HERODOTE HIS T O RIE N DUPEUPLE HÊBREU? 'SANS LE SAZOI&   HÉRODOTE HISTORIËN DU PEUPLE HÉBREU* SANS LE SAVOIK o v LETTRE EN RÉPOtfSE d la Criüqut Manufcrite d'un jeune Philofophe , fat rOuvrge intitulé: Hiftoire véritable de* Tems fabuleux, par M. 1'Abbé Guerin du tRocher. » LA HAY E, M. DCC. LXXXVI   AFERTISSEMENT. L'Ouvrage de Monfieur 1'Abbé Güerin du Rocher dont nous prenons ja la défenfe , pourroit ,Mï la fingularité de la découverte qu'il contient, faire nakre des préjugés defavorables dans l'efprit de ceux qui ne 1'auroienc pas encore lü , ou qui ne fe tiennent pas aflTez en garde contre les premières impremons qu ils prennent du mérite dun Livre, fouvent fur le feül énoncé dutitre. Nous croions donc que , pour prémunir ceux qui feroienc tentésde rejetter, au premier apper^u a la grande découverte que noUs juftifions ici , nous ne pouvonsrien faire de mieux que de citer le iugement qu en a porté un hom me aufli eftimé par fes vertusque par fon érudition , & bien en étac de prononcer fur de pareilles matieres. Voici les termes dans lefquels M. 1'Abbe v  vijrERTlSSEMENT Afleline Vicaire-Général du DioccfcdeParis, Docteur de Sorbonne , 1 rofelTeur en langue Hébraïque , ^argeenqualité de cenfeur ncr J Ouvrage de M. tAbbé du Roc**r s c& exprimé, en lui donnanc ^Approbation. » Tm ld par ordre &c. un Manufcrk intitulé : His- TOIRE veRITABLE D£s T£Mps ^ BULEUX; PREMIÈRE PARTIE : LES TEMps FABTJLEUX DE L'HlSTOiRE d Egypte, devoilÉs par l'histoire Sainte. Lefavant Auteur de eet Ouvrage leve enfin le voile qui cou~ vroitf depuis fi long- temps les antiquites Iigypuennes. Dans eet amas de Jables dont onacompofé T'Hifioire des premiers dges d'une nation célébre 3 il Jut appercevoir les traces précieufes delaventé, & découv re le fondement rejpeclablefur lequel porte ce bifarre tujice. En prouvant que ces fables Jont urie alteration continuelle DES ivENEMENS RACONTis DANS lAncien Testament, ilfirceles  A VERTISSEMENÏ. vij Jiiftoriens de F Egypte , Hérodote , Manhhqn ,; Diodore , 6>c. a rendre hommage a Moyfe & aux autres Ecrivains Jacres ; a dêpofer en leur faveur ; a devenir , en quelque Jorte , leun garans ; & montre la faujjeté de tam d'imputations quontfait h nos> Saints Livres , ceux qui fe font aveuglés jufqua croire que la main des hommes pourroit détruire taeuvre de Dieu. En Sorhonne cey Mars 1779. Signé. Asseline. D'Après ce précis on peut fe faire une idee de la découverte de M. 1'Abbé Guérin du Rocher , & des réfultats importans qu'elle fournit. Nous avons cru qu'en la préfentant dégagée de 1'érudition hébraïque dont 1'auteur a jugé devojr appuier fon ouvraee , & qu'en nous tenant feulement aux dilcuihons des traits pnncipaux de relfemblance des deux hif-  m rA FERTISSEMENT. toires 3 cette découvcrte n'en ferok pas moins folidement juftifiée , ni moins favorablemenc accueillie du public.  BÉKÖBÖTE* HISTORIËN DU PEUPLE HÉBREU, ' SA NS LE S AVOIR, o u Lettrè en Reponje a la Cr ai que Manujcrite d'un jeune Pkilofophe} Jvr FOuvrage intüulé : Hiftoire véritable des Temps fabuleux } par M. 1'Abbé Guerin du Rocher (i)4 TR-N vous envoiant, Monfieur, ^Hiftoiré véritable des Temps fabuleux , qui condenfi la plus heureufe découverte fur fóncienna (i) Cet Ouvrage intéreffant ik curieux fe ve'nd a Paris ehez Berton , Llfaraire , rue S. ViSor. A fapaiiigÉp^ I i i iiiüwBCTaarowM^ii 11 luj fc felÊro bfeu. 8. Sefoftris exigea 8. Jacob en chemin des Ethiopiens des prit des pierres pour tribus d'e'bene. ' lui fervir de chevet. Le mot Abn en Hébreu pierre , refTern-^ ble au mot Ebn qui fignifie Ebene. 9. Sefoftris e'quip- 9. Jacob vit en fon-* pa une flotte de longs ge une longue échelle vahlèaux. parlaquelle montoient 5c ' d^-fcendoient les Anges. Malach, comme onprononce fignifie en Hébreu Ange ; Mallach fignifie auffi Matelot. Les Egyptiens qui n'auront pu comprendre cette échelle myftérieufe , auront pris acaufe de la refTemblance des mots malach & mallach , les Anges qui montoient & defcendoient par 1'échelle , pour des matelots qui montent&defcendent le long des cordages. 10.  du PeüpU Hébreu , fans le favoir. i j io. Sefoftris leva to. Jacob , dit 1'Eune armée de gens criture , leva aujfi fes de pieds. pieds. Le moe He'-* breu fignifie pieds & gens de pieds. i u Sefoftris con- 11. Jacob marcha quit touce 1'Afie vers auffi vers les en1'orient. fans de VOrient. Le- ' vavit itaque Jacob pe~ des fuos & perrexit ad terram filiorum orien^ tis. (Genef xxix. Trad. Sanftès - pagnin. ) i 2. Sefoftris poufTa 12. Jacob alla en fesconquêtes jufqu'en:/7/Wtf/z aram , c'efb Scychie Sc le long du a-dire , en MéfopoPhase en Colchide. tamie. Les Egyptiens auront pris phadan pour lephafe, & aram pour les Scythes qui anciennement étoient appelles araméens t comme Pline nous l'afïure ( L. 6. c. 17. ) 13. Sefoftris recut 13. Jacob éprouva un échec en Colchi- des contrariétés chez de, pays vanté pour Laban fon beau-perefon bellier & fa toi-^ Ce fut dans ce pays fon d'or. que Jacob trouva 1'arS B  i8 _ Hérödote Hijlorien de donner différentes couleurs aux toifons. Le nom même de Rachellon époufe,fignifie mouton. Dela, dit M. 1'Abbé du Rocher, 1'origine des fables (ur la toifon d'or lï vantées dans la mythologie, ócquel'Auteur promet de dévoiler un jour. 14. Sefoftris laifla 14- Les enfans de en Cholchideune co-Jacob engagerent les lonie de circoncis. Sychimites a fe faire circoncireA^oila un argumentde moinsenfaveur des Philofophes qui fe fervoient de la colonie de circoncis conduite par Sefoftris . en Cholchide, pour diP puterauxHLbreuxforigine de la circoncifion. L'ex' mple de ce traveftiflement apprendle peu de fonds qu'il y a a faire fur les antiquités profanes qu'on cfe oppofer  da Peuple Hébreu , fans te favóir. 19 quelquefois. au témoignage de nos divines Ecritures. 15. Sefoftris fut 1 5. Jacob fut pourpourfuivi par les Scy- fuivi par Laban TA» thes & fon bagage fut raméen , qui vifita pille'. fon-bagage, ou même r le renverfa, comme traduit Dom Calmet. . 1 Nous avons déja dit que le nom cVAraméen étoit celui que les Scythes portoient autrefois. 16. Sefoftris man- 16. Jacob manquant quant de vivres, fut de bied , fut forcé obligé de revenir en cfaybir recours h 1'EEgypte. ö)7Pte' 17. Sefoftris fut 17. Jacob fut in~ auffi averti par le vité a fe rendre en grand Prêtre de re- Egypte par fon fils tournet en Egypte. Jolèphquiavoitépou- • fe' la fiHe du grand Prêtre de eet empire, & qui étoit lui-méme a la tête de 1'Egypte. iü. oefoftris & fon 18. Jacob a fon reretour fe voyant prés tour de la Méfopotade périr par l'artifice mie?, redoutant la code fon frere , expofallere de fon frere Efaüj B 2  20 Hérodote Hiftorlen un tiers de fes enfansjavoit auffi partagé fa pour fauver les -au- familie en trois bantres. des , afin d'en fauver du moins une partie. Ce trait de reflemblance entre les deux hiftoires eft finguliérement frappant 'i 9, Sefoftris fut de'- 19. Jacob fut de'lilivré par Vulcain , vré par Je Seigneur dieu que Ia fablé re- dans fa lutte contre préfente boiteux. un Ange qui lui toucha le nerf de la cui£ fe. Jacob en demeiara boiteux. 20. Sefoftris deve- 20. Jacob qui n'y nu aveugle , mourut voyoit plus a caufe d'une mort volontai- de fon grand age (r), re. mourut pleinement rt-figné a la volonté du Seigneur. 21. Sous le regne 2i.Jofeph furnomdeSefoftrisparutpour me'en Egyptien Sala premièrefois, le fa-phenath - Phahameux oifeau phénix, neah, ou Psontom- (1) Oculï enim Ifratl [Jacob] ciligabant prte nimafenectute , & clan videre non poterat.... collegit pedes fuos fuper hïlulum , & obïu , appofitusque eft adpop'ulum fltum. Genef. xlviij, 10. & xlix. 32. ,  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 11 qu'on n'a jamais bien phanech, d'oü vient revu depuis. le nom de phénix , parut certainement avec éclat du vivant de fon pere Jacob. 2 2. Le phe'nix, fui- 2 2. Jofeph furnomvant la fable , em- mé Pfontomphanech , baume fon pere & le fit auffi embaumer le porte a fa fépulture. corps de fon pere & le conduifit a fa fépulture. 23. La fépulture 23. Celle oü Jodu pere du phénix feph conduifit le corps étoit 1'autel du foleil. de fon pere Jacob , fut 1'aire d'Atad, nom qui a été pris pour Adad , un de ceux qu'on donnoit au foleil , comme on fe trouve dans Macrobe. Hérodote allure n'avoir vu qu'en Pa~ lestine des monumens bien certains de Sefoftris. Cet hiftorien , en nous gliflant le mot Paleftine , nous a dit a Toreille le fecret de fon Roi Sefoftris , lequel n'étant réellement que Jacob , a dü évidemment laifler en Paleftine des traces de fon exiftence.  22 Hérodote Hiftorien Ainfi ce Sefoftris (i) , fi célebre dans 1'hiftoire , eet iiiuftre conquérant a qui on avoit fait parcourir 1'univers , ce Sefoftris qu'un favant de nos jours a pre'tendu même avoir conduit a la Chine une colonie , ce Sefoftris n'eft dans le vrai- que Jacob travefti par 1'ignorance descopiftes Egyptiens. II n'eft pas même jufqu'au phénix, cetoifeau merveilleux fi vanté dans lafable , & dont 1'ide'e avoit caufe' a 1'imagination tant de preftiges agre'ables, qui, graces a la fagacite' de M. 1'Abbé du Rocher, ne foit auffi dévollé , & ne redevienne un perfbnnage réel (2). D'après ce rapprochement oü les traits s'éclairciflant les uns par les autres & fe fortifiant mutuellement, forment un enfemble qui doit fatisfaire pleinement quiconoue fait tout ce qu'on peut exiger d'un favant qui entreprend de déchiffrer d'an- , (1) M. des Vignoles, auteur d'un fyftême de Chronologie fur rHift-oireanciénnëd'Egypte, imprimé a Bérlin eri 1738, remarqüe que quant d Sefoftris, il paroit que les prétres Egyptiens ont mis fous un feul nom les aclions vraies oU fupvofées deplüfieurs princts. Tant il eft vrai que les faits atmbuès a Sefoftris font incroiables. H eft bien plus fimple de reconnoïtre que c'eft un perfonnage de PEcriture travefti. (2) Ceux qui conferveroient quelque doute fur le dévoilement du phénix par les traits de Jofeph , peuvént confuiter 1'ouvrage reêmeoü 1'Auteur donne les preuves cétaillées-  du Peuple Hébreu, fans le favolr. 23 ciennes hiftoires altérées , nous .demandons s'il n'eft pas prouvé que toute 1'hiftoire de Sefoftris eft un plagiat mafqué dë celle de Jacob. Leur vie rapprochée depuis leur naiflance jufqu'a leur mort , & même jufqu'a leur fe'pulture, dans le méme ©rdre & la même fuite , préfente une reftfemblance de traits fi caradtérifée, qu'on eftforcé d'avouer que les Egyptiens, en copiant nos Livres faints , ont commis les plus e'tranges méprifes. II eft donc impofiible, Monfieur , de ne pas rendre hommage a la découverte de 1'auteur de Y Hiftoire véritable. SECONDE OBJECTION. 2. Le rapproehement le plus féduifant eft celui que Vauteur emprunte de la Thbe 5 ou comme on prononce Thebah , qui en hébreu veut dire Arche , mot qui a conduit les Egyptiens, felon M. 1'Abbé du Rocher , d appliquer d leur ville de Thèbes les traits concernant Varche de Noë'. Mais de cette explication ne s''enfuivroit-il pas que Vauteur de VHiftoire véritable porte atteinte d Vexiftence réelle de cette ville fameufe, vérité cependant dont il eft impofftble dedouter ? Car la fondation de Thèbes remonte d laplus haute antiquité. L'auteur de VHiftoire véritable eft bien B 4  24 Hérodote Hiftorien éloignéde révoquer en doute 1'exiftence de la ville de Thèbes en Egypte ; de fon opinion il faut feulement conclure que ceux qui ont rédigé les extraits de 1'Ecriture, auront tranfporte après coup a la ville de Thèbes qui exiftoit avant 1'époque des extraits , ce que 1'Ecriture difoit de 1'Arche qui s'appelle Thbe en hébreu. II y a mille exemples de ces attributions hilloriques. Nous pouvons citer celui-ci. Le célebre géographe Samfon fait obferver que les poëtes & la plupart des hiftoriens amateurs des fables,ont voulu faire venir les Veneti d'ltalie , ( aujourd'hui les Vénitiens) des Heneti de la Paphlagonie , lefquels felon les uns,amenés enThrace après laguerre de Troie par Pylémenesleur chef,ou felon d'autres,par AntenorTrolen, furent conduits, difent-ils, dansle golphe Adriatique oü ils fonderent les Veneti d'a préfent, origine démentie par Polybe. Un paffage de Strabon rapporté par Samfon , démontre que les Veneti de la mer Adriatique ( maintenant Venife ) ont réellement pour auteurs les Veneti peuple de la Gaule, aujourd'hui Vannes en Bretagne , partie de 1'ancienne Armprique (i). Tout ainii (i)V les remarqiies fur la carte de 1'ancienne Gau|epar Samfon , tirées des Commentaires de Céfar.  du Peuple Hebreu , fans le favoir. 2$ donc que les poëtes &|des écrivains fabuleus ont attribué aux Veneti dTtalïe des traits de 1'hiftoire des Heneti de la Paphlagonie , fans qu'il en réfulte rien contre la réalité de 1'exiftence de Venife, de même les attributions faufies , faites par les Egyptiens a leur ancienne Thèbes, cc qu'ils emprunterent de 1'Ecriture , ne peuvent porter aucune atteinte a 1'exiftence de cette ville. TROISIEME OBJECTION. 3.M. VAbbédu Rocher fait des perfonnages Egyptiens avec quelques noms du texte Hébreu , & leur attribué pour aciions les mots qui fuivent en leur donnant des . fignifications d fa maniere. C'eft le finge de la Fontaine qui prit le nom d'un port pour un nom dhomme. Voyons fi tels font les procéde's de M. 1'Abbé du Rocher, & recourons encore aux rapprochemens des traits dont vous n'avezpas ofé attaquer un feul , ni dans fa fubftance , ni dans fes acceflbires. Je prends ces traits a l'ouverture du Livre. Hiftoire Egypte. Hiftoire Sainte. 1. Le Roi pafteur 1. Jofeph appellé Salatis ou Salités Shalit dans 1'Ecri-  26 Hérodote Hijiorien avoitgrandeattentionjture fainte , mot qui dele rendre au temps,fignifie Princeps, préde la moiflbn pour fidoit a la difiribution mefurer le bied. du bied qu'on vendoit aux Egyptiens; & Jofeph erat Princeps ( Hebraice Schalit ) in terra JEgypti, atque adejus nutumfrumenta populis vendebantur. ( Genef. 42. 2. Protée pafïoit 2. Jofeph , autrepour le plus chafte ment Schalit , qui des hommes. ' jfignifie auffi primus, en grec Protos,) fut diftingué par fa chafteté. 3. Protée e'toit doué 3. Jofeph vit en d'une connoilTance fonge le foleil , la particuliere des aftres. lune & les étoiles qui s'abaiflbient devant lui. 4. Protée étoit inf- 4. Jofeph eftl'homtruit de tous les fe- me h. qui les fecrets crets. font rëvélès , dit 1'Ecriture. 5. Protée avoit deux 5. Jofeph eut deux fils, Telegonus & fils , ManassÈs Sc Polygonus ; le pre-[ÉpHRAiM, qui en hé-  du Peuple Hébreu, fans le favok. 27 mier fignifie Né loin breu fignifientexaerede fon pays & le fe- ment Ia même chofe cond fécondou qui que Telegonus 6c multiplie. Polygonus. 6. Protée pafteur 6. Jofeph interprede phoques ou de te un fonge fur des veaux marins. vaches forties du fein des eaux, & quipaiffoient fur les bords. 7. Un e'tranger fut 7. Jofeph accufé accufé fous le regne d'avoir voulu féduire de Protée d'avoir fé-(la femme de fon maiduit Ia femme de fon tre Putiphar. höte. 8. Sous Protée un 8. Jofeph e'tranger étranger fut arrêté. fut mis en prifon. 9. Protée ne don- 9. Jofeph re'pond noit point de réponfe aux queftions fur les fans être lie'. fonges , étant dans les Hens , ou dans la prifon. 10. Protée chan- 10. Jofeph ebangê geoitdeformes, avant de vétement, avant que de donriêr des que de paroitre dere'ponfes. vant le Roi, pour lui expliquer fes fonges. 11. Protée ayant 11. Les os de 7oun pafTage ouvert /è^/ztranfporte'sparun miraculeufement au palfage miraculeufefond de la mer. ment ouvert dans la mer Rouge.  28 Hérodote Hiftorien Comment , Monfieur , pouvoir contefter la prodigieufe reffemblance qui fe trouve entre Protée & Jofeph > Pour ne m'en tenir qu'au premier parallele de ce tableau que j'ai afFe&é de mettre en deux colonnes , afin que vos yeux s'élevalTent en témoignage contre vous , le trait du bied des deuxcötés, porte-t-ilfur un jeu de mots? L'identité de noms dans les deux perfonnages eft-elle une interprétation forcée ? Protos en grec , Princeps en la tin ou Primus, n'eit-il pas la traduëtion littérale des Schalit en Hébreu qui fignifie également Prince ? Pourquoi fe roidir contre des vérités aufli fenfibles ? Quand on fe bouche les yeux avec la main, & qu'on fe moque de ceux qui voient, on eft bien a plaindre. Pour vous démontrer combien , fous des noms differens, les auteurs Paiens ont défiguré 1'hiftoire de Jofeph , qui vu 1'éclat qu'eut fon miniftere en Egypte , dut lahTer après lui une grande réputation , je vais vous rapporter ici un paflage curieux de Suidas. II eft facheux que 1'auteur de VHiftoire véritable ne fait cité qu'en grec. La tradudtion latine , plus \ la portee du commun des le&eurs , eiit rendu ce rapprochement plus faillant. Tel eft le paflage de Suidas traduit en latin. Cum autem Fau-  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 2 9 nus infidiis appeteretur a propriisfratribus in iEcypTUM fugit. ... 6" ah iis fufceptus, cum ipfishabitavit; & aürea veste indutus , & vaticinans , & tanquam Deus ab ipfis honorabatur & colebatur , quöd ipfis divitias impertiret ( Dift. de Suidas verbo ^a.wo(. ) Dans ce pre'tendu Dieu Faune , qui peut ïne'connoitre Jofeph ? L'Ecriture ne nous dit-elle pas que celui-ci fut perfécutépar fes freres, qu'il fut tranfporté en Egypte ou il demeura, oü ils vinrent le trouver , oü ilprophétifa en expliquant les fonges de Pharaon ; oü le Roi le revêtit de fuperbes habits ; ( vefiivit eum ( Pharao ) ftoU Byffind, & collo torquem aUream circumpofuit. ( Genef 41. 42. ) ; oü il fut extrémement honoré pour avoir e'té le libêrateur de VEgypte, & pour avoir prodigieufement enrichi le tre'for public pendant fon miniftere ? Mais comment des traits de Jofeph a-t-on pu fabriquer un perfonnage que dans la fuite on a fait pafTer pour le dieu Faune, Phaunos en grec ? Pour dévoiler cette me'tamorphofe , qu'on fe rappelle un trait de 1'Ecriture. 11 y eft dit que le roi d'Egypte, en proclamant Jofeph fon premier miniftre , lui donna un nom tiré de la langue Egyptienne.Vertitque nomen ejus (Pbarao)  / ijo Hérodote Hiflorien & vocavit eum lingua ^Egytiaca , falvatorem mundi. ( Genef 41. 45. ) Tachons donc de trouver ce nom que Jofeph recut direclement de Pharaon : ce nom que la Vulgate fe contente de traduire , fans le déiigner , nous a été confervé par le paraphrafte Chaldéen ; il nous apprend que c'eft Saphenath Pahaneah. Les feptante 1'ont écrit Pfonthom Phanech , & la Vul gate 1'a rendu par Salvatorem mundi Quoi de plus naturel & de plus vraifemblable que 1'explication de M. 1'Abbé du Rocher qui prétend que Pahaneah ou Phanech, nom de Jofeph, a un très-grand air de familie avec Faune , Faunust Phaunos. Dans le rapprochement des traits de Sesostris , nous avons vu comment de Pfontom-Phanech les Egyptiens ont fait 1'oifeau Phénix. Ici 1'on voit,comment les Grecs aleur tour, d'après le même mot Phanech, ont fabriqué leur dieu Phaw nos , Faunus , Faune. Oferiez-vous férieufément foutenir que c'eft-la une interprétation fauffe 6c forcée ? 6c quand vous réuffiriez a nous prouver que cette analogie de nom eft chimérique, comment vous tireriez-vous de 1'embarnr.s que vous donneroit celle des faits ? Perfifteriez-^vous a dénier la juftefle des raprochemens que (1) Voiez les notes de la Bible de Vatable.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 3 1 je viens d'expofer > De bonne foi, je vous le detnande , les faits ne font-ils pas les mêmes dans les deux hiftoires ? Tant que vous m'oppoferez les noms & les mots comme fondement des explications de M. 1'Abbe' du Rocher, je vous fommerai de roe démontrer qu'une fuite d'aótions e'nonce'es tout au long dans deux hiftoires avec des rapports conftans , n'eft que 1'efFet d'un jeu de mots dont le hafard fournit VI» dentité. QUATRIEME OBJECTION. 4. N'a-t-on pas'vu le Pere Lafiteau dans fon hiftoire des Sauvages Américains , faire venir les Américains des Grecs ? lespreuves qu'il en donne font tout auffi folides que celles de M. 1'Abbé du Rocher • 1. que les uns & les autres avoient des fables ; i que les uns & les autres alloient d la chaffe ; 3. que les uns & les autres danfoient dans leurs fêtes ; 4. que les Grecs avoient des oracles & les Américains des forciers. II ne sren tient pas ld ; car il va jufqu'a foutenir que les Caraïbes étoient une colonie de la Carie , ce qu'il prouve comme 1'Abbé du Rocher par l'étymologie. Je conviens que le P. Lafiteau a été eer-  3 2 Hérodote Hijlorieti tainement trés-mal adroit, en voulant prouver que les Ame'ricains viennent des Grecs. Mais 1'ide'e en eUe-même de démontrer que tel peuple vient d'un autre , n'eft ni ridicule , ni paradoxale. Montefquieu , fi je ne me trompe , ne prétend il pas qu'il eft vraifemblable que les fauvages du Canada, a raifon de 1'analogie de leurs ufages & de leurs mceurs avec les pcuples de la partie feptentrionale de 1'Afie , font fortis de cette contrée ? Que voulez-vous donc prouver ? que c'eft une ineptie d'entreprendre de montrer qu'un peuple eft une colonie émigrée d'un autre peuple ? Non fans doute ; que le P. Lafiteau par des fimilitudes bifarres a échoué dans fon travail fur 1'origine des Américains / Je fuis totalement de votre avis. Mais quel rapport y a-t-il entre le procédé du P. Lafiteau 6c celui de M. 1'Abbé du Rocher ? Le fyftême du P. Lafiteau & la découverte de M. 1'Abbé du Rocher, différent totalement dans leur objet öcdans leur maniere. i. L'auteur de YHiftoire véritable n'a nullement pour objet d'établir que les Egyptiens defcendent des Juifs; mais que 1'hiftoire d'Egypte donnée par Hérodote , Diodore & Manethon , eft une altération fuivie, quoiquegroffiere, del'Hiftoire fainte dans tout ce qu'elle raconte de VEgypte pns  du Peuple Hebreu, fans lèfavoir. j 3 pris dans fon enfemble 6t dans le détail de chaque regne. z. La maniere de M. 1'Abbé du Rocher ne conlifte pas dans les traits relatifs aux ufages des deux peuples , comme celle du P. Lafiteau ; mais en preuve de fon affertion , il prend les traits paralleles des deux hiftoires, 6c met Ibusiesyeux de fes ledteurs des rapprocbemens fi frap-* pans , qu'on imagineroit les livres d'oü ils font tirés , fabriqués après coup. Lifez les rapports fuivans. Hiftoire d'Egypte. Hiftoire Sainte. 1. MYcaRiNuSer- t. Moyfe erra dans rant dans des lieuxfo- ledéfertavec fon peulitaires. p!e. ( le mot hébreu Mc ra qu'on prononce Micra ou même le mot Qra; fignifie les Livres Jaints, Sc en particulier ceux de Moyfe , paree que c'eft la lecture des Hébreux. De ce mot Micra vient Mycbrinus (i), fi) Du même mot Micra, les Egyptiens ont fait MeRCÈ-; Resj ou Mercure [ V.l'Hiftoire véritable. ] c  34 Hérodote Hifiorien 2. Mycerinus fe 2. Moyfe conduifit faifoit éclairer la nuit les Ifraélites dans le comme le jour. deTert, éclaire' par la colonne de feu. Domi* nus autemprcecedebat eas ad oftendendam vi am per diem in columnd nubis & per noclem in columnd ignis ; ut duxeffet itinerisutroque tempore. ( Exod xiij, 2i. ) 3. Des hommes 3. Les Ifraélites dans un défert s'y dans le défert s'y nourriffant de cail- nourriffant de cail- les. les. 4. Gnephactus(i) 4. Moyfe avec fon fut réduit aune nour-peuple éprouvant la riture fort modique difette dans le défert, dans un défert d'A- lequel , comme fon Rabie. (fait , fait partij de 1'Arabie. n L'Auteur de 1''Hiftoire véritable, prouve que le nom de Gnephactus fe forme naturellement de Cneph, nom du Dieu créateur chez les Egyptiens , & du mot Eqt , qui fignifie , ftatut, commandement. Le C. 8c le G. étant des lettres du même organe , fe confondent aifément, ou fe fubftituent 1'un a 1'autre , cómme on dit en latin Cynus ou Cygnus, Caius ou GaiUS ; ainfi les Egyptiens ont mis Gneph , pour Cneph ; de ce mot & d'EQT , ils ont compofé Gnephactus , qui veut dire Commandement de  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 3 5 5. Gnephactusfai- 5. Le peuple Héfoit des imprécations breu mürmura contre contre Ménas. la mannh. 6. Un agneau me'- 6. L'agneau de Ia morable parut fous Ie Paque fut immolé le regne de Boccoris. le jour de la mort des premiers nés: Bechor ou Bochor en hébreu fignifie premier né. (Ce n'eft ici ni une étymologie, ni même une traducTrion que ce nom de Boccoris roi d'Egypte, c'eft le mot hébreu dans toute fa fubftance , auquel 1'hiftorien a donné feulement une terminaifon grecque. ) 7. Une grande mor- 7. Des plaies territalité arrivée fous le bles afRigeant les regne de ce même Egyptiens , dont la Bocchoris. derniere fut la mort de tous les Bechorim, c'eft-a-dire, des premiers nés. 8. Ce roi fit fub- 8. Les Egyptiens Dieu. Voila précifémejjt. 1'indication de Moyfe, qui publia laloi de Dieu fur le Mont SiNAï'. C 2  3^ Hérodote Hiftorlen merger des le'preux apiès les plaiesfurent environnés de lames fubmergés dans la deplomb. mer rouge , quafi plumbum in aquis vehementibus. C'eft 1'expreffion de Moyfe décrivant au même endroit cette fubmerfion. 9. Des pafteurs s'en- 9. Les Ifraélites, fuiant d'Egypte, fe pafteurs de proj"ejjion, refugiérent dans la (qualité fous laquelle ville d'AjjARis , en- ilss'annoncerentaPhatowéeóegrandesmu- raon lui-méme )s'enrailles. fuient d'Egypte, & fu¬ rent fauve's des mains de Pharaon au milieu des eaux de la mer rouge qui formerent, dit 1'Ecriture, comme un mur d droite & d gauche • erat enim aqua quafi murus d dextrd eorum & lava, fExod. 14. 22.) Comme Abrim en hébreu fignifie les Hébreux, les Egyptiens ont imaginé la ville d'ABARis entourée de grandes murailles, paree qu'ils  du Peuple Héb reu , fans le favoir. 37 ont vu les Abrim fauve's par les eauxen forme de murs. 10. Les pafteurs 10. Les Ifraélites fortant de l'Egypte (pafteurs de profeffous Amosis & Tuth- lion) fortitentde 1'Emosis. gypte , fous la conduite de Moyfe, après des fignes ou prodiges extraordinaires opérés par fon miniftere. Le nom de Moyfe en hébreu Moseh a été évidemment travefti en celui d'Amosis. Athuth ou Othoth qui veut dire fignes chez les Hébreux , a fervi également avec le nom de Moseh a former Tuthmosis , mot compoféquilignifie fignes de Moyfe. 11. Typhon après 11. Les Hébreux, fa fuite devenu pere pourfuivis par les de Judceus& d'Hie-IEgyptiens , traverferosolymus. La rei-Jrent/a mer Rougequi, ne Nitocris de on/-|mife & fee, leur pré- C 3  38 Hérodote Hiftorien leur rouge , faifant fenta un paiTage pro-, conftruire un trés- fond. L'armée entiere long édiflce fo'uterrein des Egyptiens fut fuinondant tout-a-coup bitement inondée par les Egyptiens rafiem- les eaux de la mer qui blés & fefauvantdans refluerent fur eux 6c un appartement plein les enfévelirent. Après. 4e cendres. ce défaftre doat Ty- phon eft le fymbole chez les Egyptiens 3 les Hébreux qu'on a depuis appellés Juifs du nom de Juda leur principale tribu , fe fauverent dans la Paleftine qui veut dire cendre en hébreu , 6c dont Jérufalem ( HiEr rosolyma ) eft deve^nue la capitale. Le? tiaits que je vieias de rapporter font ü frappans , qu'ils fautent aux yeux de quiC.onque a quelque teinture de la Bible. En effet, ne faudroit - il pas étre aveugie pour ne pas voir que tout ce morceau de la prétendue hiftoire d'Egypte , n'eft qu'un traveftiffement palpable des plaies dont ce royaume fut frappé, des fignes ou prodiges qui les accompagnerent, du pajfage- de la  du Peuple Hébreu , fans le /avoir. 39 mer rouge, de hfuite dans le défert, öc de la fubmerfion de Pharaon avec toute fon armée ? Adrnirez comme les Egyptiens , en copiant les faits de 1'Ecriture , ont e'te' attentifs k ne rien oublier de ceux qui n'étoient qu'acceiïbires au récit de l'Hiftorien facre'. Vous voiez qu'ils ont pillé jufqu'flw mur & au plomb, expreffions trouvées dans les deux verfets de Moyfe, cités plus haut. Rappellez-vous cesparoles du fuperbe cantique chanté fur les bords de la mer rouge, fubmerfi funt quafi PlumBUMin aquis vehementibus (Exod. xv. 1 o.); & vous reconnoitrez les lépreux fubmergés, environnés de lames de plomb. En parlant du défert od fe refugierent les Ifraélites , les Egyptiens, afin qu'on ne s'y trompet pas, ont grand foin de nous avertir euxmêmes que c'étoit un défert d?Arabie. Qu'oppoferez - vous au Typhon perede Judceus & d'Hier ofoly mus ? le mot de fubmerfion eftexprimé par Tufan dans les langues orientales, en particulier chez les Arabes. Les Ifraélites après la fubmerfion des Egyptiens s'enfuirent dans la Judée dont Jérusalem eit la capitale. Voila comme de Tufan qui fignifie fubmerfion , ils ont fait Typhon après fa fuite devenu pere de Judceus & d'Hierofolymus. Vous ne trouverez pas la de magie ^étymologie ; & C4  40 Hérodote Hiftorien vous avouerez que ces deux mots Judarns & Hierofolymus font fi parlants , qu'il ne faut pas être forcier pour deviner ie travrftifTement. Que dites-vous encore de Ia reine NiiOcris pre'cife'ment de couleur rouge , inondant fubitement les Egyptiens & Je fauvant dans un appartement plein de cendres ? 1'altération eft grofTiere ; mais qui n'y reconnoitra pasl'évenement du pak fage de la mer rouge ? le favant auteur nous montre que le nom deNitocris fe forme naturellement du mot hébreu Nthq qui fignifie, divifer^féparer. EnefFet, la mer rouge s'entronvrit, fes eaux fe diviferent ou fe féparerent pour laiffer un pafTage aux Hébreux. Qu'on prenne d'ailleurs la première Bibie latine (i) , 1'on verra au commencement ou a la fin une interprétation des mots Hébraïques employés dans la Vulgata ; cherchez Paleftina ; vous trouverez que ce mot en hébreu veut dire conjperfa eineie : Les Ifraélites, après la fubmerfion des Egyptiens , fe fauverent drns le défert qui conduifoit k la Paleftine ; & voila le fondement de Vévafion dans l''appartement plein de cendres. Qbfervez que dans tous ces rapproche- (') La Bible de Vitré, par exemple ; elle eft affez comHtune.  du Peuple Hébreu , fans le favolr. 41 mens , les traits évidens par eux-mêmes, conduifent forcément a 1'explication de ceux qui font plus voilés. Les circonftances, qui les caractérifent, font fi fingulieres, que fi elles ne fe fufTent pas trouvées dans le récit original, elles nefe feroient certainement pas préfentées a 1'efprit des copiftes Egyptiens. Quand un écrivain fabrique une hiftoire qu'il veut rendre croiable, il n'imagine pas de faire fauver quelqu'un dans un appartement plein de cendres , trait qui n'eft relatif a rien & ne fignifie rien , paree qu'il eft d'une bizarrerie fans exemple ; au contraire qu'on fe repréfente un plagiaire ignorant, qui traduit une hiftoire dont il entend la langue a demi ; alors la bévue fe concoittrès-aifément. C'eft le cas des Egyptiens quifirentles extraits des Livres faints. Jugez main tenant fi tous ces rapprochemens font auffi folides que ceux du p. Lafiteau avec fes Caraïbes originaires de la Carie. N'eft-ce pas un© providence bien marquée , que les hiftoriens Egyptiens parlant de Typhon , 1'aient déligné comme pere de Judceus& deHyerofolymusl d'après ces deux renfeignements qui fe rapportent évidemmenta la Judée 6c a Jérufalemia capitale, comment étoit-il poflible que M.1'Abbé du Rocher, ne faisit pas le fil de tous ces  42 Hérodote Hiftorien travefthTemens , & ne fut pas convaincu que ce n'étoit qu'une altération de 1'hiftoire des Juifs, oü les Egyptiens avoient pillé leur hiftoire ? Tout autre infiniment moins penetrant que lui, ne s'y feroit pas mépris: vous-méme, en lifant pour la première fois ces rapprochemens, je luis perfuadé que tout bas vous en préveniez 1'explication naturelle ; & que malg-ié les objections que vous vous efforcez de faire , une voix intérieure que dans ce moment le préjugé étoufFe , vous crie que toutes mes réponfes a vos difrkultés , font d'une véritéfenfible,&me font di&éesparla droite raifon. Si 1'auteur de VHiftoire véritable n'etit bati qu'un fyftême pour dévoiler les ar.tiquitésEgyptiennes, dès le premier pas il euc été arrêté dans fa carrière. Car nonfèulement il falloit qu'il comparat les deux hiftoires , mais encore qu'il fit appercevoir dans .Hérodote , Diodore ou Manéthon, les mémes traits ( quoique défigurés) qui fervoient au parallele avec ceux des Livres faints. Prenons pour exemple fhiftoire de Menès , rapportée plus haut, 6V qui n'eft que 1'altération de celle de Noé ; je le demande , eut-il été poffible a M. 1'Abbé du Rocher de faire trouver dans l'hiftoire d'Egypte le navïre de trois eens coudées t  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 43 les colombes envolées, Vufage du vin inventé,l'inondation générale qui couvre tour, excepté Thebes , ( c'eft-a-dire 1'arche , en Hébreu Thbe) eut-ilété poftible a 1'auteur de faire lire tous ces traits de Noë fous le nom de Menès dans Hérodote & dans Diodore , s'ils n'y avoient pas été réellement ? un Auteur qui écrit une hiftoire quelconque , peut bien en impofer, paree qu'il peut donner des menfonges pour la vérité ; mais un homme qui dit au public , voild deux livres qui contiennent le même fait, eft en démence , s'il fe flatte de pouvoir faire illulion a fes le&eurs ; car, pour avoir raifon de celui qui tient un tel langage , il fuffit de 1'affigner au tribunai des yeux , & de lui dire , voions ces deux livres que vous nous cite-{ , & s'ils contiennent e ff eclivement les mêmes faits. Or, obfervez , Monfieur, que pas un feul des adverfaires de M. 1'Abbé du Rocher , n'a ofé lui faire cette réponfe. Vous nous induife^ en erreur. Hérodote & Diodore ne difent pas que des colombes s'envolerent de Thèbes , que le navire de Menès étoit de trois eens coudées , que Menes fut Vinventeur de l'ufage du vin , &c. &c. &c. &c. Comment en effet eut-on pé avec une ombre de juftice , adrefïer une pareille interpellation a 1'auteur de X'Hifioire véritable , puifc  44 . Hérodote Hiftorien qu'il cite tout au long le texte original d'fie'rodote & des autres hiftoriens qu'il cniploie ? lei vous n'aurez pas recours apparemment a votre argument bannal, que M. YAbbé du Rocher ne sappnie que fur des noms qu'il a le talent d'anatomifer. Je vous dirois, ü Thbe ( arche en hebreu ) eft un mot , un nom , du moins le récit d'He'rodote 6c de Diodore fur Menès , fur fon navire 6c fes colombes envolées , n'eft pas un mot. L'.Auteur de YHiftoire véritable, entreprenant de dévoiler celle .d'Egypte , a été forcé malgré lui de faire ces dévoilemens par l'évidence irréiiftible de la conformité des faits contenus duns les Livres faints , de forte que s'ü eüt pris une autre route , c'eft alors 6c dans ce cas feul , qu'il eüt forgé vraiment un fyftême. ^Cette allertion , Monfieur , que je vais développer eft intéreffante, 6c mérite toute votre attention. En efTet, prenez Tacite, 6c vous verrez qu'è 1'eridroit oü il parle du roi BocchoRis cicéplus haut dansl 'état des rapprochemens , il dit que ce fut fous le regne de ce prince que les juifs fortirent d'Egypte, ayant pour chef un d'eux appellé Moyfe qu'il défigne exprefle'ment comme leur conducteur , 6c que eet evenement eut  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 45 lieu a 1'occafion d'une maladïe contagieufe. (O- II eft donc inconteftable, d'après Tacite , que 1'hiftoirede Bocchoris elt eflèntiellement liée a celle des Juifs fortant de 1'Egypte fous la conduite de Moyfe , A , fut tranfplantée fur les terres voifines. Quidam , regnante lfide , exundantem per JEgyptum multitudinem , ducibus HiEROSOLrMO Sc Juda , proximas in terras exoneratam. (hift. 1. v. n. 11. ) II eft évident que Tacite a encore prisici le nom de la ville de Jérufalem pour celui d'un chef de cette nation qu'il dit avoir été bannie de 1'Rgypte. Vous devez vous rappeller que plus haut je vous ai montré les Egyptiens racontant que Typhon , après fa fortie de ce pays, étoit devenu pere de JuDJEUS & cïHiEROSOLrMUS. Remarquez enpaffant comme les méprifes rifibles de Tacite & des Egyptiens fur ces deux prétendus perfonnages, Jud/eus & Hierosolymus, cadrent merveilleufement entre elles, Sc fautent aux yeux. N'eft-il pas fort plaifant de voir un auteur auffi grave , auffi éclairé que Tacite, prendre une montague ( le mont Ida ) pour une nation , Sc le nom d'une ville HiEROSOLrMA , pour celui d'un homme qu'il appelle HiEROSOLrmus ? Voilé donc Tacite atteint Sc convaincud'être auffi le lange de la Fontaine, qui, Pnt pour ce coup Le nom d'un port pour un nom d'homme. En croiant faire le procés a M. 1'Abbé du Rocher  dn Peuple Hébreu , fans le favoir. 49 Rocher , vous 1'avéz donc fait a Tacite lui-mêrhe. Continuez de lire tout fextrafë que je viens detnettre fous vos yeux ;& vous jügerezdela maniere dont eethiftorien'défigure les cérémonies , les ufages les pluscerta'ins, ies plus connus des Juifs \ 1'abft'ine'nce de la chair de cochon, il lui donhe pour fondement Ie fouvenir de la gdle dont il prétendqu'ils furent attaqués en Egypte (orta per JEgyptum tabe qua corpora 'fee dar et , traveftilfement des plaies d'Egypte ) : Les! béliers & les bcepfs qu'ils immolok-nt dans leurs facrifices, il dit que c'eft en déi ilion de JuPiter Hammon, & pour imker le cuke du Dieu Apis ,;limpurea" ces mêmes Juifs d'adorerun/tf/zeen mémoire de eet anima! dont il fait le conducteur qui leur indiqua le chemin dans le défert. La célébration de leur feptieme jour (le Sabbat ), il en attribué 1'inftitution a Fopinion de 1'influence des fept Planètes. 11 y a plufieurs auttes inepties auffi ridiculesdans ce récit évidemment altéré par les Payens qui haïflbient & méprifoient fouverainement les Juifs. Tacite ne fe fait pas même Tcrupule de laiiTer entreyoir, en parlant de ce peuple , que la prévention guidoit fa plume. Dans fa narration, le vrai eft évidemment mêlé avec lefaux , preuve inconteftable que fon rap- D  $o Hérodote Hiftorien port eft trés - infidele. Nous connoilTons en effet aujourd'hui avec Taffurance de la re've'latiorr divine , 1'hiftoire & 1'origine des ufages des Juifs. Le tableau cependant qu'en fait Tacite , les rend méconnoiïïa- bles. De tout ceci-concluons que fi eet e'crivain , quoiqu'il ait compofé fon ouvrage dans un tems ou les Juifs répandus dans Tempire romain, devoient être plus connus , & que eet auteur foit bien plus voifïn de nous qu'Hérodote, fi , dis-je, Tacite a groffierement altéré une hiftoire qui n'eft plus un myftere aujourd'hui , & Ta altérée au point de prendre le nom d'une ville pour un nom d'homme, eft-il donc fi incroiable qu'Hérodote, qui a écrit d'après des mémoires que quelquefois il fufpecte lui-même , tant les évenemens qu'ilscontenoient, lui paroiiToient bifarres , n'ait pu ne nous donner qu'une hiftoire traveftie d'après des extraits, & des extraits des livres faints, qui faits,dans Torigine avec exactitude , auront été tronqués & mutilés dans la fuite des iiécles ? Je vous prie de méditer encore attentivement fur ces obfervations faites a Toccafion des bévues de Tacite. Peut-être vous réconcilierontelles avec M. 1'Abbé du Rocher.  du Peuple Hébreu, fans lefavoir. 5 r CINQUIEME OBJECTiO\\ 5. Le charme de la découverte de votre Auteur difparoitra *fe vous rêfléchiffeï , qu: les hommes ont toujours éte les meines. Toutes les hiftoires, tous les moraliftes, les caraclaes de Théophrafte en fourniffent d:s preuves. Auffi cite{ moi un Roi auquel on n'en puiffe pas comparer dix autres qui Je trouveront avoir eu plufieurs traits de reffemblance, de manicre quil faudra entrer dans de grands détails pour y trouver des différ ene es. Je concoisquefi c'ed-la ce que vousentendez par des rapprochemens de traits hiftoriques, 6c li vous veulez en conclure que les hommes ont toujours été les mêmes, il ne vous feroit pas difficile d établir un parallels a Tuide duquel vous me prouveriez a votre tour , que Tambition e'tant la paffion dominante des Souverains, CharlesQuint, parexemple, 6c Francoispremier , n'ont été que le même individu , & que Thiltoire de Tun de ces monarques a fervi a fibriquer celle de Tautre , paree que tous lesdeux, avides de gloird 6c d'agrandiiTement,ont brigué avec ardeur la couronne im- D 2  5 2 Hérodote Hiftoritn pèriale , & ambitionné la pofTeffion du Milanès. Mais , par malheur pour votre opinion , cette maniere de raifonner ne vous donne pas le moindre avantage fur M. 1'Abbé du Rocher, paree qu'elle porte a faux. Car de ce' que les caracleres de Théophrafte apprennent que tous les hommes fe reiTemblent dans tous les lïécles , vous en concluez que c'eft de la ,.,c'eft-adire,de 1'analogie des traits de caraftere qui leur eft commune , que vient le charme de la découverte de Pauteur de VHiftoire véritable. Quoi! les rapprochemens de eet ouvrage portent fur des reffemblances morales ! fouffrez que je vous demande, Monfieur, non pas fi vous avez lü T'Hiftoire véritable , mais même fi vous 1'avez entr'ouverte ? M. TAbbé du Rocher prend-il des rapportsf vagues , généraux , qu'on trouve chez tous les hommes de tous les pays , Sc qu'ils tiennent de leur nature & de leur efpece ? au contraire les traits qu'il rapproche, ne portent - ils pas un earadere très-fingulier , trés-particulier / KefTemblent-iis a aucun des faits confignés dans quelque hiftoire qui exifte ? ouvrez YHiftoire véritable, Sc vous le verrez : Des colombes envoié'es d'une ville—un Roi Jbuillé par un Hippopotame — Shsostris difant qu'il a conquis unpays par [es épau-  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 5 3 les — ce Roi délivré par un Dieu boiteux , & donnant aux femmes les emplois des hommes — Voifeau Phénix embaumant fon pere — le Phénix portant le corps de fon pere fur Vautel du Soleil — des loups menant & ramenant un homme vêtu d'une robe qu'on fait & dé fait le même jour — le roi Anysis fe faifant une ifle de cendres apportée fur des vaiffeaux — & ainfi de mille autres. traits que j'omets pour abréger. De bonne foi , pouvez-vous dire que ce font la des traits fondés fur la nature des hommes, en tant que fbjets aux paflions de 1'humanité ? Convenez donc qu'en me eitant vos reiTemblances morales , vos caracleres de Théophrafte, vous m'avez fait un argument déplorable. Ceux qui ont un peu réfléchi fur 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher, ont du. remarquer que les rapprochemens qu'il contient, forment une fuite de faits d'une nature fi étrange, qu'ils ne relTemblent a rien de ce qui confiitue les hiftoires ordinaires. Car dans celles des rois d'Egypte, écrites par Hérodote 6c par Diodore, 1'on ne voitpas la marchedes autres annales hiftoriques ,oü entre néceiTairement la partie de 1'adminiftration civile 6c politique.Dans les récits faits par ces deux Ecrivainsgrecs, on ne litpoint de defcriptions de batailles, ni de fieges j DJ  54 Hérodote Hiftorien il n'y eft pas queftion de négociations , ni de traite's de paix ; il n'y eft fait nulle rnention d'un corps de légiflation ; en un mot, on n'y trouve rien de ce qui caracte'rife les regnes de tous les autres fouverains. II exifte au monde un feul Livre dans lequel fe rencontre une conformité frappante avec cette hiftoire d'Egypte, circonftance unique & merveilleufe, & vous ne voulez pas que cette derniere hiftoire foit la copie de 1'autre (i) ! SIXIEME OBJECTION. 