakre incompréhenfible. En-effet, puifqu'il eft clairque les Etabliffemens proposés par de Grands-hommes, feraient d'un avantage inappréciable pour le Genre-humain, d'oüvient n'a-t-on pas même renté de les exécuter ? Pour répondre a cette queftion naturelle, mon cher Fils, il faut confidérer que la Société eft composée de (*} L'Auteur de eet Ouvrage f'eft toujours reproché de ne 1'avoir pas mieuxfait: c'était le plus utiie de tous ceux qu'il a publiés: j.-J. n'a fait de fon Emile qu'un Cofmopolite, 1'Auteur de VEcole des Pires a fait un Citoyen: mais il a noyé 1'inftructif & fait difparaïtre 1'agréablcde cetteProduftion, enfelivranta des détails, qui n'étaienr propres qu'a un Livre élémentaire. II a même donné dans un fyftème de physique , faus dans beaucoup de points.  [I*] différens ordres de Citoyens: i, La Popdacc, efpecc degrosAnimal, privé d'ieux, d'oreilks, de goüt & de ftntiment, qui n'exifte que par le tad, & qu'on ne condu.t que par ce cinquième fens: C'eft une malle d'Ipdiyuiqs , a qui 1'on perfuade ce qu'on veut; qui D'a de voloncé que celle d'ALtrui; qui penfe ce qu'on lui i • pen! I , fon bien, contre fon bien, n'importc : Elk «0 capabtó des erreurs les plus ridicules, les plttS g.om^", on peut lui perfuader en plein-jour qu'il eft nutt, & a minuk qu'il eft plein-jour. On peut 1'cff.aycr avec des chimères fans vraifemblance : on peut, 1» on 1c p.ge a-propos, lui faire déchirer a bc - ■ ■ 6» faiteur, Celui qui aura confaae ion teffiJM la M, fa liberté, fa fortune a rendre fon fort moins malheureus, ou qui aura voulu 1'éclairer: On peut la fake pro temer devant fon Oppreffeur, faire fortir fes louanges de fa bouche informe, les faire bruir au fon raugue de fa voix brayante: Vo.la le grand-nombre : voila les Manoeuvres; la foute immenfe des Artisans , & jufqua la Baffe-bourgeoisie, a L'Etat du-milUu td^nts-^ombveus; lUÜC°ra' posé en partie de Gens éclairés, mais ce n'eft pas le plus «rrand-nombre; de Gens botnés, mdjfférens au bien. oublie; de Gens mal-intentionnés, intéreffés par «at au Lntient des abus, tels font tous les Gens attachés a la pratiqut, les Employés dans les Bureaux, &c % 8cc , &c Ce font lesHonnêtes-gensde YEtac-du-miheu qui fculs desirent la réforme des moeurs, 1'établhTement d un regime falutake, qui rendit heureus tout le Genre-humain; la M vavous le prouver. 3, Aprè. XEta,iu^u non feulementontlenécelTaire, mais le fupeiflu, & en ouu-e le pouvoir en main. Quel intérêt auront tous ces  bil Gens-la, qu'il fe faffe une amélioration dans le fort public? Leur fort particulier eft auffi heureus qu'ils le desirent; & quoiquedans la réalité, une réforme les rendit plus-heureus qu'ils ne le font, ils ne le croient pas: aucontraire, ils ne voient qu'a perdre pour eux, dans un Règlement pareil a celui que vous alez lire; a-moins qu'ils ne fufTent de parfaits Honnêtes-gens, desSully, desMontausier, des Colbert, desC**, desM***, des T**, des N**, desF ** , des V***, des Af****, des L*rz*, & tant d'autres Miniftres, tant de Magiftrats-citoyens, comme il en-eft plusieurs, foit dans le Sénat, foit dans les autres Cours-de-juftice. Qui donc voulez-vous qui opère le bien-général ? Un Roi le pourrait a-peine : que feront les voeux impuifTans du. demi-tièrs des Citoyens qui composent YEtat-du-miüeul Vous me demanderez, mon cher Fils, f'il eft utile de présenter aux Hommes, comme dans un miroir magie , Timage d'une félicité k laquelle ils ne peuvent atteindre? Je répons que cela eft très-utile, par plusieurs raisons. La i.re, c'eft qu'elle peut engajer des Particuliers a f aftöcier entr'eux, fous 1'approbation des lois, pour réaliser 'en partie les avantages du Règlement: La i.ie, c'eft que ie refpeótpour les Vieilhrds y étant la base de toute autorité ; la vertu la base de toute diftinclion, il inculquerait ces deux vérités utiles dans 1'ame des jeunesLecleurs, & fur-tout dans la votre, mon Fils: La 3.me , c'eft que fi un nouvel Etat libre f'élevait dans 1' Amérique feptentrionale,il pourrait adopter un Règlement pareil, & en donner 1'exemple au monde: La 4.ms:, enfin, me fiate davantage: Que fais-je, fi un-jour, un digneMonarc ne jugera pas a-propos de faire un effai de mon Projet de règlement dans quelque petitPays isolé, pour j uger de fes bons-effets d'après 1'expérience ? Vous favez , mon cher Fils, que nous avons déja pro-  [14] posé des Flans-parciels de réfbrmation, votre Oncle, vöü Tantes & moi: Celui-ciles rendrait tous fuperflus; parce-qu'il ferait le comble de la réforme. Cependant, je n'en-regarde pas moins les autres Plans comme utiles: Celui que je propose aujourd'hui eft trop-entier, pour ainfi-dire, & il faudrait un Pouvoir plus qu'humain, pour 1'exécuter d'abord: mais les autres ne font que partiels; ils auraient une exécution facile, & ilsproduiraient de precieus avantages, fi on les exécutait, foit en-entier, foit enpartie. J'ai encore un de ces Projets k publier, & j'attens, pour vous le communiquer, que vous foyiez plusformé : c'eft celui qui concerne la réfbrmation des Lois: Ouvrage immenfe, ft j'entrais dans un détail circonftancié de toutes les lois contraires au bonheur du Genre humain: Mais je n'en attaquerai aucune : je me contenterai, en fuivantleslumièresd'une raison droite, & qu'aucun intétêt ne foumet au préjugé', d'indiquer le Projet d'une loi générale k porter, rédigée en différens titres, pour le civil , le criminel, lapolice, lapoliteffe, les fervices k rendre, la reconnaiflance, 1'indulgence , la vengeance néceffaire ; 3e tacherai de n'y rien oublier: Voila 011 fe bornera mon travail: deux Avocats de ma connaiffance étaient fi effrayés de mon titre, le Thesmographe, avantque je leur euffe expliqué mon plan, qu'ils m'avaient tous-deux afl'uré, qu'on ne me permettrait pas de le publier: ils ont changé d'avis depuis. Quant k mon dernier Projet de réformation, il eft abfoment indépendant de tou<= les autres, puifqu'il ne f'y agit que de notre languc & de 1'' orthographc. J'avouerai que eet Ouvrage aurait du fortir de la plume d'un Acadcmicicn francais: mais a leur défaut, je m'y emploierai. D'ailleurs, j'ai fur notre langue &fur notre orthographe, des'  idees abfolumentneuves, &très-fmguiières, quin'enrrent pas dans toutes les têtes. Ce qui me fait encore penfer, qu'il y a pcu de Gens propres a eet Ouvrage, c'elt une difpute, dont le Journal-dc-Parisa été le champ, fur la manière d'orthographier les mots/oyf^, voyie^ü fubjonclif: Ce fut avec la plus grande fmprise, que je vis foutenir, qu'on devait écrire foyt^ dans cette phrase, par-exemple: Tattendrai que vousy foyiez : Ce qui ferait une faute aufll groffière, que fi Ton écrivait, // faut que tu le fais : car foyei eft 1'impératif du verbe ctre, CQmmz fais eft celui du verbe faire; Prenei, k 1'impératif, fait^mz^au fubjonftif; tut^ fais tuie^: ky fans foyiez, H'eft pas un doublé i, il eft une vraie confonne adoucie, fo-yie^, ou fi on veut, une demi-confonne ... . Mais c'en eft aflës fur 1'Orthographe, dont je ne vous parle que par occasion, & pour vous annoncer tout ce qui me refte a faire. Je reviens a mon Projet actuel. Je nefauraisvous exprimer, mon cher Fils, avec quel plaisir, avec quelle confolation je 1'ai tracé ! il m'a femblé dans certains inftans d'une heureuse illusion, que je. le voyais réalisé; je croyais voir ces Affemblées nationales dans une grande plaine; ces Vieillards honorés; ces Centtnaires fur-tout, mis par la Nature audeflus des lois: Enfuite revenant a ua-autre tableau plus-gai, ces Jeunesgens, diftingués uniquement par leur degré de mérite; je les ivoyais fe choisir une jeune Sc charmante Épouse.... Mais ijj'aiverfédeslarmes, encroyant voir un Jeune-héros, honoré pour d'éclatantes aclions, en tranfporter toute !a gloireaux lAuteurs de fe$ jours.... J'ai encore éprouvé un fentiment plus-fortd attendrilfement, en-voyant leFilsméritantd'un !Père vicieus, effacer les fautesdefonPère, &lescouvrir;  p«3 de fa gloire.... Eh! que dirai-je des refpecls rendus aux Vieillards 1 Quelleconfolation pour tout le Genre-humain 1 quelle heureuse expeaative, lorfqne tous les plaisirs nous abandonnent, & que lavie comrnence a f'éteindre en nous, que celle des honneurs & de 1'immortalité 1 Le Règlement proposé, fubftitue mi nouveau moral, a celui qui f'anéantit; il en crée un faaice; il abreuve les deruiers inftans du Vieillard d'honneur & de joie. OmonFils! prépare une couronne a ton Père ; préparelui la même couronne, qu'il deftine dans fon Ouvrage, a Ceux qui ont fauvé la Patrie, & viens la poser fur fa tete ? que je la recoive de ta main! Honore ion Père! 1'honneur que fait le Fils au Père, eft un million-de-fois plus grand que celui que fait ie Père au Fils: LePère a formé fon Fils; fon mérite peut être fon ouvrage: mais qui dira que le Fils a formé le Père ! Prens & lis. UANTHROPOGRAPHE,  L'ANTHROPOG.PAPHE, o u V H O M M E RlFORMÉ. Première L e t t r e , D'A lzan, a fon Fils. jO^EPUIS que vous étes formé , mon cher Aurèle , on vous a fait lire trois Projets de Réfbrmation, composés dans notre Familie : Le premier traitait des Malkennétcs-femmes, & proposait un moyen de les rendre moins dangereuses pour les moeurs & pour la fanté ; c'eft 1'ouvrage de ma jeunefl'e : Le fecond avait pour but de légitimer le plus noble de nos plaisirs , YArt dramatique, ou fi 1'on veut rtprésentatif: cePlan de réforme. de nos Thédtres eft de m.me Des-Tianges votre Tante ; vous favez le röle qti'y joue votre Mère ; & les Notes font de moi. Le troisième, plus étendu que les deux autres, puifqu'il concerne \esFemmes en-géneral, eft le plus utile : votre Mère , votre Tante & m.mc Des-Arcis y ont travaillé; m.r Des-Tianges &- moi nous avons fourni tout ce qui demandait quclqu'érudition. L'Ouvrage I Part. B  DO que je vous adreflè aujourd'hui fera le quatrilme Tornt de ces Projecs. C'eft pour vous feul que je 1'entreprens, mon Fils; & je me propose de vous y ti acer tous les devoirs du Premier-fexe , ainfi que les moyens de réformer les abus qui fe font gtTfles dans 1'éducation. La première de toutes les fciences que je vais vous donner, eft celle de la morale ; les autres viendront enfuite : il faut commencer par être bon; les qualités de favant, de profond, d'habile, d'adioit, d'Homme aimable, doivent toutes découler de la bonté, fans laquelle elies font le malheur de Celui qui les ponede, & deviennent le fléau des autres Hommes. La bonté morale eft le resultat d'une jujtefc-d'idées , qui fait faisir d'un coup-d'oeil les avantages de bien-faire aux Autres, & les inconvéniens de mal-faire. Cette juftefl'e , loi fqu'elle eft innée ou fortifiée par 1'habitude, produit ce qu'on appelle la bonté du cocur. On fent audedans defoiunebienveuillance envers les Autres, undesirdeleur étre utile, fi-bien amalgamé avec 1'intérêt perfonnel, que celui-ci difparaït, & que la bonté feule demeure fenfible : Mais ne nous en imposons pas a nous-mêmcs; f'intérêt perfonnel eft toujours la base & le mobile: 1'Homme le plus parfaitementlocial, eftceluidanslequelileft moinsapparent. La méchanceté morale eft le resultat d'un efprit faus & maladroit, qui laiffe groffièrement paraïtre fon égoïfme; dont les adions disent, Je veux tout pour moi. Le Méchant choisit en-apparencc le cheminle plus court pour aler a la iat.'fadion de fes appétits; mais dans la vérité , il prendla i oure opposée: parce-qü'il irritetout le monde contre lui, & qu'il a^ertit defeprderdefesdeffeins. Si donc voüs ne cherchez a vous rendre heureus, qu'en fesant du bien a vos Semblables, en excitant en eux une  [?] douce reciprocité, vous les verrez bientó t confians a votre égard, remettre entre vos mains leurs plus chers intéréts; & fi vous êtes afTés fage , pour ne vous jamais démentir, vous obtiendrez fur eux un empire , d'autant plus doux , qu'il fera volontaire & 1'effet de 1'eftime. Je commence, mon cher Fils, par chercher a vous rendre bon d'après votre intérêt perfonnel; parce-que ce motif eft plus proportionné a votre age : mais il en eft de plus relevés, puisés dans la religion, & dans laphilosophie, dont la beauté vous faisira quelque jour d'admirarion. Je vous en entretiendrai, lorfque meüri par 1'age & foutenu par 1'expérience, vorre raison fera allés fortifiée pour les faisir : vous les exposer a-présent, ce ferait en émouffer mal-a-propos le fentiment, qui vous frappera d'autant plus alors , qu'il fera plus nouveau. Dès qu 'il eft certain que la route la plus füre pour arriver au bonheur eft la bonté , 1'unique tache d'un Père chargé de procurer celui de fes Enfans , eft de les rendre bons ; & c'eft par 1'éducation qu'il y parviendra. L'éducation fe donnededeuxmanières, par lespréceptes& parl'exemple: 1'exemple, fansleprécepte, n'inftruit pasaflés; leprécepte fans 1'exemple eft inefficace : Votre Mère & moi nous réünirons les deux manières, autant qu'il nous fera poffible; & quelles que foient d'ailleurs nos imperfections, notre tendrefle pour vous, nous fera faire aflés d'effbrts fur nous-mêmes, pour vous donner un exemple utile. Mais cela ne fuffira pas encore: En vous donnant de bons exemples & de bons précepres, il faudra vous préserver des mauvais exemples & de la féduótion du dehors: fouvent les Enfans profitent mal de l'éducation domeftique, parce-que la conduite d'Etrangers eftimés dans le monde , leur fait conceyoir du mépris pour elle : Je vais dorx , Bij  w mon cher Fils, vous tracer un tableau des abus de l'éducation ordinaire , qui puhTe vous fervir de pièce de comparaison: j'exposerai ce qui eft, & vousjugerez vousmême de 1'abus par fes fuites. §. I." Des asus jde l'Edu cat ion. Ce s t faute de principes certains, que l'éducation eft mauvaise parmi nous : Nos Enfans font élevés au-hasard: Quelques maximes d'une morale fublime étonnent quelquefois leur imagination, & remuent leur coeur ; mais cette impreffion isolée f'efface , fur-tout dans ceux a qui ces belles maximes ont été présentées trop-töt, & avant la maturité : elles fe triturent, pour ainfl dire , dans leur imagination; elles y perdent leur énergie ; femblables a ces difcours trop répétcs, dont 1'Enfant mange les mots en les prononcant, & qu'il récite, fans les comprendre, a la facon de 1'Automate de Vaucanfon. Posons-les donc ces principes certains, encore neufs pour vous; enfuite il fera facile de vous faire voir les abus opposés. i. Lcsdcux-fexesdoivent,encertaineschoses, étre élevés d'une manière abfolument différente; parce-que Ieurs devoirs ne feront pas les mêraes un-jour, & que fort-fouvent ils feront opposés. a. L'Homme doit favoir le plus qu'il eft prfiïble, fuivant 1'état oii il fe trouve placé : La Femme doit prefque tout ignorer ; c'eft-a-dire, toutes les choses qui peuvent la diftraire ou la dégoüter de fes occupations fédentaires: elle doit toujours être dans le cas d'écouter avec admiration ce que dit fon Mari; le bonheur desdeuxfexes en dépend. 3. L'Homme doit avoir paffe par tous les états inférieurs au fien. 4. II doit être fouple fans  M lacheté; on doit lui donner pour maxime inviofable, d'obéir fans examen, non a 1'Homme, mais a la loi. (Ie fuppose qu'alors laLoi, eft le fruit de la réflexion générale & des vues combinées de tous les Hommes, qui ont déterminé ce qui était meilleur & plus avantageus: c'eft prurquoï ces raisons feront toujours décaillées dans le préambule de la loi, pour que la Poftérité juge de leur folidité. ) Les Jeunes-gens & les Femmes. Qui a renverfé toute fubordination ? Les Jeunes-gens & les Femmes. Pourquoi la vieillefTe eft-elle avilie; d'oü-vientla craint-on fi-fort, la cache-t-on avec tantdefoin ; pourquoi eft-elle chagrine, quelquefoiscynique, &c.» ? parce-qu'on a fouffert que les Jeunes-gens & les Femmes la ridiculisaflent; lui cnlevaffent impunément tous fes avantages; la fifTenc rougir d'elle-même; au-point que des Vieillards, pour écarterd'eux le foupcon de vieilleflë, déclament contr'elle; parce-que lui ayant óté toute autorité, toute confidération, tout refped-humain, on 1'a réduite a la néceftité, ou d'être honteuse d'elle-même, ou de tout fronder, oude fe rendre boufFone pour fe faire fupporter; ou de déposer toute décence & toute pudeur, pour faire excuser, par leur excèsd'audace, certaines entreprises déplacées. II faut donc revenir fur nos pas, & pour rendre la Vieilleflë refpedable , la faire confidérer par fes prérogatives, par 1'autorité , 1'importance qu'on lui donnera ; la rendre glorieuse par fes droits, de-forte qu'on 1'avoue, & qu'on 1'exagère même .PIntóc clue d'en roug'i": On verra pour-lors combien fes moeursferontpures; comme elledeviendraexemplaire, furveillante. En travaillant pour la vieilleflë, c'eft pour nousmêmes que noustravaillerons: la plus légere réflexion nous fera lentir, que la confidération pour la vieillefTe fera utile non-feulement a Ceux qui parviendront ï un age avancé, mais encore a Ceux qui n'auront pas ce précieus avantcge; puifqu'il n'y aura pas d'Homme qui nel'aimera, qui nela fente favancer avec fatiffaction; qui nela regarde comme un I Part. Q  tcrme desirable: aulieu, que dans lafaconde voir aauelle, on la redoute au-point, quelle nous rendmalheureus par fon attente , bien auparavant qu'elle ne foit arrivée. Vous verrez dans le Projet de Règlement que je mettrai bientöt fous vos yeux, les moyens que je proposerai pour par er a tous ces inconvéniens. Ils ne font pas les 'feuls: je n'ai rien dit des abus particulicrs qu'on remarque dans l'éducation des Colléges; de ceux de l'éducation casanière ; de ceux des différens états, depuis la demière claffe de Citoyens, jufqu'a celle de la haute-noblefle. Ces abus font énormes: La, tout fe fait alahate, & d'une manière mercenaire: ici, la morgue ou 1'indulgence pusillanime gate tout; des Pareus malélevés font fuivre a leurs Enfans la route hasardeuse par laquelle on les a conduits. L'incapacité perd les Enfans dans lesbaffes-clafles; on ne forme dans les premières, que des Monftres d'égoïfme, qui fe croient d'une autre nature que le commundesHommes. On nefaurait voir, nï entendrefans indignation, deslnftituteurs ou des Pareus d'un rangeleve, inculquer par leur conduite a leurs Élèves, que tout eft fait pour eux.... Que les Souverains deviennent les vengeurs del'humanité , en établiflant une Règle génerale qui rapproche tous les Citoyens; c'eft le moven de ramener les bonnes-n oéurs: Qnele Riche nepuifle plus acheter 1'honneur du Pauvre; que le Pauvre n'ait plus intérêt de fe vendi e, & l'a*e d'ov revierdra fur la tene. Je m'arrêtc la pour aujourd'hui, mon cher Pils: Relisez ce quejeviensd'écrirepourvous; pénétrez-vousdtlavéntéde mesremarques: Danshuir jours je vous en commumqueraidenouvelles. Vousêtesladcheque m'ont confi-sl'Auteur de la Nature & ma Patrie ; je ne fera) content de moi, que loifque j'aurai fait de vous un bon Ouvrage.  Seconde L e t t r e. ÜR.eprenons Ia matière ou j'en fuis refte a la fin de ma dernièreLettre , mon cher Fils : Après avoir exposé les dangersde l'éducation , qui ne fut jamais fi mauvaise , que depuis que tout le monde a voulu la réformer, fans fuivre de principes fïïrs , voyons qu'elle ferait la bonne. M.r Helvétius a dit, YEducation fait les Hommes; & il a dit une vérité S S'il f'eft trompé, c'eft en penfant que l'éducation feule fesait les Hommes: c'eft un moycn principal; mais non pas le moyen unique. La bonne éducation fur un bon caraftère eft bien plus efficace, & elle ne réforme jamaisparfaitement le mauvais. Voyons cependant quelsfontles avantages de l'éducation, dansleurplusgrande étendue. II.d §. De la facilitè et des avantages d'une réforme générale des M(e u r s. Il y a des abus énormes dans l'éducation des Hommes chés tous les Peuples du monde [A] ; je vous ai parlé de rA1 ceux de notre pays. Mais eft-il donc fi difficile de les faire tesJL» difparaitre ■ pour leur fubftituer des usages plus dijnes de des r*a 1'Humanité, capablesdeperfectionnerl'Efpèceenla rendant ™AW heureuse ? Non fans-doute. II ne f agiraitde la part des qui forme~ Chefs des Peuples que de le vouloir efficacemenr. Mais 7ït\T ilfaudrait que cette volonté desSouverains füt univerfelle , & que tous concouruffent en mêmc-temps a la réforme : J'osecroire, que ce n'eft pas dans ce concours hnireus Cij  [20] desyolontés des Souverains de 1'Europe, qu'il fe trouverait de la difficulté , fi 1'on parvenait une-fois a démontrer les avantages de la réforme générale. Pour en prouver la facilité, il faut d'abord examiner les difficultés , & les détruire. Rien de plusmal-aisè que de faire ehanger une coutume invétéree (dira-t-on). t)e qui viendrala difficulté? ce ne fera pas de la part des Enfans; carl'usage, tel ancien qu'il foit, eft nul pour eux. Ce fera donc de la part des Inftituteurs ? Je vais proposer nne manière d'élever, oül'on n'aura aucunbesoindetousles Pédagogues acluels. Ils ne feront pourtant pas tout-d'uncoup inutiles; ils enfeigneront les fciences, jufqu'a ce qu'il y ait des Maitres formés fuivant Ia nouvelle méthode; mais ils n'auront rien a faire pour les moeurs. Oh prendre ces nouveaux Maitresdesmozurs? C'eft ceque jediraidans laLettrefuivante, fousle§. IIl.rae; car nous les avonsau-milieu de nous, & il n'eft pas néceflairede les créer. Quant-a. présent, je me contenterai de répondre, Qu'il ferait a-propos d'anéantir pour les Hommes toute éducation particulière, pour y fubftituer une éducation générale , fondée fur des principes certains : C'cft-a-dire , Qu'on prefcrivit une méthode univerfelle, tant pour le physic que pour le moral, Qui règlat, i, la Manière de nourrir, habiller & divertir les Enfans: 2., les Inftru&ions a leur donner, fuivant lesdifférens ages; inftructions générales, claires, courtes, extraites dés mtilleurs xVloralilles anciens & modernes, & dont il ne ferait pas permis de f'écarter en un feul point: 3, les Occupations & les Etudes, depuis 1'enfance jufqu'au manage : 4, la Diftributiondesplaces & des emplois fuivant la condition, lemérite& les talens: 5 , l'Etablifferr.ent &; le Manage: 6, les Honneurs & les Diftinctions düsauxPères-de-famille, aux Magiftrats, &c.a; 7,1e  Sort de la Vieilleflë. Obfervanr, que dans tous les cas, Ia loi parlat, comme je 1'ai dit, & jamais 1 Homme. C'eft de ce dernier point feul que depend toute la facilité de la réforme que je propose: Laloidemeure; maisl'Homme change a tout moment: tel excellent Monarque peut faire difparaitre tous les inconvéniens du defpotifme : fon Succeflèur les fera fentir dans toute leur rigueur : il ne faut pas que le Genre-humain foit exposé a ces alternatives ; le feul moyen, eft de donner une loi fage , bien réfléchie > invariable; ce qui veut dire, dont les variations foient indiquées par elle-même, dans le cas ou elles deviendiaient néceflaires : La loi établie , les Souverains la maintiendront, les Anciens la feront exécuter ; les Maitres enfeigneront les détails prefcrits, & de la manière dont ils font prefcrits: les Anciens ïecompenferont les fuccès, puniront les tranfgreflions ; le Maitre-d'enfeignement ne fera qu'enfeigner; il ne punira jamais; parce-qu'il pourrait le faire avec colère; il ne rendra aucun compte du mérite ni du démérite; il pourrait y faire entrer de la prévention : des Anciens furveilleront; ils écouteront, & verront la manière de chaque Elève -3 ils tiendront un regïtrc de mérite. & démérite ; ils infligeront les peines légèrcs qui doivent 1'être fur-le-champ; mais les grandes feront reservées au confeil des Anciens, qui ne les prononc era qu'api ès le plus mür examen , & une forte d'information judiciaire. J'enrrerai dans tous ces détails d'une manière étendue, dans la Lettre qui fuivra celle-ci; vous y verrez un Eflai de cette Loi générale que je propose d'établir, dans lequel je tacherai de ne rien oublier d'eflenciel. Toutes les parties du fyftème que je vais proposer font liées; & c'eft de leur connexité, que dépend la facilité de leur exécution: Le refpect pour les Vieillards, leur C iij  [22] autorité fera prefque tout; &. la fubordination des Jeunesgens & des Femmes rameneralesbcnnes-moeurs: Tout ira pour lors de foi-même. Mais voila le nozud, dira-t-on, & cefont précis ément ces choses qu'il eft difficile d''ét ablir. J'avouerai que je ne fens pas cette difficulté. La loi dont je vais donner le Projet, peut fe promulguer comme toute autre loi; f'exécuter par les mêmes moyens; & même je demanderais que d'abord on employat beaucoup d'indulgence ; par deux raisons, & parce-que les Comités des Vieillardsfurveillans ne fe formeraient pas tout d'un-coup avec autant de facilité qu'ils femaintiendraient; & parce-que ces Vieillards, élevés hors de la Réforme , n'auraient pas d'abord toute la vertu que cette Réforme feule peut amener. Je le répète, la fubordination une-fois établie, vous verrez fleurir les bonnes-mceurs: mais il la faut entière, & que ni les Femmes ni les Jeunes-gens ne puiffent fortir des bornes qui leur feront prefcrites. C'tft 1'infubordination qui a tout perdu : L'Etat eft une grande Familie; chaque Familie eft un petit Êtat; il faut que tout fe gouverne par les mêmes principes: les Enfans même & les Femmes gagneront a cela une forte de liberté honnête, puifque la loi fera tout, & que 1'Homme ne fera que 1'indiquer. Chaque Familie étant parfaitement fubordonnée, laVille ou leBourg le fera de-même, & auffi parfaitement, dedeuxmanières; en la forme ordinaire & généraleenvers les Magiftrats ; & d'une facon particuliere, dontjedois donner une idéé par le Règlement & fesdifférensTitres. Je ne m'appesantirai pas davantage a prouver la facilité de la Réforme : Je vais parler de fes avantages. Ils font immenfes; mais unfeul mot lesexprime tous, ellerendrait les Hommes heureus. Dans quelle trifte fituation fe trouve aujourd'hui 1'Hu-  E?l3 tnanïté ! Au fein d'une paix profonde; dans une fureté complette pour les Ennemis du dehors; k-l'abri de ceux du dedans par une police exa&e, nous voyons cependant prefque tous les Individus fiétris par ladouleur, le malaise; accablés d'inquiétudes & de foins. C'eft qu'il n'y a plus de veitu, plus de moeurs, plus de bonne-foi, plus d'honnêtué, pius de fcrupule: ChaqueHomme regarde le^ Aatres d'un oeil mécontent, d'un oeil de défiance, de haine, d'envie. Quellecftlafourcedece mal? L'égoïfme; & cette maxime fatale, qui retentit depuis environ trente ans dans toutes les Sociétés : // faut vivre pour foï. On ne f'afncine pas, on ne f'égorge point comme dans les guerres civiles; mais chaque Particulier recoit chaque jour, aulieu d'une blefïïire profonde, mille petites plaies de fes Semblables, & nous pérïffpns tous du fupplice cruel d'un Homme condamné a mourir par des piquures d'épingles. UnPartideForcenés n'entre plusdms nos maisons, pour y piller, y violer nos Femmes & nos Filles; mais nos Correfpondans nousruinent par des failütes & des infidélités; nos ConnaifTances féduisent a-loisir nosEpouses & corrompent le coeur de nos Filles; on leur öte imperceptiblement la tendrelTe pour nous; & nous fèchons de douleur prefque fans nous en appercevoir nous-mêmes. A-peine fe trouve-t-il unHomme que nous puiflïons aimer; & f'en trouvat-il un a notre portie qui en fut digne, la multitude d'Hommes vicieus qui nous environnent, dont les atrocités obfeures nous révoltent, ne nous permettrait pas de jouir en paix du trésor ineftimable de 1'amitié. A-tout-moment, dans 1'inflant même de 1'épanchement le plus vif, j'appi ens une fcélératelTe, ou je la vois ; je regarde mon Ami; il me regarde ; nos deux cceurs fe ferment, & fi nous osons nous jetcr dans les bras 1'un de 1'autre, un doute involon- C iv  f>4] taire empoisonne notre embraflement. L'amour, plus défiant encore que 1'amitié, n'abreuveplus depuis longtemps du venin de la jalousie: Mais ce premier des plaisirs, ce plaisir fi pur, qui nous égalerait aux Dieus, n'eft plus, dans notre fiècle , qu'un fentiment vague, fans énergie; ou f 'il en a, nos Femmes fe comportent de-facon , qu'il devientleplus affreus des fupplices. Auffi 1'a-t-on abjuré -3 il n'exifte plusparmi Ceux dont ildevrait ennoblir 1'exiftance, &le plus trifte des excès, la marqué de la corruption laplus complette, 1'infenfibilité eftpeut-étre un refte de prudence. Tels font les effets du vice: il empoisonne toutes les fources du bonheur, l'amour, 1'amitié, la tendreffe paternelle , l'amour filial; il bannit la confiance réciproque : ce monftre dévafle tout, autour de 1'Homme focial, il 1'isole, le privé du fecours de fes Semblables, les rend fes Ennemis , & le réduit, au fein de la fociabilité , a la folitude abfolue duSauvage errant, refte infortuné d'une Peupladedétruite. Fesons donc au vice une inceffable guerre, mon cher Fils , & tachons de bien-mériter de nos Semblables , en cherchant les moyens de 1'extirper. Représentez-vous a-présent notre Réforme opérée ; 1'ordre rétabli; lesÉpousesfoumises, laborieuses, retirées; des Maris occupés de leurs devoirs, furveillés par les Anciens , qu'ils feront portés a refpecler par 1'efpoir de leur fuccéderj fürs de leur paternité & du coeur de leurs Femmes; pouvant compter fur des Amis, que 1'intérêt perfonnel ne portera pas a les trahir; roisde leurs Families dont ils feront le bonheur; fujets de 1'État dont ils feront les Enfans ; concourans tous au bien genéral, qu'il leur fera impoflible de ne pas avoir pour terme de toutes leurs aétions: Représentez-vous une Jeuneflè docile , fervant naïvement 1'Agc-viriI; celui-ci honorant la Vieilleflë ;  !>53 celle-ci communiquant fon expérience, encourageant par de fages difcours; jouiflant d'un doux repos Iongtemps mérité: Représentez-vous le mérite de la Jeu nelTe recevant le prixflateur des diftin&ions dans les jeux; le prix fublime de h bonncconduite, 1'Objetdeleur amour aux fêtesdes mariages: Voyez-les, mon Fils, tous heureus. lesPèrcs nar les Enfans; les Enfans par la joie & les applaudilTemens de leurs Pères : Voyez-les, & dites-moi , fi de pareils effets ne méritentpas qu'on tente tout pour les procurer ? Mais, mon cher Fils , il ne faut pas fe flater que mes efForts feront fuivis d'un plein fuccès: La corruption eft trop grande; notre fiècle eft trop frivole & trop engourdi, pour que je doive même efpérer une approbation génerale. Ce qu'il y a de meilleur dans 1c Livre de l'Éducation dc J.-J. Rouficau a été ridiculisé , négligé même par fesPartisans: Une chose me confole; c'eft que dumoins je vous aurai montré les fources de la vraie morale, & que j'aurai tenté de travailler pour 1'utilité publique. Tkoisième L e t t r e. ^On principe inconteftable, mon cher Fils, c'eft que la bonté & la beauté font les deux modes, ou facons d'être naturels a 1'Homme (*). Des causes abfolument étrangères, nous en écartent plus ou moins. Ces causes, le plus ordinairement, viennent des Hommes ;t mais elles peuvent aufli venir des fituations, & des objets I inanimes. Tout Être méchant ou laid, 1'eft donc en-conféquence d'une cause-feconde, fimultanée ou poftérieure a fa formation. Les causes fimultanées, & les plus puif- i fcntes, font les difpositions de 1'efprit & du corps du Père C) Voyn laNotc[Aj les Gynographes.  C*«3 & de la Mère au moment de la génération : du cóté de 1'efprit, des chagrins , ou de la joie ; 1'idée d'un crime , d'une vengeance , ou celle d'une bonne-aétion ; la hatne , ou l'amour j 1'antipathie ou 1'amitié pour un Objet quelconque, &c.a: du cóté du corps, la vigueur ou 1'épuisement; une fanté floriflante , ou un état valéuidinaire & fouffiant; un tempérament vif, fanguin, ou mélancolique, %&c.a D'après ces causes fimultanées , & leur degré d'energie, dans 1'un , ou dans les deux Épous, 1'Être qui va leur devoir 1'exiftance , f'éloigne plus ou moins du type facré de la nature, qui eft la beauté & la bonté^ Mais ce n'eft pas tout, cette influence de 1'Être producteur fur 1'Être produit, f'exerce avec une égale force tout le temps de la groflefle de la Mère ; 1'Enfant participe a toutes fes paltions , quoiqueplongédans unfommeil continuel, & ces pafiions, ces affecbons de la Mère, plus ou moins violentes, plus ou moins durables, font fur la fubftance rcolle du cerveau du Fétns, une impreflion permanente ; elles remuentfon ame , elles en altèrent la difposition naturelle ; & reagiffant enfuite fur les organes, elles fe retracent fur le miroir de 1'ame humaine, le visage, dont les traits fe modifient peu-a-peu , en-conféquence des imprelfions les plus fortes & qui ont duré davantage. Que fera-ce fi 1'on ajoute a ces causes, toutes lesmaladies qui peuvent affedcr le corps? La douleur enlaidit toujours, comme la joie embellit; & la douleur eft prefque 1'état habitucl des Femmes-enceintes dans nos climats (*). - II fult de-la, que dans les cllmats ou les Femmes ne fouffrent pas durant leur croffefle , comme dans la Guinee pour les Noirs, Sc dans quelques autrespays chauds, pour lesBlancs, comme la Slcile , autrefols h Mvsopotamle, avant ladiminutlon des fleuves qui 1'arrosent,  t>7] Après Ia naiflancc dc 1'Enfant, les causes fnorales fe réiinilTent aux physiqucs, pour maintenir Ia beauté de forme & la bonté dont elle eft Ie type, ou pour les détériorer 1'un & 1'autre. Tant que 1'Enfant n'a pas 1'usagede la raison, & que fon corps eft encore dans un état de de molleffe , les impreffions agréables ou desagréables ont un égal effet fur 1'ame & fur le corps : Ce n'eft qu'après cnviron 1'age de trois ans, que dans certains Individus, l lame commence a recevoir fcule les impredïons. Je dis , dans certains Individus , car il en eft que les mauvaises difpositionsdeleur ameenlaidhTent même après quinze ans, & plus tard encore; c'eft une obfervation que j'ai faite trop fouvent, pour qu'elle me laifie aucun doute: J'ai aufli quelquefois remarqué 1'effet contraite ; des Vicieus corrigés, dont lamerendue au bien, étaitdevenue tranquille, acquéraient un air plus agréable, &c.a Le Projet de Règlement que je vais proposer, & dont s je veux que vous profitiez le premier, mon cher Fils , eft &c", les Hommes devjient être beaux & bons. Cependant les Nègres font laids & ftupides, dira-t-on? Cela tient a d'aatres causes, pour la laideur: Quant a la ftupidité, celle des Nègres n'eft que naïveté en bien des cas; il y a certaines Nations de Nègres beaux & fpirituels. A cette occasion, je vous fais une oblsrvation, monFils: c'eft que demême que les fleurs les plus belles en-double , & les fruits les plus fuc culens, font des monftruosités: ainfi 1'efprit porté a un certain point, eft un dcsordre: les Hommes, que nous voyons en Europe , qui n'eft pas le climat naturel au Genre-humain, y naufent tous facTiices aujourd'hui: ce n'eft point la 1'Homme de la Nature ; mais 1'Homme grefté, artificiel. L'Homme de la Nature, eft moins fpirituel, moins méchant, moins joli & plus beau, moins magnanimi & meilleur, & fur-tout plus vrai: le menfonge eft un non-êtrc , incompatible avec 1'Homme naturel; c'eft un vice qui n'exifte dans 1'Univers que furies lèyres del'Homrae faftice.  [28] donc capable de procurer au Genrc-humain, deux avantages ineftimables, la bonté & la beauté : La première de ces deux qualités produira le bonheur généra!: la feconde cimenteral'union enne les Hommes & les Femmes: toutesdeux feront l'effet du contentement, de la tranquilité qui resulterait du genre de vie dont je vais tracer le plan. Vous vous rappelez ce qu'on a déja ttabli pour les Femmes, dans le Tome précédent: ce premier fyftème & celui-ci font ab» folument liés, &. le dernier eft le complement de 1'autre. III.™ §. MOVENS D'OPÉ RE R UNE RÉFORME GÉNÉRALE DES M(EURS. Il n'y a de bonheur que dans la vertu : C'eft une maxime dont tout confirme la vérité : mais f'il lui falait un témoignage irrecusable , j'invoquerais celui d'Epicure , ce Partisan de la volupté, qui a fait de cette maxime la base de fa philosophie. Jl n'y a de vertu que dans l'e'galitê physique & morale: feconde maxime non-moins vraie que la première; mais qui demande quelque développement. L'égalité que je demande n'exclut point la fubordination; aucontraire, elle la fuppose inviolable: elle confifte feulement dans une parité parfaite entre les Égaux d'age & de condition , qui, relativcment a leurs emplois, font fubordonnés a Ceux qui en exercent de fupérieurs, & dominent Ceux qui en exercent d'inférieurs: pourvu que dans tous les cas, & entre tous les Individus, l'égalité physiquefoit facrée. Ainfi l'égalité morale n'exiftera point entre le Vieillard & le Jeune-homme, le Magiftrat & le Citoyen ordinaire , le Roi, & le Sujet. // faut que chaque Individu rcmplijfefa tdchc, & f'ac-  ——————— r>?] quitte de fa pöriion de travail^ afin qu'aucunne foit foule\ &nefajje plus qu'il ne devrait,: troisième maxime , qu'un Empereur de la Chine a fortement exprimée dans une Ordonnance publique: S'ily adans nosEtats un Homme qui ne laboure pas la terre, une Femme qui ne file pas, ilfaut qu'il y ait quelqu'un qui travaille au doublé, ou quelqu'un qui manque de pain & dc vetemens. O manes facrées des Gracques, revenez parmi nous ! environnez le txöne des Rois; que 1'efprit de fagefle 5c d'humanité qui vous animait, fe communiqué aux Pafteurs des Nations, & leur montrc enfin la vraie route du bonheur public! Et toi, fageLégiflatcur de Lacédémone, guide ma plume , non pour former uniquement des Guerriers, les temps font changés, mais des Hommes égaux, amateurs de la paix : Tu fus couper a la racine tous les abus & tous les vices, par les moyens les plus fimples & les plus faciles ; tes lois eufTent été le chéfd'oeuvre du génie & de laraison, fi elles n'euffent pas fupposé desÉlotes; je n'ose les rappeler; mais fi je leur rendais toute leur beauté, elles faisiraient d'admiration. < -.^•^c£(B^. L y. PROJET DE REGLEMENT. P R O P O S Ê a toute les Nations de VEurope, pour opérer une Réforme générale des rnceurs. Trois fortes d'éducations forment 1'Être raisonnable; celle de la Nature, celle de 1'Homme & celles des choses: il faut que la Loi d'lnftitjtion générale réünifTe ces trois éducations en une, & faffe enforre qu'elles f'entr'aident mutuellement. Dans l'état actuel du Genre-humain , l'éducation de la Nature eft abfolument viciée; celle des  Les difpo' iitions des Pareus , avant la conception des Enfans, influent fur ceux-ci. L Éducation des Garfons, d'esle berceau. m Hommes eft 'pleine d'abus & de contrefens; enfin celle des choses achève ordinairemenr de porter la corruption dans le coeur, elle qui devrait être la reformatrice des deux autres. Tachons de rétablir 1'accord néceflaire entre ie cride la Nature, les devoirs de 1'Homme focial, & le resultat de 1'expérience , qui fi fouvent contrarie les préceptes des Hommes & les appétits de la Nature ! TITRE PREMIER. DES Ga RS ONS, depuis la. naijfance, jufquau Maria ge. Article préliminaire. L'Education doit en quelque forte précéder la naiffance; ckdèsl'inftantdeleur union, les Parensfagesdoivent fonger a ce qui en eft le but principal: Ils tacheront enconféquence de fe maintenir dans les difpositions convenables, pour ne pas donner 1'être a desinfans qui participent des paftions extrêmes ou desagréables, telles que 1'excès d'amour physic ou fimplement de tendrefTe, la haine , la colère, ou telle autre difposition repréhenfible; ils feront enforte de fe mettre dans une fituation de contentement & de tranquilité , en calmant toute agitation vicieuse avant 1'actc faint du mariage: L'Epous, en qualité de chef & de proteóteur de fa Femme, aura foin de Pexempter, autant qu'il fera pofhble, durant fa groffefTe , de peines d'efpnt & de celles du corps capables de prendre fur la fanté ; ou fi elle était trop acariatre & trop difficile, de la reprimer d'abord avec une force qui lui infpirat une terreur falutaire. Article premier. D È s qu'un Enfant male fera né, il fera , fuivant Ia faison & le climat, ou laifie ablbhiment nu, ou mis dans  tpl tine efpèce de fac, large, de fimple toile, ou garm endedans, fuivant le degré de chaleur qu'il fera nécefTaire de lui procurer; mais de-forte que tous fes mouvemens foient libres, & qu'il foit facile de 1'approprier. Dans ce premier age, Ie Garfon ne fera jamais contredit, & on le laiffera a la feule éducation de la Nature. Ce qui ne fc piatiquera point pour les Filles, comme on 1'a dit au Règlement des Gynographes (*). IL fera expreffément défendu aux Mères , & 'a toute autre Perfonne employée auprès des Enfans males, de les careffer, & de leur patier autrement que d'un ton doux& raisonnable, fans employer aucune mignardise; de les bercer; de leur faire aucun conté ni aucune hiftoire qui puifte faire naïtrela crainte ou lafrayeur: Aucontraire, tout ce qu'on leur dira , même avant 1'usage de raison, tendra a leur élever 1'ame, & a les mettre audeffus des petitefies de 1'enfance: on leur donnera de petites lecons de courage & de générosité; & fi on leur fait des hiftoires, elles n'infpireront que la hardielTe & la magnanimité. Quant a la nourriture, chaque Male reuera deux ans le lait de fa Mère, & une troisième le lait de Jument, le matin & le foir , pour les Parens qui feront a portée d'avoir de ces Animaux , ou le lait d'AnefTe, ou enfin celui de Vache ou de Chèvre; fans que rien puillè difpcnfer de ce doublt alaitement, qui, après la réforme, ne fera impraticjble pout aucun Citoyen ; étant reconnu qu'un prompt fevrage & les nourritures folides qu'on eft obligédefubftituer au hit, précipitent 1'ofiification , &: par-conféquent rapetiffent Is ftature , ce qui empêche le beau développement de toute; les parties de 1'Individu. On pourra fe difpenfer de cej précautions pour les Filles; parce-ain! eft avantaseus. qu'elles fpiwnt formées & mariées de-bonne-heure; pouivu 1 Art. II. Coaduiti générale & l 'égard des Garfoiis.  IJL Sevrag (tl.rcEdw cation de Hommes. IV. Seconi Educatior. que (Tailleurs on ne fe permette rien a leur égard qui gate le tempérament: car la petiteffe de la taille & la délicateffe font plutót une perfeétion, qu'un défautdans le fecond-fexe. A TROIS ANS accomplis, on pourra fevrer les [Males; obfervant néanmoins qu'ils déjeünent avec du lairtage, jufqu'a 1'age de cinq ans, & même plus tard, f'il eft poflïble. Durant les deux années de trois a cinq, les Garfons feront abfolument libres: on mettra en usage pour eux différens jeux, aufquels ils f'exerceront; il V aura feulement quelques Surveillans publics, qui auront 1'oeil a ce qu'ils ne fe bleffent point, mais fans les gêner & fans paraitre faire attention a eux. Les jeux feront composés de facon, que dans les uns, les Enfans foient obligésde compter depuis r, jufqu'a 100; & dans les autres, de fe fervir de la figure, tracée fur des morceaux de bois ou d'ivoire, de toutes les lettres de 1'alfabet, dont ils exprimeront Ia valeur, & composcront les mots employés dans le jeu: les plus Habiles enfeigneront aux autres; & jamais les Surveillans publics ne f'immifceront a les inftruire ladeffus; fauf aux Parens a céder aux inftances de leurs Fils qui les confulteront. Cette première Clalfe , des Enfans de trois a cinq ans, fe nommera la ClaJJe des Inuttles. A s I x ans, les Garfons fortiront de la Clajfe des ■e Inudles, pour entrer dans celle des Occupés: Les En' fans de cette Claffe feront admis a entendre les leflures que feront les Surveillans, d'hiftoires choisies , & a leur voir exécuter différens ouvrages, dont on leur permettra de faire les plus faciles, quelle que foit leur condition: ce qui durera jufqu'k ce qu'ils aient atteint 1'age de huit ans acccomplis. On obfervera de tutoyer tous les Enfans, de quelque condition qu'ils foient, jufqu'a vingt ans. A NETJE  [333 A neuf commencés, les Garfons entreront dans la CldJJl des Ut Hes , dans laquelle on les fera lire & écrire une heure le matin & une heure lefoir: Le refte du temps fera employé au travail des mains, & a quelques jeux d'exercice & d'adreffe. Ils refteront dans cette clalfe , jufqu'a dix ans accomplis. i, Depuis le fevrage, les Enfans en-général feront nourris de la manière fuivante : A déjeuner du lait qu'on viendra de traire, verfé fur du pain émietté: A diner, trois heures après, c'cft-a-dire aonze heuresdu matin, ils auront un potage aux légumes, comme pois, fèves ou lentilles, après lequel ils mangerontces mêmes légumes, fans aucun autre alfaisonnement qu'un-peude fel avec du crelfon ou du cerfeuil hachés, qu'ils y mêleront: Quatre heures après, ils goüteront avec un morceau de pain-fec : Le foir , vers le< fept heures ils fouperont avec un potage au bouillon de porc, trois-fois la femaine, fuivi d'un morceau de la même viande; deux jours le jeudi & le dimanche , le potage fera au bouillon de bceuf; & les deux autres jours , le potage fera au lait, fuivi de fromage-mou, affaisonné de fel & de poïvre. Les Garfons ne boiront que de 1'eau jufqu'a 1'age de vingtcinq ans accomplis. Avant 1'age de trois ans, les Males feront couché; dans desefpèces de facs larges & courts, femblables a celu: qui les aura recus en nailfant, lefquels feront posés fur 1; paille menue qui resulte du vanage des grains, & flxés aus quatre coins par des cordons a quatre pieux, ou colomnes: Pafte trois ans, ils courheront dans un drap fur lapaüle longue , jufqu'a leur manage : II n'y aura de différence poui 1'hiver & 1'été, qu'un-peu plus ou moins de couverture. S r un Garfon tombe malade après 1'age de trois ans on le remettra au laitage pour toute nourriture durant 1< I Part. D v. III.™ £du* cation. VI. Nourriturei VII. Coucher des Garfons, vut Maladies,  IX. Adolefcence. * Voyt^ is > y X 13 r s r > i xxxi. Marqué:s des Prix.  L>3 deshabits: Les Primitiaires doublés, c'efMre, ceux qui auront des mceurs, & une habileté dansles arts, les métiers, &c.a dignes du prenver prix, feront habillés de rouge, avec la cocarde bleu-célefte; ils auront une couronne brodée en foie verte fur la manche gaüche, & fur la droite ces mots: Primitiaire en maurs & en exercices : ou fi les exercices 1'emportent fur les moeurs, Primitiaire en exercices & en maurs. Les Secondaires en mérite d'une part, & Primitiaires de 1'autre , porteront un habit de couleur aurore, la couronne en foie bleue, la cocarde rouge , fcpour légende on lira ces mots : Secondaire* en mceurs, ou, en exercices, & Primitiaires en exercices , ou en mceurs, fuivant ce qu'ils feront. Les Seccndalres fans primitiat, feront habillés en bleu-célefte ; la cocarde en rose-pale ; la couronne & la légende en rougefoncé. Les Secondalres-tertlalres, c'eft-a-dire, Ceux qui ne feront pour les moeurs qu'au troisième rang, & néanmoins au fecond pour les exercices, auront 1'habit violet j la cocavde vert-pomme, la légende & la couronne aurore. Les Tertlaires feront habillés couleur-de-pourpre, la cocarde violette, la couronne & la légende en jaune. Lts Tertlalres-quartalres, en couleur de vin, la cocarde noire, la couronne en r ougc-pale. Les quartair es feront habillés de brun-marron; lacocarde jaune, lacouronne & la legende en bleu-de-mer. Les Quartalres-qulntalres , en gnsd^-fer; lacocarde amarante, la couronne en brun-marron. Les Qulntalres en gris-de lin j la cocarde blanche, la couronne & ia légende en brun-foncé. Les Qulntalresftxtalres en couleur de feuilles-mortes; la cocarde grisde-perle, Ia couronne & la légende en violet. Enfin les Sextalres en blanc ; la cocarde jaunatre , la légende & la. couronne en nok. On obfervera en-outre, que dans  Ie cas oti un Sujet feraitprimitiairt pour les mceurs, pa exemple, kfextaire pour les exercices, il aura 1'habit d( Primitiaire des mceurs, la veftedc Sextaire : & que fi aucontraire, il & primitiaire des exercices, & fextain quant aux moeurs, il aura 1'habit de Sextaire & la veftt de Primitiaire; &: ainfi de-fuite, pour tous les melange; poffiblcs de degrés : ce qui fervira en même-temps d'indication pour fon rang : Le Primitiaire-des-mczurs-fextaire, devant-étre placé au troisième rang: Le Secondaire des moims-fextaire au quatrième , &c.a Au-mo yen de ces diftincxions établiespour !e mérite, elles feront a-l'avenir les feules qui exifteront entre les Hommes; chacun devant potter toute fa vie 1'habit de la clafiè & du degré oü il fe trouvera : Ce qui fera décidc '& la pluralité des fuffrages: obfervant, que 1'orgueil, 1'infolence, un reproche fait aux Claffes inférieures par un Primitiaire, ou une raülerie fur leur infériorité, Ie mettra fur-le-champ dans la claffe de Celui qu'il aura injurié, ce Dernier füt-il Sextaire, pendant une année; en cas de récidive, pendant deux ans: & pour une troisième-fois, pendant dix ans. On enfeigncra aux Garfons les vrais principes de la Religion chretienne, puisés dans Ic N.-Teftament, &fur-tout dans les Évangiles , fans explication, fans commentaires; chacun d'eux exercera fon jugementa les comprendre; la Religion devant entrer dans notre cceur d'ellemême & fans cffort, & non y être inculquée par autrui: telle était celle des Patriarches ; il eft impoffible aurrement que les Hommes 1'adoptent entièrement, & qu'ils 1'iuencifient ï leur facon-de-voir & de fentir : On bannira tout-efpèce de defpotifme religieus, la religion devant être libre comme l'amour: & n'étant pas d'ailleurs une Eij XXXII. Bjjets des Prix. XXXIII.  affaire de lumière , mais de fentiment. Pour qu'Un-autre „ous fit aimer la Religion, il faudrait qu'il fut lui-meme un Objetadoré, comme uneMaitreffe, ou un Amant, &c. On apportera la plus grande attention, a ce que chacun le faffe faReligiond'après fa facon-de-fentir: alors chaque Garfon ayant une religion qui fera fon propre ouvrage, il f y attachera, l'aimera , la pratiquera: Cette Religion, d'aprèsles fources oü on la fera puiser, ne pourra etre quelareligion-chretienne: mais il fera défendu, fous les peines les plus févères, de jamais fouiller dansles conlciences,pourconnaitreiespctitesdifférencesdogmatiques, qui pourraient fe trouver dans la croyance des Individus : il n'y aura jamais a ce fujet que des inftrucYions generales, fans déclamation: le point le plus important de la Religion , étantla morale, c'eft fur la morale principalement que rouleront les inftructions des Miniftres: Ils ne parleront du dogme que par occasion, fcfeulement pour exposer la créance générale, afin que chacun la connaiffe , & fache ce que penfe a ce fujet le Corps-ecclésiaftique. On previen^ra par ce moyen, a-jamais, toute querellc de religion , & la paix tègnera entre les Hommes, comme il convient entre desFrères. Cependant, malgré cette liberté, les devoirs extérieurs devront être templis aux heures fixees , comme devoirs publics, avec décence, & fans aucun trouble ni fcandale. On ne recherchera pomt les difcours de Particulier a Particulier fur cette matière; il n'y aurait qu'une déclamation publique , qui ferait reprimée. Pour cela le Magiftrat ferait comparaïtrc en pleine Affemblee le Déclamateuï , & lui interdirait le fcandale, fous peine dc desobéiffance k la loi: & fil retombait dans la même faute il Terait puni comme desobéiffant; il ne ferait pas même' queftion de la Religion dans la fentence j parcc-qu'il  [533 ne faurait y avoir direétement de peine civüe en cette matière, fans aler contre 1'efprit de cette même Religion. TITRE SECOND. Du Ma ri age (*). Tous les Jeunes-gens des deux-fexes feront deftinés au mariage, comme a 1'état auquel ils font deftinés par la Nature, la religion, &: les loix fociales: Tout Individu bien-conformé fera obligé de fe marier; & pour ce, Ton établira les facilités détaillées dans les articles fuivans. Le feul cas oü 1'on fera difpenfé du mariage, fera celui d'infirmité, ou de difformité. Les Infirmes, de quelque manière que ce foit, pourront ne pas fe marier du-tout; Quant aux Difformes, mais vigoureus, il leur fera défendu feulement d'épouscr aucune Jeune-fille quelle qu'elle foit; mais ils pouront obtenir des Veuves depuis trentecinq ans &audelk; lefdites Veuves, de leur cóté, ne pourront épouser un Jeune-homme bien-fait, a-moins qu'il n'y eri eüt de trop pour les Filles k marier : auquel cas le Magiftrat donnerait une licence aux Veuves a marier les plus jeunes & les plus agréables. Les Hommes difformes, en compenfation de cette gêne, feront privilégiés pour tous les états oü le célibat convient. Le chois des Epouses ne dépendra plus k-l'avenir du caprice ni de Pintérêt: le degré de mérite de chaque Garfon, bien-conformé, lui donnera le droit de choisir entre toutes les Filles, fuivant qu'il eft porté par 1'art. xxx (*)Jeme croïs. obligé «Favertir de-nouveau l'honorable Le&eur , d'avoir toujours present, en lisant eet Ouvrage, le Tome III, incitulc ' Les Gynographes ; ces deux Volume;, da Idéés finguliircs ne formant I «ju un tout indivisible. [ Note de l'Editeur. E ii] XXXIV. 'bléceffité du mariage. XXXV. Difpenfé de fe marier, XXXVIJ Chois.  [J4] du Titre I.er Pour cct effct, aux quatrcs grandesfétes* de-mariage, qui feront fixées aux environs des folftices & aux équinoxes, favoir, a la Saintandré, au Carnaval, a la Saintjean & le 9 Septembre après les moiffons, tous les travaux cefferont durant trois jours, pour toute Ia la Nation , qui f'affemblera dans Ia vue d'être témoin des mariages, & de participer a la joie des Nouveaux-épous Ces trois jours auront été précédés de quinze jours de préparatifs, dans les Families oü il y aura foit des Garfons foit des Filles a marier a la fête lors prochaine : on préparcra leurs habits, on leur donnera des infiruaions ; aux Garfons comme il eft preferit par 1'article xli ci-après, & aux Filles, comme il eft porti dans Tart. lxv du Règlement des Gynographes. Le jour du chois arrivé , qui fera le fecond des trois jours-de-fête, le premier n'ayant été employé de la part des Jeunes-gens deftinés au mariage, qu'a la lefture du Regitre-des-moeurs & a la montre, toutes les Filles feront rangées fur une file, ou fur plusieurs, fuivant lelocal, & les Garfons fur une autre: LcsPrimitiaires fortiront les premiers, & choisiront entre les Filles Celle qui leur conviendra , affiftés de leurs Parens, quiparleront a ceux de laFille: Enfuite les Primitiaires-fecondaires, &c.a jufqu'auxScr^iVc-r, qui choisiront les derniers: Et parmi les Jeunes-gens des différentes clalfes, Ceux d'un mérite un-peu plus marqué , feront toujours les premiers deleur claffe par ordre ; (le fort dont il eft parlc, dans 1'art. xxx, ne devant avoir lieu, qu'entre Ceux d'une egalité parfaite) > chacun ayant un 72.*", qui recommencera dans chaque clalfe par un, pour le Plus-méritant, & continuera jufqu'au Dernier des Sextaires: Toute Fille choisie ainfi publiquement, fuivra modeftementfonFutur a Vautel, oütousleS Garfons & Filles feront unis fur-le-champ, par une feule bé-  nt'diction générale : les Parens auront feulement attention a. faireprononcerle ouih. chaque Couple qui leur appaitient par les noeuds-du-fang. La proporrion-d'age, pour le chois, fera règlée comme il eft: porté par 1'art. xxvill des Gynographes ; & les autres convenances, comme le desire 1'art, xxix de ce même Règlement pour les Filles. Auffitot après la bénédiction, les Jeunes-Epous feront féparés , pour n'être réünis, que par intervales, &: de la manière prefc: ite par 1'art. xlii. Chaque Epouse aura un anncau, ou feront inferits la claffe de fon Mari, &ic rang qu'il tient dans ladite claiïe. Dans le cas oü une Fille, choisie par un Teime-homme ne pourra fe resoudre a le recevoir pour Mari, elle fera faire fon opposition fur-le-champ, par une des Matrones du Comité des Anciennes , ttablies par 1'art. lxxx du Règlement des Gynographes * : on examinera enfuite , & dans le jour, les causes du refus, non pour en confrater lavalidité, il en aura toujours; mais pour inlliger une peine a la Fille, fi les causes font a fon desavantage: En cas de doutc, fon mariage feraremis a h prochaine fête, en cas de tort & de ï aisons futiles , elle fera rejctée dans les derniers rangs, pour n'être choisie a-l'avenir, que par les Sujets des dernières claffes en mérite & en bonnemine : en cas de raison, elle pourra, dans la même journée, être de-nouveau rechoisiepar un des Jeunes-gens fubftirués, au nombre de dix , a Celui qu'elle aura juftement rejeté. (N.a II faut ajoutcr aux détails de 1'art. xii des Gynographes, que les Filles du premier-mérite, feront mises au premier rang, pour être plus exposées a être vues & choisies par les Primitiaires, les Primitiaires-fecondaires, 6k les autres Jeunes-gens d'un mérite diltingué : obfervant que pour les Filles, 2 tout le mérite propre a leut E iv XXXVII. * Voye\ :ct art. p. IJ4-  XXXVIII. Difformes XXXIX. games lé C5«] fexe, il faudra joindre nn degré dc beauté, de gentillefle ; ou aumoins d'amabilité.) Tout Garfon qui aura quelque défaut corporel, fera rejeté des claffes légitimes, & on formera de tous ces Difformes, différentes claffes, fuivant le degré d'invalidité. i. Les Eftropiés par accident, qui auront encore le pouvoir def appliquer aux travaux, auront le chois du mariage ou de 1'état ecclésiaffique , féculier ou régulier : De-même lesfuivans: 2,, LesBoiteus, fans autre difformité, formcront la feconde claffe, a laquelle on pourra donner des Jeunes-filles pour Femmes, fi d'ailleurs , ils font vigoureus & fains : 3, Les Bancroches ne pourront obtenir que des Femmes-veuves: 4, Les Boffusde naiffance & contrefaits n'auront que des Femmes de quarante ans: ^ , Les Sourds & les Borgnes, auront pour Femmes les Filles-derebut, qui n'auront pas été choisies aux fêtes des mariages : 6) Les Aveugles auront les Filles les plus laides, qui n'auront pu trouver de Maris. Le chois fe fera par les Difformes en autant de divisions que pour les Bienfaits; obfervant que pour laprécejfion, il faudra réünir la moindre difformité avec le plus grand mérite; & defcendre enfuite , en compenfant la difformité parle mérite, jufqu'aux Derniers des Sujets, par leur peu démérite, & leur plus grande difformité. Enfin on obfervera, que Ceux dont l'infirmiré ferait communicative, comme les Ecrouelleus , les Scorbutiques, les Dartreus, lesSyphillitiques, &c.a, ne pourront obtenir le mariage, ou qu'il ne leur fera permis qu'avec les Femmes de «jo ans qui voudront bien f'y exposer: Tels feront encore Ceux attaqués du mal-c**, de la pthysie, &c* Les causes de rejet d'un Garfon ne fauraient étre que 'particulières, attendu que le Comité des Vieillards, dont  C57] il fera parlé fous Ie Titre V, aura foigneusement écarti Ceux qui feraient dans le cas de quelqu'une des cause générales: Ainfi, i, une injure particulière & fecrette fake a une Fille, fera une cause de rejet: 2., un via fecret connu de la Fille : 3, une injure faite au Père, ai Frère, a 1'Oncle, au Cousin-germain; a Ia Mère, a 1; Soeur, ala Tante, a la Cousine-germaine, ou auxMakn &Makrelfe: 4, une raillerie faite de la Fille: 5, lu avoir refusé un fervice: 6, avoir , dans quelqu'occasion visiblement préféré Quelqu'autre a elle : Dans toutes ce: causes , pour que la Fille ak raison, & que le Garfor foit réjeté a une autre fête , & même dans une clalfe audeffous de la fienne, il faut que 1'infultc fok d'un genre grave, fur-tout pour le dernier cas. Encore que les causes foient non-légitimes, le rejet ie fera pas moins admis: mais alors la Fille fera punie, fuivant 1'exigeance: En cas de non-preuve de causes égères, elle fera feulement remise a une autre fête , & eGarfon ne pourra plus la choisir: Mais, fi Ia Fille accuait a- tort de cas graves, ou qu'elle donnat des causes-deejet non-légitimes, telles que les fuivantcs, 1, Qu'il h'eft pas beau : 2,, Qu'il n'a pas ce goüt de frivolké, qui fait mériter aux Jeunes-gens le titre futile d'agréables : ), Qu'il eft férieus & froid: 4, Qu'il a eu des torts, qui i'en font pasj comme d'avoir quelquefois hasardé des représentations juftes fur des écarts réels de la Jeune-perjbnne: 5 , Qu'il eft d'une vertu trop rigide : 6, Qu'il ji'eft pas d'uneFamille égale, &c.a; dans ces cas, & autres jemblables, la Fille defcendra dans une des clmTes inféiieures; & dansles & ^ cas fpécifiés, elle fera lise au dernier rang. Quant au Garfon , qui fera rejeté Dur cause non-jufte, il rechoisira dès le méme jour, : gitimes de . rejet d'un ' Garfons. > l l i ► 1 XL. Causes non - légi-t times.  ( 1 ( XII. Infructintis aux jiïouveaiiXmaries. [58] 'ntre toutes les Filles non-prises, f'il fen-trouve de-refte, , inon, entre dix de la promotion fuivante, qui, de-même : me parmi les Garfons a pourvoir , feront toujours prétes i 1 fuppiéer au manque de Sujets. ÜUTRE les fages avis qu'on aura donnés aux Jeunes- ■ ;ens avant le mariage , le Chef du Comité des Vieillards: eur fera un difcours immédiatemcnt après la célébration ,, Sc qui en fera partie , dans lequel il recapitulera toutes s [es mftruftions précédentes: Savoir : 1 , Que le mariage eft un état faint , & 1'acle du mariage , le plus refpec table 6c le plus facré desreyftèrcs de la nature : a , Qu'c n 1 doken-conftquence, ne rien fe permettre qui puiffe leprc. faner , foit par un emportement brutal , foit par des hbertés indécentes, des difcours obfcènes , &c.a : 3 , Quet les céiices dont la Nature accompagne 1'afte du mariage,! font un bienfait, dont on doit lui rendre-grace : 4, Quej ces délices doivent engajer un Efprit raisonnable a fouffl friravec resignation les peines attachéesau lien-conjugalil ^ , Que le plaisir qu'a un Père , en fe voyant naki e desi Enfans , étant le plus doux que nous puiffions éprouvcr, il doit nous rendre notre Épouse plus chère , & nous cn-ji gajer a bien élever ces mcmes Enfans : .6 , Que 1'im-i patience d'un Mari contre fa Femme , la brutalité , li colère , &c.a, font des ades tout-a-la-fois fércces M puériles : 7 , Qu'il eft avantageus a la conftitution dcsjl Enfans & a la fanté du Père , que le goüt dc volupl qu'infpire 1'Épouse ceffe d'avoir 1'emportement 6c layiyaca de la nouveauté; attendu , que ce goüt confumerait ll forccs du Mari , 6c donnerait a la Patrie des Enfans d'111 corps débile , ayant des paffions vigoureuses, c'eft-a-dire non-proportionnées au ton des forces : 8 , Qu'il eft entr les Épous une forte d'intimké douce, fondée fur la cod  [59] fïancc & le besoin mutuel, oui eft préférab'e a l'amour, même de tendreffe , qui ne peut que nuire a 1'aquit des devoirs, parce-qu'il occupe trop: 9 , Qu'on n'eft pasjmaitre de faire venir l'amour , £e de 1'ernpêcher de f'en-a'er ; mais qu'on 1'eft de mériter la confiance , de fe rendre nécefTaires 1'un a 1'autre , & que par-conféquent, ces vernis font la base du bonheur : 10 , Que les Epous doivent être polis entr'eux , la politefië érant une fource d'amabiüté , qui nous rend agréables, & Perfonne n'óVant plus besoin d'être agréables 1'un a 1'autre que des Epous, deftinés a vivre cnfemble : 11 , Que par-conféquent ils ne doivent point être exigeans , pointiileus, fufceptibles; la fincérité , la candeur aimable , la franchise devant être 1'ame de leurs entretiens : ia, On les préviendra , qu'ils ne doivent gaüter les plaisirs de 1'hymen qu'a-ladérobée, j nfqu'a 1'age de trente cinqans: 13, Qu'a eet age, ils feront libres, comme Hommes-faits: 14, Que c'eft une aétion baffe , criminelle & flétrifiante de donner mauvais-exemple a la Jeuneffe , foit de parole, foit par des afbons indécentes, & contraire, aux bonnes - moeurs : 13, Quele bon-exemple donné dans la conduite avec {'on Epouse, feraloué & recompenfé publiquement, dans Ceux qui fe feront particulièrement diftingués par-la : 16, Que la bonncéducation des Enfans, eft 1'obligation principale des Gens-mariés, attendu qu'elle doit opérer Ie bien général, en fesant le bien particulier : 17 , Que les Pères des méchans Enfans ne feront pas eftimés ; aulieu que les bons-Enfans des méchans Père auront un doublé degré de mérite : 18, Que le Père-méchant d'un bon-Fils, n'en fera pas moins puni , & relegué dans les dernières claffes des Hommes , comme il fera fpécifié par 1'article LV du Titre III.me du présent Règlement; mais que fon  XLII. Gêm da \Souveaux' piariés. [60] bon-Fils pourra obtenir une-fois fa grace: 19, Que tout Mari pusillanime, convaincu de f'être laifTé lachement dominer par fa Femme, maitriser & conduire par elle , foit par faitleffe, foit par araour, fera blamé publiquement une première-fois; en cas de continuation , rejeté dans la dernière claffe des Hommes; & enfin f'il eft incorrigible, obligé de paraitre dans les Affemblées du Bourg ou de la Ville , avec une petite quenouille & un petit fuseau a fon chapeau : 2.0, Que tout Mari aucontraire , qui confervera la dignité male , fans dureté, qui fera le guide, le protecfeur & le défenfeur avec nobleffe & dignité de fon Épouse , fera loué , fi ces vertus font portées a un degré remarquable ; & en cas d'illuftration exemplaire dans ce genre, qu'il fera porté a une claffe fupérieure a celle oü il avait été placé lors de fon mariage : 21, Que desfervices dictingués rendus a 1'Etat, des vertus morales fublimes , une invention utile, & audeffus de la capacité ordinaire; une éducation excellente & diftinguée entre les meilleures, qui aura produit d'excellens Enfans, fera de-même monter un Citoyen en grade & pourra le porter jufqüe parmi \es Primitiaires-doublés, a-proportion de fon mérite: 2.2 , Enfin , qu'un mauvais Mari, querelleur, ivrogne, brutal jufqu'a frapper, fa Femme, fera fequeflré de la fociété , pour être confiné dans la claffe desContrefaits incapables , & traité avec un févérité effrayante. On pourrait ajouter encore beaucoup d'autres inftrucf ions, fuivant les temps & les circonftances. Les ^ouveaux-Épous ne verront dans la journée leurs Femmes, qu'a-travers le grillage, qui fépare les Homme des Femmes, dans la falie commune des repas & des divertiffemenspublics: chaque foir, le Garfon f'en-retournera chés fes Parens, & Ceux de 1'Épouse emmèneront leur Fille  [«O chés eux, oü elle demeurera comme avant fon mariage i mais elle couchera feule, & fi fon Mari peut pénétrer jufqu'a elle par-adrelfe , a-la-bonne-heure : cependant il ne fera jamais favorisé par les Parens, qui par-la fe rendraient repréhenfibles. Un Mari ne pourra être vu fans deshonneur , & fans f'exposer ï être blamé, avec fon Épouse , en quelque lieu que ce foit, jufqu'a 1'age de trentecinq'ans : mais tout ce qu il fera en-fecret, «5c fans être aucunement découvert, quoique les fuites le trahilfent, fera louable ; 5c cc fera un grand mérite, d'avoir eu plusieurs Enfans de fon Épouse , fans jamais avoir été apercu des Parens, ou vu avec fa Femme enparticulier : Ce mérite porté au dernier point d'exaétitude, opérera un avancement d'un degré dans une claffe fupérieure; & f'il était joint a une autre cause d'avancement, ce Mari aurait le pas avant fes Égaux en mérite. S'IL arrivait qu'un Nouvel-Épous, au mépris de ce Règlement fage, prétendït en agir librement avec fon^ Épouse, fuivant 1'abus actuel, il fera tranfporté, c'eft-; a-dire, envoyé dans les Colonies, pour jufqu'a 1'age de' trentecinq ans, auquel temps il fera obligé de revenir dans fa Patrie , pour y être placé dans la dernière claffe : On lui remettra pour-lors fa Femme , & il fuivra le fort ordinaire. Mais fi un jeune Mari employaitdes moyens fpirituels & neufs , pour pafler avec fon Epouse des momens^ beureus, il en fera loué , quels qu'ils foient; pourvu; qu'il n'emploie aucune violence , ou le feu , mais la ruse / tant pour furprendre les Parens de fa Femme , que pour fe cacher aux yeux , & n'être découvert par qui que ce foit. La loi fera qu'en pareil cas , la Jeune-épouse ne pourra efquiver 1'abordage, ni contribuer a faire échouer XLIII; Traitemsnt le Ceux qui Enfin, fi c'éraitavcc une Coupable aflimilée aux Difformes, le mariage ferait difiout, f'il n'y avait pa; d'Enfans, & que la Femme 1'exigeat, & Ie Mari flétr: de Ia mérae fentence que la Criminelle, ferait condamné i 1'érouser ; 1'adultère , en ce cas, rompant le mariage . comme il eft dit dans 1'Évangile. 6, On obfervera enfin que fi 1'Homme a forniqué avec les Femmes des trois dernières Claflès, dans un temps oü il était foicé de f'abftenii delafienne, foit par maladiedeCelle-ci, ou par abfence, la peine fera moindre incomparablement, & de 1'efpèce Ia plus-légère, comme une réprimande, & lefervicelemoins rude aux fétes-des-mariages. Si cependant, les lois des différens pays f opposaient abfolument a la diffolution des liens-du-mariage , on pourrait fupprimer cette circonftance , qui n'eft ici proposée , que pour donner a Celle des deux Parties offenfées une fatiffaclion, qui ne peuc être entière , fans cette diffolution ; puifqu'alors , I'Offenfé fouffrirait autant que rOffeufeur de Ia peine quï ferait infligée a ce Dernier. Les Nouveaux-mariés porteront un habit de Matelot, avec une petite vefte par-deffus, de toile ou de foie en s été, fuivant les circonftances, & toujours de laine en I Part, F I s ï t xtyiL Habits dei Nouveciuz* mariésf  mi hiver, avec les marqués diffinctives , prefcrites par 1'art. xxxi ci-defïiis; leurs cheveux coupés très-rond, avec un petit chapeau arrondi. [ N." II faut comparer le le présent article avec les xxxix. & xli. du Règleglement des Gynographes ; les modes ont tellement changé depuis cinq ans, & celles que les Femmes ont adoptées , font en-partie d'une forme fi heureuse , que je crois devoir ajouter quelque-chose a la difposition des articles qui concernent la parure & 1'habillement des Filles, des Jeunes-femmes , & des Femmes-faites. Ainfi 1'art. ix du Règlement des Gynographes, qui regarde 1'habit des Filles, fera reöifié de cette forte: » L'habit des Filles fera toujours différent de 1'habit » des Femmes: Toute Fille a-marier portera une robe » en fourreau, depuis 1'age oü elle marchera feule, jufqu'a » neuf ans accomplis: & depuis ce dernier age, jufqu'au «mariage, une robe dite h-la-lévite », &c.a Pour 1'art. xxxix, on le reformera de la manière fuivante : » Les Nouvelles-mariées porteront, jufqu'au temps oü « leurs Maris feront déclarés Jeunes-hommes, une robe » a-la-polonaise , fans cótes, avec un mantelet qui def» cendra jufqu'a la ceinture, & la jupe plus longue que „ les Filles», &c.a Quant a 1'art xli , il pourrait étre reformée de la manière fuivante: » Quoique les n Femmes foient mises uniformément, on n'entend pas » iaterdire aux Maris le droit de faire porter a leurs ». Femmes ce qui leur plak davantage , tant pour la coi>» fure, que pour la chauffurc , & certains accompagne«mens; ils pourront auffi choisk lesétofes: mais jamais »»ils ne pourront corrompre ni changer la forme princi» palede l'habit des Nouvelles-mariées, pour lui en donner « unc-autrc d'imagination; «Scfur-tout, il fera férèrement  C«73 tt ciéfendude reprendre celui des Jeunes-filles non-mariéesV »» ce qui confondrait les états, 8c pourrait induire les >» Garfons en-erreur. II fera auffi particulièrement in»> terdit aux Femmes de prendre rien dans leurs ajuftemens » qui rapproche leur coifure, leur chauffure & la forme » de leur habit, de ce qui eft a 1'usage du premier-fexe : » le Comité des Anciennes donnera la plus grande attenn tion a ce dernier-point, afin que la parure des deux»» fexes tranche toujours le plus qu'il fera poflible. Si en~ » dépit de toutes ces précautions, une Femme bravait la » loi, & que fon Mari, foit par abfence, indifférence , •> timidité, nonchalance, ou même par approbation , n'y » portat pas remède , le Comité des Anciennes avertira » d'abord la Femme, Sc le Comité des Vieillards enjoindra m au Mari de règler fur-le-champ la mise de fon Épouse , » & de la rendre conforme aux lois. S'ils refnsent, ils » feront tous-deux punis, le Mari par la dégradation de fa >» clalfe, (Sc la Femme, par une peine proportionnée a fa » rebeliionj|& au fcandale qu'elle aura donné : le Mari qui » aurait excité fa Femme a violer la loi, ferait feul puni , »» parce-que la Femme a dü obcir: Si c'eft aucontraire la » Jeune-épouse qui ait agi, comme elle n'eft pas dans les » commencemens avec fon Mari, elle fera punie feule, par » la fequeftration momeutanée dans une Maison de Repen» n des, qui ne fera point deshouorante , attendu qu'il n'y n aura jamais de Filles débauchées dans celles deftinées » a punird'autres fautes , & elleyfera mattée parletravail , » une nouriture frugale, & la privation abfolue de touc ». commerce audehors, jufqu'a ce qu'il appère d'une par», faite repentance & correftion ». II resulte-a de cette io-, que les Femmes feront mises avecélégance, modeftic. & que les extravagances du luxe feront totalement fupprimées. F ij  TITRE TROISIÈME. XLVIII. Qita-id on aura cette dénomination, & fes prérogatives. XLIX. Habits des Jeuneshemmes. L. "Leur emploi. Des Jev nes-Hommes. Les Jeunes-mariés en quitteront le nom a trentecinq ans, pour prendre celui de Jeunes-hommes , qu'ils porteront jufqu'a quaranteneuf ans accomplis, de-forteque les mariages fe fesant ordinairement a vingtcinq ans, pour les Garfons, avec les Filles de quinze dans les Villes , ou feulement a un an de-moins peur les Filles dans les Villages , les Garfons porteront pendant dix ans le titre de Jeunes , ou de Nouvcaux-mariés ; & pendant quinze celui de Stunts-hommes. Les prérogatives de ce dernier age, feront detenir ménage avec fa Femme «5c fes Enfans, que le Jeune-homme retirera de chés lesParens, tant de lui que de l'Épouse , & dc commencer a participer aux droits de Citoyen, en-donnant fa voix dans les Affemblées, payant les impöts, &c.a En prenant la qualité de Jeune-homme, on aura le droit de porter l'habit a-la-francaise; ce qui fera le figne 6c la marqué de tous les autres droits, a-l'exception de ceux des Hommes & de la Vieillelfe , dont il fera parlé fous les Titres fuivans: ces habits feront décorés, fuivant qu'il eft porté par 1'article xxxi au Titre I.er Les Jeunes-hommes conftitueront le corps de la Nation guerrière - exécutante : (II fera queftion de la guerre fous le Titre fuivant) : Ils; feront les voyages de longscours tant fur mer que fur terre; ils feront chargés des feerttaireries des ambaffades, «Sc généralement de tous les emplois en-fecond, tant dans le civil ou la magiftrature, que dans la guerre ou le miniftère : Ils feront fmgulièremenc charges de veiller au recouvrement des deniers-publics , & ils exerceront les emplois oü ilya des peines a prendre,  Ws comme de commanderles Jeunes-mariés pour les patrouilles lesgardes-bourgeoises, celle des héritagesa la campagne, &c.a Ils auront une infpeétion particuliere fur lesNouveaux. mariés, quant a ce qui regarde les travaux publics, & Ceux-ci feront tenus de leur obéir, & d'exécuter leurs ordres, de la manière qui fera prefcrite par la loi: L'on attachera un ou deux Jeunes-mariés a un Jeunehomme , fuivant le nombre des Premiers, lequel fera leur patron : Les Nouveaux-mariés auront de-même un ou deux Garfons, qui leur feront attachés par le Comité des Vieillards; & deux ou trois de ces petits corps d'Affïdés, ainfi réünis, auront pour Patron, un Homme : L'Homme fera lui-même, avec un ou deux-autres, le Client d'un Vieillard , lequel fera chargé de toutes leurs affaires (& de celles de leurs Clients) auprès du Comité des Vieillards ou Sénat: Chaque Sénat aura un Président; ceux des Villages reffortiront au Comité d'une Métropole donnée; les Sénats des Métropoles, a celui de la Capitale de laProvince ; & celui de ces dernières, au Sénat de la Capitale du Royaume , ou de 1'État, dont le Président rendra-compte au Souverain-magifïrat, ou au Roi. Le Mari une-fois entré dans la pleine poffeffion de fon état, fera Ie maitre abfolu dans fa Familie; il en fera le premier Magiftrat, & n'aura jamais besoin de recourir aux Tribunaux, pas même a celui du Comité, pour tous les cas particuliers : ainfi le Mari, qui ne voudra pas livrer fa Femme adukère au Pouvoir-public, pourra la punir lui-même, a-condition, que fa vengeance n'intéreffera ni fa vie , ni fa fanté, ni même fa réputation audehors de la maison , & qu'enfuite il n'aura plus le droit de la dénoncer pour la même faute. II aura la iibei té d'appeler les Membres du Comité a fonjugement^ & dc lui donner par leur, F iij LI. Leur auto* riu,laclie:v*A telle,, s Jeunes-mariés, lorfqu'on pariera d'eux, auront pour ftinftive le mot de Uaürt Tel; & en leur parlant, on nndra leur nom-de-batême a celui de-Famille: Enfin, )us les Garfons-a-marier ne porteront que leurs noms-deatérae, dont ils auront toujours deux, 1'un defquels fera mjours pris dans les noms francais des premiers fiècles ela monarchie, jufqu'au temps oü les noms-de-famille nt été enusage: obfervant néanmoins, que les Entans udefTousdedix ans, ne porteront qu'un de ces noms: 1'éonomie des noms francais fera telle , que dans un meme lourg, on ne répétera pas deux-fois le même nom en ix ans: Les Parens & les Prêtres f'exerceront a les ariër, en laiffant toujours néanmoins le chois aux Parens: Dans les grandes Villes , il fera ordonné pour varier failement les noms , de commencer la décade par la i. e Lettre de 1'alfabet, & de continuer ainfi a chaque batême :n fuivant, avec 1'attention d'écrire fur une tablette , mise t la porte de la principale église , le nom du Dernier ba:isé : car il n'y aura que les feconds noms de-batéme qui feront nécelfairement variés; & pour donner un champ plus /afte dans les Villes, il fera permis de prendre ces noms en-fecond dans toute 1'Antiquité , chés routes les Nations. Les noms-d'honneur, audeffus de Monfiair, ne feront donnés qu'auxVieillards, aux Ecclésiaftiques, aux Magiftrats, & aux Perfonnes qui auront été honorées de quf-lque diftin'aion pour leurs fervices a la Patrie. Les Vieillards porteront k-l'égard de tout le monde, le nomrefpeaable  [79] ieMotipère, enun feul mot, {voye{ 1'art. ixxv desGy* nographes); les Ecclésiaftiques, celui de Monrêverend; les Evéques celui de Monrévérend'tffime ; & les Archevéques celui de Montresrévcrendijjimc ; les Magiftrats celui deMeJire ; les Hommes diftingués par leurs ferviees, leurs vertus, &c.a, & doués de prix ou de diftin&ions , n'auront pas d'autres titres que ceux ci-deffus, accompagnés de lepithète qui leur aura mérité la diflinction avant 1'age, fuivant que ce fera une victoire fur terre ou fur mer, unc invention, un acte fublime de vertu, &c.a Le Diftingué portera le nom-d'honneur de la clalfe oü il fera, en cette forme, f il eft fimple Citoyen: Monpere, le vainqueur h... en parlant de lui, Lepère, vainqueur d..., ou Lepere inventeur de....: S'il eft Ecclésiaftique, Monrévérend, le Prudent, l'Obligeant, en telle ou telle ckose, &c.a: S'il eftMagiftrat, MejJïreleJufte Président Tel, ( ou Confeiller Tel ) en telle occasion , &c.a Les Princes-du-fang porteront feuls le titre de Monjeigneur, en parlant d'eux, & en leur parlant, Monprince; les Fils du Roi, feront diftingués par le titre dzMonfeigneur en leur parlant, fuivi de leur nom; & 1'Héritier feulduTróne par celui de Monfeigneur abfolument. Les crimes feront rares dans le régime proposé; mais enfin, comme il peut y avoir des Etres afTés mal-organisés pour en-commettre, il eft néceffaire d'établir la proportion, entre le crime & la punition. Tout Homme fera jugé' par douze de fes Pairs, c'eft-a-dire de la méme claffe & du' même age que lui: La fentence fera confirmée & libellée par le Comité des Vieillards, qui verra fi les Pairs fe font' conformés a la loi, & apposera fa ratification ar «bas, en ces termes: Jugéd'après la loi, par les dourcPairs de Tel, accusé de tel crime, & foumis en-conféquenct k LXir. Proportion •ntrelescrines 6' les yles peines, elativenent aux Hommes % lepuis le nariage.  [Bo] telle peine; lequel 'Jugement fera exicuté tel jour. Signé, par le Président du Comité. (Voye^ 1'art. xxu ci-defuspour les punitions des desobéifances). Pour 1'aflacinat: un an de prison, après la fentence lue; au terme, condamné a un travail rude; & les os brisés vif. Pour meurtre commis en febattant a-outrance: dix ans de prison, condamné a un travail rude; au terme, pendu. Pour meurtre involontaire : condamné a un an de travail rude, & liberté enfuite ; mais obligé de porter ledeuil toute fa vie, en habit malpropre. Pour batterie , oü 1'un des deux , ou tous-deux feront bleffés: 1'AggrefTeur fera condamné a un an de travaux hors de prison. Pour rixe fansbleffures: réprimande publique a genous devant les Vieillards du Comité. Pour rixe de parole: reprimande particuüère, a genous devant le Comité; & dans ces deux derniers cas, un an de deuil public. Pourviol: condamné a vingt ans des travaux les plus rudes, foit fur mer ou furterre; mais non en prison; le mariage fera carlé (f'il n'y a pas de loi contraire) & le_ Coupable condamné a épouser une des Filles aveugles qut voudra bienlechoisir, laquelle fera chef du ménage, &k qui le Criminel fera tenu d'obeir, comme f il était luimême la Femme, pour toute fa vie: mais auboutde vingt ans, il fera mis a des travaux plus doux ; ou la quantite de fon travail fera diminuée. Pourféduftion criminelle, c'eft-k-dire, oü 1'Homme aura employé des moyens qui auront féduit 1'innocence & la bonne-foi: deux ans de travaux rudes, le mariage cafTé; enfuite obligé de fe laifTer choisir, par Une des Difformes- borenes qui voudra de lui. 0 Pour  [8i] Pour féduction d'Égal a Égale: condamnés, tous-deux a des travaux rudes, proportionnés a leur fexe, les deux mariages caflës (fil n'y a pas d'Enfans, & q„e,la loi te pet-niette), & les Coupables obligés de fépouser aubout de 1 année, a des jours différens des mariages honorables, fans aucune marqué de réjouiflance: S'il y avait des Enfans, les deux Coupables feront dégradés, & réduits au rangdesancensEfclaves, ouDomeftiques, dans leur propre maison, 1'Un fous fa Femme, 1'Autre fous fon Mari. Pour inj ures atroces dites a une Fille : fi elle fen-plaint rHomme-marié, baifferad'une, ou méme de deux claffes' fuivant la gravité du déjit: Si c'eft a uneFemme-mariée \ 1 Homme fera en-outre condamné a deux ans de deuil - Pour paroles groflïèrement lib. es au plus-haut degré Homme fera condamné a demander pardon au Comité feulement, & a la Mère de la Fille; & fil fft PrimhiaiTC \ il defcenarade deux claffes; fil n'eft qw Sextaire il recevra une grave reprimande de Ia part du Comité & demandera pardon, a genous, au Père de ia Fille ou au . Mar. de Ia Femme. Les récidives aggraveront la peine au doublé, & pourront aler a faire porter le deuil; ce qui fera une marqué d'inhabileté aux emplois. Pour incendie de deffein-prémédité: attendu que ce crime peut Lire périr des Citoyens dans les Marnes 1'Incendmire fera jète vivant dans Ie feu ; & fi? en écbappe | fera condamné au travail de vingt ans, qu'on adoucira aubout de ce terme. Pour incendie p3r négligence; le Coupab.e fera condamné a un an de travail, & portert Ie deuil le refte de ft vie. (tf'Ce deuil rend incapable de ton emploi public, & retient dans une dépendance eternelle, >-l egard de toutes les Claffes honorables \ 'qm ItDeutUiftt doit céder le pas. Pour incendiepar acciI Part. q  < I * Voyi{ les arcicles XXII & XXIII. LXII. Commujiauté de biens. LXIII lïanie d'établir!' aalité. 1>3 lent :on portera le deuil deuxannéesen liabit mal-propres. Pour vol: ce crime fera prefqu'impoflïbledans le régime iftuel; mais enfin , fil était commis, vu qu'il ne pourraititre de-conféquence , il fera puni, la première-fois, par in deuil de deux ans, & en cas dc recidive, par une conlamnation fcjdeux ans de travaux, & un a deuil pcrpétuel: ?il était accompagné de violente fur laPerfonne, dix an3 le travaux, aubout defquels pendu. Ia contrebande, la fauffe-monnaie, & une infinité d'autres crimes , ne pourront plus avoir lieu : mais fi le régime ne les éteignait pas entièrement, ils feraient punis, le premier, par dix ans de travaux; le fecond, par vingt ans, attendu que ces dclits regardent la Chose publique. Pour efcroquerie au jeu, ou fvloutage de quelque manière que ce foit: travaux publics de deux^ ans, & deuil perpétuel. Les autres crimes non-designés ici, feront punis a-proportion de leur gravité *. Il ferait a-propos d'établir dans le nouveau régime , cette communauté de biens & de moyens, fource de toute vertu, dont le Légiflateur du Chriüianifme a fait un devoir : Tous les Hommes qui ont envisagé la morale fous fon vrai point-de-vue , comme parmi les Anciens , Pythagore, Socrate, Platon , Sec.*, ont regardé l'égalité citoyenne comme le préservatif contre tous les vices, & par-conféquent 1'abri de toutes les vertus. J'ai dit l'égalité citoyenne; parce-qu'il eft clair, qu'il faut «ne fubordination politique j le Régime proposé 1'étabht même beaucoup plus rigoureuse, qu'elle ne 1'eft fous notre gouvernement achiel. , D E 1'inftant oü ce Projet ferait agréé, il pourrait etre «•établi une Commilfion dans toutes les Villes, Bourgs, & '"Villages, chargée de.mettre une forte d'égalité, non-pas.,  1 on reut entre tous les Citoyens, ma.s entre les c»?erentes Claffes, dans 1'ordre fuivant: Savoir, , dans tous les Bourgs & Villages, on mettrait tous les Habitans de-mveau, même charges, même obligations, non par Facile, mais par Perfonne, fans aucune difference ni d.fhncbon. II fe fe* nn pamge éga, deg ^ pour «re poffedées par chaque Habitant exclusivement en Piopneté mais feulement pour ia cultivarion , tant des enesafemer, que des vignes, prés, lusernes, &c.': Iaquelle repartkion fera faire a chaque Familie, a-rakon des bras en-érat de travailler qu'elle renferme. On mettra pareulementdans chaqueFamiile, ou Maison, Ie nombrede Lelfiauxneceiraires, comme Chevaux, Anes, B^ufs & Vach«, Breb,s & Chèvres, Cochons, Poules, &c.■; afin que le fo;n de ces Animaux foit également reparti: obfervant ireanmoms, qL!e les gros Beftiaux feront donnés en proPornondulabourage, aulieu que les autres qui en font independans, & qui mcrae peHVMt ^ ,K j:,^^ foont donnés aux Families moins-chargées, composées de Membres moms-forts, & par-Ia, difpenfés des plus gros travaux, par-conféquent plus fufceptibles de rappliquer aux petits. Le produit de tous les Beffiaux , qui ne fera pas idennfié au travail, tel que 1'eft celui du Cheval de fAne fcdaBtEuf, fera également reparti entre tous les Hab.tans en lairage, froma,e , be,11Te , oeüfej !aine viat.de &c', h-moins, ce qui ferait infiniment préférabie , & comme le portera 1'article fuivant, quelerefeftoire & Je vetir ne fuffent en-commun ; avec la clause de vendrlefurpius auxVoisins, pour en pa, tager Ie pécule , par portions, relativementautravailfeaunombredePerfonnes qmcomposeront chaque Communauté. il ferait auflWès' a-propos, comme il fera expliqué cioprès, quechaquepro- Gij  feffipn fut réïinie en Corps, qui fournirait a im-autre CorpV: deforte que lesLaboureurs fourniuentle pain dans toute 1 etendueduRoyaume ; les Vigneronsle vin ; les Artisans, les ouvrageSdeleurméner:c'eftifa^oh-,leCorpsdesTadleurs, l'habit; celui des Cordonniers les fouliers, &c.%&quon fournkde-mêmeacesllommes,toutcequilsauraicntbesoin; chaque Profeffion ayant k-faire a une autre Profcffion,, en corps, & jamais aux Particuliers. a, Dans les Villes, outout-autreLieu oü il y aura desArtisans, fans autre poffeffion que leur art, on les réünira par communautes, telles k-peu-près qu'cft a-présent celledes Parchtminicrs, a Paris, oü tous les profits font communs a certains egards, & fe partagent entre tous les Membres: lei de-même, on mettraü , fous le gouvernement des Anciens du Corps, tous les Membres d'une Commnnauté en régie ; chaque Membre recevrait fa portion d'ouvrage prpportionnée , & ferait obligé de la remplir, fans pouvoir y manquer, fi ce n'eft en cas de raaladie ; il la rendcait au Bureau a jour- j nommé , & le Bureau , ou ferait porter ce qui ferait fait, j au Bureau qui 1'aarait commandé, ou ce Dern.er ly j ferait prendre: Et quant aux ouvrages lourds, ds ne frraient point tranfportés au Bureau, mais pris chés 1'Artisan Aurcfte, dans Ie Régime proposc , les ouvrages étant toujours pour d'autres Corps, puifqu'aucun des Membres de la Société ne ferait isoié , ft V aurait encore beaucoup plus de facilité dans ces livraisons par le Bureau , dans le paiemeni, &c.% qu'on n'y en aper.coit dans Ie Régime présent. 3, Tous les Marchands d'étofes, de merceries &c.% feraiefit de-même en-commun; on ferait écrire j fa demande au Bureau , qui la remplirait avec la plus grande célérité , fans pouvoir renchérir, nitromper ; obfervantque ' chaque Artisan, Marchand, &c.% fournirait un fort Gar- ■  fon a tour-de-röle , pour Ie fervice du Bureau. 4 , On mettrait de-même en-commun les Aitiftes, de quelqu'efpèce qu'ils fuffent: ce qui n'iraitpas a rèxrincfion du génie & de 1'art, aucontrafre, puifque chacun ferait confidéré; traité, & clafTé a-proportionde fon mérire; puni en cas de négligence & de non-acquittement de fes devoirs, &c.a; deforte que le Régime proposé óteraittout au vice, fans rien enleveral'émulation&a la vertu. 5, Quant a la Nobleife, il ferait k desirer , que les Hommes qui la poffèdent, fmTt nc aflés généreus pour la facrifier au Bien-public, & au Régime falutaire de l'égalité : mais comme il n'y a pas a 1'efpérer, on pourrait faire des Nobles une Claffe a -part , qui ferait de-même en communauté; obfervant qu'elle ri'eütaucun pouvoir fur les Gaffes prétendues inférieures. 6, Enfin, le Clergé formerait aufiï une Claffe, oü tout ferait en-commun , Iittéralement comme le prefent le code du Chriftfanifme : ce qui n'émpêchërait pas, que chaque Curé ne fut en-commun avec fes ParoifTiens, & chaque Prélat avec fon Église-cathédrale , qui ferait eile-même commune avec la Ville : De-même les Gcntilshommes, quoique fesant un Corps, ne Iaifferaiént pas d'étre du Corps public de leurs Concitoyens,_ dans lequel ils auraient leur grade proportionné a leur mérite tout-comme les autres (*). Au-mo yen de 1'égale reparcition des terres & des fortunes, on pourrait fe promettre pour 1'avenir , la plus grande pureté de moeurs; n'y ayant plus de Séducfeurs par 1'or, ni de Faibles , qui aient intérêt d'étre fédüits : L'abus des richeffes devenu impoflible , chacun ne les amkitionnerait pas moins cependant, mais ce desir aurait pour Tjt'ri^'ï?^™™™-**^^ ______ (*) Qn doit reprendre tous les ordres de 1'État, & leur donner* chaque un article particulier, fousle présent Titre IV. G iij LXV. tff ets de igaUté.  1 I ( < 1 1 « 1 1 1 » » I dans leIV.e <$ , laréponfe aux objediorif, fur ce même article du Reglement. lx vr. Communauté des reP"S. [86] ase l'amour de la gloire, de la confidération, de 1'utilité mblique, & même celle du plaisir, mais honnête ; puifpie les Hommes élevés par leur mérite perfonnel, dans [uelque genre que ce foit, auraient toujours a exercer des niviléges , aufquels les privations imposées au Mauvaisujets feraient compenfation. Le Genre-humsin, qui na m'un feul véritable intérêt, deviendrait parfaitement ïeureus; avantage ineflimable , but de toutes les lois, de outes les hvftitutions-religieuses, fur-tout du Chnftialifme, que nous profeffons, & dont la doctrine elf effenuellement celle de l'égalité, de la confraternité, but ligne d'unDieu! alors la religion, les lois; & les usages :tant parfaitement d'accord, il en resulteraic une effkacité 3e morale , qui n'exifte, & ne faurait exifter aujourd'hui. Le mobile des aftions ordinaires des Hommes ferait, par ;et accord, abfolument changé : il resulte aujourdlhui de la contrariécé des intéréts; ce qui fait que les Hommes font continuellement occupés a f'enlever lesUns aux Autres des portions de bonheur; & telle eft la fource de leur acbivité : aulieu que dans lefyltème de la Réforme, tous les intéréts ne feraient plus qu'un ; tous tendraient au même but, chaque Homme, aulieu d'étre contrarié par fes Stmblables, dans la recherche de la tranquilité, de l'abondance, des plaisirs honnêtcs, de la confidération publique, ferait aucontraire fecondé par tous leurs efforts, & parviendrait ainfi plus facilement au but*. Il eft certain que tous les Hommes font frères: il ferait donc conforme a la Religion & a 1'humanité, qu'ils euffent un traitement égal, les convenances d'ailleurs obfervées, & qu'il y eüt dans chaque Bourg, Village, ou Communauté, dans les grandes Villes, oü les états des Citoyens font variés, une falie publique deftinée aux repas,  [87] conftruitede-facon, que la voute inférieure ferve de care publique; celle audefTus, au rès-de-chauflèe, de cuisine; la troisième, de réfecloire public; audefTus duoucl feront les greniers, deftinés au froment, au feigle,' & a l'orge : (les greniersdesParticulieis feront occupéspar les aveines, les foins, & les puilies, Sec.', comme il fera dit ci-après):' i'édifice fera conftruit en rotonde, comme la noiivellcHalle de Paris; a-l'exception , qu'il n'y aura point de vide aumilieu; les tables iront en coquille de Limacon, coupées néanmoins par quatre alées en croix, pour la facilité du fervicé, des entrées & des forties. Au commeneement de la fpirale, feront les Plus-jeunes , alant toujours par gradation dage, jufqu'a 1'intérieur, oü feront. affis les Plus-avancés-en-age : a une forte de tribune longue, feront les tables des Magiftrats-en-charges, tant pu^bliques que particulieren, c'ell-a-dirc, Ceux qui feront Syndics, Prevöts, Collecteurs, Membres des Comités , Sc Chefs des Surveillans publics : mais ces Derniers feronc repartis dans la fpirale, chacun a Ia téte de la claffe a laquelle ils feront préposés, ayant pour marqué diftinflive, un bonnct-carré, comme ceux de nos Gens-de-robe ou d'église. Le fervice fe fera par ordre, en commencant par 1'intérieur de la fpirale , oü feront les Vieillards, & conti- , riuanr de fuite: ce qui fera fort-court: la Jeuneffe placée I Textéi ieure prendra les plats a la cuisine, Sc les remettra a 1'Age qui la füit , qui les posera refpedueusement devant ksVieillards; enfuite devant les Hommes; puis devant les Jeunes-hommes; dcvznchsJeunes-Mariés: lecinquième fervice reftera entres les mains des Grands-garfons, qui le recevrontde hJeunefe: le fixième fera fait pa'r les Jeunes-gens a eux-mêmes, par ordre de places. en G iv ixvri. Serv.ce 's tables.  LXVIII. Cuisiniers y Cuisiniies publics. fervir par la Jeuneffe de leur état, dans le meme ordre que [88] rommencant toujours par celle qui eft la plus proche des Grands-garfons, & continuant jufqu'au Plus-jeune des Garfons, qui fera aubout extérieur de la fpirale. II en fera de-même des Femmes, qui occuperont une "pirale différente, mais en présence des Hommes, & dans la même pièce : Elles feront fervies par les Jeunes-fi'lies, aans le même ordre que les Hommes: II y aura de-même une table en tribune, de 1'autre cóté de la falie, & vis-avis celle des Magiftrats, ou feront les Membres des Comités, & les Matrones-chefs des Surveillances. Les Incommodésnon-desagréabies, les Débiles, &c.