DANGERS qui menacent L'EUROPE. principales causes du 1'eu de succe's de la dernlere campagne; fautes a e'viter et moven s a prendre pour rendre celle - cl de'cisive en faveur des ve'ritables amis de l'ordre et de la paix. Par Mallet du Pan. J'appelU un chat un chat, & Rokt un fripon. Se trouve a LEJDE, GHEZ J. VAN THOIR.  KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK  jL'Europe entiere fe trouve dans des circonilances inouïes; elle a a combattre des ennemis vraiment fonnidables par Jeur «ombre, leur courage & leurs refïburcesde tous les genres, mais bien plus dangereux encore par les complots odieux qu'iJs trament dans 1'ombre, par leur criinlnelle indiffe'rence fur tous les moyeus de fuccès, par leurs principes anarchiiles & déïorganifateurs fi bien faits pour egarer la multitude, par lesintelligences nombreufesqu'ils ont f<;u fe me'nager dans tous les païs, dans toutes les clalTes, jusques dans la perfonne de quelques Miniftres Ie refped arrê- te ma plume & m'empêche de de'figner, a 1'e'tonnemeut des races futures, des têces plus illuflres encore. A2  C'eft unt guerre a mort, comme les re'gicideseux-meines ont eu fi fort raifon de la nommer; il faut que le monftre de 1'anarchie perifTe, ou que 1'Europe s'attende a voir prochainement la chute de tous les trönes, la diflblution de tous les liens de la fubordination & de la foeie'te', 1'ane'antiiTement & le mépris de toute Religion, la fubverfion de tous les principes, le déplacement violent de routes les propriéte's, & le maiTacre de la moitie' de fa population ; telle eft la feule regene'ration qu'on doive & qu'on puifle raifonnablement attendre de la part de ceux qui ont trempe leurs mains parricides dans le lang du plus julle des Rois, & de la reunion de tout ce que le monde contient de plus profonde'ment de'prave ; car, dèsque le crime a prc'valu en France, dèsque la grande machine cbranlëe dans fes fondemens a menace' d'u» ne ruine prochaine, on a vu de toutesparts  le rebut & la honte de 1'humanite' accourir vers le foyer de la corruption, comme on voit ces Hyenes fame'liques attire'es par les exhalaifons des cadavres, fe réunir pour en partager les de'bris. Cette guerre ne relTemble plus aux guerres ordinaires de'ja fi odieufes, mais dumoins toujours foumifes a quelques loix qui en diminuent 1'horreur, interrompues par quelques fufpenfions d'armes qui laisfent refpirer 1'humanite', & fuivies d'une paix qui lui permet 1'efpoir de re'parer fes pertes. Iet point de quartier, point de relache; c'eft un animal devaflateur qui a de'ja de'fole' la contre'e qui le vit naltre & contre lequel les contre'es voifines ont e'te' force'es de prendre les armes, fous peine d'e'prouver le même fort; c'eft 1'ordre focial luttant contre la barbarie, c'eft en quelque forte la nature re'unilTant fes efforts pour ne pas retomber dans 1'ane'antiffement A 3  «Sc le cahos. Qui le croiroit que 1'Europe 1'a vu fe former Öc fe groiTir fins effroi, ce torrent dont 1'origine & les progrès annongoient fi bien les ravages, fans prévoir qu'il menacoit effentiellemeut fa furete' ou dumoins fans chercher a lui oppofer aucune digue? Si ceux qui en dirigeoient Je cours n'avoient ere' retenus dans le principe, par des craintes & des confide'nitions timides qu'ils ont fi bien furmonte'es depuis; s'ils avoient de'ploye' a 1'e'poque des premières attaques de Mons & de Tournai, eet enfemble dans les meiures & cette audace dans i'exe'cution qui fait maintenant un probieme du falut des peuples, les maux que je n'annonce aujourd'hui que pour qu'on s'occupe efficacement de les e'viter, inonderoient de'ja la furface de 1'Europe, 1'Univers entier feroit un vaffe champ de fang & de carnage; & ceci n'eft point une fpe'culation oifeufe, une crainte chime'rique.  Leurs forus êtolent la, & avant qu'on eut pu en re'unir de capables de les arrêter, la moitie' de 1'AlIemagne & la Hollande entière euflent e'te' foumifes, ils en auroient accumule' les inimenfes treTors, partout ils auroient immole' les fujets fidèles, arme leurs milliers de partifans & cette foule de gens foibles que la circonflance feule de'termine; les uns & les autres, après s'être rendus fi coupables contre 1'autorite' le'gitirne, auroient bientót deploye la même energie pour en ane'antir jnsqu'aux dernières traces; la traine'e de matières combufiibles s'e'tendoit partout, & dans ce premier moment d'irre'folution, d'effroi, de denuement & de ftupeur, 1'embrafement eut e'te' ge'ne'ral. La divine Providence en a autrement ordonne', car envain chercheroit-on ailleurs des caufes a des e've'nements qui ont fi e'trangement conlondu tous les calculs de la prudence humaine. Que ces gens A 4  qu'aucune expe'rience ne forme & a qui 1'ecole de i'adverfite' n'a rien appris, ne viennent plus oppofer ces grandsmots vuides de fens de fidêliti incorruptibh des troupes; de bonté naturtllt dis peuples; d'attachcment aux Souverains &c Le crime heu- reux trouva toujours des Sedateurs & des Profe'lytes. Avant cette epoque fatale, exifta-t-il des troupes plus fidèles & chez qui 1'lionneur fut un mobile plus puilfant? eh bien elles fe font rangees presque fans effort fous les etendards de la re'volte. Connut-on un peuple plus doux, plus fenfible, plus hofpitalier, qui poffé'dat a un degre' plus eminent toutes les vertus fociales ? eh