6, Le Talifman principal que M. VAbbé du Rocher a fü habiiement emploier pour fafciner nos yeux , eft la langue Hébraïque , idiöme très-peu connu , & oü les favans croient voir beaucoup de fynonimes , quoique dans les languesplus d notre portêe , il rien exifte peut-être pas. La langue hébraïque peu connue de ceux (i) Ce cara&ere de 1'hiftoire d'Egypte qui confifte dans le dénuement de tout ce qui conftitue la fubftance des autres hiltoires , n'a été remarqué jufqu'ici pat perfonne , & n'en eft pas moins très-frappant. L hiftoire Sainte contient des batailles , des fieges, &c. Celle d'Egypte ne renferme aucun de ces détails. C'eft qu'en effet la partiede 1'hiftoire d'Egypte qui a été extraite de 1'Ecriture Sainte , n'a rien de tout cela. Voila pourquoi il faut conclure que 1'une a été prife de 1'autre ; cependant quand je dis que rhiftoire d'Egypte eft conforme a celle des Livres Saints, 5'entends cette couformité feulement quant a la partie détachée Sc copiée par les Egyptiens.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 5 5 quine 1'ont jamais étudiée. Vous avez grandement raifon. Donc le texte hébreu de la, Bible n'a jamais été lufceptible d'une traduöion claireóc intelligible quant aux faits hiftoriques qu'elle contient , de maniere que nous puillions être aiTurés que nous poiTédons toute la contexture de ces faits ! eft-ee la votre conclufion ? Combien cependant n'avons nous pas d'éditions éc d'exemplaires de la Bible , depuis qu'elle a été traduite de 1'hébreu ? II vous refte maintenant a me prouver que la Langue hebraïque étant peu connue , toutes ces Bibles ne font que des grimoires indéchifFrables, quant mx faits hiftoriques qu'elles racontent. Telle doit être l'induftion de votre raifonnement, ou bien votre afTertion eft fans objet. Carle fondement de la découverte de M. 1'Abbé du Rocher confifte dans les rapports paralleles des faits des deux hiftoires. Or, pour connoitre ces faits, il fuffit de lire d'une part ceux rapportés par Hérodote &c Diodore , & de 1'autre ceux racontés par la Bible , qu'elle foit hébraïque , latine, ou francoife , peu importe. Vous me citez 1'opinion des favans qui croientvoirbeaucoup defynonimesdansl'hébreu , bien différent des langues modernes dontl'analyfe exacte auroitpeineé fournirun motparfaitementfynonime d'un autre. Mais D4  $6 Hérodote Hiftorien qu'eft-ce que prouve le fentiment de ces favans contre YHiftoire véritable? L'auteur prend t-il desfynonimes pour bafedefes dévoilemcns? Vous allez en juger par le fuivant. Hiftoire d'Egypte. Hiftoire Sainte. 1. Amafis de'trö- i. Nabuchodonofor nant Apriês. faifaot périr Pharaon El^HPvÉE. 2. Amafis faifmt 2. Nabuchodonofor faire une Itatue d'-pr ïaifant driger une ftaqu'adorent les Egyp- tue d''or " qu'il veut tiens. faire adorer. 3. Trois hommes 3. Nabuchodonofor vivans brüle's du fait jetter trois hé~ temps d'Amafis. breux dans une four- naife, 4. Amafis craignant 4. Nabuchodonofor , de devenir maniaque menacé^de tomber & frappé. dans un état d'abru- tiiTement. , 5. Amafis réduit 5. Nabuchodonofor pendant un temps a retranché du nomunétat d'impuifTance. bre des hommes. 6. Amafis rétabli 6. Nabuchodonofor dans fon premier état. recouvran't 1'ufage de fa raifon. Y a-t-il la ombre de fynonimes > imputerez vous auffi a leur féduftion le rapprochement évident du Necos des Egyptiens, du Nechao de 1'Ecriture}  du Peuple Héb reu, fans le favoiv. 57 Hiftoire d'Egypte. Hiftoire Sainte. Hérodote dit que Du temps de JoNÉcos,roi d'Egyp-fias , dit 1'Ecriture te, vainquit les S'y-(1) , Pharaon Nériens a Magdolum , chao , ( en hébreu & qu'après fa viftoi- NÉcHo),roi d'Egypre il prit Cadytis , te, marcha vers 1'Eugrande ville de Syrië, phrate, contre le roi d'Ailyrie. Le roi Jofias s'avanca pour s'oppofer a lui, & en étant venu aux mains, il fut tué a Mageddo. L'Ecriture dit expreiTément que Néchao vint a Jérufalem (2) : il y agit en maitre , puifqu'il en détröna le Roi , & qu'il en mit un autre a la place. C'eft (1) In diebus ejus (Jofi* ) afcendit Pharao Ncchao (Hebr. Necoh.) rex Egypti contra regem affyriorum ad flumen Euphraten : &• abïït Jofias rex in occurfum ejus , & occijus ejl in Mageddo , ciim vidiff'et eum- (iv. Reg. xxiv. 29.) (2) Amovit eum. ( Joacham filium Jofiee ) rex JEgypti, (Nechao ) ciim venijj'etin Jerufalem. ( Paralip, xxxiv. 3.)  5 8 Hérodote Hiftorien pourquoi les Egyptiens ont dit qu'il prit •Ja ville. On voit iel que le temps, le lieu, le nom , lefait , tout eft d'accord dans Hérodote avec le récit de 1'Ecriture fainte, autant qu'on peut 1'exiger dans une hiftoire auffi altérée que celle des Egyptiens. i. II eft conftant qu'Hérodote donne fouvent a la Paleftine & par conféquent a la Judée le nom de Syrië. 2. II eft clair qu'il a pris Mageddo oü Jofias fut vaincu , en hébreu Mgdu , Mgdo , pour Magdolum , la ville d'Egypte dont le nom a le plus d'analogie avec Mageddo. 3. Quant a la ville qu'Hérodote appelle Cadytis, il eft inconteftable que c'eft Jérufalem. Les Juifs 1'appelloient par excellence Cadvta la fainte , du mot Qdx en Chaldéen , qui veut dire Sanctus. C'eft de - la qu'Hérodote a vifiblement formé fa ville de Cadytis (i);iln'a pas voulu qu'on s'y trompat. Car dans un autre endroit(2), il avertit que c'eft une grande ville desSyriens de Palestine. D'ailleurs il eft 11 conftant que Cadyta eft Ie nom de la ville de Jérufalem , qu'on le (1) Cadytis ipfa eft Jérufalem , quam deforinato vocabulo fic reprceftntat (Hewdotus) dit le P. Hardouin dans fa chronologie de Panden Teftament. (i) Hérod. 1. m. 5.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 5 9 lit encore fur les ficles, monnoie des Juifs. Dans ces rapprochemens lumineux il y a deux chofes bien diftin&es , les noms & les faits communs aux perfonnages refpeftifs des deux hiftoires. Or les faits ne ne font pas les noms ; ceux - 1& font reffemblans , autant qu'ils peuvent 1'être dans une copie alte're'e. Cette identité de faits , M. 1'Abbé du Rocher ne 1'a point imaginée. Avec des yeux, vousl'appercevrez comme lui. Donc quand même 1'auteur de YHiftoire véritable , n'eüt pü. trouver la vraie origine du nom d'Amafis pour le faire cadrer avec celui de Nabuchodonofor , la reiTemblance inconteftable des faits entre Amafis & Nabuchodonofor , entre Necos & le Pharaon Nechao de 1'écriture , forcoit M. 1'Abbé du Rocher a conclure que 1'hiftoire d'Egypte avoit eu pour prototype celle de 1'Ecriture. Si malgré* ces raifons Monfieur, vous vous roidiiTez encore contre la vérité des rapprochemens que je viens d'expofer, montrez-moi donc une bonne fois , je vous en conjure , par quelle magie inconcevable , il n'y a que 1'hiftoire fainte qui ait ce rapport foutenu avec 1'ancienne hiftoire d'Egypte dans tous les regnes dont eftformee celle-ci. Vous feriez peut-être moins recalcitrant  6o Hérodote Hiftorien contre Ia découverte de M. 1'Abbé du Rocher , fi vous étiezinftruitque ces deux rois d'Egypte Necos qui prit Cadytis , comme le rapporte Hérodote , & Apriès qu'Amafis détröna, ont été dévoilés par des favans qui , avant M. 1'Abbé du Rocher, ont alTuré que Necos eft le Pharaon Nechao del'écriture , & Apriès'le Pharaon Ephrée dont elle parle. Ainfi de deuxchofes 1'une : ou ofez donner le démenti aux auteurs qui ont précédé M. 1'Abbé du Rocher dans cette carrière érudite , ou faites un accueil favorable au moins a ces deux dévoilemens , puifqu'en vous les préfentant, il ne fait que répéter deux vérités hiftoriques conftamment avouées , avant qu'il eüt même penfé a prendre la plume fur cette matiere. Mais je m'attends bien que vous ne jugerez pas devoir rendre hommage a ces deux dévoilemens reconnus & canonifés depuis long-tems avant M. 1'Abbé du Rocher. Vous avez trop de fagacité pour ne pas concevoir que eet aveu entraineroit celui de tous les dévoilemens, fruits du travail de notre auteur. En voici la preuve dans le feul procédé qui a conduit fon génie au terme heureux oü il eft parvenu. Frappé de voir que certains traits épars de 1'hiftoire d'Egypte , comme le pen-  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 61 loient déja quelques favans , avoient une reiTemblance auffi marque'e avec les perfonnages des Livres faints , il jugea qu'elle devoit fubfifter également dans les autres traits dont on n'avoit pas encore appercu les rapports , & qu'on faifiroit immanquabletnent cette refiemblance, fi on s'appliquoit a la chercher , & fi on s'y prenoit comme il faut pour la de'couvrir. II n'e'toit pasen effet croiable que 1'hiftoire d'Egypte, dans des traits épars, eüt cette identité avec ceux de 1'écriture , fans que tout le refte participat a cette conformité , puifque les faits qui compofent un corps d'hiftoire , doivent avoir néce&airement entre eux une fuite & une liaifon mutuelle. Sur ce principe di£té par le bon fens , M. 1'Abbé Rocher chercha 6c trouva toutce qui avoit échappé jufqu'ici a 1'érudition de fes prédécelfeurs. Pour réfultat de fon travail, il préfenta 1'enfemble du tableau dont ceux-ci n'avoient reconnu que quelques traits ifolés. Ce n'eft pas la certainemfntla marche d'un faifeur de fyftémes. Si, avant que le favant Abbé en ait eu feulement la première idéé , on a trouve , par exemple , que le Necos d'Hérodote a été fabriqué fur le Pharaon Nechao de 1'Ecriture , découverte en effet conftatée antérieurement a 1'ouvrage de Mon-  6x Hérodote Hïftorien jReur du Rocher , il faut bien que dans la même hiftoire d'Egypte , le prédécefleur de Necos foit un perfonnage également travefti de 1'écritUre , puifque dans une fuite de regnes qui fur la fcene du monde paroifTent & difparoillent les uns apiès les autres, le préde'ceiTeur & le fuccefleur ont eflentiellement entr'eux , quant aux faits , une dépendance réciproque. Ce principe doic s'appliquer a 1'hiftcire d'Egypte, comme a toutes les autres, è moins qu'on ne fe réduife a foutenir que dans Ie gynre hiftorique , elle forme Fexception a ia regie générale. Dans ce cis la, ceux qui rejettent la découverte de M. 1'Abbé du Rocher , feroient fort mal adroits. Car ils travailleroient eux-mêmes a décrier leur propre caufe. En effet , s'il n'exifte aucune harmonie dans les différentes parties de 1'hiftoire d'Egypte, a la prendie teile qu'elle eft littéralement dans Hérodote , toute cette hiftoire fera évidemment un tifïii de contesridicules. Car des Rois qui fe fuccédent fans qu'on appercoive la liaifon d'un regne avec un autre, font des majeftés qu'il faut placer fur la même ligne que les rois de Treffle & de Carreau. Dès-lors 1'hiftoire d'Egypte , que fes partifons regardent comme très-véritable, rentre dans la claffe des romans , qu ce qui revient  du Peuple Hébreu, fans le /avoir. 6$ au même , elle n'eft tout au plus qu'une piece d tiroir. SEPTIEME OBJECTION. 7. 'Une langue auffi pauvre que PHébraïque, oü le même mot a fept ou huil fignifications toutes diffèrentes , a du néceffairement fournir d votre Auteur quelques attributions heureufes fur les traits des deux Hiftoires quilcomparoit. Je nevois donc rien de fi merveilleux dans fa prétendue découverte. D'abord je vous réponds, que 1'idée que vous avez de la pauvreté de la langue hébraïque eft un préjugé , fi on confidere cette langue , non dans 1'état de langue morte oü elle eft aujourd'hui , mais è la prendre en elle-méme. Vous faites peu de cas des richefiTes que préfente eet idióme, paree que ne connoiiTant de livre écrit en cette langue , que la Bible , vous traafportez a la nature de la langue fainte en ellemême 1'opinion que vous donnede lapénurie de fes expreflions , 1'Hébreu borné au langage des Livres facrés qui ne fo nt pas d'une étendue très-volumineufe. Si Cicéron, Virgile, Tite-Live , Tacite, &tous les livres compofés par les Romains, n'avoient  64 Hérodote Hifiorien pas échappé au naufrage du temps , & qu'il ne nous fut refté qu'un feul de ces ouvrages la langue latine vous paroitroit bien indigente. Obfervez quelle fut dans le douzieme 6c le treizieme fiecle la pauvreté du latin. Lorfqu'au renouvellement des fciences , les auteurs de la belle latinité lbrtirent de la pouffiere , & que l'admirable invention de rimprimerie les eut propagés , la langue des Romain's parut trèsriche. Si de tous les livres écrits autrefois par les Juifs, la fagefïe divine a vöulu qu'il n'y en aiteu qu'un certain nombre qui ait furvêcu au ravage des fiecles, c'elt que ce recueil miraculeufementconfervé devoit être' le de'pöt de la révélation divine. Mais outre ces livres qui forment notre code religieux , il y en a eu p ufieurs autres écrits par les Juifs, fur-tout du temps des Rois, & qui fe font perdus , comme on peut s'en convaincre par une quantité de textes de 1'écriture (i). (I) Tels que i. Liber belloium domini {numer. 21. 14. ) 2. Liber juftörüm (feu liber re&i Jof. io. 13. & 2. Reg. 1. 18 ) 3. Liber verborum ( feu. rerurn gejiarum Salomonis .3. R.eg I. 41. ) 4. Liber verborum regum Ifra'el{ 3. Reg- 14. 19. ) 5. Liber verborum regum Juda ( Ibid n. 29.) 6. Samuelis liber ( 1. paral. cap. ült. 1 7. Nathanis I ber ( 1. parai. 29. 29. & 2. paral. 9. 29. ) 8. Gadpropheta { ibid. ) 9. Ahicc prophetx ( 3. Reg. 14. 18.) io. Addo prophetai (2. paral. 9- 29.) 11. Quelle  du Peüple Hebreu , fans Ie favoir. 6f Quelle quantite' de livres perdus , compofés par des écrivains Hébreux ! Ces ouVrages,quoiqu'iIsnefoient pasparvênus jufqu'l nous , 6c quoique regarde's comme intronvables, n'en ont pas moins exifte' rèeU lement, puifque leur exiltence ancienne eft. atteftée par 1'Ecriture fainte elle-même. Or, fionles edt retronvés , le nombre des mots' & des expreifions qu'üs auroient ajouté & ïa langue hébraïque , feut confide'rablement enrichie. La feule Hiftoire naturelle de Salomon qtii embrafToit Ie regne végétal & anïmal fon Poëme de cinq mille vers, de combien' d'objets ■ nous euflènt-ils pas fut ïa defcription J< par Conféquent quelle quantite inflnie de tours, de formes , & d'expreiTions de la langue hébraïque dont nous fomme3 privés , & dont cependant elle jouiflbit autrefois ! Jchu prophete {ptf z\. 20. 34..) is. Ho^-ii fermones { 2. paral* 33- 19.) 13. Salomonis trid mÜlïd parabolanim (3. Reg. 4. 34, ) 14. Ejufdxm carmina quinque 6> mille ( ibifi ) 1 5. Ejufdem phyfica de univerfis planlis , jumenüs , voluenbus , reptilibus & pi/cibus , ( 3. Reg. 4. 33. ) 16. Liber Ènech ) ex Juda: apoft. epift.) 17. Littert Êlia. propheta ad Joram regent Ifrael ( 2. paral. si. 12.) 18, Jeremice defenpponei ( 2. Mach. 2. 1 ) Dans le même ckipitre de ce JLiyre 13. Ü eft fair mention. d'une bibliatkequc oü on avMtT-affeinbié les livres de regiombus & prophetarum & David & epifwlas regum ■ & de donanis. ) 19. Joannis Hircani liber dierum facerdotU (i. Mach. cap. xvi.) E  £6 Hérodote Hijlorien C'efl: un principe inconteftable » qu*avec les befoins des hommes naiflent dans leur efpritleside'es des objets nouveaux, & que la multiplicité des idéés engendre celle des. mots & des phrafes qui en font les fignes. Voilk pourquoi la langue des premiers habitans de la terre , circonfcrite dans ua cercle étroit de befoins , a été très-fimple. Par la même raifon la Grammaire &la Syntaxe des nations fauvages font dénuées des richeffes de la langue des peuples civilifés & polis. Semblable aux autres nations , le peuple hébreu a eu fes différens périodes. S'il fut une époque oü il n'eut que les mceurs fimples de la fociété nailTante , il fut un temps oü il connut les jouiflances du luxe & des arts , & oü il épronva 1'influence de la civilifation.En preuve de cette vérité, je pourrois vous citer les reprocbes & les menaces des Prophetes fur les défordres auxquels le luxe avoit livré cette nation. Les tableaux qu'en tracent les Livres faints, font autant de monumens qui atteftent h. quelpoint étoient portés chez euxles arts d'agrément & de luxe. J'infére de tout ceci que la langue hébraïque nevous paroit üpauvre , que paree que tous les livres écrits dans eet idióme , ce font point venus jufqu'a nous. Cette pé-  du Peuple Hebreu, fans h favoir* tf «urie ne doit dortê pas être atttibuée a la nature de ia langue > puifque, fous. la pluroe du plus grand philofophe qui ak jamais exifte' parmi les hommes , Salomon , te flusfage des mortels • elle a fervi a peindre toutes les beaute's de deux fuperbes parties de Thiftoire de la nature. Si j'ai infifte' fur 1'article de la pauvretè de la langue hébraïque , e'a été moins pour donner üne réponfe direfte k votre obje&ion , que pour diffiper les préventions de ceux qui, d'après 1'idée faulTe qu'ils fe forment de la langue fainte , adoptent les fentimens de dédain que leur in£ pirent les philofophes modernes contre tout ee qui tient a la nation Juive. On fait que la philofophie du jour ne pardonne pas è ce peuple d'avoir été le dépofitaire des aionumens dela révélation. Je reviens maintenant k votre obje&ion relativement k 1'ouvrage de M. l' -bbé dü Rocher. Elle conliftoit en ce que Vhébteu , diliez-vöus , a dts mots qui ont fept ou huitjignifications, Sans doute, dans f hébreu, te même mot a fept cu huit fignilcations. Mais qu'en concluez-vous? n'eneft-il nas de même d'un grand nombre de tern es huins & francois quifignifient également ph.fieurs chofes ? les différentes lignifications d'un même mot £ z  68 Hérodote Hijtorlen dans 1'hébreu , empêchent-elles que la Bible n'ait été traduice d'une maniere intelligible , & qu'elle ne préfente une fuite de faits certains, du récit defquels le fens eft invariablement fixé. L'intelligence de ces faits de la Bible & de ceux rapportés par Hérodote , voila tout ce qu'il a fallu a 1'Auteur de YHiftoire véritable pour afleoir fa découverte. Je fuppofe pour un moment qu'il n'eüt pft trouver cê que lignifioit dans la langue des Egyptiens le nom d''Amafis, en feroit-il moins certain qu'en jettant les yeux fur 1'Ecriture fainte d'une part, & fur Hérodote de 1'autre , ony trouve qu'Amafis & Nabuchodonofor ont tous les deux fait faire une ftatue dor ; que tous les deux ont forcé d Vadorer ; que fous ces deux regnes, il eft queftion de trois hommes brülés ? La certitude des rapprochemens cités par' M. 1'Abbé du Rocher émane donc de la clarté du récit des deux hiftoires cornpatées ; & non de 1'iilulion que peut opérer fur 1'efprit du le&eur une langue telle que Thébraïque, oh. les mots ont plufieurs fens. M. TAbbe du Rocher a montré dans un ordre foutenu une fuite de rapprochemens de traits'hiftoriques , & non de rapprochemens de mots. Mais en fuppofant que la combinaifon de ceux-ci fut 1'échaffaudage fur lequel portat fon ouvrage , on n'en fe-  c?u Peuple Hébreu , fans le favoir. 6 & ainfi de grand nombre d'autres ! On lit dans un ouvrage de Pluche, intitulé ; Concorde de la géographie des différens dges, une note fur le mot Iftamboul, nom que les Turcs donnent aujourd'hui k Conftantinople. Cette note eft ainfi coneue. Ceft un nom corrompu de trois mots grecsy eis , ten , polin : a la ville, que les gens du voifinage difoient autrefois , au lieu de dire aller a Constantinople (i), comme les Romains qui appelloient leur capitale Urbs par excellence , 6c s'exprimoient ainfi ire in urbem , pour diie aller d Rome, Cette formule y paffa avec Conftantin , qui, cemme 1'on fait , tranfporta dans (i) V. Conc. de Ia Géographie des differens dges, Ouvrages pofthume dc Pluche , pag. 158. A Paris chez les freres Etienne.  du Peuple Hebreu , fans le /avoir. 'j-f cette première ville , le fiege de PEmpire Romain. On lit encore dans le même auteur cette öbfervation fur le nom de la Mer Egée9 qu'on donnoit autrefois a la partie de la méditerranée , qui s'appelle aujourd'hui Archipel. Ce nom d'Aigaion JEgmon , fur lequel on a tant bati de fables , ramené d fa vraie origine, vient de- deux mots de Uancicnnc & mere langue , ( 1'hébreu ) ai infula Sc goi , ou goim , gentes, ( gentium ) insujjb gentium:; cette mer eft pleine d^ifles & de prefquifles. CV. Conc.de laGe'ogr. pp. 199. 6c 200. ) Rien de plus jufte que cette remarque. Ces deux mots ai goim ra pp rochés, rendent même aux yeux le nom cVJEgccon que portoit la mer Egée. Voila donc Yinfulce gentium , les ifles des nations , dont parient li fouvent nos Ecritures faintes , 6c fur-tout les Prophetes , retrouvées chez les Grecs, Sc altére'es par eux. Je fuis perfuadéque M. 1'Abbé du Rocher, a 1'érudition Sc a la fagacité duquel rien n'échappe, ne manquera pas de faire ce dévoilement, 6c de 1'employer dans un des volumes qu'il promet pour expliquer la Mythologie grecque. Ainfi Pluche,par deux tradu&ions, Tune du grec 6c 1'autre de 1'hébreu, qui lui ont  Hérodote Hiftorien donné la véritable origine des deux mots Iftamboul &c Egée , a fait deux dévoilemens importans & que perfonne n'a ofé contefter. Ne direz-vous pas aufli, Monfieur , que ce Pluche eft un magicien avec fes étymologies ? Traduit eeft-ce étymologuer} D'après ces exemples prononcez fur les , procédés del'Auteur del'Hiftoire véritable, éc fur la maniere dont le vulgaire des lecteurs juge de fon ouvrage ? NEUVIEME OBJECTION. 9. M. VAbbé du Rocher, nouveau Deucacalion qui change les pierres en hommes d'un trait de plume-fe fert pour fes rapprochemens , d'une langue qu'on ignore parfaitement , comme l'Egyptien , & dont il ne nous eft refté qu'un ttès-petit nombre de mots. C'eft un titre glorieux pour M. 1'Abbé du Rocher que celui du Deucalion de 1'hiftoire d'Egypte, puifqu'il a rétabli en effet les étranges métamorphofes qu'elle renfermoit. Vos plaifanteries tombent a plombfur Hérodote , & Diodore, & fur-tout fur Tacite qui a changè d'un trait de plume la ville de Hierofolyma en un Général a^pellé Hierofolymus.  du Peuple Hébreu , fans lefavoir. J$ M. 1'Abbé du Rocher s'eft fervi, ditesvous , de la langue Egyptienne. Eft-ce que que le grec Hérodote a écrit 1'hiftoire d'Egypte en langue Egyptienne ? Eft ce que 1'Auteur&eY Hiftoire véritable préten d avoir puifé dans des livres écrits en Egyptien la connoifTance de 1'hiftoire de ce peuple ? oü vous emporte ie préjugé ? Penfez donc que, pour travailler a fon ouvrage , 1'auteur de 1'Hiftoire véritable n'a pas eu befoin de favoir l'ancien Egyptien , mais feulement de lire 6c d'entendre Hérodote & 1'Ecriture fainte oü il eft beaucoup parlé des Egyptiens. Or , les hiftoires rapportées dans la Bible , ainfi que dans Hérodote 6c Diodore , ne font pas des Hieroglyphes Egyptiens. Avouez, Monfieur , que vous auriez pft vous difpenfer de me faire l'objection tirée de notre ignorance fur la langue Egyptienne. DIXIEME OBJECTION. io. Les Egyptiens & les Hébreux ayant vêcu plufieurs générations enfemble , avoient beaucoup d'ufages communs , comme la circoncifion , la diflinciion des viandes , les ablutions , les procefftons , le bouc ha^a\el; les rapports quil y avoit entre les mceurs & les couiumes de ces deux  go Hérodote Hifiorien peuples , offroient donc natureilement è votre Auteur un expédient pour bdtir lei rapprochemens des traits qu'il fait valoir , fans quon en puiffe conclure que 1'hiftoire d'Egypte eft une copie de 1'hiftoire facrée. Voila du Diciionnairephilofophique tout pur. Car vous copiez ici 1'éruditionde Voltaire fur les proceffions Sc fur le bouc hazarel, que les Juifs, a ce qu'il prétend , ont pris des Egyptiens. Le philofophe de Ferney grand hébraïfant, comme vous le favez , vouloit que le bouc êmiffaire des Juifs eüt été emprunté des Egyptiens, paree que , difoit-il, le mot ha^el n'eft pas hébreu Indépendamment du vice de cette conféquence, il eft aifé de prouver lafaufftté du principe. Car le Diftionnaire hebreu nous apprendque ce mot eftcompofé d'<% qui fignifie capra Sc d'a?/, abitionis, wiffionisfi). La racine a^l qui veut dneabut, eft conftamment un mot hébreu. C eft ce qui fappe le fondement de robjeftion de feu Voltaire. Vous n'ignorez pas combien il étoit de mauvaife foi, fur tout ce qui tenoit a 1'Ecriture fainte. i) Harard hircus emjfarius , t Levit. 16. 8 ) hiï, Bébr. de Guaudeau. ] Quant  du Peuple Hebreu ,/kfts le favoin &Y Quant a ces ufages que vous fuppófefc avoir été communs entre les deux peuples,' paree qu'ils avoient habité tres long-temps le même pays enfemble , c'eft me fuggé-' ferun argument contre vous que deme.ci* ter la reüemblance de Ces ufages contre YHiJloire véritable ; puifqu'au contraire elle peut jetter le jourle plus lumineux fur lesdifficultés qui nailToienten apparence de cette identité de coutumes entre les deujS"! nations. En effet, Ia découverte de 1'Auteur , une fois établie & bien prouvée dans 1'efprit des connoilfeurs en matiere d'antiquités $ une des conféquences qui pour*' roienten réfulter, c'eft que les anciens Egyp* tiens qui auront extrait de 1'Hiftoire fainte les faits que vous avez v&s, auront pdfans in»; vraifemblance copier auffi quelques ufages du peuple Juif, lefquels fe feront confervés dans les annales Egyptiennes; & commê ces livres faifoient mention de ces ufages » avec le temps on aura donné a ces coutumes une origine Egyptienne. N'avez vous pas vü des Auteurs mödernes prëndre pour des inftitutions des Germains apportées par les Francs , lorfquils pafferent le Rhin^ des ufages que ceux-ci avoient empruntés tout fimplement des Romains ? Ce point eft aujourd'hui démontré par Grégóire dè Tours, le premier hiftoriea que la Francd  Ü> Hérodote Hiflorien ait eu. Cet Auteur eft d'un grand poids, quand il rapporte les coutumes adoptées par les Francs , 6c dont il étoit témoin oculaire. Je dis plus. Certains ufages qu'on croioit avoir été communs aux Hébreux 6c aux Egyptiens , M. 1'Abbé du Rocher a montré qu'ils appartenoient exclulivement aux premiers, 6c que c'eft par 1'effet d'une bévue qu'on s'eft imaginé les retrouver chez les Egyptiens. Vous vous rappellez les efforts de Voltaire pour accréditer 1'ufage de la circoncifwn porté en Colchide par la tolonie que Sefoftris y établit; d'ou le coxyphée des Philofophes inféroit que Vadroit IVloyfe avoit fait honneur afa nation d'une inftitution qui exiftoit avant Abraham chez les Egyptiens. D'après la découverte de TAuteur de VHiftoire véritable fur Sefoftris , perfbnnage travefti de 1'Ecriture fainte , il eft évident que fon voyage en Colchide , pays fameux par fon bélier 6c fa riche toifon tant vantée chez les Poëtes , n'eft plus qu une altération des traits de Jacob che7L Laban , oü le Patriarche eut 1'art de s'enrichir eu colorant les toifons des hrebis. ( Voy. 1'art. de Sefoftris dans 1'Hift. vént. ) Eft-il étonnant que les incrédules »e pouvant plus citer bien haut tout ca fatras d'antiquités , aujourd'hui dévoilées  'iu Peuple Hébrèufans lè favoiï. %f Sr dont ils faifoient autant de difficulfés in-» folubles contre la véracité de Moyfe * aient un peu d'humeur Contre 1'Auteur quia eohVerti leurs obje&ions enpreuves pour 1'E* eriture fainte? ÖNZIËMÉ ÖËJÈCTÏON, ii. Votre favant a eu Part de fe férvit d'une hiftoire de la plus haute antiquité, vü Pon neconnoit les hommes que par quel'ques traits principaux ; c'eft de cette obfcurité que hait en partie le preftige dè VHiftoire véritable-. PoUrquoi reprocher aux hiftoriens cle 1'antiquité de n'avoir donne' que des traits principauxl Les coramencemens des peupies modernes contiennent-ils autres cho* fes que des hiftoires très-coneifes t & des faits principaüx ? Prenez la première racö de nos rois Francs ; & vous jugerez fi fur Partiele des annales anciennes de notré monarchie , nous fommes mieux partagé* que les autres peuples. Si le commencemens des faftss de tólftes les nations ne préfentent néceffairement que des traits prineipauxaraifön de 1'obfcurité des temps, ces images rië tombent que fur les faits inconnus* Mais les grands événemens dönü Fa  24 ÏHérodote Hiftorien on a des monamens , pour être en petit nombre , n'enfont pas plus obfcurs en euxmëmes. Donc rien de plus frivole que votre re'flexion fur 1'ouvrsge de M. 1'Abbé du Rocher, paree qu'il traite de 1'ancienne hiftoire d'Egypte. DOUZIEME OBJECTION. Tout VOuvrage de Al 1'Abbé du Rocher porte fur ces deux hypotheses, i. Que la Bible eft le plus ancien des Livres. i. Que les Egyptiens rü avoient pas une hiftoire nationale qui leur appartint en propre. Deuxfuppofitions auffi fauffes l'une que 1'autre. Car s'il n exifte plus de Livre plus ancien que la Bible , il n'eft pas moins certain qu'on a écrit longtemps avant Moyfe. Le livre d'Enoch , cité par l'apótre S. Jude , en eft une preuve. Vouloir d'ailleurs que les Egyptiens aient emprunté leur hiftoire de la Bible , c'eft établir gratuitement qu'ils n avoient pas une hiftoire de leur pays antérieure d celle de Moyfe : ce qui eft incroiable, d'une grande & antique nation , comme les Egyptiens , qui avoient des favans avant Moyfe , puifque 1'Ecriture dit, que ce même Moyfe eüt pour inftituteurs d la cour de Pharaon , ces fages d'Egypte.  du Peuple Hebreu .fans le faveur. 8 j 5 Je réponds d'abord en vousfaifant cette queftion. Quand vous auriez Ia certitude qu'il a exifte des livres plus anciens que celui de Moyfe , me prouveriez-vous qu'il eft également certain que ces livres conténoient, comme le iien, la vraie origine de tous les peuples de la terre , & les commencemens des premiers empires de 1'univers ; car tel eft ie feul objet qui ne foit pas e'tranger a la matiere que nous traitons ici, &c dont je ne veux pas m'écarter. Je réponds en fecond lieu que vous attribuez a M. 1'Abbé du Rocher un raifonnement qu'il n'a jamais fait. II n'a dit nulle part que 1'hiftoire d'Egypte fut copiée des Livres faints, par la raifon qu'ils font les plus anciens livres qui exiftent. L'antériorité des annales de Moyfe n'eft pas le principe dont 1'Auteur de YHiftoire véritable a tiré fa découverte. II prétend feulement qu'après que Nabuchodonofor eüt conquis 1'Egypte , les Egyptiens furent tranfportés captifs dans les états du conquérant, & que cette captivité dura quarante ans. Cet événement eft conftaté par 1'Ecriture fainte (i). Ce fait une foisbien avéré , les Egyptiens , dit M. 1'Abbé du Rocher , ayant confervé le fouvenir de leurs anciennes tra- (i) V. le chap. 29. d'Ezcchiel.  8$ Hérodote Hijtorien dkions, & ayanrperdu leurs archives qui leur avoient été enleve'es , que dut-il arriver ? Ayant communioation avec les Juifs, qui précifément fe trouvoient captifs en Chal* dée dans le même temps qu'eux , (circonk tance a laquelle bien des gens ne font pas attention) , & voyant que les Hébreux avoient confervé un livre pour lequel ils avoient la plus grande vénération , & oi% ceux-ci difoient qu'on lifoit beaucoup de faits relatifs a 1'Egypte , les Egyptiens enchantés de retrouver une partie de leur hiftoire dans les livres des Juifs leurs voifins, durent revendiquer ces faits comme faifant une portion de leurs annaies, dont ils n'avoient confervé que des traditions vagues & confufes. Rien n'eft plus naturel que tout cela. Si 1'hiftoire de France venok a fe perdre, dans celle d'Angleterre. oü on lit des faits communs a ces deux nations voifines 1'une de 1'autre Sc depuis, long-temps rivales , nous recouvrerions tout 1'hiftorique de nos guerres & de nos, négociations, & par conféquent des rnoreeaux importans de notre hiftoire natio-= nale. Les Egyptiens jugerent donc avec raifön qu'ils pouvoient fuppléer a leurs archives. enlevées dans la conquéte, & perdues dans ia. wanfolantation qui la fujvit, en faiön£  riu Peuple Hebreu, fans le favoir. 8? ëxtraire des livres Hébreax ce*qui les concernoit. Dans 1'origine , ces extraits purenc avoir e'te' re'dige's fïdélement 6c fans méprifes : mais ce qu'il y a de très-remarquable, & ce qui a affeóté même les critique» de M. 1'Abbé du Rocher , c'eft que les Egyptiens n'ont copié précifément de TEcriture fainte que lesendroits ou.il eft parlé d'eux 6c de leurs pays , en laifTant fcrupuleufement de cóté tout ce qui leur étoit étranger. De-U toutes les fois que 1'écdvain facré interrompt fa narration fur lesEgyptiens , on retrouve dans leur compilation une lacune parallele. Par exemple , depuis la fortie d'Egypte 1'Ecriture ne parle plus des Egyptiens jufqu'au mariage de Salomon avec la fllle d'un fouveraindet ce royaume; auffi le compilateurlaifiant tout. 1'intermédiaire , n'a pas manqué de joindre èc de coudre ces deux efpaces de temps. Ces extraits une fois rédigés, s'altérerent bientót en pafTant de main en main 9, &c d'une langue dans une autre : altérations démontrées de la plus grande vraifemblance , par ce qui eft arrivé a d'autres hiftoires. bien moins anciennes. Après- quelques fiecles , cette compilation fi fouvent altérée &c déflgurée , ne fut plus qu'un tiflu de méprifes. Dans toutcela encore , y a-t-il quetque chofe d'inconcevable 6c d'invraifembla--* F.4  SS . Hérodote Hiftorien ble ?' Or , c'eft fur de pareils extraits mi's en forme de mémoires, que M. l'/ibbé du Rocher prétend qu'Hérodote a écrit fou hiftoire d'Egypte. Obfervez que eet hiftorien vivoit fous le regne cYArtaxerxès Mnémon , plus de cent ans après Cambyfe, & que Cambyfe eft poftérieur d'un demifiécle a Nabuchodonofor qui devafta 1'Egypte , époque k laquelleles annales feperdirent. Hérodote fe trouvant a un éloignement au/Ti grand du temps oü ces annales exiftoient, & oü ils étoient encore entre les mains des Egyptiens , quelle autre reffource put-il avoir pour écrire cent cinquante ans après la dévaftation par Nabuchodonofor , que ces mémoires altérés > Ce qui juftifie cette réflexion , c'eft que eet hiftorien avoue lui-même qu'il n'a pas la plus grande confiance dans ceux que lui avoient communiqués les Prêtres d'Egypte. , M. 1'Abbé du Rocher établilTant fa de'couverte fur le parallélifme des faits des deux hiftoires, ( preuve fans réplique, puik qu'elle eft oculaire ) , iln'étoit pas obligé de dire comment êc dans quel temps s'étoient fabriqués ces extraits, Cependant il a cru devoir fur ces deux objets faire part defon opinion , pour fatisfaire la curiofité «e fes lefteurs.  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 89 Ce que 1'hiftoire attefte de 1'enlevement des archives Egyptiennes , appuie fortement ce que peufe M. 1'Abbé du Rocher Fur la caufe & 1'époque de ces mémoires. II reconnoit li bien que les Egyptiens ont eu d'anciennes annales antérieures aux extraits de 1'Ecriture fainte , qu'il citePluche, entr'autres Auteurs qui parient de 1'enlevement de ces archives. 11 auroit pü. citer encore Newton qui attefte le méme fait dans fa chronologie. Jugez donc , Monfieur , combien vous étes loin de 1'état de la queftion, lorfque vous faites ce raifonnement : II eft eertain qu'on a écrit long-temps avant Moyfe : vouloir cependant que les Egyptiens aient emprunté de lui leur hiftoire , &c.! Jecrois vous avoir prouvé que le fondement de la découverte de M. 1'Abbé du Rocher , n'eft point 1'antériorité des livres de Moyfe. De cequel'Auteur del''Hiftoirevéritable avance que les Egyptiens ont copié des Livres faints ce qu'ils ont donné pour leur hiftoire, il n'en faut pas conclure , qu'il nie que les Egyptiens uient eu des archives plus anciennes que les mémoires fur lefquels a été rédigée leur hiftoire , telle que nousl'avons. Il foutient feulement que celle donnée par les grecs Hérodote & Diodore , fur-tout par le premier , hiftorien profaae le plus  ^ Hérodote Hijïoriett ancien que nous aions, &c qui n'a écrit qué plusje cent ans après 1'horrible dévaftation de 1'Egypte fous Nabuchodonofor , ( vous en avez le tableau dans Ezéchiel) , eft un tilTu de fables ablurdes , & un traveftiftementgroftier des Livres faints dans les endroits oü ils font mention des Egyptiens. TREIZIEME OBJECTION. 13. Pour admettre la découverte de VHiftoire véritable , il faut fuppofer d'après elle, que les extraits que l'Auteur prétend avoir été faits par les Egyptiens, auront été altérés par eux, pui/que c'eft de leurs mains que dut les tenir Hérodote, qui lui-même en aura fait une hiftoire traveftie d'un bout d 1'autre. Or , eft-il poffiblede croiredces ehératións, quand on penfe que les Egyptiens très-voifins de la Palefline , devoient entendre la langue Hébraïque ? Ayant vëcu longtemps avec les Hèbreux , ils durent favoir parler leur langue. Sanscela comment pendant des ftécles entiers oü le peuple de Dieu refta en Egypte , eüt-il pü fe faire entendre de fes habitans ? Les extraits dont park M. VAbbê du Rocher ont été altérés poftérieurement d ce fejourf & ces altéraüons fe font opérêe^  du Peuple Hébreu ffans le favoh. 9 ? fur les mots ; & de ces mots écorchés & mal traduits , s'cft enfuivi le traveftiffement des faits hiftoriques. Jele demande, altére-t-on de la maniere la plus bifarre les mots & les phrafes d'une hiftoire , quand on entend la langue dans laquelle eft écrite cette hiftoire ? Pour réfoudre votre objeftion , je la réduis a ces deux queftions. 1. Les Egyptiens, quoique limitrophes de la Paleftine , dont ils n'étoient féparés que par un ruiffeau , favoient-ils parler hébreu ? 2. De ce que les Hébreux ont fait un long féjour en Egypte , en peut-on conclure qu'ils y aient appris la langue Egyptienne ? Quant a la première queftion , il me fuffit de vous rappeller le pafïage de 1'Ecriture qui porte que les freres de Jofeph, parlant en fa préfence, ignoroient que Jffeph qu'ils ne foupeonnoient pas être leur 'frere , les entendit , paree quil leur parloit par un interprête (1). Donc les Egyptiens n'entendoient pas 1'hébreu. Sans cela, comment les freres de Jofeph , qui le prenoient pour un Egyptien, auroient-ils (1) Nefciebant autem quod intelligent Jofeph , eo quod ptr interpreten loquerctur ad tos. ( Genef. xlij. 33.)  9* Hérodote Hiftorien pu fe perfuader qu'il ne comprenoitpas té qu'ils difoient entr'eux en fa préfence ? 6c comment Jofeph pour les mieux tromper, & pour fe déguifer plus adroitement è leurs yeux, auroit-il imaginé de fe fervir d'un truchement ? Sur la feconde queftion , je foutiens également la négative. II eft aifé de prouver que dansle féjour des Ifraélites en Egypte, ceux-ci ignoroient la langue égyptienne. Lifez, Monfieur, le verfet 6S. óaP/eaume 80. L'Ecrivain facré pour inviter le peuple a célébrer les fêtes 6c les folemnités religieufes , s'exprime en ces termes. Le Seigneur en a fait un précepte d Jofeph ( 6c par ce nom il entend tout Ifraël) en mémoire de lafortie d'Egypte. Il y entendix parler une langue Qu'lL ne connoisS01T pas (i). Le Pfeaume t 13. In exitu Ifraël de Egypto , domus Jacob de populo barbaro , que nous chantons fi fouvent dans nos temples, vient encore a 1'appui de ce que j'avance. Le mot que 1'auteur de la Vulgate a traduit par Barbaro , eft Lag en hébreu , qui fignifie celui quiparle une Langue inconnue: (1) Teftimonlum in Jofeph pofuit illud , eum exiret de terra '■tëgypti ; LlNGUAM QUAM NON NO VERAT •, AUDIVIT, (PfaLm.80. v. 6. )  du Peuple Hébreu, fans te favoir. 9 j & en effet a prendre 1 épithete Barbaro dans le fens ftricte & précis , elle ne pouvoit convenir aux Egyptiens, al'époque de la fortie des Ifraélites ; loin d'étre alors dans la barbarie, les Egyptiens étoient une nation fort favante & fort éclairée , puifque Moyfe , le chef de ce peuple fugitif, avoit été inftruit dans toutes leurs fciences. Des deux textes cités , il réfulte 1. que 1'Egyptien & 1'Hébreu étoient deux langues très-différentes. 2. Que 1'Egyptian étoit une langue inconnue &c barbare ( dans le fens que 1'entend le Pfalmifte ) pour les Ifraélites, même après le long féjour qu'ils avoient fait en Egypte. A leur arrivée dans ce royaume , ils furent placés dans la terre de Gejfen qui formoit un canton féparé. Ce voifinage fit naitre fans doute des relations ; mais pour les entretenir , il fuffifoit que les Hébreux priffent des interprêtes pour fe faire entendre. L'ignorance du langage devoit donc être réciproque entre les deux nations. Mais quand on fuppoferoit que le féjour des Hébreux en Egypte les etit forcés a apprendre la langue de ce pays , oü d'abord ils avoient godté les douceurs de 1'hofpitalité , & enfuite fubi les fers de 1'efclavage, Ton n'en pourroit conclure que les Egyptiens euifent les mêmes raifons pour  ^4 'Hérodote Hiftorien étudier la langue de ces efclaves. II y I des Juifs a Avignon , relégués dans un quartier de la ville , oü tous les foirs ils fontobligés de fe retirer.Ils communiquent pendant le jour avec les autres eitoyens pour traiter de leurs affaires. Cesrapports mereantiles ont rendu indifpenfable pour eux 1'ufage de la langue vulgaire. Mais > quoique les Juifs d'Avignon entendent 6c parient 1'idiöme des habitans de cette ville , ceux-ci n'en font pas moins dtran-* gers au langage de ces modernes He'breux. Si donc un citoyen d'Avignon entreprenoit de traduire ou d'extraire en fran£ois une hiftoire ëcrite en he'breu parquelque Rabbin du Comtat , s'e'tonneroit-on que ce tradu&eur travaillant fur un ouvrage fait dans une langue qu'il ignoreroit, ou qu'il ne fauroit qu'a demi , commït un nombre infini de be'vues , toutes plus groflieres les unes que les autres ? N'eft-ce pas la ce qui a dd arriver aux Egyptiens qui , fans étre plus verfe's dans Thébreu , que ne le font aujourd'hui les habitans de Metz ou. d'Avignon qui vivent au milieu des Juifs , s'aviferent de faire des extraits de nos Livres faints ? J'ai lieu de croire qu'on ne me ConteÊ» tera pas la jufteffe de cette comparaifom Elle eft d'une exactitude rigoureufe. Cha-  da Peuple HèbreU , Jan/- te favolr. cunede nos villes qui ont ouvert 1'azile de Ia tole'rance aux Juifs , eft pour eux autant de terres de Geffen oü ils fe regardent toujours comme étrangers. QUATORZIEME OBJECTION. 