S E R M O N S SUR DINERS TEXTES D E L'ECRITURE S A 1 N T E.   SERMONS SUR DINERS TEXTES D E L'ECRITURE S A I N T P A R JAQUES GEORGE DE CHAUFEPIE, Pafieur de VEgüfi Wahnm $Amferdam< TOME SECOND, A AMSTERDAM,Chez D. J. CHANGÜlOtt. MDCCLXXXYil   T A B L E DES S E R M O N S, Contenus dans ce II. Volume. PREMIER SERMON. Sur le Sacrifice d'Abraham. Or il arriva apris ces chofes, que Dieu éprouva Abraham, fcf lui dit; Abraham, & il répondit; me voici. Et Dieu lui dit ; prens maintenam ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Ifaac, t'en va au pays de Morijah, &f l'offre - la en holocaufie Jur l'une des montagnes, que je te dirai. Abraham donc s'étant levé de bon matin tnit le baji Jur fon (ine , &f prit deux de fes ferviteurs avec lui & ifaac Jon fils , ayant fendu le bois pour Yholocaujte il Je mit en chemin, & s'en alla au lieu, que Dieu lui avoit dit. Le troijieme jour Abraham levant fes yeux vit le lieu de kin. Et il dit a Jes ferviieurs; demeurez ici avec ïdne ; moi & renfant marcherons jufques ■ let adorerons, après quoi nous reviendrons h vous. Et Abraham prit le bois de Vholocaufie, le mit Jur Ifaac fon fils, & prit le feu en fa main z$ un couteau, £ƒ ils s'en allerent tous deux enfemble. Ators Ifaac paria h Abraham fon pere dit, Mon Pere: Abraham répondit ; Me voici mon fils. Et il dit; voici le feu & h bois; tnais ou ejl la béte pour 1'holocaujle? Et Abraham répondit j Mon fils, Dieu fe pourvoira lui' * 3  vj T A B L E. mcmc de btte pour Vholocaufle: 6f üt marchoient tous deux enfcmble. Et étant arrivés au lieu, que Dieu lui avoit dit, Abraham bdtit la un autel, fc? rangea le bois, & enfuite il lia Ifaac fon fils, £f le mit Jur l'autel au dejfus du bois. Puis Abraham avnv.gant fa main fe 'J ai fit du couteau pour égorger fon fils. Mais YAnge de ï'Eternel lui cria des cieux en difant, Abraham, Abraham, lequel répondit ; me voici. Et il lui dit; ne mets point ta main fur Venfant, fc? ne lui fais rijen; car maintenant j'ai connu, que tu crains Dieu , puifque tu n'as point épargné pour moi ton fils, ton unique. Et Abraham levani Jes yeux regarda , fëf voila derrière lui un belier, qui étoit retcnu a un bwffon par fes cornes, Abraham alla prendre Ie belier, & l'offiit en holocaufle au lieu de fon fils. Et Abraham appclla le nom de ce Keu-la; VEtcmel y pourvoira: cejt pourquoi on dit aujourd'hui; en la montagne de ïEternel il y fera pour vu. Et YAnge de Y Etcmel cria des cieux a Abraham pour la feconde fois en difant: J'ai juré par moi-même, dit l'Eternel; paree que tu as fait cette chofe ci, fcf que tu nas point épargné ton fils, ton unique ; certainement je te bénirai, je multiplierai trés abondamment ta poflérité comme les étoiles des cieux, comme le fable, qui efl Jur Is bord de la 'mier, & ta poflérité pojjedera la porte de fes ennemis, & toutes les nations de la terre feront bénies en ta femence, paree que tu as obèï k via voix. Genefe'XXII. 1-1S. Pag. i SECOND SER MON. Sur la Grandeur de l'épreuve d'Abraham: même texte. . . . 28  T A B L E. vn TROISIEME SERMON. Sur la Foi vi&orieufe: même texte. 55 Q^UATRIEME SERMON. Sur leTriomphe de 1'Obéïflance: même texte.85 CINQUIEME SERMON. Sur la Foi & 1'Obéïflance couronnées: même texte. . . . ni SIXIEME SERMON. Sur le Type d'Ifaac: même texte. 137 SEPTIEME SERMON. Sur les rechutes dans le pêché. Depuis Jèfus le trouva au Temple, £? lui dit; Voici, tu as étéguéri; ne pêche plus déformais, de peur que pis ne t''arrivé. Jean V. 14. 167 H UIT IE ME SERMON. Sur 1'Empire du cceur fur 1'efprit. ,„ Et Agrippa répondit a Paul: Tu me perfuades h. )tu prés d'être Chretien. A&es XXVI. 28. 19Ö NEUVIEME SERMON. Sur les funeftes efFets du Chagrin. 3ls exciterm aujji fa colere auprès des eaux eg  vm, T A B L 2. Mèriba, Ö il en advint du mal ct Moïfe &, cauft d'cux, car ik chagrinerent fon efprit, ö" il paria lêgérement de fes levres. PC CVI. 32, 33. zt6 DIXIEME SERMON. Sur la Douleur>qu'infpirent auxGensde bien les égaremens des Pécheurs. Cet homme jujie, qui dèmeuroit parini ettx, les voyant & les entendant affiigeoit tous les jours fon ame jujie , a cauje de kurs mèchantes aftions. 2 Fierre II. 8. . z$i ONZIEME SERMON. Sur les Reflburces du Fidele dans 1'Adverfirf. Qjuwd favois beaucoup de penfèes au dedans de moi, tes confolations ont recréé mon ame. Pïêaume XCIV. 19. ... ^78 DOUZIEME SERMON. L'impeccabilké du Fidele. Quiconque ejl né de Dieu ne fait point de pêché, car la femence de Dieu demeure en lui: Et il ne peut pécher , paree qu'il efi né de Dieu. 1 Jean in. 9. . a«7 Les Eglifes Examinatrices ont approuvé les Sermons contenus dans ce volume & dans le fuivant. L'Editeur a eittre fëi masins 1'aÖe d'ap- probatiou. tl  LE SACRIFICE D' A B R A H A M. Après ces cbofes il arriva, que Dieu tenta Abraham , £ü> lui dit, Abraham ! Et il répondit, me voici. Et Dieu lui dit, prens maintenant ton fils, ton unique, lequel tu aimes, favoir Ifaac, £5? fen va dans la contrée de Morija, £5? Toffre-lb, en holocaufle Jur Tune des montagnes, que je te dirai Genese Ch. XXII. vs. 1-18. PREMIER SERMON. C'est un portrait de Tamour divin également vif & naturel que celui, que Salomon en tracé au Ch. VIII. du Cantique des Cantiques. Vamour ejl fort comme la mort, £f la jaloufie dure comme le fépulchre. Ses embrdfemens font des embrcïfemens de feu, £3? uneflanime très-vêbemente. Beaucoup d'eaux ne pourroient éteindre eet amour-la, £5? les fleuves mémés ne pourroient le noier. Quels traits! Quelles images! Oui, M. F. Tamour pour Dieu ne cohnoit rien au deflus de robjet qui Tenflamme, triomphe des plus grands obftacles, dès qu'il s'agit de lui plaire, & de lui donner des preuves de fa fincérité Tomé II. A Exorde. vs. 6 Sc 7;  2 SERMON I. & de fa pureté. Amour généreux & tendre,qui irnmole a Dieu tout ce qu'il polFede, & qui fe réfout fans balancer aux plus pénibles facrifices. Mais un amour de ce caraclere n'eft-il pas une chimère? Exiltet-il des originaux de ce beau portrait ? Mts Freres, a en juger par la conduite ordinaire des hommes, on n'a que trop lieu de penfer, que le tableau, tracé par Salomon, eft la produclion d'une imagination, qui fe livre a renthouliafme poëtique. Oü trouve-t-on de nos jours des cceurs brülans d'amour pour Dieu ? De ces cceurs uniquement attentifs a lui plaire ? S'il en eft encore, ils font cachés, co,> fondus dans la foule, & on ne les dérnêle que difficilement. Ce que 1'Eglife. Chro tienne ne nous fournit qu'avec peine, PKglife naiffante nous en offre un exempie aullï illuftre que rare & extraordinaire en la perfonne d1'Abraham. Ce faint homme, que fon amour & fon dévouement pour Dieu ont rendu & rendront a jamais célebre dans 1'Eglife, en donna les preuves les moins équivoques, en obéïffant a Fordre le plus terrible , que regut jamais aucun mortel. C'eft 1'hiftoire d'un événement auiïi digne d'attention que nous nous propofons de méditer. Elle eft d'une nature a faire fur nous les plus profondes impreiïions, & elle nous offre les plus inftructives leqons. Aufli mon deflein n'eft-  \ Le Sacrifice d''Abraham. j il pas de palier rapidement fur de fi intéreffans objets, mais de traiter ce fujct dans une jufte étendue , & nous cLfti nons quelques Difcours a une méditatiur fi utile. Nous rapportons nos idéés a fix Chef! principaux. 1. Nous ferons des réflexion. générales pour éclaircir Phifioire. li. Now examinerons la grandeur de Pépreuve, 2 laquelle Dieu mit Abraham. IIL Noui confidérerons la foi du Patriarche viflorieufe dans les plus rudes combats. IV. Nous vous retracerons les triomphes de fon obéïjfance. V. Nous vous montrerons' fa foi £5? jon obéïffance couronnées. VI. Enfin nOus méditerons les vues myflérieujes de la Providence dans eet événement. Püisse cette méditation nous inftruire, nous toucher, & nous eneourager dans la pratique de nos devoirs! Puiffionsnous, imitateurs de Ja foi & de robéïilanced'Abraham, juftifier, que nous fommes la poftérité fpirituelle de ce Patriarche! Ainli foit-il. Nous devons d'abord faire des.réflexions générales pour réclaircilTement de rhiftoire de mon texte. C'eft a quoi je dtftine ce premier difcours. Six réflexions principales en feront le fujet, elles rouleront. 1. Sur la perfonne le caratlere d'Abraham. 11. Sur les cireonftances, oii il je trouvoity quand Dieu lui ordonna de fa~ A 2 Plan de ce Difcours.  i i i. La per jonne £f le caraSere i' Abraham. ^ SERMON I. rifier fon fils. III. Sur ce qu'il ejl dit, me Dieu le tenta dans cette occafton. IV. Sur le Lieu, oü Dieu ordonne a Abraham iïimmoler fon fils. V. Sur les preu. ves, que le Patriarche eut, de la divimté de la révélation, qui lui ètoit addrefjèe. VI. Sur la manier e, dont Dieu intima fes ordres a Abraham. 1. Première réflexion fur la perfonne £f 'fur le carallere tf Abraham. Ce Patriarche étoit un des defcendans de Scm, par Arphaxad, dont la familie fe partagea en deux branches. Joktan, Chef' de Fune, condiulk une Colome vers 1'Orienf,. Peleg, Chef de 1'autre, fe fixa a Ur des Chaldéens, prés de Sinhar & de 1'AfTyrie, oü Arphaxad s'étoit établi. Ce futla que naquit Abraham deTaré, le quatrieme deicendant de Peleg. Tarê avec toute fa familie fut obligé de quitter ce lieu , ou plutöt il en fut chafle par les Chaldéens, paree qu'il refufa de fe conformer a 1'idolatrie de ce peuple: fi 1'on ajoute foi au récit de 1'Auteur du Livre de Judith, Ch. V. Quoiqu'il en foit, il eft certain , que Taré avec toute fa familie abandonna Ur, & vint s'établir a Caran, dans la partie la plus éloignée des Babyloniens du Pays, que nos Ecrivains facres appellent Mêfopotamie. Dieu , qui avoit <]e grandes vues fur Abraham, fe révéla a lui, & lui ordonna de quitter ce Pays  Le Sacrifice d'slbraham. $ & fes parens, & de s'en aller au Pays, qu'il lui indiqueroit. Abraham obéït, & ne fut point rebelle a la voix célefte. II fe tranftorta au Pays de Canaan , oü il clemeura comme étranger, tantöt d.ms un lieu j tantöt dans un autre. Pendant le féjour qu'il y fit, Dieu fe communiqua fréquernment a lui, & 1'inftruifit du choix, qu'il avoit fait de fa perfonne, pour 1'honorer de fon alliance. Une famine, qui défola le pays de Canaan, quelques années après qu'Abraham s'y fut établi, 1'obligea de palfer en Egypte, d'oü il retourna peu de tems après en Canaan. Ce Patriarche fe diftingua par la fupériorité de fes lurnieres & par 1'éclat de iks vertus; fut grand devant Dieu fep devant les hommes. C'eft ce qui paroit, non feulement par le récit de Moïfe, mais anfii par celui des plus anciens Hiftoriens du Paganifme ,^ & par fa grande réputation ; le nom d'Abraham étant encore célébre dans tout 1'Oriënt. Berofe dit, qu'il ètoit jufle fep grand, fep parfaitement injlruit des chojes célejles. Nicolas de Damas rapporte, que fon nom ètoit fdmeux dans toute la Syrië, fe? qu'il augmenta la réputation, qu'il $ ètoit dé ja acquife, en converfant avec les j plus favans des'Prétres Ejyptiens , qu'il ] convainquit cferreur ; fep auxqucls il démontra les vérités ds fa Religion, avec tant de clartè fe? d'évidence, qu'il fut reA 3 Aa. xxvr. 19. Hebr. XI. 9- Jofepb. ito. lud. 1 6. 7. Eufebs 'raïp. Ev. ..,IX. C. 6. ViJ. 'a/e/ti ïxcerpt. ». 490.  6 SERMON L Eufe'o. bi fup. :. 17. gardé (teux comme un génie fupérieur, également capable (Pentendre lui-même, d'cxpliquer aux autres des ehofes difficiles. Eupolême, autre Hiftorien ancien allure , qifil JurpaJJoit les autres hommes enjagejje, fep que par Ja piété extraordinaire, £5? par jon attachement a fa Religion, // Je concilia la bienveillance de la Divinité. Nous nous ferions difpenfés de ce detail, s'il n'eüt été que fimplement curieus ; mais il nous a paru important & néceflaire, pour prouver contre les ennemis de la Religion, Abraham ne fut pas un homme d'un petit génie, crédule & fuperftitieux. 11 eft ordinaire a nos prétendus Pbilofophes modernes de repréfenter les Chefs de la Religion révélée , ou comme des Importeurs, ou comme des Fanatiques. A entendre les Incrédules, on diroit que de grandes connoiffances font incompatibles avec la perfuafion d'une Religion émanée du Ciel, la créance a des révélations furnaturelles; que la piété & la fcience ne marchent gueres de pair. Abraham nous fournit une preuve du contraire. Tous les Hiftoriens profanes, de même que -Moïfc, s'accordent a nous Ie dépeindre comme un homme fameux , non fenlement par fa piété «Sc par fon attachement a la véritable Religion , mais ertcore par des lumieres fupérieures. On ne peut donc foupconner eet illuftre Pa-  Le Sacrifice tf Abraham. 7 triarche de s'être livré a des vifions fanatiques; d'avoir pris les chimères d'une imagination échauffée pour des révélations divines; de s'être trompé fur le caradtere des ordres du Ciel, qu'il prit pour régie de fa conduite. Si fa piété «Sc fa foi le rendirent docile a la voix de Dieu , fes lumieres & Pélevation de fon génie, le mettent a couvert du foupcon d'illuüon. Et l'alTemblage des plus rares qualités de 1'efprit & du cceur ne permet pas de le taxer d'impoiture. Ce font-la des principes, dont il faudra nous fouvenir dans la fuite de nos réflexions fur 1'Hiit.oire, que nous méditons. II. Fesons réflexion en fecond lieu fur les circonfiances, oü Abraham fe trouvoit, lorfque Dieu lui ordonna d'offrir fon fi!s en holocaufle. Jamais peut-être on ne vit de fituation plus agréable, plus douce «Sc plus heureufe , que celle d'Abraham , lorfqu'il recut eet ordre accablant. II venoit d'affurer fa tranquillité au dehors, par le Traité, qu'il avoit conclu avec Abimelechy Roi de Guérar. La paix regnoit dans 1'intérieur de fa familie, dont ii avoit banni tout fujet de jaloufie, par Féloignement cYyJgar & dfjmael, & par fa fqxiration d'avec Lot. Comblé de biens «Sc de richelfes il alloit de pair avec les Rois de fon tems. Et les nations, avec lefquelles il étoit en commerce, en agïffoient A 4 11. Circott' (lances, rit Abraham je '.rouvoic.  8 SERMON I. Peut. XXXII. 4- XXXI. Ff. 16. fi. XXX. 7» envers 'ui, comme avec un grand Prince. Dieu lui avoit accordé dans fa vieilleffe un fils, qui commencoit a répondre a fes foins, & fur la tête duqnel repolbient les plus magnifiques efpérances. Èn un mot tout concouroit a préfager a Abraham 1'avenir le plus heureux, lorfque tout a coup Dieu vient, femble-t-il, confondre toutes fes efpérances. Un ordre efirayant, & dont 1'exécution devoit naturellement répandre de 1'amertume fur le refte de fa vie, vient le troubler dans le fein de fa profpérité, pour faire fuccéder aux plus beaux jours des jours ténébreux & de douleur. Etonnante , mais fage difpenfation d'une Providence, dont /'oeuvre eft parfait e, fe? dont les voies ne font que jugement fe? èquitè ! Oui, Chretiens, Dieu trouve quelquefois a-propos d'éprouver les Fideles, dans le tems que tout paroit les favorifer , pour leur faire fentir la dépendance intime, oü ils font de lui. Le calme le plus profond efr. en bien des occafions 1'avant-coureur d'une horrible tempête. La profpérité, pour laquelle nous foupirons, produit généralement les plus dangereux effets. Nous oublions fouvent, que nos tems font en la main de PEternel; témoin eet aveu de David; quand fétois dans ma profpérité, je dijois, je ne ferai point ébranlé. Celt pour prévenir eet égarement, ou pour ramener ceux, qui y  ■Le Sacrifice Abraham. p font tombés, que Dieu cache quelquefois ja face, & qu'il fait fuccéder les ténébres a la lumiere. Dans le tems que David, après de longues difgraces, fe voit paifible polleffeur du tröne d'lfraël, aimé de fes fujets, refpeclé de fes voifins, redouté de fes ennemis; un fils tendrement aimé confpire contre lui, leve 1'étendart de la révolte, chafTe ce Monarque de fon palais & de fa capitale; le met en danger de perdre la couronne & la vie. Qui de nous M. F., s'il fait réflexion fur les événemens de fa vie , ne peut fournir des preuves de cette vicitïitude ? Combien de fois n'avons-nous pas éprouvé ce que dit Jéjus fils de Sirach, que le tems change du matin au J'oir, fep que tout es chofes fe font enun moment devant le Seigneur 1 N'avonsnous pas vu les plus cruelles afflictions nous aitaillir au fein de la profpérité j On ne fe late que trop communément, lorfque tnut fuccede au gré de nos defirs, & que notre fituation nous paroit a 1'abri des atteintes des hommes , que 1'on n'a rien a redouter, & qiCon ne verra point de dueïl. JMous comptons fur un bonheur inaltérable, quand nous n'appercevons point par quel endroit il pourroit être troublé. Mais que Dieu a de moyens, qui nous font inconnus, pour nous faire fentir qu'il tient notre fort entre fes mains, & qu'un inftant fuffit pour confondre nos vceux & A y Ecclellaft. tVIII. 26. Apoc.  Hebr. XII. 6. iii. Sur ce qw Dieu tenta jlbitbam. Gen. xxi 18-30. x Sam. VI i. 10 SERMON I. nos efpérances! Sentons cette vérité, & que 1'exemple $ Abraham (erve a la graver dans notre cceur. Mais en même tems que eet exemple nous apprenne, que ces coups imprévus de la main divine , quelques rudes & accablans qu'ils nous paroisfent, ne doivent jamais nous infpirer des penfées de découragement & de défefpoir, puifque Dieu chdtie ceux qu'il aime , & qu'il fe plait a éprouver fes enfans par les endroits les plus fenfibles. Souvenonsnous toujours, que ce fut a Abraham que Dieu demanda le facrifice d'un fils unique, dans le tems que ce faint homme jouïilbit de la plus brillante fortune. III. Notre troifieme réflexion eft defti' née a éclaircir ce que FHiftorien dit, que Dieu tenta Abraham dans cette occafion. Quelques Docteurs Juifs traduifent, que Dieu fe mit en colere contre Abraham; & prétendent, que 1'ordre d'immoler Ifaac fut un chatiment. Que fi 1'on demande, de quel grand crime le Patriarche s'étoit rendu coupable? Us répondent, que c'eft qu'il avoit donné une marqué de fujet• tion a Abimelech , en lui préfentant Jept agneaux, lorfqu'ils avoient traité alliance enfemble: ce qu'il n'auroit pas dü faire fans un ordre exprès de Dieu. Ils ajoutent, que ce fut a caufe de cela que, du tems du fouverain facriticateur Héli, 1'Arche 'fut captive pendant Jept mois chez les  Le Sacrifice cPAbraham. 11 Thilijlins. Mais ce font-la des rêveries, qui n'ont d'autre fondement que 1'imagination des Rabbins. Le terme de Foriginal lignifie tcnter. Mais quoi! Dieu tente-t-il donc les hommes ? Non M. F. a prendre ce mot dans un mauvais fens. St. Jaques nous aporend, que Dieu ne peut étre tenté de maux, fep auffi qu'il ne tente perfonne. Quand ii ell queftion de Dieu, nous ne pouyons trop épurer nos idéés, pour ne pas lui attribuer des chofes indignes de cette fainteté parfaite, qui eft le plus augufte caractere de fon eflènce. II faut donc écarter ici du terme de tent er tout ce qu'il a d'odieux. Lorfqu'il s'applique a Dieu, il ne lignifie pas Jolliciter au mal, mais mettre a 1'épreuve, pour connoïtre les dilpofitions de quelqu'un. Et a prendre cette expreffion dans ce fens, il faut encore, quand il s'agit de Dieu, en éloigner toute idéé d'ignorance & d'incertitude , que fuppolènt dans les hommes les éoreuves qu'ils font. Dieu, qui jonde les cceurs fep les reins, n'a pas belöm d'éprouver les humains pour connoïtre leurs penfées. II pénétre & démêle les fentimens les plus cachés de leur cceur. Un célebre Théologien de nos Provinces a une penfée trés - finguliere fur ce fujet. II pré-1 tend, que dans cette occafion & dans les \ autres, oü Dieu eft dit avoir tenté ou éprouvé, il ne s'agit pas de 1'Etre fuprê- Jaq. I. 13. [er. XVII. 10, EpifcopiHs nft.Theol. . II. C. 9. 42.  12 SERMON I, j Tim. VI. / me lui-même, mais cTun Ange, d]un firnple envoyé de Dieu; qui, ou de ion pn> pre mouvement, ou par 1'ordre de Dieu a voulu mettre les fideles a 1'épreuve, & qui ignoroit lui - même , quel feroit 1'événement. Sans entrer dans le détail de toutes les raifons particulieres, que Ton pourroit alléguer contre cette opinion; il fuffit d'oblèrver en général, que YAnge de VEternel, dont il eft parlé dans notre hiltoire, & dans un grand nombre d'autres endroits de 1'Ancien Teftament, eft caractérifé par des traits, qui ne conyiennent en aucune facjon a un Etre créé, par conféquent la difficulté eft toujours la même. Difons donc, que Dieu tente ou éprouve les hommes, tantöt en fa colere, tantöt en fon amour, 11 eft des occafionsjoü donnant un libre cours a fa juftice il abandonne les hommes a eux-mêmes, & permet pour le chatiment des coupables, qui ont négligé de profiter de fes graces, qu'ils tombent dans la tent at ion £=? dans le piege. Quelquefois auffi Dieu place fes enfans dans des circonftances facheufes, pour que leurs vertus , mifes a 1'épreuve foient clairement dévoilées, perfecrionnées, & glorieufement couronnées. 11 les appelle au'combat, afin qu'ils puisfent s'affurer eux - mêmes de la folidité de leur foi, & de la fincérité de leur amour pour Dieu, par les triomphes, qu'ils rem-  Le Sacrifice et Abraham. 13 portent dans ces occafions périlleufes. C'eft de cette maniere, 6c dans ces vues que Dieu tenta & éprouva Abraham dans cette circonftance. Il 1'avoit déja mis a d'autres épreuves. Les Juifs en comptent dix, en tout. Mais il voulut par celle - ci mettre fa piété dans tont fon jour. 11 voulut, qu'attaqué par 1'endroit le plus fenfible, il ne püt refter le moindre nuage fur la fincérité de fon dévouement aux ordres du Ciel. Et de la vient fans doute , que cette épreuve eft appellée Ia tentation par excellence. Car il eft remarquable, que c'eft a ] 'égard de cette épreuve uniquement qu'il eft dit, que Dieu tenta Abraham, comme fi tout ce que Dieu avoit exigé jufques alors de lui n'eüt été d'aucune importance; ou plutöt pöur nous apprendre, que, quels que foient les facnfices, que nous avons faits en faveur de Dieu par le pafté, ils ne nous difpenfent point de lui en faire dé nouveaux; que ce Maïtre fouverain eft toujours en droit d'exiger de nous le fkcrifice de ce que nous avons de plus cher. Dans le fond ya-t-il rien de plus naturel? De qui Dieu doit-il attendre le plus de dévouement que de ceux, qu'il aime, & dont il eft aimé? 11 n'eft que trop ordinaire aux hommes, même aux Fideles , de tomber dans 1'abattement, lorfque Dieu les éprouve coup fur coup; & qu'un facri-  H S E R M O N I. Jaq. II. 23, I Pierre Pf.XLII.6. fice n'eft pas fitöt fait, qu'il en demande un autre. On croit voir dans cette dispenfation de la Pjrovidence des marqués de la colere divine. Au moins on penfe y trouver un prétexte fpécieux pour ne pas obéïr. Détrompez - vous, Chretiens, & apprenez par 1'exemple d'Abraham, que les Fideles les plus diftingués, les ands de Dieu, font expofés aux plus grands combats ; qu'il attend d'eux des preuves d'amour, proportionnées aux intimes liaisons qu'il a avec eux ; afin que Pépreuve de leur foi, beaucoup plus précieuje que Por, qui toutefois eft éprouvé Ja portée, «Sc s'en fervir avec la retenue, qui convient k des êtres , dont Pintelligence eft renfermée dans une fphêre bornée. C'eft ce que rit Abraham. Les décifions de la Foi, fupérieures k ce'les de ' la Raifon , & par cela même plus refpectables chez, lui, fervirent de régie 76 SERMON III. du trifte efclavage, oü il fe trouvoit récfyit a eet égard ? Que 1'exemple d'Abraham nous apprenne a méprifer toutes les vues humaines. Si nous fommes guidés par la Foi, nous nous eleverons fur les ailes jufques a la plus folide gloire. Que nous importe , lorfqu'il s'agit d'obcïr k Dieu, «que nous importe que notre conduite foit honorée des applaud'lfemens des hommes ? Que nos demarches excitent leurs cenfures ou leurs acclamations ? lis ne font ni des juges compétens du véritable héroïfme, ni les arbitres de notre fort. C'eft Dieu feul, qui connoit tout le prix des facrifices , que 1'homme de bien fait pour lui plaire. C'eft Dieu feul, dont 1'approbation «Sc les éloges font au delfus de toute eftimation. „ Juftes, qui vivez de la foi, cédez, cédez a des ames Ikches «Sc ram3, pantes le méprifable honneur, 1'indigne „ fatisfaction d'éviter les reproches, & de 3, mériter les louanges de ceux , qui leur „ reffemblent! Mais vous pènétrez au „ dedans du. voile, «Sc la vous fèrez éblouïs „ de la gloire, dont vous devez être cou„ ronhés! Si, comme Abraham , vous „ êtes appellés k de pénibles combats, a „ des combats. qui femblent au delfus des „ forces de 1'homme, vous devez aulfi „ comme lui afpirer k une gloire plus „ qu'humaine, & les éloges du Maitre du „ monde font feuls dignes de votre ambi"  La Foi Fiilorieufe. 77 „ non!" Suivons M. F., iuivons les lecons de la Foi. Livrons-nous aux fentimens , qu'elle infpire , & nous éprouverons, qu'elle eft la villoire du Monde,& qu'elle leule peut tnompher des puilfantes impreffions des égards humains. IV. Enfin la Foi d'Abraham diffipa les épaiffes ténèbres, que Tordre d'immoler Ifaac rèpandoit jur les promeffes divines. Quatrieme triomphe , qu'ello, remporta. Cette vicloire eft d'autant plus gloneufe, que le commandement de Dieu femblok attaquer la Foi, & 1'ébranler dans fes fondemens. Dieu avoit déclaré au Patriarche, quV» ljaac lui J'eroit appellée femence. C'étoit fur ce fils unique que repofoient les promeffes du Ciel. C'étoit par lui que les oracles du Dieu de vérité devoient avoir leur accompliffement. Quels lombres nuages que ceux , qui viennent ob(curcir les engagemens folemnels de la Di» vimté! Comment feront ratifiées les promeffes , puifqu'lfaac meurt, & meurt fans poftérité ? Oui Dieu eft fage , jufte & bon ; fes ordres ne peuvent démentir de fi auguftes perfeclions. Dieu eft le Maitre abfolu ; il faut lui obéïr fans balancer. Son approbation eft préférable a celle des hommes, & on ne peut la rechercher avec trop d'empreffement. Mais enfin , quel impénétrable avenir ! Ifaac eft pourtant celui 3 fur qui portent les 1 jeaav.4, w. VföfcmF de ia FA  Rom, IV. j8,20,21, Pfeaume txxvm. 41. Jerem. XXXII. 19 Rom. IX f. f8 SERMON III. promeffes, les oracles de Dien. S'il expire, comment s'accompliront - ils ? Quelle efpérance , quelle reffóurce peut-il refter encore! Mes Freres. Abraham crut contre efpérance. II n'eüt point de doute jur la promejfe de Dieu par déftance; mais il fut fortifiè par la foi, fe? H donna gloire d Dieu , fachant certainement, que celui, qui le lui avoit promis, étoit puijfant pour Paccomplir. Ce faint homme comprit , qu'un Dieu véritable & puiffant ne s'engage k rien , qu'il n'ait la volonté & le pouvoir d'exécuter. En-vain n'en appercoit-il pas les moyens; il n'a garde de bomer le Saint iïlfraël. La Foi lui dicte* que ce Dieu, qui avoit pu lui donner un Fils contre toutes les apparences humaines, trouveroit bien le moyen de dégager fa parole. La Foi lui dióte , que ce Dieu Grand en Conjeil fe? Abondant en moyens, fauroit emploier les voies les plus efficaces, pour que fa parole ne foit pas anéantie. Cette Foi fe fixe même au moyen le plus étonhant. Elle va jufqu'a pénétrer au dela des horreurs du torn beau, en fe perfuadant, qu'au défaut de toute autre voie , Dieu reffufciteroit Ifaac des morts. C'eft ce que nous apprend St. Paul Hebr. XI. (?eft cette penfée* qui, fuivant quelques Interptéces , fournit la véritable clé du difcours, qu'Abraham tint  La Foi VitJorieuje. 79 k fes ferviteurs, lorfqu'il les quitta pour aller confommer fon facrifice. Demeurezici. Moi fe? renfant irons jufques-ld; nous'adorerons, fe? puis nous retournerons. Animé de fefprit de Dieu, éclairé des lumieres les plus vives de la Foi, il ne douta point, dit - on, que Dieu ne fit revivre Ifaac, & qu'il ne revïnt avec lui. Nous avouons, que quelques grandes idéés , que nous aions de la Foi d'Abraham, quelque perfuadés que nous foions, que cette Foi étoit une fubfijlance des chojes, qu'il efpèroit, £^ une démonflration de celles , qu'il ne voioit point, nous ne pouvons acquiefcer a la penfée, que nous venons de rapporter. D'une part, il nous fernble, que ce feroit diminuer a bien des égards le prix de 1'obeïifance $ Abraham que de fuppofer, qu'il crüt, que Dieu resiüfciteroit Ifaac immédiatement après la confommation du lacrifice. II falloit certainement un grand degré de foi pour avoir une telle perfuafion. Mais d'autre part, cette foi auroit-elle été folidement fondée ? Evitons de faire tort a Abraham , en lui donnant des éloges peu juiles. La Foi pouvoit lui faire efperer la réfurreftion d'Ifaac, comme un des moyens , que Dieu pouvoit emploier, pour accomplir fes promeffes. Mais n'y auroit-il pas eu de la témérité a fixer le tems & Ie mo-, ment de cette réfurreótion ? Si Abraham Hebr. Xï. 1.  