SERMONS SUR DIVERS T EXT ES L'ECRITURE S A I N T E, P A R JAQUES GEORGË DE CHAÜFËPIÉ Pafieur de FEgli/è Walonne d'AmJlerdam. fOME TRÖIStEMË» A AMSTERDAM, Ckez D. J. CHANGUIO N. M Ö ft p t, » y y y i ft D E   N O M S ' D E MESSIEURS LES SOUSCRIPTEURS. A. Exempl. Mejfieurs, Elie Angely ■. . i. Jacob Armeoauit ... 3. Pierre Auber . . 1. Jeau Andebez, k Rotterdam 1, B. A. Backer . t » s. Manen Backer „ . j, Jeaa Barbe . . » 1. . M'1?. Marie-Anne Barre . 1. lean Barre . » . 1, Huybert Baftert ^ . 1. M. J. Baumhauer . . 1. Nicolas Becldemaaker, a Rotterdam 1. Mde. la Veuve Benion, a Rotterdam 1. Bennelle . . . 1, Pierre Berk „ j. O. W. J. Berg . . 1. Mde. C. J. Begram, née Robert, a Leyde 1. J. B. Bicker . . 3, !ylde. la Veuve Bicker , 1. Bienfait . . m ? 2 J, Z. BW, è Schiedam , 1* D. H. Bosboom k j M«e. Brians * , £ Mde. Braunsberg _ ; f i, Jaques Breguet . , %'t 4de. la Veuve Buurt, née van LyDden 1, Boon van O/lade, a Gouda 1, Boullier, Pafteur . , G. J. Boiffevain „ . j* J. BonnouVrté, a la tïaye » 1. * 2  iv jNOMS DE MESSIEURS Exer.pl, Meffieurs, Corneille Boor . . i. Mde. la Veuve Boudet, è Rotterdam r. Jean Boufquet . i. Mlle. la Veuve Boufquet, née de Wit I. Daniël Boufquet . . i. G. Boulïi, a Schiedam . i. .Bouvain, Theol. Studiojus, a Leyde i. Bifdom, Tréforier ■ Général a la Haye 1. Baalde, Confeiller, è la Haye i. C. P. Chomel, Confeiller de Commerce & Conful de Pruffe . 2. Roberc-Daniël Crommelin . 1. B M. A. Crommeliu . j. Gulian Crommelin . 1. M'le. la Veuve H. A. CMtelain 1. Mlie. A. M. Chatelain . 1, E. Chatelain . . . 1. Sam. Franc,. Chitelain . 1. D. Z. ChStelain, Pafteur Cathéchifte 8. D. Changuion . . 1. D. J. Changuion, Libraire . 12. D. Cuny . . 1. Ete. Dan. Cartier . . 1. Le. Bourguemaïtre ClifFord . 1. I'. G. ClifFord . . 1. Mile. Anne - Marie ClifFord . 1. J. Fréderic Collignon . 1. Jean Chauffé . . 1. J. A. Charbon . . 1. Jean Cordes . . . j, Ifaac Cordes . . 1. Mlle. Jeanne-Marie Couderc . j. Mde. la Veuve Couderc, a Naerden 1. M1Ie. J. Couderc . . ■ 1. Jean Samuel Couderc . 1. Mdc. la Veuve H. J. G. Certon , née Langlojs . . . 1. Certon, M. D. S. E. k Rotterdam 1. J. P. Cenon . . 1.  LES SOUSCRIPTEURS. v Exempl. MeffieurS) 1'Echevin Calkoen . . i. MK A. W. Chrift, h la Haye i. Chevalier, Pafteur a Zwol . i. Jaques Cazabou : . t. B. Cramer . . i. J. C. Collin, Pafteur de 1'Eglife Wal- lone a Utrecht . . i. M«<». Chais, a la Haye . I. Mn*. Elifabeth Chovec . i. Jean Croix . . i. Ge Corver Hooft . 6. Clarion, Pafteur h Delft if 1. i Pierre Cotray . . I. A: Carp, Pafteur a Dort ' . 1. Carp, Th. Stud. . . 1. D. Daniël Deutz . . 1. Jean-Fran5ois Dutilh . . 1. A. Dutilh, a Rotterdam . 1. Abel ■ Pierre Dutilh . . 1. Jacob Dutilh ' . , 1. Mda. la Veuve Pierre Defpar ï. Mde. la Veuve P. Durege . 1. J- Dedel ... 1. M'ie. A. M. Dedel . . 1. Le Bourguemaïtre W. G Dedel j. Mi'e. J. E. Dedel . . 3. J. A. Dedel . . 1. P. S Dedel 1. Dufaulchoy, Libraire . 1. P. C. Dupuy . . x. Mde. la Veuve Delhaas . 1. W. de la Donefpe . . 1, D. H. Daumn . . 1. Pie. Duflumier . . 3. Samuel Dartilladt . . %. Samuel d'Arnaud. • . 1. Ph. de Bordes . . r> J. Thierry De Bye . . 3. * 3  NOMS DE MESSIEURS Exempl, Meffiewrt% J. P. Des Buis . ' , i. Bernardus De Bofch . . ï. Mlle. Damaris Chaillé . I. Ifaac De Clercq, Hendrihz. i. Samuel De Chaufepié, Pafteur i. Les DUes. De Chaufepié, è Utrecht i. F. F. De la Farelle, a Andufe en Languedoc i, Pierre De Vignoles De la Farelle i. Le Comte De Raineval Fauquanberghe i. Mds. De Hoogendorp de Hofvreege, née Munter . . I. Th. Ant. De Marien . I. AA". Du Mortier « . i. J. A. Du Coux . . I. Arnold Dupper . . I, Jacob Douwes, Cofnelisz. ' . i. Mlle. J. M. Daniels . i% Mde. De Roth, née Haflelaer i. M". Do Bruin, Libraire , i. js. Degalz ... i. Mdc. De la Court ,. . 2. Gysbertus-Wilhelmus De Willemfen i« Freule Sophie Du Tour . 1. Mde. la Veuve Dupeyrou . 1. Md°. Doché, a Delft . i, G. Duquefne . . 1, Mde. De Schuylemburg, h Harlem 1. De Valkenburg, a Harlem . 1. Jean - Philippe Delo, Propofant k la Haye . . .1» M. H. Delo, k Schiedam . 1. P. De Joncquierres, a la Haye 1. MdQ. la Douairière De Quarles, née van dor Haar, a la Haye J4 G. C. De la Sauffaye, Pafteur de 1'Eglife Wallone a la Haye 2. De la Riviere, M. D. S. E., a Rot- terdam . . 3. Ab. Duflos t % 1.  LES S OUSCRIPTEURS. vit Exmpl. Meffieurs. Wvnd. De Neuville . . . h> Md*e. la ComtefTe De Rechteren, a Utrecht ï. Mde. la Baronne De Hardenbroek, è Utrecht . . i. Mde. De la Riviere, née Muyflbn i. De la Rochette, Pafteur a Harlem i. E. * Jacob Elias, Arnoldsz., Bourguemaitre i. Etienne Efcot . . !• Samuel Efchauzier, Pafteur de 1'Eglife Wallone k la Haye , & Chapelain de L. L. A. A. S. S. &c. i. Jofeph Eyma 3« F. Jean Fonvielle ; : i. Pierre Fouquet . . . !• Jonas Fouquet . I. Jean-Henri Frangois, Pafteur 2. Mdt. la Veuve J. Et. Fizeaux 3. Jacob Fizeaux . . 2. E. J. Fizeaux . . 2. P. Fraiffinet 1. Jacques-Marc Fraiflinct . 1. A. Feitama . . 1. Mlle- Flamand . . ï. D. J. Fremeaux . . 1 1. Pierre Frefcarode . . I. J. Th. Frefcarode, a Rotterdam 2. Ferrand, Avocat a la Haye . 2. Les Dlles. Ferrand, a Utrecht 1. A. H. Fabricius , . 1. M,le. Jeanne Fargucs . 1. A. Friefemaa . . ♦ . 3, * 4  vin NO MS DE MESSIEURS G. Exempl. Me/Jieurs, G. J. Gales . . . i. J. Th. Griot, Pafteur . i. Guyot, Pafteur a Groningue i. Jean.Jacob Grioc . . i. A. Galup . . i, J. T. Gillot . . i. Efaye Gillot . . j. MJe. la Veuve Gillot, née Chabot l. M^e. la Veuve E. Gillot, néeMounier i. Abrm. Godefroy . . j. Jean-Jacques Godefroy . i. Pierre Godefroy . . i. Th. Gallois . . i. J. Graafland, Pietersz. . i. Jean Geraud . . i, Geraud, M. D. S. E. è Rotterdam z. Charles - Jean Gallé , Profefl'eur en Philofophie & Pafteur de 1'Eglife Wallooe a Bois-le-Duc j. Frangois Grandchamp, è Nimegue i'. Jean - Louis Gregory . i. Louis Garach . . I#" J. Garcin, Pafteur a Franeker i.' M. M. Guepin, a Harlem . i. Etienne Goglin . . j, Guicherit, Pafteur de 1'Eglife Walonne de Ia Haye & Chapelain de S. A. S. le Prince d'Orange i. P. Gevers, Grand-Baillif a Rotterdam i. Gallas . . . i. Louis Gautier, Libraire a la Haye 3* H, H. Hovy ... 1 Mde, Hovy, née Hiflelaer ^ ^ A. Hoffman d. Hooft . . 6; Mdi. Hooft, née Dupevrou T" H. N. Haftelaer . . {.  LES SOUSCRIP TEÜRS. ir Exemph Mtffieurs, Archibald Hope . . i. Mde. Hop, née van der Hoop . ï. Mde- Hooft, née Hop . i A. Harrevelt-Soetens, Libraire 12. MUe. Hodshon, a Harlem . 1. Ifaac Hubert, Jun. Echevin a Rotterdam . 1. Mde. Hubert, née Vollenhoove . 1. Huet, a Rotterdam . . 1. D. Theod. Huet, Pafteur a Utrecht 1. A. S. Hottentot de Groot . r. H. Huyghens . . 2. Le Greffier Hartman, a la Haye 1. Le Confeiller Hartman, a la Haye 1. J. Jean Jordan . ; 2. laques-Philippe Jordan . 2. M"e. Elifabeth Joly . .] j. K. J. Kuypers , ; \; MJe. V. Kiatzius, k Delft . 1. L. Jacob Langlois » ; 2. Jacques Langlois . . 2. Mich. Pre. Langlois, Pafteur k Breda 1. René-Efaye Langrune . 1. H B. Luyken . . . 1. Petrus Luden . . j. Jacob Luden, Hendriksz. . 1. Johan Luden, Hendriksz. . 1. C. J. Lamarque . . 1. Jean-Frangois Lagiffe , h Caffel en Heffe . . . 1. Mrfe. la Veuve Lefpinaffe, née Merkus 1. P. J. le Febvre & Fils . 1. * S  x NOMS DE MESSIEURS ExewpL Mejjieursy Jm. Ge. Le Norman t . i. Nicolas Le Normant : . I. L. P. Le Normant . i. J. G. Le Normant, Fils . I.> S. F. L'Honoré , Avocat i la Haye i. J. Luneau i. J3. P. Lacofte . . I. Mlle. Jeanne-Elifabetb Lacofte, a Dort i. D. J. Louis, Pafteur . i. Jaques Lainé, Horloger • i. Louis Le Maire, Confeiller & ancien Echevin a Leuwaerden . I. LaFontaine, M. D. S. E. k Rotterdam i. La Regniere, a Rotterdam) . 2. James Le Marchant, h Rotterdam I. J. Le Gcndre, a Rotterdam . , 1. Lewis, Pafteur a Schiedam . 1. J. R. Lewis, a Schiedam , j. Le Clerc . , , 1. M. / Pierre Mounier . . 3. Jean Maret . . . 3. J. G. Merkus, Pafteur a Naerden 1. L. Metayer . . .1 R. W. Mefs ... 1. C. Paul Meyer . . 2. D. A. Meerman van Goes . 1. P. J. Menjolet . . . 1. Jean-Frangois Martin . 1. Samuel Molière, a la Haye , 1. Hendrik Munk" . i. Le Confeiller Munter ; . 1. Jacob Muhl ... 2. M"«- les Seeurs Magnet . 1. Freres Murray, Libraires a Leyde 6. F. G. Maifonnet, Avocat a Delft 1. Le Colonel MuyiTon, a la Haye  LES SOUSCRIPTEURS. « N. Exempl. frftjjicurs, Nairac ... 8. R. J. Néel ... 1. Jean Nepveu , . i. Claude Noortwyck . . i. O. 1. P. Olivat . . 3. E"e. D'. Olivier ; . 1. Les Soeurs Olivier . . 1. Jean Olivier . l* P. Egbert Pardique , Receveur de L. L. H. H. P. P. au Sas de Gand 1. J. H. Pareau, Propofant . 1. Jean Pallet, a la Haye . I. Miie. Maria-Alida Paflalaigne 1. M!l°. S. Pauw, a la Haye . 1. Michcl Peyrotto , . x. R. Etieone Paul Renouard . 3. Etienne Renouard . . 3. Paul Renouard ; . 3. Nicolas Rietveld . . 1. Fs. Riboulleau ; . 1. Jaques Riboulleau . 2. A. Riboulleau . . 1. René Roullaud . , 1. Henri-Jean Roullaud . j. Jean-Samuel Robert, Pafteur j. Mde. A. M. Robert, née Defotmeaux 1. J. Rolland . . 1. M. Rigail . : . j. M'ie. Roëll, née van Gheel , 1. Mlle. Rouffelet . . . j. Mlle. A. Mt Rucker, a Leyde 1.  xn NO MS DE MESSIEURS Exempl, Mejfieurs} Samuel- Jean Renaud, Pafteur de 1'Eglife Wallone a Leeuwaarden r. Madame la Douairière Rendorp i. Le Secrétaire Rendorp . i. Mcle. la Veuve Louis-Antoine Rondc»u i. M',e. Rutgers, née Txonchin i.v J R. Rilliet . . i. 'li. Remv, Pafteur de 1'Eglife Wallone a la Haye r. E. P. L. Royere, Pafteur a Zierikzce i. Rau, Pafteur de 1'Eglife Wallone a Levde . . . i. Roukshoufer, h Gouda . i. S. J. P. Scholten . . r. M^e. A. L. Six, née de Vifïcher i. N. Six . . i. Fr. Straalman . . 2. D. Serrurier, V. D. M. . 1. F. Serrurier, V. D. M. . 1. J. J. Serrurier, Danielsz. . 1. Henri - Corneille Serrurier . 1. L. F. Serrurier, Stud. . 1. Martinus Smit . . 12. P. A. Schouw . . 3. J. P. St. Martin . . 1. Adrien Sc. Martin . . 2. J. P. St. Martin, è Naerden . 1. E. J. S'. Martin . . 1. Philippe- Charles Schomaker , Secretaire du College de L. N. P. les Sgrs. Etats du Comté de Zutphen j. J. Scheerenberg . . 1. Mllcs. Seguela . . j. M. Schut, a Schiedam . 1. J. H. Schneck - . 1. Schddius, Pafteur a Nimegue 3. Petrus Schouten, Libraire , 4.  LES SOUSCRIPTEURS. xur Exempl. Mejfteurs, Antonis Slicher, Confeiller & ancien " Bourguemafcre a Harlem I. Stapert, Avocac . . i. T. ■ Jaques Teyiïet ; . 2. Jaques TeyiTet, Jun. . 2. Jean Titfingh . . 1. Guillaume Titfingh . . 1. Guillaume Titfingh, Junior . 1. Anne-Elifabeth Sufanne TitfiDgh 1. Anne-Marie Titfingh . 1. Claude-Pierre Titfingh . 1. J". G. Tfiiu van Keulen . 1. Teyler van Hall . . 1. Jean Teyler . . 1. Jeari Texier . . 3. Jaques Texier . .1. Texier & Verdier . 1. J. Toorenburgh, Hermamz. . 1. Twent, ancien Echevin & Confeiller a Leyde . . 1. Md=. la Veuve Tolofan, a Leyde 1. Mlle. J. M. Terfmitten . 1. A, W. Terfmitten . . 1. C. A, Tefiart, Sécrétaire de la Ville de Harlem . . 1. Ifaac Ten Cate, a Harlem . 1. Mite. Trip, a la Haye . 1. G. G. Baron Taets d'Amerongen , Seigneur d'Oud - Amelisweert, c\c. 1. J. Baron Taets d'Amerongen, Cha- noine 'de St. Jean, &c. &c. j. G. A. Baron Taets d'Amerongen, Seigneur de Schnlkwyx-, &c. etc, 1. J. P. Tronchin du Breuilh . f. MA', Tack, née Humbert , xi  xiv NOMS DE MESSIEURS U. Exempl* MeQieur P. Jk Uylenbroek, Libraire ' i; V. P. J. Van den Velden . u A. C. Voute, m. D. S. E. a Rot- terdam i . 4i P. F. Voute , l i. J. J. Voute > . i. Rob. Voute . * i. mde. la Veuve J. J. Voute » i. Mde. la Veuve S. £. Voute N. J. Vereul . i. l. Adriaan Van Aalft . . i. Jean. Nicolas Van Eys » i - D. J. Van Eys * . i. Paul-André Van Eys , i. Fr. Van der Goes . » i. Van der Goes, a Rotterdam u J. J. Van Heemert, a Bourdeaux i. Joh's. Van Heemert . i. J. C. Van der Hoop, Fifcal i. G. Van Kinfchot . . i. Jean Van Marfelis 4 . i. Jean Van Soefdyk . i i. J. H. Van Swinden . 1. Philippus Van Swinden, Avocat h la Haye . . . i. Simon-Petrus Van Swinden, Avocat a Delft . . ï4 Van Stryen . { . i. J. Wolters Van de Poll k ïs jean Van de Poll . . ,j. Jacobus Van de Poll . . j. Jacobus Van de Poll , Jacohsz. i« MK C S. Van de Poll . u Jv$fc. E. E. Van de Poll , i. ' mtle. la Veuve F. A. Voogd i» Le Grand-Penfionnaire Van Bleiswyk, s la Haye . . 2.  LÉS SOUSCRIPTEURS. xV Exempl. Meffitürsy Van Weede - . . • U H. Van der Hoogt . . i» Lucas - Guillaume Baron Van Effen, Seigneur de Schaffelaer, Helbergen & Abbebroek, k Barneveld i. P. Van Winter, Nicolaasz. . u J. Van Loon» Jansz. . l. Mde. la Veuve Vernede, née van den Heuvel . . *• Mde. Vernede, née de Mauclerc 4* T. H. Vernede, Pafteur k la Haye i. Van Breda, Avocat a Gouda i« Freule Anna-Maria Van Burmannia i. Van der Bank, Pafteur a Dort i. N. A. Veftieu . . i. Van Eyck, Confeiller & Echevin a Gouda ... i. B. Vlam, Libraife . . i. Henri Van Couwenhooyen . i. Laurent Van Huift, Libraire . i. H. A. Van der Graef Hanedoes i. Jac. Van Bofvelt, V. D. M. a Deventer . i. E. G. Van Beaumont . ï. J. Van Gulick, Libraire . 3. . D. G. Van Teilingen, Seigneur de Ca- merik, a Gouda . 1. D. Vis, Libraire a Rotterdam 2. Mde. Van der Duffen, k Utrecht 1. Le Confeiller de Verdun, k la Haye 1. Md*. la Baronne H. H. Van Waffe- naer, a la Haye . . 13 M1,e. Van Thoren, a la Haye . 1. Jacob - Abraham Van Lennep . 1. Matth. Van Zon . . 2. D. M. Van Gelder de Neufville i. J. M. Van Pabft . . i. P. Van den Santheuvel, a Dort . 1. P. Van Braaa, Libraire a Dort . 1.  xvi NOMS DES SOÜSCRIPTEÜRS. W. Exempl. Mej/ieurs, Pierre Wallaod . . ï. Mde. la Comtefle de Waflenaer-Twik- kei, a la Haye . . i. ]. G. Witte . . i. W. Woudman . . i. ^W. Winter . . • i. . Weveringh . . i. Wynarjd - Fréderic Wyers . i. Bartholomé Wild, Libraire h Utrecht 2. A. Willet, Pafteur de 1'Eglife Wallone a Gouda . . 1. t. Pierre Yvet * « 4. Z. Philippus Zweerts . «, i. W« N. Zeevenhooven « x. TABLE  T A B L E DES SER M O N S, Contenus dans ce IIP. Folume. PREMIER SER M ON. Sur 1'Agonie de Jefus - Chrifl. Alors Jefus s'en vint avec eux dans un Ueu nppellé Gethfémané &f dit h fes Difciples: ajje* yez - vous ici jufqu'a ce que je men aille & priela. Et il prit avec lui Pierre & les dcuxjils de Zêbêdée, & il commenga a être contrifié fc? fcrt angoijjé. Alors il leur dit: mon ame efl de toutes parts faifie de triflejfe jitfques a la mort; demeurez ici & veillez avec tnoi. Puis s'en allant un peu plus loin, il fe profterna le vifage contre terre, priant difant: mon Pere, s'il efl pojjible, fais que cette coupe paffe loin-de moi;toutefois non point commc je vcax, mais comme tu yeux. Puis il vint a fes Difciples & les trouva dormans t & il dit a Pierre, efl-il poffible, que vous n'ayez pu veiller une heure avec moi? Veillez priez , que vous nentriez point en tentation, car l'efprit efl prompt,, mais la chair efl folble. 11 s'en alla encore pour la' feconde fois , Tome III. * *  svin T A B L E &? i/ pria *7«if: «zon Tere, s'il n'efl pas posftble, que cette coupe paffe loin de mm, fans que 'je laboive, que ta volonté foit faite. II revint enfuite & les irouva encore dormans, car leurs yeux étoient appefantis. Et les aiant laiffès, 'il s'en alla encore & pria pour la troifieme fois, difant les mêmcs paroles. Alors il vint a fes Difciples &P leur dit: Dormez dorefnavani & yous repojez, voici l'heure efi proche, & le Fils de rhomme s'en va être livré entre les mains^ des méchans. Levez-vous, allons, voici celui qui me trahit s'approche. Matth. XXyi. 36-46. Pag- 1 SECOND S E 11 M O N. Sur la Liberté du dévouement de Jefus - Chrift. Or Judas, qui le trahiffoit, favolt aujfi le lieu; car Jèfus s'y étoit Jouvent ajemblé avec fes Difciples. Judas donc aiant pris uw banae de foldats & des J'ergens de la part des principaux Sacrificateurs £f des Pharifiens, s'en vint-la avec des lanternes, & des ftambeanx, & des armes. Or Jèfus fachant toutes les chofes, qui lui devoient arriver, s'avangant leur dit ,, qui cherchez-vous? lis lui rêpondirent, Jèfus le Nazarien. Jèfus leur dit, c'efi moi. Et Judas, qui le trahiffoit, étoit auffi avec eux. Après donc qu'il leur eut dit, c'efi moi, ils s en allerent h la renverfe èf t omber ent f ar terre. II leur demanda unefeconde fois, qui cherchezvous? Et ils rêpondirent, Jèfus le Nazarien.  DES S E R M O N S. xix Jèfus rêpondit, ne vous ai-je pas dit, que c'efi moi, fi donc vous me cherchez, laiffez aller ceux-ci. C'étoit afin que la parole, qiCil avoit dite, fut accomplie, je n'ai perdu pas un de ceux, que tu m'as donnés. Or Simon Pierre, aiant une épée, la tira, (f en frappa le ferviteur du foiivera'm Sacrificateur, ff? lui coupz ïoreille droite; &f ce ferviteur-la avoit nam. Malchus. Jéfus donc dit a Pierre: remets ton épée au fourreau, ne boirai-je pas la coupe, que le Pere m'a donnée a boire? Alors les Soldflts, & le Capitaine, &f les Sergens des Jufs faifirent Jèfus £f le lierent. Jean XVW. vs. 2—12. 23 TROISIEME SERMON. Sar la Comparution de Jefus -Chrift devant Caïphe. Et le fouverain Sacrificateur interrogea Jèfus touchant fes Difciples é? touchant fa Doèrine. Jéfus lui rêpondit: j'ai ouvertement parlé au, monde; j''ai toujours enfeignè dans la Synagogue ÖJ dans te Temple, oü les Juifs s'affemblent toujours , & je n'ai rien dit en fecret. Pourquoi m'interroges-tu? Interroge ceux, qui ont oui ce que je leur ai dit; yoila ils favent ce que j'ai dit. Quand il eut dit ces chofes, un des Huijf.ers, qui fe tenoit-ld, donna un coup de fa ver ge h jèfus, en lui dlfant: cfi-ce ainfi que tu répons au fouverain Sacrificateur? Jéfus lui rêpondit; fi j'ai mal parlé, rends têmoigmge du mal; &f fi j'ai bicn parlé, * * 2  xx T A B L E pourquoi me frappes-tu? Or Anne 1'avoit envoië Hé a Caïphe, fouverain Sacrificateur. Jean XVIII. 19-24. 41 QUATRIEME SERMON. Sur Ia Comparutïon de Jefus -Chriit devant Hérode. Or quand Pilate entendit parler de la Galtlèe," il demanda, fi eet honnne étoit Galiléen ? &f aiant appris, quil étoit de la jurifdiclion d''Hérode, il le renvoya d Hérode, qui en ces ■ ■ - la étoit auffi a Jerufalem. Et lorfqu Hérode vit Jèfus, il s'en rcjouit, car il y avoit Ungtems qu'il defiroit de le voir, d caufe quil entendon dire plufieurs .chofes de lui, & il efpèroit, quil lui verrolt faire quelque miracle. 11 Vinterrogea donc par divers difcours; mais Jéfus ne lui rêpondit rien. Et les principaux Sacrificateurs & les Scribes comparurent, l'accufant avec une grande véhémence. Mais. Hèro'de avec fes gens t'aiant méprifè, sêtant moqtié de lui, après quil teut revêiu d'un vêtement blanc, le renvoya a Pilate. Ei en ce même jour Pilate öf Hérode devinrent amis. erfire eux; car atiparavant ils étoient en inimitic enfembls. Luc. XX11I. (5—13. 6$  DES SERMONS. xxi CINQUIEME SERMON. Sur les Excès des Paflions. Et ceux, qui pajfoient prés de-Va, lui difoient des outrages, hochans leurs têtes, 6f difant: Toi, qui dêmolis le Temple; 6? le rebdtis en trois jours, fauve-toi toi-même; fi tu es le Fils de Dieu, defcens de la croix. PareillemenS aulji les principaux Sacrificateurs avec les Scribes &p les Anciens, fe moquant, difoient:^ II a fauvê les autres, il ne fe peut fauver foi-même. S'il ejl le Rol d'Ifra'êl, qu'il defcende maintenant de la, croix, êf nous croirons en lui. H fe confie en Dieu, quil le délivre maintenant, s'il l'a pour agréahle, car il d dit, je fuis le Fils de Dieu. Les brigands, qui étuient crucifiès avec lui, lui reprochoient auffi la mime chofe. Matth. XXVII. 39-44- 9° 5IXIEME SERMON. Sur le Triomphe deTAmour. Prés de la Croix de Jéfus étoient fa Mere & la Sosur de fa Mere, qui étoit Marie femme de Llèopas, & Marie Magdelaine. Et Jéfus voyant fa Mere, prés d'elle le Difciple quil aimoit, dit éi Marie: Femme, voila ton Fils, H au Difciple: voila ta Mere; éf dés cette même heure-ld le Difciple la regut chez lui. Jeatt XIX. a5-27. JI3 v*  xxii T A B L E ■ SEPTTEME SERMON. Sur 1'Apologie des Apötres. - " Mais Fierre, fe pref ent ant 'avec les onze, eleva fa voix; & leur dit: Hommes Jufs, & vous tous, qui habitez a Jérufalem, apprenez 'ceci, & faites attention a mes paroles, car 'ceux-ci ne font point ivrcs, comme vous penfez, 'vu que c'efi la troifieme heure du jour. A6les II. 14, 15- '39 HUITIEME SERMON. Sur les devoirs de la VreiHeffe. , Ne me rejttte point au tems de ma Vieilleffe: ne vi abandonne point, maintenant que ma force efi défaillie. Pfeaume LXXI. 9. 165 NEUVIEME SERMON. Sur les devoirs d'un Pafteur parvenu a la Vieilleffe. • C'efi pourquoi je ne fcrai point parejfeux h vous faire toujours fouvenir d» ces chofes, quoi'qae vous aïez de la connoijfance, & que vous foiez fondès en la vérité,qiti vous a étê annoncée: car je crois, qu'il efl jufte , que je vous réveille par des avsrpjjemens, tandis que je fuis dam  DES SERMONS, xxnr cette tente, fachant, que dans peu de tems je de-is en déloger, comme notre Seigneur JefusChrifl lui-même me Va déclaré. 2 Pierre I. 12-14. 193 DIXIEME SE R M O N. Sur TEmpire de Dieu fur les Nations. - En un inflant je parlerai contre un Peuple & contre un Royaume, pour Varracher, le démolir Êf le détruire. Mais fi cette Nation-ld, contre. laquelle j'aurai parlé, fe détourne du mal% qu'elle aura fait, je me repentiraï auffi du mal, que j'avois penfé de lui faire. Que ft en un infiant je parle d'un Peuple 6? d'un 'Royaume pour ïêdifier le planter, qu'il faffe ce qui me dèplait, tellement qu'il nécoute point ma. voix, je me repentirai auffi du Men, que j'avois dit , que je lui ferois. Jerem. XVIII. 7—10. 221 ONZIEMË SERMON. Sur 1'amour de la Patrie & le zele pour Ie Bien Public. Pardonne- leur leur pêché; finon efface-moi maintenant du Livre, que tu as écrit. Exod. XXXII. 32. 253  xxiv TABLE DES SERMONS. DOUZIEME SERMON. Sur la vanité de Ia vie humaine. Tu as réduit mes jours h la mefure de quatre èoigts ,& le tems de ma vie efl devant toi comme un Tien-, Certainement ce n'efl que pure vanité de tout homme, quoiqu,il foit debout. Certainement ïhomme fe promene parmi ce qui n'a que de Papparence; certainement on fe travaille pour néant. On amaflfe des biens, on ne fait, qui les recueillira. Or maintenant qu'ai-je attendu Seigneur ? Mon attente efl h toi. Pfeaume XXXIX. 6—8. «89 L'JGONIE  ÜAGONIE D E JESUS-CHRIST; . Alors Jéfus /en vint avec eux dam un lieu appellé Gethfémané é? dit a fes Difciples; afféyez-vous ici jufqua ce que jemmaille & prie-la. ft il prit avec lui Pierre 0 les deux fils de Zèbédèe, ê? il commenca a itre contriflè & fort angoiffé. Alors il leur dit, mon ame efl de t out es parts faifie de trifleffe jufques a la mort; demeurez ici & veillez avec moi. Puis s'en allant un peu plus loin , il fe proflerna le vifage contre terre, priant & difant; mon Pere, s'il efl poffible, fais que cette coupe paffe loin de moi; t out e fois non point comme je veuxj mais comme tu veux. Puis il vint a fes L isciples i£? les trouva dormans, & 'il dit a Pierre, efl- il poffible, que vous nayez pu veiller une heure. avec moi ? Veillez & priez i que vous n'entriez point en tentation^ cdr ïefprit efl prompt, maïs la chair efl fo 'éle. II s'en alla encore pour la feconde fois , g? U pria difant , mon Pere , s'il nejl pas posfible, que cette coupe paffe loin de moi, fans que je la boive, que ta volontè foit faite. Il revint enfutte fèp les trouva encore dormans, car leurs yeax êtoient appefantis. Et lei aiant laiffês, il s'en alla encore $ 'pria fonf :lème HL A  Exorde. Ëf&e LUI 4« fl SERMON I. troifieme fois, difant les mêmes paroles* Alors il vini a fes Difciples & leur dit, Dormez dorefnavant & vous repofez, voici Theure efl proche, & le Fils de Vhomme s'en va être livrê entre les mains des méchans. Levez-vous, allons, voici celui qui me tra^ hit, s'approche. iSt. Matth. Ch. XXVL vs. 36-46* PREMIER SERMON. L'Histoire des fouffrances de JefusChrift eft mfiniment touchante pour un Chrétien, & il n'y a que des coeurs infenfibles, fór lefquels elle ne faffe pas de vives & profondes impreffions. De quelle reconnoiffance, de quel amour ne doit-on pas être pénétré a la vue d'un Sauveur , portant nos langueurs, chargé de nos douleurs ? Quelle haine ne doit-on pas concevoir pour le pêché, puifque c'eft le pêché qui a rendu les fouffrances de Jefus *Chrifi néceffaires ? Mais de toutes les circonftances de fa Paffion, une des plus propres a. faire naitre ces fentimens eft fon Agonie en Gethfémané. C'eft-la un des plus extraordinaires fpeétacles, qui fut jamais. On ne doit pas être furpris de voir le Sauveur expofé aux outrages d'un peuple infolent; ce peuple étoit animé par le faux zele de Reli^ion. 11 n'eft pas étonnant* que Jefus - Chrifl fut 1'objet des fmiftres projeis  t'Agonie de Jefus'Chrïft. \ de vengeance des Chefs de la Synagogue il avoit relevé leurs erreurs, confondu jtétt orgueil , démafqué leur hypocrifie. Ot ne doit pas être furpris encore de voir de; foldats Romains abufer du pouvoir, qu'or leur donne fur ün prifönnier Juif, deftim au dernier fupplice. Ce qui étonne, ce q\ii confond, c'efi de voir Jéfus, ce Lion de la Tribu dejuda, palir & trembler a la feule penfée des 'maux, qui 1'attendoient. Ce qui étonne, ce qui confond, c'eft de voir ce Héros intrépide s'abandonner au découragëment, & plas foible en apparence que les Héros du Paganifme, que les Martyrs de fa Dóclrine; Quelle énigme impénétrable! M; F. a moins que ientrer dans le SanSfuaire du Dieu fort, pour y découvrir les plus proFonds myfteres d'une charité fans bornës; Quels objets^ que ces allarmes craelles^ ces angoilfes mortelles, ces cris, ces larmes, qui accompagnerent les ferventes prieres du Rédèmpteur des hommes! Secóndez p>ar votre attentioh,. pair les mouvemens dé votre piété les efforts, que hous allons faire pour pénétrer le myfiere d'uhe Luttc infiniment plus extraordinaire que celle dii Patriarche Jacob. Heureux, 11 nous démêlons les folides appuis; qu'elle offrë k hotre foi! Heureux furtout, fi elle excitè dans nos cceurs les fentimens^ que nous ëevbns a notre Sauveur! A i i > i i i ?c. r.xxtih ij; tfebr. V. f. ixxn,  Réflfxions préliminairit» 1. x.2 Lieu. Jean XVIII. I. XV11I. 2. 4. SERMON I. Commencons rexamen de notre fujec. par quelques courtes réflexions fur les circonflances de cette partie de 1'Hiftoire. L'Evangélifte en a marqué deux principales ï. Le Lieu, oü fe palfa cette extraordinaire fcene. II. Les Per/onnes, qui en furent les tèmoins. I. Alors Jèfus s'en vint avec eux dans un lieu appellé Gethfémané. Ce divin Sauveur venoit de célebrer la Paque avec fes Disciples, & de leur donner les plus tendres marqués de fon amour en inftituant la Sainte Cene. II fortit de Jérufalem, palTa le torrent de Cedron & vint fur la montagne des oliviers. Pendant la route il s'entretint avec les Apötres des maux, auxquels ü alloit être expofé; il les confola* il leur prédit, qu'ils 1'abandonneroient Iachement^ & a St. Pierre en particulier, qui ofa fe glorifier d'avoir plus de conftance que fes Collegues, qu'il fe rendroit encore plus coupable qu'eux. Occupé de ces triftes objets Jéfus arriva dans un lieu appellé Gethfémané. St. Jean remarque, que c'étoit un jardin, coimu de Judas, qui trahilToit le Sauveur. Nous ne perdrons pas de tems a vous rapporter ce que les Commentateurs difent fur le nom de ce Lieu & fur fa fituation. De pareils détails nous paroilTent répondre fi peu au grand but, qu'on doit fe propofer dans la méditation de rHiiloire de ia Paffion de Jefus-Chrijï, que ïious  VAgonie de Jefus-Chrifl. 5 croyons devoir les fupprimer. Ce qu'il y a d'elTentiel dans cette circonltance, c'efi que le Sauveur, en fe retirant dans un lieu fi bien connu du perfide Judas, a fait voir, qu'il ne cherchoit nullement a éviter les fouffrances, qui 1'attendoient, & qu'au contraire il fe préparoit au grand facrifice, a la confommation duquel il étoit appellé. II. Il n'étoit pourtant pas convenable, que les préparatifs de ce facrifice, fi dignes d'attention, demeuraffent inconnus , & que 1'Eglife ignorat les rudes combats, que JefusChrifl a foutenus, avant que de mettre la derniere main a 1'ceuvre de notre Réderation. C'eft par cette raifon que 1'Evangelifte nous apprend,que l'événement,dont il s'agit,ne fe pafla pas fans témoins. Tous les Apös tres, excepté Judas, avoient fuivi le Sauveur jufqu'en Gethfémané; mais il en choifit trois pour être préfens a fon Agonie , Pierre & les deux fils de Zébédée Jaques & Jean. II fit ce choix par une raifon de tendreffe & par une raifon de fageffe. Par une raifon de tendrefie: il paroït par 1'Hiftoire de 1'Evangile, que bien que Jefus - Chrifi aimat tous les Apötres, il avoit une affection particuliere pour ces trois-la, & qu'il les diftinguoit. Rien de plus naturel parconféquent que le choix y qu'il. fit d'eux. dans cette occafion. Sans doute qu'il cheicha dans leur entretien- quelque foulagemene a fes peines5 & de quoi calmer les. cmelles; A 3'. 11.  Matth. XVU- ' t, &c« a Piene \. V\ " Mfm) de < JjiJ'coijrs, | S E R M O N l agitations de fon efprit; fans dóute qu'il voulut adoucir la rigueur de fes maux par les charmes du commerce d'une tendre amicié. II y eut auffi une raifon de fageffe, qui engagea !e Sauveur au choix, qu'il fit. Ces trois Apötres avoient été témoins de fa gloire, lors de fa transfiguration. Ils 1'avoient vu plein de majefté; ils avoient entendu cette voix céefte, envoiée du-Jein. de la gloire magnifique, celui-ci efl mon fils bicn-aimé, en qui fai pris mon bon-plaifir. Jefus-Chrifl veut, qu'ils foient auffi témoins de' ion agonie & de fes combats, afin qu'ils euffent de juftes idees de ce qu'il étoit & de co quil fefoit pour le falut des hommes. D'ailleurs la foi de ces trois Apötres étoit plus propre a foutenir 1'épreuve du fur> prenant fpeétacle de fon Agonie que celle ^es autres Difciples ^ qui n'avoient ni vu fa gloire fur la fainte montagne, ni entendu Ia, voix, qui ne laiffoit aucun lieu au doute. fur la dignité de fa perfonne. C'en efl affez fur les circonftances de. 1'Hiftoire. Fixons notre attention fur de plus grands objets. Envifageons 1'Agonie de Jefus - Chrift fous fon point de vue le. rplus' intéreffant, en tan t L Quelle éclairat- Ê? jufiifie des Dogmes importms de notre 'Théologie, & II. QiCelle nous retrace les. devoirs les plus. importans du Chriflianijme. C'eft ce qui va nous occuper dans les deux, Parties de notre Difcours.  VAgonie de Jefus-Chrifl. 7 Qüand on confidere avec un efprit de réflexion ce qui fe paffa en Gethfémané, on ne peut qu'être vivement frappé de voir le Fils de Dieu, celui qui avoit rem Vefprit fans mefure, dans une angoiffe mortelle, d'entendre le Sauveur dire, mon ame efl de temes parts faifie de trifleffe jufqita la mort, de le voir proflerné en ter re & fuant des grumeaux' de fang, rempli de frayeur prier avec véhemence & dire, Pere, sil efl poffible, que cette coupe paffe arriere demi lans que je la boive, réduit enfin a avoir befoin du fecours d'un Ange pour le fortifier. Jefus-Chrift avoit-il donc oublié le grand but de fa miffion? Ignoroit-il, que les Ecritures devoient s'accomplir? Ne favoitil pas, qu'il n'étoit venu dans le Monde que pour mettre fa vie en rangon pour les pécheurs? Oui, M. F. il favoit que k Chrifl devoit foufrir. Mais apprenons a la vue de eet étrange fpeótacle I, A nous fain de jufles idéés de la Mort de notre Sauveur & II. Connoiffons toute l'étendue des droits de U Juflice Divine dans la nécefjité de fon facrifice Ce font ces vérités de la Théologie Chretienne, que nous trouvons ici folidement établies, I. L'Agonie de jeïhs-Chviftnousapprena a nous faire de jufles idéés de fa Mort, & è Venvifager comme un vrai facrifice. II efl impoffible d'affigner le principe de cesangois. fes, qu'il éprouva; a moins oue de fup pofer, qu'il étoit appellé a faire l'expiatior A 4- i. fariie. Jean UI. 34. Lix. X"" 43- kat*, xx. Luc.XXlV 26. I i. du Sauveur \prmive Li vétitê de fon ffiisrir- t  SERMON I. des péchés du Genre - humain. Pour nous, en convaincre examinons, quelles furent les caufes de 1'Agonie du Sauveur. O0 (O D'abord l'idée de tous les maux, auxquels il allojt être expofé, fit fansdoute impreffion fur lui, L'expérience démontre, que 1'attente des. fouffrances, qu'ori envifage dans 1,'avenir , infpire fouvent plus de terreur que le fentiment a&uel des maux préfens. La crainte ébranle, agite & bouleverfe davantage 1'ame que la douleur même, C'efi: ce qui arriva fans doute a Jefus - Chrifl. Occupé entierement de ce qu'il aljoit fouffrir il envifage d'un coup d'ceil eet affemblage de maux, qui alloient fondre fur lui. II fe voit faifi parunetroupe dindignes fatellites conduits par un. perfide, Difciple; trainé devant le tribunal des. ennemis déclarés de fa perfonne & de fa Doötrine; expofé a devenir la viétime de. la lache politique de Pilate; il voit fon fort entre les mains d'un Prince, a qui les plus grands crimes ne eoutoient rien; il fe repréfente les infukes d'un peuple furieux, les. outrages des fergens, la trahifon. d'un de ceux, qu'il: aimoit le plus tendrements il; fe. voit condamné comme un des plus grands fcélérats, couronné d'épines, meurtri &.déchiré par la flagellation % étendu en croix3 abbreuyé- de fiel & de. vinaigre. L'idée de tant de maux réunis ne pouvoit oue remplir 1'ame de jefus-Chr'fl de  L'Agonie de Jefus - Cht'ifl. 9 frayeur. Sujet aux foibleftès de l'humanité, d'ailleurs d'un caraélere naturellement tendre & fenfible, de pareils objets ne p.ouvoient que faire les plus vives impreffions fur lui. (II.) Cfi qui rendit ces impreffions plus Ctt} terribles fans doute, c'eft que le Sauveur fe retraca toutes les horreurs du pêché, dont il étoit appellé a faire 1'expiation. Nous ignorons pour 1'ordinaire, ou nous ne connoiffons qu'imparfaitement tout ce qu'il y a d'odieux dans la violation des loix divines, tant parceque nous n'avons pas de juftes idéés de la dilproportion immenfe, qu'il y a entre notre balTeiïè & la grandeur infinie du Dieu, que nous. offenfons; que parceque nous ne penjons pas a 1'excellence des biens, dont nous nous privons; a ce qu'il y a de redoutable dans les malheurs , que nous attirons fur nous par le pêché, & a 1'indignité de notre caractere aux yeux d'un être auffi faint que jaloux de fa gloire. Mais Jefus-Chrifl, plus éclairé que nous, & intérefle a bien méditer fur ce qu'il entreprenoit, en fe mettant a la place des pécheurs, envifègea tout ce. qu'il y a de criminel dans 1 une conduite, qui outrage la fainteté de Dieu, qui efface en nous les beaux traits' 3 de fon image, & qui produit les plus finiftrres effets dans le Monde. Le Sauveur^ fe repréfenta tant de crimes, qui avoient/ inondé; la terre; Terreur, la fuperftition*  jHebr. vii, 20. g£j| Jean IV. 34 cuïo 10 SERMON I, 1'idolatrie, Ie vice & la corruption exercant leur empire Hir le Genre - humain. Ces objets frapperent d'autant plus yivement 1'ame de notre Sauveur, qu'il étoit faint , innocent, fans tache £p féparé des pécheurs. Quelle horreur devoit donc Jui infpirer un fi affreux fpeétacle! Quelle frayeur nedüt-il pas reffentir en fefant réflexion, qu'il s'étoit engagé a répondre de tant de crimes ? Ce n'eft pas M. F. que nous prétendions, que Jefus-Chrifi fe foit regardé comme pécheur, qu'il ait pu fe croire lui - même coupable. Non! Non! il connoiflbit trop bien fa parfaite innocence pour avoir pu concevoir cette penfée. Ce qui remplit fon ame d'une trifiejfe mortelle, c'eft qu'il étoit deftiné a agir pour les pécheurs, non fimplement en qualité d'Interceffeur, mais comme Répondant, qui en prenant leur place fe chargeoit de tout ce qu'il y avoit d'odieux dans leurs crimes. Plus il étoit pur & faint, & plus les horreurs du pêché devoient faire de douloureufes impreffions fur cette belle ame, qui avoit un goüt dominant pour la vertu, & dont toute .1'occupation & la joie confiftoit a faire la yolonté de fon Pere célefle. (III.) Ce qui augmenta fans doute les frayeur-s de Jefus-Chrifl, c'eft un fentiwent extraordinaire de peine fi? de détreffe, que Dieu lui fit éprouver. Nous ne pouvons douter , que Dieu n'ait un pouyoir fouverain fur les efprits, & que fa  L''Agonie de Jefus-Chrift. ii puiffance, qui agit en nous avec. efficace pour Pi y 'produire la volonté & 1'acJion, ne puiffe déployer la même efficace pour y faire . naïtre une vive angoiffe, une anxieté, qui faifit 1'ame, qui la fait frémir en nous. p C'eft un fentiment de cette nature, que nous concevons que Dieu excita dans 1'ame du Sauveur, ' La qualité de Répondant des pécheurs, qu'il revêtoit alors, autorifoit une pareille févérité de la part de Dieu. L'expiation du pêché, que JefusChrift s'étoit engagé de faire, mettoit le Juge de 1'univers en droit de lui faire fentir I par une impreffion particuliere cette extrê- ; me angoiffe, qui lui arracha ce douloureux lanrage, mon ame efl faifie de tout es parts de trifleffe jufqü'a la mort. (IV.0 Enfin ce qui rendit 1'angoiffe du Sauveur plus grande, ce fut la fufpenfion i des gr aces divines. L'ame de Jefus - Chrift abandonnée a elle-même devoit trouver dans fon propre fond de quoi fe foutenir. Vefprit de confeil & de force retenoit alors e fes influences. Ce doux commerce de fentimens avec fon Pere, auquel le Sauveur étoit accoutumé, ceffa dans ces funeftes momens. II ne vit plus que cette maffe de péchés, pour lefquels il s'étoit engagé de fatisfaire. Accablé fous le poids de°tant de maux, fes plus tendres amis, fes Apötres bien-aimés lui manquoient au befoin, il ne lecevoit tüeux aucune corjfükrion» ïii. ii. ■ 12, (iv.t raie Xr. a.  19 SERMON 1. paree que Ie fommeil les accabloit, tandis que les plus effrayans objets obfédoieat foa efprit. Si les caufes, que nous venons d'afllgner de 1'Agonie de JefusXhrift, netoient pas réelles, & que l'idée de la mort confideiés comme un facrifice expiatoire n'eüt pas été" le véritable principe de la détreffe, oü nous le voions, il efl; impoffible d'en rendre raifon, & 1'état, oü il paroit en Gethfémané , efl la plus incompréhenfible & la plus inexplicable de toutes les énigmes. C'efi ce qu'il faut juflifier. . Si Jefus-Chrift étoit mort d'une mort ordinaire, qu'il n'y eüt eu aucun caraclcre particulier dans fes fouffrances, qu'il n'eüt été queflion que de confirmer fa Do&rine, de fcêler de fon fang les vérités, qu'il avoit prêchées, & de donner un modele de vert-u, pourquoi auroit- ü manqué de courage dans fes derniers momens,. après en avoir donné tant de preuves pendant fa vie 2 N'avoit-il pas dignement rempü les devoirs d'un Prophete bienfaifant, d'un Réformateur zélé, en établiflant les droits de la vérité & de Ia vertu fur les ruines de 1'erreur & de la corruption ? Ne pouvoit-il pas fe rendre le témoignage le plus avan-, tageux a 1'égard de Paccompliflèment de fes devoirs? Si Jefus-Chrift étoit mort d'une mort ordinaire, pourquoi ce Jufle ét;oit-il dans une fi grande apgoiflèfc  L.'Agonie de Jefus-Chrift. i§ i Qu'avoit-il a craindre? Ne mouroit-il I pas avec une profonde foumilïion aux ordres i de fon Perej avec une parfaite alfurance de lavéritédefaDo6lrinei,&de Finnocence : de fa vie ? Ne rtiouroit - il pleinement perfuadé de la certitude de cette bienheureufe immortalité, qu'il étoit venu dévoiler aux hommes, ajfüjettis a la feryitude par lal crainte de la mort? Si la mort de JefusChrift n'avoit pas eu un caraclere particulier , pourquoi fe vit-il privé de ces fecours puiffans, de ces confolantes infiuences de la grace divine, que Dieu a promis a tous >i les Fideles, & auxquelles il femble que notre Sauveur avoit plus de droit que perfonne ? Mettez Jefus - Chrift en parallele avec les Martirs, & Vous fentirez la force de 1'argument, que nous prelfons en faveur de la vérité de fa fatisfaélion. Quel des Martirs n'avoit des péchés a fe reprocher ? Quel des Martirs ne' devoit naturellement trembler a l'idée du redoutable tribunal d'un Dieu, devant lequel les Anges mêmes) i m fe trouvent point purs ? Quel des Martirs n'étoit plus fujet a de grandes foibleffes de 1'humanité que le Sauveur , & paf : conféquent acceflible a la crainte & a i la frayeur aux approches de la mort? Et néanmoins quel des Martirs n'a témoi: gné plus de fermeté & de conftanee? : Quel des Martirs n'a fait briller des fentiI mens plus héroïques que Jefus - Chrift dans febiv II. 15. obXXV.S*  ii- Cette Ago Kie prouvi ia nécejjiti de jon facrifice. \\ SERMON T. cette occafion ? C'efi ce dont on ne rendra jamais raifon , qu'en fuppofant, que la mort de notre Sauveur étoit d'une autre nature que celle des Martirs , & que l'idée de la grandeur du facrifice, a ia confommation duquel il étoit appellé, fut la principale caufe de ces allarmes, de cés angoiffes, qu'il reffentit en Gethfémané. II. Les circonftances de eet événement & les démarches de Jefus-Chrift dans cette occafion n'établifTent pas d'une maniere moins claire, la nécejfitè de ce grand facrifice. Pefez cette ardente priere, Pere, s'il eft poffible, que cette coupe paffe arriere de moi fans que je la boivel A confiderer 1'empire abfolu, que Dieu a fur tous les événemens, tout ce qui n'implique pas contradiólion efl a proprement parler posfible. Mais quand on 1'envifage fous la' relatiön de Gouverneur fage de 1'univers^ qui doit veiller au maintien des loix, qu'il a établies ~, dont le grand but dans 1'oeuvré de la Rédemtion a été de reprimer le vice & de faire regner dans le Monde 1'amouf de 1'ordre & de la vertu, on ne peut conT cevoir* qiie Jefus-Chrift put être difpenfé de boire le calice amer, qui lui étoit préfenté» Le Sauveur demande cette grace conditionneüement; puis donc qu'elle né lui a pas été accordeer c'efi une preuve évidente, que dans les vues de Dieu la eonfommation de fon facrifice étoit néces=  VAgonie de Jefus - Chrift. 15 faire. C'eft la doctrine de St. Paul au Chdp. 2. des Hehr. II étoit convenable, dit - il, que celui, pour lequel & par lequel font toutes chofes, voulant amener plufieurs enfans a la gloire, confacrdt le Prime du falut par les fouffrances. Dans le fond Ie Fait parle & eft décifif. N'eft-ilpas évident, qu'un être infiniment fage ne peut que choifir les moyens les plus propres a accomplir fes deflèins, les moyens les plus excellens en eux-mêmes, les plus dignes de fa majefté * & les plus eonvenables a fa gloire? Or ilachoifi, pour opérer le falut du Genre - humain, celui du facrifice de Jefus - Chrift. 11 na pas été poffible, que cette coupe pajjdt fans qu'il la büt. Comment pourroit- on donc douter de la nécesfité de fon facrifice? Vous fentez, je m'aflure, de quelle étendue eet article feroit fufceptible; mais les objets intéresfans, qui nous reftent encore a confiderer , nous obligent de ferrer nos idéés. Si 1'Agonie du Sauveur offre de folides appuis a notre Foi, des preuves de la vérité du fyftême de la Théologie Chretienne fur les dogmes les plus importans, nous y appercevons auffi de puilfans motifs pour nous engager a la pratique des plus grands devoirs. C'eft ce qui va nous occuper dans le refte de ce Difcours. Quelque excellens que foient les préceptes, que Jefus - Chrift nous a donnés ' Hebr.ii. ir. >artie.  i. Lsgons de SoumiJJhn. Èfnie XXXIX. 8, iö SERMON t dans fon Evangile, quelque preflans qiïè foient les motifs, fur lefquels il a fondé la néceffité de les obfervef: on peut dire, qu'il a plus fait par fon exemple, & que fes aétions offrent le plus beau fyflême de Morale, que 1'on puilTe concevoir. Bornons-nous a ce qui fe palfa en Gethfémané. I. // nous dotine des legons de foumijfion d ia volontê de Dieu. II. 11 nous fournit des direclions fur la maniere, dont nous deyons prier. lil. II nous inflruit de la néceffité de la vigilame pour nous foutenir contre les tentations. I. Premierement. Jesus-Christ nous donnt ici des legons de foumiffion d la volonté de Dieu. Quelque amere que fut la coüpe, qu'il devoit boire, quelque frayeur que lui inlpiratle terrible facrifice, auquel il étoit appellé, il acquiefce aux ordres de fon Pere, il s'y foumet de penfée & d'aélion. Pere > non point ce que je veux, mais ce que tu veux. Levez-vous * allons, voici celui, qui me trahit, s'approche, Voila Chretiens notre modele* qu'il efl bien rare de nous voir imi.tef. Nous acquiefcons aux difpenfations de la Providence, lorfqu'elles nous font favorables. La parole de VEternel efl bonne, difons nous, lorfqu'il ne nous commande rien de contraire a nos penchans, & qu'il n'exige pas de nous des facrifices pénibles. Mais avons-nous eet acquiefcement aux volontés riivines, tenons-nous ce refpeclueux lan-  VAgonie de Jefus'.Chrift. 