14. M. 1'Abbé du Rocher tire partl du témoignagc de Rollin qu'il cite comme eyant reconnu laconformité qui fe trouve entre Vhifloire de Sennachérib d'Hérodote , dont l'armée périt, en voulant combattre le roi Sethon , & le trait du Sennachérib de VEcriture , contre lequel Dieu envoia VAnge exterminateur. Rollin connoiffoit, il eft vrai, les Auteurs anciens , mais il n avoit ni cette fagacité , ni ce génie nécejfaire pour découvrir le vrai, dans une matiere qu'on ne peut difconvenir être couverte des ténébres les plus épaiffes. Cette reffemblance d'ailleurs que Rollin avoit ob/ervée entre ' cette partie de 1'hiftoire d'Hérodote & celle de VEcriture , eft expliquée tout natureilement par Voltaire , au génie duquel on peut s'en rapporter. Cependant pour balancer l'autorité de Rollin fur ce point de 1'hiftoire d'Egypte , l'on pourroit vous oppofer fur un autre , celle de Pluche bien plus verfé dans la connoif-  9£ Hérodote Hiftorien fance des monumens anciens. M. VAbbê du Rocher explique Vhiftoire des Rois pasteurs qui rtgnerent en Egypte, paf les Hébreux sesos ou pasteurs qui y furent accueillis du temps de Jofeph. Qr, précifement Pluche contredit cette opinion en réfutant celle de Manéthon. On croiroit a vous entendre , que 1'auteur de VHiftoire véritable a fait de J'autorité 'de Rollin le fondement de fa découverte. En citantcet Auteur , qu'adit M. 1'Abbé du Rocher ? Que 1'hiftoire teSethon racontée par Hérodote étoit une altérationli vifibie du trait cVE^échias Sc de Sennachérib rapporté dans 1'Ecriture, que Rollin qui ne poftédoit, ni ne cherchoit la clef des anciquités , n'avoit pu. s'empêcher de reconnoitre que Sethon & E^échias étoient évidemment le même perfonnage ; identité qu'il fait remarquer en ces termes: 11 eft vifibie que cette hiftoire ( de la délivrance miraculeufe d'un roi d'Egypte attaqué par Sennachérib ) telle qu'on la Ut dans Hérodote , eft une altéra* tion de celle qui eft rapportée dans le quatrieme Livre des Rois (i). D'après ce jugement de Rollin , tous ceux qui raifonnent , en ont conelu que , (n Rollin , hift. auc. torn. i, . S ll  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 9? s'il a deviné fur fa route cette reflemblance èntre les deux hiftoires, il e'toit de la derniere inconfe'quence de s'élever contre un favant, tel que M. 1'Abbé du Rocher , qui ayant fur le premier 1'avantage d'une connoiflance approfondie des langues anciennes , démontre , par des rapprochemens foutenus , grand nombre d'autres traits de la même hiftoire qu'il a dévoilés.Car comment feroit-il arrivé qu'Hérodote eüt pü avoir cette reflemblance avec nos auteurs facrés , fans qu'il eüt écrit fur des mémoires de 1'Ecriture fainte ? Et s'il a travaillé fur ces extraits , comment la découverte d'un trait de reflemblance , n'ameneroitelle pas le dévoilement de tous les autres? Si la réflexion de Rollin fur le plagiat . d'Hérodote a pafte fans réclamation depuis 1'imprefTion de fon ouvrage, & fans que 1'auteur ait été accufé d'être un vifionnaire.pourquoi M. 1'Abbé du Rocher, qui a reconnu les mêmes perfonnages & bien d'autres cachés derrière la tapifterie de 1'hiftoire d'Egypte, auroit-il le privilége exclufif de n'avoir donné qu'un rêve érudit} Telles font les induftions triomphantes qui naifïent dupafTage de Rollin , a 1'appui de la découverte de M. 1'Abbé du Rocher. Ainfi, fans faire de ce témoignage la bafe de VHiJloire véritable, 1'auteur a pü 6c du ' G  98 "Hérodote Hiftorien. faire valc-ir cette autorité : voila tout ce qu'il s'eft propofé. Envain, pour détruire 1'argument tiré du rapport entre 1'Ecriture fainte & 1'hiftoire profane reconnu par le judicieux Rollin, vous avez recours au génie deVoltaire, qui explique tout naturellement cette conformité. Commencons par faire le rapprochement des morceaux refpectifs des deux hiftoires. Hiftoire d'Egypte. | Hiftoire Sainte. i. Sanacharib, com-j i. Sennachérib, roi me 1'appelle Héro- des AiTyriens , vint dote, roi des Afly-Jaffiéger jérufalem , riens,étant venu atta-jqui attendoit des fequer 1'Egypte avecjcours d'Egypte. Le une nombreufe ar- roi Ezéchias, frappé mée , le roi Sethon Ae ce danger , pria le fe trouva dans le plus'Seigneur de 1'en dégrand embarras. Tout Iivrer. Dieu par le éploré il fe rendit au!prophete Ifaïe (i) le temple oü il pria. confola , le raffura, Le Dieu lui appa-!en lui faifant dire que rut , & lui promitdes que Ie roi des Afiyvengeurs. Pendant la riens n'entreroit pas nuit, une multitude dans Jérufalem , qui (l) Mifit autem Ifaïas ad E^echiam , dïcens. ... heec dïc'it Dominus de rege Affynorum, noningredietur urbem hanc , nee mittet In tam fagittam , nee occupabit eam elypeus. . . . per yiam quant vtnit, reyertetur, &c, C IV. Reg. xix )  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 99 de rats fe jetta dans n'e'prouveroit ni fes le camp des ennemis, fleches , ni ne feroit & rongea les car- forcée par fes bouquoh , les cordes des diers, & que ce roi arcs & les attachés impie s'en retournedes boucliers des Af- roit par le'même chefyriens. Ceux-ci fu- min qu'il e'toit venu. rent obligés de s'en- En effet, pendant la fuir avec une grande nuit ,1'Ange du Seiperte. gneur vint, & frappa de mort cent quatrevingt-cinq mille hommes dans le camp : Sennachérib , voiant tout ces corps morts, fe retira. 2. Sethon étoit un 2. Ezéchias fut le roi bxtrèmement plus pieux des rois pieux. En mémoire de Juda. Le chapitre du prodige opéré oücommencefonhifpour récompenfer fa toire , porte en titre piété , on lui avoit dans les éditions orérigé une ftatue de dinaires de la Vulpierre qui repréfen- gate, Ezéchias pietoit ce roi tenant en tate eximius,Ezémain un rat, avec chias dïstingué par. cette infcription : en sa piété. On trouve me voiant , appre- le même titre è peu nez a être pieux. prés dans le texte hébreu , & c'eft le réG 2,  ioo Hérodote Hiftorien fiïitét de ce que 11Ecriture rapporte d'Eze'chias. M. 1'Abbé du Rocher fait remarquer que Horus auteur Egyptien , nousapprend dans fes - Hieroglyphes ( 1. i. n. 47. ) que le rat étoit le fymbole d'un défaftre entier , d'un défaftre fubit. Avec la clef de ce fymbole , il eft aifé d'expliquer cette multitude de rats que les Egyptiens prétendoient avoir été envoiés pendant la nuit , pour ronger les armes des troupes de Sennachérib. Ce même fymbole nous fait concevoir la raifon pour laquelle le rat , figne du défaftre , avoit été mis dans la main de la ftatue de Séthon. 3. Immédiatement 3. Dans le chapiaprès le regne de Sé- tre qui fuit 1'hiftoire thon,Hérodote parle de la délivrance d'Ed'un grand change- zéchias , 1'Ecriture ment arrivé dans le rapporte le miracle cours du foleil , & de la rétrogradation fait è ce fujet men- de 1'ombre fur le cation de maladies & dran folaire, que Dieu de mort. opéra en faveur d'E- zéchias malade , & auquel Ifaïe avoit annoncé qu'il mourrpit.  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 101 Aiali dans 1'Ecriture, même mention de maladie , de mort, & de changement dans le cours du foleil. L'Auteur de YHift. vèrït. pour démontrer que le nom de Séthon eft 1'indication même du grand événement du regne d'Ezéchias , délivré de Sennachérib par le maflacre nocturne de fon armée , obferve que felon Plutarque ( de ifid. torn. 11. pag. 367. ) le nom de Seth étoit un de ceux que les Egyptiens donnoient a Typhon leur mauvais principe, h. qui ils attribuoient les grands défaftres. L'Auteut' ajoute que ce nom de Seth reviènt aux mots hébreux Xèt & Xeth, qui fignifient égorger, perdre9 diffiper,ravager. Ainfi le fait de la déconfiture entiere de ï'armée des Afiyriens eft devenu le nom du prétendu roi Sethon , & a été le germe de fon exiftence. Voila toute la généalogie de ce potentat. Jugez maintenant, Monfieur , fi Hérodote n'a pas emprunté 1'hiftoire cle ce monarque apocryphe, de celle d'Ezéchias. Voltaire , dites-vous, explique tout naturellement cette conformité. Ecoutons. 1'oracle du Porphyre moderne.Hérodote parle d'un Sennachérib qui vint porter la guerrefur  102 Hérodote Hiftorien les frontieres de 1'Egypte, & qui s'en retourna , paree qu'une maladie contagieufe fe mit dans fon armée. Il n'y a rien LAQUÉ DANS l'ORDRE COMMUN (l). D'après le tableau oh. nous avons rapproché les traits d'Hérodote & de 1'Ecriture , on peut fe faire une ide'e de la mauvaife foi du philofophe de Ferney. Le récit d'Hérodote fe réduit-il a celui fur lequel Voltaire, pour anéantir le miracle , appuie fa réflexion fcandaleufe ? S'il eAt été moins ulcéré contre nos Livres faints, il auroit avoué , qu'il fembloit qu'Hérodote , pour nous faire deviner plus facilement la fource oü il avoit puifé, avoit cru devoir défigner en propres termes Sanacharib , nom évidemment eftropié de Sennachérib , & que les paroles du Prophete Ifa'ïe fur les fleches & les boucliers du roi des Aflyriens, ont vifiblement donné lieu au traveftiffement de ces carquois , & de ces attachés de boucliers rongês pendant la nuk par les rats. Le trait de la rétrogr adation de Vombre du cadran , qui correfpond au grand changement arrivé dans le cours du foleil, n'étoit- (i) V. l'Ouvrage impie de feu Voltaire, intitulé la Bible enfin expliquie ( p. 426. n. 168. )  '-du Peuple Héb reu, fans le favoir. 105 il pas de nature a defliller les yeux de fincrédule le plus obftiné ? Quant al'autoritéde Pluche, examinons maintenant jufqu'a quel point vous pouvea la faire valoir contre le dévoilement des Rois pafteurs ; il eft vrai qu'il contredit fur eet article 1'opinion de Manéthon. Citons d'abord le paflage entier de Pluche : „ Manéthon , dit-il, prêtre Egyptien , qui » après la perte des mémoires des rois » d'Egypte , emportés par Cambyfe a la n cour de Perfe , voulut compiler une » fuite des dynafties Egyptiennes , con» fond, & d'autres ont confondu après lui, » les pafteurs k haïs des Egyptiens , avec » les Hébreux qui s'échapperent de la » bafTe Egypte ; mais ils 1'ont fait par » conjefture & fans 1'appui d'anciens mo» numens juftificatifs. Ils prouvent par„ lk 1'incertitude & le défordre^qui reit gnoit dans leurs hiftoires rapiécées & » conjecturales. La haine pour les pafteurs „ a devancé les Hébreux en Egypte , & „ de plus les Hébreux n'y ont pas regné.» ( Concorde de la géographie des différens èges, p. 296 & 297. ) N'allez pas cependant vour, flatter de trouver des armes contre M. 1'Abbé du Rocher, dans cette décifion du favant Pluche. Lifez ce qui fuit du même extrait , G 4  104 Hérodote Hiftorien Sc vous de'ciderez lequel de vous ou de 1'auteur de VHiftoire véritable , peut réclamer le fuffrage de Pluche. » On voit par ce feul trait , continue» t-il, ce qu'il faut penfer des hiftoires " Egyptienne , Grecque Sc Chinoife. ii s'y » montre quelque fouvenir des anciens » événemens ; mais faute d'e'criture , & » par 1'obfcurité des caraöeres fymboii» ques , dont le fens s'altéra , puis fe perj> dit il n'eft demeuré que des oui-dire » conrus , & les commencemens de leur » hiftoire fe font couverts de te'nêbres, & » fur-tout charge's de fables imaginées » pour remplacer les hiftoires perdues. » Au lieu que les re'cits de 1'Ecriture fainte « font accompagnés de circonftances con« nues, & de monumens qui en attefm tentlavérité jufqu'a nos jours. „( ibid. p. 297.) Réfumons ces extraits de Pluche , Sc vous n'oferez plus le compter parmi vos partifans. r. ii attefte Venlevement des mémoires des rois d'Egypte emportés parCambyfe d la cour de Perfe. Ainfi 1'opinion de 1'auteur de VHiftoire véritable fur les extraits de 1'Ecriture, compofe's pour fupple'er è ces me'moires perdus, acquiert un fondement très-folide. 2. Selon Pluche, Manéthon lui-même , prêtre d'Egypte, a con-  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 105 fondu les'rois pafteurs avec les Hébreux ; d'autres après lui ont eu la même idée. L'auteur de XHiftoire véritable a démontré que tous ces anciens onteu grandement raifon de prendre les Rois pafteurs pour les Hébreux. Rappellez-vous le dévoilement de Salatis & de Raméses. Or, Manéthon , avant M. 1'Abbé du Rocher , avoit confondu , & a jufte titre , ces Rois pafteurs avec les Hébreux ; celuici n'a donc pas rêvé les rapports qui exiftoient entre Thiftoire Egyptienne & celle des Hébreux. Ainfi voila un prêtre Egyptien qui indiquant a M. 1'Abbé du Rocher, les ruines de ce fuperbe 6c antique édifice 3 1'invitoit a les déblayer & ay fouiller. 3. Pluche convient que les commencemens des hiftoires anciennes , 6c nommément ceux de 1'hiftoire d'Egypte, font couverts de ténébres & fur-tout chargés de fa* bles imaginées pour remplacer les hiftoires perdues. Ce fait n'eft-il pas une des bafes fur lefquelles porte 1'ouvragede M. 1'Abbé du Rocher ? 4. Pluche, il eft vrai, n'eft pas de 1'avis de Manéthon & des autres qui prennent les Hébreux pour les Rois pafteurs , paree que ces auteurs, dit-il, fe fondent fur des conjeciures, & ne s'appuient d'aucuns monumens juftificatifs. Mais fi Plnche  'io6 • Hérodote Hiftorien eüt vécu jufqu'a ce moment , 1'ouvrage de M. du Rocher dont il auroit eu connoifïance , lui auroit montré ces monumens juftificatifs dont il croyoit qu'e'toit dénue' le témoignage de Manéthon , & 1'auroit convaincu, que fi les Hébreux n'ont pas regné en Egypte, ks Egyptiens, par une fuite des méprifes les plus fingulieres , ont métamorphofé ces mêmes Hébreux en fouverains qu'ils ont fait regner en Egypte. VHiftoire véritable eut dsnc ram ené le favant Pluche a une découverte dont il s'écartoit d'une part , & dont le rapprochoit de 1'autre , malgré fes préiugés fur les Rois pafteurs , 1'aveu qu'il 'faifoit de 1'altération de 1'hiftoire Egyptienne. Les grandes lumieres qu'il avoit fur Pantiquite' auroient puilfamment contribué a cette heureufe révelution , dans fa maniere d'eavifager 1'hiftoire d'Egypte. On en peut juger par lefuccès avec lequel il explique, a 1'aide de la langue hébraïque, grand nombre de fables anciennes dans fon hiftoire du Gel, quoique fon opinion fur la fource de Vidoldtrie & de la théogonie payenne , qu'il attribué a Pabus de VEcriture fymbolique, ne foit regardée que comme un pur fyftéme. D'après le goüt de eet écrivain pour les antiquités , & d'après 1'inftinótqui 1'a fait prefque tQuch^r a la décou-  'du Peuple Hebreu , fans le favoir. 107 verte de M. 1'Abbbé du Rocher , même en contredifant Manéthon , je crois pouvoir comparer Pluche a un homme qui eft affisimmédiatement devant unrideau, derrière lequel font cachés des perfonnages très-curieux a voir , & qui, par le mouvement Sc 1'inquiétude de fon corps, agite ce voile , fans penfer a le foulever. Mais a quoi bon , Monfieur , toutes ces inductions, pour vous montrer que la trempe des idéés de Pluche fe conailioit avec la découverte de 1'auteur de YHifioire véritable ? Afin que vous ne me reprochiez pas de n'interprêter les fentimens du premier , que fur de légeres préfomptions , je vais mettre fous vos yeux une de ces réflexions décifives par laquelle il préludoit a la découverte de M. 1'Abbé du Rocher. Ouvrez Yhiftoire du Ciel l la page 2 5 3 torn. 1 , oü en accufant les Egyptiens d'avoir eu des idéés bifarres & contraires d la vénté de 1'hiftoire , 1'auteur s'exprime ainfi: dans cet èpouvantable AMAS de pensees , et d'objets si mal liés , il se trouve des traces de verites , et une confor" mité sensible avec le fonds de l'hIStoire sainte. Décidez maintenant , Monfieur, fi M. 1'Abbé du Rocher n'a pas droit de reven-  'io8 Hérodote Hiftorien diquer Pluche comme un des précurfem-s de fa découverte. C'eft donc un témoin de plus en faveur de Y Hiftoire véritable , qui déja comptoit Rollin parmi fes partifans. A ces deux autorités je puis ajouter celle de Dom Calmet. Vous le favez , il nepafla jamais pour un vifionnaire en matiere d'Ecnture fainte. Après avoir rapporte le pat faged'Hérodote oüon lit le trait fuivant,que » dans ce temps ( celui du roi Sethon ) » le foleil s'étoit levé quatre fois contre » le cours ordinaire. II s'étoit levé, dit-il, n deux fois oü il fe couche maintenant, » & couché deux fois oü il fe leve » ( Hérod. i r , 142 ) , ce favant Bénédiótin fait fur ce conté abfurde d'Hérodote une obfervation que nous ne croyons pas devoir lamer échapperici. Sil'ony pr-endgarde t dit Dom Calmet, eet auteur multiplie les ofyerj. Il auroit pu dire ftmplement, que le foleil eft retournê deux fois en arriere du couchant d Vorient, & ces deux pro- dlges ne pourroient-ils pas designer cfux qui arriverent sous JoSUE et sous Ezéchias / (V.DifTert. de Dom Calmet fur la rétrog. du foleil a 1'Horloge d'Achaz.)Or, c'eft ce même.paffage de 1'hit torien grec qui a fervi a M. 1'Abbé du Rocher de terme de comparaifon pour le parallele du grand changement arrivé dans le  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 109 foleil fous Sethon , 6c du miracle de 1'ombre du foleil , opéré fous Ezéchias. 11 faut donc placer encore Dom Calmet dans la lifte des avant-coureurs deftinés a annoncer la grande de'couverte de VHiftoire véritable. Si vos pre'juge's, Monfieur, contre eet ouvrage, vous font de'ja fupporter impatiemment de voir trois hommes tels que Rollin , Pluche 6c Dom Calmet , dont le mérite n'eft pas équivoque , jdépofer (1) d'avance en faveur de M. 1'Abbé du Rocher , comment allez-vous traiter Camerarius, favant littérateur du i6e. fiécles, Dans fa préface de la traduction d'Hérodote , dont il étoit grand admirateur , il fait obferver qu'une des raifons qui doit nous dónner de eet hiftorien la plus haute idéé, c eft qu'il n'eflpoint d'Auteur qui parle.... dans des termes ft approchans, quelquefois LES MÊMES , QUE CEUX DE l'ÉcRITURE , (1) On pourroit encore citer fur cette matiere un Auteur bien plus ancien , & d'une plus grande autorité que tous ceux que nous venons de nommer. Eufebe dans fort bel ouvrage de la Préparatlon Evangélique , oü il combat 1'idolatrie , s'attache a montrer que les Grecs ©nt emprunté leurs fciences , &la plupart de leurs Dienx , des Egyptiens, DONT L'HISTOIRE DANS CE QU'ELLE A DE VRAI , S'AC"> CORDE AVEC CELLE DE MOYSE. ( V. la Notice de la vie , 8c des écrits d'Eufebe de Cefarée dans la Vie des Peres, & des Martyrs , ouvrage traduit de l'Anglois.)  lio Hérodote Hiftorien & que dans fon ouvrage on trouve cette fimplicité des premiers dges, cette maniere de vivre de plufteurs rois fans fafte & fans éclat qu'il nous dÉcrit , comme le fait l'histoire sainte , au point que le ftyle d'Hérodote dans une langue fi différente , 1MITE LA SIMPLICITE ET LA BRIEVETE DÉ L'HÉBREU , CE QUI LE DISTINCUE ENTRETOUSLES ÊCRIVAINS GRECS. En preuve de ce qu'il avance, Camerarius cite des manieres de parler d'Hérodote, qui ont beaucoup de rapport avec celles de nos Livres faints. Ce feroit une merveille afïurément bien inouie, qu'Hérodote ent employé des termes fortapprochans, quelque foisles mÊmes, que ceux de l'Écriture , que fon ftyle eüt la simplicite et la brievetÉ pE l'hÉbreu , enfin que les rois qu'il dépeint, euCfent eu les mceurs patriarchales qui font décrites dans VHiftoire fainte , fans que eet auteur eüt eu quelque connoifTance de nos Livres faints. Le merveilleux de ces rapports difparoit, d'après 1'ouvrage étonnant, qui par le parallele établi entre 1'hiftoire facrée & celle écrite par Hérodote , nous a appris que la feconde n'étoit qu'une copie altérée de la première. Ainfi Camerarius avoit prefque deviné le myftere de  du Peuple Hébreu, fans le favoir. r i r de 1'hiftoire Egyptienne , que deux fiecles après lui, M. 1'Abbé du Rocher a totaleraent dévoilée. Voiladonc encore un garant que nous pouvons invoquer en faveur de YHiftoire véritable. Cependant fi Camerarius , Rollin , Pluche & Dom Calmet , auxquels je pourrois ajouter Fourmont, ont préludé a la magnifique découverte du favant Abbé , ces cinq précurfeurs ne lui ont rien öté de fa gloire. Car ils n'ont fait que tatonner ; M. du Rocher au contraire avec fon génie vigoureux, a faifi fenfemble de tous les rapprochemens qui conftatoient la découverte. Si le foible germe de cette heureufe invention s'eft trouvé jetté par hafard fous la plume de tous ces perfonnages érudits qui 1'ont précédé , de Ia tête de M. 1'abbé du Rocher, comme de celle de Jupiter , cette favante Minerve eft fortie toute entiere, 6c ü bien armée de pieden cap , qu'il n'eft pas poffible de 1'attaquer avec fuccès. Avant que de terminer eet article , il me paroit eifentiel, Monfieur , de revenir fur une obfervation importante de Pluche, que j'ai mife plus haut fous vos yeux. Vous 1'avez entendu vous dire , qu'avec le temps , le fens des caracleres (ymboliques des Egyptiens sétant altérés & perdus d caufe de leur obfcuritê , leur hif~  112 Hérodote Hiftorien toire fe couvrit de ténebres , & fur-tout fut chargée de fables imaginées pour remplacer les histoires perdues. Cette réfle'xion cadre fi bien avec tout le plan de 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher , qu'on croiroit qu'elle eft tirée de fon livre. Je vous 1'ai dit : un des principes dont il s'appuie , eft que les Egyptiens ayant perdu leurs anciennes annales , crurent devoir s'en dédommager en fe fabriquant une hiftoire fur des mémoires de 1'écriture , & qu'ils n'ont extrait de nos Livres faints , que ce quipouvoit avoir quelque rapport avec 1'Egypte , au point que dans cette compilation, les traits qui n'ont rien de comraun avec leur pays , ont été omis par les rédacteurs , & forment des hiatus ou des intervalles vuides qu'ils ont remplis , en rapprochant les objets & les temps , par une coüture bien marquéedansHérodote. Tant qu'ils travaillerent fur la partie de 1'écriture qui concernoit le long féjour des Hébreux en Egypte , les compilateurs Egyptiens eurent beau jeu ; mais depuis 1'époque des Ifraélites dans le défert , 1'écriture ne parle plus de 1'Egypte qu'en pafTant; ce qui forme une efpace de plufieurs fiecles, après lefquelson trouve Salomon, dont 1'hiftoire préfente des traits plus relatifs a 1'Egypte. Aufii de Moyfe dont nous avons vil \  du Peuple Hébreu ,fans te favoir. t i \ vh qu'ils ont fatMycerinusixGnephaclhus errant dans le défert avec des hommes qui/è nourrifloient de cailles, les rédafteUrs egyptiens pafTent brufquement au regne de Sa* lomon. Rien de mieux dans leur fyftême : ce Monarque ne pouvoit leur être indifférent ; il étoit le geridre d'un roi d'Egypte; il avoit fait conftruire pour fon époufe tin fuperbe palais de cédres du Liban ; il eutdes rapports de commerce avec TÉgypte*, d'ou il tiroit les chevaux pour remonter fa cavalerie, & pour le fervice dé fe écuries. Mais comme fa fageffe & fa magniflcence en avoient fait Tabjet de Tadmiration de tout Tunivers , il étoit naturel que les Egyptiens , pour donner du reliëf a leur hiftoire , non feulement y iqtérefTaffent les rélations réelles de Salomon avec leur nation ; mais encore les faits qui avoient donné Téclat le plus brillant a ce regne mémorable. Pour en mettre le précis fous vos yeux , aux traits mentionnés plus haut* j'en vais joindre quelques autres. Salomon étoit roi de Jérufalem. — Son regne fut tranquille & paifible. — II fut lé fage par excellence. — II époufa lafille d'un roi d'Egypte. - II fit conftruire le fuperbé temple de Jérufalem, devant leqwel étoit ün portique magnifique. — II fut vifité par la reine de Saba, — II órdonna de grandstra* H  ii4 Hérodote Hiftorien vauxpourfortifiej & embellir plufieurs Villes de fese'tats, entr'autres, Palmire—II envoya des vaiffeaux a Ophir, pour lui en rapporter de 1'or. — Enfin il rendit ce célébre jugement entre deux femmes, qui fe difputoient a qui appartiendroit un enfant. Tels font les traits principaux du regne de Salomon. Voyons maintenant la maniere dont les Egyptiens les ont défigurés , & comment ïls'y font pris pour les tranfporter dans les annales de leur nation. Commeneons par obferver qu'ils ont fait de Salomon trois Rois, favoir Afychis , Anyfis & Sabacos. Hiftoire d'Egypte. Hiftoire Sainte. %. Hérodote parle i. Salomon veut d un roi Afychis. dire en hébreu pacifique. Dieu voulut qu'il fut appellé de ce nom, qui pronoftiquoit tm regne ami de la paix. Hêfychos en grec fignifie pacifique , paifible. UAfychis d'Hérodote eft donc vifible■ ment Ia traduétion [cYHêfychos, qui eft en  du Peuple Hebreu , fans lefavoir. \ i j ■■grec le même que Salomon. z. Le même Au- 2. Salomon étoit teurparledu roi Any- roi de Jérufalem. (Safis. Ce mot en grec lem en hébreu fignifignifie confomma- fie auffi confommation , perfeciion. Ce tion,perfcclion.(i\infl roi, ajoute Hérodote, Anyfis eft la traducétoit d'une ville du tion de la moitié du même nom (1). mot. Jérufalem. Salomon roi de Jérufalem , étoit de la même ville. 3. Sabacos , autre 3. Salomon étoit Ie roi d'Egypte , felon fage par excellence. le même hiftorien. (Selon Horas grammairien d^gypte^o fignifioit érudition. C'étoit ce que les * Egyptiens appelloient fageffe. Encore au- . , (1) Le célebre géographe M. d'Ar—ille , après s'être bien fatigué a trouver une ville d'Egypte appellée Anyfis , avotie qu'il n'en a pu découvrir aucune de ce nom. Rien eu -cela d'étonnant. La ville d'Anyfis étaut Jérufalem , on n'avoit garde de la trouver en Egypte. II eft cruel que eet Hérodote ait donné de la tablatnre h un homme tel que M. d'Anville. C'eft ce qui devroit corriger a jamais quelques favans, de leur rénèration pour tout ce qui émane indiftinftement de la plume des anciens. H 2  116 Hérodote Hiftorien jourd'hui chez les Coptes ou Egyptiens modernes, le mot Sabé veut dire un fage. Sabacos en vientévidemment. C'eft ainfi que de Salomon prince paci* fique, roi de Jérufalem , & le fage par excelience , les Egyptiens ont fait les trois prétendus rois .-Afychis , Anyfis 6c Sabacos. Voila les noms ; voyons maintenant les faits. 4- He'rodote ra-l 4. L'Ecriture , en conté quAfychis fit faifant la defcription 55 conftruire en 1'hon* du portique ou vefti» neurdu dieu Vul-bule que Salomon fit » cain , un porti- conftiuire devant le » que tourné vers temple , s'exprime => Voriënt, portique , ainfi. >» II y avoit un •>■> ajoute-t-il , trés- » portique devant le 33 vafte 6c très-beau, >j temple de vingt >■> oü il y a par-tout » coude'es de long , ■>■> des figures bien » autant que le tem»'» fculptées , & qui >j ple avoit de larjj tient a une infi- » geur , & il avoit » nite' d'autres édifi- » dix coude'es de lar'j ces. j> Afychis» ge devant la face e'tant Salomon , on » du temple. » devoit s'attendre a Immédiatement a- 35 55 53  du Peuple Hébreu j fans le favoir. 117 voir Hérodote par- prés avoir parlé de la Ier de portique, de eonftruction du temtemple 6c d'édifices ple 6c de fon portifuperbes, Voilkle^or-que , 1'Ecriture dit tique ; nous verrons que Salomon fit baIe temple plus bas. tir fon palais , & la maifon debois du Liban , appellé ainfi a caufe des cédres du mont Liban dont elle étoit confiruite. Ce prince fit un portique ou une galerie de colomnes, qui avoit cinquante coudées de long & trente cöudées de large ; & encore une autre portique, ou un autre galerie vis-a-vis de la plus grande. Salomon , dit 1'Ecriture 1» fit auffi le poru tique ou la galerie »» du tróne oü. étoit 11 le tribunal , & il n la lambriffa debois 11 de cédre depuis le » plancher jufqu'en \ » haut. II batit éga- H l  n8 Hérodote Hiftorien » lement pourla fille » de Pharaon , qu'il " avoit e'poufe'e , un » palais dans le mê" me go ut que ce u portique. » D'après cette mention fre'quente deportiques fous le regne de ce monarque , eftil e'tonnant que les Egyptiens aient tant van te' le portique du roi Afychis } Quant a ladireftion vers Vorient que lui donne Hérodote , il faut favoir qu'en hé"breujorienteftkcötéantérieur, celui vers lequelonavoit coutume de fe tourner, en faifant fes prieres-. Dans la tête des Egyptiens copiftes des mémoires de 1'Ecriture, 1'idée du portique s'étoit mêlée avec celle du temple, dont il fera bien-töt queftion.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 119 II en eft de même des figures fculptées du portique & du grand nombred 'édifices dont parle Hérodote. Ces détails conviennent au temple même de Salomon. ♦ On fait qu'il étoit e_- vironné de pluiieurs grandsMtimens.» Ce „ Prince orna , dit „ 1'écriture, lesmurs „ du temple tout k „ 1'entour de moulu„ res &c de fculptures. „ II y fit faire des „ chérubins & des „ palmes en bas-re„ liefs, 6c diverfes ;, peintures qui fem„ bloient fe détacher „ & fortir de la mu|„ raille. ( 3. Reg. v vi. 29.) 5. Hérodote dit 5. » L'argent, dit que du temps d'Afy- „ 1'écriture , étoit chis, Von trouvoit très-\» compté pour rien, difficilement de Var-,, & il n'en paroijfoit gent 1„ pas du temps de H4  12® Hérodote Hiftorien „ Salomon ; c'étoit rélativement a l'or,devenu extrêmement commun , que 1'argent étoit tombé dans ie plus grand difcrédit. C'eft. ainfi que 1'éloge des righefles . ' immenfes de Solo- mon, fous le regne duquel Vor eirculoit abondamment dans le commerce, a produit la méprife fur 1'extréme rareté de Vargent du temps d? Afychis. D'après toutes ces reflemblances , faut\\ s'étonner que Perqonius , favant Hollandois de ce fiécle , óc profefleur d'hiftoire a Leyde , en parlant de eet Afychis, fe foit exprimé ainfi : Asycuis iste ah Herodoto in tale tempus confertur, quod in Salomonis regnum pofftt congruere. ( Periz. ^Egypti orig. p. 224. ) Sans doute ce 7oi d'Egypte & Salomon étoient très-fort contemporains ; car Afychis étoit Salomon lui-même. Vous n'en pouvez plus raifonnablement douter , Monfieur. Vous en ferez encore plus cgpvaincu par le dévoi-  du Peuple Hébreu, fans le favoir. x z * lement d'Anysis dépofledé par Sabacos , deux perfonnages formés pareillement de quelques autres traits de ce Prince, lefage par excellence. Hiftoire d'Egypte. Hiftoire Sainte. x. Après Afychis , r. La reine de S&Hérodote fait regner ba vint vifiter SaloAnyiis. Durant ce'mon pour efTayer fa regne , Sabacos roi fagefTe.Plufieurscomd'Ethiopie , e/zv_Az'r,mentateurs de 1'EcriVEgypte d la tête ture difent que cette d'une nombreufe ar- princefle étoit: reine mée d'Ethiopiens, d'Ethiopie : 1'hiftorien Jofephe (i) la fait en même temps reine d'Egypte & d'E-* thiopie. L'Ecrituredit auffi , que la reine de Saba, fuivant le texte hébreu , vint & Jérufalem avec une armee nombreufe, c'efta-dire , avec un cortége confidérable: & ingreffa eft Jérufalem exercitu gravi val- (i) Antiquit. Judaic. LXHi. c. II. n. 6. pag. i6g>  '122 Hérodote Hiftorien de. (Verfion de Sanctés-pagnin. ) Qu'on fe rappelle que Salomon avoit le titre de fage , en Egyptien , Sabé. Dès-lors le roi * Sabacos qui entre dans le royanme d'Anyfis 3 avec une armée , redevient fimplement la reine de Saba entrant a Jérufalem , c'eft-a-dire , dans les Etats de Salomon. Nous venons de voir un hiftorien Juif donner a cette Princeffe le titre de reine tVEgypte & cYEthiopie, tout comme dans Hérodote, Sabacos par fon invafion étoit Roi des deux pays. Le nom de Saba fe retrouve tout entier dans celui de Sabacos. 2. Le roi Sabacos z. La reine de Saprit le parti d'a- ba, après avoir vifité  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 123 bandonner 1'Egypte ;jSalomon , retourna d'autant plus qu'il yldans fon royaume. avoit regné tout \e\Quce reverfa eft , dit temps que Voracle lui 1'Ecriture , & abiit avoit prédit. in terram faam eum fervis fuis. ( 3. Reg. 10. 13.) Comme 1'Ecriture dit encore de cette PrincelTe, qu'elle vint pour propofer a Salomon des quejtions obfcures'ï rélbudre : venit tentare eum in aznigmatibus ; ces énigmes ou paraboles, ont bienl'air d'avoir e'te' métamorphofe'es parHérodote, dans Voracle dont il parle au fujet de Sabacos. Les oracles des anciens fe rendoient , comme on fait , dans des paroles équivoques, c'efta-dire , énigmatiques. 3. Hérodote ra- 3. Salomon fit auffi conté que , lorfqu'un fortifier tous les Egyptien avoit com- bourgs qui étoient è mis quelque crime ,Jui, & qui n'avoient  i 24 Hérodote Hiftorien „ Sabacos ne le pu-jpoint de murailles : „ nifibit poinc de & il fit conftruire en„ la peine de mort ;'tre autre Tadmor ou „ mais qu'ilcondam- Palmire. Immédiate„ noit chaque crimi-ment après, 1'écriture „ nel a faire dans la parle de la conftruc„ ville d'oü il étoit ,' tion de Mello, qui eft „ unemefuredelevée une grande vallée , „ proportionnée a la que Salomon fit com„ grandeur de fon bier prés de Jérufa„ crime ; ce qui fer- lem. Ainfi 1'entendent »> voit d exhaujfer les tous les commentais villes. »> teurs. On retrouve donc ici les terreins exhaujfés. Dans ce même chapitre il eft queftion d'Amorrhéens, de Jébuféenst &c d'autres Chananéens , qui avoient pas été exterminés ou mis d mort, & que .Salomon rendit tributairess c'eft-a-dire, chargea de corvées , pour en dilpenfer fes propres fujets , qu'il ne voulut pas faire efclaves , dit 1'Ecriture. Voil_ le proto-  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 12 5 type de 1'hiftoire de Sabacos, qui ne condamnoitpas lesmalfaiteurs d la mort , mais aux travaux publics. Denos jours; des philofophes ont confeillé d'imiter cette loi des Egyptiens , en profcrivant la peine de mort contre les grands criminels. Ces fages nous citoient avec emphafe les Egyptiens en matiere de légijlation , comme ils vantent les Chinois en aftronomïe , nous tranfportant toujours a trois mille lieues de notre pays , Sc a trois mille ans de notre fiécle , afin de ne pouvoir être contredits. D'après le dévoilement de Sabacos , légiflateur plein cVhumanité , que les philofophes ne viennent plus gravement nous pröner ces fages Egyptiens, qui,difoit-t-on, nous donnoient des lecons fur le Code Criminel. Nous allons voir maintenant le temple de Salomon. On n'a pas de peine a croire que les Egyptiens n'auront pas oublié ce magnifique monument , eux qui fe font' emparés de 1'hiftoire de Salomon toute entiere.  12 6 Hérodote Hijlorien 4. La plus exhauf-, 4. Nousavensprbufée des villes de Saba- vé que le titre de fage cos , dit Hérodote , a été traduit par Sa~ étoit celle de Bubafte, bacos. Le temple que ou étoit Ie temple de batit Salomon eft Ie Babaflis, le plus mé- plus célebre qu'il y morable, & dont il ait jamais eu. II étoit Fait la defcription. Cet tïh-exhauffê ; car il hiftorien , qui eft ici étoit placé fur Ia de bonne foi, fait en- montagne de Moria : tendre que les pré- entre elle & le mont tres d'Egypte lui de Sion , il y avoit avoient parlé de ce un précipice que ce temple , fans lui dire prince fit combler cependant qu'il étoit pour applanir 1'em- Bubafte. ( Cela fe placement du temple. concoit aifément ) Diodore parlant de On fait le zele de Sabacos, qu'ilnommejSalomon pour la Sabacon , dit pofiti-lpompe 6c la majefté vement qu'il fe diftin-\o\u culte religieux. guafingulierement en-l tre tous les rois fes prédéceffeurs, par fa piété ou fon zéle pour le culte divin. ^. L'étendue du 5. L'efplanade oü temple de Sabacos Salomon batit Ie temétoit, fuivant Héro- ple , avoit auffi un  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 127 dote, d'un ftade en Made de chaque cóté. tout fens. ( Ce fait eft confirmé par 1'hiftorien Jofephe , qui attefte que pour alféoir le temple, onforma une efplanade quarrée dont chaque face avoit un ftade de longueur (1). 6. Le temple de 6. Le templedeSaBubafte e'toit comme lomon étoit fitué fur une ifle , ne tenant une montagne ifolée. au reftedela ville que par fon entrée. ( Ne croiroit on pas qu'Hérodote a été faire un tour a Jérufalem ? ) Eufebe (2) cite des Auteurs payens tels qu'Hécatée & Eupolême, qui décrivent les ouvrages qu'entreprit Salomon pour la conftruöion du temple. Eft-ii donc fi étorinant,que les rédafteurs Egyptiens en aient eu également connoifïance , & que par 1'entremife de ceux-ci, Hérodote ait püle favoir ? (1) Jofeph antiq. 1. xv. (2) Eufeb. prép. Evang. L. lx. chap. ïv. & xxxiv. & fuiv.  11$ Hérodote Hiftorien Vous allez lire maintenant, Monfieur , une anecdote finguliere du roi Anyfis, racontée très-férieufement par Hérodote. 7. Anyfis fut dé- 7. Nouslifons dans polfédé par Sabacos 1'écriture , que Saloretiré dans des ma- mon fe retira d Afionrais, ou. il habita gaber,près dAïlath t une ifle qu'il fe fit fur le bord de la mer „ lui-méme de terre rouge. Tutte abiit SaJt & de cendre accu- lomon in Asiongai, mulées; car, ajou- ber , & in Ailath , „ te eet hiftorien , quee eft adoram maris „ comme les Egyp- rubri in terra hdom „ tiens venoient lui ( 2. paral. viiï. 17. ) apporter du bied , Dans le nom hébreu „ fans que 1'Ethio- cYAfiongaber altéré * „ pien en füt rien , il fe trouve le mot boue. leur ordonnoit aufli Salomon ayant été de lui apporter de travefti par les Egyp„ la cendre pour pré- tiens en Anyfis, fa „ fent. Perfonne n'a retraite a Afiongaber „ pu retrouver cettejeft devenue celle du „ ifle , continue Hé-jroi Anyfis dans des rodote.... Eile fe marais. Ce même „ nomme Helbo. ulprince, dit 1'Ecritu( Que dites-vous , re,envoyoit des vaifMonfieur, de ce con- feaux dans' le pays te baroque ? On n'en d'Ophir , lefquels lui invente pas exprès de en rapportoient beaucoup  du Peuple.Hébreu , fans le favoir. 129 pareils ; il ne faut que coup d'or. Veut-on du bon fens pour voir,favoir comment eet que c'eft évidemment or a été changé en une hiftoire totale- cendre?Qu'onprenne ment défigurée. ) a la fin d'une Bible . ordinaire YIndex des noms hébreux interprétés ; on verra qw'Ophir fignifie cendre. Voilk le fondement de ïifle de cendre ; &. comme les flottes pour Ophir partoient cYAfwngaber dans la compofition du quel entre le mot boue , Hérodote place Yifle de cendre précifément dans,-un . marais. L'Ecriture nousapprend encore que' Salomon donnoit une grande quantité de bied chaque année a ïiiram roi de Tyr, pour prix des matelots . phéniciens qu'il foudoyoit; c'eft pour cela qu'il eft queftion  11<9 Hérodote Hiftorien de bied apporté paf les Egyptiens a Anyfis dans fon ifle. Salomon cédaaufli zHiram des villes ou des bourgs en échange de ce qu'il en avoit re9U pour la conftruction du temple. Le roi de Tyr les nomma terre de Chbul, en hébreu Chabul. Ce nom eft devenu fous Ia plume d'Hérodote celui cYHelbo (afpiré) dont il appelle Yifle de cendre. Reprenons tous ces rapprochemens, pour les rendre plus fenfibles. i°. Le nom de Salomon ou le titre de roi de Jérufalem traduiten grec, eft devenu le roi Anyfis. i°. La reine de Saba vient le vifiter avec une fuite très-confidérable , qu'on prend pour une armée ; & voitè Anyfis dépofledé par Sabacos, nom qui lui-même eft celui de fage , donné a Salomon. j°. II fe retire _ Afiongaber • & c'eft Sabacos qui fe retire dans un marais. 4°.0phir oü Salomon envoioit des vaiffeaux , fignifie en hébreu  da Peuple Hébreu ,fans le favoir. 131 Cendre ; on a fait d'Ophir, une ifle de een» dre. 50 Salomon fourniffoit du bied è Hiram ; les Egyptiens font arriver ce bied dans 1'ifle d'Anyfis. 6°. Salomon dtfnne k Hiram une contrée que celui-ci appelle Chbul; He'rodote gratifie dc ce nom 1'ifle de cendre, qu'il prétend être 1'ifle cVHelba, , M. d'Anville a pris encore bien de la peine pour la trouver ; on s'attend bien qu'il n'y a pas re'uffi. On voit par la grande carte d'Egypte du célébre pere Sicard, qu'il a été lui-mêmela dupe du hableurHérodote, en croyant bonnement voir dans une ifle dulacSirbonide, celle d'Elbo. Voill cependant comme la vênérable antiquité payenne fe joue de nos plus favans hommes. D'après cela , Monfieur, continuerez-vous toujours d'étre le défenfeur des hiftoriens d'Egypte ? Pour achever de vous convaincre fuf les plagiats d'Hérodote , je vais vous rapporter un conté très-intéreffant qu'on lit dans eet hiftorien , & qui vous apprendra jufqu'è quel point les Egyptiens vos favoris, ont travefti nos livres faints. Telle eft 1'hiftoire qu'il raconte au fujet des préten,. tions qu'avoient les Egyptiens fur leur antériorité aux autres peuples. La queftion étoit de favoir par unefTai, quelle avoit été la première langue du monde. Ainfi, le I 2  i 3 i Hérodote Hiftorien peuple qni fe trouveroit avoir les élémens de cette langue , feroit proclamé le plus ancien. En conféquence Pjammitique roi d'Egypte, fit 1'épreuve fuivante, ace que dit Hérodote : >? il prit deux enfans qu'il fit „ élever al'écart dans une maifon folitaire .„ par un berger , d'autres racontent que „ ce fut par deux femmes , ( car Héro„ dote avoue qu'il y avoit d'autres verfions différentes de la fienne ; ) le prince leur défendit exprefiement de proférer „ devant les deux enfans aucune parole.»» Son but étoit de favoir quel feroit le premier mot qu'ils prononceroient naturellement, fans qu'aucune voix humaine frapp&t leurs oreilles & donnat 1'impulfion a leur organe. » Le prince, pour s'affurer davantage des deux femmes , leur fit couper la langue : lorfque les enfans furent en age de pailer , un jour le mot „ beccos leur e'chappa. Ce mot, dit Héro„ dote, fignifie pain en phrygien. Par-lèl ,, Pfammitique acquit la preuve que les „ Phrygiens étoient le peuple le plus an„ cien de 1'univers. » L'atention d'Hérodote l. tout rapprocher de fa patrie ou des pays voifins , fuffiroit feule pour faire fufpedler ce qu'il vient de nous débiter. Mais nos foupcons vont fe changer ea preuves.  tfu Peuple Hébreu, fans le favoir. 13 3 M. 1'Abbé du Rocher dénonce encore ce conté d'Hérodote , comme un plagiat d'un morceau de TEcriture fainte. 11 montre que ce prétendu eifai de Pfammitique fur les deux enfans , n'eft que le trarefbffement da jugement de Salomon, au fujet de deux enfans dont les meres fe difputoient celui qui étoit refté en vie. Avant d'en venir au dévoilement, rappellons ce beau trait du regne de Salomon. Deux femmes proftituées vinrent trou„ ver le roi, öc comparurent en jugement » devant lui. Ecoutez-moi , feigneur , dit „ 1'une des deux. Cette femme que vous „ voyez & moi, nous demeurions enfem» ble , & feules dans une même maifon ; » je mis au monde un enfant chez elle & » dans fa chambre. Trois jours après mes „ couches , elle donna le jour également „ a un enfant. Nous étions enfemble, &c „ dans la maifon il n'y avoit perfonne que » nous deux. L'enfanc de cette femme eft » mort la nuk. En dormant elle 1'a étouffé. Ü Elle s'eft'devée a petit bruit,au milieu „ de la nuit ; elle a enlevé d'auoiès de » moimon enfant vivant , pendant que je » dormois , & 1'a placé fur fon fein , & » elle a fubftitué au mien fon fils qui étoit » mort. M'étant levée le matin pour allai» ter mon enfant , je le uouvai mort. Eu  134 Hérodote Hiftorien »» le regardantattentivement augrand jour, » je tiouvai que ce n'étoit pas celui dont » j'e'tojs mere. L'autre femme prenant la » parole, répondit: ce que vous dites eft u faux ; Venfant mort eft votre fils , & » celui qui vit, eft le mien. Vous mente%, » lui répliqua la première ; mon fils eft » vivant , & c'eft le vótre qui eft mort. »> C'etoit de cette maniere qu'elles plai»» doient leur caufe en préfence du roi , » qui alors paria ainfi. Venfant qui m'ap» partient, eft vivant , a dit celle-ci , & j» votre fils eft celui qui eft mort. Non, j> a répondu l'autre , votre enfant eft le » mort, & le mien & celui qui vit. Qu'on »» m'apporte une épée , dit le roi; & lorf» qu'on la lui eut apportée , qu'on par» tage en deux , ajouta-t-il, l'enfant qui » eft en vie. Quon en donne la moitié d u Vune de ces femmes , & d la feconde » l'autre moitié. Cet ordre fit frémit les » entrailles maternelles de celle a qui Ten» fant vivant appartenoit. Ah ! feigneur, » s'e'cria-t-elle, arrête^, je vous en conjure. 3j Ne tttef pas ce pauvre enfant , donne\33 le plutót tout vivant d cette femme. Je ï3 n'en veux pas , difoit celle-ci : qu'il ne »» foit ni d moi ni d vous ; mais plutót qu'on » le partage, Quon ne tue pas l'en" faat, re'pondit le roi ! quon le donne  du Peuple Hebreu , fans le favoir. i 3 $ „ d la première; ear elle eft vraiment fa » mere (1). . . ■ . En effet, le cri qu'elle avoit jette étoit le cride la nature, qui décéloit la véritable mere , & trahiflbit le monftre qui en ufurpoit le titre. Cet arrêt , monument immortel de la fagefle furnaturelle de Salomon , fut admirédetout Ifraël, & Tunivers y applaudit encore aujourd'hui. Vous ne fauriezpas imaginé, Monfieur, que 1'altération de cette hiftoire eüt donné? 1'idée du conté des deux enfans , rapporté par Hérodote ; rien cependant de plus vrai. Vous allez en juger parle parallele des traits refpectifs. Hiftoire cPEgypte. , Hiftoire Sainte. 