DIALOGUES sur la nature, le but, et l'evidence des ËCRITS THÉOLOGIQÜES D'EMANüEL de SWEDENBORGs   Dl ALOGÜES SUR LA NATURE, LE BUT, ET L'EVIDENCE DES ÉCRITS THÉOLOGIQUES D'EMANÜEL de SWEDENBORG, Avec um Abrégé de ses Oeuvres Philosophiques. TRADUITS DE L'ANGLO'IS. Si un Efprit ou uh Ange a parlé a lui, ne combattOHS point contre Ditu. Ai. des Apotr. XXIII. vs. 9. A L O N D R E S, Chez R. HINDMARSH, Imprimeur de S. A. R. lc Prince de Galles, N°. ja. ClerkenWell-Chfc. Ec fe Vend A LA H A T E, Ohcz P. F. GOSSE, Libraire & Imprimeur de la Cour.   PRÉFACE D U TR & JD 17 C TJE UIL :C^uiconque ne jctteroit qu'un regard fuperficiel fur ces Dialogues, & remarqueroit le Pays oü ils ont eu lieu, & le cara&ère des perfonnages qui les ont tenüs, feroit peut-être difpofé a conclure d'abord que, ne traitant les Ecrits du Baron de Swedenborg, qu'ea * 3,  VI P R E S A C E les comparant avec les dogmes de TEglife Anglicane, le fujet de ces entretiens n'intéreflera guères des étrangers, qui auront été élévés dans des fym« böles de Foi, & qui auront été accoutumés a fuivre des formes de culte qui différent, a tant d'égards & a des circonftances fi variées & fi nombreufes, de cette Eglife la; mais on ófe affurer qu'un examen plus exact prouvera que l'objet qu'ils embraffent, auffi bien que la manière de le traiter > peut merker 1'attention de Ia Chrétienté entière, puifque les Ecrits dont ils font le refumé rintéreflent, on peut dire, üniverfellement. C'eft; la du moins le point de vue fous lequel le Tradudeur lui-même, & plufieurs de fes amis envifagent les Ecrits deSwEDENBORG; il s'eftimeroit d'étre du nombre des plus heureux des mortels, fi par le facrifice  ïDü TRADüCTEÜR. vit des momens qu'il a employés a mettre ces Dialogues dans une langue plus généralement connue que h'efl 1'Angloife, il pouvoit contribuer a faire répandre dans le monde des notions plus vraies & plus juftes fur les ouvrages en queftion, que celles que le public en général paroit avoir adoptées jufqu'a préfent. Si au moins il pouvoit efpérer, par le moyen de cette Tradu&ion, de parvenir a délivrer le digne & refpedtable auteur de ces Ecrits, del'atroce & noire calomnie, dont on n'a pas honte actuellement de charger fa vertueufe mémoire, comme fi fes publications avoient donné lieu aux abominations qu'on impute (Dieu fait fi c'eft avec raifon ou a tort) aux gens qu'on nomme aujourd'hui des illuminéjs, tant en Allemagne qu'ailleurs. II fuffira de parcourir ces Dialogues * 4  Vin P R E F A C £ feulement pour fe convaincre par foïmême, que le mal ne diffère pas davantage du bi en., ou l'Enfer du Ciel, que les horreurs doht on accufe ces gens-la différent de tout ce qui peut être cenfé avoir ie moindre rapport avec les principes & les doctrines renfermées dans les Ecrits de swedenborq. Geux qui n-ont ou aflez de tems a eux, ou qui ne font pas dans 1'habitude d'entrcr dans des grands détails fur des matières de cette nature, & qui cependant, par amour du beau & du vrai, (objets qui ont attiré 1'attention & émporté les fuffrages des efprits droits & des ames püres dans tous les fiècles) défireroient s'éclaircir fur un fujet qui occupe plus ou moins |nne place dans les converfations journalières des oififs, pourront trouver ici, fans fe fatiguer par de trop Ion-  jyv TRADÜCTEUR. ix guesleöures, de quoi pouvoir former un jugement fain & net fur la Nature, le But & 1'Evidence des Ecrits de Swedenborgj &pourront par-la fe mettre du moins a 1'abri de ceux qui, par ignorance ou par méchanceté, voudroient leur en impofer par des defcriptions remplies de faufletés ou d'inepties fur certains articlcs qu'il importe certainement a 1'homme réellement amateur de ce beau & de ce vrAi, d'approfondir dans les tems d'une crife, que tout ce quil'entoure femble annoncer ne pas être fort éloignée. Au rede, on s'eft cru autorifé, a caufe de la grande différence qui règne continuellement entre le génie des deux iangues , de luivre un grand exemple en traduifant ces Dialcgues. Non verbum proverbo necejfe habui * 5  x PREFACE jdu TRADÜCTEUR. reddere fed genus omnium verborum vimque fervavi. Cic. de Opt, Gen. Orat. 5. Toujours pourtant en réclamant de Pindulgence de la part d'un public éclairé, dans Paveu qu'on a été plus attentif a donacr Ie fens de ces Dialogues qu'au ftyle de fa Tradudtion. \  DISCOURS PRÉLIMINAIRE, o u LETTRE du RÉD ACTE UR, a Mr. R. D. Monsieur! 31'ai eu le bonheur de me trouver depuïs peu, en deüx occafions dlfiFérentes, dans une compagnie oü 1'on traita fort au long des Ecrits de Swedenborg. Les principaux interlocuteurs étoient un. jeune homme, a qui, pour fa modeftie, fa candeur & fon bon fens, je donnerai ici 'ie nom de Sophron, & un ©ccléfiaftique refpedlabie par fon age, que je défignerai, pour raarquer fa charité & fa bienveillance univerfelle, par celui de Philadelphus. La compagnie étoit trés attentive a ce qui fe paffoit & fembloit y prendre un intér êt trop vif pour interrompre Ja converfario d, ou la détourner fur d'autres objets. Qua nc a moi, je la goutois fi fort que je crois n\ m  xii DISCO U R S avoir pas perdu un feul mot: elle fit fur mon cfprit une impreffion fi profonde, qu'en rentrant chez moi, je formai la réfolution de mettre par écrit la fubftance de ce^ que je venois d'entendre, & de vous en faire part fur le cbanfp, en reduifant cette converfation dans la forme d'un Dialogue , oü je me natte de n'avoir rien omis d'effsntiel. Afin de vous mettre encore plus au faic de ce qui fe paffoit dans ce Dialogue, je crois devoir vous faire connoïtre d'avantage le cara&ère des deux interlocuteurs. Sophron eft. un jeune homme qui vient d'achèver fes Etudes a 1'Univerfité, & fe trouye fur le point d'entrer dans 1'Eglife. II n'avoit jamais vü les Ecrits de Swedenborg, qu-après fon premier entretien avec Philadelphus ; mais depuis cette époque il en eft devenu un Lefteur trés affidu, & un admirateur déclaré. Philadelphus, au contraire,les avoit non feulement lus & étudiés avec la plus grande attention depuis plufieurs années , mais il les a adoptës & introduits dans fa pratique d'une manière que fa conduite eft un tiffu de vertus vraiment chrétiennes. Toutes les fois qu'il parle de Swedenborg ou de fes Ecrits, on le voit animé d'un feu qui charme & quï cnchante, * & il finit pour la p)u3part du temps, par convaincre tous ceux qui 1'entendient, quoique tout cela cependant avec un ton de modérarion, de candeur & de charité qui ne clioque & n'ofiufque perfonne. II  PRELIMINAIRE, xin foutïent que le but de ces Ecrits eft il entïèrement Chré tien, qu'ils élèventtellement le Redetnpteur Chrétien, ouvrent, cxpliquent & font accorder li parfaitement la Bible ou la Sair.te Parole Chrétienne, qu'ils enfeignent & recommandent avec tant d'énergie une conduite vraiment Chrétienne, que la pieté qu'ils inculquent eft ft fublime, & la moralité en eft fi pure, que les. argumens qu'ils contiennent fontfi folides, & la variété des connoiiTances celeftes fi vafte, quM n'eft guères poffible que tout chrétien, qui eft doué de la moindre portion de bien dans fon cceur, n'en devienne, tót ou tard , un admirateur décidé; & qu'il ne réfuïce un avantage réel des le9ons inftru&ives qja'ils offrenta fes reflexions. Cependant, Philadelphus eft bien loin d'impofer la le&ure (ie ces Ecrits a qui que ce foit avant qu'il n'sdt remarqué en eux au préalable, une heureu- fe difpofition a en faire un bon ufage. . Car c'eft une maxime établie chez-lui, que les perfonnes d'une autre tournure ne les liroient qu'avec un efprit de curiofité frivc*le, feulement dans 1'intention d'en parler & d'endifputer, en s'éloignantdavantage encore du but eiTentiël oü tendent les vérités & les vertus que ces Ecrits recommandent, c'eft-a-dire l'humilité, la charité, le véritable culte de Dieu, & une conduite vraiment pieufe & religieufe. C'eft pourquoi Philadelphus eft dans une craince perpétuelle que ces Ecrits ne foient mal compris & pervertis, par ceux qui les lifent avec un efprit contraire; & c'eft  xiv DISCOURS pourquoi il" avertit de la manière la plug ferieufe tous en général & particulièremenc 3a jeunesse, de les lire avec un efprit humüle, cherchant plütöt k améliorer leur s CiffiURS, qu'a ie remplir la tête BE s CIENCES, ou connoissances sim- pLEMiENT. II foutient que beaucoup de favoür, fur tout dans les chofes faintes, a moins qu'il ne foit mêlé d'humilité, & de chariité, eft propre a produire un transport spirituel, & qu'il arrivé plus de mal d'un zèle démesuré et échauffé pour ce qu'on nomme vérité avant qu'il foit bien temperé par la charité , la foumiffiOTi & 1'obéhTance, que de toutes les autres fources. C'eft de la, m'a-t-ii fouvenc dit , que les Persécutions, les Héri:sies, les Schismes, & toutes ces Sectes différentes, avec cette variété de changements externes, ces abolltions d'anciennes formes de culte et cf.s adoptions des nouvelles, qui d:ans tous les fiècles, fous 1'apparence de reformer 1'Eglife, Font laiiTée aufïï peu fanftifiée qu'auparavant; n'opérant de changement réel que dans les noras & dans les rites, mais non pas en puilfance & en effet. C'eft ainfi que Philadelphus recommande de la facon la plus forte & la plus animée a tous ceux qui étudient les ouvrages de Swedenborg, d'être bien für3 d'en faifir le vrai fens, & de joindre a cette parfdite connohTance de ce qu'il aécritune charité folide, une fobrieté d'efprit, & une difcrction fage & exemplaire par obciflance,-  PRELIMINAIRE, avant qu'ils ofent rifquer de les faire connoftre a d'autres, foit en particulier, foit publiquement, de peur que leur zèle pour la yente fe trouvant sans connoissancë lis n'operent plus de mal que de bien II confeüle aufli de confulter plustöt la 'portion de Bien dans les autres que d'avoir egard a leurs notions, fentiments ou opinions ; car ü foutient que tous ceux qui font vrAiment bons font dans LE chemin du salut, ou y parviendront bientót; & que s'ils ne sont pas bons ou qu'ils ne cherchent pas a le devenir, il n'importeguères ce qu'ils croient, pensent ou savent. * • Philadelphus contemple Ia difpenfa- tlOn de LA NOUVELLE JeruSALEM an- noncee dans les Ecrits de Swtdtnbor? fous un pomt de vue le plus vafte & lc piu1 Conlolant. II dit qu'il n'a aucun doute que tót ou tard elle ne devienne universelle quelle aura pour objets, & qu'dle portera fon influence benigne fur toutes les Nations, Peuples et Langues, lansécre. bornee par les formes ou les rituels de culte externe, mais tendant a la purification & a 1'élévation de tous, en leur indiquant leur vrai but, c'eft-a-dire, la connodfance & 1'amour de Jesus-Christ Qmconque, dit - il, dans quelque partie de la lerre que ce foit, ou tn communion externe *vec quelqm Eglifé que cc pufte itre, adore  xvi DISCOURS te Seigneur Dicu, te Redempteur, en ejprit ö* en vêrité, en obfervant fes préceptes d'amour & de charité C?" en en produifant ter fruits dans Ja vie & dans fes aclions , celuild appartient d la vraie Egtife de JesusChrist. II eft a la fois un membre réel defon Corps, un Hér Uier de fon Royaume. Philadelphus éprouve donc une peine fenfible toutes les fois qu'il entend parler de ceux qui, en infiftant fur les formes & fur les exprelfions externes du culte, témoignent un zèle & une ardeur extréme pour changer les chofes extérieures. ; 11 lui arrivé louvent de dire en pareilles circonflances. l'Homme naturel s'occupe fans ceffe dans /'Element qui lui eft propre & alors il ajoute quelquefois — un changement de parclcs & de cérémonies fonne Jort haut d foreille, & paroit avec éelat aux yeux des hommes ; mais Dieu cherche aime un changement dans les cceurs & dans la conduite. —■ C'eft pourquoi il recommande fans ceffe a tous les lefteurs des Ecrits de Swedenhorg, 4e confidérer la pureté de Fame& de la vie, comme le culte essentiel qui plak a Dieu, en leur difant: qu'aux puus toutes choses sont pures, & en appuyant fur les paroles (Matth. XXIII: 26.) nettoyez premièrement le dedans de la coupe & du plat, afin que le dehors auffi en foit net. — Philadelphus eft néanmoins perfuadé que tótou tard, a mefure que la pure vérité fera plus généralement connue, & admife dans la conduite  preliminaire. %m conduite des hommes, elle repandra fon influence, même für 1'extérieur du culte dans 1'Eglife Chrétienne, mais i] foutient que cela ne peut avoir lieu que fucceffivement, felön l'ordre &par ie moyen de ceux qui font autorifés a changer les ordonnances humaines, & il foutient qu'en tout cas, cela doit s'opérer avec une prudence & une précautiön extrêmëj fans quoi il s'enfuiveroit des conféquences nuifibles; & pour cette raifon il recommande a tous d'attendre avec patience le tems du Seigneur lui-méme, & les opératïons de fa Providence , fans fe hater dans leur propre efprit plus vite que le Seigneur ne les conduit; mais, au contraire, en se soumettant A tout ordre h u^ a1ain pour l'amour du seigneur, dans la pleine & entière aflurance que quelqu'imparfaic que foit 1'extérieur de leur culte, eux-mêmes font agréables aux yeux de Jéfus - Chrift , pourvü feulement qu'ils foient fincères dans 1'ufage qu'ils en font, en ayant un refpeft véritable pour ce Père Tout-Puissant , pour cé Rédempteur des hommes & pour fes préceptes. • Telles font quelques-unes des idéés prédominantes dans 1'efprit de Philadelïhus: comme je les fais fi conformes h vótre propre facon de penfer, Monfieur, je vous envoye une copie de ces Dialogues, óu vous verrez ces fentimens plus en détail^ auiïï bien que quantité d'autres qui ne manqueront pas, fans doute, de vous être également fatisfaifantes.  SVin DISCOURS PRELIMINAIRE. Si vous croyez que ce? Dialogues puiffent contribuer a recommander ces précieux Ecrits, oua en empêcher Pabus, vous êtesle jnaitre de les communiquer a vo» amis particuliers, & même au public, de la facon que vous approuvez le plus, & qui vous paroitra le plus convenable. Je fuis avec le plus parfait refpeft, &c. L'AÜTEUR,  DIALOGUES ENT RE SOPHRON et PHILADELPHUS; Sophron. Vous avez donc Ju tous les Ecrits du Baron swedenb org? Phil. Tous fes Ecrits ThéoLogiques qui ont parus, &, a ce que je crois, les plus èlTentiels de fes ouvrages Philosophiqües. Soph. Cet auteur étoit-il donc Philofophe auffi bien que Théologien ? Phil. La Philofophie Naturelle paroft avoir éte' 1'étude favorite de fa jeuneffe, & il s'eft attiré 1'actention des Savans, de tres bonne heure même, par pluGeurs de fes productions fur des. fujets de ce genre. Soph. Pourrois-je vous demander, Monfieur, les Titres de fes ouvrages Philofophiques ? Phil. Un des plus importans & des plus étendus que j'en ai vüs, eft intitulé: Oeuvres Philosophiqües et Minéralogiques, imprimé fous l'infpedtion de 1'auteur même, en partie a Leipfic & en partie h Dresde, en 3 Tomes in Folio,: 1734. Un autre ouvrage e'galement précieux, quoique moins volumineux, eft intitulé : L'eConóMie du Règne animal, en deux panies' imprime* dans les anne'es 1740 & 1741 a Am- k  C 20 ) fterdam, in quarto. Un autre nommé; L b Royaume animal, en trois parties, dont une a éte' imprimée a la Haye, & les autres a Londres, en 1744 & 1745, in quarto. Ces ouvrages font ecrits en Latin. —- En outre il y a eu plufieurs autres pièces PhilofophiqueS, publiées par lui, — tant en Latin qu'en Suédois, que je n'ai point lus, —- dont j'ai vó cependant les Titres , que voici: 1. DffiDALUS Hyperboreus Stokholmim, 1716, 1717 & 1718, in quarto, en fix parties, contenant des Eflais & des Remarqués fur quelques branches des Mathématiques & de Ia Philofophie. 2. Introduótion è 1'Algèbre , fous le titre de 1'art des Régies, publiée en 1717. 3. Eflai pour fervir a déterminer la valeur des Efpèces, & pour trouver un moyen de fixer les Mefures, de fagon è fupprimer les Fractions, & ainfi a faciliter les Calculs. '4. Sur la pofition & fur le mouvement de la Terre & des autres Planères, 1719. 5. Sur l'Elévation des Mare'cs, avec des preuves tirées des faits arrivés en Suède, pour démontrer que le Fiux & Réflux de la Mer ont été plus confidérables ci-devant qu'ils ne font actuellement. (ca d. en 1719.) 6. Eflai fur les principes de la Nature, ou le moyen d'expliquer la Philofophie expérimenta'e par la Géométrie & la Chimie. 7. Obfervations & Découvertes nouvelles fur le Feu & fur le Fer, & particulièrement fur la nature du Feu élémentaire; avec une forme nouvelle pour la conitrudtion des Cheminées. 8. Nouvelle Méthode pour trouver la longitude tant en Mer que fur Terre, par la Lune.  C 21 ) & Obfervations mêlées, ou un Recueil d'Obfer* vations fur différens objets de 1'Hiftoire Naturelle, pardculièrement fur les Mméraux, fur le Feu, fur les Couches (ou Lits des Terres) des Montagnes, & un Eflai fu.r la Cryftailifation. -— li y a bien d'autres traits auffi Oir des fujets moins importar.s. Soph. Au rifque de paroitre trop curieux je ferois bien aife d'avoir des notions plus exac~r.es a 1'égard de la nature de la Philofophie de S wédenborg, & fur les objets contenüs dans les ouvrages que vous avez parcourfis; défirant enfin de favoir tout ce qui pourroit m'aider a me former une opinion jufte fur le compte d'un homme auffi extraordinaire. — D'ailleurs il femble que fi 1'on voit fa Philofophie pofée fur des bafes folides, cette circonftance prouvera plus ou moins en faveur de fa Théologie. Phil. S'il rn'eft permis de porter un jugement fur ce que j'en ai lü, vous trouverez Jes Ecrits Philofophiques du Baron Swédenborq remplis d'un raifonnement fain & folide, & des recherches profondes. ' Vous admirerez en même teras 1'ordre & 1'arrangement exact qu'il a feu. mettre aux différens objets qu'il a traités. Son genie e'toit auffi pénétrant qu'il étoit vafte §c éclairé, —- il ne fe contentoit point de voir les opérations de la nature fuperficiellement; — il entroit dans fes plus obfeures retraites, d'qü il a tiré une infinité de perles, (en fait de connoiffances naturelles) pour ceux qui ont la curiofité de chercher, & le jugement d'en difcerner le prix. II n'étoit pas cependant un Philofophe qui tiroit tout son savoir de lui- même. II avoit orné fon efprit & perfeclionné fes talens par 1'étude des auteurs les plus céièbres A 3  fur les différens fujets de fes recherches dans tous les pays de 1'Europe; de forte que la Geometrie, la Physique, la Chimie, l'AUatomie, la Mineralogie & tout 1'enfemble des Sciences, d'après les découvertes les plus récentes & les mieux conftate'es, lui ont fervi de matériaux pour conftruire le bel édifice de fes propres fyiiémes. Sa Philofophie eft telle qu'en même tems qu'elle e'clairc 1'efprit, elle ame'liore le cceur. II n'a pas cru que ce fut 1'ouvrage de la Science d'obfcurcir les fublimes vérités de la Theologie; c'eft ainfi qu'on le trouva conftant en rapportant les pbéromènes de la nature a des opéretions fpirituelles. II ne perd jamais de vue 1'e'troite connexion qu'il y a entre les deux mondes; c'eft-a-dire, le matériel & le fpirituel, & c'eft dela que fon fyftême préfente a 1'homme les fpéculations les plus e'difiantes, en lui enfeignant a regarder eet univers vifible, avec tout ce qu'il renferme, comme un théatre fur lequel eft repréfenté le monde invifible, d'oü il a tiré foft exiftence & avec lequel il fubfifte conr ftamment & fans ceffe. Soph. Vous avez dit avoir lu fon livre, intitulé : Oeüvres Philosophiqües et Minér-AloGiQUES : faites-moi le plaifir dem'inftruirc un peu du fujet & du deflein de ce livre ? Phil. Volontiers. Le premier Tome contient 1'Examen des principes de la Nature, commeneant par des recherches fur les loix de 1'action, dans ce qui eft nommé par 1'auteur le premier point naturel, ou ies premières & plus étroites limites de l'action fpiritueile dans le Règne de la Nature. Puis le Philofophe paffe è la confidération de ce qu'il appelle l e premier fini Cou premier pas ou dégré)  de la matière, avec tous fes mouvemehS{ & e'eft deia qu'ii déduit 1'origine des élémens, avec leurs mouvemens, figures, qualite's & modes d'opérations refpedtives. Ceci le mène naturellement a des recherches auffi intéreflantes que curieufes a 1'égard de 1'exiftence & de la nature, du Soleil & de fon tournoyement, les caufes & les loix des pouvoirs magnetiques, le chaos ori"ginel, la formation de la tefrele premier état du Paradis, & de 1'homme qui 1'habitoic , & d'autres fpéculations égalemenc amufantes & iraportantes; & on ne fait ce qui excice le plus 1'admiration ou de 1'e'rudition folide , des recherches profondes du jugement mür, ou de la piété fincère & non affectée du Philofophe. Les deux autres Tomes de eet ouvrage extraordinaire torment un fyftême complet de Metallurgie en géne'ral, mais particulièrement a 1'égard-du fcr & du cuivre. En les parcourant, le Chimifte curieux & Ie Me'chanicien pratique trouveront également de quoi fe dédommager amplement des peines qu'i's y ernployeronc. Soph. Et a 1'égard des deux autres ouvrages Philofophiques, dont vous venez de parler, Monfieur, & que vous dites avoir lus, le RÈ- gne animal & 1'economie du règne animal, de quoi traitent-iis? Phil. Ces ouvrages traitent de la ftrudturc du corps humain, de fes parties diitincr.es & de leurs ufages refpecWs; —• matière bien digne de 1'attention de tout amateur des Sciences , tant par le fujet en lui-même que par -la freon de la traiter, & que par les conclufions fublimes que 1'auteur en déduit. On y voit rapportées toutes les expériences & toutes les recherches des anatomiftes modernes les plus célèbres, comme A 3  Geister, Winslow, Malpigius, swammerdam, boerhaave, cowierj Ruyschius, Leeuwenhoek & autres ; On y trouve ces expe'riences & ces découvertes examinées avec Ie jugement Ie plus exact; & les raifonnemerjs les plus fublimes qu'il én a tire's d'après les loix de l'analyfe la plus ftricte & la plus critique; on y eft enfin coriduit infenfiblement d'une anatomie jufte a une Psychologie vraie & raifonnable, oü l'on eft étonné de voir e'tablies les ve'rités les plus importantes Sc les plus inftructives fur 1'efprit humain, avec un dégre' d'e'vidence & de eonviction, dont on ne pouvoit fe former auparavant aucune idéé; on n'a même jamais crü de fujets fi abftraits fufceptibles d'une explication fi claire & fi précife. Suivant les découvertes du Baron Swédenborg, tout corps humain confifte en plufieurs ordres de formes diftinguées entr'elles, felon les dégrés de pureté appartenante a chaCune d'elles refpéitivement, favoir, dans le dégré inférieur réfide Ia bafe ou réceptacle' d'un fecond dégré plus pur & plus intérieur , qui fert de même comme bafe ou réceptacle a un troifième dégré plus élevé encore, cé qui eft le plus pür & lë plus intérieur de tous. C'eft dans ce dernier dégré que réfide 1'efprit humain, étant une fokms spirituelle ORGANisÉE (anima) correfpondant avec 1'efprit corporel, (animus) & y cömmuniquant la vie; pendant que le premier dérive fa vie diredtement du monde fpirituel. —' Et c'eft ici que notre Philofophe arrivé è une conclufion de la plus haute importance, & digne d'être bien faifie & bien retenue; favoir, que la caufe & la fource de 1'organifation, de la Vie êrde 1'action de 1'efprit humain, dérive ab*  C 35 ) folument d'une icfluence continuelle de fauteur de toute exiftence, cette fource de vie & eette caufe primitive d'action dans toutes les cre'atures qu'il a formées. Soph. Je vous fuis trés redevable , Monfieur, de ce que vous avez bien voulu me donner une idéé fi claire, & en même tems fi précife de la Philofophie du Baron Swéden borg; qui, je dois 1'avouer, parle fortement poür lui, & m'incline d'autant plus a ajouter foi a fes fentimens Théologiques; car, quoique je fois affez perfuadé qu'on peut être bon Théologien fans érudition & fans philofophie, & que la vérité célefte eft d'uaé nature afiez fimple pour pouvoir être clairement coniprife & communiquée a nos femblables, fans 1'aide des Sciences humaines. Cependant, dans des circonftances oü il eft queftion de comaattre d'anciénnes opinions & d'en adopter de nouvelles , ( ce qui eft le cas, comme on m'a afiuré, des Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg) il femble que toutes fortes d'aides & de fecours deviennent ïmportans & néceffaires, même è un écrivain de ce genre, pour le mettre en état de combattre les préjugés recüs, & de conftater, expliquer & recommander fes propres idees. Phil. Ces fecours & ces avantages n'ont point manqué au Baron Swédenborg, puifque, foit a 1'égard du génie naturel doat il a été doué, foit a 1'égard de fon érudition acquife, de fes liaifons de familie, de la pureté de fa vie , de fa réputation, des emplois & des honneurs iauxquels il a été élévé, par une fuite de ces qualités & de ces avantages , je crois pouvoir hardiment avancer que c'étoit un homme fmguiièreA 4  ( -6) ment propre & k de'couvrir la vérité, par luiméme, — & a la rendre recommandable aux autres. Soph. Vous m'avez pleinement fatisfait k 1'égard de fes talents & de fon favoir, je ferois bien aife d'apprendre auffi quelque chofe de fes liaifons de familie, & fur fon caractère particulier ; de même que fur les emplois, & les honneurs par lefquels il a été diftirigué. Phil. Quant a fes rélations de familie, il étoit rils de Jesper Swédenborg, Evêque de West Gothia, fortcélèbre datisfon tems. ïl avoit quatre fceurs, dont une étoit mariée a Eric Benzelius, enfuite crée Archevêque d'ü p s a l , — une autre a été 1'Epoufe de L a r s Bbnzelstierna, Gouverneur d'une province. Quant a fa vie privée, il femble qu'elle a été fans reproche, ou pour mieux dire, exemplaire au plus haut point, ayant été formée a tous égards d'après 1'efprit admirable des quatre régies, qu'il avoit formées pour fa conduite jourriglière , & qui ont été trouvées parmi fes manufcrits, après fa mort. Les voici. I. De lire fouvent la parole de Dieu, & d'y méditer beaucoup. II. De me réfigner en tout tems aux foins d'une providerce, & d'étre content. III. D'obferver une décence & une uniformité de conduite, & de garder une confeience pure & fans reproche» IV. D'étre obéiffant a ce qui eft ordonné, fidéle a m'acquitter des devoirs dont je fuis chargé , & de faire tout ce qui depend de moi pour me rendre utile a tous, fans excep- tion : a 1'égard de fes emplois, & de fes dignités, elles repondoient aux prétenfions raifonnables qu'il pouvoit farmer, comme les fuites  C 37 ) de t8nt d'éminentcs & rares qualités, tant naturelles qu'acquifes. Car a un age fort jeune encore, il étoit 1'objet de 1'attention .