L A REDUCTION DE PARIS, Qü SÜITf DE LA BATAILLE D'IVRY. DRAME LYRIQUE, EN THOIS ACTES ET EN PROSE, Par Mr. de Rozoy, Citoyen de Touloufe; Reprefentée pour la première fois au ïheatre Frtn* gris ó k Hayet le 14. Bevrier 1782, A LA HATE, Chez H. CONSTAPEL, Libraire, M. DCC. h % X X I ï,  NOMS DES PERSONNAGES ET DES ACTEURS. Henri IV, M. Dumége. Le Comtb de Brissac,1 M. de Bray. Despinatt Saint-Luc, M. Caron. Lanoüe, le Brave, M. Hallemans. L* Cafitaine St,.QüENTiN, M. Gejer. Sophie, filledeSt.-Quentin, Mik. Gagni. Bkmson, Amant de Sophie, M. Déchet. Mde. de Chatillon, Mde. Majeur. LuLLiERt.Prevöt des Marcbands, M. Durani. Langloij, premier Echevin, M. Virion. Mendoce, CapkaineEfpagnoI, M. Beaufils. PluQeurs Echevins. Une vieille femme. Ün Laboureur. Soldats royaliftes, & ligueurs ou Efpagnols.  L A REDUCTION DE PARIS, DRAME LYRIQUE ÈN TROIS ACTES, ET EN PROSE. ACTE PREMIER. Le Tbédtre repréfente un camp; dans la Tente du milieu, efl le Roi occupé a lire.Après quelques momens de Jilence, il examine tont ce qui l'environne, je leve, 6? parle enfuite Dans l'enfoncement de la Scène font des Soidats couchés, & Qui paroijfent dormir très-profondement. 11 efl minuit, lorfque la Piece commence. SCÈNE PREMIÈRE. H E N R I IV, fèuk Quel calme regne aütour de mol' Tout repofë.' Dorraez, Compagnons de mes travaux, dormez ; votre fommeil m'honore. Vous favez, vous favez bien que je veille pour vons Peut-être hélas! peut-être le fignal des combats ne vous réveilleri que trop tót. Ville infortunée. que fubjuguent des ingrats & de» barbares, qu'exiges-tu de plus d'un coeur qui ne s'eft refufé a rien de ce'qul pou-* voit aflurer ton bonheur ?...Moi, te combattre encore!.. moi,renouveller les horreurs d'un fiége!... ]e frémis d'y penfer. J'ai vu des malheareux, je A 2 la  4 LA REDUCTION DE PARIS, le fus moi-même, & pour en faire, ie fais trop ce qu'il en coute a ,1'être. ( Oh mtenê ui un bruit defotdats tn manie.) Maïs qu'entends-je?...ce font fans doote 'es troupes da brave Lanoiïè ... Qu'il me t&rde de revo'r le fidele d'-Efpinai-St - Luc! S'il faut que je fois réduit i dbnuer Paflaut, je regarderai ce jour comrae le plu3 malheureux de ma vie. SCÈNE II. HENRI, LANOUE. L A n o u e. XL/Nfin je me trouve avec vous, Sire, au pied de ces mêrnes remparts,oü depnis troisans, vous ne devriez plus avoir d'ennemis afiez puiOatrs, pour vous combattre. Mais notre vengeance eft cercaine. II e N R i. Quoi! mon cber Lanoue.... L a n o u e. Oui, Sire; j'efpere que vous n'héfiterez plus. A R I E T T Ë. Vengez vos droits, Vengez les Loix: Armez-vous, lancez la fondre; Tonnez-poar mieax donner la palx; Frappez, mettez ces mnrs en poudre; Soyez Ie Dien de vos Sojets. De Coligni 1'Ombre fanglante En cé moment vient de s'offrir ï mol. A fon afpeft la Natnre tremblante A frémi d'araour & d'effroi. - Votre enfance lai fat 11 chere! II vous aima comme fon fils; N'c-  DRAMELYRI. Q.UE $ N'epargnez plus fes ennemis: Qui l'etnpoitera ftu ua pere? Vengez vos droits, Veri^ez les Loix: Armez voas, Izncez la foudre > TkJnnez j.our raienx donner ia paix: Frappez, meuez ces mars eu poudre; Soyez le Den de vos Sajets. h e n r l. Lanoue, quel nom venez-vous de prononcer!.... vous paj lez de combattre!.... qa'ufez-voas exiger de moi! Lanoue. m ■ ■ Sire, ne vous fouvient-il plus de ces jours affreux? H e N R i. Non, mon ami, non... j'étois alors fous le gla|ve: je le tiens rnaintenaut en mam; c'eft le mo-» ment de'touc oublier. Lanoue. Maïs, Sire . ponvez vous expofer Je fort de vo-« tre Etat, pour épargner quelques Rebelles? h E n R i. En font il moins mes Sajets? Lsnoue. quand a 1'inftam mêroe je ferois certain en marchant vers Paris de foumettre cette Ville.ce que vous ventz de me dire m'arrêteroit. Je craindrojs qoe ma voix ne fut plus entendue; je ne veux poinï qne Ton ait a. me répondre: ce font les droits de 3a guerre..,.& ceux demon cceur, a qui donc les confierai-je qu'a moi-même? Lanoue. Maïs, Sire, voulez-vous donc paroitre menner vos véritables amis £ des ingrats, qat vous rendent moins, qu'ils ne vous vendent les appa^ages, & de la Uberté publique, & de la Royaute. H e N R i. Ecoute-moi, mon cher Lanoue. Profitons des momens qui nousrc-ftent idefcends dans moncoeur avec moi, & j'y cojifens. Juge ton Roi. A 3 ' Les petits-fils de Coligni dan* les fers.. ..' Vive-Dieu! SCÈNE III. Madame de CHATILLON, les précédens. ( Madame Je CbaSillon d un corps dè ^ Solaat), qui la Suivent. ) V Enez.braves Soldats, venez recevoir Je vrix de votre courage. II fera de combattre fous les ycux de Votre Roi t -Henk i. Q'énténds-jé ? Certe voix.... ( On voit entrer Madame de Ciatillon te .... „ , , caflue en & la iavct en main.) Ah? Madame, mon coeur étoit pénétré de douleur: j'apprenois a 1'iniiant, le danger que vous avez couro. Madame de Chatillon. Sire, cecafque, & cette iance vous difent afiez qüe le fang des CbatiJlons, en fe mêlant a celui des Daillis n'a point dégénéré. H e w R i. Pourrois-je apprendre, Madame? Madam de Chatillon. Oui, Sire; un Corps de Ligueurs vient attaquer le Chateau de Cbatillon , tout fuyoit. Quelques Soldats fideles étoient dans un Chateau voifin: je cours implorer leur valeur,ils me fuivent, je me renferme avec eux, Alors mon exemple & ma voix les smmenr. A r ï»  DRAME LYRI Q. Ü E. p A r i e t t e. Snr fon char je voyois la Gloire Applaudir mes heureux tranfports: ISientöt les cris de la vicloire Furent les prix de noi etforcs. Le devoir me rendoit terrible.