LHISTOIRE DU R E G N E DE i'EMPEREUR CHARLES-QUINT.   L'HISTOIRE DU REGNE DE LEMPEREUR CHARLESQUINT, Prècédée cüun Tableau des progrès de la Société en Europe, depuis la dejlruclion de [Empire Romain jufqtiau commencemerii du fti^ieme Siècle. Par M. Robertson, Doöeur en Théologie, Principal de 1'Univerfité d'Edimbourg, & Hiftoriographe de Sa Majefté Britannique pour 1'Ecofle. OVV RA GE TRADUIT DE L'ANGLOIS. TOME SECOND. A MAE S T R I C H T, CHez Jean-Edme Dufour & Puil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflbeiés. M DCC. LXXXIII.   PREUVES E T ' ÉCLAIR CISSEMENTS De l'Introduction a l'Histoire du regne de Charles-Quint.. No te I, Secl. I, page f. -L A confternatiön générale qui fe répandit parmi les Bretons, lorfqn'après le rappel des légions Romaines, les Pictes &c les Calédoniens vinrent les attaquer, pent faire juger combien ce peuple avoit été avili par nne longue fervitude fous les Romains. Dans la lettre qu'ils Tomc II, A  * InTrobu CTiON ■adrefferent è Aétius , & qu'ils intitu. ierent : Les Gémitfements de la Bre^ tagne ils s'exprimerit ainfi : „Nous » ne fevons plus de quel cöté nous »fourner. Les barbares nous chaf»» Tent vers la mer, & Ia mer nous » repoufle vers les barbares. II ne »nous refteque le choix entre ces «deux genres de mort, ou d'être »engJoutIS dans les üóts, ou d'être «egorges par ]e fer. » Hifi. Gild* *p. Gal. hijt. Brit. fcripup. 6. On a de .a peine k croire que cette lache „anon defcendit de ces peu. pies belliqueux qüi repoufferent Cé^ar, & qU1 défendirent 4i iong-temps leur hberté contre les armes r£L siaines. Xote II, Seci /, page 6: Les nations barbares étoient non* feulement ignorantes ; elles re^ardment la littérature avec dédain. Elles voyoient les habitants de routes les Provinces de 1'Empire pionges dans la molleffe , & redoutantla gnerre; la técheté ne pouvoit man^uer d'infpirer du mépris a une race  Introduction. 3 4'hommes fi fiers 6c ü belliqueux, » Lorfque nous voulons infulter un » ennemi, dit Luitprand, & lui don» » ner des noms odieux, nous 1'ap» pellons Romain. Ce nom feul ren» ferme tout ce qu'on peut imaginer » de haffelle, de lacheté, d'avarice „ » de débauche , de menfonge, enfin »1'affemblage de tous les vices ". Hoe folo, id ejl quicquid luxurice, quicquid mendacii, immb quicquid vitiorum ejl comprehindenus. Luitprand. Legat apud MüRAT. fcript, hal. vol. 2, part. 1 9 p. 481. Des barbares ignorants attribuoient tette corruption des mceurs a 1'amour des lettres; & lorfqu'ils fe furent établis dans les Provinces qu'ils venoient de conquérir, ils ne voulurent pas permettre qu'on donnat a leurs enfants aucune efpece d'inftrudion. » Car les fciences, difoient» ils, tendent a corrompre, a éner» ver, & k avilir les ames. Celui qui » s'eft accoutumé a trembler fous la » férule d'un pédagogue, ofera-t-il » jamais regarder de fang-froid une »lance ou une épée ? " Procop. De Bell. Gothor, l, 1 , pag. 4, op. A ij  4 I:N T R O JJ V C T I O N. jfefo 5y/2w/. vo/. i. II s'écoula un grand nomLre d'années avant queces nations groffieres & ennemies detout iavoir produififfent aucun hiflorien en état d'écrire leurs annales, de ren<|re compte de leurs .inftitutions & de leurs moeurs. Dans le cours d>° «e période , la tradition de,leur état ancien /e perdit, & il ne refta poinf de monument qui püt en donner dans la ftute aucune connoiflance certaine i leurs écrivains. Jornandès , Paul tWarnéfride., Grégoire de Tours mêlïie, quokpie les plus anciens & les plus accrédités des auteurs qui ont écrit 1'hiftoire de ces peuples, n'ap» prennent rien de fatisfaifsnt fur les ïoix & les moeurs des Goths, des Lombards & des Francois. Ce n'eft point a ces Auteurs , mais aux hiftoriens Grecs & Romains, que nous deyons_ le peu de connoiffances , même imparfaires, que nous avdns de 1'état primitif de ces nations barbares. No te III, Sect l,p.t. Un trait que rapporte Prifcus, dans  Intro d-uc r ion. j ion hilloire de l'ambauade envoyéea Attila, Roi des Huns, peint rbrtement cette paffion pour la guerre qui régnoit parmi les nations barbares. A la fin d\in repas que ce féroce conquérant donna aux Ambafiadeurs Romains, deux Scythes s'avancerent' vers lui, & chanterent unpoëme dans lequel ils céiébroient fes> vi&oires & fes talents militaires.Tous les Huns attentifs avoient les yeux fïxés fur les Bardes; quelques-uns paroiflbient- charmés des vers & du> chant ; d'autres étoient tranfportés de joie en fe rappellant leurs propres exploits, les vieillards fondoienf en larmes, déplorant leur foibleffe &C 1'état d'inaction ou 1'age les avoit' réduits. Excerptce ex hifi. Prifci Rhet.. ap. Byfant, fcript. edit, Vtnu. vol. i s, P' 45- Na te ir, ster. i, L'Hiftoire d'Angleterre nous offredës détails qui confirment d'une ma«iere remarquable, lès deux parties1 de ce raifonnement. Les Saxons firent la conquête de la Grande-Bretagne,, A iij  6 Introduction. ayec le même efprit deftrudteur qui diftinguoit toutes les autres nations barbares; ainfi tous les anciens Bretons furent exterminés ou forcés de chercher un afyle dans les montagnes du pays de Galles , ou réduits fous le jong de 1'efclavage. Les Saxons introduifirent dans toute la Bretagne, leurs loix, leurs moeurs , leur gouvernement & leur Iangage, & bientöt il ne refta aücun veftige des infhtutions antérieures a leur conquête. Le contraire arriva dans une révolution poftérieure. Lorfqu'une feule bataille ent placé Guillaume de Normandie fur le tröne de 1'Angleterre, les habitants Saxons furent opprimés, mais non détruits, & Ie conquérant employa en vain tous les refforts de fon autorité & de fa politique pour affujettir fes nouveaux fujets aux inftitutions Normandes. Quoique vaincus, les Saxons étoient encore beaucoup plus nombreux que leurs vainqueurs; & lorfqu'ils commencerent a fe mêler avec les Normands, leurs moeurs & leurs loix s'établirent par degrés. Les loix Normandes étoient tyranniques & odieu-  Int r o d u c t i o n. 7 fes au peuple; elles font tombées, la plupart-, en defuétude, Sc 1'on remarqué aujourd'hui dans la conftitution politique, ainfi que dans le langage des Anglöis ,.pluneurs points effentiels, qui font évidemment d'orir gine Saxonne & non Normande. Note V, Secl. I, p. ^o,. L'hiftorien Procope dit que c'eft par un fentiment d'humanité, qu'il n'entre dans aucun détail fur les cruautés exercées par les Goths : » Je ne veux pas, dit - il, tranfmettre a la. •> poftérité , des monuments & des *exemples de barbarie ". Procop. ès. Buil. Goth. I. 3 , cap. 10, ap. By fmu fcript. vol. 1 , p. 116. Mais comme la révolution dont j'ai parlé , & que je regarde comme une fuite de rétabliffement des nations barbares dans les Provinces anciennement foumifes a 1'Empire Romain, n'auroit pu avoir Hen, fi le plus grand no'mbre des anciens habitants n'eüt été totalement détruit, j'ai cru qu'un événement fi important, &.qui a produit de li grands efFets, méritoit d'êA iv  8 Introduction. tre examiné avec une attention particuliere. C'eft ce motif qui m'en» gage a offrir aux regards de mes Lecreursunepartie de cedéplorable fpectacle , fur lequel Procope a cru devoir jetter un voile. J'éviterai cependant d'entrer dans un long détail, & je me contenterai de recueillir quelques exemples des dévatfations & des excès commis par deux des riatiom diverfes qui s'établirent dans ï'Empire Romain. Les Vandales furent les premiers de ces peuples qui envahirent 1'Efpagne. C'étoit une des Provinces les plus riches & les plus peuplées de Ï'Empire ; fes habitants s'étoient diftingués par leur courage, & avoien; défendu leur liberté contre les armées Romaines avec plus d'opiniitreté & pendant un plus grand nombre d'années qu'aucune autre nation de 1'Europe. Mais la domination des Romains les avoit tellement amollis, que les Vandales, qui entrerent en Efpagne en 409 , en ache verent la conquête en moins de deux ans, & firent par la voie du fort, le partage de ce Royanme dès 1'année 411.  In t r o d u c t i o n. 9: Idace , témoin oculaire de la défo-lation qui fuivit 1'irruption des Vandales , s'exprime ainfi : » Les Bar» bares ravagerent tout - avec la plus » grande férocité; la pefte vint ajou» ter fes horreurs k cette ealamité; » la famine fut fi générale, que les » vivants furent obligés de fe nour» rir de cadavres. Ces terribles fléaux y défolerent k la fois ces malheureux » Royaumes ". Idatii , Chron. ap* B'tbl. patr. vol. 7 , ƒ>. 1233 , edit, Lugd, 1677; Les Goths ayant attaqué les Vandalés .dans leurs nouvelles poffeffions, ces peuples fe livrerent une guerre fanglante : le pays fut ravage par les deux partis ; les villes quf avoient échappé a la fureur des premiers , furent réduites en cendres, &c les habitants fe virent expofés a toutes les horreurs que pouvoit accumuler fur eux la cruauté gratuite de ces peuples barbares. Voyez la defcription qu'en donne Idace, ibid.p. 1235 , b. 1236 , c. f. Ifidore de Séville & les autres Auteurs contemporains racontent de même ces dévaftations. Ijzdor. Chron. ap. Grot. ff ijl. Goth, 732. • A v  10 Introduction. Après avoir ravage I'Efpagne, Ie» Vandales paflerent en Afrique, 1'an 428. L'Afrique étoit, après 1'Egypte, la plus fertile des Provinces Romaines; c'étoit un desgreniers de Ï'Empire , & un ancien écrivain 1'appelle fame de la Ripublique. Les Vandales, quoique avec une armee qui n'avoit pas plus de trente mille combattants, fe rendirent, en moins de deux ans, les maïtres abfolus de cette Province. Un Auteur contemporain nous a laifle un récit effrayant des défaiïres caufés par ces peuples. » Ils trouverent, dit-il, un pays bien « cultivé , 1'ornement de la terre , » 8c qui jouiffoit d'uneheureufe abon» dance. Ils y porterent le fer & la »flamme ; aucun endroit de cette »belle Province n'échappa a leur » rage deftructive ; tout fut dépeu» plé, ravage ; ils arracherent les vi» gnes & détruifirent les arbres, afin » que ceux qui s'étoient fauvés dans » les cavernes & dans des montagnes » inaccelfibles ne puiffent plus trou»> ver de nourriture. Ils exercerent »fur les prifonniers des cruautés » inouies éc recherchées , pour ks  ï N T R O D UC T I O N. ï ï » obliger a découvrir leurs tréfors; » plus ils en découvroient, plus ils » vouloient en découvrir, & ils n'en »devenoient que plus implacables. p Ni la foiblelïe de Page ou du fexe, » ni lei rang, ni la noblefle , ni la » fainteté du facerdoce, ne pouvoient » adoucir leur fureur; plus au con» traire , les prifonniers étoient dif»tingués, plus ils les accabloient » d'outrages. Ils raferent tous les édi»fices publics qui avoient échappé » a la violence des flammes, & ils »laiflerent plufieurs villes fans un »feul habitant. Lorfqu'ils s'appro» choiént d'une place fortifiée, que » leurs troupes indifciplinées ne pou» » voientréduire, ils raflembloientun » grand nombre de prifonniers, les » paffoient au fil de 1'épée , .& les » laiflbient fans fépulture , afin que »1'infedtion des cadavres forcat la » garnifon d'abandonner la place VlCTOR VlTENS , de per fee, Jfr. ap, Bibl. pat. vol. % , p. 666. Saint Auguftin , auteur contemporain , né en Afrique, fait une femblable defcription des cruautés des Vandales. Oper. vol. io}.pag. 371. edit. 1616. Bélir A vj"  11 ÏNTROüUCTION. faire vint attaquer les Vandales, en* viron cent ans après leur établifTement en Afrique , & les en chaffa. Procope , hiftorien du même age, décrit ainfi les ravages occafionnés par cette guerre : » L'Afrique, dit» il, étoit tellement dépeuplée, qu'on » pouvoit y voyager plufièurs jours »defuite, fans y rencontrer un feul » homme; &l'onpeut dire fans exa»gération, que, dans le cours de » cette guerre, il périt au moins cinq » millions de perfbnnes ". Procop. Mijl. are. cap. 18 , ap. Byfant. fcript. Vol. Vjp. 315. Si je me fuis arrêté un peu trop !ong-temps fur les calamités de cette Province, c'eft qu'elles ont été décrites, non - fenlement par des Auteurs comtemporains , mais encore par des témoins oculaires. L'état actuel de 1'Afrique eft une preuve de tout ce qu'ils ont avancé; & plufièurs villes, des plus floriffantes & des plus peuplées qu'il v eüt dans cette Province , ont été tellement tuinées, qu'il ne refle pas même de veftiges du lieu oh elles étoient coniïruites. Cette terre féconde qui  Introduction, 13 nourriflbit Ï'Empire Romain, eft aujourd'hui prefque entiérement inculte ; & cette Province que Vidtor s dans fon latin barbare, appelle Sptcïofuas totius terrce Jlorentis , eft devenue la retraite des pirates 6c des brigands. Tandis qu'une partie de Ï'Empire Romain étoit en proie aux fureurs des Vandales, Pautre partie étoit ravagée par les Huns; de toutes ces hordes de barbares, celle-ci étoit la plus formidable Sc la plus féroce. Ammien Marcellin , Auteur de ce temps-la , & Pun des meilleurs hiftoriens duBas-Empire, donne une defcription de leurs mceurs & de leur gouvernement. Ces peuples reffembloient beaücoup aux anciens Scythes &c aux Tartares modernes. On trouve auffi dans une partie de leur caractere &c de leurs ufages, quelques conformités avec les ulages du Nord de PAmérique. Leur paffion pour la guerre &t pour Paélion étoit extreme. » Les peuples policés, dit » Ammien, aiment le repos &c la tran» quillité; les Huns fe plaifent dans » les combats 6c les dangersj c'efï pour  ? 4 I n ï r o d v c t i o Ni » eux un bonheur, de périr les ar» mes a la main, & une infamie de » mourir de vieilleffe ou de maladie, » lis fe glorifïent du nombre des en • » nemis qu'ils ont tués; & le plus » briüant ornement de la victoire, » c'eft d'attacher aux harnois de leurs » chevaux la chevelure de ceux qui » ont péri fous leurs coups "„ Am. Marcel. Liv. 31,^. 477. edit. Gronov. Lugd. 1693. Leurs incurfions dans Ï'Empire commencerent au quafrieme fiecle. Les Romains, quoique déja accoutumés aux fureurs des naiions barbares, étoient étonnés des horribles dévaftatións qu'exercoient les Huns. La Thrace, la Pannonie & 1'lllyrie furent ravagées les premières. Comme ils n'avoiënt deflein de former aucun établiffement en Europe, leurs incurfions étoient fréquentes. Procope a compté qu'il y avoit eu a chaque invafion deux cents mille perfonnes égorgées ou trainees en efclavage. Proc. Hifi. are. ap. Bif.fcript, vol. 1, p. 3 16. La Thrace , qui étoit la Province la mieux cultïvée de cette partie de Ï'Empire Romain , fut changce en un défert j  Introdcction, 15 & lorfque Prifcus accompagna les Ambafladeurs qu'on envoya a Attila, il y trouva plufieurs villes entiérement inhabitées, a 1'exception de quelques miférables fugitifs qui s'étoient refugiés dans les ruines des. églifes; & la campagne étoit couverte des offements de ceux qui avoient été moiflbnnés par le fer des barbares. Proc. ap. Byfant.fcript. vol. 1, p. 34. Attila fut reconnu Roi des Huns 1'an 434. C'eft 1'un des. plus grands & des plus hardis conquérants dont fhiftoire faffe mention. II étendit fon Empire liir toutes ces vaftes contrées, comprifes fous les noms généraux de Scythie ik de Germanie, dans Pancienne divifion de la terre. Tandis qu'il failbit la guerre aux nations barbares, il tenoit Ï'Empire Romain dans des allarmes continuelles, & exigeoit des fubfides confidérables des foibles & timides Empereurs qui régnoient alors. En 451, il entra dans les Gaules a. la tête d'une armée, formée par les difFérentes nations qu'il avoit conquifes ; c'étoit la plus nombreufe de toutes les armées barbares qui fuf-  16 Introductiqn. fent encore entrees dans le territoire de Ï'Empire. Attila rit un dégat horrible; non-feulement il ravagea les.campagnes, mais il pilla & faccagea les villes les plus floriffantes. Toutes ces horreurs font décrites par Salvien, de gubernat. Dei. édit. Baiu{. Parif. 1669,/». 139, & par Idace, ubi fapr. p. 113 5. La fameufe bataille donnée prés de Chalons, arrêta les progrès d'Attila : s'il en faut croire les hiftoriens de ce temps-la , elle ne coüta pas moins de trois cents mille hommes. Idat. ibid. JoilNANDES de Rcb. Getic. ap. Grot. Hifi. goth. p. 671. Amjlerd. 1665. L'année fuivante , Attila forma la réfolution d'attaquer le centre même de Ï'Empire. II mareha en Italië, qu'il ravagea avec une fureur , animée par le fentiment de fa derniere défaite. Ce que lTtalie éprouva de calamités dans 1'invafion des Huns, furpaffe toutes celles qui avoient fuivi les 'irruptions précédentes des Barbares. Coringius a rarTemblé_ plufieurs paffages d'anciens hiftoriens , qui prouvent que les ravages caufés par les Huns & les Van-  Inthoduction, 17 dales dans les contrées fituées au bord du Rhin, ne furent ni moins atroces, ni moins funeftes a 1'efpece humaine. Exercitat de Urbid. Germ. oper. vol. 1 , p. 489. Mais Pimagination craint de s'arrêter fur ces fcenes de carnage Sc de défolation; on ne peut fans horreur contempler ces deffrudteurs de 1'humanité, fe baignant a plaifir dans le fang 6c les. larmes des hommes. La preuve la plus convaincante de la cruauté', aufïï-bien que de Pétendue dés ravages caufés par les Barbares, c'eft 1'état dans lequel parok avoir été 1'Italie pendant plufieurs fiecles, après que ces peuples s'y furent établis» Dès qu'un pays cefTe d'être très-peuplé, on y voit lés arbres & les buiffons croïtre dans les terres incultes, Sc former infenfiblement de grandes forêts, tandis que le débordement des rivieres Sc les eaux croupiflantes convertiffent en lacs &c en marais le refte du pays. L'ancienne Italië, le centre du luxe Sc de 1'élégance des Romains , étoit cultivée avec un foin extréme : mais les Barbares Pont tellement dévaftée, Sc en  i-8 Introduction,ont fi abfplument détruit tous les ou-. vrages de 1'induftrie & de la culture, que, dans le huitieme fiecle,. 1'Italie paroit n'avoir été couverte que deforêts & de vaftes marais. Muratori entre dans un long détail fur la fituation & les limites de cette contrée, & prouve, par les témoignages les plus authentiques , qu'une grande partL du terrein, dans toutes les différentes Provinces de 1'Italie, étoit ou couverte de bois, ou enfevelie fous les eaux: & il ne faut pas croire que ce fuflent feulement des endroits naturellernent ftériles ou peu importants; c'étoient des eantons que les écrivains anciens nous repréfentent comme extrêmement fertilès, & qui font aujourd'hui très-bien cultivés. Murat. an~ tiquit. hal. med. avi. Dijjert. 21 , vol. 2 , p. 149, 153, &cc. On trouve une forte preuve de tout ceci dans une defcription de la ville de Modene, que nous a lailfé un auteur du dixieme fiecle. MuRAT. Script, rer. hal. vol. 2, part. r,p. 691. II paroit que les dévaftations des barbares ont été les mêmes dans les  I N T R O D V C T ï O N. 19 autres pays de 1'Europe. Dans plufieurs des plus anciennes chartes qui fubfiftent aujourd'hui , les terreins qu'on accorde aux monafteres ou aux particuliers, font diftingués en terreins cultivés & habités, & en terreins déferts, eremi. On voit des exemples de terres accordées k des particuliers , paree qu'ils les avoient prifes dans le défert ab eremo , qu'ils les avoient enfuite peuplées &C cultivées. C'eft ce qui eft prouvé dans une charte de Charletnagne, publiée parEckart, de reb. Francice oriënt. yoL z, p. 864, & daüs plufieurs autres chartes accordées par les fucceffeurs de ce Prir.ce, & citées par du Cange, au mot Eremus. Muratori ajoute que pendant Ie huitieme & le neu-. vieme fiecles, 1'Italie étoit infeftée de loups & de bêtes fauvages. C'eft une autre preuve que le pays étoit abfolument dépourvud'habitants. MuRAT. antiquit. vol. 2, p. 163. Ainfi 1'Italie qui avoit fait la gloire de Panden monde par fa fértilité & fa culture, fe trouvoit réduite k Pétat d'une colonie naiflante, 8c que Pon comanence a peupler.  ao Introduction. Je ne doute pas qu'il n'y ait de Fexagération dans quelques-unes des defcriptions que j'ai rapportées. Je fais même que ces nations barbares ne fe conduifirent pas toutes de la même maniere en formant leurs nouveaux établiffements : les unes pa~ roifïbient déterminées a détr-uire entiérement les anciens habitants; d'autres étoient plus difpotees a. s'incorporer avec eux. II n'eft pas de mon fujet de rechercher les caufes de cette différence dans la conduite des conquérants, ni de décrire 1'état des contrées oii les anciens habitants furent traités avec plus de douceur. Les faits que j'ai rapportés fuffifenfr Dour prouver que les invafions & les établilTements des nations du nord' dans PEmpire Romain, ont occafionné une deflruction de Pefpece hu» maine, beaucoup plus grande que la plupart des écrivains ne femblent le croire. Note H, Setl. I, pi 22. Pai obfervé k la note II, que c'eft aux feuls écrivains Grccs & Romains  ï N TRÖEU C TI ON. il ■que nous devons le peu de connoif: fances «ertaines que nous avons fur Pétat primif des nations barbares. Heureufement, deux de ces anciens auteurs , de tous les hommes qui ont écrit, les plus capafeles peut - êt-re -d'obferver avec un difcernement profond, & de peindre avec fidélité , avec énergie , les moeurs & les infii■tutions de ces peuples, nous en ont laiffé un détail auquel fe rapporte affez tout ce que les autres auteurs en ont dit. Le Lecteur devinera aifément que je veux parler de Céfar & de Tacite. Le premier fait en peu de mots le portrait des anciens Germains," dans quélques chapitres du fixieme Livre de les Commentaires; 1'autre a écrit un Ouvrage expres fur ce fujet. Ge font-la les monuments de 1'antiquité les plus précieux & les plus inftruöifs pour les habitants actuels de 1'Europe, Voici ce que nous y apprénons. i°. L'état de la fociété chez les anciens Germains étoit très-groflier & très-fimple. Ils ne fubfiftoient que par la chaffe ou le paturage. Ces. /. 6} cap. ,11, Ils négligeoient 1'agricul-  11 Inïroduction. tnre, & vivoient en général de lait, de fromage & de viande. lbid. cap. az. Tacite rapporte a-peu-près la même chofe. de morib. Germ. c. 14, 15 , 23. LesGoths négligeoient également ragriculture. Prisc. Rhet. ap. Byfant. fcript. vol. 1, p. 3 r. B. L'état de la fociété n'étoit pas plus avancé chez les Huns; ils dédaignoient de cultiver la terre & de toucher une charme. Am. Marcel. /. 31, p. 475 . Les Alains avoient les mêmes moeurs. lbid. p. 477. Tant que la fociété relta dans ce premier état, les hommes, en s'uniffant enfemble, ne facrifierent qu'une trèspetite portion de leur indépendance naturelle. 20. Chez les anciens Germains, 1'autorité du gouvernement civil étok très-limitée. Pendant la paix , ils n'avoient aucun magillrat commun & ■fixe; c'étoient les chefs ou principaux de chaque diltricl qui rendoient la juftice , & jugeoient les difTérends, Cjes. ibid. cap. 23. Leurs Rois n'avoient pas un pouvoir abfolu & illimité; leur autorité confiftoit pluiót dans le privilege de confeiller,  1 n t r o d u c t i o n. 2 3 que dans le droit de commander. Les affaires de peu de conféquence étoient décidées par les chefs; mais les objets d'un intérêt plus général plus important étoient foumis au jugement du corps entier de la nation. Tacit. cap. 7,11. Les Huns délibéfoient aufli en commun fur toutes les affaires elTentielles, & n'étoient point foumis k 1'autorité d'un Roi. Am. Marcel. /. 31 i /?• 473. 30. Chaque individu chez les anciens Germains avoit la liberté de s'engager dans une expédition militaire propofée; & il ne paroit pas que 1'autorité publique lui impofat aucune öbligation k eet égard. „ Lorf» qu'un chef propofoit quelque ex♦> pédition, dit Céfar, ceux qui ap» prouvoient le projet, & confen» toierit de fuivre le chef, fe levoient » &c déclaroient leur réfblution; s'ils » manquoient enfuite a eet engage» ment, ils pafioient pour des laches, des traitres a la patrie, Sc étoient >► réputés infames ". Ces. ibid. pag. 23. Tacite indique la même coutunie , mais d'une maniere plus obfeu?e. Tacit. cap, 2, 4. Comme cha-  X4 Introduciion, que individu étoit indépendant Sc maitre abfolu de les adtions, celui qui vouloit devenir chef, avoit donc un grand intérêt a fe faire des partifans, a les attacher a fa perfonne Sc a fes projets. Céfar les appelle ambacli Scclientes, c'eft-a-dire, fuivants ou clients. Tacite leur donne le nom de comités ( compagnons ). La principale diftinïHon Sc le pouvoir d'un chef confiftoient Éi être accompagné d'une troupe nombreufe de jeunes gens choifis. Cette jeunelTe faifoit pendant la paix la gloire & 1'ornement de la nation, & fa fureté pendant la guerre. Un chef fe confervoit l'afFedtion de fes compagnons par des préfents d'armes ou de chevaux, ou par les repas, plus abondants que recherchés, qu'il leur donnoit. Tacit. cap. 14, 15. Par une fuite de eet efprit de liberté Sc d'indépendance perfonnelle, que-les Germains conferverent même après qu'ils furent unis en fociété, ils refferrerent la jurifdiöon perfonnelle de leurs magiftrats dans des limites trèsétroites; ils fe réferverent Sc exer«erent tous les droits de la vengean- ce  INTRODUCTION. 2$ ce perfonnelle ; le Magiftrat n'avoit Je pouvoir ni d'emprifonner un homme libre, ni de lui infliger aucune peine corporelle. Tacit. cap. j. Chaque individu éto't même obligé de tirer vengeance des affronts ou des torts qu'on avoif faits a fes parents ou a fes amis. Les inimitiés devenoient héréditaires, mais elles n'étoient pas implacables. Le meurtre même s'expioit en donnant un certain nombre de beftiaux. Tacit. cap. li. Une partie de Tarnende étoit pour le Roi ou 1'Etat; le refle pour la perfonne ofFenfée ou fes parents. lbid. cup. i 2. Quoique ces particularités fur les moeurs & les ufages des Germains foient connues de tous ceux qui font verfés dans la littérature ancienne, j'ai cru cependant devoir les rapporter dans 1'ordre que je leur ai donné , & les mettre fous les yeux des Leöeurs moins inflruits, paree qu'elles confirment ce que j'ai dit de 1'étet des nations barbares, & qu'elles peuvent fervir a éclair^ toutes les obfervations que ^'aurai occafion de faire fur les chsngements Tornt II, g  "i-6 Intro nutT i o n. arrivés dans leur gouvernement & les moeurs. Les loix & les coutumes que ces peuples introduifirent dans les pays oü ils s'établirent, formént le meilleur commentaire des écrits de Céfar & de Tacite ; & réciproquementles obfervations de ces deux Écrivains lont la meilleure clef pour bien entrer dans 1'eiprit de ces loix &c de ces coutumes. II y a dans Ie témoignage de Céfar Sc de Tacite fur les Germains , une cireonftance qui mérite attention. Le morceau que Céfar nous a laiffé fur les moeurs des Germains, a été écrit plus de deux cents ans avant que Tacite compolat fon traité fur le même fujet. Un fiecle efi un efpace de temps trés - confidérable pour les progrès des moeurs d'u« ne nation, fur tout fi, pendant eet interval le , cette nation grolTiere 8c non civiliiee a eu beaucoup de commerce avec des Etats plus policés. Les Germains étoient dans ce cas'la; ils commencerent a connoitre les Romains lorfque Céfar pafla le Rhin; Sc leur communication a-"ec ce peuple s'étendjt tous les jours de-  introduction. 27 puis eet événement jufqu'au temps oh Tacite écrivit.Onremarque d'ailleurs qu'il y avoit une différence confidérable clans 1'état iocial de chacutae des difFérentes tribus de laGermanie. Les Suéones, par exemple, (Suionis) avoient déja faittant de progrès dans la civilifation , qu'ils commencoient a fe corrompre. Tacit. cap. 44. Les Fennes , au contraire, (Fennï) étoient fi barbares, qu'on s'étonne qu'ils ayent pu fubfifter. 1b. cap. 46. Ces deux circonftances ne doivent pas être négligées par ceux qui veulent décrire les moeurs des Germains, ou établir quelque théorie politique fur 1'état de la fociété chez ces peuples. Avant que de terminer cette difeuffion, il ne fera pas hors de propos d'obferver que , quoique les altérations qui fe firent fucceffivementdans les inftitutions des différents peuples qui avoient conquis Ï'Empire Romain, & quoique les progrès qu'ils avoient faits dans la civilifation , euffent entiérement changé leurs moeurs, on pourroit cependant en retrouver 1'image dans celles d'une race d'homB ij  1% I n t r 'o 3 u c t i o n. 'mes qui eft encore a-peu-près clans le même état de fociété oit fe trou* •voient les barbares du Nord lorf-qu'ils s'établirent dans leurs nouvelïes conquêtes. Je veux p^rler des fauvages de 1'Amérique feptentrionale. Ce n'eft donc pas une digreffion fuperflue, ou une fimple reehert che de curiofité , que d'examiner fi cette fimilitude dans 1'état politique a produit quelque réfTemblance entre les moeurs & le caraöere de ces peuples divers. S'il fe trouve que cette reffemblance fok frappante , elle fournira une plus forte preuve de la vérité du portrait qu'on a fait des anciens habitants de 1'Europe, que le témoignage même de Céfar & de Tacite. r°. Les Américains ne fubfftent guere que par la pêche ou la chaffe. II y a des tribus qui négligent abfolument Pagriculture. Parmi celïes qui cultivent quelques portions de terrein prés de leurs cabanes, ce font les femmes qui font chargées de ce foin , ainfi que de tous les autres travaux. Charlevoix , Journal hijl-, £un voyage en Arnériq. 40. Pa-  Introouction, 29 ris , 1744 , p. 334. Dans un tel état de fociété , les hommes ayant pélt de befoins ordinaires , & leur dé-pen* dance mutuelle étant trés - bornée , leur union eft extrêmement foible Sc' imparfaite; Sc ils doivent continuer de jouirde leurliberté naturelle prefque fans altération. Le premier fentiment d'un fauvage de 1'Aniérique., c'eft que tout hom me eft né libre Sc indépendant, Sc qu'il n'y a aucune PuiiTance fur la terre qui ait le droit de reftreindre & de limiter fa liberté naturelle. On trouve a peine queique apparence de fubordination entr'eux, foit dans le gouvernement civil, foit dans le gouvernement domeftique. Chactin fait ce qu'il lui plaït : un pere, une mere Sc leurs enfants' vivent enfemble comme des êtres que le hafard a raffemblés, Sc qu'aucun lien n'attache les uns aux autres. Leur maniere d'élever leurs enfants eft très-cor.forme a ce principe : ils ne les chatient jamais, même dans la première enfance; & dans un age plus avancé, on les laiffe entiérement maïtres de leurs aöions,. &C ils ne font obligés d'en rendre B iij  30 Introduction. cojnpte a perfonne. Idem, p. 272, 273. 20. Leurs Magiftrats civils n'ont qu'une autorité extrêmement bornée. Dans la plupart des tribus, le Saclum ou Chef eft choifi par la tribu même; on lui donne un confeil corapofé de vieillards, & fans 1'avis duquel il ne peut décider aucune affaire d'importance. Les Sachem ne forment aucune prétention a jouir d'une grande autorité; car ils propofent & prient plutót qu'ils ne commandent, &c 1'obéifTance de laTiation eft entiérement volontaire, Id.p. 266 , %68. 30. Ce n'elt point par force, mais volontairement , qu'ils s'engagent dans une expédition militaire ; & quand la guerre a été réfolue , un chef fe leve, & s'ofFre pour conduire la troupe. Alors ceux qui font de bonne volonté (car on ne force perfonne) fe levent tous Firn après Fautre , & chantent la chanfon de guerre. Mais fi après cette cérémonie , quelqu'un des guerriers refufoit de fuivre le chef avec lequel il s'efi: engagé, il courroit rifque de per-  Introduction. 31 df e la vie, & feroit regardé comme le plus infame de tous les hommes.. Id.p. 217 , 218. 40. Ceux qui s'engagent a fuivre un chef, s'attendent k être traités, avec beaucoup d'attention & d'égards, & il eft obligé de leur faire des préfents d'une vale.ur confidéra- • ble. ld. p. 218. 50. Le Magiftrat parmi eux n'a prefque aucune jurifdidtion criminelle. Id. p. 272. La perfonne ou Ia familie qui a recu une injure , peut en tirer la vengeance qu'elle veut. ld. p. 274. Ils font implacsbles dans leur reffentiment, &. le temps ne peut éteindre ni même affoiblir le defir d'une jufte vengeance. C'eft le principal héritage que les peres en mourant laiffent k leurs enfants; & le foin de venger un affront fe tranfmet de génération en génération , jufqu'a ce que 1'occafion arrivé de fatisfaire ce fentiment. ld. p. 309. Quelquefois cependant, la partie offenfée s'appaife ou fïxe une compenfation pour un meurtre qui aura été coinmis. Les parents du mort recoivent le préfent dont on B iv  3 * Introduction, eft convenu; & il confifte ordinairement en un prifonnier de guerre qui prend la place & le nom de celui qui a été tué, & qui eft adopté dans la familie, Id. p. 274. Ontrouve la même reffemblance dans plufieurs autres points. U fuffit pour mon objet d'avob indiqué'les rapports qui fe trouvent dans les grands traits qui diftinguent & caraöérifent ces nations diverfes. Bochard & d'autres philologues du dernier fijc'e, qui ont employé plus d'érudition que de fcience a fuivre les éiiiigratioijs des différents peuples, & qui fur le trait le plus léger de reffemblance , croyoient voir une affinrté parfaite entre des nations fort éloignées les unes des autres, & concluoient^hardiment qu'elles avoient eu la même origine, n'auroient pas manqué d'affirmer avec confiance, en voyant une reffemblance fi parfaite entre les Barbares conquérants de Ï'Empire Romain & les fauvages de 1'Amérique , que c'étoit le même peup'e. Mais un philofophe fe contentera feulement d'obferver, que le  Introduction, 32 cara&ere des nations dépend de 1'état de fociété fous lequel elles vivent,, & des irdlitutions politiques étabües parmi elles; que dans tous les temps & dans tous les heux, les hommes» placés dans'es mêmes circonffinces, auroat les mêmes mceurs , & fe montreront fous la même forme. Je n'ai étendu cette comparaifon entre les anciens Germains &c les fauvages de 1'Amérique , que jufqu'oii elle étoit nécefTaire pour éclaircir mon fujet. Je ne prétends pas que 1'état focial chez ces deux peuples, fut parfiitement égal. PUifieurs des tribus Germaines étoient plus civilifées que les Américains. 11 y en avoit a qui l'agriculture n'étoit pas étrangere , & preique toutes avoient des troupeauxqui faifoient leur principale fubliftance ; tandis oue le plus grand nombre des hordes Arnéricai-' nes 'ne vivent que de leur chaffe , & font plus grollieres & plus firnples encore que les anciens Germains, Cependant il v a entre leur état focial une reffemblance plus frappante qu'on n'en a jamais obfervé parmi deux races d'hommes 7 & il cn eft B v  34 Introduction. réfulté une conformité de moeurs furprenante. Note VU\ Stel. I, p. 22. Le butin qu'avoit fait une armee, appartenoit a toute 1'armée ; & le Roi , lui - même , n'y avoit d'autre part que celle qui lui étoit échue par le fort. L'hifloire des Francs nous ofFre a eet égard ön exemple remarquable. L'armée de Clovis, Ie fondateur de la monarchie Francoife, en pillant une Eglife, avoit enlevé parmi d'autres effets facrés un vafe d'une grandeur & d'une beauté extraordinaire. L'Evêque envoya fur Ie champ des députés a Clovis, pour Je fupplier de rendre :e vafe , afin de 1'employer aux ufages faints auxquels il avoit été deftiné. Clovis dit aux députés de le fuivre a Soiffons, cii devoit fe faire le partage du butin , & il leur promit que fi ce vafe lui tomboit en partage, il le rendroit a 1'Evêque. Lorfqu'on fut arrivé a Soiffons , tout le butin fut réuni en un monceau au centre de 1'armée. Alors Clovis demanda qu'a-  ï Jf t r o d u< c t 1 o n. 3 5-vant de faire aucun partage , on lui i accordat ce vafe par-deffus ia part, Chacun parut difpofé a favorifer le Roi, & a acquiefcer a fa deirfande ; mais, un. foldat audacieux &C féroce leve fa hache d'arme , en frappe le vafe avec violence , & dit au Roi d'une voix ferme : » Vous n'aurez » rien ici, que ce que le fort vous » donnera ". Greg. Turon. Hifi. Franc* 1. 11 , 27 , p. 70, penf. 1610, Note VIII, Secï. I, P. 27. L'hiftoire de 1'établilTement & dès progrès, du fyftême féodaf", eft un objet intéreffant pour toutes les nations de 1'Europe.. Les loix & Ja iurifpmdence de quelques pays font encore prefque entiérement féodales, Dans d'autres, on voit que plufieurs , pr.itiques établies par la coutume , ou fondées fur des réglements , ont pris naifTance dans le fyftême feo^ dal , & qu'elles ne peuvent être bien entendues fans la connoiffance des principes particuliers a ce fyftême, Pjuüeurs Auteurs, très-célebres par leur génie èc leur éruditioa, ont B vj  3 6 Introduction. faits tous leurs efForts pour éclaircir ce fujet; mais ils y ont laiffé encore beaucoup d'obfcurité. Je vais tacher de fuivre avec précifion les progrès ou h-s variations des idéés que les nations Barbares s'étoient faites fur la propriété des terres, & d'expofer les caufes qui ont occafionné ces variations, ainfi que les effets qui en font réfultés. II paroit que la propriété des terres a fubi fucceffivement quatre fortesde révolutions chez les peuples qui s'établirent dans les différentes Provinces de Ï'Empire Romain. i°. Tant que les nations Barbares rellerent dans leur pays natal , elles ne connurent point Ia propriété des terres, & n'eurent aucune limite fixe a leurs poffeffions. Après avoir laiffé.quelque temps paitre un troupeau dans un canton, toute Ia familie quittoit bientöt ce canton pour aller s'établir dans un autre , qu'elle nbandonnoit de même peu de t rnps apres. Une efpece de propriété fi imparfaiten'impofoit aux individus aucune obligation pofitive de fervir la communauté; & tout ce qu'ils Sai-  Introduction. 37 foient pour elle étoit parement volontaire. II étoit tionc libre a chacun de prendre la part qu'il vouloit a une expédition militaire. Ainii 1'on ne fuivoit un chef a la guerre que par attachement, &c fans aucune idéé de devoir. Nous en avons rapporté des preuves fenfibles dans la note VI. Tant qu'il n'y eut pas d'autre propriété, il n'eft pas poffible de rien découvrir dans leurs ufages qui ait la moindre reffemblance avec Ia tenure féodale, ou avec la fubordination & le fervice militaire introduits par le fyliême féödal. 2°. Quand ces peuples s'établirent dans les pays fubjugüés, l armée victorieufe fe partagea les terres conquifes ; chaque foldat regardoit la portion qui lui étoit échue par le partage, comme une récompenfe due a fa valeur, & comme un étab'iffement conquis par fon épée, & il en prenoit poffeffion comme hom me libre en toute propriété. II en joulffoit pendant fa vie; il pouvoit en difpofer a fon gré, & la taiffer en héritage a fes enfants. La propriété des terres recut alors une forme conf-  3$ Introductiox, tante & ftable. Elle fut. en mêmetemps allodiale, c'eft-a-dire, que le polTelTeur avoit Ie droit abfolu de propriété & de domaine , & qu'il ne relevoit d'aucun Souverain 011 Seigneur, auqnel il fut obligé de rendre hommage & de confacrer fes fervices. Cependant comme ces nouveauxpropriétaires ( ainll qu'on I'a obfervédans l'Introduöion) fe voyoient expofés'a être troublés dans leurs poiTefTions par le refte des anciens habitants, & qu'ils couroient le danger, plus redoutable encore, d'être attaqués par des barbares aufïi ayides & aurü féroces qu'eux-mêmes, ils fentirent la nécefTué de s'i pofer volontairement des obligations de défendre la communauté , plus étroites & plus expreffes que celles auxquelles ils avoient été foumis dans leurs habitations natales. En conféquence , dés que ces peuples fe fixerent dans leurs nouveaux établiffements, chaque homme libre s'obligea k prendre les armes pour la défenfe de fa nation ; & quand il refufoit ou négligeoit oe remplir ce devoir, il encouroit une peine con-  INTRODÜCTION, 39 fiderable. Je ne prétends pas qu'il y ait eu a eet égard aucun contrat revêtu de formatités 6c ratirié par des cérémonies légales. Cette obhgation , ainfi que les autres convenïtions qui bent enfemble les membres de route fociété, n'étoit fondée que fuf un confentement tacite. La fécurité 6c la confervation mutuelle des individus les engageoient a en reconnoitre 1'autorité, 6c a en maintenir 1'exécution. Nous pouvons remonter a 1'origine de cette nouvelle obligation des proprétaires des terres , & l'obferver a un période très-reculé de l'hiftoire des Francs. Chilpéric , qui commenca fon regne 1'an 562, condamna a une amende (bannos jufjit exigi) certaines perfonnes qui avoient refufé de Faccompagner dans une expédition. GREG. Turon. I. y. Parmi les anciens aftes publiés par Dom de Vic Sc Dom VanTette, dans leiir Hifi. du Languedoc, on en trouve plufieurs auxquels ils donnent Ie nom d'hommages , Sc qui femblent tenir le milieu entre Vhommage plein dönt parle BrulTel, Sc Pobligation de remplir dans fon entier 1'engagement du fervice féodal. L'un des deux partis promet proteöion, Sc accorde des chateaux ou des terres ; 1'autre s'engage a défendre Ia perfonne du donateur, Sc lui fournir du fecours pour défendre auiTi fes polTeffions, dés qu'il en fera requis. Mais ces engagements ne font accompagnés d'aucune formalité féodale, & 1'on n'y fait mentiön d'aucun des fervices féodaux. C'étoit plutót un contrat mutuel entre des égaux, que 1'engagement formel d'un valfal è rendre des fervices a un Seigneur  Introduction, 47 fupérieur. Preuves de PH'ifl. du Langued. torn. 2, p. 173, & p afjim. Dés qu'on fe fut accoutumé a ces fervices , d'autres fervices féodatix s'introduifirent fucceffrvemènt. M. de Montefquieu regarde cés bénéfices comme des fïefs, qui, dans Porigine, obligeoient les pofTeffeufs au fervice militaire. Efprii des Loix, l. 30, eka'p. 3 & 16. M. 1'Abbé de Mably prétend que ceux qui tenoient ces bénéfices, ne furent d'abord foumis a d'autre fervice qu'a celui auquel chaque homme libre étoit engagé. ObJ'erv. fur F Hifi. de France, torn 1 , p, 356. Mars en comparant leurs preuves , leurs raifonnements & leurs conjectures, il paroit évident que, puifque chaque homme libre, en cohféquence de fa propriété allodiale, étoit obligé de fervir, fous des peines trés - graves, on n'auroit eu aucune bonne raifón de conférer ces bénéfices , fi ceux qui les recevoient n'euffent été foumis a 'quelque nouvelle obligation. Pourquoi un Roi fe feroit-il dépouillé lui-même de fes domaines, fi en les divifant & en les partageant, il n'eüt acquis par-  4$ Introduction. Ik un droit a des fervices qu'il ne pouvoit exiger auparavant ?' Nous fommes donc autorifés a conciure que, comme la propriété allodiale aiTujettilToit les poffelTeurs k fervir la commUnauté , de même les bénéfices devoient obliger ceux qui en recevoient, au fervice perfonnel &c a la fïdélité envers celui de qui ils les tenoient. Ces bénences , dans leur inflitution , ne s'accordoient qu'a volonté , c'eft-a-dire , pour auïant de temps qu'il plaifoit au donateur. II n'y a point de circonftance , relative aux coutumes du moyen age , qui foit mieux établie que ceileci; &z 1'on en pourroit ajouter une foule innombrable de preuves a celles qui fe trouvent dans CEfprit des Loix, liv. 30, ch. 16, & dans Du Cange, aux mots beneficium & fiu~ 4um. 40. Mais la poffeffion des hénéüces ne rella pas long-remps dans eet état. Une poffeffion précaire & k volonté ne fut pas fuffifante pour attacher k leur Seigneur ceux qui en jouilfoient; & ils obtinrent bientót que ces bénéfices leur fuffent afTurés pour  Introductïon. 49 pour la vie. Feudor. liv. i , ut. t. Du Cange rapporte plufieurs palTages tirés des anciennes chartes &C des chroniques, qui prouvent cette aflertion. Du Cange , glotf. voc. beneficium. Après ce premier pas , il fut aifé d'obtenir ou d'extorquer des chartes qui rendiffent les bénéfices héréditaires, d'abord en ligne directe , enfuite en ligne collaterale, &C enfin dans la ligne féminine. Leg. Longob. Uv. 3 , t. 8, Du Cange, Voc. beneficium. II n'eft pas aifé de fixer le temps précis aiiquel chacun de ces changements eut lieu. M. 1'Abbé de Mably conjecfure, avec quelque vraifeinblance, que Charles Martel introduifit le premier la coutume d'accorder les bénéfices a vie. Obfervat. torn. i , p. 103, 160. Et il eft évident , d'après les autorités fur lefquelles il fe fonde , que Louis le Débonnaire fut un des premiers qui les rendirent héréditaires. lbid. p. 429. Mabillon néanmoins a pnblié un placite de Louis le Débonnaire, de 1'an S60 , par lequel il paroit que ce Prince continua de n'accorder les Tornt II. G  50 I K t R O D U C t i o ft. 'bénéfices qu'a vie. De te Diplom, liv. 6, p. 353. L'an 889, Eudes de ;Paris, Roi de France, concéda des terres a Ricabodus, fon valTal, jure benzficiario & frucluario, pour fa vie, avec cette condition, que s'il mouroit & qu'il eüt un fils, ce fils jouiroit des mêmes terres également pendant fa vie. Mabill. ut fup. p. ^6, C'étoit un pas intermédiaire entre les fiefs purement a vie, & les fiefs héréditaires k perpétuité. Tant que les bénéfices retinrent leur première forme, & ne furent accordés qu'a volonté, le collateur exerc;oit non-feufement le' domaine ou la prérogative du Seigneur fupérieur; mais il jouiffoit encore de la propriété , & ne laiflbit k fon vaffal que l'ufufruit. Lorfqu'ils eurent recu leur derniere fbrme , & qu'ils devinrent héréditaires, les jurifconfultes, en traitant des fiefs, continuerent de définir les bénéfices conformément k leur première inffitution ; mais la propriété n'appartenoit plus au Seigneur fupérieur, & elle avoit en effet paffe dans les mains du vafTal. Auffi-tot que les Seigneurs, ainfi qtie leurs  Introbuction, 51 Vaffattx , eurent fenti les avantages réciproques de cette maniere de pofleder les fiefs, elle parut fi commode pour les uns & pour les autres , que non - feulement les terres, mais les rentes cafuelles , comme les droits d'excife & de péage, les faïaires on émoluments des offices, &c les penfions mêmes, furent accordées & tenues k titre de üefs; & en conféquence , on promettoit & 1'on exigeoit refpecfivement le fervice militaire. morice, Mém. pour fervir de preuves a Tkijl. de Bretagne, torn. 2, 78,690, Brussel, tom. 1, p. 41. * Quelque abfurdité qu'on puilTe trouver a accorder & a tenir comme fiefs de femblables pofleffions s précaires & cafuelles, il y avoit cependant des tenures féodales encore plus fingulieres. Le produit des meffes dites k un autel, n'étoit proprement qu'un revenu eccléfiafiique, appaptenant au Clergé de 1'Eglife ou du monaftere qui les faifoit célébrer. Mais des Barons puiffants s'en emparerent quelquefois; & afin d'affermir leur droit fur ce revenu, ils le tin-rent de 1'Eglife a titre de fief, & C ij  52 iNTRODUCTiON. le partagerent comme les autres propriétés entre leurs vaffaux. B o u<2UE T, Recueil des Hifi., vol. 10, p, 238 , 480. Le même efprit cl'ufurpation qui renclit les fïefs héréditaires , encouragea les Nobles k extorquer de leurs Souverains des conceflions d'offices également héréditaires. Plufieurs des grandes charges de la Couronne devinrent héréditaires dans la plupart des Royaumes de PEurope ; les Monarques connoiflbient fi bien eet efprit d'ufurpation de la No•bleiTe , & étoient en même-temps fi fort en garde contre fes progrès, que, dans quelques occafions, ils obligeoient ceux a qui ils conféroient quelque charge ou quelque dignité, a reconnoitre par un acTe formel que ni eux, ni leurs héritiers, ne pourToient prétendre la polTéder de droit héréditaire. 