8ö SERMON II f. Voy. Calvin fur Gen XXII. 5- Efaie XLI. 14. promit a fes ferviteurs Ibn retour avec iiaac, ce fut dans un moment de trouble & d'agitation. Combattu de mille mouvemens oppofés ; environné de toutes parts d'obfcurités, eft-il étonnant, qu'il fe fon énoncé d'une maniere confufe, & qu'il ait peu ménagé fes expreflions en parknt d'un avenir ténébreux ? Ce qu'il y a de certain, & ce qui démontre la fupériorité de la foi du Patriarche, c'eft que ne doutant ni de la fidélité, ni de la puilfance de Dieu , il efpéra, que celui, qui avoit fait éclorre 1'univers du néant; qui avoit rendue mere une femme agée & ftérile , fauroit accomplir fes promeffes, & pourroit, s'il le falloit, ranimer les cendres d'Ifaac. Tel eft le pouvoir de la Foi fur les ames, qu'elle conduit, que, fortant de la fphêre des moyens ordinaires , lorfqu'ils ne peuvent être d'ufage , elle trouve dans le pouvoir fans bornes de Dieu les plus puiffantes reffources, les moyens les plus efficaces. C'eft fur ces fondemens que la Foi d'Abraham affermit fes efpérances ébranlées. Le Dieu fort eft fon garant. Les ténébres, répandues fur les promeffes du Ciel par 1'ordre d'immoler Ifaac, difparoiffent, & fe diffipent par les vives lumieres, que la Foi fait briller. Fille du Ciel, iffue du fein de la Divinité," cette admirable vertu affure Abraham , que eet ordre terrible, prens maintenant ton  La Foi Vitlorieuje. 81 tön fils, ton unique , celui que tu aimes $ Ifaac, &f me Poffre en holocaufle, ne mettra point d'obftacle a Paccompliffement de cette promeffe, en Ifaac te Jera appelUe femence. Au défaut de tout autre moyen, elle lui reprèfente fon fils triomphant de la mort, & renaiflant par un miracle plus grand que celui, par lequel il étoit venu la première fois au monde. Abandonnons-nous aux infpirations de cette Foi divine. Ne perdons jamais de vue la fidclité de Dieu dans fes promeffes, & fa puiffance a les accomplir. Malgré tant de preuves, que nous en avons, il ne nous arrivé que trop de nous livrer k la défiance la plus criminelle, & de prétendre prefcrire a la Providence, quelles voies elle doit fuivre pour arriver a fës fins* Dès que nous n'imaginons plus de moyens* & que notre efprit fe perd dans la nuit épaiffe de Pavenir, ne fommes - nous pas affez téméraires pour dire > „ il n1y a plus de remede, toute retfource manque. „ Et fi Dieu n'emploie tel moyen, il eft „ impoffible, que la chofe ait une heu„ reufe ïffue." En combien d-occafionS ne fommes-nous pas en proie au doute & a la perplexité? En combien d'occafions le pouvoir de Dieu lui-même ne nous paroit-il point impuiffant ? Quoi! paree que Dieu ne fuit pas les voies 5 qu© vous concevez, paree que Dieu a dêé Tom IL F  84. SERMON III. LaFoiVidorieuJe. loix de notre devoir , en abandonnant a Dieu le foin des événemens. Nous dirons; Mkh. vu. je me tïendrai au guet attendant le Dieu 1' de mon falut, & nous obéïrons a cette Habac. ii. voix d'un Prophete , s'il tarde attens - le, 3* car il ne manquera pas de venir & il ne Hebr. xu.tardera point. Veuille TAuteur «Sc le Con2' fommateur de notre foi nous infpirer a tous ces beaux «Sc nobles fentimens! Amen. Pf. CX1X. vs. jo. Frononcé a Amflerdam Le 20 Decemb. 1772. Soir d la F. 3,  LE TRIOMPHE D E L'OBÉISSANCE. 77 arriva après ces chofes , que Dieu tenta Abraham, fe? lui dit, Abraham ! Et il répondit , me voici Et Dieu lui dit; prens maintenant ton fils , ton unique, celui que tu aimes, Ifaac; fe? fen •va en la contrée de Morija, fep /'offre ld en holocaufle, fur Pune des montagnes, que je te dirai fept'. Genese Ch. XXII. ts. i-i8. QUATRIEME SERMON. Vous les connoitrez d leurs fruits. C'eft a ce caraclere que le Sauveur du monde veut, qu'on diitingue les faux Prophetes des véritables Envoyés de Dieu. Cette régie eft néanmoins fufceptible d'un fens plus étendu; & rien n'empêche, que fon n'en falTe ufage pour diftinguer ceux, qui rfont que Vapparence de la piété, d'avec les vrais fideles. Tant qu'il ne s'agit que de la fpéculation, de Pacquiefcement de 1'efprit aux décifions de la Foi ; tant qu'il n;eft queftion même que des devoirs ©rdinaires, & aifés k pratiquer; on a fouF 3 Exmdel \ Matth. vu. i<. 2 Tiin. III. 5.  Matth.VJI. 24-27. 86 SERMON IV. vent de la peine a difcerner les véritables enfans de Dieu. Confondus a bien des éuards dans la foule, leur foi ne brille pas dans tout fon éclat , & les faulfes lueurs d'une foi apparente ofFufquent jufques & un certain point fa lumiere. On ne reconnoït la diftvrence entre la maifon fondêe fur le roe feP la maifon hdtie fur le Jable , que lorlque la première foutient, fins être remerfée, le chóc de la pluier des vents & des torrens. Ce n'eft que dans les grandes occafions, lorfqu'il s'agit d'obtïr a .Dieu , en lui fefant le facrifice de les defirs, & de fa propre volonté , pour exécuter fes ordres 3 que la différence paroït d'une facon fénfible. Dans ceux 5 qui n'ont que Tapparence de la piété, la Foi demeure ftérile, elle ne produit aucun fruit, ou elle n'en produit que de mauvais. Mais dans les vrais fideles elle eft active ; les furprenans & merveilleux ef* fets, dont elite eft le principe, ne permettent pas de la méconnoïtre. En fefant hommage a la grandeur de Dieu elle fe foumet a fes volontcs, & obéït coura- feufement aux ordres les plus févéres. aut-il M. F. d'autres preuves de cette vérité que celle, que nous fournit 1'Hiftoire, que nous méditons ? Abraham nous offre en la perfonne un bel exemple du pouvoir, que la Foi a fur les ames de ceux, qui en fuivent les direóiion's. Sa foi le porte aux  Le Triompbe de PObéiJJance. 87 démarches les plus héroïques. Non content de croire il agit, & nous fournit le modele d'une obéïffance, au delfus de tous les éloges humains. Ce font les triomphes de cette obéïffance que nous devons a préfent rous retracer. Celt le quatrieme article du Plan , que nous nous fommes prefcrit fur cette célebre Hiftoire. Vous avez vu dans notre Difcours précédent la Foi d'Abraham , viclorieufe des contradiéhons de la Raifon humaine; des murmures les plus tendres du cceur ; des imprelfions les plus puiffantes des .égards humains, & dilfipant les épaiffes ténébres, que 1'ordre d'immoler Ifaac répandoit fur les promeffes divines. Nous allons a préfent vous dépeindre 1'obéïffance du Patriarche, triomphant des plus grands obilacles. Püissions-nous profiter des leeons, que 1'exemple d'Abraham nous donne! Puisfions-nous, frappés de 1'éclat de ce brillant modele, donner aDieu les preuves les plus réelles de notre fidélité, & de notre dévouement'. Faire hommage a la Sageffe, a la Juftice & a la Bonté de Dieu , a 1'ouie d'un ordrö auffi terrible que celui, que Dieu donna a Anraham. Reconnoïtre 1'empire fuprême & les droits abfolus du Roi du monde, malgré les tendres émotions d'un eceur bleffé 'dans 1'endroit le plus fenfible. F 4-  SS SERMON IV. Plan dl ze Difcours. t. 'Friompbe de l'Ohïs. fanee. PréPérer Papprobation du grand Etre a celle des hommes, & méprifer leurs jugemens, pour s'affurer les éloges de la Divinké. Démêler au travers des plus grandes obfcurités, la fidélité de Dieu dans fes promeffes , & fa puiffance a les ex écuter dans le tems, que leur accompliffement paroiffoit imposlibleaux yeux dela chair: ce font-la, fans contredit des efforts, dont peu d'hommes font capables, & des preuves de la foi la plus admirable. Mais c'auroit été trop peu pour une piété auffi pure que celle d'Abraham de s'en tenir-la. 11 n'eft pas moins grand dans 1'exécution que dans la réfolution , & fon obéïffance égale dans fes démarches ce qu'il y a de plus noble dans les vues de fa Foi. Elle triompha cette Obéïsfance I. Bes adoucijjhnens, dont 1'ordre d'immoler un fils unique Jembloit Jüjceptible. 11. Bes délais, qui pouvoient être ménagés avec quelque apparence de fonde-, went dans une pareille occafion. III. Des (irconjlances les plus attendrijjdntes, les plus capables d'ébranler les réfolutions les plus intrépides. Trois traits, qui font 1'éloge de 1'obéïffance d'Abraham. I. L'oeéïssance du Patriarche triompha des adoucijjemens , dont Vordre d'immoler IJaac jembloit fufceptible. Les détours du cceur humain font fans nombre. Les artihces, qu'il emploie pour fe défendre des chofès, auxquejles il réjDiigne , font infin  Le Triomphe de TObéijJance. gp nis. Sans s'oppofer directement aux ordres de Dieu, il eft ingenieux a les anéantir par les adouciflemens , qu'il fuggére. Quelles modilications Abraham n'auroit-ii pas pu apporter k un commandement auili cruel que celui, qui lui fut donné! Exiger d'un pere d'offrir en holocaufte de fes propres mains fon fils unique, c'eft en demander trop! Dieu ne fe contenteroit - il pas, qu'Abraham lui facrijiat toutes les efpérances, qu'il avoit de voir fortir d'Ifaac une nombreufe poftérité? N'en feroit-ce pas alfez, de confacrer a Dieu eet bériticr de Ja promejje ? De fe lier par un vceu iolemnel a ne'jamais fe prévaloir des oracles du Ciel, qui lui avoient promis de li grandes deftinées ? Pourquoi prendre a. toute rigueur un ordre fi extraordinaire , qui par fa nature annonce quelque chofe de caché, & des vues toutes fingulieres ? Y eut-il jamais un commandement, fur lequel il fut plus permis de ne pas s'en tenir fi fort k la lettre ? " Si Abraham eut cherché a fe difpenfer d'une obéïffance , qui devoit lui couter infiniment, pouvoit* il avoir un plus vafte champ pour chicaner, avec quelque apparence de raifon, fur les ordres de Dieu ? Ce qui auroit pu naturellement lui faire goüter la voie des accommodemens, c'eft que jufques ici il avoit' obéï fans réferve k tout ce que Dieu lui avoit commandé. Son dévouement ne, F S  2 Rois X. 30. 0 SERMON IV. s'étoit démenti en rien, & les plus difficiles facrifices lui avoient paru aifés, dés que fon grand Maitre lui en avoit impofé la néceiïké. Une obéïffance fi foutenue ne lui permettoit - elle pas quelque relachement ? Et un feul a&e de defobéïffance dirai-je, ou de foibleffe5 auroit-il li fort terni 1'éclat des vertus du Patriarche > Surtout un acte de defobéïffance & de foibleffe , que les circonftances rendoient fi pardonnable, a en juger felon les apparences. Que la tentation efl délicate l Que le pas eft gliffant! Le faint homme ne fuccombe point, & fon obéïffance fè foutient contre tout ce que de tels adou* ciffemens avoient de féduifant. 11 n'écoüte point les vains raifonnemens, qui tendent k éluder les ordres du Ciel; il fe met en devoir d'obéïr ; ni ce qijfil a fait ius* qu'a préfent pour témoigher a Dieu fa' foumiffion , ni la nature de ï'aclion , a laquelle il fe faut réfoudre , ne peuvent Pempêcher d'agir, & d''exécuter ce qui ejl droit devant l''Eternel. Ha ! qu'une pareille conduite eft digry» d'une ame noble, d'une ame , qui s'eft Vöuée au fervice de Dieu! Mais qu^- les exemptes en font rares parmi le? Chretiens! Les hommes ont fu trr/tlver jes moyens d'obtenir de leurs fe;inblables une obéïffance aveugle & ^ns referve; attentat odieux & fur la 'L'oerté de 1'homme & fur les droits de la  te Triomphe de F Obéïffance. 91 majefté divine ! Et 1'Etre infini, k qui cette obéïffance eft due, ne 1'obtient que difficilement! Quoique 1'autorité de Dieu doive toujours nous être égaiement refpeclable en tout, paree qu'il ne peut jamais démentir le caraétere augufte^de fes perfeóhons, nous ne laiffons pas d'y donner atteinte. Nous ofons ufurper 1'injufte privilege de modifier ce que nous trouvons de gênant dans fes loix , «Sc d'y faire des exceptions. Nous confultons, non ce que le devoir nous dicte, mais ce qu'exigent nos paffions, nos intéréts. Nous failiffons avidement les moindres prétextes pour autoriier nos defobéïffances. Nous diftinguons les tems & les circonftances, & li'nous avons fait quelques lacrilices en faveur de Dieu, nous les envifageons comme autant de titres , qui nous ont acquis le droit de nous relacher dans la fuite. J'avoue M. F., qu'il eft des occafions, oü la foibleffe humaine prévaut, «Sc oü nous nous prêtons a des accommodemens criminels, avec une fecrete répugnance. C'eft k 1'égard des foibleffes de ce caractere que Dieu a promis d'ufer de condefcendance, d'avoir du fuppoft, de Je fouvenir , de quoi Jont faits les hommes. Mais cette condefcendance, ce fupport de la Divinité n'a pour objet que des foiblesfes involontaires, «Sc non ces ménagemens pr^médités » par lefquels on fait violence pf. au. 14.  Luc. X. 27. 28. Rom. XII 2. Gal. 1.4. 1 Pierre II. 11. Galat. V. 24. 92 SERMON IV. aux loix divines. Quelle étrange obéfo* fance que celle, que bien des Chretiens rendent a Dieu ! Jugez en par quelques exemples. II nous demande de Vaimer de tout notre cceur, de toute notre ame fe? de toutes nos farces. Ce commandement nous impofe 1'obligation de renoncer a tout autre amour, lorfqu'il fe trouve en concurrence avec celui, que nous devons a Dieu. Que fefons-nous fouvent? Nous reftreignons le précepte, qui nous oblige d'aimer Dieu, fous prétexte que nous fommes tenus d'aimer tel ou tel objet, & que la tendrelfe, que nous lui portons, eft légitime. Dieu nous ordonne de ne pas nous conformer a ce pré Jent fiecle mamais. Cette Loi ne nous interdit pas 1'obfervation des ufages innocens établis dans la fociété. Sous ce prétexte que fefons-nous ? Nous prenons les hommes du fiecle pour modeles. Nous adoptons leurs maximes rel&chées; & nous ofons nous en prévaloir pour adoucir celles de 1'Lvangile. Ou pour mieux dire, nous les fefons fervir a anéantir les préceptes de Jefus-Chrift. Dieu nous ordonne de nous abflenir des convoitijes cbarnelles, qui font la guerre a Vame; de crucifier la cbair avec J'es paffions fe? fes convoitijes. Mais il eft impoiïible , que 1'ame foit fans pasfion. Certains mouvemens lui font naturels. ■ L'Evangile veut, que nous pre/  Le Triompbe de Pöbé'ïjfance. 93 iiions foin de les régler. Sous ce prétexte que fefons-nous ? Nous lachons Ja brlde a nos paffions ; nous leur donnons un libre cours; & nous ne craignons pas de les nommer fentimens naturels, inféparables de l'humanité. hn nous difant k nous - mêmes, que les plaifirs légitimes font permis, & que le fouverain Légiflateur ne nous défend que les exces, nous modifions fes loix au point, que la mollelfe, la fenfualité, des diffipations continuelles fe trouvent dans la claffe des chofes permifes. Qu'il nous feroit aifé de groiiir la lifte de ces accommodemens , qu'on voudroit faire avec le Ciel, & qui degradent la véritable obéïffance! Apprenons d'Abraham a triompher des tentations de eet ordre. Que notre dévouement aux volontés du Maïtre du monde, foit fupêrieur k tous les obftacles, qui naiffent de la nature de ce qu'il exige de nous, & de 1'idée de ce que nous pouvons avoir fait. Ne foions jamais affez téméraires pour ofer mettre 1'autorité fouveraine, en compromis, & pour foumettre fes loix k un examen audacieux. Des ames de la trempe de celle d'Abraham ignorent 1'art criminel de mettre leurs devoirs en oppofition, & n'ont pas la hardieffe de vouloir entrer en compofition avec Dieu. ÈUes difent; Larie Seigneur, car tonJer- 1 Sam. III. 10.  94 SERMON IV. ii. Trïompbe ie l'Qbiïsfênce. .viteur écoute. Me voici, 6 Dieu , pour faire ta volonté. 11. L'obéïssancé d'Abraham triompha des délais, qui pouvoient étre ménagés avec quelque appareme de fondement, dans une pareille occafion. Ce laint homme ne fe borne pas k marquer ia difpofition , oü il étoit ü'obéïr fans délai, en difant, me voici, lorfqus Dieu 1'eut appellé, & même fans favoir ce qu'il alloit lui ordonner. 11 fait plus. Après avoir entendu , a quel facrifice il étoit condamné ; il ne lè dément point, & fes actions démontrent clairement la fincérité de fon cceur. A peine 1'aurore a-t-elle commencé a diffiper les ténébres de la nnit, qu'il fe met en devoir d'exécuter de point en point 1'ordre célefte C'eft ce que l'Hiftorien facré narre d'une maniere auifi naturelle que. fimple: s''étant levé de bon matin il fella fon ane, fe? prit deux de fes ferviteurs fe? Ifaac jon fils. Et aiant fendu le bois pour Iholocaujie il je mit en chemin. Que de telles demarches décélent une haute vertu! Qu'une diligence auffi aclive dévoile le pouvoir, que la voix de Dieu a fur des cosurs vraiment fideles! Bien des raifons pouvoient naturellement fe préiénter a 1'efprit pour autorifer quelque retardement. Jamais peut-être ne s'offrit-il de prêtexj-es plus fpécieux pour fonder des délaig.  Le Triomphe de VObéïffance. $>) Abraham eut pu dire: „ Oui, Seigneur, „• me voici difpofé a exécuter tes ordres. „ Je ne refulë point de confommer le „ cruel facrifice, auquel tu m'appelles. „ Mais accorde-moi quelque tems pour fai„ re une fi grande violence a mon cceur, „ & pour m'affermir dans la réfolution de ,3 te donner cette pénible preuve de mon „ dévouement. Permets au moins, que „ je prenne des mefures pour préparer 3, une tendre mere a fe voir privée de ce „ fils unique, 1'objet de fes foins & de 3, fon amour. Qu'elle jouïffe au moins de j, la trilte confolation de le pofféder en13 core quelques jours. Un facrifice fi ex„ traordinaire demande des préparatifs , „ je me difpofe a les faire ; ne mé „ refufe pas \z Sêai néceffaire." Trouveriez-vous, Chretiens, a ne confulter que les fentimens ordinaires de votre cceur, trouveriez-vous, que ce langage auroit été fi mal fondé? Des délais, autorifés par des raifons fi éblouïffantes , vous paroitroient-ils criminels ? Jls parurent tels a Abraham & la véritable obéïffance fe refufe a de pareils fophifmes. L'ordre de Dieu étoit clair, formel & preffant. Prens maintenant ton fils. Maintenant! II ne s'agit point de reculer, de prendre des mefures, d'emploier beaucoup de tems a faire des préparatifs. Obéïr vaut mieux que Jacrifice. Dieu parle3 & Abraham obéït. t Sam. XV. 22.  Prov.XVI. 32. PC CXIX. .57- $6 SERMON IV* Ni les efforts , qu'il faut faire fur Ium même, ni famere douleur, a laquelle Sara va être en proie, ni le peu de tems, qu'il a pour fe préparer k ce dur facrifice, ne peuvent refroidir fon zele. 11 fe hate, & la promptitude de fon obéïffance donne un nouveau prix a la viétime , qu'il va offrir a Dieu. Quel cceur M. F. que celui d'Abraham! Quel homme que ce faint Patriarche! ou plutot quel Héros fupèrieur a tous les panégenques ! Ha ! je reconnois k ces traits ie véritable original du portrait tracé par Salomon ; celui, qui ejl maitre de jon cceur, efl plus grand que celui, qui prend des villes. Je reconnois a ces traits une ame dévouée a Dieu, & qui méprife les l&ches artifices de ces cceurs timides & corrompus, qui ne négligent rien pour fe ménager des délais, lorlqu'if eft queftion de faire la volonté de Dieu. Mais en même tems , que la conduite d'Abraham eft propre a confondre 1'indolence, la criminelle tranquilité d'un grand nombre de Chretiens, qui différent d'obéïr aux ordres de Dieu, le plus qu'il leur eft poffible ! Convaincu de la néceffité de 1'obéïlfance, on fait k eet égard les plus beaux proiets , on dit; fai conclu , que ma portion efl de garder les commandemens de V'Eternel. Et au lieu d'agir en conféquence, on cherche mille prétextes pour différer de faire les efforts néceffaires, & de t ' é  Le Triomphe de TObèïffahce. §ï de former fa conduite fur les régies diókées par la fageffe éternelle. Qui de nous, M. F., 1'ignore & ne pourroit fournir des preuves de cette humiliante vérité, des exemples' fenlibies de ces délais criminels? Effrayés des facrifices ,- que Dieu demande, nous tachons d'éloigner, autant qu'il dépend de nous , le moment de la confjmmation. Tantot la nature même des devoirs impofés,* la difKculté, qu'ón trouve a s'en acquitter, nous femble une raifon luffilante pour autorifer nos délais. On fe prévaut d'une vérité inconteftable, que la fan&ifkation n'eft pas i'ouvrage d'un moment. Et au lieu d'en conclure , que 1'on ne peut s'y appliquer trop tot, & qu'il faut mettre tous les momens k pront, on ofe en inférer, qu'on peut attendre encore a y travailler. Tantöt ort allégue les circonftances, oü 1'on fe trouve,L qui ne permectciit pas, dit-on, de ciurrger enCore fa faeon de vivre. On prendra les arrang^em^ns néceffaires pour vivre dans la fuite d'une maniere plus conforme aux loix de Dieu. On attend feulement, que telle ou telle affaire foit terminie; qu'on ait exécuté tel ou tel desfein. Tantot, on fe fonde fur fon age pour différer. Ecoutez ce jeune homme, entraine par le feu de fon tempérament, ^llumè par les plaifirs les plus capaoles' d'enllammer 1c fang; il vous dira; », Que Tomé II. G  Aft. XXIV. 26. Aft. XXVI. 48. K CXIX. 60. Iiod. XV. 26. 5,8 SERMON IV. „ la dévotion n'eft pas faite pour la jeu„ neffe; qu'il eft jufte de jouïr, au moins „ pendant quelque tems, de la vie; & qu'il „ lè rélèrve d'avoir plus de régularité „ dans un age plus avancé." Tantöt, on demande du temps, pour gagner fur foi d'immoler des paffions favorites. On ne peut fe réfoudre li promptement, ni fe refondre tout d'un coup. On y penfera, & 1'on fe déterminera dans la fuite. Tantöt Mais qui pourroit dire tous les prétextes, fur lefquels le pécheur fonde les délais h Qui pourroit démêler toutes les illulions, qu'il fe fait pour ne pas obéïr a Dieu ï Que d'imitateurs de ce Gouverneur Liomain, qui k 1'ouie du Discours de St. Paul fur la Juftice, la Tempérance fe? le Jugement dernier, lui dit, va-t-en pour le préfent, quand faurai la commodité, je te rappellerai. Que de gens, qui adoptent par leur conduite le langage üJgrippa au même Apötre; Tu me perfuades a peu prés d'être Chretien. Ha! ü Abraham eut cherché des raifons pour différer d'obéïr k 1'ordre de Dieu , qu'il en eüt trouvé de bien plus fpécieufës! Mais la véritable obéïffance triomphe de tous les obftacles. Elle Je hdte fe? ne différe point de garder les commandemens de Dieu. 11 lui ftiffit, que Dieu parle: elle écoute attentivement Ja voix, fe? elle tend Foreilk d tout ce qu'il ordonne; elle s'y  Le Triomphe de TQbtïJfance. o$ foumet volontairement; c'eft-a-dire ave( zele, avec promptitude, & fans fe menager des retardemens. „ Chretiens ! qu „ formez les plus nobles réfolutions, quj „• vous Iivrez quelquefois aux doux mou„ vemens d'une vive dévotion ; éloigne? 3, tous les prétextes, qui pourroient vous „ arrêter dans 1'exécution des deffeins s 3, que vous avez concus. Surmontez vo„ tre indolence ordinaire , & que rien ,-, ne foit capable dè vous empêcher d'acr „ complir les völontés divines. Mettez, „ mettez inceffamment la main a 1'ceu3, vre; prévenez le point du jour, & que „ vos yeux préviennent les veilles de la nuit pour objèrver les tèmoignages de 5, Dieu:' lil. Enfin le dernier Triomphe de TObèïsfance d'Abraham c'eft celui, qu'elle rem *porta Jur les circanjlances les plus atten-, driffdntes & les plus capables d'ébranler les réfolutions les plus intrépide?. Rappellez-vous ici ce que nous avons dit dans notre fecond Difcours , fur la grandeur de 1'épreuve du Patriarche. Pendant trois jours entiers il fut en proie aux plus accablantes réflexions, expofé k des combats cruels contre lui - même. Ce fut alors qu'il eut le tems de méditer k fond fur 1'ordre de Dieu; d'envifager toute 1'horreur du facrifice , qu'il alloit faire ; d'en confidérer les funeftes fuites. La prompG z Efaiel. 15, Pf. CXIX. 147.148. nr. Triomphe ie L'Obéls. fance.  ioo SERMON IV, ■titude, avec laquelle il avoit pris fon pafti, & la nature même de 1'aciion , dont il s'agilfoit, ne pouvoient qu'avoir mis une grande confuüon dans fes penfées, & ne lui avoient permis d'envifager qu'en général 1'amertume du deffein, qu'il alloit exécuter. Les grandes douleurs font muettes. Difons même, qu'elles jettent quelquefois au premier abord dans une efpece d'infenfibilité ftupide , paree qu'elles s'emparent de toutes les facultés, & en fufpendent les fonétions. Mais durant trois jours Abraham eut le tems de revenir a lui-même, de calmer fes fens, «Sc de confidérer de prés tout ce qu'il y avoit de terrible dans 1'ordre, auquel il alloit obéïr. Quelle fermeté d'ame ne falloit-il pas pour foutenir des agitations fi vives «Sc li continuelles! De quel courage le faint homme ne devoit-il pas être armé pour perfifter dans la réfolution, qu'il avoit prife! Surtout, quoi de plus capable de 1'ébranler, «Sc de mettre fa conftance a bout que les tendres regards d'Ifaac, que ce difcours fi naïf; Mon perey voici le feu & le bois; mais oü ejl la béte pour rholocaujle ? Quels mouvemens, quelles émotions, un tel langage ne dut-il pas exciter! Et quel cceur affez dur, pour ne pas en être pénétré ! Que eet objet étoit dangereux , & qu'il falloit de grandeur d'ame, de fermeté, de conftance, pour réfifter aux im-  Le Triomphe de VObêiJJance. 101 preiïlons, qu'il devoit faire naturellement! Oui, M. F., il falloit une ame du caractere de celle d'Abraham, un cceur auffi dévoué a Dieu, pour fe lóutenir dans une occaiion auiii délicate. Qu'il eft rare de trouver une fermeté , une conftance pareille parmi les Chretiens l C'eft par eet endroit que la plupart des hommes fe perdent. il en eft peu , qui ne forment le deffein de travailler a leur lalut; qui ne prennent la rélolution d'obéïr aux loix de Dieu. Convaincus de leur beauté & de leur excellence; frappés au moins de la néceffité de lè foumettre a celui, qui eft 1'arbitre de leur fort; ils voudroient faire leur devoir. Mais , quand il s'agit d'en venir a 1'exécution, ils fe manquent k euxmêmes , & les moindres difficultés font 1'écueil des plus belles réfolutions. II eft des occalions, oü 1'on diroit, que rien ne lera capable de rallentir le zele des Chretiens 3 & oü ils font perfuadés eux - mêmes, qu'ils vont deformais être des flambeaux reluijans au milieu de la gènèration tortue fe? perverje. Et quand il faut accomplir de lang froid ce qu'on a réfolu dans le feu de lés tranfports, on manque de fermeté: on regarde en arriere, après avoir mis la main a la charme. Confultez votre propre expérience, & vous ferez convaincus, qu'il eft trés-rare de voir l'obalfance aux ordres de Dieu fe foutenirG 3 PhiI.II.15. Lue. IX. 6a»  Ephef. V. 16. luc. X. 42. Ma uh. XVI. 26. Pf. CXVI. 102 SERMON IV. dans de certaines circonftances. Frappés dts grandes vcrkes de la Religion , il eft des tems, oü vous vous determinez a changer de conduite. Piems de ferveur vous meprifez ces objecs fèduifans , auxquels vous vous livnez avec tant de paslion. Atterrés par la mort imprévue d?une perlonne, a qui vous aviez atïigné une longue vie, vous êtes effrayés'de 1'incertitude & de la iragiiité de la vie humaine; vous êtes déterminés a racheter le tems, a en faire un meilleur ufage que par le paffe. Attaqués d'une maladie dangereufè , & toucbant aux portes de la mort, la vue du tröne dreffé, des livres ouverts, d'un compte redoutahle k rendre, vous arrache des vceux. Vous fèntez, qu'une feule chofe ejl nécejjdire, qu'il ne vous Jervïroit de rien de gagner tout le monde, fi vous perdiez votre ame. Vous vous prometuz bien, fi Dieu vous rend la fanté, de mareher en Ja préjence jur la terre des vivans, & vous ne defire2 de vivre que po.ir le fèrvir. Expofés a quelque grand danger, oü vous avez un befoin prellant du fecours & de la proteólion duTout-puisfant , vous vous dévouez , a lui, fi vous avez le bonheur d'échapper au péril, qui vous menace. Occupés des plus majestueufes idéés de 1'Evangile, dans des jours folemnelsj touchés dn portrait des graces divines 5 & vivement émus de 1'attendris-  Le Triomphe de ïObëiffance. 