318 H 100     TRASIME E T TIMAGENE, TRAGÉDIE, Par M. DUBU1SS0N. Reprêfentée pour la première fois en 1783^ A PARIS, Chez DESENNE, Libraire,au Palais-Royal $ & chez les Marchands de Nouveautés. Et fe trouve a AMSTERDAM, Ghez CES AR NOÈL G tl ERIN t Libraire, M. PCC. L X X X V I I.   TRASIME & TIM AGENE. T R A G E D I Ei  ACTEURS. TIM AG ENE, fils de Softrate ancien Roi de Saraos détróné par Hircan. TRASIME, Neveu d'Hircan. ÊRICIE, Princefie étrangère, MEM NON, Miniftre d'Hircan. CLEONE, Confidente d'Ericie. PHANOR, Confident de Timagene. Un Officier d'Hircan. Gardes. La Scène eft a Samos. Les deux premiers uiSles fe pajjent dans u« Bois attenant le Palais de Trajitne, /es deux fuipans dans le Palais de Trajïme], & le cinquieme dans Ia Prifon de Samos.  TRASiME & TIMAGENE TRAGEDIE. ACTE PREMIER. Le Thêatre reprcfenteun bots de Cyprès 5? uh T' inbeau dont on m o>oit que la fagade, une Pirami■ de efl h coté de la porte du Tombeau. SCÈNE PREMIÈRE. TRASIME, MEMNON. «ioil> ••' ~J> .ofióu nc; :' . • t.rn i in nO TRASIME. sanstsb sjt^t -Ji, i : Km njoti ïoarrj.■ -sub il "' '' piBBÏ E £ 0-:ijj; ' Vjui Memnon , c'cft ici que fouvent me ramène, Le trifte fouvenir du Prince 'iiiiia^ne, De cec illulire ami que de cruels detleins Livrérenc dans fa fuite au fer des airaffin . (mes Helas! qui nous eut dit, dans ces tems pleins de cliarOü tout nous fut commun, foins, exploits. piai- firs, larmes, Qu'un jour de mes parens les efforts ennemis Détróneraient le père & profenraient le fils? M E M N O N. Sa cendre , avec éclac, par vos foins recueillie De ce punpeux tombeau doit être enorgueillie; Que 'avez-vous pointfait, Seigneur, pour 1'amitié? Vorre propre inte'rêt lui fut facriüé; A 2 Tan-i  4 TRASIME & TIMAGENE. Tandis que vos parens pourfuivaient Timagene Seut, dans votre Palais, vous déploriez fa peinc, Et Samos vous a vu, dans les diffentions Qui vinrent, tout a-coup > defunir vos maifons, Ofrir a 1'univers le généreux modèle D'un fils refpeftueux & d'un ami fidéle. TRASIME. Tel était mon devoir: malgré les noeuds du fang Je ne voulus jamais combattre pour Hircan, Au milieu des horreurs de la guerre civile L'amitie' dans mon fein conferva fon afile! MEM N O N. Timagene, Seigneur, refpedla moins fa voix. TRASIME. On attaquait fon père , & fon tröne, & fes droiti II dut s'armcr póur" èux: une jufte défenle Dut lui mettre a la main le fer de la vengeanec;;, Mais moi, dont les parens furent les agrefleaVs, Devais je, efi partageant leurs lbudaincs fureurs, Combattre Timagene &. Softrate fon pèreV Mon fans doute, ah! bien loin daprouver. cette guerre Que mes foins plus heureux n'ont-ils fgu prévenir Les révolutions qui les ont fa't pèrir! Combien mon coeur loufrit quand un recit fidelle De Softrate & d'Hircan m'expofant la querelle, M'aprit que ce dernier faifait valoir des droits Incertains, oubliés, ou profcrits autrefois, Et qu'aux pieds des rcmparts de la ville allarmée II avait fgu déja raffembler une armée! 3'étais avec mon pere a ce fatal inftant, Entre les deux paTtis fon coeur reltaic flotant; . v Mais  TRAGEDIE. 5 Mais bientot,malgré moi,vers fon frère on 1'entraine, 11 ofe abandonner Softrate & Timagene, Contr'eux aux droits d'Hircan il prête fon apui, II court joindre fa troupe, & me livre a 1'ennui De ne pouvoir former aucun voeu pour monpère, Qu'en fecret 1'amitié n'en format un contraire. Mais dumoins, en volant a ces triftes combats, A trahir Timagene il ne me foxga pas, Notre amitié portait un trop grand caradtère! m e m n o n. II payade fon fang la grandeur dc fon frère, Hircan lui doit fon tröne & fa feule valeur Fit les fuccès d'Hircan, & fon propre malheur..» trasime. Je le fais, il périt au fein de la vidtoire, Et, non moins que fa mort, j'ai déploréfa gloire; D'ailleurs,s'il eüt vècu,jamais,fansdoute,Hircan N'eüt ofé dans Samos fe conduire en tiran, 11 n'eüt point, abufant du hazard des batailles> De fang & de carnage