bien, aujourd'hui c'efï un peuple de cannibales, d'antropophages avides de fang, & les flots qu'ils en repandent fans cefTe, femblent ne faire qu'irriter leur foif dévorante. Enfin, les annales de 1'hifioire ont-elles conferve' le fouvenir d'une nation plus di-  ftingue'e par une efpèce d'idolatrie pour fes Rois, qui en ait donne'des preuves plus touchantes & plus multiplie'es ? & le plus jufle de tous les Souverains, le meilleur & le plus loyal des hommes, celui qui re'unisfoit la pie'te' de Saint Louis a la tendrelTe paternelle dHenri quatre, le bon Louis Sei^e enfin a pe'ri fur un echafFaut; fes dernières paroles a fon peuple e'toient des paroles de be'ne'diclion & d'amour, & a 1'inftant ou la hache fatale termine le cours d'une fi belle vie, 1'air retentit de cris bruyants d'allegreiTe; la France entiere eil armee pour foutenir fes bourreaux, ils viennent au bout d'un an fur le lieu du fupplice infulter a la me'moire de leur auguile vidime, & 1'anniverfaire de eet exécrable aiTaffinat a e'te' ce'Jebre' dans toute 1'e'tendue du Royaume par des rejouiiTances & des Hymnes patriotiques.  Tant & de fi terribles exemples n'ont cependant produit que des impreillons pasfagères, même fur les trónes. On diroit que 1'elprit d'aveuglement eft venu raiïurer les vidimes en même temps que 1'efprit de vettige excite les bourreaux; au même infiant, une force furnaturelle & irre'fiftible femble avoir arme' les uns du glaive & entrainer les autres a grands pas vers leur pevte ine'vitable. On compte fur des traités, fur une neutralite' parfaite . .. comme s'il pouvoit exifier des traite's folides avec le Tigre, comme s'il fuffifoit de ne pas le provoquer pour n'avoir rien a redouter des effets de fa fureur; on fe raflure fur 1'e'Joignement ... comme s'il falloit beaucoup de temps a la foudre pour e'tendre au loin fes ravages, comme fi tou* ceux qui forment une même chaine e'ledrique n'éprouvoient pas en quelque forte au même inflant, la même commotion. On a 1'air de  — II —' jouer avec une revolution qui menace de tout renverfer, de tout envahir, qui n'en cacne pas le projet, & qui acquiert tous les jours de nouveaux moyens de le re'alifer. On n'a que des vues mesquines, on ne fait que descaleulsretre'cis&ifole's de 1'egoïsme, lorsque les Hammes de'vorantes s'e'lèvent de toutes les parties du grand e'difice focial & que ce n'eft pas trop du concours de toutes les volonte's pour parvenir a s'oppofer a leurs progrès menacants 5 lorsqu'ii feroit d'un fi grand int^rêt d'être jufte au dedans & terrible au de'hors, on n'employe que des demi - moyens contre 1'ennemi commun & 1'on fe fert du refte de fa puilTance pour s'en creer de nouveaux. Dans un état de chofes fi e'trange, ileft permis, il efi ordonne' a tout ami de 1'ordre de faire entendre fa voix; lorsqu'un violent incendie fe declare, tout le monde a mifiïon pour en arrtter les ravages; profi-  tons du moment oïi il en efr temps encore. Qu'on ne fe diiïïmule donc plus les forces des re'gicides; une grande partie de nos malheurs vient de les avoir trop me'connues ou trop meprife'es: re'fervons tous nos mépris pour leurs principes. Je vais partir des bafes les plus fimples & les plus inconteftables: un vafte royaume que la nature femble avoir comble' de toutes fes faveurs, he'rilTe' de places fortes oii 1'art e'puifa fes resfources; un peuple immenfe & naturellement belliqueux dont 1'adivite' de'vorante balancera toujours la plupart des avantages de fes ennemis, diftingue' des autres peuples p*ar une fougue impe'tueufe a laquelle on re'filla rarement; des arfenaux nombreux & bien fournis; des moyens d'induftrie 6c de profperite' incalculables & qui le mettent toujours a même deréparer rapidement la plupart de fes pertes; un corps d'Inge'nieurs trés infiruit, L'Artillerie la plus  — 13 —• confiderable & fans contredit la meilleure de 1'Europe.. . .'. Tel eft le tableau fidele des forces & des refiources de la France dans les circonfiances ordinaires. Ajoutons maintenant a tant d'avantages reunis ceux que lui procure e'videmment fon e'tat de crife acluel: 1'ane'antifiement du Coinmerce & de la navigation, de tous les arts de luxe, d'une foule de profefllons & de me'tiers, a d'abord aigri ceux qui y trouvoient des moyens de fubfiflance; dans ces premiers momens de de'sorganifation Sc de tyrannie, les puiflanccs ctrangeres auroient pu compter fur le tics grand nonv bre de cette foule de mc'contents; maïs de* puis, effraye's par des cxcmplcs do rigueur, convaincus du danger & de 1'inutilite' de leurs effbrts, egare's par tcutcs fortcs tft]]ufions & preiTe's de la jie'ccflitc' dc vivrc, ilï fe font mis a la folde de leurs bourrcaux; ils fe font rendus les inftruinens de leurs  — 14 — vengeances; presque tous ont pris parti ou dans ces Jegions de gens ftipendie's a Paris & dans les Provinces pour reproduire la terreur & les violences fous toutes les formes, ou dans ces hordes des frontières, femblables a celles des anciens NormanJs qui alloient porter la deTolation & chercher la mort au loin, parceque leur propre païs ne pouvoit fournir a leur fubfiflance. lis n'avoient d'abord fuivi que la voix impe'rieufe de la faim; mais bientót, re'unis a tout ce qu'il y a de plus deprave', ils font eux meines devenus des modèles de corruption & de'formais tout retour vers une vie