% dans lesdeux fexes, feront attachés au fervicede la cuisine; tels feront les Boiteux, les Boflus, Ceux & Celles d'une petite ftature: mais on en éloignera tous-Ceux & toutesCelles fujets on fujettes a des maladies capables d'infpirer de la répugnance , de tel genre qu'elles foient. Les Difformeshonnêtes & propres employés a la cuisine, aurout k leurs ordres, pour la partie la plus rebutante &. la plus fatiguante de leur office, des Punis de tous les états, que les Comités affecferont a ce genre de fervicepour le temps quedureralapunition: Obfervant que les Pwazj, de telle I efpèce qu'ils foient, même pour faute légere, n'approchent jamais duiieu de la cuiffon, ni par-conféquentnecontribuent en rien a 1'affaisonnement des méts: Ils apporteront & fendront le bois; tueront les Boeufs, & autres gros Animaux, les écorcheront, laveront la vaifieile , ék néto:eront les cuisines & réfecloires, toujours fous 1'infpedion desCuisiuiers^d' ofiïce, lefquéls feront Citoyens, & comme tels honorés, fufceptibles des emplois proportionnés a leur capacité. Après le fervice des tables pubiiques, & la defferte d'icelles, les Cuisiniers Sc Cuisinières fe feront  [89] les autres Ciroyens: les Punis fe ferviront eux-mêmes", fous 1'infpection d'un Cuisinier, qui fera obferver 1'ordre, & empêcherale bruit. Ce Surveillant fera fecondé, en cas de trouble , par tout le pouvoir de la Société. La cuisine des Femmes fera différente de celle des Hommes, tant pour le local, que pour 1'efpèce &. la qual;té des méts. Dans les petits Villages ou Hameaux , oü il n'y aurait ni Coupables, ni Invalides, les Femmes de la Communauté apprêteront par-tour lesalimens, pour les deux-fexes, lefquels feront fervis comme il eft expliqué cideflus. Ce fera toujours un Homme tempérant & fur, qui fera chargé de 1'emploi de Sommelier. L a nourriture des Hommes fera proportionnée a leur genre de travail, & au local, foit a la Ville, a Ia Campagne, fur les ports-de-mer, ou dans 1'intérieur du pays, dans les Provinces vignobles, ou a cidre & bière , riches ou pauvres par la nature du fol; méridionales, ou plus au nord , &c* Pour le commundu Royaume de France , par-exemple, a prendre depuis Lyon jufqu'a Paris, dans les Villapes , les repas pourront étre composés de Porcfrais ou filé, trois jours la femaine : deux enBoeuf & Mouton, & deux en rnaigre, fuivant Ia loi chretienne : le rnaigre , dans toute cette étendue de pays, ne faurait étre pour les Villages, qu'en graines, comme pois, haricots, lentilles; herbages, comme épinars, fèves , chous & falades; laitage , tant en narure, qu'en bouillie & foupes, ou en fromages & beurres; oeufs, lefquels, avec le laitage, composeront différentes patifferies, en usage dansles Campagnes, oü Fon fait des patés-d'herbes ou de chair, qui ont un très-bon goüt. En-conféquence : Le déjeuner, au Village (qui fert de diner), feracomposé, pour les Hommes, d'une foupe au bouillon de Porc, LXIX. Méts.  !>] deMouton, ou dc Bceuf, ou au beurrfe (fuivant le jour de lafemaine oü Ton fera), avec un morceau de la viande qui aura fait le bouillon , proportionné a 1'appétit; d'un morceau de fromage fee ou mou , fuivant le pays, pour deffert, ou de quelques fruits les plus faciles a fe procnrer Sc produits par le territoire, comme nois, chataignes , poires, pommes, cerises , Sec.1, fuivant la faison: Se en-outre, pour chaque Homme-fait, d'une mesure de vin équivalante a unc chopine deParis: les jours m3igres, après la foupe, foit au beurre , foit a 1'huile , fuivant le pays, & faite le mieux poftible , chaque Homme aura un omelettede quatre ceufs, ou fur-le-plat, du fromage, & du fruit (aulieu qu'en-gras, il n'aura que 1'un ou 1'autre ): On pourra auffi , les jours maigres, fubftituer aux ceufs, des légumes en graines, ou du patéd'herbe, ou tel autre méts que le Pays fournira; tels font les Efcargots, le Poiffon, pour les pays voisins des rivières ou des étangs : fur le bord de la mer , c'eft autrechose; la plupart du temps , les repas publics feront fervis en Poiffon, tant k-cause du bon-marché , que pour faire usage de cette excellente nourriture , & ménager les autres produélions de 1'État, foit pourle commerce, foit pour les Provinces intérieures, qui ne font pas a-portée de fe procurer le Poiffon dans fa bonté, ou autrement qu'a grands-frais. Le goüter fe fera versie milieu du jour , fuivant 1'usage: il fera composé d'un morceau de la viande du matin , fil en refte, ou d'un plat de légumes, ou d'une omelette, 5c de quelques fruits : k tous les repas, le pain k-difcrétion. Si le goüter fe pone aux champs, comme il arrivé fouvent dans les Campagnes durant la belle-faison, on joindra un baril d'cau k lademie-bouteille-de-vin pour chaque Homme. le retour-de-quatre-heures ne fe fera qu'en été, & ne  O] fera composé que d'un morceau de pain avec de 1'eau, pour Ceux qui voudront fe rafraichir: fi le travail était trèsrude, comme le fauchage , le labour de la vigne, &c.a, il y aurait un demi-feptier-de-vin, mesure de Paris. Le fouper fe fera le foir, a la fin des travaux, au refectoire public : ce fera le repas folemnel: Les Jeunes-gens non-mariés, qui n'ont pomt eu de vin dans lajournée, en auront chacun un verre, qu'ils mêleront avec de 1'eau , pour le boire en mangeant. Le fouper fera composé, au Village , ou de Porc au chous, ou de Mouton en ragout, avec des racines , ou deBceufröti avec des oignonsdefibus, &'. dans les jours mr.igres, d'ceufs, de Patifferies d'herbes, de fromages, falades, &c.a Dans les Villes oü il y aura plusieurs Communautés, chacune ferafervie a-proportion de 1'état, des occupations & des habitudes de Ceux qui composeront chacune de ces Communautés, qui toutes auront leur rcfecloire particulier. LesVignerons,Laboureurs,Manoeuvres des Villes, feront fervis commelesGens-de-campagne. la même nourriturè, & aux mêmes heures, favoir : le déjeuner dès le matin , avant de partir pour la campagne , afin d'échauffer, dans les faisons froides, & de donner de la force avant la chaleur en été: ainfi le déjeuner, hiver comme été, fe fera vers la pointe du jour , & même aux lumières, dans lesjours d'hiver, de mi-printemps, & de la mi-automne la plus proche de 1'hiver. LesMalfons, les Couvreurs , Carreleurs , Charpen- tiers , Serruriers , Menuisiers, Maréchaux, prendront leur premier repas, a 1'heure qui leur eft ordinaire, & feront nourris comme les Habitans-des-campagnes. Les Artisans ayant des profeftions moins rudes, comme les Cordonniers, Tailleurs, Ébéniftes, Tilfeuands entouc»  genre, Gaziérs, Chapeliers, Tailledouciers, Sec.*, mangeront aux heures bourgeoises, c'eft-a-dire, le déjeuner a huit heures du matin, le diner a midi, le goüter acinqheures, & le fouper a neuf ou dix. A déjeuner, du pain, Sc deux verres-de-vin : A diner , la foupe au Bceuf Se le bouilli, avec du fromage Se des fruits de la faison. Le goüter comme le déjeuner. A fouper, du roti de Bceuf, Veau, ou Mouton, avec une falade, ou du fromage Sc de fruits, au chois. Les jours maigres, a diner le potage aux herbes, aux légumes graineuses, au potiron avec du lait, fuivant la faison. A fouper du ri? au lait, avec un plat de légumes graineuses, oude Poiffon, ou d'herbes en farce , Sec.1 Les Bourgeois, lesMarchands, lesProfellions relevées, & les Artiftes, auront, dans les grandes Villes, desRéfectoires particuliers a leurs différentes Corporations: Le déjeuner reffemblera, pour Ceux qui le voudront, a celui qu'on trouve dans nos Caffés, Sc la falie en aura 1'air le matin jufqu'a midi. Le diner a deux heures; il fera composé du potage de Boeuf, du bouilli, d'une entrée , Sc du deffert, en fromage, avec quelques confitures fèches ou liquides, d'un verre de quelques vins plus délicats, Sc des fruits de la faison. Tl n'y aura pas de goüter. Le fouper a dix heures, en röti: deux-fois la femaine de la volaille. Les jours maigres, on ferafervi en Poiffon, en légumes d'un apprêt foigné , fuivant la faison , comme afperges , artichaux, petits-pois, chous-fleurs, Scc.a Les Gens-de-Lettres, Gens-de-loi, Sc Autres qui tra. vaillent de tête , auront un réfecfoire particulier , oü la nourriture fera fubftancieuse Sc légère: mais il fera libre a chacun de c es Hommes, d'aler a ce réfeótoire particulier, ou de fe tenir dans celui de leur claffe: ils pourront auffi  C93] aler alternativement de 1'un a. 1'autre: Le Surveillant public chargé des Invitations, dont il fera queftion dans 1'art, fuivant, aura une lifte des plusgais de ces Hommes, pour les diftribuer plus fouvent que d'Autresdans les différens réfeéloires des premières Claffes, aux jours-de-féte. Les Gens de la première-qualité, les Magiftrats, &c.*, auront un ordinaire encore audefTus. [ Lequel Règlement particulier, n'aura lieu , que jufqu'a la Génération actuelle écoulée, afin de ne molefter Perfonne : mais les Enfans de tous les Citoyens, feront élevés dans une prefqu'égalité; de-forte, que dans vingt ans, a dater du jour oü la Réforme fera établie , il n'y aura qu'une table, oü 1'on fervira les mêmes méts, d'un apprêtfimple & fain, tel qu'il convient a des Hommes raisonnables ]. Les Femmes des différens Ordres de Citoyens, auront la même nourriture que les Hommes de leur condition : ave: cette différence, que leurs alimens feront en-généralJ plus légers, & que la quantité totale, pour un nombre égal de Femmes, fera d'un tièrs moins, pour la bonne-chère, a la Vilie, & la moitié a la Campagne, que pour les Hommes: Item, que les Femmes ne boiront point de vin, fi ce n'eft, en cas d'indifposition qui le leur rende néceffaire. Quant au piin, il fera toujours k-difcrétion. Les Femmes auront auffi, quand elles le desireront, des fruits de la faison, encore rares, de-préférence aux Hommes: Les Femmes enceintesferontplusdélicatemenr&plus fubflancieusement nourries que les Autres, dans toutes les Claffes; ainfi que les Nourrices, fans néanmoins boire de vin. Dans les commencemens de la Réforme, oü la différence des tables exiftera encore, il y aura une règle établie1 par laquelle chaque Corporation différente invitera deuxfois par-femaine, les jours aufquels tous les repas fe feront a txx. Méts des 'emmes. LXXI. nvïiations.  IXXII. Guataegs paniculias. 1 < J J i ( ( I ( I C94] Ia même heure, un fixième d'Étrangers a ladite Corporation , pris dans toutes les Claffes, a-1'exception de celles des Coupables, par nombreégal; afin que toutes les Claffes delaSociétéfe voient, fe connaifTent, & fachent refpedivementce qui fe paffe chés elles, comme on vit, comme on penfe, comme onraisonne dans chaque Corporation; & encore, afinqu'aucun des Membres de Ia Société ne puiffe en mépriser Un-autre: Et comme les invitations feront invariablement d'un fixièmedes Membres de chaque Corporation , il n'arrivera jamais qu'un réfectoire foit furchargé : La feuie formalité qu'on obfervera pour les invitations, c'cffc que Ia veille, on découvrira les noms des Invités, fur la Lifle générale apposée dans chaque réfecfoire, en tirant Ia languette qui les cache : Chaque Invité fera flriétement a la portion de Celui qu'il remplacera, felon Ie réfectoire. Outre les provisions raffemblées dans les greniers publics , il 7 en aura d'une autre forte dans les greniers particuliere de chaque maison; favoir: pour les aveines , foins, paiiies, &c,», & auflipour les blés & autres grains' •ecoltés, avant le batage ; lefquels feront déposés durant es moifïbns, chés chaque Particulier; qui fera chargé leles battre & vaner, pour lesdéposer enfuite aux greniers mblics, d'oü ils fortiront pour aln-, foit aux marchés pour rttidte, foit au moulin, pour en tirer la fai ine néceffaire a la iibfïïtance: Nul Particulier n'aura droit de vendre du bléd, ïi aucun autre grain, qu'il ne 1'ait tiré du grenier public,' iesAdminiftrateurs duquel il aura une commilïïon par xrit, pour le porter, dansdesfacs marqués au nom dc la Communauté, tous de contenance égale, foit aux différens Mrchés, foit au moulin. Et fi un Particulier avait retenu. u bléd de fa récolte, pour le vendre a fon profit pai ticuier , il ferait puni comme Infidèle au Public, & en-con-  [953 • féquence, dégradé, confiné parrni les Difformes-Coup*, bles, condamné aux travaux publics pour un temps fixé, a-proportion de fa faute : la recidive emporterait toujours une condamnation a-perpétuité. Les gains particuliers, ou pécule, qu'il eft de la fageffe de laiffer aux Particuliers, comme un encouragement, ne pourront étre perens que par les Hommes de quaranteneufans, &audela; & ils les percevront, tant du produit de leur travail, que de celui de leurs Enfans & Petitsenfans, a-chacun defquels ils en feront la part convenable , fuivant leur mérite : ce produit proviendra du resultat des ventes pubiiques des grains , vins, & autres denrées, tant des fonds-de-terre, qUe des Animaux, des travaux en tout genre, deI'induftriede 1'efprit méme, puifque dans les Communautés des Gens-de-lettres & de loi, des Musiciens & des Peintres, &c.', il y aura un pécule : On retirera fur ces ventes, toutes les dépenfes communes, & une fomme en -f is, pour le» cas imprévus, qui fera fixée a un fu1ème de la dépenfe : le furplüs fera partagé entre les Membres ayant voix , non par portion égale, mais a-raison du produ.tde la récolte mieux-valante ou de 1'ouvrage plus excellent, duLivre qui aura eu piüs de fuccès, & qui, a mise égale, auront plus rapporté que leur pair: Ainfi'le Laboureur, dont vingt arpens auront rapporté plüs que vingt autres., de valeur égale , cultivés par Un-autre, partagera dans le pécule , non a-raison du travail des vin-t arpens, mais deleur produit, &c.» De-même, 1'Artifte0 dont un tableau de même genre, qui aura employé lemêmé temps, rapporten letripiea la Communauté, aura dans le pécule une portion, a-raison, non du temps, mais du rapport, &c.' II en ferait de-même d'un Homme-delettres, dont unQuvrage;en.quatre volume, aurait pro- Lxxrir. Gains particuliers, ou pécule.  t >-Ji i ] LXXIV. Hzurcs de travail. C01 luit le décuple d'un Ouvrage , auflï volumineus & auffi jagineus , fi 1'on peut f exprimer ainfi. Chaque Partirulier demeurera maitre abfolu de fon pécule : fil le prête, m lui en fera la rente au denier-trois, &: non audefTus, k même au denier-deux: car on fent que ces prêts ne jcuventavoir lieu qu'avec le Public, ou une Nation voisine; or, au-moyen de ce bas-intérêt, d'un cóté, le Public ne ferair pas obéré par un intérêt aflés inutile, & de 1'autre les Nations voisin.es accourraient pour faire valoir nos fommes, & il n'en refterait aucune qui fut improduCtivc. LesParticulierspourraientauffife donner différentesaisances avec leur pécule ; ce qui ferait circuler l'argent, & occuperaitles Artisans, les Artiftcs, & tous les talens fupérieuïs: Ainfi, 1'on encouragerait cesdépenfes, en donnant une confidération a Ceux qui pourraient les faire; confidération bien-méfitée , puifqü'éUe ferait toujours le resultat de 1'utilité de Ceux a qui elle ferait aecordée. Le tempsdeftiné au travail feradéterminé pour les Cultivateürs & les Artisans: aucun ne pourra en donner moins a Toccupation: mais qui voudra, en pourradonnerdavantage; ce qui, outre l'honneur, lui profirerad'autant pour fon pécule; le produit étant ordinairement en-raison de la quantité du travail, & de Tamélioration. 1 , LesLaboureurs partiront après la foupe, en feptembre a ^ heures ; en oétobre a 6 & 6-&-demie; en novembre a 7-&-demie; en février a 7 & 6-&-demie ; en mars a 6; en ayril a 5 ; en mai a 4; en juin & juillët a 3 ; en augufte a 4 & 4-Scdemie: Theure du retour en feptembre , fera midi; en oétobre, 3 heures-&-demie ; en novembre, 3 heurcs-&demie 4heures: en février, 3heures, en avrilde-même; enmai 1 heure, & midi vers le ïf; en juin n heures; en juillet & mi-augufte 10, & 11 heures depuis le 15 J augufte,  [97] augufte. Auretourdelacharrue, lesLaboureursreposés, dans le nouveau régime , feront occupés, les Uns, au foin des Eeftiaux, les Autres, au charroi des engrais, vei s le fbir, la chaleur paffee; au nétoiement des étables, tant des Chevaux, que des Bêtes-a-cornes & desMoutons; & dans lespays mi-parti-de-vignes, a faire les échalas, &c.a; enfin au jardinage. 1. Les Vignerons partiront en hiver, pour les facons de cette faison, qui font le terrage, le provignage & le fumage, a 7 heures en décembre, & janvier ; a 6 & demie en novembre & février; a 6 heures en mioétobre & mi-mars; a 5 le refte de mars; a 4 & 3 & demie en mai; a 3 en juin & mi-juillet; lc refte du temps oü il n'y a pas de gros travaux pour la vigne , le Vigneron ira le matin avant la chaleur : en décembre & janvier, & jufqu'a la mi-mars, le travail durera tout le jour: a la miffiai, jufqu'en juillet, il y aura pour le Vigneron, a 1'heure de fon goüter, qui fera 11 heures en mai, 10 heures en juin & juillet, 3 heures de repos a 1'ombre, dans ce premier mois, & quatre dans les deux autres; après quoi, a moins d'une exceflive chaleur, le Vigneron reprendra fon pénible travail jufqu'a la fin du jour : il fera libre dans les grandeschaleurs, de f'-en-revenu- chés lui pendant les quatre ou cinq heures de repos ; a-condition de prolonger ie travail a la fraicheur du foir. 3. Les Batteurs-en-grange fuivront laméme règle que les Laboureurs, a-la-différence, qu'ils travailleront lc matin a la lumière, avant la foupe , environ deux heures, & que leur travail ne fera ïnterrompu que par leurs trois repas, qui prendront une heure chacun; le travail a-couvert étant toujours moins rude , que celui de la campagne: leur journée finira avec le jour. 4. Les Manoeuvres, Maffons, Couvreurs, Menuisiers, Maréchaux, Serruriers, &c.% fe lèveront I Part. H  ï< a vr fai &< q> m B ti q fc c r P r t i 1 LXXV. Jours de repos 6' «fe diverüffemens. m [uatre heures en tout temps; déjefmeront a 6, dfneront 11 j goüteront k 3, & fouperont k fept: tous ces Ouiers feront rentrés pour fe coucher a neuf dans les Villes; is quoi laPatrouille-bourgeoise les arrêterait, les obhrait k rentrer, Sc les dénonceraitle lendemain au Comité, ti leur ferait fubir pour peine, la privation de divertiffeent du jeudi-foir, dont il fera parlé dans Partiele fuivant. LesMarchands ouvriront au jour, dans toutes les Villes, ourgs Sc Villages, Sc fermeront a la nuit. 6. Les Condi3ns fupérieures ne feront afTujéties k aucune règle, parceie leur travail n'intérefle lePublic , que par la femme de ,n utilité. 7. La Magiftrature aura des heures fixées , 3mme il convient k tout état, qui a une multitude de .pports avec les autres: maisle travail des audiences fera roportionné aux Causes, qui ne feront ni aufTi multipliees, i du même genre que celles d'aujourd'hui (*). 8. Enfin, ous le Citoyens, auxheures de travail, feront occupés d'une nanière conforme k leur état; Sc laPatrouille-de-jour, qui rouverait des Citoyens k vaquer, a ces heures-la , ferait mtorisée k leur demander la Faison de leur fortie : A-la,érité, la moindre affaire fera une excuse légit.me ; mais finutilité abfolue aura aumoins le frein de la honte ; le vagabondagc criminel deviendra impoffible , &c.a ^ La rigueur du travail imposé, quoiqu'mféneure a ce qui exifte aduellement pour les trois-quarts, ou aumoins les deux-tiers des Hommes, fera compenfée par des jours derepos, Sc de plaisir, durant lefquels tout le monde jouira également des divertifTemens, des fpeclacles publ.es, Sec * Ces jours feront de parfaites faturnahs pour 1 egalité ; chacun y portera des habits Pl0PreS^^^J  m & qui ne fe reflentiront en rien de ceux de Ia profeflïon , quelle qu'elle foit; lafeule différence fera dans 1'ordre des Claffes: (ce n'eft pas que les jours de travail , il n'exifte aufli unediftinéïion clajfaire, mais elle n'exiflera que dans unepartiedel'habillement &unecouleur indicative). Les jours de repos & de divertifiëment ordinaire, feront le Dimanche en-entier, les devoirs religieus remplis; lejeudi& lefamedi, depuis midi, & le quatre fêtes-des-mariages, lef* quelles dureront quatre jours chacune: par extraordinaire, les fêtes des naifiances du Roi,. du premier Magiftrat, des Chefs de chaque Comité, du plus ancien Vieillard de la Communauté; les jours de publication de paix , ou de réjouirfances pour une viétoire j les fétes des mariages du Roi, ou de fes Enfans, ou d'un premier Magiftrat: (celles-ei fe feront avec lesfêtes-des-mariages, parce-qu'ils feront mariés les mêmes jours ; mais alors, fa féte fera plus folemnelle , & augmentée de deux jours dans tout 1'Étar). Le dimanche on aftiftera d'abord a 1'office, qui confiftera , le matin a fept heures, dans le chant d'une hymne en langue vulgaire, composée de-facon qu'elle exprime ce que 1'Eglise honore ou commémorie dans le jour: on déjeünera enfuite avec une patiflerie légere, ou du laitage , ou quelqu'autre régal: A neuf heures on aftiftera a Ia grand'meffe, oü toute la Jeuneffe fera en aélion a-proportion dt fon mérite, pour fervir a 1'autel, composerdes choeurs, qui chanteront des Cantiques: il n'y aura dr tranquiles, que les Hommes & les Femmes-mariés: les Jeunes-garfons & les Jeunes-filles formeront différentes évolutions, aumilieu de la nef & du choeur, qui refteront librrs, en chantant altemativement des hymnes relatives aux différentes parties du fervice divin : vers la fin de Ia meffe, toutes les Filles porteront un paquet de fleuri de Hij LXXVI. Nature dis divertif» femens.  [ioo] Ia faison aux Hommes, & aux iMères-de-familles de 49 ans & audeffus, qu'elles présenteront en fesant une profonde révérence : Les Jeunes-gens porteront de-même le pain-beni, tant aux Hommes qu'aux Femmes de tout agp.: mais les Hommes-mariés audeffous de quaranteneuf ans ne recevront pas encore de bouqnet. A 1'ifTue de la melfe, en attendant le diner, la Jeuneffe afibrtie par troupes, répétera les jeux dont elle doit donner le foir 1'amusement aux Hommes-faits; cette répétition fe fera en été fur la place ombragée de chataigniers, de pommiers, ou d'autres arbres-a-fruit; en hiver , dans la falle-publique, dont les tables feront pliées contre les murs , j ufqu'a 1'inftant de mettre le couvert. Le diner aura un méts de-plus, que les jours ordinaires, & il en fera de-même a tous les jours-de-fête , ou demi-fête , comme les jeudis. Après le diner, on chantera les vêpres, enfuite le Pafteur fera un difcours d'édification fur la folemnité, ou fur le myftère, ou fur le dogme , en ramenant toujours a la morale. Après les vêpres, qui finiront a trois heures, il y aura une heure pour fe préparer aux jeux, & foiguer les Animaux , dans les endroits oü il y en aura, comme a la Campagne , & même dans les petites "Villes. Ces foins remplis, les jeux commenceront. Ils confifteront dans des courfes , dcslutes, desjeuxd'adreffe de toute efpèce, & dans des représentations dramatiques, de fujets choisis par les Vieillards, & composés par lesGens-de-lettres les plus verfésdans ces fortes d'ouvrages. Les courfes a piéd feront de deux fortes; aux barres & de fimple jeu; ou tendantes a un but dans une carrière , aubout de laquelie fera un prix: II y aura une carrière pour chacun des deux-fexes; parce-qu'après la réforme, il ne fera plus dangereus d'exercer les Femmes: le  [ioi] prixde la courfe fera une marque-d'honneur, comme une cocarde, oa telle autre,qui ferajugée convenable, avec un inffrument de 1'état exercépar lePrise, ou la Prlsée; ainfi les Jeunes-gens qui f'exerceront aux fciences, auront un Livre utile , & a leur portée ; les Laboureurs un inftrument d'agricutture; les Artisans un outil de leur profelfion, lesArtiftes, comme Peintres, Sculpteurs, &c.a, un bon modèle , &c.a Dans la lute , il fera défendu de mettre aucune brutalité , aucune animosité ; les Jeunes-Garfons, qui f'y exerceront feuls, vétus d'une pellicule de vefïïe huilée , faite en habitde matelot, ne feront mutuellement qu'exerc'er leur force, leur adreffe, & la fouplefl'e de leurs membres: Les jeux-d'adrelfe feront le difque , le billard ( en hiver feulement ce dernier ), la boule, &c.a Les représentations dramatiques auront-lieu deux-fois par femaine, le famedi & le jeudi: car tous les travaux cefferont le famedi a midi a la Campagne, & a deux heures dans les Villes: a la Campagne , on vaquera au foin des Beftiaux, on préparera ce qui fera néceffaire pour Ie lendemain : a la Ville , on prendra de-même les foins néceffaires, & a cinq heures-&-demie , tout le monde fera libre, pour aflifter a une représentationdramatique , proportionnée auxPerfonnes & au pays: Les fujets en feront tirés, a la Campagne, de THiftoire-fainte Sc de 1'Hiftoire de Franee, fur-tout de celle de la Province ; dans les grandes Villes, & ala Capitale, on jouera les Chefs-d'ceuvres de nos Grands-maitres, & en-général toutes nos pièces imprimées, ainfi que toutes les pièces nouvelles fans-exception , pour les foumettre au jugement du Public. Ces pièces auront pour Acleurs la Jeuneffe & quelques Surveillans publics, qui auront un talent marqué, lefquels auront été chargés de la former; ce qui pourra être exé- Hüj  c * v°y£ii lcll.d Volume de ces' Idtes fingu-[ liirts, ou la / MlMOGRAÏHE. Pa-1 ris, Veuve Duchefne ,. rue Saint- ] jacques, qui j en a des exemplai- ' rcs. j j 1 < » | 1 LXXVII. Emploisdes IQotntnes. [102] uté, comme il a été proposé par le Règlement dc la Wimographe, ou le Thédtre reformé*, auquel on peut voir recours. Les röles de Vieillards feront faits par les lurveillans, qui n'admetxront aucun röle oü laVieilleffe oit ridicule & bouffonne; on changerait ces róles dans es bonnes pièces, ou on les abandonnerait abfolument, fi :ela n'était point praticable. Dans les Villages, la Jeuneffe ouera de-même des pièces décentes & morales, ou diveriffantes d'une manière honnête, & qui ne foient pointconraires a la bonté native de 1'Homme.' Les Jeunes-filles 'eront les röles de leur fexe, obfervant qu'elles ne foient amais mêlées avec les Garfons , derrière les couliffes ; nais décemment tenues a-part, conformément au voeu lu Règlement de la Mimographe. II y aura des prix pour >ux des Jeunes-gens qui excelleront dans le pathétique & e beau débit; mais il n'y en aura aucun pour la boufonïerie, quoiqu'elle faffe rire ; parce-que ce genre ne mène ï rien un Citoyen ; aulieu que 1'éloquence & les entraillcs peuvent étre de la plus grande utilité. Toutes les charges de 1'État feront exercées par les Hommes, dans le fens donné a ce mot, fous ce Titre TV.me , comme il a été dit par 1'art. lviii ; a-l'exception de celles des Comités, qui feront annexées aux Vieillards. Mais tout emploi audehors, foit d'une Ville a 1'autre, ou dans les Pays-étrangers, le commandement des Troupes , &c.a, fera le lot des Hommes, qui commanderont aux Jeunes-hommes & aux Nouveaux-mariés, lefquels feuls feront les Soldats; les Bas-officiers feront pris dans les Jeunes-hommes; & tous les Officiers dans les Hommes dont il eft queftion fous ce Titre : Les Secrétaires , les Avocats plaidans, tout ce qui demandera force, aétivité, ïDfatigabilité, fera le lot des Jeunes-hommes, fous les  [I03l Cyrdres des Hommes-en-piace: car les Vieillards & les Chefs fuprêmes ne donneront direcfement les leurs qu'a. cesDerniers, fauf les cas de nécefïité , oü les Vieillards commanderaient immédiatement a tous les Ages. Les Hommes feuls, ainfi qu'il a déja été dit, feront: maitres dans les différentes profei'lions, c'eft-a-dire , qu'ils feront travailler un nombre d'Ouvriers de leur profeffion ,1 des ages inférieurs; ils auront feuls des Élèves, qu'ils formeroat & feront former par les Jeunes-hommes employés fous eux, & qui feront, a leur égard, comme les CHents des autres Claffes: chaque Homme, maitre de profeffion, foit Artisan, foit Artifte, aura donc un nombre de Jeunes-hommes fous fa direétion , qui lui remettront leurs ouvrages; & le Maitre les remettra au Bureau de la Corporation , pour en être difposé comme le demande 1'art. fuivant. Chaque Jeune-homme de profeffion aura dans fa dépendance trois Jeunes-mariés; chaque Jeune-marié deux Garfons; chaque Garfon un Adolefcent, auquel il fera fpécialement attaché, afin que tout fok gradué & lié dans le nouveau fyftème. Cha'que Corporation aura un Bureau , auquel on portera tous les Ouvrages des arts & des métiers, aufquels Bureaux feront préposés des Vieillards, pour en délivrer les marchandises, non aux Particuliers, comme il adéja été dit plus-haut, mais a chaque Bureau d'une Corporation différente : Exemple : Le Bureau des Cordonniers, détivrera les fouliers qui lui ferontdemandés par leBureau des Laboureurs, ou celui des Boulangers, & chaque Laboureur, ou chaque Boulanger recevra des Vieillards, chefs de fon Bureau, dansfaVille, Bourg ou Village, toutes les choses dont il aura besoin , fuivant le tableau qui en fera dreffé, & dont 1'art. fuivant contiendra un Hiv lxxviit. Maitres les preftfhns. ixxrx. Bureau des Artisans, Ar~ '.iftes , & Commercans.  LXXX. Tableau des fournitures a-faire a chaque Particulier par les Bureaux. [I04] modél*. Cette diftribution fe fera quatre-fois 1'année, deux jours avant la fête des mariages, par ordre de Families, afin que les Tailleurs , ou autres Ouvriers, chargés d'employer les étofes, prennent les mesures, & ayent le temps de faire les habits, &c.a IL fera délivré a chaque Particulier, par quartier après la première livraison , qui aura été de fix chemises, & deux habits, fuivant la faison , & d3ns le coftume de la Claffe & de 1'age, un feul habit de la faison qui règnera hors de la fête fubféquente des mariages, jour auquel eet habit neuf fera mis pour la première-fois, & une chemise, alternativement, de jour & garnie, & de nuit fans garniture, faite d'une forme particuüère, dite enamadis , afin d'entretenir la quantité de linge fuffisante , pour qu'on puiffe en-changer : a chaque livraison , une paire de fouliers neufs, fuivant la faison , & une paire de raccommodage : De deux-livraisons, 1'une un chapeau, & a celle intermédiaire un retapage, ce qui fera deux chapeaux par an; ayant attention d'en avoir toujours un comme neuf aux fêtes des Mariages: a chaque quartier, deux paires de bas, fuivant la faison , favoir, en été une de coton & une de foie dans les Villes, une de fil & une de coton dans les Villages; une de foie avec des chauffettes, & une de laine en hiver a la Ville; & une de laine avec une paire de guêtres dans les Campagnes : on diflribuera tous les ans des bottines a Ceux qui en auront besoin. II en fera de-même de tout le refte de ce qui fert a 1'habillement. Les Femmes recevront, ainfi que les Hommes, par les mains de Membres du Comité des Anciennes, qui auront ce département, tout ce qu'elles auront besoin, ainfi qu'il fuit: Chaque Femme ou Fille aura eu d'abord donze  chemises, deux habits complets, & deux deshabillers du matin ; quatre paires de bas bla'ncs; deux paires de fouliers & une paire de mules; deux bonnets de parure, & quatre de-nuits , & ainfi par quatre tout le linge de corps dont elles peuvent avoir besoin', ainfi que les bijous-de-parure , dont ilefiquefiion dans les art. ix , xxxix, xli, lx, lxxxi , du Règlement des Gynographes : A chaque livraison, les Femmes recevront deux de chacune des choses k leur usage, dont les Hommes en recoivent une , leur fexe étant obligé a une plus grande propreté. Les premiers blanchiffages fe feront a-proportion du linge qui exiftera d'abord dans les premières Corporations ; enfuite, a-mesure que la quantité en augmentera, on en éloignera le temps: le linge fera marqué par deux lettres du nom de chaque Individu ; ce qui fera fuffisant, attendu que chaque lêrTive publique n'aura qu'un certain nombre de Citoyens a blanchir: La leffiveachevée, &le linge fèché, un des Surveillans publics le fera porter a fa dellination patles Adolelcens, dont chacun n'aura qu'un feul ménage 'a fervir pour eet objet: cette renditionfe fera le même jour, a la même heure pour toutes les maisonsde la Communauté. Le blanchiflage fe fera par les Jeunes-filles de la Communauté , commandées par deux Femmes-faites , par chaque lavée ou bateau , & présidée par Une des Matrones" membres du Comité, laquelle mettra la main a-l'ceuvre , pour ennoblir le travail: toutes les Filles fans exception , blanchiront a-tour~de-róle, le feul cas d'indifposition accidentelle ou périodique excepté. Elles feront aidées & fervies par les Coupables de leur fexe, condamnées aux gros travaux, lefquelles feront tout le plus rude : mais le linge ne fera porti fur des hotes, de la maison aux lavoirs, oü alarivière, que par des Hommes honnêtes, par-tour. LXXXI. Blanchif* Qigc. LXXXII. Bianchifreuses & Purteurs.  lxxxiii. Fournitures d'inj/rumens, &c." txxxn yivres. choisis entre Ceux deftinés aux travaux les plus rudes; car les Coupables n'aborderont jamais les Jeunes-fiHes, ni les autres Citoyennes. Les fournituresd'inftrumens pour les différens métiers, fe feront par les Corporations qui les fabriquent, a Celles qui les emploient: chaque Maitre-de-profeftion ira au Bureau dont il dépend , fe fournir de ce que fes Compagnons auront besoin , fans aucun paiement, non-plus que pour les fournitures dont il eft parlé dans les art. précédens: chaque Corporation compenfera ce qu'elle prendra par ce qu'elle fournira, fans aucun compte : mais les Surveillans publics, & les Membres k ce nommés, des Comités de Vieillards, verront a ce qu'il ne fe faffe pas une confommation trop-forte & fuperflue; & fi cela furvenait, ils remonteraient a la cause, & y remédieraient efficacement, en rérabliffant le bon-ordre, & en chatiant les Fautifs par des punitions proportionnées: Aubout de 1'année, les Comités publieront & feront afficher dans chaque réfectoire , un tableau des fournitures , & des prises des différentes Corporations, avec la balance aubas. Et comme il y a des Corporations d'Hommes dont la prise eft toujours la méme, mais dont la fourniture varie , ou n'eft-pas fenfible , la lifte avertira, que cette prise & cette fourniture fe trouvent compenfées, en plusieurs années. Quant aux Hommes deftinés aux Emplois élevés, tels que les Miniftres des autels, les Magiftrats, les Gens-de-lettres; ou-bien les Comédiens, les Musiciens, &c.a, lacompenfationf'établira paria proportion des hautes occupations des trois premières Claffes, & le travail des deux autres. •.. La fourniture des denrées néceffaires a la vie, n'entrainera aucune compenfation, puifqu'on mangera tous  cr-commun dans les différens réfecloires publics: Chaque Culcivateur, tant du bléd & de la vigne, que des autres dcnrées fervant a la confomination, comme cidre , bière , &c.*, déposera dans le grenier public, a ce deftiné , de fa Corporation, ce qui devra être mis en-commun par les Habitans, pour 1'acquit des charges de 1'État & de leurs besoins perfonnels , laquclle quantité fera fixée aux deux-tièrs net du produit; ce qui ne fera pas même affés fort dans certains endroks fertiles, oü le dépot pourrait aler aux tiois-quarts, afin de compenfer les Endroits oü le tièrs même ferait trop: Le Comité, aux jours fixés pour cela, commandera Deuxhommes de chaque Corporation, pour faire tranfporter ces denrées au magasin de la Métropole d'arrondiffement-de-douze-lieues, dont fera le Village ou Bourg : les Deuxhommes commanderont parmi les Jeunes-hommes leurs Clients, le nombre néceffaire pour faire le travail; ces Derniers prendront parmi les Jeunesmariés de leur Clientelle, les Aides dont ils auront besoin; & enfin ces Derniers feront fervis par les Grands-garfons auffi leurs Clients; ce fera aux Deuxhommes a ne commander les Jeunes-hommes, dont ils connakront parfaitement la Clientelle , qu'a-proportion de bras dont ils au- i ront besoin : Les vivres & denrées feront chargés & tranfportés en un feul jour a la Ville-métropole; & pour ce, on établira de cesMétropoles avec un arrondiffement ; de douze lieues, autant qu'il en faudra , pour que chaque Bourg ou Village ne f'en-trouve éloigné au-plüs que de fix lieues; enforte que le Village le plus éloigné au nord , ne foit jamais a plus de douze lieues , de celui qui fera le c plus-éloigné au midi; & pareillement qu'il n'y ait que douze lieues du plus-éloigné a 1'orient, au plus-éloigné a 1'occident: ■ par ce moyen, les Endroits les plus-difians, pourront aler  LXXXV. Idiniitédt logement a Paris, 6 dans les grandes Mies. & Pen-retourner en un-jour : Chaque Métropoïe aura un grenier public, dins lequel tous ces envois feront dèchargés & recus: & le lendemain du dernier cnvoi, la Métropoïe commaridera de-même un nombre fuffisant de fes Citoyens, pour conduire les grains a la Capitale du Diftrict, qui fera coujours fituée fur le bord d'une rivière marchande, fil en exifle : Chaque Capitale de diftrict enverra les objets déposés dans fes greniers-pubücs, a la Capitale de la Province, ou direclement a la Capitale de 1'État, fi celle-ci eft proche , par les moyens les plus faciles & les moins difpendieus, qui emploieront moins de temps, ou ce qui eft Ie même, demanderont moins de bras & de peine. C'eft ainfi que dans lePlan-de-réforme, tout fe fera fans frais de la part des Particuliers, qui n'auront aucune inquiétude, & qui mèneronr une vie heureuse & douce aumilieu des plaisirs honnêtes , fans qu'aucun foit inutile. pauvre, vicieus, ou malfaiteur; 1'État ne fera qu'une Familie, & Ie crimeplutötimpofiiblequedéfendu : chaque Citoyen ferait attaché a fon Pays, a fon gouvernement, afon Chef; & au-moyen des exercices dont il fera parié, 1'Etat deyiendrait inattaquable pour toutes les autres Nations. Tous les Citoyens d'une Ville, qui feront de la même Claffe, feront également logés, autant que faire fe pourra : c'eft-a-dire, que chaque ménage aura les mêmes aisances : obfervant, que les Plus-agés foient logés aux premiers étajes, & ainfi-de-fuite , jufqu'aux plus élevés, qui feront pour la Jeuneffe. Mais ce Règlement ne fera que pour Ie fiècle présent: car après la Réforme, & amesure que la génération acluelle f'écoulera, on reconftruira toutes les maisons, qui périront de vétufté, d'une manière uniforme & commode, toutes égales, par remplacement} la grandeur & Ia quantirédechambres.  [io9] On aura foin de mettre tous-enfemble les Artisans bruyans, dans une des rues les plus larges , afin qu'ils n'incommodent pas toute la Ville, & qu'eux-mêmes foient tranquiles aux heures de repos: Ceux de profeffion de mauvaiseodeur, feront aucontraire féparés , & difperfés en-dehors de la Ville: Les Gens tranquiles, comme de-loi, de-lettres, Peintres, &c.a, occuperont les quartiers les plus a leur portée , oü les plusrians, fuivant leur état: deforteque tous les environs du Palais-de-jufiice , foient laiffés aux Gens-de-lois, fupposé qu'il y en ait après la Réforme , d'autres que les Magiftrats. Ces Derniers, ainfi que toutes ■lesPerfonnes relevées, auront une maison a eux-feuls. , Ceux qui auront commis un crime, ou que leur incapacité reconnue rendra incapables d'élever leurs Enfans, feront privés de ce droit précieus, qui fera conféré a un Homme fage de quaranteneuf a foixantecinq ans: Et ces Enfans, abfolument étrangers a l'éducation casanière, ne recevront plus que l'éducation publique; laquellc on aura foin de leur donner de-manière , qu'elle anéantiffe tous les vices qu'ils peuvent tenir de leurs Parens: On élèvera les Enfans desEfprits-faibles d'une manière douce & fenfée: Ceux des Coupables, par inconfidération , d'une manière approchante : mais Ceux des Coupables hardis, inquiets, féroces, feront veiliés avec une attention fingulière : on fera tous les efforts poffibles pour tourner 1'ardeur de leur génie du cóté de la vertu, en tachant de les rendre auffi bons par l'éducation , qu'ils euffent été méchans, abandonnés a eux-mêmes, ou a 1'exemple de leurs Parens. II y aura dans chaque Corporation, une Maladière , ou maison conftruitepour y recevoir les Malades, lefquels y feront foignés par des Femmes pieuses & veuves, qui fe confacreronta cette bonne-oeuyre , ces Gardes-malades feront LXVXVL; IrtccrtütSf par incapaciti, ou par crime, du gouvivmment de Uur Familie. LXXXVII. Malades.  ai c c l P v «3 è f f r r c < ( ] 1 < I < I i i 1 t ï LXXXVIII b'dy auraï desk Uks de plaisir. • t"o] iffi honorées que les Veftalesk Rome ; ayantle même rarig ïx Affemblées pubiiques, que les Matrones-Chefs des omités: Les Maladeries feront diftribuées en autant de rambres féparées qu'il y aura de lits, deforte que-chaque lalade aura fachambre, oü il fera tranquile , & fervi ar une Soeur qui lui fera fingulièrement affectie. Les isites des Médecins & Chirurgiens fe feront avec attention : décence ; fur la plainte d'un Malade, foit du Médecin, u Chirurgien , ou des Sceurs, & des Difformes Garfonse-fervice, l'Adminiftration, composée des Vieillards E des Hommes, fera fur-le-champ un exemple de févérité jr les Coupables, qui feront punis a-proportion de leur mte : car fils avaient occasionné la mort d'un Malade, ïême par fïmple négligence , ils feraient punis corporelleicnt & flétris a-jamais. Les Parens des Malades auront roit de les visiter, & de refter auprès d'eux , a-moins [ue ce ne faffent des Gens décriés , ou que le Malade ne emandat leur éloignement abfolu de fa Perfonne. Les dalades feront traités doucement, & avec affeclion: On es veillera la nuit, a deux , c'eft-a -dire, une Soeur juf|u'a une heure après minuit, & Une-autre depuis une leure jufqu'a feptdu matin, que la Sceur de jour reviendra. Dn ne forcera point pour les médicamens; il n'y aura que tour les opérations chirurgicales , qu'on ne farrêtera pas . la répugnance du Malade, a- moins que ce ne fut un /ieillard , auquel Perfonne n'aurait droit de desoléir, a-raison de fon grand-age. Les Convalefcens reourneront chés eux, mais il? feront difpenfés du travail in temps fuffisant. Un des avantages de la Réforme proposée, 'ce ferait 'anéantiffement de la proftitution: en-confequence, Ie ^rojet indifpcnfable a exécuter dans le régime aduel, pour  [.!>] conferver les mceurs & la fanté des Citoyens, deviendrait parfaitement inutile, après la réformation: II le ferait, i, Pour les Jeunes-garfons, parce-qu'ils feront mariés fans inconvénient, dans la réforme, auffitöt après la maturité convenable, c'eft-a-dire, la puberté confommée: a, Pour les Jeunes ou les Nouveaux-mariés, le projet du Pornographe ferait de-même inutile , puifque le dégout & la fatiété font les plus grands de leurs maux dans le régime a&uel: 3, Quant aux Jeunes-hommes, déja environnés d'Enfans aimables, commencanta tenir-ménage, ilsferont affés diftraits par leurs occupations, le fervice des armes , &c.% pour ne pas fonger a d'Autres que leur Épouse: Si cependant il y avait une longue guerre , c'eft-a-dire d'une année fans revenir, on fent qu'il y aurait quelques inconvéniens, qui, tels qu'ils foient, paraiflent aux ieux de 1'Homme fage & non-préjugifte, plus dangereus qu'une forte de proftitution : mais dans ce cas, on pourrait laifler laliberté aux Filles étrangères de venir dans le camp, après néanmoins un févère examen, a-condition que toutes Celles qui prendraient ce parti, refteraient a la fuite de 1'Armée, & que leurs Enfans feraient traités fuivant ce qui fe pratique dans le Danemark *, rapporté dans le Pornographc, p. 142. Enfin, il n'y aurait jamais de Veufs; dès qu'un Homme aurait perdu fon Épouse , il en prendrait fur-le-champ & néceffairement Une-autre, &c.a La guerre eft un fléau néceffaire , & voulüt-on vivre' éternellement en paix , il faudrait toujours être prêt a la. faire; cemoyenétantle plus fur pour nela faire jamais. La guerre & la paix feront a 1'arbitre du Prince, Roi, ou fouverain Magiftrat, fuivant que 1'État fera monarchique ou républicain : La guerre ne fe fera que pour cause jufte & publique: c'eft une injuftice majeure, dc la faire pour * Voye^ le PornographE , rome I.efi de ces Idéés (intrulières. LXXX1X; De la vuerre.  X c. Soldats. XCI. Cavalerie. [112] une vengeance particuüère, ou pour un tort, qui n'intéreflèrait pas le bien-être présent ou futur de la Société : Ainfi , les causes légitimes de guerre feront: i , Un cmpiètement fur le rerritoire a main-armée , avec dévaftation & violences commises furlesHabitans: a, Une injuftice faite par la Nation voisine a 1'État voisin , ou par un Particulier de eet État, qu'on refusera de desavouer & de punir: 3, Une attaque fur mer : 4, Une requisition d'aide de la part d'une Nation amie, 011 opprimée contrc toute raison par un autre État, & qui reclamera protection: 5 , Une guerre civile , pour laquelle la Nation voisine ferait appelée : Tout autre motif que les cinq cimentionnés, ne ferait pas fuffisant pour causer une guerre. Tous les Corps de 1'État, formés des différens ages , tous fubordonnés , admirablement difcipiinés, feraient par-la même déja Soldats: on y ajouterait ce qui fuit. Les Soldats qui composerontlesTroupes, feront pris parmi les Jeunes-mariés, fans qu'il puiffe y avoir aucune difpenfe de fervir, que celle d'infirmité de corps ou d'efprit: On prendra dans toutes les Corporations, le tièrs ou ledemi-tièrs, felon le besoin, des Jeunes-Mariés, pour marcher a la défenfe de la Patrie : Sc comme tous feront Soldats de droit, on tirera au fort, non Ceux qui partiront, mais Ceux quidevront refter : ce qui fe fera, non a la manière de tirer aétuelle , mais comme a la Loterie : chacun ira prendre un billet au Bureau du Comité; on tirera enfuite la Loterie, dont lalifte fera publique, avec les numeros qui devront refter feulement: tout ce qui ne fera pas forti, partira pour 1'armée. Les Troupes qui composeront la Cavalerie, ne feront prises que dans la Claffe des Jeunes-hommes, Sc chaque Cavalier aura le rang des Bas-officiers inférieurs (Anfpe- fades  C"3] facies & Caporaux): obfervant néanmoins que les Cavaliers feront pris dans la NoblefTe entre les Jeunes-hommes de trentecinq a quaranteansj & que les Bas-officiers fupérieurs del'Infauterie , comme tous Ceux de la Cavalerie , feronc des Jeunes-hommes de quarantecinq a quaranteneuf ans. Les Bas-officiers, favoir: Aufpeffades, Caporaux, Sergens, Fourriers, & Maréchaux-des-logis, feront pris dans la Claffe des Jeunes-hommes: tous ces Bas-officiers, < a-l'exceptiondesSergens, des Fourriers & desMaréchaux-1 des-logis, feront armés de fusils, & feront le fervice desJ Fusilicrs ou des fimples Cavaliers ; mais ils feront également diftribués de trois en trois Hommes, & auront un mot d'encouragement qu'ils répèteront fans ceffe a leurs Soldats, comme: A VEnntmi } Ferme! Enfans 1 Avancons , Camarades! &c.% fuivant que ce mot aura paffé de la bouche des Officiers, dans celle des Sergens, qui diflribués de neuf en neuf Hommes, veilleront aufli a faire retirer les Bleffés, par une ligne de Difformes qui fuivra 1'armée, & qui fera chargéede les tranfporter: cette ligne fera exposée au feu tout-comme les Soldats, & ne pourra jamais fuir la première, fous peine de mort; mais elle fera obligée de veiller attentivement ï retirer les Bleffés , póurles tranfporter , a 1'aide des voitures Iégères, conftruites a eet effet, dans un endroit oü ils feront en fureté , & non-exposés a être foulés aux piédi de leurs Concitoyens. Le s Officiers fupérieurs feront tous pris dans les Hommes. Les Troupes n'auront aucune paye; mais eües feront bien-nourries & convenablementhabillées fuivant la faison, & le climat. Mais au retour de la guerre, les Soldat, Cavalier, Bas-officier, Brigadier, Lieutenant général, & Commandant, participeront au pécule de Ceux qui feront demeuréscois& tranquiles Ueurs travaux: Chacun de ces I Part. I xcn. iu: "ormes. XCIII; Officiers , Paie&Bim in.  r q d< rr C( G O u f; P q d q c r t < 1 ] xciv. Service des Garfons ala guerre. ["4l lerniers fera obligé de donner la moitié de tout le pécule i'tl aura mérité pendantque fes Concitoyensvaquaientala ifenfe commune , & de le déposer a fon Bureau , ou icux, le Bureau le retiendra , durant la guerre : Et )mme il y aura plus de Travailleurs dans 1'État, que de ■uerriers, il arrivera que Ceux-ci auront un pécule plus mfidérable, k-proportionde leur grade : Un Soldat aura ie part, c'eft-a-dire, une division de la fomme totale , ite d'après lc nombre des Guerriers, par tête : 1'Anfefade, une part-&-demie: le Caporal, une part-troisuarts: le Sergent, deux parts: le Soullieutenant, ^ux parts-&-demie: le Lieutenant, deux parts-troisuarts: le Capitaine, trois parts: le Lieutenant-cojnel & le Major, trois-parts-&-demie : le Colonel , uatre parts: le Brigadier, cinq parts: le Lieutenanténéral, fix parts: le Commandant, dix parts i le Jénérar, vingt parts. Quant au butin, il appartiendra rat moitié au trésor public, & par moitié a 1'Armee, qui e partagera dans le mêmes proportions ci-defTus. Les Garfons ne feront cependant pas difpenfés de fernr a la ^uerre: mais comme ils n'ont pas encore joui des avantage's de la vie, ils ne doivent pas être exposés a Ia perdre avant d'avoir vécus, & de f'étre reproduits. Ils feront employés, i, a la garde des places-de-guerre, éloi-nés du danger, oü ils feront foigneusement exerces aux évolutions militaires, & a la fatigue des marches, des euettes &c* 2., II y en aura un nombre qui fuivront 1'Armée feront les mêmes marches, pour recevoir les Bleffés des mains des Difformes , & les tranfporter dans 1'intérieur du Royaumc, commodément, a-mesure quils feront en état de 1'être fans danger. 3, Ils feront fpécialement chargés d'aler & venir continuellement de ha-  [«*] térieur aux frontlères, pour rapprovisionncment de 1'armée, porter les ordres, &c.' 4, lis feront affujétis aux mêmes exercices que les Soldats; feront divisés deI même par Légions ou Régimens, & ':.uront pour Bas-offii ciers des Vieillards encore verts, mais hors de fervice, & I pour Officiers, les Vieillards les plus avancés en age & les j plus expérimentés, qui conferveront parmi la JeunefTe les | grades qu'ils ont occupés étant Hommes : c'eft par cette ' VieillefTe refpectable, qui ne combat plus, que fera formée I la Jeuneffe, qui ne combat point encore. Après la Réforme, i il n'y aurait point de fervice militaire dans les Colonies, » qui feront fur le même piéd que la Mère-patrie. Quiconque aura fait une belle aclion a la guerre, fera recompenfé a-proportion de la beauté de cette action : i 1, pour le falut de 1'armée, par une utile découverte ou I une marche faite a-propos , tout les obftacles furmontés, \ ou en paffant une rivière , ou en f'exposant a perdre la Ivie, en découvrant ce que font les Ennemis & opéranc ainfi la ruine de leurs deffeins; quel que foit le Citoyen qui 1'ait faite, fik-il Difforme, il fera porté au rang de Primitiaire , & a vingt ans d'age : fil était Garfon ou Imême veuf, par une exception a la loi générale , il ferait le feul a choisir avant tous les Autres, dans les plus belles Filles a-marier, fans avoir a craindre aucun refus; toute Fille étant obligée en ce cas, de facrifier fa répugnance. II aura en-outre la glorieuse faculté d'honorer fes Père & Mère, fuflent-ils méchans, de la manière la plus comj plette : car au jour de fon triomphe, il y aura un-jour 3 entier de fête folemnelle confacré a lui-feul, dans toutle i territoirc de la Nation; la cérémonie fera répétée dans 1 toutes les Villes, Bourgs & Villages, oü il fera repréi senté par le Plus-méritant des Jeunes-gens ^ & fes Père & lij xcv. Prix 6 recomptnfes militaires.  1 f 1 t 3 i i i 1 i XC VI. Troclamation du merite. tfère, par les Plus-honorés des Vieillards. a, Pour un ïrviee pareil, qui n'intéreffera qu'une parrie de 1'Armée, i même cérémonie dans les Villes feulement ; 3, Si la elle adion n'intéreffe qu'un Régiment, un Corps, un peut )étacheroent, même prix, dans la résidence feulement: nais néanmoins 1'aftion fera inférée dans les papiers publics. [,, Toute action de courage ou d'humanité , aura une ecompenfe en honneurs. Celui qui aura fauvé la vie d'Unutrë; monteradans la Claffe audeffus-de lafienne, & erf avancé de 8 années d'age: fil 1'a fauvée a deux, trois, ivec grand péril de la fienne, ou des circonftances finguières de bonté, on 1'avancera de'deux Claffes, & il mra cinq ans d'age. Enfin, pour les aaions méritantes, 5c peu remarquables, il y aura des couronnes composées, :omme il fera dit par 1'art. xcvu. Lorfqu'un Citoyen aura fait une belle aaion, de quelque genre qu'elle foit, il en fera référé au Comité des Vieillards de fa Communauté , lequel fe fera donner les renfeignemens a ce fujet: fi Mon eft de celles nomméesparticulières , ledit Comité décernera feul la recompenfe : mais fi 1'aftion intéreffe le Public , le Comité particulier, après 1'information , en fera part au Comité de la Métropole-d'arrondiffement; celui ci au Comité de la Capitale de la Province, & cette dernière, au Sénat de la Ville-première de 1'État ou de la Nation : Dans les deux cas, dès que la belle aaion fera conftatée, le Comité particulier, ou^ les Comités & le grand Sénat, ordonneront une proclamationde- mérite, qui fe fera le même jour, a la même heure , dans les quatre Endroits, en la forme fuivante, pour la belle aftion du premier mérite: Citoyens , je vous proclame N. de tel endroit, en telle Province , qui... a fauvé VArmée , ( ou trouvé un remede a. une  [rj73- famine, k unepèfte), &cc.a: Pour une belle action qui n'intéreflëra qu'une portion du Public: Citoyens de cette Province, je vous proclame N. de .... , notre Compatriote t qui nous a rendu tel fervice , en remédiant k la calamitéqui nous afpügeait, &c.a Si le fervice n'a été que pour la Ville ou le Bourg, Sec.1, la formule fera : Concitoyens , je vous proclame notre Compatriote N. dc *** , qui a fecouru fa Patrie: Enfin, fi, le fervice rendu n'a fauvé qu'une Familie ou un Particulier, leHérault dira : Mes Concitoyens, votre Ami, l'honorable N., notre Compatriote , a montré fon bon-cccur & fa belle dme, envers IV. & N., nosFr'eres: Qu'il foit honore' en pleine Affemblée de l'Etat, (de la Province), (de la Métropoïe) defon Pays. La cérémonie perfonnelle fe fera, favoir: pour une belle action relative au Public, dans la Capitale de la Nation ; pour une du fecond rang, dans la Capitale de la Province ; pour une du troisième rang, dans la Métropole-d'arrondiiTement, & pour une abfolument privée, dans le lieu du féjour,; dans les trois autres endroits, la cérémonie fe fera par représentation. Les fignes extérieurs de chaque recompenfe feront différens: i, Pour 1'action qui aura fervi la Patrie entière, 1'Honoré recevra une couronne de feuilles de chcnef liéc avec du fil d'étoupe le plus gros; cette aélion ttant fi belle, qu'elle n'a besoin d'avoir que le figne le plus fimple S: de la moindre valeur: 2., Pour 1'aélion qui aura été utilealaProvince, la couronne feradepommier, Iiée de fil un-peu plus fin: 3, Pour les acf.es du troisième genre fpécifiés dans 1'article précédent, une couronne de feuilles de noyer, liée en fil noir : 4, Enfin , fi Ie fervice n'a été rendu qu'a une Familie, ou qu'a un feul Particulier , la couronne fera de pampre-de-vigne, liée d'un fil rouge. 1 üj XCVIÏ. Différentes 'fptces de zuuronnes.  [..8] Pour toutes les autres belles aftions, inventions utiles, & fuccès dont le Public participera, il y aurades couronnesde fleurs: i, Pour avoir fauvé une Fille de la féduétion en 1'avertiffant, 1'inflruisant pardefages avis, furladéclaration de la Fille, leSauveur, ou la Femme qu'il auraéclairée, il y aura une couronne de roses, & quatre années d'age : i, Pour avoir, par debons-exemples, porti la Jeuneffe a la vertu, une couronne d'oeillets-blancs, & trois annéesd'age: 3 , Pour avoir ramené un Coupable audevoir, une couronne de fleurde»penfée, & trois années d'age: 4, Pour avoir, pardefages difcours, enflamé fes Concitoyens de l'amour dc la vertu, une couronne de fleurs-de-romarin, & trois années d'age : 5, Pour avoir formé plus vite & mieux les Élèves dans un métier, un art, une fcience ; dans le premier cas, une couronne de narcilfe; dans lc fecond, d'orange; dans le troisième , de fleurs de fureau: 6, Pour avoir exccllé d'une manière tranfcendante dans la culture de la vigne , & la facon du vin, une couronne de raisins en maturitc: 7 't Pour avoir excellé dans la culture des terres, & trouvé le fecret d'améliorer le pain, ou d'en faire avec un végétal nouveau , une couronne d'épics de froment, ou du végétal découvert & perfeétionné : 8, Pour avoir guéri urie maladie épidémique des Beftiaux, trouvé un moyen moinsdifpendieus de les bien nourrir, &cc."; dans le premier cas, une couronne de thin ; dans le fecond , une couronne de fleurs-de-treffle ou de fainfoin. Dans tous les cas, oü un Citoyen aura trouvé quelque-chosed'utile, il fera honoré, proclamé, & couronné, dans la faison des fleurs de fa couronne, un jour de-fëte, qui fera le même, pour cette cérémonie, dans tout le Royaume, même oü il n'y aurait pas de Proclamé, car alors, on honorerait le Proclamé le plus voisin : La proclamation fe fera dans la forme fui-  c"9] vante: Honoré foit le Citoyen utile, qui a fait , ou (trouvé), ou (inventé), &c*, telle ou telle chose t Citoyens, faitcs lui une couronne de telle ou telle chose, & béniffev-le; car Ha travaillé pour nous-tous. Les Proclamé» jouiront en-outre des avantages d'avancementd'age, de gradations dans les Claffes fupérieures, &c.a Pour exercer les Garfons, deflinés au mariage pour 1'année fuivante, aux fatigues du camp & des marches nocturnes, ils feront la patrouille ou garde-bourgeoise,' fous la conduite d'un Homme, par brigade de vingt, d'un Jeune-homme par efcouade de dix , & d'un Jeune-marié, par demi-Efcortade de cinq, marchant la nuit durant trois heures, aubout defquelles ils feront relevés par d'autres, & durant le jour de quatre-en-quatre heures, La Patrouille veillera au maintien du bon-ordre, fans pourtant gêner en rien la überté des Citoyens, qui pourront aler & veniratoutesles heures de la nuit, fans être inquiétés; mais la Patrouille empéchera le bïuit, les chants , & préviendra davantage encore lesdesordres plus dangereus. II feradéfendu a la Patrouille d'arrêter , inquiéter , ni troubler en aucune facon tout Homme qu'ils rencontreront feul avec une Femme, & pour peu qu'ils fe détournent, leCaporal aurafoin d'empêcher que Perfonne de faDemiefcouade n'approche pour les reconnaitte: la raison de cette conduite, c'eft que les Jeunes-mariés n'ayant pas la Überté de voir leurs Femmes devant Témoins, fi elles peuvent f'échapper avec eux la nuit, Perfonne ne doit les en faire rougir : Durefte, les Parens veilleront a ce que kurs Filles n'aient point d'intrigue criminelle; car ü cela venait a arriver par leur faute , ils en feraient refponfables au Mari, qui exigerait d'eux une fatiffaétion , outre la punition qui leur ferait imposée par le Comité de leur Cor- Iiv xcviir. Patrouilles 'ourgeoises.  XCIX. De la mer (i du commerce. , c. ' Educatie ff régime d l&arins. [I20] poration , ainfi qu'il fera dit par ci-après, a 1'art. cxxii, infpeclion des 'Coviités , fous le Titre V. Les Hommes-de-mer, quoiqu'aifujétis k la réforme générale, auront néanmoins un régime particulier, comme il fera détaiilé dans les articlcs fuivans : Le commerce de-mer fe fera par ces Hommes-feuls , qui composeront des Families entières, & aufquelles fera attribuée la pêche; non par un privilége particulier, mais a raison dé la proximité de la mer: Ils monteront de-préférence les vaiffeaüx tant de guerre que de commerce , pour y fervir en qualité de Moülfes, dès 1'age de dix ans, & de Matelots, depuis quinze ans jufqu'ktrentecinq ; enfuite en qualité de Soldats, depuis trentecinqjufqu'k foixante. Les Vieillards qui refteront a la maison , après lage de foixante ans, feront Négöcta'ns en chef, non comme Particuliers, mais comme composans le Comité du commerce: c'eft aux Comités des Villes maritimes fur toutes les cötes, que les autres Comités de l'intérieur f'adrellëront, pour avoir les marchandises nécetfaires: II y aura en-outre, a la Capitale de 1'État, un dixième du premier Sénat du Royaume, ouÉtat, composé des anciens Négocians, qui étaient déja anciens Matelots & Soldats-de-marine : ce fera cette partie marine du Grand-Sénat, qui fera les demandes générales, qui prefcrira les articles de commerce a fe procurer, laiffant néanmoins lesNégocians baltres des objets d'échange , parce-que ces objetspeuvent changerdans les Climats éloignés : ainfi le commerce de la mer , dans la Réforme proposée, n'en fera que plus florilfant. Les Enfans des bords de la mer, feront familiarisés « des leurs premières années avec eet élément; on les fera f nager, des qu'ils pourront faire usage de leurs membres, tant les Filles que les Garfons, afin que les Mères guident  [121] elles-mémes leurs Enfans dans les flots, vn 1'abfence des Pères. Ils auront, immédiatement aprèslö fevrage, troisfois la fcmaine, le genre de nourriture des Matelots en voyage de long-cours: ils commenceront dès 1'age de fept ans a fervir fur les bateaux de Pêcheurs, en ('té tout-nuds, avec un fimplepagnc comme les Nègres; en automne & au printemps couverts d'un habit de toile , & en hiver de laine, dans la forme ordinaire des habits de Matelot: A dix ans, ils entreront Moufles fur les vailfeaux: a quinze ans, ils commenceront a entrer par rang d'ancienneté, dans la Claffe des Matelots. Malgré ce genre d'éducation , ils n'en feront pas moins obligés d'apprendre les fciences des Hommes, favoir, a lire, a écrire, deux langues-mortes, le latin & legrec, la géographie, 1'aftronomie & toutes les mathématiques, enfin les langues vivantes les plus néceffaires: mais la plupart de ces fciences feront enfeignées aux Matelots durant les voyages ; & pour eet effet, tous les Écrivains-de-vaifleaux, feront des Maitres verfés dans les fciences: aufh 1'emploi de ces Hommes fera-t-il confidérable; ils auront le rang d'OrHciers-de-marine , & obtiendront les mêmes marqués d'honneur, lorfqu'ils auront fait leur devoir d'une manière diftinguée: mais quoiqu'ils puiiTent commander aux Matelots, pour tout ce qui regardera 1'infhucfion , leur pouvoir cèdera toujours a celui du Capitaine, lorfqu'il f'agira de ia manoeuvre ou de la défenfe du vaiffeau ; ils ne difposerout que des momens inutiles. Le fort des Matelots, puisSoldats-de-marine, reffemblera en tout a celui des autres Citoyens: ils pafïèront par les mêmes gradations d'age, de liberté, de commandement & derepos: Adolefcens, ils feront mouffes, ouApprentifs: Garfons & Jeunes-mariés, matelots: Jeunes-homi mes, Soldats-de-marine; Hommes, Ecrivains & Maitres, C I. Lturfort,  [122] Officiers enfuite, Chefsd'Efcadre, &c.a: Vieillards. ils fe retireront, 5: feront Négocians, Citoyens refpeétables a tous égards, & de la, ils pafferont par les différens Comités , pour parvenir enfin a être Membres du Sénat de la Capitale, Ils feront aufii les Banquiers de 1'Etat, non pour Fintfirieur, qui n'en aura pas besoin , mais avec 1'Étranger, &: le Gouvernement ne fera les traites dargent que par leurs mains: Cependant ces Négocians ne pourront avoir un pécule qui aille plus d'au-double de celui des Cicoyens ordinaires les plus méritans, ou dumoins leurs Enfans ne pourront fuccéder qu'a ce pécule modéré; le refte entren dans les coffres publics: mais il y aura un grand honneur décerné au Citoyen - commercanr trèsriche, qui dans fa vieillefTe, & même a fa mort, connera lui-même a 1'État ce furplüs de fa fortune: S'il eft encore vivant, il fera décoré du privilege des Centenaires, c'eft-adire, qu'il fera remisdans 1'état qui aprécédé la fociété: ce qui fe fera dans la même formule que pour les Centenaires, ci-après, fous le Titre V, art. cxxin , enyajoutant cequi fuit: Citoyens, le nommé Tel, ne'gociant, dont les travaux avaient amajfe' d'immenjes richeffes , vient , comme un Et re bienfaisant, de les répandre fur nous tous: C eft pourquoi fon trhdionorable Comité en a référé a Villuftre Sénat de la Capitale , lequel, de l'aveu de Vaugufte Souverain (ou fupréme Magiftrat), Va émancipé de tout pouvoir humain , le fesantpoffer d' dge-en-agi jufqu'a celui des trls-refpeclables Centenaires , qui nous ont tous vu naitre, ókc.3: lc refte reffemblant a Ia formule pour les Centenaires. Si les Marins font des prises fur 1'Ennemi, il en auront une partie, qui augmentera leur pécule, & fera jointe au profit de leurs cargaisons, dans laquelle ils feront tous intéreffés  ['*}-] pour une portion, IesMoufTes, un quart-de-part; les Matelots une demi-part; les Soldats, une part; les Souflieutenans & les Ecrivains deux parts; les Lieutenans & les Patronsou Pilotes, trois parts; les Capitaines, quatre parts; un Chefs d'Efcadre, dix parts; unAmiral, vingt parts, en prenant chaque part, pour une portion égale par tête d'après le nombre des Hommes du vailTeau. En cas de maiadie , a terre, les Matelots feront foignés comme les autres Citoyens; en cas dinfirraké durable, mis dans une Infirmerie, ou maison des Infirmes, oü ils feront nourris & fervis le refte de leurs jours , par des Femmes qui fe confacreront k cette bonne-ceuvre , & par les Difformes fous 1'infpection des Veuves. 2V> H y aura aufli par tout Ie Royaume de ces Inf.rmeries , pour tous les ordres des Citoyens , ou 1'Humanké laaguiffante trouvera toutes lis douceurs de la vie qui lui conviennent; Chacun aura fa petite chambre, comme dans les MalaJières, qui feront difposées le long du vafte corridor d'un batiment en rotonde, fitüe dans un licu fain & bien aérc. L a Nobleffe actuelle fera confervée dans fes prérogatives, en formant une Claffe k-part, qui aura fes réfcétoires patticuliers, & qui jouira d'une grande confidération: Cependant, il faut avouer, que fi les Nobles voulaient faire k la Réforme, le facrifice d'une diftinétion aufli embarraffante , ils acquerraient des droits éternels k la reconnaiffance du Genre-humain; afin qu'il n'y eiït plus qu'une feule vraie Nobleffe, la perfonnelle , qui feule eft digne d'une louange bien-méritée. Les Gentilshommes, en tant queféparés, feront comme une Nation diftinde dans 1'État, qui aura toutes les gradations ordinaires, fans aucune différence & fi elle a des\ Coupables, ils ne feront point confondus avec les Autres, k-moins que ce ne fut un genre de punition, qu'on voulüt C I L Des Gen*'ilshommes. ent 'Leur régime f leurs emlois.  D243 ajouter. Les Nobles obtiendront de-préférence, ce qui donne toutes les dignités ecclésiafliques, oü le célibat eft indifpenfable, comme les Archevêchés, Évêchés, Canonicats, & mêmes les Cures, cette dignité , après la Réforme , devenant plus confidérable que jamais & de la plus grande importante. II en fera de-même, & a plusforte raison dans les Troupes, oü néanmoins chaque Gentilhomme commencera par 1'état de Soldat: la feule difference, c'eft que le Gentilhomme ne fervira, en cette qualité, que dans la cavalerie, & qu'il aura un avancement plus rapide de deux années, que toutes les Claffes ordinaires: on aura foin aufli, que certains emplois a la cour ne puiffent être remplis que par des Nobles, afin qu'ils foient employés le plus qu'il fera poffible. Mais il fera librc a tout Noble, dedéclarer qu'il veut fuivre le fort commun de fes Concitoyens, pour être claffe parmi eux, & il en fera loué publiquement. Les mariages des Nobles, fe feront comme les mariages ordinaires; la feule particularité, c'eft qu'ils feront bandek-part, & que les Jeunes-gens choisiront parmi les Jeunes-filles de leur condition : Libre néanmoins a chaque Garfon-noble de fe faire mettre dans la Troupe des Enfans des Citoyens ordinaires, pour choisir comme eux & avec eux ; & il aura en-outre le privilége, fil n'a pas fait de chois dans les Filles de condition ordinaire , de pouvoir revenir choisir a fon rang parmi les Filles-nobles. Demême une Jeune-demoiselle pourra demander a être placée dausla troupe desFilles ordinaires, a fon rang de mérite: fans que Perfonne, dans les deux cas, puiffe empêcher les Jeunesgens nobles d'user de cette Überté. Les Nobles auront encore leurs Comités particuliers de Vieillards, qui reffortiront aux Comités particuliers de la même efpèce dans les Villes fupérieures; dans le Sénat fuprême de la Capitale  ['*$] 1 de la Nation , il y aura un nombre proportionné de Séi, nateurs nobles, chargés également des affaires de leur ^ Corps: mais les Centenaires nobles n'auront aucune préij rogative fur les autres Centenaires; a eet age tous les \ Hommes feront égaux. Celui qui exerce fes facultés intellectuelles eft le i premier des Hommes. Toutes les Nations ont eu cette i idéé; les Hommes-de-lettres furent les premiers Prétres i & les premiers Magiftrats; ils ont établi les religions & ü les lois: L'Homme-de-lettres eft 1'Homme par-exceli lence, puifqu'il porte au dernier degré de perfeclion , la j faculté qui diftingue 1'Homme des Animaux: II eft 1'ame I de 1'État, dont les autres Hommes ne font en quelquej facon que le corps. C'eft fous ce point-de-vue que les j Auteurs feront confidérés, après la réforme. Tout GarI fon, Jeune-homme, HommeouVicillard, pourra entrer 1 dans la carrière de la littérature, dès qu'il fe fentira les | difpositions néceffaires: mais il ne feraHomme-de-lettres, i qu'après 1'approbation donnée pour 1'imprefiion de fon Ouvrage : deforte qu'il fera ce premier effai , fans abandonner les occupations aufquelles il eft aftreint en qualité de Citoyen. Dès qu'il aura parachevé la composition de fon manufcrit, il le portera au Cenfeur, qui fera toujours un des Membres de 1'Académie, lequel déclarera , fi la matière eft légitime, & fi la manière eft conforme aux régies, ou fi elle a quelque mérite: il mettra fon opinion par écrit, & la donnera, fans parler, au nouvel Auteur, qui pourra f'y tenir, ou demander un autre Juge. Si le jugement eft favorable, on imprimera : finon après dix exa1 mens, par des Hommes choisis par 1'Auteur, il fera refusé, | & l'Écrivain demeurera dans fa Claffe pour cette fais; I mais il pourra faire autant de nouveaux etfais qu'il voudra. CIV. Hommes* le-lettres.  cv. Dijuntiions desHommes de-lettres, Lïbraire, [i 26] Les Gens-de- lettres formeront un Corps particulier, qui aura fon refecToire, fes Magiftrats, pris dans fa Corporation : les degrés d'age y feront les mêmes que dans les autres Corporajions de 1'État, avec cette différence, que le nombre , le mérite des Ouvrages, des fuccès multipliés , avanceront un Auteur, au-point qu'un mérite tranfcendant, leplacera de très-bonne-heure au rang des Vieillards: mais il faudra un mérite bien-tranfcendant, 1'utilité réünie au génie, aux moeurs les plus pures, pour le faire parvenir au centenat, ou dignité de 1'Homme de cent ans: car alors, en vertu de ce privilége, 1'Auteur qui 1'aurait obtenu, pourrait écrire , imprimer Sc faire débiter tout ce qu'il jugerait a-propos, fans qu'aucun Pouvoir humain puilfe 1'en cmpêcher, eet Homme étant par fon age, qui fera la dignité fupréme, audefTus de tous les autres Hommes (le Roi ou le fouverain Magiftrat excepté). A chaque ouvrage que fera un Auteur, il y aura une médaille , proportionnée , non a la groffeur du Volume , mais au fuccès, c'eft-a-dire a la fenfation qu'il 'fera dans le Public, Sc au débit: car les Livres ne reffembleront point aux autres marchandises (ceux des fciences élémeutaires exceptés); ils f'acheteront par les Particuliers avea leur pécule , au Bureau des Auteurs, qui fera tenu par Ceux d'entr'eux qui auront déclarés qu'ils cedent de travailler : Ainfi, en cas de non-fuccès, la médaille avec le portrait de 1'Auteur, fera de cuivre: a un mille Sc audefTus de vente, elle ferad'argent; d'or a trois milles: en casderéimprelfion, qui augmente ce nombre , Sc le falTe aler a dix milles , la médaille d'or fera enrichie de brillans: enfin, fi les éditions éraient fans nombre, comme celles des Ouvrages des Corneille, des Racine, des Molière, des Voltaire, des ' Roufleau, Scc.a, outre la médaille, rHomme-de-lettres  [«*7l ferait avancé de vingt ans d'age: f iï réüuiflait au mérite littéraire, le patriotifme le plus ardent, & les mceurs les plus pures, il obtiendrait le ccn.ttnat, avec toutes les prérogatives y attachées. Au fecond Ouvrage , un Auteur aura une feconde médaille, proportionnée au mérite de fa production, & ainfi de-fuite: de-forte, que le méme Homme qui aura eu , foit une médaille d'or, d'argent, ou plus précieuse, pourrait enfuite n'en avoir une que de cuivre. Les médailles des Gens-de-lettres feront visibles, & leur procureront 1'entrée d'un endroit particulier aux fpectacles, & une place aux féances del'Académie de la Nation: Pour étre Académicien, il faudra aumoins deux médailles d'or, ou trois d'argent, ou une feule enrichie debrillans: toutes les médailles de cuivre, ne donneront que la place aux féances de 1'Académie, comme Auditeur , afin de fe former le goüt : L'Académie feule nommera les Critiques a la pluralité des voix, & elles les choisira parmi Ceux qu'elle croira les plus capables; ces Critiques remplaceront les Journaliftes aétuels, & feront chargés de 1'examen des Ouvrages; ce qu'ils feront non pour fatiffaire la malignité , mais pour contribuer au progrès de 1'art: Et comme ils feront eux-mtlmes des Maitres, fis indiqueront toujours a 1'Auteur critiqué, la route qu'il aurait dü fuivre; fouvent méme, fi 1'Ouvrage en méritait la peine, ils lc feraient réimprimcr d'après leurs obfervations, fi 1'Auteur critiqué 1'exigeait, & le Public deviendrait le j uge de la bonté de leur travail. Le pécule des Auteurs fera comme dans les autres'Corporations, tiré du produit de leurs productions, tout ce que 1'État doit y prendre prélevé. S i un Auteur composait un Ouvrage capable de corrompre le cceur, & de porter au crime, il ferait dégradé dc fa qualité d'Homme-de-lettrcs, & confiné parmi les Critiquisi CVI. °unkions.  1 ( I 4 1 CVII. ASturs ou 'Cotnédiens. [128] )ifformes coupables', a-proportion du démérite de fort )uvra"e, & du msil qu'il aurait causé: mais la loi a ,orrerV eet égard forait inutile, puifqu'aucun Auteur ians la Réforme , a-mioins que ce ne fut un Centenaire par uivilége, ne pourrait den faire imprimer de repréhenfible: St dans ce dernier cas, la loi fe tairait; on fe contenterait 1'anéantir 1'Ouvrage , fans rien dire au Coupable , qui ne ferait puni qu'après fa mort: car fon corps ferait flétn & deshonoré, comme chés les anciens Égyptiens. Les Acteurs ou Comédiens feront pris dans la Nation, parmi les Jeunes-gens deftinés un-jour k parler en public^: Cetétat, qui n'en fera pas nu, maisunfimpleexercice, ainfi qu'il a été dit art. xxvm , n'emportera aucune flétrrffure ; il fera aucontraiire la marqué du talent & de 1'efprit: C'eft'pourquoi les Enfkns de la Nobleffe y feront appliqués de-préférence, en obfervant toutes les régies de décence, qu'on trouvera dans la Mimographt (*). Ceux qui excelleronï dans 1'art dramatique, en représentant les Ouvrages des Auteurs, participeront k la gloire de ces mêmes Auteurs: car chaque Aóteur choisira, d'apres fes difpositions, les pièces de 1'Auteur qu'il voudra, & f V tiendra ftriftement, fefforcant de les rendre le mieux poffrble , en fe pénétrant de fon róle, & de 1'efprit de fon Perfonnage. . II n'y aura dans les Pièces aucuns roles de Fnpons nt d'Effrontées, afin que les Jeunes-filles puiffent les representer: fi pourtant il était néceffaire, pour rendre un bon fujet de pièces, qu'ilyeütde ces fortes de röles, ds feront rendus par un ou une Coupable , k-péu-près du genre dont f) Voyn 1= Tomé II* de ces Uics fingulières, qm contient une Réformation du Thédtre.  [I29] il fera queftion, & la honte dont la couvriront les Spectateurs, fera partie de fa punition. Il y aura auffi des Comédies fatyriques, ou 1'on exposera au rire public les Perfonnages qui y auront été condamnés par le Comité, lequel donnera lui-même les fujetsa, traiter aux Auteurs, pour certains vices ou certains ridicules dangereus, contre lefquelles la loi n'aura rien prononcé : Dans ces Pièces critiques, le Perfonnage vicieus fera représenté au naturel, ou condamné a jouer luimême fon Perfonnage, parleSénat-fuprême; carencederniercas, il faudra la réünion de toute 1'autorité: leCoupable recevra ainfi perfonnellement les huées de fes Concitoyens. Mais fil eft permis de critiquer les vices , il fera encore plus fréquent de louer la vertu, même vivantc: Si donc un Citoyen a fait une action fublime de courage, de grandeur-d'ame, de générosité, &c", on composera une pièce de fa belle action, & il fera invité par acclamation publique a faire fon propre róle; on 1'y invitera enfuite par une députation, la plus honorable de toutes, celles des Centenaires, fil y en en a , ou a leur défaut, par les Nonagenaires,. ou les öctogenaires, qui feront fupplics de 1'aler inviter: La formule de 1'invitation fera en cette forme : Honorable Citoyen : Tes Compatriotcs, émerveillés de ta belle aclion (on la fpécifiera), en ont fait faire une Pièce a ta louange, dans laquelle ils te, prient ( & je te prie moi-méme , qui pourrais te com» mander, mais je m'en abfiiens en cette occasion ), de venir leur montrer, comme tu as fait ton acïion immortelle, afin qu'ils t'en donnent la louange méritée , & ne demeurent pas ingrats envers toi. Rens-toi a leurs vizux réiinis , fi tu le peux, car ils partent de cceurs qui t'aiment. L'Homme jnagnanjme repondra cc qu'il I Part, I CVÏII. Nature des Ptéces.  j 1 3 i i t j l cix. Des Ecclêsiajliques. cx. Emploi; 'des Eccll fiafi'iques. ugera k-propos, foit acceptation, foit refus, en ces ermes: —Très-honorablePèrecentenaire: Jefuis aftés ■ecompenfé par l'honneur que me fait votre refpeclable °erfonne, qui eft audeffus de tous les autres Hommes, xceptéle Roi ( culefouverain Magiftrat): cependant 'accepte: (ou-bien) en-conféquence, je vous fupplie le me difpenjer d'un ft grand honneur-. En ce dernier ras, 1'Homme vertueus fera fubftitué par les plus méritant k les plus habile des Jeunes-gens. La même chose aura ieu pour les Femmes, dans les deux cas. Les Gens-d'église feront choisis parmi les Sujets les dus doux, & de la fanté la plus délicate , unie a 1'efprit: [ls feront élevés dans des principes de douceur & de tolérance: on leur enfeignera la Religion dans toute fa pureté, telle qu'elle eft crue par 1'Église univerfelle, & ils ne pourront f'en-écarter le moins du monde, fans renoncer a leur état, avant d'étre engajés dans lesordres, & fans fexposer a être deftitués & tranfportés après, fils enfeignaient des erreurs. Ils feront honorés, & refpeftés: le facerdoce leur donnera le titre d'Hommes, dès qu'ils en feront honorés; 1'épifcopat, celui de Vieillard; 1'archiépifcopat, celui de nonagenaire; enfin la papauté, celui de Centenaire; le Centenat fera en-outre affeété k tous les Évêques ou Archevêques princes-fouverains, attendu que ce titre, par fes privileges, eft inféparable de la fouveraineté. Les jeunesClercs, avant 1'ordination, feront employés k la pompe & dignité du fervice divin ; ils feront "en-ouce foumis auxPrêtres, dont ils exécuterontles ordres avec refpeét,: ils pourront entrer dans le foudiaconnat a trente ans: k trentecinq dans le diaconat: dans ces deux places, ils feront employés par lesPrêtres., a fervir &  ['?>] confoler les Malades dans les Infirmeries, tant de 1'intérieur du Royaume, qu'a la fuite des armées: a quaranteneufans, ils recevront la prêt. ise, & avec ce caracfère facré uneparoiflè, a laquelle ils feront attachés, pour en étre les Minifires & les Pafteurs: On pourra parvenir a 1'épifcopat a foixante ans, & le Sacré aura le titre de Vieiilard: II fera, commeaujourd'hui, cheffuprêmedu Clergé de fon Diocese, qui l'honorera comme un Père; Toutes les ordinations, depuis le foudiaconat inclusivement, fe feront a la pluralité des fulfrages, qui jugeront le Candidat propre au faint miniftère: mais il y aura beaucoup plus de maturué, dans la délibération qui fe fera pour un Prêtre-curé; davantage encore pour unÉvéque , a-raison de l'importance de fa place. L'Évêque aura infpeétion fur tous les Clercs de fon Diocèse , & fa voix fera d'une abfolue nécefiité pour leur avancement: il fera Ie Chef né du Synode , ou Corporation ecclésiaftique, tant pour ladiftribution du pécule, que pour le fpirituel: Car les Ecclésiafiiques auront un pécule, comme les autres Citoyens; leurs travaux ayant unprix, qui fervira d'abord a les acquiter envers 1'État, comme toutes les autres Corporations, & le furplus fera partagé entre tous les Ordonnés, depuis le Soudiacre, jufqu'a 1'Évêque, en fuivant une proportion femblable a celle déja établie : c'cft-a-dire , que le Soudiacre aura une part; Ie Diacre une part-&-dcmie ; le Prêtre deux parts; 1'Archiprêtre , ou Curé dans les grandes Villes, ainfi que les Chanoines de la cathédrale , trois parts; les Grands-vicaires, les Dignitairesdu chapitre, leThéologal, & lePénitencier, quatre parts; 1'Évêque dix parts: II fera borné-la, parce-que les aumönes ne feront plus nécelfaires après la Réforme, La direcl:ion des confciences, pour les devoirs prefcrits  CXI. Bes Méde eins. D32] par Ia religion fera dévolue aux Prétres-Curés feuls, & non k d'Aucres; ce frein étant beaucoup plus puiifant, fur-tout dans les Campagnes, lorfqu'il eft dans la maind'un Pafteur rcfpeété, qui connak tout Ie monde. L A médecine & la chirurgie feront réünies en un feul corps indivisible, quoique chacun foit exercée par des Sujets qui autont opté , & qui en auront fait la déclaration, laquelle fera infcrite fur le regkre de la Faculté: les principes de 1'art de guérir, fous les deux dénorninatioüs, f'enfeigneront enfemble, & les Maitres, qui tous feront des Vieillards, auront la plus grande attention a bien former leurs Élèves: Lorfqu'il f'agira de prendre une dénomination, la Faculté tiendra une affemblée , ou fes Bacheliers fe feront dénommer Médecins ou Chirurgiens, fans que 1'une de ces dénominations foit en rien inférieure a 1'autre; les Membres de toutes-deux feront égaux dans la Faculté; leDoyen fera même alternativement de 1'une & de 1'autre : Et néanmoins, dans le traitement, le Médecin ordonnera au Chirurgien, comme la tête ordonne au bras; mais tout fe fera d'un parfait accord , ainfi qu'il convient entre deuxFrères, qui font égaux , & de la même Corporation; 1'habileré feule pourrait mettre de la différence entr'eux: Et dans le cas oü un Membre de la Faculté de médecine, aurait une capacité égale dans les deux manières d'exercer le même art de guérir , il pourra, en donnant des preuves fuffisantes, & fuivies, porter les deux dénominations, & opérer feul avec les Malades qui le voudront permettre. Durefte les Médecins-Chirurgiens auront unpécule, ainfi que les autres Corporations, & feront régis par la même police, fous le gouvernement de leur Anciens: ils obtiendront les plus belles recompenfes, en cas d'un fervice important rendu au Public, foit par un  remède nouveau pour des maladies jufqu'alors incurables, ioit en arrétant une épidémie, foit en fauvant la vie, comme médecin ou chirurgien, a un Citoyen quelconque: ces recompenfes feront dans la même proportion que celle desGuerners, fuivant que le fervice rendu fera public ou particulier. Les Avocatsexifteront encore aprèsIaRéforme, pour defendre les Coupables en matière criminelle; maisil n'y aura ni Procureurs, ni Hui.'liers, dont les Surveillans publics tiendront-Iieu; toutfe réduira auxfeuls(Avocats ou Patrons, qui ferviront en_même-tempsdeGreffiers, puifqu'ils rédigei ont les jugemens, d'après le prononcé de la cour des Pairs. Quant a ce qui pourrait concerner une réforme féparée de nos lois aauelles, dans le régime exiftant, elle formera un Ouvrage particulier, intitulé le Thefmogragke. Tout Avocat, dont les talens fupérieurs auront fervi a tirer des ténèbres qui 1'envelopaient, la juftification dun Innocent, obtiendra la couronne civique, comme fil avait fauvé la vie a Quelqu'un dans un combat, ou dans un naufrage , & il aura en-outre le prix de 1'éloquence : S'il juftifiait un Coupable, il ne ferait pas puni, mais on garderait le filence a fon fujet, & il porterait Ie deuil, jufqu'a ce qu'il eut reparé fa faute, par une autre cause , oü il aurait fait triompher la vérité : enoutre, jufqu'a ce moment, le Chef de Ia magiftrat'ure, devant lequel il plaiderait, lui dirait tout-haut, avant' chaque difcours: —Maitre Tel, cherche^ la vérité-, Après la réforme, il n'y aura plus de magiftrature civile, criminelle, ou de police, comme aujourd'hui: tous les procés feront prévenus par Ia Réforme, & la police' I fera exercée par les Comités des Anciens & des Ancieni ainfi qu'il fera dit fous lc Titre fuivant: la juftice criminelle \ J iij cxn. Des Gensde-loi. Avocats, CXIII. LaMügif, -ature-  [M4] fea de-même exercée par les Comités, lefquels feront prononcer le jugement de 1'Accusé d'après laloi ouverte par douze de les Pairs, nommés dans un nombre fix-fois blus grand, dont il pourra recuser cinq-rinquièmes;. mais les jugemensa peine corporclle , oudégïadation ent.ere , devront être confirmés par le Sénat- fuprême Les Magiftrats de ce grand T.ibunal , après la Refprme, devrontétre uniquement chargés des affaires pubiiques, Sc ils n'auront pas peu d'ouvfage, püifque le reuanthement des affaires partrculières par la Réforme, augrnentera d'autant le nombre & 1'importance des affaires pubiiques: II n'y aura plus de conteftations de Particulier a Particulier : mais il pourrait y avoir des arrangemcns entre les différens Bureaus & les Comités qui les présideront, foit relativement aux échanges des marchaudises, foit pour d'autres causes quelconques: _ 11 y aura donc des Magiftrats pour décider ces conteftations : mais, par leur nature même, elles devront etre portees aU Sénat-fuprême, de^orte qu'il n'y aura de magiftrature proprement dite, que dans la Capitale de 1'Etat ou de la Nation: dans toutes les autres Villes & Bourgs, 1 autorite des Comités fera fuffisante pour maintenir la tranquilite entre les Particuliers. Les Magiftrats feront particul.erement pris dans la Nobleffe, laquelle formera le confeil1 du Prince, non en totalité, mais feulement par tièrs: Wie era char-ée des Ambaflades aüdehorS , & de tous les emplois Chés^Étranger. Les titres de la Magiftrature, refteront tels qu'ils font aujourd'hui, avec 1'épithète de Sufte , ou Tïèsjufle, qui fera donnée, lorfqu'un Magiftrat 1'aura meritée: Et comme les Magiftrats feront dans le cas de rendre au Public d'importans fervices, ils feront honoreS ilflj la proportion de ces fervices, de leur plus générale  utilité, Sec.3, ainfi qu'il a été dit, art. xcv , pour les Militaires (*). LERoi, ou fouverain Magiftrat, dès qu'il fera parvenu au tróne, ou qu'il fera revêtu de la fuprême-magiftrature, jouira de tous les priviléges des Vieillards, dont il va être queftion fous le Titre fuivant, comme de ceux de la Nobleffe , & même des Centenaires; & il commandera en vertu de ces droits facrés , avoués par la raison. TITRE CINQUIÈME. Des Vieillards. O n fera Vieillard en entrant dans fa foixantedixième année : C'eft a eet age, fi trifte dans le régime actuel, oü 1'Homme eft abandonné pour ainfi-dire, de tout le monde, pour attendre dans une langueur confumante, la. douleur & la mort, que la Réforme donnera desjouifiances morales, & une importance, qui abreuvera du nectar de la joie, la fin de la vie humaine. Dès qu'un Homme aura accompli fa foixanteneuvième année, & qu'il aura vécu quelques jours de fa foixantedixième, il fera fufceptible des plus hautes dignités; a-moins que fon incapacité, ou des crimes antécédemment commis, & nonréparés , ne le privaffent de ce précieus avantage. A quatrevingts ans, le Vieillard verra audeffous de lui, prefque tous les autres Hommes; il poffedera les grandes dignités, oü la tranquilité & le peu de travail f'allient a la majeflé. Les Nonagenaires feront encore plus refpeétés , & ils commenceront a être regardés comme indépendans. (*)Pourune réforme particuliere des lois, voyef le Thesmocraphe , ê« CXXIÏ. InfpeSion. dz sComités; co nduite tt vu gemene des Coupabi les.  [142] feront avec févérité, dès qu'elles paraïtront commencer a devenir fufpeftes: (ce qui ne doit fentendre, que d'un fexea 1'autre). Si c'eft avec une Fille que le desordre arrivé, le Garfon qui 1'aura féduite, fera obligé de 1'épouser, & tous-deux ils defcendront a la dernière Claffe : Si la Fille faillit avec un Homme-marié, Celui -ei fera mis dans la Claffe des Coupables, & la Fille, au rang des Filles les plus difformes, pour être choisie en mariage, par les mêmes Sujets qui doivent prendre leurs Épouses dans cette Claffe. Le;; Comités auront de-même 1'infpeclion fur le repartiflement des habits, inftrumens, marchandises, qui fe feront par les Bureaux, foit des Laboureurs, des Artisans, ou du Commerce : fur les repas, tant pour la nature , que pour la fourniture des alimens: ilsprefcriront les extraordinaires, encasderéjouiffanccs; dédderontdes changemens a-propos dans les méts ordinaires, dans 1'heure des repas, &c.a Ils pvefcriront aux Surveillans publics tout ce qui concernera les fêtes-des-rmriages, tant pour le chois, les prix, les exercices, que pour les divertiifemens. Toute affaire civile entre Citoyens fera de leur reffort, ainfi que toute affaire criminelle: mais ils ne decideront en définitive que des punitions légères; lorfqu'il f'agirade la mort, oude releguer unCitoyen parmi les Coupables, foit a-temps, foit a-toujours, 1'affaire fera foumise aladécision 1 du Sénat-fuprême, qui nommera un Comité de douze j Membres, pour juger de-nouveau , en présence de 1'Act usé, avec les douze Pairs qui 1'auront jugé d'abord : leq uel Accusé, fera présent a tout ce qu'on dira, & en emtendrales moindres paroles, pour y pouvoir répondre, ju fqu'a conviSion légale & définitive: alors il fera écarté, pi >ur rédiger le jugement, & rappelé pour l'entendre lire.  Les Accusés obligés de fe rendre pardevant le Séaatfuprême, iront feuls & librement; k-l'exception des Criminels convaincus, & dignes de mort, lefquels feront conduits de Ville en Ville, ou de Village en Village fur la route , par les Patrouilles de chaque Lieu, qui les remettront a Celle de 1'Endroit oü ils arriveront, pour f'enretourner enfuite chés elles: ce qui f'exécutera de la forte, fans frais, jufqu'a la Capitale. L'exécution k mort fera faite par le Dernier des Condamnés , c'eft-k-dire le plus éloigné de fubir fon fort, afin de marquer a tout 1'Univers, combien la mort-d'Homme eft odieuse, puifqu'on ne veut pas charger un Citoyen honnête, d'infliger la peine légale , & qu'on n'en croit capable, que Celui qui a déja volontairement homicidé. L o R s Q u'u N Citoyen fera parvenu naturellement a 1'age de cent ans, le jour oü il aura un fiècle révolu fera annoncé d'avance a toute la Nation par 1'Auteur de la Gazette de la Capitale, ce qui équivaudra k une notification de la part de 1'Autorité fuprême , afin que toute la Nation folemnise ce jour : £t dans le lieu dc la residence du Centenaire, il y aura uneAlfemblée le matin, a 1'heure de fon reveil, devant fa porte, laquelle fera présidée par deux Membres députés du Grand-Sénat, afin que dès 1'inftant oü 1'on apprendra fon reveil, les Trompettes, les Tambours & tous les autres Inftrumens de musique guerrière fonnent tous enfemble, durant tout le temps que le Vieillard fera a f'habiller: Scfdès que le Vieillard paraitra, les deux Membres du Grand-Sénat f'avanceront pour aler le faluer; enfuite ils le prendrout fous les bras, pour 1'aider k monter & a f'alfeoir fur un fiége élévé, couvert d'un dais, ou ils le féliciteront de la part du Grand-Sénat & de toute la Nation: Cela fait, un Héraut montera derrière Bourreaui cxxnr: ProclamationdesCen*tenaires. 't  D44J le Vieillard, & criera d'un ton fort & diflincT:, la proclamation fuivante: Citoyens ! vous ave^ le bonheur d'a* voir devant les ieux ce vénérable Mortel, favorisé dc laNature, laquelle Va confiitué avec complaisance & folidite', afin qu'il montrdt combien elle eft puijfante dans la conformation desEtres qu'elle veut favoriser : Honoré foit le favori de la Nature! ( ce que tout le monde répètera) : Béni foit Dieu, dont la bonté porte h un fiècle la vie des Hommes '. ... Citoyen vénérable, vous qui nous ave%_ tous vu naïtre, nous , vos Inférieurs & vos Enfans , nous venons en corps, & de la part de toute la Nation, vous déclarer que vous ctes audejfus de nous, & qu'il n'y a plus aucune loi faite par les Hommes qui foit audefTus de vous ; vous n'êtes plus foumis qua celles de Dieu & de la Nature..