11 y a un exemple remarquable de ceci dans les Mém. de CAcad. dts Infic. lom, 30, in-8°. p. < 9 5 , & Pon en trouve un autre dans ïe Thefaur. Anecd. publié par MerTENNE & DüRAND, vol. I , p. 873. Gette révolution dans la propriété  tNTRODUCTION. 5X des biens occafionna un changement analogue dans le gouvernement politique; les grands ValTaux de la Couronne , a mefure qu'ils étendoient ïeurs pofleffions, ufurperent un degré proportionnel de puiiTance,abaifferent la jurifdittion de la couronne, &c foulerent aux pieds les privileges du peuple. C'eli fur-tout par le rapport qui s'établit entre la propriété & le pouvoir, que la recherche des progrès de la propriété féodale devient un objet digne d'attention dans 1'hiftoire : car des qu'orr a décQuvert quel étoit 1'état de la propriété a une certaine époque , on-. peut déterminer avec précifion quel' étoit en même-temps le degré de pouvoir dont jouilToit alors le Roi ou la. NobletTe. Une autre circonftahce , relativa1 aux révolutions qu'éprouva la propriété , mérite auffi d'être remarquée.. J'ai fait voir que chez les différentes tribus barbares , lorfqu'elles fe furent partagé leurs conquêtes dans le cinquieme & lë fixieme fiecles , la propriété des terres étoit allodiale. Cependant, dès les commenC.iij  54 I N T R O B U C T I O N, cements du dixieme fiecle, la propriété en plufieurs endroits de FEurope, étoit déja devenueprefque entiérement féodale. Comme la première efpece de propriété paroit être beaucoup plus avantageufe & plus defirable , un tel changement a de quoi furprendre; fur-tout fi 1'on confidere que, fuivant 1'hiftoire, la propriété allodiale fe convertiffoit fréquemment en féodale , par un acte volontaire du poffeflêur. M, de Monfefquieu a recherché les motifs qui déterminerent a prendre un parti fi oppofé aux idéés des temps modernes concernant la propriété, & il ies a expofés avec fon exacfitude & fon difcernement ordinaires. L. 3 1 , ch. 8. Le motif le plus puilTant eft celui qui nous eft indiqué par Lambert d'Ardres, ancien écrivain cité par Du Cange, au mot aiodis. Au milieu de la confufion & de 1'anarchie , 011 toute PEunppe fe trouva plongée après la mort de Charlemagne, dans un temps oii prefque tous les Hens d'union entre les différents membres du corps politique étoient brifés, &c oh. les citoyens étoient ex-  I NT R O D UCTÏ ON, 55 pofés a Poppreffion & a la rapine ,, fans pouvoir attendre aucun fecours du gouvernement, chaque individu 1'entit la néceffité de chercher un protedteur puiffant, fous le drapeail duquel il put fe ranger & trouver une défenfe contre desennemis, auxquels il ne pouvoit réfifter avec fes propres forces. Ce fut par ce motif qu'un propriétaire de terres renonca a fon indépendance allodiale , & fe foumit aux fervices féodaux : c'étoit afin de trouver de la füreté fous le patronnage de quelque Seigneur ref-6 pecfable. Ce changement de la pro-: priété allodiale en propriété féodale , devint fi général dans quelqueé pays del'Europe, qu'on ne laifïaplus au poffeffeur des terres la liberté du choix : on 1'obligea de reconnoitre quelque Seigneur-lige, & de relever de lui. Beaumanoir nous apprerid que dans les Comtés de Beauvais & de Clermont, fi le Seigneur ou ïe Comte venoit k découvrir quelques terres de fa jurifdidtion , pour la poffefiion defquelles on ne fit aucun-: fervice & fon ne payat aucune taxe ni redevance , il pouvoit s'en ernC iv  56 Introduction. parer fur le champ; car, dit-il, fuivant notre coutiime , perfonne ne peut pofféder en propriété allodiale. Coutumes, chap. 24, p. 12.3. C'eft fur le même principe qu'eft fondée cette maxime, qui, dans la loi deFrance , eft devenue générale : nulh terre fans feigneur. En .d'autres Provinces de France , il paroit qu'on attachoit plus de prix a la propriété allodiale, & qu'elle s'y conferva plus, long-temps fans être dénaturée. Les Auteurs de l'ff ijl. gênêr. du Lan~gutdoc, torn. 2, rapportent un trésgrand nombre de chartes qui renferment ou des conceflions, ou des ventes, ou des échanges de terres allodiales, lituées dans cette Province. Pendant le neuvieme & le dixieme fiecles, & la plus grande partie du onzieme , la propriété y femble avoir été ablblument allodiale; & a peine trouve-t-on dans les acres de cette Province quelques veftiges de lenures féodales. II femble qu'en Catalogne Sedans le Rouffdlon, 1'état de la propriété, pendant ces mêmes fieéles , étoit entiérement femblable , ainfi qu'on a lien de le croire par les  I n t r o d u c t r o n. 57/ chartes originales publiées clans 1'ap-pendice du traité de Pierre de Marca. De Marca , Jive limite Hijpanico.. La propriété allodiale femble avoirexilïé dans les Pays-Bas encore plus long-temps.' Voy. Aubert le Mire,. Oper. Dipl. vol. i , 34, 74., 75 , 83 , 817, 296 , 342, 847 , 578.On trouve même jufqu'au quatorzieme fiecle des traces de poffeifions allodiales.. lbid, 218.. Les idéés que les hommes ont de la propriété, varient felon 1'étendue de leurs lumieres & les caprices de leurs paflions ;: car. en mêmetemps que les uns s'empreflbient de renoncer a leur propriété allodiale pour relever d'un Supérieur par une ténure féodale,.les autresparoiffent avoir été jaloux de convertir leurs fiefs en propriété allodiale. Nous .en avons un exemple dans une charte de Louis le Débonnaire, publiée par Echard , Comment. de reb. Francite Oriënt, vol. 2, p. 855, On en trouve uneautreen 1'année 1299 : Reüquite MSS. omnis cevi, par Ludwig,voL 1 , p; 209. On en trouve encore une dans 1'année j 3 3 7. lbid. vol: 7, p. 40. C v  58 Introdüction,, La même chofe eut lieu dans lesPayt, Bas. Mimi Oper. 1, 52. En expofant ces différentes révolutions dans la nature des propriétés, je me fuis prefque borné jufqu'ici a ce qui eft arrivé en France , paree que les anciens monuments de cette nation ont été confervés avec plus de foin, ou bien ont été éclaircis d'une maniere plus fatisfaifante que ceux des autres peiiples de 1'Europe. En Italië, la propriété fubit les mêmes révolutions , & elles fe fuceéderent 1'une k 1'autre dans le même ordre. Cependant il y a quelque raifon de conjecrurer que la propriété allodiale fut plus long-temps eftimée chez les Italiens que chez les Francois. II paroit que plufieurs des chartes accordées par les Empereurs dans le neuvieme fiecle, conféroient un droit allodial fur les terres. Murat. Antiq. Mcd. cevi , vol. 1 , p. 575 , Mais nous trouvons dans le onzieme fiecle quelques exemples de perfonnes qui fe défifierent de leur propriété allodiale, pour la convertir en ténure féodale. Ibid.p. 6io, &c. Mu-  I N T R O D U C T I O N, 59 ratori obferve que le terme feudum » qui fut fubftitué. k celui de benefi~ cium, ne fe trouve dans aucune charte authentique , antérieure au onzieme fiecle. lbid. 594. Le monument le plus ancien dans lequel j'ai trouvé . le mot fmdum , eft une charte de Robert, Roi de France , de 1'année 1008. BOUQUET , Recueil des Hifi. des Gaules & de la France , torn. 10, 593. B. II eft vrai que fe mot fe trouve dans unidit de 1'an 790, rapporti par Brulfel, vol. 1 ,p. 77. Mais 1 authenticité de eet édit a été conteftée; & peut-être même que le.fréquent ufage qu'on y fait du mot feudum, eft une raifon de plus pour avoir des doutes a eet égard. L'explication que j'ai donnée de la nature des polTefiions, foit allodiales , foit féodales, eft confirmée par 1'étymolo* gie même de ces deux mots, alode ou allodium , eft compofé des mots Allemands an &C lot, qui fignifient terre eb tenue par lefort. WACHTERI, gloff. German. voce. allodium, p. 35. H paroit, fuivant les autorités alléguées par eet Auteur &c par Du Cange, au mot fors 7 que ce fut par le fort C vj  GO ïntroduction. que les peuples du Nord partagerent entr'eux les terres qu'ils avoient conquifes. Feodum eft compofé de od+ poffeflion ou bien , &c de feo , gage, paye ; ce qui défigne que le fief étoit une efpece de falaire accordé en récompenfe de quelque fervice. Wachter, lbid. au mot feodum. Le fyftême féodal chez les Allemande fit abfolument les mêmes progrès que nous lui avons vu faire en France ; mais comme les Empereurs d'Allemagne, fur-tout depuis que Ia Couronne impériale eut paffé des defcendants de Charlemagne dans Ia Maifon de Saxe , furent bien fupérieurs en talents aux Rois de France leurs contemporains, les ValTaux de F Empire n'afpirerent pas de li bonne heure è 1'indépendance, &c n'obtirent pas fitöt le privilege de pofleder leurs bénéfices par droir héréditaire. Conrad II fut le premier Empereur, fuivant les compilateurs de la colleétion des Livres des fiefs, qui rendit les fiefs héréditaires. Libri feudor. i, til. i. Conrad monta fiurletróne impérial en 1024. Louis le Débonnaire, fous le regne duquel  ï n T r o d u c T-i o n. 6t les conceffions de fiefs héréditaires devinrent communes en France r fuccéda a fon pere l'an8!4. Cette innovation ne s'introdnifit non-feulement que beaucoup plus tard parmf les ValTaux des Empereurs d'Allemagne ; mais après que Conrad même Feut établie, la loi ne ceffa pas de favorifer fancien ufage; & k moins> que la charte du vaffal ne portat exprefiement que le fief palTeroit a fes. héritiers, on préfumoit toujours qu'il n'étoit donné qu'a vie. Lib. feudor. ib. Après même 1'innovation introduite par Conrad , il n'étoit point extraordinaire en Allemagne d'accorder des fiefs feulement pour la vie.. II exifte une charte de ce genre, qui eft de 1'année 1376. Charta, ap. boehme'r, princip. juris fcud. p. 361. La tranfmiflion des fiefs aux lignes collatérales & féminines ne s'introduifit que très-lentement en Allemagne. II y a une charte, de 1'an 1201 , qui donne aux femmes le droit de fucceflion; mais elle fut accordée comme une marqué extraordinaire de faveur, & en récompenfes de fervices importants. Boehmer, ïbid, p. 365. Une  6t INTR OD l'CTI O N. partie confidérable des terres, en Allemagne auffi-bien qu'en France & en Italië, continua d'être polTédée en franc-aleu löng-temps après qu'on y eut introduit 1'ufage des tenures féodales. II paroit par Ie code diplomatique du monaftere de Buch , (Codex Dipl. monafl. Buch.) qu'une grande partie des terres du Marquifat de Mifnie étoient encore polTédées en propriété allodiale , jufqu'au treizieme necle: n*. 3 r, 36, 37, 46, &c. Apud fcript. Hifi. Germ. cura Schoetgenii tre. lbid. 10, 11. Lorfque dans Ia, fuite on vint a confidérer cette union entre les efclaves comme un maria»ge légal, il ne leur fut pas permis de fe marier fans un confentement exprès de leur maitre ; & tous ceux qui étoient aflez hardis pour négliger cette formalité , étoient punis très-févérement, &c quelquefois même étoient condamnés a la mort. potgiess. lbid. §. 12, &C. gregor.. Turon. Hijl. I. 5 , c. 3. Lorfque les nations de PElirope eurent pris des mceurs plus douces tk des idéés plus  66 IjiTSODUCïIO n. jiifles, les efclaves qui fe marioient fans la permiffion de leur maïtre, n'étoient condamnés qu'a une amende. Potgiess. lbid. § 20. Du Cange , Gloff. voc. forifmaritaglum. 3 °. Tous les enfants des efclaves reftoienr* dans la condition de leurs p-eres, ,8c appartënoient en propriété a l'eurs maïtres. Du Cange , Gloff. voc. ferms, vol. 6, 45:0. Muratori, An* tiquit. hal. vol. \ , 766. 40. Un maitre avoit une propriété fi entiere fuf fes efclaves, qu'il pouvoit les vendre comme il lui pjaifoit. 'Tant que Ia ' fervitude domeftique dura , la propriété d'un efclave fe vendit comme celle d'un autre meuble. Les. ïèrfs devinrent enfuite attachés a la glebe , adftripü gkbcE , & fe veadoient avec Ia ferme ou la terre' a laquelle ils appartënoient. PotgieiTer a recueüli toutes les loix 8c les chartes qui peuvent éclaircir cette circonffanee trèsconnue de la condition des efclaves. L. z , c. 4. 5°. Les efclaves ne pouvoient exiger de leur maitre que Ia fubfiftance 8c le vêtement; tous les profits dé leur travail lui appartënoient. SFünmaïtre, par une faveur.  I n t R O d u c ti ON. 6j particuliere , donnoit a fes efclaves un pécule, ou leur affignoit une fomme fixe pour leur fubfiitance, ils n'avoient pas même la propriété de ce qu'ils avoient épargné fur eet objet; tout ce qu'ils amaffoient appartenoit au maïtre. Potgiess. /. i, c. 10. Mu-, katori , Antiquit. ltal. vol. . . . p. 768. Du Cange, voc.firvus, vol. 6, />. 451. Selon le même principe, tous les effets des efclaves appartënoient au maitre après leur mort, & ils ne pouvoient en difpofer par teftament, Potgiesser, /. 2 , c 11. 6°. Les ferfs étoient diftingués des hommes libres par un habillement particulier. Comme chez toutes leS nations barbares, la longue chevelure étoit une marqué de dignité &C de liberté , les efclaves étoient obligés de fe rafer la. tête; 6c cette diftincïion , quelque indifférente qu'elle piït être en elle-même , leur rappelloit a chaque inftant le fentiment de leur fervitude. Potgiesser , /. 3 , c. 4. Ceil par la même raifon qu'il fut ffatué par les loix de prefque toutes les nations de 1'Europe, qu'un efclave ne feroit point admis dans les cours de  68 Introduction. juftice a donner témoignage contreun homme libre. Du Cange, voc. fervus, vol. 6, 451. PoTGIESSER. /. 3- c- 3- 2° Les villains ( villani) formoient la leconde claffe des habitants de la campagne; ils étoient également attachés k la glebe ou k une métairie, dont le nom (villa) leur avoit donné Ie leur, & ils paffoient avec la métaine a celui qui en devenoit Ie propriétaire. Du Cange, voc. villanus. Les villains différoient des efclaves , en ce qu'ils payoient a leur maïtre une rente fixe pour la terre qu'ils cultivojent; & dés qu'ils a-' voient payé ce tribut, tous les fruits de leur travail & de leur indutfrie leur appartënoient en route propriété. Cette diifinérion eft établie par Pierre Fontainevit de St. Louis,par Joinville, p. 119 , idit. de Du Cange. Muratori rapporte plufieurs cas qui furent décidés conformément a ce principe. lbid. p. 774 , Antiquit. &c. 3°. La derniere claffe des perfonnes employées a 1'agriculture, étoit eelle des hommes libres. Ceux - ci font difiingués par différents norns.  Introduction. "6f que leur donnent des écrivains du moven age, tels que arimanni, condiüonales, originarii, tributales, &c. II y a lieu de croire que c'étoient des perfonnes qui poiTédoient quelque petit bien en franc-aleu, &c qui en outre cultivoient quelque ferme appartenante k des voifins plus fiches , & pour laquelle ils payoient un revenu fixe , en s'obligeant en même-temps a faire plufieurs petits fervices , in praio vel in mefle, aratura, vel in vined; comme de labourer une certaine étendue de la terre du Seigneur , & de 1'aider pendant les moiffons, les vendanges, &c. On en trouve une preuve très-claire dans Muratori, vol. i, />. 714, & dans Du .Cange , fous chacun des mots que nous avons rapportés plus haut. Je n'ai pas pu découvrir fi ces arimanni, &c. étoient amovibles a volonté, ou s'ils tenoient leurs fermes a bail pour un certain nombre d'années. La première hypothefe, fi 1'on en juge par le génie & les principes de ces fiecles, paroit plus probable; cependant ces mêmes hommes étoient réputés hommes libres dans le fens  7<5 Introduction. Ie plus honorable de ce mot. Ils jouifi foient de tous les privileges attachés k cette condition, & même on les appelloit pour lervir en guerre, honneur auquel un efclave ne pouvoit prétendre. Mlrat. Amiq. vol. i ' Pi 743 • vol. z , p. 446. L'expofé que je viens de tracer de la condition de ces trois différentes dalles d'hommes, mettra le LeéVeur en état de fentir route la force cf/un argument que je prodm'rai, pour cönfirmer ce que j'ai dit dans le texte concernant 1'état malheureux du peuple. Malgré l'énorme différence qui le trouvoit entre ia première & la derniere de ces dalles , 1'efprit de tyrannie des grands propriétaires des terres étoit fi ardent, & les occafions qu'ils avoient d'opprimer ceux qui s'étoient établis dans leur territoire, & défendre leur condition iniupportable, étoient fi fréquentes, que plufieurs hommes Jibres renon' cerent par défefpoir k leur Iiberté, & fe foumirent volontairemènt, en qualité d'efclaves, k leurs tyrans. Ils en vinrent a cette extrêmité , dans Ie defleinde donner a leurs maïtres un  'I'N TRODU c Tl ON. 71 'intérêt plus immédiar de les protéger '& de leur fournir leur fubfiitance &C celle de leurs families. Les formes de cette foumiffion , connue alors fous le nom d'obnoxiatio, ont été confervées par Marculfe , l. 2 , c. 28 , & -par 1'Auteur anonyme de lacollection d'anciennes formules, ptibliée par •Bignon. On voit dans ces deux Auteurs que tobnoxiation eft 1'état de milere & dbppreilion de la perfonne qui renonce a fa liberté. II étoit même plus ordinaire aux hommes libres de céder a des Evêques ou a des Abbés leur liberté , afin d'avoir part a la füreté particuliere dont jouiifoient les valTaiix & les efclaves des Eglifes &z des monafteres, &c qu'ils devoient a la vénération fuperftitieufe qu'on avoit pour le Saint fous la protecf ion immédiate duquel on étoit cenfé fe mettre. Du Cange , voc. oblatus, vol. 4, p. 1280. II falloit que cette condition fut en effet bien miférablé, puifqu'elle portoit un homme libre a renoncer volontairement a fa liberté, & a fe mettre lui-même , comme efclave, a la difpolition d'un  7 % Introdb g t i g n. autre. Le nombre des ferfs, chez toutes les nations de 1'Europe, étoit prodigieux. En France, au commencement de la troilieme race, la plus grande partie de la claïle inférieure du peuple étoit réduite k cette condition. Efprit des Loix, liv, 30, ch. 11. En Angleterre ,c'étoit la même chofe. brady, préface to gener. hifi. On trouve plufieurs faits curieux, relativement a la condition des villains ou efclaves en Angleterre, dans les obfervations fur les Statuts, &c principalement fur les plus anciens. Obfervat. on the Statutes, % , édit. p. t-44» Note X, Secl. I, p. 33. On pourroit produire fur eet objet des preuves fans nombre. II s'eft confervé plufieurs chartes , accordées par des perfonnes du plus haut rang , &c par lefquelles il paroit que ces perfonnes ne favoient pas figner leur nom. Ceux qui ne favoient pas écrire , étoient dans 1'ufage de faire une croix, pour confirmer un acfe. \l eft refté plufieurs acfes dans lef- quels  Introduction. 73 quels des Rois & des perfonnes trésdiftinguées formoient, dit-on, de leur propre main le figne de la croix, ne lachant pas écrire : Jignum crucis manu proprid , pro ignorationc litterarum. Du Cange, voc. crux. vol. 3 , p. 1191. C'eft de la qu'eft venu le mot de figner, pour foufcrire fon nom. Dans le neuvieme fiecle, Herbaud, Comte du palais, quoique juge fuprême de 1 Empire en vertu de fa charge, ne favoit pas écrire fon nom : Nouv. Traité de Diplom, par deux Bénédici. f/2-40. t. 2, p. 411. Même dans un temps auffi voifin de nous que le quatorzieme fiecle , Du Guefclin , Connétable de France, le plus grand homme de 1'Etat, & Fun des plus grands perfonnages de fon fiecle, ne favoit ni lire, ni écrire : SaintePalaYE, Mém. fur l'arzc. Chevalerie , /. 2, p. 82. Cette ignorance n'étoit pas feulement le partage des laïques ; la plus grande partie des Eccléfiaftiques n'étoient guere plus favants. Plufieurs Eccléfiaftiques en dignité ne purent pas figner les canons des Conciles 011 ils liégeoient comme membres : Nouv, Traité de Diplom, Tom II, D  74 I'ntrodu ctio n. Tom. 2 , p. 424. Parmi les queiïion* que les Canons orclonnoient de faire aux eandidatsqui fe préfênroient poiif fecevoir les - ordres , on leur demandoit: » S'ils favoient lire l'évangile & » les épitres, & s-ils en pouvoient ex» piiquer le fens au moins littérale»> ment *. Regino prumienf. ap. Brucker. Hijt. Philof. vol. 3 , p. 63 t. Alfred Ie Grand fe plaignoit de ce que depuis la riviere de Humoer jnfqu'a la Tamife , il n'y avoit pas un Prêtre qui entendït la liturgie dans fa langue naturelle , ou qui fut en état de traduire du latin le morceau Ie plus aifé ; & de ce que depuis la Tamife jufqu'a la mer, les Eccléfiaftiques étoient encore plus ignorants. Asser, de reb. gejl. Al/red. ap. Cambden. Anglic. &c\ Un écrivain de ces fiecles de térebres attaque d'une manieré plaifante 1'ignorance du Clergé; mais on ne peut pas traduire fes paroles : Potius dediti 'gulce qudm glojfa; ; potius tolligunt libras quam libros; libentiiis intuentur Mariham quam Marcum ; Inalurtt legere in Salmone quam in Salomone. ALAN, de re predic. ap. Lt  INTRODUCTION. ff Bceuf, Difertat. Indépendamment des caufes les plus fenfibles de cette ignorance univerfelle, caufes que 1'on trouve dans 1'état du gouvernement & des moeurs depuis le feptieme fiecle jufqu'au onzieme > on peut Pattribuer en partie a la rareté des liVres & a la difficulté de les rendre plus communs pendant eet efpace de temps. Les Romains écrivoient leurs livres ou fur du parchemin ou fur du papier fait avec de 1'écorce du papyrus d'Egypte. Ce dernier étant moins chef, étoit par conféquent celui dont on fe fervoit plus communément. Mais après que les Sarrafins eurent fait la conquête de 1'Egypte, dans le feptieme fiecle , toute communication entre ce pays & les nations établies en Italië & dans les autres pays de 1'Europe, fut prefque entiérement interrompue , & le papier d'Egypte ceffa dès-lors d'être en ufage en Europe. On fut donc obligé d'écrire tous les livres fur du parchemin; & comme il étoit d'un grand prix , les livres devinrent trèsrares &c très-chers. On peut juger , D ij  7z-80. p, 325. Puifque la difette de matériaux pour écrire , eft une des raifons qui firent perdre un fi grand nombre d'ouvrages des anciens , il eft k croire auffi que c'eft par la même raifon  Introduction. 77 qu'il refte un fi petit nombre de manufcrits en tout genre, antérieurs au onzieme fiecle, temps auquel ils commencerent a devenir moins rares pour une raifon que nous rapporterons» Hifi. littêr. de France , t. 6 , p. 6. Plufieurs circonftances prouventcombien, pendant les fiecles dont nous parions, les livres étoient peu communs. II y avoit peu de particuliers qui poffédaflent quelques livres ; des monafteres même affez confidérables n'avoient qu'un nuffel. MuRAT. 'Anüq. vol. 9, p. 789. Loup, Abbé deFerrieres, dans une lettre qu'il écrit. au Pape en 855 , le conjure de lui prêter une copie du livre de YOraieur de Cicéron 6c des Infiimtions de Quintillien : » Car, dit-il, quoique nous. » en ayions quelques fragments, ce» pendant on n'en trouveroit pas un. m feul exemplaire complet dans toute » la France Murat. Antiq. vol. 3 ,. Le prix des livres devint fi exceflif, que les perfonnes d'une fortune médiocre ne fe trouvoient pas aflezriches pour les acheter. La Comteffe d'Anjou, pour un exemplaire. D iïj.  78 Introbuction, des Homélies d'Haimon , Evêque d'Halberftadt, donna deux cents moutons, cinq quartiers de froment, & la même quantité de feigle & de millet. Hifi. lift, de France, par des Relig. Bénèdicl. t. 7 , p. 3. Enfin, même dans le quinzieme fiecle, lorfque Louis XI, en 1471 , emprunta de la Faculté de Médecine de Paris les Ouvrages de Rafès , médecin Arabe, non-feulement il dépofa , comme un gage, une quantité confidérable de vaiffelle ; mais encore il fut obligé de nommer un Seigneur pour lui fervir de caution dans 1'adte par lequel il s'engageoit a rendre ce livre a Ia Faculté. Gabr. Naude, Addit. af Hifi. de Louis XI', par Commines, edit. de Dufrenoi, tom. 4, p, 281. On trouvera plufieurs circonftances curieufes fur ce prix exceflif qu'on mettoit aux livres dans Ie moyen age , dans la colleclion de eet habile compilateur auquel je renvoye ceux de mes Lecleurs qui regarderoient cette petite branche de 1'hiftoire littéraire comme un objet digne de leur curiofité. Quand quel-' qu'un faifoit préfent d'un livre a une  I N t R O d u c t i o n. 79 Eglife ou a un monaftere, les feuls endroits ou il y eut .des, bibliothe-* ques pendant ces fiecles de barbarie , on attachoit a ce préfent une li grande valeur , que le donateur ve-. noit Poffrir lui-même k 1'autel , pro remedio anima: fuce , afin d'obtenir le. pardon de fes péchés. MüRAT. vol. 3 ,. p. 836; Hifi. lifter, de France, torn.. 6, p. 6. Nouv. Traité de Diplom, par deux Bénéd. in- 40.. torn.. 1 , p^ 481. Dans lë onzieme fiecle, on ihventa Fart de faire le papier dont tout le «ïonde fe fert aujourd'hui; & cette nouvelle invention,. en- augmentant le nombre des manufcrits, facilita finguliérement 1'étude des fciences. Mürat. lbid, 87-r. L'invention de 1'arfc de faire le papier & celle de 1'imprimerie, font deux événements importants dans 1'hiftoire littéraire. On doit remarquer que le premier précéda la renaiffance des lettres & les premiers pas de la philofophie, vers la fin du onzieme fiecle, & que 1'autre amena le grand jour qui fe répandit fur toute 1'Europe a 1'époque de la ré* formation, D iv  8o Introduction. Note XI, Seci. I, p. 35. Toutes les pratiques & maximes religieufes des fiecles d'ignorance , font une preuve de ce que j'avance. J'en vais produire un témoignage remarquable tiré d'un auteur canonifé par 1'Eglife de Rome. C'eft Saint Eloi, Evêque de Noyon, qui vivoit au feptieme fiecle. »» Celui -Ik eft «un bon chrétien, dit-il, qui fré» quente fouvent les Eglifes ; qui » préfente le facrifice offert a Dieu »fur 1'autel ; qui ne goüte point » des fruits de fa propre induftrie, » avant que d'cn avoir confacré une « partie k Dieu; qui, k 1'approche »des faintes fêtes, vit chaftement, »même avec fa femme, pendant »plufieurs jours, afin de pouvoir »s'approcher avec une confcience » pure de 1'autel de Dieu ; & qui » enfin peut répéter le Credo & la » priere du Seigneur. Rachetez donc » vos ames de la deftrucf ion, tandis »>que vous en avez les moyens en wvotre pouvoir; offrez des dons & n des dixmes au Clergé; venez plus  I N T R O D U C T I O N. 8 I' » fouvent vifiter les EgUfes; implo» rez humblement la protecfion des » faints; car fi vous obfervez ces cho» fes, vous pourrez paroitre en afïïiwrance au tribunal du Juge éternel, » le jour qu'il vous appsllera a lui, 6c wvous direz : Donnez-nous, ö Seiwgneur! car nous t'avons donné ".. DACHER. SpiciUg. veter, fcript. vol. l,. P' 94* Le favant 8c judicieux traducfeur de 1'Hiftoire Eccléfiaftique du Docteur Mosheim, qui, dans une des notes dont il Fa enrichie, m'a fourni ce paffage, y ajoute une réflexion fort. jufte : » Nous voyons ici, dit-il, une » defcription fort détaillée d'un hon ». chrétien, dans laquelle on ne fait » aucune mention ni de 1'amour de » Dieu, ni de la réfignation a fa yo» » lonté , ni de la foumiffion a fes loix, » nidelajuftice, de la bienveillance >> 8c de la charité envers les hom» » mes". Mosheim , Hifi. Ecclefi, v. i, P. 3x4. Note XII, Se&. I, P. 35. C'eft un malheur pour 1'Eglife de D v  Si Introduction. Rome , que fa doctrine fur I'infaillibilité rende immuables& perpétuelles les cérémonies &C les inftitutions religieufes qui ont été une fois généralement recues. Elle eft obligée, dans des fiecles plus éclairés , de continuer d'obferver des ufages qui n'ont pu s'introduire que dans des fiecles de ténebres & decrédulité. Plufieurs de ces cérémonies religieufes ont été empruntées, avec quelques légers changements, des cérémonies du Paganifme. II y en avoit quelques-unes de fi ridicules, que fi chaque fiecle ne produifoit pas des exemples de cette influencé enivrante de la fuperftition , on n'oferoit jamais croire qu'on eut pu ni les adopter, ni les tolérer. On célébroit dans plufieurs Eglifes de France, en mémoire de Ia fuite de la Vierge Marie en Egypte , une fête qu'on appelloit la fête de l'dae. Une jeune fille richement parée, tenant un enfant dans fes bras , étoit montée fur un ane fuperbement caparaconné, qu'on conduifoit en proceflion a 1'autel. On célébroit la grand'meffe avec pompe; 1'animal étoit drelfé a s'agenouiller dans les moments conve-    I n t r o d u c t r- o n,„ B$ nables. On chantoit en fon honneurune hymne auffi impie que puérile;, & lorfque la cérémonie étoit finie , le Prêtre a la place des paroles ordinaires par lefquelles on renvoye lé peuple, fe mettoit a braire trois fois; & les afiiftants , au-lieu de répondre: comme de coutume, Deo gratias, de-, voient braire auffi trois fois de la même maniere. Du Cange, vocefeftum, vol. 3 , p. 424.. Cette cérémonie extravagante n'étoit pas, ainfi que la fête des fbux. &c quelques. autres fpeétaclès, des mêmes fiecles , une fimple farce qu'on jouoit dans 1'Eglife ,.& a laquelle on avoit coutume de joindre quelques rits religieux; c'étoit un acre de dévotion repréfenté par les. Minifires mêmes de la Religion, & autorifé par 1'Eglife. Cependant, comme 1'Eglife catholique n'adopta pas univerfellement cette inftitution, 1'extrême abfurdité en fit enfin ahoür. Fufage.. D yj  84 Introduction, Note XIII, SeÏÏ. I, P. 44. Comme 1'hifïoire du monde n'offre point d'événement plus lingulier que les croifades , tout ce qui peut fervir a expliquer ou a faire mieux connoïtre cette étonnante frénéfie de 1'efprit humain, ne peut qu'être trèsintéreffant. J'ai avancé dans le texte que différentes circonftances avoient infenfiblement préparé les efprits aux efforts extraordinaires qu'ils firent, échauffés par les exhortations de Pierre 1'Hermite. Un détail plus circonftancié de cette partie'curieufe, mais obfcure de l'hifioire , paroitra peut-être important a quelques -uns de m?s Lecteurs. Les témoignages des auteurs que j'ai cités ne permettent pas de douter que fur la fin du dixieme fiecle, & au commencement du onzieme, les hommes ne s'attendiffent a voir arriver bientöt la fin du monde, Sc que cette opinion n'eüt répandu une allarme générale. Cette croyance étoit fi univerfelle & fi forte, qu'elle influa jufquesfur les acfes civils. Plu-  INTRODU CTION. 85 fieurs chartes écrites vers la fin du dixieme fiecle commencent ainfi : Appropinquanu mundi termino , &c. » Puifque la fin du monde approche , » & que différentes calamités & ju» gements de 'Dieu annoncent mani» feftement cette cataftrophe comme »très-prochaine , &c. ". Hifi. du Languedoc,par D. vaissette , tome 2, prcuv. p. 86, 89, 90, 117, 158, &c. Par un efFet de cette frayeur, un grand nombre de pélerins fe rendirent a Jérufalem , dans le deffein d'y mourir ou d'y attendre la venue du Seigneur. Rois, Comtes, Marquis, Evêques, & même un grand nombre de femmes, fans compter les perfonnes d'un rang inférieur, tous couroient en foule kte Terre-Sainte. Glaber. RODULPHt"1ap. Bouquet, Recueil, torn. 10, p. 50, 52. Un autre hiftorien fait mention d'une nombreufe cavalcade de pélerins qui accompagnerent le Comte d'Angoulême a Jérufalem en 1026. Chronic. Ademari. lbid. p. 162. Ces pélerins remplirent 1'Europe de récits lamentables du malheur des Chrétiens dans la Terre-Sainte. Willerm. Tyrienfi.  86 I n tr o d u c t i o n. Bijl. ap. ge/la Dei per Franc. voL,i'% p. 6^6. Gl/ibert, abb.hijl. lbid. vol. k,p, 476. D'ailleurs,. il étoit ordinaire de voir plufieurs des chrétiens. qui habitoient a Jérufalem & dans, les autres villes de 1'Orient, voyager en mendiant par toute 1'Euro-. pe, & exagérer dans leurs relations la mifere de ceux qui profeffo.ient Ia foi Chrétienne fous la domination des infideles , afin d'extorquer des, charités & d'exciter les perfonnes zé-, léés a tenter quelque entreprife pour, délivrer les .Chrétiens de 1'oppreffion^ BALDRiei , Archiep. Hifi. ap. gefia. Dei per Franc. vol. 1 y p. 86. L'an 986 , Gerbert, Archevêque( de Ravenne:, qui fut depuis Pape fous le nom de Sylveffxe II, adrefla. une lettre k tóus les Chrétiens au nom del'Eglifede Jérufalem. C'elhine piece éloquente, pathétique, & qui renferme une exhortation expreffe a prendre les armes contre les oppreffeurs, afin de. délivrer de leur joug la Ville-Sainte. Geuberti, Epifi. ap* Bouquet, recueilf torn. 10, p. 4.26. Cette vive exhortation échauffa le zele de quelques fujets de la République de  Introduction. 87 Pife, qui équiperent une flotte, 8c entrerent fur le territoire des Mahométans en Syrië. Murat. fcript. rer. hal. v. 3 , p. 4°°- Cet}e exPé* dition mit 1'allarme en Oriënt; 8c en ioio, il fe répandit une opinion que toutes les fbrces de la chrétienté devoient s'unir pour. chaffer les infideles de la Paleftine. Chronic, adem. ap. B.ouquet, recueil, torn. 10, p. 152. II eft démontré par toutes ces particularités, que les idees qui porterent les croifés a foutenir leur bifarre entreprife , fe formerent fuo ceflivement & par degrés; de forte qu'on doit être moins étonné de voir dans la fuite 1'empreuement univerfel de tous les peuples pour fe réunir fous 1'étendard de la croix, lorfqu'il fut arboré par Urbain II. Si les difFérentes circonftances que j'ai rapportées dans cette note 6c dans le texte , font fuffifant.es pour expliquer 1'ardeur avec laquelle on vit une multitude innombrable s'engager d.ans une entreprife fi périlleufe , les immunités &c les grands privileges accordés 3 ceux qui prenoient la croix % ferviront a expliquer la longue dur  88 Introduction. rée de ce fanatifme en Europe. i°. Ils étoient a Pabri de toute pouriïiiïe pour dette , pendant le temps qu'ils reftoient enrölés dans la guerre fainte. Du Cange, voc. crucis privilegium, vol. 2. 2°. Ils étoient exempts de payer 1'intérêt de 1'argent qu'ils avoient emprunté. lbid. 3 °. Ils étoient difpenfés, ou pour toujours, ou du moins pour un certain temps, de payer aucune taxe. lbid. Ordon. des Rois de France, torn. 1 , p. 3 4. 40. Ils pouvoient aliéner leurs terres fans Ie confentement du Seigneur fupérieur de qui ils relevoient. lbid. 50. Leur perfonne & leurs effets étoient fous la proteöion de faint Pierre, & 1'Eglife lancoit fes anathêmes contre tous ceux qui voudroient les molefler ou leur chercher querelle, pendant tout le temps qu'ils feroient occupés a la guerre fainte. Du Cange, ibid. guibert, abb. ap. Bongarf. vol. 1 , p. 480, 482. 6°. Ils jouiffoient de tous les privileges des Eccléfiaftiques; ils n'étoient point obligés de comparoitre dans les tribunaux civils , & n'étoient foumis qu'a la jurifdicfion fpirituelle. Du Cange,  Introduction. 89 lbid. Ordonn. des Rois de Fr. t. I , p. 34 , 174. 70. Ils obtenoient des indulgences .plénieres , ou une entiere rémiffion de tous leurs péchés, & les portes du Ciel leur étoient ouvertes fans qu'on put exiger d'eux d'autre preuve de leur pénitence, que leur enrölement dans cette expédition , qui fatisfaifoit en même-temps leur paflion favorite, ramour de la guerre. Guibert , abb. p. 480.^ Quand nous voyons les puiffances civile & eccléfiaftique s'efrorcer a 1'envi de trouver des expédients pour encourager & fortifïer 1'efprit de iliperftition, devons-nous être furpris qu'il ait eu une influence affez générale, pour rendre infames&faire regarder comme des laches, ceux qui refufoient de s'engager dans la guerre fainte ? Willerm. Tyr. ap. Bongarf. vol. 2 , p. 614. Les hiftoires des croifades, écrites par des auteurs modernes, toujours prêts h fubftituer les idéés & les maximes de leur fiecle a celles qui guidoient les perfonnes dont ils effayent de faire connoïtre les acïions, ne peuvent donner qu'une notion fort imparfaite de  $o Int roductïon, 1'efprit qui dominoit alors en Europe.^ Les hiftoriens originaux, entraïnés eux-mêmes par les pafïïons qui ammoient leurs contemporains, nous offrent une peinture plus frappante du temps & des moeurs dont ils font Ia defcription. Leur raviffement & leur enthoufiafme, en racontant les effets que produifit le difcours du Pape au Concile de Clermont; leur ton de fatisfaftion, en faiiant le dénombrement de ceux qui fe dévouerent a cette fainte expédition; la confïance avec laquelle ils Je repofent fur la protection du Gel; lextafe de joie dont ils paroiffent faifis en décrivant la prife de poffefïïon de la fainte cité, tout cela nous met a portee de concevoir en partie 1'exrravagance de ce zele qui jagita avec tant de violence les eA pnts du peuple , & peut faire naitre dans Pame d'un philofophe autant de réflexions fingulieres qu'aucun autre incident connu de 1'hiftoire. II efl inutile de chercher dans les différents hifïoriens les paffages qui peuvent confirmer cette obfervat;on; mais de crabite qu'on n'ac.-»  INTRODUCTION. 91 eufe ces Auteurs d'orner leur narration par une defcription exagérée, je m'en rapporterai a 1'autorité d'un des chefs mêmes. II exifte une lettre d'Etienne, Comte de Chartres & de Blois, a. fa femme Adele, ou il lui rend compte des progrès que faifoient les croifés. II les repréfente comme 1'armée choifie de Chrift, comme les ferviteurs & les foldats de Dieu , comme des hommes qui marchoient fous la prote&ion immédiate du Teut - PuiiTant, dont la main les conduiibit a la viftoire &C a la conquête. II parle des Turcs comme d'un peuple maudit, facrilege, dévoué par le Ciel a la defi trudtion; & quand il fait mention des, foldats de 1'armée Chrétienne, qui étoient morts ou qui avoient été tués, il affure que leurs ames ont été immédiatement admifes aux joies du Paradis. Dacher. SpicUeg. vol. p. 4Ï7- 11 dut en coüter des fommes immenfes pour faire paffer ainfi des arméés nombreufes d'Europe en Afie, &c 1'on dut trouver de prodigieufes difricultés a lever les fommes nécef  9^ Introduction. faires pour les fraix de ces expédirions, dans ces temps oü les revemts publics, chez toutes les nations. de I'Europe étoient extrêmement bornés. On a confervé quelques particularités fur les expédients auxquels Humbert II, Dauphin de Vienne, eut recours pour fe procurer 1'argent néceffaire a fon armement pour la croifade en i 346. Je rapporterai ces particularités, paree qu'elles fervent a faire connoitre la grande influence que les croifades eurent fur 1'état de la propriété & fur les progrès du gouvernement civil. 1° Ce Prince mit en vente une partie de fes domaines; 6c comme 1'argent en deyoit être deftiné a un fervice facré,. il obtint le confentement du Roi de France de qui il relevoit, ókquipermit 1'aliénation de ces biens. Bijl. du Dauphiné, torn. 1 , p. 332, 335. 20. II fit publier une ordonnance par laquelle il promettoit de nouveaux privileges a la Nobleffe, & de nouvelles immunités aux villes & aux bourgs de fes domaines, en confidération de certaines fommes qu'on lui payeroit fur le champ pour fon ex-  IKTRODUCTION. fj pédition. lbid. P. 511. C'eft de cette maniere que plufieurs des chartes de communauté , dont je paflerai dans une autre note , furent obtenues. 30. II exigea, pour être défraye des dépenfes de cette expédition, une contribution de tous ceux de fes fujets, eccléfiaftiques ou laïques , qui ne 1'accompagneroient pas en perfonne dans 1'Orient. lbid. torn. 1 , p. 335. 40. II deftina une grande partie de fes revenus ordinaires h 1'entretien des troupes qui feroient employées a ce fervice. lbid. torn. 2 , p. 518. 50. Enfin, il tira des fommes confidérables; non-feulement des Juifs établis dans fes Etats, mais encore des Lombards 6c des autres banquiers qui y avoient fixé leur refidence. lbid. torn. 1, p. 338, t. i, p. k%$. Malgré ces reffources differentes, le Dauphin s'engagea dans de fi grandes dépenfes pour cette expédition, qu'il fut obligé a fon retour de faire a fes fujets de nouvelles demandes, 6c de fouler les Juifs par de nouvelles exaftions. lbid. torn. 'i,P- 344» 347- , _ . Lorfque le Comte de Foix parttt  $4 Introduction. pour la première croifade , il ne put trouver 1'argent néceffaire pour fubvenir aux fraix de cette expédition qu'en aliénant une partie de fes domaines. Hifi. du Langued. &c. torn. 2, p. 287. Baudouin, Comte de Hainaut, hypothéqua ou vendit une partie de fes terres a 1'Evêque de Liege, en 1096. Dumont , corp. Diplom, torn. 1, p. 59. Long-temps après, c'eft-a-dire en 1239, Baudouin, Comte de Namur, voulant prendre la croix, vendit a un Monaftére une partie de fes Etats. Mur^ei , oper* 1> 3X3- Note XIV, Sect I, p. 51. La maniere dont on chérche ordiHairement a fe former une idéé des moeurs des deux nations différentes , c'eft d'examiner les faits que les hiftoriens en rapportent. On trouve dans 1'hiftoife Byfantine différents paffages ou Pon décrit 1'éclat & la magnificence de Ï'Empire Grec. Le P. de Montfaucón a tiré des écrits de Saint Chryfoftöme un récit fort circonftancié de 1'élégance 6c du luxe  Intro dvction, £5 des Grecs de fon fiecle. Ce Pere de 1'Eglife décrit, dans fes fermons, lés moeurs & les vtfages de fes contemporains, & avec des détails qui paroiffent étranges dans des difcours deftinés pour la chaire. Le Pere de MontfaucOn a recueilli ces defcriptions , &les a rangées fous différents titres. La Cour des premiers Empereurs Grecs paroit avoir eu beaucoup de rapport avec celle des Monarques de 1'Orient, foit pour la magnifkence, foit pour la corruption des mceurs; & les Empereurs du onzieme fiecle , quoiqu'infcrieurs en puiffance, ne leur cédoient en rien pour le fafte & la richeffe. Mem. de VJcad. dés Infcript. torn. 20, in-8". p. ïyf. Mais nous pouvons nous décider fur la comparaifon des moeurs de Ï'Empire d'Orient avec celles des nations occidentales de 1'Europe, en prenant une autre métbode, qui, fi elle n'eft pas plus füre , eft du moins plus fenfible. Comme Conftantinople étoit le lieu du rendez-vous dé toutes les af méés des croifés, il s'y fit, pour ainfi dire, une e'ntrevue ^es peuples de 1'Orient avec ceux de  96 Introduction. 1'Occident. II exifte encore plufieurs auteurs contemporains Grecs & Latins, qui furent témoins de ce concours fingulier de peuples, auparavant inconnus en grande partie les uns aux autres. Ces auteurs raconlent avec beaucoup de candeur & de fimplicité, rimpreflion que ce nouveau fpectacle fit fur leurs efprits; & 1'on peut regarder leurs defcrip. tions comme Ia peinture la plus fi. delle & Ia plus vive du caractere & des moeurs de chacune des nations dont ils parient. Quand les Grecs parient des Francs, ■ ils les repréfentent comme des hommes barbares, féroces, ignorants, impétueux & fauvages. Ils prennent le ton de fupériorité qui appartient a un peuple plus poli, verfé dans les arts du gouvernement & du goüt, inconnus a ces peuples du Nord. C'eft ainfi qu'Anne Comnene décrit les mceurs des Latins. Alexias, p, 224 , 23 1 , 237, ap. Byfant. fcript. vol. i i. Elle n'en parle jamais qu'avec mépris, & comme d'un peuple groffier dont le nom feul fufKroit pour fouiller la beauté &c 1'élégance de 1'hiftoire,1  ÏNTRODUéTION. 97 fhiftoire. lbid. p. 219. Nicétas Cho niate s'emporta contre ce peuple avec encore plus de vioïence, & décrit leurs déprédations & leur férocité dans des termes peu différents de «eux qu'avoient employés les hiftoriens précédents pour décrire les incurfions des Goths &c des Vandales. NlCET. CHON. ap. Byfant.fcript. vol. 3 > /• 3°2 • D'un autre cöté , les hiftoriens Latins font frappés d'étonnement a la vue de la magnificence, des richeffes & de 1'élégance dont Ï'Empire d'Orient leur offroit le fpectacle : „ O que Conflantinople eft une belle „ vafte cité! s'écrie Foulque de Char„ tres, en la voyant pour la première fois. Combien de couvents elle ren* „ ferme , & combien de palais batis „ avec un art admirable! Combien „ de manufaélures merveilleufes a j -,, obferver.' On ne croiroit jamais „ combien elle abonde en toutes for„ tes de bonnes chofes, en or, en „ argent, en étoffes, de différentes efpeces; a chaque heure il arrivé .„ dans fon port des vaiffeaux char„ gés de toutes les chofès néceffaires Tome II. E  J)S ÏNTROBUCTlöff. „ a 1'ufüge de Phomme. ". FulcheR, ap. Botijgarj'. vol. i,p. 386. Guillaume, Archevêquë* de Tyr , 1'hiitorien le plus éclairé de tous ceux qui ont écrit fur les croifades , prend fouvent occafion de peindre 1'élégance Sc la fplendeur de la Cour de C onftantinople; Sc il ajoute que ce que les öccidentaux y voyoient, étoit audeffus de toutes les idéés qu'ils auroient pu s'en former : No/lrarum enim rtrum modum & dignitatem excedunt. WlLLERM. Tyr. ap. Bongarf, vol. 2,657, 664. Gonthier, moine Francois, qui a écrit une hiftoire de la conquête de Conftantinople par les croifés dans le treizieme fiecle, parle de la magnin"cence de cette ville avec la même admiration : Strucluram autem adl* Jiciorum in corpore civitatis, in eC' clejiis videlicet, & turribus, & in domibus magnatorurn, vix ullus vel defcribere potefl vel credere defcribenti , nip. qui ea oculatd fi.de cognoverit. Hifi. Conflant. ap. Canijii lecl. antiq. f. Antwerp. 1725, vol. 4, p. 14. Geoffroi de Ville-Hardouin , Gentilhomme d'un rang diftingué, Sc accou*  INTRODUCTION. 