103 fant fpectacle de ce que votre Sauveur a ■löuffert pour vous rendre heureux, vous dites: A qui irionsnous, Seigneur? Cefl toi, qui as les paroles de la vie étcrnelle. Vous vous abandonnez au doux feu , qui vous embrafe; vous fentez, combien Ja Religion eft aimable. Elevés au delfus de vous-mêmes vous vous écriez; Eternel! que ta parole efl douce h mon palais, même plus douce que le miel d ma bouchc! J'ai pris pour hêritage perpétuel tes têmoignages, car ils font la joie de mon coeur. Je n'ai garde, M. F., de foupconner votre fincérité dans ces différentes occafions. Vous ne penfez, vous ne déterminez rien, que vous n'aiez deffein d'accomplir, dans le tems que vous en prenez Ia réfolution. D'oü vient donc que fobéïffance aux préceptes de 1'Evangile efl li ' rare ? Par quelle étrange fatalité fommes-nous fi disfemblables a nous-mêmes? Le pouvonsnous ignorer? C'eft la conftance, qui nous manque. Notre obéïffance s'évanouït comme la rofée du matin. Nos vceux , nos réfolutions ne font pas a 1'épreuve de la réflexion, du retour des objets de nos paffions, des combats, que nous avons k livrer, des tentations , auxquelles il faut réfifter. Auffitötque, calmes «Sc tranquilles, nous venons a confidérer, k quoi nous engage Pobéïffance, que nous avons Jean VI. 63. Pf. CXIX. 103,111. OféeVI. *  ÏC4 SERMON IV. vouéeaDieu; nous nous décourageons ? les objets du monde, avec leurs charmes trompeurs fe prélèntenc a notre imagination; elle nous en exagére la perte, & nous follicite a ne nous en pas priver. Attaqués par les ennemis de notre bonheur nous réfiftons d'abord , & pufs, fous prétexte que nous fommes foibles, nous cédons a leurs efforts. Quelle humiliante différence entre le f ere & les enfans! Entre Abraham & ceux qui ofent fe glorifier d'être fa poflérité fpirituelle I Soii obéïffance réünit la conftance & ia promptitude. Ce qu'il a réfolu dans le feu de fon zele , il J'exécute glorieufement dans le cal'me, après avoir eu tout le tems néceffaire pour en fentir les difficultés'; environné d'obflacles, & malgré fes circonftances les plus capables de 1'ébranler, & de lui faire tomber le couteau de la main! Ha! c'eft-la véritablement obéïr a Dieu; c'eft-la lui donner des marqués réelles d'un dévouement parfait. Ne pas chercher a adoucir par' des ménagemens criminels les ordres de Dieu. Méprifer toutes les raifons , que te chajr & le fang fuggérent, pour obtenir des délais, fe foutenir contre tous Ips obftacles : c'eft le caraclere de la véritable obéïffance : c'eft ce qui fai'f  Le Triomphe de l Obéïffance. 105 Tiloge de celle d'Abraham, & c'eft a eet égard que nous devons le prendre pour modele. Finiflbns en nous recueillant. Quelque impénétrables que foient en bien des occafions les motifs, qui déterjninent les hommes, & qui influent fur leurs actions; il en eft pourtant, auxquels il n'eft gueres poffibfe de fe tromper. Unè conduite d'un certain caractere, toujours également foutenue, décele la caufe, qui en eft: le principe. C'eft ce qui a lieu a 1'égard de f obéïffance aux loix divines. Jl ny aque famour le plus vif & le plus pur pour Dieu, qui eft inféparable de fa vraie foi, & qui en fait partie; il n'y a, dis-je, que eet amour, qui puiffe porter a une obéïffance univerfelle , prompce & con-, itanre. 11 n'appartient qu'a famour, qui a Dieu pour objet, d'acquiefcer fans referve a tous les ordres, qui émanent de lui, de les exécuter avec diligence, & de ne pas fe dementir, quelles que foient les circonftances, oü 1'on fe trouve. Ce futla auffi le principe de robéïffance d'Abra-, ham. II s'agiflbit, ileftvrai, de facrifier lui-même [on fils unique, celui qu'il aimoit, Ifaac. Mais c'étoit par le commandement de ce Dieu, qu'Abraham aimoit préférablement a Ifaac. Tel eft le caraétere du véritable amour 9 qu'ü n'y a pas de facriO 5 Conclufen.  Gen. XIV. jo. 22. joó SERMON IV. fices, qu'il ne falie a 1'objet aimé. II n'eft point de viéïime trop précieufe, qu'il ne foit prêt a lui immoler. Abraham étoit pénétré d'un profond refpeél pour fon Dieu. II fentoit tout 1'honneur, qu'il y avoit a être 1'allié du Souverain pojfejjeur des cieux & de la terre; il connoilloit, combien ce Dieu étoit aimable par les plus éminentes qualités. Cet objet occupoit fon efprit ^ rempliflbit fon cceur. Pouvoitil ne pas faifir avec emprelfement toutes les occafions de lui témoigner la vivacité de fon attachement? Quelle autre caufe auroit pu produiredefi merveilleuxeffets? Quel autre motif auroit été capable de porter le Patriarche a des démarches fi héroïques ? Le Tempérament peut produire quelques aéiions de bonté, de douceur, de générofité. II peut même, felon qu'il eft plus ardent, porter a des aóles pénibles d'une dévotion auftere. Mais jamais on ne vit le tempérament triompher des obftacles, qui s'oppofoient ici a 1'obéïfiance. L'esprit de fuperjlition mene encore plus loin que le tempérament. L'expérience démontre, qu'il eft capable de jetter dans les plus étranges travers, dans les excès les plus bizarres; & que dans la fiir reur de fes tranfports il peut égaler a d©  Le Triomphe de ÏObSiJfance. 107 certains égards la plus haute vertu. Mais, nous 1'avons prouvé , on ne peut taxer Abraham d'avoir été fuperllitieux. La vaine gloire & 1'envie de briller aux yeux du monde a quelquefois. enfanté de belles actions , marquées au coin de la plus fublime piété- Ce n'eft pas la néan-moins un motif propre k triompher de tout/ce qui s'oppofoit ici a 1'exécution des ordres de Dieu. Ce n'eft pas par des actions, qui peuvent attirer la cenfure & le mépris des hommes, que la vaine gloire cherche a fe fatisfaire. Si elle afpire a 1'héroïfme, cc n'eft pas a celui, qui eft une folie au jugement de la fagelfe humaine. Abraham obéït a Dieu, paree qu'il connoit tout ce qui eft du a eet Etre fouverain, paree qu'il eft convaincu, que fon plus grand intérêt eft de plaire a 1'Arbitre de fon fort, & qu'ilfaime préférablement a tout. Prenons, Chretiens, ce faint homme pour modele, fi nous defirons fmcérement de nous acquitter de nos devoirs. Aimons Dieu d'un amour de préférence, & nous ne trouverons plus rien de difficile. Si nous fommes fi peu difpofés la plupart du tems a nous foumettre aux volontés divines; fi nous reculons, lorfqu'il s'agit d'obéïr;s'il y a tant d'inconftance dans nos voies: c'eft que nous fommes doublés de cceur; Jaq. I. 8.  ioS SERMON IV. Prov. XXIII. 26. Prov. III. 17- t Pf. cxix. 1 106. ! Aft. XX. 1 24. j t c'eft-a-dire, que notre cceur efl: partagé entre Dieu & d'autres objets. L'amour efl le principe de rohéiïlance; & 1'obéïfTance efl la preuve de l'amour. Le vrai moyen donc de mareher ,fur les traces d'Abraham , & de nous diflinguer par une obéïsfance du même caraélere que la fienne, c'eft d'accorder a Dieu ce qu'il nous demande , en difant, mon fils donne - moi ton cceur. Alors tous fes ordres nous paroi? tront également refpeétables , nous ne trouverons jamais, qu'il nous en demande trop, & ks voies, dans lefquelles il nous appelle a mareher, feront toujours pour nous des voies agréables. Loin de cherchei? des prétextes pour différer de remplir les devoirs, qu'il nous impofe, nous embras-; ferons avec avidité les occaflons de lui té* moigner notre dévouement, & de lui donner des marqués fignalées de notre imour. Fermes & inébranlables dans notre Dbéïffance, les plus rudes épreuves, les dIus fortes tentations ne pourront donner itteinte a notre attachement pour lui. Sfous adopterons du cceur, de la bouche, k par nos aélions ce langage des faints ïommes: Je Vai juré, ê? je le tkndrai de. tyrder les ordonnances de ta juftice. Je ne ?ais cas de rien, forts, que ce Patriarche avoit faits, «Sc prêt & conlbmmer un auffi terrible facrifice $ que celui auquel il s'étoit déterminé, ne bornoit affurément pas fes efpérances a des biens terreflres. De plus nobles defirs: 1'animoient, «Sc il portoit fes regards fur des bénédictions d'un tout autre prix que celles de la vie préfente. Difons-le, Dieu ne croit pouvoir mieux recompenfer Abraham qu'en lui annoncant, qu'il auroit Thonneur, que Ie Libérateur de 1'Eglife, Ia fource des graces , Ja Jumicre des nations, fe? Je fa Jut de Dieu jufqiïaux bouts de la terre, fortiroit du fein de fa familie , & feroit du nombre de fes defcendans. Juftifions en détail cette idéé, que nous nous fefons des promeffes fakes a Abraham. Je te bênirai, dit Dieu. Ceft ici 1'abregé de ce qu'il lui avoit dit dans une autre occafion: Je te bénirai, fe? je rendrai ton nom grand, .fe? tu feras bénèdiction.^ Je bénirai ceux , qui te béniront , fe? je maudirai ceux, qui te maudiront. Reftreindre cette promeffe a la poffeffion Tome II. I Efaie XUX.& Gen. XII. 2, 3*  i ) i JBeut. VII. 7- t3o SERMON V. La Foi le quelques biens temporels, k celle du jays de Canaan, a une réputation éteniue ; c'eft lui donner un fens bien foible, luffi peu digne de la grandeur du Dien, mi promet, que de la foi de celui, a qui 'oracle s'adrelfe. Une gloire palfagere , jne profpérité de peu d'années, tout au plus la pofTeflion d'un Pays affez borné ; :e ne font pas lk des avantages, qui répondent k 1'énergie des expreffions, que Dieu emploie, & qui puffent fervir de recompenfe folide k un homme honoré des éloges de la Divinité. Je multiplierai, ajoute Dieu, ta poflérité très-abondamment, comme les étoiles du Ciel, 6? comme le Jable, qui efl Jur le bord de la mer. Si 1'on reftreint cette promeffe aux defcendans charnels d'Abraham , on aura de la peine k en véritier faccompliffement. A la prendre dans ce fens, comment la concilier avec ce que Moïfe dit aux Ifraélites, Deut. VII. Ce< efl pas, paree que vous étiez en plus grand nombre que tous les autres pcuples, que PEternel vous a aimés; car vous étiez en plus petit nombre qu'aucun de tous les autres peuples? Dans quelle période de PHiftoire du peuple Juif trouvera-t-on Pévénement d'accord avec la prophetie ? Quelque nombreux qu'ait été ce peuple, il n'a certainement jamais furpaffé plufieurs autres nations k eet égard. II faut donc  fe?. P Obéïffance Couronnées, 131 encendre cette promeffe d'une poflérité fpirituelle, qui naïtroit d'Abraham par le moyen du Mefiie. Ta poflérité, dit Dieu encore, poffedera la porte de Jes ennemis; troilïeme trait, qui caracfériie des bénédi&ions fpirituelles. Pofféder la porte de Jes ennemis, efl une exprelïion de 1'Ecriture, qui lignifie principalement deux chofes ; des victoires fur fès ennemis; & le droit de leur donner des loix, & de les gouverner en quaiité de Souverain. Or, fi 1'on en excepte 1'époque de la conquête du pays de Canaan, & le tems du regne de David , oü trouvera-t-on raccompliffement de 1'oracle, fi on 1'entend des vicloires temporelies des Ifraélites? Tant s'en faut, qu'ils aient poffédé la porte de leurs ennemis, qu'au contraire ils ont fréquemment fubi le joug des nations étrangeres. Sous le gouvernement des Juges, n'ont - ils pas été fucceffivement affervis par les Moabites, par les Madianites, & par les PhiliJlins ? N'ont-ils pas été dans les fiecles fuivans tributaires des Affyriens, des Babyloniens? Depuis leur retour de la captivité n'ont-ils pas été prefque toujours afTujettis, tantöt aux Rois de Perfe, tantöt h ceux d''Egypte, tantöt a ceux de Syrië, & enfin aux Romains ? Depuis 1'époque de la ruine de Jérulalem, ne font* ils pas difperfés par tout 1'univers fan1? I 2  1 ( ( 1 < I j i < j 1 I I ] ] Galat. III. 16. EfaieXLV. 22. t32 SERMON V. La Foi Dix , fans gouvernement, & réduits k >béïr a des loix étrangeres ? Seroit - ee lonc li une recompenfe, digné d'être anïoncée avec tant de pompe a Abraham? 5eroit-ce la une promeffe digne d'être con» ïrmée par ce refpeclable ferment, fai juré' >ar moi-même, dit P Eternel? Un dernier trait, qui juflifie les grandes dées, que nous nous fefons des promeffes ïnoncées dans mon texte, eft celui-ci, en ya femence Jeront bênies toutes les families le la terre. Quelle eft cette femence d'Ajraham, qui devoit être une fource fi ri:he & fi abondante de bénédictions ? Eft:e Ifaac ? Mais en quel tems a-t-il comnuniqué ces bénédiélions a tous les peu»> )les du monde ? Sont - ce les Ifraélites ? Mais quand ont-ils accompli cette prédiclion? S'ils ont fait quelques profelytes parmi les autres nations, n'ont - ils pas k eur tour, laches déferteufs de la Loi de Dieu, adopté les faulfes Religions, & les' :ultes idolatres des peuples étrangers ? Difons-le avec St. Paul Galat. III. Les promeffes ont été faites a Abraham, fep a fa femence. II ne dit point, aux Jemences, comme parlant de plufieurs, mais comme d'une, d ta femence, qui efl Chrift. Dieu promet donc k Abraham-des biens dignes de fes vceux. II lui annonce, que de lui fortira le Sauveur, vers lequel regarderont tous les bouts de la terre; qui  fe? F Obéïffance Couronnées. 133 répandra les plus ex cellentes bénédicfions dans le monde, bénédicfions, dont fa foi &c fon obéïffance, falloient faire jouir par anticipation. Cefl k quoi Ton peut appliquer ce que notre Sauveur difoit aux Juifs; Abraham votre pere a treffailli de joie de voir cette mïenne journée, fe? Pa vue, fe? s'en eft réjoui. Qu'il fut doux & confolant pour le Patriarche, d'avoir a eet égard les affurances les plus claires, & les plus irrévocables de la part de Dieu! Le fuprême direóteur des événemens , celui qui eft grand en Confeil, fe? abondant en moyens s'engage par ferment; y auroit-il fageffe, intelligente, ou confeil, qui put' faire tête d f'Eternel, & mettre obftacle a l'accomplifTement de promelfes fi folemjuellement confirmées? Ha! c'eft ainfi que nous pouvons eompter fur 1'exécution des grandes fe? précieufes promeffes, que Dieu nous a faites, fi nous marchons par la Foi., & fi nous obéïifons fans referve aux ordres de ce grand Maitre. Les recompenfes, que Dieu nous offre, ne cédent en rien k celles, qu'il accorda k Abraham. Ce qu'il a fait pour ce F ere de. ceuxr qui eroient, nous eft un gage de ce qu'il fera pour les enfans fpirituels de eet illuftre Fidele. Si Dieu confirma fes promeffes par ferment; St. Paul nous apprend , que celles, qui nous, ont été faites, ont été ratifiées d'une 1 3 Jean VIII. 56. Jerern. SXXIL 10. 'rov.XXI. 30. 2 Pierre I. 4. iCor.V.j Rom. IV. 11.  Hebr. V] 17, tf. Aft. III. 26. Htbr. VI II, 12. 134- SERMON V. La Foi .maniere non moins folemnelle: Dieu, ditil, voulant montrer Pimmuable fermeté de jon conjeil aux béritiers de la promefje, a fait intervenir le ferment, afin que par deux chojes immuables, a F égard desquef les il efl impoffible, que Dieu mente, nous aions une ferme confolation , nous, qui avons notre refuge d obtenir Pefpérance, qui nous efl propofée. Oui, Chretiens „ Dieu nous permet d'afpirer k la poffeiïion de ces biens éternels, dont il nous a révélé fi clairement la certitude & la grandeur; il a envoié la femence $ Abraham, fon Fils Jéfus pour nous bénir, en retirant chaiun de nous de fes iniquités. Quel puiffant motif pour nous engager k être les imitateurs du faint Patriarche! Si nous afpirons \ la recompenlè magnifique d'être les objets de 1'eftime & des éloges du Très-haut, d'être én droit de nous appliquer les plus coniblantes promefles, &.de compter fürement fur leur parfait accompliffement, nous devons nous diftinguer par une foi, par une obéïffance du caractere de celles, qui ont affuré k Abraham les louanges de Dieu & celles des hommes. C'eft k quoi nous exhorte St. Paul, quand il dit; Nous defirons que chacunde vous montre le même Jbin pour la pleine certitude de Pefpérance jufques d la fin, afin, que vous ne deveniez point laches , mais que vous imitiez ceux, qui par la  fep rObéïffance Couronnées. i3 ? foi fep p#r patience, repoivent les promefjes en héritage. Réfléchissons , pour nous y exciter , fur les douceurs, qu'Abraham dut goüter dans ia fuite de fa vie , en fe rappellant la maniere, dont il s'étoit fignaié au fervice de Dieu. Ifaac vivant étoit un monument perpétuel de Famour, dont il brüloit pour fon grand Maitre, de la gloire, que lui alfuroit 1'approbation de Dieu, «Sc un gage des plus précieufes bénédictions. O qu'il efl doux pour une ame fidele de pouvoir ainfi s'occuper de ce qu'elle a fait pour plaire a fon Dieu ; de pouvoir affigner dans le cours de fa vie les heureufes époques, oü elle a fait briller fon dévouement ; de pouvoir montrer des preuves fubfiflantes de fa foi «Sc de fon obéïffance ! Qu'il eft glorieux «Sc confolant de pouvoir dire. ,, Je fuis d mon bien - ai„ mé, fep mon bien-aimê efl a moi. I?E„ ternel ejl mon berger, je rtaurai point „ de difette. Objet de fon eftime «Sc de „ fon approbation, il ne peut deformais „ rien manquer k ma gloire «Sc a mon „ bonheur. Mon ame entre en ton repos, j, car VEternel fa fait du bien. Eter„ nel! tu es ma lumiere fep ma dèlivran„ ce , de qui auré-je peur ? Tu es la „ force de ma vie, de qui auré -je fra„ yeur ? " Travaillons , M. F., a nous affurer un I 4 Cant. ii. 16. Pf. XXIII. 1. Pf. CXVI. Pfeaume XXVII. r.  Hebr. VI. 10. I Cor. XV. 58. Deut, XXX11.4. Frononcé a Amjlerdam le 31 Janvier 1 17 73- Soir d la Grande Eglije. ï$6 SERMON V. La Foi, &c. état fi heureux. Que 1'expérience d'Abraham , que celle de tant d'autres Fideles 3 nous encourage, & nous convainque £ qu'il y a une grande recompenfe alfurée aux gens de bien. Souvenons-nous toujours , que Dieu n'eft point injufte pour oublier V oeuvre de notre foi. Soions donc fermes,immuables , & abondans en fon oeuvre, facbant, que notre travail ne demeur era point fans recompenfe, «Sc qu'il fera couronné d'une gloire «Sc d'un bonheur digne de celui, dont Voeuvre efl parfaite, fe? dont les voies ne Jont que jugement fe? èquilè. Puiffions- nous tous en faire 1'épreuve! PuiiTions-nous, dans le grand «Sc dernier jour, oü toutes les créatures, humilièes aux pieds d'un Juge auffi éclairé que puilfant, attendront en filence 1'arrêt de leur éternelle defiinée, entendre fortir de fa bouche cette honorable déclaration, Jai connu que vous avez craint Dïeul Amen. Pf. XCVII. vs. i'  L E T Y P E D' I S A A G Or U arriva après ces chofes, que. Dieu tenta Abraham, fe? lui dit, Abrh~ ham! Et il répondit, me voici. Et Dieu lui dit ; prens maintenant ton fils, tm unique , celui que tu aimes , Ifaac; fe? 'fen ' va au Pays de Morija, fe? /'offre Ja en holocaufle, Jiir Tune des montagnes, que je te dirai fepf. Genese Ch. XXIL vs. 1-18. SIXIEME SERMON. G'est ici k fixieme fois que je produis ce texte en votre préfence, fans craindre de fatiguer votre attention par le retour trop fréquent du même objet. Si Je fond du fujet a toujours été le même; Ia variété, qui y regne a 1'égard des diyerfès parties, fuffit pour prévenir le déjgoüt, que la répétition des mêmes réjflexions fait naitre naturellement. II en eft de 1'Hiftoire, que nous méditons, comme d'un Tableau de quelque grand Maitre, dont on ne connoit bien toutes jes beautés, qu'èn examinant en détail tout ce qui compofe un por trait achevé. D'abord nous avons jetté un coup d'ceil fur ce Tableau en général. Nous ' 'I'S ' ' Exorie,  I38 S E R M O N VI. avons pris foin de vous faire connoïtre le Héros, qui y eft repréfenté; fon caradere ; fa fituation ; le genre de tentation, auquel il fut expofé; les preuves, qu'il eut de la divinité de Vordre d'immoler Ifaac, & les marqués de bonté , qui de la part de Dieu tempérerent la rigueur de ce commandement. Entrant enfuite dans un examen plus particulier , nous avons fixé vos regards fur le prix de la vitlime, dont Dieu demanda le facrifice ; fur la fnaniere, dont elle devoit être immolée ; fur le minijlre du facrifice ; fur la promptitude , avec laquelle il fallut s'y réfoudre; fur Yéloignement du lieu, oü il devoit le confommer; & fur les circonjlances, qui le précéderent. Six traits frappans, qui ont dü vous faire fentir toute la grandeur de 1'épreuve d'Abraham dans cette occafion. La conlidération attentive de la Foi & de rObéïlfance du Patriarche nous a mis fous les yeux des objets non moins intéreffans. Nous avons vu fa Foi viclorieufe des contraditlions de la Raifon humaine; des murmures les plus juftes en apparence de la part du cceur; des im~ prejfwns les plus puilfantes des égards humains; & dilfipant les plus épaijjcs ténébres, qui couvroient les promellës divines. Nous avons vu fon obéïffance} effet nécelfaire de fa foi & de fon amour pour Dieu, triomphant des adouciffemens, dont  * Le Type d'Ifaac. 139 1'ordre de facrifier un fils unique fembloit être fufceptible; des délais, qui pouvoient être ménagés avec quelque efpece de fondement dans une pareille occalion, & des circonflances capables d'ébranler les réfolutions les plus intrépides. Enfin la Foi & P Obéïffance du Patriarche couronnées nous ont occupé non moins utilement. C'eflla que nous avons contemplé la magnificence de 1'Eternel, recompenfant Abraham j par la conjervation de ce Fils, dont il lui avoit demandé le facrifice ; par les éloges les plus propres a affurer une folide •gloire; par la confirmation folemnelle des plus intéreffantes promeffes. Voila M. F. en fubflance quelle a été la matiere de nos cinq Difcours précédens. Nous deftinons celui - ci k des réflexions d'un autre genre. Nous nous propofons de rechercher les vues myftérieufes de la Providence dans un événement fi fingulier. Les Docleurs Juifs eux-mêmes s'en font fait de hautes idéés, & fi 1'on s'en rapporte k un favant Commentateur, il yenaeu, qui ont regardé ffaac comme un Type du Meflie, difant,^w quand Dieu promit d Abraham, que toutes les nations de la terre feroient bénics en lui, // avoit voulu lui marquer, qu'il feroit lui- même un jour de fon propre Fils un facrifice Jemblable d celui, que le ^Patriarche avoit été prêt d faire du (ien, Patrick fur Gen. XXII. T.I.p.351.  Plan de ce Difcours Ho SERMON' VI. Quoiqu'il en foit il eft certain , que les ' Doóteurs Juifs ont parlé en termes magniiiques du lacrifice d'Ifaac; & qu'ils en difent des chofes, qui ne conviennent véritablement qu'a celui, qu'il repréfentoit. Aussi prefque tous les Interpretes Chreiiens, tant anciens que modernes, ont conftamment reconnu , que Dieu s'étoit propofé , non - feulement de donner, en la perfonne d'Abraham & dans celle d'Ifaac, de grands exemples de la plus haute vertu ; mais aulfi de dépeindre aux fideles la victime précieufe, dont le facrifice réel devoit faire 1'expiation des péchés du Genrehumain. Nous adoptons cette penfée lans répugnance, & nous avons deffein de vous tracer dans ce Difcours les traits frappans de conformité , qui fe trouvent entre le portrait & 1'original. Poür vous donner de jufr.es idéés fur cette matiere, & ne pas tomber dans les écarts d'une imagination déréglée. I. Nous ferons dans une première Partie quelques objervations fur la Théologie Typique en général, & nous développerons en particulier les raifons, qui nous déterminent d. mettre Ifaac au nombre des Perjonnages illusr tres , qui ont eu Vhonneur de repréjentcr le Sauveur du monde. IL Nous fixerons votre at tent ion jur les traits de conformité, qui (e trouvent entre Phifloire du facrifice cPIJaac. Tceuvre de notre ré dempt ion, qccom-  Le Typé d'Ifaac. 1-4.1 plie par Jefus-Cbrifl. 111. Enfin nous justifierons par des caratleres Jenfibles la fupèrioritè de VIfaac myjlique fur t'Ifaac felon la cbair. On appelle Type tout objet deftiné de Dieu , k repréfenter un autre objet. La Synagogue ancienne & PEglife Chretienne ont toujours cru, que Dieu avoit inftruit les fideles fur la perfonne du Meffie & fur les fonétions % qVil devoit remplir, par deux méthodes diiïérentes. Par les oracles des Prophetes, & par les évenemens, de la vie de certains hommes illuftres,- comme par les établilfemens les plus importans de FEtat & de PEguïe Judaïque. On nomme ces perfonnages, ces établilfemens des Types, des Images, des Emblêmes, des Figures du Meilie, paree qu'on les regarde comme autant de tableaux, tracés de la main de Dieu même, pour repréfenter la perfonne & le miniflere du Libérateur de PEglife. Cette idéé générale fuffit, femble-t-il, pour faire fentir, que la recherche de ces vues myftérieufes de la Providence eft très-digne drun Chretien. Et jamais il n'y eut eu de différend lk-deffus, fi Fon fe fut renfermé dans les juftes bornes, preïcrites de ne pas préfumer d'être fage, au deld de ce qu'il faut. Mais les Doéteurs Juifs, fuivis en cela par la plupart des Peres de PEglife, font tombés dans les plus grands excès k eet égard, en ne s'occu- i . Paria: Rom. XII. 3.  i. Jtéalilé des Types. 142 SERMON VI. pant prefque que de la recherche de ces fens myftiques & cachés:. & en fe livrant fans régie ni mefure aux caprices d'une imagination échauffée. Cette méthode, fi peu refpeétueufe pour la Religion , & même fi préjudiciable a fes intéréts, s'elt renouvellée de nos jours. On a multiplié les Types a 1'infini, & tout devient Type entre les mains de certains Théolögiens. C'eft ce qui a donné lieu k un autre excès, non moins contraire au refpect dü k Dieu. C'efi celui des Interpretes de 1'Ecriture, qui profcrivent tous les fens myftiques, & qui ne voient dans les événemens les plus iingnliers, dans les établilfemens les plus extraordinaires, aucun deffein caché de la Providence. Mes Freres; il faut éviter ces deux extrêmités oppofées, & tenir un fage milieu entre l'amour du faux merveilleux, & un injufte dégoüt pour cette partie de la doctrine Chretienne, qui confifte a reconnoïtre dans de certains objets les vues de la Divinité fur d'autres objets. I. Rejetter tous les Types , & prétendre, que Dieu n'en a point établis, deftinés fpécialement k repréfenter le Mesfie & fon royaume , c'efi: ne pas faire attention a la conduite que Dieu a tenue °, & k 1'unifbrmité, qui regne dans fes voies. On ne peut dilconvenir , qu'en diverfes occafions il n'ait établi-, de deffein for-  Le Type ff Ifaac. 143 mé, certaines perfonnes, certaines actions pour repréfenter des événemens a venir. Par exemple: Dieu ordonne au Prophete Ofèe de prendre une femme adultere,pour demeurer avec lui ifans être a aucun mam; voulant repréfenter par la fituation de cette femme la condition, oü fe trouveroient un jour les enfans d'Israël; voila un Type de perfonnes. En voici un d'a&ions. Le Prophete Ahija annonce, que le royaume de Salomon feroit partagé, en déchirant une robe neuve, qu'il portoit, en douze pieces, dont il en donna dix a Jeroboam fils de Nébat, pour marquer, qu'il regneroit fur dix Tribus. On trouve divers autres exemples de cette maniere de repréfenter les événemens , furtout dans les Ecrits des Prophetes. Mais fi Dieu a eu foin de tracer des efpeces de tableaux de certains événemens importans , quelle apparence , qu'il ait entierement négligé cette méthode d'inftruction a 1'égard du plus grand & du plus important événement ? Qui pourroit fe perfuader , que des événemens plus ordinaires auront été prédits & annoncés & par des Oracles & par des Figures, & que les mémorables événemens, qui concernoient le MelTie , ne f aient été que d'une feule maniere ? Ce qui donne du poids a cette réflexion c'eft que 1'expéjience parle. On ne peut douter, que Ofée Ijtt,  • Ezech. XXXVII. 24. 25. Hebr. III VII. IX. Coloff. II »?