SERMONS DE FEU Mr- r o y e r.   S ERMONS SÜR DIVERS TEXTES D E L'ECRITURE S A I N T E P A R FEU M\ JEAN ROYER, Chapelain de S. A. S. Monseigneur le Prince dOrange et de Nassau , Stad* houder Héréditaire, etc. etc. etc. et Pasteur de l'Eglise Wallonne A la HAYE. "zmTm-E s e c o n d> A L A H A T E> Chez P. F. G O S S E, Ltoraire &Imprimeur de LL. AA. SS. & R. U. DCC. L XX X 1 X  Les Editeurs ont entre leurs mains Mpproèation des Eglifes Examinatrices.  T A B L E ■ DES S E R M O N S DU SECOND VOLUME. PREMIER SERMON. Dieu Pere & Juge des hommes. Si vous invoquês pourPere celui quifans avoir égard U Vapparence des per/onnes, juge felon ïeuvre ffun chacun, converfés avec crainte durant k tems de votre féjour teinporel. i Pierre I. vs. 17. Pag' 1 SECOND SERMON. Sur Proverbe XVI. vs. 3. Remets tes affaires h VEternel & tes penfêes fermt Men ordonnées. 2 TROISIEME SERMON. Pour la doture de 1'Année 1766. fur Pfeaume CV1I. vs. 43Quiconqueeflfageprendra garde a ces chofes, afin que Ton confidtre les gratuités de l Memel. 68 lom. II. * * QUA-  W TABLÉ öes QUATRIEME SERMON. Pour la clóture de 1'Année 1771. La Requéte d'Habacuc le Prophéte peur les igno* rances. Eternel fai ouï ce que tu m'a fait ouïr, fat étéfaifide crainte, 6 Eternel! Entretien ton ouvrage en fon étrepar. : mi le cours des années, fais - le con, noitreparmi le cours des années: Cöuviens.toi, quani tu es en coVere , d'avoircompajjïon! Habacuc III. vs. 1, a. Pag. 93- CINQUIEME SERMON. I. Sermon fur 1'état préfent des Juifs. II y aun certain peuple difperfé entre les peuples, por toutes les Provinces de ton Royaume, & qui toute-fois fe tient a part, duquel les Lcix font différentes de celles de tout autre peuple. Efter III. vs. 8. 123 SIXIEME SERMON. II. Sermon fur 1'Etat préfent des Juifs. 11 y a m certain peuple difperfé entre les peuples cjc. 155 SEP-  S E R M O N S. vil SEPTIEME SERMON. Le Lépreux guéri & la défenfe que Jefus - Chrift lui fait. Et quand il fut defcendu de la montagne de grandes troupes lefuivirent. Et voici un Lépreux vim 6? fe profterna devant lui, en lui difant; Seigneur, fi tu veux tu peux me rendre'net: & Jejus étendant lamainle touchai en difant} Je le veux fois net, & incontinent fa Lépre fut guérie. Puis Jefus lui dit, prens garde de ne le dire a perfonne,mais va £f te montre auSacrificateur, (f offre le don que MoHfe a ordonné pour leur étre en temoignage. Math. VIII. vs. i—4. Pag. 187. HUITIEME SERMON. Sur la Prudence Réligieufe. La fcience des Saints, c\Jl la Prudence. Prov. IX. VS. IO. 2|4 NEUVIE ME SERMON. Condition de la vie humaine. Les jóurs de Vhomme mortel font comme lefoin, ïl fieurit comme la fleur d'un champ, car le vent étant paffê par deffus elle n'efi plus, & fon ïieu ne la reconnoit plus. Mais la gratuïté de l'Eternel efl de tout temps, & elle fera a toujours fur ceuxqui le craignent, & fa * 1 jufli-  vnr TABLE des SERMONS. juftice fur les enfans de leurs enfans: a ceux qui gardent fon Mliance, & qui fe fouviennent de fes mandemens pour les faire. Pf, CIII. vs. 15.18. Pag. 243. DIXIEME SERMON. Sur le Btit de la Redemption. Qui s'ejl donnè lui - mime pour nos pêchês, afin que felon la volonté de Dieu nótrePere, ilnous retirdt du préfent fiecle mauvais. Gal. I. vs. 4. 255 ONZIEME SERMON. Sur le Refpeót dü a la Maifon de Dieu. Quand tu entreras dans la Maifon de Dieu ,prens-garde a ton piedy 6? approche-toi pour ouïr plutót que pour donner ce que donnent les fous ,favoir le Sacrifice, car lts ne favent point quils font mal. Eccl. V". vs. 1. 283 DOUZIEME SERMON. Sur la^Providence. JSEternel rpgarde des deux, il volt tous les enfans des hommes; il prend garde du lieu de fa réfidence a tous les habitans de la terre, c'ejl lui qui forme ègalement lewrs coturs, 6? qui prend garde a toutes leurs actions. Pf. XXXIII. vs. 13-15. 3 r4 F ï n de la Table du Second Volume.  I SERMON F R E M I E R DIEU PERE ET JUGE DES HOMMES. Si ious hwoqués pour Pere celui qui fans avoir égard a Fapparence des Per/onnes, juge felon roeuvre dun cbacun, converfés avec crainte durant letems de votre féjour tempor el. i Pj err e I. vs. 17. Mes Frères! de tous les avantages que les hommes poffédent, de tous les privileges qui les diftinguent, il rfen eft point de plus folide ni de plus glorieux aux yeux du Chrétien, que le titre d1 Enfant de Dieu, ou la liberté de Tinvoquer fous la rélation de Pere. A confidérer cette faveur ineftimabb par rapport a Dieu, 1'Ecriture nous la repréfente comme la marqué la plus forte & la plus certaine de fon amour. Voyés, nous dit-elle, quelk cjiarité. le Pere a eue Tom. II. A pour  2 I. Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. pour nous, que mus foyons appellés Enfans de Dieu! Et a confidérer cette même faveur par rapport a nous, elle eft le fondement de toutes nos efpérances pour 1'Eternité: car fi nous fommes Enfans, nous fommes donc héritiers, hêritiers dis - je de Dieu, 6? co~ léritiers avec Chrifl. (a). Mais plus ce privilege eft glorieux, Mes Frères, plus devons nous craindre d'en abufer , & plus dsvons nous tacher de remplir foigneufement lesdevoirs auxquels une fi refpeélable rélation nous engage. — D'un cöté nous favons que 1'amour que Dieu nous porte, ne reffemble point a la tendreffe aveugle & fauffe, que des parens trop fouvent témoignent a leurs enfans, en leur laüTant fuivre par une vicieufe indulgence toutes leurs volontés, au lieu que Dieu exige que fes enfans conforment & foumettent leur volonté a la fienne, qui feule eft jufte ê? raifonnable. ~ D'autre part nous ne pouvons ignorer qu'il eft impoffible de tromper Dieu, par de faux dehors de refped & d'obéiffance, puisque toutes chofes font mes & entierement décou- vertes (a) Rom, VIII: if,  I. Serm. Dieu Pere êr* Juge des Hommes. 3 vertes devant fes yeux, & qu'il juge avec une entière infaillibilité & avec une impartialité fouverainement équitable, des efforts que font fes enfans pour lui obéïr. C'eft fur ces principes qu'eft appuyée la belle exhortation contenue dans les paroles de 1'Apötre St. Pierre: Si vous invoqués, dit-il, pour Pere celui qui fans avoir égard a Fapparence des perfonnes, juge felon F oeuvre d'un chacun, converfés avec crainte durant le tems de votre féjour tempo. rel. Pour expliquer ces paroles nous feron» premierement quelques réflexions fur la ré•lation de Pere, fous laquelle les fidèles invoquent Dieu, & fur la nature du jugement que PApötre lui attribue-. En fecond lieu nous ferons fentir 1'influence que doit avoir cette doublé con-* fidération pour nous porter a converjer avec crainte durant le tems de notre féjour. temporel. Pour 1'intelligence des paroles de notre texte, il eft befoin de rechercher quels font ceux a qui elles s'addreffent. 11 eft inconteftablequel'Apötre écrit adesChrétiens: mais on demande fi ces Chrétiens avant leur converfion avoient été Juifs a 2 m  '4 LSerm. Dieu Pere & Juge des Hommes. ou Gentils, & c'eft furquoi les interprêtes fe partagent en deux opinions dilférentes. L'infcription qui fe lit a la tête de 1'Epitre ne deeide point la queftion. Elle porte: Pierre, Apotre de Jefus Chrifl aux Etrangers qui êtes difperfés dans le pais du Pont, en Gaiathie, en Cappadoce, en Afie en Bytbynie, Surquoi les uns obfervent que ce titre d''Etrangers femble défigner des Jiommes fortis d'entre les payens que 1'Ecrïture a coutume d'appeller ainfi , paree qu'ils étoient Etrangers par rapport a la république d'Ifraël & a 1'alliance de la promeffe. Les autres remarquent, que ce terme el1 Etrangers fe trouvant lié avec ceux de difperfés dans le pais du Pont en Galatbie &c. eft parfaitement applicable aux Juifs, qui fe trouvoient en efFet dèslors difperiëh dans toutes ces différentes régions, & qu'ils font nommés Etrangers a caufe de leur abfence de la terre de Canaan qui étoit la véritable patrie des Juifë. L'une & 1'autre de ces obfervations eft comme vous voyés, appuyée fur une raifon plaufible, & il eft de plus certain que dan«  I. Sërm. Dieu Pere & Juge des Hommes, f dans cctte Epitre 1'Apötre s'exprime tantót comme parlant a des hommes nés dans le Judaïsme, dépofitaires des oracles qui avoient déclaré d'avance les fouffrances & la gloire de Chrift, & tantöt comme addreflant la parole a des hommes qui avant leur converfion avoient croupi dans les ténèbres du paganisme, qui avoient accomplis la volonté des gentils durant le tems de leur vie pajfée, qui avoient converfé dans des Idolatries abominables. Vous, dit - il, au Chapitre fecond, vousjpui autre-fois rCétiés point fon peuple, mats qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui rfaviés point obtenu miféricorde ,mais qui maintenant avés obtenu miféricorde , expreflïons qui comme vous le favés, font confacrées a defigner la vocation des gentils a la foi du Mefïie, & au lalut de 1'Evangile. Ces opinions différentes nous paroiflent néanmoins aifées a concilier,Mes Frères; & c'eft leur conciliation qui va nous découvrir le fens véritable des paroles de notre texte. Les EglifesChrétiennes répandues dan9 l'Afie,étoient compofées & de Juifs & de Payens convertis au Chriftianisme : cela paroit évidemment par le livre des AcA 3 tes3  6 I.Seril Dieu Pere & Juge des Hommes'. tes, qui contient 1'hiftoire de ces églifes. On y voit que la predication des Apótres convertit a la foi Chrétienne des Gentils & des profelytes eT entre les Gentils, autant & plus que des Juifs d'origine. C'eft a ces églifes ainfi compofées de Juifs de Grecs, que St. Pierre addrefle Ion épitre & il leur repréfente dans mon texte, que les uns & les autres invoquoient Dieu, fous la rélation commune de Pere. Un meilleur mm que celui d''Abraham aveit étè réclamé fur eux, c'étoit celui de Jefus Chrijl, leur Sauveur, leur chef & leur maitre commun, «Sc c'eft ce qui donnoit aux uns Comme aux autres le droit tfinvoquer Dieu pour Pere, fous la nouvelle ceconomie. La diib'nction par oü Dieu avoit féparé la familie d'Abraham de toutes lesnations de la terre} nTavoit été qu'une diftinction atems, qui devoit durer jusqu'a la venue de Chrift. Sous la nouvelle ceconomie Dieu n'étoit pas moins le Dieu & le Pere des Gentils que des" Juifs. Toutes les graces dant ceux-ci avoient été jusqu'ici favorifés feuls, leur devenoienü communes avec les autres du moment qu'ils étoient fncorporés enfemble dans 1'E-  I.Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. f 1'Eglife chrétienne. Dieu ne montroit pas plus de faveur pour ceux qui tiroient leur origine d1 Abraham, que pour ceux qui étoient payens de naüTance. Les uns comme les autres devenus également les objets de fa grace & de fon amour en Jefus Cbrift, participoient aux mêmes privileges & étoient aftreints aux mêmes obligations. Ceft ce que St. Pierre a vifiblement deflèin d'exprimer dans mon texte, lorsqu'il ajoute: qu'ils invoquoient pour Pere t celui qui fans avoir égard a Fapparence des perfonnes, juge felon F oeuvre d'un chacun. On ne fauroit douter que telle n'ait été fa penfée, lorsqu'on obferve que 1'Apotre s'eft fervi de la même expreffion au fujet de la vocation de Corneille le centenier> qifon peut regarder comme les Premices de la vocation des Gentils. Nous lifons au chapitre X. du livre des Actes, que St. Pierre étant allé vers Corneille fur fon invitation & par ordre du Seigneur,& ayant entendu de la bouche du centenier, le recit de rapparition d'un Ange, & la déclaration de la difpofition ou étoit ce profelyte d'entendre ce que St. Pierre avoit a lui anaoncer de la A 4 part  8 I. Serm. Dieu Pere 6? Juge des Hommes. part de Dieu, eet Apötre dit: En véritè je reconnois que Dieu na point d''égard a Fapparence des per/onnes, mais qiCen toute nation celui qui le craint & qui sadonne a la jufiice, lui eft agréable. Ceft ce que Dieu a envoyé fignifier aux enfans d'lfraël, en anmncant la paix par Jefus Chrift, qui eft le Seigneur de tous. L'unique différence qu'il y a entre ce palege du ]ivre des Actes & celui de mon texte, c'eft que dans le premier 1'Apótre refléchit plus particulierement fur la participation des juifs & des gentils, appellés a de mêmes graces, & que dans le fecond il réflechit fur leur participation a de communes obligations, fur un même compte qu'ils auront tous a rendre a Dieu toucbant 1'ufage & 1'emploi des graces évangeliques. De même que Dieu n'avoit point mis de différence entre les privileges accordés aux juifs & aux grecs également, il ne devoit pas y en avoir non plus dans le jugement qu'il portoit de leur conduite & dans le traitement qu'il leur refervoit en cas qu'ils refufaffent de remplir Jesdevoirs de la vocation Chrétienne-: & c'eft Je motif dom 1'Apótre fe fert pour infpirer aux  I.Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes, p aux uns & aux autres, une crainte réligieufe. Si vous invoqués pour Pere^ celui qui fans avoir égard a Papparence des per/onnes,'juge felon roeuvre dun chacun, converfés avec crainte durant le tems de votre féjour temporel. Tel eft, Mes Frères, Ie fens général des paroles de notre texte, fur tout a les confidérer relativement aux perfonnes a qui elles furent premierement addreffées & écrites. Pour les envifager préfentement d'une maniere également applicable aux CJirétiens de tous les ages, il faut approfondir les notions particulieres qui y font renfermées. I. Et d'abord 1'Apötre nous dit, que les Chrédens invoquoient Dieu pour Pere. C'eft en effet fous cette aimable & refpeclable rélation que Jefus Chrift nous a enfeigné a invoquer Dieu, comme il paroït par fa doctrine en général,& en particulier par le formulaire d'oraifon qu'il a dicté a fes difciples, quand vous prierés, dit es notre Pere qui eft aux deux. Et qui de vous peut jgnorer , Mes Frères, que c'eft la un titre qu'il nous convient de donner a Dieu & qui lui appartient par plus d'une raifon. A y i°.TJ  i o I. Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. 1°. II eft notre Père en tant qu'il eft notre Créateur, Ie premier auteur de notre exiftance, celui non feulement qui a fait d'un feulfang tout le genre humain, mais encore en qui chacun de nous a la zie, le mouvement Bfêtre. C'eft lk Ia notion la plus vague du titre de Pere, felon elle la qualité de fes Enfans nous eft commune avec toutes fes créatures qui font auiïï bien que nous Voeuvre de fes mains: & dans ce fèns vague 1'Ecriture dit: nous avons un feul Dieu 6? Père, duquel font toutes chofes. (a). 2°. Mais communement elle employé ce mot de Père dans un fens plus reflreint, qui nous repréfente Dieu comme étant plus particulierement le Père des êtres intelligens, a Ia diftin&ion des créatures brutes & inanimées. Dieu eft 1'auteur & le créateur de tóus les êtres, mais il eft fingulierement le Père des Efprits & des hommes fes enfans. L'univers eft fa maifon & fon temple, mais les divers ordres d'êtres intelligens, qu'il y a placés , compofent fa familie, qu'il y élève par fes foins & qu'il y forme pour raconter fa gloire. L'intelli- gence O) i Cor. VIII: 6.  h Serm. Dieu Pere fi? Juge des Hommes. 11 i gence dont il les a douées, s'ils en font un laint ufage , les rend -fingulierement propres a célèbrer cette gloire & les foumet particulierement auffi a 1'empire de fafagefle, de fa juftice, & de fa bonté, vertu dont les autres créatures ne fauroient reconnoitre ni reffentir en la même maniere les elfets. Les êtres intelligens forment donc dans un fens particulier, la Familie ou la parente de Dieu, qui eft nommée dans les Cieux & fur la Terre. (a). Dans les cieux il a placé les Anges, qui font appellés les fils de Dieu & qui font ditsfe rejouïr avec chant de triomphe en fa fainte préfence. (b) Sur la terre il a mis les hommes, qui font dit, la race de Dieu (c), en ce qu'ils participent a la yie d'êtres intelligens & raifonnables, en ce qu'il a formé au dedans d'eux un efprit imroortel, qui porte les traits de fon image & de fa rejjemMance, & qui les rend propres a célèbrer & a imiter les vertus & fes perfeclions adorables. Mais fa) Eph ni: tj, (fc) Job XXXVIII: 7. (c) Acffis XVII: 29.  12 I. Serm. Dku Pere Juge des Hommes. 3°. Mais il faut aller plus loin & confidérer troifièmement, que fi Dieu eft le Pere des hommes dans la nature, par rapport a 1'exiftance qu'ils ont regue de lui, «Sc par rapport a la vie «Sc a la raifon dont les a doué fa bonté, il eft furtout le Père des fidèles, dans la religion & dans Ia gra« ce; «Sc c'eft proprement la Ie privilège que St. Pierre a en vüe dans notre texte. II n'envifage ceux a qui il s'addreffe, ni entant que fimples créatures de Dieu, ni ilmplement entant qu'hommes; il les confidère comme fidèles, comme Chrétiens, comme des hommes a qui Dieu a donné un droit nouveau «Sc particulier d'être faits fes enfans, élus en fan&ification d'efptit a Yobéiffance & d Vafperfion du fang de Jefus Chrifl (a), en ce qu'ils ont regus le Fils de fa dilection ( b ), en ce qu'il leur a donné de croire en fon nom, de fe foumettre a fa difcipline falutaire «Sc fainte, qui feule peuc ramener les hommes d'un fatal égarement, «Sc les guider furement vers le célefte bonheur. O vous, veut dire 1'Apötre, vdUs qu'il a (a~) i Pierre XVI: 2. (b) jEaN i; 12.  ï. S e rm. Dieu Pere ê? Juge des Hommes. 13 a plu a Dieu iadopter en Jon Fils bien-aimé, kquel il a conflitué Chef fur fon Eglife, afin qiien lui il recüeillit enfemble, tant ce qui eft aux Cieux que ce qui eft en la Terre (a): fentés toute 1'étendue & le prix de la faveur dont Dieu vous a honorés, en vous permettant de Pinvoquer a titre de Pere. Le pêché avoit effacé en vous les plus beaux traits de Pimage de Dieu; en Chrift il vous renouvelle d cette même image en juftke <$? en vraie faintetê. Le pêché vous avoit rendu indigne de porter le beau nom d'enfant de Dieu, ou vous avoit laifle uniquement celui d'enfans révêches & révoltés, qui avoient dégénérés de leur origine. En Chrift il vous a de nouveau engendrès par la parok de vérite', & vous a donné Pefprit dPadoption par kquel vous criés Abba Père. Le pêché vous avoit alTujetti a la peine & a la condamnation. — En Chriit il vous a procuré un Souverain Sacrificateur dont le merite & Pinterceffion rend votre repentance acceptable, & qui eft puiffant pour fauver a plein ceux qui s'approchent de Dku par lui. Le O) Eph. I. 5. 21.  14- I. Serm. Dku Pere & Juge des Hommes. Le pêché vous avoit fait exclure de la familie de Dieu, feparé de la communion de ces efprits faints & bienheureux, qui dans le Ciel font les objets particuliers de fa faveur & de fon amour: mais en Chrift il vous a reconciliés & recueillis, enforte que par Chrift, vous avés acces en un même efprit au Père & que vous nietes plus étrangers ni forains, mais coniitoyens des Saints, domeftiques de Dieu, fes enfans, fes héritiers, cohêritiers avec Chrift lui-même, qui ne prend point a honte de vous appeller fes frères. 1 Telles font, Chrétiens, les glorieufes & confolantes rélations fous lesquelles Dieu vous permet de Pinvoquer pour Père. II. L'Apotre ajoute que pour Père vous invoqués celui qui fans avoir égard d Papparence des perfonnes, ou comme il y a proprement dans Toriginal, celui qui fans acception de perfonnes, juge felon Poeuvre de chacun. io. Et ceci comme nous 1'avons remarqué tout a 1'heure dok être d'abord entendu de la diftinction de Juifs & de Grecs, abolie (bus PEvangile & au même fens que St. Paul dit au Chap. 2. de Ion Epitre aux Romains: Dieu rsndra d chacun  I. Serm. Dieu Pere c}? Juge des Hommes* 1$ cun felon fes ceuvres. 11 y aura tribulation Cj? angoiffe fur ■ toute ame dïhomme qui fait mal, du Juif premierement 6? puis auffi du Grec; mais fgloire, honneur ê? paix d chacun qui fait bien,au Juif premierement puis aujfi au Grec , paree que Dieu n'a point égard a Vapparence des perfonnes. 2°. Mais outre cette diftinétion de nation & de peuple, 1'Apötre éloigne encore du jugement qu'il attribue a Dieu toutes les autres diftinctions qui naiffent de certaines circonftances externes qui mettent de la différence entre la condition des hommes, fans en mettre entre leur caraclère ou leurs qualités morales, qui feules lesrendent véritablementdignes de louange ou de blame. Et il écarté encore tout de même toutes les caufes d'erreur ou de vice qui trompent ou qui pervertilTent les jugemensque les hommes portent de la conduite de leurs femblables, pour attribuer a 1'Etre fuprême une juftice telle qu'il convient de penfer que 1'exerce le juge de toute la terre. L'acception de perfonnes a lieu quand dans des cas pareils,on ]iige diverfement, k caufe de certaines circonftances de rang ou  '16 I. Sërm. Dieu Pere & Juge des Hommes: ou d'opulence qui diftinguent les perfonnes dont on eft appellé a juger, quoique ces circonftances ne faffent rien au fond de la chore, ou lorsqu'on fe laifTe prévenir pour les uns ou préoccuper contre les autres par fa paffion , par intérêt, par des rélations d'affinité, par des raifons d'amitié ou de haine, & autres femblables, qui aveuglent Ie jugement, qui le féduifent, qui le rendent partial & injufte. Ceci fe remarque trop communement dans la fociété, oü le mépris & 1'éloge, la cenfure & 1'approbation fe diftribuent d'ordinaire avec plus de caprice que de raifon & fouvent avec une fouveraine injufticeou le grand & le ricbe, fans autre merite fouvent que celui d'un nom qu'il traine & qu'il dèshonore, ou de richefTes qu'il fe rend indigne de pofféder, trouve del'appui, del'excufe, de la faveur, de 1'approbation, de 1'adulation même; la ou le pauvre fage & vertueux, ne rencontre que des cenfèurs rigoureux, &; impitoyables, oü 1'on pardonne tout a 1'un 5s rien a 1'autre. _ Ceci devroit être fans exemple dans des tribunaux établis pour adminiftrer la juftice; & c'eft ce que Ie Roi Jofaphat répréfentoit aux juges qu'il éia-  I, Serm. Dieu Pere £? Juge des Hommes, i f établiflbit au Païs. Regardés, Jeur dic-il* ce que vous ferés, car vous tfexercés point la juftice de la part d'un homme, mais de la part de F Eternel qui eft au milieu de vous en jugement. Maintenant donc que la frayeur de F Eternel fojt fur vous, prenés garde d ceci fi? faites-le, car il nry a point dHniquité en F Eternel notre Dieu, ni d'acception de Perfonnes, ni de reception de préfent O). Devant fon tribunal s'évanouiffent les diftinétioris de grands& de petits, de riches & de pauvres (b ); les uns & les autres y ont le même acces & le trouvent également difpofé a leur rendre juftice. Car il tfa point d'égard, difoit Elihu, d la Perfonne des Grand}, fi? il ne réconnoit pas les Riches pour les préférer au Pauvre,paree qu'ils font tous Fouvrage de fes mains. L'apparence externe des chofes fouvent équivoque & trompeufe peut en impofer" aux juges les plus intègres & leur faire" prononcer des jugemens faux, touchanc des perfonnes ou des aélions, faute de les («O 2 Chron. XIX- <5&7. (b) Job XXXIV: 19. Tom. IL B  18 t Serm. Dieu Pere fi? Juge des Hommes. les bien connoitre. Ceci ne pent avoir lieu par rapport a Dieu, dont la fcience perce a travers 1'ecorce des cbofes pour en découvrir la fimple & nuë vérité. VEternel rfa point d'égard d ce d quoi Phomme a égard, car Phommea égardd ce qui eft devant fes yeux, mais PEternel a égard au coeur. Les réplis cachés du coeur, Pintention, les motifs fecrets qui' contribuent tant a qualifier une action en bien ou en mal font des myftères impénetrables pour les juges de la terre. -— Mais PEternel qui juge juftement fonde le coeur fi? éprouve les reins pour rendre d chacun felon fa voye fi? Jelon le fruit de fes aclions. La flaterie ou des démonftrations ilmulées d'obéüTance & de refped peuvent faire impreifion fur des hommes foibles & vains. Mais au tribunal de Dieu on n'eft point regu poür dire, Seigneur, Seigneur, il faut avoir fait la volonté du Pere célefte. En un mot comme rien ne peut tromper t>ieu dans le jugement qu'il porce de la conduite des hommes, rien ne fauroit pervertir fa foüveraine équité, fa parfaite juftice. A Dieu ne plaife qiiïl y ait delamécbanceté dans le  I. Serm. 'Dieu Pere & Juge des Hommes, i p le Dieu fort fi? la perver fit è dans le Tout Pui Jont, car ü rcndradchacun folon fon oeuvre 5 fi? il fera trouver d cbacun felon fa voye, Or qui ne fent finfluence que dok avoir cette doublé confidération de Pere & de jufte Juge 5 fous laquelle nous invoquons Dieu, pour nous porter a converfer avec crainte durant le tems de notre féjour temporel. C'eft la conclufion qu'il faut en tirer que nous devons examiner dans notre feconde partie. I I. Converfés avec crainte durant le tems de votre féjour temporel. 1 °.Eclaircisfons d'abord le fens du devoir. 2°. Nous prefferons enfuite Tobligation oü nous fommes de la remplir. i°. La vie humaine nous eft ici propofée fous 1'idée d'un féjour a tems dans un, lieu oü nous fommes étrang-ers, & c'eft Tidée, Chrétiens, que vous devés vous former de votre féjour dans ce monde. La terre oü Dieu vous a plaqés pourun tems, n'eft point votre patrie; c'eft celui de votre pelerinage, vous y êtes comme St. Pierre ie dit dans le chapkre fuivant, B 2 Etran*  2 o I. Serm. Dieu Tere ë? Juge des Hommes: Etrangers & Voyageurs, & en cette qualité il vous exhorte d vous abflenir des convoitifes charnelles, qui font la guerre d Vame, la meilleure & la plus durable partie de vous même. Le Ciel auquel Chrift vous a ouvert Paccès & frayé le cliemin doit être regardé de vous comme votre patrie, votre Cité permanente & le lieu de votre demeure éternelle —— Vous y tenés par vos efpérances, vous y avés votre tréfor, Jèfus Chrift y eft entrè comme précurfeur êP vous y a preparé place. Quelle honte pour vous, fi bornant vos défirs & vos affections a cette terre oü vous avés fi pen a féjourner, vous êtiés capables d'oublier la dignité de votre vocation «Sc la fublimité de vos efpérances! Ah, plutöt que le tems de cette vie caduque & fragile, comme celui d'un court féjour dans un lieu de paffage, foit employé a tendre vers votre patrie, a marcher dans la route qui feule y mêne, a vous conduire comme il appartient a des bourgeois des cieux, deftinés a ïhèritage des Saints dans la lumiere. 2Q. Pour eet effet conve?-Jés avec crainte,, c'eft-a dire, qu'a toute votre converfation, k vos difcours 5 a vos adions, a vos mceurs, ii  I. Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. 21 il paroifle que vous avés le cceur pénétré des fentimens de révérence & de vénération infinie, que vous devés a la Majefté de Dieu, craignésdelui deplaire, craignés c^e Poffenfer , craignés d'abufer de fes graces , craignés d'enfouïr fes talens, craignés de mal répondre k fon amour, & aux devoirs de la vocation fainte a la* quelle il vous a appellé. Et quoi de plus propre, mes Frèrts, k vous infpirer ces fentimens de crainte réligieufe, que les rêlations de Pere & de jufte Juge fous lefquelles vous Pinvoqués. N'eftce pas la Voix que Dieu lui-même vous fait entendre ? quand par la bouche du Prophéte Malachie il vous dit le fils bonore le Pere &le ferviteur fon Seigneur, fi donc je fuis Pere, oü eft Phonneur qui m'appartient? Et fi je fuis Seigneur oü eft la crainte de mon Nom. Sentés toute Pénergie de cette interrogation, faites-en 1'application a votre confcience , & ne foyés point contempeteurs de fon Nom. Oü font, vousdit-il, lesfruitsdemesfoins? ou lont les marqués de votre refpecl: & de votre reconnoiffance ? oü eft 1'amour Sc TobéifTance que vous étes tenus deme témoigner ? 8 3 Car  2 a 1. Serm. jD/'ef/ Pere £?• ^«ge iej Hommes. Car enfin ne.vous figurés point que ce titre de Pere foit uniquement deftiné a vous faire fentir 1'étendue des compasfions divines. II eft deftiné auffi a vous faire fentir 1'étendue, le poids & la force de vosobligations. Si vous Pinvoqués pour Pere, vous faites par cela même profeffion d'être fes enfans, vous vous engagés a reconnoitre fes tendres-foins, a vous foumettre a fon autorité a refpeder fa volonté, en tout & pardesfus toutes chofes Vousdevés 1'aimer, le craindre, luiobéïr, comme fes imitateurs, comme fes enfans , felon qu'il eft écrit & felon que Si. Pierre vous le rappelle dans les verfets qui precedent mon texte: Soyés faints car je fuis Saint, comme celui qui vous a appellés eft faint, vous auffi pareillement foyés faints dans toute votre converfation. Que fi vous refufés d'obéir a votre fainte vocation, fi vous voulés perfifter dans une converfation vaine, quoique vous en ayés été rachetés par lef ang de Chrift. Si vous refufés de purifier vos Ames dans Pobêiffance d la Vérité', que faites vous, fi non deshonorer les beaux titres cYEnfans & de 'Rachetés de P'Eternel'? & vous attirer  I StRM. Dieu Pere & Juge des Hommes. 23 attirer le fanglant reproche que Dieu fai oit a Panden peuple par la bouche du Prophéte Efaïe ? Cieux écoutés! fif tot Terre prête T oreille ! car PEt er nel-a par lé, difant; fai nourri des enfans fi? les ai eleve's, mais ils fe font rebelles contre moi. Ha nation pêehereffe ! Enfans 'qui nefont que fe corrompre l ils ont irrité par mépris le Saint a?Israël, il fe font retirés en arrierel Peut - être feriés-vous tentés de croire que pareils reproches fe reflentent de la rigueur de 1'ancienne Loi Peut-être feriés-vous enclins a vous flatter que fous PËvangile, qui eft une oeconomie d'Amour & de Grace , vous n'avés point les mêmes fujets d'apprehenfion & de crainte — Peut - être penfés- vous dans le fecret de vos cceurs, que la tendrefle paternelle que Dieu vous a témoignée en fon Fils bien - aimé, Pemportera toujours fur tous vos pêchés & Pempêchera de punir vos froideurs, vos négligences, vos prévari- cations, vos ingratitudes. Mais de- trompés vous d'une illufion fi dangereufè, & qui pourroit vous devenir funefte. 20. Pour Pere- vous invoquês celui qui juge felon Poeuvre de chaam, fa qualité de B 4 Pers  24 ï- Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. Pere n'aveugle point fon jugement: elle peut bien vous faire efpèrer qu'il fera attentiona votre foibleife naturelle, & qu'il y aura égard. II fait de quoi nous fommes faits, fe fouvenant que nous ne fommes que •goudre. Hélas que deviendrions nous , & qui pourroit fubfifter s'il debatoit avec nous felon la rigueur de fes droits ? — 1'Alliance qu'il a traité avec nous, vous permet donc d'èfpèrer, vous affure même que fi vous faites de finceres efforts pour iui plaire, il vous pardonnera l'imperfeélion de ces efforts, en faveur de leur fincérité, & que le mérite de fon fils couvrira vos défauts. Mais du moins il exige que vous les faifiés ces efforts finceres, que vous les manifeftiés par un amandement de vie réël, que vous travailliés d votrepropre falut avec crainte & avec tremblement; que vous ayés une Foi opérante par les bonnes oeuvres, que vous faifiés de continuels progrès dans fa connoiflance, dans fa crainte &dansl'obfervation de fes faints commandemens-. Dans quelle autre vue vous a t-il favorifé de fes graces, promis fon fecours, confié les talens? Voila»  • \t$Em. Dieu Pere & Juge des Hommes. 