paifible & laborieufe ne leur efr plus polfible; car il ell a remarquer que la vie des camps Óc des arme'es, quelque penible qu'eile puisfe être, quelque adivite' qu'eile exige, ne forme que des hommes inutiles ou dangereux enfuite pour la focie'te'. C'ed ainfi C alfure la posfeffion de cette place importante; aujourd'hui, il faudroit confommer fous fesmurs un tempi * precieux & des munitions immenfes, tracer trois paralleles, facrifier beaucoup d'hommes dans les tranch°'es, avoir une Armee nombreufe pour couvrir le fiège, dc remporter des Victoires figna- *) On n'a pas tardé a avo'r Ia preuve certaine du dénuement totai de la place par les rapports rendus a la Convention. C 3  - 38 - lees pour pouvoir en continuer les ope'ratious: c'eft furtout en guerre que 1'occafion perdue ne fe retrouve plus. La reponfe negative du Commandant, lans avoir egard aux circonflances ou fe trQUvoient & Ia Ville Óc 1'Armée conventionelle, fut le fignal d'une marche re'trograde. C'eft alors que cette fatalite' qui femble piéïider aux deftinees de la France cc 1'entrainer rapidement vers fa perte, fit pre'valoir la re'lolution de divifer les forces des Allie's pour pouvoir mener de front les fièges de Dunkerque &c du Qiiesnoi; c'eft ausfï de cette e'póque que datent tous leurs revers. Lé Duc ctYork prit la route de Dunkerque, a la tete d'une Armee de quarante mille hommes de bonnes Troupes. La ce'le'rite' de fa mare' e, fon arrive'e fons les murs de cette ville fans groffe Artillerie, longtemps avant le terme convenu avec  — 39 — 1'Amïral Macbride qui devoit pre/Ter le fiège du cóte' de la mer; i'intre'pidite' he'roïque mais peu mefure'e avec laquelle on pourfuivit les fuyards jusques fur le glacis de la place; la fuite en Angleterre du General Irlandois qui y commandoit tout concourt aannoncer qu'on y avoit des intelligences, & qu'on y compta au point de ne'gliger les precautions de la prudence la plus commune. Si 1'on s'e'toit feulement pourvu de quelque Artillerie de fiège & qu'on eut eu le foin de mettre 1'Amiral Macbride dans le fecret de cette marche pre'maturee, pour pouvoir employer la force au de'faut de la perfuafion, une place de la force de Dunkerque eut e'te probablement emporte'e avant qu'on put la fecourir. Peut-être même qu'il eut fuffi que les forces fuffent la pour être difpenfe d'en faire ufage; car le grand moyen de fe menager C 4  — 40 — des intelligences & d'en tirer parti, c'eft d'être toujours en e'tat de s'en palTer. Des qu'on vit qu'il ne falloit plus compter fur des intelligences, malheureufément trop regarde'es comme irifailjibles on fongea a recourir aux moyens de vigueur ordinaires & 1'on attendit, dans une forte d'inadion force'e, 1'arrivee de 1'Artiflerie de fiège. Pendant ce temps • la, quelques Chaloupes canonnieres & une ou deux carcaftes de batiment armees, renouvelloient fans celTe leurs ravages dans le camp des AllieY, & de'foloieut impiinement la Cavalerie Autrichienne. La Garnifon, de fon cóte', appreciant (ous les jours davantage a leur jufte valeur les expreilïons mena<*aates de la fommation, voyant qu'on ne fongeoit pas même a Tinveftir, recevant a chaque inftant par la voye de Graveünes des renforts de tous les genres & 1'alTurance d'être bientót de'livree, faiiöit de fre-  — 41 — quentes forties & repugnoit plus que jamais a toute efpèce de Capitulation. Ces mêmes hordes conventionnelles, qui avoient abandonne' les pofitions les plus inexpugnables a la feule approche de la maffe impofante des Allie's, fongerent a leur tour a faire une guerre offenfive quand elles les virent fe divifer, cSc fe promirent d'avance un fuccès certain de la re'union de prcsque toutes leurs forces contre une Arme'e de quarante mille hommes,' oblige'e de fe fubdivifer encore en Arme'e d'obfervation & de fiège, & de contenir une garnifon dont on pouvoit a tous momens augmenter le nombre &. diriger les efForts. Le camp de Cüjfel fut de'figne comme le lieu du rendez-vous des re'gicides; peu a peu les Troupes y aniverent par petits Corps détache's fans qu'on ait rente de trpubler la marche d'un fi-ul Bataillon, ou de les inquie'ter fur d'autres points. Enfin, après C 5  avoir raflemblé leurs forces bien a loiiïr, puisque la place ne fut pas même inveflie un feul inflant; après avoir bien combine' leur plan & s'être allure' de tous les moyens d'exécution, ils fe répandiient comme un torrent dans la plaine. Alors, Tintrépide reïiflance des Allie's ne fervit qu'a prolonger le carnage, retarder de quelques infians leur de'faite, & expofer a des dangers plus imminens laperfonne du Ge'néral en chef & d'un des fils du Roi d'Angleterre, tous les deux bleffes & au moment d'être faits prifonniers. On connoit 1'éhormite' de leurs pertes en hommes, canons, magazins «5cc. on fe fouvient de la cruelle deroute des Hollandois, a Menin & a Fsrvick, qui en fut la fuite imme'diate; ne'anmoins, le Gene'ral Houchard, que la vicloire venoit de couronner d'une maniere fi eclatante, ne tarda pas a porter fa tête fur 1'e'chafauf, & de tous les Ge'ne'raux immole's par la hache de ia Guillotine, c'eft peut - être le feuidont  — 43 — la mort ne puifie pas être regardée comme un afiaffinat, car il eft certain qu'il devoit naturellement arriver pis encore. La valeur de 1'Armée autrichienne & 1'habilete' de fes Chefs ne tarderent