17 gage, lorfque Dieu trouve a propos de nous éprouver? Avons-nous la foumiffion requife, lorfque toutes nos pafïïons, émues & comme liguées enfemble, entreprennent de difputer a Dieu 1'empire de notre coeur ? Refpeétons-nous ce Dieu, lorfque fufpendant le cours de fes graces & de fes confoJations, il femble être fourd a nos voeux, infenfible a nos prieres ? „ Murmures ,, criminels! orages excités parnospalfions! „ Rebellions infolentes du coeur humain! „ Plaintes injuftes! Referves conpables! „ Accablement! Défefpoir! vous dépofez „ contre nous, vous ne juftifiez que trop „ 1'humiliante différence, qu'il y a entre „ notre Maitre & nous!" Apprenons M. F. de 1'exemple de Jefus - Chrift , quelle eft la foumiffion, que nous devons a Dieu, fentons la force des motifs, qu'il nous fournit pour nous engager a remplir ce devoir. Quelles que foient les loix, que Dieu nous impofe, quelles que foient les épreuves, auxquelles il nous met, jamais elles ne peuvent entrer en comparaifon avec ce qu'il exigeoit de fon Fils bien-aimé. Appellé a confommer un facrifice, dont l'idée le fefoit trembler, ce divin Sauveur montre fon acquiefcement par fes paroles & par fes aétions. Refuferions - nous d'imiter un exemple, que nous ne pouvons trop chérir, & qui devroit tellement nous intéreffer, que rien ne fut capable de nous Tomé lil. B  it DireÜiem 'tr la ■ii ere. 8 SERMON I. m faire perdre le fouvenir & de nous empêet er d'en faire le modele de notre conduite? II. Notre divin Sauveur nous donne ici en fecond lieu d'excellentes Dire&ions fur la Prkre: il nous apprend, de quelle facon, nous devons nous acquitter de ce grand devoir & dans quelles occafions. Oui, fi 1'on doit dans tous les tems s'adreffer a Dieu, c'eft furtout une obligation indispenfable en des circonftances difficiles & facheufes. Quoi de plus naturel que de verfer nos inquiétudes & nos douleurs dans le fein de notre Pere célefte ? C'eft a eet égard que Jefus-Chrifl nous montre 1'exemple. II fe tourne vers Dieu dans fon angoifie, & c'eft de lui feul qu'il attend du foulagement a fes peines. Mais ce qui mérite furtout notre attention, c'eft la nianiere dont il prie, & les caraéteres de fes prieres. II prie dans la retraite, éloigné du tumulte, & profondement recueilli. II prie avec la plus grande humilité, profterné en terre, & en fe remettant du fuccès de fa priere a la volonté de Dieu. Sa Priere eft concife, exprimée en peu de paroles, mais pleine de fentiment. II prie avec perféyerance, fans fe laffer de ce faint exercice; il recommence fa priere jufqu'a trois fois, & on peut juger, qu'il fut en aótion pendant plus de trois heures. C'eft aïnfi que nous devons prier. Ce n'eft pas affez d'affifter avec un air de dévotion aux prie*  VAgonie de Jefus- Chrift. ip1 tcs publiques, il faut furtout éfever nos bCBtirs vers Dieu dans la retraite & la folitude, pour nous dérober a tout ce qurpeuc mettre obftacle a ce profond recueillernenti 'oü nous devons être, lorfque nous ftóÜs adreffons a 1'Arbitre de notre fort. Nous devons encore, a 1'exemple de notre diviri Chef, être dans la difpofition d'efprit & de corps la plus humble & la plus foumlfe; Avec quelque ardeur que nous defirions' les chofes, que nous" demandons a Dieu 5, fa volonté doit toujours nous être facrée, & nous ne devons folliciter les graces, qu'autant que cela eft convenable aux vues de fa fageffe. Non point ce que je veüx', mais ce que tu veux, c'eft-la le larigage d'une ame fidele, qui refpeóte les ordrei du Roi du Monde. Nos prieres ne doivent pas confifter en de longs difcours, les' fentimens du coeur'en doivent faire la principale partie. Des élans, des. élévatiöns ferventes & courtes font fóuvent plus agréables a Dieu que de longues oraifons, quï font rarement affez foutenues, & auxquellei la bouchê a plus de part que 3e coeur. Surtöut* Chretiens, ne nous lalforis point d'un exercice fi faint & fi glórieux.' . Ne nous rebuttons point, lors même que Dieü paroit fourd a nos requêtés. .Rëdbüblqrïs' nos prieres, & tachoné de fléchif Diëd p!ai: rlotre perfévérancë. B §  20 SERMON I. ut. Lefotis d lil. Enfin apprenons de Jefus-Chrift la 'néceffité de la Vigilance pour nous foütenir contre les tentations. Quelque occupé que notre Sauveur fut de l'idée de fon facrifice, il veille pourtant au bien de fes Apötres ; il paroit prefque auffi inquiet pour eux, qu'il 1'étoit pour lui-même. Cette tendre charité, qui le portoit a fe dévouer volontairement a la mort, lui diéte les plus inflrudives lecons. II connoiflbit toute la fragilité humaine, & combien étoit grand le danger, auquel la foi de fes Difciples alloit être expofée." L'expérience lui fefoit voir, combien ils avoient befoin d'être excités a la vigilance, puifqu'ils fe laiflbient aller au fommeil dans un tems, oü toutes fortes de raifons les obligeoient de veiller & de fe précautionner contre 1'abattement. Ses lecons fur ce fujet peuvent fe réduire a deux chefs. Il s'adrefle premierement a St. Pierre en particulier. Cet Apötre avoit témoigné une grande confiance en fes propres forces & en fon courage, jufques a faire injure au zele & a la fidelité de fes Collegues. Jesus-Christ s'adrefle donc d'abord k lui. „ Eft-ce ainfi que tu accomplis les „ magnifiques promefies, que tu vicns de „ me faire ? Quelle apparence, que tu fois prêt a facrifier ta vie pour moi, „ puifque tu nas pu feulement veiller une „ heure avec moi." xivec moi! exprefficn  L'Agonie de Jefus - Chrift. 21 „ touchanteH 'Avec moi, qui vèllle, qui fins en détreffe, qui ne ceiïe de prier. „ Uefprit efl prompt, mais la chair efffoi„ Hel Tu'as du zele & du courage, quand „ le péril eft éloigné, mais je te connois, „ & ta langueur préfente démontre, que „ dans 1'occafion la foibleflè de la chair „ démentira bientöt le courage defefprit." Le i Sauveur ne borne pas fes foins a Saint-Pierre, il les étend a tous les Apötres: Veillez, leur dit-il, £? priez, que vous nentriez point en tent at ion. En effet la Vigilance & la Priere font les moyens les plus propres a nous foutenir dans les plus grands dangers. Ordinairement nos négligences & nos chutes viennent de préfomption & des diflractions du Monde. Livrés aux illufions de Famour-propre nous nous fefons de hautes idéés de nous - mêmes, & nous nous conlions témérairement en notre cosur. Nous nous expofons au danger fans précaution, de-la tant de honteufes foiblesfes, tant de chutes déplorables. Surtout M. F. les diftractions & les occupations du Monde nous appefantilfent & nous piongent dans un fommeil dangereux, dans le tems que nous devrions veiller avec le plus de foin. On perd les plus précieux motnens en d'inutiles diffipations, & on ne peut fe réfoudre a veiller une heureavec Jefus-Chrifl. C'eft-a-dire qu'on donne laplus confidérable partie de fon tems au Monde 9 tandis B 3  ?2 SER 'M O N h qu'on ne donne qua regret quelques momens perdus a la méditatjori des myfteres de la Reïigion, a la Priere, a la lecture de ia Parole de Dieu, a ia retraite & au recueillement. Sentons , Chretiens, combien une. pareille conduite eft criminelle & opnofée aux lecons & aux exempl es de notre Grand JVlaitre. Veillons & prions comme lui & avec lui; ce quil fait en notre faveur, ce qu'il fouffre pour nous, demande de notre part les foins les plus emprefies a nousoccuper de la grandeur de fon facrifice, afin de pouvoir en recueillir ie« fruits précieuxdans le tems & dans leternitë. Dieu veuille nous'en faire la grace! Amen. ■ Pf. XL» ys. 4. Prononcé a Am/Ier dam le 26 Féyrier 1775 j & l# P^ite JSglife.  LA LIBERTÈ DU DÉVOUEMENT D E JESUS-CIIRIST. ■ Or Judas, qui le trahiffoit, favoit auffi' le lieu; car Jéfus s'y. étoit jouvent affcmblè avec fes Difciples. Judas donc aiant pris, me bande de foldats fi? des Jergens de la partdes principaux Sacrrficateurs fi? des Phariffens, s"en vint - la avec des lanternes, fi? des fiambeaux, fi? des armes. Or Jéfus fachant: toutes les chofes, qui lui devoient arriver» s'avancant leur dit, qui cherchez - vous ? Ils , lui rêpondirent, Jéfus le Nazarien. Jéfus leur dit, cefl moi. Et Judas, qui le trahiffoit , étoit auffi avec eux. Aprês donc- quil leur eut dit, cefl moi', ils s'en aller ent d la> renverfe fi? tomberent par terre. 11 leur demanda une fcconde fois, qui cherchez-vous?' Et ils rêpondirent, Jéfus le Nazarien. Jèfu*\ rêpondit, ne vous ai-je pas dit, que cefl I moi, fi donc vous me cherchez, laiffez aller\ ceux-ci. C'étoit afin que la parole, quil ' avoit dito, fut accomplie, je nai per du pasun de ceux, que tu mas donnés. Qt; Simon Pierre,. aiant une épée.,, la. iira% t*§' em i ftappa le fcrviteur dikfomermiSoxrifta^i^,  I j Exorde. Hebr. X. 5-7. Zach. vi. 13. 1 24 SERMON p. Z chez-vous, leur dit-il? Ils lui répondent ' Jéfus le Nazarien. Ceft .moi, replique ; avec fermeté le Sauveur. II y avoit quelques momens qu'il avoit veillé, prié, gémi j a la vue du fort, qui lui étoit préparé;, i mais il vérifie ce beau mot, quandje fuif foible, ceft alors que je fuis fort. Des qu'il i eft tems de marcher au combat, il fe raiTure. II dépendoit de lui de fe dérober aux attentats de fes ennemis, puifqu'il ne les ignoi roit point. Mais s'il s'étoit dérobé a leur pourfuite, les Confeils de Paix n'auroient pas été accomplis. Jéfus fe préfente volontairement pour être confacré par les fou franm. II s'avance librement vers FauteU ü ?r. ir. 2. 2 Corintb. XII. 10. 3eb. II, I0,  I JeznX. 17. Efaie LUI. 7- II. Prcuve di libre Déynuementdc JefusChijt. 18 SERMON ^ï. La Libertê mroit été indigne de lui d'y être trainé. Une victime rebelle, & immolée malgré slle n'auroit pas répondu ni a la majefcé du Dieu, qu'il alloit appaifer, ni a la grandeur de la rédemption, qu'il falloit opérer. Les Paiens eux - mêmes ont fenti, que des offrandes involontaires étoient indignes de la Divinité. Parmi les Romains on regardoit comme un tres - funefte préfage, quand la viétime alloit a 1'autel par contrainte, ou lorfqu'elle s'échappoit après y avoir été conduite. Jéfus, aimê du Pere, parcequil laijfoit fa vie, remplit fa deftination avec une parfaite liberté, & il vérifie, en fe livrant aux liens, qu'on lui préfente, eet Oracle d'Efaie, il a été mené a la mort comme un agneau, & comme une brébis muetie devant celui, qui la iond. II. La liberté du Dèvouement de Jefus - Chrift paroit en fecond lieu par la gloire de la puijfance divine, qu'il ft éclater. II en donna dans cette occafion deux preuves bien frappantes; 1'une, en renverfant par terre d'un feul mot fes ennemis, & 1'autre, en guériflant Malchus de la blesfure, que St. Pierre lui avoit faite. Par le premier de ces miracles il mit fes ennemis hors d'état de lui nuire , & leur fit fentir, quel étoit celui, auquel ils ofoienc s'attaquer. Par le fecond, il leur fit connoïtre, dequoi il étoit capable, puifquil fefoit de fon pouvoir divin un ufage bien-  ' Du Dèvouement de Jefus - Chrift. 2$ :; faifant, en faveur de gens, qui formoieni contre fa perfonne les plus cruels delfeins, Mais par 1'un & par 1'autre il juftifia, qu'i] fe dévouoit fans contrainte pour notre f;dut. II démontra la vérité de cette parole, perfonne ne mote la vie, fai la lïber\tè de la laiffer. Celui, qui par un feu! mot coucha cette furieufe bande par terre, qui par fon attouchement guérit une playe ;lans doute aflèz confidérable, auroit pu fans peine faire ufage du même pouvoir, 'pour échapper aux mains de ceux, qui venoient pour s'affurer de fa perfonne. S'ils fe faififfent dé lui, s'ils le chargent de licns, s'ils 1'emmenent avec eux, c'efi qu'il y veut bien confentir, & qu'il fe foumet librement a la puijfance des ténèhres. Par-la il nous dé voile tout le prix d'un facrifice, qu'il a confommé par fon propre choix, & il nous fournit des armes contre f Hérefie, qui ofe lui ravir 1'augufte qualité de Souverain Pontife de la nouvelle alliance, fous le fpécieux prétexte de plaider les droits de 1'équité de Dieu. C'eft afiurément une injuftice d'immoler un innocent, malgré lui, pour des coupables; mais fi 1'innocent & le jufle confent k fe dévouer pour eux, il n'y a rien qui Iblefle 1'équité la plus exacte. La liberté jdu facrifice y met le prix, & dévoile ■jjrimmenfe charité de celui, qui fe livre fi voloutairement', car perfonne na un fi JeanX. 18. Luc. XXII. 53. Jean XV. 13.  £ \ \ Luc. II» 14.] lean I. 3. , Hebr. I. 3. Ephef.V. 2. Hebr. X. 4, 10. Hebr. IX. 14. III. Preuve du libre Dèvouementde Je JusChrift. ;o SERMON II. La Liberté rand amour que celui-ci, favoir quand uelquun met fa vie pour fes anijs. Jamais lotre divin Sauveur ne pouvoit donner de )lus grandes preuves de fa bonne volontè invers nous, qu'en fe livrant a fes perfé- ; :uteurs, dans ie tems qu'il leur fefoit \ jprouver fa puiffance. ,, Oui, Seigneur! „ cette parole, fans laquelle rien de ce qui \ „ fubfifle n'a été fait, é? qui foutient toute's t, chofes, auroit pu armer toute la Nature „ contre tes ennemis! A ta voix, le Ciel „ auroit envoyé fes foudres pour les >, écrafer , la Terre auroit ouvert fon „ fein pour les engloutir! Tu t'aban„ donnés génëreufement a leur fureur; „ tu préfentes tes mains bienfaifantes aux „ Hens pour nous fauver! Ha! qu'un tel „ facrifice étoit digne de toi! Qu'il étoit „ de bonne odeur devant Dieu! Sang des „ taureaux & des boucs, vous ne pouvicz] \ „ purifier les confeiences des ceuvres mortes „ du pêché! C'étoit a la volontè de notre „ Jèfus, qu'étoit réfervée la gloire de ?, nous fanclifier." III. Les Difcours, que le Sauveur tint h fes ennemis, nous fourniffent une troifieme preuve de la liberté de fon Dèvouement. II leur demande, qui ils cherchent ? Inflruit par leur aveu, que c'étoit a fa perfonne qu'ils en vouloient , il fe fait connoitre a eux, & il réïtére même fa déclaration, en leur ordonnant de ne fair©  Du Dèvouement de Jefus- Chrift. 31 'aucun mal a fes Difciples, ft vous me cher^ thez, laijfez aller ceux-ci. Or fon apper coit dans chaque circonftance des traits. qui démontrenc, que Jefus-Chrift agiflbii par-choix dans cette occafion. Atterrés. éblouïs, aveuglés même, fes ennemis le méconnoiflent en lui parlant;' il ne tenoit donc qu'a lui de paflër au milieu d'eux & de fe mettre en fureté, comme il avoit fait quand on avoit voulu le lapider. Mais il n'a garde. 11 étoit defcendu du Gel pour faire la volontè de fon Pere; il falloit, que le Chrift fouffrit, il n étoit venu au monde, que pour mettre fa vie en rangon pour plufieurs. Ce qui prouve encore, combien il agiflbit librement, & que c'étoit de fon bon gré qu'il laiflöit a fes ennemis le pouvoir de fe faifir de fa perfonne, c'eft 1'ordre, qu'il donne aux miniftres du Confeil de ne faire aucun mal a fes Apötres , fi vous me cherchez, laijfez aller ceux-ci. Notre Evangélifte remarque, que Jéfus tint ce difcours pour accomplir ce qu'il avoit dit, je nai per du aucun de ceux-, que tu mas donnés. Le Sauvem favoit , que les Apötres n'étoient pas encore en état de foutenir les combats, auxquels ils auroient été expofés. Deftiné: a publier 1'Evangile & a convertir lei nations, il les referve pour cette grand< teuvre, & il pourvoit a leur confervatioi temporelle, paree qu'elle étoit liée ave< Jean VIII. 59- Jean VI. 38. Luc. XXIV. 26. Macth. XX. 28. Tean XVII. is, l  1 ] < i < j IV. Preuve tli libre Dèvouementete JefusChrift. 52 SERMON II. La Liberté eur confervation fpirituelle. Mais Ia naniere, dont il le fait, prouve qu'il fe lévouoit volontairement pour nous. L'orIre, qu'il donne aux émiffaires des Juifs, 'exécute. II ne tenoit qu'a eux de fe aifir des Apötres, & la réfiftance, que :eux - ci avoient voulu faire, devoit naturelement animer leurs ennemis. Je me trompe, VI. F. il ne dépendoit pas d'euxdeferendre maïtres des Difciples du Seigneur; un ordre [iipérieur, un pouvoir invifible les arrête. Or Jefus - Chrift n'auroit-il pas pu emploier ce même pouvoir pour lui - même ? Celui, qui fe fefoit obéïr avec tant de promptitude par fes ennemis, n'auroit-il pas pü fe délivrer de leurs mains, s'il favoit voulu ? C'eft donc avec une entiere liberté qu'il accomplit l'osuvre de la rédemption. „ O qui „ n'admireroit ici la charité de ce bon „ Sauveur! tandis qu'il ne s'occupe que „ du falut des autres, il fe dévoue volon„ taireraent lui - même aux fouffrances les „ plus ameres!" IV. Une derniere preuve de cette confolante vérité, ce font les lecons, que JefusChrift donne a fes Apötres. Zélés pour leur Maitre, ils avoient entrepris de le défendre, fans faire réflexion, qu'il n'avoit pas befoin de leur fecours, s'il eut voulu fe délivrer des mains des Juifs. Leur zele fut fans doute peu mefuré a eet égard, mais il partoit d'un bon principe. St. Pierre, plus vif  Du Dèvouement de Jefus- Chrift. g§ vif que fes collegues, qui demanderent a Jefus - Chrift, Seigneur frapperons-nous dè Tépée? St. Pierre, dis -je , attaque le. premier ennemi , qui fe tröuve fous fa main, & le blelfe. Rappellez - vous une queftion, que le Sauveur avoit faite a fes Difciples, accompagnée d'un ordre: Quand je vous ai enyoyés fans bourfe, fans fac,'* fans fouliers, avcz - vous manquè de quelque chofe ? Ils rêpondirent, de rien. Et il leur dit; mais a préfent, que celui, qui a une bourfe, la prenne, fi? que celui, qui tien a point, yende fa robe è? achete une épée. Ils lui dirent, Seigneur , voici deux épées*. Et il leur dit, ceft affez. Les Apötres fe fouvinrent fans doute de eet ordre ~, St i n en aiant pas bien compris le fens ils crurent, que les armes, qu'ils portoient* I devoient fervir a la défenfe de leur Maïtre. . Ils fe trompoient, je 1'avoue, mais leut I erreur n'étoit pas d'une nature a mëritèf i les odieufes qualifications, que quelques ïnterpretes y donnent. Quoiqu'il en foit, : Jefus-Chrift donne k fes Difciples des lecons, qui expriment la liberté de fa corifécration. Laijfez-les faire, dit-il aux uns, ne vous oppofez pas a leurs delfeins; remets ton épée dans le fourreau, dit - il k St. Pierre, car ceux, qui auront pris Tépée, périront par Vèpèe. Ou penjes-tu, 'que je \ ne puijfe pas préfentement prier mon Pere y .j qui me donneroit plus de dcuze légiöhs '»AnTerne HL Q Luc.XXIL 5> 3<5,  Pf. LXX 9- 34 SERMON Ü. Lö £töerté ges ? Mais comment donc feroient accompUes ks hcritures, quidifent, quilfautque cela. arrivé ainft? Ne boirois-je pas la coupe, que le Ptre ma donnèe a boire ? Qui n'appercoit dfns tout ce difcours une détermination libre de la part du Fils de Dieu, un dèvouement volontaire pour le falut des hommes, & pour 1'accompliflement des miféricordieux defieins de laDivinité? C'eft par choix qu'il tombe en la puiflance de fes ennemis , puifquil ne veut point de fecours de la part des hommes, & qu'il ne demande pas a Dieu ceux, qu'il- pouvoit s'en promettre. Uniquement oecupé de llt deftination il veut la remplir: Ne boirois-je pas la coupe, que le Pere ma donnèe a boire ? ,, Et quelle coupe, divin „ Sauveur? La coupe de la fureur de v.„ 1'Etcrnel, dont nous devions boire jus„ ques a la lie,& que tu acceptes fanscon„ trainte, pour nous en épargner 1'amer„ tume. O charité incompréhenfible que „ ceïle, qui t'engage a te priver de tout „ fecours, pour nous mériter les fecours „ les plus puiffans ! " Ne foions pas infenfibies a ce grand objet, qu'il faffe für, nous de pro.fondes impreffions, qu'il nous engage è nous dévouer a un Sauveur , qui s'eft dé.voué d'une facon fi magnanime pour nous. C'eft a vous développer la nature de ce dèvouement, que nous- devons a Jefus-Chrift, que je deftine Ie refte de ce 'Difcours.  ï)u Dèvouement de Jefus - Chrift. $1 QüaTre traits principaux doivent cafactérifer notre dèvouement pour Jefus-Chrift. II doit être I. Univerfel dans fon étendue* : II. Perpétuel dans fa durée. III. Librc i fi? courageux dans fes démarches. IV. Humble fi? foumis dans fes fentimens. I. Le dèvouement, que nous devons a notre Sauveur, doit être univerfel dans fon étendue. C'eft ce qu'il nous apprend t lui - même dans les derniers difcours, qu'il i tint a fes Difciples avant fa Paffion, en i cela mon Pere eft glorifté, que vous portiez ! beaucoup de fruit, & alors vous deviendrez • mes Difciples. Si vous gardez mes commandemens, vous demeurerez en mon amour, comme fai gardé les commandemens de mon Pere fi? demeure en fon amour. Vous ferez mes amis, fi vous faites tout ce que je vous commande. Oui, Chretiens, comme JefusChrift s'eft dévoué fans referve a 1'exécution des volontés de Dieu, qu'il a fait volontairement tous les facrifices nèceffaires pour notre falut, nous devons auffi nous confacrer a lui fans referve, faire tous les facrifices, qu'il demande de nous, en fefant de nos facultés, de nos talens3 de nos corps, de nos avantages extérieurs! tin ufage, qui contribue a fa gloire» Point cïe partage entre lui & le monde, des qu'il s'agit de fes droits & de fes intéréts» II a fait fervir tout ce qu'il avoit de lilmieres» Ifê vertos, & de puiflance a letablijTcC » ii, Partiii i. TSIotrc dlvouementdoit èeri univerfel. Jean XV» 3, 10) /(-  Heb. XII. 2. II. Nat re dé wuement doit être perpétuel. Rom. I. 36 SERMON IL La Liberté ment de notre bonheur. II s'eft expofé h la contradiclion des pécheurs, aux jugemens les plus finiftres des hommes, a leurs injures, a leurs outrages, pour nous acquérir les plus nobles privileges. Balancerionsnous a faire pour lui les plus grands facrifices & a nous dévouer nous-mêmes & tout ce que nous poffédons a fon fervice ? II. Notre dèvouement doit être perpétuel dans fa durée. Tout le cours de la vie de notre Sauveur fut confacré a procurer notre bonheur, en obéïflant a la volontè de Dieu, & nous fommes tenus auffi de notre part a nous dévouer a lui en tout tems. Vous n'ignorez pas M. F., qu'il eft quelquefois des tems d'affiiction & d'angoifie pour 1'Eglife, oü il s'agit de braver la fureur des tyrans, la barbarie des perfécuteurs, plutöt que de manquer a ce que nous devons a notre divin Maitre. Alors il eft quefiion de fe réfoudre aux facrifices les plus pénibles. Mais, quoiqu'il en coüte alors, il efl peutêtre auffi difïicile , quoique non moins néceflaire, de témoigner a Jefus - Chrift notre attachement dans le cours le plus ordinaire & le plus tranquille de la vie. II fe préfente mille occafions de nous déclarer fes difciples , & de montrer, 6 que nous n'avons point honte de fon Eyangile. En-vain lui donnerions - nous des marqués de notre refpecl dans ces Tem-  Du Dèvouement de Jefus-Chrift. 37 pies, & lorfque les plus touchans objets de la Religion nous frappent, fi nous lui manquons dans la fociété. En-vain témoignerions - nous du dèvouement pour lui, dans la compagnie des gens de bien, fi nous ne féfons paroitre les mêmes fentimens au milieu des ennemis de fon Evangile. Jéfus n'a confidéré ni tems ni circonftances, quand il a été queftion de fe confacrer pour nous. II s'eft livré volon■tairement a fes ennemis, & ne s'eft point démenti; ayant aimè les fiens, il les.a aimés jufqiïd la fin. Ha! c'eft ainfi que nous devons nous dévouer a lui, en tout tems, en tous lieux. C'eft ainfi que nous devons, a fon exemple, lui marquer notre amour, quelles que foient les circonftances, ou nous nous trouvions. III. Notre dèvouement pour JefusChrift doit être libre £? cóufageux. C'eft par-la que nous manquons la plupart. Effrayés des difficultés , qu'il y a a vaincre, intimidés par les ennemis, qu'il y a a combattre dans cette guerre fpirituelle, nous ne nous y portons qu'avec dégoüt & par contrainte. Bien des Chretiens s'acquittent de leur devoir par crainte, plutös que par amour. On redoute les malheurs de 1'Enfer, & c'eft ce qui porte a fe gêne/.. Ha! ce n'eft pas ainfi que nous devons obéïr a Jefus-Chrift, ce n*eft pas ainü qu'il s'eft livré pour nnus-, été volonC 3 Jeaa XIII. 1. irr. Notre di. •ouesmnt ioit érre- ^ouragcuw EpbuVI. t2>.  1 Notre dé y omwent doit itrt fctjmMe & |8 SERMON II. La Liberté tairement & même avec plaifir. L'idée rJu bonheur, qu'il alloit procurer aux hommes , lui a fait furmonter les plus effrayans obftacles fans répugnance. Après cela ne nous porterions - nous pas avec joie a faire pour lui ce qu'il nous demande? Seroit-ce la crainte feule, qui nous attacheroit a un Maitre fi digne de notre amour? Si notre dèvouement pour lui doit être libre & volontaire, il doit auffi être courageux dans toutes fes démarches. Souvent nous fommes timides, quand il faut faire notre devoir. On redoute les jugemens & les cenfures des hommes. On craint d'être taxé de fingularité, fi ïon veut fe conferyer exempt de la Corruption du monde. On redoute d'être regardé comme un ennemi de la paix & de la charité, fi 1'on refufe de facrifier les intéréts de la vérité & de Ia juftice a des égards humains. Formonsnous fur Jéfus, notre grand modele. II s'eft. livré fans contrainte a fes ennemis, il a> foutenu courageufement jufqu'a- la fin fon dèvouement pour notre falut, & rien n'a été capable d'ébranler ia conftance. Imitons fa fermeté, & qu'une obéïflance libre & courageufe aux volontés de notre Grand Maitre foit le caraélere, auquel on nous reconnoifiè pour fes difciples. IV., Enfin notre dèvouement pour Jefus - Chrift- doit être humblè; & foumis dans fes fentimens* Ne murmurons jamais  Du Dèvouement de Jefus-Chrift. 39 dos facrifices, qu'il exige de nous, & ne foions pas affez ingrats pour nous plaindre qu'il efl un Maitre rude. Si nous nous occupons férieufemént de ce qu'il a fouf-: fert volontairement pour nous, nous fentirons, que c'efi a tort ,que nous gémifföns de ce qu'il demande de nous. Quels combats que ceux, auxquels il étoit appellé! Quelles fouframes, par lejqaelles ih de voit être confa-cré! Quelle coupe amere que celle, qu'il' devoit boire! Et néanmoins il fe livre fans répugnance a fes ennemis, il dit, ne boirois■ je pas la■ coupé, que le Pere ma donnèe a boire? De quel droit nous plaindrions - nous après cela des conditions, qu'il nous impofe? J'avoue^ qu'il efl des épreuves, a 1'égard desquelles il nous efl permis de dire, comme notre divin Chef, Pere! sil eft poffible,s que cette coupe paffe arriere de moi, fans: que je la boive! Telles font les perfécutions. pour la caufe de 1'Evangile; telles font certaines affliérJons,. qui femblent mettre toute la conflance humaine a bout. II nous efl permis de demander a Dieu denous épargner de fi rudc-s^ combats.. Mais. ce doit être dans lês mêmes difpofitions. que notre Sauveur, en difant, Pere!: now pas ce que je yeux, mais ce que. tu veux^ Notre dèvouement doit être foumis,, Et; quand notre- Maitre- nous. appellé au combat j. que- fa volontè' ef| déckrie- il ktör. C 4. iXV. 34. lebr.II. 10. Mattfi-. LXVL 3?»  ïean. 40 SERMON li. dire comme lui, Me voici! Ne boirois-je pas la coupe, que tu me donnés? Tant & de fi touchantes preuves, que JefusChrifi nous a données de fa foumiffion dans 1'accomplilTement de 1'oeuvre de la rédemption, doivent nous infpirer les mêmes fentimens pour lui. Que le fpeclacle admirable, qu'il nous offre dans ce jour, faffe de profondes & de falutaires impresfions fur nous. Allons avec une noble liberté & courageufèment au devant de fes ennemis. Accomplillbns fans contrainte la grande oeuvre , qu'il nous a donnèe a faire. Et difpofés en tout tems a nous facrifier nous-mêmes & tout ce que nous avons, pour fes intéréts, difons lui, dans les fentimens du plus tendre & du plus • inviolable attachement :■ Me voici pour faire .ta volontè, divin Jéfus! Je ne fais cas de rien, £? vna vie ne nteft point précieufe , pourvu que j'acheye avec jme ma courfe. Dieu veuille nous faire la grace d'être animés de ces fentimens! Amen, VI XL. vs. 4. Prenoncé a Amfterdam le Mecredk $ Fêvrier 1769c  COMPARUTION D E JESUS-CHRIST DEVANT CAÏPHE. Et Ie fouverain Sacrificateur interrogea Jéfus touchant fes Difciples fi? touchant fa Doclrine. Jèfus lui rêpondit: j'ai ouvertement parlé au monde; j'ai toujours enfeigné dans la Synagogue fi? dans k Temple, oit les Juifs s'affemblent toujours, fi? je n'ai rien dit en fecret. Pourquoi minterroges-tu ? Interroge ceux, qui ont oui ce que je leur ai dit; voila ils favent ce que j'ai dit. Quand ü eut dit ces chofes,. un des Huijfters, qui fe tenoit-la, donna un coup de fa ver ge a Jèfus, en lui difant: efl-ce ainfi que tu répons au fouverain Sacrificateur? Jéfus lui rêpondit; fi j'ai mal parlé, rends témoignage du mal; fi? fi j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? Or Anne l'avoit enyoié lié d Caïphe, fouverain SacrificateurSi, Jean, Ch. XVIII. vs. 19-24. TROISIEME SERMON. L'Evangile de St. Jean eft un des plus Exorje. précieux monumens de rAnpquité. C5  Heb. II. io Matth. XXVI. 38. 42 ' . SERMON III. Comparutim Cet Apotre, qui farvéquit a fes Collégues , & qui vit le comraencement du fecond fiecle de 1'Eglife, a non feulement confirmé par fon fuffrage & par fon autorité ce que les autres Hiftoriens de la vie de Jefus - Chrift nous ont tranfrnis, mais il s'eft attaché furtout a nous conferver plufieurs des difcours de notre. Sauveur , diverfes circonftances de fa vie , que les premiers Evangéliftes ont pafie fous filence, tellement que ce livre peut être appellé avec raifon le Supplément des. Evangiles. Parmi les faits particuliers, que St. Jean a confignés par écrit, celui, qui eft rapporté dans mon texte, n'eft pas un des moins intéreflans. II fert a nous faire connoïtre le caraciere des Juges, qui condamnerent Jefus - Chrift \. & il nous fournit des preuves de la fagelfe cc de la grandeur d'ame du Sauveur. Oui,. Chretiens , fi le Prince du Salut a été allarmé, en méditant la grandeur du facrifice, a la confommation duqucl il étoit appellé; fi fon ame a été faifie de triftejfe jufqiïd la mort a l'idée de la juftice divine, è laquelle^ il s'étoit engagé de fatisfaire pour les péchés du Genre - humain: il s'eft montré dans la fuite plein de fermeté & de conftance, lorfqu'il a fallu en venir a 1'exécution. L'Hiftoire de la Pafïlon, en nous le fefant envifager comme une vie-. time, qui s'immoloit pour nous, nous  De Jefus- Chrift dzvant Caiptie. 43 ïe préfente auffi comme un modele de la vertu la plus parfaite. Cefl ce dont nous aurons occafion de vous convaincre dans ce Difcours, & dans ceux que nous pourrons avoir encore a faire fur cette tragique Hiftoire. Fixons notre attention fur trois objets, que 1'Evangile de ce jour nous orfre. I.' Le caratlere du Juge, devant lequel JefusChrift comparoït. II. La fagefe de l apologie , que le Sauveur fait de fa conduite. III. La patience adniirable, qu il fait éclater. Dieu veuille, qu'en admirant notre Sauveur, nous apprenions a imiter fon exemple! Après avoir été préfenté, k Anne 011 Ananus, qui confervoit encore les titres & les honneurs du fouverain Pontificat, quoiqu'il n'en fit plus les fonclions, JefusChrift fut conduit chez Caïphe. C'étoit dans la maifon de ce Pontife que le Sauveur devoit fubir le jugement du tribunal le plus inique qui fut jamais, quelque refpeciable que fut le caractere de ceux, qui le compofoient, puifque c'étoient les Anciens du peuple, les Scrihes & les Doeieurs de la Loi Caïphe, en qualité de Chef du Confeil, entreprend d'examiner Jefus -Chrift» & quelque violente que fut la haiue qu'il lui pörtoit, il tache d'abord de fauver les gpparences c\ de donaer aux procédures. Plan dece difcours. r. Partie» \  44- SERMON III. Comparution i. fnftiflice de Caïphe, NoiTibr. XXXV. 3c Hebr. X. 28. Aft. xx\ *7> du Confeil un air de juftice. Mais il efl aifé de pénétrer a travers ces dehors, & de quelque facon que eet indigne Pontife fe déguife, 011 démêle fon caractere. Remarquez dans fon procédé I. Linjuflice. II. Uartifice. III. La paf fon. I. Rirn de plus injufle que la conduite de Caïphe, dans la maniere dont il interroge Jefus - Chrift. L'équité naturelle exige, & la Loi de Moïfe ordonnoit expreffément , de ne condamner perfonne que fur la dépofition de deux ou de trois 'témoins. II falloit donc, que le Sauveur fut juridiquement accufé, avant que de le faire faifir avec violence, comme un coupable, atteint & convaincu des plus grands crimes. Au moins s'attendroit-on a voir produire les chefs d'accufation, qui autorifoient le décret du Confeil, en vertu -.duquel on favoit faifi. Car ft riefl pas jufte d'enyoier un prifonnier, fans marquer ce dont on Vaccufe; ainfi que le remarque Feftus, en parlant de St. Paul. Rien de tout cela ne s'obferve, ici. L'envie êc la haine,- dont les Chefs de la Synagogue étoient animés, les aveuglent, & les portent a fonder le fuccès de lews fmiflres eomplots fur le renverfement de l'équité naturelle. Les proteóteurs de 1'innocence & de la juftice, les oracles de la vérité, deviennent des oppreflèurs, & des docteurs de menfonge. Ceux qui, felon la Loi da  De Jefus-Chrift devant Caïphe. 45 Moïfe , devoient rechercher, sinformer, senquêter foigneufement pour connoitre la vérité, ne font ces démarches que pour contenter leur animofité contre Jefus-Chrift. II. C'est ce dont nous trouvons une nouvelle preuve dans le fecond trait du caractere de Caïphe, qui eft Vartifice. Prévenu contre le Sauveur, déterminé k le condamner malgré fon innocence, & a exécuter les plus injuftes arrêts, le fouverain Sacrificateur n'interroge Jefus-Chrift que dans le deffein de le furprendre, & de trouver dans fes réponfes dequoi autorifer la plus pdieufe injuftice. Au lieu de commencer par produire les témoins, qui dépofoient contre le Sauveur, il 1'interroge d'une maniere captieufe, comme pour 1'obliger a s'accufer lui-même: Le fouverain Sacrificateur Tinterrogea touchant fes Difciples & touchant fa Doctrine. Caïphe n'accufe pas direótement Jefus - Chrift, mais il lui tend un piege. En 1'interrogeant touchant fes Difciples, ilinfinue, que Jefus-Chrift étoit un féditieux & un perturbateur du repos public. Souvent on avoit vu plufieurs milliers de perfonnes fuivre le Sauveur, jufques dans des lieüx déferts, pour entendre fes inftruétions, & pour profiter de 1'exercice du pouvoir bienfaifant, .dont il ne ceffoit de donner des preuves. Caïphe a deffein de faire comprendre, qu'il y avoit en cela de juftes Deut. HU. 14- II. Artificc de ïaïphe.  46 SERMON III. Comparution Anros UVU. io. Aft. xxiv 5- fbjets de concevoir contre lui de légitimes foupcons. En 1'interrogeant fur fa Doctrine , le Juge 1'accufe tacitement de nouveauté & d'héréfie. Dans la vue de perdre Jefus-Chrift, il n'y avoit rien de plus propre, que de le faire paroïtre coupable envers la Société & envers 1'Eglife, de le repréfenter comme un ennemi également dangereux de 1'une & de 1'autre. Ce font-la les accufations , qu'on a intentées dans tous les tems a ceux, qui éét entrepris de plaider les droits de la Vérité & de la Vertu, en s'oppofant au torrent de 1'Erreur & de la Corruption. (" eft par eet endroit que le Sacrificateur éé 1'idole de Béthei voulut rendre fufpeél Ie Prophete Amos: Amatfia fit entendre è Jéroboam; Amos a confpiré contre toi au milieu de la maijon d'ljraël; le Pays ne pourroit porter toutes fes paroles. C'eft par eet endroit qu'on a toujours taché de rendre le Chriftianifme odieux. Nous avons trouvé-, que eet homme, difoient les Juifs en parlant de St. Paul, eft une pefte puhliqve , qui va par le monde, excitant des Jéditions parmi les Juifs, fi? qui eft le Chef de la Sefte des Nazaréens. C'eft encore le langage des ennemis de la Réformatiom lis la dépeignent par les mêmes traits 5 cu'emploierent autrefois les Juifs & les Faiens, pour rendre Jefus-Chrift & fes Difciples les objets de la haine de tour  De Jefus-Chrift devant Caïphe. 4} ï'Üntvers. II n'effc pas même furprenant; que ceux, qui prêchent la vérité & h vertu, & qui ofent combattre des opinions confacrées, des vices autorifés, foient aecufés de caufer des troubles dans la Société, & que 1'exercice de leur Minifiere en oceafionne en effet. L'Erreur & le Vice, en polTeffion de 1'empire, veulent défendre les droits, qu'on leur a lailfé ufurper : de la des divifions. Mais les doit - on imputer a la Vérité & a Ia Vertu, ou aux mauvaifes difpofitions de ceux, que 1'on voudroit affujettir a 1'autorité de la Raifon & de la Religion? Revenons a Caïphe. III. Quelque artificieufe que foit fa conduite , on appercoit fans peine dans tout fon procédé un homme, que la plus injufte palïion anime. C'eft ce dont on trouve une preuve bien frappante dans la condefcendance indécente, que ce Pontife fait paroitre pour celui qui ofe infulter Jefus - Chrift, & le frapper en fa préfence, dans le tems qu'il étoit queftion d'écouter le Sauveur dans fes défenfes, & de le convaincre des crimes , dont on 1'accufoit. II faut avoir perdu toute honte, & respecl;er bien peu un caractere auffi grave que celui de Jüge, pour permettre une violence auffi injufte en préfence d'un tribuBaf , qui devoit être un afile facré. Tel eft le caraclrere ordinaire de la paffion, in. Paffion de Zaïphe,  48 SERMON III; Comparuiion ir. Partie. 1. Trudenc & dijcci nement. quand une fois on s'y efl abandonné. Quelques efforts que 1'on faffe pour la déguifer, & pour la dérober au grand jour, elle fe démafque tot ou tard, & fe décele ellemême par quelque endroit. Ön a beau couvrir des apparences de la juftice les démarches de 1'envie & de la haine, fe parer d'un faux zele pour la gloire de Dieu, il eft rare, qu'on foutienne un caraélere peu naturel. On trahit fes coupables desfcins, au moment qu'on y penfe le moins, & dans lc tems même, qu'a la faveur d'une conduite adroitement ménagée, on fe croit a couvert du danger. d'être pénétré, C'en eft affez fur le caraélere de Caïphe, qui fe développera encore^ dayantage dans la fuite. Donnons notre attention a un objet plus noble, en exarainant la fagejfe de la conduite & de Vapologie de Jejus^ Chrift. C'eft le fujet de notre feconde Partie. Autant qu'il y a de paffion dans le procédé du Juge, & que fon caraélere eft odieux, autant y a-t-il de grandeur dans celui de Jefus-Chrift, & de fageffe dans 1'apolcgie, qu'il fait de fa conduite» Nous y remarquons l. Un caraélere de prudence & de difcernement. II.. Un caraélere. de force .£? de folidité. III. Un caraélere de fermeté fi? de courage. ;ï_ 1. Observez d'abord dans la conduite de Jefus - Chrift & dans 1'apolcgie qu'il en I fait» j  ï)e Jefus - Chrift devant Caïphe. 49 fait, un caraélere de prudence & de difcernement. Caïphe 1'avoit interrogé touchant fes Difciples, fi? touchant fa DoStrine. II avoit eu deffein de Ie rendre fufpeét, noft feulement d'héréfie & de fchifme, mais de fédition. Le Sauveur démêle fes arti=fices, & pour lui faire fentir, combien il jugeoit le dernier article indigne de réponfe, il ne parle pas de fes difciples fpécialement. En effet ce n'étoit nullement ce dont_ il étoit queftion. Jefus-Chrift ne s'étoit produit parmi les Juifs qu'a titre de Doéteur & de Réformateur. Si fa miffioft étoit légitime & autorifée, pourquoi n'auroit-il pas été en droit d'avoir des Difciples? Si fa doctrine étoit vraie & fcelléé du fceau de la Divinité, pourquoi n'auroit-il pas travaillé a la faire goöter è fes auditeurs ? II ne s'agiffoit donc pas de favoir, s'il avoit des difciples, & quels ils étoient, mais d'approfondir la nature de fa doctrine, d'examiner les preuves, qu'il avoit données de fa vérité. C'eft auffi a quoi Jéfus fe borne, il écarté prudemment ce qui auroit pu faire perdre de vue lé point efïentiel de Ia queftion. C'eft ainfi qu'on dóit plaider les droits de la vérité. Ce n'eft pas affez d'avoir des lumieres & du zele, il faut auffi de la prudence & du difcernement. Rien n'eft plus aifé, quand on veut expofer la conduite ou la doctrine de quelqu'un a la Tornt III. D  ] I ] 'I I ii. Force £j" folidité. jo SERMON III. Comparution laine publique, que de les repréfenter par les cötés peu importans en eux-mêmes, nais propres a en donner des idees defairantageufes. Se 'faire fuivre par un grand je'uplé j lui faire goüter des maximes nou/elles, lui dévoiler les erreurs & 1'hypo:rifie de fes Docteurs, fe 1'attacher par les bienfaits, c'eft ce qu'avoit fait JefusChrift, & ce qui étoit fufceptible d'une nauvaife interprétation, tant qu'on n'en iiènoit pas a 1'examen de fa doctrine, & j la maniere, dont il avoit exercé fon miniftere. C'eft donc avec raifon qu'il fait fon apologie fur ce dernier article^ qui décidoit abfolument la queftion a 1'égard du premier. IL Remarquez en fecond lieu dans 1'apologie du Sauveur un caraélere de force & de folidité. II met fous les yeux de Caïphe en peu de mots le plan, qu'il a fuivi dans fon miniftere, & il lui fait fentir, qu'il Fa exercé de Ia facon la moins fufpecte, par la maniere, dont il a enfeigné; par le caraélere de ceux, qui ont été les auditeurs de fes lecons; par les lieux oü il les a données; par le tems, qu'il a choifi. (I.) La maniere, dont le Sauveur avoit enfeigné, fefoit fon apologie. Jydi parlé publiquement, dit-il. L'erreur craint communément le grand jour: elle ne fe montre qu'avec précaution; elle fe cache  De Jefus-Chrift devant Caïphe. 51 & fe déguife. Mais la vérité ofe paroïtre publiquement, & fe montrer telle qu'elle eft fans fard & fans dilfimulation. JefusChrift n'avoit point femé fa doctrine en cachette; il s'étoit expliqué ouvertement. C'étoit en public qu'il avoit relevé les erreurs de la Synagogue, démafqué 1'orgueil & 1'hypocrifie du Pharifaïfme, dévoilé 1'impiété du fyftême Sadducéen. Objectera-t-on ce que le Sauveur avoit dit a fes Difciples, quand ils lui demanderent, pourquoi il parloit au peuple par des paraboles ? // vous eft donnè de connoitre les myfteres du royaume des Cieux, mais il ne leureft point donné? Rien de plus aifé que de concilier cette déclaration avec ce que Jefus - Chrift dit a Caïphe dans mon texte. Par les myfteres du royaume des Cieux, dont il ne parloit qu'en parabol es, il ne faut pas entendre ce qu'il y avoit d'effentiel dans fa doctrine, mais plutöt les effets, qu'elle devoit produire dans le monde par la converfion des Pa yens. C'étoit-la un myftere, dont il n'étoit pas encore tems de parler. D'ailleurs les inftructions privées de notre divin Maitre étoient les meines en fubftance que fes inftructions publiques. Les unes & les autres tendoient au même but, puifqu'il n'enfeigna jamais rien a fes Difciples, qui ne dut être communiqué a tous les hommes. Ce que je vous dis dans les tênébres, dites-k dans la lumlere, D 2 Mattb. lui. 11.  52 SERMON III. Comparution Toland, Tetrad-jtn. DifT. ii. CUduo horus. Voy. Bill. AagLT.lt, Art.X» % ■ fi? ce que vous entendez a Toreille, prêchez-le fur les maifons. C'efi donc une accufation auffi mal-fbndée qu'elie effc odieufe, que celle qu'un Incrédule moderne a intentée a Jefus-Chrift $ avoir caché une partie de fa doclrine, fi? d'avoir eu d'autres principes en particulier que ceux, quil propofoit en public. Non! non! M. F. jamais notre Seigneur n'évita la lumiere, fon miniftere fut toujours éclairé du grand jour. L'Evangile eft bien différent, du Paganifme. Celui - ci avoit. fes myfteres, mais c'étoient des myfteres profanes, dont on cachoit 1'infamie fous un voile religieux. La gloire de fEvangiie confifte a être publiquement connu, paree qu'on y appercoit clairement les caïacteres d'une doctrine divine. C'eft auffi ce qui fait la gloire de notre Réformation. Elle ne craint pas de propofer ouvertement fes dogmes, d'en appelier a fa cönformité avec 1'Evangile. Fourniffez vous-mêmes des articles, que 1'abondance de notre fujet ne nous permet que d'indiquer. (II.) Le caraclere de ceux, qui avoient été les auditeurs de fes lecons, fournit au Sauveur un fecond argument pour faire 1'apologie de fon miniftere; j'ai parlé ouvertement au Monde. Le caraélere de 1'erreur & de 1'incrédulité eft de choifir fes auditeurs, de ne s'ouvrir que devant ceux, qu'on efpére de pouvoir gagner. On évite  Le Jefus-Chrift devant Caïphe. 