25? Voila, voila la vocation a laquelle il vous a appellés, a laquelle vous êtes tenus de répondre; & c'eft la V'Oeuvre de laquelle il juge, & felon laquelle il juge un chacun fans avoir égard d Papparence des Perfonnes, Son jugement eftunjugement que vous ne pouvés decliner ni fuir; c'eft un jugement duquel Pon n'appelle point, un jugement que vous ne fauriés ni tromperni corrompre. C'eft un jugement auquel vous ne fauriés un feul moment vous derober ou vous fouftraire. Toujours & partout vous êtes fous les yeux de Dieu & eh la préfence. II entend vos difcours, il obferve vos pas? • il fuit vos demarches, il remarque vo> acïions, ildémèlevos intentionsfecretr.es, il appergoit de loin vos penfées, il fonde Sc il pefe vos cceurs. Et quelle circonfpeóïion ne vous doit pas infpirer 1'idée de la prefence augufte dece Pere &juge fcrutateur des cceurs &W>s reins* Quelle crainte de lui deplaire, quelle attention a étudier faVolonté pour y conformer votre conduite ? quel défir d'obteB $ nir  2 6 I Serm. Dieu Pere & Juge des Hommes. nir fon approbation qui feule véritablement vous importe. C'eft fur ees idéés qu'étok fondée la belle exhortation que Ie Roi David addresfoit a fon peuple & en particulier a fon fils & fuccefleur Salomon: Maintenant donc, je vous fomme en la prefence de tous IJraël qui eft Pajfemblée de l'' Eternel,■ fi? devant notre Dieu qui Ventend, que vous aye's d. garder fi? rechercher diligemment tous les commandemens de VEternel notre Dieu. Et toi Salomon mon Fils, connois le Dieu de ton pere, fi? fers le avec un coeur entier fi? une bonne volonté , car PEternel fonde tous les Cceurs fi? connoit toutes les imaginations des penfées. Si vous revêtés ces faintes & falutaires. difpolltions, vous pourrés 1'invoquer avec confiance. De telle compajfion qu'un pere tjl e'mu envers fes enfans, de telle compaffion PEternel efl êmuenvers vous. 11 vous recevra en grace quand vous recourerés de cceur a Lui. II e'luignera de vous vos forfaits autant que Porient eft éloigné de Poccident. II vous rendra toutes vos épreuves falutaires: dans tous vos be/oins, dans toutes vos nécefii- tés  I. Serm. Dieu Pere £? Juge des Hommes, tés f9 dans tous vos périls, il vous tendra fa main fecourable. Car fes yeux fe promenent fans cejfe par toute la terre, afin quil fe montre Fort en faveur de ceux qui ont le coeur droit devant lui. Et après vous avoir marqué durant tous le tems de votre féjour temporéi des foins & des tendrefles de Père, il vous recueillera dans Téternel «Sc célefte féjour, & vous élevera a lapoffeffion des richeffes de lagloire de fon Saint Héritage. Dieu nous en falTe a tous la grace / Amen. Tom 1. SERMONS  28 SERMON SECOND SUR PROVERBES XVI: VS. 3. Remets tes affaires a V Et er nel, &tes penfêes [eront bien ordonnées. TV/f arthe, Marthe tu t'inquiètes&lbucie -L»J- de beaucoup de chofes,mais une cbofe eft néceflaire. C'efl:, mes Frères, le reproche inftru&if addreffé parjleSauveur a cette Femme dont il condamnoit Ta&ivité exceflive. La même exhortation convient a quantité de cbrétiens, qui oubliant le but de leur' vocation, & Tim. portance des foins qu'il doivent au falut de leur ame, femblent uniquement occupés de ceux du corps & de cette vie, & qui s'en occupent avec tant d'ardeur & fi peu de discernement, qu'en négligeant leurs éternels intéréts, ils troublent encore le répos de leur vie pré-  SermonII. Si/r Prov.XVT: vs. 3. 29 préfente. Mais quoi de plus imprudent qu'une pareille conduite ? les affaires de cette vie méritent lans doute qu'on s'en occupe jufqu'a certain point, puisqu'elles peuvent contribuer a notre fécilité ou a notre malheur; mais elles ne méritent pas qu'on leur facrifie le falut de 1'ame, ni le contentement de 1'efprit. Un homme fage tachera donc de fe comporter a leur égard d'une maniere qui ne prejudicie ni a 1'un ni a 1'autre de ces grands intéréts; & le meilleur confeil a fuivre pour eet effet, c'eft celui que nous donne Salomon dans notre texte: Remets tes affaires d F Eternel SJ tes penfe'es feront bien ordonnées. Méditons ce confeil, Mes Frères, avec une attention proportionnée a Ion importance, «Sc a 1'utilité que nous en pouvons rétirer. Tachons d'apprendre a ordonnerfi. bien nos penfées, nos défirs, «Sc en général toute notre conduite rélativement aux affaires temporelies, que loin de nuire, eiies fervent a notre contentement ici bas3 & a notre falut pour 1'Eternité. Ce Difcours aura deux parties: Dans la première nous developperons les principales idéés renfermées dans ce confeil  3 a SermonII. .SW-Prov.XVI: vs. 3. confeil de Salomon, remets tes affaires d V Eternel. Dans la feconde nous vous ferons fentir la fagefTe & la bonté de ce confeil, par 1'expofition des grands avantages qu'on recueille de fa pratique. Dieu veuille bénir cette méditation. Ainfi foit il! I. Remets tes affaires d VEternel. Ne penfés pas, Mes Frères, qu'en donnant ce confeil le plus fage des Rois ait eu en vue de nous interdire toutemploi de moyens, ou que fous prétexte de laifTer a la Providence la gloire du fuccès plus entier & plus pur, il ait voulu condamner les mefures que dicte une prudence éclairée. Dans toutes les affaires de la vie, dans toutes les entreprifes honnêtes qu'on forme, il eft permis, il eft jufte, il eft nécefTaire de fe fervir des moyens convenables & propres a les faire réuflir. C'eft 1'ordre fagement établi de Dieu même dans le gouvernement de ce monde: quiconque les négligé, ne doit point s'attendre au fuccès; car il feroit derai'bnnable de fuppofer que Dieu voulut faire des mi-  SermonII. SurVnov, XVI: vs. 3. 31 miracles pour favorifèr la parefle ou firnprudence des hommes. Mais en permettant & en ordonnant qu\)n employé pour réuffir des moyens naturels, Dieu veut: i°. Que jamais on n'en employé d'autres que ceux qui font innocens & licites. 20. Que dans le tems que nous les mettons én oeuvre, nous attendions le fuccès, non de nos propres efforts, mais de fa bénédiction. 3°, 'Que nous implorions fa divine bénédiction par une priere duement qualifiée. Enfin, que fans témoigner fur la réuffite, l'anxieté&lesfoucisinquiets, qui font le tourment des mondains, nous en abandonnions le fuccès aux foins de la fage Providence, & que d'avance nous nous contentions de Tévenement qui en réfültera. Ce font la quatre idéés principales renfermées dans le conferl de Salomon. Developpons les. Dans toutes nos affaires nous ne devons jamais employer que des moyens innocens , a tous égards honnêtes & légiti- mes  32 SermonIL ^rPROV.XVI: vs. 3: mes, ni fuivre dans la conduite de notre vie d'autre regie, que celle du devoir & de la confcience. Tout homme qui ne porte point ce principe gravé fortement dans fon cceurs ou qui négligé de 1'exprimer dans fes demarches , fe vante a tort, de remettre fes affaires a VEternel. Dieu eft un Dku. qui aime la vérité au declans de Phomme, qui exige la droiture & la franchife dans la conduite extérieure» Ce feroit lézer les perfeélions de ce Dieu, qui a les yeux trop purs pour voir le mal, de s'imaginer qu'il voulut favorifèr de fa bénédiction 1'emploi de moyens qui marquent un mépris criminel de fa fainte volonté. Non jamais le menfonge, la fraude, les voyes obliques, ni tous les artifices honteux que fuggère une faulfe politique, ne feront qu'allumer fon courroux, & expofer ceux qui ofent le braver aux eifets de fa jufte vengeance. 11 fait donner a ces hardis ouvrïers d?imquité des marqués fenfibles de fon indignation, tantöt en deconcertant leurs projets, tantot en leur faifant trouver dans raccompliffement même de leurs mauvais deffeins, la jufte punitiondeleurmaiice. Tou-  SermonÏI. Sur FRoy. XVI: vs. 3. 33 Toujours le Dieu vengeur du crime empoifonne 1'apparente félicité des méchans, par le trouble feeree, qui devore leur arae, &s'ils s'y obflinent jufqu'a une impénitence finale, il fe referve a leur prouver dans le fiècle k venir, que leur vain triomphe fut de courte durée. Ah! Mes Freres, que le fage avoitraifbn de dire, le méchant fait une oeuvre qui trompe: car ou le fuccès trompe fon attente , ou fi le fuccès y répond, il n'y trouve point la fatisfaction qu'il en avoit efpérée. Ainfi pour fruit de fes efforts criminels, il ne recueille que la honte de les avoir fait en vain, ou le regret de les avoit fait pour des objets qui ne valoient pas la peine & les foins qu'il s'eft donné pour les acquérir, beaucoup moins qu'il y fa.crifiat le repos de fa confeience. Qu'on dife tout ce qu'on voudra , il n'eft de véritable fageffe ni d'habileté réelle & louable, que celle que la piété éclaire & qui fe regie fur la volonté de Dieu: la raifon en eft, que nous n'avons dans le monde qu'un feul intéret capital, c'eft de plaire a Dieu, de nous conciüer fa faveur^ & de nous afTurer fa prote&ion* Tom. II. C S'il  34. SermonIL Sur Proy. XVI: vs 3. S'il y avoit pour y parvenir quelque autre route,-que cciïedela vertu, finous pouvions nous pafler du fecours de Dieu, ou fi quelque chofe étoit capable de nous dedommager du malheur d'encourir fa disgrace, 00 feroit moins furpris de voir tant d'hommes fuivre aveuglement les defirs de leur cceur corrompu, employer dc mauvais moyens pour faire réuffir des entreprifes condamnables , & ofer encore honorer une pareille conduite du titre dedextérité, d'adreffe ou de prudence: mais qui peut fe faire illufion la delfus! Ne fommes nous pas des êtres foibles & totalement dépendans de 1'Etre fuprême qui régit 1'univers. Pouvons-nous fans fa bénédidion nous flatter d'amener quelque entreprife a une fin defirée. Dieu n'at-il pas declaré en mille endroits de fa parole, que fa faveur & fa bienvueillance eft refervée uniquement a ceux qui le craignent & qui gardent fes commandemens) Regarderions-nous comme avantageufe une fin, a laquelle nous irions par la violation de fes loix, & par conféquent par le fur moyen de lui déplaire, & d'attirer fur nous fa maledidion: & quand même dans  SermonII. Sur?ELOY.XVh vs, 3. 3 ƒ dans fon courroux, Dieu permettroit que ;nous viffrons denos deifeins reffet defirés :pourions-nous douter un feul inftant que :ce qui nous a éloigné du plus grand intérêt que nous ayons dans le monde, je veux idire le bonheurdeplaire a Dieu, ne nous 'fok réellement nuifible, fous quelque face ;que nos paffions puiffent s1efforcer de nous ireprefenter la chofe ? 20. Une feconde idéé renfermée dans ;le confeil de remettre nos affaires h VEternel, (eft, que nous ne devons point attendre le ifuccès de nos propres efforts, mais de la jbenediction divine, qui peutfeule les rendre efHcaces. Comme il y aurok de Pimprudence a néj ;gliger les moyens honnêtes, qui peuvent fervir a Pexécution de nos defTeins, ce feroit de il'autre part un temeraire orgueil, de les 'eftimer fuffifans, en leur attribuant nos ifuccès independamment de la bénédidtion ;de Dieu, qui fait tout profpèrer. Rien de plusdeplacé, de plus criminel jque Parrogance des foibles humains, qui \encenfent a leurs rets, qui difent ma mam fif mon confeil ntont acquis ces chofesy & qui C z s'ap-  3 6 SermonII. S«tProv.XVI: vs. 3, s'appuyans fur leur induftrie & fur leurs forces, manquent a faire hommage aux foins de la Providence. Hélas! fans elle que peuvent nos foins, 6c que peut toute la vigilance humaine? combien de fois vit-on les mefures en apparence les plus fages & les mieux concertées, fuivies d'un événement contraire a Pattente: 6c par combien de voyes en erfet, 'la providence peut-elle deranger les projets des foibles mortels, pour prouver a ceux qui méconnoilTent fon empire que la bataille neji point aux forts ni la courfe aux legers! Elle n'a qu'a fufciter un obftacle imprevu ou infurmontable: elle n'a qu'a fufpendre un inftant les foins qui confervent aux caufes fecondes leur exiftence ou leur efficaee. Auffitöt nos defleins s'en vont en fumée, nous éprouvons qu'ici bas on fe promene parmi des ombres 6? des apparences, 6c que les moyens fur leiquels nous avions le plus compté , deviennent des rofeaux qui plient, ou qui percent la main de ceux qui ont la folie de s'y appuyer. Ah fi PEternel ne bdtit la maifon, ceux qui la bdtijfent y travaillent en vain, fi F Eternel ne  SermonII. SurProv.XVI: vs. 3. 37 , ne garde la Vïïle celui qui la garde fait le 1 guet en vain: cefl en vain que vous vous le* 1 vés de grand matin, que vous vous coucbés i tard, fi? que vous mangés le pain de douleur, I certes cefl Dieu qui donne du répos d celui qu'ilaimt(a). Si donc il eft permis & raifonnai ble d'employer des moyens honnêtes & légii times pour 1'exécution de nos entreprifes, | il nous eft defendu d'y mettre notre con! fiance. Nous devons la placer uniquement I en a protedion & en la bénédidion dePE! tre fuprême: remets tes affaires d /' Eternel. 3° Mais cette proteótion , & cette i bénédidion, nous devons la folliciter par j des prières humbles & convenables; c'eft S une troifième idéé renfermée dans le conj feil de Salomon. La prière eft non feulement la voye la | plus naturelle & la plus refpedueufe pour 3 exprimer a Dieu la dependance profonde i oü nous fommes de fa volonté; c'eft enI core un moyen auquel Dieu a promis d'at1 tacher les fecours & les graces, dont nous •■ avons befoin. Invoque-moi, nous dit-il, au jour de la detreffe, & je fen retirerai & tu ffU fa) Ps. CXXVII: l-s. P C 3  38 SermonII. 5«rPadv.XVI: vs. 3. me glorifieras: & ce que Dieu dit de la circonftance particuliere des affliótions, eft applicable k toutes les autres circonftances de la vie, oü fon fecours nous eft également néceffaire. Nous ne devons donc jamais entreprendre rien de confiderable, fans en recommander a Dieu le fuccès 3 & fans le prier qu'il bénifle nos delfeins. Cette prière doit lui être prefentée avec toute Phumilité, la foi, le refpect, la ferveur, & la perfeverance, quiqualifienfc des oraifons agréables k la Divinité: quand il s'agit de nos intéréts temporels, ou de nos 'affaires, notre oraifon doit être accompagnée de la réfignation la plus humble & la plus foumife k fa volonté adorable, & jamais fans y joindre cette claufe exprefTe ou tacite 3 fi Dieu le juge expédient pour fa gloire & pour notre falut. Obfervés, Mes Frères, qu'il y a cette différence entre les graces fpirituelles ou les temporelies, que nous demandons k Dieu; que nous favons k n'en pouvoir douter, que les premières nous font furement & en tous tems avantageufes: il s'en faut bien que nous ayons la même ^ertitude au fujet des demandes de la fe- conde  SermonII. .SWrpROV.XVi: vs. 3. 39 eonde efpèce. Trés fouvent ;la fanté, ] les richeffes, ou les honneurs, que nous i demandons a Dieu dans notre ignorance, ; & que nous lui dernanderions d'une manière : vicieufe & imprudente, fi nous le faifions I dans un fens abfolu & fans cette reftri&ion, i feroient pour nous de funeftes prefens, ( qui nous fourniflant matière ou occafion i dechute, formeroient des obftaclesa notre ' véritable bonheur. Dieu eft infiniment plus fage que nous 1 Mes Frères, il connoit ce qui nous eft 1 avantageux infinement mieux que nous ne j le connoiflbns nous-même. Notre ignof rance & notre intérêt exigent donc égalet ment, que nous faflions au fage Arbitre 1 des événemens, le facrifice de nos foibles i lumieres; que nous foumettions a ion bon : plaifir nos defirs mêmes & nos vceux; ( pour nenfouhaiterl'accompliflement qu'au I cas qu'il tende & qu'il ferve a glorifier fon 1 faint nom & a avancer 1'ouvrage de notre 1 falut. 4.0. Une quatrième idéé contenue dans 1 le confeil de remettre nos affaires d PEternel ) eft que fans témoigner fur la réuffite denos entrepriiesfanxiété & les foucis inquiets, C 4. que  40 Sërmon IL*5^Prov.XVI: vs. 3. que les mondains font paroitre , nous» abandonnions le fuccès aux foins de la Providence , acquiefcans d'avance avec refpect a 1'événement qui en refultera; ces fentimens font a proprement parler le corollaire ou plutöt la conféquence des principes que nous venons de pofer. Nous fuppofons un homme qui s'applique avec la vigilance convenable aconduire les affaires felon le degré d'induftrie dont Dieu 1'a doué, mais qui en même tems refpecte fi véritablement fa volonté de precepte, que pour rien au monde il ne voudroit sécarter de fon devoir, ni recourir & des voyes obliques pour parvenir a ces fins. Nous fuppofons encore un homme qui penfe comme il le doit fur rinfufhïance de fes efforts & fur la nécefïïté de la protection de Dieü: nous fuppofons enfin un homme, qui prend foin de mettre Dieu dans fon parti, qui foliicite fon afMance & fa bénédiótion par la priere, mais qui le foliicite de la maniere la plus humble & la plus refignée a fa volonté, toujoursfouverainement adorable. Quel autre parti rpfle-il k eet homme que d'abandonner 1'événs-  SërmonII. Sur Prov.XVI: vs. 3. 4.1 : Tévénement aux foins de la Providence, & ' d'y acquiefcerquelqu'ilpuifle être? Après ' avoir fait dans la crainte de Dieu tout ce l qui lui étoit polfible & licite, fes foucis, & fes inquiétudes ne feroient qu'empoifonner la douceur de fa vie & fouiller la gloire de fon innocence. Troublera t - il a pure perte fon propre repos par des inquiétudes & des foucis, qui peuvent aulfi peu changer ce que Dieu a arrêté dans fon confeil, qaajouter une coudée d fa flature. Voudra t-il offenfer fon célefteProte&eur en marquant qu'il fe défie de fes foins? dira t-il comme le mondain, mais fi le fuccès alloit tromper mon attente, — fi malheureufement toutes mes efpérances étoient fruftrées, — fi eet ami fur lequel ie comp- tois venoit a me manquer ? ? fi 1'omilBon de ce moyen que je refufai d'employer paree qu'il me paroiffoit incompatible avec mon devoir, alloit pourtant être la caufe de mon peu de fuccès, fi après tous mes efforts & toute ma vigilance, pour me procurer 1'établiiTement ou la dignité que j'ambitionnois, j'allois me voir réduit a 1'indigence, a 1'obfcurïté, au mépris? C y Ah!  42 Sermon II. SurProv. XVI: vs. 3." Ah! Mes Frères, laifTés les méchans fe plaindre d'avoir une fois fuivi leur dcvoir, & de pouvoir une fois imputer a la pratique leur malheur prétendu. LaifTés leur en partage cette anxiété & cette follicitude pour leurs intéréts temporels, que Jé'us Chrift a defcndu k fes difciples, & qui confifte k fe peiner & k s'inquiéter avec trouble & avecdéfiance pour des objets qui n'en fint pas digne.s : laifTés leur en partage ces foucis devorans, ces triftes & continuelles allarmes > qui font tout k la fois la matière de leur crime & Tinftrument de leur fupplice. Pour vous Chrétiens, montrés que la volonté du Monarque de 1'univers règle la votre. ne prefcrivés point k Dieu ce que vous voulésqu'il fafTe en votre faveur; repofés-vous plütót fur fes foins paternels; & après avoir mis en ceuvre tout ce que vous pouviés & deviés employef de foins felon les régies de la prudence & de la religion, abandonnés lui 1'événement, & difpolés vous k recevoir de fa main, ce qu'il lui plaira de vous difpenfer. Attms tot d Dieu, nt pas digne.s : laifTés leur en partage ces foucis devorans, ces triftes & continuelles allarmess qui font tout a la fois la matière de leur crime & rinftrument de leur fupplice. Pour vous Chrétiens, montrés que la volonté du Monarque de 1'univers règle la votre. ne prefcrivés point a Dieu ce que vous voulésquTil fafTe en votre faveur; repofés-vous plutót fur fes foins paternels; & après avoir mis en oeuvre tout ce que vous pouviés reux, d'être 1'objet de fes foins paternels ï Telle autre voye nous paroit facheufe> qui ne paroit telle qu'a notre ignorance. ;— Nous redoutons la maladie, la fouffrance, l'affli&ion, le mépris, la correction, 1'état d'épreuve: en un mot fi Dieu avoit lailTé a notre choix la maniere de le glorifier dans ce monde, nous n'aimerions pas naturellement a le faire par la pratique difficile de la patience. Mais Dieu connoit infailliblement les circonftances ou un pareil devoir & un pareil état eft le meilleur pour nous: il ne dispenfe h. fes Enfans 1'état d'épreuve que dans cette vüe charitable; il en adoucit 1'amertume par fes précieufes confolations, il en promet le dedommagement magnifique dans l'économïe a venir par une remuneration éternelle. Enattendant il demeure fidéle & ne permet pas que fes enfans foyent éprouvés au déld de ce qu'ils peuvent fupporter: avec fa Grace qu'il leur accorde, et qui leur fuffit, il accomplit fa vertu dans leur foibleffe, & c'eft ainfi que fes foins paternels font de la voye de Pépreuve, la route  Sermon II. S&PaoY.XVI: vs. 3. 6$ la route qui conduit a la permanente Félkité, & quiaboutit aune gloire immortelle. APPLICATION. Entre divers ufages qu'on peut retirer dè la doctrine que nous venons de méditer, > nous n'en choiffiffons qu'un., par lequel 1 nous terminons ce Difcours. C'eft que la pratique fidéle du confeil i de notre texte, fournit la folution la plas | aifée «Sc la direótion la plus fure dans les { cas épineux de la vie. — II fe rencontre ■ dans le cours de la vie de ces conjonctures 1 difficiles & embaraffantes, oü toute la 1 prudence humaine le trouve arrêtée, & > ne fait comment s'y prendre, pour com j duire furement une affaire a une heureufe i fin. Dans ces rencontres 1'occupation de ; la politique eft d'inventer des expédiens; ; & d'avifer aux reflources. Mais fi cette : politique ne prend elles même pour guide ! le confeil de notre texte, par une invaria1 ble refolution de ne jamais employer que I des moyens licites; elle court risque de i s'égarer, & d'égarer ceux qui s'y laiffent : conduire: elle aura le fort de Vavengk qui Tom. II. E cm-  66 Sermon II. SurVtfby. XVI. vs.3 conduit un autre aveugle, & qui tombent tous deux dans la fojfe. Oui, Mes Frères, fi dans ces occafions, Ia faufle prudence des enfans du fiecle, vous fait perdre de vuëie grand intérêt de plaire a Dieu & de lui obéïr; fi une fois vous vous laifTés entamer fur le chapitre de la droiture, & que pour vous tirer d'un mauvais pas ou pour fortir d'une fituation embaraffante, vous confentiés k recourir a quelque artifice criminel, ou a vous fervir de quelque voye oblique, vous ne ferés que rendre le cas plus embaraflant & plus épineux: ce premier faux pas vous voudrés lecacher: pour pallier votre faute il faudra recourir aa menfonge.— Un abyme appellera un autre abyme au fon de fes canaux. Vous ne ferés que vous engager de plus en plus dans un labyrinthe, qui ne laiffera aucune ifTuè* pour vous, qui nefoit deshonorante. Tot ou tard la trame fe decouvrira, & vous refterés couverts de confufion & de honte. Ah Chrétiens! jamais vous ne vous trouverés dans femblable embaras, fi vous .lui-  Sermon II. Sur Prov. XVI. vs. 3. 6r fuivés fidélementle confeil de notre texte: vos penfées feroni bien ordonnées, votre chemin fe trouvera toujours applani devant vous. Le parti que votre devoir vous dicte vous paroitra toujours ce qu'il eft en effet; le meilleur a tous egards, le iplus fur & Ie plus honnête, le plus propre a vous épargner toute inquiétude d'esprit, tout remords de confcience, tout blame fondé de la part des hommes, & ce qui doit vous intéreffet infinement daivantage, le plus propre k vous attirer Papprobation de Dieu tout puiflant & tout ibon; de ce Dieu a qui feul il vous importe de plaire; de ce Dieu dont la faveur & la proteciion font votre force & votre jappui immortel! Si tu établis le fouverain pour ton domicile, aucun mal ne te pourra renicontrerj car puisqu'il m'aime avec affeclion ia dit le Seigneur, je le mettrai en une haute 'retraite, il mlnvoquera, moi je Pexaucerais \je ferai avec lui dans la detre ffe , je Pen re~ tirerai, je le glorifierai, 'fi? lui ferai voir \ma delivrance.(d).Dku nous en faffe la grace. AMEN. SERNfON | ' ' (a) Ps.' XCI. Ei  6% SERM O N TROISIEME POUR LA CLOTURE DE L'ANNEE MDCCLXVI. SERMON SUR PSEAUMECVII.vs:43„ | Qukonqne eft fage, prendra garde d ces chofes, afin qu'on conjidère les gratuités de F Eternel. Vous voyês beaucoup de chofes, maisi vous ne prenés garde d rien. (d).. C'eft , Mes Frères, le reproche que \ Dieu faifoit a l'ancien Peuple par la: bouche du Prophéte Efaïe. Ce ré- proche convienta la fecurité, & al'infenfibilité ftupide avec laquelle trop fouvent; les hommes envifagent les jugemens du Ciel. — Mais il n'eft pas moins appliquable a ceux qui manquent a réconnoitre les gratuités de FEternel & les bien- faits I (n) Esaye XLII: ao:  Sermon lil Sur Ps. CVII. vs. 34. 69 faits fignalés de fa Providence. C'eft contre ce dernier défaut principal'ement, que le Pialmifte veut nous munir dans les paroles de notre texte, oü il propofe comme un trait caractéristique de fageffe le foin d'oblërver attentivement les oeuvres merveilleufes du Seigneur, fes détlivrances & fes gratuités, pour Ten glorifier d'une manière convenable: quiconque tft fage, dit-il, prendra garde aces chofes, afin qiïon confidère les gratuités de TEternel Nous voudrions vous aider a remplir )cet important devoir, mes Chfcrs Frères, & c'eft le delfein de ce Discours. Pour eet effet, après vous avoir fuccinótement expolé le büt & le contenu de ce cantique ainfi que le fens des paroles de notre texte, qui en font la conclufion, nous envifagerons cette matière par voye d'application a nous -mêmes', a notre fi;tuation paffée & préfente, & rélativement a la circonftance de la fin de 1'Année oü nous touchons. I, Nous ferons volr, que foit que nous jnousconfidérions comme fimples hommes, {jou comme habitans de ces heureufes Proyinees, pu comme Chrétiens & membres E 3 <Ü  70 Sermon III. Sur Ps. CVII. vs. 34. de 1'Eglife que Dieu y a récueillie & con, , fervée par fes foins miféricordieux, nou9 j nous trouvons de toute part prevenus, en- • vironnés, & tellement comblés des gratuités de FEtertiel, que pour peu que nouss afpirions au tltre d'hommes fages, toutes la vivacité de nos fentimens doit être employee a les célèbrer, &tout ce qui nouss refte de vie confacré a fon faint fervice. Dieu veuille par fa grace que ce quii fait le but de ce discours en foit auffi les fruit. Dieu veuille que falutairement touchéss de fa Parole, & fidèles alamettre en effet,: nousattirions fur 1'Etat & fur 1'Eglife, furi nos perfonnes & fur nos families, furi nos différentes vocations, & fur tout furi Pimportant ouvrage de notre falut éternel, unrénouvellementde bénédiöionsSa une augmentation de graces, qui nous; mette en état de célèbrer dans le üemss & dans 1'éternité, ce grand Dieu tout! puiffant Sc tout bon qui remplit le ciel de: fagloire, & Punivers entier de fes bien-' faits. Ainfi foit - il. Le buc général de ce cantique efti ?f enfeigner que c'eft Dieu qui règle tous- les;  Sermon III- Sur Ps. CVII. vs. 34. ?i les événemens par fa Divine Providence, & qui par fa miféricorde fauve de tous les dangers, ceux qui ont recours klui. i Dans ia première partie de ce cantique le Pfalmifte prend atemoin de cette venté quatre ordres de perfonnes qui ayant eü recours a Dieu dans leurs maux &.en ayant été délivrés, font pathétiquement exhortés a lui payer le jufte tribut de leurs louanges. i. Ceux qui dans 1'exil, dans lafuite, ou dans des voyagesde long cours, après avoir erré dans de valles folitudes, comme avoient-fait les Israëlites dans le defert, après avoir lutté contre les nécesfités prelfantes de la faim, de la foif, & de mille perils, ont été retirés de cette extremité par la proteótion de Dieu, qui les aguidés, adrejfés au droit chemin, & conduits d un lieu de répos &> de fureté. 20. Des captifs enchainés, oudespnfonniêrs, qui de leurs noirs cachots oü regnoientdes^ra femblables d Vombr.cde la mort, ont elevé leuw voix plaintives a rEternel, qui touché de leur humihation E 4 &  j& Skrmon III, Sur Ps. CVII. vs. 34; & de leurs gémiflemens, les a delivre's de leurs angoijfes, brifè leurs fers, ■ & rompu les portes (Pairain. 3°. Ceux qui par un jufte chatimenc de leurs transgreffions, fe font vü affligés de maladie, réduits a de mortelles langueurs, prets a descendre au fepulcre, mais qui s'étant reconnus & humiliés devant Dieu, ont éprouvés fon fecourspropice, guêris par fa parole, & arrachés des portts de la mort. 40. Des navigateurs enfin, qui en courant les mers ont vü les ceuvres de Dieu parmi les grandes eaux; qui au fort d'un horrible orage, chancelans comme des hommes yvres dans un navire battu des vents& des flots, tantot pöuffés vers les cieux, & tantöt descendans aux abymes, prets a perir a tout inftant,; ont crié a Dieu, qui calmant la tempête, les a fauvés dunaufrage, & conduits au port oü ils tendoient. Voila quatre ordres de perfonnes a qui le Pfalmifte s'adreffe fuccelTivement dans tes 31 premiers verfets de ce cantique. II les confidère-comme autant de ra$f de PEtemcl, trés particulièrement ap-  Sermon III. 5«rPs.CV.IL vs. 34. ^3 appelles d célèbrer fes gratuités, qu'ils ont perfonnellement & fenfiblement expérimentées. Voila pourquoi il repète jusqu'a quatre reprifes cette viveexhortation, qu'ils celèbrent envers fEternel, fa gratuité, 6? fes merveilles envers les fils des hommes: c'eft-adire qu'ils reconnoiflent & louent fadivine bonté! qu'ils faflent hommage al'Eternel de leur delivrance & qu'ils publient parmi les hommes que c'eft lui qui les a delivrés. II. Mais fi Pon doit adorer la direction fuprême de la Providence dans les épreuves & les delivrances des particuliers, qui ne 1'adoreroit dans fes dispenfations envers un Pays & un peuple: c'eft un fecond objet que le Pfalmifte préfente a la méditation des fages, dans la 2e. partie de ce cantiquë depuis le verfet 3 2. jusqu'a celui quiprécède immédiatement mon texte. 11 ofrerve que c'eft Dieu qui règle le fort d'une nation, qui frappe un pays de ftérilité ou qui le rend fertile; qui quelque foit la nature du terroir, produit quand E J i1  74 Sermon III, Sur Ps. CVII. vs. 34: il lui plait ces changemens oppofés, par un effet de fafouveraine puiflance, tantot reduifant les fleuves en défert, & la terre fer~ tik en terre fake, & tantöt faifant d'un terroir aride ou ingrat, un pays fertile & riche, orné de grandes villes, peupléea d'habitans heureux. C'eft Dieu encore, comme le Pfalmifte continue a 1'obferver, qui multiplie ou qui diminue dans un pays le nombre de fes habitans, de même que le bétail, & les troupeaux; qui disperfe les families ou qui les établit, qui hurailie ou qui enrichit; qui repand le mépris fur les principaux, tandis qu'il elève le pauvre de lapoudre, & qui dans toutes ces diverfes révolutions & dispenfations de fa Providence, jufte & terrible dans fes jugemens, mais admirable & magnifique dans fes délivrances & fes bénédiótions, fe montrele Dieu qui régit funivers, 1'Arbitre fuprême du fort des hommes & le Protecteur de ceux qui le cherchent & qui le reclament. Les hommes droits, dit-il, voyent cela, eY s'en réjouijfent, mais toute iniquité a la louche fermée: puis il conclut dans mon texte,  Sermon III. Sur Ps. CVII. vs. 34. 7? texte, qukonque eft fage prendra garde d ces chofes. verfet 42. II y a dans 1'original, oh eft le fage, ou qui eft fage? il obfervera cescholes, il y prendra garde. ï*r Paria font tasiésdemanquer de fagefle, tous ceux qui méconnoiffent la main adorable qui dispenfe & qui règle tous les evénemens qui viennent d'être decrits. Ceux qui aiment mieux les attribuer ou a un aveugle hafard, ou a une fatale néceflité, ou a Penchainure naturelle des caufes fecondes en mettant a Fécart la caufe première & fouveraine de qui tout dépend; & qui par des opinions fi abfurdes & fi deraifonnables méritent a jufte titre fepithéte d'infenfés, ou d'hommes depourvus de fens, que Técriture leur donné communément. Ce font des hommes dececara&ere queDavid apoftrophe dans le Pfeaume XCIV. (a). Vous les plus brutaux d'entre le peuple, prenés garde d cm: & vous fois quand ferés vous entendus) celui qui aplantéPoreille nentendra-t-ilpoint} (a) Ps. XCIV. 2-9-1°.  