& des faveurs de la cour, — étant adrnis a de frequents entretiens avec Charles XII, Roi de Suède, dont il recuf la charge d'afTefreur du collége dis mines , place également honorable & lucrative. II a été ennobli auffi, 1'année 1719, par la Reine Ulrica Eleonora, & nommé Swédenborg ; & der puis cette époque il prït féaiuce avec les nofoles de 1'ordre Equeftre dans les affemblées triënnales des Etats. II fut fait membre (par invitation) de fAcadémie Royale des Sciences a Stockholm, — & reciït le même honneur de la part d'autres fociétés dans cies pays étrangers. II étoit furt eftimé des Evêques & de la Nobleffe de Suède, & recherché par les perfonnes les plus diftinguées en différentes parties de 1'Europe; & dont plufieurs ont continué a lui écrirc jufqu'a fa mort. Soph. J'avoue, Monfieur, que la defcription que vous venez de faire du caradtère du Baron de Swédenborg, lui donne un titrc a mon eft> me & a mon refpedt, & femble. promettre tout' crédit aux dodtrines, qui dérivent d'une telle fource;, cependant vous me pardonnerez fi j'ai encore des doutes. Nous fayons par expérience que les grands Philofophes, & les gens les plus éminens par les talents les plus rares, foit naturels, foit acquis, n'ont pas été toujours les plus diftingués pour leurs connoiflances, quant aux vérités divines. Ainfi le Baron Swédenborp-, pourra avoir été un homme d'une grande érudition , un bon métallurgifte, & cependant un Théologien médiocre: vous excuferez la peine que je vous donne, fi fur un fujet de cette im-  C =8 ) portance, je continue a vous faire encore des queftions. Phil. Je me préterai volontiers a toutes vos demandes, & je ne regretterai aucunement mes peines en y repondant, autant que mes lumières melepermetteront, au contraire, je ferai charmé fi par vos queftions ou par mes réponfes, nous pouvons parvenir tous deux a la découverte de cette vérité réelte qui, (a ce que je penfe) eft nótre principal objet; — celui que nous avons également a cceur & que nous cherchons mutuellement. Soph. Je me fens heureux dans la liberté que vous m'accordez de chercher a m'inftruire. —- J'efpère comme vons que la découverte de la vérité fait le feul motif de mes recherches, ce n'eft ni une vaine curiofité, ni pour fatisfaire & des fpéculations vagues & arides, — & encore moina un efprit pétulant de controverfe qui m'y engagent. Je vous prierai donc, Monfieur, d'après les principes dont je fais profeffion, de m'expliquer la première difficulté que je rencontre dans mon chemin, & qui me trouble a 1'égard des Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg : Ia voici.- Si la vérité fe trouve réellement dans ces Ecrits lè, pourquoi ne frappe-:elle pas tous les hommes en géréral par la force de 1'évidence qu'elle doit porter? J'ai toujours regardé la vérité comme poifedant en elle-même une démonftration fi claire de fon exiftence, qu'elle devroit cntrainer après-elle tous les fuffrages par une force, pour ainfi dire, irréfntib!e, — pendant qu'a 1'égard des Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg, les opinions fe trouvent fort difterenr.es: les uns les regardent comme des oracles de vérité, & d'autres font  ( *9 ) bieti loin de les confide'rer comme tels. Comment donc pcuvent ils renfermer la vérité ? Phil. Vötre difficulté, mon cher Monfieur, n'eft fondée que dans Terreur oü vous êtes a l*é« gard de ce qui eft proprement 1'évidence de la vérité. II eft fur qu'il n'y a rien qui loic inTaiNSÉQüEMENT fi clair & fi évident que La vérité, mais il n'eft pas moins certain que tous les efprits en général ne font pas dans un Ét at a être affez aftectés par fa fplendeur & par fa clarté pour en recevoir cette convidtion, auffi rapidement que vous croyez. Je fuis perfuadé que nous fommes d'accord fur ce point, par exemple, qu'il n'y a rien de plus vrai que la Parole de Dieu, puifque c'eft lè ia vérité réelle ou essentielle; & pourtant qu'y a-t-il de plus notoire que ceci, que cette Parole de Dieu, même, ne frappe point de conviclion tous les efprits ? — Nótre Seigneur lui-même en afïïgne la raifon, Jean VIII. 47. oü il dit: celui qui eft de Dieu, entend les Paroles de Dieu ; c'eft pourquoi vous ne les entendez point, parceque vous n'étes point de Dieu. Vous voyez donc que 1'objeCtion que vousapportez la, s'applique également aTEcriture fainte tout comme aux Ecrits du Baron Swédenborg. Soph. Mais dans la fuppofition que ces Ecrits contiennent la vérité, n'auroient-ils pas dü avoir été plus clairs & plus explicites? cn m'a afluré qu'il y a des chofts d'une nature pro- fonde & myftérieufe, qui font k la portée de trés peu de perfonnes; . quelques-unes même incompréhenfibles, — & qu'il y a plufieurs paflflges (fur tout dans fes rélations mémobables) qui ont occafionné du fcandale  ( So ) même a des efprits bien difpofe's. — Or, fi ces Ecrits contiennent la vérité, d'cü vient il qu'on y trouve des myftères fi profonds, qui ne peuvent être utiles qu'a fi peu de monde ,• & qui peuvent devenir un achopement dangereux è beaucoup de perfonnes ? Phil. Vous n'appercevez pas,' fans doute, que eet argument s'applique également aux Ecritures faintes & aux Ecrits du Baron Swédenborg. t Ne m'accufez cependant point de mettre, parceque j'en dis ici, la Parole de Dieu & 'es Ecrits du Baron Swédenborg en niveau, ou de les rcgarder comme également infpirés). Tout cè que je veux établir par la, c'eft, que dans les Ecritures Saintes, il y a plufieurs chofes d'une nature profonde & tnyftérieufe, que trés peu de perfonnes comprennent; & qu'il y en a même, quiontcaufé, & qui caufent encore, beaucoup de fcandale; & qui font un vrai achopement a beaucoup de gens. ■ Cependant nul homme raifonnable ne coniidére ces chofes la comme des objedtions valab:es contre les fublimes vérités qu'elles renferment. On pourroit alléguer une infinité de raifons folides pour juftifier la fagefle divine d'avoir configné pour les hommes des vérités fous le voile du myftère, & quelques-unes même, fous des formes qui blefient ou offenfent. Je n'en rapporterai qu'une feule, qui s'offre en ce moment a mon efprit, la voici. II me paroit beaucoup mieux pour de certaines perfonnes que rencontrant ce qui les choque ou les revolte, elles ne découvrent pas la vérité, £c qu'elles foient par la empêchées de 1'appercevoir, de la reconnoitre, & de 1'admettre, puifque la vérité étant vue, fentie, & adoptée ne leur feroit que plus nuifible, en ajoutant k leur condamnation.  131) Soph. Comment, Monfieur, la vérité feroit nuifible, a qui que ce foit, en augmentant leur condamnation! J'avoue que je ne comprends rien a tout cela. Phil. Ce que je dis, cependant, fe trouve, en autant de termes dans ces courtes, mais importantes paroles proférées par le Seigneur lui-méme, en s'adreffant aux Pharifiens, Jean. IX. 41. quand il leur dit: fi vous étiez aveugles yous n'auriez point de pêché, mais tnaintenant vous dites, nous voyons: c'eft pour quoi vótre pêché dêmeure. II paroit du fens de ces paroles «ju'il auroit été mieux pour ces Pharifiens, & qu'ils euflent été moins coupables, s'ils avoient été tout-a-fait aveugles, quant a la lumière de la vérité, qu'en voyant comme ils croyoient voir, ■— c'eft ainfi , comme je viens de le dire, qu'il pourroit être parfaitement conforme aux confeils de la miféricorde & de la fagefle divine de cacher la lumière aux yeux de quelques-uns, foit en 1'enveloppant du voile du myftère, de Tobfcurité, foit en la préfentant fous une forme externe aflez revoltante pour les empêcher de la reconnoïtre, & de la recevoir. —■ De manière que Dieu fe montre extraordinairement bon & miféricordieux dans les circonftances oü il nous paroit le plus cruel; comme quand il eft dir. II a aveuglé leurs yeux & il a endurci leur cceur, afin qu'ils ne voient point des yeux, £7 n'entendent point du cceur, & qu'ils ne fe convertiffent point; & que je ne les guérijfe pas. Jean XII. 40. Soph. Ce que vous dites,Monfieur, me paroit bien fondé, en quelque facon, —• cependant je n'y vois pas trop clair encore. Phil. Comment, Monfieur, ne voyez vous  C 32 > p2S que Te but & le defTein de toute sCiencë & de toute iNSTRUCTioN/oüceque nous ap~ pellons vérité eft d'améliorer le cceur & la vie, en punfiant la volonté, en règlant les af~ fections , & en produifant un changement dans Thomme entier; en l'e'lèvant des affedtions terreftres a des dilpofitions céleftes? Or, fi vous pouvez comprendre ce but & ce desseiiJ de la vérité, vous appercevrez d'abord 1'intention & la raifon, pourquoi la fagefle divine agit d'une manière fi fcrupuleufement exacte, tant a 1'égard du mode qu'a 1'égard dé la méfure qu'elle fuit eri accordant la connoiflar.ee des vérités céleftes aux hommes. Car fl leurs volontés & leurs affections fe trouvent dans un état de corruption, qui les empêche d'atteindre le but de la vérité, en fe prêtant avec une obéiffance entière a ce qu'elle enfeigne , ( par oü elles parv.iendroient a un état de reformation & de purification) il eft évident que la vérité, pour ces perfonnes la, feroit non-feulement fans profit ou fevantage quelconque, mais un Don trés pernicieux, puifque ce feroit la caufe qu'elles pêchefoient contre une lumière plus vive encore qu'auparavant & ne feroit que leur attirer une plus grande condamnation, fuivant ces autres Paroles du Seigneur. Or, le ferviteur qui a connü la volonté de Jon maitre, & ne s'cfl pas preparé, & *'a point fait felon fa volonté, fera battü de pluJieurs coups, Luc. XII. 47. Soph. Je me flatte, Monfieur, que je commence maintenant a vous comprendre : vótre argument eft pofé fur cette bafe, — que la grande fin de la vérité, c'eft la charité; ou une conduite fage & reglée; & que pour cela la vérité n'eft accordée aux hommes & ne peut leur être ütil*  ( 33 5 ütile qu'autant qu'ils fe fentent dans une difpoiïtion a fe laiffer guider par elle a la charité', & par la charité a une nouvelle vie : j'admets la force de vótre raifonnement, & j'ofe efpérer que ce que vous venez de me dire me fervira de lecon dore'navant, tant a' 1'égard de févidence que je pourrois rechercher .de la vérité, qu'a 1'égard de 1'ufagé que j'en ferai: je vous fuis réellement redevable, Monfieur, de m'avoir ainfi éclairé d'une manière fi farisfaifante fur la fagefle divine qui accorde la vérité & la connoiflance a chacun fuivant Tufage qu'il en fera > en 1'appliquant a fa vie, &, qui 1'éloignê de ceux qui ne lui feroient pas fidèles en en faifant un bon ufage. Et je crois appercevoir une nouvelle force Sc une nouvelle beauté dans ces Paroles de David. 11 fera marcher les débonnaires dans la droittfre, & il enfeignera fa voie aux débonnaires. Pf. XXV. 9. Phil. Je me rejouis véritablcment de vöir que vos yeux foient' ouverts pour reconnoitré un point auffi eflentiel; & j'aime a croire que vous demeurerez toujours dans cette perfua-^ fion , que la vérité eft toujours la vérité , quoiqu'enveloppée de miftères , & même de chofes révoltantes, Ou de contradiótions apparentes, lorfqu'elleeftcontemplée par des perfonnes d'une certaine difpofition; c'eft-a-dire qui në font pas en état d'en prorlter daris leurs cceurs & dans leur conduite, pendant qu'a 1'efprit humb le, docile & bien preparé elle le montrera parfaitement claire, convaincante & fatisfaifante a tous égards; d'autarit que, étant appliquée a règler la vie, (qui en eft le feul & unique but) elle fera juftifiée par fes effets faHitaires, c'eft-a-dire, en produifant 1'amödr B  ( 34? pür envers Dieu, & la charité fincère envers les hommes, en quoi confifte le vrai règlement de la vie. Soph. J'admets ce que vous dites Monfieur, & j'efpère de mettre vos obfervations a profic toutes les fois que je lirai 1'écriture fainte, ou tel autre Livre que ce foit compofe par des perfonnes d'une pieté reconnue, — & de ne pas me fgandalifer lorfque j'y trouverai des pafTages qui pourroient paroitre a mes yeux o« myitérieux ou contradictoire». Cependant, vous me pardonnerez j'efpère, fi je vous avoue que le témoignage du Baron Swédenborg, auroit apporté une plus grande portion d'évidence & de conviction a mes fens, s'il avoit été appuyé par queiques *>ignes ou miracles; &, a dire le vrai, il me femble que pour un objet d'une li grande importance que fes écrits (a en juger par ce que j'en ai entendu dire , car je ne les ai point lus moi-même)il étoit de toute nécelfité qu'ils fulfent récommandés & conflrmés d'une manière fi extraordinaire, & par des marqués aflez inconteftabl s d'authenticité pour óter abfolument toute poffibilité ou de les contefter ou de refifter a leur conviction; — &, quant a mon particulier, j'ofe promettre que fi 1'auteur avoit été en état de prouver fes Doftrines par des miracles je n'aurois pas eu le moindre fcrupule d'admettre d'abord leur autorité; & de leur rendre une obéiliance implicite. Phil. Vous confidérez donc; Monfieur, des miracles comme des preuves effentielles de la vérité ? Soph. — Oui. Phil. — Et que ce font des preuves convaincantes auffi?  ( 35) Soph. Oui. Phil Et comme des confirmations nécessaires a toute difpenfation de la vérité? Soph. C'eft la mon idee. Phil. — Voudriez-vous donc me faire le plaifir de repondre a quelques queftions fort fimples, que je vais vous propofer? Pourquoi tous ceux qui ont éte' témoins des miracles du Seigneur, n'en ont ils pas été également convaincus ? Auffi par ceux que Moise opéra devant les Israëlites ? Pourquoi , le Seigneur, reproche-t-i! aux Juifs de tant infifter fur ce témoignage fur-nauirel, comme dans" ces paiTages oü il dit: La nation méchante (f aduttére recherche un figne. Matth, XII. 39. Et encore. Si vous ne voyez des ftgnes Ö" des miracles, vous ne croyez point,Jean IV. 48. Pourquoi a-t-il été permis aux magiciens d'Egypte d'imiter les miracles opérés par MorsE & Aaron? Pourquoi des Faux Chrtsts & des Faux Prophètes? Matth. XXIV. Le Dragon? Apoc. XIII. ■ La Bete? Cbap. XVI. & l'An- téchrist? Pourquoi font ils décrits comme fe montrant avec des fignes & des miracles de menfonge. 2 Thesf. II. 9? . Pourquoi eft-il écrit Luc. XVT. 31. S'ils n'icoutent pas Moïfe les Prophètes, ils ne Jeront pas non plus perfuadés, quand même quelqu'un des morts refufcitéroit? Pourquoi Jean-Bapiifte n'a-t-il point fait de miracles, lui qui cependant étoit un fidéle,.témoin de la vérité? Et enfin, pourquoi Dieu n'opére-t-il pas encore des miracles pour la converfion des Juifs, des Turcs, des Infidè'es & des Payens? Je vous prie cependant de ne pas vous méprendre fur ce que je veux dire, en fup~" pofant que par ces demandes, je prétende invaB tf  C s« ) lider en aucune facon l'autorité divine des miracles, ou que je veuille en infe'rer qu'ils ne font d'aucun ufage pour confirrner la vérité: je rends graces a mon Dieu de cc que j'é'prouve le fentiment le plus vif & le plus fort de cette puiffance divine, qui s'eft ainfi découverte aux hommes dans tous les fiècles, — & qui a confirmé les préceptes de fa propre. fageffe par des preuves fi efficaces ; & je fuis toujours prêt a rcconnoitre pleinement la force de ce témoignage: tout ce que je foutiens fur eet Article, c'eft, que des miracles ne font pas les se u les preuves convaincantes OU necessaires de la vérité, qui pourra toujours être reconnue pour la vérité fans de tels témoignages. Soph. Mais permettez moi donc de vous démander a quelle fin le Seigneur & fes Apótres ont opéré des miracles ? Phil. Les miracles qu'a faits nótre Seigneur & que fes Apötres ont opérés en fon nom ont eu , affurément, un but plus important que celui de confirmer fimplement la vérité qu'ils enfeignoient; c'étoient autant de fignes extérieurs-naturels pour fignifu-r & pour faire connoicre. aux hammes la puiffance divine dans fes opérations intérieures & spirituelles , — de manière que chaque miracle en particulier étoit, foi-même, une grande & importante legon de vérité célefte, & d'inftruction a ceux qui le pouvoient contempler dans une vue fpirituelle en tant qu'il portoit un témoignage inconteftable de ce pouvoir ou de cette vercu Divine qui fauve,communiquée de par Dieu dans fon état d'incarnation, a 1'ame des hommes intérieurs ment, dont ils voyoient les ef'fets produits devant leurs yeux a 1'égard de  ( 37 ) leurs corps extérieurement. C'eft pourquoi j'éprouve une peine réelle toutes les fois que j'entends foutenir que le seul drffein des miracles eft de confirmer la ve'rite' de pquelque doctrine ; pendant que tout homme de bon fens, ce me ïemble, doit appercevoir qut^des miracles vraiement divins, fi on les examine bien, enseignent & déclarent la vérité en même tems qu'ils la confirment. II feroit dans fa place cependant de remarquer ici qu'ils n'enfeignent, ni ne confirment la vérité a perfonne qu'a ceux qui fe trouvent dans un état prnpre a reccvoir !e témoignage réel de la vérité-même: & je n'fiéfiterai pas de prononcer que 1'évidence, qui provient des miracles,peut devenir, dangereufe & nuifible a ceux qui ne font pas dans eet état. Soph. En quel fens je vous prie? Phil. En contraignant la foi la oü le cceur n'eft pas difpofé a en proficer, au quel cas, comme il a été deja remarqué a 1'égard de la connoiflance, il feroit mieux de ne pas croire; car le grand but de la foi, oude la créance, comme celui de la connoiflance, étant de corriger & d'améliorer la vie, fi le cceur n'eft pas en état d'étre corrigé & amélioré, la foi, ou la créance , eft non feulement inutile, mais même, nuifible, en augmentant la condamnation cn ce qu'elle occafionne que Ton pêche contre une plus grande évidence qu'on ne feroit autrement. Soph. Vous penfez donc, Monfieur, que Tévidence dérivée des miracles n'eft qu'accessoire, pour ainfl dire, ö Tévidence pure et réelle de la vérité, & que la pure & réelle évidence de la vérité, comme y réfidant B 3  ( 38 ) abfolument, & communiquée de parfoi, en eft la véritable, la plus convaincante évidence. Phil. Je lc crois, & cela s'accorde avec la déclaration du Seigneur lui-même oü il die. Si quelqu'un veut faire Ja volonté de mon pèrt, il eonnoitra fi ma doftiiie eft de Dieu. Jean VII. 17. — & dans un autr*? endroit. Et que ne jugez' vous auffi de vous mêmes ce qui eft jufte? Luc. XII. 57. Nótre Seigneur indique ici 1'évidence propre & convaincante, de la vérité dérivant de la doctrine de la vérité même, - & d'accord avec le principe dont 1'homme eft doué , qui le rend capable d'en juger; & il montre, en même tems , la qualité requife pour bien juger, & pour en recevoir la conviction réelle, qui eft un défir fincere de faire la volonté de Dieu. ' Soph. J'ófe me flatter, Monfieur, qu'a préfent je commence a comprendre la force de votre raifonnement; mais comment 1'appliquerai-je de maniere a léver toutes mes difficultés a 1'égard des Ecrits du Baron Swédenborg? Contiennentils donc effedtivement cette évidence, interne, propre, & convaincante que vous regardez comme une preuve caradtériftique de la vérité ? S'il eft ainfi je vous prie de me citer quelques-unes de ces marqués, car 1'amour fincère que je porte a la vérité, me perfuade que j'aurai un plaifir réel de la réconnoitre par tout ou je la pourrois trouver. P h 1 l. Je m'eftimerai heureux de vous donner a ce fujet toute la fatisfadlion qui eft en mon pouvoir. Cependant il y a certains points a règler préalablement, touchant tant la mésure & 1'espèce d'évidence è demander è cette occafion, que les personnes aux  < 39 ) qu el le S on se propose d'offrir cette é viDEh ce pour en former un jugement exact. Quant a la me'sureSc a 1'espèce d'ÉviDENCE a chercher, je dois vous prévenir qu'on auroic tort fi Ton efpéroit de trouver dans les Ecrits du Baron Swédenborg, ou dans tels autres Ecrits humains, la vérité' réelle & effentielle. Soph. Que me dites vous la, Monfleur? Comment, ne devons nous donc pas nous attendre a trouver la vérité même? A quoi devons nous donc nous attendre? J'avoue que je ne vous comprends pas du tout. Phil. Ayez un peu de patience, Monfieur, & vous verrez clairement oü je vife. Tout ce que les Ecrits purement humains font deftinés a faire, c'eft comme Jean Baptifte, a te'moigner de la ve'rite'; ils ne font pas proprement eux-mêrnes la ve'rite', mais ce font des attestateurs de la vérité. je m'adreffe a vous comme a un chrétien, & a un Philofophe en même tems. Je n'ai aucun fcmpule a vous déclarer que la ve'rite.' proprement nomme'e telle eft purement divine; & par conféquent, comme il n'y a nul qui soit bon sinon Dieu seul, auffi, a proprement parler, il n'y a nul vrai ou la ve'rite' qu'un feul, & c'eft Dieu Sc fa Parole: c'eft pourquoi nótre Seigneur étant Dieu, fe nomme par éminence la ve'rite', Jean