• Gal. III. 24. U. Régies pou) iU SËRMON VL David, Salomon & d'autres grands hom» mes , n'aient été des Types du Meffie j hon quant a toutes leurs qualités & a toutes leurs aélions , mais feulement è de certains égards. Les Frophetes nous findiquent, en donnant fréquemment au Melfie le nom de David. Et 1'Eglife Jüdaïque 1'a toujours cru. Enfin, les Auteurs infpirés du Nouveau Teftament ne; nous permettent pas de demeurer en fuspens la-deffus. Ils nous ont indiqué clairement les vues de Dieu fur ce fujet, • St. Paul," dans VEpitre aux Hebreux, recherche les rapports , qui fe trouvent entre Moïfe & Jefus - Chrift , & entre Melchizedek Sacrificateur unique de fon ordre, & le Pontife éternel de la Nouvelle Alliance. Jl dévoile les myfteres de la plupart des cérémonies anciennes. II dit: , aux Colojftens, quelles étoient les ombres des chpjes a vènir & que le corps eft en Chrift. Et' aux Galates, que la Loi a été notre pédagogue, pour nous amener è Chrift^ Nous pourrions multiplier les exemples; le Nouveaü Teftament en fournit un affez grand nombre. Suppléez, par vos' lectures & par vos meditations a ce que les bornes de ces exércices , & Pabondance de notre fujet nous obligent de fupprimer. ,, il. Maïs fi 1'on doit adrnettre Ia réali- té  Le Type d'Ifaac. H) ié des Types , comme établis de Dieu , & deftinés dans fon intention a préfigurer la perfonne ., les aétions & les tems du Meffie; on doic être extrêmement circonfpeét & retenu dans cette. matiere ; ne pas être alfez téméraire pour attribuer a Dieu des vues, qu'il n'.eut jamais, en mettant au rang de ces tableaux, qu'il traca autrefois , les chimères de notre imagination. A quels caracteres peut-on donc reconnoitre les vrais Types ? Quelles régies doit-on obferver dans cette forte de recherches ? Mes Freres, il eft tres - difficile de fatrsfaire a tout, . & je n'ai garde de prétendre approfondir en peu de momens un fujet, qui demande une grande précifion. ,Voici quelques Régies, qu'il nous femble, qu'on ne devroit jamais perd.re de vue. (f.) Rcgle. Quand les écrivains facrés du Nouveau Teftament nous difents que. tel ou tel objet , tel ou. tel événement , telle ou telle partie du culte ancien, avoit dês vues myftérieufes,. nous devons y reconnoïtre ün Type marqué du: fceau de Dieu. . (II.) Régle. Nous fommes autorifés a placer dans la clalfe des Types de desfein certains perfonnages diftingués; ; quand 1'Ecriture leur atcribue des chofes ? Tomé IL K iiftinguiT les Types.  146 SERMON VI. qui ne leur conviennent point , ou qui ne leur conviennent qu'imparfaitement. (III.) Régle. Quand des établiffemens , qui ont Dieu pour Auteur, ne préfentent en eux-mêmes rien de forE digne de la grandeur & de la fageffe de 1'Elre infini; on doit naturellemènt penfer, que Dieu a eu deffein de faire fervir ces inltitutions de Types & d'emblêmes , pour repréfenter des établilfemens , & plus proportionnés a la majefté de Dieu , & plus intéreffans pour le Genre-humain. (IV.) Régle. Quand un événement, ménagé immédiatement de Dieu lui-même , eft accompagné de circonftances extraordinaires , qui ont une" frappante conformité avec les événemens de la vie de Jefus - Chrift, enforte que eet affemblage de conformités ne puiffe naturellement être un effet du hazard, nous devons regarder 1'événement ancien, comme un type de 1'autre. C'est en conféquence de la première & de la derniere de ces régies, que nous mettons Ifaac au rang des perfonnages célébres, qui ont eu f honneur de repréfenter le Sauveur du monde. St. Paul, dans le Chap. III. de VEp. aux Galates, nous apprend, que Dieu portoit fes vues  Le Type d'Ifaac. 14? fur ie Chrift, dans les promeffes , qu'il fit a Abraham dans la circonftance, dont il s'agit ici. Quoi de plus naturel donc que de reconnoitre en la perfonne d'Ifaac un type de Jefus - Chrift ? Surtout, fi fon confidére , ce que le même Apötre nous enfeigne dans le Chapitre IV. de la même Epitre, qxxAgar & Sara repréfentoient , f une 1'Eglife ancienne , & 1'autre 1'Eglife Chretienne. D'ailleurs , on appercoit dans 1'hiftoire, que nous avons méditée , des traits fi finguliers , des circonftances fi extraordinaires , qu'on ne peut fe refufer a la penfée, que Dieu a eu quelque deffein caché , en ménageant eet événement. On s'y confirme, en profitant des lumieres données par St. Paul, & en fefant réflexion fur les confonmtés frappantes , qui fe rencontrent mtre PHifïoire du facrifice d'Ifaac, & le grand ouvrage de la Kédemption accompli par le facrifice de Jefus-Chrifl. Nous allons fixer votre attention fur ces caracteres de reffemblance, dans notre fecon» de Partie. Ju trouve entre 1'hiftoire du facrifice d'Ifaac , & 1'ceuvre de nötre rédemption accomplie par le facrifice de notre Sauveur quatre traits frappans de conformité. I. La qualité de la victime. I\. Le, tiiotifs & la conduite de celui, mi h defmm K » TI. Partie.  ' I. Trait de mformité. Jean III. 16. lom. VIII. 3iHebr. L su «. 143 SERMON Vï. au facrifice. III. Le fardeau , avèc lequël elle s avance vers ïautel. IV. Sa foumiffion & fon dévouement volontaire. Ié Premier trait de conformité , la qualité de la viStime. Ifaac étoit le fils unique de fon Pere , celui quil aimoit. Seul objet de la tendreffe de celui , qui lui avoit donné la vie, il ne la partageoit avec aucun autre. II en étoit digne par des qualités eltimables, & il avoit mérité 1'affeélion d'un Pere auffi éclairé, que vertueux. II fembloit devoir être a couvert de tout danger , & n'avoir furtout rien a craindre de la part d'Abraham , qui le chériflbit. Devoit-il naturellement s'attendre a un fort auffi trifte que celui de fervir de viétime pour un holocaufle, & d'être immolé par les propres mains d'un Pere, qui avoit veillé fi tendrement a fa confervation ? Cefl néanmoins ce fils unique, ce fils chéri, qui efl defliné a la mort, dont le fang va couler, & qui doit être confumé par les Hammes. N'est-ce pas la un tableau bien naturel de la viélime, qui a fait 1'expiation de nos péchés? Qui efl ce jféfus, fur la mort duquel nous fondons nos efpérances ? Cefl le Fils unique, le propra Fils de Dieu. Celui qui, comme Ifaac, efl Yhéritier de toutes chofes: celui qui efl le fils de Dieu dans le fens le plus fu-  Le Type d'Ifaac. H9 blitne ; car auquel des Anges Dieu a-t-il jamais dit; tu es mon fils, je fai aujourMüi engendré? De plus, de même qu'1laac eft le fils bien-aimé de fon pere, 1'objet unique de fon amour; Jéfus eft Vélu de VEternel, auquel fon ame prend fon bon-plaifir. Diftingué par les plus grandes & les plus aimables qualités il étoit vraiement digne de la tendreffe de fon pere. II étoit le plus beau dentre les fils des hommes, & qui plus eft, la fplendeur de la gloire, & la vive image de la perfonne du Pere. Auffi fe glorifie -1 - il den être aimé , & il le pouvoit , puifque Dieu avoit envoié cette voix, du fein de la gloire magnifique; cefl ici mon fils bien-aimé, en qui' j ai pris mon bon-plaifir. C'eft ce Fils unique & bien-aimé , que Dieu na pas épargnê, mais quil a livrè pour nous, qui efl venu mettre fa vie en rancon pour plufieurs, & qui sefl offert en facrifice. Pourrions-nous a ce trait méconnoïtre le rapport du porttait avec 1'original ? Cette conformité de qualités dans 1'une & dans 1'autre viétime, n'annonce-t-elle pas bien clairement, que le deffein de Dieu a éte de faire d'Ifaac 1'image du Rédempteur des hommes? II. Les motifs & la conduite de celui , qui deftine la viétime au facrifice , eous offre un fecond trait de conformité K 3 XL1L I. Pf.XLV.3% Hebr. I. 3. 2 Pierre I. 17. Rom. VIII. 3ï- Mattb. XX. 23. Ephef. V. 2. II. Trait de conformité.  s ï Pierre I. 3- 150 SER M O N VI. entre 1'Hiftoire, que nous avons méditée, & F oeuvre de notre Rédemption accomplie par le facrifice de Jefus - Chriff. Abraham , brülant d'amour pour Dieu , fe déterminé a immoler fon fils unique, chérement aimé. Sourd a toutes les raifons , a tous les murmures de la chair & du fang, il méprife toutes les confïdérations humaines, & prend fon parti, fans garder le moindre ménagement. 11 perfiile dans fa réfolution , fans fe laifler ébranler par aucun obftacle. II s'avance vers le lieu , oü fe doit confommer le facrifice; fa fermeté & fa conftance ne fe démentent dans aucune de fes démarches , & il juffcifie par les preuves les plus convaincanr.es, que fon amour pour Dieu 1'emporte fur tout autre fentiment. De-la eet éloge émané de la bouche de 1'Etre fouverain Jui-même; Maintenant [ai connu, -que tu crains Dieu, puifque tu nas pas èpargné ton fils, ton unique. Voila, Chretiens, un tableau admirable de la conduite, que le Pere de notre Seigneur Jefus - Chrift a tenue envers nous , & des motifs, qui en ont été le principe. Cefl par un effet de fon amour pour le Genre - humain , qu'il a defliné fon Fils unique & bien - aimé a Ja mort. Cefl eet amour, qui a produit ces confcils étemels de paix, que Dieu a for«  Le Type d'Ifaac. i J i més en notre faveur. C'eft eet amour, qui en a dirigé les délibérations, s'il eft permis de s'exprimer ainfi; qui en a ré» glé les deffeins, & qui en a concerté les mefures. C'eft, paree que Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donnéfon Fils unique, afin que ceux, qui croient en lui, ne périsfent point, mais qu'ils aient la vie éternelle. Oui, M. F., Dieu aiant formé le plan de notre rédemption , fon amour ne s'eft point démenti, & Vimmutabilité de fon confeil a paru dans le cours de tous les fiecles , qui ont précédé la confommation du facrifice. II a fait voir, que, quelque chofe quil faffe, il efl le même hier, i aujourdhui, & éternellement. Ni les revolutions du monde, ni les changemens arrivés dans 1'Eglife , ni la variété de fes difpenfations envers elle , n'ont apporté la moindre altération a fes miféricordieux defleins. Toujours animé du même principe, & incapable de manquer a fes promeffes, on 1'a vu aller a fes fins de la maniere la plus conftante. De-la vient, que les Auteurs facrés du Nouveau Teftament nous repréfentent le Fils de Dieu , comme immolé des la fondation du monde. Ils nous difent, que Dieu Va ordonné de tout tems pour être la viEhme de propitiation, paree que le deffein de donner la viétime une fois formé, il n'y a K 4 Jean III. 16. Hebr. VI. 17- lebr. XIII. 8. Apoc. XIII. g. Rom. III. 24.  f ■ Pf. CXLV. 9- nr. Trait de conformité. 152 SERMON VL eu rien, qui ait pü y apporter quelque changement; «Sc que dés eet inftant, pour parler a la facpn des hommes, on a pu le confidérer comme déja immolé. Douteriez-vous, après ce que nous venons de dire , que la conduite d'Abraham rfait été deltinée a nous repréfenter celle de Dieu envers nous> Y eüt-il jamais conformité plus parfaite entre un portrait & fon original? Comme Abraham fe détermina a facrifier fon hls unique , fans que fa conftance fe démentït; comme il démontra hautement par-la fon amour pour Dieu; de même, Dieu a formé le plan de notre falut , par le facrilice de fon Fils, fans qu'aucun obltacle ait pu retarder, ou anéantir fes mifcricordieux delfeins; «S? par-lk il nous a donné la preuve la'plus; éclatante de fon amour, il a démontré, que fes compqffions font au defjus de toutes fes ceuvres. " " III. Troisieme trait de conformité, qui nous dévoile les vues de la Prövidence dans cette occafion; c'efi le fardé au, avec lequel la vitlime s"avance vers Tauteï. Contemplez , Chretiens , la fingularité \ dirai-je, ou la merveille du fpeécacle, qui sofïre k vos yeiix. Ifaac, deftiné par fon pere, k fervir d'holocaufte, elf cliargé du bois nécelfaire pour le cönfumer. II porte es inllrumens de fa mort, «Sc il marche, ivec un fardeau fi accablant, vers le lieu'  Le Type ét Ifaac. i?; pu fe doit achever le facrifice. Méconnoitriez-vous k ce trait fi remarquable votre Sauveur, allant au Calyaire «Sc portant fa croix? 11 s'avance vers le lieu, bü fe doit confommer fon facrifice, chargé1 de rinftrument de fa mort. II va faire léellement ce qui n'avoit été que repréfenté par Taction d'Ifaac. Mais la reffemblance entre Tune «Sc 1'autre victime eft parfaite. Et il faudroit vouloir s'aveugler vqlontairement, pour ne pas 1'appercevoir. Ce n'eft pas au hazard qu'on peut attribuer un rapport auffi frappant, qu'exaót. Non ! non ! de telles conformités ne fe yencontrent pas fans deffein. On y reconnoit les vues «Sc 1'influence d'une Providence fage «Sc puiffante, qui dirige les événemens, «Sc qui veille k 1'accompliffement des deffeins du Très-haut. IV. Nous nous convaincrons encore de cette vérité, fi nous fefons réflexion fur un quatrieme trait de conformité , qu'on découvre entre Ifaac «Sc Jefus-Chrift. Trait de conformité bien glorieux pour Ifaac, qui nous fournit 1'occafion de faire fon éloge. Ordinairement, quand on médite cette Hiftoire , Abraham feul attire toute 1'attention. On trouve en lui tant de chofes dignes de louange, qu'on ne penfe gueres k Ifaac. Cependant, fi 1'obéïffance du Pere , & fon dévouement aux volontés de Dieu, méritent notre admira% S Jean XIX. n- IV. Trait de conformité.  2 5T4 SERMON VI. tion ; l'obéïlfance «Sc le dévouement du Fils ne la méritent pas moins. Ifaac, in« ftruit par Abraham de fordre de Dieu , qui le condamnoit a la mort, «Sc k une mort très-cruelle, acquiefce fans murmure k ce trifte arrêt. 11 reconnoït 1'empire abfolu de Dieu , «Sc que eet Arbitre de fon fort eft Ie maitre de lui redemander une vie, quftl tient uniquement de la bonté. L'obéïiTance «Sc la fermeté d'ifaac égalent celle d'Abraham. Pour s'en faire . de juftes idéés, il faut fe repréfenter un hls unique, tendrement aimé, héritier d'une puifTante maifon, deftiné a en devenir le chef, dans le Printems de fa vie, car il étoit agé de vingt-cioq ans, qui fe voit condamné k finir fes jours de la fapon la plus tragique, réduit.k lè voir percer le fein par un Pere. Et par quel Pere encore ? Par un Pere, qu'il chérisfoit, & dont il étoit chéri. O qu'il falloit un grand fond d'obéïffance «Sc de foumisfion , pour fubir volontairement une pareille deftinée! S'il en dut couter k Abraham de fe réfoudre k offrir fon fils en holocaulle; il n'en dut pas moins couter a Ifaac de fe réfoudre k être immolé. Ce Fils fbumis «Sc obéïlfant préfente les mains aux liens, que fon pere lui prépare,. il s'étend fur 1'autel, «Sc attend fans réliftance «Sc fans murmure le coup fatal , qui doit le priver de la vie. Tels font les  te Type dTfaac. i$$ traits, qui caraótérifent Iiaac & qui font fon éloge. Mais ces traits fervent auffi a prouver, qu'il avoit 1'honneur de repréfenter le Sauveur du monde; non feulement tant par fa qualité de fils unique, que par Jes démarches extérieures, mais encore par les plus nobles fentimens. Qui de nous ignore , que jefus-Chrift: s'eft volontairement livrê k la mort ? 11 a été óbê'iffdnt jujqiid la mort, la mort même de la croix; dit St. Paul. Entrant au monde, il dit, tu n'as point voulu de facrifice, ni d'qffrande, mals tu m'as approprié un corps. Tu n'as point pris plaifir aux holocaujles, ni d Poblation pour le pêché. Alors fai dit, me voici, je viens, comme il efl écrit de moi au livre de la Loi, pour faire, ó Dieu ! ta volonté. Quel refpectueux langage que celui de ce divin Sauveur : Je ne fuis pas venu pour faire ma volonté , mais pour faire la volonté de celui qui ma envoiè. Pere! s'il efl poffible, que cette coupe paffe loin de moi, fans que je la boive! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. Et ne peniëz pas, que ce foit uniquement par fes difcours que votre Sauveur a fait paroïtre fon dévouement. II n'appartient qu'a des hommes, efclaves de leurs paffions, de démentir leurs paroles par leurs actions \ d'hnnorer Dieu de leurs levres, Phil. II. 8. Hebr. X. 5-7- Jean VI. 38. Matth. XXVI. 39. Mat; Il XV.  ij<5 SERMON VI. Tean XVJli. 5. Sfaie LUI, 7. Jean XVIII. 11. III. P/irltjV tandis que leur cceur ejl éloigné de lui Jefus-Chrift a démontré la pureté & la noblelfe de fes fentimens par des démarches héroïques. 11 fe préfente volontairement a fes ennemis; <;V/? moi,quifuhJéfus le Nazarien. II lè lailfe conduire d la mort, comme un agneau , £5? comme une brebis muette devant celui, qui la tand. II ne fe fert du pouvoir furnaturel, donc il eft dépolitaire , que pour faire du bien a fes ennemis mêmes. Et il s'abandonne entre les mains de ceux, qui en veulent a fa vie, en difant; Ne boirois-je pas la coupe, que man Pere m'a donnée d boire? Vit-on jamais une plus parfaite conformité entre deux objets , que celle qui eft fi vilible entre le Fils d'Abraham & le Fils de Dieu? Sacrifice effrayant k confommer de part «Sc d'autre, & même foumiffion, même dévouement des deux cótés. Nous' croions avoir fuffifamment juftifié, que fHiftoire du facrifice d'Ifaac étoit fimage de fceuvre de notre Rédemption accomplie par le facrifice de Jefus-Chrift. Pour achever de mettre cette vérité dans tout fon jour, il faut indiquer les traits de Jüpériorité de VIJaac myjlique fur Tlfaa£ felon la chair. C'eft ce qui va nous occuper dans la troifieme Partie de notre Difcours. I. Les lumieres, que Jefus-Chrift eut3  Le Type (VIfaac. ïjf fur le fort, qui Pattendoit. II. Les motif's , qui Pont déterminé d fe Jacrifer^ 111. La nature de Jon Jacrifice. IV. Sa parfait e conjommation : ce font-lk quatre titres de la fupériorité, que notre Sauveur a fur llaac. \i Faites réflexion d'abord Jur les lumieres, que Jefus-Cbrijl eut, Jur le J'ort qui Pattendoit, & vous reconnoïtrez,, qu'il y a ici plus qu'lfaac. Celui-ci, accompagné de fon pere, fe charge du bois néceflaire pour l'holoeaufte, il va pour orfrir un facrifice ; mais il n'a garde de penfer, qu'il doive lui-même fervir de victime. 11 1'ignore fi parfaitement, qu'il dit a Abraham, mon pere! voici le Jeu & le bois, mais oü ejl la béte pour PbolocauJle ? Ce n'elt qu'a finftant même, qu'il faut achever le facrifice , qu'il apprend, que c'eft lui, qui eft la vielime, que Dieu demande. Cette ignorance lui épargna les eruels combats, les douloureufes agitations, auxquelles 1'attente d'une mort terrible 1'auroit alfurément expofé. Mals Jé Jus étoit pleinement inftruit du fort, qui lui étoit réfervé. Dés fon entrée dans le monde , il favoit ce que la main £«? le conjeil de Dieu avoient déterminé d Jon égard. II n'ignoroit aucun des maux , qu'il devoit fouffrir. Pendant le cours de fa vie il s'en occupa. Ce fut furtout le grand objet de fes penfées & de fes ré- i. Trait de fupériori'.é de JefusCbrijt. Aft. IV. 28.  i£8 SERMON VI. ÏWatth. XXVI". 46. 11. Ti ait de fujériorité de Jefus. CbHJl. Luc. xvii. IC. flexions , lorfqu'il vit approcher Ie terris$ oü il f'alloit confomrïter ce grand facrifice, auquel il étoit deftiné. II s'en entretient avec fes difciples, & leur en détaille les circonftances. II s'avance au devant de ceux , qui doivent le faire mourir. Allons, levez-vous, voici celui, qui me tra* hit, s'approche. 11 ne demande point, oü ejl la viétime pour l'holocaufle ? Ha toutes les lumieres poflibles fur ce fujet, & il elfuie tous les combats, que la connoilfance des rnaux, qui alloient fondre fur lui*, devoit naturellement occafionner. C'eftla une fupériorité bien réelle qu'il a fur Ifaac. II. Remarquez un fecond titre de cette fupériorité dans les motifs, qui ont por té notre Sauveur d fe Jdcrifter. Abraham fe déterminé a immoler ion fils, paree qu'il le doit k Dieu. Ifaac fe préfente a la mort, paree qu'il eft indifpenfablement obligé d'obéïr aux ordres du Créateur. L'un & 1'autre font dignes d'éloge d'avoir préféré leur devoir a tout. Mais au fond, ils n'ont fait, que ce qu'ils étoient tenus de faire, lis ne pouvoient fe difpenfer d'acquiefcer aux ordres de Dieu , & la defobéïlfance auroit été une rebellion. Telle eft la dépendance, oü nous fommes de 1'Etre infini, qu'il ne nous eft pas libre de balancer fur 1'exécution de fes ordres, quelque durs qu'ils nóus paroilfent. Mais  Le Type (Pljaac. i$9 notre Pere célefte ne nous devoit rien, loin de nous devoir fon Fils unique. Notre charitable Sauveur, en tant que Fils éternel de Dieu , Dieu béni éterneliement avec lui , n'étoit tenu par aucune loi de mourir pour nous. SHl étoit convenahk, que celui, pour lequel & par lequel font toutes chofes, voulant amener plujieurs enfans a la gloire , conjacrat le Prince de notre fa hit par les fouffrances. S'il étoit jufte, que l'ofténfe, faite k la majefté divine, füt réparée par une fatisfaétion proportionnée k fa grandeur; le Fils de Dieu n'étoit nullement obligé de fe confacrer pour nous. II pouvoit nous abandonner a notre malheureufe deftinée; aucun motif ne lui impofoit la nécelfité de s'intéreffer en notre faveur. Et autant que Dieu étoit digne, qu'Abraham & ifaac filfent pour lui les plus grands facrifices; autant méritions-nous peu, que le Saint & le Jufte fe livrat a la mort pour nous fauver. „ O „ charité immenfe de mon Sauveur, que „ vous êtes digne d'admiration! O pro„ fondeur des richeffes de la fagejfe «Sc de „ la miféricorde divine, que vous êtes dif- ficile a fonder! Voies merveiileufes „ du Dieu Grand en Confeil, que vous „ êtes impénétrables pour des efprits aulTi „ bornés que nous!" III. Nouveau titre de- fupériorité de notre Sauveur, la nature de fon facrifice. Hebr. II. IO. Rom. XL 33- Jerem. XXXII.19. III. Trait de fupériorité  d; JefusCbrifl. Apoc. XIV. 13. 1 Hebr. VII. 26. 160 SERMON Vf. Ce qui rend la vertu de Jefus - Chrift bien plus admirable que celle d'Ifaac, c'eft que la mort, qu'il devoit fouffrir, avoit quelque cholè de bien plus erfrayant, que celle , a laquelle Ifaac fe vit expofé. Je m'explique. Ifaac ne mouroit que pour obéïr a 1'ordre de Dieu. Sa mort n'étoit pas le chatiment de quelque pêché particulier , d'une vie palfée dans le delbrdre s mais un acte de 1'obéïffance de fon pere & de la fienne ; un acte d'acquiefcement & de foumiifion; un délogement de cette vie au moment alfigné par la Providence. D'ailleurs Ifaac n'avoit rien a fê reprocher. Si la corruption naturelle de tous les hommes ne nous permet pas de penfer, qu'il fut exempt de toute foiblelfe; la piété de fon pere , Tinnocence de moeurs, qui regnoit dans la familie d'Abraham, & la maniere, dont ce digne fils d'un tel peré fe fournit a 1'ordre de Dieu, nous autorifent a le mettre au rang de ceux, qui meur ent au Seigneur, & qui calmes & tranquilles par le témoignage d'une bonne confcience , envifagent la mort fans Frayeur. Le Sauveur du monde étoit appellé a un tout autre facrifice. II s'étoit iévoué volontairement pour le falut du Senre-humain; en forte que, bien qu'il fut en foi-même faint, innocent,- fans ta?be £5? jéparé des pécheurs, il mouroit léanmoins comme viétime pour le pêché. De-lk  Le Type dLJaac. 161 D>la ces dévorantes inquiétudes, ces cruelles agitations , ces allarmes, ces angoiffes, auxquelles il futen proie, qui lui mirent a la bouche ces douloureufes plaintes:. mon ame eft jaifie de toutes parts de trijleffe jufques a la mort. Mon Dieu!' Mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné? Si Ifaac voit le bras d'Abraham levé pour lui porter le coup de mort, c'eli comme viétime de 1'obcïffance. Idéé bien propre^ k lui infpirer du courage & de la fermeté,! Mais Jéfus envifage fon Pere. célefte comme un Juge févére ; accablé fous 1'immenfe poids des iniquités des hommes, il faut qu'il trouve en lui-même des reffources pour foutenir 1'idée du terrible facrifice, qu'il va achever. j . IV. Enfin fixez vos regards fur la parfait e conjommation du Jacrifice de Jefus- j Chrift, & vous.y trouyerez un quatrieme' trait de fupériorité de ce grand Pontife( de la nouvelle alliance fur le type qui le repréfentoit. La foi & 1'obéïlfance d'Abraham font couronnées par la confervation du fils, dont Dieu lui avoit demandé le facrifice. Au moment qu'il va être immolé, une voix célefte lui crie ; Me mets point ta main fur Venfant, £«? ne lui fais rien; une autre viétime prend la place d'Ifaac. Que févénement eft différent a Fégard de notre Sauveur! L'arrêt eft irrévocable. U confomme fon oblation s ïï Tomé II. L Mstth. (XVI. 3i xxvn. 4ö... IV. Trait de 'ipériorité e JefusIbriji.  i6z SER M O N VI. Dan. IX. 24. Conclujton. met ia derniere main k 1'ouvrage de la redemption des hommes. 11 abolit le pêché, il fait la propitiation pour Finiquitê. Point de voix de délivrance ici! Point de fubftitution de viétime! Jéfus s'étant confacré k la gloire de Dieu & au ialut des. pécheurs, il a tout accompli en expirant fur la croix. Supérieur a Ifaac a tous égards, il fa furtout été par fentiere confommation de fon facrifice. Quelles confécjuences tirerons - nous des vérités, que nous venons deméditer? M. F. il y en a de bien importantes. Ma!* il faut ferrer nos idéés, & ce n'eft pas dans les dernieres périodes d'un difcours, qu'on peut approfondir tout ce qu'un fujet fi riche préfente pour la pratique. 11 fuffira d'incliquer ce qu'il fournit de plus esfehtiet I. L'honneur , qu'Ifaac a eu d'être Vimage du Rédempteur des hommes ; les traits de conformité , qu'il a eus avec le Fils de Dieu , principalement du cóté de robéïlTance & de la foumiffion aux ordres de Dieu, doivent nous infpirer une noble émulation. Nous ne pouvons plus repréfenter le Sauveur a tous les mêmes égards. L'original ne lailfe plus de lieu aux tableaux. Mais nous pouvons partager d'une autre maniere avec notre pere fpirituel l'honneur, dont il a jouï , en imitant Jefus -Chrift3 en nous formant fur ce parfait  Le Type d'Ifaac. 163 modele de vertu. Nous pouvons être fes vivantes images fur la terre, furtout en obéïifant comme lui aux volontés de Dieu, & en lui do'nnant des preuves de notre relpeóhieufe foumiiïion. Qu'il eft rare de nous voir a eet égard ce même penchant k 1'imitation , qu'on remarque en nous dans le cours ordinaire! Ce n'eft pourtant que par cette glorieufe conformité avec notre divin Chef que nous pouvons nous faire reconnoïtre pour fes dilciples : celui, qui dit, qu'il demeure en JefusChrifl, doit vivre comme Jefus - Cbrijl a vécu.Et quel plus parfait modele vous propoferions-nous? Je me trompe. Ce n'eft pas fur la perfection du modele qu'il faut i'nfifter. On en eft alfez convaincu. Et la corruption ofe même s'en prévaloir po ut nous perfuader, que nous ne pouvons y atteindre, & qu'il eft inutile de le tenter. Que la conduite d'Ifaac dillipe cette illufion. Contemplez 1'obéïifance, le refpectueux dévouement de ce Fidele dans un tems , oü les lumieres étoient encore foibles, en comparaifon de celles, qui brillent au milieu de nous. Ifaac n'étoit-il pas homme comme nous ? Etoit - il dépouillé des paffions, des fentimens, qui font la fource des difEcultés, que notre cceur nous fuggére, contre robeïifance duë aux ordres de Dieu ? Penfe/. - vo'is ? L 2' 1 Jean ïb  iCor. X. ii. t Coi. VI. 2. Matth. XIII. 17. Hebr. XI. 13- Hebr. II. 10. Hebr. IX. 26. 164 SER M O N VI. qu'il ne dut pas lui en couter pour lè réfoudre tout a coup a la mort, dans Ie tems que tout lui promettoit une heureufe & riante fituation dans le monde ? Sur quel fondement prétendrions - nous donc nous difpenfer de remplir les mêmes devoirs que ce faint homme ? Ha ! s'il fut la vive image du Mellie , tant de liecies avant fon avénement, refuferions - nous d'être les images de ce grand Sauveur, nous, auxquels les demiers tems Jont parvenus ? Nous, qui avons le bonheur de voir le tems agréable , le jour du falut ; ces jours fortunés pour 1'Eghfey que tant de Propbetes £«? de Jujles ont defiré de voir, & qu'ils n'ont vus que de loin? II. Ce qui doit nous engager furtout a imiter notre grand Maïtre, c'eft la confidération de ce qu'il a fait en notre faveur. Tout autre motif a part, celui-la feul fuffit pour nous déterminer , fi nous avons quelque fenfibilité, fi nous fommes fusceptibles de reconnoilfance. Vous le favez & il lèroit inutile de vous rappeller des vérités, qui vous font fréquemment retracées. Vous le favez, que votre Sauveur a été confacré par les Jouffrances; Qu'il ejl comparu une fois, dans la confommation des fiecles , pour Pabolition du pécbé par le Jacrifice de foi-même. Pourrions-nous, après une telle preuve de fa charité envers nous,  Le Type c?Ifaac. lós ne pas 1'aimer? Or Famour, qu'on a pour iui, confiite a garder fes commandemens & a imiter fon exemple. De quel prix ne doit pas être pour nous le facrifice , par lequel il nous a acquis une rêdemption éternelle ? Sans lui nous périifions fans reffource, & par lui nous fommes reconciliès avec Dieu. Mais plus ce facrifice eft précieux & eftimable, & plus nous devons être attentifs \ ne pas en anéantir Peffka* ce par notre corruption, & par des defobéïlfances volontaires; Car fi nous pécbons volontairement, il ne refle plus de facrifice , mais une attente terrible du jugement de Dieu. Penlbns y férieufement, Cbretiens. Nous nous deshonorons en n'ofant afpirer a la même gloire qu'lfaac , d'être les repréfentans du Fils de Dieu; & nous nous expofons en même tems a perdre le fruit d'un facrifice, dont nos péchés feuls peuvent anéantir pour nous la vertu. Ha! c'en feroit trop d'immoler notre honneur & nos intéréts les plus eflentiels pour contenter nos pafiions déréglées. Arfermiffons-nous dans la foi. Pénétronsnous de la grandeur de Dieu. Sentons le prix des bienfaits de notre Sauveur. Rappellons-nous le haut point de gloire, auquel il deftine ceux, qu'il ne prend point a, bonte Rappeller fes freres. Et pouriors les plus pénibles facrifices ne pour- L 3 i Jean V. 3» Hebr. IX. 12. Coioir. 