76 Sermon III. Sur Ps. CVII. vs. 34.; lui qui a r rmé Poeilneverra t-il point )„ celui qui reprime les nations, celui qui enfeigne la fcience aux hommes, ne redarguera*t - il point? ■' •■ ■ -. s 20. Dans mon texte hfageje eft oppofée non feulement afefprit d'incréolulité, de faufle philofophie ou de faufle politique, mais encore k f inattention, au manque de reflexion, a Finfenfibilité, k Tingratitude, & en un mot a tous les défauts qui empêchent les hommes d'obfèrver comme il le faut les merveilles du Seigneur, ou de Ten glorifier d'une manière convenable; car c'eft la ce qu'emportent ces deux expreflions, prendre garde d ces chofes, & y confidérer les gratuités de Téternel. 1. Prendre garde d ces chofes, ou les obferver comme il faut, c'eft y prèter une grande & férieufe attention, les imprimer en fa memoire, en conferver chèrement le fouvenir. Ceft les mediter fréquemment, en faire une étude diligente & réflechie, pour apprendre a connoitre combien Dieu eft grand & adorablc dans la conduite de fa Providence , fage dans fes dispenfations, jufte  Sermon III; Sur Ps. CVII. vs. 34. -ff & équitable dans fes jugemens, patiënt envers les pêcheurs, miféricordieux enVers ceux qui fè repentent, fidele dans fes promeflls, pour faire fuccèder 1'ifTue a 1'épreuve, mffiïant a pourvoir a tous les befoins de fes créatures, fuffifant a remédier a toutes les miféres & a toutes les néceifités de fes enfans qui 1'invoquent avec foi, prompt a les fecourir, a les proteger, a leur faire voir fa délivrance. Et qu'elle doit être la fin ou le refultat d'une pareille méditation! le Pfalmifte nous en inftruit, Mes Frères, en ajoutant, que c'eft afin que Pon confidereles gratuités de PEternel. II.Maisdirés vous, peut-être, pourquoi ne fait - il mention que de la gratuité de Dieu, dans la conclufion d'un Pièaume qui renferme pareillement divers exemples de fa juftice & de fa feverité dans la punition des pêcheurs ou dans le chatiment des fidèles ? Jerépond?, Mes Frères, que c'eft paree que la gratuité de Dieu efi répandue fur toutes fes ceuvres , en telle forte que dans lavifitation même qu'il fait des pêchés des parti- cu-  78 Seumon III. Sur Ps. CVII. vs. 34. culiers & des peuples, il manifefte tou-~ jours de manière ou d'autre fa gratuité; foit en fe retenant au deffous de ce qu'avoit merité leurs crimes, foit en differant longtems leur punition, foit en les conviant par mille moyens a larepentance, feion les rtchefies de fa benignité, foit enfin en faifant fervir les jugemens qui les accablent, a P avertiffement & a Pinftruction des autres. Et pour ce qui eft du chatiment de fes enfans ou des afïïictions des fidèles, qui ne fcait qu'au fort même de leurs maux & de leurs dangers & au milieu de leurs épreuves les plus douloureufes, le Seigneur fcait en temperer Tamertume, la perplexité, oufennui, paria douceur de fon amour, par le fouvenir de fes bienfaits palTés, par le rellentiment de fes graces préfentes, par 1'alTurance certaine de fon afiiftance future, & par le ravifTant efpoir d'une béatitude immortelle, pour laquelle il les prepare & les fandifie, & dont ils jouiront dans leCïel, après qu'ils aurontfervi \ fon confeil fur la terre : or quiconque efl fage prendra garde d ces chofes, afin qu'on y confidere les gratuités de Péternel. Mais  Sermon III. Sur Ps. CVII. vs. 34. 79 Mais qu'eft - ce que confiderer les gratuités de Péternel? c'eft s'appliquer a bienconnoitre 1'étendue &le prix des bienfaits de Dieu, c'eft en être vivement touché, fentir & admirer ce que fes bontés ont de gratuit & de non merité a notre égard , & par des réflexions particulières fur notre indignité & fur 1'excellence de ces graces , imprimer fortement dans notre ame des fentimens d'un ardent amour pour Dieu, & d'une vive reconnoiffance. Enfin c'eft faire éclater de fi juftes fentimens devantDieu&devant les hommes, par des facrifices de louange & d'a&ions de graces, par desceuvres de bénificence, par des entretiens oü 1'on fe falTe un devoirde publier les gratuités de PEternel, & fur tout par un attachement fincere & conftant a fobfervationdefa fainte volonté ; ce qui eft tout a la fois le moyen le plus propre a nous affiirer lacontinuation de fa faveur, & lamanière de le glorifier qui lui eft la plus agréable, & la plus efficace pour exciter les autres hommes dglorifier avec nous notre Père Célefle. Voila 1'occupation du fage & de fliom- me  So Sermon III. SurVs CVII.-Vs. 34.: me de bien; voila des devoirs qu'il fe plait a remplir; voila le doux & faint, exercicö dans lequel David s'eft fi fort diftingué. . Combien de fois 1'entendons nous s'écrier: tmn ome bént /'Eternel, que tout ce qui efl au cledans de moi bénijje le nom de fa faint et é ? (a ). IS Et er nel mandera de jour fa gratuité j £? fon cantique fera de nuit avec moi- (b). Mon cozur cfl difpofé 0 Dieu. Je me reveilkrai d Paube du jour. Eternel je te celèbrerai parmi les peuples, je te pfalmodierai parmi les nations, car ia gratuité ejl grande par deffus les cieux, S5 ta verité atteint jufqu^aux nuts. (c). J\mtrerai dans ta maifon avec des holocaufles, & je te rendrai mes vosux, lefquels mes lèVres ont proferés lorfque fétois en de- treffe Vous tous qui craignés Dieu, ve- nés, écoutés, &je raconterai ce quila faitd mon ame , je Pai invoqué de ma bouche * certainement Dieu nfa écouté. Béni foit Dieu qui n'a point rejeté ma fupplication, & qui n'a C«) Ps. cim (b) Ps. XLII. (e) Ps. CVIII.  Serm. HL Sur Pfc CVIL Vs. 43. SI ria point èloignê de moi fa gratuité. (d). Parts que tu a retirémon amede la mort, mes yeux de pleur-s, & mes pieds de trébuchement, je marcherai en la préfence de P'Eternel dans ld terre des vivans. (b). APPLICATION. Que le langage & les fentimens de David foient les notres, Mes Frères! fentre dans mon application, & d'abord fob- ferve : . . , 10. Que eet auditoire contient un ) grand nombre de perfonnes, qui dans le : cours de leur vie, ont obtenu de laprotection du Ciel, des délivrances de la même nature, que celles que le Pfalmifte décrit dans la première partie de ce cantique. N'y a-t-il pas parmi nous des gueriers , fauvês des plus évidens périls paree que Dieu a couvert leur tête au jour de la bataille \ — des prifonniers delivrés de leur captivitè'? des confeffeurs de la réligion, dont Dieu a brifé les chaines P - des families entières de refugiés, que la mairi êü O») Ps. LXVI. O) Ps. CXVi: Tom. II. F  82 Serm. III. Sur Ps. CVI1. Vs. 43. du Seigneur a conduit & établi dans ces heureufes contrées ? —; Plufieurs perfonnes échappées aux dangers de la navigation, dans des voyages de long cours ? — enfin un nombre confidérable de perfonnes, ou relevées plus d'une fois d'un état toujours dangereux, ou rétabliesdemaladies &d'accidens qui fembloient incurables? Ne font - ce pas la} pour me fervir de 1'exprefllon du Pfalmifte, autant de rachetés de P Eternel, qui Vayant invoqué au jour de leur détreffe g? en ayant été retirès, font obligés de le glorifier conftamment ? Qu'ils célèbrent óonc envers PEternel fa gratuité & fes merveilki envers les fils des hommes: ( a ). qu'ils renouvellent chaque jour les actes de leur réconnoiffance! qu'ils s'écrient avec le Prophéte royal, 0 Dieu qui eft femblable d toi ) qui m"ayant fait voir plufieurs détreffes & plufieurs maux, m'as de nouveau rendu la vie, 6? m'as fait rémonter hors des dbymes de la terre! (b). Aus* fi mon Dieu je te celèbrerai pour Pamour de ta veritél ie marche par laforce du Seigneur Eternel, ma louche racontera chaque jour (<0 P«. U (b)P*. xl  Serm. III. Sim Ps. CVII. Vs. 43.^ 83 jour fa juftice ê? fa délivrance, bien que je n'en fache pas le nombre. 20. Indépendamment de ces circonftances critiques, marquées & éclatantes; oü eft celui d'entre nous, qui étudianc 1'hiftoire de fa vie, n'y trouve une ample imatière de bénir Dieu, en admirant les foins que Dieu a pris de Ion enfance, les pièges qu'il lui a fait éviter dans la jeuneffe, ou les écarts dont il Fa ramené par fa grace; les circonftances menagées par la Providence pour fon édlication ou pour fon établiffement, les routes diverfès, par oüDieu Fa conduit, tantöt luifaifant voir 1'accompliflement de fes défirs, & lanröt lui faifant rencontrer mieux, en 1'éiloignantd'un but oüil tendoit imprudemment; les embaras & les perplexitésj dont il Fa quelquefois retiré par des évènemens entièrement imprévus & inespérés, lui ouvrant des iflues oü il n'en paroiflbit aucune, fouvent tirant la lumièrbdes ténèbres, & toujours lui faifant aider toutes chofés enfemble en bien) Quiconque ejl fage ne prendra- t-il pas garde d ces chofes pour y confidérer les gratuités de l'Eternel) Ne dira -t-il pas comme David, Seigneur • F 2 mon  84. Slr>i. HF. Sur Ps. CVIL Vs 43. won Dieu tu as fait que tes penfées & tes merveilles envers moi font en fi grand nombre, qu'il ne nfefl paspojjible de les arranger devant toi. 30. Une obligation commune que nous avons tous a Dieu, c'eft de nous avoir confervé jusqu'a ce jour la vie; ce bien fragile que tant d'accidens peuvent a tout ïnftant nous ravir: de 1'avoir prolongée dans le cours de 1'année j & de 1'avoir préfervée de mille & mille dangers qui la menacent fans cefle, dans le tems que nous avons vü la mort frapper a nos cötés tant de nos femblables, ainfi que le témoignent a nos yeux les vêtemens lugubres qui couvrent un fi grand nombre de nos auditeurs. Je fais, Mes Frères, qu'on ne peut toucher ce fujet fans r'ouvrir des playes, les unes récentes, les autres a peine confolidées, toutes lailTant une fenfibilité qui fe renouvelle douloureufement au fouvenir de nos pertes. Veuves defolées, qui pleurés le chef & le foutien de votre familie; enfans privés de vos chers & refpechbles Parens, les uns dans un age tendre, les autres a 1'age oü on a le plus befoin d'un • confeil fur & fidéle Pères & Mères, qui  Serm.III. Sar Ps. CVII. Vs. 43. 8? qui avés vü descendre au fcpulchre des enfans chéris que vous régardiés comme la iconfolation & 1'appui de votre vieülefiV. tendres Epoux, fidèles Amis, qui avés vü rompredes rélations, qui faifoient la plus grande douceur de votre vie. — Vieillards qui avés furvecü k tout ce qui vous attachoit dans ce monde, & pour qui il ne refte plus qu'unchemin de larmes pour vous conduire au tombeau: quine compatiroit k vos juftes peines ! Nous partageons du coeur même votre légitime afflittion. Souffrés néanmoins qu'au milieu de vos douïoureufes épreuves, nous vous rappellions que Dieu vous refte; que fa Providence & fa grace ont furvecü a vos pertes pour en adoucir Pamertume, pour y répandre lés confolations efficaces que la Réligion vous préfente; fi les chers objets de vos tendres regrèts, n'ont fait que vous dévancerdans le célèfte féjour. _ Souffrés furtout que nous vous invitions Ik réfléchir fur le bien que Dieu a fait d v quelle réconnoilTancedoit-on attendre de! vous Peuple Chrétien ? Vous qu'il a delivré i par le fang de Jéfus Chrift de la captivité j du Démon, & des maux éternels dont: elle devoit être fuivie? Vous qu'il a tranfporté d'un Royaume de 1 tenïbres, d celui de la merveilleufe lumière de i fon Evangile 1 Vous a qui font difpenfés 1 avec tant d'abondance & de pureté, tous les moyens d'inftruclion, de grace & de falut, pour vous guerir de votre corruption, en vous renouvellant d Ppmage de Dieu en juftice & vraye fainteté: vous enfin, qu'il a fauvés de la condamnation & de la mort, pour vous asfurer les tréfors de fa miféricorde & les arrhes d'une glorieufe immortalité dans la communion de fon Fils bien-aimé: quelle obligation de vous confacrer tous entiers d le glorifier dans vos corps & dans vos efprits qui lui apartknnent; de lui ojfrir cefacrifice vivant faint, qui feul peut  Serm. [III. Sur Ps. CVII. Vs. 4.3. 9% teut lui plaire,. & qui conftitue votre ralmnable fervice! Ce font la, Mes Frères, les fentimens & a réfolution que nous doit avoir infpiré a contemplation du grand myjlère de Pièté, lurant ces jours de fête, oü 1'Eglife a céebrée la naiflance de fon Sauveur. C'eft a quoi nous invite pareillement Ia :ommémorationdefa mort falutaire, dansi a celébration de la fainte Cêne, qui doit ;e faire dans ce Temple d'aujourd'hui en 15. jours, pour la première fois, & dan» 3. femaines pour la feconde. Et c'eft-ce que nous prêche encore la :irconftancede cette find'année, qui nous avertit de règler nos comptes pour 1'Eter-. >nité, en nous faifant prendre garde a la rapidité avec laquelle le tems de notre vie s'enfuit & s'envole. Mes Frères, que chacun de nous s'éprouve & fe prepare: nous avons tous des réproches a nous faire fur le pafte; nous ignorons tous abfolument combien ide tems Dieu veut nous laiffer encore fur la terre : nous avons tous un intéret jpreflant S'employer tout celui qui nous Irefte d vivre felon la volonté de Dieu, .Que  p4 Serm. III. Sur Ps CVII. Vs. 43. Que ce foit donc la notre plus ardent: défir, notre foin principal, notre occu- . pation conftante. Et toi Dieu de Bonté, aide nous dans eet important ouvrage, par: le iecours tout puiffant de ta grace! Tou- • che nos Cceurs d'une rêpentame d falut!! embrafe-les de ton amour! dispofe-less a embraffer avec une vive foi & avec un 1 zêle ardent, cette Juftice des Sïecles cjui 1 après avoir été long tems le dcfir & 1'attente: du Ciel & de la Terre, a été revêlée dans; la plénitude des tems, aux yeux des Na- • tions; pour être dans tous les ages, la; réconciliation des pêcheurs répentans, Ia: paix des juftes , la gloire des esprits 1 fanétifiés, & la joye des Anges mêmes; qui font dans le Ciel! AMEN. A ce grand Dieu, feul Libérateur & Sauveur! A Lui Père, Fils, & Saint Esprit, foit rendu Phonneur, la force & 1'empire a jamais! AMEN. SERMON  5>S SERMON QUATRIÈME. POUR ,A CLOTURE DE L'ANNÉE MDCCLXXI. SUR LA REQUETE D'HABACUC. H A B A C U C III. VS. I - 2. La Requête d'Hahacuc le Prophéte pour les ignorames. Eternel fai ouï ce que tu n?a$ fait ouïr, fai été faifi de crainte s o Eternel; entretien ton Ouvrage en fon être parmi le cours des Années, fats le connoitre parmi le cours des Années: fouvien-toi, quand tu es en colère, dya- 'i voir Compajfion. u . Mes Frères, la méditation des paroleg que nous venons de lire, nous a paru üngulierement propre a nourrir. notre détotion ; dans an jour oü nous faifons la ciocure  po* Serm. III. Sur HaeacücIII. Vs. Uil cloture des exercices pubücs de cette An*j née, a laveille d'en commencer une autre i fous la garde du Trés Haut; & fans employer un tems précieux a folliciter votre2 attention, qu'un fi intéreffant fujet doitt fixer naturellement, nöusentrons d*abordj en matière. Nous divifons ce Discours en deuxs parties. Dans la première, nous vousexpoferónss en peu de mots, le but général des révelations iHabacucy & la deftination particuliere de la Requête de ce Prophete,-dont! nous expliquerons le fens rélativement am peuple juif. Dans la feconde, nous envifagerons; toute cette matière par voye d'applicationi a nous - mêmes & rélativement a la circonllance préfente. Accompagne Seigneur la prédicatiorïi de ta Parole de 1'efïicace victorieufe de: ton St. Esprit! Qu'elle nous infpire: une réligieufe frayeur , & nous faffe:! dire du fond d'un cceur vivement pénêtré l & touché de Tattrait de ta Graceü Eternel fai out-ce que tu nfafait ouir*,j fai été faift de crainte, 6 Etemel, entretien \ tort\  serm.IV.^rHABACUCliI. Vs.I- 2. p* \1on ouvrage en fon être parmi le coun des \Années, fouvien tol quand tu es en colère \d'avoir compajfion. AMEN. I. Le Prophéte Habacuc, contemporain de :]eremie , prophétiloit fous la fin du royaume de Juda. ün peut confiderer dans le livre de fes révelations, quatre chofes principales, qui en font aucant de parities diftinctes. 10. La première contient la denonkiation des jugemens de Dieu, contre les Juifs corrompus & impénitens; jugemens (dont Texécution étoit commife aux armes :des Chaldéens, prêts a envahir la Judée, a ladévafter, & a mèner le peuple fuif ;en captivité: c'eft: la matière des onze ijpremiers verfets du premier Chapitre. 2° Dans lafeconde, le Prophéte s"attatchea confoler les fidèles & a reléver leurs jefpérances abatues. En expnmant dans le 12. verfet (a). les foupirs qu'ils pouIToient vers Dieu dans leur j (a) Vs. 13. Tom. II. O  p8 Serm. IV. SV/rHabacuc III. Vs. i - s. leur detrefle, il y mêle des fentimens des confiance en fon fecours immortel fi fou-vent éprouvé, & qui leur faifoit efpérer,, que quoique Dieu les condamnat avecc juftice, a relfentir de feveres effets de fonr courroux, il ne les abandonnoit pas enf tierement & ne les livreroit pas a une; ruïne totale & irréparable. N'ès-tu pas; de toute Etemité ó Eternel mon Dieu, mom Saint nous ne mourrons point ó Eternel. Le Prophéte confirme en eux cette: douce efperance, par la promeffe que Dieuj lui a fait entendre dans une vifion, rapportée au commencement du Chapitre fecond, (a). qu'il reeut ordre tfécrire lifiblementfurdes Tablettes, &dontlafubftance; eft que Dieu leur conferveroit le miniftère: public de fa Parole, jufqii'au tems determinés\ & jufqu'd la fin (expreiïions comme vouss le favés confacrées a defigner les jours dui Meffie) & qu'en attendant que ce grand* Herault de PAlIiance en vint verifier les; plus fublimes promefles, lesjuftesvivroient'. & feroient fauvés par leur Foy au Seigneur,, qu'ils font exhortés d attendre avec une: conftante patience. 3c.De; (0) Hab, II. Vs. 4-  Serm. IV. Sur HabacucIII. Vs. 1-2. po 30. De Ia le Prophéte paffe a la confidération du fort deftiné a leurs opprefleurs. Depuis le $. verlet jufqu'ala fin du chap. fecond, il prédit la ruïne totale des Cbaldèens, qui après avoir butinéplufieurs peuples, feroient a leur tourbutinés, couverts de confufion & deshonneur; condamnês d boire dans la coupe de la fureur de VEternel% contre laquelle ils chercheroient un fecours impuifTant ■ dans leurs images taillêes, qui nefont que vanité g? que menfonge; c'eft la troifième partie des révélations d'Habacuc. 4.0. Enfin le 3™ & dernier Chapitre renferme une prière en forme d'Hymne, oü le Prophéte fupplieDieu de modèrer la ; rigueur de fes jugemens fur fon peuple, par des marqués de ia clémence, & par une continuelle protection, qu'il implore avec ardeur & avec humilité, dans le tems qu'il fe conlbLe &fe fortifie en Dieu, par la méditation de fes ceuvres paffées & de fes promeffes pour 1'avenir. Eternel fai ouï ce que tu m'as fait oiiir, & fai été faifi de • crainte, 0 Eternel, entretien ton ouvrage en fon être parmi le cours des Années, fai k , connoitre parmi le cours des Années / fouvien toi quand tu es en.colère $ avoir compajfon. G 2 Cette  iooSerm.IV. SwrHABACuc III. Vs. 1-2. CeÊte belle prière eft intitulée laRequête d'Habacuc le Prophete pour les ignorances — ; Le terme de ?ongm?XSiggionoth au fingulier 1 Siggaion fignifie effeclivement Erreur, ou | Ignorance, &en cas qu'il le faille traduire,, on ne peut Pinterprêter que des Pêchés,i qui font des erreurs, 6f des égaremens. Mais ce mot fignifie auffi communé- • ment un genre de Cantique ou de chant: il fe : lit dansle titre duPfeaume VIImeou notre; verfion Ta confervé, Siggaion de David:: on pouroit donc pareillement laiffer fubfi- • fter dans notre texte le mot hebreu, ainft i que 1'ont fait les auteurs de la verfion 1 Flamande, qui porte Requête du Prophéte, Habacucfur Siggionotb. Le mot de Sela employé dans le 3' verfett de notre Chap., &fur tout les paroles qui 1 fe liient a la fin du dernier verlet, au Maitre 5 Chantre fur Nequinoth, ne permettent pas de douter, que cet te prière ou Requête dui Prophéte Habacuc, neioit un vcritable cantique, de la même nature que les Plèaumesï de David & d'Azaph, ou que le cantique: hiftorique & prophétique de Moife, aui Chap. XXXII. du Deuteronome. Concevés donc, Mes Frères, que notre texte fait; partie:  Serm IV. Habacuc III. Vs. i- 2.101 >artie d'une Prière en forme de cantime, & que le Prophéte Habacuc par 'infpiration du Saint Esprit, compofa lette prière, non pour fon ofage privé, nais pour 1'ufage commun des fidéles; jour être recitée ou chantée dans les ïxercices publics de la Réligion dans a judée; pour fervir encore a leur conblation & a 1'entretien de leurs espéran:es durant leur exil en Babylone, jusqu'a :e que Dieu les rameneroit dans leur erre felon fes promefles , & leur fuscitat eMeffie dans 1'accompliflementdes tems; nomblat les vceux de ceux qui craignoient bn Nom, & leur fournit un nouveau sc éternel fujet de fe réjouïr en l'Eternel, ïe fégayer au Dieu de leur délivrance. (a). Tel eft le but général des révélations lu Prophéte Habacuc, & telle la deftina-, ion de la prière de notre texte, dont il, jous refte a vous expliquer le fens: Eternel 'ai out ce que tu mas fait ouïr, fai étéfaift de trainte 0 Eternel. La Voix que Dieu avoit fait ouir au Prophéte, & que celui - ci avoit ouie, c'eft d'une (a) Hab. III. va. 13. G 3  jo2 Serm. IV. Sur HabacucIII. Vs. i - 2. d'une part, \zCbarge prophétique rapportée i dans le Chap. I. (a), ou la menace de la devastation de la Judée, par les armes des 1 Chaldéens. C'eft d'autre part la confolante vifion (b). exprimée dans les quatre premiers verfets du Chapitre fecond (b) & dont nous vous avons expliqué la mbftance. C'eft enfin la prédiction de la deftructioh des Chaldéens, dont le fol & impie órgueil feroit confondu & puni avec éclat, pour rinftruótion de 1'univers, a la gloire | de PEternel qui réfide aux Cieux, Tempte de fa | fahteté, & devant qui toute la Terre en fe 1 taifant tremble, redoutant fa Prêfence. (c). Quoi de plus propre, Mes Frères, que ces grands objets, k pénétrer de la réligieufe frayeur, que le Prophéte exprime, en dilant dans mon texte : fai été faifi de1 crainte 0 Eternel, (d). & plus emphatiquement dans le verfet 16. de notre Chapitre : (e). fai entendu ce que tu m'as decla- rêi (a) Hab. I. (&) Vs. 2 (c) Vs. 1—4. (d) Vs. 20. (ej Chap. III. Vs. 2. difant dans mon texte : fai été faifi de'  Serm.IV. Sur Habacuc III. Vs, 1-2.103 ré, & mes entrailles en ont été émues: a ta voix le tremblement a faifi mes ïevres, la ïomriture efi entrée dans mes os, & fai ■remblé dans moi- même. (a). Depuis le pêché Thomme n'entend point >a voix de Dieu fans frayeur: fai entendu a voix £? fai craint, répondit Adam & zette fimple interpellation Adam oü es tu. (b). Et comment Thomme pêcheur foutiendroitE fans palir «Sc fans trembler d'horreur & d'effroi, la dénonciation des jugemens de Dieu, prêts a fondre fur fa tête coupable. La feule idéé d'avoir encouru la dis?rrace, du plus grand & du meilleur de tous les êtres; la funefte privation de la faveur du Monarque des Cieux & de la Terre, de qui dépend toute la félicité des créatures; le malheur d'être expofé aux effets rédoutables de fon jufte courroux, dont rienne fauroit mettreja 1'abri; le tout aggravé par les allarmes &les terreurs de. la confcience, par le fentiment intime de notre excefïïve indignité, qui t nous, rend convaincus que nous n'avons que trop Ca) Hab. III. Vs. itf. (b) Gen. XXXIX. Vs. 10. G 4.  i04. Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. 1 - 2. trop merité un fort fi affreux, qui nous interdiroit - même tout espoir d'échaper ou d'être iauvés d'une ruïne irréparable, fi le Dieu fort oubliant tVavoir pitié, & rejfer-: rant par courroux fes compaffions ne fuivqit que les feules regies de fa juftice &: de fa faintetéquihait lemal&quilepunit: voila, Mes Frères, dequoi exciter la plus inexprimable terreur: quiefi-ce quifubfi-. flera dtvant le feu devorant & qui féjournera avec les ar deur s éternelks ƒ Mais voila en même tems, des motifs bien propres a porter Jes hommes a une ièrieufe h'umiliat|on •fous la main de Dieu. Ceft 1'effet. que la dénonciarion de fes jugemens produit dans les ames fidéles, & dont le: Prophéte, exprime le ientiment pour lui & pourl'^ghfe Judnïque. O Eternel fai out ce que tu nfas fait ou'ir fdi été faifi de crainte 6 Eternel! I ,P nPtmlp Tllif. anrpc V.'-nnrmo nkno Ac mille faveurs diftinguées, ce peuple cnminel, par un jusre chariment du Ciel, étoit a i Ia veille d'éprouver les plus grands mal-1 heurs; d'êcre arraché de la Terre fainre, trainé , 00 Ps. LXXV1I.  Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. i - 2.10$ :rainé captifs en Babylone, aiTujetti durant leptante ans, a Ja domination cruelle des Chaldéens, pour armi le cours des Années : que durant :elles de leur vifitation même, & au nilieu des juftes peines que leurs crimes eur avoit attirées, Dieu continueroit k 'aire connoitre, qu'il n'avoit point retiré feux entierement ni pour toujours, fa main :utrice; qu'il leur donneroit dans leur exil Sc après leur captivité, des lignes favorajles de fa préfence & de fes foins, en leur xmtinuant le miniftère de la Parole & de a vifion, par des Prophétes qu'il leur fus;iteroit, tels qu'Ezechiel & Daniël, pour-ntretenir dans la Nation, 1'espérance d'un prochain rétabli ffement, & dans 1'amedes fidèles de tous les ages, 1'espoir de la déliivrance lpirituelle & falutaire, refervée au Chrift le Conducteur, qui devoit faire la propiciation pour Viniquitê, dorre la vifion, & amener la juftice des fiecles. Voila qui lüffit pour 1'explication de la iprière de notre texte, pour autant qu'elle regarde Habacuc & le peuple Juif; il nous Irefte a 1'envi'ager avec application a nous tthêmes & a la circonftance préfente: c'eft nar la que nous terminerons ce Discours. v Pour  To8 Serm. IV. Swr Habacuc III. Vs. 1-2. Pour vous convaincre, Mes Frères, ques les fentimens & les voeux exprimés dans laa Requête du Prophéte Habacuc, ne nouss conviennent pas moins qu*au peuple Juif,', il fuffira de vous faire obferver, que Dieui nous a fait ouïr ainfi qu'a eux, une voix< effrayante, dont 1'ouïe doit nous humilien profondement devant lui, Sc nous faires ïmplorer, avec amant d'ardeur que d'hu-milité, la continuation de fa proteclion Divine; proteclion qui feule nous a garantiss jusqu'ici, qui feule eftpuiffante pour nouss maintenir durant le cours des Années,) mais proteótion dont nos Pêchés nouss rendent fi indignes, que nous n'ofons Tes-*. perer que des Rkbesfes de fa Bénignite', Sc des j Tréfors de fa Mij'erkerde Sc de fa longue ? attente. Cette voix de Dieu, nous ne chercherons point aladecouvrirdansdes Oracles,, ' qui nous ayent inlbruit, comme les juifs, du fort de la Patrie Sc de 1'Eglife, ou de la., deftinée des autres peuples: Les chofes: cachées font pour PEternel. il lui avoit plud'en re veler une partie aux juifs, ei les; aver- •  Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. 1-2.109 •.yertiflant d'avance, par lé miniftère du prophéte Habacuc, de leur prochaine capivité, qui fe termineroitparia deftruction pes Chaldéens leurs ennemis «Sc leurs opbreffeurs. | Ceci comme vous le fentés, Mes Frères, he vous eft point applicable mais ce qui l'eft bien réellement, «Sc même avec un ivantage infini de fupériorité par delTus les juifs, c'eft la confolante promefle renfermée dans la celébre vifion, que le Probhéte eut ordre d'exp.rimer lifiblementfur des Ublettes, pour foutenir & pour réiever les >esperances de "'ancien peuple, «Sc que nous voyons accomplie par la venue du thrift, le Chef «2? le Confommateur de la Foi, qui nous a ouvert un libre acces au iThróne de gr ace, oü il nous eft permis Id'aller avec affurance, afin que nous obtenions miférkorde & que nous trouvions grace pour être aidés dans le tems opportun. A eet égard 1 nous jouiffons del'efet despromeffes que les {Pères ont faluées de lom: et il n'y a que ipeude jours, que nous avons eü la confolation d'en celébrer i'accomplilTement, dans fa Fête de la Nativité de Jefus Chrift notre adorable Sauveur. Cette  11 o Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. i - 2., Cette voix de Dieu, nous ne la cherche^ rons pas non plus, dans des prefages in-i certains, fuperftitieux, fondés fur des erreurs populaires, tirés du cours des as-s tres, de l'apparition de comêtes, ou ddi retour & de la combmaifon de certainn nombres. On a prétendu par exemple, & biem des gens encore aujourd"nuilefoutiennent:t que comme il y a dans le cours de la via humaine des Années climacteriques qu'onr fuppofe fatales a la vie des grands hom-i mes, il eft; pareillement des années fatales pour la conftitution des Etats & des corps politiques: & fans en chercher au loin des exemples tirés de Thiftoire des autres peuples, les annales de nos Provinces fournin roient dans ce fens a 1'approche de Pannée I772.a laquelle nous touchons, unprefagei effrayant & capable d'm'pirer une exces-? five terreur, fi desChrétiens eclairéspou-i voient mettre en oubli, que le Bras ToutPuijfant d'un Dieu immortel qui dans fi colere fe fouvient d'avoir compafion, fuiffit d entretenir fon ouvrage en fon être durant lé cours des Années. On ne iauroit nier en effet que 1'Annéè 7  Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. i - g.am; ' 2 dans les deux Siècles précedens n'ait :té funefte & peu s'en faut fatale pour :e Païs. Dans le \6me il fut le théatre de mille cenes d'horreur, dontThiiloire aperpetué e triste fouvenir. On y voit des habitans infortunés, dejouillés de leurs privilèges, pourfuivis k nort, pour le refus de participer a un culte dolatre •, gémiflans fous le joug d'un des>otisme cruel, aggravé par les procedures le Tinquifition dont on tachoit d'établir ie tribunal: en un mot, on y voit un >euple opprimé, foulé, vexé, pouüe au lefespoir, par tout genre d'injustice & de berfécution. D'aucre part on y voit de généreux :itoyens , ayant pour chef un Princenagnanime, queDïeu destinoit kl'honneur 3e fonder eet £tat, mais alors opprimé k perfécuté comme eux, banni, proscrit fans azyle, ayant pour compagnons d'infbrtune & de perils, une poignée de ré:happés du maffacre de la St. Barthelemy; m les voit dans cette mémorable & funeste mnée, fans autre relfource préfente, que :elle d'une confiance invincible en Dieu pro-  112 Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. 1-2.' protecteur de 1'innocence «Sc du droit, lutter:: contre la plus puiflante Monarchie, qu'ili y eut alors en Europe, «Sc combattre a lal: lueur des buchers & a la vue des échaf-f fauts teints «Sc fumans du fang des mar-r tyrs, pour les droits facrés «Sc invio-) lables de la confcience «Sc de la liberté. Dans le fiècle fuivant, 1'année 7^2 i offre un tableau bien plus effrayant encore£ On y voit cette République, qui de foiblee commencemens, étoit montée a un hauü degré de puiflance, tout - a • coup dechua de fa grandeur «Sc de fa prospénté; de<: chirée «Sc affoiblie par des discordes inte-= ftines, attaquée au dehors par terre «&S par mer, par deux puiflances formidableü liguées pour fa pcrte; le territoire dd Tératenvahi 6c en grande partie conquis. trois Provinces entierement perdues,' tout le refte menacé d'un penl éminent; & iauvé par des coups du Ciel qui tien-i nent du miracle. Ce font la, Mts Frères, des événemena qu'il eft utile de mediter, qu'il importe de raconter foigneufement d nos enfans; nor pour y cherciier de trilies prélages d'ur. avenir qui nous eft inconnu, mais poui  Serm. IV. Sur Habacuc III: vs. i-%. 