99 wmé a toute la magnificence que Fon connoifTok en Occident, peint avec les mêmes coideurs Fétonnement&Fadmiration dont furent frappés ceux de fes foldats qui voyoient pour la première fois Conftantinople : » Ils avoient peine a croire , » dit-il, qu'il y eut une ville li belle » & fi riche dans le monde entier. » Quand ils virent fes grandes mu» railles , fes hautes tours, fes riwches palais , & fes fuperbesEglifes, » tout cela leur parut fi grand, qu'ils » n'auroient jamais pu fe former une »idée de cette ville impériale, s'ils »ne Peuffent vue de leurs propres » yeux." Hifi. de la Conq, de Conjlant. P- 49- D'après des exprefTións li naïves des fentiments qu'éprouvoient les Latins, il eft évident que les Grecs dürent les regarder comme une race de Barbares grofïiers & peu civilifés; & que les Latins, quelque mépris d'ailleurs qu'ils puffent avoir pour les inclinations peu guerrieres des Grecs, ne pouvoient fe diffimuler que ces peuples leur étoient de beau» coup fupérieurs dans les arts de goüt êc d'agrément. E ij  joo Intro du ctiok, On ne peut douter que le gouvernement & les moeurs n'euffent acquis plus de perfecïion en Italië, que dans les autres contrées de 1 Europe ï eela eft non-feulement démontré par les faits rapportés dans 1'hiftoire; il paroit même que les chefs les plu» éclairés de 1'armée des croifés furent frappés de cette différence. Jacques de Vitri, auteur Francois, qui a écrit une hifloire de la.guerre fainte, fait un éloge très-recherché du caractere & des moeurs des Italiens. II les regarde comme un peuple plus poli, & les loue fur - tout de leur amour pour la liberté, & de leur habileté dans Ie gouvernement: In confiliis cirtumfpecli, in re fud publicd procurandd diligentes & fludioji ; fibi in pojlerum providentes ; aliis fubjici renuentes • amï omnia libertatem fibi defendentes ; fub uno quem eligunt capitaneo , communitatis fuce jura & injlitnta diclantes, & Jimiliter obfervantes. Hifi. Hierofol. ap. gefla Dei per Franc, vel. 1, p, 1085,  1 N T R O D ü C T I O N. IOI KoTEXV,Secl.. I, p. 59. II eft a propos de remarquer les 'différents moyens qu'employerent les villes d'Italie pour étendre leur domination & leur puiffance. Dés qu'elles eurent affuré leur liberté, & qu'elles commencerent a fentir leur propre importance , elles s'occuperent a fe mettre en poffeffion du territoire qui environnoitleurs murs. Sous les Romains , lorfque les villes jouifIbient de la jurifdidfion & des privileges municipaux , les terres adjacentes appartënoient è chaque cité , & formoient la propriété de la comnmnauté. Mais 1'efprit de la politique féodale ne tendoit pas a favorifer les villes & a refpetter leurs immunités & leurs poffeffions ; ces terres avoient été dans la fuite faifies &c partagées entre les conquérants. Les Barons, a qui on les avoit accordées, firent conftruire leurs chateaux prefque aux portes des villes, dans lefquelles ils exerceren! leur jurifdidtion. Plufieurs villes d'Italie, fous prétexte de recouvrer leur attE iijj  ïOX Introduction. cienne propriété attaquerent ces voiiins importuns , les chaflérent de leurs pofleffions dont elles firent des biens communaux , & par-la elles augmenterent confidérablement leur puiffance. On trouve dans le onzieme &c au commencement du douzieme fiecle , plufieurs exemples de cette ufurpation des villes. Murat. Antiq. hal. vol. 4 , p. 159, fyc. Leur ambition prenant de nouvelles forees avec leur puilfance , les villes attaquerent enfuite des Barons établis a une plus grande diftance, & les obligerent a. donner parole qu'ils deviendroient membres de leur communauté : qu'ils prêteroient ferment de fidélité k leurs magiftrats; qu'ils afTujettiroient leuïs terres a toutes les taxes & impofitions établies par la communauté; qu'ils la défendroient contre tous fes ennemis, & qu'ils réiïderoient chaque année dans la ville pendant un certain temps déterminé. Murat. Ibul. 163. Cet affujettiffement des Nobles au gouvernement municipal des cités devint prefque univerfel, &t ne pouvoit manquer d etre fouvent très-in-  ïntroduction-. 10$ commode a des hommes accoutumés a fe regarder comme indépen-, dants. Othon de Freifingen repréfente ainfi 1'état de 1'Italie fous Fréderic I : » Les villes ont tant d'a»mour pour la liberté , & font fi »jaloufes de fe dérober k 1'infolence »du pouvoir , qu'elles ont fecoué » toute autre autorité que eelle des » magiftrats par qui elles font gou>> vernées; de forte que toute Pitaat lie eft actuellement remplie de villes »libres qui ont chacune obligé leur »Evêque a réfider dans Penceinte » de leurs murs; a peine y a-t-il un. % Noble , quelque étendu que puilfe »être fon pouvoir, qui ne foit pas » foumis aux loix & au gouverne» ment d'une cité ". De gejt. Ffider; i , lmp.1. i, ft 13 , p. 453- Dans un autre endroit, il dit que le Mar. quis de Monferrat étoit le feul Baron de 1'Italie qui eüt fu conferver fon indépendance , & qui ne fe futpas laiffé affujettir aux loix de quelque cité. Voyt{ auffi Murat. And. ck'ita Eflenji., vol, 1 , p. 411 , 412. Quelques Nobles embrafferent par dioix eet état de dépendance : ea E iy  i04 In-trouvction. confidérant le haut degré de füreté de crédit & de confidération que les richeffes & la domination naiffante de ces grandes communautés procuroient a tous les membres dont elles étoient compofées, ils eurent envie de participer a ces avantages, & réfolurent de fe mettre fous la protection de ces corps puiftants. C'eft ■pour eet objet qu'ils fe firent volonïairement citoyens des villes les plus voifines de leurs polfeftions, qu'ils renoncerent a leurs anciens chateauxr &C fixerent leur réfidence dans les villes , du moins pendant une partie de, 1'année. II exifte plufieurs adfes pa/ lefquels certaines maifons des plus illuftres de 1'Italie , forment une alfociation comme citoyens des différentes villes. Murat. lbid. 165 , On a encore la charte par laquelle on re^it Atto de Macerata comme citoyen d'Ofimo , dans la Marche d'Ancöne. II y ftipule qu'il fe reconnoïtra bourgeois de cette communauté; qu'il fera tout ce qui dépendra de lui pour en accroitre la gloire & la profpérité ; qu'il obéira a fes magiftrats ; qu'il ne fe liguera  I nt R o d v c t i o n. ió<; avec aucun de fes enneniis , & qu'il réfidera dans la ville pendant deux mois de chaque année , & même plus long temps s'il en eft requis par les magiftrats. D'un autre cóté, la communauté le prend fous fa proteftion, ainfi que fa familie & fes amis, Sc s'engage a les défendre contre tous leurs ennemis. Francif. Am. zacha(rias , anecd. med. avi. Aug. Taurm. 1755 > f- P'66. On attachoit a ce pnvnëge tant d'importance, que non-feulement les laïques , mais même les eccléfiaftiques les plus. diftingués , confentirent a fe faire recevoir membres des grandes communautés, dans 1'efpérance de jouir de la füreté & de la dignité attachées a cette affociation. Murat. lbid. .179. Avant 1'ihftitutton des communautés, les Nobles ne réfidoient que dans leurs chateaux. C'étoit-lè qu'ils tenoient leur petite cour, tandis que les villes étoient défertes, & ne comptoient prefque pour habitants que des efclaves Sc d'autres perfonnes d'une baffe condition. Mais par un effet de 1'ufagè dont nous avons parlé , les villes deEv  4o6 Introduction. vinrent non-feulement plus peuplees; elles furent encore remplies d'habitants d'un rang diftingué ; & 1'on vit alors s'introduire une coutume qui regne encore en Italië , oü les grandes families réfident plus conltamment dans les grandes villes , qu'elles ne le font dans les autres pays de 1'Europe. L'acquifition de femblables habitants donnant aux villes plus d'éclat & de confidération, elles devinrent plus jaloufes de maintenir leur liberté & leur incjépendance. Les Empereurs, comme Souverains, avoient anciennement dans prefque toutes les grandes villes d'Italie , des palais , oii ils habitoient lorfqu'ils venoient vifiter cette contrée. Les troupes dont ils étoient accompagnés étoient réparties dans les maifons des bourgeois , qui regardoient cette charge comme humiliante &c dangereufe pour eux ; car ils ne pouvoient s'empêcher de croire qu'ils recevroient dans leurs rruirs des maitres & des ennemis. Ils travaillerent donc a s'affranchir de cette dépendance. Quelques cités obtinrent des Empereurs qu'ils s'engageaffeat k ne  Introduction. i 07 plus entrer dans leur encé-inte , &l même a établir leur demeure hors des murailles. Charta tfennc. F, Murat. lbid. p. 24. II fut permis I d'autres. villes , du confentement de 1'Enipereur , de démolir le palais coüftruit dans leur enceinte , a condition d'en rebatir un autre dans les fauxbourgs, pour y recevoir 1'Empereur.OW. thnric. IV, MüRAT. lbid. p. 25. Ces difrerentes ufurpations dë la part des villes d'Italie , allarmerent les Empereurs, &t leur firent prendre la.réfolution de rétablir la juriidicfion impériale, & de remettre les chofes dans 1'ancien état. Fréderic BarberoiuTe s'engagea dans cette entreprife avec beaucoup d'ardeun Les villes libres d'Italie firent entre elles une ligue générale , & fe tinrent fur la défenfive. Enfin , après de longs débats oii les deux partis eurent fucceffivement 1'avantage , on conclut folemnel-kment a Conftance , 1'an 11S3 , un traité de paix:, par lequel tous les privileges & toutes les immunités , accordés.aux principales .villes d'Italie par les Empereurs E vj :  io8 Introdüctios, précédents , furent confirmés & ratifiés. Murat. Dijfert. 48. On regarda enfuite ce traité de Conftance comme un article fi important de la jurifprudence du moyen age , qu'on avoit coutume de le joindre aux livres des fiefs, a la fin du corps du droit civil. Ce traité garantiflbit aux villes confédérées leurs privileges les plus importants; & quoiqu'il alTurat a Ï'Empire un degré confidérable d'autorité & de jurifdiction, les communautés cependant perfévérerent avec tant de vigueur dans les erforts qu'elles firent pour étendre leurs privileges , & les conjecfures leur furent fi favorables , que la plupart des grandes villes d'Italie avoient, avant la fin du treizieme fiecle , fecoué toute efpece de foumifiion a Ï'Empire, & s'étoient érigées en Républiques fouveraines & indépendantes. On n'exigera pas de moi que je tracé ici les dirférentes mefiires qu'elles prirent pour s'élever a ce haut degré de puiflance, fi fatal a Ï'Empire, &c fi avantageux a la caufe de la liberté en Italië. Muratori , avec fon exacfitude ordimire , a  INTRODUCTION. IÖ9 raffemblé plufieurs pieces originales qui éclairciffent cette partie curieufe & peu connue de 1'hiftoire. Murat.. Antiq. ltal. Differt. 50. Vöyez auffi J. B. de Villeneuve, Hijl. laudis Pompeii, Jive lodi, in Grcev'ü Tkef. Antiq. ltal. vol. $, ƒ>. 888. Note XVI,.Secl. 1. p. 61. Long-temps-.avant Finftitution des communautés en France, les Seigneurs accorderent des chartes de franchife ou d'immunité a quelques villes & villages de leur dépendance. Mais ces chartes étoient fort différentes de celles qui devinrent communes dans le douzieme & le treizieme fiecles. Elles n'érigeoient point ces villes en communautés ; elles n'y établiffoient aucun gouvernement municipal , & ne leur accordoient point le droit d'avoir des armes. Elles ne contenoient autre chofe qu'un affranchiffement de fervitude , ou un aöe de manumijjion pour les habitants , une exemption de certains fervices onéreux & aviliffants, & FétaMifTement d'une taxe ou d'une rente  i;i.o I n t r o n ü c t i o n.' fixe qu'ils devoient payer a leur Seigneur, a la. place des impofifitions qu'il pouvoit auparavant mettre fur eux a difcrérion, II exifie encore deux chartes de ce genre pourdeux villages du.Comté de Rouffillon , 1'une de 1'année 974, & I'autre de Pan 1025. Pierre de Marca Marca , Jive lifnes Hifpanicus , app. p. 909, 1038. 11 eft probable que ces. ibrtes de conceffions n'étoient pas inconnues, dans d'autres parties dePEurope, & qu^elles peuvent être, regardées comme un degré intermédiaire par lequel onarrivaa celle des privileges plus étendus conférés par Louis le Gros aux villes de fes domaines. \ Les communautés de France n'afpirerent jamais au-même degré d'indépendance dont jouiffoient celles d'Italie. On vit les premières acquérir des immunités & de nouveaux privileges, mais Ie droit de fouveraineté reftoit entiérement dans les mains du Roi, ou dans celles dn Baron fur le territoire duquel ces différentes villes étoient fituées, &c dont elles. recevoient la charte d'af>  I N T RO I> U C T I O N. H l franchiffement. On trouve un grand nombre de ces chartes ,. accordées par les Rois de France ou par leurs grands Valïaux,, dans le fpieilegiunt, de d'Achery, & dans la colleétion des otdonnames des Rois de France. Elles offrent un tableau trés-frappant de 1'état déplorable oit fe trouvoient les villes , lorfque , antérieurement a 1'inffitution des communautés, elles étoient foumifes aux juges nommés par les Seigneurs de qui elles relevoient, & dont la volonté arbitraire faifoit prefque Punique loi qu'on y reconnüt. On peut, dans ces chartes, confidérerchaque conceffion comme un octroi de quelque nouveau privilege dönt le peuple ne jouiffoit pas auparavant, & chaque reglement comme un moyen de remédier a quelque abus dont on foufFroit. Les chartes de communautés contiennent- également les premiers moyens que Fon employa pour introduire un gouvernement régulier & des loix équitables. C'eft par ces deux cötés que ces chartes méritent une attention particuliere; ainft au- lieu de ren-  112 lNT;KODUCT,I.O n. vpyer le Lecteur aux volumineux ouvrages ou elles font éparfes, je lui donnerai une idee de quelquesuns des articles les plus importants contenus dans ces chartes, & ran-» ges fous deux chapitres généraux : i°. ceux qui regardent la fureté ^perfonnelle; 20. ceux qui coneernent la fureté de la propriété. i°. Dans eet état de trouble & de défordre que la corr-uption du gouvernement fébdal introduifit en Eurepe, la fureté perfonnelle dut être l'öbjet-eifentiel de chaque individu; & comme les .grands .Barons militaires pouvoient feuls affurer a leurs vaffaux.une protettion fuffifante , ce fut une des principales fources de leur puifTance & de leur • autorité. Mais 1'étabHifement des communautés oifrit enfuite aux individus un moyen de fureté indépendant des Nobles. Car rV 1'article fondamental de chaque charte portoit que tous les membres de la communauté s'obligeroient par ferment è fe fecourir, fe défendre , fe foutenir & fe venger les uns les autres , contre tout agreffeur ou ennemi. D'Ach,  Intro du€tion. 1131 , fpicileg. 10, 642 , 11 , 341 , &c. i°. Tous ceux qui réfidoient dans une ville déclarée libre , étoient obligés, fous peine d'une forte amende , de s'unir k la communauté, & de s'engager a la défenfe mutuelle de tous fes membres. lbid., 11 , 344.. 30. Les communautés avoient droit de porter les armes , de faire la guerre a leurs ennemis particuliers , & d'employer la force militaire pour faire exécuter toute fentence prononcée par leurs Magiftrats. lbid. 10, 643, ii, 343. 40. On abolit 1'ufage de racheter par une compenfation en argent, un meurtre , & tout afte de violence incompatible avec 1'ordre de la fociété 6c la füreté des individus : quiconque étoit convaincu de crimes de cette nature étoit puni de mort , ou fubilfoit une autre peine rigoureufe, propor-. tionnée au délit. lbid. 11, 361. Mlr£l, Oper. Diplom, vol. I , p. 291, 50. Un membre de la communauté n'étoit point obligé de fe juftifier ou de fe défendre par le combat judiciaire ; & lorfqu'on 1'accufoit de quelque délit, il ne pouvoit être  {14 I n T R O D, U c T I O n, jugé que fur la dépofition des te** moins, & après le cours régulier d'une procédure légale. Mirmvs , ibid. D'Acher. ii , 375 , 3,49. Ordonnances, torn. 3., p. 26 J. 6°. Si un membre de la communauté croyoit avoir quelque chofe a craindre pour la fureté, de la méchanceté & de Finimitié d'un autre, il pouvoit en aller porter une plainte, fous ferment , devant un Magiftrat; & la perfonne fufpecïe étoit obligée , fous peine d'une forte amende, de donner caution pour fa conduite. D'Acher. 11, 346. Cette fortede fureté elf la même que celle qui efl encore aujourd'hui en ufage en Ecoffe , fous le nom de Lawburrows. Elle s'introduifit en France , d'abord parmi les membres des communautés ; & comme on trouva dans la fuite qu'elle fervoit beaucoup k la fureté perfonnelle, on 1'étendit è tous les autres membres de la foCiete. Etabliffements de Saint Louis, Uv. 1 , ch. 28, ap. Du Cange, vie de St. Louisp. 15. 20. Dans les chartes de communautés, on ne prenoit pas moins de-  Introbuction. 11 f précautions pour affurer la proprié-» té, que pour établir la fureté de la perfonne. Suivant l'ancienne^ loi de France , perfonne ne pouvoit ni être arrêté, ni être mis en prifon pour aucune dette particuliere. 6Vdonn. des Rois de France, torn. 1 , p. 71, 80. Si un homme fe trouvoit arrêté fous quelque prétexte que ce fut , a moins qu'il n'eüt été coupable d'un crime capital, il étoit permis de 1'arracher des mains des officiers qui vouloient le prendre.. lbid. vol 3 rp. 17. II paroit que dans d'autres pays, les citoyens jouiffoient auffi du dr-oit de ne pouvoir être arrêtés pour dette. Guden. Syllog.. Diplom. 4j\. Tant que la fociété refta dans fa première förme fimple & groffiere, il paroit qu'une dette n'étoit confidérée que comme une obligation purement perfonnelle. -Les hommes avoient déja fait queb ques progfès dans la civilifation, lorfque les créanciers acquirent le droit de faifir la propriété de leurs débiteurs, afin de recouvrer le payement de ce qui leur étoit du. Les moyens qu'on employa pour eet ob-  *l6 I N T r o D V c t i o n. jet prirent cPabord naiffance dans les communautés, & il eft aifé d'en fuivre les progrès fucceffifs. i°. L'efpece de fureté la plus fimple & la plus aifée a imaginer, étoit d'èxiger de celui qui achetoit quelque marchandife a crédit, un gage, que le vendeur lui remettoit en recevant le prix de ce qu'il avoit vendu. On trouve encore dans plufieurs chartes de communautés, des traces de cette coutume. D'Ach. i, vol. 9, 185, f. 11 , 377. 20. Lorfque 1'acheteur n'ayoit point donné de gage , & qu'il deyenoit infolvable, ou qu'il manquoit a. fa parole, le créancier étoit en droit de faifir par force & de fon autorité privée, les effets de fon débiteur. II y eut un ordre du Roi de France, qui auto-. rifoit les bourgeois de Paris a s'em-, parer par-tout, & de la maniere qu'il feur plairoit, de tout ce qui appartenoit a leurs débiteurs, jufqu'a la concurence de la fomme entiere qui étoit due : Ut ubicumquc & quocumqtte modo potmint tantum capiant, undl pecuniam fibi debitam integrè & plsnariè habsant f & indé fibi invictm.  ï N T R Ó D U -C t I O N. II7 adjutores exijlant. Ordonn, lom. 3 , :p. 6. Cet ufage barbare, quinecon"vient qu'a la violence de 1'état de nature, fubfifta plus long-temps qu'on ne 1'auroit cru pofïible dans un état de fociété oü il y avoit de 1'ordre & des loix. L'ordonnance dont on vient de parler,*eft de 1'année 1134; & celle qui réforme cette loi, & qui défend aux créanciers de fe faifir des efFet de leurs débiteurs , fi ce n'eft par 1'ordre expres d'un magiftrat & fous fon infpeöion , n'eft que de 1'année 1351. Ordor.n. torn. 2 , p. 438. II eft probable cependant que longtemps avant que la loi eüt apporté un remede effeöif a cet ufage abfurde, les hommes avoient été fofcés , par les défordres qui en réfultoient, a le modérer dans la pratique. Tout Lefteur intelligent appiiquera aifément cette obfervation a plufieurs autres ufages que j'ai rappDrtés. II ne faut pas toujours attribuer les nouvelles coutumes aux loix qui les autorifent; les réglements ne font ordinairement que donner une fanöion légale k des chofes que 1'eXpérience avoit fait reconnoitre pour  *iS Introdvction, eonvenables & utiles. 3° Dès qite Pinterpofition du magiftrat devintune formalité requife, on établit une forme réguliere pour faifir les effets mobiliers du débiteur; & fi Ces effets n'étoient pas fuffifants pour acquitter fa dette , fes propriétés en immeubles ou en fonds de terre devenoient également faififfables , & on les vendoit au profït du créancief. D'Ach. 1, 9iP. 184, 185, iij 348, 380. Comme ce réglement donnoit au créancier la fureté la plus complete, on le regarda comme fi févere, que 1'humanité y mit elle* même des limites dans 1'exécurion. II étoit défendu aux créanciers de faifir les vêtements de leurs débiteurs, leurs lits, la porte de leur maifon , les inftruments du labourage, &c. D'Ach. v. 9 , 184, 31 , 3.77. Lorfque ce pouvoir de faire faifir les effets fut devenu plus général, le même principe fit défendre de s'emparer du cheval & des larmes d'un Gentilhomme. D'Ach. 9 , 185. Comme la chaffe étoit 1'amufement favori d'une Nobleffe guer riere, Louis le Débonnaire défendit  1 N T R O B V C T I ö ü. ï 19 prendre le faucon d'un Noble, foit pour dette, foit pour le payement d'une amende. Capitul. I. 4, §. iu Cependant s'il arrivoit que le débiteur n'eut pas d'autres melibles , alors ces mêmes effets privilégiés devenoient fujets è faifie. 4°. Afin de rendre la fureté des propriétés plus complete dans une communauté , quiconque vouloit en être membre, étoit obligé d'acheter ou de batir une maifon, oU d'acquérir des terres dans fon territoire, 011 du moins d'apporter dans la ville une certaine quantité de meubies, dont la vateur fut une efpece de caution de fa conduite : Per quce juflitiari poffit fi quid forti in eum querelce evenerit. D'ACHERI, 11, 316» Ordonn. t. 1, 367. Libertates fancli Georgii de efperanchii. Hifi. dit Dauphiné, t. 1 , p. 26. 50. Afin que cette fureté put être auffi parfaite qu'il étoit poffible , il paroit que les membres de la communauté dans quelquesvilles s'obligeoient a répondre les uns pour les autres. D'ACHERI, 10, 644. 6°. Toutes les queftions relatives a la propriété , étoient décidées dans la communauté par des  ï 10 ÏNTR ODUCTION. magiftrats Sc des juges nommés oU clus par les bourgeois. Leurs décifïons étoient plus équitables Sc plus fixes que les fentences émanées de la volonté arbitraire Sc capricieufe d'un Baron qui fe croyoit au-deffus de toutes les loix. D'Ach. 10,644, 646, 11 , 344, & pajjiw. Qrdonn. y* 3°4- 7°- °n ne pouvoit impofer a aucun membre de la communauté des taxes arbitraires; car le Seigneur qui accordoit la charte de communauté, recevoit un eens ou une redevance fixe, qui lui tenoit heu de toute efpece de droit. Ordon. torn. 3 , p. 104. lïbtrtaus de calmd. Hifi. du Dauphini, /. 1 , p. 19, Men. S. Georg. de efperanchia, ibid.pag. 16. Les membres de la communauté ne pouvoient non plus être foulés par la répartition inégale de 1'impöt qu'on devoit lever fur la communauté entiere. On a inféré dans les chartes de quelques communautés, des réglements concernant la maniere de fixer la portion de la taxe que devoit fournir chaque habitant. D'Ach. 10, 350. 365. Saint Lotus pubha pour cet objet, une ordonnance  Inthobuction, i a. r donnance qui s'étendit fur toutes les communautés. Ordon. torn. i , p* 186. Ces réglements étoient extrêmement favorables a la liberté, en ce qu'ils conféroient le pouvoir de proportionner les impöfitions k un certain nombre de citoyens choifis dans chaque paroiffe , & qui s'engageoient par un ferment folemnel, è. s'acquiter de cette fonclion fuivant toute juftice. Que 1'un des principaux objets que fe propoferent ceux qui établirent les communautés , fut de rendre plus parfaite la füretés des propriétés ; c'eft ce qui eft prouvé , non - feulement par la nature de la chofe en elle-même t mais encore par les termes exprès de plufieurs chartes; je ne citerai ici que celle qu'Aliénor , Reine d'Angleterre & Ducheffe de Guyenne % accorda k la communauté de Poitiers : Ut fua propria meliiis defendere pcffint & magis iniegre cujïodire. Dü CANGE , voc, Communia , v, 11 , p, 863. Tels font quelques-uns des prin» cipaux réglements qui furent formés pour les communautés, pendant le Temt II, F  Ï12 ÏNTRÖDUCfï O N," douzieme & treizieme fiecles. On peut les regarder comme les premiers rudiments de la police & de la légiflation ; & ils contribueren! beaucoup a introduire un gouvernement régulier parmi tous les membres de la föciété. Des que les communautés furent établies, on vit éclater des fentiments fiers & hardis dé liberté. Lorfque Humbert, Seigneur de Beaujeu , en accordant a la ville de Belleville une charte de communauté , exigea des habitants qu'ils lui prêtaffent ferment de fidélité, ainfi qu'a fes fucceffeurs, les habitants de leur cóté ftipulerent qu'il jureroit de maintenir leurs libertés & leurs franchifes; & pour plus grande fureté , ils obligerent de produire vingt Gentilshommes qui prêtaffent le même ferment, & fe liaffent avec lui aux mêmes obligations. D'Ach. 9 , 183. C'eft ainfi que le Seigneur de Moirans en Dauphiné , offrit un certain nombre de perfonnes , cómme des garants de fa fidélité a obferver les articles contenus dans la charte de communauté de cette ville* Ces efpeces d'ötages s'obligeoient k  Introduction. i2j fe remettre entre les mains des habitants de Moirans, fi leur Seigneurlige violoit quelquesuns de leurs droits; & a refter leurs prifonniers jufqu'A ce que le Seigneur eüt rendu juftice aux citoyens, Hijl. du Dauphiné , i , 17. Si le Maire ou le premier Magiftrat d'une ville faifoit quelque tort è un bourgeois, il étoit obligé de donner caution qu'il comparoitroit en jugement, de même qu'une perfonne privée ; &C s'il étoit condamné, il devoit fubir la même peine. D'Ach. 19, 183. Tout cela fuppofe des idéés d'égalité qu'on ne connoiffoit pas dans le fyftême féodal; & les communautés étoient fi favorables a la liberté, qu'on leur donna le nom même de libertés, libertates. Du cange , vol. 11 , p. 863. Elles furent d'abord extrêmement odieufes a la Nobleffe, qui fentit combien ces établiffements reftreindroient fa puiffance &c fa domination. Guibert, Abbé de Nogent, les appellé des inventions exécrables , par le moyen defquelles, contre toute loi & juftice , des efclaves- s'affranchifToient de 1'obéiffance F ij  üï4 Introduction. qu'ils devoient a leurs maitres. Dü Cange, ibid. 862. Quelques Nobles &c quelques Eccléiiaftiques puiflants s'oppoferent a I'inftitution des communautés , & chercherent a borner leurs privileges avec un zele fort extraordinaire. 11 s'en préfente un exemple remarquable dans la conteftation qui s'éleva entre 1'Archevêque de Reims & les habitants de cette même ville. Tous les Archevêques, pendant trés - long - temps » s'occuperent avec foina reflreindre la jurifdicfion & les droits de la communauté; & le grand objet des bourgeois, quand le fiege étoit vacant , étoit de maintenir, de recouvrer & d'étendre leur jurifdiction. Hijtoire civile & polhique dt Reims, par M. anquetil, torn. 1 , p. 187 , &c. Les obfervations que j'ai faites fur 1'état des villes & la condition de leurs habitants, font confirmées par une infinité de paffages épars dans les hiftoriens & les loix du moyen 3ge. II eft a croire cependant que quelques villes du premier ordre jouiffoient d'une condition meil-  Introduction. 12.5: lettre, & poffédoient une portion plus confidérable de liberté. Sous la domination des Romains, le gouvernement municipal établi dans les villes étoit extrêmement favorable k la liberté. La jurifdiction du Sénat dans chaque Corporation r & les privileges des bourgeois étoient fort étendus. II y a lieu de croire que quelques-unes des plus grandes villes parmi celles qui échapperent a la rage deftru&ive des nations barbares , conferverent encore, du moins, en grande partie, 1'ancienne forme de leur gouvernement. Elles étoient gouvernées par un confeil compofd de bourgeois, & par des Magiftrats qu'elles s'étoient choifis elles-mêmes^ 11 y a de fortes préfomptions en faveur de cette opinion, rapportées par 1'Abbé Dubos, dans fon Hijl^ crit. de la monarch. Frang. torn. 1 , p^ 18 , & torn. 2,p. 524 , êdit. de 1742.. II paroit par quelques-unes des chartes des.communautés, accordées aux villes dans le douzieme & le treizieme fiecles , que ces chartes nefaifoient que confirmer les privileges dont jouifToient les habitants,. E iij.  'n6 Introductio n. avant 1'établiflement de la communauté. D'ACHERI , fpicileg. v, 11 p. 345. D'autres villes réclamoient leurs privileges, comme les ayant pofiedés fans interruption depuis le temps des Romains. Hifi. crit, de la monarch. Franq. v. 11 , p. 335. Mais le nombre des villes qui jouiffoient de ces immunités étoit fi petit, qu'on ne peut rien conclure contre la propofition que j'ai établie dans le texte. Note XVII, Stil. I,p.6u Après avoir rendu un compte détaillé de 1'établifTement des communautés en France & en Italië, & des effets qui en réfulterent, il eft néceffaire de fuivre avec attention les progrès que firent les villes & le gouvernement municipal en Allemagne. Les anciens Germains n'avoient point de villes; même dans leurs hameaux ou villages, ils ne batiffoi'ent point de maifons contiguës les unes aux autres. Tacit. de morib. Germ. I. 16. Ils regardoient comme une marqué de fervitude, d'être obligésd'habiterdans  INTRODUCTION. ï 1? une ville entourée de murs. Lorfqu'une de leurs tribus avoit fecoue le jou» des Romains, les autres exigeoient. d'elle, comme une preuye qu'elle avoit recouvré fa liberté, qu'elle démolit les murailles de quelque ville,.batie par les Romains lur fon territoire. Les animaux mêmes ks plus féroces, difoient-ils , perdent leur ardeur & leur courage lorfqu ds font renfermés.. Tacit. Hifi. L4, c 64. Les Romains batirent plufieurs grandes villes fur les bords du Rhin; mais dans toutes les vaftes Provinces qui s'étendent depuis cette riviere iufqu'aux cötes de la mer Baltique , il y avoit a peine une feule ville avant le neuvieme fiecle de Tere chretienne. CONRING. Exercic. de urbiK Germ. oper. vol. §. 25 , *7, 31. > Heineccius difFere en ce point de Conringius; mais en convenant menie de toute la force de fes argument? & de fes autorités, il en réfulte feulement qu'il y avoit dans ce vafle pays quelques endroits auxquels eertains hiftoriens. ont donné le nom de villes. Elém. jur. Germ. I. 1 , §'• 102. Sous Charlemagne &: les Empereurs. F iv  laSÏNTRODUCTïON. de fon fang, 1'état politique de 1'AIlemagne commencant a prendre une meilleure forme, on fonda plufieurs villes, & les hommes s'accoutumerent a fe réunir & a vivre enfemble dans un méme lieu. Charlemagne fonda, dans les villes les plus confidérables d'AHemagne, deux Archevêchés & neuf Evêchés. Aub. mir . Op. Diplom, v. i ,p.i6. Ses fucceffeurs en augmenterent le nombre; & comme les Evêques fixoient leur réiidence dans ces villes , & qu'ils y célébroient le fervice divin, cette circonfhmce engagea bien des gens a s'y établir. ^Conring. lbid. §. 48. Mais Henri 1'Oifeleur, qui monta fur le tröne en 920, doit être regardé comme le grand fondateur des villes en Allemagne. L'Empire étoit alors ravage par les incurfions des Hongrois & d'autres peuples barbares. Henri, dans le delfein d'en arrêter le cours, engagea fes fujets a s'établir dans des villes qu'il fortifia de murailles & de tours. II ordonna ou perfuada a une partie des Nobles, de hxer leur xéfidence dans les villes, & rendit ainli la condition des citoyens plus  INTRODU c T ï ON. I 2* Honorable qu'elle ne 1'avpit été auparavant. "NVittikind. Annal. I. r, ap. Coming. §. 82. Depuis cette époque, le nombre des. villes ne fit qu'augmenter, öcelies devinrent plus peuplées & plus riches; . mais elles étoient-encore privées de la liberté &de la jurifdiction municipale. Gelles qui étoient fituées dans les domaines ,de Ï'Empire , étoient foumifei aux Empereurs ,. &. a leurs comités mifii, & autres juges qui préfidoient aux tribunaux , & y difpenfoient.Ia juftice. Xelles qui étoient dans le territoire d'un Baron, faifoient partie de fon fief; & ilyexercoit par luimême ou par fes officiers une jurifdiction femblable. Conring.7^'-'. §. 72, 74. heinnec. Elem. jur. Germ. l.i, §. 104. Les Allemands emprunterent des Italiens 1'inftitution des communautés., Knipschild.. Tracl. polit.. hifi.. jurid. de civit. imp. jtirih. vol. 1 ,l.i, c. y,n°.zi. Fréderic Barberoufie fut le premier , parmi les Empereurs d'Allemagne, qui, par les mêmes motifs politiques qui avoient; détermihé Louis le Gros, augmenta le nombre des communautés, dans Je E v,<  13© I N T R O d U e T I O n, deflein de reftreindre la puiffance des Nobles. Pfeffel , Abrigé de tHift. & du droit pubL £ Allemagne. Différentes circonftances contribuerent a 1'accroiffement des villes d'Allemagne, depuis le regne d'Henri 1'Oifeleur, jufqu'au temps oü elles. eurent la pofleffion entiere de leurs immunités. L'établifiement des Evêchcs , dont nous avons déja fait mentioh , & 1'érection des cathédrales, engagerent naturellement beaucoup de monde a s'établir dans les villes. On s'accoutuma a y affembler les conciles, & a y tenir les cours de judicature de toute efpece, foit civiles, foit eccléfiailiques. On affranchit dans le onzieme fiecle, plufieurs efclaves, dont la plus grande partie s'établit dans les cités. On découvrit & 1'on exploita plufieurs mines en différentes Provinces; ce qui attira & réunit un grand concours d'hommes, & donna naiflance k différentes villes. Conring. §. ioy. Les villes commencerent au treizieme fiecle a former des ligues pour leur défenfe mutuelle, & pour réprimer les défordres occafionnésparlesguer-  t n T r- o D u C T I on; i Jl res particulieres des Barons , auffibien que par leurs vexations. Ces affociations rendirent la condition des habitants des villes beaucoup plus füre que celle des autres claffes des fujets,, & engagerent un grand nombre d'hommes a fe faire recevoir membres des communautés. Conring. §• 94- II y avoit dans les villes d'Allemagne, des habitants de trois différentes claffes : les Nobles, familice; les citoyens ou. hommes libres, likeri; les artifans qui étoient efclaves, homines proprii.. K.nipschild. /. ii , c i.c), n°. 13, Henri V,.qui commenca fon regne 1'an 1106, affranchit les. artifans efclaves qui habitoient dans les villes, .& leur donna le rang de citoyens ou d'hommes libres. Pfeffel , p. 254. Knips. L, 11, c. 29, n°. 113 , 119* Les villes d'Allemagne acquirent plus tard que celles de France la liberté; mais elles étendirent leurs privileges beaucoup plus -loin. Toutes les villes im-? périales & libres, dont le nombre» eft confidérable , acquirent-en entier le titre tfimmédiates, terme qui, dans F vj  *3z Intro'6ucfi'&n. la jurifprudence Germanique, défigne qu'elles étoient fujettes de Ï'Empire feul, & quelles poflédoient dans leur diftricf tous les droits d'une fouveraineté parfaite & indépendante. Les differents privileges des villes impériales , privileges qu'on peut apelpeller les grands confervateurs des libertés Germaniques, font rapportés dans Knifpfchild , /. 11. On en connoit en général les principaux articles, & il feroit inutile d'entrer ici dans aucune difcufiion fur les détails de cet objet. Note XVIII, Se3. ƒ, p. 61. Les hifforiens Efpagnols n'ont pref* que rien dit de 1'origine & des progrès des communautés en Efpagne; de forte qu'il ne m'eft pas poffible de fixer ni 1'époque, ni la forme de leur première inltitution dans ce Royaume. II paroit cependant, d'après Mariana, vol. n,p. zz i , f. Hag & dilection. Comme nous defi-. » rons de tout noftre coeur , & fur»toutes les autres chofes qui nous >» touchent,gouyernier noftre Royau»me &c noftre peuple en paix & en, » tranquillité , par 1'aide de Dieu v t> & refourmer noftre dit Royaume »ès parties ou il en a meftier »pour profit commun & au pro»fit de nos fubgiés, qui ca en-ar»> riere ont été grevés & opprimés » en moult de manieres , par la mali» ce d'aucunes gens, fi, comme nous. »le fcavons par voye commune, & »par infmuation de plufieurs bon» nes gens dignes de foy, ayans or-  ï 3 8 Introduction. »dené en noftre Confeil avec nous »en notre ville de Poitiers, aux » huitienes de la prochaine fefte de » Penthecoufte , pour adrecier a nof»tre pouvoir par toutes les voyes »& manieres que il pourra eftre » fait, felon raifon & équité ; & » voillons eftre fait par fi grand'dé«hbéraüon, & fi pour revement, » par le confeil des Prélate, Barons » & bonnes villes de noftre Royau>> me , & mefmement de vous , que »ce foit au plaifir de Dieu & au » profit de noftre peuple : Nous vous » mandons , &c. ". Mably , Objerrat. torn. x , preuv. p. 386. Je conviendrai que ces paroles ne font qu'une forme de fiyle public & légal ; mais les idéés qu'elles expriment font remarquables , & paroifient plus élevées & plus fortes qu'on ne 1'attendroit de ce fiecle, Un Roi populaire de la GrandeBretagne pourroit a peine s'adreffer au Parlement, dans des termes plus favorables k la liberté publique. On trouve dans 1'hiftoire de France un exemple frappant des progrès que ks principes de liberté avoient faite  Introduction. lyf «lans ce Royaume , & de 1'influence que les députés de villes avoient acquifes dans Faffemblée des Etats généraux. Au milieu des calamités oii la guerre avec PAngleterre &t la captivité du Roi Jean avoient plongc la France , les Etats -généraux firent un effort hardi pour étendre leurs privileges & leur jurifdi&ion. Les réglements formés par les Etats généraux tenus en 1355, pour la maniere de lever les taxes, partie de Padminiftration qui n'étoit pas confiée a la Couronne , mais a des Commiffaires nommés par les Etats ; pour la fabrication de la monnoie % pour les redrefTements de griefs relatifs aux abus commis par les pourvoyeurs du Roi, & pour Padminiftration réguliere de la juftice , font plus conformes a Pefprit d'un gouvernement républicain , qu'a celui d'une monarchie féodale. On trouve ce réglement curieux dans le Recueil des Ordonnances, torn. 3 ,p. 19. Ceux qui ne peuvent pas fe procurer cette collecfion volumineufe , en trouveront un abrégé dans 1'HiJïoire de France, par Villaret , torn. 9 , p. 130,  140 Introduction» OU dans YHiJloire de [ancien gouver* nement de France , par Boulainvilliers, tom. 2,, p. 213. Les hiftoriens Francois , en parfant de 1'Evêque de Laon, & de Marcel, Prévöt des marchands de la yille de Paris, les deux hommes qui avoient le plus d'influenc.e aux Etats généraux , les repréfentent comme des tribuns féditieux , violents , intéreffés , ambitieux , & ne cher-chant qu'a. introduire des innova-tions pernicieufes Sc deftructives du gouvernement Sc de la conrtitution de leurs pays. Cela pouvoit être g mais ils avoient la confiance du peuple g Sc les mefures qu'ils propofoient comme les plus convenables & les plus avantageufes , ne permettent pas de douter que Pef-. prit de liberté n'eüt fait en France des progrès très-étendus, Sc qu'on n'y eüt généralement des idéés trés-. feines fur les principes du gouvernement. Les Etats généraux tenus a Paris, en 13 55 , étoient compofés de prés, de huit cents membres, dont plus. ie la moitié n'étoient que des dé--  Introduction. 141 iputésdes villes. Secousse , pref. da Ord nn. torn, 3, />. 48. II pafort que dans toutes les différentes affemblées des Etats tenues pendant le regne du Roi ïean, les repréfentants des villes -avoient une grande influence, & que le tiers-état étoit a tous égards confidéré comme marchant de pair avec les deux autres ordres. lbid. pajjim, Ces entreprifes hardies fe faifoient en France long-temps avant que la chambre des Communes en Angleterre eüt acquis quelque influence confidérable dans la légiflation. Comme le fyftême féodal avoit été porté en France a fon plus haut période plutót qu'en Angleterre, fon déclin par la même raifon y fit des progrès plus rapides. Prefque tous les efforts qu'on a faits en Angleterre, pour établir ou pour étendre la liberté du peuple , ont été heuretix; en France, ils ont eu un autre fort. Ce n'eft pas ici lelieu d'examiner quelles font les caufes accidentelies &politiques de cett« différence,  Ï41 Introduction. Note XX, Sei7, 7, p. 74. Dans une note précédente (note VIII), j'ai examiné la condition de cette partie du peuple qui étoit employee a 1'agriculture , & j'ai expofé Ie tableau des calamités & des fouffrances auxquelles elle étoit iujette. Les chartes d'affranchiffement & de liberté qui furent enfuite accordées aux. perfonnes de cette claffe, renfermoient quatre conceffions qui répondoient aux quatre principaux in» convénients auxquels étoient foumis les hommes dans 1'état de fervitude. i°. On renoncaau droit de difpofer de leurs perfonnes, foit par vente ou par ceffion. 20. On leur donna le pouvoir de tranfmettre leurs effets & leurs biens par teftament, ou par tout autre acte légal; & s'ils venoienta inounr ab inteflat, il fut arrêté que leurs biens pafferoient a leurs héritiers légitimes comme les biens des autres citoyens. 3*. On'fixa la taxe & les fervices qu'ils devoient è leur Supérieur ou Seigneur-lige, & qui étoient auparavant arbitraires & impofés k  ÏHtéoductiöU 143 Volonté. 40. Hs eurent la liberté d'époufer qui ils vouloient , au - lieu qu'auparavant ils ne pouvojent fe ma* rier qu'a des efclaves de leur Seigneur , & avec fon confentement. Toutes ces particularités fe trouvent réunies enfemble dans une charte accordée en 1376, atix habitants de Mont-Breton, (Montis Britonis.) Hifioire du Daitphiné, torn. 1 , p. 81. Plufieurs circonfrances, jointes k celles que j'ai rapportées dans le texte, concoururent a délivrer les habitants des campagnes de 1'opprelfion oü ils étoient tenus. L'efprit de dou* ceur de la Religion chrétienne, & fa doftrine fur 1'égalité primitive de tous les hommes , &c fur 1'impartialitéavec laquelle Dieu confidere les hommes de tout étatj & les admet indiftinctement a la participation de fes graces, étoient incompatibles avec 1'ufage de la fervitude. Mais en ceci comme en plufieurs autres circonftances , les confidérations d'intérêt & les maximes d'une fauffe politique engageoient les hómmes dans des démarches inconféquentes avec leurs principes, lis étoient cependant tel-  «44 Introduction, Jement perfuadés de cette contradiction, qu'ils regardoient comme un acte de piété très-méritoire & trés» agréable au Ciel, de délivrer des Chrétiens de la fervitude. L'efprit d'humanité de la Religion chrétienne luttoit contre les maximes cklesufages du monde , & contribua plus qu'aucun autre motif a introduire la coutume d'arfranchir les efclaves, Lorfque le Pape Grégoire le Grand, qui régnoit vers la fin du fixieme fiecle , accorda la liberté a quelques-uns de fes efclaves, il en donna cette raifbn : Ciim Redemptor nojler, totius conditor natura, ad hoe propitiatus humanam carnem voluerit affumere, ut divinitatis fux gratid^ dirempto quo tenebamur captivi vinculo, prijlinx nos refiitueret übertati, falubriter agiturjt ho'mines-y quos ab initio liberos natura prouilit, & jus gentium jugo fubflituit fervitutis, in ed qua nati fuerant, manumittentis beneficio , libertate reddaniur. greg. Mag. ap. Potgieff. I. 4, c, 1, §. 3. Le même auteur rapporte plufieurs loix ou chartes fondées fur des raifbns femblables. C'eft par une iuite des mêmes idees que plufieurs chartes  Introduction. 145 chartes d'affranehiffement, antérieures au regne de Louis X, furent accordées pour 1'amour de Dieu & le falut de 1'ame : pro amore Dei, pre remedio anima. Murat. Antiq. ltal. vol. 1, p. 849, 890. Du Cange , vol. manumifpo. La cérémonie de la manumiflion fe faifoit dans 1'Eglife, comme un acfe folemnel de religion. La perfonne a qui on rendoit la liberté , étoit conduite autour du grand autel, tenant une torche ardente ; elle s'arrêtoit enfuite a un des coins de 1'autel , & la on prononcoit les parcles folemnelles qui conféroient la liberté. Du Cange , lbid, vol. 4, />„ 467. Je vais tranfcrire une partie d'une charte de manumiflion accordée en 1056. On y trouvera un détail complet des cérémonies ufitées en cette occafion , & une preuve du peu de connoiftance qu'on avoit de la langue latine dans ce fiecle barbare. Cette charte eft accordée par Willa , veuve de Hugues, Duc & Marquis , en faveur de Cleriza, une de fes efclaves; Et ideb nos Domine Wille , inclyta cometifiz.,. libero & ai" Tome II. G  146 Introduct ion. folvo te Cleri^a , filla Uberto... pro te» more omnipotentis Dei, & remedio luminarie anime bone memorie quondam fupra fcripto domini Ugo gloriofiffimo , ut quando illum dominus de hcec vita migrare jufferit, pars iniqua non habeat potejiatem ullam , fed anguelus Domini nojlri Jefu Chrijti colocare dignitur illum inter fanclos dileclos fuos ; & beatus Petrus, princeps Apojlolorum , qui habtt potejiatem , omnium animarum ligandi & abfolvendi , ut ipji ahfolvat anima ejus de peccatis fuis , & aperiad illum janua paradiji ; pro eadem vero rationi , in mano mitto te Ben^o, presbyter , ut vadat tecum in Ecclejia faniii Bartholomai Apojloli j traad te tribus vicibus circa altare ipjius ecckjice cum ccereo apprehenfum in manibus tuis & manibus fuis; deinde exite , ambulate in via quadrubio , ubi quatuor vie fe deviduntur. Statimque pro remedio luminarie anime bone memorie quondam fupra fcripto Domini Ugo , 6" ipfi presbyter Ben^o fecit omnia , & dixit : Ecce quatuor vie, ite & ambulate in quacumque partern tibi placuerit, tam jic fupra fcripta Cleri{a, qua nofque tui heredes qui ah  Introduction. 147 *c hora in antea nati vel procreati fueri utriufque Jcxus, &c. muratori, lbid. p. 853. On auroit pu choifir plufieurs autres chartes , qui, pour la grammaire & le ftyle , ne font point ïupérieures a celle-ci. L'affranchiffement s'accordoit fréquemment au lit de la mort, ou par teftament. Comme les efprits des hommes font dans ce moment plus difpofés k des fentiments de piété & d'humanité , ces adres étoient le fruit de motifs religieux , & fe faifoient pro redemptione anima, & afin d'obtenir grace devant Dieu. Du Cange , ubi fup. p. 470 , & voc. fervus , vol. 6 , p. 451. II y avoit une autre maniere d'obtenir la liberté; c'étoit d'entrer dans les ordres facrés, ou de faire des voeux dans un monaftere. Cela fut permis pendant quelque* temps; mais il en réfulta qu'un fi grand nombre d'efclaves fe déroboient par-la au joug de leurs maïtres, qu'on fut obligé de reftreindre cet ufage , lequel fut a la fin défendu par les loix de prefque toutes les nations de 1'Europe. Murat. lbid. p. 842. C'étoit par les mêmes G ij  148 Introduction. principes que les Princes, lorfqu'i! leur naiflbit un fils , ou qu'il leur arrivoit quelque autre événement agréable, affranchiffoient un certain nombre d'efclaves , en témoignage de leur reconnoiflance envers Dieu. Marculf. formul. L 1 , c. 39. Cet auteur a publié différentes manieres d'obtenir la manumiflion, & toutes font fondées fur des motifs de religion, c'eft-a-dire qu'elles ont pour objet, ou de fe procurer la faveur de Dieu 011 d'obtenir le pardon de fes péchés. L. 11 , cap. 23 , 33 , 34, édit. Balu{. La même obfervation peut s'appliquer aux autres collecfions de formules qui ont été publiées avec celles de Marculfe. Mais fi quelques perfonnes, par des fentiments de piété , donnoient la liberté aux chrétiens leurs freres qui gémiffoient fous le jong de 1'efclavage , d'autres honv mes, par des principes d'une dévotion mal entendue, fe foumettoient de plein gré a la condition d'efclaves. Un homme pénétré, par exemple , d'une vénération particuliere pour un Saint, patron de 1'Eglife, ou da monaftere oü il avoit coutume  Introduction. 149 tTaller aflifter au fervice divin, pre* noit fouvent le parti de fedévouer, ïui & fes defcendants, a être les efclaves de ce même Saint. Mabill. de re Diplom, l. 6, 63 2. Les oblats ( oblati) ou ferfs volontaires des Eglifes &c des couvents, étoient en fort grand nombre, & pourroient être divifés en trois différentes claffes. La première étoit compofée de ceux qui mettoient leur perfonne & leurs biens fous la protecfion de telle Eglife , ou de tel monaftere , en s'obligeant de défendre fes privileges & fes propriétés, contre tout agreffeur; mais ce n'étoit pas fimplement par un pur efprit de dévotion qu'ils prenoient cet engagement, c'étoit aufli afin de jouir de la fureté qui étoit attachée & la, prote&ion de 1'Eglife, Cétoient plutöt des vaffaux que des efclaves. Quelquefois même des Nobles j.ugerent a propos de s'airurer par ce moyen la proteaion de 1'Eglife. Les oblats de la feconde claffe s'obligeoient de payer a telle Eglife ou tel couvent, une taxe annuelle, ou un eens fur, leurs biensfonds. Quelquefois ils s'o-G iij  t