pas a arrêter les progrès des régicides & a les faire rentrer fur leur territoire; mais rien ne pouvoit reparer les pertes e'normes des Allie's dans tous les genres, les animofite's qui en furent la fuite, le retard du fiège de Maubeuge dóns une faifon fi avancee, & moins encore 1'effet redoutable de tant & de fi grands fuccès fur 1'opinion, dans une ouerre toute d'opinion. Jusqu'ici les patriotes avoient combattu les Allie's quoiqu'une funefte expe'rience dut en quelque forte les leur faire regarder comme invincibles; la Vicloire de Dunkerquc leur infpira la même pre'fomption, ranima dans leurs cceurs les mêmes efps'raiices que chez les fauvages de PAme'rique, lorsqu'ils virent pour la première fois tomber fous  — 44 — leurs coups ces Europe'ens qu'ils avoient confide'ie pendant fi longtemps, comme des êtres d'une claflè fupe'rieure. Ils crurent qu'il ne s'agifföit plus que de bien diriger leurs efForts; il n'en fallut pas davantage pour juflifier a leurs yeux les trahifonS qui avoient e'te' le pre'texte de la disgrare ou du fupplice de tant de Gene'raux. On dut s'aftendre a leur voir de'pioyer dans peu une audace nouvelle; 1'occafiori s'en pre'fenta bientóf. Les Aufrichiëhs qui e'toient fur ie point d'entourer Mautéuge, qüand la déroute de leurs Allïés les obiigea a fe porter en toute hate du coie de Menin} fentant combien la poflèffion de cette place aflureroit la tranquillite'd'une grande e'tendue de leurs Fron. tières, fe decidèrent a eflayer de 1'emporter avant Ia fin de la Campagne. Toutes les ' redoutes qui en de'fendoient les approcbes furent attaquees Sc enleve'es a la fois; de'ja,  — AS — malgre' la rigueur de'la faifon, la ville e'toit inveflie & 1'on prelToit les travaux du fiège, lorsque les re'gicides qui avoient raiTemble', lentement & fans obfiacles, toutes leurs forces du cóte' de Landrecy & d'dves/ies, vinrent attaquer 1'Arme'e d'obfervation. ï\'ayant pas pu parvenir a 1'entzmer dans - cette première affaire, ils livrerent de nouveau une bataiile ge'ne'rale le lendemain; c'efi alors qu'excite's par le de'iire du fanatisme & 1'abondance des liqueurs enivrantes, on les vit fe pre'cipiter a la bouclie des Canons qui moiiTonnoitnt les rangs entiers, & ne ceffer de chanter leurs airs re'volutionnaires au milieu des ruiiTeaux de fang, des cris des bleffe's, & des cadavres des leurs entaffe's par monceaux. Rien fans dou!e ne pouvoit re'fifler a tant d'acharnement, puisque les braves Autrichiens furent oblige's d'abandonner leurs pofitions. Leur retraite fut celle du Lion accable' par lenombre & dont perfonne n'ofe approcher  — 46 — de trop prés, malgre la perte de fon fang & 1'epuifement de les forces; mais enfin il fallut lever le fiège de Maubeuge & ne plus s'occnper qu'a de'fendre fon propre territoire. Quelle confiance en fes forces ne dut pas infpirer a la Convention, ce grand fuccès contre les meilleures Troupes & les meilleurs Ge'ne'raux de 1'Europe! Pendant que cela fe paflbit dans cette partie des Frontières, les fanieufcs lignes de W' eijjcrnbourcj, qu'on avoit paru Iongtemps regarder comme inexpugnables, furent force'es en moins d'une heure par 1'Arrriee du Ge'ne'ral de Wurmfer & 1'Armée du Prince de Condê; les Prufllens contribuerent au fuccès de cette journe'e par des manoeuvres. On devoit s'attendre naturellement a beaucoup plus de re'fiflance, mais la Vióloire de Weijfembourg fut une fuite de 1'echec de Maubeuge, car il paroit qu'on avoit fortement degarni les lignes pour ètre plus sur de faire lever le fiège de cette place.  — 47 — Ne laiflbns pas pafier I'occafion de faire une remarque confolante: obfervons que ces tranfports continuels de Troupes, fi fatiguants «Sc fi déïïruc'teurspour les hommes «5c furtout pour les chevaux, (d'Alface en Flandres & de Flandres en Aljace, de 1'Armee du Nord a celle de la Fendée, des gorges de la Savoye fous les murs de Lyon, de Lyon a Toulon, & de Toulon a Perpignan,) <5c la longue inadion des Armees jusqu'au moment ou elles ont re^u les renforts des autres points, prouvent d'une maniere inconteftable que la Convention commence a porter la peine de fes monflrueux exces, «Sc qu'obligee de repartir fes partifans dans tous les coins du Royaume pour contenir fes nombreux ennemis de 1'interieur, elle ne peut pas envoyer contre ceux du de'hors, autant d'hommes quelle a 1'air de le croire «Sc qu'eile efi parvenue a le perfuader; cela prouve encore que fa grande refiftance tient furtout a la maniere dont elle a e'te  — 48 — attaque'e & a Ja liberté qu'eile a toujours eue de de'gamir fans inconvénient tous les points, pour reunir des forces immenfes dans celui qui e'toit menace'. Revenons aux Lignes óeff'eijfembourg; après ce grand fuccès, le plus important fans doute de la guerre, fil'oiren eut recueilli tout le fruit qu'il e'toit naturel d'en attendre, Lauterbourg & WeiJJernbourg ouvrirent leurs portes; 1'Armee victurieufe fit une marche de plufieurs Jieuës fans rencontrer un feul ënnemi* la ville de Haguc nau, quoique couverte par une font confide'rable qui pouvoit en retarder la prife, fe rendit fans re'fifiance; les habitans paroiiToient dans les difpofitions les plus favorables; 1'Arme'e re'gicide e'toit en quelque forte difperfe'e & frappée de confiernation. ■Strasbourg même, s'il falloit en croire un bruit public qui a pris