XIV. 6. & il donne le même titre a fa paro le. Ch. VUL 4°> 45« 4°'- Soph. Que voulez-vous infe'rer de la? Phil. Q.ie nidans les Ecrits du Baron Swédenborg, ni dans aucun autre Ecrit humain, nous ne devons-nous attendre a trouver, k proB 4  ( 4° ) prement parler, la vérité même, mais uniquement un témoignage de la vérité. Ce fera donc une évidence fuffifante en faveur des Ecrits du Baron Swédenborg, fi on peut prouver qu'ils rendent un témoignage fidele a la vérité. Soph. Vous entendez- donc, Monfieur, que la marqué diftinttive entre la parole de Dieu & celle des hommes, c'eft que la première eft la vérité même, & que la dernière n'eft vraie qu'autant qu'elle porte un témoignage fidéle A la parole de DlEU. Phil. C'eft précifement la ce que je veux dire: car, comme dans la Philofophie naturelle, la vérité réelle de cette Science eft la fagefle de la Divinité, manifeftée dans les différens ouvrages de la création. — Ainfi, en parlant du vrai Philofophe, on ne peut pas dire qu'il déclare cette fageffe, mais qu'il la témoi^ Gne , en en développant & en en expliquant les merveüleufes opérations: c'eft la même chofe a 1'égard de la Théologie. La vérité réelle de cette Science-!a, c'eft }a fagefle de la Divinité, manifeftée dans fa parole; & en parlant du vrai Théologien, on ne peut pas dire qu'il prononce cette fagefle, mais qu'il la témoigne, en en ouvrant, en en expliquant le vrai fens & la vraie fignification. Soph. Vous voudriez donc que 1'on eonfidérat les Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg comme témoignant la vérité, & fous ce point de vue, étabiir une évidence en leur faveur? Phil. Oui; confidérés comme tels, & d'apres la diftinction qu'on vient de faire entre la vérité elle - même & un fimple témoigna-  (4i ) ge de la vérité , il me paroit que Tévidence en faveur des Ecrits du Baron Swédenborg eft d'une nature a ne pas être conteftée par aucun chrétien sÉrieux. Je dis sérieux, parceque malgré tout le poids de 1'évidence en pareil eas, beaucoup dépendra encore des personnes auxquelles elle est of- ï£bte. Soph. Mais ne feroit-il pas poiïible que les qualités requifes pour 1'admiffion de cette évidence, fuffent telles, que trés peu de perfonnes les euffent en partage? Phil. Non, Monfieur, je n'exige que ces qualités qui devroient être communes a tous les chrÉtiens en génÉral; c'eft-a-dire, de reconnoitre la Divinité & la fpiritualité de 1'Ecriture Sainte, ou la parole de Dieu, & un déür fmcère d'en comprendre la vérité réelle dans la vue de mèner une vie qui y foit conforme. Je n'ai aucun doute que partout oü ces qualités fe trouvent réunies, Tévidence en faveur des Ecrits du Baron Swédenborg, comme portant un témoignage fidele A la vérité, ne foit trouvee convaincante au plus haut dégré. Mais fi toutes ou feulement quelquesunes de ces qualités manquoient, que Tefprit, par exemple, fut dans un état de défordre affez grand pour ne pas accorder volontiers la Divinité & la fpiritualité a TEcriture Sainte; ou fi, en Taccordant, on étoit plus porté pour les fy* ftêmes , les opinions & les traditions des hommes , que difpofé a découvrir la vérité réelle dans la parole de Dieu; ou fi, aimant & chériflant la vérité, on ne fe mettoit pas en peine de règler fa vie par les divins & , confolans préceptes qu'elle renferme; dans tous ces cas les Ecrits du  ( 4* ) Baron Swédenborg ne porteroient avec eux aucune conviction; ainfi on ne pourroit s'attendre qu'ils feroient recü-:. Soph. Eh bien, Monfieur, admettant que des perfonnes de ce caradtère, c'eft-a-dire, fans les qualite's que vous exigez, ne peuvent voir aucune évidence dans les Ecrits en queftion, voudriez-vous avoir la complaifance de me dire quelie raifon vous avez de préfumer que leur évidence feroit admife comme valable & fatisfaifante par ceux qui feroient pourtant doués des qualités dont vous venez de faire la defcription? Phil. 11 ne fera pas fi facile, a beaucoup prés, de répondre a cette demande qu'a celles qui 1'ont précédées, & cela par la raifon, qu'en parcourant un livre (de 1'autenticité duquel on eft entièrement perfuadé pendant qu'on le lit) il n'eft pas fi aifé de fe rappeller tous les argumens, raifonnemens & motifs qui ont opéré dans le moment la conviction de 1'efprit du lecteur. Je 1'ai éprouvé d'une manière fingulière a 1'égard des Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg. Pendant que je lifois, chaque page apportoit a mon efprit quelque conviction de plus que je n'avois eu auparavant, & Tévidence de quelque vérité que je n'avois qu'imparfaitemcnt comprife ou adoptée jufqu'alors; ce qu'il eft impoffible cependant, ou de fe rappeller pleinement, ou d'expliquer a une autre perfonne. II y a pourtant quelques points ge'ne'kaux de Doctrine expliqués dans ces Ecrits, qui ont fait une impreffion plus que commune fur mon efprit, & qui (a ce que je ne peux m'empêcher de croire) doivent paroïtre également fatisfaifans & convaincans a tout chrétien doué du caractère que je viens de tracer,  ( 43 ) Soph. Je vous prie de les nommer. Phil. La Doctrine touchant le Seigneur, celle touchant l'Ecriture sainte, & celle touchant la vie vraiment chkétienne. Soph. Oferois-je vous demander, Monfieur, quelle eft cette Doctrine en particulier renfcrmée dans ces Ecrits touchant le Seigneur? Phil. Vous ne pouvez ignorer comment les fentimens du monde chrétien fe trouvent partagés aujourd'hui fur ce fujec: comment quelques-uns admettent que Jéfus-Chrift eft Dieu, mais en même tems pas le Dieu unique; ne le comptant que comme une seconde PerSonne dans la Sainte Trinité, & reconnoiffant avec lui deux autres perfonnes, le Père & le Saint Efprit, qu'ils regardent comme diftinctes de Jesus-Christ. C'eft ainfi que, fuivant leur fymbóle, le Seigneur & Rédempteur Jesus-Christ n'eft qu'une efpèce de Dieu, Me'diateur & Intercesseur; pendant que Dieu le Père eft confidéré comme le Dieu auprès de qui il agit par médlation & par intercefiïon; & Dieu le Saint Efprit, qui opére en conléquence de cette me'diation & de cette intercession. 11 y en a d'autres qui refufent au Seigneur & Rédempteur le caractère & les attributs de la Divinité'; tels font les Ariens & les Sociniens. Les premiers lui aflignent un rang, il eft vrai, infiniment au - deifus de tout autre Etre créé, mais infiniment au-deflbus du Créateur, ne lui accordant aucun honneur divin : ils s'adreffent dans leur culte uniquement a Dieu le Père, ne refpectant Jéfus-Chrift que comme fon fubftitut au ciel & fur la terre, revétu d'une autorité temporaire pour ex écuter les deiTeins de la fa-  <44) gefle divine. Les Sociniens de'gradent encore plus le Rédempteur que les Ariens, en lui ótant non-feulement fa .Divinité , mais encore tout pouvoir & autorite' au-deia de ce qu'ont eu d'autres hommes faints & infpire's ; ils reconnoiflent, il eft vrai, qu'il a été un prophéte extraordinaire, & qu'il a été doué du pouvoir de faire des miracles', comme ils attribuent auffi a Moïfe, Elie, Elifée & d'autres; mais ils re croient pas qu'il ait différé a d'autres égards des hommes ordinaires. Je penfe que la foi de tous iés chrétiens d'aujourd'hui peut être rargée fous 1'une ou 1'autre de ces formules-la. Mais les Ecrits du Baron Swédenborg nous préfentent un fymbóle de foi chrétienne qui en différe effer.tiellement. L'on y trouve par oppofnion aux Ariens & aux Sociniens, la Divinité du Seigneur & Sauveur Jesus-Christ foutcnue & prouvée de la facon la plus claire, & tirée du plus profond examen des livres facrés; &, en contrudiction directe avec les ópinions des autres chrétiens, on y voit la Divinité du Seigneur cenfervée dans fon unité parfaite & entière, étant clairement démontré par une infinité de paffages, tirés tant du vieux que du nouveau Teftament, que le Jesus des chrétiens eft le Jehovah des Juifs, ou en d'autres mots, que le Seigneur Jesus-Christ eft véritablement le manifefté Jehovah-Père. Soph. Mais comment cela s'accorde -1 - il avec Ia Doctrine d'une Trinite', telle qu'elle eft enfeignée & regüe par le monde chré» tien entier? Phil. Avec la Doctrine d'une Trinité fe- lon qu'on LA COMPREND CE'NE'rALK-  (45) ME ut, cela n'eft pas d'accord; mais il 1'efê entièrement avec la Trinité exprimée dans 1'Ecriture Sainte. Par exemple, pendant que vous fuppofez que la Trinité conftfte en trois iersonnes distinctes, dont chacune eft un Dieu , fubfiftant par lui - même, ayant des fonCtions, & exercant des opérations se'pare'es, il n'eft pas poffible de concilier cette idéé avec celle que Jesus eft Jehovah, —■ elle eft également incompatible avec l'unité de la Divinité. Mais fi en place de cette idéé vous adoptez la vraie idéé de la Trinité, tirée de la Bible, nommement celle de Père, Fils & Saint Esprit, rien n'eft plus facile que de la concilier avec celle que donnent du Rédempteur des chrétiens les Ecrits du Baron Swédenborg-, le Père c'eft le principe essentiel-divin dans le Seigneur Jesus: le Fils le principe humain, effentiellement & ïntimement uni au principe divin; & le Saint Esprit le principe divin-proce'dant, ou 1'opération, comme réiültant de Tunion des deux autres principes, formant tous enfemble un Dieu-Homme, exactement comme fame, le corps & les opérations forment une feule créature humaine. Ceci eft parfaitement d'accord £vec la Doctrine généraiement re cue dans 1'Eglife chrétienne, oü il eft dit: que quoique le Seigneur Jesus-Christ foit Dieu Ö" Homme, il n'eft pas deux, mais un Chrift; un, non par converfion de la Divinité en chair, mais par l'affomption de l'humanité a la Divinité. Car comme l'ame raifonnable & la chair font un homme, ainfv Dieu & l'Homme font un Chrift. Voyez le Symböle d'Athanafe. Sous ce point de vue on trouve une Trinité complette dans  C 4« ) la seule fersonne divine du Seigneur jEbUS-CHRiST, par ou 1'ünité & Ia Trinité ibnt a la fois confervées entières, & en même tems la Divinité & 1'humanité du Seigneur maintenues. Une infinité de diffieultés élevées contre la Trinité, par les unitaires modernes , de mème que d'immenfes objections embarraffantes qui réfultoient de cette Doctrine .expliquée, comme elle 1'étoit par les Trinitaires de nos jours, y font réfolues. — On y voit en même temps les Ecritures, tant de 1'ancien que du nouveau Teftament, s'accorder de la manière la plus fatisfaifante, & potter conjointement leur témoignage commun en faveur de cette éternelle vérité Evangélique, que le Seigneur & Sauveur Jesus-Christ eft Dieu manifeste' en chair, le Jehovah des Juifs, le Créateur de 1'ünivers, & le Père de toutes les créatures, fait homme, fuivant fes propres déclarations : Moi & k Père fommes un9Je.n X: 30. Croyez que je fuis en mon Père & que le Père eft en moi, Cbap. XIV: if. Qui m'a vu, a vu mon Père, vs. 9. Tout ce qui eft a moi eft tien, & ce qui eft a toi eft mien, Chap. XVII: 10. &c. &c, Soph. Ainfi une Trinité de perfonnes eft rejettee dans les Ecrits du Baron Swédenborg? Phil. Sans doute, fi par urie Trinité de perfonnes vous entendez trois Etres diftincts ou féparés, ayant chacun des fonCtions, des facultés & des opérations diffërentes; mais fi par une Trinité de perfonnes vous entendez trois Eflences, principes ou caractères diftincts, comme exiftant enfemble dans la perfonne unique du Seigneur Jesus-Christ, nommément TEffence Divine, ce principe ou caractère r en  ( 47 ) vertil duquel il eft appellé PèRE ou Créateur> & 1'Efience humaine; ce principe ou .caractère, en vertu duquel il eft appellé Fils & Re'dempteur; & enfin 1'Eiïence e'manante ; ce principe ou caractère, en vertu duquel il eft appellé le Saint Esprit, le Sano tificateur & Re'gE'NE'rATEÜR. —• Selon ce fens du mat personne, (ce qui paroic écre le fens ve'ritable & primitif de cette expreffion) une Trinité de perfonnes n'eft point rejettée dans les Ecrits du Baron Swédenborg, mais au contraire eft prouvée comme une idéé également confirmée par la Bible & par la raifon. Soph. Maïs cette idéé du Re'dempteur & de la Divine Trinité n'eft-elle pas contraire a la Doctrine communement recüe fur 1'expiation ou la propitiation? Phil. Je vous demande, Monfieur, quelle eft la Doctrine communement recüe fur 1'article dont vous faites mention ? Soph. Je veux dire la fatisfaction des mérites de Christ, en conféquence de fes fouffrances amères & de fa mort, par oü il eft dit que la colère de Dieu envers 1'homme pêcheur a été appaifée; le prix de la rédemption payé: la dette que Thomme avoit ^ontractée par la tranfgrefiïon acquitée; 8c Thomme, qui étoit regardé jufqu'alors comme un criminel condamné, a été reconcilié devant un Dieu offenfe', ci-devant irrité , mais a cette heure reconcilié. Phil. Dans les Ecrits de Swédenborg cette idéé d'expiation eft démontrée n'être ni fondée dans la parole de Dieu, ni d'accord avec la faine raifon, ni compatible avec les attributs , ni avec la nature du pêché, qu'on fuppofe avoir  ( 4* ) rendu cette expiation néceffaire. Comprene2 bien cependant, qu'une expiation, loin d'étre cxclue, s'y trouve au contraire enfeignée avec force & en réalite'. Ce n'eft que cette fausse ide'e d'expiation, qui nes'accorde ni avec la Bible, ni avec la faine raifon, qui eft rejettée: en fa place on y voit adoptée cette idéé fenfée, raifonnable & édifiante , favoir, qu'il y a en effet un mérite, une vertu, & une efficace infinie dans les fouffrances & dans la mort de Chrift; mais que ce mérite, cette vertu & cette efficace ne confiftent' pas dans un changement de difpofition de Dieu envers Thomme, de colère en amour & en miféricorde, parceque Dieu a toujours eu & n'a jamais pu avoir d'autre défir, que celui de rendre fes créatures heureufts; mais dans le changement de Tétat de Thomme, arraché au pouvoir de 1'enfer & des ténèbres dont il étoit Tefclave par une conféquence néceffaire de fa tranfgreffion, & en faifant approcher de lui les divines & céleftes influences de la bonté & de la vérité dans la perfonne & dans Tefprit du bienheureux Jesus, le Dieu manifeffé & le S a uveur, par le moyen duquel les infirmités & la corruption de la nature humaine ont été foulagées, guéries ou détruites; & moyennant le repentir, tout fidèie peut recevoir la capacité de s'éléver au-delfus des maux occafionnés par le pêché, & redevenir un enfant de Dieu, par le renouvellement & par la régénération de toutes les parties, de toutes les facultés & de tous les principes de fa vie, tant dans fon efprit que dans fon corps. Soph. Ayez la bonté, Monfieur, de vous expliquer davantage fur ce fujet, car je ne vous comprends pas trop bien. Phiw  (40 Phil. Dans la Doctrine génér.alementrecüe touchant 1'expiation que vous venez d'énblir vous - même , vous verrez avec un' peu d'attention qu'on fe trompe fur la nature ^ du pêché, qui eft le fondement de cette Doctrine, puifqu'on le regarde comme uiie efpèce de crime ou d'óffenfe de la part de la créature, fuféeptible d'étre levée par un acte arbitraire dej iniféricorde oü de pardon , femblable a ce qui fe pratique dans les tribunaux humains, oü un prince defpóte abfout ou remet les peines & la punition fel|n fa volonté. En 1'examinant de plus prés, vous trouverez encore qu'elle eft fondée fur une opinion erronée de la nature de Dieu. Comme s'il imputoit offenfe ou, crime a qui que ce fut, qu'il fut courroucé, ou qu'il èut befoin de fatisfaction pour fe rendre propice, ou fe dïfpdfer a être mifériCordieux, tandis qu'il 1'eft en effet, & le déclare tel, 1'amour & la miféricorde même. Ai-je befoin d'ajoutet; que cette Doctrine, de la manière qu'elle eft recüe & comprife généralement, contient cette abfurdité palpable, qu'il étoit néceffaire qu'un Dieu fouffrit & mourüt pour appaifer un autre Dieu? Car c'eft ainfi que les fauteurs de cette Doctrine raifonnent, que Dieu le Fils, la feconde perfonne de la fainte Trinité, vint au monde, fouffrit & mourüt, afin que par les. mérites de fes fouffrances & de fa mort,, il put fatisfaire la juftice offenfée de fon Père & le rendre miféricordièux envers fes .créatures cou- pables. . . £.; ., > - Ja ferois bien f£che' de tomber.en erreur ou. de manquer en charité en imputant a cette Doctrine un fondement qu'elle n'ait pas; mais j'a,Vdüe que ce font la les grandes Sc férieufes obC  <5° ) jedtions que j'ai toujours fenti inférieurement s'ékver contre elle, dans 1'examen impartial que j'en ai fait, & je ne fuis pas le fcul a qui cette Doctrine a caufé un pareil fcandale; car en plufieurs autres auffi bien qu'en moi, elle a excité une répugnance invincibie h 1'admettre. C'eft dans ces difficultés, he'las! que trop de gens ont puifé des préventions contre la réligion chrétienïie même, comme fi cette pure & fainte fource de lumière & de vérité pouvoit découler de notions fi oppofées a la raifon & fi contraires au bon fens. Sous ce point de vue je ne ftÉfois jamais témoigmjr affez de reconnoiflanee a la miféricorde Divine, de ce qu'elle a permis qu'un jour fi clair & fi confolant ait été répandu fur eet important fujet dans les Ecrits du Baron Swédenborg, qui diffipert toutes ces erreurs de ces fauffes idees, & qui offrent la Doctrine de 1'expigtion fous un afpect tout-a-la-fois agréable a 1'efprit, concordant a 1'Ecriture fainte & conforme aux idéés raifonrab'es , fimp'es & édifiantes, qu'on doit avoir de la verité & de la pureté d'une réligion écabüe par le Dieu de toute fagefle & de toute miféricorde. Voici comment eet article y eft traité, & comment il s'accorde parfaitement & avec la parole de Dieu & avec la raifon. Ce fut le pêché du genre humain feul qui rendit 1'expiation néceffaire; mais le pêché du genre humain confiftoit en ce que l'homme s'étoit éloigné de Dieu & de fes loix d'ordre & de attitude, dans fa chüte, & par conféquent dans le defordre & dans 1'injuftice, d'oü font dérivées les maladies & la mort de 1'efprit ou de 1'ame; de forte que rien n'a pü devenir dans la nature des chofes une expiation pour le pêché, que ce qui tendroit a délivrer l'homme de cette maladie  & de ce défordre, & a le rétablir dans la fanté,' dans 1'ordre & dans la redtitude, par un retour auprès de fon Dieu, & par ure nouvelle union ou communion avec lui. C'étoit la toute 1'expiation ou fatisfadlion que le Dieu de miféncorde exigeoit, parceque c'étoit la tout Ce qui étoit néceffaire pour le bien-être éternel de fes ciéatures. Mais cette fatisfadlion comment pouvoit-elle s'ope'rer? Les créatures s'étoient attirées par le pêché un nombre infini de mauX & aflbriées a la puiffance des ténèbres, dont 1'empire étoit devenu affez puilfant fur la terre pour menacer la race humaine d'une rüine totale- En même tems elles s'étoient tellement détachées du Dieu de toute pureté, qu'elles ne pouvoient le voir, 1'approöher, ni avoir aucune communication intérieure avec lui, pendant que fans cette communication avec Dieu il leur étoit abfolüment impoflïblc de recouvrer la fanté fpirituelle, ou d'étre retabliesi dans 1'ordre & dans la redtitude. II étoit donc devenu indifpenfablement néceffaire que Dieu defcendit parmï les hommes, en revêtant la nature humaine, & qu'il fe procurét è lui - même la fatisfadlion qu'il exigeoit pour fauver fes ciéatures, quiéfoient perdues fans eet expédient. Eri premier lieu, en combattant & en ótant de Thomme les pouvoirs des ténèbres, & ceci devöit fe faire en conformité avec Tordre divin. Secondement , en. glorifiant la nature humaine avec laquelle il s'unit intimement, móyennant quoi fes' créatures répentantes & contrites pouvoient le voir, Tapprocher & lui être unies, & lui a elles éteniellement. Voici comment cette fatisfadlion & la manière dont elle s'accomplit font décrites" dans les ouvrages du Baron Swédenborg. Le Seigneur, l'Eternel, le Jehovah , efi 0 s-  <5») venu au monde pour vaincre l'enfer ö" pour gïorU fier fon humanité; fans lui nulle 'chair n'auroit pü être fauvée ; ö* toute chair fera fauvée qui croit en lui, ö" qui mène une vie conforme a fes préceptes. Puifque ceci na pü être effeclué que par te moyen des tenta'ions, dont il a permis que fon humanité fut attaquêe, même juf qu'a la dernière 'ü la plus extréme, c'eft-h-dire, fes fouffrances fur ta croix ; ainfi il afubi cette dernière fouffrance —la paffion. Voyez la vraie Réligion Chrétienne, N°. 2. Ceci eft encore plus partïculièrement détaülé dans les paroles fuivantes au N°. 3. du même ouvrage. Jehovah-Dieu eft Vamour ejfentiel & la fageffe effentielle, il eft le bien ejfentiel & la vérité ejfentielle; & quant a fa divine vérité, qui eft le Verbe, ö" qui fut Dieu auprès de Dieu, il defcendit ö" prit la nature humaine, pour rétablir tout ce qui étoit au Ciel, aux Enfers ö* dans l'E'glife; d'autant qu'alors te pouvoir de l'Enfer l'emportoit fur le pouvoir du Ciel ö" fur la Terre, le pouvoir du mal Yemportoil fur le pouvoir du bien; enfuite de quoi une deftruBion totale ö" une condamnation étoient a la porte & menafoient toutes les créatures. Jehovah-Dieu a détoumé cette deftruBion & cette condamnation imminente par fon humanité, qui étoit ta vérité divine, & c'eft ainji qu'il a délivrê ou racheté tant les anges que les hommes ; (S puis il unit dans fon humanité la v$ritê Divine avec te bien divin, ou la fageffe Divine avec Vamour divin; enfuite il retourna avec fon humanité glorijïée au fein de la félicité dont il jouijfoit de toute êternité. Soph. De ibrte donc que 1'idée d'expiation & de fatisfaction, fuggérée dans les Ecrits du Bi-  ( si ) fon Swédenborg, eft que Dieu s'eft fatisfait a lui-même, & que Iui-rrsême a fait Texpiation pour le pêché de Thomme, en prenant fur lui les infirmités de la nature humaine & en fouffrant dans la chair, a6n d'öter les maux & les pouvoirs des ténèbres de Thomme; fe rendant en même tems & par le même acte vifible, connu & a jamais approchable pour fes créatures dans 1'humanité qu'il prit & qu'il rendit Divine. Phil. C'eft la Tidée fuggérée dans ces Ecrits, & c'eft fuivant ce fens que font entendus tous ces psflages qui parient des mérites, des fouffrances de Chrift & de 1'effufion de Tang, comme quand il eft dit: par fes meurtrijfures nous fommes guéris, i Ep. Pierre II: 24. &c., & non pas qu'ils fignifient quelque changement fait paria dans la nature de Dieu lui-même, cxcepté en autant qu'il s'approcha de plus pees, pour ainfi dire de fes créatures dans la nature humaine qu'il revêtit & glorifia; mais cela fignifie un changement bien extraordinaire qui a été opéré dans Tétat & dans la condition de fes créatures, en ce qu'elles ont été par eet acte de fouffiance de Christ dans fa nature'humaine, rendus capables d'étre délivrés de la fervitude & de la mort du pêché, & d'obtenir la communion avec leur Dieu incarné, s'élévant de Tétat de maladie & de défordre dans les régions de fanté fpirituel5e, d'ordre, de paix & de félicité écernelle. Soph. A préfent je crois comprendre le fens de ce que vous venez de, me dire; & eet article d'expiation & de fatisfaction (qui, je ne fais aucun fcrupule de le déclarer, m'a toujours parü difficile & obfcür) prend maintenant a mes yeux une forme bien différente. • Je peus le contempler même avec le plus grand plaifir depuis C 3  (54) qu'il m'ofFre des lurnières plus vives fur la nature immuable de la miféricorde divine de Ia part de Dieu, & du pêché de celle de Thomme: es fera ma propre faute fi je n'en tire pas du profit pour le reglement de ma vie & de ma conduite; car alfurement cette doctrine, ainfi expliquée & détaiïlée, devient extrêmement intérefTaqte & édifiante. Mais men cher Monfieur , il faut que vous üfiez de patience avec moi, & pardonnez a la ftupüi'é de mon Efprit, dans lequel de nouveaux doutes fc préfentent fur ce que vous venez de me dire. L'on m'a toujours 'enfeigné a confidércr JesusChrist non feulement comme faifant expiation ou satisfaction pour le pêché felon 1'idée dont je vous ai déja par.'