1j3 iy adorer pour le paffé Sc pour le préfent les fecours propices du Ciel! poilr donnej k Dieu feul la gloirê de rios délivrances; Sc de notre fubfiftance aduelle, pour le W nir avec une tendre reconnoiffance d'avoir fait connoftre jusqu'ici, & pour le fupplie?? iavec une vive ardeur de continue? a faire cénnoitre parmi le cours des années Sc jusqu'a jla cloture dés fiécles, que cet.Etat, avec EEglife qu'il y a recueillie, Sc la maifon ftutelaire qu'il a fnscité a 1'ün ScFautreï que tout céla, dis-je, eft fon ouvrage, un ouvrage chéri auquel il s'affe&ionne : O ■Eternel, eniretien ton oüvrage en fon, être idurant le coiirs dés années, & fouvien-toiy monobftant nos pêcbés qui provoquent ta f jufte colèrej de nous faire grace'fi? d'avoir 'icompafpon de nèusl Mais dïrés - vous, en quoi donc faites Ivous confifter la voix de Dieu qui aéhieiie[ment nous parle, qui nous avertit , om Inousmenace, qui nous confole, qui nous ifoutient par des promelfes de gra'ce & de jprotedion ? f Mes Frères, la réponfe a cette quesjtion eft facile , la voix de Dieu fe fait ariTom. IU H' . teiWI  H4 Serm. IV. Sur Habacuc III. Vs. 1-2. tendre a vous en trois manières diftinctes: Ecoutés - la. i°. Dans les dispenfations actuelles & vifibles de fa Providence. 2°. Dans le miniftère public de fa parole qu'il vous conferve. 30. Dans les avertilTemens de votre propre cceur, qui vous dit de la part de Dieu , cherchés ma face. Et aujourtTbui encore fi vous entendés cette voix de Dieu, tfy endurciffés point vos cozurs. Je dis, premierement, dans les difpenfations de la Providence, Sc ici il importe d'être attentif a la voix des bienfaits de Dieu, commek celle de fes cbatimens. Quant a fes bienfaits, qui de nous en pourroit raconter le nombre ou celébrer dignement le prix, a nous bomer fimplement aux témoignages qu'il lui a plu de nous donner de fa protection, dans Ie courant de 1'année prête a s'écouler ? Auriés-vous oublié déja les allarmes Sc les angoifiës dans lesquelles nous la corrmencarnes; menacés a toute heure du debordement des groffes eaux, amoncelées a une hauteur qui menacoit de fubmerger une partie conüdérable de laHollande , Sc com-  Serm. IV. Sar Habacuc III. Vs 1-2. 11 f comment laprote&ion du Ciel nous fauva du peril de 1'inondacion redoutée, précifeiment au moment qu'il ne reftoit aucune iefperance liumaine del'évker? A quoi attribuer, fi ce n'eft a cette même Iproteclion Divine , d'avoir été préfervés des ; fleaux de la famine, de la mortalité, &de la iguerre, qui ont fait dans tant depaïs ,les ' ravages les plus effroyables & les plus :deltruclifs! Les incommodités même que nous aivons reiTenties par la continuation de la ruineufe mortalité des beftiaux, par 1'intem■iperie de la faifon d'Eté, par la fterilité :des recoltes, la cherté & la difette des [yivres qui en a été la fuite & le trifte éffet font aifurément des maux réels & ccönfidérables, mais nullement a comparer I aux maux plus confidérables encore, qu'ont f effuyés & fous ieaquels continuent a gémir, [tant d'autres Nations infortunées, pas plus :coupables que nous. 11 eft fenfible néanmoins qu'ils doU I vent être confiderés comme des chatimens9 I comme des chatimens juftes & trop merités 5 I mais en même tems comme des chatimens I moderés, dans les quels Dieu s'eft retenïï aü H 2 Ie*  li 6 Serm.IV. S^KabacucIII. vs. 1-2. deiTous de ce qu'avoient merité nos crimes, &par oüilnousa temoigné, qu'au milieu de Ta colère il fe fouvient d"avoir compaffion. Ce font des verges dont Dieu nous a frappé, pour nous porter a 1'amandement. Ce font des verges qu'il tient levées, & qui nous rnenacent de plus rudes coups, li nous étions affés malheureux pour ajouter Timpéniter.ce a la prevarication, & rendurciiTement a 1'impénitence. Les coups dont-il nous a frappés, les coups plus rigourenx dont-il nous menace,^ ceux qu'il nous fait voir appefantis «Sc redoublés fur d'autres peuples, tout cela ne forme t-il pas dans les dispenfations de la . Providence, une voix qui nous crie du Cie!: écoutés Ja ver ge <33 celui qui Pa ajftgnée: «Si qui de nous a 1'oiüe de cette voix formidable ne s'écrieroit avec le Prophéte: Eternel fai out ce que tu nfas fait outr, fai été' faifi de crainte 0 Eternel! Mïi hpnr a nnns. Meshrprrs. li nnns> n'écoutor.s cette voix du Ciel; & prenésj j. : j:^ •>_ •• ƒ* 1- ment: malheur, dis-je, a nous, fi nous refu-j fons de 1'écouter «Sc tfcn recevoir infiruclion; en rf]^ rl'nnriMr nlns infvrnfUlilf"?. cup 1p - mini--  Seum.IV.Sw Habacuc III, vs. i-2. 117 miniiUre public de Ia parole, que Dieu isousa confervé, nous avcrtit continue!flement d'y être attentifs. 2 Graces immortelles en foyent rencuïs falaDivine bonté! La lumiere de la re- < formation qu'il lui plut d'allumer dans ces teurs, paree quil eft encore touché de compasÏLn envers fon peuple & envers fa derneure. Les guettes en Israël nous crient fans ceffe, volei' le bon chemin marchés-y! A ta s hi ê? autemoignagefa). DonnésgloiredFE- < ternel & fanttifiésl'Eternel des armées, (b). que lui-même foit votre crainte &> votre epm- * vantement, &'ilvousferapour■ fan£tuaire.{c). i Cherchés VEternel pendant quilfe trouve,ini voqués - le tandis qu'il eft prés. (d). Que le i Jchant delaiffefa voye & Phomme wtrageux > fes penfées. & quil retourne d PEternel & il aura pitié de lui, & d notre Dieu, car tl I pardonne tant 0 plus. ' ( inftruStion: journellement nous voyons des preuves de la fragihté de la vie humaine * fans penfer a notre propre mortalité, Nous voyons expolés a nos yeux . dans la raaniere dont Dieu gouverne ce monde, mille traits de fa juftice, de fa fagelTe & de fa bonté adorable, fans nous mettre en peine d'y refléciiir. — Com- '> bien d'autres circonftances de notre vie, combien d'événemens ne s'y rencontre : t-il pas; événemens pour letude des-' quels nous temoignons la même ftupidité, ou la même indolance, quoiqu'ils meritent fi fort notre attention la plus férieufe & la plus refléchie ? Mais nous n'en indiquons qu'un feui exemple encore, que nous nous propofons 1 d'offrir a votre méditation, dans tout ce discours & dans un fuivant, fi la Providen- • ce le permet: c'eft la fubfiftance des Juifs au milieu de nous, & 1'état actuel de ce peuple,dans tous les lieux de la terre ou ■il eft aujourd'hui repandu: matière fi digne ; d'être attentivement meditée par des Chrétiens,  Serm.V.S'wPEtatpréjent des Jffifs. T.s. 12 j iderniere face uniquement, que nous avons : deffein d'envifager ce riche fujet. Nous foutenons que la fubfiftance étonnante des Juifs, jusqu'a nos jours, & 1'état oü nous les voyons aujourd'hui,a le confiderer dans toutes fes circonftances; fournit une preuve frappante & irréfraga; ble, de la verité de la révélation en géné] ral, & de celle de l'Evangile en particudier. Pour vous faire fentir la force de cette i preuve, il faut d'abord vous donner de I jufles idéés de ce que ce fait k de fingu1 lier&d'étonnant, & c'eft aquoi nous nous ; bornerons dans ce discours. Vous comprenés, Mes Frères, que nous ï n'avons point choifi les paroles de notre I texte, dans la vue de les expliquer avec i relation au temps d'Ester; mais uniquea ment comme des paroles qui expriment le I fait que nous nous propofons d'envifager I rélativement a la fituation oü nous voyons 1 encore de nos jours, les Juifs. Aujourd'hui de même qu'alors on peut i dire du peuple Hebreu, U y a un certain i peuple disper fi entre les peuples* qui- toute i fois fe tient d part, ff dont les loix font diffe-  126 Serm. V. Sur PEtat préfent des Juifs.l è.. differentes de celles de tout autre peuple; & ; on le peut dire avec cette notable diffé- ■ rence, que ce n'eft pas feulement parmi. toutes les provinces d'une monarchie telle : que le Royaume des Perfes & des Medes,, mais dans presque tous les lieux de Pan- cien& du nouveau monde, que ce peuple i eft aujourd'hui repandu. Qu'il fuffife donc de remarquer en peu , de mots,pour 1'intelligence hiftorique de: ces paroles, qu'elles furent proferées par Haman 1'ennemi des Juifs, qui dans la„ vue de leur nuire «Sc de les perdre, repréfenta au Roi Alfuerus, qu'il n'étoit pas : expédient de fouftrir dans les états de fa , domination, un peuple qui ne fuivoit point les loix du Roi, mais qui prétendoit fe: conduire felon des loix particulieres, dif-1 férentes de celles de toutes les autres Nations. Le Roi qui eft nommé Alfuerus dans le : livre d'Estet, étoit felon quelques favans, Cyaxare, nommé Darius le Mede: felon ; d'aurres c'étoit Darius fils d'Hyftaspe; mais | 1'opinion la plus commune & la plus vrai* femblable, pour diverfes raifons dont lail discuQion n'eft pas de ce lieu, vent que ce] foit:  ■SERM.V.Sur PEtatpréfent des Juifs. I.s. 12% foit Artaxerces, furnommé Longue - main. Voyés ces raifons detaillées par Prideaux hiftoire des Juifs, Tom. I:pag. 459-4.60. Ce fentiment eft celui de Flave Jofephe, Antiquité L. XI. 6. & des auteurs de la verfion des feptante, qui traduifent par Artaxerces,tous les endroits dulivre d'Ester oü eft le nom d'Alfuerus. Quoi qu'il en foit, Afluerus Roi des Perfes & de la Medie, regnoit depuis les.Indes jusqiPen Ethiopië fur 127 Provinces, ainfi qu'il eft dit dans le premier verfet du Chap. I. de ce livre. Dans toutes ces Provinces, ou dans la plupart, il y avoit des Juifs; & c'eft ce qui ne paroitra pas fort étonnant, fi fon confidère que les Rois de Perfe fuccelfeurs de Cyrus, regnoient lur tous les Pays qui avoient ei - devant conftitués 1'Empire des AlTyriens & des Babyloniens. Or comme les dix tribus avoient été tranfportées par lSalmanazar& par Ezarhaddons Rois d'Asfyrie, & les tribus de Juda & de Benjamin ipar Nabuchodonozor Roi de Babylone, il jjeft aifé de concevoir qu'outre les Juifs qui éjtoient retournés dans leur Pays fous la conduite d'Esdras& deZorobabel, par la permis-  i 2B Serm. V.Sur FEtatpréfent des Juifs I. s. mifïion des Rois de Perfe, il y en avoit un granl nombre d'autres, repandüs & disperfés dans toutes les parties de cette vafte monarchie. II n'eftpasétonnarit rion plus, que dans les divers lieuxde leur difperfion, les Juifs demeuraffent attachés ala religion de leurs Pères: ils n'avoient pas eu le tems de 1'oublier par une longue fuite de générations; & d'ailleurs une partie de leur Natiön étoit' i actuellement retournée dans la terre fainte, & y avoit rebati Jerufalem & le j Temple. Mais qu'aujourd'hüi aü bout de 17. fiècles d'exil, fans apparence aucune de rétabliflement dans la patrie de leurs ancè- ■ tres, difperfés non dans 1'étendue des états: d'un feul monarque, mais repandus dans^ tous les lieux de la terre, nés & nourris"? depuis une fi longue fuite de générations,-| parmi tant de peuples, qui tous ont des» mceurs, une religion, & une langde difFe-'f rente de la leur, les Juifs forment toujoiirs| un corps de peuple diftinct de tous lest autres; c'eft la le fait le plus étonnantt dont il foit fait mention dans les annalesn des peuples: c'eft un fait abfolument unpjl quën  3erm V.SurPEtatpréfent des Juifs. L s. 120 jue dans fon efpéce; & oneft obligé d'y éconnoitre le doigt de Dieu. \ C'eft la ce que nous nous propofons de ;rous faire obferver dans ce discours, Mes "rères: confiderés les Juifs comme peuple, ï)ü confiderés les comme fede. Nous les envifagerons fuccefïivement dus ces deux faces diftinctes, & a 1'un & a 'autre de ces égards, vous rrouverés qne leur confei vation & leur état actuel, a queljue chofe de fi furprenant & de fi mer-eilleux, qu'on eft; forcé d'y reconnoirre ine diredion toute particuliere de la Prondence', & de s'écrier comme David au Ueaume 118 : Ceci a été fait par PEternel, c'eft une chofe merveilleufe devaninosyeux. I. A confiderer les Juifs comme Peuple: i°. Je remarqued'abord qu'ils forment la jation la plus ancien ne qu'il y ait aumonle • une nation du moins dont Thiftoire jrecède de plufieurs fiècles les plus antiennes que nous ayons: cependant cette Wion fubfifte dans un état diftinét de :oute autre. -— On ne trouve plu? la Tom. 11. I tracé  13 o Serm V. Sur FEtatprêfènt des Juifs. I.|. tracé des anciens Perfes, des anciens Grccsc des anciens Romains; n! d'autres peu plek venus après eux, qui onc fondé de fon midables ernpires, & qui ont fait de leui tems la terreur de 1'univers. Leurs des cendans font aujourd'hui anifi peu reconi noilfables dans la race du genre humaim que les fleuves après qu'üsfont entrésdanï la mer. II y a ruême ïongtems qui ces nations font confondues avec d'autrei qui a leur tour les ont fubjuguées; qt.nlej< ont chafTées des lieux de leur demeure3 ou qui s'y font melées avec elles; qui onf changé leur religion, aboli leurs loix, fait oublier leur langue : tandis que la pot ftérité d'Abraham, qui au tems delaplut grande profpérité, n'occupoit qu'une tra petite étendue de pays, qui en a étéplui d'une fois arrachée, difper.'ée enfin, ven les quatre vents de la terre; après milW malheurs elfuyés dans une difperfion f grande & fi longue; furvit a toutes les re-, volutions du temps, triomphe de tani d'entreprifes qui ont été faites vainement! pour la détruire, & forme encore aujour-j d'hui, quoique depuis plufieurs fiècles ilsl n'ayent ni chef ni gouverneur, un peuple nom-f  ,erm V. Sur VEtatpréfent des Juifs. I.s. 131 ombreux repandu dans toutes les partieö 5 Tanden «Sc du nouveau monde, «Scduuel on peut dire cu égard a la terre enere, cequeHamandifoit au Roi dePerfe, ar rapport a 1'étendue de fes états, ilya n certain peuple disperfé entre les peuples ins toutes les Provinces de ton Royaume, & ja' toute fois fe tient d part, & dont les loix \nt différentes de celles de tout autre peuple. 2°. Ce qui eft encore biea remarquaJe, c'eft d'un coté la malheureufe conjition des Juifs dans tous les lieux de leur ispcrfion; & d'autre part leur multipliation extraordinaire, non obftant le meris univerfel oü ils font, «Sc non obftant Ine perfécution aufli longue «Sc auffi. viointe que celle qu'ils ont fonfferte. J Les gentils, les mahometans, & même is Chrétiens, contre les maximes de leur tligion, fe fonracharnés fur les Juifs par jne commune haine. — Dans quel pays Int-ils jouï d'unrépos affuré depnis la deIru&ion de Jerufalem, c'eft - U - dire depuis [7. fiécles? car pour la tolerance louable |Ü'on, exerce a leur égard dans ces Prolinces depuis la réformation, cela fait un rop court espace de tems dans 1'hiftoire de I 2 leur  IS 13 2 Serm V. Sur VEtat préfent des Juifs. II leur exil, & ne regarde auffi qu'une trè< petite partie de ce peuple .* d'ailleuiih le fupport dont ils jouïffent, nkaiapêchéptj qu'ils ne foyent exclusdes honneurs, &dc beaucoup de priviiéges de la focietécivilee qu'ils ne foyent Pobjet de la raiilerie aux Juifs repandus dans toutes les provinces de rempire, le tems de fe joindre a ceux qui s'étoient foulevés dans la Syrië: ils formerent une armee nombreufe, & foujtinrent divers combats, mais furent enfin itotalement défaits j & il périt dans cette iguerre qui dura 4. ans, plus de fix cent i mille Juifs :(*). ce qui en demeura de < refte fut emmené captif, disperfé &ven:du a vil prix ; (*) & 1'Empereur Adrien fit un édit par lequel Ü bannit ] pour jamais les Juifs de la Judée. {b). Depuis ce tems jusqu'a celui de Julien 1 rapoftat, ilsn'ont point été enétat de rien i entreprendre. Mais Julien étant parvenu (*) A. 135. (a) ySo mille dans les combats, fans ceux qui périrent paria fairo &c.Xipbilin in Adriano■ voyés Diêion&re de Bayle arr barcocbebas, note p. (&\ Voyés Mix réflex. fur 1'Ecr. Ste. ToM. II. p3g. 330. & Tertuliien Apolog. pag. iaj. I 4.  m. 136' Serm V. Sur PEtat préfent des Juifs. ti| nu 2t 1'empire, eet Empereur en haine diu Chriftianifme qu'il avoit abjuré, forma lee deffein de rébatir le temple de Jerufalerriji; de rétablir les Juifs dans la poffefïïon desj leur pays, & dans Texercice des fon&ionsl de leur réligron; dans la vue d'enleverl aux Chrétiens le témoignage que rend M PEvangile Ie trifte état des Juifs, oü Poril voit fi vifiblement raccomplifTement desl prédiórions de Jéfus-Chrift & des an-iJ ciens Prophétes Cette entreprife fut formée (*_) en4| viron 300 ans après la deftruclion duj temple, par Tite. Julien écrivit a la na-J tion des lettres trés flatteufes, conviantlesJ Juifs a retoumer dans leur Pays, & a remettre leur loi en vigueur: il les aflural avoir découvert par Tétude de leurs livresj que le temps fixé pour la fin de leur capti-J vité étoit arrivé: & non content de kur| donner une permiffion après laquelle ils 1 foupiroient, il envoya de coutes parts desl ouvriers ajerufalem. ilordonna a fes tré-J foriers de fournir fargent nécelfaire poud la ennftruébon du temple: le gouverneur (de la province fut chargé d'y donner fes: foins, & la lurintendance dePouvragefut: don- li {*) A. 3Ö2.  Serm V. SurPEtatpréfent des Juifs. I.s. 137 donnée a Alypius, ami intirae de TEmpereur, envoyé fur les lieux pour en preifer rexécution. Qui n'eut cru, Mes Frères, que le Temple de Jerufalem alloit lortir encore une fois de deffous fes ruines? les Juifs n'ert douterent point; ils crurtnt avoir troum dans la per'onne de Julien, un autre Cyrus; ils accoururent en foule de tous iles lieux de leur disperfion: mr.is tous leurs efforts, foutenus de toute la pnifTance de l Empereur, ne pouvoient qu'échouer contre le defTein de celui qui bablte dans les Cieux, de qui le nom ejl PEternel, & contre qui iln'y a nifage(Je,ni confeil, ni tête. En vain les Juifs s'affemblerent avec les mations, & en vain les grands de la terre, tenterent une entreprife formée en baine de POint de PEternel: (a). eet ouvrage jpoulTé avec tant d'ardeur, fut arreté par Lne main plus puilfante que la leur: on tachèva bien de demolir les fondemens qui ^étoientreftés de 1'ancien temple, &d'acLomplir par la fans y penfer, la parole que JJéfus avoit dite, quil ne referoit de eet édi- fice (a) Ps. II. I S  138 Serm V. Sur VEtatpréfent des Juifs .1g,s fice, pierre fur pierre; mais quand il fut ques»', tion de placer les nouveaux fondemens d'utm maifon qui ne pouvoit jamais devenir celle dei Dieu^puis quelle s'élevoit contre fa volonté,, contre les oracles; onvitfortir de deflbussj terre des tourbillons de flammes, dont less élancemens redoublés confumerent les 011-■ vriers, & les obligerent d'abandonnert 1'ouvrage. C'eft un fa;t attefté non feule-:ment par divers Pères de 1'Eglife contem-i porains, (a). mais par Ammien Marcellinn même, payen de religion > & attaché aun fervice de Julien: voici les ««propres termes dans lesquels il rapporte ce remarquable événement. ,, Pendant qu'Alypius; „ aidé du gouverneur de la province, a-,| ,, vancoit 1'ouvrage autant qu'il pouvoit,, „ de terribles globes de feu fortirent dess „ fondemens qu'ils avoient auparavant! „ ébranlés par des fecoufles violentes.; jj Les ouvriers qui récommencerent 1'ou- j, vrage: (a) St. Gregoire de Nazianze, St. Cbryfoftome &S Su rfmbroife, le premier rapporte ce fait dans um discours contre Julien, compofé Ja même nnnée, lei 2d environ ao aos après devant toute la villed'Antioche, le 3'ne dans une Epitre a l'Ercpereur Theo-| dofe.  Serm V. Sur VEtat préfent des Juifs. I.s. 13 0 „ vrage fouvent, fiirent brulés a diverfes^ „ réprifes, le lieu devint inacceffible, & „ 1'entreprife ceffa. (a). 11 y eut plufieurs Juifs qui a la vue de ce miracle fe convertirent au Chriftianisme, (b). Mais le gros de la nation perfifta dans la même incrédulité & dans le même aveuglement; & Julien ayant été tué peu de tems après, les Juifs perdircnt les grandes efpérances qu'ils avoient fondées fur la proteclion de ce Prince: ils fe difperfent de nouveau dans tous les climats, ou ils fubfiftent jusqu'a nos jours; errans & fu: gitifs par tout, disperfés parmi tous les peuples de la terre, & cependant fe tenans toujours apart, & ayant une lol différente de tous les autres peuples. Jusqu'ici nous avons confideré ce qu'il y a de fingulier dans la fubfiftence & dans 1'état des Juifs, a les confiderer comme peuple. r r En.vi- (a) Amm. l. 33. C. f. (b) Hittoire de 1'Eglife & del'Eropire^ToM. III. pa^. 122.  ï 4-o Serm V. Sur YEtatpréfent des Juifs. IÉ Envifageons les maintenant comme fecte, ou comme une focieté d'hommes unis par les liens d'une même réligion, a laquelle ils demeurent inviölablement attachés dans tous les lieux de leur di'sperfion. Encore aujourd'hui de même qu'au tems d'Alfuerus ce peuple partout repandu, fe tient partout d part, ayant une lol différente de cette de tous les autres peuples. ï. La ie chofe qui doit nous frapper icij c'eft fancienneté de cette loi qui les diftingue, & des livres qui la contiennent. Le Pentateuque de Moyfe, qui eft entre leurs mains, eft nonfeulement de plufieurs fiécles le plus ancien livre qu'il y ait dans le monde, ceci ne foulfre point de difficulté ni de conteftation, s'ij eft vrai comme ils 1 le prétendent, que les loix dont le pentateuque contient le recueil, leur ayent été de- -f ïivrées par Moyfe qui les redigea par écrir. — j mais de plus il eft irnpoflible que les prétentions des Juifs au fujetde Pantiquitéde j ces loix & de ces livres, ne foyent pas exac- J teraent vrayes. i°. Paree que toutes les fêtes des Juifs, la plupart de leurs lok,& prèsque toutes I les  Serm V. Sur ïEtatpréfent des Juifs. I.s. 14.1 les ceremonies de leur réligion, (toutes chofes qui ont été obfèrvées de fiécle en iiécle, de génération en. génération, & sd'année en année) fontautant de mémoiriaux & de preuves parlantes de la verité des faits, qui ont donné la première oriigine a ces fêtes, a ces loix, a ces rites. Ceft ainfi par exemple que lafolemnité :de ia Paque, celèbrée d'année en année le ij-fdu moisde Nifan, fuppofe la verité de la fortie des Israëlites du pays d'Egypte: x'eft ainfi que le décalogue par exemple, que dans tous les tems poftérieurs a celui Ja, les juifs ont fait apprendre a leurs enfans, (fuppofe que cette loi leur a été donnée du items de Moyfe. C'eft ainfi que le figne de la circonci1 fion, par exemple, dont il eft parlé dans les livres de Moyfe, comme d'un ufage établi avant lui', fuppofe 1'alliance que Dieu avoit traitée avec Abraham longtems avec 1'exi- ftence de Moyfe & ainfi de fuite. Deiorte qu'on ne peut afligner aucun espace de tems au deifcus de Page de Moyfe, dans lequel ces fêtes, ces loix & ces ceremonies, ne fulTent deja en ufage parmi les Juifs, de la même manière que toutes ces chofes  I 142 Serm V. Sur PEtatpréfent des Juifs. Isj. ehofes le font encore aujourd'hui. On eni trouve des monumens authentiques & fuiviss dans les Jivres qui ont été compofés depuis;; dans ceux de Jo.'ué, des Juges, de Samuel,, de David, & de tous les Prophétes: on y' voit conftamment les mêmes ufagesétablis.' & obfervés en conféquence d'une même; bi, qui y eft auffi continuellement citée,, comme ia H donnée par Moyfe — «Sc parconfëquent il n'y a au deffous de fdge de: Moyfe, aucuti efpace de tems affignable, | dans le quel on pourroit prétendre que le: Pentateuque eut été fuppo'é, & produit: pour la première fois: de génération en: génération, on 1'a lu dans les families, on : en a fait la leclure dans les affemblées réligieuies le jour du Sabbath: on le rélifoit tout entier chaque feptième année .(a). z°. De toute neceffité ce livre doitêtre de la même antiquité que le peuple Juif par, ce que c'eft ce livre qui a fait des Juifs, un peuple & une fecfe diftincle & feparée de tout autre peuple «Sc de toute autre (a) Voy«.?s eet argument poufle, & d'autres encore dans A.lïx réjlsxions fur les Livres de Moyfe. T. I. p. 29 è 32. 8 p. 145.  Serm V. Sur TEtat préfent des Juifs. l.s. 14.3 autre fè&e. On fe rendroit ridicule en niant que 1'Alcoran de Mahomet ne foit pas auffi ancien que le tems oü Mahomet a vecü. Je ne fache pas qu'aucun incrédule lè foit encore avifé de le nier, &s'il jarrive qu'au bout de 2 ou 3 mille ans, quelIqu'un donne dans ce travers, il fera pour'iors auffi mal fondé dans fa prétention fau'on le feroit aujourd'hui: — or il eft ;également ridicule de nier que le Penta* iteuque ne foit pas auffi ancien que le tems oü Moyfe a vecü, paree que le Pentateuque eft ce qui a caradériftiquement diftingué les Juifs de toute autre nation & de toute autre fecte, en donnant la forme a leur gouvernement & a leur réligion. 11 ïft impoflible & contradictoire que les juifs ayent été Juifs, avant d'avoir le fiftêïie de doctrine, de loix & de rites quele rPentateuquecontient, &qui eft la bafe de leur Judaïfme. 1 Ce Pentateuque ne peut donc avoir été uppofé dans aucun tems poftérieur a celui de i^oyfexar pour me fervir de la réflexion d'un elèhre auteur ,(*)»> il y a bien de la difté, rence entre un livre que fait un particulier h & (*) Penfées de Pafcal p. 40,  144 Serm V. Sur PEtatpréfent des JuifsXs. „ & qu'il jette parmi le peuple, & uni „ livre qui fait lui même un peuple. Om „ ne peut douter qu'un tel livre ne foit t „ auffi ancien que le peuple même.v 11. Ce qui eft en fecond lieu bien re-marquable, c'eft le respect & 1'attache-ment inviolabie que les juifs ont confervéi jusqu'a nos jours pour leur loi. i°. Non feulement cette loi eft par elle: même trés rigoureufe, obligeant a urn nombre infini de ceremonies accablantess par leur feule multitude; trés gènantesóc; trés incommodes dans 1'ufage de ia vie ci-vile, par la variété de devoirs qu'elle leurt impofe, tant par rapport a la qualité de; leurs alimens, que par rapport au tems de; leur travail; par rapport au foin d éviten mille objets dont 1'ufage ou Tattouchementt les fouille, & autres chofes femblables. —4 Non feulement la loi de Moyfe, pour les; encourager, n'offre guercs que des pro» melfes de bénédictions temporelies, qui toutes ont du rapport a la terre de Canaan,: de laquelle ils font depuis filongtems exilés; promefles dont par confequent ils ne: peuvent reffentir 1'efFet ni fe faire 1'ap-' plication. Mais.1  Sekm.V.Sur PEtat préfent des Juifs.U. 14 f Mais de plus cette loi eft d'une feveriré effrayante, fulminant des malédicïions & des anathêmes contre la moindre infraétion. Cepehdant ni la rigueur de cette loi, ni Ie manque de motifs d'encouragement, ni k difficulté qu'il y a d'en obferver lespreceptes (difficulté que leur disperfion parmi des peuples qui fuivent des réligions différentes a confiderablement augmentée) tout fcela jusqifici n'a pu rallentir le zèle des Juifs pour les loix de Moyfe. 2°. Le mépris & la haine des peuples parmi lesqüels ils vivent, n'ont pas eu plus d'tfficace pour les faire renoncer kune loi qui les expofe partout a de mauvais trai:emens; qui les exclut partout des emjblois & des honneurs de la focieté civile, & les met en bute en beaucoup d'endroits, i des infultes & a des dangers; & cela depuis tant de fiécles. 3°. Mais ce qui eft beaucoup plus étonihant encore que tout ce que nous venons de dire, c'eft que les Juifs demeurent attachés a leur loi, non obftant rimpoffibilité pu ils fe trouvent d'en obferver les rites fes plus effentiels, & non obftant la prijvation oü ils font aujourd'hui de toutes les ITom. ji. K con-  14>6* Serm. V. Sur PEtat préfent des Juifs.U confolations que leur réligion leur fourniii foit autrefois, pour adoucir le joug d'un loi fi fevere. Je n'en rapporterai que deux exemplesi Tun pris des facrifices, & fautre tiré li fattente duMeffie. Les Juifs n'avoient rien de plus impoj tant dans leur réligion que les facrificesj ils conftituoient une partie confidérable dij leur culte, & d'ailleurs, ils leurs étoien abfolument néceffaires, pour 1'expiation dc divers pêchés commis contre la loi eém monielle} dont ils ne pouvoient être pun fiés que de cette maniere. Cependant on fait qu'aujourd'hui ii! n'ont plus de facrifices; paree que leur ld ne permet pas d'en orfrir ailleurs, quedarr des lieux choifis pour cela par Dieu lui mei me. Avant la conftruótion du Temples on les offroit dans Ie lieu oü étoit le Ti\ bernacle, pavillon de fa gloire, mais dd| puis que Ie Temple eut été bati, on neld offroit qu'a Jerufalem; oü tout le peupi étoit tenu de fe rendre trois fois fan aui fetes folemnelles. Une autre chofe beaucoup plus intéj reffante encore qui les attachoit autrefof  Serm. V.SurPEtatpréfentdesJuifs. I. s. 14? : leur réligion, c'étoit 1'attente du Mesie. II eft vrai qu'ils font profeffion de >attendre encore aujourd'hui; mais avec luel fondement peuvent- ils le faire? Et Quelle différence entre leur fituation, a eet igard, & celle de leurs pères, qui habitoient fes lieux oü il étoit prédit que le Meffte iaitroit & vivroit; qui connoilfoient la nbu & la familie dans laquelle il prenslroit nailfance; qui favoient qu'il vienIroit pendant que le Temple bati au retour le lacaptivité, feroit encore debout; qui ivoient quantité d'autres marqués caraefcéïftiques touchant le tems de fa venue, deaillées dans les écrits des Prophétes, qui outenoient leurs efpérances, & qui leur m faifoient entrevoir un accomplifTement avorable & prochain. J Aujourd'hui ils ne favent plus quelle xplication donner aux oraclesqui leur ont Ité commis. lis les confervent néanmoins jvec une fcrupuleufe fidelité: ils font forcés jeconvenir, quele tems marqué dans leurs -ivres lacrés pour la venue du Meffte, eft ïepuis longtems expiré. Et fuppofé ju'il ne le fut pas, a quoi pourroient- ils I reconnoitre? aujourd'hui que toutes K 2 leurs  •I 4.8 Serm.V.SW' PEtatpréfent des Juifs. I. s j leurs génealogies font psrdues & confoir dues; puisqu'ils ne peuvent plus diftinr guer ni les families, ni les tribus; puisqui le temple que le Meflie devoit honorer d: fa pré'ence ne fubfifte plus, &, qifen up mot j tout le plan de la réligion & de I république des Juifs, plan qui n'avoit éti principalement dreffé que pour rendre 1 Meffie aifé a reconnoitre, eft: aujourd'ht tellement bouleverfé & détruit, qu'il feroi impoffible d'en venir aboutftf). Une troifième chofe tout-a-fait fingulici re, qu'on peut obferver fur 1'état aéhieldd Juifs, a les confiderer comme fecte; cei que repandue partout, elle ne fe confon point avec les autres feótes, & n'attiii point non plus les autres a elle. . i°. Ils vivent dans mille lieux oü PI vangile efl preché, fans ouvrir les yeux> la lumière; 'quoiqu'ils voyent les Chrétiei porter le même refpect qu'eux aux livro iacrés de Moyfe & des Prophéces. Ils font repandus dans toute fétendi! de PEmpire Ottoman; dans le Mogcx daf (a) Voyés Allix reflexions fur 1'Ecriture Saiti Tom. II. pag. 329-335.  