* t Tout en frappant vos ennemis, Je tn'écriois: voyez , mes fils, Ce qu'ófe une mere fenfible; N'oubliez pa* ce j'otjr horrible Soyez dignes d'être mes fils. Snr fon char je voyois la Gloire Applaudir a roes heureax tranfports; Bientöt les cris de la viüoire Ftjrent le prix de nos efforts. H e n r i Madame, je ne vous louerai point. Vous m'étonnez, fans me furprendre. Mals je vons dols un gage de mon admiration, & je me flatte que Vous y ferez fenfible. Madame de Chatulov. Sire, n'oubüez pas, je vous prie, que cette main a combattu.... H e n r i. Et qu'elle eft vidtorieufe. Madame, j'anends iet le brave Saint-Luc: de lui dépenden ce moment le Traité fecret qui peut m'onvrir les portes de Paris; s'il n'a pu réuflir, je dois au moins profiter de ces momens pour m'emparer des Fauxbourgs, & je ne puis me priver du courage de votre Epoux. Mais il veut combattre : mais fes reflentiments m'accufent de trop de clémence. Obtenez de lui, Madame, qu'il épargne mes Sujets. Au moment oü je croyois vos rils & vous même eutre les main9 des Ligueurs, je m'occupois du defir de racheter votre liberté....Eh bien!que votre générofitépaye la rancon des malheureux que nous ferons peutêtre forcés de combattre, & que votre Epoux veut immoler. Madame de Chatillon. Croyez-vous, Sire,que votre volon té ne fuffife pas! A 5 Hen-  l« LA REDUCTION DE PARIS, H e n r i. Non , Madame , non ; je f'cais par- moi-mème com'»ten ia verte eft plus toucbante, quand la bea::té lui fert d;iateif.r*;tc. > Madame n je Chatillon. f ' Vous l'ordoïinez, Sire. Ehbjea! je coramanderai en votre ndra; mon iipoux ne pourra vous ré* lifter; je crois déja l!en"ei:dre me réoondre. DUO. Madame d e Chant ilxjON* Qael fDiea vainqaear Parle a mon ccecr ? Un jour pius pur enfin m'éclaire» Lanoue. Ooi, ce prix eft bien dü Au ponvoir d'nne voix fi chèr$.' ïlenri parle; c'eft la veren. Ensemble. Comment 1'entendre, Et fe défendre? Henri parle; c'eft la vertu. Madame de Ghantillo», D'un Roi chéri la voix défarme, Et la vengeance & la fnreur. Lanoue. L'efpoir renait: nn nouveau charme Nous rend la paix, & le bonheur. Ensemble. Comment 1'entendre, &c p Ghevaljcr qui traitera avec eux'n'sura poiw ue rsproc&e a en craindre. Vous chargezvot-.s de leni ^op^ndre que dans une he>:rielque chofe des tiens dans ce Procés de familie..... Saint-L u c. Ne le croyez pas, Sire. H e n r i. Mon ami, quand tu me dirois non, mon cosor me diroit le contraire ;& ce cceur-la ne me trompe jamais, il reflemble au tien; je t'attends. (Saint'Luc fort.) SCÈNE VIII. HENRI, feut. J e pnis donc efpérer enfin qne cette nuit me verra makre de Paris que d'aruls j'aurai a confoler! que d'ennemis a garantir du fer des vainqueurs!,.. Mais on vtent.... Mon coeur s'ouvre a la joie: ] ai bien alïez fouffert ponr me ménager un dédommasement de ce genre. . . , ó (Its'ajfed dats fa lente oÜ it n'y a point de lumien). SCÈNE IX. HENRI, Saint-L UC, BRISSAC. Saint - L u c. ÏLtes-vous bien certain que les Ligueurs oé pourront foupconner cette démarche? Bei s*  \6 LA REDUCT10N DE PARIS. B R i s s a c. Oui, j'ai toutprévu: des citoyens- irreprocha* bles fecondent tous mes vceux... Me voila donc flans le Camp de ce Roi contre Ieqael j'ai combauu trop loüg tems ! Saint-L u c. Mon Frere, Henri eft jufte 11 fcaitque le cceur le plas ami du bien eft fouvenc entrainé par les circonftances. il fcait auffi que 1'homme qui a éprouvé combien coüte une faute, qu'il fe pardoune k peine, eft plus aiï'aré de fa propre vertu, que riiomme même qui n'eut jamais r-ien a fe tl» procher. B r i s • a c. Cher Saint-Luc. ce n'eft point encore tant ma dérectioo elle-même , que le premier traité qne j'ai propofé qui caufe mes remords. je craignois la préfence du Roi. Je ne penfois pas qu'il püt jnettre a mes iervices un prix amTi baut; il m'a tout accordé, ma honte n'ea eft que plus grande: mon crime. . . Saint-L u c. II a tout pardonné. B r i s s a c Mais, moi, dois-je me le pardonner a moi-même? Je ne ftjais point commenc je pourrois foutenir fes regards , s'il étoit ici préfent. ( Henri fe leve.) Mais non ; c'eft dans les murs feuls de Paris , que je dois demander mon pardon, & j'efpere 1'obtenir. ^ Tout eft préparé; des Soldats qui •me font dévoués s'smpareront des portes a 1'heure convenue; j'ai feu tromper les Chefs de la Ligue par des apparences, qui coütoient a ma véxacité naturelle; mais c'étoit plutötun ftratagêmê qu'un menfonge, & 1'homme criminel qui veut xetourner a la vertu, n'a pas toujours le cholx des moyens qui peuvent le rendre a elle; mais du moins nous ferons vengés; le cceur du Roi rendra juftice a uq Guerrier prêta m.ourirdéfor> mais pour lui. Saint-*  DRAME LYRIQÜE. 