L E FAUX ILGÏLD, C O M É B I E EN DEUX ACT ES, EN PROSE, M ê L 6 E D'ARIETTES, Repréfentée devant leurs MAjESTés, Et & Paris, par les Comêdiens Italiens ordinakes dit Roi, h 6 Décembre 1783. Les Paroles font de M. P1 c c 1 n n i , Fils. La Mufique eft de M. Piccinnt, Pere: d AMSTERDAM, Chez CE SAR NOEL GUER'IN, Lihraire. MDCCLXXXV.  4  g sepr' w". w m A MON PERE. es bontés du Public pour le F avx LoRp «foaj /a/f éprouver dans toute jon etetiaue le charme d'un premier fuccès % tnais tien ne me le rend plus doux que de penfer que ce /uccès eji rotre ouvrage. j'ai toujoürs été •fier d'êire rotre fik, mais jamais je n'en avais mieux fenti l'avantage oiten voyant le meiïïeur des perès laifjer tomber fur moi quelques rayons de fa gloire, & qü'enrecueillant dans fes bras*Vivre£e dont mon fuccès venait de combler fin coeur. Je vous rends votre bien, en vous priant d'agréer mon premier ejjü : c'efl d vous qu'il doit fin bonheur; c'efl le plus tendre des fils qui vous en fait hommage. A qui pourrait-il étre plus ag; éable qua moi de vous l'offrir, & d vous de le recevoir"? Je fuis avec la reconnaijfatict la plus vive £? la plus refpe&ueufc, i Votre tendre Fi!s, M. PICCINNl Tatni.  ACTEURS. ANSELME, péred'Irene. Mrs. Dupuy, la Bmyére. L E A N D R E, Amant iP Irene. M. Soligni. L AFLEUR, Valet de Léandrt. M. JBergè. IRENE. Mlle. Ancè. FINETTE, Suivante d'Irene. Me. Bergé. ün Valet. M. Plante. Un Notaire. M. Grecourt.  UE FAUX 3L0BJD, C O M E D I E. ACTE PK.EMIEB.. SCÈNE PREMIÈRE. ie /W«/r« repréfente un Payfage; on voit d'un Wè la matfon d'Anfelme avec une terrasje. LEANDRE, LAFLEUR, qui 4 peine eft tfh irê, trahit Léandrepar la main. DUO. LAFLEUR- Av ANCONS. LEANDRE. Je n'ofe, arrête. LAFLEUR(Courage, allons fuive* • moü A  4 LE FAUX LORD, LEANDRE. Quelqu'un vient.... LAFLEUR. f La pauvre tête. ) LEANDRE. Je me perds fi je te croi. LAFLEUR, La-dedans tout efi: tranquille. L E A N D R E. Ah! Lafleur! LAFLEUR. Que craignez-vous! LEANDRE. Si le pere LAFLEUR. Ah! 1'imbécile .' LEANDRE. Non, je crains trop fon courroux. LAFLEUR. Quelle mifere, D'avoir affaire, Aux Amoureux, Aux langoureux. LEANDRE. Ah ! ctuel fuppliee f Ah ! quel caprice ! Quel trouble affreus. LAFLEUR. Monfieur defire, Monfieur foupire» Et puis c'eft tout. 11 perd la tête, Tremble, s'arrête, Me met a bont. LEANDREJe perds courage. LAFLEUR. Et moi j'eniage.  C O M E D I E. % LEANDRE. Je n'en puis plus. LAFLEUR. Ni moi non plus. LAFLEUR. Öhca, Monfieur, voyons, de grace, quelle eil Votre réTolutionV Ne m'avez-vous pas dit, que vous étiez amoureux? L e a n d k e. Oui, Lafleur, je le fuis. L a f l e ü r. Depuis deux ans? L e a n d r e. Depuis deux ans. Lafleur. Que Mademoifelle Irene avait été retirée du couvent, oü votre fceur vous 1'avait fait connaftre, & que vous n'aviez pu favoir oü fon pere 1'avait .em« rnenée! ; ' "*'v u<-> L e a n d r e. Oui, c'était*la ce qui me défolait. Lafleur. Que vous aviez découvert depuis qu'ils étaient tous deux dans ce village? L e a n d re. Heureufement, je Tai appris. Lafleur. Que c'était ici leur mailen ? ( en montrant la maiJoH d'Anfelme. L e a n d r e. •Oui, c'eft-la qu'eüe eft enfermée» A 2  ft LE FAUX LORD, Lafleur. Eh bien! nous y voilé; vous êtcs fous fa fenêtre & vous n'ofez en approcher. L B A N D r Ê, Ah! La Fleur! je fai déja vuë k cette fenêtre , lorsque tout-è-coup, j'ai entendu ouvrir la porie, & il a bien fallu me fauvér. Lafleur. Vous vous fauvez quand la pórte s'ouvre, eft-ce-la Je moyen dentrer? L é a n d r è. Tu fais quel eft lbn pere, tu fais Lafleur. Vraiment je fais que c'eft un avare, ün argus; oui, vous avez raifon, il faut nóus fauver au plus vlte, & de ce pas je vais moi • même.... T L e a n d r e» Ou vas-tu? Lafleur. A Ia pofte, demsnder des chevaux pour retourner ventre a terre k Paris. L e a n d r e. Que tu es cruel! ne me mets pas au défespoir. L a f l e u r. Ne m'avöz-vous pas dit, que derrière elle, a la même fenêtre, vous avez appcrr;u üne jeune fuivante, asfez jolie ? L e a ft ij r e. Oui, fort jolie, L a f l eur. Allons, vous me touchez. ——- je fens que j'ai  C O M E D I Ei 5 jpitié- de vous. ¥m\ " Mais ditez-moii quel aft votre desiein?' L e a n d r. f.« De la revoir , de lui parkr. Lap l jï u u. Comment cela? L e A N d R Ei je n'eh fais rien. Lafleur. C'eft donc k moi de la favoir? Que vous êtes héureux d'avoirun valet tel que moi! fai bien prévu que vous n'aüriez rien dans la tête qne du trouble & de 1'enibarras ; mais j'ai pourvu & tout. XhW avez entendu parler de eet Ahglais , fi riche & fi mélaneolique qui demeure au bas vitlage. au botd de ce ruisfeau, dans cette maifon folitaire, oü il ne trok perlbnne? Cet homme-la peut tioUs fer vous infolente, retirez vous. (Itpousfe, avec rage, Finette dans la maifon, C53 croit fermer la porte fur elle.) Qu'ai-je fait? Quel ferpent s'était glisfé chez-moi? — Une payfanne , une payfanne, une bonne imbécille, voila ce qu'il me faut; je m'en vais la chercher, & demain, non, dpmain cette petite folie ue fera plus dans ma maifon, (// fort.) B 3  H LE FAUX LORD, SCÈNE ïfi FINETTE, IRENE. (A peine Anfelme est forti qu'elle ouvre doucement met fon nez a la porte.) 