SERMONS SUR DIVERS TEXTES D E L'ÉCRITURB S A I N T E, PAR FEU Daniël Theodore Hüët, Pafleur de FEglife Walonne Utrecht. tome second. Imprimé pour la Veuve de l'AUTEUR. A AMSTERDAM, Cia D. J. CHANGUION. MDCCXCVII.  Ces Sermons ont été revus & approuvés par les Egüfes examinatrices.  T A B L E DES SERMONS contenus dans ce II. Volume. I. SERMON. Sur la venue du Rédempteur. Voki, je in en vais envoyer mon MeJJager, ê? U préparera le chemin devant moi, incontinent le Seigneur que vous cherchez entrera dans fon temple, VAnge, di-Sr-je, de V Aïliance , lequel vous défirez : voki ü vient, a dit VEternel des Armèes. Malachie III. i. Page i. II. SERMON. Sur 1'agonie du Sauveur. Alors il fe retira d'avec eux environ iim jet de pierre,~& sétant mis a genoux , il prioit , difant ; Pere , fi tu voulois tranjporier eet te coupe lom de moi! 2outefois que ma volonté ne foit point faite, mais la tienne! Et un Ange lui apparui du del le fortifiant. Et étant en agonie , il prioit plus injfamment : fa Jueur devint co mme des grumeaux de fang, découlans en terre. Luc. XXII. 41-44. 3 o. * * JII.  w T A B L E. III. SERMON. Sur Jesus-Christ livré par Pilate. Et Pilate voyant qiïil ne gagnoit rien, mais que le tumulte saugmentoit, prit de Veau-, " & fe lava les mains devant le peuple, difant; je fuis innocent du fang de ce jufte, vous y penferez : <5? tout le peuple n-pondant, dit; que fon fang foit fur nous fur nos enfans! Alo'rs il leur reldcha Barabbas , ayant fait fouetter Jesus , il le leur livra pour et re crucifiê. Matthieu XXVII. 24—26. 58* IV. SERMON. Sur 1'infcription de la croix. Or Pilate fit un ècriteau, qüil mit fur la croix, 6? oii étoient écrits ces mots; Jesus LE NaZARIEN , LE RQI DES JüIFS. Et plufienrs des Juifs lurent eet ècriteau, paree que le Hen oh Jesus étoit crucifiê étoit prés de la nik ; 6? H étoit écrit en Hébreu , en Grec, & en Latin. Les principaux Sacrificateurs des 'Juifs dirent dom a Pilate; néc-ri point, le Roi des Juifs, mais que celuuci a dit-, je fuis le Roi des Juifs. Pilate réponditi ceque fai écrit» je ïai écrit. Jean XIX. jp—22, ' 88.  T A B L E. Y V. SERMON. Sur le partage des habics du Sauveur. Or les foldats , quand ils eurent crucifiê Jesus , prirent fes yêtemens, en firent quatre parts, une part pour chaque foldat: ils prirent aufii le faie; mais le faie étoit fans couture , tijfu tout d'une piece depuis le haut jufquen bas. Ils dirent donc entreux, ne le mettons point en pieces, mais jettons le au fort a qui ïaura. Et ce fut afin que VEcriture fut accomplie, qui dit; ils ont partage entr eux mes yêtemens, & ils ont jetté le fort fur ma robe- Les foldats donc firent ces chofes. Jean XfX. 23. 24. 114. VI. S E R M O N. Sur Marie au pied de la croix. Or prés de la croix de Jesus étoit fa Mere> & la fioeur de fa Mere , Marie femme de Cléopas, & Marie Madelaine. Jesus donc voyant fa Mere , & pres d'elle le Difciple quil aimoit , dit a fa Mere , Femme, voila ton fils: puis il dit au Difciple , voila ta Mere; <2P des eet te heure la le Difciple la prit chez lui. Jean XIX, 25-27- 139- * 3 VIL  vi T A B L E. VIL SERMON. Sur les deux brigands. Et Vun des malfaiteurs qui étoient pendus, Voutrageoit , difant; fi tu es le Christ, fauve toi toi-méme, jgp nous auffu Mais, Vautre, rèpondant, lereprenoit, difant; au moins ne crains-tu point Dieu , puifque tu es dans la mëme condamnation ? Et pour nous, nous y fommes juflement: car'nous -recevons des chofes dignes de nos forfaits, mais celui-ei na rien fait qui ne fe dut faire. Puis il difoit 'a Jesus, Seigneur, fouvien toi de moi quand tu viendras en ton regne.^ Et Jesus lui dit: en vérité je te dis, quaujourd'hui tu Jeras ayec moi en Paradis. Luc. XXliL 39-43. 166. VUL SERMON. Sur la plainte du Sauveur en croix. Or depuis fix heures, il y eut des ténébres fur tout le pays , jufqua neuf heures. Et environ les muf heures, Jesus cria a haute yoix, difant; Eli, Eli, lama fabachtani, cefl-a-dire , mon Dieu , mon Di'èu , pourquoi m'as-tu abandonné? Et quelques - wis de ceux qui étoient la , ayant entendu cela, dirent, celui-ci appelle Elie. Et incontinent quelquun d1 entreux accourut, & prit une éponge, & layanê  T A B L E. vir Vayant remplie de vinaigre , il la mit au bout dun rofeau , lui en donna a hoire; mais les autres difoient, laijfe , yoyons fi Elie viendra pour le fawer. Matthieu XXVJI. 45—49. 194. IX. SERMON. Sur la fatisfa&ion du Sauveur a la juftice divine. (*) Marchez dans la charité, comme Christ aujji nous a aimës, <5? s'eft donné folmême pour nous en oblation 6? en facrifice a Dieu9 en odeur de bonne fenteur. Ephesiens (*) Préparation a la Ste Céne. X. SERMON. Sur l'imitation de la charité du Sauveur. Marchez dans la charité, comme Christ aufi nous a aimês, & sefl donné foi-même pour nous en oblation 7' Mal. III. 18. Jaq.lV.12. 2 Chron. XX. 6. 12 SERMON eft ce Dieu du Jugement, duquel ils avoient dit, oii efl-il ? & qui avoit deffein de montrer au bout de quelque tems la diférence quil met entre le jufte 6? le mêchant, entre celui qui le fert, 6? celui qui ne Ta point feryi. D'ailleurs, a quei fimple homme pourroit être applicable la magnifique defcription que le Prophete fait a la fuite de mon texte, de la venue, de la Majefté redoutable, de 1'autorité abfolue, & des ceuvres merveilleufes du Seigneur dont il a parlé ? De qui Fapparition eft-elle a craindre pour les hommes; devant qui font-ils hors détat de fubftfter; a qui appartient-il de les éprouyer, de les purifur, de les ré» compenfer ou de les punir: fi ce n'eft a ce Dieu, qui eft le feul Légiftateur qui peut fauver 6? détruire, & a qui appartient la fagejje & la force, enforte que nul ne peut lui réfifler ? Enfin, ce Seigneur étant appellé ïAnge de VAlliance, ce qui le diftingue de tous les autres Anges, ne peut être que celui, qui, dans divers paffages de XAncien Teftament,, eft appellé tantöt un Ange, & tantöt l'eternel ; titre incommunicable, que YEcriture ne donneroit pas a un Ange créé. 2°. C'eft  fur la venue du Rêdempteur. i 2°. C'eft ce qui nous mene a une fecoi de confidération, qui doit rouler fur l titres que porte ici 1'illuftre Perfonna^ dont 1'autre devoit être le Mejfager. 11 el appellé, le Seigneur que vous cherchez, i ÏAnge de VAlliance lequel vous défirez. Peut-être y a t - ïl quelque différenc entre ces deux termes, chercher & défiret Peut - être le premier exprime t-il le vee-, qu'affeétoient de former les Juifs hypo crites, tandis que le fecond marqué le dé fir ardent & fincere que nouriffoient le Juifs fideles & pieux, que Dieu exécuta les promelTes de délivrance qu'il avoi faites k fon peuple, Quoiqu'il en foit; la nation Juive en général attendoit ut Meffie; & c'eft ce Meffie qui lui eft ic annoncé fous deux titres. II eft appellé, le Seigneur. Et qui m fait que c'eft comme Seigneur que le Mejfu eft dépeint dans FEcriture, foit par lei noms qui lui font donnés, foit par la domination qui lui eft attribuée ? Et' qui feroit-il en effet, ce Seigneur qui devoit entrer dans fon temple, finon celui duquel il eft dit, fai facré mon Roi fur Sion9 mon. 3 'S e l k | | [ | pr.if.s,&  Pf.CX.1,2. El». IX. 5. Efa. XI. I. Tér. XXiII.5. Dm. VII. 10. rr.11.7-& Heb. I.5. 14 SERMON montagne de ma fainteté: demande moi, & je te donnerai pour ton hêritage les nations, & pour ta pojfeffton les bouts de la terre. VEternel a dit a mon Seigneur, fieds toi a ma droite, jufqu'd ce que faie mis tes ennetnis pour le marchepied de tes pieds. LEternel tranfmettra de Sion le fceptre de ta force, difant, domine au milieu de tes ennemis. Celui dont les Prophetes s'éerient, VEnfant nous eft né, le 'Fik nous a étè donné, Vempire a étè pofè fur fon êpaule. 11 fortira un rejetton du trom dlfaï, 6? m furgeon croitra de fes racines. Voici les jours viennent dit r Eternel, que je fer ai lever 'd David un germe jujle, qui régnera comme Roi; il profpérera, & exercera jugement ê? jufiice fur la terre. Ce n'eft auffi qua ce Seigneur, que peut appartenir le titre dAnge de lAlliame qui eft employé dans mon texte. II eft Ange, non par fa nature, puifqu'il n'eft pas du nombre de ces Intelligences créêes qui ajfistent par milüons autour du tröne célefte; mais par Jon office, & paree que ce même Dieu qui lui a dit, tu es mon Fils, je fai aujourdhui engendré, 1'a fait fon Envoyé, tant  fur la venue du Rédempteur. i< tant pour annoncer de fa part aux hom mes, de bonnes paroles, des paroles de confo lation, que pour exécuter en fa propri Perfonne , les chofes confolantes qu'i leur annonceroit. II eft VAnge de VAl liance, celui que Dieu, immédiatemen aprës le pêché de 1'homme, a promis pou: Libérateur a 1'Eglife; celui qui a marchf a la tête des Ifra'êlites dans la colomne d nuée; celui enfin qui devoit un jour' parottre au monde, en forme de chair dt pêché 6? pour le pêché, afin de fceller pai fon fang pur & fans tache, répandu er. rémijfwn des offenfes, VAWumce inviolabk qui procure aux hommes la paix envers Dieu. 3°. Confidérons en troifieme lieu pai rapport a ce Seigneur dont parle mon texte, le dejfein qu'il s'attribue. C'étoit dentrer dans fon temple, peu aprés Tappan tion de fon Mejfager. Par ce temple, on ne peut entendre que le fecond temple de Jérufalem, qui avoit été rebati par Zorobabel & Jehofuah aprcs le retour de la captivitê de Babylone, & dans lequel du tems de Malachie, on célébroit le fervice divnr, com- ■ Zach. I. 13. [ " Gen.IU.j5. - ExocU : XIV. 19,24. , &xxm. 20-23. ! Rotn. , VIII. 3. 1 Pier.1.19. Matt. XXVI. !•».  Agg. IL 9 16 SERMON comme il paroit par divers traits de fort Livre. Cette explication fe fortifie par la confrontation du pafftfge dAggée, oü il eft auffi parlé du fecond temple. Ces deux paffages fe donnent mutuellement du jour: & par cela même qu'ils font trés clairs en les expliquant de cette maniere, & que cette explication eft la feule, qui leur donne ce degré de clarté; cette explication fe juftifie comme la feule recevable. II eft certain que dans Aggée, il eft parlé du fecond temple, & non pas d'un troifieme, puifqu'il y eft nommé exprelTément, cette dernier e maifon, ce lieu-ci. II eft certain encore que Dieu n'y promettoit pas au fecond temple, une gloire mondaine, puisqu'en ce fens la, le temple de Salomon avoit été beaucoup plus glorieux. Et non feulement celui-ci étoit plus riche, plus magnifique, plus fomptueux que ne le fut la feconde maifon; mais outre cela il la furpaffoit en gloire par cinq témoignages miraculeux de la préfence divine, qui n'eurent pas lieu dans cette feconde maifon. Certainement, lArche de lAlliance, la Nue'e lumineufe, les Urim cP Thummim par les- quels  fur la venue du Rêdempteur. 17 quels Dieu rendoit des Oracles, le feu célejle defcendu fur 1'Autel, & l'Efprit prophétique qui fe manifefta alors en abondance; donnoient au premier temple un fi haut degré de gloire, que pour la furpaffer, comme l'annon^oit la Prophétie d''Aggèe, il ne falloit pas moins que la préfence du Meffie. II eft donc naturel d'expliquer ainfl eet Oracle, & de dire que fi la gloire de la feconde maifon devoit être plus grande que celle de la première, c'eft que le Meffie devoit un jour ïhonorer de fa préfence, & y donner des marqués de fon autorité divine. Et c'eft a quoi fe rapporte parfaitement la Prophétie de mon texte; puifqu'il y eft dit que le Seigneur que cherchoient les Juifs, VAnge de VAlliance qui faifoit 1'objet de leurs dêfirs, entreroit dans fon temple. Prédiélion, a la fuite de laquelle eft attribuée a ce Seigneur, a eet Ange, comme je 1'ai déja remarqué, une autorité Sc une puiffance, qui ne conviennent pas a un fimple mortel. Tom. IL B  iS SERMO N II. P A R T I E. Tel étant, Chrétiens, M. T. C. F., le feul fens raiformable qu on puiffe donner a la Prophétie de mon texte; oü en pouvons nous chercher /'accomplijffement que dans la venue de notre Seigneur Jesusührïst? Et s'il s'eft accompli en JesusChirïst, quel auire que lui peut être le Meffie? Tremiirement il eft certain, que puisque cët Oracle devoit s'accomplir pendant la durèe du fecond temple, & par la venue du Meffie; il faut que le Meffie foit venu il y a au de-la de dix-fept eens ans, puisqu'il y a autant que le fecond temple ne fubfifte plus. II te écé détruit jufques dans fes fondemens, de telle maniere, que quand au même endroit on en rebatiroit un autre, ce qüe 'PEmpéreur Jutten a vainement entrepris, fédifice qu'on y batiroit feroit un nouvel édifice, un troifieme temple, & non pas le même que le fecond ; tout comme le fecond n'étoit pas le même que celui qui avoit été bdti par Salomon. En fecond lieu, les Juifs reconnoiffent que  fur la venue du Rèdempteur. ip que eet -Oracle ne sext pas accompli avant la venue Jesus-Christ, puifqu'il devoit s'accomplir par la venue de Meffie, & que felon eux le Mejfie neft pas encore venu. II ne peut pas non plus s'accomplir dans la fuite ? puifque le fecond temple, comme je viens de le remarquer, eft irréparablement détruit. II dok donc oij riétre pas accompli, auquel cas Malachie auroit été un faux Prophete; ou avoir eu fon accomplijffement entre la naiffance de Jesus-Chris r & la defriktion du ficond temple. En troifieme lieu, fi les Juifs, pour nous enlever les confequences que nous tirons de ces Oracles en faveur de la mijfwn divine de Jesus^Christ, prétendent que le temple oü ,il eft entré, étoit un troifieme temple, ils fe mettent dans le plus cruel embaras: paree que ce qxïJggée & Malachie avoient prédit, devoit fe paflèr fous le fecond temple, & que le Mejfie n'étant pas venu avant la naiffance de JesusChrist, comme lesjnifs 1'avouent, puisqu'ils 1'attendent encore; il fe trouveroit qtiMggée & Malachie feroient de faux Prophetes. II eft faux au refte que le B 2 tem»  20 SERMON tempk ou Jesüs-Christ eft entré, ait été un troifieme temple; & le Faftueux récit de 1'adulateur Jofephe * ne nous fera jamais croire , au mépris du bon fens & des Prophéties, qu' Hérode, qui étoit un tres petit Roi, dépendant de la puiflance Romaine, ait eu le pouvoir de démoür le fecond temple & d'en bdtir un nouveau, quand même les Juifs auroient été affez infenfés pour le lui permettre. Et d'ailleurs eet Hiftorien peu fidele, décrit ce prétendu fait d'une fa§on qui fe détruit d'autant plus elle-même, qu'il y mêle une circonftance dont la faufieté faute aux yeux. C'eft donc du tems de Jesüs-Christ, & pendant la durée du fecond temple, qui a été embelli & non pas rebdti par Hérode; que f Oracle de mon texte a eu fon accompliffément. Et eet accomplijfement en qui le trouverons nous, qu'en JesusChrist même? ïo. II eft certain que la venue de JesusChrist , quand il fe prépara a excercer publiquement fon miniftere, a été annoncêe par * F. Jofephe Antiq, Jud. Liv. XV. Chap. XIV.  fur la venue du Rêdempteur. 21 par un Perfonnage illuftre, qui, après avoir dit qu'/7 alloit venir, 1'a fait connoïtre pour le Mejfie, en difant de lui, voila VAgneau de Dieu qui ote le pêché dumonde. Ce Perfonnage avoit avec Elie une reffemblance frappante. Comme Elie il fut Prophete, & le peuple le reeonnut pour tel. Comme Elie il fut fimple dans fon extérieur, étant a fon exempie vêtu de poil, ceint d'une ceinture 'de cuir. Comme Elie il mena un genre de vie dur & pénible, fréquentant les déferts, & renoncant aux commodités de la vie. Comme Elie il eut une Morale pure, prêchant la piété & la vertu, & cenfurant le vice dans les grands comme dans les petits, fans avoir égard a ïapparence des pcrfonnes. Et il ne faut que conférer la matiere & les vues de fa Prédication, pour y reconnoïtre ce qui avoit été dit par Efaïe; la voix de celui qui crie au défert, eft; préparcz le chemin de VEternel, drejfez parmi les landes les fentiers a notre Dieu. Tout nous montre donc en lui le premier des deux Per fonnages dont il eft parlé dans mon texte. B 3 Tout Jean I. • Mstr. XIV. 5. M1tt.III.42RoisI.8. Ëfa.XL.3.  22 SERMON * Loc. II. £0,22, &C. Luc. II. 42,46,47, Tout nous dit que Jean-Baptifte étoit le Mejfager dont Malachie avoit parlé. 20. Si nous tfouvons én ce faint homme Paccompliffement de la première partie de mon texte. nous ne trouverons pas moins Vaccompli(jement de la feconde en Jesus-Christ. On ne conteftera pas que Jesus-Christ eft entré dans le temple qui fubfiftoit de fon tems, & qui, comme je 1'ai moritré plus haut, étoit le fecond temple, cette derniere maifon dont parloit Aggèe. Les Juifs conviennent qu'il y ëft entré, puisqu'ils difent qu'il a pénétré jufques dans le Sanctuaire, pour y apprendre la prononciation du Nom de Dieu, par lequel, felon eux, il a fait tant de mifacles. II he s'agit donc plus ici que de voir fi Jesus-Christ. a donné dans ce temple des preuves, qu'il étoit le Seigneur, & l'jtnge de TAlliance dont Malachie avoit parlé. De faints Perfonnages 1'y ont reconnu pour tel, lorfque peu après fa naiffance il fut porté dans eet édifice faeré, pour y être prêfenté d Dieu felon Tufage de la Lot. Agé de douze ans, il y lit paroitre une  fur la venue du Rëdanptcur. 23 fagejje, & une connoijfance de la Religion, qui marquoient clairement en lui un Perfonnage extraordinaire, & qui ravirent en en admiration ceux qui en furent témoins. Ces heureux commencemens ne fe dérnentirent point dans la fuite, puifque le Fils de Marie eut a peine quitté la vie privée qu'il avoit menée a Nazareth, que tout retentit dans la Judée du bruit de fes mira^ cles, & qu'il donna lieu a ce fage difcours d'un des principaux d'entre fa nation, Maitre, nous favons que tu es un Docleur venu de Dieu: car perfonne ne peut faire ces fignes que tu fais, fi Dim n'eft avec lui. II fe montra Seigneur de toutes chofes: ici, en changeant de ïeau en vin; Ia, en appaifant dun mot les vents les ondes: tantöt, en multipliant un petit nombre de pains au point de rajfafier plufieurs milliers de perfonnes; tantöt, en choffant les Démons, en guèriffant les malades, & en rejfufcitant les morts. Par cela même il s'efl montré ï Ange de VAlüanct, le Fils de Dieu, le Libérateur dlfraël, aquifeul il appartenoit de faire des chofes fi merveiileufes; en attendant que felon fes proB 4. pres Jean III. 2. \ Jean IL 3. Mare. IV, 39- Mut. XIV. 15. Mare. [. 23, &C Mate. XI. 4= 5- /  SERMON j Tim. II 6. Matr. XXI. j[0, 12. 23' Matt. XXI i*. Eft. XXXV 5,6. pres prédiétions, il donnat fur la croix fa vie en rangon pour les pécheurs, comme il 1'a fait effeélivement, & comme cela étoit attribué au Mejfie dans les Prophetes. Et fans entrer ici dans le détail de tout ce que Jesus-Christ a fait pendant fa vie; ne Fa t'-on pas vu , après avoir été recu dam Jérufalem comme le Roi Mejfie, entrer dam Ie temple & en chajfer ceux qui le profanoient par un infame trafic, avec une puisfance, a laquelle fes ennemis n'oferent oppofcr que cette queftion; de quelle autorité fais-tu ces chofes, & qui fa donné cette autorité? Ne Fa t'-on pas vu, en guérijfant dans 1'enceinte de ce même temple des aveugles & des hoiteux, vérifier par ces miracles bienfaifans, tant le pouvoir & ]a charité qui devoientcaraftérifer/eM# qui, felon St. Paul a été exaucée; avec lest événemens qui la fuivirent. II eft certain que Jesus-Christ a achevé Toeuvre qui lui V avoit été donnée h faire: il a été pris comme un brigand, condamné par des Juges iniques, déchiré de verges, couronné dépines, mené a la tuerie, & attaché a la croix: & tout c^ cela Matt.XX224 éb. v, 7. ■anXVII 4*  36 SERMON Eph'.V.a. Gtl.Iir. '3 Heb. V. 7. Heb. V. 8. Phil. II. 8 cela en qualité de Sauveur des hommes, 3e Répondant qui devoit porter a leur place les traits de la juftice célefte. La chofe n'eft pas douteufe, après ce que dit St. Paul dans fon Epïtre aux Ephéfiens; Christ nous a aimés s'efl donné foi-même pour nous en oblation & en facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur: & dans celle aux Galutcs ; Christ nous a rachetés de la malediclion de la loi, ayant étè fait malédiclion pour nous, vu qu'il efl écrit; maudit eft quiconque pend au bois. Comment après cela, eet Apötre a t-il pu dire dans fon Epitre aux Hèbreux, que Jesus-Christ, ayant durant les jours de fa chair, offert, avec de grands cris £? avec larmes, des prieres des fupplications a celui quipouvoit le fauyer de la mort; a été cxaucé de ce qu'il craigmit: & cela tandis qu'il remarque luimême, que Jesus-Christ , quoiquil fut le Fils, a pourtant appris Tóbüffance par les chofes qu'il a fouffertes; obéïjfance, qui, comme je viens de vous le rappeller, a été pouffée jufqu'd la mort, même la mort de la croix. Pour réfoudre cette diiTiculté, remar- quez,  fur Vagonie du Sauveur. 37 quez, M. F., que Dieu exauce toujours ceux qui le prient, quand leurs prieres font bien réglées, comme 1'ont été toutes celles de Jesus-Christ : aufïi avoit-il dit lui-même, je favois bien que tu niexauces toujours. Mais comment Dieu les exauce-t-il ? Ce n'eft pas toujours en les délivrant des maux qu'ils craignent ou qu'ils fouffrent. C'eft quelquefois en les y laiffant, mais en empêchant par fa gr ace, qu'ils n'y fuccombent. Ainfi , il exauca St. Paul, non en fa'fant retirer daupres de "lui VAnge de Satan qui le foujf.etoit; mais en lui donnant la force de fupporter fes outrages. , II a pu de même exaucer Jesus-Christ, fans faire paf er loin de lui la coupe qu'il craignoit de boire; en lui accordant tous les fecours dont il avoit befoin dans la cirGonftance oü il alloit fe trouver. Peut-être que le Sauveur, qui, è ïexception du pêché, étoit femblable a nous en toutes chofes, a craint (dans ces momens oü 1'humanité fe montroit en lui toute entiere,) que les maux qui le menacoient ne fiffent fur lui une impreffion fupérieure a fes forces: & que ce fut pour obtenir C 3 de Tean XI. 42. 2 Cor. XII 7-9- Uéb, IV. 15. & II. 17.  Tean LVIII li 38 SERMON de Dieu qu'il en températ la rigueur, qu'il s'écria jufqu'a trois fois; Pere, fi tu youlois tranfporter cette coupe kin de moi! Priere, qui a été exaucée, puifque Jesus* Christ a fouffert, fans y fuccomber, tout ce qu'il falloit foufFrir pour nous fauver. Quoiqu'il en foit de cette explication, deux chofes font conftantes. L'une, c'eft que, quoique Jesus-Christ ait bu, comme il le dit a Pierre, la coupe que 'le Pere lui avoit donnée, il a pourtant, puifque St. Paul 1'alTure, été exaucé de ce qu'il craignoit. L'autre, c'eft que dans cette ardente priere, Pere, ft tu voulois tranfporter cette coupe kin de moi! il n'a manqué ni de foumiflion envers Dieu, ni de charité pour les hommes. II ne cherchoit point a fe fouftraire aux ordres d'enhaut: il ne renoncoit point au deffein de s'offrir pour nous a la juftice divine. Réfolu de faire tout ce que le Pere voudroit, & de foufFrir tout ce qu'il faudroit , pour le falut de l'Eglife ; fa réfignation & fa bonne volonté parurent abondamment dans fa priere même. Pere, fi  fur Fagonie du Sauveur. 39 fi tu voulois tranfporter cette coupe kin de moi! Toutefois que ma voknté ne foit point faite, mais la tienne! II. La feconde chofe que nous avons a confidérer, c'eft Xapparition qu'eut notre Seigneur dun Ange, qui le fortifia. Rien ne me paroit plus éioigné des exprefïïons de 1'Evangélïfte, que la penfée qu'il s'agit ici d'un mauvais Ange, qui vint infulter & attaquer le Sauveur. Premierement; St. Luc parle d'un Ange cékfie: car qu'on traduife, il lui apparut du Ciel un Ange; ou, un Ange du Ciel lui apparut; ou enfin, un Ange lui apparut, le fortifiant du Ciel: cela défigne toujours un de ces Efprits de lumiere, qui obéïfient a Dieu, & qui ont le Ciel pour leur féjour ordinaire. Et en fecond lieu, le terme que notre Verfion a traduit par le fortifiant, ne fignifie pas, que je fache, fe fortifier contre quelqu'un, & lui faire viplence; mais le fecourir, ou lui donner de courage. De forte que toute cette phrafe, un Ange lui apparut du Ciel, le fortifiant, ne peut fe prendre que dans un bon fens, pour dire qu'un Meiïager célefte fe prefenta C 4 de-  40 SERMON pr. CIII. 20,21 Matt. XXVI. 53. devant le Sauveur pour le fortifier. Et cela nous fournit diverfes remarques. i°. Cet Ange ne vint pas de lui-même & fans la volonté de Dieu: car les Anges ' du Ciel font les miniftres de Dieu, & font fa volonté, en obéïjfant d la voix de fa parole. Et cela montre que Dieu, quoiqu'irrité contre nous & voulant que fon Fils fouifrit pour nos péchés, n'avoit pas retiré de lui fon affeétion; & qu'il étoit pret a le foulager, autant qu'il feroit polïible fans déranger le plan de notre falut. 2°. Nous y voyons la parfaite réfignation du Sauveur, a faire ce qu'il faudroit pour nous fauver: puifqu'au lieu d'employer, comme il le pouvoit, douze légions d'Anges pour empêcher fes ennemis de venir le prendre, il fe contenra d'un feul, dont le miniftere tendoit, non a le fouftraire aux maux qu'il prévoyoit, mais a lui fournir dans fa détrefle, les fecours que fa fituation aétuelle lui rendoit néceffaires. 3°. Enfin, ce fecours ne confifta pas a partager avec lui la peine qu'il devoit foufFrir pour nos iniquitês. A cet égard, il  fur ïagonie du Sauveur. 41 il n'y avoit ni homme, ni Ange, dont 1'affiftance put lui être utile; & en ce fens auffi. il a été feul a fouler au prejfoir, & perfonne .ne lui a aidê. Mais cet Ange le fortifia, fans doute en lui addrelfant des.difcours confolans & propres a lui donner .du courage, tels qu'on en pouvoit attendre en cette occafion d'un Ange de lumiere. Peut-être auffi, cet Ange defcendit-il jufqu'auprès de lui pour lui donner quelque. fecours corporel & propre a ranimer fes forces, que fon extréme détreffe avoit épuifées. III. Ce qui femble donner quelque poids a cette conjecture, c'eft, M..F., lafueur fanglante dont notre Seigneur fe trouva couvert; & qui montre que les angoilTes dont fon ame étoit agitée, firent de vives imprefïions fur fon corps. Je dis une füeur fanglante: car, quoique St. Luc ne dife pas en pcopres termes, que Jesus fua du fang > it s'exprime cependant de maniere a nous le faire croire. Sa fueur, dit-il, devint comme. des grumeaux de fang-, découlans en terre. A quoi bon parler ici de fang, & ne pas dire fimplement, C 5 ' fa Era. LXill. 3.  42 SERMON fa fueur devint comme des grumeaux, s'il avoit feulement voulu faire entendre , que la fueur du Sauveur fut fi forte & fi abondante, qu'elle s'èpaijfit en grumeaux? Puis donc qu'il dit expreffément qu'elle devint comme des grumeaux de fang, il faut, ce me femble, en conclure, qu'il y eut effeétivement du fang mêlé parmi, qui en la rougiffant, la faifoit paroitre, comme autant de grumeaux de fang. Quant a la nature du fait, on en cite d'autres exemples, qui, quoique rares, ferviroient a prouver que Jesus - Christ a pu fans miracle fuer du fang. C'eft une queflion que nous ne difcuterons point, & dont la décifion n'eft nullement effentielle a notre fujet. Une fueur fanglante, miraculeufe ou non, eft certainement un phénomene extraordinaire. Et de quelque maniere quelle ait eu lieu en Jesus-Christ, elie fait toujours foi de la fituation douloureufe oü il étoit réduit. Car s'il a fué du fang par miracle; Dieu, qui n'en fait aucun fans quelque raifon, a fans doute voulu nous marquer par la, combien fon Fils bien-aimé devoit foufFrir pour nous, & par  fur Yagonie du Sauveur. 43 par quelles angoifles il devoit paiTer pour conforamer fon facrifice. Et fi cette fueur fanglante a été produite en Jesus-Christ par des caufes naturelles, elie nous montre dans quelle détrefie il fe trouvoit alors; puisqu'une trifteiTe ou une frayeur ordinaire , n'eft pas capable de produire fur le corps de celui qui la fouffre, un efFet auffi peu commun. Que dis-je? quand même la fueur du Sauveur dans cette occafion, n'auroit pas été mêlée de fang, comme 1'exprefïïon de St. JLuc nous donne tout lieu de penfer qu'elle le fut; cela feul,. qa'elle fut affez abondante & affez épaiffe pour fe rafiembler en grumeaux, montreroit fuffifamment la violence des angoifles dont fon ame étoit agitée. II. P A R T I E. - C'eft-la, Chrêtiens, M. T. C. F., ce que nous avions a remarquer fur ce texte, a le confidérer du cöté hiforique. Voyons maintenant dans une feconde Partie, queL les font les inftruSlions qu'il nous donne, foit pour le Dogme, foit pour la Morale. I.  44 SERMON Héb II 17 & IV. 15 Mait. XXVI. 33 I. Pour ce qui regarde les dogmes, Ia narration que nous avons méditée, nous en offre deux a confidérer. 10. Que Jesus-Christ a reyêtu la nature humaine. 2°. Qu'il a foufert d notre place pour Vexpiation de nos péchès. 10. La narration de mon texte nous montre en Jesus-Christ un véritable homme, un homme femblable a nous en toutes chofes, excêpté le pêché. Du pêché, vous n'en voyez point en lui. Au milieu de fes détreffes, & dans le tems quel'idée de ce qu'il auroit a foufFrir fur la croix, lui caufoit déja par avance une frayeur mexprimable; il 'ne lui échappa pas un mot , qui marqué du murmure , de la défobéïfFance. Mais du reffce, tout nous montre en lui une véritable humanité. Vous y voyez en lui, une ame humaine, un efprit créé , fufceptible de trifejfe, iïépouvahte, de douleur. Mon ame eft attriflée jufques d la mort. C'étoit donc un efprit humain , tres diftincT; , trés différent de fa divinité. Vous y voyez en lui un corps humain, organifé comme les notres, .participant aux dculeurs de fon  fur Vagonie du Sauveur. 45 fon ame, en recevant les impreffions, contenant dans fes veines un fang, qui fe mêlant ïla fueur qu'il exhale, fe répand avec elie jufquen terre. C'étoit donc un corps réel, & non pas fantaftique & fans fentiment. Vous y voyez enfin en Jesus-Christ, une volonté humaine, diftinéte de celle de Dieu. Car Jesus-Christ , en qualité de Dieu, n'a pas une autre volonté que celle de ƒ0» Pere. Et s'il n'avoit pas eu ce défir naturel qui nous porte a éviter les maux; s'il n'y avoit pas eu en lui une volonté, différente de celle de fon Pere, quoique foumife a fes ordres: comment auroit-il pu lui dire fans contradiétion, que ta volonté foit faite, £? non la mienne? 2°. Je dis en fecond lieu, que notre texte concourt a établir cette vérité, que Jesus-Christ a foufert a notre place, pour Texpiation de nospêchés: ou, comme nous exprimons auffi ce dogme, que Jesus-Christ dans fa Paffion, a fatisfait pour nous a la juflice divine. Nous avons en faveur de la vérité de ce dogme, des preuves directes, qu'il ne s'agit pas maintenant de produire. Je veux feule- ment  46 SERMON Jean vi. 27. Héb. VII. 26. Jean X.ig ment vous faire remarquer, M. F., que la narration de mon texte concourt a établir le dogme de la fatisfaction, paree que nous y voyons en Jesus-Christ des chofes, dont il eft impolfible de rendre raifon fans ce dogme, & qui dès qu'on 1'admet, ne font plus inexplicables. Qui eft celui qui a foufert, & les détrefes dont parient les Evangéliftes, & le fupplice dont les approches lui cauferent tant de'pouvante? C'eft le Fils de Dieu; celui que le Pere, qui Vaime, a fcellé de fon cachet; celui d'entre tous les hommes qui rïa jamais été fouillé d'aucun vice, d'aucun pêché; qui a toujours été faint, innocent, fans tache. Et comment donc, Dieu, qui eft la juftice & la bonté même, a t-il pu foumettre a tant de maux ce Fils innocent, fi ce n'eft paree que ce Fils, maftre de fa vie, s'étoit volontairement engagé a les foufFrir pour le falut des hommes ? Qiïa t-il foufert? Qu'a du être pour lui le fupplice fi honteux & fi douloureux par lui-même, d'expirer fur une croix; fupplice que Dieu même avoit rendu fi re-  fur l'agonie du Sauveur. 47 redoutable par cette déclaration, maudit efl celui qui pend au bois? Jugez en par 1'horreur & 1'épouvante que lui en cauferent les approches Voyez le Fils de Dieu, le Saint le Jufle, dans le tems que fes ennemis ne fe préfentent pas encore pour le prendre, n'envifager qu'avec frayeur les maux qui vont fondre fur lui. II efl: épouvantê , angoijfê, faifi d'une triflejfe mort elie : il prie, il fe profterne; par trois fois il préfente a fon Pere, avec de grands cris & avec larmes, des prieres & des fupplications: il faut qu'un Ange defcende du Ciel pour le fortifter: fa détrejfe efl: telle, que fon corps s'en reffent au point de répandre une fueur fanglante. Et fi dans la fuite, il fe préfente a fes ennemis avec un front intrépide; s'il fouffre fur le Calvaire avec le plus grand courage: ce n'eft qu'après avoir donné en Gethfe'mané les marqués de la plus grande frayeur. II faut donc néceffairement de deux chofes 1'une: ou que 1'on faffe a Jesus-Christ 1'injure de fuppofer qu'il a été moins ferme, moins réligné a la mort, que ne 1'ont enfuite été Deut. XXI. 23. Gal. III. 13. Act. III. 14.  Luc. xxui.43 i Tim. l15. Efc. lui. 5. 1 Pier. ii. 21. 48 SERMON été ceux de fes difciples qui ont fouffere le martyre; ou qu'on reconnoifle, qu'il ne craignoit pas la mort même, qui devoit 1'introduire dans le Paradis, & le délivrer de tout mal: mais 1'effet de la déclaration que j'ai citée, maudit efl celui qui pend au boisl II. En nous rappellant ainfi les dogmes qui font le fondement de notre falut, notre texte nous fournit des legons de morale trés dignes de notre attention. Un des motifs qui doivent nous porter a la pratique des vertus Chrètiennes, c'eft que Jesus-Christ , qui nous les a recommandées, les a lui-même exercées. C'eft aufii fous ce point de vue que la Paffion du Sauveur nous efl dépeinte dans plus d'un paffage. Cette vérité certaine digne ff être entiérement regue, que Jesus-Christ a été navré pour nos forfaits & froifjé pour nos iniquités, cette vérité doit fervir, & de motif, & de regie a 1'exercice de la fainteté. Car il eft dit que Christ a foufert pour nous, nous laifant un patron, afin que neus fuiyions fes traces. Or dars ce patron, qui nous offre en général le mo-  fur f.agonie du Sauveur. 4 modele de toutes fortes de vertus, nou trouvons entr'autres deux traits bier marqués dans mon texte: la piété enven Dieu; & la charité envers les hommes.. i°. L'exemple du Sauveur, dans h narration que nous avons méditée, nous apprend a être pieux envers Dieu: & cette piété doit renfermer, avec un ardeni recours k 1'affiftance du Pere célefte, une foumiffion entiene a fa volonté. Je dis ur ardent recours k 1'afliftauce du Pere célefte, La Priere eft un des devoirs les plus faint: de la Religion; & elie nous eft furtout néceffaire, quand nous fommes dans l'afflidion. T a t-il, ait St. Jaques, y a t-ü quelqu'un parmi vous qui fouffre ? Quil prie. Et- c'eft ce que Jesus-Christ nous dit ici par fon exemple. Saifi de triflejfe, rempli dépouvante k la vue des maux qui le menacent, que fait-il pour tr onver des confolations ? II s'adreffe a celui qui en eft la fource. // préfente diverfes fois des prieres g? des Jupplications, a celui qui pouvoit le délivrer de la mort. Pere, s'écrioit-il, dans la douleur dont fon ame étoit agitée, Pere, SjU efl pojfible, fi tu Tom. II. D voth \ \ 1 j 1 j»q.V.I3. Héb, V. 7.  