17 Saint- Luc, fe retournant a moitii du cöté du Roi Sois content: le Roi fcait queis font tes feminiens. B r 1 s s a c Les lui as-tu bien exprimés? Connoit ilbienjufqu'oü vont mes remords, ma reconnoiflance & mon admiration? Tant de valeur unie a tantde clémence! Henri , Qbas) fe rapprochant de Sam-Luc.. C'eft trop me louer. Saint Luc, (bas) a Henri. Vous 1'avez voulu, Sire... Accoutumez-vous a entendré vos vérités. B r i 5 s a c. Pourquoi donc t'éloigner de moi? ... A quatre heures tout fera tranqnille dans la Vilie. Que le Roi fe préfente aox portes a cette heure; nous ferons prêts a le recevoir. Si; d'ici a Ce moment, il arrivoit que je foffe trahi, les Ligueurs ne me feront point de grace ( Trit-tindrtmenli) Alors. charge-toi de conduire au Roi mes Enfans; dis-lui: C'eft en vous prouvant combienfoa repentir étoit fincere, qu'il a tronvé la mort. Son dernier vceu fut que fon Roi adoptat deux ïeunes infortunés pri.vés de tout appui... Saint-L u c Tu n'auras point de refus k craindre; les remords du Pere feront les titres des Ênfans. B r 1 s s a c. Adieu, mon cher Sdim-Luc... J'eufle defiré cependant..- Saint-L u c. Parle, mon ami, ne me cache riën. B r i s s a c. 1'eufle defiré voir au moins le Roi; il m eut tendu les bras, je m'y ferois précipité ; mes larmes auroient coulé fur fon fein ; mon cceur, en palpitant fur le fien , m'auroit femblé devemc plus pur. On n'embrafle pas impunément un Hfi- rosi n Saint!*  i.3 LA REDUCTION DE PARIS. Saint-Luc, (bas) a Henri qui s'approcbe d'eux. Ah! Sire, qu'allez-vous faire? Henri, (bas) d Saint-Luc. Je ne puis plus y réfttter {11 fe place entre Samt-Lue (i Briffac. Tout ces mouvemeni doivent itre tris-rapides.) B r i S S a c. Adieu» mon Frere; que je te preffe dans mes bras.' ( II prend le Roi dans fes bras, crayont tenir Soiht-Luc.) Dis tont i ton bon Maitre N'oublie aUcun dé« tail... Ah, s'il avoit pu m'entendre! Henri ,c avec toutt t'énergie du fentiment. II a tout ehtendu. B r i g S A c. O Ciell Henri. Eh! Votre cceur ne vous difoit pas que c'efi: Henri lui-même? B r ï S S A c. Ah! Mon Frere, pourqnoi me cacher?.. Henri. Briffac, m'enviez-vous le plaifir que j'ai goüté? B r i s s a c. Non, mon cceur ne peut contenir toute fa joie. Henri. Ce moment vóus eit-il bien cher? B r i s s a c. S'il m'eft précieux ? ... Ah! Sire! Henru _ Eh ! bien, mon ami, pour gage de votre affection, je ne vous demande qu'une feule cbofe; c'eft que de ce moment il ne foit jamais parlé entre nous de tout ce qui 1'a précédé. B r i s s a c. Quoi! vous neme permettrez pas d'exprimer... Henri. Oui, combien vous m'aimez, voila, tout. Mes deux amis, je voudrois que tous les momens oü j'ai pu foupconner d'erreur un cceur Francais, euffent été rétranchés de ma vie. Bris-  DRAME LYRIQ.UE. B r i s s a c. Sire, mes larmcs vous répondent. Vous m'avez nomrné Gouverneur de Paris. Peuple fenfible, je ferai le premier a te montrer comme on doit aimer un tel Maïtre. Si jamais mes deicendans obtiennent le rnême honneur que moi Vilie célébre, n'oublie pas que mes pieurs ont été le premier gage de ta redu&ion, & déformais ea nommant un Briffac, puiffes-tu dire; il eft more comme il a véeu, fous 1'écendart de 1'Honneur Francais. Henri. J'en accepte 1'augure pour les Bourbons qui me fuccéderont... O i.. B r i s s a c Adieu, Sire; cette nuit a quatre heures précifes, la Porte Saint-Denis vous fera ouverte. C'eftlh qu'eft le pofte de Langlois, eet Echevm dont le nom feul eft un objet de haine pour lês Ligueurs. Le brave Saint-Quentin & le jeune Briffon s'y uouveront Je me charge du choix des Soldats & da foin d'écartet les Ligueurs. Henri. Briffac, écontez ; cette nuit tous ces bons?Citoyens qui attendent lenr Roi, tiennent entr'eux un confeil; ils défirent qu'un Guerrier chargé de meg ordres aille conférer avec eux, Ce Guerrier, ce fera moi-même. J'ai traité avec les Grands de mon Royaume, je veux traitcr égalernent avec les Chefs de mon Peuple. S'il y a de la diftérence entre mes Enfans par sles tltres & par les fervices , je ne veux pas qu'il , y ait pour mon amour.. Vous voyez, Briffac, qu'elie eft ma loyale confiance. Veillez a tout; & fi la France entiere a befoin de moi, confervez moi, moins pour moi-même que pour elle. B r i s s a c. Sire, la poftérité n'aura point a me reprocher d'avoir rien oublié. Henri. Venez, mes amis, venez. Nuit hsureufe, ou B 'i ter*  fio LA REDUCTION DE PARIS. terrible, que de jours fortunés ou malheureux peuvent ce fuivre! Francais, c'eft une nuit qui fit votre honre; une autre va faire votre gloire Ec to,i, Palais oü font encore empreintes les traces du crime & de la fureur, tu nous