é, mais encore comme é;ant '1'Avocat, le MédiaTEUR & 1'iNTERCEssEUR auprès du Père,car il eft nommé tel dans TEcriture Sainte; c'eft enfuite de cela qu'il eit repréftnté comme assis a la DROITE DE D J. e U .* & Celt en conformité avtc cette repréfentation que dans mes prières, je fuis accoutumé de m'approcher du Père célefte au Nom de Jesus-Christ, croyant qu'elles n'étoient cxaucées que par fa médiation & 1ntercessi0n COHime avocat a la droite dc fon père: comment, a cette heure, ferai-je accorder ces notions & ces pratiques avec ce que vous m'avez appris è croire des Ecrits du B_ron Swédenborg a 1'é^ard du Seigneur Jesus-Christ, comme le seul & unique Dieu? Phil. Vous avez donc été accoutumé" a regarder Jesus-Christ comme un avocat MÉdiateur & intercesseur, & comme asséant a la DROITE de DlEU, Üli-  (SS ) vant le fens ordinaircment attaché a ces paroles quand on les applique aux hommes ïci-bas & a des tranfactions humaines pa'mi les hommes ? Soph, Sans doute, car je trouve que cee mêmes expreffions lui font appliquées dans \%« criture Sainte. Phil. Mais vous trouvez Jesus-Christ? appellé auffi dans 1'Ecriture Sainte une Vigne. UNE PORTE, UH LION, & Un AGNEAU, & vous 1'y voyez repréfenté comme ASsiS sur UN thróne au milieu de sept Chandeliers d'Or: le regardez-vous pour ceia comme une VlGNS» une PoRTE, un Lion & un Agneau, — & comme assis fur un ThrAne au milieu de fept Chandeliers d'Or, fuivant 1'acceptation ordinaire & littérale de ces mots ? Soph. Non, je m'imagine que ces tnres ne lui font appliqués que dans un fens figure, pour marquer des qualités Divines , d;s caraclères & des états qui lui conviennent, & dont lesnoms&fijures littérales font debfignes expreffifs. Phil. Vous avez raifon , fans doute , * & pourquoi ne pouvez-vous, par parité de raifon & avec !a même certitude de la vérité, concevoir que ces autres noms & caraétères d'Avo- cat, de MÉDIATEUR & d'lNTERCES- seur, être assis a la droite d« Dieu', ne font pas du tout plus applicables au Seigneur Jesus-Christ, felonie fens liuéral dans lequel ils font généralemsnt recus, que les Noms de Vigne, de Porte, de Lion & d'A G N 15 f\ U , ou d'assis sur un Thröne au milieu de sept Chandehers, C 4  ( óO mais qui, néanmoins, lui font ftriclement apr plicables dans un fens figuré? "Soph. De quelle manière ? Phil. — Comme n'é:ant applique's que pou\' marquer ce que Jesus-Christ kous a enfeigné, le regardant lui-même, la oü il dit, nul ne vient au Père que par moi, Jean XIV. '6. Si quelqu'un entre par moi, il fera fauvé, ($ il entrera & fortira, & trouver.a de la patüre, Jean X. 9. i Soph. Je vous prie de vous expliquer. Phil. N'i.vez-vous pas dèja vü comment le Père Eternel Jehovah dans la PerJbnne de Jesus-Christ prit fur lui la nature humaine, afin de fe rendre par la connu & approchable par fes créatures déchües par le pêché, — qui fans cela n'auroient pü b'jpprocher de lui, ni rccevoir fa communication tant qu'i] feroit reité dans fon eflence purement Divine & non manifeftée? • Soph. Oui. Phil. - Vous avez vü auffi comment TeiTence Divine, ou Jehovah, s'e't actuellemenc, éternellement & tffentiellement unie avec l'effence humaine fuivant la déclaration du Seigneur lui-même. Moi & le Père fommes un, Jean X. 30. Père, tout ce qui eft a moi eft tien; G* ce qui eft è toi eftmien, Jean XVII. 10. Et iuivant la déclaration de St. Paul. Car toute la piénituda Se la divinité habite corporellement en lui , Ep. aux Cololf. II. 9. & aufli felon qu'il eft écrit au fymbóle Athanafien. Comme l'ame raifonnable & la chair font un homme, ainfi Dieu & fhomme font un Chrift. ' Soph. Cela eft vrai. -P hi Li — Ne voyez-vous donc pas clairement  ( 51 ) ia raifon pourquoi Jefus-Chrift eft nommé un avocat, un médiateur, un interpESSEUR, reprefenté comme assis a la PrOITE du Père, & qu'il n'eft pas feulemenc nommé & lepréfenté comme tel , mais qu'il 1'est en effet Sc dans le vrai fens de ces expreffioiis, qui fignifient, que dorénavanr. nul ne pourra s'approcher, ou avoir communication avec Teflence Divine ou Jehovah,, ls Père, que par le moyen de Teflence humaine dans laquelle lui le Père habite corporellement; & qu'il a fait UN avec lui-même; de^ même qu a parler humainement, nul ne peut s'approcher ou avoir communication avec i'ame d'un homme que par le moyen du corps, dans lequel I'ame • réfide, & par lequel elle fe manifefte 9 ou fe rend fenfible. Ainfi , comme le corps humain eft, a proprement parler, le milieu, le principe inxercedant , ou le moyen par lequel I'ame s'approche & eft approchée & qu'elle qpére, — de même le corps glorifié ou 1'humanité de Jesus-Christ eft devenu le milieu ou le principe intercedant, par le moyen duquel la Divinité s'approche, eft approchee de Thomme, & opére fur lui, afin de le ramener Sc de le rétablir dans 1'ordrc, dans la rettkude Sc dans la féjicité. Dans ce fens Thumanké peut fort bien être nommée un avocat auprès du Père, d'autant plus qu'ayant paffe a cette Divine union par des fouffrances & des épreuves, le pêcheur qui^ s'en approche recoit d'elle Taflürance de fecours 'd'acceptation & de miféricorde , conformement au fens de ces paroles de TApötre. Car parcequ'il a fouffert étant tenté , il peut aujjl fécourir teux aui Jont tentés, Ep. au Heb. II. 18. Dans •""*'Cs  ( 58 ) ee fens encore le fils de Thomme eft vraiment assis A la droite du Pere; car Thumanité de Jesus-Christ étant exakée ou élévée a une union pleine & parfaite avec la Divinité, elle a acquis la Toütepüissance, qui eft effedtivement la droite de Dieu, fuivant la déclaration du Seigneur même après fa réfurrec*tion. Toute puiffance m'eft donnée, dans te Ciel & fur la Terre, Matth. XXVIII. 18. Soph. Je vous remercie, Monfieur, de bien bon cceur de m'avoir procuré une pleine et entièré satisfaction fur eet important & intérefiant article : j'efpère de ne plus revenir avec mes doutes & mes difficulrés fur ce point; — au contraire, je confidércrai comme une préfömption extrèmement favorable aux Ecrits dont il s'agit que le nom, la nature, la FONCTiON&le caractère du Seigneur & redempteur J. C. y foient élevés & expliqués d'une manière fi digne de la fageffe Divine, fi entièrcment conforme a TEcriture Sainte, & mis dans un jour qui tend a ir.fluer fur la conduite des chrétiens, en leur donnant desnotions exadr.es,& tirées de la parole de Dieu, du grand objet & du but de leur foi & de leur adoration: vous m'obligeriez de contineer vos éclairciiTements fur d'autres points de Doctrine, comme touchant TEcriture Sainte, ce qui, comme vous difiez, vous avoit affedté vous même extraordinairement , & que vous croiez devoir fuffire pour convaincre tout chrétien féricux & fobre que les Ecrits du Baron Swédenborg contiennent un témoignage fidéle de la vérité. Quelle idéé dois-je en avoir? Phil. Tous les chr&iens fincères reconnoif-  ( 69 ) fent comme vous, Morfieur , les Ecrits facrés pour la parole de Dieu & divinement inspirée, & vous u s revèrez en confe'quence? Soph. Sans doute. Phil. Si quelqu'un entreprenoit de prouver que ces Ecrits ne font point divinement inlpirés&que vous ne devez pas les revèrer comme tels , quel jugement formeriez-vous, & que penfericz-vous de eet homme? Soph. Nous le regarderions certainement comme ennemi de la vérité, dont il porteroit un faux témoignage. Phil. Suppofant que eet homme fit d'avantage; qu'il avilit & profarat ces faints livres , les taxant non feulement de n'être pas divinement infpirés, mais d'étre pK ins d'abl'urdités & de contradictions-, qu'en penferiez vous alors? Soph. Nous en penferions fans doute plus mal encore. Phil. Mais fi une autre perfonne entreprenoit de confirmer les idéés juftes & pieufefi que vous aviez des écritur-s, comme étant divinement inlpirées, & qu'elle vous conduific a avoir des notions pins claires & plus nettes de ces écritures, & a les relpecter & les reverer plus qu'auparavant, que diriez-vous de cette perfonne, ou qu'en diroit tout autre bon chrétien ? Soph. — Nous le regarderions affurement comme ami de la vérité, & cemme y por- tant un vrai témoignage. Phil. Et fi cette perfonne faifoit er.core davantage pour élever & faire revèrer les faints livres, non feulement en les confidérant comme divinement infpirés, mais auffi en indiquant la nature de cette infpiration, montrant en quoi elle confifle, cü elle réfiJe, & faifant difparoitre  C «o ) ou conciliant plufieurs absurdïtés oü contradictions apparentesj fi par fon fyftême, une infinite' de vérite's précieufes & importantes, ignore'es auparavant, e'toient mifes au grand jour, & qu'on y vk le tout en partaite harmonie avec chaque partie, & chaque partie avec le tout, telLmcnt qu'un fut convaincu que la plénitude de la volonté & de la fagefle divine s'y trouve xenfermée, & par conféquent que chaque page, chaque ligne, chaque mot, chaque lettre, non feulement déiiva; de Dieu, mais que tout y fut plein de Dieu, en union avec Dieu, rendant témoignage de Dieu, & conduifant a Dieu. — En pareilles circonftarces, quels fentimens, vous & d'autres chrétiens éprouveriez-vous ? Soph. Nous n'hefiterions pas un inftant d'aimer, d'eftimer & refpecter cette perfonne comme le plus grand ami de la vérité & nous au> riors la plus haute opinion de fon témoignage. Phil. II paroit donc que tant vous que les véritabies chrétiens, vous évaluez quelqu'uncomme témoin de la vérité, fur le refpeót qu'il porte a TEcriture fainte, comme divinement infpirée, & fur les notions qu'il a de la nature de cette infpiradon & de ce que contiennent ces livres facrés. Soph. Cela me paroit au moins trés jufte. Phil. Selon vótre propre aveu, vnus & tout vrai chrétien devez eftimer hautement le témoignage du Baron Swédenborg, comme le plus fidéle qui puifie être rendu A la vérité: car jamais perfonne n'a montré avoir une plus grande vénération pour les Ecrits facrés, ni fi clairernent démontré leur origine divine , & la nature de leur infpiration, — ni pénétré leur contenu avec autant de perfpicacité, d'harmonie 5?  une concordance tendant d'une mankere fi puifc fante a Tédification du lecteur. II en revere 1 autorité divine a chaque occafion, pofant fur elle & corfirmant par elle chaque point de Dottune qu'U avance; il n'étoit pas feulement verfe Uumême oans ces oracles facrés, prefqu'audeffus de tout ce qu'on a connu dans les fiècles paffes, — mais il affure & il prouve au-dela de tout doute que dans ces faints livres réfide un sen s interne ou spirituel jufqu'a prelent peu connu, auquel le sens externe ou littéral fert de bafe, ou de correlpondant pat une voye figurative, allégori que ou symbolique , tout comme un type repond a fon archétype, ou comme une repreentanon a la chofe repréfentée. 11 démontre que dans ce fens interne confiftent la spiritualite & la Divinité desécritures qui différent par eet endroit £sSENTlELtEMENT de tous les autres livres & qu'en vertu de ce fens elles font adaprées non feulement a 1'ufaga des hommes fur la terremais encore a celui des anges au ciel , contenantles grandes & éternelles Lo.x de eet ordre par oü les cieux font formes, conierves & gouvernés; par oü l'homme eft réforme, recéneré fcrétabli dansl'ordrecélefte:— löixaccommodées pour inftruire & perfedtionner les etres intelligens de tous les rangs, depuis le plus hau. dégré jufqu'au plus bas. Et afin que 1'importance de fon témoignage ne repofa pas fimplement fur fes affurances, il a été doué de la faculte douvrir & de développer le fens interne de tout le livre de ia Genèfe, de celui de 1'Exode, de celui de 1'Apocalypfe, &, d'un grand non.bre de paffages, de 1'Anclen & du Nouveau Teftament. Étil Ta fau d'une manière fi édifiante & fi con-  ( 62 ) vafncarite, particulièrement dans fon ouvrage eri* mule Aucama CrüELESTlA, que toutchrétiert bien d,fpore, qui reconnoic 1'infpiration Divine de la fainte parole, doit en être tout a ia fois etonné, enchanté & inftruit. *»t0PH' 5 !'f?ard ^ ^ «p^ituel ou ïN terne de l'Ecnture Sainte n'y-a-t-il pas eu d autres ecnvains, anciens & modernes, qui ent foutenu pareillement foft exiftence ? Te crois avoir entendu nommer quelques-uns des Pères de 1 Eglife qui ont été de cette opinion. nLVï' * 11 7 60 3 gU* ~~ & Particulièrement ürigene, renommépour s'étre livré aux interpretdtions allégoriques de la lettre, ou part-es biftonques de la Bible. Dans des temps pofténeurs nombre d'écrivains fpirituels, ont eu des perceptions extraordinaires de la même nature T" & ont étë mis en é™ de découvrir la fi-ni! ficanon rniftrque de ces (ivres facrés, d'une facon tres eciifiante & trés confolante: mais j'ófe bien affurer que, ni parmi les anciens ni parmi les modernes, aucun homme n'a été fi merveilleufement doué de ce genre de talent que le Baron Swédenborg je fouhaiterois que vous puiffiez lire fon mterprétation des Livrei de la Genefe, de 1'Exode, & dé 1'Apocalypfe, afirï d en juger par vos propres yeux. En mon particuher, j'ai des obligations infinies a la Providence Divine d'avoir été favorifé de la connoiffance de ces éerits, qui m'ont enfcigné a revérer & a refpecler ia Bible plus que jamais — & qui m'en ont décélé le contenu caché jufq'u'è préfent, d'une manière entièrement édifiante & fatisLifante pour mon efprit: & quoique vous faehiez vous meme que je fu.s loin d'étre facüement cxalte, néanmoins quand je réfiéchis fur les  C *3 ) idéés que préfentent les Ecrits du Baron Swédenborg touchant la sainte parole; furtout quand je fuis mis par eux en état de lire en quelque forte dans Tmtérieur de ces celeites livres & d'appercevoir leur divine faintete; je ne puis ni parler ni réfléchir fur ce fujet que ie ne fente une chaleur, un plaifir, une fatisfaótion extreme, & beaucoup d'édification; je regarde ce que j'éprouve alois comme un témoignage que nul miracle ne fuppléeroit en faveur du Baron Swédenborg. . Soph Vous venez de toucher lè, Monfieur, une corde bien délicate, & vous m'avez donné la plus grande envie d'examiner les Ecrits en queftion; car j'ai toujours été d'opinion (fans trop favoir d'oü je puifois cette notion, ou fur quoi elle étoit fondée) qu'il devoit y avoir fous la lettre de 1'Ecriture un miftère caché, ou connu a peu de gens, ou peutêtre même a perfonne; & j'ai toujours cru que le Pfalmifte a voulu infinuer quelque chofe de femblable quand il dit: Découvre mes yeux, afin que-je regarde aux merveilles de ta Lot, Pf. CXIX- 18. Car fi la Loi n'eut pas renfermé des merveilles, & que tout eut été vifible dans la lettre, il n'auroit pas éte néceffaire de demander a Dieu d'étre illuminé pour le voir & le comprendre. Phil. Votre obfervation eft des plus juftes; & la même chofe eft rendue également évidente, paree qui a été écrit de notre Seigneur après fa réfurrettion, oü il eft dit: Alors il leur ouvrit Ventendement pour entendre les Ecrttures, Luc. XXIV: 45. Car il n'eft pas douteux que les Difciples avoient lu & compris le fens littéral des Ecritures ; mais, faute d'avoir  c H > !*£ntendement 0uvert, fis «\>n aVöfeflÉ- iii pénétré ni compris 1'esprit: c'eft-a-dire les chofes fpirituelies contenues fous la lettre, qui fe rapportoicpt a notre Seigneur & a fori règne; comme il le déclare lui - même expreffement dans le verfet qui précède. Ceci paroit clairement auffi de 1'interprétacion allégorique que St. Paul donne a quelqües pafiages de Tancien Teftamerit. Voyez pafticulièrement fon Ep. aux Galatc?, Chap. IV: 24 ad 3ime. verf. que fes yeux ont été ouverts pour voir le fens interne de 1'hiftoire facrée, qu'il nomme pour cela la sagesse de Dieu qui est en' mistere, c'est-A-dire , la sagesse cachée: il n'y a donc rien de nouveau dans cette idée. II faut plütót s'étonner que les faintes Écritures n'ayent pas été plus géne'ralement examinées & écudiées fous ce point de vue, étant, comme elles font, la vraie parole de Dieu; car le fens commun fuffit pour faire voir, & la raifon nous le démontre, que fi ces Écritures font la parole de Dieu , if faut nécefiairement qu'elles contiennent toute la volonté & toute !a fagefle de Dieu; & cependant il paroit également clair que cette divine volonté & cette divine fagefle ne font pas manïfeftées dans !a lettre & dans 1'hiftoire; par' conféquent elles doivent réiïder dans le fens interne & fpirituei. Soph. Je croïs en vérité, Monfieur, que je ne perdrai pas un inftant pour me mettre ert érat d'examiner par moi-même les Ecrits dit Baron Swédenborg,- qui, d'après tout ce qué vous en dites, promettent une fotirce fi abondante d'inftruction & d'amufement. Mais a préfent vous me ferez un plaifir fenfible de m'in- fórmer  C «5 ) ïornier de la Doctrine de vïè recomman* dée dans ces Ecrits, & dont vous avez fait mention comme un te'moignage de plus en faveur de 1'auteur. — Et en premier lieu, que dois-je entendre par cette expreffion Doctrine de vie? Phil. Elle flgnifie une defcription ou expofition d'une vie vraiement chrétienne, ou un genre de vie qui conduit au royaume du ciel. Soph. N'eft-on pas généralement convenu qu'unefvie vraiement chrétienne confifte a obferver les préceptes de Jesus-Christ, & que c'eft la le feul & unique chemin qui conduit au ciel? Peut-il y avoir d'autre Dottrine de vie que celle-la? Phil. On pourroit croire, il eft vrai, qu'on eft généralement d'accord fur ce point, & qu'il eft impoffible de ne pas 1'étre. Cependant le malheur a voulu que parmi les Docteurs ou Prédicateurs chrétiens d'aujourd'hui, il fe trouve une diverfué prodigieufe de fentimens. C'eft ainfi que 1'on voit quelques-uns infifter fur la charité seule comme la voie du ciel: quelques-uns fur la foi seule; & d'autres fur les bonnes bovres feu les. II y en a qui recommandent Une vie mo'rale, féparée d'une vie spirituellë. D'autres tombent dans Textrême oppofé & exa!~ tent la vie spirituellë féparée de la vie morale. Une partie foutient que Thomme eft rendu capable d'entrer dans le ciel par les opérations de la gr a c e divine fimple- ment, fans égard a fes propres efforts: pendant que d'autres infifcent entièrement fur les aótions' de Thomme indépendamment de la gr ace nr> D  VI ne ou d'affiftances furnaturelles i il feroit aifé de groffir cette lifte par la variété des opinions, entre quelles le monde chrétien fe trouve malheureufement partagé aujourd'hui, tellement qu'il eft devenu trés difficile pour une ame fimple de découvrir la vérité, & plus difficile encore de s'y attacher quand on 1'a découverte. ' Soph. Je vous prie de me dire quelle nouvelle lumière on trouve répandue fur eet objet dans les Ecrits du Baron Swédenborg. Phil. Point de nouvelle lumière abfolument. L'on n'y trouve que la même qui étoit dés le commencement, a moins qu'on n'appelle nouvelle lümière 1'expofition des erreurs qui s'étoient gliflées dans 1'Eglife, è force de s'être écarté de Tancien commandement. Auffi dans les Ecrits du Baron Swédenborg trouve-t-on une réfutation explicite & claire de toutes ces Doctrines qui tendent a enfeigner que l'homme peut être fauvé par la charité seux.e, ou par la foi seule; par les bonnes euvees seules, ou par la vie morale, féparée de la vie spirituellë; par Ja vie spirituellë, féparée de la vib morale; par la gsace divine fans fes propres efforts, ou parfeS propres efforts fans la grace divine. Ayant montré ce que la vie chrétienne n'est point, 1'auteur montre par les faintes Écritures ce qui eft véritablement la vie chrétienne ; & fa Doctrine fur eet intérefiant fujet peut fe réduire a 1'abrègé que voici. — La vie vraiement chrétienne eft une vie qui conduit au ciel, & être conduit au ciel c'eft la même chofe qu'être formé dans i'image, la reflemblance ou 1'efprit du ciel, fuivant la déclaration du Seigneur lui-mê-  C *7 5 me: Le Royaume du Ciel est au déDans de vous. Deforte qu'une vie vraiement chrétienne eft celle qui tend le plus a former dans l'homme I'image, la reflemblance & 1'efprit.du ciel: mais comme l'homme confifte en différentes parties, ou différens principes, dont chacun eft refpedtivement capable felon fa nature de recevoir cette image, cette reflemblance & eet efprit célefte^ il s'enfuit que cette image célefte, cette reflemblance & eet efprit ne fauroient étre pleinement formés, fans qu'il ne le foient dans chaque partie ou principe. Ces parties ou principes font la volonté, l' entendement, & l'a c t e ou öpératiOn qui en émane. Une vie vraiement chrétienne fe rapporte donc a ces trois différentes parties ou principes de l'homme, pour förmer chacun d'eux fuivant Timage, la reflemblance & Tefpritdu ciel: c'eftainfi que la volonté eft formée par la charité, avec toutes les vertus & toutes les graces céleftes qui 1'accompagnent. L'entendement eft formé par la foi, avec toutes les connoiffances lumineufes & perceptions de la fainte vérité qui lui appartiennent. Ét enfin 1'Acte, ou 1'opération èft tellement formée par des bonnes ïeuvres ou par une pratique exacte -da ce que la charité & la foi didtent. Unè vie vraiement chrétienne, ou une vie qui. conduit au ciel, eft donc une vie de charité, de tol & de bonnes jeuvres conjointement. Si le cceur & les poumons font féparés l'un de 1'autre, toute action corporclle ceffe: de la même manière fi l'on fépare 1'une ou 1'autre de ces trois parties qui conftituent la vie chrétienne des deux autres j toutes périffent ; au lieu que tant qu'elles for« D 2  C 68 ) jointes enfemble elles contribuent a la ftabilite' & a la perftótion Tune de Tautre, & par-la k la itabilité & perfection de toutes les diSerer.tes parties ou principes de Thomme; & cela dans un dégré proportionné a celui dans lequel chacune eft cultivée & re'duite a l'état de fubordination qui lui eft propre. Soph. Je vous prie, Monfieur, de m'expliquer dans quel fens vous vous fervez de ces termes de charité & foi? Car il me paroit que la ilgniricaüon que vous attachez a ces termes difière en quelques égards de celle qui eft généralement recüe. Phil. La charité, fuivant le fens dans lequel elle eft entendue & expliquée dans les Ecrits du Baron Swédenborg, eft la divine vie du faint amour, émanant du Seigneur DiEU,le Sauveur Jesus-Christ, !a sainte parole opérative dans la volonté de Thomme, par oü il eft conduit a renoncer férieufement a tout mal, & a aimer Dieu & le bien fur toutes chofes & fon prochain comme lui-même, & a mèner une vie conforme a eet amour, en rempliffant fidèlcment, avtc probité & confeientieufement, tous les devoirs rélatifs de fon rang, de fon état & de fa profefllon. La foi, fuivant le fens dans lequel elle eft entendue & expliquée dans ces mêmes Ecrits, eft la divine vie de la fainre & pure fageffe, ou vérité du même Seigneur Dieu & Sauveur, & fa sainte parole opérative dans Tentendement de l'homme, par oü il eft conduit a rejetter toutes croyarces contraires a la vérité célefte, & a confirmer toutes celles qui y font conformes, pour parvenir par-la a une connoiflance & a une perception clairc & diftincle de la nature du bien &  ( «9 ) du mal, avec leurs de'grés & qualités refpettives, auffi bien que de la nature, de la méfure & de 1'ordre des diffe'rens devoirs qui en reTultent; deforte que comme la charité eft la vie essentielle de la foi / la foi de fon cöté eft la lum.