a Cor. xu. 9. Job II lo. 50 SERMON youlois tranfporter cette coupe kin de moi! Recourir a Dieu, le fupplier que de maniere ou d'autre il nous délivre des maux qui nous affligent ou qui nous menacent, c'eft un des devoirs de la piété. Mais pour que ces prieres foient véritablement pieufes, il faut qu'elles foient accompagnées d'une entiere foumiffion d la volonté de Dieu. II nous eft bien permis de fouhaiter que Dieu nous exauce; il eft même de notre devoir d'efpérer qu'il nous exaucera: mais ce n'eft pas a nous a lui en prefcrire Ia maniere. Perfuadés que fa gr ace nous fuffit, & que fa vertu peut s'accomplir dam les plüs grandes infirmités; nous devons, en lui demandant du fecours, lui laiffer le choix des moyens qu'il voudra mettre en ufage, & être prêts a recevoir de fa main les maux qu'il nous prépare. C'eft encore ce que nous montre 1'exemple de Jesus-Christ. II ne fe refufa point a ce que voudroit fon Pere. En le priant de faire pajfer cette coupe kin de lui, il ajoutoit a chaque fois, cependant que ta volonté foit faite, non la mienne. Et, comme nous 1'avons mon-  fur Vagonie du Sauveur. 5-1 montré par un paflage de St. Paul, ayant été1 exaucé de ce qu'il craignoit, il éprouva ainfi lui-mê,me ce que nous enfeigne fon difciple bietuai'mé, que notre affitrance envers 1 Dieu, c'eft que fi nous demandons quelque chofe felon fa volonté, il nous exauce. 2°. Une ardente charité pour les hommes eft la feconde vertu dont mon texte nous montre le modele en Jesus-Christ. Si nous devons fuivre Fexemple de Jesus notre Mattre, nous fommes donc dans 1'obligation de faire k nos prochains, c'efta-dire, a tous les hommes fans diftinétion, tout le bien qui dépend de nous. Nous ne pouvons pas faire pour eux, tout ce que Jesus-Christ a fait. S'il eft des cas oü nous devons mettre notre vie pour nos freres, ce n'eft pas dans le même fens qu'z'/ a mis fa vie pour nous; puifqu'il n'y avoit que lui dont la mort put expier les péchés des hommes. Mais, de même que Jesus-Christ a fait pour nous ce qui dépendoit de lui; de même nous devons faire pour nos freres ce qui dépend de nous. Nous ne pouvons pas expier leurs fautes, mais nous pouvons prier Dieu qu'il les leur D 1 par- JeauV. 14. 1 Jean iii. 16.  ■Rom. XII. 21. i Pier. ii. 21. 52 SERMON pardonne. Nous pouvons, chacun felon les talens qu'il a recu du Ciel, les employer au bien les uns des autres: partager nos biens avec ceux qui font en néceflité; faire fervir notre force ou notre addreffe, a délivrer ceux qui font en danger; nos lumieres, a inftruire les ignorans; notre autorité, a protéger finnocence opprimée. Nous pouvons, fi quelqu'un nous offenfe, lui par donner le mal qu'il nous a fait, nous abftenir de lui en faire, & lui rendre même le bien pour le mal. Ce fera la imiter Jesus-Christ. Ce fera montrer, que ne pouvant 1'égaler, nous voulons du moins fuivre fes traces. APPLICATION. Ce font la, Chrètiens, M. T. C. F., les legons particulieres que nous fournit notre texte. Mais ce ne font pas les feuls ufages que nous devons en tirer. Pour nous appliquer avec fruit les vérités que nous avons méditées, nous devons, en nous les rappellant fréquemment, les confidérer avec un efprit d'humilité, de reconnoijfance, de foi, & de fanclification. I. EU  fur t agonie du Sauveur. 53 I. Elles doivent nous in|pirer un efprit dhumilité. D'oü vient que celui qui étoit venu au monde pour nous fauver, a été réd uit, lui riche, lui Fils de Dieu, a la pauvreté & a la mifere? Pourquoi, dans fa forme de ferviteur, a t-il éprouvé le mépris & les outrages des contredifans, & fini les jours de fa chair par un fupplice, que, comme nous 1'avons vu, il n'a pu envifager fans épouvante ? Rien n'eft plus humiliant pour nous, puifque ce qui rendoit tout cela néceffaire a notre bonheur, c'eft que nous étions fouillés d'iniquité, & expofés aux traits de la juftice divine, dont les droits ne peuvent être anéantis. De toutes les paffions qui nous poffédent, il n'en eft point peut-être de plus univerfelle que 1'orgueil; & il n'en eft point qui nous convienne moins. Corrompus des notre naiffance, n'ayant apporté au monde aucune fainteté, coupables d'une infinité de fautes actuelles, criminels en penfée, en parole, & en oeuvre; nous méritions nous-mêmes les opprobres & Vignominie dont Jesus-Christ , le Saint & le Jufte, a été couvert pour 1'amour de D 3 dous. [Tim. 1.15- 2 Cor. Vlll.p. Phil. II. 7. Héb. XII. 3 Héb. V. 7 AA. UI. 14  54 SERMON iCor.IV? Gen. XXVIII.17 nous. Et fi, naturellement égaux devant Dieu, nous avons, foit pour le temporel, foit pour le fpirituel, quelqu'avantage fur d'autres, qu'avons nous que nous ne Yayons recu? Et fi nous l'avons recu, pourquoi nous en glorifierions nous, comme fi, nous ne Vavions point recu? II. Mais fi notre état naturel n'étoit que vice, & que mifere; & fi c'eft pour nous en retirer que Jesus-Christ innocent a été traité comme un coupable: quelle n'eft donc pas la reconnoiffance que nous lui devons? Avoir appaifié envers nous la jufiice célefte, nous avoir ouvert la port e des deux, & procuré 1'avantage de demander avec confinnce & avec fuccès le pardon de nos péchés la vie éternelle; & tout cela par ïhumiliation la plus profonde, par les fouffrances les plus ameres, par des maux qu'il n'a foufferts avec courage, qu'après les avoir envifagés avec horreur: n'eft-ce pas avoir acquis fur nous les droits les plus facrés, & folliciter de notre part de la maniere la plus prefiante, que nous foyons reconnoijjans de ce qu'il a foufièrt pcür nous? Ah! qui pourroit 1'être affez? Qui  fur ï agonie du Sauveur. 55 Qui pourroit célébrer avec une afiez vive gratitude, celui qui nous a aimés, 6? quiE s'e/l donné foi-même pour nous en oblation £f en facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur ? lil. Mais fi nous reconnoiflons, que Jesus-Christ , par les chofes qu'il a fouf* 1 fertes, eft VAuteur unique du falut: c'eft donc en lui feul auffi que nous devons chercher le falut. C'eft ce que j'ai appellé un efprit de foi. En demandant a Dieu les biens néceflaires a notre bonheur, le pardon de nos ofenfes, 1'affiftance de fon Efprit, la poffeffion de la vie èternellet ce doit être au Nom de Jesus-Christ; c'eft-a-dire, comme des chofes qui ne nous font point dues, auxquelles de nousmêmes nous n'avons aucun droit» & qui ne peuvent nous être données qu'en vertu de fon obéïffance. C'eft ce renoncement a tout mérite propre, c'eft ce recours a la jufiice du Fils de Dieu, c'eft ce défir dêtre jufiifiés par lui de tout ce dont nous ne pouvons être jufiifïés par nous-mêmes, qui fait un des caraéteres diftinólifs de la foi Chrétienne. Et c'eft par cette foi D 4 que ph.V. 2. léb.V.8,9. Phil. iii. 19. Aft. xiii. 39.  5ö SERMON Rom. III. 23, 24. e Cor. Vlï. 1. que 1'on entre en poffeffion des fruits de fon facrifice. Car nous ne pouvons être jufïifïés que gratuitement par la grace de Dieu, par la rèdemption qui efl en JesusChrist , que Dieu a e'tabli propitiatoire par la foi en fon fang. IV. Enfin, ces mêmes vérités doivent nous infpirer un efprit de fanclification. La foi & Vamour de la faintetè font 'inféparables. Comment pourrions nous être frappés de l'exemple de Jesus-Christ ; comment aurions nous une vraie humilité a 1'idée de nos péchés, une fincere gratitude envers le Sauveur, un véritable recours k fa juftice: fans être difpofés k le prendre pour modele, & a obéïr aux loix de fon Evangile? Et que nous offre t-il, ce modele, finon un tableau de toutes les vertus? Que nous ordonne t-il, cet Evangile, finon de nous attacber a la fainteté? Une obéïflance parfaite, je Tavoue, eft encore au deffus de nos forces. Mais fi nous fommes vrais Chrétiens, il n'eft pas au defius de nos forces d'y tendre, & d'en approcher de jour en jour. C'eft pourquoi, mes fr er es bien-  fur tagonie du Sauveur. 57 bien-aimês, nous conformant aux ordres de Dieu, & nous appuyant fur fes promejfes, nétoyons nous de toute fouillure de chair & defprit, achevant la fanclification en fa erainte. Veuille t-il nous en faire a tous lagrace! Amen. D 5 SER,  Jér.XVII.9 SERMON SUR jêsus-christ livré par Pilate. Et Pilate voyant qu'il ne gagnoit rien, mais que le tumulte iaugmentoit, prit de Veau, ê? [e lava les mains devant le peuple, difant; je fuis innocent du fang dfe ce jujïe, vous y penferez: £5? tout le peuple rêpondant, dit; que fon fang foit fur nous ils 1'avoient déja préalablement dépouillé, avant de le crucifier. Par les habits, on peut entendre en général toutes les pieces qui cómpofoient 1'habillement ordinaire des Juifs, outre le faie ou la tunique, qui eft ici nommée d part. De-la il femble qu'on doit déja conclure que Jesus-ChrisT fut mis en croix, nud. Ët ce qui fortifie cette conjeclure, c'eft que - c'étoit la H 4 ëou-  iao SERMON eoutume de dépouiller entiérement ceux k qui 1'on infligeoit ce fupplice: couturae, dont il n'eft pas a croire qu'on fe foit départi dans cette occafion, vu le peu d'égard & de ménagement qu'on témoigna d'ailleurs pour le Sauveur. D'un autre cöté, en ótant ainfi a Jesus-Christ fes habits, on ne fit rien d'extraordinaire, non plus qu'en les partageant: tout cela étoit d'ufage. S'il n'eft pas remarqué que cela fe fit auffi envers les deux brigands, c'eft que ce n'eft pas ici leur hiftoire, mais celle de notre Seigneur, oü il n'eft fait mention d'eux qu'autant que le demandoit le foin de nous apprendre, qu'il avoit êté mis parmi les iniques. Ainfi, par exemple, il ne nous eft pas dit qu'o» leur mit un ècriteau fur la tête; de même ici, il n'eft pas dit que les foldats partagerent leurs habits.. C'eft que cela ne nous regarde pas: au lieu que pour ce qui concerne les habits du Sauveur, il nous importe de favoir ce qu'ils devinrent. Auffi les Evan-. géliftes, & St. Jean en particulier , ont eu foin de nous en informer. Les vêtemens du Sauveur furent le partage des foldats qui  fur le partage des habits du Sauveur. 111 qui Vavoient crucifiê. lis en firent quatre parts; finon par rapport a la tunique, fur laquelle ils jetterent le fort pour ne pas la déchirer. Pour le partage, on remarque qu'il étoit aifé par rapport au manteau que les Juifs portoient par deffus leurs autres habits, vu qu'étant compofé de quatre pieces, les foldats n'eurent qu'a les découdre. Et c'eft aufli ce qu'ils firent, comme le montre ce qui fuit relativement a la tunique du Sauveur. Comme elie étoit tiffue cTune feule piece fans aucune couture, on n'auroit pu la divifer fans la ga ter: & c'eft ce qui engagea les foldats a la laijfer entiere, & a jetter au fort a qui ïauroit. lis dirent entreux; ne mettons point ceci en pieces, mais jettons le au fort d qui ïaura. II femble y avoir quelque diverfité entre ce récit de St. Jean, & celui des autres Evangéliftes. Ceux-ci s'expriment tous d'une maniere qui femble infinuer, que les foldats jetterent le fort, non fur la tunique feulement, mais fur tous les habits du Sauveur. St. Mare dit même, qu'ils H 5 par- Marc. XV. 24  124 SERMON Tean XIX. 19, &c. Luc. XXIII.3' part ager ent fes vêtemens, en jet tant le fort fur eux, pour volr ce que chacun emporteroit. Pour concilier ceci, on pourroit remarquer que les Evangéliftes en rapportant les mêmes faits, ne les ont pas toujours rapportés avec une égale précifion. Ce que Firn dit en fubftance, un autre le dit plus en détail. Par exemple, il n'y a que St.Jean, qui ait rapporté le titre de la croix du Sauveur en fon entier, & qui ait fait mention de la plainte des Juifs au fujet des expreffions que Pilate y avoit employées. De même ici, les trois premiers Evangéliftes fe font contentés de rapporter le fait en gros, fans infifter fur les circonftances; & leur récit, quoique plus concis, ne renferme rien de contraire a celui de St. Jean. Mais il y a plus: car on peut fuppofer que les foldats, (& c'eft peut-être le fens précis de 1'expreffion de St. Luc,) - ayant d'abord fait quatre parts égales des habits du Sauveur, jetterent le fort pour voir a qui chacune de ces portions tomberoit; & qu'enfiiite, ils jetterent encore le fort fur la tunique entiere, paree qu'on  fur le partage des habits du Sauveur. 123 qu'on ne pouvoit la divifer fans la détruire. De forte que, bien loin que le récit des trois premiers Evangéliftes contredife celui de St. Jean, ils fe font tous exprimés avec beaucoup d'exaétitude. Et la feule poffibilité que 1'affaire fe foit ainfi pafifée, fuffit pour.öter d'ici toute ombre de contradiótion. Les Evangéliftes fe réunifient donc tous a nous apprendre, que les foldats femirent en pofleffion des vêtemens du Sauveur, en partie en les divifant en quatre portions, & en partie par Ia voie du fort: fort, qui fut fpécialement mis en ufage pour décider a qui appartiendroit la tunique. De forte que nous voyons ici raccompliffement de cette Prophétie, ils ont partagê entreux mes vêtemens, ils ont jetté le fort fur ma robe. Auffi 'St. Matthieu & St. Jean en font la remarque exprefïè. Ce fut afin que fut accomplie l'Ecriture, qui dit; ils ont partagê entreux mes vêtemens, & ils ont jetté le fort fur ma robe. On fent bien qu'en s'exprimant ainfi, ils n'ont pas voulu dire, que les foldats aient eu defiein daccomplir les Ecritures. En partageant les ha- 0 pr. XXII. ip. Matt. XXVII. 35.  H4 SERMON habits du Sauveur après ï'avoir crucifiê, ils ne firent que fuivre 1'ufage, qui leur affignoit les habits des fuppliciés: & quant a la tunique, le bon fens leur diétoit, qu'il valoit mieux la laijfer'par le fort a Tun d'entr'eux, que de la rendre inutile a tous quatre en la déchirant. Mais il n'en eft; pas moins vrai, & que les foldats accomplirent par la les Ecritures, & que dans les vues de la Providence, cela arriva ainfi, afin que les Ecritures s'accomplijfent, & qu'on trouvat en JesusChrist ce caraétere du Meffie. Auffi FEvangélifte, après avoir ainfi rapporté ce que les foldats firent a 1'égard des habits du Sauveur, infifte encore fur cet événement, en ajoutant expreffément, les foldats - donc firent ces chofes. Cette remarque ne peut point être confidérée comme une répétition inutile. Elie tend fans doute a exciter 1'actention du lecteur : a faire comprendre a ceux qui liroient cette hiftoire, que ce n'eft pas pour rien que cet événement nous a été confervé : a leur rappeller que ce fait, qui en lui-même ne paroit pas fort im- por-  fur le partage des habits du Sauveur. 125 portant, ne laifle pas, par les conféquences qui en découlent, d'être pour nous un fait de la derniere importance. Effeélivement, cette circonflance fi fimple en elle-même , ce partage que les foldats firent des habits de notre Seigneur, ce fort qu'ils mirent en ufage a 1'égard de fa tunique, nous préfente des réflexions tout-a-fait dignes de notre attention, & que nous allons développer dans une feconde Partie. II. PARTIE. ti Premiérement, M. F., il efl certain que la circonflance rapportée dans mon texte, doit être confidérée comme une partie des maux que notre Seigneur a fubis pour nous. Si vous y faites bien attention, vous y trouverez plufieurs traits qui doivent avoir concouru a augmenter fes foujfrances. 10. On 1'avoit dipouillè de fes habits, & cela ne doit pas s'être fait fans douleur. Après que notre Seigneur eut fubi la flagellation, on lui avoit remis fes vêtemens au  f Mntt. & XXVII. 31. s Sam. X.4. 5. 10 SERMON au lieu du manteau de pourpre dont dü Ta voit d'abord couvert par moquerie. Ces vêtemens, appliqués fur fa chair meurtrie, preffés par la croix qu'il porta, & par les cordes dont on l'avoitjié fans doute, ne peuvent que s'être colfés en plus d'un lieu a fes plaies. Jugez par la de ce qu'il fouffrit! Ah! fi la main d'un Chirurgien habile, qui en levant 1'appareil d'une bleffure, employé toute fa dextérité a ne pas faire fouffrir le hleffé, ne laifTe pas quelquefois de lui caufer de vives douleurs: que ne dut pas fouffrir le Sauveur, quand des foldats, brutaux & inhumains comme le prouve toute cette hifloire, lui arracherent a la hate des habiüemens attachés a fa peau déchirée & fanglante ? 2. A, la douleur fe joint l'ignominie. Cen étoit une, de voir fes vêtemens devenir le partage de fes bourreaux, puisque en fuivant a fon égard cette coutume, on le traitoit en criminel. Cen étoit une plus grande encore, de fe voir ainfi expofê fans couverture aux regards de tout un peuple. Si les gens de David fur ent dans une grande confufwn, de ce qu'on  fur le partage des habits du Sauveur. 127 qu'on avoit coupé une partie de leurs habits; fi David lui-même trouva cette aclion affez odieufe pour en tirer raifon par les armes: quel affront ne fut-ce pas pour le Saint & le Jujle, de fe voir fur la croix dépouillé de tous fes vêtemens! Auffi tout ceci faifoit-il partie des outrages qui faifoient dire au Meffie, je fuis un ver & non pas un homme, ïopprobre des hommes & le rejetté du peuple! II. Vous voyez dans le récit de mon texte, Vaccomplifjement des Prophéties. Cela arriva, afin que l'Ecriture fut accomplie, qui dit, ils ont partagé entreux mes vêtemens, & ils ont jetté le fort fur ma robe. C'efl David qui a écrit ces paroles : mais il les a écrites comme un Prophete, qui dépeignoit davance les fouffrances qui devoient arriver au Christ; & non pas comme un homme qui fe trouvoit luimême dans les circonftances qu'il rapporte. Ce feroit attribuer a ce faint homme des expreffions bien étranges, que de vouloir qu'il ait dépeint la fes propres maux. Les chofes dont il s'agit, ne lui étant pas arrivées a la lettre, il faudroit donc don- A1fi.1n.14. Pf.XXtl. 7. pr. XXII. IQ. Aft. II. 3e, 1 Pier. I. 10, 11.  ij8 SERMON vr. XXU.17. & JO. donner a fes cermes un fens figuré. Mai^ oucre qu'il n'y a pas la moindre refiemblance entre les traverfes qu'on a fufcitées a David, & les aétions ici rapportées, de per eer fes mains £? fes pieds, de partager fes habits & de jetter le fort fur fa robe; outre cela, dis-je, comment David, voulant exprimer au figuré fes propres infortunes, auroit-il employé des expreffions, toutes prifes d'un fupplice, étranger a fa nation, & qui même n'avoit pas lieu 'de fon tems? Je le répete donc; David parloit ici comme Prophete. David y dépeignoit , non fes propres opprobres, mais ceux que le Meffie devoit fubir. lis ont partagé entreux mes vêtemens, ils ont jetté le fort fur ma robe; c'étoit un trait de ïignominie que devoit éprouver le Rédempteur, après qu'on auroit percé fes mains S? fes pieds. Ce trait dignominie fe trouvant en Jesus-Christ crucifiê, concourt donc a nous montrer en lui ce Rédempteur, duquel David les autres Prophetes avoient prédit les fouffrances. C'eft a nous Ie faire remarquer que tend la réflexion de 1'Evangélifte; cela arrivay  fur te partage des habits du Sauveur. 129 afin que fut accomplie ÏEcriture, qui dit, ils ont partagè entreux mes vêtemens, & ils ont jetté le fort fur ma 'robe. III. Reconnoiflèz donc en troifieme lieu dans cet événement, la direclion de la Providence. Par cela même que nous y voyons fi parfaitement , fi clairement accomplie une prédiélion , faite tant de fiecles auparavant; comment pourrions nous y méconnöitre, la difpenfation d'un Dieu, qui annoncant les chofes a venir, g? les faifant connoitre avant qu'elles Joient ; arrivées, dirige tellement les événemens, que les plus contingens fe réuniffent a accomplir ce qu'il a prédit? Dieu ayant entr'autres caracleres du Mejfie tracé celui-la; que Von partageroit fes vêtemens jetteroit le fort fur fa robe; il étoit nécesfaire que cela s'exécutat en Jesus-Christ, comme en efièt nous en voyons 1'exécution dans mon texte. Cependant voyez que de chofes, qui naturellement pouvoient ne pas arriver. Pour que cette Prophétie s'accomplit exaclement, il falloit qu'on partagedt les vêtemens du Sauveur, aprèa lui avoir percé les mains les pieds: il Tom. II. I fai- Efa. (UV. 7- HV. 21.  Aft. IV. 28 130 SERMON falloit qu'il fe trouvat précifément parmi fes habillemens, une piece fans couture, qu'on ne put diyifer fans la rendre inutile: il falloit qti'au lieu de partager tellement les habits du Sauveur, que celui qui auroit la tunique eut une moindre part dans le relte; les foldats convinffent de partager également le relfe, & de jetter le fort pour favoir' a qui appartiendroit la tunique. Tant de contingences reünies, & qui par leur réunion accomplifjent une prédiétion formelle dans un homme, en qui nous voyons d'ailleurs fe réunir divers autres événemens non moins contingens5 ont vifiblement éts dirigées par la Providence; & les foldats , cn faifant ces chofes, ont fait les chofes que la main & le con feil de Dieu avoient auparavant dèterminèes devoir être faites. IV. Nous voyons ici, M. F., un exemple, & de Yutilité que renferment par rapport a nous, certains faits peu confidérables en foi; & de Vufage que nous devons en faire. D'un cöté les Ecrivains facrés nous ont confervé plufieurs événemens, qui au premier coup - d'ceil paroiffent peu importans; mais qui par leur reiation avec le  fur Ie partage des habits du Sauveur. 131 le refte de 1'Hiftoire fainte, deviennent tres dignes d'attention. Par exemple, dans les verfets qui précédent mon texte, St. Jean fait un récit fort fimple du titre que Pilate mit fur la croix du Sauveur, & du refus qu'il fit de le changer. Mais approfondiffez ce récit, vous admirerez que la Providence ait tellement dirigé les chofes, qu'un miférable Payen annonca publiquement que Jesus eft le Christ, encore qu'il ignorat lui-même, combien ce quil avoit écrit étoit véritable. De même ici. Peu nous importeroit fans doute, de favoir quels habits Jesus-Christ a porté: mais il nous importe beaucoup de favoir qu'il eft le Sauveur du monde; & par conféquent, de favoir que les Oracles fe font accomplis en lui. Donc, toute circonflance, fi'petite qu'elle foit, qui nous montre en lui V accomplijfement d'un Oracle, devient digne de confidération. Donc, il nous efl utile & nécesfaire de favoir, que parmi les vêtemens du Sauveur, il y avoit une piece fans couture, tijfue depuis le haut jufques en bas, puifque c'eft par la que s'accomplit cette Ecriture, I 2 ils  JeanXX.]!, Aft. UI. 14 Mare. vi ;6\ 132 SER M O N ils ont partagé éntfeux mes vêtemens, £$f* ils ont jetté le fort fur ma robe. D'autre cöté, quel ufage devons nous faire de ces fortes de circonftances ? C'eft celui-la même que nous en avons fait; je veux dire de les conférer avec les Prophêties, & d'y puifer par cette confrontation des preuvcs, que Jesus efl le Christ a qui devoient arriver ces chofes. En les employant ainfi, on entre dans les vues que les Ecrivains facrés fe font propofées en nous les rapportant; témoin ce que St. Jean ajoute, • afin que VEcriture fut accomplie, qui dit; ils ont partagé entreux mes vêtemens, 6? ils ont jetté le fort fur ma robe. V. Enfin, M. F., je trouve dr.ns 1'hiftoire de mon texte, un excellent prêfervatif contre la fuperfiition. Si les chofes qui ont fervi aux Saints doivent être expofées a la vénération des fideles, les habits de Jesus-Christ furtout méritoient bien cet honeur. Des ■ vêtemens qui . avoient couvert la chair facrée du Saint & du Jufte; des vêtemens par ïattouchement defquels plufieurs perfonncs avoient étè  fur le partage des habits du Sauveur. 133 gue'ries; des vêtemens qui fervirent a Vaccomplijfement dun Oracle: de tels vêtemens valent bien, fans doute, tant de chofes de néant, qu'on n'a pas honte de faire révérer par un peuple ftupide. Et cependant Jesus-Christ a fouffert que fes habits demeurafiênt a fes bourreaux; il a permis que de vils Payens fe ferviffent de fes propres vêtemens. Les fideles de fon tems n'ont pas fait la moindre démarche pour recouvrer des dépouilles fi précieufes: ni Jofeph d'Arimathée, ni Nicodeme, qui étoient en état de les racheter a grand prix, ne les ont retirées des mains des foldats, qui fans doute, les auroient volontiers cédées pour de 1'argent. Cette conduite du Sauveur & de fes difciples, ne condamné t-elle pas la conduite de 1'Eglife Romaine ? Et quand il ne feroit pas douteux fi les reliques qu'elle expofe a fes dévots, ont appartenu a ceux a qui on les attribue; quand il feroit certain que ces reliques ont. été a de^ faints Perfonnages: ce que Jesus-Christ a permis qu'on fit de fes habits, fans que ceux qui croyoient en lui aient fongé k les I 3 re-  134 SER M O N Jean XVU. 20 retirer d'entre les mains Payennes qui les avoient pris: tout cela, dis-je, ne montre t-il pas que la confervation même de ces chofes comme de chofes faintes, eft une pratique fuperftitieufe? Combien plus, tandis' qu'on en fait des objets de vénéra-, tion religieufe? APPLICATION. FiniiTons par nous recueillir fur les événemens de mon texte. Je vous y ai fait remarquer, M. F., un trait de ce que Jesüs-Christ a fouffert pour nous, une des chofes qui ont contribué a lui caufer de la douleur, & a le couvrir dignominie. Quelle reconnoifance ne doit pas exciter dans nos coeurs, envers ce Sauveur infiniment charitable, 1'idée, que toutes ces chofes, il les a fouffertes pour nous! En effet, pourquoi le Fils de Dieu s'eft-il abaijfé, humilié, anéanti au point de fubir, avec les plus vives douleurs, les plus grands outrages ? *^'a été pour affranchir tous ceux qui croiroient en lui, de la mifere &del'infamie dont Ie pêché les avoit rendus dignes, Vous  fur le partage des halits du Sauveur 13; Vous le voyez ici, dépouillé de fes vêtemens^ ne pofleder plus rien au monde: que.cela vous rappelle, qu'étant riche, il s"efl fait pauvre pour vous, afin que par fa pauvrete vous fuffiez rendus riches. Vous le voyez ici, traité comme un fcélérat, digne des plus grands opprobres: que cela vous rappelle, qu'il a fubi cette honte, lui jufte, pour vous injufies; lui innocent, pour vous coupables; lui qui n'avoit aucun fujet de rougir, pour vous a qui mille circonftances de votre vie doivent infpirer une jufte confufion ! S'il s'eft volontairement abaiffé a la forme de ferviteur; c'a été pour nous élever a la glorieufe condition denfans de \ Dieu! S'il a foufert la honte, c'a été pour. nqus couronner de gloire fëf dhoneur! Que de gratitude, que d'amour, que d'attachement envers ce bon Sauveur, doivent nous infpirer ces réflexions: anous, créatures honteufement déchues de leur innocence primitive, pécheurs indignes de toute bienveuillance! Quels fentimens affez tendres, quelle affeclion affez vive peut répondre a la charité que k Fils de Dieu, nous a tèmoignée? Et que pouvons nous I 4 ja> > 2 Cor. VIII. 9. I P!?>r. Ui. 18. ?hü. II. 7. iéb. II. 10. £11 2. & II. 9.  136 SERMON Héb. II, J, Mart. XI. tl jamais faire pour le glorifier, qui ne foit bien au deffous de ce qu'il a fait pour nous fauyer? Mais s'il nous eft impoffible de récompenfer ce divin Sauveur de fes peines; fi par cela même que nous avions befoin de lui, nous fommes dans 1'impuiflance de payer fes bienfaits envers nous: faifons du moins ce dont il veut bien fe contenter. Et après les nouveaux droits qu'il s'effc acquis fur nous, en nous rachetant d'un efclavage, qui ne nous difpenfoit pas de 1'obéïffance qui lui efl due; ne nous refufons pas a ce qu'il nous demande. Ce qu'il nous demande c'efl de croire en lui. C'efl de reconnóitre & de recevoir avec une vraie fincérité de cceur, dans fa do&rine, une doctrine célefte; dans fon facrifice, le prix de notre rédemption; & dans fes pre'ceptes, la regie de notre conduite. C'eft de ne pas rejetter par incrédulitê ou par une foi fiérile en bonnes ceuyres, le grand falut qu'il veut nous procurer. C'eft de ne pas nous éloigner de lui, quand il nous tend les bras, en nous invitant a yenir d lui,  fur le partage des habits du Sauveur. 137 lui. C'eft de ne pas nous obftiner a nous perdre, après tout ce qu'il a fait pour mus fauver. C'eft dimiter fon exemple, de nous former fur fon modele, d'acquérir de jour en jour de nouveaux traits de relfemblance avec lui. Parmi les diverfes vertus dont il nous recommande i 1'exercice, font cette humilité, cette patience, cette charité, dont toute fa Paffion, & mon texte entr'autres, nous montre en lui le parfait modele. Voyez le fubir fans murmure les opprobres les plus humilians. Voyez le accomplir a la lettre ce préce^te de fa bouche, fi quelquun veut foter ton habit, laiffe lui auffi la robe. Voyez le fouffrir la douleur & Vignominie, par Vamour qu'il avoit pour nous. Et jugez enfuite, s'il eft trop févere envers nous, en exigeant que nous devenions humbles, patiens, & charitables? Et quoi de plus jufte ? Qui fommes nous pour nous êlever par orgueil, nous que le pêché rend dignes du plus profond mépris? Qui fommes nous pour manquer dê fupport, nous qui par tant de défauts avons befoin qu'on nous fupporte ? Qui fommes nous I 5 pour Matt.v.40.  Luc. XI 3,4- Eph. V. 2 lPier.n.21 & III. 18. ^Matt.V.jó. SER- 138 SERMON fur le partage &c. pour nous difpenfer des devoirs de la charité, nous qui ne pouvons être heureux ni dans cette vie, ni dans 1'autre, fi Dieu . ne nous donnoit notre pain quotidien, & ne nous par donnoit nos ofenfes? Au Nom de ce Dieu clément & mifëricordieux, au Nom de fon Fils qui s'eft donné foi-même pour nous, penfons aux grands devoirs que le nom de Chrétiens nous impofe! Que nul d'entre nous ne cóntribue a affliger VEglife de Dieu, & a affermir le monde dans fon incrédulitd, par le trifte & odieux fpedacle , d'une dévotion hypocnte, d'une foi fans ceuvres, d'un Chrifiianifme fans piété. Plutót, nous ■ efforcant de marcher fur les traces de celui qui a foufert pour nous, qui a. foufert lui jufte pour nous injuftes; faifons luire notre lumiere devant les hommes, afin quils voyent nos hennes ceuvres, 6? qu'ils glorifient notre Pere qui eft aux deux! A lui foit gloire a jamais! Amen.  SERMON SUR Marie au pied de la croix. Or pres de la croix de Jesus étoit fa Mere, & la fozur de fa Mere, Marie femme de Cléopas, & Marie Madelaine, Jesus donc voyant fa Mere, fi? pres delle le Difciple quïl aimoit, dit a fa Mere, Femme, voilé ton fils: puis il dit au Difciple, voila ta Mere; 6? dès cette heure ld le Difciple la prit chez lui, Jean XIX. 25-27, Honore ton Pere & taMere. C'eft ainfi, M. F., que le fouverain Légiilateur des Jfra'élites; dont les loix morales ne s'addreflent pas moins aux Chrétiens, qu'elles ne s'addrefloient a f ancien peuple, paree qu'elles découlent immédiatement des perfeclions de 1'Etre fuprême, & des relations que les hommes ont entr'eux: c'eft ainfi, dis-je, qu'après avoir dans la pre- Exod. xx. is.  149 SERMON lTim.V.4 Matr. XV.3.&C. Matt. XIX. 20. ' première Table du Décalogue, indiqué les devoirs donc il efl dirèctement 1'objet, le fouverain Légiflateur commence la feconde, qui regarde les hommes, par rappeller & prefcrire a fon peuple, ce que doivent les enfans è ceux qui leur ont donné la naifiance; honore ton Pere ê? la Mere. C'eft de cette obligation facrée, (dont les Payens même ont reconnu & refpecté la fainteté, & qui confifte entr'autres a rendre la pareille d ceux dont on a regu la yie,~) que d'indignes Doéteurs avoient ofé diipenfer les enfans, comme notre Seigneur Je leur reprocha fi vivement au Chapitre XVc. de St. Matthieu. Rien de plus fort, de plus propre a les couvrir de honte & de confufion, que ce qu'il leur dit a ce fujet. Mais ce n'eft pas feulement par des paroles, que le Sauveur a maintenu la Loi de fon Pere-célefte; c'eft par toute fa conduite. Jamais il ne défobéït a aucun des commandemens qui la compofent. Jamais il ne négligea 1'obfervation d'aucun. Et s'il put dire avec plus de vérité que le jeune homme de FEyangile, & eu égard a tous les commandemens de la Loi, ƒ ai I ftBTm  fur Marie aü pied de la croix. 141 gardé toutes ces chofes des ma jeune fe; il put entr'autres fe rendre ce témoignage, relativement au précepte que nous avons cité. Non content dhonorer par fa piété & fon obéïflance, le Dieu qui Vavoit emendrè avant la fondation du monde; il honora auffi ceux d'entre les hommes qu'il s'étoit choifi pour Parens. Marie fa Mere, Jofeph fon Pere adoptif, furent les objets de fon refped & de fa tendrelTe. Dans fon enfance, il Uur fut fujet. Dans ur age plus avancé, il n'eft pas douteux qu'i n'ait eu pour eux de la dèférence, & pourvu a leurs befoins. Enfin, dans le term même qu'attaché a un bois infame, il expii par les plus ameres fouffrances les péchés di genre humain, il pourvoit encore auj befoins temporels de fa Mere; il lui laifie il lui donne pour fils le mortel le plu digne de tenir fa place. // dit d 1'une voila ton fils; d 1'autre, voila ta Mere Et des cette heure ld, le Difciple la pri chez lui. C'eft fur cette intéreiTante & inftruétivi narration, que j'ai deffein de vous entre tenir, Chrétiens, JVl. T. C. F., fous 1 be Luc. II. 51. I 5 »  H% S Ë R M O N bénédi&ion divine. Elie nous fournit dbs 1'abord une réflexion générale, que nous ne pouvons rhieux placer qu'ici, & que juftifient plufieurs exemples. C'eft que jamais Ecrivains n'ont moins taché d'embellir leurs récits par des expreffions recherchées, que les Ecrivains facrés, & que jamais Ecrivains n'ont mieux réuffi que les Ecrivains facrés, a faire des defcriptions touchantes. Quoi de plus fimple que 1'Hiftoire de Jofeph dans Moyfe? Mais qui peut la lire fans attendrifiement? Quoi de plus concis que la naf-ration de mon texte? Mais quoi de plus propre a remuer les ames, furtout de ceux qui favent par expérience combien font tendres les noeuds qui lient celle des enfans c) celle des Peres des Meres! Pour méditer fur le récit de mon texte, nous réduirons notre tradation a deux Parties générales. I. Dans la première, nous vous parierons des Perfonnes mêmes dont il eft ici fait mention. II. Dans la feconde , nous confidérerons la conduite que tiennent dans cette narration ces diverfes Perfonnes. C'eft le fujet de votre attention religieufe. I. PAR-  fur Mark ou pied de la croix. 