les verras erFacer par des larmesde joie; la retraite augufte que la Tyrannie profane, déviendra le fanciuaire de la clémence, & le Temple des Arts & de 1'Arnitié. ACTE II. Le Thêatre 'change & rêpréfente une partie dis remparts de Paris; on y voit, fur le cóté, une matfoniü font renferniés les Soldats que commandent huilier & Lan~ glois; plufieurs maifons font fur la gauche; la porte Saint ■ Denis au fond. SCÈNE PREMIÈRE. . LULLIER, LANGLOIS, Saint-QUENTIN , BRISSON. L ü l l i e K, TCh bien! brave Capitaine, pouvons-nous efpërer que le Roi nous envoye quelque médiateur entre lui & des ferviteurs fideles! Saint-Q u e n t i n. N'en doutezpas. La nuit s'avance, deux heures viennent de fonner, vous ferez bientöt fatisfaits. Mais j.'efpere, Meflieurs, que vous n'avez point de coaditions a propofer qui puiflent retarder...  DR.AME LYRIQ.UE. ** L u l l i k r. Nous,desconditions!...En fait-on avec fon Roi? Et quel Roi encore! Qu'il vienne, qu'il triomphe; voila tout ce que nous defirons. L a n g l o i s. Nous avons recu le ferment de tous les^ Bourgeois qui formentla garde de ce pofte; cependanc a tout événement il leur faut un Chef. Capitaine, & vous, valeureux BrifTon, chargez-vous de tout ce qui tient a 1'Ordre Militaire; le refte fera réglé par nous. Saint-Q u e n t i n. Vous me conno.illez, Meffieurs, & je réponds de mon Fils comme de moi-même. Brisson. Eh ' comment trahirois-je tant de devoirs facrés que j'ai a remplir ?... C'eft fur ce rempart, ici même, que j'embraflai pour la derniere fbis mon malheureux Pere; fage Larcbet, vertueux Tardif, vous partagiez fon iupplice & fa conftance. Je jurai de vous venger avec lui.... Le jour eft venu; qu'il a tardé long-tems! Mais, Meffieurs, je ferai digne des devoirs qu'il m'impofe; &, pour garans, j'ai 1'Honnenr & 1'Amour. L tt l l i e r. Nous allons tout préparer pour recevoir 1'Envoyé du Roi. C'eft ici même, fur ce rempart que la Conférence aura lieu Mais le Cornte de Briffac, fcavez-vous fi le Roi 1'a recu en grace? Brisson. Nous 1'ignorons enqore: mais il vous fouvient qu'il fut le premier a vous ouvrir fon cjtur; & Briffac peut errer, mais jamais trahir. L u l l i e r. Veillez fur tout ce qui nous environne; furrout craignez le Duc de Feria.... Ce fuperbe Efpagnol vous hait.... Nous allons bientöt vous rejoindre. Langlois. Allons, mon ami; le Roi au milieu de fes Guer? riers, nous au milieu de nps Concitoyens ..Voila Comme la Patrie eft bien fervie. formt.) B 3 S C E-  *) LA REDUCTION DE PARIS} SCÈNE II. BRISSON, Saint- QUENTIN. Brisson. Ah, Mon Pere, que vient-il de nous dire? Le Duc éeFeria.. . Si j'en croyois mes foupcons. Saint Q u e n t i n. II ferolt ton rival? Ariettte. Brisson. Qui voit Stpbie Doit i'enflatnmer; C'eft pour ia vie Qu'il faut 1'aimer, Ses yeux, fa voix fi tendre, Ont un pouvoir égal, Et qai peut 1'entendre Devienc inon rival. Toi qo'adore mon «me, Tu ne p«nx me trahir: Mais, hélas!... 4 ma flamme On j ent te ravir. Tes yenx, ta voix fi tendre Ont nn pouvoir égal, Et qui pent t'entendre Hevient mon riral. S C E-  DRAMELYRIQ.UE. t& SCÈNE III. Saint - Qü EN TIN, SOPHIE, ^ BRISSON. Sophie, intrant &]pas hnts, & fe trainant dans les tênèbres. Ouvais-je? Serais-je aflez heurenfe pouréchapper aux barbares?.... Saint-Q u e n t i n. Qoelle eft cette voix ? Si je ne me trompe pas (7/ va vers elle). C'eft toi, Sophie? Sophie. Mon Pere! Saint-Q. u e n t j Si Cü vas-tu? Quifuis-tu? Sophie. Vous me quittez. cruels! & vous me laiflez expoiée au danger le plus affreux. Le Duc de Feria.... Brisson. Parle, ma Sophie. A r i e t t e. Sophie. Ahmon coeur fe déchire, Brifé par la donleur: O ciel! fais que j'expire, Ou préviens ce malheur. Jour cruel! jour d'horreur! Perdre tout ce que j'aime! Tyrans, quelle fureur.' O Dieux' ne frappez que moi-même; Ou je mourrai de ma douleur. . II eft ton rival.... 11 eft votre ennemi.... Vos jours font en danger... Fuyez tous deux, fuyez.... naïoutez pas a mon défefpoir. Saint-  34 LA REDUCTION DE PARIS, Saint Q u e n t i n. Ma fille, jamais on ne m'a vu fair-, & ce n'eft pas a mon age qae je 1'apprendrai. Brisson. Ilt'aime, il menace les jours de ton pere! Sophie. J'étois feule occupée de vous redemander atoute la Nature.... II vien: avec toute fafuite, jugez de ma frayeur. „ Je fcais, me dit il, que votre „ pere a pallé dans le camp de Henri, il n'étoic pas feul; vous m'entendcz", Ma furprife , ma frayeur mejaiftent a peine la force de répondre; alors il ajoüre: „ Je vous aime, votre pere eft un traicre, il'méritfc la mort; & ceicaaeBriJJon."... Eh bien, Seigneur ?"