ère essentielle de la charité, & chacune d'elles e.ft néceflaire a 1'exiftence, a la confervation & a 1'opération de Tautre. Tl eft bon d'obferver néanmoins que dans les Ecrits du Baron Swédenborg la charité eft toujours regardée comme ayant la prééminence par defius la foi ; c'eft-a-dire, que la pureté de la volonté & de la vie eft confidérée comme infiniment préférable a toute connoiflance fpéculative & a toute contemplation des chofes faintes; cependant cette connoiflance fpéculative , lorfqu'elle eft fondée fur la vérité réelle de la fainte parole de Dieu, eft prouvée être douée de grandes & nombreufes utilités, tant en ce qu'elle conduit a la découverte de la charité réelle, que paree qu'elle contribue a la confirmer, a la règler, a i'éiéver & a la perfectionner. Soph. Et la vie morale comment eft-elle confidérée par le Baron Swédenborg? Phil. Comme dérivant fon origine de la vraie foi & de la charité effentielle, & comme étant la charité & la foi en opération; ou, en d'autres mots, comme confiftant dans des bonnes euvres émanentes de bons motifs, & devenant ainfi la base & le fondement de la vie spirituellë dans Thomme, & par cela même abfolument néceflaire a Texiftence de fa vie fpirituelle; de même qu'il eft néceflaire a une maifon d'avoir des fondemens folides fur lefquels elle repofe. Ce genre de moraliré eft la forme extérieure de la charité Se de la foi. Une forD S  C 7° ) me vivante fi.elle eft jointe a la charité & la foi & qu'elle les ait pour bafe, mais une forme MOrte fi elle en eft féparée Sc qu'elle n'ait pas des rapports intimes avec ces principes céleftes. II eft encore è obferver que par 1'union de la charité, de la foi & des bonnes jeuvres, la vie spirituellë Sc la vie morale de l'homme font une, Sc l'homme entier eft formé fuivant Timage , la reflemblance Sc Tefprit du ciel. Soph. Mais vous avez parlé des opérations de la grace divine Sc des ef- forts de l'homme, comme fe trouvant confondus enfemble par certains écrivains, je vous prie de m'expliquer comment ces opérations Sc ces efforts font conciliés dans les Ecrits du Baron Swédenborg? Phil. La charité & la foi dont nous avons parlé, font prouvées ne pas dériver, quant a leur origine, de l'homme mais de Dieutoute bon- ne d o n ati on et tout don parfait est d'en haut, Ep. de Jaques I: 17. Elles font donc le don continuel de Dieu a l'homme; pourtant elles font données a l'homme pour qu'il en use librement comme des siennes PRopres, Sc pendant qu'il en ufe ainfi, Sc qu'il reconnoit avec humiliation Sc abaüTement qu'elles font d'en haut, c'eft-a-dire, du Seigneur Dieu le Sauveur, elles lui font attribuées Sc appropriées; elles deviennent les fiennes pour le fa'ut & pour la vie éternelle; deforte qu'il ir.êne librement la vie de charité Sc de foi tout comme fi c'étoit fa propre vie, dérivée de lui-méme, Sc cependant il avoue & reconnoit en même tems que c'eft une vie dérivée d'un autre, c'eft-è-dire, de Dieu. C'eft ainfi qu'il  ( 7i ) reconnoit tout falut comme purement 1'effet de 1» gr ace & miséricorde Divine; cependant non fans 1'aide de fes propres et libres efforts. Car c'eft par fes propres & libres efforts que la grace & la mife'ricorde divines font plante'es, & qu'elles parviennent en lui a Te'tat de vie, de ftabilité & d'ope'ration : autrement elles doivent refter comme des chofes qui lui font abfolument étrangères, & ne peuvent occuper aucune place dans lui, n'e'tant ni recües, ni exerce'es par fa libre volonté ou libre arbitre. Soph. La Doctrine du libre arbitri eft-elle donc foutenue dans ces Ecrits ? Phil. Oui, Monfieur, dans toute fa püreté & dans fa plus grande étendue; & rien ne fauroit être plus inftruétif que ce qui eft dit fur ce fujet, auffi bien que fur la manière de concilier le libre arbitre de la cre'ature avec la libre grace & ope'ration de Dieu. Soph. On m'a dit que le Baron Swédenborg a eu quelques opinions particulières a 1'égard de la chüte de l'homme. Phil. Ses fentimens ne lui font par tic uliers qu'en ce feul point; qu'il confidère Tétat déchu de Thomme adtuellement, non comme Teffët du pêché d'une seule personne uniquement, mais de plusieurs perfonnes progreffivement, par des générations succfssives-, il fait voir que cela confifte en ce que Thomme s'eft écarté de Tamour du Créateur k. de Tamour mutuel, & qu'il eft tombé dans Tamour de lui-même, du monde & de la chair & des différentes convoitifes qui en découlent, & cela fucccffivement avec accumulation continuclle des parens a leur pofténté, chacun D 4  ( 7* ) ajoutant fes maux acquis h fes maux héréditair res, & les tranfmettant ainfi augmentés a fes enfans; deforte que la vie naturelle que l'homme d'aujourd'hui tient de fes parens, eft dever nue totalement corrompue & infernale. Et c'eft fur cela que fe trouve fondée la néceffite' de la rep ent anCÉ fincère & profonde , de la foi dans un Dieu incarné, celle d'une régénération réelle & d'une renovation dans les différentes qualités & dans les différens principes humains, avant que l'homme puilTe être rendu propre pour le royaume du Ciel, qui eft un royaume d'amour & de charité pure & défintéreflee. Soph. N'eft-il pas dit dans ces Ecrits que les riches peuvent arriver au ciel auffi bien que les pauvres? Phil. Oui, Monfieur; il yeftdémontré que la possession des Richeflés n'exclut perfonne du ciel. C'eft Tamour des richeflés & non leur poflelTion qui empêche le falut de Thomme. Ces Ecrits prouvent clairement que c'eft Tamour-propre Sc ï'amour du monde qui s'oppofent & mettent obIbacle a Tentrée de Thomme au ciel; parceque ces deux genres d'amour font essentiellement oppofés a Tamour pur de Dieu Sc de notre prochain, en quoi la vie du ciel confifte, & par lequel elle eft formée dans Thomme. La grande difficulté donc de mêner une vie qui conduit au ciel, felon le témoignage du Baron Swédenborg, c'eft de fe défaire dé Tamour-propre Sc de Ï'amour du monde , avec les nombreufes convoitifes qui les accompagnent; de manière que Tamour de Dieu Sc Tamour du prochain puiflent avoir un accès libre au cceur, $c qu'ils foient formés dans la vie. II eft donc  ( 73 ) indifférent que rhomme foit riche ou qu'il foit pauvre, a 1'égard de son état extérieur., puifque dans Tun ou dans 1'autre cas il peut refter dans Ï'amour - propre & ï'amour du monde; ou étant dans 1'un ou dans 1'autre de ces états, il' peut également fe purifier des fouillures de I'ame. Soph. Airfi il n'eft point exigé dans ces Ecrits qu'on obferve des fingularités a Tégard de la vie qu'on dcit mêner. Phil. Aucune; excepté celle de renoncer a Ï'amour-propre & a Ï'amour déréglé du monde, & celle de tacher de fe perfedtionner dans Ï'amour cé'efte & dans la charité, en s'acquittant fidèlemjnt, fincèrement & avec reótitude, des differens devoirs rélatifs auxquels chacun eft appellé par la Providence , quelque foit fon rang, fa iituation, fon pofte ou fon emploi; foit comme roi ou sujet , ecclésiastique ou xaique, homme d'ÉTAT ou soldat, nésocun.t ou artisan, aucune aufterité, rigueur ou mortification des fens n'eft exigée, que ce facrifice feul de Tamour-propre; ni point de renon ciation au monde, excepté feulement Ï'amour déréglé du monde: au contraire, il y eft fortement infifté fur ce que la vie dans le monde eft abfölument néceiïaire pour rendre l'homme propre au ciel, parceque fans ceta il ne peut avoir d'occafions pour exercer la charité, & qu'il manqueroit de celles de facrifier & d'expulfer Ï'amour - propre. Mais il faut y lire vous - même ces fujets intéreffans. Je trouve impoffible de vous détailler la millième partie de ce qui y eft expofé a Tégard d'une bonns vie, & qui m'a fait ü fouD 5  C 74 ) vent bénir le jour qui m'a pour la première fois conduit a leur ledture. Soph. Eh bien, Monfieur, après 1'information dont vous m'avez favorifé, je crois que je n'ignorerai pas longtems les Ecrits en queftionr car,effedtivement,recommandant cette puuhté de vie, piofrjTant une fi grande ve'ne'ration pour la Bible, élévant a un fi haut dégré la per. sonne, la FONCTIüN & le caractère du Rédempceur, ils ne peuvent manquer d'étre fingulièrement recommandables. Phil. Je vous avoue, Monfieur, qu'a mon particulier ces argumens me paroiflent irréfiftibles pour la convidtion de tout chrétien fobre & ferieux, & qui eft fans préjugés. Et je fuis pleinement perfuadé qu'il n'y a qu'un prejugé dérivant ou du mal d'une conduite déréglée, ou d'une faufle information a 1'égard de la réputation & de la nature des Ecrits du Baron Swédenborg, qui puiffj porter, qui que ce foit, a fe refufer a cette variété de recherches curieufes, & d'inftrudtion utile dont ces Ecrits font remplis. Soph. Je vous fuis des plus redevables, Monfieur, pour la fatisfadlion que vous m'avez procurée par vos réponfes a mes différentes demandes. — Je dois vous quitter maintenant pour des afiaires preffantes, mais j'efpère de pouvoir bientót renouveller ma converfation avec vous fur eet incéreflant & important fujet. Adieu.  C 7S ) SECOND DIALOGUE. Sophron. Mon cher Philadelphus, — je fuis bien charmé de vous revoir; j'ai longtems langui après ce plaifir. Depuis que nous nous fommes vüs, encouragé par ce que vous m'avez communiqué alors, j'ai examiné quelquesuns des Ecrits Théologiques du Baron Swédenborg, & je crois devoir remercier la ProviJence Divine pour ce que j'y ai trouvé; car alTurément le chemin du ciel n'a jamais été indiqué plus clairement que par lui. Les Doctrine-s dont vous avez fait mention , touchant le Seigneur, les saintes Écritures, & une vie vraiement chrétienne, font véritablement confolantes, encourageantes, inftructives, & des plus convaincantes; & quoique je fufle déja enchanté de ce que vous m'aviez dit de chacune de ces Doctrines, j'en fuis infiniment plus fatisfait encore, "maintenant que j'en ai jugé par moi-même, en puisant A la 30 urce. II y a plufieurs autres Doctrines qui m'ont charmé d'une manière extraordinaire, & qui me femblent être des préfomptions également fortes en faveur du témoignage de 1'auteur. Telles que la Doctrine de correspondance entre les CHOSES spiritue lles et les c H Oses naturelles, la DOCTRINE D'lN- tluence Cinflux), la Doctrine de dégrés, la Doctrine de la providence, d'iMPUTA-  ( 16 ) tion, de régéner ation, du bateme & de la Sainte cêne, & plufieurs autres dont la lifte ne fe préfente pas d'abord a ma mémoire; mais qui, toutes en général, tendent a dëlivrer Tefprit des idéés perverties de la vérité, & a le dinger vers des principes folides, tant a 1'égard de la théorie que de ia pratique. Mais je trouve, Monfieur, que 1'auteur s'annonce au monde, non fimplement comme inftituteur de Doctrines, mais auffi fous le titre plus élevé de voyant; comme une perfonne enfin, qui a eu fes fens fpirituels ouvcrts au point d'avoir entretenu une communication intime avec le monde invifible des efprits & des anges; & qu'il a publié dans fes Ecrits une grande variété de circonffances extraordinaires relativement a ce monde ia, & a 1'état de Tnomme après Ia mort, lorsqu'il y arrivé. Or, quoique ce qu'il en dit foit bien loin de me caufer ni difficulté, ni fcandale, mais qu'au contraire, il ne fait que me confirmer davantage fur la vie a venir, & fes grandes réalités; cependant, Monfieur, comme je prevois que beaucoup de perfonnes feront des objettions contre cette partie de fes Ecrits, je ferois bien aife de favoir vos fentiments 'fur eet article, tant pour me fortifier de plus en plus, que pour léver les fcrupules que d'autres pourroient avoir a eet égard. Phil. Ce fujet eft fi bien & fi complettement traité dans deux excellentes Préfaces, écrites par un eccléfiaftique de 1'Eglife Anglicane, homme fingulièrement pieux & favant, qui les a placées a la tête de deux traités qu'il a traduits du Latin du Baron Swédenborg; 1'un sur le Ciel & sur 1'Enfer, & 1'autre -fur 1'in-»  ( Tl ) fluence (on influx), qu'il femble qu'il foit impoffible de iien défirer davantage par toute perfonne candide, a 1'égard de cette partie de fon caractère: •— je vous en recommande fortement la lecture ; ainfi qu'a toute perfonne qui fe trouve difpofée a examiner les écrits en queftion. On ne doit cependant pas attendre qu'un monde charnel & difïipé fe laiffe perfuader par des argumens fi contraires a fes conceptions groffières & terreftres. L'efprit de Scupticisme & de Sadducéïsme fur toute forte de communication entre les mondes vifibles & invifibles, règne tellemeht aujourd'hui qu'il eft douteux que le rapport même d'un ange du ciel, (s'il fe montroit parmi nous ) fut capable d'en vaincre 1'influence. Si je vous ai dit des chofes terreflres , & que vous ne les croyez point: comment croirez-vous fi je vous dis des chofes céleftes? " Jean iii. 12. Cette réprimande n'a jamais été plus applicable, aflurement, qu'aujourd'hui qu'un efprit d'incrédulité domine prefque généralement; & ce qui eft le plus extraordinaire, & le plus facheux, c'eft que eet efprit a fait plus de progrès & s'eft plus profondement enraciné chez les favans que chez les fimples & les gens non-lettrés ; on regarde comme un fujet de reproche pour un homme de lettres ou pour un Philofophe , on prend pour le figne d'un génie étroit, ou d'un efprit adonné a la fuperftition, la crojance d'aucune opération fur-naturelle, par la voye de la parole ou par celle de la vifion. Néanmoins il eft a efpérer que les ames fimples & fmcères qui croyent a un Ciel, a un Enfer, a une autre vie après la mort, & qui fe perfuadant fur 1'autorité de la Bible que des hommes femblables  ( 78 ) a eux, (*) pendant leur féjour fur la terre ont été admis a voir & a entendre ce qui fc paffe dans un autre monde; quecesames la, dis je, ne déviendront pas fi facilement dupes de cette malheureufe incrédulité. Elles feront convaincues qu'il eft au moins possible quele tout-puiffant faffe aujourd'hui, ce qu'il a fait dans les anciens tems, & la oii les deffeins extraordïnaires de fa providence le demandent, pour ouvrir les yeux & les oreilles de fes favoris, afin de les faire jouir d'une communication plus immédiate avec luimême & avec fon royaume invifible. Avec la moindre connoiflance de 1'hiftoire eccléfiaftique , elles verront que quelque chofe de ce genre de communication fpirituelle a été accordée dans tous les fièclcs , & a toutes les époques de 1'Eglife, - &, quoiqu'il ne foit pas douteux , qu'il y ait eu & qu'il y alt encore plufieurs impoftures a eet égard, elles feront cependant en état de diftinguer entre les vraies & les fatjsses relations, & ne rejetteront pas ce qui eft vrai a caufe de ce qui eft controuvè, par la même raifon qu'elles ne refuferoient point 1'argent de bon aloi paree qu'il fe trouve de la fatjsse monnoie dans la circulation. Soph. Vous penfez donc que le témoignage du Baron Swédenborg a 1'égard de fes Communications furnaturelles eft bien fondé? Phil. J'avoue avec franehife que je n'en si pas le moindre doute, malgré Timputation de foibleffe , de crédulité, ou d/ignorance a laquelle (*} Voyez les differentes vifions des Prophètes comme elles font décrites par tout. Voyez auffi ce que St. Paul ra» conté de lui-méme, 2 Ep. aux Cor. XII. t. k 5. & voyez 3 enfin, 1'Apocalypfe de St. Jean d'un bout a 1'autre.  e 79) eet aveu peut m'expofer. Je ne m'attends point; je ne fouhaite même pas que les autres croient fimplement fur Tautorite' de mon opinion; je ne veux pas difputer ou contefter avec ceux qui ne font pas difpofés a adopter mes fentiments fur eet article, mais je hazarderai de prononcer, que c'eft le devoir de tout chrétien de reflêchir au moins bien mürement pour lui-même ace fujet, fans trop s'appuyer fur les opinions des hemmes faillibles ; & de ne pas rejetter précipitamment une autorité telle que celle du Baron Swédenborg, uniquement paree qu'il déclare qu'il a vu & entendu ce que les Prophêtes & des hommes faints des fiècles paffes ont déclare qu'ils avoient vü & entendu, — fe rappellant 1'avis fobre & folide, qui a été donné dans une occafion femblable: Si un efprit ou un ange lui a parlé, ne combations point contre Dieu , actes des Ap. XXIII. 9. — Et, afin de formsr un jugement exact, il me femble que toute perfonne de bonne foi eft obligée d'examiner la nature & le but de cette information que le Baron Swédenborg apporte touchant un autre monde; car cette circonftance doit certainement avoir fon poids & fon influence fur fa détermination. Pour moi, quand je confidére les aflurances conftantes & uniformes d'un homme de bien, d'un homme inftruit comme le Baron Swédenborg, pendant le cours deplus de vingt-cinq années, qu'il a été favorifé de cette communication furnaturelle; quand je reflêchis qu'il étoit a 1'abri des illufions de 1'enthoufiafme, ou d'une imagination échaaffée, autant qu'un fens froid & un entendemenc fobre ayent pü y mettre aucun mortel; quand je pèfe encore les rélations extraordinaires, & intéreflantes qu'il a publiées en conféquence de ces  C 80 ) Communications furnaturelles, leur harmonie t leur confiftance, leur variété, leur importance , leur but inftrucrjf; & qtrand je vois tout cela foutenu & confirmé par la purété & la régularité de conduite, & de Doctrine conformes & correfpondantes a ce fyftême, —- je dois avouer que j'e'prouve en faveur de 1'auteur & de fes Ecrits, un dégré de crédibilité auquel je ne puis réfifter, — & fi une telle évidence ne doit pas être admife comme valable il fera difficile, a mon avis, de prononcer quelle efpèce d'évidence en pareil cas feroit admiffible, mais en ceci, comme dans toute autre chofe, il faut que chacun juge pour foi-même: - car c'eft ure des maximes inculquées par nótre auteur que le libre arbitre de perfonne ne doit être forcé. Soph. Je conviens comme vous, Monfieur, qu'il vaut mieux laifHr ces chofes a la liberté de chacun ; car il me paroit qu'on ne fe déterminera pas, fur ces objets-la, tant d'après les argumens ou les raifonnemens d'autrui, que felon fa propre difpofuion. — Si Taiguille de 1'efprit de quelqu'un , pour ainfi parler, eft tourrée vers les chofes du ciel, il fera difpofé a croire ceux qui lui apportent des rélatiors de chofes femblablcs; furtout s'il trouve ces rélations d'accord avec le fens évident des Saintes Écritures, & qu'elles tendent a purifier la vie; mais fi Taiguille de fon efprit, n'eft dirigae que vers les chofes de ce monde, on ne peut pas efpèrer que les rélations des meflagers céleftes, malgré toute Tauthenticité qu'elles portent avec elles, trouvent d'accès auprès d'une perfonne ainfi difpofée, felon cette déclaration rémarquable de notre Seigneur. S'ils n'écouttnt pas Moïfe  C « ) 'Sf /e; Prophètes, ils ne feront pas non plus ycr'i 'fuadés quand. même quefqu'un des morts, reffufciteroit; Luc XVI: 31. Quittant donc pour Ie préfent cette matière, je dois.vous importuner fur un aütrc fujet qui m'embarraffe un peu, & dont les Ecrits du Baron Swédenborg parient fouvent, c'eft-a-dire, unc nou velle.Eglise. je defire de favoir ce que je dois entendre pat cette nouvelle Eglise? Phil., Faites-moi le plaifir de me dire auparavant quelle eft 1'idée que vous attacfiez au terme Eglise? Soph. — a dire le vrai ce terme me paroit ■ &f vague indéfini dans nótre langue: par exemple, nous appellons un b&timent de briques & de pierres une Eglise, lorfqu'il eft approprié a des ufages. facrés: nous parions aulïï de 1'eglise d'angleterre , de, 1'Eglise d'Ecosse & de 1'Eglise de Rome, &c. défignant paria, a ce que jepréfume, certaines affemblées de perfonnes jpintes enfemble & d'accord fur les mêmes dogmes , ou fuivant une même forme de culte : nous faifons encore profeffion de croire la sainte Eglise universeels, par laquelle, comme j'ai toujours congü, on veut dire la vraie Eglife de Chrift, ou Taffemblée de fes véritables enfans répandus par tout le monde,, quels que foient leurs titres réfpectifs, leurs Doctrines particulières, ou le mode de culte qui les diftinguent* mais qui,adp- rent têtre supueme en esprit & en vérité, c'eft-a-dire, fuivant fa fainte volonté & fes divins préceptes. Phil. Et lequel de ces différens fens prenez-vous, Monfieur, pour le véritablb? Soph, Le dernier. E  pHlt, Mais pour quelle raifon? Soph. Parceque cela me paroit fort clair de 1'ufage même de ce terme dans les faintes Écritures, comme par exemple quand le Seigneur dit. Sur cette pier re j'idifierai mon Eglife, Matth. XVI: 18. & que TApótre nornme l'Eglife le cohps de Christ, Ep. aux Colof. I: iS. ce qui ne peut fignifier un batiment de briques & de pierres feulement. Pour la même raifon il ne peut non plus fignifier une afiemblée de gens reünis enfemble par quelque mode particulier de culte, & de dogmes de foi, parcequ'il eft possible qu'une telle alfemblée fe trouve compofe'e de gens trés peu Chrétiens , -— même de méchants, qui par conféquent ne peuvent former le corps de Christ, ou l'Eglife puifque ce corps doit être pür & net, tant pour les cceurs que dans la vie de fes membres; de forte que le terme Eglise pour parler proprement, & d'après les Écritures, doit être pris dans un fens üniversel qui comprend tous les vrais croyans qui adorent le Seigneur Jesus Christ en Esprit et es vérité. Phil. Vous diftinguez donc entre 1'Eglise, quand par la on parle d'un e'difice de briques ou de pierres, — ou d'une assemslée particuliere de chrétiens, —— d'avec le corps univerfel des croyants fincères ou fidèles par toute la terre. Soph. Oui. Phil. — Et vous opinez que c'eft dans ce dernier fens qu'elle eft proprement, & d'après les Écritures nommée 1'Eglise db Christ? Soph. C'eft la mon opinion.  