13 on! 1'heureufe aventure! Madcmoifelle, Mademoilelle, venez, venez, votre pere est forti. I r e n e , s?ava,ncant avec timidité. Mon pere est forti ? Finette. Oui, je lui ai dit tout ce que j'avais fur le cceur. La colëre 1'a transporté, il a pousfé la porte; & il s'en est allé fi furieux, fi égaré, qu'il a oublié de la fermer a la clef. Irene. Non , Finette , rentrons. II peut revenir fur fes pas. Finette. Eh bien, Mademoifelle, quel mal faites vous vous doncde prendre l'air fur le chemin? Tenez voila 1'endroit oü 1'autre jour vous avez cru voir Léandre; lorsquavec tant d'émction vous m'avez appellée & que vous m'avez dit: —— Finette, je crois que c'est lui Irene. Hélas! non, ce n'était pas lui ; il ne s'en ferait pas allé fi vïte; il ne fait pas même oü je fuis. Ah! quel est mon malheur, Finette deux ans d'abfence  C O M E D 1 E. 15 n'ont pas même affaibli 1'impresfion que ce jeune homme a fake fur mon cceur. Mais Finette. Mais, quoi? Irene. Je fais mon devoir, je dépends.de mon pere. . Finette. Et s'il a réfolu de vous tenir ici enfer'mée & de vous y laisfer languir, afin de jouir plus lóngfèmps lui-même du bien que votre mere vous a laislë? I r e n e. Si telle est fa réfolution, que veux-tu que j'y fasfe? il est mon pere. Finette. Jc le croïs, mais s'il est vofré pere, n'êtes-vnus pss fa fille* & doit-il êcre asfez cruel pour vous laisfer fécher ici comme une fleur ? Alle*, Mademoifelle , vous aurez avec moi tous les fcrupules qu'il vous plaira; mais je fuis fftre qu'ils s'évanoui* ment, dans un quart d'heure de tête-a.tête avec Léandre. Irene. Ah! ne me parle plus de lui. Je ne Te verrai plus. F 1 n e t t e. Et fi vous 1'avez vu, fi ce n'est pas une illufion , s'il est réeilement dans ce village, & fi dans ce mo» ment, il n'est occupé qu'a chercher le moyen de vous écrire ou de vous voir. Irene. Ah ! tu me fais tresfaillir le coeur.  16" L E FA Ü X LORD, SCÈNE J V. IRENE, FINETTE, LAFLEUR, dèguifé en Brocanteur. Lafleur, chante d'abord dans ks coulisfes* & puis dans lefend du thédtre, Jam faire femblant de voir Irene {f Finette. AIR. AcHETEZ ama boutlcme, Choifisfez i votre goüt. Je contente ma pratiqne, Achetez, je tiens de tout. ' « , Irene. Qu'entends-je? lafleur. Gazes de Bologne, Bonne eau de Cologne, Vestes de Lyon, Beau point d'AIencon, Acier d'Angleterre, Bas fins de Beaucaire, Rubans de Paris, Aiguilles très-bellés, Epingles, dentellês. Tout a jufte prix. Irene. C'est un marchand' fbrain. Finette. Voyons, Mademoifelle.  C O M E D I E. 17 Irene. Non, je ne veux rien acheter. Lafleur, s'approchant d'elles. Ah! Mesdames, degrace, un coup d'ceil; il n'en coüte rien; fi quelque chofe peut voiïs plaire je fuis aceommodant, & pour le prix n'en lbyez pas en peine; je ne demande que du débit. F 1 n e r r f. Monfieur, nous n'avons point d'argent. L A f l e V li. Tant mieux, Mesdames, c'est un plaifir pour moi de faire crédit aux perfonnes qui vous resfemblent. F 1 n e t r e. 11 est honnête cemarchand. Mademoifelle, voyons, du moins.... Lafleur; // montre la holte que Léandre lui a domiie. Jettez les yeux, Mesdimes , fur ces rubans, fur ces flacons ; txaminez un peu cette boit^, remar« quez-en bien le travail; faites attention è cette mi. niature; comment la trouy_ez- vous? Irene. ( Que vois - je! le portrait de Léandre. ) Lafleur. (Elle fe trouble, c'est bon figne.) Irene. Finette, regarde ce portrait. .Finette. II y a ici quelque myftere. I r e n f. Un billet au fond de Ia boïte. ( Elle la- hisfe icftap; per de fa tnain.) C  m LE FAUX LOR B, SCÈNE V. Les pricédens , A N S E L M E. Anselme, au fond du Thédtre d'abord, eir~ fuite il s*avance. Qoii vois-je? ma fiHe hors de la maifon? & un honime avec elle? Que veut-il? Que demande-t-il? c'est un marchandV Eh quoi» ces droles-l^ viendront toujours dans les mailbus donner des tentations aux filles ? C'est moi qui ai tort de n'avoir pas fermé la porte en m'en allant. (d Lafleur.) Retirez-vous, retirez-vous; on n'a befoin de rien chez moi. Lafleur. Monfieur, de grace.... A n s e l m e. Eloignez-vous. Lafleur. Je ne fuis pas, Monfieur, de fes fripons qui ven» dent plus cher qu'ils n'achetent. Moi j'ai befoin d'argent, je donne tout pour rien. A n s e l m e. Oui, pour rien. Laisfez nous en pai.it. Lafle u r , <2part. Maudit avare 1 A n s e l m e. Mais je penfe que j'ai casfé hier au foir mes lunetïiettes, & je ne vois plus que d'un ceil. Ecoutez, Monfieur le Marchand, yendez-yous des lunettes?  C O M E D I E, 19 Lafleur. Öui, Monfieur, j'en ai d'excellentes. A n s e l M e. Voyons Jc vous préviens qu'il ne manqueaux miemies qu'un verre , & que d'un ceil je vois fort bien, entendez-vous? Ainfin'allez pas me fur faire, car j'aime mieux être borgne que dupe. Deux verres, c'est du fuperflu & j» ne fuis homme a donner dans le luxe. L a f l e Tl k. Oh! Monfieur, pour accommoder ün ausfi galant homme que vous il n'est rien que je ne fasfe. Esfayez mes lunettes, & voyez comme elles font claires. (// lui prèfente une pair e de lunet'es ) A n s e l m e. Donnez. (// tire un livre de fa poche & il Ut.') Le vieillard le plus foupconneux est le plus aifément twmpè je n'y vois pas asfez clair encore. Lafleur. Tenez, en voici de plus fortes. ( En /ui en dotinam d'autres.) A n s e l m e, Ut. — Une fille qui fe voit garder, ne fe garde plus elle-même: — ce n'est pas encore-la ce qu'il me faut. ( En les lui rendant-) Lafleur. Celles-ci peut-être feront mieux votre fait. A n s e l m e. — Un riche avare est un alchymifie qui chauge fon or en caiüoux. ■ Ah! voici juftèment möri affaire. *: : C a  ao LE FAUX LORD, Lafleltr, d diffirentes reprifes, veut remettri le portrait d bene, elle le refufe; mais enfin , Finette le prend. Eb.bien? Que di'tes.vous de celles-la? A w s e l m f. Elles ne font pas fi mauvaifes; mais elles ne valent pas les miennes de moitié. Oh ïc'étaient-la d'ad. mirsbles lunettes! Tenez, voyez le verre qui me rede. (Il lui montre fes lunettes casfées. ) Lafleur. Excellent, Monfieur, excellent. A n s e l m e. Eh bien , fi vous voulez, je vous les déde troc pour troc. Lafleur. Mais il manque un verre a vos lunettes. A n s e l m e. Il est vrai; mais un bon n'en vaut-il pas deux de mauvais? Lafleur. Al lons" ï Monfieur, c'est une bagatelle, & nous fcrons peut • ctre enfemble quelque marché un pea meilieur pour moi.... {Pendant quAnfelme met les lunettes dans /'étui, Lafleur s'approche leflement de Finette pour luipar* Ier, mais il ne peut achever la phrafe, étant in ter* rompu par Anfelme. ) Dès qu'il fera nuit. .. A n s e l m e. Ce ganjon-la est asfez honnête. Je voudrais bien que tnus mes Marchands fusfent ausfi accommodant* que lui.  