143 I. PARTIE. Fixons d'abord notre attention fur les Perfonnes, dont il eft parlé dans mon texté. Je dis dans mon texte, paree qu'il ne s'agit pas ici de nous étendre fur des circonftances qui n'en font point partie. Remarquons pourtant, qu'on fe tromperoit fort, fi 1'on croyoit que les trois femmes, &? le Difciple, dont il y eft fait inention, aient, d'entre les perfonnes qui avoient avec le Sauveur des relations particulieres, été les feules qui aient affiflé a fa crucifixion.* Selon St. Luc, tous ceux de fa connoijfance, £=? les femmes qui l" avoient fuivi de Galilée, fe tenoient Mn, regardant ces chofes. Et parmi ces femmes, St. Matthieu & St. Mare rangent, autre Marie Madelaine F autre Marie, defquelles il eft parlé dans mon texte; Salomé, la Mere des fils de Zébédée. Quant aux Apótres du Sauveur, il eft vrai que lors de fa prife, tous ïavoient abandonnè, & avoient pris la fuite, comme il le leur avoit annoncé; & que Simon Pier re, comme il le lui avoit auffi prédit, o avoit Luc. XXIIL49. Matt. XXVI [. 5fj. Mare. XV. 40. MatcXXVL 56. &31. 34- 7o. 72. 74.  Mstt. XVI. 17- 144 SERMON avoit eu Ia lacheté de le renier trois fois* Mais le témoignage de St. Lüc que nous venons de rapporter, ne permet pas de douter, que» outre St. Jean le Difciple bien aimè du. Sauveur, tous les autres Apótres ne fe foient rendus au lieu de fon fupplice. La différence donc, entre les perfonnes mentionnées dans mon texte, & celles dont je viens de parler; c'efl que ces dernieres ne contemplerent que de loin ce douloureux fpeótacle; au lieu que les trois Marles, & le Difciple que Jesus aimoit, étoient fi pres de fa croix, qu'il put non feulement les difcerner, mais encore leur parler, & s'en faire entendre. Cette remarque faite, confidérons uniquement ces perfonnes défignées dans mon texte. Ce font, Jesus-Christ, les trois Maries, £«? le Difciple que Jesus aimoit. I. D'abord, nous voyons ici le plus refpeétable des hommes, Jesus-Christ! Jesus - Christ , en qui la chair & le fang ne voyent ici qu'un homme ordinaire, couvert de plaies, percé, & confondu par fon fupplice avec de vils malfaiteurs; mais qui n'en eft pas moins le Fils èterncl » de  fur Marie au pied 2e la croix. 145 de Dieu, & le feul d'entre les hommes qui ait été, dès fa naiffance & dans tout le cours de fa vie, exempt de tout yice, de tout pêché. C'eft le Fils de Dieu, engendré ayant la fondation du monde; qui étant en forme de Dieu, & ne réputant point rapine iêtre ègal d Dieu, s'eft anéanti lui- même, a pris la forme de ferviteur, fait d la rejfemblance des hommes. Homme en effet femblable a nous en toutes chofes, excepté le pêché, il a été fujet, «Sc dans fon corps & dans fon ame, a toutes nos infirmités innocentes, a la faim, a la foif, au fommeil; & même a celles qui doivent au pêché leur origine, c'eft-a-dire, a la crainte, a la triflejfe, a la douleur, & a la mort. Homme en qui habite corporellement toute la plénitude de la Divinitê, il en porte tous les caracteres,. II eft appellé lepropre Fils de Dieu, le Seigneur de gloire, le Prince de la vie, le vrai Dieu, le grand Dieu 6? Sauveur. II eft partout, il fait tout, il peut tout, fes ijfues font danciennetê, des les jours èternels. Par lui & pour lui ont été créêes toutes chofes; il fubfife avant toutes & toutes Tom. II. K M- Phii. II. 6.7. Héb.IV.15. Col. II. 9. Rom. VIH^r. i Cor.U.8. Aél. III. 15. I Jean V. 20. rit. 11.13. Matt. xvnr. 20. XXI. 17. Phil.III.2i. Micli. V. 1. Col. 1. 16*, i'i.  Héb. f. 6 Gen. XXII. 18. Gal. III. 8. 16 Ela.LIII.; F.xod, XV. 20. Jean XI. Aft.XU.i 146 SERMON fubfiflent par lui. Toutes lui doivent hommage, & les Anges même de Dieu lui rendent leurs adorations. Homme qui par 3a fainteté de fa doclrine, par la pureté de fa vie, par la grandeur de fes mir acies, & par 1'accompliffement des Prophéties en fa Perfonne, s'eft montre ce Mejfie, ce Libérateur, en qui devoient être bénies toutes les nations de la terre, qui devoit leur procurer la guérifon par fa meurtriffure, & qu'en effet nous voyons dans mon texte attaché a la croix Tpomïexpiation de nos ojfenfes. ii. Auprès de cette croix, notre texte nous montre trois femmes , qui toutes trois portoient le nom de Marie. Ce nom, qui a été celui de la fozur de Moyfe, Qtk c'efl, autant que je me le rappelle, 1'unique exemple qui s'en trouve dans rAncien lejlament,) paroit avoir été commun parmi les Juifs du tems de notre Seigneur. Du moins outre la $te. Vkrge & les deux autres Maries mentionnées dans mon texte, nous trouvons dans Vhyangile j. une Marie qui étoit foeur de Marthe & de 2. Lazare; dans le xiie Chapitre des Mies, une  fur Marie au pied de la croix. 147 une Marie, Mere de Jean furnommè Mare, qui demeuroit a Jérufalem; & dans le dernier Chapitre de 1'Epitre aux Romains, une Marie qui doit avoit demeuré a Rome, & qui avoit rendu de grands fervices aux Apötres. i°. Pour revenir a celles dont il eft parlé dans mon texte, nous y trouvons d'abord Marie la Mere du Sauveur: cette Vier ge, que le St. Efprit avoit eu en vue dans cet Oracle d'Efaïe, voki une Vierge fera enceinte, 3enfant era un fils, 3 on appellera Jon Nom Emmanuel; & de laquelle en effet, il avoit par fa yertu toute puilTante, fait naitre ce Jesus que nous voyons ici clouê d la croix. II ne s'agit pas de faire ici la généalogie de cette fainte femme. Remarquons feulement, que puifque fon Epoux, qui, comme nous fapprenons de St. Matthieu, étoit fils de Jacob, eft appellé par St. Luc, fils dHéli; ou, ce qui revient au même, puifque Jesus-Christ, qui étoit né' de Marie, mais non de Jofeph, eft repréfenté par St. Luc comme defcendant d'Héli:. il en réfulte que cet Evangélifte K 2 fait Roti. XVI. 6. Efa.VII.14. ftlatc. I. 22.23. Luc. 1.35. Watr.I.i5. Luc. 111.23.  143 SERMON Mare. XV. 40. III. 17. III. 18. .Ma t.X»3. Act. I.13. fait la généalogie du Sauveur, non par Jofeph fon Pere adoptif, mais par Mark fa véritable Mere. Celle-ci doit avoir été (ille dHéli, dont Jofeph étoit le fils, paree qu'il avoit époufé fa filJe; qui, au refte, doit avoir été veuve lors de la crucifixion du Sauveur, puifqu'il n'eft pas apparent qu'il eut donné a un autre Je foin de la nourir, fi Jofeph eut été encore en vie. 20. Nous trouvons ici une autre Marie, qui efl appellée Marie de Cléopas. Cela peut fignifier, fille de Qe'opas, ou , comme notre Verfion 1'exprime, femme de Cléopas. Le dernier efl plus probable. Premierement. . Cette Marie étoit foeur de la Ste Vierge, dont le Pere ne s'appelloit pas Cléopas, mais Héli. Et en fecond lieu, elie étoit Mere de Jaques le mineur, & de Jofes, comme il paroit par St. Mare. Or ce Jaques , qu'il difiingue par cette expivflion davec Jaques, fils de Zebedée, 3 frere de notre Eyangélifie, efl appellé tant par lui - même que par St. Matthku & par St. Luc, Jaques fils dAlphée; & il y a toute apparence, que Cléopas & Al-  fur Marie au pied de la croix. 149 Alphèe ne font pas deux noms différens, mais un feul & même nom Hébreu ou Syriaque, que 1'on a prononcé en Grec de deux manieres. Ce qui eft fur, c'eft que cette Marie avoit avec le Sauveur des relations intimes, puifqu'elle étoit foeur, c'eft-a-dire tout au moins, proche parente de la Ste. Vierge. 30. Enfin, nous trouvons ici une troifieme Marie, qui n'avoit pas avec notre Seigneur fes mêmes relations, mais qui lui étoit attachée par les noeuds de la plus tendre amitié, & de la plus vive reconnoijfance: je veux dire, Marie Madelaine, ou, pour prononcer exaétement 1'Original, Marie Magdelaine, probablement ainfi nommée d'un bourg appellé Magdala. Peut - être étoit elie du nombre de ces femmes, qui, pendant le miniftere du Sauveur 1'avoient afiflê de leurs biens, comme St. Luc nous 1'apprend dans le Chapitre VIHe. de fon Evangile. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'elle aimoit tendrement le Sauveur. II ne faut pour s/en convaincre, que lire ce que St. Jean rapporte a fon fujet dans le XXC. Chapitre K 3 du Luc. VIII. 2.3. Jean XX. 1.2. & li—16.  Luc.VIII.s Jean XI. I. Lrc. VIL 37. Jpan Xili. 23. XX. 2. XXL 7.20. 150 SERMON du Livre dont mon texte eft tiré. Et cet amour étoit en partie fondé fur Ia reconnoijfance, puifque, outre les bienfaits ipirituels dont jouiffoient tous ceux qui croyoient en Jesus-Christ, il avoit accordé a Marie Madelaine une délivrance fignalée, en chajfant de fon • corps fept mauvais efprits dont elie étoit poffédée. Je ne vois pas au refte, pourquoi plufieurs interpretes foutiennent, que Marie Madelaine, étoit la foeur de Marthe & deLazare, & la pécherejfe dont il efl parlé au Chapitre Vlle de St. Luc; puifqu'il eft du moins auffi vraifemblabJe, que Marie- la foeiir de Lazare, la femme pécherejfe, & Marie Madelaine, ont été trois perfonnes différentes. III. Enfin, le dernier Perfonnage dont il eft parlé dans mon texte, c'eft, M.F., 1'Auteur même de cette narration; favoir St. Jean ÏEvangêlifle, Vim des Apótres du Sauveur, & qui dans notre texte, & dans d'autres endroits de cet Evangile, eft appellé le Difciple que Jesus aimoit. Cette expreffion, comme on le fent bien, ne doit pas être prife dans un fens excfufif.  fur 'Marie au pied de la croix. 151 Jesus-Christ aimoit tous fes Difciples ,J iöit de cet amour de bienveuillance qu'il portoit è tous les hommes, foit de cet amour de compaiTion qui lui a fait mettre fa vie pour le falut*du monde, foit enfin de cet amour d'attachement qu'un bon Mattre a pour fes Difciples. Si donc St. Jean eft appellé par excellence, le Difciple que Jesus aimoit; il eft clair que cette phrafe* marqué une affection fpéciale & particuliere, une amitié plus tendre, plus intime, que n'étoit celle que le Sauveur avoit pour tous fes Difciples. Nous ignorons les raifons de cette prédileélion; mais elie doit avoir été fondée fur des raifons folides, puifque JesüsChrist , le plus jufte & le plus fage de tous les hommes, étoit incapable de donner a qui que ce fut une préférence aveugle & fans fondement. II n'eft pas hors d'apparence que cette amitié particuliere du Sauveur pour notre Evangélifte, prenoit f& "ource dans la bonté de fon caraótere. Au moins efl - il cerrain, que notre Seigneur donna a cet Apötre, & une nouvelle preuve de fon affeclion K 4 elv MnXlII.i. Matt. XX. 28.  152 SERMON Luc. XXIII. 49. envers lui, & un témoignage éclatant de fon eflime, en lui confiant avant d'expirer, ce qu'il avoit de plus cher, de plus précieux dans le monde, comme nous le verrons en fon lieu dans notre feconde Partie. II. P A R T I E. I. Le premier objet qu'elle nous offre a confidérer, M. F., c'efl la fituation des trois Maries, & furtout de celle qui avoit porté le Sauveur dans fon fein. Nous les voyons ici, pouffées par leur tendrelTe envers lui, approcher de fa croix plus pres, a 1'exception du. Difciple qui les accompagne, qu'aucune de fes autres connoijfances; plus a portée par conféquent,. de contempler 1'état horrible oü 1'avoit mis la fureur de fes ennemis. Qui peut décrire, qui peut concevoir tout ce qui fe palToit dans leur ame? Indépendamment de la fenfibilité naturelle a leur fexe, & de la compaffion que 1'humanité feule infpire aux coeurs vertueux pour un innocent qui fouffre, ces trois femmes avoient  fur Marie au pied de la croix. 153 avoient avec le Sauveur des relations intimes, qui devoient les faire participer vivement a fes maux, Rappellez vous furtout, que 1'une de ces trois femmes étoit fa Mere, & jugez s'il eft poffible de dépeindre les imprefïïons, que dut faire fur elie en particulier cet affreux fpeétacle! Ah! fi nous ne pouvons fans de vives allarmes, voir nos enfans expofés a quelque danger; fi la plaie que leur mort fait a notre cosur, faigne encore au bout de plufieurs années: a quel point ne dut pas être déchiré celui de Marie! Elie voit ce Fils, dont un miracle unique & fans exemple 1'a rendue Mere; ce Fils, dont la naiffance & les hautes qualités devoient la faire dire bienheureufe par tous les dges, & qui, felon la prédiction d'un Ange, doit régner fur la maifon de Jacob éternellement; ce Fils, le meilleur des- fils, le plus vertueux des hommes, qui, par fes osuvres bienfaifantes & miraculeufes , avoit été 1'objet de 1'admiration publique; ce Fils, qui dès fon enfance a été fa joie, fon fupport, fon Benjamin, le Fils de fa droite: elie le voit ici devenu fon Bettoni, K 5 k Luc. 1.43. Luc. I.33. Gen. XXXV. 18.  154 SERMON Pf.XXÜ. Ruth 1.20, Lam.IIi.if Luc. II. 7. Lam, II. 2: Luc. II. Z', 7 k Fils de fa douleur, l'opprobre des hommes fi? le rejetté du peuple; traité comme un de ces monftres que punit a bon droit la juftice humaine, déchirè de verges, percé de cloux, attaché a la croix; &, iufpendu a ce bois infame, rèpandre fon fang goute a goute au milieu des plus vives douleurs. Ah! quelle dut être la fienne! Et qua jufte titre elie eut pu dire; appellez moi Mara, car le Tout-puiffant .m'a remplie damertume! II ma rèpue de fiel, il m'a abreuvèe dabfinthe 1 Mon Fils, Tunique Fils que j'euffe emmaillotê . fi? éleyé, l'ennemi l'a confumé! N'attribuons point pourtant a cette fainte femme une douleur déraifonnable, & des fentimens peu dïgne d'une Mere, inftruite a 1'école de fon divin Fils. Si jamais Mere ne foutint une pareille épreuve; fi le fujet de fon affliction fut tel, qu'il n'y en eut jamais, fi? qu'il n'y en aura jamais de femblable: fa foi, fa piété, fa foumiffion aux ordres de la Providence, la foutinrent fans doute dans cette rude épreuve, & empêehcrent 'Tépe'e qui pergoit fon ame, de donner Ia mort  fur Marie au pied de Ia croix. 155 mort a fon corps. Mais quelle foi, quelle piété, quelle foumiffion aux ordres de la Providence, ne durent pas être celles, qui la foutinrent dans une circonflance de cette nature! II. D'un autre cöté cependant, (& c'efl une feconde confidération,) quelle confolation ne durent pas répandre dans le coeur de Marie, les tendres foins que prit a fon égard, le Fils qu'elle alloit perdre? Du haut de fa croix, de cette. croix, oü, couvert d'opprobre & d'ignominie, & déchiré par les plus cuifantes' douleurs, Jissus- Christ expie les pêchés du monde; du haut de cette croix, il exerce envers fa Mere cet amour filial dont elie avoit conftamment été 1'objet, en la remettant entre les mains de fon plus cher Difciple. Jesus voyant fa Mere, £? pres delle le Difciple quil aimoit, dit d fa Mere, Femme, voila ton fils: puis il dit au Difciple, voild ta Mere. Ce titre de Femme, n'a rien qui doive nous étonner. Cette allocution, bien loin d'avoir quelque chofe de contraire a Ia bienféance, étoit un témoignage ou 1 . de  l Tim. II. 5 i Pier. II. 24. 156 SERMON de bienveuillance & d'amitié, ou de confidération & de déférence, felon les perfonnes a qui on 1'addrelToit, & les relations qu'on avoit avec elles. Et quant a ce mots, voila ton fils, voild ta Mere, il ne faut que voir la circonflance oü Jesüs-Christ les prononea, pour en comprendre la fignification. Et quel autre fens y donner, que celui qu'y donna St. Jean lui-même, qui des cette heure ld, recut Marie dans fa maifon ? Sans donc nous arrêter ici a combattre les myfleres, qu'un zele aveugle & fuperftitieux pour la Ste. Vierge a fait trouver a quelques Docteurs de 1'Eglife Romaine dans ces paroles, voild ton fils voila ta Mere; fixons nos regards fur celui par qui elles furent prononcées. C'eft Jesus-Christ , & Jesus-Christ crucifiê. Dans le tems même qu'il accomplit le plus grand, le plus rigoureux des devoirs ,que lui impofoit 1'office de Mèdiateur entre Dieu eft parvenu a un age fort avancé: car il a vëcu plufieurs années après la prife de Jérufalem par les Romains, comme le Sauveur 1'avoit donné a connóitre, en difant de lui a Pierre; fi je yeux qu'il demeure jufqu'a ce que je vienne, qu'en as tu a faire? D'oü nous recueillons avec beaucoup de vraifemblance, qu'a quelque age que foit morte la Ste. Vierge; c'eft St. Jean qui lui a fermé les yeux. APPLICATION. Finifiöns ce difcours, M. F., en re-  fur Marie au pied de la croix. l6i recueillant quelques ufages de ce qui en a fait la matiere, Toutes les perfonnes dont il eft parlé dans mon texte, nous y donnent des lecons dignes de la plus grande attention. De ce que nous devons tous mourir, & de ce que nous fommes tous expofés a perdre par le trépas ceux qui nous aimons, il réfulte des devoirs, dont nous trouvons fexemple & 1'accomplüTement dans la narration que nous avons méditée. I. Premiérement donc, apprenons des quatre Perfonnes qui fe rendirent au pied de la croix du Sauveur, a remplir envers ceux qui nous font particuliérement attachés , les devoirs que les nceuds du fang & de 1'amitié nous impofent; & anepas fuir dans leurs derniers momens, crainte de les attendrir trop, ou de nous trop attendrir nous-mêmes, ceux d'entr'eux que la mort s'apprête a nous enlever. Si jamais ce prétexte eut quelque fondement, c'auroit été dans la circonflance ici mentionnée. De toutes les Perfonnes qui avoient connu Jesus-Christ pendant fa Tom. IL L vie,  i6a SERMON vie, aucunes ne lui étoient plus cheres, & aucunes ne 1'aimoient plus tendrement, que celles dont il efl parlé dans mon texte. Et ce font précifément ces quatre Perfonnes , qui s'approchent de fa croix, & qui, 1'ame navrée de fes fouffrances, & dans - I fimpoffibilité d'y apporter le moindre foulagement, n'en demeurent pas moins auprès de lui, pour lui témoigner par leur préfence, leur attachement & leur tendreffe. Pres de la croix de Jesus étoit fa Mere, fi? la foeur de fa Mere, fi? Marie Madelaine, fi? le Difciple que Jesus aimoit. II. Quant a. Jesus-Christ lui-même, qui, prêt a rendre 1'ame par un affreux fupplice, femble oublier ce qu'il fouffre, pour ne penfer qua la fituation de celle qui 1'a porté dans fon fera; apprenons de lui a être maitres de nos paffions, a régler & a retenir dans de jufles bornes nos affeótiqns les plus naturelles & les plus innocentes. Une des plus difficiles k modérer, c'efl 1'impreffion que font fur notre ame certaines douleurs corporelles: & voici Jesus-Christ, qui, clouê fi? fus-  fur Marie au pied de la croix. 163 fufpendu d la croix, furmonte les iiennes pour confoler fa Mere, & pour fubvenir a fes befoins. Apprenons de lui, tant a fouffrir avec patience, qu'a ne jamais perdre de vue les devoirs de notre vocation, & a les remplir auffi longtems qu'il nous fera poffible, fut-ce fur notre lit de mort. En un mot, prenons pour exemple, &, afin d'yréuffir, implorons fréquemment ce Jesus, qui a fi fidélement accompli toute jujlice ; & qui ayant fouffert étant tenté, efl puiffant auffi pour fecourir ceux qui font tent és. IIL Enfin, M. F., apprenons du Difciple que Jesus aimoit, a obéïr comme lui, fans délai, fans réferve, & fans répugnance, aux commandemens de ce divin Maitre, toutes les fois qu'il nous les addreffe, c'efl a - dire, toutes les fois qu'il fe préfente une occafion de les remplir. Surtout, n'héfitons jamais a exercer les devoirs de la charité & de la miféricorde: & ne cherchons point, par de vains & frivoles prétextes, a nous fouflraire a des obligations, que les raifons même que 1'on allégue pour s'en difpenfer, L 2 ren- Matt. III. 15Héb. II. 18.  m SER M O N Rom. xii. 13. Matt.VI.15, 2Cor. viii. 9. Epn. V. 2 1 Pier. 111. 18. 1 Pier. II. 21. rendent quelquefois d'autant plus indispenfables. Songeons, par exemple, que lorfque les tems font mauyais, ils le font encore plus pour les pauvres que pour les riches, ou même pour ceux qui, fans être riches, ont pourtant au de-la de ce qu'il leur faut pour fubfiiter: & qu'il vaut mieux fe refufer quelque plaifir, quelque commodité, que de manquer a fubyenir aux nécejjitès de fes fr er es. Songeons que de toutes les confidérations que les hommes font valoir pour ne point par donner b ceux qui les ojfienfent, il n'en efl: aucune que Dieu ne foit beaucoup plus fondé a faire valoir contre eux-mêmes, pour ne léur point pardonner leurs pêchés. Songeons enfin, que fi Jesus-Christ qui étoit riche, s'efl fait pauyre pour nous, afin que par fa pauyreté nous fujfions enrichis; & s'il nous a aimés jufqu'a mourir en croix, lui jujle pour nous injufies, afin d'expier nos offenfes: nous ne faurions être fes Dijciples, fans obéïr a fes loix, fans imiter fes vertus, fans marcher fur fes traces. Puiffions nous nous y attacher avec ardeur, & acquérir de jour en jour par  fur Marie au pied de la croix. 165 par nos efforts, des traits de reffemblance avec lui, qui nous affurent que nous fommes du nombre de fes yrais Difciples, & que comme tels, nous aurons part a fa gloire! Dieu nous en falie a tous la grace! Amen. L 3 SER- Jean  iCor.I.if SERMON SUR LES DEUX BRIGANDS. Et Tun des malfaiteurs qui étoient pendus, l'outrageoit, difant; ft tu es le Christ, fauve toi toi-même, fip nous auffi. Mais 1'autre, répondant, le reprenoit, difant, au moins ne crains-tu point Dieu, puisque tu es dans la même condamnation? Et pour nous, nous y fommes jujlement: car nous recevons des chofes dignes de nos forfaits , mais celui - ci n'a rien fait qui ne fe dut faire. Puis il difoit a Jesus, Seigneur, fouyien toi de moi quand tu viendras en ton regne. Et Jesus lui dit: en vérité je te dis, qu'aujourdhui tu feras avec moi en Paradis. Luc XXIII. 39-43. . La parole de la croix, efl une folie d ceux qui pêrijfent; mais d nous qui fommes fauvés, elie efl la puifance de Dieu. C'eft ainfi, Chrétiens, M. T. C. F., que s'exprime 1'Apötre St. Paul dans fa Ie.  fur les deux brigands. ■ 167 Ie. Epïtre aux Corinthiens. II enténdoit par la, que ceux dentre les auditeurs de VEvangile , qui leduits par leurs paffions & leurs préjugés,' 'ne regoivent point Vamour de la vérité pour être fauvès; regardent la doctrine d'un Sauveur crucifiê comme indigne d'ctre admife par des hommes fages, & demeurent volontairement dans leur perdition naturelle, en rejettant Tunique moyen d'en fortir: tandis que ceux a qui Dieu a fait la grace de reconnöitre leur ignorance, leur mifere, & leur corruption, découvrant dans la parole de la croix un myftere qui pourvoit a tous les befoins des pécheurs, & qui met dans tout leur jour les perfeétions divines; recoivent pour leur Sauveur Jesus-Christ crucifiê, & entrent ainfi en poffeffion du falut qu'il a acquis par fes fouffrances a tous ceux qui embraffent fincérement fa doctrine. Nous voyons quelque chofe de pareil dans le récit dont je viens, M. F., de vous faire la le&ure. Jesus-Christ crucifiê entre deux malfaiteurs, eft folie a 1'un, & falut a 1'autre. De ces deux L 4 a Tbeir. 11.10.  i68 SERMON hommes, témoins de fes fouffrances & de fa patience, 1'un tire de fa crucifixion un prétexte a le regarder comme un faux Meffie: tandis que 1'autre, le reconnoiffant pour le véritable, recourt a fa clémence, & recoit de fa bouche la confolante aflurance de jouir bien tot avec lui de Ia félicité célefte. Trois objets donc s'offrent a notre méditation dans cette hiftoire. I, Un pécheur endurci, qui, dans les horreurs du fupplice, infulte brutalement au Rédempteur. II. Un pécheur pénitent, qui, reconnoüTant en Jesus crucifiê Ie Meffie promis, accourt avec une foi vive a fa miféricorde. III. Un Sauveur charitable, qui, fans faire aucun reproche a celui qui 1'outrage, ne s'occupe qu'a confoler celui qui 1'implore. Developpons ces trois Articles fous la bénédiébon divine J I. PARTIE. Le premier objet que mon texte nous offre a confidérer, c'eft, M. F., un pécheur endurci, qui dans les horreurs du der-  fur les deux brigands. 169 dernier fupplice, au lieu d'employer le tems qui lui refte, a faire fa paix avec Dieu, infulte brutalement a Jesus-Christ, & le traite de faux Meffie. L'un des malfaiteurs qui étoient pendus, l'outrageoit, difant; fi tu es le Christ , fauve toi toim'ème, è? nous auffi. C'eft ainlï que St. Luc s'exprime. Et avant d'aller plus loin, il faut concilier fon récit avec les expresfions des deux premiers Evangéliftes, avec lefquels au premier coup-d'osil, il femble ne pas s'accorder. Voici la difficulté. Selon St. Matihieu & St. Mare, les brigands qui étoient trucifiés avec le Sauveur, lui faifoient les mêmes reproches que les principaux, le peuple, & les foldats: au lieu que St. Luc dit pofitivement, que Yun des malfaiteurs qui étoient crucifiés avec le Sauveur, lui faifoit outrage; pendant qu'il attribue a l'autre une conduite toute différente. S'il n'y a eu qa'un des brigands qui ait commis cet exces, pourquoi St. Matthieu & St. Mare difent - ils au plurier, les brigands ? Et fi tous deux s'en font rendus coupables, d'oü vient que St. Luc ne 1'attribue qu'a un feul? L 5 Deux Mait. tXVII.44 Mare. XV. 32.  ÉJ» SERMON Deux voyes ont été mis en ufage par les interpretes anciens & modernes, pour foudre cette difficulté. Quelques-uns ont été dans la penfée, que d'abord les deux brigands avoient fait a Jesus-Christ le reproche ici mentionné: mais qu'après avoit été quelque tems fur la croix, Vim d'eux' venant a réfléchir fur la patience avec laquelle Jesus enduroit fon fupplice, fur ce qu'il avoit ouï dire de fes miracles, & peut-être fur certains Oracles concernant le Mejfie; changea tout-a-coup de fentiment M de langage, & prit contre fon compagnon la défenfe du Sauveur. Cette explication, M. F., concilieroit effecfivement en quelque forte le récit des Evangéliftes. Cependant, elie ne me paroit pas fans difficulté. Car, fuppofé que les brigands aient d'abord commis run & ïautre 1'excès que St. Luc n'attribue ici qu'a un feul; eft - il naturel que ni l'un ni 1'autre n'en ait fait mention dans la circonftance ici rapportée ? Eft-il apparent que le brigand converti fe foit contenté de reprendre 1'autre, fans témoi^ner aücun regret d'avoir commis la même fau-  fur les deux brigands. 171 faute? Et eft - il croyable, que rautre brigand fe voyant cenfuré par celui-ci pour une faute qui leur étoit commune, ne lui ait pas répondu, tu viens toi • même den faire autant? Sans pourtant décider contre 1'explicatiön propofée, je me contenterai d'en indiquer une feconde, qui ne manque pas non plus de partifans. Elie eft fondée fur une vérité inconteftable, c'eft que le pluriel fe prend quelquefois pour le fingulier, lorfque les Ecrivains facrés ont deffein d'exprimer, non le nombre, mais la qualité des perfonnes dont ils parient. En voici un exemple, qui n'eft pas le feul que nous puiffions citer; c'eft ce difcours de V Ange k Jofeph, ceux qui cherchoient la yie du petit enfant font morts: il eft clair que cela ne défigne qu'Hérode. Ne pourroit on donc pas fuppofer que cette expreffion, les brigands, n'indique pas ici le nombre, mais la qualité de ces hommes? Facon de .parler, dont les deux premiers Evangéliftes nous fourniffent d'autres exemples.; en attribuant en général a £eux qui pa foient par ld d'avoir outragt Je. Mact.II.2o. ' Marr. XXVII. 3p.  172 SERMON Mare. XV. 20. MattXXVI 52.&60". Mare. xiv. 55- & 64. Luc.XXHI. 50.51. Jesus-Christ, £9- hochè la tête contre lui, quoiqu'il faille fans doute en excepter quelques perfonnes: & aux Anciens du peuple & a tout le Confeil, de favoir condamné a la mort, quoique Jofeph dArimathêe & Nicodeme n'euffent point eu part a cette fentence. A fuivre donc cette explication, St. Matthieu & St. Mare auront fimplement voulu dire, que le Sauveur fut infulte par toutes fortes de perfonnes, peuple, principaux, foldats, brigands même: au lieu que St. Luc avoit deiTein de rapporter plus précifément ce qui regarde les deux brigands, ce qui fobligeoit a mettre dans fon récit plus d'exaétltude hiftorique. L'un donc de ces malheureux outrageoit Jesus , difant, ft tu es le Christ , fauvetoi toi - même, fi? nous auffi. Difcours bien étrange dans la bouche d'un homme qui rouffroit a&ueïlement la peine de fes brigandages. Je n'infifte pas fur le reproche tacite que ces paroles faifoient iu Sauveur de riètre pas le Christ, puisqu'il ne defcendoit pas de la croix. Quelque mal-fondé que fut ce reproche, il ne fup-  fur les deux brigands» 173 fuppofe en cet homme qu'une ignorance que la plupart des Juifs partageoit avec lui. Mais quoi de plus infenfé, & dé plus impie, que de prétendre que Jesus ne pouvoit prouver la miiïion qu'il s'étoit attribuée, qu'en fauvant de la mort oü la crucifixion les expofoit tous trois, non feulement fa propre vie, mais encore celle de deux malfaiteurs notoires; comme fi le Meffie avoit du venir pour mettre le défordre dans la fociété civile, en arrachant au fupplice les perturbateurs du repos public. D'aifeurs, on voit en cet homme un efprit d'impénitence & une dureté de coeur qui paroitroient incroyables, fi d'autres exemples n'en montroient la poifibilité. Voici un fcélérat, attaché a la croix par fentence des juges de la terre, pour de crimes avérés dont il va rendre compte au Juge du Ciel: & au lieu d'employer les refles de fa vie a fléchir ce redoutable Juge; au lieu d'implorer fa miféricorde & de lui de mander grace en lui confeffant fincérement fes forfaits; au lieu de penfer a fe fouftraire, s'il eft poffible? aux maux éter- xxxil 5.  Ma», X. 28. \ 174 SER M O N éternels qu'eft en droit de lui infiiger, celui qui peut per Are Vame & le corps dans la gêne: au lieu, dis-je d'employer ainfi fes dermiers momens, il montre par fa conduite, ou qu'il ne croit point a une autre vie, ou qu'il ne fe met point en peine du fort qui 1'y attend; puifque tout prés d'exhaler fon ame criminelle, il a le courage, dirai-je? ou la brutalité d'infulter d Jesus crucifiê & de 1'accufer d'impofiure, fans donner lui-même la moindre marqué de repentance & de retour vers Dieu. II. PARTI E. Un objet bien. différent doit nous occuper dans notre feconde Partie; je veux dire, M. F., la conduite de Vautre brigand. Nous ignorons depuis quand il s'étoit livré a cet odieux genre de vie, & par quel motif particulier il 1'avoit embrafie. Nous favons feulement en général, qu'il s'étoit rendu tres coupable. Jè n'examinerai pas, jufqu'oü font fondés dans leur fentiment, foit ceux qui croyent que  fur les deux brigands. im que celui - ci n'avoit pas été auffi méchan que 1'autre, & que s'étant moins endurc au crime, il étoit par cela même plus fufceptible de repentir; foit ceux qu; prétendent qu'il faut les regarder du même ceïl, c'eft - a - dire, que lé brigand conyerp, n'avoit pas été meilleur que 1'autre, & que ce ne fut que fur la croix, que U gr ace toucha fon coeur. D'un cöté, 1'or ne fauroit méconnöitre, que Dieu peut en un inftant difpofer a la pénitence un pécheur endurci, & que tous étant cöndamnables devant lui, il peut fans injuftice, laüTer périr l'un, & donner a 1'autre la repentance pour ayoir la vie. II n'eft- pas moins vrai d'un autre cöté, que plus un , homme fe livre au vice, & plus il fe rénd incapable de converfion; que plus il négligé les moyens extérieurs que Dieu lui prefcrit, & plus il fe rend digne que Dieu 1'abandonne alm-même, & lui refufe cette grace, dont il a d'aütant plus de befoin qu'il Ta plus longtems rejettée. Mais fi ces vérités inconteftables doivent nous engager a trayaïllèr a notre falut avec crainte 3 trem- > t Aft. XI. 13. Phil. IL 12.  176* SERMON Efa.LV. tremblement; a faire ufage, fans différer, des offres que Dieu nous fait, & des fj.moyens qu'il nous indique; a le chercher pendant qu'il Je trouve, a Vinvoquer tandis qu'il ejl pres: ces mêmes vérités ne nous fournifTent aucune lumiere pour décider a quel point le brigand conyerti s'étoit rendu coupable, ni fi le changement qui fe fit en lui ne commenga que fur la croix. Nous ne pouvons juger de fa conduite, que fur ce que St. Luc & lui-même nous en difent; & fur ce fondement, fans lavoir jufqu'oü il avoit porté le crime, nous pouvons afTurer, qu'il s'étoit rendu trés criminel. De fon propre aveu, il Jouffroit fur la croix des chojes dignes de Jes aclions; ce qui fuppofe qu'il en avoit commis de celles que punit le plus févérement la juflice humaine. Outre cela, il efl, auffi bien que 1'autre, défigné fous les titres de malfaiteur cc de brigand. Ce dernier terme furtout, indique un train de vie des plus criminels ï il fert a défigner ces hommes, dirai-je? ou ces monflres, qui, ayant étouffé tout fentiment de juftice & d'humanité, ne vi-  fur les deux brigands. 177 Vivent que de rapine, & tuent fan fcrupule ceux qui tombent entre leur mains. Du moins eft-ce fous ce mêrai terme que le Sauveur défigne ceux qu dépouülerent, blefferent, & laijferent a dem mort le Juif que fecourut le Samaritait charitable. Et quand on fuppoferoit que le brigand conyerti avoit été complice de Barabbas, & que la fédition que celuici avoit excitée, avoit pris fa fourw dans un zele avengle pour fa nation. cela ne le juftifieroit guere. Car on remarque que ces prétendus zélateurs de la liberté, „ étoient la plupart des fcélé„ rats, qui fous ce prétexte rempliffoient ,, la Judée de violences & de brigan„ dages:" & Barabbas lui-même eft appellé un prifonnier notable, un brigand, un homme qui avoit été mis en prifon pour féditien & pour meurtre; ce qui ne donne pas urie idèe favorable de fes complices. Mais, fi nous pouvons conclure de tout cela, que le fecond brigand dont il eft parlé dans mon texte, avoit pendant un certain tems été un méchant homme, il fe préfente ici fous un point de vue Tom. II. M bien 5 i 1 i f Cue. X. 30, Matr. XXVII. iS. Jean XVIII io. Marc.XV7. Luc. XXIII. 10.  178 SERMO >N bien différent. Tandis que le premier outrageoit le Sauveur, ö? Iwi difoit, fi tu ès le Christ, fauye toi toi-même^ 3 mus auffi; ïautre, le reprenant, difoit, au moins ne crains-tu pornt Dieu, puifque tu es dans la même condamnation? Et pour nous, nous y fommes juflement: car nous recevons des chofes digties de nos forfaits, mais celui-ci ria r'ten fait qui ne fe dut faire. Tuis il difoit d Jesus, Seigneur, fouvien toi de moi quand tu viendras en ton regne. Dans ce langage du fecond brigand, il y a deux chofes è confidérer: la (incérité de fa repentance-j & la grandeur de fa foi. ti La ftncérité de fa repenimce. Ce n'eft point ici cette repentance infructueufè & charnelle , qui, naiffant uniquement de la crainte des peines dont on fe fent digne, & nón pas du regret d'avoir offenfé Dieu, n'infpire au pécheur aucun retour vers lui, aucun amour pour Ia vertu. Cet homme, que des actions iniaucs avoient conduit fur la croix, qui avoit paffé une partie de fa vie dans le brigandage. ii avoit foulé aux pieds ies loix les plus faintes: ce  fur les deux brigands. 