faRM.V.Sur PEtat préfent des Juifs. I.s. 149 lans 1'Arabie heureufe. fur toutes lescótes lel'Afrique, fansy embraffer le Mahomeisme, qui pour la circoncifion, les purifiations & autres chofes femblables, a du apport au Judaïfme. Enfin dans tous les pays ou le Pagani3« ne eft dominant, ils perfiftent dans une afte horreur contre fidolatrie: nötés bien, :ux, qui autrefois étoient fi enclins d imiter 'is facons de faire des nations, que ni les 'oiracles les plus frappans, ni les cenfures m plus vives de leurs Prophétes, ni les nompeufes cérémonies de leur propre réigion,ne furent jamais d'affés fortes barrières, ni d'affés efficaces préfervatifs, i ontre eet aveugle penchant, qui les enferioft vers le culte des idoles. t'1 Ceci merite donc encore d'être remari ué comme une chofe finguliere. Repan!us parmi lesChrétiens, les Mahometans E les Gentils, les Juifs fe tiennent partout r^part, & ont une loi différente de celle de pS lés autres peuples. -o. Mais fi la feéle des Juifs ne leconond nullepart avec les autres, elle ne les ittire nas non plus a elle. — Et s'il eft K 3 rare  150 SERM.V.Sur PEtat préfent des Juifs. I. s < rare de voir un Juif changer finceremenh de réligion, il efl beaucoup plus rare en-: core de voir embralTer la réligion des Juifil par des hommes qui n1y lont pas nés;! Ceci arrivoit quelque fois du tems qu'ili étoient dans leur pays. Vètranger quihabv toit dans leurs portes, frappé de la magnifil cence du cuke du Dieu dIsraël, devenoül profélite de la juftice: mais depuis qu'ili] font exilés de la terre de Canaan, & qu'ili vivent meprifés dans tous les lieux de leud disperfion, ilsne font point deprofélytesa & c'eft ce qui augmente le merveilleud de la confervation & de la multiplicatio» extraordinaire des Juifs. Car ils ne font il le bien confiderer, qu'une feule famill<| qui fe perpétue & fe multiplie fur la term des vivans, & cela fans s'allier par le maJ riage dans d'autres families, & fans êtrfl confidérablement groffie par quelqu'accesi fion étrangere de profélytes: une famill& qui ne fe rendent point a la vüe d'une auffi grande merveiile, que celle que Dieu aoperée,pour conerver I Ifon Eglife & au genre humain, un témoignage toujours fubiiftant de la vérké de fa révelation & de fon Evangile. Des gensqui ne fe rendent point a une ïpareille preuve, pourroient bien ne pas croiI re quand un mort viendroit'd rejftisciter; & il jnerefte qu'a prierDieu, qu'il leur donne des ïyeux pour voir & des. oreilles pourent en dr el Ipuisque du coté des preuves &des mctifs I de crédibilité, la Divine Bonté n'a rien laifTé k défirer a un esprit raifönnable. — Pour nous Chrétiens,ne foyons pas du I nombre de ceux qui voyent pareille chofe ïfans y prendre garde; qu'une dispenfation I li particuliere & fi admirable de la ProviIdence, nous porte k craindre fon nom 1 glorieuxi& faint, abénir fes tendres foins é envers nous: qu'elle ferve a nous afferd mir dans la foi, a nous embrafer de zèle I pour fa réligion : qu'elle nous in'pire une réolution inébranlable de vivre & de I K j mou-  i $4. Serm. V. Sar PEtat préfent des Juifs.l u mourir dans la voye du falut. que fa miji féricorde nous a manifefté du Ciel, ques Jéfus Chrift fon Fils bien aiméeft venu publier fur la terre, & dont il nous a fray& le chemin par fon Sangprécieux. Amen.ii Dieu nous en falfela grace, AMEN. sermon!  SERMON S I X I E M E. SUR I L'ETAT PRESENT DES JUIFS. B y a un certain peuple disperfé entre les peuples, par toutes les provinces de ton royaume, & qui toute fois fe tient a part, du quel les Ion font différentes de celles de tout autre peuple. Ester III. vs. 8. Mes Frères,les incrédules quirefufent de croire a la Révelation, & qui demandentdes jignés, ne font point actention a celui que la Providence, a mis devant leurs yeux, dans la confervation merveilleufe du peuple Hebreu. La fituation préfente des Juifs, foit qu'on les confidere comme une nation, ou comme une lecle , offre a une contemplation attentive&réflêchie5le phénoménele plus ün- k. -  15 6Se.m.\rLSur PEtat préfent desJuifUI.s.: fingulier, 1'événement le plus étonnant, dont il foit fait mention dans 1'hiftoire: un fait unique dans fon efpéce: & on netj fauroit fans aveuglement méconnoitre unet direüion adorable de la Providence, qui.i au moyen de la fubfiftance des Juifs, &; de 1'état actuel de leur disperfion parmi: tous les peuples de la terre, fournit a 1'Eglife & au genre humain , un témoignage< perpétuel & toujours préfent, de la vérité det la révelation en général, & de 1'Evangileü en particulier. C'eft la ce que nous avons entrepris dej prouver, Mes Frères. Dans notre di cours^ précédent nous avons confideré le fait em lui-même, & réflèchi fur ce qu'il a de; fingulier & d'étonnant. Aujourd'hui nous 1'envifagerons commea un accompliffemenc fenfible & frappant^ des prophéties contenues dans les livrei dont les Juifs font les porteurs & les dépo-fitaires. Nous nous propofonsdemontrerque de même qu'on remarque dans Tan-cienne hiftoire de ce peuple, un fenfible: accompliffement, non d'une ou de deux: prophéties, mais d'une longue fuite d'o-\racles,qui d'avance ont devoilé les defti- neesi  &RM.VÏ.S«r PEtat préfent des Juifsïï.*. I $ f ées d'Israël; on peut obferver la même bofe dans fa fubfiftance préfente & dans on état aótuel: foit que fon confidere, i. La longue confervation de ce peuple dans le monde, & fa multiplication extraordinaire. a°. Ou la cataftrophe qui a mis fin ala f épublique des Juifs, & les malheurs effroyaples dont elle a été accompagnée & fui- j 3°. Les principaux traits qui caractetifent leur vafte & longue dispexfion parmi tous les peuples de la terre; ou 4°. Enfin les circonftances deleurfituation préfente, rélapvement au gouvernement civil, & au culte réligieux. Deforte que 1'hiftoire entière de ce peuple, a la prendre dés fon origine jusqu'a nos jours, n'eft que 1'exécution graduelle & fuivie d'un plan de Dieu, manifefté d'avance, & de fon confeil intelligiblement 3 exprimé, dans ces anciens livres qui font entre les mains des Juifs, qui les confervenC ] avec une fcrupuleufe fidélité. Et fi un pareil phénomène ,expofé aux yeux de 1'univers & perpétué d'dge en ! a^e, ne fuffit point a convaincre de la réaiité  i $ 8 Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II. é réalité & de Ia vérité d'une révelatiom que Dieu a donnée aux hommes; je nee concois pas qu'on puiffe rien imaginer qui i le prouvat plus fenfiblement , a moinss qu'on ne voulut fuppofer, que pourlaconviction des incrédules, il fut nécelTaire que< Dieu fit rouler, jour & nuit-dans les airs,, une voix qui cridt au genre humain: fan donné des flatuts d Jacob' des ordonnances d Jfraël. Favorifés-nous, Mes Frères, d'une réligieufe attention, & Dieu veuille la bénir!! Amen. I. I. Réflèchiffés d'abord fur la longue: confervatioh du peuple Hebreu, & fur fai multiplication extraordinaire. On trouve dans le livre de la Genefe,, que Dieu ehoifit, il y a plus de 4.000 ans,, un homme, dans la familie duquel il veut: conferver le eulte du Créateur du ciel &: de la terre, dans un tems oü les peuples; fe plongeoient dans fidolatrie, qui bientöt: après devint univerfelle dans le monde. — ' Dieu promet a eet homme, a qui il donne: le:  Ierm.VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II. s. I 3 nom d1 Abraham (a), que de lui naitra :ine poftérité j qui deviendra une nation ;rande & innombrable; que fa race fera wltipliée comme la pouffière de la terre, que I quelqu'un peut la compter, ilcomptera auffi h fuite de fes defcendans (b). Dieu lui don:ie un fils unique par qui cette promefle doit Peffeduer (c). II lui révèle fucceflivement, ue fapofiéritépoffèdera la terre de Canaan (d), kie ce ne fera cependant qu1 après avoir été :.oo ans êtrangère dans un autre pays, oli 'le fra affervie & affligée (e), mais quyaa vut de cetemsil la fera rétourner (f); qu'il tablira une alliance perpétuelle avec fa poflèïté(g), & qu1'enfin toutes les nations de la er re f er ont bénies en fa femence (h). Dieu Itablit le figne de la circoncifion comme «ne marqué de diftinótion entre la familie J'Abraham, & toutes les autres famillea Ie la terre. La (d) GENfffE. xii. vs. 2. (6) Chap. XIII. vs. ió. (c) XV. vs. 5. 00 vs. 7. (e) —— vs. ig. IC/) vs. lö. Cg) XVII. v,. 7. (b) XXII. vs. 1.  i.6o Serm. VI. Sur PEtatpref. des Juifs. II. è La poftérité de eet homme descend ent Egypte, elle y multiplie, & devient unr grand peuple ,• mais elle y fouffre le joug cfune dure fèrvicude, jusqu'au tems oü Moy-? fe eftfuscitéde Dieu pour brifer fes fers.— La fortie d'Egypte «Sc la maniere dont? Dieu conduifit, fit fubfifter «Sc nourrit les Ifraëlites, durant quarante ans, dans le de*; fert; eft une fuite de prodiges, dont ce peu-i ple nombreux fut 1'objet «Sc le témoin; «Sé de la verité desquelsleurs feces,leurs loix, & leurs cérémonies,obfervées depuis ce temps - la, fans discontinuation jusqu'a nos jours, font autant de monumens authenti-i ques «Sc irréprochables. Moyfe leun donne de la part de Öku, des loix qui re«: glent la forme de la réligion «Sc du gou-i vernement, «Sc qui ajoutées a la circoncifion,i achévent de faire de la race d'Abraham, une nat ion «Sc une fecle feparée de tout autre. Ceft a quoi font deftinées, de même qifa préfigurer le Meflie promis a leun pères, tant d'ordonnances qui rendoientles Ifraëlites aifés a diftinguer de tout autre peuple,«Sc quidevoient les conferver dans eet état difiiruft, comme les dépofitairej des oracies facrés, «Sc Ie peuple au miliel duque  Serm. VI. Sur PEtatpréf. des Juifs. II.s. 161 duquel le Mefile prendroit naiftance dans les tems accomplis. Les Ifraëlites fous la conduite dejofué, ifont mis en pofteflion de la terre de Camaan, & la tribu de Juda oü le Chrift ;devoit naitre, habite cette terre promüe ifans autre interruption que celle de la captivité de Babylone, qui dura 70 ans, & dont le comraencement &!a fin font raariqués dans les Prophétes: la tribu de juda, i dis je,rhabite depuis le tems dejofué jusqu'a celui de Jélüs -Chrift? encore 40. rans après 1'atroce crime que commirent hes juifs en le crucifiant: jusqu'a ce que ;:les romains, exécuteurs de la vengeance i celéfte, fous 1'empire de Vespafien, les arracherentde leur demeure, achéverent de ila dévafter fous celui d'Adrien, & réduiifirent ce qui refta de ce miferable peuple, j a Tétat d'exü & de disperfion oü nous les i voyons encore aujourd'hui. Dix fept fiécles ont roulé fur leurs mali heurs, fans venir a bout d'éteindre cette J race, ou de la faire confondre aveclesnaJ tions au milieu desquelles ils vivent. — Nous j voyons de nos jours, au bout de 4000 ans, 1 Ia poftérité d'Abraham, quoiqu'affoiblie Tom. II, L confi*  16 2 Serm. VI. Sur PEtat pref. des Juifs. II g., confiderablement, par la defeftion des dixt tribus, qui a la longue fe font melées i avec les autres peuples, & nonobftant: 1'état d'oppreffion & d'écrafement oü les i Juifs gémilTent depuis ces dixfept fiecles; \ nous voyons encore aujourd'lmi cette i poftérité d'Abraham, former unenation, diftinde^&nombreufe. Mes Frères, qui ne \ réconnoirroit ici une preuve de la verité de la révélation, & d'une direclion fingu- ■ liere de la Providence ? Car enfin cette longue confervation & cette multiplication extraordinaire, avoient été formelleraent prédites dans les livres 'acrés qui font entre les mains des Juifs & des Chrétiens. Outre les promeffes faites a Abraham luimême,que nous avons déjacitées, on en trouve plufieurs autres dans les derniers discours que Moyfe tient aux Israëlites, & dans les écrits des Prophétes, On lit au chapitre 3 2. du Deuteronome, que quoique Dieu les difperfera dans tous les coins de la terre, il nabolira pas leur mé- I moiré d'entre les hommes ^a): dans le chapitre (?) Deut. XXXII. vs. 2(3 - 27.  Serm.Vl.Sur PEtatpréf. des Juifs. II. s. 16% itre 48. des révelations d'Efaie^que pour Pamour de fon Nom & de fa Louange, il réitiendra fon courroux contre eux afin de ne les pas rétrancher (a), & dans le chap. 31. ' ide Jeremie: ainfi a dit PEternel qui donne le \Soleil pour être la lumière du jour, 6? le réïglement de la Lune 6? des Etoilcs pour être la \lumiere de la nuit, fi jamais ces régiemens \difparoijfent de devantmoi, auffi la race d'Isira'él cefcra cPêtre jamais une Nation devant moi (b). A ce langage majeftueux, on réiconnoit 1'auteur de la nature «Sc le maitre ;des événemens: & on leréconnoit mieux f encore, dans 1'exécution d'une promefle «Sc 'd'une prédiction que nous voyons fi fenjfiblement accomplie. F Les mêmes réfléxions font parfaite1 ment appliquables a la cataftrophe qui reniverfa la république des Juifs, & auxmalï heurs effroyables dont elle a été fuivie. Les plus rémarquables particularités en ont 00 Esaie XLVIII. vs. 9. (fe) Jer. XXXI. vs. 35.36. L 2  15+ Serm.VI. Sur PEtatprêf. des Juifs. Ils. ont été prédites dans ces mêmes livres i que les Juifs confervent avec tant de foin, , & notamment dans ceux de Moyfe, les : plus anciens de tous. Le feulchapitre 28. du Deuteronome, Iu avec attention, fuffiroit a vous en convaincre. Perfonne n'ignore que les Juifs ont été réduits a Tétat miferable oü on les voit, par les armes des Romains; & ceft, auffi 1 la nation que Moyfe a defignée comme i 1'inftrument de la vengeance du Ciel.. PEternel dit-il, fera lever contre tol de\ loin, du bout de la terre', une nation qui vo- • lera comme mie Paigle (a): on fait que les 1 romains portoient des aigles dans leurs: enfeignes militaires : favoue pourtant: que cette obiervation feule auroit peu de 1 force > mais elle acquiert de la folidité & : devient convainquante, lorsque Pon confi- dere que le Prophéte Daniël au chapitre 9. de fes révelations (b), & notre Seigneur jéUis-Chrift au chapitre 24. de TEvangile felon St. Mathieu, ont employé le CV) Ter XXXI. vs. 49. Q) Dan. IX. vs. 27.  tik; V l.Sur PEtatpréf. des Juifs II.s. 16 $ e même emblême en prédifant la déftrucion de [erufalem par les Romains al Une nation, pour luit Moyfe, dont tu f entendras point la langue(b\ & ceci en»re leur eft plus appliquable qu'aux Caldéens, dontle langage tfétoit pas entierement inintelligible pour les juifs. Cette nation fafftègera dans toutes tes vil xs: jufqu'd ce que tes murailles les plus hautes Libént par terre (c). Tu mangera le fruit le ton ventre (d), dans le fiège êf dw la %êtreffe dont ton ennemi te ferrera: & c'eft ce qui saccomplit litteralement durant le Hernier fiège de Jerufalem, au rapport de have Jofephe. (*). [ Et vous refter és en petit nombre après avoir \tê comme les Etoiles des Cieux. {e). Et telle fut véritablement ra condition du peuple K,if, après les deux guerres foutenues Tube contre Vespafien & Pautre contre AJdrien, qui dans Pespace de moins de foiKanteans, firent perir plus de dix-fept cent (a) MATTH. XXIV. vs. 15. (&) Vs. 49- \A . Vs. 52- {% . Vs. 53. >/) Vs. 62. (*) Guerre des Juifs. L. »Tel étoit alors, dit " „Flave (*) Flave Jofephe. Guerre des Jaifs. L,7«Chap, L 4.  ï 6 8 Serm. VI. Sur PEtatpréf. des Juifs. II. g.;. Flave Jofephe, „ 1'état oü ce miiérable peu-1 „ ple fe trouvoit reduit". Et PEternel te fera retourner en Egypte> fur des navires, & vous vous vendrés ld a i vos ennemis pour être efclaves &'fervantes, iltfy aura perfonne qui vous achete (a). Quoi; dirés vous, ceci auffi a-t-il été accompli! litteralement du temps des Romains ? V ous i prononcerés vous mêmes, Mes Frères; car nous nous contenterons de citer encore i ici les propres paroles de kur hiftorien F!ave jofephe, qui du au chapitre44.du fixième hvrede la Guerre des Juifs, qui a pour ticre, ce que les Romains' firent des prifonniers • „ On reierva pour le „ triomplie les plus jeune» & les mieux 5, faits, on envoya enchainés enFgypte „ ctrux qui étoient au deffus de dix fept „ ans,pour travailler aux ouvrages publ cs; „ & Tite en diftnbua un grand nombre „ par les provinces pour fervira des fpec>, tacles de gladiateurs & de combats „ contre des bêtes: quant a ceux qui „ étoient audfcüousde dixfept ans, ils! n furent vendus." Ce 00 Dfdt. XXVIII. vs. 68.  [Serm.VI. Sur FEtatprêf des Juifs. ll.s. 169 Ce qui eft plus rémarquable encore, efl: ique fous Pempire d'Adrien, qui yo. ans japrès achéva de dévafter la Judée, & id'en faire un defert, pour me fervir de jl'exprelfion de Dion Caflius hiftorien roimain; la même chofe eut lieu: „ on venL, dit a vil prix un nombre incroyable de L Juifs; mais plufieurs milliers après ,, avoir été expofés en ventedans lesfoi!„ res duTerebinthe & deGaza, n'ayant „ point rrouvé d'acheteurs dans la Pales„ tine, furent embarqués pour 1'tgypte „ oü ils périrent par les naufrages & par „ la famine, ou furent tués. Comparés maintenant ces faits avec les paroles par oü Moyfe finit fes menacantes i prédiélions, dans le chapitre 28. duDeu: teronome; & jugés, Mes Frères, s'jI ne falloit pas que Moy^e fut inlpiré de Dieu, pour voir, a travers tant de fiécles, les des; tinées d'un peuple alors fur le point d'être mis en pofffclfion de la terre promife, & qui après y avoir fubfifté avec mille mar-. i ques vifibles d'une proteólion Divine, jusI qu'a la venue de JéfusChrift; en eft pour jamais (a) Deüt. XXVIII. vs. <58.  i *ro Serm. VI. Sur FEtatprêf. des Juifs. II. 9. jamais arrachc après fa mort, & ramené par la vengeance du Ciel dans cette même Egypte, pays de fervitude, d'ou Dieu avoit retirê Israël d main forte & d bras etendu. -o'i t^'.ioiï'ui-züukD aoiG ub- no fbiqx&M III. {;r/G'uai sidnibi! nu xiiq iiv n rib , A Confiderés de plus prés le miférable état des Juifs, dans tous les liêux de leur disperfion 10. Obfervés qu'ils n'ont nulle part de demeure fixe & bien aflurée: on les fouffre en divers lieux par un erfet louable de la tolerance des loix; on les a reeu en divers autres, & même alles favorablement accueillis au commencement,- par des vues de politique, ou d'interêt de commerce; mais combien de fois les loix ont elles été changées a leur egard, & les priviléges qu'ils avoient obtenus, révoqués dans la fuite des temps ? Combien de fois les Juifs fe font - ils vus chaffés des pays de leur réfuge, par de cruelles vexations, ou bannis par des pios- j fcriptions formelles r Cela leur eft arrivé a plufieurs réprifes dans un même pays: dans divers états d'Italie, dans les deux Siciles,  Serm.VI. Sur PEtatprèfi des Juifs. II.s. 171 Skiles, en Hongrie, en Pologne, en Bohème, en Allemagne, en France? en Angieterre; pour ne point parler de la mémorable profcription qui en 14.92. les bannit d'Efpagne, oü Pon vit trois cent mille perfonnes, fans diftinétion d'age ni de fexe, obligées a un jour marqué, de fortir de PEfpagne, a pied, fans favoir de quel coté elles tourneroient leurs pas, (*) L'Eternel, dit Moyfe au chapitre 28. du Deuteronome , PEternel te difperfera parmi tous les peuples depuis un bout de la terre \ juf qu'a F autre (a). Encore n'auras tu aucun réi pos parmi ces nations ld, même la plante de ton pied ri'aura aucun répos (b). i°. Confiderés en particulier les horI reurs de leur fituation dans les pays oü i Pinquifition eft établie: pays oü Pon fait i qu'il y a un granc! nombre de Juifs caIchés, qui diflimulent leur ïuda'ïfme; oü il ne faut que la déclaration d'un fe.ul ennemi, fans communication de plaintes, d'ac- cuia- (a) Deüt. XXVIII. vs. 93. (b) - vs. 65. (*) Abarbanel dans la préface de foc coi»mentaire fur les Rois, qu'il écrivit en 1493-  i7 2 Serm. VI. Sur PEtatpréf. des Juifs\\. s. cufation, ni de preuves, pour mettre leur vie en danger; ou la polïibilité de ce malheur les fait vivre dans une angoifle continuelle; ou leurs yeux defaillans de triftefïe, font frappés de tems en tems par ces fpeciacles folemnels & barbares, que la fureur du Papisme a nommé .des Acles de Foy, & dans lesquels par un excès inoui d'hypocnfie, pour témoigner que 1'Eglife abhore 1'effufion du fang humain, on brule des fuifs tous vifs, après les avoir couverts d'habits fur lesquels font peints des croix de St. André, des flammes &. des démons. Jugés, Mes Frères, fi la fituation miférable des Juifs dans ces pays la pourroit être plus caraclériftiquement depeinte, que par ces paroles de Moyfe au chapitre 28. du Deuteronome. VEternel te donnera la un cozur tremblant & défaillanced'yeux, & détreffe d'dme(a). Et ta vie fera pendante devant toi; & tu feras dans Pefroi nuit & jour, & ne feras point affurê de ta vie.(b). Tu diras le matin, qui me fera voir le foir) fi? le foir tu diras, qui me fera voir le matin\ a caufe de Pef- froy (ai Deut. XXVIII. vs. 6;. (bj —— vs. 66.  Serm-VI. Sur PEtatpréf. des Juifs. II.s. 173 froy dont ton coeur fera effrayé, fi? d caufe des chofes que tu verras de tes yeux (d). 30. Ils ne font pas partout dans une fi effroyable fituation: mais il n'eft aucun lieu de la terre oü ils ne foient méprifés; aucun peuple dont il ne foient le rebut, le jouet «Sc la fable; aucune fecle qui ne iles ait en horreur. Le nom Juif autrefois veneré dans Forient, refpe<5té encore du tems d'Alexandre le grand & de quelques uns de fes fucceffeurs grècs de la familie des Ptoloarées; ce nom fous les Romains, depuis le tfiécle d'Augufte, efl: devenü un opprobre & un fujet de derifion. Tous les poëtes latins ont fatyrifé les li Juifs dans leurs verfet. Tous les hiftoriens, itant payens que chrétiens, les ont déprimiés a fenvi, & vilipendés a l'excès; jtous les peuples mahometans foit qu'ils ijfuivent la fede d'Ali comme les Perfans, jou celle d'ümar comme les Arabes, les jMaures & les Turcs; tous ces peuples Inonobftant leur conformité avec les Juifs, par (c) Dedt, XXVIII.vs. 67.  174 Serm VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II. s. i par rapport a la circoncifion & a d'autres 3 rites réligieux, s'accordent a leur témoi- • gner le mépris le plus profond & le plus s outrageant. Et que dirons nous des peu- ■ plesChrétiens, qui au lieu de refpe&er &: de mettre a profit la confidération de lai lëverité de Dieu, a 1'égarddes Juifs; inful-tent a leurs malheurs avec une brutalité; que les maximes de leur réligion condamnent: combien d'avanies, de traitemens i jgnominieux, d'affronts fanglants, & de: railleries amères & inlultantes; n'ont-ils pas si a elfuyer dans tous les lieux de leur dis-, perfion: mais c'eft encore la ce queMoy-ie leur a prédit dans le chapitre 28. duj Deuteronome: Tu feras ld un fujet d'éton*nement, de railleries & de brocards, parmi 1 tous les peuples vers lejquels PEternel f aura emmené(a). I V. Confiderés après cela leur'état préfent, rélativement au gouvernement civil, &ij au culte réligieux. i°.Au premier égard, ils n'ont ni chef, ni (a) Dect. XXVIII. vs. 37.  Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II.». j ni juges, ni magiftrats de leur nation; aucune marqué publique d'autorité légitime, & notés qu'ils font dans eet état depuis la venue de Jéfus Chrift. Car jusqu'a cette époque ils ont confervé quelque autorité & quelque pouvoir législatif; au ;moins la tribu de Juda, a qui cette préro'gative avoit été promife particulièresment. I Mes Frères! qui ne reconnoitroit encore ici faccompliflement de 1'oracle de Jacob mourant: Juda quant d toi, tes Frères te feueront. Le Sceptre ne fe departira point de Juda, ni le Legi/lateur dPentre fes pieds, fyifqtfd ce que le Scilo vienne (a~). I 2Q. Leur état confideré du coté de la iréligion, a quelque chofe de plus fingulier & de plus frappant encore. D'un coté ils n'ont point d'Idoles, & font radicalement gueris de ce criminel penchant pour 1'Idolatrie,qui atcira fi fouvent la punition du Ciel fur leurs ancètres. D'autre part ils font fans facrifices, n'en pouvant offrir hors de la terre fainte «Sc du iemple qui, ne fubfifte plus: privés éga- lement (a) Gen. XLIX. vs. io.  ï 76 Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs. Ils,, lement des fondions & des avantages, qui 1 réfultoient de cette partie confidérable de : leur ancien culte. Dans notre discours précédent , nous 1 avons vu ce qu'a eet égard, leur état pré- • fent a de fingulier: ici nous nous bornons i a le confiderer comme un accompliffement: fenfible des prophéties contenues dans! leurs livres facrés. Qiioi de plus formel 1 que les paroles du Prophéte Ozée au cha- ■ pitre 3. de fes révelations. Les Enfans 1 ePIfrael demeureront plufieurs jours fans Roi i fi? fans Gouverneur, fans facrifice fi? fanSs fiatue, fans Epbod fi? fans Tbéraphim,, Mais après cela les Enfans dPlfrdèl fe rétour- • ner ont, fi? rechercheront PEternel leur Dieu 1 fi? David leur roi\ fi? ik révéreront PE+* ter nel fi? fa bonté aux der niers jours (a). Je ne m'arrete point a prouver que ce- ■ lui que le prophéte nomme David leur roi [b), ne peut être autre que le Melfie,, Fils de David Sz héritier du Trone que Dieu a fondé en Sion pour Péternité\c)\ je me contente; (a) Ozée III. vs. 4. j. (b) Ps. II. (cj Ps. XLVIII.  SeUm .VI. Sur PEtat pref. des Juifs. lls.lïf tente d'obferver qu'il feroit imppflible de ehoifir des termes plus propres a cara&érifer 1'état préfent des Juifs que ceux d'Ö! xée, & la chofe eft fi fenfible que les Juifs [mêmes en conviennent; car voici la glofé de David Kimchi, un de leurs plus favans i & celèbres doéteurs, fur le texte; « Le ( „ Prophéte, dit-il, depeint les jours de la 3, captivité dans laquelle nous nous trou! „ vons maintenant. Nous n'avons point „ de Roi, car nous fommes fous la dói „ mination des Rois 6c de leurs Princes. 3, Mous n'avons point de facrifice que « nous óJffrions au vrai Dieu,- mais aufli , „ nous n'avons point de ftatues élevées £ \ rhonneur des fauffes Divinités. Kous j s, n'avons point d'Ephod facré qui nous L apprenne les chofes fütures par Unm I „ & Thummim, mais nous n'avons point j „ auffi de Théraphims confacrés aux Idoj, les qui nous prédifent les chofes a venir „ felon 1'opinion de ceux qui croyent en L eux. Voila (concmt-il), quel eft no- % tre état dans cette captivité." ] Et nous, Mes Frères, que conciuronS j nous, après avoir cpnfiderédans 1'étatpré: fent des Juifs, unaccomplllTement fi fénfiTüm/IL M- W*'  'ï 7 3 Sërm.VI. Sur PEtat préf. des Juifs II [ ble des prédiftions contenues dans les li- • vres, dont ils lont les porteurs, fi non I que ces livres ont été infpirés par Tes- • prit de celui a qui feul appartient la con- ■ nohTance de 1'avenir ? 5c que toute 1'hi- i ftoire des Juifs étant 1'exécution vifible i d'un plan de Dieu clairement exprimé d'avance, prouve non feulement une direc- • tion finguliere de la Providence, mais de: plus fburnit un témoignage permanent de! la verité de la revélation contenue dans i nos faintes Ecritures. Que peut-on alle- ■ guer pour invalider la jufteffe de cette: conclufion & pour diminuer le merveilleux ; d'une chofe fi frappante ? Dira- t - on qu'il n'eft pas furprenant: que les Juifs fe perpétuent dans un état diftinót & feparé de toute autre nation & de toute autre fecle, paree qu'on obfer- ; ve que cela efl: commun a toute fecte qui croit avoir une revélation émanée du Ciel pour fondement de la réligion qu'elle profeffe, & qu'une pareille perfuafion fortement enracinée dans 1'esprit des Juifs les empêche naturellement de fe confondre avec les autres hommes. Ceei  Serm. VI. Sur PEtat préf. clesjnifs. H s. i ?p Ceci, je 1'avoue, a quelque couleur de vraifemblance, mais c'eft lors qu'on fe contente d'envifager les chofes iüperficiellement, car pour peu qu'on les approfondiffe, on trouvera que ceci ne fauroitêtre allegué comrce une explication fuffilante de 'la fubfiftance & de 1'état aótuel des Juifs." Car quand cette obfervation ferviroit a expliquer d'ou vient que les Juifs auffi longtems qu'il en refte quelques uns fur la terre, continuent a y vivre dans un état diftincl: & feparé; cela ne ferviroit point a rendre raifon de la longue confervation de ce peuple dans le monde, de diverfes fingularités notables de fon état aftuel, beaucoup moins de fon extraordinaire multiplication j & ne donneroit jarnais la clef de ce fait unique dans fon espéce, favoir qu'un peuple, difons mieüxi' une familie qui ne s'allie point avec les etrangers, & dont les opihions réligieufes depuis 17. fiécles, n'ont point fait de profelytes, que le peuple Juif, en uh mot* que nous voyons fous nos yeux, dans une difperfion fi longue & fi vafte * disperfion précedée de guerres fanglantes & M 2 ftilur»  i 8oSerm. VI. Sar PEtat préf. des Juifs. II. s. meurtrieres, qui euffent exterminé tout autre peuple, di:perfion conftamment accompagnée d'un état d'oppreiïion & d'ignominie, que ce peuple non feulement n'eft point anéanti, qu'il s'en trouve encore quelque refte ou quelque tracé fur la terre des vivans, mais que ce peuple eft encore aujourd'hui plus nombreux qu'il ne le fut jamais dans la Paleftine! & qu'au bout de quarante fiécles, on reconnoit Ia poftérité d'Abrabam & on la trouve re* pandue en tous lieux, tandis que les quatre peuples qui les ont vaincu & difperfé, les Aflyriens, les Chaldéens, les Grècs, & les Romains ont difparu oü fe font confondus avec d'autres nations qui les ont a leur tour lubjuguées. 2°. Mais en admettant le principe fur lequel on prétend appuyer 1'objection, c'eft-a-dire eh accordant que fa perfuafion oü font les- Juifs de la verité de leur réligion, peut & doit être mife au nombre des caufes qui fervent a les perpétuer dans un état diftinél & feparé de tout autre peuple ; & en fuppofant encore toutes les autres raifons naturelles qu'on pourra imaginer pour expliquer ce phéno- mène.  Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II. s. 18i mène, je dis que la fubfiftance & 1'état aduel des Juifs n'en fournit pas moins la preuve d'une direction finguhere de la Providence, & de la verité de la révélation contenues dans nos faintes écritures. Car ce qui fait ici le fingulier & le merveilleux ne dépend pas de la qualité des moyens que Dieu trouve bon d'y employer, mais uniquement de 1'eifet qu'ils produifent — que ces moyens foyent miraculeux ou qu'ils foyent naturels, il n'importe. Nous n'avons rien decidé la desfus, & il y auroit de la temerité a le faire, vü notre ignorance & notre incapacitó d'expliquer les fecrets refforts de la Providence dans le gouvernement phyfique & moral de ce monde; mais quand il n'y auroit ici rien de miraculeux, a prendre ce mot dans la force du terme; 1'évenement, ou le fait, confideré dans toutes fes circonftances, fert fi direófement au but de conferver dans le monde un monument toujours fubfiftant de la vérité de la révélation,& F&uvre-de Dieu, auffi bien quefoa deffein, fe montre fi clairement dans le parfait & admirable accord de 1'événement avec les prophéties , qu'il faudroit être M 3 aveuglQ  18 2 Serm.VI. Sur ïEtatprèf des Juifs tt. s. avengle&ftupidepour n'en être pas frappé & convaincu. 3°. Enfin pour répondre a 1'objeclion par un argument lans réplique & au deHus de toute exception, je demande qu'on faffe attention au fort des dix tributs qui fous Jeroboam fe féparerent de la maifon de David «Sc qui furent transportées par Salmanafar & par Efarhaddon, Rois d'Alfyrie, a la referve d1un nombre d'Ifraëlites qui fe font incorporés avec les Juifs au retour, de la captivité de Babylone, «Sc de quelques autres qui fe joignirent aux Euthéens & a dautres peuples qu'Efarhaddon enyoya pour habiter dans les villes de Samarie, d'oü font descendus les Samaritains, dont il efl parlé dans l'Evangile: les dix tribus proprement dites qui formoient Tanden Royaume d'Ifrael, 6c qui dans les écrits des Prophétes font nommées collectivement Ephraim, „ fe font tellement „ conforidues avec les nations au milieu. „ desquelles les Alfyriens les disperferent, „ qu'ayant perdu leur nom, «Sc jusqu'au „ fouvenir de leur origine, on n'en ré„ marqué depuis aucune tracé dans l hiJ Hoi re.  Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs II. s. 183 ( ftoire. (Vöyés Prideaux Hift. des 'juifs, T. I. p- 54-) Ces Ifraëlites des dix tribus croyoient néanmoins avoir une revélation , & ils avoient elTentiellement la même révelation & la même Loi de Moyfe comme les tri■bus qui formoient le Royaume de Juda, & que nous nommons proprement les juifs: d'oü vientdonc que cette perlua{fion n'a point mm pour conferver les ls-. *aëlites dans un état diftinót & fepare de tout autre peuple & feéfe auffi bien que ües [uifs: car fi une pareille perfuafion Ifuffilbit k produire un tel effet, elle deü voit Topèrer pour les uns comme pour lei ij autres. . « Mais qui n'admireroit encore ici 1 exaCt 3 accompliffement des anciennes prophéties > il étoit ?Mtqu'EpbraimneferottpJus i ii» peupïe. Enfans d'Ifraël avoit dit Amos: , vous Enfans dPlfrdèl, ne rietes vous pas comme les Enfans des Cufiens; vous Enfans * d'Ifraël dit PEternel, je ferai tracaffer la \ Maifon dlfraël parmi toutes les Nations, & jePaboliraidedefuslaterre: mais je rPabo- 1 lirai point entierement la Maifon de Jacob * M 4.'  '^4>Sérm.VI. Sur VEtat préf. des Juïfsll. si dit rEternel (a). Voila qui regarde les -. Juifs, a qui Dieu le prqmet aufli par la t Louche de Jérémie au chap. 4.6. de fes ré- ■ vélatioris. ' Toi donc, Jacob, mon Serum teur, ye crains point, car je fuis avec toi,!, Cj* même je confumerai entierement toutes les * Nations parmi lefquelles je faurai cbaffèA mais je ne te confumerai point entier-ement, je }e chdtierai par mefure (b). Voila une dispenfation trés différente a fégard des Ifraëlites & des Juifs; mais quelle peut être - la raifon de cette différence ? la voifi, Mes Frères, c'eft que la réligion n'étoit point intéreffée dans la confervation des Israêlites, comme elle Pétoit dans celle des Juifs proprement dits. Le plan que Dieu avoit manifefté par fes oracles, dans la vüe de rendre Ie Melfie aiféa reconnoitre, ceplan exigeoit nécelfairement la fubfiftance de la tribu de Juda, paree que c'étoit en elle que Dieu #voit determiné & fixé cette grande promefïe. Par cette raifon il falloit que la tribu de Juda demeurat en poffefllon de la 00 Amos IX Vs. 7-9. (*) Jer. XLVI: Vs. zo.  Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs. II. s. 18 ? terre de Canaan jusqu'a ce que te Meffte jfut manifefté, «Sc qu'elle y fubfiftat avec itoutes les diftinclions requifes felon ce même plan divin , pour faire connoitre furement le Meffie. Et c'eft pour cette jraifon qu'on voit continuer dans la tribu de Juda, jusqu'au tems de Jéfus-Chrift itous les priviléges de 1'ancienne alliance : Ie culte public de Dieu, le temple, lea Facrifices, 1'hérédité de la terre promifequt jdepuis le retour de la captivité de Baby« èone ne s'appelle plus que la Judée. Que les dix tribus en foyent feparées, quelles fe imélent & fe confondent parmi les autres linations, que leur nom fe perde dans la jmémoire des hommes, le plan de Dieu /bour faire connoitre fon Chrift n'en foufire aucun préjudice, pourvu qu© jusqu'a fa venue, la république des Juifs" conferve la forme réquife felon la Loi & les Prophétes. Aufli 1'a-1 - elle confervée jusqu'au tems üe Jéfüs - Chrift: mais a peine ce Divin [feauveur a -1 - il confirmé 1'alliance par fa inort, «Sc aboli par la vocation des gentils, ladiftin&ion entre le JuifS le Grec; /oue tout ce plan de la réligion & de la M 5 ré-  i Sc» Serm. VI. Sur PEtat préf. des Juifs II. é républiquedes Juifs, fifoigneufement .con— fervé jusqu'alors, paria direótion adorableïi •de la Providence, efl: renverfé & détruitt pour jamais; femblable k ces échaffaudages qu'on éleve pour bdtir une mailon, Sci qu'on brife dèsque Pédifice efl: conduit ai fa perfectum. Or au Roi des Siécles, immortel, invU ftble, a Dieufeul fage foit Honneur fi? Gloim aux Siécles des Siéeles (d). A ME N. (a) i Tim. I. Vs. 17. SERMON  5 E' R. M O N, S E P T ï E M E SUR LE LÉPREUX GUERI, ET, LA DEFLNSE QUE JESÜSCHRIST LUI FAIT. tt quand il fut descendu de laMontagne, de grandes troupes le fuivirent. — Et volei un Lépreux vint & fe prof erna devant ' lui, en lui difant; Seigneur, 'fi tuveux tu peux me rendre net. Et Jefus - Chrift, étendant la main le toucba, en difant; je le veux fois net: £? incontinent fa lepre jut guerie. Puis Jefuslui dit^ prens garde de ne le dire d perfonne, mais va £? te montre au Sacrificateur 6? of re le don que Moife a ordonné pour leur être en temoignage. Matii. VIII. vs. i — 4- Mes frères ,ce qui nous adeterminé au choix du texte que nous venons de :yous lire, n'eft pas Pimportance de Pévetnement qui y eft rapporte ,a confiderer le fait feul &en lui même — A eet egard le ' texte contient Phiftoire d'une guerifon mirai culeu'equi prouve la puiffance diviné &la ! charité de notre adorable Sauveur; mais une circon-  J SS Serm. VII. Le Lépreux Gueri. circonftance de cette guerifon nous a pair digne d'une attention & d'une recherche particuliere. C'eft la défenfe que Jefui Chrift fait au lépreux de publier le miracld qu'il venoit d'operer en fa perfonne, od du moins de le publier avant qu'il fe fuu roontré au facrificateur, & qu'il eut offert le don ordonné par Mo'ne. Nous n'avons pas même deslein denouu borner a rechercher les railons, qui purent determiner le Sauveur a faire dans cettei rencontre la défenfe qu'il fit au lépreux. mais déla nous prendrons occalion de fai re des recherches plus étendues fur les rai-i fons de la conduite de Jefus Chrift, dans des circonftances femblables ou approchantes. , 11 paroit par beaucoup d'endroits dei 1'évangile, que le Sauveur en a ufé a cec égard diverfement en différentes occafionsj Car tantöt il defendoit exprelfément OJ qu'on publiat qu'il étoit le Chrift, (b) > Mars. j. v<. 4^ 7. 315. 8. 25. (b) Matth. 9. vs. 27. a 30. XII. vs. j. ij. 16.  Serm. VII. Le Lépreux Gueri. i8p Et tantöt au contraire il en permet>it, (a) & en ordonnoit même la pulication. Mes Frères, quand nous ignorerions enerement les raifons d'une conduite fi dif:rente, le profond refped dü au Sauveur e nous permettroit point de douter que ans 1'un & dans 1'autre de ces cas, fa conuite n'ait eu des raifons dignes de fa parlite fagelfe. Cependant on défireroit de les connoie, & il n'eft ni défendu de les recher•her, ni impolfible d'en decouvrir & pénêfer quelques unes. Car fi 1'on fait attenton aux circonftances diverfes du tems, es lieux & des perfonnes; quand, oü, «Sc jevant qui, Jefus Chrift permettoit ou de;mdoit qu'on publiat fes miracles; il fera ifé dedéduire de ces obfervations certains Drollaires, qui nous fourniront enfuite la lef d'un grand nombre de pafTages de ;Evangile, qui femblent en oppofition fur in même fujet. C'eft la ce que nous nous xopofons dans ce discours: ainfi fans ous arrêter a 1'explication de 1'hiftoire de notre i Ca) Lüc. 8. vs, 38. 7. vs. IS. ï 22.  ipo Serm. VII. Le Lepmix Guèrl notre texte, qu'autant qu'il eft nécesfainr pour en faciliter l'intelligence, ce qui fera m fujet de notre première partie; nous travaih lerons dans la feconde a éclaircir la matièrii même que nous venons de vous expofec La traófation n'en eft pas fans difficulté^ mais elle eft curieufe, inftruftivc & utilej en ce qu'elle fert a faire comprendre le fenr & le but d'un grand nombre de palfage,! qui font de la peine, ou qui femblent obsi curs. Favorifés - nous donc d'une attentioc foutenue, & Dieu veuille la benir ainli que notre meditation. Première Partie. Pour 1'explication de 1'hiftoire de notr« texte, il importe peu de decider fi c'efc la même qu'ont rapporté St. Mare au Chap] i. de fon Evangile, & St Luc au Chap e. comme on eft tenté de le croire, vu li conformité des circonftances du récit de troisEvangeliftes:ou s'il s'agit ici d'une autr hiftoire paree que St Mathieu la place aprè que Jefus fut defcendude la montagne,oi il avoit prononcé 1'excellent discours con tenu dans les trois chapifjes précédens auliö  Serm. VII. Le Lépreux Cueri. 19 X jaulieu que les deux Evangéliftes rapporjtent la guerifon du lépreux au tems du t-oyage que Jefus fit par la Gallilée , & klont St. Mathieu a parlé a la fin du Chapitre 4. — II n'y a nul inconvénient a fuptpoiér que Jeiis Chrift ait gueri deux lebreux en deux différentes occafions: & il n'y en a pas non plus a fuppoier, que les trois Evangeliftes ont raporté une même iiftoire, en transportant 1'ordre des tems. f Quoi qu'il en foit, on voit dans mon texte ün lépreux recourir a la puiffance & a fa bonté du Sauveur & en obtenir la guerifon qu'il avoit defirée. — Les juifs jregardoient la lepre comme un mal infcurable par des remedes naturels, & ils ten jugoient ainfi parceque Moïfe n'en jprescrit aucun pour la guerir: il veut fimjjplement que le malade f e préfente au Sacriijficateur, qui jugoit de la qualité de fa leipre, &qui, s'il trouvoit que c'en étoit une 3véritable & d'une nature contagieufe, orxlonnoit qu'on feparat le lépreux de la ilcompagnie des hommes. De plus ce mal étoit confideré comme une extréme impureté, rendant un homime immonde a 1'égard des autres hommes, P/ex-  Jp2 Sèrm. VII. Le Leprèux Gum. 1'exilant de leur fociété & de la participa** tion des chofes faintes, & par cette raii fon on releguoit les lépreux a la cann pagne ment avec les juifs «Sc avec les infidèles. 1 nevoulutpoint en faire aucun miftèreace der (a) Jean IV: vs. aj & 26.  $ERM. VIL Le Lépreux Gueri. 20 f clerniers: cela paroit par les deux exenv pies que nous avons allègués dans la remarque précédente: car la femme a qui il fe fit connoitre pour le Meffie étoit Samaritaine, & 1'on fait que les Samaritains, defcendus des Cuthéens, avoient une religion différente decelle des juifs, & qui étoit un melange de judaïsme & de paganifme. Semblablement le demoniaque gueri dans le pais des Gadareniens, {a) étoit problablement Payen, ou du moins il habitoit parmi des gentils. Nous apprenons de IFlave jofephe,que Gadara étoit une ville 1 grecque oupayenne, (b) & que les Ger^ :feniens étoient gentils , quoiqtfils \ euflent aulli quelques juifs dans leurs vilr \ les. Indépendamment du temoignage de I eet hiftorien, on pourroit le conclure de | cette feule circonftance rapportée par 1'Evangelifte, favoir, (c) qu'il paijfoit dans ces quartiers un grand troupeau depourceaux: ce qu'on auroit eu garde de fouffrir dans un lieu oü la religion des juifs eut (a) Marc-. V: vs. 7. (b) Ant. Jud. Libri 17. c. 13. de Bello jud. L- 2. c. 28. O) Marc. V. vs. xi. N $  202 SERM. VII. Le Lépreux Gueri. eut été la dominante. ■ On pourroiti fortifier ces deux remarques préliminair res, par d'autres exemples encore, (a) comme celui de la femme Cananéenne om Syrophenicienne, a qui le Sauveur ne defendit point de publier le miracle opéré: en fa rille, qui dcmeuroit fur les confins de Tyr & de Sydon, au lieu quej d'ordinaire il le defendit en gueriifantdesj malades, qui étoient juifs, de naiffance&i de religion: & de ceci nous croyonss pouvoir conclure, que ces defenfes étoient t fondées fur des raifons qui concernoient: particulierement les juifs & les habitans I de la Judée: c'eft notre premier corollaiFe. 3°. Une troifieme remarque prélimi-. naire eft, que parmi ces defenfes, il y en . a qui nétoient qu'a tems, & dont fefusCbrift lui - même a limité la durée a Tépoque de fa refurreftion ; deforte qu'elles emportent , non un ordre donné a fes difciples de tenir toujours cacbées certaines verités ou certaines merveilies, dont ils avoient été les auditeurs ou les temoins, mais (a) Mjiac. VII,  j g£RM. VII. Le Lépreux Cneri. 203, jais fimplement une défenfe de les pulier, avant qu'il fut refufcité des morts. :ela eft inconteftable, par exemple, touhant fa transfiguration fur le mont Taor en préfence de trois de fes difciples, lont fhiftoire fe trouve au chapitre 17. le notre Evangile: Comme ils defcendoientlelaMontagne, (a) Jefus leur commanda en lifant, ne dites d Perfonne la Vifion, juf qu'a ;e que le Fils de PHomme foit refcujjitê des morts: & de cette troifième obfervation ifuit un fecond corollaire, favoïr que ces ::defenfes avoient un rapport particulier au uems de la vie de Jefus-Chrift, qui ne Ifubfistoient que de fon vivant, & qui decvoient ceffer après fa mort & fa reiürrecreion. Ces obfervations ainfi prémifes, il eft laifé de pofer nettement Fetat de la quesjtipn, & de la pofer d'une maniere, qui jlaiCTe entrevoirla folution. Pour eet effet | il ne faut que réunir les deux corollaire?, 1 cue nous avons vu fuivre de nos remarSques ou obfervations préliminaires, & a I fprmer la queftion en ces termes. Pourquoi Jefus - Chrift n'a-t-il pas voulu (a) Marc XVII: vs. 9.  |o4 SERM. VII. Le Lépreux Gueri. voulu que durant le court efpace de temsi qu'il exerca fon miniftere parmi les juifs j on publiat dans la judée plufieurs de fes rniracles, de même que le titre de Chrift qui lui appartenoit légitimement ? Pour-t quoi, dis-je, n'a-t-il pas voulu, qu'oni publiat cela de fon vivanc avec amant d'éclat «Sc auffi ouvertement, que fesdisci-i pies le purent «Sc durent faire après fa; mort «Sc après fa refurredion ? Mes Frères, s'il eft permis de conjec-: turer avec la modeftie & i'bumilité réqui-i fe , les raifons de cette conduite de notres adorable Sauveur, il nous femble quW peut alléguer les quatre railbns fuivan-' tes. i°. Par la le Sauveur a voulu mettres une diftinclion fenfible entre fon étatd'hu-miiiation «Sc fon état de gloire. 2«VJ1 a voulu éviter d'irriter fenvie des Scribes «Sc des Pharifiens, auffi longtems; que fon beure n étoit pas venue. 30. 11a craint de donner occafion a. des tumultes & a des féditions parmi le: peuple juif. 4.0. 11 a refufé de fatisfaire la vaine «Scj exeeffive curiofité de ce peuple pour voir 1 des  | SERM. VU. Le Lépreux Gueri. ao£ es fignes & des rniracles , dont ils ne dfoient aucun pront falutaire. i°. ]e dis d'abord, qu'en tenant cette onduite, jefus-Chrift peut avoir voulu oettre une diftinction entre fon état d'alailfernent & fon état d'exaltation. Quoique durant fon anéantiffement neme, il fut aiié de reconnoïtre dans la wole faite chair la Gloire de l'unique ijfu lu Tere, il n'a pas voulu que cette Gloi■e, dont fes rniracles faifoient partie, ex•edat la mefure convenable a fon étatdV iaiffement , fe refervant de la manifefter blus pleinement, après fa refurredion: Fe-ft ce que nous apprenons de lui - même m fujet de fa transfiguration fur la moritagne, ainfi que nous favons vu tout i 'heure. , . 11 nous paroit de plus, que eelt la le vrai fens d'un oracle d'Efaïe, alfés communement mal entendu & mal appliqué. 11 fe trouve dans le Chapitre 42. de fes rlrevelations; oü le Prophéte, parlant du ilMeffie & du tems de fon miniftere fur la Terre, dit: qu'il ne haufferoit point fa voix dans les rues, quil ne briferoit point le roieau caffê & qu'il n'eteindroit point le Lu* |l mignon  2ö6 SERM. VIL Le Lépreux Gueri.', mignon qui f urne, jufqu'ci ce qu'il fit venir i avant le jugement en ViEtoire. On expb que ordinairement ces paroles de Ia ckl inence & ' de la debonnairité de Jefus; drift. — Mais il nous paroit plus natu rei de les entendre de fon humilité, d< fon attëntion a éviter tout ce qui eut pj le rendre fuspecl de chercher fa propu gloire, du peu de bruit & du peu de fra cas que feroient fon premier avenement 33 II rie viendra point, veut dire le Pre 3, phète, avec pompe, & d'une manier: 3, bruyante, comme les Rois de la tec s, re: au contraire, il marcheroit [c'ei 3, une expreffion proverbiale pour exprii 3, mer cette idéé] il marcheroit fur un roi s, feau calfé qu'il ne le briferoit point, i 3, pafferoit pTès dun lumignon qui fui j, me, que le vent de fa marche ne l éteini 3, droit pas." Ceft dans un tel fens, Men Frères, qu'il nous paroit que St. Mathiet cite eet Oracle au chapitre i 2 de foc Evangile,(tfJ &ce qui eft bien remarqua^ ble, & qui fait tout a fait a notre fujet, il I( cite precifement k 1'occafion d'une defenft qiK («) Matth; XIL  SERM VII. te Lépreux Gueft 2üf [ue Jefus-Chrift venoit de faire qu'on diulguat fes rniracles; car après avoir dit ans les verfets 16, que Jefus ayant ié fuivi par de grandes iroupes & ayant ueri tout ee qu'il y avoit de malades , leur 'efendit avec menaces de le donner d connoire; PEvangélifte ajoute dans le verfet 17 , fn que fut accompli ce dont il avoit té parlé par EJaïe le Prophéte , & il apporte tout de fuite fOracle que nous renons d'expliquer. 20. Jefus-Chrift peut en avoir ufécomne il a fait, pour ne point irriter Tenvie fes Pharifiens & des Scribes. Ces imilacables & injuftes ennemis étoient fort Joignés de fe eonvertir au recit de fes airacles: ils en prenoient occafion de orair contre lui des blafphêmes, & leur üreur croilfant en pröportion avec la relommée du Sauveur, leur faifoit imagiier continuellement quelque nouvelle terï- fctive, pour le faire perir . Or quoi- tie Jefus-Chrift ne craignit point la mort, uoiqu'il s'y fut volontairement devoué, He ne devoit arriver que dans le tems leterminé dans le confeil de Dieu, & won avant qu'il eut achevê de faire Pceu- vrt  "s©8 SERM. VIL Le Lépreux Gueri. vre de fon Père dans le monde. C'eft hl raifon qui lui fit fuir les embuehes de fes ennemis, auffi longtems que fon beure tfétoh pas venue. Par la même raifon il defeno dit qu'on ébruitat trop fes rniracles, qui at l tirant fur fes pas une grande foule de peu^ ple, fourniifoit a fes ennemis un pretex« te fpecieux de 1'accufer, comme ils fel foient j de vouloir exciter des tumultes & des feditions. Aufli obferve -1 - oc dans Thiftoire de TEvangile, que defqut la rénommée des rniracles de Jefus-Chriftl nonobftant fes defenfes étoit fort rei pandue dans quelque contrée, il fe rett roit incontinent dans une autre. 3°. II étoit réellement a craindre, \ Jefus-Chrift n'eut tenu cette prudente con duite, que le peuple juif fe futporté a ui foulevement contre la domination de romains. — Vous favés ce qui penfii ar. river après que Jelus eut nourri miracui leufement plufieurs milliers de perfonnes Cette multitude dans les transports d: 1'admiration & de Ia reconnoiifance, vou lut le proclamer Roi; deforte que pou fe derober a eet empresfement populaire; il fut obligé de fe retirerfeul fur une mom: tagneli  ISERM. VH. Le Lepfeux Gueri. zcp agne, «Sc desque la nuk fut venue, defe etirer au déla du lac de Genelaret, ainfi u*on le Ut dans le Chap. 6. deSt jean. ; Mes Frères, fi le feul bruit de fes miacles étoit capable de caufer pareils mouemensjjugés de ce qui fut arrivé fi Jefus!hrift eut declaré óuverternent a la mulitude qu'il étoit le Chrift, le Mesfie, Tom. 11. O n'é»  "210 SERM. VII. Le Lépreux Gueri n'étoit pas la faifon propre pour publiee ouvertement cette grande verité: il fai. lut que fa mort, fa réfurreélion & fon ascenfion au ciel, redifiant leurs fauffes idéés, fiflènt voir clairement que le RegM de Jefus Chrift n'étoit pas de ce Monde. Prefentement vous devés comprendre la raifon pourquoi Jefus Chrift defendit qu'on divulguat de ion vivant, parmi lee juifs qu'il étoit le Chrift & que pareilta ment on divulguat plufieurs rniracles. — Vous devés comprendre auffi, pourquoi il nVoit pas de la même referve a 1'égarc des infidèles, ou de ceux qui habitoient parmi les payens, dont il n'y avoit pas 2e moindre inconvenient a craindre; & en at-: tendant il fe repandoit parmi ces peuples un: degré de lumiere, qui preparoit les voyes a Pétablisfement de l'Evangile, qui! devoit leur être prêehé dans la fuite par les Apötres. 4°- Enfin, une quatrième raifon de la con-, duite de Jefus-Chrift a 1'égard des juifsj eft, qu'il n'avoit pas delfein de fatisfaira la vaine curiofité qu'ils temoignoient pour voir des rniracles, donc ils nefaifoisnt aucun profit falutaire. Qtm  SERM. VIT. Le Lépreux Gueri 2iï j Cette nation mechante 6? aduüerejfe de~ fiandoit fans ceffe d voir de nouveaux fignes , lïans le tems qiCelle refufoit obftinement dtrehvoir inflruclion. ' Le grand but du Sauveur n'étoit pas j ['exciteren euxdePadmirationpour les ef« ets de fa Divine puiffance, mais de leur :ifpirer de 1'amour pour la verité & du feut pour la vertu. II faifoit journelleiïent en leur prefence afles de rniracles, tour rendre leur incredulité & leur impédtence entierement inexcufable. 11 leur ireparoit d'ailleurs après fa mort, les reuves les plus frappantes de Ia Divinité i fa milfion, le Signe de jonas le Pronte dans fa refurreclion d'entre les morts, ::le temoignage celefteiw Confolateur dans Buiion des dons du St. Efprit fur fes ipocres. — Au rede que larénommée de k rniracles fut de fon vivant un peu plus b un peU möins repandue dans la judée, ia ne pouvoit ni hater ni retarder beaui»up les progrès de fon Evangile, & jene lux d'autre preuve "de ceci que ce que pus voyons dans lerécit des Evangeliftes. Sn y voit bien que quand la renommée des airacles de Jefus fe repandoit dans quelO a qu©  til SERM. VIL Le Lépreux Gueri. que quartier, le peuple y accouroit em foule; mais on y voit auffi, que la Huk ple curiofité ou des befoins corporels étoient les motifs de cette affluence, &nonun fes rieux deffein de s'inftruire & de fe corrir ger, fiinfi que Jefus-Chrift le reproche at Chap. 6 de St. Jean aux troupes qu'i1 avoit miraculeufement nourries, & qui 1 lendemain le fuivirent au dela de la Mer; (d finifTant fes reproches par cette tendrl exhortation: Travaillés non après la noun ritme qui pcrit, mais après celle qui e} permanente en vie eternelle , laquelle le fii de Phomme vous donnera, car le Père, ftj voir Dieu, Pa approuvé de fon cachet. ( h Concluons, Mes Frères, que quelkl qu'ayent été les raifons de la conduite d Jefus Chrift, nous devons être forte ment perfuadés, qu'elles étoient digne de fa fageffe parfaite & 3ë fa fainteté af complie. — Gardons-nous d'imiter ld juifs dans 1'incrédulité qu'ils temoignerer pour tant de rniracles, qu'il leur f voir durant fa vie & de plnsgrands encot qui 1 (o) Jean VI: vs. 2r. . . u (b) Jean VI: vs. jty.  SERM. Vlf. Le Lépreux Gueri. 213 li'il mit devant leurs yeux après fa mort: [ue plutot la foi que nous devons ajouter trécit des Evangéliftes «Sc des Apötres, bi les ont atteftés, nous rende dociles Lx enfeignemens de notre Divin Sauveur, E nous dispofe a marcher conftamment kns le chemin du Ciel, qu'il nous a [ontré par fa Doctrine «Sc par Ion exemple, t qu'il nous a frayé par feffufion de fon [ng précieux«Scparfon entrée dans le cé[fte Sanduaire. Dieu nous en faffe a lus la grace. AMEN. O 3 SERMOH  5 ER M O Nj HUITIEME. SUR LA PRUDENCE RELIGIEUSE La fcience des Saints c'eft la Prudencej Pitov. IX: v. iq: Mes Frères! Rien n'eft fi défirable qq la vraye prudence: elle éclaii <8c compafle nos demarches; elle les dirig a une fin convenable & utile; elle disce ne les moyens & prévoit les difficulté^ elle avife aux reflburces «Sc aux expédiens elle fait éviter les dangers «Sc furmontii des obftacles; elle rend, en un mot, a la coc duite de lavie les mêmesfervices que le corp humain recoit de Pceil qui en eft la lumien Tous les fages 1'ont celébrée: Salomoï en particulier Ta prife par deffus tous lc avantages acquis: La principale chofe' dit il, c'eft la fagejfe. Acquerir la Sagejj 6 par deftfus toutes les acquifitions acqueri la Prudence. Eleve-ld «2? elle Pexaltera elk te gimfiera quand tu Paura embrajféè m  SERM. VUL fur Ia Prudence Religieufe. 21$ Elk pofera des graces enfilêes enfemble fur ta iête & te donnera une couronne dornement. Mais de fi grands élogesne fauroient conj?enir a cette prudence, qui s'occupe uniijuement de certains avantages purement iemporels & pafiagers; & par le prix même |ue le fage roi lui affigne il eft aifé dejuir.er qu'il a eu principalement en vue la lirudence-réligieufe qui s'applique a avan» er les intéréts fpirituels «Sc éternels de jhomme. Aufti remarque-t-on que les ti•res defageffe & de prudence, d'ordinaire ynonimes dans le ftyle facré, fe trouvent rès fouvent joints a ceux de crainte de 3|)ieu, de Science des Saints, ou a telle utre expreifion qui défigne 1'etude de la Leligion «Sc la pratique de la piété. C'eft ine obfervation que fournit en particulier 1 verfion de notre texte, oü Salomon it, le commencement de la fageffe c'eft la yainte de PEternel & la fcience des faints \efï la Prudence, d'oü il eft naturel d'inibrer, que la piété, la fagelfe «Sc la pruence, font des qualités inféparables. En effet 1'attachement a la Religion ft une marqué de prudence L'atta- hsment a la Religion eft en même tems O 4 1|  % 16 SERM. VIII. fur la Prudence Religieufeft la fource de la vraye prudence. Ce fonrj deux fens également beaux qu'on peul} donner aces paroles, la fcience des fainn Cefl la Prudence. i°. Preferer la fcience des faints, oc Pétude pratique de la Réligion a toui autre étude , eft deja Ia marqué d'unr grande prudence, & c'eft un premier feni qu'on peut donner a cette maxime de Sai lomon. Son but alors feroit de releve la fcience de la Religion par defTus toute:! Jes autres; & comme c'eft un trait d< prudence de s'attacher a ce qu'il y a dc meilleur, ceux qui choifijfent cette bonnepar\ qui ne leur fera point ptée, fe montrent et effct plus prudens que le refte des homi jnes. 2°. Quoique ce premier fens foit bea* & femble affés naturel, nous doutons qu fence de Dieu, a notre mortalité & aui corcpte que nous rendronsa Dieu quelque i heure: ces maximes & un petit nombre : d'autres femblables, forment une inftitu- ■ ti'on abrègée & facile. Quiconque les i porte gravées au fond de fon cceur, n'aura i point de peine a les exprimer dans fa con- • duite, & ne fera jamais dans Pembara* i fur la maniere dont il doit fe comporter' dans les cas particuliers qui fe préfentent. II trouvera toujours aifément le moyen de : rapporter fes demarches & fes aftions par- ■ ticulières a la fin commune de la vie hu- ■ maine, qui eft la gloire de Dieu & le falut: de Pame. Tout cela eft inconteftable ,■, & n'eft auffi pas contefté. La feule chofe qu'on pourra m'objecter c'eft que Phomme quoique formé pour Pé- • ternité vit pourtant un certain tems fur'' la terre; qu'il y tient par diverfes réla-• tions aux autres hommes; qu'il occupe: un pofte dans la fociété; qu'il eft dans la'i flecefEté de pourvoir adivers befoins tem- ■ poreis, de menager pour eet effet des affaires & des intéréts qui demandent des foins & une prudence a part, & que fouvent  SERM.VIir.>r/ö Prudence keligieufe. 22 ? vent les maximes du monde font plus d'ufage póuf y réuffir, que celles de la Réligion. Je pourrois repondre d'abqrd, que le lak objeóïé n'efi: pas univerfellement vrai, Duisque ceci n'a lieu qu'a Pégard des biens irperilus dont on peut fe paffer, oua 1'éIjard de ceux qu'on ne peut obtenir que Dar des voyes criminelles Car pour tou:es les chofes honnêtes & pour celles qui ippartiennent ehentiellement aux béfoins le la vie, ou au bonheur de notre état, 1 eft fi faux que la Réligion foit un obfta:!e a leur acquifition, qu'elle fournit au iontraire les meilleures régies pour les ac(uerir & pour les conferver, en nous ;n= erdifant foifiveté, en nous recommanjant la diligence dans nos vocations, le 3in d'entretenir autant que faire lè peut i paix avec tous les hommes &c. Mais accordons pour un moment, que objection foit univerfellement vraye: les maximes • du monde feront fi fon veut lus propres & plus utiles que celles de la Léligion pour nous faire réuffir dans touè foftes d'affaires temporelles: je dis'que les biens qu'on pourfuit doivent r.uire P 2 a  228 SERM VIII. fur la Prudence ReligieufeA k notre falut, ou par eux-mêmes ou pard accident; ou fi les maux qu'on veut de-: tourner ne peuvent être évités qu'aux dé*: pens de notre innocence; je dis qu'en Turnl & en Tautre cas il efl: de notre vrai intéa rët de refter privés de tels biens & expoJ fés k de tels maux, 6c qu'en agir autremenf £ re feroit point prudence, mais folie; paree qu'en bonne politique,une fin particuliere Sa rnoins importante, doit être facrifiée k la firj commune & principale: je réponds alorl avec notre Seigneur jefus-Chrift, que ferl viroif - il d un homme de gagner même le monl de entier, fü fai foit perte de fon ame, ou\ que donnera f homme pour recompenfe de foi ame) qu'on exalte tant qu'on voudra lel atantages du monde, jamais leur impon tance ne peut être comparable k cellij qu'il y a pour nous de glorifier Dieu, d| le craindre, & d et re fauvés pour 1'éternii té. — Que diroit - on d'un homme qu! vOudroit achêter quatre dégrés de bom heur imparfait & inconftant au prix di plus de quatre dégrés de peine & d'incom modité réëlles qu'il lui en coute pour Je óbtenir, 6c de plus de cent mille dégré de fupplice deftinés a punir fon choix in fenfé  SERM. VUL fur la Prudence Religieufe. zzp fenfê : voilk pourtant a quoi refTemble Ia conduite d'un homme , qui fe lailfe uniquement gouverner par la faufife prudence humaine, & dont les vues ne font Das redrelTées &fanctiliées par celles qu'in- pire la Réligion. Eft-ce pruden- :e ou eft - ce folie a un homme dont Ia rie eft réduite d la mefure de quatre doigts y le facrifier a fidöle de la fortune ou de 'ambition, a 1'attrait de la volupté ou a le vains & frivoles amufemens; le répos He fa confcience dans la vie préfente, «Sc Ie falut de fon ame dans 1'éternité ? ! Qu'on ne donne donc plus Ie nom de prudence a certain degré d'habileté, & He dexterité, qui fait feprocuier quelques ivantages temporels. Je 1'ai déja infiliué, fi la fin particuliere qu'elle fe prolofe eft honnête, fi elle y tend par des fnoyens de même nature, «Si qu'elle rapporte le tout enfemble a la grande & pernière fin de Ia vie humaine; des lors bette dexterité entre dans le plan de la prudence réligieufe, des lors elle en fait partie: mais auffi il fufht de 1'abfence Be quelqu'une de ces conditipns pour la laire dégénérer. Ce n'eft plus des lors P 3 que  2 30 SERM.VIU. fur la Prudence Religieufe ;j que mauvaiè finefle dans le choix des? moyens, ltupidité groflière dansle choixü d'une fin ; & up telcompofé ne merite fans^ doute pas qu'on la decore du titre deji prudence. L a Réligion a donc veritablement 1'a-i yantaire que Salomon lui attribue dana mon texte, & il n'appartifgnt qu'a lafclcm ce des faints. , de former les hommes d l&i vraye prudence. 1L J'ai dit & je dois prouver dans mprji fecond article, que la Réligion fourniti des rémèdes ipécifiques contre les fources ordinaires de rimpruden.ee, & que les obftacles qui font ordinairernent échouerles projets purement humains, ne peu* vent rien contre la prudence réligieufe. —• je trouve quatre caufes ordinaires de Tim'. prudence des hommes. Le défaut de talens naturels. Le défaut de talens acquis. Le défaut d'expérience. Le défaut de jugement caufé par Timprtfiion .que font fur nous les objets qui èmeuvent les palfions. Ce font quatre fources  SERM. VIII.la Prudence Religieufe. 231 fources diverfesde 1'imprudence. Je foutiens que Ia réligion y apporte, quoique de diffcrentes facons, le rémède. I i°. Le défaut de talens naturels eft Ia eaufe la plus irrémédiable de Pimprudenee; a parler exaétement il eft incorrigible, lorsqu'il eft total, a moins que Dieu ne voulut accorder par miracle, ce qu'iln'a point accordé dans les voyes ordinaires de ia providence. On trouve des gé^ nies fi peu favorifés du ciel, fi totalement denués d'imagination, de memoire & de jugement, que la meilleure éducation & tous les foins poifible§ ne fauroient venir a bout de les dreffer pour aucune occupation civile, qui demande la moindre prudence. Je ne dis pas que la Réligion Êuerifte ce défaut, je dis feulement que ce qui empêche de tels hommes de davenir prudens & avifés felon le monde, ne les empêche pas de travailler avec fuccès a Pouvrage de leur falut. II faut fans Boute quelque génie pour réulfir dans le monde, mais fi peu qu'on en ait, on eft capable de devenir fidéle chrétien; de fe rendre approuvé d'un Dieu qui ne moiffon,ne pint oh il n'a point fêmé, d'un maitre P 4. ' elle lui fera accordée pourvu quil la demande, avec foi. 3?