une bien grande confiftance öc que perfonne n'a chercJie' a de' mentir,  — 49 — mentif, Strasbourg olTrit au General de Wurmfer de lui ouvrir fes portes.... Mais, je ne me permettra! pas d'e'tablir mes re'Jiexions fur des probabilite'sou de fimples conjeclures, & je me plais a croire que lorsqu'il ne s'agiiïbit de rien moins que de frapper un coup de'cifif qui devoit hater le terme des maux de 1'humanite', il n'auroit pas pü exifier de claufes capables, je ne dis pas de provoquer un refus, mais même de faire differer d'un infant la conclufion d'un pareil traite'. Ce qu'il y a dumoins d'inconteftable, c'eft que les Allie's avoient un parti nombreux & puiifant dans les murs de Strasbourg & qu'on n'a pas fonge' a profiter du premier moment de la confternation des patriotes & de la de'route de leur Arme'e, pour tacher de s'aflurer de cette place importante ; ce qu'il y a de sur encore, c'eft qu'on a refle' longtemps dans une inadion. D  inexpiicable, même par les rigueurs- de k i'aifon, puisque l'activite' des patriotes ne s'efl pas un moment ralentie; c'efl que la feule tcntative de "vigueur qu'on ait faite i'eft reduite a 1-attaque du Fort-Louis qui f.'eft rendu dans la première femaine; c'eft enfin, qu'après avoir jette' quelques bombes dans Laudau, pendant trois ou quatre jours, on a entièrement abandonnt la partie pour adopter le fiftême funefte & e'ternel du blocus, comme s'il «ut e'te' fort extraordinaire d'e'prouvcr, de la part de la place la plus forte du Royaume & de 1'ouvrage le plus parfait de Mr. dc Vauban, la ix'fiftance dorit la moindre bicoque eft fufccptible. Pendant ce temps, la Cöhvëntron, dont le grand art confifle furtout *a profiter des fautes nombreufes de les ennemis & a employer les longs & mortels intervalles qui ont toujours fe'pare' leurs opc'rations, s'eft liate'e d'envoyer des CommiiTaires en Alface. La terreur, les exaólions & des flotü  de fatig ont marqué Jeurs pas. Après avoir fait immoler comme fufpecï, a Ja tête de .'Armee, tout ce qui ne portoit pas au dernier degre'd'exaltation Je de'Jire revolutionnaire, pour confinner Ja pre'tendue traliifon qui avoit explique' aux yeux de Ja mu!titude Ja prife des lignes, ils vinrent re'ge'. ne'rer a leur maniere Ja Vilie de Strasbour lement toutes leurs conqaêtes, mais encore leurs magazins, & une partie inte'reiTante de leur propre territoire qu'elles ont vu ravager impune'ment de la manière la plus atroce, après avoir mis ie Rhia eatre elles & les brigands viclorieux» N'eft-il-pas bien naturel de conclure de eet appercu, que le peu de fuccès de la Campagne doit être beaucoup moins attribue' a 1'infuffifance des forces, qu'ïi 1'emploi qu'on en a fait? ïfen re'fulte -1 - il pas tvidemment qu'on n'a eu egard ni a la naD 4  ï<5 —- ture de cette guerre, ni a 1'efpèce d'ennemis qu'on avoit a combattre ? dans une guerre d'opinion, & furtout contre desFrancois, qui joignent a leur bravoure & a leur impetuofite' naturelles, tout le de'iire du fanatisme, le moindre echec qu'on e'prouve eft le garant d'un echec plus confidérable qu'on ne tardera pas a éprouver; le moindre retard eft une faute, dont 1'ennemi proftte pour revenir de fon e'tonnement & reparer dans un inftant fes forces; le fiflême d'une guerre delenfive entraineroit la perte inevitable des plus nombreufes <5c des plus vaillantes Armees. II faut toujours attaquer les Re'gicides, difljper a temps leurs raffemblemens, marcher a eux 2vant qu'ils ne s'e'branlent pour préfenter le combat; les pre'venir en tout, les harceler fans cefte; les pourfuivre a outrance quand onefl vainqueur, les attaquer encore le lendemain du jour oii la Vicloire fe fera rangée de leur Cüte' «vee une pareille conduite, des  — f7 _ Troupes ordinaires pourront les foumettre; avec de la lenteur, des cordons, des abbatis «5c des lignes, ces brigands par leur aclivite* de'vorante «Sc leur acharnement fe* roce, triompheroient a la longue des Soldats d'Alexandre, ou en choififfant plus pres nos modèles d'he'roïsme, des Auttichiens eux-mêmes, qui déployeroient en pure perte toute leur valeur «Sc leur habilete'. Les raifons qui viennent a 1'appui d'une trop funefle experience, fe preiTent fous ma plume; j'en choifirai une d'un grand poids, qui tient eiTentiellement aux circonftances. Perfonne n'ignore la vivacite' Sc la chaleur qui diftingue les Fran«;ois; leur e'tat habituel feroit un e'tat violent pour tout autre peuple. Qu'on fonge inaintenant que tous les preftiges font mis en oeuvre pour exalter ces difpofitions inflammables, «Sc 1'on aura trouve 1'explication de tant d'efD f  — 58 — fefs en apparence fi extraordinaires,' mais qui n'e'tonnent cependant que ceux qui ont negligé d en approfondir les caufes. On verra, que les Armees patriofes font compofees en grande partie d'une foule d'a» veugles, mais reunis par le beibin ou la violence, mais dinges par des fcéMats habiies. On verra, qu'on les prepare en quelque forte au combat & qu'alors ils reflemblent a ces fauvages, qui après avöir bu des liqueurs fermentees & entonne' leurs chanti de guerre, ne tardeut pas a entrer en fureur, en brandifiant leurs artnes d'une maniere menacante; ou bien, a ces dogues, naturellement faifis d'effroi a Pafped du Lion, mais bientut excites au point d'ofer attaquer de front 1'auimal terrible, qui, oprès s'ttre entoure' de cadavres, finit par fuccomber d'epuifement a des aflauts toujours renouvellés, Il ne fera pas inutile de faire connoitre plus particulierement ici cette tadique infernale, fi digne des monfltes qui 1'önt inventee.  