« Honoré foit le Favori de la Nature! le refpeclable Cen~ icnaircl (Ce que tout le monde répètera, par un cri d'acchmaiion ). A quoi le Vieillard , fil le juge a-propos, pourra répondre: —Mes Concitoyens, mes Amis, mes Enfans , qui abreuve^ de joie mes derniers jours , benis foyie^vous!... Mais je ne veux pas me fouftraire aux faintes lois que m'ont protégé jufqu'a ce jour: aucontraire, je les veux chérir & pratiquer jufqu'a mon dernier inftant-. Et tout le monde répètera : Honoré foit, &C.1 Auflitöt après cette proclamation, le Centenaire fera conduit dans la falie du Réfectoire, oü 1'on ferv ira le déjeuner: on fortira enfuite, fil fait beau, pour aler fur la place publique, oü la Jeuneflè, f'exercera devant le Centenaire a différens jeux, jufqu'k 1'heure du diner : Le Vieillard fera placé au-milieu, a une petite table deftinée a eet effet, qui terminera la fpirale-de-limacon, oü il mangera avec les deux Membres du  du Sénat; &iloccuperacetteplacelereftedcfesjours, ayant a fes cótés les deuxPlus-anciens de la Communauté pour le fervir, & le plus aimable& le plus méritant des Jeunes-gens, pour leur apporter tout ce qui fera néceilaire. En cas de maladie, il fera fervi avec attention & refpect, dansl'endroit le plus commode & le plus diftinguéde la Maladière. Lorsqtj'un Citoyen fera mort, le Surveillant public qui aura été le plus 'a-portée de le connaitre , fera chargé de composer fon Eloge, fil a été vertueus: II le fera attefter, après favoir composé, par tous les Familiers duDéfunt, lefquels apposeront au-bas leur fignature, avec une remarque corrective, dans le cas oü 1'Auteur de 1'éloge fe ferait écarté de la vérité. Si aucontraire, le Citoyen était un méchant Homme, le Surveillant public exposera fes vices dans une forte de Satyrt, qu'il fera du Défunt, oü il détaillera tout ce qu'il aura commis de mal pendant fa vie; & le Cadavre découvert en fera blamé , enfuite porté fans honneur dans le torubeau , oü il fera déposé fans aucune marqué capable de rappeler fon fouvenir: aulieu que le bon Citoyen aura une marqué honorable fur fa fépulture, toute fa Communauté prendra le deuil, & même la Province, ouleRoyaume, fi fes belles aétions ont 'ntérefie le Public entier: Et tandis que le Corps fera déposé dans 1'église oü 1'on priera pour le repos de fon ame, un Surveillant public, qui fera dans les Ordres, montera dans la Tribune, & il lira , a haute-voix 1'éloge du Bon, ou la fatyre du Méchant; afin qu'en ce dernier moment du fejour des Mortels fur la furface du Globe, chacun foit traité fuivant fes ceuvres. Les Académies, composéesen-partiedeGens-de-Iettres, & en-partie de tous Ceux qui auront fait des aétions fublimes, ou trouvé des inventions utiles au Public, ne feront point, I Part. K CXXIV. Eloges fuicbres. cxxv. deadémiif,  1 < ! i cxxvi. Ga\eütrs, W63 lans la Réforme, ce qu'elles font aujourd'hui, mais 1'ex)caative de tous les Gens de-lettres qui fe diftingueront, & le tous lesHommes-de-mérite, dequelque genre quece foit, efquels y entreront a-proportion de leur age & de leur Iroit i la célébrité: Les Académies feront donc la vété-ance des Hommes célèbres: Elles auront une infpeöion rur tout le Corps de la Littérature , mais par manière de confeil & d'avis, a-moins d'écarts marqués; alors leur jurifdidion deviendrait aaive , & elles pourraient infliger certaines peines , relatives a la Littérature feulement: Les Académies fourniront feulstous lesCenfeurs des Livres, & tous les Journaliües ouCiitiques: elles nommeront ces Derniers a la pluralité des voix, après un mür examen• & pourront les deftituer, fils viennent a démériter. Le s Académies donneronta 1'État unou deux Hommes fürs, pour faire la Gazette de la Nation, laquelle deviendra par la fuite un Ouvrage important, parce-que tous les règlemens publics, les recompenfes, les flétriffures, les indications de gusrre ou de paix, en-un-mot, tout ce qui émanera des Comités, du fouverain Sénat, & du Pnnce, lui-même , f'y trouvera inféré, fans autre efpèce de publication, qui en-elfet fera fuffisante; attendu, que la Gazette de 1'État fera lue tous les famedis après-midi, par un Surveillant public , dans la tribune de la falie des repas, \ haute voix, devant toute la Communauté ; afin de her entr'elles toutes les parties de 1'État, par la connailfance de leurs affaires communes; que tous fes Membres f'aiment & fe chériffent; que le bien encourage par fa fublimité ; que le mal effraye par la punition & la honte qui en fera la fuite; obfervant qu'il n'y aura aucun Coupable, h-l'exception de 1'Affacin , qui ne puiffe revenir a refipifcence , ^ fe corriger & remontei: par de belles aftions, au grade d'oü  [H73 il eftdéchu; & dans cc cas, la repentance fera inférée dans les papiers publics, avec des éloges capables d'excicer a rentrer en eux-mêmes tous les Coupables : jufques-Ia , que fi un Coupable relevéde fa faute fesait une belle action, une action éclatante, il y aurait un-jour de fête publique, dans laquelle on ferait la proclamation fuivante: Citoyens l en ce jour doublement heureus , nous recouvrons un excellent Citoyen, dont la vertu, quoique jincere, avait fouffert une légere éclipfe; & nous recevons de fa part une preuve de cette haute vertu, que la Bontédivine avait mise en lui , pour notre avantage: car il a fait une aclion glorieus e & utile pour fon Pays & pour lui-même, de laquelle nous alons tousprojzter ! Honoré foit Celui qui f'eft ft magnifiquement relevé ; qui a détruit une fragilite, par une aclion volontaire fi haute & ft belle! qu'il foit béni en ce grand jour , oü nos Pères, qui font dans le fein de Dieu, fe réjouijfent, plus pour lui , que de quatrevingtdixneuf Juftes, qui feront reftés purs toute leur vie. Et un Chacun répètera: Honoré foit-il! La Gazette de 1'État fera donc un papier très-important, dont 1'influence fera infiniment puiflante pour le Gouvernement & fur le Peuple : c'eft pourquoi la place de Ga^etier, qui fera nommé desormais, le Grand-Énonciateur, fera une des charges les plus importantes de 1'État, & Celui qui en fera revêtu, fera de droit un des Membres du Sénat-fuprême : II aura la faculté d'adreffer des difcours exhortatoires au Peuple , pour 1'encourager au bien, a la fuite des belles ou des mauvaises aétions qu'il annoncera; mais ces difcours n'auront que 1'étendue qui convient a ce genre d'Écrit: on n'y inférera aucune nouvelle fauffe ou conje&urale; tout y fera vrai, & fur les meilleures ob=  CXXVII & dernier. SanSiön de ce Reglement & de clui des Gynographes. Recapitulatic/n. Titre I. Des Garfons. [,48] fervations: II y fera aufli queftion de toutes les Partiesdu-monde en abrégé. L E présent Règlement ainfi fait, lorfqu'il fera une-fois agréé , confacré & arrêté par le corifentement de la Nation, foit qu'on 1'adopte tel qu'il eft, ou qu'on y faffe des changemens crus nécelfaires, fera une loi irréfragable : après I'avoir redigé, on le fera écrire fur lapierre, & placer dans les Refe&oires publics, afin qu'il puiffe y être lu & médité; il fera aulli imprimé , pour être mis entre les mains des Enfans, immédiatement après le dévelopement de leur raison, afin qu'ils puiflent le lire, 1'apprendre parcceur, &fe 1'identifier , au-point qu'il règle leur conduite: Et quiconque, après la fanction publique , refusera de f y foumettre, fera obligé de fe retirer dans une des trois Villes, des fix Bougs & des vingt Villages reservés aux Opposans, dans lefquels ils vivronta 1'ancienne manière, jufqu'a leur décès; après lequel leurs Enfans feront tenus de fe conformer a la règle générale. L'éducation doit précéder la naiffance. r, Les Garfons doivent refter libres de leurs membres. -2., Ondoit éviter la moleffe dans leur éducation. 3, Ils doivent avoir beaucoup d'exercice. 4, On commencera de les occuper a fix ans accomplis. <,, Ils feront utiles a neuf ans. 6, Leur nourriture fera faine & frugale. 7, Leur coucher fera fain , fans être trop-dur. 8, Leurs maladies feront traitées avec foin , mais par le bon régime f plutót que par les remèdes. 9, Les Adolefcens feront gouvemés par la règle. 10, Ils feront repartis chés les Maitres des fciences, arts & métiers. 11 , Toute leur conduite fera règlée. 12, Leurs habits feront commodes & fans embarras. 13, Ils feront aftreints a une obéiffance rigoureuse. 14, UnRegitre renfermera toutes  049] les obfervations fur leurs mceurs. i<, , mais ce Regitre fera feeree. 16, II fera 1'ouvrage desSurveiilans publics. 17, Ces Derniers exerceront leur emploi avec douceur & poüteffe. r 8 , II y aura une déférence établie , des Plusjeunes auxPlus-agés, fuivant la gradation d'age. ig,E!Ie fervira pour ré-primer les rebcllions, fil y en avait. 20, On punira les fautes légèresdes Enfans par les Parens, & les plus graves par le Comité : 2.1 , & cette punition fera proportionnéeala faute. 22, On diftinguera entre les crimes & les fautes; 23, on punira ces dernières, d'après leurs conféquences naturelles,, & le nombre des rechutes. 2,4, On tiiera paiti desSujets incapables. 25, Tous les Garfons feront inffruits, & leur intelligence cultivée. 26, On veillera fur-tout a donner de bonnes-moeurs-, par 1'occupation. 27, Les mariages fe feront a quatre fêtes folemnelles. 28, On établira des exercices, qui formeront la Jeuneffe. 29, Les Divisions des Garfons feront par Troupes de dix a douze ans, de douze a quatorze, quatorze a feize, &c.a 30, II y aura des prix , fuivant les degrés de mérite. 31 , Chaque prix laiffera une marqué a-jamais fur l'habiilement dh Prise. 32, Ces marqués feront desormais les feules véritables diflinclions parmi les Hommes. 33 , La Religion fera celle du coeur. 34, Le mariage eft néceffaire. 35, II eft indifpenfable, excepté en cas d'infirmité , ou de trop-grande difformité. 36, Le chois fera étendu en-proportion du mérite du Garfon. 37 , Cependant un refus raisonnable fera loisible a la Fille. 38, II y aura un moyen de marier les Difformes, fans inconvénient. 39, Une jufte cause de refus de la part de la Fille , fera honteuse pour le Garfon. 40 , Mais une cause non-légitime, retombera fur la Fille. 41, Ou donnera des inftrucïions aux Nouveaux-mariés. Kiij Titre II. Du Mariage.  Titre flut. Des Jeuties - hommes, Titre IV. Des Homtnest 41, lis feront génés dans leurs privautés; 43, & punis t fils f'cfforcaient de braver la loi précédente. 44, Mais fi par adrefTe, ils parviennent a voir leurs Femmes, ils en feront loués. 45 , On aura de 1'indulgence pour les Jeunes-épouses enceintes, en tolérant les visites de leurs Maris. 46, Une infidélité ferait punie avec toute la févérité de la loi. 47, Les Nouveaux-Épous feront diftingués par leurs habits. 48, Trentecinq ans , fera 1'age oü les Jeunes-mariés prendront le titre de Jeunes-hommes. 49, Ils fe fera pour-lors un changement dans leurs habits. 50, Ils commenceront a avoir de 1'importance dans 1'État; 51 , & une autorité fur lesPlus-jeunes: il y aura d'établie une forte de Clientelle. 52,, Ils demeureront avec leurs Femmes, & auront de 1'autorité fur leur Familie. 5 3, Le bon Mari fera très-confidèré. 54, & le mauvais Mari pourra être privé de fon autorité naturelle. 5, On fera Vieillard a foixanteneuf ans accomplis, 6: 1'on augmentera en dignité jufqu'a cent ans. Le Centenaire fera audefTus des lois, ou plutót du Pouvoir-humain. ji6, Les Comités feront les Juges naturels de tous les  Citoyens; ils règleront toutes les affaires de leur Corporation en vrais Pères-de-famille. 117, II y aura un Prevót- des-mceurs, qui fera comme le Lieutenant-général du Comité , toujours prêt a répondre aux heures oü le Comité n'eft pas alfemblé. 118, Un Chef-d'age fera préposé a la tête de tous les Hommes de fon Age, pour le représenter, & lui fervir d'Orateur ou de bouche. 119, Les Comités auront une manière fage & certaine pour exercer la juftice, fur-tout la criminelle. 120, Le Sénat-fuprême fera composé de ce qu'il y aura des plus éclairé dans les Comités provinciaux; il règlera les affaires majeures, &c.a iir , Une marqué diftinébve dans 1'habillement, indiquera la qualité de tous Ceux qui auront des charges pubiiques. 122, L'autorité des Comités f'étendra fur tout ce qui eft du régime focial: II n'y aura pas d'autre Bourreau qu'un Condamné a-mort. 1 2.3, La proclamation des Centenaires fe fera d'une manière imposante , & propre a causer un falutaire attendriffement. 124, Les éloges funèbres des Citoyens vertueus, &'la fatyre des Méchans exciteront doublement a la vertu. 125, Les Académies feront comme le temple des fciences, & le dernier degré d'honneur des Gens-de-mérite. 126, Le Gazetier, ou Grand-Enonciatcur, fera un des' principaux Magiftrats de la Nation , a-cause de 1'importance de fa fonction, après la Réforme. 127, II proclamera le présent Règlement, & lui donnera la fanélion de la publicité, dès qu'il fera confenti, &c.a Je crois, mon Fils, avoir a-peu-près tout règlé, d'après 1'idée que je me fais, d'une réfbrmation entière, générale, & poffible, puifque le Chriftianifme 1'avait d'abord établie. Cependant, il pourrait y avoir quelques objecbons, que ie remets a une autre Lettre.  *3 'è c a i i. Éducation des Caifons , dis le berceau, II. Conduitt uelques-uns échappent, & je puis aflurer, quVmoms 'une attentionfingulière, quoique ces Enfans n'aient pas onnu les vils Auteurs de leurs jours, ils ont une ame troce, oubaiTe, Sec.1 J'ai lu quelque part, que le Fils 'unVoleur anthropofage, qui n'avait jamais ƒ onnu fon 'ère, devint anthropofage lui-même , dès qu'il eut 1'age Ie la force, Sc qu'on fut obligé de 1'étouffer. Mais ce i'eft pas affés, que les difpositions excellentes, dans efquelles 1'Homme, devenu le lieutenant de la Divilité , la feconde, en fe perpétuant; il faut avoir une atention extréme a ne rien fe permettre de libre , que es ieux de 1'Enfant nouveau-né puiffe voir: quoiqu'il n'ait ns encore d'intelligence, il y a tout lieu de penfer, qu'il 1 déja la mémoire matérielle, Sc que ce qu'il a vu avant Ia connaiffance, lui revient après qu'il 1'a re cue de la Nature; 5c qu'alors certaines idéés, audeffus de fes forces, venant a fe retracer , elles corrompent fon cceur; elles perdent & snerventlecorpsavantletemps. C'eftacetteréminifcence, que ma propre expérience me fait attribuer certains goüts précoces des Jeunes-gens, dans les deux-fexes. A-lavérité , je ne croispas que tous les Enfans ayent cette faculté de fe reffouvenir: mais, d'après ce que j'ai vu, je Ibis certain qu'il y en a un affés grand nombre qui fe trouvent danscecas. D'oü je conclus, qu'une extréme circonfpection eft néceffaire devant les Enfans, même non-raisonnables. La libertê des membres, d'après les principes que je viens d'exposer, contribuera a donner une ame élevée , telle que 1'Homme la doit avoir: c'eft pourquoi 1'Enfant n'éprouvera dans ce premier age aucune cóntradicHpn, qui puiffe jeter dans fon ame un levain d'entêtement & de mauvaise-humeur. Le but de eet article, en défendant les carefles aux  C'57] Garfons dans 1'enfance, eft le méme que celui du précédent: Les fots contes, les frayeurs ridicules, tout-cela devra être févèrement interdit, parce-que c'eft-la ce qui gate 1'efprit, énerve 1'ame, & rabaifte 1'Hommeaudeftous des Animaux. Quant a la nourriture, je la regarde comme une cause-feconde du moral, qui n'eft pas a négliger. i Les Enfans apprendront a lire en fe jouant, afin qu'ils aiment les fciences : ils feront inutiles, pour lahTer germer en eux le fentiment de la liberté. La laéhtion, ou alaitement fera prolongée , pour augmenter Ia ftature, & fortifier d'autant la poitrine des Générations a naitre. Le titre d'Occup/s, qu'auront les Garfons de fix ans , deviendra pour eux un compliment flateur, & fera naitre' l'amour de 1'utilité. La troisième éducation fera paffer les Enfans de neuf ans, de la Claffe des Occupés dans celle des Ut Hes: ce qui fera un grade, qui les flatera , en leur donnantun certain degré de confidération & d'importance dans la Société. J'ai voulu faire entendre par eet article, qu'on nefaurait trop prolonger 1'usage du lait, première nourriture^ ni trop retarder celui du vin. II ne faudra pas que le coucher foit dur; mais en mêmetemps on évitera qu'il foit trop-mol; tout-confidéré, la' forme des branies de vaiffeaux, ferait la meilleure; obfer-' vant que chaque Enfant foit toujours couché feul; ce que la forme des Hts, attachés a quatre pieux, rendra néceffaire. \ 0n en «viendra au lait, prefque pour toutes les maladies des Enfans: en cas de maladie, on pourra donner au lit une forme plus ftable, afin que le Malade foit plus tranquile. A onze ans commencés, les Enfans prendront le nom Ci générale a 1'égard des Garfons. III. Sevraae & I." Éducation des Hommes, IV. , Seconde Éducation. V. III.™ Éducation. VI. ^oürriture, VII. toucher des Garfons. VIII. Maladies. IX. Adolef. 'nee.  c c c I f ( X. Re'partition des El'tves ' & des Ap- j printis. XI. ' Modtledu Reglement pour le trai6ement de la Jeuneffe. XII. Habïlkment des Garfons. XIIT. Obéijfance. XIV. Regitre de; mcriirs de L Jeunejfe. XV. Sccret di Regitre. 'Adolefcens : mais ils commenceront 'a n'être gouvernés ue paria règle, pour éviter quelagêne ne les rende comme es Efclaves; ils feront foumis a la règle, comme 1'Homme laturel, f eft aux élémens : 011 leur annoncera ce qu'ils ïevront être, pendant deux années, de ouze a treize , .fin qu'ils f'y attendent. A treize ans les Garfons porteront ce nom général, & >n réalisera, par la règle, les choses aufquelles on les aura >réparés depuis deux ans: ils entreront chacun dans un ;tat particulier, aulieu qu'auparavant, ils avaient une éduration commune & générale: cependant le traitement dans [es différens états, aura une formule égale. Cet article donne un modèle du Règlement pour le traitement de la Jeuneffe. Pour amener l'égalité, il faut que les habits foient les mêmes: pour ecarter le luxe, il faut qu'ils foient fimples; pour faciliter l'occupation, ils faut qu'ils foient commodes, & non-cmbarrafTans. Encore aue les Enfans n'obéiffent qu'a la loi, on obfervera cependant que la fubordination la plus rigoureuse foit établie; non fur desdiftinftions frivoles, mais par 1'age ; pour que chaque Individu, en obéiffant, fentequ'il acquiert d'autant le droit de commander: car les aétions desintéreffées de la part des Hommes, font une chimère comme la pierre philosophale, ladécouverte du mouvement perpétuel, ou de la quadrature du cercle. L'inflitution d'un Regïtrt-des-mceurs, proposée par cet article, eft une des plus utiles du Règlement: les 1 effets en feront fiheureus 6: fi efficaces, qu'il fuffitdelire 1'article pour 1'approuver. Ce que prefcrit 1'article fui1 vant, pour le fecret, en óte tous les inconvéniens, enmêm'e-temps qu'il fournit un moyen de fatiffaire les Parens,  [M9] lors des mariages: car, quoique le chois fe fafTe comme il a été dit, publiquement, on fent néanmoins que les Jeunes-gens 1'auront préparé d'avance, de-concert avec leurs Parens: par cette raison, le privilége de choisir, donné aux Méritans diftingués, fera plutöt une occasion demarquer a leur MaitrefTe 1'eftime qu'ils font d'elle, qu'un droit de choisir indiftinclement. Si pourrant le Jeunehomme diftingué fe comportait ainfi, & choisit au-hasard, Perfonne ne pourrait f'y opposer. L'inftitution des Surveillans-publics, tient a celle du Régïtrc-des-mceurs, puifqu'il feratenu par eux: maison écartera de cet important emploi, tous les Génies turbulens, impérieus, intolérans, indifcrets, ou méme bruyans; il ne fera confié qu'a la fagellé confommée, longtemps éprouvée. On pourrait même entrer au Comité des Vieillards, fans avoir été Surveillant, fi le caraftère f'était opposé a 1'exercicede cette place, pourvu qu'on eüt d'ailleursdes qualités efiencielles, propres au bon gouvernement. Cet article détaille ce que le xin n'a fait que montrer en gros: La fubordination ira par degrés, d'années en années; chacun y fera intéreffé, puifque 1'Enfant en grandiffant ne fera qu'acquerir de 1'autorité, fans jamais en perdre : Ainfi, 1'on a lieu de croire, que d'après cette règle, la fubordination paraitra une loi inviolable & facrée; qu'il ferainouï de voir un Citoyen f'y fouftraire, ou que fi ce malheur arrivait, le Coupable ferait non-feulement puni par la loi, mais encore reprimé par le poids de 1'opinion publique. Cependant comme la Jeuneffe éprouve une forte d'effervefcence , qui fouvent fait taire la réflexion, il pourrait arriver, qu'ilyeüt, dans les commencemens de la réforme, quelques rebellions, ou dumoins une resiftance parti- XVI. Survdll.ms vublicspour les Garfons. XVII. Manière dontlesSurveillans publics exer* "eront leur imploi. XVIII. Subordina:ion de la, Jeunzjje. XIX. Cas de rebelliondelapart des Garfons.  XX. Droit de punir. XXI. Gradation des délics & des peines. XXII. Gradation des fautes. XXIII. Punitions. XXIV. Sujets inca pables. XXV. Etudes dt Garfons. XXVI. Maurs, [.60] culière, de la part de quelques Individus: alors, la feule manière de réduire les Rebelles , ferait d'employer contr'eux 1'Age qui ferait audefTus du leur, ou fi ce moyen était inutile, d'envoyer contr'eux leurs Pères, qui feraient eux-mêmes commandés par les Vieillards. II faut qu'il y ait un Pouvoir toujours présent, pour punirlespetites fautes, & prévenir lesgrandes: ce pouvoir naturel fera celui des Pères ou Mères; enfuite celui des Comités. La gradation des peines doit pareillement fuivre celle des fautes: jamais la même peine, pour une faute untant-foit-peu différente, foit en malice, foit en gravité; jamais la mort que pour la mort donnée volontairement. Quant aux fimples fautes, elles n'auront pour compenfation, que des peines d'opinion publique, fuffisantes en ce cas. Ainfi, la négligence fera punie par la privation du plaisir légitime qui doit fuivre le devoirrempli: unerécidive fera punie comme' opiniatreté; ilyaura privation du néceffaire: la négligence incurablefera regardée comme incapacité, ou traitéeplus rigoureusement, au chois des Pères & Mères. II n'eft pas jufte que les Incapable? foient mêlés avec ' les Citoyens utiles, & puiflent être confondus avec eux ; on en fera une ou deux Claffes a-part, qui feront traités conformément a ce qu'elles pourront faire : cette loi aura un doublé avantage; elle ne laiffera pas les occupations fociales, a des Sujets inhabiles, & elle fervira d'un épouvantail utile , pour la Jeuneffe capable, maispareffeuse. Ainfi la crainte d'étre relegué oarmi les Incapables, s obligera les Enfans a étudier ce qu'ils devront apprendre; ce fera un aiguillon puiffant, toujours efficace. On inculquera auxJeunes-Gens, que tous les talens poflibles ne font rien fans les moeurs; qu'aucontraire , un Homme-ktalentfupérieür, mais vicieus, eft unmonftre, une pefte dangereuese,  [i6.] dangereuse, & il doit étre repouffé avec horreur du régime focial. Les fêtes pubiiques font 1'inftitution la plus utile & la plus falutaire; puifqu'elles ferviront non-feulement a donner un relache néceffaire aux travaux, & a procurer des divertiflemens, mais encore a fairebriller le mérite en tout genre , de la manière la plus folemnelle & la plus flateuse. Enfuite, les Gaifons feront des exercices très-utiles en euxmêmes ,& femblables ala gymnaftique de 1'ancienneGrèce. verra la Jeuneffe divisées en biennies, ou par age de deux On y années; ce qui formerapour les Hommes & les Vieillards au fpectacle raviffant. Cette Jeuneffe défilera devant 1'Affemblée, & f'inclinera devant les Vieillards du Comité, dont 1'Orateur, ou Proclamateur, prononceratout-hautle mérite ou démérite des Jeunes-gens, d'après 1'examen du Reg!tre-dcs-moeurs, fait par le Comité. Je n'ai pu rien imaginer de plus propre a encourager la vertu, & honnir le vice : on verra les Primitiaires brillans de gloire, recevantla louange méritée, embraffés par le Président du Comité, & par le Centenaire, fil f'en-trouve un dans l'Aflèmblée. On verra chacun des Jeunes-hommes recevoir des mains des Surveillans publics la marqué de leur Claffe, & retourner d'oü ils étaient partis, dans le rang que leur auront donné leurs mceurs & leurs talens. Cesdifiinétions une-fois mérirées refteront, & chaque Jeune-homme fera ainfi 1'artisan de fa nobleffe. i Je crois que la Religion , étant une affaire de fentiment, autant que de convicïion, elle doit ëtre fentie, autant1 qu'elle fera crue. II n'v a pas de religion plus belle que la chretienne, qui renferme elle-même tout le Code que je viensde tracer: conféquemment, elle fera la feule enfeignée & autorisce; elle fera partie des moeurs pubiiques; mais I Part. L XXVII. Fétespu* >liques, XXVIII. Exercices des Fêtes. KXIX. Montres, XXX. Prix. XXXI. Marqués les Prix. XXXII.. hjjeu des 'rix, XXXIII Icligign.  Titre II. Du Maring;.XXXIV. Néceffité au mariage. XXXV. Difpenfe de fe marier. XXXVI. Lkois. XXXVII. Opposition XXXVIII Dijfbrmes XXXIX. Causes lé éiitimes d [162] rlle fera libre , & fur-tout on enbannira toute fuperftition. Jecrois, monFils, que le mariage eft d'obligation, pour tous les Êtres bien-conformés: c'eft un état faint & :hafte. Mais je penfe aufti qu'il y a cependant des excep:ionslégitimes, quoique très-rares : r, Pour les Infirmes: 2., Pour les Difformes, qui peuvent fe perpétuer. Je croïs que les Premiers peuvent abfolument fe difpenfer du manage: mais je ne voudrais pasl'interdireauxSeconds; & pour tout concilier, il ferait a desirer qu'on leur permit de fe proposer a Celles d'entre les Veuves d'un certain age, qui voudraient f'cn-accommoder. Le chois fera modifié , comme je 1'ai annoncé plus-haur, mais tacitement; au-fond, il fera de-rigueur, pour qui le voudra: jecrois, quoi qu'on en dise , que les Femmes doivent y être abfolument paflïvesj: & pour que cette règle n'aitpasd'inconvéniens, il ferait a-propos d'interdire toute efpèce de fréquentation, entre les grands Garfons & les grandesFilles: ce qui ferapraticable dansle régime proposé; car on voit que tout efpèce de règlement en-faveur des mceurs y deviendrad'une exécution aisée; fur-tout, il fera facile d'enflamer les cceurs de l'amour de la gloire & de celui de la vertu , au-moyen del'enfemble du régime. Une Fille pourra néanmoins refuser; car il ne faut pas qu'une répugnance invincible empoisonne le lien du mariage : mais fon refus fera toujours a fes rifques; les causes frivoles ou injuftes ne nuiront qu'a elle. S'il eft utile de ne pas laifler aux Difformes la faculté de fe ,mêler avec les autres Citoyens parle mariage, il eft juftede dédommagerces'Jnfortunésnon-coupables: onadouciraleur fort; ils auront les états les plus doux par privilége, &cV Un Garfon légitimement refusé par une Fille, defcendra ■ dans uneCMe audeffousdelafienne: jufte compenfation;  files Filles ne peuvent choisir, elles pourront faire punir/ un Téméraire mauvais-fujet, qui prétendra les lier a fon fort. Mais fi la Fille accusait un Garfon de faits giives a tort, il eft jufte qu'elle foit punie comme calomniatrice : | fi elle n'objecte que des causes futiles, ou fi même elle op-1 pose au Jeune-homme des vertus qu'elle n'aime pas , elle defcendra dans une Claffe inférieure a la fienne , & parconféquent elle fera exposée a n'avoir un Mari que dans lesdernières Claffes des Hommes. On inftruira IesNouveaux-mariés du physic & du moral de leur nouvel état: cela eft néceffaire pour le premier ( cas, a bien des Nouveaux-mariés, & pour le fecond , • a tout le monde. Rien de fi utile que la gêne, recommandée par cet article, pour les Nouveaux-épous: c'était la loi de Sparte , qui n'en eut fi longtemps que de bonnes, a-l'exception de celle de i 1'efclavage des Elotes: ce fera le moyen de rendre les mariages heureus, en tenant les Epous amans ; d'avoir des Enfans fains & vigoureus, fpirituels, adroits, hardis, enun-mot, des Hommes, qui deviendront une efpèce toute nouvelle. La punition contre Ceux qui violeront cette loi, paraitra un-peu rude : mais qu'on fonge qu'elle n'eft qu'a temps, & point infamante ; outre qu'elle néceftite 1'ob- , fervation de la loi violée. Mais autant la bravade & la1 desobéiffance feraient blamables, autant la fineffe & la ruse pour pofféder fon Épouse feraient louées & admirées; & cela, en raison de la difficulté: On regarderait comme odieus le procédé d'une Jeune-épouse qui contribuerait a fairej échouer fon Mari. II eft néanmoins a-propos que la Femme foit fecourue & confolée par fon Mari, lorfqu'elle devieudra mère: c'eft a quoi cet article a pourvu : mais anftitót après le L ij ejet d'un larfon. Xt. Causes ion - h'giimts, XLI. Jnflrucions aux Nouveauxnariés. XLII. Cêm des Nouveaux* nariés. XLllU Lraaement ie Ceux qui iravtraient ■ette loi. XLIV, De Ceux miemploie. ■aient les noyens les >lus rusés. XLV. Lorfque es nouvelle f Mariécsft-  ront cncein- les. xtvi.. S'd arrivait une infiJdué. XLVII. fiabus des Nohveuuxmariés.Titre Ut. Des JeuneS' hommrs. XLVIfl. Qua'td on auracettedé nominaüon (, fes prérogatives.XL IX. Habits des Jeunes-hom L. ~Leur emploi f.I. , Leur auto ritéyla clien telle, &C." ['64] rétabliflcment des couches, la gêne recommcncera comme auparavant, jufqu'a ce que le Nouveau-marié foit parvenu a 1'age, oü il entrera dans 1'ordre designé par le nom de Jeunes-hommes. Plus la gêne fera grande entre les Epous, moins il fcralibre au Mari de furveiller la conduite de fon Épouse, & plus le Gouvernement lui en répondra: 1'infidélité de la Jeune-Épouse attirerait fur elle une punition terrible, telle qu'elle eft énoncée par cet article : Le crime de 1'Homme fera puni de-même, & dans un régime comme celui proposé , la peine fera certainement effrayante. Cet article n'eft que de difcipline: mais il tient aux moeurs, en ce qu'il empêche la tromperie pour les deux fexes, en indiquant leur état au premier coup-d'oeil. La gêne des Epous nedurera qu'untemps, qu'on rendra utile a fa Patrie, en les retenant dans une fortede Überté, ou d'exemption des foins du ménage : mais comme cet état prolongé les rendrait tels que nos Célibataires d'aujourd'hui, il aura pour terme 1'age de la pleine maturité , trentecinq ans, auquel les Jeunes-Épous feront réünis , pour former maison & Familie A cet age, ils prendront l'habit national, . quel qu'il foit, pour montrer qu'ils vont composer le corps de la Nation. On liera entr'eux tous les Membres de 1'État, par la 'clientelle , a-peu-près a la facon des Romains, mais plus légale , & moins particuüère , ou moins partiale ; on liera de-même plusieurs Cüentelles enfemble, & on leur afFectera pour Chef, un des Membres du Comité, qu'elles éüront a la pluraüté des voix , lequel fera leur Patron , aux Affernblées de ce Corps refpeétable: on fera enfuite une autre forte de grande Clientelle de ces Chefs, avec Ceux des Métropoles, des Villes-chefs de la Province, &  t*%3 enfin avec les Membres du Sénat-fuprême: de-forte que chacun des Membres de la haute-Magiftrature, aura un Pays, ou une Province fous fa Clientelle; il en fera le protecteur & le chef; il en aura les affaires en recommandation, &c* Le Mari une fois entré en ménage, aura le pouvoir für fa Familie dans toute la plénitude que lui donnaienty les anciens Romains; ce pouvoir étant néceffaire pour y maintenir 1'ordre, quoi qu'en disent lesCélibatairesaétuels, & les Femmelettes fans idees. Le bon Mari aura des recompenfes : jamais, dans la Réforme proposée , une feule vertu ne reflera fans avoir un prix flateur. Le mauvais Mari, aucontraire , fera privé des avantages précieus de fa fituatton : il fera reprimé, molefté; fa Femme fera défendue contre lui, &c.a Outre l'éducation publique, il y aura une éducation familière, ou de la maison, qui empêchera les Enfans de fe trop isoler, foit en entrant aux t Séminaires, foit aux Écoles des diiférens arts & fciences: c'eft un mal; quoique cela paraiflè un bien aux Ieux inattentifs, qui appellcnt 1'habitude de cet isolement, avoir pris 1'efprit de fon état. Je ne croispas qu'il y ait aucune objecfion a faire contre les articles que je viens de paffer en revue, ou dumoins 1'explication que j'en donne doit les détruire toutes. On voitdanscelui-ci, avec quelle attention la réforme encouragera les principaux devoirs de 1'Homme en fociété : je penfe que Ie plus excellent des Régimes eft celui qui encourage les vertus, qui font la base de toutes les autres; fans ces vertus, tout le refte ne fervirait rien. L'exemple du digne Fils, qui honorera de mauvais Parens par fes vertus, m'a tiré deslarmes. Le bon Père, malheureus en Enfans, ne fera pas un Être moins intéreffant :a quels L iij LI I. Jouvoirfur i Familie. EI II. Bon Mari. L I V. Mauvais iari. L V. Éducation asanitre 'es Enfans. LVI. Garfons •om-fujets. LVIL Garjon  jets. Titre IV. Des Hommes. tVIII. Hommesfaits.LI X. Leurs prérogatives. LX. Noms Je refpeS pour lesHommts de tous les ages. 1X1. Noms* ihonntur. LXII. Proportion entre les ci imes &■ les & les peines, relativement aux Hommes, depuis le manage, puifïans mobiles pour la vertu! que ceux proposés dans ces deux articles! Je 1'avouerai, je les tiens d'un Homme diltingué par fon mérite; qui, fi je le nommais, ferait connu de 1'Europe entière. L'Homme a fans-doute acquis toute fa maturité avant 1'age de quaranteneuf ans: auffi le Projet de réforme ne donne-t-il ce titre qu'a Ceux qui doivent avoir parcouru la plus grande partie de Ia carrière de Ia vie active; c'eft déja une recompenfe que le titre d'Homme. Tous Ceux qui porteront ce nom , feront comme une forte de Magiftrats: ils feront Officiers dans les Armées; ils furveilleront dans 1'intérieur des Communautés ; ils feront maitres des profeflions, des fciences, &c.J II y aura pour eux des noms de confidération & de refpeór., différens de ceux donnés aux Ages inférieurs au leur; en-un-mot 1'Homme de quaranteneuf 'a foixantedix, fera le Citoyen parfait, encore laborieus, mais non-affujéti: terme desirable, qui mettra le Genre-humain dans une position propte a ramener Tage-d'or fur la terrc. Les noms d'hotmeur feront pour les Vieillards, ouCeux affimilés aux Vieillards par leur mérite & leurs places. On ne peut trop honorer la Vieilleffc; on ne peut trop embellirlefoir de la vie : ( Hélas! je ne deviendrai jamais Vieillard , & je ne parle pas ici pour moi! ) La proportion qu'établit cet article, entre les crimes & les peines, relativement aux Hommes qui fe rendraient coupables, a été müxement réfléchie: mais quelques^ unes de ces difpositions n'en furprendront pas moins, & aux ieux de certaines Perfonnes, elles paraitront plus qu'extraordinaires. Telle eft, par-exemple, la première, Pour l'affacinat: Un an de prison, après la fentence Ute : condamné a un an de travail; au terme, les  [.67] os brise's vif( *). Mais le mocif de cette difposition eft fondé fur une fuule de raisons, qui ont 1'utilité pour base. D'abord, il n'y a point ici de rafinement de cruauté; aucontraire , il eft plus doux d'avoir un an a attendre la mort, qu'a la fubir fur-le-champ: en-fecond-!ieu , la maladie peut enlever le Malheureus durant 1'année : 3-mt , 1'exemple, ce principalmotif des punitionslégales, fera bien plus fort & bien-pluspuilfant: caril fautajouter a, 1'article, queleCriminel une-fois condamné, obligé au travail , fera dans un endroit, exposé a la vue de tout le monde, fans que cependant on le puhTe approcher, ni lui rien jcter : Tous les Citoyens ayant durant une année cet exemple devant les ieux, il retiendra le bras des Méchans: 4.™ , ce fpeéhcle fera horreur; mais il n'indignera point; un Aftaan mérite la mort, & fi une faufle compallion f'emparait de Quelqu'un, le Surveillant public le conduira dans un endroit, oü fera confervé le cadavre de 1'Aiïaciné , pour n'être enterré que le jour de 1'exécution : Et a-l'inftant même de cette exécution, le corps de I'Affaciné, découvert, précédera le Coupable condamné, dans une voiture tendue de noir: & lorfque ce Malheureus fera prêt a recevoir la mort, fon Chef-d'age ! f'approchera, lui montrera le cadavre, en lui disant: i Voi la cause de ton fupplice ! la voila ! tu as tué; \ tu as otéla vie avec violence : on va te l'oter de-méme: i rtconnais que la loi eft jufte, & meurs, pouryfatifI faire: car jufqu'a cet inftant, ton crime nous deshonore tous. En achevant ces mots, on retirera le cadavre, qui reftera au bas de 1'échaffaud, jufqu'après 1'exécution , (*) C'eft ainfi que doit être lue cette difposition , qui efi fautive, p. 80, ci-defTus. L iv  [i63] qui fera complette, c'eft-a-dire, qu'elle tuera 1'Homme en moins de cinq minutes ; enfuite ondétacheral'Exécuté , & on le jetera fur le cercueil de 1'AfTaciné, en disant ï ce Dernier , par la bouche du Chef- d'age: Frère, qui as pén par un crime, te voila vengé par tes Concitoyens : Fardonne a-présent h tonAffacin, & regois-le dans ta fépulture. Et les deux corps feront mis dans la même foffe , 1'Exécuté a-nud , audeflbus de 1'Aftaciné. II en fera de- même pour la feconde difposition , par laquelle 1'Homicide doit étre pendu : les dix ans de travail font une grace très-grande, puifqu'il y aura peu'de ces Condamnés qui foient exécutés: Ils feront de-même exposés en vue, fans pouvoir étre abordés par Qui que ce foit. La troisième, difposition, pourle meurtre involontaire, m'a paru jufte & néceffaire; il faut une peine en ce cas, même au malheur ; parce-qu'il faut éteindre la haine des Parens du Mort, & fatiffaire a la Nature offenfée: c'eft encore pourquoi le deuil perpétuel eft ordonné au Meurtrier par-accident. On fera peut-être furpris , qu'un crime auffi odieus que le viol, ne foit pas puni de mort dans la réforme: mais outre que ce crime y fera prefqu'impoffible , il faut confidérer, que physiquement, ce crime eft bien-moins atroce que 1'affaciuat! au-point, que je ne fais pas fil eft plus grand qu'une féduébon criminelle , telle qu'on f'en-permet tous les jours dans nos mceurs aduelles. Pour 1'incendie prémédité , ]e n'ai pas cru devoir proposer d'autre peine capitale, qu'un danger imminent, pour 1'Incendiaire : II fera jeté dans le feu W êrre lié . afin au'il puiffe f'tchapper, fd en a le cou* rage & la force ; il ne pourra manquer de fentir 1'ardeur du feu; il fehtïra de-même le péril oü il a exposé fes Semblables ; fil périt, tant-pis pour lui, il 1'a mérité ;  [i69] fil échappe, vingt ans de travaux 1'attendent. La fimple négligence , en cas d'incendie, fera punie , & pour qu'elle le foit fürement, la peine fera légère. C'eft ici le but le plus desirable, & la fource des bonnes-mceurs: avec l'égalité de biens, plus de Corrup-„. teurs ni de Corrompus: Je n'ignore pas qu'il y a des ' difficultés prefqu'infurmontables: dans des temps plus propres a cette réforme, dans une Républiques nerveuse, appuyée de toute la force des lois & de la raison, les Gracques, ces Héros immortels, bien-audelfus desAlexandre&desCésar, les Gracques y ont échoués: mais ce que n'a pu toute la force de la raison & de la loi, on v it 1'Apoftolat 1'exécutera-la-lettre après la mort du divinLégiflateur du Chriftianifme, & il eft certain que les Rois aftuels de 1'Europe le pourront, quand ils le voudront. Vous avez remarqué d'ailleurs, que j'ai admis un tempérament, pour que les Riches aftuels ne fouffrifTent pas de la réforme; & pourvu qu'ils n'en fouffrent pas, que leur importe ? O.i leur confervera leur aisance; aux Nobles, leurs diftinctions & leurs prérogatives , &c.a _ Cet article renferme la manière de procéder : mais il y a fur-tout une difposition que je trouve très-heureuse : ( je la dois Stm/H", Homme profond, qui rêve beau- , coup, & toujours au bien de la Patrie; c'eft-celle des fournitures par le moyen des Bureaux des Corporations, par échange ; de-forte que les Particuliers, débarraffés de tout foin , n'auront plus qu'a travailler-& a fe divertir , fans aucune inquiétude; en portant aux Bureaux les objets de leur travail, ils feront fursd'avoir tous leurs besoins, & en-outre, un pécule, dont ils difposeront a leur gré, &c.a II resulterait des avantages immenfes de l'égalité : tels qu'ils font exposés dans cet article, ils élèvent 1'ame & la LXIIf. Commulutè de ais. LXIV. Manière "ttablirit■alité. LXV. Ejjets de 'égaiité.  LX VI. Communauté des repas. LXVII. Service des tables. LXVIII. Cuisiniers & Cuiüniires publics. LXIX. Mets. LXX. Méts des Femmes. LXXI. Invitations, LXXII. Greniers particuliers. LXXIII. Gains particuliers, ou pécule. i i \ tranfportent. Quclle heureuse confraternité ? quellc honnêtecé! quelle füreté dans le commerce de la vief quelle conformité de la Religion avec les lois 1 quelle identicé d'intéréts! avec quelle apathie on fe livrerait au plaisir! &c.a Utinaml La communauté des repas a déja exifté a Sparte, ainfi, on ne propose pas ici une chimère: tous,les repas feraient comme aujourd'hui ceux d'invitation; la gaitéy règnerait, 1'efprit f'y formerait; 1'intempérance en ferait bannie, &c.a Lefervice fe ferait avec ordre, fans cette gêne occasionnée par la présence desDomeftiques. La cuisine n'exigerait 1'efclavagc dePerfonne; elle ferait 1'étatdequelquesCitoyens, incapables de travaux plus rudes. Les méts feraient fimples, proportionnés, au goüt, au travail, au local: les heures des repas feraientdifiribuées de-manière a ne gêner les travaux que le moins pofiible. Enfin les Femmes auraient des méts proportionnés aleur tempérament, & aleurdélicateffe, plus grande que celle des Hommes. Pour lier entr'eux tous les Membres delaSociété , on aurait foin, au-moyendes invitations , de faire manger enfemble les Membres de toutes les Claffes, fans néanmoins contrarier abfolument leur goüt. Cet article n'ad'utilité que pour lesCampagnes, dont je connais parfaitement lerégime; ilaétémis, pour ne rien oublier. Les gains particuliers & le pécule, font un nerf de-plus lonné a-i'induftrie & au travail, après la réforme: ce nerf era aufli puiffant que 1'intérêt dans le régime actuel; les ivantages que le pécule procurera , devant être les mêmes 311e ceux des richefTes aujourd'hui, fans en avoir les inronvéniens: Laraison, c'eft qu'il n'y aura plus de Pasvres lui manquent du néceffaire, & par-conféquent d'honneur a rendre: car rien de fi vrai que cet axiome de Ciceron : Omniet jubet Paupertas, fyfacere, & pad. » LaPau-  vretéfait tout faire & toutfouffrir ». LaPauvreté marche toujours efcortée de trois Furies, laFaim, 1'Envie & Ia Baffeffe:. 1'une fait tout accepter; la feconde étouffe les remords; la troisième empêche de rougir devant le monde, des actions les plus honteuses: Un Pauvre n'a plus de pudeur; la Faim la lui óte: 1'Envie met dans fon ame une fièvre qui va jufqu'au délire: & la Balfeffe le fait remper dans la fange comme le plus vil des Animaux. Le fyftème de l'égalité anéantirait ces horreurs dégradantes pour toute notre Efpèce. Mais au moven du pécule, les Individus auratent néanmoins des jouiffances particulières , honnêtes & mêmes glorieuses, puifque 1'aisance, les bijous, &c.% étant le fruit du travail , du mérite perfonnel, & non d'une fortune laiffée a unEtre nul par fes Parens, 1'aisance, dis-je, annoncerait toujours des qualités fupérieures, & donnerait de 1'Homme & de Ia Femme blen-mis, une opinion réelle, abfolument julte, & jamais trompeuses: O quando ! ... fed non videbimus Mlseri! II faut une règle pour 1'occupation , fansquoi 1'Homme ne remplit pas fa journée; fon efprit & fes mains f'occupent t vaguement: j'ai travaillé des mains; une montre devant moi me montrait 1'emploi de chaque minute, & j'aiais fans me fatiguer: certains jours, ou neje voulaispas employer cette manière , je perdais un tièrs aumoins fur la quantité de mon travail, avec autant de fatigue. Le temps a donner au travailétantfixe,invariable, autantqu'indifpenfable, Chacun f'occupera, &l'heurede relachedeviendra délicieuse. Si néanmoins cette occupation néceflkée paraiffait dure d'abord, elle ferait compenfée par des jours & demi-jours |e repos & deplaisir: qu'on n'imagine pas que ces jours de £ repos ferontperdre trop de temps! Aucontraire, il y aurait ' pUls d'ouvrage de fait qu'anjourd'hui: Une besogne oü LXXIV. Heures de, ravail. LXXV. Jours de epos & dé 'ivemjj'eiens.  LXXVI. Nature dcsdivcrtiffemens. tout le monde met la main , eft toujours bientót faite , & un Peuple égal, en communauté, oü il n'y aura d'exempt du travail que les Infirmes; chés lequel les Vieillards même feront ce qui les concernera, en-infpeéhnt la Jeunelfe, un pareil Peuple pourrait mettre en fêtes la moitié de fon temps aumoins: c'eft un effai qu'on pourrait faire fur un Endroit particulier: mais dans le régime aétuel, il n'y a jamais de repos. Jevcudraisque leculte de laDivinitéfüt gai, qu'il fut un plaisir, un amusement qui épanouit 1'amc, & lapénétrat de reconnaiffance pour lePère-commun: je voudrais que rien ne fut plus agréable que le féjour du Temple facré , par une forte de fpeétacle pompeus : II a exifté un Corps d'Hommes, aufquels on ne refusera pas le mérite d'avoir eu des vues grandes & profondes; cet Ordre d'Hommes avait a-peu-prèsles mêmes idéés que moi; il voulaitde la pompe, mais il la voulait d'un genre qui ne me plak en aucune manière. Je la voudrais moi, familière, c'eft-a-dire, de-nature a montrer les Enfans aux Pères, les Pères aux Enfans, la Jeuneffe a la Jeuneffe j les Jeunes-épouses a leurs Maris, & les Maris a leurs Femmes : qu'elles fut dirigée de-manière , que le Temple de la Divinité fut en -mêmetemps celui de la piété filiale, & de tous les fentimens honnétes, capables d'attacher les Hommes les uns aux autres. Je voudrais qu'au fortir du temple, le coeur plein de joie , la Jeuneffe f'exercat aux jeux qu'elle doit exécuter le foir pour 1'amusement de 1'Age-mür, & lc fien propre: amusemens delicieus, puifqu'ils auront pour témoins & pour juges, des Parens chéiis; une Épouse tendremente aimé, & qu'on ne peut voir librement; une Maitreffe adorée, qu'on veut préparer de-loin a f attendre qu'elle fera choisie pour Épouse. Quel encouragement,  073] quel aiguillon pour la vertu , queceluï-cil J'adoreune Telle j mais fi je n'obtiens pas le droit de choisir entre les Premiers, Un-autre peut me 1'enlever! alons, du courage! diltinguons-nous, dans les exercices, par le travail, la fcience, & fur-tout par les bonnes-moeurs , qui eft le moyen le plus efficace-.... üui, quand on n'exécuterait pas mon plan de réforme, on devrait efTayer de cette partie feulement, pour jeter de 1'énergie dans les cceiirs de notre Jeuneflè. La loi que veut établir cet article, fut autrefois en usage ochés tous les Peuples policés: Perfonne n'y exercait les emplois publics que dans la maturité de 1'age: ce n'eft pas*-que les Jeunes-gens n'aient plüs de vigilance & d'acltivité ; mais ils mettent trop de verdeur dans les affaires , oü fouvent il faudrait 1'huile de la douceur : aulieu que les Hommes tempérés , mais non-encore affaiblis par 1'age , font tout avec la modération & 1'expérience convenables. Un-autre avantage, c'eft que les Hommes parvenus a quaranteneuf ans, commencent a avoir besoin de reposer le corps, & qu'ils trouveront une grande douceur a ne plus exercer que les facultés de 1'intelligence, en commandant & dirigeant les travaux de la Jeuneffe dans les différentes profeflions: il faut embellir le foir de la vie; il faut que 1'Homme, dès 1'enfance , envisage le travail comme un moyen derepos; & alors il eft toujours content; dans la force-de 1'age, par le plaisir, & par 1' efpoir d'étre Homme ; dans la maturité, par le fouvenir de fes travaux, des couronnes méritées, de fes plaisirs , de fon adrtffe, & par la jouiffance des honneurs: Voila, je crois, le feul moyen de rendre 1'Homme heureus. Cet article fait une feule Familie de chaque Corporation : il délivre le Particulier de tous les foins, qui font LXXVII. Emploisdes Hommes, LXXViir. Maitres des profeflions. Lxxrx. Bureau des Atü~  sans, Ar tiftes , , l Commcr- catis. LXXX, Tables des fourn, titres a-fai, a ckaqi Particulic par les Z?t reaux. LXXXI, Blanch faseLXXXI1Wam hl feuses 6' Perteurs. [174] . un fi grand obftacle au travail & la perfecYton des arts & ' métiers: Mais qu'on ne m'objecte pas, que je veux réduire les Européans a la conditions des Habitans du Paraguai, fous le régime des Jésuites l la différence eft énorme , & il fiiffitde lire ce Règlement, oü jedonne tant a la überté , 2 l'égalité, en maintenant une jufte & rigoureuse fubordination ! Aurefte, je fuis bien-Ioind'improuver abfolument la conduite des Jésuites dans le Paraguai; elle pouvait être très-bien fondée; fur-tout fi! eft vrai que ce pauvre Peuple foit auffi borné qu'on le dit: Je n'aime pas a-la-vérité qu'on introduise le régime monacal dans la fociété; je 1'y crois nuisible , & tout-au-plüs fait pour quelques petites Alfociations particulières : Mais je foutiens, que le régime du Chriftanifne commencant, était le chéfd'osuvre de la légiflation, & qu'il fuffisaif feul pour le bonheur du Genre-humaiu : Par quelle fatalité, en adoptant cette Religion, en a-t-on négligé le point elfenciel, la Confraternité, fi étroitement recommandée, que le premier des Apótres punit de mort deux Infraétaires, le Vieillard Ananie, & Saphire fon épouse ! Dira-t-on , comme je 1'ai ouï-dire, que la communauté de biens n'était qu'un confeil ? maisPierre n'aurait pas puni de mort 1'inobfer„ vation d'un fimple confeil, ou un menfonge; le fimple men- - fonge ne fut jamais digne de mort! c'était donc un précepte, & 'e un précepte rigoureus; c'eft donc une apoftasie de la fainte - Religion du Chriüianifme, que de négliger ce précepte ? * Le divinLégiflateur, lui-même, n'a-t-ilpas dit, qu'il falait abfolument tout quitter pour le fuivre ?.... Mais je nepréC' tenspas faire valoir feuls ces grande motifs, qui d'ailletirs font du reffort des Miniftres de la Religion ; je ne veux que présenter aux Hommes les avantages temporels de la Réforme que je propose. Les fix articles que j'examine, réalisent  C'753 cette communauté fidesirable: Onyrèglela manière dont fe feront toutes les fournitures, & les compenfations, qui deviendront d'autant plus aisées, qu'elles ne feront faites r que de Corporation a Corporation, dont les besoins feront plus généraux, plus variés que ceux d'un Particulier. La nourriture n'entrainera aucune compenfation ; c'eft un grand point! tout le monde étant nou'rri par le Public.} Quant au logement, favoir femblable eft la marqué la & plus visible de l'égalité; comme le contraire, met la = plus grande différence entre les Êtres de la même efpèce. ] II y aura deux causesd'interdiétions, celle par crime, &. celle par incapacité. La première eft fondée fur la faine^ morale ; la feconde fur la politique & la raison : mais on 1 aura la plus grande attention a ne pas fe fervir de cette loi,, pour opprimer ! d'ailleurs, il y a grande apparence, que-' 1'oppreflion ferait impoiïible dans la réforme proposée. Le foin des Malades bicn-affuré, eft une des causes les ] plus efficaces de la tranquilité de Ceux qui fe portent bien : il répand fur tout le cours de la vie , cette infouciance , mère de la gaité, dans laquelle confiftc le bonheur toujours regretté de 1'enfance [B]. Un des plus grands avantages de la Réforme, feraitI 1'anéantiflèment abfolu de la proflitution , Sc la concentra-11 tion du virus fyphillitique , dans les foyers qu'il occupe-t rait lors de la promulgation de la loi: avantage ineftimable. Le projet du Pornegraphe, proposable dans nos moeurs aétuelles, fdeviendrait alors aufTi parfaitement inutile, qu'il eft aujourd'hui néceffaire par les causes qui feront détaillces dans laNote[C], II.d' F arde de cet Ouvrage. La guerre eft aufli néceffaire entre les Nations, que 1 la juftice civile & criminelle entre les Particuliers: ainfi ,1 LXXXIII. Fournicuts d'injlru_ uns, &c.t LXXXIV. Vivres. LXXXV. Idmtitéde )g?menl a 'aris , & ans les randss 'Mes. .XXXVI. Interdics, ar incapaué, ou par rïme, du ouvernelent de leur 7amille. ■XXXVII. Malades. m XXXVIII •"ily aurait 'es Fillei'e-plaisir. [C] .XXXIX) >e la. icrre*  p7S) le projet d'une paix abfolue & perpétuelle eft chiméric; il y a trop d'intérêts divers , de motifs fouvent indifpenfables, qui rendent inévitable le plus redoutable des fleaux. Mais les Nations réformées pourraient& devraient convenir entr'elles, d'une manière de faire la guerre, qui garantie lesTêtes innocentes des horreurs aufquels le fort des armes les exposé: ainfi, 1'on devrait ajouter a 1'article de, la guerre, la difposition fuivante : » Dans le cas, oü la. » guerre fera dédarce entre deux Nations, les Officiers & » les Sodats feront avertis, en prêtant le ferment avant »» le départ, qu'ils doivent refpeder les Vieillards, les » les Femmes, les Enfans, & généralement tout ce qui » ne fera pas enrólé,' ou n'aura pas les armes a la main. » En entrant dans une Ville, Bourg, ou Village, pris fur les Ennemis, on fera contribuer , mais on n'enlè» vera pas la fubfiftance néceffaire; on aura foin que les ., Femmes & les Enfans trouvent toute fureté de la part „ des Soldats: Celui qui aurait attenté a la pudicité j „ d'une Femme ou d'uneFille, fera fur-le-champ renvoyé I » dans fa Province, & mis au rang des Coupables, pour „ être employé a un travail bas & continuel durant dix I » années : fil avait procuré la mort par fa violence , il » ferait pendu , comme 1'Homicide , & au bout du même » terme. Si, par brutalité , un Soldat avait tué un En- j „ fant, il fera puni de-méme , & fur-le-champ renvoyé M dans fa Province, oü il fera livré entre les mains du j » Comité dont il dépend, qui ne pourra employer a fon » égard aucune indulgence , fous quelque prétexte que ce » foit. Lepillageferadéfendu aux Troupes, comme le vol I „ fitleviolle font dans 1'étatcivil: les Pillards feront punis | » févèrement, & renvoyés a leurs Comités, qui les met- » iLuia au Adiiji uv-j v/wu^»^.»- r — -— ' defauelles  [f77l » defquelles ils nc fortironc que dans le cas d'un change» ment avantageus dans leurs difpositions &. dans leur » conduite. Les Maraudeurs feront de même cafl'és, <$c » renvoyés pour être mis au rang des Coupables, pen» dant dix années; lefquelles feront rayées du temps de » leur vie; de forte qu'ils n'entreront dans 1'age des » Hommes, qu'a 59 ans, aulieu de49 ». On ne pourra être foldat, avant le mariage & la paternité: cette loi, contraire a ce qui exifte, m'a paru conforme a la raison & a Ia juftice. La Cavalerie devra, de droit, être affe&éeala Nobleffe acïuelle, fj 1'on juge qu'elle doive fubfifter après Ia réforme générale promulguée. Quant aux Bas-officiers, leurgrade nedoit étre donné qu'a 1'age & au mérite. Cela eft encore plus effende! pour ies Officiers, qui tous feront feront pris dans 1'age des Hommes : J'ai cru que 1'état de Soldat devait étre encou-■ ragé par une paye avantageuse : en-effet, ils auront, après la réformation, un pécule bien plus confidérabk que Ceux qui refteront occupés aux travaux ordinaires. Si les Garfons ne font pas Soldats propremeiu dirs ; fils ne font pas exposés au feu , ils contribueront néanmoins d'une autre manière au fervice de la Patrie, dans la crise violente que la guerre occasionne. En cas de belle action,' la recompenfe militaire fera audefTus de routes les autres par fon éclat, fur-tout fil f'agit du falut de la Patrie ; on ' en fent la raison; 1'utilité publique doit être la mesure des recompenfes & des honneurs. La proclamation du mérite en quelque genre que ce foit, doit avoir la plus grande folemnité; l'honneur qui fera rendu au Méritant aura quelque-chose de la pompe religieuse;! afin d'enflamer tous les cosurs du desir de ces difiinctions glorieuses. Les couronnes auront unc fimplicité, qui fera. I Part, M xc. Soldats, XCI. Cavalerie, XCII. Bas-ojjM :iers, & li*ne de Difformes. xciri, Officiers , P aie B110. ■in. XC IV, Service des jdrfons dia >tuerre, XC V. 1 rix & :ecompenJe» ni{i(aires, XC VI. Prodimalon du mi* Ue. XCVIL Différentes fptces de ouronntst  ! i XCVIII. PatfbuïtUs bourgeoise.!. D78] :onnaitre que l'honneur eft bien-audeffus d'un prix quel:onque: auffi la couronne pour la plus belle aclion, féra:-elle la plus vile, pour que 1'Honoré, fes Concitoyens, & :oute la Nation, fentent mieux, que la gloire dont il f'eft :ouvert, eft audefTus de tous les prix, & que le feul digne ie lui, eft l'amour & Taffection de fes Semblab'les. Le bon-ordre exige, qu'il y ait un certain nombre de Citoyens qui veillent a la fureté publique: mais ces patrouilles bourgeóises ne feront faites que par la Jeuneflè, qui eft forte, vigoureuse, & qui d'ailleurs y aura fes petits intéréts, les Garfons des campagnes étant dans 1'habitude de pafl'er une partie des nuits autour des maisons de leurs Maitreffes, pour favoir fils ont desRivaux: la Jeuneffe fera ainfi a-portée de favoir ce qui fe paffe : mais cet avantage , qui n'eft pas autant a mépriser qu'on le croirait, ne fera que fecondaire ; le point le plus important, fera de préparer la Jeuneffe aux fatigues de la guerre; de Texercer a aler dans Tobfcarité. Une difpöshion de cet article pourrait paraftré contradiaoire, en ce qu'elle porte, qu'on ne pourra inquiéter tout Homme rencontré feul avec une Femme: d'oü tl f'enfuivrait que la Patrouille bourgeoise ne pourrait reméciier auxdesopdres des Filles avec les Garfons: mais il faut obferver que les Jeunes-mariées, ainfi que leurs Maris, feront connus par leurs habits, qu'ils ne pourront déguiser, fous quelque prétexte que ce foit: que fils les changeaient, en alant enfcmbie, pour prendre ceux des Filles & des Garfons, ils feraient afrêtés, comme le doivent être Ceux-ci, par la Patrouille bourgeoise; que les Garfons & les Filles ne pourront jamais prendre les habits des Nouveaux-mariés & dep Nouvelles-mariées, parce-qu'ils ne feront pas en leur difposition; ces habits , dans chaque maison, devant être ferrés dans la chambrc du  O 79] Nouveau-marié&de la Nouvelle-mariée, qui répondrontde fon usage : Le déguisement, fous les habits des différens états, ne fera jamais permis dans aucun temps , même celui desréjouiffances; d'ailleurs celles du Carnaval & fes folies feront fupprirnéesdans laRéforme. On pourrait ajouter a 1'article , les fuppiémens que voici : » Si une Fille avait » pris l'habit d'une Nouvelle-mariée, pour fortir avec un » Homme quel qu'il foit, elle fera punie comme félonne, * Sr mise au rang des Coupables, fans jamais pouvoir en » fortir; & eile ne fera mariée qu'a des Hommes de rebut. » Si une Nouvelle-mariée avait prété les habits de fon » état a une Fille, pour un mauvais-usage, ou même w fans autre motif que la légèreté, elle fera condamnée » au tranfport dans les Hes, & fon Mari pourra la » répudier (dans le cas oü la repudiation ferait admise [E]). » Un Garfon qui aura commis la même faute, feïztranf» porté', pour dix ans, & mis pour toute fa vie dans ia » dernière Claffe : Un Jeune-marié qui aurait prêté fon » habit, fera tranfporté, & fon mariage fera rorapu, fi » la Femme le desire, & dans ce cas, fon exil durera » autant que fa vie: fi fa Femme lui demeure attachée, »» 1'exil ne fera que de trois ans, fi elle veut le fuivre; & v de cinq, fi elle ne le fuit pas». Les Parens feront aftreints a veiller fur les mceurs de leurs Enfans, fur leurs démarches; a prévenir toutes les imprudences; a les inftruire de celles qui font dangereuses; devoir dont facquitteront aufli les Surveillans publics, Les trois articles qui concernent la mer &: le commerce, m'ont paru fufhsans pour règler abfolument cette importante matière. Bien-entendu qu'en cas de guerre , les Sujets de la marine , ferviront de-préférence fur les vaifleaux-de-guerre, & que pour cet effet, on les exer- Mij XCIX, De la mer &■ du comt merce.  c 1 1 I ( ( 1 ( ! . C . -i Éducation , & regime des Marins. i C T. Zeuifort. [180] era de bonne heure a tout ce qui concerne le fervice de i guerre: II y aura cependant des Troupes ordinaires de intérieur, qui pourront être eniployées fur les vaiffeaux: nais on aura cette attention, que les Régimens dehMnés a e fervice , foient tous pris dans un cordon de douze lieues n-profondeur des cótes maritimes; lefquels Régimens feont obligés d'aler faire le fervice fur la mer, comme les r/roupes de terre le font en temps-de-paix, dans les arcps de 1'intérieur du Royaume, afin, qu'en cas de merre, ils ne fe trouvent pas abfolument neufs pour le érvice de mèr. L'éducation des Matelots fera très-foirnéc dans fon genre. Ils auront des Maitres, qui, autant |u'il fera pofhble , en feront des Hommes éclairés, ayant les principes, & capables avec 1'age, de parvenu: aux premiers pofles. On pourrait objteter , que cette édu;ation ne peut f allier avec la dureté du fervice de Matelot, qui pour resifter a la fatigue de fon état, doit être tout matière; qu'il eft prouvé que les Gens qui exercent leur iiitelligence , font plus faibles, moins courageus, craignant davantage le malaise. Je répons que cela ne fera pas dans la réforme, ou l'égalité , 1'efpoir d'un fort plus doux, foutiendra bien-mieux que toute la groffièreté actuelle. Le fort qu'auront nécefTairement les anciens Matelots , en augmentant d'age , en fera des Hommes, avec les deux-tièrs'moins de peine, que fi on fe donnait cette tache dans le regime aétuel. Ils n'auront en-outre rien a craindre de la misère : jamais, d'après ce qu'ils auront a efpévcr dans leur Patrie, & les motifs dobéiffance a leurs Officies & Maïtres-des-Sciences, il n'y aura de mutinerie , &c.a Enfin , la qualité de Négocians a laquelle ils pourroat monter un-jour, & par elle, a celle de Membres du Sénat - fuprême, achevera de leur élever  [■8,] lame, & de les rendre tels qu'ils doivent étre, des Hommes raisonnables & de bons Citoyens. La Nobleffe, telle qu'elle exifte aujourd'hui parmi nous, a été inftituée par différentes raisons, qui la font fubfifter: Elle fert d'encouragement ï Ceux qui doivent fe diftinguer; elle établitdans laSociété une gradation depuis les Hommes des états les plus vils, jufqu'au Prince: elle met entre les mains d'un certain nombre de Citoyens, les charges & les emplois d'éclat; comme ces Hammes font qualifiés, qu'ils ont de richeffes, &c.a , ces emplois en paraiffent plus importans & plus dignement exercés. La Nobiefle, telle qu'elle eft parmi les Européans, n'exiftait pas chés les anciens Peuples; c'eft une inftitution moderne, qui eft düe aux Nations du Nord , lorfqu'elles démenbi r mt l'Empire romain : ces Peuples féroces, plus durs, plus fyrts que lts SujetsRon ains, cor.curent pour eux du mépris enfe les foümettant, &jlsfen tinrentféparés, fous le nom de Francs, de Barons, on Hommes-forts , &c.a Voila quelle eft ia première Nobleffe , celle qui paffe encore aujourd'hui pour la plus légitime. La feconde efpèce de Nobleffe, eft celle des Hommes vaincus, depuis aflimilés aux Francs, par recompenfe de leurs fervices ou de leurs vertus. ( cette dernière Nobiefle ferait excellente , mais elle eft fort-rare! cependant il y a eu de cesEnnobüs). La Nobleffe que donnent a-présent les Sonverains de 1'Europe eft de quatre fortes: i, la Nobiefle militaire, par laquelle lePrïnce recompenfe les aébons d'éclat: a, celle par laquelle il recompenfe le mérite perfonnel, une découverte utile, une exctllence fubüme daas un art, une fcience: 3, celle qu'il donne aux Négocians qui ont fervi 1'Etat, en fesant fleui ir le commerce : 4, celle qui f'achète ; lè Prince, par cette dernière, femble dire:: Par ton in- M iij c r t Des Gen* tilshommes.  d fi d t' g n j 1 t I < t 1 cm. ! Zeur régime ■ & leurs emplois. 1 Cl?. Jiommesde-dettres, Q% Dijiindioru des Hommes dc* ettret. fmuiöns. .iflrie, Roturier, tn es parvenu a te taire une fortunecondérable; je confensde 1'ennoblir, a-conditionque tu en anneras une partïe a 1'utilité publique, afin , que je puiffe illuftrerlégitimement, & te mettre audeffusdeCeuxquetu ratifies: car fans cela, ils pouiraient medemander, fi je 'étais pas leur chef-fuprême :: D'oü-vient as-tu mis un rel, notre pareil, audeffus de nous? Je pourrai, a- présent ;ur répondre :: C'eft qu'il vous a été utile par fon travail n-général, & qu'en-particulier, il m'en adonné unepartie, our être emnloyée auxbesoins communs.... Ceft je crois e qu'on peut dire de-mieux en faveur de la Nobiefle acheée qui peut devenir aufli dluftre que la première efpèce, ,ar de belles aétions poftérieures, qui par elles-mêmes nériteraient cette première efpèce de Nobleffe. Les dff,ositions de 1'article fuivant, ne renferment que des arranremens de difcipline, pour le régime particulier de la Nobleffe après la réforme : Je crois, malgré le vceu de de 1'article cn , qu'il ferait jufte de conferver a cet Ordre de Citoyens, fes prérogatives; d'autant que Perfonne n'en fouffrirait, & qu'ainfi, il n'y aurait pour les Nobles, qtfune fatiffaction de-plüs, fans aucun autre inconvénient, qu'unpeu d'embarras pour le Règlement général. Sous le titre Des Hommes , j'ai raffemblé les prmapaux états de la Société, comme les Militaires ou Guerriers, les Gens-de-lettres, lesEcclésiaftiques, la Magiftrature : II eft queftion dans cet article & dans les trois fuivans, de la Littérature, & de Ceux qui la cuttivent. g'a été une grande queftion , que celle de favoir fi les fciences font utiles ounuisiblcs a 1'Efpèce-humaine: Un Homme encore plus célèbre par certains paradoxes brillans, que par fon éloquence male & nerveuse, a prétendu prouver que les fciences étaient nuisibles: les Jésuites, par un autre motif,  fuccès les plusflateurs, l'amour & tous fes charmes, &c. Lefixièmea les plaisirs du mariage, qui, quoiquccontraints n'en feront cependant que plus doux : Lefeptième enm enfamille, &goüteuncharme nouveau. Lehuitièmea dan toute fa plénitude, le droit de Citoyen : Le neuviéme, oi nous en fommes', aura 1'autorité, les refpecls, qui croitroni jufqu'a la fin de fa carrière, vécut-on cent ans. Ainfi, s foixantedix ans, 1'Homme déclaré vieillard, ne verra prefqu< plus rien audeffus de lui; il aurades Egaux, maispointd'autn Supérieur quelePrince ou le Magifirat-fuprêmc, & quelques Vieillards: ilauravécunonfujet, maisfagementfubordonné, & il mourra libre, comme 1'Homme naturel, ayant de-plus des honneurs, que 1'Homme-naturel ne peut jamais obtenir. L'Oétogenaire fera audefTus du Septuagenaire, & approchera davantage du repos abfolu : LeNonagenaire ne verra audefTus de lui que le Centenaire , fil y en a : tout Être vivant luidevra refpeft & déférenee, par-tout oü il fe troiivera. Le Centenaire jouira des plus belles prérogatives, fans danger pour le Gouvernement; on n'eft pas dangereus a cet age; mais on peut fentir vivement fon bonheur, & je crois qu'il eft important que les derniers jours de 1'Homme f'écoulent dans la joie , que Ia fin de fa vie foit couronnée de fleurs. La mort n'eft rien [H] : c'eft une opération néceffaire de Ia Nature, comme je me propose de le prouver dans la ILdc Partie, Les Vieillards, devenus tranquiles & exempts de tous les travaux corporels, composeront les Comités de toutes les Villes, Bourgs & Villages: ces Comités feront une Magiftrature familière, toujours fubfiftante, impartiaie , non-odieuse, en ce qu'elle fera composée des Pairs du Citoyen, qui ne verra dans fes Juges, que des Gens qu'il templacera lui-même a fon tour , f'il ne fait aucune aclion ï Part, N i cxv. Scptuage- nairtSt Oclogmat" res, Nonage* naires, Centenairesf m CXVI. Cemitis,  D9J] Le Chef-d'age, quoiqu'il aic une forte d'infpeccion, exercera une Magiftrature abfolument différente du Prévöt- .■ des-moeurs, la fienne reffemblera beaucoup au Tribunat r" chés les Romains. Le Chef-dage fera comme 1'Orateur de Ceux qu'il représentera: C'eft par fa bouche qu'un Age entier fera fes représentations aux Comités des Vieillards , ou fi le Chef-d'age 1'était de celui des Vieillards-mêmes, au Comité de la Métropoïe, ou méme au Sénat-fuprême, fi 1'affaire le méritait. Ainfi, neuf ou dix Chefs-d'ages , représenteront une Corporation entière quelconque, laquelle pariera par la bouche de 1'Un d'eux , foit au Sénatfuprême, foit au Prince, ou au Souverain-magiftrat: & en ce cas, les Chefs de tous les Ages ayant choisis entr'eux, neuf Chefs en qualité de Députés, ces neuf Chefs-d'ages feront écoutés comme représentans toute la Nation affemblée, dans les deruandes qu'ils feront au nom de tous les Ages de 1'Etat. Toutes les demandes a faire par le Prince, a la Nation, f'adrefferont aux Chefs-d'ages, ainfi que les reprimandes, lorfqu'ils en mériteront. Lajuftice criminelle, dévolue aux Comités, fera entre leurs mains ce qu'elle doit être, abfolument paternelle: la punition la plus févère, cellepour affacinat (qui n'arrivera prefque jamais dans la Réforme, puifque i'intérêt, 1'une de fes causes les plus fréquentes, feradétruite), fe fera paternellement. Aulieu des plus-amplement-informe'', il y aura un jugement qui mctrra les Accusés dans Ia claffe des Douteus; jugement qui ne bleffera en rien les droits des Citoyens, qui refteront les maitres de travailler vivement kleur juftification, pour fe faire enfuite réintégrer, avec une réparation publique de cc qu'ils auront fouffert. Quant au civil, les affaires ne confilleront que dans quelques pafledroits, quelques arrangemens pour le chois Ni] CXVIII. Chefs-Jdts. CXIX. Manière dont lts Comités eserceront la juftice criminelle, c ivile, & él policCe  cxx. Comité Sénat. C XX l Habu dei Ecclésiajttques , des Nobles, des Surveillans, des Membres des Comités , d . Chefs - d'a* gis, desPre- [196] d'une MaitrefTe & le mariage ; pour la diflribution de quelques outils, de quelques recompenfes; enfin pour la jufte proportion du pécule, La police ft ra le grand objet des Comités: Ils y veilieront avec une attention particuliere, tant pour ce qui concernera le Public , que pour ce qui regardera les Particuliers. Revoyez ce que j'en ai dit fous les art. LXVI, jufques & compris 1'art. Lxxxvm. Le Comité-fénat, ou le Sénat-fuprême , fera composé de ce qu'il y aura de plus excellent dans les différens Comités de la Nation : I! veillcra aux affaires pubiiques, & formera le Confeil-d'État: C'eit a fa fagefleque feront confïés lesdeflins de laRépublique, & le fort des Accusés, qui auront commis des crimes contre 1'État, ou qu'il f'agira de retrancher du nombre des Citoyens. Le Sénat-fuprême, composé des Citoyens de tous les états, représenrera ainfi la Nation , a laquelle i! pariera dans la Perfonne des Chefsd'ages, qui feront de droit Membres d'un Comité, dès qu'ils auront atteint 1'age prefcrit, ou mérité un avancement d'age : ce qui fera très-ordinaire; paree-qu'on ne nommera Chefs-dage que les Plus-méritans des Primitiaires en mceurs. De-même la Nation pariera, quand elle le voudra, au Sénat-fuprême, par fes Chefs-dage , qui ne feront jamais qu'au nombre de neuf ou dix ; Ces Chefsd'ages généraux feront élus entre les Plus-méritans de tous les Chefs-d'ages de la Nation. Comme les fignes extérieurs font nécéffaires pour faire connaure & la dignité des Hommes , fur-tout après la Réforme, que la mise fera égale , il y aura des marqués diftindives peur toutes les charges pubiiques, qui designeront au premier coup-d'ceil, Ceux qui en feront revêtus' Cette règle fera d'autant plus exadement fuivie, qu'il fera de la dernière importance, dans la Réforme, que 1'habiU  lement différcncie les Nouveauxr-mariés des deux-fexes,' des Garfons & des Filles, & cela par d'impoi tantes raisons,' qui tiennent aux bonnes-moeurs. Les Comités, après la Réforme , répondront auxNouveaux-mariés de la fidélité de leurs Epouses, c'eft-a-dire , qu'ils afliijétiront les Nouvelles-mariées a la décence la plus exacte, leur interdisant toute communication avec les Hommes, fous les peines les plus févères: II ferait apropos d'ordonner, qu'une Nouvelle-mariée, eu égard a. laféparation oü elle fera de fon Mari, ne puifl'e jamais parler a aucun Homme, a-moins que ce ne fut aux Vieillards, depuis les Septtiagenaires & audelfus. L'articlede la caffation de mariage pour 1'adultère, n'eft que proposé ( comme tous les autres), & foumis a la fageffe des Légiflateurs: cependant on pourait objeéter que J É s u s a dit: Quiconqne renvoic fa Femme, excepté en cas d'adidlère, &c.a: d'oü il fuit, que 1'adultèrerompt le mariage, même dans la loi évangéüque : mais ce point dépendant abfolument des lóis civiles, c'eft a elles a le règler. Je penfe que la raison qui a fait que nos lois n'ont pas permis la diffolution du mariage, en casd'adultère, a été la crainte bien-fondce , que les Épouses n'' adulte'rajfent, pour faire diflbudre leur mariage; ce qui aurait obligé a,potter une loi trop févère contre ce crime , qui n'étant pas contre la Nature, mais feulement contre le régime focial, eft digne de quelqu'indulgence , fous un certain point-de-vue; quoique fous un autre, il foit undes plus odieus, & celui dont les ravages font les pl us effrayans. II ferait important, dans le cas oü la Réforme f 'effeétuerait, de décider cette queftion: obfervant, que dans le régime annoncé par le Règlement, il n'y aurait pas le même inconvénient a caffer les mariages, que dans le régime ordinaire. Dans le N iij 'Éts -rdcS' nceurs , & les Scna'eurs. CXXII. i'lijpe\iio!t iesComitis\ ;oiiduite & 'lugement des Coupabks.  Beurreaii CXXIII, ProclamationdesCen.tenains, CXXIV. Eloges funebres. [.98] régime réformé, il ne pourrait y avoir d'autre Bourreau qu'un AfTacin, lequel ne pourrait être exécuté, que par un autre AfTacin: mais il n'en-ferait pas moins puni, patIe travail auquel il ferait condamné : fa vue d'ailleurs , & 1'attente d'un autre AfTacin, pour 1'exécuter retiendrait plus efficacement que toute autre chose , Ie Malheureus, qui ferait tenté de tremper fa main dans Ie fang de fon Frère: Car il penferait, Si je commets ie crime, on va me faisir, pour exécuter mon Semblabley & Vetre enfuite h mon tour! ce qui eft une idéé horrible. On obfervera qu'un AfTacin , ou Meurtrier volontaire, fera envoyé dc toutes les Parties du Royaume , pour exécuter Celui qui Ta précédé dans le crime affreus qu'on 1'obligera de punir. Cet article doit effacer les effrayantes idéés que 1'autre a fait naitre. Ce fera Ia plus belle fête de la Nation, après celle des mariages, que la Proclamation d'un Centenaire: cette fête fera célébrée par toute la Nation , afin de mieux marquer l'honneur qu'on veut faire au Centenaire, qui a vu naitre tous les Citoyens actuels, & qui était Citoyen avant qu'ils exifhffent: elle fera plutót la fête du Genrehumain en-général, que du Centenaire feulement; puifqu'elle ne refpirera que Ia joie , causée par le phénomène dela plus longue vie des Hommes: c'efl pourquoi, j'ajoute a 1'article, Que le foir, il y aura un Te-Denm chanté dans tout leRovaume, pour remercierDieu d'avoiramené a cent ans la vie du Citoyen honoré en ce jour. Les éioges & les blames funèbres étaient une des plus belles inftitutions des Egyptiens, qu'il faut tacher de reaouveler, même dans le regime aétuel; ce ferait un des dus puiffans encouragemens a la vertu , pourvu qu'ils fufieut fincères, & que tout Citoyen eüt droit d'accuscr  1'Adulateur ou le vilCalomniateur desMorts. II faudrait que ces Éloges ou ces Blames ne fuffent impiïmés & prononcés , qu'après les plus févères informations, fur-ront auprès de Ceux qui étaient Surveillans-publics, pendant la vie du Défunt: on pourra, & on devra confulter a fon fujet le Regitre-des-moeurs, pour en extraire fon éloge , ou fon blamc, en prcnant en-outre le témoignage de Ceux qui ont vécu journellement avec lui. De toutes les lois poffibles a porter pour le maintien des bonnnes-mceurs , celle-ci eft peut-être la plus efficace. EUc ferait fur-tout d'une étonnante énergie fur des Chretiens, qui croyant une-autre vie, & un Dieu rcmunérateur & vengeur , verraientdans le jugement porté fur la vie d'un Mort, une image de celui prouoncé par le Souverain-juge lui-même. Dans la Réforme, les Académiesauraient une toute autre importance qu'elles n'ont de nos jours: la dignité d'un Académicien ferait vraiment une dignité publique , & on ne verrait dans le Temple de la Renommée, que les Pluséclairés des Hommes, les Plus-utiles, en-un-mot, les Auteurs des Ouvrages d'efprit les plus dignes de louange, & des Inventions en tout-genre, les plus merveilleuses : De-forte que la qualité d'Académicien ferait par elle-méme 1'annonce du mérite le plus-rare, la marqué du talent le plus diftingué, Sdeplus-dignedela recounaiffance publique pour des qualités avantageuses a toute la Nation. Les Cenfeurs desLivres, qui en feraient tirés, font néceffaircs dans tout Gouvernement policé : Les Critics, dont la profeffion eft toujours odieuse, fieüe n'eft pas refpectable, en feraient tirés de-même, car cet emploi eft de la pl us grande importance dans la Littérature: Les Journalifles, ou fimples Analyseurs, qui doivent être d'une impartialité abfolue, ne le feraient pas moins: ces deux dernières CXXV; dcadémieti  [201] des; car il fera, en certains cas, juge des belles aétions ^ fur le témoignage qu'il lui en fera rendu. Mais il fera de la dernière importance pour lui de ne pas fe lailfer tromper! ,il ne pourra jamais rien annoncer que de fur: en-conféquence, il fera dans la plus intime relation avec Ceux qui feront a la tête du Gouvernement, & lui-même fera un des Membres du Sénat-fuprême, par privilége d'age ; ce qui dit fuffi.samment que ce devra être un Homme du premier-mérite ; qui connaitra parfaitement riliftoire ancienne & moderne, & qui 'fera inicié dans toutes les fciences: Au Ui fa Gazette aura-r-elle une forme iriRructive, qui la mettra a la portée de tout le monde. La plus noble fonclion du Grand-Enonciateur, après 1'annonce des affaires pubiiques, fera la proclamation du mérite des Citoyens qui fe feront diftingués par des aclions d'éclat: II fera toutes les annoncés de quelque conféquence; il fera chargé de tous les avis a donner au Public , & méme a des Particuliers ; de 1'énonciation de tout ce qui concernera le Gouvernement ; du fignalement des Coupables & desMalfaitèurs, fils f'étaient échappcs; des indications a donner 'aux Voya- fgeurs, &c.% &c.% &c.a Oi présume aifément que je n'ai proposé ce Règlement, & tout le plan de réforme que contient ma dernière ïLéttre, que comme un Projet capable de fournir des idéés utiles aux Légiflateurs'; en quoi j'ai usé du droit naturel a tout Citoyen: mais je n'ai pas eu la présomption de rcrbire, que d'exécuter mon plan, tel que je le propose, ferait le chef-d'ceuvre de la fagefTe. Hélas! errare humanum eft ! fi donc je me fuis trompé , mon cher Fils , Refpèreque les Hommes éclairés qui liront ce que je n'avais 'd'abord écrit que pour vous, contribueront autant & plus que moi, au bien public , en combattant mes idéés CXXVII & dernier. Sanclioit de ce Reglement & de cflui des Gynograj phes.  [202] par de meilleures. Voila ce que j'ai penfé: mais je fuis convaincu qu'Un-autre pourrait mieux penfer. J'ai toujours fait profeffion, mon chèrFils, ne n'être aucunement attaché a mes idéés, de quelque nature qu'elles foient: Lorfque j'ai parlé physique, j'ai toujours protefté que je foumettais mes raisonnemens & mes expériences, a des raisonnemens plus profonds, a des expérienccs mieux-faites : Quand j'ai parlé de la Religion, j'ai ciit modeftement mon fentiment, comme tout Francais en a le droit; mais je 1'ai foumis entièrement a 1'opinion de Ceux, qui, par état, & par une application particuüère a ces matières, doivent en étre plus inftruits que moi: fi je me fuis égaré dans le dédale de la métaphysique, je n'ai mis ni entêtement, ni importance a r.,~. opinions: Amateur de la vérité , non d'un fyftème, c'eft toujours elle que j'ai cherchée, lors même que j'ai paru contredire Ceux qui me paraiffaient l'avoir de leur cóté. C'eft ainfi, mon cher Fils, que nous devons nous conduire, lorfque nous voulons fuivre ce que nous diéte ce rayon de la Divinité qui eft en nous , la raison. Vous joindrez, mon Fils, a ces réponfes que j'ai faites aux objections, & aux éclairciffemens que j'ai crus néceffaires pour certains articles, les réponfes & les éclairciffemens qfci fe trouventdansle Volume des Gynographes. Je vous avouerai cependant, qu'en fesint I''Andrographe, ou VAnthropographe, j'ai un-peu perfeétionné le Plan que j'avais d'abord eu en vue. Jetraiterai une autre matière dans les Lettres fuivantes, & je reprendrai ce que je n'ai fait qu'indiquerparlesrenvoisdesNotes[A], [B], &c.a. Fin dc la Première Partie.  L'ANDROGRAPHE, o u IDÉÉS D'UN HONNÊ TE-HO MME, SUR UN PRO JET DE REGLEMENT, P r o p o s é a toutes les Nations de VEurope, pour opérer une Réforme générale des mceurs, & par elle, le bonheur du Genre-humain. A V X C DES NOTES HISTORIQUES ET JUSTIFICATIVES. Maudit foit Celui, qui le premier entouranc un champ d'un foiTé, dit, Ce champ eft a moi ! j.-j. r. ^PattitJ) 9 co n t e na n t les notes,  Cette Seconde Partie fera composée de huit Notes, ou Lettres. Dans la Note [ A ], U fera queftion des Coutumes, des Usages & des Lois de tous les Peuples du monde. Dans la Note [B], on pariera philosophïquement du Bonheur. Dans la Note [ C ],- on traïtera physiquement de la Profütution, & de l'Amour. Dans la Note [D], il fera queftion des Ouvrages de Littérature qui paraijfent les plus futiles. Dans la Note [E], on examinera la Répudiation, 6* ce que font nos Femmes. Dans la Note [F], on cnvisagera laSatyre fous un point-de-vue favorable au maintien des mceurs. Dans la Note [ G ] , on exposera les abus qui fe rencontrent aujourd'hui dans ce qu'on nomme la Chicane. Enfin, dans la Note [H], on confdérera la Mort, d'après F idee que nous devons natu- reliement en avoir.  [-8?] disaient la méme chose ; de-force que les fciences, ces bienfaitrices de l'Humanité , fe fout trouvées vilipendées durant une decade entière, jufqu'a ce que les Bons-efprits aienc infenliblementdifftpé !e preftige. J.-J. R. a dit, que 1'Homme-de-lettres n'ctait pas un Être naturel. Cette aflertion eft inconcevabie : car 1'Homme ne peut pas plus fortir de la Nature , que quitter fa Planète pour aler dans une-autre : Par quelle puiflance l'Hqmme refléchiraitil, comparerait-il fes idees, les tracerait-il lumineusement fur le papier, fil n'avait pas recu de la Nature cette précieuse faculté? Qui donc la lui aurait donnée? L'Homme réfléchiffant, écrivant, inftruisant, eft donc un Homme au fff naturel, que 1'Homme chaffant, cukivant la terre , ou recueillant les fruits fauvages qu'elle produit: avec cette différence feujemeni, que Ie véritahle Hommede-lettres eft infiniment plus rare, plus précieusa l'Hurnanité , qui 1'a bien-fenti, malgré les fophifmes des Paradoxcurs modemes; car elle a toujours honoré les fciences; elle a toujours favorisé Ceux qui les cultivaient i Le Genre-hnmain a toujours fenti fque les lumières & les fciences étaient 1'affaisonnement des plaisirs de la vie, & que 1'Etre doué de raison n'eft heureus qu'autant qu'il eft éclairé. Les fdences reffemblent au feu qui cuit les alimens, leur donne la faveur agréable qui nous Matte, les rend digérables , & qui cependant n'y parak que par fes effets: De-même les fciences ne composent pas, a-proprement parler, une chose utile matérielle , dans laquelle on puiffe mordre, pour foulager la faim : mais elles donnect les moyens de fe procurer les choses matérielies; ï elles en rendent 1'usage délicieus; elles procureat, après le néceffaire , des plaisirs qui font le charme de notre exiftance : Vouloir les anéantir, comme le tenta ce monftre de M iv  Domuien, vouloir ramener les Hommes a i*ign°rance» a la barbarie , c'eft faire au Genre-humain un mal réel, dont je vals donner une idéé , par un fait affés ordinaire i Ün jeune Campagnard vient a la Ville, f'y inflruit, f'y polit, devientfavant: mais 1'ambition, les pafTions exaltées lui donnent des peines; il regrette la tranquilité de fon premier état: demandez-lui, fil voudrait perdre fes lumières? fil eft fincere, il rejetera cette proposttion avec horreur. Combien de fois nemefuis-je pas fait cette queftion a moi-même, dans certaines circonftances trésmalhein euses:: Voudrais-je être encore Paysan ? garder encore les Moutons de mon Père?... Je crus d'abord, & dans Un age oü 1'expéricnce ne m'éclairait point 'affés, que je desirais fincèremen: ma première tranquilité: Je'partis pour ma Province; je revis mes foyers; je me retrouvai avec ces Hommes-fimples,. tous moins-fins que moi, & dont rien n'était fi aisé que de me garantir je brillaisparmi eux; tous me cédaient. Mais je ne tardai pas huit jours a trouver infupportables, & leur déférence, & ma fupériorité, & lafolitude, & les amusemens champêtres qui avaient fait mes délices autrefbis, & les foins innocens des Abrilies, dtsOiseaus-de-baffecour, des Agneaux ? Je tins-bon durant quatre mois ; aubout dcfquels je revitis a Paris. En-apercevant cette grande Ville, cü j'avais tant fouffert! mon cceur bondir de joie; je la bénis; je lui jurai de ne la plus quitter. Ce que nous préférons, eft toujours un bien réel: donc les lumières, &c.a Mais le cosur de tous les Hommes foutiendi'a fuffisa'mment cette thèse, qui ne devrait pas avoir besoin d'appui : les avantagéS des fciences font fi clairs ; la fupériorité qu'elles donnent a 1'Homme, dont elles étendent 1'exiftance, eft fi fenfible, qu'il n'y a rien a dire pour le prouver. Si la  D85] Vie eft un bien , les fciences qui 1'étendent doublemênf, triplent, centuplent le fentiment de notre exiltance, font le plus grand des biens. Mais tous les Gens-de-lettres font-ijs également conjidérables, en prenant ce terme en propre? On pourrait , a-la-rigueur, répondre, Oui: car la mesure du mérite , dans tout le bien qu'on peut aux Hommes, eft dant le plaisir qu'on leur a donné : il n'y a que cela de réel : Une chose eft utile; elle eft de première néceftité ; vous 1'inventez & la découvrez aux Mortels: vous leur frites un très-grand plaisir; ils le fentent; ils vous en louent, ils vous déïfient: mais fil était poftible que cetre belle découverte ne leur eut fait aucun plaisir, malgré fon utiiité, elle ferait moins que rien ; car fi elle ne donnait auc-m plaisir, a quoi donc fervirait-elle ? II fuitde-la, que tous les Gens-de-lettres, Juufconfuites, Hiftoriens, Moraliftes, Dramatiftes, Romanciers, Chansonniers, &c.a, font d'une égale utiiité: il y a plus, ces deux dernières efpkes de Littérateurs peuvent être les plus utiles , fils donnent plus de plaisir. Ce n'eft point ici.un paradoxe a la J.-J. ; c'eft une vérité palpable & certaine, pourQuiconque eft capable de réfléchir. On a donc eu raison , dans 1'article cv , de mettre le pécule des Auteurs enraison du fuccès, c'eft-a-dire, du débit de leurs Ouvrages: de ne point établir, la différence, d'après le genre d'occupation, pour les prix & recompenfes qui doivent leur être annexés. Cependant, comme il eft des Gens qui tiennent a la manière abusive & commune d'envisager les Gens-delettres , je vais fuppléer au Règlement, en proposanr une manière de les gradner, qui correfponde aux genres dont ils f'occupent, dans le régime aduel: i, L'Auteur qui aura le plus excellemment traité du Droit public, tien-  dra Ie premier rang. i, Le Jurifconfulte éclairé. 3, Le Physicien, & parmi les Physiciens, le Naturalifte hiftorien, tiendra le premier rang ; enfuite le Scrutateur des fecrets de la Nature par 1'expérience & par la chymie : puis 1'Aflronomie; enfin le Géomctre. 4, Le Métaphysicien. 5 , LTIiftorien. 6, LePoèteépic, en tont genre; enfuite le Dramatic; puis le Conteur; enfin le Fugitif, dont les Ouvrages ne feront composés que d'ép; grammes, de madrigaux, de ftances, de chanfons; obfervant néanmoins , que Celui qui fe ferait diftingué dans le genre de la Chanfon, obtiendra un rangdiftinguédanslaLittéraiure, & que telle Romance excellente, qui fera chantée avec plaisir de tout le monde , mettra fon Auteur prefqu'au-niveau du Poète épic. 7 , Le Romancier : les efpèces feront très-multipliées dans ce genre de Littérature : la première ferait le Roman épic , comme le Télémaque, le Joseph , &c.a: la feconde, le Roman inflructif & moral, comme la Paméla , le Grandijfon , la Clarijfe, le Paysan per* verti, les Mémoires d'un Homme-de-qualité , \eDcyen de Killerine, &c.a: la troisième, les Romans critics , comme le Zadig, l'Ingénu, Dom-Quichote > le Gil~ Mas, lesLettresPerfanes, &c.a: la quatrième, les Romans inftruchfs & tendres, comme ceux de m.me Riccoboni, favoir: Mifs Jenny, Lettres de mylady Catcjby , le Marquis deCrejjy, les Lettres de Sancerre, deSophie-* De-Valière , &c.a; la cinquième , les Contes moraux, comme ceux de m.r De-Marmontel, les Contemporuines, les Contes de m.r de' la Dixmerie, les Cent-nouvelles de m.mc de Gomèi, &c.': la fixième, les Romans du jour, comme leSofa , & fes imitations, &c.a: lafeptième, les Romans d'intrigue galante, tels que ceux de m.me De- Villedieu y la Princejfe de Clhes, Hippolyte Comte Dou-  glas, &c.a: lahuidème, les Romans comics, comme celui de Scarron, qui porte ce titre, Bigand, ou la. Mouche, Dom-Gu^man d'Alfarache, les Mémoires da Comte de Grammont, &c.a: la neuvième, les R.omans un-peu libres , tels que les Bijous-indijcrets , le Grelot, &c.a: dixièmement, les Romans méchans, comme le Colporteur, &c.a: onzièmement enfin,' les Romans facies & fans fe!, comme on en voit tant tous les jours , toü tout elt uniformement plat & trivial, & oü il n'y manque quedepouvoirfefairelire, comme les Mille-&-une-folies, Sniette- &- Perrin, &c.a Les Auteurs dc tous ces Ouvrages .auraient la liberté d'écrire* chacun dans leur genre: mais Celui dont le genre ferait inférieur, ou moinseftimable, même en cas de réüffite, ferait moins efiimé que Celui qui aurait un fuccès ordinaire dans tous les genres, & fa médaille, qnoique du premier rang, aurait une forme qui indiquerait le genre: i, Celle duPublicifte ferait ronde, & d'or , enrichie de brillans: Pour un fuccès médiocre , plus petite , fans brillans: a, Celle du Jurifconfulte ferait d'or, dodécagone, ou prefque ronde, endiminuant toujours de groflèur, fuivant le mérite. 3, Celle du Physicien fera décagone, & de-même proportionnée au mérite pour la grandeur. 4, Celle du Métaphysicien ferait oétogone. 5 , Celle de 1'Hiftorien, hexagone : 6, Celle du Pcète épic ferait pentagone : Pour un mauvais Poème, d'or, mais mince comme du papier: celle du Dramatifte, carrée; celle du Conteur, en triangle ; celle du Poète fugitif, ronde, en argent: 7, Celle du Romancier du premier genre, en or, & ronde oblongue: pour le 2..d, dodécagone-oblongue ; pour le 3.me, décagone-oblongue; pour le 4.me , oftogone-oblongue; pour le nt pour ïnconvénient, de mettre dans la Société un lcvalfi le caufticité, de méchanceté, &c.a C'eft une obfervatiou pie j'ai faite fur le comic en-général: les Gens qui goütent e plus ce genre , font très-méchans pour 1'ordinaire. J'ai 'u un Pays entier, on 1'on ne goütait que la comédie la plus :ritique , les Livres les plus déchirans; tout autre ouvrage i'efprit y parai'ffait infipide: eh-bien, ce Peuple eft le plus néchant de tout le Royaume: je ne le nommerai pas , nais il eft a 1'orient de Paris, & fon coche eft très-pesant. Slous voyons aucontraire , que dans la Capitale , & par;out oü la faine philosophie a donné aux moeurs , de 1'anénité , de Fentrefupport, une tolérance raisonnée , on iréfère les pièces ferieuses aux fatyriques, LePre'jugéa la mode a ia Fille Capitainc, les Drames aux Pièces «des des prétendus Comics, Silvain, a une Parodie , tcc* &c.a Ce goüt del notre fiècle, li critiqué par les Frondcurs, eft u'ngoüt eflimable, qui marqué une amélioration dans les mceurs aétuelles. Ainfi les Pièces fatyriques ne feront que rarement permises; & comme elles feront l'effet d'une condamnation, elles n'alimenteront pas plus la mal'ignité , que les exécutions pubiiques des Scélérats n'alimentent aujtaurd'hülla cruauté. Mais un des plus püiffans encouragemens 'a la vertu, ferontlesPièces-d'éloge, par lefcpielles on célébrera les belles actions, ou les rai es vertus d'un Citoyen, en vertu d'un jugement du Comité , lilaPièce n'eft que pour le lieu natal, & d'un arrêt du Sénatfuprême , lï c'eft pour tout le Royaume, a-raison de 1'utilité générale de la belle aclion. Ainfi donc, d'un cóté, 1'on effraiera le vice ; de 1'autre, on encouragerala vertui; tout fera en faveur de cette dernière, dans le régime proposé. Je ne vois rien a objeéter contre ces deux articles, qui i  confervent auxMiniftres facrés toutle refpeét qui leur eftü dü, en leur prefcrivanr. la fimplicité, la modeftie , fifort fecommandées par Ia Religion, dont ils font les Propa- d gate u rs. Je crois qu'une des parties de 1'art de guérir eft aufli noble que 1'autre : elles n'étaient point différenciées chés Ci les Anciens. J'entens parfaitement néanmoins, que 1'application donnée a la cormaifiar.ce des maladies intérieures, peut occuper un Homme tout entier : mais d'un autre cóté, je fais la-deffus une trifte réfiexion ; c'eft que 1'Homme qui ne f'applique qu'a une partie d'un art indivisible, la fait toujours mal: il n'y a que le Dentifte, qui peut en quelque forte fe féparer de lachirürgie, comme Ie Barbier: YOculifte n'eft pas dans le même cas; il doit polféder toutes les parties de 1'art de guérir, &: fur-tout ce qu'on nomme aujourd'hui Ia médecine , aumoins autant que la chirurgie. Ainfi, je crains bien que les Médecins n'aient féparé leur art de la chirurgie , par les mêmes raisons qui fesaient que les Gentilhommcs d'autrefois méprisaient Ie travail & les fciences: ia féparation f'eft faite juftemer.t dans les temps de ce préjugé. Aurefte, je Iaifle cette matière a difcuter a quelques-uns des Médecins refpeétables a tous égards , que renferme aujourd'hui dans fon feia la Faculté de Paris. La Réforme générale en mettra une complette dans les abus qui règnent aujourd'hui, relativement aux Gens-deloi: ces abus font énormes , &c j'en donnerai une légere éfquiflè fous la note [G]. La Magiftrature n'aura que plus d'écht & d'autorité , après la réforme proposée : II faut obferver que j'ai paru, dans les articles, concentrer toute la Magiftrature dans le Sénat- fuprême : mais c'eft la Hautê-magiftrature, la Ma- aföqueti cx. Emplois 's Eccléafliques. CXI. Des Medeas. CXIT. Des Gais* ie-loi. Avocats. cxin. La Magifi racure.  CXIV. LeHoi o le fouverai Magijirat. Titre V Dts Vie'u lards. [l92] giflrature-fouveraine feulement: puifqu'il eft clair, que 'es Comités font composésde vrais Magiftrats, qui remphffent des places de la plus haute importance , & dont les fonctions fout 'es plus nobles que 1'Homme puiffe exercer. L'exercice de la fuprême autorité doit être le même , * après la réforme, foit dans les Etats monarchics, foit dans les Répnbticains : la feule différence , c'eft que 1'obéiffance y fera plus affurée. II ferait ï -propos, pour infpirer plus de vénération a f égard des différentes gradations d'age, que le Prince , quel qu'il foit, monarchie ou republicain , fut revctu de fon pouvoir , & 1'exercat, en-yeiiu de ces mêmes gradations , qu'il pofféderait, dans toute leur p'énitude, c'eft-a-diie, jufqu'au Centenat inclusivement: ce qui ne nuirait en-rien au droit de fucceffion , qui eft le plus avantageus aux Peuples eux-mêmes, ni a celui d'éleétion : En fuccédant, le frince ferait Centenaire; en rccevantrinvefiituie de fa dignité, les Stathouder, Doges, Baillis, Evêques fouverains, &c.a, feraient promus au Centenat, & traités comme Centenaires. Dans le régime actuel, la VieillefTe, en f'avancant a ■grands-pas, n'apporte avec elle que le mépris, 1'abandon , les inflrmités, le desefpoir: Par quel fataüté, les Hommes ont-ils été jiffqu'a ce jour, affés ennemis d'euxmêmes, pour ne pas fentir, qu'embellir la fin de fa carrière , c'était la femer entièremetit de fleurs ? On a vu avec qu< He atténtion Ie Règlement pioposé f'eft attaché a donner une portion particuliere de bonheura tous les Ages: lc premier a en partage les foins les plus tendres & les plusaffidus, dt la parede Ceux qui en font chargés : le fecond a en-outre la Überté : le troisième participe auxoccup?t;( is, & a déja quelqu'autorité: le quatrième a la gloire d'étre utiie; le cinquième eft leplus beau de la vie, il a les fuccès  CXVIT. ïJrevó:-dit•aaurs. baflc, qui 1'exclue de cet honneur infigne: Les Vieillards, en-exercant cette noble fonclion, feront encore utiles a leur Patrie, en-ceffant de travailler, Pour exercer la Magiftrature des Comités, il ne faudra pas plus d'expé*' rience , que pour entrer aujourd'hui aux Confuls; le Nouvel-admis fera formé, avant qu'il ait eu le temps de devenir aflés important dans fon Corps, pour y avoir quelqu'influence: D'aiileurs,iln'yaurariend'embarraflantdans les décisions des Comités, qui ne porteront jamais que fur des faits clairs & prouvés. Enfin, l'éducation, après la réforme , fera beancoup plus éclairante que celle d'aujourd'hui; de-forte, qu'un Citoyen, qui aura été quelques années Surveillant-public, en-faura toujours autant qu'i! doit en ■ en favoir, en-montant au grade de Membre du Comité. Cette fage inftitution confervera pures les moeurs ajamais, tant qu'elle fera maintenue. Je 1'ai examinée fous toutes les faces; je n'y ai vu aucun inconvénient, & des avantages infinis. Je crois enfin qu'il eft jufte, qu'il y ait entre les membres des Comités, la différence qu'y mettront le mérite & les mceurs, Outre les Surveillans publics, il y aura encore d'autres charges, peur 1'infpecf ion des mceurs: telle eft celle dont il eft parlé dans cet article & les fuivans. Le Prevót-desmoeurs fera comme leLieutenant-généi al du Comité : mais il faudra bien prendre garde a cette charge ! elle eft de celles qui croiflent peu-a-peu, auxdépensdes charges dont elles ne font que 1'inftrument, & qui finiffent par les éclipfcr tout-a-fait: Ainfi les Comités auront la plus grande atter.tion a fe faire rendre-compte par le Prévót-des-mceurs, de tout ce qu'ü aura fait durant les vacances de 1'Autoritépubüque, & de reébfier fes jugemens, dès qu'ils lui paraitront reformables.  