53 des gens trop éclairés, on fe dérobe a des yeux trop pénétrans, on fe plait a fc'duire cles efprits peu difriciles fur le choix des preuves, & qu'il eft auffi aifé de perfuader par un fophifrae, que par un raifonnement folide. Ce n'étoit pas ainfi que JefusChrift s'étoit conduit. Bien qu'il eüt choifi douze Apötres, auxquels il corarauniquoit fes plus fecrettes penfées, ce ne fut jamais uniquement a eux qu'il donna fes inftructions. II n'affecta point de dogmatifer devant ceux, qui lui étoient affidés , & de fe cacher devant les autres hommes. II s'expliqua devant des perfonnes de tout ordre & de toute condition. II propofa les vérités de 1'Evangile, non feulement en préfence du peuple, qui le fuivoit en foule, mais encore en préfence des Pharifiens, des Scribes, des Docteurs les plus éclairés. II ne craignit pas d'être entendu d'eux, quand il attaquales traditions, par lefquelles ils avoient corrompu la Loi, & qu'il condatnna les erreurs, par lefquelles ils avoient obfcurci la vérité. L'Evangile n'a jamais évité 1'examen de ce qu'il y avoit de plus fa van t dans le monde. On 1'a propofé aux Philofophes, aux fages &l aux intelligens du fiecle, de même qu'aux ignorans. C'eft auffi ce qui fait fhonneur de notre Réformation. Elle ofe fe montrer telle qu'elle eft en préfence des Génies D 3 Mth. XI. 25-  54 SERMON IIÏ. Comparuticn les plus pénétrans, des Doéleurs les plus confommés. Elle ne craint pas de produire fes titres & fes preuves en préfence de ce qu'il y a de plus habile & de plus éclairé parmi fes ennemis. Ce qui fefoit 1'apologie du miniftere de Jefus-Chrift, fait 1'apologie de 1'Evangile en général, & celle de la Réformation en même tems. (III.) Le Sauveur infifte encore fur les Vieux, oü il a enfeigné. S'il n'avoit propofé fa doctrine que dans les rues & dans les campagnes, oü le peuple le fuivoit, on. auroit pu le foupconner d'avoir cherché a éviter les Doéleurs, & ce qu'il y avoit de perfonnes diftinguées, qui n'étoient pas difpofés a fuivre un homme, qu'ils regardoient avec mépris. Pour prévenir ce reproche, Jefus-Chrift fait fouvenir Caïphe, qu'il a enfeigné dans les Synagogues 6? dans le Temple. C'étoient les lieux des affemblées publiques, confacrés a llétude de Ia Religion, oü les favans fe réuniffoient avec les ignorans, les Doéleurs avec le pëuplë. C'étoit-la qu'on lifoit & que 1'on expliquoit Jes faintes Ecritures. En choififfant donc les Synagogues & le Temple pour y exercer fon miniftere, notre Sauveur prouvoit évidemment, qu'il n'avoit que des yues légitimes, & qu'il ne fe propofoit rien que d'utile dans la doctrine, quil enfeignoit. C'eft ainfi qu'on  Be JeJus-Chrift devant Caïphe. 55 a vu dans la fuite les premiers Miniftres de 1'Evangile fe produire dans les lieux, oü ils favoient, qu'ils auroient des témoins non fufpects de leur doctrine. On les vit enfeigner dans les mêmes Synagogues, parler des chofes magnifiques de Dieu dans ce même Temple , oü leur Maitre avoit enfeigné. On les vit prêcher 1'Evangile au milieu de XArèopage d'Athenes, oü ce qu'il y avoit de plus éclairé & de plus refpeétable dans la Grece fe trouvoit rasfemblé. On vit St. Paul prêcher la juftice, la temperance & le jugement dernier dans la Cour de Felix; plaider la caufe de 1'Evangile, devant Feftus 6? k Roi Jgrippa. C'eft-la encore ce qui juftine glorieufement notre Réformation, Elle s'eft montrée dans les lieux les moins fufpects. Elk n'a pas redouté la préfence des Empereurs; des Rois, des Doéleurs les plus célébres; & des Maitres les plus confommés dam 1'art de raifonner. (IV.) Enfin, Jefus-Chrift fait 1'apologie de fon miniftere , en rappeilant i Caïphe le tems, qu'il a choifi pour enfeigner fa doctrine. II a parlé toujours, en tout tems, en toute occafion. L'erreui garde des ménagemens, & ne fe montre que lorfqu'elle fe flatte d'avoir trouvé Ié moment favorabie, & qu'elle efpere pouvoir paroïtre fans danger. Mais la vérité öfe fe montrer en tout tems. Des que k D 4 Aft. 11. n. Aft. XVH. 19. Aft. xxiv. £C'. Aft. xxv. Aft. xxvi.  111 Fermeté & courage, 56 SERMON III. Co mparutlon Sauveur fut entré dans les fonétions de fon miniftere, il ne cefla jamais de s'en acquitter,quels quefuflèntles dangers,auxquels il s'exposat. jamais il ne manqua 1'occafion de défendre les droits de la vérité, & de confondre les erreurs de laSynagogue. C'eft ce qui fait auffi 1'apologie de 1'Evangile en général, & celle de la Réformation. L'Evangile a été prêché en tout tems & en toute occafion. Les Apötres n'ont redouté ni 1'autorité tyrannique des Chefs de la nation Judaïque, ni la puiflance & les perfécutions des Magiftrats Paiens. La Réformation de même s'eft montrée dans les tems les plus facheux. Les plus cruels orages n'ont pu 1'empêcher de fe répandre & de plaider les droits de Ia vérité. lil En dernier lieu il regne dans le difcours de Jefus-Chrift a Caïphe un caraélere de fermeté fi? de courage. Tel eft 1'avantage d'une Confcience fans reproche, la confiance, qu'infpire le fentiment de fon innocence, & la perfuafion de la vérité, qu'on ne craint pas de s'en rapporter au témoignage même de fes ennemis, Jefus-Chrift ne veut pas, que Caïphe foit inftruit de ce qu'il a fait dans 1'exercice ie fon miniftere par le détail, qu'il auroit pu faire lui-même de fa doctrine. II renvoie le Pontife a ceux, qui avoient été [es- auditeurs de fes difcours, les témoins ie fes miracles, & de la pureté de fes  Be Jefus-Chrift deyant Caïphe. 57 mceurs. Pourquoi minterroges-tu? Interroge ceux qui om oui ce que ƒ'ai dit; ceux-la favent ce que fai dit. En s'en remettant ainfi au témoignage de ceux, qui 1'avoient entendu, de fes ennemis mêmes, le Sauveur donne un nouveau poids aux raifons, qu'il a alléguées. Caïphe n'avoic qu'a interroger les huiiïiers, qui avoient été envoiés pour faifir Jefus-Chrift, & qui au lieu d'exécuter leur commifïïon rapporterent , que jamais homme ne paria comme eet homme. II n'avoit qu'a interroger tout le peuple, qui étoit étonné des paroles pleines de gr ace, qui fortoient de la bouche de Jefus-Chrift. Tel eft le caraélere de la vérité & de 1'innocence, qu'elles ne redoutent pas leurs ennemis déclarés pour Juges. Elles ofent fe montrer au grand jour, el les citexit leurs garants & leurs preuves: elles ne fe défendent point par des infinuations fecretes & artificieufes, par des bruits femés fourdement, que chacun eft toujours maitre de defavouer. Cefl ainfi qu'on a vu dans tous les tems les apologiftes de la Religion Chretienne s'en rapporter au jugément de leurs perfécuteurs mêmes, & les Défenfeurs de notre Réforme produire en faveur de leur conduite le fuffrage de ceuxla mêmes, qui devoient être les moins fufpeéls a leurs ennemis. Après avoir développé tout ce qu'il y a de beau & de -fage dans 1'apologie de Jefus - Chrift, nous D 5 fean VII. 46. Luc. IV. 2a.  58 SERMON III. Comparution ui. Partie i. Indigniti de celui, qu outrage. allons vous mettre fous les yeux ce qu'il y a d'admirable dans la patience avec laquelie il fouflte les plus injuftes outrages. C'eft ce qui va nous occuper dans notre troifieme Partie. A peine le Sauveur avoit-il fini de répondre a Caïphe, qu'un des Huiffiers le frappa de fa verge, en lui difant, efl-ce ainfi que tu réponds au fouverain Sacrificateur ? Que fait Jefus - Chrift ainfi maltraité? 11 fe contente de répondre avec modération a eet indigne fatellite de Caïphe; fi fai mal parlé, rends témoignage du mal; fif fi fai bien parlé, pourquoi me frappestu? Quelle grandeur d'ame! Quelle patience! I. Soit que vous confidériez Tindignité de celui, qui outrage le Sauveur. II. Soit que vous examiniez la nature de Tinfulte. III. Soit que vous fajfiez réflexion fur le peu de fondement du prétexte allégué. IV. Soit que vous pefiez la maniere, dont Jefus-Chrift fe juflifie. L La patience de Jefus-Chrift eclate, .fi 1'on confidere, qui efl celui qui Tinfulte. C'étoit un Huiffier, gens fouvent tirés de la He du peuple, une ame balie, vendue a 1'iniquité, un homme fans aveu, fans autorité, qui n'avoit aucun droit fur un prifonnier tel que le Sauveur, furtout en préfence du Confeil de la nation. C'étoit .un homme, a qui il n'appartenoit en anemie facon de juger de la maniere, dont  De Jefus-Chrift devant Caïphe. 59 Jefus-Chrift plaidoit fa caufe. Que de raifons , qui autorifoient le Seigneur a témoigner une jufte indignation, non feulement contre ce Miniftre de la Synagogue, mais aulfi contre des Juges, affez laches, affez peu jaloux du refpeét dü a leur caractere, pour fouffrir un procédé auffi contraire aux loix de la bienféance, qu'a celles de la juftice. Jefus - Chrift fe pofféde, néanmoins, il eft ferme & tranquille. Quel héro'ïfme! Quel exemple pour ceux qui fe difent fes difciples! II. Le Sauveur ne vous paroitra pas moins digne d'admiration, fi vous réflé-, chiffez fur la nature même de Voutrage. II eft frappé & infulté injurieufement , comme le dernier des hommes. Naturellement on n'outrage de cette maniere que des gens tres - méprifables, atteints & convaincus des plus grands crimes. Mais qu'un Doóteur, qui s'étoit diftingué en tant de facons depuis longtems, qui fe défendoit avec fageffe & avec modeftie, foit frappé, infulté, c'eft ce qui eft inconcevable, & ce qui rend la patience de celui, qui fouffre tranquillement une tel ie injure, infiniment admirable. C'eft ce qui donne une grande lecon a ceux, qui, pour autorifer leur animofité, font fonner bien haut la grandeur des injures, qu'on leur fait. • III. Observez en troifieme lieu le peu de fondement, qu'il y avoit dans le prétexte' IL I répandre, comme des aflaffins, le fang de leurs Snjets ? Et fans remonter même a des tems fi reculés, combien de fois n'a -1 - ón pas vu des Prêtres furieux, dignes fuccesfeurs de ceux des Juifs, a la tête d'une troupe de foldats infolens, préfider aux perfécutions les plus cruelles ? Combien de fois n'en a-t-on pas vu faire 1'infame perfonnage de délateurs? Enfin combien de fois la colere ou quelque autre paffion ne fait-elle pas oublier a des perfonnes refpeétables par leur caraétere toute bien* féance ? Leur diéle -1 - elle des difcours outrageans? Les porte-t-elle a des violences honteufes? O que les paffions font d'impitoiables Tirans! Que leur pouvoir efl: redoutable! Que leur empire efl: odieux! HL Troisieme excès des Paffions* Elles diclent le menfonge ê? la calomnie. Nous en voions une preuve bien évidente dans le reproche, que les Juifs font au Sauveur, ou pour mieux dire, dans 1'infolenc défi, qu'ils lui adreflent; Toi, qui démolis le Temple, & qui le rebdtis en trois jours, fame-toi toi-même. Le fondement de ce défi étoit une noire calomnie, qu'on avoit tenté de faire valoir devant le Confeil , mais dont on n'avoit pü produire aucune preuve. Les faux témoins, Tome HL G Excès dit Pajjïsni\  Jean IL ip. 98 . SERMON V. Les Exces. qui 1'avoient avancée, étoient même tom,bé en contradiétion, en voulant donner un tour odieux a ce que Jefus-Chrift avoit dit en parlant de fon corps; Ahhatez ce Temple, fi? en trois jours je le releverai. N'imporre, on en prend occafion d'infulter a ce divin Sauveur, on renouvelle cette indigne calomnie pour 1'outrager. La pafïion fait armes de tout pour attaquer eeux, a qui elle en veut; mais les armes les plus ordinaires, qu'elle emploie, font le menfonge & la calomnie. En-vain ontelles été confondues, en - vain en démontrez - vous les contradiétions palpables, on y revient toujours avec la même hardieffe, fans être accelïible au moindre fentiment de honte. Y-a-t-il rien de plus commnn dans le Monde que de voir les hommes dépeindre les objets de leur haine ou de leur envie avec les couleurs les plus noires, déguifer leurs paroles & y donner une faufle interprétation; les repréfenter comme des ennemis de f Etat & de 1'Eglife; grosfir les défauts, qu'ils peuvent avoir; leur en attribuer d'imaginaires? Ha! M. F* il n'eft malheureufement que trop vrai, a la honte du Chriftianifme, que le menfonge & la calomnie fervent encore d'inftrumens aux paffions pour fe fatisfaire, & que les ennemis du Seigneur Jéfus ne trouvent que trop d'imitateurs parmi ceux, qui fe difent fes difciples. Faites réflexion avec quelque  Des Paffions. 99 foin fur ce que 1'expérience peut vous avoir appris fur ce mortifiant fujet, & vous fuppléerez a des détails' bien humilians pour notre fiecle, que la charité nous oblige de fupprimer, parcequ'ils pourroient paroitre odieux. Mais que cette reflburce eft trifte ! Qu'il eft douloureux d'entrevoir, que les excès de la malignité humaine font tels, qu'on n'oferoit lever entierement les voiles, qui les couvrent, de peur de lui fournir de nouveaux alimens! Faut-il, que notre coeur foit d'un caraélere affez méchant pour nous faire redouter de le démafquer entierement! Que celui, qui efl* fage, entende ces chofes, & que celui, qui efl prudent, les connoiffe! IV. En quatrieme lieu les paffions etnpoifonnent les aclions les plus dignes de louange. t Ce qui devoit concilier a Jefus - Chrifl le refpeél des Juifs, au moins exciter leur compaffion , & les rendre fenfibles aux fouffrances du Sauveur, leur fournit un prétexte pour 1'outrager. // a fauvé les autres, difent-ils, il ne peut fe fauver lui-même. Vous le voyez, M. F., ces ames poffédées par la paffion, empoifonnent tant de belles aélions, que ce grand Prophete avoit faites pendant le cours de fa vie. On lui fait comme un crime d'avoir fait du bien partout. On lui infulté,/ parcequ'il a guéri les malades, rendulavue aux aveugles, ouvert les oreilles des fourds, Ga jfïé XIV. 9- IV. Excès des 'Jajions. m. x. 33.  ioo SERMON V. Les Exces jean V. sp. Matth.XXl. 2.3. délié Ia langue des muets, fait marchef les impotens, reiTufcité les morts. // ne peut ft fauver lui - même, s'écrie la paffion. Mais en fuppofant , que Jefus - Chrift n'avoit pas le pouvoir de fe délivrer, & qu'il étoit hors d'état de faire rien pour lui-même, les bienfaits, qu'il avoit repandus, en méritoient - ils moins la reconnoisfance des Juifs ? Efl-il fans exemple, qu'un généreux bienfaiteur fe trouve dans 1'impuiflance de remédiêr a fes propres infortunes? Ceux, a qui il a fait du bien, font-ils moins obligés de conferver la mémoire de fes bienfaits? Mais les paffions ne refpeélent ni la raifon, ni la juftice, ni la vertu, pourvu qu'elles puiüent fe fatisfaire. Vous travaillez a 1'éclairciffement de la vérité, en fondant les Ecritures; vous répandez du jour fur les dogmes les plus profonds; vous démêlez les difficultés, dont ils paroiffent environnés. Vous vous oppofez par-la aux préjugés de certains efprits fiers & opiniatres. C'en efl affez, pour que les paffions vous taxent d'héréfie, & qu'elles vous demandent, comme les Chefs des Juifs a Jefus-Chrift, de quelle autorité fais-tu ces chofes? Vous voulez maintenir le bon ordre, vous vous déclarez contre ceux, qui oublient leur devoir; raus appuyez des deffeins avantageux a 'Etat ou a 1'Eglife; vous mettez obflacle ruk vues de certains efprits ambitieux. C'en  Des Paffions. 101 ' eft affez, pour que les paffions vous accufent de violer les regies de la charité, de troubler la paix; c'en eft aiTez , pour qu'elles donnent a votre zele le nom odieux d'emportement, & qu'elles difent de vous, comrne 1'on difoit de Jefus-Chrift, il émeut' le peuple! En un mot, les paffions ternisfent f éclat des vertus les plus pures, empoifonnent les aélions les plus innocentes, & donnent un tour finiftre a ce qu'il y a de plus beau & de plus noble. V. Les Paffions piongent encore dans Tignorance de foi - même 6? de fon ét at. C'eft ce qui paroït clairement par 1'exemple des ennemis de notre Sauveur; sil efl le Fils de Dieu, le Roi dïlfraél, difent-ils, quil defcende de la croix, & nous croirons en lui. Quel aveuglement! Ils ne connoisfoient gueres les difpofitions de leur efprit & de leur coeur, & ils avoient des idéés bien peu juftes de leur indignité, en tenant ce langage. Je dis, qu'ils ne connoiffoient gueres les difpofitions de leur efprit. Remplis de préjugés fur le caraélere du Meffie & fur la nature de fon regne, jamais ils n'auroient reconnu Jefus-Chrift pour le Fils de Dieu, pour le Roi difraêl, a moins qu'il n'eüt réellement renoncé a cette qualité, pour fe montrer a leurs yeux fous la forme d'un Monarque temporel & d'un Conquérant. Celui, qui venoit de déclarer, que fon rtgm n étoit point de ee mm de, G 3 MC. xxiii. 5v. Exces des Paffions. fcan XVIII.  los SÈRMON V. Les Exces Mattti. XXViU, n'auroit jamais été un Roi du goüt d'une nation, toute occupée d'efpérances charnelles, & qui n'afpiroit qu'a 1'empire de 1'umvers. Quand Jefus - Chrift feroit descendu de la croix, & qu'il auroit fait encore au milieu de la Judée les mêmes prodiges, qui avoient illuftré fon miniftere, les préjugés des Juifs les auroient empêchés de le reconnoïtre. Ils n'ignoroient pas moins les difpofitions de leur coeur, Ils avoient été affez pafïïonnés pour attribuer les miracles du Sauveur a la puiflance du Démon; n'auroient - ils pas attribué fa délivrance au même principe? Auroit-ce été un plus grand miracle de voir Jefus - Chrift defcendre de la croix, que de lui voir guérir d'un feul mot les maladies les plus incurables & refllifciter les morts? Ceux, qui avoient réfifté a 1'évidence de la vérité démontrée par tant de preuves, fe feroientil end ts a une preuve moins forte ? N'auroient-ils pas trouvé des prétextes pour perfifter dans leur incrédulité? Ce qui nous dévoile bien le caraélere du coeur des Juifs, c'eft la conduite, qu'ils tinrent dans la fuite, pour rendre la réfurreélion du Sauveur fufpeéle. Enfin les paffions leur cachent toute leur indignité. Car en fuppofant a Jefus-Chrift la puiflance de defcendre de la croix , puiflance, qu'il ?.voit effeclivement, fes ennemis méritoientilsj qu'il fit ce nouveau miracle pour les  Bes Vaffians. iQ$ convaincre? Des gens, qui avoient foulé aux pieds toutes les loix de la juftice & de la Religion, devoient-ils penfer, que ce grand Sauveur feroit encore un prodige auffi extraordinaire que celui, qu'ils le défioient d'opérer? Mais les Juifs font-ils 'les feuls, que les paffions aveuglent fur leurs difpofitions & fur leur état? Plut-aDieu, M. F.! N'eft-ce pas la la fource de 'tant d'illufions dangereufes, que fe font les hommes? II nous femble, que certaines vérités font inconteftables; nous en favons trés-bien faire 1'application aux autres, & dès qu'il s'agit de nous-mêmes, les paffions nous empêchent de nous dire, tu es eet homme-la. II nous femble quel-2 quefois que fi nous avions certaines preuVes de la vérité d'un fait, il ne nous refteroit pas le moindre doute. Et combien de fois néanmoins ne réfiftons-nous pas a 1'evidence? Ne prétendons-nous pas _a force de raifonnemens, de détours & d'illufions démentir nos propres yeux? L'ignorance 'de foi-même eft plus générale que nous ne le penfons, & il n'eft rien, qui nous aveugle davantage que Jes paffions, elles nous déguifent a nous-mêmes. VI. Enfin les Paffions ofent s'attaquer '■ dire&ement d Dieu même. C'eft le dernier excès, auquel elles conduifent les Juifs; il fe confie en Dien! Qiftl le délivre è préfeut , s'il Ta pour agréahk, Etrange effêt - * G 4 Sam. XII. 7- VI. Excès des  K exxv. Ik 104 SERMON V. Les Excès de la corruption du coeur humain, de faire un crime a un homme dans le malheur de la confiance, qu'il a en Dieu, jufqu'a défier Dieu lui-même de juftifier cette confiance, qu'on a en lui. Les expreffions me manquent pour caraétérifer un tel blafphême, J'y vois avec douleur, de quoi 1'homme eft capable, quand il a perdu la crainte de Dieu, & qu'il s'eft abandonné a fes penfées & a la malice de fon coeur. „ Vous „ vous trompez, Peuple impie, Pontifes n facrileges! Celui qui fe confie en T, . ternel, 13 efi comme la montagne de Sion, qui n& „, peut être êhranlée. Le tems viendra, „ oü Dieu ne juftifiera que trop pour „ vous, la confiance que fon Fils bien-. „ aimé^a en lui!" Cet affreux fpeftacle d'impiété fe renouvelleroit-il encore de nos jours? Mes Freres, peut-être pas d'une maniere- fi ouverte & fi déclarée,, mais plus fecrete, quoique gueres moins criminelle, Bornons - nous a un feul exem-. p'e dans un fujet malheureufement trop richev Quand par un principe de haine du d'envie, on entreprend de nuire a fes procbains , a quelque prix que ce foit; que fe confiant en fon crédit, en fesrichesfes, en fes intrigues, on fe glorifie d'en faire les viélimes de fa paflion, que rien oe fera capable de fauver; n'eft-ce pas dans le fond tenip efientiellement ie même HTaêe ^ les JuifSi prétendre. défiec  Des Paffions. , 105 Dieu même? Et eet Etre fouverain, quiji furprend les fages dans leurs rufes, ne confond - il pas aulïï en bien des occafions ces ennemis de fa gloire, qui ofent pour ainfi dire braver fa Providence? Mais nous bornerions - nous a vous avoir dépeint les excès des paffions dans la conduite des Juifs? Non, Chretiens. Plus le mal eft dangereux, plus il eft néceffaire d'y remédier ou de le prévenir; c'eft a vous donner quelques directions fur ce fujet que nous deftinons les momens, qui nous reftent, Pour nous munir contre les excès des Paffions, il faut I, Avoir un amour dominant pour la vérité. II. Veiller avec foin fur notre coeur. III. Etre fcrupuleux a remplir nos devoirs. IV. Refpe&er intimement la Divinité, I. Il faut d'abord avoir un amour dominant pour la vérité. Si les Juifs avoient été animés de ce principe, ils ne fe feroient jamais abandonnés a des excès fi condamnables. Ce fut parcequ'ils étoient guidés par de tout autres motifs, qu'ils fe laiflerent emporter a tout ce que les paffions peuvent enfanter de plus finiftre. Que fefonsfious? avoient-ils dit dans leurs délibérations, car eet homme fait beaucoup de miracles ; fi nous le laiffons faire, tout le mondt eroira en lui; & dès ce moment ils prirent des mefures pour öter la vie a Jefus-Chrift. G 5 >b V. 13. IL Partie- I. DirecïiMi Jean XI, 47» 48-  Jean III. 19 Prov.XXIlI £3- ' Éi'aie V. 2c, 106 SERMON V. Les Exces Efl-il furprenant, qu'on tombe dans les plus déplorables égaremens, dès que, ferinant les yeux k la vérité, on prêfére les iénébres a la lumiere ? De quoi ne font pas 'capables des gens, qui ne confultent que leurs paffions & leurs intéréts, qui réfiflent a 1'évidence, & qui de deffein prémédité fe déterminent a agir contre les démonftrations les plus convaincantes, contre les faits fes mieux avérés & contre le diélamen de leur Confcience ? La droiture eft la compagne inféparable de la vérité; quand on aime celle - ci, on efl difpofé a Xacheter a tout prix, felon le précepte .du Sage. On ne s'aveugle pas volontairement, on üt être équivoque. II devoit être dangeeux de térnoigner de la compaffion & de 'affeétion pour lui, dans un tems, oü les )affions émues ne pouvoient avoir trop d'obets pour fe fatisfaire. Marie, fes Compa-* mes & St. Jean bravent le danger, quelque jrand qu'il paroilfe. Ces perfonnes étoient rop connues pour fe flatter de demeurer :onfondues dans la foule : 1'endroit, oii elles fe tenoient, & les larmes, que la vue de Jefus - Chrift leur arracha fans doute, ne permettoient pas de les méconnoïtre.. Elles' s'expofoient donc a devenir a leur tour les vicümes de la fureur de la Synagogue, qui ne fe propofoit pas moins que d'ariéantir la raémoire de Jefus-Chrift & de fa Doctrine. Elles font réellement ce que St. Pierre n'avoit fait que de parole; quarrd! même elles devroient mourir avec la Sauveur, elles ne te renoncent point, elles. ne i'abandonnent point. Leur amour pour ik d.ivin cmcifié triomphe de la crainte &  Le Triomphe de F Amour. I!Q de la terreur, que la vue des grands périls & furtout celle de la mort, infpire naturcilement aux hommes. Qu'il y a de grandeur dans un amour de ce caraélere! Qu'il efl rare de trouver de pareils exemples parmi les hommes! Qui de nous 1'ignore & n'eft inftruit a eet égard par i'expériencé ? La crainte de vous expofer k quelque dan;; il n'eft pas ineompatible avec la vraiö piété de donner encore alors des foins a fa Familie, & de furmonter pour le faire les mouvemens, qui pourroient y mettre obftacle. Jefus-Chrift aimoit Marie & Sfc jean, il étoit naturellement tendre & fenfible, & c'eft dans fon amour même qu'il trouve des reffources contre les dangereux & involontaires . mouvemens, que .cette tendre fenfibilité auroit pu exciter en lui, qui lui auroient fait perdre de vue les foins, qu'il devoit k fa mere. IV. Enfin le plus glorieux & le plus difficile triomphe de 1'amour de Jefus-Chrifl eft celui, qu'il remporte fur les horreurs de 'la mort. C'eft avec raifon qu'elle eft appellée le Roi des èpouyantemens; fes approches font naturellement terribles & infpirent de la frayeur aux plus intrépides; 'Elle étoit encore plus redóutablé pour le Sauveur, qu'elle he 1'a jamais é:é & qii'elle Tomé Iih I . iv. Triomphe fur les hon reurs de la mort. lob xviii. ï%  i3o SERMON VI. TVTattfi. XXVI. 38. Efaie LXIII. 5. Pf. CXVI. 3. tie le fera jamais pour perfonne, parceque fa mort étoit la confommation du grand facrifice que la gloire de Dieu demandoit pour maintenir les droits de fa Majefté offenfée. Quoi de plus effrayant & de plus capable d'éloigner toute autre penfée! furtout Jefus-Chrifl connoiffant fi bien le genre de fa mort, qu'il n'avoit pu s'empêcher de dire, mon ame efl de toutes parts faifie de triftejfe jufqu'd la mort. Mais fon amour triomphe de eet obflacle fi difficile a vaincre. Préparé dès longtems a foutenir ce terrible combat, il n'eft pas étonné; fon bras le faun & fa vertu le foutient. Uni intimement a fon Pere, il ne craint rien de fa part, & par cela même les cordeaux de la mort, dont il efl environné, ne 1'empêchent point de donner 1'effor a fon amour pour les perfonnes, qu'il chérit. Quedp Mourans, dont letat eft bien différent! Ils font privés également de la douce confolation de témoigner leur affeélion a leurs proches, & de ceile d'envifager la mort comme 1'heureux moment, qui va leur procurer le moyen de donner a Dieu dans le fein de la gloire des preuves auffi pures que fince» res de leur amour pour lui. „ Allarmes „ cruelles! angoiffes mortelles, qui déchi„ rez 1'ame de tant de Chretiens a la fin „ de leur vie, vous êtes de triftes preuves „ de 1'humiliante différence, qu'il y a a „ eet égard entre Jefus-Chrifl & nous! ■4'  Le Triomphe de VAmour. 131 El* vous, foucis rongeans! incertitudes „ aecablantes, qui préfentez a notre vue, „ tantöt les felicités & la gloire du Para,, dis, tantöt la honte & les malheurs de „ 1'Enfer, vous ne juflifiez que trop* >, que c'eft 1'amour qui nous maiique, & „ qui ne préllda jamais aux acrions de notre „ vie!" Les horreurs d'une mort toute extraordinaire n'empêchent pas le Sauveur; de s'occuper de ce qui lui eft cher, par» cequ'il n'a plus rien a craindre, & que tranquille fur fa deftinée, il eft allure d'aller jouïr du fruit de fes travaux* Et qui de nous ,M. F., ne fouhaitteroit de fe trou* ver dans une pareille fituation? Qui de nous ne voudroit pouvoir dire, quand je 1 marcherois par la vallée de ïombre de la mort, je ne craindrois aucun mal? Le vrai moyen d'y réuffir, c'eft d'aimer comme JefusChrifl a aimé; la parfaite charité bannira encore ici la crainte. El!e nous unira a Dieu, elle nous rendra fidele k nos devoirs pendant tout le cours de notre vie, elle fera regner le calme & la joie dans rios ames a 1'heure de la mort; & en nous montrant un Dieu pret a couronner notre fidelité, elle fe répandra en même tems fur ceux, que nous chériflbns, II eft tems de vous faire envifager un troifieme triomphe de 1'amour *, c'eft celui qu'il remporte fur les obflacles, qui s'oppofent a VobèiffaMe» qui en efl la preuve. C'eft ce que neus alloné I A f. xxnr* 4>  tlf. Partie. pr. XXXII 9- i }sm II 18. ï Jean V. • I. Difficulté (1'obeïr 4 f ordre. 132 SERMON VI. voir dans la conduite de 1'Apötre St. Jean, qui va nous occuper dans le refte de ce Difcours. A cette même heitre ■ la le Difciple la regut chez lui. Narration concife, mais pleine de force, qui nous repréfente le véritable amour comme femblable en quelque facon :. a la Puiflance divine. Dieu parle, la chofe comparoit. Jefus - Chrift ordonne, & 1'amour exécute a finftant fes volontés. [• Saint Jean nous apprend a ne point aimer de parole de langue, mais d'oeuvre gf de vérité. II juftifie d'avance ce qu'il a prê- ;.ché dans Ia fuite; que l'amour de Dieu confifte d garder fes commandemens. Ce Difciple ne fe contente pas d'avoir prouvé a JefusChrift te fmcérité de fon amour enlefuivant jufqua Ia croix, il s'emprefle a le lui témoigner par une prompte obéïflance a fes ordres. I. Ni la difficulté de ce que fon Maitre exigeoit de lui. II. jVV les occupations importantes, auxquelles il étoit appellé. III. Ni le peu d'efpoir d'être recompenfé ne mettent obftacle a une obéïflance, par laquelle il prouvoit fon amour. I. Saint Jean obéït promptement malgré la difficulté de ce que fon Maitre exigeoit de lui. Nous favons par I'Hilroire de 1'Evangile, que les Apötres n'étoient pas dans 1'opulence; il ne paroït pas, que St. Jean fut mieux partagé a eet égard que les autres, puifqu'il vivoit comme eux de Ia » •  Le Triomphe de ï'Amour. 133 pêche. II pouvoir. donc regarder comme une charge onéreufe 1'obligation d'avoir foin de la Mere du Sauveur & de pourvoir a fon entretien. Mais que ne peut le véritable amour fur un cosur, qu'il anime ? Le Difciple du Sauveur ne balance point, quelques médiocres que foient fes facultés, il ne calcule point, s'il a les moyens de faire ce que fon Maitre lui demande, il compte de les trouver, fallüt-il même retrancher de fon néceflaire; ohéïr d Jefus-Chrift, c'eft la première Loi, que fon amour lui diéte, & a laquelle il croit ne pouvoir alfez tot fe foumettre. Jugez par cette conduite, quelle idéé vous devez vous faire du votre en tant d'occafions, ou vous ne pouvez vous réfoudre d'obéïr a Dieu, & oü vous balancez fur 1'exécution de fes ordres. Une des excufes les plus ordinaires, qu'on allegue de fa négligence, c'eft que les loix de la Religion font pénibles, & qu'il eft difficile d'y obéïr. Quelque aifé qu'il foit de prouver, que cette penfée eft fauffe, je fuppofe avec vous, que les difficultés, que vous vous figurez, font réelles. Groyez- vous pour cela, que votre négligence a obéïr a Jefus-Chrift foit justifiée"? Non, elle ne 1'eft point. Elle prouve feulement, que vous n'aimez ni Dieu, ni votre Sauveur, comme vous le devez. Si vous les aimiez fincérement, les plus grandes difficultés ne feroient pas I 3  l& SERMON VI. capables de vous arrêter. En voulez-vous des preuves? Comparez votre conduite envers les perfonnes, que vous chériffez & que vous defirez de convaincre de votre plus tendre dèvouement, avec la conduite, que vous tenez envers Dieu, & la question fera biéntöt décidée. Vous rappelleraije ces foins, cette attention a prévenir les defirs de la perfonne aimée? Parlerai-je de ce pouvoir, qu'on a de fe gêner a fégard de ce qui peut lui déplaire, de tenir en bride les penchans, qu'on aime le plus a fatisfaire? Dirai-je ces efforts continuels, qu'on fait pour parvenu* a 1'accompliflement de fes voeux? Confultez votre propre expérience, & elle vous inftruira mieux la-defjus, que tout ce que nous pouvons dire. Or fi ce font-la les demarches du véritable amour, vous devez con-. venir, que vous n'aimez ni Dieu, ni Jefus-Chrift, quand vous alléguez la dim-, ;culté de ce qu'ils exigent de vous, comme |une raifon, qui vous difpenfe de leur obéïr. Cependant 1'amour humain fut-il jamais fondé fur des motifs auffi puilfans que celui» que nous devons a Dieu & a notre Sau, veur? Tout ce qu'ils ont fait pour nous rendre heureux ne mérite-1 - il pas, que nous fafïions des efforts? Y-a-t-il facn% fice fi pénible a eet égard, qui égale ceux, que Jefus-.Chrift a fait en notre faveur? Mesfteres, 1'exemple de St. Jean doit nous  Le Triomphe de TAnrnr. 135 apprendre, que la difficulté de ce que notre Sauveur exige de nous ne nous difpenfe en aucune facon de lui obéïr promptement. Des cette heure-la le Difciple la recta chez lui. II. Xes occupations importante^, auxquelles le bien-aimé Difcip>e de Jefus-Chrifl étoit appellé, lui offroient un fecond pré-, texte tres plaufible pour fe diipenfer de ce s que fon Maitre exigeoit de lui. II devoit remplir les fonélions de 1'ApoftoIat, porter la Dodrine de 1'Evangile hors de Jérufalem & de la Judée; c'étoit-la le Miniftere, auquel il devoit fe confacrer tout entier. Quel jufte fujet de ne pas fe charger dufoin de la Mere du Sauveur, de ne pas entrer avec elle dans une relation auffi intime que cetle d'un Fils a 1'égard d'une Mere; relation, qui impofe tant de devoirs, furtout lorfqu'il s'agit d'une Mere, qui n'a d'autre appui qu'un Fils. Jamais pretexte plus fpécieux ne s'offrit a f efprit humain, puifqu'il fembloit, que les devoirs du Miniftere, auquel Jefus-Chrift avoit appellé St. Jean, étoient én quelque maniere incompatibles avec ceux, qu'il lui impofoit a 1'égard de Marie. Mais le véritable amour ignore eet art funefte de mettre fes différens devoirs en oppofition, afin de faire fervir les uns k fe difpenfer des autres. Le Difciple du Sauveur ne croit pas, que fes occupations „ quelque importantes qu'elles foient, doivent 1'empêcher d'obéïr, & nous» M. F*s l 4 11. Occupations de St. Jean, \ I } i  Hl ha peu d'efpoir ifêtre re\vmpenfi. I3<5 S E R MON VI. nous ne croirions pas, que nos affaires, notre vocation, nous autorifent a négh'ger d'autres devoirs, fi nous aimions Dieu veritablement. Cependant y-a-t-il pré, texte plus ordinaire, plus fouvent allégué, plus communément répété que celui-la ? Je fais, M. F,, qu'on obéït a Dieu, en s'acquittant des devoirs de 1'état, oü la Providence nous a placés; que le Négociant doit veiller a fon Commerce, le Magijirat aux affaires publiques & ainfi des autres. Mais je fais auffi, que tout cela a fes bornes, & que, quelles que foient les occupations du genre de vie, oül'on fe trouve, elles ne nous difpenfent point des autres devoirs plus importans, que Dieu nous prefcrit, & quê jamais on né peut avoir a eet égard une excufe en apparence plus légitime que celle, que St. Jean auroit pu alléguer, & qu'il condamne par fon exemple; des cette heure-lè même, le Difciple la regut chez luu III. Enfin' eet Apötre fair briller fon amour , en cê qu'il obéï't promptement, quelque peu iïejpoir qu'il eüt de voir fa fidelitê recampenfée. II efl rare, M. F., que Fattachement le plus fort & le plus tendre foit ^ entierement defintérefie, & qu'il foit k 1'épreuve de la mine des efpérances, qu'on fondoit fur ceux, qui en étoient 1'objet. II efl: rare de voir les hommesi rt'fpecter les volontés de ceux, dont ils n.'ont rien a attendre, furtout lorfqu'elle^  Le Triomphe de ï'Amour. 137 les obligent a des chofes tant foit peu pénf* bles. J'ignore, M. F., quelles étoient les penfées de St. Jean, mais il y a tout lieu de croire, que, fi le fpeétacle de la croix n'éteignit pas fon amour pour fon Maitre, il ne laiifa pas d'ébranler fa foi. Au moins a-t-on tout fujet de foupconner, qu'il n'étoit pas, non plus que fes autres Apötres , exempt de doutes fur les efpérances, que Jefus-Chrift. avoit données. C'eftdonc 1'amour feul, qui le porte a obéïr fans delai. Que eet exemple eft propre a nous . humilier! Qu'il eft honteux pour nous de nous rendre coupables de tant de delais, quand il eft queftion d'obéïr a notre Sauveur! Nous, qui avons les plus grandes les plus précieufes promejfes-, qui avons a 1'égard des recompenfes de 1'éternité toute la certitude, que nous pouvons defirer, Jéfus reffufcité & monté au Ciel, Jéfus donnant a 1'Eglife des preuves éclatantes, que la toute -puiffance lui a été donnèe au Ciel & fur la terre, & par conféquent qu'il peut dégager les promefles, qu'il a faites a ceux, qui lui obéïffent: voila les gages, qu'il nous a donnés, que notre travail ne demeurera pas fans recompenfe. Ha! Chretiens, ne foyons pas infenfibles a de fi nobles & de fi preffans motifs, qui doivent nous infpirer pour Dieu & pour Jefus - Chrift un amour ardent, capable de triompher de pus les objets, de tout autre fentiment, ï 5 ! Pierre 1.4, Marth. xxviir. 18. 1 Cor. XV. 58.  ï38 SERMON VI. & de tout ce qui pourroit nous empêcher de lui prouver notre dèvouement par une obéïflance prompte & lans referve a tous fes Commandernens. Heureux de faire gloire de nous occuper principaleraent fur la terre, de ce qui doit faire un jour notre unique occupation dans le féjour du bonheur éternel! Dieu nous en laffe a tous la, grace. Amen, ^ •> Ff. XXII. vs. 13. «1 Tronend h. Amflerdam le 1 $Ayr\\ 1770 > 0 la Grande Eglife.  APOLOGIE DES APÖTRES. Mais Pierre, fe préfentant avec les onze, ileva fa voix, & leur dit: Hommes 'Juifs, & vous tous, qui habitez' a Jèrujalem, apprenez ceci, & faites attention è mes paroles: car ceux-ci ne font point ivres, comme vous penfez, vu que ceft la troifteme heure du jour. Act. Ch. II. vs. 14, 15. SEPTIEME SERMON, L'obstination eft un des caraéteres les plus ordinaires de 1'incrédulité. Comme elle doit principalement fon origine au libertinage, ou a un defir immodéré de fe. diftinguer, elle perfifte opiniatrement dans fes prétentions, & fe foutient fièrement contre les preuves les plus évidentes. L'incrédule ne négligé rien pour fe maintenic dans 1'indépendance; guidé par la préfomption, & cherchant a fe fatisfaire a quelque prix que ce foit, il n'eft rien de fi facré, qui foit a couvert de fes attentats. II öfe tenter d'obfcurcir les vérités les plus certaines, il demande des preuves de ce qu'il y a de plus clair & de moins contefté. ^ II ne rougit pas mime, dans fes noirs acces a d$ Exordei  140 SERMON VIL tourner en ridicule ce qu'il y a de pkïs refpeétable. En un mot, les Vérités.les plus Iumineufes, les Faits les mieux avérés ne peuvent trouver grace devant lui. C'est ce dont 1'expérience ne fournit que trop de démonflrations. Les monumens des fiecles paffes, comme ce qui arrivé de nos jours, le juftifient également. Le caraélere deTincrédulité a été a peu pres toujours le même, & a produit les mêmes effets. Nous en trouvons un exemple bien frappant fans fortir de notre fujet. Y eüt-il jamais miracle moins fufpecl, & oü le doigt de Dieu fut plus vifible que celui, qui arriva le jour de la Pentecöte en la perfonne des Apötres? Et néanmoins un Fait fi évident, accompagné de circonftances fi extraordinaires fut expofé aux traits empoifonnés, & aux railleries infultantes de 1'incrédulité. Ni la grandeur du miracle en lui-même; ni la fainteté de la doctrine, en faveur de laquelle il étoit opéré; ni le nombre & la qualité de ceux, qui en furent les témoins , ne purent lefauver de la contradiélion. II y eut des gens affez hardis, dirai-je? ou'affez furieux, pour attribuer les merveilles, qu'ils voioient eux-mêmes, aux fumées d'une liqueur, dont 1'ufage exceffif trouble la raifon. C'kst contre un foupcon fi outrageant que les Apötres fe foulévent. Ils triomphenc  Apologie des Apötres. 141 hautement de la calomnie. Ils plaident la caufe de la vérité avec tant de force, qu'ils" jettent la terreur dans 1'ame d'une grande partie de ceux, qui les écoutent. Le Difcours de Saint Pierre arrache cette queftion fi vive; Hommes freres, que f er ommus ? fuivie de la converfion de trois mille de fes auditeurs. Admirable effet d'une éloquence toute divine; chofe merveilleufe devant nos yeux, faite par F Eternel, dont la droite fait vertu. Esprit Saint! qui animas autrefois St. Pierre, daigne nous animer dans ce jour. Accompagne ce difcours de cette efiicacité toute - puiffante, qui réveille les confcienr ces, qui touche les cceurs & qui les convertit! Sans nous arrêter a des remarques peu effentielles, approfondiffons ce qu'il y a de digne de réflexion dans la maniere, dont Saint' Pierre, au nom de tous les Apötres $ fait leur apologie. Nous trouvons dans la conduite, & dans le Difcours de eet illuftre Prédicateur fix traits principaux. I. Un courage intrépide. II. Un zele proportionné d F importanee de la caufe, quü plaide. III. Une fage confiance, que h perfuafion de la vérité & la juftice de Ja caufi lui infpirent. IV. Une adrejje merveilleuft pour fe concilier Fattention, & pour captivei la bienveillance de fes auditeurs. V. Ui car act ere de douceur & de JageJJe. VI. Un f orce de raifonnement fupérieure. >"f. cxviii. 23 & 15. Plan de ce Difcours. \ t  r. Courage intrépide. i A i 1 < j I l 142 SERMON VII. I. Le premier trait, qui diftingue Sr» Pierre, c'eft un courage intrépide. Ce caraélere lui eft commun avec les autres Apötres. Pierre fe préfenta avec les onze. Ce ne font plus ces Difciples laches & timides, qui, malgré les promelTes les plus folemnelles, les proteftations les plus vives d'être conftamment attachés a Jefus-Chrift, 1'avoient honteufement abandonné , pour fe dérober au danger. Ce n'eft plus eet Apötre infideïe, qui, aiant juré de fuivre la deftinée de fon Maitre, favoit perfidement renié jufques a trois fois. Ce font de nouyeaux hommes, que rien n'eft capable d'effrayer; dont le courage héroïque affronte fans palir le même danger, qui les avoit fait manquer a leur devoir. Ils ne balancent point dans une occafion, oü tout fembloit concourir a les décourager, & a les réduire a un ignominieux filence. Ni 1'indocilité des Juifs; ni la médiocrité de leurs talens, ni Ia grandeur dupéril, ne peuvent intimi, Ier ces généreux Apologiftes de Jefus-Chrift. Affermis dans la foi par la réfurreélion de leur Maitre, & par fon afcenfion triomphante lans les deux, dont ils avoient.été les témoins, ls ne redoutent plus les efforts de 1'incréduité. Éclairés de lumieres fupérieures, animés 1'un feu célefte, ils ne doutent pas, qu'ils ie puiffent, a 1'aide de ces fecours , liffiper les préjugés de leur nation. Quel* lue nombreux, quelque redoutable que  Apologie des Apêtres. 143 fut 1'auditoire, devant lequel ils avoient a parler, la divinité de leur vocation, qu'ils venoient de recevoir du Ciel,^les encourage. Si par eux-mêmes ils n'ont pas les talens requis pour s'acquitter d'une fonccion auffi difficile, ils fentent au dedans d'eux un efprit de force, qui leur infpire las fermeté néceffaire pour foutenir fans crainte Ia préfence des Chefs de leur nation, & des Doéleurs les plus favans de la Synagogue. Craindroient-ils leurs argumens captieux, tandis qu'ils ont en main le flambeau de Ia vérité, pour diffiper les ténébres de 1'incrédulité ? Auroient-ils été effrayés par l'idée des perfécutions, & auroient-ils reculé par la crainte de devenir les viélimes de leur zele? J'avoue, qu'a ne confulter que la chair & le fang, 1'exemple de Jefus - Chrift, que les Principaux, fecondés d'une multitude abufée, venoient d'immoler a leur jaloufe fureur, étoit bien propre a les rendre, finon timides, au moins plus retenus dans une circonftance, oü il étoit fi aifé de foulever un peuple fuperftitieux. Mais arriere d'eux. ces vaines confidérations, ces ménagemens honteux d'un coaur foible. Les Apötres ne connoiffent plus de danger, dès qu'il s'agit de la gloire de leur Maitre. Trop. & trop longtems s'étoient-ils fouftraits a leur devoir. II eft tems, qu'ils s'acquittent dignement de leur commiffion. La lacheté, Mi Tim. 1.%  Wf é Matth. XXVIII.18 ii. Zele proportionné i fimportati' ce de la caufe. 