C 83 > Phil. Et que des aiTemblée* particulières, telles par exemple que ce qu'on nomme 1'Eglise d'angleterre , 1'eglise d'E- cosse, ou 1'Eglise de Rome, &c. — peuvent ou ne peuvent pas faire partie de 1'Eglisb- uni vers elle OU de l'e glise de christ, ou du corps de christ, felon que la vie de ceux qui les compolent eft ou n'eft pas conforme a la foir & a Ï'amour envers Christ? Soph. — Certainement. Phil. — SoufFrez que je vous demarde quels font les véritaBles principes qui doivent former ce qui eft proprement appellé le corps ou Eglise de Christ? Soph. Je préfume que ces principes confiftent dans une foi bien fondée & dans Ï'amour de Chrift , opërant dans le cceur & dans la vie, & produifant toutes les différentes grsces, vertus, & fruits qui contribuent a la purificatioa de l'homme , au rénouvellement d'une nature, & d'une image céleftes, & par conféquent a une conjonction avec le ciel. Phil. Ainfi ce ne font ni les modes de culte, ni les dogmes ou Doctrines de foi, ni de codes d'articles, ou de canons féparés, qui peuvent conftituer une Eglise proprement DlTE, et D'après les saintes ECRI- tures, s'il ne s'y trouve en même tems la pureté d'une foi chrétienne & un amour opérant de la manière que vous avez détaillée ? Soph. C'eft la mon opinion: j'y ajouterai encore ceci; que je confidére toutes ces chofes la, tant qu'elles fe tfouvent ieparées d'une foi véritablement chrétienne, & de eet amour qui produit un rénouvellement de vie, plutót comme lè E 3  (84) sÊPüiGRE ou le SQuÉLfiTTE d'ufieEGLÏss; que comme TEglife même, Phil. Vous avez grande raifon, fans douteJ Tenez-vous-en a cette jus tb idéé d'uNE EGlise, & vous comprendrez facilement & clairement, tout ce que le Baron Swédenborg a d;t a 1'égard d'une nouvelle Eglise: voici en peu de mots fa Doctrine fur ce point. L'Eglife Chrétienne d'aujourd'hui, en s'écartant maiheureufement, de la vraye foi & de Ï'amour, eft arrivée au terme de fon extinction. — Elle n'eft enfin plus Eglise, car la ou une foi & un amour véritables ne fe trouvent point, il ne peut d'après vos propres principes, y avoir d'Egüfe. Cela neveut pas dire qu'il ne fe trouve point dans le monde de bons chrétiens qui craignent Dieu & qui 1'aiment; mais le nombre en eft fi petit, eu égard au corps entier, qu'ils peuvent être comptés comme nul, lorfqu'on les met en comparaifon avec la totalité; femblables a cette defcription du Prophéte. // y démeurera quelques grapillages comme quand on fecoue l'olivier , & qu'il refie deux ou trtois olives au bout des plus hautes branches , & qu'il y en a quatre ou cinq que l'olivier a produit es dans fes branches fertiles, Efaie XVII: 6. Ccpendas.t la miféricorde & la fagefle Divines demandent qu'il y ait une Eglife fur la terre oü le Seigneur puiffe être reconnu,aimé, &obeï, de faconque l'homme puiffe avoir conjonction avec Dieu, & Dieu avec Thomme, fans quoi le genre-huma.in périroit éternellement: c'eft pourquoi il a plu au Seigneur de pofer dans:ces jours-ci les fondémens d'une nou velle Eglise , ou.cn d'autres termes, de faire de lui-même, de fa  ( 85 ) volonté & de fa fagefle céleftes, & des loix éternelles de fon royaume, & de fon gouvernement de nouvelles manifeftations dérivées du véritable efprit & du fens non - corrompu de fa fainte parole, afin qu'elles puiffenr. opérer 1'étabiiflement d'une foi véritable, de Tamour & de la charité parmi les hommes; & la réprodudtion de toutes les graces & de toutes les vertus chrétiennes, Tordre célefte, la félicité, & finalement, le falut de la race humaine; en la raménant a une corijonclion avec le ciel & avec le Dieu du ciel, dans Tamour, la connoiflance & la pratique des loix du ciel. Soph. Mais pourquoi cette Eglife doit-elle étre nommée une nouvelle Eglife? Toutes les Eglifes depuis le commencement du monde ne font Elles pas une & la même puifqu'elles conftituent le corps du Seigneur, & qu'elles confiftent dans les mêmes principes fpirituels? Phil. Reflêchiffez, Monfieur, &confidérez bien qu'a Tégard de la vie & de Tessence, il n'y a jamais eu, ni ne peut y avoir qu'uNE. réelle & véritable EdrLISE, tOUt coiu- me il n'y a jamais eu, ni ne peut y avoir qu'u ne volonté & une loi de Dieu, une voye de falut, & un corps de Jéfus-Chrift; car la vie éternelle ou la vie fpirituelle dans fon ef>. fence a toujours été, & doit a jamais être une & la même, tout comme la vie tempo» relle ou la vie naturelle, quant a fon eflènce, toujours été & doit toujours être une & la même. Néanmoins comme la vie temporelle ou la vie naturelle a différentes époques, en diffé-. rens lieux & par différens moyens, a été différerament modifiée, & qu'elle a pris différentes; formes & apparences parmi les hommes; de E 3  < ¥. > même eft-il arrivé auffi a 1'égard de la vie fbi* rituelle ou éternelle« elle a ete a diverfès épbi ques, en différens lieux, & moyennant des nou* velles découvertes de la vérité effentielle de la parolede Dieu, diverfement modifiée, a pris des formes ik des apparences auffi vanees fur la terre, fous chacune desquelles formes & apparences elle étoit nommée alors une nouvelle Eglise: cependant, chaque nouvelle Eglife n'a été en effet, qu'un rénouvellement & une réprodudlion, & par la une continuation de la vie essentielle, & de Tesprit eflentiel de TEglife qui avoit précedée , manifeftée fous quelque nouvelle forme, dispensation , ou ap paren CE propre aux circonftances particulières du tems, du lieu,& du peuple, & deftinée a montrer au genre humain la miféricorde, ï'amour, la fageffe, & la puiflance Divine, dans des variations infinies & toujours avec une gloire nouvelle. C'eft pourquoi je reflêchis avec un dégré de fatisfadlion inexprimablc, que tant Abraham, Isaac&Jacob, dans leur temps, que chaque membre fpirituel de 1'Eglife qui ont exifté depuis, étoient au fond du cceur chrétiens tóut comme tous les vrais chrétiens font, aufond de leurs cceurs, les enfans d'Abraham, & qu'ainfi les Eglifes Patriarchale, Judaique & chrétienne, étoient quant a Tessence & a la vie, une & la même: & que par analogie ou parité de raifonnement la nouvelle Eglise adtueliement fur le point de s'établir, fera quant a 1'eflènce & a la vie, une & la même avec toutes Jes Eglifes qui i'ont précédée, & tellement conftituée dans le corps UNivERSELde ]Ésvs-Christ, que les bons membres de toutes les Eglifes précédentes en recevront une  ( 87 ) bénédidtion, tout comme fes propres membres, & entreront dans les travaux de toutes les Eglifes précédentes, felon ce qui eft inilnue' dans ces paroles de TApótre. Tous ceux Ih, ayant obtenu témoignage par la foi, n'ont point rtpu la promeffe; Dieu ayant pourvu quelque chofe de meilleur pour nous, afin qu'ils ne vinffent pas d la perfection fans nous, Ep. aux Heb. XI: 39, 40. Soph. Dois - je-donc par la Doctrine b'une nouvelle Eglise, dont il eft fait mention dans les Ecrits du Baron Swédenborg, entendre une nouvelle ré vél at ion? Phil. Si par une nouvelle révélation vous voulez dire une nouvelle loi, un nouveau commandement ou une nouvelle parole Divine ,promulguée immédiatement de la part de Dieu pour remplacer Tancienne loi, commandement & parole, vous ne devez nullement 1'attendre: mais fi par une nouvelle révélation vous entendez une républication, ou un plus grand dévéloppement de 1'akcienneloi, commandement & parole, afin qu'elle foit plus clairement comprife, quant au fens propre & réel, & que toutes les perverfions dérivées des interprétations fauffes & puremens externes en foient corrigées , &c qu'ainfi elle arrivé a une admiffion plus entière & une opération plus parfaite dans les cceurs & fur les vies du genre humain, felon fon efprit & fon intention célefte; alors vous en avez une idéé jufte & précife. Soph. Mais on demandera pourquoi les faintes Écritures e lles-mêmes, ne fuffifent pas pour remplir toutes ces intentions d'inftruótion & de juftice fans le fecours des Ecrits du Baron Swédenborg? E 4  C 8? ) Phil. II n'eft pas douteux que les faintes Écritures fuffiroient- d'elles-mêmes , pour rcmplir tous les effets d'inltruction ce'lefte & de réformation du genre humain, fi elles e'toient bien comprifes & mifts cn pratique, fuivant leur vrai fens & fignification ; mais on devroit le fouvenir qu'elles peuvent étre mal comprifes , & que fans une Doctrine solide, •tirée de la parole de Dieu par ceux qui font éclairés, cette parole de Dieu elle-même eft obfcurcie,& pour de cercaines perfonnes, dans une obscurité totale; ou qu'elle eft ïalsifiée ou alterée, chacun interpretant & entendant la Bible felon la Dcdtrine, dont il a été imbu dès fon enfance; & c'eft ainfi que les Juifs par la faufle Doctrine de leurs traditions, avoient cmièremerit obfcurci & perverti la parole de Dieu en 1'annullant, fuivant le témoignage de rótre Seigneur , Matth. XV: 6. — Telle chofe peut être arrivée au moment préfent, & fuivant ce qu'en dit le Baron Swédenborg, il eft arrivé en effet, que la source des eaux vives est de'venue fi corrompue & fi altérée qu'elle ne peut plus fournir au foutien de la vie fpirituelle, & c'eft de la qu'il démontre la néceffité indifpenfable qu'une forme de Dodtrine pure & folide foit dévtioppée §c publiée au genre humain pour le conduire a une intelligence exadte & nouvelle de cette fainte parole, afin que les hommes puilTent puifer a cttte sotjrce pure et non alterée des eaux vives, pour leur inftrudtion & une renovation en juftice. Pour ce qui regarde le befoin d'une telle réforme aujourd'hui, & jufqu'a quel degre' la Dodtrine rcvélée dans les Ecrits du Baron Swédenborg fe trouve adoptée & eer,  afage ; c'eft a ceux qui les Hfent avec foin St kttenti'on d'en juger, s'ils en font en état. Soph. Mais le Baron Swédenborg défigne les Doótrines qu'il a enfeignées dans fes Ecrits par le titre de Doctrines de la nouvelle Jerusalem, ou de la nouvelle Eglise: — qu'en dois-je donc conclure? Phil. Vous trouverez, Monfieur, partout auprès des Prophêtes Sc particulièrement en Esaie des paflages en trop grand nombre pour être rapportés ici, oti il eft fait mention d'un état giorieux de 1'Egiife du Seigneur, Sc particulièrement , que la lumière de la Lune fera comme la lumière du Soleil, & la lumière du Soleil fera fept fois auffi grande, comme-fi c'étoient la lumière de fept jours, Efaie XXX: 2fj. qu'au lieu du Buijfon crottra le Sapin, & au lieu de l'Epine croitra le Mirte, LV: 13. Qu'il y aura de l'or au lieu de l'airain, Ö" de Vargent au lieu du fer, de Vairain au lieu de bois, du fer au lieu de pierres, Chap. LX: 17. Ce qui marqué une manifeftation des différens dégrés de vérité Sc de bonté céleftes, autant au-deffus de ce qui a é;é connu ci-devant que la lumière du Soleil eft fupérieure a la lumière de la Lune, ou comme le Sap.m Sc le Mirte font fupérieurs a 1'Epine Sc au Buisson, ou autant que Targent Sc 1'or le font aux autres métaux inférieurs dont il y eft parlé. Ces paffages Sc plufieurs autres des Ecrits Prophétiques d'un pareil genre ont été géné.raïement appliqués a TEglife chrétienne dans les premiers tems, felon qu'elle a été établie k 1'avènement du Seigneur dans la chair, pour rnarquer les heureufes fuites qui en reïulteroient pour le genre humain. Mafs que plufieurs de * " E^ , • .  C po ) ces bienheureufes Prophéties reitent encore fans être accomplies , & qu'elles ont eu rapport a quelques beureux états de TEglife de Dieu dans une époque future, il y a tout lieu de le préfumer. Le Livre de TApocalypfe met cette matière hors de doute, car il y eft fait mention expressement d'un état de gloire, de 1'Eglife poftérieure au premier avènement du Seigneur, décrit fous le nom & le titre de la nouvelle Jerusalem, ce qui, felon le témoignage du Baron Swédenborg, flgnifie une nouvelle Eglise, ou une nouvelle difpenlation de vérité' & de dodtrine célefte , qui doit être manifeftée de la pure parole de Dieu parmi les hommes, dans les derniers fiècles du monde, pour rétablir le pür amour & la charité, pour faire cefler toute iniquité, erreur & défordre, & pour mettre l'homme en poffeffion de toute la félicité dont il eft parlé; iorfque le Tabcrnacle de Dieu fera avec les hommes, & qu'il habitera aveceux, & qu'ils feront fon peuple, & Dieu fera iui-mémc leur Dieu avec eux; & Dieu ejfuyera toutes larmes de leurs yeux, Ö" {a mort ne fera plus; & il n'y aura plus de deuil, ni cri, ni travail, car les premières chofes font pajfées, Apocalypfe XXI: 3,4. Le Baron Swédenborg allure encore que les doétrines de vérités, répandues dans fes Ecrits, regardent généralement ce nouvel & glorieux état de 1'Eglife ou de la no uvelle Jerusalem, & qu'elles font deftinées a y conduire le genre humain. Le Seigneur 1'ayant choifi expreffément pour eet effet, pour ouvrir le sens spirituel ou interne des Écritures Saintes, & pour renouveller par-la aux hommes la connoiflance des grandes & éternelles loix d'ordre, de vérité & de juftice, qui  i 91) par des traditions fauffes & corrompues avoienï été malheurcuflment altérées & perverties, afin qu'en Ié cui.duifant d'après ces loix, ils puiffeiit fe préf-iver de tous les principes faux & corrompus, tant pour la vie que pour la croyance, & recouvrer leur état pn'mitif ik célefte d'innoceuce, d'amour & de charité, par le moyen d'une bienhtureufe communion avec Dieu u fon royaume. Soph. La nouvelle Jerusalem, ou nouvelle Eglise, eft donc une difpenfation de bonté, de vérité, de juftice, ^e paix & d'ordre révélée a l'homme & tirée du fens réel de la parole de Dieu; & les Doctrines de cette nouvelle difpenfation vierinent d'étre découvertes & pübliées dans les Ecrits du Baron Swédenborg? Phil. C'eft précifement la ce qu'il faut entendre par la nouvelle Eglise, telle qu'elle eft annoncée par le Baron Swédenborg. Mais fouffrez que je vous avertifie d'étre bien fur tos gardes, pour diftinguer evcc attention entre la nouvelle Jerusalem ou nouvelle Eglise & fes Doctrines, felon qu'elles fe tr<,uvent détaiilées dans les Ecrits du Baron Swédenborg: fi onnégligeoitd'avoir égard a cette diftincti jn, il arriveroit des fuites trés facheufes, car on rifqueroit de tomber dans de grands abus. Rappellez-vous donc toujours que les Doctrines de l'Eglise, & l'Eglise elle-même font des chofes fort différentes. Les Doctrines ne font que dts principes de vérité introductoires a l'Eglise; mais l'Eglise elle-même confifte dans ces principes de vie apportés parmi les hommes, incorporés avec 1'efpnt de charité, & par-la conjoints avec  Je ciel, & ainfi rendus animés ou vivants, opératifs & fertïles par le Dieu du ciel. II eft donc possible qu'un homme puiffe être initie' dans la Doctrine de la nouveüe Eglife, fans être un membre de la nouvelle Eglise, ou y avoir aucune part. Soph. Si je comprends votre penfée, vous voulez-donc infinuer qu'il ne fuffit pas de lire & d'entendre les Ecrits du Baron Swédenborg pour devenir membre de la nouvelle Eglise; mais qu'on doit étre soumis a la Doctrine de cette Eglife, qui s'y trouve annoncée, en y ajoutant Ï'amour & la charité, par la pratique de la vertu, avant qu'on puiffe étre compté au nombre de fes membres, & avoir part aux bienhcureux fruits de la nouvelle Jerusalem. Phil. C'eft la ce que je voulois dire: les Ecrits du Baron Swédenborg ne contiennent que les principes feulement de la fcience célefte, qui eft néceffaire pour ouvrir & former la nouvelle Eglise fur la terre, soit généralement ou soit individuellement, & comme tets ils feront trouvés d'un avantage extréme pour tous ceux qui fouhaitent d'y participer comme dignïs et vrais membres: mais pour atteindre a cette participation réelle, il faut indifpenfabiement que ces principes foient réduits en pratique, par une foumiffion & un? conformité fincère, fuivant ce que notre Seigneur lui-même a dit a 1'égard de fes propres Doctrines: Si yous favez ces chofes, vous êtes bienheureux fi vous les faites, Jean XIII: 17. Ce fera alors, & dans cette proportion feulement, que la, nouvelle Eglisk fera ouverte. & formée,  ÏNDIVÏjDUELLIMENT & GÉNÉRALEMENT^ & dont le caractère diftinctif a mon avis, Monfieur, eft, que ce fera un e'tat d'amour plus e'lévé, de charité, de graces & de vertus, opérant en conféquence de la part du ciel, tel qu'il n'a jamais exifté fur la terre, & qui confiftera dans 1'extirpation entière de tous les principes dérèglés, faux & mauvais d'amour-propre & d'amour du monde, avec toutes les affections orgueilleufes, envieufes, courroucées & avides, & toutes les psfiions qui en dérivent; & en même tems dans un rénouvellement opéré par des principes les plus purs de bonté & de vérité céleftes, par une foumiffion parfaite dans toutes les différentes formes & d fférens dégrés de la vie humaine, foit sociale, civilb, morale, intellectuelle ou spirituellë, fuivant ce que je viens de vous détailier en parlant de la Doctrine de vie, telle qu'elle eft enfeignée dans les Ecrits du Baron Swédenborg. C'eft ainfi & pas autrement (autant qu'il me paroit & comme ces Ecrits le témoignent amplement) que le Tabernatle de Dieu peut étre avec les hommes & habiter avec eux, & qu'ils puijjent devenir Jon peuple. Et il feroit bon que tous ceux qui lifent ces Ecrits euffcnt en tout temps ceci préfent a Jeur 'efprit, ain qu'ils ne fe croient point membres de la nouvelle Eglise , uniquement paree qu'ils connoiffent & qu'ils trouvent du goüt a la lecture des Doctrines que ces Ecrits renferment; pendant que d'après ces Ecrits mêmes, la nouvelle Eglise ne fauroit être plantée dans Thomme que par fon obéiffar.ce, & lorfqu'il a paffe par les différens états de répentance & régénéraiion, & par les tentation*  C 94 % fe les épreuves propres a chacun de ces états; jufqu'au point que fa vie entière dars tous fes principes, perfuafions & pratiques foit réduïte a une conformite' exacte avec la volonté & la fagefle de Dieu, par l'humiliation & la foumiffion la plus parfaite. Soph. J'avoue franchement, Monfieur, que je me fens ravi & enchanté de cette idéé d'une nouvelle Eglise, en ce qu'elle teni a renouvelier, a reétifier & a perfeftionner tous les principes de la nature humaine dans fon état actuel d'une corruption générale par tout« la terre, en la rétabliflant dans 1'union avec le Dieu du ciel. Mais que dois-je concevoir a 1'égard des formes & des cérémonies de cette nouvelle Eglise? Vous favez • Monfieur, que toute Eglife a fon culte extérieur auffi bien que fon culte intérieur. Les Ecrits du Baron Swédenborg enfeignent-ils qu'il arrivera du changement dans Textérieurdu culte aétuellement en ufage par toute la chrétienté? Phil. Les Ecrits du Baron Swédenborg ; Monfieur, font tellement confacrés a marquer 1'essentiel de la nouvelle Eglise, qui eft Tamour pür, la foi bien fondée & une vie de foumifïïon & d'obéiflance, qu'ils ne parient que trés peu des chofes de pure cérémonie, ou des formes extérieures, a Texception de celles du Bateme & de la sainte Ce ne, dont ils déclarent Tobrervation y être néceflaire. Quant a d'autres branches d'un culte extérieur, quoique cela y foit généralement recommandé & indiqué comme utile, cependant il n'y a point de forme particulière qui foit abfolument prefcrite; d'ou il eft natursï  *le conclure qlfil eft laiflé è chacun la liberté de fe fervir de telles formes extérieures qui convien» nent le plus a fon état, & qui contribuent le plus a fon avantage fpirituel. II y a cependant une certaine circonftance dont je crois devoir faire mention, & qui mérite 1'attention la plus férieufe de la part de tous ceux qui lifent ces Ecrits, c'eft qu'il y eft enjoint de la fagon la plus forte, de ne pas heurter témérairement les formes extérieures de culte, (en les rejettant avec précipitation) dans lefquelles chacun aura été élévé, & qui fe trouvent publiquement autorisées & établies dans le pays qu'il habite. Soph. Faites-moi le plaifir, Monfieur, de me citer quelques-uns des pallages de ces Ecrits qui contiennent de pareilles précautions. Phil. Je le ferai avec plaifir, afin de vous prouver que le Baron Swédenborg a témoigné un jugement des plus fages & des plus réfléchis fur ces fortes d'articles, & qu'il n'étoit rien moins qu'un innovateur hardi ou violent a 1'égard des matières qui n'ont pas un rapport direct & immédiat avec la püreté de la vie qu'on doit obferver; -— ainfi préfentant un exemple admirable a tous fes lecteurs d'une conduite difcrète & de fage précaution, contre des changemens précipités dans des chofes non- essentielles au falut. Voici les pallages auxquels je vife particulièrement. En parlant dans fon livre des Arcanes, ou Mystères Célestes, N<\ 1992. touchant 1'extérieur de culte adopté dès l'enfance, il dit: Le Seigneur ne détruit jamais volontiers ff en hdte, ff encore moins a VinJiant le culte enfémencé dans 1'efprit de qui que ct foit dès l'enfance; car ce feroit arracher par la raome ff détruire le faint principe d'adoration ff 4e  ) r.ulte profondement planté, que le Seigneur ne rompi jamais, qu'il ne fait que plier: le faint principe de culte, enraciné de bonne heure, eft d'une telle nature qu'il ne peut fupporter la violence, mais il doit être plié avec modération (S douceur. Et encore au NG. 2180. on trouvp le paffage qui fuit: Ce qui eft une fois planté depuis l'enfance avec une idéé de fainteté, particulièrement-ft cela eft planté dans des enfans par leurs pères, & qu'il ait pris racine en eux , le Seigneur ne le détruit pointmais il le plie, d moins que cela ne foit contraire d 1'ordre ejfentiel. Outre cela, en parlant d'une vie de pi été dans fon Traité fur la nouvelle Jerusalem et de ses Doctrines célestes, n°. 124, il la décrit particulièrement comme confiftant dans une conftante & pieufe attention au culte public, en fe préfentant fouvent d la fainte Céne, & en obfervant ftriclement toutes les autres ordonnances de l'Eglife,, felon qu'elles font établies. On peut citer encore de plus fon propre exemple , en ee qu'il reftoit dans unecommunion extérieure avec 1'Eglife dans laquelle il avoit été élevé, ayant recu le faint Sacrement quelques heures avant fa mort dis mains d'un Eccléfiaitique Suédois , fuivant les rites dr; cette Eglife; & il u'a jamais exigé de perfonne de quitter la pratique de Intérieur, du culte auquel il avoit été accoutumé dès fon enfance. Cependant je n'ignore pas que des particuliers, (d'une certaine difpofition & guidés par une portion de zèle extraordinaire pour ce qu'ils nomment la vérité) en comparant certaines Doctrines renfermées dans les Ecrits du Baron Swédenborg, avec certaines expreffions dans les liturg ies ou formes de culte public, feronc peut-être difpofés a porter les chofes a 1'extrême, era  < 97 5 èri rejettant avec précipitatión les anciennes & en introduifant avec un empreffement des nouvelles. C'eft la 1'efprit de Thomme naturel qui s'eft montrë trop fouvent dans toutes les epoques de TEglife, Sc . qui a occafionné en tout tems tant de troubles Sc une ft. grande confufion, pendant qu'on s'eft plus attaché a la nouveauté des modes & des exprefiïon? dans le fervice de Dieu, qu'a la nouveauté de vie; Sc les hommes ont fait confifter les vraies qualités propres a les. rendre membres de TEglife, plütót dans une Liturgie .bien 'écrite que dans les vertus & les graces céleftes d'une foi bien ordqnnée Sc dans Ï'amour, Mais ce que je veux principalement dire ici, c'eft que les Ecrits du Baron Swédenborg font bien loin de donner lieu ou d'encourager un efprit de cette forte. Soph. ,Croyez-vous donc que les formes de cu!te public, actuellement en ufage, foient affes paifaites en elles-mêmes pour qu'il ne foit pas- néceffaire de les ehanger ? . . Phil. Cela eft une confidération abfoluf ment aparr. II faut avriuer que dans, toutes les formes externes de culte public qui ont été étar blies , il y a • toujours eu & il ne ceflera jamais d'avoir plus ou moins d'iMPSRFECTiON, parceque ce font des étab iflemens humains, qui par conféquent he peuvent être parfaits. On ne peut hier que c'eft le ces de toutes les Liturgjes dans toutes les Eglifes par toute la ehrétiemé, & qu'elles font devenues plus pu. aioins. imparfaites, a mefure que TEglife qui * adopté ces formes externes de culte s'eft plus ou moins corrompue a. Té gard de la Dodtrine. «k de la vie; mais la grande & effentielle. qacfF  tfon refte k réfoudre. Comment ces formes 't dans leur état préfent d'imperfedtion, font-elles adapte'es au bien de la maffe du peuple, pour i'ufage duquel elles ont e'té inftitue'es? Ne peuvent - elles pas être mieux calculées pour le Crand nombre que des formes plus parfaites? Nous favons que la Lettre de TEcriture Sainte même eft ainfi modêlée d'après les fens groiïiers & naturels de Thomme; car nous lifons que le Seigneur enfèigna fa parole a fes Difciples felon qu'ils pouvoient entendre, Mare. IV: 33. Et il avoit plufieurs chofes d leur dire, mais (leur dit-il) vous ne pouvez pas les porter maintenant, Jean XVI: 12. Et n'eft-ce pas peut-être le eas adtuel des formes établies du culte public? Ne feroit-il donc pas dangereux peut-être d'y faire des changemens avant que le peuple ne foit dans un meilleur état pour les supporter & pour en profiter? Ne feroit-il pas plus fage, plus expe'dient, & par conféquent plus convenable au devoir de tout fincère & humble chrétien, a Theure qu'il eft au lieu de fe féparer de fes foibles & ignorans frères dans Tufage de leurs imparfaites formes, de s'accommoder plutót en cela a leurs infirmités, & ainfi leur montrer un exemple d'une vie bien règ'ée & de foumiffion aux ordonnan- CES HUMAINES POUR l'aMOUR du SEIGNEUR, afin de gagner fur eux une influence qui pourroit les conduire graduellement a recevoir des principes plus folides & plus parfaits de Dodtrine & de