CO MED IE. it L A F L K U R. Mesdames, avez-vous des ordres a me donner? F 1 nette. Quand vous aurez de bonnes aiguilles, vous nous en apporterez, entendeZ - vous ? L a f l e u b. J'en attends ce foir d'une nouvelle qualité. J'aurai 1'honneur de vous revoir. A n s e r, u e. Oui; mais adresfez vous k moi. L a f l li u r» Je n'y manquerai pas, Anselme, d Irene & Finette. Allons, rentrons. (d Lafleur,) Bon foir. (IIfort avec lesfemmes.J SCENEEiV. LAFLEUR, FINETTE, fur la terrasfe. LAFLEUR. h ! quel diable de contre > temps.' Je n'ai pu m'expliquer ni avec la maitresfe, ni avec la fuivante ; & quand retrouverai - je le moment qui m'est échappé? Finette, de la terrasfe. St, ft, ft, Monfieur le Marchand. Lafleur. Ah! Mademoifelle. c3  rf* L Ê F J U X LORD, Finette. II m'a paru que vous eherchiez è ma parler, qu'a= viez-vous a me dire? AIR. LAFLEUR, d demi voix. Dès que la nuit fombre, Chasfera le jour, Cojve: t de fon ombre, Et rempli d'amour, En ces lieux Léandre, Viendra fur mes pas. II faut nous atteudre , Ne nous manques pas. (H ut.) Dentelles de Flandre, Rubans de Paris. (Ici on entend des coutisfes la voix d'ANSELME qui cVi* Finette;) (* demivoix.J C Dis" a ta maïtresfe Que de fa tendresfe 11 attend ce prix. ) ( HautJ Pommade de Grasfe..... ( a demi voix.) (La fur la terrasfe Soyez toutes deux.) ( Haut) Acier d'Angteterre ( a demi voix ) Et malgrê fon pere Nous ferons heureux.J Finette. La nuit n'est pas bien loin; hatez-vous d'amén»  C O M E D I E. 23 ici votre maitre ; le vieillard est dans fon cabinet, & bientót i! fe-couche; nous vous attendons. lafleur. C'est asfez, mon bijou, vous entrerez dans mon inventaire. (// fort.) SCÈNE VIL FINETTE, IRENE, qui vient fur la terrasfe. Finette. Jj^n bien, Mademoifelle , votre pere... Irene. 11 compte fon argent. Finette. Dans ce cas-la foyons tranquilles. Ce tête-a-tête* la est bien intéresfant pour lui, & il nous donnera tout le temps pour parler h Léandre. I r e n e. Que dis-tu-la Finette? Finette. Oui, Mademoifelle , il va venir, vous allez le voir, lui parler, & concerter avec lui les moyens.... Irene. Quels moyens, Finette, fans 1'aveu de mon pere?... Finette. Votre pere finira , fi vous le laisfez faire, par  U LE FAUX LORD, Ir ene, Oui, mais... Finette, LaisfeHa tous vos mais, & „e vous occupez que de l onginal de ce portrait charmant. Irene. Tu Tas donc pris ? leprendrt" ^ P^^^ vous ^ Irene. Ah I que je me fens agitée! air. C*-« & « Vair fuivant , /e ^ s'obfeurctr. J O nuit! déesie du myftere , Douce compagne de 1'amQur. O nuit.' c'est en toi que j'espere. Hate-toi de chasfer Ie jour. Charmant espoir ! cruel martyre! Moment de trouble & de bonheur! Je crains, je tremble, je defire, Et mon coeur tour-i-tour foupire , D'amour, d'espoir, & de fiayeur.  C O M E D I E. aj SCÈNE VIII- IRENE, FINETTE, /w>'fl terrasfe, LEANDRE, LAFLEUR. ( Le Thédtre obfcurcit tout d fait. ) Finette, d Irene. I e crois entendre du bruit. v Lafleur. Je vois du monde fur la terrasfe. Elles doivent y être. Léandre. Avancons doucement. Lafleur, fait un figne. Hem, hem. Finette, repond. Hem, hem. LAFLEUR, C'est vous ? F i nette. Oui, approchez. Lafleur. Et Mademoifelle Irene? ? Finette. Elle est ici? Léandre, prés de la terrasfe. Adorable Irene que je fuis heureux de vous revoir, & de vous parler! Que j'ai fouffert d'une ausfi longue abfence. D  s0 LE FAUX LORD, Irene. J'ai partagé vos peines, Léandre, & rien ne peut me flatter d'avantage que de vous retrouver fidele Mais je dépends d'uo pere... Léandre. Nous aurons fon aveu, fiez-vous k moi, & k Lafleur, Lafleur, faifant une révérence. Oui, c'est moi qui réponds de tout. Mais, ditesmoi, Mademoifelle, n'avez-vous pas k Paris un oncle appellé Raimond Ponce? Finette. Oui, Monfieur Lafleur. LAFLEUR. N'est - ce pas k lui que eet Anglais fi riche qui demeure dans ce village , a prêté de 1'argent ? Finette. C'est ce qu'Anfelme nous a dit. Lafleur. Et Mademoifelle ne pourrait - elle pas me procurer quelque ligne de 1'écriture de fon oncle ? Irene. J'ai une de fes lettres, je vais la chercher. Viens avec moi, Finette. {Blies fortent.)  