« Uejfj I Co) Job. O). ]acq, V; vs« 6.  I SERM.VIII./«r la Prudence Religieufe. 233 30. L'expérience qui s'acquiert avec fage, fupplée en quelque forte a 1'étude, & contnbue plus que toute autre chofe pour former a la prudence civile. A force de vivre, de fréquenter les hommes, d'oblerver leur cara&ère, de voir conduire des entreprifes, ou avoir foi - mêmele maniement de diverfes affaires, on devient plus propre a y réuffir, on acquiert de plus raifonnables idéés, on s'accoutume a envifager les chofes fous plus de faces, on met a profit les fautes pafTées; & c'eft une des raifons qui font que communéj rnent les vieillards ont plus de prudence que les jeunes gens. Dans la politique humaine un génie heureux& cultivé contrebalance un peu le défaut d'age & d'ex-* périence, fans pouvoirréparer totalement ce défaut. Dans la fcience du falut, il n'en eft pas de même: rentree des paroles de Dieu illumine, fon temoignage donne la fageffe au fimple. (a) La méditation de la loi de Dieu éclaire d'une facon fi prompte, fi facile & fi aflurée, Sc-la fageffe qui vient (a) Pf. CXIX.  3 34- SERM.VIÏI./af la Prudence Religieufe.. vient d'enhaut, eft fi pénéVante*& fieffica- • ce . qu'a tout age on eft piopre a devenir: prudent felon Dieu. (a) Le jeune homme mime i peut rendre pure fa voye en y prenant garde \ ftlon la parole de Dieu. II peut devenir' plus entendu que les anciens, pourvu qiil db-~> ferve les temoignages de rEternel. {b) 4.°. Mais de toutes les fources de Tim- • prudence, je n'en connois point de plus; générale, qu'un jugemenr. errone cauie par 1'imprefhon que tont lur nous les objets qui émeuvent nos paflions. Le defir & la crainte font deux pasfions, qui tirannifent les foibles humains, en les aveuglant. L'idée de Thonnête ne nous affcéle pas a beaucoup prés auffi vivement que Tidée de Tutile ou de Tagréable. Le profit ou la perte, le plaifir ©u les desagrémens que nous entrevoyons dans un parti a prendre eft pour 1'ordinaire ce qui fans autre confideration nous f^t-ermfne. Tout iroit bien encore, fl les vrais biens «Sc les vrais maux produifoient feuls eet effet. Mais le malheur eft Ca) Pf. CXIX: vs 9 (i>) v. ioa.  SERM. VIII. fur la Prudence Religieufe. 23$ eft 5 Qtfen ceci Ton confond trés fouvent banparence avec la rqalité. Le malheur eft, que fidée d'un bien ou d'un mal préfent ou prochain, quoique moindre, fait fur r ons plus d'imprcffion qu'un bien ou unmaliutur, ou éloigné, quoique infiniment pius corfidérable. La feule Religiën, Mes Frères, req? tifte en nous ce défaut de jugement, principale fource de notre imprudence. La Réligion nous apprend a eftimer les ^>iens. & les maux précifementce. qu'ils valent, & ce qu'ils pêfent. Elle règle en confer, quence fardeur avec laquelle on les doit rechercher ou fuir felon leur jufte valeur. I. Pour commeneer par les biens; la Réligion nous donne la plus haute eftime . En-  2 3 8 SE RM.VlU.fur ia Prudence Religieufe. \ 3Q. Enfin lorsque des maux Taurontt atteint, il faura les tourner a lón bront^ & c'eft ici proprement legrand avahnge,, ou le triomphe de la prudence réligieu- ■ fe; que les évenemens les plus faclieux Ss: les plus contraires felon le monde f es Frères , les belles paroles que .VJL nous venons de lire en votre pré» Jmce, nous ont paru Gngulieremerrt prójres a nourrir notre devotion dans la cirttoftance oü nous nous trouvons placés. 1 11 n'y a que peu de jours qu'en celèbrant $nativité du SauVeur, nous avons rnedité I preuve la plus éclatante de la gratuité Q ï de  344 SERM. YZ.furVs. CIH. vs iy - i8i de Dieu envers le genre humain , ril cette alliance éternelle de grace qu'il I traitée avec les fidèles, par le moven d< fon fils bien - ai mé. Nous touchons a la fin d'une annéei qui nous rappelle fenfiblement la rapiditi étonnante avec la quelle s'écoule & s'envob le tems de notre vie, le feul tems qi] nous foit donné pour travailler a 1'ouvragj de notre falut: et fi Dieu nous fait 1 grace de vivre dans fannée prête a fe renou veller, il nous ouvre de nouveau un azyij dans fon fanéhiairè, en nous invitant participer a la cérémonie confolante & f. crée , qu'il a inliituée dans fon Eglifd pour nourrir nos ames dans 1'efperance c la bienheureufé immortalité. Oj'oi dë mieux afforti a ces circonftau ces réunies, qu'une ferieufe meditatiorj que nous avons deffein de faire par voj d'appiication perpétuelle, fur les parolo du P almil'te que nous venons de vous lire Elle fe divifent naturellement en dei2 partres. Dont la première contient une pen ture de la condition de la vie humainc COD  SERM. IX. fur Ps. CUE vs. i ƒ-18. 24.f imparée au fort de Pherbe & de la fleur un champ. Et la feconde renferme 1'éloge ie la gram de PEternel, qui efl de tout tems; «fi? li fera d toujours fur ceux qui le craignent. Dieu nous fasfe la grace de mediter dans crainte ces deux intérefTans objets, afin ie bien convaincus que fa gratuité vaut leux que la vie, nous en fbyons tous vi:ment pénètrés & que nous travaillons esc une fainte «Sc conftante ardeur, non 'élement après la nourriture qui périt, mais vrès celle qui efl permanente en vie éternelle. fin ft foit-il. i Première Partie. Les jours de Phomme mortel font comme 'foin , il fleurit comme la fleur d'un champ, r le veiit étant paffé par deffus, elle nefi. 'us, &fon lieu ne la reconnoit plus. Rien plus jufte, Mes Frères, que cette comiraifon pour nous depeindre la Condition. [ ta vie humaine. I THerbe & la fleur des champs en général, dure peu.' Q 3 3?. Mil-  *46* SERM. IX. fur Ps. CM. vs. i j -1 2°. Mille accidens peuvent a tout momenJ la detruire, outre que la chaleur dJ foleil la fêche fi? que le fouffle des ventl la flétrit. 3°. Apeine-a-t- elle étalé lesvivescoul leurs, que fon luftre commence a 1 ternir. 4,0. Bientót enfin arrachée, coupée, ot fechant fur la tige, elle perit & fé lieu ne la reconnoit plus. A ces quatre égards , Mes Frèrea VHerbe fi? la Fleur des Champs fournit uni image naïve de ce que jont les joutt de rHomme mortel, fi vous confiderél quelle eft. 10 La Brieveié de la vie hurnaine. 2°. Sa Fragilité. 3°. La Caducité de tous les avantage, qifon eftime en faire le bonheur, 01 le luftre. 40. La fubite & totale ExtinStion de tout c qui en faifoit I'agrément ou la gloire 1°. Reflechiifés d'abord fur la cour» durée de la vie des hommes confideré« en général. 1°. Le Créateur y a mis certaine borne  5ERM. IXfurV*. OU. vs. I ƒ-18. 84? lornes que communement ils ne palTent mint. Dans les premiers ages du monde, es bornes étoient plus reculéeS: il n'étoit as rare de voir des hommes, qui vivoient lufieurs fiècles. L'intérêt de 1'Eglife & fes befoins de la fociété Fexigeoit ainfi, Lit pour Vinflruclion des fdèles, dans un fems oü il n'y avoit point de parole écrie, foit pour la multiplication même du lenre hu main, foit pour la decouverte des yts «Sc des invcntions utiles, a quoi rien ne rayoit plus naturellement le chemin, tu'une longue expérience, perfeclionnée •ar des eflais fouvent réïterés, & pour jjlufieurs aurres raifons de la même nature, f- Maisamefure que ces raifons cesferent, |u devinrent moins preffantes, la vie les hommes fut auffi raccourcie graduelIment. 11 eft aifé de i'obferver dans liiftoire des patriarches , qui vecurent [prés le deluge; «Sc Jacob 1'exprimoit dans V réponfe a Pharaon: les jours des anlées de mes pelerinages font 130 ans, les \urs des années de ma vie ont été courts & fauvais, & it'ont point atteint ceux de mes kères. Q.4 Ua  H8 SERM. IX.fur Ps. GUL vs, i f. jS.\ Un pareil terme paroit long encore,. en comparaifon de Ia mefure ordinaire au laquelle la yie des hommes a été fixée;« depuis. Les jours de nos années, commen, il efl dit dans le Pfeaume 90, reviennent a 70 ans; & s^ily en 0 de vigoureux^80 ans.i Ceft la mefure ordinaire des plus longues vies: s'il eft des hommes qui paffent dd beaucoup ce terme, & qui yivent un fiè-i cle entier, le cas eft rare vient encore a la meditation de ce conölant fujet dans les verfets qui précédent ion texte, oü il benit avec tranfpqrt cc Ueu pitoyable & abondant en gratuité, qm ioigne de nous nos forfaits autant que PO f tent 2 eloigné de POccident. A cette juftification gratuite, Dieu eft fefpofé a joindre tous les effets de fa Leur & de fa protection envers les ,ommes, qu'il regarde comme fes Enfans. 1 veille k la confervation de leurs jours, 1 les prolonge autant qu'il le voit neces'aire pour leur faire jetter dans ce monde, es fondemens de leur bonheur éternel. II detourne d'eux mille perils. II les couvre de fon ombre. II prévoit a leurs r 4. belomq  I 244 SERM. IX.furVs. CIIÏ. vs. ïf-iSt befoins, en la maniere qu'il voit la plus exoj pédiente. 11 eft touché de compaffioq pour leurs foiblelfes. 11 les fupporte avecj une patience admirable , & en toutes choi fes il leur temoigne des foins & des ten'i dreffes de Pere. De telle compaffion, dn1 le Pjalmifte, qiiun Pere efl èmu envers fel enfans, de telle compajfion efl émuTEteme envers ceux qui le craignent. S^il les chatitl c'eft pour leur amendement; s'il les eproui ve, ce n'eft jamais au déla de leurs forcess car il fcait bien de quoi nous fommes faits, fe fouvenant que nous ne fommes que poudrèi c'eft a dire, qu'il aura egardanotre petit telle; qu'il accomplira fa vertu dans notre in-i firmité; qu'il proportionnera fes fecours& fes confolations a nos befoins, foit cor« poreis, foit fpiritüels; qu'ilnous fera aiden toutes chofes enfemble en bien, & qu'il ne refufera aucune des graces necelfaires, poui nous conduirek ce grand falut qu'il nous a deftiné dans fes compalfions éternelles. , Tels font les riches effets de la gratuiti ie Dieu envers ceux qui le craignent. Et qui de vous, Mes Frères, n'en reconnofr tfoit fimportance & le prix infini? Qui de vous ne fent que la vie elle même, n'efl precl:  SERM. IX. fur Ps. GUL vs. i J-18^24?; precieufe ou defirable, qu'a proportion iqü'elle nous fournit les moyens & 1'occaLion de participer a la gratuité de Dieu , Kul feule en peut faire le bonheur folide ;:& le falut éternel ? Qui de vous ne s'ecrietroit dans ces fentimens avec le Pfalmifte: iSeigneur combien efl precieufe ta gratuité, iaujfi les fils des hommes Je retirent fous Pom- E R M O N D I X I E M E SUR G A L A r E s. h vs. 4. ui sefl donné lui-même pour nos pêchés$ afin que Jelon la volonté de Dieu notre Père, il nous retirdtdu préfent fiècle manvais. v Tes Frères! en traitant de la média|VjLtion & de la mort de notre Seigneur jifüs-Chrift, il y a deux erreurs dange*üfes a éviter, dont 1'une confifte k nier tvérité de la fatisfaftion qu'il a faite pour jius a la juftice de Dieu fon Père, & hitre eft de s'imaginer , qu'il n'ait eu |e ce feul desfein, & de meconnoïtre le land but qu'il s'eft pareillement propofé, t nous retirer de l'esclavage duvice, & de lus former d la fainteié. jL'une & 1'autre de ces erreurs eft fouirainement condamnable, puisque la preière enlève a notre foi une vérité fon«Hmentale, clairement révèlée, qui faic S 2 toute  %$6 SERM. X. fur Gal. I. vs. 4.. toute notre confolation & qui eft l'ii'| branlable appui de 1'efperance chrétlï ne: tandis que la feconde dèshoni 1'Evangile, en détruit toute i'excellenr| no*H*t la fecurité, & ruïne la necef de la fanclification. Auffi voyons - nous que les Apötres < foigneuferaent refuté ces erreurs pernicc fes dans toutes leurs Epitres. Et c ce que fait St. Paul dès l entrée de c qu'il addreffe aux Galates; car après ] avoir fouhaité la grace fi? la paix de \ Dieu le Père fi? de par notre Seigneur • fus-Cbrtfl, il pofe pour fondement d; doctrine de 1'Evangile, que Jefus-Chrifl l donné lui même pour nos pêchés, afin qm Ion la volonté de Dieu notre Père, il 1 rétirdt du préfent fiècle mauvais. Vous voyés ici Tune & fautre de; dangereufes erreurs, formellement c damnées. D'abord 1'Apötre dit que Chrift donné lui même pour nos pêchés; ce qui gnifie que volontairement il s'eft cha de fatisfaire d la juftice de Dieu pour pêchés: qu'il a révètu notre chair, « a foulfert & qu'il eft mort a caufe de i pêdl  SERM. X. jur Gal. I: vs. 4. 2$Z èchès; oü qu'il a fubi a notre place la leine que nous aurions mérité; nous prourant, a nous miférables pêcheurs, un bre accès au Trom de la Grace, afin que mis obtenions mifèricorde £? que nous trounons grace. Mais gardés-vous de per/er que ee foit i tout le but du grand ouvrage de Ia rélemption. Non, mes Frères, le grand Wein de Jefus - Cbrijl fe donnant lui même bur nous, de même que le but Suppofés pour un moment rimpofllble; fuppofés qu'un homme pêcheur, nourri fible. Je retourne chercher dans le „ monde ces biens dont la polfelfion „ plak feule a mes yeux, «Sc dont ;ï Pabfence m'eft infupportable. Avec qui. 3, formerai-je ici mes fociétés de plaifir, 5, mes rélations d'intérêt, mes liaifons d'amitié, que la conformité des pen3, chans me rend fi agréables fur la 3, terre. Les Cieux ne ren ferment que „ des efpnts purs , des ames fancli5, fiées, des hommes incorruptibles a „ qui mes vices font horreurs, a qui v mon gout paroit de ftable. Tous „ les efprits & tous Ls cceurs des ha„ bitans du ciel , font pénétrés «Sc 3, remplis d'idées «Sc de fentimens dont 5> la beauté les frappe, les enchante, les «,, enlève; mais dont la beauté me pas- » fe?  SERM. X. fur Gal. I. vs. 4. 2 6j> „ fe, me fuit, m'eft inconnue & imper„ ceptible". Ah Mes Frères , que PEcriture dit 'bien, Phomme animal ne comprend pas les tchofes qui font de VEfprit de Dieu, 6? même 'til ne les peut comprendre paree qu'elles fe disKernent fpirituellement: pour les comprendre & pour les gouter, il faut qu'il jceffe d'être homme- animal\ il faut qu'il defvienne homme- fpirituel; & jamais ce (changement ne fe fera en lui que par une ^opération de la grace, qui le transforme ici - bas, fi? qui le renouvelle en fon entendepent pour qu'il ne fe conforme point au prefent fiecle mauvais. De forte que quand 1'Ecriture ne 1'auiroit point dit expresfement, fans la fancpfication nul ne verra le Seigneur, il fau« idroit toujours le conclure de la nature de la chofe même. Ouï, il fuffifoit que Dieu cbous fit connoitre que le bonheur qu'il jdeftine a fes enfans, eft d'une nature fpiitituelle & célefte: II fuffifoit qu'il (hous fit connoitre que fon fils fe donneitroit lui - même pour nous merker un tel cbonheur, pour qu'aufïï- tót nous entirascfions cette concluiion, donc ce fera par Tomell. T le  SERM. X. fur Gal. t vs. 4. le chemin de la fainteté, qu'il voudra nous conduire a la gloire: — donc i ne fauvera point dans fon célefte Royauu me des hommes pêcheurs, fans les avoi retirés du pre/ent fiècle mauvais, «Sc iani avoir formé ou du moins ébauché en eu* fur la terre, les qualités, les vertus & let occupations dont 1'exercice perfeverant il eft de notre devoir de tacher de le reparer pour le prefent & pour favenir, & c'eft a quoi nous peut aider la méditation des paroles de notre texte: Quand tu entreras . dans la maifon de Dieu, prens garde d ton pied: Va &  28B SERM. XI. fur Eccl. V. vs. u C5* apprache toi pour ouïr, plutot que pour r donner ce que donnent ks fous, f avoir le fa-crifice, car ils ne favent point qu'ils font i mal. Puiffions-nous dans ce jour prendre une* ferme refolution de mieux remplir les devoirs que réquiert le fervice divin! Puifii-, ons-nous des ce jour commencer a k mettre en exécution / Que ta; grace, O mon Dieu, nous y forme elle-, même «Sc nous y faffe perféverer. Par-donne dans tes grandes mifericordes nos> niquités palfées , «Sc couvre tous nos> pechés ! Repans fur les Pafteurs Sc les Conducteurs de ce troupeau, fur tous les: membres qui le compofent «Sc fur tous ceux: qui s'y joignent pour t'adorer dans cette maifon , fabondance des graces «Sc des dons de ton St.Efprit, qui nous éclaire tous, qui nous fanclifie, qui nous transforme a ton image, qui falfe de nous de vrais ado§ rateurs tels que tu en demandés; des adoracteurs qui fadorent en efprit <2? en verité7 Aye egard, O Eternel mon Dieu, d la prièn de ton Serviteur, quetesyeux foyent ouverts jour «2? nuit fur cette Maifon. Exauce la fupplication de ton Serviteur & de ton Peu- pk  I SERM. XI. fur Eccl; V. vs. i. 2 8> He $ Israël, quand ils te prierontence lieu-ci Exauce-ks du lieu de ta demeure. Exauleles des Cieux. Exauce fi? par donne ! 'rfmen. Voici 1'ordre que nous fuivrons dans 'explication des paroles de notre texte: i«. Nous rechercherons d'abord les divers fens dans lesquels un lieu dedié a Dieu, pour lui rendre les honneurs publies de la vraye réligion, eft appellé la Maifon de Dieu. 2. Cequ'emporte cette diredion générale de rEccléfiafte: Quand tuentreras dans la maifon de Dieu , prens garde d ton md. ■■ 3«. Enfin , quel eft le fens de cette diredion plus particuliere qu'il ajoute: ap- preche-toi pour ouïr plutot que pour donner lefacrif.ee des fous, car ils ne favent point qu'ils jont mal. i Article. La Maifon de Dieu dans le ftyle facré défigne fouvent VAjfemblée des Fideles, comme lorsque St. Paul écrivoit a Tbimo- thée., V 3  II 290 SERM. XI. fur Eccl. V. vs. 1. thêe;je fêcris ces chofes afin que tu facbes com-n ment il faut converfer dans la Maifon dê Dieu qui efl Veglife du Dieu vivant: maiii fouvent auffi ce mot fignifie le lieu od les fideles s'affemblent pour rendre leurs| hommages a la Divinité; & c'eft le fensj qu'il faut lui donner dans les paroles dd notre texte. Salomon qui avoit été choifi de Died pour éléver un temple a fon nom, & qd en avoit fait la dédicace folemnelle dana cette prière admirable qu'on lit au Chap. 8 du 1' Livre des Rois, nous inftruit ici ei peu de mots de la révérence qui eft du« a tout lieu confacré au fervice divin. Et li vous demandés dans quel fens uil édifice , ou un lieu quelconque dediéj eet ufage réligieux, fe nomrae la maifim 'de Dieu\ je repons que ce n'eft pas feuj lement parceque c'eft: a Dieu que fe rapJ portent toutes les chofes qu'on y prati: que, en adorant fa majefté, en célébrani fes louanges &c les bienfaits, en implorani fa grace & fa bénédiction par nos priè res, en écoutant fa Parole qui yeftlue & expliquée, en participant aux facremem qu'il a mftitués dans fon Eglilè mais encon  SERM. Xf. fur Eccl. V. vs. ï. 29Ï ; encore par rapport a la préfence fpéciale : dont Dieu honore de tels lieux, «Se par rap1 port aux bénédiclions qu'il a promis d'y : repandre, felon ces paroles emphatiques & : remarquables que Dieu dit a Moïfe au Cbapr |20 dePExode, immédiatement après la 1 publication du décalogue fur le rnont Si1 naï: en quelque lieu que ce foit que je tmtitrai la memoire de mon nom, je viendrai ld d toi S3 je te benirau . Ce feroit reftreindre fans necelïité & lans raifon le fens de cette magnifique declaration, d'en borner 1'efTet a cefymbole vifible de la préfence divine qu'on nommé le Schekinah, dont Dieu honora le tabernacle conftruit par Moïfe «Sc le temple. | bati par Salomon: on fait d'une part, que ce fymbole vifible a manqué au fecond temple que les juifs batirent au retour de la captivité; & il eft certain d'autre part, qu'il a paru fouvent «Sc longtems avant la conftruclion du tabernacle, a Moïfe dans le builTon, a Jacob en Retj hel, a Abraham dans les plaines de Mamré. 11 vaut donc mieux chercher Péxplica* { tion de cette préfence divine, promife a 1 tout lieuconlacré auferviee du vrai Dieu 9 V 4. dans  $02 SERM. XI. fur £ccl. V. vs. i dans vue chofe qui foit applicablea tous s les tems, qui fubfifte d'age en age, quil a eu lieu également fous Foeconomie de ï laPromeffe, ious celle de la Loi, Ious cel- i. le deFEvangile, «Sc qui fe perpetuera éter-• nellement avec la plus grande magnificen-;cedans la Ceiefte Jeruialem. Pour comprendre ce que c'eft Mess Frères, il faut élever notre penfée a une: chofe, qui pour être in vifible n'en eft pas; pour cela moins réelle & moins certaine,, favoir la préfence des anges, qui felon la doe- • trine de 1'Ecricure, afliftent aux affem4 blées faintes; «Sc qui compofant la cour: eelefte du Roi des Rois, formant foni cortège, fervant de garde au pied de fon i tróne augufte, donnent aux lieux confa-crés a Fhonneur de fon nom, la dénomi- • nation de Maifon de Dieu. II femble qu'on puilTe Finfèrer de Fex- ■ clamation «Sc du vceu du Patriarche Ja-, cob, qui ayant vu en fonge uné écbclld qui touchoit de la terre aux cieux, par la. ■ quelle les anges montoient «g? descendoient, 8'écria a fon reveil, certainement VEternel \ efl en ce lieu-ci: ceft ici la maifon de Dieu, cefl ici la porte des cieux: ce qui j deter-  SERM, XL 'fur Eccl. V. vs, i. 293 determina le Patriarcbe a dranger le nom du heu, qui autrefois s'appelloit Lutzy en celui de Bethel, qui fignifie maifon de Dku; a con acrer la pierre fur laquelle il avoit repnfe, & a proferer ce vceu, eer* tainement ft je retourne en paix, cette pierre que fai drejfé pour monument, fera la maifon de Dieu. La publication de la Loi furleSinaï, oü on ne vit aucune reffemblance & dont il elt dit néanmoins en plus d'un endroit du Nouveau Teltament, qu'elle a été fai te par les anges, ordonnée au milieu des anges, ou donnée parmi les rangs des anges; la naiffance de Jefus Chrift en Bethelem, celebrée par les choeurs celeftes; le fecond avenement du fils de Dieu, annoncé comme devant être dans la gloire de Dieu fon Père, accompagné des anges de fa puiflance; tout cela indique & fait voir asjes clairernent, que partout oü Dieu met le memorial de fon nom, & oü il vient pour benir les hommes, la préfence fpeciale de la Majefté divine fe trouve marquée par celI le des efprits adminiftrateurs, qui entourent fon tröne, & qui en font les gardes immortelies. V J Cette  ipjL SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. Cette vérité étoit figurée dans le ta- <] bernacle de Moïfe & dans le temple de 3 Salomon, par les Cherubins, qui couvroient : 1'Arche de leurs ailes, & qui décoroient : les parois du lieu trés faint. Elle eft formellement exprimée dans la 1 celèbre vifion rapportée au Chap. 6 des 1 révélations d'Efaye: Je vis le Seigneur, , féant furun Tronehaut & elevé, &J'espans rempliJJ'oient le Temple, £5? les Serapbins fe tenoient au dejfus de lui ...<£? ils crioient run d Pautre, faint! faint! faint! efl PE- ■ ternel des Armèes, tout ce qui efl en toute la terre ejl fa gloire. C'eft probablement k la même verité que David a egard, quand il dit dans le Pfeaume 138, je te pfalmodierai en la préfence des anges; car c'eft ainfi que la verfion des 70 traduit le mot que notre verfion a rendu par celui de Souverains, je te pfalmodierai en la préfence des anges, je me projlernerai dans le palais de ta faint et é. Et c'eft encore a cela même que plufieurs interprêtes penfent que 1'Eccléfiafte a égard dans le Chapitre de notre texte, lorsqu'après avoir parlé des vceux qu'on voue a Dieu dans fon temple, ii en parlé  SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. 29* le dans le verfet 6, comme de vceux proferés devant le meffager, oules me(Jagers du Seigneur. Telle eft, Mes Frères, la dignïté & la prérogative de tout lieu con'acré au fervice divin. Dans ce fens un Temple eft la maifon de Dieu, le Palais defafaintête, hfigure & 1'image du Ciel, qui eft le Tróne de Dieu, ouil recoit les hommages de fes adorateurs, & oü il manifefté d'une facjon particuliere fa majefté & fa gloire. Comme il règne dansle ciel, au milieu des adorations des feraphins, illui plait d'honorer auffi certains lieux de la terre, qui eft le marchepied de fes pieds, d'une préfence particuliere de majefté, de faveur, & de grace. 11 y place le memorial de fon nom, c'efta- dire, qu'il les Choffit pour en faire des lieux facrés, oü la louange Yattend en filence & ou le voeu lui efl rendu, comme en Sion (a) II y vient auffi vers fes humbles & fidèles adorateurs, pour les exaucer & pour les benir; & c'eft ainfi que celui que les cieux &méme les cieux des cieux, ne peuyent contenir, daigne auffi babiter fur la terre 9 O) Ps. LXV,  2p6 SERM. XI. fur Eccl; V. vs. i. terre, parmi les louanges dTsraël, dans Ie9 famftuaires confacrés a la gloire de fon grand nom. Or qui de vous, Mes Frères, ne fent a préfent, combien Tidée de faire hommage a Dieu dans fa maifon, d'y rendre honneur a la Majefté du Trés Haut qui eft au delfus de tous les cieux, la penfée de fadorer de concert avec les efprits invifibles dans Téternité de fa gloire; qui ne fent combien cette majeftueufe «Sc fublime penfée eft propre a nous infpirer la révérence «Sc le refpeét réligieux, que FEccléfiafle nous recommande en difant, quand tu entreras dans la maifon de Dieu, prens garde d ton pied. C'eft notre. 2d- Arttcle. UEccléfiafte en difant prens garde d ton pied, fait allufion a la coutume des orientaux,qui dechaulfent leurs pieds en figne du même refpeél que nous avons coutume de temoigner en découvrant la tête. Le fens de cette exprelfion ne fauroit être mieux éclaircie que par le discours de TAnge de fEternel a Moïfe du milieu du builfoa  SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i- 297, buiflon ardent, decbaujje tes fouliers de tes pieds, car le lieu olitues arrêté, ejl une terre fainte: (a) ou par celui que le Chef de rArméede 1'éterneltienta Jofué, delie ton foulier de tes pieds, car le lieu fur kquel tu te tiens ejl Jaint. (b) Un témoignage extérieur de refpecl, en quoiqu'il confifte; ou quel - que puiffe être le rite, la pofture, ou le gefte par oü on Vexprime 5 un tel temoignage fimplement extérieur, ne feroit d'aucun prix fans les dispofitions internes de révérence & de vénération, qui en font 1'ame & le principe fan&ifiant; & c'eft fans doute de.ces dispofitions internes principalement qu'ii faut entendre 1'exhortation de notre texte, comme il paroit par la direction qui nous eft donnée dans le verfet fuivant, ne te precipite point d parler, & que ton coeur ne fe bate point de profer.èr aucune parole devant Dieu, car Dieu. ef au ciel £5? toi futla terre. (c) Ccpendant ""extérieur même, quoique moins important, eft ici necelfaire &eüen- . tielle- Ca^ Fxod. ftl; vs. 5. (i) Josuè. V. vs. ïf, {c) Eccl. V. vs. ■>..  208 SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. tiellement requïs : Dieu n'a-t-il pas dit expreffement dans fa loi: vous garderez mes Sabbats 6? vous aurez en révérence, mon fancluaire, je fuis VEternel: (a ) & notre Seigneur Jefw Chrift n'a-t-il pas maintenu Ie refpeér. dü au temple, quand rongé du zêle de la maiibn de Dieu, il en chalTa les vendeurs & les changeurs, [ b") cenfnrant la profanation des juifs par la citanon de:- paroies ó'Efaïe & de Jérémie, (O H vft écrit, ma maifon fera appellée maifon de priere , Porgueilleux ne fubfijlera point devant toi. Mais moi dans Pabondance de tes mifericordes, fentrerai dans ta maifon, je me profternerai dans le Palais de ta fainteté avec la révérence qui feft due. Alors nous pourrons efpèrer de participer a la benediction promife au Chapitre yó. des Rev. d'Efaïe, d tous ceux qui fe joignent d PEternel pour le fervir & pour aimer fon nom: c'eft que Dieu qui les re* jouïra dans la maifon on ou Pinvoque. ( a ) Après tout il faut fefouvenir Mes Frères, quel'exercice corporel eft profitablea peu de chofe; il degenère aifement en fuperftition, il s'y mêle fouvent de foftentation ou de 1'hypocrifie; c'eft-ce dont les Pharifiens anciens & modcrnes fourniffent la preuve inconteftable. Non! la contenance la plus grave & la plus modefte, la pofture & les geftes qui expriment le plus de refped & d'humilité, ne font rien au prix du recueillement de 1'efprit, de 1'attention, de 1'humilia- tion O) Es Af E LVI. vs. ö & 7.  SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. 303 tion & de 1'adoration interieurede 1'arne; de la fainte ferveur qui doit animer la prière, le chant des löuanges divines, la participation aux facremens; dudefir fin PEternel  SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. 30; PEternel prend-üplaifir auxHolocaufies aux 'facrifices, comme qu'on ebeiffe a fa Voix ? ("#) Lors donc que 1'Eccléfiafte nous dit, approche-toi pour oüir plutot que pour donner le facrifice des fous qui ne favmt point qu'ils font mal, il condamne ceux qui fe bornent :uniquement a 1'exterieur du culte; ceux xqui approcbent de Dieu de leurs levres, tanidis que leur coeur efl eloignê'delui, ceux óont pefprit eft diftrait par mille penfées vaines ou mauvaifes, qui troublent «Sc qui desbonorent les facrifices de prière «5c de louan-r 5ges qu'ils offrent a Dieu dans fa maifon; iceux fur tout dont 1'ame eft vuide de tout vrai fentiment de piété, ceux qui n'ont : point une fincère dispofition a obéïr a fes faints commandemens, ce qui eft requis ici principalement «Sc par deffus toutes chofes afin de profiter des enfeignemens qui nous font donnés dans fa maifon, «Sc de toutes les parties du fervice divin qu'on y celèbre. Quoi de plus infenfé en effet que de Ipenfer que Dieu foit honoré par des aétes exterieurs que l'erprit «Sc le cceur dement? IQuelIe temerité d'öfer implorer fa mifèricorde «Sc fa grace, fans en fentir ni le befoin f» I. Sam. XV. vs. 21. X 3  1 3o6 SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. foin nileprix, de fimplorer fans contrition & fans compondion de cceur, de chan-i ter fes louanges fans attention «Sc fans le s moindre mouvement de zêle pour fa gloire ? De quel prix encore font aux yeux de.f Dieu les ades de bénéficence envers nosi frères indigens, s'ils ne font faits par uni principe d'amour pour Dieu, «Sc de charité chrétienne? De quel prix enfin tout rempreifement & la plus grande affiduité k fréquenter les alfemblées faintes oü la parole de Dieit efl: prêchée, s'il voit en nous le même de-t faut quil cenfuroit dans les juifs, par la! bouche du Prophéte Ezéchiel: Fils d'bom-i me, les enfans de ton peuple viennent vers to comme en foule, <$? mon peuple s'affed del vant toi ê? ils écoutent tes paroles mais ils nu les mettent point en effet. (a) Ah! craignonr le même reproche, Mes Frères, «Sc poui féviter faifons une ferieufe attention a ce que nous dit ïApótre St. faques: Ce{: pourquoi rejettant toute ordure & toute fu perfluité de malice, (b) c'efl: a dire écar tam fa) E ze ch ie l XXXIII. vs. 3r & 31. (b) Jacq I. vs, 21-- — 9.  