179 ce même homme donne ici des marqués non-équivoques d'un cozur honnête £5? bon, & d'un efprit fans fraude. Voyez la ftncéritê de fa repentance dans la cenfure qu'il addreüe a fon compagnon. Un vrai penitent voudroit que tous les pécheurs fuiviflent fon exemple: & c'eft ce que témoigne celui-ci. A 1'ouïe des outrages que 1'autre profere contre le Sauveur, il cherche a le faire rentrer én lui-même; il lui repréfente fa dureté, fon injuftice, fon impiété: au moins ne crains - tu point Dieu, puis que tu es dans la même condamnation ? Voyez cette fmcêrité dans l'aveu qu'il fait de fes crimes. Un vrai pénitent fe reconnoit digne des maux qu'il fouffre, & juftifie la main qui le frappe: & c'eft ce que fait celui-ci. L'infame & cruel fupplice qu'il endure, ne lui paroit pas trop rude au prix de fes crimes: c'efl juflement que nous fommes dans cette condamnation, 3 nous y recevons des chofes dignes de celles que nous avons fait es. Voyez cette fmcêrité dans l'éloge qu'il fait de la conduite du Sauveun Un vrai pénitent rend juftice a la vertu des gens de bien; loin de les M 2 dé- Lac. viil. k. Pf. * XXXII'. 2.  i8o SERMON déprimer lui-même, il prend leur parti contre la calomnie: & c'efl ce que fait celui rei. Perfuadé de, Tinnocence du Sauveur, non feulement il le difculpe d'irapoflure, mais il reconnoit de plus qu il narien fait qui ne fe dut faire. Voyez enfin cette fmcêrité dans fon recours a Jesus - Christ. Un vrai penitent chercbe fon falut dans la feule miféricorde divine, & dans. la rémifïion gratuite de fes péchés : & c'efl ce que fait celui-ci. Reconnoiffant en Jesus crucifiê, ïElu de Dieu, le Meffie qui devoit venir au monde, il lui demande, non des biens terreflres & paffagers, non la guérifon de fon corps & ja. prolongation de fa vie; mais le -pardon de fes péchés, mais le falut de fon ame, mais d'être admis après fa mort parmi fes heureux fujets; Seigneur, {difoit-il d Je?us,) Seigneur, fouvien toi de moi quand tu viendras en ton regne. II. C'efl ce qui nous conduit a un fecond trait de la converfion de ce coupable, la grandeur de fa foi. On y voit clairement le doigt de Dieu. On y remarque les effets d'une grace, qui-en tou- chant  Jur les deux brigands. 181 criant fon cceur, a rempli fon efprit de lumiere. Dire que Jesus n'avoit rienfait qui ne [e dut faire, & le prier de fe fouvenir de lui quand il yiendroit dans fon regne, c'étoit le reconnöitre pour le Meffie; c'étoit déclarer que fa doctrine étoit célefte, fes promeffes la vérité même, & la puiffance qu'il s'étoit attribuée une puiffance réelle & qui lui appartenoit effeétivement. Et dans quelle circonflance fait-il cette confeffion? Efl-ce après que Jesus, vainqueur de ,1a mort & du fépulcre, a été pleinement déclaré Fils de Dieu en puiffance, par Ja réfurreclion dentre les morts? Efl-ce après qu'affis d la droite de la Majejlé dans les lieux trés-hauts, il en a donné des preuves en répandant fon Efprit fur fes Apötres ? Efl-ce après une apparition célefte & miraculeufe, comme celle qui arrêta la fureur de Saul fur le chemin de Damas? Non, c'efl dans le tems que Jesus paroit un homme fans force & fans pouvoir, & que mis au rang des malfaiteurs, il n'y a rien en lui d le voir, qui faffe qu'on le défire. Dans Jesus pendu au bois & M 3 cou- Rom. 1.4. Héb. I. 3. Aft. II. Aft. IX. 3. Mare. XV. 38. Era. LI II. 2.3.  V.Cn. lxiii. i 18a SERMON couvert d'opprobre, le méprifé & le rejetté d'entre les hommes, la rifée du Juif & du Payen, le jouet des grands & du peuple; il reconnoit le Meffie, le Roi dlfraël, le Sauveur du monde. II implore fa grace, il follicite fes compaslions, il défire d'avoir part aux félicités de fon Royaume. Seigneur, lui dit-il, fouvien toi de moi quand tu viendras en ton regne. III. PARTIE. La réponfe du Sauveur a cette priere, eft le troifieme objet que mon texte nous offre a confidérer; Jesus lui dit, en vérité je te dis, qu'aujourd'hui tu fier as avec moi en Paradis. Quelle réponfe, dans la bouche d'un homme que celui qui la recoit regarde comme VEnvoyê de Dieu par excellence, le dépofitaire de fes graces, celui qui parle en jufiice, fip qui a tout pouvoir de fauver! Mais avant de la développer, cette réponfe, il faut vous faire remarquer, M. F., la douceur & la patience de  fur les deux brigands. 183 de ce Jesus, qui, quoique dans un état d'extrême humiliation, n'en étoit pas moins le Seigneur de gloire. Ici, comme en tant d'autres occafions, fe verifie .1'éloge que lui donne un de fes Apötres, quand on lui difoit des outrages, il nen rendoit point, 3 quand on lui faifoit du mal, il nufoit point de menaces. Un malheureux brigand a&uellement en croix pour fes crimes, & qui va comparöitre devant Dieu, a la dureté dinfulter d Jesus, de 1'accufer d'impofture, & de le ravaler jufqu'a lui par cet infolent langage, ft tu es le Christ, fauve toi toi-même &? nous auffi: & ce Mejfie fi cruellement outragé; ce Saint & ce Jufte, qui entend un des plus méchans d'entre les hommes attaquer fon innocence & fe moquer de fa miffion; ce Juge des hommes, qui, avec le même droit qu'il dit a 1'autre, aujourdhui tu feras avec moi en Paradis, auroit pu dire a celui qui 1'outrageoit, aujourdhui tu feras en Enfer avec le Diable & fes Anges; ce Jesus, toujours patiënt, toujours débonnaire, ne répond nas un M 4 mot iCor.II.8. 1 Pier. II. 23. ia. 111.14. Matr. XXV.  184 SERMON Jean XVII. 4. mot a fes reproches, & n'ouvre la bouche que pour tenir a celui qui 1'implore ce confolant langage, en vérité je te dis, qü'aujourdhui toi feras avec moi en Paradis. Trois traits s'offrent a confidérer dans le bonheur que ces paroles expriment; fa nature, fa proximitê, fa certitude. Développons les. ï. Quelle fituation le Sauveur promettoit-il au brigand pénitent, en lui annon£ant qu'f/ feroit avec lui en Paradis ? Pour le fentir, remarquez d'abord qu'ils alloient tous deux mourir; que Jesus Christ le Saint 6? le Jujle ne pouvoit aller après fa mort que dans un lieu de délices; & que par conféquent être après la mort avec Jesus-Christ, c'efl être heureux. Pendant qu'il vivoit fur la terre, oü il étoit venu pour fouffrir, on pouvoit être avec lui fans être a 1'abri de la mifere: témoin fes Apotres, qui a fon exemple menoient un genre de vie dur & pénible: témoin les douleurs que fentoient actuellement d fes cotés les deux brigands. Mais le Sauveur après avoif achevé Jon ceu-  fur les deux brigands. 185 oeuvre fi? rendu Vame fur la croix, devoit fe rèpofer de fes travaux, & jouir d'un bonheur inaltérable, & c'étoit promettre a ce pénitent qu'il auroit part a ce bonheur, que de lui dire, tu feras avec moi. Ajoutez cette autre expreffion , dans le Paradis. Ce mot fignifie proprement un verger iïarbres agrèables a la vuet> & portant des fruits bons a manger. Ainfi Salomon dit dans V Ecclèfiafle, je me fuis fait des jardins fi? des paradis, fi? j'y ai plant ê toutes fort es darbres fruitiers. Ce terme eft donc propre a exprimer figurément le bonheur a venir. C'efl effectivement Fufage que les Juifs en ont fait; les Ecrivains facrés s'en font fervis dans la même vue; & Jrsus - Christ 1'employe ici dans le même fens. Car le lieu oü il promettoit au brigand converti de 1'introduire, n'étant ni le Paradis terreflre, qui a été détruit par le Déluge, (Tuppofé qu'il ait exiflé jufqu'alors:) ni le Purgatoire, dont ïEcriture Sainte ne dit pas un mot, & que ceux qui 1'admettent regardent comme un lieu de tourment; fn le prétendu Limbe des M 5 Peres Apoc. XIV. 13. Gen. II. 9. Eccl.ll.5. !  186 SERMON 2 Cor. xin.4-2 Peres, ou je ne fais quel lieu mitoyen dont les Ecrits Sacrés ne font pas non plus raention i. il eft clair que le Paradis eft le féjour des ames heureufes, que St. Paul appellé du même nom, après favoir noramé le troifieme Ciel. II. Ainfi le bonheur que le Sauveur promettoit a ce pécheur pénitent & plein de foi, c'étoit le falut de fon ame; la vie éternelle, qui au dernier jour s'étendra jufques au corps. Mais quand devoit-il commencer a jouir de ce bonheur ? Etoit - ce dans quelques fiecles, dans quelques années? Non, c'étoit le même jour: aujourdhui, lui dit le Sauveur, tu feras avec moi en Paradis. Je ne m'arrête pas a réfuter ici ceux d'entre les Catholiques Romains qui ont prétendu qu'il faut traduire, je te dis aujourdhui, que tu feras avec moi en Paradis. Quand cette conftruction des paroles du Sauveur ne feroit pas contredite par des traducteurs de cette même Communion, qui dans des Verfions publiquement approuvées ont tendu ces paroles comme nous, quoi- qu'ils  fur les deux brigands, 187 qu'ils ne les expliquent pas précifement de même: l'Ecriture nous autorife abondamment a foutenir, que le Sauveur promettoit a cet homme que des le même jour, il feroit participant du bonheur célefte, en nous enfeignant autre part que la félicité des Elus commence avee leur trépas. Témoin Lazare qui en mourant fut portè par les Anges dans Is fein dAbraham , c'eft - a - dire , dans le Ciel, puifqu'il y goutoit des. Mens oppofés aux maux qu'enduroit dans un lieu différent le mauvais riche. Témoin ces hommes, qui, mourant au Seigneur, font bienheureux, paree qu'ils fe repofent de leurs travaux, fi? que leurs oeuvres les fuivent. Témoin la déclaration de St. Paul, mon défir tend d déloger fi? a être avec Christ , ce qui m'efl beaucoup meilleur. III. Voyez, enfin, par rapport au bonheur promis au brigand converti, fa certitude. Qui eft-ce, qui annonce a cet homme, que des le même jour, il fera avec lui en Paradis? Qui eft-ce, qui lui donne, au milieu des douleurs que fon Luc. XVI. 32. ft. 23—25. Avoc. xiv.13. Phil. U 23.  188 SERMON i Cor. IV. 17. fon fupplice lui caufe, 1'affurance d'une félicité fi grande, & fi prochaine? C'eft Jesus-Christ. C'eft ce même homme dont il vient de défendre 1'innocence & la véracité. C'eft ce même homme qu'il vient de confefler Meffie & Fils de Dieu, en lui attribuant de n avoir rien fait de réprêhenfible. C'eft ce même homme a qui il vient de demander grace, & de recourir, comme a un Sauveur capable de 1'exaucer. Pouvoit-il douter de fon falut, quand le Sauveur, qu'il reconnoiflbit pour tel, le lui annoncoit de fa propre bouche? Ah! quelques maux qu'il endurat fur la croix; que fes fouffrances qui alloient bientêt pajfer, durent lui paröitre légeres au prix de la gloire excellemment excellente que lui promettoient ces paroles, en vérité je te dis, qu'aujourdhui tu feras avec moi en Paradis! APPLICATION. Tirons quelques ufages de ce que nous venons de méditer. Nous y trouvons qua- \  fur les deux brigands. 1S9 quatre leeons importantes, par lefquelles nous terminerons ce difcours. h Confidérez d'abord, M. F., le danger ou 1'on s'expofe en fe livrant au yice. Nous voyons ici un homme prëc a mourir en croix pour fes crimes, avoir 1'ame affez dure pour infulter a un innocent & pour attendre le trépas fans donner la moindre marqué de repentance. J'avoue que le genre de vie qu'il avoit embraffé, efl: un ce ceux qui expofent le plus les hommes a mourir dans 1'impénitence, puifqu'il fuppofe dans ceux qui s'y livrent, un degré de méchanceté qui n'a pas lieu dans tous les pécheurs d'habitude. Mais tous les vices ont pourtant ceci de commun, c'efl: que plus on s'y abandonne, & plus il devient difficile de les abandonner; que plus on differe a fe convertir, & plus il efl a croire qu'on ne fe convertira jamais: puifque plus on s'accoutume a faire le mal, quel qu'il foit, (Sc de quelque maniere qu'on le commette,- plus auffi 1'on fe rend incapable de bien faire, & indigne d'un fecours, tolequel on ne fauroit vaincre fa  190 SERMON iCor.V.5 la corruption, mais que Dieu ne doit a perfonne. II. Une feconde lecon que nous donne notre texte, c'efl: Vutilité des affiiëtions. Voyez dans rautre brigand, combien il lui fut avantageux de tomber entre les mains des Juges, & de recevoir fur la croix da chofes dignes de fes atlions. Si fes défordres fulfent reltés impunis, 1'effet naturel de cette impunité auroit été de 1'engager dans de nouveaux crimes, & de le conduire enfin a cette impcni■tence finale, après Jaquelle il n'y a plus de grace a efpérer. Comment Dieu prévint-il un effet fi funefte? Par quels moyens engagea t-il ce coupable a retourner vers lui? Par un fupplice, qui ,détruifit fa chair, afin que fon efprit fut fauvé au jour du Seigneur Jesus. Par un fupplice, qui réveiliant fa confeience, & lui rappellant Ténormité de fes crimes, 1'excita a chercher dans la grace du Saint & du Jufie qui fouffroit a fon cöté, Ie moyen d'échapper aux fupplices éternels dont il s'étoit rendu digne. Ainfi cet homme, qui fans fon emprifonnement\ fe  fur les deux brigands. 191 fe feroit probablemcnt livré a de nouvelles iniquités, düt, par la grace divine, fa converfion & fon falut, k fa crucifixion. III. Voyez en troifieme lieu dans mon texte, quels font les effets dun vrai retour vers Dieu. Voyez combien il eft véritable que Dieu ne veut pint la mort du pécheur, mais fa repentance & fa vie; & que moyénant cette repentance, des péchés comme le cramoifi & le vermillon, font rendus blancs comme la neige & la laine. Voici un brigand, un homme qui plus d'une fois peut - être avoit joint le meurtre a la rapine, un homme affez coupable du moins, pour reconnöitre. qu'en le clouant fur une croix on ne lui avoit point fait injufiice: & a peine cet homme a t-il déploré fes crimes, qu'il en regoit le pardon! Quel motif a revêtir fans délai les fentimens dune repentance qui conduit k un fi grand falut! Quel encouragement, non a continuer de pêoher, afin que la grace abonde; non a différer fa repentance, dans l'efpérance de fe repentir quelque jour: mais a ne pas fe tenir èloigni de Dieu, fous pré1 tex- Ezsch. XVUI 23. 32. & xxxiu.h. Efa.l iü. tléb. II. 3. Hom. VI.!.  I Jean II. i. Gal. V. 6. 192 SERMON texte qu'on 1'a trop offenfé; mais a retourner vers lui avec une prompte & iincere repentance, pour avoir part a une miféricorde, qui, pour 1'amour de Jesus-Christ le Jufte, fe répand fur tous les vrais pénitens! IV. Enfin, voyez dans mon-texte, quel eft.. le. cara&ere diftinclif de la foi Ê? de la-repentance. C'eft d'être opérantes par la charité, de produire de bonnes ceuyres. Attaché a la croix pret a perdre la vie, hors. d'état de réparer par une longue fuite de bonnes aclions, les défordres de fa vie paffee; le brigand conyerti ne laiffe pas de manifefter fa foi & fa repentance par fes ceuyres. II fe montre croyant & pénitent, en faifant -tout le bien, que Ie tems & 1'occafion lui permettent de faire. II voit fon compagnon d'iniquité pret a périr dans fon impénitence; il cherche a lui infpirer la crainte de Dieu. Sa confeience lui reproche fes crimes; il en fait ouvertement confeffion. II entend noircir 1'innocence de Jesus; il la jujlifie. II regarde Jesus comme le Christ ; il recourt a lui pour être fau-  fiir les deux brigands. tp^ fauvé. C'efl ainfi qu'un pécheur vraiment converti, fe montre tel par fes aeuvres. C'efl ainfi que dès que la foi fif* la repentance ont lieu dans un homme, elles fe manifeflent par leurs effets. Puiffions nous trouver chacun dans les fentimens & dans fa conduite, cette preuve certaine aütant que héeeffaire de la fmcêrité de notre converfion! Dieu nous én falfe a tous la grace! Amen» Tom. 11 N SER»  SERMON SUR LA PLAINTE DUSAUVEUR EN CROIX. Or depuis fix heures, il y eut des tênêbres fur tout le pays, jufqud neuf heures. Et enyiron les neuf heures, Jesus cria a haute yoix, difant; Eli, Eli, lama fai'achtani, c'efl-d-dire , mon Dieu , mon Dieu , pour quoi mas - tu abandonnè? Et quelques-uns de ceux qui étoient ld, ayant entendu cela, dirent, celui-ci appellé Elie. Et incontinent quelqu'un dentreux accourut, 3 prit une éponge, & l''ayant remplie de vinaigre, il la mit au bout dun rofeau, fi? lui en donna d boire; mais les autres difoient, laifje, yoyons fi Elie viendra pour le fauver. Matt. XXVII. 45-49. Ce font, Chrétiens, M. T. C. F., deux événemens bien mémorables, que ceux que rfiiftoire Sainte nous rapporte dans  fur la plakte du Sauveur en croix. J95 dans les paroles dont je viens de vous faire la lecture. D'un cöté, nous y voyons cet Aftre brillant, que le Créateur du monde a placé dans les deux comme dans un pavillon, pour répandre de la fa lumiere fur notre globe, & pour en éclairer les habitans; perdre pendant trois heures entieres, fa clarté, par un obfcurcifement extraordinaire: tandis que, d'un autre cöté, nous y voyons le Soleil de juftice, leRédempteur du monde, 1'homme fans pêché, le propre Fils de Dieu; déchiré par de vives douleurs, couvert d'opprobre & d'ignominie, plongé dans un abïme de maux, & réduit a fe plaindre que Dieu même Va abandonné. Deux événemens» entre lefquels il y a une liaifon intime, puifque le premier n'eut lieu qu'a 1'occafion de 1'autre; & qui, fous le bon plaifir du Seigneur, vont faire le fujet de votre attention religieufe, dans deux Parties générales qu'aura ce difcours. I. PARTIE. Par rapport aux tènèbres dont il eft N % par- t Pf.XlX 5. Mal.TV. 2. 1 Pier. II. 22. Rom. VIII. 31. \  Mare. XV. 33- Luc. XXIII. 44. [96 SERMON parlé dans mon texte, & qui doivent faire le fujet de notre première Partie; quatre objets doivent nous y occuper. Leur durée, leur étendue, leur nature, leur deftination. I. Confidérez d'abord cómbien durerent, felon les Evangéliftes, les ténébres dont ils font mention dans eette hiftoire. Tous en parient, a St. Jean prés, & s'accordent a. les faire durer depuis fi% heures jufqii'd neuf heures: c'eft-a-dire, felon notre maniere de compter, depuis midi jufqua trois heures. D'habiles interpretes croyent, que ces ténébres ne commencerent que trois heures après la crucifixon du Sauveur, & qu'il a été fur Ia croix, fix heures entieres. Cela me paroit effeclivement inconceftable : mais comme il ne s'agit dans mon texte que de la durée des ténébres, & non pas du tems que Jrsus- Christ a paffe fur la croix; je me contenterai d'avoir remarqué, que ces ténébres durerent pendant trois heures entieres, favoir, depuis midi jufqud trois heures, felon notre facon de compter. II.  fur la plainte du Sauveur en croix. 197 II. Une feconde queflion relative a ces ténébres, doit rouler fut leur étendue. Les trois Evangéliftes qui en parient, employent tous trois cette expreffion, # y eut des ténébres fur tout le pays. C eft ainfi du moins qu'on peut traduire; mais il y a mot a mot, toute la terre. Et c'eft ce qui occafionne un doute, qui n'eft pas aifé a réfoudre. On demande, fi ce mot, toute la terre, doit s'entendre dans un fens général, ou dans un fens reftreint? S'il faut 1'expliquer de toute la terre habitable, ou de la Judêe feulement? Ceux qui font dans cette derniere penfée, objectent contre 1'autre, que fi ces ténébres extraordinaires & inattendues avoient eu lieu dans d'autres contrées, on en trouveroit des traces dans les Auteurs prophanes; n'y ayant pas d'apparence, qu'aucun autre Hiftorien n'eut fait mention d'un obfcurciffement fi remarquable, s'il eut eu lieu partout. D'autres, en accordant la jufteffe de cette conféquence, nient le principe dont elie découle: ils avouent que la penfée que ces ténébres n'ont eu lieu qu'en Judée, N 3 fe"  198 SERMON feroit tres fondée, fi effeétivement aucun Auteur étranger n'en avoit fait mention. Mais c'efl; la ce qu'ils conteftent. Ils citent divers paffages oü il eft parlé d'une obfcurité tout-a-fait extraordinaire, & qui ne peuvent, difent ils, être raifonnablement rapportés qu'a celle dont il eft parlé dans mon texte. Ils citent entr'autres uu Auteur, qui rapporte qu'un certain Denys, encore Payen de Religion, & qui fe trouvoit en Egypte, voyant cette obfcurité, en fut fi frappé qu'il s'écria, „ ou „ la Divinité fouffre, ou elie compatit a „ quelqu'un qui fouffre." Voila, M. F., les raifons que les favans alléguent de part & d'autre, ceux - ci pour montrer que ces ténébres ont été générales; ceux-la pour établir qu'elles n'ont eu lieu qu'en Judée. l*a décifion de ce différent ne doit pas être fort importante, puifque le St. Efprit ne nous a pas mis en état de le décider par ïEcriture. Remarquons feulement, que cette exprefllon des Evangéliftes toute la terre, doit avoir été beaucoup plus claire pour leurs contemporains que pour nous: & que, quoiqu'il en foit de 'Fétendue de ces té-  fur la plainte du Sauveur en croix. 199 ténébres, il eft certain du moins qu'elles eurent lieu dans toute la Judée; & que, foit qu'elles lui aient été particidieres, foit qu'elles aient eu lieu partout, elles ont également été miraculeufes. III. C'eft notre troifieme réflexion, qui doit rouler fur la nature de ces ténébres. Nous ignorons quelle a été leur épaiffeur. Seulement pouvons nous conjecliurer avec quelque vraifemblance, qu'elles ont été moins épaiflès que celles qui couvrirent autrefois r Egypte trois jours durant. Car alors, on ne fe voyoit pas l'un r autre; au lieu que dans f occafion dont il s'agit ici, il paroit par quelques circonftances , qu'on pouvoit encore difcerner les objets. L'obfcurité pourtant, comme le montrent les expreffions des Auteurs facrés, doit avoir été grande. St. Luc dit pofitivement que le foleil fut obfeurci: & cela même donne a connöitre des ténébres miraculeufes. En effet, vu la fituation refpe&ive oü étoient aétuellement le foleil & la lune par rapport a la terre, il étoit impolfible qu'elles arrivaffent naturellement. Le foleil fat obfeurci. Cela peut arriver pat N 4 une Exod. X.. 22, 23. XXIII. 45,  3.00. SERMON une éclipfe ; mais alors il ne pouvoit pas y avoir declipfe au foleil. Car 1'éclipfe du foleil fe faifant par le paflage de la lune entre le foleil & la terre, nepeut avoir lieu que lorfque la lune fe renouvelle, paree qu'elle efl alors du même cöté que ie foleil. Or Jesus-Christ a été crucifiê a Eaques, c'efl-a-dire dans le tems de la pleine lune, tems, oü la terre fe trouvant entre le foleil & la lune, il peut bien y avoir une éclipfe de lune, mais non pas une éclipfe de foleil. Dela réfulte, que F obfeurci ff ement que cet Aflre fouffrit en plein midi dans cette occafion, & qui dura trois heures entieres, ne fauroit être attribué au cours ordinaire de la Nature. Et, de quelque maniere qu'il fe foit fait, (ce que, vu le fiience de FEcriture, & la diverfité i des voies que peut empioyer 1'Etre grand en confeil ê? dbondant en moyens, il efl impoflible de détermmer, ni même de conjeéturer avec quelque vraifemblance:) de quelque maniere, dis-je, que cet obfeurcijfement du foleil fe foit fait, il ne pait, vu le tems oü il arriva, être eonfitiéré que comme un miracle. IV,  fur la plainte du Sauveur en croix. 201 IV, C'efl fur la deflinatian de eette obfcurité miraculeufe, que doit rouler un quatrieme Artiqle, Dieu, qui ne fait rien en vain, & qui n'agit jamais que par des raifons dignes de fa fageife, en eut fans doute de partieulieres pour accompagner de cet effrayant phénornene, les dernieres fouffrances du Sauveur, Une éclipfe ordinaire n'étant que la fuitc naturelle du mouvement des corps céleftes, elie n'annonce, elie ne préfage rien; & c'efl une fuperftition de s'en allarmer, ou d'en tirer des qonféquences fmiflres, Mais dans mon texte, il s'agit d'un cas tout différent: il s'y "agit d'un événement, qui ne pouvant, comme nous favons montré plus haut, avoir eu.lieu que par 1'intervention immédiate & furnaturelle de la puiffance divine; doit par cela même, avoir eu des vues partieulieres, Quelles étoient ces vues? Que fignifioit, dans cette conjonclure , i'obfeurcijfement. fubit & extraordinaire de ÏAflre du jour? Pourquoi Dieu, qui a formé le foleil pour éclair er la terre, fi? qui le fait luire fur les mèchans fif N 5 fur Mate. V.45.  202 SERMON Aa. ui. 15' 17. Jean VIII, 12. &c. Mal. IV. 2. JeanXU.46. Matt. XXVil. 5'! fur les bons; en intercepta t-il les rayons pendant plufieurs heures? Etoit-ce pour reprocher aux Juifs les ténébres de leur entendement, ê? ïignorance qui étoit en eux par l'endurciJJement de leur cozur, & qui leur faifoit méconnöitre & mettre a mort le Prime de la vie? Etoit-ce pour marquer la noirceur de ce crime, & leur faire fentir, en leur ötant la lumiere du foleil, combien ils étoient indignes de la lumiere fpirituelle, que le Sauveur avoit fi vainement offerte a leurs yeux? Etoit-ce pour défigner la profonde & inexprimable iriflejfe, oü fe trouvoit aétuellement plongé pour le falut du monde, le Soleil de juftice, celui qui efl venu au monde pour en être la lumiere ? Etoit-ce pour exciter Vattention des affiftans, & les porter a reconnöitre 1'innocence de Jesus-Christ; comme le firent effectivement plufieurs, qui voyant les chofes qui étoient arrivées, & dont ces ténébres faifoient partie, dirent, véritablement celui-ci étoit le Fils de Dieu? Etoit - ce, enfin , pour annoncer a la criminelle fynagogue, les malheurs qui al-  fur la plakte du Sauveur en croix. 203 alloient fondre fur elie, & faire de Jérufalem & de la Jndée mie défolation, fi? une terre inhabitable? De routes ces explications, dont aucune n'eft abfolument fans vraifëmblance, la dernieré paroit d'autant plus recevable, que ï obfeurcifement des Aftres eft fouvent uh emblême des calamitès que Dieu prépare aux peuples. Témoin, entr'autres exemples, ce palfage du Chapitre VIÜ>. dAmos: tl arrivera en ce jour la, dit le Seigneur T Eternel, que je ferai coucher le foleil en plein midi, £sf • que je ferai venir les ténébres fur la terre en un jour ferein; &? je changerai vos fêtes folemnelles en deuil, fi? tous vos cantiques en lamentation. Mais quoiqu'il en foit de la fignification précife de ce phénomene; au moins eft-il inconteftable , & on le reconnoit dans toutes les conjeétures que fai rapportées, que puifqu'il eft arrivé par miracle, il marquoit vifiblement ï'intérêt que Dieu prenoit a la fituation de celui qui s'étoit dit envoyé de fa part poür être le Sauveur du monde, & qui vérifioit actuellement ce titre,en foufrant dans Jér.VI.8. Atnos VIII. 9.10.  I Pier, ui. ib. Mate, XV. 34. 2Q4 SERMON dans fon corps & dans fon ame, lui jujle pour les injufles, des douleurs & des détreffes, dont nous trouvons la preuve dans la plainte qu'il proféra, & qui doit faire le fujet de notre feconde Partie, II. PARTI E. II étoit environ neuf heures, c'efl-a-. dire, comme nous 1'avons remarqué plus haut, environ trois heures après midi, felon notre flile; lorfque Jesus , foit par la violence de fes douleurs, foit aufu* pour fe faire entendre a tous ]es affiflans, sècria a haute voix, Eli, Eli, lama fabachtani: ce qui veut dire, mon Dieu, mon Dieu, pour quoi mas-tu abandonné? H y a dans St, Mare, Elöi, Elöi. Le fens en eft le même, car Eli & Elöi, jpgnifient tous deux, mon Dieu. Mais il efl apparent que le Sauveur a prononcé ce mot comme St. Matthieu le cite, Eli, EU', vu 1'équivoque qu'on en fit avec le nom cYElie. N'infiflons pas fur cette queftion. L'effentiel, & ce qu'il nous jmporte de favoir, c'efl que le Sauveur pro.  fur la plakte du Saüveur en croix. 20$ prononca des paroles qui figniflent, mon Dieu, mon Dieu, pour quoi nias-tu abandonné? C'eft cette exclamation du Sauveur qu'il s'agit maintenant de développef. J'y trouve quatre chofes. Uexpreffion de la plus amere douleur. Une preuve que Jesus-Christ a foufert d notre place, pour expier nos péchés. Un témoignage de fa confiance en Dieu. Uoccafion dun nouvel outrage quon lui fit. Reprenons ces Articles. I. Je trouve dans ces paroles, mon Dieu , mon Dieu, pourquoi nias - tu abandonnê? ïexprefion de la plus amere douleur. Quelques interpretes femblent n'avoir confidéré ces paroles, qui font prifes du Pfeaume XXIIe, que comme une citation, par laquelle le Sauveur, qui fouffroit aétuellement les maux exprimés dans ce Pfeaume, y renvoyoit les juifs, comme a un Oracle dont Yaccomplifement en fa perfonne devoit les convaincre qu'il étoit lui ce Meffie, dont les fouffrances y étoient dépeintes. Je ne difconviens pas, M. F., que ces pa- pr.xxn.i.  £00 SER M Q N !ean J4.15 paroles du Sauveur, prononcées a haute voix, n'aient pu avoir cet ufa.ge, furtout fi , comme de favans hommes Font conjeéturé, Jesus-Christ a récité le Pfeaume XXIR d'un bout a 1'autre. Mais je n'en fuis pas moins perfuadé, que cette exclamation fignifioit beaucoup plus. Pour le fentir, M. F., remarquez d'abord que le Sauveur n'a pu faire ufage de ces paroles , fans donner a connöitre par cela même, que Dieu Vavoit abatu donné; ce qui, dans quelque fens qu'il faille le prendre, marqué du moins optil fouffroit de grands maux. Remarquez enfuite, que les fouffrances du Sauveur devoient s'accroitre par degrés, jufqu'a 1'entiere confommation de fon facrifice, & que ce facrifice, qua parler exactement il a commencé ctoffrir dès fon entrée au ynonde, devoit s'accomplir par la mort de la croix, fans laquelle le reffe eut été inutile: témoin cette déclaration de fa propre bouche, comme Moyfe éleva le ferpent dans le défert, ainfi faut-il que le Fils de F homme foit élevé, afin que qukonque croit en lui ne périffc point, mais quil  fur la plakte du Sauveur en croix. 307 qu'il ait la vie éternellle. D'oü réfulte en troifieme lieu, que le Sauveur doit avoir fouffert fur la croix, plus que dans aucun autre période de fa vie. Après ces remarques qui ne me paroifient pas conteftables, rappellez vous ce que JesüsChrist avoit déja fouffert. Repréfentez vous les cruels momens que lui avoit fait pafier en Gethfémané, 1'idée des maux qui 1'attendoient au Calvaire. Voyez le, 1'ame pénétrée d'une triflejfe mortelle, fe projlerner dans la poufliere, préjenter a fon Pere avec de grands cris 3 uvec larmes des prieres fi? des fupplications, avoir befoin qu'un Ange le fortifie, & fuer dans fa détreflë des grumeaux de fang! Penfez enfuite, que fur la croix, il fubifioit ces mêmes maux dont les approches 1'avoient fi fort effrayé. Penfez, que fur ce bois infame, il tenoit, il buvoit aétuellement cette coupe, dont il avoit prié trois fois fon Pere, de l'exempter s'il étoit poffible. Et jugez par la de ce qu'il fouffroit, & dans fon corps, & dans fon ame. Jugez s'il ne devoit pas être dans une fituation qui 1'autnrifoit a fe plaindre, que Dieu l'avoit abandonné! II. VTatt.XXVI. '8,39, &c. Héb. V. 7. Luc. XXI[. 43- 44-  m S Ë R M O N Aam 14 Pf.XLV 3 1 Pier. II 22. II. J'ai dit en fecond lieu, que cette' exclamation juflifie le fentiment oü nous fommes * que les foutfrances du Sauveur étoient, fatisfaBoir-'es, ou, comme je mé fuis exprimé, qu'il fouffroit d notre place, pour ïnpiation de nos péchés. En effet, M. F., qui peut entendre ici le Saint & le Jufie, celui fur les levres duquel repoferent conftamment la droiture & la vérité, & dont la louche ne prof ér a jamais de fraude: qui peut, dis-je, 1'entendre dire, que Dieu ïa ahandonné, fans en conclure qu'il étoit acluellement dans une amere détrejfe? Si 1'on ne peut, fans faire injure a la grandeur d ame & a la véracité du Sauveur, lui attribuer des plaintes exagérées: ne faut - il donc pas reconnöitre, que. lorfqu'il prononca ces douloureufes paroles, Dieu F avoit effectivement ahandonné? Non pas, je l'avoue, dans tous les fens, & dans toute 1'étendue dont cette phrafe efl fufceptible. Non, entant qu'être ahandonné de Dieu, fignifie, être 1'objet de fa co'ere, féparé de fa communion, exclus de fa bienveuillance, de fa grace, de fon amour. En ce fens, Dien  fur la plainte du Sauveur en croix. 209 Dieu n'ahandonné jamais ceux qui k craignent: beaucoup moins, en ce fens, avoi.t-il ahandonné fon Fils. Non, jamais le Fils de Dieu ne fut 1'objet de fa colere: jamais il ne ceffa d'avoir communiön avec lui; d'être fon enfant chéri, fon élu, fon blen-aimè. Au contraire, il 1'étoit alors plus que jamais par fa parfaite obeiffance. Mais de cela même je conclus, qiu7 fouffroit a notre place. Dans cela même je trouve la preuve qu'il étoit fur la croix comme une victime, fur laquelk VEternel avoit fait venir ïiniquitê de nous tous, & qui en conféquence, enduroit pour nous des peines, équivalentes a celles que nous avions méritées. Car puifque Jesus-Christ pour la première fois de fa vie, s'efl: plaint que Dieu F avoit ahandonné; il faut que dans ce moment il fe foit trouvé dans une fituation qui jufqu'alors lui avoit été incounue; qu'il ait été privé de cette joie, de ces confolations ineffables, qui 1'avoient foutenu, fortifié dans fes autres fouffrances. Or cela ne pouvoit avoir lieu dans un homme fans pêché, Tom. IJ. O qu'en.; Pf.XXXVII. zX. Efa.LI!L'd. VUL 40-. 1 Pier. II. as.  aio SER M O N pr lxxv. p. t J«o. II. 1. E'a lui 5- qu'entant que tenant la place d'hommes coupables, il devoir lui-même quoiquinnocent, être traité comme un coupable. Reconnoiffons le donc. Si Jesus-Christ le Saint & le Jufte, le Fils unique & bien - aimé du Pere, a été dans le cas de fe plaindre, que Dieu Vavoit ahandonné; c'efl qu'il fatisfaifoit pour nous a fa jufticc; c'efl que la coupe qu'il avoit tant redoutée , & dont il favouroit actuellement 1'amertume, étoit celle de la colere célefte contre les péchés des hommes: coupe terrible, & de laquelle, fans fon interven tion , tous les mêchans de la terre auroient du fucer & boire les lies. Oui, e'le eut été notre éternel partage, fi Jesus-Christ le Jufte ne feut bik. pour nous. Mais il a étè navrè pour nos forfaits, froiffê pour nos iniquités : ï'mande qui nous apporte la paix a clé fur lui, é? pur fa mmrtrijfure nous avons la guérifon. 111. Mais fi cette exclamation du > Sauveur, mon Dieu, mon Dieu, pour quoi nias-tu ahandonné? concourt a monrrer qu'il a fouiïert pour expier les péchés . dü  fur la plainte du Sauveur en croix. 