Lorscjüe les re'gicides ont a frapper quelqu'un de ces grands coups, dont le Comité' de falut public a tracé' le plan, & dont la tête du General garantit le fuccès, on fait afiembler l'Armee; les CommilTaires paroifTent, decorés de toutes leurs marqués difliuctives; ils font lecture de quelque flaeornerie de la Convention ou du Comité', & ils y ajoutent une harangue dans le fule oriental du jour. Les aboyeurs jurc's fe re'pandent dans les rangs pour en faire ie commentaire, applaudir les forcenes, & travailier les tièdes; Pair retentit au loin des cris de Vive la République, d'imprecations & de blasphêmes contre tous les Rois fous le nom de Tyrans, contre tous leurs fujets fous le nom d'Efclaves ou de vils Sattllites du Defpotlsme. Des femmes, ou plutót des Furies ou des Bacchantes, font couler l'eau de vie a grands flots; une «111fique guerrière, qui exciteroit les plus Iaches, vient mettre te dernier terme a 1'ega-  — 6o — rement & a la fureur, & cinquante mille bêtes fe'roces e'cumantde rage, vont fondre a pas redouble's & en pouifant des cris de Cannibales, fur des Soldats dont la valeur n'eft excitee par aucune pafllon .... doiton être bien e'tonnc' qu'un pareil choc les e'branle Sc finilTe par les enfoncer? En attaquant les patriotes au contraire, on eft toujours sur de les prendre en quelque forte au dépourvu, c'eft a dire, qu'on n'a plus a craindre cette impe'tuofité fougueufe fi redoutable; cette maffe, cette re'union d'efforts qui n'e'toient que 1'efiet de la re'union de toutes les iilufions Sc de tous les prefliges. L'accès de cette fievre ardente, qui augmenre fi prodigieufement les forces des fre'ne'tiques, efl pafie'; chacun efl; dans fon e'tat naturel, aucun lien commun ne re'unit plus tant de parties iucolie'rentes; rien ne peut plus fupple'er aux grands talens: la de'fiance Sc le de'faut de-  — 6r difcipline amenent bientót Ia confufion "& la crainte. C'eft alors que les Troupes les plus braves, commandees par le Prince de Cobourg öX le General Clairfait, reprennent toute leur fuperiorite fur des brigands farouches aux ordres de Jourdan, Michau, & de cette foule de petits Sce'le'rats fubaltternes, que la Renommee n'a tire's de 1'obfcurite', que pour les vouer a Popprobre & a l'ex»cration des races futures. On pourroit fe rendre fenfible par une comparaifon ces deux e'tats fi differens des Régicides, lorsqu'ils fondent fur leurs ennemïs ou qu'on les attaque a leur tour, en fe repre'fentant ces vieux chevaux, jadis 1'honneur du manege, qui, travaille's par un e'cüyer habile, fe rappellent encore leurs anciennes prouefles, relevent leurs moüvemens, reprennent toute leur fierte', & deviennent en e'tat de fe mefurer avec les courfiers les plus ge'nereux; mais ces refTources faclices difparoiflènt avec la caufe qui les a fait  — 62 — riaftre, cX fi oa les furprcnd i'infiant d'a* pres, oa ne retrouve plus qu'une foiblefie, proportionne'e a 1'état violent auquel ils devoient leurs fuccès. Le même efprit d'impartialite' qui me guide, & qui me fait former des vceux fi ardents pour 1'hcureufe iffue des grands e'venemens qui balanceut les déftinées df 1'Europe, m'oblige a hazarder encore quelques re'flexions fur Ia conduite des Allie's; car la lenteur, qu'on paroit fonde' a reprochef aux Gene'raux, s'efi e'tendue aufil aux öpe'rations des Gouvernemens & a eu partout des füïtes égalemeat fünefies. Oa di» foit au commencement de la derniere guerre que Ia pendule de Monfieur de Sartint retardoit toujours fur celle du minlfière Anglois ; avec quelle raifon ne pourroiton pas en dirë aiitant aujourd'hui des pendules de tous les Cabinets de 1'Europe fut celle du Comité de falut public? je nó  choifirai que deux exemples a 1'appui d'une verite, he'Ias trop evidente. Le pre» mier eft cette malheureufe guerre de la Fendie, foutenue par des luiers d'une fidelite a toute épreuve; parvenus a fe raffetnbler comme par miracie, a fe maintenir par une activite', une harmonie & une perfeve'rance fans exemple, a fe pourvoir d'armes, de munitions & d'Artillerie, en les, enlevant fur les Regicides a force de re'folution. Eftil bien polllbie que ce foit ces hommes gene'reux, profelTant hautement dans toute leur purete les principes de la Religion & de la Monarchie, qu'on a killes, pendant fept ou huit mois, livrc's a leurs propres forces, entoures d'ennemis de toutes parts, fans magazins, fans 'places fortes, n'ayant jamais que la même Armee a oppofer, a des Arme'es qui fe renforcoient & fe renouveiloient fans cefte ? Dieu veuille encore que t2nt d'indifTerence n'ait pas ete' le re* fultat des combinaifons d'une politique aufli  - 64 — aveugle qu'inhumaine. Enfin cependant, on a paru vouioir les fecourir & 1'on a pris des inefures a eet eflet; mais, foit par la faralite' des circonflances ou la gaucherie des difpofitions, lorsque les Royolijks fe font préfentes fur les cotes, ils n'ont apper» cu aucun des fecours qu'üs efpe'roient y trouver. De'pourvus d'Artillerie de fiège & de tous moyens d'attaque, ils font venus verfer des flots de fang en pure perte, fous les murs d'une bicoque telle