144 SERMON VII. dont ils s'étoient rendus coupables, leur avoit trop coutéj & en particulier a St; Pierre, des larmes trop ameres, des remords trop cuifans, pour en courir encore les rifquesi Sans doute auffi, que la eertitude * qu'ils avoient de la gloire, dont leur Maitre ëtoit couronné, ne contribua pas peu a leur faire fermer les yeux fur le danger, qui les menacoit. Alfurés que Jefus-Chrift, aiant recu la toute-puiffauce au Ciel & fur 'la tcrre, étoit en état de les protéger, & de les dédommager abondarnment des facrifices, qu'ils feroient en fa faveur, ils ne héfiterent pas fur le parti, qu'ils devcient prendre , ils ne délibérerent pas fur ce qu'ils avoient a redouter. Pierre avec les mze fe préfenta devant 1'aftemblée. II. Remarquez en fecond lieu dans la conduite & dans 1'Apologie de St. Pierre un zele proportionné a Vimportance de la caufe, qiCil plaide. C'eft le caraélere, qui diftingue elléntiellement le vrai zele d'avec ïe faux. Celui-éi s'émeut fouvent pour des objets peu importans. II agit fans choix, fans difcernement, & témoignc unë grande chaleur fans néceffité. Mais le vrai zele, toujours fage & éclairé, proportionné 1'aélivité de fes foins & de les démarches au plus ou moins d'intérêt, qu'il doit prendre aux objets, felon qu'ils font plus ou moins importans. Tel eft le caraélere du zele, que St. Pierre fait éclater dans cette  Apohgk des Apötres* 145 cette occafion. Jamais caufe ne fut plus grave & plus intéreflante que celle, dont il eft queftion ici. L'accufation in tentée aux Apötres rejaillifibit direélement contre 1'Evangile. II eft bien vrai, que les déréglemens de ceux, qui prêchent une doctrine, ne doivent pas, dans le cours ordinaire, former de préjugé contre cette doctrine même. Mais cette regie n'avoit pas lieu dans le.cas préfent a 1 egard des Apötres. Leur honneur étoit étroitement lié avec celui de la Religion, dont ils étoient les Miniftres. Le miracle, qu'ils prétendoient, que Dieu 4venoit d'opérer en leur faveur, décidoit formellement fur la divinité de leur mifïïon, en le fuppofant réel. Mais auffi, fi ce n'eüt été que i'effet d'un cerveau troublé par les fumée^ du vin, il en réfultoit, que les Apqtres étoient, non -feulement de tértiérdires,impofteurs, mais des gens fans Religion, & dignes de chatiment, d'öfer dans un jogt confacré au fervice divin, & furtout dans une des Fêtes les plus folemnelles, paroitre au Temple dans une honteufe ivreffe, & d'avoir 1'audace d?en faire paflèr les effets pour des opérations de 1'Efprit Saint. La gloire de Dieu étoit donc intéreffée dans. la juftification des Apötres. C'en étoit fait de 1'Evani g\\o,, fi l'injurieiife imputatjon d'ivreffê demeuroit fans repiique, &'n'étoit con* fondue. Auifi 'le zele de St. Pieite eit - il Tome HL K  146 SERMON VII. Pf. LXIX. 10. F.foie LVIIL" i. proportionné a 1'importance de la caufe qu'il devoit plaider. II ne peut voir fans douleur une Religion toute divine> deshonorée par les traits de la calomnie. Son zele s'enflamme a 1'ouie du blafphême, que les Juifs vomiffent contre un miracle, qui partoit immédiatement de la toutepuiffance divine. L'apologie eft auffi prompte, que 1'accufation étoit odieufe. II fe préfente, ou fe leve avec les onze. Par cette aélion les Apötres témoignoient, qu'ils avoient quelque chofe d'important a dire. C'étoit fa coutume des Juifs dans leurs affemblées religieufes, que ceux, qui avoient a parler fe levaüent au milieu de 1'auditoire, afin qu'on fit filence. St. Pierre èleva fa voix. II parle avec émotion, & comme un homme indigné de 1'atrocité de 1'injure, qu'on fefoit a lui & a fes Collégues. II ne peut plus renfermer intérieurement le feu, qui fanime; il faut, qu'il le faffe briller au dehors; le zele de la maifon de Dieu le ronge. Nulle confidération ne peut 1'obliger a garder un filence préjudiciable a la gloire de fon Maitre, & aux intéréts de la vérité. II ne fait ce que c'eft que de garder des ménagemens contraires a fon devoir. II exécute fidélement la commiflion, que Dieu donnoit autrefois a un de fes Prophetes. Crie h plein gofier, ne fépargne point; éleve ta voix comme un cor.  Apologie des Apötres. 147 III. TiioisiEME Caraétere de 1'apologie de St. Pierre: une [age confiance, que la perfuafion de la vérité, & la juftice de fa caufe lui infpirent. Quand on confulte 1'expérience, on s'appercoit, que pour 1'ordinaire YErreur marche d'un pas timide, au moins toujours d'une maniere, qui décele, combien elle fe défie de fes forces. Elle enfante des tours flateurs pour perfuader; elle met en ufage les délicateffes de 1'Art, & ne négligé aucun artifice pour fe déguifer. Elle diffimule a-propos, elle paffe, ou touche légérement ce qui lui eft defavantageux; elle ménage foigneufement & avec lacheté ceux, dont elle veut s'affu. rer le fuffrage. En un mot, on entrevoit un fond de défiance dans fes démarches en apparence les plus fiéres. La Vérité» au contraire , fimple, mais courageufe. ne fe montre qu'avec une certaine autorité, qui imprime du refpect. Nullement artificieufe, elle ne craint point le grand jour, On n'appercoit rien de lache ou de timide dans fes difcours. Elle ignore i'art des accommodemens, & ne fait ce que c'efi que de diffimuler, quand il faut parler Si elle ne dédaigne pas abfolument de garder quelques ménagemens avec ceux, qu'elle veut perfuader; au moins ne fe permet. elle jamais de trahir fes intéréts par une lache complaifance; & on appercoit dan; fes difcours en apparence les moins preffaus K 2 in. Sage con. Qance.  148 SERMON VII. Aft XXIV 16. une confiance, qui perce au travers de tous les voiles. Nous en trouvons des preuves convaincantes dans 1'apologie de St. Pierre. II parle avec cette aflurance raifonnable, que la perfuafion de la vérité, & la juftice de fa caufe infpirent a un homme fage & vertueux. 11 n'eft rien de plus difficile que de parler de foi-même d'une maniere convenable & avec dignité. Quelques précautions que 1'on premie, il eft bien rare d'éviter la cenfure. Par cette raifon, il eft de la prudence de parler de foj - même le moins qifil eft poffible. 11 eft néanmoins des occafions, oü 1'on ne peut s'en difpenfer. Quand il eft queftion de défendre fon honneur & fon innocence,la Loi de la Nature, & la Morale de 1'Evangile y obligent également. Surtout lorfqu'il s'agit de Ia gloire de Dieu, & des intéréts de la vérité dans la défenfe de foi - même, ce feroit les trahir que de diffimuler, de garder le filence, & de ne pas même faire paroïtre la confiance, qu'infpire le témoignage d'une Confcience fans reproche. C'étoit-la le cas des Apötres, ainfi que nous 1'avons fait voir. Auffi voit - ort brilIer dans le difcours de St. Pierre cette noble & modefte aflurance, que donne la vérité. II parle avec une gravité ferme, & en homme pleinement perfuadé de la juftice de la caufe, qu'il défend. Loin de redouter, ou de cüffimuler les aceufations -de fes  Apologie des Apötres. 1 149 ennemis; il les releve & les refute avec force. 11 n'y infifte même qu'autant qu'elles peuvent en impofer; pour qu'une trop longue apologie ne leur donne pas plus de poids, qu'elles n'en ont. Car fouvent il arrivé, qu'on prejudicie aux intéréts de la vérité, en infiftant trop fur certains fophismes de 1'Erreur, qui femblent par-la plus importans qu'ils ne le font. St. Pierre inftruit dans une Ecole Divine des regies de la véritable éloquence , confond les accufations de fes ennemis , mais d'une facon ferrée, qui indique la confiance, qui 1'animoit. II ófe même, tel eft le pouvoir de la vérité, il öfe même dans la fuite faire aux Juifs des reproches auffi juftes, que capables de les faire rougir de honte, & par cela même de les irriter. Sa confiance le porte jufqu'a dénoncer a cette criminelle nation les cfmtimens du ciel, que fonimpénitence méritoit. II n'y a certainement que la force de la vérité, & la juftice de fa caufe, qui puiffent infpirer a ce premier Apologifte de 1'Evangile une affurance auffi noble, qu'elle eft rare. IV. Un quatiïeme trait remarquable dans 1'apologie de St. Pierre, c'eft une adreffe rnerveïUeufe pour fe concilier l'attention , • & pour captiver la blenyeillance de [es auditeurs. Quoique la Vérité méprife les ménagemens laches & honteux, que 1'Erreur aime a garder; elle ne laifle pas de fuivre les regies K 3 tv. Adrvffè lour fe :nnci!ter tatttutim.  Af. XXVÏ' 150 SERMON VII. de la prudence, en ne négligeant pas les moyens légitimes, qui peuvent lui faciliter fentrée des cceurs. Quand il eft queftion de faire goüter des vérités * importantes, mais contraires aux idéés de ceux, a qui 1'on parle, il eft nécelfaire de les prévenir favorablement, autant qu'il eft poffible, & de s'attirer leur attention. C'eft ce qui eft furtout indifpenfable, quand il s'agit de juftifier fon innocence, & de détruire d'injuftes préjugés. Quelques fecours que les Apötres euffent pour faire impreffion fur les efprits , ils n'ont jamais néanmoins négligé ce qui pouvoit captiver la bienveillance de leurs auditeurs. Nous en trouvons des preuves dans les diverfes apologies, que St. Paul a été obligé de faire de fa conduite. Par exemple, lorfqu'il plaide fa caufe en préfence du Roi Agrippa, il n'oublie rien de ce qui peut intéreffer ce Prince en fa faveur: Roi Agrippa, dit-il, je nïejlime heureux de ce que je dois aujourShui répondre devant toi fur toutes les chofes, dont les Juifs m'accufent; d'autant plus que je fais , que tu es trés-bien inflruit de toutes leurs coutumes de toutes leurs opinions. On fent dans ce difcours toute 1'adrefle d'un homme, qui a deffein de s'infinuer dans 1'efprit de celui, a qui il parle. St. Pierre , inftruit dans Ja même Ecole, oü St. Paul le fut dans la fuite, n'oubhe rien pour fe concilier fattention  Apologie des Apótres. 151 de fon Auditoire, & pour fe faire écouter favorablement. Hommes Juifs, dit-il, fi? vous tous qui habitez a Jérufalem. II les prévieht, en ne leur témoignant m haine, ni mépris. II femble, au contraire, mfinuer tacitement, quil eftimoit leur dévotion, la régularité, avec laquelle ils s'acquittoient des devoirs prefcrits par la Loi, furtout en célébrant les Fêtes folemnelles, que Dieu avoit inftituées. II tache meme de réveiller leur attention par une efpece d'exorde, deftiné a la folliciter, & a leur faire fentir 1'importance des objets, qua alloit leur mettre fous les yeux. Sachez ceci, é? fmtes attention a mes paroles. Comme s'il avoit dit: „ Puifqu'il eft queftion „ a préfent de vous defabüfer d'une erreur, „ oü votre falut eft intéreffé, de vous „ inftruire de vérités, dont la connnois„ fance vous eft néceffaire, foiez attentifs „ è mon difcours. Dépofez pour quel„ ques momens les préjugés, que vous „ avez contre nous. Ecoutez-moi, dans ,, le deffein de vous rendre a la vérite, „ dès qu'elle vous fera connue. Ecoutezj, moi fans prévention; pefez les raifons , „ & les vérités que je vais vous propofer. Quoi de plus propre a captiver la bienveillance de fes auditeurs qu'un cxorde de ce caraélere? C'étoit-la un excellent moyen de faire goüter aux Juifs 1'apologie, quil alloit faire pour lui-mêrne, & pour les K 4  v. Ito* xv. 152 SERMON VJI. autres Apötres. C'étoit de quoi adoucir ces efprits préoccupés, & les empêcher de sirnter de ce qu'il y auroit de vif dans les reproches,. que le lil de fon difcours 1 obligeroit a leur faire. IntéreiTer fes auditeurs, en leur fefant fentir 1'importance de ceA qu'on a a leur dire; les prendre euxmemes pour juges & pour arbitres; s'en rapporter en quelque facon a leur confcience; c'eft-la un tour admirable d'un Predicateur, qui a deffein de faire impreslion; & c'eft un des traits, que nous ne pobvons méconnoïtre dans 1 éloquente apologie de St. Pierre. * - Il 1 e pe encore dans cette apologie un u caraélere de douceur &> de fagefe bien propre a gagner les ccaurs. Nous 1'avons remarque déja, il eft permis & même necellaire daas de certaines occafions de fe defendre,--& de plaider les droits de Ia yente.^ Si fon dok éviter de parler de foi-meme avec fafte, & par oftentation; on ne peut s'en difpenfer, quand la gloire ae Dieu, & Fhonneur de l'émploi, qu'on occupe, le demandent. Mais il faut toujours obferyer les regies de la charité; parler avec fageffe & modération. II n'eft aucune raifon de zele, qui puüJe. exCufer une aPologle violente, & injurieufe a ceux, contre Jefquels on eft force* de fe défendre. Le Sage nous dit ProvChap. XV,, que h réponfe dmce. appatfe fa fureur, mais que la pauk  Apologie des Apötres. 153 facheufa excite la colere. Cette maxime eft fondée fur 1'expérience. . II n'eft rien de plus préjudiciable dans la fociété que 1'aigreur dans les réponfes. Loin de faire rentrer en eux-mêmes ceux, qui nous font tort, la colere & 1'emportement les confirment pour 1'ordinaire dans les idéés defavantageufes, qu'ils ont de nous. La prudence & 1'amour de la vérité demandent donc également, qu'on fe juftifie d'une maniere douce & fage. C'eft obéïr en même tems a cette autre lecon de Salomon : Ne réponds point au fop felon fa foliede peur que tu ne lui foisfemblable. C'eft ainfi que Jefus - Chrift lui-même en ufa en diver. fes occafions. Quand les Juifs lui dirent: ■ Ne difons-nous pas bien, que tu es unSama.ritain, êf que tu as le Diable? Que répondjl a une accufation fi outrageante? Je na, pas le Diable, mais fhonore. mon Pere, & ■vous me deshonorez. Telle fut encore h réponfe de St. Paul a Fejlus, qui 1'accufoii aètre hors du fens: je ne fuis pas hors du fens, tres - excellent Fejlus, mais je dis la vérité, & je parle de fens rajfis. Animé de 1'efprit de charité St. Pierre fait fon apologie avec toute la modératior poüible. II ne fe permet point d'inveclives contre des gens, qui flétriflbient fa réputation & celle de fes Collégues de la maniere ia plus odieufe. Quelque fondé qu'il fut i taxer 1'impiété de fes accufateurs^ qu K 5 Prov. XXVI. a - dire jufqu'a midi, fuivant notre maniere de cornpter. Voici donc a quoi fe réduit le difcours de St. Pierre, plein de force & de folidité: „ Vous nous outragez en „ formant contre nous des foupcons fi „ injurieux. Jamais nous n'avons commis „ aucun fcandale , ni fait d'adion , qui „ puilfent les fonder. Si nous étions des „ ivrognes, nous croiriez-vous affez témé„ raires pour öfer nous montrer en public, „ furtout dans un jour folemnel, tel que „ celui-ci? Nous croiriez-vous affez „ impies pour venir infulter a. Dieu a la „ face même des autels? Rendez-nous „ plus de juftice, Hommes Juifs, & vous j, tous habitans de Jérufalem. Nous fom„ mes vos freres, un même deffein nous „ conduit dans ce temple augufte avec „ vous, Cefl pour y rendre nos homma„ ges au Dieu d'Ifraël, & pour folemnifer ,, cette Fête par nos adorations. N'aiez „ donc point de foupcons, qui bleffent la „ charité. Nous ne fommes point ivres; „ la circonftance du tems ne vous permet „ pas de U penfer. Le merveilleux chan5J gen \ que vous appercevez en nous, ■ „ a une caufe bien plus noble. Dieu lui„ même a répandu fon Efprit fur nous pour „ dégager les promeffes, qu'il avoit faites „ par fes Prophêtes, & qu'il nous avoit  Qondupm rs. 37- i ■iób SERMON VIL „ renouvellées par Ia bouche de Jefus„ Chrift, notre Maïtre." Voila quel fut en fubftance le raifonnement de St. Pierre qui étoit fans repüque. Auffi ' fit-il un effet auffi prompt, qu'extraordinaire; ainfi que nous 1'apprenons par la fuite de 1'JHistoire. ■ . Tel fut le Difcours du premier Apologifte de la Religion Chretienne, & le fuccès qu'il eut. C'eft ainfi que la vérité triompha de Ja calomnie, & de 1'obftination des coeurs Jes plus rebelles. Que nous ferions heureux, fi ce phénomene fe renouvellct aujourd'hui parmi nous; fi dociles aux lecons de 1'Efprit de Dieu, touchés d'un vif fentmient de vos péchés, vous nous difiez: Hommes freres, que f er ons- nous? Maïs fur quel fondement nous flater d'un pareil fuccès ? Inférieurs a St. Pierre i tous égards, nous n'avons pas recu, :omme lui, une abondante mefure des.dons iu Saint Efprit. II eft vrai, que 1'avanage, que nous avons de parler a des Chreiens, devroit en quelque facon compenfer e^ defavantage, que nous avons d'un autre :6té. ^ Oui, Chretiens, nous ferions autoifés a efpérer de toucher vos cceurs, & le vous porter a fuivre les préceptes de 'Evangile. En-vain prétendriez-vous vous xcufer par la différence, qu'il y a entre eux, qui vous prêchent, & Jes premiers redicateurs de 1'Evangile. Ce feroit vous con-  Apologie des Apêfres. ¥6 'condamner formellement vous-mêmes. Ca fi jamais il y eut des difcours peu accom modés au gotit de bien des perfonnes, 'e font ceux, qui font formés fur le model de celui de St. Pierre. Aimez-vous, qu'ui Prédicateur courageux & plein de zei vienne vous tracer un portrait fidele de vo péchés, & réveiller vos confciences? Ai mez-vous , qu'un Prédicateur plein d confiance en la juftice de la caufe * qu'i plaide, vous mette fous les yeux 1'étendu & la néceffité de vos devoirs? Quelque précautions qu'il premie, quelques ména gemens qu'il garde, quelques tours qu'; invente pour s'infinuer dans les coeurs pour prévenir les efprits fur des fujet défagréables a la corruption, ne trouve-t-i pas fouvent une réfiftance opiniatre? Ai mez-vous, qu'on démêle vos illulions que 1'on vous montre ce que vous êtes , é ce que vous devriez être? Quelques folide que foient les preuves, qu'on vous allégue ne trouve ^ t - on pas des prétextes pour f difpenfer d'y acquiefcer ? Le pécheur ƒ détourne-t-il de fa voie, & Vhomme vicieu: de fes penfées ? Chacun ne défend - il pas li paiïion favorite? Ne dit-il pas même ei fecret au Prédicateur: Reiire-toi de nous nous ne voukns pas de Ia fcience, que tu prê; ches* Quand il s'agit de nous, tu ne pro phétifes que du mal? Tel étant \è goik d'ui grand nombre dé Chrëtiensj dê quel dföi Tomé HL h E' f 1 i i i l i 3 l l 5 1 Z » ïltiïè LV. I t ,]ob XX h . U- . 'x Rö'« /XXlh ii  Tite ï. i. Aü. VIII. 23- Jaq. II. 13 jaq. lil. 6 162 SERMON VII. fouhaitteroient - ils d'avoir un Saint Pierre pour Prédicateur? s'ils fe plaignent de la imcenté de ceux, qui ófent travailler a les pénétrer, & a dévoiler leur corruption; s'ils fe foulevent, lorfqu'on veut fonder leurs plaies, quand on leur annonce la doctrine,, qui efl felon la piété; quelle ne feroit pas leur indignation, s'ils entendoient un St. Pierre dire, non en général: „ il y aparmi „ vous des gens de tel & de tel caraélere, „ qui efl; contraire afefprit de 1'Evangile ? " Mais s'adrefièr direclement a chacun en particulier, & dire a 1'un: „ vous! vous „ êtes un raviffeur du bien d'autrui: le cri „ de la veuve & des orphelins, que vous „ avez reduits dans la mifere, monte jus„ qu'au ciel , & dernande vengeance." A 1'autre: „ vous! vous êtes efclave des „ plus criminelles paffions; vos honteux „ excès, votre ivrognerie, votre impu„ reté, arment Dieu contre vous." A celui-ci: „ vous! vous êtes une ame „ vindicative, votre coeur efl; dans un fiel „ amer, vous nourriffez des reflentimens „ éternels, & vous attirez fur vous les „ jugemens dénoncés a ceux, qui n'auront ,„ point ufè de miféricorde" A celui-la: „ vous! vous êtes d'un caraélere dange,„ reux; votre longue efl un feu dévorant, „ un monde iiniquitè, qui vous exclura du „ royaume des cieux." A eet orgueilleux: „ vous! vous vous foulevez contre Dieu: fon-  Apologie des Apötres. 16*3 venez- vous, quil réfijle aux orgueilleux^ „ que la hautejfe d'efprit va devant la ruine"\ A eet homme, qui n'a. de Chretien que le nom: „ ne vous parez plus d'un titre, „ que vous deshonorez; vousj qui êtes „ des années fans entrer dans le temple de „ Dieu; qui ne participez point au facre„ ment de 1'Euchariftie; qui vivez dans j, un oubli parfait de la Religion, & dé „ 1'éternité." De tels difcours déplairoient fans doute a la plus grande partie de nos auditeurs. Que chacun donc, en s'apphquant les caraéteres généraux de nos Sermons, fe foit un St, Pierre a lui-même* Ecoutez la voix de votre confcience, & elle ne manquera pas -d'en faire 1'office; Aions componïïion de emir, en nous rappellant nos péchés. Si comme les Juifs nous n'avons pas crucifié le Seigneur de gloire j nous ne pouvons ignorer, que nous ne iious rendons gueres moins coupables, en le deshonorant par nos vices, & que nous 1'expofons a une nouvelle infamie par une' conduite oppofée a fes préceptes. Serionsnous infenfibles aux graces, dont Dieu nous favorife? Quoi! dans un jour defhné a célébrer la mémoire de 1'effufion des dons précieux du Saint Efprit fur 1'Eglife Chretiennej refuferions - nous a Dieu le jufte' retour, qu'il nous demande ? Ne liti dirions-nous pas! » Seigneur! que fmto* y, nous pour té timöigncr nótfè rêeonnuis? h 1 Pierre V. 5- 'rov. XV1-. 18. Ach II. 37. 1 Cor.11 ?.  ïo"4 SERMON VII. } Cof. IIU 16. Eph.lV.30.; Eph. I. 14. . < „ laiice? Que ferons- nous pour te plaire ? •>•> Que ferons-nous pour réparer notre g ingratitude, & nos rebellions paflees?" Suivons les impreffions de 1'Efpric Saint; ecoutons fa voix, qui nous parle dans nos Ecntures, & qui fe fait entendre au fond de notre coeur. Ne réfiftons pas a fes follicitations fecretes. Que nos coeurs purifiés foient des temples, oü il habite; afin que [celles par lui pour lejour de la Rédemption, aiant recu de lui des cette vie les arrhes de notre héritage éternel, nous en foions un jour mis pleinement en poiTeffion. A eet Efprit Saint, comme au Pere & au Pils, un feul Dieu beni éternellement, legrand Dbjet de notre Foi, f unique appui de nos efpérances , la fource féconde de nos confolations, foit honneur & gloire, aux fiecles ies fiecles! Amen! Pf. XL VIL Avant le Sernwn. Pf. XLVIII. vs. 4. Aprés. Rrononcê a Amflerdam le i$ Mat 1785, premier jour de Rentecóte, foir a la Petite Eglife. NB. La dernier e fois, que l'Auteur efl monté en chaire.  DEVOIRS DE LA VIEILLESSE. Ne me rejette point au tems de ma Vieilleffe:- ne m abandonné point, maintenant que ma force efl dêfaillie. P s e a u m. LXXL vs. 9. HUITIEME SERMON. Atoute chofe fa faifon & h toute affaire flus les deux fon tems; cette maxime de Salomon au Chap. III. de l'Ecclefiafle, que la prudence diéle, eft confirmée par 1'expérience. La diverfité des tems & des circonftances doit en mettre dans les démarches & les aélions des hommes. II eft des tems moins propres a de certaines affaires que d'autres. On ne doit pas même exiger dans un tems ce qui doit faire naturellement 1'occupation d'un autre. Demander qu'un Novice, qui ne fait qu'entrer dans le monde, & qui eft fans expérience, regie des. affaires, qui requierent de la maturité &. une grande connoiffance de la Société-,, c'eft ne confulter ni les principes de la. Raifon, ni les maximes de la Sageffe. Demander a un homme mür, chargé des foins les plus importans, de fe diftraire par les; amufemens même les plus légitkr.es de te L 3 Exortïc. Eccler. HL 1.  Luc. x. 42 166 SERMON VIII, JeunefTe, c'eft ne pas connoitre ce qu'exigent de lui le tems & les circonftances. A toute chofe fa faifon fi? a toute affaire fous les cieux fon tems. II eft cependant une affaire, qui fait exception a la maxime du Sage, une affaire, qui eft de tous les tems & de toutes les faifons, que le Sau•veur du Monde appellé la feule chofe néces-. faire, c'eft de s'occuper de fon falut, d'impiorer fans cefie la bénédiétion de Dieu fur notre travail, & de folliciter les fecours, dont nous avons befoin. Cette exception rentre néanmoins a un certain égard dans la regie générale. Quoiqu'il n'y ait ni tems, ni age qui nous difpenfe de ce devoir, il y en a un, oü nous y fommes appellés d'une facon particuliere, & oü notre propre intérêt demande, que nous i-edoublions nos foins & nos voeux, c'eft la • Vieilleffe; c'eft durant ces jours, auxquelson. ne prend plus de plaiflr, qu'il importe de pen-, fer plus que jamais a 1'éternité & de demander a Dieu les fecours, qui font alors plus que jamais néceffaires. David avoit bien fenti, cette vérité, & c'eft ce que lui diéh la priere demon texte, ne me rejette point au tems de ma Vieilleffe; ne iriabandonné pöiptx maintenant que ma force eft dèfaillie. Quoique 1'Autetir du Cantique, d'oü ces paroles font tirées,, ne foit pas nommé, i y a tout lieu,de penfer, que c'eft David, cojnme nous yenons de le fuppofer; ||  Levoirs de la Vieilleffe. i6j conformité de ce Pfeaume avec le si,lie. ne permet gueres d'en douter, en obfervant néanmoins, qu'il compofa le Pf. 31^'. dans les premières années de fa vie, au lieu que celui, dont mon texte fait partie, eft du tems de fa Vieilleffe. Nous ne rechercherons point, a quelle occafion il le compofa, parceque cette difcuffion eft inutile pour le but, que nous nous propofons, Notre deffein eft d'envifager notre texte fous un point de vue général, & qui convienne en même tems a la circonftance, qui nous a déterminé a en faire choix. Nous nous propofons I. Tfexaminer, quels font les Vosux , quon doit former dans la Vieilleffe. |L Uapprefondir les Motifs, qui doivent les di&er. Puiffionsnous apprendre a être fages, intelligens, £p d confidérer notre der nier e fin l Quels font les yceux, qu'on doit former dans la Vieilleffe? Ils font compris en fubftance dans ces paroles, ne me rejette point au tems de ma Vieilleffe, ne m abandonné point, maintenant que ma force efl défaillie ; c'eft-a-dire: „ Ne me privé point.des „ -lumieres, des graces & des fecours, qui „ me font plus néceffaires que jamais, a „ préfent que mes ans fe font multipliés, „ & que mes forces font épuifées." Cette idéé générale renferme deux chofes, que 1'Homme agé doit demander a Dieu. I. Dc lui donn&r de bien connoitre la. nature de jc. L 4 Plan de ce ")ifc»urs. Deut. SXX.U» 9$. • I. Partïc  h La naturi 4e 'a Vieil' I i ] < 1 < r ï68 SERMON VIII. condition préfente. II. D'avoir de .iuffes: tdées des Devoirs, que lui impöfe la Fieilleffe, & desforces pour les remplir. I. Le Vieillard doit demander a Dieu de lui donner de bien connoitre la nature de fa condition préfente. Qu'eft-ce que la Vieilleffe? C'efi I. U époque, oü Pon alengtems vecu. II. UAge des infirmitès. 11!. Le tems de ïincapacité pour le Monde & pour les affaires, & celui iïinfenfebilité pour les ^laifirs. (I.) La VieillefTe efl 1'époque, oïi Ton & longtems vécu, & fourni déja une carrière plus longue qu'un grand nombre d'autres. II eft vrai, que la Vieilleffe a divers periodes; foixante, foixante-dix, quatrevingts années font les termes les plus ordinaires. S'il eft des perfonnes, qui paffent ces bornes, ce font des exemples rares., qui font 1'étonnement de leurs contemporains ^ ceux qui atteignent un fiecle, ou qui le paffent, deviennent célebres par ce Eèul endroit, quelque obfcurs & inconnus gu ils ayent été pendant cette longue vie Mais quelle. que ce foit de ces époques 3u'on ait atteint, on a vu plus d'une fois a face de Ja Société fe renouveller, & juand on jette Jes yeux autour de foi, on ie decouvre qu'un très-petit nombre de mt* que 1'on a connus dans les premiees années de fa vie. Non-.feulement m.'i qui étoient plus agés que nous9 ont  Devoirs de la Vieilleffe. 169 fait place a leurs enfans, mais fouvent une iéconde & troifieme généïation ont déja fuccedé. Combien de jeunes gens enlevéa dans le Printems de leur vie! Combien de nos contemporains, a prendre ce têrffle a la rigueur pour les perfonnes du même age que nous, combien de nos contemporains, qui ont été couchés dans le tombeauï C'eft-la une vérité d'expérience, & que nous pouvons attefter: quand je confidere eet auditoire, & que je me rappelle ce qu'U étoit il a y quarante - fept ans qu'il m'eft connu, a peine y compterois-je cinquante Auditeurs de ceux, qui le formoient alors, Cette première idéé de la Vieilleffe, que c'eft 1'époque oü 1'on a longtems vécu, & fourni déja une plus longue carrière qu'un grand nombre d'autres, eft naturelle, frappante, & néanmoins qu'il eft rare, qu'on s'en occupe comme 1'on devroit! Si 1'on penfe aux changemens arrivés dans la Société, aux viétimes, que la mort a immoléés, c'eft fouvent avec un fecret retour fur foi-même; on fe félicite d'avoir furvécu aux autres. On ne fait réflexion fur les années, qui fe font écoulées, qu'a vee diftraétion, tout au plus on les compte pour s'en faire un titre d'honneur, comme fi d'avoir longtems vécu étoit en foi-même un mérite, indépendamment de 1'ufage, qu'on a fait de la vie. On s'occupe avec «■omplaifance des années, que 1'on fe flate k S  Ecclef.XII 4*8. 170 SERMON VIII. de pouvoir encore vivre, & on raffemble dans fon efprit tout ce qui femble autorifer ies efperances, qu'on nourrit a eet égard. (II. J Ce qui devroit ramener a des penfées plus fages, c'eft que la VkllMe e(l lage des mfirmités. Le Corps eft affbibli, les organes s'ufent, les principes de Ia vie commencent a s'épuifer: 1'Ame, qui par fon umon intime avec le corps en dépend a divers égards, devient incapable d'agir avec te meme vigueur qu'auparavant, fes facultes fe reffentent de Ja foiblelTe du Corps. Si quelquefois elle femble gagner du coté de la maturicé du jugement, elle perd du cote de 1'adivité de fes opérations; te memoire ne lui fournit qu'avec peine &' devient rebelle, le feu de 1'imagination seteint. S'il eft des Vieillards, qui conlervent un corps fain, une ame vigoureufe a de certams égards, ce font des excep. tions, des exemples rares, & toujours on ne lailfe pas d'appercevoir quelques traces plus ou moins fenfibles des infirmités, qui font 1'appanage de Ja Vieilleffe. Naturel^"/./^ en général, elle eft 1'age, oü le yenfic le portrait, que tracé Salomon au Chap. XII. de l'Ecclefiafle: Lefoleil, la lumiere, la Iww & les étoiles sobfeurcijfent % c'eft-a-dire, les perceptions de 1'ame deviennent moins vives, fes idéés fe confondent, & fes facultés s'affoibliffent; des miées vimnent Une jur Vautre la couvrir>  Devoirs de la Vieilleffe. 171 ceft-a-dire, des foucis & des inquiétudes faccablent; fes gardes, c'eft - a - dire fes mains, tremblent; fes hommes forts ,' c'efta-dire, fes jambes, fe courbent & chancellent; fes meules, c'eft,a-dire fes dents, oe fent de faire leurs fonélions & font diminuées ou tombées; celles, qui regardoient par la fenêtre, c'eft-a-dire les yeux, font obfcurcis; les deux battans de la porte font fermés vers la rue avec abaiffement du fon de la meuk, c'eft-a-dire que les levres rapprochées fe remuent moins frequemment, & que le goüt eft moins vif; on fe leve d la voix de ïoifeau, c'eft-a-dire que le fommeil fi nécelTaire pour le foulagement du corps eft interrompu & court; toutes les chanteufes font abaiffe'es, c'eft-a-dire ïes oreilles ceffent de recevoir les fons clairement; l'amandier fleurit, c'eft-a-dire que les odeurs frappent auffi peu, que celles des fieurs en hiver, tems oü 1'Amandier fleurit en Judée. Les cigales, c'eft - a - dire 1'eftomac, fe rendent pefantes, & 1'appetit s'en va; le cable dargent, c'eft-a-dire 1'épine du dos, fe déchahe; le vafe d'or, c'eft? è-dire le cerveau, fe dibonde; la cruche, c'eft-a-dire la poitrine, febrifefurlafontaine; la roue, c'eft - a - dire le creur, fe rompt fur U citerne. C'eft ainfi qu'explique cette humiljante defcription un célebre Savant de: la Grande Bretagne. En vous la rappellant je n'ai pas deffein de dépeindre ces hommes ufés par rinterapérance & la débauche* V. Mead Vledica ïacr. Cap. /I.  PC lvii.! < i i I 172 SERMON VIII. portant en leurs corps fes flétriffiires da pêche; il faudroit d'autres traits, que nous vous epargnons. Nous ne parions que de ce qui a lieu dans le cours ordinaire de la nature. Y a-t-il néanmoins rien de plus commun que de fe cacher a foi - même ce decün des facultés de 1'ame, eet affoiblisfement des forces du corps? Pour peu quon fe fente encore quelques reftes de vigueur, on ne penfe gueres, que 1'on eft parvenu a 1'êge des iniïrmités, a eet aVe, ou Ion a befoin plus que jamais d'être a -couvert al ombre des alles du Tout-puüTant. Clll.j Cependant quoi de plus capable de reveiller cette penfée que le fentiment de fon mcapacité pour le Monde & pour les affaires, celui de 1'infenfibiiité, qu'on eprouve pour les plaifirs? II n'eft perfonne parvenu a un %e avancé, qui avec un mediocre degre d'attention ne s'appercoive, qu il n eft plus gueres propre pour le commerce du Monde, Les changemens arrivés dans la Societe ont rompu une grande partie des haifbns qu'il y avoit. Les ufages ont change, & a un certain %e on s'accoutume difficilement a ceux, qui font nouveau*, □n n a plus cette flexibilité, cette aménité, 3111 nous rendent agréables a ceux, avec lesjuels nous converfons; enforte que 1'on lil fouvent a charge: heureux, ft des •aillenes ameres n'avertiflent pas de penfer 1 la retraite. D'aiUeurs le travail, foit du orps, foit de 1'efprit, fatigue & épuife;  Deyoirs de la Vkillejje. 173 Km fe dégoüte même des affaires, dégout , qui nait affez ordinair'ement du fentiment fecret de fon impuiffance a y fournir. Enfin on n'a pas cette fenfibilité, cette délicateffe d'organes néceffaire pour goüter la plupart des plaifirs. Mais s'il eft des hommes fages, qui dans la Vieilleffe connoiffent le néant du monde, le peu de folidité de fes biens; qui fentent, combien ils font peu propres a entrer dans fon commerce, & 1'infipidité de ce qu'on appellé plaifirs, combien de Vieillards, qui prétendent forcer le cours de la nature, qui dans un age, oü le Monde & les affaires ne leur conviennent plus, ne peuvent fe réfoudre a y renoncer, & par intérêt ou par ambition s'y livrent autant que jamais malgré les infirmités, qui les accablent! Combien d'autres, qui tentent par toutes fortes de voies de ranimer un goüt émouffé, qui, a la honte de la Vieilleffe, prétendent avec des organes ufés, finon fatisfaire, au moins flater les paffions de leur jeuneffe! Combien d'autres livrés a 1'avarice emploient un refte de forces a accumuler encoreles biens, qu'ils abandonneront bientöt, ou qui au moins fe dédommagent de leur impuiffance a goüter d'autres plaifirs par celui de contempler & de garder foigneufement leurs tréfors. Le premier objet des vceux d'un homme fage parvenu a la Vkillejje, eft donc de  sSam.XDi 34» 35- IL Devoirs de la Vieillefe. m SERMON VIII. demander a Dieu de bien connoitre la nature de fa condition préfente, eh confidérant Je nombre des années qu'il a vécu, les mfirmités plus ou moins grandes, qui lui annoncent le déclin de la vigueur de fon efprit & de fon corps, fon incapacité pour le Monde & les affaires, fon infenfibilité pour les plaifirs ou fon impuiffance a les goüter; en un mot de lui infpirer les fases fentimens, que fit paroitre Barzillai Galaadite, lorfque le Roi David lui propofa de le •fuivre a la Cour; Combien d'annêes ai-je vecu, que je monte encore avec le Roi d Jé rufalem? Je fuis aujounfhui dgé de quatrevingts ons, pourrois-je difcermr le bond'avec le mauvais? Ton ferviteur pourroit-il favourer ce qu'il mangeroit &> boiroit? Pourroisje entendre encore la voix des chantres & des chanteufes? Et pourquoi ton Serviteur feroitil a charge au Roi mon Seigneur ? II. En-vain néanmoins Ie Vieillard auroit-il de juftes idees de fa condition préfente, sil n'en profitoit pour remplir les devoirs qu'elle lui impofe; ainfi la feconde grace, qu'il doit demander aDieu, c'efi; de bien connoitre ces devoirs fif de jomr des forces néceffaires pour s'en acquitter. 11 efl appellé par fon %e L A fai la revue de fa vie paffée. II. A fe prépanr a en rendre compte. III. A fe détacher dn Monde. (I.) Le Vieillard efl appellé par fen -ro  Devoirs de la Vieilleffe. 175 a faire la revue de fa vie, & quelle tache! il faut qu'il fe rappelle les divers ages, par lefquels il a paffé; quels principes il a recu dans fon enfance, & fufage qu'il a fait de 1'éducation, qu'on lui a donnèe; comment il a emploié fa jeuneffe, de quelle maniere il s'eft préparé a la vocation, a laquelle il étoit appellé; quel foin il a pris de cultiver fes talens, fa raifon, fa mémoire, fon jugement; comment & jufqu'oü il a fait de la Religion une affaire importante, pour la connotf - & en fuivre les lecons. Comment il s'eft conduit dans lage mür, & la naturellement fe préfente fexamen dé la profeffion, è laquelle il s'eft voué; chacune a fes devoir particuliers, & tous ces devoirs ont un centre commun, qui eft 1'exercice de la vertu. Le Vieillard ne doit pas oublier les divers états, les diverfes circonftances, oü la Providence 1'a placé, fe retracer, quel ufage il a fait de la profpérité, quand Dieu 1'a lui accordée, comment il a foutenu 1'adverfité & recu les épreuves, par lefquelles Dieu a jugé a-propos de le faire palier. Plus la vie a été longue, & plus la revue de tant d'années écoulées demande d'attention & de réflexion, pour la faire exaclement & y prendre l'idée, qu'on doit fe faire de foi-même. (II ) Mais pourquoi cette revue fi „Ly exaéle , & même a quelques égards fi fati- " gante ? Pourquoi, M. F. ? C'eft qu'il s'agit  Ecclef.XII 16. Rom.II.i<5 • ; • i 1 < 1 < 176 s j£ R M O N vin. de rendre compte, compte redoutable en foi-même, & qui 1'éft a proportion du nombre d'années, qu'on a vécu. Dieu appellera toute veuvre en jugement touchant ce qui efl caché foit bien Jbit mal; il jugera les fecrets des hommes felon 1'Evangile. ■ II faut donc faire fervir 1'examen de fa vie paffee a fe mettre en état de rendre ce comrte effrayant, fe dire a foi -même, qu'il feroit inutile de fe flater, de fe diffimuler rien, puifque les aélions même enfévelies dans 1'oubli feront rappellées. Se préparer a rendre compte, c'efi fe repentir fmcérement de tous les péchés, qu'on a a fe reprocher, & faire des oeuvres convenables a Ja repentance, c'efi-a-dire réparer les fautes, qui peuvent être réparées. Que de péchés, dont un homme agé a a fe repentir! Pour ne pas trop multiplier les objets, fuivons le plan de revue, qu'il a fait ^de fa vie. S'il jette les yeux fur les mnées de fon enfance, il s'appercevra aifénent, qu'il n'a pas fait a divers égards ce 3u'il devoit,,qu'il n'a pas profité fouvent Jes^lecons & des exemples de Parens, de vlaitres vertueux, & qu'il n'a que trop ecu les funefles femences de corruption, ju'on jette fi communément dans le coeur les enfans, foit par une dangereufe com)laifance, foit par un effet de ces fauffes naximes adoptées dans le Monde. S'il :onfidere le tems de fa jeuneffe, qu'il y trot>  Devoirs de la FkiUejJe. 177 trouvera de fujets de regrets & de douleur * tant oar 1'abus, qu'il a fait des dons de Dieu,* que par les paffions, auxquelles il a donné un libre cours! Quel coup d'oeil mortifiant que celui de fage mür, de la maniere, dont il a rempli les devoirs de fa profeffion, de la conduite, qu'il a tenue dans les «divers états, par lefquels la Providence 1'a fait palier de profpérité & d'adverfité, de fanté & de maladie! Que de péchés différens n'appercevra-t-il pas ! Que de reparations a faire! Vous fentez, M. F., que nous pouvons a peine indiquer ce'qui entre dans le compte, que le Vieillard doit fe préparer k rendre. Ceux qüi font dans le cas n'ont qu'a confulter leur fentiment intérieur, qu'a interroger leur confcience avec des intentions droites & fmceres, & ils feront fuffifamment initrüits* C'eft fondée fur la néceffité de cette préparation a rendre compte, que 1'Eglife Römaine a établi pour les mourans une Confeffion générale, pratique fage en elle-meme, fi elle étoit féparée des abus, qui 1'accompagnent. •, 4 r t . ... (III.) L'homme age doit je detacher du Monde, il doit rompre peu a peu les liens, qui 1'attachent k la terre, renoncer au gout pour les grandeurs, pour les ncheiïes» pour les plaifirs, être pret a qüittér les douceurs du commerce des parens _& des amis, qui lui reftent encore. Convient-ü Tome ïlt M  IL Pen tie. 178 SERMON VIII. a un homme, fur la tête duquel les ans fe font accumulés, dont les organes font ufés öu affoiblis, dont les facultés intellecluelles déclinent, qui doit fentir fon incapacité pour Jes affaires du Monde, Ie peu de fenfibïlité, qui lui refte pour les agrémens de Ia vie, la pefanteur, qu'il met dans fon commerce avec les autres; convient-il, dis-je, a un tel homme de nourrir 1'ambition, la cupidité, de vouloir prendre part a des plaifirs, en un mot de ferrer des liens, qui font prêts a fe rompre? On fe fait fouvent illufion fur les différens devoirs de la Vieilleffe, il eft rare qu'ón en ait de juftes idees, qu'on en connoiffe 1'étendue, & que 1'on fe mette en gtat de s'en acquitter; fouvent même on n'y penfe gueres. Quoi par conféquent de plus néceflaire que de demander a Dieu avec ardeur de nous rendre attentifs, recueilüs, & de nous détacher des créatures; quoi de plus néceffaire que de lui adreffer cette priere, m me rejette point au tems de ma Vieilleffe; ne iriabandonné point, maintenant que ma force efl défaillie ? De preffans motifs doivent nous y engager, c'eft a les approfondir que nous deftinons la feconde Partie de ce Difcours. , I. Les diftractions ordinaires de la vie* II. La difficulté des devoirs a remplir dans la Vieilleffe. III. La grandeur des intéréts, que nous avons d ménager pour Véterniiè.  Devoirs de la Vieilleffe. 179 IV. Le peu de tems, qui rejle d un Vieillard ■a vivre, lont autant de raifons, qui doivent 1'engager a folliciter le fecours de Dieu. I. Les diflraclions ordinair es de la vie, qui. nous empêchent de penfer a notre falut' comme nous le devrions, nous rendent le fecours de Dieu néceffaire dans la Vieilleffe. Vous ne pouvez ignorer, M. F., combien nous fommes diftraits dans le cours ordinaire de la vie. Chacun dans fon état, dans fa profefïïon a des occupations indifpenfables, qui demartdent de 1'application & des foins; mais au lieu de fe renfermer a eet égard dans de jufbes bornes, on .fe livre avec une ardeur immodérée aux affaires; foit ambition, foit defir d'amaffer, on ne fe permet quelquefois aucun délaffement, fi ce n'ejj| dans le tems, oü 1'on devroit s'occuper de Dieu & penfer a fon falut, enforte qu'on paffe fes jours dans une diftracrion contii-uelle par rapport a ce grand objet. Combien de perfonnes, qui emploient la meilleure partie de leur tems, je pourrois dire toute leur vie, dans le commerce du Monde , qui partagent leurs jours entre les fociétés, que 1'oifiveté raffemble, le jeu; les fpeélacles, la table, & le fommeil! Calculez fans prévention le tems, que chacun dans fa condition donne aux grands intéréts de fon ame, vous ferez vous - mêmes effrayés du peu de proportion, qu'il y a entrë ces momens rapid.es 5 que les plus fages' Ml l ~)itlriiftións 'e la vie:  ï8o SERMON VIII. ii. Difficulté tles devoirs de la PjeiP l'Je. sncore y emploient, & ces heures, ces jours, ces années, que vous prodiguez pour une vie de foixante, de quatre-vingts ans, tandis que 1'éternité, qui n'eft pas mefurable par des milliers de fiecles, ne vous occupe gueres. Quel terrible objet pour un Vieillard que tant d'années emploiées d'une facon fi peu utile pour fa grande affaire! que cette prodigieufe difproportion entre le teras^ donné au monde, & celui, qu'il a confacré a penfer a 1'éternité, fi même il s'en eft jamais férieufement occupé! Car quel n'eft pas le nombre de perfonnes,dont toute la vie s'eft écoulée au milieu d'un tourbillon perpétuel, qui ont roulé dans un cercle continuel d'occupations ou frivojfs ou peu néceffaires? Ha, M. F., que les diftraélions ordinaires de la vie fournisfent une prefiante raifon d'implorer le fecours de Dieu dans un age, oü fon a a reparer le pafle, & a faire Ce qu'on a négligé pendant fi longtems! II. Ce qui donne un nouveau poids a ce premier motif, c'eft la difficulté- des devoirs , qu'on a a remplir dans la Vieilleffe. II doit en couter a un homme agé de s'en acquitter. L'affoibliflement du corps & de 1'efprit, des habitudes enracinées pendant une longue fuite d'années forment de grands obftacles. On ne penfe & on ne médite qu'avec peine, la réflexion devient pénible, 1'efprit n'a plus cette vigueur fi néceffiire  Devoirs de la Vieilleffe. 181 pour fe replier fur lui-même, furtout quand les organes du corps font peu en état de le feconder. A cela fe joint trop fréquemment une fecrete répugnance a jetter les yeux fur fa,vie palfée, parcequ'elle ne préfente fouvent que des objets defagréables & peu confolans, qu'on n'appercoit qu'une perfpeélive propre a intimider, a effrayer. Attaché au monde par la longueur même du tems, qu'il y a païlé, le Vieillard y tient par mille endroits, tel que ces arbres, qui pendant un fiecle ont jetté de fi profondes racines en terre, qu'ils ne peuvent être arrachés qu'a force de travail. Jjcs habitudes fortifiées durant le cours d'une longue vie font difliciles a furmonter, ainfi qu'on n'en voit que trop de preuves en bien des perfonnes agées', qui hors d'état de fatisfaire certaines paffions, en confervent néanmoins le defir, & fe contentent de 1'ombre de ce qu'ils aimerent. L'amour de la vie femble augmenter a proportion qu'on a longtems vécu, & on fe flate, comme dans tous les autres ages, qu'il refte encore bien du tems a vivre, on ne penfe point a le rocketer, ni a préparer 'les comptes qu'on doit rendre. Trifte vérité, dont nous n'avons vu que trop dexemples en des perfonnes d'ailleurs fages, raifonnables & perfuadées des vérités de la Religion. Ün homme agé a donc befoin des fecours les plus püiffans pour fuppTêer M 3 Eph.V. 16.  i83 SERMON ViU. in. Grandeur des intéréts éternels. a la foibleffe de fon corps & de fon ame, pour avoir eet efprit de réflexion fi nécesfaire, pour trioropher de la répugnance, qu'il fent a s'occuper d'une tache pénible, humiliante, pour rompre les liens, quil'attachent au Monde. Plus on compte d'années, plus on a d'obftacles a vaincre, & par conféquent plus on eft intérene a faire a Dieu cette priere, ne me rejette pint au tems de ma Vieilleffe; ne ni abandonné point, maintenant que ma force efl défaillie. III. La grandeur des intéréts, que nous avons a ménager pour Véternité nous fournit un troifieme motif. Si nous fommes perfuadés de la certitude d'une vie a venir, (& qui pourroit en douter ?) il nous importe d'être difpofés a y entrer de facon a nous afliirer un fort heureux, d'acquérir les qualités requifes pour devenir membres de Ja fociété la plus pure & Ia plus fainte. II faut'donc y travaillêr, & c'eft-Ja Ia tache de toute notre vie; 1'eeconomie préfente eft le tems affigné pour nous occuper de 1'éternité. Appliquons ici la féflexlpn d'un célébre Cafuiftè de notre fiecle. L'état du monde nous rend jufqu'a un certain point nécesfaire une portion de bien pour fournir a nos befoins avec quelque douceur; elle n'eft pas néanmoins abfolument eflentielle a notre vrai bonheur; 1'indigence eft un mal, qui finit par la mort. La réputation peut être a un certain égard f objet de nos defirs,  Devoirs de la Vieilleffe'. 