1. 20. Hebr. X. 26. 27. Hebr. II.  ' M XX. 24. 166 SERMON VI. LeTjpe d'Ifaac. ront point nous effrayer, mais nousadopterons les ïentimens & Fhéroiquelangagede * ,ui: Je ne fms cas de rién, & ma vie ne mejl point précieufe, pour vu que ïacheve ma courfe avec joie. Dieu veuille nous en faire a tous la grace! Amen. Pf. CX1X. vs. 1. Trononeè d Amfierdam le 14 Fevrier 1773- Matin d la Grande Eglije.'  LES RECHUTES ' DANS L E PÊCHÉ. Depuis Jèfus le trouva au Tempte, &? lui dit; Voici tu as été guéri; ne pêche plus déformais, de peur que pis ne f arrivé. St. Jean Ch. V. vs. 14.. SEPTIEME SERMON. C'iroiT un langage auffi digne du Pere des miféricordes, qu'il étoit inftructif pour ceux , qui en étoient 1'objet, que celui que Ekeu tint a Moïfe, après la publication de la Loi; O s'ils avoient toujours ce même cceur pour me craindre, 6? Pour garder tous mes commandemens, afin qu'ils profpéra/Jent, eux £«? leurs cnfans d jamais ! Les Ifraélites avoient recu les loix du Légiüateur fuprême avec un profond refpecc. lis s'étoient engagés folemnellement a obferver les claufes de 1'alliance, que le Dieu de leurs peres venoit de renouveller avec eux. Témoin ce cri univerfel; Nous f er ons tout ce que P Eternel a dit. Rien ne pouvoit donc déformais mettre obftacle a leur bonheur; ils pouToient efpérer de voir couter leur paix L 4, Exorde. Deut V. »9. Exod. XIX. S. Efaie XLVHI. 13.  i68 SERMON VIL comme unfleuve, £«? leur profpérité com~ me les flots de la mer; pourvü qu'ils perfévéraflènt dans les beaux fentimens, qu'ils venoient de faire éclater. C'eft ce que Dieu leur fait fentir, en'leur témoignant dans les termes les plus touchans, le tendre intérêt, qu'il prenoit k leur fort; O s'ils avoient toujours ce même cceur pour me craindrc, £«f pour garder tous mes commandemens, afin qu'ils profpérajfent eux £3? leurs enfans d jamais f Mes Fueres , les circonfïances , oü nous' fommes, ont beaucoup de rapport avec celles , oü fe trouvoit l'ancien lfraël. Dieu a renouvellé dans ce jour fon allianT ce avec nous, & nous fommes entrés dans les engagemens les pJus faints. Quel bonheur pour nous , fi aiant toujours ce même cceur pour craindre Dieu , £5? pour garder tous fes commandemens, nous nous affurons k jamais les privileges dé fon alliance, «Sc les douceurs de fa cómmunion! Nous en avons les moyens en main, Nous n'avons qu'k profiter de 1'humiliante expérience du paffe;, pour nous munif contre un avenir dangereüx. Suivons Ja dire&ion, que le Sauveur du monde nous' donne dans mon texte: Voici tu as été guéri; ne pêche plus déformais, de peur que pis ne f arrivé. Jleüs-Ciirist adreffa cette lecon k un homme, qu'il avoit miraculeufèrnent guéri'  Les Recbutes dans k Têcbè. 169 auprès du lavoir de Betbejda. Attaqué iiepuis trente-buit ans d'une maladie ïncurable' eet. homme éprouva l'efficace du pouvoir bienfaifant du Sauveur. Celui-ci 1'aiant rencontré dans le Temple lui donna 1'avis contenu dans mon texte. L,\ folemnité de ce jour nous appelle a des méditations trop importantes , pour nous arrêter a des difcuiïions critiques fur 1'hiftoire , dont mon texte fait partie. 11 fuffira d'obferver, que les paroles de Jefus? Chnft fuppofent, que eet homme s'étoit rendu coupable de quelque grand pêché, qui avoit attiré fur lui un de ces chatimens, que la Juftice divine inflige quelquer fois dés cette vie même. Au moins le difcours du Sauveur fuppofe, que la maladie, dont il avoit guéri eet homme, étoit une fuite de fes déréglemens , & la jufte punition d'une vie criminelle, 11 1'exhorté. a profker du pafte, de peur que la rechu.^e dans fes premiers, defordres ne 1'expofit a de plus grands maux, que celui, dont il yerioit d'être délivré, Cette exhortation eft plus nécelfaire encore a 1'égard du jpjritusl. Les Rechutes dans le pêché, après. qu'on en a obtenu le pardon, & qüe 1'on a fait fa paix avec Dieu, font fouverainement dangereüfes. Nous ne pouvons, ]>rendre trop de précautions pour éviter des rêcidwes, qui ne peuvent que nous être fatales. C'eft a vous inftruire fur eet l 1  Plm de ce Difcour ï Pierre V. iq. Hebr. XIII 21. I. tartte. I. Excès de Jivérité a éviter. Phil. II. 12. ïfo SERMON VIL important fujet que nous deftinons ce Discours. Et pour réunir, autant qu'il nous fera '■ pollible , tout ce qui peut conrnbuer a vous éclairer fur un point de la derniere conféquence. 1. Nous vous donnerons uns jufte idéé des Rechutes , contre lefquelles nous voudrions vous munir. 11. Nous tfo cherons de vous en faire fentir les dangers. III. Nous en indiquerons les princihaks caujes. IV. Enfin nous vous donnerons quelques diredions fur les précautions, que vous devez prendre. Yluille le Dieu de toute grace toucher nos cceurs, les ouvrir k la vente, & nous rendre accomplis en toute bonne ceuvre, pour faire fa volonté, en fefant en nous ce qui Pui eft agréable par Jejus-Cbrift. Füur. nous faire de juftes idéés des Rechutes, contre lefquelles un Chretien doit fe munir, il faut éviter deux excès également dangereux. Un excès de févérité, & le relachement. I. Il faut éviter un excès de févérité, & ne pas troubler mal a - propos des confciences délicates & timorées. C'eft ce qu'on fait, en mettant au rang des rechutes dans le pêché, ces foiblefles inféparables de 1'humanité, ces fautes d'infirmité, auxquelles les plus gens de bien font fujets, pendant qu'i/i travaillent a leur falut avec crainte £5? trembkment. Telle  Les Rechutes dans le Pêché. 171 eft notre condition naturelle , qu'avec les intentions les plus droites, les réfolutions les plus fincéres, les föins les plus conftans, les précautions les plus fages, nous ne laiffons pas de broncher en plujieurs. chofes. H eft vrai, qifun Fidele ne négligé rien pour fe garantir de ces foibleffes, pour en diminuer le nombre , pour être en garde contre les furprifes du pêché, & pour achever ja fanclification en la crainte du Seigneur. Jl gémit de les imperfecbons, & s'écrie quelquefois douloiireufement: Helas! miférable que je juis, qui me délivrera du corps de cette mort ? Mais il ne doit pas être mis dans la claffe des pécheurs de rechute. Les fautes, oü il fe furprend, font rares; il les répare promptement par la repentance; il les déplore, & par cela même demeure toujours en état de grace. Ces foibleffes font femblables a ces nuages, qui dérobent pour quelques momens les rayons du foleil a nos yeux, mais qui ne 1'éclipfent pas entierement. Ce font de ces péchés, a fégard defquels le St. Efprit dit : Cnie Dieu ne brije point le rofeau café , qu'il n'éteint point le lumignon qui j'ume. Ne confondons donc point des chofes trés - diftinéhss par leur nature. „ Ames fideles, qui ge3, miffez dans le fentiment de vos imper„ fections , calmez vos inquiétudes.' Si 33 vos foibleffes vous offrent de juftes fu- aq. III. 2. 1 Cor. VII. 1. Rom. VII. 24. Efaie XÜI. 3- .  ir. J^e reldcbement a éviter. Gal. L 4. 172 SERMON VII. „ jets de vous humilier; fi elles doivent p vous exciter k la vigilance ; elles ne „ vous mettent pas néanmoins dans la p claffe odieufe des pécheurs, que nous 3, caraétérifons. Elles ne vous expofent „ pas aux efltayans dangers , que cou9, rent ceux, qui font coupables de re1, chutes." II. Mais, en évitant d'outrer la Morale par un excès de févérité, il faut prendre garde de ne pas tomber dans le relachement, par des adouciffemens contraires au génie de 1'Evangile. Quand nous parions de rechutes, il ne s'agit pas de la conduite, malheureufement trop ordinaire, d'un grand nombre de Chretiens, qui viennent k la table du Seigneur fans s'être duement préparés, chez lefquels famour du préfentfiecle mauvais fubfille dans toute fa force, dont les paflions ne font que fufpendues & non amorties, qui,dès que la folemnité elt, palfée, reprennent leur première facon de vivre, «& donnent de nouveau 1'elfor k leurs patfions. Ce ne font pas la des rechutes, mais les effets continués d'un principe, qui a toujours fubfifié. Un homme, dont la repentance a été réelle, 11e retombe pas fi promptement dans le pêché. Un jour ou deux ne fuflifent pas pour anéantir fes réfolutions. Ce n'efl qu'infenfiblement & par degrés qu'il fè relache -y ce n'eft qu'a la longue qu'il fuc*.  Les Rechutes dans le Pêché. 173 combe fous les efforts d'un ennemi, toujours attentif a le perdre. 11 en eft des maladies de 1'ame , comme de celles du corps. On n'appelle pas rechute les accès redoublés d'une lievre brülante , qui n'a ceffé que pour peu de tems, & qui reprend enfuite avec la même violence. Mais on appelle rechute, le cas d'un homme, qui guéri entierement, quoiqu'encore dans un état débile & foible, retombe dans la même maladie, pour ne s'être pas ménagé avec loin, & pour n'avoir pas pris les précautions néceffaires au parfait rétabliffement de fa fanté. De même a 1'égard des maladies de 1'ame. Une interruption de quelques heures , n'eft pas une guérifon. Des acïes renouvellés d'une paffion, a laquelle on ne renonca jamais, ne font pas des rechutes. Le pêché, dont nous parions, eft celui d'un Chretien, qui s'eft véritablement repenti, qui a faintement communié, dont les réfolutions ont été fincéres; & qui a le malheur de faire bréche a fa repentance, de violer fes engagemens, & d'oublier les réfolutions, qu'il avoit formées. Une trifte expérience ne juftifie que trop, que c'eft-la un malheur, qui peut arriver aux gens de bien , furtout quand ils n'en font qu'aux commencemens de la vie Chretienne. Ce font des Convalefcens encore foibles, dont les forces, épuifées par une longue maladie, ne font  II. Portie. L Les rechu tes anèantijfent le prix rits plus benux J'acrifices. Pf. LV. 5. ó. 174- SERMON VIL pas retablies , & qui font en danger dé retomber, slis ne veillent avec foin fur eux - mêmes , s'ils ne fe ménagent avec prudence, cc s'ils ne prennent toutes les précautions poffibles pour éviter des rechutes funelles, Humiliante, mais inftructive vérité, puifqu'elle nous dévoile Vimprudence de la conduite de tant de Chretiens, qui vivent dans une profonde fécurité , quelque peu de pas qu'ils aient fait dans les voies de la fanctification. Détrompons-nous, M. F., & pour nous exciter a la vigilance, méditons les dangers des rechutes dans ia feconde Partie de notre Difcours. Les rechutes dans le pêché nous expofint aux plus fifoiftres malheurs. I. Elles anéantiljént le prix des plus beaux facrifices. 11. Elles migagent dans les crimr< les plus odieux. 111. Elles multiplient les objlacles au jdlut. IV. Elles conduij'ent enfin d une perte inévitable. i* Les rechutes anèantiffcnt le prix des 'plus beaux facrifices. Ün vrai Commu- ' niant, un pécheur, qui s'eft fincérement converti, a éprouvé toutes les amertumes de la repentance; il a été en proie a la douleur, a la honte, & aux remords; fon cceur a été comme en travail d1 enfant au dedans de lui, £3? des frayeurs mortelles Jont tombé es fur lui; la craint e £5? le tremblemcnt je font jeitês jur lui, & lé-  Les Rechutes dans le Pêché. %fj pouvantement Va couvert. Pénétré de fes égaremens, il a eu a combattre des préjugés difficiles a vaincre. II a été obligé de s'arracher a des objets, qu'une longue habitude lui/avoit rendus chers. II a dü fe porter a lui-même des coups douloureux, pour mortilier des paffions jufques alors victorieufes. Ces facrifkes ont été le r.éfultat d'un mür examen; ce n'eft qu'après avoir fait fcrupuleufement le compte de Jes voies, qu'il a rehrouJJ'é chemin vers les tèmoignages de PEternel. Mais fes réfolutions, quoique fondées mr ce qu'il y a de plus clair & de moins conteké dans la révélation , lui ont couté a prendre. Qui de nous, s'il s'eft véritablement repenti, ne connoit pas fa propre ex pénence , les difficultés, qu'il y a a vaincre , pour pouvoir dire du cceur comme de la Douche avec David : J'ai conclu que ma portion eft de garder les commandemens de PEterneï ? Mais qu'il eft beau cl'ofer fe dire a foi - même des vérités mortitiantes! Quelle plus belle viétoire ,, que celle que nous remportons fur des préjugés appuiés de toute rautontc du monde , fur des paffions , que 1'habitude , que 1'exemple , que des maximes, confacrées prefque univerfellement, ontce-femble juftifices! ür les rechutes dans le pêché font perdre le prix de ces nobles facnhces, qui ont tant couté; elles rendent inutiles tant de pénibles ef- ?i cxix. 59- Pf. CXIX. 57-  •Efaie XLIX. 4, LXV. 2. n. ÈUes mui engtgent dans les crimes les plus odieux, 176 SERMON VII. forts , qu'on a faits; elles anéantiflènt cel réfolutions fi fages, le fruit des plus férieufes réflexiöns, & des plus müres délibérations. A quoi fervent a un homme, qui retombe dans fes premiers péchés, ces fentimens de honte & de douleur, auxquels il s'eft livré? Quel fruit recueiile-til de 1'amerfurne de fes remords ? 11 a ufé Ja force en - vain ; il a étendu fes mains vers un peuple rebelle. Son efprit & fon cceur, qu'il avoit ramenés dans les bornes du devoir, fe foulevent; & les patïlons li courageufement foumifes a 1'empire de Jefus-Chrift, reprennent leur afcendant, & augmentent la honte de fa défaite, puilque 1'expérience a démontré, qu'elles peuvent être vaincues. Pourrions-noüs après cela ne pas concevoir une jufte horreur pour les rechutes, puifqu'elles nous font perdre l'honneur des triomphes, que nous avions remportés ? II. Ce qui les rend en fecond lieu bien dangereufes, c'eft ceelles nous engagent dans les crimes les plus odieux. Payer les plusgrands bienfaits d'un tendre bienfaiteur d'une noire ingratitude; manquer aux engagemens les plus refpeétables, oü 1'on eft entré d'une facon aulfi libre que lölemnelle ; méprifer infolemment ce Dieu , qui mérite la plus profonde vénération; connoiffez-vous un procédé plus indigne ? Y a-t-il caraótere plus odieux , que celui r qui'  Les Rechutes dans le Pêché. 177 qui par cette complication de crimes femble braver la Divinité? Or la rechute dans le pêché nous rend coupables a tous ces égards. Ce caractere fi alfreux devient le notre. C'eft ce dont nous allons vous faire vous-mêmes les Juges. Quelles graces que celles que Dieu vous a accordées, lorfque, femblables a 1'enfant prodigue, vous êtes venus implorer fa miféricorde! 11 ne vous a point fait felon vos péchés, «S? ne vous a point rendu feUn vos iniquités. Purifiès par le fang de Chrift , il vous a rendu la joie de fon falut. Vos ames, devenues les temples du Saint Efprit, ont été régénérées a 1'image de Dieu. Rajfafiées comme de- moëlle .«2? de graijfe elles ont connu les charmes de cette paix, qui Jurpajfe toute intelligence. La gloire des Saints, prix ineftimabie du facrifice de Jefus-Chrift, vivement retracé a votre efprit, a excité dans vos cceurs les plus doux fentimens, les plus ravisfantes efpérances. En retombant dans vos premiers égaremens, vous témoignez la nlus criminelle infenfibilité pour toutes ces faveurs; vous méprifez le pardon que Dieu vous a accordé; vous 1'outragez par le plus aimable de fes attributs, qui eft fa miféricorde j vous infultez a Yefprit de grace; vous profanez le fang de Chrift; vous renoncez aux biens Torn II. M Pf. cm. iO. 1 Jean I. 7, Pf. Lï. 14. 1 Cor. VI. 19. Pfeaume LXI1I. 6. Phil. IV. 7, Hebr. X. 2*.  Jer. II. 12. Hebï. Xi: 25. 178 SERMON VIL de la gloire. Si ce n'eft pas la f ingratitude la plus noire , dites - nous ce qui doit déformais porter ce nom? Encore s'il n'y avoit que de 1'ingratitude, mais on y ajoute la perfidie. Quand on fe rendpcoupable par des rechutes, on viole uni^lliance contraétée folemnellement ave^teieu, fcelée de ce qu'il y a de plus aügüfte dans la Religion ; on trahit des lermens faits fur le corps & fur le fang de Jefus - Chrift, faits librement & fans contrainte. N'eft-ce pas la être perfide ? Quoi ! lorfqu'il s'agit des hommes , 011 fe piqué de générofité, on prétend être fidefe , religieux & conftant obfervateur de fa parole ; & 1'on ne rougit pas d'v manquer envers Dieu , on ofe fe dé» pouiller de cette nobleffe d'ame, renoncer a ces fentimens généreux, que 1'on a pour les hommes ! Cieux , foiez étonnés, aiez horreur l Et que fera - ce, fi vous confiderez, que le pécheur de rechute eft non feulement ingrat & perfide, mais qu'il témoigne a Dieu le plus outrageant mépris? Oui, Chretiens, qpnd on retombe dans fes anciennes habitudes, auxquelles on avoit renonce par la repentance, on pêche avec connoiffance de caufe; on préfére indignement le Monde a Dieu , les loix de la corruption a celles de la fainteté, les délices du  Les Rechutes dans le Pêché. 179 pêché aux douceurs de la grace , les biens de la terre a ceux du ciel, la condition d'efclaves du Démon a celle d'en-fans de Dieu. Se peut - il quelque chofe de plus injurieux a 1'Etre fouverain ? Et ne frémirions - nous pas a la feule penfée d'être en même tems , les plus laches, les plus perfides & les plus infolens des pécheurs ? 111. Considerez en troifieme lieu , pour vous convaincre du danger des re- i chutes , quelles multiplient les obflacles au, falut. II n'eft: rien de plus commun ,, que d'entendre les hommes fe plaindre des difflcultés de la vie Chretienne. Eloquens , lorfqu'il s'agit de tracer le portrait des obftacles, qu'ils ont a vaincre, peu s'en faut qu'ils naccufent Dieu d'avoir rendu le Ciel inacceffible. Qui croiroit après cela , fi 1'expérience n'en fourniflbit de trop nombreufes preuves, que les mêmes hommes multipliafient fouvent les difficultés, qui font le fujet de leurs injuftes déclamations ? II eft: certain néanmoins, que les Rechutes rendent le falut plus difficile. je m'expliqujd. Pour être fauvé , il faut être en Chrift; & pour être en Chrift, il faut être mie nouvelle créature. Or qu'eft-ce quêtrg une nouvelle créature, felon 1'efprit & dans le ftile de 1'Evangile ? C'eft être tramM 2 in. Elles muW iplient les ihflacles au alut. 2 Cor. V.  Rom. XIL Eph. ï. 18, 19. Prov.XXI 15. 180 SERMON VII. formé par le renouvelkment de fon entendement. C'eft avoir des idéés juftes du véritable prix des objets; connoïtre, quelles font les richejfes de la gr ace de Dieu , & quels font les tréfors de la gloire de Jon héritage. C'eft connoïtre Pexcellence des préceptes de 1'Evarigile , le prix de fes biens, la .grandeur de fes. privileges, & le néant de lout ce que le Monde peut y oppofer. Etre une nouvelle créature , c'eft auffi être transformé a 1'égard de fa volonté; c'eft aimer la piété, en fentir, en goüter les douceurs. C'eft enfin vi, vre d'une vie nouvelle, fe faire une joie de pratiquer ce qui ejl droit. Un pareil changement en nous a fes difficultés; ce n'eft pas fans peine qu'on change d'idées, de goüt, & de conduite. Or par Ia rechute dans le pêché on renouvelle & on multiplie ces difficultés. On revient aux premières idees , que 1'on avoit du monde; elles fe retracent plus vivement, & par un retour fréquent elles deviennent plus difficiles a chafler. Le goüt, qu'on avoit eu pour les objets de fes pasfions, reprend de nouvelles forces. Les habitudes, enracinées par des aéles réitér és , devierinent prefque infurmontables. De-la ce langage fi ordinaire dans le monde : „ Un penchant invincible „ m'entraïne; je ne fuis pas le maitre  Les Rechutes dans le Pêché. 131 „ des mouvemens de mon cceur." Un penchant iwincible vous entrahel Vous fi êtes pas le maitre des mouvemens de votre cceur! Je n'en fuis pas furpris. Comment la chofe peut-elle être autrement ? Vous avez rappellé des idees & des fentimens, que vous deviez écarter. Vous leur avez donné un libre cours. Vous leur avez iaiffé tout le tems de fe précipiter avec la violence d'un torrent, qui roule du fommet d'une montagne. Comment pourriezvous déformais y réfifter? „ Préjugés ti„ ranniques d'un efprit aveuglé par tes „ paffions ! Mouvemens impétueux d'un cceur nourri dans le goüt du monde! „ Vous ne vérifiez que trop cette ef„ frayante defcription: Le More change„ roit-il fa peau, & le Léopard fes taches? „ Pourriez-vous auffi fake le Hen, vous qui L nêus habitués què faire le mal." Les rechutes multiplient les obftacles au falut, non feulement en fortifiant en nous les mauvaifes habitudes , mais auffi en fefant perdre aux moyens ordinaires de_ les détruire leur efficace. Un homme , qui retombe dans le pêché après s'être converti, s'eft occupé des grands myfteres de 1'Evangile & de ce qu'il y a de touchant dans fceuvre de la rédemption, & après y avoir été fenfible, il a céde a ia tentation. II a connu la fainteté des M 3 Jer. XIII. 23. t  ïv. EUes <~anduijh.t h tine perteinévital le. Hfbr. III. 13- i 182 SERMON VII. préceptes de 1'Evangile , & les a négligés. Frappé de la magnificence de fes promeües, elles n'ont pu 1'emporter lindes plailirs préfens. L'exemple des gens du monde a eu plus de pouvoir fur lui que celui de tant d'illuftres Fideles qui lont précédé dans la carrière du falut Les exhortations, les cenfures, auxquelles il s étoit rendu, ont été écartées & enfévélies dans 1'oubli. Après ce'la que ferez-vous? que direz-vous , dont vous puiffiez efpérer quelque fuccès ? Par quelle voie le pécheur lui-même pourra-t-il tenter de furmonter des obftacles, qu'il a fi cruellement multipliés 2 • IV' C'EST ce frent de triftes preuves de cette vérité, qui fentent fuccéder au beau feu , dont ils brülent dans ces jours folemnels, une indifférence funefte, une froideur fatale i Préfages trop certains, avant-coureurs in* faillibles des plus honteufes rechutes. III. A rinconftance du cceur, a 1'indolence naturelle, fe joint fouvent le défaut de réflexion. Si pour fe conduire avec fageffe dans le monde , il importe de penfer mürement, & de ne pas agir au hazard , eet efprit de réflexion eft bien plus néceffaire encore dans la Religion, II n'eft rien de plus propre a nous affermir dans la piété, que de fe retracer fréquemment les fublimes vérités de PEvangile, de méditer la Grandeur, laCharité, la Juftice , la Toute - puiffance, & 1'Imraenfité de Dieu. C'eft-lè ce qui peut  Les Rechutes dans le Pêché. 187 mettre un frein aux paffions les plus violentes , rendre inutiles les efforts de Ia corruption. Jamais les maximes du monde ne feroient capables de nous féduire, ni lés biens de la terre de nous tenter & de nous faire manquer a notre devoir, fi nous penfions habituellement a ce qu'il y a d'admirable dans les préceptes de JefusChrift , & de magnifique dans les recompenfès , qu'il nous promet. Mais nous ne profkons guere de eet avantage. La méclitation , le recueillement , font étrangeres k bien des perfonnes. Eft-il furprenant, que les vérités, les préceptes, les promeffes de FEvangile ne nous touchent que foibiement ? Qu'elles ne contrebalancent point les dangereufès impreffions des objets fenfibles, & qu'on retombe fi aifément dans le pêché? IV. Quatrieme caufe des rechutes,ce font les mauvaifes occafions, furtout celles, auxquelles nous nous expoföns volontairement. Nous ne pouvons 1'ignorer; les objets extérieurs font toujours plus ou moins d'impresfion fur nous. Ainfi, a moins que d'être fur nos gardes, & de faire a 1'exemple de Job un accord avec nos yeux, nous courons rifque de fuccomber aux nouvelles attaques, qui nous feront livrées ; furtout, fi nous fommes affez téméraires pour nous expofer imprudemment au péril. II en prit mal a St. Pierre d'avoir négligé les avis de IV. Caufe des recbutes. Job XXXI. 1.  i§8 SERMON VIL v. Caufe des recbutes. Jaq. IV. 4 fon Maïtre , d'avoir cherché 1'occafion» qu'il devoit éviter. Une honteufe chute fut le fruit de fon imprudence & de fa préfomption. Jugez par-la de ee que vous avez k craindre, fi vous vous expofez k des occafions dangereufes, & fatales k votre innocence. Vous ne pouvez vous cacher, que certaines compagnies, certaines parties de plaifir, que 1'oifiveté, 'Faifè, la molelTe, la diffipation, vous ont entraïné dans le pêché. Et néan moins vous avez 1'imprudence & la témérité de vous retrouver dans ces compagnies dangereufes, de renouer ces fatales parties de plaifir, de vivre dans 1'oifiveté, la diffipation, la mol-' leffe. Pouvez - vous vous attendre k autre chofe qu'a des rechutes? Ne faudroit-il pas un miracle, que vous n'êtes pas en droit d'attendre de Dieu, pour vous empêcher de tomber dans un précipice, oü vous courez? V. Enfin , une derniere caufe des rechutes dans le pêché, ce font les égards humains. Vamitié du monde, ejl inimitiècontre Dieu. Rien de plus oppofé que les maximes du fiecle & celles de 1'Evangile. Et néanmoins on palTe pour bizarre,peu complaifant, fi 1'on ne fuit les coutumes établies, quelques contraires qu'elles foient aux loix de la Religion. On redoute le jugement des hommes. Une mauvaife honte retient. On n'ofe fecouer le joug , auffi importun  Les Rechutes dans le Pêché. 189 que tirannique de 1'ufage. „ Que dira-t-on „ de moi, fi je me fingularife? Je pafferai pour „ un efprit foible & vifionnaire." Qu'il eft difficile de réfifter au torrent! Qu'il eft aifé de prendre du goüt pour des chofes, qu'on n'a fupportées d'abord que par foibleffe & par complaifance! Mais qu'il eft honteux en même tems k des Chretiens, de n'ofer mareher ouvertement fous la baniere de Jefus - Chrift, iïavoir honte de fon Evangi/ 1 Cor. vu. 1. Apoc.XXI. I, Hebr. XL 25- 1 Pierre V, 4- III. Confiil. Efaie VUL 13- Hebr. IV. 13. Jaq, IV. 12.  Eph. hl. 20. Hebr. XII. 29. Job XXXVII. 16. Gen. XXII. 12. Pf.XCV.3. Pf. XI. 4.^ | i Pf.XVI.8. 1 IV. Confeil Matth.. XXVI. 41. 1 Ttov. IV.1 23- l 192 SERMON VIL dre. Le Monde cherche-t-il a nous attirer par des offres fpécieufes, ou a nous effrayer par des menaces ? Oppofons la puiffance d'un Dieu, qui peut faire efficacément pour nous au dela de ce que nous demandons 6? penfons, & qui efl un feu confumant pour ceux qui ofent lui déplaire. Le Monde entreprend - il de nous féduire par la crainte des jugemens desavantageux, qu'il porte de nous ? Oppofons lui Ie jugement de celui, qui eft leParjait en ftience,h gloire, qu'il y a k entendre eet éloge : Maintenant je connois que tu crains Dieu. Le Monde nous propolè-t-il 1'exemple de ceux, que leur naiffance, leur rang, leurs richelfes diftinguent? Oppofons-lui 1'exemple de celui, qui ejl un grand Roi par desfus tous les Dieux, & difons, que les yeux ie VEternel contemplent, que Jes pau ■ vitres fondent les fils des hommes. O que a crainte des hommes eft peu capable de aire imprelfion fur une ame pénétrée de la :rainte de Dieu, & quife propofe toujours "Eternel devant elle! IV. Dernier Confeil. Veillez Priez « ie peut que vous n'entriez en tentation. 