C O M E D 1 È. 27 SCÈNE IX. LEANDRE, LAFLEUR. L A f L e O Ri ^S/o us voyez que je fuis asfez bien informé. Léandre. Et que veux - tu faire de 1'écriture de Raimohd Ponce'? Lafleur. Soyez tranquille , je n'en ferai pas mauvais ufage; mais avec un homme ausfi défiant, ausfi ombrageux; 31 faut parer a tout. J'entends du bruit. ( On entend du bruit dans la maifon d'Anfelme*) C'est peut-être lui-même. Léandre. Éloignon3-nous. Lafleur. Non, il me faut la lettre de. l'oncïe; on va nou3 i'apporter. Allez la recevoir, moi je me charge d'oê* cuper le vieillard. "bi  28 LE FAUX LORD, SCÈNE X. A N S E L M E, Les précédent. Ahselme, ouvrant la porte doucement. M a. fille & Finette fur la terrasfe a 1'heure qu'il est! il ya quelque myftere. Elles out l'air de parler aux pasfans. Voyons un peu cela. Je veux les prendre fur le fait. (II ferms la porte & il s'avance un peu fur le devant du Thédtre.) FINALE. L A F L E U R , contrefau Vivrogne & prend Anftlme pav U bras. L'Ami A n s e l m è. Qui va la? (Je tremblel) LAFLEUR. Attends A N S E L m E. Qu'est - ceci ? LAFLEUR. La main. ANSELME. Eh pasfez votre chen-.in. LAFLEUR. Toi fenir, nous poire enfemble Tans le caparet foifin. ANSELME. Laisfez - moi pasfer de grace  Q O M E D I Ei 29 LAFLEUR. Ton cliemin n'est pas ici. A N S E L M E. AUons donc, fajtes-moi place. LAF Li! U R. Toi refter. SCÈNE XL Les précédent, IRENE, FINETTE, fur la terrasje. F I N E T T Ei A. H '. Dieu merci, Nous avons trouve la lettre. LEANDRE,* Finette. Parle bas FINETTE. Ah Ciel! j'ai peur. LAFLEUR,* Anfelmè. L'ami, tol pien me remettre ? LEANDRE, bas a Irene & * Finette, Ne craignez rien , c'est Lafleur. ANSELME,'-'* criant. Non, cesfez de vous méprendre. IRENE, FINETTE, enfemble. Ah, S ™on l pere va m'entendre! I ion S LEANDRE. LAF LEUR, J*» aKX fimmtS' Non, calmez votre frayéar Et laisfez faire Lafleur. B 3  3» L È FAUX LOR Bè LAFLEUR, basiJUandrè. Avez - vous recu la lettre ? LEANDRE. On vieht de me la remettre, Allons, nous pouvons partir. ANSELME,* Lafleur. Mais, Monfieur LAFLEUR. Allons, darifir. Et puis moi te faire place. rltprend Jhefilm, par la main & te fait ianjer. } ANSELME. Ah! je crêve LAFLEUR. Lir, Lir, Lir, Pien, tdi danfir avec grace, Töi peaucoup me tifertir, IRENE, FI NETTE, LEANDRE. Ah, quelie bonne folie! C'est un diable en vérité. lafleur. Töi de poire avoir envie ? ANSELME. Grand merci! trop de bonté. IRENE, FINETTE, LEANDREAh , qnelle bonne folie ! C'est un diabte en vdrité. LAFLEUR. Si jamais t'en prend 1'envle Mon auberge est a cCté.  C O M E D 2 E. 31 ANSELME. Laisfez-moi, mort de ma vie, Laisfez - moi par charité. IRENE, FINETTE, LEANDRE. Ah , quelle bonne folie ! C'est un diable en yérité. ( Après la Finale , les femmes fe retirent. Léandre ê? Lafleur fortent ; & Anfelme avec beaucoup de frayeur cherche en tdtonnant la porte de fa maifon oü il entre.) Fin du premier Aiïe,  ACTE II, SCÈNE PREMIÈRE. Le Thédtre reprêfente un Sallon avec un fecrétaire d'un cóté. IRENE. RECITATIE O 3 L I G E. J E 1'ai revn , je I'ai trouvé fidele, Après deux ans d'abfence & de tourmens. Léandre encore fe rappelle, Et notie amour & nos fermens. AIR. Mon coeur enfin refpire, Tout femble me fourire, Un doux espoir m'infpire Le calme que je fens ; II femble me prédire La fin de mes tourmens.  C O M E D I E. 33 SCÈNE II. IR ENE, FINETTE. Irene, voyant venir Finetts. E h bien Finette? Finette, Ehbien, Mademoifelle, nous voila feparêes.vous de Monfieur Léandre, $ moi de ce paüvre Lafleur, fans avoir eu le temps de nous parler, fans favoir 1'une & 1'autre ce que nous allons de venir. Irene. Comment Lafleur? Finette. Eh, oui, Mademoifeile ; vous vous fouvenez de lïmpresfion que fit fur yp,u.s Monfieur Léandre a la première vue ? Un jour, un feul moment fuffit pour faire une furieufe révolution dans le coeur d'une fille. Irene. Quoi! ferais-tu amoureufe ausfi? Finette. La belle obligation que je vous ai, Mademoifelle! Sans vous , Monfieur Léandre ne ferait pas venu dans ce village; fans vous il n'aurait pas cherché a s'introduire dans cette maifon; fans vous il n'aurait pas eu befoin de 1'adresfe de fon Valet; fans vous, en un mot, je n'aurais pas vu ce dangereux Lafleur. Irene. Te voila bien a plaindre! Tu ne dépens pas d'un pere toi; tu peux quand tu voudras E  34 LE FAUX LORD, Finette. Quand je voudrai? que puis-je faire ? vous qüitter? je n'en ai pas Iaforce. Me marier? je n'ai point de bien* Irene. Tiens, voila mon pere. Finette. Allons, Mademoifelle, rentrons dans notre cage en attendant le bienheureux jour ou nous pourrons nous envoler. (El/es fort ent*) SCÈNE III. ANSELME, avec un fac d'ar gent fous le hras» M e voila plus tranquille! Je ne veux plus avoir d'a gerit caché dans mon jardim Tous ces gens qui rodent la nuit me donnent trop d'inquiétude. J'aurai tout dans mon coffre-fort, & pour me voler, il faudra qu'on m'égorge. Au L & :F A U X LOR D, l e Valet. Eh qnoi, Monfieur, jc vous fais peur? Rasfurezvous, je ne fuis pa- le diable. Je viens favoir d'abord s'il y a quelques femraes eéans-? anselme, Des 'femmes? (bas.) Ce fera quelqu'intrigant. Qu'en voulez-vous faire ? l e Valet. Mais, dires-moi-, yena-t-il? A n s n l % e. Voyez la curiofité : non, il n'y en a point. l e Valet. Bien für? ■ ' A K S e l M F. Oui, bien für. Mais que vous importe? l e Valet. C'est, Monfieur, que nous avons pour elles une antipathie ;efFroyable. Quand je dis nous, ce n'est pas nous; car pour moi, Dieu merci, je n'ai pas cette maladie, lriais""mon rfraïtre, 'MHorÖ Greidneigh... A n s e l • m e. Ah! mon ami, pardon; vous appartenez aMilord; eh bien, parlez; que me veut-il? it'ï 'V a l, e t. Je 1'ai laisfé h deux -pas de chez'vous. II vient luimême en perfbnue-, & comme ii a que;»]:;e chofe a vous dire, il m'a fait prendre les devaFts peur favoir 's'il pourrait fe préfenter fans r,rsque*de voir quelqu'un de ces minois qui le font tomber en fyncope. a n S e l M e. Non, il n'en verrapoint chez moi; vous-pouvez  C O M E D I E. 37 luïdire que je fuis feul. Un nament.... S convient, je penfe, que j'aille moi-mtme au-cievant de lui. l e Valet. Non, Monfieur, il détefte les facons. N'en faites point, je vais vous 1'araener. (II fort.) SCÈNE V. ANSELM K,feul. Jj^t que me veut il, Milord Greidneigh? Après m'avoir rendu fervice il m'a fermé fa porte, & je n'ai jamais pu le voir Aurait-il lui même quelque chofe a me demander? Enfermons d'abord notre argent. (II ferme le fae dans le fecrétaire.) Mais je n'ai pas k craïndre qu'il me 1'emprunte, il est fi riche , & ü n'a befoin de perfonne. C'est un bon voifin que cela: libéral, magnifique, toujours prêt a vous obliger fans voiiloir qu'on Ten remercie; fans exiger aucun retour. Cela est charmant: faifons des politesfes; le voici. E 3  38 LE FAUX LORD, SCÈNE VI. ANSELME; LAFLEUR , déguifè en Milord, LEANDRE, en Médecin ,• mais mis galamment. Lafleur, imitant Vaccent Anglais. C'est donc vous, Monfieur, qui êtes Anfëlme Ponce, fiere de Raimond Ponce, honnête commercant, homme dont je fais cas? A n s e l m e. Oui, Milord, pour vous obéir. i A f. • • r-v K' ï" Lafleur. J'en agis fans facon. (A Léandre,) Dodieu^asfeyez-vous.