183 mais elle n'eft nullement effentielle a notre vrai bonheur, pas même a notre bonheur préfent; 1'obfcurité, fi elle eft un mal, ceffe par la mort. La fanté, les agrémens de la vie, les douceurs du commerce de nos parens & de nos arais, font propres a rendre nos jours heureux; mais une fanté languiffante, les maladies, la privation des agrémens de la vie, celle des douceurs de la fociété, ne font pas contraires a notre bonheur réel; la mort égale les malades & les fains, les mortels les plus fortunés & les plus malheureux. Mais notre falut, de ne pas être la proye des horreurs de 1'enfer, d'être au contraire admis dans le féjour de la gloire & du bonheur, voila ce qui neus importe plus que tout; que fervira-t-il 0 Thomme de gagner tout le monde, sil fait la per te de fon ame? Si donc notre falut eft 1'ouvrage de toute notre vie, combien rjlus 1'eft-il de lage avancé, furtout fi les diftraéfions, dont nous avons parlé, ont empêché un Vieillard de donner a fa grande affaire les foins requis? Or comment fe préparera -1 - il a fubjufiier des paffions, a déraciner des habitudes criminelles, a fe former aux vertus néceffaires, s'il n'a pas une jufte idee ' de fa condition préfente, s'il ne penfe pas au nombre des années qu'il a déja yecü, aux infirmités de la Vieilleffe, & s'il ne ient . pas, qu'il eft plus que tems de renoncei m 4 / Vlatth.XVÏ. ï6.  Ï84 SERMON VIII. Le peu de tems , qui re'Ia 4, vi, vr e, 1 au monde? Comment fe mettra-t-il en état de comparoitre devant Ie redoutable tribunal de Dieu, s'il ne fait pas la revue de fa vie pafiee, s'il ne s'effbrce pas de rompre les liens, qui 1'attachent a la terre ? Peut-il donc implorer avec trop d'humilité & de ferveur les fecours de Dieu pour un ouvrage fi important, fi difficile, & dont fon age même augmente la difficulté? O Dieu ne me rejette point au tems de ma Vieillejje; ne m abandonné point •> maintenant que ma force efl défatllie. IV. Enfin ce qui doit engager un Vieillard a redoubler fes voeux,Veft le peu dc tems, qui lui refle d vivre. Si dans tous les ages nous fommes mortels, & expofés a defcendre dans le tombeau par le plus leger accident, combien plus, quand nous avons atteint a peu pres ou tout-a-fait les _ dernieres bornes de la vie humaine, qu'il ne nous refte qu'un fouffle de vie,. que le moindre vent peut éteindre? Un jeune homme peut fe flater de vivre encore. 30, 40, 50 ans ou davantage; il peut efpérer d'échapper a tant de maux, qui nous affiegent, & de faire exception, tandis que tant d'autres nés en même tems que lui font morts, les uns dans le berceau,, les autres dans 1'enfance, ceux-ci dans l'adolefcence, ceux-la a la fleur de leur Ige. L'Homme mör peut efpérer de vivre ao, 30, 40 ans au plus, & de faire  Devoirs de la Vieilleffe. ' 1B5 exception, tandis que tant de fes femblables ont été fauchés par la mort a la même époque, oü il fe trouve, ou avant que d y être parvenus. Mais un homme, qui a vécu foixante, foixante-dix, quatrevingts ans & plus, quelle efpérance lui refte -1 - il ? Vous! vous avez vécu au-dela de foixante ans, vous vous flatez de vivre encore, & combien? Dix, vingt années; mais ces dix, ces vingt années font-elles trop pour vous préparer a rendre compte d'une vie de plus de foixante? Vous! vous avez vécu au-dela de foixante-dix ans, que peut-il vous refter? Huit, dix, douze ans; eft-ce trop pour vous mettre en état, au milieu des infirmités & du déclin de la Vieilleffe, de vous affurer une éternité bien heureufe? Vous! vous avez vécu quatre-vingts ans & au-dela, fur quoi comptez-vous? Tout ne vous annonce-t-il pas, qu'il eft tems & plus que tems de dis-2 pof er de votre maifon, puifque vous allez mourir ? O que les momens doivent paroïtre précieux, quand on en a fipeu! Car nous avons fait jufques ici la fuppofition la plus favorable; tous ceux, dont nous avons parlé, font peut-être dans le cas de celui, qui a vécu quatre-vingts ans & au dela, & ne peuvent compter fur rien, tandis qu'il s'agit de la décifion la plus intéressante «Sc la plus redoutable; d'être admis dans les demeures céleftes, ou d'être con-, M 5 Rois XX. 1.  2 Cor. V. i .W xc. ra Conclufion. 1B6 SER M O N VIII. damné a gémir éternellement dans les enfers. Si une conftitution robufte, de fages précautions, 1'exacte obfervation des regies de la tempérance, ont confervé au corps & a 1'efprit un refte de vigueur & de fanté, il en efl peu, s'il en eft quelques-uns, ce ceux, qui ont longtems vécu, qui ne fentent que leur corps eft affoibli, que leur efprit n'a plus la même aétivité, que tout s'appefantit en eux, & les avertit, que •Phabitat ion terreflre de leur loge tend a fa ruine. Souvent même des attaques paffageres, fymptömes de mort, leur ont comme prédit, que, malgré certaines apparences flateufes, ils touchent peut-être au jour, a la nuit, au moment, oü leurs yeux fe fermeront a Ja lumiere du foleil. Quel motif, quel preffant motif pour dire a Dieu, ne me rejette point au tems de ma Vieilleffe; ne m'abandonné point, maintenant que ma force efl défaillie, &aveeMo(fe, enfeigné-moi a tellement compter mes jours, que fen aye un coeur de fageffe. Concluons. Mes Freres, fi la priere, que nous venons de méditer, convient è tous ceux, qui font avancés en age, elle eft furtout néceffaire a un Pafteur, qui a vieilli dans 1'excrcice du Saint Miniftere; c'eft ce qui nous a engagé a en faire choix pour nous en occuper avec vous. Mais nous avons penfé a votre utilité, comme a la notre, & par cette raifon nous avons envifagé  Devoirs de la Vieilleffe. 187 notre fujet fous un point de vue général, qui convienne a tous. II s'agit néanmoins de nous en faire 1'application a nous-mêmes, dans les circonftances, oü nous nous trouvons. Les motifs, qui doivent dicler la priere de David a tout homme^ agé, ont encore plus ce force par rapport a nous. I. D'abord la longueur de la carrière, que nous avons fournie dans 1'exercice du Miniftere, de eet emploi, qui demande en ceux, qui en font honorés, tant de fageffe & de prudence, tant d'application & de zele, tant de lumieres & de vertus. Quarante - quatre années écoulées dans les fono tions qu'il impofe, dont les vingt-cinq dernieres ont été confacrées a votre édification, nous ont conduit par degrés a la Vieilleffe, & ont fait dèfaillir nos forces. Si nous avons fujet de bénir Dieu encore de nous en avoir confervé quelques reftes pour pouvoir vous porter la parole^, nous ne pouvons nous cacher k nous - mêmes le déclin de la vie. Par conféquent nous avons a remplir la tache de la vieilleffe. Que cette tache eft étendue & pénible pour un Miniftre de 1'Evangile! La revue de ft vie paffée, le foin de fe préparer a rendre compte font des devoirs, qui lui font impofés comme aux autres; mais que le compte, que nous devons rendre de Tadminiftration * qui nous a été confiée, eft redoutable! Luc. xvr. 2.  Eph. IV. 12. Pf. CXLIII. 2. • J ( 3 1 ] ( I l C \ C r c f r ■ 188 SERMON VIII. Appelles fucceffivement dans trois Troupeaux différens a travailler a Vajfemblage des Saints gf a l'édification du Corps de Chrift, comment ne tremblerions - nous pas a l'idée de tant d'ames confiées a nos foins ? Chretiens , vous ne connoüTez pas toute la grandeur & la fainteté de nos engagemens. Perfonne n'a plus fujet de dire que nous, dans les fentimens de la plus profonde humilité; O Dieu, nentre point en jugement wee ton Serviteur! Si nous pouvons nous rendre en général le confolant témoignage d'avoir travaillé, avec des intentions droites & avec zele au falut de ceux, qui ious ont été confies, & en particulier au ^ötre; nous fentons cependant, combien ious fommes reflés au deifous de la tache, ]ui nous étoit impofée. La foibleffe hunaine, la mefure bornée des talens, que ious avons recus, les obliacles trop ordiïaires de la part de ceux, qui doivent con:ourir a nos efforts, ne nous ont pas pernis de faire tout ce que nous aurïons buhaité & du faire. . Nous avons taché 'y fuppléer par de ferventes prieres en otre faveur, verfées dans le fein de Dieu, ans le filence du Cabinet. C'eft-la que ous avons déploré fouvent Ie peu de fuces de nos efforts, latiédeur, 1'indifférence, indévotion, la négligence, que nous avons vu ïgnerparmi vous; c'eft-la que nous avons demndé a l'Auteur de tout don parfait de faire  Devoirs de la Vieilleffe, 189 regner dans ce troupeau Ia vérité & la piété, d'en barmir les préjugés, -les erreurs & . les vices. Cette reiïburce nous devient de plus en plus néceffaire, k préfent que nos organes affoiblis, que nos facultés intellectuelles ufées par le travail nous rendent incapables des mêmes efforts que par le paffe! O Dieu! ne me rejette point au tems de ma Vieilleffe; ne ni abandonné point, maintenant que ma force efl défaillie. II. Comment n'implorerions-nous pas avec la plus vive ardeur les fecours de Dieu, tandis que nous avons encore a remplir les mêmes fonclions? Le Pafteur agé, ufé de travail, eft ici dans la dure néceffité d'égaler en foins le Pafteur le plus vigoureux. Tandis qu'il a a remplir les devoirs communs a tous dans la Vieilleffe, il eft chargé de ceux, qui lui font particuliers. Nous tacherons de faire ce qui eft en nous pour nous en acquitter. L'idée de notre foibleffe ne nous décourage point; Paul plante, Apollos arrofe, mais cefl Dieu, qui donne ï accroifjement; nous pouvons tout en Chrifl, sïl nous fortifie. Secondez les efforts, que nous ferons encore, par vos vosux & vos prieres pour nous; vous y êtes intéreffés, puifque vous êtes les objets de nos travaux, & que les bénédiélions, que Dieu répand fur vos Pafteurs & fur 1'oeuvre de leur Miniftere, retombent naturellement fur vous en graces. De notre cöté [ Cor. III. 6. Phil.lV.13.  i9o SERMON VIII. hebr. XII 21. s Tim. 1\' 6. Eph. V. 1(5 Jnq. 1. 17 Pf. CXIX. £9 s nous redoublerons nos prieres pour vous, 1 afin que Dieu vous rende accomplis en toute bonne oeuvre, pour faire fa volontè. Nous ne cefferons d'implorer la proteétion & les plus précieufes bénédictions du Ciel fur notre Patrie, fur 1'Eglife > fur ce Troupeau, fur vos perfonnes, fur vos families & fur 1'oeuvre de vos mains. Nous ignorons, combien il plaira a 1'Arbitre de nos, jours de nous laiffer encore fur cette terre; ce c,ue nous favons, c'eft que, quel que foit le terme prefcrit, le tems de notre dêlogement eft proche; heureux, fi cette penfée nous infpire la vigilance néceffaire dans notre condition préfente, pour nous préparer au grand compte, que nous avons a rendre. Vieillards , qui m'écoutez, connoiffez les devoirs de votre age avancé, fentez, combien il vöus importe de mettre les mo•mens a profit & de racheter le tems. Quelle que ce foit des époques de la Vieilleffe, que vous ayez atteint, vous favez, combien peu vous pouvez compter fur un avenir incertain & toujours trés - court. Sollicitez donc par vos prieres les fecours & les gra■ces du Pere des lumieres; fait es le compte de vos voies & rebroujfez ckemin vers fes iémoignages; hatez - vous & ne diférez plus de garder fes commandemens. Jeunes-Gens & vous qui êtes dans 1'age mür, vous penfez peut-être n'avoir que peu ou point d'intérêt au difcours, que  Devoirs de la Vieilleffe. 191 Vous avez entendu. Détrompez-vous. En flippofant, ce que vous defirezfans doute, que vous parviendrez a Ia Vieilleffe, pourriez-vous ne pas fentir, qu'il vous iraporte de vous rendre la pratique des devoirs de 1'age avancé aifée? Se livrer aux pasfions dans la Jeuneffe & dans 1'age mur, s'attacher avec excès au monde, nourrir un goüt dominant pour fes plaifirs, c'eft fe préparer une Vieilleffe, douloureufe quelquefois, toujours trifte & privée de confolation. Négliger, pendant que le corps & 1'efprit font dans leur vigueur, la grande affaire du falut, c'eft fe la rendre difficile dans les derniers jours de fa vie, c'eft rifquer toute 1'éternité, Sentez donc, qu'il eft de votre intérêt de mettre le tems a profit. II s'écoule rapidement, vous le favez; les jours, les femaines, les mois, les années s'accumulent fur notre tete, tandis .que nous n'y féfons que peu ou point d'attention. La Vieilleffe s'avance, nous gagne, & nous fommes tout étonnés, qu'elle nous a atteints. Prévenez-la, occupez-vous de fes approches, penfez, que vous y ferez bientöt parvenus. Ce fera le vrai moyen de vous la rendre auffi douce qu'il eft poffible, de vous en faciliter les devoirs; car,quand même vous aurez fait un bon ufage de la jeuneffe & de 1'age inür? vous trouverez encóre de quoi vous occuper affez dans la Vieilleffe la plus heureufe.  Luc. XIX. 42. Jean IX. 4 a Tim. V) 7, 8. rsp SERMON VUL Jeunes - Gens , Perfonnes d'un agë mur, V7ieillards, connoilfons aujourd'hui les chofes, qui appartiennent a notre paix; trayaillons, pendant qu'il efl jour, avanc que les ténébres dè la more nous furprennent. Ayons toujours préfent a 1'efprit ce moment redoutable, oü nous palferons de ce Monde dans le Monde a venir, ce moment, après lequel il n'y aura plus de tems. Puifle chacun de nous emploier les jours, qui lui1 reftent, de facon qu'il foit en droit, en terminant fa carrière, d'adop.ter ce langage; j'ai combattu le bon combat, j'ai fini la courfe, j'ai gardé la foi; quant au refte la Couronne de juflice m'efl rèfervée, laquelle le Seigneur juflejuge me rendra, & non feulement d moi, mais d tous ceux, qui auront attendu fon apparition glorieufej Amen. Pf. CXV. Paufe. Aaant le Sermon. Pf. LXXI. vs. 12. Après. Prononcé a Amjïerdam le 4 de Lecembre 1768, d 1'occafion de VAnniv er faire de la 25° Année du Miniftere de l'Auteur dans cette Egli/e. 0 1  LES DEVOIRS D'UN PASTEUR parvenu A la VIEILLESSE. Cefl pourquoi je ne ferai pint parejfeux è vous faire toujours fouvenir de ces chofes, quoique vous aiez de la connoiffance, & que vous foiez fonde's en la vérité, qui vous a été annoncée. Car je crois, quil efl jufle, que je vous réveille par des avertiflemens, tandis que je fuis dans cette tente, fachant, que dans peu de tems je dois en déloger, comme notre Seigneur Jefus-Chrifl lui-même me fa déclaré. 2 St. Pierre, Ch. L vs» 12-14. NEUVIEME SERMON» ^p^c-ut ce que tu as moyen de faire, fais-le JL felon ton pouvoir; car au fépulchre, vil tu vas, il n'y a ni occupation, ni discours, ni fcience, ni fageffe. C'eft Ia lecon que Salomon nous donne Ecclef. IX» Son delTein eft d'infpirer aux hommes le goüt de Fapplication & du travail. II veut, que chacun dans le pofte, oü la Providence 1'a placé, & dans la vocation, qu'il a embraffée, évite la négligence, & fafle tout ce qui dépend de lui pour s'acquitter des devoirs de fon état; que chacun emploie fesforces, fes facultés, les talens qu'il a recüs» d'une lome IIL N Ecclef. IX 10.  194 SERMON IX. Devoirs d'un Pafteur facon fage & légitime, utile a lui-même & aux autres. Ce devoir s'étend ainfi a toutes les eonditions , & il n'eft perfonne, qui puiflè s'en difpenfer. Notre ame eft un principe acüf par fa nature; fes facultés demandent a s'exercer. Notre corps eft doué d'une certaine mefure de forces, & fourni des membres néceffaires pour les déploier. Par oü il eft évident, que 1'homme n'a pas été fait pour une vie oifive & defosuvrée: qu'au contraire il doit être laborieux, a proportion des moyens, qu'il a pour remplir fa deftination. Le Sage nous exhorte dans cette vue a profiter du tems, qui nous eft donné, & de 1'emploier a faire un bon ufage de nos talens & de nos forces. Car au fépulchre, oü tu yas, il n'y a ni occupation, ni difcours, ni fcience, ni fagejje. C'eft-a-dire, que le tems de travailler eft paffé, lorfqu'une fois nous defcendons dans le tombeau. Nous n'avons plus alors 1'occafion & les moyens de nous occuper, de nous rendre utiles, d'acquérir de la fcience & de la fageffe. La lecon de Salomon nous appellé donc a mettre a profit la courte durée de cette vie, pour faire tout le bien, qui eft en notre pouvoir: c'eft ce qu'avoit parfaitement compris 1'Apótre St. Pierre, & c'eft ce qui lui infpira les fentimens, qu'il exprime dans mon texte. Je ne ferai point parejjeux d vous faire toujours fouve-  Parvenu a la Vieilleffe. 195 nir de ces chofes, quoique vous diez de la connoiffance, & que vous foiez fondés dans la vérité préfente. Car je crois, qu'il efl jufte, que je vous réveille par des avertiffemens, tandis que je fuis dans cette tente, fachant, que dans peu de tems je dois en déloger, comme notre Seigneur Jefus - Chrift lui-même me 1'a déclaré. On reconnoit a ce langage un digne Miniftre de 1'Evangile. On y voit briller cette tendre charité, cette généreufe ardeur, ce beau feu, qui doivent animer ceux, qui font appellés a travailler d l'affemblage des Saints, a Toeuvre du mini' fiere, d Ï édification, du corps de Chrift. St. Pierre , aiant vieilli dans 1'exercice des fonélions de 1'Apoftolat, dont il s'étoit acquitté avec autant d'honneur que de fuccès , prêt a terminer fa courfe, ne fe croit pas difpenfé de contribuer encore a 1'affermilTement de la foi, aux progrès de la piété, au bonheur des Fideles. II confacre a cette oeuvre excellente les derniers jours de fa vie. Ceft fur eet illuftre modele que doivent fe former les Miniftres de 1'Evangile, & la grandeur des fentimens de 1'Apötre doit leur infpirer une fainte emulation, furtout lorfqu'ils approchent, comme St. Pierre, de la fin de leur carrière. Ceft a approfondir ce devoir que nous deftinons ce Difcours. O Dieu, que ta main nous foit en aidel Accomplis ta vertu dans nos extïèmesfoibleffes l N a Eph. IV. 12. Pf. CXIX. 1732 Cnr XII 9-  Plan Je Difcours, t. Tat tie. "i, Zele nohle égard ét jou objet, j 196 SERMON ÏX. Devoirs dun Pafteur ce Deux objets s'offrent a nos réflexions. L La nature du zele, dont St. Pierre étoit ammé, £p que tout Miniftre de 1'Evangile doit imiter, furtout dans des circonftances du même genre. IL Les motifs, qui le lui infpiroient, fi? qui doivent ïallumer en nous. Tachons d'abord de nous faire de juftes idéés de la nature du zele, dont St. Pierre étoit animé, & que tout Miniftre de 1'Evangile doit imiter, furtout dans des circonftances du même genre. Je ne ferai point pare (Jeux d vous faire toujours fouvenir de ces chofes, quoique vous a'iez de la connoisfance, fi? que vous foiez fondés en la vérité, qui vous a été annoncée, &c. Remarquez dans ce langage deux caraéferes principaux du zele de 1'Apötre. I. // eft nohle d l'égard de fen objet. II. ABif foutenu dans fon exercice. I. Le zele de St. Pierre eft noble a l'égard de fon objet. Quel eft - il ? Quelles font les chofes, dont il croit devoir faire fouvenir les Fideles? Sur quels fujets veut-il leur donner des avertiffemens? Toute la teneur de cette Epitre nous en inftruit. Son grand but eft d'affermir les fideles dans la foi de 1'Evangile; de les porter a la pratique de toutes les vertus Cbretiennes; de les munir contre les féductions des faux Doéleurs, & contre les fophifmes des In:rédules, qui s'éleveroient, & de leur affu■er la poffeffion du bonheur éternel. II fait  Parvenu a la Vieilleffe. i$j valoir, pour les affermir dans la profeffion de 1'Evangile, le prix de la foi, qu'ils avoient obtenue, & ce qu'il avoit vu & entendu lui-même: Nous ne vous avons point fait connoitre la puiffance & la venus de notre Seigneur Jefus-Chrift en fuivant des falies artificieufement compofées, mais comme aiant vu fa majefté de nos propres yeux. Car il regut de Dieu le Pere honneur & gloire, quand une telle voix lui fut adrejfée de la gloire magnifique: Celui - ei eft mon fils bienaimé, en qui j'ai pris mon bon plaifir. Et nous entendimes cette voix émanée du ciel, étant avec lui fur la fainte montagne. L'Apötre infifte enfuite fur la preuve, que fournit le témoignage des Prophêtes: Nous avons auffi la parole des Prophêtes, a laquelle vous faiïes bien d'être attentifs... confidérani premierement ceci, qu aucune Prophetie de l'Ecriture ne procédé d'aucun mouvement particulier. Car la Prophetie n'a point été autrefois apportée par la volontè humaine; mais les faints hommes de Dieu , étant pouffés par le St. Efprit, ont parlé. St. Pierre follicite auffi les Chretiens a la pratique de toutes les vertus: Vous donc, y donnant tous vos foins, ajoutez la vertu d votre foi; a la vertu, la fcience; a la fcience, la tempé* rance; a la tempérance , la patience; d la patience , la piété; a la piété, 1'amour fraternel; a t'amour fraternel, la charité. Car fi ces chofes font en vous, & N 3 ï Pierre I. 16-21. a Plorro l. 5-8. li.  2 Pierre II. 20,21. e 2 Pierre 11] 3, 4- I vs. io. 198 SERMON IX, Devoirs dun Pafteur y dbondent, elles ne vous laifferont pas oififs ni ftériles en la connoiffdnce de notre Seigneur Jejus-Chrift. II leur annonce le fruit, qu'ils recueilliront de leurs foins: Par ce moyen Ventrèe au royaume éternel de notre Seigneur & Sauveur Jefus - Chrift vous fera abondamment donnèe. Dans le Chap. II, il leur dévoile les artifices des faux Docteurs, dont il leur tracé un fidele portrait, afin qu'ils fe tinffent fur leurs gardes. II leur met fous les yeux le malheureux état, oü ils tomberoient, s'ils fe laiffoient furprendre par les promeffes trompeufes de ces féduéieurs: Quant d ceux, qui après s'être retirés des fouillures du monde par la connoijfance du Seigneur fi? Sauveur JefusChrift, fe laiffent de nouveau envelopper fi? furmonter par elles, leur derniere condition eft pire que la première. Car il leur eut mieux valu n avoir pas connu la voie de la juftice, qu après Vavoir connue, fe détourner du Jaint commandement, qui leur avoit été donné. Dans le Chap. III, il les avertit, qu'il viendra des Incrédules, qu'il défigne . par leur vrai caraélere de Moqueurs. II indique aux fideles les fophifmes, que ces ennemis de 1'Evangile emploieroient. II en prend occafion de rappeller l'idée de ce grand & formidable jour du Seigneur, oii les deux pafferont avec un bruit fifflant de tempête, fi? les élemens feront diffous par 1'ar deur du feu, fi? la terre fi? toutes les ami es, qui font en elle, brüleront entiere-  Parvenu a la Vieilleffe. 199 ment, & il les exhorte a s'y préparer. Voila .en fubftance les chofes, dont notre Apötre fe croioit obligé de faire fouvenir les Fideles. C'étoit-14 ce qui reveilloit fon zele. Or quoi de plus beau que de travailler a rendre les fideles fermes en la foi; de les armer contre les atteintes de 1'erreur & de 1'incrédulité; de faire regner la piété dans leurs ames, de les munir contre les attraits de la corruption, & de leur ouvrir par-la 1'entrée du féjour du bonheur éternel. Tel doit être auffi 1'objet du zele de tout Miniftre de Jefus-Chrift. Etablir le re^ne de la vérité & de la vertu; s oppofer aux progrès de 1'erreur & de 1'irreligion; combattre les vices, alfurer a ceux, .fur lefquels il eft appellé a veiller, une bienheureufe immortalité. C'eft-la ce qui eft bien digne du zele d'un Pafteur, ce .qui eft bien propre a 1'enflammer. Mais, avouons-le avec douleur, il n'en eft que trop, qui, loin de reffembler a St. Pierre a ce premier égard, n'ont aucun des traits, qui le caraétérifent, & fe conduifent dans 1'exercice du Miniftere par des vues audi bafles & indignes, que celles de notre .Apötre étoient nobles & pures. Les uns ne penfent qu'a fe prêcher eux -me mes, s enlever les applaudiffemens de leurs auditeurs, fe bornant a obtenir la gloire, qu, vient des hommes. Celle de Dieu & le alui des ames n'entrent pour rien dans leun N 4 Gal. I. io- \esn XII. .' . 43- I  Phïl. I, 15 t Tim, VI Té ; ] 1 i I .1 soo SERMON IX. Devoirs dun Pafteur travaux. Eux-mêmes font les objets de leur zele. D'autres n'ont pour but que de contenter leur ambition, en s'érigeant en Chefs de parti. Ils prêchent Chrift par envie, par efprit de difpute; ils ne s'occupent qu'a multiplier le nombre de leurs fectateure, & a décréditer ceux, qui fuivent une méthode différente de la leur dans 1'explication des vérités de la Religion. II efl auffi des ames baffes & mercenaires, qui .envifagent le miniftere facré comme un moyen de gagner, comme un état, qui procure certains avantages temporels, qui, quelque peu confidérables qu'ils foient, flatent des gens nés fouvent dans une condition au deffous de la médiocrité. Combien, qui s'ingérent dans le miniftere par quelqu'un des motifs, que nous avons mdiques, fans avoir Jes lumieres néceffaires a un Miniftre de 1'Evangile, fans pofféder les vertus efTentielles qui doivent le diflinguer. Comment auroient-ils un vrai zele pour des vérités, dont ils ne connoiffent pas le prix, pour des vertus dont ils igno. -ent 1'excelJence? Comment s'oppoferoientls aux ennemis de 1'Evangile, tandis que :oute leur capacité fe réduit a compiler ans choix & fans difcernement ce que autres ont écrit? Le grand objet, qui bit reveiller le zele du Miniftre de Jefus. rhnft, efl le même, que St. Pierre avoit Qus les yeux; 1'afFermiffement de Ja foi,  Parvenu a la Vieilleffe. 201 1'accroilTement de la piété, le foin d'arrêter le cours de 1'incredulité & du libertinage, de frayer aux Chretiens le cheinin, qui Gonduit au féjour immortel du bonheur. „ Vérités fublimes de 1'Evangile de grace; „ vertus admirables, qu'il prefcrit; gloire „ de mon Sauveur, félicité des ames, „ quil a rachetées par fon précieux fang, „ vous méritez d'être les objets de notre „ zele, a 1'exclufion de tous les autres." II. Le zele de notre Apötre étoit aSfif &foutenu dans fon exercice. Je ne ferai point: pareffeux a vous faire toujours fouvenir de ces chofes. Ni fes travaux paffés; ni 1'inutilité apparente de fes foins, ne peuvent rallentir fon ardeur pour le fervice de Dieu, & pour le falut des Fideles. (I.) St. Pierre ne penfe pas, que fes travaux paffés, la diminution de fes forces. fon age avancé, & le témoignage d'une vie emploiée, depuis fi longtems, a 1'ayancement du regne de Jefus - Chrift, & a 1'édification de 1'Eglife i'autorifent a fe relachei dans 1'acquit de fes devoirs. Depuis 1'époque de 1'effufion des dons du St. Efprit. le jour de la Pentecöte , notre Apötre s'étoit toujours apppliqué a remplir les fonétions de 1'Apoftolat; non a contrecceur, par contrainte, d'une facon languilfante & par maniere d'acquit, mais avec plaifir, avec courage, & avec une conltance infatigable. Ses travaux n'étoient point équiN 5 Aa.xx.2»^ 11. Zele aclif & foute nu dans fon exercice, 1 Pierre V. 2.  Jean XVII. 4. i Cor. IV. Ij 2. 2 Jean 8. Phü. 111.12 Matth. IX, 37- 202 SERMON IX. Devoirs d'un Pafteur voques, & méritoient vraiement ce nom. Son zele ne s'éteint point, il veut faire fouvenir les Fideles des inftructions, qu'il leur a données, les réveiller par fes avertisfemens, les garantir des féduétions de Terreur & des piéges de la corruption. Inacceffible a cette langueur, a eet affoupiffement, qu'on appellé pareffe, il emploie avec joie ce que Dieu lui accordedevigueur & de jours pour achever l'oeuvre, que fon Grand Maitre lui a donnèe a faire. Sentimens bien dignes d'un Apötre de Jefu?Chrift. Quel exemple pour ceux, qui lui ont fuccédé dans le Miniftere Evangélique! Ce n'eft pas affez d'y être entré, d'avoir travaillé pendant quelques années, de s'être montré a quelques égards fidele Difpenfaieur des myfteres. Plus on a fait, plus On doit craindre d'en perdre le fruit. On ne doit pas s'arrêter dans fa courfeavant que d'avoir atteint le hut. La moijfon du Seigneur eft grande, & fi les ouvriers cesfent d'y travailler avant que d'avoir achevé leur tache, ils fe rendent coupables d'une criminelle prévarication. Quoi de plus indigne d'un Miniftre de Jefus-Chrift, que de fe livrer a l'inaclion dans un tems, oü les lumieres & 1'expérience, qu'il a acquifes, le mettroient en état de contribuer plus que jamais a la gloire Je Dieu & au bonheur éternel de ceux, qui font confiés a fes foins i Je fais,  Parvenu d la Vieilleffe. ac-3 M. F., qu'il eft des cas, oü les infirmités, le déclin ou 1'épuifement des forces, le poids de la Vieilleffe, réduifent a la trifte néceffité de fe procurer du foulagement, & mettent dans 1'impuiffance de s'acquitter en tout, ou en partie de fonélions pénibles. Mais 1'exemple de St. Pierre nous apprend a bien pefer nos démarches a eet égard, k nous affurer, que c'eft une néceffité réelle, qui nous oblige a chercher du repos, & non le défaut de zele, & la pareffe. Oublions, oublions, autant qu'il eft poffible, nos travaux paffés, ou ne nous en rappellons le fouvenir, que dans le deffein de les mettre a profit pour 1'avenir. Tels que ces Guerriers, qui aiant blanchi fous les armes, font devenus courageux par le nombre des combats, oü ils fe font fignalés, triomphons de tout ce qui pourroit rendre nos mains Idches, & nous faire tomber dans la négligence. (li.) L'inutilité apparente de fes foins ne rallentit pas auffi le zele de notre Apötre. Les Fideles, a qui il écrivoit, avoient de la connoijjance, & étoient fondés dans la vérité, qui leur avoit été annoncée. Témoignage glorieux, & qui donne une idéé bien avantageufe de ces Chretiens. Leurs lumieres, la" fermeté de leur foi fembloient par conféquent rendre inutiles de nouvelles inftructions. St. Pierre ne le penfe pas. ^ II favoit, que les hommes font fujets k la négligence & a 1'oubli, qu'ils tombent fou- Hebr. XII. 12. i  O 2 Pierre III. 18. 1 Piorre I. 12. 504 SERMON IX. Devoirs dun Pafteur vent dans la fécurité; qu'ils font expofés aux furprifes de 1'erreur, que les fophifmes de 1'Incrédulité peuvent les éblouir; que la Corruption a mille voies pour s'infinuer dans le coeur. L'Apötre juge donc, qu'il n'a pas encore alfez fait. II fe propofe de fournir aux Fideles de nouvelles lumieres, d'affermir leur foi, de leur mettre en mam de nouvelles armes pour fe défendre contre les ennemis de 1'Evangile, dont ils connoisfoient la vérité. II fe perfuade, que fes avis ne leur feront pas inutiles pour nourrir & fortifier en eux le goüt des vertus Chretiennes, a la pratique defquelles ils étoient appellés. Par cette raifon il réitére fes avertiffemens, & il fe fait im devoir d'emploier_ ce qui lui refte de forces & de vie a les inftruire, a les mettre en état de faire encore des progrès, de crottre en la graco & en la connoiffance de notre Seigneur & Sauveur Jefus-Chrift. Quelques connoisfances que les Chretiens aient acquifes, ils peuvent toujours les étendre & les perfec, tionner. Les grandes vérités & les fublimes myfteres de 1'Evangile, dans le fond des-. quels les Anges mêmes defirent de regarder, fes préceptes fi admirables, fes encourageantes promeffes, fes atterrantes menaces, offrent toujours de nouveaux fujets de méditation a ceux-la mêmes, qui ont le plus de lumir, res. Un Miniftre de Jefus - Chrift ne doit pas fe relaeher, fous prétexte que ceux, lur lefquels ii doit veiller, n'ont i a? ^prnin  Parvenu a Ja Vieilleffe. 205 ce tant d'inftruétions. Loin de lui ce langage de la pareffe, qu'il n'eft pas néceffaire de faire des Théologiens de ceux, qu'on enfeigné. II doit plutót adopter les beaux fentimens, que Moïfe exprimoit, endifant: plüt-a-Dieu que tout le peuple de V Eter nel fut prophete! Pouvons - nous, dans notre "fiecle, rendre au plus grand nombre des Chretiens le témoignage, quïls ont de la connoiffance, & quïls [ont fondês dans la vérité, qui leur a été annoncée? Tant s'en faut. Les uns n'ont que des idéés confufes & mal digérées de la Religion. D'autres en reftent aux premiers éiémens.^ La plupart, loin d'être fondés en la vérité, & fermes dans la foi, ignorent les preuves folides, qui démontrent la vérité & la divinité du Chriftianifme. Que de perfonnes , qui ne connoiffent guere la nature & 1'étendue des préceptes de Jefus-Chrift, & fe font par cela même les plus étranges illufions fur plufieurs des devoirs les plus effentiels! Les Miniftres de 1'Evangile ont donc bien plus de raifons encore, que n'en avoit St. Pierre, de réïtérer leurs inftructions , de rèveiller les Chretiens par des avertiffemens; de leur rappeller tout ce qu'il y a de grand, de fublime, de refpeélable, de beau, d'utile dans 1'Evangile pour des gens, qui s'intéreffent a leur deftinée éternelle; de ramener fréquemment ces importans objets, & de ne pas fe laffer de Nombr. XI.  a Partie. ï. Juftice di devoir. 206 SERMON IX. Devoirs d'un Pa/leur travailler a une oeuvre fi excellente. Si a bien des égards ils n'ont pas toujours autant de fuccès, qu'ils defireroient, ils doivent d'autant plus s'occuper avec un zele actif & foutenu d'une affaire fi grave. Je ne ferai point parejfeux d vous faire toujours fouvenir de ces chofes. Méditons les Motifs qui infpiroient a notre Apötre le beau zele dont il étoit animé, & qui doivent 1'allumer en nous, c'eft le fujet de la feconde Partie de ce Difcours. Je crois, dit St. Pierre, qu'il eft jufte, que je vous réveille par des avertijfemens, tandis que je fuis dans cette tente, fachant, que dans peu de tems je dois en déloger, comme notre Seigneur Jefus-Chrift luimême me Pa déclaré. Ces paroles renferment deux motifs , qui fefoient agir 1'Apötre. I. La juftice du devoir. II. Le peu de tems, qui lui reftoit d vivre. I. La juftice du devoir eft le premier 'motif, qui influe fur St. Pierre. Je crois, quil eft ju/Ie, que je vous réveille, par des avertijfemens, tandis que je fuis dans cette tente. 11 avoit de puiffantes raifons de penfer ainfi. Rien n'étoit plus jufte, tant d ^ Pégard du Maitre qu'il fervoit, qu'i V égard de ceux, qui étoient P objet de jes foins. (I.) Il étoit jufte, qu'il s'occupat, fans fe relacher, de ce qui pouvoit contribuer a la gloire de Jefus-Chrift, en mettant les Chretiens en état de réfifter aux ennemis  Parvenu a la Vieilleffe. 207 de 1'Evangile, & de rendre honoraUe la t doclrine du Sauveur par leur piété. Lorsque fon Maitre favoit appellé a TApoftolat,il lui avoit annoncé ,quille feroit pêcheur m d'hommes. Lorfqu'il lui prédït fa déplorable chute, il lui avoit dit: Toi, quand tu u [ras un jour converti, forti fe tes freres. Enfin quand il le réhabilita dans TApoftolat, il lui répéta jufqu'a trois fois la commiffion de paitre fes brebis. II étoit donc J bien jufte, qu'il ne trompat point la confiance, que fon Maitre avoit eue en lui, qu'il rêpondit a fa vocation & qu'il s'acquittat fidélement de la commiffion, dont il étoit chargé; que tant qu'il viyroit il ne négligeat en rien Timportante tache, qui lui. étoit impofée. C'eft dans cette vue qu'il croit devoir réveiller les Fideles par fes avertijfemens, parceque c'étoit le moyen de contribuer a Tétabliffement du regne de Jefus-Chrift, de le faire honorer , refpeéler & aimer. C'étoit le fruit, que le Sauveur attendoit de fon Miniftere, comme de celui des autres Apötres: Cef j moi, leur dit-il, qui vous ai flus, fi? qui vous aiètablis, afin que vous alliez part out fi? que vous produifiez du fruit, fi? que votre fruit foit permanent. (IL) Lé devoir que St. Pierre fè prefcrit, rf étoit „pas moins jufte a Tégard de ceux:, qui étoient Tobjet de fes foins, au filut defquels il étoit appellé a travailler. II importoit donc de les éclairer de plus en teil. 10. atih. IV19. ic. XXII. 32. ;an XXL 15-17. san XV. 16.  Jude 3. Matth. V. 14. i 208 SERMON IX. Devoirs d'un Pafteur plus fur les vérités, qui leur étoient connues jufques a un certain point; de les affermir dans la foi donnèe une fois aux faints, de nourrir leur piété, de les exciter a la pratique de toutes les vertus, de les armer contre les traits de Terreur & de Tirreligion, contre les féduélions des doéleurs du libertinage. C'étoit-la encore le but du Miniftere, dont notre Apötre étoit revêtu. II étoit un de ceux, a qui Jefus-Chrift avoit donné le titre honorable de Lumiere du monde. Netoit-il pas jufte, qu'il fe foutïnt dignement, par un zele aélif & conftant ? Ha ! s'il eft beau & conforme aux loix de Tordre de travailler au maintien de TEtat & au bonheur des peuples; de 11e pas fe rebuter, quand il eft queftion de procurer a fes concitoyens & a fes freres les avantages temporels, qui peuvent fervir a les rendre heureux; qu'il eft jufte d'être diligent & plein de ferveur, lorfqu'il s'agit des intéréts d'un Maïtre non moins digne de notre amour que de notre refpeél, lorfqu'il s'agit du bonheur éternel de ceux, qui nous font unis par les nöeuds les plus tendres? C'étoit-la ce que notre Apötre tie perdoit pas de vue, tant qu'il lui reèrok un fouffle de vie, loin d'être paresfeux dans Texercice du Miniftere, qui lui ivoit été confié. Ce motif n'eft pas moins preffant pour les Pafteurs. N'eft-il pas jufte, qu'ils s'oc-  Parvenu a la VieükJJè. 209 s'occupent toujours de la gloire du Maïtre, au fervice duquel ils fe font dévoués, qu'i's ne négligent rien pour établir fon regne, pour lui gagner les coeurs, & pour amener toutes les penfe'es foumifes a fon obéïfance? Ne leur a-c-il pas lui-même donné f exemple pendant le cours de fa vie ? Ma viande efl, que je fajfe la volontè de celui, qui ma enyoié, difoit-il. C'eft-la auffi le devoir de ceux, qu'il envoie. Ils font tenus de travailler conftamment a glorifier Dieu en produifant beaucoup de fruit. La juftice le demande. Elle ne requiert pas moins, qu'ils fe faffent une affaire férieufe de contribuer au falut de ceux, fur lefquels ils font appelles a veiller, en leur infpirani la piété, & en les affermiffant dans la vérité! Lorfqu'ils font entrés dans le Miniftere. qu'ils fe font chargés de la conduite d'ur troupeau, ne s'y font - ils pas engagés< Et n'eft-il pas jufte, qu'ils foient fideles i leurs engagemens, & qu'ils ne perdeni jamais de vue le grand but de leur Ministère? Quoi! fe lafferoient-ils? Seroient-ils parejfeux ? Se laifferoient - ils gagner pai 1'amour de 1'aife & du repos? Cherche roient-ils des prétextes pour juftifier leui négligence au tribunal de leur propre confcience? En un mot, oublieroient - ils le: löix de la juftice dans une affaire, oü i s'agit de la gloire du Maitre, qu'ils fervent & de 1'intérêt le plus précieux de ceux, ai Tome IJL O 2Cor.X. 5, Jean IV. 34 l è  IL L.-i ir. ió. vcté du tems. I Jean XXI. 12. 210 SERMON IX. Devoirs Sun Pafteur bonheur defquels ils fe font ensagé's de travailler? ö II. Un fecond motif, qui portoit St. • Pierre a rêveiller les Fideles par fes avertisfemens, étoit le peu de tems, quil avoit a vivre, ^ qu'il croit devoir confacrer a leur utilité: fachant, que dans peu je dois dèloger de cette / toujours abondans en ïozuvre du Seigneur; a les former a toutes les vertus, a les mettre en garde contre les faux Doéleurs & les Moqueurs. Soutenu du témoignage d'une Confcience fans reproche; perfuadé, qu'il obtiendra les glorieufes recompenfes, que Jelus - Chrift a promifes a fes fideles fervkeurs, il s appli- ^ O 2 I 2 Tim. III. 15- iCor.XV. 52. 2 Pierre 111. 3'  Jean XVII. 4- Aft. XX. 24. Luc. XII. 43. Cozclufon. 211 SERMON IX. Devoirs Sun Pafteur que tout entier a mettre Ia derniere main a Vazuvre, qui lui avoit été donnèe a faire. & a laquelle il avoit emploie toute fa vie. Ce motif pris de la briéveté du tems ne doit pas avoir moins d'influence fur un Pafteur agé, qui a vieilli dans 1'exercice des fonétions du Miniftere. Bien qu'il n'ait pas de révélation fur le tems de fa mort, il ne peut ignorer, que ceux, qui ont longtems vécu, n'en ont naturellement que peu a vivre. Plus il touche de pres a la fin de fa courfe, plus il doit ranimer fon zele, & faire ufage du petit nombre de jours, qui lui reftent pour terminer honorablement le Miniftere, qu'il a recu du Seigneur Jéfus, en afiurant, autant'qu'il dépend de lui, le falut de ceux, qui lui ont été confiés. Quoi de plus beau que de faire fervir ce qu'on a encore de forces de corps & d'efprit a ce but? Quoi de plus doux que de s'occuper encore du bonheur de fes freres dans les derniers jours de faa vie! Quoi de plus encourageant que d'être trouvê veillant, & fefant fon devoir par fon Maitre, lorfqu'il viendra 1'apppeller a rendre compte de fon adminiftration! II eft jufte, que je vous réveille par mes avertijjemens, tant que je fuis dans cette tente, fachant, que dans peu je dois en déloger. Mes Freres , nous voici parvenus a cette partie de la tache, que nous nous' fommes impofée dans ce jour, la,plus diffi-  Parvenu d la Vieilleffe. s r 3 cile a remplir. C'eft une regie de fageffe, qu'on doit parler peu de foi-même, & cette regie doit être toujours préfente a 1'efprit de ceux, qui montent dans cette chaire, pour vous annoncer les plus importantes vérités. Auffi n'avons-nous pas deffein de vous entretenir d'un détail de circonftances, qui nous regardent perfonnellement. Quel intérêt avez-vous a être inftruits des petits événemens d'une vie paffée principalement dans Tobfcurité du Cabinet? Tout ce que nous dirons a eet égard, c'eft que nous avons taché de ne pas démentir le fang de nos Peres, qui depuis les premiers tems de la bienheureufe Réformation ont confacré leurs travaux a la gloire de Dieu, au fervice & a 1'édification de 1'Eglife. Nous adoptons donc avec plaifir les fentimens & le langage de 1'Apötre St. Pierre: Je ne ferai point pareffeux d vous faire toujours fouvenir des vérités & des devoirs de 1'Evangile: car je crois, qu'il efl jufte, que je vous réveille par des avertijfemens, tandis que je fuis dans cette tente , fachant, que dans peu de tems ^ fai a en déloger. Inférieurs a tous égards a ce grand Apötre, nous fommes dans des circonftances, qui ont beaucoup de conförmité avec celles, oü il fe trouvoit. La longueur de la carrière, que nous avons fournie par le fecours de Dieu, furpaffe même letendue de celle, que 1'Apötre O 3  KXC.io. K xxxr. 16. A14 SERMON IX. Devoirs Sun Pajleur avoit parcourue. Cinquante années, pasfées dans 1'exercice du Miniftere Evangélique, nous ont amenés au même terme que St. Pierre. Nous favons, que nous devons bientot déloger de cette tente. Si nous n'avons pas de révélation immédiate du Seigneur, qui nous en avertiüe, d'autres raifons nous en aflurent. Les fonétions jd'un Miniftere pénible nous ont engagés a des travaux, qui, continués pendant un fi grand nombre d'années, ont affoibli les appuis de cette tente, fi aifée a fe renverfer par fa nature même. La Vieillefle nous a atteints, & nous a conduits déja bien au deLi d'un des termes affignés par Móife a la vie humaine. Pendant un fi long intervalle, nous avons vu enlever, non-feulement les Paftenrs, qui nous avoient dévancé, & dont 1'age furpaflbit le notre, mais un grand nombre de jeunes Lévites dans Ja fleur de leur age, & qui fembloient proroettre a 1'Eglife de longs & utiles fervices. Nous en voions d'autres, qui font entrés dans la carrière même longtems après nous, dans 1'impuiflance de continuer a réveiller les Chretiens par leurs avertijfemens. N'en eft-ce pas aflez pour nous faire comprendre, que dans peu nous avons a déloger de fette tente? Mais auffi quel jufte fujet de bénir ce Dieu qui tient nos tems en Ja mam, & qui nous a confervés jufques a ce jour, au milieu des viciffitudes de la vie humaine;  PdfyèfiU a la'} Vieilleffe. 215 de ce qu'il nous accorde encore quelques forces pour nous acquitter de 1'honorable era* ploi de rendre témoigmage d VEvangile de fa grace. En fen bénilfant nous adoptons du fond de notre cceur la priere de David; 6 Dieu! ne m'abandonné point jufqu'a ce que j'.aie annoncé ton bras a cette Génération, fi? ta puiffance d ceux qui viendront après: & nous renouvellons avec plaifir, pour le tems, que nous avons a den\eurer dans cetts tente, les engageraens, oü nous entrames en commencant il y a environ trente-deux ans nos foncfions parmi vous, en difant avec St. Paul: Je ne fais cas de rien fi? ma vie ne mefl pas précieufe, pourvu qiiavec. joiefacheve ma courfe, fi? le Miniftere, j'ai recu du Seigneur Jéfus. Si celui., qui donne 'de la force d ceux qui font las, fi? qui la multiplie a ceux qui riont .aucune vigueur, daigne feconder nos finceres inten* tions,: nous tacherons de marchcr fur les •traces de St. Pierre, & nous ne ferons pas pareffeux a vous faire fouvenir des chofes, artxquclles vous avez un fi grand intérêt. Et quelle occupation plus digne d'un Miniftre de 1'Evangile, qui a vieilli en travaillant dans la vigne du Seigneur, que d'emploier le peu de tems, qu'il a a dermni rer encore fur cette terre, a avancer U regne de Jefus - Chrift, & a fe rendre utilï a ceux, qui font les objets de fes foins .,, O toi, grand Dieu, qui donnés d O 4 Atf. XX. 24. Pf. LXXT. Uf. Aft. XX. 24. Efaie XL.  