1. Suivant cet hif-i 1. Deux femmes torien, deux enfans difent & Salomon, furent élevés dans qu'elles ont mis au une maifon folitaire. monde chacune un enfant, dans une maifon oü il n'y avoit perfonne qu'elles feules. 2. Les deux enfans 2. La querelleeft furent allaités par entre deux femmes. (ij ui. Reg. ui. I 4  J?(j Hérodote Hiftorien deux femmes , felon ?LW dit qu'elle fe% une des verfions que soit levée de grand cite Hérodote, matin,pour donner du. lalt d fon enfant. 3. Leroifitcouper 3. Salomon donna ïa langue aux deux ordre de couper en femrnes, deux ( en hébreu Ixnim ) Tenfant vivant. Or Ixnim fignifie auffi langues; c'eft ce qui a fait imaginer la langue coupêe aux deux femmes. 4- Le premier mot, 4. Dans ce que didit Hérodote , que Tent ces femmes dans ces enfans prononcé-((leur conteftation fur rent, fut le mot Bek l'enfant vivant , les 1 ou Behhos. mots hébreux Bei- chi, Beiche , Bnch, qui fignifient dans mon sein , dans votre sein , votre : 1 rtt 1 sein , votre fils » mon fils, font répétés très-fouvent. lei la tracé du Behhos eft bien fenfible. 5. Cet eu^ fur les 5, L'écriture dit deux enfans eutpour que par ce jugement objet . cte connottre on reconnut que la  du Peuple Héb reu, fans le favoir. 137 quelle étoit la pre- fageffe pour juger, miere langue du mem- étoit dans le coeur de, c'eft-a-dire , 1'an- de Salomon , en hétériorité de la langue. breu Bqrbn mxpbt. Dans ces mots on peut trouver, primigenius fermo, la première langue, 1'antériorité de la langue. 6. Hérodote attri- 6. Salomon feignit bue a un roi appellé d'ordonner qu'onparPfammuthis ou Pfam- tagedt l'enfant vivant mitique,cette épreuve entre les deux meres. fake fur les deux en- Son jugement fut - fans , pour connoitre donc le partage , la la langue la plus an- divifion des meres , cienne. en hébreu ps amuth: ces mots ont engendré le roi Pfammuthis ou Pfammitique, auquel Hérodote a eu foin de donner une t terminaifon grecque. Pour faifir encore mieux 1'origine de ce Pfammitique, rappellez-vous , Monfieur, la propofition générale de M. 1'Abbé du Rocher , qui eft que les Egyptiens ont extrait toute leur hiftoire de 1'Ecriture. Or vous le favez , 1'heureux Salomon celTa de  i ?S Hérodote Hiftorien. 1'étre, quand il eut abandonné fon Dien. Avec fes vertus s'e'clipferent fon bonheur & fa grandeur. Pour fe venger de fes égaremens , Dieu le punit dans la perfonne de fon rils & de fon fucceffeur. II lui enleva plus de la moitié de fon royaume. Après Salomon, arriva donc le fehifme des tribus fous Roboam. Les Egyptiens , comme vous le voyez , on fait main balTe fur 1'hiftoire de Salomon ; ainfi, après en avoir fait 1'extrait, ils ont du. copier de fuite la divifion des tribus , qui eut lieu fous le regne de fon fucceffeur. C'eft a quoi n'ont pas manqué les réda&eurs. Auffi après Anyfis &. Sabacos , on trouve Pfammuthis , ou Pfammitique. Ici on a la preuve oculaire du traveftiffement du fchifme ou de la divifion des tribus , en effet le Pfammuthis d'Hérodote n'eft pas même une traduttion faite par les copiftes ; c'eft le mot hébreu dans fa fubftance. Ps pars defecïa , divifio, Amuth , tribuum. De ps rapprochez Amuth , & le Psammuthis, divifion, fchifmedestribus dont ils ont fabriqué le Pfammitique, quifuit Sabacos dans 1'hiftoire d'Egypte , vous paroitra un plagiat qui n'eft pas mafqué bien finement. C'eft ainfi que Pfammitique, qui ici a été fabriqué fur la divifion des tribus , a paru plus haut fous le même nom, comme ayant fait la divi-  du Peuple Hébreu, fans le favoir. i 3 9 fion ou le partage des meres ; paree qu'/4muth veut dire également tribus & meres. Je m'attends , Monfieur , que tout en admirant le me'morable jugement rendu entre ces femmes par le plus fage des monarques , vous ne reviendrez pas aifément de la furprife que doit vous caufer le parti qu'Hérodote a tiré de cette anecdote de la vie de Salomon , pour bêtir 1'hiftoire des deux enfans élevés en fecret, & qui commencant aparler, articulerent BECcospour premier mot. Je vous 1'avoue , Monfieur, je fus étrangerrient furpris de ce traveftiiTement fingulier, quand je lus pour la première fois 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher ; mais ce qui m'a plus étonné , c'eft que la philofophie du fiecle , comme leremarque 1'auteur de YHiftoire véritable , ait ofé renouveller 1'efïai dont nos fages avoient puifé 1'idée dans Hérodote , non plus pour connoitre la première langue que parle 1'homme inftruit a 1'école de la nature elle feule , mais pour éprouver fi la créature intelligente & raifonnable , ifblée de toute fociété humaine , auroit d'elleméme quelque notion d'un premier étre, de confeience , de loix gravées dans le cceur par la divinité, en un mot , la connoiffance d'un bien & d'un mal , du vice & de la vertu : épreuve philofophique  140 , Hérodote Hiftorien dont Ie but décéle évidemment 1'impie'té. De'ja nos philofophes , s'applaudiffant du réfultat de 1'expérience, dont ils regardoient le fuccès comme immanquable, s'apprêtoient a adminiftrer une preuve phylique en faveur de 1'athéifme, & a inviter le genre humain a reléguer la croyance d'un Dieu dans la claffe des préjugés, fruits de 1'enfance & de Féducation : mais ce même Dieu qui eft au ciel , fe rit de toutes les folies des mbrtels impies. Qui habitat in ccelis irridebit eos , & Dominus fubfannabit eos. ( Pfalm. 2. 4. ) La philofophie } pour anéantir la divinité , fondoit fon e'preuve , difoit-elle , fur 1'exemple de celle tentée autrefois en Egypte , patrie des fages ; on alloit même jufqu'a fixer la date de 1'effai. On le plafoit fous le regne de Pfammitique, dont les philofophes auroient attefté 1'exiftence fur leur tête ; le tout étoit très-certain, ajoutoientils , car il étoit rapporté par Hérodote le pere de VHiftoire \ 6c voila qu'a fon tour la divinité, qui refuie aux fages orgueilleux la connoiffance des vérités qui appartiennent a fa religion , & qui ne la confle qu'aux petits 6c qu'aux humbles (1) , voila, (i) DOMJNE CCELI ET TERR^E , ABSCONDIST1 HJEC A SAPIENTIBUS ET PRUDENTIBUS , ET REVELASTI EA PARVUUS. I LUC. X. 2J. )  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 141' dis-je , que la divinité , a 1'aide d'une découverte que fa providence fuggére \ un de fes miniftres, qui a une vafte érudition joint 1'humilité & la fimplicité de la foi, anéantit d'un feul coup & 1'exiftence du prétendu roi Pfammitique, & fo„n effai fur les 'deux enfans, & toute VHiftoire de la fage Egypte , & le témoignage cYHérodote. Elle s'eft donc accomplie a la lettre cette menace que Dieu avoit faite aux philofophes de tous les fiecles & de toutes les nations, & que nous lifons dans cet oracle tranfmis par 1'apötre S. Paul: Je perdrai la fageffe des fages, & je les prendrai dans les propres filets de leurs fubtils fyftêmes. Perdam fapientiam fapientium ( u Cor. 19.) & comprehendam fapientes in aftutid eorum. * ( ibid. in. 19. ) Ces traits principaux du regne brillant de Salomon copiés par les Egyptiens de la maniere la plus bifarre , fuffifent-ils, Monfieur , pour juftifier la penfée de Pluche , qui, avant 1'auteur de VHiftoire véritable , nous avoit dit , que les Egyptiens ont eu recours aux hiftoires étrangeres pour fe dédommager de la pene desjeurs ? Ce * Ces paroles pourroient fervir d'épigraphe a 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher , mais dans un fens fubordonné aux myfieres de la foi auxquels le texté facré a rapport.  1-4* > Hérodote Hiftorien fait bien établi , ne conduit-il pas directe-* ment a la découverte de M. 1'Abbé du Rocher / QUINZIEME OBJECTION. 15. Si les Egyptiens pour fe donner une hiftoire , euffent extrait de 1'Ecriture les faits oü il eft queftion de 1'Egypte, & s'ilsn'eujfent recueilli, comme dit votre favant , que ce qui les regardoit, ils auroientdü d plus forte raifon, copier les traits concernant les Pharaons, vrais rois d'Egypte , felon VEcriture , & les feuls vrais , felon M. VAbbé du Rocher. Or , dans Vhiftoire d'Hérodote expliquéepar votre auteun, il nefe trouve aucun trait qui indique celui du Pharaon qui prit la ville de Ga^er , & la donna en dot d fa fille , lorfqu'elle époufa Salomon (1). Affurément ce fait étoit bien de Veffence de Vhiftoire, d'Egypte , & appartenoit d un de leurs rois véritables , puifqne VEcriture attefte fon exiftence. Eft-il vrai/emblable que fi les Egyptiens (1) Pharao rex Egypti afcendh & ceepit Ga{er , fuecenditque eam igni , 6" Chananaeum qui habitabat in civitate internen , ii dedit eam in dotem filia fua uxori Salomonis. ( xxiii. Reg. ix. 16.)  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 14^ eufjtnt emprunté des Livres faints les matériaux de leur hiftoire , ils euffent omis un événement auffi folemnel que celui du mariage & de la dot de la fille de leur Souverain avec un auffi grand roi que Salomon ? Ainfi, ou ce n'eft pas fur des extraits de VEcriture, mais fur d'autres ,fion le veut abfolument, que Vhiftoire d'Egypte a été compofée, ou bien M. VAbb&du Rocher fait illufion d lui & d fes lecteurs , quand il avance que les Egyptiens ont copié toute leur hiftoire de VEcriture, & fi fcrupuleufement qu'ils ont mis de cóté tous les faits étrangers d leur nation. Quelque fpe'cieufe que femble cette obje&ion, elle eft facile a rëToudre : & quelle marqué moihs équivoque puis-jevous donner que votre difficulté ne m'effraie pas , que de la renforcer moi-même , avant de la réfoudre ? En effet, è la citation que vous faites du trait de la dot ftipulée par Pharaon a fa fille, e'poufe de Salomon , & qui a été omis dans la compilation Egyptienne , vous auriez pü. ajouter celui de Sefac, vrai roi d'Egypte , qui pilla le temple de Jérufalem fous Roboam ; événement oü les rédafteurs n'ont pas reconnu également un de leurs fouverains , & un  '144 Hérodote Hiftorien trait de leur véritable hiftoire. C'eft une ignorance qui équivaut a une omiflion volontaire ; puifque Roboam & Jeroboam dont ils font un feul perfonnage è raifon de la reflemblance de nom , ent été transformés par les Egyptiens, en Pfammitique , fous le regne duquel les Scythes, appellés autrement les Saques , viennent piller un temple de la Paleftine. Sans être enthoufiafte de la découverte de M. 1'Abbé du Rocher , on peut , je crois, dans ce$ Saques reconnoitre hardiment Sefac , qui pilla le temple de Jérufalem fous Ko■boam. Vous auriez donc été.autorifé , Monsieur , è m'obje&er encore ce vrai roi d'Egypte qu'a fon nom & ï fa qualité de Pharaon , fes propres fujets les compilateurs n'auroient pas du. méconnottre; puifqu'ainfl que je vous 1'ai déja dit, Partiele Se eft un mot Egyptien qui fe retrouve dans le nom de Sesac , de même que dans Se/os , & que celui de Pharaon eft également Egyptien , puifqu'il étoit générique pour les fouverains de cette nation , comme le titre de Sultan 1'eft parmi les Turcs , & celui de Czar parmi les RufTes. Cependant cette difficulté que je vous fuggere , va devenir le germe même de la réponfe que j'ai prqrmV de donner votre objection  du Peuple Hébreu ,'fans te favoir. i obje&iori tirée du fait de la dot & du marüge de la princelfe d'Egypte , époufe de Salomon. ' - Je /vous avoue donc avec franchife, qu'il eft afréz e'connant que les rédacteurs aient négligé de recuei'llir ce trait intére'illn'r \ mais de ce qu'il n'a pas .été infiré 'da.ns 1'hiftoiré d'Egypte, qu'on Copelute ? Rien autre chofe que'Ce qui f'éiulte du trait de Sefac, dans la même hiftoire écrite par Hérodote. $ajr vous ignorez fans doute, Monfi&ur, 'qtre ce n'eft point dans VhiCtoire des' 'rois d'Egypte Jmais dans celle des Medes , q'de cet écrivaln - parle d'uriè incurfion de Saques ou de Scythes en Pdleftine , & du pillage du temple. II eft dönè poflible que le trait du mariage de la fille de Pharaon q;fe vous. m'oppófez , foitégalemest enveloppé Ibiis Pécorce. de qiielqn'autre ntoffJea'u .des Inltolrés d'Héro'dote, celle des Medesou celle des Perfes , dont le dévoilement n'a pas encore- été donné. M. 1'Abbé, du Rocher a pris 1'engagerfieiVt de lesrde>oi!er toutes luccefTivement, daignez donc prendre un'peu de patience , & il fitisfera certareement.i Votre difficulté , d'une maniere qui tfê vous laifTera plu's rien a défirer. On peut être fans drainte le garant d'une érudit de fa trempe. Mais d'ici lsi, permettez que , puifqtie K .  146 Hérodote Hiftorien vous m'avez conduit infenfiblement a vous parïer de 1'hiftoire de Sefac , je vous préfente encore un rapprochement, qui vous convaincra que ce perfonnage eftl'original fur lequel ont étéformés les Saques dont je viens de vous entretenir. Hiftoire d'Hérodote. Hiftoire Sainte. „ 1. Les Scythes 1. L'écriture ra5) s'étant emparés de conté que fous le reis toute 1'Afie , alle- gne de Roboam , Seis rent droit vers 1'E- fac roi d'Egypte s'a„ gypte. Lorfqu'ils vanc.a vers Jérufas» étoient déja dans lem, & que Dieus'éis la Syrië Paleftine , tant laiifé toucher i» Pfammitique roi par les prieres 6c les « d'Egypte venant è humiliations de Rois leur rencontre, ob-boam , & par celles ss tint d'eux a force de fon peuple , Sefac » de prieres 6c de fe retira après avoir 11 préfens,qu'ils n'al- enlevé les tréfors du >» lalTent pas plus temple 6c du palais si loin. >s ldu roi. Nous avons montré comment du mot hébreu ps Amuth , divifion des tribus , s'étoit formé le nom de Pfammitique. Or ce fut fous Roboam 6c par Jéroboam, confondus 1'un avec l'autre par les Egyptiens, qu? s'opéra le fchifme des tribus. Voitè  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 147 Comme le fait qui appartient au regne de Roboam , a été attribué a Pfammitique. II faut encore obferver que , fuivant les auteurs anciens, & Hérodote lui-même(i), les Perfes donnoient & tous les Scythes en général le nom de Saques. Or, c'eft du temps de la domination des Perfes , dit M. 1'Abbé du Rocher, que les Egyptiens ont copiéles Livres faints. Cette circonftance fait concevoir comment fur la reffemblance du nom , cette nation qui avoit perdu de vue fon hiftoire , a métamorphofé en Scythes ou Saques leur'ancien roi Sefac , qui alors étoit a-peu-près pour eux, ce que font pour nous nos vieux rois des commencemens de la première race , Pharamond , Clodion , ou Mêrovée. Enfin , remarquez que Jérufalem eft fans contredit dans la Paleftine , dont elle eft la capitale. Vous avez vft d'ailleurs les prieres qui furent adreffées par Roboam au Seigneur, , & les prêfens , quoique forcés , que Sefac emporta de Jérufalem ; dès-lors tous les traits des Saques qui entrent dans la Paleftine , & dont Pfammitique obtint la retraite a force de prieres & de préfens, conviennent parfaitement a 1'hiftoire de (O Herod. vn. 64.  148 Hérodote Hiftorien Roboam attaqué par Sefac. Paffons aux autres traits. 2. Hérodoteajoute 2. Le]!farneux temque quelques-uns des ple de Jérufalem ( en Scythes ( ou Saques) Paleftine ) fut pilléen fe retirant , pille- par Sefac. rent un fameux temple de Paleftine. 3. Suivant cethif- 3. L'invafion de torien,le temple pillé Sefac fous Robo'am , par les Scythes, étoit fut la punition des le temple de Vénus , péchés qui fe cornet les ravifTeurs fu- mettoient dans le rorent punis par la ma- yaume de Juda , oü ladie des femmes il y avoit , ditl'Ecridont furent atteints ture , jufquxa des les Scythes. efféminés 3 & oü fe faifoient des aciions abominables (1). Plaignons 1'avenglement du paganifme , qui enivré des dieux de fa mythologie , a changé le temple du faint des faints en celui de la divinité qui préfidoit aux yices les plus infames. BénifTons la Religion 'qui a appris a Thomme que, quand par 'des aciions exécrables il dégrade la nature (1) ui. Reg. xiv. 24.  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 149 & la raifon, ,il outrage en même temps le Dieu qui eft 1'auteur de Fune & de l'autre , & qui a promis d'en être le vengeur. SEIZIEME OBJECTION. 16. Que les Egyptiens aient perdu leur hiftoire , quand leur pays fut envahi par Cambyfe qui enleva leurs archives , le fait ne peut être raifonnablement contefté , puifqu'il eft rapporte par des Auteurs graves. Ainfi fur cet article , je conviens que VAuteur de V Hiftoire véritable eft fondé en preuves. Mais que les Egyptiens ,pour fuppléer d la perte de leurs annales ,. fe foient compofê des mémoires rédigés conftamment fur les Livres faints , y a-t-il un fqd écrivain ancien ou moderne qui dépofe clairement & formellement fur un fait de cette nature ? Cependant comme il eft une des bafes du fyftême de M. VAbbê du Rocher , il convenoit qu'il citdt les hiftoriens qui parient de ces extraits de VEcriture , comme ils le font des mèmoi- , res enlevés par les Perfes. Néanmoins VAuteur de VHiftoire véritable fe contente de conjeclurer ces extraits. II part de cette préfomption pour nous montrer a chaque paragraphe de fon Livre , les K3  jeo Hérodote Hiftorien. Egyptiens toujours copiant VEcriture , & toujours Valtérant. Une découverte, telle que celle de M. VAbbê du Rocher, dont les fuites feroient de la plus grande importance pour Vhiftoire, ne doit pas avoir dans la charpente fur laquelle porte tout Vouvrage , une feule piece qui ne foit très-folide. Un fait purementconjéciural peut être .attaqué par d'autres ptéfomptions. Ici , Monfieur, fauthenticitê du fait fe prouve par le fait lui-même. D'après les rapprochemens des deux hiftoires , il eft certain que les Egyptiens ont travefti 1'Ecriture fainte depuis Noë jufqu'a Nabuchodonojor , 6c qu'ils en ont fait le fond de leur hiftoire depuis Menès leur premier roi, jufqu'a Amafis le dernier de leurs fouverains. Donc les Egyptiens ont copié 1'Ecriture fainte. Or , comme ils ne fe font approprié que les traits qui regardoient leur nation , leur opération ne fut pas une tranllation toute entiere de nos Livres faints dans leur langue, comme il arriva chez ces mêmes Egyptiens longtems après , quand leur roi Ptolome'e , pour enrichir fa bibliotheque, fit traduire la Rible hébraïque par les feptante. Ainfi les anciens Egyptiens qui ne cherchoient  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 151 dans nos Livres faints, que les traits qui concernoient leur pays, n'ont pas traduit 1'Ecriture toute entiere ; ils n'ont donc rédigé que des extraits. Le témoignage qui les conftate, e'mane donc vifcéralement, comme vous voyez , du fait du traveftiffement ; car de celui-ci nait la preuve oculaire de la tradu&ion partielle de 1'Ecriture. Voila par confe'quent des mémoires, ou des extraits. Puis-je vous démontrer plus folidement qu'ils ont exifte' ? Mais vous voulez abfolument qu'on établiiTe la réalité de ces mémoires , par 1'autorité de quelques hiftoriens. Vous invitez M. 1'Abbé du Rocher a indiquer les fources oü il a puifé le fait qu'il avance ace fujet. Lifez,jevous prie , Monfieur, les obfervationspréliminaires de fon livre; vous y trouvercz les témoins que vous cherchez. 1. L'auteur a cité un témoignage moderne , celui de Vhiftoire univerfelle, compofée en anglais , ouvrage très-eftimé, & dont on vient de donner une nouvelle édition. Ces favans hiftoriens difent 1» qu'après 35 que Cambyfe eut enlevé leurs mémoi33 res , les prétres Egyptiens , fuivant 5» toutes les apparences, pour réparer leur 33 perte, 6c conferver leurs prétentions " d'antiquité,en compoferent denouveauxt K 4  112 Hérodote Hiftorien sj dans lefquels ils firent, non-feulemens ?j de toute néceflité, plufieurs fautes; mais ?j ajouterent auffi beaucoup de leur inp vent ion , principalement a legard des s? temps reculés (i). ».Cependant comme il n'eft la queftion que de me'moires en ge'ne'ral compofés par les Egyptiens, fans dire d'oü ils les ont recueillis, vous allez voir quelque chofe de plus pre'cis. Je vais a ce fujet vous produire un témoin grave, un Egyptien, prêtre lui-même &c fcribe des archives facrées. Manéthon dans un de fes fragmens confacrés par Jofephe, dit qu'il avoit tiré fon hiftoire d'Egypte des lettres sacrÉes (2). Dans un autre fragment que nous a confervé Geor~ ges le, Syncelle (3) , il nous apprend encore qu'il avoit tiré ce qu'il écrivoit, des colonnes sacrÉes qui étoient dans laterre Sériadique , fur lefquelles Thoth , lé premier henv.ès , avoit écrit en langue tx lettres sacrÉes. II ajoute que cette traduction avoit été fsite de la langue facréeen langue grecque , en caracleres hiérog-lyphiques & mifes..,.-. dans les archives dzs temples d'Egypte. M. 1'Abbé du Ro- .«— !—,—— , ; (1) Hifloire univerfclle , 'trad. tom. 1 , pag. 432.. i (2) JoL'ph , 1. 1. contra Appion. {}) Syncel. chronographie , pag. 40.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. i 5 3 cher prouve que le nom de Thoth ou Athoth, fi célebre chez les Egyptiens, eft le mot qui veut dire en hébreu fignes &c lettres, paree qu'en effet les lettres font les fignes des mots. Athiuth, qu'on prononce öthioth, & qui vient d'AthuthouOthoth fignes , eft le mot que toutes les grammaires hébraïques emploient pour fignifierles lettres. C'eft une indice très-forte que ce Thoth fi fameux qu'on fait auteur d'un grand nombre d'ouvrages chez les Egyptiens , ou 1'inventeur des fciences , autrement des lettres , n'eft dans le vrai que Moyfe auteur des Livres9 faints. (1 j Ce que vous . (1) M. Bailly ( dans fon hift. de L'aflron. anc. éclaircifjémens p. 31. ) 0ï1 il réfute Jablouski , qui penfe que le fameux Thoth n'étoit que les colonnes facrées mêmes des Egyptiens perfonnifiées , paree qu'elles s'appelloient Thoith dans leur langue , M. Bailly , d'is-je, prétend que la, ré-dité de Vexiflénce de Thaut efl atteftée par toutes les tradidons Egyptiennes & orientales , & qu indèpendemment des ouvra^es cue nous connoijfons fous fon nom , mais qui peuvent 'etre fuppofésfd y a en Afie des manufcrits. ... de Mercure trifmégifle , }.& c'eft une forte préfomption de cette exiftence. M. Bailly nous permettra de lui obferver, que toutcela convient a merveille a Moyfe. II a demeuré lon»-tems en Egypte, & a laiffé uu grand nom dans 1'Afie. Ainfi les fraditions Egyptiennes & Orientales ont dü conlacrer fon nom. Indèpendemment des ouvrages de Moyfe , que nous connoiffens fous le nom de Pentateuque , qui ont été non pas fuppofis , mais altérés par plufieurs écrivains grecs , qui en ont copié beaucoup de chofes , tels qu'Hérodote &Platon, les manufcrits de Moyfe ont du circulerj en Afie. C'eft une forte préfomption que Moyfe a été travefti fous le nom de  154 Hérodote Hiftorien avez déja via, Monfieur , de la de'couverte de M. 1'Abbé du Rocher , ne permet plus de douter que plufieurs inftitutions qui appartiennent aux Hébreux, n'aient été attribuées aux Egyptiens. v ' Le Thoth retrouvé dans Ia langue hébraïque nous infinue comment les Livres des Juifs , appellés facrés par excellence, ont pu devenir par une faufïe attribution , les lettres facrées des Egyptiens. Et en effet", n'avoit - on pas lieu de s'étonner que les Egyptiens fufïènt le feul peuple de 1'antiquité payenne , chez lequel on citoit des lettres qui portaflenr ce caractere de vénération, toutes les autres nations qui avoient également des prêtres , aiant pü, comme les Egyptiens , fe giorifier d'avoir des lettres facrées, fi par cette dénomination on eut voulu défigner feulement les livres réligieux ou myftérieux compofés par leurs prêtres ? Ce qui dénote encore que le peflbnnage Thauth ou Mercure trifmégifle. Nous avons fait voir aiüeurs comment Moyfe a été appellé Mercérès , d'oü vient le nom de Mercure. Remarquons d'ailleurs que la découverte de M. 1'Abbé du Rocher fur Thoth, cadre avec 1'explicationqqe donne Jablouski du nom de Thauth, qu'il faitvenirde Thokh égyptien. Celle-ci eft une acceffoire du dévoilement complet fait par 1'Auteur de YHifloire véritable.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 15 5 Egyptien,auteur des lettres facrées, efb réellement Moyfe, premier écrivain de nos Vu vtes faints , c'eft que ce Thoth eft encore appellé Hermès. Or, Hermès eft le même que Mercure chez les Payens. Je vous ai montré , Monfieur , que le nom de Mycerinus , Mercerès , d'oü vient évidemment celui de Mercure, eft un traveftiflement de Moyfe. Voila donc le Thoth , ou VHcrmès des Egyptiens, auteur des lettres facrées , bien démafque'. Pour prouver que les lettres facrées qu'on imputoit a ce Thoth , n'étoient réellement que les livres hébreux, 1'auteur de YHiftoire véritable cite des monumens de la langue facrée des Egyptiens , entr'autres, les mots Anubis , & Cneph, nom du Dieu eréateur chez eux. Ils repréfentoient le Cneph avec des ailes, pour montrer que c'étoit un efprit, comme nous peignonsles Anges. Or , en hébreu Chnph, qui eft exactement le même mot, veut dire aufli aile. Anubis chez les Eygptiens fignifioit aboyeur, moniteur j c'étoit le nom qu'ils donnoienta 1'étoiie caniculaire qui les avertilToit de la crue du Nil , événement fi eflentiel pour les peuple» de 1'Egypte. En hébreu Nbê , & dans la langue phénicienne qui n'eft qu'un dialedte de celui-ci, Enbê  iy6 Hérodote Hiftorien qu'il faut prononcer Hannobeach , fignifie pareillement latrator, aboyeur. Sur cette e'toile du chien ou la canicule, fi importante pour les habitans des bords du Nil, je puis encore vous faire remarquer avec Pluche (i), qu'en Egyptien & en hébreu, Sihor , en grec Seirios , enlatin Sirius , étoient le même nom. On trouve Sihor dans Jofué xm. ?. & dans Jérémie i. 18. 11 en eft de même de plufieurs autres mots que Pluche cite dans 1'examen qu'il fait des antiquités Egyptiennes. Comment concevoir que les Egyptiens ont appellé leur langue facrée , tous ces mots évidemment tirés de 1'hébreu, fi cette dénomination n'eut pas fignifié que cette langue facrée n'étoit que celle des livres hébreux , dontprécifément les hiftoires fe trouvent avoir été travefties par les mêmes Egyptiens ? Cette préfomption me paroit de Ia plus grande force. Mais que direz vous , Monfieur , fi M. lAbbé du Rocher vous montre que Manéthon lui-méme vous apprend , quoiqu'a mots couverts , que le pays d'ou étoient venues ces lettres-facrées, qui avoient fervi de matériaux a fon ouvrage, étoit hjudêe ? t1) Hifloire du Ciel, torn. i , pag. 43.  'du Peuple Hébreu , fans le favoir. 157 En.effet, rappellez-vous que cet auteur egyptien dit, que la contre'e oü les ouvrages de Thoth s'étoient conferve's, s'appelloit la terre Sériadique. Le favant Auteur de XHifloire véritable explique cemot Sériadique, de la maniere fuivante. La Jude'e après la captivité de Babylonefut comprife fous le nomde la Syrië, qui fe nommoit alors Xur. He'rodote bien ante'rieur a Manéthon , fe fert de la de'nomination de Syrië Palestine. Le célebre ge'ographe Ptolemêe , qui a la vérité eft venu longtemps après, dit exprefTément la SyriëJudée. Or, y a-t-il de 1'extravagance a penfer que de Xur-Ieujde , Syrie-Judee , apu venir par corruption ,1e nomde Sériadique ou Syriadique , car il y a des variantes ? Ajoütez que cette terre Sériadique n'a jamais pu être trouvée dans aucune a'ncienne géographie ; raifon majeure de fe perfuader quec'eft.un nom corrompu. Joignez encore a cela, que Manéthon n'a pas oublié de nous ;ire que les lettres facrées , d'oü il avoit tiré fon hiftoire d'Egypte , avoient été traduites. Qu'avoient beïbin les Egyptiens de.' traduire un ouvrage écrit en leur propre langue ? En admettant la réalité des extraits qu'ils firent des livres qu'ils n'entendoient pas , tels  158 Hérodote Hiftorien que ceux des Hébreux , on coneoit Ie motif de cette tradu&ion. Manéthon parle enfuite de Ja gradatiort de cette verlion , de la laftgue facrée en langue grecque, en ■caracleres hiéroglyphiques , c'eft-a-dire, en •egyptien , & enfin du dépot qui fut fait du tout dans les archives des temples. Cette derniere circonrtance ne nous explique-t•eile pas encore comment, avant Manéthon , Hérodote , qui dit avoir été inftruk par les Prêtres Egyptiens >dépofitaires de ces ahhivzs , & qui par conféquent ont dü lui communiquer ces livres facrés pour 'compofer fon hiftoire , ne nous a donné , comme Manéthon , qu'une fuite de faits & de noms de nos Livres faints altérés ? D'apiès cetenfemble de raifons, douterez■vous , Monfieur , maïgré le témoignage de Manéthon prêtre Egyptien , que 1'hiftoire d'Egypte, écrite par les anciens , ait été fabriquée fur des mémoires traveftis de 1'Ecriture fainte ? J'ai encore un autre témoin a vous produire , non plus égypt;en , mais phénicien. C'eft Sanchoniaton dont vous devez étre grand partifan ; car c'eft undes héros de Ia philofophie du jour. Vous favez , ou en tout, casjevous appiendrsi, que Sanchoniaton prétend auffi avoir copié ce que Taaut ou Thoth avoit écrit sur des pierres  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. i$f PAR RAPPORT AUX PREMIÈRES OK.IGINES. Ceci vous paroitta fingulier. Quoi! Manéthon a fait une hiftoire , & il nous a dit qu'il a copié Thoth : Sanchoniaton a compofé une hiftoire, & il annonce qu'il a également copié Thoth. Sice que Thoth a écrit en lettres facrées , étoit 1'hiftoire d'Egypte , commentSanchoniaton, pour faire celle des phéniciens, a-t-ilpu copier Thoth > Si au contraire ce dernier a été copié par Sanchoniaton , paree que celui-cj vouloit écrire les antiquités phéniciennéi", comment ontelles pu fervir a 1'hiftoire Egyptienne de Manéthon ? Les Phéniciens font-ilsdonc la même nation que les Egyptiens ? Mais non: Sanchoniaton vient de nous dire que Thoth a écrit fur les premières origines. Si d'après ce témoignage , vous m'oppcfiez, Monfieur , que ces deux Auteurs ont pu profiter indiftinftement de Thoth pour leur travail, je vous répondrois par cette queftion. L'hiftoire Egyptierme de Manéthon , & la Phéniciennede Sanchoniaton, ne contenoient-elles que les premiers origines ? Ainfi je vous preffe des deux cötés.Savezvous ce qui fait ,ici 1'embarras ? II nait précifément de 1'idée fauffe que les favans s'étoient faite de Thoth , comme égyptien. Qu'il redevienne ce qu'il eft , alors plus de difficalté. En effet convenez avec le dofte  ï<5b " Hérodote Hiftorien M. Huet, qui Se dit formellement, convenez que Thoth n'eft que Moyfe travefti paf lêj payens , & d'après ce dévoilement, touc Ie conciüera très-naturellement. . Si pour vous convaincre que' 1'ouvrage de Thoth , copié par Sanchoniaton , n'eft ■ t-éellement que celui de Moyfe, je vous 'annoncois qu'on a déterré un fragment de la Généfe qui porte en tête le nom de Sanchoniaton , croiriez-vous alors, Monfieur, que Moy fe eft ie précendu Thoth cöpié par ^adchoniatou , de fon piopre aveu '? Eh ! bien , .je puis volts exhi'ber ce'(hlonurnerir: V/cil M. i'Abbé du Rocher è qui vous devez. encore'" cette découverte; Prenez les premiers mots de la Bible. Au commencement, dit-élle , Dieucréa le ciel & la terre, en hébreu tel qu'on le prononce, Bereschith rara elohim. Vous allez voir comment Sanchoniaton a'traduit. IIy eut, 'cit-iï , un certau^ELiouN', & une femme ïiVrnmé Berutm qui eurent un fils nommé Ciel., & unefille^nomméc Terre (r). .11 eft clair que du mot Eloetk , qui en hébreu JrgtaifiV Ö^r/ySanchoniaton 'a fait ufl certain Elioun ■ 6c pour nöus faire mieux deviriè'r ce traveftiffement, Philon fon commèn- • '— : ;— (i) Euféb. prcep. I. i, c. 10. tateur  du Peuple Hebreu ,fans lê favoir. i6*t' ' tateur traduit ce nom par Ie mot grec Hypsistos , le très-haut, qui convient excellemment a Dieu. Vous voyez encore que Bereschith , qui , dans le texte hébreu , veut dire au commencement, a été transformé par 1'auteur phénicien en une femme appellée Beruth• dont Elioun étoit 1'époux. Dans le mot Bara qui a la plus grande analogie avec Bar qui veut ■ óke fils, Sanchoniaton a trouve lefilsd'È' lioun Sc de Beruth. On concoit ocmmenc 1'auteur phénicien lifant le: texte de laGénéfe qui parle de la produdlion dit Ciel & de la Terre , 6c étant affefté de fidée de filiation qu'il trouvoit dans le Bara interprété par Bar fils, le Ciel eft devenu ie fils , 6c la Terre la fille ó? Elioun Sc ' de Beruth. C'eft ainfi qu'ont été traveftis ' de la maniere la plus étrange ces mots du 'texte original de nos Livres faints , Beref'chith Bara 'Elohim , &c. Au commencement 'Dieu c'rédie 'Ciel & la Terre, C'eft arnïï que fa première phrafe de la prétendue Hiftoire-de-P'hénicie ,'èrrite par*San'cnö.n]& ton, fe trouve être le premier verfet deja Gënéfetofè\ement défiguré. Par conféquent Philon de Biblos , tradu&eur de Sanchoniaton ,. difoit bien plus vrai qu'il ne croyoic, iquand.il ècrivQ\t.s\ue Sanchoniaton , homme fort favant & de grande expérience i foiê~ L  i6ï Hérodote Hiftorien haitant extrêmement de connoitre les hiftoires de tous les peuples , avoit fait une perquifition exacte des écrits de Thauth ; que comme inventeur des lettres & de 1'écriture , Thauth étoit le premier des historiens (i) : Moyfe en effet eft le premier des hiftoriens. Le voila donc ce Sanchoniaton dont les philofophes, pour fe donner un air d'érudition antique , affectoient de prononcer avec emphafe le nom barbare, & qu'ils obftinoient £ nous oppofer comme un auteur antérieur a Moyfe (2) , pour enlevera 1'hiftorien de laGénéfe la gloire d'avoir e'té le premier e'crivain de 1'origine du monde ! Le voila ce Sanchoniaton tant vanté , & toujours cite' par nos fages , quoiqu'ils n'aient jamais lü de cet auteur que fon nom ; ce Sanchoniaton , qui, loin d'être plus ancien que Moyfe , loin d'être fon rival , fon imitateur , .ou fon tradu&eur , n'eft que le copifie ftupide , le barbouilleur abfurde de ce ve'nérable e'crivain, le premier , & leplus jrrand de nos hiftoriens facre's ! Les philo- (1) V. Eufeb. (2) Sanchoniaton en Eeryte de Phénicie ou de Tyr , «édia fon hiftoire a Abibal pere de Hirarn , roi de Tyr. II fxiftoit 1040 ans avant J. C. ainfi il eft bien poftérieur a tyloyfe.  du Peuple Hébreu , fans le favoir. \ 63 fbphes oferont-iis encore nous citer effrontément ce Sanchoniaton ? La fource de la foi-difante hiftoire de Phe'nicie bien reconnue , jevais, Monfieur, en tirer la preuve que je vous ménageois , pour vous convaincre qu'en rapprochant ce que Manéthon Sc Sanchoniaton rapportent de 1'auteur qu'ils ont copié pour com~ pofer leur ouvrage , il n'eft plus douteux que le paflage myftérieux du premier fur les lettres facrées, fignifie qu'il a écrit fur des mémoires extraits de 1'Ecriture fainte. En effet, Manéthon nous dit qu'il a tiré fon hifi. toire des lettres facrées dont Thoth étoit 1'auteur; Sanchoniaton de fon cöté nous apprend qu'il a aulTi emprunté fon Hiftoire de Thoth. Quel étoitce Thoth > C'eftceluf, •de 1'aveu de Sanchoniaton , qui a écrit fur les premières origines, L'auteur Phénicien: ne nous lailTe pas ignorer qu'il a copié 1'hiP torien qui traitoit de ces origines. On doic donc les retrouver dans 1'ouvrage Phénicien dont il ne nous refte plus que quelques fragrnens,qu'Eufebe nous aconfervés. Vous l'avez vü Monfieur : la première phrafe du Livre de Sanchoniaton eft exactement le premier verfet de la Généfe, .qui contient effedtivement les origines du monade. Tout fon ouvrage a du être pris £ la même Xource , e'eftna-dire, étre igalement .une L 2 ê  164 Hérodote Hiftoriens •copie de cette par.ie de la-Généfe. Voila donc le Thoth copié par 1'écrivain Phénteien, bien évidemment reconnu ; c'eft Moyfe. Or, le Thoth de Sanchoniaton eft ie •" • '' ~:r">' •j 17. Un des oh jets dè-COuvrngè dt M. 1'Abbé zr.ixiu:'Rocher., eftkie, reclifier-ou plutót de  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 165 détruire par la chronologie des Livres faints , . celle de Vancienne hiftoire d'Egypte , dont il préfente comme fabulciu fes toutes les dynafties , foit pdralleles , foit fuccejjïyes. Ce projet de votre Auteur ne peut cadrer avec Popinion du favant Freret, qui, pour fon érudition , ' valoit feul une académie. Car je fais d'un ' des amis de ce célébre cridque , quil regardoit la chronologie de la Bible , ' comme excellente , il eft vrai, depuis Abraham , mais peu au-deld. Le favant Freret penfoit que pour remonter d la vraie origine du monde oü finiffent les annales qui nous font reftées , il n'y a pas de meilleur guide que l'Hiftoire naturelle. Une longue fuite d'obfervations avoit encore convaincu cet homme eêlé- ■ bre , que les hiftoires anciennes font plus vraies que les demi-favans ne fe l'imaginent : que ce qui leur paroit invraifetnblable ou inconféquent , ne Veft plus , quand on fait ne faire dire d ces hiftoriens des premiers dges du monde , que ce qu'ils difent. Toutes ces affertions d'un homme du poids de Freret font de grands argumens contre le fyftême de M. 1'Abbé du Rocher. Sans contredit Freret étoit un homme Li  i66 Hérodote Hiftorien éV.udit; malt vous en cruirpz peut-étre au témoignage d'une fociété de philofophes auteurs du nouveau Diclionnaire hiftorique. Or , voici ce que penlent de Freret ces Meflïeurs que vous ne pouvez fufpedf er de partialité. // auroit été a fouhaiter 3 difentils , que Freret sut moins , mais qu'il sut miEÜx. Sa mémoire fif ton quelquefois afon jugement (i). Vous voyez que votre héros pêchoit quelquefois par le jugement. Cette qüaJité cependant eft eflentielle a un critique. Quelques favantes qu'aient été les diflertations du fameux Freret, elles ne doivent donc pas exciter 1'enthoufiafme de ceux qui favent apprécier les chofes par le rapport qu'elles ont avec le vrai. Sans doute il feroit injufte de ne pasrendre hommage aux vaftes connoiffances de cet écrivain; mais qui ne fait qu'on n'a tant próné fon érudition , que paree qu'il 1'a fait fervir a attaquer de la maniere la plus captieufe la révélation de nos Livres faints ? Vexamen des Apologiftes de la réligion Chrétienne , manufcrit impriroé depuis fa mort , eft peut-être le meilleur ouvrage de ce philofophe. Néanmoins M. 1'Abbé Bergier 1'a combattu vidlorieufement. Je vous invite a lire cette réfutation. (i) Difliorj. hiftor. verho Frtret.  du Peuple Hébreu ,ftns le faVoir. i'ëf Vous favez , dites-vous, d'un des amis de Freret, qu'il regardoit la chronologie de la Bible comme excellente, il eft vrai, depuis Abraham , mais peu au-deld. Selon vous , cette décifion du dofte critique doit embarrafTer M. 1'Abbé du Rocher qui enprend de renverfer 1'ancienne chronologie des dynafties Egyptiennes par la chronologie facrée. Cet ami de Freret qui vous a fait cette confidence , ne pouvoit s'y prendre mieux pour confirmer 1'opinion des gens de lettres cités plus haut, qui prétendent que la mémoire de Freret faifoit tort quelque* fois d fon jugement. Eft-il en effet rien de plus inconféquent que ce jugement de votre habile critique, qui admet la chronologie de la Bible comme excellente depuis Abraham , mais peu au-deld ? Si Moyfe eft un chronologifte excellent pour toutes les époques écoulées depuis ce patriache, pourquoi fa chronologie des temps antérieurs , feroit-elle moins certaine ? 1'hiP toire écrite par Moyfe eft un tiflu de faits fuivis , & tous engrenés, emboités, pour ainfi dire , les uns dans les autres. Si 1'on croit a la véracité de cet hiftorien dans une partie , il n'eft pas poflible de refufer d'y ajouter foi dans l'autre. L'hiftoire fainte eft Ja feule au monde oCt L 4  ïj}8 Hérodote Hiftorien la fuite conftante des faits foit auffi caracte'nfe'e. Dans toute 1'antiquité trouve-t-on des annales , oü les faits hiftoriques aient une contexture plus marquée ? Aufli dans les livres de Moyfe , la mérae chaine qui unit les éve'nemens , lie également les dates. Dans cet ouvrage divin , les parties chronologiques & hiftoriques font infe'parables , paree que les dates font partie efientieile des éve'nemens. Ainfi les faits & les dates ont la même certitude. C'eft donc une bifarrerie de réduire 1'autorité* de la chronologie de Moyfe, feulementaux temps écoulés depuis Abraham , & de ne pas cependant lui contefter la qualité d'écrivain véridique dans toutes les autres parties hiftoriques de fon livre. . Pour qu'on pik rejetter la chronologie antérieure a ce Patriarche, il faudroit avoir des monuments , fi non plus certains, dü moins aufti avérés, & des monumenscont mporains. Or, oüfont-ils ces monumens? Hérodote le plus ancien hiftorien profane que nous connoiffions , n'a gueres écrit que quatre. eens ans avant 1'Ere chrétieone. Fakes attention , que la plupart des anciens perfonnages dont 1'hiftoire profane d'Egypte fait mention (i), n'auroient (i) Excepté Menès.  du Peuple Uêbreu , fans le-favoir. 16$. vé\cu~( en fuppofant leur exiitence réelle ) que depuis Abraham , ou dans le même fiécle que lui. Ainfi 1'hiftoire profane connue, qui ne s'e'tend pas beaucoup au-dela, n'abefoin que de cette époque & des temps qui la fuivent. Le philofophe Fréret étoit donc un mauvais logicien , en admettant la chronologie de Moyfe comme excellente, il efl vrai , depuis Abraham , mais peu , au-dcld. Freret, ajoutez-vous , penfoit que pour remonter d la vraie origine du monde oü finiffent les annales qui nous font reftées, il n'y a pas de meilleur guide que l'Hifloire naturelle. Que voulez-vous dire , Monfieur , avec vos annales quifiniffent d la vraie origine du monde /Pour le faire une idéé de cette admirable Hiftoire qui a précédé la création, il faut être initié dans les fecrets de la philofophie moderne, 6c fur-tout avoir 1'efprit bien impregné des époques de la nature que nous a données M. de BufFon , pour nous apprendre la vraie maniere dont fut formé le monde , 6c qu'il a 76 mille ans d'antiquité tout jufte. ' D'après 1'opinion publique, aujourd'hui i'rrévocablement fixée, fur le livre des époques, concluons, Monfieur, que fi le naturalilte le plus propre a faire valoir les lumieres  17° Hérodote Hiftorien qu'on fe flattoit de tirer de 1'étude de h nature fur la formatio.n du globe , & en faveur de 1'antiquité du monde , li M. de Burfon doue' dü plus beau génie , & un de nos plus grands e'crivains , fi le Pline francais , avec tout les préjugés dü public en fa faveur, aéchoué auffi.triftement dans cette entreprife , oü cependant il a été fécondé par mille collaborateurs qui lui ont fait part de leurs recherches & de leurs obfervations, fi , dis-je , M. de Buffon , avec toutes ces reffources , s'en eft aufli mal tiré , jugez combien , d'après Freret, nous pouvons efpérer de trouver dans VHiftoire naturelle , un bon guide pour remonter d 1'origine du monde , 6* d jon antiquité !' Une longue fuite d''obfervations , continuez-vous , avoit convaincu Freret, que les hiftoires anciennes font plus vraies que les de mi-favans ne fe V imaginent ; que ce qui leur paroit invraifemblable , ou fecontredire , ne Veft plus , quand on fait ne faire dire d ces hiftoriens des premiers dges du monde, que ce qu'ils difent. . Vous ne pouviez , en vérité , m'apporter une preuve plus forte. du cas que dansvos principes , vous devez faire de la découverte de '1'Abbé du Rocher. Car il eft précifément, fur 1'article , du même avis  du. Peuple Hébreu , fans le favoir. jyi que Freret. Pour vous en convaincre,confahézles obfervations préliminair es deV Hiftoire véritable ; vous y verrez que 1'Auteur a exécuté ce que Freret s'e'toit contente'de penfer. II a démontré qu'il y avoit plus de vrai dans les hiftoires d'Egypte écrites par les grecs Hérodote & Diodore, que ne fe Vimaginoit Freret lui-méme, qui de votre aveu , valoit feul toute une académie. M. 1'Abbé du Rocher a montré en quoi canfiftoit ce vrai, en le dévoilant. II y a un plailïr infini, Monfieur , a vous avoir pour adverfaire, vous prouvez en faveur de la thèfe que vous avez envie de combatrre. DIX-HUITIEME OBJECT ION. 18. M. VAbbê du Rocher , avec fa découverte, renverfe Vautorité dont Hérodote, comme hiftorien, étoit en pojfefjion depuis plufieurs fiécles. Pourquoi donc Vauroit-on appellê lepere de Vhiftoire ? Ainfi on peut oppofer d votre /avant , la prefcriptio.n. D'ailleurs comment fe livrer d la découverte de votre Auteur ? II feroit bien dur pour les gens de lettres de renoncer au pUifir de lire déformais leur Hérodote , le plus éloquent hiftorien des Gr ecs & le conteur le plus agréable.  