inondé ces murailles, Pourfuivi lachement les reftes du malheur, Et jusqu'a Timagene étendu fa fureur; Oui, mon ami vivrait, dumoins j'aime a le croirc. m e m n o n. Ce tombeau. dont il laiffe honnorer fa mémoire Ne vous prouve-t-il pas qu'Hircan s'eft repenti, Ou même, qu'a fa mort il n'a point confenti? trasime. De eet aflaffinat vainement il s'excufe, 11 en eut tout le fruit, & le tröne 1'accufe. A 3 Mais  6 TRASIME & TIMAGENE. Mais. fans plus m'occuperde fes tardifs regrets Expliquez moi, Memnon, par quels motifs fecrets Hircan a mon Palais vous a dit de vous rendre? M E M N O N. Seigneur,fon filsn'eftplus, onapuvousl'aprendre; Vous êtes déformais 1'unique rejeton Qui puiffe foutenir la fplendeur de fon nom. Rompez, le Roi 1'ordonne, un exil volontaire, Reprenez k fa Cour un cclat nécéflairé; Puisqu'a règncr un^our vous appellent lesDieux, Dés k-préfent au tróne accoutumez vos yeux. TRASIME. Memnon, je n'irai point quoique 1'on me propofe • Le fceptre & fon efpoir font pour moi peudechofe Je préfère aux grandeurs, au fafte d'une Cour, Un t alais fans orgueil, ce paifible féjour; Et, s'il fautqu'avec vous je m'explique fansfeinte, De mes chagrins je garde une trop vive empreinte; Je ne peux oublier aux dépens de quel fang Le trópe de Samos ctï rempli par Hircan ! Du fa \g de mon ami, de celui de mon père J'entendS coujours gémirla voix plaintive «Stchère, Er ce tröne arro;é d'un fang fi pre'cieux Ne faurait plus m'ofrir qu'un afpedt odicux. M E M N ON Seigneur, je n'ai pas dit tout ce qu'Hircan fouhaite j II voudrait qu'cn quittant cette indigne retraite Un prompt Himen pour vous allumat fes flambeaux, Et prévint des malheurs & des troubles nouveaux. Le ciel, peut être exprès, envoya de Lydie Aus  TRAGEDIE. 7 Aux rives de Samos la Princeffe Ericie. . trasime. vivcment. Ericie! m e m n o n. Oui, Seigneur, elle mème; & je croU Qu'aifément votre coeur en adopte le choix, Malgré le peu d'éclat qui fuit cette Princeffe Du Roi des Lydiens on fait qu'elle eft la Niece, Prés du tröne élcvée, el!e en a la fierté, Et fa douleur touchante ajoute a fa beauté. trasime. Ne cherchez point, Memnon, a me peindre fes charmes, Cherchez plutót contr'eux a me donnerdesarrnes; Dés 1'inftant qu'Ericie a paru fur ces bords, A.uïïitöt de 1'amour j'ai connu les tranfports. De la fainte amitië la vertueufe Mme Seule, jusqu'a ce jour avait rempli mon ame, Tout a fes fouvenirs j'errais prés de ces lieux, Quand Ericie en deuil vint s'ofFrir a mes yeux; L'oeilhumide de pleurs, dont jlgnorais la caufe, // mnntr-e le tombeau. „ Seigneur, s'ecria-t-elle, eft ce la qu'il repofe , CePrince, votre ami, mon amant." a ces mots "Vingt fois interrompus par de triftes fanglots, Je reconnus 1'objet dont jadis Timagene Dansnos doux entretiens m'avait vanté la chatne, Et pourquimême,alors,mon coeur fecrettement Reprochait \ 1'ami les foupirs de 1'amant; A 4 Qua  8 TRASIME & TIMAGENE. Que j'étais loin, grands Dieux, de prévoir qus fa vue Dut un jour me porter une atteinte inconnue! Oui, Memnon, en fongeant a la foudainc ardeur Dont en un feul inftant elle embrafa mon coeur, Je crois que pour 1'aimer d'une auffi vive Mme Timagene en mourant m'avait donné fon ame! j Au plaifir que d'abord je fentis a la vcir, De 1'amitié je crus accomplir un devoir; Ah! c'en était peut être un effet néceüaire. Se tournant vers ie tombeau. Oui,, j'en attefte, amuton ombretoujourschcre, INos deux coeurs , dès 1'enfance , aux mêmes voeux formés Par les mêmes penchans durcnt être animés, L'objet qui t'enMma dut m'enflamer de même, Tonamourfut fans borne ,& le mien eft extréme; M E M N O N. Sans doute, la Princeffe aura par fes aveux Approuvé vos deffeins , & confirmé vos feux ? TRASIME. Je n'en congoïsencor pas même 1'efpérance, Je ne vcux que la voir & 1'aimer en filcnee; Prcs-d'elle je m'obferve, & de cruels erforts Ónt voilé jusqu'ici 1'ardeur de mes trenfportg. Envain, dans mon Palais acceptant un afile, C'était de mon amour rendre 1'aveu lacile; Le nom du tendre objet qui lui coüte des p^eurs Me force k refpeóter fes conftantes douleurs; lei mêmc,oü fouvent ce tombeau nous raffemble, Je goüte un bien fuprême k ioupirer enfemble; Unc  TRAGEDIE. 