vie ? La vérité fe trouvant recommandée de cette facon, il me paroic qu'on feroit fondé a en efpérer une reception plus générale; & lorfque cette reception feroit plus générale, on pourroit  <9 lui faire des demandes touchant la forme des paroles qui compofent fon fymbóle de foi; il fera fatisfait de voir en lui la püreté d'une vie célefte. Voila, a ce qui me paroit, ce qui fera la bienheureufe difpofition qui ir.fluera fur le genre humain, fous la difpenfation de grace univerfelle & de miféricorde qui opérera aiors. J'en fuis nonfeulement trés fortement perfuadé, mais j'éprouve une confolation inexprimable de fonger, qu'il n'exifte pas un feul homme fur toute la terre, qui, fondé en quelque dégré de bien que ce foit, recoive tót ou tard quelqu'avantage de cette difpenfation, & ne foit recueilli dans 1'heureux giron de cette glorieufe nouvelle Eglife. Je ne puis jamais contempler la moindre étincelle -de véritable amour & de charité, de miféricorde ou de bienveillance dans quelle perfonne que ce foit, (n'eut-elle jamais entendu prononcer !e nom du Baron Swédenborg & de fes Ecrits,) que je ne me ilgure que cette étincelle fait une partie de ce nouveau royaume, ou corps du grand Rédempteur-, & comme elle defcend de ce Seigneur Tout-puissanTj auffi en fera-telle recueillie, tót ou tard, dans la bicnheureufe reccnnoiffance qu'il en eft le Père, le Conservateur, le Sauveur & le Dieu. Au contraire, comme tout individu da genre humain, qui eft fondé dans quelque dégré de bien, trouvera une bénédidtion fous 1'influence de cette nouvelle manifeftation de vérité céiefte, je fuis auffi dans la perfuafion (felon ce qui eft clairement annoncé en divers endroits des Ecrits Prophétiques de 1'Ancien Teftament & de 1'ApocaJypfe) que tous ceux qui ne font pas ainfi fondés, mais qui vivent dans le mal & fans répentance, trouveront par-la leur confufion & leur  C "5 ) miné d'autant plus augmente'es; & cela conformement aux loix immuables & e'ternellement établies, par lefquelles toute nouvelle découverte Sc communication de la divine parole de Dieu eft règlée dans fes opérations ou effets. Comme la première entree du Seigneur au monde étoit pour manifefter de nouveau la parole aux hommes, & que cette révélation étoit en joye, paix, union Sc falut aux bons, maïs en trouble, confufion, féparation Sc deftruction aux méchants; de même fuis-je perfuadé, par le témoignage univerfel des Saintes Écritures, qu'il arrivera pareillement a Tégard de fon fecond avènement. • Soph. Son second avènement! Quc voulez-vous infinuer par-la ? Voudriéz-vous donner a entendre que TétabliiTement de cettè nouvelle Eglife fera le fecond avènement du Seigneur ï Phil. Doucement, Monfieur, s'il vous plaft.' Dites-moi, je vous prie, quelle eft votre idéé fur ce fecond avènement du Seigneur? '' "" Soph. L'on m'a toujours enfeigné a concevoir que le second avènement du Seigneur feroit sur les kuées du ciel, avec ses saints anges, pour' exercer 'jugement fur les méchants, Sc pour affembler les juftes dans fon royaume, "lorfque les cieux Sc la terre vilibles feront confumés par le feu, Sc'que toute la création matérielle 'périra & fera difiöuté» Phil. Et vous regardez cela comme unè idéö jcfte du fecond avènement du Seigneur & conforme a TEcriture Sainte? Soph.' Sans doute. Phil. Mais êtes-vous bien fur que vous n'attachez pas unevfignification littérale aux paroles de TEcriture Sainte, quand elles'doiverh Ga ' * " " ■vU't  < H<5 ) être prifes dans un fens fpirituel? Vous n'ignorez pas que c'étoit la précifément 1'erreur des Juifs de Panden tems. S'arrêtant feulement a la lettre, fans en pénétrer Pefprit, ils méconnurent la nature du premier avènement du Seigneur; s'imaginant qu'il devoit paroitre avec une eertaine pompe extérieure, comme un prince ou un libe'rateur temporel; ils étoient hors d'état de difcerner & de connoitre fa gloire intérieure comme prince & libe'rateur fpirituel. Etes-vbus donc bien fur que par cette idee vous ne rifquez pas de vous tromper comme eux? ^ Soph, Je ne fais que vous déclarer mon idéé a ce fujet, Monfieur, & je crois qu'elle s'accorde aulfi avec celle qui eft généralement répandue dans le monde chrétien, même parmi les hommes les plus favans. Phil. Je crois que vous avez raifon; mais peut-on s'y fier avec plus d'affurance pour cela? L'idée d'un prince & d'un libe'rateur temporel étoit celle qui prévalüt généralement parmi les Juifs, même parmi les p'us Savans d'entr'eux, au moment du premier avènement du Seigneur; mais Texpérience a prouvé combien cette idéé étoit vaine & malfondée. Soph. Et comment donc dois-je comprendre, Monfieur, ce second avènement du Seigneur? Phil. Pourquoi pas dans un fens fpirituel? Soph. Que voulez-vous dire -par un fens fpirituel ? Phil. Comme reftaurateur de la juftice fur la terre, annoncant de nouveau & républiant au genre humain les piires loix de fon royaume, tirées de fa fainte parole, fe faifant connokre a fon peuple, qui, par le déréglement de la vie & par  ï'incrédulité, en avoit perdu la vraie connoiflance ; infpirant aux hommes Ï'amour de lu -même & de la vertu; arrêtant les effets de Timpiété Se de Tinfidélité, qui font monrëes aujourd'hui a un point fi allarmant; rempliffant enfin la terre de toutes les graces céleftes, des vertus & des bénédidlions d'amour, de püreté & de paix, conformement aux belles' & vives defcriptions que fes Prophêtes ont faites de fon Eglife future, ou de fon royaume qui doit s'établir ici-bas. Ne nommeriez-voüs pas cela un avènement véritable du Seigneur, & tout auffi réel que s'il fe manifeftoit en personNE dans les nuées du ciel? Ne feroit-ce pas une vraie rnanifeftaüon dans les nuèes? Soph. Que voulez-vous dire par-la? Phil. Flütót que direz-vous, Monfieur, fi ces nuées, dont il eft parlé dans les Ecrits facrés, & fur lefquelles il eft dit que le Fils de Thomme doit paroicre, ne fignifient pas plus des nuées naturelles que la montagne du seigneur des armées figmfie une montagne naturelle, ou que la rivière de Dieu fignifie une rivière naturelle, ou que la sainte ville, la nouvelle jerus a- lem fignifie une ville matérielle? Vous favez que dans la fainte parole Jehovah eft repréfenté comme monté sur les nuées, dont il fait fes chariots; fa magnificence & fa force font déclarées d'étre dans les nuées, fa gratuite & fa fidèlité font repréfentées comme atteignant jusqu'aux nuées. Seroit-il poffible que vous, ou qui que ce fut, doué d'une raifon faine, puiffe fuppofer que ces nuées fur lefquelles Jehovah monte, qui font fes chariots, dans lefquelles G 3  ( "8 ) réfident fa mag-nificence & fa force, & auxquelles fa gratuite & fa eidélité atteignent, veulent dire les nuées matékielles & naturelles des cieux visibles? Ne feroit-il pas plus conforme a la fageffe & a la vérité de dire, que par ces nuées eft repréfenté, fuivant Tinterprétation donnée dans les Ecrits du Baron Swédenborg le fens littéral de la parole du Seigneur, ce qui eft effectivement comme un voile, ou une nuée ca,chant & ombrageant le fens fpirituel ? Un grand _nombre.de chrétiens férieux fe font plaints depuis longtems, que le livre de la parole de Dieu eft devenu aujourd'hui un livre cacheté felon la defcription du Prophéte: Et toute vifton vous fera comme les paroles d'un livre cacheté qu'on donneroit d un homme de lettres difant, nous te prions lis ceci: ff U répondroit, je nefaurois, car il eft cacheté. Puis on le donnoit d quelqu'un qui ne fut point lire, difant, nous te prions lis ceci.- il répondroit, je ne [ais point lire, Efaie XXIX: n, M. Que diriczvous enfin fi ce livre cacheté étoit actuellement ouvert? Si les myftères de la fageffe Divine, depuis fi longtems cachés fous la lettre, étoient manifeftés aujourd'hui ik rendus cipres & compréhenfibles? Si la'puissance & la gloire de la Divine vérité paroiffoient refplendiffante è travers les nuées d'obfcurité & de ténèbres qui les avoicnt couvertes & cachées? Si par-la l'homme ésoit renouvellé dans la juftice, ré-enfeigné dans la connoiffance de Jesus-Christ, mis cn état, comme 1 Apótre 1 exprime', de contempler dans cette sainte parole, comme dans un miroir, xa gloire du Seigneur, & d'étre  C "5 ) transformé dans la même imag1 de gloire en gloire, 3 Ep. aux Cor. iii: 18. étant rempli de toutes les graces & de toutes les vertus céleftes d'une vie régénérée? 'Ne pourroit-on pas appelier cela, avec raifon, le signe du Fils de 1'homme, paroissanx dans les nuées du ciel avec puissance & gloire? . Soph. Mais comment pourrois-je m'aflurer que c'eft la, d'après le fens des faintes Écritures, 1'idée du fecond avènement du Seigneur? Phil. Lifez feulement le vingt-unième Chapïtre de 1'Apocalypfe, & vous trouverez clairement annoncé qu'il refte encore a faire un ouvrage extraordinaire & bienheureux sur cette terre pour le rénouvellement en juftice de fes habitans; car il eft écrit: Moi Jean je vis ia fainte Cité, la Jérufalem nouvelle qui defcendoit du ciel, & verwit de Dieu paree comme une époufe ornée pour fon mari, >poc. XXI: n. II eft dit expreffément ici, que la fainte Cité descendoit du ciel & venoit de Dieu; & il eft ajouté au verr. 3. Voici le Tabernacle de Dieu avec les hommes, & il habitera avec eux, & ils feront fon peuple , & Dieu fera lui-même leur Dieu avec eux. II faut donc de toute néceffité que ce paflage ait du rapport a quelque bienheureufe difpenfation qui devoit être ouverte de la part de Dieu, & avoir lieu icibas auprès du genre humain, dans un fiècle poüerieur a celui dans lequel cette Prophétie a été écrite. . Soph. H eft vrai qu'il paroit ainfi. Phil. Et que peut-on donc conclure ou entendre par cette sainte Cité, la nouvelle Jerusalem, defcendant du ciel, & G 4  ( Ï20 ) par ce tabernacle de Dieu qui doir être avec les hommes, fi ce ^cft auïï Sff^0"8 °U ^ouvertc- de vénre'etlelie de la parole de Dieu divulguées alenrê huteain par oü les hommes pouvoient devemï fes temples, fes tabernacles ou lieuxT ftn fejour? Car oü Dieu peut-il"oïr fon tem ^raraime volonté ^rfe ^ Soph. Mais qu'a tout cpU „~ Evenement VsTLt^tf0^ aycc ouVftHI,ï' DicesP!ütóc> mori cher Monfieur, lleur l 7 ° Chüfe qUS ''^ènement du Sei-' SiïiJ 'iïüïïiïr* ts la pius grande t„ i ■ r,Ji£>!>ANCE & de gloire? Car la fainte parole de Dieu peut-eïte étre onvers & rendue manifdte? La fagefe qui y ^c"! chee peut-elle en être découverte9 & LuL è la comprehenfion de l'homme ? Ses SlS tré? être rendues flel^s' fa ' £K^tS fenouvellement' & fa rénovation, f nsP que le .gneur yienne? Le prrmxer avènement faintenaröf *'A°lt"Ce PaS *™ ouvrir ^" mes ST»?* aoUve,"\ daM 1'^fprit des hom- p ?Awf£LfüniFIER * l ui-m ê m k un peu- *^adoraLrs^a^^^ peuple particulier lui foit de nouveau mable de fa parole fans qu'il revienne? L« Pomtjur lequel «fte ici, qui eft parftjtemenc  ( 121 ) d'accord avec les déclarations qui Fourmillent qans la fainte parole, eft en même tems en «pleine harmonie avec les Ecrits du Baron SwéJenborg; c'eft qu'en tout tems & en tout lieu, ou de nouvelles Communications de la vérité divine font faites au genre humain, moycnnané lefquelles une nouvelle Eglise de fincères adorateurs fpirituels eft étabiie fur la terre, ij faut de toute nécefiïté que dans ces tems & dans ce lieu la le Seigneur vienne; de même qu'a 1'égard de tout homme indivïduel, toutes les fois que la lumière de la divine vérité eft ouverte a fon entendement, que fon efprit eft renouyellé dans la jaftice, en s'y conformane, & qu'il eft fait ce qu'on peut nommer une individuelle Ecwse, il faut indifpenfablement que le Seigneur vienne fpirituellement & qu'il faffe fa demeure chez lui, feloa fes propres paroles : Si quel qu'un m'aime, il gardera ma parole & mon Père l'aimera, & nous viendrons d lui & nous ferons notre demeure chez lui, Jean XIV: 23. Et comme nous venons de voir que par la nouvelle Jerusalem, descendant du ciel, &par le tabernacle de Dieu étant auprès des hommes , il faut entendre une nouvelle difpenfation de juftice & de vérité céleftc; ou, en d'autres termes, une républication de la volonté & de la fageffe divines de la parole de Dieu, ouverte de nouveau pour former une nouvelle Eglise parmi les hemmes; ceci doit fignifier le second avènement du Seigneur, & même étre la même chofe que eet avènement. Soph. Je commence, Monfieur, a comprendre ce que vous voulez dire. Vous admeteez avec moi §: les autres chrétiens que lc Seigneur ^ G 5  ( 122 ) doit re ven ir fur la terre; mais vous concereg que ce fera spirituellement, & que fon avènement ne préfage pas la destruction de la terre, mais fa re'novation, en extirpant le pêché & en purifiant le cceur, 1'efprit & la vie du genre humain par 1'opération de la vérité même de fa fainte parole, manifeftée de nouveau. Pu ie. C'eft la ce que je voulois dire; car il eft clair que le second avènement du Seigneur ne fauroit être pour detruire la terre, puifque le Seigneur dit lui-même, en parlant fur ce fujet: Quand le Fils de l'homme view dra, penfez-vous qu'il trouve de la foi fur la terre, Luc. XVIIT: 8. Et dans un autre endroit: Alors deux feront dans un champ, 1'un fera pris & 1'autre laijfé. Deux femmes moudront au moulin, l'une fera prife & 1'autre laijfé e , Matth. XXIV: 40, 41. Ces mots ne peuvent avoir aucun fens, lorfqu'on les applique è fon avènement pour detruire la terre; au lieu qu'ils font trés fignifkatifs & trés inftructifs quand on les applique a fon avènement pour la nettoyer & la renouveller dans le fens qu'on vient d'indiquer. Soph. Vous croyez donc que c'eft ce rénouvellement de la terre qui eft fignifié par la nouvelle Jerusalem, ou la nouvelle terre, dont parient les Prophêtes & 1'Apocalypfe ? Phil. C'eft ainfi que je comprends tout cela; & eet état de re'novation de la terre, des cceurs & de la vie du genre humain, eft exactement ceque le Baron Swédenborg appellé la nouvelle Eglise, dont les Doctrines font contenues dans fes Ecrits ; & c'eft 1'établiflément de cette Eglife par 1'ouverture & par la formation de la vérité même de la parole de Dieu dans  ( 153 ) le cceur des hommes qu'il déclare & qu'il prouve, être le vrai fens , & la fubiïance du fecond. 'avènement du Seigneur. ' Soph. Eb. bien, Monfieur, je ne trouve rien a objecter a cette idéé de la manière que vous ve-' nez de 1'expliquer; car je ne faurois nier qu'elle ne me femble conforme au fens de la Sainte Ecriture; en même tems elle eft des plus fatisfaifantes, pleine d'ëdification, Se de confolation, Sc je vous promets de la bien examiner: il me refte a vous prier de m'éclairer fur un ou deux points a Tégard des Ecrits du Baron Swédenborg; Sc en premier lieu, n'eft-il pas a appréhender que les lect urs de ces Ecrits ne rencontrent des perfécutions ? Phil. Ils ne feront pas, a Ce que je m'imagine proprement expofés a une perfécution extérieure, mais bien a une intérieure, Sc cela a un trés haut point. Soph. J'avoue que je ne Comprends point affez clairement la nature de cette diftinétion. Phil. Par perfécution extérieure je veux dire ce qui peut arriver extérieurement de la part des hommes; mais par intérieure la perfécution qui pourra provenir de Toppofition des perfuafions Sc principes dans 1'efprit de ceux qui adoptent les Doctrines, & qui fe conduifent en eonféquence. q iant a Ia première, on n'en doit pas être enpeine, furtouc ici en Angleterre, oü Tón jouit d'une To1.érance univerfelle a Tégard des fentimens Sc des opinions réligieufes, qui ne tendent point a caufer du delbrdre dans TEtat: il peut y avoir de Toppofition, il eft vrai, excitée par voye de Contradiction 6c de difpute, tant en pubiic qu'en particulier, ce qu'on pourra nomrner une efpece  C is4 ) de persécittion; fur tout fi cela eft accompagné d'aprété & d'une cenfure fevère & do°-matique; mais ceci n'affeótera que legérement ceux qui auront recu les Doctrines de la nouvelle Jerusalem, de bon cceur, puisqu'ils auront appris de ces Doctrines que les chicanes & les raillcries des hommes, ne font que peu de chofe, pourvü que leurs propres confcicnces foient droites & juftes devanc Dieu • & ils auront cette fecurité de plus contre la difpute &la contradiction, qu'ils n'y donneront jamais occafion eux-mêmes, foit par la pafiion d'entrer en controverfe, foit en rendant out r a ge pour outrage è ceux qui font, ou pétuJans ou revêches; fachant que le ferviteur du Seigneur ne doit point avoir des querelles, & que la vraie charité n'eft jamais contemieufe fur des objets pürement d'opimon, mais qu'elle patiënte toutes cho- ses, souffre toutes choses, se soumet A toutes choses, plutót que d'allumer le feu dévorant du débat & de Tanimofité • ayant égard a ce qui eft bon en tous, & en jugeant chacun plutót d'après & felon Tefprit de fupport, que felon 1'efprit rigide de la vérité féparée de la bonté. Cependant, ils feront hardis, & prudens a défendre la vérité quand des occafions réelles 1'exigeront, & oü cela peut fe faire pour édification. Soph. Vous penfez donc que la perfécution interieure eft celle que doivent principalement attendre les partifans des Ecrits du Baron Swédenborg. Je vous prie de m'expliquer ce que vous entendez par persécution interieure. Phil. Je laconcois, Monfieur, en deux dif-  ( "5 ) p ére ns fens. Premièrement a 1'égard de la Doctrine ; en fecond lieu a Tégard de la vie. i1?0 A l'ëgard de la Dodtrine, il ne fera pas facile de retirer fon efprit des fauffes perfuafions ou opinions pré-occupées , ou de ces apparences extérieures & de ces conceptions de la vérité, qui circulent aujourd'hui fi abondamment dans le monde chrétien ; & qui font toutes prêtes a s'oppofer avec violence k Tadmiffion de la vérité réelle, comme cela fe trouve dans le véritable fens des Saintes Écritures, netoyées de toutes ces glofes fauffes, & de cette interprétation imparfaite préfentées par la fagefTe & 1'érudition pürement humaine. Ce fera, fur tout, le cas de ceux qui dans des matières de réligion auront beaucoup rcflêchi de leurs propres chefs, & qui fe font confirmés dans des perfuafions fauffes ou extravagantes, par efprit d'enthoufiafme, fanatifme ou telle autre efpèce de dévotion aveugle ou égarée, 2d.° a Tégard de la vie, il fera encore plus difficile de la faire accorder avec une Doctrine püre, en ayant continuellement devant les yeux le principal but de telle Dodtrine, qui eft la charité par humiliation & obéiffance; en ne regardant comme effentielles les opinions fpéculatives qu'autant qu'elles font dirigées a cette fin: en élévant 1'efprit de miféricorde, d'amour, & de douceur au deffus de celui d'une grande connoiffance de myitères profonds, & des fciences des chofes faintes; en ne jugeant plus, ni nous mêmes, ni autrui par le dernier efprit, mais par le premier, en ne fe bornant pas fimplement k Tillumination de Tentendement, mais en perfévérant jufquesa la purification entière de la volonté & des affedtions, jelon cette illumination. En un mot, en joi-  ( ) gnant enfemble les principes de ia charité' vraie-ment Evangeliquc avec ceux de la foi Evangelique, afin que toutes deux deviennent coöpératives dans la vie de l'homme entier, ayant une influence parfaite fur tous fes pouvoirs, & fur toutes fes facultés en ge'ne'ral, 'le rendant humb!e, foumis & pret a recevoir les influenees célefles, qui le formeront, & le fixeront dans 1'ordre du royaume de Dieu, & qui en produiront des fruits a fa gloire, & au bien commun. Voila, felon moi, ce que c'eft a proprement parler, que recevoir les Dottrines de Ia nouvelfe Jerusalem; &, pour accompür eet ouvrage, tous ceux qui recoivent ces Doctrines ainfi, doivent s'attendre a trouver beaucoup de perfécutions intérieures de la part des efprits, & des principes qui leur feront en oppofition. Néanmoins , pourvü qu'ils perfiftent avec patience & fidéité, ils éprouveront, tót ou tard, la vérité de ces paroles confolantes : Bienheureux font ceux qui font perficutés pour la juftice; car le royaume des cieux eft a eux, Matth. V: 10. Soph. De quelle facon donc croyez-vous que les Doctrines de la nouvelle Eglise pourront étre repandues, & la nouvelle Eglife établie avec la plus grande apparence de fuccès ? Phil. Quant a la propagation des Doctrines, je crois que la voye de la pres se pourroit être la plus efficace; c'eft-adire, en imprimant & en repandant les Ecrits du Baron Swédenborg, oü ces Doctrines fe trouvent. Le corps du clergé lorfque les «eccléfiaftiques auront connu & adopté ces Doctrines , pourront auffi contribuer k les repandre pan-  C «7 ) mi leurs troupeaux en les enfeignant dans la chaire. Soph. Approuveriez-vous un Laïque qui recevroit ces Doctrines, & s'érigeroit en Prédicateur pour les enfeigner dans les rues, ou dans des aflemblées particulières ? Phil. Non Monfieur; je regarderois cela comme confondant ou entremêlant les deux ordres du clergé & des laïques, qui, felon le témoignage de ces Doctrines, ne doivent point être du tout confondus: d'ailleurs, cela tendroit, comme ces Ecrits le difent auffi, a introduire de la confufion , des troubles & des héréfies dans l'Eglife: car il eft expreflement déclare' dans les Ecrits du Baron Swéderborg , comme il a été dêjh obfervé (aux Arcanes Céleftes N°. 