ijz Hérodote Hiftorien. On rie prefcrit point contre la ve'rite' aü tribunal de 1'Hiftoire cette fin de non re- . cevoir , ne fut jamais adjn.ife. Vous exa't • tèz un peu trpp Fautorité d'Hérodote. Si' Jé gloriëux furnom de pere de, lHiftoire lui' fut donne', il ne faut pas oublier , qu'on a dit auffi. qu'il e'toit le pere du menfonge. Depuis qu'on s'eft adonne'a la faine critique , cbmbien de 'graves auteurs font tombés dans le difcrédit ? Depuis que les érudits Bénédictins ont compofé . Vart de vcrifier" les dates, combien de titres de la plus haute antiquité , &c qui "appuycient les pré'tentions qui paroiffoient les moins equivoques » ont eté reconnus pour apocryphes , & font rentrés dans la 'pouffiere d'joü on les avoit tirés ! * Vous me repreTentez cbmbien il feroit cruel.óc amer pour un homme de lettres de renoncer au plaifir de lire fon Hérodote.' L'it-on le Télémaque avec moins de plaifir, qüoique ce foit un roman , & que tous les perfonnages qu'introduit 1'admirable Fénélon , ne foient que dés ëtres allégorïqües ? II y a vingtansque tous les favans croioient fermement que fhiffoire de Ylfle Atlantide donnée par Platen dans XeTimée &c le Critias , étoit une hiftoire véritable'; ueneaictins ont comppie . / art de vénfier  du Peuple ïtébréu, fans te favoir. ' der>uis que M. Baêr ( 0.-3 .démontré qu_e ce morceau de Platen a'étóit 'qu'une altération de Moyfe,, & que cette Atlantide 'n'avoit jamais exilté', mais fe réduifoit>a\i fond a une defcription travéftiè de la'Ju-dée , en lit-on avec moins de plaifir ledivin 'Platon?A' cefuj'et, permettèz que je vous ■faffe obfèrver combien le public. efPin-ju.fte & inconféquent dans fes 'jügemerïs & fa conduite. Lifez-M. Bacr 6c vous vous convaincrez par vous-ir*éiri%:que pour 'établir la découverte conc'erront VAtlan" tique, il fe fert, comme afait'-'M. 1'Abbé ■du Rocher , des rapprachefnens' de traits ;firés de Moyfe 6c de Platon. Néanmöin» la' découverte du- favant Suédois a été'ac'cüeillië eömme- démontrée par 'un.grand ■nombre de' favans très-écïairé.sï Pourquoi fdohc 1'aufeür de 1'Hiitoire véritable qui fe •fert? èxa&ëmerit des merries -procédés.; ne -•mériteroit-rl Tbas Fe"même traitëment? 'Eftil une; feule'.objVcfio'n qui ait piTtenir contre la maiïë\lès-preuves dontce favant éton' ne fes lecfewrs, & accable fes adverfaires ? .X3üiiV..-.x:n twj «:;-V..\ '• 1 . > üvs . (i) Voyezy^u h'tftorique & cruique furies Atlantiques , dans lequel pa fe. pro]>p 'fe Je faire voir la conformhê qu'il y * '£yritre thiftoire Ot\ ce 'peuple & celle''des Hébreux , par" Fré„dèvic;-Charles -B-a^r ,T.aurfl6nier .de la . cbapelie royale de •Suède h Paris.i profeifeur dans runiverfité de Strasbour» , -•membre de 1'a'cadeinre royale de Snede', &c. °  ,174 Hérodote Hiftorien DIX-NEUVIEME OBJECTION. 19. Votre Auteur s'efforce cTétablir que tout ce qu'on Ut dans Vhiftoire des anciens Rois d'Egypte, eft une altératión fuivie de* évênemens & des perfonnages de VEcriture fainte. Comment faire accorder ce fyftême fingulier avec ce que raconte Hérodote du lac Moeris , du Labyrintbe , & des fameufes pyramides de ce pays ? Car ces ouvrages portoient le nom des Rois qui les avoient fait conftruire. Vexiftence de ces princes Egyptiens doit donc être placée au même degré de réalité que celle des monumens dont ils furent les auteurs. En effet, eft-il pojfible de concevoir que les Egyptiens montraffent , par exemple , le lac M o e r i s , & qu Hérodote , qui V avoit v u & qui aTt est e l'a v o 1 r vu , ait écrit une vérité:, quant d Vexiftence de ce lac , & rCait donné qu'un mot travefti de VEcriture , quant au nom du lac ? II en eft de même des pyramides. Hérodote en parle & cite le nom des Rois ChÉops & Chephren qui lesfirtnt bdtir. 11 a écrit d'après le témoignage de fes yeux. En fait de monumens pu• - blies d'une grande nation, oü une tradi-  du Peuple Hebreu, fansde favoir. \ jtj üon toujours fouienue d'dge en agê fupplée aux hiftoires écrites : les chofes & les noms font individuellement vrais d'une vérité phyfique. Quel homme oferoit imprimer , en parlant de la colonne Trajane , qu'elle exifte en effet d Rome , mais que le nom de Trajan dont elle eft décorée, n'eft qu'un mot alt ér ê , par exemple y des anciens livres Sibyllins ? Ainfi Ton peul .poffer M. 1'Abbé du Rocher par ce raifonnement. Le récit d'Hérodote furie kMoBRis, le labyrinthe & les pyramides d'Egypte , fait partie de fon hiftoire. S'il eft impoJJiUe que fon recit hiftorique fur ces monumens anthentiques foit une altération de VEcriture fainte , dès-lors la découverte de votre Auteur croule de fond en comble • puifque , dans fes principes, s'ils font confquens avec eux-mêmes , les Egyp. tiens ont dü écriretouu hur hiftoire fur les mêmes traits de VEcriture. Or , il ejl abfurde d'avancer que Vhiftoire Egyptienne foitfabuleufe quant d ces monumens -donc elle ne Veft pas plus fur les noms des Rois qni les ont fait conftruire; paree que la véracité de leur hiftoir* Jur un po int de fait oculaire ne peut êtne morcelée Deld naït ce dilemme atterrant. Ou M. VAbbé du Rocher me U réaliti  ]lj6 Hérodote Hiftorien - de ces monumens d'Egypte , ou il ne les nie pas. S'il les réyoque en doïite , il rejette la certitude hiftorique qui éma- - ne du témoignage des fens. S'il admet les monumens , il eft forcé d'admettre leurs Auteurs comme ayant également -' exifté, püifque leur exifte nee tient d ces monumens. Donc Hérodote a écrit une véritable hiftoire , au moins quant d cette partie. Donc il eft faux que toute fon hiftoire d'Egypte , depuis MenÈs jus' qu'a Amasis ,ait été compilée & traveftie a de VEcriture , pu.ifdue MpERis auteur ■ du lac , .6*-Gheops'6* Chephren 'qui firent les pyramides , entrent dans la •- longue chaine de ces- Rois Egyptiens. a Voila comme par un argument bien 'firn; ple on peut faire évancxiir tout V ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher.' " ' C'efi:' précifément la oü je vous atten• dois , Monfieur ; j'étois bie'n.fur que.Vous -Vous rabbattriez fur ces beaux monumens. •La tête exaltée par le fouvenir de toutes Wfes rrierveilles qui exciterent 1 eMtlbunaf•rhe des ecrivains de rantiquité, & qui ra-ravilTentertcoreradmiratron^de-s mode f nes, tileft naturel que dans la cri'fe oü fe trouve 4'hiffoire d'Egypte , vous frfïlez tous Vos Vfforts pour fauver airmoins lè lac Moeris  du Peuple Hèbrèu, fans lè favoir. i 77- ris , le labyrinthe & les pyramides tant vantées de ce pays. Mais ne vous courroucez pas contre 1'Abbé du Rocher; il n'enleve pas a 1'Ëgypte fes monumens. II n'a garde fans döute de toucher a leur exiftence ; mais quant a celle de leurs auteurs , Moeris , Chéops 6c ChÉphren , ü la rejette , paree que dans ces notm il découvre des traces fenfibles des éve'nemens 6c des perfonnages de 1'Ecriture. J'ai donc encore une facheufe nouvelle a vous annoncer , c'eft que ces trois individus qu'Hérodote a pris pour trois Majeftés très-Egyptknnes, ne font réellement que trois noms traveftis de nos Livres faints. II n'eft affurément pas difficile de concilier ces altérations avec la réalité des monumens dont on gratifie ces fouverains. Cette difcuftion amenera naturellement la folution de votre longue objection. Voyons d'abord ce qui regarde l e lac que le roi Moeris , fuivant 1'hiftoire Egyptienne , fit creufer pour la décharge des eaux du Nil , lorfque 1'inondation feroit ïrop grande , & pour remplir les canaux, lorfqu'elle ne feroit pas afïèz confidérable. C'étoit, au rapport d'Hérodote, fouvrao-e le plus confidérable qu'on ait jamais entrepris. Faut-il en croire cet hiftorien , fur tout ce qu'il en raconte l II dit qu'il M  'tjS Hérodote Hiftorien Va vu. Sur cet article on ne peut Ie démentir; mais il donne a ce lac trois mille fix cent ftades de circonference. M. 1'Abbé du Rocher oppofe a ce récit, qu'a prendre le plus petit ftade, évalué par M. d'Anville a cinquante toifes , le lac eüt eu plus de foixante lieues , ce qui n'eft point facile a concevoir pour un lac creufé de main d'hommes jufqu'a cinquantebrafTes de profondeur. Aufli 1'on ne peut s'empêcher de fourire fur 1'embarras d'Hérodote, qui ne pouvoit deviner a quel ufage on avoit emploié la terre qu'on avoit décombrée, en creufant ce lac. L'auteur de VHiftoire véritable, d'après les voyageurs modernes , réduit les dimenfions de ce lac a une demi lieue de largeur, a une journée de chemin de longueur , & a douze ou quinze lieues de circuit; ce qui eft encore beaucoup , dit-il, fi ce lac aété creufé de main d'homme. Voila déja Hérodote pris en défaut fur le premier article de fon récit. En outre, eft-il certain qu'unroi d'Egypte appellé Moëris , ait fait creufer ce lac étonnant.? Eft-il bien vrai que les deux Itatues cololTales placées fur un tróne & portées par les deux pyramides qui, comme 1'écrit Hérodote , s'élevoient de 300 .pieds au milieu du lac , & qui occupoient ibus les eaux un pareil efpace , étoient  'du Peuple Hébreu, fans le favoir. i j$ Pimage du. roi Moëris, dont le lac avoit pris fon nom ? M. 1'Abbé du Rocher répond, que le même He'rodote, qui attefte avoir vü ea Paleftine des infcriptions de Sefoftris qui avoit conquis la terre par fes èpaules , infcriptions copie'es mot pour mot & feulement mal traduites de 1'Ecriture, ne doit pas infpirer une confiance aveugle fur ces deux ftatues; d'autant plus que , fuivant les voyageurs modernes , on n'en appercoit plus de veftiges. Ce qu'il y a encore de fingulier , c'eft que les auteurs , tant anciens que modernes , ne font pas d'accord fur la pofition du lae Moëris. Quoiqu'il en foit, fa réalité n'eft point conteftée par M. 1'Abbé du Rocher ,■ mais , ne vous en déplaife , Monfieur, il lui enleve le nom du roi Moëris, comme perfonnagefabuleux, & rétablit 1'origine de ce nom , en faifant voir que c'eft celui que portoit anciennement 1'Egypte même. En effet, le nom de Moëris ou Myris , n'eft, felon notre auteur, ' qu'une corruption du nom de Mefr ou Mefraim,c\u\epL celui donné a 1'Egypte dans le langage de 1'Ecriture ; même aujourd'hui chez les Orientaux, qui Ie réduifent ordinairement a Mefr , ik en particulier chez les Turcs, qui ont cette contrée fous leur domination. Je vous ferai grace de la M z  i8ö Hérodote Hiftorien \ difcuflion grammaticale, par laquelle M. 1'Abbé du Rocher établit que le nom de Moëris eft le même que celui de Mefraim, mais défiguré. Notre favant a dü vous forcer , par ce que vous en avez vu jufqu'ici, a vous en rapporter un peu a lui, en fait de connoifTances des langües anciennes. Cependantje ne dois pas omettre deux obfervations que fait 1'Auteur de VHiftoire véritable, pour établir 1'identité du nom de Moëris & de Mefraim. La première', c'eft que tout 1'ouvrage d'Hérodote étant un traveftifTement des faits de 1'Ecriture concernant 1'Egypte , comme je vous Tal fuffifamment montré , il auroitété très-êtonnant que les Egyptiens eulTent oublié de tirer parti du nom de Mefraim leur vrai fondateur, qui eft nommé dans nos Livres faints. Or , Moëris qui fe trouve placé peu après Menès, fabriqué fur Hoe, & dont ils parient comme d'un roi mémorable , ( rien de plus vrai , 'il étoit en effet leur pere ) , a un rapport frappant avec Mefraim , petit fils de Noë. La feconde obfervation a quelque chofe de plus furprenant. Après un autre nom que les Egyptiens donnent a Moëris, on trouve pour fon fucceifeur immédiat un certain Kaiachós oU Cazachos, fuivant Jules Africain , Choos, fuivant Eufibe. Or on lit juftement dans 1'E-  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 181 Criture , Chus nommé avant Mefraim fori frere. Avouez , Monfieur , qu'il faudroit être bien difficultueux pour chicanner M. 1'Abbé du Rocher , qui prétend que Chosachos , Choos , Chous , eft inconteftablement Chus frere de Mefraim , groffierement écorché par les Egyptiens. Vous en croiriez bien peut-être a Eupolêine, auteur payen que cite Eufebe , & qui dit que Chum ou Chus eft frere de Mefraim , pere des Egyptiens. Réfumons. Choos, Chous, chez les hiftoriens profanes de 1'Egypte , fuit Moëris. Dans 1'Ecriture , le nom de Chus fe lit également a cöté de celui de Mefraim. Ce parallelifme quant l la partie chronologique , ne permet donc pas de .douter que Moëris &c Mefraim ne foient le même perfonnage. Celui-ci n'étant que le fondateur de la colonie d'Egypte, aqui il donna fon nom , voulez-vous favoir pourquoi,fans admettre Moëris comme unroï qui ait vraiement exifte , ce nom a décoré le lac ? La raifon en eft fort fimple. II a été ainfi nommé , paree que c'étoit le grand lac de Mefr ou d'Egypte , fon lac par excellence, coisnme on dit, lelac de Genêve , le lac de Conftance. (i) Eufeb. prép. Evang. Liy. n. chap. 17. M J  1s2' "Hérodote Hiftorien Pafïons au labyrimhe. L'hiftoire d'Egypte fait mention de plufieurs. Elle en attribué un au roi Labarés, un autre au xoiMarus, dont Diodore parle ainfi (i) , Après la mort d' Actifanés, les Egypj> tiens e'tant redevenus maitres de leur « royaume , éleverent fur le tróne un ï> roi de leur nation , appellé MendÉs , » & par d'autres Marus ou Marrus. » Celui-ci ne fit aucune expédition mili»» taire ; mais il fe conftruifit un tombeau » appellé labyrinthe , moins admirable j» par la grandeur de 1'ouvrage, qu'inimita»> ble par 1'art fingulier avec lequel tout y ju étoit difpofé. » Enfin un troifieme labyrinthe étoit celui iqu'on difoit avoir été confiruit par les dou%e rois. Hérodote (2) en fait ladefcription d'après 1'édifice même, qui , dit-il , exiftoit de fon temps. » II rapporte qu'il s> étoit partagé en douze grandes cours. ?» •II y compte jufqu'a trois mille cinq eens ■chambres dans le haut, qu'il allure avoir vues, & autant dans le bas qu'on ne voulut •pas lui laiftfer voir ; paree qu'on y nour~ riffbit les crocodiles facrés. Cet hiftorien !i) Diod. L. i. n. 39. Ni) Hércd. n. 148.  c!u Peuple Hêbreu ,fans le favoir. ï;8j ajoute , qu'il ne pouvoit revenir de fon étonnement, a la vue de toutes les ilïiies & les de'tours de cet immenfe e'difice. » Je ne prétends nullement, dit M. » 1'Abbé du Rocher, révoquer en doute »» que les Egyptiens aient conftxuit de » pareils édifices , puifqu'il y en a en» core des reftes qui exiflent ; mais outre » qu'ils varient eux-mêmes fur leurs fonj> dateurs , toute leur hiftoire, comme on 53 le voit de plus en plus , n'étant qu'un « extrait de 1'Ecriture qui n'a pas daigné 33 parler de leurs labyrinthes , on peut 33 croire que fur quelque convenance , ils jj y auront cru retrouver les auteurs de ces 33 monumens qu'ils ne connoifïbient plus » j3 dans le temps que leur hiftoire a été 33 compofée. >3 ( V.Hift. vérit. torn. 3 , pais ges 319 , 328.) Cette réflexion du favatst auteur rne paroit très-judicieufe. C'eft un fait qui n'eft plus douteux , que toute 1'hiftoire.d'Egypte eft une copie traveftie -de 1'Ecriture. Si donc elle eut fait mention des labyrinthe9 de leur pays, les Egyptiens n'euffent pas manqué de traveflir auffi cette partie de fon récit, & dès-lors ils euifent métamorphofé leurs propres labyrinthes en quelque autre édifice bifarre , tout comme nous les avons vus, fur la reffemblance du non} M 4  ï$4 Hérodote Hiflorien. de 'phanech, faire de Jofeph 1'oifeau phénix, & du paffage des hébreux (Abrim) a travers la mer rouge , la grande ville cYAharis, qui avoit de grandes muraiiles des deux cötés : quoiqu'au nom de Jofeph qui avoit gouverné leur pays , & au trait de la mer rouge , événement arrivé au fujet de leur nation , ils n'euflènt pas du certainement fe méprendre. Mais il n'en a pas e'té de même de leurs labyrinthes ; il n'y avoit rien ace fujet apiller dans 1'Ecriture, qui n'en dit pas un mot. Qu'ont-ils donc fait.? Toujours dans leurs fyftême, de mettre k contribution les livres des Hébreux, qui étoient toute leur reffource pour donner a leur hiftoire fabriquée quelque intérêt & un air de vérité , ils ont attribué leurs labyrinthes, fur des convenances plaufibles , a des rois forgés fur des noms de 1'Ecriture. Ici , Monfieur , 1'auteur de 1 Hiftoire véritable remplit fa tache comme al'ordinaire; il juftifie fa découverte fur 1'altération des noms des auteurs des labyrinthes , comme il 1'a fait fur tout le refte. Ainfi les rois Labarus, Mams, Marrus , ou Mendès, vous allez voir que ce font des êtres deraifon,ou plutót des perfonnages mafqués , qui afïurémént ne penferent jamais k conftruire des labyrinthes. Sous  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 185 les aufpices de M. 1'Abbé du Rocher , j'ofe vous alTurer que le roi Labarés n'eutrien de commun que le nom avec le labyrinthe qu'on lui impute. En effet, eufïiez vous jamais cru que le mot Labarés ne fïït que les deux noms hébreux des ancêtres de Moyfe , joints 1'un a l'autre ? Le dévoilement eft d'autantplus fenfible, que le nom cYAmmerés fuit celui de Labarés. Or rappellez-vousqueprécifément Amram étoit le nom du pere de Moyfe. Obfervez, Monfieur , le procédé de M. 1'Abbé du Rocher. Guidé par ce principe inconteftable, que dans toute hiftoire méme défigurée,il regne une harmonie nécefTaire, comment s'y prend-il pour dévoiler ks traits de 1'hiftoire Egyptienne ? il examine leperfbnnage qui précede ou qui fuit celui dont 1'obfcurité femble vouloir échapper a fes recherches. Par ce moyen prefque toujours dans le perfonnage précédent ou fubféquent, dont le nom eft plus reconnoiffable, paree qu'il eft moins altéré, il faifit la clef du dévoilement principal. Vous venez de le voir pratiquer cette méthode fur le trait de Labarés. S'il lui étoit difHcile de découvrir que c'étoit le nom travefti des aïeux de Moyfe , Ammerés levoit entiérement le voile. Car afïurément il ne lui falloit pas de grands efForts pour devinei;  i%6 Hérodote Hiftorien que cet Ammerés n'étoit quele nom un peu dénature' zVAmram pere de Moyfe. Aurezvous encore la bonhommie de croire que ce pre'tendu Labarés eft auteur du labyrinthe qui porte fon nom ? N'eft-il pas plus fimple & plus fenfé, d'admettre que ce monument n'a été imputé a ce monarque chime'rique que fur 1'analogie du nom ? Quand il èft queftion de labyrinthe, il faut fe munir d'un fil pour ne pas s'y égarer & s'y perdre. L'hiftoire de la familie de Moyfe eft celui qui, faifi par M. 1'Abbé du Rocher , le conduitau dévoilementdes noms donnés aux autres labyrinthes. Dans un récit altéré , qui avoit trait a Moyfe & aux fiens , il étoit trés-conféquent que Marie fceur de celui-ci s'y rencontrat. Auffi fon hiftoire nous,fournit-elle 1'explication très-heureufe du nom du fecond labyrinthe. C'eft celui de Marus , Marrus ou Mendés. Déja, a 1'étiquette du nom,, lareffemblance faute aux yeux.Faites attention que 1'hiftorien d'Egypte dit, qu'elle fe fit conftruire un tombeau appellé labyrinthe. M. 1'Abbé du Rocher nous apprend que le miracle des cailles , qui eut lieu dans le défert , oü fe trouvoit Marie , devenu le roi Marus , s'opéra a-QBRum Hethave, qui veutdire  du Peuple Hébreu, fans lé favoir. 187 les tombeaux de concupifcence. Qbruth fignifie'donc tombeaux; de plus Ethave eft, a une let treprès, le même mot qu'Ethae , qui .fignifie errer , égarer. Un labyrinthe & un édifice oü 1'on court rifque d'errer & de s'égarer. Pour des copiftes Egyptiens, qui avoient de'ja la tête affectée des labyrinthes du pays place's fous leurs yeux, que fdloit-il de plus que deux mots hébreux, qui leur peignoienf 1'idée de tombeau & -dégarement , pour faire rayonner a leur efprit le tombeau appellé labyrinthe , que fe fit conftruire leur roi Marus ? M. 1'Abbé du Rocher, avec Ia même facilité, nous démafque le nom deMendés, que portoit également Marus. Marie foeur de Moyfe, vrai prototype de ce perfonnage;, en punition de fes murmures , fut frappée de la lepre , & fut féparée du refte du peuple ; ainfi elle fut retranchée de Ia fociété. Or , le mot hébreu qui exprime cette féparation , cette excommunication eft mnd amotus , feparatus, dérivé de mnde' excommunicans. Difputerez-vous , Monfieur , férieufement a M. 1'Abbé du Rocher, que Mnde & Mhndes confraternifent d'une maniere très-particuliere ? L'auteur de YHiftoire véritable ne paye .pas fes lefteurs de mots; il leur donns  188 Hérodote Hiftorien des faits. C'eft le grand procédé qu'il emploie , & il en fait ici également ufage» •L'hiftoire d'Egypte remarque que Marus ou Mendés , ne fit aucune expèdition militaire , & par conféquent aucun campement. Tout juftement 1'Ecriture dit que Marie fiéparée , excommuniée fut obligée de demeurer hors du camp. Le roi Marus placé ainfi hors du camp ne pouvoit qu'avoir des idéés très-peu militaires; ce ne dut pas être le Frédéric des Egyptiens. Quant au troifieme labyrinthe, M. 1'Abbé 'du Rocher nous indique 1'origine de 1'attribution qu'on en fit aux dou^e Rois , en nous faifant remarquer que le mot êgare temps ) , 6c qu'il n'en foit jamais fait la » moindre mention dans 1'Ecriture II ij eft.trifte pour les curieux, ajoute-t-il, que » 1'auteur des livres Juifs ne nous ait pas f» dit un feul mot des anciens monumens >» de 1'Egypte (1). « Sans doute 1'hiftorien de la Généfe n'eft entré dans aucun détail fur les pyramides. Nos Livres faints , qui font le défefpoir de toutes les paflions humaines , ontvoulu Voyez la Bible enfin expliquêe par Voltaire , torn. 1 pag. 115. liv. v. M. de Voltpire pouvoit avec bien plus de raifon s'étonner de ce qu'Homére, le plus ancien Auteur profane dont nous ayons les écrits , n'ait rien dit des pyramides confrruites lon^-tems avant lui, quoiqu'i! parle de 1'E§j ie , de Thèbes , & de fes cent portes. Quand M. TAbbé Giiérin aura publié la découverte qu'il a annoncée concernant 1'Iliade , on n'aura plus de peine a coneilier le filence d'Honiére avec 1'exiftence des pyramides , bien antérieures a fon fiécie.  du PeupU Hébreu yfans le favoir. 197 n'attacher aucune importance a tous ces trophées de la vanité de 1'homme. Si cependant elle vouloit triompher de ce que 1'ouvrage de fes inains fubfifte encore dans ces malfes énormes de pierres entaifées les unes fur les autres , & • qui femblenc afTronter la faulx impitoyabie du temps , cue 1'orgueil humain s'abaiffe , en obfervant que la divine providence a permis qu'on ignorat même les vrais noms de ceux qui ont fait conftruire ces monumens faftueux. Mais fous un autre rapport, ils fervent a la faire exalter. Nous venons d'entendre le chef des philofophes modernes s'exhaler en plaintes contre l'hiftorien de la Généfe , qu'il accufé de nous avoir privé d'une diflèrtation qu'il nous- devoit fur les pyramides d'Egypte. Rien de moins fondé que ce grief de la philofophie contre Moyfe. Car qu'elle apprenne que tout ce que nous pouvons favoir par les anciennes hiftoires profanes concernant les pyramides , eft uniquement ce que les Egyptiens en ont trouvé ou cru retrouver dans F Hiftoire fainte. Voila une autre affertion du favant Abbé du Rocher. Elle va peut-être, Monfieur, vous faire encore jetter les hauts cris contre la fingularité de fa découverte fur 1'hif-. N 3  19^ • Hérodote Hiftorien toire d'Egypte. Quoi, direz-vous, jufqu'a Ja conftruction des pyramides , Hérodote a tout pillé de 1'Ecriture! ces pyramides qui furent élevées par des Rois dont il nous marqué les noms ; ces pyramides qui n eurent aucun rapport avec 1'hiftoire des Hébreux , & que dès-lors les Egyptiens , copiftes des Livres faints , n'ont pü être tentés d'ailer chercher dans 1'Ecriture ; ces pyramides dont la* conftruaion , dit notre grand Voltaire , eft placêe par les Coptes ( ou Egyptiens modernes ) même des avant le déluge univerfel ! Oui, Monfieur; tout ce que vous & moi avons IA , ou pouvons avoir M , dans Hérodote , Diodore & autres anciens fur ces monumens Egyptiens , eft emprunté de nos Livres faints. D'après les explications de M. 1'Abbé du Rocher , vous jugerez s'il prouve la thèfe qu'il avance , que tout cp que les auteurs profanes contiennent d'hiftorique touchant la conftruclion des pyramides, fe réduit d ce que raconte VEcriture des travaux des Ifraélites en Egypte; quoiqu'elle n'en dife pas affez pour fatisfaire la curiofité fi naturelle a 1'efprit humain. Je vais d'abord mettre fous vos yeux le paffage de noc Livres faints , qui a été le canevas qu'ont brode les copiftes Egyp-  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 199 tiens avec leur maladreffe ordinaire. » Pha» raon , dit 1'Ecriture, établit des furveil» lans pour e'crafer de fardeaux les lfraéti lites. lis conftruifirent les villes des » tabernacles , Phithom & Ramejfés. a Pour remplir leur vie d'amertumes , » on les empioyoit a tous les travaux pé» nibles de brique 6c de mortier , & aux » corvees les plus dures des ouvrages jj publics (1).» L'Auteur de YHiftoire véritable foutient que cette opprefjion des Hébreux , nous préfente ia clef de tout ce que les auteurs profanes ont e'crit fur les pyramides. Le favant auteur obferve d'abord qu'Hérodote en attribuela eonftruction aux rois Chéops & Chéphren. Diodore appellé celui-ci Chabryis 011 Chabryes. M. du Rocher fait voir que Chéops ou Chéphen , viennent du mot hébreu Chab , ChÉeb ou Cheob , qui fignifie afjliclion ; 6c qui efl employé dans 1'Ecriture. Quant au mot Chabryis , ou Chabryes , c'eft 1'indication du peuple fur lequel tombe cette ( i) Prtepofuh itaque Pharao (iis) magiftros operum ut affligerent eos oneribus adificaverunlque urbes tabemacu- ïorum Pharaoni Phithom & Rameffes. . . . atque ad amantudinem perducebant vitam eontin operibus duns luti & latens , omnique fanuUtu qua ia terra, operibus premebantur. ( Exod. t. 11. & 14.) N 4  s.o& Hérodote Hiftorien douleur ou affliciion. Chabry ou Cha-* bryes, eft le nom d'Abri qu'onprononce Hibri fortementafpiré, c'eft-a-dire , celui même du peuple Hebreu. Ainfi ces deux noms de rois ChÉops Chabryes , fe trouvent être e'videmment les deux mots qui veulent dire affiiction des Hébreux. Comme Moyfe travailla a les en délivrer 9 ce trait a du faire germer un autre perfonnagefabuleux fous laplume d'Hérodote» En efFet, il parle au fujet de ces pyramides d'un pafteur appellé Philition. C'eft jufte» ment le mot Phlite, qui en hébreu fignifie délivrance, & 1'Ecriture s'en fert pour dire la délivrance dTfraël, laquelle vint après VoppreJJion que Pharaon leur fit éprouver» C'eft ainfi que la délivrance miraculeufe des Ifraélites qui, comme nous avonsvu, furent connus en Egypte fous le nom de Peuple-pafteur, a fervi a fabriquer au fujet des pyramides , le pafteur Philition. Si quelque critique vétilleur entreprenoit de contefter 1'analogie frappante qui fe trouve entre les mots Philition &c Philite , nous lui oppoferions les traits fuivans rapportés par Hérodote, qui acheventde lever entierement le voile. Après avoir attribué aux rois Chéops & Chephrcn les pyramides les plus confidérables, il dit que les Egyptiens ne vouloientpas mime nommer ces rois.  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 201 tant ils les dÉtestoient. II ajoute que' ( Ie premier des deux fut un très-mauvais roi, quil fit fermer tous lesTemples, 6c interdit les sacrilices , enfuite obligea tous les Egyptiens d travailler pour lui. Qui peut méconnoitre ici Pharaon qui condamne les Ifraélites a des travaux pénibles pour fon compte , comme le porte le paflage de 1'Ecriture cité plus haut , 6c qui empêche Moyfe 6c fon peuple d'aller facrifier dans le défertt Ce qui met le comble a la certitude de ce dévoilement, c'eft que les perfonnages les plus mémorables du temps de 1'oppreffion des Ifraélites, Moyfe 6c Aaron fon frere , n'ont pas été oubliés dans 1'hiftoire des pyramides. Les Egyptiens ont pris fi peu de précaution pour mafquer leur plagiat dans cet endroit , que les noms des perfonnages de 1'Ecriture font a peine altérés , 6c très-reconnoilfables. En effet , felon quelques auteurs Egyptiens , la plus grande des pyramides étoit d'AMRcsus'; la feconde, d'AMMOSis; latroifieme, d'lNARóN. Sous ces trois noms réunis il eft aifé de deviner Mofeh ou Moyfe dans Ammofis ; Aaron fon frere, dans In&ron ; 6c Amram leur pere dans Amroeus. Cette oppreffion du peuple Hébreu fut fuivie de fa délivrance par le prodige du  lot Hérodote Hiftorien paflage de la mer rouge. Et c'eft ce qui va refoudre , Monfieur , 1'objection que vous empruntez du grand Voltaire, qui fur le témoignage des Coptes , placoit la conftruciion des pyramides dès avant le déluge^ univerfel M. 1'Abbé du Rocher vous a déja appris que Ie nom de Typhon chez. les Egyptiens , en Arabe Tufan , en Chalden Tuphna , fignifioit inondaüon , fubmerfion. La cataftrophe de Ia mer rouge , oü périt 1'armée de Pharaon, futune/u3merfwn. Cette idéé fe mêla dans 1'efprit des Egyptiens avec 1'inondation du déluge univerfel. Les traditions qui leur reftoient, que quelques-unes des pyramides avoient été confiruites avant une grande fubmerfion , s'étant obfcurcies avec le temps , cette inondation , qui dans le vrai n'étoit que celle de la mer rouge , fut confondue avec le déluge ; la conftrudtion des pyramides fut également tranfportée a une date antérieure a 1'inondation du genre humain. L'auteur de YHiftoire véritable , apporte une preuve inconteftable de cette erreur chronologique , en montrant qu'avant le Pharaon que ces même Coptes font périr dans 1'inondation , prife pour le déluge univerfel, on trouve en remontant, a-peu-près les mêmes noms de rois que lf?s Arabes  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 203 dans leur lifte placent avant le Pharaon, qui fut fubmergé dans la mer rouge. On peut citer pour exemple , le roi Saurid (1) qui, fuivant les Coptes , eft auteur des pyramides, & qui, difent-ils, eft enfeveli avec tous fes tréfors , dans une de celles qu'il fit conftruire. Ce nom de saurid eft: prefque litte'ralement le nom hébreu Xrid, qu'on prononce Scharid , qui fignifie reftè, fauvê , échappé d'un danger. Ce nom a donc le même fens que le Philition dont nous avons parle plus haut. On voit que c'eft toujours 1'idée dominante de 1'opprelïion des Ifraélites, qui furent délivrés de leur captivité par leur évafion miraculeufe. Les Egyptiens , dit M. 1'Abbé du Rocher, ayant perdu la fignification des mots , ont dü naturellement défigurer les noms. II obferve très-judi:ieufement que 1'inondation du déluge univerfel, confondue avec la fubmerfion de la mer rouge, aiant par une méprife très-conféquente, fait déplacer & reculer les époques de la conftruction des pyramides , le rétablifTement de ces dates s'opére très-facilement par . la fubftitution du défaftre de la mer rouge , au grand déluge de 1'univers. Ci) Hiftoire univerfelle, trad. de l'Ang!ois,t. 1 ,pag. joi.  '204 Hérodote Hiftorien La conftruetion des pynmides a un tel rapport avec ie peuple Hebreu , que Manéthon (i) attribué la plus grande a un certain Soris , après lequel il nomme deux SupHis.Ces deux mots Soris-SlPhis , en retranchant la terminaifon is donnée par les Grecs, fe réduifent a Sorsuph, qui revient a Osarsiph. Vous avez affaire ici , Monfieur , a Manéthon qui nous apprend lui-méme que Moyfe a été appellé Osarsiph, Accuferez-vous ce prêtre égyptien d'être un homme d étymologie ? Concluonsde ces différentesexplications, qu'a prendre les noms de tous ces conftrufteurs des pyramides marqués dans les Hiftoires profanes, il n'eft plus douteux qu'ils ne foient copiés de nos Livres faints traveftis. M. 1'Abbé du Rocher pafte enfuite aux motifs de la conftruöion de ces grands monumens. Ce qui lui fournitune autre preuve, en faveur de fa découverte fur les pyramides. Pline (2) rapporte qu'elles furent conftruites , felon quelques auteurs , paree que les rois d'Egypte voulurent empêcher le peuple d'être oïfif. Ce rapport fe trouve (l j Jofeph , liv. 1 , contra apwn. {2) Liy. xxxvi. cap. 12.  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. zoj' dans ce que dit Pharaon indigné contre les Ifraélites , & déterminé a les excéder de travaux « Ce peuple , dit-il, s'eft extrêu mement muleiphé. Vous voyez que » leur nombre s'eft beaucoup accru' ; j) combien s'accroitoit-il d'avantage , li jj on lui donnoit quelque reldche dans fon. .» travail (1) ? « Les traces des idéés qui firent donner pour motif de la conftruetion des pyramides la crainte de 1'oifiveté d'un peuple nombreux, font done ici fort fenfibles. Pline ajoute que le fecond motif des monarques d'Egypte , en e'levant les pyramides , étoit de ne pas laiffer des tréforsd leurs fuccejjéurs. On eft agréablement fur-' pris de trouver que ces noms Ari Mschnuth, qui expriment en hébreu les grands ouvrages que batirent les Ifraélites pendant leur oppreflion , 6c que la Vulgate rend par villes des tabernacles, font traduits villes des tréfors par le paraphrafte Chaldéen 6c par Sanciés-pagnin , auteur de la verlion emploiée dans la Bible de Vatab le. On fait de plus , ( & Diodore le rapporte ) , que les pyramides étoient deftinées a fervir de tombeaux oü. les corps des (i) Exod. v- 5>  toS ^ Hérodote Hiftorien. rois d'Egypte étoient confervés précieufement. On trouve encore dans la plus grande de celles qui font prés du Caire, un tombeau dont on peut voir la defcription dans les rélations des voiageurs. Un autre fens ' que préfente le mot Mfchnuth de 1'Ecriture fainte, convienttrès-bien avec cette idéé de fépulture. Car outre qu'il fignifie tréfors, il veut dire également un lieu oü 1'on garde quelque chofe. En admettant que le mot Mfchnuth fignifie lieu de dépót, cette ihterprétation me fuggere une explication qui nait de celle de M. 1'Abbé du Rocher , & qui fe rapporte a 1'objet que fe propofe ici ce favant Auteur. En effet, le dictionnaire Hébreu interprétant les (i) Mfchnuth par apothecce , promptuaria , penuaria , cellaria , armamentaria, nous- donneroit les pyramides, comme des magafins , des grenierspublics ; c'eft le fens adopté par Vatahle & Menochius. Cette verfion nous conduit au dévoilement des deux monumens que conftruifirent les Ifraélites : car ce texte , cvdificaverunt Ari Mschnuth (i) mschnuth , thefauri , ükvs , promptuaria, penuai na armamentaria , Cellaria , apotheca , tabernacula. ( V le Dia. Hébr. de Giraudeau.}  du Peuple Héb reu, fans le favoir. 207 Phithom & Rameffés , pourroit être dèslors traduit de cette maniere. Ils bdtirent les greniers publiés de Phithom & de Karn elfcs : explication d'autant plus fondée, que ce Kamejfés ne peut être celui oü Jacob Sc fa familie furent place's par Jofeph , Sc qui exiftant avant leur entree en Egypte , n'a pu être par confe'quent 1'ouvrage des Ifraélites. II faut donc admettre un autre Rameffés (1) conftruit par eux. Le mot hebreu Rame , d'oü eft tiré Ramoth , nom d'une ville dans 1'Ecriture , veut direjuftement Excelfa , édifices éltvés ; ce qui eft très-analogue aux pyramides , Sc nous ap- (1) M. des Vignoles , auteur de la nouvelle chronologie de 1'hiftoire d'Egypte , déja cité, après avoir compté fuivant Tanden préjugé , fix rois d'Egypte du nom de Rameffés , prétend ( felon fon fyftème ) que ce fut fous 1'ua d'eux que les Ifraélites fertirent de 1'Égypte 1'an 1645, avant J. C. 641 de 1'ére d'Egypte. ( Traveftiffement dévoïlè par M. Guérin du R.ocher , comme nous avons vü. ) Ce qu'il y a de fingulier , c'eft que M. des Vignoles remarque qu'il eft dit dans 1'Ecriture , que les Ifraélites furent obligés de batir la ville de Rameffés , & que ce fut de-la qu'ils partirent. II ajoute qu'on croit auffi qu'on les fit travailler d ce bel obélifque du Roi Rameffés , que 1'empereur Conftance fit tranfporter a Rome , oü il fe voit entore devant 1'Eglife de Latran. Quoiqn'il en foit, de toutes ces bévüés fur le Roi Rameffés, nous obferverons auffi. de notre cóté, que fi même aujourd'hui on montre a Rome un obélifque d'Egypte qu'on croit avoir été Touvrage des Ifraélites , il n'eft pas plus ridicule de dire qu'ils ont pü également conftruire les pyramides,  'aoS Hérodote Hiftorien prend d'oü le nom de RamessÉs a pa venir. Cette verfion folidement établie, voici comme je raifonne. Si ceux qui ont vü les pyramides qui nous reftent, & nous en font la defcription, obfervent que ces monumens e'toient des greniers publics , dèslors nous retrouverons les Mfchnuth de 1'Ecriture , & par conféquent les pyramides; puifque d'une part,le mot du texte original de 1'Ecriture , qui exprime les ouvrages conftruits par les Ifraélites , nous rendra 1'idée de greniers publics , & que d'ailleurs les pyramides nous préfenteront la tracé Sc la forme de ces magafïns publics. Or, confultez , Monfieur, les auteurs qui nous en ont donné la defcription : plufieurs difent qu'ils penfent que ces pyramides n'étoient pas feulement defKnées a la fépulture des rois d'Egypte ; mais encore , que quelques parties de la conftrudtion de ces maffes énormes annoncent néceffairement, qu'elles fervoient en outre a des greniers publics (i). Qu'on fe rappelle les débordemens périodiques du NU , & 1'on conceVra aifément pourquoi les Egyptiens plaCoient a une fi grande hauteur les dépöts (i)Voyez Vader, Egypte , Poulet, voyage du levant Monconïs Thevenot, Dicïion. des Ans, publics  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 20 f publics oü ils renfermoient leurs grains. Par ces auteurs, on voitmême que quelques-uns tirent le mot pyramide, du grec pyros , froment, Sc de amaó , faffemble , jemoijfonne.lls pre'tendent que Jofeph flc batir plufieurs greniers en pointe , pour y renfermer le bied d'Egypte : cette opinion a la plus grande conformité avec ce que 1'Ecriture nous apprend des greniers publics qu'il établit pendant la familie qui ravagea 1'Egypte. Cette maniere fimple Sc naturelle de trouver une mention des pyramides dans 1'Ecriture , aura peut-être le fuffrage de M. 1'Abbe' du Rocher ; puifque notre explication n'eft qu'une fuite d'une des lignifications qu'il donne lui-même au •mot Mfchnuth. Vous Ie voyez , Monfieur ; tous les motifs qui, felon les auteurs profanes , déterminerent a batir des pyramides, cadrent avec la nature des travaux exceffifs.dont les Ifraélites furent furchargés, Sc avec les différens fens dont le mot Mfchnuth eft fufceptible. Dans les circonftances qui accompagnerent la conftrudtion de ces édifices , M. 1'Abbé du Rocher puife encore des rapports qui méritent d'être remarqués : II en eftun , entr'autres , qui vous paroitra curieüx. Hérodote fait mention de ce qu'il en avoit- O  ^to Hérodote Hiftorien couté, feulement en raves ouen PERSii,Eïr ail , ou en oignons , pour la nourritwe des travailleurs qui conftruiftrent une des pyramides (i). 11 ajoute que la fomme y étoit marquée en lettres Egyptiennes , & qu'il se souvient bien que fon interpretè la faifoit monter d fei{e eens talens d'argent. 'Voulez-vous favoir , Monfieur , ce qui a pu faire imaginer aux copiftes Egyptiens, la quantité d'a/7 Sc cYoignons dont les ouvriers emploiés aux pyramides fe nourriffoient ? rappellez-vous que les Ifraélites , après la fortie d'Egypte , murmurant contre les angoilles qu'ils éprouvoient dans le défert , poufTerent le défefpoir, jufqu'a re. gretter les travaux dont leurs tyrans barbares les avoient accablés dans ce foyaür -me , & la nourriture groffiere dont ils les avoient nourris. ■>■> Ah! quene pouvons-nous encore, s'écrierent-ils ,manger des concombres, des meions , des porreaux , des oignons Sc de l'ail d'Egypte ! in mentem • nobis veniunt cucumeres & pepones , porrique Sc ciÈpE & allia. ( nurn, xi. 5.) Ne voila-t-il pas les oignons Sc Yail dont Hérodote fait mention ? Si ce rapprochement eft unC affaire de pur hafard-, daignez (1) Hérodote ,11,155.  ^ dn Peuple Hébreu ,fans le favoir. 