21 r du monde: 011 y voit cn trofieme lieu, un têmoignage do fa confiance en Dieu. C'efl la remarque de Calvin, de ce même Cah in qu'on a ofé accufer d'avoir eu des idéés injurieufès a Jesus-Christ: lui qui dans la Section Xe. de fon Catéchisme, en attribuant au Sauveur des fouffrances intérieur es & fpirituelles, les diftingue fi foigneufement d'avec celles des pêcheurs que Dieu punit dans fa colere: lui qui dit fi pofitivement, que Dieu n'étoit point irriié contre fon Fils, mais qu ii Ta, felon T Oracle d'Efaie , affligé pour nos péchés: lui qui remarque expreffément, que Jesus-Christ au milieu de fes angoiffes , na- pas laiffé d'efpérer toujours en Dieu; 6? qui, dans fon Commentaire fur les paroles de mon texte, Ie prouve par cette exclamation même, mon Dieu, mon Dieu! En effct, ce n'efl pas la le langage d'un homme qui eraigne que Dieu ne Tait ahandonné entiérement & pour toujours: ce n'efl pas fous ce titre fi tendre & fi confolant, & dont nul homme n'a mjeux connu que Jesus-Christ, le O a fens Er*, lui.  212 SERMON PC LXIX 14. »7- Héb. XII. 0 Luc. XXII. 32. Matt, VII. 7- liHéb. IV. l6. &C. fens & 1'énergie; que s'exprimeroit un homme, qui fe croiroit totalement exclus de la communion divine. Nul homme, du moins , ne doit être dans cette croyance, tant qu'avec fmcêrité , il invoque 1'Etre fuprême comme fon Dieu. Puis donc que Jesus-Christ, dont le cceur ne démentit jamais la bouche, & qui ne proféra jamais que la vérité; a nommé deux fois fon Dieu, celui dont il fe plaignoit dêtre ahandonné: il mettoit encore en lui fon efpérance; il fe croyoit encore 1'objet de fon amour; il fe perfuadoit encore que Dieu lui répondroit felon la vérité de fa dèlivrance, & que felon la grandeur de fes compaffions, il tourneroit fon vifage vers lui. Et comment cela pourroit-il être autrement? Comment auroit pu défaillir la foi du Chef & du Comfommateur de la foi; de celui, qui, par fes prieres toujours efficaces, empêche la foi de fes difciples de défaillir? Comment celui qui leur ordonne dans fa Parole de prier avec confiance, auroit il manqué lui-même de confiance? Auffi n'en a t-il point manqué; & fon excla- nia-  fur la plakte du Sauveur en croix. a i s mation même le prouve, puifqu'il la eommenca par ce paroles, mon Dieu, mon Dieu! IV. Enfin, M. F., les Evangéliftes nous 'font remarquer dans la plainte du Sauveur, Toccafion d'un nouvel outrage. Quelques -uns de ceux qui étoient ld prèfens, ayant wï ces paroles, dirent; celui - ci appellé Elie; & incontinent quelquun d'entr'eux accourut, '& prit une éponge, & Vayant remplie de yinaigre, la mit fur un r of eau, fif lui en donna d 'boire. Mais les autres difoient, laiffe, voyons fi Elie viendra pour le fauver. L'exclamation du Sauveur, commencant par ces mots, EU, Eli, donna lieu a quelques-uns desxaffifians de dire qu'?7 ■appelloit Elie. S'ils ont réellement été dans cette penfée, il y a de 1'apparence que c'étoient des Juifs étrangers, ou des foldats Romains; qui, ne comprenant pas le refte des paroles du Sauveur, prirent les premières pour le nom du Prophete Elie. Les Juifs, fur un paffage de Malachie mal expliqué, attendoient Ie retour d'Elie; & les favans remarquent O 3 même Mal. IV. 5.  214 SER M. O N- même quV/ y avoit parmi eux une tradition qui portoit, que ce Prophete devoit venir pour délivrer les malheureux: tradition, qui, vu" Je commerce des Juifs avec les Romains depuis que ceux-ci s'étoient foumis la Judée, peut n'avoir pas été. inconnue aux foldats de Pilate. 11 fe pourroit donc que ceu>x qui dirent, celui-ci appellé Elie, Faient elFeétivement cru ainfi: & c'efl; la penfée de plufieurs interpretes. Selon d'autres, au contraire, ceux qui expliquerent ainfi Fexclamation de Jesus - Christ , favoient bien- que. ce n'en étoit pas le fens, & ne J'y donnerent que par moquerie. _ Quoiqu'il en foit, (car la décifion de cette queftion n'eft, pus fort importante,) Fexclamation du Sauveur ainfi interprétée, lui attira une nouvelle infulte. Je m'exprime ainfi, paree que je doüte fort que celui qui a cette occafion préfenta du yinaigre au Sauveur, ait eu intention de lui procurer par la quelque foülagement. 11 eft certain, du moins, qu'on lui en avoit déja donné dans de tout aütFes vues. Car  fur la plakte du Sauveur en croix. 215 Car &t. Luc dit expreffément, avant de faire mention des ténébres, que les foldats ïinfultoient, sapprochant de lui, & lus} prèfeniant du vitsaigre; cf qu'ils lui difoknt, fi tu es le Loi des Juifs, fauye to\toimême. II n'eft donc pas hors d'apparence, que dans f occafion ici mentioimeé, cette liqueur ne fut offerte au Sauveur que pour Foutrager. Ec ce qui femble confirmer cette penfée, c'efl que, comme il paroit par St. Mare, celui - la même qui fit cette adion f accompagna auffi-bien que, les autres , de cette amere & fanglante raillerie: laijfez; voyons fi Èlie viendra pour le délivrer. APPLICATION. C'eft ainfi, M. F., (& j'entre par la dans la conclufion de ce difcours:) c'eft ainfi qua été traicé par des kiqncs, dans le plus fort de fes douleurs, le plus faint, le plus refpectable de tous les hommes. C'eft ainfi que ce Jufte par, excellence, qui n étoit venu au monde que pour y faire du bien, qui n'y avoit fait que du O 4 -uc.XXIIl. 36. 37. Mare XV. 36.  pr.xxii.is. vs. 17. 1 Pier: lï'. Eft. LUI. 10. 8. Pf. XXXI. l'J. Pf.LVI.6. 1 Pief. h. 93» 216 SER M O N & qUi jamais n'avoit offenfè ni Dieu ni les hommes; a été infulté par de vils pécheurs au moment même que fes fouffrances montées a leur comble, lui avoit arraché la plainte que nous avons développce. Voyez, en effet, tandis que tous fes os font déjoints, c? que fon emir fe fond au dedans de lui comme de la cire: que per cd aux mains &P aux pieds, il endure un des plus horribles fupplices que puiffe inniger la juftice humaine: que fatisfaifant a la juftice divine pour les péchés du monde, il les porte en fon corps fur U hois; froiffé & mis en langueur pour les iniquités de fon peuple: voyez, dis - je, des gens cruels infulter a fa fituation, & tourner fes plaintes en raillerie. Voyez les de leurs levres menteufes & profanes, proférer contre ce jujle des paroles dures avec orgueil fip mépris. Voyez les ajouter nffficlion d cet ajfiigé, tordre fes difcours, £? lui faire honte, dans le moment même qu'?7 prend VEternel pour fa retraite. Mais voyez le auffi , toujours partient , toujours charitable, quand on lui dit des eutrageSt tien  fur la plakte du Sauveur en croix. 217 nen point rendre ; £«? quand on lui fait du mal, ne pas ufer de menaces; mais ien remettre d celui qui juge jujlement. Ah! fi nous avions pour celui qui par un amour inefable a tant fouffert pour nous, toute la reconnoijfance qui lui efl due ; que nous travaillerions autrement que nous ne faifons, a nous régler fur fon modele! Non, nous ne [entons pas affez vivement ce que nous devons a Jesus-Christ. Non, la charité qu'il nous a témoignée ne fait point fur nous des imprejfwns affez profondes. Nous ne fommes ni afièz touchés de la beauté de fon exemple, ni affez convaincus de 1'indifpenfable obligation ou nous fommes de nous y eonforiner. Le moindre obflacle a nos deffeins, nous impatiente. La plus légere injure, nous irrite. Le plus foible fujet de chagrin, nous aigrit & nous met de mauvaife humeur. Uu petit mal, nous abbat & nous décourage. Quelques foins a prendre, quelques fatigues a fubir pour aider nos prochains, nous paroiffent un travail pénible. Attachés a nos aifes, a nos O 5 p-ai-  Jtq.hl,2. ai8 SERMON plaifirs, a cette même vie dont nous exagérons fi fort les infortunes; nous voudrions ne -jamais fouffrir, ne jamais mourir! Qu'ils font du moins en petit nombre, ceux qui n'ont' pas ces reproches è fe faire! Et ceux-la même ne fe reprocheront ils pas a jufte titre, qu'ils font encore bien lom de la perfeclion Chrétienne, &' qu'ils bronchent encore f ui vent, & en plufieurs chofes? Mais quoi, M. F., ne tirerons nous du texte que nous avons médité qu'un tifage de cenfure? N'envifagerons nous une maïH.re fi confolante, que du cöté des reproches qu'elle nous fait, d'avoir fi peu de reffemblance avec le modele qu'elle nous propofe? Non, fi nous fentons la juftice de ces reproches, fi nous nous les faifons nous-mêmes, fi nous rcconnoiffons, fi nous déplorons fincérement, & nos anciens péchés, & nos imperfections préfentes; li nous rougisfons d'être encore fi peu maitres de nos paffions, fi peu avancés dans les vertus que Jesus , notre Maiire & notre Seigneur, nous a prefcrites: n'héfitons pas a puifer, dans  fur la pldinte du Sauveur en croix.. 219 dans la fituation oü mon texte nbtis' le repréfente, les confolationsóontmomiavons befoin. Apprenons y a recourïr a celui, qui, pour nous fouftraire 'au' coünS ifè la juftice vengereffe du Dieu1fmnf,"n bicti voulu les porter a notre place; & éprouver, fans avoir jamais pêché, les maux que le pêché mérite: car il a fouffert pour les péchés, lui jufte pour des injuftes; afin que quiconque croit en lui, ne périfife point, mais qu'il ait la vie éternelle. Apprenons y , a ne pas nous lailfer engloutir, foit dans les affliclions de la vie préfente, foit même dans la jufte douleur que doit nous caufer le fouvenir de nos fautes, par une u-op grande friste (fe; mais k implorer avec confiance, k 1'exemple de Jesus-Christ, celui qui peut nous délivrer de toutes nos miferes: car pour 1'amour de ce Rédempteur faint & jufte, il fera notre Dieu, comme il a été k firn. Oui, fi dans les fentimens d'une vraie repentance, & en prenant Jesus-Christ pour notre Médiateur, nous prions Dieu de nous faire grace & miféricorde; il exaucera nos 1 Pier. III. if?. Jeanlll. 15. 2 Cor. II. 7. Héb. V.7.  Pf. LXXIII.26 SER- 220 SERMON fur la plakte fi?c. nos fuppttcations, il nous par donner a nos offenfes, il fera notre Roeher fi? notre 'partage & toujours. Puiflions nous en faire tous la falutaire, la confolante épreuve! Amen.  SERMON SUR la satisfaction du Sauveur a la justice divine.* Marchez dans la charité, comme Christ auffi nous a aimés, fi? sefl donné foimême pour nous en oblation fi? facrifice è Dieu, en odeur de bonne fenteur. Eph. V. 2. Ne reconnöitre, Chrétiens M. T. C. F., dans les fouffrances & la mort du Sauveur, qu'une confirmation de fon Evangile qui doit nous porter a croire tout ce qu'il enfeigne, & un exemple de vertu que nous devons imiter autant qu'il efl; poflible; mais non un facrifice propitiatoire, par lequel il ait fatisfait pour nous a la juftice divine: c'efl; d'entre les trois vues que le Sauveur s'efl: propofées en fouf- frant * Préparation a la S". Cêne.  héb. V. 9. 1 Jean IL 2 zi2- SERMON fur ü: fathfdïkn frant pour nous , méconnöitre précifc> ment celle fans laquelle les deux autres, ne nous ferviroient de rien; celle dans laquelle feule il étoit néceflaire que le Sauveur mourut en croix; celle, enfin, par laquelle feule, exaclement parlant, il eft véritablement ce que le titre de Sauveur exprime. Pour: parvenir au falut, il faut avoir ta foi & (a repentance: & en ce fens, elles concourent a nous fauver. La foi y concourt, cn ce qu'elle nous fait recevoir VAuteur du falut, & participer a • la propitiation qu'il a faite des péchés du monde. La repentance y concourt, en ce que nous faifant renoncer au vice, & pratiquer la vertu, elie nous fait revêtir Ia capacité de jouir du bonheur célefte, dont notre corruption nous rendoit incapables. Mais ni la foi, ni la repentance, ne font la caufe méritoire du pardon que Dieu nous accorde, & du bonheur qu'il nous deftine. C'eft par un autre que nous, que ces deux parties cohftitutives du falut, nons ont été acquifes. Et celui qui nous les a acquifes, c'eft Jesw-  du Sauveur d la juftice divine. 223 Jesus-Christ, qui, comme St. Paul le remarque dans mon texte, s'eft donné joi-même pour nous en oblation fi? facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. C'eft uniquement fur cette propoütion de 1'Apötre, que nous allons, fous le bon plaifir du Seigneur, fixer votre méditation. II efl d'autant plus néceffaire de s'en former de jufles idees, pour juflifier ce que St. Paul dit dans le commencement de ce verfet; quelle fournit tout a la fois, & la plus forte preuve que Christ nous a aimés, & le plus preffant motif d marcher nous-mêmes dans la charité: comme nous le montrerons, s'il plait a Dieu, dans un difcours fuivant. Bornons-nous donc dans celui-ci, a la ■ confidération de ces paroles , Christ s'efl donné foi-nmm pour nous en oblation fi? facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. Après les avoir développées & expliquées dans une premier e Partie; nous établirons dans une jeconde par des preuves direcies la vérité qu'el'es énoncent: & dans une troifieme nous écarterons les principales dilïicultés qu'on y oppofe. C'efl; ma divifion générale.  £24 SERMON fur la fatisfa&ion Jean III. 16 Rom. VIII.' 31. Phil.II.&7. I. PARTIE. Commencons par développer, & par ;xpliquer cette propofition de 1'Apötre, que Christ sefi donné foi-même pour nous m oblation 6? facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur. I. Nous y trouvons d'abord une vérité, a laquelle il importe d'autant plus de faire attention, que nous aurons lieu d'en faire ufage dans la fuité. C'eft que JesusChrist s'efl donné, ou pour exprimer mieux encore le terme Grec, s'efl livré foi-même pour nous. C'efl ici un de ces paffages qui nous montrent, que ceux oü il efl dit, que Dieu a donné fon Fils unique, qu'il ne Fa point épargné, qu'il Fa livré pour nous tous; ne doivent exciter dans notre efprit aucune idéé de contrainte , comme fi le Sauveur eut été foumis aux fouffrances & a la mort, contre fon gré & fans fon confentement. C'efl volontair ement, quVtant en forme de Dieu, il a pris la forme de ferviteur fif la rejfemblance des hommes. C'efl volontair ement qu'il s'efl  du Sauveur a la juflice divine. 225 s'efl: foumis a tout ce qu'il faudroit faire & fouffrir pour notre délivrance. Outre que la parfaite obéïffance qui lui eft attribuée, renferme 1'idée d'une fouraiffion volontaire; il a déclaré luimême qu'il fouffriroit volontairement, & que fes ennemis ne lui feroient du mal, & ne lui öteroient la vie, que de fon plein confentement: perfonne, difoitil, ne tnóte la vie; je la laijfe de moimême; fai le pouvoir de la laiffer, fi? le pouvoir de. la reprendre: fai regu ce commandement de mon Pere. Autïi a t-il montre dans plus d'une occafion, qu'il ne tenoit qu'a lui de fe fouftraire a leur puiffance, de fe tïrer de leurs mains, de s'empêcher même d'y tomber. Tout en un mot: la parfaite connoiffance que le Sauveur a eue, dès avant fa venue au monde, de tout ce que fa charge de Médiateur entre Dieu & les hommes, lui feroit éprouver d'humiliant & de douloureux : les diverfes déclarations qu'il a faites pendant fon miniftere , relativement aux maux qu'il auroit a fubir: les preuves inconteftables qu'il a données, Tom. Ü. P & Jean. X. 18. i Tim. II.5.  a26 SERMÜtf fur la falisfaclion i Héb. VII. 2Ö\ & fpécialement quand on vint pour le prendre, de la puiffance plus qu'humaine dont il étoit revêtu: tout cela, dis-je, montre évidemment, que Yhumiliation du Sauveur, fes fouffrances, fa crucifixion, & fa mort, ont été volontaires; & juftifie pleinement ce que 1'Apötre dit, tant dans mon texte, que dans plufieurs autres , que Christ s'efl donné foi-même pour nous. II. Cette remarque faite, confidérondans fon entier cette propofition de 1'Apötre, que Christ s'efl donné foi-même pour nous en oblation fi? facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur. Ces dernieres paroles, qui font manifeftement allufion aux facrifices de 1'ancienne Loi, donnent clairement a connöitre, que ïoblation, le facrifice que Jesus-Christ a fait de foi-même pour nous a Dieu, lui a été agréable; que Dieu 1'a regardé, comme répondant pleinement aux vues, que fon Fils bien-aimé s'étoit propofées en le lui offrant. Et cela ne fauroit être mis en doute. Jesus-Christ étant un homme faint, innocent fi? fans tache, fi-  du Sauveur a la juftice divine. 227 fe'paré des pécheurs par fa juftice parfaite, quoique femblable a eux par fa nature humaine ; il eft clair que fon facrifice dans quelque fens qu'il faille le prendre, & quelles qu'en aient été les vues particulieres, doit avoir été tres agréable aux yeux de 1'Etre fuprême, & produit i'effet que le Sauveur s'en promettoit: fans compter que celui qui Foffroit, n'étoit pas un fimple homme, mais le Fils de Dieu, manifefté en chair. Son oblation donc, fon facrifice a Dieu, ne peut qu'avoir été, felon 1'exprcflion de mon texte, en odeur de bonne fenteur. Mais quel étoit le but immédiat & direct, de ce dévouement du Sauveur a Dieu fon Pere? Dans quel fens eft - il dit, qu'il s'efl donné pour nous ? Pourquoi la paiïion qu'il a fubie, eft elie appellée une oblation, un facrifice ? Vous ne fauriez ignorer, M. F., quelle eft la doctrine de l'Eglife Réformée, & même de Ia plupart des Chrétiens, fur ce fujet. Outre qu'elle vous a été enfeignèe dès votre enfance, vos Pafteurs vous font fréquemraent propofée, comme un poidit important Pa' & i Tim. III,  j Pie\ IFT 18. £ 2 3 S È R M O N fur la f atisfaillon & fondamental du Chrifiianifme ; èz prouvée par des argumens, dont le nombre & Ja fdrce formcnt une démonftration complette. Vous favez que quand il eft dit que Jesus - Christ scfl donné foi-même pour mus, nous entendons par la, qu'il s'efl mis a notre place, qu'il s'efl rendu notre rêpondant, notre fubftitut; & chargé de faire envers Dieu, lui jufte, pour mus injuftes , ce que cela même que nous étions des injuftes, rendoit nécéfiaire pour notre falut, & nous rendoit en même tems incapables de faire nous-mêmes. Vous favez auffi, que quand la paffion du Sauveur, efl appellée me oblation, un facrifice; nous entendons par la, qu'en foujfrant & en mourant pour neus, il a fait réellement, co qui dans les facrifices de la Loi cérémonielle ne fe faifoit qu'en figure, je veux dire ff expier devant Dieu les péchés des hommes, dont fa juftice demandoit la puniticn. Enforte que fi, conformément aux déclavations de VEvangile, ceux qui croyent en Jesus-Christ, & qui fe rêpentent de leurs fautes, recoivent le pardon de leurs pê-  du Sauveur a la juftice dbine. 229 ' péchés & le droit a la vie étemelk; c'efl uniquement en vertu de fa paffion, entant que par elie il a [atisfait pour eux a la juftice divine. C'efl a établir cette importante vérité, que nous avons deftiné notre feconde Partie. II. PARTIE. I. Fixons y d'abord notre attention fur le texte que nous avons en main. Confidéré dans le fens qu'il offre naturellement a 1'efprit, & a moins que d'autres paiTages ne nous obligent a. 1'expliquer autrement; il fuffit, ce me femble, indépendamment de tout autre argument,pour établir que Jesüs-Christ^ foufert d notre place, & que par fa pa fon, il a fatisfait pour nos péchés aux droits de la juftice divine. Développons & juftifïons cette remarque. 10. Faites attention, M. F., a cette expreffion de 1'Apötre, Christ sejl donné foi-néme pour nous. Nous avons déja remarqué, que nous entendons par la, que le Sauveur a foufert d notre place, V 3 &  ivom.V. 7. 230 SERMON fur la fatisfablion & comme s'étant rendu caut'wn pour nous. C'efl ce qu'il s'agit maintenanc de prouver. Nous convenons, que le mot Grec ici employé, ne renferme pas toujours cette idee de fubftitution; & qu'il peut y avoir des cas, oü faire quelque chofe pour un autre, fignifie en général, la faire en fa faveur & pour fon avantage. Mais deux chofes concourent a prouver, que ce même terme pour nous, qui fignifie quelquefois d la place d'un autre, doit recevoir cette fignification dans notre texte. Premier ement: c'efl que s'agifiant de la mort du Sauveur, (puifqu'en effet il a poulfé jufqu'a mourir, k facrifice qu'il offroit pour nous a Dieu;) 1'expresfion pour nous, doit fignifier ici la même chofe, que dans le v. 8e. du Chapitre Ve. de 1'Epïtre aux Romains, oü il efl dit, que lorfque mus nétions encore que pécheurs, Christ eft mort pour nous. Car, pour montrer a quel point Dieu a porté fon amour envers nous, St* Paul remarque, qu'^! grand' peine on trouve parmi les hommes quelquun qui meure pour un  du Sauveur d la juftice divine. 231 un jufte; mais qiïil fe pourroit que quelquun eut le courage de mourir pour un bienfaiteur. Dans ces paroles, mourir pour un jufte, ou pour un bienfaiteur, fignifie évidemment, mourir d fa place, mourir foi-même pour lui fauver la vie. Cela ne me paroic pas conteftable. Or felon 1'Apötre , Jesus - Christ a fait encore d'avantage que ne feroit celui qui mourroit d la place d un jufte, ou d'un bienT faiteur, puifqu'il eft mort pour des pêcheurs, qui en cette qualité étoient fes ennemis, comme ceux de Dieu fon Pere. On doit ic-ntir ce me femble, que ce raifonnement de St. Paul ne feroit pas concluant, que ï;i fupériorité qu'il donne a ce que JesusChrist a fait pour nous, fur ce qui fe fait fi rarement parmi les hommesn'auroit pas lieu; fi être mort pour nous, ne .fignifioit pas dans cet endroit, être mort d notre place. Remarquez en fecond lieu, que le fens que nous donnons ici a 1'expresfion pour nous, fe trouve vérifié par celle que le Sauveur employé au Chapitre Xc. de St. Mare, en difant quil efl venu mettre fa vie en rancon pour plufieurs; & P 4 q"i Marc.x,tf.  232 SERMON fur la fatisfattion t Tim. II. 5 6. qui fignifie conftarament, a la place d'un autre: & par les deux termes réunis que St. Paul emploie dans fa ie. Epïtre a Timothée, en difant que le Médiateur entre Dieu fi? les hommes, favoir JesusChrist homme, s'efl donné foi-même en rancon pour tous. La le 'terme de rancon renferme cette même idee de fubfiitution, & la phrafe entiere de 1'Apötre fignifie, que Jesus-Christ a foufert pour les hommes, comme s'étant mis a leur place pour les racheter. De tout cela, nous concluons avec raifon, que puifque les termes vagues, doivent s'expliquer par les termes piécis, & non pas les termes précis , par les termes vagues: celui de mon texte, pour nous, fignifie, non en général, pour notre bien; mais fpécialement, a notre place, & par voie de fubftitution. 2°. D'ailleurs, 1'Apötre dépeint ici la paffion du Sauveur, fous 1'idée d'un facrifice. Jesus-Christ s'efk donné foi-même pour nous en oblation fi? facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur. Or, nous ne pouvons entendre par la qu'un facrifice expiatoire. J'avoue que ces dernieres pa.  du Sauveur a la juftice divine. f233 paroles, en odeur de bonne fenteur, peuvent, comme il paroit par le v. i8e. du Chapitre lVe. de 1'Epitre aux Philippiens, s'appliquer d tout facrifice, littéral ou métaphorique, matériel ou fpirituel, qui foit agrêable d Dieu; quoiqu'elles s'appliqueat particuliérement aux facrifices pour le péchê. Mais ce que St. Paul appellé dans mon texte, une oblation, un facrifice en odeur de bonne fenteur, je veux dire, la mort de Jesus-Christ ; eft expreffément repréfenté dans d'autres paffages, comme une oblation pour le pêché, un facrifice expiatoire. Par exemple, le même Apötre dit, que JesusChrist a été établi de Dieu, propitiatoire par la foi en fon fang. St. Jean dit, qu'il efl la propitiation pour nos péchés, fi? pour ceux de tout le monde. Et dans 1'Epitre aux Hébreux, fa paffion nous efl dépeinte comme une oblation plus réelle, comme un facrifice plus efficace, que tous ceux du rit Lévitique: une oblation, un facrifice, dont f effet eft d'oter les péchés, ce que le fang des taureaux fi? des boucs ne pouvoit pas faire. Or dans les facrifices propitiatoires de 1'ancienne Loi, que faifoit - on ? P 5 On Rom. III. 24. iJean.II.2. Héb.X. 4.  Exod. xxix. 10. Lév iv. 4. &c. Efa.LÏII.6 234 SERMON 'fur la fatisfaclion On y fubftituoit au pécheür une victime, qui pour expier fes péchés devoit mourir h fa place, en tant que chargée de fes iniquités. C'efl: ce qu'indiquoit 1'aótion de mettre fes mains fur la tête 'de cette yictime: a quoi, pour le remarquer en paflant, me paroit faire manifeftement allufion cette expreffion iïEfaïe, l"Eternel a fait yenir fur lui ïiniquitê de nous tous. Or, comme je viens de vous le rappeller, felon 1'Auteur de 1'Epïtre aux Héhreux, Jesus-Christ par fa mort, a fait réellement & fans figure, ce qui dans ces facrifices la, ne fe faifoit, que figurément, & d'une maniere typique ; je veux dire, de procurer au pécheur, par le trépas d'une viélime immolée a fa place, le pardon de fes péchés. En effet, le Sauveur efl: dépeint dans cette Epkre, comme un Sacrificateur bien plus digne de porter ce titre & d'un ordre bien plus excellent, que ne 1'avoient été Aaron & fes fuccefleurs. Sa mort y efl: répréfentée comme un facrifice infiniment plus précieux & plus efficace, que ceux que 1'on offroit fous la Loi Lévitique, &  du Saweur d la juftice divine. 235 & qui, quoique fi fouvent réitérées, & par cela même qu'il falloit les réitérer, ne pouvoient jamais êter les péchés. Et cette oblation fi excellente, ce facrifice fi précieux, Jesus-Christ Va offert pour nous, c'eft-a-dire, comme nous 1'avons montre, d notre place. Ainfi, comme je 1'ai remarqué ci-deffus, pour établir que Jesus-Christ par fes fouffrances & par fa mort, a fatisfait pour nos péchés a la juftice divine, il fuffit déja de cette feule propofition de mon texte, que Christ s'efl donné foi-même pour nous en oblation fi? facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur: puifque c'eft le fens qu'elle offre naturellement a 1'efprit; &- que tant d'autres paffages, loin de nous autorifer a 1'expliquer autrement, nous obligent au contraire a lui donner cette fignification. II. Et par combien d'argumens, fi le temps le pcrmettoit, ne pourrions nous pas fortifier, foit directement, foit pnr voie de conféquence , 1'explication que nous donnons a ces paroles?' Combien de paffages de nos Saint es Ecritures, ne pour-  Aft. III. 14 Matt.XXVl. 38. &c. 1Mb. IV. 15 iCor. I.13. Aft.XX.28 23 6 SERMON fur la faUsfaSthn pourrions nous pas citer, qui fuppofent, ou qui expriment la fubftitution du Sauveur a ceux qu'il venoit fauver ? Expliquera t-on fans ce dogme, comment Jesus innocent, Jesus, le Saint & le Jufte dans toute la rigueur des termes, a pü, fauf la bonté & la juftice de Dieu, être foumis aux fouffrances, a la mort, & d lignominie? Expliquera t-on fans ce dogme, les détrejfes & les angoijfes dont fut faifi en Gethfêmané, aux approches de fon fupplice, cet homme exempt de tout pêché, & qui par fon innocence même, avoit moins qu'aucun autre, lieu dappréhender' la mort? Expliquera t-on fans ce dogme, comment il eft vrai que Jesus-Christ feul, & non pas St. Paul, ou quélqu'autre, a été crucifiê pour nous; quoique le martyre de ces faints hommes, concoure avec le fien, a confirmer Ia vérité de VEvangile, & a nous donner un bon exemple? Expliquera t-on fans ce dogme, comment dans la Rédemption de lEglife par le fang de Jesus-Christ, Dieu ne manifefte pas moins fa juftice que fa miféricorde, comme St. Paul le re-  du Sauveur a la juftice divine. 237 reinarque dans fon Epïtre aux Romains, tandis qu'en nous pardonnant fans fatisfaclion, Dieu ne manifefteroit que fa miférkorde, & non pas fa juftice? Expliquera t-on fans ce dogme, les paffages oü il eft dit, que le' Christ a été navrê pour nos forfaits, fi? froijfé pour nos iniquitês: que l'amende qui nous apporte la paix, a été fur lui: que par fa meurtrijfure, nous avons la guérifon: qu'il a foufert pour les péchés, lui jufte, pour les injuftes: qu il a été fait pêché 6? malêdicton pour nous? Autant de traits clairs & intelligibles, dès que 1'on admet que le Sauveur a fouffert d notre place, & fatisfait pour nous a la juftice divine; & qui deviennent des énigmes inexplicables, en ne 1'admettant point? N'eft-il pas étonnant après tant de preuves de la vérité de ce dogme, que des hommes qui font profeiTion du Chrifiianifme en rejettent un article fi important, fur des fondemens auffi foibles que ceux que nous ailons examiner & réfuter dans notre troifieme Partie? III. Rom. III, 2*, 25- E&.LIII.5. 1 Pier. II. 24. 1 Pier. III. 18. 2Cor. V. 2r. Gd. III. 13.  238 SERMON fur la fatisfaction III. PARTIE. I. lis objeétent, que ce que nous attribuons a Jesus-Christ, d'avoir fatisfait pour nos péchés d la juflice divine, n'étoit pas néceffaire; puifque Dieu pouvoit nous les par donner fans fatisfaÜion. Quand nous ferions- hors d'état de prouver le contraire., cela n'invalideroit pas la vérité du dogme que nous avons établi. Dès qu'il eft prouvé que Dieu a voulu qu'une chofe eut lieu, c'eft a nous a 1'admettre, quand nous n'en appercevrions pas les raifons. Mais quelque courtes que foient nos lumieres fur ce qu'il convient a Dieu de faire, eu de ne pas faire; il y a des cas, oü la Raifon & VEcriture, nous autorifent a décider que telle ou telle chofe étoit eifentielle a fes vues. Or c'eft ici un de ces cas. La Raifon doit nous faire comprendre, que Dieu, quoique Souverain Maitre du monde, & ne devant compte d perfonne de fes aclions; n'agit jamais uniquement comme Etre fupréme,, mais toujours comme Etre parfait: jamais d'une  du Sauveur d la juflice divine. 239 (Tune maniere purement arbitraire, mais toujours cörtformément a fes attributs. Quand donc nous accordérions, que Dieu, précifément en qualité ÜEtre fuprême, auroit pu nous par donner fans fatisfaclion; la queftion fera toujours, s'il le pouvoit en qualité d'Etre faint & jufle, de Gouverneur du monde, de, LégiJJateur & dé Juge du genre humain ? Si fa juflice lui eft moins effentielle que fa miféricorde? Si fa fageffe & fa fainteté, ne dirigent pas toujours Fèxercice de fon pouvoir? Quant a lEcriture, en nous enfeignant, comme nous 1'avons établi, la vérité de la fatisfa£U(m\ elie nous en enfeigne auffi la néceffité : puifqu'elle nous dit en propres termes, quV/ étoit cowe- \ ndble d celui pour qui font toutes chofes, par qui font 'toutes chofes, qu'amenant plufieurs enfans d la gloire, il confacrdt le Prime de leur falut par des foufirances-. S'exprimer ainfi, & montrer enfuite en détail, que Jesus-Christ a été établi Souverain Sacrifcateur, pour expier envers Dieu, les péchés du peuple, par un facrifice plus réel, & plus précieux, que tous /  £*4Q SERMON fur la fatisfaction tous ceux de la Loi; n'eft-ce pas dire, que cette expiation des péchés par les fou frames duMêdiateur, étoit indifpenfable pour notre falut ? II. On objecte encore, que quand il eft dit, que Jesus-Christ s'efl offert pour mus en facrifice, il ne faut pas prendre cette exprelfion dans un fens littéral, mais d'une maniere figurée: que ÏEcriture ne s'exprime ainfi, que par allufion aux facrifices anciens; & qu'un homme qui fe feroit donné beaucoup de peines, pour être utile a un autre, pourroit lui dire: je me fuis facrifié pour vous. Cette derniere remarque mérite a peine qu'on y réponde. Sans doute un homme, qui, pour rendre fervice a un autre, pour lui conferver fes biens, ou fon rang, pour lui obtenir le pardon d'une faute; fe feroit donné des peines, foumis a des fatigues, expofé a des dangers: pourroit lui dire, je me fuis facrifié pour vous; mais il ne lui diroit pas, je me fuis donné pour vous en oblation 6? en facrifice, j'ai fait propitiation pour votre faute, fai mis ma vie en rancon pour yous. D'ailleurs, fi la pas-  duSauyeur a la juftice diyme. 241 paffion du Sauveur n'étoit appellée un facrifice, que d'une maniere figurée, & par une fimple allufion a ceux de 1'ancienne Loi; 1'Auteur de 1'Epïtre aux Hébreux auroit raifonné d'une maniere peu foiide : difons plus, il les auroit trompés, il leur auroit fait illufion, il les auroit expofés a une erreur dangereufe, en tachant de leur perfuader que ce que les facrifices Lévitiques n'avoient pas pu leur procurer, favoir Vexpiation & la rêmijfwn de leurs péchés, Jesüs-Christ le leur procuroit par fon facrifice; puifqu'un facrifice en figure, un facrifice qui ne feroit appellé tel que par métaphore, n'auroit pas plus d'efficace, & feroit moins réellement un facrifice, que ceux de 1'ancienne Loi. Enfin, ce n'eft pas uniquement fur ce que la mort du Sauveur eft appellée en général un facrifice, que nous établisfons le dogme de la fatisfaétion: c'eft fur ce que tant de paffages nous indiquent la nature de ce facrifice : c'eft fur ce que le Sauveur eft dit, sêtre mis en rancon pour nous, nous avoir Tom. IL Q ra- iTIm.II.5.  242 SERMON fur la fatisfaBion i Pier. I. 18.19. Efa.LlII.f racket és par fon fang, avoir été nayrê .pour nos forfaits, & autres expreffions pareilles. Faudra t-il entendre tout cela d'une maniere figurée? Mais quel dogme pourra fubfifter, & en quoi- confiftera la doctrine de TEyangile, s'il eft permis de 1'expliquer ainfi? III. Mais, dit on en troifieme lieu, en foutenant que Jesüs-Christ afoujfert a notre place, vous accufez Dieu d'injustice. Vous lui imputez par ce dogme d'avoir fubftitué a des coupables, & livré pour eux a la douleur & a 1'opprobre, un homme qui ne 1'avoit jamais offènfé; & cela feroit-il jufte? Avant de répondre a cette objeélion, remarquez, M. F., que nous pouvons, avec beaucoup plus de fondement, la faire nous-mêmes a ceux qui nous Ia font. Dans leur fyftême, Jesus-Christ innocent a foujfert la mort fi? Tignominie, pour confirmer fon Evangile, & pour nous donner un bon exemple; afin qu'en croyant a l'un, & en nous conformant a 1'autre, nous parvinflions au falut. Or s'ils ne trouvent, la rien d'indigne des perfcclions du  du Sauveur d la juftice divine. 243 divines; s'ils croyent que le Dieu jufte a pu pèrraettre, que Jesus innocent fouffrU 6? mourüt en croix, pour porter les hommes a la foi fif d Vobéïjfance, (ce qui après-tout auroit pu s'opérer par le trépas dun Saint ordinaire :) Dieu ne pouvoit-il pas également, & fans injulTice, pèrraettre que cet innocent fouffrit & mourüt pour des coupables, qui par cela même qu'ils étoient coupables i ne pouvoient être fauvés par aucune autre voie? L'injuflice, dans l'un & dans 1'aUtre cas, feroit, fi cet innocent avoit fouffert malgré lui» Mais JesusChrist , maitre de fa vie, ayant, comme nous 1'avons vü plus haut, confenti volontairement a fouffrir pour nous des peines capables d'expier nos pechés: il n'étoit pas plus injufle a Dieu de per* mettre qu'elles lui fuffent infligées, qu'il ne 1'eft a un créancier de recevoir d'un autre que de fon débiteur, le payement des dettes que celui-ci a contraftées; lorfque celui qui les paye, s'efl: engagé volontairement a les payer» IV. Enfin, 1'on objette encore contre Q 2 le Jean x.18.  244 SERMON fur la fatisfaStion Rom.I.32. Eft. LI II. 5. ■Rom. IV. 2<. I Pier. lil. 18. 