cependant la, fervitude perfonnelle fubfifta encore long-temps en quelques endroits de 1'Angleterre. II exifte une charte de 1'année 1.514, par laquelle Henri VIII affranchit deux efclaves qui appartënoient a 1'ün de fes manoirs.. Rymer , fced. v. 13 , p. 47°; Même en 1574 , il y a une commiffion de la Reine' Elifabeth ,, qui concerne 1'affranchifTement de quelques ferfs qui lui appartënoient. Rymer , Obfervat,. on the fiat. &c. p. 25.1.. Note XXI, StS. I, p. 87., II n'y a point dè coutume du moyen age plus fingidiere que celle des guerres particulieres. Ce droit étoit, d'une fi grande importance, & fut ft généralementadopté,,que les réglements qui le concernent ne peuvent manquer de tenir une place confldérable dans le fyftême des loix de ce temps-la. M. de Montefquieu,. qui a développé tant de points emharraflants de, la jurifprudence féodale, G v  154 Introduction. &c qui a répandu la Iumiere fur tant de coutumes auparavant obfcures & intelligibles, n'a pas été conduit par fon fujet a 1'examen de cette matiere. Je donnerai donc un détail plus circonftancié des principes & des réglements qui dirigeoient un ufage fi contraire aux idéés acfuelles des nations civilifées fur les principes de 1'ordre & du gouvernement. i°. Parmi les anciens Germains, ainfi que parmi toutes les nations oü la fociété n'a pas fait plus de progrès, le droit de venger les inj ures étoit un droit perfonnel & particulier , que 1'on exercoit par la force des armes, fans s'en rapporter a la décifion d'aucun arbitre ni juge. C'eft ce dont on a donné les preuves les plus claires dans la note VI. 2°. Cette pratique fubfifta parmi les nations barbares, après leur établiffement dans les Provinces de Ï'Empire qu'elles venoient de conquérir; & comme les caufes de diffention ne faifoient que fe multiplier parmi elles , les haines de familie & les guerre? perfonnelles deviarent pjus fré-  I " N T R Cr D U C T I O ». quentes. On en trouve des preuves, dans lesrécits.de leurs hiftoriens les, plus anciens, ainn que dans les codes de leurs loix : Voyt{ Grégoire de Tours, Hifi. /. 7 , c. 18 , & Ub.. 10 , c. 27. Non- feulement il étoit permis aux parents de venger les in-jures fakes aux perfonnes de leur familie , c'étoit pour eux un devoir. C'eft ainfi que par les loix des Angles Sc\ des Wérins , le foin de la vengeance de familie appartenoit a celui qui héritoit de Ia terre : Ad quemcumque hareditas terra pervenerit, ad illum veftis btllica , id efi lorica & ultio proximi & fiolatio leudis debet pertinere, Til. 6,$. 5 , ap. LlNDENB, leg< folie, til. 63 , leg. Longob. I. 2, tit.. 14, §. 10. 3 o. II n'y avoit que les Gentilshommes ou les perfonnes d'une naif-. fance noble, qui euffent le droit de faire la guerre privée. Toutes les querelles qui s'élevoient entre les ferfs , les villains, les habitants des villes,. 6c les hommes libres d'un ordre inférieur a la Nobleffe, étoient foumifes a la décifion des tribunaux de judicature. On terminoit de la mêG vj  15 <$ Introjdu ction, me maniere tous les différends qui s'élevoient entre les Gentilshommes. &c des perfonnes qui n'étoient pas. de leur rang. Le droit de faire la, guerre privée, fuppofoit la noblefïe du fang &c Pégalité de condition dans les contendants. Beaumanoir, Cou-. turn. de Beauv. ck. 59 , p. 300. Ordonn. des Rois de France , torn. z , 395 » §• .17»- 5l8\/V5- &?' Les EccléfiafHques conftitués en dignité, réclamoient également & exercoient le droit de guerre perfonnelle; mais comme il n'eüt pas été abfolument convenable qu'ils foutinlTent leurs querelles en perfonne , ils étoient fuppléés par des advocati ou vida- mes, choilis par les différents mo-r nafleres ou Evêchés. C'étoient ordi- nairement des hommes d'une naifïan- ce diftinguée & d'une bonne répu- tation, qui devenoient les protec- teurs de ces Evêchés ou couvents, & qui embralToient leurs querelles, & combattoient pour eux : Armis omnia qua erant ecclejia viriliier de- fendehant & vigilanter protegebant. brussel , Ufage des Fiefs, t. 1 , p. 144. Du Cange, voc. advocaius. U  Bntrodu c i io n, arrivoit fouvent que des Eccléiiaftiques d'une naiffance noble , fami-. liarifés ,. par les principes & les mceurs de leurs temps, avec les idees, guerrieres, oublioient 1'efprit de paix de leur profeHion , & paroiffoient eux-mêmes au champ de bataille a la tête de leurs vaflaux : fimmmd, ferro, ccede ,poffeffiones Eeclefiarumprar Lati defendebant.. Guipo , abbas-, ap. Du Cange, lbid. p. 179.. 40. Ce n'étoient pas feulement les. torts & les offenfes perfonnelles qui, autorifoient un Gentilhomme a dé-, clarer la guerre a fon adverfaire; des aétes d'une vioknce atroce, des infultes & des affronts publics, étoient des motifs fuffifants &c légitimes pour faire prendre les armes contre ceux qui en étoient les auteurs. Enfin, tous les crimes qu'aujourd'hui 1'on punit, de mort chez les, nations civilifées , juftifioient alors les hoftilités particulieres,. Beaumanoir, ch. 59. Du cange, Dijfertat. 29fur Joinville,^ p. 331. Mais quoique la vengeance des injures fut le feul motif qui put légalement autorifer une guerre privée, cependant les conteftatiqns qui  i:!)8 Introduction. s'élevoient au fujet des propriétés eiviles, donnoient fouvent naiffance aux hotfilités, & fe terminoient par la voie des armes. Du Cange, lbid.. 5°. Toute perfonne qui s'étoittrouvée préfente , lorfqu'une querelle avoit commencé, ou qu'un acfe de violence avoit étoit commis, étoit obligée de prendre part a la guerre qui devoit s'enfuivre; paree qu'on fuppofoit qu'il n'étoit pas poffible a un homme de refter neutre dans une femblable occurrence, & de ne fe déclarer ni pour 1'une ni pour 1'autre des parties oppofées. Beauman. p, 300. 6°. Tous les parents des deuxprincipaux adverfaires fe trouvoient enveloppés dans leur caufe, & obligés d'époufer la querelle du chef auquel ils étoient liés. Du Cange, lbid. 332. Cet ufage étoit fondé fur cette maxime des anciens Germains : Sufcipere tam inimicitias , feu pa iris, feu propinfui, quam amiciiias neceffe efi ; principe naturel a toutes les nations fimples & groffieres, chez qui la forme de la fociété & 1'union politique concou-.  Introduction, 159 rent a fortifier de femblables fentiments. La maniere de fïxer le degré d'affinité qui obligeoit. une perfonne a prendre part dans la querelle d'un parent, eft digne de remarque. Tant que le mariage entre parents fut prohibé par 1'Eglife jufqu'au feptieme degré, Ia part qu'on devoit prendre dans les guerres privées, étoit de-, terminée par les bornes mêmes de cette abfurde prohibition ; & par conféquent tous ceux qui étoient parents de 1'un des chefs jufqu'a ce degré, devoient être enveloppés dans les hafards de la guerre privée. Mais lorfque 1'Eglife fe relacha unpeu de fa première rigueur, 6c qu'elle n'étendit plus fa défenfe que jufqu'au quatrieme degré, la même reflriction s'introduifit dans la conduite des guerres privées. Beaumanoir , p* 303. Du Cange, Dijfmat. 337, 70. Deux freres du meme ht ne pouvoient fe faire la guerre, paree que 1'un 6c 1'autre ayant les mêmes parents communs, aucun de ces parents n'étoit obligé de foutenir de préférence un des freres contre 1'au-  VÓO I n t r o d ü c t i o n\. tre; mais deux freres de différents Iits pouvoient fe faire la guerre,. paree que chacun d'eux avoit des parents diftincts les uns des autres., Beau- man. p., 299.. 8°. Les vafTaux de chaque chef, dans une guerre privée, fe trouvoient enveloppés dans la querelle , paree que, fuivant les maximes du fyftême féodal, ils étoient obligés de prendre la défenfe du Supérieur de qui: ijs relevoient, & de le fecourir dans, toutes fes querelles, Ainfi dés que 1'on eut introduit, les tenures féoda-. les, & qu'on eut établi cette liaifon artificielle entre les vaffaux & le Seigneur , les vaffaux furent confidérés comme foumis aux mêmes obligations que les parents. Beauman. 303. . 90. Les guerres particulieres fü?. rent très-fréquentes pendant plufieurs fiecles. Rien ne contribua davantage a accroitre ces défordres dans le gouvernement & cette férocité de moeurs, qui plongerent les nations de 1'Europe dans. 1'état déplorable que nous offre le période de 1'hiftoire que j'entreprends de décrire. Rien n'apporta  Introduction. tG* plus d'obftacles a Pétabliffement de 1'ordre dans 1'adminiftration de la juftice. Rien n'étoit plus propre a, décourager 1'i-nduftrie , ou è retarder les progrès & la culture des arts de la paix. Les guerres privées ie faifoient avec 1'acharnement deftructeur qu'on doit attendre d'un violent reffentiment, lorfqu'il eft armé par la force & autorifé par la loi. II paroit, par les loix mêmes qui défendirent ou qui modérerent 1'exereice des hoftilités particulieres, que 1'invafion de 1'ennemi le plus barbare ne pouvoit pas caufer des ravages plus funeftes a un pays & è fes habitants, que ces guerres inteftines. Ordonn. torn. i, p, 701, torn.. 2,/>. 395 , 408, 507, &c. Les auteurs contemporains ont peint les excès qui fe commettoient dans les guerres privées, avec des couleurs qui excitent è la fois Fétonnement &c 1'horreur. Je me contenterai de rapporter un feul paffage tiré de 1'hif-. toire de ia guerre fainte , par Guibert, Abbé de Nogent: Erat eo tem-, port maximis ad invicem hoftilitati^ bus, totius Francorum regni fiuia. tur*.  i6i Introduction. batio ; crebra ubique latrocinia ; viarum obfejfio; audiebantur paffim, immb Jiebant inundia infinita; nullis prater fold & indomitd cupiditate exiftentibus caujis extrutbantur prcelia ; & ut brevi totum claudam , quicquid obtutibus cupidorum jubjacebat, nufquam attendendo cujus efftt, pradee patebat. Gejla Dei per Francos, vol. i, pag. 4&2. Après avoir recueilli les principaux réglements que 1'ufage avoit établis a Pégard du droit & de 1'exercice de la guerre privée, je vais rapporter , fuivant 1'ordre de la chronologie , les différents moyens qu'on employa pour reltreindre ou pour abolir cette fatale coutume. i°. Le premier expédient que le Magiftrat civil mit en ufage , afin de mettre quelques bornes h. la violence du reffentiment perfonnel, fut de fixer, par une loi , 1'amende ou la compofition qui devoit être payée pour chaque efpece de crime. La perfonne offenfée étoit originairement feule juge de la nature de 1'affront ou du dommage qu'elle avoit fouffert, du degré de vengeance qu'eüe  Introduction. 163 devoit en tirer , & de 1'efpece de réparation qu'elle pouvoit exiger. Le reffentiment devint en conféquence auffi implacable qu'il étoit féroce.. Souvent c'étoit un point d'honneur de ne jamais pardonner, & de ne recevoir aucune fatisfacfion ; c'eft ce qui fit fentir la néceffité d'établii» ces compofitions qui tiennent tant de place dans les loix des nations barbares. La nature du crime & de PöfFenfe étoit déterminée par le Magiftrat; &c la fomme due at la perfonne offenfée fut réglée avec une exaftitude minucieufe , & fouvent bifarre. Rotharis, le légiflateur des Lombards, qui régnoit vers. le milieu du feptieme fiecle , fait bien connoitre fon intention , en fixant Ia compolition qui devoit être payée par 1'agreffeur, & enaugmentant la valeur primitive de cette amende : » C'eft afin, dit-il, que Pi-. » nimitié s'éteigne, que la pourfuite » ne foit pas perpétuelle, & que la » paix fe rétablifle ". Leg. Longob. I. t. 7,§. 10. 2°. Au commencement du neu» vieme fiecle , Charlemagne attaqua le mal dans fa racine, en ordonnant  ï 64 ÏNTRODU C T ï O N. m Que toute perfonne qui auroit cora-. *> mis un crime ou fait un outrage, ■» fe foumettroit fur le champ a la pé»nitence impofée par 1'Eglife , & » qu'elle s'ofïriroit a payer la com» pofition prefcrite par la loi; & que »ii la perfonne offenfée ou fes parents » refufoient d'accepter la compofi» tion, & prétendoient fe venger par >> la force des armes , leurs terres & » toutes leurs poffeflions feroient con« rifquées ". Capit. an. Dom. 802, idit^ Balu^. vol. 1, 371.. 3°. Dans cette ordonnance, ainfi que dans d'autres réglements de CharIemagne, le génie de ce Prince devancoit 1'efprit de fon fiecle. Les idéés que fes contemporains avoient d'un gouvernement bien réglé , étoient irop imparfaites, & leurs moeurs étoient trop féroces, pour qu'ils confentilfent a fe foumettre a cette loi. Les guerres privées , malgré toutes les calamités qu'elles entraïnoient, devinrent après la mort de ce grand Monarque plus fréquentes que jamais. Ses fucceffeurs furent incapables d'y apporter du remede; & les Eccléfiafliques fentirent la néceffité.'  ÏNTROBUC'TtÖN. d'y faire intervenir leur autorité. Le plus ancien réglement fait pour cet objetpar 1'Eglife, & qui fubfifte encore aujourd'hui , date de la fin du dixieme fiecle. En 970, plufieurs Evêques des Provinces méridionales de France s'afTemblerent, & publierent différents réglements, afin dê mettre des bornes k la fureur & k la fréquence de ces guerres perfonnelles. Ils arrêterent que quiconque dans leurs diocefes oferoit enfreindre leurs ordonnances , feroit dépouillé pendant fa vie de tous les privileges de Chrétien , & privé a fa mort de la fépulture chrétienne. Du» MONT , Corps Dipl. torn. 1 , p. 41, Mais ces moyens ne remédioient qu'è une partie du mal, On fut obligé d'affembler un concile a Limoges, en 994. On y tranfporta, felon la cou* tume de ces temps-la, les corps des Saints; & 1'on exhorta les Chrétiens, au nom de ces faintes reliques, è mettre bas les armes, a éteindre leurs animofités, & a jurer qu'a 1'avenir ils ne violeroient point la paix publique par des hoftilités particulieres, BouQUET , Ree, des. ffiJL vol, 10, p, 49,  166 Introduction. 147. Plufieurs autres conciles firent des décrets pour remplir le même objet. Dl Cange, Dij/. 343. 4°. Mais 1'autorité des conciles, quelque refpecfable qu'elle put être dans ce temps-la, fut encore trop foible pour abolir une coutume qui flattoit 1'orgueil des Nobles, &c fi;vorifoit leurs paffions favorites. Le mal devint enfin fi intolérable, que, pour le détruire, on fut obligé de recourir a des moyens furnaturels. Un Evêque de la Province d'Aquitaine prétendit, en 103 2, qu'un Ange qui étoit apparu , & lui avoit apporté du Ciel un écrit qui enjoignoit a tous les hommes de ceffer leurs hoftilltés particulieres , & de fe réconcilier les uns avec les autres, II publia cette révélation dans le temps d'une calamité publique. Les efprits étoient difpofés a recevoir de pieufes impreffions , & prêts a tout faire pour détourner la colere du Ciel. II en réfulta une treve générale & une fufpenfion de toutes hoftilités , qui dura fept ans. II fut réfolu que perfonne ne pourroit plus attaquer ou inquiéter fes adveriaires, pendant les temps deftinés &  Introduction. 167 célébrer les grandes fêtes de 1'Eglife , ni depuis le foir du jeudi de chaque femaine , jufqu'au lundi au matin de la femaine fuivante. Les jours inrermédiaires furent regardés comme étant particuliérement faints, paree que 1'un étoit celui oh N. S» étoit mort , & 1'autre celui oü il étoit reffufcité. Ce changement fubit dans la difpofition des efprits , prc*duifit une révolution fi inefpérée, qu'il fut regafdé comme rniraculeux, & Fon donna a la ceffation des hoftilités, qui en fut la fuite, le hom de treve de Dieu. glab. Rodulph. Hifi. /• 5 f ap. Bnuquet , vol. io, ƒ?. 59. Ce réglement, qui n'étoit d'abord qu'une convention particuliere a un Royaume, devint une loi générale dans toute Ia chrétienté; elle fut confïrmée par 1'autorité du Pape , qui menaca des foudres de Fexcommunication quiconque la violeroit. Corp. juris Canon. Dtcret. I. i , tit. 34, c. 1. Du Cange, voc. Tnuga. II exifte un acte du Concile de Toulujes, dans le Rouffillon , tenu en 1041 , qui conti ent toutes les ffipulations requifes par la treve de  i6$ Introduction;. Dieu , & qui a été publié par D, Vaiffette & D. de Vic, Hifi, du Lan» gutd. torn. 2, preuv. p. 206. Une fufpenfion de toute hoftilitc pendant trois jours entiers de chaque femaine, donnoit aux perfonnes offenfées un intervalle afTez confidérable pour JaifTer calmer les premiers mouvements du reffentiment; & le peuple , délivré pendant ce temps-la des calamités de la guerre, avoit le loifir de s'occuper des moyens de pourvoir è fa fureté ; de forte que fi cette treve de Dieu avoit été exactement obfervée , elle eut peut-être fufli pour arrêter le cours des guerres privées. Mais il en arriva autrement; les Nobles, fans égard a cette treve, pourfuivirent leurs querelles fans interruption comme auparavant: Qua nimirum tempefiate , univerfiz provincies adeo dcvafiationis continuo, importunitate inquietantur, ut ne ipfia , jpro obfervatione divinoe pacis , profiejfa facramenta cufiodiantur. Abbas UsPERG. ap. Datt. de pac. imp. publ. p. 13 , n°. 35. II n'y avoit point d'engagement capable de contenir 1'efprit de violence qui animoit Ia Nobleffe. On  Introduction. 169 On en porta des plaintes fréquentes, &c les Evêques, afin d'engager les Nobles a renouveller les promefies qu'ils avoient faites de s'abftenir des guerres particulieres, fe virent contraints d'ordonner aux Curés , fur les paroifles defquels réfidoient les Nobles obfiinés & réfracfaires, de fufpendre le fervice divin, & de ceffer toute fond ion religieufe. Hifi. du Langued. lbid. p. 118. 50. Les peuples, toujours occupés k chercher du remede k leurs fouffrances, appellerent une feconde fois a leurs fecours une prétendue révélation, Un charpentier de la Guyenne publia, vers la fin du douzieme fiecle , que Jefus-Chrifi, accompagné de la fainte Vierge, lui étoit apparu , & lui avoit commandé d'exhorter les hommes k la paix; & que s pour preuve de fa miflion, J. C. lui avoit remis une image de la Vierge tenant fon fils entre fes bras, avec cette infcription : Agneau de Dieu, qui ejfacei ^es péchês du monde, donne{-nous la paix. Ce fanatique obfcur s'adreflbit a des hommes ignorants , difpofés a croire tout ce qui Terne U, H  ijö Int (lODUCti o n> tenöit du merveilleux, & qui le re= curent comme un envoyé de Dieiu Un certain nombre de Prélats & de Barons s'affemblerent au Puy, & jurerent non-leulement d'oublier leurs propres injures, rftais encore d'atta» quer tous ceux qui refuferoient de mettre bas les armes, & qui ne voudroient pas fe réconcilier avec leurs ennemis. Ils formerent pour cet objet une afTociation qui prit le titre honorable de confrérie de Dieu. Rosert, de mon te Michaele, dcns la pref, de Lauriere,Ordonn. torn. i ,p. xó. MaiS rinfluence de cette dévotion ou terreur fuperftitieufe, ne fut pas de longue durée. 6°. Le magiftrat civil fut obligé d'employer toute fon autorité pour réprimer une coutume qui menacoit de détruire le gouvernement. Philippe- Auguiïe, fuivant quelques auteurs, ou Saint Louis, fuivant 1'opinion plus vraifemblable de quelques autres, publia en 12.45 une ordonnance par laquelle on ne pouvoit plus commencer les hoftilités contre les amis & les vaffaux de fon adverfaire, que quarante jours après le crime ou Pof-  Introduction. 171 fenfe qui avoit donné lieu a la querelle ; & celui qui violoit ce régiement devoit être regardé comme coupable d'infracfion a la paix publique, & puni comme un traitre par le juge ordinaire. Ordonn, t. 1 ,p. 56. Onappella ce reglement la treve Royale; elle laiffoit a la violence du reffentiment le temps de s'appaifer, &donnoit a ceux qui vóudroient tacher de concilier les parties oppofées, la facilité d'exercer leur zele & leurs bons offices. II paroit que cette ordonnance produifit de tfès-heureux effets, iï 1'on en peut juger par les foinfi que prirent les Rois fuivants pour en maintenir 1'exécution. 70. Dans le deffein de réprimer encore plus efficacement 1'ufage des guerres privées, Philippe-le-Bel publia , en 1296, une ordonnance par laquelle toute hoftilité perfonnelle devoit ceffer pendant tout le temps qu'on feroit en guerre avec les ennemis de 1'Etat. Ordonn. t. 1 , p. 318, 39O. Ce réglement, qui paroit prefque effentiel a rexiffence même & k Ia confervation de Ia fociété, fut fouvent renouvellé par les fucceffeurs de H ij  iyi Introduction. ce Prince ; & 1'autorité ayant été em> cacement employée pour le faire obferver, il mit un frein puiffant aux conteftations meurtrieres desNobles. Ces réglements, établis d'abord en France, furent bientót adoptés par les autres nations de 1'Europe. 8°. Le mal étoit cependant fi invétéré, qu'il ne put céder a tous ces remedes; la paix publique n'étoit pas plutöt rétablie dans le Royaume, que les Barons recommencoient leurs hoftilités particulieres. Ils s'occuperent non-feulement a maintenir un droit fi pernicieus, mais encore a s'en affurer 1'exercice fans aucune contrainte. Après la mort de Philippe-le-Bel, les Nobles de différentes Provinces de France formerent des affociations, & firent des remontrances a fon fucceffeur, pour lui demander la révocation de différentes loix par lefquelles Philippe avoit diminué les privileges de leur ordre. Ils n'oublierent pas fur-tout le droit de faire la guerre privée, qu'ils firent valoir comme un de leurs plus beaux privileges , & ils demanderent qu'on fupprimat les obflacles mis au libre exer-  Introduction. 175 éice de cc droit par la treve de Dieu, par la treve Royale , & par 1'ordonnance de 1Z96. Les deux rils de Philippe-le-Bel , qui monterent fucceffivement fur le Tröne , éluderent leurs demandes en quelques occafions ; mais en d'autres , ils furent obligés de faire quelques. conceffions. Ordonn. torn. 1 , p. 5 51 , 5 57 , 561 , 573. Les ordonnances que jecite icï lont trop longues pour être rapportées en entier ; mais elles font extrêmement curieufes , & peuvent être en particulier d'une grande inftrudtion pour les Lecleurs Anglois, en ce qu'elles jetterent beaucoup de lurniere fur ce période de Phiftoire d'Angleterre , oii les premières entrepriiés, pour limiter la prérogative Royale , furent commencées , non par le peuple pour défendre fa liberté , mais par les' Nobles pour-étendre leur pouvoir. II n'eft pas néceffaire de produire des autorités pour prouver que les guerres particulieres continuerent d'avoir lieu fous les fucceffeurs de Philippe-le-Bel. 90. II s'introdu.ifit enfuite un ufage peu différent de la treve Royale, pro H ü]  i74 Introduction. pre a en étendre & a en fortifier Ie* effets. On demandoit aux parties en querelle des billets d'affurance ou de fureté mutuelle, par lefquels elles s'engageroient k s'abftenir de toute hoftilité, foit pour toujours, foit feu-, lement pour un temps fïxé dans 1'acte ; & ceux qui manquoient k cet engagement encóuroient des peines trésgraves. Ces billets fe donnoient quelquefois volontairement; mais plus fouvent encore le magiftrat civil les exigeoit fur la demande formée par la partie qui fe fentoit la plus foible. Le magifirat fommoit 1'adverfaire de comparoitre a la cour , & obligeoit de donner un billet d'affurance. Si après cela il commettoit des hoftiliiés, il s'expofoit a fubir les peines fixées pour le crime de trahifon. On connoiffoit dans le fiecle de Saint Louis le moyen de réprimer les guerres privées. Etablijf. I. i , ch. 28. H étoit en vigueur dans la Bretagne; & ce qui eft très-remarquable , c'eft que ces billets d'affurance fe donnoient réciproquement entre les vaffaux & le Seigneur dont ils relevoient. Olivier de Cliffon en donna  ï NT RODUCTION. 175 \m au Duc de Bretagne fon Souverain, MORlCE. Mém. pour j'crvir de preuv. d Cilijt. de Bret. torn. 1, p. 846 , torn. 2 , p. 371. Brulfel a recueilli plufieurs exemples de billets d'affurance donnés dans d'autres Provinces de France. tam. '2 , p. 856. Les Nobles de Bourgogne firent des remontrances pour prouver que cet ufage étoit contraire a leurs privileges , & ils obtinrent d'en être difpenfés. Ordonn. t. 1 , p,. 558. Ces. billets de fureté s'introduifirent d'abord dans les villes; & comme on en reconnut les bons effets, les Nobies en adopterent la pratique. Voye^ la note XVI. io°. Les calamités qu'entrainoient les guerres particulieres devinrent quelquefois fi intolérables , que les, Nobles formerent des affociations volontaires, par lefquelles ils s'engagerent a s'en rapporter fur tout objet de conteftation ,. foit pour les propriétés civiles , foit pour le point d'honneur, a la décifion du plus. grand nombre des affociés. MoRi-, CE , 'Md. torn. 2 , p. 728. Mais tous ces expédients. neH w,  ïj6 I N T R O B V C T I O N. produifant pas encore 1'effet qu'on en attendoit, Charles VI publia , en 1413 , une ordonnance qui défendoit expreffément toute guerre privée, fous quelque prétexte que ce fut, & Ie juge ordinaire avoit le pouvoir de contraindre toute perfonne a fe foumettre a cette loi, & de punir les contrevenants, foit en les emprifonnant , foit en faififfant leurs biens , foit en envoyant des officiers de juftice, nommés mangcurs & gajkurs , pour vivre a difcrétion dans les terres ou les mai~ fons des coupables ; & s'il arrivoit que les infracleurs de cette loi ne puffent être arrêtés, Ie juge pouvoit faire prendre a leur place leurs amis & leurs vaffaux , & les tenir prifonniers jufqu a ce qu'ils fe fuffent engagés , par caution , a garder la paix. Le Roi abolit en même-temps toutes les loix, coutumes & privileges qui pouvoient être contraires a cette ordonnance. Ordon.tom. 10, p. 138. Que les progrès de la raifon &c de 1'ordre civil font lents! II fallut, pendant plufieurs fiecles , réunir tous les efforts de 1'autorité civile & de  ï N t R o d u G t T O BT. rjfp 1'autorité eccléfiafHque pour introduir re & maintenir des. réglements qui nous, paroiflent aujourd'hui fi juftes, fi naturels & fi fimples.. Même après cette époque , Louis XI fut obligé de publier, en 1451 , un édit pour abolir. les guerres" privées en Dau.phiné. Du Cange , Diff, p. 348. Cette note deviendroit d'une trop grande étendue , fi j'entreprenois 3'expoier ici avec les mêmes détails les progrès que fit cette barbare coutume dansjes autres contrées de 1'Eur rope. En Angleterre, les principes des Saxons fur la vengeance perfonnelle, fur le droit des guerres privées, fur la compofition due a la partie offenfée, paroiflent. avoir été a-peu-prés. les mêmes que ceux des peuples du continent; La loi d'Itna,, de vindicanühus, dans.le huitieme fiecle, Lambard, p. 3 ; celles d'Edmond , dar.s le dixieme fiecle, de hom.icidio, lambard, p. 71 ; & dg, inimicitiis, p. 76 ■:' enfin, celles d'Edouard le Confeffeur dans le onzieme fiecle,.^ temporibus & diebus pacis , ou Treuga Dei, I AMbard, p. 126 , font abfolument fenv blables aux ordonnances des Roi? H.v.  ï 78 introduction'. de France leurs contemporains, fur le même fujet. Les loix d'Edouard, de pacis regis , font encore plus expreffes que celles des Rois de France; &c même par différentes difpofitions qui y font énoncées , on voit qu'il régnoit alors en Angleterre une police beaucoup plus parfaite qu'ailleurs. Lambard, p. 118, fol. verf. Même après la conquête, les guerres perfonnelles & les réglements formés pour les réprimer, n'étoient pas abfolument inconnus , comme on en peut juger par le formulaire Anglois de Madox, Formul. Anglic. n°. 145 , & par les extraits du livre du DomefJay (*) , publié par Gale , Script. Hifi. Brit. 759 , 777. ii femble que c'eft de la treve ou paix de Dieu &c de la paix du Roi dont j'ai parlé, qu'on a emprunté une claufe très-connue dans la forme des décrets juridiques en Angleterre , par laquelle on cite, comme une circonftance qui aggrave le délit, qu'un homme en a attaqué un autre qui étoit fous la paix de Dieu & du Roi, (*) C'eft le livre du receni?ment des terres &du dénombrement des habitants de 1'Angleterre, que fit faire Gnillaume le Conquérant.  Pn t r o d u c t ï o*m , Après la conquête , Fhiftoire d'Angleterre ofFre beaucoup moinsd'exemples de guerres privées, que celle cPaucune autre nation de 1'Europe; (ie 1'on ne trouve plus aucun régiement fur cet objet dans le corps des ftatuts d'Angleterre. Ce changement fi fenfible dans les moeurs des Anglois , &C qui ne fe fit point dans celles de leurs voifins, forme une circonffance remarquable. Doit-on 1'attribuer au pouvoir extraordinaire que Guillaume le Normand avoit acquis par le droit de conquête , & qu'il tranfmit a fes fucceffeurs , pouvoir qui donna a 1'adminiltration de la juilice plus de vigueur & d'aéfivité, . Sc qui rendit la jurifdiöion de ce Prince plus étendue que celle d'aucun Monarque du continent ? On. doit - on fimplement attribuer cette révolution a 1'établiffement des Normands qui abolirent dans le Royaume qu'ils venoient de conquérir, une pratique qu'ils n'avoient jamais adoptée dans leur pays ? II eft dit expreffément dans une ordonnance de Jean , Roi de France, que, dans leus les temps, il avoit été défendu H :yj,.  i8o Introduction. en Normandie a toute perfonne , de quelque rang qu'elle fut, de faire la guerre , &c que cet ufage y avoit toujours été condamné comme illégah Ordonn. torn. i , p. 407. Si ce fait étoit certain, il ferviroit k expliquer la particularité que je viens de rapporter. Mais comme il y a quelques act es du Parlement d'Angleterre, lefquels, fuivant la remarque du favant auteur des obfervations fur les flatuts, (Obfervations on the Jfatutes chiefly the n:ore ancicnt) contiennent des fauffetés, on peut croire que ce n'eft pas une chofe particuliere aux loix de la Normandie ; & malgré 1'afTertion pofkive , contenue dans cette ordonnance du Roi de France, on eft autorifé a croire qu'elle avance une fauifeté. Mais ce n'eff pas ici le lieu_de difcuter ce point, quoique cette recherche ne foit pas indigne de la curiolité d'un favant verfé dans les antiquités d'Angleterre. La funelle coutume des guerres privées fut fort en ufage en Caftille; elle y étoit même autorifée par les coutumes & les loix du Royau-  Introduction. i 8i me. Leg. Taur. tit. 76, cum comment. aut. Gomegd , p. 551. Comme les Nobles. de Caltilie n'étoient pas moins, féditieux que puiffants, leurs querelles Sc leurs hoftilités plongerent leur patrie dans les plus grandes calamités ; c'eft de quoi Mariana nous offre des preuves fans nombre. Daiïs le Royaume d'Arragon , la, loi autorifa également le droit de la. vengeance perfonnelle, qui. y fut exercé dans toute fa rigueur, Sc fuivi des mêmes excès. Hyeron. Blanca , Comment. de. reb. Arag. ap. Schott , Hifp. illufl. vol. 3, p. 733. Lex Jacobi I , ann. Dom. 1147. II exifte encore des acles. de confédération entre les Rois, d'Efpagne Sc leur Nobleue , pour rétablir la paix en vertil de ia treve de Dieu. Petr. de Marca , Marca five limes Hijparz. app. 1303, 1388, 1418. Même en 1'année 1165 , on voit le Roi Sc la Cour d'Arragon fe réunir pour abolir le droit des guerres privées, Sc punir ceux qui prétendoient réclar mer ce privilege. Anales de Arag. por Zurita , vol, 1, p. 73. Mais Je mal avoit jetté de li profondes ra-  s'3'2 ï n troduction. eines, que Charles-Qtiint, en 1519 % fe vit obligé de publier une loi pour donner une nouvelle force aux anciens réglements • portés contre cet ufage. Fueros Sl abjlrvanc. liv. 9 p, 183. B. Les Lombards Sc d'autres nations du Nord qui s'établirent en Italië , y a.pporterent les mêmes maximes touchant- le droit de la vengeance perfonnelle , & il en réfulta les mêmes effets. Comme cette contagion fit en Italië les mêmes progrès qu'elle faifoit en France , on employa les mêmes moyenspour en arrêter le cours , & pour 1'extirper entiérement. Murat. Antiq. ltal. vol. 1 , p. 306. En Allemagne, le droit de guerre privée caufa des défordres & des calamités plus terribles Sc plus intolérables encore qu'en aucun autre pays de rEurope, La violence des guerres. civiles qui s'éleverent entre les Papes Sc les Empereurs des Maifons de Souabe & de Franconie , avoit tellement affoibli & ébranlé 1'autorité impériale, que non-feulement les Nobles , mais les villes même, s'arrogerent un pouvoir prefque indépea-  Intro d u c t i o n. r 8| dant, & rejetterent avec mépris toute efpece de iubordination &c de foumiffion aux loix. Les annales Germaniques nous apprennent combien ces guerres particulieres , appellées. F aida , étoient fréquentes; &c ils en décrivent les funéftes effets d'une maniere très-pathétique. Datt , de pace imper» publ. I. i , c. 5 , n°. 30 & paffim. Les Allemands recurent de bonne heure la treve de Dieu , qu'on avoit d'abord établie en France, mais ce, ne fut qu'un remede momentané & prefque fans force. Les défordres fe multi-. plierent avec tant de rapidité, s'accrurent a un tel point, qu'ils mena^oient la fociété d'une entiere dif-. folution. Ils furent donc obligés d'avoir recours a 1'unique remede de ce mal , c'eff-a-dire a une prohibition abfolue des guerres privées. L'Empereur Guillaume publia un édit a ce fujet, en 1255 , cent foixante ans avant 1'ordonnance de Charles VI, Roi de France. Datt , /. 1 , c. 4, n°. 20, Mais ni lui , ni fes fucceffeurs n'eurent affez d'autorité pour le faire obferver. On vit naitre alors en Allemagne un ufage qui donne  3:84 Introduction. une idee bien frappante des calamités affreufes occafionnées par les guerres particulieres , & de la foibleffe du gouvernement pendant le douzieme & le treizieme fiecles. Les villes &C les Nobles formerent des alliances & des affociations par lefquelles ils s'obligerent mutueilement k maintenir la paix publique , & a faire la guerre k quiconque entreprendroii de ia troubler. Ces alliances furent 1'origine de la ligue du Rhin , de celle de Souabe , & de plufieurs confédérations. moins confidcrablss , connues par différents noms.. Datt a rapporté avec une grande exactitude la naiffance , les progrès & les bons effets de ces affociations., Si la tranquillité publique & Ie bon ordre dans le gouvernement fe conferverent dans Ï'Empire jufqu'a un certain degré, depuis le commencement du douzieme fiecle jufqu'au quinzieme , ce fut a ces infritutions que 1'Allemagne en fut redevable. Pendant ce période, 1'ordre politique, le refpetl pour les loix , 1'équité dans 1'adminiftration de la juftice, firent en Al'emagne des progrès  Introduction. 185 fenfibles. Mais i'abolition entiere & compleite du droit de la guerre privée, ne s'accomplit qu'en 1495» L'autorité impériale étoit alors plus affermie, & les peuples avoient pris les idéés plus juftes du gouvernement & la fubordination civile. Ce privilege funeite & barbare, dont les Nobles avoient joui fi long-temps, fut enfin déclaré incompatible avec le bonheur & Pexiftence même de la fociété. Afin de terminer tous les différends qui pourroient s'élever entre les membres divers du corps Germanique , la chambre impériale fut inftituée avec une jurifdicfion fouveraine, Sc fut deftinée a juger fans appel toutes les caufes portées devant elle. Elle a toujours fubliité depuis. cette époque , & elle elf encore au-, jourd'hui un tribunal très-refpetlable, qui forme une branche effentielle de la conftitution Germanique. Datts /. 3,4,5. pfeffel , Abrégé de CHijï. d'Aliem. &c. p. 5 56. Note XXII, Sief. I, p. 107. Ce feroit fê jetter dans des détails  s 86 Introduction. ennuyeux & fuperflus, que de rapporter ici les différentes. manieres d'invoquer Ia juftice de Dieu , que la fuperftition avoit introduites pendant ces fiecles d'ignorance. Je ne ferai mention que d'une feule, paree que nous en avons la defcription dans. un placite ou plaidoyer fait en préfence de Charlemagne. Ce morceau fuffiroit pour faire connoitre combien, fous le regne même de ce Prince , 1'adminiifration de la juftice étoit encore imparfaite. En 775 , il s'éleva une conteftation entre 1'Evêque de Paris & 1'Abbé de Saint-Denis, üir la poffeffion d'une petite Abbaye. Chaque partie prodtlifit fes acles & fes titres pour étabür fon droit; mais au-Iieu de vérifier 1'authenticité de ces acfes, Sr d'en examiner la teneur , on renvoya la décifion du procés au jugement de la Croix. Chacune des parties pro-, duifit une perfonne, qui, pendant la célébration de la meffe, fe tint devant la croix de 1'autel, les bras étendus ; celui des deux repréfentants, qui fe laffa le premier, & quitta fon, attitude, perdit fa caufe. II arriya;  Introduction. i87 que le champion de 1'Evêque eut moins de force ou de conitance que fon adverfaire, & la queflion fut décidée en faveur de 1'Abbé. Mabillon , de re Dipl. I. 6 , p. 498. Si un Prince auffi éclairé que Charlemagne autorifoit une forme de ju-, gement fi abfurde , il n'eft pas étonnant que d'autres Monarques 1'ayent permife fi long-temps. M. de Montefquieu a traité du combat judiciaire avec affez d'étendue. Les deux qualités qui difèinguent cet illufïre écrivain , je veux dire fon exacfitude a rechercher touïes les circonftances des inflitutions ani ciennes & peu connues , & fa fagacité a en pénétrer les caufes & les principes, fe font également remari quer dans les obfervations qu'il fait fur ce fujet. J'y renvoye mes Lecteurs, paree qu'ils y trouveront la plupart des principes fur lefquels je me fuis. fondé pour donner 1'explication de cet ufage. Efprit des Loix % l. 28. II paroit probable , d'après les remar~ ques de M. de Montefquieu & 1(S: faits cités par Muratori , torn. 3 » dijfertat. 3 8, que les appels a la juf-  188 Introduction. tiee de Dieu, par les épreuves du feu , de Peau , &c. étoient connus des peuples qui s'établirent dans les différentes Provinces de PEmpire Romain , & fe pratiquoient chez eux avant qu'ils euffent recours au combat judiciaire. Cependant chez les nations barbares , dans le temps de leurs premiers établiffements, lè combat judiciaire étoit la méthode la plus ancienne de terminer toute forte de différends. Velleius Paterculus ( /. 3 , cap. 118 ) en donne une preuve évidente. II dit que tous les différends qui fe terminoient chez les Romains par une procédure juridique , fe terminoient par les armes chez les Germains. On trouve la même chofe dans les loix & coutumes anciennes des Suédois , rapportées par J. O. Stiernhook, (de jurt Sueonum & Go~ thomm. Vetujlo 4°. Holmio , 1682, /. 1 , ch. 7.) II eft vraifemblable que lorfque les. différentes tribus barbares qui conquirent PEmpire Romain eurent embraffé le Chriftianifme, elles abolirent pour quelque temps les combats judiciaires, comme manifeftement oppofés aux préceptes de  ïntroduction. 189 k religion ; mais que différentes circonftances que j'ai rapportées engagerent infenfibiement ces peuples a en rétablir 1'ufage. II paroit également probable, d'aprés une loi rapportée par Stiernhook, dans le traité que je viens de eiter, qu'on permettoitanciennement le combat judiciaire lorfqu'il s'agiffoit de décider un point relatif au parazere perfonnel ou k la réputation des individus, & qu'on étendit enfuite cet ufage non-feulement aux caufes criminelles, niaisencore aux queftions qui regardoient la propriété. La loi s'exprime en ces termes : » Si un % homme dit a un autre ces mots ou»trageants : Vous riêtes pas un hom» me êgal aux autres hommes, ou, vous » nave^ pas le cotur d'un homme, &C » que 1'autre réponde : Je fuis unhomn me auffi bon que vous ; qu'ils fe renn contrentfur le grand chemin. Si 1'agn greffeur paroit, & que 1'offenfé foit » abfent, que celui-ci foit réputé pire » encore qu'il n'a été appellé; qu'il ne w foit point admis a donner témoim gnage en jugement, foit pour un » homme, foit pour une femme ; &£  ïqo Introduc, tio n. w qii'il n'ait pas le droit de faire uri » teftament. Si, au contraire, la per» fbnne qui a recö 1'injure paroit, &c »> que celui qui Pa faite s'abfente; que » Poffenfé appelle fón adverfaire trois » fois a haute voix, & qu'il faffe une » marqué fur la terre : alors que ce» lui qui seff abfenté foit réputé in»fame, pour avoir prononcé des w mots qu'il n'a ofé foutenir. Si tous »les deux paroiffent armés comme >»il convient, & que Poffenfé foit »tué dans le combat, 1'aggreffeur "> payera pour fa mort une demi-com>i pofition. Mais ft 1'aggreffeur eft tué, » que fa mort ne foit imputée qu'a w fa témérité. La pétulence de fa lan* » gue lui aura été fatale. Qu'il refle » fur le champ de bataille, fans qu'il n foit exigé pour fa mort aucune conr » penfation ". Lex Uplandica ap. Stkrnhook, p. 76. Des peuples guerriers étoient extrêmement fenfibles a tout ce qui pouvoit bleffer leur réputation comme foldats. Par la loi des Saliens, fi un hómme en appelloit un autre Lievre, ou s^il Paccufoit d'avöir laiffé fon bouclier au champ de bataille, il étoit condamné k payer une groffe  Introduction. 191 amende. Leg. Salior. tit. 31, §.4,6. Par la loi des Lombards, fi qutlqu'un appelloit un autre arga, c'eft-a-dire, qui neji bon d rien , celui-ci pouvoit fur le champ défïer 1'autre au combat. Leg, Longob. I. 1 , tit. 5 , §. 1. Par Une autre loi des Saliens, 11 quelqu'un appelloit un homme cenitus, terme de reproche équivalent a celui d'arga, Tarnende qu'il étoit obligé de payer étoit fort confidérable., tit. 32, §. r. On peut voir dans Paul Diacre ï'impreffion terrible que cette expreffion outrageante fit fur 1'un de fes" concitoyens , & les funefïes effets qui fuivirent cette infulte. De Geji. Longob, l. 6 . fci 24. Ainfi, ces principes du point d'honneur, que nous fommes portés a regarder comme un raffinement moderne , Sc 1'ufage des duels qui en eft une fuite, furent le réfuf tat des idéés Sc des moeurs de nos ancêtres, dans un temps ou la fociabilité n'avoit encore fait chez eux que très-peu de progrès. Comme le point de vue fous lequel M. de Montefquieu a confidéré ce fujet, ne le conduifoit pas a examiner en détail toutes les circonftances qui  soi Introduction. concernent les combats judiciaires je citerai quelques faits particuliers néceffaires pour eclaircir ce que j'en ai déja dit. On trouve 1'exemple remarquable d'un point de jurifprudence très-embarraffant qui fut décidé par Ie combat. II s'éleva une conteftation, dans le dixieme fiecle, fur le droit de repréfentation ou de fucceiTion qui pour lors n'étoit pas encore établi , quoiqu'il foit aujourd'hui univerlelleinent recu dans toute 1'Europe. » C'étoit un fujet de doute » & de difpute, dit 1'hiilorien , que » de favoir fi les enfants du fils de» voient être comptés parmi les en» fants de la famiile , & pouvoient » hériter a égale portion avec leurs » oncles, dans le cas oii leur pere >» viendroit a mourir pendant que Ie » grand-pere feroit encore vivant. On »tint une aiTemblée pour délibérer » fur cette queilion; & 1'opinion gé» nérale fut qu'on Ia renverroit a 1'exa» men & a la décifion des juges. Mais » l'Empereur voulantfuivre unemeil»leure méthode, & dans la vue de ^>traiter honorablement fon peuple » & fes Nobles, ordonna que la quef»tion  Introduction. 193 »> tion feroit dccidée par le combat » entre deux champions. Celui qui » combattit en faveur du droit qu'a»voient les enfants de repréfenter » leur pere après fa mort, fut vifto» rieux; & il fut établi par un dé» cret perpétuel, qu'ils partageroient » dans la fuite 1'héritage avec leurs » OncleS ". "WlTTIKIND. CORBEIN , Ub. anna.1. dans la préface des Ordonnances, par Lauriere, vol. 1 ,p. 33. S'il étoit poflible de fuppofer que Ie caprice & la fottife pulfent infpirer aux hommes une idéé plus extravagante encore que celle de décider un point de jurifprudence par le combat , ce feroit 1'idée de faire décider, par la même voie, la vérité ou la faulfeté d'une opinion religieufe ; & a la honte de 1'efprit humain, on a un exemple dè cette extravagance. Dans le onzieme fiecle, on fe dif puta en Efpagne pour favoir laquelle des deux liturgies contenoit la forme de culte la plus agréable a Dieu, o u la mofarabique dont on s'étoit toujours fervi dans les Eglifes d'Efpagne , ou la liturgie approuvée par le faint Siege, qui différoit de Fau- Tome II. I .  ï 94 I N T R O D U C T I O NT. tre en quelques points. Les Efpagnols défendoient avec zele le rituel 5e leurs ancêtres, tandis que les Papes les preffoient de recevoir celui auquel ils avoient imprimé le fceau de leur infaillibilité. II s'éleva une conteftation violente : les Nobles propoferent de décider par 1'épée ce point de controverfe. Le Roi approuva cette propofition; & deux champions armés de toutes pieces entrerent dans la lice. Le champion de la liturgie mofarabique, Jean Ruys de Matanca , fut viclorieux ; mais la Reine & 1'Archevêque de Tolede , qui favorifoient 1'autre , infifterent pour foumettre cette grande affaire a une autre épreuve. Ils eurent affez de'crédit pour faire paffer leur avis , quoique contraire a la loi du combat , lequel étant regardé comme un appel a Dieu même , devoit décider en dernier reffort. On alluma un grand feu , & 1'on jetta dans les dammes un exemplaire de chaque liturgie. On convint que le livre qui réfifteroit a cette épreuve, & que les flammes auroient refpeöé , feroit admis dans toutes les Eg'ifes d'Efpagne. La li-  Introduction. 195 fcurgie mofarabique triompha encore; & fi nous en croyons Rodriguez de Tolede, le feu ne i'endommagea point, tandis que 1'autre fut réduite en cendres. La Reine & 1'Archevêque eurent encore affez d'art ou d'autorité pour éluder une feconde fois cette décifion; & 1'ufage du rituel mofarabique ne fut permis que dans certaines Eglifes : décifion auffi extraordinaire que tout le refle de ce qui s'étoit paffe fur cette affaire. Rodrig. de Tolede , cnl par le P. d'Orléans, Hifi. des Révolutions d'EJpag. c. l, p. 117. mariana, l. 1 , c. 18 , vol. 1 , p. 378. On trouve dans les loix des Lombards un trait remarquable , qui prouve que 1'épreuve du combat étoit d'un ufage général, & combien on avoit de prédileflion pour cette forme de jugement. C'étoit la coutume, clans ces fiecles de barbarie , que chacun pouvoit choifir la loi a laquelle il vouloit fe foumettre , & il étoit obligé de régler fa conduite fur ce que cette loi lui prefcrivoit , fans être tenu d'obferver aucune des pratiques autorifées I ij  tgó In t r o d u c t i ö n. par d'autres codes de loix. Ceux qui s'étoient foumis a la loi Romaine; & qui admettoient les principes de i'ancienne jurifprudence, autant qu'on en pouvoit juger dans ces temps d'ignorance, étoient difpenfés d'avoir aucun égard aux formes de procédures établies par les loix des Bourguignons, des Lombards & des autres nations barbares. Cependant 1'Empereur Othon , par une loi formellement contraire a cette maxime générale , ordonna : » Qiie toutes les >• perfonnes , fous quelque loi qu'el» les vécuiTf nt, füt-ce même fous la »loi Romaine, feroient obligées de » fe conformer aux édits relatifs au » jugement par le combat". Leg. Longob. I. 2 , tin 55 , §. 