Pf. CXXXV1II. Pf.I.XXI.8. i i : j < < i 4 i i e t ai 6 SERMON IX. Devoirs d'un Pafteur „ nouvelles forces aceux, qui s'attendent d „ foi, daigne entendre les vceux de ton „ Serviteur, qui compte fur toi feul pour „ finir la glorieufe tache, que tu lui as „ donnée. Acheve, o Eternel, ce qui me „ conceme; que ma louche foit remplie de „ ta louange fi? de ta magnificence, jufques „ a la fin de mes jours." Ce qui nous infpire encore plus le defir de contribuer, autant qu'en nous efl, a votre édification, cc de vous réveiller par nos avertijfemens, c'eft letat d'un grand nombre dentre vous. Plüt - a - Dieu que nous pufiions leur rendre le beau témoignage, que notre Apótre rendoit aux Fideles, a qui il écrivoit, qu'ils favoient les chofes, dont il vouloit Jes faire fouvenir, & qu'ils étoient fondès en la vérité, qui leur avoit été annoncée. Mais nous öfons vous m attefter vous-mêmes, Je pouvons-nous P Quelle connoiflance fuperficielle des impor:antes^ vérités de la Religion ! Que de fausès idéés des préceptes de 1'Evangile! Quelle gnorance des fondemens de la foi, ne ren:ontre-t-on pas parmi un grand nombre ! Quelle faciJité a fe laiffer féduire par les ophifmes des Incrédules & des Libertins, ant dans les converfations, que par des icrits, dont tout le mérite confifte uniquenent dans la légéreté du ftile! Une longue xpérience ne nous a que trop éclairés fur ous ces articles; & c'eft pour nous un  Parvenu d la Vieilleffe. 217 nouveau motif de vous réïtérer, tant que nous ferons en état de le faire, les inftructions, que, de concert avec nos Compagnons d'oeuvre, nous vous avons données. Vous retracer les confolans myfteres de 1'Evangile; vous remettre fous les yeux^les vertus, a la pratique defquelles vous êtes appellés; vous munir contre les atteintes de 1'erreur & de 1'incrédulité; vous fournir des armes contre le relachement & la corruption, contre les follicitations du libertinage; vous exhorter, vous preffer, vous conjurer de penfer a vos intéréts éternels, de pénétrer par votre foi a travers les voiles, qm dérobent a vos yeux la gloire & le bonheur du féjour, oü Dieu habite : voila ce qui nous offre une perfpeétive fi remplie de charmes, que nous fentons redoubler notre ardeur, & que nous confacrons avec raviffement ce que Dieu nous accordera encore de vie & de forces a cette occupation. Nous attendons de la bonté divine, que nous implorons avec ferveur, que ceux, qui continueront après nous a travailler parmi vous, & ceux, qui nous fuccéderont dans ce Miniftere, verront leurs peines couronnées des plus heureux fuccès; que Jefus le Chef de F Eglife & fon puiffant proteéleur fera triompher de plus en plus la Vérité de 1'erreur, la Piété de Pindevotion, la Foi de 1'incrédulité. Répondez de votre part, Chretiens, a O 5 Heb.Vr.1»,1 Eph. I. *■»  1 Théfr. II. lp. 2 Pierre III. 10-14- 17» 18. 218 SERMON IX. Devoirs dun Pafteur nos fincéres, quoique foibles & imparfaits efforts. Donnez-nous la douce confolation:- de pouvoir efpérer, qu'au grand & dernier jour des retributions vous ferez notre jok fi? notre couronne. Méditez avec le plus profond recueillement les graves exhortations, par lefquelles St. Pierre finit fon Epitre, qui font fi propres a vous infpirer des fencimens dignes de vrais Chretiens: Or le jour du Seigneur viendra comme lalarron en la nuit; fi? en ce jour-la les deux pafferont avec un bruit fifflant de tempête, & les élémens feront diffous par Par deur du feu, fi? la terre fi? toutes les oeuyres, qui font en elle, brüleront entierement. Puis donc que toutes ces chofes fe doivent diffoudre , ■quels vous faut-il être en faint es converfa'tions fi? en oeuvres' de piété? En attendant fi? en hdtant par vos deftrs la venue du jour de Dieu , par lequel les cieux étant enflammës feront dijfous, & les élémens fe fondront par Par deur du feu. Mais nous attendons felon fa promeffe de nouveaux cieux fi? une nouvelle Jerre, oh la juftice habite. Cefl pourquoi, mes bien - aimés, en attendant ces chofes, étudiez-vous a être trouvés de lui fans tache Sfans reproche en paix... &puijque vous en êtes déja avertis, prenez garde , qu'étant emportés avec les autres par la féduction des abominables vous ne déchéiez de votre fermeté. Mais croiffez en la grace fi? en la 'iomwiffance de notre Seigneur fi? Sauveur  Parvenu a la VkilkJJe. 219 Jefus-Chrift. Puiflent ces grands objets faire fur vous de durables impreffions ! Puiffent ces tendres exhortations fe graver dans vos cosurs, vous rendre fages, intelligens, en conftdérant votre dernier e fin l A ce vceu convenable au but de notre Miniftere, & a la circonftance de ce jour, nous ajoutons les voeux les plus fincéres & les plus fervens pour tout qui peut aflurer votre bonheur. Puiffiez-vous être les objets des plus précieufes bénédiétions de Dieu en vos perfonnes, en vos families, dans vos diverfes vocationsl Puiffiez-vous & vos enfans voir fubfifter toujours dans un état floriffant notre RépuÖlique, f heureux Gouvernement, fous lequel vous avez le bonheur de vivre, cette grande Ville, dont vous êtes les Citoiens! Puiffent les refpeélables & auguftes Puiffances, qui nous gouvernent, puiffent les vénérables Magiftrats, établis fur nous, participer a la gloire & au bonheur de ceJDieu, dont ils font les images ici-bas! Puiffe cette Eglife depuis pres de deux fiecles 1'objet de Ie proteétion du Tout-puiffant, fubfifter jusques dans les ages les plus -reculés, itn fafile de la vérité, de la piété & de 1; charité! Puiffiez-vous, mes chers & digne Compagnons d'oeuvre, reffentir les douce & efficaces influences de 1'efprit de gracf fur vos travaux! Puiffe la paix de Dieu fruit précieux d'une bonne Confcience, & Deut. XXXII.29.  2 Tim. IV IS. Hebr. VI. 10. i Pierre V. 10. Dan. VI. 26. 1 Chron. ü£lX. u. 220 SERMON IX. d'une for fincere, regner dans vos coeurs, & vous etre un gage de cette couronne de juftice, qui efl le prix defliné aux fideles Serviteurs de Jefus-Chrift] Puiffiez-vous, Conducteurs de ce Troupeau, & vous, qui vous confacrez au fervice des Pauvres, votf vos foins vigilans recompenfés , & eprouver, que Dieu n'eft pas injufte pour^ oubher votre oeuvre 6? le travail de la charité, que vous avez témoignée pour fon mm. Chretiens de tout age, de tout fexe, & de toute condition, veuüle le Dieu de toute gr ace, qui vous a appelles d fa gloire eternelle en Jefus-Chrift, vous rendre accompks, vous afermir, vous forti fier & vous établir! Puiffent ces voeux d'un coeur , qui s intéreffe tendrement a votre bonheur, & quune bouche, prête a fe fermer dans peu, prononce, être exaucés, & ratifiés dans le ciel par celui, qui vit ëP regne éternellement, gp a qui appartient la magnificence lapuiffance, la gloire, ïètemitè & la ■najefté! Amen. S ?™Y' Paufe' Avant k Szrmon. n. LXKl. vs. 12, 13. Après. Prononcé le 18 Juin 1775, è ïoccafion de la 50" Annèe du Miniftere de ï'Auteur accomplie la yeüle, ij du mois. Le foir k la Grande Eglife d Amfterdam.  L' E M P I R E DE DIEU SUR LES NATIONS. En un infant je parkrai contre un Peuple fi? contre un Royaume, pour ïarracher, le démolir fi? le détruire. Mais fi cette Nat ion ld, contre laquelle faurai parlé, fe détourne du mal, qu'elle aura fait, je me repentir ai aujfi du mal, que favois penfé de lui faire. Que fi en un infant je parle d'un Peuple fi? dun Royaume pour l'édifier fi? le planter, fi? ,quil faffe ce qui me déplait, tellement qu'il n'écoute point ma voix, je me repentir ai aujfi du bien, que j'avois dit, que je lui fèrois. Jerem. Ch. XVIII. vs. 7-10. DIXIEME SERMON. La profondeur des voies de Dieu, dans Exorde. le gouvernement du monde, rend en bien des occafions fes vues impénétrables a 1'efprit humain. La multitude & la diverfité des objets, que le fyftême de la Providence embrafle, puifqu'il s'étend a toutes les générations & a tous les fiecles: la liaifon fecrete & invifible, que les événemens ont les uns avec les autres : les dénouemens, que préparent, dans les fiecles a venir, des révolutions encore inconnucs, ne nous permettent pas d'apperce-  222 SERMON X. Efaie XLV. 15. yoirMe fond des myftérieux deflèins du fuprême Gouverneur de 1'ünivers. Mais fi Dieu fe cache ainfi a bien des égards, ce n'eft que par rapport aux chofes, dont il ne convient pas que nous foions inftruits, &' dont la connoiflance nous feroit inutile, ou même préjudiciable. D'ailleurs, il ne nous laifle point dans 1'ignorance & dans ï'incertitude fur les moyens de contribuer ajj bonheur public, fur les démarches propres a prévenir les calamités générales, ou a en arrêter le cours. II nous met en état de lire en quelque facon la defiinée des Etats; de pouvoir affigner jufques a un certain point 1'époque de leur élevation & de leur aggrandifiement, le terme de leur décadence & de leur mine. Méditez murement le majeftueux langage, qu'il tient dans les paroles de mon texte: En un inftant je parlerai contre un peuple fi? contre un royaume, pour ïarracher, le démolir fi? le détruire. Mais fi cette nation-ld, contre laquelle faurai parlé, fe détoume du mal, quelle aura fait, je me repentir ai auffi du mal, que j'avois penfé de lui faire. Que fi en un infant je parle d'un peuple fi? Sm royaume, pour l'édifier fi? le planter, fi? quil faffe ce qui me dèplait, tellement quil nécoute point ma voix, je me repentir ai auffi du bien, que favois dit, que je lui ferois. Vous fentez, je m'aflure, Chretiens, que c'eft-la le fujet propre de Ce jour.  Empire de Dieu fur les Nations. 223 Les folemnités de ce genre font deftinées a reconnoitre 1'empire fuprêms de Dieii fur les Nations & fur les Etats, & a fintéreffer au fort de notre chere Patrie. Toutes forces de raifons doivent nous engagei a être attentifs a la voix de nos Souverains, qui nous appellent a travailler tous en corps a nous alfurer la continuation de la puiffante protection de ce Dieu, de qui feul dopend la deftinée de nos Provinces. Fefons hommage, avec les Chefs de la République, a celui, qui domine fur tous les royaumes du monde, qui tient en fa main le fort de tous les peuples, qui difpofe, felon fa fageffe, fa bonté & fa juftice, de la Paix & de la Guerre, de la Profpèritè & de XAdverfité, pour bénir, ou pour chatier les habitans de la terre. Nos yeux font fur toi, Grand Dieu! dont la puifance efl éternelle & dont le regne efl de gênération en génêrationl Pénétrenous tellement de ta majeflé redoutable, que nous foions déformais attentifs a te plaire, & dociles a ta voix, & que nous t'engagions par-la a faire paroitre ton oeuvre fur nous & ta gloire fur nos enfans! Deux objets principaux s'offrent ici i notre méditation. ï. L'Empire abfolu de Dieu fur les Etats fif fur les Peuples. II. Les regies, felon lefquelles il exerce fon empire. li, n eft que trop de gens, qui s'imaginent, que les révolutions , qui charge:it Dan. IV. 25. Efaie XLV. 7. Dan. IV. 34- Jób XXXVII. 22. Pf.XC.16. Plan tic cc Difcours. r. Par ei f.  Ecclef. V. Prov. XXI. i. Jer. X. 7. I. Les relations de Dieu avec les crèaturcs. A24 SERMON X. la face des Etats, font indépendantes de la direétion de 1'Etre infini. Les uns, adoptant les principes des anciens Stoïciens, envifagent tous les événemens, comme Teffet d'une néceffité fatale, d'un deftin aveugle, auquel ils foumettent la Divinité même. D'autres regardent les changemens, qui arrivent, comme des fuites de la politique & de 1'ambition des hommes. A en croire certains efprits , dont le nombre n'eft que trop grand dans notre fiecle, Je bonheur ou le malheur des Corps publics ne dépendent que des reflbrts humains, des intrigues des Puilfances, de la fagelfe de leurs mefures, de la force de leurs armées. Je fais, que les caufes fecondes ont leur efficace; mais je fais auffi, qu'un plus haut éleyé y prend garde; qu'une Intelligence invifible préfide dans les Confeils des Politiques; que le Maïtre du monde tient les cceurs des Rois en fa main, fi? les incline comme le courant des eaux; que le Roi des nations fait concourir les caufes fecondes a 1'accompliffement de fes delTeins, & qu'il décide en dernier reflbrt de la deftinée des peuples. Mettons cette vérité dans tout fon jour. I. Les relations, que Dieu a avec fes Créatures. II. Le dogme de la Providence. III. L 'autorité refpeclable de nos Jaintes Ecritures, ne nous permettens pas d'en douter. I. Les relations, que Dieu a avec fes créa-  Empire de Dieu fur les Nations. 225 créatures, nous fourniflènt une première preuve dé la vérité, que nous prêehons. Puifque cefl Dieu, 1'être éternel, qui a tiré tous les autres du néant, & qui leur a donné la vie, la refpiration, £? toutes chofes; il eft évident, quil doit avoir ^ fur eux 1'empire le plus étendu. C'eft-la le fondement du titre de Souverain poffejfeur des cieux & de la terre, que lui donne Abraham. Mais on peut dire, qu'a 1'égard des nations entieres & des fociétés , il a doublement la qualité de Créateur. Outre que c'eft lui, qui a donné 1'exiftence aux membres, qui les compofent: c'eft par fes foins & par fa direétion que les hommes, épars fur la terre, fe font infenfiblement unis pour former des fociétés. Or qui ne fent, que celui, qui a préfidé a la naiffance des Etats, doit naturellement influer fur leur fort, & que leurs profpérités & leurs malheurs doivent dépenr dre de lui, comme ,caufe première? C'eft fous cette idéé de Créateur\des nations, que Moïfe nous fait envifager Dieu dans le Ch. XXXII du Deuter. quand il fait au peuple Hebreu de vifs reproches de fon ingratitude envers ce générenx bienfaiteur: Eftce ainfi que tu recompenfies V Eternel, peuple fou, & qui nes pas fage?^ N'eft-ul pas ton pere, qui fa acquis? II t'a fait, & ta fagonné. Quand le Souverain partageoit lei nations, quand il fèparoit les enfans dei Tome III. P Aft. XVII. 25. Gen. XIV. 22. Deur, XXXI1. 6, 8.  22(5 SERMON X. ii. Le dogm dé ia Pre vidence. Matth. VI. ïóf 30. hommes les uns dayec les autres, il établit les hornes des peuples, felon le nombre des enfans d'Ifra'él. II. Le dogme de la Proyidence offre en ; fecond lieu une déaionftration fenfible de Tempire de Dieu fiir les nations. On, ne peut douter, que le- Créateur de 1'Univers n'en prenne foin & ne le gouverne. Contefter ce principe, c'eft renoncer aux nations les plus fimples de Ja Raifon; démentir le témoignage de tous les fiecles & de tous les peuples; s'infcrire en faux contre des faits fondés fur ce qu'il, y a de, plus certain dans 1'hiftoire; & fapper les fondemens de toute Religion. Mais * fi Dieu prend foin du monde & le gouverne, il s'enfuit néceffairement, que c'eft lui, qui diftribue les recompenfes & les chatimens; qui dirige les événemens, qui intéreffent la deftinée des nations, & décident de leur bonheur ou de Jeur malheur ; car ce feroit anéantir la Providence que de fouitrftire a fa direétion ce qui regarde les Corps publics. Oui, M. F., fi Dieu difpofe de tout ce qui vit & refpire; s'il reyet les lis des champs, sil nourrit les oifeaux du ciel, a plus forte raifon doit-on convenir, qu'il regie le fort du Genre-humain. A moins que de lui ravir toute influence fur ce qui concerne les nations en corps, il faut reconnoitre, que c'eft lui, qui prélidc a leur élevation & a leur agrandiffe-  Empire de Dieu fur les Nations. 227 inent, a leur décade-nee & a leur ruine. On ne peut même concevoir, que /e Juge de toute la terre puiffe faire juftice a leur égard d'une autre maniere. Les peuples, comme peuples, ne fubiiftent que dans 1'oeconomie préfente. Après la mort & au jour du jugement, chaque particulier fera puni ou recompenfé, a proportion de ce qu'il aura fait de bien ou de mal. Mais il n'en eft pas de même des nations. Les recompenfes & les chatimens, dont tout Ie corps eft 1'objet, ne peuvent avoir lieu, que dans la vie préfente. D'oü il réfulte, que 1'on ne peut contefter a Dieu le fouverain domaine fur elles, fans donner atteinte a la fageffe & a l'équité de fon gouvernement. III. L'autorité refpeclable de nos faintes Ecritures donne un nouveau poids a ces preuves. L'empire de Dieu fur les peuples eft une des vérités , qui s'y lit partout, & qui y eft fréquemment inculquée. Et d'abord, remontons au commencement du Chap., dont mon texte fait partie. Dieu y repréfente fon pouvoir abfolu fur les nations par un emblême frappant. II ordonne a fon Prophete de fe tranfporter dans la maifon d'un Potier, occupé a former un vafe de 1'argile, qu'il tient en fa maim Après favoir achevé, il le brife, pour en faire un autre a fon gré. Sur quoi Dieu parle en ces termes: Maifon d'Ifraelj . P s Gen. XVIll; 251 ,Iir' V autorité de l"Ècrïtüre:  pf. cm, ip. Dan. IV Efaie XXXVIL 0,9. 228 SERMON X. ne vous pourrois-je pas faire, comme a fait ce potier, dit l'Eternel? Comme ïargile efl en la main du potier; ainfi vous êtes en ma main. Pefez auffi les expreffions énergiques de mon texte: En un infant je parler ai d'un peuple fi? d'un royaume, pour Varracher, le démolir fi? le dètruire. Et en un inflant je parler ai d'un peuple & dun royaume, peur l'édifier fi? le planter. Qui ne reconnoït a ce majeftueux langage le Roi du monde, qui a établi fon tróne dans les cieux, fi? dont le regne a domination fur tout ? Méditez encore ces paroles d'un des Saints de Dieu, au CL IV. de Daniël: Le fouverain domine fur le royaume des hommes; il le donne a qui il lui plait, fi? y étahlit le plus abjccJ des hommes. Ne réveillent - elles pas l'idée du pouvoir le plus illimité ? Dispofer a fon gré des royaumes; en priver les uns, les donner aux autres, ce font-la les aétes de fautorité la plus abfolue. Si Sennacherib öfe vanter fa puiffance, pour intimider la Judée, & pour effrayer Ezeehias; Dieu déclare, que ce fier Monarque, vainqueur de tant de peuples, efl comme une béte féroce, a qui il a mis une boude en fes narines fi? un mords en fa bouche, pour le conduire ca & la, comme il lui plait. Si Nebucadnezar frappe les nkions, vole de con-. quote en conquête, & éleve la monarchie Chaldéenne au plus haut point de puiffance & de gloire; ceft Dieu, qui en a ainfi  Empire de Dieu fur les Nations. 229 ordonné. Ce Prince n'eft que le mini Ure de fes volontés, 1'exécuteur de fes desfeins, ainfi qu'on le voit au Ch. XXVII de notre Prophete: J'ai livré, dit Dieu, tous ces pays en la main de Nebucadnezar Roi de Babylone, mon feryiteur, fi? toutes les nations lui feront affervies. Si eet orgueilleux Prince eft chafie du tröne, & condamné a brouter fherbe des campagnes pendant fept années,c'eft en vertu de 1'arrêt, que Dieu a prononcé. S'il remonte fur fon tröne, & rentre en poflèffion de 1'autorité royale, il reconnoit lui-même, qu'il doit cette favorable révolution a celui, duquel la puiffance efl une puiffance éternelle, fi? dont le regne efl de génération en génération. Faut- il ajouter de nouvelles preuves ? Soiez attentifs a cette noble defcription de la Grandeur de Dieu, qui fe lit au Chap. XLd'Efaie: Toutes les nations font comme une goutte, qui tombe d un feau, fi? elles font reputées comme la menue poujf ere d'une balance.... Toutes les nations font devant lui comme un rien, fi? ü ne les confidere que comme de la pouffiere, fi? comme un néant. II les a toutes a fon cammandement, & elles marchent a fes ordres, Témoin ces paroles au Chap. V. de notre Prophete: Maifon iïlfraél,je nien vais faire yenir contre vous une nation d'un pays èloigné, une nation puiffante, une nation ancienne. C'eft Dieu, qui réduit les fleuyes en défert fi? les fources d'eaux en féchereffe, la terre. P 3 T irem. xxvir. 6, 7- Dan. IV. Efaie XL. 15» *7- Jerem. V. 15- Pf. CVIL 33» .'4-  IL 230 SERMON X. fertile en terre falêe, a caufe de la malice de ceux, qui y habitent. „ Ce feroit en-vain, 3, Nations puiffantes , Etats florüTans, „ que vous vous croiriez inébranlables! 3, La fertilité de vos contrées, 1'opulence ,, de vos Citoiens, 1'heureux fuccès de vos „ entreprifes , 1'étendue de votre domi„ nation, vous paroiflent en-vain des „ appuis folides de votre profpérité! Vous „ êtes des vaiffeaux de terre, que le fouve„ rain Maitre du monde brile, quand il 3, lui plait. II n'a qu'a parler, & vos „ campagnes deviennent ftériles ; vos villes fe dépeuplent; vos habitans tom„ bent dans 1'indigence; vos ennemis triom„ phent, & vous fubilfez un joug étran„ ger. A fa voix les Nimvcs & les Baby- lones. rentrent dans la poufïiere, & ne „ laiffent aux fiecles a venir d'autres vefti„ ges de leur exiftence, que le récit de leur 2, célébrité & de leur grandeur!" Il eft donc inconteftable, que Dieu a un empire abfolu fur la deftinée des Etats & des Peuples, qu'il amene & dirige les révolutions, qui contribuent a leur profpérité , ou qui caufent leur décadence & leur ruine. Examinons, quelles font les regies, fuivant lefquelles ce fouverain Gouverneur de filmvers exerce fon empire. C'eft le fujet de la feconde Partie de notre Difcours. Dieu lui-même nous apprend dans mon t&xte, qu'il y a deux regies, qui décident  'Empire de Dieu fur les Nations. 23 1 de la deftinèe des peuples. La première eft, que la repentance d'une nation, & fon retour a U vertu-, eft le moyen de prévenir les jugemens, dont elle eft menacée, ou darrèterle cours des maux, quelle éprouve défa. En uninftant, je parler ai dun peuple & dun royaume, pour Tarracher, le dèmohr cr le détruire. Mais ft cette nation, contre laquelle j'aurai parlé, fe déiourne du mal, quelle aura fait, je me repentir ai auffi du mal, que j'avois penlé de Un faire. La feconde rèzle eft, que ft une nation, que Dieu favorife "de fes bienfaits, efl affez tngrate pour en abafcr, & pour fe livrer dlacorruption, elle ne peut manqiur de voir tam la fource de fes profpérités. Que fi en un inftant je parle d'un peuple & d un royaume pour l'ódifïer & le planter, & que cette nation-ld faffe ce qui me déplait, enjorte quelle nécoute point ma. voix, je me repentir ai auffi du bien, que j'avois dit, que je lui ferots. ApprofondilTons ces deux ^portantes vérités, & apprenons a prcvemr, ou a détourner de deffus nous les jugeraens de Dieu, & a nous affurer fes bénédiéaons. I La repentance d'une nation, & Jon retour d la vertu, eft le moyen de prévenir les jugemens, dont elle eft menacee, ou danetef le cours des maux, qu'elle èprouve aèja. Ceil-la une vérité bien conlölante, & dont nous avons des démonftrations fenfibles. (I ") Quel elt le caraélere de ce Dieu, P 4 1. Efficace & nature de la repentance -~ nationak.  Lament. m. 23- V. faie 1X11L 8. Jerem. IV 14. Terem. VI 3. Joëi IL ia». 13* XXXÜi. J-t. / 23 a SERMON X. qui gouverne le monde? Quels font les traits, par lefquels il aime a fe faire connoitre ? Ces traits font la bonté & la miféricorde. Loin de goüter quelque plaifir a rendre les hommes malheureux, ce n'eft qu'a regret qu'il donne cours a fa juftice. Ce nefl pas yolontiers quil affiige les fils des hommes. II s'en eft expliqué lui-même, & il s'eft plu a fe dépeindre fous eet aimable caraélere dans nos Livres facrés. Je ferai mention des gr at uit és de V Et er nel: il a dti — Quoiquil en foit, ils font mon peuple, c'efi pourquoi il leur a été Sauveur. . Jérufalem, purge ton coeur de ta malice, afin que tu fois fauvée. Jérufalem, recois inflruction, de peur que mon ajfeclion ne fe retire de. toi. Maintenant donc aujfi a dit f Eternel, retournez-vous jufques d moi de tout votre cceur, fi? avec jeune fi? avec larmes, & avec lamentation; fi? rompez vos cozurs, fi? non pas vos vêtemens, fi? retournez a l''Eternel votre Dieu; car il efl mijéricordieux fi? pitoiable, t ar dij a colere fi? ahondant en gratuité, fi? qui fe repent d'avoir affligé. Dela cette confolante commiffion donnèe a. Ezechiel: Dis-leur, je fuis vivant, dit le Seigneur 1'Eternel, que je ne prends point plaifir d la mort du méchant, mais que plutot le méchant Je détourne de fa voie, fi? qu'il vive. Convertijfez-vous, conv er tijfez - v ous, pourquoi maurriez - vous , maifon d'Ifraël ? Quoi de plus touchant que le langage, qu'ii  Empire de Dieu fur les Nations. 233 ticnt a fon peuple, au Chap. XI des Revelations d' Ofée:Comment te mettrois-je Ephraïm ? c Comment te liyrerois-je Ifra'él ? Comment te mettrois - je dans le même état qiiAdama, & te ferois-je tel que Tféboïm? Mon coeur eft agité dans moi , mes compaffions fe font toutes enfemble èchauffées; je n exécuterai point Vardeur de ma colere. Douteriez - vous, qu'un Dieu, qui parle un langage fi tendre, ne fe laiife fléchir par la repentance des peuples , auxquels il fait entendre fa voix ? (II.) En fecond lieu, ce qui ne permet pas 1'ombre de foupcon a eet égard c'efi: Yexpérience. A moins que d'ignorer 1'histoire du peuple Hebreu, on ne peut contester 1'efficacité de la repentance nationale. En combien d'occafions cette nation n'éprouvat - elle pas, que fon retour vers Dieu étoit une reflburce infaillible dans les malheurs, qu'elle s'étoit attirés par fon ingratitude & par fes rebellions. Et ne penfez pas, que c'ait été la une difpenfation particuliere de ia Providence a 1'égard d'Ifraél. Niniye-, ville Paienne, eft menacée d'une prochaine ruine par un Prophete, que fa qualité d'étranger ne rendoit pas naturellement refpectable a des gens, qui ignoroient la divinité de fa miffion. Et néanmoins la coupable Ninive s'humilie devant Dieu, fe convertit a la prédication de Jonas, & elle prévient par fa repentance 1'exécution de 1'arrêt prononcé contre elle. Avons-nous même P 5 fde XI. 8, p. Jonas iii.  234 SERMON X. befoin d'exemples étrangers ? Faut-il fouiller dans 1'Hiftoire pour vous convaincre d'une vérité, dont nous fommes nous-mêmes une démonftrajiion fenfible? Plus d'une fois Dieu a parlé de nous arracher, de nous démoïir ê? de nous détruire. Nous nous fommes humiliés devant lui, nous lui avons témoigné de la douleur de nos égaremens; & fi un grand nombre fe font bornés a 1'extérieur, nous ne pouvons douter, qu'il n'y ait^eu des gens de bien, dont 1'humiliation a été fincere. Auffi Dieu s"efl - il repenti k bien des égards du mal, quil avoit penjê de nous faire. Rappellez - vous la mémorable révolution, qui arriva il y a précifément «n .. fiecle. Je vois deux puiffans Rois 11gués contre nous, & conjurés a notre perte. De laches guerriers livrent fans réfiftance BosForterefiès a 1'ennemi. En peu de femaines trois de nos Provinces font envahies. Le découragement & la confternation, répandues de toutes parts, ne laiffent presque tout au plus que le choix d'un Maitre. C'eft alors que Dieu incline fon oreille a la voix des fupplications de nos peres. 11 anéantit les projets de nos ennemis. II nous fufcite non feulement un illuftre Chef, mais d'autres appuis; & par un changement prefque incompréhenfible, on voit le vainqueur tourner le dos, abandonner fes conquêtes avec la même précipitatïon, qu'il les avoit faites, & la République s'affermir  Empire de Dieu fur les Nations. 235 fur fes fondemens. Rappellez - vous encore ce dont nous avons été les témoins, il y a environ vingt-cinq ans. Nos barrières renverfées; nos frontieres envahies; nos années réduites a retourner en arriere; peu de forces a oppofer a un ennemi vif & adif; point de Chef pour faire mouvoir un corps compofé de tant de parties différentes; tout fembloit préjuger une prochame ruine, & nous menacer d'un honteux & dur efclavage. Nos prieres folemnelles & réitérées ont fléchi Dieu; il s'eft rendu k nos humiliations, nous avons eu le bonheur de voir la paix rétabiie, nous jomflons encore de fes douceurs, tandis que d'autres peuples éprouvent toutes les horreurs de la guerre. Nous fommes encore en poffesfion de nos privileges temporels & fpirituels, & tandis que des milliers d'mfortunes font réduits aux plus dures extrémites, & languifïent dans la difette, nous avons encore avec une forte d'abondanee le néceffaire. 'Mais fi la repentance nationale eft fi efficace, il importe d'en bien connoitre les devoirs & d'en approfondir la nature. Dieu exWe, qu une nation fe détoume du malr au elle a fait. Pour remplir cette condition deux chofes font néceffaires. I. La reparation du paffé par des abl es fineer es dhumtliation. II. Des prècautions pour ïavtmr par, me réforme rèelle. [I.] Je dis la rèparation du pafie par aes  Dan. IX. 5, 7, 3. < ] j < 236" SERMON X. acles fwceres d'humiliation. II faut reconnoitre, que la corruption générale a été ia fource des calamités publiques, fentir une vive douleur des péchés de la nation, dont on fait partie, &démêler, quelle part on y a eu. Tous les ordres de la fociété doivent fe réunir pour s'humilier profondement devant Dieu, & pour faire avec un coeur droit & fincére 1'aveu de leur indi^nité. Les Magiftrats & les Citoiens, les. Pafteurs & les Troupeaux, les Grands & les Petits, les Riches & les Pauvres; tous doivent élever de concert leur voix vers Dieu, & lui dire avec Daniël: Nous avons pêché, nous avons commis iniquité, nous avons. vêcu en méchans. O Seigneur, cefl d toi quappartient la juftice, il tiy a pour nous que confufion de face, pour nos Rois, pour nos Primes, pour nos Sacrificateurs, pour nos Per es, car nous avons pêché contre toi. Au lieu de compter fur les moyens humains, & fur les relfources de Ja prudence politi-, que, il faut attendre de Dieu feul un changement favorable, par fa bénédidion fur és mefures, qu'on prend pour remédier lux maux de 1'Etat. En un mot Ja face le la fociété doit fe reffentir de la honte & le la douleur, dont on eft pénétré: car )eut-on penfer, qu'une nation fe repent incérement, qu'elle eft fenfible aux jugcnens, dont Dieu Ja menace, ou quil Jéploie fur elle, qu'elle eft vivement tou-  Empire de Dieu fur les Nations. 237 chée de fes crimes, tandis qu'on voit regner la joie dans fon fein, que les plaifirs enchainés les uns aux autres fefuccédent, & ne font interrompus que pour un jour, tandis qu'on n'entend que la voix des paffions? Peut-on penfer, que quelques Solemnités extraordinaires, célébrées par coütume, quelques aétes extérieurs de dévotion, reparent les outrages, qu'on a faits a Dieu? Non, non, M. F., c'eft fe tromper foi-même par la plus dangereufe de toutes les illufions. A la bonne heure, que le Paganifme perfuadé, que fes faux Dieux fe plaifent k 1'odeur de fencens, & fe repaiffent de la fumée des facrifices, que le Paganifme immole des viétimes, & multiplie fes folemnités. Mais c'eft deshonorer un Dieu, qui demande le facrifice des cceurs, que de prétendre le fiéchir par quelques vains dehors de pénitence. Fakes vous-mêmes 1'application de ce qu'il difoit fur ce fujet a 1'ancien Ifraël : En ce jour - ld 1'Eternel vous a appelles aux pleurs fi? au deuil, d vous arracher les cheveux fi? d ceindre le fdc, fi? voici il y a de la joie fi? de V allègreffe; on tue des bceufs, on égorge des mout ons, on mange de la chair, on boit du vin Eft-ce ld le jeune, que fai choifi, que l''homme afflige fon ame pour un jour? Eft-ce en courbant la tête comme le jonc fi? en e'tendant le fac fi? la cendre ? Appelleras - tu cela jeüne fi? jour agréable d ï Et er nel? Efaie XXII. 12, 13. Efaie LVIII. 5.  238 SERMON X. [IL] Il ne fuffit pas néanmoins de reparer Ie palfé par des hurailiations finceres; il faut encore fe précautionner pour ïayenir par une réforme réelle. Une nation, contre laquelle Dieu parle, doit fe de'toumer du mal, qu'elle a fait. Tous les ordres de Ja fociété, tous les particuliere, qui Ia compofent, doivent contribuer a un changement, auquel ils font tous également intéreffés. Ceux qui tiennent un rang diftingué, & qui font au timon du Gouvernement, doivent faire fervir leur autorité, a arrêter Ie cours des vices, a reprimer le Jibertinage, a faire refpecter la Religion & la Vertu; ils doivent aux peuples 1'exemple de la réformation des moeurs. C'eft par - la que les Jofaphats, les Ezechias, les Jofias ont immortalifé leurs noms. C'eft par-la qxxEfdras & Nehemie fe rendirent illuftres parmi leurs Concitoiens, après le retour de Ia- Captivité de Babylone. Les Miniftres de la Religion doivent concourir a la réformation , non feulement par la folidité & la force de leurs exhortations & de leurs ceniiires, mais en téraoignant une jufte horreur pour Je vice, & un gout pur & noble pour Ja piété; en maintenant avec un zele éelairé la vérité. VigiJans dans l'ceuvre, qui leur eft commife, ils ne doivent pas ffe ^faire de leurs travaux paffés un titre de relachement; ni énerver leurs lecons contre 1 amour du monde, en le livrant eux-mé-  Empire de Dieu fur les Nations. 239 mes a la diffipation, a une vie oifive; en oubliant, que la retenue, le recueillement, la retraite conviennent a ceux, qui appcllent fans cellë les hommes a penfer aux chofes qui font en haut, & non d celles qui font fur la ter re. Les Chefs de familie doivent,. veiller fur ceux, qui dépendent d'eux, & ne rien négliger pour y faire regner la piété „ la charité, la tempérance, la modeftie, en profcrivant la profufion & le raffinement dans. les mets, le faile dans les ameublemens, & en ramenant une fage frugalité & une décente modération a ces divers égards. Chacun en particulier doit travailler a fe corriger des. défauts, qu'il a a fe reprocher; fe munir contre les péchés, dans lefquels il a eu le malheur de tomber, s'acquitter des devoirs, que lui impofent les diverfesrelations, qu'il foutient dans la fociété. En un mot, tous doivent confpirer a fuivre le plan, que Dieu lui-même a tracé d'une réforme nationale: Ainfi a dit V Eter nel, ■ amendez vos voies & vos aclions, & vous attachcz d faire droit a ceux, qui plaident l un contre ïautre, & ne faites point de tort ii l'étranger, d VOrphelin, ni a la Veuve;. (j? ne rèpandez point en ce lieu le fang innocent. Dénouez les Hens de la méchanceté; déliez les cordages du joug; rompez de votre pain d celui qui a faim; faites venir les affligés dans votre maifon; couvrez celui, qui eft nud. Appellez le Sabbath vos déüces, éf Col. III. 1, [erem.VII. 5, 6. Efaie LVIII. 7, 13, 8, S>.  n. Hangers de rabm de la Pro. fpèritè. 240 SERMON X. honorable ce qui efl faint a V Eternel. Alors votre lumiere éclorra comme l'aube du jour, votre guérifon germera incontinent, votre juflice marchera devant vous, fi? la gloire de rEternel fera votre arriere - garde, Vous prierez; fi? I'Eternel vous exaucera: Vous crierez; fi? il dira, me voici. C'eft ainfi qu'un Peuple peut prévenir les jugemens, dont il eft menacé, ou arrêter le cours des maux, qu'il reflent. Voila ce qui fonde la première régie, que Dieu luit dans 1'exercice de fon empire fur les nations. IJ. La feconde, qu'il s'eft préfcrite dans fon gouvernement eft, que fe une nation, qu'il favorife de fes bienfaits, en abufe fi? fe livre a la corruption, elle ne peut manquer de voir tarir la fource de fes profpérités. Que fi en un infant je park dun peuple £5? d'un royaume, pour l'édifier £5? le planter, & qu'il faffe ce qui ■ me déplait, tellement qu'il n'écoute point ma voix, je me repentirai auffi du bien, que j'avois dit, que je lui ferois. (I.) Dieu caraétérife en termes généraux la nature de la conduite, qui arrête le cours de fes bénédiétions, il parle de faire ce qui lui déplait, & de n'écouter point fa voix. Entendez par-la tout ce qui eft contraire aux loix divines, mais furtout ce genre de corruption, qui, lorfqu'il regne chez un peuple, y raffemble en quelque facon tous les vices. Faut - il vous en tracer le tableau? Les bornes, que nous devons  Empire de Dieu fur les Nations. 341 devons nous préfcrire, ne nous le permettent point. Nous nous contenterons de vous indiquer quelques - uns des principaux traits. Faire ce qui déplait d Dieu, & nécouter point fa voix; c'eft nourrir dans le fein des families la moleffe & la fenfualité, fe livrer a la diflipation, négliger 1'éducation des enfans; la faire confifter tout au plus a les élever dans le goüc du monde, fans former leur efprit & leur coeur a la vertu; leur infpirer les fentimens les plus contraires a la modeftie & a la retenue. En un mot, c'eft mener une vie purement animale, ou entierement occupée des affaires & des plaifirs- du fiecle , fans aucun égard a ce qui peut contribuer a faire regner cette noble & chretienne fimplicité, qui eft la fource de la pureté des mceurs. Faire ce qui déplait a Dieu, fi? nécouter point fa voix; c'eft introduire dans le commerce ordinaire de lt, vie 1'artifice & la difïïmulation, fe livrer a 1'orgueil & au luxe, en excédant les bornes de fa condition, & en oubliant les bienféances de fon état. C'eft regler fon eftime & fes égards pour les hommes, non fur leur mérite & fur leurs vertus, mais fur le plus ou le moins de bien, qu'ils pofledent. C'eft s'abandonner aux plaifirs dans des tems, oü 1'on a des devoirs a remplir; donner un libre cours a la médifance & a la calomnie; nour- Tome IJL Q  242 S E R M O N X. rir des reffentimens & des haines implacabfes les uns contre les autres; fe permettre le menfonge & les juremens, 1'ivrognerie & 1'impureté. Faire ce qui déplait a Dieu, fi? Nécouter point fa voix; c'eft a 1'égard de 1'Etat en général, vivre dans 1'indifférence pour ce qui peut en affurer le bonheur; n'avoir que des vues baffes d'intérêt particulier; n'afpirer aux emplois & ne les occuper, que pour fe procurer a foi - même, ou aux fiens, des établiffemens avantageux, fans penfer aux devoirs, qui y font attachés; c'eft oublier 1'intégrité, la vigilance, le zele, la fïdélité, qui doivent briller en ceux, qui tiennent un rang dans la Société, pu dans 1'Eglife. Faire ce qui déplait d Dieu, fi? n'écouter point fa voix; c'eft adopter les pernicieux principes de 1'irreligion & de 1'incrédulité; regarder avec indifférence les coups portés. aux vérités fondamehtales de toute Religion en général, & de 1'Evangile en particulier; fè rire de la Providence, confondre 1'homme avec la brute, en niant 1'immortalité de 1'ame, en traitant une vie a venir de chimère ; rechercher & lire avec avidité les Livres les plus dangereux pour la Foi & pour les Mceurs. C'eft vivre dans une ignorance honteufe des vérités les plus effentielles; fréquenter les affemblées religieufes par ccutume, par bienféance, par curio-  Empire de Dieu fur les Nations. fité; lés riégligér par indëvotion, & fur 1< prétextès les moins fondés; n'y apporte ni refpect, ni recueillement, ni defir d s'inftruire, ni deffein de fe corriger. C'ej avoir' un góüc dominant de frivolité, d diffipation; fource féconde des plus crimi nels excès. Voila, Chretiens, une légen ëbauche de la conduite, qui arrête le cour des profpérités d'un peuple. Non qu'i foit néceifaire, que chaque particulier ft rende coupable de tous les vices, que nou; avons indiqués. II fuffic qu'a prendre 1; nation en corps, ces vices y aient le desfus, pour qu'elle foit dans le cas d'ur peuple, qui fait ce qui déplait a VEternel.. & qui nécoute point fa voix. (II.) Dóuteriez- vous, qu'une tellè conduite n'ait les plus finiftres fuites ? Mais vous ne le pouvez fans vous aveugler volontairement. i. La déclaration de Dieu eft précife & formelle. II dit, que fi une nation, qu'il favorife de fes graces, abufe de la profpérité, il fe repentira du bien, quil avoit penfé de lui faire. C'eft-la ce qui fe trouve a chaque page de nos faintes Ecritures. Salomon affure, que c'eft la juftice, qui éleve les nations, c'eft-a-dire, que 1'amour de la vertu les rend ftoriffantes, en attirant fur elles les bénédiétions de Dieu. Pefez furtout ces paroles d'un Prophete a Afa, Hoi de Juda, & a tous fesfujets: VEter- Q * ■3 :s r e t > 1 t Prov. XIV. 34. z Chron. XV. c  S44 SERMON X. 2 Chron. XVI. 9. pc lxxxi. h. 15, «7- Aa. xvir. Tob xxxv. 6, 7. «e/ eft avec vous, que vous êtes avec lui; fi vous le cherchez, vous le trouverez; mais fi vous Tabandonnez, il vous abandonnera. Rappellez - vous encore le difcours d'un autre Prophete au même Prince: Les yeux de l''Eternel regardent ga £«? la par toute la terre, afin qu'il Je montre puijfant en faveur de ceux, qui font d'un cozur entier envers lui. De-la ce langage fi tendre, que Dieu tient au Pf. LXXXI: O fi mon^euple meüt ècoutèl Si Ifra'él eut marchê dans mes voies! J'eujfe en un infant abattu leurs enneMis ■> Ê«? feujfe tourné ma main contre leurs *adverjaires; je l'eujfe nourri de la moelle du froment, 6? rajfajié du miel de la roche. 11. Mais, quand Dieu ne fe feroit pas expliqué d'une facon fi claire & fi précife, la nature même de la chofe doit nous faire fentir les dangers de 1'abus des faveurs de Dieu. Quoique 1'Etre fouverain ne foit pas, a proprement parler, fervipar les mains des hommes; que nos vertus & nos vices ne lui apportent aucun profit & ne lui caufent aucun dommage, felon la remarque du fage Eli hu; il fuffit, qu'il mette fes bienfaits a un tel prix, qu'il exige de nous certaines conditions, pour nous impofer la loi de remplir ces conditions, de lui payer le tribut, qu'il demande, & pour intérefiêr fa gloire a nous faire fentir, que ce n'eft pas impunénent qu'on fel joue de lui. Plus fes bien?üiu font ganss & peu mérités; plus 1'abus,  Empire de Dieu fur les Nations, 245 qu'on en fait, & 1'ingratitude, que 1'on témoigne, doivent exciter findignation de ce grand Bienfaiteur contre des hommes affez audacieux, pour lui refufer le retour, qui lui efl fi juflement dü. Ce fut le crime de 1'ancien Ifraël, qui arracha a Dieu les plus formidables menaces: Jeffurun sefl engraiffé fi? il a regimbé; ila quitté celui-, qui 1'a fait, &il a méprifé le rocker de fon falut.: IJ tt ernel 1'a vu, & il a été irrité. 11 a reprimé en fa 'colere fes fils £5? fes files. II a dit, je cacherai ma face d'eux, 6? je verrai ieur fin. Le feu s'efl allumé en ma colere, & il a brülé jufqu'au fond des plus bas lieux, £5? il a dévoré la terre &? fon fruit, & il a embrafé les fondemens des montagnes. femploierai contre eux toute forte de maux, £5? je décocherai toutes mes fléches fur eux. La famine les confumera, £5? ils feront dévorés par des charbons ardens &? par une deflru&ion amere, £2? j'enverrai contre eux les dents- des bet es, avec le venin des ferpens, qui fe trainent fur la pouffiere. L'épée de dehors £5? la frayeur des Cabinets dépeuplera le Pays; ils fériront, le jeune homme avec la vier ge, T enfant qui tette avec 1'homme* qui efl blanc de vieilleffe. III. Demandez-vous d'autres preuves des fuites de 1'abus funefle de la profpérité? Confultez YExpérience & bientöt. vous ferez convaincus, que eet abus ouvre la porte aux vices les plus dangereux, & Q 3 Deur, XXX u. 15. 'Pi 20,  246 SERMON X. les plus préjudiciables au bonheur public; tels que font 1'orgueil, le gout immodéré des plaifirs, le libertinage, le mépris & foubli de la Religion, le luxe. Lorgueil infpire la préfomption & la témérité; porte en plus d'une occafion a prendre de faulfes mefures, & en armant Dieu contre un peuple, il fouleve fouvent contre lui les hommes. Le goüt immodéré des plaifirs dégrade les plus nobles talens, amollit les cceurs, rend timide & lache, fait perdre de vue le bien public. Le linertinage amene a fa fuite tous les vices; les plus odieux excès de 1'intempérance; les plus honteux déréglemens de 1'impureté; les plus'indignes pratiques de la fraude, pour trouver les moyens de fournir a fes débauches. Ze mépris £«? Voubli de la Religion bannit des cceurs le refpect: -& la crainte pour la Divinité. Plus de' frèin, qui arrête les paffions. Chacun ne penfe qua fon intérêt particulier; 1'amour de la Patrie s'anéantit. Dela naiffent des diffenfions inteftines. Ceux qui gouvernent oublient ce qu'ils doivent a leurs citoiens. Les peuples percent le refpeér. pour leurs Souverains. L'harmonie, f ordre, la fubordination disparoilfent, & 1'on voit fouvent de douloureufes & tragiques fcenes. Le luxe ruine les families, & fappe les fondemens de la fociété. II ctouffe les'arts les plus utiles & les plus néceffaires, il bannit les vertus  Empire de Dieu fur les Ndtwns. 