exxvr. iGafetiers, [200] fonétions, aujourd'hui cxercécs par Ie méme Homme, pourraient étre féparés pour 1'exécution, quoique réünies dans Ie même Ouvrage par la publication ; & il ferait apropos non-feulemcntque le Critic fit 1'analyse lui-même, m&is encore qu'il eüt communication de 1'analyse jufte & desintérelfée d'Un-autre, avant de fe Iivrer a fon importante for.élion: car, ainfi que pour tous les gei rès d'ouvrages, Ie Public doit profiter du travail de Celui qui f'y eftappliqué, fans être obligé de le refaire pour f'en-fervir; de-même, il faudra que 1'ouvrage du Critic foit faitfifürement, qu'on puiffe f'en-rapporter a fon jugement: enconféquence, il n'avancera rien que d'avotié par la raison la plus desintérelfée : car fil arrivait qu'un Auteur critiqué , ou toute autre Perfonne, quelle qu'elle foit, prouvat que le Critic a tort, & qu'il a porté urt jugement mauvais,' fans fondement dans le goüt & dans la raison , ou trop rigoureus, en demandant une perfeclion telle que Phumaine nature ne Ia comporte pas, il ferait deftitué a-roujours: a-moins que d'après fes propres principes, il ne refït 1'Ouvragecritiqué, ou un pareil, beaucoup meilleur J que celui qui exifte. L'importance que cet article du Règlement proposé donne au Gazetier de la Nation, eft fondée fur des raisons fuffisantes, a ce qu'il m'a paru. Depuis que je lis les Papiers publics, quels qu'ils foient, je me fuis convaincu què cette foncf ion a quelqne chose dé noble & d'imposant. Celui qui en-eft chargé y annonce tout ce qui intéreffe le j Public auquel il parle, & qu'il inftruit de tout ce qu'il eft apropos qu'il fache : cet emploi, de pari er au Public, efl toujours grand en lui-même; & dans la Réforme, d'après les difpositions du présent article, il le fera infiniment davantage. Le Grand-Énonciateur réünira plusieurs par-  L'ANTHROPOGRAPHE, o tj 1'HOMME R É F O R M É. 1111 ' 1 " —°*g» ClNQUIEME L E T T R E. e vais, dans cette Lettre, mon chèr Fils, faire paffe fous vos ieuxles coutumes &les usages des différens Peuple qui couvrent notre Globe: Dans la vue d'utilité que j'a eu, en vous écrivant, ces usages, fi différens entr'eux ne peuvent qu'augmenter vos lumières, & fournir au Légiflateurs un Repertoire ferré, dans lequel ils trouve ront fans peine des exemples utiles. Vous verrez ché certaines Nations, des coutumes vicieuses, révoltantes des abus dont on entrevoit que difficilement la raiso & l'origine : je tacherai d'y jeter quelque lumière , l de faire fervir ce qui paraitrait le plus extravagant a d< Ieux inattentifs, a vous montrer combien nous devot être circonfpects a jugerdes choses éloignées de nos meen & de nos idéés. C'eft avancer beaucoup vers la fageffi mon Fils, que de favoir douter : la plus grande marqi d'inconfidération de folie, eft de ne douter de rien on en fait de ce mot un adage trivial. Dans ma jeuneffr, croyais facile la décision d'une infinité de queftions, quim's II. Part. O ij SECONDE ARTIE.i P i t ï » c s » n lc 's is s I > ie 7 ie r-  ï.»e Partic ■AUSTRA j.ES. 208 [Aj rêtent aujourd'hui, que j'ai aquis plüsde lumières: preuve certaine, que ma décision d'alors n'était qu'imprudetice. Je vais commencer 1'exposition des lois, des mceurs & des usages des différens Peuples, par les Nations qui font les plus éloignées de nous, & le Voyagt du capitaine Cook a la main , je vais vous faire parcourir les Mes du póle auftral. Ce fujet eft abfolument neuf dans cet Ouvrage , attendu que le Voyage du Capitaine ne paraiffait pas encore , lors de la publication des trois premiers Volumes: ainfi, je n'y renverrai que pour les autres Peuples, dont je vous entretiendrai dans cette même Lettre ; afin de ne pas répéter envain ce qui fe trouve, foit dans le Pornogravhe, foit dans la Mimographe, foit enfin dans les Gynographes. Note [A]. Usages des différens Peuples du monde. Rien n'eft plus capable, mon chèr Fils, denousóter 1'égoïfme national, la prévention odieuse en-faveur des usages, des coutumes de notre Patrie , & par-conféquent d'anéantir un orgueil ridicule, que de voir des usages abfolument cov.traires aux nötres établis chés des Hommes comme nous, & qui fe croient aufti fages: ce que je ne dis pas, pour repandre fur la morale un dangereus pyrrhonifme (a Dieu-ne-plaise!) mais pour nous rendre modeftes, tous ■taut que nous fommes. Je n'intifteraï pas davantage la deifus en ce moment; je me propose de vous faire remarquer ce.; différences, a-mesure que des usages extraordinaires fe présenteront. - Les Peuples de cet hémifphère, féparés en petites Peu"plades, parce-qu'il ne renferme que des iles, doivent nécelfairement  [A] 207 néceffairement étre moins policés queCeux duContincnt feptcntrional: aufli nefont-ils tous que des Sauvages; les Uns reflemblans aux Hoi des les moins policées de l'Amérique , les Autres aux anciens Méxicains; avec cette différence cependant, qu'ils font moins poücés que ces Derniers. La Nouvtlle-Z élande eft par le 45 .me degré de latitude-fud. Ses Habitans ont le teint entre la couleur d'olive, & le brun-foncé; leurs cheveux font noirs &: bouclés, remplis d'huile & de pouffière de craie-rouge. Les Hommes les portent attachés fur le fommet de la tête, peignés, huilés, & ornés de plumes blanches: les Femmes les portent courts. On en voit qui ont des treffes de plumes, & ils en mettent de petits bouquets dans leurs oreilles: Leurs corps font très-bien proportionnés dans la partie fupérieure, mais ils ont les jambes minces, tournées en-dehors, & mal-faites. Ils ont du courage, & comme c'eft 1'ordinaire, il a pour compagne la cruauté. Les Femmes font gaies, & danfent beaucoup. Ils font fujets a avoir des loupes.: il; portent a leur csinture, un gros os de poiffon, qu'ils nommen patta-patiou, qui eft un efpèce de couteau. Les Femme paraiffent avoir de la pudeur. Une Zélandaise témoignait d< 1'amitié a un Matelot deCook; cet Homme, impudent comm tousfesPareilSjluidécouvritfonfexe; & depuis ce moment elle ne voulut plus le fouffriv auprès d'elle. Quand il abordent les Etrangers, ils leur font une harangue 0 compliment, ce qui eft en usage dans toutes les mers du fut Les Femmes, qui font alors avec eux, écoutent ave refpeét: ce qui marqué une forte de politeffe. Ce Peuples n'osèrect goüter a aucun des méts du Capitain Cook. Ils font cuire le poiffon, & le mangent demi róti: Ils prenaient fur les vaiffeaux, les ouvrages d 1'art pour ceux de la Nature: ft on leur donnait quel II Part, P Nouvïl» LE-ZÉtANDE. » s X L : s s e  2o8 [A] que-chose, ils le recevaient avec plaisir; mais comme de vrais Enfans, ils oubliaient la plupart des présens qu'on venait de leur faire, 5c parailfaient ne pas f'en-fouvenir. Un Homme & une Jeune-fille fe battirent fur le vaiffeau de Cook , & quoique le Premier parut fon Père, elle le lui rendit, enfuite elle fe mit apleurer, elle quj avait ri comme une folie en-entrant dans le vaiffeau. L'Homme voulant marquerde la confidération au Capitaine Cook, dra de deffous fon vêtement un petit fac de cuir, & après y avoir mis les doigts, avec beaucoup de cérémonie il voulut oir.dre les cheveux du Capitaine avec 1'huile puante qu'il en tira ; mais m.r Cook n'accepta pas cet honneur. La Jeune-filie en fit autant pour le Deffinateur du vaiffeau t m.r Hodges, qui eut la complaisance de felaifier frcter lecou de cette huile de mauvaise-odeur. LesZélandais font voleursde ce qu'üs voient auxEuropéans ; fi 1'on peutappeler voleurs, des Gens qui ont enyie d'avoir des choses aufli extraordinaires que celles qu'apportaient avec eux les Anglais. Trenie Infulaires vinrent un-jour enfemble voir le Capitaine Cook : parmi eux fe trouvaient plusieurs Femmes, dont les lèvres étaient remplies de petits trous peints en blanc-noiratre 3 & un rouge-vif, formé de craie & d'huile, couvrait leurs joues. Elles avaient , comme Celles de la baie Dufky, ou le Capitaine Cook avait abordé , en venant du Cap , les jambes menues & torfes, requiprovientfuremenrde 1'habitude def'affeoirles jambes croisées, & de 1'accioupiflèment prefque continuel oü elles fe tiennent fur leurs pirogues. Leur teint eft d'un brun-clair, tirant fur la couleur d'olive ; leurs cheveux fonttrès-noirs; leur visage eft rond ; elles ontle néz gros, les lèvres épaiffes, mais non-applaties, les ieux noirs , affés vifs; & ne manquans pas d'expreffion. Toute la  [A] 209 partie fupérieure de leur corps eft bien-proportionnée , & 1'enfemble de leurs trairs affés agréable. Les Matelots, qui n'avaient pas vus de Femmes depuis le Cap , les tronvèrent belles, & leurs offres ayant été accueillies, on neut pas une aufli bonne opinion de la chafteté de ces Zélandaises, que de celle des Femmes de la baie Dufky, leurs Compatriotes. Les faveurs cependant, ne dépencaientpasd'elles-rnêmes; elles confultaient toujours auparavant les Hommes, comme leurs Maitres abfolus. Après avoir obienu leur confentement avec un clou-de-fiche, une chemise, &C.1, la Femme était la maitreffe de rendre fon Amant heureus, •& d'exiger un autre présent. Plusieurs d'entr'elles fe livrèrent avec répugnance a cette proftitution, & fans 1'autorité & les menaces des Hommes, elles n'auraienc point fatiffait les desirs d'une race d'Étrangers, qui fans émotion , voyaient leurs larmes , ' & entendaient leurs plaintes. Les Zélandais, encouragés par cet infame commerce , fe répandaient par le vaiffeau , & offraient indifféremment a tout le monde, leurs Filles & leursSoeurs : Ils demandaient feulement des inftrumensde fer , qu'ils ne croyaient pouvoir acheter a meilleur-marché. II ne parait pas que les Equipages des deux vaiffeaux Anglaisaient eudes privautés avec des Femmes-mariées : Tant qu'elles font filles (dit-on) , elles peuvent avoir des Amans; mais le mariage leur impose unefidélité conjugale trèsrigoureuse. Comme les Zélandais refpectentpeu la continence , 1'arrivée des Européans ne fembla pas avoir dépravéleur morale en ce point: mais ils ne fe fuffent fans-doute jamais avili jufqu'a vendre la pudeur, fi la vue des outils de fer, n'avait excitéen eux une cupidité nouvelle. CesSauvages reconnaiffent des Chefs dans les parties de file qui font plus peuplées. Ils ©nt un hciva, ou danfe, qui fe fait a la voix , après que les P ij  slc. I 210 [&] Danfeurs fe font découverts jufqu'a 1a ceinturc; ils y font des geftes ; ils étendent les bras, frappent alternativement contre terre , avec des contoifions de frénétiques: ils répétaient en choeur les derniers mots de la chanfon , & 1'on y diftinguait aisément une forte de mesure; mais il n'eft pas lür qu'il y eüt de la rime: la musique était très-fauvage, & peu-variée. Le Chef des Zélandais f'appelait Teiratu: les Chefs font toujours forts , acbfs, jeunes, dans la fleur-de-l'age: mais ils ont un grand refpeft pour les Vieillards, qu'ils confultent en-tout, fans doute a-cause de leur expérience. Cet usage , d'avoir pourCapitaines, des Hommes jeunes, d'un courage & d'une vertu éprouvée, bons foldats, fur-tout, reffemble 1 celui des Peuples de 1'Amérique feptentrionale. Emeffet, un Peuple en guerre, a également besoin d'un pareil Chef pour Tammer , & d'un Vieillard, dont 1'expérience fervc de livre vivant , qui inftruise , comme un-autre Neftor , pat le récit de ce qui f'eft paffé dans les anciens combats de la Nation. Les huttes des Infulaires des Hes Maria, &c», par le 40me degré de latitude fud, font formées de branches d'arbresfendues, jointes en femble avec des Hens d'hei bes, comme ceuxdenosbottes-de-foin: Textrémité la plus groffe de ces branches eft enfoncée dans la terre, & la plus petite, qui forme une pointe au fommet, eft couverte de fougère, & d'écorce; leur conftrucbon eft fi mauvaise, qu'elles ne mettent pas a Tabri d'une groffe pluie. Le foyer eft au-milieu , environné de monceaux de moules , d'écailles,d'hn*tres, & de débris d'écrévifTes, dont je crois qu'ils fe nourrifient principalement, quoique le Capitaine n'ait vu aucun de ces poifTons. Ils couchent autour du feu, fur la terre, ou fur de 1'herbe leche. II y a lieu de  [A] 211 croire, qu'ils n'ont pas de demeure fixe, puifque leurs maisnns ne paraiffent baties que pour quelques jours. Ils vont en petites troupes, de place en place, afin de chercher de la nourriture. Aucun autre motif ne détermine leur courfe : On a jamais obfervéplus de trois ou quatre huttes dans un même endroit; chacune peut coutenir ti ois ou quatre Perfonnes; cette Race eft fort-ignorante, & parait très-misérable, quoique fous un beau climat; car elle habite unPayscapable de produire tout ce qui eft néceffaire a la vie. Elle n'a 1'usage d'aucun minéraux, ni métaux. II y a peu d'Habitans dans ce Continent, qui eft fitué entre les deux tropics, a 13 degrés de latitude fud. Ces Sauvages vont abfolument nuds, & femblent mener une vie plus misérable qu'aucuns Habitans des climats chaudsz Ils n'ont ni intelligence, ni induftrie: ce font de tous les Humains, ceux qui approchent le plus des Brutes: Ils font grands, droits, & menus; ils ont les membres longs, droits & déliés, la tête groffe, le front rond, les fourcils épais; leurs paupières font toujours a demifermées; ils prennent cette habitude dès 1'enfance, afin de garantir leurs yeux des Moucherons, qui les incommodent infiniment. Et comme ils ouvrent rarement les ieux, ils ne fauraient voir de loin, a-moins qu'ils ne lèvent la tête, comme fils voulaient regarder quelque-chose audefTus d'eux. Ils ont le néz gros, les lèvres faillantes, & la bouche grande. Ils f'arrachent deux dents-de-de vant de la machoirc fupérieure; car elles manquent a tous, tant aux Hommes qu'aux Femmes, aux jeunes & aux vieux. Ils n'ont point dc barbe; leur visage eft long & d'un afpeét rrès-desagréable, fans un feul trait qui puiffe plaire : leurs cheveux ne font pas longs & liffes, comme ceux de prefque tous les Indiens; mais couits, noirs & ciêpus, comme P iij JNouvEi«i LE - HOILANDS.  O-TAÏTr, I 212 [A] ceux des Nègres. T!s n'ont point de maisons; ils couchent a 1'air, fans aucune couverture , &: n'ont d'autre lic que la terre : Ils demeurent en troupes de vingt ou trente, Hommes, Femmes, Enfans pêie-mêle. Leur unique nourriture eft un petit poiffon, qu'ils prenncnt en fesant des reservoirs de pierre , dans de petits bras de mer. Ils n'ont, ni pain, ni grains, ni légumes. Dampierre avait vu ce Peuple en 1700. Le capitaine Fourneaux, qui voyageait avec Cook, nele revit qu'en-paffant, en 1773. L'ile d'O-Taïti eft la plus agréable de toutes celles de la mer du fud, tant par elle-même, que par fes Habitans. Les traits des Taïtiens annonctnt la bonté; leur maintien a quelque-chose qui revient beaucoup, & leur teint eft d'un brun qui n'a rien dc desagréable. Leur taille ne furpaffe pas la nötre; ils ont de beaux cheveux, & des ieux noirs, dont le regard marqué une aimable vivacité. Les Gens du Capitaine Cook remarquèrent plusieurs Femmes alfés jolics pour artirer leur attention. Leur vctement était une pièce d'étoffe avec un trou au-milieu , oü elles paffaientleur tête, de-manière que les deux bords pendaient devant & derrière jufqu'aux genous. Une jolie toile blanehe, pareille a une mouffeline, formait différens plis autour de leur corps, un-peu audeflbusde la poitrine, & 1'une des extrémités rctombait avec grace par-deffus 1'épaule. Si cet habit n'a pis la forme parfaite qu'on admire avec tantde-faison, dans les draperies des anciennes Statues preccpies, il eft plus joli qu'on ne 1'imaginerait a cette defcriprion , &: plus avantageus qu'aucune robe européane que nous connaiffions. Mais les deux-fexes étaient embellis, ou défigurés, par ces fingulières taches noires, dont parient les anciens Voyageurs: car ils fe piquetentlapcau, & ils mettent une liqueur noiredans les  M -1 ? piquüres; ce qu'ils appelent tatouer ; on envoyait particulièrement fur les feffes des Hommes. Ils ne tardèrent pas a venir a bord. La douceur fingulière de leur caraétère fe montrait dans leurs regards & dans toutes leurs aétions. Ils prodiguaienc aux Étrangers des marqués de tendreffe & d'affection ; ils prenaient les mains des Voyageurs anglais, ils f'appuyaient fur leurs épaules, ou ils les embralTaient. Ils admiraient la blancheur de leurs corps, & fouvent ils écartaient leurs habits de deffus leur poitrine, comme pour fe convaincre que les Anglais étaient faits comme eux. Plusieurs voyant que les Étrangers desiraienc parler leur langage, puifqu'on leur demandait les noms des différens objets, ou qu'on répétait ceux qui fe trouvaient dans les Vocabulaires des premiers Voyageurs, ils fe donnèrent beaucoup de peine, pour le leur enfeigner. Ils femblaient charmés quand on rendait exactement la prononciation d'un mot. Aucune langue ne parait plus aisée a parler que la taïtienne ; toutes les confonnes aigres & fiflantes en font bannies, & prefque tous leurs mots finiffest par une voyelle. II faut feulement une oreille exercée, pour diilinguer les modifications nombreuses de leurs voyelles, qui donnent une grande délicateffe a 1'expreffion. Parmi plusieurs obfervations, les Anglais reconnurent que Yo & 1'equi commencent prefque tous leur.ï mots, font 1'article que les langues orientales mettent devant la plus grande partie de leurs fubihntifs. On obferve, que les Families des Chefs font plus belles , & plus grandes que Celles du fimple Peuple : ce qui femble venir du repos, & de la meilleure nourriture; a-moins que ce ne foit une Race fuptrieure , comme il parait que 1'étaient lesRois, chés les anciens Grccs. On pourraitdire cependant, que les excellens eftomacs des Ptinces grecs, dont la débauche Piv  2i4 [A] n'avait pas encore affaibli le tempérament, leur fesaient mettre a-profit la quantité prodigieuse de nourriture qu'ils prenaient; & qu'il en eft de même aujourd'hui, pour les Chefs des Taïtiens. II vint fur le vaiffeau des Anglais, un E-Arec ou Prince, nommé ó-Taï, avec fes deux Sceurs: II était beaucoup plus-beau que les autres Naturels; fes traits étaient réellement agréables & réguliers ; il avait un front haut, des fourcils arqués, de grands ieux noirs étincelans de feu, un néz bien-fait; une douceur particuüère fe montrait autour de fa bouche; fes lèvres étaient proéminentes, mais non-pas demesurément larges, fabarbenoire & bien-frisée; fes cheveux noirs tombaient en groffes boucles fur fes épaules; f'apercevant que ceux des Européans étaient en queue, il fe ferrit d'un mouchoir de foie noire qu'on lui avait donné, pour fe mettre a 1'européane. Mais il était trop-gros, & fes piéds trop-larges détruisaient un-peu le bel cnfemble du refte de fon corps. Des trois Femmes qui 1'accompagnaient, 1'Une était fon Épouse, & les deux autres fes Soeurs. Les deux plus Jeunes eurent beaucoup de plaisir a faire prononcer leurs noms aux Anglais ; ces noms étaient aflés harmonieus; mais on ne les arendus qu'imparfaitement, la douceur de la prononciation ne pouvant f'exprimer; 1'Une f appelait a-peu-près Méyoré, & 1'Autre, Méroréï. Elies étaient plus belles qu'ö-Taï, mais plus petites d'aumoins neuf a dix pouces. Méroréï avait la figure la plus gracieuse , les mains parfaitement potelées, & les contours de la gorge, des bras, des épaules & des reins , d'une délicatefle inexprimable : un fourire ineffable animait leurs visages. Elles visitèrent le vaiffeau : Méroréï eut envie d'une paire de draps, qu'elle apercut fur un des lits; elle fit différentes tentatives inutiles pour les obtenir de fon Conducteur : Celus-  [A] 21$ ci lui demanda en échange quelques faveurs? après avoir hésité un inftant, elle y confentk, avec une feinte répugnance: mais au moment oü la Viétime approchait de de 1'autel de 1'hymen, le vailfeau toucha; cet événement malheureus interrompitlafolemnité. Le mêmefoir, 1'Officier qui avait conduit Méroréï trouva fon lit fans draps: la Belle en avait probablement pris foin , quand elle fut abandonnée par fon Amant: el'e dut mettre a fon vol beaucoup d'adreffe ; car elle parut fur le pont , & Perfonne ne f'en-apercut. Tous les Habitans de cette i!e heureuse font voleurs a-l'égard des Étrangers, Sc on doit continuellement fe méfier d'eux. Les Femmes-du-commun ne font pas févères : Tl y en eut plusieurs qui fe livrèrent volontairement aux folhcitations preffantes des Matelots; quelques-unes de Celles qui femblaient n'être vernies abord que pour faire commerce de leurs charmes, ne paraiffaient pas plus de neuf a dix ans, & on ne voyait en elles aucune marqué de puberté. Un libertinage 11 prématuré , doit avoir des fuites funeftes fur la Nation en-général, & on eft frappé d'abord de la petite ftature de la Claffe inférieure du Peuple, a laquelle appartenaient routes ces efpècesde Proftituées. En-général, les traits des Femmes de cette Claffe, n'avaient rien de régulier , fi 1'on excepte les ieux, toujours grands Sc pleins de vivacité: mais un fourire naturel, Sc undesir conftantde plaire , fuppléaient tellement a la beauté, que l'amour ötait la raison aux Matelots, & ils donnaient imprudemment leurs habits Sc leurs chemises a leurs Maitreffes. La fimplicité d'un vêtement qui exposait a la vue un fein bien-formé . des bras charmans, contribuaient a exciter leur flame amoureuse, Sc enfin le fptctacle de plusieurs dc ces Nymphes qui nageaient avec grace toutes-nues autour du vaiffeau ,  2i6 [A] aurait fuffi ponr détruirc le pe'u de force qu'un Marin opposc a fes pafïïons. Les Taïtiens piongent avec une adreffe furprenante, & vont chercher au fond de 1'eau, un clou qu'on yjettc, ou un grain de verre. A voir leur posrtion dans 1'eau, on les prendraient plutót pour des Animaux amphibies que pour des Hommes. Les cabanes des Taïtiens font placées a 1'ombre des arbres-fiuitiers, entourées d'arbres ocorans, & peu éloignées les unes des autres: leur parure eft d'une élégante limplicité : les longues feuilles Üpanda^g ou pal mier, fervent de couverture; 1'édifice eftfoutenu par des colonnes &'arbres-a-pain, qui eft une efpèce de bananicr: comme un fimple tolt fuffit pour mettre les Taïtiens a-l'abri des pluies & des rosées de la nuit, & que le climat de cette ile eft peut-être lc plus délicieus de la terre, les maisons font ouvertes dans les cótés. Quelques-unes cependant, deftinées aux opératipns fecrcttes, font entièrement fermées avec des bambous, réünis par des pièces tranfverfales de bois, de-manière a donner 1'idée d'une vafte cage. Ces dernières ont communcment un trou par oü 1'on entre , & ce trou eft ferme par une planche. Les Anglais obfervèrent devant chaque 'nutte , des grouppes d'Habitans, affis ou couchés comme lcsOricntaux, fur un vert gason, on fur de 1'herbe fèche , pafiant ainfi des heures fortunées, dam h converfation & dans le repos. 'Les Uns fe levaient k 1'approche des Anglais, & fe joignaient k la foule quij les fuivait: le plus grand nombre , fur-tout Ceux d'un i age-mör, reftaient dans la meme attitude, fe conrentant de prononcer Téyo , lorfque les Étrangers pafi'aient près-j d'eux. Les Taïtiens qui voyaient les Botaniftes européans! raflembler des plantes, fempreffaient a en-cueillir de pareilles, qu'ils venaient leur offrir. Sur le bord d'unruilfeau,  [A] iif les Anglais rencontrèier.ttroisHommes , rcvêtus de différentes étofes jaunes & routes, avec de jolis turbans des mêmes couleurs. Chacun d'eux portaic a la main un long baton, ou une baguette, & le Premier était accompagné d'une Femme , qui était fon épouse. Les Anglais demandèrcnt, Quï étaient ces trois Hommes ? & les Naturels leur rcpondirent, Que c'étaient les te-Apnnnces , ou Tata-t'Eatoua, des Miniftres de Dieu , & du Maraï, ou temple. Ils ne firent aucune cérémonie religieuse. Les Taïtiens font cuire les pommes-a-pain entre des pierres chaudes, ainfi que desCochons entiers, & la noixdecocos leur fournit une liqueur fraiche, qui eft une excellente boiffon. Les Gens de q uelque diftinélion , portent, comme les Chinois , les ongles très-longs. Les Hommes & les ' Femmes mangent féparément: Dès que les Étrangers paraiffaient, les Premiers les invitaient a partager leur diner. Voici une phrase entière de leur langaje: C'eft une Vieille-femme , qui demandait des présens aux Anglais : Aima poa-catce no te téyo Mettua ? ( N'avezvous pas quelqne petite chose pour votre bonne Mère! ) Les Jeunes-femmes font très-carèffantes, & elles appelaient les Anglais leurs frères, pour les toucher davantage & en obtenir des présens: quand elles en eurent obtenus, elles envoyèrent leurs Domefiiques, qu'elles r.omment Towtows , chercher des grandes pièces d'étofes , teintes en pourpre, en rose, ou en écarlatc, & parfumées de leur huile la plus odoranre, qu'elles mirent fur les premiers habits de leurs Hötcs, & elles les en-chargèrent fi-bien, qu'ils ne pouvaient prefque plus fe remuer. Une chose paiticulière chés ce Peuple, c'eft qu'un Fils y exerce la fouveraine autorité du vivant de fon Père , & que ce Dernier parait nu jufqu'a la ceinture, comme les  \ 1 1 I i i IlKS-DE-IASoClÉTÉ , HüAHEINE U-LlÉTEA j &c. n 8 [A] Autres, devant le Roi, doet il eftle père. Hs ont aboli; ncecas, les droits de la paternité, pour donner plus de poids 1'autorité royale. Les Femmes d'ó-Ta'ïti paflèrent la mit furie vaiffeau anglais, après f'être louées aux Maelots, en quelque forte, pour fatiffaire les deJrs de Zeox-ci: a la chutedu jour, elles faffemblèrent furie pillard , & 1'Une d'elles jouant de la flüte avéc fon néz, es autres exécutèrent des danfes de leur pays, dont pluiieurs étaient fort-indécentes (Ces fortes de danfes parailfent 'n e le plus grand desdivertiffemens pour tous lesSauvages ies pays chauds): elles f'abandonnèrent enfuite a la ?ourmandise avec les Matelots, & U'iropndicité.^ Entre 'Homme le plus élevé , & 1'Homme le plus vil \ ó-Taïti, il n'y a pas même cette différence qui fubfifte en Europe , entre un Négociant & un Laboureur. L'affeaion de ces [nfulaircs pour ies E-Arées ou Princes, donne lieu de fupposer qu'ils fe regardent comme une feule familie, & qu'ils refpeclent leurs Vieillards dans les Perfonnes de leurs Chefs. Dans quelqu'iles auprès d'ö-Taïti, nommées Ilcs-dc-lafociétc,, les Anglais vilent xmhéava , ou comédie dramatique,imituléeTcfo, mleVoltur: Ce qu'il ya de particulier, c'eft que les Acteurs & les Aarices de ces pièces , font'les Enfans des principaux Princes du Pays, S^que le fyftème proposé dans la Mimograpke (Tome IIJ des Idéés fmgulïeres), eft fuivi a-la-letue dans 1'hémifphère auftral. Le fpedacle fe donna fur un terrein d'environ vingtcinq verges de long, fur dix delarge, renfermé enn-e deux édifices parallèles 1'un a 1'autre : 1'un était un batiment fpacieus, capabie de contenir un grand nombre de Speftateurs; & 1'autre une fimple hutte ctroite, foutenue parune rangée dc poteaux, ouvette du cóté oü 1'on  [A] 219 jouait la pièce , & parfaitement fermée d'ailleurs avec des nates Sc des roseaux : 1'un des coins de la hutte était naté de toutes parts: c'eft-Ia que fhabillaient les Acteurs: toute la fcène était revêtue de très-larges nates, du travail le [.lus fini, Sc rayées en noir fur les bords. Dans la partic ouverte de la petite hutte, il y avait trois tarnbouts de diverfes grandeurs; c'étaient des troncs creusés, couverts d'une peau de Goulu , ou Requin ; quatre ou cinq Hommes en jouaient continuelïement, avec les doigts feulement, Sc dép'.oyaient une étonnante dextérité : le plus grand de ces tambours, haut de trois piéds, enavait un de diamètre. Les Anglais étaient a!lis fous 1'amphithéatre, parmi les plus belles Femmes de file, lorfque les Actrices parurent: 1'Une était Poyéduéfille du Chef o-Réo, & une Seconde, grande & bien-faite, qui avait des traits agréables Sc un beau teint: leur habit trèsdifféren: de celui qu'elles mettent ordinairement, confiftait en une pièce d'étofe brune , de la fibrique du pays, ou une pièce de drap bleu européan, ferrée avec foin auteur de la gorge; un efpèce de vertugadin composé de quatre bandes d'étofes, alteïnativement blanches & rouges, pendait fur lei rs hanches, & dela jufqu'aux piéds: une toile blanche, formant un efpèce de jupon, traïnait par-terre, de-forte qu'elle femblait devoir les embnrrafier dans leurs mouvemens; le col, les épaules Sc les bras étaient découverts; mais la tête était ornée d'une efpèce de turban, élevé d'environ huitpouces, fait de plusieurs trefies de cheveux, qu'ils appélent tamow, placées les uns fur les autres en cercles , qui félargilfaient vers le fommet; elles avaient laifie au-milieu un trou profond, rempli de fleurs très-odorantes de gardenia, ou de jafmin duCap; tout lc devant du turban était embelü de trois ou quatre  220 [A] rangées de jolies fleurs blanches, qui formaient comme de petites étoiles, & qui produisaient fur leurs cheveux trés* r-oirs, le même effet que des perles. Elles le mirent d'abord a danfer au fon des tambours, & fuivant toute-apparence, fous la direcbjon d'un Vieillaid, qui danfaitavec elles, en prononcant plusieurs mots, que d'après le fon de fa voix , nous primes pour une chanfon. Leurs attitudes & leurs geiles très-variés, alaient quelquefois jufqu'a 1'obfcénité : mais ils n'oflvaier.t cependant pas cette groffière indécence , que les chaftes ieux des Anglaises contempknta 1'Opéra. Le mouvement de leurs bras eft très-gracieus, & 1'action continuelle de leurs doigts a quclque-chose d'extrêmement élégant: mais ce qui bleffa les idéés de grace & d'harrnonie des Officiers anglais, c'eft 1'odieuse coutume de tordre la bouche; ce qu'elles font d'une fi étrange manière , qu'il eft impoflible de les imiter; elles la rerirent d'abord en-travers; enfuite elles jètent tout-a-coup enavant leurs lèvres, avec des ondulations qui reffemblent a celles des convulfions fubites. Après avoir danfé environ dix minutes, elles fe retirèrent dans la partie de la falie ou elles f'étaient habillées, & cinq Hommes, revétus de nates, prirent leuis places, & jouèrent une efpèce de drame, composé d'une danfe peu honnête , & d'un dialogue, quiavaitdelacadence: quelquefois ils fe mettaient a crier, en prononcant tous enfemble le même mot. Ces dialogues femblaicnt liés a leur action. L'Un d'eux f'agenouilla, un Second le battic & lui arracha la barbe t & il répéta la même cérémonie fur deux Autres: mais enfin le Cinquicme le faisit & le frappa d'un baton. Enfuite ils fe retirèrent tous, & les tambours donnèren le fignal du II.'' adle. Les deux Eemmes revinrent danfer^ prefqu'en-tout comme' au I.8r. Les Hommes reparurent  [A] 221 de-nouveau; les Femmes les remplacèrent; le IV.'" a&e fluit ainfi. Elles f'affirent pour fe reposer; elles paraifiaient très-laffes, car elles fuaient beaucoup ; 1'Une d'elles ayant de 1'embonpoint & de la vivacité dans le teint, fes joues étaient couvertes d'un rouge charmant. La feconde Fille d'ó-Réo excita de 1'admiration par fon jeu , quoiqu'ellefe fut très-fatiguée la veille a jouer le matin & foir. L'après-midi, 1'une des deux Danfeuses, celle au beau teint, nommée Téïna-mai, vint voir les Anglais avec ö-Réo, & elle parut beaucoup mieux avec fon habit ordinaire, qu'avec celui de théatre. Ce Peuple a-demi policé nous donne une belle lecon! les arts d'agrément y font exercés par les Enfans des Nobles, difpenfés du travail du Peuple; par ce moyen tout le monde eft occupé; cequi eft beaucoup plus fage que parmi nous, oü 1'on prend toujours dans la clalfe du Peuple, qui eft la plus utile par fort travail, ik qui devrait politiquement en être moins dérangée. Jefuisenchantéque cet exemple autorise le Règlement que j'ai proposé dans la Mimographc. Les Proftituées d'Huaheine n'étaient pas plus reservées que Celles d'ö-Taïti; mais elles avaient autant de vanité que des Efpagnoles; elles fe donnaient toutes entr'elles le titre de Tédua, qui fignifie Dame, ou Lady, & ne f'attribue qu'aux Femmes des Chefs de ces Hes: II en eft de-même zu-Liétéa, autre Ile, de'celles nommées//«) de-la-fociétê. Tous ces Peuples, y compris Ceux d'ó! Taïti, malgré leur douceur naturelle, jugent les facrifices .1 humains néceflaires : ils prennent fur-tout des Criminels !' dévoués a la mort par les lois du Pays, qui tous font pauvres, . & dc la clalfe inférieure du Peuple. Un Naturel expliqua I au capitaine Cook les détails de cette contume: Suivant . cet Homme, les Yicfimes dépendent du caprice du Grand-  222 [A] prêtre, qui dans les Affemblées folemnelles, fe retire feul aufond de la maison dc Dieu, & y paffe quelque-temps. En fortant, il annonce qu'il a vu Dieu & parlé avec lui ( ce Pohtife jouit feul de ce privilége ), qu'il demande un facrifice humain , & qu'il desire une telle Perfonne présente, contre laquelle ce Prêtre a vraifemblablement de la haïne. On tue fur-le-champ cet Infortune , & il pent ainfi, viaimedureffentimentduGrand-prêtre, qui fansdoute*, au besoin, eft affés adroit pour perfuader que le Mort était un méchant. Cook prétend, que les Voyageurs qui ont représenté les Femmes d'ö-Taïti & des Ilcs-de-la-fociété, comme prêtes k accorder les dernières faveurs a Tous-ceux qui les voulaient payer, ont été injuftes envers elles. Ceft une erreur ( dit-il) : II eft aujji difficile dans ce Pays , que dans tout-autre , d'avoir des privaute's avec les Fcmmes-mariées , & avec Celles qui ne le font pas, ft on en excepte les Filles du Peuple , & méme parmi ces Dernières, il f'en-trouvc beaucoup de chafies. II eft très-vrai qu'il y a des Proftituées, ainfi que par-tout ailleurs ; & telles étaient les Femmes qui venaient tt nos vaijfeaux , ou h notre camp fur la cote. En les voyant fréquenter les Femmes chaftes & les Femmes du premier rang, on eft d'abordporté a croire qu'elles^ ont toutes la méme conduite, & qu'il n'y a entr elles d'autre diférence que celle du prix. II faut avouer qu'une Proftituée ne leur parait pas commettre des crimes affés noirs pour perdre l'eftime & la fociétéde fes Compatriotes. Je ne fuis pas de 1'avisdu Capitame, d'après ce que dit m.r Forfter, fon compagnon de voyage, qui obfervait mieux que lui, & il y a tout lieu de penfer, que ces Femmes fe partageaient par bandes, & qu elles ^ alaient  [A] 223 alaienc tour-k-tour f'offrir aux Matelots, afin de participer a leurs présens. Les Habitans des IUs-des-Amis different un-peu de Ceux des Iles-de-ia fociété; ils font plus laborieus, & ils ne laiffent pas un pouce de terrein inutile: mais je n'inlifterai pas fur ces différences légères, relativement anous. Ces Peuples confervent longtémpsleurs usages, & dans un efpace de cent-trente ans, depuis le voyage de Tafman, jufqu'a celui de Cook, ils n'en ont pas du-tout changé. La maladie vénérienne , fuivant les apparences, exiftait dans ces iles ( a-moins qu'elle n'y ait été portée par les Européans); car plusieurs Matelots anglais f'en-trouvèrent acteints, après le départ pour aler dans les hauteslatitudes du pole-aufiral. Je ne puis omettre une fingulière Confrairie, qui exifte dans les Iles de-la-Société, ainfi que dans celles des-Amis, & qui reflèmble affés a nos Francsmaffons, mais en certains points feulement. Un-jour lï Capitaine Cook apercut a Huaheine, une efpèce de flotede plus de cinquante pirogues qui marchaient vers u-Liétéa, II endemandaladeffination. On lui dit qu'elle était montéï par des c-Areoys, & qu'ils alaient faire une visite a leun Confrères des Iles voisines. Les é-Aréoys forment une So> ciété de Débaüchés des deux-fexes, oü on met a-mort tou: les Enfans qui proviennent du commerce qu'ont indifiin&ement enfemble les Hommes & les Femmes. II y en avai prés de fept-cents fur les pirogues: c'étaient tous des Perfonnages de quelqu'importance & de la race des Chefs, qu ne devant pas travailler , éteignent ainfi leur race, pareequ'elle deviendrait trop a-charge : le tatouage de Quelques-uns offraitdelarges figures, & plus ils étaient couvert: de ces figures brunes, plus leur rang étaient élevé. Engénéral ils paraiffaent robuftcs & bienfaits; ils étaien II Part. Q Iles-desAmis. i  224 £A] tous guerriers de profeffion. Ceux qui composent cette Société font unis par les liens d'une amitié réciproque, & ils exercent entr'eux 1'hofpitalité dans toute fon écendue. Dès qu'un é-Aréoy en-va en voir Un-autre , quoiqu'il ne le connaiffe pas, il eü fur qu'on va pourvoir a tous fes besoins, & lui donnera ce qu'il voudra demander. On le présente aux Membres de l'Oi dre, qui fe difputent a Qui le combiera le plus de earefles & de présens: a-l'inftan: qu'il aborde une iie , Ceux de fa fociété qui 1'apercoivent lui offrent leurs habits. II parait, d'après cet établifl'ement, qu'on règle le nombre des' Enfans de chaque Che f qui doivent entrer dans la Société extindive , dont la loi invariable & fondamentale , eft qu'aucun des Membres ne peut élever d'Enftns. D'après le témoignage deslnfulaires les plus éclairés, il y a lieu de croire que dans 1'inftitution piimitive, on exigeait un célibat abfolu : mais comme cette loi blcffe trop les mouvemens de la Nature , & que d'ailleurs il y avait auffi des Filles de-f. op dans les Families diftinguées, on toléra que les deux-fexes fe confoiaflènt rautuellement: mais ils confei vèrent 1'efpi it de 1'inltitution, par 1'usage abominable de fuffoquer tous ks Enfans qui naiffent parmi eux. Les é-Aréoys jouiffent de différens priviléges, & 1'on apour eux une fuperfticieuse v'énération aux Iles de-la-fociété & d'ó-Taïti, auffi bien qu'aux Hes des-Amis. Ils font très-> fiérs de ue point avoir d'Enfans. Quand on eut dit a 1'Und'eux nommé Tupia, que le capitaine Cook avait amenéa Londres, lors de fon premier voyage, que le Roi d'Angleterre avait une nombreuse Familie, ce pauvre é-Aréoy avoua qu'il fe croyait plus grand que cc Prince, Chés la plupart des autres Peuples, le nom de Père eft honorable & jl imprimele refprct; mais un é-Aréoy Ta'itien le prend pour un termede mépris & de reproche. (Cependant,  [A] 225 cela ne doit pas furprendre; un Moine, pat exemple, ne fe tróuverait-il pas bleffé parmi nous, fi on 1'accusait d'avoir fait des Enfans, contre fon vceu de chafteté ? II parait que les é-Aréoys font dans le mêmecas, & la dernière remarque du Voyageur anglais tombe a-faus). Dans les affemblées que tiennent les é-Aréoys, & dans les voyages qu'ils font, ils fe nourriffentdes végétaux les plus exquis; ils mangent beaucoup de porc, de viande de chien, de poiffon & de volaille, que les Towtows, ou la Claffe inférieure du Peuple, leur fournit avec empreffement. On leur prépare auffi une boiffon de racine de poivre infusée, dont ils font une confommation étonnante. Les plaisirs fenfuels les accompagnent pai>tout oü ils vont; i!s ont de la, musique & des danfes, qu'on dit être très-lafcives, fur-tout. la nuit, quand ils ne font vus de Perfonne. II n'y a pas pour une feule raison de 1'exiftance de cette Société inju-, rieuse a la Nature : La néceffité d'entretenir un corps d? Guerriers toujours fubfiftant, pour défendre le Peuple, qui eft lache & timide, eft une feconde raison , que donne le Voyageur anglais. Pour aider encore a ce but, & leut óter toute tfpèce d'attachement, les Femmes qu'ils ont avec ëüxV font communes. Cependant quelques é-Aréoys fonf mariés; il parait qu'ils font les maitres de le faire ou non , depuis que le relkhement f'eft introduit parmi eux : d'Autres ont une Maitreffe pallagère; la plupart ne voient que t des Proftituées; & peut-être font-ils eause du grand nombre de ces Malheureus qu'on a trouvé aö-Taiti, &c.J Quand on confidère le caradère doux & tendre des Taïtiens , on ne concoit pas comment ils peuvent mafiacrer leurs Enfans 5 ( on eft révolté de la barbariefarouche du Père, de 1'impi, } toyable dureté de Ia Mère, qui étouffe la voix & 1'inftinét de la Nature ; mais la coutume éteint tous les fentimens & Q ij  226 [Al tous les remords. Dès qu'on eut appris a Cook que les é-AiéoyspratiquaWt cet usage cruel, il reprochavivement d'en-être, aun Naturel, nommé (Edidés, qui f 'était embarqué avec lui, pour aler voir le pöle auftral; il employa tous les argumens poflibles contre ce barbare usage , & le convainquit enfin : ce jeune Sociétaire promit de ne pas tuer fes Enfans , & de quitter 1'Ordre dès qu'il aurait le bonheur d'étre père. II affura que les é-Aaréoys ont rarenient des Enfans, a-cause de leur débaüche. ( Mais ne ferait-ce pasuniquement lesCompagnesde ces é-Aréoys, & non les Femmes du Peuple qui fe feraient proftituées aux Anglais, par une fuite de leur inftitution ? Des Peuples fi éioignés de nos usages , dont on entend a-peine quelques cxpreffions, ne fauraient être connus tout-d'un-coup , fur-tout par des Marins qui les voient une première-fois , & qui font affés occupés d'autre-chose, pour juger légèrement ?) O-Mai, autre Taïtien , qui avait été amenê en Angleterre, a confirmé, que les lois immuables des é-Aréoys ordonnent de mettre-a-mort les Enfans; que la prééminence, & les avantages d'un é-Aréoy fontfi précieus, qu'il y facrifie la pitié ; que la Mère nc confent jamais a cet horrible affacinat, mais que fon Amant, ou Celui qui prend le titre incertain de Père, la perfuade de fe deffaisir de 1'Enfant, & que lorfque les prières ne fuffisent pas, on emploie la force : il ajoutait, que ce meurtre fe commet toujours en-fecret, de-facon que Perfonne du Peuple , ni même des Towtows ou 'des Domeftiques de la maison n'en-foit inftruit; que fi Quelqu'un en-érait témoin , les Me'urcriers feraient tués. (Mais cet O-Mai, qui était alors en Angleterre &';qui était lui-même é-Aréoy, n'at-il pas déguisé la vérité, pour ce dernier point ? ) Les é-Aréoys étant venusdanslevoisinage du Camp des Anglais,  [A] 227 ils y paflerent plusieurs jqurs dans la joie, & ils invitèrent ces Étrangers a partager leurs plaisirs. Ce qui montre , qu'ils ne font pas auffi myftérieus que le dit m.r Forfter. Ces Peuples auftraux ont des Savans intimus des traditions de leurs Pays, & qui fe les tranfmettent; on les appelle Tata-o-Rerro; ce qui peut fe rendre par le terme de Maïtre-d'inftruclïon. Les Anglais en trouvèrent un, qui était en-même-temps Chef d'un diftrict j ce Chef fe nommait Tout éne L II leur paria de 1'origine de la civi— lisation & de la fubordination dans ces lies; mais ils ne durent 1'entendre que bien-imparfaitement. II leur dit auffi Ie nom que les Peuples des différentes Hes donnaient a la Divinité : a ó-Taïti, & a é-Iméo , c'eft 6-Rouahouto; a Huaheine, ce&Tarte; a u-Liétéa, 6-Rou , 6-Taha , Orra; abo-Labola, c'eft Taoutcu; a Mowrua, 6-Tou; enfin a Mannou , Taroa. Treize divinités président fur la mer, dont elles ont le gouvernement; favoir: i,Ourohadou; Z,Tamaouée; 3 , TaApée; 4, o-Touaréeonou; tout il ne leur était pas poffiblede conferver quelque-chose , dans leurs poches, pas même ce qu'ils avaient acheté. Les i Hommes ont de grands chapeaux, garnis de plumes, pour ' fe garantir du Soleil; les'Femmes en ont de nate rrès-pi opres. ■ Celles qui fe trouvèrent au débarquement, prodiguèrent ; leurs faveurs: on n'a peut-être jamais vu dans aucune contrée, I des Courtisannes auffi lubriques; les Matelots renoncèrent i a toute pudeur, & ils ne rougirent pas de fe livrer a la dé(baüche, fanschercheralacouvrirautrementquepar 1'ombre idesftatuesgigantefques, qui font élevées dans cette Ile, ala I mémoire de leurs a-Rékccs, ou Rois. Cette Race eft plus ;.faiblequecelle d'ö-Taïti, quoiqu'elle paraiffe la même; elle {aura dégénéré. On penfe que les Enfans que les Proiti- tuées peuvent avoir de leur commerce avec les Européans, font étouffés, comme Ceux des é-Aréoys. En arrivant aux Iles-marquiscs, les Anglais n'apercurent aucuneFemme; elles f'étaientretiréesaufonddesmontagnes, alapremièrealarme: maisquelquesHommesqui paraiffaient mieux-armés, & mieux-vêtus que les Autres ( ces Derniers n'avaient pour vêtement qu'un petït morceau d'étofe autour des reins), f'avancèrent en qualité de conducteurs. Les piquüres qui couvraient prefqu'entièrement le corps de Ceux du moyen-age, empêchaient d'apercevoir 1'élégance de leurs formes; mais parmi les Jeunes-gens, qui n'étaient pas encore tatoués, on diftinguait aisément leur beauté, fi frappante , qu'elle excita 1'admiration des Anglais. La Iles-mar- ;>uises.  I 1 1 ( j ; i < I i i 1 ■ i nouvelies-KÉBR1brides. Mallico- lo. *3* [A] ilupart pouvaient étre mis a-cöté des Modèles fameus de 'Antiquité : Quólis aut niveus fuit, aat aquosd, Raptus ab Idd. Horat, teint de ces jeunes Infulaires n'était pas auffi brun que ■rlui des Gens du Peuple des Iles-dc-la-fociété; mais les ïommes paraiffaient infiniment plus noirs. Tous les 'ndividus des lies-marquises font grands, forts, bienaits: ils ont les moeurs des Taïtiens, car aubout de juelques-temps de féjour, les Matelots rencontrèrent un p-and nombre de Femmes, avec lefquelles ils eurent bienöt fait connaiffance , & plusieurs d'entr'elles f'abandonïèrent a leurs careilès. Elles approchaient desTaïtiennes >ar Ie contour dn visage, & en-général leur teint ne dif"érait pas de celui des Gens du-peuple des Iles-de-la-fo:iété. II y en-avait cependant de plus-blanches que les Autres; on ne remarquait fur leurs corps aucune piquüre, }uoique les Hommes foient accoutumés k fe défigurer par e tatouage. Une des plus-belles fe laiffa peindre par n.r Hodges, deiïinateur anglais. Elles avaient pour labit des étofes de mürier, moins-belles qu'a ö-Taïti. Les Hes-marquises fe nomment dans la langue du Pays , Va'iiahou (Sainte-chriftine par lesEuropéans) ; Heevarou Ma Dominica); Onateyo (Sair.tpedio). Elles font moins leuplées, moins policées, & moins feniles qu'ö-Taïti. Leur iatitude fud-eft 9 degrés. Le climat de Mallicclo, laprincipaledeceslles, efttrèschaud: le vêtementdans unepareillecontréeeftun objetde luxe. La forme des MaUicolais eft g' f ie; ils font fortslaids, & ont cela de commun avec lesHabitansde laNouvelle-Hollande; mais ils ne font pas ftupides comme eux. En-étudiant les Peuples barbares, on voit que la modeftie  & la chafteté font des idéés Iocales, inconnues dans f'étatde-nature, & modifiées fuivant les divers degrés de civilisation. Les Mallicolais, par-exemple , ne peuvent pas avoirrenoncéa des idéés naturelles, en-inventant un usage, tel que celui d'aler nus ou de voiler leur nudité d'une manière qui augmente 1'immodeftie: on ignore fi le peu de vêtemens que mettent leurs Femmes, provient d'un fentiment de pudeur, ou de 1'envie de plaire. Ce Peuple parait méfiant: iln'obéita fesCapitaines, quepourlaguerre. II eft fortlaborieus, & il parait foumis, pour le gouvernement civi!, a fes Vieillards. Les Maliicoiaises font fi difformes, qu'elles ne tentèrent pas les Matelots : d'aüleurs , elles font forcées par leurs Maris a vivre fort-retirées, Eiles aiment paffionnément la danfe au fon du tambour: on fait quelle efpèce de danfes lafcives ont ces Peuples, ainfi que les Nègres d'Afiïque, dont ils ont la chevelure cotonnée ; ce qui femble indiquer qu'elles ne font fages, que par la jalousie des Hommes. La langue mallicolaise eft fort-dure, & ne reffembie en rien a celled o.Taïti; mais elle a différentes dialectes dans les lies voisines, comme a Tanna: 1'efprit de vengeance eft très-vif parmi lesHabitans de cette dernière ile: mais il faut convenir qu'ils font hofpitaliers, & que fous un certain pointde-vue,.ils ont del'humanité. Ils font d'un caraclère gai. Les Femmes y font moins gênées qu'a Mallicolo: elles fortirent de leurs huttes, & vinrent formcr un petit grouppe autour des Anglais. En-général, elles étaient d'une ftature beaucoup moindre que les Hommes; elles portaient de vieux jupons d'herbes & de feuilles, plüs-ou-moins longs, fuivant leur age. Celles qui avaient fait des Enfans , ne confervaient aucune des graces de leur fexe ( il tn-eft de-même dans les Villages de nos Provinccs de  O] France les plus pauvres, comme la Bourgogne, la Champagne, le Bcrri, &c.a), & leurs jupons touchaient a la cheville-du-piéd. Les Jeunes-filles d'environ quatorze ans avaient les traits fort-agréables, & un fourire qui devint plus touchant, a-mesure que leur frayeur fe diffipa. Elles avaient les formes fueltes, le bras d'une délicateffe particuüère, le fein rond & plein, & elles n'étaient couvertes que jufqu'au genou : leurs cheveux bouclés fiottaient fur leurs têtes, oü étaient retenus par une treffe, & la feuille de banane verte, qu'elles y portaient ordinairement, montraitavec plus d'avantage leur couleur noire. Elles avaient des anneaux d'écailles-de-tortue a leurs oreillcs: la quantité de leurs anneaux faccroit avec 1'age; les Plus-vieilles & les Plus-laides font chargées ( comme chés nous), de colliers, des pendans-d'oreilles & debraflelets , &c.a Les Femmes obéiffaient au moindre fignal des Hommes, qui n'avaient pour elles aucun égard ; elles trainaient tous les fardeaux, & les charges n'étaient pas toujours proportionnées a leurs forces. Une Petite-fille d'environ huit ans, d'une phisionomie intéreffante , examinait les Anglais furtivement, entre les têtes des Indiens affis a terre. Dès qu'elle f'apercur qu'on la regardait , elle courut fe cacher dans la hutte. On lui fk-figne de revenir, & pour 1'y engajer, on lui montra une pièce d'étofe d o-Taïti; mais on ne put la détermincr. Son Père fe leva, & a-force de carelfes, il h ramena : 1'Anglais qui voulait lui faire le présent, lui prie la main, & lui donna 1'étofe, avec d'autres petits ornemens; la joie & Ie contentement le plus vif fe peignirent auflitót fur le visage du Père. Lorfqu'on fe fut familiarisé avec les Infulaires deTanna, il arriva qu'un-jour, ils montrèrent aux Anglais & offrirent leurs Filles , avec des geftes qui  [A] 23J n'étaient point équivoques. Mais dès que les Femmes fapercurent du deifein des Hommes, elles f'enfuirent trèsloin, fort-effrayeés , dumoins en-apparence. Soit pour jouir du plaisir de les voir épouvantées, foit par un-autre motif, les Indiens, & fur-tout les Jeunes, excitaient les Anglais a courir après elles. L'habit (fi une fimple ceinture peut porter ce nom) eft arrangé d'une manière fi peu modefte aTanna ( ainfi qu'a Mallicolo), que chaque Homme y reflemble a la Divinité fameuse, qui protégeait les jardins des Anciens. Les maisons de ces Infulaires font des hangards. Leur vie domeftique n'eft pas privée de toute forte d'amusement; ils font d'un caradère plus-férieus que les Nations civilisées des Hes-des-Amis & de-la-fociété; mais d'un-autre cóté, leur musique eft moins imparfaite que celle du refte des Habitans de la mer du fud , & le goüt de 1'harmonie, qui fuppose une grande fenfibilité d'organes, eft une difposition excellente a Ia civilisation. Quant a leur gouvernement, chaque Village, & chaque Familie paraifient indépendans, & ilsne fe réiinifient que lorfque leurs intéréts font abfolument les mêmes: parexemple , quand le pays eft menacé d'une invasion. Les Vieillards & les Hommes-forts paraifient avoir la plus grande influence fur la mukitude; durefte, il n'exifte aucune diftinciion de rang. On ne fait rien de leur religion. On eft aufli peu décemment vêtu a Ia NouvdU-Calêdonie, qu'a Mallicolo: Le Peuple y eft doux, & les Femmes ainfi que les Enfans, vinrent auffi familièrement autour des Anglais, que fils euffent été leursCompatriotes Le teint des Femmes eft en-général d'un chatainfoncé; leur ftature moyenne; mais quelques-unes étaient grandesj leurs formes font un-peu groffières; & elles Nouvelle - Calê^ donie.  2^6 [A] paraifient robuftes. A voir leur vétement, qui les défigure beaucoup, on les croirait accroupies: c'eft un jupon court, ou une frange composée de filamens, ou de cordelettes d'environ huit pouces de long, repliées plusieursfois autour de la ceinture : Les cordelettes font placées les unes audefTus des autres, en différentes rangées, qui formant autour du corps une forte de couverture de chaume, ne cachent pas plus du tièrs de la cuiflé : elles font quelquefois teintes en noir: mais communément les extérieures étaient feules de cette couleur, tandis que les autres étaient couleur de paille fale. Ces Femmes portent, comme les Hommes, pour pendans d'oreilles, des coquillages, des morceaux de pierres néphritique; d'Autres avaient trois lignes noires, qui fe prolongeaient longitudinalement de la lèvre inférieure , jufqu'au-bas de leur menton. Les huttes étaient en forme cönique, & d'environ dix piéds de haut, mais non-pointues au fommet ï il n'y a du jour que par un trou de quatre piéds de haut, qui fert de porte; de-forte que les Indiens fe baiffent pour y entrer. Elles font remplies de fumée, dès qu'on y alume du feu pour la cuiffon des alimens, ou pour chaffer les Mofquites, qui infeftent les marais des environs: comme le temps était un-peu froid , les Anglais apercurent peu de ces incommodes Medes. Les cabanes étaient environnées d'un petit nombre de cocotiers, dépouillés de fruit, de cannes-a-fucre, de bananes & d'eddoès, au piéd defquels les Naturels amenaient de 1'eau par de petites tranchées. Ces Peuples n'étaient ni étonnés, ni effrayés de voir tuer des Oiseaus a coups-de-fusil. Un Calédonien extrémement grand vint auprès des Anglais; il paraiffait fix piéds cinq pouces, & le chapeau noir cylindric qu'il portait, 1'exhauffait encore de huit pouces. Le nombre des pen-  [A] 237 dans-d'oreiüe que portent le; Calédoniens eft remarquablo; 1'Un-d'eux n'en-avait pas moins de dixhuit d'éca'ille-detortue , d'un ponce de diamétre, & d un quart-de-pouce dclargeur. A 1'entrée d'une hutte, les Anglais apercurent un Homme, qui tenait fur fon fein une Petite-fiile de neuf ou dix ans, dont il examinait la téte. II fut d'abord furpris de les voir ; mais reprenant bientót (a tranquilité , il continua fon opération. II tenait a la main un morceau de quarrz tranfparent, & comme un des cotés dece quartz était tranchant, il f'en-fervait, aulieu de ciseaux , pour couper les cheveux a la Petire*fi!le. Dans une-autre hutte, trois Femmes, 1'Une agée, les deux Autres plus-jeunes, fesaient dj feu fous un grand pot-deterredu pays : dès qu'eiles apercurent 1'Anglais qui venait a elles, Ia Plus-agée lui fit figne de f éloigner: mais voulant connaitre leur méthode d'apprêter les alimens, il f'approcha. Le pot était rempli d'herbes fèches & de feuilles verces, dans Iefquelles étaient envelopées de netites ignames ; peut-être qu'on les cuit aufli quelquefois fous un monceau de terre, avec des picrres chaudes, comme a Taïn. Ce fut avec peine qu't lies lui permirent d'examiner leur pot; elles avertirent de-nouveau 1'Étranger, par fignes , de f'en-aler; & montrant d'autres cabanes. elles mirent leurs doigts a différentes reprises fous leur »osier pour faire entendre apparemmenr, que fi on les furprenait avec un Homme , on les étranglerait. L'Anglais les quitta donc, en jetant un coup-d'csil furtif dans les ca- Ipanes, qui étaient entierent vides. Les Femmes de cette Ijle parurent d'abord vouloir fe proftituer: mais aorès avoir jdonné rendévous aux Matelots derrière les buiffons, elles 1 entuyaient avec tant d'agilité , qu'il était impoflible de ies attrapper. II feut ajouter un trait intéreflant d'hiftoire  238 [A] naturelle, inconnuam/ De-BulFon, avant de quitter la I Nouvelle-Calédonie. LesAnglaisy virentunlnfulaire, dont j les cheveux étaient paifaitement blonds, quoique 1'ile foit | fituée entre les deux tropiques, & que par-conféquent les i Habitans en foient noirs ou d'un brun très-foncé; fonj teint était beaucoup plus blanc que celui de fes Compa- i triotes, & il avait le visage couvert de roulfeurs. La faibleffedes organes, & fur-tout des ieux des Individus j anomals qu'on a trouvés chés les Nègres d'Afnque,, d'Amérique, desMoluques, & des Iles-tropiques de la 1 mer du fud, a fait croire qu'une maladie du Père ou de la Mère avait occasionné ces variétés: mais les Anglais; n'apercurent dans XAlbon de la Nouvelle-Calédonie ,, aucune marqué de faibleffe, ni aucun défaut dans 1'organe; de la vue: une-autre cause doit donc avoir produit lai couleur extraordinaire, pour le climat, de fes cheveux j & de fa peau. Un Anglais lui coupa une touffe de che-j veux; il en coupa une feconde a un Indien de la couleurj commune, & il donna 1'une & 1'autre a m/Forfter: Les? deux Naturels montrèrent du mécontentement de ce qu'on; leur coupait ainfi les cheveux; mais comme 1'opérationl avait été faite avant qu'ils f'en-aperculTent, on les appaisa,! en leur offrant quelques bagatelles: La bonté de leudj caradère & leur indolence , femblent incompatibles avecj nn long relfentiment. Les Calédoniens ont encore moins| d'éeardspour les Femmes que les Habitans deTanna ; elles fe tenaieut toujours éloignées d'eux, & elles paraifTaien| craindre de les offenfer, mêmepar leurs regards ou par leur« «reftes- plusieurs d'entr'elles prenaient fur leurs dos desjl fagots de bois a brüler ; leurs Maris daignaient a-peine IJ regarder, & ils reftaient dans leur indolence naturellej Cefutacetteilequ'arriva letraitde la ligne de demarcationj Les  [A] 259 Les Anglais tirèrent nne ligne fur le fable, & dérendiren? aux Naturels de la dépafler. Un d'eux avait des noix-decoco, qu'il ne voulait pas vendre; mais fe voyant pourfuivi par 1'Acheteur, il f afrit, & fit un eerde autour de lui, en défendant d'aler au-dela. Les Anglais obéirent, & tout ala bien. Les cheveux des Calédoniens étant naturellement bouclés, ils femblent, a la première infpeftion , de la même nature que ceux des Nègres; cependant ils en, différent abfolument; ils font & plus rudes & plus forts quelesnótres: plusieurs les laiffent croitre, fclesrelèvent fur le fommet de la tête; d'autres n'en confervent qu'une touffe de chaque cóté: les Femmes les portent eourts, La barbe de, Hommes eft de la nature de leurs cheveux, On a rien remarqué chés eux qui eüt rapport a la religion. La Nouvelle-Calédonie f'étend du 19.me degré au 23.™ La cóte par lequel le Capitaine Cook aborda en Amérique, en quittant Ia Nouvelle-Z^lande, oü il était retourné, eft lepays le plus affreus du monde. II nomma 1'endroit oü il aborda, h Canal dt-Noïl. Ce pays a pour toute marqué de végétation durant fon été, de petites plantes qui croiifent commede la mouffe, & quifourniffent uneefpècede gazon d'environ un pouce d'épaiffeur, qu'on cnlève aisément en marchant deffus, parce-qu'il tienf peu au rocher. Dans lés endroits parfaitement abriés, un petit nombre d'autres plantes croiffent parmi les moufl'es , ce qui a formé a-la-longue une quantité de fol fufTisante pour la nutrition des arbrilfeaux. C'eft dans ce pays maU héureus, que les Anglais apercurent enfin des huttes de Sauvages. II parait que 1'Homme eft capable d'affronter les climats les plus rigoureus, & qu'il vit également dans les fables brülans de 1'Afrique , & aux extrêmités glacées du Globe, Les Naturels vinrent rendre visite au* II Parr, & y QUE. ' Canal-di?  1 24o [A] Anglais fur des pirogues, & ils montèrent a-bord volon-* tiers, connaiilant déja les Européans. On les a nommés Péchérasis. lis font petits , fort-laids, & très^maigres : ils ont de petits ieux noirs fans exprelfion; des chevens noirs & lilfes, flottans en dcsordre& barbouillés d'huile ; ils n'ont fur le menton , que quelques poils clairs-femés, & leur néz répand continuellement une forte de mucus ou demorve, dans leur bouche ouverte: tout en eux annonce la misère & la malpropreté la plus horrible : leurs épaules & leur eftomac font larges & offeus; le refte de leur corps eft fi mince Sc fi grêle , qu'en voyant féparément ces différentes parties, on ne pourrait croire qu'elles appartinflènt a la même Perfonne; leurs jambes font courbées; leurs genous d'une largeur abfolument difproportionnée. Iln'y en-avaitpasUmfeulde grand. Ils étaient prefque-nuds, malgré la rigueur du climat, car la neige n'y fond pas entièrement, même en été; une peau de veau-marin eft leur vêtement; Quelques-uns en portaient deux ou trois cousues enfemble, de-manière qu'elles foi> maient un manteau qui defcendait jufqu'aux genous : mais la plupart n'en avaient qu'une-feule, affés large pour couvrir leurs épaules; les parties inférieures du corps étaient abfolument découvertes j quant auxFemmes, elles fe cachent {dit-on) le milieu-du-corps, avec un morceau de peau de Veau-marin: mais d'ailleurs, elles font yétues comme les Hommes; elles ne montèrent pas fur le vaiffeau ; elles reftèrent dans les pirogues, ainfi que leurs Enfans, Elles parurent de-loin avoir autour de leur col un grand nombre de coquillages, fufpendus a un cordon de cuir, Sc fur la tête une forte de bonnet, composé de grandes plumes d'Oies blanches , placées droites, C'eft 1'induftrie de chaque Individu, qui lui donne une robe plus complette,  [A] 24I ou plus commode qu'aux Autres; chacun eft fon tailleur j les Anglais n'en virent qu'Un-feul, qui eüt cousu a fa peau de Veau-marin , un morceau de peau de Guanaque, pour 1'alonger. Les Enfans ne prononcaient guères que le mor pj.Jferay(phheraye), que nous primes pour un terme de tendrcfle, ou une exprefïïon de malaise ou de douleur. Les Péchérasis ont des arcs, des traits & des dards, ou plutót des harpons d'os, placés aubout d'un baton, pour tuer des Veaux-marins, & d'autres Poiffons: peut-être méme atta* quent-ils les Baleines , comme font les Efkimaus, Ils mangent ordinairement la viande pourrie du Veau-marin, des Coquilbges qu'ils trouvent aux rochers, &c.J II y avait un feu d'os de poiffon, au-milieu de chacune de leurs pirogues, autour duquel fe ferraient, pourfe réchauffer, les Femmes & les Enfans, Je ne fauraisfupposer qu'ils porten); du feu dans leurs canots uniquement pour cela, c'eft 'plutót afin d'étre toujours prêts d'en-alumer a terre, par-tout oü ils' débarquent • Ils ont auffi dans leurs pirogues de grandes peaux de Veaux-marins, deftinées a les abrier, quand ils font en mer, & a couvrir leurs huttes a terre : car celles que les Anglais avaient vues, étaient découvertes: ils les emploient aulfi comme des voiles. Ceux de ces Jndiens qui montèrent a-bord, ne témoignèrent pas la moindre curiosité; ils ne parurent charmés de rien; ils acceptéren! des grains de verre fans reconnaiffance ; ils abandonnèrenf aux Anglais, avec la même indifférence, leurs arcs & leurs peaux ; ils ne femblaient pas remarquer la fupériorité des Européans fur eux, & on ne furprit ni dans leurs ieux, ni dans leurs geftes, aucun figne d'admirarion : les paftions n'ont aucune énergie , chés ce Peuple infortuné & fans-doute ils en-font moins malheureus. Tout leus? cara&ère anooncak 1'infpuriance & la ftupidité, Quel* Rij  242 M ques-unsd'entr'eux, prononcèrent un petit-nombre de mots, outre celui Atpafcray, dans lefquels les Anglais, remarquèrenc beaucoup de confonnes & de gutturales; ils paraifient fur-tout grafleyer fortement, ce qui acheve de rendre ininteliigible ce qu'ils disent. On leur fit enva.n quelques-uns des fignesque les plus-misérables deslndiens de la mer-du-fud avaient aisément compris; ds ne montrèrent pas la moindre envie d'inftruire de leur langue, & comme aucune des richefles des Étrangers n'exc.tait leurs desirs, ils ne prenaient pas la peine de fe faire comprendre. Ces Malheureus font auffi flupides que les Habitans de la Nouvelle-Hollande : mais quëlles. font les causes de cette ftupidité ? Le climat y fait fans-doute; mais il pourrait auffi produire le contraire, puifque chés une mfimté de Nations connues, le besoin eft le père de lïnduftne. Les Habitans de la baie du Bon-fuccïs, dont le climat n eitpas moins-rude, vivent beaucoup plüsa leur aise ; leur taille eft plus haute: ils avaient des bonnes, ce qui metta.t en fureté leur piéd & leur jambe; enfin ils étaient plus communicatifs, & ils avaient des idéés de civilite. Les Péchérasis, aucontraire, font fi ftupides & fi miserables, qu'ils ne veulent ou ne peuvent fe préserver de la rigueur du temps: on ne faurait imaginer un Etre plus m.serab e, cue Celui qui eft privé de raison, au-point d'étre mcapable de combiner de pareilles idéés, Les Matelots furent tellement dégoutés par 1'odeur de ces Sauvages , qu ils n eifayèrent en aucune manière a former quelque liaison avec leurs Femmes, dont fans-doute ils auraient eubon-compte Si jamais on pouvait révoquer-en-douteles avantages de la vie civilisée fur la vie fauvage, la feule vue de ces Indiens fuffirait pour décider la queftion. Qu'onmepermette d'exposer ici une idée. B me femble que certames  [A] 243 Races tongtemps abnities, ne peuvent jamais revenir au méme point que les Nations européanes; que mémë inftruits aumiüeu de nous, pendant plusieurs générations, les Individus en feraient toujours flupides, comparés aux Hommes ordinaires: &commelesNationsdel'Europefont aujourd'hui un mélange de toutes les Raees connues, ou même inconnues, ee mélange pourrait rendre raison de la grande difparité qui fe trouve entre les Facultés intellecluelles des Hommes d'une même Nation ; difparité qu'on ne tróuvè pas au méme degré dans un Village, comme Saci, parexemplé,don:!es Habitanséloignésde toute communication, ne f'allient guère qu'avec des Femmes de la race commune de France. Aurefte, je foumets cette idéé aux obfervations des Philosophes. II n'exifte aucune fubordination parmi les Péchérasis; leur vie approchc plntöt de celle des Brutes, que de celle d'aucune Nation civilisée. Les SauVages du Cap-i/b/vz ont le même langage, mais beaucoup plus d'inteliigence. Les autres terres des environs du pole-auflral enAmérique, font inhabitables, & Couvertes d'une glacé éternelle. Pars mundi damnata. a rtrum natura , & denfd merfa caligine. PI. Hift. nat. 1. 13, cap. 36. Les Nègres que 1'on tranfportede leur pays natal a Saint* domingue, & ailleurs, fembient être le rebutde laNature , 1'opprobre des Hommes, & leur condition n'eft guères audefTus de celle des plus vils Animaux. Quelques coquillages font toute leur nourriture: leurs habits font de miserables haillons, qui ne les garantiffent ni de la chaleur brülante du Soleil, ni de la fraicheur des nuits; leur maisons reffemblent ades tanières d'Ours; leurs lits font des Claies, & tous leurs meubles confiftent en quelques calebafles, & en des plats de bois ou de terre. Ils travaillent R iij A.NTIII.ES.' NÈGRESESCLAVES.Dn fuit ici lc méme ordre que dans les Gynographes,  244 £A] continueliemènt, ils dorment peu , ne recoivent aucUii falaire, & leurs moindres fautes font fuivies de vingt coups de fouet. Ces malheureus Efclaves, malgré leur misère , Jouiflént cependant d'une fanté robufte, tandis que leurs indolens Maitres , qui regorgent de biens, font la proie d'une infinité de maladies. Les Efclaves que 1'on achète fur la cóte qui eft entre le tap-Blanc & leCap-Négris, font les feuls qui parailfent nés pour la fervitude t ils ne font aucune difficulté d'avouet qu'ils fe regardent comme une Nation maudite. Les Nègres du Sénégal font les plus-fpirituels, les mieux-faits, les plus aisés a difcipliner & les plus propres au fervice dómeftique. » Notre efclavage, disem>ils, eft une fuite i» du pêché de Tam, notre premier père; nos Ancêtres m nous 1'ont dit ». Les Bambares font naturellement Voleurs. Les Arades font fiérs, mais ils entendent affés bien la culture des terres. Les Congos font petits, excellens pêcheurs j mais fujets a deserter. Les Nagots font humains j les Móndongos cruels; les Minais resolus , capricieils, & très-portésa fe desefpérer. Ceux qui font hés dans la Colonie fentent mieux que les Autres le prix de la Überté; mais fils paraifient plus-fpirituels, plus raisonnables & plus adroits que leurs Pères, ils font aufli plus fainêans, plus fanfarons & plus libertins. LesMiflionnaires ont remarqué, que les Nègres desCölonies chantent également dan;, l'arrliétion comme dans la joiei dans fafrlicfion , pour adoucir leur chagrin; dans la joie , poür faire eclater leur contentement. Ils Ont des aïrs joyeus & des airs lugubres, mais il faut Une grande habitude pour pouvoir les difiinguer. Ces malheureus Efclaves font, dit le p. Pers, doux, humains, dociles, erêdules, Sc fuperfticieus a 1'excès. lis font incapables  [A] 245 d^une longue fiaine, & ne connaifTcnt ni 1'envie , ni la mauvaise-foi, ni la médisance. Dans un-autre endroit, le même Religieus nous les représente comme très-fins Sc fort-entendus, fur-tout dans les affaires qui les intéreffent, comme diflimulés & capables de garder un fecret, au prix même de leur viet II leur accorde une certaine tournure d'efprit, quidonnedel'agrémcnt aux railleries qu'ils aimenc a fe permettre, & avoue qu'ils pourraient devenir bons foldats, fils étaient difciplints & conduits. Si dans ce portrait, il fe trouve des contrariétés, on doit moins les attribuer a 1'inattention du Miifionnaire, qu'aux différences qui doivent héceffairement fe trouver dans les moeurs de ce grand nombre d'Efclaves, arrachés a tant de Nations iticonnues les uries aux autres. Ce qu'il y a de cerrain , c'eft que lorfque les Nègres f'attroupent & menacent de quelque foulèvement, il faut les diffiper fur-le-champ, a coup-de-Mton, ou de nerf-de-bceuf, ou f'-ttendre a tout ce que la barbarie la plus effrénée peut leur infpirer, pour fe venger des mauvais-traitemens qu'ils ont recus en différens temps: Plusieurs Efclaves fe font échappés des Habitations, & fnyant également le joug de 1'Éfpagne 5c celui des Francais, ils fe font ëantonnés dans les montagnes, ou ils vivent dans une égale indépendancedes dcuc Nations: fi jamais ils f'y multipliaient a un certain point, ils pourraient causer de 1'embarras aux Poffeflcurs de 1'ilc. Lorfque les Nègres arrivent a Saintdomingue, on leur accorde quelques jours de repos, pour les remettre des fatigues qu'ils ont effuyées pendant un voyage long & pénible , dans le cours duquel ils ont été liés deux-a-deux, avec des entraves de fer. On leur donne fobrement a manger & on les laiffe dormir pendant quelques heures. Le lendemain il faut leur raser la tête , &; leur frotter R iv  üa.6 [A] tout le corps avec de 1'huile depalma-ehtifti, qui dénoue les jointures, les rend plus fouples , & remédié au fcorbut. Ies premiers jours on ne doit pas oublier d'humecterd'huile d'olive , la farine ou caffane qu'on leur donne ; de les empêcher de boiretrop d'eau, ou aumoins trop d'eau-devie; de les faire baigner matin & foir, & d'ajouter a ce régime une faignée & une légère purgation : c'eft le feul moyen de les garantir des maladies dont ils feraient d'abord attaqués. Les nouveaux Efclaves font départis dans les cases des An* ciens, qui les recoivent avec bonté, foit qu'ils viennent de leurpays, ou qu'ils foient d'une Nation différente. Comme ces Derniers font inftruits, & ont déja recu le batême, ils feignentde nepas vouloir manger avec leurs nouveaux Ca* marades, ni même coucher dans le même lieu; & lorfque les Efclaves paraiffent furpris de cette dïftinébon, ils leur disent que n'étant pas cbréticns, ils font trop audeflous d'eux pour en-être traités plus-familièrement. Ce moyen, dit le P Labat, leur donne une grande envie d'étre inftruits promptemetit dës vérités du chriftianifme. Lorfqu'ils favent leur catéchifme, on leur adminiure le baptême : ordinairement leNègre a qui leNouveau-venu eft confié, lui fert de Parrain, & 1'on aurait peine a f'imaginer jufqu'oü va le refpeft, la foumiffion & la reconnaiffance que tous les Nègres ont pour Ceux qui les ont tenus fur •les fonts. Le méme p. Labat accorde aux Nègres qu'il a connus, üne ame fenfible aux bienfaits, & capables de reconnaiffance j aux dépens même de leur vie. » Mais, ajoute-t- il, ils veulent être obligés de bonne-grace, & fil », manque quelque-chose a la faveur qu on leur fait, ils » en-témoignentleur mécontentement: ils font naturelle-  [A] 247 * ment éloquens, & ce talent éclate fur-tout lorfqu'ils »> ont quelque-chose a demander, ou leur apologie a »» faire contre quelque accusation. On doit les écouter. * avec patience, lorfqu'on veut fe les attacher. Ils »> favent représenter adroitemenr leurs bonnes qualités, » leur affiduité au fervice, leurs travaux, le nombre de » leurs Enfans, & leur bonne éducation. Enfuite ils » font 1'énumération de tous les biens qu'on leur a faits, » avec des remercimens très-refpectueus, qu'ils finiiTent « par leur demande. Une grace accordée fur- le-champ » les touche beaucoup. Sil'onprendlepartidelarefuser, »> il faut en apporter quelque raison, & les renvoyer » contens, en-joignant au refus un présent de quelques » bagatelles* L'orfqu'il f'élève entr'eux quelque diffé>> rend, ils f'accordent a venir devant leur Maitre ', & » plaident leur cause fans f'interrompre. L'Orfenfé >» commence, & quand il feil: expliqué, il déclare a fa n Partie qu'elle peut répondre Mais, remarque le P. Labat, comme il eft toujours queftion de pures bagatelles, les procés font bientót vidés. C'eft moins pour adoucir la miserable condition des Nègres, que pour leur öter 1'enviede fuir & de fe refugiei' dans les bois, que les Poffeflèurs des habitations font dans 1 usage d'accorder a leurs Efclaves la propriété de quelques .Voiailles, de quelques Porcs, & d'un petit jardin , oü ils peuvent planter du tabac, & cultiver du coton ou des légumes. Si, quand ils fabfentent, on ne les voit pas revenir d'eux-mêmes aubout de vingrquatre heures, ou qu'ils ne foient pas reconduits a 1'Habitation par Quelqu'un qui demande grace pour eux, ce qu'il ne faut jamais refuser, on ne peut douter qu'ils n'aient été rejoindre les Fugitifs, tk alors on conftfque leurs bieus.  a4B tA] Le fang des Nègres eft fi chaud, que fi on üe les fnarié de bonne-heure 4 ils fe portent aux excès de la plus affreuse débaüche; «Cependant, öbferveleP.Charlevoix , la loi du j> Prince ne veut pas qu'un Efclave fe marie fans la permif* » fion de fon Maitre, & les mariages clandeftins font nuls: » fi donc il n'eft pas permis a un jeune Nègre de fe marier m hors de fon habitation, que fera-t-il, dans le cas oü il n'y h trouvera pas une Fille a fon gré ? & que fera un Curé , * lorfqu'un Nègre & uneNégreffe de différens atteliers, » après avoir eu iongtemps un commerce défendu , fans « pouvoir obtenir de leursMaitres la permiffion de fe marier, » viendront lui déclarer a Téglise qu'ils fe prennent pour * épous ? On poürrait proposer la-deffus bien des cas qui « ne font rien-moins que fpéculatifs, & qui jètent les Mif- ■ » fionnaires dans de fort-grands embarras. L'autorité: i. laïque, la feule qui foit refpeaée dans 1'Ile , n'y peut; a apporter trop-tót de véritables remèdes ». Les amusemens ordinaires des Nègres confiftent dans le: jeu & la danfe, pour lefquels ils font paftionnés. Pour: règler la cadanfe du cahnda > qui eft leur danfe favorite 1 on fe fert de deux inftrumens en forme de tambours, qui ne: font que deux troncs d'arbres, creusés, & d'inégale groffeur, dont 1'un des bouts eft ouvert, & Tautre couverti d'une peau deBrebis ou deChèvre , fans poil, & foigneusement gratée. Le plus grand des deux fe touche posé*< ment, & le petit avec une extréme viteffe ; pour frappen deffus 1'un & 1'autre , on fe fert du plat des quatre doigts delamain. Les Mommes & les Femmes feplacent en ligne les uns vis-a-vis des autres; un Nègre de 1'Afl'emblée chante une chanfon qu'il composé fur-le-champ, & dont le refrein eft répété par lesSpeétateurs, tandis que lesDani feurs tenant les bras a-demi-élevés > fautent, tournent.  M f approchcnt a deux on trois piéds les Uns des Autres, & reculent en cadanfe , jufqu'a ce que le fon redoublé du tambour les avertifTe de fe rejoindre, avec des geftes extrêmement lafcifs. Quelquefois ils f'entrelallént les bras, & font ainfi deux ou trois tours, en fe frappant, & en fe donnant des baisers. Vainement les Milfionnaires, & les Propriétaires des habitations, ont voulu défendre cette danfe, qui bleffe abfolument la pudeur; on n'a pu encore parvenir a en aboiir 1'usage, & elle a tant de charmes pour les Efpagnols dc rAmérique , qu'elle entre jufques dans leurs dévotions. Ils Ia danfent dans I'église & dans leurs procefiions. Les Religieuses mémes la danfent toutes les années, la nuit de Noël, fur unthéatre élevé dans le choeur, vis-a-visde la grille, qu'elles tiennent ouverte, pour faire partó>- , Alez manger vous-Antres ». Si jous lui faites quelque reproche a ce fujet, il vous répond : } Les Blancs peuvent avoir leurs raisons pour en-agir I autrement: mais nous avons auffi les nótres pour enI user de la forte: fi vous voulez confidérer combien les  >, Femmes blanchcs font orgueilleuses & peu- foumises a * leursMaris, vous avouerez que les Nègres, qmtiennent „ toujours les leurs dans le refpeft, ont pour eux la jult, tice & la raison »• Lorfque les Nègres veulent fe régaler, ils tuent ordi«airement un Porc : mais Ceux qu'on appelle Aradas ne ConnailTent d'excellens feftins que ceux oü Ion fert un Chien roti; Sc a cette occasion , le P. Labat rapporté que tous les Chiens aboient a Ceux qui les mangent, iur-tout quand ils fortent de ces repas : ainfi dès qu'on entend les crisdetous cesAnimaux, qui viennentheurler autourd une case, on doit être atTuréqu'il f'y eft mangé un Chien, Ceux qui font chargés du gouvernement des Negres d'une Habitation , & que pour cela on appelle Commandeurs , doivent les obliger a tenir leurs cases propres, a fe laver fouvent; & fils appartiennent a un Mattre alles ; libéral pour leur donner de-quoi fecouvnr, a netoyer ' leurs habits aumoins une-fois chaque femame; fans cela i ils tomberaient malades Sc feraient rongés de vermine. ij faut aulfi avoir foin de donner des lits féparés aux jeunes i Nè-resdel'un & de 1'autre fexe, auffi-tót qu'ils ont attemtS: IV de huit ans j parce-qu'avec le panchant de cctteNationi pour le plaisir des fens, il ne faut plus compter fur leur, fagefle a cet age. H eft bien-rare que les Nègres portent des bas Sc des fouliers; leurs habits de travaü confiftent e§ m calecon 6c une casaque ; mais lorfqu.ls fhabdlent, aux jours de fêtes, les Hommes ont une belle chem.se avec des calecons de toile-blanche, Sc une candale ou efpèce de jupe de toile ou d'étoffe de couleur , qm ne leur pafié pas les genous, avec un petit pourpomt fans bafques, LesEfclaves un-peu tiches fe procurent des boutons dal gent, ougaruis de pierres de couleur, pour attacher leut  [A] 2JI chemise. Rarcment on leur voic des jufte-au-corps, des chapeaux & des cravattes. Tant qu'ils font garfons, ils portent deux pendans-d'oreilles; après leur mariage ils n'en-portent plus qu'un. LesNègrefTes fe parent ordinairement de deux jupes, la première de couleur, & celle de deffus, de coton blanc ou de moulTeline; leur corfet eft aulli blanc , a petites bafques, attaché avec une échelle de rubans. Elles aiment paftionnément les pendans-d'oreilles, les colliers, les bagues, les braffelets, & fur-tout les dentelles. En-général, tous les Nègres des Colonies ont un caractère d'intrépidité qui étonne. Ils méprisent la douleur, & la mort méme. II y en a qui , ne connaiffant point de terme a leur efclavage, tombent dans une mélancolie noire, qui les porte a Poter volontairement la vie, & ils fe pendent ou fe coupent ia gorge, dans Ia feule vue de faire peine a leur Maitre, & dans 1'abfurde opinion qu'après leur mort, ils retournerontdans leur patrie. Le p. Labat, au fujet de cette épidémie, nous fait part d'un ftratagème dont fe fervit un Anglais de file Saintchriftophe pour fan ver les flens. Desefpérés de la rigueur avec laquelle ils étaient traités, les Nègres de ce riche Habitant fe pendaient les. Uns après les Autres, & cette fureur augmenta tellement, qu'un-jour ils prirent la resolution de f'enfuir dans un bois & de f y pendre tous, pour retourner enfemble dans leur pays, L'Anglais fut averti a-temps de ce deflein: il ^it charger fur des charrettes, des chaudières-a-fucre, & tout fattirail de fa fabrique , avec ordre de Ie fuivre ; & fétant fait conduite dans le bois avec tous fesEngajés , il y trou va les Nègres qui difposaient dé ja leurs cordes pour fe pendre. » Ne craignez rien, leur dit-il, enf approchant »> d'eux, une corde a la main; je fuis inftruit de Ia w resolution oü vous ctes de retourner en Afrique, &  2$2 [A] » je veux vous y accompagner. Je viens d'acheter une » grande habitation dans cette contrée: j'ai formé le li deflein d'y étabiir une fucrerie, & comme vous êtes » beaucoup plus exercés que d'Autres a ce travail, & que »» je ne craindrai plus que vous puifliez vous enfuir, je j » compte vous faire travailler nuk & jour , fans même » vous accorder le repos ordinaire du dimanche. Déja » vosFrèresqui fe fontpendus, ont été repris par mes » ordres, & défrichent, les fers aux piéds, cette nouvelle » habitation ». L'arrivée des charrettes donna du poids a cet étrange difcours: les Nègres fe regardèrent avec furprise, & voyant leur Maitre choisir un arbre & y attacher fa corde pour fe pendre, ils nedoutèrent plus que ce qu'il , venait de leur dire nefut réel. Ils tinrent confeil entr'eux, I & réfléchilfant fur la misère de leurs Compagnons & fur celle qui leur était annoncée, ils abandonnèrent leur def- < fein , & le fupplièrent inftammentde rappeler les Autres, ] avtc promeffe que fil le fesait, aucun d'Eux nc fongerait a retourner dans fon pays. Le Maitre feignit de resifter longtemps a leurs prières, & il ne parut céder a toutes : leurs inüances, qu'en-voyant fes Engajés & tous fes Domeftiques blancs tomber a fes genous, pour lui demander grace. » Je confens a vous pardonner, dit-il aux Nègres,, * mais fi j'apprens dans la fuite, qu'Un-feulde vous fe foit »> pendu, je fais pendre le lendemain tous les Autres, » pour aler travailler a la fucrerie de Guinée». Les ; Nègres promirent avec ierment de ne plus le porter a ae pareilles extrémités: & ils firent ce ferment, fuivant leur usage , en fe mettant un-peu de terre fur la langue, enlevant les yeux & les mains au Ciel, & en fe frappant la poitrine ; cérémonie qui fignifie : » Si nous manquons ,) a notre promelfe, ou fi nous altérons la vérité, que  [A] 2£$ » Dieu nous réduise en pouflière, comme cette terre que »» nous avons fur la langue ... Un-autre Habitant f'avisa de faire couper la tête & les mains a tous les Nègres qui f'étaient pendus, & de les enfermer dans une cage de fer, qu'il fit fufpendre dans la cour de fon habitation. Ayant fait alors aflembler tous fes Efclaves: >» Vous pouyez maintenant, leur dit-il, ». vous pendre quand vous le jugerez a-propos; lorfque »• vous ferez morts, il ne vous fera plus poffible de revenir » prendre vos membres pendant la nuit, & de les em« *• porter dans votre pays, Par ce moyen que j'ai pris » j'aurai le plaisir de vous rendre a-jamais miserables» » puifque vous trouvant fans téte & fans mains en Guinee, » vous ferez incapables de voir, d'entendre , de parler, « de manger & de travailler », Les Nègres fe moquèrent d'abord de cette bizarre idéé : Nos Morts, répondirent» ils, trouveront-bien le fecret de reprendre leurs têtes » & leurs mains ». Ils attendirent conftamment jufqu'au Jmdemain, menacant de fe pendre a la première occasion'; mais voyant alors ces membres toujours renfermés dans la cage , ils ne doutèrent plus de la puiffance de leur Mattwj, & la erainte d'étre réduits a la trifie condition de leurs Camarades, leur óta peu-a-peu 1'envie de fe pendre, A 1'arrivée des Européans, les Caraïbes étaienc piongés dans la plusftupide ignorance: \esButios étaient les Prêtres du Pays; les YJmés en étaient les Dieus, ou les Fétiches: c'étaient les Efprits tutelaires des Hommes, & chique Sauvage avait le fien. Ces Peuples n'ont que très-peu de fêtes religieuses, ou dumoins ils n'en-eft venu qu'une ila connaiflance des Européans, Le Chef ou Cacique enfesait annoncer la célébration par les Crieurs publics, U fête commencait par une proceffion-générale; les  Hommes & les Femmes f'y montraient avec leurs plus précieus omemens ; mais les Filles y paraiffaient exaétement nues: leCacique marchak a latête, avec untambour, dontil jouakfans-cefle, & 1'on fe rendait au cemple des Zémés, oü lesPrêtres feignaient d'étre occupés a les fervir; mais ils ceflaient aufiltót leurs fonftions, pour recevoir avec emprelfement les offrandes qu'on venait faire a leurs Dieus. Ces présens confiftaient en plusieurs corbeilles gamies de fleurs, Sc remplies de gateaux. Les Femmes, au premier lignal des Piêtres, formaient des danfes, chantaieat les louanges des Zémés, puis celles des anciens Gaciques, 6c finifiaient par des prières pour la prolpente ae ja Nation. Les gateaux , rompus en morceaux, étaient diltribués avec cérémonie aux Chefs des Families, qui confervaient précieusement toute 1'année ces fragmens, comme de fürs préservatifs contre tous les accidens poffibles Après cette diftribution, ieCacique, qui jufque-la fétait tenu a la porte du temple en-jouant du tambour , entrak dans le fanftuairc en-chantant, & précédé de tout le Peuple il fe profternak devant la principale Idole. H ceffait de chanter devant elle, & fe fourraitdans la bouche un baton propre k le faire vomir. L'efpritde cette rid.cule , cérémonie, était de faire connaïtre que pour fe presenter' di-nement devant les Dieus, il faut avoir le cceur pur 1 & comme fur les lèvres. Ces Peuples croya.ent un, Paradis & 1'arrangeaient a leur manière: leurs Saints: devaien't fe nourrir de mameys (abricot de Saintdomingue), & comme ce fruit eft excellent, les Butios avaient eu l"a| dreflèdengajerlePeuple a fen-abftenir, afin dele recue.1lir aulieu des Ames des morts. Les Butios étaient prêtres , chirurgiens, 6c médecins, c'eft-a-dire en un mot, les Savans de la Nation. Les Caraïbes font en-général d une taille médiocre j  [A] . médiocre: ils étaient fombres, flegmatics, & d'une complexion faible. Après avoir danfé une partie du jour, ils employaient le refte a dormir, quand les Efpagnols vin.rent troubler leur félicité. Ils étaient portés a 1'incontinence la plus immodérée, & aucune loi ne fixait le nombre de leurs Femmes: cependant la première Épouse jouiflait de quelque diltinction. (Voyez les Gynographes, p. 176). Cortèz fut le conquérant, ou plutöt le fléau du Mexic. Quelques vertus qu'on ait fuppcsées a cet Efpagnol, ce font les vertus d'un Brigand & d'un AfTacin: On bouillonne d'indijnation , en-voyant des Hommes qui profeflaient la Religion chretienné, la violer dansles points les plus effenciels, & braver les principes les plus communsd'humanité, du droit. des-Gens. II ne faut pas douter que ce ne foit a cette conduite injufte & tyrannique, qu'on a dti, en Europe, le renverfementde toute morale, & ces yices innombrables qui nous ont inondés depuis trois fiècles. A quoi peuvent fervir les difcoursdesMoralifies, lesfupplices mêmequedécernentles lois contre les crimes les plus atroces & les plus contraires au régime focial, lorfqu'un Malheureus, difposé au vol, ou a Taffacinat, apprend que des Nations entières ont été égorgées, dépouillées de leurs biens, traitées comme de vils Animaux, ou plutöt cent fois pis encore! que! Monflre féroce craindra de violer, d'égorger, de faire rótir & de manger le coeur de fa Viétime, lorfqu'il entend qu'un Europcan arrache des bras d'une Mèreindienne, le Fils qu'elle alaite, pour le jeter a fes Chiens afFamés, qui Ie dévorent; lorfqu'il entend qu'on a coupé en quartiers des jeunes-&jolies Indiennes, après les avoir outrageusement violées, qu'on a fait griller & mangé leurs membres palpitans [ Les anciens Grecs, lesAchilles, les Agamemnon, les Atrées, les Hercule, ont-ils rien fait d'approchanc de ce II Part. S Mexic.  