111 m'expliquer , je vous prie , comment, fans vous parler du rapport qu ont d'ailleurs ces alimens dans 1'Ecriture avec Ia dureté des travaux auxquels les Ifraélites captifs furent condamnés ; daignez , disje , m'expliquer, comment il a pu^venir dans 1'efprit aux Egyptiens , ce peiïple fi fenfé y fi raifonnable , d'écrire fur cette pyramide , un mémoire contenant la quantité d'ail & d'oigons qne confommerent leurs ouvriers ? .. Que n'ont-ils mis auffi le ■calcul arithmétique des cruches d'eau du Nil qui durent étancHer la foif de ces pauvres Ifraélites ? Car furcbargés des travaux plus rudes que ceux de nos corvees, ijs durent, clans un dim at auffi chaud que 1'Egypte, être furieufement altérés. Dircz-vous que 1'infcription même de la pyramide , atteftée par Hérodote , exclut la vraifemblance de 1'extrait que M. 1'Abbé du Rocker fuppofe avoir été fait des paredes des Livres faints > Le favant auteur répond qu'Hérodote ne dit pas avoir hl cette infeription , puifqu'il ne favolt pas lire les iettres egyptiennes ; il dit feulemens que le fait lui fut raconté par fon interprete. Le truchement d'Hérodote ne pouvoit-ilpas a fon aife, lui débiter tous les contes qu'il vouloit ? Peut-être ce Cicerone Egyptien étoit il auffi ignorant qu'Héro- O 2  '212 Hérodote Hiftorien. dote fur 1'écriture de ces infcriptions,qui ne pouvoit étre que très-vieille , puifqu'elle devoit être contemporaine de la pyramide. Or , a prendre 1'hiftoire d'Egypte au pied de la lettre, les pyramides avoient mille ans au moins , a 1'époque oü Hérodote 6c fon interprete les vifiterent. Une chofe fort finguliere a remarquer ici , eft d'entendre Hérodote nous dire , qu'il fe fouvient très-bien de la fomme a laquelle fe montoit la dépenfe des oignons <8c de Vail, 6c de lire dans rios Livres faints, que les Ifraélites s'exprimerent ainfi: Nous nous fouvenons de l'ail & des oignons d'Egypte ; in mentem nobis veniunt ccepe & allia. Ce rapprochement eft d'une nature a mériter que vous méditiez un peu de quelle trempe étoit cet Hérodote, qui, en lifant dans un morceau extrait de 1'Ecriture , une phrafe qui fait mention de la xéminifcence des Ifraélites fur des oignons, écrivoit aufli de fon cöté en même temps, qu'il avoit un fouvenir rélatif également d des oignons. M. 1'Abbé du Rocher fatisfait notre curiofité fur les pyramides, jufqu'è nous apprendre que ce nom n'eft pas le premier qu'elles aient porté chez les Egyptiens , puifqu'il fignifie les anciennes; il eft formé de 1'article egyptien p & du mot ehram oü  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 11 £ eheram, pluriel arabe deherem, qui fignifie vieiileffe décrépite. Cette étymologie eft fi certaine, que les Arabes modernes, en fe fervant de leur article ordinaire al , appellent les pyramides, al eheram , pour marquer la haute antiquité de ces monumens. Lenom de pehram, qui étoit en ufage chez les Egyptiens du fiécled'Hérodote, prouve donc quele vrai nomqueleur donnoient les Egyptiens des premiers temps, n'étoit plu9 ^onnu. « Ainfi , dit M. 1'Abbé du Rocher, 3j les pyramides peuvent fe trouver com5» prifes dans ce que 1'Ecriture dit des tra» vaux des Ifraélites, fans que nous puif» fions les y reconnoitre furement, a caufe ss de 1'éloignement des temps öc de la conu noiffance imparfaite des langues ancienj» nes. Peut-étre méme, au lieu de lire de »»■ fuite ari mschnuth ( urbes thefaurorunt » du chaldéen, ou tabernaculorum de la »» Vulgate)les villes ou bdtijfes des tréfors, » ou des tabernacles, pourroit-on lire ari jj ms des bdtijfes d'exaciions ou de corvées »> (i); enfuitecHNUTH,qui fignifie des ba» fes, des édifices folides ; & alors les pyras> mides fe trouveroient comprifes dans ce » que 1'Ecriture dit des travaux des Ifraë» lites. » (ij Hifi. vérit. tom. 3 , pag. 27 & 28. Of  zi4 Hérodote Hiftorien " II falloit que du temps de Jofephe, 1'opïfiion qui attribuoit ces menumens au peuple hébreu, fut bien corfftants; puifque cet hiftorien (i) dit pofitivement, que les Ifraélites furent employés a les conftruire. Ce ne put être fans contredit que pendant leur captivité. Voltaire lui-même( 2) a citê ce témoignage de Jofephe.D'après f autorité deceluici,Me/zoc/zius,commentateur très-céSébre de 1'Ecriture, a cru devoir avancer, que par les travaux publics, dont Pharaon furchargea les hébreux, ilfaut entendre les ouvrages de brique , la conftruclion des villes, 6* des pyramides, enfin les canaux du Nil, pour conduire fes eaux dans les prés & danj les champs (3;. Les traditions même confervées en Egypte eoncernant ces antiques monumens, dépofent en faveur de i'explication de M. 1'abbé du Rocher. On lit dans un didfionnaire très-accrédité, que Ton croit dans le pays, que, 1'une des trois groifes pyramides »> qui a 520 pieds de hauteur,& de largeur n 682 en carré, fut batie , il. y a plus de (1) Jofephe , antiquit. liv. 2, c. 5. (2) La Bible enfin expliquée par Voltaire , torn. 1 ; pag. 15 & fuiv. (3) Cogebantur ergo \Egyptii) formare lateres ( utpatct Exod. ' t. 14- } Urbes & PYn AMIDÉS adificare, nilum per fojpts in jprata & agros derivare. {not. Menoch, in cup. 1. Exod.y, II.  riuPeuple Hebreu, fans le favoir. 11 5' ï» 3000 ans, par un Roi d'Egypte. Ayant i> opprimé le peuple par le travail long 6c » exceffif de cette énorme mafle, on le »» menara de brüler fon corps après fa mort; » ce qui Pempêcha d'y choifir fa fépulture, » & Tubligea de commander qu'on 1'enter» rat dans un autre lieu fecret. " Quant aux autres pyramides moins grofTes & moins hautes, la tradition encore du pays rapporte » qu'elles font les fépulchres de la » femme 6c de la fille de Pharaon, qui fut » englouti dans la mer rouge, & que la 55 troifieme, qui eft la plus grofïe, étoit defjj tinée pour la fépulture de ce Pharaon , * a qui on les attribué toutes les trois; » mais que ce prince , ayant péri dans la » fubmerfion de la mer rouge , lors de la jj pourfuite des Hébreux, il n'a pas eu » befoin de tombeau , & que c'eft pour )» cette raifon qu'elle eft demeurée tou» jours ouverte , 6c que fi 1'ouverture des » deux autres, oü fon époufe Sc fa fille ont sj été rnifes , ne paroit plus , c'eft qu'on 35 ne peut plus reconnoitre de quel cöté >j étoit 1'entrée. » Voyez Maillet dans fa defcription de 1'Egypte ( torn. 1 , p. 286. ) Je vous le demande, Monfieur ; la tradition fur ce roi d'Egypte auteur de la grande pyramide, lequel opprima le peuple par un travail long Sc exceffif ;.cette O 4  2i 6 Hérodote Hiftorien autre tradition fur le Pharaon de la. mer rouge, qui ayant perdu la vie dans la cataftrophe de la fubmerfion , ne put être enterré dans la pyramide quil avoit choifie pour fa fépulture ; le témoignage d'Hérodote fur ce peuple furchargé de travaux , opprimé par un roi détefté qui lui défend de facrifier , 6c qui 1'emploie a la conftruction des pyramides j ce Cheops , ce Chephren , cet Ammreus , cet Inaron , cet Amiyiosis, cetOsARSiPH, tous ces prétendus rois,auteurs des pyramides,6c dont les noms traveftis fignifient Voppreffton des Hébreux, 6c le' nom même de Moyfe, comme Manéthon nous le déclare d'Ofarfiph ; enfin 1'explication du mot mfchnuth , qui dans les trois fignifications de tréfors , de tombeaux , 6c de bafes ou édifices folides, nous montrent le rapport de ce mot original de 1'Ecriture avec les travaux dont furent accablés les Hébreux par les rois d'Egypte ; toutes ces traditions, ces dévoilemens de nom , le triple fens du mot mfchnuth; tout cela, dis-je , ne.formet-il pas un faifceau de lumieres fi éclatantes 6c fi vives, qu'il n'eft pas poflible de fe refufer a croire 6c a dire avec M. 1'Abbé du Rocher , que , d'après même les hiftoires profanes , ce font les rois oppreffeurs des Hébreux , qui leur ont fai%  'du Peuple Hebreu, fans le favoir. 217 conftruire les pyramides ; qu'ainfi tout ce que nous pouvons en favoir, eft uniquement ce que les Egyptiens en ont trouve ou cru retrouver dans VHiftoire Sainte ? Vous venez d'apprendre , Monfieur; aquoi vous en tenir fur le lac Moëris , le labyrinthe , Sc les pyramides d'Egypte. Je vous avois annoncé que la difcuffion de ces) grands monumens , ameneroit tout naturellement la folution de votre grande objection , que vous me donniez comme triomphante. Vous le voyez : 1'auteur de VHiftoire véritable ne porteaucune atteinte a 1'exiftence réelle du lac Moëris , des labyrinthes , & des pyramides dont parle Hérodote , Sc qu'il nous aflure avoir vus: M. 1'Abbé du Rocher, fe contente de vous faire voir que tout ce que rapporte cet écrivain Grec , du nom des rois & qui il attribué ces ouvrages fi vantés, ainfi que des motifs Sc des circonftances qui déterminerent ces fouverains a conftruire ces monumens , démontre évidemment qu'il a dd compofer fon hiftoire fur des extraits de nos Livres faints. Ainfi tombent d'eux-mêmes tous les raifonnemens dont vous vous êtes efforcé d'appuyer votre difFufe objeëtion ; & qui fe réduifent & conclure de la réalité des monumens , 1'exiftence des rois d'Egypte  ^ziS Hérodote Hiftorien auxquelson les atcribuoit. Vains fophifri>er§ que je vais anéantir par 1'exemple même tiré de la colonne Trajane que vous m'avez citée. Saus doute le nom du grand prince qui Ia décore, eft une preuve également certaine de la réalité d'un empereur appellé Trajan, & du monument élevé en fonhonfieur. Pourquoi ? Eft-ce , paree que dix liecfes après , fur le rapport de quelques perfonnes, on a attribué a Trajan la fuperbe colonne qui porte fon nom ? Nullement • mais c'eft i. Paree que fur le monument \ chef-d'oeuvre de Timmortel architecte Appollodore, qui fïgnale le regne de Trajan , eft tracée la brillante expédition contre les Daces. z. Paree que ce fait mémorable futgravé fur la colonne, dans le temps ou. vivcm cet empereur , &' oü , quand même il n eut plus vécu , une nation entiere , la génération contemporaine , auroit pü certifier qu'il avoit exifte'. En eft-il de même des rois qu'Hérodote nomme comme les auteurs des labyrinthes & des pyramides d'Egypte ? Toutes les rélations des voyageurs modernes atteftent qu'on n'appercoit plus d'écriture fur ces monumens ; donc on ne peut plus juger, ni du temps, ni de f objet de ces imfcriptions.  rdu Peuple Hebreu, fans le favoir. 11 £ Direz-vous que les tradkions nationales fuppléent au défaut des monumens gravés ou écrits ? Rien de plus vrai mais il y a une regie indifpenfable pour ces tradkions. II faut que leur origine remonte au temps du fait même qu'elles atteftent, de forte qu'entre la fource du témoignage, & 1'époque de 1'événement, il n'y ait pas de lacune, & que le premier anneau de la chaine des générations, qui répétent fucceffivement le récic de 1'événement, parte de la date même du fait raconté. Ainfi, pour nous fervir encore d'un exemple tiré d'un autre monument de Trajan , fuppofons qu'aucun hiftorien Romain n'eüt laiffé par écrit, que le fuperbe pont du Danube (1), fut conftruitfous le regne de cet empereur & par fes ordres. Suppofons encore que (i) Ce pont, qui eft encore un des ouvrages étonnans de 1'lniraortel Appollodore, fut jetté furie Danube pour joindre la Móëfie a la Dacie , ( aujourd'hui la Tranfilvanie , la Valakie , la Moldavië) dont Trajan fit la conquète. Ce pont merveilleux avoit 3090 pieds de longueur. Celui de Neuilly pres de Paris , qui rendra a jamais célébre le nom de Perotift, n'a que fix arches , dont chacune a 120 pieds de long. De tous les hiftoriens qui parient du pont du Danube , Dion eft le feul , qui nous foit refté. Appollodore lui-même avoit écrit fur fon pont. Quel dommage qu» nous n'ayions plus cet ouvrage 1 combien de, chofes que nous ignorons fur les arts des anciens, & que le livre de ce grand architefte nous auroit apprifes L  «zo Hérodote Hiftorien la colonne de Trajan oü ce monument eft repréfenté, ne fubfïftat plus , Sc que nous n euflions pas les médailles oü il eft gravé, croyez-vous , Monfieur , que les étrangers qui vont aujourd'hui vifiter les ruines de ce pont, qui fe voientencore furlebords du Danube, pufïent raifonnablement douter de la tradition des habitans de païs, qui diroient qu'il a été bati f©us les aufpices ce ce prince ? Non fans doute , i. Paree qu'au défaut du témoignage des hiftoriens Sc des autres monumens , fur 1'attribution de ce pont a Trajan , il y auroit d'autres hiftoires qui attefteroient 1'exiftence de Trajan ; ce qui rendroit très-croiable, qu'il eüt pu faire conftruire des ouvrages publics. 2.Paree que lagénération contemporaine de ce fouverain qui vit conftruire le pont du Danube , auroit appris le fait a la fuivante, celle-ci a la troifieme, Sc ainfi de fuite en defcendant d'age en age depuis le regne de Trajan, fans qu'on püt démontrer qu'il fe fut écoulé méme une année, oü Ton ait attribué ce monument è un autre qu'a Trajan. Ce raifonnement peut-il s'appliquer aux pyramides & aux labyrinthes qu'Hérodote attribué a quelques-uns des rois d'Egypte? Ces noms que 1'on apprit a 1'hiftorien dans fon voiage , indiquent , il eft vrai, une  rdu Peuple Hébreu , fans le favoir. ïzf 'croiance populaire qui fubfiftoit du temps d'Hérodote; mais cetteopinion forme-t-elle un témoignage public ?Conftitue-t-elle une tradition autbentique qui puifle faire déduire de la réalité des monumens, celle des rois auxquels Hérodote les attribué t Lui-même nous apprend, & on le voit 'par Diodore , que les opinions varioieut fur le nom de ces rois , auteurs des laby- ' rinthes & des pyramides. Cette certitude ne peut donc fe concilier avec 1'uniformité du témoignage, eflentielle è toute tradition nationale ; la génération préfente ne fe concilioit donc pas avec la précédente , & ainfi en rétrogradant. Dès-lors le premier chainon de la tradition ne pouvoit partir de la date précife de 1'événement. Ainfi plus de tradition conftante , par conféquent plus de vraie tradition. D'ailleurs, au défaut des infcriptions , nulle hiftoire ne peut être citée en faveur des monarques d'Egypte, qu'on nous donne comme auteurs de ces monumens ; c'eft un fait , même de votre aveu , que dès le temps de Cambyfe , les Egyptiens avoit perdu leurs annales. Or, de Cambyfe a Hérodote, il s'étoit écoulé prés d'un fiécle ; remontant de Cambyfe , a 1'époque desprétendus rois fous le regne defquels on a fait conftruire les pyramides , combien de fiécles ne  ^2 2* ; Hérodote Hiftorien faudroit-il pas encore ajouter > Ainfi, pouf la génération Egyptienne, qui rapporta a •Hérodote le nom des auteurs de ces monumens , voila une e'pouvantable lacune de prés de mille ans , que les Egyptiens ne pouvoient remplir d'aucun témoignage ihiftorique pour étayer leur tradicion'verbale. li ne vous refteroit plus , Monfieur, qu'a m'oppofer 1'hiftoire même d'Hérodote , la première que hons aions parmi les auteurs profanes : mais obfervez i. •.Que cette hiftoire ne forma avec la tradition de fon temps, qu'un feul & même té.xnoignage hiftorique ; puifque celle-la n'a :e'té écrite que fur le rapport de l'autre. 2. .Que la découverte de 1'Abbé du Rocher &toutmon ouvrage, vous démontrent que 1'hiftoire entiere d'Egypte par Hérodote , eft un piagiat fuivi des traits altérés de 1'Ecriture fainte. Dès-lors tous les rois d'Egypte , dont il parle , tombent dans le néant , & doivent difparoitre des annales du monele. Par conféquènt le premier anneau de fa grande chaine de la tradition que vous feriez valoir fur fes pyramides , & qui pour nous > dóit remonter a la date de i'biftoire d'Hérodote , le plus ancien dépofitaire de cette tradition ; ce premier anneau, dis-je , ne peut plus tenir  du Peuple Hébreu, fans le favoir. zij a cette e'poque , puifque les rois d'Egypte , dont parle cet hiftorien , -n'ont jamais exifte. La génération , qui leur eüt attribué les pyramides, a i'époque de leurs regnes prétendus, eüt donc débité un menfonge. Cette fable étoit donc la même au temps d'Hérodote. ?3r conféquent, depuis la date de la conftruction des pyramides jufqua cet hiftorien , & depuis lui jufqu'a nous , la chaine de la tradition étoit rompue , ou plutót il n'y avoit aucune chaine. Donc plus de tradition. Ainfi , Monfieur , pour le foutiende votre caufe , vous êtes dénué. de toute hiftoire quelconque , dont vous puifliez fubftituer le témoignage a celui des infcriptions, qui vous manquent ; & vous êtes forcé d'avouer , que les principes que j'ai fait valoir en faveur des monumens publics de Trajan, fous le point de vue oü je les ai envifagés , ne peuvent convenira ceux des Egyptiens. Appréciez maintenant votre tradition nationale fur le lac Moëris , les labyrinthes , 6c les pyramides. Vous m'avezeité la colonne Trajane , je meflatte d'avoir rétorqué votre raifonnement contre vous affez heureufement. De cette longue differtation fur ces mormmens , il réfulte que la' maniere dont .M., 1'Abbé du Rocher explique 1'origine  Ï2"4 Hérodote Hiftorien. de tous ces noms de rois d'Egypte , dont les décore Hérodote , eft la feule admiffible. N'eft-il pas en effet très-croiable que les Egyptiens, épris d'admiration pour les antiquités de leur patrie, & ne fachant plus a qui ils en étoient redevables , vü la perte de leurs annales, durent faire a leurs ïabyrinthes fapplication de quelques noms dont ils appercurent, ou crurent appercevoir la conformité avec ces monumens , quand ils travaillerent a leur compilation de nos Livres faints ? VINGTIEME OBJECTION. 20. Comment concevoir que Vhiftoire d'Egypte ne foit que le revers de la tapijjerie de Vhiftoire Sainte ? C'eft cependant ce qui réfulte de la découverte de M. VAbbé du Rocher. Comment d'ailleurs fe paffet de 1'ancienne hiftoire d'Egypte} il nous en faut une cependant A .en croire votre favant , nous n'avons plus cette hiftoire ; puifqu après vingt - deux fiécles , pendant lefquels on avoit pris ces Rois d'Egypte pour des perfonnages véritables , il vient nous anno neer que ce ne font que des Rois en peinture. Votre idéé fur Vhiftoire Egyptienne de- > vsr.ue  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 225 Venue le revers de la tapijjérie de VHiftoire facrée , eft plus fubtïle que folide. Pour faire difparottre iefpécieux de votre objeöion,il flifHt de vous faire ohferver que vous fup'f ofez une hiftoire d'Egypte , la oü re'ellement ii n'y en eut -jamais. M. 1'Abbé du Rocher prétend &c démontre que 1'Ecriture fainte., altérée dans une partie confidérable , a produk une hiftoire romanefque d'Egypte. Or , quoiqu'elle ne foit qu'un tiffu de contes abfurdes , vous eommencez par l'admettre comme une vraie hiftoire. Obfervez donc que ces traits altérés, qui, felon vous, forment le revers de la iapifjérie , on ne peut les regarder comme des parties qui eonftituent 1'Hiftoire profane egyptienne ; paree que ces traits ne furent jamais ïes traits véritables de celle d'Egypte , mais ne font dans le fond que des moreeaux détachés de nos livres faints., qui ont été traveftis. Suppofons -une belle tapifferie desGobciins qui repréfentat Abraham : le revers n'offriroit fans dou-te que des linéamens informes & groffiers , mais ce feroit toujours les -traits d'Abraham qn'on verrok a rebours., & non ceux de tout autre perfonnage qu'on prendrok fauffement pour ee patriarche ; ainfi votre obje&ion n'eft qu'un fophifme. Quant a votre ancieone hiftoire d'Egypte P  2z6 Hérodote Hiftorien qu'on vous enleve , ce que vous ne pardonnez pas a M. 1'Abbé du Rocher, eft-ce donc un fi grand malheur que la perte de toutes ces rapfodies d'Hérodote & de Diodore ? Si , pour vous confoler & vous dédommager, je vous trouvois , abftraction faite de la découverte de M. 1'Abbé du Rocher , une belle hiftoire d'Egypte , la oü vous n'imaginez pas qu'il en exifte une , au-lieu de celle dont on a bercé le genre humain, depuis plu's de deux mille ans, regretteriez-vous donc tant, de pouvoir vous pafier d'Hérodote ? Je vous entends d'ici; vous me prenez au mot , eh bien ! J'accepte le dén. J'ouvre 1'Ecriture fainte : dans le tableau que je vais tracer des traits concernant les Pharaons & les. Egyptiens , dont parient fi fréquemment nos Livres faints , je m'engage a vous faire trouver une hiftoire des rois qui bien différens de ceux d'Hérodote, ont réellement exifté ; une hiftoire véritable d'Egypte , 1'hiftoire d'une ancienne & brillante monarchie. En effet, ne cónvenez-vous pas que le fondement des annales d'un royaume,'eft d'abord une fuite de rois formant des races & des dynafties différentes , d'oü réfulte une partie de cet intérêt que répandent fur 1'hiftoire d'un empire , les révolutions  , du PfuPle Hébreu, fans te favoir. ï2y quentraloe la tranflation du fceptre d'une «ceUW?Prenez 1'Ecriture fainte : ne nomme-t-elle pas comme rois d'Egypte «tn;?ua: N%hao> £phrés> «««qwii on peutajouterZ^ & Tharaca (O'Et fous le nom ge'ne'rique de tant de W P s ft' " ' ne c^Prend-elle pas, fans Ie defigner, grand nombre de fouverams d'Egypte , qilf, feIon ,£ £ « fe fuccéderen hgne direfte , & par C0Pnfequent ont dü fe divifer en plufieurs dv > naftres ? Quand 1'Ecriture nous tetfJ** mort de Jofeph , un nouveau roi Z ne i avoupasconnu, monta fur Ie trónefnC finue-^eUe pas que la branche reVn"^ elf ma une révnlntinn • iCëna»te mille royale , qüi dürent vivre a £ ,i- p2  21$ Hérodote Hiftorien confeillers de Pharaon, auxquels il annonC,oit des malheurs , s'exprime ainfi : comment pourre^-vous faire dire d ce prince , je fuis le fils des fages, je fuis le defcendant des rois anciens (i) ? Ne donne-t-il pas la preuve de la haute antiquité de ceroyaume? Dans une monarchie,la cour eft 1'objet principal qui fixe 1'attention publique, paree qu'elle étale un fpedfacle magnifique. Le prince y eft entouré de plufieurs grands officiers de la couronne, qui contribuent par la dignité de leurs emplois , a la fplendeur de 1'état. L'Ecriture ne fait-elle pas mention du grand Echanjon & du grand Pannetier (2) du roi d'Egypte , qui furent emprifonnés pour une faute commife dans 1'exercice de leur charge ? La majefté des fouverains exige encore qu'ils aient auprès de leur perfonne , des Chambellans pour Ie fervice intérieur de leur palais. L'Ecriture ne donne-t-elle pas a ces mêmes officiers mis en prifon, le nom d'Eunuques, (3) qui dans la première langue fignifie Chambellans} \ (t) Confiliarii Pharaonis.. . quomodb dicetis Pharaor.i, filius fapientium ego , filïus regum antiquorum (Ifai. c- xix.) (2) Accidit ut peccarent. . . pincerna regis & piftor Domino fuo ; iratufque contra eos Pharao ( nam alter PIïCCERNIS PR^ERAT , ALTER "PISTORIBuS, &C. ) Gcnef. 40. II. (3) Eunuchus, Eunuque, vient du giec Eunouchos, Cubi-  rdu Peuple Hébreu, fans le favoir. 2 2 (> Dans une monarchie, la noblefle décore'e des premières charges militaires , a toujours un grand état de maifon , & de riches pofleffions en biens fonds , afin que 1'éclat de la couronne réjaiilifle fur tous ceux a qui le monarque remet une portion de fa puiffan:e exécutrice. L'Ecriture ne fait-ellepas remarquer, que Putiphar génèral de Varmèe de Pharaon , princepsexercitüs, (1) étoit un feigneur riche en terres & en maifons (2) ? Dans tous lesempires, un chef fuprême de la juftice , maintient 1'exécution des loix dans les tribunaux. Un autre perfonnage revêtu d'une dignité également éminente, appofe 1'empreinte & le fceau du prince fur tous les actes émanés du le'giflateur. cultirlus , Chambellm. Ainfi ce mot dans 1'origine , n'a pas Ia Cgnification que nos langucs modernes lui ont donnée depuis. C'eft une réponfe tranchante a l'obje&ion de feu M. de Voltaire , qui triomphoit en s'imaginant prendre en défaut 1'Ecriture fainte, paree qu'elle parle dc 1'Eunuque Putiphar qui avoit une femme. L'ufage s'étant introduit parmi les monarques d'Orient, d'établir dans leur ferrail , des furveillans non-fufpects , ils n'eurent plus , pour le fervice intérieur de leurs palais , que des officiers mutilés , qui confervoient toujours le nom, qui vouloit dire fimplement , dans les premiers temps , chambeUun. Telle eft la fource du changement de fignification quVéprouvé 1e nom d'Eunuque, (i) Genef. 39. v. 4. * 2) Genef. ibid. y. 5, P 3  Hérodote Hiftorien. L'Ecriture ne nous apprend-elle pas que Pharaon , pour récompenfer Jofeph qui lui avoit dévoilé fes fonges , lorna du collief & de la robe de fin Un ; & lui donna fon anneau (i) ? Or, on fait que dans les monarchies anciennes , le collier dor étoit le fymbole du magiftrat chargé de rendre la juftice en chef (2) , & qUe Vanneau étoit le cachet authentique du fouverain. Surchargés du poids & de la multitude des affaires publiques, les rois font obligés d'avoir'des miniftres qui partagent aveceux les follicitudes d'un grand peuple a gouverner. Un miniftreéquitable cV bienfaifant, qui fait confidérer , craindre & chérir le nom du prince dont il eft le repréfentant, eft une partie intéreftante de 1'hiftoire. Ne retrouvons-nous pas cet intérêt dans ce que 1'Ecriture nous raconte de 1'admiraiftration de Jofeph , nommé.premier minifi tre de Pharaon ? Quel fpeftacle que celui que nous préfente ce miniftere adminable ! Et d'abord par la magnificence du repréfentant du fouverain , on fe fait une idee de la grandeur de fon maitre. L'Ecriture ne nous dit-elle pas que Jofeph premier minif- (1) Tulitque annulum de manu fua. Genef. 41. furie mot 'éhhulutri, Menochius ajoute , fignatorium adfaciendd decreta. (2) Voyea far cet article Dom Calmet, Bible de Vence^  du Peuple Hébreu , fans le favoir. i \ f tte , avoit lui-même un furintendant de fa maifon (i) ? Et quel éclat ne devoit pas avoir en effet celle d'un homme a qui Ie monarque avoit dit, que le tióne feul étoit la barrière qu'il vouloit mettre entre lui Sc fon favori(z) ? Quel miniftre puiffant Sc opulent quece Jofeph, qui, après avoir reconnu fes freres, leur ordonne de dire a fon pere , que lui Sc toute fa nombreufe / familie aient a fe tranfporter en Egypte ; qu'il leur fera partager gratuitemerit toutes les richeffes de ce royaume ; qui envoié k ce vénérable patriarche , dixmuiets chargés de tout ce que 1'Egypte a de plus rare & de plus riche (3) enfin qui donné en jouiffance a fon pere , & a fes freres arrivés en Egypte , la terre de Ge ff en , Sc les y entretient aux fraix du gouvernement (4) ! Quel royaume , quel monarque, que celui dont le miniftre fait - un traitement de cette magnificence k fon pere Sc a fes freres ! Un premier miniftre, par fa place , eft tenu a une grande repréfentation , pour donner aux étrangers une haute idéé de (1) Genef. 44. (2) Genef. 47. (3I Genef. ibid, (4) Geaef. ibid.  zj i Hérodote Hiftorien . la dignité de fon fouverain ; il fe fait un devoir de les aecueiltir., & de les traiter dans dés repas fplendides oh il a foie de ralTembler les perfonnages les plus diftingué's de Fétat. — L'Ecriture ne nous ditelle pas que Jofeph , pour jouir plus a fon aife de 1'embarras de fes freres, qui ne le eonnoifloient pas, les fit inviter par fon intendant a un grand feftin ? Et ee qui prouvs que le miniftre d'Egypte fuivit alors f étiquette de fa place &. du pays, c'eft que 1'Ecriture obferve qu'a ce repas il y avoit trois tables f la première pour le miniftre , Ia feconde pour les freres de Jofeph , & la troifieme pour les feigrieurs' Egyptiens, q.ui 3 a caufe de la différence de leur culte réligieux , ne pouvoient manger avec les Hébreux (i). Dans un vafte état , un grand peuple a aiourrif , & a qui fans celTe il faut fournir cette, denrée de première néceffité , dont ia difette fait gémir les fujets , & fait irembler le gouvernement, eft un des objets les plus importans d'une bonne admi- •- . . - - • (i> Lota facie egreffus { Jofeph ) ah :poniu panes. Quibus tippofitïs j feorfum Jofeph & feorfum fratribus , JEgyptiis quoque qui Vefcebantur fimul > feorfum , ( illicitum ejï enim JEgyptiis comedere cum Habrais, & profanum putant hujufce'modi cdiïv'vdium.) federunt coram eo, &c. ( Genef. 43. "jjr. 31 »  'du Peuple Héb feu, fans le favoir. 2 3 $ fciftration politique. Ne lifons-nous pas dans 1'Ecriture, que Jofeph établit dans toutes les villes de Pempire , des greniers publics ,& que par fa prévoiance, 1'abondance parvint a un tel poinc, que les grains égalérent le fable de la mer (1) ? Quand la famine eut commencé fes ravages , & que les clarneurs du peuple eurent invoqué la main bienfaifante qui les gouvernoit , Jofeph ouvrit les depóts publics , & vendit aux habitans de chaque province , du bied & aun prix modéré (2). Voila comme dans une fenle phrafe , 1'Ecriture nous donne un fyftême admirable d'adminiftration , & nous apprend qu'on peut fe pafTer des bureaux cPagriculture. Dans tous les empires { 1'adminiftration des finances eft une partie auffi délicate que cómpliquée. Un tréfor royal toujours rempli, fournit au fouverain des refTources pour les befoins intérieurs de 1'état. L'Ecriture ne nous montre-t-elle pas dans Jofeph , le directeur des finances de Pharaon , quand elle fait remarquer qu'il porta dans le tréfor royal de ce monarque , tout . 1'argent provenu de la vente des grains, faite fous les aufpices du gouvernement, au*. rr) Genef. 41. (2) Genef. 47.  1J4 • Hérodote Hiftorien Egyptiens & aux Chananéens (i) ? Et pou* concevoir combien cette fomme étoit énorme, qu'on fe rappelle le nombre immenfe d'habitans que renfennoient Y Egypte, 6c Ia terre de Chanaan. Quelle merveilleufe adminiftration de finances , que celle qui , dans tout un vafte empire, attirant dans les coffres del'Etst, tout ce numéraire qui circutoit dans les mains des particuliers, loin d'exciter le moindre foulevement, fait appeller le miniftre de Pharaon , le fauveur de tEgypie ; opération par tout ailleurs trésdélicate ; mais entre les mains de Jofeph, d'une fimplicité fublime 1 Elle enrichit le fouverain fans appauvrir les citoyens , & procura de lor & des bénédiftions au monarque, endonnant du pain & la vie a plufieurs millions de fujets affamés. Dans tout état, Ie fujet eft tenu de paier au ^fouverain le tribut & le fubfide ; paree qu'il faut que tous les membres de la grande familie , qu'on appellé la fociété , concourent aux dépenfes communes , 6c achetent par le facrifice d'une portion de leur propriété , le droit d'exiger que la force publique protégé 6c défende le refte. (l) Oppreffèrat fumcs terram , maxime JEgypti & Chanaan. Quibus omriem pecuniam congregavit pro venditiont frumenti. & intulit eam ia Mrarium regis, t Genef. ibid. >  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 2 3 $ De tous les impots , le territorial fut toujours le plus jufte , paree qu'il eft le plus naturel ; il eft le moins onéreux , paree qu'il a pour bafe une répartition proportionnelle; il eft méme le plus utile, paree qu'il animeles travaux de 1'agriculteur, qui travaille fa terre avec d'autant plus d'ardeur , qu'elle doit lui rendre ce qu'il eft obligé de paier au fouverain , & lui fournir en même temps fa nourriture ; c'eft alors qu'il fe confole des fueurs dont il arrofe fa charrue, paree qu'il a le doux efpoir qu'une petite partie des fruits qu'elle lui rendra pour la contribution publique , fera le gage de la jouiffance paifible dufurplusde fon produit. Syftême d'impót bienfaifant; & c'eft celui qu'adopta le miniftre de Pharaon. En effet , nos Livres faints ne racontent-ils pas que Jofeph , pour tout fubfide , n'impofa que le quint fur toutes les terres des Egyptiens , & les autorifa (1) a retenir les quatre autres parties pour enfêmencer leur terres , & fe nourrir eux, leurs enfans, & leurs fer- (1) Quintam partem regi dabitis ; quatuor reliquas per' mittevobis infementem & incibum famulis & überis veftris... ex eotempore ufque in prafentem dien in univerfd terra jEgypti; regibus qubita pars folvitur ,fotium ejl quafi üilegem. ( Geno£r  Hérodote Hiftorien viteurs ? Impót qui fut jugé li falutaïre par toute la nation, que cette. contribution , par un édit folemnel, fut érigée enloi fondamentale, qui étoit encore en vigueur plufieurs fiécles après , dans le temps oü Moïfe ecnvoic. Ceux qui n'ont jamais ouvert nos Livres facrés , ne croiroient peut-etre pas que 1'Efprit faint, qui a dicté nosdivmes Ecritures, oü rien de ce qui touche au vrai bonheur de 1'homme n'eft onus, & quicft le grand Livre pour tous les louverains, comme pour tous les fujets, a canonifé la taille réelle, de préférence a tous les autres genres de contribution. L'agriculture & le commerce font les deux | fources des richeffes d'un empire. L agnculture produit les matieres premières , & le commerce les échange & les tranfporte. Un état pauvre , & que la nature n a pas favorifé d'un fol heureux & fécond, eftforcéde reccurir a fon induftne, & de créer par fes manufaftures, des objets dechange pour fe procurer les denrées dont il a befoin. Eft-il privé des fimts de Ia terre , ainfi que des ouvrages de I mduftrie ? Dès-lors il devient néceffairement navigateur, & fe fait Ie voiturier des peuples agricoles & manufaduriers. Flus heureux fut le fort de 1'Egypte.  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 237 Quand nous ne faurions pas qu'avantagé d'un fleuve bienfaifant, dont les débordemens pe'riodiques procurent a fon fol une merveilleufe fécondite', & que par conféquent 1'agriculture 6c le commerce qui marche a la fuite, durent contribuer puiffammsnt a la richeffe de ce royaume , combien de traits dans 1'Ecriture nous apprendroient cette vérité ? Ce qu'elle nous dit de Jacob & de fes enfans , &c des Chananéens, qui envoioient fréquemment acheter du bied en Egypte , cette incroiable quantité de grains qui fut recueillie fous 1'adminiftration de Jofeph , n'annoncent-il pas un peuple agricole , qui, comblé du plus beau don de la nature , par les reprodutfions affure'es &c abondantes de leurs terres , pouvoit fe pafTer des denrées des autres nations &c des reffources de la navigation ? Cette apoftrophe d'Ezéchiel ( 1 ) a Pharaon : monarque d'Egypte , qui femblable d un énorme dragon & couché au milieu des eaux , as dit dans ton orgueil : le fleuve fst a moi ; cette ménace d'Ilaïe prédifant des calamités a 1'Egypte : ton fleuve fera défolé & dèfféchè ; fon Ut, fera dêpouillê (i) Ecce co ad te Pharao rex JEgypti , draco magne , qui cuhas in medio fluminum tuorum , ïi dicis, meus eft fluvius. (Ezech. 29.)  Hérodote Hiftorien de fes eaux jufques dans fa fource , & ce limon avec lequel il fécondoit la fémence que tu confiois d tes terres , fera réduit d nen (i) • ces grandes images emploiées par ces deux Prophéte», ne fuppofent-elles paslaprofpenté de 1'agriculture , que fecondoientles débordement du Nil chez les Egyptiens ? Si avec un foi auffi fertile , qui XÏZ '"r01' TS ks befoins de Première neceffite,fanS dépendre de 1'étrangerpour leurs approvihonnemens , les Egyptiens nemontrerent aucun goüt pour h[ navigation , qui a pour objet le commerce è exportation • ds fe glorifioient néanmoins de voir ks Phénictens , ces navigateurs célébres ces marehands induürieux, accounrcbezeux, 6c leur apporter fur des vaifïeaux richement chargés , les denrées etrangeres recueillies de tous les port< de l univers pour les échanger avec les pro. du&ons de 1'Egypte , oü elles fe re'pandoient enfuite par les Communications jnter,eures,dans les villes principale* de cet empire dans Memphis , Tnnis , Taphès, Hehopohs Saïs 6c Bubafte. Pour don' rierdans un feul trait, une idéé des produits (l) Fluvius defolabhur atquefccabitur\ »„Xi" non ent. ( Ifaï. iQ.) * J'«4buur, arefcet &  du Peupk Hébreu, fans le favoir. % 3 $ de ce commerce d'importation , les feuls chevaux & les chars que 1'Egypte vendoit* très-haut prix, lui procuroient des forrimes immenfes de 1'étranger. Salomon , le potentat le plus riche & le plus fomptueux de l'univers, faifoit 3cheter des chevaux dEgypte pour garnir fes écuries (1). C'eil ainfi que, fans être une puiflance maritime , 1'Egypte participoit a tous les avantages du commerce exte'rieur. De-la quel mouvement , quelle activité dans fes ports; quelle circulation dans toutes les parties de ce vafte royaume ; quelle fource d'opulence pour fes habitans, dans leurs feules relations avec Tyr , 1'entrepöt de toutes les denrées de l'univers ! Auffi le Prophete Ifaïe, en annoncant la future fubmerfion de cette ville célébre , nous peint en même temps la défolation de 1'Egypte. Après avoir prédit les malheurs, qui alloient accabler cette fuperbe reine des mers, il lui adrefTe la parolë en ces termes. Tous les FRUITS DES TERR.ES fÉcONDES Qu'aRROSENT LES EAUX DU NlL , l'aBONDANTB MOlSSON Q_u'ON RHCUEILLE SUR les f 0 Chaque cheval lui revenoit a 150 ficles d'argent, & .chaque voiture a 600. Educebantur equi Salomoni de JEgypto . . . egrediebatur autem quadriga ex JEgypto fexcentis Jiclis argenti , & tquus centum quinquaginta. ( 3. reg. x. 18. a j.)  X4C? Hérodote Hiftorien BORDS DE CE FLEUVE , ÉTOIENT POUR VOUS DES REVENUS ANNUELS. Lorfque VEgypte apprendra le fort de Tyr , fes ha~ bitansfe livreront dladouleur (r), & quel en étöit Ie motif, fi ce n'eft que la cataftrophede Tyr , alloit defiecherune des branches du commerce d'Egypte ? Les vaiffeaux de Tyr alloient donc annuellement enlever les produótions de 1'Egypte. Ainfi j'ai eu raifon de dire que, quoique ce roiaume ne fnt pas une puiffance maritime , il jouifibit des influences d'un grand commerce d'importation. Les fruits de fa terre fécondée par le Nil, n'étoient paspour elleles feuls objets d'échange avec 1'ér.ranger: une des branches de fon commerce étoit le fin Un d'Egypte , teint en rouge violet de différentes nuances, fi renommé dans tout l'univers, fi recherché de toutes les nations , & dont 1'Ecriture fait une mention fi fréquente (2). (1) In aquis multis semen nili , messis fluminis fruges ejus ; 'et FACTA est NEGOTIATIO GENTIUM. . cum aud1tum FUtRir jn JEGYPTO , DOLEBUNT cum audier1nt de tyro , &C. ( Ifaï 23.,) (2) Byffus varia de JEgypto texta efl tibi in velum ut ponernur in malo. ( Ezech. 27. ) Cette teinture de belle toilede iin fi tgypte fe faifoit avec la liqueur tirce de certains coquillages. On les a remplacés aujourd'hui par la Cochenille quon tire de la Province de Guaxaca, dans 1'Amérique teptentnonale, & avec lac^He on fait la belle teinture en ecarlate , fur-tout aux Gobelins.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 241 Ce genre d'induftrie ne pouvoit fubfifter fans un grand nombre demanufaöures établies en Egypte , & dont les attéliers forraoient des étofïes & des toiles du tiflu le plus délicat & le plus riche. N'efi-ce pas ce que nous apprend encore Ifaïe , quand, annoncant a 1'Egypte les vengeances du Ciel, les horreurs de la guerre civile , la de'vaftation de fes campagnes, 1'interruption des travaux pubiics , il pre'dit que ces calamite's. s'étendront jufqu'a ces hommes laborieux, qui contribuoient a la richelTe nationale dans leurs manufadtures f lis difparoüront, dit le Prophe'te, ces ou~ vriers qui s'occupent d former les tissus de lin, ouvrages de la trame la plus fine (i). Dans tout royaume, oli le commerce & les manufadtures préfentent au citoyen aifé, tous les objets qui peuvent procurer les jouillances & les délices de la vie , bientöt le luxe s'introduit dans tout ce qui fert aux ufages les plus communs. C'eft, ce que nous retrouvons encore dans 1'Ecriture fur le goik des Egyptiens pour les arts. Dans le Livre des Proverbes, (I) Confundentur qui OPPER.ABANTUR UNVM PECTENTES ET TEXENÏES SUBT1UA. ( lfaï. %(). ) Q  242 Hérodote Hiftorien Salomon parle d'un Ut fait cTune belle étoffe , enrichi de couvertures de dif- ferentes couleurs , fabriquees en Egypte (i). Ces expreffions n'annoncentelles pas que les Egyptiens portoient jufques dans leurs meubles , la délicatelTe du luxe le plus recherché ? D'après ce trait , peut-on difconvenir que les Egyptiens ne formaffent une nation policée par le luxe Sc les arts, dont le commerce fait toujours naitre le gotit ? Chez' tous les peuples civilifés , les fciences Sc les lettres font en honneur ; les talents de 1'efprit, qui acquierent de la confidération a ceux qui les cultivent , ajoutent a la fplendeur de 1'état, en faifant réjaillir fur la nation la célébrité dont jouifTent les hommes diftingués par leur érudition. Mais a leurgloire fe joint 1'utilité. Les favans contribuent encore par leurs écrits , a donner au gouvernement des vues utiles au bien public. Ne lifonsnous pas dans 1'Ecriture fainte, que 1'Egypte avoit auffi fes favans ? Et quel autre pays, plus que 1'Egypte, peut fe vanter d'avoir été la patrie des fciences ? Les (i) Intexui funibus hclulum meum , ftravi tapetibus piftis in JEgypto. ( Prov. 7. v. 16. }  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 243 Grecs eux-mêmes , nos inftituteurs dans les arts , ne reconnnoiffent-ils pas avoir eu les Egyptiens pour maïtres ? Ouvrons nos livres facrés; ils atteftent que les fciences furent cultivéesen Egypte. Ne nous difent-ils pas que Moyfe fut e'levé par la fille de Pharaon , dans toute la fagejfe des Egyptiens ? ( act. 7. v. 22. ) On fait que i fous la de'nomination de fagejfe, les anciens entendoiënt Fétude des lettres & des fciences (1). Qu'on obferve combien (1) Pour acquérir des notions plus étendues fur cette matière , il faut recourir a 1'origine du mot fagejfe. Les langues modernes ont un rapport fenfible avec les langues orientales ; il eft certain que le ftancois vient du latin , le latin du grec , & le grec de 1'hébreu. Ce fait inconteftable établi, qu'on fe fouvienne que ce que les Grecs appelloiem fophia , fageffi , n'étoit qu'un fynonime du mot fcience. Or, la fophia des Grecs tire évidemment fon origine des mots hébreux sophor & sorHOROUTH, dont 1'un veut dire doctor, litteratus , & l'autre , litieratura, htfloria, mathematica , mufica, arithmetica. ( Voyez le diétion. héb. de Giraudeau. ) Ainfi par le fophor & le fophorouth des Hébreux , il eft indifpenfablc d'entendre la litte'rature, 1'hiftoire, la mufique , Carithmétique', les malhdmatiques , en un. mot , tout ce que nous avons appellé fciences dans nos langues modernes. Par leur fophia les Grecs exprimoient la même idée. Auffi un fage chez eux , ut'étoit pas ce que nous entendons aujourd'hui , en le prenant feulement pour l'homme qui dirige fesa&ions fur lareftitude morale , mais vouloit dire un borrfme habile dans toutes les fciences; & comme Pétude desmceursfaifoit partie de ces connoiffances , le sophor ou le sophos , le sage , oule savant chez les anciens , fignifioit celui qui s'adonnoit tout entier a l'étude de la vérité , & a la pra '. jue de 1» Q *  244. Héro do té Hijlo rien. dut être brillante 1'éducation de Moïfe adopté par la fille d'un gra.-;d monarque , & que cette inftirution dut néceffairement comprendre tous les arts de 1'efprit, ainfi que tous les exercices du corps, qui étoient alors en ufage. Ce que rapportent Philon & Clement d'Alexandrie ( L. 6. des ftrom.) fur 1'éducation de Moïfe, ne peut que nous donner une grande idéé des fciences cultivées en Egypte, a cette époque. Dans un autre endroit de 1'Ecriture , nous lifon que la fagejfe de Salomon furpafja celle de tous les Orientaux & des Egyptiens (i) j obfervons que dans cet endroit oü il eft queftion de la fagejfe de Salornon , 1'écrivain facré dit i°. Qu'il étoit plus fage qu'ETHAN , & qu'HEMAN ; Sa- pientior cunctis hominibus , sapien-" hor Ethan & Heman ( 3. Reg. c. 4. v. 31. ) 20. Que le fruit, de la fagejfe, c'eft-a-dire , de la fcience de Salomon , vertu. C'eft ce qui fit que Pythagore , a ce qu'on dit , frappé de cette perfs&ion , trouva que le nom de fage n'étoit pas affez modefte , & fut le premier qui fubftitiia celui de philofophe , c'eft-a-dire , ami de la fagejfe; dénoinination qui anncn^oit monis de pretentieus. Pour le remarquer en paffant , qu'on juge combien ceux qui fe nomment aujourd'hui les fages , les phrlofophes par excellence , lont infiniinent loin de remplir la défini'tion même du mot fóphoroM fophos. (1) Precedebat fapiemia Salomonis fapientïam omnium orientaüum, & JEgyptiorum {3. reg. c, 4. v. 5.)  du Peuple Hébreu ,jansle favoir. 245 étoit un très-grand nömbre de poëfies , & une hiftoire naturelle complette fur totites les plantes & les animaux , compofée par Salomon. D'une autre part , nous voyons par le premier Livre des Paralipomenes ( 15. 19. ), que cet Ethan & cet Heman étoien't deux muficiens , très-célébres du temps de ce prince. Les'connoiflances de Salomon furpaffoient les leurs ; par la fagejfe de ce prince, on doit donc entendre également la fcience de la mufique. L'Ecriture dit encore formellement, qu'il étoit grand poëte & grand naturalifie ; ainfi la poëfie , la mufique, Vhiftoire naturelle , voila ce qui nous donne une idéé d'une partie de la fagefie de Salomon. Maintenant qu'on rapproche le pafïage précédent; oü 1'Ecriture traitant toupurs le même fujet, & prenant ce qu'elle appellé fageffé , dans le même fens-que dans le verfet fuivant , elle déclare que la fagejfe de Salomon furpajfqit celles' des Ecyptirns ; il fera aifé d'en conclure que la poëfie, la mufique, & Vhiftoire naturelle étoient égale ment cultivées par les sages ou les favans d-Egypte; & c'eft-lk ce que 1'Ecriture entend par la sagesss des Orientaux , & des Egyptiens ; fans cela la comparaifon feroit illufoire , Q 3  246 Hérodote Hiftorien. puifque les objets comparés n'auroient aucune analogie entr'eux. II eft donc vrai que , par la fagejfe des Egyptiens, il faut entendre toutes les fciences ; ainfi dans 1'Ecriture nous avons la preuve que 1'Egypte, du temps des Pharaons, avoit fous Ie nom de fages, des favans en tout genre. La force phyfique d'un état, eft dans fes troupes nationaies , & dans 1'habileté des généraux deftinés a les eommander. Elles affurent au-dedans la tranquillité publique , & font refpeófer au-dehors le monarque , qui d'un feul mot peut mettre en mouvement cent mille hommes armés. L'Ecriture ne nous parle-t-elle pas des troupes du roi d'Egypte , détachées contre les Ifraélites qui , s'évadant de fes e'tats , fuioient vers le défert fous la conduite de Moïfe ? Ne nous dit-elle pas que Pharaon convoqua fes généraux (1) ? Le peuple fugitif étoit au nombre de plus de deux millions d'ames , dont fix cent mille combattans. II fallut donc un corps de troupes confidérables pour arréter dans la pourfuite une auffi nombreufe émigration. La circonftance forca le roi d'Egypte , pour accélérer fon expédition , a n'em- li) Esod. cap. xiy.  