- C'est le Dofteur Andros que je vous préfente, Monfieur Anfelme. C'est mon Médecin, mon ami. A n s e l m e.. Milord, je fuis flatté de faire connaisfance avec un homme ausfi cé:èbre. & le foin qu'il prend-de votre i'anté me le rend cher,— jeliüs votre obligé Lafleur. Fi donc. p ■"•> ■ . ?• '-aiiloq ac u A n s e l m e. Vous avez bien voulu me faire rendre.... L a„ f. l e u r. Cela était jufte. A n s e l m e. Je me fuis préfenté fouvent pour avoir Thonneur.....  C O M E DIE. 30 h a f l li u11. Je ne vois perfonne. ANSELME. Et mon frere, Milord, que d'obligations ne vous a-t-il pas? Lafleur. C'est un brave-homme ! Je 1'oblige avec grand plaifir quand je puis. Mais il est trop reepnnaisfant; pour mille löuis qu'on lui prête il fe croit obligé d'écrire une page de complimens. Tenez , voyez la lettre ridicule que j'en ai re.cüë' hier au fojr. 01 tui montre une lettre.) Ansklme, en la parcourant. En vérité, Milord, c'est bien le motos que.... Lafleur. N'en parions plus. Je viens ici par le confeil de mon Dodteur. Ah! qu'il a bien raifoh ! quel changement j'éprouve! quel air pur on refpire ici! La bas, au bord de ce ruisfeau,. öb j'ailoué deux mille écus cette bicoque; je fuis environné de vapeurs humides, péfantes, qui me fuftoquent, qui m'étouffent. Ici mes poumons fe dilatent, mon fang circule, ma tête s'échircit. Je me fens reyivre; je ne fuis plus le même. Ah! que je fins fiché d'y être venu.' Je fens que je n'en ppurrai plus forti r. * . 4^ja^'i!,; A ,1 R. ..- , Cette maifon est fi charmante! » La vue en est fi féduifante! On y refpire un air fi doux! Oui, j'y voudrais pasfer ma vie, Ah ! mon voifia c'est une envie ,  4° L E F A U X L O R D, C'est un caprice , une folie , Mais la maifon est fi jolie! Etvous, Dofteur, qu'en penfez-vous? Un lieu champétre & folitaire Oü 1'on est tut de »e rien voir Que des objets tous fairs pour plaire ; Et tous les jours, matin, Sc fok, Un exercice falutaire! Quel. bonheur a qui peut 1'avoir! Mon cher Dofteur que vous en femble? Si nous pouvions y vivre enfemble! N'y trouvez-vous pas comme moi Un attrait, un je ne fais quoi Qui vous ferait aimer la vie? Ah.' mon voifin que voulez-vous ? Je le fais bien, c'est une envie, C'est un caprice, une folie; Mais la maifon est fi jolie ! Si j'y pouvais pasfer ma vie; Ah! mon bonheur ferait trop doux. LEANDRE. Je vous ai tèpêté cent fois , Milord, que l'air qu'on refpire au bas du village ne vous esr pas bon ■ je vous le dis encore. , Lafleur. Et que voulez-vous que j'y fasle? Si cette maifon appartenait h mon ami Ponce j'y viendrais Ioger avec lui & je faurais bien le forcer a recevoir de moi, pour 1'incommodité que je lui cauferais , quelque' centaine de louis par mois; mais de M, Anfelme je n'oferais jamais exiger cette complaifance. ANSELME,d part. (Quelque centaine de louis!) (Haut.) Milord, mon frere & moi nous vous fommes tout dévoués.  C O M E D I E. 4* Regardez , je vous prie , cette maifon comme la vótre. & puisqu'elle vous plait,, je fuis prêt a vous la céder. L a f l e u u. Y penfe-vous, M. Anfelme! Qui? moi vous dé. loger? j'aimerais mieux mourirde mes vapeurs. Pasfe encore fi,. fans vous gêner, vous pouviez in "en céder un petit coin pour mes deux cents louis. A b ! s l h e. (Pour deux cents louis). Tout ce qu'il vous p'aira Müord. Lafleur. Comment, vous feriez homme a me fauver la vie? a me donner chez vous un appartement? A n s e l m. e. Trés volontiers, Milord. Lafleur. A vouloir bien recevoir de moi deux cents, louis par mois de loyer? A n s e l m e* Je vous 1'ai dit, Mylord , je fuis tout k votre fervice. Léandre. Puisque M. Anfelme a pour vous cette complaifmce, aeceptez, Milord, acceptez. Lafleur. Dofteur, vous êtes bien presfanfr, & vous me feriez abufer des bontés de M. Anfelme. A n s e l m e. Milord , v^us ne me gênez point , & j'ai la un appartement dont je vous prie de dispofer. — Venez le voir. E  42 LE FAUX LORD, Lafleur. Allons. — Je céde a vos in Iranees; mais je mets dans mon arrangement deux conditions auxquelles il faut, s'il vous plait, vous foumettre. AnseléïEj troubli. Voyons Milord. L a f l e u r. L'une dè vous compter d'avance le payement de quatre mois. A n s E l m e. Je n'ai rien è vous refufer. Lafleur. L'autre, qu'il n'entrera jamais ici aucune femme. A n s e l m e. Non, Milord, je fais tout le mal que votis fait leur pi éfence, & vous n*en verrez point. J'ai feulement deux petits nevéux qui pasfent chez moi les* vacances, Lafleur. Pour des neveux tant qu'il Vous plaira, mais point dc nieces. A n s e l m e. N'ayez pas peur; je vais donner mes ordres pour que vous foyez bien chez moi. (II fort.)  C O M E D I E. 43 SCÈNE VIL LAFLEUR, LEANDRE. L e a n p r k. (3 o u r a u e , Lafleur: tout va bien. Lafleur. Les deux cents louis out fait merveille, & il n'est pis dilïicile de deviner quels feront les petits neveux, mais ce n'est pas asfez que de fe voir & de fe parler afonaife. 