...L'excès de la douleur donBe entin du courage.... „ Vous 1'aimez, vous favez 9, s'il eft né d un fang odieus, a Mayenne & a fes amis; voila mes deux viélimes; ou renoncer a „ votre amour, ou les voirpérir". Saint-Q u e n t i n. Le perfide! Sophie,. „ Hommecruel? lui dis-je; va, je connois moo ;, pere ;il me haïroit de racheter fes jours par une „ a&ion infame;nousfommes fous le glaive:mais ,, Henri eft a nos portes; fi nous mourons, nous ,. ferons vengés".... II,me quitte ; je me réfous aufli-tót a tout hazarder pour vous rejoindre au camp du Roi. Je vous retrouve enfin. O vous qui m'êtes fi dier! retournez fur vos pas. Saint-Q u e n t i n. Ma fille, cela n'elt pas pofiible. Sophie. Que dites-vous ? TRIO. Sophie. O vous, fans qui je ne puis vivre.' Vonlez-vous braver le trépas? Saint-Q u e n t i n. Non, non: je ne pui» te fuivre; . L/Etat a befoin de mon bras. B AIS'  DRAME LYRIQUE. a; Brisson Mériterois-je encor de vivre, Si ie ne bravois le trépas? Sophie, a fon pere. 'Voulez-voas donc me voir mourante; Saint Qu s n tin. Avant pen, tout chsnge pour nou». Sophie, a Bhfpm. Abandonnes-tu ton Amante* Brisson. Le devoir va guider nos coups. Ensemble. Sophie. O vous, fans qui je ne puis vivre! Voulez-vous, &c. tSaint-Q u e n t i n. Non , non : je ne puis te fuivre, L'Etat a befoin, &c. Brisson. Mériterois - je encor de vivre, Si je ne bravois, &c. Sophie. Vous ne voulez pas quitter cette Vilie; cherchez-y du moins un afyle inconnu. SCÈNE IV. Saint-OUENTIN, SOPHIE, BRISSQN, MENDOCE ; Soldats Efpagnals. M e n d O C e. Qü'on les arrête. Sophie. O Ciel! Saint Q u e n t i N. Que me veux-tu? Men doc e. Conduifez-le, Soldat. Qu'il fubifie le fort des *ra*tre$' B 5 Saint,  a<5 LA REDUCTION DE PARIS, Saint-Q u e n t in. Malheureux! refpe&e un vieux Guerrier. M e n d o c e. Oferas-tu nier que tu viennesdu camp de Henri ? Saint-Q u e n t i n. Satellitede Mayenne & au Uuc de Feria,fa quel droit m'interroge.s-tu? Ces Cncfs de ia Ligue ont als celui de prononeer fur la mort on fur la vie de Citoyens tels que moi? M e n d o c e. / Leur jugement fera leur réponfe. Marchons. Saint-Q u e n x i n. Adieu, ma fille. Sophie. Moi vous quitter! Saint-Q u e n t i n. Eloigne-toi, laifle-moi périr feul. Brisson. Que dites-vous? Ah! c'eft moi, c'eft moi feul, qui vous perds tous deux. Le malheur eft attaché a mon nom.... Sophie, fléchiffez le Duc de Feria.,,. Sophie. Qu'entends-je? C'eft vous qui me confeillez... Brisson. Eh! quel autre que moi remplira ce devoir? Sacrifie ton amant, fauve ton pere: le mien m'ap prit comme on doit mourir.... Si tu réfiltes je n'en périrai pas moins, & ton pere.. Mendoce, c'eft a moi feul que !e Duc de Feria doit en voulo:r: refpeftez fa vielleffe, refpeétez fa beauté; pne feule vi&ime fuffit.... Vous épargnerez deux crimes a votre Maitre. Mendoce. Eft ce k moi de prononeer ? j'ai des ordres... Marchons. Sophie. Quoi! nous périrons fans fecours! Ni les cris de la Nature, ni ceux de 1'Araour ne feront entendus! S C E-  DRA M E L Y R I Q. U E. ff SCÈNE V. LU LL IE R, LANGLOIS; Soldats Francoisy les Précédens. L U L L I E r. Quei. eft cebruit? Soldats, quels font ces Prifonniers? Quel crime ont ils commis? Cette Porte de ia Vilie nous eft confiée, & 1'on nous doit comptede toutce quipeucy troublerl'ordre public. Saint-Q u e n t i n. Qu'y - a -1 - il de commun entre vous & moi; Moi, Serviteur du plus grand des Rois j vous que la Ligue tient dans fes fers ? L a n g l o i s. Capitaine, vous outragez.... Saint-Q u e n t i n. Je n'ai rien a vous dire de plus: vous devez m'entendre. Viens, ma fille, tu recevras mes derniers foupirs. Et vous, Meffieurs, n'oubliez pas quel exemple j'aurai donné au refte des Francais, öc comment il doit être iuivi. (Os les emmene). SCÈNE VI. LULLIER, LANGLOIS. L U U I E 8. A vec quel héroïfme il fe facrifle lui-même.' il paroit nous outrager, pour nou mettre audeflus du foupcon. langlois. Nouveau fujet d'cfpoir. Jufqu'ici aucun des nó- tres  *8 LA REDUCTION DE PARIS; tres n'amême eu la penfée de trajhir notre fecret; Encore deux heures, & Henri viendra lui-même nousdéi vrer. L U l L I e r. Mais fl les Chefs de la Ligue prononcoient a 1'inftant même foD Arrêt de mort? Langlois. Mon cher Lullier , quand, au milieu de cinquante Soldats qui tous avoient la poignard en main, 1'intrépide Molé répondit a Mayenne: „ Le „ plus grand des maux, c'elt lorfque ie Serviteur „ veut s'armer contre fon Maïtre"; fi chacun de ces poignards fe fut tourné contre lui. crois tn qu'il ne füt pas mort heureux? Eh bien , mon ami! dans ces tems de trouble, le Maginrat & le Guerrier n'ont qu'une même valeur. Peut-être avant quelques inftans fubirons-nouslemêrae fort. Lullier. Ami, la Mort nous fuit: mais la Gloire nous précéde.... Marchons donc fans nous arrêter. l a n g l o i '5. On vient k nous. SCÈNE VII. LULLIER, LANGLOIS, BRISSAC. B r i s s a q. ^N^Ecraignez rien, Meffieurs, ne craignez rien» Lullier. C'eft vous, Monfeigneur? B r I s s a c. Je viens de changer les Commandans de chaqne pofie; mes Soldats les plus aguerris & les plus affide's ont les ordres les plus précis.... Vous pouvez, Mèffièurs, vous préparer k recevoir le Chevaher que le Roi envoie vers vous..t. Je vais donner mes ordres. Lul-  DRAME LYRIQUE t» L u l t, i e r. Vous me