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 247 ploier que fa cavalerie ; qu'étoit-ce donc que fon infanterie (1) toujours plus nombreufe dans un royaume ? Ainfi voila un état militaire fur un pied refpectable en Egypte , 6c toujours prêt a marcher au premier ordre du fouverain. Une monarchie floriflante & voifine d'autres états puiffants, a néceffairement des rivaux. L'ambition 6c la jaloufie, qui nait des intéréts qui fe croifent , arment fouvent les rois les uns contre les autres. La guerre eft une matière qu'on trouve toujours immanquablement traitée dans toutes les hiftoires du monde. Celle de 1'Ecriture ne fait-elle pas une mention fréquente des guerres des rois d'Egypte ? N'y voit-on pas Sefac , malgré les liaifons du fang entre Roboam 6c lui , déclarer la guerre au roi de Juda par un motif d'avarice , 6c piller le temple de Salomon (2) ? Des guerres entrainent néceflairement des batailles ; & celles-ci quelquefois ont caufé la captivité des rois, & la ruine des empires. L'Ecriture ne (1) L'hiftorien Flavien Jofephe raconte qu'elle étoit de deux cent mille hommes , aderant enim feptingenti currus eum equïtum quinquaginta millibus & ducentis millibus fcuta; torum peditum. ( Jofeph , lib. 2. antiquit. Judaïc , cap. 6.) (2) 3. Reg. 14.  248 Hérodote Hiftorien nous apprend-elle' pas que le roi d'Egypte Nêckao , dévoré de 1'ambition d'agrandir fes états , fit la guerre a Joftas, & que celui-ci ayant livré bataille dans les plaines de Mageddo , fut bleffé & vaincu (i) ? Ne lifons-nous pas encore que fon fils Joachai fut mis dans les fers parl'Egyptién victorieux , qui, après avoir impofé fur le royaume du monarqüe captif une ^forte contribution , le transféra dans fes états , & donna la couronne i> fon frere Eliacim (2) ?' L'Egypte a fon tour éprouva que Ja guerre eft un jeu cruel dont leschances font autTi terribles que variées. Car 1'Ecriture nous raconte encore quyAn'fiochus Villuftre envahit 1'Egypte, a la tête d'une armée nombreufe , "& avec une fltftte confidérable", & qn'aiant défait Xe le roi Ptolémée, qui prit lafuitè, il s'empara'de fon roiaume (3). Ainfi 1'hiftöire d'Egypte tracée par les Livres faints, nous peint les fcénes/fanglantes que nous retrouvons dan? les annales de fous les. autrespeuples. Une politique-'-prudente & détehninée par 1'intérêt de 1'état , engage les fouve- (1.) iv, Reg. 23. 2, paralip, jj. (2) iv. R.. 22. 33. 2. paralip. 35. (3) .. i. Mach- i- ■ ,t M . -  du Peuple Hébreu , fans le favoir.^ 249 rains a nouer entr'eux des négociations , a s'envoier des ambafTadeurs , & a former des alliances que cimentent fouvent des mariages commande's par la convenance ou la nécefïité. Ne lifons-nous pas dans 1'Ecriture , qu'Alexandre fils tXAntiochus , après avoir vaincu , dans un combat long & fanglant, Démétrius , envoia au roi d'Egypte une ambaflade folemnelle , pour lui demander fon amitié , fon alliance, & fa fille Cléopatre en mariage ? Les dépêches de Ptolémée adreflees l -Alexandre , portoient, qu'il exai^oit les vceux du rnonarque , qu'il lui accordoit la princefTe ; mais qu'il demandoit d'avoir une entrevüe avec lui dans Ia ville dePtolémaïde. Ce fut-la que les nöces fe célébrërent , & que les deux fouverains déploierent toute la magnificence de leurs Cours (1)—L'hiftoirede la polirique nous :préfente quelquefois des fouverains amis , transformés tout - a - coup en ennemis , rompant leurs traités , s'armant contre leur propre fang , & par des négociations noüvelles habilement liées , recherchant 1'amitié de celui dónt peu de temps auparavaat ils avoient concerté la perte. — (i) 1- Mach- 10.  2 5© Hérodote Hiftorien Dans 1'hiftoire d'Egypte que nous donne Ibcriture, ne retrouvons-nous pas toutes ces viciffitudes d'une politique infidieufe & perfide ? Nos Livres faints ne nous difent-ils pas que ce même Ptolémée , s infinua fous les déhors de 1'amitié , dans les etats du prince Alexandre alors ablent; que lè il ne'gocia fourdement avec Vemétnus rival dé fon gendre , & qu'aiant iait un traite avec lui, ilrompit brufquement avec 1 époux de fa fille, prétexta des griefs & des inimitiés , lui déclara la guerre , lui hvra bataille, &c lui óta la couronne öc la vie (i) ? Dans une monarchie, deux ordres de perfonnages éminens font élevés au-deflus de toutes les autres clafTes de citoyens , la noblefle öc 1'ordre facerdotal. La première défend le tróne & garantit la conftitution de I etat ; l'autre fert 1'autel, & maintient le culte public. Ces fonaions facrées placent de leur nature les miniftres de la religion nationale dans un rang fublime; dela ce refpea & cette confidération attachés a ce miniftère réligieux. Cette vénération pour les pontifes du culte divin eft fi univerfelle , qu'elle a été de droit (0 i. Mach- ii.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 251 public dans tous les empires anciens, comme dansles modernes. Parmi les nations mêines plonge'es dans 1'aveuglement de 1'idolatrie la plus abfurde & la plus grofliere , les fouverains diftinguérent toujours, par des prérogatives & des immunite's , 1'ordre facerdotal. Chez les Egyptiens, dont nos Livres faints nous parient, n'appercevons-nous pas ce trait de reflemblance avec toutes les autres nations? L'Ecriture ne marque-t-elle pas , qu'en Egypte les terres des prêtres étoient exemptes de toute fervitude ; qu'ils furent maintenus dans la libre propriété de leurs pojfeffwns ; que Vétat leur fournijfoit gratuitement des grains tirés des greniers publics, & que leurs terres furent nommément difpenfées du tribut impofé par Pharaon fur toutes les autres (1) ? Monument hiftorique qui, loin de nous porter a croire que 1'immunité dont jouit aujourd'hui le clergé chrétien , vient de cette fource (1) Subjecit eam Pharao , & cunBos populos ejus.... prater terram facerdotum qum d rege tradita fuerat eis ; quibus & ftatuta cibaria ex horreis publicis prttiebantur , 6* idcirco non punt compulji vendere pojfejjïones fuas.... quintam parten regi dabitis.... ex eo tempore ufque in prtefentem diem , in univerfd terra JEgypti , regibus quinta pars folvitur , factum eft quaji in legem abfque terra facerdotali, quctlibera ab hdc conditione fuit. ( Genef. 47.)  2 5 ? Hérodote Hiftorien .profane tire. fon origine des hommages d une aveugle fuperftition , nous at«fte au contraire, que ce que nous vo.ons en Egypte, n'c'toit iui-mêmequ'un relte de I ancien,oe tradition des premiers dommes s for les prée'minences dües aux m^mi du; vrai Dieu ; tradition pure ..dans fa- fource divine , & qui eft une dé celles.qu, fe confervérent malgré 1'altéraWtqu epmuvérent dans la fuite toutes Je^inftitutions patriarchales, au milieu du • f r,ent general de 1'idoiatne qui inonda iumvers(r). -Dans toutes'les hiftoires du monde, ion voit hs courtifans .flatter Ie gout des S^W?^ ia volupte', & s'emploier JJieme a. les fervir dans leurs: plaifirs , en ^ntle^shjets. dont ils peuvent faire les gffififttt de.iincontinence de,leur maitre. U-ans toutes les cours de l'univers , anciennes &c modernes , 1'on voit des femmes intngantes, au prix du facrifice de leur honneur & de la pudeur , le plus ■beJ-appanage^e-ieur fëxer acheter quel- w.hai «r.^, lutn&tafar.ax'-ïi ^ v- ncr\. •• •■ 4 jS^&S Pa5 enc°re/^«établieen 'VÏÏL C1 es1dl^'on.r,dont jouiflbita cette époque tftÖS^^ ,CS ^yi>«- • Solvent pgS  du Peuple Héb reu, fans le favoir. 253 quefois le plaifir de fe venger d'un défaut de complaifance , en perdant auprès d'un grand en crédit, par une calomnie artificieufe , 1'homme vertueux qui a eu la force de réfifter è leur charmes.— Ne re-" trouvons-nous pas ces traits dans 1'hiftoire d'Egypte contenue dans nos Livres faints ? Ne nous difent-ils pas, qu'Abraham voiageant en Egypte avec Sara dont la beauté n'étoit point encore flétrie, aufli-tót les courtifans de Pharaon lui en parlérent, vantérent les attraits de 1'étrangére , allumérent la paflion du prince , cc finirent par enlever Sara , & par la conduire dans le palais , en emploiant auprès d'Abraham les préfens pour le féduire & le caliner , perfuadés qu'.il n'étoit que le frere de Sara (i) —Dans 1'hiftoire de 1'époufe de (ll FaH.i eft autcm fames in terra, defcenditque Abram in JEgyptum ut peregrinaretur ibi. .. . prcevaluerat enim fames in terra. Cnmque propè effet ut ingrederetur ^gyptum , dixit Sarai uxori fux. Novi quod pulchra fis muiier , & quod eum viderint te JEgypi'ü , dicluri funt , uxor ipfius eft , & ir-terficiunt me, & te refervabunt. Die ergo , obfecro , quod foror me.z fis.. .. 6um itaque ingreffus effet Abram AUgyplurri , viderunt jSgyptii mulierem quod e[fet pulchra nimis. Et nuntiaverunt principes Pharaonis , & laudaverunt eam apudillum, & fublata e(l muiter in domum Pharaonis. Abram verb bene ufi fur.t propt er illam. Fueruntque ei oves & boves , & afini& fervi & famula & afina. & cameli. ( Cenef. cap. xn. "f". 19. 11. 12. 13. 14. 15. 16.)  2J4 Hérodote Hiftorien Putiphar , général de 1'armée de Pharaon , & par conféquent un des grands du royaume , un des courtifans du prince , 1'Ecriture nous donne encore un exemple des intrigues criminelles ourdies par les femmes de cour. Nous voyons en effet que 1'époufe de Putiphar voulant fe'duire Jofeph , emploia les follicitations les plus empreftees , & que le faint jeune homme ayant réfifté avecun courage héroïqueaux avances de tcette femme impudente , elle imagina de le calomnier auprès de fon époux, qui, tout alafois dupe de 1'infidélité de fa femme , & 1'inftrument aveugle de la vengeance , fit jetter dans les prifons de 1'e'tat, un innocent qu'écrafoit 1'injuftice , paree qu'il avoit pre'fere' la vertu a tout (i). Eft-il befoin d'avertir ici, que fi 1'efprit faint, incapable de tracer a nos yeux des portraits qui peuvent allarmer la pudeur la plus délicate , paree que les paroles du Seigneur font effentiellement chaftes , & qu'elles font plus pures que Vargent qui a paffé fept fois par le feu (2), a cru cependant devoir ne pas omettre les deux (1) Voyez rour lc chapitre 39 de la Généfe, '2) Eloquia Domini, eloquia. cajla , argentum igne examinatum ,probatum terra , purgatum Septuplum. (Pfal- x 1 • 7. )  du Peuple Hébreu, fans le favoir. i$$ hiftoires que je viens de rappeller, & qui arriverent en Egypte , c'eft pour nous apprendre que les grands ont été les mêmes dans tous les temps; que toutes les cours des empires paffés & préfens fe reffembient, Öc que cette honteufe paffion , qui fait le malheur de ceux qu'elle captive , regne en defpote dans le cceur des gens de cour, pour qui , dans ce genre , rien n'eft facré , pas même la femme d'un Abraham. Pour dernier trait du parallele que nous efquiftons , nous citerons les cérémonies funéraires ordonnées quelquefois par les Souverains , pour honorer la mémoire que laiffe après lui un mérite éminent. Les hiftoriens profanes fe font un devoir de décrire ces honneurs funébres ; paree que telle eft la puilïance des Rois , qu'ils favent même donner au fpecfre de la mort un air de grandeur , 6c de majefté. Ouvrez 1'Ecriture fainte ; n'y lit-on pas le récit des obféques magnifiques accordées a Jacob par ordre de Pharaon , qui crut devoir cet hommage au pere de fon pre, mier miniftre ? Rien de plus curieux que ce morceau ; il vous donnera une idee des mceurs égyptiennes de la haute antiquité. Si les obféques des grands de nos jours,  ^cé> Hérodote Hijlorien ont de la dignité , on verra que les Egyptiens en mettoient auffi. dans leurs cérémonies funébres. Jacob étant mort, Jofeph, après 1'avoir arrofé de fes larmes , donna fes ordres aux officiers de fa maifon pour les funérailles du vénérable patriarche. Son corps , felon 1'ufage égyptien, fut embaumé dans 1'efpace de quarante jours ; Sc pendant foixante-dix, le royaume entier porta le deüil ; dès que la douleur du premier miniftre lui permit de paroitre en public, il fit annoncer au roi la perte amère qu'il venoit de faire , Sc lui fit demander fon agrément pour les honneurs qu'il vouloit rendre a la mémoire de fon pere, conformément a fes dernieres volontés. Le monarque y confentit. Alors Jofeph s'apprêtant a partir , les miniftres de la cour de Pharaon , tous les grands de 1'état, les officiers de fa maifon Sc fes freres voulurent 1'accompagner. Un détachement de cavalerie eut ordre de 1'efcorter. Des chariots funébres précédoient la marche : ce cortége étoient aufli nombreux que magnifique. Arrivé a VAire cCAtad , lieu de la fépulture , on emploia fept jours a célébrer les obféques. La vivacité de ia douleur répondit a cette pompe lugubre. II falloit que cet événement  du Peuple Hébreu ,fans le favoir. 2 cy ment eüt opéré une. vive fenfation , pmfque les habitans de Ghanaan, te'moins de ce trifte fpectacle , pour montrer combien ils en étoient fiappés , s'exprime'renc en ces termes : de pareilles obseques an- noncent ia mort de QUElQUE grand en Egypte. Le corps de Jacob fut mis dans le tombeau qu'il avoit choifi. La cérémonie terminée , Jofeph revint è Ia cour , accompagné de fes freres , & du convoi qui fe retira dans le méme ordre (r). Je me flatte , Monfieur , que vous commencez maintenant a convenir que , graces a nos écrivains facrés , nous pouvous nous pafferd'Hérodote fur 1'Egypte, paree . (1) Jofeph ruiffuper faciem p'atrLi flens.... praccpitque fervisjws. .. ut. . .• condirent patrem. Quibus juffa éxplentïbus tranfierunt quadraginta dies: ifte quippe mos erat cadaverum' conditorum , flevitque eum Mgypti feptuagenta diebus. Et expletoplanBAs tempore, locutus ejlJofeph adfamiliam Pharaonis : fi mvem gratiam in confpecluveftro , loquimini in auribus Pharaonis : eb quod pater meus adjuraverit me , dicens : en monor , m jepulchro meo quod fodi mihi in terra Ghanaan , fedehes me- Afcendam igitur & fepeliam patrem meurn, a'c revertar. Di-xitque ei Pharao : afcer.de & fepeli patrem tuum feut adjuratus es. Qub afcendente, ierunt cum eo omncs fenes domus Pharaonis , cunaljue majores natu terra, ^gypti. Domus Jofeph cum fratribus fuis. .. . Habuit quoquè in comitatu currus & equites: & facla eft turba non modica , venerurtque ad aream At ad. ... ubi celebrantes exequias planclu maLo atque vehementt, impleverunt feptem dies. Quod cum vidiffent habitatores terra Chanaan, dixerunt: PLANCTus MAGNUS EST ISTE ^GYPTils ƒ .. . tj portantes eum in terram Chanaan - Jepeherunt eum in fpeluncd duplici reverfufque eft Jofeph in JEgyp tum cum fratribus fuis & omni comitatu , fepulto patre. > Genef 50. .,  2.58 Hérodote Hiftorien qu'ils nous en ont donné, non pas comme lui , une hiftoire remplie de faits incroiables & gigantefques, celle d'un Sefoftris qui fait des conquêtes avec fes épaules , mais une hiftoire avouéeparle bon fens, öc qui porte tous les caracleres de la vérité. Cependant je m'imagine vous entendre me faire cette queftion. Comment allezvous vous y prendre , me direz-vous, pour retrouver dans votre Hiftoire Egyptienne tirée des Livres faints, ces Momies d'Egypte fi renommées ? Si, comme vous le penfez , Moïfe eft le feul qui nous ait tranfmis les vraies annales de 1'ancienne Egypte , cet écrivain n'a pu omettre de faire au moins quelque mention des Momies, dont 1'ufage tient è la haute antiquité de cette nation. Sur cet article , il ne me fera pas difficile, Monfieur , de vous fatisfaire. Lifez 1'Ecriture fainte, al'endroit des obféques de Jacob , dont je vkns de vous faire la defcription. N'y voions-nous pas qu'aufTitöt après la mort de ce patriarche, Jofeph ordonna aux parfumeurs de fa maifon , d'embaumer avec des aromates le corps de fon pere,öc qu'ils emploierent quarante jours a cette opération (1) ; tant cette mani- (1) Prctcepitque (Jofeph) fervis fuis medicis ut AROMATI-  du Peu p le Hébreu, faas le favoir. 25$ pulation exigeoit d'art , de temps, & de foins ? A ce trait reconnoiflez - vous les Momies d'Egypte ? Elles font ici tellementdéfignées, quel'Ecritureajouteimmédiatement après, ces paroles : car telle étoit ( chez les Egyptiens ) la coutumepour les corps morts (1). Les Commentateurs de 1'Ecriture re-' connoilTent, comme nous, dansces textes, 1'ancien ufage des Momies. Corneille de la Pierre , dont les notes font fi eftimées , s'exprime ainfi fur le paflage que je viens de rapporter : les Egyptiens, dit-il, excelloient dans 1'art d'embaumer les corps. Nous en avons des monumens encore aujourd'hui dans les Momies, ceft-d-dire„ dans des corps enfévelis depuis plufieurs fiécles qu'on tire des caveaux, qui fe vendent, & fervent aux ufages & aux expériences de la pharmacie. Car c'eft de 1'Egypte quon tire ces Momies. Hérodote 1. 3. & Diodore l. 11 nous donne les procédés des Egyptiens pour leurs Momies (2). BUS CONDireNT patrem. Qjübus jujfa explentibus , tranfierunt quadraginta dies. (Genef. 6 Hérodote Hiftorien VINGT-UNIEME OBJECTION. 21. C'eft un fait inconteftable , que les habiles chronologiftes ont conftamment regardé les phénoménes céleftes , comme un des moyens lés plus furs de vêrifier certaines époques importantes , qui fe trouvent dans les hiftoires de la plus haute antiquité. Les Egyptiens étoient grands aftronomes ; ils difoient avoir obfervé, avant Alexandre ,373 éclipfes de foleil, & 832 delune. Le calcul donne afjèi ce nombre ; donc, quand on lira dans leur hiftoire que la date de tel événement fe trouve en concurrence avec une éclipfe de foleil , on peut affigner avec plus de certitude l'époque de ce fait hiftorique par le calcul , que par tout autre procédé. Cette admirable méthode, dont le réfultat ne peut laijfer aucune incertitude, paree qu'il eft le fruit du calcul, eft celle qui a engagé un de mes amis, dont je vous ai Jouvent parlé, d travailler d fon grand ouvrage fur Vhiftoire d'Egypte , d'après les obfervavations aftronomiques. Par elles il démontre le Synchronifme des anciens rois d'Egypte 3 dont Hérodote & Diodore ont donné Vhiftoire , 6* Manéthon  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 267 les noms & le catalogue. Ils ont donc exifté , ces Rois d'Egypte , puifque la date de leur regne concourt avec les obfervations aftronomiques ; cependant 1'auteur de VHiftoire véritable des temps fabuleux, s'ejforce d'anéantir tous ces anciens Rois d'Egypte. Les raifons qu'il apporte , quelque érudites qu elles paroijjent, ne peuvent tenir contre Vévidence des calculs des aftronomes , qui renverfent de fond en comblefa prétendue découverte. Comment lutter contre une preuve de cette efpece ? Je fuis curieux de favoir de quelle manier e vous vous y prendre^ peur vous dèbarraftfer de cette objeclion. Elle n'eft pas difEcile a réfoudre ; elle n'eft que féduifante. Je foufctïs d'abord \ votre aflertion générale furies phénomènes cêleftes, regardés conftammentpar les chrvnologiftes comme un des moyens les plus furs de vérifier certaines époques importantes : mais permettez que je vous rappelle deux autres principes pour le moins aufll certains que les vötres ; c'eft qu'il faut i°. Que ces phénomènes foientnéellement arrivés , & qu'ils aient été obfërvés exattement dans le temps méme oü Jes éve'nemens ont eu lieu ; 20. Que des  268 Hérodote Hiftorien auteurs contemporains aient certifié Ie concours du phe'nomène ce'lefte avec 1'événement arrivé' fur notre globe. C'eft ainfi que Pon eft^affuré de 1'année que commenca la fameufe guerre du Péloponèfe, oü il arriva une grande éclipfe de foleil, 43 r avant 1'Ere chre'tienne. C'eft ainfi encore que les Romains, témoins de la mort de Jules-Céfar , ont attefte' 1'obfcurciflement du foleil, qui fignala cette cataftrophe arrivée 44 ans avant J. C. Les Egyptiens, prétende^-vous , difoient avoir obfervê'avant Alexandre 373 éclipfes de foleil , & 832 de lune. II në-fuffit pas d'avancer que les Egyptiens aient dit avoir obfervé , il faut prouver qu'il ontobfervé réellement toutes ces éclipfes; cV.pourétablir ce fait, il faut que des perfonnages contemporains de ces obfervations aient laiffé des monumens, foit par écrit , foit autrement, qui atteftent la réalité de ces phénomènes céleftes; fans cela , dès le début de lji conteftation , vous vous trouverez en défaut, fur la première des deux regies réquifes indifpenfablement pour affigner 1'époque d'un événement , a 1'aide des phénomènes céleftes. Donc, quand on lira dans Vhiftoire des Egyptiens , que tel événement concourui avec Vépoque cVune éclipfe de foleil, on  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 269 peut plus certainement affigner la date de de ce fait hiftorique par le calcul, que par, tout autre procédé. Oui afTurément , quand on trouvera des éclipfes rapportées dans 1'hiftoire des Egyptiens. Or , elle eft totalement muette fur cet objet; en effet celle d'Hérodote, la plus ancienne fur 1'Egypte , ne parle pas d'éclipfes, encore moins d'éclipfes, obfervées en Egypte. Cet auteur fait feulement mention de changemens arrivés dans le foleil fous le roi Sethon , trait que j'ai déja cité ; 6c qui appartenant a 1'Ecriture, porte afaux rélativement a 1'Egypte. D'ailleurs des taches dans le foleil, ou quelques autres phénomènes , comme un obfcurciffement' , tel que celui qu'on appercut a la mort du diclateur Céfar , ne font pas des éclipfes. Ainfi , je vous nie purement & fimplement , qu'on trouve , ou qu'ou ait trouvé dans 1'hiftoire d'Egypte par Hérodote , que certains éve'nemens coucoururent avec une éclipfe de foleil. En vain , vous m'oppoferiez que Diogenes Laërce,fait mention des 373 éclipfes de foleil, 6c des 832 de lune, quevous dites avoir été obfervées avant Alexandre : que Sénéque nous apprend que Conon , dans fon voiage en Egypte, 300 ans avant J. C. 3 recueillit& ralfembia toutes les éclip-  I70 Hérodote Hiftorien fes confervées par les Egyptiens : que Diodore de Sicile rapporte que les The'bain» ( c'eft-a-dire , les anciens Egyptiens ) calcule'rent fort cxaclement les éclipfes de lune tx de foleil. Pour ane'antir toutes ces autorite's , il me mffiroit de vous rapporter a celle de Ptolémée & d'Hypparque , qui gardent le filence fur ees obfervations. C'eft ce qui a de'terminé M. Bailly dans fon hiftoire de VAftronomie, a conclure que ces obfervations d'e'clipfes attribuées aux Egyptiens , ont été faites par les Chaldéens , é portées & confervées en Egypte. Le favant hiftorien appuie fon afTertion fur ce que i°. Hypparque & Ptolémée, fe font fervis en Egypte ( a Alexandrie ) des obfervations des Chaldéens, preuve qu'elles y avoient été tranfportées. 2° Qu'il n'eft nullement vraifemblable que les obfervations Egyptiennes aient pft être recueillies par Conon, & qu'elles n'euffent plus exifté en Egypte, du tems d'Hypparque, c'eft-a-dire , 120 ou 130 ans après. i°.Qu'aucun Aftronomen'd. fait mention des obfervations Egyptiennes, que contenoit le recueil de Conon. 4°« Que Diogénes Laërce ne cite point les auteurs de ces obfervations. 50. Que Sénêque , en parlant de ces obfervations que Conon avoit recueillies, dit confervées  du Peuple Hebreu, fans le favoir. zjt & non pas faitesen Egypte; d'oü. il fuit que toutes^ces éclipfes n'appartiennent point aux Egyptiens. ( V. 1'hift.de 1'aftron. ancienne , éclairciflemens. p. 410 & 414.) Cependant, quand je vous accorderois les 373 éclipfes de foleil , & les 832de lune obfervées par les Egyptiens avant Alexandre, au rapport de Diogenes de Laërce, la conféquence que vous en tireriez , ne feroit pas bien redoutable pour moi375 & 83 2 éclipfes, tant de foleil que de lune, font 1205 éclipfes ; or il y a peu d'années oü il n'en arrivé plufieurs , tel qu'en 1783. Voiez en prenve votre almanach , qui annoncoit pour cette année 6 éclipfes , 4 de foleil & 2 de lune ; mais, en fuppofant qu'il n'en fut arrivé que 3 feulement chaque année , 1'une portant l'autre , hypothèfe très-admiffible , 400 ans auroient fuffi pour 1200 éclipfes. Ainfi quand vos Egyptiens les auroient obfervées avant Alexandre , quatre fiécles en remontant de la naiffance de ce prince (1), ne font pas une antiquité plus reculée que celle qu'on trouve dans les Livres faints. Les Chinois , comme vous le favez, (ij Alexandre naquit 356 ans avant J. C. Moïfe exiftoit 1500 ans avant cette derniere époque.  'tji Hérodote Hiftorien ont de grandes prétentions en matiere deconjoncïion de planetes. C'eft unenatioa dont les obfervations aftronomiques forment Ie grand argument des philofophes modernes contre la chronologie de Moïfe. Pour vous apprendre a ne pas vous enthoufiafmer fur ces calculs aftronomiques, avec lefquels la charlatanerie philofophique en impofe quelquefois aux gens peu verfes dans ce genre d'études , voici une anecdote curieufe fur les aftronomes Chinois. , On lit dans une Iettre manufcrite du pere Gaubil , Jéfuite miftionaire de la Chine , en date du 25 Septembre 1725 , & e'crite au pere Souciet, que les 4 planetes Jupiter, Mars , Vénus & Mercure s'e'tant approchées dans leurs cours , au mois de mars de Ia mêmeanne'e, les mathématiciens de Pébin imaginerent fur le champ une certaine approche de Saturne , & qu'il s'étoit fait une conjonction de ces 5 planetes avec le foleil & la lune. Auffitót le tribuhal des mathématiques pre'fenta fes re'giftres a 1'empereur Yonc Tchixg , & le complimenta fur ce renouvellement des fiécles. Ce prince recut également fur cet événement , les félicitations des grands de 1'empire. L'Empereur luimême publia plufieurs fois dans fes édirs cette  du Peuple Hebreu ,fans te favoir. 27$ cette prétendoe conjonciion , & le tribunal des mathe'matiques la configna dans fes archives en ces termes : la troisieme année DE l'eMPEREUR YONG TcHING , LE SÉCONDE LUNE , IL ARR1VA UNE CON- jonction de sept planetes. Le pere Kegler , mathématicien jéfuite , fit tout ce qui de'pendit de lui pour convaincre 1'Emperéur que cette ^conjonciion étoit une chimère , & une fable ; la flatterie des Chinois 1'emporta. L'auteur (1) d'011 j'ai tiré cette anecdote , ajoute que paria on peut fe convaincre que rien n'eft plus futile que l'objection de quelques écrivains contre les Livres faints des Hébreux , fondée fur une pareille conjonciion de planétes , qu'on dit être arrivée fous 1'em'pereur Tchouen-Hin, qui commenca a régner 1'an 2510 , & mourut 1'an 2433 avant Jefus-Chrift. Si d'après l'autorité de ces lettrés de la Chine , je vous écrivois : les Chinois di~ fent avoir obfervé , au mois de mars 172.5 » une conjonciion de toutes les planétes , donc tout ce qu'on dira étre arrivé d la Chine précifément cette année , eft dè la (1) Voyez la nouv. édif. de Tacite 17; 6 , torn. 6 , [ag, 357 , par M. 1'Abbé Broder.  274 Hérodote Hiftorien. même ccrtitude que cette conjonciion , paree que ces faits font cömthmporajns de Tobfervaüon , feroit-ce une preuve fans réplique de la réulicé du phe'noméne, & du fynchronifme des e've'nemens qu'on préténdroit avoir eu lieu , ï 1'époque de cette obfervation ? Jugez maintenant combien il faut fe défier des obfervations céleftes, qu'on cite avec emphafe en faveur de cercains peuples ! VINGT-DEUXIEME OBJECTION. 22. La fameufe période Egyptienne appellée l'année de Thoth , étoit de 146 t ans. Par ce calcul aftronomique, les chronologiftes ont établi d'une. maniere irréfragable la très-haute antiquité de cet . empire. Pour peu qu'on réjiéchiffe combien il a fallu de fiécles pour découvrir la période de Thoth , on s'étonnera des progrès des Egyptiens dans lafironomie, & on ne pourra raifonnablement révoquer en doute 1'exiftence de Thoth , fi fameux dans Vhiftoire des Egyptiens, & fils de MenEs leur premier roi. D'après ce monument, on ne fera pas tentê de relire 1'Abbé du Rocher , qui fait de ce Thoth & de MenÈs deux êtres fabuleux. L'exiftence de  du Peuple Hébreu, fans le favoir. tj§ ces perfonnages Egyptiens tnathèmati* quement démontrée , éleve donc conirë la découverte que vous défende^ une dif* ficulté infolubld Cette objedion , Monfieur , vous pa-* roït triofflphante. Vous afféz dans un moment être tout étonné de la cre'dulité avec laquelle vous vouS êtes laifie bercer jufqu'ici de 1'e'rudite chimère fur 1'année de Thoth. Pour vous convaincre qu'elle n'eft pas 1'année merveilleufe , & que 1'argumenC que vous en tireZ , ne prouve rien du tout en faveur de 1'exiftenrie réelle de Thoth » il me fuffira de vous réve'ler tout le myftere de la période Egyptienne de 1460 ans , qui porte fon nom. Je voüS préviens que nous ferons d'accord fur le calcul, mais bien-loin de compte fur 1'origine de cette année fameufe , & fur les cönféqüences que vous en déduifez. II faut d'abord obferver que Vannée facrée des Egyptiens , qu'ils appelloient 1'année de Thoth, fe comptoit du levef de la canicule. Cette année n'étoit que da 365 jours ; ainfi les Egyptiens négligeoient dans ce calcul, prés de 6 heures qu'il faut ajouter aux 365 jours , pour avoir la véritable année folaire. S 1  276 Hérodote Hiftorien 6 Heures a-peu-près ( ou un quart de de jour omis chaque année ) donnent en quaire ans la valeur d'un jour entier • ces 6 heures négligées produifent deux jours en huit ans, 4 jours en 16 ans , Öc ainfi de fuite. Prenons pour exemple , le nom d'un mois ufité parmi nous ; fuppofons pour un moment, que la première fois que les Egyptiens obferverent le lever de la caniCuTè,futIe premier du mois que nous appellons juillet. Que dut-il arriver 4 ans après cette obfervation ? Comme les Egyptiens ne cpmpofoient leur année facrée que de 365 jours , fans ajouter les 6 heures a-peuprès, qu'il faut encore pour répondre au cours annuel du foleil, ils durent néceffairement trouver qu'au bout des quatre ans, qui s'étoient écoulés depuis la preraière obfervatjon, le calcul de leur année dévancoit d'un jour le vrai cours du foleil, & par conféquent prévenoit le retour de la camcule, qui, au lieu de tomber au premier juillet, ne devoit plus arriver qu'au 2 au bout de quatre ans , au 3 au bout de huit ans-, au 4 de juillet au bout de douze ans , &c. &c. Jai dit que leur année étoit de 365; jours ; par confe'quent en quatre fois 3 6 5 ans, le lever de la canicule fe trouvoit avoir  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 277 retardé fucceflivement de 365 jours , ou d'ar-e année entière : alors ce lever fe trouvoit revenir au même jour du mois , c'efta-dire , au premier juillet, dans raon hypothèfe. Or i prenez la plume : multipliez 36 c jours par 4 , vous aurez 1460 ans. Voila votre période de Thoth ; laquelle étoit compofée de ce nombre d'années ; ou fi vous voulez de 1461 ans, paree qUe ce ne pouvoit être que dans la quator^e cent foixante-uniéme année , qu'on avoit lieu de remarquer le retour de la canicule au même point. On fuppofe ici , comme Ton voit, le cours du foleil de 365 jours & de 6 heures complettes. Cependant comme dans le vrai, 1'année eft de 365 jours , 5 heures, 49 minutes , & que par conféquent il manque 11 minutes , pour completer les 6 heures , il y aura encore a redire a cette prétendue période de 1460 ans ; & c'eft: ce qui démontre, que les Egyptiens n'étoient pas alors auffi verfés en aftronomie qu'on rimagme , puifque faute de connoïtre le cours véritable du foleil, leur période ne cadroit pas avec une des notions les plus communes de 1'aftronomie , favoir que le foleil ne met pas 365 jours fix heures complettes a parcourir 1'éclipti- S 3  278 . Hérodote Hiftorien que : ainfi, fous ce rapport, leur période n'étoit pas exadle. Néanmoins, en lui fuppofant toute la jufteffe poffible , avoit-il faliu , comme Vous dites , des fiêcles pour dècouvrir cette période f Je foutiens que non ; on n'eut befoin que d'une fimple régie d'arithmétique , je veux dire, de cette fimple pro. portion : fi en 4 ans 1'année de Thoth de, vance le vrai cours annuel du foleil d'un jour, fi en 8 ans, l'accé\érat\on eft de 2 jours, fi en 12 ans elle eft de 3 jours , de combien eft-elle en 4 fois 3 6 5 ans ? Eu ipultipljant 365 par 4 , les Egyptienstrouvoient le nombre 1460 dont ils ont fait l?ur période; & ils la trouvoient fans de grands efïbrts?Car, en admettant , com. me nous 1'avons montré., que , lorfqu'ils c^ommencérent \ obferver le lever de la caninule ou du fignè de Thoth , ce lever tpmboït au r\ de juillet, falloit-il donc emploier des fiécles d'obfervations, falloit-, il être un Dominique Cajfini pour s'appercevoir, ( yü i'erreur d'un jour dans leur fupputation de 1'année ), que ce lever au bout de 4 ans , ne fe trouvoit dans ie vrai qu'au, 2 juillet , au 3 au bout de 8 ans ^ & ainfi fupcefl]vement ; que par Conféquent ce Jeygr retardant d'un jour {Qmles, 4 ans, l\ aurpit ret'ardé de 365  du Peuple Hebreu ,fans le favoir. 179 jours, ou d'une année entiere en 1460 ans, c'eft-a-dire , en .4 fois 365 ans '^Ileft donc évident que la révolution de 1'année de Thoth, n'étoit qu'une période fyftématique. Comment,après cela, pouvez-vous croire férieufement qu'il ait été nécefïaire d'etnploier une longue fuite de fiêcles pour découvrir une période , qui ne fut jamais une obfervation aftronomique , mais le réfultat d'un calcul d'après des données ? Lafeule obfervation du retard d'un jour en4,".ns , & un raifonnement très-fimple , voila tout ce qu'il a fallu aux Egyptiens pour inventer leur période. Ainfi réduite h fa jufte valeur, elle n'a plus de quoi vous extafier fur leurs calculs aftronomiques. Ajoutez a cela 1'origine du nom de Thoth , qui, d'après la découverte de M. 1'Abbé du Rocher, fignifie tout fimplement un figne (1) : alors il fera fort aifé de concevoir comment la canicule étant un figne célefle trés - important pour les Egyptiens, paree qu'il leur annoncoit le débordement du Nil, a pris le nom de fi1 Voyez ce qui a été dit précédemment fur ^etymologie du mot Thoth,  |8o Hérodote Hiftorien Touau, Tau ou Thoth. L'apparition pro. chaine de cette étpile étoit un pronofïie qui avoit Un rapport trop direct avec la profpérité de leur pays , pour qu'ils néghgeafïent d'obferver exadtémént le figne par excellence, oU le Thoth ; de-la le retour de la, canicule au même point du Ciel, fut appellé par eux la periode de Thoth. Ce nom étoit le même que celui de leur HermÈs ou Mercure trifrné»ifte, perfonnage travefti , qu'ils regardoient comme 1'auteur de toutes les fciences ; ce qni forme une autre Origine du nora de Thoth, mot Hébreu, qui fignifie également lettres, fciences. Voila pourquoi les Egyptiens pénétrés de vénération pour ce perfonnage, qui leur avoit enfeigné d'auffi belles chofes, crurent devoir le loger dans lè figne caniculaire, qui portoit le même nom. A 1'aide de cette explication dont la clarté egale ia fimplicité , je crois pouvoir hardiment vous difpenfer de chercher a connoiive 1'Hiftoire de la généalogie de Thoth . vous voiez que c'efi évidemment un perfonqage qui n'a jamais exifié que dans Vu magmation de vos afhonomes Egyptiens „ quand ils obfervoierit le figne caniculaire. Ne croiez pas , Monfieur , que fi je traite auffi mal vos Egyptiens avec leur P?ripc|e? ce foi(: par la démangeajfon de ra*  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 281 mener tout au fyftême de M. 1'Abbe' du Rocher : vous allez voir ce que Pluche iui-même , long-temps avant VHiftoire véritable, penfoit des obfervations céleftes des Egyptiens , & nommément de Thoth. Tous ces calculs, dit ce favant, qu'ils tenoient des prêtres leurs devanciers , étoient des chofes extrêmement ftmples ; ilslesprirent par la fuite pour les différentes durêes des rois qu'ils logoient dans la canicule & dans d'autres aftres : l'un avoit vécu 1460 ans , un autre tant de milliers d'années : les calculs aftronomiques fondés fur différentes fuppofuions & fur différentes combinaifons des aftres , étoient une des principales occupations des prêtres. Ces calculs trouvés dans les régiftres des favans les plus laborieux, étant toujours unisddes noms d'hommes 3 tels qu'Anubis, Thoth, Menès & autres qu'on logeoit daas les aftres, pafferent pour être la durée de la vi.e terreftre de ces Dieux : telle eft 1'origine de cette antiquitè de VHiftoire des Egyptiens, qu'on faifoit remonter fi haut La durée de la vie de leurs anciens Rois , n'eft qu'une supputation du temps qu'il faut pour ramener une planete au point du ciel d'ou elle Étoit partie. C'étoit abufer grojfiétement de leurs calculs aftronomiques ( Hift. du Ciel, tom.  282 Hérodote Hiftorien 1 , pag. 279 & 280. ) Les Egyptiens , ajoute le même auteur, font de toutes les nations célle qui, en croiant le mieux connoïtre Vantiquité , la connut le moins (ibid. p. 251.) Vous voiez que Pluche n'e'toit pas plus adinirateur de la periode de Thoth que M. 1'Abbé du Rocher. Une chofe digne d'obfervation , c'eft le ftlence des monumens hiftoriques fur cette période. 11 n'en eft pas un feul dans 1'antiquité égyptieqne , qui parle de cette période de Thoth ; il eft très-remarquable qu'elle ne fe trouve que dans des auteurs latins depuis 1'ère chrétienne ; dans Tacite, qui eft du fecond fiécle , & dans Cenforin, qui eft du troifiéme. Hérodote même , qui écrivoit 400 ans avant J. C. ne fait mention que du calcul de 1'année de 365 jours chez les Egyptiens fans qu'ils paroifTent avoir encore connu de fon temps, qu'il falloit compter a-peu-près ïix heures de plus. •L'année de Thoth aiant été ignorée, même des hiftoriens Grecs , n'eft-ce pas une preuve décifive que cette obfervation aftronomique ne porte pas le fceaude 1'antiquité ? Je vous ai démontré arithmétiquement, qu'elle n'étoit pas ce que vous penÜez ; je me flatte que vous ne me la cite- V  du Peuple Hébreu ,fansle favoir. 283 rez plus comme un argument mathéma, tique contre les défenfeurs de la de'couyerte de M. 1'Abbé du Rocher , qui a écrit le célébre Thoth fur fes tables de profcription. II faut toujours en revenir, Monfieur, aux régies que j'ai établies en entamant la queftion de vos calculs aftronomiques : a moins qu'on ne trouve , vous ai-je dit, des auteurs contemporains & dignes de foi, qui atteftent d'age en êge une fuite d'obfervations céleftes qui concourent avec les événemens , en caraftérifant ces phénomènes, en les fpécifiant , en articulant bien nettement leur époque , jamais fur une afïèrtion vague, le vrai fage ne les adoptera. Pour vous prémunir contre le gout dominant de toutes ces chronologies, qu'on fabriqué fur une aftronomie d'une antiquité qu'on recule au- dela de tous les temps connus , il fuffiroit d'une fimple obfervation également applicable aux périodes 6c aux éclypfes ; quand on a fu bien fupputer le cours des aftres , dès-lors il a été poflible de faire en remontant, le calcul des éclipfes qui auroient pu arriver des milliers de fiêcles antérieurs a la création , dans 1'hypothèfe que le monde eüt exifte long-temps avant cette époque de Ia  Hérodote Hiftorien même manière qu'on peut en calculer dèsè-préfent pour des milliers de fiêcles è venir , dans Ia fuppofition qu'il exiftera tel qu'il eft. Je vous le demande , tous ces calculs d'éclipfes hypothétiques, prouvent-ils , pour cette raifon , 1'exiftence du monde è une' époque d'une antiquité infinie , ^ foit pour le paffe, foit pour t'avenir ? " Réfumons les différentes parties de ma réponfe a votre longue objeftion. Je vous ai fait voir i°. Que les 373 éclipfes de foleil , & iesSp de lune obfervées avant Alexandre par les Egyptiens, dont les prétentions fur la très-haute antiquité qu'ils s'attribuoient, tiennent de 1'extravagance, comme le remarque Diodore (1) , que ces éclipfes , dis-je , ne font rapporties par par aucun auteur qui ait écrit fur 1'ancienne Egypte. 20. Que quand même ces 1205 éclipfes auroient été obfervées en Egypte, elles ne fuppoferoient pas plus de 400 ans d'obfervations avant Alexandre ; ce qui n'eft pas une merveilleufe antiquité. 30. Queh fameufe période de Thoth , ne fut jamais une vraie période; que les 1461 ans dont on la compofoit , ne marquoient pas effedtivement le retour périodique du figne (1) DIod, L. t.  du Peuple Hébreu , fans le favoir. 285 caniculaire ,• mais que ce nombre d'années e'toit fimplement le réfultat d'un calcul errone', par rapport h. 1'année qu'ils comptoient de 365 jours, en négligeant les fix heures, qu'il eüt été nécefTaire d'intercaler au bout de quatre ans. 40. J'ai en outre affigné la vraie fource du nom de Thoth , fi célébre chez les Egyptiens. J'ai montré qu'il ne fignifioit autre chofe, que le figne par excellence , dénomination donnée avec raifon a la canicule , dont i'apparition étoit pour 1'Egypte un événement important. Ainfi voila votre Thoth & fa période qu'il faudra déformais mettre au rang des fables. Joignez-y ce que j'ai dit des conjonclions des planétes chez les Chinois , & vous aurez la preuve la plus complette, que tous les fynchronifmes que vous déduiliez des obfervations aftronomiques, en faveur de la vérité des hiftoires anciennes , & principalement de celle des rois d'Egypte , ne font que des fuppofitions dont la faufleté, d'après tout ce que je viens d'établir , ne peut plus vous paroitre un problême. Voici, Monfieur , un principe , dont je vous prie de vous bien pénétrer. La fcience de VHifioire eft une fcience de faits & non de calculs aftronomiques. 11 y a contre 1'hiftoire d'Egypte expliquée par les calculs de cette efpèce , un raifonnement  286 Hérodote Hiftorien très-preflant, que je foumets a votre jugement. La réalité d'un perfonnage doit néceffairement précéder la recherche du temps ou il a exifte'. Doncil fuut indifpenfablement, avant toute ope'ration chronologique & aftronomique , commencer par s'affurer de 1'exiftence des rois qu'on pre'tend avoir regné en Egypte. Prenons pour exemple les 330 fuccejfeurs de Menès en ligne directe, a ce que pre'tend Hérodote. Le bon fens ne dit-il pas, que fi ces 330 perfonnages n'ont jamais exifte , il eft phyfiquement impofïible Öc fouverainement ridicule de calculer Ie temps de leur régne, d'après des phénomènes qu'on fuppoferoit arrivés de leur temps. Or , ces trois een" turies des rois font 330 menfonges hiftoriques que M. 1'Abbé du Rocher a démontrés, d'après Ie récit même d'Hérodote ; donc voilé le fondement du fynchronifme a cette époque , renverfé a jamais , & ainfi de tous ces fouverains d'Egypte qu'on avoit pris jufqu'ici pour des perfonnages réellement exiftans. Donc il eft abfurde de batir des chronologies pour ces rois qui n'ont jamais exifté. Ainfi prefTez votre ami le favant aftronome , qui, depuis 30 ans, travaille a un ouvrage immenfe fur la chronologie certaine des anciens rois d'Egypte , de ne  du Peuple Héb reu ,fans le favoir. 