11 faut fe marier; c"est-la le difficile & c'est i quoi pourtant il faut tacher de réusfir. Léandre. Ah! je n'ofe encore fespórer. SCÈNE VIII. Les précédent ANSELME. ANSELME, ^ous mes arrangemens font faits, & tous ferez le mieux du monde. Venez voir votre appartement. Lafleur. De quel cóié? anselme, De ce cöté - la. F 2  U L E FAUX L O R Z)J Lafleur, 4 parx. (11 faut me déüvrer de lui. ) ( Voyant au''Anfelme veut le junre. ) Oü allez -.vous donc ? Anselme, avec re/pe8. Je vais, Milord, avoir 1'honiieur Lafleur. L'honneur de me conduire, n'est-ce pas? A N s e L M e. Oui, Mibrd. Lafleur. Me croyez-vous aveugle ? Point de facon, s'il vous plait. ANSELME. Mais, Milord, il faut bien que vous me permettiez Lafleur. Non, tout cela me gêne. Ne m'avez-vous ..pas dit que j'étais chez moi? Anselme. Oui, Milord. Lafleur. Si cela esc, laisfez moi libre. Je ne puis fouffHr vos mnnieres francaifes: on ne peut ici faire un pas fans être accompagné. Moi, je veux être feu!. Anselme. Milord, tout a votre aife, je ne prétends pas vous gêner. Lafleur, d part. (Voyons fi je pourrai les dénicher.) (Ilaut.) Laisfez iroi donc ? • (li'renire du cuté oit Anfelme lui a montré 1''appartement.')  C O M E D / E. 45 SCÈNE IX. ANSELME, LEANDRE. L e a n d k e. ^vec Milord il faut s'accouturaer a ce ton-la. \) est un peu brusque, mais il est bon-homme. A n s e l m e. Excellent homme asfurcment. Quel dom- mage, Monfieur le Docleur, qu'il foit attaqué de cette maladié? Léandre. Ce n'est rien; je 1'en guérirai. A n s e l AI e, Et d'ou lui vient cette amhipatie pour lesfemmes? Léandre. Elle lui vient d'un exces d'amour. C'est un homme pasiionné qu'on a trompé, tralii, défesperé; fon mal est dans le coeur , dans la tête , dans tout ce qu'on appelle le fyftême nerveus. A n s e l w e. Que vous êtes un habile hömmc! Mon frere me 1'a dit. Vous pasfez pour un puits de fclence. Léandre. Oui ie fais a peu pr'ès tout ce qu'on peut favoir. : ' -J . * • i '->■■■■ A n s e l m e. Vous avez donc bien lu? Léandre. Je ne lis jamais. F 3  4*5 LE FAUX LOR Z>, A n s e L m e. Et comment donc favez-vous tant de choies? L e a b d r e, Le temps que les autres perdent a lire je 1'employe a obfcrver, a épier, a interroger la nature & a la prendre fur le fait. A k s e t m e. Si jamais j'ai quelque incommodité" , je ne veux d'autre Médecin que vcinsi Les nótres nous ruinent en mémoires d'Apothicaires, & 1'on ne peut avoir leulement deux acces de fievre, fans qu'il en coüte en vilaines drogues des fommes fi confidérabies, qu'en vérité cela dégoüte d'être malade. L e a js i) r e. Des drogues? Moi je n'en donne aucune. - La Rotanique, la Chymie, la Pharmacie; j'ai laisfé tout cela. Ma Médectne a moi est dans le tact. A n s e l m ef Dans le tact ? Léandre. . Oui, Monfieur, & mon remedie est un aimant, A m s e l m e. ; Cela est merveilleux. Léandre. Si merveilleux qu'on ne vent pas y croire. Mais les faits font des Mts. Toncz. — Mettez vous la. Te fuppofe que vous foyez un de mes maladcs paraliti. que, apoplétique, érhique, tout ce qu'il vous plaira. D'un tour de main je vvs vous rendre ausfi fain & dispos que je le fuis moi-meme, & vous m'allez voir opérer.  C O M E D. Ê. 47 AIR. rj'abord i! me faut un type Du mal qufe je veux guérir. Quand j'ai pu le déconvrir, ]e diri->e mon principe. Attentif & curieux ]e regarde, j'examine, Et 'i'attitude & la mine , Et rien n'écbappe a mes yeux. L'esprit, qu'on nomme nerveux, En vain s'enflamme & s'irrite, Je le presfe, je 1'agite , II me fuit, fe précipite; Mais il fe dérobe en vairl. Bientot mon aftive main Lui fait fenlir ma puisfance, Je le touche & ma fcience Le fait plier fous mes loix. C'est alors que le mal céde, Et tout 1'effort du remede Etait au bout de mes doigts. ANSELME. En vérité, Dofteur, rien n'est plus admirable. Léandre. Ce n'est pas tout: je fuis le Médecin de 1'ame ausfi bien que du corps ; & par exemple ici c'est 1'imagination de Milord que je veux guérir la première, mais ilfaut pour cela que nous foyons d'intelligence vous & moi. A n s e l m e. Vous & moi? Léandre. Et c'est pour cela que je 1'amene ici. Je veux  48 LE FAUX LORD, lui faire voir des femmes, mais déguifées & fi bieu deguifées qu'il les prenne pour des garcons. A n s e l m e. Je vous entends , j'ai votre affaire, & comme fi favais prévu votre penfée je me fuis préparé a vous iervir tout a fouhait. Léandre. Quoi] vous avez ?.. Ans e l m e. Vous allez voir fi je vous ai bien deviné. (LI fort.) SCÈNE X. LEANDRE, LAFLEUR. L e a n d r e , d Lafleur qui entre. T j—j a f l e o r , mon cher Lafleur, nous allons les voir dans 1'inihnt. Souviens-toi bien que j'ai dit aAnfeimeque tu n'étais malade que d'imagination, & fais femblant de croire que ces deux femmes font des femmes. La f l e d r. Eh bien, qu'en réfultera-t-il? Léandre. Que je verrai ma chere Irene, que je lui parlerai quelques momens en liberté.  