256 [A] qu'ont-osé les Européans des i$,i6, 17 & i8.mes fiecles, profeflant une religion comme leChriftianifme , prétendant le faire embralfer aux malheureus-Indiens, qu'ils enfeveliffent dans les mines, qu'ils forcent a plonger dans la mer , oü ilspérilTenr pardixaines, pour leur en-rapporter des perles? O Monftres! O Colomb que j'abhorre , ó Pizarre, ó Cortèz, ö Améric! quela foudre ne vous a t-elle écrasés au berceau ! Monftres, puilTé un fupplice digne de vos forfaits tourmenter vosOmbres coupables, jufqu'a ce que 1'Humanité vengée ait rétabli la balance entre vous, & les Indiens infortunés, qui ont fouffert, & qui fouffrent encore! LesEmpereursduMexicfurentd'abordéleaifs, &choisis par lePeuple; enfuite on designa quatreÉleaeurs: lts devaient être j eunes & courageus, comme chés toutes les autres Nations fauvages. Avant de procéder a la cérémonie de fon couronnement, 1'Empereur nouvellement élu, était obligé de remporter quelque viftoire, ou de conquerir quelque Province fur les Ennemis de 1'Empire, ou fur des Rebelles: aulïïtót que quelques exploits 1'a vaient fait paraitre digne de règner, ilrevenait triomphant dans la Capitale. LesMiniftres, lesSacrificateurs, &les Nobles, 1'accompagnaient jufqu'au temple du Dieu-de-la-Guerre, a la porteduquelil dcfcendait de fa litière pour y faire fon hommage. Après les facrifices, les Éleaeurs & les Princes lui mettaient l'habit & lemanteauimpérial. WzTopilnn, ou Pontife-fuprême, donnait 1'onaionfacrée a 1'Empereur, qu'on revêtait enfuite d'un capuchon, fur lequel on avait peint des têtes-demort, d'un habit noir, & d'un-autre bleu , fur lefquels étaient les mêmes peintures ; fans-doute pour faire relfouvenir le Roi, que la mort le rendrait de-nouveau 1'égal de fes Sujets. II alait enfuite devant 1'autel de Vit^iput^i, ïurer de maintenir la religion des Ancêtres, d'obferver les  [A] 2j7 lois & les coutumes de 1'Empire , de traiter les Sujets avec douceur & bonté; en-outre, que tant qu'il règneraic, le Soleil repandraitfa lumière; que les pluies tomberaient apropos, que les rivières ne déborderaient pas, & qu'il n'y aurait point dc ftérilité. ( Pour ce qui regarde le mariage , voyez les Gynographes, pp. 2.77-2.80). II y avait au Mexic une belle inllitution: chaqueEnfant, a 1'age oü il était queltioa de lui choisir un état, était présenté au Prêtre, qui lui fesait une exhortation fur les misères attachées a la condition humaine: Enfuite, fi c'était le Fils d'un Noble,le Minifirelui mettait uneépée alamain-droite, & k la gaüche un bouclier: fi c'était le Fils d'un Artisan, le Prêrre lui donnait 1'outil de la profellion a laquelle on le defiinait: c'était a quinze ans, que chacun entrait dans I a profeffion qu'il devait exercer. La JeunefTe mexicaine était févèrement élcvée , & 1'on avait grand-foin de lui infpirer le goüt de la fobricté. Depuis la plus tendre enfance, jufqu'a lage oü le corps a enfin aquis toutes fes forces , on augmentait infenfiblement la dose de travail & de nourriture. Jamais on ne permettait qu'un Enfant demeurat oisif, 8c dès quatre ans, on commencait a 1'attacher a quelqu'exercice proportionné a fa faibleffe. Les chatimens fuivaient le developement de la raison. Les fautes de neuf ans étaient punies par des piquüres d'épines; a dix, on fe fervait du baton ; a onze , on fesait entrer dans le néz du Coupable de lafumée è'axi-fée, ce qui lui causaitdes douleurs infupportables; & fi ce chatiment ne produisait aucun effet fur lui, on le liait nu, & on 1'exposait a la chaleur du Soleil & aux injures de 1'air, durant toute unejournée. Les Jeunes-gens qui f'enivraient étaient punis de mort; mais cet excès était permis aux Vieillards. II y avait dans toutes S ij  a*« [A] les provinces de 1'Ëmpire des Ecoles-publiques, oü 1'on enfeignait tous les exercices, qui pouvaient former les Citoyens, fuivant les différentes claffes oü le fort les avait placés. Les Jeunes-mexicaines étaient élevées a\ cc beaucoup plus de douceur. Quand un Seigneur mexicain mourait, fon premier Domeflique était facrifié, ainfi que fes principsux Officiers, & on les tuait promptement, afin qu'ils alaffent fervir leur Maïtre dans 1'autre monde: on tuait de-même un Chien, afin qu'il aboyat devant lui, pour annoncer fa venue; ce qui fait voir que ces Peuples attribnaient uneautre vie aux Animaux comme a 1'Homme lui - méme. Lorfque 1'Empereur paraiffait atteint d'une maladie mortelle, oncouvrait toutes lesldoles de 1'Empire, jufqu'a fa mort ou fa guérison. Auffitót qu'il était expiré, on ordonnait un deuil général, & toute la Nobiefle était invitée a fes funérailles. C'était en-présence des premiers Seigneurs qui arrivaient, qu'après avoir lavéle corps & 1'avou" parfumé, pour le garantirde toute pourriture, on le placait fur une natte, dans la principale falie de fon palais, oü il était gardé pendant quatre nuits avec beaucoup de pleurs & de gémilfemens. On coupait une poignée de fes cheveux , qui fe confervaitfous une garde, pour 1'usage qu'on en-devait faire. On lui mettait dans la bouche une trèsgroffe émeraude, & on lui chargeait les genous de dix-fept couvertures très-riches, dont chacune avait fon allusion , & par-deflus lefquelles on placait la devise de 1'Idole qu'il représentait de fon vivant, ou pour laquelle il avait montré leplüsdedévotion. On lui couvrait le visaged'un mafque, enrichi de perles & de pierres-précieuses. Après ces cérémonies préliminaires, on facrifiait 1'Officier qui avait exercé pendant fon règne 1'emploi d'alumer les lampes &  CA] 2<9 de bruler les parfums dans le palais, afin que le voyage que le Monarque venait d'entreprendre ne fe fit pas au-milieu des ténèbres, ni dans une route oü fon odorat fut blefie par quelque mauvaise-odeur. Enfuite on porta.it le corps au grand temple; & tandis que le convoi était en marche , tous Ceux qui composaient le cortége , ne ceffaient de donner les marqués de la plus vive affliction , par leurs cris & par des rhants lugubres. Les Grands de 1'État, ainfi que les Chevaliers étaient a/més , & lesDomefliques du palais portaient des malles, des enfeignes & des panaches. On trouvait dans la principale cour du temple un bucher alumé , oü le Pontife-fupréme, après certaines prières & des invocations, jetait le corps du feu Empereur, avec tous les ornemensdont il était couvert., & dans le même inffant, les Officiers ietaient auffi dans le brasier leurs armes, avec un Chien , deftiné a annoncer par fes aboiemens, 1'arrivée de 1'Empereur dans tous les lieux oü il devait paffer. Alors on commencait le grand facrifice , dont les Victimes devaient être au nombre de deuxcents: on leur ouvrait d'abord la poitrine , & on leur arrachait le cceur, qui était jeté au-milieu des flames, & les corps étaient déposés dans des charniers particuliers, fans qu'il fut permis de manger de leur chair. Une Garde nombreuse veillait pendant toute la nuit autour du bucher. Le lendemain on ramaffait les cendresdu Corps, fur-tout les dents, & 1'émeraude qu'on avait misedansla bouche du Mort. Ces refpectables dépouilles étaient placées dans un vase, que les Prétres alaientporterproceffionnellement a la montagnede Chapultepequc, & qu'ils déposaient fous une petite voute, ornée & peinte bizarremenc, avec la poignée de cheveux dont on a déja fait mention, & un-autre toupet qui avait été coupé,au même Prince le jour de fon conronnement. S iij  2Ó0 [A] L'entréc dc cette voüte était enfuite boiïchée avec beaucoup de foin, & on placait devant une ftatue de bois, qui représentait la figure du Mort. Les quatre jours fuivans, les Femmes, les Filles, & les plus zèlés Serviteurs du Monarque , alaient poser de riches offrandes devant cette représentation. Le cinquièmejour, lesPrêtres facrifiaient quinze Efclaves, le vingtième , ils en-égorgesient cinq , trois le foixantième, Sc neuf vingt jours après; ce qui terminait la cérémonie. Les obfèques du Cacic de Mcchoaódrt , Prince dont la puillance n'était que fort-peu inférieure a celle de 1'Empereur du Mexic, fe'célébraient avec des fingularités qui méritent d'étre rapportces. Lorfque ce Cacic fe fentait prochedefa fin , fa première attention était de nommer entre fes Fils, Celui auquel il vonlait lailfer la couronne. Cet Héritier designé affemblait auffitöt tous les Officiers de fon Père, & les principaux Seigneurs de la province , qui venaient lui rendre hommage & lui apporter quelques présens, ce qui paffait pour une recomiaiffsnce de fes droits. L'apparternent du vieux Cacic était fermé avec foin ; on placait fur la porte fa devise Sc fes armes, Sc il n'était plus permis a Perfonne de faire fa cour a l'ancien Maitre. Dès qu'il avait rendu le dernier foupir, tous les Seigneurs convoqués f'aflemblaient pour pöufièrles plus affreus gémifiemens Après cette fcène lrgubre, on leur ouvrait l'apparrcn'.cr.t du Mort; ils y entraic nt, Sc Chacun le touchait de la main, en lui jetant fur ie co;ps quelques gouttes d'une eau pa; furnée. On lui mettait fa chauflure de peau de chevreuil, reservée pour les feuls Cacics: on lui attachait aux genous des fonnettes d'or; des anneaux aux doigts, des braflelets aux poigncts, une chslne de pierres-précieuses au co!, Sc des pendans-d'orcilles. On  [A] 261 lui couvrait les lèvres de pierreries, & les épaules de fuperbes trellés de plumes: ainfi habillé, on Ie placait affis fur une litière découverte, avec un are & des flccfres d'un cóté, de 1'autre la représent tion de 1'Idole pour laquelle il avait montré le plus de dévotion pendant fa vie. Le Succeffeur nommait alors k\s Officiers qui devaient aler fervir fon Père dans 1'autre monde : & pour fortifier ces malheureuses Viétimes contve la crainte & les faibleffesde la nature, on prenait foin de leur faire avaler quelques verres d'une liqueur enivrante, dont la vertu était de rendre infenfible jufqu'a un certain point: fept Femmes, choisies entre les plus diftinguées de l'É'.at, tombaien: fous le couteau des Prétres; la Première , pour être la gardienne de tout ce que le défunt Cacique emportait de plus précieus dans 1'autrc-monde; la Seconde, pour lui présenter la coupe; la Troisième pour laver fon linge, & les quatre Autres, pour divers emplois particuliers. Chaque Ordre de la province était obligé de fournir une Viétime, outre le grand nombre d'Efclaves, qu'on raflemblait pourdomper de 1'éclat a cet abominable facrifice. On lavait ces Malheureus avec la plus grande exactitude, on leur teignait le ! visage en jaune , on leur mettait fur la tête une couronne de fleurs, & ils ouvraient la raarche funèbre; on fesait retentir les inftrumens d'os & de coquilles, comme dans une fête de joie. Après eux, venait la Familie du Cacic , & [enfuite la litière fur laquelle le Mort reposait, portée par les plus grands Seigneurs du pays, qui chantaient d'un ton lugubre les louanges du Défunt: cetce marche était fermé par tous les Domeftiques du palais, povtant des enfeignes & des éventails de plumes. Le Peuple formait un cercle autour de tout ce monde, & veiilait a la garde des • Viétimes. C'était au-milieu de la nuit que le convoi com- Siv  2Ó2 [A] mencait a fortir des cours du palais, & il paffait par les plus larges rues de la Ville, qui avaient été néroyées avec les cérémonies les plus bisarres & les plus fuperlticieuses. Arrivé au temple, on fesait quatre-fnis le tour du bucher, qui avait été préparé par les Prêtres, pour biüler le cadavre, qu'on placait au fommet, & qui était bientór en proie aux flarnes. Pendant ce temps, on facrifiait les Victimes, & fans les ouvrir, on les enterrait derrière les mursdu temple. Quand le jour commencait a paraure, les Prêtres ramaffaient foigneusement les cendres & les os du Cacic ; ils y joignaient 1'or fondu , les pierreries calcinees , & de ces trilies reftes, ils composaient une fiatue de grandeur humaine, qu'ils ornaientde plumes, de colliers, de braffelets, defonnettesd'or; enfuite armee d'un are, deflèches& d'un bouclier, ils la présentaient ainfi aux adorations du Peuple. Après toutes ces cérémonies, lesSacrificatenrs fesaient un folie au piéd des degrés du temple; ils y placaient la üatue fur un fuperbe lit; autour d'elle ils fufpendaient un grand-hombre de petits boucliers d'or & d'argent; le refte de 1'efpace était rempli par des coffresqui contenahrnt des robes, desjoyaux, & toutes les choses qu'on fupposait néceflaires pour le voyage, long & difBcile, que le Cacic venait d'entreprendre. La folfe était auftitót fermée, & on placait audeifus plusieurs figures, fous la garde defquelles on mettait ce refpeclable monument. LesJuges, au Mexic, feprenaient entre les plus-riches & les plus-vertueus Citoyens, qui f'étaient diftingués pendant la paix & pendant la guerre. Le moindre défaut d'intégrité dans les Magiftrats, était puni de mort. Un Homme du Peuple ne pouvait f'élever au rang des Nobles queparla voiedes armes: unNoble neparvenait auxplaces éminentes de 1'État, qu'en fe diftinguant dans lesArmées  [A] 263 par des prodiges de valèür. II ferait trop-long de parler des usages particuliers des provinces du Mexic & des Etats voisïns, comme les TLifcalans, les Mofquitos, &c.a Ceft au Daricn, ou Royaume de Tcrre-ferme , que font fituées les Villes efpagnoles de Panama, Portobelo, Carthagène , &c.a Chés les Peuples du Darien , chaque Familie cultive une certaine portion de terre autour de fon habitation. Leur pain eft fait de bananes, d'yams, & de calfave; les grains qu'ils recoltent ne fervent qu'a faire une forte de bière. Ils affaisonnent leurs viandes avec du piment. Les Hommes conüruisent les cabanes, abatent les arbres, & nétoient les plantations; les Femmes plantent le maïs, préparent les boiffons & tous les alimens. La chalfe eft 1'exercice favori de ces Indiens. C'eft aux environs de 1'Iflme-de-Panama, qu'on a trouvé les efpèces d'Hommes les plus fingulières & les plus différentes >des autres. Pour ce qui regarde les Femmes & le mariage , voye^les Gynographes, pp. 2.80-283. Toute la Nation Péruvienm était divisée par décuries, a Ja téte de chacune defquelles il y avait un Chef: de cinq en cinq décuries, ily avait un-autre Chef fupérieur; Un-autre de cent ,en cent, de cinq-cents en cinq-cents, de miile en mille. Les Décurionsdevaient pourvoir aux besoins de Ceux qui étaient fous leurs ordres, veiller fur leur conduite , infcrire les naiffances & les morts, & rendre un compte exact a 1'Officier fupérieur. Les Officiers de chaque Village, de chaque Bourg, de chaque Ville , prenaient connaiffance de tous les différends, qui f'élevaient dans leurs diftriéts, & les jugeaient fans appel. S'il naiffait quelque conteltation entre les provinces, elles étaient décidées par le Souverain. On ne voyait dans toute lëtendue de 1'Empire ni Fainéans ni Vagabonds. L'Ynca, ou Empereur, était Darieh Péroo.  264 [A] refpeélé comme un Dieu par fes Sujets, 3t fes Miniflres craignaient de commettre des injullices , parce-que leurs fautes étaient punies plus févèrement que celles du Peuple. Ies Yncas avaient le chois des terres, & pouvaient prendre pour Concubines toutes les Jeunes-filles qui leur plaisaient. Ie premier foin des Monarques duPérou, lorfqu'ils avaient eonquis une Province, était d'en-faire cultiver les terres; & comme 1'eau manque fouvent dans ces contrées, ils f'efforcaient d'y fuppléer par ces fameus aqueducs, dont les mines atteftent encore, & ï'induftrie des Péruviens , & la négligence, pour ne rien-dire de-plüs, des Efpagnols , qui les ont laiflës périr. La récolte de toutes ces terres fe divisait en trois parties, la première pour le Soleil, la feconde pour 1'Ynca, & la troisième pour le Cultivateur. Ies terrchs trop-fecs pour être enfemencés, étaient plantés d'arbres utiles, & le partage f'en-fesait de-même. Les champs du Soleil devaient être travaillés les premiers , enfuite venaient ceux des Veuves & des Orfelins, puis ceux du Cultivateur , & enfin ceux de 1'Empereur ou des Curacas. Chaque jour, vers le foir, un Officier montait au haut d'une petite tour, & il annoncait au Peuple a quelle partie de travail il devait f 'employer le jour fuivant. Chaque Citoyen obtenait pour fes besoins, la portion de terre qui exigeait un bohfeau de grain pour être enfemencée., Les terres hautes étaient engrailfées avec le fumier des; Animaux; on fe fervait de la fiente d'Oiseau-marin pour1 Bourrk celles qui bailfaient vers la mer. Aurelle , le Cultivateur était obligé de tranfporter dans les greniers-pub'ics de chaque Ville, ou du Lieu dont il dépendait, le tribut de fa moiffbn. La Familie-royale en-entier, les Gouverneurs des provinces, les Officiers- de-juftice, les Veuves & les Orfelins étaient exemots de toute efpèce d'impót. Les  [A] 265 présens en or &en argent qu'on offrait al'Ynca, ne fervaient qu'a l'embelliffement des temples & des palais. Dans chaque province il y avait d'immenfes magasins remplis darmes, d'habics &: de vivre, pour la fourniture des plus grandes Armées. Les tributs quife levaient dans 1'étendue de cinquante lieues autour de la Capitale , étaient affectés a 1'entrerien de la Familie-impériale & des Prêtres du Soleil. On ne fouffrait point de Courdsannes dans toutes les Villes du Pérou ; mais celles qui embraffaient cet infame métier, avaient la überté de fe batir des cabanes au-milieu de Ia campagne, & quoique leur commerce fut permis aux Hommes, uneFemme-honnête fe ferait deshonorée, fi elle avait osé entrer en converfation avec 1'Une de ces Proftituées. Les Péruviennes f'occupaicnt a divers ouvrages convenables a leur fexe; elles filaient du coton, dont elles fesaient des toiles & des étofes pour les habits: les Hommes préparaient les cuirs pour la chaulfure, & Tous-enfemble f'employaient de-concert a ragricnltüre. Quelie que foit la pareflè des Péruviens d'aujourd'hui, ce ferait faire tort a-la-mémoire de leurs Ancêtres, que de prétendre qu'ils leur en-ont donné 1'exemple. Des chemins de cinqcents lieues de longueur, ouverts a travers les montagnes, les rochers, les vallées & les précipices, atteftent 1'induftrie d'un Peuple laborieus, a qui 1'efclavage a öté fa vertu. Cette Nation, qui méritait une plus-heureuse deftinée , avait fait très-peu de progrès dans 1'aüronomie ; fes mois étaient lunaires, & elle les divisait en quatre parties, qu'elle diftinguait par des noms & par une fête. Dans 1'orjgine de la monarchie, 1'année commencair par le mois de janvier; mais, fans qu'on nous en rapporté la raison, 1'Ynca iPachacutéc, ordonna qu'on la commencerait par celui dc >)décen!bre.  266 [A] Toute Ia médecine desPéruviens confiftait dans la conmiflance qu'ils avaient de la vertu de certaines fimples. Ils ouvraient la veine ordinairement dans lapartie affeétée, êcdonnaient une purgation composée de deux onces d'une racine, aflés violente pour procurer des vomifl'emens Sc des felles. Aurcfte, il elt remarquable qu'ils ne fesaient jamais prendre de rcr.ièdes que dans le rommencement des maladies, Sc qu'ils laiflaient enfuite a la nature Sc a 'la diere le foin de retablir le Malade. ' Leur géométrie était grollière Sc fans méthode , Sc leur, musique inftrumentale n'était pas plus recherchée; ils avaient des tambours & différentes fortes de flutes decannes, foit fimples , doublés ou triples. On fait qu'a 1'arrivée des Efpagnols, ces Peuples n'avaientaucune idéé de 1'écriture, ni tiende femblable a notre arithmétique, Sc qu'au défaut de lettres Sc de chifres, pour tranfmertre a la Pofiérité les principaux évènemens de la monarchie, ils fe fervaicnt de figures informes, Sc de certains nosuds qu'ils appelaient quippos. Garcilafib va nous en faire ladefcription; car ce ferait affaiblir fon ftyle que d'y changer qnelque-chose » Lorfque leslndiens, dit cetYnca, voulaient faire leurs comptes (qu'il designe pat le mot quipu, lequel fignifie noucr ou nozud, Sc feprend pour le compte même, parce-qce les nceuds fe fesaient de toutes fortes de choses); ils prenaient ordinairement des fils de différentes couleurs, car les uns n'en-avaient qn'unc-fcule, les autres deux, les autres trois, Sc ainfi du refte. Chaque couleur, foit qu'elle fut fimple ou mélée, avait fa fignificatiou particuüère. Ces cordons, qui étaient de trois ou quatre fils retords , gros comme de la moyenne ficelle, Sc cle la longueur de trois-quartsd'aune , étaient enfiiés par ordre en long dans  [A] 267 une-autre ficelle, ce qui fesait une efpèce de frange. On jugeait du contenu de chaque fil par la couleur, comme, par-exemple , le jaune designait 1'or, le blanc marquait 1'argent , & le rouge les Gens-de-guerre. S'ils voulaient designer des choses dont les couleurs ne fuffent pas remarquables, ils les mettaient chacune felon leur rang, commencant depuis les plus confiderables jufqu'aux moindres: ainfi, par-exemple, fil fe fut agi de bied ou de légumes, ils auraient mis premièrement le froment, puis le feigle , les pois, les'fèves, le mület, &c.*:_: de-même quand ils avaient a rendre-compte des armes , ils mettaient les premières, celles qu'ils effimaient les plus nobles: fils voulaient faire un compte des Valfaux, ils commencaient par les Habitans de chaque Ville, puis par; Ceux de chaque Province. Ils mettaient au premier fil les Vieillards de foixante ans & audeffus; au fecond, Ceux de cinquante ; au troisième, Ceux de quarante; & ainfi des Autres, en defcendant de dix ans, jufqu'aux Enfans h la mammelle. Ils tenaient le compte des Femmes, felon leurs ages, dans le même ordre. II y avait dans quelques-unes de ces ficelles, d'autres fils fort-déüés, d'une même couleur, qui femblaient être des exceptions de cette règle générale: par-exemple, les petits fils, qui étaient aux cordons des Femmes, ou des Hommes-mariés de tel ou tel age , fignifiaient ce qu'il y avait de Veufs & de Veuves cette année-la; car ces comptes étaient comme des annales, qui ne rendaient raison que d'une année feulement. On obfervait toujours dans ces cordons ou dans ces filets 1'ordre d'unité, comme qni dirait, dixaine, centaine, mille, dixaine-de-mille, parce-que chaque Ville ayant fon compte particulier , & chaque Capitale fa province, le nombre ne montait jamais fi haut que cela. Cc  268 [A] n'eft pourtant pas que fil leur eut falu compter par le nombre de cenraine-de-rnille, qu'ils ne 1'eufient pu faire, de-même, parce-que leur langue eft capable de tous les nombres d'arithmétique. Chacun de ces nombres, qu'ils comptaientparlesnoeuds des filets, étaitdivisé de 1'autre, & les noeuds de chaque nombredépendaient d'un filet, comme ceux d'une cordelière ; ce qui fe pouvait faire d'autant plus facilement, qu'ils ne palfaient jamais neuf, non-plus que les unités & les dixaines, &c.a Ils mettaient le plus grand nombre, qui était la dixaine-de-mille, au plus-haut des filets, & plus bas mille, & ainfi-du-refte. Les noeuds de chaque fil & de chaque nombre éraient égaux les uns aux autres, & placés de la même manière qu'un bon Arithméticien a coutume de placer fes chifrcs. pour faire une grande fupputation. Parmi les Indiens, il y avait des Hommes expres quigardaientces^;«/70.ï, ou ces cordons-a-nrcuds; on les appelait Oidpucamayu, c'eft-a-dire , Celui qui a la. charge des comptes. Lc nombre de ces Qidpucamayus, oude ces Maïti es-des-comptes , devait être proportionné aux Habitans de toutes les Villes des provinces: pour fi petite que fut une Ville , il falait qu'il y en eut quatre, & ainfi toujours en montant, jufques a vingt & a trente. Quoiqu'ils euffent tous un même regkre, & quepar-conféquent ils n'eufient pas besoin de plus d'un Maitre-descomptes, 1'Ynca néanmoins voulait qu'il y en eüt plusieurs dans chaque Ville , pour couper chemin aux fupercheries; disant que fils étaient peu , ils pourraient f'entendre enfemble ; aulieu que cela n'était pas fi facile a Plusieurs, & qu'il falait ainfi, ou qu'ils fufient tousfidèles, ou qu'ils trempaflent tous dans une même infidélité. Ils comptaient par noeuds tous les tributs que 1'Ynca recevait chaque année. On y voyait le róle des Gens-de-  [A] 269 guerre, de Ceux qu'on y avait tués, des Enfans qui naiffaient, & de Ceux qui mouraient tous les ans, &c.a On y marquait mêmele nombie des batailles & des rencontres, des ambaffadesde la part de 1'Ynca , & desdéclarationsque le Prince avait données: mais comme on ne pouvait pas exprimer par des nceuds le contenu de 1'ambalTade & les évéhemens hiltoriques, ils avaient certaines marqués par ou ils connaiiTaient les aétions mémorables, les ambaffades, & les déclarations faites en temps de paix ou de guerre: les Qiiipucamayus en-apprenaient par-coeur la fubflance , & les enfeignaient aux Autres par tradition; cela fe fesait particulièrement dans les Villes ou dans les Provinces ou ces choses s'étaient palfées, & oü la mémoire f'en-confervait plus qu'en toute autre contrée. Ils fe fervaient encore d'un autre moyen, pour tranfmettre a la poftérité les choses mémorables. Les Amantas les mettaient en prose, & les réduisaient fuccintement en forme de fables, afiH que les Pères les racontaffent a leurs Enfans, & les Bourgeois aux Gens de Village , & qu'ainfi paffant d'age-en-age de l'Un-a-1'Autre, il n'y eut Perfonne qui n'en-confcrvat le fouvenir. Ils donnaient outre cela un fens fabuleus & allcgorique a leurs hilloires: les Aravicus, ou leurs Poètes, composaient exprès de petits vers, dans lefquels ils comprenaient fuccinclement l'hiftoire de 1'ambaffade, avec la réponfe du Roi; ils cxprimaient de cette manière ce qu'ils ne pouvaient faire comprendre par leurs noeuds. I's chantaient ordinairement ces vers dans leurs triomphes & dans leurs fêtes les plus folemnelles, au couronnement de leurs Yncas & aux cérémonies qu'ils obfervaient ». Pour mettre le Lecteur au fait de cette utile invention, il falait néceffairement lui en-présenter 1'explicationdans le ftyle de Garcilaflo. Acofta confirme tout ce que 1'Ynca  Bresil. 270 [A.] dit des quippos; il en-avait vu, il fc les était fait expliquet, & il n'en-parlequ'avec une extréme admiration. Safurpnse n'eft pas moins-grande, que lesPéruviens fulTent parvenus a faire tous les calculs d'arithmétique, avec des fimples grains de maïs. (Voyez les Gynographes , p. 2.83). On ne faurait dire que les Peuples du Bresil aient aucune efpèce de religion; on ne leur connait ni temples, ni aucun monument en l'honneur de la Divinité. Ils n'adorent rien, & leur langue n'a pas même de mot qui cxprime le nom de Dieu. Ils ignorent ce que c'eft que la création du monde, & ne divisent les temps que par les lunes: cependant ils lèvent quelquefois les mains vers le Soleil & la Lune, fans-doute en figne d'admiration. Ils ont quelqu'idée confuse d'un grand déluge d'eau, qui fit périr tout le Genre-humain, & raconrent fort-férïeusement: Qu'un Étranger puiffant, qui haïflait mortellement leurs Ancêtres, les fit tous périr par une prodigieuse inondation , excepté un Frère & une Sceur, qu'il resem pour repeupler le monde. C'eft de 1'union de ces deux j Perfonnes qu'ils fe croient defcendus, & leurs anciennes j chanfons ont fait paffer ce fait d'age-en-age. Ils ne peuvent fe perfuader que cette vie foit fuivie d'une-autre , & 1'on ne parvient guère a leur faire comprendre ce que nous j entendons par le Ciel & par 1'Enfer. Cependant un Mau- ( vais-génie, qu'ils nomment Aguian, leur cause beaucoup j de frayeur, & on leur entend dire, que plusieurs d'entr'eux put été changés en démons, & f'amusent a danfer dans des campagnes agréables, p^n.rées de routes fortes d'arbres; mais on ne rapporté pas qu'il adreifent des hommages a cet Aguian. lis attachent quelqu'idée de puiffance au tonnerre , qu'ils appellent tupan, & dont ils prétendent avoir appris a cultiver les terres: mais quand on leur remontre qu'il  [A] tjx qu'il faut adorerDieu qui eftl'auteurdutonnerre: —C'eft une chose étrange , répondent-ils, que Dieu, que vous nous peignez fi-bon , épouvante les Hommes par Ia fbudre-? Ces Sauvages ont une forte de vénération pour un certain fruit aufli gros qu'un ceuf d'Autruche, & affés femblable a une calebaffe, qu'ils appèlent tamaraca. Ils ont des Devins, aufquels ils f adrefTent pour obtenir la fantédans leurs maladies. Dans certains temps, ces Impofteurs font la visite des habitations; & comme on ne doute point qu'ils ne foient en commerce intime avec 1'Aguian, ils portent toujours avec eux une petite Idole, qu'ils appèlent Maraqut, & perfuadent aux Peuples que c'eft par 1'crganedecette Maraque qu'ils recoivent les réponfes de 1'Efprit-malin. En-entrant dans une cabane, ils attachent 1'Idole a un baton qu'ils fichent en terre; ils font ornerla Maraque de belles plumes, & ordonnent aux Habitans du Village de lui venir apporter a boire & manger, parce-que rien ne la difposera mieux k répondre aux demandes qu'on lui fera. Un Sauvage fe trouve très-heureus, lorfqu'au prix de tout ce qu'il poffède, il peut faire 1'acquisition d'une pareille Idole. Ils ont des fétes qui reviennent en différens temps. Quelquefois les Brasiliens f'affemblent dans une longue hute, affedée pour ces fortes de cérémonies. Un Boïe\, ouDevin, entonne une chanfon, & chacun danfe autour de lui, en-fesant diverfes poftures & en-tenant fa Maraque a la main. Les Femmes f agitent avec une telle violence, qu'on les croirait atteintedequelque mal, & les Jeunes- Gens ne ceflènt de fe frapper la poitrine. Après cet horrible tapage, il fe fait un grand fdence, & bientót on chante d un ton plus doux ; puis on fe met a danfer en fe prenant par la main , pliant un-peu Ia jambe droite, tenant la main gaüche pendante & portant la droite fur les II Part. X  272 [A] ft fles. Alors on fe divise en trois cercles, Sc trois Bo'iéz, couverts de plumes., présentent leurs Maraques aux D-infeurs; puis f'armant delongs roseaux rcmplis de tabac alumé, ils leur en fonfflent la furnée, en prononcant avec gravité • 1—Recevez tous 1'EuSrir de force 6c de courage par lequel vouspourrezvaincrevosEnncmis-. CesBoïézinterprèrent aufli les fonges. Pour-lorsle Devin fe retire dans une hüte, féparée de toute habkation, oü il trouve un hamac , Sc une bonne provision de nourriture preparée par uneViergede dix a douze ans. B faut que depuis neuf jours il n'ak en aucun commerce avec fa Femme. II foupe de bon-appétit, il intenoge fa Maraque, f'endort profondement, & le lendemain il eft en-état de donner 1'explication qu'on lui a demandée. On peut remarquer que 1'évocation de 1'Efprit dok toujours fe faire fans témoin. Souvent les Boïéz hasardent des prédiétions qui n'ayant point d'effet, portent le troubledans la Nation, Sr alors ils rifquent d'étre maffacrés, pour prix de leur impofture. Ces Sauvages font courageus, mais 1'intérèi: & 1'ambition ne font jamais les motifs des guerres qu'ils entreprennent: la vengeance eft toujours ce qui leur met les armes a la main. Lorfqu'il f'agit de venger ia mort d'un Parent ou d'un Ami , mangé par quelques Sauvages, les Anciens de 1'habitation, qu'ils nommenc AUhja , convoquent une affemb'ée de tous les Jeunesguerriers, & par un difcours emporté, qui ne refpire que la haine & le carnage, ils les excitent a prendre les armes. La Troupe part auffitöt. Chaque Sauvage eft armé de fa tacapt, qui eft une forte de maffue de bois-du-bresil, ou d'une efpèce de bois d'ébène noire, fort-pesante , ronde a lVxrrémké Sc tranchante par les bords. Sa longueur eft de fix piéds, fur un de large, & fon épaiffeur d'un pouce. Ils fe fervent aufTrd'arcs, & de boucliers. Quelquefois  [A] 273 ilsmarchent au nombre de cinq ou fix-mille, & leurs Femmes lesfuivent, chargées de provisions. Arrivés dans le pays qu'ils veulent ravager, les Femmes & les Moins-vigoureus farrêtent, tandis que les Guerriers fe gliflènt a-travers les bois, & communément ils commencent leur expédition par mettre le feu aux cabanes ennemies, afin de pouvoir faire des Prisonniers, au-milieu de la confusion qu'occasionne 1'incendie. S'ils font obligés de combattre en rase-campagne, ils Ie font avec une férocité audela de toute expreflion. Oa afture qu'ils engrailfent leurs Prisonniers avant que de les manger, & que pendant ce temps, ds donnent des Femmes aux Hommes, & leur permettent de fe divertir & d'aler a la chafle & a la pêche. Le jour fixé pour 1'affreus feftin, tous les Indiens de 1'habitation fe raflemblent. La fête commence par un repas oü le Prisonnier eft invité, & il n'eft pas Celui qui y apporte le moins de gaité. Après avoir paffé quelques heures a danfer & afe réjouir, deuxSauvagcs d'entre lesPlus-robuftes, fe faisiftent du Prisonnier, le Jient d'une groflè corde au-milieu du corps, & dans cet état, le.promènent comme en tnomphe, dans les aldejas voisins. La Viétime, loin d'étre abbatue aux approches du fort qui 1'attend, n'enfemble que plus fiére. Elle raconte avec audace de quelle manière elle a lié fouvent fes Ennemis, & comment elle les a rötis & mangés. Après cette courfe, le Prisonnier eft ramené dans 1'habitation oü il doit trouver la mort: fes Gardes f'éloignent, 1'Un a droite & 1'Autrc a gauche, a la diftance de dix piéds, obfervant de tirer a mesure égale i la corde dont ils le tiennent lié , de-forte qu'il ne puiffe ! faire on pas. On place auprès de lui un gros tas de pierres, i& on lui déclare qu'avant demourir, on lui permet de ivenger fa mort : il entre en fureur, il lance toutes Tij  274 [A] ces pierres contre Ceux qui 1'environnent, & malgré les boucliers dont ils fe couvrent, ü ne lailfepas d'en-blefier un grand-nombre. Après ce combat, Celui qui dort lui donner lc coup mortel fe montre, & lui demande fd n'eft pas vrai qu'il a tué & mangé plusieurs de fes Compagnons? A-quoileCaptifrépondfièrement.querienn'eftpluscertam, & qu'il en-feit gloire: —Rens-moi la überté, ajoute-t-il, & je te mangerai Toi &: lesïiens. —Eh-bien , repüque le Bourreau, nous te préviendrons; je vais t'aflbmmer, & tu feras mangé ce jour-même-. Le coup fuit la menace. La Femme qui a vécu avec le Prisonnier , viens faire la grimace de pleurer fur fon corps, mais elle ne fe raflasie pas moins de fa chair. D'autres Femmes lavent le corps , le coupent par morceaux, qu'elles font rótir, & Chacun dévore ce déteftable mets avec une avidité furprenante. A c-tte horrible barbarie, les Brasiliens en ajoutent une-autrc qui ne fait pas moins frémir : Si le Captif a eu un Enfant de la Femme qui a pris foin de 1'engraiiTer , cetnfte Fruit eft dévoré en naiffant, ou lorfqu'il a pris un-peu de force. Toute laférocité de. ces Sauvages contre leurs Ennemis , n'empêche pas qu'ils ne vivent fort-paisiblement entr'eux. Cependant fil f'élève quelque querelle de Particulier a Particulier, on leur laiffe la überté de fe battre; & fi 1'Un des Combattans eft bleffé, fes Parens font la même bleffure a 1'Autre , on le tue fil a tué fon Adverfaire. La loi du talion eft obfervée avec une extréme rigueur. Ils font prefqueTous fort-humains enversles Étrangers. ( Voyez les Gynographes, p. 287 ). Ontrouvedansl'ir.térieurdesterres,aenvirondouzeüeues dc Santos, une Ville nomméeSaintpaul, enfermée de touscótés par des montagnes inaccefiibles , & par une immenfe forêt, dontCorréal nous fait ladefcription fuivante: C'eft  [A] 27 une efpèce de République, dic-il, composée dans fon origin d'un mélange d'Habitans fans foi & fans loi, quelanécellit de fe conferver a foixés de prendre un gouvernement. 1 Py trouve des FugitiFs de tous les drdres & de toutes le Nations, des Prêtres, des Religieus, des Soldats, des Arti saus, des Portugais, des Efpagnois, des Créoles, de Mérifs , desCariboets, qui font des Ineens nés d'un Fra silien & d'une Négrelfe, & des Mulatres. Cetcc Républiqu< ne confiftait d'abord qu'en une centainc de Families, qu pouvaient composer quatre-cents Perfonnes, en y comprenant les Efclaves. En peu dannées elle faccrut at nombre de-plus de fk-mille. On appelle Pa ullftes, ce, Républitains, qui prennent la qualité de Peuple-libre', & qm ne connaiffent d'autre marqué de dépendance aux Por. tugais, que celle de leur payer Ie quint de 1'or qu'ils tireni de leur propre fonds. Chaque jour la tyrannie des Gouverneurs fournit beaucoup de Membres a cette Société. Aucun Etranger ne peut entrer fur fes terres, fil n'a def. fein de f'y établir, & dans ce cas, i! eft affujéti a de longucs epreuves, pour f'aflurer qu'il n'eft ni traftre ni efpion. Sa première expédition doit être d'enlcver deux Indiens pout le travail des mines. Q.dconque donne lieu de foucomet fes intentions, eft thé fans miséricorde: mais Celui qui eft adoptépar cesRépublicains, nedoit plusefpérer de pouvoir les quitter. Ils ne manquent pas darmes-afeu, dont ils fe fervent avec beaucoup de dextérité: ils manient 1'arc comme les Indiens, & font descourfes de quatrcou-cinq.cents lieues dans rjnténéur des terres, entre les rivières de la-Plata & des Amazones. Quelquefois ils ont 1'audace de traverfer tout leBresil. Jamais ils n'ont voulu permettre aux Jésuites ne f'introduire dans leur Ville. Tous les Peuples de la Noüvüle-franct, ou du Canada , T iij e ï I s > i 1 Canada;  2j6 [A] ont une forte de gouvernement ariftocratique , dontla forme eft extrêmement variée. Quoique chaque Bourgade ait un Chef indépendant, cellen'empêche pas qu'avant que de rien conclured'impoi tant, on ne prenne l'avisdes Anciens. Du cóté de YAcadie , les Chefs des cantons, tiraïent un tribut de tous les Habitans auxquels ils commandaient autrefcis: mais depuis leurs fréquentations avec ies Européans, les choses ont changé. II y a des Bourgades qui ont beaucoup de refpect pour trois de leurs principales Families, pareequ'on les croit aufli anciennes que la Nation même: une de ces Families a la prééminence fur les deux Autres; les Européans en tiaite les Membres de Frères, tandis qu'avec les Autres on ne fe traite que de Cousins. Chacune a fon Chef féparé, mais toutes-trois fe réünhïent, lorfqu'il fagit dc délibérer fur les affaires générales. Chaque Nation a fa marqué particuüère : On connait les Hurcns fous le nom de Porc-épic , & fa premièreTribu eft celle de l'Ours, ou felon quelques Voyageurs, du Chevreuil; la feconde, celle du Lcup, & Ia troisième, celle de laTortue. II n'y a pas de Chef qui n'ait trois noms: le premier eft le nom de faTribu ; le fecond , eft un titre de dignité, comme le Plus-noble, le Pu s-ancien, &V.% & le troisième eft relatif a fes qualités pei fonnelles. Pour obtenir les nomsd'honneur , il faut faire un feftin & des présens aux Principaux de la Tribu. Si 1'on adopte celui d'un ancien Gucrrier , on doit prononcer fon panégyric. Chés les Hurons, ou la dignité de Chef eft héréditaire , c'eft le Fils de la Sceur qui fuccède a fonOncle , ou a fon défaut, le plus proche Parent, en ligne femelle. Si toute une branche vient a f'éteindre , c'eft la Femme la plüs-agée de laTribu quichoisit le nouveau Chef; & ft Celui-ci eft trop-jeune pour commander , on lui donne un Régent, qui gouverne  [A] 277 en fon nom. Chaque Familie choisit un Confeiller & un Afliftant du Chef, qui veille a fes intéréts, & fans 1'avis duquel il n'ose rien entreprendre. Chés les Hurons, les Femmes feules nomment ces Confeillers, & fouvent elles choisiffent des Perfonnes de leur fexe. Ainfi 1'autorité fouveraine reside dans trois Corps, celui des Confeillers, qui almfpeftion du trésor-publie; celui des Anciens; Sc celui des Guerriers, c'eft-a-dire, de tous Ceux qui fe trouvent en-étatde porter les armes. Chés tous les Peuples de la langue huronne , les Femmes ont la principale autorité , excepté chés les Iroquois d'Onneyout, oü elle eft akernative entre les deux-fexes; mais les Hommes n'épargnent rien, en-leur procurant tout l'honneur du commandement, pour f'en-réserver la réalité. Dans les affaires de police , les Femmes délibèrent les premières; les Guerriers traitent entr'eux tout ce qui eft relatif 3 1 \ fruerre, &le confeil des Anciens juge en dernière inftance. Chaque -Tribu a fon Oi ateur qui parle en leur nom; & il faut remarquer que tous ees Orateurs parient bien , & qu'ils ont une éloquence male , dont lesNotres pourraient fe faire honneur. Ces Sauvages n'ont point de lois criminelles, & heureusement il fe commet peu de crimes atroces parmi eux. Ils penfent que 1'Homme eft né libre, & que Perfonne n'eft en-droit d'attenter a-fa liberté. On doit leur reprocher trop de condefcendance pour leurs Enfans : iis prétendent que dans 1'enfance, ils n'ont point encore aftcs de raison pour être corrigés, &: que dans un age plus-avaucé, Üs font maitres de leurs aftions. Ils fe lailfent battre par deslvrognes, parce-que, disent-ils, ces Gens ne favent ce qu'ils font; ils fe fauvent devant les Femmes & les Enfans , fil y a quelque danger pour leur vie. Si un Sauvage en-tueUn-autre , on fuppose qu'il était ivre , ou qu'il a été T iv  278 [A] forcé de fe défendre , pour-lors on fe ,contente de plaindre le Mort. Les Sauvages de fa cabane ont le droit de condamner a-mortleMeurtrier, mais rarement ilsen-viennent a cette extrémité. II n'en-eft pas de-même d'un affacinat qui intérefTerait plusieurs Families; il n'en-faut pasdavantage pour occasionner une guerre fanglante. Un AfTacin ayantétéarrêté, comme ilvenaitdecommettrefon crime, on placa le Corps-mort fur des perches, en-haut d'une cabane, & on attacha immédiatement deffous leMeurtrier, afin qu'il recüt fur lui & fur fes alimens, tout ce qui découlerait du Cadavre: il refta ainfi jufqu'a ce que fa Familie eut obtenu fa délivrance par des présens. L'usage commun eftdedédommager les Parens du Mort par le don d'unPrisonnier-de-guerre, qui entre dans tous les droits du Défunt. Ceux qui font convaincus d'avoir employé des maléfices, n'obtiennent point de grace, on leur donne la quefiion, pour les obliger a révéler leurs Complices, óc on les condamné au fupplice des Prisonniers-de-gucrre: les moins crimincls fontaffommés, avant que d'étre jetés au feu. Les Hurons permettent le vol; mais fi le Larron eft découvert, on peut lui reprendre ce qu'il a volé, & le dépouiller nu, lui, fa Femme & fes Enfans, fans qu'il ose faire la moindre resiftance. Les Nations quihabitent le Canada ne portent en été qu'un fimple braycr: en hiver ils fe couvrent plus-oumoins. Ils ont aux piéds des chauffons de peau, paffes a la fumée, & des bas ou de peaux ou de morceaux d'ctofe. Les Uns ont des camisoles qui les couvrent depuis les épaules jufqu'a la ceinture : les Autres une robe de peau d'Ours , ou de peaux de Loutre Sr de Caftor. Les camisolles des Femmes defcendent jufqu'au deffous des genous. Elles fe couvrent la téte de petits-bonnets en forme de calote, ou d'une-forte de capuce qui tient a la camisole. Les Plus-  [A] 279 riches font jalous d'avoirdeschemises. Tous ces Sauvages aiment a fe faire tracer fur le corps des figures d'Oiseaus, de Serpens, & d'autres Animaux. Ils fe peignent le visage de couleurs qu'ils tirent de certaines terres & de quelques écorcesd'arbres. LesHommes ajoutent a cette parure, du duvet de Cygne ou d'autres üiseaus, qu'ils paifèmer.t fur leurs cheveux grailTés. Le refte des ornemens confifte en pendans-d'oreilles, en plumes de toutes couleurs, en bouquets de poils de différens Animaux , en une grande coquille de porcelaine au couou fur l'eftomac, avec des pattes, des grifes, des têtes d'Oiseaus-de-proie, & en petites cornes deChevreuil. Les Femmes fe croiraient deshonorées, fi elles étaient forcées de couper leur chevelure. Elles la graiffent fouvent; elles fe fervent pour la poudrer, d'une poudre d'écorce, ou d'une forte de vermillon; enfuite elles en forment une cadenette , qu'elles laiffent pendre enfermée dans une peau de ferpenr. Outre les foins domeftiques, les Femmes font prefqu'entièrement chargées de la culture des terres, qu'elles commencent a préparer peuaprès la fonte des neiges & 1'écoulement des eaux. Elles les remuent avec une efpèce de bêche, dont le manche eft fort-long. Après avoir travaillé aux femences, elles font auffi feulcs la récolte. Les Hommes font les trous oü les grains & les autres fruits doivent être confervés pendant I'hiver. Les Villages des Sauvages n'ont pas de formes I régulières : c'eft un amas de cabanes, fans alignement & (fansordre, baliesd'écorces, foutenuesde quelques pieus, j quelquefois revêtues en-dehors, d'un enduit dc terre. j Elles ont quinze ou vingt piéds de large, fur une longueur ide cent piéds, le tout partagé en plusieurs feux. L'entréc présente une forte deveftibule, oü les Jeunes-gens ; couchent pendant 1'ëté, & qui fert de bucher pendant 1'hj-  280 [A] ver. Ces édifkes ne recoivent de jour que par les trous qui fervent a laiffer paffer la fumée. Quelques Bourgades font entourécs de palillades, avec des redoutes; elles ont des crétiaux. Dans cette enceinte ,ontrouve unegrandeplace. j Leurs chaffes dörent fouvent fix mois, dans des pays af- , freus, & par des chemins oü 1'on ne concoit pas même que . les Bétes-fauves puilfent paffer. Ils aiment tous particuf | lièrement la danfe. Celle du calumet efl une danfe guerrière, & ce font les Jeunes-gens qui en-font les principaux j acteurs. Lorfqu'ils veulent figurer cette danfe , ils fe peignent le visage de toutes fortes de couleurs, ils fe char-j gent de leurs armes, f'ornent le corps de belles plumes 1 & au fon de leurs chickikoués, ou tambours, ils danfent c au-milieu des Hommes & des Femmes, affis en-rond a-terre, & vêtus de leurs plus-belles robes. Chaque Dan— feur en terminant fon pas, vient frapper un coup de fai hache-d'armes dans un poteau, & ce coup efl le fignal qu'itj demande pour détailier fes exploits militaires: enfuite il val fe remettre a fa place, &r un-autre Guerrier lui fuccède. La danfe de la découverte eft toute en action , & doit faire? un fpectacle affés agréable. C'eft une image naturelle dej tout ce qui f'obferve dans une expédition de guerre. Urn Homme y danfe toujours feul: d'abord il f avance lentes ment au-milieu de la place, & y demeure comme knradj bile pendant quelque minutes , enfuite il figure le déparl des Guerriers, lamarche, les campemens, la découvertej les approches: il f arrête , ii reprend haleine, il entreel fureur, il feint de faire des Prisonniers, de caffer la têtfi aunEnnemi, d'cn coucher Un-autre en-joue, d'avanceri de courir, & de fe retirer; enfin , après avoir expriidj par différens cris, les diverfes fituations oü fon efprit fel trouvé, pendant la dernière campagne , il finit la danfe demande pour détailier fes exploits militaires: enfuite il vaï  [A] 281 par faire 1'éumération de fes exploits. La danfe du calumet a toujours pour objet un traité-de-paix ou d'alliance , contre un Ennemi commun. On grave groflièrement ua Serpent fur le tuyau du calumet, & 1'on met a-cöté une planche, fur laquelle font représentés deux Hommes des deux Nations qui f'allient, & fous leurs piéds la figure de de 1'Enntmi que 1'on fe propose de terraffer. Lorfque ies Guerriers racontent leurs exploits, ce qui efl; toujours le but de ces danfes, fils altèfent la vérité , il eft permis a Ceux qui les écoutent de les en-punir, par quelqu'infuite. Pour 1'ordinaire, on noircit le visage du Menreur, en lui disant: —C'eft pour cacher ta honte : La première-fois que tu verras 1'Ennemi, ta paleur fera difparaitre cette peinture-. Dans la danfe du Bceuf, les Danfeurs forment plusieurs cercles : on obferve de ne pas féparer les Sauvages d'une même Familie ; on ne f'y tient jamais par la main, & Chacun y porte fes armes & fon bouclier. Tous les cercles tournent de divers cötés, avec 1'attention de fe fixer a la même mesure. Par-intervale, le Chef-de-famille présente fon bouclier, fur lequel tous les Danfeurs viennent frapper; & après avoir raconté quelques-uns de fes exploits , il va arracher un rouleau de tabac au poteau, oü 1'on en-a attaché une certaine quantité; mais fil y a de 1'impofture dans fon récit, Celui qui peut 1'en-convaincre, a le droit de lui enlever fon tabac. Les Sauvages aiment a la fureur tous les jeux-de-hasard , fur-tout celui du plat, qu'ils ne quittent qu'après avoir perdu tout ce qu'ils poffèdent, & même quelquefois leur liberté pour un temps. Ce jeu nefe joue qu'a deux Perfonnes. Chacun prend fept a huit olfelets, a fix faces inégales, dont les deux principales font peintes , 1'une en noir & 1'autre en blanc, qui tire fur le jaune. On les fait fauter en 1'air avec un plat  282 [A] rond & creus : fi en tombant, ils présentent tous la méme couleur, le Joueur gagne cinq points. La paitie eft en quarante , & les points gagnés fe rabattent, a-mesure que 1'Adverfaire en gagne de fon cóté. Cinq oflélets d'une même couleur, ne donnent qu'un point la premièrc-fois; mais la feconde, on faitrafle de tout. Quelquefois un "Village joue contre un-autre Village; & comme un Joueur fuccède a Un-autre, la partie dure fouvent cinq jours & cinq nuits. II arrivé encore que ces fortes de parties fe font a la prière d'un Malade , par 1'ordonnance d'un Médecin, ou en la confidération d'un réve, & toujours cninvoquant les Génics-protecteurs de la Familie ou du canton. Des Mifiionnaii es ont été contraints bien des fois d'étre fpeéhteurs de ces jeux, dans 1'idée oü font les Sauvages que les Génies de ces Bons-pères étaient plus puifians que les leurs; & lorfqu'ils prenaient occasion de quelques coups malheureus pour faire connaitre a ces Idolatres la vanité de Ieurculte, ils en-recevaient pour réponfe : —Vous avez vos Dieus & nous avons les Nötres: il eft facheus pour nous que les Nótres foient les plus-faibles-. Le jeu des pailles confiftent a raffembler deux-cents-un petits joncs, de lalongueur de deux-poaces, & de la grofieur des tuyaux du froment. Après les avoir remués en invoquant les Génies , on prend un os pointu, & on les fépare en monceaux de dix; Chacun fait chois du fien a 1'aventure, &Celui quj a le monceau de onze, gagne quelques points. Ils f'amusent fouvent au divertiff'emcnt qu'ils appellent le jeu-galanr. On plante des poteaux au-milieu d'une cabane, & chaque poteau eft orné d'un petit-paquet de duvet, de différentes couleurs. Ce jour-la lesFilles ne manquent pas de porter des flocons de duvet, de la couleur qu'elles aiment. On danfe, & le Garfon va détacher d'un poteau , un-peu de  [A] 283 duvet de cette couleur, il le met fur fa tête, & danfe autour de fa MaitrefTe, en lui donnant par figne un rendévous. La fête dure toute la journée , & fe termine par un feftin; mais pendant le jour, il eft rare que, malgré la vigilance des Mères, les jeunes Canadiennes ne puiflent fe rendre a 1'endroit aftigné. Le jeu de la crolTe eft un de leurs amusemens favoris. II fe joue avec des balles & des batons recourbés, qui fe terminent en raquette. On élève deux poteaux , -qui font quelquefois placés a la diftance d:une demi-lieue 1'un de Tautre. On fe partage en deux bandes, dont chacune a fon poteau. II f'agit de faire toucher fa balie au poteau de fon Adverfaire , fans qu'elle tombe a.-terre , ni qu'elle foit touchée avec la main. , Ces parties durent plusieurs jours. Le jeu de ia balie eft aftës femblable a celui de la crolTe: il eft queftion de jeter perpendiculairement en 1'air une balie, de la retenir, & de la jeter avec la main vers le but, tandis que les Adverfaires ont lebras levé pour Tempêcher d'y parvenir. Les Femmes f'exercent aufli a ce jeu. LesCanadiensont des Médecins qu'ils nomment Jongleurs, qui font les plus infignes charlatans & les plus grands fourbes qui fe puiflent rencontrcr. Pour parvenir a la qualité de Jongleur, il faut faire un noviciat, qui confifte , a f'enfermer neuf jours dans une cabane, fansmanger(dit-on), & avec de 1'eau feulement. Le Novice ayant a la main une efpèce de gourde remplie de caillouts, dont il fait un bruit continuel, invoque TEfprit, le prie de lui parler, de le recevoir médecin, &. cela avec des cris , des hurlemens, des contorfions, & des fecoufles de corps épouvantables, jufqu'a fe mettre hors d'haleine, & écumer d'une manière affreuse. Ce manége, qui n'eft interrompu que par queltques inftans de fommeil auquel il fuccombe, étant fini au-  284 [A] bout de neuf jours, il fort de fa cabane , en fe vantant d'a-a voir été en converfarion avec 1'Efprit, & d'a/oir recu dd lui le don de guérir les maladies, de chafter les orages 4é & de changer le temps. Quand un Sauvage eft blefle , 1; prépare un feftin, & envoie chercher le Jongleur. Celui-q arrivé, examine le Malade, & promet de renvoyer de foni corps 1'Efprit de la maladie. Après avoir étalé fes médican mens, il entonne d'une voix effrayante des chanfons fui 1'efficacité de fes remèdes, &: engaje les Aftiftans a chanter avec lui: enfuite il invoquele Dieu du ciel & de la terre , lesEfprits de 1'air & desenfers : après quoi, il tire d'un faa quelques peaux dans lefquelles le Moribond doit avoir la plus grande confiance; puis fe mettant a danfer de toutes fes-forces, il ne quitte ce violent exercice que pour appliquer fön remède fur la partie affligée. II déclare quelques minutes après que Ie Malade guérira, ou qu'il ne guérira pas; & quelque-chose qu'il arrivé, il trouve dans fon efprit allés de reffources pour fauver l'honneur de la jonglerie, & Iet fien en-particulier. Dans certaines maladies, comme la: paralysie, laphthisie, ces Sauvages fe perfuadent bonnementi qu'ils font enforcelés, & c'eft alors que Ie Jongleur triomphe: & fait parade de fon art. II fait étendre le Malade fur une: peau d'ours, & après lui avoir exadement tité toutes lesf parties du corps, avec quantité de grimaces & de contor-| fions, il annonce qu'il a découvert 1'endroit oü le fort a été f jeté. Un des Difciples du Jongleur jette fur le corps duf Malade une peau de Chevreuil pliées d'une certaine facon ;l enfuite le Médecinfeprécipite furleprétenduPoffédé , fucef la peau , f'agite, écume , fe frappe le dos, & n'épargnel pas celuidu Malade, qu'il preffehorriblement pour en-faire f fortir le charme : il fort en-effet, c'eft-a-dire, qu'il tire f de fa bouche, ou des plis de Ia peau quelque-chose qu'il f  [A] 285 ttiontre a l'AfTemblée & qu'il fuppose être le charme enqueftion. Les frayeurs du Patiënt & 1'abondance des fueurs peuvent bien par-hasard luiprocurerquelque foulagement, mais fil meurt, c'eft toujours fa faute , & jamais celle du Médecin. II femble que dans tout PUttiVers, les Hommes fe foient donnés le mot, non pour honorer 1'art refpeétable de la médecine , mais pour fe faire tromper par des Charlatans. La profelfion de Jongleur efl: fort - lucrative. Ces Importeurs fe vantent encore dé pouvoir tuer un Homme qui fe trouve a deux-cents lieues de ieur habitation : pour cet-effet, ils paitriffent avec une cerraine pate la figure d'un Homme , & tirent dans la figure une flèche vis-a-vis du cceur. D'Autres font d'horribles conjurations fur un caillou , & prétendent qu'il Fen-forme un pareil dans lc 'corps de leurs Ennemis. Ccci nous rappelle les enchantemens de la Caninia dont parle Horace; & en parcourant nos h'ftoires du dernier fiècle, nous pourrions rerrouver quelques exemples de ces dangereuses abfurdités. Les Jongleurs vendentauflïdescharmes qui rcndentinvulnérable I la guerre, & d'autres qui font faire d'heureuses chafles; Kt Lapotherie affure, que dans leurs opérations magiques, Hs ordonnent quelquefois des danfes, oü les Femmes & les Filles doivent fe proftituer. Dans d'autres occasions, ils font plonger le Malade, quoiqu'au-milieu de 1'hiver, dans un ruiffeau ou dins la neige. f3* Rien n'eft plus touchant que de voir un Siuvage a 1'extrémité : toute fa Familie fe I raflemble auprèsde lui, & 1'on invite les Amis&les Voisins I du Moribond a venir lui dire le dernier adieu. On chante l'en-choeur des chanfons lugubres; on n'épargne pas les I gémiflemens, & lespleurs coulent avec abondance. Auflit tot qu'il eft mort, on le place fur fon féant, on lui frotte ï'Je corps & les cheveuxd'huile d'Ours, on luipeint le visage  286 [Al avec du vermillon, & on 1'orne de fes plus beaux habits; J enfuite Chacun apportefes présens, qui font ordinairement! des uftenfiles néceffaires a Quiconque entreprend un fortlon°- voyage. Si le Mort était un Guerrier, on place au- ■ prés de lui fes armes en-faifceau. Souvent les Miffionnaires! faisiflènt ces occasions, pour annoncer aux Sauvages une viec future, bien-dirférentede celle qu'ils attendent; mais ordinairement ils recoivent pour réponfe: —Vous avez votrei paradis & nous avons le notre : Père, tu n'as point d'efprit de nous demander ce que nous penfons d'un lieu ü élevé audefTus de nos têtes , & oü il eft impoffible que les: Hommes montenf. Peux-tu nous montrer par l'écrituref dont tu nous parles, un Homme qui foit revenu de la-haut, & la manière dont il y eft monté ?.... Si lesamesdeCeu» de ton pays vont au ciel, voila qui eft bien pour eux; mais nous n'alons point au ciel après notre mort, nous^' autres , nous alons au pays des ames-. Après que le! Mort eft habillé , Un de fes Parens prononce une harangue devant l'AfTemblée, dans laquelle il fait le récit de fes exploits & des belles aftions de fes Ancêtres; enfuite lui adreflant la parole, il lui dit:: Te voila alfis avec nous, ta as la même figure que nous; il ne te manque nibras, nii tête, ni jambes; cependant tu ceflès d'étre, & tu commences par t'évaporcr comme la fumée de cette pipe. Qui eft-ce qui nous parlait, il y a deux jours ? ce n'eft pas toi; car, tu nous parierais encore. II faut donc que ce foit ton ame, qui eft a-présent dans le grand pays des ames , avec celles de notre Nation. Ton corps que nous voyons icj, fera dans fix mois ce qu'il était il y a deux-cents ans. Tu nefens rien, &tu ne vois rien, parce-que tu n'es plus rien: cependant a-cause de Tamitié que nous portions a ton corps lorfque 1'efprit Tanimait, nous te donnons des marqués de vénératioH  [A] 287 vénération. (II faut convenirque ces Sauvages ont beaucoup de bon-fens)... Cette cérémonie eft toujours accompa» gnéededanfes&defeftins. Le Cadavre eft déposé dans un cercueil d'écorces d'arbres, & il eft placé dans la campagne fur quatre piliers. Les dépouilles du Mort appartiennenc a tous Ceux qui ont aflifté a fes obfèques, & qui pour marqué de deuil paffent quelques jours fans fe grailfer les cheveux. ( Voyez les Gynographes, p. 302. & fuiv.) On appelle, Virginie, cette étendue de pays qui eft fitué le long de la baie de Chesapeak , un-peu vers le fijd , & qui renferme la Virginie & le Maryland. Salongueur, fous cette acception , eft de deux-cents milles vers le nord, depuis la pointe de Confort, a- 1'entrée de la baie, & la même aTpeu-près vers le fud : mais en ne f'arrêtant qu'a la Virginie proprement dite, elle eft bornée au fud par la la Caroline méridionale ; au nord , par la rivière de Patowmeck; a 1'eft, par la mer; & au nord-oueft, par une grande chaine de montagnes. Les Virginiens révèrenC beaucoup le Soleil. Dès la-pointe-du-jour, les Plus-réguliers d'entr'eux vont a-jeün fe laver dans une eau courante. L'ablution dure jufqu'a ce que le Soleil paraiffe , & tous, même les Enfans de dix ans, font obligés a cet acte religieus. Quand cet Aitre eft au tièrs de fon cours, on lui offre du tabac, & 1'on ne doit pas manquer de lui en-» présenter toutes les fois qu'on veut entreprendre quelque voyage. Si 1'on paffe une rivière, il faut y jeter du tabac, poui obtenir la faveur du Génie qui présidedans le canton, En-re venant de la guerre, de la chaffe , ou de confommer quelqu'entreprise importante, on dc ie offriraux Divinités une pa; tie des dépouilles de 1'Ennemi, la graiffe & les meil» lenres pièces du gibier que 1'on a tué, des fourrures ou quelques morceaux du plus excellent tabac qui foit en fa II Part, V VlRGIMïf»  288 M poflërtlon. La Divinité qui préside aux vents & aux fel* sons eft dans une fingulière eftime parmi ces Peuples; ils la représentent avec différens fignesfymboliques, tels qu'un cercle, uneroue, une fonnette, unéventail, &c.» Ils font une efpècede pélerinagea un certain rocher, oü ils fuppo, Cette féte fe célèbre ordinairement chaque quinzième année. Après une partie des cérémonies rapportées par Smith , Ceux qui ónt été choisis par les Chefs pour étré hufcdndouers, fontobligés defaire une retraite de plusieurs mois, pendant laquelle ils ne doivent fe nourrir que de la décöétionde quelque racines, dont 1'usage trouble abfolument lecerveau. Devenus prefque fous, on les garde k-vuë dans un vafte enclos, fait en-forme de pain-de* Fiere par en-haut, & ouvert en manière de treillis, pour donner paffage a l'air. C'eft dans cette prison qu'ils oublient, biens, Parens^ Amis, & même leur langue. Peu^k-peu on dimintie ladosedela dtcoéfion , & les Jeunes-gens reviennent infenfiblemeht a eux. Alors lesPrêtres-médecins les conduisent avec eux de Bourgades en Bourgades $ pour les faire reconnaitre au Peuple. Après cette épreuvei il eft a croire que les jeunes Sauvages feignent de he pas fe reffouvenir de la moindre-chose} dans la crainte d'éprouvér un fecond hufcanaouiment. lis aiment mieux fe fOiimettrea apprendrede-nouveau tout ce que leurs fcvères Directeurs daignentleur montrer. Lorfqu'on demande aux Virginiens a-quoi-bon ce rude noviciat ? ils répondent $ qu'on n'emptbie ces violens moycns, que pour délivrer la jeuneffe de toutes les mauvaises imprellions de 1'enfance j & des préjugés qu'elle contracte avant que la raison puiffe "agirs, Ils ajoutent que, remis en pleine liberté de fuivre lés lois de ia Nature , ils ne rifquent plus d'étre les dupèH  [A] »« de la coutume ou de l'éducation , & qu'ils font plus enétat d'adminiftrer la juftice, fans avoir égard a 1'amitié ni aux alliances du fafig, Kappelons-nous 1'opinion des Anciens touchant les initiations; ils avaient a-peu-près les mêmes idéés que nos modernes Sauvages. Les Prêtres président a toutes les cérémonies religienses: ils entonnent les chants myftérieus, & ouvrenc toutes les danfes qui les actompagnent. ( Voyez les Gynographes, p. i88 ). On ne peut guères douter que les Virginiens ne regardent le manage comme un liep facré; mais on ne nous apprend pas f'ilsle célèbrent avec quelques cérémonies particulières. II y a des cas oü il elt permis aux Epous de fè féparer, quoique ledivorce foit une tache ineffacable pour Ceux qui y ont recours. Alors ils partagent également les Enfans, & Chacun eft libre de fe remarier de fon cóté. Ces Sauvages confervent très-religieusement les corps de leurs Chefs. Ils fendent la peau le long du dos , & la lèvent avec tant d'adreiïè , qu'ils n'en-déchirent aucune partie; enfuite ils décharnent les os fans ofFenfer les nerfs, afin que les jointures demeurent entières. Après avoir fait fècher les os au foleil, ils les remettent dans la peau , qu'ils ont eu foin de tenir humide , avec une huile qui la préserve de la corruption. Les os remis dans >eur fituation haturelle, ils rempliflentles intervales avecdu fable trés-fin, & ils recousent fi adroitement la peau, que le corps parait aufii entier quef'ilsn'en-avaientpasótélachair. Ilsportent la cadavre ainfi préparé, dans uu lieu deftiné a cet usage, oü il eft étendu fur une grande planche natce, un-peu audeffusde la terre, & recouvertd'une uate. La chair qu'on a tirée du corp<: eft exposée au foleil fin* une claie, & quand elle eft tout-a-fait fèche, on i'enferme dans un panier, V iv  JFR I Q V E HoTTEt> 294 [A] qu'on dépose aux piéds du cadavre. Purchas dit que les Virginiens croient 1'immortalité de 1'ame, Sc qu'après cette Vie, elle eft, fuivant fes mérites, heureuse ou malheureuse. Tous n'ont pas la même idéé touchant 1'enfer: les Uns le placent dans une grande foffe a 1'extrémité de la terre du cóté du couchant, oü les Ames brülent continuellement. D'Autres disent, que les ames des Méchans reftent fufpendues entre le ciel Sc la terre. Des Morts font fouvent revenus pour inftruire leurs Parens & leurs Amis de ce qui fe paffait dans ces lieux de fouft'rances. Les Chefs Sc les Prêtres des Virginiens ont un paradis, fituéau foleil couchant, derrière les montagnes. C'eft dans ce lieu de délices, que latête couronnée de plumes, Sc le visage barbouillé de différentes couleurs, ils jouiront dc 1'inexprirnable plaisir de fumer d'excellent tabac : mais le vil Peuple ne fera point recu dans ce paradis : il n'y a point pour lui de resurreétion : trop abject dans ce monde pour être confidéré, les Grands Sc les Prêtres de Virginie ne veulent dans 1'autre avoir aucune communication avec lui. C'eft mal reconnaitre les peines qu'il f'eft données pour fournir a leur fubfiftance: nous fommes plus humains en Europe ; ft nous lui arrachons le néceffaire en cette vie , nous lui laiffons 1'efpérance d'une éternité heureuse, fouvent feule Sc précieuse reffource qui le foutièrit, Sc lui fait fupporter fa misère avec resignation. ( Pour tout le refte de ces cantons d'Amérique , voyez Ui Gynographes. Les Peuples les plus auftraux de 1'Afrique, fe nomment les Hotuntots: leur pays f'etend depuis le Cap-de-Bonnt* efpé'rance, jufqvi'su-deia dutropicdu Capricorne. Cette Nation fe divise' én une grande quantité de Peuplades, dont chacune a fon Chef, qu'on nomme Konquzr. Ce Chef eft le commandant des Troupes, Sc Ie premier Miniftre  [A] 295 de chaque pet.it État: il préside aux Aflemblées pubiiques, au-milieu d'un cercle, que tous les Officiers font autour de lui; il fait la prière & déclare la guerre. Autrefois, quelque parure extraordinaire le diftinguait; aujoura'hui il porte une couronne de cuivre, pour marqué de fa dignité, qui eft héréditaire. En-entrant en charge , on 1'oblige k jurer qu'il confervera les droits des Capitaines des Kraals , & qu'il refpeclera les priviléges du Peuple. L'autorité du Konquer ne f'étend pas plus-loin que fon propre Village , oü 1'on n'a d'égard pour lui qu'en cequi regarde 1'exercice de fa charge. Lorfqu'il eft inftalé dans fa place, on tue un Bcetif-gras, & quelques Brebis pour le feftin , auquel les Femmes ont la permiflion d'afTifter, fans pouvoir y prétendre d'autre nourriture que le bouillon : mais le lendemain , comme c'eft 1'Épouse du Chef qui regale toutes les autres Femmes., elles mangent la viande k leut7 tour, & abandonnent le bouillon aux Hommes. Le Capitaine du Kraal eft le fecond Officier du gouvernement Hottentot. II eft fpécialement chargé de maintenir la tranquilité, &de rendre la juftice dans 1'étendue de fa j urifdiction. Les Fils fuccèdent k leur Père, dans cet emploi, & a chaque mutation, on fait jurer le nouveau Capitaine qu'il ne changera rien dans les anciennes coutumes du Kraal. Pendant la guerre, il commande les Troupes de fon Kraal, fous l'autorité du GrandKonquer de la Nation. C'eft a la tête des Anciens, qu'il recoit i les plaintes du Peuple, & qu'il prend connaiffance de toutes i les conteftations qui regardent les droits & la propriété. ! Après avoir écouté les Parties, il prend 1'avis de fes Conifeillers, & prononce un jugement dénnitif. Le vol, le j viol, le meurtre, 1'adultère & les autres crimes capitaux ! qui fe commettent dans toute 1'étendue de fon territoire , i n'ont point d'autre Juge que lui: mais les Criminels-d'Etat  tA] doivent étre condamnés par le Grand-Konquer, dans tlrief Aflemblée générale de tous les Capkaines delaNation. Onr reconnak les Capitaines Hottentots, aux fuperbes peauxs de Tigres ou de Chats fauvages qui les couvrent, & furtout, k une canne k pomme*de ment. Dans chaque Kraal il exifte un Tribunal, qui conOak de toutes les matièrescivil es & criminelles. LesParties1 r] plaident elles-mêmes leur cause ; on les écoute, on entend: Èj les Témoins, fil eft néceffaire, on va aux opinions, on recueille les voix, on les compte, & la ploralité diéte le; jugement, qni eft fans appel. L'Europe n'a pas la même; fimplické pour décider les queftions les moins-épineuses. En-matière criminelle, le Capitaine, ou le Dernier du Kraal, ne doit pas efpérer d'étre traité plus favorablement. Dès que Quelqu'un a connaiffance d'un crime commis , il| L Ie déclare a tous les Habitans, & 1'on fe faisit du Coupable. ih,, Auflitóc on convoque 1'Aflemblée, au-milieu de laquellefh on le conduit. Ses Accusateurs exposent le crime, & fontt paraitre les Témoins: 1'Accusé fe défend : fi 1'accusation 11 eftinjnfte, les Accusateurs font condamnés envers lui a des dédommagemens, qui font toujours pris fur les trou-ji  ieaux. Si le crime efl avcré , le Capitaine prononce la èntence de mort, dont il eft ordinairement 1'exécuteur. 1 fond, avec une forte de fureur, fur le Coupable , & il 'étend a-terre d'un coup de kirri, ou baton. Les autres 'uges 1'achèvent $ & on 1'enterre a-l!inftant fur le lieu. Il :ft néceflaire de remarquer, que quelles que foient la faute du Coupable, & f ignominie que fcmblerait devoir imprimer ux Siens fon arrêt & fon fupplice, la Familie n'en-recoit ucune tache; le ehatiment efface lc crime chés les Hot* entots, & la mémoire du Coupable n'en-eft point fiétrie. )n célèbre fes funérailles avec le même refpecl que fil tait mort vertueus. II arrivé fouvent que deux Kraals fe irouillent enfemble j foit par-rapport a la propriété de piel que terrein, foit au fujet de la chafte: alors il ne efpirent que la guerre, & fil leur était permis de f'extermner, ils courraient auffitót aux armes j mais il faut, nalgré eux , qu'ils mettent des entraves a leur fureur, & ju'ils portent leurs plaintes &. leurs défenfes au Grand:onfeil de la Nation. C'eft dans ces circonftances, dit Kolbe, qu*avec la même fermeté qu'en-mettait autrefois e Sénat-romain, lorfqu'il jugeait les causes des Rois, ces Sauvages prononcent des jugemens équitables, & qu'ils és font exécuter. Les fucceftions des Hottentots paffent les Pères auxFils-ainés, ou au plus proche Male de la familie , fans aucune division t & fans que les Femmes Kent admises a aucun partage. Ün Mari, en mourant, pepeut avantager fon Épouse, a-moins qu'il ne faffe aporouverlelegsparfonHéritierlégitime: fil n'a paspourvu I 1'établiffement de fes Fils-cadets, leur Überté & leür ibrtune reftent a la difposition de 1'Ainé, qui ayant une>~ois accordé la liberté a fesFrères, ne conferve plus aucun itoit fur eux» Les Filles ne peuvent fe marier, fans le  29B [A] confentement de leur Frère, devenu chef de la Familld & il leur donne dans 1'héritage , la part qu'il juge a-prc pos. II doit prendre foin des Femmes de fon Père, juli qu'a leur mariage, ou k leur mort: mais fil eft marié avan le trépas de fon Fère, il a perdu tous ces avantages , Sc: r.e peut répéter, dans la fuccefhon, qu'une portion éga; 3 celle de les autres Frtres. ( Pour ce qui regarde hl mariages, voyez les Gynographes, pp. 309-312.) C'eft un usage général, parmi lesHottentots, d'öter 11 tèïticule aux Garfons de cette Nation , vers 1'age de net ou dix ans. Mais dans les pauvres Families, on atten pour cette cérémonie 1'occasion de pouvoir fubvenir ai dépenfe. Le Jeune-homme, après avoir été frotté de grail fraichede mouton, eft étendu par-terre fur le dos, les piét & les mains liés; fes Amis fe couchent fur lui, pour rendre comme immobile. Dans cette fituation , 1'Opérs teur lui fait, avec un couteau-de-table, une ouverture 2 Kfcrotum , d'un pouce-Sc-demi de longueur. 11 fait fort le teflicule , Sc mét k la place une petite boule de la mém groffeur, composée de graiffe de Mouton & d'un mélang d'herbes pulvérisées: enfuite il recoud la bleflure avec 11 petit os d'Oiseau , qui efl: aufli pointu qu'une alêne: un ai tére de Mouton fert de fil. Cette opération fe fait ave une adrefle qui furprendrait nos plus habiles Anatomiltes Sc jamais elle.n'a de facheuses fuites. Lorfqu'elle e achevée , POpérateur recommence les onétions, avec! graiflè du Mouton qu'on a tué pour la fête. II tourne 1 Patiënt fur le dos & fur le ventre, comme un Cochoi de-lait qu'on fe difposerait k rótir. Enfin, il lui piflè fi toutes les parties du corps, & les frote foigneusement < fon urine. Après cette monflrueuse cérémonie, le Jeun homme fe traine dans une petite hute, batie exprès potr  [A] 299 c usage. II y paffe deux ou trois jours, aubout defquels il rt parfaitement guéri. Les jeunes Hottentots fupportent tte opération avec une patience & une resolution furpreintes; mais Ceux qui n'ont point encore pafféparles mains : 1'Opérateur, n'ont pas la liberté d'y aififter. Les Specrrurs fe rendent enfuite a la maison des Parens, & yman:nt la chair du Mouton qu'ils trou vent préparée. Lebouiln eft diftribué aux Femmes, mais le Malade n'a point de part 1 feftin. Le refte du jour & la nuit fuivante font employés la danfe. Si la Familie eft riche, le falaire de 1'Opérateur t un Mouton ou un Veau. On foupconne que cet étrange ;age vient d'une ancienne loi delaNation, qui défend ix Hommes d'avoir aucun commerce charnel avec les emmes, tandis qu'ils ont deux tcfticules, parce-que dans :t état, ils croient qu'on produit conftamment deux Juleaux. Aufli les Filles qui femarient, nemanquent-elles imais def'informer fi leurPrétendu afubil'opération doujureuse. Une Femme qui aurait épousé un Homme a quï on n'aurait pas faite cette mutilation, ferait en danger 'étre déchirée par toutes les Femmes du Kraal. Je me jngerais volontiers de 1'avis de Ceux qui fupposent que e retranchement d'un tefticule parait néceffaire aux Hotentots pour les rendre plus légers a la courfe. A dixuit ans on recoit les Jcunes-garfons dans la claffe des lommes, & cette cérémonie n'eft pas moins bisarre que elles que nous venonsde parcourir. Tous les Hommes du {raai f'accroupiffent en cercle. Le Candidat fe place dans a même pofture, mais hors du-cercle. Alors Celui qui iréside a l'AfTemblée, fe léve; & après avoir pris 1'avis de bacun des Membres en-particulier, il f'approche du Jeuneïomme, & lui annonce qu'a-l'avenir il doit abandonner a Mère, renoncer a la compagnie des Femmes & aux  GüINÊE. $00 [A] amusemens de 1'enfance. Cette exhortation efl fuivie d'1 déluge d'urine, après lequel le Candidat eft admis au nombl dcsHommes, qui luidisent dans leur langue: —Le bo: heur t'accompagne.' vis longtetnps! crois & multiplies que ta barbe croiflè prpmptement-! Ce qu'il y a d'i trauge, c'eft que ces Sauvages, qui, dans beaucoup• coutumes paraifïènt fuivre 1'inftinét de la Nature, pe;mf tent aux Jeunes-hommes de mépriser, d'infulter, & mén. de battre leur Mère, & que cette aftion dénaturée, lot de leur attirer des reproches, leur obtienne des ioumges, des applaudiffemens. Ils appèlentkur-fire, foupc-de-laii Celui qui, a dixhuit ans, fe trouvé encore fous la tutel de fa Mère j & ce reproche eft fi injurieus, que 1'homra Hottentot a qui on le fait, doit fe faire inicier une fecondt fois dans la claffe des Hommes. Le jeune Hottentot devenu homme, n'occupe pas pour cela une caban particuliere ; mais fitöt qu'il eft marié, il travaille ave fa Femme a f'en-batir une, & a fe faire des meuble» Après cet établilfement,' le Mari ne penfe plus qui chafter, & la Femme eft chargée de tous les foins domei tiques. Les deux Epous couchent dans des lits féparés & fils fe donnent quelques marqués de tendrefte, ce n'els jamais qu'en-fecrer. LaGuinée eft une vafteContréede 1'Afrique, qui renij ferme beaucoup de Royaumes, plus,ou moins confidérables; j & différentes Nations, qui chacune ont des mceurs, des■ coutumes, des lois & des gouvernemens particulier» Cette immenfe étendue de pays eft fituée entre la Négritk] au nord, XAbyQinh \ 1'orient, & la Cafrerie au midiJ On neconnait guèresde la Guinee, dont 1'exiftance netail pas même foupconnée des Anciens, que les cótes, qui com- j aienccnt a la cóte deSierra-Léona, & f'étendent jufqu'au)  [A] 301 >'ap-nègre, c'eft-a-dire, en viron dix degrés en-de ca de Ia »ne, & feize degrés au-dela. Les principales Nations : la Guinée font les Jalofs; les Fouüs; les Maningos; les Gambrdiens; les Se'négalois ; les Ifflnois; s Nègres de la Cótc-d'or; Cei-x de Juida ; é'Ardra ; ; Benin; AcLoango; de Congo; $ Angola; les An':kos , & les Jaggas ; les Habitans du Monomotapa, ii confine a XEthiopië a la Cöte-de Zanguebar. oü nous reviendrons en Egvpte. Je vais réiinir ici toutes ■s Nations noiresfous un même article, renvoyant aux Gy-> ographes, pp, 313-348, pour les détails particuliers, L'Africain parait être une Machine quife monte & fedélonte pard-efiorts; il eftfemblable a une cire-molle , a qui on fait prendre telle figurequ'on veut. Chaque Royaume, kaque Village , ou plutót chaque Familie a une religion larticulière. Cet Africain , qui eft d'un caraftère natu^. ellement gai, d'un efprit vif & pénétrant, qui d'ailleurs ie regarde point comme un crime le vol & le larcin, eft fles violent pour porter fur lui-même des mains fuicides , 'il ne peut faire éclater autrement fa vengeance. II eft ami e fes Amis, mais aufli prompt a remplir fes promeffes, qu'il !eft a les violer, quand on lui manque de parole. II eft cllement parefleus, que fil travaille , ce n'eft que parfontrainte, non pour amafler des richefles, mais pour ivre; fans-quoi, il terminerait fa carrière dans 1'oisiveté, lans les divertiflemens & dans la danfe, qui fait toutes fes élices: II paffe fa jeuneffe dans les plaisirs & la déiaüche, le moyen-age dans 1'oisiveté, & fa vieilleflë eft irefquefans remoFds. II conferve une tranquilité inconnue la plupart des Hommes; il ne regrette pas le paffé, donc I prétend avoir bien difposé, & il n'appréhende pas 1'avenir. Rb) projet dc fortunene 1'occupej il ne connait que celui  302 [A] de vivre au jour le jour ; & dès qu'il a du riz & du rnil, il q; touc: fi on y ajoute de 1'eau-de-vie, il efl: riche fans biens, fa peau lui fert de vétement. Qu'il foit idolatre, chretien, ouMahométan, il efl: également fidéle obfervateurde fa reli-i gion: pour prier au temps prefcritpar les Marabous, le Mu«j sulman tracé a-cöté de fa demeure un cercle, & c'eft: 1'oratoirJj oü ilfait les contorfions & les momeries du mahométif^.; tant qu'il y eft renfermé, il obferve un jeune rigoureus. Les,: Nègres ont différentes idéés fur 1'autre vie; 1'Un pré-; tend que lorfqu'on meurt, c'eft pour renaitre fur-le-champ| dans un autre corps mieux-fait, & deftiné a étre plus-heur reus qu'il n'était: 1'Autre aflure que c'eft pour aler jouir dc< Ia compagnie de Mahomet, & pour le fervir dans le mondei oü il eft. Celui-ci prétend que c'eft pour aler auprès du. Dieu qui a créé le ciel & la terre; enfin Celui-la veut qu'il re refte rien de 1'Homme après fa mort, & que tout meure*; avec le corps. Mais tous font cette objection auxMiffionnaires: .—Puifqu'en mourant, il eft certain que nou J n'emportonsrien avec nous, ni biens, ni richeflbs, pour-' quoi les Européans en-font-ils fi avides, que de f expatrier,1 de f'cxposer a de longues fatigues, a des dangers évidens ■ de mort, &: a fe faire des guerres crueiles, pour les con- ■ querir ? Ou ils font des fots , ou leur pays eft bien-pau-? vre, fil ne produit pas de-quoi les noiurir! Dans 1'un om 1'autre de ces cas, ils font plus miserables que nous, qui i fommes contens de notre fort, & qui n'alons pas les { infulter chés eux. D'ailleurs, les Européans ne mangent; pasl'or qu'ils viennent ramaflèr dans notre Afrique; ildoit: donc leur être inutile pour la vie ?... Tels font leurs raison. < nemens, qui prouvent que cette Nation n'a d'autres foins I que ceux de vivre avec ce qui crort dans fon territoire J & qu'elle ne cherche guère a f'aggrandir aux dépens d'au- 1 trui. 1  CA] 303 trui Elle méprise fouverainement les commodités de la vie, regarde comme Hen 1'or & 1'argent, idoles de 1'Europe. Un des premiers principes de morale pour l'Africain, eft qu'on doit rendre-fervice a fon Prochain, être ami de fes Amis, fidéle k fes promeiïes, & ferme dans la foi du ferment : il parait avoir juré de vivre dans une ignorance totale des fiècles pafi'és, & de ne point fembarraffer de ceux afcttU-, renvoyant d'ailleurs tout le bien & le mal qui lui arrivent, a Dieu, comme auteur de 1'un & de 1'autre. Ses moeurs ont encore pour fondement & pour règle, les erreurs du mahométifme ou de 1'idolatrie. La fuperftition y tient le premier-rang, & vade-pair aveclalubricité. Dansprefque tous fes projets, le Nègre eft fuperfticieus ; il porte des grisgtis, composés d'une prière écritc par les Marabous, ou fil eft idolatre, par les Miniftres de fa religion: cette prière eft envelopée d'un morceau de cuir attaché a fon col; il en-a quelquefois dix a douze de' cette facon; il f'imagine que ces prières, ainfi écrites, feront lues de Dieu, qu'elles le préserveront de tout malheur, & le rendront victorieus de fes Ennemis. Chaque grigri doit produire un effet particulier; il le croit, & fi le contraire arrivé, comme eneffet il arrivé très-fou vent, pour-lors il rejète la faute fur le Marabou ; celui-ci, f'excusefurceque 1'Afriquain n'a pas eu affés de foi au grigri, ou fur cc qu'il n'eft pas ami de Mahomet. Enfuite il i etire les anciens grisgris de fes mains, & lui en-donnedenouveaux, en-l'exhortant a y avoir plus de foi qu'aux premiers. Ici, le Noir confult e les Marabous fur 1'avenir, fur les iffues de fes enrreprises, fur ce qui doic luiarriver: La, il en-augure lui-même fur les réponfes des Marabous, fur le vol des Oiseaus, fur la rencontre des Animaux, fur la marche des Bétes feroces, enfin fur une quanrité prodigieuse de fignes, & il agit en-conféquence de la II Part. TJ  304 [A] fupcrftition qui le dirige. Quand ilefttrompé dans ce qu'il a pronoftiqué, il dit, que c'eft Dieu qui n'a pas voulu que les choses arrivaffènt ainfi qu'il avait prévu qu'elles devaient arriver. La cérémonie de la circoncision , admise par un grand-nombre d'Afriquains, eft cel'e qa'ils pratiquent plus exactement; mais ils n'y exposent leurs Enfans que quand ils ont quatorze ou quinze ans, afin qu'ils foienr plus en-état de foutenir la douleur de cette opération, 6: qu'ils aient toute la connaiflance néceffaire pour faire leur profelfion-de-foi. II eft rare qu'ils faflént cette cérémonie pour un-feul Enfant, ou pour un-petit-nombre ; fis atten- I dent qu'il y en ait un nombre confiderable. Alors on rait avertir lesParens, dans tous les Villages des environs de la demeure du Roi, afin que tous fes Sujets, & Ceux des Voisins & Alliés y amènent leurs Enfans. Le grand-nombre de Ceux qui doivent être circoncis rendla cérémonie plus éclatante. Tous les Enfans qui ont été circoncis enfemble , contractent une certaine alliance, qui fait qu'ils fe regardent comme Frères le refte de leurs jours. II eft de 1'elTence de la fête qu'elle ne fe faffe pas en-presence des Femmes. II y a, au préalable, une proceftion , a laquelle les Guiriots marchent en-tête avec leurs inftrumens, en-battant la marche d'un pas grave, & fans chanter. Les Marabous de tous les Villages voisins les fuivent deux-a-deux, vêtus de blanc, & armés de longues fagayes, enfuite Ceux qui doivent être circoncis 1'Un après 1'Autre, avec une grande fitgaye a la main-gaüche : ils lont accompagnes de fareins, qui fervent de témoins a leur profeffion - de - foi. Après cette longue proceftion , on paffe a la cérémonie de la circoncision. Dès que les Enfans font circoncis, ils font obligés a 1'exacte oblervance de toute la Loi. La prière journalière, le ramazan, ou jeune du carême, les puri-  [A] 305 fkations, Tabftinence du vin & des Iiqueurs, en-font partie. De tous les préceptesde cette loi, aucun n'eft fi ponctuellement obfervé que celui de tromper les Chretiens. Si les Nègres obfcrvaient les autres comme celui-ci, ilspourraient fe vanter, avec raison, d'étre les meilleurs Mahoinétans de 1'ünivers. La luxure, eft telle chéslesNègres, qu'ils fe la croient permise, ckpar-la, elle forme le plus grand obftacle a leur converfion. II eft aisé de les faire revenir de leurs erreurs fur la religion mahométane ou idolatre, mais il eft très-difficile de les engajer afurmonterleur panchant a 1'impudicité. II n'y a qu'une folide perfussion des vérités du chriftianifme, qui puiffe opérer ce grand effet, ce qui ne peut avoir lieu qu'après les avoir inftruits des vérités de notre religion. Dès qu'on y eft parvenu , ils réfléchiffent fur les inconvéniens de 1'incontinence, combien ce vice deshonore 1'Humanité, & la confond avec la Béte, fur-tout lorfqu'on leur prouve que la pureté de la religion chretienne ne peut Pallier avec la corruption que produit la lubricité. Ce n'eft qu'alors qu'ils ouvrent les ieux, & qu'ilsabandonnentférieusementleurspaffions: car, comme nousl'avons remarqué, 1'Afriquain eft cfclavede la religion qu'il a une-fois profelfée, après en-avoir été bien-inftruit & il foulera tout aux piéds, pour en-remplir les devoirs. La joie , qui lui eft naturelle, occupe ce Peuple, le détourne de la vue de fa misère, & la lui fait oublier. Senfible aux moindres égards qu'on lui marqué, aux moindresprésens qu'on lui fait, i! facrifie tout pour témoigner fa reconnaiffance: il eft infiniment flatté dès qu'on ne le méprise pas, Sc content pour peu qu'on paraiffe I'eftimer. En fuivant ce principe , ou obtiendra de 1'Afriquain tout ce qu'on en desirera. On objederapeut être, que le Nègre veut être traité duremeut ? Cela n'eft vrai qu'au dire de ces Hommes cruels U ij  3o6 [A] qui ne connaiflent de ménagement pour Perfonne, & qui, enflés de 1'empire qu'ils ont fur des pauvres Efclaves, les traitent avec barbai ie, &par-la, piongent ces Miserables dans le desefpoir: mais il arrivé fouvent qu'ils paient chèrement 1'excès de leur inhumanité! les Nègres desertent, ou ne font rien que par la contrainte. II eft rare de voir, parmi le Peuple-noir, ce contrafte de difcuffions & de contradicbions que nous voyons tous les jours entre les Européans. Rien ne peut le porter aux excès de 1'envie , ni aux égaremens de 1'ambition , qui facrifie tout pour fe fatiffaire. Les biens, les honneurs, fi recherchés parmi nous, font infipides pourlc Nègre; les préléances, le fafte, les cérémonies , les complimens, font a fes ieux des puérilités; lafimplicitéfaitfonpartage. Content de fon fort, & d'avoir de-quoi vivre d'un-jour a-l'autre, il fe moque de nos usages, refpecte les fiens, & conlefes jours dans une tranquilité d'ame, qui produit la joie & les divertiflemens. Les Nègres, plus fages que nous, n'ont aucun bien-fond : toute leur fortuneconfifte enCaptifs; en cases conftruites de joncs & de padie , foutenues par des pieux ou fourches, qu'on appelle fourquilles ; en quelques pagnes de coton ; en quelques mouchoirs; en quelque peu dargent, qu'ils renfermentdansun mauvais coffre; en quelquesbariquesde riz & de mil, pour leurs provisions; en quelques pots-de-terre, & despaniers-d'osier: voila tousleurs biens & tout leur ameublement. LesRoisnefontpasplusfomptueusementchéseux; ;1s font logés comme les autresNègres; ils ne fontdiftingués quepar le grand-nombre deleurscases, qui néanmoins font plus incommodesque cellesde leursSujets, en cequ'ilfautfe courberpoury entrer. Quand on va les voir, il faut traverfer lépt a huit cases, pour parvenir a celle du Roi. Dans chaque case, il y a un corps-de-garde composé de quelques  [A] 307 Faétionnaires, dontle Chef vous conduit d'une case a 1'autre. Enfin, arrivé a la case joignant celle du Roi, (on Miniftre vient vous prendre, pour vous présenter au Prince, qui eft affis par-terre, fur une natte de joncs, accompagné de quelques-unes de fesFemmes & de^ Gi ands de fon Royaume. II vous recoir avec une gravité majeftue use, & vous tend la main avec une inclinationde tête. Son premierMiniftre qu'on appelle Grand-Alquier, demande a vos Interprètesle fujet de votre voyage, & ce que vous voulez du Roi. XTnterprète rend la réponfe au Miniftre, & Celui-ci au Roi, a laquelle ill'cxplique phrase parphrase, & mot-a-moc. II attend qu'on vous en-rende toutes les parties, en-demandant, fi 1'on comprend ce qu'il dit ? c'eft ce qui rend les converfations longues & ennuyeuses. Après avoir fini la converfation, oupalabro,\\ appellefesFemmes, & il vous les présente, avec tous les Grands de fa Cour. Sa Favoi ite occupe a-droite un fauteuil de quelques planches clouées enfemblc. Son Alquier, ou Miniflre, eft a fa gaüche , & 1'Etranger eft vis-a-vis, & en-faceduRoi, fur un-autre fauteuil. Les Principaux de la Cour font fur des nattes, & forment le premier cercle , au-milieu duquel eft 1'Étranger avec fes Interprètes , qui reftent debout. Le fecond cercle eft formé per les autres Femmes du Roi, qui reftent auffi toutes debout; le troisième, par les Officiers diftingués. Perfonne ne parle; il n'y a que le Roi qui porte Ia parole a fon Miniftre, Celui-ci aux Interprètes, & les Interprètes a 1'Étranger. II en-eft de-même lorfque 1'Étranger fait fes réponfes ou fes demandes. Le Roi & toute fa Cour n'ont pour habillement que des prgnes, qui eft un nom générique,pour fignifier un morceau de toile-de-cotoa, composé de plusieurs bandes, dont les Nègres fe fervent; pourfefairedcsvêtemens, & dont ils fe couvrent. Ellesont U iij  3o8 [A] une aune de Paris de largeur. C'eft 1'ouvrage des Nègreffes; elles favent les teindre en-bleu Sc en-noir , ou-bien elles les laiffent en-blanc : on ne cormak que ces trois couleurs. Ceux qui les tiftent, ont de petits métiers fort-fimples, avec lefquels ils ne peuvent donner a leur toile qu'environ cinq a fix pouces de largeur. Après qu'ils ont fait un certain-nombre de cesbandes, ils les consent enftmble , felon 1'usage qu'ils veulent en-faire: il eft rare qu'ils coupent leur toile. Les Femmes f'entortillent une pagne autour du corps, quelques pouces audefTus de la cëinture, & font rent: er le bout, qui fetrouve delfus, entre 1'étofe Sc la 'peau. Cette pagne, qui leur va jufqu'au grasdes jambes, & quelquefois audelfous, leur fert de jupes & de bas. Elles enmettent une-autre fur 1'épaule les joursde cérémonie, & en rejètent un-bout fur la tête: pour-lors elles font habillées de piéd-en-cap, fans y mettre plus de facon ni de dépenfe, demanière que leur toilette neles tient jamais que quelques minutes. Les Hommes fepaffent de-même une pagne furies épaules, qui les couvre jufqu'au gras des jambes. Tel eft 1'habillement des Rois Sc de leur Cour, qui tous vont têtenue, Scn'ontpourfouüersqu'un mince morceau de cuir, en forme de faridale de Capucin. Les affaires étant finies, on fait au Roi les présens, qu'on a eu foind'annoncer auparavant a fon Miniftre, lequel avant tout, en-a informé fon Chef. A ceci fuccède la bouteille , foit de vin, foit d'eau. de-vie. L'Étrangerdoit e.-.