C[ueGranville ; la crainte d'être trahi, de manquer de vivres, & de fe trouver accule's contre 1'Oce'an fans aucun moyen de falut, a engagé ces vidimes ge'nèreufes a rentrer dans 1'inte'rieur des terres, & a fe frayer une route au milieu d'une multitude innombrable d'ennemis, avec les feules reiTources du de'fefpoir. L'Arment des Anglois eft arrivé' a Gutrnefey bien peu de temps après; mais ce retard a fuffi pour qu'il ne refte plus aux gens honnêtes que des larm.es a repandre, fur le fort  - 65 - fort de tant de milliers de fujets fidèles, qui, fans doute feroient maintenant 1'objet de nos plus chères efpe'rances, & des craintes les mieux fondees de la Convention. On ne peut pas calculer les confe'quences d'une conduite, auffi contraire aux interets d'une faine politique qu'a ceux de 1'humanite'; de'ja 1'e'difice monftrueux de la République feroit tombe' en ruines, fi 1'on avoit fenti a temps qu'on ne triomphera jamais de la France, fans aflbcier plus ou moins les Francois a fes efforts; que la contre-re'volution tenoit furtout aux fuccès des Royalifies; que la formation de leur Armee e'toit de nature a fe grofilr de cette foule de fujets fidèles, opprime's ou contrahits de feindre le patriotisme; qu'enfin elle e'toit e'tablie dans un canton extremement abondant, entièrement de'garni de places fortes , ou le fuccès de'cifif d'un feul jour pouvoit de'terminer la conquête de plufieurs de'parteE  — 66 — mens, & conduite 1'Arme'e trioinphante fous les muis de Paris. Je paffe au fecond exemple qui n'eft guères moiiis affligeant pour le cceur de 1'homme fenfible, ni moins decifif pour les progrès des Allie's; il fuffira malheureufemeht d'expofer les faits. Un bonheur infigne, & tel que les chances de la guerre n'en ont peut-être jamais fourni d'exemple, a mis Toulon entre les mains des Anglois, fans qu'il leur en ait coute' ni un feul homme ni un feul coup de canon; ils y ont trouve' vingt-trois VaiiTeaux de ligne fuperbes, dont deux de 120, trois de go & tous les autres de 74 pièces de canon, avecun nombre proportionne'de frégatesóc autres batimens de guerre, trois mille canons appartenant a la marine, fans compter une Artillerie confiderable pour ia terre; des munitions de toute efpèce en abondance; toutes fortes d'approvifionnemenspour  - 67 - 1'e'quipement des VailTeaux; & une popu* lation devingt-cinq a trente mille habitans, en géhe'ral bien difpofés a foutenir vigoureufement la demarche de'cifive qu'ils avoient faite, en commencant par meconnoitre 1'Autorite' de la Conventiou & finisfant par fe livrer a fes ennemis. Tout concouroit a engager les Allie's a Je mettre Ie plutót polTible en e'tat de faire une guerre offenflve, *) <3c la pofition geographique de Toulon offroit pour cela les plus grands avantages, entr'autres celui de ne rencontrer aucune place, dans quelque directioa E z *) II n'auroit pas fallu beaucoup plus de forces que pour garder convenablemenc la ville & la rade de Toulon, oü 1'on étoit cbligé de répartir les Troupes en dixfept poftes importans, dont les pr ncipaux, te!s que la redoute de Balaguier & la montagne de Pharon qni ont été forcés par les patriotes, étoient éloignés de pres de deux lieues & féparés par la mer, de maniere a ne pouvoir fe donner mutuellement aucune efpèce de fecours» t  — 68 — qu'on voulut porter fes eftbrts. Les régicides n'e'toient pas en force dans cette partie, n'avoient presque point de Troupes de ligne, ne fe procuroient des munitions de guerre «5c des vivres qu'avec une difficulte' extréme. C'e'toit Je feul moyen de faire e'vacuer le Comte' de Nice, de rendre par la a 1'Arme'e^ Pie'montoife «5c Autrichienne toute fon activite'; de fe concerter avec les Efpagnols du RouJJitlori, «5c de profiter du voifinage de quelques Départemens, dont les difpofitionsne font pas e'quivoques, pour ope'rer la contre-re'volution dans lemidi.— Qu'a-t-on fait pour conferver uneconquête fi pre'cieufe & fi inefpe'ree? on y a mis une affez foible gamifon, compofe'e de quatre Nations e'trangères, parlant autant de langues bien diftincles, «5c plus divifees encore par les vues «5c les animoiltes que i par le langage. Sans doute, il a bien falln | dans le premier moment fe fervir de tout  — 69 — ce dont on pouvoit difpofer; mais, par quelle fatalite n'a t-il e'te'queltion que dans les Gazettes, de ces fix mille Autrichiens qui devoient s'embarquer d'abord a Genesy » enfuite a Livourne, & pour lesquels on avoit prepare' depuis fi longtemps des batimens de transport? qu'eft ce qui a pu diffe'rer 1'envoi d'un pareil nombre d'Anglois, raffembles a Cork en Irlande presque dans les premiers momens, au point de les fajre arriver un mois après 1'e'vacuation? un feul de ces renforts eut probablement fuffi, pour de'fendre cette place importante contre les efforts d'un ramafiis de vingt-cinq mille hommes, leve's a la bate. Sa perte a dependu de la prile d'une feule redoute, qu'on avoit eu le temps de fortifier bien a loifir & qui n'a pas tenu une heure, tandis qu'a Cajfcl, vis a vis Mayence, ou il n'exiflöit pas veflige de fortifications, les Re'gicides avoient fait en un inftant des ouvra- E 5  — 7o — ges en terre, fi formidables, que les Auuichiens & PruiTiens re'unis n'ont pas paru croire a la pofiibilité de les attaquer avec fuccès. Pe'nétre' de la conduite, au defius de tous les