38. Tant que lubfifta 1'ufage du combat judiciaire , les preuves fondées furies chartes, contrats & autres actes, furent nulles & fans effet 5 on éiuda même cette efpece de témcignage, defHnée cependant a dirigef & a fixer les procédures des tribunaux. Lorfqu'une des parties produiloit une charte ou un autre titre en fa faveur, 1'oppofant pouvant récu-  Introduction. 197 Ier cet acte , affirmer qu'il étoit faux , & fuppofé, & ofFrir de le prouver par combat. Leg. Longob. lbid. §. 34. II elf vrai que dans Pénumération que fait Beaumanoir des raifons fur lefquelles les juges pouvoient refufer Pépreuve du combat , il cite celleci: » Si le point contefté peut être »clairement prouvé & établi par » une autre preuve. Coutume de Beauv. eh. 63 , p. 323. Mais ce reglement n'éloigna le mal que d'un degré ; car la partie qui fonpconnoit tui témoin d'être prêt a dépofer contre elle, pouvoit Paccufer d'être fuborné , lui donner un démenti, &c le déiier au combat. S'il arrivoit que le témoin fut vaincu, on ne pouvoit plus admettre d'autre témoignage , & la partie qui Pavoit fommé de comparoitre perdoit fa caufe. Leg. Bavar. tit. 16 , §. 2. Leg. Burgund. tit. 45. Beau- . MANOiR , chap. 61 , p. 315. La. raifon qu'on donnoit pour obliger les, témoins d'accepter le dén" , & de fe défendre par le combat, mérite attention , & préfente la même idéé fur laquelle efl encore fondé ce qu'on appslle le point d'honneur ;;  198 Introduction. »Car , diibit Ia loi , fi quelqu'un » affirme qu'il connoït parfaitement » ra vérité d'une chofe , & s'il ofFre »d'en faire le ferment, il ne doit » pas _ héfiter de foutenir fon affir» mation par le combat ". Leg. Burgund. tit. 45. C'elt un fait bien connu & qui h'a pas befoin d'être prouvé , que 1'épreuve du combat judiciaire étoit recue dans tous les pays de 1'Europe. Cette forme de jugement étoit d'un ufage fréquent; on le voit non-feulement par les codes des anciennes loix qui 1'établirent; mais encore par le témoignage des premiers auteurs qui ont écrit fur la pratique de la loi, dans les différentes nations de 1'Europe. Ils traitent de cet ufage avec beaucoup d'étendue ; ils en détaillent les réglements avec une exactitude minucieufe , &c en développent le fens avec beaucoup de foin. C'étoit un point trés-important & très-coniidérable de la jurifprudence de ces temps-Ja. II n'y a dans le fyftême des loix aucun objet auquel Beaumanoir, Pierre de Fontaines , & les compilateurs des aflifes de  Introduction. 199 iérulalem , paroiffent avoir attaché plus d'importance , & donné plus d'attention. La même obfervation peut avoir lieu a Pégard des plus anciens Écrivains des autres nations. On voit dans Madox, que les épreuves par le combat étoient fi fort en ufage en Angleterre, que les amendes payées en ces occafions faifoient une branche confidérable des revenus du Roi. Hijiory of the Exchcq. vol. 1, p, 349- Morice donne un détail fort curieux d'un combat judiciaire qui fe fit en préfence du Dttc de Bretagne, Fan 1385, entre Meffire Robertde Beaumanoir &c Meffire Pierre de Tournemine. Toutes les formalités qu'on obfervoit dans ces procédures étranges, y font rapportées d'une maniere plus détaillée que dans aucun monument ancien que j'aye eu occafion de voir. Tournemine étoit accufé par Beaumanoir d'avoir tué fon frere. Le premier fut vaincu, & fuivant la loi, il devoit être pendu futla place; mais fon adverfaire intercéda généreufement pour fa vie, & obtint fa grace. On trouve une trésI iv  aoo Introduction. bonne explication de Porigine des loix qu'on a faites Air le combat judiciaire, dans Phiftoire de Paris, par Bernardo Sacci, lib. 9 , c. S , in Grcev. thef. antiquit. ltal. vol. 3 , a. 743- Cette forme de procédure étoit fi agréable au peuple , que Je Clergé , rnalgré les prohibitions de 1'Eglife , fut obligé non-feulement d'en tok> rer Fufage, mais même de 1'autonfer. Pafquier en rapporte un exernpie remarquable dans fes Recherche, fur la Frame, liv. 4 , ch. 1 , p. 3 50. L'Abbé Wittikind, dont j'ai cité dans cette note les propres paroles, regardoit la décifion d'un point de jurifprudence par le combat, comme la forme de jugement la meilleure Sc la plus honorable. II y eut en 77S un combat judiciaire , en préfence de PEmpereur Henri. L'Archevêque Aldebert lui avoit confeilié de terminer de cette maniere une querelle entre deux Nobles de fa Cour. Celui des deux combattants qui fut vaincu , fut décapité fur la place. Chro~ nic. Diclmarï epifc. merbs. ap. Bouquety recudl des hijior. torn. 10, p.  I' n T R O d ü c tt o PK 299» l il. On décidoit par le combat, des quelïions fur les poifeilions des Eglifes & des Monafteres. Une conteftation s'étant élevée pour favoir fi 1'Eglife de Saint-Médard appartenoiü. ou non a 1'Abbaye de Beaulieu,on en remit la décifion au fort du combat judiciaire. Bouquet , recueil des hifi. t. 9 , p. 612, 729. L'Empereur Henri I. déclare que fa loi pour autorifer la pratique des combats judiciaires , avoit été formée avec le confentement & 1'approbation de plufieurs fideles Evêques. lbid. p. 231, Tant étoit puiffante 1'inrluence de 1'efprit guerrier de ce temps-la fur les principes ck les décifions de la loi canonique, laquelle en d'autres occasions avoit tant de crédit & d'autorité fur le Clergé ! Charles- Quint permit, en 1522, un combat judiciaire en Efpagne. Les deux adverfaires combattirent en préfence de 1'Empereur, &c tout le combat fe paffa fuivant les cérémonies prefcrites par les anciennes loix de la chcvalerie, Toute cette 'affaire efi dccrite avec beaucoup d'étendue par Pcntus Heuterus j Rer, Aujtr. lib. 8 , f, 17,^.. 205. I v.  202 Introduction. Le derr.ier exemple de combat judiciaire autorite par le Magiftrat que nous ofï're 1'hiltoire de France, eft le fameux combat de Jarnac avec la Chafteigneraie, en 1547. En 1571, on ordonna en Angleterre un combat judiciaire , fous 1'infpecïion des juges du tribunal des plaids - communs; mais il ne fut pas pouffe' ft lom que celui dont je viens de parler, paree que la Reine Elifabeth , interpofant dans cette affaire fon autorité, ordonna aux parties de terminer a 1'amiable leur différend : cependant, afin de conferver leur honneur, la lice fut fixée &c ouverte, & 1'on obferva avec beaucoup de cérémonies toutes les formalités préliminaires d'un combat. Spelmann , glojf. voc. campus , p. 103. En 163 1 , on ordonna un combat judiciaire, fous 1'autorité du grand Connétable & du grand Maréchal d'Angleterre, entre Donald Lord Rea , & David Ramfay; mais cette querelle fe termina auffi fans faire verfer de fang, par Ia médiation de Charles I. On trouve fept ans plus tard un autre exemple de combat. RusHWORTH , Obfirvaüons on the Jiatutes, p, 166,  ï N TRODÜCTiON, 2.03- No T E XXIII, Sect.I, p.nS. Le texte contient les grands traite; cjui marquent les progrès de la jurifdiction publique &c particuliere des diverfes nations de 1'Europe. Comme le fujet eft alTez curieux & aflez important pour mériter de plus grands détails, je vais fuivre de plus prés Ia marche de 1'efprit humain dans cette partie de la fcience politique. Lepayement d'une amende, en forme de fatisfaction pour la perfonne ou la familie qui avoit fouffert quelque affront ou dommage , fut le premier expédient qu'un peuple groffier ima= gina pour arrêter le cours du reffentiment perfonnel, & pour éteindre ces faida ou vengeances cruelles , qui fe tranfmettoient de parents a parents, & ne s'appaifoient que par le fang. Cet ufage remonte jufqu'au temps des anciens Germains, (Tacit. de mor. Ger. c. 11) & régna chez d'autres nations auffi peu civilifées que les Germains. On en connoit beaucoup d'exemples qui ont été recueillis par 1'ingénie.ux & favant auteur I vj  2.o4 Introduction. de 1'Ouvrage intitulé , Hifloricallawtracis , vol. i , p. 41. Ces amendés étoient fixées & percues de trois manieres différentes. Elles furent d'abord établies par une convention volontaire entre les parties oppofées. Lorfque les premiers mouvements du reffentiment étoient un peu calmés, elles s'appercevoient des inconvénienfs qui réfultoient de la durée d'une inimitié réciproque ; & la fatisfaction qu'on fixa en faveur, de 1'offenfé, fut appellée compofiüon ; ce qui fuppofoit qu'elle avoit été fixée d'un confentement mutuel. Efprit dis Loix, liv. 30, ch. 19. On peut juger, par quelques-uns des plus anciens codes de loix, que quand ils furent compilés , les chofes étoient encore dans ce premier état de fimplicité. II y avoit des cas oü la perfonne qui avoit eommis une offenfe, refïoit expofée a tout le reffentiment de ceux qu'elle avoit ofFenfés, jufqu'a ce qu'elle put les appaifer de quelque maniere, &c recouvrer leur amitié , quoquo modo potuerit. Lex Frifion. tit. 11, §. I. La feconde maniere dont on fixa enfuite ces amendes, fut de s'en remettre a  I N T k O D U C T I O N. 205 la décifion de quelques arbitres. Dans le livre c.onnu fous le titre de Regiam ma/ejlatem , un. arbitre eft ap»pellé amicabilis compojitor, Il étoit en état de juger de la nature de 1'offenfe avec plus d'impartialité que les parties intéreffées, Sc de fïxer avec pUis. de juftice la forte de fatisfaction qu'on pouvoit exiger. II eft difficile de don-r ner des preuves authentiques d'une coutume, antérieure aux monuments qui fe font confervés, chez les différentes nations de 1'Europe. Cependant , une des formules, appellées formulce Andegavenfes, qui furent compilées dans le fixieme fiecle, femble faire allufion k une tranfactioa conclue , non par 1'autorité d'un juge, mais par ia médiation des arbitres. BOUQUET, recueil des hijlor. t. 4, p. 566. Mais comme cet arbitre avoit befoind'autorité pour faire exécuter fes décifions, on nomma des juges k qui on donna un pouvoir fuf> fifant pour forcer les parties a fe con* former a fon jugement. Avant cette derniere opcration, les compofitions n'étoient qu'un remede inerfi'cace contre les funeftes effets du reffentiment  2o6 Introduction. perfonnel; mais dès que cet important changement eut lieu , le Magiftrat, fe mettant a la place de 1'offenfé , fixa la fatisfacfion que celuiei avoit droit d'exiger. Toutes les efpeces d'offenfes & de torts auxquels on peut être expofé dans la fociété, furent énoncées, définies & appréciées; & la compofition due pour la réparation de chaque offenfe, fut fixée avec une attention fcrupuleufe, qui montre, en certains cas, une délicateffe & un difcernement très-fingulier, & en d'autres cas , une bifarrerie inexplicable. Outrela compofition qu'on payoit a Ia perfonne offenfée, il y avoit une certaine fomme appellée fredum , payable au Roi ou a 1'Etat, fuivant 1'exprefiion de Tacite , ou au fifc , fuivant le langage des loix barbares. Quelques auteurs , mêlant les idéés raffinées de la politique moderne avec leurs raiionnements fur les temps anciens, ont imaginé que le fredum étoit une réparation due è la communauté pour une infraftion a la paix publique; mais il eft évident que ce n'étoit que le falaire dü au Magiftrat pour la pro-  Introduction. 107 tection qu'il accordoit contre la violence du reffentiment perfonnel. En formant cette inftru£Hon, on fit un grand pas vers 1'amelioration de la jurifprudence criminelle. Dans quelques-uns des plus anciens codes de loix, on ne fait aucune mention de ces freda, ou du moins on en parle fi rarement , qu'on voit bien que 1'ufage en étoit peu cönnu. Dans les codes poftérieurs, le fredum eft auffi exacfement fpécifié que la compofition même ; & dans les cas ordinaires, il étoit évalué au tiers de la compofition. Capiiul. vol. 1 , p. 52. Dans quelques cas extraordinaires , ou il étoit plus difficile de protéger la perfonne qui avoit fait 1'offenfe , le fredum étoit porté a une fomme plus forte. Capit. vol. 1 , p. 515. Ces efpeces d'amendes faifoient une branche conlidérable des revenus des Barons ; & par-tout ou Ja juftice territoriale étoit établie , les juges royaux n'avoient point de droit d'exiger aucun fredum. Dans Pexplication que je donne de la nature du fredum , j'ai ftiivi en grande partie 1'opii.ion de M. de Mon-  20§ INTRODUCTION', tefquieu , quoique je fache que plu-, fieurs favants ont pris ce mot en un lens different. Efprit- des Loix , üv< 30 , ch. 20. Le principal objet des juges étoit de forcer Tune des parties a tonner , Sc 1'autre a recevoir les fatisfacïions prefcrites par la loi* Ils multiplierent les réglements è ce fujet, Sc menaeerent de peines trèsgraves les infracteurs. heg, Longob. Lib. 1, tit. 9. §. 34. lbid. tit. 37, §. 1,1. La perfonne qui recevoif une compofition, étoit obligée de ceffer auffi-töt toute efpece d'hoftilité •, & de confirmer par un ferment fa réconciliation avec fa partie adverfe. Leg, Longob. lib. i-, tit. 9, §. 8. Et pour donner un témoignage plus folide & plus authentique cle la fin-, cérité de la réconciliation , la partie léfée étoit requife de remettre a celui qui avoit payé -la compofition, un billet de fureté qui le garantiffbit de- toute pourfuite ultérieure. Marculfe Sc les autres eom, pilateurs d'acfes anciens, ont confervé plufieurs différentes formules de ces billets. Marculf. lib. 2, §. 18, append, §. 23, Form. Sirtmm  Intro du tion. 209 e'icx , §. 39. Les Lettres de Slanes., connues dans la jurifprudence d'EcoiTe , font parfaitement femblables a ces billets de fureté. Les héritiers & parents d'un homme aiTaffiné s'engageoient, par les lettres de Slanes , en confidération de Yajffythment ou compofition qu'ils avoient recue, a pardonner Poffenfé , Sc a renoncer pour toujours a tout fentiment de haine , malice , vengeance Sc prévention qu'ils pourroient avoir concu ou concevoir encore contre le meurtrier ou fa poftérité, pour le crime qu'il avoit commis; &c a le dccharger de toutes aftions civiles & cri-rninelles intentées contre lui & con? tre fes biens , pour le préfent & pour 3'ayenir. Syft. de Styles , par Dalles de Saint-Martin, p. 682. Suivant la forme ancienne des lettres de Slanes% non-feulement la partie offenfée pardonne Sc oublie, mais fait grace Sc accorde la rémiflion du crime. Dallas , raifonnant fur cette pratique d'après les principes de ion fiecle , regarde cette formule comme une ufurpation des droits de fouveraineté ; car il n'y a, dit-il, que le Roi qui  2io In t r o d u e t i o n, puiffe faire grace a un criminel. IbU, Mais dans ce temps de barbarie , la pourfuite , la punition & le pardon des coupables , étoient également a la difpofition de la perfonne offenfée. Madox a publié deux aöes , Ftm du regne d'Edouard I , 1'autre du regne d'Edouard III, par lefquels des particuliers accordent Ja rémiffion ou le pardon de tous méfaits , félonies , vols & meurtres commis. Formul. Anglican. n°. 702, 705. II paroit cependant que dans le dernier de ces aft es, on a eu quelque égard aux droits du Souverain ; car le pardon elf accordé avec cette modinV cation, en tam que nous e/?. Après même que le magiftrat eut interpofé fon autorité pour faire punir les cri* minels , leur punition fut pendant long-temps regardée particuliérement comme une fatisfacfion due au reffentiment de la perfonne offenfée ou léfée. En Perfe , un meurtrier eft encore aujourd'hui livré aux parents de celui qu'il a tué, & ils le mettent a mort de leurs propres mains. S'ils refufent pour compenfation une fomme d'argent, le Souverain, tout ab-=  Introduction. ui folu qu'il eft , ne peut pas faire grace au meurtrier. Voy. de Tavernier, liv. 5 , ch. 5 cS* 10. Dans le Royaume d'Arragon, il exiftoit encore en 1564, une loi fuivant laquelle une fentence de mort ne pouvoit étre mitigée que du confentement de la perfonne offenfée. Fueros & obfervancias dei Royno de Arragon , p. 204 , 206. Si après s'être engagé, comme je 1'ai .expliqué , a renoncer a tout reffentiment , quelqu'un renouvelloit les hoftilités , & commettoit quelque violence , foit contre la perfonne qui avoit payé une compolition, foit contre fes parents ou héritiers, c'étoit un crime très-odieux , qu'on puniffoit avec une rigueur extraordinaire. On Ie regarcloit comme un acte de rébellion direcle contre 1'autorité du magiftrat, qui devoit être réprimé par 1'exercice de toute la force de la loi. Leg. Longob. lib. tit. 9 , §, 8 , 34. Cap. vol. 1 , p. 371 , §. 22. Par-Ia on interdit aux particuliers la pourfuite des offenfes ; on fixa des compofitions légales, & la paix & la concorde furent rétablies fous 1'infpection & par la médiation du magiftrat. II eft évi-  au Introduction, dent que dans le temps oü les bar-, bares s'établirent dans les Provinces de Ï'Empire Romain, ils avoient parmi eux des juges établis, & armés d'une autorité coercitive. Les premiers hiftoriens parient de perfonnes revêtues d'un femblable caraétere, Du Cange, voc. judicis. Le droit de jurifdidtion terrioriale n'étoit pas abfolument une ufurpation des Barons féodaux. II y a lieu de croire que les chefs puiiTants qui s'emparerent de différents diftricts des pays qu'ils avoient eonquis, &c qui les pofféderent comme propriété allodiale , fe donnerent en même-temps le droit de jurifdiction , &c 1'exercerent- dans leur territoire. Cette jurifdidtion dut être fouveraine &c s'étendre k tous les cas. Bouquet donne des preuves les plus claires de cette affertion , dans k droit publ. de Fr. éclcdrci , t. i , p. 206. 11 paroit que tout Baron tenant un fief, jouiffoit originairement, comme d'un droit inhérent k fa propriété , du privilege de juger fes propres vaffaux. Auffi loin que les archives des nations peuvent nous conduire &: nous «clairer avec quelque certitude , nous,  IKTRÖÜUCTIÖN. 1 r 3" y'oyöns le fief & Ia jurifdiction toujours unis. Une des plus anciennes chartes accordées aux laïques, dont j'aye connoiffance, eft celle de Louis le Débonnaire , de 1'année 814; elle contient, dans les termes les plus formels Sc les plus précis, le droit de juftice territoriale. CapïtuL v. 2, p. 1405. II y a plufieurs chartes plus anciennes accordées a des Eglifes ou k des Couvents, par lefquelles le Souverain leur attribue une femblable jufifdiftion', &c défend a tous juges royaux d'entrer fur le territoire de ces Eglifes ou Monafteres, & d'y exercer aucun acte d'autorité judiciaire. BOUQUET, Recueil des h'ijl. t. 3 , p. 628, 633 , t. j,p. 703 , 710, 752, 762. Muratöri a publié auffi plufieurs chartes trés-anciennes , contenant de femblables immunités. Antiq. ltal. d':Jferi. 70. Dans la plupart de ces acf es, il elt particuliérement défendu d'exiger des freda; ce qui prouve que ces amendes formoient alors une portion eonüdérable du revenu public. Pour obtenir une fentence a ce tribunal de juftice, il en coütoit alors une fomme fi confidérable, que cette  2,i4 Introduction. feule circonftance fuffïfoit pour délourner les hommes de faire juger leurs conteftations fuivant les formes judiciaires. II paroit par une charte du treizieme fiecle, que le Baron a qui appartenoit le droit de juftice, recevoit la cinquieme partie du prix de la chofe qui faifoit 1'objet de la conteftation; fi après qu'une procédure avoit été entamée , les parties accommodoient leur différend a 1'amiable, onpar arbitres, elles n'étoient pas moins obligées de payer le cinquieme de la valeur de 1'objet en litige, au tribunal devantlequel le procés avoit été porté. Hijl. du Dauphiné, Geneve, 1722. t. 1 , p. 22. On trouve un réglement femblable dans la charte de liberté accordée a Ia ville de Fribourg , en 1120. Lorfque deux bourgeois de cette ville étoient en querelle, fi 1'un des deux portoitfa plainte au Seigneur de qui il relevoit, ou a fa juftice , & qu'après avoir commencé la procédure, il fe réconciliat en particulier avec fon adverfaire , Ie juge pouvoit ne pas admettre cetaccommodement, & forser les parties a continuer la pro-  Introduction. 115 cécfure ; & tous ceux qui avoient été préfents a la réconciliation , étoient privés de la faveur du Seigneur de qui ils relevoient. Hijloria ZaringoBadenfis , auct. Jo. Dan. Schoepfiin , Carolfr. 1765 , 40. v. 5 On ne peut pas aujoUrd'hui déterminer avec certitude quelle étoit 1'étendue de la jurifdiction que poffédoient originaircment ceux qui tenoient des fiefs; il efi évident que pendant les troubles Sc la confufion qui régnerent dans tous les Royaumes de 1'Europe , les grands Vaffaux furent profiter de la foibleffe de leurs Rois pour étendre leur jurifdidtion auffi loin qu'il étoit poffible. Dés le dixieme fiecle , les Seigneurs les plus puiffants avoient ufurpé le droit de juger toutes les caufes civiles ou criminelles , Sc ils s'étoient arrogé la haute Sc la bafle juftice. Etabüjf. du Saint Louis, liv. 1 , ch. 24 , 25. Leurs fentences étoient définitives , 6c Pon ne pouvoit en appelier a aucun tribunal fupérieur. Cela eft prouvé par plufieurs exemples frappants recueillis par Bruffel. Traité des fefs, L. 3 , ch. 11 , 12 , 13. Les Ba-  "iT6 Introduction. rons puiffants ne s'en tinrent pas Ia 5 ils firent ériger leurs domaines en rêgalités , avec prefque tous les droits de la jurifdiction & dé la prérogative royale. On en vit des exemples fréquents en France , Bruss. ibid. Mais ils furent encore plus cornmuns en Ecoffe , oii le pouvoir des Nobles féodaux s'éleve a un degré extraordinaire. Hijtör. Law-tracls, v. 1 , trait. 6. En Angleterre même, ou 1'autorité des Rois Normands avoit cependant refferré la jurifdiction des Barons dans des hornes plus étroites qu'en aucun autre Etat féodal, ils s'établit auffi plufieurs Comtés Palatins, dans lefquels les juges royaux n'avoient point le droit d'entrer , & om aucun acte ne pouvoit fe paffer au nom du R.oi, a moins qu'il ne fut revêtu du fceau du Comte Palatin. Spelman , Gloff. voc. comités Palatini. blackstone, comment. on the Laws of'England, vol. 3 , p. 78. Ces Seigneurs de régalités avoient le droit de réclamer leurs vaffaux , & de les fouflraire aux jufiices royales qui auroient prétendu exercer quelque aéle de jurifdiction fur eux, Brussel, ubi fupra  Introduction. 117 fuprd. Dans la loi d'Ecoffe , ce pri• vilege étoit appellé le droit de repleiger, ( of repledging ) & 1'on en faifoit un ufage fi fréquent, que nonfeulement le cours de la juftice en étoit interrompu, mais qu'il en réfulta fouvent les plus grands défordres. Hijlorical Law-tracls , ibid. La jurifdiction des Comtés Palatins produifit les mêmes inconvénients en Angleterre. Les Princes employerent fucceffivement différents moyens pour prévenir les mauvais effets de fes ufurpations. Sous Charlemagne & fes defcendants immédiats, la prérogative royale conferva encore beaucoup de force ; les Ducs & les Comtes, qui étoient des juges ordinaires & fixés, &c les miffi Dominici, juges extraordinaires &c ambulants , exercöient dans les différentes Provinces de leur reffort une jurifdiction égale a celle des Barons en certains cas, & même fupérieure dans d'autres. Du Cange , voc. Dux , Comités , & miffi. MuRAT. antiq. differt. 8 , 9. Mais fous la race foible des Rois qui remplacerent les fucceffeurs de Charlemagne , 1'au- Tome II. K  ai8 Introduction. torité des juges royaux alla tou* jours en déclinant , Sc les Barons ufurperent la jurifdiction illimitée dont on a déja parlé. Louis VI, Roi de France, elTaya de faire revivre 1'emploi des mijjï Dominki , fous le titre de juges des exempts; mais les Barons étoient devenus trop puifTants pour fouffrir une pareille entreprife iur leur autorité, & il fut obligé de s'en défiftef, Ses fucceffeiirs eurent recours a des expédients moins capables d'allarmer. L'appel de défaute de droit , ou pour déni de juftice , fut la première tentative qu'on employa avec fucccs. Suivant les maximes de la loi féodale, fi un Baron n'avoit pas affez de vaffaux pour qu'ils puffent être jugés a fa Cour par leurs Pairs , ou bien s'il diftéroit ou rcfufoit de rendre la juftice , les parties offroient de plaider a fa cour , Sc pouvoient en appelIer a celle de fon Seigneur fuzerain, &c y faire juger leur caufe. Efprit des loix, L 28 , c. 28. Du Cange, voc. defeclus juflkicz. Le nombre des Pairs ou aifeffeurs , dans les coursdes Barons, étoit fouvent très con-  INTRODUCTION. 210 fidérable. Dans un procés criminel porté a la cour du Vicomte de Lautrec, en 1299 , il y eut plus de deux cents perfonnes qui aiïïlferent au procés , Sc donnerent leur voix pour le jugement. Hifi. de Languedoc, par De VlC Sc VAISSETTE , t. 4 , preuves , p. 114. Comme le droit de jurifdiction avoit été ufurpé par une foule de petits Barons, fouvént ils n'étoient pas en état de tenir leurs cours y c'eiï ce qui donna lieu a ces appels , Sc en rendit 1'ufage très-commiin. Par degrés on en vint k appelIer des cours des plus puiiTants Barons; & il paroit par une décifion que rapporte Bruffel, que les juges royaux étoient fort portés a multiplier les cas Sc les prétextes de ces fortes d'appels. Traité des fiefs , t. 1, p. 235. L'appel pour dêfaute de droit contribua moins cependant a diminuer la jurifdiction de la Nobleffe , que ne fit l'appel de faux jugement, ou d'une fentence injufte. Lorfque les Rois furent puiffants , Sc que leurs juges eurent une autorité très-étendue , ces appels devinrent fréquents, Capit. vol. z , p. 175 , 1 80 ; Sc ils fe K ij  ixo Intro d u c t i o 'n. faifoient d'une maniere analogue aux moeurs fimples & grofïieres de ces temps-la. Les parties léfées Te rendoient au palais du Souverain , &C demandoient a grands cris , juftice &c réparation. Capitul.l. 5 , c. 59. Chronic. Lauterbergienfe ap. Mencken. fcript. ■German. y. 2 , p. 284, 286. Dans le •Royaume d'Arragon, la fomme des appels au Jujli{a ou juge fuprême , fuppofbit que 1'appellant étoit dans un danger évident de mort ou de quel-que outrage violent. II couroit devant le juge en criant a haute voix, avi , avi, fuerza. , fuer^a., implorant, pour ainll dire , 1'affiitance immédiate du juge fuprême , pour qu'il lui fauvat la vie. Hier. Blanca , comment. de rebus Arragon. ap. fcript. Hifpanic. hifior. vol. 4 , pag. 753. L'abolition •du combat judiciaire fit revivre en partie les appels de cette efpece. La fubordination qu'ils établirent, en introduifant plus d'attention, d'équité *&z d'accord dans les décifions des •cours de judicature , eut des effets •très-fenfibies, prefque toutes les caufes importantes furent portées au tribunal des Cours du Roi, Brussel,  I NTRODUCTTO n, 22* /; i , p. 252. On trouve dans Y Efprit des loix , /. 28 , c, 27 , 1'énumé* ration des différentes circonftances qui concoururent k introduire & a multiplier Pufage de ces appels, Mais i-ien n'y contribua tant que 1'attention qu'eurent les Rois, de donner une forme augufte & conflante k leurs Cours de juftice. C'étoit un ufage ancien que les Rois y préfidaffent eux-mêmes., &c y jugeaffent en perfonne. Marculf. i , 525. Murat , diff. 31. Charlemagne ,. a Pheure ou il s'habilloit, avoit cou-« tume d'appeller les parties ; & après avoir écouté & pefé le fujet de leurs plaintes, il rendoit fon jugement fur. le champ. Eginharo , vita Caroli magni, apud Madox , hiji. of Exchequer, v. fc, p.. 91, La préfence du Princ^ ne pouvoit manquer de rendre plus refpecfables les décifions de fes tribunaux. Saint Louis qui donna le plus de cours a Pufage des appels , fit revivre cette coutume , & adminiftra lui-même la juftice avec toutei Pancienne fimplicité. J'ai fouvent vu ce Saint, dit Joinville , affis a 1'om-. bre d'un chêne dans le bois de, Via-. K iij  222. Introduction. cennes , oü tous ceux qui avoient des plaintes a lui porter pouvoient 1'approcher librement. D'autres fois il ordonnoit d'étendre un tapis dans un jardin, & la il s'afTeyoit pour entend re les caufes qu'on venoit foumettre a fa décifion. Hifi. de Saint Louis, p. 13 , ibid. 17Ó1. Les Princes d'un rang inférieur qui avoient le droit de juftice, en étoient quelquefois eux-mêmes les difpenfateuis, & préfidoient k leurs tribunaux. On en trouve deux exemples dans 1'hiftoire des Dauphins de Vienne , Hifi. du Dauphinc, t. 1 , 18 ; t. 2 , p. 2 5 7, Mais comme les Rois & les Princes ne pouvoient pas décider en perfonne toutes les caufes, ni les faire juger dans la même Cour, ils nommerent des Baillifs avec un droit de jurifdiction , dans les différents diftricfs de leurs Etats. Le pouvoir de ces juges eut quelque chofe de reffemblant k celui des anciens Comtes, Ce fut vers la fin du douzieme fiecle , & au commencement du treizieme, que cette efpece d'office s'établit en France. Bbussel , /. 11, c 35. Lorfque le Roi eut une Cour  Introduction. 223 cle juftice érigée dans les différentes. Provinces de fa domination, il invita fes fujets a y avoir recours, L'intérêt particulier des Baillifs , concouroit avec 1'avantage de 1'ordre public & politique , pour étendre leur jurifdidtion. Ils fe prévalurent de chaque défaut de droit dans les cours, des Barons Sc de tous les faux jugernents qui s'y rendoient, pour fouftraire les caufes h ces Cours, Sc les évoquer a eux-mêmes. U y avoit une diftindtion extrêmement ancienne dans le fyftême féodal , entre la haute Sc Ja baiTe juftice. Capit. 3 , ann. 812 , §. 4, ann. 815 , §. 3. Établi ff. deSaint- Louis , /. 1 , c. 40. Plufieurs Barons poffédoient la baffe juftice fans ia haute. Celle - ci s'étendoit a tous les crimes, même a celui de haute trahifon ; tandis que 1'autre fe bornoit aux délits peu confidérables. Cette différence fournit des prétextes fans nombrj , pour arrêter, reftreindre Sc revoir les procédures des cours des Barons. Ordonn. 2, 457, §. 15,. 458 , $. 29. Un reglement de plus grande importance fuccéda de prés a 1'inftituK iv-  2.2.4 Introduction. lion des Baillifs : la Cour fuprême du Roi ou le Parlement fut rendu fédentaire, & 1'on fixa le temps de fes féances. En France comme dans tous les Royaumes féodaux , la Cour de juftice du Roi étoit ambulante dans fon origine; elle fuivoit la perfonne du Monarque , & ne tenoit fes affifes qu'a certaines grandes fêtes. Philippe-Augufte , en 1305 , voulut qu'elle fut fédentaire a Paris , & qu'elle continuat fes féances durant la plus grande partie de 1'année. Pasquier , recherches , liv. 2 , c. 26-3, &c. Ordonn. t. 1 , p. 366 , §. 62. Ce Pnnce & fes fucceffeurs donnerent des pouvoirs étendus è cette Cour; ils accorderent a fes membres des privileges & des diflinöions qu'il feroit fuperflu de rapporter ici. Pasquier , ib. velly , hift. de France , /. 7 , p. 3 07. Ony choifit pour juges des perfonnes diftinguées par leur intégrité, par leur capacité dans les loix. lb. Peu-a-peu le droit de juger en dernier reffort toutes les caufes importanties , fut attribué au Parlement de Paris & aux autres Parlements qui rendoient la juftice au nom du Roi dans  Introducti on. les différentes Provinces du Royaume. Cependant le Parlement de Paris parvint très-lentement. a cette étendue de jurifdiöion, & les grands Vaffaux de la Couronne firent de vio-. lents efforts pour arrêter les progrès de fon autorité. Vers la fin du treizieme fiecle, Philippe-le-Bel fut forcé de défendre a fon Parlement de re-cevoir certains appels qu'on y portoit des cours du Comte de Bretagne, & reconnut lui-même le droit de jurifdiction fouveraine que prétendoit ce Prince. Mémoires pourfervir a l'hijï. de. Bret. par MoRICF., t.. i , p. 1037 , 1074. Charles VI, a la fin du fiecle fuivant, fut obligé de confirmer dans une forme plus préeife encore , ce droit des Ducs de Bretagne. lbid. t. 2, p. 580, 581L'oppofition des Barons au droit d'appel , qu'ils regardoient comme funefte a leurs privileges & a leur pouvoir , fut très-violente ; les auteurs de YEncyclopédie Francaife ont rapporté plufieurs exemples dans lefqnels les Barons firent mourir ou mutiier, ou condamner k perdre leurs biens, ceux qui avoient ofé appeller au ParK v  2.26" Introduction. kment de Paris , des fentences prononcées dans les cours de leurs jurifdiftions. T. 12 , art. Parlement, p. 2<, Le progrès de jurifdiclion dans les autres monarchie:- £é< ales, futa-peuprès tel que nous 1'avons fait voir en France. Les Barons avoient en Angleterre une jurifdiction territoriale également ancienne & étendue. Leg, Edw. conf. n°. 56-9. Après Ia conquête des Normands , le gouvernement devint plus féodal qu'auparavant ; & il eft prouvé par les faits rapportés dans 1'hiftoire d'Angleterre, ainfi que par l'inftitution des Comtés Palatins dont j'ai déja parlé , que les ufurpations des Nobles dans cette iile ne le céderent point a celles de leurs contemporains fur le continent. On employa les mêmes moyens pour reftreindre ou pour abolir ces dangereufesjurifdictions.Guillaume-le-Conquérant établitune Cour fixe & conftante dans la grande falie de fon palais; & c'eft de-la que font forti es les quatre Cours de juftice aftuelles de 1'Angleterre. Henri Ildivifa le Royaume en fix diftricfs , & envoya desjuges ambulants pour y tenir leurs af-  ï n T R O D U c T I o ms %%>p fifes a des temps, marqués. BlacksTONE, commentaries on the Laws of En~ gland, v. 3 , 57. Les Monarques fuivants établirent. dans chaque Comté des juges de paix, a la jurifdiction. defquels on recourut par degrés pour beaucoup de caufes civiles. Les privileges des Comtés Palatins furent fucceffivement limités, & furent même abolis en certains points; & 1'adminiflration de la juftice fut portee aux Gours du Roi, ou devant des juges de fa nomination. Dalrymple fait Fénumération dés mefures différentes qu'on prit pour parvenir a ce but. Hiflory of feudal property , chap. 7. Les ufurpations de la Nobleffe er. Ecoffe furent plus exorbitantes que dans aucun autre Royaume féodal. Les progrès de ces ufurpations & les moyens qu'employa la Couronne pour limiter ou abolir les juftices territoriales & indépendantes des Barons , furent a-peu-près les mêmes que ceux dont je viens de parler. J'ai déja eu occafion de m'étendre fur cet objet, & de le développer dans un autre ouvrage. Hiftory of Scotiand, v.i,p. 45» K vj  228 I ntroduction. Je me perdrois moi-même, ainfi Cfue mes Lecteurs, dans le labyrinthe de la jurifprudence Germanique, fi j'elTayqis de tracer avec une exactitude minucieufe le progrès de la jurifdiction de Ï'Empire. II fuffit d'obferver que 1'autorité dont le Confeil Aulique &laChambre impériale jouiffent a préfent, ne s'eft établie qu'a l'occalion des mêmes abus de la jurifdicfion territoriale des Seigneurs, & de la même maniere que les juftices royales ont pris de Pafcendant dans d'autres pays. Tous les faits importants fur ces deux objets fe trouventdans Phil.Datt, de pace publicd Imperii, lib. 4. Les articles principaux fon indiqués dans Pfeffel , abrégê de Chijl. & du droit public <£Alltm., & dans le Traité du droit public de CEmpire, par M. Le COQ de VlLLERAY. Ces deux derniers ouvrages compofés fous les yeux de M. Schoepflin de Strasbourg, un des plus habiles publiciffes de 1'Allemagne, doivent avoir une grande autorité.  Introduction. 229 Note XXIV, Secl. I, p. 124. II n'eft pas aifé de fxxér avec précifion Ie temps oü les eccléfiaftiques commencerent k réclamer 1'exemption de la jurifdicfion civile. II eft certain que, pendant Ia fërveur de la primitive Eglife , ils ne prétendirent jamais a de telles immunités. L'autorité de la magiflrature ciyile s'étendoit fur les perfonnes de tout état & fur les caufes de toute efpece. Ce fait a été non-feulement trés - bien établi par les auteurs Proteftants, mais encore par des écrivains diftingués chez les Catholiques Romains, & particuliérement par les défenfeurs des libertés de 1'Eglife Gallicane. Plufieurspieces originales, publiées par Muratori, montrent que dans le neuvieme& ledixieme fiecle, les caufes eccléfiaftiques de la plus grande importance furent toujours décidées par les juges civils. Antiq. hal. v. 5 , dijfert. 70. Le Clergé ne fecoua pas tout d'un coup le joug de la jurifdiction civile. Ce privilege , ainfi que fes autres ufurpations, fut emporté.  %l O ISTRODU C T I ON, fentement & par degrés. Cette exemp^ tion femble d'abord avoir été un acte purde complaifance, Sc un effet de la vénération qu'on portoit au caractere des Eccléfiaftiques, Ainfi, par une charte de Charlemagne en faveur de 1'Eglife du Mans , en 796 , a laquelle M. 1'Abbé deFoi renvoye dans ia Notice desDiplömes, t, i,p. 201, ce Monarque enjoint a fes juges, s'il venoit a s'élever un différend entre quelque perfonne que ce fut Sc les administrateurs des revenus de cette Eglife, de ne point fommer ceux-ci de comparoïtre in mallo publico , mais d'en conférer d'abord avec lesparties,. Sc de terminer la conteftation a 1'amiable. Cette indulgence devint par la fiiite une exemption légale, toujours fondée fur ce même refpect fuperfiitieuxque leslaïques avoient pour le caraétereoc les fonétions du Clergé. On voit un exemple remarquable de ce refpeét dans une charte de Fréderic Barberoufle, de 1'année 1171, adreffée au monaftere d'Altenburg. II leur accorde judicium non tantum fangumolentis plaga, fed vitcz & mortis. II défend a tous juges royaux de les  Introduction. 23-1 troubler clans leur jurifdidtion. Voicf la raifon qu'il donne de cette importante conceiïion. Nam quorum, ex Dei gratid , ratione divini miniflerii opus leve ejï, & jugum fuave ; nos pe~ nitus nolumus illius opprejjionis contumelid , vel manu laïca fatigari. mencken, fcript. rer. Germ. vol. 3 , p. 1067. Je n'ai pas befoin, pour éclaircir ce qui eft contenu dans le texte, d'expliquer la maniere dont le code du droit canon fut compilé, & de montrer que Ia doftrine de ce code , la plus favorable au pouvoir du clergé, eft fondée fur 1'ignorance, ou appuyée fur la fraude &i le menfonge. Le Leöeur trouvera des détails fur ce fujet dans Gerard van Maeftricht, hijloria juris ecclefiajlici, & dans la fcience du gouvernement, par M,. de Réal, t. 7, c. 1 & 3 , §. 2, 3 , &c L'hiftoire des progrès & de 1'extenfion de la jurifdidtion eccléfiaftique, avec un détail des artifïces employés par le clergé pour attirer a fon refïbrt toutes les efpeces de caufes, ne feroit pas moins curieufe, & jetteroit une grande clarté fur les coutumes Sc  3$£ ï N T R O D U C T I O N. les inrtitutions des fiecles d'ignorance; mais ce détail feroit trop étranger a mon fujet. Du Cange, dans fon gloiTaire , voc. curice chnfiianitatis, a recueilli la plupart des caufes pour lefquelles le clergé s'efï arrogé une jurifdidtion exclufive, & il renvoye aux auteurs ou aux actes originaux qui confirment fes obfervations. Giannone, dans fon hiftoire civile de Naples., lib. 19 , §. 3 , a rangé toutes ces matieres dans leur ordre , & a difcuté les prétentions de 1'Eglife avec fa liberté & fon difcernement ordinaire. L'Abbé Fleury obferve que le clergé multiplia a un tel point les prétextes d'étendre 1'autorité des tribunaux eccléfiaftiques, qu'il fut en fon pouvoir de foultraire toutes fortes de perfonnes &c de caufes a la jurifdiction civile. Hifi. ecclefi. t. 19, difc. prélim. ib. Mais quelque peu fondée que puiffe être la jurifdiction du clergé , ou quels que ïoient les abus occafionnés par 1'exercice de ce pouvoir , il eft certain que les principes & les formes de fa jurifprudence étoient beaucoup plus parfaits que ceux dont on faifoit ufage dans les  Introduction. 233 tribunaux laïques. II eft probable que les eccléfiaftiques. pendant quelques fiecles du moyen age, ne fe foumirent jamais aux codes des nations barbares ; mais qu'ils fe gouvernerent entiérement par le droit Romain. Ils réglerent toutes leurs affaires conforr mément aux principes de cette ,juri£prudence qui s'étoient confervés par tradition, ou qui fe trouvoient contenus dans le code Théodofien & dans d'autres livres qui étoient reftés. C'eft ce qui eft prouvé par une coutume univerfellement obfervée dans ces temps-la. Chacun avoit la liberté de choifir parmi les différents codes de loix qui étoient alors en vigueur, celui auquel il vouloit fe con-. former. Dans les tranfactions importantes, les parties contractantes étoient tenues de déclarer la loi qu'elles vouloient fuivre, afin qu'on put décider leurs différends par les regies de cette loi. On trouve des preuves innombrables de ces ufages dans les chartes du moyen age. Mais .le clergé confidéra toujours comme un privilege fi effentiel de fon ordre , d'être gouverné par le droit Romain, que fi  ^34 Introduction. quelqu'an entroit dans les ordres facrés, il étoit ordinairement obiigé de renoncer a la loi qu'il avoit futvie jufqu'alors 5 & de déclarer qu'il fe foumettoit dès-Iors au droit Romain. Conjlat me Joannem clericum, jilium quondam Verandi, qui profejfus fum , ex natione med, lege vivere Langobardorum, fed tarnen, pro konore ec~ clejiajlico, lege nunc videor vivere Romana. Charta A. D. 1072. Farulfus presbyter qui profejfus fum, morefacerdotii mei, lege vivere Romand. Charta A. D. 1075. Muratori, antichita Ejlenji, vol. 1 , p. 78.. On commenca vers le neuvieme fiecle k compiler le code du droit canon. Mém. de ÜAcad. des infcript.. t, 28, in-S°. p. 346. II fe paiTa plus de deux cents ans avant qu'on fit aucune collecfion des coutumes qui étoient devenues la regie des juge-. ments dans les cours des Barons. Les juges eccléfiaftiques fe régloient donc fur des loix écrites & connues , tandis que les juges féculiers, fans aucun guide fixe, n'étoient dirigés que par des coutumes de tradition , vagues 6c incertaines. Mais outre cet  Introduction. 135 avantage général du droit canonique , fes formes 6c fes principes étoient bien plus d'acord avec la raifon, 6c plus propres a mettre de 1'équité dans les jugements, que les regies obfervées dans les tribunaux féculiers. II paroit par les notes XXI & XXII au fujet des guerres particulieres 6c de la preuve par le combat, que fefprit de la jurifbrudence eccléfiaftique étoit entiérement oppofé a ces coutumes fanguinaires , deftructives de toute juftice , & que la forme de 1'autorité eccléfiaftiqüe fut employée a les abolir, pour y fubftituer les procédures légales 6c la preuve par témoins. Dans les cours féculieres., prefaue toutes les formes qui contribuent è établir & a conferver 1'ordre des, procédures juridiques, font empruntées du droit canonique. Fleury, Inflit. du droit canon , part. 3 , c. 6 , p. 51. Saint Louis, dans fes établi'ff'ements, confirme plufieurs de fes nou-, veaux réglements fur la propriété des biens & fur l'adminiftration de la juftice , par 1'autorité même du droit canonique , d'oii il les avoit empruntés. Ainfi, par exemple, la  Z}6 I N T R O D U C I I O X, première idee de faifir les biens mcbiliers pour le recouvre'ment d'une dette, futprife dans le droit canon. Etablijf. lïv. 2 , chap. zi & 40. II en eft de même de la ceffion des biens par un débiteur infolvable. lbid. C'eft fur le même principe qu'il établit un nouveau réglement au fujet des ef> fets des perfonnes mortes fans tefter. lbid, l. 1 , c. 89. Tous ces utiles réglements & beaucoup d'autres, les canoniftes eux-mêmes les avoient empruntés du droit Romain. On pourrort citer bien d'autres exemples qui montreroient 1'avantage de la jurif* prudence canonique fur celle des tri ■ bunaux laïques; auffi regardoit-on comme un grand privilege de reffortir a Ja jurifdiélion eccléfiaftique. Parmi Ie grand nombre d'immunités qui fervirent d'appas pour engager le peuple dans les dangereufes guerres de la terre-fainte , 1'un des plus efficaces fut de déclarer que ceux qui prendroient la croix ne feroient foumis qu'aux tribunaux eccléfiaftiques, Voyi{ la note XIII. Du CANGE, voc, crucis privilegia.  IH t r o 1) v 'c t i o n. 137 Note XXV, Stil. I, P. 128. C'eft une chofe étonnante que la rapidité avec laquelle la fcience & I'étude des loix Romaines fe répanclirent dans 1'Europe. La copie des Pandectes fut trouvée a Amalphf, I'an 1137. Irnerius , peu d'années après, ouvrit un college de droit civil a Boulogne. Giann. hifi. liv. 11, c. 2. Vers le milieu de ce fiecle,on commenca a 1'enfeigner en différentes villes de France , comme une partie des études fcholaftiques. Vaccarius donna des lecons fur les loix civiles a Oxford , dès 1'année 1147. Deux jurifconfultes Milanois , vers 1'année 1150 , rédigerent un corps de loix féodales k 1'imitation du code Romain. Gratiën, versie même temps, publia le code du droit canonique avec des additions & des corrections confidérebles. La plus ancienne collecfion de ce droit, qui fervit comme de regie aux décifions des cours de juftice, eft celle des ajjifis ■de Jérufalem. Elles furent compilées, ainfi que le prouve le préambule,  2.]8 Introduction. dans 1'année 1099, & on les appella Jus Ccnj'uctudtnariurn qno regtbatur reonura Oriëntale. WlLLËRM. TYR. lib. 19, c. i. Des circonftances particulieres concoururent adonner naiffance a cette compilation. Les Croifés viöorieux formoient une efpece de colonie dans un pays étranger , 6c des aventuriers de toutes les nations de rEurope compofoient cette nouvelle fociété. On jugea néceffaire de fixer les loix & les coutumes qui devoient régle'r parmi ces différents peuples , les affaires civiles & 1'adminiftration de la juftice. Mais il n'y avoit encore aucune collecfion de coutumes, & i'on n'avoit pas même tenté d'établir des loix fixes dans aucun pays de 1'Europe. La première entreprife de cette efpece fut faite par Glanville, chef de juftice en Angleterre , dans fon traclatus de legibus & onfuetudinibus Angluz , compofé vers 1'an 1181. Le code intitulé Regiam majeflatem, connu en Ecoffe &C attribué a DavidI, femble être une imitation fervile de 1'ouvrage de Glanville. Pierre de Fontaines, qui tenta, dit-il, le premier un pareil  Introduction. 