paroiflez content, Monfeigneur, & du Roi & de votre propre cceur. B r i s s a c. Pour le Roi, quand ne 1'eft-on pas de fa cléroence? Pour moi, j'ai bien encore des devoirs a remplir; mais je ne manquerai a nen de ce qui pourra me réconcilier avec moi-même.Meffieurs, fe n'aurois pas même différé a faire entrer les ïroupes du Roi a la fuite du Guerrier qui vient vous parler en fon nom ; mais ce moment eft celui oü chaque Officier des Ligueurs fait fa ronde. Dans moins de deux heures tout fera calme öt tranquille Profitons de ce moment pour entendre ce que le Roi vous fait dire de fa part. Mais je ne me trompe pas: on vient. ( AUant au fond du Tbeatre), Eft cevous, Lanoue? Lanoue, toujours de meme. _ Moi-même; Saint-Luc til avec moi, ainfi que le Chevalier chargé des volontés de votre Roi. SCÈNE VIII- HENRI, LANOUE, Saint-LUC; les Précédens. Henri. ous voyez , Meffieurs, quelle preuve nous vous donnons de notre confiance en vous; mais un Prince ami de fes fujets, croit a eux, comme il veut qu'ils croyent a lui-même. Vous favez ■qu'il a rempli tous les devoirs que lui impofoient les loh; de 1'Etat. Quant a vos prérogatives particulieres • loin d'en rien retrancher, il veut encore y ajouter. Parlez maintenant, & dites ce que vous avez a defirer. Lus-  Zo LA REDUCTION DE PARIS, L u l l i e r. Chevalier , le pcu de Magiftrats qui ont öfé refter au milieu-des Ligueurs, pour oppofer aumoins une digue au torrenc, ont rendu a 1'Etat Ie fervice le plus mémorable, O'aurrcs plus intrépides peut-être,& non moins vertueux, gémifïent en ce moment dans les fers: nous ne demandons rien pour nous mêmes. Le Peuple & ces Magiftrats, viftimes de la caufe pubüque; tels font les objets de nos vceux. Henri. Croyez-vous, Meffieurs , croyez vous que le Kol oublie ces bons Serviteurs ? il ira lui-même les tirer des fers, il ira les conduire fur leur Tri bunal, y neger avec eux, jouir des acclamations de fon Peuple; & la plaine d'Ivri fera moins glo! neufe a fes yeux que ce Sanduaire augufte ah entoure des Princes de fon Sang, il y fera lui' meme la Loi vivante. Voila pour 1'Etat; & quant a vous-memcs, Meffieurs, que defirez-vous f L V L l i e r. Chevalier, je demande pour ma propre fatis^etion , qu'afin de maintenir 1'ordre public Ie Koi me confie le foin d'éclairer les démarches de tant è hommes dangereux, dont le cceur & refDrit font vendus a la Ligue. p Henri. Le Roi content qu'il leur fok ordonné de quitter la Vilie; mais que 1'on ne féviffe contre aucun. Si quelqu'un d'eux eft en France fur la loi de ten palTeport, qn'il ne lui foit fait aucun mal Ouelle chofe fera facrée, ii la parole d'un Roi ne' ieit pas?... Et vous, fage Langlois? Langlois. Si j'ai toujours repoufle les Ligueürs, fi j'ai feconde le vertueux Luliier, je ne demande qu'une feule récompenfe.... „ . Henri. Parlez. Langlois. Le Roi, poer prix de mes fervices, adaigné m'ac-  DRAME LYRIQ.UE. 31 -m'accorder une fomme confidérable: je me luis fervi de ce don pour armer un corps de Solda; fideles. Je n'ai qu'un fils: que le Roi permette qu'il marche a leur tête, au premier ljége formé contre les Ligueurs. Ma récompenfe & la fienne feta de 1'y voir fixer les regards de fon Roi. Henri. 11 faudra bien que Henri penfe è. vous, pnifque vous voulez ne penfer qu'a lui feul. L u l l i e r. Ce n'eft pas tout, Chevalier; recevez iel notre ferment de fidélité. S E X T U O R. Lullier,Langloi s;plufieurs Echevins» Nous donnons ici notre foi De vivre & de mourir fideles : Entends nos vocux, ö notre Roi? Jamais ingrats, jamais rebelles, Nous donnons ici notre foi De vi»re & de mourir fideles. Langlois, feul. C'eft. avec craints que nos Voix Rendent eet hommage a ta gloire: Demain par des cris de viftoire, Nous chantsrons tous è la fois: tous ensemble. Jamais ingrats, jamais rebelles, Nous donnons ici notre foi De vivré & de mourir fideles. Henri. Je recois votre ferment, Meffieurs, & vous^ne pouvez favoir en ce moment combien il m'eft cher. On s'eft tant de fois raffemblé pour jurer de combattre Henri: vous jurez de lui être fideles; c'en eft aflez. Un feul homme vertueux obtient auprès de lui le pardon de dix-mille coupables... Voila comme calcule fon cceur. L u l l i e r. Seigneur, une feule chofe peut nous inquieter; c'eit que le Roi ayant quitté fon camp pour fe •rendre a Senhs, fon abfence peut entrainer des mal  32 LA REDUCTION DE PARIS,- malheurs au moment même oü fes Troupes entreront dans la Vilie. H e h r i. Citoyen fenfi^ble, raflurez-vous. Henri n'a fait courir le bruit öe fa marcbe vers Senlis que pour endormir la vigilance des Chefs de la Ligue... C'eft Henri, c'eft.... lui qui le premier veut s'offrir a votre fecours. Croyez-vous qu'il ent pu fe réfoudre a laiffer a tout autre le foin de veiller fur fon Peuple, & 1'honneur d'effuyer le premier les larmes de tant d'hommes vertueux que laLigue upprime f SCÈNE IX. Les Précédens; SOPHIE, qui entre,les cbeveux épars