6822) que perfonne ne doit enfeigner des vérités que les miniftres qui y font appellés, fans quoi l'Eglife eft troublée par des héréfies & mife en piéces: ce feroit auffi le moyen de faire méprifer, & de décréditer ces Ecrits en introduifant du défordre dans l'Eglife, en renverfanc toutes les diftinctions de perfonnes & de caractères, ce qui n'eft nullement le but de ces Ecrits. D'ailleurs, je fuis trés fortement d'avis qu'on doit agir avec la plus grande prudence & beaucoup de circonfpection , en faifant mention de ces Doctrines, foit en public, foit en particulier, dans la crainte que fi on les recommandoit a quelqu'un avec trop de précipitation, elles ne foient malconcues ou mal-comprifes ou perverties , faute de la préparation néceflaire dans celui qui les écouteroit, pour les recevoir de la bonne facon : car il eft connu que tous ne font pas également en état de recevoir les mêmes vérités, de forte que la vérité même doit être, par charité, retenue de  ( ia8 ) quelques-uns, crainte que des per les ns soient jettées devan'i' les porce- a u x. L'Exemple de nótre Seigneur a cette occafion nous fournit une legon que nous ne devrions jamais oubiier. Ainjl par plufieurs jimilitudes de cette forte il leur.traitoit de la parole, je* Ion qu'ils pouvoient entendre, Mare. IV: 33. Phil. Mais fera-ce par les moyens de la pu es se & de la chaire, que la nouvelle Egliiè fera cffectivement établie ? Phil. Non, Monfieur, ayez foin de me Dien comprendre. J'ai dit feulement que les Doctrines de la nouvelle Eglise seront repandues de la facon la plus effective par ces deux moyens: mais, comme je 1'ai déja obfervé, il y a une trés grande diftinction a faire entre la propagation des doctrines, & 1'é- tablissement de 1'Eglise: l'Eglife ne peut-ëtre établie que par une vie conforme aux Doctrines. C'eft pourquoi fi les Doctrines n'en font que lues, ou entendues, & qu'elles ne foient introduites dans la vie par la foumiffion, il n'y peut avoir de nouvelle Eglise, quand même les Ecrits du Baron Swédenborg feroient repandus par toute la terre \ & que tous fes babitans en auroient la plus parfaite connoifianee. Soph. Croyez-vous donc que les Doe trines, renferraées dans ces Ecrits peuvent être perverties, & rendues inutiles? Phil. Dites moi, Monfieur, y a-t-il rien de fi bon & de fi pór qui ne foit fufceptible d'étre perverti, & dont on ne puiffe abufer, L'atmof--' phere la plus pare ne peut elle pas fe corrompre? Les eaux les plus falubres ne peuvent elles devenir  éevenir putrides ? Les meilleurs yins alterés? Qu'y a-t-il qui ait été plus perverti, & dont on ait plus abufé que la fainte parole de la vérité même, comme le témoigne le Seigneur lui-même? kik a été annullée par les traditions des hommes; Matth. XV: 6. Et comme 1'Apótre dit auffi, qm les ignorans & mal ajjurés ld tordent a leur perdiiion, a Ep. de St. Pierre III: 16. Et il n'eft pas a efjpérèr que les Doctrines de la nouvelle Jerusalem, foient exemptes d'un l'on pareil. Il ne se peut faire qu'il n'arrivE DiiS scandalès, & pour prévenir que nous n'cn foyons fcandalifés ou de'couragés, le Seigneur a permis qu'il y eut un Judas parmi fes Apótres. Si j'avois donc mille langues , je croirois ne pouvoir aflez m'en fervir pour répéter fans ceffe a tous ceux qui lifent, & qui reeoivent les Doctrines céleftes renfermées dans les Ecrits" du Baron Swédenborg, que s'ils manquent dans la pratique; s'ils s'imaginent qu'ils lont de la nouvelle Eglise du Seigneur, uniquemcnt par ce qu'ils adoptent des Doctrines ; s'ils fe contentent d'illuminer leur efprit par ces Doctrines fans s'évertuer a purifier par leur moyen, leurs volontés & leurs affections; s'ils deviennent ainfi sages en eux-mêmes, pendant que lèurs anciennes habitudes & difpofitions montrent qu'ils font fans prudence; s'ils cömptent pour peu' de chofe 1'humiliation, Ie rénoncement 2 foi-même , la charité,la douceur, la modération & la foumiffion; étant enflés de leurs connoiffances; s'ils jugent & cenfurent les autres qui ne peuvent penfer comme eux , & qu'ils méprifenc des difpenfations antérieures de fagefle & de fainteté; s'ils quittent la voye füre de la croix & qu'ils cherchent pour eux-mêmes un autre clas? H  C ) puin du ciel; s'ils perdent de vue les grands & 5ssentiels buts des Doctrines qu'ils embraffent, & qu'ils commencent è difputer fur des formes , s'ils confondent les diftinctions d'ordre e'tablies dans la fociété, & s'ingèrent dans des chofes auxquelles ils ne font point appellés; en un mot, s'ils n'ont foin d'avancer en charité & pureté de vie, a mefure qu'ils avancent en fcience, & de devenir plus humbles & plus faints a proportion de la plus parfaite connoiflance qu'ils acquiérent fur la nature, Se fur les mefures de la fainteté: alors ils pervertiront, & rendront inutiles les pures Sc édifiantes Doctrines de la nouvelle Eglise-, ils en réculeront 1'établiffément, & ils pourront être comparés A l'homme fou qui a bdti fa maifon fur te fobie ; quand la pluye eft tombée, & que les torrens font yenus, & que les vents ont foufflé, & ont heurté contre cette maifon ld, elle eft tombée & fa ruine a été grande, Matth. VII: 26-27. Mais fi au contraire, ils font aflez fages pour vivre comme ils ont appris, Sc pour reduire toutes leurs connoiflances, les Doctrines, Sc les opinions en humblefoumiffion a 1'efprit de charité; fi a la pruDence du s'erpent ils joignent la simplicité de la colombe, & a 1'intelligence des adultes, la simplicité Sc 1'innocence des petits enfans; s'ils travaillent ainfi pour devenir renouvellés, vivifiés animés, Sc fanctifiés entièrement du Seigneur par fon efprit, dans toutes fes parties Sc dans tous les principes, tant de I'ame que du corps; s'ils s'efforcent, felon la grande loi de charité, ouverte & expliquée dans les Doctrines de la nouvelle Jerusalem, d'agir droitement & fidèlement dans 1'écat & dans la vocation  C 13 ï 5 qui leur font propres, avec Tattention de nè pas s'inge'rer dans Tétat & dans la vocation d'au» trui; s'ils eftiment la charité au dela de la fcience, &? qu'ils chercheat plus a être humiliés en obéissance que d'étre élevés en fcience; s'ils font fages pour rapporter les FrUits de la j'ustice dans leur vie, dans la même proportion qu'ils multiplient des vérités dans leurs cceurs; alors les Doctrines Céleftes de la nouvelle Eglise, feront confervées en pureté de toute perverfion, trouvées des plus falutaires, & des plus efficaces, en reftaurant dans Thomme les principes fpiritue's, & paria, établiront la nouvelle Jerusalem fur la terre. Tous ceux quf regoivent & mettent en pratique de cette manière ces Doctrines, peuvent étre compsrés A l'homme prudent qui a bdti fa maifon fur le roe ■ & quand la pluye eft tombée & que les torrens font vernis & que les vents ont foufflé, & ont heurté contre cette maifon ld , elle n'en eft point tombée car elle étoit fondé e fur le roe, Matth. VII: 24, 25. Soph. Et que feront dans vótre opinion, Monfieur, les effets d'une recepüon auffi parfaite & non-pervertie de ces Doftrines parmi les hommes ? Phil. Je penfe réellement que par la le genre humain fera a portée d'arriver a un efprit plus pur d'amour & de charité, a un dégré d illumination plus clair & p'us élevé de fagefle & de vérité, a un ufage plus libre des dons & des facultés de Tame, a une opération plus parfaite & plus étendue de la vie fpirituelle dans toutes fes gradations, & ainfi a une communication plus pure & a une union plus intime avec le ciel H 2  C I|2 ) avec le Seigneur, qu'il n'a pó faire jufqu'a pré" fent. Soph. Par une communication & union avec le Ciel, emendez-vous que ceux qui liront les Ecrits du Baron Swédenborg, doivent s'attendre a de pareilles Communications céleftes, par des voix & par des vifions ouvertes, comme le Baron Swédenborg lui-même cn a eues ? Phil. Non Monfieur, ce n'eft point ce que j'entends. ïl eft vray que de telles Communications diaectes ont été accordées au Baron Swédenborg, pour remplir les vues fages de la pruvidence divine; mais dans aucun endroit da fes Ecrits, il ne donne è fes lecteurs le moindre lieu de fe flatter d'en être favorifés : il les encourage cependant a attendre & a elpérer ce qui eft 1'equivalent; mêmece qui eft infiniment préférable. Soph. Comment donc? Phil. Dans le genre d'une communication invisible & d'une aflbeiation avec le ciel9 & avec fes habitans. Soph. Je ne vous comprens pas. Phil. Sachez donc, Monfieur, & comprenez que fuivant le témoignage des Saintes Écritures, comme elles font expliquées par le Baron Swéderiborg, tout homme a une correfpondance & aflbeiation avec le monde invifible des efprits, foit qu'il le fache , foit qu'il 1'ignore, felon la nature, la qualité & la portion d'amour qui eft en lui, & felon la nature, la qualité & 1'étendue de fa fagefle établie fur eet amour, & ce qui en dérive. Si donc les principes qui dominent dans fa volonté font formés felon Ï'amour célefte (c'eft-ale & foumis, voit Dieu continuellement 5 con» verfe fans ceffe avec des anges, & fe trouve toujours au troifième ciel, fuivant le fens le plus elair, & le plus complet de ces expreffions la, & arrivé ainfi a un p'.us haut dégré de purification & d'acceptation avec Dieu qu?il ne pourroit faire, dans la nature des chofes, par des vifions & des révélations extérieures, fimplement. Soph. Ne dois-je donc point entretenir une haute idéé du Baron Swédenborg, a caufe de fes Communications fpirituelles? Phil. Oui, Monfieur, affurement; mais vous ne devez pas penfer de lui plus hautement pour cela que de tout autre chrétien humble, fincère & charitable, qui craint Dieu véritablement, & qui ubéit a fes commandemens. Car le Baron Swédenborg, n'a tiré aucun; mérite particulier de fes illuminations extraordinaires & de fes Communications fpirituelles; & fi vous pouviez lui en demander des nouvellcs., je fuis perfuadé qu'il vous le confirmeroit, & que tout fpn mérite ré el & fa grandeur confiftoienc en ce qu'il élévoit extraordinairement Dieu &; fa fainte parole, en s'abaiffant en parfaite humiliation devant lui, en fe comptant pour rien & incapable de rien par lui-même, tachant de fe corriger continuellement, par une répentance de jour en jour plus fincère, & en fe foumettant de tout fon cceur, a la fainte volonté & aux commandemens de Dieu, felon qu'il eft enjoint a.rout chrétien de faire;. & qui, en faifant ainfi, eft tout auffi favorifé de Dieu, jouit d'une communication tout aulfi directe avec fon royaume; & lui eft tout auffi 'acceptable & cher  C 135 ) que les plus illuminés de fes faints oü de fè« Prophètes. ^ Soph. Vous croyez donc réellement qu'en proportion que les Doctrines de la nouvelle Jerusalem feront regues & formées dans leurs vies, les hommes feront en e'tat d'atteindre a une correfpondance plus pure, & a une conjonction plus imme'diate avec le ciel & avec le Seigneur, par la voye d'une communication invifible de juftice,de vérité, & de paixt que ci-devant? Phil. Oui, je le crois; paree que par les Doctrines de la nouvelle Jerusalem les hommes auront des principes plus pürs & plus foüdes pour la formation, & pour le reglement de la vie, dans tous fes différens dégrés : & tous favent ou peuvent favoir que la connexion de l'homme avec le ciel doit dépendre uniquement de la pureté & de la folidité de ces principes. Car on ne peut s'empêcher de concevoir que le ciel eft une forme de 1'ordre le plus pür & le plus parfait, dérivée de la parole de Dieu felon qu'il eft écrit. Les eieux ont êti faits par la parole de l'Eternel, Pf. XXXIII: 6t & c'eft par cette conformité avec le ciel qu'on eft capable de recevoir la vie la plus pure & la plus parfaite de la part de Dieu, c'eft-adire, la vie d'amour & de charité comme toute chofe regoit la vie fuivant fa forme: c'eft pourquoi en proportion que les hommes deviennent des formes a Tégard de leurs intérieurs, de pür & parfait ordre par la parole' de Dieu, auffi dans la même proportion ils viennent dans la forme du ciel, & par conféquent, ils fe rendent propres è recevoir la pure & parfaite H 4  vie du ciel; & fe trouvant de la même forme, & participant de la même vie, qui leur eft commut.e ils doivent néceflairement devenir un & entrer dans une union intime , 1'une avec 1'autre felon les propres paroles du Seigneur par rapport a ceux qui recevoient fa Doctrine. Je leur ai donne la gloire que tu m'as donnée afin qu'ils foient un comme nous fommes un; je fuis en eux ff tu es en moi, afin qu'ils foient confommés en un , Jean XVII: 22, 23. Soph. Vous penfez donc, Monfieur, que par la recept ion des Doctrines de la nouvelle Jerusalem, & par leur formation dans la vie, il lira effcctaé un certain rénouvellement deS formes intérieures, ou s P ï- riïUelles, de I'ame oude i'efprit de l'homme, moyennant quoi ces formes feront rendues propres a recevoir les influences les plus püres de la vie célefte; ce qui eft amour & charité, & que l'homme fera uni d'autant plus intimemenc avec le ciel, & avec fes habitans, dans une correfpondance & afibciation fpirituelle quoiqu'im-ifib'e ; & que cela produira 1'augmentation de fon Bonheur & de fa félicité préfente & future ? Phil. C'eft la mon fentiment. Car il me parok que l'état déchü, dégradé, plein de mifère & de pêché, dans lequel l'homme fe trouve actuellement & qui 1'a ainfi éloigné d'une communication avec le ciel & avec la vie ce'lefte, ne provient que de la perverfion des formes internes &1 fpirituelles de fon ame ou efprit, occafionnée parlé. mal qui s'eft introduit dans fa vie, & qui i'a détourné de fon obéif-  ( 137 > fance a la vérité effentielle de la fainte parole lê Dieu; en même tems je me perfuade qu'a mefure qu'il fe retourne a la vérité en obéiffance, & dans le bien. de la vie, toutes ces formes perverties de fon intérieur feront rétablies danb leur ordre primitif, & qu'il fera ainfi repouvellé dans cette beauté & imégrité de forme, par oü il fera rendu capable d'une heureufe correfpondance avec le Dieu du ciel. Soph. Mais vous faifiez mention tantót du rénouvellement de ces formes fpirituelles dans tous les différens dégrés de vie: que dois-je entendre par-la ? Phil. Réfléchiifez , Monfieur , & confidérez, je vous prïe, que la vie de l'homme confifte en différens dégrés; comme les dégrés naturel, raisonnable & spirituel, & que dans Tétat attuel de corruption, de défordre, ou de pervcrfion d'ame par le pêché, tous ces différens dé^és ont été troublés , étant dérangés quant a leur forme, & dégradés quant i la vie: mais a la re'novation, fous Ia difpenfation de la nouvelle Jérufalem, il y a lieu d'efpérer que tous ces différens dégrés de la vie humaine, foit naturel, raisonnable ou spirituel, feront reftaurés , chacun a un rénouvellement de forme & d'ordre, & par la. rendus propres a recevoir un renouvellem;nt de vie & de félicité. Èt ne me refufez point, Monfieur, la délicieufe jouiflance de cette efpérance; moi qui ai été depuis longtems un de ceux qui mènent denil en Sion, pleurant fur fes défolatioas, §: lamentant la perverfion & deftruction de fes Belles & céleftes formes. Car fans doute les promcflfsde Dieu doivent avoir leur accomplifilment:  C 138 ) ÏL a DIT ET NE LE fera — T- IL pas? ÏL A JPARLÉ ET ne l'exÉCUTERA-T-IL POINT ? A-t-ON prévu DESCENDRE LA NOUVELLE Jerusalem de Dieu, du ciel, et ne descendra-t-elle pas? Le ciel et la TERRE pa SSERONT, MAIS SES PAROLES ne passeront point. Et ne me taxez point, Monfieur, d'énthoufiafme, quand je vous allure que ce n'eft pas feulement Tefpérance de mon ame, mais que je crois véritabiement que la fainte Cité commence actuellement a defcendre.pour corriger & pour règlertoutes les facultés & tous les principes de 1'efprit & du corps humain, mis en défordre; oui, je fuis dans la ferme perfuafion que dorénavant les hommes aimeront Dieu & s'entr'aimeront de meilleur cceur plus cordia'ement & plus efficacement que par le paffe'. Les corruptions de Ï'amour-propre, de Ï'amour mondain charnel & corporel feront óté&s. Toutes les facultés & toutes les affrctions spi* rituelles fer ont purifiées & rétablies dans 1'ordre & dans Tétat de f'ubordination, qui leur eft propre dan3 la reconnoiflance de leur originai Divin, lemanifefté Jehovah, & dans une parfaite & cntière foumiffion a fa volonté. En attendant, les facultés raifönnables de Tefprit participeront a la bénédidtion célefte, & Thomme, par la jufte formation & le bon ufage de fon efprit ainfi amélioré, fera mis en état de faire la découverte des principes folides de la vérité, & de s'y conformer a Texaltation, règlement, purification & fécurité de fa vie fpirituel Ie. Les différences entre le bien & le mal, Ia vérité & Terreur, feront ainfi mieux déterminées; les loix de 1'ordre éternel mieux comprifes, & les devoirs  ( 139 ) refpeéfcifs de Thomme , quant a fes différentes' liaifons comme habitant a la fois, & de ce monde & du monde fpirituel, feront mieux diftin* guëes & mieux appercues que jamais. L'enthoufiafme, le fanatifme & toutes les erreurs d'une imagination éehauffée & déréglée, dérivées d'un 2èle aveugle, feront par-la détruites & feront place a une illumination de 1'efprit ,claire, caln,c & conftante, tirée du véritable fens de la parole dc Dieu, bien formée dans la vie & bien digérée dans 1'efprit raifonnable. Et les facultés naturelles ne manqueront pas d'en pr^fiter. Toutes les affections naturelles, qui font conformes a -la bonté Divine, feront confervées & feront rapportées aux amours fpirituels qui y correfpondent & d'cü elles dérivent, & feront conjointes avec eux. ' Toute fcience naturelle fera employee a orner le trmple de la nouvelle Jerusalem, & prêtera fon aide pour cbanter les louanges éternelles de celui qui est assis sur le tróne, et de l'aGNEAU, aux siÈCLES des siècles. Tous les arts & toutes les fciences utiies, avec tout ce qui pourra contribuer a la confolation & a la commodité naturelle de Thomme ici-bas, feront rétablis dans leur place & dans leur ordre refpectif, & deviendront farct nes dans la divine fubordination & feront appellés saints A l'Eternel; pendant que tous les arts vicieux, vains & frivo- LES, & tOUte science faussement ain- si nommé e, difparoitra comme les ombres de la nuit devant le foleil lèvant. Et comme la partie corporelle de Thomme a participé a la corruption générale amènée par le pêché, & qu'elle en eft devenue difforme, infirme  & mAlade, ainfi dans la re'novation de fes formes interieures & fpirituelles par la juttice; pourquoi ne pourroit-ori pas préfumer avec tavfon, que fa partie corporelle participera auffi a la bénédidtion, & qUe même ies C0RPS des hommes-feront rétablis par la fuite du tems dans leur ancienne fanté, force & beauté? En un mot, Monfieur, je crois que tout principe & toute faculté humaine fera tellement rétablie & tellement renouvellée par cette difpenfation, que tout le genre humain en général s'unira dans une confeffion générale, & dans 1'adoration d'un Créateur, Rédempteur & Sauveur, dans la glorieulé perfonne de notre Seigneur Jefus- Chrift , feul Dieu, béni éternellement. " Soph. Eft-il a préfumer que fous cette difpenfation il' arrivera quelque changement a Tégard de Tétat externe de la fociété civile, tel cue le renverfement des diftindtons de rang & d'ordre parmi le genre humain? ' Phil. Non, Monfieur, il eft a préfumer que les diftiuctions adtuelies de rang & d'ordre continueronr, & que rien ne fera chargé que 1'etat intérieur de Tesprit, dans lequel ces diftindtions feront gardées & exercées; ainfi il y aura, comme auparavant, des différences d'e\at, de place & de condition parmi les hommes; mais Torgueil & la vanité, dérivées de cette différence, feront ótées & perdues; car tout membre de la nouvelle Jerusalem, depuis le premier jufqu'au dernier, fe regardera comme serviteur du public, dans le pofte qui lui fera affigné par une Providence toute fage, pour Tavancement du bien commun, fous Tinfluence du même ef-  C Mi ) prit commun de bienveillance & de charité; de maniere que, pendant qu'il y aura une diftinction d'état, d'emploi & de condition, tous étant animés d'un feul & même efprit, les premiers feront les derniers ff les derniers les premiers. Les Rois donc & ceux qui ont autorité, exécuteront jugement & juftice fur la terre. Les Prêtres & ceux qui ont 1'adminiftration fpiritueile s'acquiteront de leur. ministère, en publiant les loix püres de 1'ordre fpirituel par leur pür amour pour ces loix. Les Militaires feront courageux par principe & braves dans le foutien des juftes loix des nations; mais fans violence, injuftice ou cruauté. Les Négocians pourfuivront le commerce, non par efprit d'avarice, mais par celui de bienveillance univerfelle, afin d'ouvrir les moyens de communication entre des peuples éloignés, par la voye de foulagcment, commodité & bienveillance réciproques. Les Artifans feront experts & induftrieux, chacun dans fon occupation refpective, mais fans vice & fans artifice. Les Gens de Lettres cultiveront les fciences, non par fafte & pour la parade, mais dans la pure affeótion de la vérité, pour orner 1'épouse céleste, la femme de 1'agneau, avec un vetement s e mé d'enchassures d'or. En un mot, tous les hommes de tous les rangs & de tous les ordres feront juftes, fidèles, contens & diligens dans leurs vocations refpectives, par un principe fincère de gloire A Dieu, et envers les hommes bonne volonté. Voila, felon moi, quelques-uns des bienheureux effets qui fuivront une bonne réception des Doctrines de la nouvelle Eglise, &  C 14a ) de leur application a la vie. — Et je fuis bien perfuadé, Monfieur, que vous-même & tout chrétien fincère vous vous joindrez a nous, en prmnt avec ferveur que les royaumes du monde soient acquisanotre seigneur et a son Christ, Apocal. XI: 15. Adieu. F I R  OUVRAGES tradmts du Latin d'EMANUEü Swédenborg, qui fe trouvent chez Pierre-Frêdiric GoJJe, a ta Haye. Abrègé des Ouvrages d'Emanuel Swédenborg:, contenant Ja Doctrine de ia Nouvelle Jerufalem Célefte , précédé d'un Difcours oü l'on examine la vie de 1'Auteur, la genre de fes écrits Sc leur rapport au temps préfant, 8vo. Stockholm (Strasbourg) a . . ƒ 3 - o - o Du Commerce établi entre 1'Ame & le Corps, ou traité de la liaifon qui fubfifte entre le Spirituel & le Matériel, fidèlement rendu du Latin d'Emanuel Swédenborg, avec un Difcours de Th. Hartley, Dr. en Th. 8vo. Londres (Haye) k . . • ƒ o - 18 - o Do&rine de la Nouvelle Jerufalem touchant le Seigneur, traduit du Latin d'Emanuel Swédenborg, 8vo. Londres. | . . . . ƒ I - XO - O De la Nouvelle Jerufalem & de fa Doarine Célefte, traduit du Latin d'Emanuel Swédenborg, 8vo. Londres,, a /i - 16 - o Du Dernier Jugement & de la Babylone détruite; ce qui fait voir que généralement tout ce qui a été préiit dans 1'Apocalypfe eft aujourd'hui parfaitetnenc accompli: le tout fidèlement rendu du Latin en Francois par un amateur des vérités du nouveau règne , d'après ce qu'en a ouï & vü Emanuel Swédenborg, gr. in 8vo. orné du nortrait en maufolce de 1'Auteur & d'un tltre gravé repréfenunt fes armes, 8vo. Londres, k . ƒ 1 - 16 - o Continuation du Dernier Jugement & du Monde Spiritual , d'après ce qu'en a ouï & vü Emanuel Swédenborg. 8vo. Londres, k . . . ƒ 1 - 16 - o Les Merveilles du Ciel & de 1'Enfer & des Terres Planétaires &Aflrales, par Emanuel de Swédenborg, d'après le témoignage de fes yeux & de fes oreilles. traduites du Latin par A. J. P. 8vo. 2 vol. Berlin 17^2."/ 4 -0-0 Tableau Analytique & raifonné de la Doarine Célefte de TEglife de la Nouvelle Jerufalem, ou Précis des Oiu» vres Théologiques d'Emanuel Swédenborg, 8vo. Londres CHaye) a . . . ƒ1 - 10 - o Traité de la Vie que doivent mêner ceux qui afpirent k devenir membres réels de la Nouvelle Jerufalem, trad. du latin d'Emanuel Swédenborg , gvo. Londres k ƒ r - 4- 0  Le fusdit Libraire débite aujfl tes Ouvrages Julvans; Liturgie, ou Formulaire de Prières pour la Nouvelle Eglife défignée dans 1'Apocalypfe par Ia Nouvelle Jerufaiom traduite de fAngiois, 181110. Londres a . ƒ o - <$ . o Manuel Chrétien, ou réfleï'ons faintes pour chaque jour du Mois , tiré':s des Oeuvres Spirituelles de feu Prancois de Salignac de Ia Mothe Fénélon, i2mo. Haye 'a i • . . ƒ O - 8 - O Jntroduaion du Chrét'ien & particüllèrement de Ia Jeunefle Chrétienne , \ la connoiflance de leur Dieu & Sauveur Jefus Chrifl, traduite librement de 1'Anglois, j2mo Londres (Haye) k . . . . f o - 6 - ö Le Livre de Ia Nature, ou le vrai fens des. chofes, expüqué & mis h'la porree des Enfaos, traduit librement dc 1'Anglois , i2!iio. Londres k . ƒ0 - g - o Dieu, 1'Homme & la .Nature. Tableau philofophique d'une fomnam'bule, avec un fupplénient trés intéreffant* qui traite de Tétat de Thomme après la mort, de Ia corruption , du Ciel, de 1'occupation des bienheureux dans :1e Ciel, &c. du magnctifme phyfique & fpirituel, de? la manière dont on doit magnétifer , des en fes , &c. 8vo. Londres, a . . . _ ƒ 1 - o - o Le même Libraire a imprimé & vlent de mettre en vente : Pen files fer les McèurS des Grands, traduit es de f dnglois Jur la ^me. Edition. par Mme. de ia Fite, Le&rice de S. M. ia Reine de ia Grande-Jiretagne, & fuivies de deux morceaus, traduits dg l'siilemand par ordre de Sa dite Majejlé, ivo- Haye 1790. d fo - 15 - o \ L'Original aea fept éditións dans moins d'un ah , ce qui donne lieu de croire que la traducbon fera favorablement sccueülie du public. On fe rappelle aVec farisfaétion les Ouvrages de Mme. de la Fite, digne émule de Mme. la Comteffe de Genlis. On ne pouvoit donc confier entre de meilleüres mains la tradü&ión de TOuvrage de Mlle. 'Moare; auffi Mme. de la Fite Ta enrichi de deux morecaux qu'elle a traduits deTAllemand, Tui) intitu'é : ^ivis d'un Père d fon Fils au'tl envoy» d /'' Univerfiti'; tiré des Oeuvres de Geliert, & 1'autre d'un Mff. quifüt envoyé a la Reine de la Grande-Bretagne par un des Princes tes freres; intitulé: Monument fur la route de la vie &c.