247 les plus intimemenc liées avec le bonheur de 1'Etat. II difïipe les plus riches patrimoines. II énerve le courage & fait languir le commerce. Et ne penfez pas, M. F., que les traits de cè tableau foient enfantés par une imagination, qui fe plait a noircir les objets. Defirez-vous, que nous vous - en montrions des originaüx? L'Hiftoire nous les fournit. Par quelles voies 1'empire Babylonien, éïevé par Nébucadnezar au plus haut de'gré de fplendeur & de puiffance, fut - il détruit? Par 1'orgueil, par 1'abandon aux plaifirs. Tandis que le voluptueux Belzazar fe livre a la joie, & s'oublie jufqu'a faire fervir les P facrès du temple du vrai Dieu a fa débauche, fon ennemi fe rend maitre de fa capitale, renverfe fon tröne, & lui ravit la couronne & la vie. Par quelles voies la monarchie des Perfes, fondée par Cyrus, fut-elle fubjuguée ? Par un petit nombre de Grecs, conduits par un jeune & téméraire Conquérant? Par. 1'orgueil, par le luxe & la molleffe, qui regnoient jufques dans les armées de Darius; & qui contribuerent autant aux viéhoires d'Alexandre, que la valeur de fes foldats. Par quelles voies les Eomains devenus les maitres du monde, fe virent-ils affujettis par quelques -uns de leurs propres Citoiens? Ce fut, lorfque la fimplicité, le mépris des richeffes, 1'amoui de la Patrie,.le refpeft pour la Religion. Q 4 Dan. V. 2.  Conclujïon. 248 SERMON X. firent place au luxe, a la prodigalité, i 1 avance, a 1'ambition, au mépris pour ce qui etoit regardé comme facré. Bientöt on vic ces fiers Romains trembler fous les liberes, les Caligulas, les Nërons Ce Sénat, jadis fi refpeélé, & qui donnoit la E01 aux plus puiffans Rois, vit plus d'une fois fes plus importantes déiibérations dépendre des caprices infolens d'une femme fans pudeur , ou d'un orgueilleux Affranchi. Combien d'autres éxemples 1 Hiftoire ancienne & moderne ne pourroitelle_ pas nous offrir? Mais nous croions avoir fuffifamment prouvé, que quand une nation fait ce qui déplait d Dieu, fi? qu'elle nécoute point Ja voix, lorfqu'elle abufe de fes bienfaits, elle fait tarir Ja fource de fes prolperites. Jl efl dope déraontré que Dieu décide de Ja deftinee des nations, & que c'eft Ja conduite des peuples, qui régie les arrêts du fouverain Monarque du monde. Profitons de la connoiffance de ces vérités pour contribuer au bonheur de notre Patrie Dieu a parlé fucceffivement de nous èdu per te? de nous planter, de nous arracher, de nous démolir fi? de nous détruire, & nous avons auffi éprouvé fucceffivement Jes effets diiterens de notre conduite. Dieu a parlé de nous édifier fi? de nous planter. Jama?, depuis le peuple Hebreu, Etat ne fut peut-être plus favorifê  Empire de Dieu fur les Nations. 249 du ciel que le notre. Fondé & affermi par une efpéce de miracle de la Providence; élevé a un haut point de grandeur, on vit des tems, oü cette République, protégée de Dieu, fit tête aux plus redoutables Puiffances de 1'Europe, & porta fon noin & fon commerce aux extrémités les plus reculées de 1'un & de fautre hémisphere. Nous avons fait ce qui déplait dl'Eternel, & nous n avons point écouté fa voix. Au refpeét pour la Providence ont fuccédé chez plufieurs les maximes de f infernale politique des Hebbes & des Machiavels. A 1'attachement & au zele pour la Religion , la profanation, 1'indévotion > 1'impiété. Le refpect pour le ferment, la tempérance, la fimplicité, la chafteté, vertus, que refpeélerent nos modeftes ancêtres, ont fait place aux parjures, a la débauche, au luxe, aux plus affreux excès de 1'impureté. Au lieu de ces mceurs innocentes, qu'on vit regner autrefois, que voit-on? Examinez *vous-même la face de la fociété parmi nous, & réfléchiffez. Dieu 1'a vu & il a été irrité. II a fait entendre la voix de deftruction, il a parlé d'arracher 6? de démolir. Nous avons, dans 1'efpace de moins d'un demi-fiecle, vu fucceffivement des maladies contagieufes remplir nos villes & nos campagnes de morts & de moiTrans: des infecles deflrucleurs attaquer les digues, que nous oppofons a Q 5 ^  OféeVI.4 &50 SERMON X. Ia fureur delamer: des pluies excejfms, Ia rigueur des hivers produire la ftérilité & la difette: des débordemens d'eaux, des inondations remplir nos villes de terreur, en fefant de nos contréès un théatre de défolation: la guerre prête a nous faire éprouver tous les malheurs, qu'elle mene a fa fuite : la terre ébranlée nous menacer d'un genre de ruine, auquel nous foupconnions a peine que nous puffions être expofés: des vents orageux & les tempêtes faire périr nos vailfeaux : une cruelle mortalitè faire a plus d'une reprife de funeftes ravages parmi nos troupeaux. Nous n'avons pas été fourds k tant de voix, ainfi que je 1'ai remarqué dans le cours de ce Difcours, & nous avons connu par expérience, que 1'humiliation & la repentance defarment Dieu. Heureux, fi nous avions achevé d'aflurer notre bonheur, en rendant notre retour vers Dieu durable! Mais il a été femblable d la nuée du matin, a la rofée de ïaube du jour qui s'èyanouit. Bientöt la corruption a éclaté de nouveau, les mêmes vices ont repris leur cours, & la fociété ne nous offre que ce que nous y vïmes ci - devant. Que fait Dieu ? Parle -1 il de nous êdifier ou de nous arracher de nous détruire? II fait 1'un & 1'autre. D'une part, nous jouiflbns encore de nos privileges temporels & fpirituels; la liberté civile & religieufe,  Empire de Dieu fur les Nations. 251 le calme & la paix regnent dans nos Pror vinces ; nous avons ce qui nous eft néccsfaire pour notre fubfiftance; & notre conT dition eft des plus heureufes, en comparaifon de celle de plufieurs autres peuples. Mais d'autre part; cette fatale^ mortalké* qui regne encore parmi nqtre bétail, mine un des principaux fondemens de notre profpérité; les coups portés a notre commerce , le dépérifiement des manufaclures, diminuent, s'ils n'épuifent nos forces. La cherté des chofes les plus néceffaires a la vie fait fouffrir plus ou moins les perfonnes de tout ordre. Serons-nous des auditeurs indifférens de ces voix, par lefquelles Dieu nous parle, ou mettrons - nous leurs inftruétions a profit? Décidez vous-mêmes. de ce que demandent vos véritables intéréts. Defironsnous, que Dieu affermiffe notre bonheur ? Defirons-nous, de ramener au milieu de nous des tems plus heureux? Fefons un bon ufage des bienfaits de Dieu, & prévenons les dangereufes fuites de 1'abus de la profpérité. Voulons-nous détourner les jugemens de Dieu qui nous menacent, arrêter le cours des calamités que nous reffentons? Réformons nos moeurs, banniffons les vices, rétabliffons la vertu en honneur: donnons gloire a Dieu; en un mot, détournons-nous du mal, om nous avons fait. A cette condition Dieu nous accordera la con-  i Rois vin. 5; Efaie XXXII. 17, 18. 252 SERMON X. fervation de notre Liberté, de notre Reli, gion, de nos Families, de notre Patrie & de la Paix. A cette condition, Dieufera • avec nous, comme il a été avec nos per es; il ne nous dêlaijjera point fi? ne nous abandon, nera point. Puifle cette puiflante proteétion du fouverain Roi des nations être pour nous le fruit précieux de cette Solemnité! Puisfions-nous éprouver par une heureufe expérience raccompluTement de cette promeife: La paix fera Veffet de la juftice, fi? le fruit de la juftice le repos fi? la füreté a toujours, fi? men peuple habitera en un logis paifèle fi? dans des payillpns de füreté. Amen. Ef HHJf Paufe 1 ^antleSermon. Pf. LXXXV. vs. 3. Après. Prononcê d Amfterdam le 12 Fevrier 1772, après-midi d la Grande Eglife.  AMOUR DE LA PATRIE et zele POUR LE BIEN PUBLIC. Pardonne-leur leur pêché; finon efface-moi maintenant du Liyre, que tu as écrit. Exod. Ch. XXXII. vs. 32. ONZIEME SERMON. Les Solemnités de la nature de celle de ce jour font 1'accord de la Religion avec la Politique. On regarde affez ordinairement ces deux chofes comme oppofées. L'objet de la Politique font des avantages temporels: 1'aggrandiffement, le bonheur & la füreté des Etats: & elle emploie les moyens, que la prudence & la fagacité de 1'efprit humain fuggérent pour réuffir dans fes projets. La Religion appellé les hommes a rechercher des biens éternels, & elle leur prefcrit 1'ufage des moyens fpirituels, proportionnés a 1'excellence des objets, vers lefquels elle veut, qu'ils tournent leurs defirs & dirigent leurs travaux. II femble donc, que la Religion & la Politique foient en oppofition. Mais quand on approfondit les chofes, on s'appercoit, qu'elles ne le font réellement point. D'un cöté, on ne peut travailler a acquérir des biens éternels, & s'acquitter fidelement des Exo, de.  Pf. CX1X. ] 1 254 SERMON XI. ^»w»r tems de paix. Un vrai Patriote, animé d'un zele eclaire pour le bien public, ne s'aveugle pas volontairement pour fe perfuader a lui-meme, & pour tacher de perfuader aux autres, non ce qui eft réellement, mais ce quil fouhaitteroit qui fut. Ce n'eft pas aimer fa Patrie, que de fermer les yeux pour ne pas voir les maux, qu'elle fouffre,* les dansers, qui la menacent, les caufes des üns & des autres, & les moyens les plus propres a y remédier. Un fage Magiftrat, un- Citoien éclairé, doivent-ils fe cacher, que leur Patrie va en decadence, & que fans un redoublement de precautions elle tend a fa ruïne,quand ïlsyappercoivent a bien des égards les fymptomes d'un Etat chancelant? Doivent-ils fe cacher les dangers, qui la menacent, lorfque des exemples mémorables du paffe concourent, avec les circonftances préfentes,_a iaire craindre un fombre avenir? Doivent -ils fe cacher, que les progrès de la corruption, & les vjces, devenus dominans dans la fociété, en ont ébranlé les plus fermes appuis, & que par-la elle porte la mort dans fon fein? Doivent -ils fe cacher, par - quelque raifon & fous quelque pretexte que ce foit, les moyens de remédier aux maux préfens, «Sc de détourner les pénls a vemr t r R 2  jfererrï. V. f2. 2t5o SERMON XL Amour de la Patrie Non, non, le vrai zele pour le bien public efl éplairé, il fait les fentiers de la lumiere & de la fageffe. Je n'ignore pas, que 1'amour-propre, toujours fertile en illufions, perfuade a chacun, qu'il ne poffede pas moins de lumieres, que fes concitoiens. Je fais encore, que les paffions du coeur obfcurciffent fouvent les lumieres de 1'efprit, & dérobent a fa vue les objets les plus fenfibles & les plus palpables. Ceux, qui n'appercoivent rien de ce que les autres découvrent, qui difent,' le mal ne yiendra pint fur nous, croient voir clair, & prétendent, que le zele pour le bien public ne les oblige point a prendre pour des objets réels les phantomes, que d'autres fe figurent. Mais cela même prouve la néceffité de cette fageffe échurée, que nous exigeons dans un digne Patriote. Pouvez - vous vous perfuader, qu'elle fe trouve chez un homme, qui, a la vue d'un grand embrafement, dont les flammes peuvent gagner du cóté de fa maifon, ne voit point, qu'il peut fe trouver enveloppé dans 1'inceiadie, & être peut-être accablé fous les ruines des autres? Penferiez-vous, qu'un homme, qui dans une telle fituation fe livre au fommeil, fuive les régies de la vraiefageffe, & qu'il ne foit pas la dupe de 1'amour-propre, ou des paffions? Et s'il eft affez imprudent pour le faire, penfez-vous, que los nnrrps dnivpnf prro W wlAima^ Ar> n»-  fif Zele pour le Bien Public, zói aveuglement? Moïfe ne fe déguifa point le crime de fa nation, & les malheurs, qui la menacoient. II démêla la grandeur du mal, cV reconnut devant Dieu, que ce peuple avoit commis un grand pêché. Toutes fes démarches annoncent un homme, qui découvroit toute 1'étendue du péril, auquel fes concitoiens étoient expofés, & qui pen* foit aux moyens les plus propres a le détourner. II. L'amour de la Patrie, le zele pour le bien public demande une aclivité vigilante. Ce n'eft pas affez d'avoir les lumieres nécesfaires fur les véritables intéréts de 1'Etat, fi 1'on n'agit avec toute l'aélivité poffible. Un vrai Patriote, un Magiftrat zélé pour le bien public, doit remplir les devoirs de fa condition avec une vigilance foutenue. Attentif a tous les événemens au dedans «Sc au dehors il veille fur tout ce qui pourroit préjudicier aux intéréts de la Patrie. II obferve avec le même foin les faux Freres comme les ennemis déclarés. II efl: en garde contre les trames fecretes comme contre les deffeins connus & publics. C'eft furtout dans les tems facheux, qu'il eft continuellement en aftion. Jettez les yeux fur Móife, II intercede d'abord auprès de Dieu, & il obtient, qu'il fufpende les effets de fa colere. Ce grand homme descend enfuite de la montagne, & fe hate de venir arrêter le defordre par fa préfence. R 3 vs. 31. it. vigilante. 2 Cor. X'. 26.  2 62 SERMON XL Amour da la Patrie rr cxix. 147,143. Arrivé au milieu des Tfraélites il détruit 1'objet de leur idolatrie. II leur adreffe des cenfures graves, & leur met fous les yeux tout ce que leur crime a d'odieux. II alfemble les Lévites, leur fait prendre les armes, & fait punir les plus coupables du peuple. Après cette exécution, il ne fe repofe point. II remonte fur la montagne, bien réfolu de n'en pas revenir, qu'il n'ait obtenu la grace d'un peuple, criminel a la vérité, mais dont la conduite lui avöit été confiée. Tel eft un digne Patriote. fl travajlle fans ceffè au bonheur de fes concitoiens. lnfenlible aux attraits de la volupté, ennerni de 1'indolence & de la moleffe, rien ne farrête, furtout dans les grandes occafions. 11 pre'yient le point du jour; Jes yeux préviennent les veilles de la fluit. Tantöt il s'occupe a former ou a encourager des établiflèmens avantageux. II favorife les Arts, les Sciences, le Commerce, & tout ce qui peut fervir a faire fleurir 1'Etat. Tantöt il travaille a corriger les abus, a reprimer les vices dominans, qui corrompent Ja Société, qui deshonorent la Religion, & qui troublent 1'Eglife. Ici il déconcerte Jes deffeins d'un mauvais citoien, affez lachte pour facrifier le bien public a fes avantages particuliers. La il dévoile ce qu'il y a de dangereux dans les démarches flateufès d'un ennemi, d'autant plus redoutable,- qu'il eoiprunte le langage  Ê? Zele pour le Bien Public. 263 de 1'amitié. II prend des mefures fages, pour prévenir des maux fans cela inévitables. II réfifte a ceux, qui, au lieu de concounr avec lui au bonheur public, cherchent a rendre fes mains laches, & a lui infpirerune fatale fécurité, en criant, Paix! paix! la oh il ny a point de paix. O qu'un Patriote aélif & vigilant eft digne de notre refpecl! Vivante image du Dieu d'Ifra'êl, qui ne ■dort, ni 11e fomméille jamais, il mérite 'Vraiement d'ctre le dépofitaire de la puisfance fuprême & du bonheur des peuples. III. Une courageufe Fermeté eft ie troifieme caraélere de 1'amour de la Patrie, du zele pour le bien public. Un bon 'Patriote ne craint pas de faire paroitre fes fentimens & 1'ardeur de fon zele. II méprife Tindigne talent de favoir plaire également a tout le monde, de favoir fe transformer en mille manieres; de favoir applaudir ou blamer, fuivant le caraélere ou le fyftême de ceux, avec qui il fe trouve. 11 beft que trop de ces ames balles & venales. qui flatent de leurs levres en mentant, & qui, fans refpect pour les droits de la vérité, pour 1'intérêt public, appuient de leui 'fuffrage les plus funeftes defleins, comm( les projets les plus légitimes. Un homme véritablement zélé pour li bonheur de fa Patrie, fe montre coura^en fement tel qu'il eft. La diffimulation & 1 déur'fement ne répandent aucun nuage fu R 4 [leb. XU. fi. Jerc-m. VI. 14. ?f. CXXl. 4- III. Fermeté courageufe. Pf. V. 10. j r  aSam.XII. 7- i Rois XVUi. 18. I I I 1 1 t I Prov. ( xxin. 23. ,• ta maifon, qui trouhlez Ifraël. II n'y a ni relation du fang, ni liaifón d'amitié, qui puiflè le faire mollir, quand il s'agit de 1'intérêt public. II fait tête a tout ce qui s'yoppofe, meme a tout ce qui ne le favorife point, a tout ce qui n'y confpire pas avec lui. Un bon Patrio te féfifte avec fermeté a ceux, qui par des vues trop bornées ne connoiffent, ni ce que le bien de 1'Etat demande, ni Ia néceffité des mefures requifes pour le mettre a couvert, lorfqu'il Eft en danger. Un bon Patriote s'oppofe a ces gens foibles, que 1'amour de 1'aife & iu repos rend indolens & froids, quand i| ïft queftion d'agir avec vigueur. II attaque ouvertement ceux, que des vues intéresées, & des deffeins criminels portent h :raverfer les projets les plus fages, les plus mies, les plus néceffaires. 11 ignorel'art rompeur des accommodemens, qui vont u dommage de Ia Patrie, & il ne fait ce |ue c'eft que de vendre la vérité. Les noms njurieux d'homme reide, inflexible, entêtè e Jes opmwns, ne 1'effrayent point. Ce eft pas, M. F., que cette fermeté d'un Jgne Citoien doive dégénérer en opiniatreté.  fi? Zele pour le Bien Public. 26$ Evitez de confondre une des plus belles vertus avec un défaut fouverainement méprifable. La Fermeté, qui fait partie du zele pour le bien public, eft fondée fur les lumieres de la fageffe, fur la connoisfance de la fituation des affaires & des circonftances du tems. Elle nerefufe^ni d'écouter, ni de pefer les raifons qu'on allégue, ni de fe rendre a celles qui font folides. Mais elle eft inébranlable, lorsqu'après un mür examen elle a pris fon parti, & qu'elle agit en vertu-d'une conviélion éclairée. Ne vous glorifiez donc point de votre fermeté, ö vous! qu'un défaut de lumieres, ou un fond d'orgueil, qui ne peut fouffrir la contradiétion, ou une infolente confiance en votre pouvoir, attachent a vos fentimens. La louange n'en eft due qu'a ces'hommes refpeétables par les qualités de leur efprit & de leur coeur, qu'un vrai zele pour le bonheur public anime. IV. Un quatrieme caraélere de 1'amour de la Patrie, du zele pour le bien public, c'eft un généreux définte'rejjement. Caractere rare, & qu'il femble a bien des gens, qu'on ne doit chercher que dans les Républiques imaginaires, dont quelques Ecrivains fe font plus a tracer le plan. Un vrai Patriote doit favoir préférer 1'intérêt public, a fon intérêt particulier. Sans cette difpofition on ne peut s'acquitter des devoirs, qu'impofent R 5 IV. Généreux cléfintéreu fement.  Jcr. X. 7- 266 SERMON XI. Amour de la Patrie les drverfes relations, qu'on foutient dans la fociété. S'agit-il de ceux, qui font au timon de 1'Etat? Le défintéreffement doit être 1'ame de leurs confeils, le principe dominant dans leur conduite. Point de vues balles pour foi-même, pour fes parens, pour fes amis. Un homme, qui aime fincérement fa Patrie, rend juftice au mérite, indépendamment de tous les égards, de toutes les relations. II doit même le chercher, le démêler dans la foule; Palier déterrer dans les obfcures retraites, oü fa timidité & fa modeftie le tiennent quelquefois caché. Dépouillé de tout efprit de parti un bon Patriote porte le défmtéreffement jufqu'a honorer la vertu en la perfonne d'un ennemi. C'eft pour le digne, pour le plus capable de fervir 1'Etat, qu'il s'intéreffe. II eft même des occafions, oü il .oublie ce qui le regarde perfonnellement, & oü le bonheur public eft fon feul objet. Voyez - le en Moïfe. Y eüt-il jamais défmtéreffement plus héroïque que le Hen? II a a faire a un peuple ingrat, indocile a ménager, qui a paié fes plus tendres foins d'un 'outrageant mépris. II ne tient qu'a lui de devenir la tige d'une grande nation, le Fondateur d'un puiliint empire; d'échanger Ja qualité de Conducteur des Ifraélites pour celle de Chef d'un peuple, qui lui devroit fon exiftence. Dieu lui-même, le Maitre du monde & le Roi des nations lui fait ces  Ê? Zele pour le Bien Public. 267 offres, les plus capables de tenter 1'ambition humaine. Laiffe-moi, ê? je te ferai devenir une grande nation. II n'eft pas queftion d'efpérances incertaines, éloignées. Non. II n'a qu'a donner fon aveu, & la chofe s'accomplit. Incapable de facrifier fes freres a fes intéréts particuliers il follicite par de ferventes prieres leur confervation; & plutót que de confentir a leur perte, & d'être le fpeétateur de leur ruïne, il fouhaitte de n'y pas furvivre. Voila le modele d'un vrai Pratriote, d'un grand Magiftrat. Je reconnois a ces traits un homme digne de tenir les rênes du gouvernement. Loin d'ici ces méprifables mortels, que le plus leger avantage détermine a favorifer les deffeins les plus contraires au bonheur de la fociété! Et ne penfez pas, que le défintéreffement foit une vertu, qui ne doive caradérifer que les Moïfes, chargés du foin du gouvernement. Chaque membre de la fociété a lieu de la pratiquer dans fa condition, & de contribuer par-la au bonheur public. Le Chef de familie doit être défintéreffé, pour ne pas négliger, par une épargne fordide, 1'éducation de fes enfans. II eft de 1'intérêt de la Patrie, que tous les citoiens aient des principes d'honneur, de probité, de vertu; puifque fans cela ils ne feront jamais propres a fervir 1'Etat, & n'auront jamais de vrai zele pour lui. On  Luc. III. 14. 268 SERMON XL Amour de la Patrie doit furtout redoubler fes foins pour ceux-, que leur naüTance appellé naturellement a entrer un jour dans Jes emplois publiés. Que peut-on attendre de jeunes gens élevés dans la diffipation, les plaifirs, foifiveté & la molleffe; & qui n'ont d'autre talent que de favoir, ou diffiper honteufement les fommes ménagées fur leur éducation, ou accumuler fordidement a 1'exemple de leurs peres? Le Négociant doit être défiméreffé; afin de ne pas priver 1'Etat des droits, qui lui font néceffaires pour fe maintenir; afin de ne pas chercher a fatisfaire fon avidité, foit par des entreprifes au deffus de fes forces, qui en trainent fouvent ia ruine de ceux ^ qui lui ont confié leur bien, foit en fe prévalant avec dureté des miferes publiques. ^ L'homme de guerre doit être défmtéreffé, pour ne pas abufer en de certaines occafions de la force, qu'il a en main, en ufant de concuffion. En général tout bon Citoien doit être défmtéreffé. Comment contribuera-t-il fans cela aux charges de 1'Etat ? Comment fans cela attendre de lui, dans les preffans befoins, le facrilice généreux & volontaire d'une partie de ce qu'il pofféde ? Suppléez, M. F.,a ce que 1'abondance de notre fujet nous oblige de fupprimer. Méditez, examinez, parcomez toutes les conditions, & vous fentirez, que tout Citoien, qui aime fa Patrie, doit être défmtéreffé; & que tout homme, a qui  fi? Zele pour le Bien Public. 269 cette qualité manque» n'aura jamais un vrai zele pour le bien public. V. Enfin, ce qui couronne toutes ces v. vertus, c'eft une fincere fi? folide piété. fiII eft inconteftable, que le bonheur des Etats dépend de la proteétion divine, & que fi 1'Arbitre de leur deftinée ne parle de » taem. les bdtir fi? de les planter, c'eft en-vain x ■ 9' que les hommes épuifent toutes les reffources de la fageffe humaine. Or c'eft par une véritable & folide piété, que les bons Citoiens affurent a leur Patrie un auffi puisfant appui. C'eft la Religion, qui infpire eet efprit de priere fi? de fupplication, qui Zach. xir. porte a recourir au Roi du monde, a s'hu- IOmilier devant lui a 1'exemple des Moïfes, Dan. ix. des Daniels, des Efdras & des Nehémies, ^f1^ pour le folliciter de faire ceffer les maux, qui affligent la fociété, de la garantir de ceux, qu'elle a a craindre, de pardonner les péchés de la nation, de difpofer ïinclination iChron. des penfées du coeur de fon peuple vers lui, XXIX- l8, de préfider par fon adorable fageffe dans les Confeils des Souverains, & d'accompagner de fa bénédiélion les mefures, qu'ils prennent, pour la profpérité de 1'Etat. C'eft la Religion, qui fait naïtre eet amour de la vertu, fi néceffaire pour s'oppofer au vice & a la corruption; qui fait regner le refpeét & la foumiffion pour Dieu & pour fes loix, fi propres a contrebalancer les dangereufes impreffions des mauvais exem-  I I pr.Llv.5. Ff. XVI. 8. 270 SERMON XI. Amour de la Patrie pies. Ceft Ia Religion, qui infpire le courage de foutenir hautement les droits de la vérité & de la vertu contre firreligion & le libertinage. Elle infpire eet efprit de réforme, qui travaille au rétabliffement du bon ordre & de 1'autorité des loix divines; qui porte chacun a corriger ce qu'il y a de :riminel dans fa conduite tant publique que loraeftique. En un mot, c'eft la piété, qui rend les hommes fideles a leur devoir, quelle que foit leur condition. Je fais, que 1'honneur du monde, une forte de droiture naturelle, des vues politiques peuvent produire quelques aétions généreufes, qu'on admire, & qui femblent partir d'une ame noble. Mais je fais auffi, & j'ofe en attefter 1'expérience, qu'on ne doit pas compter fur ceux, qui riont point Dieu devant les yeux, & qui méprifent les principes de la Religion. Elle feule engage les -hommes a s'acquitter de tous leurs devoirs, dans tous les états, par des motifs de confcience, qui agiffent bien plus puisfamment que tous les motifs humains. Surtout c'eft la véritable piété, qui produit ces effets conftamment, dans tous les tems, lans égard aux circonftances, a des vues humaines, aux dangers, qui peuvent menacer. En-vain comptez-vous fur les lumieres, fur 1'cétivité, fur la fermeté, fur le défintéreffement de celui, qui ne Je propofe point V Et er nel devant lui. En - vai»  / & Zele pour le Bien Public. 271 attendez - vous des vertus pures, foutenues de ces hommes, qui ont oublié le Dieu fort, x & qui ne conficlerent point l'ouvrage de fes mains. C'eft , une folide piété, qui eft 1'ame de toutes les vertus, qui conftituent 1'amour de la Patrie, le zele pour le bien public. Elle feule leur donne de la confiftancc, & les foutient au milieu des plus violens orages. II eft tems de preffer les grands motifs, qui doivent vous infpirer les vertus, que nous venons de dépeindre. C'eft le fujet de notre feconde Partie. Nous pourrions d'abord nous prévaloir de 1'autorité de YExemple, pour vous porter aux vertus, dont nous vous prêchons Ia néceffité. Nous trouverions d'illuftres Patriotes, non feulement parmi les Héros de la Religion, des Moi fes, des Daniels, des Efdras, des Néhémies; mais 1'Antiquité Paienne nous offriroit tout ce qu'elle eut de plus grand. La Grece & Rome nous fourniroient une longue lifte d'hommes généreux, a qui f amour de la Patrie, le zele pour le bien public infpira les plus nobles fentimens, les porta aux plus belles aélions, & fit faire les facrifices les plus pénibles. Nous vous convaincrions ainfi par 1'expérience, que ce n'eft point une vertu idéale, que nous vous prêchons, mais une vertu praticable, & qui a été glorieufement pratiquée par des hommes, qui vous étoient a tous égards inférieurs du Deut. XXII. 18 bfaie 7. 12. II. Vartic.  272 SEtlMON XI. Amour de la Patrie cöté des lumieres & des motifs, que la Religion fournit. Mais fans infifter la* delTus, faites réliexion avec nous I. Sur la nobleffe de cette vertu. II. Sur la parfaite équité des devoirs, dont il s'agit. III. Sur ce que 1'efprit de la Religion demande de nous. IV. Sur les obligations, que nous avons d la Patrie. V. Sur les fatales Juites de llndifférence pour le bien public. I. Considerez d'abord la nobleffe de la Ve êamour difpofition, a laquelle nous defirons de vous de la Pa. former. On peut envifoger les vertus fous ?r;e' deux faces; ou du cöté des avantages, dont elles font la fource, ou du cöté de leur excellence propre & naturelle. L'utilité, qui en revient, frappe communement le gros des hommes. 11 n'y a gueres que les grands cceurs, que les cceurs, qui font fufceptibles d'une certaine élévation, 'fur ïefqüels ce qu'il y a de beau dans la vertu falie imprefïion; fans qu'ils foient pour cela infenfibies aux avantages, qu'elle procure. ia Pierre i. Ce font les ames, qui participent le plus ** de la nature divine, qui telles que 1'Etre fouverain, fe portent au grand, au noble par un effet de leur fupériorité. Leur grandeur naturelle leur infpire la haute an> bition d'être a tous égards les vivantes ima* ges de la Divinité. Or il heft rien, qui annonce davantage une ame de ce caraélere, que les vertus, qui conftituent 1'amour de la Patrie, le vrai zele pour le bien public. Faire  & Zele pour'te Bien Public. 273 Faire fervir fes lumieres & fes talens au bonheur de fes Concitoiens; travailler fans relache a 1'aifermir fur les plus folides fondemens ; veiller pour eux aux approches ou au milieu de forage; faire le facrifice de fes intéréts particaliers en faveur de tout un peuple; n'emploier les avantages, que la Providence a accordés, fon crédit, fon autorité, fes richefles, que pour faire-regner le bon ordre, & pour reprimer le vice; fe tenir toujours entre Dieu 6? le peuple, pour faire couler fa paix comme un fleuye, & fa profpérité comme les flots de la mer; objet des bénédiélions & des vceux de fes Concitoiens, être 1'appui des uns, la reflburce des autres, le proteéleur & 1'ami de tous. Connoiflez-vous, M. F., quelque chofe de plus digne de contenter un coeur généreux ? L'idée feule d'un Patriote de ce caraélere n'infpire-t-elle pas des fentimens de vénération? Et quand il s'agit de ceux, qui gouvernent, le titre auffi doux que glorieux de Per es de la Patrie, n'auroit-il pas pour ceux, qui peuvent 1'acquérir, les plus vifs attraits? „ C'eft un langage inintelügible „ pour vous, je le fais, ames bafles & „ rampantes, qui ignorez tout ce qu'on „ appellé grandeur de fentimens! Cceurs „ laches & intérefies, vous mettez ceci au „ rang des fpéculations de Philofophes „ oififs! Vous feuls, hommes illuftres, „ dignes rejettons de ceux» qui fonderent Tome III. S Deut.V. 5. Efaie XLVUL 18. «1 /  11. Ei'uité. (Ja devoirï Sagit. 274 SERMON XI. Amöur de la Patrie „ les Etats fur tout ce qu'ils polTedoient „ de plus précieux; qui cirnenterent de leur „ fang la liberté & le bonheur de leur ,, Patrie; vous feuls êtes capables de fentir „ tout ce que ce motif a de fort & de „ preifant!" II. En voici un,fecond, qui doit faire impreifion fur tous ceux, a qui il refte quelque fentiment d'hónneur & de probité. II eft pris de la parfaite équité des devoirs, dont il s'agit. Quel eft le grafid but, que les hommes fe font propofé en Te réunïffant enfemble pour habiter des villes, pour former des corps de nation? £'a été de procurer le bonheur, la füreté & la tranquillité des particuliere, ou, ce qui eft la même chofe, le bonheur, la füreté & la tranquillité du corps entier. En s'affociant les uns avec les autres on eft convenu tacitement, que fon réuniroit tous les intéréts particuliere dans un centre commun, qiie fon n'en formeroit qu'un feul intérêt, qui feroit celui de toute la fociété. On eft convenu, que 1'on renonceroit aux vues particulieres, qui ne s'accorderoient point avec 1'intérêt général. Ön eft convenu de certaines loix, propres a maintenir le bonheur public, en affurant celui des particuliers. On a dépofé entre les mains d'un ou de plufieurs, felon la diverfité des gouvernemens, les droits de tous les membres du corps, pour faire obferver les loix, & pour veiller par ce moyen au bonheur de tous.  £«? Zele pour le Bien Public. 275 PrÉtendre donc vivre fous la proteéb'on des loix, joüir des avantages, qu'elles affurent, fans s'acquitter de fa part des obligations, qu'elles impofent a ceux, qu'elles défendent; c'eft en fapper les fondemens, les anéantir, autant qu'en nous eft. Prétendre aux privileges de 1'aflbciation, aux douceurs de la fociété, & ne pas accomplir les conditions, fous lefquelles on s'eft uni, c'eft rompre les engagemens les plus facrés. De quel droit ceux, a qui fon a remis le gouvernement de tout le corps, fe ferviroient-ils arbitrairement d'une autorité, qui ne leur appartient, qu'autant qu'ils 1'exercent conformément aux vues primitives de ceux, qui la leur ont confiée? Quoi! des hommes nés naturellement li bres & indépendans, ou des hommes, qui ont fait les plus grands facrifices pour fe retablir dans leurs droits, pour conferver leurs privileges, n'auroient-ils d'autre retour de la confiance, qu'ils ont eue en ceux, a qui ils ont remis le foin de veiller a 1'intérêt commun, que de les voir abufer de leur pouvoir, pour ménager leurs intéréts particuliers, pour contenter leurs paffions? D'autre part, ce feroit envain que les chefs de la fociété fe diftingueroient par leurs qualités & par leurs vertus, fi les autres Citoiens ne les fecondent. En-vain admireroit-on en ceux, qui gouvernent, des lumieres fupérieures, des vues pleinès de droiture & de fageffe, la vigilance la plus S 2  276 SERMON XI. Amour de la Patrie in. Vtfprit de la Re- foutenue, la fermeté la plus courageufe, le défintéreflèment le plus parfait, la piété la plus rare, fi leurs Citoiens.les traverfent dans la pratique de ces vertus par une criminelle indifférence pour le bien public, par un lache attacheraent a des intéréts particuliers, par un honteux abandon au vice. En - vain les Moïfes s'occupent - ils avec Dieu, fur la montagne, a prendre des mefures pour le bonheur de la nation, fi dans le même tems elle les déconcerte; fi de foibles Aar ons, par une indigne molleflè, prêtent leur miniftere a la ruine du bonheur public. Le concert entre tous les membres de 1'Etat eft le feul moyen de le maintenir. Et ce concert ne peut avoir lieu, que lorfque chacun eft attentif a affermir les fondemens de la fociété, en travaillant, fuivant fa condition, a remplir les engagemens naturels & juftes, que la qualité de Citoien impofe. IIf. L'xsprit de la Religion nous offre un troifieme motif, non moins preffant. Et ici nous faififfons avec plaifir 1'occafion de faire fentir, que loin de rompre les nceuds, qui unifient les hommes enfemble, d'exiger d'eux des chofes incompatibles avec les devoirs, que la qualité d'hommes & celle de Citoiens leur prefcrivent; la Religion tend au contraire a ferrer les liaifons mutuelles, que nous avons les uns avec les autres; a nous porter, par les confidérations  Ê? Zele pour le Bien Public. 277 les plus puilTsiites, a remplir les engagemens, oü nos diverfes conditions nous font entrer. Non, la Religion ne confiite pas dans un ffcérile commerce entre le Créateur & la Créature. Elle ne fe borne pas a quelques mouvemens de f ame. a quelques cérémonies, fans aucun égard aux relations, que nous avons .avec les autres hommes. Son grand but eft de nous porter a tout ce qui eft honnête, a tout ce qui eft jufte, d tout ce qui efl pur, d tout ce qui eft. aimable, d tout ce qui peut donner une bonne renomnée, è tout ce qui efl vertu, & d tout ce qui eft digne de louange. Or quoi de plus beau, de plus digne de louange, que les vertus, qui conftituent eftentiellement 1'amour de la Patrie, le zele pour le bien public. Que dis-je? fe peut-il rien de plus pofitif, de plus clair que les lecons, que la Religion donne a tous les membres de la fociété fur eet important article ? S'agit-il de ceux qui gouvernent? Voici la voix, que fait entendre la fouveraine Sageffe: Par moi regnent les Rois, cj? par moi les Princes dècernent la juftice. Par moi dominent les Seigneurs & les Princes, 6? tous les Juges de la ter re. O Roisl foiez intelligent Juges de la terre, recevez inftructionl Et quelles font ces inftruébons ? St. Paul nous 1'apprend, en difant, que le Prince eft ferviteur de Dieu pour notre bien. S'agit-il des Citoiens? La Religion dit: que S 3 Phil.IV. 8. Prov. VF'l. IS, 16. Pf. II. 10. Rotn.XW. 4«  278 SERMON XI. Amour de h Patrie Rom.XUI. ! »» 7- J i Mattb. XXII. ai. Jerem. XXIX. 7. Pf.CXXII. 6, 7. 1 ]ean III. 18. fo«/f? perfonne foit foumife aux Puiffances rupérieures. Rendez donc h tous ce qui leur >ft dé; a qui le tribut, le tribut; a qui le béage,. le péage; a qui la crainte, la crainte ; \ qui ïhonneur, Vhonneur. Rendez a Ce'far :e qui appartient d Céfar. S'agit-il du bonleur de 1'Etat en général ? La Religion' nous ordonne de chercher'la paix de la ville, yu nous fommes. Elle nous apprend, que notre bonheur particulier eft intimement uni au bonheur public, car en fa paix vous aurez la paix. Priez, nous dit-elle encore, priez pour la paix de Jérufalem. Que ceux, qui faiment, aient profpérité t Paix foit d ton ayant-mur, fi? profpérité en tes palais! Enfin, pour réunir tout fous un feul point 3e vue, la charité n'eft - elle pas le caractere propre de 1'Evangile & la livrée du Chretien? Or cette vertu nous oblige a aimer nos prochains, non de parole fi? de la langue, mais en effet £5? en vérité. De grandes lumieres, un courage intrépide, les facrifices les plus difficiles , ne font d'aucun prix fans Ia charité. Mais Ia bornerions - nous a ce petit cercle de perfonnes, avec qui nous converfons ordinairement ? Ce feroit en connoitre bien peu robjet. Non feulement nous devons aimer quelques particuliers, nous intérefier pour eux, comme pour nous-mêmes; mais nous fommes tenus d'aimer tous les hommes, en proportionnant notre affection a la nature  fi? Zde pour Is Bien 'Public. 270 des relations, que nous avons avec^eux. Nous devons donc aimer tous nos GoQcitoiens, prendre un tendre intéret au bonheur de toute la nation, dont nous fefons partie. Jugez a préfent yous-memes, M F , fi 1'on peut être anime de 1 eiprit de la Religion fans aimer fa Patrie, fans avoir du zeiè pour le bien public? Jugez, fi la Religion n'offre pas les motifs les plus presfans a remplir les engagemens de la fociete? Source du bonheur & de la gloire de ceux, qui en fuivent les préceptes, elle efl auffi la fource de la grandeur & de la profpérité des nations. IV. Faites réfiexion fur les obltgatwns, JJ^ mie nous avons a la Patrie, & vous avoue- tions qul rez, que c'efi: fe rendre coupable de la plus honteuie & de la plus noire mgratitude, trie% que de manauer d'amour pour elle ^ furtout fi nous envifageons ce motif a 1'egard de nous en particulier. Cefl: a notre: Patrie, après Dieu, que nous fommes redevables de ce que nous fommes. On 1'a tres-juftement comparée a une mere, qui nous a donné la vie, & a qui nous devons notre éducation. Pourrions - nous ne pas cherir ces lieux, oü nous avons vu lejour? Uu au moins ceux, qui font nés ailleurs, ont trouvé ces foins, ces fecours, cette proteélion, qu'une tendre mere accorde avec tant de joie a fes enfans ? Voudrions - nous E(ife L mériter eet humiliant reproche: fai nourr? *, 3. S 4  Eüie L. 4. Pf.XLV.3. 280 SERMON XL Amour de la Patrie des enfans, fi? je les ai éleyés, mais ils fe font rebellis contre moi. Le beeuf connott fon poffeffeur, l'dne connott la crèche de fes Maitres, mais mon peuple na point de connoijfance fi? dlntelligence. Seroit-ce vainement que notre Patrie reclameroit pour fes intéréts un retour de zele & d'affeétion, que nous lui devons par des titres fi refpectables ? Ce qui donne un grand poids a ce motif, c'efi: la ccnfidération des privileges, dont nous jouïflbns a 1'ombre de Ja prote&ion de notre Patrie. Plüt a Dieu que jeujfe ici Vintelligence des fages, la langue des bienappris! Plüt a Dieu que la gr ace fut répandue fur mes léyres pour vous faire comprendre tout le bonheur de votre condition, heureux habitans de ces Provinces! Pour vous dépeindre par des traits aflbrtis a leur prix toute.la grandeur de vos avantages! C'efi: dans ces lieux fortunés que la Liberté fixa depuis longtems fa demeure. C'efi: ici que la précieufe qualité d'homme libre fe réunit^avec celle de fujet, dans une feule & même perfonne. Ici Jes Souverains & les Peuples reconnoiflènt les mêmes loix. Maitre de fes biens, tranquille pofleffeur de J'héritage de fes peres, le Citoien habite en afilirance; Je Négociant recueille les fruits de fon commerce; 1'Artifan ceux de fon indufhie, )e Laboureur ceux de fon travail. JJs ne craignent point, que h  Zele pour le Bien Public. s8i tirannie & la violence les leur raviflent. Ils n'ont pas la douleur de fe voir avec leurs families condamnés a languir dans la mifere, pour fatisfaire aux caprices bizarres, aux projets ambitieux, ou aux plaifirs déréglés d'un Souverain arbitraire, au luxe & a 1'avarice d'un orgueilleux Miniftre, ou d'un infolent Favori: & Naboth ne redoute ni Jchab, ni Jezabel. L'Abondance, plus ou moins grande, compagne ordinaire de la liberté, habite dans nos Provinces; tous les Citoiens y participent fuivant la diverfité des conditions. Ne m'alléguez point, qu'il en eft parmi nous, comme ailleurs, qui font dans 1'indigence. Cette objeétion ne peut être faite que par ceux, qui n'ont pas de juftes idéés des chofes. O fi les moins avantagés des biens temporels pouvoient être témoins de la profonde mifere, de 1'affreufe difette, dans laquelle les peuples de certaines contrées trainent une vie languifiante & malheureufe , qu'ils s'eftimeroient heureux! O fi vous pouviez comparer eet air abattu, ce teint pale & livide, ces yeux prefque éteints de tant d'infortunés réduits a defirer un morceau de pain, avec eet air fain, tranquille & fatisfait des habitans de vos villes & de vos campagnes, vous reconnoitriez, que ce n'eft pas a tort que nous nous félicitons encore de notre abondance. Au lieu de ces campagnes cultivées, de ces habitations commodes, que S 5 i Rois XXI.  2 Cor. IX. 6. s 8a SERMON XI. Amour de la Patrie notre Patrie préfente de toutes parts a nos yeux, on voit ailleurs des terres incuites; ici & la ^quelques viles chaumieres, qui vous paroitroient a peine capables de fervir de retraite a vos troupeaux. Quant aux Pauvres, qui font parmi nous, quelles resfources ne s'offrent pas a eux! Si par le malheur des tems, le travail leur manque, ou s'il ne fuffit pas a pourvoir a leurs befoins & a ceux de leurs families, une multitude de fondations charitables font partager aux indigens 1'abondance de leurs concitoiens. Comme tous ne peuvent néanmoins y participer, les Riches ne fe laiffent pas folliciter en-vain. Nous favons par expérience, que la charité eft une vertu, par Jaquehe nos Concitoiens fe fignalent; & que dans les occafions preffantes, dans ces jours folemnels, ils Jement libéralemetit. Ajoutez a tous ces privileges, celui de connoitre & de profefler la véritable R.eligion, que. notre Patrie nous a acquis au prix du Tang de ces illuftres défenfeurs. Ajoutez-y 1'ineftimable liberté, dont tous les citoiens jouïffent de fuivre le diélamen de leur confcience, & de fervir Dieu de la maniere, qu'ils croient lui être agréable. Ici point d'autorité tiranpique, qui prétende donner des loix a l'efprit & commander aux cosurs, contraindre le fujet par des édits de profcription a regler fa foi fur celle du Souverain. Qui ne chériroit donc une Patrie fi bienfaifante ? "Qui ne doit être difpofé a faire pour elle  Zele pour le Bkn Public. 283 les plus grands facrifices? Ha! fi la reconnoiflance doit être proportionnée a la grandeur des bienfaits, nous ne pouvons porter trop loin 1'amour de la Patrie, le zele pour le bien public, puifqu'il eft a tous égards la fource de notre bonheur.^ V. Que fi après vous avoir depeinues avantages de notre condition, & les obligations, que nous avons a notre Patrie, nous vous mettons fous les yeux les fataks fuitei de lindijfèreme pour le bien public, nou: ofons nous flater, que vous fentirez vivement la néceffité des devoirs, auxquels nou avons taché de vous porter dans ce Dis cours. Pour bien comprendre, combiei un Ètat eft en danger, quand 1'amour di la Patrie, le zele pour le*bien public s'] affoibliffent, ou s'y anéantiffent, remonte: aux principes, qui étouffent des fentimen fi juftes. Confiderez, qu'on ne perd ce devoirs de vue que par une méprifable bas feffe d'ame, qui ignore ce que c'eft qu nobleffe de fentimens: par une honteul lacheté, qui ne peut foutenir l'idée d péril: par une criminelle avidité, qm port des cceurs mercenaires a trahir indignemer la caufe publique: par un oubli odieu de la Religion, qui outrage la Div nité. Et quelles font les fuitcs nati relles de ces principes ? De coupables de feins de la part des uns; de fauffes mefun de la part des autres; une funelte neg] gence des devoirs les plus indifpenfable v. Suites de findiférenee pour 1 le bien pu. hlic. \ l > f | S e I 1 e [t x t«. !- 'i 1 i- 3.  284 SERMON XI. Amour de la Patrie On ne penfe qu'a foi-même & a fon inte'rêt préfent. On facrifie le bonheur, la gloire & la liberté de fa Patrie. On ne refpeéte, ni les fermens , ni les engagemens les plus facrés. On fe rit de la Divinité «Sc de la Providence, «Sc on arme le bras vengeur du Tout - puilTant contre la nation. Demandez-vous des exemples de ces vérités? Confultez 1'hiftoire, «Sc vous y trouverez de trifr.es monumens des cruelles fuites, que findifférence pour le bien public traine après elle. Par quelles voies la puisfante République de Carthage, qui donnoit des loix a tant de nations, par quelles voies fe vit-elle enfévelie fous fes ruines, fi ce n'eft par celles, que nous venons d'indiquer? Gouvé'rnée par des hommes, qui facrifioient le bien public a leurs paffions & a leurs intéréts, par des hommes perfides «Sc mercenaires, les plus glorieux fuccès & les viéloires redoublées du fameux Annu lal ne purent empêcher fa perte. Par quelles voies la fuperbe République de Rome, triomphante de Carthage & de prefque tout le Monde connu, par quelles voies déchutelle de cette grandeur, oü 1'amour des Citoiens pour la Patrie favoit élevée, fi ce n'eft par celles, que nous'avons indiquées ? On y vit s'aifoiblir Je refpeét pour la Religion , Je zele pour le bien public, 1'amour de la liberté, la haine pour la tirannie. On vit s'y introduire 1'ambition, la mauvaife foi, Ie luxe, la mollefle, «Sc bientöt elle  Ê? Zele pour le Bien Public. 