287 pas s'épuifer en vain , Öc de jetter au feu fon ma nu fait. Je finis par une réflexion , qui embrafTe toute la 'queftion controverfe'e entre nous deux fur cette hiftoire d'Egypte par Hédote : je 'm'en tiens alui, paree que c'eft le plus ancien. Ou cette hiftoire d'Egypte doit étre regardée comme vraie , ou ii faut la traiter de fabuleufe : point de milieu. Si vous avouez que c'eft un roman , plus de procés entre nous, öc M. 1'Abbé du Rocher gagne fa caufe. Si vous foutenez au contraire que cette hiftoire eft vraie , comment coneiber cette opinion , iQ. Avec les traits évidemment incroiables qui démentent 1'exiftence de ces prétendus rois. 20. Avec le témoignage d'Hérodote, qui avertit qu'il ne garantit pas les antiquités d'Egypte qu'il raconte, tant ces récits lui paroiffent quelquefois peu vraifemblables : auffi fes compatriotes , tels que le fage Plutarque (1), ft) Plutarque dit qu'il faudroit plufieurs volumes pour réléver tous 'es menfonges d'Hérodote. ( Plutarch. de malign. Hèrod. ram. 2. p. 841. ) Thucydide au commencement de fon hiftoire , oü fans ngmmer Hérodote , il ledèfigne affez, interne conrre lui la même accufarion. Marcellin auteur de la vie de Thucidydc , déclare que tout le livre d'Hérodote , qui eft juftement celui oü il donne'1'hiftoire d'Egypte , eft un tifTu de menfonges , & de fieïions. Totus fecundus Heroloti liber MentiTUR hypothefia. ( Marcellin. in vita Thucyd. )  288 i Hérodote Hiftorien. ont-ils écrit Exprofeftb, pour le convaincre de n'avoir donné qu'un tiffu de fables fous le nom & hiftoires. 30. Avec Diodore de oierfe; qui, dans fa bibliotheque hiftorique, fappÓTtarrt les antiquités Egyptiennes , 6c C-itarnt a-peu-près les mêmes rois qu'Hérodote , comprend fous le nom de Mythologie , ou Hiftoire fabuleufe , précifément tante la partie qui regarde Vhiftoire d'Egypte ?{\) li faut donc regarder tous ces monarques de b facon d'Hérodote , comme autant d'étres fabuleux , ou bien admettre , dans un corps d'hiftoire, tout ce qui choque la veritéjla raifon humaine, la faine critique, ik 1'admettre contre le témoignage même de ceux qui ont rapporté ces faits. Cette hiftoire une fois rangée dans la claffe des fables, comment repoufler la découverte d'un Savant, qui nous parle en ces tenues. Vous n'aViez pas une véritable hiftoire d'Egypte,de 1'aveu de tous les con- (1) Il eft bien fmgulier que Diodore, qui n'eft pas plus véridique dans fon hiftoire d'Egypte, remplie des mêmes trtveftiiTeinens a-peu-prés que celle d'Hérodote , reproche k gelui ci des faufletés. Cependant cet Hérodote & ce Diodore , ont été cités jufqu'ici comme deux oracles fur l'anciehne hiftoire d'Egypte. II faut avouer que 1'aveugle crédulit» de nous autres Européens , qui ne connoifibns raritTqfnte que par ces Grecs, qui euxmêmes ont écrit fort tard , eft quelque chofe de bien inconcevable. noifleurs  > du Peuple Hebreu ,fans le favoir. 289 noiffeurs en matière d'antiquités. J'ai déterré la manière dont on fabriqua tous ces ööntes hiftoriques ; c'étoit autant de traveftiffemens. En rétablifTant tous ces faits altérés, je fubftitue la vérité au roenfonge,' & la lumière aux ténèbres. N'eft - il pas mille fois plus fatisfaifant d'adopter mes explications , qui font trouver dans 1'hiftoire d'Egypte un fond de vrai auquel on ne penfoit pas , que de prendre pour une hiftoire réelle , celle qui a été fufpeftée par ceux même qui l'ont compofée ? Oü il faut admettre ma découverte , ou foutenic que 1'hiftoire d'Egypte , écrite par ces auteurs profanes, quoique fabuleufe , mérite cependant notre croiance & notre vénération. „ Toutes vos objections, Monfieur, contre 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher , difcutées en détail, & folidement réfutées , VHiftoire véritable des tems fabuleux que fa plume favante a tracée , refte intafte , & devient un monument inattaquable, Cette découverte eft , j'ofe le dire, une des produ&ions les plus précieufes & les plus admirables qui aient enrichi notre fiècle. Vous 1'avez vu : 1'auteur nous a montré comment tout ce qu'Hérodote , Manéthon & Diodore ont écrit fur les Egyptiens , n'eft qu'un extrait fuivi, quoiue défiguré , une T  2 90 ^ Hérodote Hiftoriejï ti aduttion véritable, maispleine d'erreurs, de fautes groffières, des endroits de nos livres faints concernantles Egyptiens. Voila donc 1'hiftoire de ce peuple fi fage , fi vanté , qui paiïbit pour 1'inftituteur des Grecs, non moins célèbres que leurs maitres ; cette hiftoire qu'on placoit a la tête des annales de 1'antiquité profane , la voila réléguée dans la clafTe des fables öc des romans. Mais fi les partifans de ces menfono-es hiftoriques , débités fur ces anciens Egyptiens , & accrédités par le tems, n'ont pil apprendre , fans une fiirprile étrange , la découverte de M. VAbbé du Rocher, que fera-ce quand on verra fucceffivement effuier la même deftinée a toutes les autres parties de 1'hiftoire ancienne, celle des Babyloniens, des Afyrieris , des Lydiens ; celle des commencemens des Médes öc des Perfes , dont les anachronifmes, le cahos öc 1'inconféquence (i) , fruits d'uneaveugle déférence pour le crédule & ignorant Ctéfias (2) , ont fatigué les favans de tous (1; V.Hift. vérit. des Tems fabuleux, plan del'ouvraee, pag. 30 , torn. ier. (1) Ctéfias a été copié par les Grecs , qui enfuite 1'ont été par les Latins. Voila comme en fait d'hiftcire , plufieurs Auteurs m torment entre eux tous qu'une autorité trèsfufpecte.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 291 les ages , qui fe font envain propofé d'éclaircir'toutes les obfcdrités ! Que lën-ce quand M. P Abbè du Rocher, dévoilant grand nombre de fbies & d'alte'rations dansles hiftoires des nntiques monarchies , nous montrera que leur obfcurciffement ne vient que de leur traveff'iffement ; qu'elles font alrére'es' paree qu'elles font e'galement des copies informes , dés traits & des perfonnages de nos divines écritures ; & que pour les concilier , non-feulement avec 1'hiftoire fainte, mais encore avec el'lesmêmes , il faut avoir recours a nos livres faints, le feul de'pöt authentique des vraies antiquités ! Ainfi feront renverfe'es toutes ces anciennes' hiftoires Chaldéennes, Babyloniennes, Affynennes. Ainfi ces dix Rois que Berofe (t) faifoit re'gner en Chaldée , cet Alorus dont il faifoit le premier Souverain de cet Empire , ce Xisuthrus qu'on difoit le dernier , fe trouveront (1) Ces dix Rois Chaldiens fe trouvent dans un fragment de Eerofe que nous a confervé George le Syncelk. 11 eft évident que ces prétendus Rois. de la Chaldée, ont été pillés des premiers Patriarches du monde qui font au nombre de dix depuis Adam jufqu'a Noë inclufivement. Ce Patriarche, déguifé fous le nom de Xisuthrus , comme fa avoué liK-même M. Bailly dans fes lettres fur iorigint des ■Sciences &■ des Peuples de l'Afie , n'étoit pas difficilè a reconnoitre, puifqu'on faifoit arriver le déluge, précifémenc fousce ^fifuthrus. T 2  2 92 Hérodote Hiftorien n avoir été que les dix Patriarches antédiluviens , & par conféquent Alorus ne fera plus qu'AöAM, & Xisuthrus reviendra NoÉ. Ainfi fera anéantie pour toujours 1'exiftence, entr'autres de la célebre Sémiramis (i). Toutes fes conquêtes öc fes Jardins fi renommés que 1'art avoit fufpendus en Pair, feront reftitués a Nabuchodonofor , véritable auteur de ces expéditions glorieufes öc de ces monumens faftueux: difparoïcra auffi a jamais le fameux Créfus(2), Roi deLydie, avec fes richeffes (i) V. 1'Hift. vérit des Tems fabnleux, torn. 3, pag. 764. M. 1'Abbé du Rocher , ayant decouvert par les livres Orientaux , que Raham étoit ce nom propre de Nabuchodonofor , dont 1'Ecriture parle fi fouvent, fera voir que ce nom de Raham eft entré dans la compofition de la fameufe Simiram ou Sïmiramis ; car is eft la terminaifon Grecque. Hérodote , liv. 1 , 184 , rapproche beaucoup de 1'époque de Nabuchodonofor , le regne de Semiram ou Semiramis ; & ailleurs on 1'a fait exifter du tems de la conftrucYion de Babel, peu après le déluge. Ii eftimpoftible que Sémiramis ait régné tout a la fois , a deux époques auffi diftantes 1'une de l'autre. Cependant pourquoi cette abfurditè s'eft elle gliflee dans 1'hiftoire ? Rien de plus facile a concevoir dans le fyftême des ahérations de 1'Ecriture opérée par les Payens. Ayant vu que Raham , le vrai Nabuchodonofor, régno't a Babylone, batie fur les ruines de Babel, & trouvant dans 1'Ecriture la conftruétion de cette Tour de Babel, ils n'ont pas héfité de placer leur prétendue Simiram 011 Semiramis a I'abyloneck a Babel en même tems , quoiqne le regne de Nabuchodonofor & le fait de Babel fuflent a deux dates infïniment éloignées. II ne faut que cette doublé exiftence de Sémiramis, pour dér piontrer que cette Reine eft un perfonnage travefti. (1) V. 1'Hift. vérit- des Tems fabuleux, t. 3 ,p. 56Ó1  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 293 immenfes. M. 1'Abbé du Rocher le dénoncera comme un perfonnage qu'on a fabriqué encore fur quelques traits de 1'hiftoire du Nabuchodonofor de 1'Ecriture , repréfenté fous 1'emblême de la tête a"or de la Jlatue, dont les quatre métaux figurent les quatre grands Empires. II réfultera du rapport des traits, que toute 1'hiftoire de 1'opulent Créfus, & en particulier fes oracles & fes prodiges t ne font qu'une altération des faits & furtout des prophéties & des miracles contenus dans le livre de Daniël (1). Dela palfant aux premiers tems de la Gréce , 1'auteur fera voir par de nouveaux rapprochemens foutenus, que toute leur hiftoire fabuleufe n'eft affez conftamment qu'une verfion altérée de 1'Ecriture (2) a laquelle les Grecs (3) ont mêlé toutes les (1) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabulenx , t. 3 , p. $2i. L'Auteur de VHiftoire véritable fait fur ce dévoilement de Créfus une obfervation profonde : „ II fuit de la , dit-il , ,, que 1'Empire Romain qui fe trouve prédit dans lés „ prophéties de Daniël, aura été réellement annoncé par „ les auteurs , qui , en forgeant Créfus , ont ltéré ces „ prophéties , & qui ne connoiflent gueres Rome dont „ Pline ( L. III. c. 5. Seft. 9. ) allure qu'on ne trouve le „ nom en aucun écrivain étranger avant Théopompe, qui „ écrivoit du tems d'Alexandre. „ (2) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux , plan de 1'ouvrage t. 1, p. 31. (5) Les Grecs ont pu facilement avoir communication des livres faints, foit par les. Juifs qu'ils faifoient efclaves,  294 Hérodote Hiftorien rêveries de leur mythologie, en les accommodant avec la Gréce 6c les contrées voifines. Ainfi on reconnoitia que toute la partie de nos livres faints, que les Egyptiens , qui n en ont extrait que les faits reJatifs a leur pays,auront omife & négligée, c'eft-a-dire, toute Thiftoire de la conquête de la Terre promife fous la conduite de Jofué, celle des Juges 6c des deux premiers Rois d'tfraël, Saül & David , les Grecs s'en font emparés , 6c en ont tiré le plus grand parti; puifqu'ils ont formé leurs tems héroïques, des combats de Jofué , & de .toutes les aftions des Juges. Ainfi 1'on verra que , fous le nom de leur Hercule, ils ne nous ont donné que Samfon 6c Jofué, dont Alcide n'eft que la tradu&ion fake en .Grec. Dans 1'expédition des Argonautes ; dans Jafon 6c Médée 1'on retrouvera Gédeon & les Madianites (t). Ainfi 1'on aura enfin la folution de ce grand problême de 1'hiftoire: pourquoi les Grecs fi féconds fur leurs tems fubuliux , font fi ftériles dans leur hiftoire , quand elle approche des tems :coir.me on le voit dans le prophete Joel-, foit par les Phéniciens qui ont f.iit tranfpirer dans la Grece , comme dans les autres' parties de l'Europe & de 1'Afrique , tant de connoiffances utiles. (1) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux, t. 3 ,p. 342.  du Peuple Hébreu, fans le favoir. 295 connus ? ck d'oü vient cette imnienfe lacune qne les favans modernes , & même quelques anciens, ont appereue dans 1'hiftoire Grecque, depuis la guerre de Troie. Mais li chaque trait de ces dévoilemens aura dequoi furprendre, que fera-ce, quand 1'auteur de VHiftoire entreprendra d'expliquer comment les Grecs, aiant imaginé leurs temps héroïques d'après nos livres faints , en ont emprunté ces noms illuffrés par les deux plus grands p^ëtes qui aient jamais exifté, les noms èHAjax, d Enée , de Dioméde , cVAgamemnon , de Ménélas ? L'on verra que ces noms ne font tous que des tradudtions de ceux des enfans de Jacob, Ruben, SLméon , Levi, Juda , Dan , Iffachar , Zabulon, Öcc. (1) que les Grecs ont rendus dans leur langue , tantöt avec une exadtitude littérale , Öc tantöt avec des (1) Nous lifons dans 1'ouvragede M. 1'Abbé du Rocher, que comme les tribus de 1'Ecriture portent les noms des enfans de Jacob , & qu'il y eft dit au nombre fingulier , en parlant de chacune d'elles , que Ruben, Siméon , Lévi, Juda , Dan , Iffachar , Zabulon , &c. a fait telle ou telle chofe , les Grecs , en traduifantces noms dans leur tangne , plufieurs bien, d'autres mal, ont auffi attribué a Phénix , aux deux j4)ax , a Enée , a Dioméde , a Agamemnon , a Ménélas , 8cc.\ comme a autant de^ Héros , les traits des Patriarches de ces tribus , & ceux^des tribus même qui fe trouvent, foit dans le Teflament de Jacob , foit dans le Cantique de Débora. y. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux ,t. , pp. 342 5343 T4  296 Hérodote Hiftorien altérations groflières (1). Découverte afïlirémenttrès-heureufe& fifinguliere, qu'elle paroitra un paradoxe incroiable: découverte féconde , elle nous révélera un myftere que jufqu'ici 1'efprit humain n'avoit pas même foupconné. En efFet, quelle fera la furprife de toutes les nations cultivées par le goüt de la belle littérature, quand , par une fuite de dévoilemens des héros de la Gréce , copiés fur les noms des chefs des douze Tribus d'lfraël, M. 1'Abbé du Rocher fera voir que la guerre de Troie; cette guerre , dont le fracas a retenti jufqu'au bout de l'univers ; cette guerre, dont la célébrité propagée d'&ge en êge , & perpétuée de bouche en bouche depuis tant de fiêcles, a fait placer cet événement mémorable au rang des grandes époques de 1'hiftoire ; cette guerre de Troie, chantéepar un Homère & un Virgile , n'eft dans le fond que la guerre des onze tribus d'lfraël, contre celle de Benjamin , pour venger la femme d'un Lévite, viftime de fincontinence des habitans de la ville de Gabaa (1) , qui fut (i) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux, torn. 3, pag. 341 . 143- '2) II eft remarquable en effet qu en Hibreu le mot Gabd.i , qui veut dire un lieu élevi , a le même fens que Pergama en Grec , qui eft aufli le nom qu'on donne a Troie,  dü Peuple Hébreu >fans le favoir. 297 prife par les autres tribus confédérées, a 1'aide d'une rufe de guerre , & qui fut a la fin livrée aux Hammes par les vainqueurs (1). Le favant auteur apprendra que c'eft le cantique de Débora , qui joint au même fujet, traité dans les derniers chapitres du livre des Juges , par un alliage que 1'imagination des Grecs a eu 1'abileté d'amalgamer , a produit le germe de Vlliade d^Ho'mère. (2) O vous , admirateurs d'Homère ! ne craignez pas cependant pour fa gloire. La découverte de M. 1'Abbé du Rocher ne flétrira point les lauriers qui couvrent la tête du Prince des Poëtes. Quand en lifant fes vers immortels , vous vous livriez a ce fentiment, fruit d'un goüc délicat, que la Poëfie ejl la fille du Ciel , vous rendiez hommage a une grande vérité , dont vous ne pouviez déviner le principe. Apprenezle aujourd'hui : oui, fans doute,la poëfie eft une production du Ciel , puifque le (i) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux, torn.3 , pag. 342 , oü M. 1'Abbé du Rocher dit , que la guerre de Troie eft prife de la guerre des Tribus , racontée d la fin du live 'des Juges. Ce morcean de 1'Ecriture eft le dix-neuvieme & le vingtieme chapitre du livre des Juges. (1) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux ,obferv. prèlim. lom. i, pag. 5 5, & torn. 3 , pag. 343.  2.98 Hérodote Hiftorien canevas du premier chef d'ceuvre de VEpopée , eft defcendu du féjour de 1'immortel avec nos faintesEcritures. Jufqu'ici Homère n'a été pour vous qu'adm.irable Sc fublime; maintenant vous pouvez hardiment lui déférer Ie titre de poëte célefte 6c divin : car une ode facrée , diftée par 1'efprit faint a Débora , a fait germer dans la tête d'Homére, le plus beau poëme qu'ait enfanté 1'efprit humain. L'Ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher porte tellement 1'empreinte d'une vraie découverte , que fes recherches ont fait naitre fous fa main, le dévoilement fucceffif de toutes les hiftoires altérées de 1'antiquité. Chez lui , rien n'eft fyftême. Tout eft une fuite de vérités liées, 6c fubordonnées les unes aux autres. L'inftinóf de 1'auteur 1'a entrainé , malgré lui, de découvertes en découvertes. Celle des hiftoires anciennes de la Gréce , & des fables de leurs pëtes , 1'a conduita 1'examen des Philofophes de cette contrée. Sur cette matiere , M. 1'Abbé du Bocher prépare encore a tous les partifans ^e 1'ancienne philofophie, dequoi renverfer toutes leurs idéés; il établira que 1'hiftoire des premiers philofophes dont les Grecs fe glorifient, Sc dont la patrie n'eft nullement certaine, contient un grand nombre d'altérations de nos divines Ecritu-  du Peuple Hebreu, fans le favoir. zgg res (i), & que fpécialement quelques-uns des livres de Salomon, (le Sage par excellence ) ont eu 1'influence la plus marquée dans les ouvrages des Philofophes d-ela Gre'ce, fous diffe'rens noms, traduits de nos livres faints. Le Locman des orientaux, loin d'avoir été VEfope des Grecs, felon le préjugé commun , reprendra fon vrai nom de Salomon , lequel fignifie Sage en Hébreu , &' a été traduit par celui de Locman , qui a le même fens en Arabe (2). (i) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux , tom. 3 , pag. 5,71. (1) Les Auteurs orientaux parient beaucoup de la fagejfe de Salomon. Dc ce perfonnage qu'ils ont altéré , ils en'ont fait plufieurs , un entr'antres , fous le nom de locman. Ce mot eft Arabe , & eft le même que celui de Salomon. Locman eftformé originairement de 1'article Arabe Al, 8c du mot echm , qui fignifie fage. Dans la Bibliotheque oriëntale de m. d'Herbelot , on trouve fur le mot locman , Alhakïm Locman le fase. c'eft exactement le furnom de Salomon , traduit en Arabe Quelques-uns out prétendu qnEfope étoit le même perfonnage que Locman & Bidpay , appellé vulgairement Pilpay , & ont par conféquent mis fur le compte de locman, les fables d'Efope. ii Salomon a été mafqué fous le nom de Locman , cette découverte conduiroit a un doute très-grave fur quelques fables attribuées a Efope confondu avec Locman. En attendant des éclairciflémens fur un fait auffi important , nous ferons obferyer que 1'on trouve dans les proverbes de Salomon (vj. 6. ! la fable de la Fourmi, & celle du pot de terre & du pot de fer dans XEccléfiaftique. (XIII. 1 & 3. ). Ce ne font pas les feuls apologues qu'on rencontre dans 1'Ecritnre fainte. On y lit la fable des arbres qui fe choififfent un Roi. ( Judic. IX. 8.) Celles du riche & du pauvre & des deux fils (11. Reg. XII. I. ) du Cédre & du Chardon. (IV. Reg. Xiv, 9 & 2 paral, XXV. i9.) Ainfi les écrivains facrés o»t  '30o Hérodote Hiftorien Quelques traits de 1'hiftoire de Fytha~ gore (i) formeront un des objets de ce évidemment 1'honneur de rinvention de 1'apologue , puifque Hefiode qui long-tems avant Efope , avoit donné la fable de Yépervier & du rqffïgnol {oper. & dies , I, 200) eft moins ancien que 1'auteur du livre des Juges , oü nous trouvons la fable des arbres. Nous pouvons citer, a 1'appui de ces dévoilemens fur Locman. , un ouvrage récent , intitulé Vies des écrivains étrangers , tant anciens que modernes , par M. le Prévót d'Exmes. [ A Paris , chez la veuve Duchefne , 1784. ] L'auteur parlant de Locman & de Pilpay , rapproche les grands traits de reffemblsnce qui fe trouvent entre Salomon & Locman. Tl penfe , d'après la comparaifon qu'il fait des apologues de Locman , de Pilpay & d''Efope, que le fabulifte Perfan a été copié ou imité parl'Indien & le Grec. M. 1'Abbé du Rocher, d'après les extraits même donnés par M. le Prévót d'Exmes , pourra poufter plus loin les découvertes fur ces trois cèlébres Fabuliftes. (1) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux, torn. 3 , pag, 362. (1) V. 1'Hift. vérit. des Tems fabuleux , torn. 3, pag. 571. Clément d'Alexandrie, dit M. 1'Abbé du Rocher , cite un 'Auteur qui fait Pythagore , difciple d'un Affyrien nommé Nazarat. Or, ce nom peut être une alcération du mot Netzar , qui renferme les dernieres lettres de Nabuchodonofor , appellé en Hébreu Nbuchdnatsr, fous le regne fliuquel on fait aller Pythagore a Babylone. D'ailleurs le commencement de nom Nebuchadnezzar , comme le prononcent les orientaux, a fourni celui d'un autre maitre que S. Clément donne a Pythagore. 11 paroirjdonc que les Grecs ,qui avoient la démangeaifon de tout traveftir , auront forgé les prétendus maftres de ce philofophe, fur les noms du Roi, dontle regne eft contemporain au voiagede Pythagore dans ces contrées Én effet, fuivant quelques auteurs, il al'a a Babylone du tems de Nabuchodonofor; mais ce qu'il eft bon d'obfei ver , c'eft que des Auteurs anciens , fuivant Clément d'Alexandrie , ont penfé que Nazarat , dont Pythagore a été le difciple, n'étoit que le prophéte Ezéchiel , préfenté par les Écrivains du paganifme tous un autre nom. EffectiYement ce prophéte fut captif en  du Peuple Hébreu, fans le favoir. t,ot dévoilement curieux fur les fources de la philofophie des Grecs. * Ainfi la méthode pratiquée par les Peres des quatre premiers fiêcles de 1'Egüfe, d'emploier le témoignage des plus célèbres Auteurs du paganifme , pour en faire un argument en faveur de la révélation divine, n'étoir. pas le fruit d'un zèle bizarre 6e outré , mais de leurs profondes & valles connoifTances fur 1'antiquité. Ainfi , un Clément d'Alexandrie , un Origéne , un Chaldée fous le même Nabuchodonofor. Ces traits , qui approchent déj.ï Pythagore fort prës'd'Exéchiel, conduiront M. 1'Abbé du Rocher a des dévoilemens curieux fur 1'hiftoire de ce philofophe. Tous les favans conviennent qu'on trouve dans la vie de ce perfonnage des faits incroiables. II eft donc pofftble qu'ils aient été altérés. Quand M. 1'Abbé du Rocher aura rapproche tous les traits de la vie de Pythagore , de quelques chapitres tfEtfchiel, 1'on ne s'étonnera plus des belles maximes qu'on a attribuées a ce philofophe. * On trouve dans Clément d'Alexandrie , ( Strom. i. & V.) & dans Eufébe (can. ehron. p. 187. pram. Evang. viïa ly , vin. 9, xiu. 12.) des fragmens d'Ariftobule, juif d'Alexandrie, & Philofophe péripapèticien , dans lefquels il foutient que Pythagore, Platon , Ariftote & les autres Grecs avoient tiré prefque toute leur philofophie des livres facrés des Hébreux. Ces livres facrés avoient été , felon Ariftobule , traduits en Grec, dés avant 1'Empire d'Alexandre & celui des Perfes. Jofeph (L. 1. contra App.) rapporte , d'aprós Cléarque ; un des principaux éleves d'Ariftote, que ce Philofophe eut de fréquentes conférences en Afie avec un célèbre Juif. Ariftobule , & après lui, Clément d'Alexandrie ont remarqué que la philofophie d'Ariftote s'accordoit avec les écrits de Moyfe & des Prophêtes.  fSi •' 'Hérodote Hiftorien Örègbire- Tft-aumaturge , un- Eufebe / ceshommes e'tonnans par leur4 immenfe éru-*: dtëibri' , avoient donc raifon de foutenir que les poëtes, les philofophes, &c les' fégifl^téurs dé 1'antiquitë ont emprunté de rfbi faintes Ecritures une partie de leur dotlfine 6c de leur loi (i). Ainfi, a cette Gréce , qui fe glorifioit d'avoir été le berceau de tous les arts dé 1'efprit , 6c le fol . li) Rien de plus précis fur cette matiére que le morceau qu'on lit dans le frontifpice de M 1'Abbé du Rocher. Ma vie ny lufjiroit pas , fi je voulois expofer & p'rouver en détail, tout- les piagiats des Grecs , que la vanité leur a fait faire ; & comment ils s' attribuent 1'mvention de ce qu'ils ont de medleuf dans leurs dogmes , après V'avoir pris de nous ; & non feulemènt on peut les convaincre d'avoir pris cette partie de leurs dogmes, de ceux qu'ils apvellent barbares , mais encore d'avoif. eonirefait ce que la puiftance divine a miraculeufement opér'e. en notre faveur, par le rmtilftere de fes faints , & d'en avoir fait, lts prodiges de leur mythologie grecque. ( Clément d'Alexandrie , Stromat. L. vi , édit col. p. 629. ) Aux Auteurs- qiie nous avons cités comme garans de cette affertion , nous pournons ajouter 1'hiflorien Jotephe , St Juffin , Tertulien , St. Cyrille St Ambroife & St. Auguftin. Origerie rapporte-de -Numénus , philofophe Platonicien , eerte célèbre parolc , que Platon , d le- bien définir, .n'étoit autre chofe que- Mo'ife. parlant Grec Clément d'Alexandrie , maitre d'Qrigéne , rapporte lë même mot de Numerius fur Platon. L'Auteur de" la Bible de Roiaumont , fait fur les philofophes de la Gréce 1'obfervation fuivante : 11 eft remar'quable que tows les Sages de la Gréce fi célèbres dans l'antiquité payenne', ne font veiius que depuis'les. Phrophétes, Pythagore alla mime en- Babylone, ou il apprit quantité de chofes des Juifs , dont il fe fervit .dans Ja philofophie , &  du Peuple Hébreu, fans le favoir. \o\ natal du bon lens épuré , (èra ravie la gloire d'avoir parlë la prémière dans notre bémifphere , le langage de la raifon , par 1'organe de ces philofophes' qui ufurperenC le titre faftueux des pédadogues du genre humain. Ainfi cette philofophie, qui étonnoit la par fublimité de quelques-unes de fes maximes , ne paffera plus pour le chef-d'ceuvre d'une fageffe pur^ment humaine; & toutes ces voix qu'on entendit s'élever dans le fein même du paganifme le plus aveugle & le plus groffier , pour rappeller 1'homme a la divinité& alareglè des moeurs, fcront convaincus de n'avoir été que les échos des envoyés de Dieu. Ainfi , aurons-nous la clef de cette intérefTante queftion ? Pourquoi , avant le féjour du verbe divin parmi les mortels , une clafle 'd'hommes qui fe diftingua dans la Gréce par la fingularité" de fes difcours Sc de fes manières, s'-étoit arrogé le privilege exclufif d'avoir fait re- Platon qui a mis auffi plufieurs chofes des livres de Moïfe dans lesfiens, étoit pres de deux eens ans après tous ceux -ei. (V. le dennet article de VAbrégé de la Chronologie fainte, qui eft a la fin de VHiftoire du Vieux & du Nouveau Teftament. On voit, par ce paffage du livre des Machabées, Expanderunt libros leg,s de quibus (crutabantur gentes fimilitudincm fimulachrorum fuorum. i. Macch. 3. V. 48. que les Juifs reprocho.ent aux Gentils, d'avoir fabriqué leur Théologie tur celle des livres facrés.  jo4 Hérodote Hiftorien tentir aux oreilles de leurs compatriores > ivres de fuperftitions , de paffions & de plaifirs } les noms tVEtre Suprème , de raifon , de juftice & de pudeur. Dès-lors changera de face a nos yeux la Gre'ce, patrie de li Philofophie. Dans le breuvage même qu'offroit cette fageffe a la raifon malade de fes partifans , nous ne verrons plus qu'un remede defcendu d'en haut ; mais dont l'impofture déguifoit 1'origine , paree que le manteau philofophique déroboit a la vue la main du célefte Me'decin. Philofophes Modernes, qu'enfloit d'orgueil le fouvenir de ces perfonnages célèbres , invoqués par vous comme vos patrons & vos fondateurs , & qui, difiezvous , dans cette Gréce fortunée e'toient devenus des Sages par les feuls efForts de leur faine raifon , vous abjurerez enfin votre erreur. Vous apprendrez qu'en vous enthouliafmant fur certaines vérités, qu'enfeignent dans leur philofophie les fages du paganifme , vous n'admiriez dans le fond que la doctrine de nos livres faints. Ainfi, cette même révélation que repoufToient vos préjugés, & que combattoit votre cceur, s'infinuant dans votre efprit, a vótre infeu 6c contre votre propre gré , aura eu 1'art de fe faire accueillir & goüter, par votre , fiere  du Peuple Hébreu, fansle favoir. 30? fiere raifon , dupe de la plus heureufe de toutes les illufions. Telle eft, Monfieur, Pefquifie des découvertes ultérieures qui fuivront celle fur 1'hiftoire d'Egypte , & qui formeront la matière des autres volumes que doit publier fuccefllvement M. 1'Abbé du Rocher (1). Voila donc une crife univerfelle qui s'opère dans 1'hiftoire ancienne. En effet, une découverte dont le réfultat bouleverfe toutes les idéés , qui, pendant plus de vingtdeux fiêcles, avoient fubjugué la croiance du genre humain fur fautenticité des annales profanes; une découverte qui anéantit 1'empire qu'exer<:oient depuis fi long-tems fur 1'opinion publique, tant de Monarques imaginaires ; une découverte qui renverfe le tróne, & brife le fceptre de cette fbule de Rois Egyptiens , Babyloniens, Affyriens , &c. fabriqués par les Auteurs de 1'antiquité: unëpareille découverte n'eft-elle pas une véritable révolution, qui, dans le monde hiftorique, préfente une événement très-important , Sc qui doit faire époque dans les fciences ? (i) Je dols faire obferver que dans le tableau que je vitnsde préfenterdes découvertes ultérieures de M, 1'Abbé. du Rocher , je ne fais que répéter ce quVi a annoncé luiraême , comme on peut le vérifier en confültant fon ouvrage. V  3o£ Hérodote Hiftorien Mais 1'ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher, n'eft pas feulement un beau monument élevé a 1'hiftoire dont elle épure les fources primitives; le travail du favant Auteur diffipe encore les nuages dont on cherchoit a offufquer la vérité de la réligion , puifqu'il fappe par les fondemens les difïïcultés dont les incrédulesfembloient tirer le plus grand avantage. En effet, pour ne nous en tenir qu'a la première partie de VHiftoire véritable des Tems fabuleux, qui a pour objet de nous démontrer que les anciennes hiftoires d'Egypte ont été rédigées fur des extraits de 1'Ecriture fainte : que dc: conféquences en faveur de nos livres facrés, ne pouvons-nous pas tirer de toutes ces altérations ? Nous ne dirons pas feulement que , copiés par Hérodote , ils font inconzteftablement antérieurs a toutes les hiftoires profanes connues , puifque 1'oiiginal précède évidemment la copie ; mais nous inlifterons fur 1'argumenttiiomphantquenous fournit VHiftoire véritable contre les Philofophes modernes. Sans cefTe ils nous oppofoient le filence des Écrivains du paganifme fur les plaies d'Egypte , le paffage de la mer rouge , & fur tant d'autres prodiges que raconte Moïfe , comme opérés a la face d'une grande nation, qui, vü la fingularité de ces événemens, auroit dü en conferver  du Peuple Hebreu, fans le favoir. 307 la mémoire, & dont cependant on n'apper"cevoit aucune tracé dans les faftes de fon hiftoire. La maligne complaifance aveclaqtielle les Sages dn jour ont infifté fur cette objection , engagea M. 1'Abbé du Rocher a Papprofondir d'une manierefpéciale ; fon zele pour les intéréts de la religion, lui fit entreprendre les recherches les plus pénibles fur les antiquités profanes. L'étude férieufe qu'il en fit, le convainquit, que les Hiftoriens de 1'antiquité payenne, en les dépouillant du coftume étranger dont ils s'étoient revétus , formoient autant de témoins de la véracité des Écrivains facrés. La Philofophie avoit ofé nous porter le défl de montrer dans Hérodote, entr'autres,la moindre mention des éve'nemens rélatifs aux Pharaons d'Egypte , dont Moïfe rapporte tant de faits extraordinaires. Qu'eftil réfulté de cette aggreflion philofophique ? M. 1'Abbé du Roeher a fait voir dans Hérodote , bien au-dela de ce que la philofophie nous demandoit; non pas feulement quelques traits épars & ifolés , conformes au récit de Moïfe, fur le miniftère de Jofeph en Egypte , fur les plaies qui afHigerent ce Royaume, fur le mémorable paffee de la mer rouge, mais encore la fubftance entière de i'Hiftoire facrée con- V 2  308 Hérodote Hiftorien cernant les Egyptiens, copiée par Hér<£ dote , & copiée dans un ordrefuivide regne en regne & trés - reconnoiflable , malgré les altérations les plus groflleres. Témoins de cette découverte merveilleufe , tous ceux qui prenoient quelque part a la caufe de la Religion, ont admiré la fageffe de fon divin Auteur , qui fait fervir a la glojre de fes ceuvres la haine même de fes ennemis. La Philofophie bleffée par fes propres armes, n'a recueilli, de cette attaque, que la honte de fa témérité , en faifant valoir pour des obje&ions contre les livres faints , les plagiats même qu'ont fait les Auteurs payens. Ainfi ont été rétorqués contre nos Sages, quife flattoient d'être profondement verfés dans les antiquités profanes, les traits dont ils ont été les premiers a indiquer 1'ufage. Envain, pour juftifier leur infurre&ion contre VHiftoire véritable des Tems fabuleux , les Philofophes voudroient fe prévaloir de Pautorité de quelques favans qu'on ne peut accuièr d'irréligion , & qui cependant n'ont point accueilli la découverte de M- 1'Abbé du Rocher. Mais qu'on y prenne gat de , les motifs qui ont animé ces deux claffes d'adverfaires, font bien différens. Les uns ont rejetté VHiftoire véritable, par un effet de la haine qu'ils portent a tout ce  ^ du Peuple Hebreu, fans le favoir. $ o $ qui combat la Philofophie moderne, dont ils font les difciples zélés; ils ont fenti qu'il étoit de leur intérét de décrier un ouvrage qui fournifïbit contre 1'incrédulité (i) les argumens les plus redoutables; les autres ont tenté de le critiquer , non fans doute , par des principes anti-religieus, mais paree qu'attachés è leurs fyftémes fur lesDynajïies öc la Chronologie des prétendus Rois d'Egypte , ils concevoient un fecret dépit de 1'anéantiiTement de toute leur hiftoire, qui les privoit du fruit de leurs veilles & de leurs travaux. Eft-il étonnant que ce facrifice ait couté a leur amour propre, afHigé de voir s'évanouir tout-è-coup , la renommée que leur érudition fur les antiquités Egiptiennes leur avoit acquife dans les Académies ? Mais indépéndamment du contre-coup que la découverte fatale a 1'exiftence réelte detouscesRois d'Egypte,faifoit réjaillirfur tant d'érudits, qui s'étoient envain épuifés a former de longs calculs fur les vies & les (0 L Ouvrage de M. 1'Abbé du Rocher préfente une découverte f. favorable a la caufe de la religion . q„e fon fcrttiment fur l'H.floire d'Egypte a été adopté & fourenu plus d une fo.s dans les Théfes de Sorbonne; & nommément dans cdjes de la dern.èrelicence. Ceux qui connoiffenr la celebnte dontjoiut cette Ecole favante & éclairée, appré- -V3  |to Htrodote Hiftorien régnes de tous ces Monarques en peinture» ne fuffifoit-il pas que M. 1'Abbé du Rocher vint fronder diredtement une opinion qui dominoit depuis vingt-deux fiêcles, pour que fa découverte füt traitée de paradoxe inoui, & allarmèt le refpeft que le public: a naturellemeut pour certains perfonnages del'Hiftoire profane,auxquelsune vieilleffe décrépite femble acquérir un droit de prefcription, qui ne peut jamais étre attaqué impunément. L'on concoit que , fi M. 1'Abbé du Rocher fe fut contenté d'annoncer que la plüpart des perfonnages de la fable ont été imaginés par le paganifme , fur les traits de VEcriture fainte, 1'Auteur n'eüt pas manqué de trouver grace auprès de tous fes le&eurs, paree que fon livre n'eüt préfenté que le dévéloppement & la preuve d'un fait dont la vraifemblance étoit foupeonnée depuis long-tems (i). S'il eüt même avancé que, daus les annales de la haute antiquité profane , de grandes erreurs de faits &c de dates qui s'y étoient gliffées, avoient altéré la lincérité de 1'hiftoire ; fur cet article en- tl) V. Conférences de la Fable avec [Hiftoire fainte , oü. 1'on voit que les grandes fables, le culte & les myftères du • paganifme ne font que des copies altérées des hiftoires & des traditions des Hébreux , par M, de Lavaur. A Paris, chez André Cailleau , édit. 1730.  . du Peuple Héb reu, fans te favoir. 31 % Core, il n'eüt pareillement trouvé que de de 1'indulgence, paree que cette éntreprife h'eüt eu pour objet que de faire fervir le flambeau de la critique a e'clairer 1'hiftoire. Mais traduire au tribunal du public les faftes anciens des Rois d'Egypte, depuis Menès jufqua Amafis , fans en excepter un feul, comme un traveftiffement fuivi de VHiftoire facre'e; de'noncer 1'Ecrivain des rè* gnes de tous ces Monarques Egyptiens,Hérodote, le pèrede Vhiftoire , comme le père du menfonge ; en un mot, proclamer la première, la plus ancienne hiftoire profane qui exifte, comme faifant elle-même de'formais partie de la mythologie ; par conféquent, montrerla vérité de 1'hiftoire profane, comme tarie & difparoiffant dès fa fource; que falloit-il de plus pour exciter contre 1'Abbé du Rocher, les préjugés les plus accrédite's ? Auteur d'une découverte fi étonnante , qu'il a avoué en avoir été lui-même affe&é , ( fentiment échappé a la candeur de fon ame. & dont n'eut pas été fufceptible celle d'un faifeur de fyftême,)il étoit naturel que M. 1'Abbé du Rocher effuyk le procédé , dont tous les i\ges de 1'efpèce humaine ont payé les travaux de ces hommes de génie, qui 1'ont gratifiée de qaelqu'une de ces grandes inventions, eontre lefquelles il eft du coftume de lutter d'abord , & V 4  12 Hérodote Hiftorien^ que bientót après on eft humilie' d'avoir combattues. Malgré la preuve irréfiftible du rapprochement des faits des deux hiftoires profane & facrée ,qui appuient Ia découverte de M. 1'Abbé du Rocher, le préjugé fubftfte encore dans 1'efpiit même de quelques favans eftimables. Pendant un certain tems, 1'empire de 1'habitude fera citer toujours trèsférieufement Menés,Moerts& Sesostris, comme de vrais Rois d'Egypte. Mais le régne de Terreur & de 1'illufion aura fon terme ; la vérité tiiomphera , quand a une génération frivole , aura fuccèdé une autre plus férieufe & plus müre , & dont 1'efprit tourné vers le vrai, aura fubftitué au gout d'une littérature légère , 1'amour des études folides, & du vrai beau dans ce genre. C'eft alors qu'une nation plus équitable , paree qu'elle fera plus éclairée , dédommagera 1'Auteur de VHiftoire véritable de ï'indifférence qu'il éprouve en ce moment; c'eft alors que des hommes épris de 1'attrait des connoifTances utiles , reliront attentivement cet ouvrage , fruit d'un génie vigoureux. Tout pénétrés d?s fortes impreflions que faifferont dans leur efprit les conféquences bien approfondies de cette étonnante découverte , les favans, qui vivront a cette époque, rendrontafon Auteur  dn Peuple Hébren 'ffans le favoir. ^ T ^ le tribut d'admiration que femblent lui tr^d puter fes concemporains, & ils reconnoitront 1'accomplifTement de cet adage d\in ancien Philofophe, que ia méditation est une espèce de pr1ere naturelle, quE le Ciel recompense par la découverte de quelque grande vérité. Voila, Monfieur, une lettrebien longue ; elle forme une difTertation complette, óc fufHt, ce me femble , pour vous fatisfaire pleinemenr fur toutes vos difficultés contre VHiftoire véritable des Tems fabuleux. Si cependant, malgré mes raifons,vous perfiftiez dans 1'opinion que j'ai travaillé è combatre, je plaindrois un bon efprit comme le vótre , fait pour goüter & chérir la vérité, defe dérober a fes charmes. Mais permettez qu'en attendant, je refte très-fortement convaincu de ce point de fait bien démontré, qu'Hérodote , en écrivant fon Hiftoire d'Egypte, n'a été que VHiftorien du Peuple Hébreu , fans le favoir. FIN.  3* E R RA TA- ,/j^VEK.TiSSEMENT , page vij , qu'en nous tenant ,lifez , qu'en nous en tenant. P. 34, pratcedebat eas , lifez, prctcedebat eos. Même p. dans la note , Cynus , lifez , Cycnus. £• 36, colonne a droite , ligne 15 , s'enfuient , lifez; s'enfuirent. P. 56 , lignes 2? & 30 , au lieu du Necos des Egyptiens, du Nechao de VEcriture, lifez, du Necos des Egyptiens 6* du Nechao de VEcriture. V. 65 , dans la note , L. 5 , Liber Enech, lifez, Liber Enoch. P. 72, L. 7, après LeSeurs, ajoutez , qu'il ne donne pas les conjeflures. Même p. lignes 11, 13 & ij , en place de Theb , lifez,' Thbe. P. 74 , ligne ire. de cette Abbaye , lifez, de la célèbre Abbaye. V. 79 , lignes 2 & 3 , eft-ceque que, rétranchez 1'un des que. P. 80, dans la note , ligne 2, compofita ex Azl & Az , lifer, compofita ex Az& Azl. Même page, même note , ligne 3 , après caprce, mettez, emijjlo. P. 98, colonnea droite, luifaifant dire que que .rétranchez un des que. P. 110, ligne 9, DISTINCUE , lifez , DISTINGUE. P. 113 , ligne 17 ; intéreffaffent, lifez, injcraffent. P. 115 , colonne a droite, ligne 16, felon Horas , lifez felon Horus. \ T. 134, ligne 15, & le mien & celui qui vit, lifez, &lemien eft celui qui vit. Même page , ligne 21 ,frémit, lifez , frcmlr. P. 138, ligne 9 , on fait main baffe , lifez, ont fait main baffe. P. 142 , dans la note , filia fua , lifez , filia futz. P. 145 , avant-derniere ligne, une érudit, lifez, uncrudit. P. 152 , ligne ire non-feutemens , lifez , non-feulement. P. 153 , dans la note , p. 31 , lifez ,p. 319.,.. Même ligne, Jabtouski, lifez , Jablonski.]  E R RA TA. 315 Même note; lignes 7 & 15 , indèpendemment, lüez ;indc- pendamment. P. 159, ligne 24 , premiers origines, lifez ,premières origines. P. 162, ligne 11 , au ils obftmoient, lifez, qu'ils s'otftinoient Même page , dans la note , cnBcryte de Ph.énicie , lifez , de, Beryt! en Phénicie. P. 166, ligne 10, pêchoit quelquefois, lifez, pichoit,{zn$ accent circonflexe. P. 184 , ligne 2$ , Labarus , lifez, Labarés. P. 187, lignes 4 & 5:, un labyrinthe & un édifice, lifez , uti labyrinthe eft un édifice. P. 192 , ligne 16 , fur cetmatière ,lifez, fur cette matière. M ême page , même ligne, a cette effet, lifez, d cet effet. P. 199 , ligne 19, Chéphen , Lfez, Chéphren. P. uo, ligne 8 , habitans de pays , lüez, habitans du pays. P. 226, ligne 20, une hiftoire des Rois, lifez, une hiftoire, de Rois. P. 23^, ligne 22, adminable, lifez , admirable. P. 23 1, ligne 4 , avoit dit, lifez ,* avoit annoncé. P. 244, dans la note , qui fubftitua, lifez, qui y fubjlitua. P. 257, dans la note , ligne 4 , jEgypti feptuagenta , lifez ; JEgyptus feptuaginta. Même note, lignes 8 & 9, fedelies me , lifez , fepelies me. 21>9> "§ne 2a» nous donne, lifez , nons donnent. P. 263 , ligne 6 , je viens vous offrir, lifez viens de vous, offrir. P. 272 , ligne 26, Tchixg , lifez, Tching. P. 278, ligne 20, can'mule , lifez, canicule.