1 Tim. II. 6 le dogme de la fatisfa&ion , que ce mot ne fe trouve pas dans YEcriture. Mais qui ne voit que cette objection n'a pas la moindre folidité? II ne s'agit pas ici du mot; ii s'agit de la chofe. De ce que les Ecrivains facrés n'expriment pas un dogme par un certain terme, il ne s'enfuit point ni que ce terme foit mauvais, ni que ceux qu'ils employent fignifient toute autre chofe. Payer pour un autre, ce qu'un tiers avoit droit d'exrger de lui: fouffrir pour un autre, le mal qu'un tiers étoit en droit de lui infliger: n'eft-ce pas fatisfaire pour lui aux droits de ce tiers? Et puifque le droit de Dieu eft, que ceux qui font mal font dignes de mort; puifque fa juftice demandoit, qua moins qu'un autre ne fouffrit pour nous, nous fuffions envoyez dans les prifons étemelles: dire de JesusChrist , qu'il a èté navrè pour nos forfaits fi? froiffé pour nos iniquités, que Yamende qui nous procure la paix a étè fur lui, qu'il a été livré pour nos offenfes, qu'il a foujfert lui jujle pour nous injuftes, qu'il s'efl donné en rancon pour nous, qu'// s'efl  du Sauveur d la juftice divine. 245 seft livré foi-même pour nous en oblation & facrifice fr Dieu, en odeur de bonne fenteur, & autres expreffions de cette nature: n'eft-ce pas nous autorifer è, dire, & n'eft-ce pas dire foi-même, quoiqu'en d'autres termes, que JesusChrist a fatisfait d Dieu pour nos péchés? APPLICATION. C'eft cette importante & confolante vérité, que la Sainte Céne nous rapelle: & non feulement elie nous la rappelle, elie concourt même a 1'établir. Dans 1'inftitution de ce repas facré , deftiné d amoncer la mort du Seigneur, jufqu'd ce quil vienne; il repréfenta lui-même cette mort, fous 1'idée que St. Paul nous en donne dans mon texte; comme une oblation, un facrifice qu'il alloit ojfrir pour nous d Dieu, en odeur de bonne fenteur. Car c'étoit en donner cette idéé, c'étoit fe dépeindre comme allant simmoler d notre place, que d'appeller le pain, fon corps livré. & rompu pour Q 3 nous 1 Cor. XI. 26. Wait.XXVI. 2(5-38.  246 SERMON fur la fatisfa&wn Luc. XXII. | 19. 20. Luc. XXU. 19. I Cor. XI. 26. P.om. III. 23. 34- v$. 27. tous; & le yin de la coupe, fon fang "épandu pour plufieurs en rèmiffion des péchés. D'ailleurs, indépendarnment des expreffions particulieres dont le Sauveur 1 fait ufage en inflituant la Sainte Cêne, il efl clair, par ce mot faites ceci en mémoire de moi, & par 1'explication que St. Paul y donne; qu'il a voulu nous y 'laiffer un mémorial de fa mort. Or cette mort, étant, comme nous 1'avons établi dans ce difcours, un vrai & réel facrifice pour les péchés; il en réfulte, qu'en participant a la Sainte Cêne, nous faifons profeffion de reconnöitre la réalité de ce facrifice, & 1'impoffibilité d'être fauvés autrement que par Vohüffance parfaite de celui qui Ta offert pour nous. Nous y déclarons auffi, que c'eft la notre défir & notre efpérance, & que nous n'afpirons qu'a être jufiifiés gratuitement par la grace de Dieu, par la rédemption qui eft en Jesus-Christ, que Dieu a de tout tems ordonné propitiatoire par la foi en fon fang. Mais cette foi, (ne 1'oublions jamais;) cette foi par laquelle, & non par nos mi-  du Sauveur a la juftice divine. 247 ceuvres, nous obtenons pour 1'amour de Jesus-Christ, le pardon de nos péchés, fi? le droit d la vie éternelle: cette foi ne fauroit fubfifler fans la repentance, & fans la charité; ne Ciuroit avoir lieu en nous, fans nous porter a la pratique des bonnes ozuvres. Croire en Jesus-Christ, mort pour l''expiation du pêché, & ne pas renoncer au pêché; croire en Jesus-Christ, qui a accompli toute juftice , & été w obéïffant jufqu'd la mort, même la mort de; la croix, & ne pas travailler a être jufte fi? obêijfant a fon exemple; font des idéés contraétoires. Cela feul, que celui en qui nous croyons eft faint, doit déja nous porter a la faintetê. Mais outre cela, comme vous ne fauriez fignorer, M. F., Dieu ne nous offre le falut pour 1'amour de Jesus-Christ , qu'a condition qu'en croyant en JesusChrist, nous nous efforcerons de marcher fur fes traces, de nous conformer a fon exemple, d'imiter fa pieté, fa patience, fon obéïffance, fa charité. C'efl donc a quoi nous nous engageons, en général par la profeftion -du Chrifiianifme, & en Q 4 Pal> Att.111.15. 1 Pier. I. 15- 16. 1 Pier. ii. ah  348 SERMON fur la fatisfacïion &c. Jaq.II.i3. SER- particulier par Vufage de la Sainte Cêne. Plus nous ferons fideles a cet engagement en montrant notre foi par nos ozuvres, & en faifant des progrès dans fhabitude, & dans 1'exercice de la vertu: & plus auffi nous aurons des preuves, que nous avons communion avec Jesus-Christ, part a la rémiffion des péchés, & droit d la vie èternelle. Tel puifie être le fruit de la démarche oü nous nous préparons! Amen!  SERMON SUR L'IMITATION DE LA CHARITÉ DUSAUVEUR. Marchez dans la charité, comme Christ auffi nous a aimés, fi? s'efl donné foimême pour nous en oblation fi? facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. Eph. V. 2. Quand je parlerois les langages des hommes fi? des Anges; fi je nat pas la charité, je fuis comme ïairain refonnant, fi? comme la cymbale retentijjante: fi? quand faurois le don de Prophétie, fi? que je connóitrois tous les myfieres, fi? toute forte de fcience, fi? quand faurois toute la fci, jufqu'a tranfporter les montagnes; fi je n'ai pas la charité, je ne fuis rien. Et quand je diflribuerois tout mon bien, pour la nouriture des pauvres, fi? quand je liyrerois mon corps pour être brulé; fi je n'ai pas la charité, cela Q 5 »e i Cor. XIII. 1-3.  250 SERMON fur ïimitation ne me fert de rien. C'efl; ainfi, Chrétiens, M. T. C. F., que 1'Apötre St. Paul, dans le Chapitre XIIIe. de fa première Epitre aux Corinthiens, travailloit a leur faire comprendre, que les plus beaux dons de 1'art oratoire, les plus fublimes connoiflances dont 1'efprit humain puilfe être orné, le privilege de faire des miracles, les aótions même les plus propres a attirer a celui qui les fait, la reconnoiffance ou 1'admiration des autres hommes; ne font d'aucun prix devant Dieu, d'aucune utilité pour le falut de celui en qui elles fe trouvent: fi fes talens, & 1'ufage qu'il en fait, ne font pas accompagnés d'un efprit de charité, qui foit le principe dominant de fa conduite. Parmi les raifons qui établiffent la néceflité de cette difpofition, fi louable par elie-même, & tant recommandée par les Apötres, il en efl; une bien propre a faire imprelTion fur des hommes , qui font profeffion, & qui fe glori- •» fient d'être les difciples de Jesus-Christ : je veux dire fon propre exemple. Aimer les hommes, leur faire du bien, par un mo-  de la charité du Sauveur. 251 motif de bien.veuillan.ee, c'efl: marcher fur les traces du Fils de Dieu; c'eft'fe montrer fon Difciple, & juftifier la profesfion qu'on fait de 1'être, en fe réglant fur fon modele. Et c'eft cette raifon que St. Paul nous propofe, c'eft ce motif a être charitables qu'il nous met devant les yeux, dans les paroles que je viens de vous lire': marchez dans la charité, comme Christ auffi nous a aimés, & s'efl donné foi-même pour nous en oblation facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. II n'eft pas étonnant, M. F., que 1'Apötre en rappellant aux Corinthiens, que Jesus-Christ nous a aimés, en ait donné pour preuve, loffrande qu'il a faite de lui-même d Dieu pour nos péchés. Cette confidération, comme nous le verrons en fon lieu, releve infiniment la grandeur de 1'amour qu'a eu pour nous le Sauveur du monde. La mort de JesusChrist eft un facrifice, une oblation qu'il a faite pour nous d Dieu, en odeur dt bonne fenteur: c'eft-a-dire, qu'il eft mon comme une vi&ime fubftituée a la place des pécheurs, dont il s'étoit volontaire men [Pier.11.2r. jean xiii. 35.  252 SERMON fur l'imitation ment rendu le pleige; que fa paffion, par conféquent, doit être confidérce comme une vraie & réelle fatisfaclion qu'il a faite a la juftice divine pour leurs péchés. C'eft ce que nous établïmes, en traitant a part ces paroles de mon texte, que Christ s'efl donné foi-même pour nous en oblation 6? facrifice h Dieu, en odeur de bonne fenteur. Après en avoir examiné les termes, & fixé le fens dans un premier Article, nous établïmes dans un fecond, la vérité du dogme que nous croyons quelles expriment; & dans un troifieme, nous répondïmes aux principales difficuk tés que font contre ce dogme, ceux qui le rejettent. Etabliïfons maintenant la conféquence que St. Paul tire de cette vérité. C'eft que puifque JesusChrist nous a aimés a ce point, nous devons auffi nous aimer les uns les autres. Pour cet effet, divifons ce difcours en deux Parties. Dans la première, montrons que ce que Jesus-Christ a fait, il 1'a fait par un extréme amour pour les hommes. Dans la feconde, faifons voir ïobligation que la qualité de Chrétiens nous im-  de la charité du Sauveur. 253 iinpofe, d'imiter la charité de JesusChrist. Marchons dans la charité, comme Christ auffi nous a aimés, fi? s'efl donné foi-même pour nous en oblation fi? facrifice è Dieu, en odeur de bonne fenteur. I. PARTIE. Ce que nous avons a établir en premier lieu, c'efl; que c'eft par amour pour nous que Jesus-Christ, s'efl offert pour nous en facrifice a la juflice divine: que la réfolution qu'il a prife & exécutée, de fe donner en rancon pour tous, comme St. Paul s'exprime autre part, a été 1'effet de la charité la plus tendre. C'efl ce que cet Apötre témoigne ici, Christ nous a aimés, fi? s'efl donné foi-même pour nous en oblation fi? facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur. V. C'efl ce qui paroit déja, par le but que le Fils de Dieu s'efl propofé en venant au monde. Ce but étoit de nous fauver de nos péchés, en nous affranchiflant de la peine que nous avions méritée, & en nous élevant a la poüeffion d'une félicité, i lTim.It.6.  254 SERMON fur timitation a laquelle notre corruption nous ötoit tout droit de prétendre. Délivrer tout ceux qui croiroient en lui-, d'une condam* nation naturellement inévitable, & qui les foumettoit a-des maux d'autant plus terribles qu'ils devoient être la punition d'offenfes commifes contre la majefté iniinie du Maitre du monde: donner a ces pécheurs réconciliés, la poffefïion d'une béatitude, feule capable de les rendre heureux, & de laquelle YEcriture nous donne les plus hautes idéés, en nous affurant que les raviffantes expreflions quelle employé pour la dépeindre, font encore au deffous de la réalité: tirer ainfi les Flus de la plus grande mifere dont 'la nature humaine foit füfceprible, & les conduire a la plus grande félicité dont elie puifle jouir: c'étoient la les vues de 1'humiliation du Fils de Dieu, de toutes les fouffrances qu'il a endurées, & qui, de quelque maniere qu'elles nous fauvent, tendoient du moins uniquement è nous fauver, puifque Jesus-Christ qui étoit un homme parfaitement faint & jufte, n'avoit pas befoin de fouffrir pour être  de la charité du Sauveur. 255 être heureux. Or fi la marqué la plus füre qu'on aime les hommes, confifte a leur faire du Men: quel amour Jesüs-Christ ne nous a t-il donc pas temoigné en fouffrant pour nous, fi nous en jugeons par les biens qu'il nous procure, puisqu'ils confiftent a pafler de la plus profonde mifere, a la plus haute félicité? II. Mais li ramour de Jesus-Christ envers nous, paroit déja par les vues qu'il s'eft propofées, de nous rendre heureux: il ne paroit pas moins par les chofes que Jesus-Christ a du fouffrir pour exécuter ce projet. Ce n'étoit pas une chofe aifée, que de rêconcilier les hommes avec Dieu, , & de les mettre en état de posféder la vie éternelle. Pour les délivrer de leur mifere,, pour les conduire au bonheur, il falloit • d'abord être homme comme eux, & deur femblable en toutes chofes, excepté le pêché. II falloit dans cette forme de ferviteur, effuyer de grands défagrémens, vivre dans la baffeffe, dans la pauvreté, & dans le mépris; exercer un miniftere pénible, & le terminer par une mort précédée de plufieurs maux, ba.it. 17, & iv. 15. Puil. II. 7.  z$6 SERMON fur l'imitatim Jean VI. 6\ iCor.II. 8, LUC. II. 24 tév.XII.8 s Cor. VIII. s>. Vbü.U.6.1 maux, & accompagnée d'une vive douleur, & d'une profonde ignotninie. JesusChrist n'a rien ignoré de tout cela, .il a fu dès le commencement tout ce qu'il auroit a fouffrir pour le bonheur des hommes. Mais comme la prévifion de toutes ces chofes, ne 1'a point détourné du projet qu'il avoit formé en notre faveur; elles ne font pas non plus rebuté lorfqu'elles fe font préfentées: & il lés a fucceffivement endurées, fans que faccroiffement continuel de fes maux fait fait renoncer a ce qu'il avoit entrepris. Rappellez vous en effet, tout ce qu'a foufert pour nous fauyer le Seigneur de gloire. Voyez dans fa naiffance, dans 1'état oü il naquit, dans la fituation de fa familie, dans le peu d'égard qu'on eut pour fa mere prête a le mettre au monde, dans la médiocrité .de 1'offrande qu'elle f}t felon la Loi; 'la vérité de ce mot de St. Paul, que le Seigneur Jesus-Christ étant riche, s'efl fait pauvre pour nous, afin que par fa .pauyretê nous fujfions enrichis: & qu'étant en forme de Dieu, il a pris la forme de fier-  de la chdrité ckt Sauveur. 357 ferviteur. Voyez le des fon entrêe au monde, cömmencer a être mis au rang des malfaiteurs, & montref fan affujettijfement d la Loi, en fubi.fiant 1'hurailiante &* douloureufe cérémonie de la Circoncifion. Voyez le, après avoir mené dans la maifon de fes parens une vie obfcure & peu aifée, fe confacrer a 1'exercice public d'un miniftere qui ne lui laiffoit aucun repos ni jour ni nuk f, employer fon tems & fes forces a annoncer VEvangde de ville en ville, fi? de hourgade en bour* gade: & tandis qu'il alloit de lieu en lieu en faifant du bien, guérijfant les malades-, nouriffant les affamés , & rempliffant tout le pays de fes bienfaits; trouver partout des ingrats, des calomniateurs, des adverfaires inflexibles, qui ne cherchoient qu'a le perdre: & éprouver ainfi la vérification de la plainte quun Prophete lui avoit attribuée, $ avoir éten-du vainement fes mains vers un peuple opinidtre fi? contredifant. Voyez le enfuite, après avoir paffé plufieurs années dans cette fituation, éprouver des chofes plus dures encore pour confommer fon ouvrage; & Tom. II. R fa Mare. XV. 28. Gal. IV. 4. Luc II. 2 r. Luc.VIÜ.i. Aft. X.38. Efa,LXV s.  258 SERMON jur l'umtaüon M.tt. • XXVf 36 Luc. XXU. 44. Mre. XIV 36. Msrr. XXVI 4;. SIC. charité envers nous fe foutenir, jufques au bout. Retiré en Gethfèmané, pour fe préparer a un cruel & honteux fupplice, les détrejfes affreufes, qui lui firent fuer des grumeaux de fang, & fouhaiter que s'il étoit poffible, cette coupe paf at arriere de lm, ne 1'empêcherent point de la boire, & de fe fomnettre a des maux, quii ne pouvoit envifager fans horreur. Livré par un traitre a fes ennemis, il éprouva de leur part tout ce quune haine furieuje & une vengeance maï-fondée, pouvoienc infpirer de malice a des hommes réfolus de le perdre. Accufè par de faux témoins; contrahit par un Juge inique de déclarer ce qui devoit fervir de prétexte a fa mort; condamné par un Confeil fanguinaire; infulte' par des brutaux; mis au pouvoir d'un Gouverneur Romain, qui affez éclairé, affez équitable même pour le déclarer innocent, eut pourtant la foibleffe & 1'injuflice de le livrer au trépas: que ne continua t-il pas a fouffrir F Des foldats infolens 1'outragent, infultent a fa qualité de Hoi des Juifs, le traitent comme un Monarque imaginaire, & le chargent din-  de la charité du Sauveur. 259 d'injures & de coups: tandis que de fon cöté, il vérifié ce qui avoit été écrit de lui, fai expofé mon dos d ceux qui me frappoient, & mes joues d ceux qui marrachoient le poil; je n'ai point retirè mon vifage arriere des opprohres fif des crachats. Déchiré par une rude flagellation, chargé du poids de fa .croix, environné de gens qui infultent a fa mifere; il marche douloureufement vers Golgotha: la des cruels lui percent les mains ê? les pieds, 1'élevent fur la croix, fexpofent en montre entre deux brigands, le mettent ainfi, lui jufte, au rang des injuftes. Or fi c'eft pour nous que Jesus-Christ a foufert toutes ces chofes, fi c'eft pour notre bonheur qu'il a fubi tant d'ignominie, & enduré de fi vives douleurs: ne font elles pas une marqué certaine & indubitable, qu il nous a aimés? III. II y a pourtant ttne confidération, qui releve infiniment ïamour que JesusChrist nous a témoigné en mourant pour nous: une preuve plus forre encore de cette charité qui doit nous fervir de modele. Je parle, M. F., de la vérité R 2 que Efi. L. 6. Mare. XV. 28. 1 Pier. III. 18.  26o SERMON fur Fimitatwu Efa.LIII.6. que St. Paul exprime dans mon texte3 & que nous avons établie dans notre discours précédent. C'eft que le Sauveur sefl donné foi-même pour nous, non feulement en exemple & pour fceller fa doctrine, mais en oblation 6? facrifice d Dieu en odeur de bonne fenteur. Suppofé que pour obtenir le pardon de nos offenfes, il eut fuffi de notre foi & de notre repentance, fans aucune fatisfaction a la juftice divine; enforte que Jesus-Christ n'eut fouffert la mort & 1'ignominie, que comme un fimple Prophete, appellé a confirmer fes lecons par le martyre, & a porter fes difciples par fon exemple a Ia pratique de la vertu : ce feroit, fans doute, une grande marqué de fon affection envers nous, puifqu'étant exempt de tout pêché, il n'étoit obligé ni a la mort, ni aux plus leger es fouffrances: c'auroit été déja beaucoup faire, que de mourir, en ce fens la, lui jufie, pour des injuftes. Mais quand on pefe le vrai fens de cette expreffion, quand on fe rappelle que le Christ devoit mourir comme une vicliins fur qui FMiternel avoit fait venir Finiquitê de  de la charité du Sauveur. 261 dé nous tous, qu'il s'étoit mis a notre place & chargé d'expier toutes nos ofienfes; qu'en conféquence il a fouffert des peines équivalentes a celles que nous méritions, quil efl la propitiation pour 1 nos péchés fi? pour ceux de tout le monde: quand on penfe combien de péchés les hommes commettent, & de combien d'iniquités par conféquent Jesus-Christ a porté la peine, en mourant pour une multitude qü'aucune créature ne peut nomhrer ni compter: c'eft alors qu'on fent combien il eft vrai que la charité de Christ, par fa largeur fi? fa longueur, fa profondeur fi? fa hauteur, fur paffe toute connoiffance. C'eft alors que fon doit s'écrier avec le Difciple chéri, d celui qui nous a aimés, fi? qui nous a lavés de nos péchés par fon fang, fi? nous a faits Rois' fi? Sacrificateurs d Dieu fon Pere, d lui foit la gloire fi? la force aux fiecles des fiecles, Amen t Or mes bienaimès, fi Christ nous a ainfi aimés, nouS devons auffi nous aimer les uns les autres. C'eft auffi 1'exhortation de St. Paul dans mon texte. Marchez dans la charité, R 3 com- Jean II. a, A t>oc. Vil. o. Eph. III. 18,19. Apoc. 1.6. 1 Jean IV. 11,  2 6z SERMON fur limitation comme Christ auffi nous a aimés, fi? s'efl donné foi-même pour nous .en oblation & facrifice a Dieu, en odeur de bonne fenteur. C'eft mon fecond Point. II. PARTIE. La charité qui a por té Jesus-Christ a fe donner foi - même pour nous en oblation £5? facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur, doit nous fervir a la fois de regie & de motif. Des hommes qui font profefiion de croire, que le Füs de Dieu les a aimés jufqu'a fe donner poür eux, doivent prendre cet amour pour modele, & y puifer des raifons pour le fuivre. Marchez dans la charité comme Christ auffi nous a aimés &c. I. Quand je dis que Vamour de JesusChrist envers nous doit nous fervir de regie & de modele, je n'entens pas par la qu'il nous foit poffible de faire pour nos prochains, tout ce que Jesus-Christ a fait pour nous. Nous ne pouvons imiter parfauement, ni fa vie, ni fa mort. Pendant fa vie, il a exercé la bénéficence d'une ma-  de la charité du Sauveur. 263 ' maniere qui furpalTe nos forces. II, ne dépend pas de nous de multiplier les alimens, dappaifer les tempêtes, de guérir ks malades, & de rendre la vie aux mwts pour la confolation de leurs proches. Et dans fa mort, comme nous favons montré, il a fait ce qu'aucune fimple créature n'étoit capable de faire; je veux dire, dexöier les péchés des hommes, en simmolant pour eux. Vainement en ce fens, mettrions nous notre ame en rancon pour nos freres; car puifque pour nousfauver, il a fallu que Jesus-Christ mourüt pour nous, nous ne fommes donc pas capables, en ce fens, de mourir les urn pour les autres. Cependant , cette charité de Cimnr que nous ne pouvons pas imiter a tous égards, doit noüs fervir de modele. Premiérement tout ce que le Sauveur a fait & fouffert pour nous, il 1'a (buffert par le principe de la charité la plus tendre. Et femblablement, tout le bien que nous faifons aux hommes, doit prendre fa fource dans une véritable charité. Ce n'a point été dans des vues R 4 char-  Aft. X.38. Gal. VI. 10 2 64 SERMON fur Vimitation charnelles, pour faire parade de fon pouvoir, pour s'attirer les regards de la multitude, que Jüsus eft allé de lieu en lieu en faifant du bien. C'étoit par une charité, floftfc il a montré toute Ja fmcêrité, toute f étendue, en mourant fur la croix peur les péchés du monde. Et pareillement, nous devons faire aux hommes tout le bien qui dépend de nous, fans autre vue que de leur être utile, de les fecourir, de travailler a leur bien être; par un principe d'affection & de bienveuillance, qui n'attende pas a fe déployer, que notre intérêt temporel y trouve fon compte. Secondement: de ce fentiment d'amour & de bienveuillance envers nos prochains, doivent émaner, comme d'une fource feconde & inépuifable, toutes fortes de bonnes osuvres, enforte que chacun felon fon-pouvoir, fes lumïeres, fes facultés, fes talens, nous foyons toujours prêts a faire du bien a tous, & principalement aux dome/liques de la foi. Et combien d'occafions n'avons nous pas, dimiter ainfi la charité de Christ? Donner en aumone de ce que i'ona, par  de la charité du Sauveur. 265 pour la nouriture des pauvres: aider a gagner leur vie, ceux a qui il ne manque que du travail pour fubfifter ; confoler ceux qui font dans 1'afïïict.ion ; fauver du danger ceux qui s'y trouvent; 'ournir des lumieres, des confeils a ceux qui en ont befoiii; fecourir celui-ci de fon argent, celui-la de fon crédit', cet autre d'avis falutaires; reprendre avec douceur ceux qui s'égarent; inflruire les ignorans, protéger les bons, fupporter les vicieux: ce font autant d'actes de la hènêficence Chrétienne, que nous devons tous exercer quand 1'occafion s'en préfente, & autant que nous en avons le pouvoir. Car nous apprenons de 1'exemple de Jesus-Christ , d nous appliquer aux chofes qui font bonnes fi? ut Hes aux hommes. Ceux même qui par leurs outrages,'ou leur bgratitude fe rendent indignes de nos bienfaits, n'en doivent point être exclus. Comme Jesus-Christ, nous devons faire du bien d des ingrats, a des pervers, par donner d ceux qui nous offenfent, prier pour nos perfécuteurs, & préférer le plaifir de bienfaire, a toute R 5 con- Rom.XII. 18. Tit. III. 8.  2(56 SERMON fur l'imitation 1 jean. Ii] •x V'xex. i.7, Gal. VI, i< confidération temporelle. Comme JesusChrist enfin, qui a mis fa vie pour nous, nous devons, fi les devoirs de notre vocation nous expofent a quelque danger, mettre courageufement nos vies pour nos fr er es. Et la raifon pour laquelle nous devons aimer ainfi nos prochains (car pour le remarquer en paflani, cette phrafe, nous aimer les uns les autres, que les Apötres employent dans leurs Epitres , & qui exprime fpécialement Vamour -mutuel qui doit régner entre les Chrétiens; cette phrafe n'exclut pas de leur amour & de leurs bienfaits les autres hommes , puifqu'a 1'amour fraternel, nous devons joindre la charité, .& faire du bien d tous:') la raifon, disje, qui doit nous faire aimer nos prochains, comme Christ nous a aimés, c'eft cela même qu'il nous a aimés. Sa charité doit nous fervir de modele, & faire 1'objet de notre imitation; paree qu'elle nous fournit les plus forts motifs a être charitables: marchez dans la charité, comme Christ anffi nous a aimés, fi? s'efl donné foi-même pour nous &c. Développons cette idee. II.  de la charité du Sauveur. i6j II, ïo, Que nous nous aimions les uns les autres, & que nous marchions dans la charité, comme Christ nous a aimés, efl une chofe déja jufte & raifonnable en foi. Comment foutiendrons nous les relations que nous faifons gloire d'avoir avec Jesus-Christ, & comment juftifie-. rons nous 1'admiration que fa charité nous infpire; fi ce n'eft en Vimitant autant qu'il eft poffible? Si des enfans a qui leur Pere donne des lecons de vertu appuyées de fon propre exemple, ne peuvent mieux répondre a fes foins & a fon amour, qu'en le prenant luimême pour modele: fi en conféquence, comme St. Paul le reraarque au v. i., nous devons être imitateurs de Dieu, comme fes chers enfans; ne devons nous donc pas être les imitateurs de JesusChrist, duquel nous nous difons les difciples, les cohéritiers, les fur es, les amis, par cela même que nous nous difons Chrétiens ? Seroit-ce répondre a ces titres, que de manquer de charité, tandis qu'il nous crie dans fon Evaugde; je vous ai donné l" exemple, afin \ que comme je vous ai fait, vous vous fa fez femblablement ? 2°. fean XflI. 15-  263 SERMON fur Vimitation Aft, xvii. 26 20. Remarquez enfuite , que nous avons plus de raifons a nous aimer les uns les autres, comme Christ nous a aimés, qu'il n'en avoit lui-même pour nous aimer au point qu'il 1'a fait. II n'y avoit dans les pécheurs aucune bonne qualité qui les rendït dignes de fa bienveuillance; rien qui 1'obligeat a fe réduire a leur mifere, & k porter, lui jujle, la peine de leurs iniquités. Mais nous, en nous aimant les uns les autres, en faifant d nos prochains tout le bien qu'il nous efl poffible, en fouhaitant le bonheur de tous, & en y concourant felon notre pouvoir, nous ne faifons qu'obéïr a une obligation naturelle, qui n'a pas été inconnue aux Payens, & que Ia Révélation confïrme de la maniere la plus forte; fondée fur ce que des êtres de même nature, fujets aux mêmes infirmités, tombés dans une même mifere, fufceptibles d'un même bonheur, & comme ÏEcriture 1'enfeigne expreffément, formés ' dun même fang, doivent s'aimer & fe fecourir les uns les autres. 30. Ajoutez a cela, que ce même Sau-  de la charité du Sauveur. 269 Sauveur, qui veut que nous nous aimions les uns les autres, comme il nous a aimés, a fait beaucoup plus pour nous, qu'il n'exige que nous faflions les uns pour les autres. II n'y avoit que lui, comme nous 1'avons vu plus haut, qui put fe donner foi-même pour nous en oblation & facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. Quelqu'affection que nous ayons pour nos prochains, il n'eft pas en notre pouvoir dexpier leurs péchés par nos fouffrances. Quoique nous puiffions faire pour eux, Jesus-Christ a fait pour nous bien d'avantage. Car enfin, aimez^ vos ennemis, béniffez ceux qui vous maudifent, faites du bien d ceux qui vous oppriment & vous perfècutent; donnez même tout votre bien pour nourir les pauvres, livrez vos corps pour être brulés, faites tout cela par le principe de la charité la plus fincere, & dans 1'ardent défir d'être utiles a vos prochains: encore n'imiterez vous Jesus-Christ qu'en partie; encore ne fuivrez vous fes traces que de kin, Car il a fouffert, lui jufie, pour nous injufles, & dans fon amour pour nous, latt.V. 44. 1 Cor, XIH. 3. 1 Pier. III.  2?o SERMON fur Fimitation Jean XIII. 35- 34- nous, il s'efl donné foi-même pour nous ch oblation & facrifice d Dieu. 40. La charité de Christ envers nou.-, nous fournit un motif a être nous-mêmes charitables, en ce qu'elle doit nous engager a Ia plus vive reconnoiffance envers lui, & paï conféquent a la plus exacte obéïffance. Nous ne faurions affurément trop accomplir les préceptes d'un Sauveur a qui nous devons tour, & qui nous a rachetés de nos mifercs aux dépens de fa propre vie. II elf bien jufte que nous reconnoiffions, & fes bienfaits, & 1'autorité qu'il a fur nous; en acquiefcant a fa volonté, en nous réglant fur fes ordres. Or quelle eft fa volonté, quels font fes ordres? Sinon que nous marchions dans la charité? A ceci, dit-il, tous connoitront que vous étes mes difciples, fi vous avez de F amour les uns pour les autres. f-e vous donne un nouveau conmandement, que vous vous aimiez les uns autres, comme je vous ai aimés, afin que vous auffi, vous vous aimiez les uns les autres. 50. Enfin, la charité de Christ, nous obli-  de la charité du Sauveur. aft oblige nous-mêmes a la charité, paree que fans cela, nous ne pouvons avoir part a fes fruits. Pour participer aux effets de fon facrifice, il faut croire en lui: or la foi eft opérante par la charité, & par conféquent oü il n'y a point de charité, il n'y a point de foi. L'Efprit de Jesus-Christ efl charité: or ft quelquun n'a point P Efprit de Christ, celuila tl eft point d lui. Jesus-Christ eft lumiere : or celui qui n'aime point fon frere, eft encore dans les ténébres. JesusChrist eft la vie: or celui riaime point fon frere, demeure en la mott. Donc fi nous voulons avoir part aux fruits de la charité de Christ, & être fauvès par fon offrande, il faut que nous nous aimions les uns les autres, comme il nous a aimés. C'efi; auffi la lecon de St. Paul, marchez dans la charité, comme Christ auffi nous a aimés, fi? s'eft donné foi-même pour nous en oblation & facrifice d Dieu, en odeur de bonne fenteur. AP, Gal. V. 6. lom. VIII. 9- l Jean II. 9. 1 Jean III,  Phil.il. 5: Phil.II.8. i Pier. II. 22,23. a Cor. VIII, 9. 1 Pier. II. 23. 272 SERMON fur Vimiiaiion APPLICATION. Cette lecon de 1'Apötre, Chrétiens, M. T. C. F., peut s'appliquer généralement a toutes les vertus que le Sauveur a exercées, puifque nous devons travailler a tous égards a lui reffembler. Par exemple, les Apötres ont pu nous dire, & nous difent en effet dans leurs écrits: . marchez dans ïhumilitè, comme Christ auffi a été humhle, 6? s'efl anéanti lui-même, en prenant la forme du ferviteur, & la reffemblance des hommes: marchez dans Vohêiffance, comme Christ auffi a étè ohêiffant jufqud la mort, même la mort de la croix: marchez dans la juflice, corn^ me Christ auffi a été jufte, n'ayant jamais fait doutrage , jamais pronon cé de fraude, jamais commis d'iniquité: marchez dans la tempêrance, comme JesusChrist auffi, étant riche, s'efl fait pauvre pour nous, & n'a fait ufage des biens néceffaires a la vie, qu'avec modération, & fans donner jamais dans aucun exces: marchez dans la patience, comme Christ auffi a été patiënt, lui qui quand on lui difoit des  de la charité du Sauveur. 273 des outrages, rien rendoit point, 6? quand on lui faifoit du mal, riufoit point de menaces, mais s'en remettoit d celui qui juge jujlement. Mais comment, hélas! ces vertus s'exer» cent elles parmi les Chrétiens de nos jours? Oü efl Vimitation de Jesus-Christ dans nombre de ceux qui pourtant fe rangent parmi fes difciples? Oü efl la juflice, dans ceux qui ne font pas difficulté de s'enrichir au préjudice des autres; & qui habituellement & de propos déliberé, font d leurs prochains, ce qu eux-mêmes ne voudroient pas qu'on leur fit? Oü eft la tempérance dans ces hommes peu fages, qui vivent dans la moleffe & dans la fenfualité, & qui malgré 1'amouE qu'ils ont pour la vie, ruinent leur lanté, & abrégent leurs jours, par leurs excèsi & par leurs débauches? Et pour ne pas m'écarter du fujet particulier de mon texte; oü eft la charité dans plufieurs Chrétiens, dont les mceurs font d'ailleurs. plus régulieres? Oü eft elie, dans ces avares, qui fe refufent a la bénéficence, & qui dans la crainte de diminuer leur Tom. 11 -S üré-  274 SERMON fur ïhmtafmi tréför, trouvent toujours des prétextes pour ne pas donner? Dans ces médifans, qui déchirent la re'putation de leurs freres, qui troublent la fociété par de mauvais rappor ts, & qui par des jugemens tout au moins téméraires, expliquent en mal Ses chofes qui peuvent être innocentes ? Dans ces mal-mtentwmès, qui cherchent a mettre en divifion ceux qui font en paix, & a fomenter la difcorde parmi leurs prochains défunis; au lieu de s'employer a leur réconciliation mutuelle? Dans ces implacabks, qui confervent pendant des années entieres le relfcntiment d'une injure; qui ne favent ce que c'eft que de pardonner; & qui, tout en proteftant qu'ils ne veulent aucun mal - a ceux dont ils fe plaignent, témoignent par leurs expresfions mêmes, leur animofité envers eux? Mais, en faifant ces réflexions, qui ne font que trop fondées, j'aime a me flatter que perfonne de ceux qui m'écoutent, n'a lieu de s'en faire 1'applicafion. J'aime a croire, que vous fentez tous Pobligation; oü nous fommes a*imiter les yer-  de la charité du Sauveur. 27$ vertus de Jesus-Christ, & fpécialement fa charité envers les hommes. Obligation, M. F., qui doit nous paröitre d'autant moins pénible, que les devoirs qu'elle nous impofe, font tout a-la-fois 1'ornement & le bonheur de ceux qui les exercent. Quoi de plus glorieux pour nous, que de rejfemhler d JesusChrist le Saint 6? le Jufte, & le modele de toute bonté? Quoi de plus confolant, de plus défirable, que d'avoir en nousmêmes le témoignage que nous avons communion avec lui,; & qu'après favoir imité fur la terre', nous vivrons êternellement avec lui dans le Ciel? Or nous 1'aurons ce témoignage, fi nous nous abftenons foigneufement du pêché , fi nous nous étudions a devenir femhlables d Jesus-Christ; fi nous nous efforcons d'imiter fa fainteté, fa juftice, fa patience, fa bienfaifance, fa charité. Dieu veuille nous en faire a tous la grace! Au Pere, au Fils, & au Saint Efprit, feul vrai Dieu, feul objet de nos hommages religieux, feul Auteur de notre vie, & de notre falut; foit honneut & gloire, dans tous les fiecles! Amen. S a SEtv Aa.m. 14. 1 Jean 1.5.  SERMO N Rom. X. 9. 10. SUR la certitude de la résurrection du Sauveur. Dieu Ta rejfufcitè le troifieme jour, fëp Ta donné pour être manifeftè, non a tout le peuple, mais aux témoins auparavant or donnés de Dieu, a nous, qui avons man gé fi? bu avec lui, après qu'il a été reffufcitè des morts. Act. X. 40. 