-boirele premier, pour prouver que b boiffon n'eft point empoisonnée; enfuite il la présente auRoi, qui, après en-avoirbu, la paffe a fon Miniftre , Sc Celui-ci aux Autres; enforte qu'a chaque coup que le Roi boit, il faut une nouvelle bouteille , mise a 1'épreuve par 1'Étranger. Bientöt, la converfation f'égaie, pendant laquelle le Roi, a-proportion qu'il boit, vous fait mille pro-  [A] 309 teftationsd'amkié, & promet d'épouser vos intéréts. Pourvu que le vin & 1'eau-de-vie foient en fuffisante quanrité, on obtient de ces efpècesde Monarques 1'objet de fa commillion; & fi on fait les bien prendre , on peut tircr d'eux, par ce moyen, tous lesavantages qu'ils peuvent procurer. Les premières Sultanes ne veulent pas être oubliéesdans les présens qu'on fait; peu-de-chose ks contente; quelques mouchoirs a fond-rouge en-font tout les frais, fur-tout lorfqu'on a besoin des Rois. Le Voyageur que je copie, fe trouva un-foir, chés le Roi de Barre, qui le-rëcut a la Inmière. Lorfqu'il entra dans fa case, il n'y avait d'autre flambeau quelalumièredu feu. Les Gens de fa fuite apportèrent cependant un fagot de petits roseaux, pour fervir de chandelle: ils en-alumaient une poignée a-la -fois, qu'ils tenaient élevée a demi-hauteur-d'Homme. La flame que donnaient ces roseaux fervait a éelairer, enforte qu'on brula de cette manière, trois ou quatre fagots de roseaux. Ceci eft d'autant plus furprenant, que la cire eft trés abondante dans ce Royaume, & qu'elle ne f'y vend que trois fous fix deniers la li vre. Le Roi de Thin, au autrement Barbesin , homme d'un efprit vif & pénétrant, entama unedifiertation fur fa religion & fur la nötre , en-promettant de ne rien prendre en mauvaise-part de tout ce que lui dirait le Voyageur. II foutint fes idéés avec toute la force dont il était capable. Le Voyageur fit les plus grands effortspour réfuter fes raisons , & lui perfuader les vérités du Chriftianifme; & il réüflït au-point que le Roi finit, en lui disant, que fi la pluralité des Femmes était admise dans notre religion, il l'embralferait de tout fon coeur. Un jour de bataille , voici comme les Nègres rangent leurs armées. Si 1'Infanterie doit combattre, on la met en-ligne fur un Homme de hauteur, avec des pelotons par-derrière, pour faciliter le Uiv  ralliement, au cas qu'elle foit battue, ou pour favoriser Ia retraite. Dans cette difposition, ils approchent 1'Ennetni le plus-près pofïïble, & fils ne fe fervent pas d'armes-afeu, ils ne f'en-é'oignent que de lalongueurdeleursfabres, de leurs lances, ou de leurs fagayes, qu'ils lancent avec autant de force que d'adrelTe. I! n'y a que le commerce avec les Européans qui ait introduit chés eux'les armes-afeu, dont ils fe fervent rarement dans les batailles rangées, parce-que la plupart les méprisent, & lesregardent comme des inftrumens plus-propres a des Laches qu'a desGens-decoeur. —N'elt-cepas une trahison , disent-ils, quedetuer des Hommes, fans les approcher qu'a une diftance d'oü apeine on peut les diüinguer-? La Cavalerie, eft rangée par pelotons, qui courent fur FEnnemi: lorfqu'clle eft repouflëe, elle fe rallie aisément, & elle recommence le combat, peu jalouse de perdre ou de gagner du terrein, parce-qu'il ne fagit pas d'en-conquérir fur 1'Ennemi. Le Roi eft a la tête de 1'Armée avec fes Généraux & les Grands de fa Cour. Le Général-en-chef recoit les ordres du Roi, & les communiqué a 1'Armée. Si elle (ft battue, le Roi n'oserait fuir, fans un ordre exprès du Général, puifqu'it ferait regardé comme un Lache; & en-conféquence, il ferait dctröné fur-le-champ , comme incapable d'étre Roi. Le Prince a toujours a fes cótés fes Succeilëurs ouHéritiers présomptifs, qui font foumis a la même loi. Le combat eft fini en une heure de-temps. Le Victorieus pourfuit le Vaincu, fait fur lui autant de Prisonniers qu'il peut, dans la vue de les vendre fans acception de Perfonne: le Roi même ferait vendu captif aux Européans, fil était fait Prisonnier, a- moins qu'on nepayat fur-le-champ une rancon a-difcrétion. Les combats d'infantcrie font alfés-rares , parce-que la plupart de leurs guerres ne font que des in-  [A] jïi curfions dans les Royaumes de leurs Voisins, pour y faire des Prisonniers, & pour avoir des Captifs a traiter. Ils combatrent donc le plus-fouvent avec leur Cavalerie, qui eft bien montée, & qui, pour avoir plus d'avantage, fe fert d'étriers fort-courts, qui leur donnent la facilité de fe lever debout, de frapper avec plus de force, & d'atteindre plus-loin. Rien ne les gêne, ni leurs armes, ni leurs habiliemens, ni leurs munitions; ils font comme enchaffés dans leurs felles. Après Ia viétoire remportce, les Rois voisins avertiffent le Vainqueur de ceflèr la pourfuite, & de donner la paix aux Vaincus, fans quoi ils lui déclarent la guerre pour 1'y cor.traindre, afin que ce Vainqueur n'éicnde pas trop-loin fon domaine , & ne devienne pas trop-formidable: en-conféquence de cette efpèce d'amphyction, il eft forcé de faire la paix. Le prix des Captifs faits pendant la guerre , fe diflribue aux Soldats, auxqucls il appartient de droit, & qui deserteraient tous , fi on leur en-fesait tort. Le Roi prend , les marchandises qui lui conviennent pour fon usage, & il n'a rien de-plus. Le refte fe partage. Enfuite Chacun retourne chés foi, excepté les Soldats de la garde du Roi, qui font régulièrement au nombre de trois-cenrs ou environ, Sc qui font le fervice pendant un temps, après lequel ils font relevés par d'Autres. Ceux qui meurent dans le combat, ou après, font pleurés pendant vingtquatre heures, avec des cris & des hurlemens épouvantables. II en-eft de-même pour tous Ceux qui meurent d'une mort naturelle: les Femmes, les Enfans, les Parens, lesAmis, les Voisins f'affemblent, pour jeter ces cris lugubres, & fi extraordinaires, qu'on diraitqu'ilsfont tousdansledélireoudans une efpècederage. Ils ne boivent ni ne mangent pendant toute cette lugubre fcène, après laquelle ils inhumentles cadavres: mais un inf-  212 [A] tant api èsl'inhamation, ils fe livrent avec une joie exceffive, aux divei tilfemens & a la danfe. A la mort du Roi, ces cris Sc ces hurlemens durent pendant trois jours; tous fes Su. jets fe rendent au lieu oü il eft mort , pour Ie pleurer. A les voir, on diia t qu'ils font fiappés de la plus vive douleur; les laimes leur coütent fi-peu., qu'il faut qu'ils en aient toujours une grande provision de-commande. Dans bien des endroits, lorfque le Roi meurt, les Femmes qu'il a le plus aimées, & les Efclaves qu'on croit les plus «éceflaires pour le fervir ou le divertirdans 1'autre monde , font égorgés & enterrés auprès du lieu oü on doit mettre le corps du Prince. Ceci achevé, ondépose le cadavre du Roi dans une bière faite de roseaux très-proprement treffés; & quatre des plus forts Seigneurs le portent en cérémonie au lieu de la fépulture. Ce n'eft que depuis peu qu'on a commencéa abolir cette manière fanglante de célébrer les funéraiftes chés les Nègres idolatres, qui font les plus«aisés a convertir; car, pour peu qu'onfache lesperfuader, on en-vient aisément a-bout, parce-qu'ils n'ont aucun cultc fïxe &règlé. Les Nègres idolatres font tellement divisés dans leur culte , qu'il ferait diffkilede le déterminer; eux-mêmes y feraient fort-embarraffés, puifque ce culte eft abfolumen t extravagant. Leur Idole principale eft une petite figure, qu'ils appellentChine. La difficulté eft dc favoir oü elle eft, d'oü elle vient, & ce qu'elle fait. Elle n'eft pas feule: car chaque Particulier prend indifféremmentpour fon Dieu ce que fon imagination lui présente. Les arbres confacrés a leur manière font, ou des Dieus, ou les demeures des Dieus: on leur fait des facrifices de Bceufs, de Chiens, de Coq-, engraifl'és avec beaucoup de foin 6: de précaution. Après que ces Victimes font tnées, & que leur fang a été répandu , partie au piéd & autour de 1'Arbre,  [A] 313 & le refte par afperfion fur les branches, on coupe la Viétime en pièces, dont Chacun emporte chés foi fa part, pour la manger ; les Dieus n'en-ont que les peaux & les cornes, que 1'on attaché aux branches des Ai bres , en-témoignage du facrifice. Les Nègres ne font aucune affaire de-conféquence, fans confulter ces Dieus, qui leur promertent conftamment ce qu'ils desirent, quoique très-fouvent ils n'effecbient rien de leurs promelfes, & que Ceux qu'ils ont vouluprotéger, foient entièrement écrasés, tant par la mort, que par les malheurs fréquens qui leur arrivent. Lorfqu'unRoi idolatre veut confulter fon Idole fur une affaire de-conféquence, il fe fait précéder par des Joueurs-de-fiute, pour annoncer fon arrivée. Ses Femmes ficlesGrandsdefaCour lefuivent; &dès qu'il eft parvenu a 1'Arbre qu'il veut confulter, qui eft un de ceux qu'on regarde dans lepays comme une Divinité, parce-que les Dieus y font leur demeure, toute laCour fait un cercle autour de 1'Arbre: le Roi & fe« Femmes f'en-approchent de plus-près. Un Prêtre des Idoles, vêtu fort-bisarrement, avec quantité de grelots & de fonnettes, présente au Roi la moitié d'une calebalfe pleine de vin-de-palme. Le Roi la foutient avec fa main-gauche; fes Femmes y courent tremper leurs mains-droites, ainfi que tous Ceux qui 1'accompagnent. Alors le Roi parle a 1'Arbre & aux Divinités qui doivent y être nichées, détaille les circonftances preffantes oü il eft, & demande leur avis fur ce qu'il doit faire. Enfuite il jète, par afperfion, du vin fur 1'Arbre. II fait égorger un Bceuf, pour 1'offrir en facrifice ; & ayant recu le fang dans le vase qui avait été rempli de vin, il 'e répand autour de 1'Arbre. Après cette libation, le Roi garde un profond filence, paraiffant enfeveli dans la contemplation y & un inftant après, il publie ce que lui a diété 1'Arbre,  Ji4 M comme un oracle de la Divinité. Dès qu'il a achevé de ! parler, tous Ceux qui font présens pouffent des cris-de-joiea . pleine-tête, Sc fe li'vrent aux divertiffemens avec d'autant: plusd'empreffement, que ces oracles complaisans leur font; toujours favorables. |^ Les Nègres font tous égaux; il l n'y a parmi eux aucun Pauvre. Tout ce qu'ils ont eft en- • commun. Sii'Un roanquede vivres, ilvaprendrefanourri-. ture chés 1'Autre, Sc mange par-tout ou il fe trouve. Ils: n'ont que leurs cases ou habitations en-particulier, Sc ne font: diftingués que par deux avantages qui les mettent a leur aise ; le premier eft de defcendre de Ia Familie-royale; Ceux- • la font refpcétés parmi les Autres, a-peu-près comme la s Nobleffe en France, & onlesappellelesGrands du Royaume:: le fecond eft le nombre des Captifs qu'ils ont fait, qui tra- • vaillentfans-ceffepour eux, &qui, par-la, lesexemptent. dc travailler eux-mêmes. Les Femmes n'ont d'autres occu- • pations que de préparer a manger, d'accommoder Sc fïler le: coton, qui abonde dans le pays, Sc qui eft d'une excellente: qualité, & cela avec une telle indolence, quele travail 1 ne doit pas leur être fort-a-charge. Chaque Nègreffe,, femme ou fille, maitreflè de case, a toujours a fa fuite une: Captive qui 1'accompagne par-tout oü elle va, en la fuivant a.i quelques pas de diftance; Sc dès que la MaitrefTe f'arrête i 1'Efclave f'approche pour 1'éventer avec fon mouchoir:: cesNègrefies fe font fervir avec une exactitude rigoureuse. Les foirs Sc les matins, les Captifs vont faluer leurs Maitres.: & leurs Maitreffes, en courbant le genou jufqu'a terre ,, avec une inclination profonde , qui tient beaucoup de 1'adoration. PourlorsleMaitre Sc la Maitreflè leur donnent la l main, avec les ordres pour le travail auquel ils les deftinent ce jour-li Dans la fucceflion des Rois, le Fik ne fuccèdepas au Père, a-moins que ce Dernier n'ait aucun  Frère: dans ce cas le Fils fuccède. La loi eft donc que ïe Frère du Roi, ainé après lui, fuccède de droit; après Celui-ci, le Second, & ainfi-du-refte. Chaque Roi a une telle quantité deFrères, qu'a fa mort, il f'en-trouve toujours pour le remplacer; ce qui fait que fes propres Fils ne fuccèdent, que lorfqu'il n'ya plus deFrères du Roi. Après eux , c'eft le Fils du premier Roi mort, ou a fondéfaut le Second, ainfi-du-refte; & 1'on ne retourne aux Fils du Roi dender mort, pourla fucceffion, qu'a-défaut de leurs Oncles. Pour-lors, tous les Grands du Royaume f'affemblent, pour proclamer Roi Celui qui a droir de 1'étre. II n'eft Roi que pour commander a fon Peuple, & fe faire exactement obéir; car durefte, il ne parait ni plus-riche, ni plus-opulent que fes Sujets, qui lui fournifient Chacun a leur jour marqué, le néceffaire pour fa fubfiftance. Oa ne le diftingue que par fa Garde, par le nombrede fes cases & celui de fes Femmes, dont la Première eft Sultane: il f épouse, felon ce qui eft prefcrit par le mahométifme du pays, ou par des lois que la fuperftition & 1'ignorance ont enfantées. La fête dure trois-jours, & prefque tous fes Sujetsy affiftent, après avoir fait leur présent au Roi. Ces trois jours paffés dans la danfe & les divertiffemens, Chacun retourne chés foi. Le Enfans males de la première Sultane font légitimes, & ont un droit réel a la Royauté; enfuite Ceux de la Seconde, que le Roi déclare fimplement être une de fes Femmes, & ainfi-du-refte; les Enfans de Celles qu'il n'a pas déclarées Femmes, n'ont aucun droit au iróne, maisils font appelés Grands du Royaume de la feconde Claffe : ils différent de Ceux de la première, encequeCeuxci paffent pour légitimes, & ont droit, Chacun a leur tour, a la royauté. Jamais les Filles ne fuccèdent; elles ne peuvent rèsner: car outre la loi. la nuanriré Aps ïïnfmc-msu  2i6 [A] qiri ont droit alaRoyauté, leur en óte toute efpérance. On ne les marie qu'avec des Rois ou Fils de Roi, ou tout-au- i moins avec Ceux qui en-defcendent : Ceux qui veulent les épouser, lom de recevoir des Pères de ces Princefles la moindre dot, font obligés de convenir avec ces Derniers, de la qualité des présens qu'ils leur feront, pour avoir , leurs Filles en-mariage; & au moment même que les présens font faits & acceptés, le mariage eft conclu. II en-eft de-même pour tous les Sujets du Roi, ils ne jouiftent du privilége , foit de préféance, foit de poffeftions annexées a leurs Families, que dans 1'ordre établi pour la fucceiïion au tróne. Les Nègres fe marient avec peu de cérémonies. Les Pères qui ont des Filles font bien plus heureus fur cet article qu'en Europe, oü on ne les marie qu'en-donnant de I'argeht a Ceux qui veulent bien f'en-charger; aulieu que dan? ce pays, chés les Rois même , les Pères, les Mères oulesParens, en-retirent de Ceux qui prcnnént leurs Filles. Lorfqu'un Homme veut avoir une Fille pour fa Femme , il J va trouver le Père ou la Mère de cette Fille, ou a leur! défaut, fes proches Parens, a qui il déclare fon chois & le? présent qu'il doit leur faire, ce qui eft toujours proportionné : a fes moyens, a 1'age & a la beauté de la Fille. Quand il I a livré le présent dont on eft convenu , on lui livre la Fille. On ne fait point de crédit. On la mène a fa case ; & dès, qu'elle y a mis le piéd, elle eft fenfée fa Femme. A cecif fuccèdent pendant trois jours, aux dépens du Nouveau-, raarié, la danfe & les divertifleméns, qu'on appelle folgM I orfqu'un Homme a plusieurs Femmes, ce qui arrivé toM jours, a-moins qu il n ait pas le moyen d'en-acheter, il donne a Chacune une case a-part, ou elles élèvent leurs Entans I vivent en-particulier, & font leur petit négoce. Le Man, Pil eft Homme rangé, afoin de fournir a Chacune le md &  [A] 317 Je nz qui lui font nécelTaires pour fa fubfiftancc & celles de fes Enfans pendant 1'année; & les Femmes, par femaines, lui apprêtent tour-a-rour a manger & k coucher. Elles en-ont un foin extréme pendant cetemps-la, pour ne point payer chèrement les fautes qu'elles commettraient, puifque leurs Rivales en-profiteraient en Femmes habiles. Aufli eft-it rare qu'on ait quelque-chose a leur reprocher fur cet article. Elles ont foin de faire présent, tous les ans, d'un habit k la mode du pays a leur Mari; il confifte en deux pagnes, & "1'emulation, entr'ellcs, eft fi-graride pour cet objet, que c eft k qui le filera , le teindra mieux, & marquera plus d'empreffement k le bien-faire. Un Père-dè-fami!le étant mort, tous fes Enfans, foit qu'ils viennent des Femmes qu'on peut regarder comme légitimes , parce-qu'il les a achétées «Sc payées, ou qu'ils foient nés de Celles qui ne paffent que pour Concubines , parce-qu'elles font des Efclaves étrangères gagnées k la guerre, ou enlevées paria force, touscesEnfans, dis-je, partagent également les biens du Pere. Quelques Voyageurs ont écrit que les Nè- greffes accouchaient fans douleur, & cela, fur ce qu'elles ne disent nen dans le temps de leur accouchement. C'eft une erreur; elles fouffrent autant que les autres Femmes & comme les Femelles de tous lesAnimaux; mais elles'ont de la patience. Elles fe font un point-d'honneur de ne pa* temoigner au-dehors qu'elles fouffrent la moindre peine lUneFemme, quelque jeune qu'elle foit, fe croirait deshopreek-jamais, fi elle avait Iaiflë échapper quelques cris dans i cette occasion; fa Familie méme ne voudrait plus la voir ; en-un-mot, elle ne pourrait, après cela, avoir aucun comüimerce avec le monde, ni avec fon Mari. C'eft pour cela jqu'elles fe contraignent fi-bien, qu'on ne fait qu'une rfFemme eft accouchée, que quand on la voit porter fon  3.8 [A] Enfant foit a la rivière foit a la mer, oü elle va le laver, & fe laver elle-même. On ne fait ce que c'eft que d'emmailioter les Enfans ; on lailfe agir la Nature en toute liberté, & elle les conduit fi-bien, qu'on n'en-trouve ni de boflbs, nideboïtens,ni d'eftropiés, comme on en-voit un fi grand-nombre en Europe. Les Mères aiment tendrement leurs Enfans; pendant qu'ils font petits, elles ne les quittent jamais; elles les portent par-tout, attachés fur leurs épaules avec une pagne. Elles les alaitent 1'efpace de deux an?, pendant lefquels elles n'ont aucun commerce avec leurs Maris. Ces Enfans croilfent très-promptement, par cette raison & plus encore fans doute a-cause de la grande chaleur du pays. H y a frequemment des Filles nubiles a huit, dix ou douze ans, li les Garfons le font prefqu auffitot. Qu'un Nègre foit malade, il boit & mange comme a1'ordinaire. Si on demande, comment il fe porte, füt-il a 1'agonie, onrépond qu'il fe porte bien. II ferait deshonoré, fi, lorfqu'il foufTre a-l'extrême, il fémoignait la moindre douleur. Le Voyageur francais qui parleici, en-a vus accablés de coups, amarrésa un canon , d'autres fufpendus en-l'air , foutenus par quatre Hommes qui les foulevaient par les mains & les piéds, toute leur chair en-lambeaux, a force de coups, ne pas donner a connaitre qu ils fouffraient. La faim feule les contraint de femer du mil & du , iz La néceffité qu'ils fe fontfaite de fumer, les oblige de cultiver du tabac. Le besoin de fe couvrir les force a planter du coton , & a faire, en fe divertifiant, quelques Lnes: maisils onttrouvéle fecretdenepo.ntfennuyerdu travail, quelque néceffaire & preffé qu'il foit; ce ecret ed de le ouitter longtemps avant qu'il les fatigue. L hofpitalue eft ce qu'ils ont de meilleur ; elle ne peut etre ni plusgénérale, ni plus gracieuse, eu égard au pays. Ils n'ont  [A] 3*9 rien k eux; tout eft en-commun, & ils usent de tout fans gêne & fans contrainte : Blanc ouNoir, Quiconque envoyageant va chés eux, peut entrer librement dans la première case qu'il rencontre : dès qu'il arrivé , on le falue, on lui demande fon nom , d'oü il vient, oü il va; & fur-lechamp, on lui présente du lait ou du vin de palroe ; on lui donne du tabac pour fumer; quand l'heure du diner ou du fouper eft arrivée, on le convie a manger; on 1'entretientpendant & après le repas, & quand il veut fe reposer, on lui donne un lit fait felon la contume du pays. Enfin , lorfque 1'Étranger veut partir, il eft quitte avec fes Hötes en leur disant, qu'il prie Dieu de les conferver en-fanté. C'eft ce qui fait que lorfque lesNègres voyagent, ils n'ont besoin ni d'argent, ni de provisions de vivres, puifqu'ils trouvent par-tout leurfubfiftance avec agrément, felon les usages du pays. Si 1'Höte n'a pas de-quoi bien-traiter un Voyageur, de quelque Nation qu'il foit, tous les Habitans du Village y contribuent, & donnent ce qu'ils ont de meilleur, en-félicitant 1'Höte d'avoir reen 1'Ecranger. Le Voyageur que je copie, a toujours admiré ce fond d'humanité , de charité naturelle , qui donne tant dc facilité pour vivre, empêche qu'on ne foit exposé a la disette, & préserve des murmures féditieus, aufquels le besoin excite les Pauvres des Nations les plus polieées, parmi lefquelles il faut ou mendier fon pain, ou périr de misère. §3" R'en n'e^ plus fimple & moins chargé de cérémonies que les mariages des Nègres mahométans. L'Alcoran, qu'ils ne connaifient pas, & qu'ils prétendent fuivre, leur petmet, disent-ils, de prendre autant de Femmes qu'il leur plait, & de les iépudier dès qu'elles commencent a leur déplaire. C'eft un moyen effkace pour fixer 1'humeur inconfiante des Femmes d'Afrique; & fil pouvait f'accommoder avec les lois II Part. X  320 lAl du Chriftianifme, 1'usage n'en-ferait pas desagréable a bien des Gens. Auffitöt que le mariage eft conclu, le Mari ordonne a 1'Epouse de le fervir: Elle obéir a fes ordres avec exaétitudc, & elle fe regarde comme une Efclave honnête. Après que fon Mari a foupé, elle foupe a fon tour, & non avant; car elle n'a pas 1'avantage de pouvoir manger avec fon Mari, quelqu'amitié qu'il ait pour elle. La qualité de Femme donne celle de fervante, aumoins fur cet article. Les Rois, & les Nobles qui ont plusieurs demeures, féparent leurs Femmes autant qu'ils peuvent, & les partagent dans leurs différentes habitations, afin qu'elles ne fe voient que rarement: ils ont encore un-autre motif; c'eft que changeant fort-fouventdedomicile, ils trouvent un ménage complet, dans tous les lieux oü ilsjugent a-propos de faire quelque féjour. Si une de ces Femmes ou Concubines oubliait la fidélité, elle ferait fur-le-champ punie de mort, ainfi que fon Complice. Point de pardon ni de misericorde fur ce chapitre. Quoique la condition des différentes Femmes foit affés égale par-rapport a leur Mari, on ne laifie pas de remarquer de la diflinction eutr'elles. La première Mariée fur-tout, fi elle ades Enfans-males, eft la Maitreflè de la maison; elle en-fait les honneurs, & fi elle efl de-qualrré, elle fait très-bien f attribuer , ou fe faire rendre ce qu'elle croit lui être dü. Elle ne peut étre répudiée que pour cause d'infidélité, privilége que n'ont point les autres Femmes , qui font chargées de tout le travail de la maison , & qui, lorfque leurs Maris font en-converfation ou dorment, doivent chaffer les maringouins, efpèce d'infeétcs , femblables a ceux que nous appelons en France cousins, mais plus incommodes, qui les importuneraient, ou troubleraient leur fommeil. Elles doivent encore, dès qu'ils font éveillés, leur présenter la pipe & le tabac,  [A] 321 toujours dans une foumiflion étonnante. Quand leurs Enfans ont douze ou quinze jours, elles les portent fur leur dos; & quelque travail qu'elles faflent, elles ne les quittent jamais: elles les aiment tendrement, & par cette tendreflé, elles prétendent marquer a leurs Maris combien elles leur font attachées : Elles leur continuent ces foins attentifs jufqu'a ce qu'ils marchent feuls: car alors elles fe contentent de les bien-nourrir, & les laiifent faire tout ce qu'ils veulent, fans f'embarrafler de leur éducation. Les Enfans croiffent fingulièrement; & comme leur naturel n'a point été corrigé dès 1'enfance , il ne faut pas fétonner fils font vicieus, fils n'aimentque leurs plaisirs, fils fuient le travail, & fils refpectentpeuleurs Pères & Mères. La pareffe eftlatache originelle des Nègres; elle efl: telle , que, fi la faira ne les prefTait pas, ils ne fe détermineraient jamais a enfemencer une partie de leurs terres : fans la fécondité extraordinaire de leur pays, ils feraient tous les ans réduitsaunefamineextréme, & contraints defelivrerpour Efclaves a Celui qui aurait de-quoi leur donner a manger. Les Femmes & les Filles n'ont pour habit qu'une ceinture, qui des reins leur pafle entre les cuiffcs. Le refte du corps eft nu, excepté quand les vents du nord-eft foufflent : alors le froid, auquel elles font fort-fenfibles , les oblige de fe couvrir d'une pagne. Quelques unes fe fervent d'une feconde pagne , qui leur couvre Ia tête , & leur defcend fur les épaules. Rien n'eft plus bizarre que cet ajuftement, auquel elles ajoutent des manilles ou braflélets , avec un autre ceinture d'une groffeur prodigieuse de verroteries de toute efpèce, des colliers de la même facon, & des pendans-d'oreilles d'or, Elles ont un très-grand foin de froter leurs cheveux avec de 1'huüe de palme, qui achève Xij  3 22 M de leur faire exlialer une odeur infupportable. Voici un fait remarquable , dont le Voyageur que je fuis, a été témoin : Une Femme de 1'ile des Bifleaux , qui fait partie de 1'Afrique frar.caise, née d'un Père & d'une Mère abfolument noirs , était auffi bianche qu'une Francaise. EUe fut mariée a un'Noir, & elle en-eut des Enfans aufli noirs quefi elle avait été norrè elle-même; tandis que , fuivant la règle générale , ces Enfans devaient être basannés ou mulatres, püifqu'ils provenaient d'une Bianche & d'un Noir. Quant a la fidélité que les Femmes doivent a leurs Maris , on fait que les Mahométans font, de tous les Maris, Ceux qui f'en-rapportent le moins a la bonne-foi de leurs Femmes. Ils ne laiflënt pas d'y être fouvent trompés. Cependant, quoique Pdahomet ait décharge les Femmes du devoir de la circoncision , pour leur faire-entendre qu'elle n'ont aucun droit dans fon paradis, lesDoéteurs mahométans, plus indulgens pour le Sexe, décident que les Femmes fages& fidelles a leurs Maris, peuvent trouver un petit recoin dans ce lieu de délices, pourvu qu'elles foient circoncises autant que leur fexe le permet. Ce font les Femmes qui font les Miniftres de la circoncision pour les Pcifonnes de leur fexe, dans les lieux oü cette doctrine, eft reeue. gr^f» On ne voit d'autres Ouvriers, parmi les Nègres, que des Tiflérands, des Taülandiers, des Potiers-de-terre, & d'autres qui veulent in iter nos 0> fevrës, en-travai!iant grofflère"ment des chaïnes d'or & d'argent, des pendans-d'oreilles, des bagues, des croix & des ornemens de Femmes. II eft certain, que fils voulaient vaincre leur parefië, & profiter de 1'abondance de coton qui croit fans culture dans leurs terres, ils feraient p'.üs de toile qu'ils n'en pourraient confommer, &nouspriveraicnt nons-autrs Européans du débitprodigieus que nous fefons des nótres, 'ainfi què des profits confidérables  [A] 323 que nous retirons de ces marchandises; car ils ne manquent ni d'efprit pour aggrandir leurs metiers', & faire leurs toilesde-coton d'une largeur convembie, ni d'induftrie pour les tei idse, leur donner de la variété & de 1'agrément. Les Taülandiers font chés eux , cöuteliers, fourbifl'eurs , forgerons, maréchaux, chaudronniers; en-un-mot, ils réii— nifi'ent dans un feul corps, tous lesOuvriers du marteau & de 1'enclunie. Ils n'ont ni forges ni boutiques; ils travaillentdevant leurs cases, fous quelques arbres, & tranfportent l'attirail de leur métier par-tout ou ils ont a travailler. I! ne faut pas croire que cela leur coute beaucoup de peine , puifque tout l'attirail confiile en un très-petit enclume, en une peau de Bouc qui fert de loufflét, en quelques marteaux, une tenaille & deux ou trois lim.es, On voit quel- • quefois de leurs ouvrages en-or Sc en-argent, tels que des braffelets, des chaines-de-piéds, des pendans-d'oreilles , des bagues, des colliers dont les Femmes fe parenr, qui font affés bien travaillés. I's font des poignées- de-labres, des plaques pour orner les fourreaux, Sc d'autres chokes femblables, quimarquentleurefp.it & leur adrelTe naturelle. Ils feraient de tres bons Ouvriers, fils étaient inllrnits, 5c un-peu moins pareffeus. Ils manient le fer auffi bien que 1'or & 1'argent, puifqu'ils font des couteaux , des haches, desferpes, des cizeaux-a-froid pour couper lesbarres de-fer, aufquclles ils donnent une trempe aufli bonne que celle que les Européans leur peuvent donner. Le fer qu'on leur porte d'Europe eft en-barres, qui fervent de monnaie réelle ou idéale dans les marchés qu'on fait avec eux. La barre-de-fer doit avoir neuf piéds-de roi de longueur, mesure de Paris, deux pouces de largeur, & quatre a cinq lignes d'épaifTcur: on la divise en douze parties, qu'on appelle pattes, avec chacune defquelles X ii)  324 [A] ils font trois inflrumens pour cultiver leurs hougans, qui font les terres qu'ils enfemencent, & oü ils fement du mil, des meions, & d'autres légumes : c'eft-la toute leur charme, a laquelle ils ajuftent un manche affés long, pour que Celuiqui f'en-fert n'ait pas la peine de fe courber en-travaillant. Rien n'eft plus cqmic que de les voir dans cet exercice. Le Seigneur, ou le Maitre qui fait travailler eft a la tête des Ouvriers, armé comme dans un jour de bataille, le fabre au cóté, & la fagaye a la main; il a auprès de lui fes Guiriots avec leurs caiffes, qui chantent a-pleine-tête, & battent de la caiffe de toutes leurs forces , afin, diseqt-ils, que Mahomet les entende, & béniffe leurs travaux. LeMaitre les feconde, autant qu'il le peut, de la voix «5c du gefte; il encourage ainfi fes Gens, qui font tout-nus, & qui ont a la main une petite bêche, faite en croiffant, d'environ trois pouces dans fon plus grand diamètre, & de 1'épaiffeur d'une ligne au-plüs. C'eft avec ce faible inftrument qu'ils labourent, ou plutót qu'ils égratignent leurs terres, dont ils fe contentent d'enlever les herbes avec une partie de leurs racines. A les voir, on dirait cependant qu'ils font un travail des plus pénibles; car ils font des mouvemens «Sc des contorfions plus ou moins violens, felon que le fon des inflrumens eft plus ou moins vif & preffé. Leurs terres, quoique travaillées fi légèrement, font d'une fertiiité furprenante. Toutes les cases des Nègres font rondes comme des colombiers, «Sc couvertes en-pointe; il n'y a aucune fenêtre: le jour n'y vient que par la porte, qui eft affés baffe. Elles portent fur des fourches de médiocre grofteur, plantées enterre, jointes enfemble par une fablière d'un bois rond «Sc pliant, pour faire plus aisément la circonférence. Ils attachent, fur cette fablière, des gaulettes qui fervent de  [A] 3JÏ chevrons, & qui Punilfant au centre, font la pointe. Ils les couvrent de paille, de roseaux , ou d'une efpèce d'osier qui croit en-abondance dans tout le pays. Elles deviennent, en très-peu de temps, toutes noires en-dedans, k-cause du feu continuel qu'on y fait pour préparer le riz ou le mil, & fentent fi-fort la fumée, qu'il faut y être accoutumé, pour n'en pas être incommodé. Les meubles n'y occupent pas beaucoup de place, puifqu'on n'y voit que des pots-de-terre, des calebaffes, des paniers & un mauvais coffre, avec quelques grisgris, pour les préserver du feu & des autres malheurs ; mais comme le feu y prend fouvent, les grisgris font eux-mêmes confumés avec les cases & les meubles. Si un Nègre meurt, toutes fes Femmes vont a la porte, & font des cris horribies. A-l'inftant, leurs Voisines & Celles qui ne favent pas même Qui eft mort, applaudiffent de loin , & augmentent les cris & les hurlemens, en f'égratignant par provision, le visage, le fein, les bras, & enpouffantdes cris, comme fi Chacune d'elles avaitperduPère, Mère, Mari & Enfans. Comme tout le monde criea«la-fois, il faut du temps pour découvrir d'oü eft parti le premier cri; mais dès qu'on le fait, toutes les Femmes, les Enfans, les Hommes mêmes y courent, & font avec la Familie duüéfunt, un br uit qui empêeherait prefque d'entendre le tonnerre. II en-eft de-même quand les Femmes ou les Enfans un-peu agés viennent a mourir: ces cris durent pendant vingtquatre heures, jufqu'a ce qu'on ait inhuméle Défunt. Les Femmes & les Enfans laiffent a. leurs Voisins le foin des furrérailles; les Premières f'appliquent uniquemcnt a fe procurer de 1'eau-de-vie & du vin de palme, pour les ti aker; car il eft de 1'elfence de la cérémonie de faire folgar, c'eft-a-dire , feftin, danfe & réjouiffance après que le Corps arecu la fé- X iv  2 26 [Al pukure. C'eft ce qu'on ne manque pas de faire, dès quC les complimens de condoléance font finis. Les Guiriots , tambour-battant, commencent la marche: les Hommes, armés jufqu'aux dents, les fuivent en-filence. Le Corps, porté par deux Hommes, vient enfuire, environnépar les Marabous. Les Femmes fuivent le Corps, Sc c'eft aQui d'elles hurlera le plus-fort, & fe déchirera mieux le visage. Ceux qui 1'ont apporté le jètent dans la foffe, Sc le couvrent de terre. Enfuite le Marabou commande aux Guiriots de battre la marche pour retourner au Village, oü les pleurs & les hurlemens ceffent dans 1'inftant, Sc oü on fe divertit comme fi rien n'était arrivé. Si le Mort efl un Garfon, fes Compagnons courent par tout le Village, le fabre a la main , ftignant de le chercher; ils frappent leurs fabres les uns contre les autres, quand ils fe rencontrent, Sc femblent vouloir fe battre , fans fe dire mot. A la mort du Roi, tous fes Sujets vont le pleurer pendant trois jours, aubout defquels ils retournent chés eux , Se fe livrent a la danfe Sc aux divertiffemens. Chacun doit fuivre cet usage fcrupuleusement; fans quoi il f'exposerait a des fuites functies; car tous les autres Nègres lui tomberaicnt fur le corps, Sc 1'allbmmeraient impitoyablcment. Le mil, qui eft fi abondant dans toute 1'Afrique, Sc qui fait la nourriture ordinaire des Nègres, fe préparede cette facon. On pile le mil, avec lequel on veut faire du fanglet ou du coufcou ; Sc après qu'on 1'a réduit en farine , Sc qu'on 1'a paffé dans un tamis, pour en-oter le fon Sc le gruau , on en-fait une paté, qu'on cuit en la remuantfans-ceffe, decrrnte qu'elle ne cuise en-pain; aulieu que ce mouvement féparant fes parties, en-forme feulement de petites boules dui es Sc fèches comme de petites dragées, qui fe confervent aufli longtemps qu'on a foin de les préserver de 1'humidité.  [A] 327 Lorfqu'on le veut manger, on 1'arrose avec de 1'eau ou du bouillon chaud; il f'amollit auiïitöt, f'enfle, a-peu-près comme le riz. Le coufcou eft une bonne nourriture pour ce climat chaud , légère , & d'une facile digeftion. On convient qu'elle rafraichit; ce qui fait, dit-on, que les Nègres, qui en-usent régulièrement, font gras & frais, & vivraient longtemps fans favoir ce que c'eft que les maladies, fils ne f'abandonnaient pas aux excès de 1'eau-de-vie & des Femmes. Le fanglet n'eft que le gruau du mil, qu'on emploie comme le gruau de froment; il a les mêmes eftets, & on 1'eftime tout-autant. La nourriture eft a bon-marché dans toute la Guinée, & les moeurs y font fi fimples , que les Femmes & lesDomeftics du Roi (Slffmi, par-exemple, ne vivent que du produit de leur travail journalier. ( Cet article, aiïcs mal-écrit, eft de feu 1'Abbé Demanet.) Je n'ajouterai qu'un mot, a ce qu'on a dit de l'Ethiopïe dans les Gynographes, p. 349. L'Empereur d'Ethiopie a toujours deux Armées fur piéd; 1'une fur les frontières du Royaumede Nérca, & 1'autre fur celles du Royaume de Goyame, oü fe trouvent les plus riches mines d'or, dont il tire d'immenfes fommespour le paiement de fes Troupes & pour 1'entretien de fa maison. II eft maitre abfolu de tous les biens de fes Sujets. Lorfqu'un Chef-de-famille eft mort, il prend un tièrs des biens immeubles qu'il laifie, & les deux autres tièrs fe partagent entre les Héritiers. Ce tièrs reservé, le Prince le donne a un Particulier, qui par-la devient fon feudatairc, qui eft obligé de le fervir a Ia guerre a fes dépens, & de lui fournir un certain nombre de Soldats , propoi tionné a Ia valeur des terres dont il a été gratifié. Pour éviter la fraude a cet égard, il y a dans toutes les Provinces des Controleurs, qui tiennent un regïtre exaét. de tous les biens qui revieanent au domaine impérial • Sthiofii.'  328 [A] par la mort desPofleflcurs, & qui paffent enfuite en d'autres mains. La cérémonie de la prise de poiTeffion confifte a attacher en-public, & au fon des inflrumens, fur le front du nouveau Feudataire, un bandeau de taffetas, fur lequel font écrks ces mots en lettres d'or : —Je fuis Empei eur d'Éthiopie, de la tribu de Juda, lequel a toujours vaincu fes Ennemis-. §t3» Les pluies durent fix mois en Ethiopië. Elles commencent au mois d'avril, & ne ceffent qu'au mois de feptembre. Pendant les trois premiers mois, les jours font fercins & beaux, mais letonnerre gronde d'une manière épouvantable, & il pleut abondamment, aufïïtöt que le Soleil efl couché. Les Auteurs qui ont recherché les causes du débordement annuel du Nil, l'ont mal-a-propos attribué a. la fonte des neiges, car il n'en-tombe prefque jamais dans 1'Éthiopie; il n'y en-a fans-doute d'autre cause que ces mêmes pluies rcgulières. Sitót que les pluies font ceffées, 1'Empereur raffemble fes Troupes & va attaquer les Rois de Galla & de Changalla, qui font fes Ennemis les plus redoutables, & qui étaient autrefois fes Tributaires; mais après les avoir combattus avec fuccès en-dilférens temps, ils osent aujourd'hui rarement fe mesurer avec fon armée, & dès qu'elle approche, ils fe retirent dans des montagnes inacceflibles, oü ils vendent chèrement leur vie, lorfqu'on va les y attaquer. L'Armée Éihiopienne eft fouvent composée de quatre cents cinquante mille Soldats. Les Êthiopiens ne font pas noirs, comme on 1'a crulongtemps enEurope: léur couleur eft brune & olivatre. Ils ont la taille haute & majeftueuse , les traits du visage bien-marqués ,. les ieux beaux & bien fendus, le néz bien-pris, les lèvres I petites & les dents blanches. Les Perfonnes riches portent |i une vefte de foie ou de fine toile-de-coton, avec une cein- i ture. Les Particuliers ignorent 1'usage des étofes-de-foie, |  [A] 329 & le Peuple n'a qu'un calecon de coton & une écharpe. La juftice eft rendueavec beaucoup d'équité & de févérité dans toute 1'étendue de 1'Empire. Comme il n'eft pas permis a un Chretien de répandre le fang d'un-autre Chr tien fans de grandes raisons, on fait les plus amples informations, lorfqu'il f agit de condamner un Ci iminel a-mort. Les Uns font étranglés & d'Autres décollés; Quelques-uns font condamnés a perdre leurs biens, & fous les plus rigoureuses peines, il eft défendu de les aftifter, & même de leur donner a boire & a mangcr : mais ordinairement 1'Empereur ne tarde pas a leur accorder leur grace. C'eft dans le Royaume deGoyame que fe trouvent les fources du Nil: elles font fur une montagne très-élevée, 1'une fituée k 1'orient & 1'autre a 1'occident. D'abord elles forment deux ruilfeaux, qui fe précipitent avec beaucoup d'impétuosité vers le milieu de la montagne, dans une terre fpongieuse Sc mobile, quieftcouvertedecannes&dejoncs: la, ceseaux feperdent, & ne reparaiffent qu'a dix ou douze lieues, pour formerlefleuveduNil, qui fegroftitenpeu-de-temps par le tribut des eaux que lui apportent plusieurs rivières. Pour le Zanguebar, voyez les Gynographes. L'Egypte, aétuellement fous la domination des Turcs, eft gouvernée par unPacha, qui fait fa residence au Caire. II a fous fes ordres vingtquatre Beys ou Lieutenans de Gouverneur, qui commandent dans vingtquatre départemens différens. Ces places, dont aucune n'eft héréditaire, font fort-difficiles a conferver: il fuffit de pouvoir les payer au Pacha pour y parvenir. II les accorde aflés fouvent a Ceux qui ont 1'audace de f'en-frayer le chemin par des aflacinats; ce qui fait de la Cour de ces petits Tyj rans un repaire de Meurtriers, toujours difposés a acheter le droit decommettre un crime, qui nemanqueguêre d'étre SGYPTfi  ■ 33° [A] vengé par un autre crime. Ces horreurs recidivées Tont une desprincipales fources qui rempliflènt le trésor du Pacha du Caire. Une milice affés confidérable, a la tête de laquelle font les Janiffaires, défend le pays contre les incursions des Arabes, & contre les autres Ennemis étrangers ou nationaux. UnCadi connait dans chaque Ville de toutes les difcuffons qui Pélèvent entie les Particuliers. Ie Mufti ou Miniftre de la loi, & quelques Do&eurs qui lui fervent d'affeffeurs, prononcent fur tout ce qui regarde la religion; & comme les bornes qui féparent le fpirituel dutemporel, ne font pas bien-diftinétes , ils étendent leur jurifdiclion aufti loin qu'il leur eft poffible, jufqu'a la contradiélion. II y a quelques Princes Arabes qui habitent une partie de la Haute- Egypte, & qui depuis la conquête du pays par Selim, ont confervé leur indépendance ; il y en a d'Autres qui font tributaires du Sultan ; mais ce tribut ne fe paie qu'une-feule-fois, & lorfque le Fils fuccède au Père. OutrelesÉgyprien% les Arabes & lesTurcs, on trouve en Egypte beaucoup de Chretiens & de Jnifs, qui font obligésde porrer un turban bleu & un habit violet,., qui doivent les diftinguer des autres Habitans. Les anciens; Egyritiens étaient laborieus, acbfs, induftiieus, foumis aux ; lois & fcrupuleusement attachés a leurs usages: les Ëgyp- ■ tiens modernes font laches, fourbes & prefqu'aufli fuperf-j ticieus que leurs Ancêtres, Les Pi emiers étaient adonnés] a la magie; Ceux-ci attachent des vertus futprenantes a tout ce qu'on nomme charmes & talifmans. Louer un Enfant en présence de fon Pè;e ou de fa Mère, manquer a lui donner fa bénédiction , c'eft témoigner une mauvaise intention, dont on ne peut fe garantir qu'en-jetant une poignée de fel dans le feu. Les anciens Magiciens de 1'Egypte furent de terribles Sorciers, qui firent fouven  [A] }?« trembler les Peuples & les Rois: Ceux d'aujourd'hui ne font que de vils Chailatans, féduéteurs d'une Populace ignorante, qui craint de fermer les ieux & les oreilles au menfonge. II eft fingulier que 1'habillement Égyptien ait fi peu changé de forme dtpuis tant de fiècles! c'eft encore une longue robe ou chemise a manches larges, attachée autour du corps avec une ceinture; 1'étofeen-eft ordinairement un drap bleu. Le Commun du Peuple porte pardelfus une-autre robe de laine brune, & lesPerfonnes diftinguées ont une longue fimarre aufti de drap bleu. L'habit de cérémonie eft on ne peut pas plus fimple , & confifte feulement en une chemise bianche, faite en-forme de furplis. (YoyezlesGynograph.es, pp. 351-354.) Maroc , Tripoli, Tunis, Alger, fontce qu'on nomme I les Etats barbarefques : ils occupent la partie de 1'Europe qui confirse a 1'Efpagne, dont il ne font féparés que par Ie détroit de Gibraltar. C'eft le féjour du plus odieus defpotifme. Maitre abfolu , le Defpotc de Maroc, parexemple , n'a ni Cour-de-juftice , ni Confeil particulier, ni Miniftre : il eft lui-feui le Légiflateur, 1'interprète de fes lois, & le Juge-fouverain. Desöffkiers, qu'on nomme Alcaïdes, gouvernent fous fes ordres tout 1'État. II tire annuellement la dixième partie de tout ce que poffèdent environ centmille Arabes, raffemblés dans vingtcinq ou trentemille adouars: mais ces Malheureus font fi pauvres, qu'il faut leur arracher ce tribut par la force. Je renvoie encore aux Gynographes, pour tout le refte de J'Afrique, les Iles comprises , & je pafte a la partie du monde la plus ancienne, la plus belle, & la plus-célèbre. Je vaisd'abord extrairecequ'ilyade plus important dans les usages des Chinois, moins pour faire admirer ce Peuple, quepourprouverauxEuropéans, que fion voulait peindre lAROC,: AS IE. Chinh,  33* CA3 nos mcEUTS & nos usages en-beau, ils 1'emporteraient debeaucoup fur ceux de tous les Peuples du monde: mais que ferait-ce, après la Réforme que je propose ? La Chine eft le plus grand Empire de PAsie; il eft borné au nord par la grande muraille qui le fépare de la Tartarie occidentale ; a 1'oueft, il touche auThibet; au fud , il eft terminé par le Laos, le Tongking & la mer de la Chine , ou 1'océan orienral; & k l'eft, par le même océan. Le Thibet le fépare des pays de Ko-ko-nor & de Si-fan; il a au nord-oueft le pays de Khami ou Khamull, partie de la petite Bukkarie, que 1'on trouve audela d'un desert, quia, dans cet endroit, neuf journées de largeur. Le vernis de la Chine n'eft pas, comme plusieurs Voyageurs le ceitifient, une composition fingulière, & dontle fecretcftdifficileadécouvrir; ildiftille, comme une gomme» d'un arbre appeléTfi-chu. Ces fortes d'arbres nedonnent du vernis que dans l'été; celui qu'ils diftillent au printemps & k 1'automne, eft toujours mêlé d'eau. D'ailleurs, ils n'en-produisent que pendant la nuit. Pour 1'obtenir, on fait plusieurs incisions a 1'arbre avec un couteau, & on place dans ces ouvertures des coquilles qui recoivent la liqueur. Onvernita la Chine, les tables, leschaises, les cabinets, les bois-de-lits, & jufqu'aux uftenfiles de cuivre & d etain. Cette efpèce de peinture leur donne un luftre admirable , fur-tout lorfqu'elle eft mêlée avec des ornemens d'or & dargent. C'eft entre deux couches de : vernis que 1'on peint les fleurs, lesjsfïgures d'Hommes ,, d'Oiseaus, les montagnes, &c.a, qui donnent tant de prix ; en Europe aux ouvrages qui viennent de ce pays. Les ; vernis de la Chine font moins beaux & moins durablesque : ceux du Japon: ce n'eft pas que lesChinois ne foient enétat de les porter a leur perfecUon; mais 1'avidité du gain  nelenr per met pas d'y employerle temps néceffaire. Quoiqu'il en-foit, le débit étonnant qui fe fait de ces ouvrages vernilfés, eft une des plus fortes branches du commerce de la Chine. Tous les Auteurs font d'accord que les Vers qui produisentlafoie font originairesde la Chine, & quelefecret d'employer utilement le travail precieus de ces Infeétes y ayant été découvert, 1'usage en-paffa aux Indes, delk aux Perfes, & fe communica aux Grecs & aux Romains , qui achetèrent la foie au poidsde 1'or. Dans les premiers temps de 1'Empire-Chinois, les Peuples n'étaient vétus que de peaux : la population étant confidérablement augmentée, cefecours maHquaauxChinois, &laFemmed'un Empereur y fuppléa, en-inveutant 1'art de travailler la foie. Dans les fiècles fuivans, les Impératrices f'occupèrent a planter des muriers dans l'intérieur de leurs palais, & a élever des Vers-k-foie ; elles travaillèrent elles-mêmes de fuperbes étofes, qui étaient confacrées a Chang-ti dans les facrifices; ainfi 1'on peut dire qu'a la Chine, 1'agriculture & 1'art de fabriquer des étofes-de-foie, doivent leurs progrès aux Empereurs & aux Impératrices. II ne ferait pas poffible de nommer toutes les efpèces d'étofes-de-foie que fabriquent les Chinois, & qui font encore inconnnes aux Européans. Laquantité en-eftprodigieuse, & ily en-a de tout prix; d'unies, de fleuragées, en-or, en-argent, pour deflüs, pour doublures; de foie tirée des Vers domefiiques, d'autre foie produite par des Vers fauvages qui mangent indifféremment toutes fortes de feuilles, & qui dcpcsent leur travail fur des branches d'arbres. On ne doit pas croire que les Ouvriers-chinois foient incapables de conduite k la perfeéf ion des étofes aufli riches que les nötres; ils y parviendraient, fans-doute; mais ils en-auraient peu de débit chés leurs Compatriotes, quipréfèrent 1'utile k la richejHè.  334 [A] La porcelaine, fi recherchée en Europc, efl; fi com- • mune a la Chine , que rnaigre la prodigieuse quantité de poterie ordinaire , prefque tous les uflenfiles domeftics ,, tels que les plats, les affiettes, les tafl'es , les jattes , les ; pots-a-fieurs, & autres vases, font de porcelaine. L'inté-ïieurdesmaisons en-cft rempli, les cuisines mêmes en-font; garnies: on en-couvre les tous, on en-incrulie jufqu'aux; piliers de marbre, & jufqu'aux dehors des édifices. Lai plus belle porcelaine , qui efl: d'une blancheur eclatante &. d'un beau bleu-célefte , vient de King-te-ching , bourg; de la province de Kiang-fi , extraordinairement vafte &: peuplé. On fabrique aufli de la porcelaine dans plusieurs^ autres provinces de 1'Empire; mais elle n'a ni la couleur, nii lafineffede celle de King-te-ching. LesChinois ignorent al Qui laNationdoit le precieus fecret de Ia composition de la: porcelaine; ils penfent qu'ils le tiennent du hasard. II effc bien-fingulier que les matières néceflaires pour fabriquen cette porcelaine, ne fe trom ent point dans le territoire de( King-te-ching, qu'il faille les faire venir d'une autre province de 1'Empire, & que cependant, en aucun endroit ^ on n'ait pti parvenir au degré de perfedion qu'atteignent les| Ouvriers de King-tè-ching : on croit qu'elle n'eft düe qu'kf la qualité des eaux. La porcelaine eft composée de deuï fortes de terres, qui avant de pouvoir être employées, fond foumisesa bien des opératious, dans lefquelles entre (dit-4 on ) une forte d'huile de pierres. Lorfque la matière ef|J exaétement purifiée, on en-jète la maffe dans unlieu creusJ bien pavé & revêtu de plarre, pour la remuer & la paitrifl jufqu'a ce qu'elle durcifle. Ce travail eft fort-pénible; U fitöt qu'il eft achevé, on metla matière en morceauxfurdes| planches, ou on f'efforce de la paitrir encore & de laroulerjj ec-tout-fens, pour n'y laifler aucune cavité; enfuite elle recoit  M 335 recoit fa forme avec une roue ou dans des moüles, & le ciseau lui donne fa perfeétion. Toutes les pièces de porcelaine unie fe font d'abord avec la roue : une tafie eft encore impai faite en foi tant de ce tte machine. L'Oüvrier en un inftanc lui donne la largeur & Ia hauteur convenables, & creuse le piéd avec le ciseau; un fecond Ouvrier place ia taflè fur fa base; un Troisième la met dans un moule f pour lui donner fa véïirable forme; enfin, unjQuacrième la polit. Enforte qu'une pièce de porcelaine pafle entre les mains de plus de vingt Perfonnes, avant que d'entrer dans la fournaise, & Ce plus de foixante avant qu'elle foie cuite. Toutes les cuiffons ne réüHiffentpasheureuscment: il airive quelquefois que 1'entreprise manque,. & qu'il ne refte de 'a porcelaine , qu'une mafte informe, & pour Iore cent Ouvriers fe rrouvent ruinés: on ne doit donc pas être étonné fi cette ma; chandise de la Chine eft conftamment chère en Europe. Rien de plus furprenant que les ouvrages qui fe fabriquent en-porcelaine. On a vu une lanterne de la grandeur de celle des vaiffeaux, composée d'une feule pièce, dans laquelle une feule Iumièrefuffisait pouréclairer toute une chambre; des jattes hautes de trois piéds, fans y comprendre le couvercle qui f'élevait encore d'un piéd, en forme de pyramide, des cadresde tableaux , des furtouts de tables, & des ftatues. 13 faut cependant remarquer que les Chinois ne peuvent guères exécuter de grandes pièces, quoiqu ils tentent fouvent d'y réüffir. Un Empereur ayant commandé a un Ouvrier quelques pièces qu'il avait imaginées, ceMdheureus, desefpéréde ne pouvoir remplir l'attentede fon Pdaitre, & d'ailleurs maltraité par lei Officiers, feprécipita dans une fournaise, oü il fut iconfumé par les flames ; mais les ouvrages qui étaient dans [la même fournaise en fortirentfi beaux, & plurent te'leII Part. Y *  33<5 [A] ment a 1'Empereur, que 1'Ouvrier pafia pour un Héros, I & devint enfuite 1'Idole qui préside a la porcelaine, fous le I nom de Pu. II eft ceitain que 1'invention du papier I eft d'une haute antiquité chés les Chinois; mais on n'en connait point au-jufte 1'origine. Ils ont écrit d'abord fur de petites planches de bois de bambou, paffées au feu & foigneuscmentpolies. On taillait les lettresavec un ciseau; & de toutes ces planches jointes enfemble, on en-composait un Livre. Avant la naiffance de Jésus-chrift, fous la dynaftie de Tfin, onécrivait fur des pièces de foie ou de toile: enfin, vers 1'an quatrevingtquinze, fous le règne de Tong-hang, un Mandarin , nommé Tfay , trouva le fecret de réduire en pate fine 1'écorce de plusieurs arbres ; I les vieillcs étofes de foie, & les vieilles toiles, dont il composa diverses fortes de papiers. C'eft d'après ces premiers efiuis, que les Chinois font parvenus a faire des papiers des noeuds de foie, qu'ils appellent papiers de lin, a | en-faire de chanvre , de bambou , d'écorces de mürier, de [ poil, de riz , defromtnt, & de coques de Vers-a-foie, I, qui reffemble affés ï du parchemin. On ne peut guères ; imaginer quelle eft la prodigieuse confommation du papier f dans 1'Empire de la Chine. Les Lettrés en-emp!oient beau- [ coup, fans-doute; mais les maisons des Particuliers en- \ «sent. mille-fois davantage. Les jalousies de toutes les t chambres font couvertes de papiers; les murs en-font re- ï vêtus, pour les conferver blancs & unis; les plafonds font t a compartimens couverts de papiers, fur lefquels on tracé ' des ornemens, & 1'on renouvelle ces papiers chaque année. L Les Chinois ramaffent précieusement le vieuxpapier, & entirent un prcfit confidérablc; foit qu'il ait été employé a 1'écriture, collé fur les murailles, ou mis en-carton , ils é ont 1'art de le rétablir dans fa première beauté. On ne n  [A] 337 eonnaït pas mienx 1'origine de 1'encre de la Chine, que 1'on a pu découvrir celle du papier dans cet Empire : ce qu'on fait, c'eft que les Chinois fe fervirent d'abord d'une efpèce de terre noire , plus de douze cents ans avant 1'ère chretienne. En fixcents-vingt, le Roi de Corée fit~présent a 1'Empereur de quelques batons d'encre, composés de noir de lampe, qui venait de vieux bois de pin brülé, & mêlé avec de la cendre de corne de Co f: vers 1'année neufcents, les Chinois portèrent ce fècret a fa perfeétion. L'art de 1'imprime. ie eft connude temps immémorial a la Chine; mais il ne reffemble pas a notre méthode, & aprês nous enêtrefervisqueique-temps, nousavons étéforcésdel'abandon* ner. Chés nous les caraélères mobiles qui ont été employés a lacompositiond'une feuille , peuvent être féparéspour la feuille fuivante, & fervir ainfi d'une feuille a 1'autre jufqu'a la fin du volume (*). Chés les Chinois, il faut tailler autant de planches que le Livre doit contenir de pages: il efl vrai qu'ils ont cet avantage, qu'on n'imprime les feuilles qu'a-mesure qu'on les vend, fans être exposé, comme en Europe , au rifque d'en-vendre moins qu'on cn-imprime , ou de faire une édition nouvelle: mais auffi cette manière n'offre pas les mêmes avantages que la nötre , pour ia facilité des changemens &: des correétions. ^3*IeGouverne. ment politique de la Chine eft uniquement fonde fur les devoirs mutuels des Pères & des Enfans. L'Empereur eft le Père de 1'État; un Viceroi eft le père de la provnce qu'il gouverne; un Mandarin celui de la Ville oii il commande. L'Empereur eft abfolu; & quoique chaque Particulier foit maitre de fes pofTeffions, i! n'a pas droit de fe plaindre, (*)Mais comme il faudniit intcrrompre i'Óuvrage , pendant qu'on imprimerait une feuille, on en-a pour un certain-nombre, dc-!orte que rarrangementdesjettres, ou compojicion} n'eft jamais interrompuc^ Y ij  t>3 lorfque des besoins imprévus rendent néceffaire une augmentation de taxe. L'Empereur doit confirmer toutes les fentences des différens Tribunaux des Provinces ; mais les décrets qui émanent direaement de lui font perpétuels & irrevocables. II peut choisir pour fon Héritier Celui de fes Enfans qu'il juge le plus digne de lui fuccéder. II confère toutes les charges, tous les honneurs aufquels les Princes même de fon fang n'ont d'autre droit que celui qu'il veut bien leur accorder. On ne connait point a la Chine la vénalité des Emplois: cependant, comme ailleurs, 1'argent & la brigue les font obtenir. Les revenus dc 1'Empereur font immenfes: ils font payés, partie en nature. Selon la fupputation la plus raisonnable, les fommes q li entrent dans les caiffes impériales équivalent a douzec. nts-cinquantemillions de notre monnaie. Le nombre des Troupes entretenues fur piéd, monte a plüsdeftptcents-foixantedixmille Hommes, & 1'on nourrit de-même cinqcents-foixantecinq-mille Chevaux , foit pour les remontes de la Cavalerie , fo'.t pour 1'usage des poftes & des Courriers.. Les magasins de bléd de Péking & des autres Villes , font toujours foüïnis pour trois ans. f£> Les Officiers du Gouvernement eb il font diftingués en neuf ordresde Quans, ou Mandarins, dont b fubordination eft le premier devoir. Chaque Ordre eft encore divisé en neuf degrés : c'eft de ce Corps, que 1'Empereur tire les Gouverneurs & autres Offic iers. Quelque foisil tire un Sujet de mérite d'un Ordre inferieur, pour le faire piffer dans la claffe des premiers OU feconds Mandavirs; d'auti es-Bis, ilpunit un Mandarin coupable, enletirantd'un Ordre fupéricur, pöurle jeter dans une des dernières Claffes. Les trois premiers Ordrescomprennent les Miniftres d État, les Premiers-présidens des tribunaux & les principaux Officiers de 1'Armée. Chaque  CA] 339 Province eftgouvernée par cinq Gouverneurs généraux, le Gouverneur , le Trésorier général, le Juge-criminel, le le Surintendant des pofles & des falines, & le Confervateur des impöts en nature. Sous ce Tribunal font plusieurs Tribunaux particuliers, a la tête defquels président des Mandarins. Les Chinois lettrés ne font pas jufticiables des Magiftrats ordinaires; ils ont les leurs dans chaque Ville oü les Étudians font examinés. Tout Particulier , lorfqu'il a deux ou trois degrés de littérature, peut afpirer a pofféder les charges-publiques. Les noms des Afpirans font infcrits fur un regitre du Tribunal fuprême , & lorfqu'il vaque quatre gouvernemens, on en-inftruit l'Empereur , qui fait appeler les quatre Lettrés qui fe trouvent les premiers fur la lilte. Les quatre noms des gouvernemens font écrits fur quatre billets, & mis dans nne boite. Ils tirenc au fort, & Chacun va gouverner la Ville qui lui eft échue. Cependant un Mandarin ne peut être le gouverneur de la Ville qui lui a donné nailTance , dans la crainte que fes Parens ou fes Amis ne corrompent fa bonne-foi & fa juttice. Tous les trois ans, on examine la conduite de tous les Mandarins de 1'Empire. Chaque Mandarin fupérieur , après de févères informations, envoie a la Cour des notes, bonnes oumauvaises, fur les Mandarins inférieurs , lef— quel les, avant de parvenir a la Cour, font encore visées, augmentées ou changées par des Mandarins du fecond ordre & même par Ceux du troisième. Toutes ces notes font remises au Viceroi de la province, qui, de concert avec fes Affillans, les examine , y joint les fiennes, &. les fait poffer au Tribunal de Péking , qui pour-lors fe trouve en-étatde punir ou de recompenfer, avec connaiffance de cause. On recompenfe un Mandarin, en le fesant paffer a un pofte plus éminent: on le punit, en le fesant defcendre a une place Y hj  dans le Reglement, p i4 qui président au Villes, aux fleuves , aux montagnes , aux bois, &c.a Le Grand-Tyen eft le créateur de tout ce qui exifte; il eft indépendant & tout-puiflant: il connaittout, jufqu'aux plus fecrettes penfées, & rien n'arrive que par fon ordre : il recompenfe 1'Homme vertueus, & punit le Coupable. Les maux qu'd répand fur la terre, font des avertiffemens paternels pour engajer les Peuples a fe corriger ; &c.a g^» Sans entrer dans la difcuflion, fi tout ce qu'on raconte de l'Empereur Fo-Hi eft une fable , & fi ce Prince oftrait deux fois 1'année des Viclimes enfacrifice a 1'Être fuprême; on doit obferver que fes Succeffeurs (fil a réellement exifté), fefont crus empereurs, pour le commandement; maitres, pour 1'inftruction , & Prêtres pour les facrificcs. Pendant les fêtes religieuses , tout travail eft fufpeudu; les Tribunaux font fermés, & 1'on  344 M ae peut entreprendre de voysge. On les nomme les fétes ( de Ia reconnaiftance ënvers Tyen. A ces deux fêtes i que Fo-Hi avait inliituées, fon fuccefleur Chin-Nong en i afouta deux autres, au printemps ficafautomne, après; la moifTon: les premiers fruits de ta terre y étaient offerts: aChang-Ti, & l'Empereur lui-même alait cultiver le bléd! & les fruits qui fervaient a ces facrifices: usage qui elfde-venu une rèjle obfei vée , encore aujourd'hui. Whang-> Ti, fuccefleur de Chin-Nong , batit un temple a i'Etre— fuprême; Chan-Hau, lbn fi!s, ajouta des concerts de mu-siquc aux facrifices. Le règne de ce Prince fut troublé: par la révolte de quelques petits Souverains tributaires ,, qui, dit-on, eurcnt recours a la magie pour effi ayer le: Peuple, & fulftituer la craiute des Efpi its, au culte pur qu'ils | rendaient au Tyen. Cet orage fut bientót diffipé, & l'Empereur Chuen Flyo rétablit les anciennes fêtes. C'eft ce: Monarque qui inftitua la plus grande partie des cérémonies i religieuses, qui prefcrivit des régies pour le chois des Vic-times, & partagea en deux corps le collége des Prêtres,, dont 1'un fut chargé de la dire&ion du cérémonial, & : 1'autre de l'inftrucfion dts Peuples. Les Lettrés Chinoisi croient 1'exiftance des ames après la féparation du corps & font perfuadés des apparitions ; mais leurs Livres ne: nous présentent qu'une idéé confuse des chatimens éternets i dans un autre vie. On croit voir dans leur doctrine que<: 1'Être-fuprême a tout créé, de rien; mais on ne fait fils»; entendent par-la une véritable action , qui a donné 1'exiftance a un Être paffible qui n'exiftait pas. Aurefte , ils font perfuadés de 1'éternité de la matière; mais ils ne f expliquent que confusément fur 1'état futur des ames. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que jufqu'au temps oü a commencé 1'idolatrie de Fo, la Chine a été préservée des.-  M 345 erreurs de Ia magie, & que les Lettrés fe font toujours fauvcs de Ia contagion. On en-donne pour raison, 1'établiffement du fuprême Tribunal des rites, prefqu'aufii ancien que la Monarchie, qui n'a ceffé de félever contre les nouvelles fuperftitions. Avant les quatre grands facrifices, qui répondent aux quatre faisons de l'année, les Chinois ob'èrvent trois jours de jeünes. Ils fe préparent de-même a ceux qu'on offredanscertaities circonftances pour faire ceffer les calamités pubiiques. f£|» Le Philosophe Lau-Kyun, chef de Ia fefte de fon nom, naquit fous le règne de l'Empereur Tin-gu, environ fixcents ans avant Jésus-Chrift, & a-peuprès cinquante avant le fameus Confucius. Pour donner plus de poids a fa prétendue miffion, il fit accroire * fes Difciples qu'il avait été créé par Ie Ciel; ce qui, fans-doute, enlangage oriental fignifie, qu'il dcvait être regardé comme unEnvoyédu Ciel. Pour foutenir le perfonnage qu'il voulait jouer, il déclara qu'il était demeuré quatrevingtsun an dans le fein de fa Mère, & qu'un-moment avant fa mort il r'était ouvert un palfagepar le cóté gauche. Les principes morauxde ce Philosophe, & de fes Seftateurs, ontbeau:oup de refiemblance avec ceux d'Épicure. Lorfque LauKyun parlait de la prod ticbon du monde, il disait fouvent: j—Tay (c'eft-a-dire, la loi de raison)a produit un : un a koduit deux : deux ont produit trois, & trois out produit joutes choses-. Le bonheur, disait-il encore, confifte a fe llélivrer des pafiions qui peuvent troubler la tranquilité de i'ame : 1'objet d'un Homme lage, doit étre de pafier fa lie, fans inquiétude & fans embarras. Dans cette vie, il ie doit jamais tourner fes réflexions fur Ie pafte, ni fa cuiosité fur 1'avenir. Être agité par des foins, occupé de rrands projets, livré a 1'ambition, a 1'avarice & ï d'autres aflions, c'eft vivre pour la Poftérité, plus que pour foi-  1 34« M même: II ya donc de la folie a chercher Ie bonheur d'Autrui, & même le nötre , auxdépensde notre repos, parceque tout ce que nous regardons comme le bonheur, cefTe de mériter ce nom , lorfque la paix de 1'ame en-recoit la moindre altération-. Audi les Docteurs de cette fecte affecïent-ils une tranquilité d'ame , qui en-fufpend toutes les fonét ons: mais comme ce calme apparent ne peut les garantir de la moit, ils prétendent avoir trouvé, par le fecours de la chymie , une liqueur qui les rend immortels. Leur aveuglement pour la magie n'eft pas moins-fort. Ils prétendent pouvoir forcer les Démons a faire réüffir leurs cntreprises. Ces deux extravagances ont attiré dans leur parti beaucoup de Femmes, & quantité d'avares & d'ambitieus Mandarins. Sous le règne de Vu-Ki, fixième Empereur de la race de Hau, qui avait été féduit par ces dogmes ridicules, & fous celui de fes Succefleurs, lesDifciples de Lau-Kyun eurent la permilfion d'étendre fon culte & d'élever des temples au Démon, dans toutes les provinces de 1'Empire. Ils f'avisèrent de vendre de petites ftatues, qui représentaient les efprits des Hommes, auxquels ils accordaient 1'immortalité; & cette fourberieleur acquit des richefles immenfes. Sous les dynallies fuivantes, le culte de Lau-Kyun f'étendit encore plus: il fut fpécialcment protégé par les Empereurs, & chéri des Grands & des Peuples, dont il flatait les paflions, ou dont il étonnait 1'ignorance. Le temple bati en l'honneur de cet Impofteur, recoit chaque jour une foule innombrable de Dévots, qui viennentle confulter fur leurs maladies, ou fur ce qu'ils doivent efpérer d'heureus dans le cours de leur vie: CesSuperfticieus, apvès avoir bien payé les Prêtres, fenretournent fatiffaits, avec un billet rempli de cara&ères magics. II n'eft point d'impoftures que les Prétres de  [A] 347 Lau-Kyun ne mettent en usage pour tromperle Peuple. Semblables a ces Malheureuses qui disent la bonne-avan■ ture dans noti e Europe , ils cherchent a pénétrer tous les iecrets , a fe mettre au-fait de tout ce qui peut concerner Ceux qui viennent les confulter; & fur ce qu'ils ont appris, ils drelfent leurs oracles, dont les réponfes font toujours ambigües & captieuse >. Le culte de Fo commenca de f'établirdans 1'Empire de laChine, environ foixantecinq ans avant la naiffance de Jésus-Chrift. Les prog; ès de cette nouvelle fecte furent des plus rapides, & les fuperllitions de 1'idolatrie achevèrent de corrompre la Nation. Voici ce que les Auteurs rapportent a ce fujet. A l'occasion d'un fonge , l'Empereur Ming-Ti fe rappela qu'on avait fouvent entendu dire au Philosophe Confucius ; —Que le Saint devait paraitre du cóté de l'oueft-: il fit partir des Ambalfadeurs pour f'informer quel était ce Saint, & f'inftruire de fa doótrine. Ces Députés entrèrent dans lTnde, oü devaient f'établir leurs recherches, & crurent reconnaltre le Saint qu'ils avaient ordre de trouver, dans 1'Idole qu'ils apportèrent a la Chine , avec les fables, les fuperllitions, la ductrinedela métempfycose, & 1'athéifme, dont cette partie du monde a été le berceau. On dit que Fo naquit dans cette partie de 1'Inde, que les Chinois nomment ChungTyen-Cho, & qu'il était fils de Roi. II recut le nom de Che-Kia, ou Xe-Quia; mais a 1'age de trente ans il fe donna celui de Fo. Sa Mère, avant de le mettre au monde, avait rêvé qn'elle avalait un Eléphant, & c'eft de cette idéé folie que viennent les honneurs que les Rois Indiens rendentauxEléphans-blancs. Fo, apcinené, fetintdebout, fit fept pas, 6e montrant d'une main le ciel, & de 1'autre la terre, il f écria: —Au ciel & fur la terre , il n'y a que moi qui mérite d'étre honoré-. A dixfept ans, il épousa  348 fA] trois Femmes, de 1'Une defqu elles 11 eut un Fils. A dix- > neufans,il abandonna fes Epouses& fon Fils, pourfe retirer dans un desert avec quelques Philosophes. A trente a*ns, il fut pénétré de 1'efprit de la Divinité, qui lui accorda toutes les connaiffances; & dès 1'inftant, ildevintFo, c'eft-a-dire, une de ces Divinités que les Indiens adorent fous le nom de Pagodes. Auffitót il prêcha fa doctrine , & emcertifia la vérité par des merveilles. Quarante-mille Difciples alèrent répandre dans 1'Inde, & les nouveaux dogmes deFo, & les prétendus miraclesqu'ils fupposaient lui avoir vu opérer. La divinité de Fo ne put cependant lui conferver la vie; il mourut a 1'age de foixantedixneuf ans. Avant de rendre le dernier foupir, il fit appeler fes Difciples favoris, & leur dit, que pendant quarante ans, il leur avait caché la vérité fous des figures & des paraboles; mais qu'étant prêt de les quitter, il voulait leur dévoiler fa doctrine : —II n'y a d'autre Principe des choses, leurdit-il, que le vide & le néant: tout eft forti du néant, & tout doit y rentrer ; telle eft la fin de toutes les efpérances-. Ces dernières paroles ne féduisirent pas les Difciples de Fo, qui, pour la plupart, f en-tinrent aux premières lecons de leur Maitre. Après la mort deFo, fes Seétateurs n'épargnèrent pas les fables pour perpétuer fon culte; ils publiè- • rent qu'il était né huitmille-fois, & que fon ame avait paffe fucceffivement dans plusieurs Animaux, tels que le Singe,, le Dragon,. 1'Eléphant-blanc, &c», &c.a ; & bientót,, pour honorer les domiciles que 1'ame de Fo f'était choisis,, les Chinois élevèrent des temples a tous ces Animaux. i les principes de morale des Difciples de Fo, font a-peuprès content)? dans les paroles fuivantes. —I! y a beau- < coup de différence entre le bien & ie mal: Apres la mort, jl y a des recompenfes pour la vertu, des punitions pour lc  M 349 vice, & des places marquées pour 1'un & pour 1'autre , fuivant leur degré de mérite: Le dieu Fo naquit pour fauver le monde, <5c pour ramener dans Ia voie du falut Ceux qui f'en-font écartés; c'eft a lui qu'ils doivent 1'expiation de leurs péchés, & la nouvelle nailfance a laquelle ils font deftinés dans un autre monde: II y a cinq préceptes d'une obligation indifpenfable; r.°, de ne jamais tuer aucune Créature vivante; 2.°, de ne pasf'emparer du bien d'autrui; 3.0 f d'éviter 1'impureté • 4.0, de ne pas bleffer la vérité par le menfonge j 5.", de f'abftenir de 1'usage du vin-. Les Prêtres ou Bonzes de Fo, ajoutent des inftructions a fes préceptes, «5c ces inftru&ions les regardent particulièrement. —Traitez bien les Bonzes, répètent-ils fouvent, & fourniffez-leur tout ce qui eft néceffiire a leur fubfiftance : Batiffez-leur des monaftères «5c des temples f afin que par leurs prières, «Sc par les chatimens volontaires qu'ils f'imposent pour 1'expiation de vos péchés, ils puiffenc vous garantir des punitions dont vous êtes menacés: Aux funérailles de vosPsrens, brulez du papier doré & argenté, avec quantité d'habits«5c d'étofesdefoie, qui feront changés dans 1'autre-monde en or, en argent, «Sc en habits réels : Ainfi, non-feulement vous pourvoirez aux néceffités desPerfonnes qui vous font chères, mais vous les mettrez en-état d'obtenir les faveurs des dixhnit Gardes de 1'enfer, qui feraient inexorables fans cette corruption , & capables de les traiter avec la dernière rigueur.' Si vous négligezces commandemens, vous ne devez vous attendrej après la mort, qua de cruels fupplices: Votre ame, par un long cours de tranfmigrations, paffera dans les plus vils Animaux , & vous reparaitrez fuccefïïvement fous la forme d'un Mulet, d'un Cheval, d'un Chien, d'un Rat, & d'autres Créatures encore plus méprisables-. La doe*  35° M trine de Ia tranfmigration des ames eft un trésor pour les Bonzes, qui ne ceffent, par d'effrayantes menaces, d'entretenir la crainte d'un Peuple ignoranc & fuperfticieus. II n'yapeut-être pas au monde d'Hypocrites plus-fins Sc plus déliésque les Bonzes. Leurs macérations, leurs jeünes prétendus infpirent la pitié, Sc leur produisent d'abondantes d'aumömes. Les temples de Fo font nombretis , Sc tous de la plus grande richefiè, On y vort une immenfe quantité de différentes Idoles, ou ftatues des Saints de la feéte , que les Bonzes prient dévotement chaque jour : ce n'eft pas que quelquefois ils nefe fachent contre ces extravagantes Images. Lorfqu'après beaucoup de prières, les Bonzes n'obtiennent rien de leurs Idoles, ils les chaffent ignominieusement de leurs temples, en leur disant: Tcomment donc! chien d'Efprir, nous vous logeons dans un temple magnifique, neus vous revêtons d'une belle dorure, & tous nos foins ne font de vous qu'un ingrat, qui nous refuse ce que nous lui demandons»? Aiors ils lient la ftatue , Sc la trainent dans les rues, au-milieu des plus fales immondices: Mais fi, par- hasard , ce qu'ils avaient demandé arrivé, ils vont en-proceffiou chercher le Dreu , ils le lavent, Sc le replacent dans le temple; enfuite ils fe niettent a genous, Sc lui demandent humblement pardon de leur emportement: » Au-fond , lui disent-ils, nousnous fommes un-peu trop hatés; mais il eft vrai auffi que vous avez été un-peu trop-lent: Pourquoi vous êtes-vous attiré nos injures? nous ne pouvons pas remédier au r>affé. n'en-parlons-plus : fi vous voidez 1'oublier, nous alons vous revêtir d'une nouvelle dorure ». Heureusement pour les Bonzes, que les avantures mortifiantes qui leur arrivent, nenrennentrien fur la crédulité du Peuple. Un HabitantdcNan-King, avait fa Fille malade, Sc f'adreffa aux  [A] 351 i des Bonzes, qui, moyennant une fomme d'argent, lui promirent Ia protection d'une Idole fort-vantée. La Jeuneperfonne n'en-mourut pas moins. Alors le Père , dans 1'excès de fa douleur, porta fa plainte au Juge , & lui dit: » Si 1'Efprit eft capable de guérir les Malades, c'eft unefriponnerie manifefted'avoir pris mon argent, & lailTé mourir ma Fille : fil n'a pas le pouvoir qu'il f'attribue, que fignifie cette présomption ? pourquoi prend-il Ia qualité de Dieu > Eft-ce pour rien que nous 1'adorons , & que toute la province lui offre des facrifices »? Cette affaire fingulière fut portée au Confeil de Péking, qui condamna 1'Idole au banniffement perpétuel, comme inutile au bien de 1'Empire, fon temple fut abbatu, & fes Bonzes chatiés fevèrcment. Les Bonzes emploient fouvent les moyens les plus horribles pour ranimer la dévotion du Peuple. Ils avaient enlevé un Jeune-homme; & après l'avoir lié dans une cage de fer, & lui avoir mis un baillon qui 1'empêchait de parler, ils le présentèrent k Ia Populace affemblée fur Ie bord d'une profonde rivière. „ Ce Jeune-homme, dit un Bonze, a haute voix, a Ia dévotion de fe précipiter dans ces eaux; nous lui avons permis de remplir fon deffein mais il n'en-mourrapas. I! fera recu par des Efpritscharitables qui lui feront un accueil auffi favorable qu'il puiffe Ie desirer Enventé, c'eft ce qui lui pouvait arriverdeplus heureus l Cent Autres ont an.bitionné fa place'; mais nous lui avonS donne Ia préférence, parce-qu'Ü Ia mérite en-effet paf fon zèle & par fes autres vertus „. Le hasard avait fait paffer par-Ia le Gouverneur de la province: ce difcours le frappa; il fe fit amener le Jeune-homme, malgré la resiftance & les imprécations des Bonzes, & il apprit de lui les circonftances de fon enlèvement. On f'affura de ces Coquins; le Supérieur fut précipité dans la rivière, & les II Part. 2  3)2 M Efprits charitablcs ne fempreffèrent pas de le recevoir; les autres Coupables, furent jetés dans les prisonS, &quelque-temps après recurcntla punition qu'ils avaient méritée. Tels font les Prêtres deFo; qui n'en-imposent qu'a la plusvile Populace, & qui font fouverainement mépriséspar les Grands & les Lettrés. Cependant il en-eft parmi eux qui prétendent que ce qu'on fait de leur dofti-ine n'eft qu'une envelope groftière , faite feulement pour lesIgnorans& le commun des Bonzes: ils apnellent tout ce qui eft fuperfticieus, lesdogmes extérieurs; & ils aflurent qu'il en-eft d'intérieurs, reservés aux Géniesfubiimes, & capables de la plus haute perfeélion. f^» Confucius naquit cinqcents-cinquanteun ans avant Jésus Chrift, & felon quelques Auteurs feulement, quatrecents-quatrevingtstrois. SonPère, qu'il perdit prefqu'en-nailfant, le fit appeler Enfant de douleur. Les Chinois prétendent qu'il defcendait en droite-lignede la feconde familie de leurs Empèreurs. Le jeune Confucius était déja philosophe dans 1'age oüles autres Hommes ne font pas encore fortis de 1'enfance: on rcmarquait en lui un amour extréme pour la vertu. II était férieus, & chériffait fes devoirs pardeifus toute chose. Plein de refpcét pour fes Parens, il honorait fon Ayeul plus que tous les Autres. Jamais il ne commencait fes repas fans fe profterner devanc le fouverain Maitre du Ciel, & fans lui offrir la fubfiftance qu'il alait prendre. Un-jour, il entendit foupirer fon Grandpère, & il osalui demander la cause de fon chagrin: —Peut être craignez-vous, lui dit-il, que vös Defcendans ne négligent le foin de la vertu, & ne vous deshonorent par leurs vices? —Mais qui vous a appris ces choses? répondit le Vieillard ? —Je 1'ai appris de vous-même, reprit Confucius. Je vous écoute avec application toutes les foisque vous parlez, & je vous ai fouvent ouï-dire, qu'un  M 353 Fils, qui par fa vie ne foutient pas la réputation de fes Ancêtres, en-dégénère, & ne mérite pas d'en-porter le nom. Quand vous parliez de la forte, penfiez-vous a moi, & ne ferait-ce pas ce qui vous afflige-? Dès 1'age de quinze ans Confucius avak déja lu les meilleursLivres, & en-avait extrak tout ce qui rm' avait parü Ie plus utüe a fon infliuction. A vingt ans, il fe-maria, & fon Epouse lui donna un Fils auboutde dix mois: mais bientótil Ia répudia, pour fe livrer tout-entier a 1'étude de la philosophie. II ne dédaigna cependant pas d'entrer dans les charges & de remplir les devoirs pénibles de la magiftrature. Ce fut pendant ces occupations laborieuses, qu'il ralfembla prés de troiscentsmille Difciples, dont il en-diftingua particulièrement foixantedouze, qui répandirent par-tout fa doctrine, & prêchèrent la réforme des mceurs. Douze furent encore tirés decegrand-nornbre, comme les plus-habiles, & tous furent partagés par leur Maitre en quatre claffes. L'application des Premiers tendait a cultiver la vertu & a f'en-imprimer 1'habitude dans le cceur : les Seconds f'attachaient a bien raisonner: les Troisièmes a la politique & a fe former 1'idée d'un bon gouvernement: & Ceux de la dernière claffe enfin f'occupaient a écrire d'un ftyle exact & poli, tout ce qui regardait la conduite des mceurs. Confucius crut devoir fes premiers foins a fon Pays natal; il ouvrit fon école de morale dans la province de Lu , & bientöt il v fit revivre 1'age-d'or. La bonne-foi foutint le commerce : Ie refpect pour les Pères, refferra les liens de la Société dans les Families: la vertu règna dans tous les coeurs; &j, dit un Auteur chinois, «1'équité devint figrande, qu'on n'aurait osé ramaffer ce qu'on atfrait trouvé dans les grands-chemins, a-moins qu'il n'eüt appartenu a Celui qui f'en-ferait faisi; tous les Citovens vivaient z ij  * Ceel efl dc tous les temps : les Courtisans lont par-tout les 'mémes, en-' Aemis de la rvertu , laciies, inté-' redes,, 354 [A] rntr'eux avec autant d'intelligcnce & d'union, que fils n'euflènt étéqu'une feule Familie ». La réputation du Philosophe peixa jufqu'a la Cour: il y fut appelé pour régir 1'État, a titre de premier-miniftre , & fon exemple réformapour un temps le Prince & les Grands: mais le mépris des richelfes & des plaisirs qu'il préchait, déplut bientöt i ce lache Peuple de favoris; ils n'épargnèrent rien pour le perdre dans 1'efprit de l'Empereur, & ne tardèrent pas a réüffir. La Cour retomba dans la moleflè, & Confucius fauva fa vertu & fa réputation de ces desordres, en fe retirant de ce féjour de la corruption *. Dans la retraite qu'il fe choisit, il continua fes infhuctions a fes chers Difciples. II leur disait fouvent: » Qu'aucun Homme n'é:ait affés puiffant pour lui nuire, & que, quand on était ïlevé jufqu'au Ciel, par un fincère desir de la perfect ion, jien-loin de craindre 1'orage, on n'entendait pas même le bruit qui fe fesait dans ce bas-monde ». Pour mieux les iffermir dans le fentier de la vertu, il les exhortait, » a obéir iu Ciel, a le craindre, a le fervir , a aimer fon Prochain :omme foi-même , a fe vaincre, a foumettre fes paffions a la raison, a ne rien faire, a ne rien dire, a ne penfer rien qui lui fut contraire ». Et ce qu'il y a de plus remarquable, c'eft qu'il ne prelcrivit rien a cet égard, qu'il ne pratiquat lui-même, Confucius vécut foixante-treize ans. Quelque-teinps avans fa mort, il dit en-parlantde la morale qu'il avait voulu établir: » La montagne eft tombée; une haute machine a étédétruite». Les derniers jours de fa vie, il adreffa ces mots a fes Difciples: »Puifque les Rois ne fuivent pas mes maximes, je ne fuis plus utileau monde, linfi , il eft temps que j'en forte >». On ne rendit-juftice a :e grand Philosophe que lorfqu'il eut ceffé de vivre. Ses Difciples le pleurèrent amèrement, & les Rois lui élevèrene  M 355 destemples: onlisaitfurlesportes: AuGrand  35* [A] qu'il ne ferait pas refpeftueus de lui Iaiffer fentir 1'odeur du vmquevouspourriez avoir bu. Une visite recuele matin, peut fe rendre 1 'aprèfmidi. Lorfqu'un Mandarin en-visite' Un-autre, fon Egal, fa chaise a la libenéde traverfer les deux grandes cours du tribunal, & de f'avancer jufqu'au milieu de la falie, oü le Mmdarin vient le recevoir. II y a beaucoup de révérences a-faire, de génuflexions a obferver jufqu'a ce qu'on ait pris fa place. Après que leMaitre de la maison a fait la démonilration d'öter, avec le pan de fa robe, la pouliière de la chaise fur laquelle le Visitant doit f'aifeoir , ce Dernier exposé le motifde fa visite: on !ui répond avec la méme gravité, & autant de révérences. II faut obferver de fe tenir droit, de ne point f'appuver fur Je dos de la chaise, de baiifer les ieux, fans tourner Ia vue; de tenir les mains étendues fur les genous, & les piéds dans une exaéte égalité, 1'un Près de 1'autre. C'eft ici le moment oü 1'on présente le thé , qui exige encore les plus minucieuses cérémonies. Prendre Ia taffe des mains du Domeftic, Ia porter a fa bouche, la rendre modeftement, tout cela demande une étude infinie, ainfi que la facon de de fe retirer. Quand un King-Chay, ou Envoyé'de la Cour, rend visite aux Mandarins des Provinces, il fe fait précéder par trentePerïbnnes qui marchent devant Ia chaise, avec des bailins de cuivre, fur lefquels ils frappent en me* sure ; Queiques-uns portent des fouets a la main; d'Autres des chaines, des batons dorés, ou de petits étendanis de différentes couleurs; il eft fuivi par une musique bruyante, & s on ie recoit avec la plus-grandcdifiinélion, quoiqu'i! nefoit aproprementparler, qu'un fimpleMéflagerd'État. Celui qui veut vous offrir un présent, vient vous faire unevisite; après les complimeus ordinaires, il vous présente un billet, que vous remettez \ un de vos Domeftics, & que vous ne  hscz que lorfqu'il eft parti. Si vous acceptcz ce qui vous eft offert, vous gardez le billet, & vous en-écrivez un de remerciment. Si vous n'en-retenez qu'une partie, vous détaillez dans votre billet ce que vous confervez. Si vous n'acceptez rien, vousdevez renvoyerle billet & le présent, avecquelques mots Chinoisqui expriment: » Que ce font des perles, aufquelles vous n'avezpas la hardieffède toucher»,. Toute Perfonnequirecoitun présent, eftobligée d'en-faire un afon tour. Rien de plus embarraffant que les formalités qu'on doit obferver en écrivant les Lettres. Celui qui écrit a des Supérieurs, doit employer du papierhlanc, püé & replié dix-ou-douze-fois aumoins. II faut que la feuille foit bordée de papier rouge; il écrit fur le fecond pli, & met fon nom au-bas de la page. Plus une lettre eft courte, plus elle eft refpedueuse; elle ne doit tenir en-rien du ton de la converfation. Le fceau, fi 1'on en-met, fe place en deux endroits, audeffus de fon nom , & audefTus du premier mot de la Lettre. Quelquefois on le met fimplement dans un petit fac de papier qui 1'envelope. Lorfqu'on eft en-deuil, on met audeffus de fon nom une bande de papier bleu. La Lettre fe met dans un fac , lu-milieu duquel on voit une bande de papier rouge, large 3e deux pouces, fur laquelle eft écrit: »La Lettre eft gedans». La Lettre empaquetée de la forte, eft mise dans tn fecond fac de papier plus épais, avec une-autre bande le papier rouge , qui porte Ie nom & les qualitésde Celui i qui 1'on écrit. La Province , la Ville, la demeure, 'année & Ie jour fe placent de 1'autre cóté de la bande ; es deux ouvertures du fac font cachetées, avec ces mots , t Gardé & fcellé ». Nous venons de voir combien de ipinuties entrent dans la politeffe Chinoise: fon empire ne f étend pas fur les feules visites, elle gêne jufqu'aux repas.  360 [A] On difiingue deux fortes de feftins a la Chine; Ie premier efil fimple, & ne confifte qu'en douze plats; le fecond eft pluss magnifique; on y fert vingtquatre plats fur chaque table J avec un grand-nombre de révérences & de cérémonies d'é^ tiquette. Lorfqu'on veut traiter une Perfonne-de-coiifW dération , il eft dans 1'ordre qu'on lui écrive trois billets; pour 1'inviter: le premier deux jours avant la fête; le fecond , le matin du jour même; «Sc le troisième, lorfquei tout eft préparé, afin de témoigner rempreffement quef 1'on a de favoir chés foi. II faut que la falie du. feftin foit ornéedepots-de-fleurs&devasesde porcelaine. Chaquei Perfonne invitée doit avoir fa table particulière ; car, amoins d'un grand concours de Convives, il n'eft pas d'usage, d'en-placer deux a la même table, «Sc encore plus rare d'y en.voir trois. Les tables font rangées les unes vis-a-vis les autres, aux deux cötés de la falie : elles font entourées d'une étofe de foie travaillée a 1'aiguillé, vernies en-deffus, mail fans nape -«Sc fans ferviette. Au deux bouts, on place deus efpèces de dormans, couverts de mets dépecés, de fleurs & de citrons. Le Maitre de la maison va recevoir let Convives a la porte , «Sc les conduit 1'Un après 1'Autn dans la falie du feftin. Lorfqu'ils font tous entrés, il prent des deux mains une coupe d'argent, de porcelaine , ou d'un bois précieus, qu'il remplit de vin ; enfuite il finclim devant la Compagnie, fe tourne vers la grande cour de li maison , léve les ieux au Ciel, «Sc repand le vin, pour rJ connaitre que c'eft ï la Faveur-célefte qu'il a 1'obligatioj de tout ce qu'il poffède. Nous ne nous arrêterons pas am eivilités qui fe font pour prendre place. Aufïitót que tou* le monde eft affis, quatre ou cinq Comédiens fe présententj & font un nombre infini d'inclinations profondes, avam d'offrir le Livre qui contient, en lettres-d'or, le cata^  [A] -61 Ioguedes pièces qu'ils favent par cceur, & qu'ils font en-état de reciter fur-le-champ. Nouveau débat de politeffe entre les Convives, qui refusent tousdedécider fur cet objet inréreffant. Ce font les Comédiens qui citent la pièce , & tout le monde applaudit par une inclination de tête. La comédie eft précédée d'un concert d'inftrumens, dont le fon aigre & rude, ne pent plaire qu'a des oreilles Chinoises. Ce font des baffonsde fer ou de cuivre, des tambours de peaux debuffles, desflütes, des fifres & des trompettes. La :omédie fe joue, & 1'on commence lé'repas par un verre ie vin pur. Le Maïtre-d'hötel, un genou en terre, dit ï- haute-voix : » Meflieurs, vous êtes invités a prendre la :oupe„. Tout le monde fe léve, prend la coupedes deux nains, la porte audeffus de la tête , la rabaiffe audeffous le la table, la porte a la bouche , & boit lentement a plufeurs reprises. On tourne enfuite les taffes, pourprouver [u'elles font vides. On fert, comme nous avons dit, jufqu'a ingtquatre plats, mais on ne les apporte qu'un-a-un, & Is reftent tous fur la table. Aulieu de fourchcttes, les Chinois ont deux petits batons, doi t ils fe fervent avec affés 'adreffe. Aumilieu de cette longue fuite de plats, on ffredes potages gras ou maigres, & une forte de petits atés qu'on trempe dedans. Vient le thé, après lequel Ia omédie ceffe, & les Convives fe lèvent, pour paffer dans ne-autre falie, afin de laiffer deflèrvir les plats & poser le efferr. Tout cela ne fe fait pas fans un renouvellement de •rémonies. Lorfque la Compagnie efl rentrée danslafalle, ■s Comédiens jouent de nouveüesfcènes, on boit pluslar:ment, & chaque Convivefe fait apporterplusieurs petits iquets de papier rouge, qui contiennent de 1'argent pour Cuisinier, pour leMaitre-d'hötel, pour les Comédiens, : pour lesDomefticsde la maison. Ces présens font remis  » i 1 i i i Japon. l l ] < < J j ] i 1 * I! J »! grande apparence t]uc tousksGouvetnemensont commencéparlathéocratie. [A] lu Maitre , 'qui, après quelques difficultés, les accepte r\ 5c les fait diftribuer. Ceci n'eft d'usage que lorfque la fête J 'ft accompagnée de comédie. Ces feftins durent ordinair • ementcinq ou fix heures; ils commencent a la fin dm our, & finifl'ent a minuit, temps auquel les Convives fe fé- iarent avec les civilicés d'usage dans les visites. Chacun doitt e furlendemain remercierle Maitre dc la fête par un billet.. LecommandementdesTroupes japona; ement confié a un Gcnéral, qui portfit lc nom de t !c auquel on ajonta celui de Santa, qui fignific Seigneur. /Empereur, pour -lors ne remettait cette charge qu'a desy ïuen iers, dont la fidélité lui était connue. Ce fut un de; :es Cubo-fama, qui excita une guerre-civüe, «Sc jeta les; bndemensd'un nouveau tróne a cóté de celui de fon Maitre. ^infi on voit au Japon deuxEmpereurs, 1'Un nomméMj:addo on Dalri, «Sc 1'Autre Cubo-fama. Ces deux Puifances cherchèrent longtemps a f'anéantir, & pendant eurs guerres, les Gouverneurs particuliers f'érigèrent en iouverains dans leurs provinces. Tout refta dans cet état /iolent, jufqu'au feizième fiècle, que le Cubo-fama fe rendit ibfolu, «Sc réduisit le Dairia la fouveraineté de la religion *.' rous les honneurs, tous les refpeéts font pour ce Dernier ; [es revenus fontimmenfes, il nomme a toutes les dignités ecclésiaftiques, il prononce fur certains dilférends qui f'éleï vent entre les Grands; mais la plénitude de l'autorité temporelle reside dans le Cubo-fama. Méaco eft la residence du Dairi; une Garde nombreuse femble veillera fa confervation , «Sc fert réellement a Ie tenir dans les fers. Au défaut de la véritable puiflance, on ne cefTe de lui rendre un culte religieus , «Sc des honneurs prefque-divins. II eft le pontife-fuprême, fa Perfonne eft facrée, >»&,dit uq| Voyageur, unEmpereur ecclésiaftique du Japon croiraiti  profaner fa fainteté, fil touchait la terre du bout du piéd. S'il veut aler quelque part, il faut que les Hommes Vj portent fur leurs épaules. II ne f'expose jamais au grandpr, ni même a la lumière du Soleil, qu'il ne croit pas digne de luire fur fa tête. Telle eft la fainteté des moindres parties de fon corps, qu'il n'ose fe couper, ni les cheveux, ni la barbe , ni les ongies. On lui retranche ces fuperfluités pendant fonfommeil, parce-que f office qu'on lui rend alors, paffe pour un vol. Autrefois il était obligé de fe tenir aflis fur fon tróne, pendant quelques heures de la matinée, avec la couronne impériale fur la tête, & def'v ■montrerdans uneparfaite immobilité, qui pafl'ait pour un augurede la tranquilité de 1'Empire. Aucontraire, fi parmalheur il lui arrivait de fe remuer, ou de tourner les ieux vers quelque Province, on f'imaginait que la guerre, le feu , la famine , & ''autres fléaux terribles ne tarderaient pas a desoler l'Empife. On 1'a déchargé d'une fi gênante cérémonie, ou peut-être les Dairis eux-mêmes ont-ils fecoué ce jong. On fe contente de laiffer la couronne impériale fur le tróne, fous pretexte que dans cettefituation, fon immobilité, qui eft plusftire, produit ies mêmes effets. Chaqne-jour, on apporte Ia nourriture du Dairi dans des pots neufs. On ne le fert qu'en vaiffelie neuve, & d'une extréme propreté ; mais d'argile commune, afin que fans une dépenfe excefïive, on puiffe briser chaque-jour tout ce qui a paru fur fa table. Les Japonais font perfuadés que la bouche & la gorge des Laïcs fenfleraient auffitöt, fils avait mangé dans cette vaiffelle refpeétable. U en-eft demême des habits facrés du Dairi: Celui qui les porterait, fans fa permiffion expreffe, en-ferait puni par uneenflure douloureuse ». Lorfque le tróne eft vaquant, la Cour ecclésiaftiquef'affemble, & elle élève acettefupréme dignité  5 64 [A] le plus proche Héritier, fans diftinétion dage ni de fexe.: Quelquefois c'eft un Prince mineur, d'autres-fois unePrincelle qui n'eft point encore mariée. S'il y a plusieurs Pré-; tendans, on les fait monter fuccedivement fur le tróne ; mais tous ces changemens fe font en-fecret, «Sc le Publici n'en-eft jamais inftruit, jufqu'a ce que la fucceffion foie règlée. Le Dairi épouse douze Femmes, «Sc la Premieree qui lui donne cinq Fils, partage les honneurs du tróne.: L'habillement de cc Pontife-empereur, eft allés fimple.' C'eft une tunique de foie-noire, fous une robe-rouge, «Sa pardeffus les deux , une efpèce de crêpon très-fin. Satétei eft ornée d'une forte de chapeau , avec des pendans aflés femblables aux fanons d'une mitred'Evêque, oudelatiaredui Pape; tout eft de laplus grande fomptuosité dans fon palais.; Les robes de fesCourtisans, qui, comme lui, fe prétendent defcendus de leurs Dieus, font extrêmement longues «Sc; larges, avec une queüe traïnante: leur bonnet eft noir, «Sc; fa forme designe leur dignité. f3* fe Cubo-fama tient fa'; Cour ij Jédo; quokroe fon Empire ne foit pas de la plusgrande étendue, il n'en-eft pas pas-moins un des plus-richesi Monarcs du monde : fes revenus montent tous les ans ai sroismille-deuxcents-vingthuit mans , & fixmille-deux— Cents kowfs de riz ; car au Japon tous les revenus font ré— duits ii ces deux' mesures en riz. Un mans contient dixmille kowfs, & lekowf troismille balles de riz. L' Armée de. 1'Empire eft composée de troiscents-huitmille Fantaffins, «Sc trentehuitmille-huircents Hommes de cavalerie , qui font entretenus par les Seigneurs des diverfes Provinces. Celui qui poffède 1'équivalant de dixmille florins de rente doit fournir vingt Fantaffins & deux Cavaliers, «Sc ainfi-a-proportion j outre celale Cubo-fama compte a fa folde centmille Hommes de-piéd, «Sc viDgtmille Chevaux pour les garnisons de fes  [A] ?<5j Places, & pour fa garde journalière. La Cavalerie eft (armée de piéd-en-cap; elle porte de courtes carabines, des javelots, des dards & des fabres. Les Fantaffins ont une efpèce de cafque, deux fabres, une piqué & un moufquet. L'Infanterie eft divisée par Compagnies; cinq Soldats ont unChef, & cinq de ces Pelotons font commandéspar ua Officier fupérieur. Les Compagnies fontdedeuxcentscinquante Soldats, qui reconnaiffent un Général; il en-eft demême de la Cavalerie. La politique du Cubo-fama, eft dc retenir conftamment a fa Cour les Femmes & les Enfans des Gouverneurs de fes provinces, & de fes autres Grandsofficiers: eux-mêmes font obligés d 'y paffer fix mois chaque année, & n'y peuvent refter fans des dépenfes énormes , qui ne leur laiflênt pas le temps d'accumuler des richeffes. Chaque Ville impériaTe a deux Gouverneurs, qui commandent tour-a-tour, & dont 1'Un remplit les fonétions de la place, tandis que 1"Autre eft auprès de l'Empereur. Les appointcmens de ces Gouverneurs font peu-confiderables, mais les profits casuels font immenfes. Leur maison eft composée de trois Majordömes, & de dix Officiers civils Du militaires, tous d'une naiffance diftinguée , qui ont en[jrore fous eux trente Officiers fubalternes. Ces Officiers font nommés par l'Empereur, & en-recoivent des gajes ; ils font moins fubordonnés au Chef, qu'ils ne femblent d'adroits Surveillans a fa Perfonne. Le Confeil du Gouverneur eft composés de quatre Magiftrats, qui ont des Subidélégués deftinés a juger toutes les petites causes civiles. rjU y a dans chaque Ville une Compagnie, composée d'envitron trente Families, qui toutes demeurent dans une même jrue: leur emploi eft de pourfuivre & d'arrêter les Crimilaels. Les Tanneurs, dont la profeffion eft vile au Japon , font les exécuteurs des fentences de la Juftice. La police  366 [A] eft admirable dans cette ile, chaque rue d'une Ville a fes1 sl Officiers & fes règlemens; la fondion principale de 1'Ottona, j ou premier Officier, eft d'avoir foin que la garde fefaffci exactement toutes les nuits. II tient un regitre des noms: de Ceux qui demeurent dans leur propre maison, ou qui ont I un logement dans celles d'Autrui; deCeuxqui naiffent, qui meurent, ou fe marient; qui vont en-voyage, ou qui changent de quartier; avec leurs qualités, leur rang, leun religion & leur métier. II juge fommairement les petites: causes, maisil n'a pas le droit de contraindre les Patties ai fefoumetre a fesfentences: fil y a conteftation, il porte: 1'alfaire au Tribunal du Gouverneur; aureft?, il ©ft refpon- ■ fable de tout ce qui arrivé dans 1'étendue de fon diftrict., les Bourgeois du quartier le choisiffent a la pluralité dess Voix, & la dixième partie de ce qui fe léve fur les mar-chandises étrangèreslui eft affectie pour falaire. L'Ottonai a trois Lieutenans. Tous les Habitans d'une rue font par- • tagés en Compagnies de cinq Hommes, qui ont un Chef a i leur tête. Les Locataires font exempts des taxes & des autres i impositions, mais ils doivent faire la garde & la ronde., Les loyers font très-chèrs, & fe paient chaque mois en- I proportion des nattes qui couvrent 1'appartement. Chaque nuk on fait deux rondes dans la rue, qui eft fermée par: deux portes. C'eft un crime capital d'infuiter cette Garde., Un Habitant qui veut changer de rue, dok préalablement: obtenir de fon Ottona un certificat-de-vie-&-de-mceurs, & un lettre de congé. Enfuite il préfente requête a 1'Ottona i de la rue oü il veut loger, en-exposant les raisons qui l'obligent a changer; fil ne fe trouve point d'opposition , il eft incorporé aux Habitans de la rue qu'il a choisie, & le nouvel Ottona répond de fa conduite pour 1'avenir. II vend alors fa maison, & 1'Acheteur eft tenu de payer un droit I  CA] ?6; droit de huk, quelquefois de douze-pour-cenr, al'occasion de cet achat. Cette fomme paffe au trésor de la rue. üh Habkant qui fe difpose a faire un voyage , doit prendre un certilicat du Chef de fa Compagnie, qui exposé & Ia raison & laduréede Pabfence. S'il f élèye quelque difpute dans le quartier, les Voisins font obligés de féparer les Combattans. Ün Homme qui en tue Un-autre, paie ce crime de fa tête, n'eut-il fait que fe défendre. Les trois hiaisonsles plus prochesdu lieu oü f eft commis le meurtre, font murées pendant un certain-temps, les Families enfermées dedans: on leur accorde Ia liberté d'y faire entrer les provisions néceffaires pour Ia durée de leur chatiment. Les autres Bourgeois de Ia rue font condamnés a de rudes corvees : les Chefs des Compagnies font punis plus févèrement. Un Japonais qui met le fabre ou le poignard a la main, eft condamné-a-mort, fil eft dénoncé. ^ Toutes les taxesfe réduisent a une rente foncière, quife léve fur les maisonsou terreins cmpropriétédansl'enceinte d'une Ville. II y a encore une contribution volontaire , mais qui n'eft pas annuelle , _ pour faire un présent au Gouverneur. gt^On connakpeu de lois au Japon, toutf'y règled'après quelques anciennes conftkutions & les ordonnances de l'Empereur. Un Prince ou un Grand convaincu de fnalverfation , eft exilé dans une He : fi le crime eft atroce , i! eft condamné a avoir le ventre fendu; & lorfque Ie Souverain ne fait pas grace, route fa Familie doit périr avec lui. Souvent on permet au plus proche Parent du Coupable de 1'exécuter dans fa maison , & cette mort n'a -t ien de honteus pour Celui qui la recoit, qnoiqu'il foit toujours honteus de mourir par la main d'Un-antre. Le fupplice du Peuple eft Ia croix ou lefeu ; d'autrefois on coupe la tête, ou 1'on hache en morceaus le Coupable a coups de fabre' II Parr. Aa  568 [A] f^» Pemlautrcfpacededeïrxmiile quatrecents ans, legouvernementdu Japon aétéaffés femblableaceluiduCalifedes Ma sulmans, & de Rome moderne. La fuccellïon de leurs Pontifes-rois & de leurs Pontifes-Reines, remonte a fixcents-foixante ans avant notre ère-vulgaire. Un Particulier , d'une condition bafle & fervile, mais habile & courageus, détruisit ce cololTe de puiflance , qui réüniffait dans le méme Chef l'autorité fpiiituelle & la temporelle. Bientöt le Dairi ne fut plus qu'une Idole révérée , & le Cubo-fama devint ie véritable Souverain. Le Dairi defect! en droite-ligne des premiers Héros du Japon: iflu de cette race qu'ils croient divine, on ne lui accorde pas cependant le titre de Mikotto, qui eft particulièrement affecfé aux Diens & aux Demi dieus fes Ancêtres. II eft appelé du nom augufte Ten-fin, qui veut dire, Fils-du-Ciel, mais dans le langaje ordinaire il eft appellé Dairi. Les Officiers du Dairi font tous de la Familie de leur Maitre , & cette noble origmeleur infpire un orgueil, qui leur fait regarder avec le plus grand mépris 1'ordre des Séculiers. Ils poffèdent toutes les charges ecclésiafliques; & Ceuxquiattendent pour être piacés, recoivent des penfions confidérables du Chef de la religion , dont les revenus, quoiqu'immenfes, fuffisenr a peine pour entretenir la magnificence de fa Cour. L'étude eft la pricipale occupation de ces Dignitaires ecclésiafliques ; ils font les poètes, les hiftoriens, lesthéologiens de 1'Empire. Ce font eux qui cenfurent les Almanachs; Plusieurs f'appliquent a la musique. A la tête des Almanachs, on place toujours la chronologie des Japonais fie 5a division des temps. Ils ont deux ères, 1'une qui précèdela naiffance de Jésus-chrift d'environ fixcents-fbixante ans, 1'autre qui renferme plus-ou-moins d'années , acompter d'un événement quelconque. Ils ont aufli un  CA]' 5«9 cycle de foixante ans. Ils féparent le jour en fix parties égales, d'un lever du Soleil a 1'autre : la même division f'obferve pour la nuit; & comme le jour & la nuit different, fuivant les faisons , les heures du jour font plus grandes en été, & celles de la nuit en hiver. Leur année commence fouvent au vingt de janvier , & retarde quelquefois jufqu'au treize février, attendu qu'elle ne doit f'ouvrir qu'avec la lune de janvier. C'eft au Dairi qu'appartient le droit d'élever les Héros, & les Grands-hommes au rang des Dcmi-dicus après leur mort. II eftVice-dieu fur la terre, & fa dignité lui obtient 1'apothéose. Les Japonais croicnt que les Dieus viennent les visiter une-fois 1'année, & c'eft, disent-ils, le dixième mois qu'ils rempliffent cette obligation; ils appellent ce mois, les trente jours fans Dieus, parce-qu'ils les fupposent tous a la Cour de leur Lieutenant, & par cette raison ils fe difpenfent durant ce temps-la de fréquenter leurs temples & de leur offrir des présens. LesDieusqui rendent visite au Dairi font fucceffivement obligés de veiller a la confervationdu Lieutenant, & de faire exactement Ia garde autour de fa Perfonne. Troiscents-foixante Idoles, logées dans Ie palais du Prince ecclésiaftic, font fentinelle auprès de fon lit toutes les nuits: S'il lui arrivé quelqu'incommodité, 1'Idole qui a été de garde recoit des coups de batons, & eft bannie pour cent-jours du palais. Enfin Ie Dairi eft tellement refpecté desPeuples, que l'eau qui a fervi a lui laver les piéds, eft recueillie avec 1'attention ia plus fcrupuleuse , & ne doit être employee a aucun usr.re profane. Outre les Officiers ecclésiaftics du Dairi, il y a encore une prodigieuse quantitéd'ordres de Bonzes, qui lui font fubordonnés, & donc les Chefs demeurent a fa Cour. La plupart font mendians, & tirent leur entretien des legs pieus des Fondateurs des A aij  370 [A] temples, des penficns du Dairi, & des aumones qu'ils recueillent. Ils portent fur leur vêtemcnt ordinaire une robe bianche ou jaune: leur bonnet eft fait en-forme de barque, & f'attache fous le menton avec deux cordons de foie. De ce bonnet pendent des nosuds ou franges, qui defcendent plüs-ou-moins bas, fuivant leur dignité. Ils ont la barbe rasée & les cheveus longs: leurs Directeurs les portent treffés, & relevés par derrière dans une gaze noire. A chaque oreille font attachés deux morceaux d'étofe, qui frappent fur la jouc. Quoique tous ces Bonzes foient foumis a l'autorité du Chef fpirituel, dans toutes les affaires, ils dépendent du Juge fpirituel du temple, prés duquel ils demeurent, & qui eft établi par le Monarc féculier. Les Supérieurs de ces Communautés font porter devant euxueux fabres, ce qui eft la marquede la nobleffe. & pourfoutenir leur orgueil, ou cacher leur profonde ignorance , ils dédaignent toute communication avec le Peuple. Les crimes des Bonzes font punis de mort, & la Cour du Dairi, ainfi que tous Ceux qu'on peut comprendre fous le titre de Clergé féculier & régulier, ne peuvent, dans quelque occasion que ce foit, fe fouftraire a la fuprême autorité du Cubo-fama & de fes Magiftrats. II y a Nangafaki un ordre de Mendians de 1'un & de 1'autre fe fexe , composé de Gens que la mauvaise-fortune ou la mauvaiseconduite a réduit a la pauvreté. Celui qui veut y entree ne fait aucun tóeuj il doit feulement fe faire raser la tête , & porter la couleur noire : enfuite il prend un chapelet, 1'image d'une Idole & une fonnette , & dans cet état, il court les rues & les chemins, pour y implorer la compaffion des Habitans. H arrivé quelquefois 'que pour donner plus de poids a cette prétendue abnegation ne loi-mcn.c, ip"NJnnuenn-fière en-Dublic & dans on rait ctvt^. ciwmw".» — —  [A] 37' un temple ; mais cette confécration folemnelle n'a ordinairement lieu, que lorfqu'il elf queftion d'nne Perfonne noble & riche, qui par dévotion fait le facrifice de fes biens & de fes dignités, pour embraffer cet état miserable. II eft encore d'autres Mendians qui peuvent être mis dans la claffe des Bonzes ( car telle eft la charité des Japonais, que tous les Individus qui portent les livrées de ces fortes de Gens, doivent efpérer d'émouvoir les entrailles des Dévots ); Ceux dont je vais parler, font rasés & habillés comme les Bonzes , & attetident les Paffans, en-fejgnant de lire dans le Fokekio, qui eft lc Livre de leur loi. Quelqucsuns fe placent au bord d'une rivière , pour faire ce qu'on appelle lejtegaki: ce fregaki eft une cérémonie particuüère, qui obtient un long repos aux ames des Trépaffés. Pour faire le fiegaki, on fe munit d'une branche d'arbre remplie de feuilles, & avec cette branche, on frote & on lave une certaine quantité de petits copeaux de bois, fur lefquels on a eu foin d'écrire les noms des ames qu'on a intention de foulager. A ce travail, il faut ajonter tous-bas des prières efficaces, qui ont la vertu de rafraichir les Ames qu'on fuppose brüler dans un feu ardentï les Dévots qui cherchenta foulager les ames de leurs Parens & de leurs Amis, jètent en paffunt quelques pièces de monnaiefur une natte, qui eft étendue auprès de ces Hypocrites: mais il ne faut pas f'imaginer qu'ils vous témoignent la moindre reconnaifïance de votre aumóne; ils la recoivent avec dédain, & paraifient perfuadés qu'un métier qui adoucit les maux cruels que fouffrent les ames dans 1'autre-monde , ne peut-être trop recompenfé dans celui-ci. II en-eft plusieurs qui prennent moins de peine pour faire ouvrir les bourfes des Voyageurs. Ils fe tiennent aftis devant une efpèce d'autel, fur lequel ils ont placé une Idole, & tout-près des repré- A a iij  272 [A] sentations dc fümes & de tourmens, pour effrayer les têtes craintives. La, fur un toniugubre, ils feignent, tant qucdurele jour, de'i'éciter certainesprières, &lesDcvöts f'imaginent que ce récit de vaines prières, fait tout obtenir de la Divinité. D'Autres fe tiennent auprès des ftatucs de Dsifon, Idole des chemins & des Voyageurs, dont toutes les rues font bordées, & demandent la charité en fon nom. Ce Dieu Dsifon eft ordinairement paré de fleurs, & pose fur un piéd-d'eftal, haut de fix a fept piéds: il a devant lui deux pierres plus-baffes & creuses , furlefquelles on place les ofFrandes, & les lampes que les Voyageurs alument en fon honneur. II faut, avant de lui rien présenter, avoir foin de laver fes mains dans un bafiin qui efl tout-proche. f3» Les Japonais ont une horribie fête, nommée.FeW,. Je fuis obligé néceffairement de fuivre notre Voyageur, & de copier le détail des douze fcènes aufquellcs il affifta; fans ce récit, on ne pourrait prendre une idéé jufte du génie des Japonais. » Première fcène. On voyait huit Filles avec des habits-de-couleur, brochés de grandes fleurs blanches. Elles portaient de grands chapeaux, comme pour les défendre de 1'ardeur du foleil, avec des éventails & des fleurs a la main. Elles danfaient tour-a-tour , & de temps-en-temps, elles étaient relevées par deux vieilles Femmes, qui danfarent dans un autre équipage. Deuxième fcène. Un jardin couvert de belles fleurs, une chaumière au-milieu, d'oü fortirent, d'un faut, huit Jeunes-filles habillées de blanc ou de rouge, danfant avec des éventails, des canncs, & des paniers-de-fleurs. Elles étaient relevées par une fort-bonne Adrice qui danfcit feule. Troisième fcène. Huit chars-de-triomphe, avec des Boeufs au timoa, de différente couleur, mais représentésfort-naturellement, & trainés par des Jeunes-gens, richement vêtus. Ces Chars portaient un arbredeTfubaki en fleur j une montagne  37* M couverte cTarbrcs; une forêtde hambous, avec un Tygre qu'on y voyait tapi; un fardeau de padie; un arbre entier avec fes branches & fes racines; une Baleine, fous un rocher, a demi-couverte d'eau. On vit, a la fin, une-autre montagne, dontle fommet offrait un Jeune-homme vivant, & magnifiquement mis, fous un abricotier couvert de fleurs; elle était traïnée auffi par de Jeunes-garfons. Quatrième fcène. Des Danfeurs , qui jouaient leurs röles entre fix earreaux de fleurs, avec un arbre verd ; neuf autres Jeunesgaifons, Chacun avec deux épées & un moufquet; une danfe de Paysans. Cinquième fcène. Une montagne portée fur les épaules de quanrité d'Hommes ; une fontaine & une alée; un grand tonneau & une maison , qui parurent fucceffïvement: deux Géants mafqnés, avec des têtes d'une prodigieuse groflèur, représentans des Divinités indiennes. Ils furent abordés par un Troisième d'une taille encore plus monflrueuse, qui fortit de la montagne armé d'uneépéefortlarge. Celui-ci était fuivi de fept Chinois, qui foriirent en-fautant de Ia même montagne, Sc qui danfèrent avec les Géants. Après la danfe, le Géant monftrueus mit en-pièces le tonneau , d'ovi fortit un Jeune-garfon fort-bien-mis, qui ft une belle harangue, fit qui fe mit enfuite a danfer avec 1e Géant: cependant trois Singes, de grandeur naturelle , avec des têtes de poiffon, fortirent adroitement de la fontaine , & danfèrent autour du Géant & du Jeune-garfon. Sixième fcène. Un arc-de-triomphe rond, a Ia chinoise ; tmemaison-de-campagne, fcunjardin; une danfe de dix Jeunes-garfons armés, & vêtus de robes doublées de vert, de jaune & de bleu, avec des hautes-chauflés d'une forme particuüère; un Arlequin qui fauta parmi eux, & qui dit mille boufonneries. Cette fcène fut terminée par deux Danfeurs en habits étrangers, qui vinrent du jardin en-  [A] 377 danfant. Septième fcène. Une montagne couverte de bambous & de fapins, avec douze autres arbres en fleurs, chacun de differente efpèce ; une fuite nombreuse de Gens magnifiquement vêtus; enfuite deux Perfonnes habillées de blanc, & huit autres en-jaune, danfant ck battant des cloches. Sept Autres qui fuccédèrent, & qui danfèrent avec des pots de fleurs fur la tête. Huitième fcène. Le train pompeus d'un Prince voyageant avec fon Fils, représenté fort-au-naturel par de Jeunes-garfons. Neuvième fcène. Une maison verte, au-travers & autour de laquelle danfaient dix Jeunes-garfons vêtus de robes noires; Chacun d'abord avec deux épées, enfuite, avec des fleurs, des flèchcs & des piqués. Ils étaient relevés par des intermèdes de bouffbnnerie. Enfin, leurs Valets, portantdes boites fur leurs épaules, entremêlèrent leurs fauts & leurs danfes avec ceux de leurs Maitres. Dixième fcène. Un théatre placé prés d'une colline couverte d'arbres; un Jeune-homme vêtu de noir & de jaune, parut fur le théatre, paria & joua un róle qui dura une demi-heure; tandis que les huit autres Jeunes-garfons, en robes de différentes couleurs , exécutèrent une danfe, Chacun feul d'abord, enfuite avec un Compagnon , &-puis tous-enfemble. Un Singe qui fauta de la colline , vint finir la fcène par divers tours. Onzième fcène. Un Jeune-fauteur, fort bien-fait, devant lequel on placa une table en forme d'échaffaud, avec huit marches, pour y monter, & huit de 1'autre cóté, pour en-dcfcendre. On mit un bambou creus, au-travers de 1'échaffaud, avec une porte qui avait un trou rond, d'environ deux empans-&-demi de diamètre, c'efM-dire moins de deux piéds. Le Sauteur fit plusieurs fauts, qui furprirent toute 1'Affemblée: un des plus étonnans, fut de fauter de la diftance de trois toises, au-travers du trou de  *Ce Sau teut aurai misau-desd j>oir, tonsCeuxde notre huolet, 37* CA] la porte, quoique Ie diamètre de ce trou füt beaucoup■ moins grand que celui du chapeau qu'il portait *. Douczième fcène. Plusieurs machines d'une grandeur énorme , femblables par 1'étendue & par la couleur, a ce qu'on avait 'voulu représenter, mais toutes d'une matière fi-mince, que chacune était povtée par un feul Homme: outre ce fardeau, chique Porteur avait descloches, 8c un grand tambour, qui lui pcndait pardevant, fur lequel d'autres Hommes frappaient. ïlstravef ïèrent ainfi le théatre en-danfant, mais fans pouvoir fauter bien-haut , parce-que leur fardeau, quoique tres-léger par Ia matière, était fi lourd, ou plutót fi incommode par fa grandeur, qu'ils furent obligés plusieurs-foisde reprendrehaleine. Ce qu'ils portaient fur Ie dos était: un puits, avec tous les infirumens néceffaires pour éteindrcle feu : 2,.