SERM. XI. fur Eccl V. vs. i. 30? tant toute penfée vicieufe, & reprimant tont mouvement dérèglé capable d'étoufFer la bonne femence, rcgevez avec t douceur la parole plantée en vous, laquelle \ peut fauver vos ames. Et mettez en execui tion la parole, & ne Vecoutez pas feulement en \ vous decevant vous mêmes par de vains dis* i cours. Car fi quelqu'un écoute la parole & \ ne la met point en execution, il efl femblable d l un homme qui confidère dans un miroir fa face t naturelle, car après s'étre conftderé foi même l s'en être allé, il a aufi-têt oublié quel il l étoit. Mais celui qui auraregardé au dedans f de la loi parfaite. [il y a dans le grec, 3 celui qui fe fera baiffê ou courbé, pour re* j garder jusqu'au fonds, ce qui eft une alluï fion aux Cherubins dont les yeux étoient i baiffés fur le Propiciatoire qui couvroit 1 1'Arche de rAlliance, & la même expres1 fion qu'eroploye St. Pierre dans le Cha| pitre I. de fa première Epitre pour defigner I lameditation attentive& approfondie des j anges fur les miftères de 1'Evangile, en ) difant, qu'ils defirent dy regarder jusqu'au j fonds] celui qui aura regardé au dedans. \ de la loi parfaite qui efl la loi de la lïberI té, c'eft a dire 1'Evangile nommé par X 4- Sfe  3o3 SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. St. Jaques une loi parfaite, paree que 1'Evangile a tout amérié d la perfeclion, «Sc une loi de liberté., paree qu'il afFranchic du joug de la loi cerémonielle, celui qui aura regardé au dedans de la loi parfaite qui efl la loi de la liberté & qui aura perfevéré, n'ctant point un auditeur oublieux, mais faifant en effet V oeuvre; celui-la fera heureux dans ce qu'il aura fait. Voila Chrétiens, le meilleur commentaire des paroles de notre texte; quand tu entreras dans la Maifon de Dieu prens gardé a ton pied, fi? approcbe toi pour ouir plutot que pour donnerce que donnentles fous, favoir le facrifice, car ils ne favent point qu'ils font mal. Voulons nous donc, Mes Frères, rendre aDieu le fervice raifonnable qu'il exige de nous, afpirons nous a le faire d'une maniere qui lui plaife «Sc qui nous foit falutaire; appliquons nous a bien règler notre exterieur «Sc notre interieur pour le fervir d'une maniere decente «Sc religieufe! Difpofons-nous par une fainte meditation avant que d'entrer dans la maifon du Seigneur, en y allant, en y arrivant, & durant tout le tems que nous y demeu- rons  SERM- XI. fur Eccl. V. ys. i. 309 rons, a avoir 1'efprit occupé de la grandeur du Dieu qu'on y adore, & de fon infinie bonté .qu'on y celèbre & qu'on y réclame. Penfons que dans la maifon de Dieu, nous fommes particulierement fous les ye ux de Dieu; en préfence de fes Anges & de fon Eglüe, a qui nous nous joignons pour rendrt? a la Divine Majefté un culte qui ne fera jamais aboii, mais perpétué & perfeetionné dans le ciel. Penfons que du haut des cieux oü il refide, il fait descendre furl'aflemblée des fidéles, des bonnes donations de toute efpèce; des faveurs& des graces, variées felon, les befoins divers de, fes enfans qui finvo» quent d'un commun accord, & qui leur fpnt les temoignages précieux de fon amour & de fa proteclion adorable; czxilnous . limit de toute bénêdiction fpirituelle des lieux celefes en Cbrifl, qui lui même encore felon fes promefles, fe trouve au milieu de ceux qui font ajfemblés en fon nom, & qui eft notre intercelTeur auprès du Père celefte. Onand nos efprits & nos cceurs feronc tyen penétrés de ces grandes verités, nous arpirerons a payer les dons immortels du X J Trés-  3io SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. Très-Haut, non par de pompeufes offrandes, comme Tanden Israël; par des torrens d'huile, par des holocaulles & des hecatombes; mais par ks hommages chrétiens d'une humble foi, d'une tendre reconnoiffance, d'une obéïffance zêlée aux loix de 1'Evangile, & d'un attachementa jefus Chrift, fidéle jusqu'a Ia mort. Nous appuyantfur Ion merite trés parfait, nous oferons prendre la hardieffe, quoique nous ne foyons que poudre <5P que cendre, de parler au Seigneur; & la vertu de fon efpritannoblilfantle notre, nous mettra en état de 1'adorer dans fa maifon avec «ne ame remplie d'un faint refped envers fa majefté, & d'une ferme efperance en fa grace & en fon amour. Fondés fur fa parole «Sc fur la promeffe de fon éternelle alliance , nous dirons, quand les montagnes fe remueroient & que les ■ cêteaux crouleroient, la gratuité de PEternel ne fe departira point de nous: Palliance de ma paix ne bougera point a dit le Seigneur. Ainfi dispofés, nous approcherons pour ouïr, pour ferrer dans nos coeurs, & pour mettre en pratique la divine parole, qui rend les foibles humains fages d falut, Sc qui  SERM. XI. fur Eccl. V. vs. i. 311 qui rend Phomme de Dieu accompli & parfait tement inftruit d toute honne oeuvre. Nous implorerons pour eet effet fonfecours tout puiffant; mais nous 1'implorerons avec 1'ardeur preffaate d'un faint defir, & avec un humble recours au Dieu fort <2? vivant, qui fortifie «Sc qui vivifie ceux qui le reclament en vérité. — Et ee Dieu fort & vivant dont nous aurons cherché la face dans fon fanftuaire, ne ca* chera poifit de nous fon vifage appaifé. II le fera luire fur nous favorable frappans dans les annales du monde, & dont fhiftoire de 1'Eglife fournit une demonftration perpetuelle. A confiderer le même dogme dans fes. confequences & par rapport a nous, on peut dire que c'eft une doctrine dont la perfuafion merite de .nous être auffi cherer qu'elle eft folidement appuyée; car feule elle peutadoucirl'amertume denos maux, nous confoler dans l'afmction, nous foutenir & nous encourager dans le befoin & dans le peril. — Si les évènemens qui diverfifient la vie humaine ne nous font point difpenfés paria main de la Providence , il faudra les attribuer, ou a un aveugle hazard, ou a une fatale necefiité; Sc 1'un & l'autre de ces fyftêmes, les deux feuls que 1'incrédulité ait effayé de fubfti- tuer  f 16 SER. XII. fur Ps. XXXIII. vs. 131 y tiier a celui de la révélation, font également abfurdes & propres a delèfpèrer. Mais furtout il n'y a que la perfuafion d'une- Providence,' qui puilfe contenir les hommes dans le devoir; les porter efficacement a la vertu, k la pieté; & par eet endroit le dogme dè la Providence n'eft pas moins fondamental dans la Réligion que celui de 1'exilt.ence même de Dieu. St. Paul 1'a decidé en difant, il efl imposfible de lui être agréable fans la foy. Car il faut que celui qui vient d Dieu, croye que Dieu itfl, elf qu'il efl le' remunérateur de ceux qui le eberebent. (a) Mais qui croira Dieu remunérateur des efforts qu'on fait pour lui plaire, fi en même tems il n'adnïet que Dieu connoit ces efforts, qu'il les remarque, qu'il y fait attention ; que pour eet effet il prend garde aux adions des hommes , k leurs discours , k ieurs penfées, aux divers mouvemeas de leur coeur; en un mot k tout le detail de leur conduite morale ? Voila proprement & précifement, Mes Frères} 1'intérelTante verité que nous nous propofons de méditer dans ce discours, «Sc que le Pfalmifte établit en difant ÏEter.  : SER. XII./«rPs. XXXIII. vs. i3-IJ. 317 rEternel regarde des cieux, il voit tous les < tnfans des hommes. II prend garde du lieu de .fa refidence d tous les habitans de la terre. ! Ceft lui qui forme également leur coeurÊf I qui prend garde d toutes leurs aclions. E Nous feronsd'abord fur ce texte quai tre obfervations, qui en éclaircifTant le fens I des paroles, lerviront de preuve a la verité : importante qu'elles renferment: ce ferale i fuiet de notre première partie. 11. Dans la feconde nous prefferons | divers ufages qu'en doivent retirer quatre ( ordres differens de perfonnes, que nous i invitons a ks mediter ferieufement. 1 fes pau, vpieres fondent les fils des hommes, (c) II. Obfervons, Mes Frères, que les pay roles que nous venons de citer, da même t oue celles de notre texte, nous prouvent i ^ que Ca) Act. XVII. vs. 27. ' (b) Job. XXVIII. vs. 24. COr,xi.v,.^  3M- SER.XIi./«rPs.XXXIlLvs 13-15 que Tobjet de cette infpeclion de Dieu ront les hommes, & tous les hommes. Je dis i0 les hommes, «Sc en effet 1'Ecriture les fpecifie d'ordinaire comme faifant particulièrement fobjet de Pat* tention & des foins de Dieu; non qu'il negligé de pourvoir aux befoins des animaux, de donner des foins aux plantes «Sc au refte de fes créatures, lui qui nourrit le paffereau & qui revet Vherbe des champs mais parceque lèlon fa fageffe il proportionne fon attention «Sc fes foins pour fes créatures, a 1'importance des fins pour lesquelles il lui plut de les faire, «Sc a 1'excellence des facultés dont il a daigne les enrichir. J'ai dit 20. tous les hommes, & Ie Pfalmifte 1'exprime dans mon texte ,• car il voit tous les enfans des hommes, dit-ilj •S? du lieu de fa refidence il prend garde d tous leshabitans de la terre : ce qui marqué non feulement Pattention générale que Dieu donne aux befoins du genre humain, confideré comme une efpèce de fes créatures, qu'il confervepar fes foins, qu'il dirige «Sc gouverne fèlon de certaines loix; mais qui marqué de plus fatten-  : gER. XII fur Es. XXXIII. vs. ï 3 -1 $ 33* 1'attention que Dieu fait a chacun des 1 membres individuels qui compofent 1'es, pëcéhumaine; pour nous faire compren; dre qu'il n'eft pas un feul homme fur la 1 terre, qui ne foit 1'objet de fattention, des foins & de l'infpeétion de Dieu; pas un feul dont 1'état, & la conduite coniiderée dansle plus grand detail, échape a la vüe ouala toute - fcience divine. 11 n'y a qu'une fauife philofophie procédant d'incredulité & de travers d'efprit, qui puiffe trouver de la difficulté dans ce fyftême, & faire penfer qu'il loit indigne de la majefté de Dieu d'entrer dans de pareils details, & de s'abaiffer a la contemplation de fipetits &fivils objets. —Ceci fe 1'avoue, fournit un jufte fujet d'etonnement & d'admiration pour la condescendanceinfinie de 1'Etrefuprême: cette confideration, en nous penetrant de reconnoisfance pour fa bonté adorable, doit nous porter a dire avec le faint ravilfement du Pfalmifte, Eternel natre Seigneur que ton nom efl magnifique par toute la terre, vu que tu a mis ta Majefté au deffus des cieux. Quand je regardetes cieux, Vouvrage de tes doigts, ia lune S les étoiles que tu as arr.angées, je Y 5 dis  1*6 SER. XII.>r Pj.XXXfI7.vs. 13 - ij dis, qu'e/l ce que de Phomme que tu te fouvienncs de lui, £? du fis de ïhomme que tu le vifites: mais ce font auffi la les leuls fintimens que cette confideration doive faire naitre; & rien n'eft plus deraifonnable, ni réellement plus infenfé, plus petit, & plus pueril, que les argumens par lesquels fincrédule tache de fe perfuader que la grandeur & la félicité de Dieu Pempêchent de bailfer fes regards fur la terre; de prendre garde aux hommes, & a leurs actions. C'eft oublier deja que Dieu ne trouva pas indigne de lui, de leur donner 1'être. C'eft d'ailleurs vouloir melurer les idees de Dieu fur les notres. — C'eft fuppofer que ce qui paroit grand ou petit a nos yeux, paroit tel aux yeux de Fêtre fuprême — C'eft fuppofer qu'il en eft de 1'intelligence, de 1'attention Sc des foins de Dieu, comme de ceux des foibles mortels qu'une multiplicité d'objets fatigue, qu'une diverfité de foins diftrait, qu'une trop longue fuite d'occupations epuife : rien de pareil ne peut fe dire de Dieu: fes penfées ne font pas nos penfées, fon intelligence eft fans nombre comme fans mefure. 11 ne fi laffe point & ne fe travaille point. A fa parole  SER. XII./«r Ps. XXXIII. vs. 13 -1 * 3 21 rok toutes chofes ont été créees, & depuis qtielles font faites, il a Poeil fur toutes, II voit dun fiècle d Pautre & ne fétonne de rien. III. Une 3 me obfervation qu'il faut faire fur les paroles de notre texte, c'eft que la. connoiffance que le Pfalmifte attribue a Dieu,eft une connoiffance d'infpeótion qui le rend attentif aux acfions des hommes, en qualité de juge qui obferve 5c remarque la conformité ou 1'oppofition, qui fe trouve entre leur conduite & les loix qu'il leur a prescrites pour la règler. // prend garde, dit le Pfalmifte, a toutes leurs atlions. 11 veille furies hommes d'une maniere differente de celle dont il pourvoit aux befoins des animaux d qui il fournit leur pature ; differente encore de celle dont il maintient & régit les êtres inanimés «Sc purement materiels, qu'il gouverne felon les loix qu'il a données a la nature. Comme les hommes font des créatures intelligentes, libres, douées de volonté, capables de raifonnement «Sc de choix; que ce font en même tems des êtres entièrement & a tous égards dependans de Dieu, a qui ils doivent leurs talens & leurs facultés, &  S28 SER. XII./«rPs.XXXIlLvs. 13.1$ & qui leur a impofé des loix felon lesquelles ils ont a fe conduire pour fauverleur ame, qu'il a formée immortelle; ce font par toutes ces raifons des êtres comptables de leurs aótions; & qui en font comptables a Dieu leur Créateur, leur Seigneur, & leur Juge- Voila pourquoi il s'enquiert d\ux £? de leurs faits, pour m'exprimer avec PEcriture. II fonde les ju/les 6? les mecbans. •— II prend garde fi les habitans de la terre obfervent ou s'ils transgrelfent les préceptes de fa réligion, foit naturelle foit revelée; & il leur fait fentir a tous Ia verité & la réalitédece jugement moral qu'il exerce a leur égard, par les mou vemen s de leur propre conscience, qui leur rend temoignage. & dont les penfées s'accufent ou s'excufent ent? elles. IV. Obfervons 4-ment enfin, quela connoisfance que Dieu a des a&ions bumaines, & que 1'attention qu'il y prête, ne fe borne point a 1'exterieur de ces aclions, mais s'étend a leurs principes & a leurs motifs les plus fecrets & les plus cachés; a tous les mouvemens internes du coeur de Phomme; a fes penfées, a fesdefirs, afes penchans, &  SER. Xlt. fur Ps. XXXIII. vs. ï 3• -1 ? 3-9 afes inclinations, a fes projets. Dieu connoit tout cela de la faeon la plus iatime & la plus certaine. 11 n'en eft pas de fa fcience comme de celle des hommes. Ceux - ci ne regardent qu'a ce qui efl devant leurs yeux; mais VEternel regardeau coeur: Et c'eft ce que le Pfalmifte a exprimé en difant, Dieu forme egalement le coeur de tous, ou de chacun deux en particulier, fans en excepter un feul; comme le porteproprement 1'original. Cela fignifie que Dieu qui a doué les hommes de facultés fpirituelles, appercoit & remarque 1'ufage qu'ils en font, au même fens qu'il eft dit auPfeaume 94- celui qui a planté Poreille, n''entendra til point; celui qui a formè Voeïl, t» nrra til point ? celui qui enfeigne la-fcience aux hommes ne redarguera til point} En combien d'endroits de 1'Ecriture, la qualité defcrutateur des cceurs 6? des reins n'eft elle pas expreflement attribuée a Dieu; & ou eft celui d'entre nous qui dans une entière conviótion de cette verité, ne dife avec David; Eternel tu nTas fondé tu mas connü, tu connois quand je nfajfteds & quand je me leve, tu apergois de kin ma penfée, tu nfenceins, foit que je w.arche, foit que je m'arrete,  330 SER, XIL/wPs. XXXIII. vs 13-15 m'arrete, êP tu as accoutumé toutes mes voyes; même avant que ta parole foit fur ma langue, voici 6 Eternel tu connois deja le tout; (a) Concluonsdonc, Mes Frères, que tous les hommes & toutes leurs a&ions externes Sc internes, lont en tout tems Sc en tout lieu, fous les yeux de Dieu le MonarqueSc le juge fuprême dePunivers. —• Ceft la verité que le Pfalmifte établit dans notre texte: mais ce n'eft point une verité de fpéculation; c'eft une verité de pratique & qui doit avoir une influence confiderable fur la conduite morale de notre vie. Elle eft propreen particulier, a atterrer le pêcheur infenfé & brutal; a confondre 1'hypocrite; a condamnerle mondain; a confoler enfin &a encouragerle vrai fidéle. Ce font quatre ufages divers qui nous reftentaprelfer par voye d'application, dans notre feconde partie. I I I. Un ier ordre de perlonnes qui ont be- (a) Ps. CXXXIX.  SER. XII./w Ps. XXXIIL vs. 13 -1 j 331 befoin qu'on les exhorte a faire une ferieufe attention a la verité de mon texte; font ces pêcheurs brutaux, endurcis «5c obftinés dans le vice, qui foulant aux pieds les lumières de la raifon, «Sc celle de la révelation, fe ravalent au rang des betes brutes, dont la bonté divine les avoit diftingués: qui chercbent comme elles leur portion uniquement dans ce monde «Sc dans cette vie; qui y bornent leurs defirs comme leurs craintes; dont la hardieffe a pècher ne connoit d'autre frein que rappréhenfion du chatiment que ftatuent les loix humaines, & qui ont rejeté kin dYux la crainte du Tout PuiJJdnt; qui temoignent fi peu de frayeur pour fes jugemens celeftes, qu'ils ofent quelque fois infulter a ceux qui font touchés de cette crainte: qui dans 1'yvreffe oü la folie «Sc la fureur de leurs criminelles paffions les jette, vont jusqu'a dire, le Dieu Fort ne Pa point connü, il ne P entend point, (a) ou il Pa oublié: il ne le ver ra jamais. ( b ) Si ce n'efr, formellement & en autant de termes qu'ils tiennent eet impie lan- O) Ps. LXXXXIV. (») Pj. X.  3 3 s SER. ZUL fur Ps. XXXIII. vs. 13-1 £ langage que 1'Ecriture leurattribüe, ils le tiennent implicitement; ils nourrilTent dans leur coeur vicieux, des iilufions qui s'y rapportent & quMeur font imaginer confuflement quelque chofe de tel, par la feule raifon qu'ils le fouhaitent ; a peu pres de la même maniere que 1'athèe de pratique dit en fon coeur il tfy a point de Dieu: enfin toute leur conduite exprime fi naturellement ces faufles & deteftables idéés, qu'on ne leur fait aucune injure en les leur attribuant. Mais 0 vous les plus brutaux d'entre le peuple, vous avés dit, PEternel ne le verra point le Dieu de jfacoh n'en entendra rien; prenés garde d ceci, & vous infenfés quand ferés vous entendiis: Celui qui a planté Poreille tPentendra Pil point, celui qui a formé Poeil ne verra fil point! celui qui reprime les nations, celui qui enfeigne la fcience aux hommes, ne reprmdra Pil point! (d) O vous les plus brutaux d'entre le peuple, qui avés dit, le Dieu fort Pa oublié &. ne s'en fouviendra point; que vous ferés desabufés cruellement d'une fi funefte illufion, quand dans le grand & dernier jour ou- (a) Ps. LXXXXIV. vs. 7.10.  SER. Xllfur ?s. XXXIII. vs. 13 • i f 333 ouvrant en votre préfence & k Ia face de i tout funivers, ces formidables livres oü font enregiftrées les actions hucnaines, il vous produira la lifte circonftanciée de tous vos forfaits; & que s'adreffant au pêcheur I dans fa jufte colère, il lui dira, tu as fait i ces chofes, ë? je nfen fuis tü, & tu as eflimé que je fuffe Jemhlable a toi, mais maintenant je fen reprendrai, & je deduirai le ! tout parordre en ta préfence. Voulés vous prevenir un malheur fi affreux & qui alors ! feroit fans remède; tremblés dès maintenant a fidée d'avoir toujours Dieu pour infpecteur &pour juge de votre conduite: tremblés k fidée de fon jugement lorsque ; ce Dieu jufte & faint met devant foi vos int\ quitès , & devant la clartê de fa face vos \ fautescachées. {a) Mettés-vous fortement : dans 1'elprit que toutes les precautions que le crime honteux ou craintif employé pour fe derober a la connoiffance des hom: mes, nepeuvent tromperfoeilclairvoyant de Dieu, qui perce k travers les ombres l de laplus obfcure nuit, & devant qui touï tes chofes jont nues 6? entïevement ouvertes. Pen-* O) P*. LXXXX. vs. 8. Tome. II. ^  334 SER. XllfurVs. XXXIII. vs. 13.1 $ Penfés que toujours & par tout Dieu vous voit & vous fonde; que vous pouvés auffi peu decliner fon jugement que vous derober a fes regards ou vous fouftaire a fa préfence; penfés y ferieufement, penfés y avant que la mort vous condamne a des pleurs 6? d des grincemens de dents éternels. Mais foit que vous penfiés ou non a la verité demon texte, elle n'en demeure pas mbins certaine & vous n'en êtes pas moins fous les yeux de PEternel qui regarde des cieux, «2? qui du lieu de fa refidence prend garde d toutes les aclions des hommes. 11. S'il eft neceffaire de rappeller cette verité au pêcheur qui s'égare & qui s'endurcit dans fon égarement, il n'importe pas moins de la préfenter a 1'hypocrite, & del'inviter a donner une attention toute particuliere a ce qui eft dit du coeur des hommes, qui ayant eté formé de la main de Dieu lui doit être parfaitement connü, comme le font tous fes ouvrages. Dieu en connoit en effet toutes les operations les plus fecrettes & les plus cachées: il appercoit nos penfées & nos deflrs, il démêle nos intentions, il pénètre nos vues, il decouyre les refforts & les mo* <■ v tifs  SER. XII. fur Ps. XXXIII. vs. 13 -1 f. 3 3 f tirs qui nous font agir; fon oeil pénétrant perce a travers tous les deguifemens que Phipocrite met en oeuvre pour pallier aux yeux des hommes, fa turpitude & ion vice: il perce a travers les illufions mêmes & les artifices d'un coeur defefpérément malin, qui cherche Part funefte d'endormir fa propre confcience! Dieu voit infailliblement que le coeur de eet hypocrite eft fort eloigné de lui, dans le tems qu'il le voitaborder fon tröne êP approcher de lui du bord de fes levres. Dieu appergoit les outrages que eet hypocrite machine en fon coeur, dans le tems même qu'il parle de paix d fon frere: Dieu pénétre les vues d'intérêt particulier que eet hypocrite ofe couvrir du pretexte facré de zèle pour les intéréts de la gloire divine. Oui, Mes Frères, Dieu voit tout cela du lieu de fa refidence, & il le voit avec indignation, avec horreur. II n'en eft point de fon tribunal comme des tribunaux humains, dont les juges peuvent être déI $us par des apparences trompeufes , & le font louvent en effet malgré la droitu1 re de leurs intentions: ces juges font Z % hom-  335 SER. XU.fur Ps. XXXIII. vs. 13-15 hommes, faillibles par confequent ; on peut leur cacher une partie des circonftances: ils n'ont pas le privilege de lire dans les coeurs: les mouvemens internes de Pame qui contribuent tant a qualifier une achon en bien ou en mal, leur font parfaitement inconnus — Par toutes ces raifons un hypocrite adroit & artificieux réusfira quelquefois a en impofer au juge le plus intègre & le plus éclairé: mais qu'il ne penie pas en pouvoir impofer a Dieu qui du tröne oü il fiege pour rendre la juftice a tous, Jonde le jujle gf le mechant , & qui toutes les ceuyres de Jes créatures Jont prefent es fans quon puiffe les cacher d fes yeux, paree qu'il forme également le coeur de tous les hommes, c? quil prend garde d toutes leurs. aSticns. lil. Un 3meordre de perfonnes qu'il importe de rappeller a une médltation ferieufe de la verité de mon texte, font ces mondains qui paroiiTent s'embraflfer davantage du jugement que les hommes portent de leur conduite, que de celui qifen forme le juge & monarque fuprême de funivers,. Combien d'hommes qu'on ne fauroit, k preprèment parlqr 3 taxer ni d'hypocnfie ni d'in-  iSER Xll.yïvrPa.XXXIII.vs. 13 -1 ST 33f d'incrédulité, qui paroitTent touchés d'un ; refpect fincère pour la réligion, mais qui , connoifTant mal 1'étendue des devoirs qu'I elle prefcrit en negligeant d'y faire 1'attention convenable, iönt tellement les efclave3 del'opinion, des jugemens humains, de ila. fauffe honte, de la coutume, de la mode & des maximes corrompues dumonide, qu'ils y facrifient dans 1'occafion les [ lumières de leur confcience «Sc les intéréts jfacrés de la réligion! Ah! Mes Frères3 qu'il y a de folie «Se delacheté dans une teile conduite! qui )efl tu que tu ayes peur de l'homme mortel qui imcurra, & que tu mettes en oubli 1'Eternel \ qui ta fait ? Quelle comparaifon y a-1 - il k i faire de 1'approbation de Dieu k celle dü i monde ? Eft - ce aux hommes qu'il vous imï porte de plaire, ou k Dieu qui vous doit I jnger ? J'avoue que le foin de con- ï ferver votre réputation vous eft permis, $ & même jusqu'a certain point neceffaire, i mais ceci doit toujours être reftreint k la ij réputation acquife iSc confervée par des . moyens licites,, & ne doit jamais a'éten3 dre k celle qui n'eft fondéequefur de faus i prejugés, ou fur certains ufages autonfés Z 3 Par  338 SER.Xll.fiirPs.XXXIII.vs. 13 -1 j par la perverfité des maximes du fiècleSe formellement condamnés par celle de la réligion. Aveugle 62 infenfé mondain! Tu écou« tes la voix du monde qui te reprélènte comme un noble effort de reffentir, & comme un point d'honneur, de la ver dans le fang de ton ennemi, 1'offenfe vraye ou imaginaire que tu te plains d'en avoir esfuyée; & tu méprifèe la voix de la réligion qui te dit de la pardonner; Sc tu étouf* fes la voix de ta propre conscience qui t'avertit que les meurtriers Sc les implacables riberiteront point le Royaume des cieux. Ah! pen:e, rappelle-toi que PEternel regarde des cieux, qu'il voit tous les enfans des hommes : il t'appellera en jugement pour te dire comme a Cain, fai vu le fang de ton frere que tu as repandu, & fon fang crie de la terre dmoi. Aveugle & infenfé mondain! tu penfés n'être ni raviffeur ni injufle, tu crois avoir merité a jufte titre la réputation d'une exacte droiture, quand tu as trouvé moyen de 1'établir ainfi que ta fortune, par des voyes qui te mettent a couvert de la punition des Loix & de ld pourfuite des hommes! mais penfe, exami-  SER. XII.fur?s. XXXIII. vs. 13 -1? 339 examine, fi les voyesque tuas employees peuvent foutenir fexamen & obtenir 1'approbation de Dieu qui en connoit l'artifice & l'infidèlité rappelle - toi que du lieu de fa refidence Dieu prend garde aux hommes & è toutes leurs actions. IV. Mais enfin cette même doctrine qui fait la terreur du pêcheur obftiné, la confunon de 1 hypocrite, Ia condamnation du mondain, fait auffi la confolation, & 1'encouragement du vrai fidele. Et d'abord quelles relfources de confolation ne lui fournit pas la perfüafion de cette verité, foit dans les accidens facheux auxquels la vie humaine eft communement expo'èe; foit dans ces calamités extraordinaires oü la Providence enveloppe quelque fois les bons avec les mechans; foit dans 1'oppreffion oü fe trouvent quelquefois plus que d'autres, les gens de bien pour fattachement même qu'ils temoignent a la réligion, a la verité, a la vertu ? Quelle confolation pour le fidéle dans toutes ces circonftances diverfès, de lavoir que fon état eft connü de Dieu, & que rien de ce qu'il fouffre ou de ce qu'il fait pour lui plaire, ne lui eft caché?— quelle Z 4 confo*  340 SER.XII./«rPs XXXIII.vs. 13.ij confolation pour lui dans le tems qu'il fe voit meprifé , calomnié , maltraité, & perfecuté par les hommes; quelle confolation pour lui de favoir qu'il a dans les cieux un temoin & un juge plus éclairé & plus refpettable! & que dis-je un juge, un temoin, c'eft un proteeteur tout - puisfant, un ami fidéle, un père tendre, qui ne 1'abandonnera point; qui a promis de le couvrir de Pombre de fes alles, qui faura infailliblement ou le delivrer des maux qu'il endure, ou les faire fervir a fon éternel bonheur, felon qu'il eft dit dans ce Pfeaume, que plus particulierement Poeil de PEternel efl fur ceux qui le craignent ö? qui s'att endent d fa gratuite; & ailleurs, que Poeil de Dieu fe promène ga £jp ld par toute la terre, afin qu'il fe montre fort en faveur de ceux qui ont le coeur droit devant lui. Quel encouragement infini, quels motifs a 1'obéiffance dans la pratique des devoirs obscurs, ignorés des hommes; & dans fexercice de ces acles de pieté qui n'ont que Dieu & la conscience du fidéle pour temoins? II lui fuflbt de favoir que Dieu le voit; Dieu qui connoit fes intentions, &  SER. Xlhföi Ps. XXXIII. vs. 13 -15 34.1 & a qui aucun trait du fincère defir qu'il a de lui obéir n'echape. 11 lui liiffit de favoir que Dieu fe tient prés de lui quand il le reclame; qu'il entendra fes foupirs ; qu'il ferre fes larmes dans fes vmffeaux; que fes aumones, qu'il fait de la main droite fans que la gauche s'en appergoive, pour être faites en fecret n'en font pas moins vues & remarquées par fon Pere qui ejl aux cieux, qui les lui rendra a decouvert ê? avec ufure: Pour tous tant que nous fommes Chrétiens! 1'ufage a retirer de la doctrine de mon texte, c'eft qu'elle ferve a nourrir& a fortifier notre foi au fujet de la Providence ; qu'elle nous falie placer notre confiance en Dieu feul; qu'elle nous infpire un humble & ardent défir de lui plaire & d'être approuvés de lui; qu'elle nous fafie agir, parler& penferavec la fage retenue «Sc la fainte circonfpection que nous doit infpirer 1'idée de fa refpectable préfence; qu'elle nous rende perfeverans dans 1'étude de Ia fanctification, & abondans en toute forte de bonnes oeuvres, pleinement aflurés que notre travail ne fera point vain au Seigneur, qui après avoir approuvé & béni les efforts que nous aurons faits ici Z $ bas  342 SER. XII. fur Ps. XXXIIL vs. 13 -15 bas pour lui plaire, leur rendra le temoignage le plus glorieux dans la jóurnée oü les fecrets des coeurs feront mamfeflés, & les courönnera dans fa grande mifèricorde, par des recompenfes éternelles. Dieu nous en falfe a tous Ia grace. AMEN. Fin du Second et Deènier Volume. AVIS  A V I & P. F. Gosse, Lihraire lmprimeur de la Cour 5 a la Haye 3 a imprimé 6? débite les Ouvrages fuivans: Confidérations fur les CEuvres de Dieu, dans le règne de la Nature & de la Providence, pour tous les jours de 1'Année, par C. C. Sturm; Ouvrage traduit de 1'Allemand fur la dernière édition, par une Perjonne Augufte qui occupe un rang trhs diftingué en Kurope, gr. in 8vo. 3 vol. Nouvelle Edition, Haye 1780. k f 6 - o - o Théologie de 1'Ecriture Sainte, ou la Science du Salut, comprife dans une ample colleftion de paffages du Vieux & du Nouveau Teftament, 8vo. 2 vol. Haye 1752. a . . < • ƒ3-o-o Recueil de Prières, precédé d'un Traité de la Prière, par feu M. le Pafteur Roques, M. duSt. Ev. aZelie, feconde édition augmentée, 8vo. LIayei7<52. a ƒ 1 - 16 - o Prières pour tous les jours de la Semaine, & pour les fêtes Chrétiennes, par M. Plftet, Pafteur & Profeffeur de 1'Eglife de Geneve, 8vo. 1775. a - • f 0 r 8 ' 9  Le Voyagc de Bethel, avec des Méditations & des Prières pour fe préparer a Ia Ste Cêne, 8vo. 1759. k . ƒ o - 12. - o Traité fur la Nature du Sacrement, traduit de 1'Anglois de Hoadley, 8vo Haye 1741. k . . . ƒ 1 • o - o Li même Libraire a acquit le reftan? des èlitions ou tient par nombre les articles fuivd isi Hiftoire Eccléfiaftique Ancienne & Moderne depuis la naiflancc dc Notre Seigneur JefusChrift, jusqu'au dix-huitième Siècle, &c. par feu M. le Baron dc Mosheim, traduit . en Francois fur la feconde Édition Angloife, publiéepar M. lePufLur Maclaine, 8vo. 6 vol. Y ver don 1 76 i 6-0-0 Confolations raifonnables & religieufes, par Formey, i2mo. Yverdon 1768. a ƒ o 15 . o Discours ou Sermons fur 1'Éducation des Dames, par M. J. Fordyce, Do&eur en Théologie de 1'Univerfité de G)asgovv$ trad. de 1'Anglois, édition retouchée par M. de Felice, nmo. Yverdon 1779. a ƒ 1 - o • o Discours Philofophiques fur les principes fondamentaux de la Religion, traduit de 1'Allemand de M. Jerufalem, 4. vol. iimo. 177°- k • . . ƒ 2 - 10 . o  Réponfe aux diffic'ultés d'un Théifte, ou Supplément aux Lettres fur 1'Etat préfent du C riftianisme. On y a joint un Sermon fur la Révocation dc 1'Edit de Nantes, par. Rouftan, Pafteur de 1'Eglife Helvétique h Londres,8vo.Londresi77i.a/ i • a - © Tab'cau Philofophique de la Religion Chrétienne confidérée dans fon enfemble, dans fa Morale & dans fes confolation?» Ouvrage traduit de 1'Anglois & rédige par M. le Profeffeur de Felice, 4 vol. iamo. Yverdon 1779. & . ƒ » - 12 - o Le même Ouvrage fur beau papier de Hollande a . . - - ƒ 6 - o - o   ERRATA, Page 37 ligne n en a, Hfit en la. , i 18 que, lifés qui. , I4I 21 avec 1'exiftence de Moyfe, lifés avant 1'exiftence de Moyfe. t „ I5o 26 reolution , lifés refolution, , I?3 M— 17 Jeurs verfet, K/Zf leurs vers' , X88 . 23 conformation, lifés confirBiation. „ 195 20 ce qui, Hfés ce que. Toms II. A a