3'eft encore un avis de notre Sauveur. Teillez fur votre cceur, gardez-le de tout e dont il faut le garder. Précautionnezrous contre votre inconftance , votre paeffe naturelle. Méditez toute 1'étendue 1'uri deffein auffi important, que 1'eft votre fanc-  Les Rechutes dans le Pêché. ioj fanótifkation. Souvenez - vous de vos vceux, de vos promeffes, de vos réfolutions. Pénétrez - vous des vérités & des devoirs de la Religion. Dites - vous a.vousmêmes, que les chofes vifibles ne font que11 pour un 'tems, £s? que les invifibles jont êternelles. Evitez les diffipations, les diftractions du monde; ou fi une néceffité d'état & de condition vous y engage, cherchez fréquemment des remedes dans la retraite & le recueillement. Formez votre goüt a la piété,, & elle vous deviendra familiere. Veillez fur votre tempérament, fur vos paffions. Avez - vous quelque penchant, qui puiffe vous conduire a des excès ? Ne le perdez pas de vue. C'eft un ennemi, qui tot ou tard vous trahiroit. Veillez fur toutes les occafions, auxquelles vous pourriez être expofé. Evitez celles * oü la néceffité ne vous oblige pas de vous trouver , & n'allez pas volontairement vous expofer a un air empoifbnné & contagieux." A 1'égard des autres, oü votre état dans la fociété vous appelle; prenez Vos précautions; armez-vous d'avance^E; bouclier de la foi, du cafque du falut, de Vèpée de la parole de Dieu. Ajoutez k tous ces foins la Priere. Efficace en ellemême, en ce qu'elle éleve nos penfées,ennoblit nos fentiraens, & nous unit d'une facon particuliere avec Dieu ; elle fert auifi a nous obtenir fa bénédiétion fur noa Tomé IL N Cor. ÏV„ li, >hes."Vr  IP4 SER M O N VII. Ps.CXXV I. Pf. LXXIII. 17- Hebr. IV, 16. Eph. III. *4- PfCXLIV. I. ï Chron. XXIX. 18. Pf. XVII. tS-8. Jer. XVII. 9- a Cor. XII. efforts, & les fecours les plus puifTans.* ceux qui Je confient en P Eternel, Jont comme la montagne deSion, qui ne peut être ébranlêe. Quel motif pour nous exciter a des prieres ferventes & foutenues! Quel encouragement pour des hommes encore foibles,environnés de tentations & expofés a faire d'humiliantes & triftes chutes, de pouvoir tfouver un afile dans le Janlluaire du Dieu fort contre les pourfuites de leurs ennemis; de n'avoir qu'k s'adreffer au Toutpuilfant ,pour être aidés dans le bejbin. Uniffons donc nos cceurs, fiéchijfons les genoux devant le Fere de notre Seigneur Jefus - Crijl & lui adreffons nos vceux : P R I E R E. Eternel! drejfe nos mains au combaty & nos doigts d la bataille. Entretiens ceci d toujours. Javoir Pinciination despenjées du cceur de ton peuple , £5? difpoje nos cceurs vers toi dfifermis nos pas dans tes fenticrs, afin que les plantes de nos pieds ne chancellent point. Garde - nous comme la prune He de P ceil £5? nous cache Jous Pombre de tes aïles. C'eft dans notre propre fein }ue fè trouvent nos plus dangereux ennemis; notre cceur ejl trompeur £ƒ déjèspérêment malin. Soutiens - nous , Seigneur, accomplis ta vertu dans nos extrêmes foibkjfês. Fais-nous la grace de les connoi-  Les Rechutes dans. le Pêché. 19? tre, & de travailler a les fnrmonter. Que ta Majefté, toujours préfente a notre efprit, nous munitie contre la crainte des hommes. Donne - nous d'être en garde contre les exemples, les maximes & les attraits de la corruption. Que tant de talens', que tu nous as confiés, ne foient pas inutilesk notre falut. Que tant & de fi grands bienfaits, dont tu nous as comblés, ne foient pas payés d'une noire ingratitüde. Faisnous la grace d'avoir toujours le même cceur pour ie craindre pour garder tes commandemens. Que ta lumiere £«? ta vérité nous guident, que ton Efprit nous fortiiie, & que ta gloire nous anime k en rechercher la polfeflion. Pf. XXXII. Paufe. Pf. CVI. vs. 2,3. Trononcê d Amjlerdam le 29 Becemhrê 1782, foir d la Petite Lglije. N % Deut.V. 29. Pf. XLIII. 3*  L'E M P I R E Exorde. DU G O E U R SUR L' ESPRIT. Et Agrippa répondit d Paul: tu me perfuades a peu prés d'êtreChretien. Act. Ch. XXVI. vs. 28. HUITIEME SERMON. 1 Ce fut une des circonftances les plus glorieufes de la vie de St. Paul, que celle qui donna occalion k la réponfe du Roi Agrippa contenue dans mon texte. Notre Apötre , acculé injuftement par les Juifs, & arraché k leur fureur par les Romains, comparut d'abord devant le tribunal de Félix, Juge, dont favarice & la politique prolongea fa détention. Porcius Fe/lus, ayant fuccédé k Félix dans le gouvernement de la Judée, prit connoilfance de 1'affaire de St. Paul, il en paria k Agrippa & k Bérénice foeur de ce Prince, qui étoient venus k Céfarée pour rendre, felon la coutume, leurs devoirs au Proconful Romain. Ils fouhaittérent de voir & d'entendre 1'Apötre, & ce fut devant un Auditoire de ce caraftere, que St. Paul plaida fa caufe & celle de  SERMON VIII. Vempire &c. 107 FEvangile, avec autant de gravité & de prudence que de folidité & de force. Son difcours fit diffcrentes imprelfions fur ceux, qui 1'écoutoient; Fejlus traita le Miniftre de Jefus-Chrift tfinfenjé ; mais Agrippa, frappé des raifons de ce grand homme, fit eet aveu fi honorable au Chriftianifme : Tu me perfuades d peu prés d'être Cbretien: paroles, dans lefquelles on appercoit, d'un cöté, Ie pouvoir de la vérité fur ceux, qui ont le moins de difpofition a s'y rendre, & de 1'autre Pempire de la corruption, qui met obftacle a 1'influence des lumieres les plus vives. Agrippa hls d'un perfécuteur des Chretiens, environnê de Juifs & de Paiens ennemis déclarés du nom de Jefus, ne peut néanmoins refufer quelque hommage a la vérité ; mais ce même Agrippa , efclave de fes paffions, attaché a fa grandeur, obligé a des égards pour fa Nation, & pour les Romains, dont il dépendoit, ne donne a la vérité que ce fimple aveu, & il témoigne aflez par le tour même de fes expreffions, qu'il n'avoir. pas le courage de fuivre les lumieres, qui 1'éclairoient. Il n'y a, je m'affure, perfonne d'entre vous, qui ne condamne ce lache procédé. Croiriez-vous cependant, qu'il fe renouyelle tous les jours au milieu de nous ? Öui, M. F., on ne voit que trop de perfonnes, qui fe conduifent par les princi-. N 3  jpö SERMON VUL pes, qui diólerent a Jgrippa le langage de mon texte. On reconnoït 1'excellence de la Religion , on eft perjuadé de la néceffité d'être Cbretien; témoin ces devoirs extérieurs , qu'on remplit avec foin; ces fentimens de dévotion, que Ton fait éclatter dans ces jours folemnels. Mais la corruption empêche de devenir réellement difciple de 1'Fvangile ; témoin le reiachement extréme, qui regne dans le Chriftianifme. VEfprit & le Cceur font chez nous dans une guerre continuelle, & ce qu'ii y a d'affligeant, c'eft que la corruption du cceur triomphe des lumieres de 1'efprit. C'eft même ce qui fert de fondement a une objection de 1'lncrédule , qui parok d'abord redoutable. „ Comment accorder, dit-on, 1'efc „ ficace , que vous attribuez a 1'Evangis, le, avec la vie & les mceurs de la plu„ part de ceux, qui en font profeffion?" J'entreprends aujourd'hui M. F. de lever ce fcandale, en vous découvrant les obftades, qui s'oppofent a. 1'influence de la vérité, en vous faifant connoïtre les principes, qui diétent ce langage : tu me perfuades d peu prés d'être Cbretien. Pour ëxécuter ce deffein dans toute fon étendue ü me maniere, convenable a la circonftance de ce jour & qui vous foit utile, nous ferons obligés quelquefois d'oublier Agrippa pour penlèr principalement a vous.  Vempire du Cceur fur VEfprit. 199 Dans une première partie je rechcrcherai lei divers principes, qui ajjurent fif ordinairement d la corruption le triomphe fur les lumieres les plus vives. Enfuite je tdchcrai de vous infpirer de l'éloignement pour cette criminelle conduite. Puiffionsnous inftruits de la fource de nos defordres, & des dangers, auxquels ils nous expofent , prendre la ferme réfolution d'être déformais véritablement Chretiens, & travailler a accomphr en nous ce vceu, qu'un tendre zele dicla a St. Paul: Je [ouhaitterois envers Dieu, que non feulement toi, mais auffi tous ceux , qui niêcoutent aujourdhui, devinffent d peu prés bien avant tels que je juis. Amen! Rfxhf.rchons d'abord les divers principes, qui affurent fi ordinair ement d la corruption le triomphe jur les lumieres les plus vives, & qui diBent ce langage bizarre & criminel: tu me perfuades d peu prés d'être Chretien. 11 y en a quatre principaux. 1. L'empire des pajfions. II. Les difficultés de la piété. 111. Les maximes du fiecle. IV. L:s illufons du faux Christianifme. I. Premier principe du langage 8Agrippa, c'eft Vempire des pajfions. S'il ne ié rend pas a Pévidence des preuves, par lefquelles St. Paul juftilie la Divinité-de la Religion Chretienne , ce n'eft pas, qu'il n'en fente toute la force, mais c'eft qu'il N 4. Plan de : Difcours. J. Partie. Principes iu triomphe ie la corrup' iion du cwttr rur les lunieres de refprit. i. L'empire ies pajjions.  soo SERMON VIII. eft efclave de fes paffions. Lé rang , auquel il étoit parvenu par la faveur des Romains, flatoit fon ambition, le mettoit en ètat de latisfaire les defirs de Ion 'cceur, de jouïr des agrémens d'une fortune briljante, & de goüter les douceurs de la volupté; la profèffion de l'Evangile eut porté atteinte a fa grandeur , 1'eut rendu odieux aux Juifs & aux Romains. Agrippa Chretien leroit devenu peut-être le compagnon des Hens de St. Paul. A cette vue les pasfions lè foulevent, s'oppofent aux impreslions de la vérité , & triomphent de fes lumieres, fe bornant h lui rendre un hommage auffi inutile que förcé. Tel eft M. F. le dangereux pouvoir, qu'elles ont encore , fur un grand nombre de ceux , qui fe difent Chretiens. Qui de nous ignore , jufques a quel point elles alfervisfent notre raifon ? Ce font des Maitres impérieux, qui commandent avec autorité, & qui entrainent avec violence. Dés qu'on eft livré a fes paffions , on rélifte aux preuves les plus convaincantes, on cherche a les éluder, on 'ferme volontairement les yeux a la lumiere , & on lè lailfe aller au torrent. Voulez-vous des preuves de cette vérité ? 11 nous eft facilè de vous en fournir, & il n'y a que le choix, qui pourroit nous embarralfer; une lèule fuffira. Vous favez , que l'Evangile exige de nous, que nous nat-  X?empire du Cceur fur TEfprit. 201 mions point le monde, ni les chofes, qui jont au monde; il nous die, qu'un caractere eflentiel du vrai Cbretien eft d'avoir crucifié la chdir avec Jes convoitijes; l'Evangile vent, que nous nous regardions comme étrangers £f voyageurs jur la terre , que nous penlions férieufement k notre derniere fin, & que nous employions le tems de notre féjour temporel k nous préparer pour une oeconomie éternelle. Or je demande, s'il fe trouve beaucoup de Chretiens, qui obéïftent a l'Evangile fur ces articles ? Elt-ce la le caraétere & la conduite de la plupart d'entre nous ? C'eft un paradoxe, que perfonne, je m'alfure, n'entreprendra de foutenir. 11 n'eft que trop avéré, que nous ne déférons pas la plupart aux'lecons de jefus-Chrift. Et d'oü vient ? Seroit - ce que nous n'avons pas des preuves fuffifantes de notre fragilité ? Mais qui de nous pourroit en douter , tandis que 1'expérience de tous les fiecles depuis 1'origine de 1'Univers , & que la notre propre nous démontrent, que nos jours Jont réduits d la mej'ure de quatre doigts, £s? que le tems de notre vie'ejl comme un rien? Seroit-ce que Ftxifténce d'une autre vie après celle-ci eft douteufe ? Non M. F. la Raifon & la Révélation nous inftruifent de concert fur éét articlé, & il n'y a pas d'homme capable de réflexion, quelqu'attaché d'ailleurs N 5 1 Jean II. IS- jal. V. 24. 1 Pierre IL IU 1 Pierr. L 17. Pfeaume KXXIX.6.  a Cor. IV. 18. zot SERMON VÏIL qu'il foit au monde, qui ne reconnoiffe h certitude d'une Oeconomie a venir. Seroitce donc que nous ne fentons pas , que s'ü y a une autre vie, nous avons le plus grand intérêt a travailler pendant celle-ei a nous rendre heureux dans ce Monde a venir ? Mais qui de nous n'eft éloquent, lorfqu'il s'agit de difcourir fur 1'importance du falut, & fur le foin, qu'on doit prendre pour fe rendre éternellement heureux ? Qu'cft-ce donc qui nous empêche d'être véntablement Chretiens, en profitant des lumieres de l'Evangile , & en obéïffant k fes lecons? M. F., c'eft l'empire tyrannique, que les paffions exercent fur nous, qui en eft la caufe. Nous aimons nos grandeurs, nos richeffes, nos plaiftrs , nous aimons le monde, paree que nous y trouvons de quoi fatisfaire notre orgueil s notre cupidité , notre goüt charnel, en un mot la terre eft un féjour , qui nous plak, & quoique nous en difions, nous t&chons d'y éternifer notre demeure en redoublant d'attachement pour la vie, C'eftla ce qui rend inutiles les lumieres, qui nous éclairent; nous fommes perfuadés, mais ce n'eft qu'i peu prés, c'eft-a-dire, que convaincus, que nous fommes mortels, nous vivons comme fi nous étions immortels; convaincus, que les créatures ne jont que pour un tems , nous nous y attachons, comme fi elles étoient éterne\  Vempire du Cceur jur P Efprit. 203 les i convaincus, qu'il y a une Öeconomie redoutable de retribution, nous nous conduifons, comme s'il n'y en avoit point. Tant qu'il s'agit d'une perfualïon fpé« eulative, il eft peu d'efprits indociles & rebelles parmi nous; mais, dès qu'il s'agit de la pratique, le cceur fe fouleve, les pasfions combattent, elles nous préfentent les objets, que nous chériffons, revêtus de tout ce qui peut nous charmer. 11 n'en faut pas davantage pour nous rendre tels op'Agrippa ; nous ne fommes qu'a peu prés Chretiens; nous fefons hommage a la vérité d'un cöté , tandis que nous la deshonorons de 1'autre. II. Un fecond principe du langage, qui eft 1'objet de notre cenfure, ce font les difficultés de la piété. La timidité & findolence font plus ordinaires, qu'on ne fe l'imagine, & font de dangereux ennemis. La crainte empêche en bien des occafions de fuivre les lumieres de la vérité, on eft effrayé a la vue des devoirs, auxquels elle engageroit, fi 1'on fe foumettoit k Ion autorité. Les palïïons ne font pas également violentes dans tous les hommes, du moins n'agiffent-elles pas toujours avec une égale force; il y a des perfonnes, qui n'ont ni de grandes vertus ni de grands vices, qui vivent dans un certain état dc négligence & de mollefte, qui marquent même quelquefois un defir aftez vif de ft ir. Les difficultés de la piété.  Hebr. XII, i. 204. SERMON VIII. fauver, ils font a peu prés Chretiens, qui eft le Roi des nations; il n'eft pa; moins nécelTaire , quand on eft témoir tous les jours des progrès du libertinage & du vice. En général les prieres des fuftes faites avec ferveur font d'une grande effi eace. Quand le déréglement des mceurs de vient dominant , ce font fouvent les re quètes des gens de bien, qui defarment 1< bras vengenr du Tout-puiffant, prévien 1 Pierre iv.17. iv. Prieres fervente!. Pf. XXVlf. 8. Jer.X.?. Jaq. V. i<5.  2Ó8 SERMON X. La Douleur Jer. XV. i Ezech. XIV. 14. Pf. CXIX. 36. Pf. XVII. S- ., È :i sf 1 Jer. II. 19. j Rom. VI.' 21. < ( ( i 1 I nent les effets de fon indignation, & rempêchent de donner cours a Yardeur de fa colere. 11 eft bien vrai que quelquefois leurs prieres font fans fuccès; il eft des occa. iions, ou, quand Moïfe & Samuel, Mé, Daniël & Job fe tiendroient devant Dieu s ils ne le fléchiroient point. Sans doute que Lot, qui affligeoit tous les jours fon ame jufte, ne manquoit pas de verfer fes foucis dans le fein de Dieu, & qu'il imploroit fa grace en faveur de fes coupables Concitoiens. L'événement fit voir, que fes vceux ne furent point exaucés, & que 1'univerfalité & fexcès de la corruption de Sodome demandoient, que la Juftice divine en fit un exemple mémorable dans tous les ages. Mais comme nous ignorons les deslèins de Dieu, nous fommes obligés dans des tems de corruption de faire monter le parfum de nos prieres devant lui. Demandons pour nous-mêmes, qu'il incline nos "ceurs d fes témoignages, qu'il ajfermijfe tos pas dans fes Jentiers. Demandons pour es pécheurs, qu'il les ramene & lui, «Sc leur ■affe fentir, combien c'eft une cbofe amere le tabandonner, & que tout le fruit, ju'ils peu vent attendre de leurs défordres, •'eft la bonte & la mort. Autant que les levoirs, que nous venons de vous retracer bnt indifpenfables , autant font preffans 2s Motifs, qui doivent nous engager a ipus en acquitter. C'eft ce que nous allons  quHnfpirent aux Gens de bien &c. 269 vous prouver dans la troifieme Partie de notre Difcours, Taois Motifs doivent nous engager a nous affliger de la corruption, & k faire ce qui dépend de nous pour en arrêter le cours. I. La Gloire de Dieu. II. La Cha~ rité envers nos prochains. 111. Le bonheur de la Société, avec lequel le nótre ejl intimement Hé, au moins pour la vie préjente. 1. La gloire de Dieu nous fournit un premier motif. L'Etre intini eft digne de tout notre refpeól, de tout notre amour & de notre dévouement le plus parfait , paree qu'il réunit toutes les perfections, qui conitituent la véritable grandeur, qu'il eft fouverainement faint, qu'il eft fouverainement bon. 11 ralfemble donc tout ce qui peut exciter notre zele pour fa gloire. C'eft de lui que nous tenons tous les avantages naturels & acquis, que nous polfédons; il a fait fervir fa grandeur & fa fainteté a nous communiquer pour le tems & pour 1'éternité tout ce qui peut nous rendre heureux. II mérite par conféquent tout notre amour. Or li nous Paimons de tout notre cceur, pourrons-nous voir fans douleur, & fans être émus d'une fainte jaloujie fa majefté: aviliepar les pécheurs,qui ofent blafphêmer contre lui en le dégradant; fa fainteté profanée par les plus honteux déreglemens; la bonté méprifée par le plus indigne abus de fes faveurs ? Parlerai-je de ces infultans dis- 111. i. La gloire de Dieu. Matth. XXII. 37 RoisXIX. 10.  Hibac. £ 13. Pf. CIV. i. Exod. XV. ) T. Pfeaume XXXVI. 6. 270 SERMON X. cours, de ces écrits profanes, par lefquels d'infolens Mortels prétendent taxer Dieu d'inhumanité, ou d'impuiflance, & lui ravir l'empire de 1'univers ? De ces juremens, de ces blafphêmes, par lefquels onl'attaque fur fon tróne? De ces fermens trompeurs & perfides, par lefquels on entreprend de rendre le Dieu faint complice de 1'irnpoftu. re & du menfonge? Rappellerai-je ces discours impurs, ces commerces criminels, ces débauches, ces abominations, par lesquelles des hommes perdus ofènt braver celui, dont tes y eux Jont trop purs pour voir le mal? Dirai-je 1'injurieux ufage,que tant' de gens font des dons de la libérahté divine, 1'audace, avec laquelle des hommes, comblés de toutes parts des bienfaits de Dieu ,ofent le taxer de manquer de bonté j & rejetter fur lui la caufe des maux 3 dont ils font eux-mêmes les auteurs? Serions-nous les fpecfateurs, les auditeurs indifférens de tant d'outrages, qu'on fait a notre Roi ,• & notre Bienfaiteur, a notre Protecfeur, k notre Pere, k notre Sauveur ? Quoi! tandis que nous fommes tout feu pour les plus petits intéréts, qui nous regardent noüsmêmes, ou les perfonnés, que nous chériffons, nous fenons de glacé, quand il eft queftinn de la gloire de celui qui eft revétu de ma)'ejl'é £5? qui ejl infiniment grand, magnifique en fainteté, & dont la Bonté at~ teint jufques aux cieux? Jettez les yeux  qu'injpirent aux Gens de bien &c. 271 fur cette foule cfilluftres témoins, dont nous 1 Jommes environnés, qui nous ont donné fexemple du zele, dont nous devons brüler pour les intéréts de Dieu. Motje defcend de la< montagne, & k la vue de fidole, k : laquelle le perfide Ifraël prodigue fes hommages , il brije les Tables de la Loi. Pbi-, nêes arme fon bras contre ceux, qui fe des-' honorent par un commerce impur avec des femmes Madianites. Elle eft plein d'indignation de ce que les enfans dPIfraël ont abandonné P alliance de P'Eternel, de ce qu'ils ont renverfé Jes autels £5? tuê Jes Propbetes. David nefe laffe point de témoigner fa fenfibilité k eet égard, il y revient fouvent & föus des tours differens dans le Pf. CXIX. Vborreur nïa faifi d caufe des 1 méebans, qui ont abandonné ta Loi. Mes • yeux jé font fondus en ruijjeaux d''eau, paree qu'on n'objerve point ta Loi. Mon zele ■nïa miné , paree que mes ad-verf air es ont oublié tes paroles. jfai regardé ceux, qui Je portent dèloyalement , £5? fai été ennuyé de ce qu'ils rtobfervoient point ta parole. II nous fèroit facile de multiplier les exemples, & PHiftoire Eccléfiaftique nous en fourniroit, .comrae PHiftoire Sacrée. Voila nos modeles, & fi Pintérêt de la gloire de Dieu nous touche, nous devons les imiter & comme le jufte Lot affliger nos omes a la vue des égaremens des pécheurs. [ebr. XII. X. Exod. [XXII. 19. Norob. :XV. 7,8. 1 Rois XIX. 10. •f. CXIX. !3» 136. 39, IS8.  II. La Cbaritt invers le pocbain. Col. III. 14, EfaieLVII. 1 20, 21. 272 SERMON I II. Un autre motif, qui doit nous enga* ger k la pratique de ce devoir, c'eft la Cbarité envers nos procbains. Nous devons nous aimer les uns les autres; c'eft le grand commandement de l'Evangile, car la Charité ejl le Hen de la perfecJidn. Elle nous unit a tous les hommes,a nos Concitoiens^ a nos freres en Chrift, a nos amis, a nos parens, & doit nous porter k nous intéresfer a leur bonheur, comme au notre propre. Ce font • Ik des vérités incónteftables, qu'on ne peut contredire fans abjurer l'Evangile. Or qui de nous ignore, que le pêché & le vice expofe ceux, qui s'y abandorjnent, aux plus grands malheurs. Donner un libre cours k lés paffions, c'eft fe oriver de cette férénité d'efprit, de cette pak de la cönfcience,fans lefquelles il n'eft point de douceur dans la vie. Rien de plus jufte que Timage , que le Prophete Efaie emploie, les méebans Jont comme la Mer dans la tourmente, quand elle ne je peut appaifer, & Jes eaux jet tent de la bourbe du limon. II n'y a point de paix pour les méebans, a dit mon Dieu. D'ailleurs quels ne font pas fouvent les maux douloureux, que le libertinage, la debauche, la fenfualité, 1'impureté attirent k ceux, qui s'y livrent ? Pourrions - nous voir fans douleur ceux , k qui nous fommes unis par tant de noeuds, ceux,que nous aimons leplus tendrement, fe conduire de propos délibéré d'une maniere?  qu'infpirent aux Gens de bien &c. 273 niere, qui tot ou tard leur rendra la vie amére & leur fera couler leurs jours dans le trouble & dans la fouffrance? Ce n'eft pas tout: ce n'eft même que la moindre partie de ce qui doit réveiller notre fenfibilité k 1'égard des pécheurs. Nous favons, qu'ils courent a leur perte éternelle, & que les plus affreux tourmens les attendent après cette vie. L'Evangile nous apprend, que leur corruption les précipitera dans l'étang ardent de feu & de Jöufre, dans eet abime, dont ia fumée monte aux fiecles des fiecles, qu'ils feront rongés pendant toute 1'éternité par un ver, qui ne mourra point, condamnés k vivre a jamais dans la plus odieufe de toutes les fociétés, celle du Diable de fes Anges, de tout ce qu'il y eut jamais de fcélérats dans le Monde. A moins que de démentir l'Evangile nous ne pouvons douter, que ce ne foit-la le fort réfervé aux ouvriers diniquité? Et quels font-ils ces ouvriers d'iniquité? Ce font des hommes nés du même fang que nous, membres d'une même fociété, avec lefquels nous fommes quelquefois unis par les liens les plus tendres; ce font des Parens, des amis. Ceft un Pere, une Mere,qu'on refpeóle & chérit;c'eft un Enfant,fur lequel on a concentré toute fon affection & qu'on idolatre: ici c'eft un Epoux, une Epoufe: lk c'eft un ami, qui nous eft auffi cber que notre ame. wOr verrez -vous fans la plus vive êmotio», Tome IL S ïpoc.XXI. 8. XIX. 3. Mare IX. 44. Matth. XXV. 41, 1 Sant, XV1JI. U  274- SERMON X. La Douleur Ckbr.x.31. m. Le bonheur êelajociété iTim.IIa. fans la plus profonde douleur les perfonnés, auxquelles vous tenez par tant d'endroits, menacées de tourmens éternels? Quoi! je verrois mes Concitoiens , mes freres en Chrift courir a leur ruïne, & je n'en ferois pas pénétré! Quoi! je verrois ceux, avec lefquels j'ai les liaifons les plus tendres, fe perdre a mes yeux , & je n\iffiigerois point mon ame, je ne verferois pas des larmes améres! Oü eft le cceur affez mfenfible, affez dur pour tenir contre de pareils objets? Mes Freres, la véritable fource de 1'indifférence fur eet important article, c'eft qu'on n'y penfe gueres: 1'idée des peines éternelles ne fe préfente pas a notre efprit, comme elle le devroit, & on vit dans 1'oubli de ce qu'il y a de plus tffrayant. Rap. pellons-nous fouvent la retnbution, que recevra le pêché , fouvenons-nous, que c'eft une cbofe terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, & alors la charité, que dis-jt? 1'humanité feule nous attendrira en faveur de ceux, qui s'expofent a ces malheurs éternels, & nous affligerons nos mies d caufe de leurs mèchantes atlions. Ui. En fin le bonheur de la fociété, avec lequel le nótre eft intimement lié, au moins pour la vie préfente, nous offre un dernier motif. Nous pouvons defirer légitimement de mener ici bas une vie paijible & tranquille, autant que Pétat dece Monde préfent nous le peut permettre \ de voir  qiiinjpirent aux Gens de bien &c. 27 ? nos bie-ns affurés, nos families en paix, notre liberté k couvert des attentats da la tyrannie, nos confciences ne relever que de Dieu feul. Or tous ces avantages dépendent du maintien du Corps politique & civil, dont nous fommes les membres. C'eft une maxime inconteftable, que la juftice éleve les nations, £jp que le pêché rend les peuples abominables. il n'eft pas moins certain,qu® la corruption, li on ne travailje a 1'arrêter, fait des progrès, gagne infenliblement tout le corps, devient générale, & tant par fa nature que par fes iüites hate 1'entiere ruïne d'une nation. Les vices fappentpeu a peu les fondemens d'un Etat. L'amour des plaiürs ,1e goüt de la diifipation, rendent les efprits fnvoles, fuperficiels & inappliqués, & par cela même inhabiles a contribuer au bonheur public. La mollelfe & la fenfuahté énervent le courage. Ladébauche&rjmpureté affoiblilfent les corps. Le Luxe prodigue ce qui devroit fervir a faire fleurir la fociété, & en réduit les plus utiles membres a une condition fkheufe. Peut-on s'attendre a trouver des Magiflrats éclairés, fages, laborieux, & zélés pour le bien des peuples; des Pqfleurs refpecïables par leurs lumieres & leurs vertus; des Jurisconj'ulies intcgres, defintérelTés; des Citoyem fideles, foumis; en un mot des perfonnés animées d un véritable amour pour la Padrie* parmi des gens dilTipés,abforbés dan: & 2 Prov.XIV\ 34.  2]6 SERMON X. La Douleur les plaifirs, voluptueux , fenfuels, livréï au libertinage? 11 y a plus. La Religion» & Ttxperience de tous les fiecles nous apprennent.que Dieu venge les outragesfaits k fa majefté, & que les nations, dont la corruption devient exceffive, font les objets de fes jugemens les plus févéres. L'exemple de Sodome en eft une preuve dé^ cifive, fans en alléguer d'autre. Si donc nous avons k cceur notre intérêt temporel, le bonheur de nos families, la conférvation de nos privileges civils & religieux, nous devons nous affbger des progrès du vice > maintenir les droits de la vertu, faire briller la lumiere de nos bons exemples,réformer ce qui de notre part peut contribuer k la r. rrnption, & couronner nos efforts par de ferventes prieres,en verfant nos foucis, notre douleur dans le fein de Dieu. Si, comme nous 1'avonS dit au commencement de ce Difcours , nous n'avons pas d'aufli grands fujets de déplorer la corruption que le jufte Lot, nous ne pouvons néanmoins nous cacher a nous-mêmes que l'impiété, le vice & le libertinage ont fait de grands ravages parmi nous. Ainfi le zele pour la gloire de Dieu, la Charité pour •nos prochains, notre propre intérêt doivent nous engager a faire nos efforts pour prévenir les fuites fatales du relachement & de la dépravation des mceurs. Si notre douleur, nos larmes & nos démarches contri»  quHnJpirent aux Gens de bien &rY. 277 %uent au falut de quelques-uns, au bonlieur public; quelle gloire pour nous d'avoir éte desinftrumens en la main de Dieu,pour accomplir cette bonne oeuvre. Que li au contraire nous avons le malln-u', que Lot éprouva, de nous alfliger inutilement a Vér gard de ceux, dont les égaremens nous touchent, confolons - nous par la penfée, que Vceuvre de notre Foi & le travail de notre Cbarité ne demeureront point fans recompenfe, & que nous ferons un jour membres d'une Société pure & fainte, ou toute larme jera ejjuyée de nos yeux, & oü nous ferons airociés aux bienlieureux de toute Tribu, Langue £s? Naiion pour bénir, louer & magnifier a jamais ce Dieu, d qui appartient la magnificence, la gloire, la puiffame, Pèternité &? la majejlê! Amen. Pf. CXIX. vs..6o, 70. Frononcê h Amjlerdam le 26 de Janvier, 1783. Soir, d la Fetite hglije. Hebr. VI. 10. ipocXXI. Apoct'vil. 9- 1 Chron. XXIX. IX.  . Exorde. 1/5. LES RESSOURCES DU FIDELE DANS L'ADVERSITE. Quand favois beaucoup de penfées au de* dam de moï, tes conjolations ont recréê mon ame. Pseaume XC1V. vs. 19. ONZIEME SERMON. Qui ejl Juffifant pour ces chofes? C'eft lè langage, qu'une humilité vraiement v.iuaienne, & le fentiment de fes foi bic sfes dictoit a 1'Apötre St. Paul. Malgré la fupériorité de fes lumieres , & la fèrveur du zele, qui 1'animoit, les devoirs du Miniftere Evangélique lui parurent li pénibles a bien remplir.& les talens néceflaires pour foutenirles travaux de PApoftolatfidifficiles a réunir, qu'il s'écrie, qui ejl jufffant pour ces chojes. Mes Freres,ce langageconvient atous les Chrétiens, autant qu'aux Minis* tres de l'Evangile. C'eft une étrange condition que la leur ,a 1'envifager de Pceil de la chair. lis font appellés a croire des vént $3* dont la fublimité humilie la raifon humaine 2 expolés a foutenir des combats prefque perpétuels 3 ils doivent être en garde contre les charmes féduéleurs du monde, & démêler• Jes artiiices de la corruption. Souvent aux  SERMON XI. Les Rejfources, &c. 279 prifes avec eux mêmes ils font tenus de Faire le laérifice de leurs p us cheres inclinations. La Foi, qui aft leur guide, leur impofe la néceffité de prcferer des biens invmbles, qui puroiffent éloignes, & qui font caches dans les obfcuntés de fétcrnité, a des biens lènfibfs, prefens, & qui touchent par une poffeffion actucile. Ce n'eft pas même la encore ce qu'il y a de plus pet»* ble dans la condition des Fideles, iis dolvent être joieux dans l'afflidion: les difgraces de la vie ne doivent pas les abattre. fit c'eft-la qu'ils éprouvent le beloin , qu'ils ont du lècoürs de Dieu. L'humanité 1'emporte quelquefois fur la picté, & fi le St. Efprit ne mettoit le calme dans leur ame, ils leroient en proie aux plus douloureufes ggitations. Auffi Dieu ne leur manque-t-il pas au befoin: il les foutient Scjoulage leur foiblejfe, il les contole a proportion de la grandeur des épreuves , par lefqüêfles il les fait paffer. C'eft ce dont David avoit fait 1'heureufe expénience , a.ufi qu'il le têmoign; dans les paroles de mon texte: Quand favois beaucoup de penfées au dedans de moi, tes conjolations ont recréè mon ame. . _ On ignore le tems précis de la corr pontion du Cantique , dont mon texte fan partie. Ce qu'il y a de certain, c'eft que lè Prophete Kei le compoia, après avorj S * 1 Theff. V. 16. Rom. XII. 12. Rom. VIII. P  28o SERMON XI. Les Rejjources éprouvé le fecours de Dieu dans quelqu'une de ces crconftances facheufes, oü il fe trouva fouvent durant fa vie. Ce Prince auffi rehgieux que guerrier, éclairé d'ailP% -les lü™k™ de Pefprit de Dieu, reflediilToit profondément fur la conduiProv,ldence, e"vers les hommes. Mais de tous les événemens, qui arrivent dans le monde, il n'en eft point, qui paroiffe avoir frappé davantage David que la profpérité dont les méchans jouiffent. quelquefois. Dela vient qu'il s'exprime avec une vivacite furprenante fur ce fujet dans plufieurs de ces Cantiques. U femble ne pouvoir fe laffer de marquer les impresiions , que eet objet fefoit fur lui. Dans le commencement du Pfeaume, d'oü mon texte eft tiré, ie Monarque Ifraélite épan"' ^ftice0VCCEUr ^vantrD^, il implonela jufuce de ce Juge fouverain contre les mechans , qui profpéroient. II refute le langage impie que dicte leur corruption. SflevTnn f f £n lui-^me> & fefant réflexion fur les avantages de 1'adverfite, u s ecne, o que bienbeureux eft /'bomme, o Lternel, que tu reprens! Dela il prend occafion de faire 1'éloge des fecours, que Dieu accorde au Fidele dans 1'adver' hte & ,i nous appren(j dang mofl gul n avance rien la-deffus, dont il ne ibit inftruit par fa propre 'expérience.  du Fidele dans VAdverfité. 281 Quand, dit-il, favois beaucoup de penfées au dedans de moi, tes confolations ont recrèé mon ame. Deux objets s'offrent ici & nos ré-j flexions. I. DFJat du Fidele affiigé: il1 a beaucoup de penfées au dedans de lui. II. Les rejfources, qu'il a du cété de Dieu: fes confolations recréent fon ame. Heureux , II des lecons, fondées fur fexpérience, que le faint Prophete avoit faite, trouvent des cceurs dociles & difpofés k les fuivre! Ce que Job dit de tous les hommes, .qu'un tems de guerre leur efl limité fur la terre, convient d'une facon particuliere ^ aux vrais fideles. L'adverfité efl fouvent leur partage ; & c'eft alors qu'on peut dire, qu'ils reffentent également & les foibleffes de 1'humanité, & les avantages attachés k une folide piété. Oui Chretiens, les fideles ne font pas exempts des troubles & des allarmes, qu'éprouvent les autres hommes; au moins arrivé-t-il fréquemment, qu'ils ont beaucoup de penfées au dedans d'eux. Ces penfées font. I. Des Fenfées de défiance. II. Des Penfées de crainte fep de découragement. III. Des Penfées de douleur. . I. Le Fidele dans l'adverfité a des Penfées de défiance. Quelque avancé que ^ 1'on foit dans la piété: quelque foin qu'on ait de fe rappeller les grands objets de la S $ Han de ce Xfcours. I. Partie. ob. VII. 1. I. Penfées de ifiance.  Job IV. IQ .tt ; 282 SERMON XI. Les Rejfourses Religion , de s'occuper des grandes vérités , des faints préceptes, des promeffes glorieufes, que l'Evangile nous révéle; il eft néanmoins des momens füneftes, oü la Foi du fidele chancelle, oü fa piété fouffre quelque éclipfe. II y a des circonftances* oü la foibleffe humaine prévaut fur les fentimens, que l'Evangile infpire a fes discHes. Telles font les occafions d'épreuve, de quelque nature qu'elles foient. Le paralIele , que le Fidele fait de fa condition avec celle des gens du monde, qui font heureux , tandis qu'il gémit fous le poids des affliétions , le fentiment des maux, qu'il fouffre, & fa confcience, qui, malgré les progrès, qu'il a faits dans la vertu, eft toujours en droit de lui faire des reproches bien fondés : tout cela réuni fait naïtre dans fon ame des fentimens de dcfiance, dont il ne fe defend que diffiulement. Mais il n'tft pa? de circonftance, oü la foi du fidele foit attaqiKe plus vivement, que dans des t ms de maladie, lorfque fefprit eft accablé fous le poids du corps , dénué de force , & hors d'etat de feconder les opérations de 1'ame, & que le cceur eft abattu k 1'idée dê la ruine, dont cette maifon d'argi/e eft menacée. G'eft alors qu'il s'éleve louvent des doutes ; quelquefoii même des foupfons injurieux a la Providence. Loin d envifager les maux , qu'on cprouve, comme des chitimens paternels3  du Fidele dans P Adv erft è. 283 deftinés a nous rappeller a notre devoir, on les confidére comme des effets de la colere de Dieu, comme des marqués d'abandon de fa part. On dit: Pourquoi les ; méebans vivent-ils & vieilliffent, &même pourquoi font-ils les plus puifans? Leur race fe maintient en leur préjence avec 'eux, 8? leurs rejettons s'élevent devant leurs yeux, leurs maifons jouiffent de la paix loin de la frayeur, la verge de Dieu rïejt point fur eux. Ce qui prouve d'une maniere bien fenlible, que les Fideles les plus diftingués font accelïïbles a ces penices de défiance c'eft ï'exemple tfAfapb , qui nous a confervé dans le Pf LXXllf les fentimens, dont il avoit été animé. II avoit dit : Cefl en vain que foi nettoié mon cceur, £5? que fai lavé mes mains en 1 innocence: car fai été battu tous les jours £ƒ mon chatiment revenoit tous les matins. Témoin encore le faint homme Job, d'ailleurs un modele de la patience la plus héroïque : Les années de mon compte vont finir, £f f entre dans un fentier, dont je m reviendrai plus, je riai plus d attendre que le fépulcbre, qui va être ma maifon. J'ai dreffé mon Ut dans les tènèbres ; & oü feront les chofes , que fai attenducs ? £f qui eft-ce qui ver ra ces chofes, qui ont été le fujet de mon attente 1 II. A ces penfées de défiance, que l'adverfité fait naïtre dans 1'arnedu fidele, fe [ob XXI. 7-9- Pfeaume .XXIII. i3> 14- Job XVI. 22. Job XVII. 13, ISII. Penfées de  crainfe ö de de^our gment. Jaq. I. 25 2S4 SFRMON XL LesRejJources joignent ordinairement des Penfées de » crainte £=P de découragement. Bien que la coiifcience puiffe en général lui rendre un tcmoignage a\antageux, puifqu'il s'eft occupé lérieuièment pendant fa vie a faire la volonté de Dieu; l'adverfité, & en particulier 1'état de maladie lui infpirent louvent des fentimens de frayeur, & le font tomber dans le découragement. Le fouvenir de fes chütes paffees , & des tentations, auxquelles la foibleffe humaine 1'a fait fuccomber, doit naturellement jetter la terreur dans fon ame , quand il fait réflexion fur ce qu'il devoit a Dieu , & qu'il confidére, combien il eft au-deffous de ce qu'il devoit être. Oü eft le Fidele, qui ne tremble, lorfqu'il s'examine a la , regie de la Loi parfdite de 1'Lvangile ? Qui ne frémiroit en penfant a tant de manquemens, dont il s'eft rendu coupable a 1'égard des devoirs juftes & faints, que Jefus - Chrift nous a prélcrits, & qu'il a lui-même mis en pratique pour nous apprendre a nous en acquitter? Ce n'eft pas tout encore , ce qui augmente les fentimens de crainte, qui troublent le cceur du Fidele affligé & attaqué d'une maladie dangereufe , c'eft 1'idée du tribunal , devant lequel il fè voit prêt a comparoitre pour y rendre compte de fes aclions. C'étoit fans doute un vceu, qu'une douleur exceslive arrachoit a Job que celui, que nous  du Fidele dans V Adverfitè. 285' lifons da is le .Cbap. XX' li. de lön Livre: O ft je Jdvois comment le trouver, firois y ju/qii'd jon tróne, fexpoferois mon droitJ devant lui, £sf je remplirois ma bouche (Pargumens: ce ntft pas ie iangage ordinaire. On voit géneralemtnt, cjue les approches du jugement de Dieu font trembler les plus intrépid.-s. Plus un fidele; a fait de la Religion fon affure capitale, plus il a de juftes idéés de la Juftice févére de Dieu , qui ne tient pas le coupable pour innocent, & par conlequent pms il doitêtre fulceptible de frayeur, a 1'idce de ces feux devorans , qui environnent le tröne de Dieu Les lumieres mêmes, dont il a été éclairé; les graces, dont Dieu Ta honoré ; tant de moyens, qu'il a eus pour travailler k fon lalut, font autant de fources de terreur & de découragement, lorsqu'il eft appellé k fe prélènter devant le Juge Souverain de toute la terre, paree 'qu'il ne peut fe rendre le doux témoignage -d'avoir toujours fuivi fes lumieres , & de n'y avoir jamais réfifté ; d'avoir fait k tous égards 1'ufage, qu'il devoit, des graces de Dieu, & d'avoir emploié avec autant de foin , qu'il falloit, les moyens, qu'il a eu pour avancer fon falut. II craint d'entendre prononcer contre lui ce redoutable arrêt: Le ferviteur, qui a connu la volonté de fon Maitre ^ qui ne ra pas faite, fera battu de plus de coups. Occupé Job LXIIï. 3, 4- Exod. [XXIV. 7. Luc. Xlt. 47«  Efaie ÏXXVIII. 3- ,\ .ViXXJ III. Penfées dl mleur. 286 SERMON XI. Les Reffources de ces penfées, troublé par de fi triftes images,Ie fidele efl en proie aux plus vives allarmes, & il eft effrayé en voiant appro cher 1'heure de fon délogement. Si le pieux Roi Ezecbias, averti par Efaie de fe préparer k la mort, adreffe a Dieu cette priere: Souviens-toi maintenant, je te prie 6 Eternel, comment fai marchè devant tot en vérité gg? en intégrité de cceur, £3? comment fai fait ce qui fejl agréable; ce même Pnnce ne put s'empêcher de craindre , de-Ik les larmes, qu'il verfa avec tant d'abondance; ainfi o^ü Efaie nous 1'apprend. III. Maïs de toutes les penfées, qui viennent affaillir le fidele dans 1'état de maladie, il n'en eft point, qui naiffent plus naturellement que des Penfées de douleur. Si les foibleffes de 1'humanité, auxquelks il a été fujet, excitent en lui des fentimens de crainte & de découragement, 1'idée de ces mêmes foibleffes ne peut que le pénétrer de la plus amere douléur. Avoir défobéï a un Dieu, digne du plus parfait dévouement! avoir négligé des de-, voirs, que tout nous engageoit k remplir ! Avoir répondu par des traits d'ingratitude aux bienfaits les plus fignalés! Avoir mal paié le plus tendre amour! .Quel accablant, quel douloureux fpectacle pour une ame fidele ! Quoi de plus capable de déchirer par de cuifans reraords un cceur, qui \  du Fidele dans TAdverfüé. 2S7 goüté les douceurs de la piété ! Ce qui acheve de faire naitre dans fame du fidele maiade les fentimens de la plus vive douleur, eelt 1'etat, oü il fe trouve aétueilement a fégard de Dieu. Dans tous les tems de fa vie, il cherche a s'élever vers lui, a s'unir intimement avec ce tendre Pere. 11 fait confifter fon bonheur a méditer les grandes véntés de la Religion , a réveiller dans fon cceur les fentimens de Famour le plus vif, du zele le plus fervent, & dans la maladie il doit plus que jamais rechercher le commerce de Dieu ; faire confifter fon bonheur dans de fiunres méditations, dans des élevations de cceur ferventes. La diftraótion , que les obiets du monde caufent, ceffe alors; le prix des biens de la terre s'ancantit: on fent mieux que jamais , 'qu'il n'y a que Dieu, qui puiffe rendre 1'homme heureux , & que lVtirnité feule offre dc-s biens lohdes. C'eft la connoiffance plus difti icfe de ces vérités, le futnrnent plus vif que le fidele en a, -jiu e^cite en hu des peu'ées de douleur. Tei eft i'cffet de la foibieffe humaine, teilen lont les fuites fatales de la maladie, qut- 1'ame languit avec le corps , que le cceur ne s'echauffe que difficilement; on a beau faire quelque effort, on fe trouve froid & languiifant , fouvent incapable même de penter, Or il n'eft rien, qui répande plus d'amertume dans 1'ame du licje;-  aCor.V.i. iCor. I. 3. 288 SERMON XI. Les ReJJburces le , que cette trifte expérience. II fait , que la feule communion de Dieu peut le rendre heureux. II eft convaincu, que la méditation des vérités de la Religion, que des élevations de cceur ferventes vers Dieu, font des appuis folides de fa foi & de fes efpérances, & il éprouve de la difHculté k s'y livrer. Quel fujet de douleur pour une ame, qui a fon falut a cceur! C'eft dans cette occafion qu'on apprend par fa propre expérience la vanité des illufions, que 1'on ne fe fait malheureufement que trop, tandis qu'on jou'ït de la fanté, & que 1'on eft en état de faire ufage de fes facultés. On s'imagine, qu'il n'eft rien de plus aifé que de s'occuper des grands objets de 1'éternité, lorfque le Tabernack de terre fera prêt de tomber en ruine. C'eft dans 1'état de maladie que 1'on apprend , qu'il n'eft rien de plus difEcile, & qu'il eft infiniment dangereux d'écarter des penfées férieufes dans le tems, qu'on pourroit s'en occuper avec le plus de fruit. C'eft-lk le principe, d'oü les penfées de douleur, qui agitent le Fidele, tirent leur origine. C'eft donc avec raifon, que nous difons , qu'il a beaucoup de penfées au dedans de lui. Mais fi le-Fidele eft en proie a des penfées de cette nature; s'il eft des momens, oü fa foi chancelle, oü fa piété languit, il trouve en Dieu des rejfources affurées, les confolations de ce Pere de miféricorde ne lui  du Fidele dans VAdverfitê. 285 lui manquent pas au befoia; la lumiere vient 1'éclairer dans les ténébres. Cefl: ce que nous allons juftifier dans la feconde Partie de notre Difcours. Quand favois beaucoup de penfées au dedans de moi, tes confolations,, 6 Dieu, ont recrèè mon ame. Quelles font ces confolations , qui raniment la foi & les efpérances du Fidele afHlgé ? 1. Tant Pidée de la Bonté 6? de la Mij ér'korde de Dieu, II. Que Texemple des autres fideles, viennent diffiper les penfées de défiance. III. Vexceflcnce des promejj'es de Dieu cdlme les mouvemens de frayeur, £5? ranime le courage. IV. Enfin les fentimens intérieurs de la grace divine adouciffent les penfées de douleur. Approfondiflons ces réflexions. I. L'idée de la Bonté &? de la Miféricorde de Dieu, ouvre au Fidele affligé de maladie une première fource de confolations , & diffipe les penfées de défiance, qui le troublent. Pour peu qu'on foit capable de réflexion, & que 1'on foit familiarifé avec les grands objets de la Religion , il n'eft perfonne, qui ne puifle reconnoïtre la grandeur de la Bonté de Dieu envers fes créatures en général, & envers les fideles en particulier. David le favoit par expérience: choifi de Dieu même pour remplir le tróne d'ifraël il éproir7a la protection de ce Maitre du monde dans les plus facheufes circonftances, & il fe vit ho< Tome II. T ff. Pank. t Source dè confolations.  Pf. CXVJ. 6-8. PfePume CXVJI1. 6. 290 SERMON XI. Les Refjburces noré des dons les plus diftingués du St. Efprit. Sa Foi, foutenue par les fecours de la grace , démêloit dans les fiecles a venir ces prodiges de charité, que Dieu devoit opérer pour le falut des pécheurs. En falloit-il davantage a ce pieux Monarque pour bannir toutes les penfées de défiance? Pouvoit-il avoir de plus fürs garands de la bonté divine envers lui ? Auffi exprinïe-t-il de Ja maniere la plus vive & fa gratitudc & fa confiance: L'2?ternel, dit-il, garde les fïmples. jfétoisdeyenu miférable, & il ma fauvé. Mon ame retoürne- en ton repos, car l'Eternel fa fait du bien. II a retiré mon ame de la mort, mes yeux de pleurs cj? mes pieds de ruine. Et ailleurs: L'Eternel ejl pour moi; je ne craindrai point, que me feroit l'homme? Si l'idée de la bonté divine fefoit de fi puiffantes impreflions fur 1'efprit & fur le cceur du Prophete-Roi; fi cette idee le confoloit fi efficacément dans fes affliétions; quel pouvoir ne doit-elle pas avoir fur un Chretien, environné de toutes parts des plus glorieux monumens de la bonté & de la miféricorde de Dieu? Toute la nature publie hautement fes adorables perfeótions; & chacun en fournit des preuves en fa perfonne. La vie, dont il jouït, les moyens de pourvoir a fes befoins, qu'il a en main, annoncent les tendres  du Fidele dans VAdmrfitè. 291 foins d'un Pere bienfaifant. Quoi furtout de plus parlant fur ce fujet que la Charité, que Dieu nous a témoignée en JefusChrift! Que n'a-t-on pas droit d'attendre de celui, qui na pas èpargnè fon propreFils? Ne nous donneroit-ilpas toutes chofes avec lui? La miféricorde de Dieu envers les pécheurs repencans eft telle, que la feule idéé fuffit pour infpirer la plus ferme confiance. Si la profpérité des méchans, fi le fouvenir de fes foibleffes paffées infpirent au fidele des penfées de défiance; le fouvenir de ce que Dieu a fait pour lui le confole, & lui fait fentir, que quelle foit la fituation des chofes du monde, ce nefl pas en vain quon fert Dieu. Ce même fouvenir 1'affure de fa rémiffionde fes péchés.L'incarnation duFils deDieu; tout ce qu'il a fait pendant le cours d'une vie dure & laborieufe,& d'un ministère pénible; le triomphe, qu'il a remporté fur le pêché, 1'enfer & la mort, font des preuves fi fenfibles de la bonté & de la miféricorde de Dieu,que le fidele peut bannir toute défiance, & qu'il trouve dans la confidération de ce que Dieu a fait pour lui des confolations, qui recréent fon ame. II. Ce qui contribue encore a difïïper les penfées de défiance, que 1'état de ma- £ ladie fait naitre dans 1'ame du fidele, & ce qui rend le fentiment de la bonté divine plus encourageant, c'eft une feconï 2 lom. VIII. 31- Mal. III. 14. 18. II. Source de onfolations,  292 SERMON XI. Les Rejjburces de fource de confolations, qu'il a dans) ïexemple des autres fideles, qui dans de pareilles, même dans de plus cruelles circonftances , ont éprouvé le fecours de Dieu , & ont fenti 1'amertume de leurs douleurs adoucies par les plus folides confolations. C'eft fans doute par une direélion toute particuliere de la Providence qu'on a vu dans tous les ages du monde des perfonnés , refpeétables par leur piété, expolées a d'accablantes difgraces; afin que fexpérience, qu'ils ont fait de la bonté de Dieu , puit fervir dans la fuite des fiecles a foutenir la foi, & a ranimer Jes efpérances de ceux, que Dieu trouve roi t a-propos de faire pafler par de femblables épreuves. Auffi Ie fidele, qui a taché de mareher fur les traces de ceux, que leur piété a diftingués dans 1'Eglife, eft-il autorifé a attendre de la miféricorde divine les mêmes confolations , qu'ont gouté ceux , qui font précédé dans la carrière des affliétions. Quoi de plus propre a lui donner de grandes idéés de la bonté de Dieu que fexpérience, qu'il en a faite par lui-même, foutenuepar celle des autres fideles. Ceft-la fans contredit un moyen infaillible de diffiper les penfées de défiance, qui s'élevent au dedans de lui. Qu'il fe rappelle les dures épreuves , auxquelles Abraham, le pere des  du Fidele dans VAdverftté. 2.93 eroyans ,fut expofé, prefque pendant tout le cours de fa vie; tantöt appellé a errer dans une terre étrangere : tantöt a immoler de fa propre main fon fils unique , le feul appui de fa foi & de fes elpérances. Dieu ne lui manqua pas au befoin; il le confola dans toutes fes épreuves par les plus magnifiques promeües, Qu'il fe retrace encore la vie du Patriarche Jacob, que Dieu confola'au milieu des plus cruelles angoilfes par cette tutte myftérieufe dont nous trouvons l'hii'toire dans le Chdp. XXXII. de la Genefe. De plus, quelle fource de confolations que fexpérience de tant de généreux Martirs, de tant d'illultres Confejfeurs de la vérité, appelles a foutenir 'les plus terribles combats, a monter fur les buchers, a porter leur tête fur des échaffauts, a expirer au milieu des plus cruelles toitures, et a perdre la vie fur les roues. Ne les a - tr on pas vu fe livrer a la joie s entonner des cantiques de louange ? Les, Confolations de VEternel ont pénétré jufques dans les plus fombres cachots , & ont fait, regner la tranquillité dans des ames, attaquées par tant d'endroits. Cefl-la ce qui ne peut que diffiper les penfées de défiance du fidele , puifque ces exemples lui apprennent, que fi Dieu éprouve fes enfans, il T 3 Gen. XXII. Gen. XXX;/. 24-50.  I Cor, X 13- III. Source de (oi.jolations i Pierre i. 4. Pfeaume XXXVII. 5. 19. Pf. CXXV 1. Pf. IX. 10 XXXIX. 8. 294. SERMON XI. Les ReJJburces leur donne auffi avec la tentation ïijfue, en forte quils la puiffent fupporter. 111. L'excellence des promeffes divines ouvre au fidele une troifieme fource de confolations, qui dilfipent les penfées de crainte & de découragement, qui le troublent. C'efi: a jufte titre que St. Pierre, parlant des promefles de Dieu, les appelle grandes & pre'cieufes. Elles font telles , foit que nous les envifagions par rapport aux biens, qui font promis; foit que nous les confidérions par rapport a leur Auteur. Si nous les envifageons par rapport aux biens, que Dieu nous a promis ; il n'eft rien, qui puifle égaler la magnificence de ces promefles. Dieu s'eft engagé a ne jamais abandonner ceux, qui fe confient en lui , dans quelque état qu'ils puiflent fe trouver. Ecoutez fur ce fujet David , dont 1'autorité doit être d'un grand poids: Remets ta voie fur 1'Enternet, 2C01.V. T. ) l '  2 Tim. 1 io. Jaq I. 17 Pf. XVI, ii. 296 SERMON XI. Les RcJJources , pas faite de main. Jefus-Chrift a mis en lumiere la vie & ïimmortalité par l'Evangile. Non feulement les promeffes de Dieu font excellentes, confidérées par rapport aux biens promis, mais encore a 1'égard de • leur Auteur. C'eft leTout-puiffant, celui, par devers lequel il ny a ni variation ni ombre.de changement, qui s'eft engagé de la facon la plus folemnelle a nous accorder ces biens ineftimables , fi nous accompliffons les conditions, qu'il nous impofie, & auxquelles il a attaché i'exécutioü de fes promeffes. Nous n'avóhs donc aucune raifon de douter de leur infaillibité. Tel étant leur prix, quelle fource de confolations cette confidération n'ouvret-elle pas au Fidele affligé, furtout dans 1'état de maladie? S'il fe voit mis a une rude épreuve, il fait, que Dieu a promis fon fecours, k ceux, qui fe confient en lui. Quoi de plus propre a lui infpirer du courage au milieu de fes maux ? S'il fe voit pret k defcendre dans le tombeau, & appellé a quitter le monde, il peut efpérer de faire Ic plus avantageux de tous les cchanges, puifqu'il quitte des biens fugitifs & fragiles pour polféder des biens, dont rien ne peut égaler le prix. Sdn ame eft recréée par I'éfpórr, qu'il a de ïout-r ces rajfqfïemens de joie, qui Jon t a la irofte de Dieu pour jamais.  du Fidele dans VAdverfitê. 297 IV. Enfin les fentimens intérieurs de la gr ace divine ouvrent au fidele une quatriemefource de confolations, qui dilïipent les penfées de douleur, dont fon cosur elf pénétré. Notre Pere célefte proportionne fon fecours aux befoins de fes enfans. S'il les abbat d'un cöté, il les releve de 1'autre. Le Saint Efprit adoucit les amertumes d'une ame affligée; Dieu habite avec celui, qui efl brifé <5? humble de cceur, & qui tremble a fa parole. Le Sauveur du monde nous dit, que bien-heureux font ceux, qui pleurent, paree quils feront confolés. Quoi qu'on puiffe entendre cette décifion de toutes les efpéces de confolations , dont nous avons parlé jufqu'a préfent ; il femble néanmoins , que JefusChrift a eu pa&iculierement en vue les fentimens intérieurs de la graee divine. C'eft-la ce qui donne aux autres confolations une fi grande efficacité pour recréer les ames affligées. Pourroit-on douter, que le St. Efprit, ce Confolateur par excellence , n'y habite, qu'il ne leur parle de paix, qu'il ne calme leurs allarmes , & qu'il n'adouciffe leurs douleurs ? C'eft lui, qui nous fcelle Ie pardon de nos péchés, & qui nous fcelle en même tems pour le jour de la redempiion. Cefl lui qui rend tèmoignage a notre efprit que nous fc:nmes les enfans de Dieu, fes héritiers & les T 5 IV. Source de ïonfolations. Efaie f-VlLis. lxvi. 2. Matth. V.  Col. III. ft 0 Tim. IV 7,8. 306 SERMON XI. Les Rejjources &c. penfons aux chofes, qui font en haut, gsP non pas a celles , qui Jont jur la terre % afin que dans des tems d'épreuve , nos ames foient recréées par les confolations de Dieu, & que foutenus par les fecours de fon Saint Efprit, nous puifiions termi, ner notre courfe avec joie & dire: fai combattu le bon combat, fai fint la courje, fai gardé la foi, quant au refle la eouronne de juftice m'eft réjervée! Dieu veuille nous en faire k tous la grace^ Amen. Pf CXXXVIII. Pf. XUV. vs. 6, 10. Trononcé d Amfterdam, lè 1 Septembre 1782. Soir d la Grande Eglijé.  L'IMPECCABILITÉ P ü FIDELE. Quiconque ejl nè de Dieu ne fait point de pêché, car lajémence de Dieu demeure en lui, é? il ne peut pécher, paree qu'il eft nè de Dieu. I St. Jean Ch. 111. vs. 9. DOUZIEME SERMON. G'est une regie, dont la pratique eft auffi. utile dans la fociété, qu'elle eft généralement adoptée, qu'il doit y avoir une certaine harmonie entre la conduite de chacun, & le rang, qu'il tient dans le Monde. On exige des hommes, qu'ils obfervent les bienféances de leur état. On s'attend de la part de ceux, qui font nés d'un fang illuftre & diftingués par le pofte, qu'ils occupent, a des fentimens & a des mceurs, qui répondent k la noblelfe de leur naihance «Sc a la dignité de leur condition, & il eft certain, qu'il n'y a rien de plus propre k maintenir le bon ordre dans la fociété ,* & a faire regner une jufte propor'tion entre les divers membres, qui la compofent. Mais fi Ton eft fondé a demander ce rapport exacf. dans la fociété Civile, on nV pas möins de raifon de prétendre, qu'i! V 2 . . Éxoriie,  308 SERMON XÏL Ph». L 27 Plan de ce Difceurs. doit avoir lieu dans la fociété Spirituelley que le Fils de Dieu a formée. Ceux, qui" en font les membres, doivent le diftinguerpar des traits, auxquels on ne puilfe les méconnoïtre, & Je conduire comme il ejl Jèant Jelon l'Evangile. llfu du plus illuftre de tous les Peres, élevé k la plus glorieufe de toutes les conditions, le Chretien fe deshonoreroit, fi par fes fentimens ou par fes aétions il démentoit la noblelfe de fon origine , la gloire de ia condition. C'eft M. F. ce puiffant motif, que St. Jean fait valoir dans mon texte, pour porter les Fideles k la fainrtté: Quiconque ejl nè de Dieu ne fait point de pêché, car la femence de Dieu demeure en lui, £5? il ne peut pécher, pa?