Ö" dans le dêfefpoir le plus marqué. Sophie. ./^h! Meffieurs, je me jette a vos pieds, prénez pitié du fort affreux qui nous menace. Mon Pere & mon Amant... Ils font condamnés a la mort. N'eft-il aucun moyen?... Henri. Quelle eft cette jeune perfonne? Sophie. Ah! Seigneur, le Capitaine Samt-Quentin, & le jeune .Bn/7on ont été chargés de fers par ordre du Duc de Feria; fa fille eft a vos pieds. Cette unit même ils vont périr. Henri, avec la plus grande vébémence. Eux mourir!... Raflurez-vous , Mademoifeile , raflurez-vous. Plus de Paix, plus de Trève avec le Duc de Feria , que les jours de fon pere & de fon amant ne foient fauvés. Comte de Briffac, faites-le dire de ma part k ce fuperbe Efpagnol/... Le jour de mon entrée dans Paris feroit marqué par ce fupplice affreux! L u l-  DRAME LYRIQ.UE. 33 L u l l i e r. Qu'entends-je ? LangloisQaoi! Sire, vous avez daigne vous-même?.... Henri. Le fpettacle de fa doueur m'a fait trahir mon feeree... Mais en vous le confiant, Meffieurs, il n'a pas cefTé d'ètre le mien. / Lullier, voulant fe jeter avx pieds du fioi. Recevez des ce moment, Sire.... H e n b i. Non, mes amis, non: n'anticipez point fur un moment plus heureux.... Nous n'avons point d'inftant a perdre... Je vous quitte. Lanoue. Mais, Sir° , n'avez-vous point d'ordres a don» ner pour s'aflurer des plus dangereux Ligueurs. Henri. Mes amis, roes chers amis, fi je n'étois que leur vainqueur, je n'écouterois peut-être que ma politique; mals je fuis encore votre Pere a tous.... Souvenez-vous bien de ce que je vais vous dire.... Je veux, en oubliant les fautes de mon Peuple, être encore plus clément que je ne Pai été jufqu'ict. S'il y en a qui fe font oubliés , il me fuf- fit qu'ils fe reconnoiflent qu'on ne m'en parle plus. 6 r i s s a c Pardonnez, Sire, a 1'amour filial des allarmes qui fans doute ne feront jamais réalifées. Je vais de nouveau parcourir les différens quartiers de la viile.- Auffi töt que 1'Efpagnol & le Ligueur fe feront livrés au fommeil, je ferai placer fur cette Porte un Fanal qui fera pour ia France le fignal de la liberté. Henri. Sur-tout ne hazardez rien. Mon cher Lanoue, n'oublie point la parole que tu m'asdonnée. Souvenez-vous tous qu'un Pere fenfible n'envahic point 1'héi-itage de fes enfans Toot ce qui reflembleroit a un combat feroit pour moi un objet de doujeur. Je fens, mes amis, & j'efpere que vous C lei  34 LA REDUCTION DE PARIS, le fentez comme moi, que mes ennemis fe lafleront plutöt de m'ofFenfcr, que je ne me laflerai de pardonner. Adieu , Meffieurs.... nous allons nous rendre tous a nos poftes, Et vous, jeune Sophie, retournez vers votre Pere. Sophie. Sire, il apprendra de quelle grace vous honorez Henri. Grace, dites-vous! la Juftice n'en eft jamais nne.... Les maux qu'il fouffre font le feul fujet de plainte qu'il m'ait jamais donné. Allez, je reviens dans une heure; ou, fi le fort nous trahifibit, dites lui qu'il fera plus heureux que moi: il mourra content; & moi, je vivrai malheureux, comme un Pere que Pon arrache k fes enfans. ( Sopbie fort). SCÈNE X. Les Précédens , un Soldat Francais. ( Le Soldat parle bas d Briffac pendant la derniere phrafe que dit Henri, & fe reUre enfuite). B r i s s a c. Sire , on m'annonce qu'un corps de troupes Efpagnoles n'eft plus qu-a deux cents pas de nos poftes Si on leur oppofoit quelque réfiftance, ils pourroient foupconner Henri. C'eft un fujet d'allarmes qu'il ne faut pas leur donner: adieu, Meffieurs, adieu Vive France; voila le cri de la gloire & du ralliement. (B fort fuivi de Lanoue, & de St. Luc; Lullier & Langlois rentrent dans leur pofle\ S C E-  DRAME LYRIQ.UE. 35* SCÈNE XI. Brissac, feul. Seroit-il poffible que les Efpagnols enfleot quelque foupcon ? Quelle railbn peuvent-ils avoir ü'être fous les armes ea ce moment? SCÈNE XII. BRISSAC , MENDOCE; Soldats Efpagnols. Mendoce. C3omte de Briffac, les Ducs de Moyenne & de Feria m'ont donné ordre de vifiter avec vous les remparts. Brissac. D'oü peut naitre cette terreur apparente ? Mendoce. Soldats, ne perdez point de vue Mohfieur de Briffac. Que le premier qui paroitra vouloir s'écarter foit poignardé a 1'inftant. Brissac. Et que 1'on me frappe aufli moi-même, fi je fuis infidele au devoir facré qui m'occupe en ce moment. Mendoce. C'eft aufli 1'ordre que j'ai recu.... Mettons-nous1 en marche. Brissac, a, part. O Henri, quel moment! Seroit-il poffible que tout fut détruit? (A Mendoce du ton le ptus fier). Marchons, marchons, & nous ven ons qui de vous ou de moi fera plus intrépide. (Ui fortent teut l'ipée è ia raai»). Ca AC-  36 LA REDUCTION DE PARIS, ACTE III. La dêcoration efl la mime qu'au fecond Acle. Le petiz jour pointille a peine au commencement de VASèi • pendant fon cours, Vaurore fe leve , öf enfuite le ■foleil. Auffi-iót après Ventr' Acle, Sophie entré en fe tralnant & peine ö" dans un état qui exprime le difefpoir le plus affreux. SCÈNE PREMIÈRE. SOPHIE, ftule. Re' citatif