41. Si tu confejfes le Seigneur Jesus de ta houche, fi? que tu Croyes en ton cozur que Dieu Ta rejfufcitè des morts, tu feras fauvé; car de cozur on croit a juflice, & de bouche on fait confeffion a falut. Ce font, M. F., des paroles de St. Paul, qui doivent nous faire comprendre fimportance extreme de f événement, qu'expriment celles que je vous ai lues; & duque] je me propofe d'établir, fous la bénédiélion divine, la réalité dans ce , dis-  fur la certitude dc la rêfurr.duSauv. 277 difcours. Cette propofition, Jesus-Christ eft rejfufcitè des morts; &celles-ci, JesusChrist eft le Fils de Dieu, Jesus-Christ a expié le pêché, Jesus-Christ procure la vie éter nette d ceux qui croyent en lui; ces propofitions, dis-je, ont enfemble une liaifon fi étroite, qu'il n'eft pas poffible de croire les dernieres, fi 1'on doute de la première; ni d'admettre celle-ci, fans recevoir auffi les autres. D'un autre cöté, il y a entre la foi & la fan&ification, un noeud fi intime, fi indiffoluble, qu'il n'eft pas poffible qu'un homme croye en Jesus-Christ fans renoncer au yice, & fans pratiquer la yertu. De forte que tout homme qui fait proje ffion de croire la réfurreclion de JesusChrist, ne peut, fans tomber en contradiclion avec lui-même, rejetter les autres dogmes du Chrifiianifme, ounégliger 1'exercice des bonnes ozuvres: & que Sn Paul n'a rien dit de paradoxe, en faifant confifter tout le Chrifiianifme, d croire &> d confejfer que Dieu a rejfufcitè Jesus-Christ des morts. Auffi voyons nous que les Apötres, S 3 tant  j Cor. XV. 17. Jenn .1. Ï'J. 21. I s;8 ■ SERMON fur la certitude tant dans les difcours qu'ils addreffoient aux peuples, que dans les Epïtrcs que quelques-uns d'eux écrivirent aux fideles, ont infifté fur la réfurrection de JësusChrist, comme fur le dogme fondamental du Chrifiianifme, fans lequel toute la foi des Chrétiens feroit vaine, mais duquel auffi la vérité une fois établie, renverfe & réduit en poudre toutes les objeétions des incrédules contre la divinité de VEvangile. En effct, fi Jesus-Christ, que les Juifs ont fait mourir comme un impie & un féducleur, pour s'être dit le Meffie & le Fils de Dieu; & qui pour juftifier fes titres, en avoit appellé a fa réfurreclion: fi ce Jesus riefl pas reffuscité, toute fa doctrine eft fauffe. Mais auffi, sil efl rejjufcité, toute fa doctrine eft vraie: car la réfurreclion d'un mort étant un miracle, ne peut être 1'ouvrage que de Dieu, qui étant la véracïté & la fainteté même, ne peut pas prêter fon fecours a favorifer 1'impofture; d'oü réfulte^ qu'en reffufcitant Jesus-Qirist , il a montré que Jesus-Christ n'étoit pas un impofteur. Donc, pour établir in-  de la réfurrection du Sauveur. 279 invinciblement & par une feule fouree de preuves, la vérité de tout l'Evangile, il ne faut qu'établir invinciblement, que [esus-Curist efl rejfufcitè des morts. Examinons cette propofition, & nous vcrrons bientöt, que cefl une chofe eertaine & digne d'être entiêrement recue. Pour le fentir, confidërons fucceffivement ces quatre chofes. I. La nature du fait. II. Le caraclere des témoins. III. La force des preuves. IV. La foihlejfe des ohjeclions. C'eft ma divifion générale. I. PARTIE. La nature du fait eft la première chofe que nous avons ici a confidérer. Nous pourrions a la rigueur ne nous y pas arrêter. S'il s'agilfoit d'un événement a venir & dont il n'y eut point encore d'exemple, on pourroit demander que préalablement a tout argument, nous en montralfions la polfibilité: encore pourrions nous nous en difpenfer, paree que vu la toute - puiffance divine, tout ce qui n'eft pas contradictoire, eft poffible. S 4 Mais  2 8o SERMON fur la certitude Mais il s'agit ici d'un fait, qui, felon nous eft arrivé. Si par toutes les raifons qui peuvent légitimement perfuader a des perfonnes fenfées, qu'une chofe a eu lieu, nous montrons que celle-ci a effectivement eu lieu; dès-3a toute objection tombe, puifque tous les raifonnemens du monde doivent céder a 1'expérience. Cependant, ne fut-ce que pour vous montrer dans quelle imprudence fe jettent les incrédules, lorfque , fans autre fondement que des diffieultés auxquelles on a cent fois répondu, ils rejettent un fait qui n'eft rien moins qu'impoffible; nous allons voir que cette propofition, Jesus-Christ eft rejfufcitè des morts, quoique ce qu'elle énonce n'ait pu arriver que par un miracle; ne renferme pourtant rien qui autqrife les incrédules foit Juifs, foit Dêiftes, a la rejetter fans examen: puifqu'elle n'eft contraire, ni a TAncienne Rèvêlation, pi aux lumieres de la Raifon; de forte que vu fon importance, puifqu'elle doit décider de la vérité ou de la fauffeté de ïEvangile, elie mérite bien d'être foigneufement examinée. I.  de la réfurrecthn du Sauveur. 281 I. Premier ement donc, je dis que cette propofition, Jesus-Christ efl rejfufcitè des morts, nefit point contraire a YAncienne Rèvêlation. Les Juifs recevant comme divins les Livres que nous comprenons fous le nom S Ancien Teflainent, n'avoient aucune raifon pour rejetter comme abfurde, ce que les Apotres difoient, que leur Mattre étoit rejfufcitè. A moins de contredire les Oracles dont ils étoient 1 dépojitaires, ils devoient croire, qu'z7 efl pojfible qu'un mort rejfufcitè; qxfun jour tous les hommes refufciter ont; & que le Meffie devoit rejfufciter peu après fa mort: étendons ces idéés. 10. Les Juifs, fondés fur leurs Ecrits facrés, devoient croire qix'ü efl poffible qu'un mort rejfufcitè. Non feulement ces faints Livres leur donnoient les plus hautes idéés du pouvoir de Dieu, mais ils leur montroient des exemples de perfonnes a qui Dieu avoit rendu la vie. A la priere d'Elie, il avoit rejfufcitè Venfant de la veuve de Sartpta. La Sunamite chez qui Elifée logea, vit fon fils revivre a la requête de ce faint homme: S 3 & lora.III. 2. t Roïs XVII. 17. &c. 2 Rois V. 18. &c.  9 Rois. XIII. 21. Matt. XXI! 23-34. 282 SERMON fur la certitude & un mort jetté dans le fépulcre de ce Prophete, revint en vie fi? fe leva fur fes pieds. Ainfi, quand les Juifs auroient pu ignorer que Jesus-Christ lui-même avoit publiquement rendu la vie k des morts, le témoignage des Livres qu'ils faifoient profeffion de croire, fuffifoit pour leur montrer, que les Apotres en prêchant la réfurreclion de leur Mattre, prêchoient un fait trés poffible, & qui méritoit bien de n'être pas rejetté fans examen. 20. II y a plus: des gens qui, outre ces exemples de perfonnes reffufcitées dont la Rèvêlation leur parloit, croyoient pour la plupart la réfurreclion future de tous les hommes, ne devoient pas trouver abfurde la réfurreclion de Jesus-Christ. II y a moins de difficulté a concevoir qu un corps mort depuis trois jours, ait été remis en vie; qu'il n'y en a a concevoir que les corps de tous les hommes, disfous & rédu^s en pouclre, feront rètablis fi? rcvhront. Or les Juifs croyoient cette derniere vérité. Elie n'étoit niée que par /es Sadducèens, k qui le Sauveur fer-  de la réfurreclion du Sauveur. 283 ferma la louche par un paffage de Moyfe: & St. Paul dit a Félix, en préfence des Juifs fes accufateurs, fai efpérance en Dieu, qu'il y aura une réfurreclion des morts, tant des juf es que des injuftes, laquelle auffi ceux -ci eux -mêmes attendent. Or fi les Juifs ont cru la réfurreclion générale de tous les hommes au dernier jour, celle de Jesus-Christ ne devoit pas leur paröitre impolfible. 30. II y a plus encore: felon leur propres principes, & a moins de rejetter leurs Oracles, les Juifs, loin de trouver étrange que les Apotres diffent leur Maitre reffufcité, auroient été parfaitement fondés a rejetter leur doctrine, s'il n'avoient pas affirmé cette réfurreclion. Car cette réfurreclion étoit un caraciere effentiel du Meffie. Prêcher que Jesus efl le Christ, &. avouer en même tems qu'il riétoit pas rejfufcitè; c'auroit été fè contredire. L'Ecriture Sainte, que les Juifs recevoient, avoit, dans divers paffages que les Juifs d'alors appliquoient au Meffie, repréfenté ce IV-'effie comme reffuscité des morts. Témoin les paroles du Pfeaih \&. xxrv. 15.  rr.xvi. 8-11. m. u. Aft. XIII. 35-37- Aft. XXVl.3. 284 SERMON fur la certitude Pfeaume XVJ>. que St. Pierre cita aux Juifs comme dictees par David, non relativement a lui-même, mais relativement au Meffie: paroles dont St. Paul auffi fait ufage dans une autre occafion. Puis donc que le Meffie devoit reffufciter, & que les Apotres prêchoient que Jesus eft ce Meffie, on ne devoit pas trouver étrange qu'il le diffent reffufcité. C'étoit la preuve de la vérité de leur doctrine: il falloit donc examiner foigneufement cette preuve; & après cela, il falloit ou s'y rendre, ou en prouver la fauffeté. II. Je dis la même chofe de ces incrédules, qui, faifant profeffion de croire Vexiflence & les perfeclions de 1'Etre fuprême, rejettent les Myfleres de ïEvangile, & attaquent particuliérement la réfurrection du Sauveur. S'ils veulent fe conduire en hommes raifonnables & amis de la vérité, ils doivent, après un mur examen de nos preuves, ou montrer qu'elles font fauffes, ou embraffer ÏEvangile comme divin. Car, de rejetter la réfurreclion de Jesus-Christ comme une chofe incroyahle & manifefiement fabuleufe , fans  de la réfurreclion du Sauveur. 285 fans daigner montrer qu'elle eft telle; c'eft donner tout lieu de penfer, que la corruption de leur coeur, ou 1'envie de fe fingularifer, a beaucoup plus de part dans leur incrédulité, que la crainte de croire une chofe incroyable. Car celle dont il s'agit, n'a rien de contraire aux principes de la Raifon; rien qui choque la nature des chofes, ni les attributs de Dieu. II n'eft point phyfiquement impojpble que Jesus-Christ foit reffufcité, puifque Dieu, qui de certaines parties de matiere a fu faire un corps humain, doit aulïï avoir le pouvoir de lui rendre la vie quand il 1'a-perdue; furtout a un corps qui, ayant été embaumé & n'ayant pas été longtems dans le fépulcre, n'avoit pas comraencé a s'y corrompre, bien loin de s'y être diffous. II n'eft pas non plus moralement impojfible que Jesus-Christ foit reffufcité: car cela n'a rien qui choque les perfeclions divines. II n'étoit pas indigne de Dieu de tirer du tombeau & de remettre en vie, un homme dont la doctrine avoit été fainte, la conduite exemplaire, les ceuvres bïenfaifantes, & le Jean XIX.38-40.  s 86* SERMON fur la certitude le miniftere entier digne du titre de Meffie qu'il s'attribuoit. Pour qu'il eut été contraire aux attributs divins de rendre la vie a un tel homme, il faudroit que fes vertus1 & fes miraclès n'euffent été que des illufions, & fa doclrine une impofture: en ce cas fans doute, Dieu ne l'auroit pas reffufcité. Mais prétendre, contre notre croyance, que Dieu ne peut pas avoir reffufcité Jesüs-Christ, paree que fa doclrine étoit fauffe, ce feroit pofer ce qui eft en queftion; une des plus grandes fautes qu'on puiffe commettre en matiere de raifonnement. La réfurreclion de Jesus-Christ eft donc un fait poffible. C'étoit ma premiers remarque; If. PARTIE. Mais après avoir établi la poffibilité de cet événement par fa nature même, il faut confidérer le caraclere des témoins qui l'ont attefté, & voir fi par leurs qualités, ils font dignes qu'on défere a leur témoignage, du moins jufqu'a ne pas  de la réfurreclion du Sauveur. 287 pas rejetter ce qu'ils difent, fans avoir murement pefé leurs raifons. Si le mauvais caraótere de quelques témoins, peut bien rendre fufpect leur témoignage, fans être cependant un fondement fuffifant pour décider fans examen que ce qu'ils difent eft faux: combien moins doit on former un jugement de cette nature, contre des témoins, qui font en affez grand nombre; ennemis avèrés du menfohge; non fufpecls de crédulité; plein de candeur; 6? non intêrejfés a foutenir ce quils avancent? Or qui peut contefter ces caracteres aux témoins dont nous parions ? 10. Faut-il qu'un fait de quelque importance, foit attefté, pour être croyab!c, par un certain nombre de témoins? La réfurreclion de Jesus-Christ a cet avantage. Ce ne font pas deux ou trois perfonnes qui difent que Jesus-Christ efl reffufcité: ce font douze Jpêtres, qui en donnent tous les mêmes preuves, & qui déclarent tous qu'ils ont eu occafion d'examiner le fait. Outre ces douze, St. Paul, (qui avoit des raifons perfon- nel- 1 Cor.. KV.s.ó.g.  Ma». :xvm '288 SERMON fur la certitude ■nelles pour le croire, puifque le Seigneur lui étoit apparuf) cite cinq eens fr er es, qui tous d-la-fois ont été convaincus, a n'en pouvoir douter, que Jesus-Christ étoit reffufcité; & il ajoute que de fon tems, la plupart étoit encore en vie. Toutes ces perfonnes, les Apotres, les cinq eens freres, & les faintes femmes qui avoient les premières fu la réfurreclion du Sauveur, en ont eu toutes la même preuve. Or que tant de perfonnes affirment unanimément le même fait, fur une même preuve, que tous ont eu occafion d'examiner; c'eft déja un grand préjugé pour la vérité de leur témoignage. 20. Dira t-on pour éluder cette conféquence, que les douz-e Apotres, ayant formé 1'odieux complot de faire croire fauffement la réfurreclion de leur Mattre, ont trouvé moyen de fe faire des amis, qui par féduction, ou par colluüon, les ont aidé a la foutenir ? Mais, (fans infifter fur 1'abfurdité qu'il y auroit d'attribuer aux Apotres un projet auifi chimérique, en faveur de la mémoire d'un homme, qui, s'il riefi pas reffufcité, les  de la réfurreclion du Sauveur. 289 les avoit trompés eux-mêmes tout les premiers;) a qui attribueroit-on cette affreufe entreprife? A qui feroit-on 1'accufation d'être les plus hardis & les plus fcélérats de tous les importeurs ? Aux Apotres ? A des hommes qui ont conftamrnent enfeigné la Morale la plus faine; qui dans leurs écrits nous ont laiffé des préceptes, dont une exacte obfervation feroit de la fociété humaine un Ciel en terre? A des gens qui ont finguliérement témoigné la plus grande horreur pour le menfonge, qui ont recommandé que chacun parldt en vérité èl fon prochain, qui ont déclaré qu'i tous menteurs leur part fera dans lêtang ardent de feu & de foujfre, qui efl la mort feconde? A des gens qui ont eu la plus profonde vénération envers Dieu, le plus grand zele pour fa gloire, la plus grande fermeté a lui être fïdeles? A des gens qui de notoriété publique, ont vêcu comme ils ont enfeigné; donnant les plus beaux exemples de droiture, de bonté, dó fmcêrité, de religion: en forte que tout ce qu'on leur reprolom. II. T choit; Eph.1V. 25. Apoc. XXL».  2po SERMON fur la certitude Miut.xvi. 21, 22. Luc. XXIV. il. choit, c'étoit de prêcher la réfurreclion de leur Mattre, fans jamais leur prouver qu'elle ne fut pas vraie? 3°. Dira t-on qu'ils ont a la vérité, été de bonne foi, mais que trop faciles a fe laiffer perfuader, ils ont cru fur de fauffes apparences la réfurreclion de leur Maitre? Mais ce feroit la leur attribuer une crédulité qu'ils n'ont point eue. Ignore t-on le penchant qu'ils eurent tous a douter de tout ce qui choquoit le moins du monde leurs préjugés? Si Jesus-Christ leur déclare qu'il doit aller d Jérufalem, fi? y fouffrir beaucoup de chofes de la part des Anciens, & des principaux Sacrificateurs, fi? des Scribes, & être mis a mort, fi? reffusciter le troifieme jour; Seigneur, lui dit Vun deux, (ce fut ce même Pierre qui depuis foutint avec tant de fermeté la réfurreclion de fon Mattre ;) Seigneur, aie pitié de toi: cela ne farriyera point. Les faintes femmes rapportent-elles aux Apotres que le Sauyeur efl reffufcité? Ils traitent leurs difcours de rêyeries. St. Paul > cet ardent défenfeur de la ré-  de la réfurreclion du Sauveur. 291 réfurreclion du Seigneur, avoue luimême, que pendant quelque tems, il s'étoit cru obligé de faire de grands efforts contre le nom de Jesus le Nazarien. Or fi les difciples du Sauveur ont eu fi peu de difpofition a croire, ce n'efl donc pas par crédulité qu'ils ont cru la réfurreSlion de leur Mattre; ce doit être par conviótion & fur de bonnes preuves: cela eft évident. 40. Cet aveu que nous trouvons dans les Ecrits Sacrés, du peu de difpofition que les Difciples avoient a croire, nous conduit a un quatrieme trait: c'eft leur candeur. Bien loin de chercher a en impofer au monde par des menfonges, ils n'ont pas feulement caché ce qui pouvoit leur attirer du mépris. Ils n'ont pas diflimulé la baffeffe de leur origine: tous les fiecles fauront, qu'avant d'être Apotres, St. Matthieu étoit un péager, St. Paul un faifeur de tentes,, & la plupart des autres de pauvres pêcheurs de Galilée. Ils n'ont pas même fupprimé le récit de leurs défauts: leur ' incrédulité, leurs difputes; leur 'nattere T 2 ■■■ tion. Aft. tXVi. p. Iatt.IX.9. AA. XVIII. 3. Mait. IV. 8. 21. &c.  2p2 SERMON fur la certitude Aft. XIV. 22. Matt.X. 17. XXIV. 9. Jean XVI. 33- tion, leur timidité, font fidélement rapportées dans leur hifloire. Et quant a leur doctrine, comment ont-ils cherché è la rendre recommandable ? Par des promejfes magnifiques, mais qui ne regardoient que 1'avenir: car pour le préfent, ils ont déclaré eux-mêmes, que 6efl par plufieurs affidtions quil faut entrer au Royaume de Dieu. 5°. Remarquez enfin, que ceux qui ont annoncé au monde que JesusChrist efl reffufcité des morts, ont été entiérement défmtéreffés. On ne peut les foupconner ni d'ambition, ni d'avarice; puifque leur doctrine leur attiroit le mépris & Ia perfécution d'un grand nombre de gens, & non pas des honeurs ou des richeffes. Ils attendoient, il efl vrai, une récompenfe magnifique après cette vie; mais ils n'afpiroient a aucune récompenfe terreflre, & ils ne pouvoient pas y afpirer. Jesus-Christ le leur avoit prédit: ils vous livreront aux Confeils, fi? yous fouetter ont dans leurs Synagogues; vous ferez haïs de tous d caufe de mon Nom; yous aurez de fan-  de la réfurreclion du Sauveur. 293 Tangoijfe au monde; on vous livrera d l'affliclion, 6? on vous tuera. Si donc la réfurreclion du Sauveur étoit fauffe, quel intérêt les Apotres avoient-ils a la foutenir? Ils perdoient tout pour 1'avenir, fans rien gagner pour la vie préfente. lis fe laiffoient perfécuter par les hommes, & s'expofoient a la colere de Dieu, fans retirer de leur entreprife le moindre avantage. II faut donc qu'on avoue que les Apotres, n'ayant en tout cela d'autre intérêt en vue, que celui d'une félicité a venir, & de laquelle on s'exclut par le menfonge, n'ont prêché la réfurreclion de leur Mattre, que paree qu'ils étoient perfuadés qu'elle étoit vraie. III. PARTIE. Le témoignage des Apotres eft donc digne de foi; & 1'on ne peut le tenir pour fufpeft, fans leur faire une grande injuftice. Cela fera encore plus manifefte, fi nous confidérons en troifieme lieu, la force des preuves qui établiffent, foit k leur égard , foit au notre , la X 3 rèa-  294 SERMON fur la certitude rèalitè de la réfurreclion du Sauveur. Ca , sïis ont eu de bonnes raifons pour la croire, & fi nous avons de bonnes raifons pour les croire; elie eft démontrée , & c'eft une folie de la nier. I. Or je dis en premier lieu, que, quant aux Apotres, ijs ont eu des raifons folides pour croire que Jesus-Christ eft reffufcité. Nous avons remarqué qu'ils étoient en aflez grand nombre, & que plufieurs autres perfonnes , jufqu'a cinq eens è-la-fois, ont eu la même preuve qu'eux. Or quelle étoit cette preuve? Ils le difent eux-mêmes. Ce n'eft pas fur un fimple ouï-dire qu'ils ont cru la réfurreclion du Sauveur: au contraire, tant qu'ils ne font qu'ouï dire, ils ont refufé de la croire, & n'ont voulu fe rendre qua la plus haute évidence. Ils ont vu Jesus-Christ, ils Font entendu parler, ils Tont touché, ils ont mangé fi? hu avec lui; il leur a montré fes cicatrices, il a fait des miracles en leur préfence, il^ a converfé avec eux quarante jours. C'eft ce qu'eux-mêmes nous déclarent. Nous avons vu k Seigneur. Dieu a resfufcité ce Jesus, fi? nous en fommes té- 1 jeanXX.25 Aft. ii. 32  de la réfurreclion du Sauveur. 295 témoins. Ce que nous avons out, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, & que nos mains ont touché de la parole de vie, neus vous ïannonems. Nous avons mangé 8? hu avec lui après quil a été rejfufcitè des morts. Tel eft leur langage, telles font les preuves qu'ils alléguent pour juftifier leur perfuafion. Or que pouvoient-ils demander de plus ? Y a t-il plus forte preuve pour la vérité d'un fait, que le témoignage des fens , furtout de plufieurs fens, confultés & a-la-fois & plufieurs fois fur le même fujet? Si ce témoignage pouvoit tromper, qui ne fent que Dieu, qui a planté Voreille & formè léd, feroit lui-même 1'Auteur de nos erreurs, & nous mettroit dans 1'impoffibilité de démêler 1'apparence d'avec la vérité? Les Apotres donc, déclarant qu'ils ont vu, entendu, & touché leur Mattre depuis fa réfurreclion, avouent qu'ils ont eu pour la croire, la plus forte preuve qu'ils püffent défirer. II. Mais quant a nous, M. F., avons nous de bonnes raifons pour déférer T 4 a I leanl. t. Pf.XCIV. 9>  296 SER MON fur la certitude a leur témoignage, & pour croire qu'ils ont effech'vement eu cette preuve de la réfurreclion du Sauveur ? Oui, fans doute & j'en allégue trois. ïo; La validité die leur témoignage. 29. Les miracles qui ont accompagné leur miniftere. 30. Les évémmens qui ont eu lieu depuis leur prédication. ic. La validité de leur témoignage. Nous avons montré plus haut que les témoins de la réfurreclion de JesusChrist, avoient tous les caraóteres qu'on peut défirer pour déférer a leur dépofition. Des gens qui tous atteflent Je même fait fur les mêmes preuves; qui détefloient le menfonge; qui n'étoient rien moins que crédules; qui n'ont pas difimulê leurs défauts; qui hm et avoir quelque intérêt humain a foutenir ce qu'ils foutenoient, fe privoient en le foutenant de tous les agrémens de la vie, & s'expofoient aux plus grands maux: de telles gens font bien dignes qu'on écoute ce qu'ils difent, qu'on falie attention aux raifons qu'ils ajléguent, & qu'0n recoive une dépofition, dans laquelle ils n'ont  de la réfurreclion du Sauveur. 297 n'ont en vue, que de rendre gloire d Dieu, & de fauver les autres en fe f amant eux-mêmes. II y a de la noirceur & de 1'ingratitude, a traiter de fanatiques ou dimpofleurs des hommes d'un tel caractere; & c'eft auffi dequoi nos incrédules rendront compte d celui1 qui doit juger les vivans ê? les morts. 2°. Les miracles qui accompagnerent la prédication des Apotres, confirment encore leur témoignage. Ils difent qu'ils ont vu Jesus-Christ reffufcité, qu'?7 a converfé avec eux, qu'ils ont eu tout le tems de le reconnöitre & dé safurer que c étoit lui: mais exigent-ils qu'on les en croye fur leur parole? Non: ils donnent des preuves autentiques de la vérité de leur dépofition. Au Nom de ce Jesus dont ils atteflent la réfurre&ion, ils font des prodiges furprenans. AffemHés au Nom de ce Jesus, ils font toutd-coup remplis du St. Efprit, & commencent d parler des langues étrangeres. Au Nom de ce Jesus, ils font marcher les boiteux, ils guêriffent les malades, ils délivrent les pojj'édés, ils rcffufcitent les T 5 morts. 1 Tim. VI. 16. Pier. IV. 5. Aa.H.4. A6.iii.tf. ix. 3,4. xvi. iS. ix. 40. kv.15.ltf.  398 SERMON fur la certitude A&. IX. 17. 1 Cor. XIV. 18, j 1 , ] 1 1 < ] ] 1 Inorts. Et qui peut nier ces miracles? Qui peut croire que des merveilles avouées par des Juifs & des Payens ennemis du Sauveur, puiffent n'avoir été que des preftiges? Qui peut croire que St. Paul, dont les écrits témoignent tant de bon fens, fe foit imaginé qu'étant devenu avsugie, il recouvra la vue par le miniftere d'un Chrétien; & qu'il avoit le don de parler des langues itrangeres, fi? de faire des. miracks ? Qui peut croire que les Corinthiens, qui recurent & conferverent précieufement 'Epïtre oü il les cenfuroit, n'avoient pas les dons au fujet defquels il leur addres~oit cette cenfure? Et qui peut croire ju'une doclrine telle que TEvangile, ait ju fans un fecours furnaturel faire tant de jrogrès parmi des Juifs & des Gentils. 3 0. C'eft une troifieme remarque. Depuis le tems que les Evangéliftes iffignent a la réfurreclion du Sauveur, il 'eft paffé des chofes qui conftatent pleiïement fa vérité, paree que fi elie n'eut ïas été véritable, ces chofes la n'auroient pas pu arriver. D'un cöté, le Chrifiia- nis-  de la réfurreclion du Sauveur. 299 nifme triomphant contre toute apparence humaine des ptéjugés du fuif, des fuperftitions du Payen, & des vices qui régnoient parmi les uns & les autres: XEglife de Jesus-Christ êtendant au loin \ fes cordages & ajfermiffant fes pieux parmi toutes les natims, non par la force des armes, mais par le miniftere de douze Prédicateurs fans étude , fans pouvoir, & fans crédit: la doclrine de ces faints hommes confervée jufqu'ici, malgré les efforts perpétiiels que 1'incrédulité, la fuperftition, & 1'héréfie ont faits pour féteindre: & les prédiélions du Sauveur vériffiées par ce fuccès: tout cela montre que fa doctrine étoit vraie, fa miffion divine, fa réfurreclion véritable. D'autre cöté, cette Jérufalem dont les habitans avoient crié, que fon fang foit fur nous 6? fur nos enfans! cette ville meurtriere aux portes de laquelle , après favoir remplie de fes bienfaits, il avoit foufert le plus honteux fupplice: cette Jérufalem ajjiégée & prife par les Romains après que les divifions, la famine, & la contagion y eurent fait les :ra,Liv.2. Matr. XXVII. 25. Malt. XXIU. 37. Héb. XIII.I2.  Mair.XXIV. ! 4 1 < i ( i 300 SERMON fur la certitude les plus affreux ravages; fes maifons détruites, fon temple brulé, fon peuple égorgé oü captif, les reftes de cette nation difperfée aux quatre yents, & mêlées parmi les peuples fans s'y confondre & fans pouvoir fe rejoindre; le tout dans la plus exaéle conformité avec les Prophéties de Jesus-Christ : tout cela montre qu'il étoit Prophete, & que fa réfurreclion ne peut être faulfe. Si nos incrédules veulent des preuves qui frappent nos fens; en voila deux auxquelles on ne peut réfifter fans folie. IV. PARTIE. Nous avons donc juftifié la déclaration }ue les Apotres de Jesus-Christ ont "aite, que leur Maïtre étoit reffufcité les morts. Mais pour achever de remplir ïotre plan, montrons par quelques xemples la foihleffe des ohjeclions des ncrédules contre cet événement, qui, omme il paroit par ces objeétions nêmes, eft au deffus de toute exception. I. On objecfe „ que fi nous avions , encore les Livres des anciens Juifs ,, con-  de la réfurreclion du Sauveur. 301 „ contre Jesus, on y trouveroit fans „ doute toutes les circonftances du „ complot des Apotres;" & on repréfente „ la perte de ces Livres, comme „ une chofe tout-a-fait déplorable." En vérité, M. F., ne fut-ce la gravité du fujet, on riroit a 1'ouïe d'une objection pareille. Quoi, quand je vous aurai prouvé un fait par toutes les preuves dont un fait eft fufceptibje; fufhra t-il pour ne le pas croire, de dire que peutêtre il y a eu des Livres écrits pour le démentir ? Mais enfin, pofé 1'exiftence de ces Livres: qu'y avoit-il de plus qu'il n'y a dans les écrits de nos incrédules modernes? Ceux-ci, joints a ce qui nous refte des anciens ennemis de Ia Religion Chrétienne, ne montrent-ils pas fuffifatnment que de tout tems on 1'a attaquée par des injures ou par des railleries, & jamais par de bonnes raifons? II. Je fais bien que les Juifs ont accufé les Difciples „ d'avoir enlevé le „ corps de leur Mattre f & qu'on n'a pas eu honte de renouveller cette calomnie, quoiqu'elle ait été vi&orieu- fe- Miitr» XXVIII. 13. iS-  302 SERMON fur la certitude fement repouffée depuis longtems. Nous ne fommes pas feulement obligés d'y répondre, puifque, dès que nous avons prouvé par de bonnes raifons qu'il efl: impoffible que Jesus-Christ ne foit pas rejfufcitè, c'eft aux ennemis du Chrifiianifme a prouver, & que fes difciples Vont enkyé, & qu'il s'enfuit de la qu'/7 riejl pas rejfufcitè; car, pour le remarquer en palTant, cette conféquence ne découle pas neceffairement de 1'accufation. Mais enfin, fur quoi eft-elle fondée cette accufation: & quelle en eft la preuve? Le fépulcre étoit ruide: felon nous il étoit yuide, paree que Dieu en avoit öté le corps de fon Fils en le rejfufcitant; & nous le prouvons par de bonnes raifons: felon les incrédules il étoit yuide, paree que les Difciples en avoient oté le corps de leur Mattre; & ils le difent fans le prouver: cela n'invalide donc pas nos preuves. Mais il y a plus, puifque nous pouvons prouver que 1'accufation eft fauffe. Comment les timides Apotres auroient-ils pu former un pareil projet, après les mefures que  de la réfurreclion du Sauveur. 303 que les Juifs avoient prifes pour affurer le fépulcre ? Et comment, après ces mefures, auroient-ils pu exécuter une telle entreprife? C'efl;, dit-on, que les gardes dormoient; comme s'il étoit poffible que toute une garde s'endorme dans une occafion pareille; & comme fi ce fommeil même, fuppofé qu'il eut eu lieu, n'avoit pas rendu ces peu vigilans foldats, & fouverainement puniffables, & incapables de témoigner ce qui s'étoit pafte! III. Enfin on objecte „ que fi Jesus„ Christ étoit véritablement rejfufcitè, „ il auroit du fe montrer a fes ennemis, „ & non feulement a des hommes qui „ étoient fes amis, fes difciples, fes ,, Apotres." Le principe eft vrai, & les Apotres eux-mêmes en conviennent. Dieu difent-ils, a donné Jesus pour être manifejlé, non a tout le peuple, mais am témoins auparayant ordonnês de Dieu. Mais la conféquence qu'on tire de ce principe eft trés déraifonnable. Efl-ce raifonnei que de dire, „ les Apotres avouent que „ leur Maïtre ne s'efl montré qu'a em „ & a quelques autres de fes difciples; „ don< Mm. XXVII. Ó2-Ó6. Mate. XXVIII.13.  Matt. XII. 24. 'eanXU.10. 304 SERMON fur la certitude „ donc il efl faux qu'il foit reffufcité?" Non fans doute. Car premier ement, le Sauveur n'étoit pas obligé de fe montrer a des hommes, qui, grands & petits, s'étoient acharnés a fa perte; & il fuffifoit qu'après avoir convaincu fes difciples de fa réfurreclion, il les mit en état par fes dons, d'en convaincre les autres hommes. Secondement; quand même notre Seigneur fe feroit fait voir aux auteurs de fa crucifixion, il y a toute apparence qu'ils 1'auroient fait paffer pour un fantome fufcité par Béelzebul; ou qu'ils auroient cherché a le faire mourir une feconde fois, comme ils avoient voulu faire mourir Lazare qu'il avoit rejfufcitè: toute leur conduite donne lieu de le croire. Enfin, quand Jesus-Chkist fe feroit montré a eux & a tout le peuple, & que cela les eut convaincus; nos incrédules fe rendroient-ils a cette preuve? Ne diroient-ils pas de ces témoins la, ce qu'ils difent des Apotres? Ne les traiteroient-ils pas, ou de vifionnaires, ou de féduéteurs? Si les preuves de la réfurreclion de Jesus-Christ font bonnes, eU  de la réfurreclion du Sauveur. 305 elles ne perdent rien de leur prix pout n'êtfe alléguées que par ün certain nombre de perfonnes; & fi elles ne font pas bonnes, comme les incrédules le prétendent, quelle raifon auroient-ils pour s'y rendre, au cas que les Juifs s'y fuflênt rendus ? Cette objeétion, qui au premier coup-d'ceil a quelque chofe d'éblouïffant, n'efl donc au fond qu'un pur fophifme: & loin que nos Déïjles donnent lieu de croire qu'ils fe rendroient, fi les Sacrificateurs £5? le peuple Juif avoient vu Jesus reffufcité; il y a toute apparence qu'en ce cas, ils éxigeroient qu'il leur apparut a eux-mêmes: encore troüveroient-ils bien quelque pré» texte a demeurer dans 1'incrédulité. S'ils n'écoutent point Moyfe fi? les Prophetes, ils ne feront pas non plus perfuadés, quand quelqu'un des morts reffufciteroit. APPLICATION* La réfurreclion de Jesüs-Christ eft donc un fait inconteftable, & il y a de robftination & de la folie a le nier* Tom. IL V Mais LaC xvLaio  Héb. XII. 2 Matt. XX.18,10. 306 SERMON fur la 'certituck Mais ne nous contentons pas de la regarder du cöté de fa certitude. II y a des chofes certaines & avérées, mais qüi n'ont aucune relation avec notre bonheur, ni avec notre conduite: telle n'eft pas la réfurreclion du Chef fi? dn Confoimnateur de la foi Chrétienne. C'eft un fait de la plus haute importance, puifque, comme nous allons le montrer briévement en terminant ce difcours, nous y trouvons; I. Un dogme fondament al du Chrifiianifme. II. Une fource de confolation pour les yrais Chrétiens. III. Un motif puiffant d la fan&ification. I. La réfurreclion de Jesus-Christ eft un dogme fondamental du Chrifiianifme. Nous avons déja remarqué en commenpant, que toutes les vérités de TEyangile ont une liaifcn intime avec celle-la. Elie prouve que Jesus-Christ efl un Prophete infaillible: yoici, difoit-il a fes difciples, nous montons d Jêrufalem, le Fils de 1'homme fera liyré aux princifaux Sacrificateurs fi? aux Scribes, fi? ils le condamner ont d la mort, fi? le livreront aux Gentüs pour sen. moquer, fi? le fomt-  de u réfurreclion du Sauveur. 307 fouetter, fi? Ie crucifier: mais le troifieme jour il reffufcitera. Elie prouve le pouvoir qu'il. s'étoit attribué de reprendre la vie après ï avoir laiffée: abbattez ce temple, fi? en trois jours je le reléverai. Elie prouve qu'il eii le Fils de Dieu: il a été pleinement déclaré Fils de Dieu en puiffance , felon VEfprit de fanclification, par la réfurreclion dentre les morts. Elie prouve qu'il a fait l'expiation de nos péchés, & que c'eft avec raifon que nous 1'appellons Sauveur: il a été livré pour nos offenfes, fif il efl reffufcité pour notre jufiification. Elie prouve que fi nous croyons en lui, nous reffufciterons auffi pour la béatitude éternelle: Christ efl reffufcité des morts, fi? a été fait les prémices de ceux qui dorment. Celui qui a reffufcité le Seigneur Jesus, nous reffus* citera auffi. IL Auffi ai-je dit en fecond lieu, qu'elle efl pour tout vrai Chrêtien une fource de confolatwn. Le bonheur que nous attendons confifte en chofes invifihles, en félicités dont nous n'avons ici-bas qu'une imparfaite idéé; en un V a ras* cH.19.2i. Rom. I.4. Héb. I. 3, Rom. iv. 25. 1 Cor. XV* 20. 2 Cor. IV. 14. a Cor. IV. 18.  