285 devint le jouet de quelques Citoiens ambitieux. Et fans remonter aux ages anciens, fans recourir a des exemples étrangers, par quelles voies notre République eft-elle déchue a divers égards de la fplendeur, oü elle fe vit autrefois? D'oü vient qu'une longue paix ne lui a pas rendu une vigueur femblable a celle de fa jeuneffe? D'oü vient la décadence du commerce, & la fituation chancelante a tant d'égards, oü il fe trouve ? Qui a ramené parmi nous encore cette fatale mortalité, qui défole nos campagnes, qui fait gémir les bêtes, & qui met en peine les troupeaux de bceufs, & eft également préjudiciable a 1'Etat & aux Particuliers ? Quelle eft Ia caufe de cette cherté d'un grand nombre de chofes, néceffaires a la vie? Mes Freres, c'eft que le véritable amour de la Patrie, le vrai zele pour le bien public fe font refroidis parmi nous. L'intérêt particulier a prévalu fur l'intérêt public. L'avidité du gain a fermé les yeux a ce qu'on doit a fes Concitoiens. Le Luxe, le Libertinage, PJndévotion, le mépris de la Religion, ont fait de grands progrès dans nos Provinces, ont ébranlé les fondemens de notre bonheur, & ont armé contre nous le bras vengeur du Roi des Nations. \l eft vrai, qu'en nous témoignant; qu'il a quelque chofe contre nous -, Dieu nous a donné des preuves de fa bonté bien propres a nous engager a reprendre zele & i \ Joel I. 18. Jerem. X. 7' | Apoc. II. 4- Apoc. UI. 1  s86 SERMON XI. Amour de la Patrie Malach. IL 2. EfsleLIX nous repentir. Tandis que plufieurs nations ont été expofées aux calamités de la Guerre, de la Difcorde, de la Famine, nous avons vu regner la paix. & 1'union dans notre fein. Des faifons fertiles nous ont préfervés de la difette, que nous avions a redouter. Nos privileges civils & religieux ont été confervés. Ces faveurs d'une part & les jugemens de Dieu de 1'autre, doivent nous porter chacun dans notre condition a travailler au bonheur & a la füreté de notre Patrie. Tremblons a 1'ouie de cette effrayante déclaration de Dieu: Si vous nécoutez, & ne prenez a coeur de donner gloire a mon nom, fenvoierai fur vous la malédiclion, SP je mandirai vos bénédiclions. Craignons les fuites funeftes de la mortalité parmi notre bétail, d'une cherté, qui pourroit dégénérer en difette ' abfolue, fi Dieu ne détourne le coup, dont eft: menacée une branche de notre commerce, qui peut la prévenir. Souvenons - nous de ce que nos Souverains nous rappellent, que telle eft la fituation de notre Etat, qu'il ne peut gueres arriver dans 1'Europe de révolution, qui n'influe fur lui; que quand même.nous n'aurions aucun danger a craindre, que quand 1'intérieur de la République & le dehors nous offriroient la plus agréable perfpeélive, cette profpérité apparente feroit fort tromr , peufe, tant que nos péchés mettront féparation entre Dieu & nous.  g> Zele pour le Bien Public. 287 Que de fi preflans motifs raniment en noiiï ces fentimens généreux, qui bnlleyent dans les illuftres Fondateurs de cette République. Concourons avec ardeur au bien public. Rempliffons dans nos divêrfes vocations les devoirs, qui nous-font irapofés Serrons les nceuds, qui nous unillent. Que f efprit de la Religion nous infpire, nous excite a nous oppofer aux progres de 1'indifférence pour la caufe de 1 kvanjrile, aux traits envénimés de fes ennemis, 1 1'accroiflement du vice & de la corruption. A 1'exemple de Moïfe, preferons la mort au cruel fpedacle de la perte de notre Patrie. O Habitans de ces Provinces! U mes Concitoiens! que fon intérêt nous touche. Eleyons des mains pures vers Dieu, follicitons-le d'être avec nous, comme<. tl a été avec nos per es, qu'il ne nous délaijje & ne nous abandonné point, qu'il nous couvre de l'ombre de fes ailes, qu'il ren force les barres de nos pertes; qu'il faffe couler notre paix comme un fleuve, & notre profpérité comme les flots de la mer. Ha! fi notre juftice marche devant nous; la gloire del Eternel fera notre arriere-garde! C'eft 1 objet de nos vceux les plus ardens; ce fera celui des vötres & de tous vos travaux, fi nous avons eu le bonheur de vous infpirer 1'amour de la Patrie, ■& le zele pour le bien public! Grand Dieu, qui inclines les cozurs comme le courant des eaux, difpofe-les toi-même vers 1 Tim. II. 8. 1 Roi's vin. 57. Pf. XVII. 8. Pf. CXLVII. 13. Efaie XLVIU. 18. Efaie LV1II. 8. Prov. XXI. 1. 1 Chron. XXIX, 18.  fi88 S E R M O N XI. toi, & graves-y les beaux fentimens qui firent obtenir a Moïfe le falut de fes concitoiens! Amen. Pf. LXXXIX. P. I. Avant le Sermon. Pf. CXXII. vs. 3. Après. Prononcé d Amfterdam le 17 Feyrier 1773, matin d la Grande Eglife. VANITÉ  « VANITÉ DE LA VIE HUMAINE. Tu as réduit mes jours d la mefure de quatre doigts, fi? le tems de ma vie eft devant toi comme un rien. Certainement ce neft que pure vanité de tout homme, quoiquil foit de| hout. Certainement Vhomme fe promene parmi ce qui na que de /''apparence; certainement on fe travaille pour néant. On amaffe des Hens, fi? on ne fait, qui les recueillira. Or maintenant qu ai-je attendu Seigneur? Mon attente eft d toi. Pseaume XXXIX. vs. 6-8. DOUZIEME SERMON. Ce fut un ordre bien dur en apparence Exorde. que celui, que Dieu donna a Abraham, quand il lui dit, fors de ton Pays, Giin- XIt* quitte tes pareus, fi? fen viens au Pays, que je te montrerai. Jamais épreuve ne dut paroitre plus rude que celle, a laquelle le faint Patriarche fut mis. S'arracher du fein de fa familie, abandonner fa Patrie, renoncer a une fituation heureufe & tranquille, pour aller errer dans un Pays inconnu, au milieu d'une nation étrangere, pour fe livrer a une cruelie incertiTome III. T  2 Cor. V 7- 290 SERMON XII. tudc; c'eft-la fans contredit un effort, dont peu d'homines feroient capables. II n'y a qu'une profonde foumiffion aux volontés de Dieu, qu'une confiance parfaite aux foins de la Providence, qu'une Foi fupérieure a tous les doutes, qui puiffent porter a des démarches fi héroïques. II eft vrai, que Dieu accompagnet eet ordre d^ promesfes própres a en adoucir famertume, & a faire furmonter a Abraham les difficultés, qu'il' y avoit a fuivte une vocation fi pénible. Mais a eet égard même il falioit, que fa Foi fuppléat par fes lumieres a ce qu'il ne voioit point, qu'elle percat les obfeurités d'une promeffe , dont 1'accompliffement étoit éioigné, tandis que les facrifices, qu'il devoit faire, étoient préfens. Mes Freres , Abraham a été dans cette occafion un modele, que tous les Fideles doivent imiter. Ils font appellés a faire des facrifices du même genre ;■ ils doivent tnarcher par foi, renoncer a ce qui leur paroit certain & préfent, pour rechercher des biens, qu'ils fie voient que dans f éloignement, & dont la Foi feule connoit 1'exiftence & la réalité. Ces facrifices, qui paroifiènf pénibles aux yeux de la chair, ne doivent pas couter a un homme, qui confulte fes véritables intéréts. Les avantages ttanporels, dont il doit fe détacher, font d'une courte durée, fragiles, & incapables c e lui procurer une vraie latisfaction.  Vanité de la vie humaine. 291 Les biens , quil doit rechercher, font durables & de nature a le rendre folidement heureux. C'eft ce qu'avoit parfaitement compris le Roi David. Ce Prince.n'avoit pu s'empêcher de murmurer en fecret de la profpérité des méchans. L'infolente fierté, que leur opulence leur infpiroit, avoit excité des fentimens d'indignation & d'impatience dans fon cceur, & il avoit du veiUer fur fa langue, pour'ne pas éclater en plaintes contre la Providence. Mais fa Foi calma bientöt ces mouvemens tumultueux; la Pieté le rappella a fon devoir. Profondement recueilli il médite la fragilité de fa vie, la vanité des avantages du monde, & il s'éleve a des objets plus nobles, fa Foi pénétre au deld des voiles, qui lui cachent les biens précieux de i'éternité : Vlila tu as réduit mes jours a la mefure de quatre doigts, fi? le tems de ma vie efl devant toi cpmme un rien. Certainement ce nefl que pure vanité de tout homme, quoiquil foit debout. Certainement V homme fe promene parmi ce qui na que de ^apparence. Certainement il fe travaille pour nêant. On amaffe des biens, & on ne fait, qui les recueillira. Et maintenant quai-je attendu Seigneur ? Mon attente efl a toi. Ce lont ces fentimens d'un coeur vraiement fidele que nous fouhaitterions de vous infpirer dans ce jour M. F. Ce font ces vérités fi liumiiiantes pov^ les enfans du fiecle, T 2 iïébr. vi. Luc XVf. 3.  292 SERMON XII. i Cor. XV. Pf.XC.I2. /'/,'/;? ee Dtfmurs. & fi confolantes pour le Chretien, que nous nous propofons de vous retracer k cette heure. La fragilité de notre vie, 1'incertitude du tems, la vanité des biens du monde, finutilité des foins, qui nous occupent, font des objets, que le cours rapide des années, que la vie, qui paffe & s'enfuit, nous mettent fous les yeux, & qui feroient capables de nous jetter dans le défefpoir, fi nous nayions ctefpérance en Chrift que pour cette vie feulement. Mais la Religion nous offre des reflburces affurées contre des maux auffi accablans, qu'inévitables. Les raviffantes efpérances, qu'elle nous donne, doivent calmer nos inquiétudes, & nous rappeller même avec plaifir a la méditation de notre fragilité & de celle de tous les objets du monde. Heureux, fi nous apprenons a tellement compter nos jours, que nous en aions un coeur de fageffe ! Le Prophete Roi nous offre IV Tableaux également dignes de notre attention, & dont nous avons deffein de démêler les traits après lui. I. Premier tableau, celui de la vie humaine: Tu as rêduit mes jours a la mefure de quatre doigts, <8? ma vie eft devant toi comme un rien. Certainement ce nefl que pure vanité de tout homme, quoiquil foit debout. II. Second tableau, celui des objets du monde: Certainement l'homme fe promene parmi ce qui na que de Vapparence. III. Troifieme tableau,, celui de rimitilité des foins,  Vanité de la vie humaine. 293 que les hommes fe donnent pendant cette vie: Certainement ils fe travaillent pour nêant; on amaffe des biens, on ne fait, qui les recueillira. IV. Quatrieme tableau,^ celui des efpérances du vrai Fidele: Ou?ai -je donc attendü Seigneur ? Mon attente efl d toi. I. Le premier Tableau, que nous avons a confidérer, eft celui de la vie humaine. Tous les traits en font remarquables. Voild tu as réduit mes jours a la mefure de quatre doigts, fi? ma vie efl devant toi comme un rien. Certainement ce nefl que pure vanité de tout homme, quoiquil foit debout. Ort voit - la les trois principaux caracleres de la vie humaine. Elle eft I. Courte. II. Incertaine. III. Fragile. ReconnoilTons a ces traits, quels nous fommes, & quel fond nous devons faire fur notre vie. (I.) La vie humaine eft courte, fa durée eft renfermée dans les plus étroites bornes; tu as réduit mes jours a la mefure de quatre doigts. Ceft-la une expreffion figurée, mais dont le fens fe préfente d'abord. Une mefure de quatre doigts ne s'étend pas fort Jpln, telle eft la durée de notre vie. Ceft %e que bien des gens ont de la peine a fe perfuader, c'eft fur quoi les hommes fe font les plus étranges illufions. Ils avouent de bouche, que la vie eft courte, mais fouvent le cosur n'eft pas d'accord avec les levres. Le paffé paroït a la vérité comme une ombre, qui s'eft évanouie. Le préfent T 3 1. Tabh'fiu de la f;'. humaine. CO Elle vfl courte.  ÉccteE I. 4* Job IV. ip 294 SERMON XII. eft court, par rapport au plaifir, qu'on goüte a en jouïr. Mais que 1'avenir nous femble long! Quand on compte 30, 40, 50, 60 années, qu'on fe flate de pouvoir encore vivre, eet efpace nous paro'it bien confiderable. Fefons-nous des idéés plus juftes. Nos jours font réduits d la mefure de quatre doigts, image bien naturelle de la durée de cette vie. Nos jours fe fuccedent avec une rapidité prodigieufe. Le pafte n'eft plus. Le préfent nous échappe; le moment, oh je parle, fait déja place a un autre. Et 1'avenir le plus longs fuit, a mefure qu'il devient préfent; une génération paffe Sf Vautre vient. Aujourd'hui la face du monde changée m'offre un fpeélacle tout différent de celui, qu'il me préfentoit il n'y a que peu d'années. Nous naiffons, les années de 1'Enfance paffent, la Jeuneffe y fuccede, pour être bientct fuivie de 1'A ge mür, qui amene prompteróènt la Vieilleffe, & la Vieilleffe nous conduit bien vite au tombeau. Tout concourt même a abreger nos jours & a les reduire d la mefure de quatre doigts. Notre Corps eft une machine, qui s'ufe infenfiblement; c'eft un tabernacle d'argile, dont le fondement efl dans la pouffere. Un travail rude épuife les uns; une application opiniatre difiipe les efprits des autres. Mille foucis, des chagrins cuifans affoibliffent ceux-ci: la volupté & le trop d'aife n'eft pas moins  Vanité de la vie humaine, 295 nuifible è ceux-la. Les viciffitudes des failbns, les variations' de Pair, que nous refpirons, tout contribue a miner peu a peu cette fragile maifon, que nous habitons. Neus ne pouvons empêcher, que notre corps ne perde fans celfe fes forces, qu ü ne s'affoibliffe, que les refforts intérieurs, qui le font agir, ne s'ufent, & qu enfin une chute imprévue ne juftifie cette vente, que nos jours font réduits d la mefure de quatre doigts, L'homme né de femme efl de courte durée & fes jours papnt comme la navette dun Tifferan. Le tems efl un torrent, qui nous entraine malgré nous , os nous précipite rapideme-t dans f éternité. (II.) La vie humaine efl non leulement courte, mais auffi incertaine; ma vie efl devant toi comme un rien, dit le Pfalmifte. Si cette vie n étoit que d'une duree trescourte, & qu'on put s'affurer, quelle s'etendroit jufques a un certain point iixe, i! y auroit au moins quelque fond a faire fur ce peu de jours, qu'on a a vivre. Mais helas! comment compter fur un tems, qu'on ne verra peut - être point ? Quoi de plus incertain que celui qui nous refte encore? Nous avons dit, que 1'Lmance. la Teuneffc, 1'Age mür & ,1a Vieilleffe ü touchent de bien pres. Mais tous les hom mes paffent-ils par ces divers degres? Soht ils en droit de fe promettre, qu'ils attem T 4 Job XIV. I. Job vu. (TO Elk efl incertaine.  pr. xxxi, 16. pc. xc. 6. ,1 Pierre I. 24. J 296 SERMON XII. dront eet age avancé, oü la mort efl mévitable? Tant s'en faut, M. F. Rien de plus incertain a eet égard que notre fort. Celui, qui tient nos tems en fa main, y met un terme, quand il lui plait. Combien y en a-t-il, qui ne font que paroitre peu de momens dans le monde, & dont toute 1'hifloire fe réduit a ces deux chofes, qu'ils font nés & qu'ils font morts! Combien d'autres, qui dans le printems de leur vie fe fanent comme une fleur, fe féchent comme rherbe, & vont occuper dans Je tombeau la place deftinée pour ceux, qui leur ont donné le jour! Combien d'autres, dont la vigueur dans lage mür femble annoncer une heureufe Vieilleffe, & dont 011 voit par un coup imprévu les cendres confondues avec celles de leurs enfans & avec celles de leurs ayeux! Ce font-la des vérités, que nous voudrions en-vain nous cacher a nous-mêmes. Envain travaillerions - nous a en écarter le fouvenir. _ Mille exemples en confervent la mémoire & nous les ramenent fous les yeux. 5, Tendres objets de 1'amour de vos parens! „ Appuis glorieux de 1'efpérance de vos >5 families! Membres iliuftres utiles a la „ fociété! Réunis enfemble dans le tom„ beau, couchés dans la pouffiere, malgré „ tant de voeux, qu'on forma pour votre „ confervation, vous publiez trop haute, ment la vanité & 1'incertitude de cette , vie déja fi courte, pour que nous puis-  Vanité de la vie humaine. 297 „ fions defavouer cette humiliante,vérité, ,, qu'elle eft comme un rien." (III.) Enfin un dernier trait, qui caractérilé notre vie, c'eft fa fragilité: Certainement ce n'eft que pure vanité de tout homme, quoiqu'il foit debout. La conftitution la plus robufte, la fanté la plus vigoureufe, les foins les plus prudens, les ménagemens les plus fages ne peuvent nous munir contre notre fragilité. En-vain voudrionsnous nous flater, nous faire illufion la-deflus. L'expérience eft contre nous. Ceux, fur lefquels il femble qu'on eft le plus en droit de compter, déconcertent fouvent par une mort imprévue les efpérances, qu'on avoit fondées fur eux, & juftifient l'idée, que David nous donne de notre vie. A combien d'accidens ne fommes-nous pas expofés s Soit que nous nous diiïipions dans le monde, foit que nous paffions nos jours dans la retraite , foit que nous vivions au milieu du tumulte des armes, foit que nous méditions dans le filence du cabinet, foit que nous foions dans la force de notre age, foit que nous foions courbés fous le poids des ans, un moment fuffit pour nous coucher 'dan: la pouffiere. Une frayeur fubite, un choc imprévu, une humeur maligne, qui noiu accable, une petite partie dérangée dans notre cerveau, Ia moindre intempérie dam les liqueurs, qui circulent dans notre corps, nous font chanceler, tomber en ruine en T 5 cm Elle ej fragile,  293 SERMON XII. il Tableau des o.hjclS du Monde, un inftant. „ Vous J'avez éprouyé, ö „ vous, qu'on a vu expirer tout a coup „ au milieu des douceurs d'une vie aifée „ & commode! Vous, qui avez trouvé „ une mort imprévue au fein même des „ plaifirs! Vous le favez, ö vous, qu'un „ leger accident, qu'un excès de plaifir a „ conduit déja plus d'une fois jufques aux „ bords du fépulchre!" Certainement ce nefl que pure vanité de tout homme, quoiquil foit debout. Tel eft le portrait fidele de notre vie. D'une durée Courte en ellemême & dans fa plus grande étendue; Jncertaine dans fa brieveté, & Fragile au milieu de fon incertitude. II. Le fecond Tableau, que nous avons a vous offrir, efl; celui des ojbets du Monde. Certainement ïhomme fe promene parmi ce -qui 11 a que de l'apparence. C'eft-la une vérité, dont il eft plus difficile encore de perfuader les hommes, que de la première, que nous avons juftifiée.' L'eftime, dont ils font prévenus, pour les biens de la terre, eft un voile, qui leur en cache la vanité. Ils ne peuvent goüter ce qui les defabufe d'une erreur, qu'ils chériflent. Cependant ils ont beau fe tromper eux-mêmes; leurs illufions ne changeront point la nature des chofes. II fera toujours vrai, que les objets, qui environnent 1'homme, n'ont que de l'apparence. Le Prophete-Roi a ici particuiiereaaent en vue les RicAejfes, les Hoiu  Vanité de la vie humaine. 299 neurs & les Plaifirs. Peut-être même fa penfée porte-t-elle. fur certaines Sciences, que les hommes cultivent, & dans l'étude defquelles plufieurs confument leur vie. A tous ces égards l'homme fe promene parmt ce qui na que l'apparence. Qu'on mé donne des biens, dont lacquilition foit füre, dont la confervation foit infaillible, qui foient fupérieurs a tous les accidens, & dont je n'aie jamais a regretter la perte; je reconnoitrai, qu'ils fctfït loiides, dignes de moi & capables d'épuifer les defirs immenfes, que forme mon cceur. Mais puis-je regarder comme tels les objets, que le Monde me préfente? (I.) Les Richelfes, a la recherche desquelles il m'invite, font-elles du caraélere des biens, que je demande? Non fans doute. Leur éclat trompeur ne peut m'en impofer: je demêle leur vanité au travers des' brillantes apparences, qui ébloüilTent quelquefois, matoé moi, mon imagination. Ici un homme ^fage, laborieux & xéglé dans fa conduite , qui a paffé fa vie a courir après la fortune, qui a toujours fui devant lui, me prêche par fon exemple, qu'il n'y a rien de plus incertain que 1'acquifition des nchesfes, & que les foins les plus affidus ne font pas toujours un moyen de réuffir. La une Familie opulente, tombée par de funeftes revers dans 4a mifere, m'annonce, qu'il n'y a rien de moins affuré que la poflèffion des ranitéde Richejfes.  30O SERMON 'XII. richeffes, lorfqu'on les a acquifes. Des projets trop valles, un vaiffeau quipérit, un Négociant de mauvaife foi, un incendie, qui confume ce qu'on a de plus précieux, & mille autres accidens réduifent a 1'indigence ceux, dont la fplendeur avoit excité 1'envie de leurs femblables. Et les regrets, que caufent de telles cataftrophes, m'apprennent, que les richelfes feules & par eilesmêmes n'ont rien, qui puiffe contenter un creur, qui recherche des biens dignes de ce nom & propres a rendre 1'homme réellement heureux. Ailleurs je vois des gens, qui poffedent affez de biens pour fatisfaire leur ambition, & qui ne goütent gueres de plaifir, paffent leurs jours dans 1'amertume, & malgré leurs richeffes font en proie a de noirs chagrins. Nouvelle preuve, que ce n'eft-la en foi qu'un phantome de bonheur, qui n'acquiert quelque réalité, que par Ie bon ufage, qu'on en fait. (HO (II.)' Mais peut-être trouverons - nous. 'Ü?A.P1lis de folidité dans les Grandeurs du Mon'de, dans le rang diftingué, oü les Dignités placent un certain nombre de perfonnes dans la fociété. Quoi de plus réel, femble-t-il, que cette autorité, dont ils font les dépofitaires, que ce pouvoir, dont ils jouiffent, de difpofer en quelque facon du fort de leurs inférieurs! N'eft-ce pas un bonheur de voir fes femblables prévenir les defirs qu'on forme, fléchir fous fes volon-  Vanité de la vie humaine. 301 tés, & n'être attentifs qu'a nous plaire? Ajoutez a ces traits tous ceux, que votre imagination, ingénieufe a groffir les objets, pourra vous fuggérer pour embellir le portrait, & malgré cela je ne héfiterai pas a ranger les honneurs dans la clalfe des objets, qui n'ont que de l'apparence. Qu'eft-ce après tout que eet éclat, dont fe parent les Grands du monde? En font-ils plus parfaits? En font-ils plus éclairés? En font-ils plus heureux? Ceux, que de nobles vertus rendent les vivantes images de la Divinité, honorent les emplois, dont ils font revêtus, plutöt qu'ils n'en font honorés. Mais pour un petit nombre de Grands d'un fi beau caraélere, quelle foule d'autres d'un caraélere oppofé! Ha! s'il étoit poffible de lire dans le coeur de ceux, qui ne doivent leur élevation qu'au crime, qu'on y verroit de cruelles fcenes, & combien peu eflimeroit - on ce bonheur apparent, dont ils jouilfent! Quels mouvemens oppofés n'appercevroit - on pas dans ces cceurs fuperbes, que la crainte d'un revers fatal tient fans cefTe a la torture! Ce n'eft-la encore que le beau cöté des Grandeurs. Quel fpeélacle, que celui qui s'offre a nous, fi nous les envifageons fous un autre point de vue! Ce font des ombres fugitives, qui difparoiffent quelquefois en un inftant, & fur lefquelles on ne peut gueres plus compter que fur un fonge agréable. On a vu  Efaie XIV, 12. cmo Vanité de, Plaifirs. 302 S E R M O N XII. les plus fortes colomnes des Etats s'ébranler & étonner 1'univers par leur chute; de puiffans Rois languir dans un honteux efclavage & finir leurs jours dans les fers. On a vu des Rois monter fur 1'échafaut, & les plus illuftres -têtes abattues par la main d'un infame bourreau. Quels traits 1'Hiftoire de tous les fiecles & de toutes les nations ne nous fourniroit - elle pas, ü nous nous plaifons a multiplier ceux du tableau, que nous tracons! Si ce que nous avons dit ne fuffifoit pas encore pour vous convaincre, que les Grandeurs du fiecle n'ont que de f'apparence, nous. vous conduirions fur les tombeaux de tant d'hommes célebres, qui jouerent autrefois un fi grand röle fur ie théatre du monde. Nous vous rappellerions Ia métnoire de ceux, qui de votre tems n'ont pu fe dérober aux coups funeftes de la mort, & dont on peut dire, comment êtes-vous tombées des Cieux Etoiles du matin, Fiiles de l'aube du jow ? (III.) M'offririez-vous un bonheur plus réel & plus durable, Plaifirs du monde, doux charrses de Ia Volupté ? Serbient - ce vos fons barmonieux, inftruaaens de Mufique? Seroient-ce vos agrémens, Feftins. préparés avec art? Vos diffipations bruiantes, Affemblées. tumultueufes? Vos amufexnens yariés, Speétacles du fiecle, qui auroient plus de réalité que le refte des objets, qui nous environnent? Non fans  Vanité de la vie humaine. 303 doute, M. F., les plaifirs de la vie, renferraés dans de juftes bornes, nous ont écé accordés par le Créateur, pour adoucir les travaux, auxquels notre condition moi*telle nous expofe; ils ne peuvent néanmoins par eux-mêmes nous rendre heureux, furtout portés a 1'excès. Ils ne durent qu'un 1 inftant; ils nous coutent fouvent bien cher, & un vuide defagréable efl: ce qui nous refte après les avoir goütés. Quelquefois d'amers repentirs, des remords cruels font les triftes fruits, que les hommes recueillent de leur abandon aux plaifirs. Une vieilleffe prématurée, une fanté défaiilante, malgré tout 1'art des Medeeins, & une mort précipitée, dont les violentes approches ne permettent pas de connoitre toute 1'horreur, font fouvent les funeftes fuites de ces plaifirs, qui nous avoient enchantés. (IV.) Fatigué d'une recherche fi inu- F^;]de tile jufques a préfent, je trouverai peut- Sciences. être un bonheur plus réel dans les Sciences, qui occupent une partie des hommes. L'un vante f étude des monumens de 1'Antiquité, pafle fes jours a fixer des Epoques, a discuter des Faits. L'autre confume fa vie a mefurer des lignes, a rechercher les propriétés de différentes figures. Celui-ci ne connoit rien de plus raviffant que d'obferver & de calculer le cours des Aftres. Celui' - la ne fe plait qu'a exprimcr une penfée en plufieurs langues différentes. Mais  Ecclef. I i.6,17,18, rit Tableau des foins de la vie. 304 SERMON XII. quel avantage toutes ces connoilTances pro.' curent-elles a 1'homme, a les coniidérer en elles-mêmes? Le rendent-elles heureux & le mettent - elles au deflus des revers? Apprenez-le de Salomon, Prince confommé dans Fétude de toutes les Sciences: Je parkis en mon coeur difant, je me fuis agrandi fi? accru en fageffe par dejus tous ceux, qui ont été avant moi fur Jérufalem, £5? mon coeur a vu beaucoup de fageffe fi? de fcience Mais fai connu, que cela auffi étoit un rongement d'efprit, car oü il y a abondance de fageffe , il y a abondance de chagrin. De quoi fert-il a un homme d'être inftruit de tout ce qui s'eft pafte depuis la naiflance du monde? Quel avantage lui revient-il de connoitre tous les fecrets de la Nature, de favoir, de quelle maniere roulent les Aftres, d'entendre un grand nombre de Langues, s'il ne fe connoït pas lui-même, s'il ignore, a quoi il eft deftiJié, & s'il fe borne a de vaines fpéculations? A eet égard encore comme a tous les autresl'homme fe promeneparmi ce qui na que de l'apparence. III. Fixons nos regards fur le troifieme Tableau, que nous tracé David, celui de ïinutïlité des foins de f homme pendant cette vie: Certainement il fe travaille pour nêant, on amafje des biens fi? on ne fait, qui les recueillira. Voila le portrait fidele des fruits, qu'ils peuvent efpérer de tant de travaux,  Vanité de la vie humaine. 305 travaux, auxquels ils s'expofent fansrelache. Faut-il juftifier la fidelité des traits, que le Prophete-Roi eraploieP Rien n'eft plus aife. La nature même de la chofe & les Vérités, que nous avons jufques a préfent établies, fournifient des preuves également folides & claires fur ce fujet. L Vincertitude du fuccès de nos travaux. II. La nature des objets de nos recherches. III. Le peu de fruit, qui nous en reyient. Ce font - la autant de démonftrations de cette vérité, que les hommes fe travaillent pour néant. CL) Quoi de moins certain que le fuccès de nos travaux pendant cette vie? L'expérience eft ici notre garant. Un Négociant habile, qui ne négligé rien pour faire valoir fes fonds, qui eft attentif a tout ce qui peut favorifer fes entreprifes, ne voitil pas fréquemment fes projets déconcertés, & des accidens imprévus renverferl'édifice, qu'il avoit élevé avec tant de peine? Un Politique confommé, qui découvre d'un coup d'ceil tous les avantages & tous les inconvéniens du plan, qu'il forme dans fon Cabinet, concerte fes mefures, pourvoit femble -1 - il a tout. Et néanmoins un léger changement de circonftances confond fes defleins, & ne lui laifle que 1'inutile regret de les avoir formés. Parcourez tous les états de la vie; interrogez tous les hommes; demandez - leur, fi le fuccès a toujours répondu a leur attente? La plupart, s'ils Tome IJL V Incerti' tude d» fuccès di ' nos tra~ vaux.  Ecclef. IX. u. cu.) La Yiu'ur-e de kun fbjett. 306 SERMON XII. font finceres, avoueront, qu'ils ont été plus fouvent trompés dans leurs efpérances, qu'ils ne les ont vu accomplies. Ceft ce que le Sage avoit bien compris, & ce qui lui a fait dire; Je me fuis tourné ailleurs-, g? fai vu fous le foleil, que la courfe nefl point aux légers, ni la bataille aux forts, ni le pain aux fages, ni les richeffes aux prudens, ni la gr ace aux favans. (II.) Si le fuccès de nos travaux eft incertain, les objets, h la recherche defquels nous nous attachons, font auffi de nature a juftifier la vérité, que nous prêchons, que les hommes fe travaiïlent pour nêant. gornons - nous a la penfée du Pfalmifte. H a eu ici particulierement en vue les foins, qu'on fe donne pour amaffer des richeffes, & il les regarde comme peu dignes de ces foins exceffifs. Vous le favez, M. F. & plüt a Dieu fuffiez-vous moins inftruits fur cette matiere ! Vous favez, a quels travaux on s'expofe pour s'enrichir. Rien ne paroit trop difficile a notre cupidité pour fe contenter. Soins afïidus, veilles pénibles, voyages dangereux, rien ne nous coüte, dès que 1'or & 1'argent doivent être le prix de nos peines. La fanté & la vie, qui font les biens les plus précieux, que nous puiffions pofféder dans le monde, font immolés a cette foif infatiable des richeffes. Que dis-je? notre Ame, cette partie la plus noble de nous-mêmes, notre ame eft  Vanité de la vie humaine. 307 facrifice. fans balancer aux richeffes. Quel eft donc le prix de ces biens, en faveur defquels nous fefons de fi grands facrifices ? Nous vous f avons dit, nous vous en avons tracé le fidele tableau. Ce font des biens, dont la poffeffion ne peut jamais fatisfaire une ame immortelle & deftinée pour féternité. Ce font des biens, qui fe font fouvent des ailes d'aigle pour' senvoler, & dont notre avidité nous permet rarement de jouïr. Ce font des biens, qui, dans le tems, que nous penferions peut - être a en faire ufage, paffent en d'autres mains; on amaffe des biens, fi? on ne fait, qui les recueillira. Nouvelle preuve de la vanité des foins de 1'homme pendant cette vie. (III.) Si les hommes pouvoient fe flater furement de jouïr du fruit de leurs travaux, au moins de difpofer de leurs biens a leur gré, il y auroit quelque raifon de faire une partie de ce qu'ils font, ou pour micux dire, il y auroit moins de folie. Mais tant s'en faut. La briéveté de notre vie ne nous permet gueres de profiter d'un travail pénible de plufieurs années. L'incertitude, la fragilité de cette même vie nous privent fouvent du peu de tems, que nous pourrions encore donner a la jouïffance. Quand on fe dit, mon ame tu as beaucoup de biens ramajfés pour plufieurs années, réjouis - toi fi? fais 'grande chere, fouvent une voix formtdable fe fait entendre, & prononce eet V a Prov. xxin. 5. b)ei'?.  Pf. XVI. II. ioliditê de fes uppuis. 310 SERMON XII. pénétre dans 1'éternité, & c'efi-la qu'elle cherche un bonheur plus folide, plus durable, & plus capable de rendre heureux que celui, que Ie Monde nous offre. Elle porte fon ambition jufqu'a Dieu luimême, a la communion duquel elle afpire. Les biens, qu'elle attend, font des biens, que les révolutions des années & des fiecles ne peuvent altérer. Supérieurs a tous les accidens ils ne peuvent devenir la viélime du caprice & de la paffion. Des connoisfances fublimes; des vertus pures; une communion intime avec la Divinité; des fenfations délicieufes; des rajfafiemens de joie; une paix profonde & inaltérable. Voila quels font les objets de 1'efpérance des vrais Fideles. Voila ce qui les confole de Ia briéveté de cette vie mortelle, du néant 'des biens du monde, & ce qui leur épargne ces foins inutiles, qui troublent Ie repos de la plupart des humains, Le dégout continue! , que le Fidele éprouve dans le monde, lui fait rechercher ces biens, dont la pofitffion fera toujours accompagnée de nouvelles douceurs, & dans la jouïffance defquels il trouvera des plaifirs toujours renaiffans. (II.) Mais peut-être que ce font-Ja des chimères, auxquelles une imagination prévcnue prête de la réalité! Peut-être qu'il n'y a rien. de bien fur dans ce que le Fidele efpére, & qu'il fe promem lui - même  Vanité de la' vie humaine. 3 r r .parmi des objets, qui riont que de ïapparence ? Non! Non! nous ne nous trompons point, •quand nous nous promettons une deftinée .fi glorieufe dans 1'éternité. L'efpérance^du Fidele efl folide dans fa appuis. Le Maitre de 1'univers n'a-t-il pas un empire abiblu fur tout ? Qui 1'empêcheroit donc de rendre éternellement heureux ceux, qu'il deftine a cette gloire ? Sa SagelTe & fa Puiffance infinie ne fuffiroient-elles pas pour triompher de tous les obftacles, qui s'oppoferoient a fes deffeins? Sa Bonté immenfe refuferoit-elle de s'intéreffer au bonheur des Juftes? Non, Chretiens. _ Nous en avons pour garans fes promeffes immuables, qui font Qui-0. Amen. Nous en avons pour garans la félicité & la gloire, a laquelle il a élevé les Hénochs & les Elies. Nous en avons pour garans le facrifice de JefusChrift, fa réfurreétion glorieufe, fon afcenfion au Ciel, oü U efl entré comme notre precurfeur, afin de nous y préparer place. Nous en avons pour garant Ut. Paul, qui dit; nous f avons, que, fi cette habitation terrefire de notre tente eft détruite, nous ayons de la part de Dieu "une maifon éternelle dans les cieux, qui nefl pas faite de main. Je fais d qui fai cru, & qu'il eft puiffant pour garder mon dépot jufqua la derniert jout'née. „ Ce „ feroit donc en vain, que vous voudriez fai„ re chanceler ma foi, Libertins du fiecle! „ Mes efpérances font fondées fur le rocher V 4 a Cor. I. eg. Hebr. VI. ao. Jea^XLV. 2 Cor. V. I. 2 Tim. I. la.  PGCXV1L 2. ent.) Féconditè ie fes infiuertces. i Pf. XCIV. ly. Pf- XVII. , I5- I I Rom.VHi. ' 13. j * c 312 SERMON XII. „ de 1'éternité; tous vos efforts ne peu„ vent les ébranler. L'Arbitre du fort „ des humains a parlé; fa vérité demeure „ a toujours. Elle.ne me permet pas de „ douter du bonheur, qui mattend." (III.) Ce n'eft pas tout. Notre Efpérance eft féconde dans les influences, quelle a fur la vie préfente. La vanité des biens du monde, leur inconftance, leur fragilité expofent les hommes a de cruelles difaraces; ils fe trouvent quelquefois dans Ödes circonftances accablantes. * David favoit éprouvé. Ce Prince s'étoit vu réduit aux plus dures extrémités. Et il eft peu de perfonnes, qu'une trifte expérience ne rende tot ou tard favantes fur eet article. Quelle reffource refte-t-il alors? Quelle? L'efpérance d'une bienheureufe éternité. Elle adoucit les maux les plus douloureux. Elle ranime un coeur, qui gémit. Elle lui ait fupporter avec un courage héroïque ce ?ui jette les gens du monde dans ledéfefpoir. lemoin David: quand j'avois, dit-il, beau:oup depenfées au dedans de moi, tes confolaions, 0 t ter nel, ont recréé mon ame- fe >errai ta face en juftice & je ferai raffafié ie ta _ refftmblance, quand je ferai réveillé. Sernoin St. Paul: Tout ÏÏïen compté, dit-il, ejiime, que les fouffrances du tems préfent 'e font pomt d contrebalancer avec la gloire, ui doit être révélée en nous. C'eft furtout ans un lit de mort que le Fidele éprouve  Vanité de la vie humaine. 313 1'efficace de fon efpérance. Je ne connois rien de plus trifte que le foin dangereux, que 1'on prend de cacher fon état a un mourant. Une familie faulTement zélée publie, malgré des fymptomes mortels, que tout n'eft pas défefpéré. Elle écarté un Pafteur, ious prétexte qu'il ne faut pas augmenter le mal, en efFrayant le malade. Hé! pourquoi feroit-il effrayé? Pourquoi la nouvelle de fon délogement prochain contribueroit-elle è, le hater? C'eft qu'il n'a pas profité de cette vie courte, dont il éprouve dans ce moment la fragilité & 1'incertitude. C'eft qu'il s'eft attaché a. des objets, qui n'ont que de l'apparence. C'eft qu'il a travaillé pendant toute fa vie pour eux, & qu'il va entrer dans une neeonornie terrible, a laquelle il n'a prefque jamais penfé. Qu'il eft doux d'être difpenfé de ces douloureufes précautions! Qu'il eft confolant d'ofer annoncer a un Mourant, que les portes de 1'éternité vont s'ouvrir pour lui; qu'il touche au moment, oü il va quitter le féjour de la vanité & de 1'inconftance! Son attente eft d rEternel. II va échanger une vie réduite d la mefure de quatre doigts pour une vie éternelle; des ombres, des apparences de biens pour des biens réels; il va recueiflir des fruits folides de fes peines. Tel eft le fidele tableau, que le Prophete-Roi nous tracé de fes efpérances; Qu'ai-ie attendu Seigneur ? Mon attente eft d toi. y 5  Conclujlon, 314 SERMON XII. Que vous feriez heureux, M. F. fi, k l'exemple de David vous profitiez de la fcience de la briéveté de notre vie; fi le néant des biens du monde, & le peu de fuccès, que vous pouvez attendre de vos travaux a eet égard, vous infpiroient le fincére defir de vous en détacher. Que vous feriez heureux, fi vous cherchiez dans 1'espérance des biens du Ciel un bonheur folide; cette paix de 1'ame, fi propre a charmer tous nos ennuis, & a adoucir nos peinés! Mais fommes - nous en droit d'efpérer un pareil fuccès de ce Difcours? Les vérités, que nous vous avons mifes fous les yeux, font du nombre de celles, dont vous avez vu mille & mille preuves; qui vous ont frappés quelques momens, & dont 1'impreflion s'eft. bientót effacée. Sans remonter plus haut, 1'année, qui vient de finir, ne nous offre-1-elle pas des monumens de la fragilité & de Pincertitude de notre vie, de la vanité des biens du monde, & du peu de fruit, que 1'homme recueille de fes travaux? Que de perfonnes, avec lefquelles nous commencames cette année, & qui pendant fon cours ont été couchées dans le tombeau! „ Vous le „ favez , tendres Peres & Meres, qui ,, pleurez la per te de vos enfans! Enfans, „ qui regrettez vos parens! Veuves déib„ lees, qui vous êtes vu enlever un époux „ chéri! Vieillards, Llommes faits, Jeu-  Vanité ch la Ui humaine. 315 „ nes-Gens, Enfans, qui ne fefiez que „ de naitre, un même fort vous a atteints; „ le fépulchre- vous renferme égalementl" Combien d'entre nous, quel'année, que, nous commencons, verra fe joindre a ceux-la! Combien qui én célébrent avec joie le commencement, & qui n'en verront pas la fin! En-vain voudrions - nous nousabufer.^ Le glaive eft fufpendu au defliis de nos têtes; la mort frappera des coups. Et fur qui d'entre nous tomberont-ils les premiers? Problême impoffible a réfoudre aujoufd'hui, mais dont plufieurs d'entre nous fourniront bientöt la folution: car fur quete titres pourrions - nous fonder 1'efpérance d'atteindïé la fin de 1'année? Seroit-ce notre age encore dans fa fleur? Seroit-ce la conftitution vigoureufe de notre corps ? Seroientce les biens, que nous poffédons ? Seroientce les dignités, dont nous fommes revêtus ? Mais nous avons vu ceux, dont 1'age étoit égal au nötré; ceux, qui étoient plus robuftes que nous, abattus comme le cédre du Liban; ceux, dont les richeffes égaloient & furpaffoient les nötres, ne pouvoir racheter un inftant de vie; ceux, qui occiir poient les poftes les plus élevés, confondus dans la pouffiere avec les plus obfeurs des hommes. Serions-nous donc^affez aveugles pour nous tromper nous-mêmes? Négligerions-nous la 'feule reffource, qui nous refte contre les revers de la vie ? Profitons  316* SERMON XII. Eph. V. ifj. Deut. üül.ap. du fupport, dont Dieu ufe envers nous, rachetons le tems. Redoutons le trifte état d'un pécheur arraché au monde; qui gémit en-vain; qui implore inutilement les fecours de 1'art, & que la mort attaché, malgré lui, a fon char. Ne différons pas de prendre nos précautions, & de nous préparer pour ce dernier moment. Helas! peutêtre, femblables a tant d'autres, ne nous fera - t-il pas. donné de connoitre notre fin! ou ne ferons nous que 1'entrevoir pour un inftant, afin d'en fentir toute 1'horreur. Ce ne font pas la des vérités, que la corruption puiffe démentir; fur lefquelles 1'incrédulité & le libertinage puiffent jetter des voiles.^ Elles font fenfibles, & vos pareils couchés dans le tombeau vous les prêchent d'une voix plus forte & plus énergique que la notre. Quoi donc! voudriez-vous continuer a vivre au hazard ? Ecarter toujours le fouvenir d'une mort inévitable un jour ? Voudriez-vous ne pas agiter ces intéreffantes queftions ? Je dois mourir; que deyiendrai-je alors? Mon Ame doit furyiyre a mon Corps; quelle fera fa deftinée ? Penfez y Chretiens! Jamais affaire plus férieufe ne düt vous occuper. II vous refte encore affez de tems, fi vous 1'emploiez bien, pour vous affurer des biens éternels. Puiffiez-vous Ure fages, intelligens en eed, fi? connoitre votre derniere fin. C'eft le premier de* vceux, que nous formons pour vous, dans  Vanité de la vie humaine. 317 le commencement de cette nouvelle année. C'eft a ce voeu que nous fubordonnons tous les autres. C'eft dans eet efprit, fi conforme au devoir de notre Miniftere, que nous donnons un libre cours a ceux, que nous fefons, pour 1'Etat, pour 1'Eglife, pour vos Families, pour vos Perfonnes. Veuille le fouverain Roi des nations couvrir notre chere Patrie de 1'ombre de fes aïles; veiller fur elle; en éloigner tous les dangers; parler toujours de la hdtir fi? de la planter, & pour eet effet y faire regner la juftice, qui éleve les nations! Puissent les plus précieufes bénédiétions du Ciel repofer fur les refpeétables Perfonnes, qui gouvernent la République & cette puiflante Ville ! Puiffent-ils guidés par la fageffe du Très-haut remplir dignement les poftes éminens, oü la Providence les a placés; &' convaincus du peu de folidité des grandeurs humaines en elles-mêmes, apprendre du Roi d'Ifraël a s'affurer des grandeurs fupérieures a toutes les révolutions! Puisse 1'Eglife Chretienne en général, & celle, dont nous fommes les membres en particulier, être a jamais 1'objet de la tendre & puiflante proteétion de fon glorieux Chef! Puiffe-t-elle , omée de fainteté s'affurer 1'accompliffement des magnifiques efpérances de 1'éternité! Veuille le riche Difpenfateur des dons bénir les Pafleurs & les ConduBeurs, qui paiffent ce Troüpeau; les rendre fideles Jerem. X. 7- Jerem. XVIII. 9. Prov. XIV. 31- Pf. XCIIL 5-  1 Theff. i: 4- Hebr. XI] Deui. sxvw.fi F I N. 313 SERMON XII. Vanité de ia vie humaine. * dans leurs vocations, attentifs a leurs de, voirs, comme voulant plaire, non, aux hommes, mais a celui, qui eft le Juge de tousl Nous vous béniffons auffi, Chretiens de tout age, de tout fexe & de toute condition. Ou plutöt nous élevons nos coeurs vers 1'Arbitre fuprême de nos deftinées, pour le fupplier de vous bénir dans votre ijfue & dans votre entrée; de combler vos families de fes graces les plus précieufes; de vous honorer de fa proteclion; de vous conferver les uns aux autres; de couronner vos légitimes delfeins des plus heureux fucces, & de vous maintenir dans la jouiflance des précieux avantages, dont vous jouiflcz! Foi facrée & pure! Liberté douce & fi plein e de charmes! Paix aimable! Dépots auguftes! privileges ineftimables! Puilfiez - vous fubfifter a jamais au milieu de nous! Puiffiezvous , monumens des bontés divines envers lious vous perpétuer jufques dans les fiecles a venir! Puiffions-nous vous tranfmettre a notre poftérité, .& ne vous quitter que pour goüter les charmes & les douceurs du jféjour de la Liberté parfaite & de la Paix éternelle! Amen. Pf. CXV. Paufe. Avant le Sermon. Pf. CXIX. vs. ,18. Après. Prononcé a Amjierdam le i Janvier J774? foir d la Grande fglife.