239 ölivrage en France, compofa Ion confeil, qui contient un détail des coutumes du pays de Vermandois fous Ie regne de Saint Louis. II commeiv ce a 1'année 1216. Beaumanoir, auteur des coutumes du Beauvaijïs, vivoit environ vers le même temps. Les établiffemmts de Saint Louis, qui contiennent une ample collection des coutumes obfervées dans les domaines royaux, furent publiés par 1'ordre du Prince dont ils portent le nom. Dés que les hommes eurent une fois fenti 1'avantage d'avoir des coutumes &c des loix écrites, auxquelles ils pourroient avoir recours en toute occafion, la méthode de les recueillir devint plus commune. Charles VII, Roi de France, par une ordonnance de 1'année 1453 , fit ralTembler & mettre en ördre les loix coutumieres dans chaque Province de France. VlLLARET, hifi. de France, t. 16, p. 113. Son fucceffeur Louis XI renöuvella cet édit. Mais une fi falutaire entreprife n'a jamais été parfaitement exécutée , Sc la jurifprudence Francoife feroit moins obfcure &C moins incertaine, fi les fages régie-  240 Introduction. ments de ces Rois avoient en leur effet. Un ufage établi dans le moyen age, démontre clairement que les jugesn'ayant alors d'autres regies pour diriger leurs fentences, que des coutumes non écrites , furent fouvent embarraffés pour établir les faits & les principes fur lefquels ils devoient décider. Ils étoient donc obligés dans les cas douteux, d'affembler un cer♦tain nombre de vieillards, de leur expofer 1'affaire, & de leur demander quelle étoit la pratique ou la coutume en pareil cas. Cet ufage s'appelloit Enquête par tourbe. Du Cange , voc. turba. Les effets du rétabliffement de la jurifprudence Romaine ont été expliqués par M. de Montefquieu, Efp. des loix, liv. 28, c. 44, & par M. Hume , hifi. d'Angleterre, v. 2, p. 441. J'ai adopté beaucoup de leurs idéés. Eh! qui pourroit examiner quelque matiere d'après de tels écrivains, fans être éclairé & dirigé par leurs travaux ? Je fuis cependant convaincu que la connoiffance des loix Romaines n'étoit pas auffi entiérement perdue eu Europe dans le moyen age qu'on le croit communément.  Introduction. 3,4* communément. II n'eft pas de mon fujet d'examiner ce point. Les faits les plus frappants a cet égard, ont été recueillis par Donato Antonio d'Afty, dans un livre intitulé, DelÜufo e autorita della ragione dviU nelle provinde ddV imperio occidentale. Nap. 1751-, 2. v. p. 800. On ne peut pas douter que les loix ciyiles ne foient intimement liées k la jurifprudence municipale dans plufieurs pays de PEurope : quoiqu'en Angleterre le droit coutumier foit fuppoie former un fyftême parfaitement diftincf du code Romain, & que ceux qui sy appliquent k 1'étude de ce droit, fe vantent avec affedtation de cette diftintfion, il eft cependant bien évident qiPun grand nombre d'idées & de maximes du droit civil fe font incorporées dans la jurifprudence Angloife. C'eft ce qui a été bien éclairci par Pingénieux & favant Auteur des Obfervadons om theJlatutes, chiefiy the more ancicnt, 2 édit. p. 66. Note XXVI , Secï. ƒ, p. i3K LTiiftoire entiere du moyen age Tome II, L  x4x Introduction; prouve que la guerre étoit la feute profeffion de la Nobleffe, 8c Purtique objet de fon éducation. Lors mê* me que les mceurs changerent, 8t que les arts eurent acquis quelque coniidération, les anciennes idéés fur les qualités qui forment 8c diftinguent Ie Gentilhomme, fubfifterent longtemps dans toute leur force. On trouve dans les mémoires de Fleuranges (p. 9) un détail des exercices 8c des occupations de Francois Ier. dans ia jeuneffe; tout concouroit a en faire un guerrier 8c un athlete. Ce Pere des Lettres dut fon amour pour les beauxarts, non a Péducation, mais a la jufteffe de fon efprit 8c a la délicateffe de fon goüt. Les mceurs du haut Clergé dans le moyen age, font la plus forte preuve que la diftinaion des profeifions n'étoit pas bien etablie en Europe. Le Clergé, par fon caracfere 8c fes fonftions, differoit eiTentiellement des laïques, & 1'ordre inferieur des gens d'Eglife formoit une claffe entiérement féparee deceüe des autres citoyens. Mais les eccléfiaftiques en dignité, qui étoient ortünairement d'une naiffance illuitre,  Introduction. fe mettoient au-deffus de cette diftmction; ils confervoient tou ours le goüt des occupations de la Nobleffe; & rnalgré les décrets des Papes & les canons des Conciles, ils portoient les armes, menoient leurs vaffaux en campagne, & combattoient a leur tête. Le facerdoce leur paroiffoit a peine un état diftinct. La fcience militaire étoit la feule qu'ils cruffent convenable a leur naiffance , tandis que la théologie & les vertus pacirïques, convenables aux foncfions fpirituelIes, étoient dans le mépris & 1'oubli. Dés que la jurifprudence fut devenue une étude laborieufe , & que la pratique en eut formé une profeffion diffincfe , ceux qui s'y diftinguerent parvinrent aux honneurs q»'on n'avoit d'abord accordés qu'aux militaires.L'ordrede chevalerie avoit été la marqué de diftinction la plus éclatante pendant plufieurs fiecles; mais le rang & la naiffance ne donnerent plus de droits exclufifs a fes privüeges. Des hommes habiles dans la^ connoiffance des loix, furent élevés a cette haute dignité, & par-la fe trouverent les égaux de ceux qui L ij  i-44 I n t r o d U € t t o n. s'étoient rendus-recommandables pat leurs talents militaires. Miles jujiuïè & miles literatus, furent des titres également honorables. Mathieu de Paris fait mention de ces ChevalierS', en 12 5 i. Si un Juge parvenoit a un certain rang dans les Cours de juftice ,.cela feul lui donnoit droit aux honneurs de la Chevalerie. Pasquier % l. 2, e. l6 , ƒ>. 130. Differtations hiftoriq. fur la Chevalerie , par Honori de Sainte- Marie -, p. 164. Une profeffion qui conduifoit aux charges qui donnent la nobleffe, acquit bientót une grande confidération, & les peuples d'Europe s'accoutumerent a voir les hommes s'élever au premier rang de la fociété , par la fcience des loix-, -ainfi que par les talents militaires. Note XXVII, Secl. I, p. 13 7. Le principal öbjet de ces notes a été de réunir fous les yeux de mes Lecfeurs, les faits & les circonftances qui tendent a éclaircir & a confïrmer les -endroits de 1'hiftoire 011 el* les fe rapportent. Lorfque ces faits font difperfés dans différents auteurs,  I n TïtOBU e ti on. 24^5 ou qu'ils font tjrés de livres peu répandus ou peu commodes a confulter, j'ai cru qu'il valoit mieux les raiTembler. Mais quand tout ce qui fert de preuyes ou d'éclaircilfements N a ma narration ou a mes réflexions, pourra fe trouver dans quelque livre bien connu , ou qui mérite de fêtre, je me contenterai d'y rerivoyer mes Ledfeurs. C'elï précifement le cas, oii je fuis a 1'égard de la Chevalerie. Prefque tous les faits que j'ai cités; dans le texte , ainfi que plufieurs aiw. tres particularités curieufes Sc inftructives fur cette finguliere inftitution , fe trouvent dans les Mémoires de tancienne Chevalerie conjidérée comme un établijfement politique & militaire} par M. de Sainte-Palaye. Note XXVHli Stc% ƒ, P. 146. L'objet de mes recherches n'exige pas de moi que je faffe ici 1'hiftoire du progrès des fciences. Les faits & les obfervations que j'ai préfentés fuffifent pour montrer 1'influence de ces progrès fur les mceurs Sc fur 1'état de la fociété. Lorfque les fciences L jij  Introduction. étoient entiérementéteintes dans 1'Occident de 1'Europe, on les cultivoit k Conftantinople, & dans les autres parties de Ï'Empire Grec, Mais 1'efprit fubtil des Grecs fe tourna prefque entiérement vers les difputes de théologie. Les Latins emprunterent d'eux cet efprit, & plufieurs des controverfes qui occupent encore & divifenl les théologiens, prirent naiffance chez les Grecs, k qui le refte de 1'Europe doit une très-grande partie de fes connoiffances. Voyez le témoignage d'^Eneas Silvius, dansConringius, de antiq. Academicis, p. 43. Hijtoire litteraire de France, u 7, p. n$,& t. 9 , />. 151. Peu de temps après que Ï'Empire des Califes fut établi en Oriënt, il y eut parmi eux quelques Princes illuftres qui encouragerent les fciences. Mais lorfque les Arabes eurentporté leur attention fur la littérature ancienne des Grecs & des Romains, le gout élégant &pur de leurs ouvrages de génie, parut froid & inanimé k un peuple doué d'une imagination pfus ardente. Ifs ne pouvoient admirer les poëtes Sc les hiftoriens d'Athenes ou de Rome,  SiNTRODUCTIO N. 247 mais ils fentirent très-bien le mérite de leurs philofophes. Les principes du raifonnement font plus fixes & plus uniformes que les regies de Pimagination ou du goüt. La vérité fait une impreflion a-peu-près égale par-tout, au-lieu que les idéés du beau , de 1'élégant &c du fublime , varient dans chaque climat. Les Arabes négligerent Homere ; mais ils traduifirent dans leur langue les plus fameux philofophes de la Grece : guidés par les préceptes & les découvertes de ces maitres, ils s'appliquerent avec ardeur a 1'étude de la géométrie, de 1'aflronomie, de la médecine, de la dialectique & de la métaphyfique. Ils firent de grands & d'utiles progrès dans les trois premières de ces fciences; ce qui ne contribua pas peu a les élever a ce haut degré de perfeetion oü elles font parvenues depuis. Dans les deux dernieres {ciences, ils choifirent Ariftote pour leur guide; & renchériffant encore fur la fubtiIité & 1'efprit de difHnclion qui ca— racférifent fa philofophie , ils la rendirent tout-a-fait frivole & inintelligible, Les écoles qu'ils établirent etx L iv  248 Introbü c t i o n. Oriënt pour y enfeigner & cultiver les fciences, furent en grande réputation. Ils communiquerent leur amour pour les lettres a ceux de leurs compatriotes qui conquirent 1'Afie &c 1'Efpagne , & les écoles que ces derniers y ouvrirent ne le céderent pas de beaucoup a celles de 1'Orient. Plufieurs de ceux qui fe diftinguerent par leurs progrès dans les fciences, au douzieme & au treizieme fiecle, avoient été élevés parmi les Arabes. Brucker en rapporte beaucoup d'exempies; hijlor. philofop. t. 3 ,p. 681. Enfin , pendant plufieurs fiecles, prefque tous les favants de quelque réputation, furent inftruits par ce peuple. On dut la première connoiffance de la philofophie d'Arifiote, dans le moyen age aux traductions de fes ouvrages, faites d'après la langue Arabe. Les commentateurs de cette nation furent regardés comme les guides les plus authentiques & les plus habiles dans la connoiffance de fon fyftême. conring. antiq. acad. diffl 3,ƒ7.95. Suppl- p. 24i. MlJRATORI, ant. ltal. v. 3 , p. 932. c'eft d'eux que les fcholaftiques emprunterent le  I n t h-o d.u c t,i o n. 249. génie & les principes de leur philofophie, qui a tant contrihué a reterder les progrès de la véritable philofophie. L'établiffement des collegesou univerfités forme une époque remarquable dans 1'hilïoire littéraire. Dansles écoles des cathédrales & des monafteres, on fe contentoit d'enfeigner la grammaire, & il n'y avoit qu'un ou , deuxmaitres employés a cet office, Mais dans les colleges, les profeffeurs étoient deffinés a inftruire dans toutes les différentes parties des fciences. Le temps deftiné pour 1'étude de chacune étoit fixé. II y avoit des épreuves.réglées pour juger des progrès des étudiants, & ceux qui. méritoient 1'approbation étoient récompenfés par .des titres.&des honneurs, académiques. L'origine & la nature de ces grades nous ont été tranfmifes par Seb. Bacmeiffer, antiquitates Rojlochienfes , five hijloria urbis & academica Rofioch. ap. monumenta inedita ref. Germ. per E. J. de W.tfipkalen, v. 3 , p. ?Si. Lipf. 1743 . On trouve, en 1215 , quelque détail imparfajt de ces degrés acadéL v  250 Introdu ction. miques dans 1'univerfité de Paris, de laquelle les autres univerfités de 1'Europe ont emprunté la plupart de leurs coutumes Sc de leurs inllitutions. crevier , hifi. de L'univ. deParis, t. i, p. 296. Ils furent contplétement établis en 1231. lb. 248. II eft inutile de faire Pénumération de plufieurs privileges qu'on accorda aux bacheliers, aux maitres & aux doöeurs. Un exemple fiiffit pour prowver la confidération dont ils jouiffoient dans les diverfes facultés» Les do&eurs difputoient pour la préféance avec les Chevaliers , & la difpute finiffoit en plufieurs occafions par I'élévation des premiers è la dignité de la Chevalerie ; dignité dont j'ai déja fait connoitre les prérogatives. II fut même décidé qu'un docteur avoit droit k ce titre fans être élu. Bartole a écrit, qu'un doöeur qui avoit enfeigné le droit civil pendant dix ans , étoit Chevalier ipfo faclo. DoBorem aBualiter regentem in jure civili per decennium ejfici militem ipfo faclo. honoré de SainteMarie, Differt.page 165. Onappella cette dignité, Chevalerie de leclures,  I' n t R O d u e r f O n; ZfH &C ceux qui y parvenoient, Chevaliers dercs , (milites clerici.) Les éta~ bliiTements nouveaux pour Péducation , &; les. honneurs extraordinair res accordésaux favants, multiplierent beaucoup le nombre des écoKers. Dans Fannée 1.261, il y en avoit dix mille a 1'univerfité de Boulogne ; &; il paroit par 1'hiiïoire de cette univerfité, que le droit étoit le feule fcience qu'on y enleignat alors. L'tiniverfité d'Oxford, en 13 40, comptoit trente mille étudiants. Speeb , Chron. ap. Anderfons, chronoL deduclion of commerce , vol. l- , p. ijx. Dans le même fiecle, dix mille perfonnes, eurent voix pour décider. une queifion agitée dans 1'univerfité de Paris ; & comme les feuls gradués avoient droit de fiiffrage , il falloit que le nombre des. écoliers fut prodigieux. Velly ,. hifioire de France, tome 2 , page 14J. A. la vérité ,.il n'y avoit alors . que peu.d'univeriités- en Europe ; mais ce grand nombre d'étudiants , dans ces temps» la , fiiffit pour prouyer 1'ardeur ex-~ traordii aire avec laquelle. les. hommes s'étoient livr-és a 1'étude des fcierLj v;  151 lNTRODU CTION. ces; il montre en même-temps que les peuples commencoient a regarder plufieurs profeflions, comme auffi honorables & aufli utiles que celle de la guerre. Note XXIX, Se& I, P. 156. La grande variété des fujets que j'ai taché d'éclaircir , & 1'étendue de ceux oii je vais entrer, m'autorifent a adopter les propres termes de M. de Montefquieu, lorfqu'il commence a parler du commerce. » Les M matieres qui fuivent demanderoient » d'être traitées avec plus d'étendue; » mais la nature de cet ouvrage ne »le permet pas. Je voudrois couler » fur une riviere tranquille; je fuis » entrainé par un torrent ". On trouve dans 1'hifloire beaucoup de preuves du peu de communication qu'il y avoit entre les peuples dans le moyen age. Vers la fin du dixieme fiecle , le Comte Bouchard voulant fonder un monaltere è SaintMaur-des-Fofles, prés de Paris, alla trouver un Abbé de Clugny en Bourgogne , fameux par fa fainteté , pour  Introduction. 253 Ie prier d'y conduire des meines. Le langage qu'il tint a ce faint homme , eft fingulier. II lui dit, qu'ayant entrepris un fi grand & li pénible voyage, dont la longueur 1'avoit extrêmement fatigué, il efpéroit que fa demande lui feroit accordée, & qu'il ne feroit pas venu inutilement dans un pays li éloigné. La réponfe de 1'Abbé eft encore plus extraordinaire: il refula nettement de le fatisfaire , fous prétexte qu'il feroit trop fatigant d'aller avec lui dans une région étrangere & inconnue. Vita Burchardi venerabilis comitis, ap. Bouqutt, Ree. des kijl. vol. 10, p. 3 51. Au commencement même du douzieme fiecle, les moines de Ferrieres dans le diocefe de Sens, ne favoient pas encore qu'il y eut en Flandre une ville nommée Tournay, &c les moines de Saint-Martin de Tournay ignoroient également ou étoit Ferrieres. Une affaire qui regardoit les deux couvents, les obligea d'avoir quelque communication. L'intérêt mutuel de ces deux mailbns les mit a Ia recherche 1'une de 1'autre, Enfin, après de longues enquêtes,  254 f N T R ° D u c T 1 ° Ndont on a fait un grand détail, la découverte fe fit par hafard. herijk annus abbas, de Rejiauratione Sancti Martini Tornacenjis, ap. d'acheri, fpicil. val. 12, p. 400. L'ignorance du moyen age fur la fituation & la géographie des pays éloignés-, eft encore plus remarquable. La plus an«. cienne carte de géographie qui foit connue, fe trouve dans un manuf crit de la chronique de Saint-Denis, & fubfifte comme un monument de l?état de-cette fcience enEurope dans ces temps-la. On y voit les trois parties de la terre alors connues, tellement difpofées , que Jérufalem fë trouve au milieu du globe, & Alexandrie auffi prés. de la ville fainte que Nazareth. Mém. de £'Acad. des belles~ lettres, torn. 16, in-S°. p. 185. Dans ces fiecles d'ignorance, il ne paroit pas qu'il y eut d'auberges ou de maifons publiques pour recevoir les voyageurs. Murat. antiq-, hal. vol. 3 , p, 581. C'eft une preuve du peu cle commerce qu'il y avoit entre ces différentes nations. Chez les peuples dont les mceurs font fimples, & qui voyent rarement des étrangers, 1'hof  Introduction. 255 pitalité eft une vertu du premier ordre. Dans un état de fociété aufli imparfait que celtii du moyen age , c'étoit un devoir fi effentiel, qu'on ne le mettoit pas aH. nombre de ceux que les hommes peuvent. pratiquer ou négliger, felon qu'ils.y font portés par le caraétere de leur efprit ou par le fentiment de la générofité. L'hofpitalké étoit prefcrite par. les loix, & ceux qui la refufoient étoient fujets k des peines; Quicumque hof-, piti venienti leclum , aut focum negaverit, tritim folidorum inlatione mulcietur. Leg. Burgund. tit. 38, §. 1. Si quis homini aliquo pergenti in itinere manfionem vetaverit, fexaginta folidos componat in publico. Capital, lib. 6 , §. 82. II n'eil pas indifférent d'obferver cette augmentation de peines pécuniaires, dans une époque de beaucoup pofïérieure k celle oii la loi des Bourguignons fut publiée, & dans un temps ou la police devoit s'être perfectionnée. II y a eu d'autres loix de la même teneur , qui ont été recueillies par Jo. Fred. Polac , fijiema jurifprud. Germaniccz , Lipf. 1733 > p. 75. Les loix des Schvons étoient  i}6 Introducti on., encore plus rigoureufes que celles que rapporte cet auteur. EMes ordonnoient que les. meubles d'un homme qui refufoit 1'hofpitalité feroient conhYqués &c fa mailon bmlée. Elles porterent même le zele & Phumanité pour les étrangers, jufqu'a permettrc a un maitre de maifon de voler pour bien accueillir fon hóte. Quod rzocïc furatus fueris , cras appone hofpitlbus. Rerum Mecleburgicar. tib. 8 , a Mat, Jo. Bechr. Lipf. 175 i ,ƒ>. 50, En conféquence de ces loix, ou de cet état de fociété qui les rendoit néceffaires, 1'hofpitalité fut en vigueur tant que les hommes n'eurent que peu de commerce enfemble ; elle affuroit a 1'étranger un accueil favorable fous le toit qu'il prenoit pour abri. Ce qui prouve encore plus clairement que la communication d'un pays a 1'autre étoit rare , c'eft qu'aufiitót qu'elle commenca k s'établir, ce dont on s'étoit fait jufqu'alors un plaifir devint un fardeau , ik. la réception des voyageurs fe convertit en une branche de trafic. Mais les loix du moyen age fourniffent une preuve encore plus eert-  Introduction. 157 vaincante du peu de correfpondance qu'il y avoit entre les nations. Le génie du fyftême féodal, auflibien que 1'efpiit de jaloufie qui accompagne toujours Pignorance, concouroit a dégoüter les étrangers de s'établir hors de leur pays. Si quelqu'un fe tranfportoit d'une Province du Royaume a 1'autre, il étoit obligé au bout d'un an & un jour, de fe reconnoitre vaffal du Baron dans le territoire duquel il s'étoit hxé. S'il négligeoit cette formalité , il étoit fujet a une amende; & s'il mouroit fans lailfer un certain legs au Seigneur du lieu, tous fes biens étoient confifqués. Les rigueurs exercées contre ceux qui s'établiflbient dans un pays étranger , étoient encore plus infupportables. Dans des temps antérieurs, le Seigneur du territoire oii un étranger s'étoit fixé , pouvoit fe faifir de fa perfonne, & le tenir en fervitude. On trouve des exemples frappants de cette barbarie dans 1'hiftoire. Les mielies déprédations des Normands au neuvieme fiecle, obligerent beaucoup d'habitants des Provinces maritimes de France è s'enfuir au cceur  ifê Introduction. du Royaume. Mais au-lieu d'être accueillis avec cette humanité que réclamoit leur infortune, ils furent réduits en efclavage. Les deux puiffances civile & eccléfiaftique, crurent devoit s'unir pour abolir ce barbare ufage. Potgiesser , de Jlatu fervor. lib. 1, cap. 1, §. 16. En d'autres pays, les loix permettoient aux habitants des cötes, de mettre en efclavage tous les malheureux qui venoient y échouer. lbid. §. 17. Cette coutume inhumaine régnoit en d'autres pays de 1'Europe L'ufage de s'emparer des effets de ceux qui avoient fait naufrage , & de les confifquer au profit du Seigneur de la terre oh le navire étoit jetté, paroit avoir été univerfellement établi. Du Cange , voc. Lagannm. Chez les anciens "Welches ou habitants du pays de Galles, il y avoit trois fortes de perfonnes qu'on pouvoit tuer avec impunité : les foux , les étrangers & les lépreux. M. de Lauriere cite plufieurs acres qui prouvent qu'en différentes Provinces de France, les étrangers devenoient efclaves du Seigneur fur la terre duquel ils s'établifToient. Gloff-.  Introduction. 159 du dr. Fr. art. Aubaint. Beaumanoir dit qu'il y a quelques endroits en France oii tout étranger qui vient y fixer fa réfidence, pendant un an & un jour, devient efclave du Seigneur du manoir. Cout. de Beauv. ch. 45. Mais comme une pratique fi contraire k Phumaniténe pouvoit fhbfifier longtemps , les grands Seigneurs crurent devoir fe contenter de lever fur les étrangers certaines taxes annuelles ^ ou de leur impofer quelques fervices extraordinaires. Cependant lorfiqu'un étranger mouroit, il ne pouvoit rien léguer par teftament, & tous fes biens réels ou perfonnels étoient dévolus au Roi ou au Seigneur de la Baronnie, k I'exclufion. des héritiers naturels. C'eft ce qu'on appelle en France droit cTaubaine. De Lauriere , pref. des ordonn. torn. 1 fl 15. Brussel , tom. x,p. 944. Du cange, voc. Albani. Pasquier , Recherches , p. 3 67. Cet ufage de confifquer fes biens des étrangers k Ia mort, efl trés-ancien, fl en eft queftion, quoique d'une maniere obfcure , dans une loi de Charlemagne, de Fan 813. Qapitul. édit. Balu^ , p.  x6o Introducti o n, 407, §. 5. Non-feulement ceux qui étoient nés. dans un Etat étranger étoient fujets au droit d'aubaine , mais encore ceux qui le trouvoient dans un Diocele ou une Baronnie, autre que les leurs. Brussel, vol, 1, p. 947 , 949. II n'eft guere poffible de concevoir aucune loi plus défavorable a la communication des peuples. On peut cependant trouver quelque chofe de femblable dans les anciennes, loix de tous les Royaumes. d'Europe. A 1'égard de 1'Italie, confidtez Muratori, antiq. hal. vol. 15 p. 14. Ce n'eft pas une tache légere dans le gouvernement de France, que de voir une coutume , li contraire a Phumanité & a la fociabilité , fubfifter encore (a) chez une nation fi hien policée. Les défordres & la confufion qui réfultoient d'un gouvernement fi foible , incapable d'établir ou d'exécuter des loix laiutaires, rendoient la communication entre les différentes (j) Le droit d'aubaine eft aftueliement iboli en France, a 1'égard de prefquetou*es les nations de 1'Europe, Rw. du trtéi  ï N t R O D U C T T O N. lét Provinces d'un même Royaume, ex'trêmemerit dangereufe. On voit par une lettre de Loup, Abbé de Ferrie» 'res dans le neuvieme fiecle , que les grands chemins étoient alors tellement infeclés dè voleurs , que les voyageurs étoient obligés de s'tinir en tioupesou encaravanes pour fe mettre en fürété contre les brigands, BoUQUET , Recueil des hijl. vol. 7 „ p. 515. Les nombreuxréglements fairs par Charles-le-Chauve, dans Ie même fiecle, montrent combien ces acfes de violence étoient fréquents ; ils étoient en effet devenus fi communs, que bien des gens les regardoient k peine comme dés crimes. C*eit pour cela qbe les 'Juges inférieurs, appelïés centeriiefs , étoient obligés de juTer qu'ils ne commettroient aucuns vols eux-mêmes, & ne protégeroient point les voleurs. Capit. édit. Balu{. vol. 2 , p. 1S3 , 68. Les hiftotiens du neuvieme & du dixieme fiecle , orit fait de pathéfiques defcriptions de ces défordres : on trouve quelques paffages remarquables k ce fujet, dans Beehr , Rer. Mecleb. HL % , p. '603. Enfin ces attentats de*  a6l INTRODUCTION'. vinrent fi fréquents & fe commirent avec tant d'audace, que 1'autorité de la magiftrature civile n'eut plus altez de force pour les réprinier. On appella le fecours de la ju* rifdicfion eccléfiaftique; on tint des conciles avec une grande folemnité ; les corps des Saints y furent portés, & en préfence de ces reliques, on fulmina des anathêmes contre les voleurs & autres perturbateurs du repos public. Bouquet , Recueil des hifi. torn. 10, p. 260, 431, 536. On a confervé une de ces formules d'excommunication , qui parut en 988 ; elle eft extraordinaire , & d'une éloquence fi particuliere , qu'elle mérite d'avoir place rei. Après 1'introduction accoutumée & le détail des violences qui avoient donné lieu k cet anathême , elle commence ainfi: (d) Obtenebreficant oculi vefiri, qui concupiverunt ; areficant manus } qua rapue- (a) Que vos yeux foient couverts de té-nebres , paree qu'ils ont convoité ; que vos mains fe deffechent, paree qu'elles ont dérobé ; que tous ceux de vos membres qui ont ferri au crime, perdent leur force.  Introduction. 163 runt; debiliuntur omnia membra, qua adjuverunt. Sempcr laboretis, nee re" ■quiem inyeniatis, frubJuque vefiri laboris privcmini. Formidetis 6* pavea■ties, d facie perfequentis , & non perfequentis koflis , ut tabefcendo deficiatis. Sit ponio vejlra cum Juda traditore Domini, in terra mortis & tenebrarum ; donec corda veflra ad fatisfailionem plenam convertantur.., Ne ceffent a vobis hoe maledicliones , fcelerum ■vefirorum perfecutrices, quamdiu perma* nebitis in peccato pervafionis. Amen. Fiat, fiat. BouQUET, Recueil, p* 517. Puifliez - vous travailler fans ceffe , fans trouver jamais de repos , & fans recueillir le fruit de vos peines! Que la crainte & Teffroi vous faififle k Ja vue de l'ennemi, foit qu'il vous pourfuive oü qu'il ne vous pourfuive pas , & que la frayeur vous abatte & vous confume. Que votre deftinée foit d'être h coté du traitre Judas, dans une terre de mort & de ténebres , jufqu'a ce que vos cceurs convertis ayent fait une entiere fatisfaêtion... Que ces malédiétions ne s'éloignent point de vous , & ne ceflenr de vous perfécuter, tant que Vous demeurerez dans ie pêché de ptrvafwn! Amen, ainfi foit-iIk  164 Introduction. A 1'égard des progrès du commerce 'que j'ai décrits, pag. 147, on peut obferver que les Etats d'Italie faifoient quelque trafic avec les villes de Ï'Empire 'Grec , dès le temps de Charlemagne, & qu'ils rapportoient dans leur pays les riches productions de 1'Orient. Murat. Antiq. hal, vol. 11, pag, 882. Au dixieme fiecle , les Vénitiens ouvrirent un commerce avec Alexandrie en Egypte, ibU.;les habitants d'Amalphi & de Pife étendirent le leur dans les mêmes ports. Murat. tbid.p. 884, 885. J'ai expliqtié k la page 52 du tome premier, comment les croifades ae~ crürent les richefles & le commerce des Etats d'Italie, & particuliéfement celui qu'ils faifoient dans 1'Orient; non-feulemerit ils en tirerent des marchandifes de 1'Inde , mais ils établirent dans leur^propre pays des manufactures d'untravail recherché. Muratori détaille plufieurs de ces fabri* ques clans fes diflertations fur les arts du moyen age. Antiq. vol. II, p, 349» 399- Les Italiens firent de grands progrès, fur-tout dans les manufa&ur«s de foie, qui avoient été longtemps  Introduction. t6f temps un art particulier aux Provinces orientales de PAfie. Les étoffes de foie étoient d'un prix fi confidérables dans 1'ancienne Rome, qu'il n'y avoit que peu de perfonnes du premier rang qui fuffent en état d'en acheter. Sous Aurélien , en 270 , une livre de foie équivaloit a une livre d'or. Abjit ut auro fila penfentur. Libra enim auri tune libra ferici fuit. Vopiscus , in Aunliano. JufHnien, dans le fixieme fiecle , introduifit dans la Grece Part d'élever les vers a foie ; ce qui rendit les foieries un peu plus communes; quoiqu'elles fuffent toujours affez cheres pour être regardées comme un objet de luxe & de magnificence, réfervé feulement pour les perfonnes du premier rang & pour les folemnités publiques. Roger f , Roi de Sicile, vers Pan 1130, emmena d'Athenes un certain nombre d'ouvriers en foie , & les établit a Palerme; ce qui introduifit la culture de la foie dans fon Royaume, d'oü elle fe communiqua aux autres parties de 1'Italie. Giannon. hifi. di Nap. 6.» 11 » 5 , 7- Cette marchandife devint alors fi commune, que , vers Ie Tornt II. M  if66 Introduction, milieu du quatorzieme fiecle , on vi't jufqu'a mille citoyens de Gênes paToitre dans une p'roce'iTion, vêtus de robes de foie. Le fucre eft auffi une prodüétion de 1'Orient On en apporta quelques cannes d'Afie, Sc la première tentative pour les cultiver fe fit en Sicile , vers le milieu du douzieme fiecle. De-la le fucre fut tranfplanté dans les Provinces méridionales d'Êfpagne ; on en porta aux Canaries, aux ifles de Madere , & enfin dans le nouveau monde. Louis . 668. On fit un reglement fpécial pour les difpenfer du droit d'aubaine , ibid. p. 670. Comme les Lombards abforboient tout le commeree des Royaumes oü ils s'établiffoient, ils furent bientót poffeffeurs de la maffe d'argent qui y circüloit. L'argent monnoyé devint donc dans leurs mains non-feulement un figne de la valeur des marchandifes , mais encofe un objet de commerce. Ils faiIbient beaucoup d'affaires comme banquiers. Dans une ordonnance de 1'anM ij  %62 Introduction. nee 1295 , on leur donne les noms de Mercatores &C de Campfores. Ils porterent dans cet objet, ainfi que dans les autres branches de leur négoce , un peu de cet efprit de rapacité , naturel aux monopoleurs qui ne font point arrêtés par le frein de la concurrence. Une opinion abfurde qui régnoit alors, étoit en quelque maniere la caufe de leurs demandes exorbitantes , & pourroit être alléguée pour leur juflification. Le commerce ne peut fe faire avec avantage, a moins qu'on n'accorde a ceux qui prêtent de 1'argent un certain bénéfice pour 1'ufage de cet argent, en compenfation des rifques que courent leurs fonds dans des mains étrangeres. Ce prix eft fixé par la loi dans tous les pays commercants, <5c on 1'appelle 1'intérêt légal de 1'argent. Mais quelques Peres de 1'Eglife avoient mal-apropos appliqué a cet intérêt légal les paifages de 1'Ecriture , qlii défendent 1'ufure , 8c favoient condamné comme un pêché. Les fchoïaftiques , féduits par Ariftote dont ils fuivoient aveuglément Sc fans examen les opinions , adopterent la mê-  f ntroii.c ction. 269 me féverité, & fortifierent encore cette erreur. Blackstone , Comm. on the laws of England , vol. 2 , p. 455. Ainfi les Lombards fe trouverent engagés dans un trafic regardé comme criminel & odieux ; & s'ils étoient découverts, on les puniflbit. Ils ne fe contenterent donc plus du .prix modéré qu'ils auroient pu demander , fi le commerce d'argent avoit été libre & autorifié par les loix ; ils exigerent. une fomme proportionnée au rifque du fonds , & a la peine de 1'ufure. On remarque que dans le treizieme fiecle , 1'intérêt ordinaire qu'ils demandoient étoit de vingt pour cent. Murat. antiq. ltal. vol. 1 , p. 893. Vers le commencement du même fiecle , la Comteffede Flandres , obligée d'emprunter de 1'argent pour la rangon de fon mari, s'adreffa a des marchands Italiens ou Juifs, & le plus bas intérêt qu'elle en put obtenir fut de vingt pour cent; quelques-uns exigerent même jufqu'a trente. Martenne & Durand , Thefaur. anecdotorum , vol. 1 , p. 886. Au quatorzieme fiecle , en 1311 , Philippe IV fixa a vingt pour M üj  %~jo Introduction. cent 1'intérêt légal de 1'argent pour les foires de Champagne. Ordonn. torn. i ,p. 484. L'intérêt en Arragoa étoit un peu plus bas. En 1241 y Jacques I le fixa par une loi , a dixhuit pour cent. Petr. de Marca , Marca Jive limes Hifpan. app. 1433. Dés 1'année 1490 , il étoit a Plaifance au taux de quarante pour cent. Cela eft d'autant plus extraordinaire que le commerce des Etats d'Italie étoit alors devenu très-confidérable. Memorie Jioriche di Piacen^a y torn. 8 , p. 104, Piac. 1750. On trouve dans Guichardin que Charles V avoit fixé l'intérêt de 1'argent dans fes domaines des Pays-Bas, a douze pour cent; & dans le temps oü cet hiftorien écrivoit, c'eft-a-dire, vers 1'an 1560, il n'étoit pas extraordinaire d'exiger même au-delè. II regarde cet intérêt comme exorbitant, &c démontre les mauvais effets qui en réfultent pour le commerce &c Pagriculture. Decriu. die Paeji Baffi, p. 172. Ce haut intérêt de 1'argent fuffit feul pour prouver que les produits du commerce étoient prodigieux. Les Lombards s'établirent airffi en Angleterre au trei-  Introöugtio-n. 2,71 zieme fiecle, & il y a encore a Londres une grande rue qui porte leur nom. Ils y jouirent. de privileges conr fidérables, & y établirent un commerce fort étendu, fur-tout comme banquiers. Voyez Anderson , Chron. deduci, of comm. v. i , p. 137, 160, 204, 231, ou, font citées.les ordonnances & les autres autorités qui confirment la concefiion de ces privileges. Mais le principal dépot des marchandifes d'Italie, fut a Bruges. La navigation étoit alors fi imparfaite, qu'un voyage de la mer Baltique dans la Méditerranée ne pouvoit fe faire dans un feul été. C'eft pour cela qu'on jugea néceffaire d'établir un magafir^ou entrepot amoi? tié chemin, entre les villes commercantes.du Nord & celles d'Italie. Bruges fut regardée comme la place la plus commode. Ce choix fit entret de grandes richeflës dans les Pays-, Bas : Bruges étoit tour a-la-fois le magafin des laines, d'Angleterre, des manufacfures de draps & de toiles, des Pays-Bas , des munitions .de marine &c d'autres marchandifes du Nord; enfin, de tout ce. qu'y apporM iv  272 Introduction. toit 1'Italie , foit des marchandifes de 1'Inde, foit de fes propres productions. L'étendue du commerce que Bruges faifoit. avec Venife , en product ions de 1'Inde, peut fe prouver par un feul fait. En 13 18 , cinq galéalfes Vénitiennes, chargées de marchandifes de 1'Inde, arriverent aBruges pour vendre leurs cargaifons a la foire. GuiCC. Defcrit, dei Paefl. Bafli. p. 174. Ces galéaffes étoient des vaiffeaux d'une charge très-confidérable» Bruges étoit le plus grand marché de toute 1'Europe. On trouve beaucoup de preuves de tout ceci dans les hifloires & les mémoires du treizieme & du quatorzieme fiecle; mais au-lieu de multiplier les citations, je renverrai mes Lefteurs a Anderfon, vol. 1 , p. 12, 137, 213 , 247, &c. La nature de cet ouvrage ne me permet pas d'entrer dans de longs détails ; mais il y a quelques faits détachés qui peuvent donner une haute idéé de la richeffe des Etats commercants de Flandres & d'Italie. Le Duc de Brabant maria , en 1139, fa fille au Prince Noir , fils d'Edouard III, Roi d'Angleterre, & lui  t'N t R O D U C T. I O n. 273 donna une dot qui monta a trois. cents mille livres fterlings. Rymek , Fcedera, vol. que les bourgeois étoient admis aux Tome IL ft  290 I n t rq 15 u c t i-o n. Cortès dès la première inftitution. ïl parle d'une de ces affemblées , en 113 3 , dans laquelle furent admis les procureurs des villes, ( Procuradores de las ciudades y villas; )-ce font les termes propres de la dénomination fous laquelle ils entroient dans les Cortès, & c'eft ainfi qu'on les défigne dans les regiftrës de ces affemblées. On peut croire qu'un hiftorien auffi exact qite Zurita , n'auroit pas employé ces mots s'il ne les eüttrouvés dans quelques nlonuments authentiques. II fe paffa plus d'un fie•cle depuis cette époque, avant que les autres Etats de 1'Europe admiffent les repréfentants des villes dans leurs affemblées nationales. L'efprit de liberté du gouvernement Arragonois s'eft diftingué dans plufieurs occafions. Les Cortès s'oppofoient, non,feulementaux tentatives que faifbient leurs Rois pour accroitre leur revenu , ou étendre leurs prérogatives; ils réclamoient encore des droits, Sc exerfoient des ponvoirs qui paroi"troient extraordinaires, même dans les pays accoutumés a jouir de la liberté. En 1286 , les Ccrtès préten-  Introducïi-on, 291 ciirent au privilege de nommer les membres du Confeil du Roi & les «fficiers de fa Maifon , & il paroit qu'ils en jouirent pendant quelque temps. Zurita, tom. 1 303,307, Un des droits de ces affemblées générales, étoit de nommer les officiers des troupes levées par leur ordre. Cela paroit évident d'après un paffage de Zurita. Lorfque les Cortès formerent, en 1503, un corps de troupes pour 1'envoyer en Italië, ils pafferent un a£te pour donner pouvoir au Roi d'en nommer les Officiers généraux. Zurita , tom. 5 , p„ 2745. Ce qui démontre clairement que le Prince n'avoit pas ce pouvoir en vertu de fa prérogative. Dans les Fueros & obfervancias iel reyno de Arragen, on cite deux déclarations générales des droits & privileges des Arragonois, fuifje dans le regne de Pierre I, en 1283 ; 1'autre dans celui de Jacques II, en 13 j,5. Ces deux a£fes font trop longs pour être inférés ici. On en peut conclure que les privileges de Ia Nobleffe, & même les droits du peuple , étoient alors plus étendus & mieux combinés N ij  X$Z I 'N T R O O U C t I O Ki qu'en aucun autre Royaume de 1'Europe. Lib. i, p. 7, 9. Le ferment par Jequel le Roi s'obligeoit a maintenir les droits & les libertés du peuple, étoit très-iolemneL lbid. p. 14, 6, <§• p. 15. Les Cortès d'Arragon mor.» trerent toujours, non-feulement cette jaloufie & cette vigilance particuliere aux Etats libres pour conferver leur conftitution; ils furent encore trèsfcrupuleux a obferver les plus min.ucieufes formalités & cérémonies d'ufage. En conféquence des loix & coutumes d'Arragon, il n'étoit permis a aucun étranger d'entrer dam fa falie oit les Cortès s'affembloient, Ferdinand, partant pour fes campagnes, en 1481 , nomma la Reine ffabelle régente du Royaume. La loi exigeoit qu'un régent fit fon ferment de fidélité en préfence des Cortès; mais comme Ifabelle étoit étrangere, on jugca néceffaire de paffer un acte pour autorifer 1'huiffier a lui ouvrir la porte de la falie, & k lui en accorder 1'entrée : » Tant les Ar» ragonois étoient attentifs, dit Zuri»ta, k obferver les loix & les for» mes ". tom, 4, p, 313,  Intro du c txo n. 293 Ils n'étoient pas moins attentifs è aflurer les droits perfonnels des individus qu'a maintenir la liberté de la conftitution ; ck 1'efprit de leurs loix veilloit également fm* ces deux objets. II y a deux faits relatifs k ce fujet qui méritent d'être remarqués. Par une ordonnance expreffe de 1'an 1323 , il fut défendu d'appliquer aucun Arragonois a la torture ; Paccufe qui ne pouvoit être convaincu par les témoins, étoit auffi-töt renvoyé abfotis. Zurita, t. 2 , p. 66, Cet auteur rapporto ce réglement avec Ja fatisfacfion naturelle k un hiftorien qui fe glorifie de 1'humanité de fes compatriotes. II compare les loix d'Arragon a celles de Rome, qui exceptoient les citoyens & les hommes Libres de ce fuppiice barbare & ignominieux, en y condamnant feulement les efclaves. C'eft avec raifon que Zurita fait, k cet égard , 1'élöge des loix de fon pays; la torture étoit alors en ufage chez toutes les autres nations de 1'Europe; elle n'étoit pas même inconnue en Angleterre , d'oii 1'efprit fage d'une légiflation humaine, 1'a bannie, depuis long-temps. ObN ii;  194 iNTROBUGTieN. fervat'wns on the Jlatutes, chiefiy the more ancient,. &c. p. 66. D'autres faits prouvent que le même efprit qui. influoit fur la légiflation d'Êfpagne, étoit répandu dans le cara&ere du peuple. En 1485, le zele religieus de Ferdinand & d'Ifabelle , les engagea a. introduire 1'inquifition dans 1'Arragon. Quoique fes habitants ne fuffent ni moins attachés que les autres Efpagnols a la fbi catholique Romaine, ni moins jaloux d'extirper les germes. d'erreur, & d'héréfie que les Juifs tk les Maures avoient femés, cependant les Arragonois prirent lës armes contre les Inquifiteurs, tuerent leur chef, & s'oppoferent long-temps k 1'établiffement de ce tribunal. La raifon qu'ils donnerent de leur foulevement fut, que les formes judiciaires de 1'inqui-* fition étoient incompatibles avec la liberté» On n'y confrontoit pas. 1'accufé aux témoins ; on ne 1'inftruifoit point de ce qu'ils dépofoient contre lui; le malheureux étoit foumis a la torture ; & s'il étoit condamné , fes biens étoient confifqués. ZURITA, Anales, tom. 4, p. 341.  I N T R OD-Ü C T I O N. 295 La forme du gouvernement, dans le Royaume de Valence & dans la Catalogne ,. qui furent réunis a la couronne d'Arragon, n'étoitpas moins favorable a.la liberté. Les peuples de Valence jouiffoient du. privilege de Vunion, de même que les Arragonois: mais ils n'avoient point de magiftrature qui reffemblat k Foffice de Jujliza. Les Calalans. étoient auffi jaloux de leur liberté que les deux autres nations, & ne la. foutenoient pas avec moins de courage. Mais il n'eft pas néceffaire, pour 1'éclaircifièment de mon texte, d'entrer dans un plus grand détail fur les particularités de la conftitution de ces Royaumes,. Note XXXII, SeË. lil, P. 289. J'ai cherché en vain , parmi les hiftoriens de Caftille , des lumieres qui 'me miffënt en état de fuivre les pro-. grès des loix du gouvernement dans., ce Royaume, ou d'expliquer la nature de fa conftitution ,. avec la même exactitude que, j'ai mife a décrire 1'état politique de 1'Arragon. Non-feur N iv  U)6 INTROD BCTI ON. lement les hiftoriens de Caftille, mais fes anciennes loix, Sc fur-tout fe fue.ro ju^go , concourent a faire voir que fes Rois étoient originairement électifs. Leg. 2 , 4, 8. Ils étoient élus par les Evêques, la nobleffe Sc le peuple. lbid. II paroit par le même code de loix que la prérogalive des Rois de Caftille étoit exïrêmement limitée. Villaldiego, dan& fon commentaire fur les loix, cite des faits Sc des autorités qui fervent a confirmer ces deux affertions. Le docteurGeddes, qui connoiffoit trèsbien Ia littérature Efpagnole, fe plaint de ne trouver aucun auteur qui donne une notion exact e des Cortès ou de la grande affemblée de la nation, de Ia maniere dont elle fe tenoit, Sc du nombre précis des membres qui avoient droit d'y fiéger. Cependant d'après Gil Gonzeles d'Avila , qui a publié une hiftoire d'Henri I, il cite des lettres adreffées par ce Prince a la ville d'Abula, pour qu'elle eut è choilir fes repréfentants aux Cortès qu'il avoit affemblés en 1390. On voit par cet écrit, que les Prélats, les Ducs, les Marquis , les Grands-  r. n t r o b u g Ti o n. 297 Maitres des trois ordres militaires, les Condes &C les Ricos • hombres étoient requis d'y affilter : ces différents chefs compofoient le clergé 6c la nobleffe, qui fórmoient deux membres du corps légillatif. Quarantehuit villes envoyoient des députés k 1'affemblée des Cortès. Le nombre dé leurs repréfentants (car elles avoient droit d'én députer plus ou moins k proportion de leur puiffanqe,) montoit k cent vingt-cinq. Geddes , Mifccllan. Tracls ,v. 1 ,p. 331. Zurita , ayant occafion de parler desCortès que Ferdinand tint a Toro, en 1505 ,. afin de s'affurer le gouvernement de la Calfille après lamort d'Ifabelle , rapporte avec fon exaftitude ordinaire le nom des membres qui y affifferent , & des villes qu'ils repréfentoient. II paroit parcette lifte qu'il n'y eut dans cette affemblée que dix-huit députés de villes. Anal. de Jrrag. t. 6 , p. 3. D'oiV vient cette grande différence dans le nombre des villes qui eurent des repréfentants k ces deux affemblées des Cortès ? c'eft ce que je ne fuis pasen état d'expliquer. N v.  ïq8 Introduction» Note XXXIII ^ Stel III, Pi 293J Une grande partie des terres en Efpagne appartenoit aux Nobles. L„ Marinseus Siculus , qui compofa fon, traité de Rebus Hifpanice fous le regne de Charles V , donne un catalogue de la Nobleffe Efpagnole, ainfi que du revenu dè fes biens. Selon fon calcul, qui affirme être auffi exact que la matiere peut lë comporter^ Ia fomme totale des rentes annuelles des terres des Nobles , montoita un, million quatre cents quatre-vingt-deux mille ducats. Si 1'on compare la valeur de 1'argent dans le quinzieme fiecle a celle qu'il a maintenant, & fi 1'on obferve que le catalogue de Ma-, rinaeus renferme feulement les Titulados, ou les Nobles dont les families étoient décorées de quelques titres, cette fomme paroitra très-confidérable. E. marin^eus, ap. Schotü fcriptos Hifpan. 1, 313. Les communes de Caflille, dans les débats qu'elles eurent avec la Couronne, & dont je rendrai compte ailleurs , fe plaignoient de 1'étendue des poffelfions  ï n T r O d UCTfQN. 299& la Nobleffe, comme d'une chofe très-pernicieufe au Royaume. Dans un de leurs manifeftes , elles affirment que, dans 1'intervalle qui féparoit Valladolid de Saint-Jacques en Galice, ce quifformoit une diftance de cent lieues , le Roi ne poffédoit pas plus de trois villages. Tout le reffe apppartenoit a la Nobleffe , & fans aucune charge d'impöt. Sandov. vida del Emperor Carl. V. 1 , p. 412. II paroit, d'après- le témoignage des > auteurs cités par Bovadilla, que ces vaftes poffeffions des Ricos-hombres , des Hidalgos & des- Cavalleros, leur avoient été données par les Rois de Caftille , en récompenfe des fecours qu'ils en avoient recus pour chaffer les Maures du Royaume. La Nobleffe eut par les mêmes moyens un grand crédit dans les villes, dont plufieurs mêmes étoient anciennement dans fa dépendance. Politica para corregidores. Awb. 1750, fol. voL 1 ,p. 440 , 442, Note XXXIF, Secl.III,p. 297.. Je n'ai rien pu découvrir de cer->i N vj  3encouragement général. La richeffe & la puiffance de cet ordre s'éléverent au point, que, fuivant le rapport d'un hiftorien, le grand-Maïtre étoit, après Ie Roi, la perfonne d'Êfpagne qui avoit le plus de confidé-ration & d'autorité. Ml. Anton^ Nebrissensis , ap. Schot, fcript. Hifp. 1 , 812,. Un autre écrivain obferveque 1'ordre poffédoit en Caftille tout ce qu'un Roi pouvoit defirer le plus, vivement d'obtenir. Zurita , Anah dc Arrag. v. x. Les Chevaliers faifoient vceu d?o~ béiffance , de pauvreté & de chaf* teté conjugale; par le premier vceu „ ils s'obligeoient implicitement aobéir. aux ordres de leur grand - Maïtre  3,04 Introduction. L'ordre pouvoit fournir mille hommes d'armes. JEh. Ant. Nebriss, p. 813. Si ces hommes d'armes fe mettoient en campagne, accompagnés de leurs iuivants , felon 1'ufage de ce fiecle,, ils deyoient formerun corps formidable de cavalerie. L'ordre poffédoit yingt-quatre commanderies, deux cents prieurés, 6c un grand nombre d'autres bénéfices. Honoré de Ste-MaRIE, Dijfert.fur la. Cheval. p. 16.2. U eft aifé de concevoir. combien devoit être a craindre, pour le Souverain, un fujet qni commandoit un femblable corps de troupes, qui avoit 1'adminifiration d'un revenu fi confidérable, 6c qui difpofoit de tant.de charges &c de bénéfices. Les deux autres ordres, quoiqu'inférieurs en crédit 8c en richeffes.a celui de Saint-Jacques , ne laiffoient pas d'être fort puiffants. La conquête de la Grenade ayant débarraffé les Chevaliers de Saint-Jacques des ennemis contre lefquels leur inftitution même dirigeoit leur zele , la fuperftition leur offrit un nouvel objet pour la défenfe duquel ils s'enga-» gerent a déployer tout leur, courage.  