3o8 SERMON fur la certitude l'f.XVI li : Rom. VI. 23. Ph5l.III.2i Col. I. 12. I Cor. IX. Rom. II 7Rom.Xp. a Cor. IV, 18. Tean X.o! & vi. 3: '•ajfafiement de joie fi? des plaifirs éternels qui furpaffent notre conception. Mais nous n'en avons pas moins la certitude. Car fi Jesus-Christ eft rejfufcitè des morts, töut ïEvangile eft attefté: la vic éternelle, la réfurreclion de nos corps, Vhéritage des Saints, la couronne incorruptible, la gloire, ïhoneur, & Vimmortalité; ce font des vérités certaines, des biens affurés. Si donc, en confejfant le Seigneur Jesus de notre bouche, nous croyons dans notre cozur que Dieu Va reffufcité des morts; les biens de la vie préfente doivent-ils nous attacher au point de fupporter impatiemment leur perte? Les maux du tems préfent doivent-ils nous décourager ? Ces biens & ces maux ne durent qu'un tems; mais la vie éternelle efl affurée a ceux qui auront fagement joui des uns, & enduré patiemment les autres. Car la réfurrection de Jesus-Christ vérifié toutes fes promeffes , & il a promis a tous ceux !. qui croyent en lui, qu'il leur donnera la vie éternelle, & qu'f/ les reffufcitera au dernier jour. III.  de la réfurreclion du Sauveur. 309 III. Or quiconque a utte efpérance en\] lui, fe purifie foi-même, comme lui auffi efl pur. La réfurreclion du Sauveur efl: un motif puiffant, ou plutöc un afiemblage de motifs d la fantlification, a la pratique des vertus Chrétiennes. Motif de convenance; car nous fommes enfévelisR 'avec Christ par le Baptême en fa mort, afin que comme Christ efl reffufcité des morts par la gloire du Pere, nous auffi pareillement cheminions en nouveauté de vie. Motif de reconnoiffance; car la charité de Christ nous preffe, tenant ceci pour certain, que fi un efl mort pour tous, tous auffi font morts; qu'il efl mort pour tous, afin que, ceux que vivent, nevivent plus d eux - mêmes mais d celui qui efl mort £3? reffufcité pour eux. Motif d'obéïüance; car celui qui a étè par fa réfurreclion déclaré Seigneur & Christ, nous a commando de vivre dans ce prèfent fiecle fohrement, juflement, 6? religieufement. Motif de crainte ; car le Fils de Thomme , comme fa rèfurreEtion le,prouve, viendra Jans la gloire de fon Pere avec fes Anges, & alors il rendra d chacun felon fes oew V 3 vres. eanlll. 3. om. VI. 4. a Cor. V. 14» i5« AéUI.36". Til. II. 12, Mate. XVl.27.  Jean XVII. 2- Col. III. i. SER- 310 SERMON fur la certitude &c. vres. Motif d'efpérance; car cette même réfurreclion montre qu';7 a regu puiffance fur toute chair, pour donner la vie éternelle d tous ceux que le Pere lui a donnés. Si donc nous croyons la réfurreclion de Jesus-Christ, & fi nous fommes refifuscitès avec lui, cherchons les chofes qui font en haut, oü Christ efl afifis d la droite de Dieu. Amen»  SERMON SUR v l'ascension du Sauveu r. Celui qui efl defcendu, c'efl le même qui efl aujfl montê au Jefius de tous les deux, afin qu'il rempltt toutes chofes. Eph. IV. ïo. Ce qui doit nous engager fortement, M. T. C. F., a pratiquer les maximes de conduite, que le Sauveur nous a laiflees dans fon Evangile; outre Vautorité que nous lui reconnoiffons, & qui déja doit nous porter a faire tout ce qu'il nous commando: c'eft, que les legons qu'il nous a données, il les a fortifiées par fon propre exemple. A t-il recommandé a fes difciples un généreux détachement des Mens de la terre? Lui-même y étoit ii peu attaché, qu'il en pofféda trés peu, & qu'il n'en fit ufage, qu'autant que 1'exigeoit la confervation de la V 4 vie;  3i2 SERMON Man. m\. 20, Luc. :XUI.34< Phü. II. 6—11. vie ; ne recherchant nullement d'ailleurs 1'aifance, les commodités qu'il pouvoit le procurer s'il eut voulu: les renards ont des tanieres, & les oifeaux du Ciel ont des nids , mais le Fils de ïhomme neut pas oh repofer fa tête. A t-il voulu que fes difciples saimaffent les uns les autres; qu'ils euflent de la bienveuillance pour tous les hommes; qu'ils étendiflent a leurs ennemis mêmes, les effets de leur charité? II a poufle la fienne, jufqu'ó mourir d'une mort honteufe, pour des hommes que le pêché rendoit fes ennemis, & a implorer fur les cruels qui le clouoient a la croix, la miféricorde de fon Pere. A t-il prefcrit a fes difciples d'être humbles, & déclaré pour les y porter, que l'humilité efl le chemin de \a gloire ? Jamais homme ne fut auffi humble, ne s'ahhaiffa autant que lui; & jamais _ homme auffi ne parvint a une gloire auffi haute: étant en forme de Dieu, il ria point réputê rapine d'être égal Dieu; cependant il s'efl anéanti lui-même, ayant pris la forme de fcrviteur fait a ]a refj'emblame des hommes: £f étant trou-f  fur ïafcenfwn du Sauveur. 313 trouvè en figuré comme un homme, il s'efl .humilié lui-même fi? a été obéïffant jufqu'a la mort, même la mort de la croix. C'efl pour quoi aujfi Dieu la fouverainement élévê, fi? lui a donné un Nom, qui efl au deffus de tout Nom, afin qu'au Nom de Jesus tout genou fe ploye, tant de ceux qui font au Ciel, que de ceux qui font fur la terre, fi? au deffous de la terre ; fi? que toute langue confeffe que Jesus-Christ efl le Seigneur, d la gloire de Dieu le Pere. Et c'eft auffi ce que nous rappellent les paroles, dont je vous ai fait la leélure, & qui fous le bonplaifir du Seigneur, vont faire le fujet de notre méditation. Celui qui efl descendu, c'efl le même qui eft aujfi monPé au deffus de tous les deux, afin qu'il rempltt toutes chofes. Ces paroles offrent deux oh jets principaux a notre méditation, qui diviferont ce difcours en autant de Parties générales. V. L'afcenfion du Sauveur dans le Ciel: celui qui eft defcendu, c'efl le même qui efl aujfi montè au deffus de tous les Ckux. II. Le hut de cette entree cfu V 5 'Sau-  3H SERMON Sauveur dans les lieux céleftes, il efl monté par deffus tous les Cieux, afin qu'il remplit toutes chofes. h PARTIE. Le premier objet, que mon texte nous offre a confidérer, c'efl Ventrée du Sauveur dans le féjour de la gloire: celui qui étoit defcendu, cefl le même qui efl auffi monté au deffus de tous les Cieux. Celui qui étoit defcendu, c'efl JesusChrist, le Fils unique de Dieu. La defcente que 1'Apötre lui attribue, efl exprimée plus fortement au verfet 9e qui nous montre en même tems, que celui qui efl monté, efi monté aux mêmes égards qu'il étoit defcendu. Ce mot, il efl monté, qu'efl-ce dit 1'Apötre, finon quil étoit premiér ement defcendu dans les parties les plus haffes de la terre? Pour faifir donc dans toute fon étendue la penfée de 1'Apötre dans mon texte, il faut voir a quels égards on peut dire, que Jesus-Christ étoit defcendu dans les parties les plus haffes de la terre. i°. Jesus-Christ efl defcendu, eu égard  fur TafcenfiM du Sauveur. ,315 égard d fon incar nation. Rapellez vous ici la maniere dont David exprimoit au Pfeaume • CXXXlXe la formation merveilleufe du corps humain: Vagencement de mes os ne fa point été caché, lor f que fai étè fait dans un lieu f eer et, & fagonné comme de broderie dans les bas lieux de la terre. Cette expreilion de David ne nous autorife t-elle pas a dire que le Fils de Dieu efl defcendu dans les bas lieux de la terre, quand il a revêtu dans le fein de la bienheureufe Marie un corps humain, femblable aux notres en toutes chofes, excepté le pêché? Non qu'il ait apporté ce corps du Ciel; ni que fa nature divine ait pu defcendre littéralement parlant: mais paree qu'en prenant notre nature, il s'eft rendu vifible aux hommes, 6? a converfé parmi eux. Et lui-même dans plufieurs paffages, s'attribue dêtre defcendu: je fuis defcendu du Ciel, pour faire Ia volonté de celui qui ma envoyé. 20. Jesus-Christ efl defcendu dans les parties les plus bajfes de la terre, par fon ahhaijfement. Voyez en effet, & ce qu'il étoit de lui-même, & ce qu'il a bien vou- Pf. cxxxix. 15. H>b. ii. 17. & VI. 15. Jean VI. 38.  ?. Cor, VIH. 9. Ga!. IV. 4. Héb, II. 9- Luc.xx.27. pc LXXXV1IT. 7- 31$ SERMON voulu devemr. Etant de toute éternité le Fils de Dieu, il eft dans le tems devenu le Fils d'une créature mortelle. Etant en forme de Dieu, il a revêtu la forme de ferviteur. Etant riche, il s'efl fait pauyre. Etant Mattre de lui-même, il s'efl; volontairement rendu fujet d la Loi. Etant le Souverain des hommes fi? des Anges, il s'efl: fait moindre que ne font les Anges, & mis dans une des fituations les plus hasfes, qui aient lieu parmi les hommes. Etant libre de fe faire fervir, il a fervi lui-même, & a fubi la flétrisfure, la douleur, la mort, & ïignomie. On peut bien dire, eu égard a ce prodigieux dbhaiffement, que Jesus - Christ efl defcendu dans les parties les plus baffts de la terre: témoin les termes dont fe fert 1'Auteur du Pfeaume LXXVIIIÜ pour exprimer Vdbhaiffement oü Dieu 1'avoit réduit, tu nias mis dans une fojfe des plus baffes, dans des lieux tènêhreux fi? profonds. 30. Jesus-Christ efl defcendu dans les parties les plus baffes de la terre, eu égard a ce qu'il a été mis au tombeau. Car  fur Fafcenfion du Sauveur. 317 Car quoique le corps feul y entre, & non F ame, qui au moment de la féparation, retourne h Dieu qui Fa domée; on dit très-bien d'un homme mort fi? enféveli, qu'il efl entré, qu'il efl defcendu dans le fipulcre: tout comme on dit trèsbien d'un homme vivant, qu il veut, qu'il penfe-, quoique ce qui penfe en lui, foit fon ame, & non pas fon corps. Et le Sauveur en entrant au fépulcre, peut être dit être defcendu dans les parties lei plus baffes de la terre, quoique phyfiquement parlant, il y ait des lieux encore plus bas: paree que le fépulcre étani inférieur a cette furface qui nous porte: fait partie de ces efpaces fouterrains; qui par rapport a nous font les plus ba lieux de la terre. Mais ce même Jesus, ce Fils di Dieu, qui étoit ainfi defcendu fur l terre, & même fous la terre; n'y eft pa demeuré. Non feulement il eft remont hors du fépulcre oü on 1'avoit mis; il même quitté la terre, & il fa quitté pour s'élever au plus haut des Ciem Car celui qui étoit defcendu, c'efl le mên qui efl aujft monté au deffus de tous l Cieu Eccl.XII 9. 1 5 é a e te es x*.  3r8 SERMON deux. Et c'eft cette afcenfïon que nous devons raaintenant développer. Remarquez donc, que comrne la êeu cente a laquelle 1'Apötre oppofe cette afcenjion , eft en partie métaphorique; cette afcenjion peut auffi en partie, s'entendre d'une maniere figurée. Par exemple , ce n'eft qu'au figuré qu'on peut attribuer è la divinité du Sauveur, d'être montêe, puifqu'elle eft préfente en tous lieux: en ce lens le Fils de Dieu eft monté au Ciel, comme il en étoit defcendu; c'eft-a-dire, que comme il s'eft un tems manifejlé vifiblement fur la terre, il s'eft enfuite par fon afcenfïon manifejlé yifible* ment dans les deux. Par exemple encore, on peut dire, eu égard aux divers ètats du Sauveur, que celui qui étoit defcendu, efl le même qui efl monté: car fur la terre, il étoit dans un état fort humiliant, & bien au deffous de fa dignité, & cela s'appelle defcendre; au lieu que dans les deux, il jouit d'une Majefé conforme a Vexcellence de fa perfonne, & en ce fens il efl monté, c'eft-a-dire, qu'il a paffé d'une fituation bajfe & abjecle, dans un état honorable  fur F afcenfïon du Sauveur. 319 & glorieux. Mais ces deux explications n'épuifent point le fens des paroles de 1'Apötre : au contraire, elles fuppofent toutes deux qu'il parle auffi d'une afcenfïon proprement dite, d'un tranfport kcal de 1'hupanité du Sauveur, dans les lieux cèlefles. Car comment Jesus-Christ hommes, peut-il être couronnê de gloire £5? dhoneur dans le Ciel, au deffus du firmament; s'il n'a pas, eu égard a cette humanité , quitté la terre , & traverfé littéralement parlant , Tefpace immenfe qui la fépare du plus haut des Cieuxl Je dis, Vhumanité du Sauveur, toute entiere, & non pas fon ame feulement-, comme fi en chemin, elie s'étoit dépouillée de fon corps; ni fon corps feulement, comme fi fon ame n'y eut été réunie que dans le Ciel. Ce qui eft monté au Ciel, c'efl: ce qui étoit forti du fépulcre, jeveuxdire, le corps du Sauveur, non privé de vie, & de fentiment, comme il y avoit été mis; mais redevenu vivant, & animé par ce même efprit humain, que JesusChrist en expirant, avoit remis entre les mains de fon Pere. Dira Héb. 11! 9. Luc.xxiii 46.  Aft. I. 9- 320 SERMON Dira t-on que nous nous formons une fauffe idee de ï'afcenfïon du Sauveur? Soutiendra t-on, que le corps de JesusChrist étant monté a une certaine hauteur, ne fit que difparoitre, & qu'il acquit Ja faculté d'être préfent en tous liéux? Mais comment un corps, qui par cela même qu'il efl: corps, efl néceffairement renfermé dans un eipace limité, pourroit - il revêtir la toute - préfence, qui efl: eflentiellement une qualité divine? Je n'ai garde de nier que le corps du Sauveur, ne foit devenu dans fon afcenjion incomparablement plus glorieux qu'il n'avoit été fur la terre, même depuis fa réfurreclion: il devint fans doute plus brillant, plus majeftueux, plus agile, qu'il n'avoit paru aux Difciples jufqu'au moment qu'un nuage le dêroba a leurs avides regards. Mais que ce corps ait été revêtu de la toute-* préfence, cela efl; contradictoire, & incompatible avec la nature d'un corps. II ne faudroit pas non plus dire alors firaplement, que Jesus-Christ efl monté aux Cieux, mais qu'il s'efl; tout-a-coup étendu, répandu, dans tous les points de  fur ïafcenfïon du Sauveur. 321 de 1'efpace. Or ce n'eft point la Ie langage de VEcriture Sainte, quand elie parle de Vafcenfïon du Sauveur. Ce n'eft pas Ie langage cie Jesus-Christ , qui difoit a fes difciples, je laijfe le monde, ê? je men yais au Pere: yous aurez toujours des pauyres ayec yous, mais vous ne iri aurez pas toujours. Ce n'eft pas le langage des Evangéliftes, qui difent, quï/ fut élevè, qu''il fut féparé d'ayec fes difciples, quï/ fut enlevé au Ciel. Ce n'eft pas le langage des Anges, qui difent aux Apotres, ce Jesus qui a été enlevé d'ayec yous au Ciel, yiendra de la même maniere que yous ïavez contemplé montant au Ciel. Ce n'eft pas enfin le langage des Apotres, qui difent que Jesus-Christ eft en haut, quï/ eft dans les lieux céleftes, quï/ faut que le Ciel le contienne jufquau r établi ff ement de toutes chofes. C'eft donc d'une afcenfïon littérale -, d'un tranfport kcal & fuccefiif, de ïhumanitê du Sauveur de deffus la terre jufques dans le Ciel, que nous expliquons ces. paroles de St. Paul; celui qui eft defcendu, ccft le même qui eft auffi monté au deffus de tous les deux. Tom. 11. X Au Taan XVI • sS. Matt.XXVI. 11. Mare. XVI. Luc. XXIV. Aft. 1,11, Coi.m.1. Epb.II.ö. ia. in, 21.  32S SERMON Job XII. 7. Efa. XL.26 sCor. XIU4-2' Au deffus de tous les deux, c'eft-adire au deffus des Cieux yifibles, dans cette partie du Ciel Juprême, qui eft la plus éloignée de la terre. Quelquefois le Ciel ne marqué que l'atmofphere, 1'air dont le globe terreftre eft enveloppé; & c'eft en ce fens que VEcriture dit, les cifeaux des Cieux. Quelquefois, le Ciel marqué tout cet efpace vifible , oü brillent le foleil fi? les autres ajtres qui • font nommés, VArmée des Cieux. Quelquefois enfin, le Ciel défigne un lieu plus inacceffible encore a nos regards, que St. Paul nomme le Paradis ou le troifieme Ciel. C'eft jufques ld, c'eft dans ce féjour de gloire, que Jesüs-Christ eft entré: car il eft monté au deffus de tous les Cieux. Mais quel a été le but' de cette entrée du Sauveur dans les lieux céleftcs? <^'a été, dit Si. Paul, afin qu'il remplH toutes chofes. li. PARTIE. I. On donne a ces mots, remplir toutes chofes, diverfes fignifications. Ceux qui font  fur Vafcenjion du Sauveur. 333 font confifter Vafcenfïon du Sauveur dans Vacquifition de la toute-prèfence, fe fervent de ce palfage, pour appuyer leur fentiment. Mais, outre ce que nous avons déja remarqué contre cette idéé , St. Paul ne dit pas que Jesus-Christ efl monté par deffus les Cieux, afin qu'il rempUt tous les lieux de fa préfence, mais afin qu'il remplit tout, ou, comme notre Verfion 1'exprime, toutes chofes. Quand par ce mot on entendroit, tous les lieux, il ne s'enfuivroit nullement que le corps du Sauveur remplit a la fois tous les lieux du monde. Quand on dit qu'un homme occupe toute fa maifon on ne veut pas dire, qu'il foit prèfent en même tems dans toutes fes chambres, mais feulement qu'il n'y en a point dont il ne falfe ufage, quoiqu'il ne foit pas dans toutes a-la-fois. St. Paul a pu dire de même, que Jesus-Christ remplit tous les lieux du monde, pour dire que tous lui appartiennent, qu'il fe manifefte dans tous, qu'il n'y en a aucun oü il n'ait droit d'être; & en particulier, que le Ciel ne renferme aucun lieu dans  Jean I. iö- Col. I. 20. . 324 . S E R MON I fon enceinte, oü le Sauveur n'exerce fa puiffance , ne montre fa Majëflé. Et comme il efl monté au Ciel, pour pren.dre poffeffion d'une gloire, qui doit auffi paröitre un jour dans tout fon éclat fur la terre, il eft vrai en ce fens, que Jesus-Christ efl monté au deffus de tous les Cieux, afin quil remplit, non a-lafois, mais fueceffivement tous> les 'lieux. D'autres interpretes entendent par toutes chofes, tous les hommes d'entre toutes les nations, & de tous les fiecles, que Jesus-Christ après 'fon afcenfïon ■ 'devoit remplir de fes dons, en leur faifant recevoir tous de fa plénitude fi? grace pour grace. Cette explication pourroit fe fortiiier par une expreffion pareille , que 1'Apötre employé dans le I. Chapitre de 1'Epitre aux Coloffiens quand ii dit, que JDiëu a trouvê bon de réconcilier toutes chofes d foi, ayant fait la paix par le fang de la croix. Toutes chofes c'eft-adire ,- tous ces hommes qui étoient fes 'ennemis par le pêché, & qu'/7 a réconciliés d foi, par la mort de fon Fils. Je croi pourtant, M. F., qu'il faut enten- dre «  fur Vafcenfïon du Sauveur. 325 dre autrement les paroles de St. Paul dans. mon texte, Remplir toutes chofes, me paroit fignifier ici , accomplir tous les Oracles, faire arriver toutes les chofes qui devoient fuccéder a Pexaltation du Sauveur, • don , en s'enquérant foigneufement des Ecritures, par lefquelles nous efpérons ayoir la vie éternelle, & qui rendent témoignage que Jesus efl le Christ : ce feroit éteindre ce don, que de négliger la le&ure & la méditation de ce Saint Livre, qui feul peut nous rendre fages d falut par la foi en Jesus-Christ. La Prédication de VEyangile, eft un don du Saint Efprit: il faut donc fréquenter les exercices oü cet Eyangile fe prêche, afin de crottre dans la grace & dans la connoijfance de celui, qui a établi des miniftres dans fon Eglife, pour inflruire, pour exhorter, pour  de ne pas éteindre VEfprit* 351 pour affermir dans la foi & dans la piété ceux qui la compofent: ce feroit éteindre ce don, que de fe tenir éloigné des mutuelles affemblées, comme quelques-uns ont coutume de faire. La liberté de fe rappeller a la Table Sainte, pour fa confolation & fa fan&ification, les fouffrances fi? la mort de celui, qui efl venu au monde pour nous fauver, mais qui ne reconnoit pour fes difciples, que ceux qui fe dêclarent pour tets, & qui obéïffent a fes ordres; elf un don du Saint Efprit: il faut donc faire ufage de cette liberté, en faififfant les occafions qui s'en préfentent: ce feroit éteindre ce don, & renoncer a 1'utilité qui en réfulte, que de palTer des années fans participer a cette cérémonie facrée, a 1'égard de laquelle Jesüs-Christ a dit fi expreffément, faites ceci en mémoire de moi. Le privilege de s'approcher de Dieu par la priere, eft un don du Saint Efprit: il faut donc mettre fréquemment la priere en ufage, y demander a Dieu les chofes dont nous avons befoin, & fpécialement fon Saint Efprit, que par la bouche infaillible de fon Fils unique, il Héb. X. 25, iTim. I.15. Luc. XXIl.19.  Luc.XI.i3 Col. IV. 2. iPier.IV.; 1 Jean II. 1 35a SERMON fur k devoir il a promis d ceux qui le lui demandent: ce feroit éteindre ce don, & fe mettre de plus en plus hors detat d'en faire ufage, que de ne pas perféyérer dans la .priere, de n'être pas fobre fi? yigilant d prier, d'afpirer fans les demander, a des faveurs & a des graces qui ne font promifes qu'tf ceux qui les demandent. La foi, la repentance, la charité, Vefpèrance du falut, les fecours ncceffaires pour y travailler, font des dons du Saint Efprit: il faut donc les nourir, les cultiver, & (pour fuivre encore 1'idée de mon texte) les tenir aïlumès, en y fourniffant toujours de nouvelles matieres; en mêditant fouvent les preuves qui établiffent la vérité de VEvangile; en faifant fouvent des aétes de repentance, & des fruits qui y foient convenables; en profitant des occafions qui s'offrent d'exercer la bénéficence fi? la miféricorde, & ainfi du reffe: ce feroit -éteindre ces dons, de ne pas en faire ufage, de ne pas employer i 'fa foi a triompher du monde fi? dis chofes qui font au monde, de ne pas ajouter 1'amandement a la repentance, de fe  de ne pas éteindre VEfprit 353 fe reldcher en bienfaifant, de ne pas faire des progrès dans une fanclification, pour Vavancement de laquelle ces chofes nous font données, & fans laquelle nul ne verra le Seigneur. J'ajoute encore, qtièteindre les dons du Saint Efprit par rapport a foi-mêtne, c'efl: travailler par cela même a les éteindre dans les autres, par le mauvais exemple qu'on leur donne. Un vrai Chrétien, je 1'avoue, ne fuit jamais entiérement ce mauvais exemple : mais celui qui le lui a donné, n'en eft pas moins coupable. C'eft ainfi, M. F., que nous avons, conformément a notre plan, indiqué robjet, & développé la nature du devoir énoncé dans mon texte, rièteignez point VEfprit. C'eft a prejfer les motifs qui doivent nous porter a 1'obfervation de ce devoir, que j'ai deftiné ma feconde Partie. IL PARTIE. Ne point éteindre F Efprit, employer foigneufement les dons que Dieu nous accorde pour trayailler a notre propre Tom. II. % fa i. Gal., VI. o. Héb.XII.14.  354 ^ ER MON fur )e deyoïr Exod. XV. li. falut, & a ïèdifcation de nos freres; faire tous nos efforts pour conferver, pour augmenter ces dons, dans nousmêmes, & dans fes autres: c'eft, M. F., un devoir de piété, un devoir de reconnoijfance, un devoir de juflice, un devoir de charité, un devoir d'intérêt. Reprenons. i. Ne point éteindre VEfprit, eft en premier lieu, un devoir de piété. La piété confiftant entr'autres a rendre hommage par nos aétions, nos difcours, & nos penfées, a la Majeflè de Dieu, entant quïl eft VEtre fuprême, VEtemel magnifi'que en fainteté, digne d'être révéré fi? céléhrè par toutes fes créatures; & aux droits quïl a fur nous, comme Auteur de notre exiftence & de toutes nos facultés: nous ne faurions etre véritablement pieux, fans nous intérejfer vivement a fa gloire. Défirer que Dieu foit glorifié, c'eft-a-dire, reconnu pour fouverainement louahle, & refpecté comme tel; fouhaitér de concourir a 1'avancement de fa gloire, & y travailler autant que nous en fommes capables; nous  de m pas éuindrè t Efprit. " 355 nous affh'ger, de ce quïl fe paffe parmi les hommes, & même parmi ceux qui font profeffion de le connöitre & de le fervir, tant de chofes contraires a la vénération qui lui eft due, & y remédier autant quïl eft en nous: c'eft un fentiment inféparable de la vraye piété. Et comment ce fentiment feroit il compatible avec la conduite que nous interdifent ces paroles de 1'Apötre, néteignez point VEfprit? Négliger des dons, dont 1'ufage, indépendamment de 1'avantage & de 1'honeur qui nous en revient, eft fouverainement propre a manifefter les perfeclions divines; éteindre, dans nous-mêmes par notre indolence 011 par nos vices, & dans les autres par notre mauvais exemple, ce feu fpirituel qui doit bruter fans cejfe dans nos cceurs d la gloire de notre Dieu 6? Pere: feroitce lui témoigner la vénération qui lui eft due, reconnöitre les droits quïl a fur nous, être pieux envers lui? Ah! fi nous voulons montrer aux autres hommes, & nous convaincre nous-mêmes qu'un vrai fentiment de piété nous anime; rïéteignons point ï'Efprit. Za n,  35<5 SERMON fur U 'devoir Jaq.L i7iPier I.4. II. Mais fi nous devons obferver ce devoir, en, général par un fentiment de piété, nous le devons en particulier, par un principe de reconnoiffance. Si le refpecl feul que nous devons a Dieu, paree qu'il eft 1'Etre fuprême, & 1'Auteur de notre exiftence, doit fuffire pour nous engager a faire des dons de fon Efprit un ufage qui cöncoure a. 1'avancement de fa gloire: combien plus doit nous porter a tenir cette fage conduite, la gratitude que nous lui devons pour fes bienfaits? Bienfaits de tout genre. Biens temporels, & fpirituels: avantages du corps & de 1'ame: faveurs relatives a la vie préfente, & a celle qui eft a venir. Bonnes donations, dont nous faifons journellement ufage, pour notre fubfiftance, pour nos plaifirs; & dons parfaits, qui, fi nous les mettons a profit, & que nous ne nous les rendions pas inutiles par notre négligence, nous conduiront a la pojfejfion de ïhèritage incorruptibte, qui ne fe peut fouiller ni: flétrir. Bienfaits, qui tous defcendent du Pere des lumieres, par devers lequel il  de ne pas éteindre l'Efprit. 357 n'y a point de variation, ni d'ombre de changement; & parmi lefquels tiermenc un rang confidérable, ces mêmes dons fpirituels que 1'Apötre nous exhorte k ne pas éteindre. Quelle reconnoifiance ne doivent pas a Dieu des hommes, qui font profeffion de croire a l'Evangtle, & qui participent plus ou moins, aux ^aces qui y font dépeintes, & aux dons dont nous parions? Or comment témoigne t-on k Dieu, qu'on eft fenfible a fes bienfaits? Neft-ce pas en les rapportant a fa .gloire, en les faifant fervir a la fanêtification de [on faint cjf grand Nom? Ecoutez ce que dit notre Apötre dans d'autres paflages. Vous avez étè achetés par prix: glorifiez donc Dieu dans votre corps, & dans votre efprit, qui appartiennent a Dteu. Je vous exhorte, mes freres, par les compajfionsi de Dieu, que vous préfentiez vos corps en facrifice vivant, faint, agréaHe d Dieu, ce qui efi votre raifonnaHe fervice. Dire cela, n'eft-ce pas dire en d'autres termes, la même chofe que mon texte, n'éteignez point ï Efprit? Z 3 111 i Car. VI. 20. Lom.XlI.i.  358 SERMON fur le devoir lil. J'ai dit en troifieme lieu, que le devoir que ces paroles nous recommandent, d'entretenir foigneufement les dons que Dieu nous confere par fon Efprit', efl: un devoir de juftice. On ne peut les éteindre, fans manquer a 1'équité, a la droiture, a la fidélité que nous devons a leur Auteur; qui nous les donne cómme un dépot, fufceptible d'accroiffement, & dont il veut que nous lui^ rendions compte. Les Mens temporels même, ceux qui fervent uniquement a 1'entretion de notre vie, & a 1'avantage de la fociété civile, nous rendent refponfables a Dieu qui nous les donne, de 1'ufage que nous en aurons fait. Nous fommes injuftes, qUand nous n'employons pas d la gloire de Dieu, & au bienêtre de nos prochains, nos dignités, nos richeffes, notre favoir, notre induftrie, & que nous n'avons, en en faifant ufage, que notre intérêt temporel en vue. Combien plus ferions nous injuftes, en Jaiflant éteindre, ou en travaillant par de mauvais exemples a éteindre dans les autres, des dons bien plus précieux que ceux- la,  de ne pas éteindre VEfprit. 359 14 , . puifqu'ils tendent diredtement au falut des ames? Injuftes envers nos prochains, dont par notre faute nous mettrions le falut en danger, & au bonheur defquels nous fommes tenus de nous intéreffer & de concourir. Injuftes envers Dieu, de qui nous dépendons entiérement dans tous les momens de notre vie, & qui, feul Auteur de tous les biens dont nous jouiffons, en reite toujours le Mattre fuprême, & 1'objet que nous devons avoir en vue en en jouisfant. Injuftes d'ailleurs envers nousmêmes, puifque, comme nous le verrons tout-a-l'heure, on ne fauroit éteindre p Efprit, fans travailler a fon propre malheur. Voulons nous Jonc, o Chrétiens, ó Difciples du Jufte par excellence, pratiquer k fon exemple les regies facrees de la juflice? Kéteignons point ïEjpnt. IV J'ai appellé, en quatrieme beu, le devoir qui réfulte de ces paroles un devoir de charité. La charité, Vamour du prochain, eft une difpofition inféparable du vrai Chrifiianifme. [Sans elie, U n'y a ni foi, ni repentance, ni bonnes mvres, ni amour envers Dieu. Sans elie, Z 4 eut" i Cor, XIII. 1-3;  3co SERMON fur le devoir Mï.Xl n) eut-on d'ailleurs les plus beaux dons, les talens les plus rares, la conduite la plus réguliere, on nejl rien. Or parmi les devoirs particuliere que cette charité nous impofe, un des principaux, ou plutöt le principal, c'eft de nous intéresfer au falut de nos prochains, & d'y contribuer autant quïl nous eft poffible. Car fi nous devons nous employer, thacun felon fon pouvoir, a leur bonheur temporel; fi la bienveuillance que PEvangile nous recommande envers eux, nous impofe 1'obligation de foulager les pauvres, de confoler les affiigés, de par donner a ceux qui nous of effent; fi en un mot, nous devons leur rendre tous les bons offices qui dépendént de nous, & n0uS intéreffer de cceur & d'effet dans leur bonheur temporel: combien plus devons nous fouhaiter & concourir a leur procurer, le bonheur êternel dont ils font fufceptibles ? Et comment travaiUerons nous avec fuccès au falut des autres, ft nous nous relachons dans fouvrage de notre propre falut; fi par notre n'égligence & par nos vices, nous nous rendons - inu-  de ne pas éteindre lEfprit. 361 inutiles, les dons fpirituels que Dieu nous a départis? Comment édifierons nous nos freres, les porterons nous a s"employer a leur propre falut, les engagerons nous a faire valoir leurs talens, a rallumer fans cefle leurs dons, a croitre dans la grace fif dans la connoijfance de notre Seigneur £P Sauveur Jesus-Christ, d être fermes dans la foi, & riches en Bonnes ceuyres, a pourfuivre conjlamment la cour Je, que rfvangile leur propofe:comment dis-je, les y engagerons nous, fi nous leur donnons nous-mêmes un exemple contraire; ou fi de quelque maniere que ce foit, nous mettons obftaele a 1'ufage qu'ils pourroient faire de leurs dons? Éteindre V Efprit,' c'eft donc pécher contre les loix de la charité Chrêtienne, puifque c'eft mettre le falut de fes freres en danger. Mais c'eft de plus y mettre le fien propre, comme nous allons le voir dans unï derniere confidération. V. C'eft celle que j'ai indiquée plu: haut, en appellant le devoir que mor texte nous recommande, de ne pas éteindre ïEfprit, un devoir dintérêt. Notn Z 5 Plu Phil II.lt. Matt. XXV. 15. iTm,l.6. 1 Pier. III. 18. iCor. XVI. 13. 1 Tim. VI. 18. Héb.XII.r. t >  3óa SERMON fur le devoir M»tt, XXV 30. 28. plus grand intérêt, c'efl: de nous fauver; c'efl; de nous rendre participans des gr aces que Jesus-Christ nous a. acquifes par fon obéïflance, de nous alfurer le pardon de nos péchés le droit a la vie éternelle, & de nous mettre en état de pojféder les biens du fiecle d venir. Or comment atteindre ce but, fi nous négligeons d'employer les moyens qui doivent y conduire: fi nous éteignons par une hoi> teufe indolence, par un criminel relachement, par un indigne attachement a nos vices, des dons qui nous font donnés pöur un ouvrage, auquel fans eux il nous efl: impolïible de travailler? Éteindre VEfprit, négliger de tenir allumés les dons que 1'on a recu denhaut; c'eft s'expofer a s'en voir entiérement privé; comme le ferviteur inutile fut privé du talent quïl avoit recu, pour avoir négligé de le faire valoir: c'efl: fe mettre dans le risque, d'être jetté comme lui, dans les ténébres de dehors, oh il y a pleurs £5? grincement de dents; exclus d'un falut, pour lequel on a témoigné du mépris & de lïndifférence, en ne travaillant point  de ne pas éteindre ï'Efprit. 363 point a s'en afiurer la pofieffion. Au contraire, travailler fincérement du moins, quoiquïmparfaitement, a conferver, a augmenter, a exercer les dons fpirituels que 1'on a recu; les tenir allumés par un perpétuel ufage; faire des efforts atTïdus pour croitre en connoiffance, pour s'affermir dans la foi, pour s'avancer dans le chemin du falut par la pratique des bonnes muvres: c'eft montrer qu'on na pas recu la grace de Dieu envain »••'■ c'eft s'acquérir 1'affurance d'être du nombre de ceux, que le trépas que nous devons tous fubir, introduira dans les tdbernacles éternels. O, M. F., fi nous afpirons a cette confolante aflurance, nèteignons point VEfprit! APPLICATION. Sans doute, Chrétiens, M. T. C. F., (& c'eft par cette réflexion que je termine ce difcours;) fans doute, qu'en examinant de bonne foi notre conduite, & 1'ufage que- nous faifons des dons plus ou moins abondans que Dieu nous accorde pour nous fauver; nous aurons tous des Luc.XVI.9.  Apoc. III. «p. 2 Tim. 1,6. 364 SERMON fur le deyoir des reproches a nous faire. Si, comme j'aime a le croire, 1'excellence & la néceffité des moyens tant extérieurs qu'intérieurs, que l'Efprit de Dieu nous fouinit pour profiter de la venue de JesusChrist au monde, nous font trop bien connues pour négliger entiérement 1'ufage de ces moyens: il s'en faut bien cepen-dant, que nous foyons irrépréhenfibles a cet égard. Reconnoiffoas le avec humilité. Nous ne profitons pas affez des graces que Dieu nous accorde. Nous ne fommes, ni auffi éclairés fur la Religion, ni auffi fermes dans la foi, ni auffi en garde contre le pêché, ni auffi avancés dans la fanóthïcation, ni auffi zélés pour la gloire de Dieu, 1'édiflcation du prochain, & le falut de nos ames , que devroient 1'être des Chrétiens que Dieu a fi fort favorifés de fes graces, auxquels il accorde. tant de de lumieres, de fecours, d'occafions pour s'affermir dans la pratique de leurs devoirs. Prenons donc zele, fi? nous repentons. Rallumons les dons qui font en nous; & au lieu de les éteindre, éteignons dans nos coeurs le ' feu  de ne pas éteindre F Efprit. 3°5 feu de nos paffions criminelles: éteignons y 1'efprit de mondanité, 1'efprit de vengeance, 1'efprit de convoitife, de diffention, demédiOmce, de vaine gloire, de fenfualité , d'amour pour le monde »J fif pour les chofes qui font au monde. Réparons ainfi par notre ardeur a bienfaire, notre négligence paffee. Et pour nous -y encourager d'autant mieux, fixons nos regards fur le prix inénarrable que Dieu promet a ceux qui par une foi vive & perfévérante auront yaincu le monde. Puiffions nous être fermes, inébranlables, abondans toujours dans Voeuvre du Seigneur, fachant que notre travail ne fera pas vain au Seigneur! Amen! Au Pere, au Fils, & au St. Efprit, foit honeur & gloire, flans tous les fiecles! Amen! Fin du fecond & dernier Volume. eau ii. 15. iCor. XV.58.