e'loges, que tient rnaintenant le Gouvernement & le Peuple Britannique, je rejette loin de moi tous les bruits outra. geants pour la loyaute' angloife, auxquels Let*e'venement a donne'lieu; je les regarde comme 1'effet de Ja malveiJIance, ou de Pinjuftice qu'ïnfpire trop fouvent le malheur. Mais, avec le même efprit d'impartialite' & de jüfKcê', j'infiflerai fur un objet qu'on n'a pas alTez releve', & qui ne pourroit être qu'une combinaifon de pohtique atroce, fi Pon ne devoit 1'attribuer a une négligence fans exemple, comme fans excufe; je demanderai pourquoi on n'a pas dumoins fonge'a mettre en furete', en Italië ou en Efpagne, tous les vaiffeaux Franeois,  — 71 — dès le moment 0111'on a commence a avoir des inquie'tudes fondees fur la confervation de la place, le jour oü le Commiffaire Britannique Gilbert Elllot faifoit part de fes vives craintes au Gouvernement & finiffoit par dire, qu'a moins d'un renfort prochain, on pourroit a peine fe llatter de poffe'der Toulon jusqu'au vingt-cinq De'cembre . .,, les bons Frangois, re'duits a regretter en quelque forte que tous les VailTeaux n'ayent pas e'te rèduits en cendres, ne peuvent ne'anmoins s'empêcher de pleurer Ia perte de ceux qui ont ète' la prove des Hammes, & qu'on eut pu fauver fi aife'ment. Penfez-y bien, vous tous entre les mains de qui repofent les deftinées de 1'Europe; il vaut incomparablement mieux n'avoir point de fuccès, que de faire fans ceiTe des pas retrogrades. Quelle confiance efpe'rez-vous maintenant infpirer aux mallieureux Franeois, les plus ennemis ineme E 4  de la tyrannie acluelle? les honnétes gens de Longwy, de Verdun, & d'une partie de la Champagne, cjui vous ont te'moigne' quelque interet, i'ont paye' de leur téte ou bien ils expient, dans la mifere & dans 1'exU, leurs efForts pour favorifer les progrès de vosarmes; vingt mille habitans de Toulon de tout age, de tout fexe & de toute condition, errent fur une terre e'trangère en proye aux horreurs de 1'indigence «X du üe'feipoir, Sc plufieurs centaines de ceux qui font refle's dans les murs de cette ville infortunée, condamnee a une deftruction totale, ont maudit, au milieu des fupplices, vótre cruelle vifite; . les dignes babitans d'Haguenau Sc de toute la partie de CAlface conquile, font immole's ou fugitifs-. ceux du Fort Louis, ne fachant plus ou repofer leurs têtes, regrettent de n'avoir pas, a 1'exemple de Landau, cberche' a vous oppofer toute la ïefiflance dont leur ville e'toit fufceptible j les ravages partiels de vos  — 73 — bombes n'euflent fait qu'endommager plus ou moins leurs demeures, dont vos mines ont bouleverfe'le fol de fond en comble... Non, des batailles perdues ne vous auroient pas nui aufll ellentiellement que vos fuccès ephemeres. Mais jettons un voile lugubre fur des calamités malheureufement irréparables, & ne rappellons les fautes du patTe' que pour y puifer de falutaires lecons pour 1'avenir. Ce qui fait aujourd'hui 1'objet de nos regrets, doit ctre en même temps le motif de nos plus vives efpérances; il efl évident que les Gouvernemens de 1'Europe, font loin d'avoir dcploye' tous les moyens qui font a leur difpofition, & d'en avoir toujours fait un emploi convenable, tandis qu'on peut déïier le Comité de falut public de montrer plus d'enfemble, d'activité, de vigueur, &. d'e'nergie. Qiie lesRois de'pofeilt enfin (ou dumoins qu'ils les ajournent  — 74 — a des moment plus calmes) ces vues d'inte'rêt, ces projets d'aggrandiflement, ces haines perfonnelies, ces calculs funefies de 1'égoïsme qui fourniflent aux malveillans des armes fi dangereufes, qui refroidiffent & decouragent les fujets fidèles; qu'ils foient toujours jufles & grands, qu'ils fe montrent dignes de leurs hautes deflinées; que la cle'mence & la bonte' pre'fident a leur Gouvernement & leur gagnent tous les coeurs honn'êtes, mais en même temps, que la verge de fer foit prête a frapper le premier perturbateur du repos public, qui feroit tente' de prendre cette boute' pour de la foiblefle. Que les Ge'ne'raux fachent fe mettre au defius de ces calcuis mileïables & retrecis de 1'orgueuil, qui ont fi fouvent fait couler les larmes de 1'humanite'; qu'ils fe pe« ne'trent bien de la fublimite' de leurs functions augufies; qu'ils neperdent pas de vue  — 75 — qu'ils n'appartiennent plus a telle ou telle Nation en particulier, mais que 1'Europe entiere les a charge's de deTendre fa gloire, fes interets, fon exiftence, contre des hordes Cannibales qui en ont jure' la fubverfion & 1'aiieantifièmenf; que toutes les faculte's de leur ame foient dirigees vers ce bufunique; qu'ils fe rappellent que c'en e'toit fait de Rome, fi Annibal y eut conduit fon Arme'e vicrorieufe imme'diatement après la bataille de Cannes, & que Rome ne tarda pas a detruire Carthage ; enfin, que 1'exemple du Marechal de Boujlers allant fe ranger, a Malplaquet, fous les ordres de Villars, qu'il avoit le droit de commander êc qui le preffbitd'accepter lecommandement, leur apprenne que la vraie Gloire & le comble de 1'he'roïsme confiiient, a faire le facrifice des confide'rations perfonnelies, toutes les fois qu'il peut en re'fulter quelque avan- tage pour 1'utilite' publique Aiors, fuc- combant de toutes parts, le crime expiera  - -* - fes trophe'es enfanglante's; la Religion éplore'e pourra efpe'rer de voir affermir