C O M E D I E. 49 Lafleur. Et dans une heure on apprendra que je ne fuis qu'un faux Milord, que le vér.table est la-bas dans le village, & que vous êtes un Amoureux qui cherche a s'imroctuire • ausfi - tdt nous ferons chasfés comme deux francs vauriens. Le beau fruit de mes peines! Non, Monfieur ce ne font-la que des tours d'écolier, & je veux faire un coup de maitre. SCÈNE XI. LEANDRE, LAFLEUR, ANSELME, IRENE et FINETTE, enhommes, mais habilléts en Ecoliers. AnseLme, aux femmes au fond du Thédtre. ^clons , petits dróles, faluez, embrasfez Milord , tachez de le diftraire. Irene li Finette faluent Milord gauchement. ) Pardon, Milord, ils font un peu timides. Lafleur. I!s fe rasfureront. Venez mes beaux enfans. Léandre. lis font jolis. Lafleur. Mais trés. jolis. Léandre. Voyez, Milord, comme ils rougisfent. G  50 LE FAUX LORD, A n s e l m e. C'est qua eetage 1'on a de Ja pudeur. I r e n e , d Lafleur. AIR. C'est notre onde qui 1'ordonne, Le deroir est un plaifir. Aux doux ordres qu'il nous donna Nous faurons mal obéïr. Mais Milord a 1'arne bonne; La faiblesfe fe pardonne Quand e!le est jointe au defir. C'est notre oncle qui 1'ordonne, Le devoir est un plaifir. Prés de vous, même 1'étude Nous amufera toujours. Loin de vous la folitude, Les ennuis ,. 1'inquiétude, Confumaient nos tristes jours. C'est notre oncle qui 1'ordonne Le devoir est un plaifir. Les doux ordres qu'il nous donne Vont combler notre defir. lafleur. C'est parler a merveüle. A n s e l m e. Fort bien, mon neveu, fort bien. Finette,d Anfelme. Ferai-je ausfi mon perk compliment? A n s e l m e. Non, c'est asfez. Finette, C'est que j'en fais bien faire ausfi des compli. mens.  C O M E D I É. 5i A N S e l M E. Ce fera pour une autre fois. Léandre, LAFLEUR, Ah', je tremble, je ftisfuime , Je frémis. mon lang bouiüonn.e. IRENE, FINETTE. Ah! fes yeux me font trembler. A N S E L M E, i Lédndre. Ciel! je le vois fe troubler. LAFLEUR, aux femmes. De leurs'yeux fortent des flammes Qui vont dévorer mon coeur. Ciel! feraiHe avec des femmes ? Fuyez , craignez ma fureur. ANSELME, « Liondre. Calmez-vous , Milord, de grace » Nulle femme n'entre ici» LAFLEUR. Nulle femme? quelle audace.' Vous, Dofteur? quoi? vous ausfi? LES FEMMES,*part. fQuest-ce douc qu'il prétendfaire!) LAFLEUR,* Anfelme. Trompeur, ingrat, téméraire Vous me jouez ce tour-la? A N S E L M E. Eh '• Milord point de colere .... ("Comment me tirer de la !) G3  54 LE FAUX LORD, LEANDRE, i Irene & Fmetle. Mes enfans fortez de grace , Far pitié fortez d'id. I R E N E, F I N E T T E. Oh ! comme il fait la grinrace! Jl fait peur, fortons d'ici. ANS E L M E. • Calmez-vous , Mi'ord de grace-... LAFLEUR,* Léandre, ' Ahi Dofteur! dans ce moment J'ai recours a votre aimant. J'en ferai fix mois malade. LEANDRE, IRENE, FINETTE( D'oft lui vient cette boutade Dans le plus heureux moment? Et pourquoi ce changement?) ANSEL'M E. Je Ie crovais moins malade, Mais il I'est bien gravement. L A F L E U R\ Ah! Dofteur! dans ce moment, J'ai recours a votre aimant. LEANDRE,IRENE, FINETTE. (Je cours chercher mon aimant; Et pourquoi ce changement! Dans Ie plus heureux moment.,) (Irene & Finette rentrent dam Vappartement. Liatt drefort du cóté oppofé, & Lafleur fe jette dans un fauteuil,)  e O M E D I E. 55 SCÈNE XII. ANSELME, LAFLEUR, clans un fauteuil. Lafleur. A»! je n'en puls plus! quelle ciii'e! cruel Anfelme! vous m'avez trompé? A n s e l m E- Hélas! Milordc'était d'iHtelligence avec votre Médecin, & ce dépuifemcnt est de fon ordonnacce. Lafleur. II veut donc me faire mourir? Ah! qu'il vienne bien vïte reparer le mal qu'il a fait. Vous avez donc chez vous des femmes? Et dans cette maifon öü je croyais guérir je retrouve la caufe de mon tourment? j'cn vais fortir. A n s K l M E. Eh quoi! Milord, en prenant foto de cacher a vos yeux ce qui peut vous déplaire. LAFLEUR. II faut les élcigner. A N s e L M e. Hélas! Milord, cela n'est pas ppsfible,: 1'une des deux est ma fille & 1'autre est fa fervante. LAFLEUR. Que je fuis malheureux! En effet fi c'est votre fille il n'y a pas moyen.... Cependant, j'aurais encore une espérance.... ce ferait de la inarier.  3ö LE FAUX LORD* A n s e l m e. De ia niarier ? Pour cela il faut un mari, une dot. Lafleur, Pour la dot je n'en fuis pas en peine, & fi Vous avez pour moi la complaifance de marier votre fille il est trop jufte, Monfieur Anfelme, que ce foit i mes frais." A n s e l m e. (Est-il posfible ?j Vous auriez eet excès de bon* pour moi? oome Lafleur. A 1'égard du mari n'auriez-vous pas quelqu'un en vue? A n s e l m e. Hélas 1 non; ma fille est fi jeune que je n'y ai nas , même penfé. * L a f x, e u r. Tenez, il me vient une idéé Mais oui Pourquoi pas?.... Le Dofteur est mon ami; c'Vst" 4 lui que ie dois la vie, & cé ferait remplir deux obbgations è ia fois que de leur faire un heureux fort. — Allons, Monfieur Anfelme, voila le gendre qui vous convient. A n s e l m e. Asfurémcnt. Mais croyez - vous , Milord, qu'il voulüc époufer ma fille.' LAFLEUR. Oui, de ma main il 1'acceptera j'en fuis für Te n'y vois qu'une difficulté. C'est fon extréme délicatesfe; croiriez - vous bien qu'il n'a jamais recu de mon argent? A n s e L m e. II est donc riche?  C O M E D E. 57 Lafleur. II eft fort k fon aife.. Mais il eft encore plus genéreux, & s'il fait que c'eft moi qui dot votre fille il n'y voudra pas éonfentir. a n s e l m e. Quel remede a cela? Lafleur. je n'en vois qu'on : c'eft de lui laiffer croire que c'eft vous-même qui la dotez. anselme. Mais, Milord, le contrat Lafleur. N'en parions plus, Anfelme , je ne fuis point counu de vous. fache* que jamais Lord Greidneigh ne fnufFra que perfonne au monde le furpasfe en magnifiek & qu'il rend au décuple ce que 1'on fait pour anselme. j'entendsbien, Milord Mais enfin L A f l e u r. N'en parions plus, vous dis-je. Anselme, apart. ( QueUe fortune je laiffe échapper de mes mains I) (Hout ) Ehbien, Milord, dans le contrat j'aurai fair de doter ma fille. J'y confens, mais fongez que je luis un pauvre homme Lafleur. Allez , Anfelme , avant qu'il foit peu vous fer«z plus riche que moi. Prenez foin feulement d'arrange  J3 LE FAUX'LORD, cette affaire; lc rede me regarde. Je ne veux point voir votre fille & vous favez pourquoi. Envoyez chercher le Notaire, que le Dofteur arrivé & qUe ie cou. trat foit figné J c'eft alors que je p^rlerai. A n s e l m b. Hola. — Mon Notaire au plus vïte. (Un Valet entre & après avotr recu 1'ordre ff Antina il fort.) J 9 SCÈNE XIII. Les précédent, LEANDRE. Léandre. IVXilord, voilé votre bague aimantée. L a f l e ü b. Donnez la moi bien vïte. — Me voila foulagé.' Ah' vous m'avez fair bien du mal, Dofteur, il faut leréparer; vous le devez & je 1'exige. Anfelme va vous dire ce que j'attends de vous. Vous favez combien je vous aime, & j'ai droit de compter fur votre complaifance. Léandre, Milord Lafleur. Accordez vous - enfemble. Je vais faire un tour au jardin. (//>/.)  