°, une grande cloche d'église, avec route fa charpente, & un Dragon delfus, pour ornement: 3.0, une montagne couverte de neige, avec un Aigle au fommet: 4.0, un canon de fonte, de vingtquatre livres de balie, avec fon affut, & tout fon train: un grand coffre de mer, empaqueté dans douze balles de paille, a la manière du Pays: 6.°, une Baleine dans un ballin de grandeur proportionnée: 7.°, diverfes chargés de coquiilages & de fruits, &c* Enfuite, pour former le contrarie, d'autres Hommes fuccédèrent avec ce qu'il y a réellement de plus léger ; c'eft-a-dire, I'Un avec un fimple coquillage ; 1'Autre, avec un fruit, une fleur, uneplume, &c.a». On f'eft accoutuméa appeler les Japonais, nos Antipodes moraux, & 1'on en-donne pour preuve, qu'ils prennentle blanc pour la couleur du deuil, & [e noir pour celle qui marqué la joie: on ajoute qu'ils montent a cheval a droite, par la raison que dans une aétion tioble, il ne faut point appuyer fur le piéd-gaikhe; qu'ils  [A] ^ m portent leurs habits de cérémonie dans la maison, & qu'ils f'endépouillentlorfqu'ilsvontdehors, Sccentautres usages, qui n'ont aucun rapport \ notre facon d'agir. Mais j'eftime qu'on f'eft trompé jufqu'a-présent fur leur compte , parce-que c'eft d'après les fentimens du coeur, qu'il fauc chercher a connaitre le caractère d'une Nation. L'honneur eft le principe unique fur lequel eftfondé le caractère des Japonais: c'eft de ce grand principe que découlent leurs vices, leurs vertus, & jufqu'a leurs défauts les moinseffenciels. Ils font francs, vrais, droits, excellens amis, fidèles a toute épreuve", officieus, genereus, prévenans, infenfibles aux changemens de fortune; ce qui les autorise a regarder toute forte de commerce comme une profeflïon vile. En-général le Japonais eft un Peuple policé , mais exactement pauvre, & cette pauvreté qui tient a fon indépendance, rend fa vertu d'autant plus refpeétable, & 1'élève audeffus de lui-même. Un Habitant du Japon ne conferve clans fa maison que le fimple néceffaire; le fuperflu n'a jamais été chés lui travefti en-besoin : content de fa noble indigence, dont il jouit au-milieu de la propreté la plus exacte, la férénité de fon visage peint la parfaite tranquilité de fon ame. L'Homme de Cour, le Grand-feigneur font prodigues, & ce fafte qui accompagne nos grandes Monarchies, céderait a h fomptuosité des Villes de Jcdo & de Méaco. Qui ne croirait d'après cela, que le Peuple, fatiguéde fa misère, ébloui delafomptueuse magnificence de fes Maitres, leur porte envie, & pouffele regretde manquer de tichelles, jufqu'a emdétefter les injuftes Poffeffeurs? Le Japonais ne connait pas cette baffe jalousie. Un Prince eft-il tombé du faite des honneurs; eft-il privé de fes biens; la pauvreté humiliante devient-elle fon partage? il n'enrefte ni moins fiér, ni moins refpeélé: fon abaiffement ne 1»  380 [A] forcera pas a fe mesallier : Un Grand-Seignetir doit craindre d'infulter le Particulier du plus-bas étage: cet Homme fans fortune qui fe fent offenfé, osera faire éclater fon reffentiment, foit qu'il ait confervéfes poftes, foit qu'il en-ait été privé. Le point-d'honneur eft lachaine quilie toutes les conditionsde 1'Empire; la grandeur-d'ame , la force de 1'efprit, la nobleffe des fentimens, le zèle pour la Patrie, 1'audace & le mépris de la vie, font les acceffoires qui en refferrent les noeuds. II faut juftifier ce portrait par des exemples. Un Gentilhomme du Fingo avait une Femme d'une rare beauté; l'Empereur la vit, en-devint amoureus , & pour obtenir fes faveurs avec plus de überté, il fit affaciner ie Mari. Quelques jours après, il donna ordre que la Veuve lui fut amenée , & eut grand foin de lui faire préparer un magnific appartement dans fon palais. La Veuve feignit d'étre pénétrée de reconnaiffance, Sc flattée de l'honneur que lui fesait fon Souverain; mais elle recula 1'inftant qu'il voulait preffer, en le fuppliant de lui accorder aumoins trente jours pour pleurer fon Epous, avec la überté de régaler fes Parens, avant de fe rendre : l'Empereur devenu plus amoureus par ce long retardement, confentit a tout ce qu'elle voulut, Sc fe priadu feftin qui devaitterminer fon impatience. Les Parens f'affemblent, on fe met a table, tout y refpire la gaité : on en-fort bientót; Ia Veuve, qui avait fon deffein, fapproche d'un balcon, Sc fous prétextedef'yappuyer, elle feprécipite. Cefutpar cette acfion réfléchie, 8c ledernier recours du desefpoir, qu'elle fut f'arracher a la honte qui lui était préparée. Un Seigneur devint éperdument amoureus d'une Fille qu'il avait enlevée a la Vetive d'un Soldat: la Mère fut longtemps inconfolable de la pertedefaFille; mais enfin ayant appris fon exiftance & fa fortune, elle lui écriv.it pour en-obtenir quelques fe-  [a] 3Sï cours. Loiffqu on apportacette Lettre ala Fille, fon Amant était présent; foit jalousie, foit fimple euriosité, il prétendit lalire. LaFillefyopposade toutes fes forces, pour ncpas mettre a-déconvert Ia honte de fa Mère: mais craignant de fuccomber, elle roula Ie papier, & favala avec tant de precipitation, qu'elle en-mourut fur-le-champ. Ce crue! accident irrita la jalousie du Seigneur, qui auffitdt fit ouvnr le gosier de cette malheureuse Fille: onen-tirale billet dont la ledure redoubla fon desefPoir. II ne tiwa d'autres allégement a fa douleur, que de faire venir la Mère auprèsde lui, &dela combler de biens. On raconte auffi qu'une fimple Servante fe croyant deshonorée pour avoir un-jour donné occasion de rire a fes dépens, fe prk de rage le bout du fein avec les dents, fe 1'arracha & mourutfurl'heure. 5 Revenons. Les devoirs de 1'amidë font auffi facrés au Japon que ceux de l'amour conjugal Un Japonais n'eft arrêté par aucun périï, lorfqu'il eft queftion de défendre, fervir ou fauver fon Ami; il ne faut pas fattendre que les tortures les plus affreuses forceront un Criminel a déceler fes Complices. Un Étranger qui fe trouve en-danger dela vie, ou dans un embarras quelconque i'd a recours a un Japonais, peut fattendre que ce Proteöeur, fans égard pour les fuites, fans prendre aucun intëret a ce que pourront devenir fa Femme & fes Enfans, Ie foutiendra au dépens de fes biens & de fa vie. II ne faudrair pas inférer de-la, que cette Nation fe plait dansle tumulte & dans le bruit; on y détefte les Querelleurs, les Médisans, & fur-tout cette race d'Hommes inutiles , ennuyeus, que nous nommons Bavards; on les croit fans courage & fans jugement. Les jeux-de-hazard font regardés comme un trafic fordide, & abfolument contraire a-l'honBeur. S'ils ne font pas jugés tels chés nous, Ia paftion de ,f'il a recours a un Japonais, peut fattendre que ce Prote-  382 [A] ^avance qu'ils dévelopent, devrait bien les bannir des Sec ciétés refpeéhbles. Le Japonais eft plein de refpect pour fes faufiès Divinités, & fi des intéréts humains n'avaient pas détruit 1'abondante moiftbn que les premiers progrès des lumières de i'Évangile préparaient a la véritable religion , il ferait fans-doute devenu le Peuple le plus religieus de la terre. II obéit a fes Souverains; mais la crainte y a plus de part que l'amour. Les invisibles Empereurs du Japon n'ont fongé a règner que par la force fur des Sujets fiérs, qui connaiflent le prix de 1'indépendance, & que la nécefiité rend foumis, lorfque leur feule raison aurait pu répondre de leur docilité. En-général le Peuple du Japon eft remuant, inquiet,foupconneus, méfiant&vindicatif; maisfil tombe aisément dans les excès, il eft facile a ramener. Vertueus par fentiment, il aime la vérité qui le condamné; il ne craint pas qu'on luifaffe connaitre fes défauts; & on alfure que les Grands-Seigneurs ont toujours prés d'eux un Domeftic de confiance, dont 1'unique emploi eft de les eninftruire. La mauvaise-foi & le menfonge font en-horreur dans cet Empire , & fouvent punis de mort. Nulle Nation n'eft plus amie de 1'ordre, & nef'éloigné avec plus de foin des occasions de donner du fcandale, tellement que Ceux mêmes qui ne croient pas aux Dieus du Pays, ne font pas difficulté de leur rendre un culte extérieur. II n'y a pas d'exemple qu'un Japonais alt blafphémé fes Dieus; jamais il ne feplaint de fon fort: il foutient avec une fermeté jnébranlable tous les malheurs poffibles. Un Père condamné fon Pils a la mort fans changer de visage , & fans cefier de parakre père. Quiconque f'eft attiré un Ennemi par une ïnfulte marquée, loin de 1'éviter , aflette d'aler feul dans les lieux ou il croit qu'il pourra le trouver. Si 1'occasion fe rencontre de f obliger, de fe parler , 1'Ag- greffeur,  [A] 383 greffcur & 1'Offenfé agiront comme 1 'ils étaient intimes: fi 1'Uri des deux meurt avant que i'arFaire foit vidée, le Fils hérite de cette querelle : mais Ia vengeance efl toujours noble , & 1'on ne redoute jamais les embuches. L'affacinat eft un crime prefqu'inconnu. On compare quelquefois le Japonais a 1'Anglais, parce-que 1'Un & 1'Autre femblent mépriser la vie. Leparallèle eft affés jufte: 1'Anglais fe donne la mort par ennui ou par desefpoir : le Japonais fe lote pour le plus léger fujet, parce-qu'il ne fait aucun cas de la vie. ^ II n'eftimeque lui, il mépiise fouverainement tous les Étrangers; parce-qu'il n'a aucun besoin d'eux; il elt léger par caprice , inconftant par mépris, 6t barbare envers fes Proches, les Faibles Sc les lnfirmes. S'il eft un Peuple qui connaifle & cultive les douceurs de la Société, c'eft fans-doute celui du Japon ; 6c fil en-eft un qui ait poufie jufqu'a 1'extrême les fentimens vertueus, c'eft certainement celui-ci. Je ne faurais me refuser d'enrapporter un trait étonnanr. Une Femme était reftée veuve avec trois Garfons, &nefubfiftait que de leur travail. Ces Enfanschériffaient leurMère jufqu'aI'adoration, 6c voyant que quels que fuffent leurs effens, ils ne pouvaient affés recueillir pour prévenir tous fes besoins, ils prirent la plus étrange resolution. L'Empereur venait de rendre un édit, par lequel il était accordé un fomme confidérable a tout Particulier qui livrerair un Voleur a la Juftice. Ils décident entr'eux qu'Un des Trois doit fcindre d'étre un voleur, 6c que les deux Autres le traduii ont en-prison, & toucheronc la recompenfe promise. On tire au fort, 6c il tombe fur le Plus-jeune des Fières. Auffitót il eft lié, 6c conduit comme un fcélérat. On 1'inrerroge, 6c il répond qu'il a volé. Ce mot le fait jeter dans un cachot, tandis que la fomme promise eft livrée aux deux Frères. Cependant II Part. Bb  384 [A] ces infortunés f attendrifient fur les tourmens qui attendenc leur Jeune-frère; ils pénètrent dans la prison, & f'aban- , donnent avec cette chère Victime a tous les tranfports de leur douleur & de leur tendrefle. Un Officier, préposé pour veiller fur les Coupables, eft témoin fecret de cette fcène qui 1'étonne. 11 fait fuivre les Délateurs, avec ordre de dévoiler ce myftère. On lui rapporté qu'ils étaient entrés chés leur Mère, ou onleur avait entendu faire lerécit exact de leur avanture , Sc que la Mère , a cette horrible nouvelle, avait détellé l'aöioa de fes Fils, proteftant qu'elle aimait mieux expirer de misère, que de prolonger fes jours aux dépens de ceux de fon Fils innocenr. Le Juge informé de ces détails, fait conduite devant lui le prétendu Coupable; il 1'interroge avec févérité, Sc ne peut tirer d'autre réponfe, finon qu'il eft criminel, Sc qu'il doit périr. Plein d'ctonnement, de pitié Sc d'admiration, le Magiftrat lui déclare qu'il fait tout, le force d'avouer ce qui 1'a porti a cette action réellementhéroïque, 1'embraffe, & fe rend chés leCubo-fama, pour lui faire part de fadécouverte, L'Empereur voulut voir I.'.'s trois Frères; il loua leur tendrefle filiale, affigna quinzccctus écus de rentes au Plus-jeune, & cinqcenrs aux Autres. fcf» J'ai dit que le pointd'honneur était la chaine qui liait tous les Japonais ; je dois ajouterque ce même point-d'honneur les poufle aux act:ons les plus extraordinaires. Deux Gentilshommes fe rencontrèrent furies marches du palais-impérial; leurs épées fc frottèrent. Celui qui defcendait f'en-oftenfa , 1'Autre f'excusa, proteftant que c'était la feule faute du hasard. II ajouta, qu'aureftelemal était léger, 8c que 1'unevalaitbien 1'autre. —re vous ferai voir, dit le Premier, la différence qu'il y a de 1'une a 1'autre-. Sur-le-champ , il dra ' fon poignard, & fen-ouvrit le ventre. Le Second, fans  [A] j8j repüquer ah phcer fur la table de l'Empereur un plat qu'il tenait a la main, & revint enfuite : —Vous ne m'auriez pas prévenu , dit-il a fon Adverfaire expirant, fi je n'avais été occupé du fervice de mon Maitre; mais je veux vous prouver que mon épée vautbien h vótre-. 11 fe fendit le ventre, en-proférant ces dernières paroles, & tomba mort fur le corps de fon Rival. Le Miffionnairc dc qui j'cmprunte ce trait, n'ose decider , fil y a plus de fureur dans cette aftion, quedanscellededeuxEuropéansqni fecoupent la gorge cn-duel. On a vu un Japonais fe faire enterrer vif fous les fondemens d'un ouvrage public , qui avait éte renverfé fouvent par de violens orages, dans la vue d'appaiser la vengeance des Dieus, qu'on fupposait en-colère contre la Nation. Eit-ce fanatifme , elt-ce héroïfmc, eft-ce mépris de la vie ? quoi qu'il en foit, il eft certain qu'ainfi que lesRomains, ils ont eu kun Décius, leurs Scévola , leurs Codes, 8c leur Lucrèce. fcj» Les Japonais font prefque tous aïTés mal faits; ils ont le teint olivatre , les ieux petits, les jambes groffes, la taille audeifous de la médiocre, le néz court, un-peu écrasé, & ïelevé en pointe, les fourcils épais, les jou es plattes, les traits grolfiers, Sc peu ou point de barbe. Uéc certaine fierté , fans affcaation , qui eftle propte de 1'Homme-de-diftinélion du Pays, lerend moins femblable a ce portrait, que le commun du Peuple. L'liabillement des Japonais eft fimple S: noble, & les Seigneurs portent des robes trairantes, faitesdefuperbes étofes de foie , fleuragées or Sc argent, Sc tenues avec une belle ceinture. Leurs manches font larges 8c pendantes; leurs fabres, leurs poisrxnrds font couverts de perles& de pierresprécie'uses. Les Marchands, les Artisans, les Soldats ont des habits qui ne leur vont que jufqu'au genou , 8c dont les manches nc paflent pas le coude. Tou' portent des atmes. B b ij  3*6 [A] leur cheveux pa,derrière Ia tête. Les Japonaises font coiftes en cheveux Les Bourgeoises les reïevent fimpleT 3VeC Une a,fI,e 1« Dames les laiffcnt tomber/ou lesnouer,entouffespendantes; elles portent une forte de boucles-d oredies de perles. Leur ceinture eft laJ fenree de fleurs-d'or & de figures. C'eft par ,e Bon£ T'e des vd[ ,on ^gedelaoualitédesFemmes: 0n ré! tend qu elles en-portent jufqu'a cent, mais qui font fi déliées elles paftentpardeflus ces veftes, une robe flottante, qu rame de quelques piéds: elles ne fortent jamais qu'avec un cortege nombreus, & fuivies d>une e ^ magmfiquementparées, qui portent des mules de prix des mauchptrs, & routes fortes de confitures dans de grands bafims. DesFemmecde-chambre entouiemJéur Maitreflè JesUnes avec des éventails, & d'Autres avec unparafol enformededais, dontlacrépineeft trèsdche. ^Je terminera, cette not.ce par 1'article du commerceHollandaisauJa pon Al arnveedesvaifieaux, les Négocians font confinés' dans I de D*xlma, comme dans une efpèce de prison : ils y foat env.ronnés d'une foule d'Officiers & de Surveillans qui ne les qu.ttent point pendant la durée de leur vente ' qu. recoivent d'eux desgages très-forts, & qui l'obligent par ferment a leur refuser tous fervices, & toute commun.cauon avec les Nationaux. Ce ferment eft terrible ces Geohers atteftent les Dieus-fuprêmes, & fe foumettent a leurvengeance, a celle des Magiftrats, eux, leurs F.indles, leurs Domeftics & leurs Amis, fils manquent a obferver le momdre article de la loi portée contre les Étrangers. Ce ferment eft fcellé de leur cachet, trempé dans del'encre noire, oü ils ont laifle tomber quelques  [A] 387 gouttes de leur fang. Les Hollandais de leur cóté , par amour pour 1'or du Japon , fe font fournis a une prison rigoureuse & pcrpétuelle, pendant leur féjour. Ils fouffrent fans murmurer les plus terribles avanies, & fabftrennent fcrupuleusementdé toutes rnarques extérieures de chrdtiamfitie. Ainfi, tant qu'ils demeurent au Japon il n eft plus pour eux de dimanche, ni de fêtes folemnelles plus de pnètes , ni de chant de pfeaurr.es en public, plus de figne-de-la-croix en-présence des Naturels du Pays. Leur voyage a la Cour augmente encore l'humiliation a laquelle ds font condamnés. L'Ambaffadeur hoilandais n eft regardé que comme un otage , & il ne jou» pas de Ia momdre überté. Tot» eft a fes frais, jufqu'aux Solda-s qui lenennentdansfefclavage. Tout Japonais qui marqué quelque bienveuillance a un Hollandais, eft déclaré infame de-la, vient qu'il eft permis & même honorable de trompet un Hollandais, de lui vendre fes denrées a un prix exceffif, & de chercher par de nouvelles idéés a refférrer fes fors. Le National qui dérobe quelque-chose a un Hoilandais, en-eft quitte pour refikucr Ie vol, & pour quelques coups-de-fouet; mais tout Hoilandais qui fraude Ia douane, a la téte tranchée , ou pérïc par Ie fuppïiee de h croix. Toute Lettre recue ou envoyée doit étre vue par le Gouverneur, qui en-fait tirer une copie. Autrefois lorfqu'un Hollandais mourait, fon corps était jeté a Ia mer, comme indigne de la fépulture; aujourd'hi on a afiïgneun terrein inculte fur la montagne d'Inafia, ou cette Nation enterre fes Morts; mais la cérémonie achevée les Japonais posent une Garde pres de la folie, & quelsqüe foient les ordres que recoivent ces Soldats, il eft %• que bientót il eft impofiiblede découvrir le lieu de la fépulture. Ce ne fontpas les feules mortifications qu'eflbient ces avides' B b iij  SUM. 38* [A] Commercans. Nulle juftice n'eft accordée a leur bondroit dans les affaires; & fur le prétexte le plus léger, ils fontcondamnésauxplusénormes dédomrmgcmens. Quels font donc les immenfes avantages qui peuvent compenfer tous les dégouts d'un tel commerce ? Car une Narion aulïï fage que la Hollandaise , ne le ferait pas fans de puiffans motifs. Les Tribunaux de judicature a Siam, ne font composes que d'un Chef ou d'un President, qui juge, 5c de quinze ou feize Confeilkrs qui donnent fimplement leur avis. Le Droit-public de Siam eft renfermé dans trois volumes: le premier contitnt les noms, les fonctions, Sc les prérogatives de tous les offices; le fecond eft un recueil des conftitutions des anciens Rois; Sc le troisième eft ie depót des nouvelles lois, particulièrcment de celles prömuiguées par le Prince qui règnait avant 1'arrivée des Francais. Le ftyle dans tous les procés eft uniforme : on ne les diftingue point entre affaires civiles 8c affaires criminelles. La perte d'une cause, quelle qu'elle foit, eft toujours fuivie d'un chatiment infligéa Celui qui la perd. Avant de commencer une inftance , il faut donner caution, Sc 1'on doit plaider par écrit. Un Paiticulier qui croit avoir a fe plaindre de Quelqj'un, présente fa requête au Naï qui le commande ; Celui-ci ia remët a un Confeiller, qui la donne au Président. La requête admise, le Président en compte les lignes & il y appose fon fceau; enfuite elle repaffe de fes mains dans celles du Confeiller, du Lieutenant du Confeiller Sc du GrefSer ,• pour en-faire leur rapport dans la falie de 1'audience. Le Greffier lit alors tous les avis, en 1'abfence du Président. On fait venir lesParties, Sc jufqu'a trois-fois on leur propose un accommodement , on les preffe d'y confentir; fils refusent, on fait entendre les Témoins,  toujours fans quclePrésident aftilleacesformalités. De la, on va aux opinions, qui ne font que des confultations, & le procés paffe pour inftruit. Le Président avei ti que tout elf dans le mcilleur ordre, vient prendre place fur fon Tribunal; le Greffier fait la leftuf edu proces & des opinions de 1'Affemblée, & le Juge-fupréme prononce en termes généraux que telle ou telle Partie fera condamnée par la loi, dont le Greffier lit 1'article a haute-voix. On ne pourrait légitimement fe plaindrc d'étre condamné par Ia loi; mais a Siam, comme en Europe, on veut interprêter la loi, 8c fouvent la loi la plus équitableproduit une interprêtation iujufte. La fentence prononcée aux Parties patIe Président, eft mise par écrit, & doit avoir fon execution. C'eft toujours la Partie qui plaide fa cause , ou un de fes proches Parens qui fait 1'ofTice d'Avocat. Lorfque les accusations paraiffent graves, 8: que les preuves manquent, on a recours a la queftion, pour laquelle on' emploie différentes méthodes. Celle du feu eft la plus ordinaire. On fait une foffe, dans laquelle on élève un bucher, de-manière que fa furface foit de niveau avec les bords du trou ; fa longueur eft de cinq braffes, fur une de largeur. Les deuxParriesy paffe nuds-piéds, 8c Celui dont la plante des piéds resifte a 1'acYion du feu gagne fon procés. IS y a des occasions oü 1'épreuve du feu fe fait avec 1'huile bouillantc, dans laquelle les deux Parties plongentla main : quelquefois c'eft de 1'étain fondu. Un Francais, intérene a convaincre devolunSiamois, rifqua un-jour cette dernière épreuve, 8c retirafa maina-demkonfumée, tandis que celle de fon Adverfaire en-fortit faine & entière , & fut renvoyé abfous. Lorfque 1'épreuve de 1'eau eft ordonnée, les deux Piaideursfe rendentfurle bord de la rivière, tenant Chacun uneperche a la main: ils les plantent dans 1'eau, 8c fe laiffent Bb iv  39° [A] cöulerau fond: Celui qui y demeure lepluslongtemps gagne fa cause. Une-autreépreuve, mais qui tient en quelque facon a. la religion, efl celle des pilules. Les Prêtres ou Talapoins, en préparent un cerrain nombre, qu'ils char-' gent d'imprécarions; cette efpèce de cérémonie achevée , les deux Adverfaires en-avalent la quantité préfcrite, & la preuve de 1'innocence, ou du bon d!0it, efl de les garder dansl'eflomac fans les rendre. C'eft toujours devant les Juges, & en présencë du Peuple que fe font ces fortes d'épreuves: fil arrivé que les deux Parties en-fortent avec égaliré, on ordonne 1'épreuve des Tigresj les Adverfaires font Hvrés aces Animaux furieus, & Celui qu'ils épargnent quelques minutes, cll réputé innocent; fi tous-deux font déchirés par ces Bètes cruelles, on les croit également coupables. Un Homme, convaincu dc vol, eftcöndamné a payer la valeur du doublé, & quelquefois du triple de la chose volée, & cette reftitution eftdévolue, par portion égale, au Juge & au Plaignant; mais ce qui doit paiaïtre fingulier, c'efl que les Siamois étendent la peine du vol k route poflèflion injufle en matière réelle : ainfi Quiconque perd fon procés , rend non-feulement a fon Adverfaire la chose conteflée, mais en paie encore le prix, qui doit étre partagé entre le Juge & le Client. Les crimes capitaux font jugés par le Prince, ou par des Juges extraordinaires qu'il nomme a cet effer. Quelquefois leMonarc envoie des Commiilaires dans les Provinces pour éclairer la conduite des Magiftrats, & en cas de malverfation, pour les déposer ou les puriir de mort, ('ils mérftent ce chatimer.t. ftJ^a monture ordinaire des Siamois eft Ie Bceuf, leBuffle & l'Eléfant: majs ils font plus communéraent leurs voyages par eau , dans d s barques qu'ils appèlent balons. Le corps du balpn n'e \ composé que d'un feul arbre long quel-  [A] • 391 quefois de vingt toises. Deux Homme? afïïs, les jambes croisées, & 1'un k-cóté de 1'autre, fuffisent pour en-occuper la lageur, avec des rames courtes qu'ils tiennent k deux mains, par le milieu & par le bout. C'e'fi toujours vers le lieu qu'il va chercher que le Rameur a le visage touiné. Un balon a fouvent centvingt Rameurs. Un Homme efl a Ia proue qui donne le figna! aux Rameurs pour porter le coup enfemble ; Un-autre eft k la poupe, avec une rame fort longue, qui lui fert de gouveniail. Ce font des Femmes-efclaves, qui conduisent les balons de-, Dames. Au centre des balons ordinaires, il y a une loge de bois, dans laquelle vivent continuellement plusieurs Families. Les balons du Roi, qu 'on appelle balons-d'État , font de la plus grande magnificence, & entièrement dorés, les ramesfont couveitesdelamesd'argent. La chirole, quielr. une efpèce depetitdóme, eft couverted'écarlate , donblée debrocardd'or, avec les rideaux de même érofe ; la baluftrade eft d'ivöire; les conffmsde velours, & fur leplancher on foule de fuperbes tapis de Petfe. §^ Les Siamois ont différentes fortes de fpe&acles. Ils jouentdes comédies divisées'en pltisieürsa'ites, a 1'imitation des Chinois; les intermèdes de ces comédies font remplis par des Sauteurs, dont les poftures hardies & grotefques font furprenantes. II y en-a qui montent fur de grands bambous, de quatrevingts, quelqucfoisde cent piéds de hanteur, & qui f'y tiennnent fur une feule jambe , tandis que 1'autre etf en1'air ; enfuite ils posent la tête oü ils avaient le piéd ; puis jls f yfufpendent feulement par le menton : d'Autres pafient a-travers les échelons/d'une échelie droite, avec une agilité furprenante. II fen-trouve qui font placer fur une efpèce de brancard , douze poignards la pointe en-haut, f y couchent le corps nu , font monter plusieurs Hommes WS ■' -' is eftomacs, fans que toutes ces pointes qui touchrnt  * Voyez 1 cc fujet, i'Homme■volant, IV Vol, av. fig; chés ia d.me VSDuchefne, 17S1. Le Particulier qui ▼ient d'annoncer un moyende ne fe faire aucun ma!, entombant de fon-hatit, a fens - doute connu cet n&age des Danfeurs Siamois. 392 [A] la peau, foient capables de 1'effleurer. Ils ont auffi des marionnettes, qui différent peu des nótres; des Voltigeurs qui fe livrent au vent du haut d'un bambou, fans autre fecours que deux parafo's qu'ils dennent dans leurs mains, ; &qui nelaiffentpas quedelesfoutenir longtemps en-l'air*. Quoiqnela musique des Siamois foit fans art, fans parties, fans cadences, ils ne lailfent pas d'avoir des concerts. Les inftrumcns font bien-éloignés d'étre agréables ï 1'oreille : cependant ils en-ont un , composé de douze fonnettes, qui frappées légèrement avec de petits batons, rendent un fon tout-a-fait harmonieus. Les Siamois ont fur leurs thcatres, trois fortes de fpectacles: le premier, qu'ils appèlent conc, eft une danfe , féparée en plusieurs entrées, qu'exécutent un certain nombre de Danfeurs mafqués & armés. C'eft peut-être 1'image d'un combat, mais d'un combat extravagant, car toutes les poftures en-font grorefques, & pleines de fauts. Les mafques de ces Danfeurs présentent des figures horriblesd'Animaux connus, ou qui n'ont jamais exifté que dans 1'imagination. Le ft-cor.d fpechcie f'appclle laconc. C'eft un poéme qui tient de 1'épic & du dramatic: il dure ordinairement trois jours, cncoffirnettcant chaque jour a huit heures du matin , & finif-j fint a fept heures du foir. C'eft le récit en vers de queldu'ancienne hiftoire. Les Acteurs chantent & parlent'j slternativement, fans quitter Ia fcène, 1'Un fait le róle : d'Hiftorien , & les Autres ceux d'Interlocuteurs. A ce : fujet, on doit remarquer que les Siamois naaffent naturel-> lemient Poètes. Leur poésie, ainfi que la nótre, eft affujétie a un certain nombre de fillabes & a la rime ; ils pei-j gnent agréablement, & fe fervent fouvent de comparaisons énergiques & frappantes. Leurs chanfons font hiftoriques : oumorales: ilscn-ontquelques-unesquiexpriment affés biel l'amour. Le troisième fpeétacle eft appellé raban : c'eft  [A] 393 une danfe d'Hommes & de Femmes, dont les habits (ont fimples, avec de grands bonnets de papier-doré , des pendans-d'oreilles garnis de fauffes-pierreries, ainfi que les bonnets, & par je ne feai quelle raison, avec de faus ongles de cuivre jaune. Ces Danfeurs & cesDanfeuses chantent & danfent en-même-temps; mais leur danfe eft plutöt une marche lente & compaflee, accompagnée feulement de diveifes contorfions du corps & des bras. Pendant cette danfe , deux Acteurs fapphquent a divertir i' Aflemblée par des mots bouffons qu'ils adi tfl'ent aux Spedateurs, au nom des Femmes & des Hommes quiformcr.t la danfe. ^ Undes plus finguliers divertiflemens des Siamois, eft la courfe des Boeufs. O.i marqué un terrein long de cent toises, fur deux de largeur, auquel quatre troncs d'arbrts, plantes aux quatre coins, fervent de bornes. C'tft autour de ces borncsque fe fait la courfe. Du milieu de cet efpacë, féieve un échafaud, fur lequel fe placent les Juges , & vis-a-vis eft un poteau , du piéd duquel doivent partir les Boeufs. Quelquefois ce n'eft qu'un Bceuf, qui court contre un autre Boeuf , & tous-deux font ronduit par des Hommes, qui courent k-pièd, & qui les tiennent par une corde paflée dans les naseaux. D'autres Hommes, aumilieu de la courfe relaient les premiers: mais la courfe la plusordinaireeftd'unepairede Boeufs, a une charme, contre une -autre paire de Boeufs attelés de-même: &: il faut que pendant la courfe, des Hommes foutiennenr chaque charrue enl'air, de facon qu'elle ne puifl'e toucher la terre, tandis que leurs Camarades conduisent les Boeufs avec la corde. Ces Hommes font relevés par d'Autres ap-mdieu dc la courfe. On emploie aces fortes de courfes depetits Béeüfs qui ne laiflent nas d'étre agiles, qui font nourris & dreflés particulièrement pour cet exercice , dout les Seigneurs  Indïs. i 394 [A] Siamois font leur prineipal amusement, & gul, comme en Angleterre aux courfesde chevaux, oceasionnentdesparis fort-confiderables. Quelquefois ce font des Buffles, aubeu de Boeufs. LesSiamois ont leurs Athlètes, qui luttenc a coups-de-coude & de poing; ilsfe garniffentla main avec trois ou quatre tours de corde, qui leur fert de gantelet, lorfqu,1 eft queftion du dernier exercice. « Ces Idolures font palfionnés pour Ie jeu , & lotfqu'ils trouvent occasion de fanfare cette fureur effrénée , ils y facrifient, fans jeflexion, toutes leurs riclieffcs, leur überté, &ceüede leursLnfans. Leurs jeux fayoris font le tric-trac & les échec. Ils aiment les illuminations, & en-exécutent fouvent comme les nótres, en foivant I'ordre d'architeéture de Ia tacade d unpalais ou d'une maison ; mais les plus fuperbes font celles ou ils emploient des lanternes, ou de grands globes de come tranfparente comme le verre, & quefques-autres d une efpèce de verre fair avec les cendres de paille-dè-riz. Lelégiflateur^^Wpartagea fa Nation en quatre caftes qui font les Bramines, ksScttréas, ksVeinfjas, & les Soudras. II y en-a une cinquième composée de la plus vile portion du Peuple, fi méprisée, qu'on ne daigne pas mi accorder le nom de Caftc. Les Bramines tiennent le >rem.er rang; le Védam, qui eft le Livre de Ia loi ce L.vre par excellence, leur accorde Ia prérogative de n'être amaispunis dé mort, pour quelque cnméquecefoirj, Tuer mBramine, eft un des cinq péchés dont on obtient que diffi:i!ement Ia rémiffion; & Celui qui f'en-rend coupable loit etre condamné a un pélefinage de douze années a denanderl'aumónependantcetemps, & a neboire&manger luedans le ciine du Bramine tué. Cette pénitence accom'he, I'Afiacin eft encore obligé de batir un temple en honneur d'Efwara. Si Ie Bramine avait été tué a la guerre  ? . , M 395 f CnmC fan^ n^™nd, la punition ferait moins rigouÏÏV /fttréaS co^POsentla feconde Cafte; c'eft la Nobleffe du Pays: elle était autrefois feulement divisée en deuxFamilles, qui ont enfuite produit plusieurs branches H 3VeC i qUelleS ,CS Premières »e f'a!lie" , pour conferver a pureté de leur origine. C'eft » la Cafte des SetreasqueftconfiéeladéfenfeduPavs, le gouvernement civil, & hmportant foin de veiller a la fubfiftance des Brammes. Ces Nobles, fans fe dégrader, ne peuvent fe per d aucun commerce; ils doivent vivre des revenus de kurs terres; & ff] arrivé qu'ils ne puiflent fuffire pour eiever lem- nombreuse Familie, les Enfans font obligés de fervir les Riches en qualité de Soldats; mais fl ne leur eft pas permis dembraffèr une autre profeffion. La troisième Cafte eft celle des Veinfjas: ce font les Marchands du Pays entre les mams defquels eft tout le commerce. Ceux-ci ' de-mêmeque lesBramines, f'abftiennentde tout cequi aeu vie: auheu que la feconde & Ia quatrième Familie mangent md.fferemment du poiffon & de Ia chair, excepté celle de |ehe, mterd.te a toute la Nation , peuc_être moins TuperftKion quepar un principe de politique , vu que iJM eft de tous les Animaux celui qui rend aux Indes ie plus grands fervices. Le Peuple forme la Cafte des >oudras, qui eft fobdivisée en prefqu'autant de branches lud ya de metiers différens, dont le nom diftincfif eft |e de Ia profeffion qu'elles exercent. Après ces quatre bmvlles , on en-nomme une-autre, mais avec laquelle la feuonennere ne daignepas communiqué,-; ce font les Urreas. Ces Malheureus font «gardés comme impurs ; ds font etabhs dans les Villes , ils doivent occuper un uart^ fepare; fils habirent la campagne, il faut que |rs Villages foient fitnes a une cemine diftauce des autres  S96 M Villages, 5cqueleurs puitspuiflent êtrereconnus aquelques os femés autour. II leur eft défendu de paffer dansles rues ou dans les Villages des Bramines, devisiter les temples de Viftnou Sc d'Efwara. Les Perréas font tous pauvres; ils «ragnent misérablement leur vie a retourner la terre , a creuser des foffés, & a d'autres travaux plus-vils encore. Ils ne fe font aucun fcrupule de manger la chair de tous les Animaux indiftinctement, fans en-excepter la Vache; & quand les Bramines ne fe croiraient pas autorisés par d'autres raisons a les mépriser, cette feule circonflance Vuffirait. Cependant au-milieu de cette horreur publique qu'ils infpirent, les Perréas f'eftiment les premiers de la Nation; ils déteftent une-autre portion de Citoyens fortis : de leur Familie, qu'on appelle \esSiripens, & qui prerque tous font ou tanneurs ou corroyeurs. Les Perréas fe croi- • raientdeshonorés fils mangeaient chés un Siripère; & ce ■ qu'il ya de fmgulier, c'eft que leSiripère convient de fon in-, fériorité, qu'il a un refpect profond pour le Pen éa, tientt fes mains hautesloifqu'il levoit, 5c n'ose f'affeoir devant lui., Quand cet infommé Siripère fe marie, il ne lui eft pas1; permis d'élever a fa porte un panda! ou berceau de verdurei qui ait plus de trois pilliers; tandis que le refte de la Nation peut augmenter ce nombre a fa vo'onté. Si un Artisan: de la quatrième Cafte vient a mourir, 5c que laFamill© veuille faire la dépenfe d'avoir des Sn ipères a fes funérailles j ils doivent y venir, Ja barbe coupée , 6k fuivre le corps, moyennant un habit & une pièce de monnaie de la valeur d'environ fept fous de France. ^ Lorfqu'une Femme a promis folemnellement de fe bruler avec le corps ie Ion Mari, on la pare de fes plus riches habits; enfuite, au fon des inftrumens, elle eft placée fur une chaise , devant lal porte de fa maison. Tous fes Parens 1'environnent, lui  [A] 397 présentent le bétel, & 1'entretiennent du bonheur dont elle va jouir, dans la crainte qu'elle ncfe repentedu facrifice qu'elle eft prête a confommer. On a foin de mêler au bétel une certaine drogue qui aflbupitlesfens, Sc lui óte lefentiment de fon état. Lorfque tout elt pret pour la cérémonie, le convoi fe met en-marche; la Femme fuit a piéd, avec fes Parens Sc fes Amis; elle porte au cou une petite Idole, Sc tient dans fes mains, d'un cóté un citron, Sc de 1'autre un miroir, ou , felon la Calte dont elle eft, des fleurs rouges. Arrivée a 1'endroit oü le corps doit étre brülé, elle fe dépouille de tous fes bijous , Sc va fe baigner dans un étang, tandis qu'un Eramine récite des prières, 8c qu'on diftribue des aumónes aux Pauvres. Au fortir de 1'cau , la Femme fe couvre d'un fuaire de toile jaune, Sc f'achemine du cóté de la folie. C'eft un trou affés profond , dont la terre a été jetée en monceau fur une feule face; il eft rempli de bois, Sc le cadavre eft aux trois-quarts confumé, lorfqu'elle arrivé. Une natte, tendue exprès, lui dérobe cet effrayant fpectacle. C'eft alors que la Viétime, après avoir dit adieu a fes Parens, du haut de cette monticule de terre, fe précipire dans le brisier, tenant un pot plein d'huile, 8c en-invoquant le nom de Dieu. Dans le même inftant, la fofl'e eft remplie de bois jufqu'a la hauteur de fix piéds, Sc on 1'arrose d'huile 8c de bsurre , pour donner plus de vivacité au feu. Quelquefois les Efclaves fe brülenc avec leurs Maitreffes. Telles font les circonftances qui accompagnent cet étonnant facrifice, usité dansles trois Cafies inférieures: les Femmes dc la première Cafte fe placent furie bucher, a cóté de leur Mari; enfuite on élève du bois en pyramide pardeffus elles, Sc 1'on y met le feu. D'autres-fois, c'eft dans une cabane defeuiilages que la Femme fe brule , Sc alors, elle met elle-méme le feu au bucher avec un ham-  19* [A] beau. Soit que Ia Femme fe bi üle, foit qu'elle f'enterre avec fon Mari, les prépatatifs font a-peu-près les mêmes. Si elle f'enterre, on la conduit en pompe a la folie, elle y defcend, f'affiéd fur un banc de terre, pratiqué a cet eff et fous une efpèce de voüte, prend le Moi t dans fes bras, brüie quelques grains d'encens, fe parfume le corps, 8c attend tranquilement que 1'on rempliflè la folTe de terre , jufqu'aux approchesdu cou. Alors deux des Alfiltans tiennent en-l'air un tapis, pour empêcher les Femmes de 1'Affemblée de voir ce qui va fe paffer. On fait prendre a la Veuve du poisondans une coquille, 8c enfuite on 1'érrangle, mais avec tant de dextérité, que Perfonne ne f'en-apercoit. Les ci is que le Peuple poufle dans ce moment, lebruitdes tambours Sc le fon des inflrumens qui neceflènt de frapper Pair pendant cette afneuse cérémonie, étouftent ceux de la Viclime. Pour perpétuer cette coutume baibare (autrefois prefque générale parmi les Nations demi-fauvages), les Bramines ontdéclaré infameslesEpouses qui refuseraient de f'y foumettre. Elles doivent renon:er au mariage, a 1'usage du bétel, fe priver de porter de pierreries, 6c fe couper les cheveux. Plus d'honneur a prétendre pour elles, plus de bien qu'il leur foit permis de poflëder , pas même une portion de ceux du Mari; elles deviennent en quelquefacon efclaves de leur Fils-aïné, qui représente fon Père. Si la Femme n'a que des Filles, c'eft le Frère du Mort qui eft 1'héritier légitime , Sc il ne doit aux Filles 8c a leur Mère, qu'un fimple entretien : ajoutonsace mépris auquel les Femmes qui ne fe briïlent pas font exposées, a cette vie languiflante qu'on leur fait prelfentir , tout ce que la fuperftition peut leur fuggérer de plus-flateur; une felicité fans mélange auprès de Brahma; la gloire de fauver 1'ame de fon Epous des peines de 1'enfer; la vanité de vivre longtemps  M 399 ïongtempsaprès fa mort dans la mémoire de fes Concitoyens: avec un-peu de connaiffance du ccèiè humain , on ne f'étonnera plus q.ue ce cruel usage fe foit perpétué jufqu'a nos jours, dans un Pays auffifuperfticieus que les Indcs. II ferait affésdifficiled'établir un caractère national entre les divers Peuples qui habitcnt les vaftes États du Mogol. Chacun a fon caratfère particulier, & dans chaque province les mceurs, Les usages & les coutumes ne doivent pas être uniformes. Cette différence eft d'autant plus fenfible, qu'il fe trouve dans cette grande Nation, d'autres Nations qui f'y font incorporées, & qui confervent aumilieu d'elle leurs vices, leurs ridicules & leurs fuperftitions. On peut diviser les Mogols en Mahométans ou Marnes, fcenPayensouGentils, de différentes fectes. LesMaures Indiens ont en-général les maniéres nobles & polies , la converfation agréable. IJisfontnaturellement graves, doux obligeans. L'incefte, 1'ivrognerie & Ia turbulence, font des vicesqu'ils ont emhorreur; mais ils font voluptueus, & ne dédaignent pas de boire en-fecret des liqueurs fortes,' & toutes les préparations qui peuvent excitera l'amour. Leur taille eft bien-proportionnée; ils font robuftes & lelies , & la couleur de leur teint eft plus basanée q,ie bianche! L'habit ordinaire des Hommes conlifte en une longue robe d'étofe de coton, d'or oud'argent, qui pend jufqu'au milieu de la jambe, & fe ferme antourducou. Sous cet habit on porte une vefte de foie a fleurs, quidefcend feulement a la cuiffe, la culotte eft longue, & tombe jufqu'a ia cheville du piéd. II y a quelque différence dans 1'habillement desGuzarates, qui fuivent Ia mode desPerfans; mais tous ont de larges fouliers, nommés féripous, qui font ordinairement faits d'un cuir-doré, & qu'ils peuvent óter & reprendre avec facilité. Leurs turbans font quelquefois II Part. Cc Mogoï.'  4oo [A] composés de vingt ou trente aunes de toile de coton rayée d'or & de foie, qu'ils favent arranger autour de leur tête: ils ont communément deux ceintures 1'une fur 1'autre, avec un riche fyinder ou fabre, pafie au cöté-gaüche. Les Filles & les Femmes des Maures portent autour du corps un grand morceau de fine toile de coton,,' qui fait trois ou quatre tours a la ceinture , & qui pend enfuite jufqu'aux piéds. Sous cette toile, elles ont un calecon d'une étofe légère: de la ceinture en-haut, elles font ordinairement nues chés elles; mais lorfqu'ellesfortent, ellesjètent négligemment une efpèce d'écharpe fur leurs épaules , deforte que ces deux habillemens qui voltigent fans-ceffe, ne dérobent prefque rien de leurs charmes: leurs cheveux , qui font ordinairement noirs, font arrangés avec art & noués en boucles fur le dos : les Femmes en-public ont toujours le visage couvert d'un voile de foie, excepté Celles du Peuple. frfLes maisons des Maures font vaftes & divisées en plusieurs appartemens, avec leurs chambres &. leurs falies: celles des Riches ont de fuperbes jardins, accompagnés de bains commodes, de cabinets, & de tout ce que le luxe & la moleffe ont pu imaginer, pour fe garantir des chaleurs. Ordinairement elles ont des toits en-terraffes; les murailles en-font de terre & d'argile , mêlées enfemble & fèchées au foleil: on a grand-foin de les enduire d'un mélange de chaux & de fiente de Vache, qui fert a les préserver des Medes, & pardeffus lequel on paffe une forte de vernis, fait d'herbe, de lait, de fucre, & de gomme. Jene parlerai pas des richeffes que recèlent ces batimens : on y trouve tout ce que la Chine, le Japon , la Perfe & les Indes, peuvent offrir de plus fuperbe, de plus délicat & de plus précieus. Les maisons des Pauvres ne font batbs que d'argile 5e de paille, & couvertes de roseaus. Le  CA] ^Qj fafle des Grands-feigneurs Maures efl porté au-deia de CC qu on peut imaginei, Comme ils ont plusieurs Femmes, efles o.entavou-un appartement particulier, & Chacune eft fei vie par fes propres Domeftics, qui n'ont rien decommun avec Ceux duMaitre. II n'v a point d'Hommeiiche qu, n entretienne a fa folde un grand-nombre d'Offioers&de Gardes. LesEunuques, lesValets, lesEfclaves lesC0lireilrS) ,esCharretiers, les Coupeuse bois, les' Palfreniers lesPorteurs-de-palanquins, font quelquefois au nombre de xcents. Tous ces Gens font fuperbement vetus, & c eft dans cette étonnante fuite qui précède & fuit tous es,oursleSeigneurMaure,queresidefavanité. Lorfque les Mogols vont en-vovage, ils fefervent com. munementde voitures tirées par des Boeufs; maisCeuxqui veulent fe d.ftmguer, fe fervent de palanquins, portés par fix ou buit Hommes, felon la longueur du chemin. Kien «eft plus commode que ces efpèces de litières; on peut v bo.re y manger, ydormira fon aise , &mémeyrcce- vo.r fes Amis ou fes Femmes. Ordinairement on fe fait accompagnerpardesMusiciens. i^L'usagedanslesIndes ïlt °U, r TT °U Mes^> en-croisant les jambes, mais lorfque les Mogols traitentdes Étrangers ils ont la politeflë de leur faire donner des fiéges. Les feffins font une des principales parties de leur dépenfe; ils font fomptueus & délicats. L'usage eft que le Maitre de Ja maison fe place fur un tapis vis-a- vis de fes Conviés & qu'alors le Maitre-d'hötel mette devant Chacun d'eux en-particulier toutes fortes de méts, des confitures Sc des f mts. Les Enfans des Perfonnes riches font élevés dans deS écoles pubiiques, qui font tenues par les Mullahs ou Deflervans des mofquées. Ils apprennent a lire, a écrire 6c fur. tout a bien enrendre 1'Alcoran. Quefques-uns C c ij  402 [A] prcnnentdes lecons de philosophie, de rhetorique, .de médecine, depoésie, ffaflronooüc * de ^ Enfans desPauvres croupiffent dansl ignorance , & fuwent hprofcffionde leursPères; ainfi le Fils d'un Soldat denent foldat; Celui d'un Porteur-de-palanquin, qui ne gagne oue la valeur de deux ou trois fous par jour, embraife la profeffion de fonPère, ckn'afpire pas aune condition p. as élevée • ce qui éteint 1'émulation , & maintiendra eternellementcesPeuplesasiaticsaudeflbusdesEuropéansjchesnouslesEnfansdesPauvresfontlesplus-induftrieusAdeviennent fouvent les plus-utiles des Citoyens: Parmi les Mogols ce font des Brutes. Quoi1He ce ne f°l£ paS ^ de traiter de la religion de Mahomet, je ne puis me difpenfer derapporterquelquescérémoniesdesmariages dudivorce, & des funérailles des Mogols Mahométans. Dans l Inde , les Enfans font fiancésdès fagedefix afept ans,, nais le mariale ne doit être confommé que par 1'ordre du Père & de la Mère, ou lorfque le temps eft indiqué par la nature La permiffionaccor^^ poffible, ou fi 1'éloignement eft trop.confiderable fi.r fe bord de quelque rivière, on la pare, & 1 on n oublie ni les fleurs ni les parfums. LeFutur, accompagnede tous f Lis, &d'une-nombreuse fuite deDomeftics, fort de chés lui, monté fur un cheval fuperbement caparaconne & au fondesinftrumens, il parcourt les principales niesde h V He; enfuite il fe rend a la porte de fa Preten ue : le Parens qui 1'attendent, le conduisentdans une falie ou il prend place fur un riche tapis. Un Mullah recite quelques nrières & le Cadi recoit le ferment du Nouveau-mane , cui jure, que fil répudie fon Épouse , il lui refiituera fa dot. Se cérémonie eft terminée par un feftin. Un Homme peut, fuivant la loi, épouser autant de Femmes qu il eft en.  [A] 403 état d'en-nourrir, & de-même elle lui permet de les congédier, en leur rendant ce qu'il a reen d'elles. L'adukère eft puni de mort, & le fupplice eft de fendre la Femme endeuxd'un coup de fabre. Lorfqu'une Femme peut prouverquefon Mari ade mauvaises-facons pour elle, & qu'il 1'a battue, elle Fadreffe au Juge, qui prononce la féparation, & alors elle emmène fes Filles avec elle; les Garfons reftent au Mari. II y a des Seigneurs, & même de riches Négocians, qui ont des Femmes dans tous les endroits oü leurs affaires les appellent. Ces Femmes font enfermées & gardées par desEunuques & desEfclaves: on ne doit pas douter qu'elles n'emploient toute l'adreiTe poffïble , pour attirer leurs Epous dans les endroits qu'elles habitent. Lorfqu'un Musuiman eft expii é, les Femmes, les Parens, les Enfans, lesDomeftics, & même les Voisins, font pendant trois jours retentir Pair de leurs cris. Enfuite on lave le corps, on 1'enfevelit dans une toile fine, & on ne manquede le parfumer. Ou appellequelques Mullahs qui viennent tourner plusieurs fois autour du cercueil, & réciter plusieurs prières. Ceci fait, huit Hommes vêtus de blanc, portent le corps a la fépulture. Les Parens fuivent deux-a-deux, & avec beaucoup dc modeftie. Le cadavre doit être posé du cóté droit dans le caveau, les piéds tournés vers le midi, & le visage vers 1'orient. Tous-ceux qui ont aftifté a cette lugubre cérémonie , doivent fe laver foigneusement. f£|» Les Banians vivent parmi les Musulmans, a-peu-prés de la méme manière que les Juifs fe component au-milieu des Chretiens. Ils ont naturellementplusde modeftie, dedouceur, d'humanité & de bonne-foi que les autres Indiens. Appliqués tout-entiers a leur négoce & a faire fleurir leurs manufa&urcs, ils amafient des richefies immenfes, & foo j C c iij  * Tout 1'or qui va aux Indes orientales n'eru fort jamais. 404 [A] ordinairement les plus fiYrs, les plus intelligens, & les pluS idroits commercans des Indes. II n'en-eft point qui n'exerce quelque profeffion utile. Tous font banquiers , joyaliers, écrivains, teneurs-de-livres, & courtiers: leurs correfpondances embraflent laPerfe, la Chine, le Japon, les Indes, & ne fe terminent qu'a Conftantinople. Aumilieu de 1'opulence que procure aux Banians leur induftrie toujours aétive, on ne doit pas f'étonner fils vivent avec autant de magnificence que les Mahométans: auffi leurs maisons font-efles propres & commodes, leurs meubles riches & précieus, & leurs Domeftics nombreus & bien entretenus. II eft vrai cependant que leur fortune ne les garantit pas du mépris que conferve pour eux le Chef de la Nation. Ils font libres de fe livrer a toutes les extravagances deleur culte fuperftitieus, mais le Souverain leur fait payer-chèr cette permiffion , & ce n'eft qu'a-force de présens & en-payant de lourds tributs, qu'ils parviennent a jouir du repos. Ce font des éponges qu'on laiffe remplir, & que les Premiers de 1'État preffent dans leurs besoins, ou dans 1'effervefcence de leur avarice. Aurefte, on peut dire que fil n'y avait point de Banians dans les Etats du Mogol, il n'y aurait ni Commercans, niOuvriers, & qu'on ferait privé de ces belles étofes de foie, de ces fines toiles qui fe diftribuent dans tous les' pays, & qui féchangent, peut-être follement, contre tout 1'or de 1'Europe*. Les Banians portent des habits blancs. faits d'une fine toile de coton : leurs turbans n'ont pas la grandeur de ceux des autres Indiens, & leurs culottes font plus courtes ; ils ne fe font point raser la tête. Les Femmes font vêtues d'une toile de coton fi fine, qu'elle en-eft tranfparente : cette efpèce d'habillement leur defcend jufqu'a moitié de la jambe, & vers les reins il eft attaché avec un cordon: 1'été elles  L"A3 405 portent des fabots, & I'hiver elles ont des fouflèr's de cuir doré, ou faits de riches étofes. Les Enfans vont exaaement nuds jufqu'a fix ans. Les Banianes ont la physionomie agréable, les cheveux noirs & longs , attachés en-boucles par-derrière, avec un ruban. Leurs dents, qu'elles noirciffent, lesdéfigurentbeaucoup aux ieux des Européans. Le Roi de Ceïlan eft defpotic, ainfi que tous les autres Monarcs orientaux. Le refped de fes Sujets pour lui eft une efpèce de culte religieus qui va jufqu'a 1'adoration ; on ne peut approcher de ce Prince , on ne peut même le regarder, a-moins que fpccialement il ne lc permette: alors il faut fe profterner le visage contre terre, & obferver en fe retirant d'avok la face tournée vers lui! Lorfqu'un Chingulais parle de I ui-même a ce Maitre orgueilleus, il neditpoint, r ai fait, j'aidit, mais, le Membre d un Chien af ait, ou a dit; fi dans le difcoursil fait mention de fes Enfans, il dit, les petits Chiens, & fi le Roi lui demande combienil en a, ilrépond, tant de Chiens & de Chiennes. Cette étiquette deshonorante pour 1'humanité, f étend fur tout ce qui appartient au Monarc de Ceïlan: le Peuple doit fe lever lorfqu'il voit paffer quelques parties de fes vétemens, ou fon linge fale que chaque-jour on envoie nétoyer i Ceux qui en-font chargés le portent élevé fur leurs mains & couvert d'une toile peinte, & Chacun fe profterne: un fi étonnant orgueil dans le Maitre, une telle baffeffc dans lesSujets prouvent que 1'ün eft un tyran, Sc les Autres des Efclaves. Le Roi de Ceïlan a de la religion parpohtique, parce-qu'elle fert de frein a fes Peuples, qui le craignent & dont il fe défie; mais comme il ne peut mfpirer le fentiment de l'amour, il n'a d'affeclion pour Perfonne, & la terreur qui fait fa füreté, eft lame de fon gouvernement; malgré cela, le Royaume a fes lois & C c iv Ci.lI.AN,'  4o6 [A] fes maximes, qui maintiennent la tranquilité de la Nation i tout autant de temps que le Prince veut bien oublier qu'il eft defpotic. LePcuple eft partagé en différentes claffes; les Hondreous composent la première , qui eft celle de la Haute-noblefl'e: Hondreous eft tiré du mot Hondreoune, titre que prend le Roi de Ceïlan , & qui revient a celui de Majefté ; c'eft dans cette Clalfe que le Monarc choisit fes Grands-officiers & les Gouverneurs des Provinces. Les Hondreous font diftingués du commun du Peuple par leurs habillemens, qui viennent jufqu'a la moitié de la jambe: les Femmes de cette Clalfe portent lesleursjufqu'aux talons, & en-font paffer un bout fur leur épaule , qu elles hiffent tomber négligemment fur leur fein. Les autres Femmes Chingulaisesfont nues jufqu'a la ceinture, & leurs jupes ne doivent pas paffer le genou, a-moins qu'un froid extréme ne les oblige a fe couvrir toutes les parties du corps; maispour-lors, fi elles fe rencontrent en la compagnie des Nobles, elles doivent leur faire excuse de cette incivilité. On diftingue encore les Hondreous par leurs bonnets bleus ou blancs, faits en-forme demitre, avec deux longues oreillesélevées; Ceux d'une naiffance inférieure ne peuvent adopter ces couleurs. En-général tous' les Habitans de 1'ile de Ceïlan font noirs; mais comme parmi eux il y a beaucoup de blancs, Ceux ci font réputés Hondreous, & jouiffenta-peu-près des mêmes priviléges; cependant comme les Blancs ne font pas de difficnltés de manger du Bceuf, & qu'ils négiigent de laver leurs mains, après avoir fatiffait a leurs besoins naturels, il y a quelques reftriétionsdans les honneurs qu'on leur rend : audeffus des Hondreous font les Mundiana: mais le Roi eft avare de ce titre; il ne 1'accorde que raremcnt, & jamais a plus de deux ou trois Officiers ala-fois. C'eft une efpèce de chevalerie, dont la marqué  [A] 407 confifte dans un petit morceau d'étofe de foie, 011 dans un rubanbrodé d'or ou d'argenr, qu'on porte au bonnet. LesOrfèvres, lesPeintres, les Taiilandiers, les Charpentiers font égaux entr'eux, & forment la Claffe qui fuit celle des Hondreous; mais ils ne peuvent f'allicr avec eux: autrefois les Taiilandiers pouvaient traiter chés eux les Nobles; mais depuis qu'un Hondreou fe vit forcé d'attendre qu'un Taillandier eut achevé fon repas pour en-obtenir quelque travail, ils ont perdu cette prérogative : cependant ils n'enfont pas moins orgueilleus, & la nécefllté oü font les Autres d'avoir recours k leur induftrie, les fait traiter par Ceuxci avecle plus grand ménagement. Un Taillandier eft tranquilementafïïs devant fon enclume, & Celui qui 1'emploie eft obligé de foufRer Ie feu, debattre enfuite le fer avec un gros marteau , tandis que 1'Artisan dirige 1'ouvrage & ne fait que lui donner la perfection néceffaire avec un léger marteau qu'il tient a la main. Le raccommodage des outils eft payé en grains, au temps de la moiffon, & le prix des inflrumens neufs efl acquitté en volaille, ou autres provisions. Ceux qui ont besoin de ces Ouvriers , doivent leur apporter du fer & du charbon. Les Barbiers composent la fixicme Claffe: Ceux-ci ne peuvent manger avec Ceux des Claffes fupérieures,- ni fafTeoir fur des chaises; ils portent des camisoles, efpèce de vêtement défendu aux Poeiers, qui les fuivent: viennent enfuite les Lavandiers, lesTilferans, qui font aufli Aftrologues; lesKildoas ou feseursde paniers , de vans , de lits & de chaises; les Nattiers, qui n'ont pas le droit de fe couvrir la tête; les Gardes d'Eléfans ; lesJaggeris, qui font le fucre, & enfin les Poddas, qui forment le dernier ordre du Peuple. Jamais les Ouvriers d'une Claffe ne paffent dans un;-autre; le Fds embraflè le métier du Père, & la Fille nefe marie qu'a un Hommede  bé * T oi imbéci'e, qu'avaient t auffi les Egypriens, & qui dohcn faire rabbatre fur lafagellequi leur eft attribuee. ** Voila nncloibien«ügne d'un Tyran, auffi méchant , que borné ! ïl charge fon Peuple de jiourrir des Fainéans & condamné a i'infamiedes Étrcs qui i.'exiftaient pas ! A quels excès ont conduit les faulies idees d'une reliszion follei" 408 [A] fa tribu *. Ilyaune une partie affés fingulière de la Natiom; «ui forme un Corps féparé: ce font les Gucus, dont jadis lesAncêtres, pour leurs mauvaises aétions, ont été réduits par les Scmverains de Ceïlan au dernier degré de rabjeélion Sc du mépris. Ces Gens, dit-on, étaient des Chaffeurs , obligésde fournir de venaison la tableduRoi: umjour ils lui présentèrenr, aulieu de gibier, de la chair humaine, & ce Piince, 1'ayant trouvée excellente, exigea qu'on lui enfervit continuellementdepareille ; le crime fut enfin découvert, Sc leRoi en-eut une telle horreur, que ne trouvant pas que la mort fut un chatiment affés terrible pour punir ce forfait, il ordonna que tous Ceux qui exercaient alors cette profeffion, feraient de génération en génération condamnés a. demander 1'aumóne pour fubfifler, privés de tout commerce avec les autres Citoyens, incapables de pofféder des biens, & a-perpétuité regardés comme des infimes**: depuis ce temps, ces Malheureus mendient dans les Villes & dans les Campagnes. Ils fe tótiffent des cabanes fous des arbres, dans des lieux peu-fréquentés, & font exempts de tous droits. Les Hommes portent leurs bagages & leurs aümens aubout d'un bkon : les Femmes danlenr Sc exécutent mille tours de foupleffe, ei>demandant 1'aumóne; ce qu'elles font avec tant d'importunité , que pour 1'en-délivrer, on eft obligé de leur facrifier quelques piéces de monnaie. Comme les Gueus font condamnés & donner a tous les Chingulais les mêmes titres que Ceux-ci donnent au Roi, ils font prodigues d'éloges, Sc n'appellent les Hommes qu'altefiè Sc majeflé, les Femmes que reine & eomteffe. Sous les plus grièves peines, il eft défendu de les maltralter; mais comme on fe croirait fouillé, fi 1'on était touché par Aucund'eux, on prend le partideleur accorder. promptcment leur demande, afin de ies éloigner. Enfin3  [A] 40? cesVagabonds font dans une telle exécration a, Ceïlan, qu'on ne leur permet pas de puiser de 1'eau dans aucun puits, & qu'ils n'ont que la rivière pour étancher leur foif: on dit qu'ils poulfent la dilTolution jufqu'a fe mêler indillinctement, comme des Bêtes, avec leurs Mères ou leurs Filles. Lorfque, pour de grands crimes, le Roi condamné au der* nierfupplice les Premiers de la Nation, il abandonne leurs Femmes & leurs Filles aux Gueus, & ces Infortunées ont une fi grande horreur pour ce genre de punition , qu'elles préfèrent d'étre précipitéesdans la rivière. Le gouvernement de la Nation eft entre les mains de deux Juges fuprêmes, qui fe nomment Adigars; c'eft a leur tribunal qu'on appelle de tous les jugemens des Gouverneurs particuliers des Villes & des Provinces, qui ont fous eux des Juges, répandus dans lesBourgs&|les Villages: en-fupposant qu'on fe croye lèsé par les décisions de ces différens Juges & des Adigars, on peut appeler au Prince même, & on le fait en fe profternant devant lui, lorfqu'il fort de fon palais: mais cette voie eft fouvent dangereuse; il rive fouvent que le Monarc de mauvaise-humeur, fait prendre lePIaignant, le faitfouetter & jeter en prison, fans f'informer de fon affaire, ni du fujet quile force al'importuner. LesPremiers-juges font ordinairement les Chefs de 1'armée ; les Autres commandent fous eux un certain nombre de Soldats. Lorfque les GrandsSeigneurs du Pays font auprès du Roi, on leur donne le titre d'Ouffai, qui peut revenir a celui de Meftire; lorqu'ils font éloignés de la Cour, on leur accorde feulement ceux de Sibatta & de Difhoudren, qui revient a feigneurie ou excellence: ils ne marchent jamais fans f'appuyer fur un Ecuyer: 1'Adigar eft toujours précédé d'un Officier qui fait claquer un fouet, pour avertir le Peuple de fe ranger : ces Favoris du Prince font d'autant plus portés a fe culbuter les  410 M Uns-les-Autres, qu'ordinairement Celui qui écrase fon Rival, obtient la confifcation de fes biens. La véritable force du Royaume confifte moins dans le nombre de Soldats qu'il tient fous fes drapeaux, que dans les fortifications qu'il a recues de la Nature. Le pays eft hériflë partout de montagnes efcarpées, ; dont les ouvertures font aisées a garder : des barrières d'épines ferment toutes les avenues qui conduisent aux Villes, aux Bourgs, a toutes les grandes routes & aux chemins-de-traverfe; ce font des pmtesartiftementfaites, armées depointesde trois &: quatre pouces, quifelèvent & fabbaiflènt pour laifl'er paffer les Voyageurs; c'efl-la qu'on fait une garde exa&e, & qu'on ne peut paffer fans être mimi d'un efpèce de fceau , qui porte 1'empreinte de la profeffion du Porteur: fi c'eft un Soldat, le fceau porte la figure d'un Homme armé avec une piqué fur fon épaule: fi c'eft unLaboureur, fon fceau représente nn Homme portam: deux facs aux deux bouts d'un baton : fi c'eft un Blanc, 1'Homme a 1'épée au cóté & le chapeau fur la tête. Les Soldats font répandus dans tous le Pays, & fe fuccèdent ordinairement de Père en Fils, fans être enrólés; ils n'ont point de paye, mais ils jouiffentdu revenu de eertaines terres, qu'on leur óte quand ils manquent a leur devoir, ou lorfqu'ils fe retirent du fervice: alternativement ils viennent a la Cour pour la garde du Prince. L'épée, la piqué, 1'arc, les flèches & de bons fusils font leurs armes ordinaires. Aulieu de rentes, ils fe fervent de feuilles de talipot, qu'ils trou vent fous'jleurs mains dans que! que partie de 1'ile que ce foit; ils les étendent fur des pieus, & elles leur fervent de tok. Les Chingulais ignorent 1'art de livrer bataille en rase-campagne: leur facon de combattre confifte a dreffer des embufcades a PEnnemi, a défendre les défilés, a fuir, a fe cachcr, a revenir, & k efcarmoucher fans-ceffe.  [A] 411 S'ils n'ont pu confervcr leur cótes, parce-qu'elles font trop découvettes, aumoins ont-jls jufqu'a présent empêché les Portugais& les Hollandais de f'établir dans 1'intérieurdu Pays. Les guerres qu'ils ont foutenues contre ces deux Nations les ont agguerris, & ils ont maintenant quelqu'idée de notre difcipline militaire. On diftingue dans 1'ïle deux fortes d'Habitans, les Uns font nommés Wadas, qui pourraient bien tirer leur origine du Peuple-chalfeur dont je viens de parler; ils font répandusdansplusieursProvinces, vivent dans les forêts, & fe conduisent par des lois particulières: une partie efl foumise au Roi deCandi; 1'autre efl: indépendante , & ne fe nourrit que de ce qu'elle tue 2 la chafle. On trouve ordinairement cesSauvages fur le bord des rivières, oü ils paflent la nuit a 1'abri de quelqu'arbre, avec cette feule précaution , qu'ils placent autour d'eux des feuillages, afin d'étre avertis par le bruit de l'approche des Bêtes féroccs. La Nation principale efl: celle des Chingulais: on prétcnd avec aflés peu d'apparence, qu'ils font venus de la Chine: le Voyageur Knox contredit ce fentiment; mais il n'eft pas plus heureusalesfupposerfortisdes Malabares: en-général ils reffemblent moins aux Nègres de I'Afrique, qu'a de véritables Européans. Quoi qu'il en foit, les Chingulais font bien-faits, & même beaucoup mieux-propoportionnés que les autres Indiens; ils font trèsintelligens, graves, agiles & plein d'adrefle ; mais trompeurs, présomptueus & menteurs. Le larcin eft un crime prefqu'inconnu parmi eux, & pour lequel ils ont de 1'horïeur; quoiqu'adonnés a la débauche, ils nen-ont pas moins de refpeél pour la chafteté : la fobriété leur eft naturelle ; la douceur eft leur vertu favorite ; & en-général, on ne trouve rien de barbare dans leurs usages. Ceux qui habitent les.montagnes font plus-francs, moins-aftables envers les  4**' [A] Étrangers, que leurs Compatriotes, qui demeurent dans ki plaines & dans les vallées. L'habillement chingulais eft composé d'un morceau de toile qui entoure les reins, d'une camisblle pliffée au poignet & fur 1'épaule, &d'un bonnet avec des haures oreilles: un coutelas & un couteau font leurs armes ordinaires. Les Femmes font couvertes d'une camisole parfemée de fleurs rouges ou blanches, plus longue ou plus courte, felon leur qualité: un morceau d'étofe-defoic forme leur coifure, & elles/mt divers ornemens a leurs oreilles, autour du col, des bras & de la ceinture ; leur figure eft alfés agréable; elles font chaftes, ne craignent point de f'entretenir avec les Hommes & font laborieuses. Les Nobles portent deux camisoles 1'une fur 1'autre; la: première eft bianche, la feconde rayée, & foutenue par une ceinture rouge, dans laquelle pafte un couteau, dont Ie manche ell travailléfoit en or, foit en argent, & le fourreau chargé de ciselure; ils ne fortent jamais qu'avec une canne peinte a la main, & fe font fuivre par un Valet, qui eft nu-tête, & qui tient la bourfe oü 1'on met les feuilles de bétel. Les Femmes des Nobles font cntièrement couvertes de bijous, debraffelets, debagues, tant aux piéds qu 'aux mains; c'eft en quoi confifte le luxe des Chingulais; ils n'épargnent rien pour parer leurs Épouses, qui, nonplus qu'eux, ne fe fervent jamais de chauffure, parce-que cette diftinction eft reservée au Souverain. Les Débiteurs font traités fort cruellement dans 1'ile de Ceïlan. D'abord on leur donne des Gardes; fils refusent de payer, on leur charge fur le dos une groffe pierre qu'ils font obligés de porter, jufqu'a ce qu'ils aientfatiffait a ladette, & cepoids eft augmenté jufqu'a fon entière extinction. Quelquefois le Créancier ne ponvant rien arracher de fon Débiteur, il lui déclare qu'il eft dans la difposition de fempoisonner, fil ne  [A] 41? Ie paye. Cette ruse efl fans-doute le comble de la méchanceté; car fi Celui qui menace paffe aux eflets, & f'empoisonne, le Débiteur eft jugé homicide de fon Créancier, & doit donner fa vie pour la fienne. A la ville d'Achem, dans file dzSumatra, la loi contre les Débiteurs n'eft pas moins-rigoureuse: au terme fixé pour payer, le Débiteur eft appelé en juflice, & devant lui le Créancier eft obligé de lui prouver fon droit: le Juge alors prononce un court délai, aubont duquel le Débiteur eft condamné. Si par impoffibilité ou par obftination , le Débiteur ne f'acquitte pas, on lui attaché les mains derrière le dos, & en cet état on le laifle aler. Chaque jour, il faut qu'il fe présente devant le Juge , dans ce même état, & Celui qu} entreprendrait de lui déüer les bras, ferait jugé digne de mort. II arrivé que, fatiguéde ce tourmenc continuel, le Débiteur enfin fe déclare infolvable: pourlors il devient 1'efclave de fon Créancier, jufqu'au parfait paiement de la dette. Ce Tribunal, qui eft celui de la juftice civfie, fe tient lc matin; & celui de ia .juftice criminelle, qui connait de tous les meurtres, fe tient le foir: les Orancaies président alternativement a 1'un & a 1'autre. Le refpecl que les Achemois ont pour la juftice, doit exciter 1'admiration: une Femme, un Enfant peuvent arrêcer un Criminel, fans que Celui-ci fade le moindre effort pour fe tirer de leurs mains. II fe laifle conduire tranquilement devant le Juge, qui, fi c'eft une faute commune, lui fait donner fur-le-champ Ia baftonnade. Un-jour un Homme f'était avisé de monter fur le mur de fa maison , pour voir la Femme de fon Voisin qui fe baignait: cette Femme fe plaignit a fon Mari de 1'infulte qui venait de lui étre faite. Auffitöt cet Homme va chercher ce Curieus indifcret, & le traduit devant le Juge: le procés fut Sumatra;  * Confultex ici les Gynographts , pp. 4°7 & luiv. Tartarie 414 [A] bientöt terminé; le Coupable fut condamné k recevoir :rente coups fur les épaules. II voulut capituler avec 1'Exé:uteur, pour éviterlefupplice, & offrit fix pièces de monBaie: 1'Autre en-prétendait quarante, & tandis que lePrenier bataillait, il recut un coup, qui arrangea bientót le marché a vingt pièces , payables fur le lieu. Ces for tes 3e capitulations fe font a la vue du Tribunal, & quoique la fentence foit exécutée, elle 1'eft fi faiblement, que le baton touche a-peine les habits. II efl: peu de jours que le Roi i'Achem ne f amuse a faire couper le néz, crever les ieux , chatrer, couper les piéds, les poings & les oreilles l & c'eft alors que les Exécuteurs de ces arrêts font une bonne récolte. lis demandent au Coupable combien il veut donner pour être chatré proprement, pour avoir le néz ou le poing coupé d'un feul coup, ou pour recevoir la mort fans languir: 1'opération fe fait en-proportion de la fomme. Ces fortes de mutilations font rarement mortelles : on jète les parties mutilées dans la rivière, on étanche le fang, on bande la plaie ; & la guérison n'eft prefque pas douteuse. Aurefte, quelle que foitla fentence prononcée contre unCriminel, fitöt qu'il a recu fon chatiment, il n'eft pas permis de lui rien reprocher; il peut uier impunément Celui qui lui en. rappelleraitlefouvenir. » Tout Homme, dit 1'Achemois, eft fujet a faillir, & le chatiment expie la faute * ». Les Hommes font reftés k-demi-fauvages dansl'immenfe étendue de pays qu'on nomme la Grandc-Tartarit. Les Éluths, ou Kalmuks, en-font les principaux Habitans: Ils ont la tête grofle & large, le visage plat, le teint olivatre, les ieux noirs & brillans, mais trop éloignés 1'un de 1'autre, & peu ouverts, quoique très-fendus: ils ont le néz plat, & prefqu'au-niveaudu refte du visage; on n'en. diftingue guère que le bout, qui-f'ouvre par deux grandes narines  [A] 4!5 rizrines: leurs oreilles font très-grandes, & fans rebords, leurs cheveux noirs; leurs bouche eft petite, leurs dents bianches, & ie refte de leurs membres bien-proportionnés: ils n'ont que peu ou point de barbe , & ne confervent qu'une bouclé de cheveux fur le fommet de la tête. Les Femmes Kalmukes ont a-peu-près les mêmes traits, & ne manquent cependant pas d'agrémens. Une chemise de kitaïka, forte d'étofe qui vient de la Chine , & des hautes-chauffes de la même étofe, ou le plus fouvent de peau de mouton, mais extraordinairement iarges, forment tout l'ajuftement d'un Élutlu Quelques-uns portent feulement une vefte de peau de mouton, dont la laine eft en-dehors pendant 1'été; en hiver cet habillement defcend jufqu'au-milieu de la jambe, & Ia partie laineuse eft en-dedans. Un bonnet rond, couronné d'une touffe de foie ou de erin , d'un rouge éclatant, & bordé de peau, leur couvre la tête : leurs bottes font Iarges, & doivent être très-incommodes. II y a peu de différence pour la parure entre les Femmes & les Hommes: ce qu'on peut remarquer, c'eft que la couleur rouge eft la couleur honorable, & qu'un Tartare & fa Femme fe pafferaient plutót des choies les plus néceffaires a la vie , que d'étre privés d'une robe rouge dans les occasions d'éclat: c'eft l'habit de cérémonie du Khan, c'eft celui du T?y- Kis, c'eft celui du moinrtve Pa:ticui;er d'entre le Peuple. Les Élurhs fe nourriffent ordinairement de chair de Cheval & de Mouton ; rarement ils mangent leurs Vaches & leurs Veaux, & ils ne touchent jamais ni au Porc, ni a ia Vokille. Leur boiffon eft le lait de Jument, dont ils favent tirer une efpèce d'eau-de-vie par la diftillalion. On obferve que dans la Tartarie les Vaches ne fe laiffcnt point tirer, dès qu'elles ont fait 'a nourriture de leurs Veaux. ^es Eluths font paffionnés pour les liquêurs fortes 8c U Part. Dd  4l6 [A] pour le tabac ; mais en-général, ils font attachés aux prin* cipesdel'honnêteté, & ne cherchent jamais a nuire: bien difféi ■ens des Tartares mahométans, avec lefquels ils font toujours en guerre, 5c qui ne vivent que de pillage. Chés eux, la loi ne reftreint point le mariage 'a certains degrés; ils ont autant de Femmes qu'il leur plait d'en-choisir, & autant de Concubines qu'ils veulent en-tirer du nombre de leurs Efclaves: mais fitót que les Femmes cedent d'étre enétat d'avoir des Enfans, ils cedent de les voir, SccesMalheureuscs deviennent fouvent les Efclaves de leurs Servantes, qui les chaffent du lit du Maitre : pour-lors , réduites au dernier rang , elles f'occupent des foins du ménage. Les Enfans des Concubines font regardés comme légitimes, & ont la méme part que les Autres a 1'héritage du Père; avec cette feule différence, que le Fils de la Concubine d'un Khan , ou d'un Tay-Kis, ne fuccède a fon Père qu'au-defaut des Fils des Femmes légitimes. Les Enfans des Femmes pubiiques n'ont aucun droit aux fucceffions, parce-que leur naiffance eft trop-incertaine. Une des vertus de ce Peuple idolatre, c'eft le refpeér des Enfans envers leurs Pères; mais a-moins d'y être excités par des raisons particulières, ils n'ont pas les mêmes egards pour leurs Mères. Le Fils qui vient de perdre fon Père, doit longtemps pleurer fa mort, & fe priver généralement de tous les plaisirs, f'éloigner pendant plusieurs mois de tout commerce avec fes Femmes, ne rien épargner pour donner, fuivant fes moyens, del'éclat aux funérailles, & fur-tout aler pendant toute fa vie, une-fois aumoins chaque année, faire fes prières fur le tombeau paternel. ^ On adit, que les Èluths étaient de grands magiciens : preuve qu'il y a parmi ce Peuple comme ailleurs, des Fouibes qui trompent, & des Sots qui fe laiffcnt tromper. Les  [A] 417 Éluths demeurent dans des huttes, ou fous«des tentes. Les tentes font rondes, & foutenues par de grands pieux d'un bois fort-léger , jo;nts avec des courroies de cuir, ce qui donne la facilité de les planter & de les remuer aisément. Elles font couvertes d'un feutre épais, qui les défend contre le froid & le mauvais-temps. Au-milieu du toit eft une ouverture qui fert de fenêtre &: de cheminée : le foyer eft dire&ement audeftbus, & les lits autour de la hutte. Les Gens riches entourent leurs tentes d'une cabane de planches, couvertes'de feutre. Aurefte , dans tout cet édifice , il n'y ani chambre , nifcnétres, ni greniers, c'eft feulement une grande pièce d'environ douze piéds de hauteur : les plus-commodes ont quelquefois des ouvertures pi atiquées pour laiflèr paftër le jour, & on les bouche avec des papiers a la mode de la Chine. On conftruit auffi des lieux pour.. dormi'r, hants de deux piéds, fur quatre de largeur, qui tournent autour de Ia maison. Ils fervent en-méme-temps decheminées: caron a inventé uoe nouvelle manière dc faire le feu en-dehors, ou a cóté de la porte, & Ia fumée circulant par cette efpèce de caml, ne trouve paffage que de 1'autre cóté : ce qui porte dans les dortoirs une chaleur moderée, qui eft fort-commode en-hiver. Toutes les habitations, foitfixes, ou mobiles, ont leur porte au fud pour les garantir des vents du nord, dont le fouffle eft percant dans toute Ia Tartarie. Ces habitations mobiles fe tranfportent fur des chariots qui ont deux flèches, mais moifi -épailfes & moins-longues qu'en Allemagne: elles font composées d'un bois léger & fort pliant, & jointes a 1'ailfieu, par un de leurs bouts. On les place entre Ie corps du ehariot & la roue , en-lianr une corde a un demipiéddediftancede 1'extrémitédes fleches: cette corde entre aubout de 1'aiftieu , qui pafte par le moyen de la roue: de- D d 14  4lS [A] forte que Ja roue, qui eft affés petite, joue des deux cótés i du chariot entre la flèche & la corde. Le Cheval marche : entre les deus flèches ; fur fon dos paffe une-autre branche • d'un bois extrêmement pliable, en forme de demi-cercle, qui eft attaché des deux cótés auharnois, comme les flèches le font a fes deux bouts. Les Tartares prétendent que dans cette fituation le Cheval eft plus a fon aise. En-effet, quoique leurs Chevaux ne foient pas robuftes, un feul fuffit pour trainer, 1'efpace de cent lieues, un chariot bienchargé; mais il faut obferver aufli que ces machines ne font pas fort-grandes. Si 1'on veut y mettre plusieurs Chevaux, on les place devant le premier, ou bien on les attaché au dernier aiftieu. Cette forte de voiture eft en usage parmi les Ruflès & lesCosaques. Après avoir parlé des coutumes générales, pour ne rien laiffer a desirer fur cet article, nousdirons un mot de quelques usages particuliers. Plusieurs riches Kilmuks portent des robes de drap d'or , & de fuperbes étofes de foie , qu'ils tirent de la Chine, & en-hiver ils fe parent de précieuses fourrures qui leur vien- I rent des Régions feptentrionales. Les Femmes ont un bonnet rond & creus, fait d'écorce d'arbre, revêtu d'une ' étofe de foie , audeffus duquel f'élève un cóne carré, furmonté de plumes de Paon, & orné de pierres précieuses. Elles lient leurs robes audeffus des reins avec une écharpe de la même couleur. Un morceau d'étofe qui leur prend fous les ieux , & leur pend fur la poitrine, leur couvre | tout ie bris du visage. Le lit du Chef occupe la place qui | fait-face a rentree de la teute; les Hommes fe rangent a | la droite , & les Femmes a la gaüche. Audeffus de 1'endroit oü fe tient fe Mari, eft une image, qui représenre Ie I Dieu rutéhire de la Familie. L'Épouse principale a une pareine idole prés de fon lit, & une feconde avec une  [A] 419 tetine de Vache, qui a le visage tourné vers les Servantes, pour leur rappeler que leur emploi efl: de traire ces Animaux: cependant la plupart des Voyageurs conviennent que les Vaches perdenc leur lait fitót que la nourriture des Veaux eft achevée. Auffi voit-on du cótédesHommes une troisième Idole avec une tetine de Cavale , pour marquer qu'il font chargés du même foin a 1'égard des Jumens. Les Eluths ne font nulle difficulté de manger lachair des Bêtes tuées, ou celle des Animaux qui font morts naturellement. Ils coupent cette chair en morceaux qu'ils fufpendent en 1'air, pour la faire fècher au foleil ou au vent, & elle fe conferve auffi bien que fi elle avait été falée. On dit qu'avec le fimg des Chevaux ils font du boudin beaucoup plus délicat que Ie nótre. L'eau & Ie fel font les uniques aflaisonnemens qu'ils connaiflent pour la viande. On la fert dans un énorme plat: le Chef de la Familie fe munit le premier du morceau qui le flatre, les Autres par rang preunent celui qu'ils veulent aubout de leur couteau. Si a ce repas il fe trouve des Convives , c'eft le Maitre qui leur présente a manger; & lorfqu'il leur a offert plus de nourriture qu'ils n'en peuvent confommer, ils font, par politeffe, obligés a déposer les reftes dans un petii: fac , qu'a cet effet ils portent toujours avec eux; les os même ne doivent pas refter chés Celui qui donne le feftin. Dans les grandes réjouilfances, les Convives ne manquent pas de jeter quelques goutces de leurs liqueurs ftfr les Idoles qui font dans la tente ; enfuite un Valet ou Efclave, fort avec unvase, en-verfe trois fois du cóté du midi, en l'honneur du feu , avec autant de révérences, & continue la même cérémonie du cóté de I'orieBt, en l'honneur de 1'air; du cóté de 1'occident, en l'honneur de 1'eau , & dn cóté du feptentrion, en l'honneur des Morts. Lorfque le Valet eft D diij  Arabie. 420 [A] rentré, d'autres Domeitics présentent a boire au Chef de la Familie, & a fa principale Épouse, qui font afïis fur le même lit. Loi fqu'ils boivent, la musique fe fait entendre, tous les Domeffics battent des mains, les Hommes danfent devant le Maitre, & les Femmes devant la MaitrefTe. Alors, au fignai du principal Valet, la musique difcontinue, on fert les liqueurs a toute 1'Affemblée, & on ne fe fépare que par le défaut de boiflbn, ou par ï'impofïibilité d en-avaler d'avantage. Pour faire boire un Kalmuk, la politeffe exige qu'on le prenne par 1'oreille, qu'on agite Un-peu , jufqu'a ce qu'il ait ouverr la bouche pour recevoir ■ la liqueur qu'on lui présente : il eft d'usage de danfer devant lui pendant qu'il boit. Si le divertiflèment a pour objet un Particulier, deux Domeftics en-danfant lui offrent une taffe pleiae, & la retirerit toutes les fois qu'il f'avance pour la faisir, & ils ne la laifïènt prendre qu'après avoir répété longtemps ce badinage, qui fc termine par des danfes & de grands battemens de mains lorfqu'il boit. Les Arabes qui habitent une partie de 1'Arabie deserte , font les fucceffeurs deslfmaëlites : on les appelle Bédouins, du mot Bédouy, qui dans leur langue fignifie Habitans du desert. Ce Peuple ne voit au-milieu de lui ni Avocats, niProcureurs, niGrefficrs, ni Sergens; il a peu de procés. L'Emir juge fans appel &. toujours de vive voix : lesCheiks ou Chefs des Tribus rendent les fentences en première-inftance dans les lieux oü 1'Émir ne reside point. Le Bédouin le plus inftruit eft ordinairement le Cadi du camp, & le plus fouvent les Parties choisiffent eiles-mêmes des Arbitres, dont la décision tient lieu d'arrêt. Lorfqu'il efl queftion d'échange, Chacun de fon cóté prononce , je donne terre pour terre, & alors le marché eft irrevocable. Dans les causes crimiuelles , I'Émir peut faire donner la  [A] 42ï baftonnade, pendre, empaler, décapiter & couper la barbe, ce qui eft le plus deshonorant de tous les fupplices. Les Bédouins idolatrent cet ornement; ils le regardent comme un présent facré que Dieu leur a fait pour les diftinguer des Femmes, & comme une marqué de leur autorité & de leur liberté. Un Homme ma-rié ferait chatié , fil fe coupait la barbe. Les Femmes par refpecl baisenc la barbe de leurs Maris, & les Enfans celiede leursPères : les Amis fe la baisent réciproquement des deux cótés, quand ils fe faluent, & 1'Hóte ne manque jamais de répandre des parfums ou de jeter des eaux-de-fenteur fur la barbe de Ceux qui lui font-visite: une belle barbe eft un fignedeprédeftination. ^ Les Arabes Bédouins n'ontpoint d'autre logement que leurs tentes: celle de 1'Emir eft toujours au-milieu du camp, auquel ils donnent une forme circulaire; mais ce camp ne fubiiffe que le temps néceffaire pour que ies Troupeaux confomment 1'herbe qui fe trouve aux environs; immédutement après, on le léve, & on va en établir un-autre, commode pour les paturages & a pottée de fe jeter fur les Caravanes. Quelque dangereuse que foit la rencontre des Bédouins, les Voyageurs en- font quittes pour de 1'argent, ou la perte de quelques marchandises; car ces Arabes ne tuent qu'a leur corps défendant; fouvent ils composent avec les Caravanes, & une modique fomme les renvoie dans leur camp. Une remavque qu'on ne doit pas omettre, c'eft que l'hofpitalité eft la vertu favorite de ces Brigands; lorfqu'un Etranger arrivé, on le recoit dans une tente, oü 1'on a préparé des nattes pour 1'allèoir & pour le coucher: après les premiers complimens, on lui présente du café & du tabac, pendant que les Femmes préparent les viandes, & que quelques Bédouins prennent le foin des Chevaux, & desDomeftics du Voyageur. Le Ddiv  * Ce Peuple donnerait une excellente lecon a no: Perfifleurs a&uels, i nos Critic: méme, qui croient 1'ironic une manière pleine de fel & de fine.Tc, tandis qu'elle n'eft que raefquine,& indigne d'un Homme fenfé. 