Introduction. 305 Ils ajouterent a leur ferment accoutumc, la claufe fuivante: »Nousjuv> rons de croire, de maintenir & de » foutenir, en public & en particu»lier, que la Vierge Marie, raere de » Dieu , & notre Dame, a été con» 911e fans la tache du pêché origi» nel. " Cette additon finguliere fut imaginée vers le milieu du dix-fep? tieme fiecle. lbid. p. 263-, Note XXXVI, S*&, III, p. 306, J'ai fouvent eu Keu de remarquer, dans rhiftoire du moyen age , les vices de police, occafionnés par la. foibleffe du gouvernement & par ledéfaut de la fubordination convenable parmi les différentes claffes d'hommes. J'ai fait voir, dans une note pré-, cédente, que cet inconvénient con-. tnbua beaucoup è empêcher la communkation entre les peuples , & même entre les différentes parties d'un même Royaume. Les. defcriptions. que nous. donnent les hifforiens, Efpagnols du grand nombre de meur-. tres, derapines., & d'autres violences qui fe commettoient, épouvan-  joó Introduction. tent Pimagination, & lui préfentent 1'idé.e d'une fociété peu différente de cet état de trouble & de confufion ? qu'on a appellé 1'état de nature. Zurita , Ibid.'.i , t. i,/>. 175. JEl. Ant» nebriss. Rer. d Fcrd. Gefi. ap. SchdtU tom. zy p. 849. Quoique 1'excès de ces défbrdres rendit nécefiaire 1'intitution de la Saïnu - Hermandad , on prit un grand foin d'abord d'éviter que cet établiffement n'allarmat & n'offenfat Ia Nobleffe. On borna la jurifdiction de ce tribunal a ne connoitre expreffément que des crimes qui troubloient la paix publique; & les autres délits refferent a la connoiffance des juges ordinaires. Lorfqu'un homme, coupable du parjure le plus notoire, étoit cité devant un juge de la Sainte-Hermandad, ce juge ne pouvoit le punir; il étoit obligé de renvoyer 1'affaire au juge ordinaire du lieu. Alph. de Azevedo ,■ Comment. in Reg. Hifp. conjlit. pars aujourd'hui purement monarchique, » comme il Fétoit dès le commencement. Nos Rois ont été auffi ab* » folus dès Porigine qu'ils le font au* »jourd'hui ". Sc. du gouv, tomt 11 , p. 3 1. Cependant il eft impoffible de concevoir deux états de loaété civile plus différents 1'un de 1'autre, que celui de la nation Francoife fous Clovis, &c celui de la même nation fous Louis XV. II eft évident, d'après les codes de loix des différentes tribus qui s'établirent dans les Gaules & dansles contrées voifines, ainfi que d'après 1'hiftoire de Grégoire de Tours & les autres anciens annaliftes, que la forme du gouvernement, parmi tous ces peuples, étoit extrêmement fimple & groffiere , & qu'ils avoient a peine commencé d'acquérir les premiers éléments de Pordre & de la police qui font néceffaires au maintien des grandes foCiétés. Le Roi ou le chef avóit 1'autorité fiir les foldats ou compagnons , qui, par choix & non par crainte, avoient fuivi fes étendards. J'en ai donné la preuve la plus claire dans la note VI. Grégoire de  3io In t r o d u c t i on, Tours, ( /. 4, ch. 14. ) rapporte un "trait qui prouve de la maniere la plus frappante-, combien les premiers Rois de France dépendoïent desfentiments &c des volontés de leürs foldats. Clotaire I, en 553, marcha contre les Saxons a la tête de fon armee. A fon approche, ces peuples intimides demanderent la paix, & offrirent au Monarque irrité une grande fomme d'argent. Clotaire vouloit accepter leur propofition; mais fon armee infiila pour qu'il donnat bataille. Le Roi employa toute fon éloquence pour leur perfuader de recevoir ce que les Saxons leur offroient; ceuxci pour les adoucir offrirent même une fomme encore plus forte. Le Roi renouvella fes initances; alors fes foldats furieux fe jetterent fur lui, & le traïnerent hors de fa tente, qu'ils déchirerent & mirent en pieces; ils auroient maffacré le Prince lui-même iur> la place, s'il n'eüt confenti de les mener a 1'inftarit même contre 1'ennemi. Si les premiers Rois de France poffédoient une autorité fi bornée, même a la tête de leur armée, on con-  I "N T R O D V C T I O N. qo'it que leur prérogative , pendant la paix , étoit encore plus limitée. Ils montoient fur le trêne, non.par droit de fucceflion, mais en conféquence d'une élection libre & vo'ontaire, faite par leurs fujets. Afin d'éviter un trop grand 'nombre de citations, ce qui feroit fuperflu, je renvoye mes Lecfeurs a la Gault Frangoife d'Hottoman, cap. 6,p. 47 , êdit. 1573 , oh 1'on trouvera les p/euves les plus complettes de ce que j'avance , tirées de Grégoire de Tours , d'Aimoin & des hifloriens les plus .graves de la première race, Le but de 1'élecfion des Rois n'étoit pas, fans doute, de leur conférer un pouvoir abfolu. Tout ce qui avoit rapport au bien général de la nation étoit mis en délibération publique, & fe eoncluoit par les fuffrages du peuple, dans les affemblées annuelles, appellées Champs dc Mars & Ckamps dc Mai. On donnoit le nom de champs u ces fortes d'affemblées, paree que s conformément a la coutume de tous les peuples barbares, elles fe tenoient en plein air dans quelques plaines affèz grandes pour contenir la multi-  3i2 Introduction. tude de ceux qui avoient droit d'y aflilter. Jo. Jac. Sorberus , de Comit. veter, tlerm. v. i , §• 19. Elles portoient le nom de champs de Mars & de champs de Mai, paree qu'on les tenoit dans ces deux mois de 1'année. lbid. §. 133. Les vieilles chroniques de France font mention , dans les termes fuivants , des perfonnes qui affiiterent a 1'aifemblée de Fan 788. In placito lngelheimenfi conveniunt pontifices , majores , minores , fiactrdotes , reguli , duces , Comités , profielt, cives , oppidani. sorberus , §. 304. C'étoit-la , dit un hillorien , qu'on difcutoit & qu'on arrêtoit tout ce qui concernoit le bonheur dë 1'Etat, & tout ce qui pouvoit être utile a la nation. Fredegaire , ap. Du cange , Glojfi. voc. Campus Maf ïü. Le Roi Clotaire II fait lui-même I'énumération des objets dont s occupoient ces affemblées , & il reconnoit leur autorité : » On les convo» que, dit- il, paree que tout ce qui » regarde la fureté commune doit être » examiné & réglé par une délibé» ration commune; & je m'y conm formerai k tout ce qu'elles auront réfolu  Introduction. 313 » réfolu ". AlMOlN , de Gefl. Franc. I. 4, c. 1 , ap. Bouquet, recueil 111, 116. Les claufes portant injondtion, 011 les termes qui dans les décrets de ces aflemblées, expriment 1'autorité légiflative, n'étoient pas au nom du Roi feul. » Nous avons, dit Chil» debert, dans une ordonnance de » Tan 532, traité quelques affaires a » 1'affemblée de Mars , avec nos Ba»rons, & nous en publions aujour» d'hui le réfultat, afin qu'il parvienne »a la connoiffance de tous ". Bouquet, lbid. tom. 6, p. 3. »Nous » fommes convenus avec le confen»tement de nos vaffaux, dit le même » Prince, dans une autre ordonnance. y> lbid. §. 2. * Les loix faliques, monument le plus augufte de la jurifprudence Francoife, furent formées de la même maniere : Diclaverunt falicam legem proceres ipfius genlis, qui tune temporis apud eam erant reclores. Sunt elecli de pluribits viri quatuor.... qui per tres mallos convententes, omnes caufarum origines folliciiè difcurrendo , traclantes d-e Jingulis judicium deereverunt hoe modo. BouQUET, prcefat. leg. falie. ibid. p. 122. Hoe de> Tome II, O  314 i N T R 0 D v c T 1 ö Ni cruum ejl apud regem & principes ejas, & apud cunclum populum chrijlianum qui infrd regnum Merwingorum conjijlunt. Ib.p. 124. Dans les chartes mêmes accordées par les Rois de la première race, les Rois ont foin de fpécifier qu'ils les ont données avec le confentement de leurs vaffaux : Ego Childebenus Rex , und cufn conjenfu & voluntate Francorum, &c. ann. lbid, 612. Clotharius UI, una cum patribus nojlris epifcopis, optimaübus, ccetefifq. palatii nofiri miniftris , ann. 664. De confenfu fidelium nojlrorum.' MABLY, obferv.fur. Chijl, de France, p. 239,Leshiftoriens, en parlant des fonaions que le Roi avoit a rem* plir dans les affemblées de la nation , s'expriment en termes qui fuppofent que 1'autorité royale y étoit très-hmitée , & que chaque objet de de* libération étoit foumis a Paffemblée même. Ipfe Rex , difent les auteurs des annales des Francs, en parlant des chómps de Mars, fedebat in felld regid , circwfiante exercitu, pracipiebatque is , die Ulo , quicquid d Francis decretum er at, BoUQUET, lbid. t. 3 » P' 647'  Introduction. 315 Les affemblées générales exercoient une jurifdiction fuprême fur toutes les perfonnes &c dans toute efpece de caufes; cela eft fi évident, qu'il feroit inutile d'en chercher des preuves. Le procés fait a la Reine Brunehaut, en 713 , tel qu'il eft rapporté par Frédegaire , quelqu'injufte que foit la fentence portée contre cette Princeffe, fuffit-feul pour établir cette affertion. Bouquet, ibid. 430.fred. chron. cap. 42. La cruauté & 1'iniquité frappante de ce jugement, fert a faire voir jufqu'ou s'étendoit la jurifdiction de cette affemblée; puifqu'un Prince aufii violent que Clothaire II, crut que la fanttion de 1'autorité d'une affemblée nationale, fuffiroit pour juftifier la barbarie avec laquelle il traitoit la mere & la grand'» mere de tant de Rois. Quant aux dons qu'on faifoit aux Princes, il faut obferver, que chez les nations dont les mceurs & les inftitutions politiques font encore tres. fimples, 1'Etat, ainfi que les individus, n'a que peu de befoins; on n'y connoit donc point les taxes; des tribus libres ck non civilifées rejetOij  316 Introduction. tent avec mépris toute efpece d'impofition fixe. Telle étoit la coutume des Germains 6c des différents peuples qui fortirent de la Germanie. Tacite juge que deux tribus dont il parle, n'étoient pas originaires de Germanie, paree qu'elles fe foumettoient a payer des impöts. De MoriL Germ. ch. 43. Lorfqu'il parle ailleurs d'une autre tribu, en fe conformant aux idéés recues parmi les Germains, cet hiftorien dit qu'elle n'étoit pas dégradée par le jong des taxes : Nam nee tnbutis contemnuntur , nee publicanus aiterit. lbid. c. 29. On doit croire que lorfque ces nations s'établirent dans les Gaules, 6c qu'elles conferverent le fentiment de la gloire de leurs triomphes, elles ne renoncerent pas aux idéés fieres & hautaines de leurs ancêtres, 6c qu'elles ne confentirent pas k recevoir un joug qu'elles regardoient comme une marqué de fervitude. Le témoignage des anciens monuments & des hifloriens juffifie cette conféquence. M. de Montefquieu 6c M. 1'Abbé de Mably ont fait, a cet égard, de profondes recherches , 6c ont prouvé clairement  In tr oducti on. 317 que la propriété des hommes libres parmi les Francs, n'étoit fujette a aucune taxe fixe ; que 1'Etat n'exigeoit d'eux qne le fervice militaire, a leurs propres dépens; qu'ils devoient recevoir le Roi dans leurs maifons lorfqu'il traverfoit fes domaines, & fournir a fes officiers des chevaux &c des voitures, lorfqu'ils étoient envoyés pour quelque commiffion qui regardoit le public. Efprit des loix , liv. 12, 13. Obferv. fur L'hift, de. France, t. 1, p. 247. Les Rois ne fubfiftoient prefqu'entiérement que des revenus de leur domaine, des profits provenants de l'adminiftration de la juftice, & de quelques petites amendes qu'on faifoit payer a ceux qui étoient coupables de certains délits. II feroit étranger a mon fujet de faire 1'énumération de ces divers objets; le Leéïeur Ia trouvera dans M. 1'Abbé de Mably , Obferv. fur l'hift. de France, vol. 1 , p. 267. Lorfque les hommes libres accordoientaleurs Souverains quelque fubfide extraordinaire, c'étoit un aöe purement volontaire. Dans les affemblées de Mars &c de Mai, qu'on teO iij  318 Introduction. noit annuellement, on avoit coutume de faire au Roi un préfent d'argent, de chevaux, d'armes, ou quelques autres objets précieux. C'étoit une coutume ancienne,qtie les Francs tenoient des Germains leurs ancêtres: Mos ejl civitatibus ulterh ac viritim conferri principibus vel armentorum vel frugum, quod pro konore acceptum , etiani necejjitatibus fubvenit. tacit. ibid. c. 15. Ces dons étoient coniidérables, fi nous en pouvons juger par Jes termes généraux dans lefquels s!expriment les anciens hifioriens; & ce n'étoit pas la moindre partie des revenus de la Couronne. Du Cange rapporte a ce fujet un grand nombre de paffages. Dlffert. 4, fur Joinville,pag. 153. Quelquefois une nation conquife fpécifïoit le don qu'elle s'obügeoit de fournir au Roi chaque année ; & lorfqu'elle y manquoit, on exigeoit ce don comme une dette. Annal, Meunfes, ap. Du Cange, ibid. p. 155. II eil probable que le premier pas qu'on fit vers 1'impofition, fut d'affurer la valeur de ces dons , qui, dans leur origine, étoient purement volontaires, & d'obliger le peu-  Introduction. 3*$ ple a payer la fomme a laquelle ils avoient été évalués. Mais on a confervé jufqu'a ce jour la mémoire de leur origine , & 1'on fait que les fublides accordés alors aux Souverains dans tous les lloyaumes de 1'Europe , étoient appelles bienve'tllances ou dons gratuits. Les Rois de France de Ia feconde race étoient élus par le choix libre du peuple : » Pepin, Roi pieux , dit *» un auteur qui écrivoit peu d'an»nées après 1'événement qu'il rapv porte , fut élevé au tröne par 1'au»torité du Pape , 1'onction du laint » Chrême , & le choix de tous les » Francs ". Pepinus , Rex pius, per autoritatem Papa., & uncliontm fancli Chrifmatis & eleclionern omnium Francorum , in regni folio fublirnatus ejl. Claufula de Pepini confecr. ap. Bouquet,. recueil' des hifi, t. 5 , p. 9. Mais comme les chefs de la nation avoient öté la couronne a une familie pour la faire paffer a une autre , on exigea d'eux un ferment par lequel ils s'obligeoient a maintenir fur le tróne cette familie qu'ils venoient d'y pla«=. eer : ut numquam de altenus lumbis O iv  3ie Introduction. regem in avo prxfumant eligerc. lbid. p. 10. La nation fut fidelle a ce Souverain pendant un long efpace de temps. La pofférité de Pepin prit poffefïion du trone ; mais lorfqu'il falIut partager les domaines entre les enfants de la familie Royale, les Princes furent obligés de coniulter 1'affemblée générale de la nation. Ce fut ainli que Pepin lui-même nomma , en 768 , Charles & Carloman fes deux fils , pour régner conjointement; mais ce ne fut qu'avec le confentement de 1'affemblée générale de la nation, devant laquelle il mit 1'objet en délibération : Und cum confenfu Francorum & procerum fuorum , feu epifcoporum conventu. Ap. S. Dionyfii capitular. vol. 1 , p. 187. Les Francs conffrmerent cette difpofition dans une affemblée fuivante convoquée a la mort de Pepin : car non-feulement ils nommerent Rois Charles & Carloman, fuivant le témoignage d'Eginhart; mais encore ils réglerent de leur propre autorité , les limites des domaines refpectifs des deux Princes. Vita Carol. Mag. ap. Bouquet, /. 5 , p. 90. Ce fut  ï N T R O D V C T I O N. 3 2 £ également par 1'autorité de ces affemblées fuprêmes, qu'on décida toutes les difputes qui s'éleverent entre les defcendants de la familie Royale. Charlemagne reconnut ce point important de leur jurifdiction , & le confirma dans la charte qu'il donna pour le partage de fes domaines : » Car, dit-il, dans le cas oh il y au» roit incertitude fur le droit des dif»férents compétiteurs , celui d'en»tr'eux que lë peuple choifira fuc»cédera a la Couronne., " CapituL vol. 1 ,. p. 442. Sous les Rois de la feconde race, les affemblées de la nation, appeliées indifféremment , Convencus , Malli 9 Placita , fe tenoient réguliérement une fois , pour le moins , chaque année , ck fouvent deux fois par an,: Un des plus préeieux monuments de l'hiffoire de France , eft le traité de Hincmar, Archevêque de Reirns, de ordine. Palatii. Ge Prélat mourut en 882 ,. feulement foixante - huit ans après Charlemagne. II rapporte dans ce court traité , les. faits quül avoit appris d'Adelhart,. miniftre & con-ffident de Charlemagne. Nous apprc',O v  3 2.1 Introduction. nons de lui que ce grand Monarque ne manquoit jamais de convoquer chnoue année , rafftmblée générale de fes fujets : in quo piaciio gcntralitas univerforum majorum, tam clericorum quam Laïcorum , conveniebat. HlNCMAR , Oper. edil Sirmondi. vol. z, c. 29 , p. in. Toutes les matieres qui concernoient la fureté générale des fujets 6c le bien du Royaume , fe difcutoient taujours dans ces affemblées avant qu'on entamat les affaires particulieres ou moins importantes. lbid. c. 23 , p. 213. Les fucceffeurs immédiats de Charlemagne imiterent fon exemple , & ne traiterent jamais d'aucune affaire importante fans 1'aveu du confeil général de la nation. Sous cette même race , le génie du gouvernement Francois continua d'être en grande partie démocratique. Les Nobles, les Eccléfiaftiques conftitués en dignité, & les grands Officiers de la Couronne ne formoient pas les feuls membres de 1'affemblée de la nation; le peuple ou le corps entier des hommes libres, avoit droit d'y aflifter, foit en perfonne, foit par  I'NTRO BUCTÏ O N. 3-25» des députés qui les repréfentoient,. Dans la defcription que donne Hincmar de la maniere dont on tenoit ces aflèmblées générales, il dit, que li le temps étoit favorable , on s'affembloit en plein air, mais que s'il étoit mauvais, il y avoit différents appartements deftinés pour chaque ordre ; en forte que les Eccléfiaftiques fe trouvoient féparés des laïques, & les Grands 1'étoient de la multitude. Comités vel hujufmodi principes fibimei honorificabiliter d cccterd multitudine fegregarentur. lbid. c. 3 5 , 114. Agobard, Archevêque de Lyon , en dé* crivant Faffemblée nationale de 1'an 83 3 , a laquelle il étoit préfent, s'exprime ainfi: Qui ubique conventus ex™ tititex revtrendiffimis Epifcopis, & magnificentifjimis viris inluflribus , collegio quoque Abbatum & Comitum promifcuceque tetatis & dignitatis populo, Cette expreflion d'Hincmar , azterd multitudine, eft la même chofe que celle de populus, dont fe fert Agobard; elles défignent 1'une & Pautre1'ordre inférieur des hommes libres, connu depuis en France fous le nom . de Tiers-Etatj &£ en Angleterre, ftms O vj.  324 Int r o d^g ï i o n; celui de Communes. Le peuple,ainfi; que les membres de 1'Etat les plus élevés en dignité, avoit part a la puiffance légiflative. C'eft pourquoi, par une loi de Pan 803 , il eft ordonné : » que lorfqu'il s'agira d'établir » une nouvelle loi, la propofition en » fera foumife a la délibération du » peuple ; & que s'il y a donné fon » conientement, il la ratifiera par la » fignature de fes reprcfentants ", Capit. val. 1 , p. 194. II y a deux capitulaires qui nous font parfaitement connoitre la part que le peuple avoit dans Padminiftration du gouvernement. Quand les fujets avoient a fe plaindre de quelque oppreffion, ils avoient droit de s'adreffer au Souverain pour lui demander juflice. On a confervé une de ces requêtes par laquelle ils demandent que les Eccléfiaftiques foient difpenfés de porter les armes & de fervir en perfonne k la guerre. Elle eft datée de Pan 803 , adreffée a Charlemagne, & exprimée en termes dont il n'appartenoit de fe fervir qu'a des hommes qui connoiffoient toute Pétendue de la liberté  I. H T R O D U CïI ON. Jlf èc des privileges dont ils jouiflbient. Ils concluent a ce qu'il leur accorde ce qu'ils lui demandent, s'il defire qu'ils continuent d'être pour lui des, fujets fideles. Ce grand Monarque, aulieu d'être offenfé ou furpris de la hardiefTe de leur demande , la regut de la maniere la plus gracieufe, &c leur témoigna la difpofition oii il étoit de les fatisfaire; mais obfervanc qu'il ne poffédoit pas lui feul 1'autorité légiflative, il leur promit d'expofer cet objet a la première affemblée générale , paree que. les matieres qui concernoient tous les fujets en commun, devoient être difcutées & réglées. d'un confentement générab. Capit. t. * , p. 405 , 409. Une autre capitulaire nous apprend de quelle maniere les rêquetes des fujets étoient approuvées dans 1'affemblée générale, lorfqu'on avoit obtenu que les objets qui y étoient conter.us y fuffent portés pour y être mis en délibération& comment ces requêtes y paffoient en loix. On lifoit tout haut les propofitions ; alors le peuple étoit prié de déclarer s'il y donnoit fon confentement ou non;  jaö Introduction. les membres qui repréfentoientle peuple exprimoient leur confentement en criant trois fois : Nous en fommes contents ; & alors le capitulaire étoit confirmé par fa fignature du Roi, du Clergé , &c des principanx laïques». Capit. t. i , p. 627. Ann. Dom. 822. II paroit probable, d'après un capitulaire de Charles-le-Chauve de Pan 851 , que le Souverain ne pouvoit refufer de donner fon confentement a ce qui étoit propofé & réglé par fes fujets dans 1'affemblée générale. Tit. 9, §.6. Capit. vol. 11 ■, p. 47. II eft inutile de multiplier les citations pour faire voir que la puiffance légiflative, en France, réfidoit dans Paflemblée de la nation, fous les Rois de la feconde race, & qu'elle avoit le droit de décider de tout ce qui regardoit la paix & la guerre. Le ftyle uniforme des capitulaires: fuffit pour confïrmer la première propofition; & quant a la feconde, fi le Lééf eur veut avoir a cet égard de plus grands éclairciffements , il peut confulter 1'ouvrage intitulé : Les origines ou ancien gouvernement de Fran* ce, ft 3 ,>. 87.  Introduction. 317 Ce que j'ai dit relativement a 1'admiflion du peuple ou de fes repréfentants dans les. affemblées générales, mérite attention; non-feulement paree que ces détails fervent a marquer les progrès du gouvernement de France; mais encore paree qu'ils jettent du jour fur une queftion femblable qui a été fouvent agitée en Angleterre ..relativement au temps oii les communes y firent partie du corps légiflatif. A^ore XXVlll, Stil. llf , P. 118. Ce changement important arrivé dans la conftitution de France, lorfque le pouvoir légiflatif paffa du confeil de la nation entre les mains du, Monarque , n'a pas été expliqué par les hiftoriens Francois avec le même foin qu'ils ont apporté a débrouiller> d'autres points de leur hiftoire. C'eft pour cela que j'ai fiché de fuivre avec la plus grande attention tous les pas qui ont conduit è cette révolution mémorable. J'ajouterai ici quelques particularités qui ferviront encore & éclaircir cet événement. Les loix la-  328 Introduction; toques, les loix des Bourguignons ^ & les autres codes publiés par les tribus qui s'établirent dans les Gaules , étoient des loix générales qui s'étendoient a chaque perfonne , è. chaque Province , &C k chaque diftricl ou 1'on reconnoifToit leur autorité ; mais il femble qu'elles cefferent d'être en vigueur, & la raifon en eft fort naturelle. Quand on fit ces loix, prefque toutes( les propriétés de la nation étoient allodiales, Mais lorfque les inftitutions féodalës furent généralement. établies, elles firent naitre un nombre infini de différentes qüeftions , relatives è cette efpece de tenure ;. & les anciens codes ne pouvoient fervir k les décider, paree qu'ils ne pouvoient contenir des réglements applicables a des cas qui n'exiftoient pas dans le temps; oü ils furent compofés. Ce changement confidérable dans la nature des poffeffions, rendit néceffaire la publication des nouvelles loix contenues dans les capitulaires. On ne peut pas douter en les lifant, qu'elles ne fuffent pour la plupart des 'oix générales, qui s'étendoient a tout le  Inirodu ction. 329 corps de la nation Frangoile , puifque c'étoit dans I'affemblée générale de la nation qu'elles étoient formées. La foibleffe du plus grand nombre des Rois de la feconde race , Sc les défordres qu'exckerent dans le Royaume les déprédations des Normands, encouragerent les Barons a ufurper un pouvoir prefque indépendant , jufques-la inconnu en France.- J'ai examiné dans une note précédente, la nature Sc I'étendue de la jurifdiftiotï qu'ils s'attribuerent. Toute union ei« vile & politique entre les différents membres de 1'Etat fut rompue ; 1'ancienne conftitution fut renverfée , Sc il n'exifta plus entre le Monarque Sc fes vaffaux, qu'une relation purement féodale. La jurifdiction royale ne s'é* tendoit que fur les domaines de la Couronne ; Sc fous les derniers Rois de la feconde race, ces domaines étoient prefque réduits a rien ; fous, les premiers Rois de la troifieme race , ils ne renfermoient guere autre chofe que les biens patrimoniaux de Huges Capet , lefquels avoient été annexés è la Couronne; Sc même avec cette augmentation les domaines  330 Introd tj e tion. étoient fort peu confidérables. Velly , hijï de France , e. 3 , p. 32, Plufieurs des principales Provinces de France ne reconnurent pas d'abord Hugues Capet pour leur Roi légitime ; on a confervé plufieurs chartes accordées dans les premières années du regne de ce Prince, oü 1'on trouve cette claufe remarquable dans la maniere de la dater : Deo regnante , rege expeclanteRegnante Domino noftro Jefu-Chrijlo , Frantis autem contra jus regnum ufurpante Ugone rege, BoUQUET, recueil, &c. t. 10, p, 544. Un Monarque dont le titre étoit ainfi ouvertement conteflé , n'étoit pas en état d'affirmer la jurifdiction royale, ou de reflreindre celle des Barons. Toutes ces circonfiances concoururent a donner aux Barons la facilité d'ufurper les droits de la royauté dans 1'étendue de leurs domaines. Les capitulaires tomberent en défuétude ainfi que les anciennes loix, & 1'on introduifit par-tout des coutumes lccales, qui devinrent les feules regies par lefquelles on régla tous les actes civils, bc 1'on jugea toutes les  Introduction, 33? caufes. L'ignorance profonde dans laquelle fut enfevelie la France pendant le neuvieme & le dixieme fiecle, contribua beaucoup a 1'introduction des loix coutumieres. Excepté les eccléfiaftiques , peu de perfonnes favoient lire ; & comme il n'étoit pas poffible d'avoir recours aux loix écrites , foit pour fe guider dans les affaires particulieres, foit pour fe régier dans 1'adminiflration de la juftice , les loix coutumieres furent prefque les feules qui furent en vigueur dans le Royaume. II ne paroit pas que pendant cet intervalle on ait convoqué l'alfemblée générale de la nation, ni qu'elle ait une feule fois exercé fa puiflance légiflative. On régloit & 1'on décidoit tout par les coutumes locales. On en trouve une preuve frappante en fuivant les progrès de la jurifprudence Francoife. Le dernier des capitulaires, recueillis par Baluze, fut don= né , en 92 ï, par Charles-le-Simple, II s'écoula cent trente ans depuis ce période jufqu'è la première ordonnance des Rois de la troifieme race , laquelle a été publiée par de Lau-  33i Introduction. riere dans fa grande colleöion ; Sc la première ordonnance qu'on puiffe regarder comme un acte de légiflation , qui s'étendoit a toutes les Provinces du Royaume , eft celle de Philippe- Augufte, datée de 1190. Ordonnances, t. 1 , p. 1 , 18. Pendant ce long période de cent foixante-neuf ans, tous les aftes civils furent dirigés par des coutumes, Sc 1'on n'ajouta rien a la loi du Royaume. Les ordonnances , antérieures au regne de Philippe-Augufte, contiennentdes réglements dont 1'autorité ne s'étendoit pas au-dela des domaines de la Couronne. On a plufieurs exemples de la circonfpection avec laquelle les Rois de France fe hafarderent pour la première fois d'exercer la puiffance légiflative. M. 1'Abbé de Mably rapporte une ordonnance de PhilippeAugufte, donnée en 1206 fur les Juifs, qui, dans ce fiecle , étoient en quelque forte la propriété du Seigneur fur le territoire duquel ils réfidoient; mais cette ordonnance eft moins un acte de 1'autorité royale , qu'un traité particulier entre le Roi 6c la Com--  Introduction. 333 teffe de Champagne, & Ie Sire de Dampiere; les réglements mêmes y paroiflent moins établis par lbn autorité , que par leur confentement, Obferv. fur Criifl. de France, t. 11, Z'- 3 55- L ordonnance de Louis VIII, concernant les Juifs, publiée en 1223 , doit être régardée de même comme un contrat entre le Roi & les Nobles de fon Royaume , relativement a la maniere dont ils traitoient cette malheureufe race d'hommes. Ordonn. t. 1 , p. 4, 7. Les établijj'ements mêmes de St. Louis , quoique très-propres a fervir de loix générales dans tout le Royaume , ne furent point publiés comme des loix écrites , mais feulement comme un code complet de loix coutumieres, defliné a fervir de regie dans 1'étendue des domaines de fa Couronne. La fageffe, 1'équité & 1'ordre qui diflinguent ce code de St. Louis, le firent recevoir favorablement dans tout le Royaume ; & le refpecf que méritoient les vertus &c les bonnes intentions de fon auteur, ne contribua pas peu a réconcilier Ia nati»n avec 1'autorité  334 Introducti on. légiflative que le Roi commencoit a s'arroger. Bientöt après cette époque , ce fut une idéé commune en France , que le Roi poffédoit le pouvoir fuprême de la légiflation. » Si wleRoi, dit Beaumanoir, fait quel» que établiffement, fpéeialement def» tiné pour fes domaines , les Barons » pourront toujours fe conformer è » leurs anciennes coutumes ; mais fi » 1'établiffement efl général, il aura » lieu dans tout le Royaume , & nous »devons croire que de femblables »> inff rudtions font le fruit d'une mure » délibération, & qu'elles ont le bien s> public pour objet ". Coue. de Beauvaifjs, ch. 48, 265. Quoique les Rois de la troifieme race n'euffent point convoqué 1'affemblée générale de Ia nation, pendant le long période qui s'écoula depuis Htigues Capet jufqu'a Philippe-le-Bel, il paroit qu'ils confultoient du moins les Evêques & les Barons qui fe tröuvoient a la Cour , fur toutes les nouvelles loix que ces Princes vouloient publier. On en trouve des exemples dans les recueil des Ordonnances , l. 1 , 3 , 5. Cet ufage femble avoir duré jufqu'au  Introduction. 335 regne de Saint Louis, époque a laquelle 1'autorité royale étoit bien établie. Ordonn, t. 1 , p. 58. Ann 1246» Cette déférence pour les Barons mit clans les mains des Rois une portion fi prépondérante de la puiffance légiflative , qu'ils furent bientöt en état d'exercer cette puiffance dans toute fa plénitude, fans avoir befoin de confulter les Evêques Sc les Barons. Les affemblées de la nation , connues fous le nom d''Etats généraux, furent convoquées pour la première fois, en 1302, Sc fe tinrent de temps en temps jufqu'a 1'année 1614. On ne les a pas convoquées depuis. Ces affemblées étoient très-différentes des anciennes affemblées de la nation Fran» coifefous les Rois de la première Sc de ia feconde race-. Les Etats généraux n'avoient point droit de fuffrages pour la promulgationdes loix, Sc ne poffédoient point de jurifdiction qui leur fut propre ; il n'y a aucun point dans ïesantiquitésFrancoifes, fur lequel les favants foient plus généralement d'accord; Sc toute la teneur de 1'hifloire de France confirme cette opinion. Voici quelle étoit la maniere de pre»  336 Introductio n. céder dans les Etats généraux. Le Roi s'adreffoit a tout ie corps, affemblé en un même lieu, & lui expolbit les objets pour lefquels il l'avoit convoqué. Les députés de chacun des trois ordres, c'eïï-è-dire, de la nobleffe , du clergé & du tiers-état, fe réuniffoient en particulier, & préparoient leur cahier ou mémoire , contenant leurs réponfes aux propofitions qui leur avoient été faites , avec les repréfentations qu'ils jugeoient convenables d'adreffer au Roi. Ces réponfes & ces repréfentations étoient enfuite examinées par le Roi dans fon confeil , & donnoient ordinairement lieu a une ordonnance. Les ordonnances n'étoient pas adrelfées aux trois ordres en commun. Quelquefois le Roi adreffbit une ordonnance a chaque ordre en particulier; quelquefois il y faifoit mention de 1'affemblée des trois ordres ; quelquefois il n'y étoit queftion que de 1'affemblée de celui des ordres auquel 1'ordonnance étoit adreffée; quelquefois on n'y faifoit aucune mention de l'affemblée des Etats qui avoient fuggéré 1'idée de faire la nouvelle loi. trèf. du t. 3 des ordonnances,  Introduction. 337 trdonnances , p. 20. Ainfi les Etats généraux n'avoient que le droit d'avifer & de remontrer, & 1'autorité légiflative réfidoit dans la perfonne du Roi feul. Note XXXIX, Seit. III, P. 320. Si 1'on ne confidere le Parlement de Paris que comme une cour fouveraine de juftice, tout ce qui regarde fon origine & fa jurifdiction eft clair & connu. C'eft 1'ancienne Cour du Palais du Roi, qui a pris une nouvelle forme, qu'on a rendue fédentaire, &: a laquelle on a attribué une jurifdiction fixe & trèsétendue. Le pouvoir de ce tribunal, confidéré comme exercant cette partie de fes fonöions, ne fera pas 1'objet du préfent examen. Mais le droit que le Parlement prétend avoir de modifier 1'exercice de 1'autorité légiflative, & de fe mêler de 1'adminiftration politique du Royaume, exige des recherches plus difficiles & une difcuffion plus délicate. Les Officiers & membres du Parlement de Paris étoient anciennement nom- Tornt II. P  338 Introduction. més par le Roi , payés par le Roi 5 & ont été plufieurs fois deftitués par le Roi a volonté. (Chr. fcandal. dc Louis XI, dans les mém. de Commines , -t. 'X, p. 5a, éd. de Lenglet du Frefnoy) Ils ne peuvent donc être regardés comme les repréfentants dè la nation, & ils ne peuvent prétendre avoir part a la puiffance légiflative , comme agifTant au nom du peuple. II faut donc chercher quelqu'autre fource du privilege important qu'ils s'attribuent. Le Parlement étoit originairement tompofé des perfonnes les plus diftinguées du Royaume, des Pairs de France , des Eccléfiaftiques du premier rang, & de Nobles d'une naiffance illuftre; on y joignit enfuite quelques clercs & confeillers verfés dans la connoiffance des loix. Pasquier, Recherches , p. 44. Encyclopédie , art. Parlement. Un corps ainfi conftitué étoit proprement un comité des Etats généraux du Royaume, ■compote des Barons oc fideles, & que les Rois étoient accoütumés k •confulter fur tous les aétes de jurif■diak>n& d'autorité légiflative. Dans  ïntroductiok 339 les intervalles qui s'écoulerent entre les affemblées des Etats généraux, & pendant les longs périodes de temps ou ces Etats ne furent point convoqués, il étoit naturel que les Rois confultaffent leur Parlement, lui propofaffenta examiner des objets d'intérêt public , & vouluffent revêtir de fon approbation les ordonnances &c les loix nouvelles qu'ils avoient k publier. Sous la feconde race des Rois, toute nouvelle loi étoit rédigée dans la forme convenable par le Chancelier du Royaume, qui la propofoit enfuite au peuple ^ & lorfqu'elle avoit paffe , le Chancelier étoit chargé de la garder dans les archives publiques, afin de pouvoir en donner des copies authentiques k tous ceux qui en demanderoient. Hincmar , de ord. palat, c. 16 , Capit. Car. Calv. tit. 14, §. 11, tit. 33. Le Chancelier préfida au Parlement de Paris lors de la première inftitution. Encyclop, art. Chan■ce/ier. II étoit donc également naturel que le Roi continuat d'employer cet officier a fes anciennes fonélions, de rédiger, de garder & de publiep P ij  34° J n T ft o d u 'c T ion, les ordonnances nouvelles qui le fai» foient. 11 exifte une ancienne copie -des capitulaires de Charlemagne, dans laquelle on a inféré les paroles fuivantes : Anno tertio demcntijfimi Dc mini nojlri Caroli - Augufli, fub ipfo anno, harini eux trois Archevêques, ChanceÜers des trois grands diffriefs qui for-»  ï N t R O D V C T I O N. 3 fj tnoient 1'ancienne divifion de 1'Em* pire , un Roi , un Duc &un Comte. Toutes ces circonffances reünies contribuoient k faciliter extrêinement 1'établilTement d'une innovation ii importante dans la conftitution du corps Germanique. Tous les points effentiels, relatifs k cette partie de 1'état politique de Ï'Empire, ont été bien éclaircis par Onuphre Panvinius moine Auguftin de Vérone, qui écrivoit fous le regne de Charles-Quint, Son traité, dans lequel il faut excufer la partialité qu'il montre fur le povivoir que les Papes s'attribuoient dans 1'Empire, a le mérite d'être un des premiers ouvrages oü 1'on trouve quelques points douteux d'hifloire , examinés & difcutés avec une certaine précifion critique & avec 1'attention convenable aux preuves tirées des archives & du témoignagê des hifforiens contemporains. Goldall; a publié cet écrit dans fes Politica imperialia, p. 2. Comme les Electeurs s'étoient arrogé le droit exclufifde nommer 1'Empereur, ils ont prétendu avoir également celui de le dépofer, & ce n*«i  358 Introduction, pas été une vaine prétention; car èn plus d'une occaiion , ils ont exercé ce droit important. En 1198, une partie des Elecfeurs dépofa Adolphe de Naffau, & mit a fa place Albert •d'Autriche. Les raifons fur lefquelles ils ronderent leur jugement, fait bien voir qu'ils étoient animés par 1'efprit de parti, & non par l'intérêt public. Siruv. Corp. vol. 1 , p. 540. Dans les premières années du quinzieme fiecle , les Elecf eurs dépoferent Venceflas, Sc mirent la couronne impériale fur la tête de Rupert, Electeur Palatin. L'a&e en efl encore exiftant. Gold ast , Conjlit. vol. 1 , p, 379. La dépofition efl prononcée au nom Sc par 1'autorité des Ele&eurs, & confirmée par plufieurs Prélats Sc Barons de Ï'Empire , qui avoient affifté au jugement. Ces acfes d'autorité, exe^-cés par les Elefteurs, démontrent combien la puiffance imfsériale étoit tombée Sc. avilie. Les autres privileges des Elecfeurs & les droits du college éleéforal ont été expliqués par les écrivains du droit public d'Allemagne. 3°, J'ai peu de chofe a ajouter fur  Introduction. 3 ^0 les dietes ou affemblées générales de Ï'Empire, Si mon objet étoit d'écrire une hiftoire particuliere de 1'Allemagne, je ferois obligé d'entrer dans les détails les plus circonftanciés fur les formes obfervées pour la convocaiion des dietes, fur les perfonnes qui ont droit d'y affifter, fur leurs divifions en différents bancs ou colleges, fur les objets de leurs délibérations, fur les manieres dont ils difcutent les matieres & donnent leurs fuffrages, & fur 1'autorité de leurs décrets, Mais dans une hiftoire générale, il fuffit d'obferver qu'originairement les dietes de Ï'Empire étoient parfaitement femblables axix affemblées de Mars &c de Mai qui fe tenoient en France. Les dietes s'affembloient au moins une fois Fan. Tout homme libre avoit droit d'y affifter &c d'y voter. C'étoient des affemblées dans lefquelles le monarque délibéroit avec fes fujets fur les intéréts com« muns. Arum^eus, de Comit. Rom, Germani Imperii, 40. Jencs, 1660, cap.y,n°. 10. Mais lorfque les Princes, les Eccléfiaftiques conftitués en dignités, &c les Barons eurent acquis  3^0 Intro d u c tion. •une jurifdiction indépendante, la diete devint une affemblée d'Etats féparés, qui formoient une confédération dont 1'Empereur étoit le chef. Tant que la coiftitution de Ï'Empire conferva fa forme primitive, la préfence a 1'affemblée générale étoit un devoir, femblable a tous les autres fervices que la loi féodale impofoit aux fujets a 1'égard du Souverain, & que chaque homme libre étoit tenu de remplir en perfonne; quiconque avoit droit d'ailifter a la diete, Sc négligeoit de s'y trouver, non-feulement perdoit fa voix, mais encore pouvoit être condamné a une forte amende. Ar.tjm.-EUS , de Comit. c. 306. Armees fur pud ; origine de ces corps de troupes toujours fubfiftants, I. 176. par gneis moyens 1'ufage d'en entretenir s'é  DES MATIERES. 383 tablit généralement en Europe, I. au. Armes ; la profeflion des armes eft la plus honorable chez les nations qui ne font pas civilifées, I. ug. Ane ; fête de 1'ane dans les églifes de la Religion Romaine , note xn, II. 82. Affemblées ; comment le font formées Jes affemblées qui exercoient la puiffance légiflative , I. 67. Affemblées générales de France; leur pouvoir fous les Rois de la première race, 1, 308. fous les Rois de la feconde & de latroifieme, ibid.... quand elles perdirent la puiffance légiflative, I. 312. Voyez Champ de Mars , Etats généraux. Attila , Roi des Huns ; comment il regoit les Ambaffadeurs de Rome, II. 5 , noteuu quelques détails fur fes conquêtes , IT. tit. Avila ; affemblées des Nobles de Caftille dans cette ville, 280. ils font le procés a leur Roi Henri IV, 5c le dépofent juridiquement, ibid. Aulriche , Maifon d'Autriche, a qui elle doit fa puiffance, I. 330. B. Ba 1 ni s ; quels étoient leurs offices dans 1'ancienne loi de France, II. 222. Balance du pouvoir, fon origine en Europe , I.208. fes progrès, I. 210. Baltique', cette mer eft, pour les villes fituées fur fes cótes, la première fource de leurs richeffes , II. 273. Stircelone; commerce, richeffes & privile-  3S4 T A B L E ges de cette vilie vers la fin du qtiinzieme fiecle, II. 300. Barons ; leur indépendance & leurs houilités motuelles fous. le gouvernement féodal, I. 29. combien ils furent allarmés de l'aflranchiffementdes villes par 1'établiffementdes communautés, I. 62. ils acquierent une part dans la légiflation , ibid. 66. leurs guerres privées pour la vengeance desinjures perfonnelles, I. 80. méthodes diverfes employées pour abolir ces guerres, I. 84. origine de leur jurifdiction indépendante & fupérieure ,1. 107. mauvais effets qui réfultent de leurs privileges, I. 110. mefures prifes par le Prince pour donner atteinte a leur puiffance, I. 113. comment ils furent obligés de renoncer a leurs prérogatives de jurifdiction, I. 130. Barons d'Italie foumis aux loix municipales, II. 101. note xv. explication de leur droit de jurifdiélion territoriale, II. 212. émoluments qui leur reviennent des caufes jugées dans lsurs cours, II. 213. Bénéfices ; origine des bénéfices fous le gouvernement féodal , II. 44. comment ils deviennent héréditaires , ibid. 48, note VIII. Bourgogne ; ( Marie de Bourgogne) avec quel intérêt toute 1'Europe conlidéroit le choix qu'elle feroit d'un mari, I. 196. Louis XI cherche a la tromper, I. 199. elle époufe 1'Archiduc Maximilien , I. 40i. influence de ce manage fur 1'état de 1'Europe, ibid. Bourgs ; comment leurs repréfentants furent admis dans les conieils nationaux , I. 68. Boufele ;  DES MATIERES. 38$ Bnuffole ; quand elle fut inventée , & comment elle conttibua aux progrès du commerce , ï s 146 Bretons ou habitants de la Grande-B retagne ; confternations & abattement des anciens Bretons lors de 1'invafion des Pief es & des Calédontens, & lorfqu'ils furent abandonnés par les Romains , II, i. note i. Bruges ; comment cette ville des Pays-Bas devint, dans le moyen age, le magafin & 1'entrepöt des denrées de 1'Italie , II, 271 Butin; comment les anciennes nations du Nord fe partageoient entr'elles le butin , I, 25. exemple de ce partage dans une anecdote de l'hiftoire de Clovis, II, 34» ■note VH. t. Csambray : (ligue de) fon objet, I; 220. rompue, I, ^ij Canon : (droit) recherches fur le droit ca» non , 1, 219. progrès des ufurpations eccléfiaftiques , I, ibid maximes du droit canon plus équitaWes que celles du droit civil , tel qu'il étoit obfervé dans le moyen age, I, ,2I 'Caflille; origine de ce Royaume, 1, 273. fon uuion avec 1'Arragon , ibid. Henri IV, Roi de Caftille , jugé & dépofé folemnellement dans l'aflemblée des Nobles , 1, 280. conftitution & gouvernement de ce Royaüme, I, 287. hiftoire des Cortes ou Etats de Caftille, 288. privileges des Cortès, ibid. ce Royaumg Tome //, R  1 3*6 TABLE étoit originairement électif, II, 297 , note xxxil, Catahgne; fermeté de cette Province en défendant fes droits contre Jean II , Roi d'Arragon, I, 279 'Cenfuels oblats, oblati cenfuales , efpeces d'efclaves volontaires ; obligations qu'ils contraéfoient, II, 150 Centeniers , ou juges inférieurs pendant Ie moyen age; ferment extraordinaire qu'on exigeoit d'eux, II, 261 Cercles d'Allemagne : a quelle occafion ils furent formés , 1, 3 3 ) Céfar ; ce qu'il a dit des anciens Germain6 mis en parallele avec ce qu'en dit Tacite, II, 21 Champs de Mars & champs de Mai: affemblées générales de la nation des Francs , II, 311 Charlemagne fait une loi pour prévenir les guerres privées & pour la réparation des injures perfonnelles , 1, 84. II, 182. Etat de rAllemagne fous ce Prince & fous fes defcendants, 1,321 Charles IV, Empereur, difiïpe les domaines de Ï'Empire, II, 392, note xli. Charles- Quint, Empereur, émule de la conduiteiéroïque de fon rival, Francois I , I, 137. future grandeur de ce Prince préparée par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien , I, 197 Charles VII, Roi de France, introduit le premier en Europe la coutume d'avoir une armée fur pied, 1, 76, il étend la prérogative royale, 1, 179 Charles VIIJ, Roi de France : caraclere de  DES M A T I E R ES. 387 ce Prince, I, 162. pourquoi il fit une invafion en Italië, ibid. fes reflburces & fes préparatifs pour cette expédition „ I, 204. rapidité de fes conquêtes, I , 206. ligue des Etats d'Italie contre lui, 1, 208. «bligéde revenir en France, ï, 209. mauvais état de fes finances, caufé par cette expédition , 1, 218 €harlevoix ; ce qu'il dit des Indiens de 1'Amérique feptentrionale, mis en parallele avec les mceurs des anciens Germains» 11,28 Xhartes d'imtnunité ou de franchife : recherches fur la nature de celles qu'accordoient les Barons de France aux villes de leur jurifdiction, II, 109 , note XVI. les chartes de communauté accordées aux villes par les Rois de France, ont pour but d'établir un gouvernement régulier. I, 59. II, nt Chevalerie ; fon origine, 1, 132. effets quï en réfultent pour les moeurs , 1, 134. lor» enthoufiafme, diftingué des effets falutaires qu'elle produit, I, 135: Chriflianifme, dégénéré dès le moment qu'il fut introduit en Europe, I, 140. influence qu'il eut fur 1'ufage d'affranchir de 1'efclavage , fous le gouvernement féodal, II , *44» note XX» %ites. Voyez Villes. Clergé; progrès de fes ufurpations, I , 126.1 fon plan de jurifprudence plus parfait que celui des tribunaux civils du moyen age ,I,i2i. ignorance extreme du ciergé en Europe dans les premiers temps du gouvernement féodal, II , 64, note x, R if  3§g TABLË Cleri^a, efclave de la Dame Willa, veuve du Duc Hugon : extrait de la charte d'affranchiffement qui lui fut donné,II, '45 Ckrmont; concile tenu en cette ville , oii 1'on fe détermina a la guerre-fainte , I, 42. Voyez Pierre l'Hermite & Croifades. Clothaiie I; exemple du peu d'autorité qu'il avoit fur fon armee, II, 310. Clothaire 11; compte qu'il rend des affemblées du peuple parmi les Francs, II, 3 12. Clovis, fondateur de la monarchie Francoife; ce Prince n'eft pas maitre d'em» pêcher qu'un vafe facré , pillé par fon armée , ne foit jetté au fort ainfi que le refte du butin, II, 34, note vu. Colleges ; leur premier établiffement en Europe , II, 249. Voyez Univerfitis. Combat judiciaire ; la prohibition qu'on en fait, contribue a perfeöionner 1'adminiftration de la juftice, I, 87. origine de cette maniere de juger adoptée univerfellement fous le régime féodal,! , 94, 99. effets pernicieux qui en réfultent, l, 100. différents expédients mis en ufage pour abolir cettepratique, I, 102. loi ancienne des Suédois qui autorifoit ce combat pour des termes injurieux, II, 189, note xxii. il pouvoit annuller les preuves les plus évidentes, ibid. 196. autorifé par les eccléfiaftiques , ibid. 200. dernicrs exemples de ce combat, tirés des hiftoires de France & d'Angleterre , ibid. 102. Voyez Epreuves. Commerce; combien 1'efprit des croifades fut favortble au commerce dans le premier  DES M A T I E R E S. 389 période de fon renouvellement, I, 58. premier établiffement des corporations franches , 1,58. ponrquoi Louis-le-Gros accorde des chartes de communauté, I, 59. exemple de ce Prince fuivi dans toute 1'Europe , 1, 61. effets fa'.utaires de fes inftitutions, ibid. mauvais état du commerce pendant les fiecles d'ignorance, I, 147. caufes qui contribuerent a le faire revivre, I, 148. la ligue anfèatique lui donne de l'accroiffement, I, i^i.cultivé dans les Pays-Bas , 1, 153. introduiten Angleterre par Edouard III, I, 154. fuites heureufes de fon établiffement, I, 155. 