CO ME DIE. 59 SCÈNE XIV. ANSELME, LEANDRE. JX U 0. ANSELME. (J E ne fais comment m'y prendte! Me voila tuut interdit.) LEANDRE. (II a l*;tir (out interdit'.' Qu'aura-t-ii donc a m'apprendre? Et Lafleur quV'ura t-1! dit. ANSELME. Mais je vais bien vous furprendre.... LEANDRE. Qu'avez-vous dont a m'apprendref ANSELME. (Me voila tout i:iterdit-> LEANDRE. (Et Lafleur qu'aura-t-il dit?) ANSELME. Je fuis chargé d'une fille, Très-aimable, très-gentille, Mais d'un pere de familie Vous favez t us les foucis. LEANDREC'eft un dépSt bien fragile, Le garder eft bien difficile. ANSELME. N'eft-ce pas? H ft  6© L E FAUX LORD, LEANDRE. C'eft mon avis. A N S E L M E. Le garder eft difficile, S'en défaire, ah! c'eft bien pis. LEANDRE. Pourquoi ? ANSELME. Trouver des maris N'eft pas chofe fi facile. LEANDRE. Sëriez-vous trop difficile ? A 'N S E L M E. Je fuis un peu difficile. LEANDRE. Rien qu'un peu? ANSELME. Beaucoup. LEANDRE. Tant pis. ANSELME. Certain homme que j'honore. Serait 1'objet de mes voeux, Mais par malheur il ignore Tout ie bien que je lui veux. LEANDRE. II eft bienheureux, fans doute. ANSELME. D'y penfer je fuis confus. Et dc fa part je redoute.... LEANDRE. Quoi donc?  C O M E D I E. 6\ ANSELME. Helas! un refus. LEANDRE. Eh, quoi! pere d'une fille, Très-aimable, très-gentille, Vous craignez? ANSELME. Qui peut favoir? S'il allait n'en pas vouloir? Car parlez en confcience, Cet epoux a qui je penfe, , Par hafard fi c'etait vous? LEANDRE. Moi'. Monfieur, quelle appa'rence? Quoi! j'aurais Ia préférence? ANSELME. Oui. c'eft tout juttement vous Qu'a ma fille fi gentille , En bon pere de familie Je defire pour époux. LEANDRE. Moi! Monfk-ur? ANSELME. Eh, oui, vous-même. Puis je faire \m choix meilleur ? LEANDRE. (Quel plaifir! bravo Lafleur!) Ah! ma furprife eft extreme. ANSELME, LEAND RE. — Oui, Monfieur, oui, c'eft vous-même, S Puis je faire un choix me'üeur! bsseiible-X 01j; Donheur! furprife extréme! ^-Quel plaifir, bravo Lafleur! A N S E L M E. Ah ca, Dofteur, parlez-moi vrai. Ce manage que Milord défire, vous conyient-il? H 3  6ï LE FAUX LORD, Léandre. Milord a roujours dilpofé dc moi. Mais ici Mon fleur, ce «e fera ras fa volonté , que je ferai, ce fe" ra !a miemie, en repondant comme je ie dois a tout J'hocneur que vous me faires. A n S E l m e. Vous me comblez de joie. - Mais Dofteur, ma rille n'eft pas riche. Léandre. Ah, Monfieur , g-rdez vous de parler de cela de. vaut Mikrd, je le connais; il voudraitlui.mémefup. pléer k ia dot & je n'y confentirais pas. A n S e L m e. (Quelles gens! quei combat de générofité! Ah.' je 3e répéte, il n'y a que des Anglais qui fojent capable de ces chofes lè ) Allons, Dofteur, je ménageraifa déhcatefle & la vótre; & je me donnerai moi-même Ia gloire d'être généreux.ï Je m'en v.iis appeller ma hHe. Hola! (un Va/et entte, £? après avoirregul'ordre d'Anfelme, ilfoit.) que Irene delcende. SCÈNE XV. Lttprécédent, FINETTE, IRENE. Irene. M S voila, mon pere. A n s e l m e , h Léandre. Comment Ia trouvez-vous?  C O M E D I E. 63 L e a n d r e. Charmante, trés jolie. A n s e l m e. Oh ca ma fille, fais tu bien ce que c'eft qu'un homme habile? qu'un fameuxMédecin, I ii e n e. Je fais mon pere , que c'eft un homme fort nécesfaire quand on eft malade. a n s e l m e. Oui, ma fille & qu'on trouve encore fort aimable, en bonne fanté. Avec toi , les détours font inutiles; je veux te marier & Monfieur le Dofteur eft le mari que je te donne. Irene. Lui? mon pere. *. anselme, Oui, lni-même, & je ne pouvais mieux choifir. Irene. Pardon, mon pere, j'ai beaucoup de refpeft pour votre choix, mais donnez moi le cemps de confulter mon coeur. A n s e l m e. Votre coeur , votre coeur le beau confeil que le coeur d'une fille ! Je le veux , tout eft confulté. Mais le contrat figné , ma fille , vous fortirez dans 1'inftant de chez moi , & Finette aufli a qui je donne deux mille écus pour n'en plus entendre parler. Finette. Ah! Monfieur, votre générofité me confond & nu  ** LE FAUX LORD, rcconnarffancaégaie njfl furprife. (apart,) (Lafleur eft un Sorcier.) A n s e l m e , d part. (Tout cela me fera rendu avec ufure.) SCÈNE XVI. Les précédens, l e NOTAIRE. A n s e l m e. V sn ez , Monfieur Jerome , & griffonez-nous un contrat tei que Je m'en vais le dicler. (Anfelme s"affied avec le Notaire.) Ia e n e, d part. Ah! Léandre, 3e coeur me bat. Jc n'en puis plus. Qu'a fait Lafleur ? Léandre. II a fait un miracle: mais je n'y comprendsrien, & je fuis auffi étonné, auffi tremblant que vous. A n s e l m e. Tenez , voila qui eft fait. Cent mille francs de dot & le bien de fa mere; je crois que je fa's bien les chofes. Fin et te, d part. Je crois rêver. Irene. Mon pere, fi j'ai fait une faute pardonnez-Ia moi Je ferai plus digne, a 1'avenir, de vos bontés.