obtigê. vai-je ? ó cielN'avoir plus d'efpérance! Objets de mes vcenx les plus chers, On me refufe, hélas! de partager vos fers. Mon infortune a lade ma conftance. (On entend dans Véloignement un bruit fourd de Soldati en marcbe). Qttoï.' mourir fans les voir, & fur vivre a leur fort.' J'entens de loin le bruit des armes: Le moindre cri me femble êtrs un fignal de mort: Ma douleur eft fans voix, mes yeux n'ontplusdelarmes. ( Etle tombe prefque atiéantie , & fe relevf enfuite avec effroi). Que vois-je?... Quel fpe".acle affreux! Mon pere, mon amant...on les traine au fupplice! Moi, conteropler ce cruel facrificel O mort, viens me fermer les yenx. (Etle reprend avec beaucoup de cbaleur , après un filence ). Air. Non f non , foutiens mon 'courage!, Vertu, fais triompher mes vceux: Défions, le lort & fa' rage; Qui  PRAME LYR1QUE. 37 Qui peut mourir, peut encore être heureux. Soutiens ma force & mon courage , Vertu, fais ttiompher mes vceux. Pardonne, ö mon Roi! j'oublie tes droits ;pour ne penfer qu'a ma douleur. SCÈNE II. SOPHIE, LULLIER. LüLLIÏS. "Sus anglois ne revient point Tout feroifc-il découvert?... C'eft vous, jeune Sophie. Sophie. Ils m'ont arrachée des bras de mon pere; errante , livrée au défefpoir, je me trainois vers ces lieux... Vous y demander votre appui eft Ier feul efpoir qui me refte, L u e l i e r. Eh! que pourrois-je pour vous? L'ouvrage de la liberté pubiique eft peut être detruit pour longtems encore. Le Cornte'de Briffac eft gardé a vue par les Efpagnols. jamais nuit ne fut aufli rumul-* tueufe. Que pourra penfer Henri, lorfqu'a 1'heure marquée, le fignal convenu ne luira point a 'fes yeux?... O mon Roi! juge de nos ccears par le tien. SCÈNE III. SOPHIE, LULLIER, LANGLOIS. L A N G e o I S. Lm défiance des Efpagnols augmente a chaqne Cs in  3S\ LA REDUCTlON DE PARIS, jnftatft Briffac eft plus c^ptif encore qu'il ne 1'étoit. Le valeureux Montmorenci devoit marcher du córé du conchant de 1» vilie, pour fe rejsindte enfuire aux troupes que le Roi enverra du cótë oppofé.... S'il eft déja en rnarche, tour eft perdu... L'allarme fera générale, & je ne répondrois plus des jours même du généreux Briffac. Sophie. Boncitoyen, pardonnez fi je mêle mes intéréts il ceux de la Patrie.... N'auriez-vous rien appris fur mon pere? Langlois. Fille fenfible, fille infortunée , croyez-moi, reftez dans 1'afyle que vous offre ce pofte. Sophie. II ne font déja plus? Langlois. Ils vivent encore... Mais ... Sophie Je vous entends.... Ah! parlez. Eft-ce dans la prifon mème? Langlois. Non • le Général Efpagnol veut que le fpeftacle de leur fupplice effraie tout Sujet fidele. Sophie. II fuffit • je pourrai donc au moins les voir encore j ^émir fur leur fein, rendre leur fort moins horrible & mourir avec eux.... Je cours m'offrir fur leur paflage. (Ette fort êt pas prêcipités). SCÈNE IV. LULLIER, LANGLOIS. Langlois. 1V.I on ami, e'le va remplir un devoir facré. Mais nous, poirquoi donc attendre en filence que  DR AME-L YRIQ.UE. 39 que tout efpoir nous^foit ravi? Placons nous-mêmes Ie fanal qui doit guider les pas du Roi. Si 1'on a foupconné Briffac, on peut nous foupconner aufli. Mourrons-nous comme des laches qu on livre a une mort infame. Viens, ouvrons nos portes. L u l l i e r. Arrête. Que vas-tu faire? DUO. L u l l i e r. Ami. qnelle fureur t'égare? Ne fais-ta pas qu'nn peuple entier, Eft fous le glaive d'un barbare? Ami, quelle fureur t'égare ? Voudrois-tu nous facrifier? Langlois. Mais le Roi, dont 1'impatience Attend ce moment fortuné?.... Moi, je trahirois fa vaillance! Moi, je me verrois foupconné/ Non , non faifons briller la Mme. L u l l i e r. Non, non; fois maitre de ton Jme.. Langlois. Je völe remplir mon devoir. L ü l l l i e R. Ta vas nous ravir tout efpoir. Ensemble. Langlois. J'entends les vceux de ma patrie; Elle me crie, Viens , venge-moi. L u l L i e r. Entends la voix de ta patrie; Elle te crie Arrête-toi. Langlois. Non, non; faifons briller la flame. Lollies, Non, non; fois maitre de ton ame. Langlois. Te vóle remplir mon devoir. J C 4 L u l-  40 LA REDUCTION DE PARIS, L tj l l i e r. Tu va» nous tavir. tout efpoir. ( L'on voii au dejus de la porte le fanat annoncé par BriJJac ). Langlois. Mais que vois- je?... Le fanal parok; la France eft fauvée. SCÈNE V. BRISSAC, les Pr e' ce' den S. Brissac. VJuerrierS. ouvrez cette porte Superbes Lfpagnols,vnns aviez cru triompher de mon courage C'eft a voüs de tremblrr. .. ( Les deux baftans s'ouvrent, ö" laiffent voir les Troupes du Roi rangées fur deux files. Henri au milieu, ayant a fes cótés & derrière lui fes principaux Officiers; ils entrent fur la fcene avec raptdtté, (3 occupent les deux cótés dutbédtre). Brissac, (s'élanfant vers lui ) Votre triomphe eft donc afluré, ö ,mon Roi" L u l l i e r. Voyez a vos pieds des Snjets qui n'ont plus nen a defirer, puifque ce jour aura lui pour eux. Henri. Relevez-vous, mes amis, relevez-vou