1'Italie s'adonne de honne heure au commerce, II, 264. Communauté. Voyez Chartes , Commerce, Corporations , Villes. Comnene , (Anne) portrait qu'elle fait des croifés , 96,*!07. Compojitions pour les injures perfonnelles , pourquoi elles furent établies, II, \6^. cette coutume venoit des anciens Germains, II, 203. Compurgateurs , établis dans la jurifprudence du moyen age pour fervir de témoins, , . *• 91- Condottieri; ce que c'étoit dans les Etats d'Italie, 1, 251. Confrérie de Dieu ; ce que c'étoit que cette affociation, formée a Voccafion des guerres privées', II, '170. Confrérie fainte; a quelle occafion fut créée en Efpagne cette affociation , I, 305. Conrad, Comte de Franconie : comment il p.»rvint a être élu Empereur , I, 322^ R ü}  390 TABLE Conradin , de la maifon de Souabe, & dernier héritier en droite ligne de la Couronne de Naples i fort infortuné de ce Prince , 1, 260. €onjlanct; traité fait en cette ville entre rEmpereur Fréderic Barberouffe & les cités franches d'Italie,, II, 107» €onftantinople ; état floriffant de cette ville au temps des croifades , 1, 46. quand elle fut prife par les Turcs ,1, 348. idéé qu'on avoit des croifés dans cette ville , H » 95 » note xiv. détail que donnent de cette ville les hiftoriens latins & chrc-» tiens , ibid. 97, Conflitution populaire ; comment elle fe for» ma, I, 66. Sordoue; Gonfalye de Cordoue affure la Couronne de Naples fur la t3te de Ferdinand d'Arragon, I, 26^»' Corporations ; établiffement de ces corps pólitiques, très-favorable aux progrès des moeurs, I, 55. dans quelles villes de 1'Europe on réclama pour la première fois les privileges des corporations & communautés, 1, 58. pourquoi Louisr* le-Gros accorde des chartes de communauté en France , I, 59. 1'inftitution des corporations s'introduit dans toute 1'Europe , 1, 60. effets qui en réfultent, I, 61. Cortes ou Etats d'Arragon ; leurs conftitutions & leurs privileges , I, 281, II» 287. Cortès ou Etats de Caftille ; hiftoire de leur établiffement, conftitutions & privileges, 1, 288, leur vigilance a maintenir leurs  DES M A T I E R E S. 391 droits contre les ufurpations de la puiffance royale . 1, 289. Croifades ; motif de cette entreprife, 1, 40. avec quel enthoufiafme & quel zele elles furent entreprifes, I, 41. Pierre 1'Hermite , promoteur des croifades , 1, 42. fuccès de cette entreprife , I , 44. conféquencesquien réfultent, I, ibid.influence des croifades fur les mceurs, I, 45. fur la propriété, I, 49. combien elles furent favorables a ragrandiffement de la puiffance royale des Souverains de 1'Europe, I, 50. effets des croifades fur 1'état du commerce, I, 52, 140. d'oü venoit cette frénéfie univerfelle , II, 85 , note xni. privileges accordés a ceux qui s'enroloient pour la guerre fainte , ibid. 89. relation que donne de 1'armée descroifés, Etienne, Comte de Chartres & de Blois , ibid. 91. comment on leva 1'argent néceffaire pour foutenir cette entreprife , ibid. 92. defcription des armées Chrétiennes ou Latines, faite par les hiftoriens Grecs , II a $6, note xrv. L>. Dêbiteurs : comment on fe comportoit a leur égard dans 1'état encore fimple & groflier de fociété , II, 115. Dette : le droit canon fournit Ia première idéé que 1'on eut de faifir les biens mobiliers pour le recouvrement des dettes , II, 236. Dlcttes d'Allemagne : idéé de ces affemblées, II, 3<;9 , noteXLU R W  J9* TA BL E Docleurs des différentes facultés; ils difputent pour la préféance avec les ChevaI« II , 250. Droit de repréfentation. Voy. Repréfentation, E. CCLÊSIASTIQVES ; quand & par quels degrés ils déclinerent la jurifdiction civile, II, 229. ils exercent les talents militaires , & vont a la guerre pendant les fiecles d'ignorance , II, 243. Voyez Canon. EdouardlU, Roi d'Angleterre , introdu-t Ie commerce dans fes Etats, I, 154, Elecleurs d'Allemagne j origine de leurs privileges , ; I, 341. £loi, (Saint) : définition qu'il donne d'un bon chrétien, \\, 80. Empereurs d'Allemagne : recherches fur leur puiffance, leur jurifdi£lion, leurs revenus, II, 347, note xi.1, ancienne maniere de les élire, II, 3^, JLpreuves de la croix, de 1'eau, du feu , &c. mifes en ufage pour juger toutes les caufes pendant les fiecles d'ignorance , 1, 93. ce fut a la fuperftition "cfu'on dut lapratique des épreuves,I, 94. Voyez Jugements de Dieu, Efclaves: combien leur état étoit déplorable fous le régime féodal, II, 63, note 13$. ce que c'étoit que les oblats ou efclaves volontaires, ibid. 71. Efpagne : idé-e fommaire de 1'état de 1'Efpagne au commencement du quinzieme fiecle, 1A 168. comment Ferdinand étende  DES MATIERES. jcjj la puiffance de la Couronne, I, 194. établiffement d'une infanterie nationale dans ce Royaume, 1, 216.1'Eipagneconquife par les Vandales, 1 , 273. enfuite par les Maures, ibid. comment s'afïbiblit par degrès 1'empire de ces derniers, 1, 272. origine des Royaumes de Caftille & d'Arragon, ï, 273. leur union conftitue la monarchie Efpagnole , ibid. Elle a retenu fes anciens ufages, malgré toutes les révolutions qu'elle a effuyées , I , 274. particularités remarquables dans' fes loix 8t fa conftitution , 1, 277. Voyez Caftille &• Arragon. Différentes caufes qui contribuerenta reftreindre la puiffance des Rois d'Êfpagne, I, 291. comment les villes d'Êfpagne obtinrent de la confidération & du pouvoir dans Ie gouvernement, I, 203. projet de Ferdinand & d'lfabelle, pour aggrandir la puiffance royale, I , 297. grande maitrife des trois ordres militaires annexée a la Couronne , 1, 300. a quelle occafton fe forma 1'affociation de la fainte Confrérie, 1, 304. par cet établiffement la Couronne cherche a diminuer la jurifdiction territoriale des Barons , I, 306, dévaftations cruelles caufées er» Efpagne par Pirruptbn des Vandales, II, 8, note vi. quand les cités d'Êfpagne obtinrent les privilegesmtsnicipaux , 132. note xviii. les guerres privées continuerent long-temps d'être en ufage en Efpagne , II, 180 , note xxi. état des revenus de Ia Couronne fous Charles-Quint ^ U > 298. recherche fur 1 origine des coux- R v  394 T A B L E munautés & des villes franches en Efp*. gne> II, 300. Efprit humain : tableau de 1'efprit humair» au temps du premier établiffement de la polke féodale en Europe, 1, 36.période de l'hiftoiie ou 1'efprit humain fe trouve dans le plus grand abaiffement, I, 37. quand il cornmence k en fortir , ibid. progrès de fes opérations avant de prendre entiérement 1'effor, I, I42. Etienne , Comte de Chartres & de Blois 5 fa relation des progrès des croifés en Afie, II, 91. Etats généraux de France : quelles furent les caufes qui rendirent imparfaite 1'autorité des Etats, I, 310. quand ils perdirent la puiffance légiflative, II, 311. première affemblée des Etats ,11,355, note xxxvm, maniere de procéder dans les Etats, ibid. 356V Étrangers $ comment on fe conduifoit a leur égard pendant les fiecles d'ignorance fous le gouvernement féodal, II, Jïurope; altérations caufées en Europe par les conquêtes des Romains, I, 2. lumieres qu'elle refoit en échange de fa liberté , ibid. défavantage de ce changement , ibid. recherche fur la prétendue population nombreufe des anciennes nations du Nord,!, 6. ravages cruels exercés par les Goths, les Vandales & les Huns, I , 16. les irruptions & les conquêtes des barbares bouleverfent toute 1'Europe, I, 18. premiers rudiments de ia police préiente «Je TEurope, tirés de «e période de 1'hif-  DES MATIERES. 395; toire,I, ao. du gouvernement féodal , I, 23. Voyez .FeWj/. Cette politique amene une barbarie générale ,1,32. dans quel temps le gouvernement & les mceurs commencerent a faire des progrès, I, 37.caufes Sc événements qui contribuerent a ces progrès ,1,38. Voyez Croifades, Corporations, Peuple. Malheurs occafionnéspar les guerres privées , 1, 83. moyens que Ton prend pour éteindre ces guerres inteftines , I, 84. combats judiciaires prohibés, 1,87, défauts dans les procédures judiciaires pendant les fiecles de barbarie, 1, 88. influence de lafuperftirïon dans ces procédures, 1, 93. origine de la jurifdiction indépendante des Barons, I, 107. mauvais effets de cette jurifdiction, I, 110. meiures prifes par le Prince pour abolir les cours des Barons, I, 113. recherches fur les loix canoniques , 1, 119, renaiffance des loix Romaines, I, 125. effets de 1'efprit de chevalerie en Europe, I, 131. quel bien fit a 1'Europe le progrès des Sciences & la culture des Iettres , I, 137. chriflianifme altéré dès les premierspas qu'il fit en Europe, I, 140. la théologie fcholaftique, premier objet de» études en Europe, 1, 141. mauvais état du commerce en Europe pendant les fiecles d'ignorance, 1, 147. 1'Italie fait revivre Ie commerce en Europe, I, 148.. les villes anféatiques lui redonnent des forces , 1, 15 1. les Pays-Bas en font leur objet capital, 1, 153, effets de la progreffion du commerce pour polir les mceurs , I, 155. influence qu'eut le mariage de R vj  396 T A B L E Mane de Bourgogne avec Maximilien fui> 1'état de 1'Europe, I, 201. par quels moyens les armées foudoyées s'établirent généralement en Europe, I, 211, conféquences de la ligue de Cambray, I, 325. tableau de Ta conftitution politique des divers Etats de 1'Europe au commencement du feiziema fiecle, I , 330. de 1'Italie, I, 232. des Etats du Pape, I, 233. de Venife , I , 249. de Florence, I, 255. de Naples, I, 257» de Milan, I, 263. de PEfpagne, I, 370. de la France, I, 307. de TAllema» gne I, 320. de la Turquie, I, 347. exemples du peu de communication entre les nations de 1'Europe pendant les fiecles d'ignorance , II, 252, note XXIX. F. j* éoda l : gouvernement féodal, fon origine, I, 23. premier objet de ce gouvernement, 1, 24. défauts de ce fyftême pour 1'adminiftration intérieure , 1, 26.. établiffement des tenures féodales , I, 37. naiffance de la difcorde inteftine qui s'êleve parmi les Barons fous le fyftême féodal, I , 28. état fervile du peuple , I, 29. fóible autorité des Rois, ibid. influence du fyftême féodal dans les opérations de guerre, I, 30. le régime féodal éteint en général le goüt des arts & des fciences» ibid. effets qu'il produit fur la religion, I , 34. fon, influence fur le caractere de 1'efpiit humain, I, 36. quand, le gouvernemem&  DES MATIERES. J97 les mceurs commencerent a fortir de Ia barbarie, I , 37. caufes qui amenerent cet événement, I , 38. Voyez Croifades. Ancien état des villes fous le régime féodal, I, 56» forme des affemblées de la nation pendant ce période, \, 66. altérations que recoit le fyftême féodal pat les progrès de la liberté civile , I , 67. recherche fur Tadminiftration de la juftice pendant le gouvernement féodal, I, 76. guerres privées , 1, 79. combats j.udiciaires, I, 87. jurifdiétion indépendan-i te des Barons, I, 107. diftin&ion entre 1'homme libre & le vaffal, II, 41. traitement des étrangers fous le fyftême féodal , II, 2.57. Feodum ; analogie dë ce mot, II, 60. Ferdinand, Roi d'Arragon, rêunit toutes les monarchies de 1'Efpagne par fon mariage avec Ifabeile de Caftille, I, 274. fes vues pour étendre la puiffance royale, I, 297. il retire des mains de fes Barons les anciennes ceflions de terreins qui leur avoient été faites, I, 298. il réunit a la Couronne les grandes maitrifes des trois ordres militaires , 1, 300, pourquoi il fe fit proteéfeur de 1'aflociation fbrmée contre les Nobles, fous le f' nom de fainte Confrérie, I, 305. Fiefs ; hiftoire des fiefs fous le gouvernement féodal. II, 43. quand ils devinrent héréditaires, II, 50. Fitsjlephens ; fes obfervations fur 1'état de la ville de Londres fous Henri II, II, Flarxdres. Voyez Pays-Bas,  39$ T A B L E Florence; conftitution de cette ville au commencement du feizieme liecie, T , 255. autorité de Cofme de Médicis dans Florence, II , 2j&, Foulques de Chartres :: fa defcription de la ville de Conftantinople , II, 97, France; comment les villes de France obtinrent leurs premières chartes de communauté, I, 60. ordonnances de Louis. X & de Philippe-le-Long (on frere, en faveur de la liberté civile, I, 73. méthodes employees pour éteindre le fe>i des guerres privées, 1, 84, Saint Louis effaye de défendre les corribats judiciaites , I, 103. conteftations entre la France & 1'Angleterre, 1, 167. effets qui réfultent des Provinces reconquifes fur 1'Angleterre , ibid. combien cet événement lervit a affermir le tröne de France, I, 173. introduction des armées foudoyées , I, 176. la prérogative royale affermiepar cet établiffement ,1, 179. Louis Xls'applique avec vigueur a étendre la préro- fatjve royale, I, 184. Voyez Louis XL Iftets que produit 1'invafion del'Italie par Charles VIII, 1,208. Voyez Charles Vlll. Établiffement d'une infanterie nationale s 1, 211. ligue deCambray contre Venife, I, 220. bataille de Ghiaradadda , I, 222. recherches fur les loix ik Tanden gouvernement de France, I, 307. autorité des affemblées générales fous les Rois de la première race , 1, 308. fous les Rois de la feconde & de la troifieme , 1, 309= la jurifdiction royale en France ne s'éteudoit pas au-dela des domaines de la  DES MATIERES. 399. Couronne, 1, 311. a quelle époque les affemblées générales perdirent 1'autorité légiflative , I, 373. quand les Rois commencerent a affermir leur puiffance légiflative , 1, 313. quand le gouvernement devint purementmonarchique , 1, 314. la. puiffance royale eft reftreinte par les privileges de la Nobleffe, l, 315. recherches fur la jurifdiétion des Parlements » fur-tout de celui de Paris , I, 318. comment la propriété allodiale fut convertie en féodale, II, 54. progrès de la liberté en France, II, 139, note xix, la liberté cherche en vain a s'y établir , II, 141. dernier combat judiciaire rapporté dans 1'hiftoire de France, II, 241. état préfent de ce Royaume comparé a celui des anciens Francs , II, 309, note xxxviï, première féance des Etats généraux, II, 375 , /zorf xxxviu. Voyez Gaule, Champs. de mars. Francais 1, Roi de France : influence de 1'efprit de Chevalerie fur fon caracïere » 1, 136. il trouve un émule dans Charles-Quint, i^y Francs ou ajfranchis , ou hommes libres : comment on les diftinguoit des vaffaux fous le régime féodal, II, 41, 68. pourquoi ils étoient fouvent tentés de renoncer a leur liberté &. de fe faire efclaves, II , 71. Frideric Barberouffe , Empereur ; les cités franches d'Italie s'uniffent contre lui, II , 107. traité de Conftance conclu entr'el^ les, ibid. il eft Ie premier qui ait ac^  4PQ TABLE cordé des privileges aux villes d'Allemagne , II , I2Q, Fredum; mot des anciennes moeurs Germaniques, explication de ce mot, II, 207.. G. ^JTAr/zr , ou 1'ancienne France : commenïla propriété allodiale y fut convertie en tenure féodale , II, 54, note vm. gouvernement de 1'ancienne France compaté avec celui de la France moderne, II, 309 , note xxxvii. anecdote furClothaire ï, qui fait voir combien les Rois de 1'ancierine France avoient peu d'autorité fur leurs armées, II, 310. affemblées du peuple dans 1'ancienne France , II , 311. «ommant les loix faliques y furent établies , II, 3.13. les anciens Francs ne payoient point d'impots au Prince , II , 31 5. Voyez France. Genre humain ; tableau de 1'état le plus déplorable du genre humain que fourr.iffe l'hiftoire, I, 18, Voyez Efprit humain. Geoffroi de Ville-Hardouin : fa defcription de la magnifkence qui régnoit a Conftantinople lorfque cette ville fut prife par les croifés, H, 98. Germains; ufages & facons de vivre des anciens Germains , II, 21, note VI. maniere dont ils s'enröloient pour la guerre, II, 23. parallele des anciens Germains , avec les Indiens du Nord de 1'Amérique , II, 29. pourquoi ils ne batiffoient point de villes, II, 127, note xvii»  DES M A T I E R E S. 401 la compofition par amendes pour les injures perlonnelles vient des Germains , II, 7.04. Voyez Allemagne. Ghiaradadda , (bataille de) fatale aux Vénitiens, I, 222. Gibelins. Voyez Guelphes. Glanville : (Lord - Chef - Juftice) le premier qui dans toute 1'Europe ait compilé un corps de loix communes, II , 238. Gonthier, moine : fa defcription de Gonftantinople , lorfque les croifés prirent poffeflion de cette ville , H , 98. Goths : les Goths , les Huns & les Vandales envahiflent Ï'Empire Romain, &C précipitent fa ruine , I, 5. état des pays d'oii ils fcrtoient, I , 6. motif de leurs premières incurfions ,1,8. comment ils s'établirent dans les Royaumes qu'ils conquirent ,1,9. comparés aux R.omains au temps de leur irruption, 1, 1 r. comparés aux fauvages de 1'Amérique ,1, 16. défolation qu'ils caufent en Europe, ibid. ils changent univerfellement la face de 1'Europe, I , 18. principes fur lef— quels ils fonderent leurs établiffements , I, lx. origine du fyftême féodal , I , 23. Voyez Féodal. Recherche fur la maniere dont ils adminiftroient la juftice, I, 79. leurs guerres privées, I , 80. ils détruifent les monuments des arts de Rome , I , 138. leur mépris pour les Romains , & la haine qu'ils portent aux fciences & aux arts , II, 3 , note II. leur averfion pour les lettres, ibid. on, a'a  40i T A B L E fur leur origine ni des relations authentiques , ni d'anciennes hiftoires, ibid. Gouvernement : comment il fut limité par la politique féodale, I, 30. influence eUs croifades fur le gouvernement, I , 5 1. comment il fe trouva de 1'affranchiffement des villes , I , 65. comment fe formerent les affemblées de légiflation, I, 67. guerres privées, deftruétives de 1'autorité du gouvernement, I , 82. méthodes employees pour aboür cette pratique pernicieufe de redreffer les torts , 1, 84. comment il fut reftreint par les jurifdiélions fuprêmes & indcV pendantes des Barons, I, 107. pas que ï'on fit pour anéantir ces jurifdiélions, I, 113. origine & ag-andiffement des Cours Royales de juftice , 1, 114. combien la renaiflance des lettres intlua fur le gouvernement, I, 145. coup-d'ceil fur le gouvernement dans les commencements du quinzieme fiecle , 1, 158. puiffance des Monarques fort bornée a ce période, I, 160. leurs revenus très-modiques , I, 161. leurs armées incapables, de faire des conquêtes , I, ibid. les Princes hors d'état de former de grands plans d'opérations, I, 164. Les Royaumes peu en relation les uns avec les autres , I, 166. comment depuis ce période les efforts du gouvernement devinrent plus forts &. plus puiffants , I , 170. fuites qu'eut pour 1'Angleterre la perte de fes Frovinces fur le continent, I, 172. plan de Louis XI pour donner de 1'étendue a la puiffance royale, I, 183. Voyes  DES MATIERES. 4qj Louis XI. Accroiflement de la puiffance d'Angleterre , I , 192. Voyez Henri VU. Accroiflement de celle d'Êfpagne, I , 194. pourquoi l'ufage des armées foudoyées devint général, I, 211. tableau de la conftitution politique des divers Etats de 1'Europe au commencement du feizieme fiecle, I, 232. corament les chartes de communauté accordées par les Rois de France tendoient a introduire une forme réguliere dans le gouvernement, II, 111, note xvi, Greee; quand on commenca a y élever des vers-a-foie , H , 265. Grecs ; magnificence des Empereurs Grecs a Conftantinople, II, 95. Gre'goire de Tours ; fes remarques fur 1'etat de 1'Europe pendant le période dont il a écrit 1'hiftoire , 1, 37» Grégoire-le-Grand, Pape : fa raifon pour accorder la liberté a fes efclaves , II, 144» Qrègoirc Vil, Pape ; origine de fes conteftations avec Henri IV, Empereur d'Allemagne, I, 327. baffe foumiflïon qu'il exige de 1'Empereur, I, 328. relation qu'il donne lui-même de cette affaire» II, 345 , note xl« Guelphes & Gibelins ; naiffance de ces deux faétions en Allemagne , 1,329. Guerre ; maniere dont les nations barbares faifoient la guerre, comparée a celle des nations civijifées , 1, 15. comment la police féodale rendoit foibles &c peu vigoureufes les opérations de guerre , 1, 30. la profeflion des armes a toujours été la plus honoraile chez les peuples qui ne font pas  ■404 T A B L E civilifés, 1, 129. origine des armées foudoyees, 1, 176. comment cet établiffement devint général en Europe , 1, 221. comment on connut la fupériorité de 1'infanterie fur les autres corps de troupes , I, 213. Guerres privées: recherches fur l'ufage des guerres privées, établi par le gouvernement féodal pour la réparation des injures perfonnelles , I , 79. méthodes prifes pour abolir cette coutume pernicieufe, ï, 89. prohibition des combats judiciaires, 1, 87. recherches fur 1'origine de ces coutumes barbares, II, 153, note xxi. quels étoient ceux qui avoient droit d'entreprendre une guerre privée, II, 155, motifs pour lefquels on devoit 1'entreprendre, II, 157. quels étoient ceux qui étoient obligés d'y prendre part, II, 158. quels étoient ceux qui en étoient exclus, II, 159. maniere cruelle dont on pourfuivoit ces guerres , II, 160. détail chronologique de tous les expédients auxquels on ent recours pour fupprimer les guerres privées, II, 162. ce que c'étoit que la treve de- Dieu ,(treuga Dei). II, 167. La confrérie de Dieu , II , 170. la treve du Roi ou treve Royale , II , 171. les billets d'affurance, II , 174. loix Saxonnespour éteindre les guerres privées en Angleterre, 177. attachement obfliné des Efpagnols a cette coutume , II, 181. calamités que les guerres privées caufent en Allemagne , n, lg2. Guichardm ;, trait de la vénération fuperiri-. rieufe crue cet auteur portoit au Pape Glé^  DES M A T I E R E S. 405 ment VII, 1, 248» Guillaume , Archevêque de Tyr, ce qu'il raconte de Conftantinople, 11,98» H. Henri IV, Empereur d'Allemagne : état humiliant oü il eft réduit par le Pape Gregoire VII, I, 328, II, 346, note XL. Henri IV, Roi de Caftille ; procés & dépofition folemnelle de ce Prince par 1'aflemblée de la nobleffe Caftillane , I , 280. Henri VII, Roi d'Angleterre : état des affaires de ce Prince a fon avénement a la Couronne, I, 192. permet a fes Barons de vendre leurs terres malgré les fubftitutions , I, 193. leur défend de tenir a leur fervice d'autres perfonnes que des domeftiques , ibid. encourage Pagriculture & le commerce, ibid. Hereban } nature de cette punition en ufage fous le fyftême féodal, II, 42. Hèritages. Voyez Repréfentation. Hiftoire ; période de 1'hiftoire le plus rempli de calamités , expofé au Leéleur, I, , • Ï07. Honneur; anciennes loix Suédoifes pour déterminer le point d'honneur, II, 189. Hofpitalité; réglements qui contraignojent d'accorder 1'hofpitalité pendant les fiecles d'ignorance, II, 255' Huns ; trait de leur enthoufiafme & de leur paffion pour la guerre, II, 5. quelques détails fur leurs mceurs 8c fur leur politique , II, 13. Voyez Goths.  406 TABLE }. Jacques (Saint): quand & comment Fut créé en Efpagne 1'ordre militaire de St. Jacques , II, 302, note xxxv. janiffaires ; établiffement de ce corps de troupes, 1, 3 5 2. II, 370, note XLHI. Impériale : (chambre), fon inftitution , I, 334. occafion de fon établiffement, II, 361, note xlu lndiens du Nord de 1'Amérique comparés aux anciens Germains , II, 28» Induflrie ; comment 1'affranchiffement des villes excita 1'efprit d'induftrie, 1,64. •Infanterie i les Suiffes apprennent a toute 1'Europe 1'avantage de 1'infanterie fur la cavalerie, 1, 213. corps nombrenx d'infanterie établis en Allemagne, I, 315. en France eken Efpagne, I, 216. 'Inquifiüon ; pourquoi inftituée en Efpagne, II, 306 , note xxxvi. Intérêt de 1'argent : néceflïté de Je permettre dans Je commerce, II, 268, noit XXXIX. condamné mal-a-propos par le clergé pendant les fiecles d'ignorance, ibid. il occafionna des exaétions exorbi* tantes parmi lesbanquiers Lombards, II, 269. Italië ; quand les villes d'Italie commencerent a devenir des corps politiques , I, 57. pourquoi 1'Italie fut la première des nations de 1'Europe qui fit revivre le commerce , 148. révolutions en Europe occafionnées par 1'invafion de Charles yiü, I, 202, Etat de 1'Italie au mo-  DES M A T I E R E S. 407 ment de cette invafion , I , 206. fuccès rapides de Charles VIII, ibid. ligue des Etats d'Italie qui chaffe Charles & donne naiffance au maintien de la balance en Europe, I , 109. Etat politique de 1'Italie au commencement du feizieme fiecle,' I, 232. des Etats du Pape, I, 233. de Venife, I, 249. de Florence, I, 255. de Naples , 1, 257. de Milan , I , 287. preuves des ravages exercés en Italië par les nations du Nord qui envahirent Ï'Empire Romain, II, 16, note v. comment les villes d'Italie obtinrent des privileges municipaux , II, 105 , note XV. Etat de 1'Italie fous Fréderic I, II, 107. traité de Conftance entre les cités franches d'Italie & 1'Empereur Fréderic Barberouffe, ibid. 'Jugement de Dieu ; diverfes manieres de décider les procédures légales par le jugement de Dieu, pendant les fiecles d'ignorance & de barbarie, I, 93. II, 186, note XXII. 'Jugement de la croix, ou épreuve de la croix ; ce que c'étoit, II, 186, note xxn. Voyez Epreuves. Jules 11, Pape, forme la ligue de Cambray contre les Vénitiens, I, 221. s'empare des terres de Venife, I, 222. rupture de la confédération , 1, 223. il dirige fes opérations contre la France & 1'Angleterre , I , 224. Jurifprudence eccléfiaftique ; plus parfaite dans fon objet que celle des cours civiles du moyen age , 1, 121. Voyez LoU Juftice; recherche fur 1'adminiltration de la  4«S TABLE juftice pendant le regne du fyftême féc* dal , I , 76. elle avance vers laperfeétion a «lefure que la liberté civile fait des progrès , I, 78. redreffement des griefs, opéré principalement par les guerres privées , I, 84. prohibition des combats judiciaires , 1, 87. défauts dans les procédures judiciairespendant les fiecles d'ignorance, I, 88. compurgateurs ou juftificateurs, ce que c'étoient , I, 91. purgation des crimes par les épreuves & les jugements de Dieu, I, 93. origine des juriidiftions fuprêmes & indépendantes des Barons feudataires , 1, 107. progrès & fuites pernicieufes de leurs privileges, I, iio. mefures prifes par les Monarques pour affoiblir les cours des Barons, I, 113. agrandiffement des cours royales de juftice , 1, 117. recherches fur le drois canon , 1, 119. combien la juftice fit de progrès par le rétabliffement des loix Ro* maines , I, 124. quand 1'adminiftration de la juftice devint une profeflion diftin£te, 1,131» Jufk\a, ou juge fuprême d'Êfpagne ; fes offices & fes privileges , 1, 282. recherches fur l'éleétion de ce Magiftrat, II, 280 , note xxx. ce qu'il falloit pour être élu Jufti^a, II, 282. nature du tribunal inf» titué pour examiner fon adminiftration, II, 283. exemples de la puiffance de ce Juge, II, 284. "Law-bvrrous ; explication de ce terme de la loi d'Ecoffe, II, 114. Liberté  DES MATIERES. 409 Liberté civile : fa naiffance & fes progrès , I, 57. combien les ordonnances de Louis X & de fon frere Philippe-le-Long lui furent favorables, 1, 74. ce qui excita en France 1'efprit de liberté, II, 136 , note XIX. particularités contenues dans les chartes accordées aux cultivateurs , II , 142, note XX. combien la religion chrétienne fervit a étendre la liberté ,11, 144. occafions favorables pour obtenir la liberté, II, 145. Limoges ; concile tenu en cette ville, afin deteindre les guerres privées, II, 165. Ltttérature ; combien la culture des lettres contribua a civililer les nations de 1'Europe , 1, 138. pourquoi fes premiers efforts furent mal dirigés ,1, 139. bons effets que produit 1'efprit de recherche, I, 143. obftacles aux progrès des lettres, I, 144. influence des belles - lettres lur les mceurs &. fur le gouvernement, I , 145' Liturgie; préférencede la liturgie Mofarabique fur la liturgie Romaine, II, 193 , note xxn. attachement des Efpagnols pour la première , II ■> '94- Livre; recherches fur ce que contenoient les anciens livres, II, 75, note x. comment fe font perdus les anciens manufcrits, II, 76. a quel prix exorbitant on vendoit les livres dans le moyen age, II, 78. Loi; quand 1'étude des loix devint une profeflion particuliere. \, Loi canonique ; recherche fur cette loi, I, 119. fes maximes font plus équitabks que Tome II. S  4io T A B L E celles des cours civiles du moyen age," I, I2i. fon influence dans les progrès de 1'adminiftration de la juftice, I, 126. fes progrès rapides dans toute 1'Europe, II, 237 , note xxv. loi commune ; première compilation de cette loi faite en Angleterre par le Lord ChefJuftice Glanville, II, 237. Lombards ; premiers banquiers en Europe , II, 268 , note xxxix. par quelle raifon ils exigeoient des intéréts exorbitants, N, 269. Londres • état floriffant de cette ville fous Henri II, II, 135. Louis-le-Gros, Roi de France : raifon qui lui fit accorder des privileges dans toute rétendue de fes domaines, I, 59. Voy. Chartes. Louis : (Saint) fa grande attention dans 1'adminiftration de la juftice , aux appels portés a Ion tribunal, II, 221-.' Louis X: fes ordonnances en faveur de la liberté civile , 1, 73. Louis XI: fon caraétere, I, 183. fon plan d'opérations pour avilir la Nobleffe, 184. il met la difcorde entre les Nobles , ibid. 186. augmente fes armées, 1, 187. accroit les revenus de la Couronne , I, 188. gouverne par fon adreffe 1'affemblée des Etats, ibid. étend les bornes de la monarchie Francoife, I , 190. fon activité dans fes opérations extérieures , I, 191. il fe conduit baffement & avec perfidie envers Marie de Bourgogne, I, 197. eftets de cette conduite , 1, 199. Lcuis XII:hiCüü de faire la guerre au Pa-  DES MATIERES. 4n pe, I, 247, aflure fes droits fur le Duché de Milan , & retient Louis Sforce prifonnier, 1, 268 M. Ma infroi fait tous fes efforts pour obtenir la Couronne de Naples , 1, 259 ManumiJJion ; particularités contenues dans la charte de manumifTion ou d'affranchiflement accordée aux laboureurs ou efclaves, II, 144 1 note xx. formule de la manumiffion, II, 145 Maures ou Sarafins ; ils font la conquête de PEfpagne , 1, 270. comment ils s'affoiblirent par degrés durant leur établif. fement en ce pays,I, 272. remarques fur la maniere dont ils fe conduifirent dans ce Royaume, I, 273 Maximilien , Archiduc d'Autriche , marié a 1'héritiere de la Maifon de Bourgogne, I , 201. combien ce mariage intlua fur tous les Etats de 1'Europe , I, ibid. Maximilien , Empereur, établit la chambte impériale, I, 333. il réforme le confeil Aulique, 1,334 Mêdicis ; Cofme de Médicis, premier de ce nom; fon influence dans Ie gouvernement de Florence, I, 255 Milan; état de ce Duché au commencement du feizieme fiecle, I, 263. naiffance & progrès des conteftations qui s'éleverent fur la fucceffion des Etats de Milan, 264 Mceurs; devenues barbares fous le gouverne- Si)  4ii T A B L E ment féodal, après la mine de Ï'Empire Romain, I , 36. quand elles cefferent d'être moins féroces , 1, 37. effets des croifades fur les mceurs, I, 39. 1'affianchiffement des cités leur devient favorable , 1, 61. progrès des mceurs occafionné par 1'éreclion des cours royales de juftice oppofées a celles des Barons, I, 114. effets que produit fur les mceurs la renaiffance des loix Romaines , 1, 126. combien 1'efprit de Chevalerie tendoit a adoucir les moeurs,!, 132. comment les progrès des fciences épurent les mceurs, I, 92 , 137. combien la renaiffance du commerce fervit a polir les moeurs, I, 146. Municipal; comment les villes d'Italie obtinrent des privileges municipaux , II, 102 , note xv. le traité de Conftance leur en affure la poffeflion, II, 107. combien , fous la domination de Rome , le gouvernement municipal étoit favorable a la liberté, H , 125 N. s ; coup d'ceil fur la conftitution de ce Royaume au commencement du feizieme fiecle, I, 257. troubles & état incertain de ce Royaume, I, 258. difpute au fujet de la fucceflion a la Couronne , 1, 259. prétentions de la France & de 1'Efpagne , 1, 261 Narbonne ; préambule de 1'ordonnance de Phili;pe-le-Long adreffée a la communai-té de Narbonne, II, 137, note xix. Naufrage; pourquoi le Seigneur d'un ma-  DES MATIERES. 413 noir en Angleterre prétend jouir du droit de naufrage, ou du droit de s'emparer des débris d'un vaiiTeau qui fait naufrage fur fes cotes, II, 258, note xxix. Navigatkn ; preuve de 1'état imparfait de Ia navigation durant les fiecles d'ignorance, II, 271 , note xxix. Normands; pourquoi il refte en Angleterre li peu de traces des ufages & de la langue des Normands, en comparaifon de ce qu'il en refte des anciens Saxons , II, 6 , note IV. O. O slat s ou efclaves volontaires : détail fur cette claffe d'hommes, II, 149, note xx. Oblati minifteriales, ou oblats confacrés au fervice des Autels : ce que c'étoit que cette claffe d'efclaves volontaires, II, 150, note xx. obligations qu'ils contraéloient par des motifs de piété, ibid. Othon de Friiingen : détail qu'il donne fur 1'Italie pendant le regne de Fréderic ï, II, 103 , note xv. Ottoman ; origine & defcription de cet Empire, I, 347. il fe rend formidable aux Puiffances Chrétiennes, I, 356 P. e : la papauté étoit la plus haute dignité de 1'Europe au commencement du feizieme fiecle, I, 232. origine & progrès de la puiffance des Papes, I, S iij  AH T A B L E 233. infufEfarice des domaines du Pap# pour foutenir fa jurifdidtion, 235. autorité des Papes fort refferrée dans leur propre territoire, I, 236. atteinte portée a la puiffance des Papes par les Barons dé Rome, I, 237. Nicolas Rienzi cherche a établir dans Rome un gouvernement démocratique , & a renverier la jurifdiction Papale , I, 239. autorité des Papes affermie par Alexandre VI & Jules II, 1, 241. Voy. Jules. Etat permanent des domaines de 1'Eglife, ibid. l'adminiftration civile des Etats du Pape manqued'uniformité & de confiftance , I, 242. Rome devenue 1'école des intrigues politiques pendant le feizieme fiecle , 1, 244. avantages de 1'union des deux puiffances , la fpirituelle & la temporelle , 246. conteftations entre les Papes & les Empe-<. reurs d'Allemagne , I , 327. Papier ; quand on en fit ufage en Europe pour la première fois, II, 75, note x» Parlement ou affemblées légiflatives : comment fe foimerent les Parlements fous le regne féodal, 1, 66. comment ils ont changé par les progrès de la liberté civile , 1, 67. Parlement de Paris , recherches fur fa prééminence, 1, 318. fon origine, II, 337, note xxxtx. les édits royaux y doivent être enregiftrés avant que d'avoir force de loi, II, 341, Pays-Bas ,- on y cultive avec ardeur les manufaétures de laine & de coton, a la renaiffance du commerce en Europe , I, 153. Pclerinage a la Terre-Sainte : quand ils  DES MATIERES. 415 furent en ufage pour la première fois> I , 4» Perfe; comment on y punit le meurtre, II» aio, note xxiii. Peuple; état fervile & malheureux du peuple fous le gouvernement féodal, I, 49' forti de 1'elclavage par 1'affranchiffement des cités , I, 71. fon droit d'être repréfenté dans les confeils de la nation , I, 75. recherches fur la condition de ceux qui habitoient la campagne , & qui cultivoient les terres pendant Ie regne du fyftême féodal, II, 63, note IX. Philippe-le-Long; préambule d'une de fes ordonnances adreffée a la communauté de Narbonne, II, 137, note xix. Bhilofophie ; cultivée par les Arabes tandis qu'elle eft inconnue en Europe, II, 287, note xxvm. paffe en Europe, & y fait des progrès , II, 288, ibid. Pierre, 1'Hermite, excita les Princes de 1'Europe a la guerre fainte, 1, 42. Pierre IV, Roi d'Arragon , défait ceux qui étoient a la tête de Yunion formée contre lui, & caffe le privilege ó'union, II. 288 , note xxxvill. Plaifance ; concile tenu en cette ville pour y déterminer la guerre fainte, I, 42. Voyez Croifades. Population; recherches fur la population des anciennes nations du Nord ,1,6. Prifcus; extrait de la raifon qu'il a donnée de Pambaffade des Romains vers Attila, Roi des Huns, II, 15 , note 111. Procobe; tableau qu'il donne des dévaftaS iv  4i6 TABLE tions caufées par 1'irruption des nations _ du Nord » 14, note v. Propriété ; comment les chartes de communautés données en France, afluroient la propriété, II, H5) note xvt. Provédueurs; quel eft leur office fuivant la politique Vénitienne , I. 251. R. J-y~ELiGiott : comment elle fut altérée par les nations du Nord établies en Europe fous le gouvernement féodal, I , 34. combien elle contribua a délivrer le genre humain de la fervitude féodale, ,. . ,r> M4 > note xx. Kepledge ; exphcation de ce mot de la loi d'Ecofte , II, 217 , note xxm. Reprefentatien (droit de) par les orpbSM-* lins : comment ce point de jurifprudence fut décidé dans le dixieme fiecle , II , 192, note xxii. Keproches : fatisfaétion qu on exigeoit, fuivant une ancienne loi Suédoife , pour des mots de reproche, II, 189, note XXII. Revenus royaux, peu confidérables fous le gouvernement féodal, I, 171. comment ils s'augmenterent, 1^ 2I- Rhin ; origine de Ia ligue du Rhm, II* 184! note xxi. a quelle occafion elle fut formée.' . ibid. Rien^i (Nicolas) fait tous fes efforts pour louftraire Rome a 1'autorité des Papes , & y établir une forme de gouvernement democratique, i?  DES MATIERES. 417 Rodolphc de Hapsbourg : comment il fut élu a Ï'Empire d'Allemagne, I, 336. Romains; recherches fur les avantages qui les mirent en état de conquérir le refte de 1'Europe ,1,2. lumieres qu'ils communiquerent aux nations conquifes, I, 3. dommages que les Princes éprouverent fous leur domination ,1,4. renverfement de leur Empire par 1'irruption des harbares, I, 5. caufes qui concoururent a leur ruine , 1, 11. comparaifon des Romains avec les nations du Nord, I, ils perdent la connoiffance & la pratique des arts, 1, 16. monuments de leurs arts détruits avec adreffe par les barbares qui les fubjuguerent, I, 137- Rome moderne, ou le fiege des Papes* Voyez Pape. S. S ali ques ; comment les loix Saliquesfurent formées par 1'affemblée des Francs , II, 314, note xxxvii. Sarrajins. Voyez Marnes, Saxons ; pourquoi il refte en 1 Angleterre tant de veftiges de leurs loix , coutumes & ufages , II, 6 , note iv. recherches fur les loix qu'ils établirent pour mettre fin aux guerres privées , II , 177. note xxr. Sciences; combien la renaiffance & le progrès des fciences fervit a civilifer les nations de 1'Europe , I , 138. état fommaire du rétabliffement Sc des progrès des fciences en Europe, II, 245, note XxVlll.  4i$ T A B L E Sforce (Francois) : fur quoi il fondoit fes prétentions au Duché de Milan , I, 266. mis a mort par fon oncle Louis Sforce, Sforce (Louis) : quelles étoient fes vues particulieres en engageant Charles VIII a s'emparer de 1'Italie, I, 203. Voy. Charles VUL II commet un meurtre dans la perfonne de fon neveu , & prend Milan, 1, 267. II eft chaffé de Milan par Louis XII, & meurt en prifon, I, 268. Slanes (Lettres de) : ce que c'étoient que ces Lettres dans la jurifprudence d'Ecof~». II, 209, note xxni. Socièté : état groflïer de la fociété civile fous le gouvernement féodal après la ruine de Ï'Empire Romain, I, 32. influence des croifades fur 1'état de la fociété ,1,45. comment ellefortitde la barbarie par 1'établifTement des communautés municipales , I, 55. effets que produifit fur la fociété 1'affranchiflement des villes, 1, 75. combien les guerres privées arrêtoient les progrès de la fociété, I, 83. comment on fupprima ces hoftilités inteftines, I , 84. combien Ia prohibition des combats judiciaires /ut favorable a 1'adminiftration de la juftice, I, 87. accroiflement des Cours royales de juftice créées pour les oppofer a celles des Barons,!, 107. combien la fociété fit de progrès par le rétabliflement des loix Romaines, I, 129. par 1'efprit de Chevalerie , 1, 134, par la renaiflance du commerce, I, I46.  DES MATIERES. 419 Soie ; combien elle étoit rare 8c précieufe dans 1'ancienne Rome ,ÏI, 264, note xxix. quand les Giecs commencerent a élever des vers a foie , II, 265. Soliman , Sultan de Conftantinople : caractere de ce Prince, I, 254. Stiernhock ; paffages rapportés par cet auteur touchant la fatistaction que d'anciennes loix Suédoifes permettoient d'exiger pour des paroles injurieufes, II, 189. note xxil. Sucre; cannes de fucre apportées d'Afie en Europe , Si portées d'Europe en Amérique, II , 266 , note xxix. Suiffes ; difcipline fupérieure de leurs troupes dans le quinzieme fiecle. I, 213. ils apprennent aux nations de 1'Europe les avantages de 1'infanterie fur la cavalerie, I , 214. Sultans ; leur puiffance defpotique , I, 347. comment elle recoit un frein de la religion 8c de 1'armée, I, 350, 351. Superflition ; combien elle eut d'influence dans les procédures légales pendant les fiecles d'ignorance , I , 94. T. 'Tacite ; fa defcription des anciens Germains comparée avec celle de Céfar, II, 21 , note vi. Te'moignage (en juftice) : combien il étoit imparfait pour être admis dans les procédures légales pendant les fiecles d'ignorance, I , 88. combien il étoit aifé de 1'infir-  42,0 T A B L E mer par les combats judiciaires, II, 197 , note xxii. Tenures; origine des tenures féodales, 1, 27. Voyez Féodal. Terres (propriété des) : comment on pofledoit les terres lors de 1'établiffement de la politique féodal, I , 28. idéés des nations barbares fur la propriété des terres, II, 36 , note Vin. ce que c'étoit que la poffeflion allodiale , II, 37. comment les propriétaires s'obligeoient au fervice militaire, II, 39. diftinction entre la poffeflion allodiale & la poffeflion bénéficiaire, II, 40. pourquoi la propriété allodiale fut convertie en féodale, II, 45. ibid. Terre-Sainte; raifons qui porterent les Latins ou les Chrétiens a la retirer des mains des infideles, 1, 42. Voy. Croifades. Theologie fchoiaflique : elle eft la première branche des fciences a laquelle on s'attacha lors de Ia renaiffance des lettres en Europe , 1, 141. Treve de Dieu : ce que c'étoit, II, 166 , note xxi. Treve du Roi ou treve royale : (treuga regis) ce que c'étoit, II, 171, note xxi. Voyez Guerres privées. Turquie; origine & gouvernement de laTurquie, 1, 347. génie defpotique de cet Empire, 348. ilnefouffre point de Nobleffe héréditaire , 1, 349. comment 1'autorité des Sultans eft réprimée , 1, 350. origine du corps des Janiflaires , 1, 352. la Turquie fe rend formidablj aux Puiffance» Chrétiennes, 1,356.  DES MATIERES. 421 V. Vandales; dévaftations cruelles qu'ils font en Efpagne , II, 8 , note v. ravages qu'ils exercent en Afrique, II, II, ibid. Vaffaux; condition fervile des vaffaux fous le gouvernement féodal , 1, 70 , 28. comment ils obtinrent d'être affranchis , I , 73. quelle diftinction étoit établie entre le vaffal & Fhomme libre, II, 40, note vin. état déplorable des vaffaux fous les Barons feudataires, II, 66, note IX. Venife ; longue durée de fa conftitution civile , 1, 2,20. état floriffant de cette ville au temps de la ligue de Cambray, I,22i. les confédérés démembrent fes poffeflions , I, 223. elle vient a bout de diffoudre la ligue formée contre elle, I, 224. origine &. progrès de cette République , I, 249. défauts dans fa conftititution, 2<50.excellencede fesinftitutions navales, I, 253. étendue de fon commerce, ibid. Villes ; ancien état des villes fous le regne féodal, I, 56. oü s'établit d'abord la liberté des villes , I. 57. pourquoi Louisle-Gros leur accorda en France des chartes de communauté , 1, 59. elles en obtiennent de femblables dans toute 1'Europe, I, 61. elles acquierent une confidération politique , 1, 62. Vifconti; origine de cette Maifon dans le Duché de Milan, I. 264.  '4» T A B L E, &c. Union; ce que c'étoit que 1'union des Nobles d'Arragon formé dans le deffein de réprimer fexercice illicite de la puiffance royale , II, 286 , note xxxi. ce privilege eft abrogé par Pierre IV , II. 288. ibid. Univerfitè; premier établiffement des Univerfnés en Europe, II, 251, note xxvm. Voleurs; anathême prononcé contre les voleurs pendant les fiecles d'ignorance , II, 261, note xxix. W. s ; les anciens Welches pouvoient maffacrer impunément les étrangers, II, 258 , note xxix. Willa, veuve du Duc Hugo : extrait de la charte d'aftranchiffement qu'elle accorda a Cleriza , 1'une de fes efclaves, II , 145 , note xx. Fin de la Table des Matieres.