*ce qu'il efl né dc Dieu. Cette décifion de 1'Apotre nous donne de grandes idéés du vrai Chretien , & plüt k Dieu que vous trouvalfiez en vous de quoi les jufttfier! Plüt k Dieu que votre cceur 6c votre conduite fournilfcnt le commentaire des paroles de St. Jean, & que 1'experience nè parut pas les démentir! Nous deftinons ce Difcours k vous mettre en état de juger de vous - mêmes, «Sc de décider, fi vous êtës du nombre de ceux, k qui ce grand Apótre attribue un auftl extraordinaire privilege , que celui de ne pécher point & d'être dans 1'impuiflance de pécher. Dans ce deffein. I. Nous êclaircirons nous expliquerons la propofition de St. Jean.  VImpeccabilitê du Fidele. 30^ $lous approfondirons la nature du privilege, qu'il attribue aux Fideles, celui qui ejl né de Dieu, ne fait point de pêché il ne peut pécher. 11. Nous jullifierons la rèalitè de ce privilege, en developpant les preuves, que PApótre en donne , qui Jont, que lè Fidele efl né de Dieu, £f que la femence de Dieu demeure en lui. III. Enfin nous prefferons quelques conjéquences importantes, qui découlent naturellement de ces yéritês. Puisse cette méditation fervir k nous infpirer k tous la noble ambition de faire briller en nous les beaux traits des enfans de Dieu. Quiconque ejl né de Dieu nefait point de pêché, & il ne peut pécher. Par celui qui ejl nè de Dieu, PApótre défigne un vrai Chretien, régénéré par la grace,dont Tefprit & le cceur font également purs ,dont la vertu & la piété font réelles & folides, & qui, felon la définition de St. Paul, étant transformè par le renouvellement de r Jon entendement ejl une nouvelle crèature, crèée jelon Dieu en jujlice & vraie fainteté. 2 C'ell fur quoi nous ne croions pas devoir e infifter. Un Chretien de ce caracfere ne fait point de pêché 6? ne peut pécher. Quel étrange paradoxe! direz - vous peut - être. Moins étrange que vous ne lecroiezM. F., li vous entrez avec nous dans la penfée de St. Jean. ■ V 3 1. Partie. m. xii. 2. Cor. V. 17. >hef. IV. »3. 24.  1. faux fens a icarter. |ib SERMON XII I. Ne donnez pas aux paroles de notre; Apötré un Jens trop re/traint, en les expliquant, avec quelques Interpretes , du pêché h mort, dont il efl parlé au vs. 16. du Ch. V. de cette Epitre. Quel que füt ce pêché particulier, pour lequel St. Jean ne vouloit pas, que les Fideles priaflent, il paroït évidemment par le tour des expreffioris , qu'il emploie dans mon texte, & par les verfets précédens, qu'il ne n'agit point ici d'un certain pêché particulier, mais du pêché en gènéral, dont 1'Auteur facré a parlé : Quiconque fait pêché fait auffi contre la Lot, car le pêché efl ce qin 'eft contre la Loi. Or vous Javez, que Jejus ■ Chrift eft apparu, afin qu'il ét at nos péchés, & il n'y a point de pêché én lui. Mes petits enfans, que perjonne ne vous féduije, celui qui fait juftice eft jufte comme Je jus- Chrift efl jujie. Celui, qui fait du pêché, eft du DiaUe, car le Diable pêche dès le covnvencement. Or le Fils de Dieu eft apparu pour dêtruire les ceuvres du Diable. Qui ne voit, que dans tout ce raifonnement, dont mon texte eft Ia fuite, 1'Apötre prend le terme de pêché dans uh fens général, pour tout ce qui ejl contraire d la Loi, comme il le dénnit lui-même. II. Evitez de donner aux paroles de St. Jean un Jens, qui javorije la corruption. C'eft celui, qu'adoptent certains Seciaires de nos jours, qui ne rouginent'pas  Vlmpeccabilité du Fidele. 311 de foutenir, que ce qui ejl pêché dam un irrégénéré ne Tejl point dans un Fidele, & a la faveur d'un fi odieux principe, ils croient pouvoir juftifier les adinns les plus honteufes. La fimple Raifon fe révolte contre une pareille idée. C'eft confondre le vice avec la vertu,& anéantir ladiiïérence elfentielle entre le jufte & 1'injufte, que de faire dépendre la nature des aétions de la qualité prétendue de ceux, qui les commettent. D'ailleurs c'eft contredire la doctrine de 1'Ecriture Sainte en général, & celle de l'Evangile en particulier. Les Ecrivains Sacrés réglent l'idée, que nous devons nous faire des gens de bien, fur la nature des vertus, qu'ils pratiquent, & des vices, qu'ils évitent; & non l'idée des vertus & des vices fur le caraólere vrai ou prétendu des hommes. Quand nous lifons 1'hiftoire de David, nous ne voions pas , que 1'Ecriture extenue le meurtre & 1'adultere, dont il fe rendit coupable, par la raifon, qu'il étoit Phomme felon le cceur de Dieu Quand les Evangéhftes racontent la Chüte de St. Fierre, ils ne nous en parient pas comme d'un acte de fidelité envers fon Maitre, parcequ'il étoit Apótre. 111. Ne donnez pas non plus unfenstrop ètendu a la propofition de St Jean & ne 1'expliquez pas dans les idée?, que les termes prêfentent d'abord a i'efprit. £'a été la la fource 4'une ancienne fléféfié, & c'eft encore ce qui V 4 1 Sara. XIII. 14»  ïRois VIII. 46. Prov. XX, . 9. Eccl. VII so. Jaq. III. 2 7L CXXX. 3- rccxLiii. ; a. ■ 312 SERMON Xïï. donne lieua la même erreur,tant dans 1?E= glife Romaine,que dans les autres Communions du Chriftianifme. On prend les paróles de mon texte a la lettre,on foutient, que le vrai Fidele peut' & doit parvenir dés cette vie même a être exempt de tout pêché* Mais tout concourt a démentïr cette Ex~ plication. (I) Elle contred.it la doctrine de PEcriture en général. Tantöt les Auteurs infpirés nous parient de Tuniverfalité de la Corruption. Salomon pénétré de cette trifte vérité ne cefle de la rappeller : dans cette belle priere, qu'il prononca a la'dédicace du Temple, il dit, qu'il rfy a point drhomme, qui ne pêche. Au Chap. XX. des Erov0 il fait un défi a tout le Genre hu main: Qiil eft-ce qui peut dire, faipurifié'mon cceur 6? je fuis net de mon pêché ? 11 y revienr, encpre au Chap. Vil dé PEcclefiafte: ceriainement il n'y q point iïhomme jufte fur la terre, qui fajfe b ien £f qui ne pêche point. L'Apötre St. Jaques loutient, que nous bronchons tous en plufieurs chofes.. Tantöt nous voions les fideles du premier ordre trembler k l'idée de la Juftice divine, & reconnoi'trè , que fi Dïèu ufoit de fes droits k la rigueur, perfonne ne pourroit fe dérober a une fentence de condamnation: témoin David, qui'difoit: Eternel l fi tuprends garde aux iniquités, Seigneur qui eft-ce qui Jubfiftera? NP entre point en  Vlpipèccahilitè du Fidele. 313 jugement avec ton ferviteur, d'autant que nul vivant ne fera juftifié devant toi. . (II) KxrLiQUER mon texte d'une perfèjótion abfolue, c'eft mettre St. Jean en contraditlion avec lui - mépie. Lifez les derniers verfets du Chap. I. de cette Epitre, fi nous difons, que noifs n'avons point de pêché, nous nous fêduijons nous-mêmes £j? la vérité n'eft point en nous, nousfejons Dieu mmteur £5? fa parole n'eft point en nous. Dans le 1 verf. du Chap. II. notre Apötre fuppofe , que les Fideles mêmes peuvent tomber dans des fautes, fi quelqu'un q pêché , nous avons un Avocat envers le Pere favoir Jefus- Chrift le Jufte. 11 faut concilier ces déclarations avec mon texte , & non oppofer mon texte k ces déclarations. (III) L'explication, que nous combattons , eft contraire d fexpérience. Les plus grands Saints ont pêché, & font même tombés dans de grands péchés. Moïfe, Aaron , David, Salomon, Ezechias, St. Pierre & tant d'autres en fournilfent la preuve, qu'il fuffit d'avoir indiquée. • (IV) Il faut donc prendre la propofition de St. Jean dans un Jens de comparaifon. Celui qui eft né de Dieu, le vrai Fidele ne pêche point, £2? ne peut pécher de la maniere & aux mêmes égards que ceux, qui ne font point nés de Dieu péchent. Approfondiffons la nature de ce privilege, que. Y i 1 Jean I. §, 10, ' 1 Jean Ha. II. Vrai Jens du 'lexte nature du Privilege des vrais 2?deles.  Dfée XIV. Efaie XIV. 12. 3x4. SERMON XII. 1'Apotre attribue aux enfans de Dieu. Et ici M. F. nous devons vous donner un Avis , c'eft qu'il n'y a qu'un defir fincere de connoïtre votre état & une attention foutenue, qui puuTe vous faire recueillir quelque fruit des réflexions, que nous allons faire. Que celui, qui ejl fage, entende ces chojes, £gp que celui, qui ejl prudent, les connoiffe! (i) Le vrai Chretien, celui qui ejl né de Dieu ne pêche point £5? ne peut pécher par un principe dominant # tel que celui, qui regne en ceux, fur lelquels le pêché exerce fon empire. Si le Fidele n'eft pas exempt de foibleffes, s'il tombe même quelquefois dans des fautes énormes, qui étonnent <5s qui donnent lieu de dire, comment es-tv tombée des cieux êtoile du matin ? Ce n'efi pas que le pêché domine en lui, qu'il foit le principe primitif & originel de fes actions. Non M. F. Cefl par furpnfe, par défaut d'attention & de vigilance, par leffet de quelque grande & violente pasfion, qui furprend fon cceur au dépourvu & qui le fait fuccombcr. D'ailleurs la Piété le dirige, le gouverne. Ses foibleffes, fes fautes ne font que des dcfaites momentanées, dont la gloire des plus nombreux: triomphes efface la honte: tel qu'un grand & puiffant Monarque,qui peut quel" quefois être furpris p.:r un ennemi fort inr férieur, & hors d'état dans le cours ordi*  Vlmpeccabilitè du Fidele. 31? paire de fe mefurer avec lui. Dans un Pé> cheur proprement dit, la Corruption domine, le Vice 1'emporte fur la Vertu. S'il fait quelques bonnes actions, s'il confervö encore quelque refpecf pour la Religion, il fe livre plus fréquemment au pêché, il oublie communément la Religion. A ce premier égard le Fidele fe diftingue: la vertu tient le premier rang dans fon coeur, elle régie fes fentimens & fes actions, & ce n'etl qu'occafionnellement qu'elle fouffre quelque éclipfe. (11) Le vrai Chretien, celui qui ejl né de Jiieu ne pêche point & nepcut pécher par Habitude. Difunguez - le de ces gens, qui lont familiarifés avec le vice, qui péchent avec facilité, a qui il n'en coute plus pour méprifer fautorité de Dieu. Ceux-ci commettent fréquemment les mêmes péchés, & les mêmes objets font toujours fur eux les ïnêmes impreffions. Dans le Fidele, les fautes , oü il tombe, font des actes paffagers, & non des habitudes, qui ont jetté de profondes racines dans le cceur. C'elt par rapport a celles-ci que Jejus-Chrijl dit, que celui, qui fait le pêché, ejl efclave du pêché. Le Fideie fait une oeuvre êtrangere, quand il pêche. II peut être entraïné par un objet imprévu , & fe rendre même en apparence plus coupable, qu'un Pécheur, qui fe piaue d'être honnête-homme felon le MopJe» mais ü ne pêchera pas fouvent de la fean VUL 34. Efaie XXV1IL 21.  Efaie V. 20. $16 SER MON XII même maniere. Si David a le malheur de fc laiiTer féduire par une indigne pasnon , s'il fe porte a i'adultere, s'il répand le fang innocent; ies tems, qui avoient précedé cette honteufe époque, & la fuite de fa vie, démontrent, que 1'habir tude du crime n'étoit pas formée" chez lui. Retenez bien ce caractere M. F., il vous fervira de direéhon dans les jugemens, que vous porterez fur vous-mêmes , & dans ceus ? que vous aurez k porter fur vos prochains. Une perfonne, qpe vous regardiez comme un modele de vertu, tombe dans une grande faute. Ne précipitez point votre jugement. Examinez fans prévention fa vie palfée; fuivez -la dans fes démarches après fa faute , & fi vous n'y découvrez que de loin a loin quelques taches concluez, que ce n'elt pas un récheur d'habitude. III. Le vrai Chretien, celui qui ejl né de Dieu ne pêche point, £j? ü ne peut pécher par• jyjlême raifonné. J'appelle pécher par fyftême raifonné la conduite de ceux, qui pour fe mettre a couvert des reproches de leur confeience, & pour fatisfaire néanmoins leurs patfions, fe font un fyftême de Morale a leur mode. Gens, qui appellent le mal, Bien, £5? le bien , Mal; qui tachent de fe perfuader k eux-mêmes & de perfuader aux autres, qu'il ne faut pas prendre les préceptes de la Religion k la.  L'ïmpeccahïlitè du Fidele. %ij rigueur, & que certains défauts, qu'on ie permet communément & d'une maniere cranquille, ne font póint incompatibleö avec la qualité de bon Chretien. On mèdit du prochain, mais' c'eft le fel de la con verfation. On fe permet un menjonge, mais On n'y penfoit point. On fe livre a la bat■ne & k la vengeance, mais c'eft qu'on a du cceur. ün eft envieux &jaloux;c'eft qu'on fouffre de voir le mérite méconnu. Ori ufe de fraude dans Ie commerce, mais' tout lè monde le fait. Et ainfi de tous les vices. On a des apologies toutes prêtes pour calmer fa confcience. Le Fidele nè pêche point, £s? ne peut pécher de cette maniere. S'il a le malheur de manquer af fon devoir, il en convient dé bonne foi, il confejfe fon pêché, & n'a point d'excufes frivoles a alléguer. II ne raifonné point fur les loix divines pour les modifier, les affoiblir. Il ne fe fait point un fyftême dé Religion , qui autorife fes fautes ; il dit dans le fentiment douloureux de fes imperfections, ö Dieu aye pitié de moi felon td gratuit é; Jelon la grandeur de tes cómpasfions efface mes forfaits! IV. Le vrai Chretien, celui qui efl nè de Dieu ne pêche póint, £«? ne peut pécher par goüt. Confultez fexpérience, & voug verrez, qu'il eft des gens, pour qui le vice a quelque chofe de piquant, qui ne livrent pas le moindre combat en faveur de la ver- Pf. XXXII. 5. Pf. LI. 3»  Phil. iii. 19. Pf.lu.3. cf4.l v. 17. 318 SERMON XII tu, qui fe permettent Ubrement & de fait du monde le plus dégagé les péchés, qui ne deshonorent pas aux yeux des hommes. Eft-il fort rare de trouver des perfonnés qui cherchent la gloire, dans ce qui fait leur confu/ion, qui fe vantent du maf qui étalent leurs excès, & qui prétendent s'en faire honneur ? Les vrais Chretiens font bien différens. S'ils péchent, c'eft avec üne fecrete répugnance ; ils fentent des douleurs fourdes , des déchiremens intérieurs , Yejprit combat contre la chair; ils rougilfent de leur crime, dans le moment même qu'ils en recueiilent le fruit. Ils entendent la voix de leur Confcience kqui leur fait des reproches; 1'inquiétude & \e£ remords déchirent leur ame , & bien loin de fe faire un plaifir de raconter leurs malhejireux écarts, ils voudroient fe les cacher h eux-mêmes, li ce n'étoit qu'ils goütent de la douceur a les expier par les larmes ame.res d'une fincere repentance. (V.") Le v.iiai Chretien , celui qui efl nè de Dieu ne pêche point £3? ne peut pécher de defir de réfolution. Les Pécheurs de profeflion ne s'abandonnent pas toujours k toute la malice de leur cceur. Quelquefois des obllacles les arrêtent. En d'autres occalions l'honneur mondain, des raifons de bienféance, d'intérêt, les engagent a fe coutenir dans de certaines hornes. Mais le defir de franchir ces hornes  Vlmpeccabilitê du Fidele. 319' ï-éfide au fond de leur cceur, & la réfolution de fe latisfaire, dés que Poccafion favorable s'en préfèntera, fubfifte. Le Fidele au contraire n'a ni le delir, ni la volonté de s'écarter de fon devoir, quand même il le pourroit avec une entiere füreté du cöté du Monde. II a pris pour héritage perpétuel les témoignages de Dieu, £5? ils jont la joie de Jon cceur. lmitateur de St. Paul, il ne je flate point d'avoir atteint le hut, £5? d'être dêja accompli, mais il fait Jes efforts pour y parvenir. Pénétré de Pexcellence de& loix Divines, il bait tout mauvais cbemin, & il dit d'un cceur droit & fincere, Lternel je veux garder tes Jlatuts. (VI.) Enfin ie vrai Cbretien, celui qui ejl né de Dieu ne pêche point, £5? ne peut pécher par une negligence volontaire. Je m'explique. La pluparc de ceux, qui fe difent Chretiens, ne prennent aucune précaution contre le pêché. L'expérience de la fragilité humaine leur eft inutile. lis demeurent toujours tels qu'ils étoient; point de progrès dans la piété pour eux. Ni les années, qui s'écoulent, ni Paugmentation des fecours fpirituels , ni la vue de tant de péchés, qu'ils ont a fe reprocher, ne peu vent les obliger a faire quelque effort, k mettre la main a Pceuvre. Vous aimiez, mon Frere, il y a vingt, trente années, Pf. CXIX. in. Phil. III. 12, 13,14. Pi'. CXIX. 101,163» & 8.  i firn. VI. 10. .Prov. XXX. ij. I Cor. VI. 10. Mare. X. 2$. ïTim. VI. tf. 320 SER M O N XIL la diffipation, les plaifirs; vous y donniez la meilleüre partie de votre terhs; S s t 1 5 >  iii. L'immutahilite du 'Ètincife. [ $ Pierre l 326 SERMON XII. «Sc qu'il vous appellat a partager fa gloire, fa puiffance, «Sc fes richeiles." Seriez-vous tenté de lui manquer pour quelque cholè, qu'on püt vous offrir? Un petitgain, une partie de plaifir, un amufement paflager, vous feroient-ils renoncer a une fortune folide ? Voila une foible image du cas de celui, qui eft né de Dieu. jugez, fi St. Jean exagére, quand il dit, 'qu'il ne pêche point, &? qu'il ne peut pécher étant-animè & foutenu par un principe fi puiffant. iih Ce qui acheve d'affurer 1'état du Chretien, c'eft Pimmutahilité de ce Principe viéiorieux, il demeure en lui, dit 1'Apótre. Quelle que ibit la vertu de la femence divine, le Fidele feroit en danger, fi ce Principe pouvoit lui manquer entierement, mais il,demeure en lui', il y devient le principe de la Perfévérance. Les difpofitions, que la parole de Dieu produit, font permanentes «Sc ne s'anéantisfent point, vous avez été règènèrès, dit St. Pierre, non par une jemence corruptible , mais par une jemence incorruptible 5 k-1'ar-oh de Dieu, vivante & permanente a toujours. D'ailleurs 1'Efprit Saint n'aban» donne point fon ouvrage ; il le conferve par fa puiffance, & il y fait concourir le Chretien en 1'excitant ala vigilance «Sc a ig priere. Comme Dieu ne s'eft pas borné h prpduire' le Monde naturel ? mais qu'il  LTmpeccabilité du Fidele. 327 Tentretient, le gouverne & regie tout ce qui y arrivé; il en eft de même du Monde lpiricuel. Dieu eft non feulement le Créateur des Fideles, celui qui leur a donnt une nouvelle vie, mais il eft aulli leur Confervateur. SM eft des momens, oü il fem ble les oublier & fufpendre le cours de ü proteclion , il eft néanmoins toujours avec fes enfans; la jemence divine n'eft jamais entierement étouffee. C'eft un feu caché: qui ne perd point fa force, quoiqu'il ne jette pas toujours des flammes: tel que ces Montagnes ardentes, qui nourrilfent toujours dans leurs entrailles un feu vif & permanent , quoiqu'il ne paroilfe pas au debors par des éruptions perpétuelles. Si David eft devenu coupable d'adultere & de meurtre, par le pouvoir d'une palfion violente, il a néanmoins encore en lui le principe ïmmuable de la vertu, témoin cette priere: Ne me rejette point de devant ta face, ne nióte point PeJ'prit de ta fainteté. Rendsmoi la joie de ton jalut, que P Efprit de liberté me Jbutienne. Celui qui eft né de Dieu , ne pêche donc point £5? // ne peut pécher de la même maniere que ceux, qui font encore efclaves du vice. Le Principe puilfant, qui rélide toujours en lui, ie met a couvert i eet égard, & rétablit bientöt 1'ordré dans fon ame, lorfqu'il a eu le malheur de fe relTentir de l'imperfedior X 4 Pf. LI. 13 i  in, Virtie. 3a8 SERMO N XIT. de la condition mortelle. Mais je lens9 que 1'abondance & la dignité de mon fujet m'entraïnent. Accordez-nous cependant encore quelques momens d'une attentioh foutenne pour les importanten conjéqüences, qui découlent des vérités, que nous avons établïes , & qui vont faire la matiere de la troilieme Partie & de la Coriclufion de ce Difcours. t La première conjêquence, qui fe préfente , eft une conlëquence trifte & bumiliante, cue vous avez peut - êtrê déjk tiiée , pendant le cours de notre Discours. Si celui, qui ejl nè de Dieu, ne pécbc point, ne peut pécher, 1'état d'un grand nombre de ceux , qui fe difent Chretiens , eft bien déplorable; on ne peut les ranger dans la clalfe des Enfans de Dieu. Toujours les mêmes, on ne voit poinfs qu'ils fe foient corrigés des défauts, qu'ils avoient, il y a un grand nombre1 d'années, qu'ils ayent fait des progrès dans ja piété. S'ils ne fe livrent pas a de certains excès, ce n'eft que parceque 1'occafion & les moyens de fatisfaire leurs defirs leur manquent. On remarque én eux un goüt vif pour le Monde & pour les délices du pêché. Familiarifés avec le relachement ils retombent fréquemment dans lés mêmes fautes , & il n'eft pas difficile de s'appercevoir ,; que la, Religion n'eft pass je principe dominant, qui préfide k leux  lïlmpeccabilitê du Fidele. 329 conduite. Abforbés dans les affaires ils ne penfent qu'£ la vie préfente, c'eft - lk pour eux fa j'eule chofe nécejjdire. Si quelquefois ils donnent quelques momens k la Religion, ce n'eft que par maniere d'acquit, «Sc pour fe rejetter promptement ou dans le tourbillon des affaires, ou dans les diffipations , qui deviennent un délaflèment néceffaire des fatigues «Sc des travaux d'un genre de vie, bien éloigné de celui de PEfprit de l'Evangile, qui neregnepas dans le cceur. Ha! M. E. quelle accablante vérité, pour ceux qui voudront encore réfléchir , & qui n'ont pas renoncé a la polfelfion du falut! Que d'illufions doivent s'évanouirj Oui Chretiens, il ne s'agit pas jci de vaines fpéculations, de fyftêmes alambiqués fur la Régénération, voici une regie claire & précife, celui qui ejl né de Dieu ne fait point de pêché, car la femence de Dieu demeure en lui, & il ne peut pécher', parceqtiil efl nè de Dieu. S'il n'eft; pas queftion d'une perfection abfolue, d'une jmpeccabilité totale, encore moins s'agitii d'un cercle perpétuel de vices & de vertus, d'une vie mêlée d'indévotion 6c de quelques acfes d'une piété fuperncielle, Celui qui ejl nè de Dieu fe reconnoït au principe , qui le gouverne , qui eft l'amour de la vertu , aux difpofitions habituèlles de fon cceur, au goüt, avec  Prov.XXI. 15- Pf. XLII. 12. Jaq. III. 2. Gal. V. 17. 330 SERMON XIÏ. lequel il fait le bien, car cejl une ]w pour lui de faire ce qui ejl droit, a 1'éloignement , qu'il a pour le pêché , aux foins , qu'il prend de fe munir contre les foibleffes, qu'il fe connoit. Décidez, 6 vous, que eet Article intérelTe, décidez , fi ce font-la les traits , qui vous caraélérifent, : II. La vérité, que St. Jean nous enlèigne, ne doit pourtant pas vous décourager, Ames Fideles. Vos imperfeétions, vos foibleffes vous affligent; vous ne jouiffez pas a votre jugement du beau privilege de ne point pécher & d'être dans 1'impuiffance a eet égard; votre ame s'ahhat & frémit au dedans de vous. Ce qui doit vous confoler, c'eft f examen de votre état. Vous hronchez en plufieurs chofes, vous n'êtes pas encore parfaits, la chair convoite contre Vefprit: mais fi vous aimez fincérement Dieu; fi vous n'avez pas de péchés d'habitude a vous reprocher, c'eft-a-dire de ces péchés, oü 1'on tombe fouvent & a la préfence des mêmes objets; fi c'eft avec plaifir que vous vous acquittez de votre devoir; fi , lorfque vbus avez eu le malheur de pécher, vous 1'avez fait avec une fecrete répugnance; fi votre Confcience a réclamé intérieurement; fi vous avez détefté votre pé-  Vlmpeccabiïité du Fidele. 331 ene; fi - vous avez hdi tout mauvais chemin; fi vous travaillez de bonne-foi a vous avancer dans la piété ; n'en doutez point, vous êtes nés de Dieu, vos taches font des taches de fes enfans, & vous jouistez du précieux avantage d'avoir en vous la femence de Dieu, qui y demeure; vous êtes en poffeffion des privileges attachés 2 Ia nouvelle nailfance, & votre régénéxation n'eft point équivoque. , Cependant, Chretiens, quelque beau, quelque grand que foit le privilege, dont il s'agit ici, avouons-le, il eft encore' imparfait. Ces reftriélions , qu'il faut apporter a la propofition de 1'Apötre,ont quelque chofe d'afïligeant. L'effet naturel , qu'elles doivent produire , eft d'infpirer aux vrais Fideles un defir ardent d'entrer dans ïozconomie de la perfe&ion* C'eft-la un caraélere de celui qui efl né de Dieu , que j'ai réfervé a dellèin pour la fin de ce difcours. Oui M. F. un vrai Chretien gémit de ne pouvoir encore jouïr de fes privileges dans toute leur étendue. Ce qui le dégoüte de la vie, ne font pas les traverfes, les ennuis, les'chagrins, les ni aux, qui en font inféparables, mais la clure néceffité de ne pouvoir être auffi vettueux qu'il le defireroit, & le malheur cle tomber dans quelque faute s 'f. CXIX. [01 , 103. Efeut. KXXI1. 5.  Hebr. III. 2 Cor. III. 18. 2 Pierr.I.4. Matth. V. 48. 1 JcanIII.2.. 332 SERMON XII. malgré les précautions les plus fages, & toute fa vigilance a s'obferver & a être en garde eontre les fêdu&ions du pêché. C'efi;-la ce qui le fait foupirer après une autre ceconomie , oü il eft fur d'être transformé a r image de Dieu & d'être rendu participant de la nature divine. Sentezvous , combien c'eft un état digne des vceux d'un être intelligent, que celui, oü il ne s'écartera jamais des regies de 1'ordre, oü il aimera parfaitement fon Dieu, oü il goütera fans effort les douceurs de la vertu , oü il n'aura plus de tentations a effuier , de combats a livrer ? Que d'agitations , que de travaux , pendant que nous vivons fur cette terre! Que de foins, que de veilles ! Que de projets de réforme! Que de réfolutions prifes, anéanties , renouvellées ! Que d'imperfections au bout de foixante ou quatrevingts années! Et nous n'afpirerions pas k un état de paix & de tranquillité? A entrer dans ces bienheureufes demeures, oü nos plans de fanclification feront acr complis , oü nos réfolutions ne feront plus fujettes au changement, & oü en un mot nous ferons réellement a la lettre parfaits comme notre Pere cèlefle efl parfait? Mes bien-aimés, nous fommes maintenant enfans de Dieu ; mais ce que nous fe?  Vlmpeccabilité du Fidele. 333 rons nefl pas encore manifeflè; or nous favons, que lorfque le Fils de Dieu fera apparu , nous ferons femblables lui, car nous le verrons tel qu'il efl. Puiffions-nous tous, animés, pénétrés de ces glorieufes efpérances, les faire fervir a juftifier déformais , que nous fommes véritablement nés de Dieu , & que nous répondons a Thonneur d'être fes Enfans! Amen. Pf. CXIX. vs. 1. Prononcé a Amflerdam le 7 Novembre 1779. Soir a la Grande Eglife. FIN DU SKCOND VOLUME.  FAUtÈS A CORRIGER. Dans le premier volume de ces Sermons il s'eft gliiTé quelques fautes d'impreffion, particülierement dans les chiffres. On a cru devoir indiquer ici toutes celles, qu'on a rema*quées. Dans le Mimoire . Pag. XI. lign. dern. d'agrée lifez d agtêer XV. uote lign. 8. en elles — elles en Dans Us Sermons. pag. 6 lign. avant-dern. ce qu'on — ce dont on. 10 en marge i Cor. XII. 4. , ,. - a lign. 1. placez a lign. 4. 15 1 Jean 111. 3. lüez 1 Jean III. 2. 20 - 1 Tim. VI. 4,5. — 1 Tim. Vl.4'5- a4 - Ecclefiattiq. III. — Ecclefiattiq. lil. 19, 20, 21. 21 • 23' 43 Rom. III. 21. — Rom. UI. 24. Cor. I. 23. — 1 Cor- u 23- 5a 1. avant dern. Hebr. J XII. 8. Hebr. XII. 2™. 57 napalu. — ira^&. C2 _ 1 Cor. XIII. 12. a placez a la ligne 6e. Hgnc 5e. d'en-bas. 64 2 Sam. VU. 43- lifez 2 Sam> VII> ««• 70 lign. 6 d'en-haut tous •— toutes 74 en marge Cor. IV. 6. 2 Cor. IV. 6". 80 ■ Hebr. I. 1. Hebr. I. 2. 94 Phil. II. 8-10. PhÜ. II. 8- u. 10I ! Theü". 2 TheP.. ,i3 Pf. XVII. 25. — Pf. XVII. 15. „8 Rom. V. 18. Rom. IV. 18. I24 Exod. XXXIII. 3. mSm Exod. XXXIII» 18-  f AU TES A CORRIGEÜ. Pag. 141 note lign. 2. ^plpf 148 en marge Jean XVIII. 31-36. 150 ■ 1 Cor. III. 15. 151 . Macth. XII. 16,17. 158 lign. 25. ce i-i) \ la fin 22 Novemb. 1781. «07 en marge Rom. XV. 3. sb8 Sapience IV. 10. 284 Pf. CXXX1X. 3. 4312 a la fin 1766. Jifez Iplp) Jean XVIII. 33-3?« — a Cor. III. 15. — Manli.XIII. 16. 17, — a — 28 Novemb. 1784. — Rom. XV. 4. — Sapience IV. 10.14. — pr. cxxxix. 3.5. — 1776. FAUTES A CORRIGER., Dans le fecond volume. 80 lign. 4. (en marge) 5 4. 225 lign. dern. 1 8 — 3. S54 lign. 2 & 3. les vices ou les —- les vices ou les défauts vrais ou défauts vrais ou 313 lign. 26 (IV) II.  I