422 £A] repas confifte en plusieurs jattes de riz , de potage & de viandes, & il eft terminé par le café & la fumée de quelque pipes de tabac : fi Ie Voyageur ett*;ua Homme-de-marque, 1'Emir a 1'attention de lui envoyerdes tapis & des rrntelats; fil fait quelque féjour dans le camp, on lui procure le diverci/lèment de la cfeafle, on le conduit au camp voisin, & on n'épargne rien pour lui témoigner combien on eft fatiffaitdelevoir: lorfqu'il part, il peut remercier fimplement fes Hötes, & fil leur fait quelque gratification, ils la recoiver.t, mais il ne faut pas fattendre qu'ds 1'exigent ou qu'il Ia demandent. LeBédouin eft naturellement férieus, il affecte même une gravité qui le rend ridicule: avare de fes paroles, il écouterait une journée entière un Bavard, fans lui répondre, ni paraitre f'impatienter de fon verbiage: le moyen de lui plaire , c'eft de parler posément , fenfément, & de ne mêler jamais des railleries, ni demédisancesdanslespropos*. Quoiqn'ilfoitcolère, ilne poufte guères les querelles jufqu'aux coups: mais malheur a un Arabe qui en tue Un-autre ; la faafae du fang eft implacable ; toute liaison celle entre les deux Families & leur Poftérité, & la reconciliation ne peut venir qu'après la ; vengeance. Doux, modéré, jamais il ne f'enivre , jamais il ne rifque d'argent au jen , & il poulfe fi-!oin les devoirs de Ia politeffe envers les Autres, qu'un vent involontairement échappé, a louvent fait regarde* un Bédouin comme un Homme infame, dont on devait éviter la fociété. Les meubles des Arabes du desert font en bien petite quantité! ils conliftent en quelques nattes pour coucher, & en quelques couvertures: une pierre leur fert d'oreiller : quelques chaudrons, des jattes de bois , un petit moulin-a-bras, des cruches & des facs de poil-de-chèvre , pour renfermer leurs habits, composent tout leur ménage :  [A] AH on trouve cependant chés les Emirs des tapis de velours, des couvertures de foie brodées d'or, de foie ou de coton , des couffins & de beaux draps : un morceau de cuir leur fert de table ; la vaiflélle eft de cuivre; les cuijlèrs de bois, & les talles d'argent, de porcelaine, de fayance ou dccuivre-jaune. Les Bédouins fe rangent autour du morceau de cuir, les jambes croisées, comme nos Tailleurs, mais les Inférieurs doivent être a genous & aftis fur les talons: ils ne fe fervent point de fourchettes : ils disent que Mahomet a donné des louanges & des indulgences a Ceux qui mangeraient avec les trois doigts de la main droite , car ce ferait profaner les viandes, que de fe febvk de la gaüchea cet usage, parce-que celle-ci eftdcftinée k fehver après les néceftités naturelles: tous les plats font fervis kla-fois : le repas flrii, on rend graces a Dieu, & on va boire & fe laver les mains, avec du favon, puis on revient prendre le café & fumer du tabac: k 1'égard du vin, ils ne font nul fcrupule d'en-boire: » Cette défenfe, disentils, eft un confeil , & point du tout un précepte» ; ils ont deux fortes de pains, qui tous-deux font paitris fans levain , & qui ne font bons que le jour qu'ils font cuits. §3» I&aöt des Émirs & des principaux Bédouins eft allés femblable a celui des Turcs: ceux des Arabes du commun confiftent en une groffe chemise k longues manches, un calecon de toile , un cafetan de coton, qui defcend jufqu'a la moitié des jambes, une ceinture de cuir, oü pend unpoignard, & un manteaude baracan rayé de blanc &de noir: 1'hiver, qui eft fort-tempéré, ils portent des veftes de peaux d'agneaux ou de brebis, & 1'été des robes de toiles blanches, faites a-peu-près comme des chemises: leur turban eft un petit bonnet de drap , entouré d'une moufleline bianche, dont ils lailfent pendre un petit bout & dont  4*4 [A] 1'autre plus long, leur fert de cravatte & leur garantit Ie cou des ardeurs du foleil: ils ne portent point de bas; dans leurs tentes ils fe fervent de babouches, & de bottesa,. cheval. Leurs armes font Ialance, 1'épée, la maffe-defer, & Ia hache: ils auraient horreur de fe fervir d'armesi-feu, quoiqu'ils en-connaiffent 1'usage. qLesBédouines portent un chemise de toile bleue, unmanteau& un voile, & dans 1'hiver, elles ajoutent unecamisollepiquée a cethabillement. Les Femmes des Émirs & des Cheiks mettent plus de .eoquetterie dans leurs ajuftemens: leurs chemises font de mouffeline, brodéedefoie, ainfi que leurs calecons: elles portent de petites camisolles de drap d'or ou de foie, qui ne joignent que par deux boutons audeffus d'une petite ceinture, & laiffent le fein a 1'aise & un-peu découvert: les veftes de defliis font de fatin ou de brocard ; en hiver elles en ont de taffetas: chés elles ces Femmes fe fervent de babouches, & mettent de petites botines quand elles vont en visite ; pourlors elles fe couvrent Ia tête , les épaules & la gorged'un grand voile de mouffeline, qui defcend jufqu'a la ceinture: leurs jambes font ornéesd'un cercle, oü pendent plusieurs petits anneaux, qui fonnent comme des grclots; ajoutez qu'aux treffes de leurs cheveus font autant de fonnettes qui avertiffent qu'elles vont paffer, afin que Chacun fe retire : leur coifure eft un morceau d'étofe d'or oir d'argent, faita-peu-près corr.meune écnclle, qui eft entouré d'une mouffeline brodée d'or ou de foie, avec un bandeau degaze, qu'elles lient f ur le front. Ces Femmes font affés blanches & ne manquent pasd'agrémens. ^ L'entêtement des Bédouins pour la nobleffe de leur extraction, les a tou- . jours empêché de fadonner a la culture des terres, ou a quclqu'art mécanic; mais rien n'égale leur attention a conferver la généalogie des Étalons qu'ils cmploient au  [A] 4*5 fervice de leurs Cavales. Ils ont des Chevaux nobles, des Chevaux d'une ancienne race, mais mesalliée, & de? Chevaux roturiers, dont ils font peu de cas: les Jumens d'extraclion noble ne font jamais couvertes que par un Etalon de la même qualité, & cette opération fe fait en-présence de Témoins, qui en-donnent une attefiation fignée & fcellée pardevant fe Secrétaire de 1'Émir: on n'onblie pas dans cet acte de citer les différentes générations de la race de ces Animaux & les nom de leurs Ancêtres: quand la Jument a fait un Poulain , on drèfie un fecond acte, & on emploie les mêmes formalités pour certifier du temps de de la nailfance, du fexe, de la figure, du poil & des marqués du Poulain. On vend les Poulains nobles, depuis' mille, jufqu'a deux, & troismi'Ie-écus. II y a des Chevaux , dont la filiation de père & de mère remonte a. plus de cinqcents ans. Les Arabes eftiment beaucoup plüs les Jumens que les Chevaux ; ils les traitent avec la plus grande douceur, & en-prennent 3e même foin que de leurs Enfans: ces Animaux ont la légèreté des Biches, & fi par-hasard leur Cavalier vient k tomber, ils f'arrêrent tout-couit, & leur donnent le temps de remonter. Lorfque les Bédouins font tranquiles dans leurs camps & qu'ils ne méditent. ni courfes ni chaflès, ils paffent le temps k f'entretenir, k jouer aux échecs, auxdames,, au mangala, efpèce de pair ou non, qui fe joue fur une table de bois , oü il y a douze creus, dans lefquels on mer de petites pierres. Les Femmes fe visitent, font la converfation, danfent & chantent; mais leur chant eft langoureus, & elles n'ont aucun usage de la musique : on neleur connait pour inflrumens que des tamboms-de-bafque, une fortede caftagnettes & de flütes de bois de roseau. Les Per fans d'aujourd'hui ont beaucoup de reffemblance avec les anciens Perfes du temps d'Ammian.Marcellin. Ils  4* 6 [Al font, comme eux, d'une taille médiocre, mais biemprise, de couleur olivatre, les cheveux & les fouicils noirs , ferts & vigoureus, lorfque leur panchant a la volupté ne détru t pas la bonté de leur tempérament. Leur efprit eft vif & pénétrant; ils ont de la politeffe , & affedent dede traiter les Étrangers avec une affabiiité peu commune ; maïs ils font hypocrites, flatteurs, & d'une pareffe prefqu'invmcible. On remarque que du cóté des traits, ils ont .beaucoup gagné par leurs continuelles alliances avec les Géorgiennes & les Circaffiennes. Les Femmes de Perfe iont plutêt aimables que belles , leur taille eft élégante, leurs ieux font noirs & brillans, leur peau alfés bianche , & leur teint très-uni. Adonnées natarellement aux plaisusde l'amour, on peut fe perfuader qu'elles ne font fases que par contrainte ; le fond de leur caradere eft marqué au coinde la gaité; mais la reserve dans laquelle elles vivenr, ne leur permet pas d'y donner un iibre effbr. Toujours renfermées, elles paffènt leurs jours a leur toilette, a table, ou a faire de la musique, occupation qu'elles préfèrent a toute autre. Le vétement des Hommes eft composé d'une tunique de coton ou de foie, large, qui defcend jufqu'au gras-de-jambe, & qui eft retentie par une écharpe, pardeffus laquelle les Perfonnes opulentes paffènt une ceinture garnies de pierreries. Sous cette tunique ils mettent, lorfqu'ils fortent, une veftede foie de diverfes couleurs. Leurs calecons font faits de toile-de-: coton ; ils orsr des foulicrs pointus au bout, dont le quartier eft extrêmement bas. Leur paffion favorite eft de fe i peindre les ongles d'une couleur orangée , de fe couvrir la téte avec de certains bonnets fourrés, prefque toujours rouges, ou de porter des turbans garnis de toile-de-coton, rayée & très-fine, qui fait plusieurs tours & forme agréablement des plis. L'habiUement des Femmes eft très-élé-  [A] 427 ■gant. Aulieu de turban, elles fe ceignent le front d'un bandeau d'or émaillé, large d'environ trois doigts & chargé de pierres précieuses. Elles ont fur la tére un bonnet, brodé légèrement & environné d'une écharpe, qui, envolrigeant, leur defcend jufqu'a la ceinture. Leurs'calecons leur couvrent la jambe qu'elles ont nue. L'hiver elles portent des brodequins brodés, & en tout-temps, leurs cheveus font treflés; leur cou & leurs oreilles chargés de perles & de pierredes. J'ajoute, qu'elles peignent en rouge leurs ongles & lededansde leurs mains, & qu'elles'(è noirciffentles ieux. £3» LesPerfans n'ont que des idéés affés confuses touchant la nobleffe du fang, fi recommandable dans notre Europe. Ils ne favent pas ce qu'il peut y avoir de commun entre les vertus & les fervices des Ancêtres, & les vices & la vie nonchalante de leurs Defcendans. Ils croient que la gloire des Uns n'eft pas capable d'effacer 1'infamie des Autres; ils font perfuadés qu'on ne peut fe diftinguer dans un état que par fon mérite perfo'nnel, & des talens utilcs a la Patrie. Chés les Orientaux, Ceux qui font les plus-élevés en-dignités, font les plus-nobles, & 1'on n'y rend jamais des honneurs a des Poffeffeurs de vieux parchemins, que rien d'ailleurs ne rend recommandables & que leurs Pères, fils revenaient au monde, rougiraient fans-doute de leur avoir tranfmis. L'éducation des Enfans occupe particulièrement les Perfans: dès leur plus bas-age, ils les remettent entre les mains d'un Eunuc ou d'un Mollah. LesMofquées, qui fervent pour la prière publique , fervent aufli pour les écoles. C'eft -la que la Jeuneffe apprend Ia langue rurque, avec Ia fienne, 1'arithmétique, la médecine, 1'aftronomie, ou I'aftrolo^ie. Une juftice qu'on peut rendre 3 cette Nation , c'eft qu'elle approfondit toutes les fciences aufquelles elle Papplique, .tandis qu'en-général, nous n'en prenons que la fuperficie!  4*8 [A] Quelle que foit Pattache qu'on remarque dans les Perfans pour les fciences, ils ne négligenc pas, pour cela , les exercices du corps. On les voit dans les places pubiiques, comme au temps de Cyrus, f'exercer a manier un Cheval, alancer un javdot, & a difputer le prix de lalutte. Lorfqu'ils fortent de chés eux, c'eft toujours a-cheval; ils ignorent quel peut étre le plaisir de la promenade: conftamment aftis, les jambes croisées, dans leurs maisons, ils croiraient déroger a leur gravité naturelle, fils daignaient aler & venir. *J Les Femmes reftent toujours dans leur ferrail, ou ie font porter a la campagne fur des Chameaux, d.uis de grandes corbeilles, entourécsde voiles, ou dans des efpèces de litières. Ces ferraiis font de véritables prisons pour le fexe : étroitement gardé par des Eunucs omhrageus, qui poffèdent toute Ia confiance des Pères & des Maris , il ne jouit pas même de 1'ombre de la libeitéLorfque ces Victimes de la jalousie doivent paffer dans les rues ou dans les chemins, desDomeftics les devancent. & crierr ahaute-voix, que tous les Hommes ai^nt afe retirer : c'eft fur-tout quand le Roi fort avec fes Femmes & fes Concubines, que cette loi eft obfervée avec la plus grande rigidité. II y va de la vie, pour quiconque ne f'éloignerait pas. » Mahomet a 1'agonie, a prononcé, disent les Perfans : Gardez votre religion & vos Femmes >.. Dans ce Pays, les Femmes n'apportent en dot a leurs Maris que des bijous & quelques meubles. Si elles font répudiées, elles or>t droit de reclamer une certaine fomme d'argent portée dans leur contrat, qui leur fert de préciput: mais elles doivent en-exiger le paiement avant que d'avoir paffe une nuit hors de Ia maison du Mari; car, après ce temps , elles ne feraient pas recues a la répéter. 11 ne leur eft permis d'emporter de leurs habits, que ce qu'elles peuvent embraflèr dans leurs mains. ^ En Perfe, le conlentement des  [A] 429. Pères eft inutile pour la validité des mariages. LesEnfans nés des Concubines & Ceux des Femmes légitimes, ont le même droit a la fucceflion de leurs Pères. Pour obtenir des Enfans, les Femmes ont la fuperftition de faire ramaifer des aumönes par leurs Servantes dans les rues d'Ifpahan, afin que, fe nourriflant un certain temps du produit de ces quêtes, qu'elles regardent apparemment comme la feule richeffe bien-acquise, le ciel daigne les rendre fécondes. II y a des Femmes affés folies pour avaler dans cette intention des prépuces de Circoncis, d'Autres qui fe baignent dans les bains qui ont fervi a des Hommes, ;& d'Autres enfin , qui paffènt & repaffent fous les corps morts des Criminels, que 1'on exposé aux portes des Villes, comme en Europe. ^Ifpahan & toutes les grandes Villes de la Perfe, fontremphes deCoïirtisannes, qui ont des quartiers afteclés, 011 elles fe gouvcrner.t par certaines lois qui leur font particulières. Elles paient au Souverain une forte de capitation, & par cette raison , on les infcrit fur les regitres publics. Les Piüs-en-vcgne font designées par le prix qu'elles mettent a leurs charmes, & n0n par le nom qu'elles ont recu de leurs Parens. II eft a croire qu'elles ne confervent pas bien des années le même nom, & que Celle qui f'appelait fix mois auparavant du nom de la plus-haute valeur, prend humblement cehude Ia moindre pièce de monnaie. Ce qui fe paffe journellement dans nos Villes, nous prouve, que fil 7 a toujours une certaine affinité de moeurs entre les Peuples méme les plus-éloignés , il y a auffi des différences fenfibles. En Perfe les Danfeuses doivent quitter la Troupe, lorfque leurs appas font audeflbus de la taxe de deux tomans (quatrevingtdix livres). Aurefte, il y a peu de Ville plus peupléesde Femmes-publiques que celle d'Ifpahan; on en compte aude-la de douzemille *. ^ Le fimple ( *C'dtp!us [u'a Paris,  ou les véritables Pubiiques nt vontpas, feIon moi, ; 1100; mai: les Demipubliques & les Entretenus , voni peut-ctre i cent-mille. Voyc\ LI PoRNOGRAPHE. Syrië. 45° O] Particulier fhabilte en Perfe a fort-peu de frais J tout fon ajuftemenc n'exige qu'un peu de toiie-de-coton, dont le prix eft très-médiocre: excepté quelques tapis, le reftë de fes meubles confifte en peu-de-chose. Le riz fait fa nourriture ordinaire , fon jardin lui fournit des fruits, & le premier ruilfeau lui tient lieu de cave. Ceux que dansce climat on regarde comme fenfuels, font fervir quelquefois fur leurs tables du mouton, de la volaille, & différentes boiffons, composées, les unes de jus de citrons & de grenades, les autres d'effence de rose & de pavot. L'ambre & ie mufc entrent dans toutes ces compositions. On ne fait que deux repas, le diner cc le fouper; le refte du temps fe pafte a fumcr, a dormir & a réciter des vers. En- général le Perfan aime lts arts, & fe fait un devoir de les cultiver; il réiiflit dans tous les ouvrages d'orfèvrerie. Ses batimens fontfomptueus, élégans, & cependant peu comparabies aux fuperbes édifices de 1'Europe. Ses manufjeturesde porcelaine offi ent des chéfd'csuvres en ce genre; nous connaiffons la beauté de fes étofes & fur-tout de fes tapis, fi recherchés dans toutes les parries-du-monde. Les broderies de Perfe furpaflent tout ce qu'on peut voir ailleurs de plus achevé, maison ne trouve dans ce Royaume niSculpteur, ni Peintre, peu de Philosophes, beaucoup de Moraliftes, & un bien plus grand-r.ombre de Poètes; car dès qu'on aime , on fait des vers, &c les Perfans aiment de bonneheurr*. La Syrië, ou Sourie, que lesTurcs appèlent Souriftan, f'étendait antrefoisdu nord au midi, depuis les monts Aman ScTaurus, jufqu'a 1'Égypte & i'Arabie-pétrée; & d'occirient en oriënt, depuis la mer méditerranée, jufqu'a 1'Euphrate & jufqu'a 1'Arabie deserte, a-peu-prés dans 1'endroit oü 1 Euphrate prend fon cours vers 1'orient. Les Syriens  CA3 4$ i Syriens d'aujourd'hui portent la barbe longue & fe f0Rt raser la tête. La plupart des Femmes fe font au visage des caractères bleus avec un fer-chaud, ou fe déeoupcnt ïégèrement les joues avec un couteau, parce-qu'elles regardent les cicatrices qui y reftent, comme une marqué de beauté. Elles portent de Iarges pendans-d'oreilles, & routes les Jeunes-filles ont Ie néz percé pour y placet des bagues. Les Syriens font inconftans & légers, mais laches & efféminés. Leurjalousieneconnaitpasde bornes. LesChretiens & les Juifs f'occupent du commerce, & Pappliquent a 1'agnculture. Les Turcs font aufli Ie commerce, mais en-gros. Plusieurs fe font janiffaires, pour jouir de la liberté que farroge ce Corps, & fe livrent a toute 1'effervefcence de leurs paflions honteuses & criminelles: d'Autres étudient les lois pour devenir Imans ou Cadis. Les Idolatres exercent tous les arts méchaniques, nourrilfent desVers-a-foie, & font des étofes de foie ou de coton. Prefque toutes les maisons de la Syrië n'ont qu'un feul étage; elles font baties de pierre & couvertes en terrafle de briques pilées & païtries fur des folives. Ces rerraffès font entourées de baluftrades. Le devant de Ia maison qui regarde Ia rue n'a prefque jamais de fenêtres, afin d'öter aux Femmes tout-moyen d'entretenir quelque commerce illicite avec les Gens du dehors. Au rèz-de-chaulfée, on trouve des falies afles agréables, pratiquées de-facon qu'elles font ombragées pendant I'été, & qu'elles recoivent le foleil tant que dure 1'hiver: c'eft-la que les Syriens paflent une partie des journees, qu'ils font leurs feftins, jouent aux échecs, & f entretiennent avec leurs Amis. Les ferrures & les cléfs des portes font entièrement de bois. On voit quelques peintures & beaucoup de dorures dans les appartcmens, mais jamais de rapifleries; feulement les planchers II Part. E e  43* [A] font couverts de riches tapis, & d'oreillers garnisd'étofe, fur lefquels on fe repose: car peu de Gens ont 1'usagedes fiéges, il femble que cette commodité foit reservée pour les JJachas & ies autres Pei fonnes de diftinction. Les Syriens, aulieu dé table, fe fervent d'un cuir rond, appelé fofra, qu'ils placent a terre, pour tenir le pain & la viande. La Compagnie affise indillinctement autour de ce cuir, mange avidement& avec une mal-propreté des plus dégoütantes tout ce qui fe trouve fur les plats. Ils font une prière avant que de prendre leur nourriture, rompent & ne coupent jamais leur pain; ils prennent leur viande avec les cinq doigts, non avec deux, parce-qu'ils ont-la fotte fuperftition de croire que c'eft de cette dernière manière que le Diable mange. Les Gens opulens qui ont eu quelque fréquentation avec les Européans, fe fervent maintenant de tables d'un demi-piéd de haut, mais ils n'ont point abandonné leur antique frugalité, & leurs repas font encore fort-modeftes. A Alep toute la vaiifelle des Riches eft de cuivre étamé, celle des Pauvres eft de terre : ils en-ont aufti de verre, qui fe fabrique dans lepays. Quoique les Musalmans cultivent lesvignes, comme ils ne peuvent boire du vin qu'en-fecret, ils fe contentent de prefler le raisin , & d'en-exprimer le jus, qu'ils font cuire jufqu'a une certaine confiftance , pour f'en-fervir avec la viande , a la place de moutarde. II y en a qui boivent ce jus avec de 1'eau; d'Autres font fècher les raisins & les vendent, & plusieurs en-composent une boiftbn affés agréable, en y mêlant du miel. On ne peut rien de plus chétif que 1'habillement des Idolatres: celuidesChretiens, quoique riche, n'eft pas fuperbe. Une robe de laine , avec la manche qui defcend jufqu'au genou, dont la doublure eft bianche, & & le dehors de différentes couleurs, le composé entière-  M 453 ment. Pardeflbus ils portent une autre robe de lin, ou de toile de coton. Qutlques-uns en-ont de peau de mouton, bianche & rouge. Les Chretiens du Pays portent des turbans comme les Turcs, mais ils font de diverfes couleurs & difFéremment pliés. Les Arméniens font diftingués par leur chapeau pointu , garni de fourrure, ou par un turban bleu. Les Chretiens d'Europe ont le chapeau noir, Sr les Juifs un chapeau rouge fort-haut, qui finit en-rond & n'a point de bords. Les Femmes Musulmanes, Chretiennes & Juives font toutes voilées, & portent toutes le méme habillement, a-l'exception que les Chretiennes mettent une chemise de lin pardeffus leur doliman, & qu'elles ne fe donnent pas Ia peine de cacher leurs mains, lorfqu'elles vont par la Ville. Les Jeunes-juives ont fur la tête une forte d'ornement dans du velours. Quelques Mahométanes fe peignent le front, les paupières, les joues en bleu, & les ongles en rouge: elles aiment beaucoup les colliers, les brafielets & certains cercles qu'elles attachent a leurs jambes. II y a peu de Belles-femmes en Syrië, & toutes paftent leur vie alTés desagréablement; elles ne mangent que rarement avec les Hommes: & auffitöt qu'un Efclave eft parvenu a lage de douze ans, il ne lui eft plus permis d'entrer dans 1'appartement des Femmes. Les Efclaves ne jouiflent pas d'une plus-grande liberté que leurs Mairrefles: elles peuvent bien fe marier avec d'autres Efclaves, mais les Enfans qui enproviennentfont ferfs comme leurs Pères. 03* Lorfque deux Idolatres fe rencontrent, ils fe faluent; 1'Un en-disant: Le jour vous foit heureus ; &I'Autreen répondant: Et d vous, bonne fanté. Mais fi unChretien vient les voir chés eux , comme il ne le croient digne d'aucune félicité, aulieu de lui faire un pareil compliment, ils lui disent fimplement: Sois h bien-venu. Un Auteur E eij  EUROPE. TURQVIE, 434 M ( Moqutt, I.3.)» remarque que lorfque les Juifs de Syrië vont pleurer fur les tombes de leurs Parens, ils fe fervenc d'un vase percé, & font couler par les trous les larmes qu'ils répandent fur la fépulture, qu'ils ornent de fleurs. Pour la Paleftine & les Juifs, voyez lts Gynographes, pp. 429-434. L'Emphe Turc eft un des plus grands de 1'Univers : il f'étend en Europe, en Asie & en Afrique. On lui donne communément huitcents lieues d'orient en occident, Sc environ feptcents du feptentrion au midi. La partie de ce vafte Empire que 1'on appelle Ia Turquie d'Europe , eft fituée entre le trentequatrième degré & le quarantehuitièmede latitude, & entre le trentefixième& le cinquantehuitième de longitude. Elle a pour bornes a 1'occident lc golfe deVenise; au midi, la Méditerranée ; al'orient, la mèr Noire, lamèrd'Azof &le fleuvedu Don; & au nord, Ia Hongrie, la Tranfilvanie Sc la grande Ruflie. La Turquie d'Europe eft aiftinguée en feptentrionale & en méridionale. La partie feptentrionale renferme dix Provinces, deux vers le Pont-Euxin , ou la mèr Noire, & ce font la petite Tartarie & laBeffarabie: deux vers la Tranfilvanie ; favoir, la Moldavië & la Valaquie: deux fur le golfe de Vénise; la Croatie & la Dalmatie: trois du cóté du Danube, qui font la Bofnie, la Servië & la Bulgaric, & enfin la Romanie, fituée au midi de la Bulgarie. La partie méridionale de la Turquie d'Europe comprend, k-peu-dechose-près, toute laGi èce, qu'on divise en rerre-ferme & en iles. La terre-ferme contient la Macédoine au nord ['Albanië & 1'Épire a 1'occident, laTheflalie dans le milieu, la Livadie & la Morée au midi. Elle eft bornée a 1'occident par le golfe deVenise Sc la mèr Ionienne ou mèr deGrèce; au midi, par la Méditerranée; a 1'orient par  [A] W 1'Archipel & laRomanie ; & au nord, par la Servië & la Bulgarie; elle reffemble a une grande prefqu'ïle. Les iles les plus confidérables de la mèr de Grèce, fonc Corfou, Saintemaure, Céphalonie, Zanthe & Cérigo. On. trouve dans 1'Archipel ou mèr Égée, les deux grandes iles de Candie & de Nègrepont, les Cyclades & les Sporades, dont plusieurs ont été fort célèbres. La Turquie d'Asie fe divise en cinq parties. La Natolie, anciennement 1'Asiemineure; la Sourie; la Turcomanie, ou Arménie majeure; le Diarbeck, jadis Affirie, Mesopotamie & Babylonie; la Géorgie , autrefois Cokhide & Ibérie. Les iles les plus remarquablesde la Turquie d'Asie font celles de Chypre & de Rhodes, & quelques-autres moins importantes. II faut y ajouter la Syrië avec la Paleftine, & 1'Égypte; & comme annèxes, les trois Arabies, ainfi que les Etats barbarefques. §3» Le vendredi eft pour les Musulmans le jour delaprière & celui de repos, comme 1'eft le famedi pour les Juifs, & le dimanche pour les Chretiens. Le chois de ce jour eft dü, disent plusieurs Auteurs, a i'entrée de Mahomet dans Médine, qui fut un vendredi, &, felon d'Autres parce-que Dieu, a pareil jour, acheva 1'ouvrage de la création: mais une raison plus naturelle a présenter, c'eft que le Prophéte trouva le vendredi confacré par les Ar abes aux Affemblées folemnelles de la Nation. Les Mahométans ont deux Bairams, le grand 6k le petit, que lesEcrivains confondent fouvent & prennent 1'un pour 1'autre- Le petit bairam dure trois jours, pendant lefquels tout travail ceffe. Ce temps a quelque reffemblance avec notre premier jour de 1'année ; car on f'envoie réciproquement des présens , & 1'on fait des fouhaits pour Ia profpérité & la fanté de fes Parens ék de fes Amis. Silelendemaindujeünedu ramadan, le ciel eft trop couvert pour obferverfacilement Ia nouvelle E e iij  * Les Hommes, en véritables Enfans,onc toujours pris les interets du Ciel: Tel cejeunePa/sanque Je vis un-ibirf'èxcrimer contre les nuages qui lui voilaient la Lune, i \ i i . 1 t V. c 1 436 [A] lune, on remet le bairam au jour fuivant, & quand même on ne pourrait pas encore la découvrir, on nelaüTerait pas d'annoncer la fête par des décharges d'artillerie, & par le fon des tambours & des trompettes dans les places pubiiques. Pendant la durée de cette fête , les Turcs font dans leurs mofquées un grand-nombre de cérémonies bisarres, qu'ils terminent par une prière folemnelle contre les Infidèles," dans laquelle ils demandentdévotement a Dieu qu'il exteritiine les Princes chretiens; qu'il les faffent périr les Uns par les Aunes, & qu'il facilité ainfi a la loi musulmane les moyensdef'étendre. Quicroiraitque c'cfTaprès cette prière que les Turcs fe pardonnent mutuellement les injures, & qu'ils f'embrafl'ent, en disant: » Dieu te donne une bonne paque * »? Dans cette folemnité leGrand-Seigneur admet les principaux Officiers de 1'Empire a lui baiser ia main; il fe rend enpompe a la grande mofquée, & il n'y a point de bon musuiman qui ne tue un Mouton , auquel i! donne le nom d'Agneau paf cal', en mémoiredu facrifice dJAbraham, & du Mouton noir que 1'Ange Gabriel apporta du Ciel, ou il avait été longtemps nourri, & qui fut faciifté aulieu d'Isaac. Le grand bairam fe célèbre foiKantedix jours après le petit, qui termine leur jeune du amadan. C'eil proprement la fête des Viébmes, parcejue dans ce temps les Pélerins paffènt de la Mecque dans la ■allóe de Muna, oü f'immolent desMoutons & quclquebis un Cham. au. Pendant ces fêtes les rues des grandes filles font iluminées toute la nuit, & pendant le jour les "uresf'amüsent4 voir jouer des marionnettes, a fe faire alancer fur des efcarpolettes, ou a fe faire tourner dans ne efpèce de roue-de-fortune. «J Entre ies fuperflitions u'on peut reprocher aux Turcs, l'exa#e fupputation des ;ttres de 1'Alcoran, n'eft pas une des moindres j ce Livre  M 437 efl; pour leurs Do&eurs un trésor de myftères cachés aux ieux de rhumanité, & il renferme une infinité de fecrets, qui ne fe découvrent qu'avec beaucoup de peines dans les différentes combinaisons des mots & des lettres. Le commun du Peuple eft encore effrayé, comme le nötre, a la vue d'une éclipfe, fur-tout lorfqu'elle fe rencontre avec certains évènemens; on ne pourrait les diffuader que ces météores , qui femblent des étoiles errantes, &qui traverfent une partie de 1'horison, ne foient des feux que les Anges lancent contre les Démons, qui fefforcent d'efcalader le ciel. Ils font tous fort-adonnés a la frivole fcience de 1'aftrologie judiciaire, 6e ils emploient des verfets de 1'Alcoran, pour composer des talifmans: il y en-a , dit 1'Auteur de YÉtat militaire de VEmpire Ottoman, de deftinés a fervir de puiffans préservatifs ï la tente du Grand-Visir: cependant ils manquèrent de force , pendant le dernier fiége de Vienne. Ie ne faurais mettre au nombre des fuperftitions des Mahométans, leur charité envers les Animaux: ils fe font un devoïr d'acheter des Oiseaus en cage, pour leur donner Ia liberté : ils nourriflént tous les Chiens qui ne connaiflent point de Maitres: ils ont une vénération prefque religieuse pour les Chameaux, & regardent comme un trés-grand pêché de les trop charger *, » parce-que, nous dit Ricault, ils ont l'honneur de porter 1'Alcoran, lorfqu'on fait le péleiinage delaMecque. J'ai remarqué, ajoute cet Obfervatcur , que Ceux qui ont foin de cet Animal, prennentde 1'écume qui lui fort de la bouche, après favoir fait boire dans un, baflin, & f'en fi ottent la barbe avec beaucoup de dévotion, comme fi c'était quelque baume de grand prix; ce qu'ils font en-répétant d'un ton religieus Haddi-baba, c'eft-a-dire, ó Père pélerin >>% Un Empire aufli étendu que celui E e iv *Sïc'eft4i une luperftition, elle eft utile.  43 8 [A] de Ia Turquie, & peuplé de tant de différentes Nations , ne permet pas de raffembler les moeurs générales, fous un même point-de-vue. Je vais ace fujet tirer le plus declaircilfemens pofïible des Auteurs que je confuite. Pour prouver 1'orgueil des Turcs & le fouverain mépris qu'ils ont pour les Étrangers, & fur-tout pour les Juifs & pourles Chretiens, il ne faut que tranferire les injurieus fobriquets qu'ils leur donnent: ils appelient les Juifs Chiens, lesPerfans Tétes-rouges, les Arméniens, Mangeurs-dein , lesTartares Mangeurs-de-charogne, les Arabes Enragés, les Grecs Bél'urs fans cornes, les Bulgares Voleurs, les Ragusiens Efpions , lesRulfes Ames méchantes, les Polonais Infolens, Infideles, lesAllemands Efrontés, Blafphêmateurs, les Italiens Gens de mille couleurs , c'eft-a-dire, Trompeurt, les Hollandais Marchands de fromage, les Anglais Ouvriers en laine , les Francais Ruses. En-général les Turcs font faftueus, durs, avares, hypocrites, diftimulés, & beaucoup plus incontinens que voluptueus. Les moyens les plus criminels ne les effraient pas, lorfqu'ils peuvent leur procurer des richeffes, qu'ils prodiguent fans regret pour fatiffaire leur goüt pour la débaüche, ou pour le luxe des habits. Les Turcs d'Europe font laborieus, induftrieus, vaillans, & ils commencent a cultiver les fciences & les arts : Ceux d'Asie, aucontraire, font laches, parelfeus, efféminés, & vivent dans la plus crapuleuse ignorance. L'habillement des Hommes eft composé d'un calecon, d'une chemise longue, coupée a-peu-près comme celle des Femmes d'Europe , & d'un dolimanqui pend jufqu'a la cheville du-piéd, & dont les manches font courtes & étroites. Ils ont audeffus de la poitrine une ceinture, a laquelle ils attachent leur bourfe, leur mouchoir & leur poignard. Pardeffus  M 439 ledoliman ils portent une robe , appelée fércdge, a manches longues & Iarges, d'étofe légère en été, & doublée de fourrures en hiver; leurs bas font de drap, ils ont pardeftus des chauflbns de cuir, en-forme de brodequins, Sc despabouchts. Leur tête eft chargée d'un énorme turban plus ou moins-riche. ^ Le falut turc exige qu'on tmtte la main fur fa poitrine, & qu'on f'incline un-peu pour témoigner fa confidération ou fon amitié a la Perfonne qu'on falue; on accompagnecettepoliteflèd'un compliment, dont le fens eft;, qu'on lui fouhaite toutes fortes de profpérités. Si c'eft une Perfonne élevée en dignité qu'on aborde , on prend le bout de fa vefte, & on Ia baise refpcctueusemenr. Les Femmes faluent a~pcu-près comme les Hommes, & excepté une chemise piquée qui leur tient lieu de jupon , leur ajuftement eft le même. Elles forment plusieurs treffes de leurs cheveux, Sz elles les laiftent flotter fur leurs épaules; elles couvrent leur tête d'un petit bonnet de carton doré auquel eft attaché un voile qui leur tombe jufqu'aux genous. Les Turcs fe visitentrarement, & les Femmes ne font point admises dans les Sociétés. Le temps de la visite fe pafte en politefiès froides, a fumer, a prendre du café Sc du forbet, & a fe laver avec de Peau rose les mains, qu'on fait fècher enfuite a la fumée des parfums, qui brulentdans des caftblettes. Leurs repas ordinaires font composés de de viande de mouton, de pois, de riz & deconcombres , letoutextrêmementépicé. En-fortant de table, ilsboivent de Peau ou du lait aigre. Le refte du jour, ils fe promènent une pipe a la bouche, ou fils reftent chés eux, c'eft demême en-fumant. On prétend que les Dames Turques, d'un rang élevé, vivent entr'elles avec beaucoup de décence & de retenue, qu'elles ont les Unts pour les Autres les plus grandes attentions & Ia plus grande poli-  44° [A] teflé. Cela peut être vrai de quelques Jeunes-perfonnes; qui fe forment a la modeftie, a la pureté des moeurs, & a toutes les qualités qui font 1'oinement du fexe, & le rendent aimable; mais ce n'eft point la conduite ordinaire. On inftruit les Femmes a fe fervir de leurs attraits pour 1'emporter fur leurs Rivales, & pour enflamer les Hommes dont elles doivent devenir les Efclaves. A leurs charmes, on ajoute, autant qu'il eftpoffible, lestalenspropres airriterles paftions, & c'eft dans cette vue qu'on leur apprend la musique vocale & inftrumentale, certaines affeclationsdans le parler, dans les manières& la démarche, & un genre de danfe qui ne refpire que la volupté. Conftamment renfermées au-fond d'un ferrail, priyéesdu plaisir & de la liberté, elles desirent 1'un & 1'autre avec fureur. Dans leurs maisons, elles n'épargnent rien pour corrompre leurs Efclaves; auxbains, elles ébauchent, & elles terminent des intrigues en un feul jour; & lorfqu'elles vont prendre l'air dans les plaines qui bordent le Bofphore, quoique fouvent vingt ou trente enfemble, & gardées par des Eunuques noirs , elles trouvent le fecret de fatiffaire leur paffion pour le plaisir. Tel eft 1'tffet de la contrainte. ^ On remarque dan<; les Turcs un refpect fingulier pour le fexe ; lorfqu'un Homme rencontre une Femme dans la rue, ildétournela tête, comme Til lui était défendu de la regarder : il fijit avec une forte d'horreur une Femme eftrontée, & elle ne lui infpireqne du mépris & de 1'averfion : f'il f'élève une querelle, foit entre unChretien & un Musuiman, une Femme ferme & courageuse n'a qu'a fe présenter, leTurcfe retirera auflitöt. Quoiqu'en-colère & acciblé d'invectives, un Turc n'osera jamais porter la main fur une Femme, ilquittera plutót Ia partie. On en-a vu infulter grièvement un Juge fur fo'n-tribunal, & le Visir lui-même en plein Divan, fans  [A] 441 que ni 1'Un ni 1'Autre aientparu f en-reffentir, & fouvent, ïfc leur ont donné gain-de-ca'use, pour f en-débarrafier; Dans une disette de bléd, les Femmes de Conftantinople f'atfroupèrent, & forcèrent les rnagasins qu'elles pülerent entièrement. La Porte ferma les ieux fur cette lédition, & dit que ce n'était qu'une mutinerie de Femmes turbulentes. f II faut que Ia police obfervéedans 1 Empire ottoman foit bien-excellente, puifqu'on n'y entend prefque jamais parler de vols, ni même de filouterie. -Les grandschemins font ftirs , & 1'on doit fans-doute cet avantage a un usage qui fubfifta autrefois en Angleterre , celui des divisions pas dixaines & par centaines. Toutes les provinces de la Turquie font partagées fur ce plan, en différens diftricts, qui font refponfables des vols & des mem tres qui fe commettent dans leur étendue refpeclive; & comme Ia Juftice fur ce point efl expéditive & févère, on eft trèsattentif a prévenir les délits. Sur Ia plus légere plainte, le Gouvernement dépêche un Officier fupérieur pour prendre connaiffance du fait, & foit que Ie diftriét fe difculpe ou non, il faut toujours qu'il paye les frais de 1'enquête. Si le vol eft prouvé, & que le Voleur échappe aux pourfuites, on fait payer lavaleur du vol aux Particuliers du diftria, ou de la rue, fi c'eft dans une Ville. Cependant il arrivé rarement que la Perfonne volée en foit mieux: la Juftice fe défaisit avec peine de 1'argent qui pafte par fes mams. S'il fagit d'un meurtre, les Particuliers les plus proches de I'endroit oü il f'eft commis paientle prix du fang de la Perfonne affacinée; c'eft pourquoi on ne négligé rien pour faire arréter le Coupable. Cette loi févère fait que Chacun évite les querelles, & f'empreffe d'appaiser celles qui f'élèvent dans fon voisinage. Diverfes Patrouilles parcourent toutes les nuits les rues des grandes Villesj  442 [A] arrêtent & examinent tous Ceux qu'elles rencontrcnt. Les Turcs disent communément, que pendant la nuit les rues ne doivent étre fréquentées que par les Chiens. La baftonnade fous la plante des piéds eft Ie plus doux des chatitnens: elle fe donne pour les moindres fautes, & ne desbonore pas. Les crimes font punis par la corde & 1'empalement. Les arréts-de-mort prononcés par le Sultan f'exécutent par des Muets, qui présentent le fatal cordon au Criminel, & le laiffent maitre def étrangler lui-même, ou d'avoir recours a leur miniftère. EnTurquie, la naiffance ne donne aucun droit aux grandesdignités; il femble qu'elles ne foient reservées que pour le mérite & les talens, mais elles f'achètent, & font fouvent le partage du crime & de la faveur. Ce n'eft pas que les Turcs ne penfent très-raisonnablement a cet égard; mais le fordide intérêt l'emporte, comme ailleurs, fur la jufteffe de leurs réflexions. ^ Un Francais qui arrivé chés les Turcs, trouve fort-étrangc de, leur voir de longues barbes; & fes cheveux longs, ou fa perruque, qu'ils appellent un nid a diables, leur paraifient très-ridicules. Ils regardent le cóté-gaüche comme : la place d'honneur, parce-que, disent-ils, c'eft celui oü 1'on porte fépée, & que par-conféquent on a dans fa puiffance les armes de Cel ui qui a la droite. Les édifices publics font affés magnifks en Turquie, mais les maisons particulières font fort-fimples. Celles des Perfonnes opulentes ; 1 occupent un vafte terrain, environné de hautes murailles. Ils n'ont aucune paffion pour le jeu, & n'y jouent jamais d argent. Les échecs, le jeu de quilles entrentdans leurs amusemens journaliers. Les Gens-de-guerre f'exercent J a tirer de 1'arc, & ils y font fort-adroits. Ils regardent la danfe, la musique & le talent de jouer des inflrumens comme des occupations indignes d'un Homme raisonnable;  [A] 441 maïs ils prennent un grand-plaisir aux danfes lafcives qu'exécutent devant eux des Danfeuses pubiiques, qui font pour 1'ordinaire des Juives ou des Efclaves chretiennes. On les accuse de fe livrer a des affeétions que la Nature desavoue *. Quoique le vin foit défendu févèrement par la loi de Mahomet, les Turcs ne laiffent pas d'en-faire un usage immodéré. Ils f'adreffent pour en-avoir aux Chretiens, qui en-tranfportent chés eux dans de petites boïtes de cuir : car, pour cet objet, ils n'oseraient fe confier a leurs Domeftics les plus affidés. Ceux qui, au rifque de leur vie , veulent introduire furtivement du vin dans le ferrail, fe fervent, pour ce négoce, de longs tubes de cuir ployant qu'ils tournent autour de leur corps. A la place de vin, les plus fcrupuleus Musulmans f'enivrent d'opium, ou de liqucursdiftillées. » Le feu, disent-ils, qui purifie toutes choses, a fait évaporer, & a épuisé totalement, dans la diftillation, les parties impures du vin, & 1'eau-de-vie n'eft point défendue nommément par Mahomet». C'eft ainfi qu'ils éludent la loi, qu'ils trompent le Diable, leurProphète & le Sultan. ^cs Turcs f'appliquent beaucoup a la logique & a la jurifprudence : ils étudient avec foin les langues, fur-tout 1'arabe & le perfan. La langue Turque n'eft pas riche, mais elle a de la douceur , de 1'énergie, & on 1'apprend avec beaucoup de facilité; parce-qu'a proprement parler, elle n'admet pour les noms , qu'une declinaison , & qu'une conjugaison pour les verbes. On n'y trouve aucune différence de genres & d'articles,, & elle f'eft épargnée la difficulté d'accorder 1'ad» avec fon fubftantif en genre, en nombre & en cas. Cependant elle eftclaire , expreffive, & fans équiroque. j Ladivination &l'aftrologie judiciaire entrent dans les études des Musulmans; mais heureusement pour eux, ils fons * La rcïïèniblanced'habillcmententre les deux-fexes, en - eft Ia principale cause. II en-fut demême chés les Grecs éc lesRomains: leshabits'des deux-fexes ne fauraieat trop - difré— ter, &cependa'H voiia qu'on f'cf> force de les rapprochcr en France ! les Femmes ont des chapeaux , les Hommes prefque des lévites; elles ponent des fouliers plats, Sec.*, $cc* L'incérêt des Femmes(& lés mceurs) :ft que leur iarure tran:he abfolti. nent.  444 [A] encore aux premiers élémensde ces fciences extravsgantes. Ils n'ont pas fait plus de progrès dans l'afcronomie. Leur année eft composée de troiscents-cinquantequatre jours , partagés en douze lunes ou mois, lefquels ne commencent qu'a la nouvelle-lune ; ces mois font alternarivement 1'un de trente jours, & 1'autre de vingtneuf. Le premier, qui eft de trente jours, f'appèle Muharrem; le fecond Sefer ; & celui-ci n'eft que de vingtneuf jours; Ie troisième, Rebiulleuvcl; le quatrième, Rib'nd-ahhir; le cinquième, Giama~-nlhmul; lefixième, Giama~il-ahhir; le feptième, Regeb ; lehuitième, Ckaban; le neuvième, Ramadan; ledixièrrie, Chuval; le onzième, Zcuhadé; le douzième, Zoulhigé. Ces mois ne fuivent pas le cours des faisons, parce-qu'ils ne f'accordent pas avec le cours du Soleil, & les années turques font plus courtesde onze jours que les nötres; ainfi leur ramadan ou carême avance tous les ans d'un pareil nombre de jours, & fuccetïïvement il parcourt toutes les faisons. Les Turcs excellent dans les arts méchaniques, fur-tout dans la pelleterie, la tannerie & Ia teinture, qui eft pouffée a un grand point de perfection dans le Levant. Ils ont beaucoup de fabriques d'étofe de foie, de laine ou de coton. Leurs Horlogers font Arméniens, Juifs ou Francs; & le Clergé musuiman ne permettra guères que leur nouvelle Imprimerie faffe des progrès. Entre les titres que prend le Grand-Sei- gneur, ceux ci font les plus remarquables : » Roi des rois, Dïïtiibuteur des couronnes, OmbredeDieu, Seigneur de Seigneurs, laSublimePorte de majefté, la Porte de facilité, &c.a>». Mais ce Monarc abfolu , qui fait tomber les têtes a fon gré, ne conferve que difficilement la fienne, lorfqu'il plait aux Janiffaires de la menacer. Conftamment renfermé au-fond de fonfenail, il f'y ap—  [A] 445 phque a quelqu'ouvrage manuel, fuivant Ia loi de 1'Alcoran, qui impose cette obligation a tous les Mtisulmans. Le refte du temps, il visite fes Femmes, & f entretient avec fes Bouffons. Le Grand-Visir, le Mufti & quelques Officiers favoris, font les feuls qui approchent de fa Perfonne fans crainte; les Autres ne 1'abordent que les ieux baiffés, les mains jointes, & le corps incliné jufqu'a terre. Les Sultans n'ont point d'armoiries, car le croiftant eft proprement le fi/mbole de 1'Empire, & il 1'était de 1'ancienne Bysance. Le fceau du Souverain eft fimplement chargé de fon nom, de celui de fon Père, avec 1'épithète d'Empereur victorieus. C'eft le Grand-Visir qui en-eft le dépositaire, & comme c'eft la principale marqué de fa dignité , il le porte toujours a fon cou. Ce premier Miniftre vit avec un fafte imposant, & fa maison eft composée de plüs de deuxmille Perfonnes. S'il fedétermine a commander 1'armée pendant la guerre, le Sultan détache en-présence des Troupes, une aigrette de fon turban, & la place fur celui du Visir, qui eft par cette acfion proclamé général. II n'y a point de pofte plus gliffant que celui de ce Grand-Officier; prefque tous, fils ont le bonheur de fau ver leurs têtes, finiftent par 1'exil. Les Pachas tiennent Ie premieiM-ang après le Grand-Visir. Les plus diftingués font Ceux qu'on appellePachas a trois-queües, parce-qu'ils ont le droit de faire porter devant eux un grand-baton, aubout duquel font attachées trois queues de Cheval. L'origine de cette enfeigne militaire vient de ce que dans une bawille, un Soldat, voulant rallier fes Compagnons, f'avisade couper la queue d'un Cheval, & de 1'attacher aubout d'une lance. Toutes les Troupes fe raftemblèrent autour de :cette enfeigne, elles fondirent fur 1'Fnnemi & remportèrent lune vidoire complette. La principale force de 1'Armée  R.USSIE 446 [A] musulmane confifte dans les Janiffaires, qui ont a Conftantinople cent-foixanteun oddas ou chambres, dout chacune devrait contenir huit cents ou mille Hommes, mais elles ne font jamais complettes. Un grand-nombre de Ceux qui font enrólés dans ces chambres, vivent difperfés dans tout 1'Empire, Ötconfondus dans Ia foule des Citoyens, ils y exercent différens metiers. II ne reside ordinairement dans Conftantinople qu'environ dix a douze mille Janiffaires, qui forment la garde de la Ville, tkCeux qui osent fe mutiner, font fur-le-champ punis-de-mort, ou pour le moins envoyés dans lesGarnisons qui défendent les frontièresde 1'Empire. Leur paye elt affés modique ; mais comme entr'autres priviléges, ils jouiffent de 1'exemption desdroitsd'importation , ilsfe font jetésen-foule dansles branches les plus lucratives du cabotage, & pouffent leur commerce jufqu'au Caire , en Syrië, 6> dans les autres provinces de 1'Empire. La Cav alerie curque confifie dans un corps de feize mille Spahis, divisés fous fix drapeaux. La paye de ces deux Corps d'infanterie & de Cavalerie, qui fe fait tous les fix mois a Conftantinople , monte a deux-mille quatre-cents boürfes de cinqcents dollars chacune. Outre ces deux Corps, il y a les Zaims & les Timariots, qui font des Feudataires obligés, a Ia première requisition, de paraitrc en campagne avecplüs-ou-moins de Cavaliers bien-montés fit bienéquipés, fuivant la valeur des fiefs qu'ils poffèdent; fans compter une prodigieuse quantité de milices, qui fe lèvent fuivant les circonftances, mais qui groiïiffent 1'Armée, fans lui donner plüs-de-force. Voyez les Gynographes, pp. 434-444 , & pour d'autres parties de 1'Empire, jufqu'a 4^0. L'Empire de toutes les Rujfies n'a pas moins d'étendue ' que le Colsfle ottoman: II f'étend en Emope & en Asie, mais  [A] 447 mais je le range, ainfi que la Turquie, fous le nom de la première de ces deux Parties-du-monde, parce-que la Capitale & la Cour f'y trouvent. La Rufiie a pour bornes au feptentrion, la mer glaciale; a 1'Orient, la mèr du Japon; au midi, la grande Tartarie, la mèr Cafpienne & la Perfe; & au couchant, la petite Tartarie , la Mingrelie, la Georgië & la Pologne. II f'étend d'occident en oriënt prés de deux mille-lieues communes de France, & il a feptcentslieues du fud au nord , dans fa plus grande largeur. Cet immenfe pays efl: partagé en feize Gouvernemens, dont plusieurs renferment des Provinces qui ne font qu'a-peine habitées; car on ne donne pas a la Rufiie beaucoup plus de vingtquatre millions d'Habitans. Avant l'Empereur Pierte-le-Grand, les usages, les vêtemens & les mceurs de la Rufiie, tenaient plus de 1'Asie que de 1'Europe, & le Gouvernement relïèmblait affés a celui des Turcs. La milice des Strelitzs, ainfi que celle des Janiffaires de Conftantinople, difposa fouvent du tróne, & troubla 1'État par fes fréquentes révoltes. Le Czar Pierre osa cafTer ces quarante mille Soldats, & fur leur ruine il établit fon pouvoir. C'eft a ce grand Prince que les RufTes doivent leur influence dans les affaires de 1'Europe; c'eft a lui qu'ils doivent leur puiffance, leur commerce, les fciences, la plus grande partie des arts, & fur-tout cette douceur qui commenceaf'introduire dans leurs mceurs. Oncroitcomm inément que le chrifti mifme ne fut introduit en Rufiie que fur la fin du dixième fiècle, par une Princeffe nommée Oiha , qui f'étant fait batiser a Conftantinople , prie le nom d Hélène, & ce ne fut que fous le règnedeVolodimerou Wladimir, petitfils de cette Nouvelle-convertie , que les Ruffes recurent réellement ies lumières de la foi. Volodimer, dit-on, avait fait affaciner fon Frère pour II Part. F f  443 [A] usurper fon tróne, i! rechercha 1'alliancédeBasile, Emperetir de Conftantinople , & il 1'obtint, a-condition qu'il fe ferait Chretien. On fixe cette époque a 1'année 687 , temps auquel Photius commencait a fe brouiller avec 1'Église romaine. Un Grec fut le premier métropolitain ou Patriarche de Rufiie, mais fubordonné au Patriarche de Conftantinople. Cependant vers 1'année 1588, lepatriarche Jérémie, qui occupait le fiége de 1'ancienne capitale des Grecs, étant venu demander des fecours a Ia Rufüe, pour foutenir un procés qu'il avait au Divan, facra patriarche , Job, archevéque de Novogorod, & renonca dans cette cérémonie 3 toutes fes prétentions fur les égjises RufTes. C'eft depuis ce temps que l'Église de Rufiie eft indépendante comme fon Empire. On cempte depuis Job, dix Patriaixhes jufqu'a Adrien, mort en 1703. Après lui Pierre-le-grand abolit Ie patriarchat, dont fextrême puiffance était devenue dangereuse par 1'abus qu'en avaient fait quelques Efprits turbulcns. II établit un Confeil de religion, toujours fubfiftant, qui dépendit du Souverain, & qui ne donnat des lois a l'Église que celles qui feraient approuvées par le Maitre de 1'État, dont l'Église fait partie. Telle eft I'origine du fameus Synode qui gouverne en Rufiie les affaires fpirituelles: il eft composé de quatorze Membres; choisis entre les Évêquesók les Archimandrites, par le Sonverain, & obiigés de faire ferment de lui obéir. Les Ruflès prétendent que leur religion eft fondée fur lesLivres de Tanden & du Nouveau-teftament. lis fe fervent de la verfion grecque de la Bible, faite par les feptante Interprètes, qu'ils ont fait traduire & imprimer en leur langue. Ils ont beaucoup de véncration pour les Ouvrages de Sdntcyrille, deSaintjean-Damafcène, de Saintgregoire-de-Nazianzc, de Saintjeanchrysoftome & de  [A] 449 Saintéphrem. Le fymbole de Ssintathanase eft Ia règle de leur créance. Ils croient en Dieu comme au créateur du monde, en Jésns-chrift comme au fauveur & redempteur du Genre-humain, & au Saintefprit comme au fanctificateur des Fidèles. Entr'autres erreurs, on leur reproche de confidérêr laSaintevierge & les Saints, non-feulemenc comme de fimples interceflèurs, mais comme les coopérateurs de leur falut Cette accusation eft mal-fondée , ils penfent fur ce point comme les Catholiques. Ils reconnaiffent qu'ils ont été concus, qu'ils font nés dans le pêché, & que Dieu a inllitué le batême pour les régénérer, & les purifier par 1'eau,' de leurs fouillures originelles; c'eft pourquoi ils font batiser les Enfans aullitót qu'ils font nés. Le Parrein & la Marreine portentl'Enfant a 1'église; Ie Pope ou Prêtre, lesrecoit a la porte, & leur donne labénédiction, en disant: » Le Seigneur garde votre entrée & votre fortie ». Étant entrés dans 1'église, ces Parreins présentent au Prêtre neuf bougies qu'il alume, & qu'il place en croix fur la cuvette oü 1'Enfant doit être batisé. On en fait trois-fois le tour en procefhon, leCélébrant encenfeles Parreins, & bénit 1'eau : enfuite i! demande aux Parreins: i.°, Si 1'Enfant renonce a Satan : 2..°, fil renonce a fes Anges: 3.0, fil renonce a fes ceuvres. A chacune des trois queftions, ils répondent oui, &: ils crachenr a terre. Après cette cérémonie , on fort de 1'église pour faire 1'exorcifme, car on craint qu'en-fortant du corps de I'Enfant, le Diable ne la profane. Après 1'exolcifme, lc Prêtre coupe fur la tête de 1'Enfant des chevens en forme de croix, qu'il cache, dit-on , dans un certain coin de 1'église: puis il lui donne le nom que les Parens exigent, & le plonge trois-fois dans la cuvette , en proncant: » Je te batise, au nom du Père, du Fils & du Saintefprit». Ceci fait, F f ij  450 [A] il lui met un grain-de-fel dans Ia bouche, lui frotte de chième en forme de croix, le front, la poitrine, les mains, ledos, & lui paffe une chemise bianche, en-disant: » Tu es maintenant aufli net que cette chemise, & purifié de la t3che originelle ». On pend une croix au cou de 1'Eiifant, & il doit la porter toute fa vie; car fil était trouvé fans elle au moment de fa mon, il ne ferait point enterré dans la fépulture des Chretiens. II doit avoir dévotieusement chés lui 1'image du Saint qui lui a été donné pour patron au batême, & 1'invoquer particulièrement. fes Parreins & le Père ne peuvent f'allier enfemble, fous peine de contracfer une alliance inceflueuse. La dernière cérémonie de ce facrement confifle a figurer une croix fur la porte de 1'église, avec la tête du Nouveau-batisé, & a frapper trois fois avec un marteau, de-facon que le bruit fe communiqué aux oreilles des Témoins; car autrement on fe perfuaderait que I'Enfant ferait mal batisé. On doit remarquer que les Rulfes rebatisent indifiinaemcnt tous Ceux qui paffènt dans leur communion. Ils ont 1'usage de la confeffion, & ils recoivent 1'euchariflie fous les deux efpèces. Le pain doit être levé & avoir été paitri par la Veuve d'un Prêtre ; on le confacre , ou le jour même de la communion , ou le jeudi avant Paques; 1'un pour les Communians qui fe présentent, & 1'autre pour les Malades, & on Ie garde toute 1'année. Ceux qui ont fait quelques faus-ferment en juftice, qui fe font rendus coupables d'un meurtre ou de quelque pêché énorme, dont ils fe font confeffés, ne peuvent cependant communier qu'a 1'article de la mortLorfqu'un Malade a recu Ia communion , on lui adminiftre 1'extrême-onétion, & après cela il n'eft plus permis de lui donner aucune nourriture, a-moins qu'il ne reprenne visiblement fes forces. Quelquefois il y a des Ruffes qui fen-  [A] 451 tant leur fin approcher, fe font raser, prennent l'habit religieus, & deviennent moines efFecfivement. Ceux-la ne doivent prendre aucune nourriture pendant huit jours , & fi , nonobfiant cette terrible abftinence , ils recouvrent la fanté, ils doivent fe renfermer dans un cloitre. Les jeünes font les mêmes que Ceux des autres Grecs. L'idée ou font les Ruffes que le bain fuffir pour les laver de beaucoup de péchés, fait évanouir la plupart de leurs fcrupules. Ils ont différentes manières de fe baigner, qu'ils regardent comme un excellent remède contre toutes fortes de maladies. Les Uns f'agitent aflés fortement pour fe procurer une fueur abondante, & enfuite ils fejètent dans la rivière, d'oü ils fortent quelque-temps après, & vont fe fècher au grand-foleil: D'Autres fe lancent dans 1'eau, fans autre préparation, & en-fortant, ils fe frottent d'huile ou de gtaiffe, & vont fe placer quelques heures auprès d'un grand feu. Hyena, & c'eft le plus grand-nombre, qui prennent des bains-chauds; ils fe deshabillent a 1'air, & vont dans le bain; lorfqu'ils ont fuffisamment fué, ils fe font jeter une certainequantité d'eau froide furie corps, & paffènt auprès du feu pour fe fècher. Les Hommes, les Garfons, les Femmes marièes, les Filles ne trouvent nulle honte a fe montrer ainfi nus, même aux Étrangers, que la curiosité attire fouvent autour de ces bains. La quatrième manière de fe baigner, celle qui pafte pour un puiffint remède dans quantité de maladies, confifte a faire chauifer un four: lorfque la chaleur eft un-peu amortie, le Malade entre dedans, & 1'on ferme la porte. II y refte quelques minutes, puis il fort pour refpirer, & il y retourne ainfi plusieurs fois, jufqu'a ce qu'il foit tout en fueur ; enfuite il va fe jeter dans la rivière, ou f'enfóncer dans la neige, fi c'eft en-hiver. Dans 1'ivrefle ils fe fervent du même remède, & Ff iij  45* [A] il leur'réüflït. 5 Paflbns aux cérémonies funèbres. Lorfqu'un Ruffe a rendu le derniei foupir, tous fes Parens & fes Amis accourent & lui font, ainfi que nous 1'avons déja remarqué au fujet de plusieurs Pays, beaucoup de queflions ridicules & impertinentes; après quoi on envoie un présent d'hydromel & d'eau-de-vie au Prêtre, pour 1'engajer a prier pour 1 ame du Défunt. On lave le corps, on le revêt d'un linceul, on lui met des foufiers , & onle place dans un cercueil, les bras étendus en croix fur 1'eftomac : après quelques jours, pendant lefquels IePrétre neceffed'encenfer le Défunt, de 1'arroser d'eaubénice, & de réciter auprès de lui des pfeaumes, on le porte a la fépulture. Un Clerc ouvre la marche, & porte l'image du Saint qui avait été donné au Mort pour Patron a fon batéme. II efl fuivi de quelques Parentes du Défunt, ou de Pleureuses a gajes, qui font retentir 1'air de leurs gémifiémens. Le corps parait enfuite, porté furies épaules par fix Perfonnes, & fi c'eft un Religieus ou une Reügieuse , par des Moines ou desNones. LeCiergéeft autour de Ja bière, &desThunferaires 1'encenfent pour en écarter les Mauvais-efprits, tandis que les Prêtres cbantent des pfeaumes: les Parens & les Amis ferment la marche, Chacun un cierge a la main. Arrivé a la foflè, on y dépose le corps, qu'on découvre pour 1'encenfer encore, & on place fur lui l'image de fon Patron, après quoi la Veuve fapproche, & ïenouvelle fes queflions; quelquefois on baise le Mort, pour lui dire un dernier adieu , & le Célébrant lui place entre les doigts un billet, figné du Patriarche ou de 1'Évêque, qui doit lui fervir de paffeport pour le voyage qu'il vient d'entreprendre. (Ici voyez Olearius). II eft concu en ces termes: »Nous fouffignés, Patriarche, oüMétropolitain, ouArchevéque, ou Prêtre de^cette Ville deN, reconnaiffons & cei tifions  [A] 453 par ces Présentes , que N, porteur de nos Lettres . a toujours vécu parmi nous en bon ebreuen, fesanr profeffion de la religion grecque ; & bien qu'il ait quelquefois pêché , qu'il f'en eft confeüé, & qu'er.fuite il a recu 1'abfolution & la communion en remifiion dc fes péchés; qu'il a révéré Dieu ék fes Saints ; qu'il a fait fes prières; qu'il a jeüné aux heures & aux jours défendus par 1'Eglise; & qu'il f'eft fi bien gouverné avec moi, qui fuis fon Confelléur, que je n'ai point de fujet de me plaindre ds lui, ni de lui refuser 1'abfolution de fes péchés. En témoignage de quoi nous lui avons fait expédier le présent certificat, afin que Saintpierre, en le voyant, lui ouvre la porte a la joie éternelle ». Ces paftl-ports font vendus plüs-ou-moins cher, felon la qualité & 1'opulence des Perfonnes. Ces cérémonies achevées, on f'en-retourne au logis du Défunt, on ordinaii ement on noie fa trifteflé dans des Hots de liqueursfortes. Le deuil dure quarante jours, & le troisième, le neuvième, & le vingtième font marqués par des feftins. Pendant fix femaines, un Prêtre eft payé pour faire des prières auprès de la foffe. Les Rüffes croient qu'il y a des lieux ou les i^mes fe retirent en fortant du corps, pour attendre le jour du jugement. Ce n'eft qu'au moyen de quelques aumönes, que d'honnêtesPerfonnes raffemblent, quelesPauvresobtiennentlafépulture. On exposé le corps dans la rue, ck lesPaffans contribuent, fuivant leur dévotion , a la fomme qu'exigent Ceux qui doivent le portelen terre. Quelques jours avant les fêtes de'Noël, les Rulles font une efpèce de commémoration des Morts, & vontprier fur leurs tombeaux, oü ils fout porter des vivres, qui font enfuite diftribués aux Pauvres. ^ Pour être facré prêtre en Rufiie, ilfuffit de favoir lire , écrire & un-peu de latin : avant Pierre I, cette dernière condition était affés Ff iv  454 [A] indifférente. Dans ce vafte Empire, on compte enviroti feptmille-quatrecents Moines & cinqmille-fixcents Religieuses, qui fuivent Ia règle deSaintbasile. On fait profeffion entre vmgtcinq & trente ans. C'eft entre les Religieus qu'on choisit les Métropolitains, lesArchevêques & lesEvêques, qui font vceu de chafteté: les Militaires les Cultivateurs & les Perfonnes qui font diredement au fervice de 1'état, ne peuvent fe faire Moines fans 1'approbation du Souverain. Les Monaftères font fort-riches , & I'office-div/n f'y fait en langue flavonne, ainfi que dans toutes les autres églises ruffiennes. Rarement dans ce pays on entend parler de difputes de religion. La fede des Starowerfi (anciens Fidèles), que Ceux des Ruffes qui fe regardent comme orthodoxes traitent de Rofkochiki (hérétiques), eft la feule dont on parle encore. Elle a pris naiffance vers le douz^ème fiècle. Ceux qui en fuivent les opinions, prétendent fe conduite fuivant les principes du Nouveau-teftament, & accusent les autres Chretiens de relachement. Un Prêtre, felon eux, ne peut conférer Je batême, lorfqu'il a bu de 1'eau-de-vie. Ils foutiennent qu'il n'y a ni premier ni dernier parmi les Fidèles, & veulent qu'il foit permis de fe tuer pour l'amour de fon Sauveur. lis préchent la communauté des biens, & ne croient pas qu'on puiffe fans pêché prononcer plus de deux-fois de fuite alkluia, & faire lefigne du Chretien avec moins de trois doigts. Ce fut pour foutenir ces dogmes, qu'en 1722 , ils fe laiffèrent bröler dans les granges qui leur fervaient d'asyles, & 1'on ne fait fi 1'on doit étre plus étonné de leur opiniatreté , que de la barbarie de leurs Perfécuteurs. $3» La Nobleffe de Rufiie eft divisée en plusieurs Claffes. Les Princes de la Maison impériale forment la première: les Princes étrangers defcendus de Maisons royales occupenc  [A] 455 Ie fecond rang; les Princes créés & prefque tous ïüns dc Tartares, convertis au chrifiianifme, rempliffent la troisième Clalfe ; & la quatrième compte au nombre de fes Ancétres les Généraux fameus, les Sénatenrs, les Families dans lefquelles les Czars ont choisis des Épouses, & tous Ceux qui fe font élevés pai 1 ur mérite aux places importantes fous les règnes de Pierre-!e-Grand & de fon Père. Le Confeil fouverain eft divisé en fix départemens, nommés chancelleries, & c'eft a ces chancelleries que reflbrtifiént par appel les jugemens des tribunaux particuliers, ou tout fe plaide par écrit. Le meurtre en Rufiie eft puni de mort; mais quel que foit le nombre des Témoins , il faut, pour prononcer la fentence, que le Coupable avoue lui-méme fon crime. S'il resifte aux trois rigoureusesqueftions qu'on lui donne, on efl forcé de lui laifl'er la vie. Un Voleur , fi c'eft fon premier larcin, eft condamné au fouet, a perdre une oreille & a deux années de prison ; fil eft repris une feconde fois, on recidive ce chatiment, & il eft relégué en Sibérie: les Receleurs font traités de la même manière; & 1'on coule dans la bouche des Faus-monnayeurs de la matière fondue qu'ils ont employée dans leur monnaie. Les grands Criminels font brölés-vifs: & les Femmes convaincues d'avoir attenté a la vie de leurs Maris, font enterrées-vives jufqu'au cou. Les Débiteurs infolvables font emprisonnés. On les tire tous les jours de leur cachot pour les exposer dans la place publique, oü le Bourreau leur frappe fur 1'os de la jambe pendant une heure , avec une baguette de la groffeurdu petit doigt; fi aubout d'un certain temps, ils ne peuvent f'acquiter, on les livre avec leurs Femmes & leurs Enfans, a leurs Créanciers, dont ils deviennentEfclaves, jufqu'a ce que ladettefoit éteinte. Voyez les Gynographes 3 pp. 450 -456.  IjAPONII dans 1'air, ni même des Manes ou des Ames des Morts qu'ils 45* [A] LzLaponie eft un grand pays, fitué au nord de 1'Europe & de la Scandinavië, entre la mèr Glaciale, la Ruffie , la Norwège, & laSuède. Onladiviseen LaponieRuffïenne, Danoise & Suédoise, parce-qu'en-effet elle eft fous la dominationdeces trois couronnes. C'eft la patrie des Troglodytes & desPygmées, qu'on trouve limplement designée dans les anciens Géographes. Nous ne parierons point du chriftianifme des Lapons; car, adirevrai, ces Sauvages ne font chretiens que de nom , & le nombre de Ceux qui ont reen les lumières de l'Evangile eft eaetire bien-peu confidérable. Les anciens Lapons, & Ceux qui font idolatres , adoraient & adorent un Dieu fouverain , appelé Jumala ; ils joignaient a cette Divinité le Soleil & la Lune, Thor, qui eft peut-êtrele méme que Jumala, & plusieurs autres Dieus qui présidaient a leur chaffe, & a toutes leurs affaires domeftiques. Suivant la tradition de ce Peuple, Thor eft le Dieu fupréme, le Maitre du tonnerre; il a un pouvoir abfolu fur les Hommes, il règne fur les Démons, & il arrête, lorfqu'il le juge a propos, les pernicieus effets de leur méchanceté. On le représente armé d'un marteau qui lui fert a chatier les Coupables. Storjunkarc eft le lieutenant de Thor ; c'eft lui qui diftribue tous les biens aux Hommes; il a 1'infpection fur tous les Animaux; c'eft a lui qu'il faut f'adreffër pour obtenir une heureuse chafle. Chaque Familie doit avoir fon Idole dans fa cabane; mais il eft néceffaire d'aler prier le Dieu dans les lieuxoüil feplait particulièrement, & oü, fans-doute , il fait fa residence, tels que les rochers, les marais & les cavernes. . On ne nous dit rien de remarquable touchant les autres Divinités que nous venons de citer, ni même des Efprits aériens que ces Idolatres croient répandus dans les élémens & fur-tout  m' 457 qu'ils redoutent étrangement, jufqu'a ce qu'elles aient choisis une-autre habitation. Dans les facrifices que les Lapons olfrent a leurs Divinités, ils immolcnt des Rennes, & quelquefois des Chicns, desChats & des Foules. Avant de commencer leurs cérémonies, ils examinent par le moyen de leur tambour magie , fi la Viótime fera agréableauDieu, auquel elle eft deftinée. Pour cet efièt, après avoir lié 1'Anima! a un pieu, ils lui tirent du poil de deffbus le cou, & 1'attachent a un des anneaux du tambour dont ils vont fe fervir. Un des Magiciens de rAfl'embiée frappe fur at inftrument, en-chanrai.t une efpèce de prière, & fi 1'anneau, auquel eft fixé Ie poil de la Viétime, vient fe poser fur la figure d'une des Divinités tracées fur le tambour, c'eft une preuve indubitable que le facrifice lui fera agréable; fi le contraire arrivé, la Victime eft immolée eft l'honneur d'un-autre Dieu. Le dieu Thoron , par-exemple , dont on ne nous détaille pas la puiffance, eft honoré toutes les années d'un facrifice folemnel. On égorge devant fa ftatue un Renne male , dont le cceur doit être percé avec la pointe d'un couteau. On recoit fon fang dans un vaiffeau , & on en frotte 1'Idole a la tête, au dos & fur I'eftomac. Le bois & les os de la tête de la Viétime, font arrangés derrière Thoron, & on place devant lui une petite boite, remplie de morceaux, pris de toutes les parties de 1'AnimaI. Les mêmes cérémonies f'obfervent dans les facrifices offerts a Storjunkare, excepté que Celui qui a fait le facrifice , prend Ie bois, les os de la tête & du cou de Ia Viétime, fes ongles & fes piéds, & il les porte fur une montagne confacrée a ce Dieu. II frotte une pierre, réputée facrée , avec le fang & la graiffe de 1'Animal, met le bois derrière FIdole, attaché au bois du cóté droit de la.tête cette partie de fon corps qui lui fert  458 [A] a multiplier fon efpèce, & a celui du cóté gaüche un fil rouge paffe au-travers d'un morceau d'étain, avec une pièce d'argent.,. On immole au Soleil des Rennes jeunes & femelles, & 1'on paffe un fil blanc a 1'oreille de la Victime. Par le moyen du tambour magie, on fait qu'elle efl: laViétime qui peut plaire auxManes, & les Efprits aériens fe contentent de quelques offrandes qu'on place derrière les cabanes en certains tempsde 1'année. ^ II efl; certain que les Lapons fe croient de grands forciers ; mais il eft bien-fingulier que la plupart des Auteurs qui ont parlé d'eux, aient prétendu nous faire croire qu'iis 1'étaient eneflët! on nous raconte des choses merveilleuses de leur magie. Ils peuvent arrêter, dit-on, des vaiffeaux dans leurs courfes; on en a vu des exemples. Ils peuvent vous öter la liberté d'agir; plusieurs Étrangers fe font trouvés dans le cas: la pluie tombe, quand ils 1'ordonnent, vingt Témoins atteftent le fait. Laiflbns au Peuple la fatiffadion de croire ces fables abfurdes, puifque tout ce que nous pourrions dire ne le desabuserait pas; mais blamons hautement des Ecrivains qui, bien-convaincus qu'ils en-imposent, ne laiflènt pas deprêter leur plume a ces menfonges dangereus. Racontons ce qu'ils disent comme une preuve de leur ineptie ou de leur mauvaise-foi. Les Lapons ont des Efprits familiers qui les infpirent. Ces Efprits paffènt des Pères aux Enfans comme unhéritage, & ce qu'il y ade fingulier, c'eft qu'ils fe font la guerre entr'eux & élèvent autel contre autel. La communication des Démons fe fait par degrés a Ceux qui font propres au miniftère de la forcellerie. La fcience magique fe manifeftepar une efpèce de maladie, pendant laquelle on a différentes visions; fi 1'on retombe jufqu'a trois-fois dans ce délire, on peut fans le fecoursdu tambour, voirdiftinc-  M 459 tement les choses les plus-éloignées. Que penfer de ce récic ? finon que les Lapons font fouvent affectés de quelque mélancolie, qui leur trouble Tïmagination. Nous ne décrirons point la forme du tambour' magie, qui efl: chargé d'un grand nombre de jérogliphes, peut-être inexpliquables; mais nous devons remarquer qu'il eft fi refpedablepour les Lapons, qu'ils ne permettent a aucune Fille nubile d'y toucher; & que lorfqu'il eft néceffaire de le tranfporter d'un lieu dans un-autre, on prend les plus grandes précautions: car fi une Femme ou une Fille venait a paffer par le même chemin, il arriverait peut-être qu'elle tomberait morte. Lorfqu'un Jongleur lapon veut favoir ce qui fe paffe dans lesPays étrangers, il frappe quelque-temps fur fon tambour, & feint enfuite de tomber, ou tombe réellement en extase; a fon réveil, il raconte les choses les plusétonnantes, & répond en oracle a tous Ceux qui 1'interrogent fur ce qui les concernent. La vente des vents eft racontée d'une facon bien-fingulière. Le Lapon donne au Maitre du vaiffeau un cordon a trois nceuds pour le prix dont il eft convenu. Le premier noeud dénoué , un vent favorable f'élève, au Tecond le vent fe renforce , mais au troisième, il en fort des tempêtes & des orages.' C'eft un fecret, dit-on , qui dépend de la nativité du Magicien. II a un plein-pouvoirfurles vents qui fouffhient au moment de fa naiffance; ainfi 1'Un gouverne un vent, 1'Autre en dirige un opposé; 1'Un fait filler les vaiffeaux & 1'Autre les arrête. Pour empêcher 1'effet de cette forcellerie, il faut frotter le batiment avec certaines humeurs qui fe reproduisent tous les mois chés leSexe, le remède eft für. Que dire a cela ? finon qu'on trouve dansPline, que ce moyen était employé de fon temps contre les maléfices: mais les Lapons n'ont jamais lu Pline. On parle auffi de dards  460 [A] magics, que ce Peuple envoie contre fes Ennemis, & qui leur occasionnent des maladies violentes, ou dumoins font périr leurs troupeaux, & de certains Efprits-familiers qu} leur obéiffént, Sc qui font les Miniftres des vengeances réciproques. Scheffer (Hifioire de la Laponie) , de 1'Ouvrageduquel font tirées une partie de ces extravagances, nous affure que les Lapons vendent a Quicorique veut la payer, une petite boule appelée Tyre , qui produit des effèts terribles. » Cette tyie, n'eft autre chose, dit-il, qu'une boule ronde de Ia grofteur d'une noix , ou d'une petite pomme , faite du plus tendre duvet ... de quelqu'Animal... polie par-tout, & fi légère, qu'elle femble creuse. Eileeft d'une couleur mêlée de jaune, devert&de gris, qui tire un-peu plus fur le jaune... elle eft comme animée... & elie a du mouvement, en telle forte que Celui qui 1'a achetée , peut 1'envoyer fur Qui il lui piaït. Cette tyre va comme un tourbi'lon; fil fe rencontre en fon chemin quelque chose d'animé, cette chose recoit le mal qui était préparé pour une-autre Sec*.... ». Les Lapons fupposent des jours heureus & des jours malheureus, & jamais ils n'entreprennent de chafler 1'Ours, fans auparavant avoir confulté leur tambour. Après cette cérémonie, o;i fe met en marche, Sc on évite fur-tout de rencontrer aucune Femme en fon chemin ; car ce ferait un mauvais présage pour 1'expédition projetée. Celui qui a découvert 1'Ours, f avance a la tête des Chaffeurs, fans armes Sc portant feulement un baton , au pommeau duquel eft attaché un anneau de laiton; Celui qui a confulté le tambour marche enfuite, & les Autres fuivent. Après la mort de 1'Ours, on entonne la chanfon de triomphe, & on remercie 1'Animal de n'avoir fait aucun mal aux Chaffeurs. II eft auflitötécorché, Sc placé fur un traineau, pour être porté k la  [A] 4<5i cabane oü on doit Ie cuire. La Renne qui a été attelée au traineau , ne peut plus faire aucun fervice pendant toute 1'année. Les Femmes en-voyant arriver leurs Maris, leur crachent au visage de 1'écorce d'aune machée & broyée avec les dents; mais on ne nous explique point le motif de cette coutume, fans-doute fuperfiicieuse. Cependant on nous inftruit que Ceux qui ont été a la chaffe de 1'Ours, ouqui 1'ont vu tuer, doivent f'abftenir de tout commerce avec leurs Femmes pendant trois j ours, & Ie Chef des Chaffeurs pendant deux jours de-plüs. Ce temps paffé, les Femmes purifient leurs Maris par une efpèce de luftration. Ils doivent prendre d'une main la chaine a laquelle les chaudières font pendues fur le feu, tourner trois-fois autour de ce feu , & fortir, en-courant les Uns après les Autres, par Ia porte ordinaire de la cabane, par oü les Femmes & les Hommes paffènt indifféremment. En-même-temps les Femmes chantent ces paroles: » Vous rece vrez des cendres fur les jambes ». C'eft fans-doute la formule de la luftration; car aufhtót Une d'entr'elles jète des cendres derrière ces Hommes, aufquels il eft permis après cela de retourner auprès de leurs Femmes. <3j Les mariages fe font en Laponie par le miniftèred'unEntremetteur, qui de la partdu Garfon va chés les Parens de la Fille, muni de quelques bouteilles d'eau-de-vie, ce qu'on appelle le vin delabienvenue. Lorfque les conditions font règlées, c'eft-a-dire, qu'onaftatué ce que les futurs Epous peuvent réünir de Rennes pour commencer leur étabüflèment, on permet au Prétendu de voir fa MaitrefTe; mais on retarde la conclusion autant qu'il eft pofhble, parce-que TAmant doit jufqu'a ce jour faire de petits presens aux Parens de la Fille. Cet inftant décidé, les Lapons idolatres faffemblent dans une cabane ; lePlusagé de Ia Compagnie prend un morceau de fer, qu'il frappe  Samoyê- 462 [A] contre «ne pierre-a-feu , pour en tirer quelques ctincèlles#" ce qui donne la perfectional'union conjugale. Après cette cérémonie, 1'Épous doit fervir fon Beaupère une année entière, aubout duqtiel temps, il eft libre de fe retirer avec fa Femme, 8c ce qu'elle lui a apporté en dot. Les Lapons n'ont point l'usage de la polygamie. Ils font fortjalous; cependant autiefois ils permettaient a leurs Hötes de paffer une nuit avec leurs Femmes, dans 1'idée que par ce moyen , elles leur donneraient de plus beaux Enfans. Les Lapons n'ont point de Médecins parmi eux: ils ne font affligés que d'un petit-nombre de maladies, contre lefquelles ils emploient fort-peu de remèdes. S'ils reffentent quelques douleurs, ils brülent ou fcarifient la partie malade ; & fi le froid leur a frappé quelque partie du corps, ils la frottent avec de 1'huile qu'ils tirent du fromage de Renne. Au défaut de ces remèdes, on a recours au Sorcier, qui confulté fjn tambour, pour connaitre fi le Malade doit en réchapper ou 'mourir. Les Morts font enterrés dans les bois, ou dans une cavernedont on a foin de bouclier 1'entrée avec de groffes pierres. On place auprès d'eux une hache, un caillou & un morceau d'acier, afin qu'a 1'aide de la hache ils puiffent fe fiayer un chemin atravers les foréts, & qu'avec 1'acier tk le caillou , ils fe procurent de la lumière pour fe conduire au-milieu des épaiffes ténèbres qu'ils auront a-traverfer, avant que de parvenir aleur deftination. Ils parait que ces Idolatres croient 1'éternité du monde. Ils fe perfuadent que pendant les éclipfes de Lune, cet aftre eft attaqué par les Démons, qui veulent le dévorer; & pour les délivrer de ce pél il, ils ne cedent alors de faire un bruit épouvantable. Leur crainte n'eft pas moins vive lorfque le tonnerre gronde. Les Samdiédis font répandus dans laSibérie, 6c on en trouve  [A] 463 fe Peuplades tor les bords de 1'Obi, du Ganisea, duLena & de 1'Amur, rivières qui vont toutes fe décharger dans 1'Océan. Ces Sauvages étaient autrefois compris fous le nom des Peuples qu'on appelait Scythes & Sarmates. Ils reconnaiffent un Dieu fuprême qu'ils appèlent Heya. Ils font perfuadés qu'Adam a été crée par Heya , & qu'il eft le père commua de tous les Hommes: mais ils prétendent que fes Defcendans ne vont ni au ciel ni dans les enfers, & qu'il y a un lieu particulier, oü pafferont Ceux qui auront pratiqué le bien dans ce monde, & oü .ils ne fouffriront aucune peine. Cette idee fimple pe les empéche pas d'adorer le Soleil, la Lune & les Planètes, les Animaux , lesOiseaus, &defeforger, felon leurs caprices, des Idoles, aufquelles ils adreffent leurs prières, & font des offrandes. On retrouve chés les Samoïèdes les mêmes extravagances touchantla magie, que celles déjaremarquées chés les Lapons; leurs usages domeftics.tiennerit de la barbarie & n'ont rien de fort-intéreffanr. Quoique les Oftiakcs reconnaiffent 1'exiftance d'un Dieu créatenr, ils n'en révèrentpas moins un grand-nombre d'Idoles. L'Obi, furies bords duquel ils habitent, leur fournit leur principale nourriture. Ils prennent autant de Femmes qu'ils croient pouvoir en entretenir : lorfqu'ils ont concu quelque jalousie contre 1'Une d'entr'ellcs, ils coupent quelques poilsfous Ie ventre d'uneOurfe, & vont le présenter aCelui qu'ils foupconnent d'étre fbn complice. S'il eft innocent, il accepte ce poil; mais lorfqu'il eft coupable, il avoue ingénuementfon crime, & convient avec le Mari du pnx de fa Femme; car fil en-usait autremeat, ces Sauvages font perfuadés, que Ia peau d'oü les poils ont été coupés , dévorerait 1'AduItère aubout de trois jours. Acf uellement que ces Peuples reconnaiffent la domination des II Part. G o- o OSTIAKESi  MoRAVE: ou Freres- ühis. 464 [A] Ruffes, lorfqu'on leur fait prêter ferment de fidélité , on les conduit dans une cour, oü ds trouvent une peau d'Ours étendue a terre, fur laquelle il y a unehkhc, un couteau & un morceau de pain. Avant que de manger ce pain , ils doivent prononcer les paroles fuivantes: » Au cas que je ne demeure pas toute ma vie fidéle a mon Souverain, que je me révolte contre lui de mon propre mouvement, & ce en connaiffance de cause , queje négligedelui rendre les devoirs qui lui font dus, ou que je 1'ofFenfe en quelque manière que ce foit, puiffe cet Ours me déchirer au-milieu des bois, ce morceau de painque je vais manger, m'étouffer, ce couteau me donner la mort, & cette hache m'abbattre la tête » ! S'ilfurvient quelque dinerend entr'eux, ils choisiffent des Arbitres de part & d'autre, & c'eft en leur présence , après avoir enlevé le néz d'une Idole avec un couteau , &: l'avoir frappée avec la hache, qu'ils prononcent diftinélemenf cette formule de ferment : » Si je fais un faus ferment, & que je m'écarte en quelque chose de la vérité, puiffe ce couteau m'abattre le néz, &r cette hache me mettre en pièces de la même manière! puiffe cet Ours me dévorer dans les bois, & toutes fortes de malheurs m'arrriver » ! Pour les Nations que j'omets ici, voyez les Gynographes, pp. 457-467. L'Aflemblée des Moraves, a-présent Hernuthers, eft composée des Miniftres ouPaftcurs, & des Auditeurs. Ces Derniers font féparés en trois Claffes: les Commencans, c'eft-a-dire , les Cathécumènes , tant Enfans qu'Adultes; les Avancés, qui peuvent participer au miniftère de l'Église; & les Parfaits, qui doivent fervir d'exemple aux autres Fidèles, & les conduire a la perfeétion. Entre lesParfaits, 1'Unité choisit les trois ordresde fes Miniftres,  [A] 465 favoir, les Pafieurs, les Aumöniers & les Édiles. Les Aumóniers font proprement les Diacres des Réformés; ils ont foin des Pauvrcs , des Veuves, desOrfelins, desMi„ lades & de Ceux qui font perfécutés pour leur religion. Les Édiles font chargés de recueillir les collectes qui fe font quatrc-fois 1'année , & qui fervent a aider les pauvres Fidèles, ainfi qu'aux réparationsdes églises, des écoles, &des maisons desPaüeurs. LesPafteurs prêchent, adminiftrent les facremens, & ont le pouvoir des cléfs : le Premier d'entr'eux porte le nom d'Antifte. Ces Pafteurs ont fous eux des Acolythes & des Diacres. Les Acolythes font Ia prière , enfeignent le catéchifme aux jeunes Enfans, & font chargés du foin des temples: les Diacres, Proposans, ou Vicaires des Palteurs peuvent adminiftrer les facremens ; mais fils donnent la cène, lePafteur doit prononcer les paroles facramentelles, & donner 1'ahfohition au Peuple , car lui feul eft revêtu de la puiffance de cléfs. L'Antifte efl élu par le futfrage de tous 1 es Miniftres: fa charge eft a vie: on peut appeler de fon jugement au Synode général, a la tête duquel il y a un Président, qui eft le premier du Clergé de 1'Ünité. Les cérémonies de 1'ordination de'ces Miniftres font fort-fimples. Après les recherches de vie & mceurs, après plusieurs examens, le Proposantfe met a genous, jure fidélité aDieu & a l'Église, & 1'Antifte le confirme dans le miniftère, en lui posant les mains fur la tête. On chante le Veni. Spiritus farzcle, & on lui présente la main d'affbciation. Les Frères-unis f'affemhlenc quatres-fois chaque dimanche, 6k en été cinq, a commencer depuis paques; cette cinquième fois eft pour la Jeuneffe & les Domeftics, auxquels on explique le cathéchifme. On ouvre chaque Affemblée par le chant de quelques cantiques; enfuite on explique 1'Ancien & le Nouveau Tefta-  4<5r5 [A] ment, om fait un fermon, une prière, on chante, &le Miniflre termine cet exercice de dévotion par la bénédidion qu'il donne a fes Auditeurs. Le batêmede Frères n'a rien qui le diüinguede celui des Réformés, non-plüsque la cène; fi ce n'eft cependant qu'avant de la faire , le Miniftre doit demander a fon Confiftoire, fils n'ont point de connailfance qu'il fe foit pafte rien de fcandaleus dans le Troupeau ? On allure qu'un Père-de-famille doit, dans ces circonftances, rendre-compte lui-même de 1'état de fa maisori, en ce qui concerne la confcience. Le mariage & les funé>raillcs n'ont rien qui les faffent remarquer. Outre le dimanche, 1'Unité a confervé plusieurs fêtes folemnelles, & des jeunes quatre-fois 1'année : elle lance des excommumcations du haut d'une chaire contre les Pécheurs impcnitens, jufqu'a ce qu'un repencir proportiouné au crime , ramène dans Ie bercail la Brebis égarée. C'eft de cette fecte prefque détruite , & dont les triftes redes fe cachaient en beaucoup d'endroits, qu'eft fortiede nos jours celle des Hernuthcrs, qu'on appèle auffi Ziniendorfiens, du nom de m.r le Comte Nicolas-Louis de Zin~endorf, leur protcaeur. Cc Seigneur né eu 1700, & élevé a Hall dans les principes du quiétifme, voultit eu 1721 former une Société d'Ames fidèles, au-milieu defquelles il put vivre dans des exercices de dévotion dirigés a fa manière. Pour cet effet, il fit 1'acquisition de Bertholfdorf, terre confidérable,' fituée dans la haute-Lusace. Un certain Charpeniier, nommé Chriftian David , porta en Moravie la nouvelle dc ce pieus établiftemens, Sc fur fon récit, plusieurs Perfonnes vinrent fe retirer avec leurs Families a Bertholfdorf; Ceux-ci en attirèrent d'Autres; le comte Zinzendorf vint lui-même f'y fixer; il y fit batir une maison d'Orfelins, Sc plusieurs édifices publics. En 1732, le nombre des  [A] 467 Habitans montait déja a plus de fixcents, qui prirtnt le nomde Hernuthers, de la montagne de Hernuth-berb, qui eft toute proche. Ce fut alors que les Nouveaux-frères crurent devoir établir entr'eux une difcipline qui les liat etroitement les Uns aux Autres, qui les partageat en différentes Claffes , les mit dans une entiè; e dépendance de leurs Supérieurs, les affujétft a de certaines pratiques de dévotion , & a. diverfes autres régies néceffaires poilr maintenir le bon-ordre dans Ia Société naiffante. On y veille avec Ia plus fcrupuleuse attention a l'éducation de la Jeuneffe. II y a des Affemblées particulières pour les Petitsenfans qui ne peuvent encore marcher : on les y porte , onpne, on chante, & on leur fait des difcours proportionnés a la faibleffe de leur age. L'Ancien, le Co-ar.aen,le Vice-ancien , ont 1'infpeétion générale fur toutes les Clafles. II y a des Avcrtiffeurs en titre d'office dont les Uns font publics , & les Autres particuliers & fecrets. A toutes les heures du jour & de la nuit, il y a des Hernuthers de l'un& de 1'autre fexe , chargés tour-a-tour de prier pour toute la Société. Si 1'on remarque que le relachement fe gliffe parmi les Frères, on ranime leur zèle en celebrant des agapes ou des repas de charité. La voix du fort eft fort accréditée parmi eux: ils f'en-fervenr fouvent pour connaitre la volonté du Seigneur. Ce fontles Anciens qui font les mariages, & il faut leur confentement pour rendre cette union valide. Les Filles fe devouent au Sauveur, pour ne fe marier qu'a un Homme a 1'égard duquei Oieu leur aura fait connaitre avec cei titude qu'il eft régénéré, inftruit de 1'importancede 1'état conjugal, & aniené par la direction divine a entrer dans cet état. O.i dit que la Société des Frères-unis a déja fondé Bethléem enPenfylvanie, & formé un-autre établiftéraent chés les Hottentots: G g iij  Dane- MARCK & SuÈDE. 4^8 [A] elle poflede des terres enWétéravie, a Marienborn &HerrM hang, & elle fleurit dans les Provinces-Unies, fur-tout a Iffèlftein & a Zeift, ou elle a fait un abondante recrue de Memnonites. Depuis la fin de 1'année 1748, m.r le Comte de Zinzendorf a fait recevoir la confeffion d'Aufbourg a fes Frères-moraves : » Témoignant en même-temps de 1'inclination pour toutes les religions chretiennes, il déclare qu'on n'a pas besoin de changer de religion pour entrer dans le hernuthifme ». CesMoraves, comme on voit, font profelfion du chriftianifme, & ils femblent nous retracer le desintérefiement & la pureté des premiers Chretiens. Ils n'admettent guères que les principes de la théologie naturelle, un refpecl profond pour la Divinité, une exacte juftice, & beaucoup d'humanité pour les Hommes en-général. Ils ont abfolument éloigné toutes les cérémonies des exercices de leur religion , & leur principale vertu eft la tolérance. Tout Homme vertueus ou fage Sc modéré, de quelque communion qu'il foit, eft bien 1 ecu parmi eux. Ils femblent regarder la mort comme un bien, & ils font tous leurs efforts pour inculquer cette doctrine a leurs Enfans. Aurefte, l'égalité eft entière chés les Moraves; les biens y font en-commun, 6e 1'eftime , les égards ne le font pas moins; ce qui rend leur vie douce, tranquile 6c agréable. L'or, avant-coureur du fafte, qui produit les vices, & bientót les crimes, eft feul capable de détruire cette heureuse 8c modefte Société, Les Quakers d'Angleterre 8c de Penfylvanie, ainfi que les Memnonites de Hollande refiemblent beaucoup aux Hernuthers. Dans 1'ancienne forme du gouvernement de Danemarck 8c de Suède , le Roi était élu par la Nation en-général, y compris les Paysans, qui donnaient leur voix a 1'élecfion , ainfi que le reconnut Waldemar-in, par la fameuse ré-  [A] 4<59 ponfe qu'il fit au Nonce du Pape, qui prétendaitf'arrogec une grande autorité fur ce Monarc : » Naturam habe\mus aDeo (dit ce Prince)', regnum a Subditis, divitias aParentibus, religioncm a romana Ecclesia ». C'était dans 1'Aflemblée des Etats que residait la puiffance légiflatrice du Royaume. On y règlait toutes les affaires importantes du Gouvernement, telles que la paix, la guerre &c les alliances; on y difposait des charges, & on y fixait les impositions & les taxes. La Nation était alors partagée en cinq Claffes. Dans Ia première on comprenait le Roi & la Familie royale. Le Fils-ainé du Souverain, defliné a monterfurletröne, était élu parlefuffragedesSénateurs, & nommé ümpkmentlePrince: fes Frèresétaitappelés Ducs, & depuis Chriftian I, onjoignitace titre celuid'Héritier de Norvége, parce-que ce Royaume était réputé héréditaire, aulieu que le Danemarck était devenu électif. La Nobiefle formait le fecond Ordre: les terres qu'elle poffédait étaient héréditaires, avec droit de juftice, haute&baffe, outre le droit de chaffe, tant avec Chiens qu'au vol. II y avait une loi quidéfendait au Roi d'acheter aucuns biens immeubles des Nobles, & a la Nobiefle d'acheter aucun domaine desPaysans du Roi. Cependant lePrince pouvait faire des échanges avec la Nobleffe, du corps de laquelle on tirait les Sénateurs, dont le nombre ne paffait jamais vingthuit. Pendant qu'ils étaient en place, ils recevaient une penfion de 1'Ètat, & onleurdonnaitle gouvernement d'une fortereffe, fans être tenus a aucune contribution envers le Roi; feulement ilsdevaient entretenir un certain-nombre de Cavaliers en temps de paix comme en temps de guerre, & marcher lorfque le Prince les appelait, pourvu qu'il ne fut pas queftion de paffer les frontières du Royaume. Ceux qui ne parvenaient pas a ces premières places, obtenaient G g iv  47° [A] duPrince quelques terres a vie, ou pour un certain nombre d'années, a Ia charge d'entretenir quelques Cavaliers & de payer annuellcment une fomme au trésor-royai. Les Ecclésiaftics composaient le troisième Ordre de 1'État, & c'était fans contredit le plus puiffant, avant la réfbrmation. Ils jouiffaient alors des décimes, qu'ils partageaient également avec leRoi, après qn'on avait pi élevé une certaine portion pour 1'entretien des Curés, & une-autre pour les réparations des églises. Aujourd'hui les Super-intendans, lesChanoines & les Miniftres ont des penfionsfixées par le Gouvernement, & 1'on apourvu a 1'cntretiende Ceux qui fe deftinent au miniftère ecclésiaftic. Les Bourgeois & les Marchands des différentes Villes formaient Ia quatrième Claffe. Ils pouvaient pofféder des terres & des héritages a. la campagne, Sc même des bois enclos. II leur était auffi permis de faire le commerce par terre & par mèr. C'était dans cet Ordre qu'on choisiffait les Membres des Jurifdiétions fubalternes, dont le Président était ordinairerement du corps de la Nobleffe. Le cinquième Ordre était celuidesPaysans: il fe partageait en deux Claffes, les Fryhunders ou Paysans libres, chargés cependant de quelques lc'gères redevances: Ceux-ci pouvaient faire le commerce & f'exercer a la pêche ; ils ne fesaient point de corvees, & ne payaient de taxes que eelles qui étaient imposées du confentement du Sénat du Royaume. Les autres Paysans cultivaien.t les terres du Roi, de la Nobiefle Sc celles des Ecclésiaftics; Ceux-la étaient tenusaux corvées, dont lesPoffeffeurs des biens convenaient avec eux. L'adminiftration de la juftice était fort-fimple : tout le royaume fe trouvait partagé en un certain nombre de jurifdiétions ou de paroiffes ; chaque jurifdiétion f'affemblait en armes en pleine-campagne dans un temps marqué. La Nobleffe  [A] 471 du canton f'y rendait comme témoin, & adiftait aux plaidoiries & aux jugemens. Ceux qui avaient des différends a règler, favancaientau-mileu de l'AfTemblée. Onécoutait attentivement ce que chaque Partie exposait en-faveur de fa cause ; on alait aux opinions, & 1'on prononcait une fentence. Celui qui refusait de fe foumettre a ce jugement, était maitre d'en appeler a douze Arbitres, qu'on nommait aufïïtöt, ou d'en appeler a l'Afièmblée générale du Royaume. L'Adultère était puni de mort: mais lHomicide n'était condamné qu'a une amende pécuniaire. Le Roi ChriflianIliprononca lapeine de mort contre leMeurtrier qui aurait tué un Homme fans armes, dans le temps qu'il ne fattendakpas a étre attaqué. ^ En 1660 la forme du Gouvernement de Danemarck changea entièrement. Le Ciergé, les Bourgeois & les Paysans fe réünirent contre 1'Ordre de la Nobiefle, qui les tenait fous un joug rigoureus. Ils re~ montrèrent, que depuis longtemps 1'éleclion d'un Roi avait été lafourcedes malheurs qui avaient accablé le Royaume, & ils iïrent entendre qu'en y renoncant, ils mettraientfin aux guerres civiles qui les avaient fi fort affaiblis, qu'ils rétabliraient la paix entre les Membres de 1'État, & qu'ils rendraient ainfi le Danemarck très-puilfant, parl'union de laNorwége, du Holftein & des autres Pays que la maison d'Oldembourg poffédait avant de parvenir a la couronne. En-conféquence de cette'proposition , malgré les violens efforts de Ia Nobleffe, les États renoncèrent au droit d'élection, & rendirent Ie Royaume fuccellif & héréditaire. Ce grand changement arrivafousle règnedeFrédéric-ni. Je ne dirai rien des mceurs de \Italië & de YEfpagnc, &c.» Les différences qui fe rrouvent dans les Gouvernemens monarchics font trop petites, pour vous apprendre quelquechose de-nouveau. Quant au Gouvernement d'An°-lc-  France, F I N. 472 [A] terre, il vous eft aufli connu que celui de votre Pays. II eft trés beau, quoiqu'il ait des inconvéniens: Jc le trouve préférable a celui des Provinces- Unies. Celui des Suifles en-général, ferait vicieus, fi ces Peuples ne jouiffaient pas d'une paix éternelle. Gelui $Allemagne n'eft favorable qu'a fes puiffans Voisins; & vous vous rappelez la fable de 1'Hydre aux cent têtes, &c.a Je ne prétens pas vous faire un article de 1'État oü nous vivons. Je veux feulement vous rappeler ce que vous favezdéja, que nous y avons desSociétés ou Communautés de Laboureurs, qui reflemblent aux Frères-moraves: Tels font les Pinons d'Auvergne, dont vous pouvez voir le régime a cc mot dans YEncyclopédie , ou a la fin du Tome I." de YEcole des Pères. II y a d'autres Families dans 1'Orléanais, qui ont le même régime , & qui fe component a-peu-près comme le demanderait le Règlement que vous avez lu, mon chèr Aurèle. D'après 1'annonce qui fe trouve derrière le Frontifpice de cette Seconde Partie , j'aurais encore fept Notes a placer ici: Mais durant 1'impreflion de la Note [ A ] , on f'eft déterminé a publier 1'Ouvrage d'oü je devais les tirer. On aura foin de les indiquer dans cet Ouvrage ; & vous pourrez, mon Fils, y avoir recours; il fera intitulé LcHibou. Dans un fiècle oü il y a tant de Livres, il faut éviter les doublemplois.  TABLE. Première Partie. A remiÈre Lettre. Introdudion. t $. I." Des abus de l'éducation. ^ Lettre. $. H."» De la facilité & des avantages d'une Réforme générale dts mceurs. 19 III.»" Lettre. $. III.»* Moyens d'opérer me Réforme générale des mxurs. it P X O JET DE RÉGZEMEXT, proposéa routes lts Nations de 1'Europe, pour opérer une Réforme générale des maurs. 2,9 Titre I.cr Des Garsons , depuis la naüTance jufqu'au mariage. 30 Art. Les difpositions des Parens, avant la PRÉtiM. concept, des Enfans, influent fur ceux-ci. Art. I. Éducation des Garfons, dés le berceau. ibid. II. Conduite générale a 1'égard des Garfons. 31 III. Sevrage & ƒ.« Éducation des Hommes, 3 j, IV; Seconde Éducation. ibid. V. lll.me Éducation. 33 VI. Nourriture. ibid. VII. Coucher des Garfons. ibid. VIII. Maladies ibid. IX. Adolefcence. 34 X. Répanition des Elïves Sr des Ap- prentis. ibid. XI. Modèle du Règlement pour le trai- Cement de la JeuneJJè. 3 e XII. Habillement det Garfons. 3 7 XIII. Obéijance. ibid. XIV. Regkre des mceurs de lajeunejfe. ibid. t XV. Secret du Regkre. 3g XVI. Surveill.publicspour les Garfons. ibid. XVII Manièrt dont les Surveillans publics exerceront leut emploi. 3 ^ XVIII. Subordination de la Jeuneffe. 49, XIX. Cas de rebellion de la part des Garfons. ibid. XX. . Droit depunir. 41 XXI. Gradation des délits 6" des peines. ibid. XXII. Gradations des fautes, 41 XXIII. Punitions. 43 XXIV. Sujets incapables. ibid.  47* TABLE. XXV. Etudes des Garfons. 44 XXVI. Mceurs. ibid. XXVII. Fêtes pubiiques. 4J XXVIII. Exercices des Fêtes. 4« XXIX. Montres. ibid. XXX. Prix. 47 XXXI. Marqués des Prix. 4? XXXII. Ejjets des Prix. f1 XXXIII. Religion. ibid. XXXIV. NéceJJïté du mariage. ibid. Titre II. Du Mariage. n XXXV. Difpenje de fe marier. ibid. XXXVI. Chois. ibid. XXXVII. Opposition. 1 y XXXVIII. Difformes. jtf XXXIX. Causes légitimes de rejet d'un Garfon. ibid. XL. Causes non-légitimes. 57 XLI. Inftructions auxNouveaux-mariés. j 8 XLII. Gerae des Nouveaux*mariés. 60 XLIII. Traitementde Ceuxquibraveraient cette loi. 61 XLIV. De Ceux qui emplaieraient les moyens les plus rusés. ibid. XLV. Lorfque les nouvelles Mariées feront enceintes. 6% XLVI. S'il arrivait une infidélité. ibid. XLVII. Habits des Nouveaux-mariés. depuis le mariage. 7. rvnr Communauté de biens. * \ LXV M™"r?fé<"Mrrégalité. ibid. tÏvt E/«° CIX. Des Ecclésiafliqucs. 130 CX. Emplois des Ecclésiaftiques. ibid. CXI. Des Médecins. iJJ- CXII. 2><.s Gens'de-loi tv des Avocats. 13 3 CXIII. LaMagiJlrature. ibid. ' CXIV* Ie Eoi ou /efouverain Magiftrat. 13 y Titre V.me Des Vieillards. ïbib. CXV. Septuagenaires. OBogenaires. Nonagenairts. ibid. Centenaires. 1.?s CXVI. Cemtó. ibid. CXVII. Prcvót-des-mcturs. *37 CXVIIl. Chefo-i'dges. 138 CXIX. Manicre dont les Comités exerceront la juftice criminelle , vj/f, & po//ce. ibiJ. CXX; Comité-Sénat. 13? CXXI. iïfl*« des Ecclésiaftiques , des Nobles , des Surveillans , des Membres des Comités , des Chefs-d'ages, desPrevóts-dcs- maurs , & des Sénateurs. 140 CXXII. Infpe3ion des Comités ; conduite & jugement des Coupables. 141 Bourreaui *4J ; CXXII1. Proclamation des Centenaires. ibid. CXXIV. Elogesfunèbres. I4j CXXV. Académies. lbid. CXXVI- Ga{eticrs.. J4tf CXXV1I. SanSion de ce Reglement & de celui des Gynographes. 14* Récaïitulation. lbl"« IV.me Lettre. §. IV.me RéponfeauxObj<3bns fur le Reglement proposé, pour une Réformatian générale des Hommes, JJ4  TABLE. 475 Seconde Partie, contenant la Note [A]. V.me Lettre. Note [A], Usages dés différens Peuples du Monde. 10$ Terres Australes. lies Maria, no, Nouvelle-Eodande, 2h. O-Taïti, ni. Hes* de-la-Socicté, Huhiheine, u-Li;téa,Scc* it8. Iles-des-Amis, 113. Ile - de - Pdtjue, 130. Hes-marquises, 131. Nouvelles-hébrides. Mallicolo , 131.. Tanna, 133. Nouvelle-Calédonie, -iï Amêrique, 139. Canal-de-No él, ibid. Antides, 143. Caraïbes. 1J3. Mexic, 15 f. Darien,i6$. Pérou,ïhïi. Bresil, 170. Canada, 175. Pirginie, 187 Afrique, 194. Hottentots, ibid. Cuinée, 300 Ethiopië; 3x7. Egypte, 3ij AsiE,3 3i. Chine, ibid. Japon, $6z. Siam, 388. Indes, 394. Mogol, 399. Céilan, 405. Sumatra, 413. Zarwn'e , 414. ^4raJie, 410. Syrië, 430 Europe,434. Turquie, ibid. Puffie,+iC,. Laponie, 45 6. OJliakes,, 4S3. Moraves de la Lusace, 4