9 Une fois je fus prêt a lui tout déclarer, Je nommai Timagene, & ne fus que pleurer! m e m N o n. Le dirai je, Seigneur? ce timide filence Honorc Panütié, mais 1'amour s'en offenfe, il aurait pu dcja s'expliquer librement, Un amant qui fe tait femble aimer faiblement. trasime. Le feu dont en fes flancs la terre eft dévore'e Longtems couve en fecret fa flarne concentrée, Elle s'exhale enfin, & fon tardifeffor N'cn eft que plus ardent, & plus terrible encor. De ce cceur éperdu peut-être eft ce 1'ima'ge, Peut-être.... je ne fais oü le deltin mPéngage, Mais, Memnon, foyez für que 1'amour n'ajamais Dans le fein d'un mortel envoyé plus de traits. m e m n o n. Eh bien! parlez, Seigneur; portez-lui la nouvelle Du haut rang oü le fort maintenant vous appelle, Faircs briller le fceptre a fes regards furpris; Son cceur, n'en doutez pas, en fentira 1c prix, 'Malgrc le vain orgueil de demeurer fideile, II n'eft point, croyez-moi, de douleur éternelle, Mais Seigneur, (je ne fait, fi j'en ai mal jugé) d'Ericie en ces lieux le fejour prolongé ]N'annoncerait-il pas qu'elle même, peut être, Parage, en foupirant, 1'amour qu'elle a fait naitre? Duffé-je me tromper, n'en efpérez pas moins; Je faurai vous lervir, laiffez agir mes foins, Je veux a 1'inltant même aller voir la i'rinceffe, A 5 Et  ïo TRASIME & TIMAGENE. Et pour fonder fon cceur employant mon adreffe Lui dire que le Roi, fenfible k fes douleurs, Veut, s'il les a caufés, réparer fes malheurs, Que par un autre Himen.... ? TRASIME. J'approuve votre zèle, J'ai befoin quequelqu'un m'enhardiffe auprès d'elle, Voyez-la, j'y confens: mais je voudrais, Memnon, De 1'époux propofé lui taire encor le nom, Je crains trop qu'aujourd'hui le malheureu* Trafime En cherchant fon amour ne perde fon eftime. M E M N O N. Raffurez-vous; je peux ,fans rien risquer pour vous, La voir, la preffentir fur le choix d'un époux, Et fiattant fon orgueil d'une illuftre alliance La prier d'embellir la Cour de fa préfence, Lui promettre un deftin digne de fes attraits, Tel enfin, qu'il efface k jamais fes regrcts. TRASIME. Par vos discours mon a'me k 1'cfpoir eft rendue; II me tardc déjk que vous ne 1'ayez vue! Je remets en vos mains mes plus chers intéréts, Mais furtout mcnaiiez fon cceur & mes fecrcts. M L M, N O N. A les concilicr je mettrai mon étude; J'y cours, ioyez, Seigneur,fans nulle inquiétude. SCÈNE  TRAGEDIE. II SCÈNE II. TRASIME, /èu/. JN/Iemnon veut me fervir!... quel motif fi puiffant Lui diéte pour mon fort eet intérêt preffant?.... A ce zèle nouveau je fens ce qui 1'engage; On m'approche du tröne 3 enfaut-il davantage? Mais que vois je ? SCÈNE III. TRASIME, ERICIE, Elle fort du tombeau en desordre & troublée. ERICIE. f\,hl Seigneur, Seigneur, fecourez-moi; Tous mes fens éperdus cèdent a mon effroi, TRASIME. Quelle eft donc Ia terreur dont je vous vois attcinte? La paleur de Ia mort fur vos traits eft empreinte! Quoi! fans ceiie vos pas tournés vers ce tombeau Cherchent k vos douleurs un aliment nouveau! Vos larmes, chaquejour ,y devancent faurore, Le  I* TRASIME & TIMAGENE. Le foir en le quittant vous en verfez encore; Mais je ne vis jamais dans vos regards glacés Les traits du défelpoir fi fortement tracés. Ericie regarde le tombeau. Arrachez-vous, Madame, a eet objet funeftc. ERICIE. D'un Prince infortuné voila tout ce qui refte, Augufte monument que 1'ami généreux A daigné confacrer k 1'ami malheurcux; Et 1'on voudrait priver une amante éplorée D'y venir vifiter une cendre adorée! Non Seigneur.... ah! plutót, daignez me raffurer Contre un objet affreux qui vient de s'y montrer, Ecoutez, fans vouloir me reprocher des larmes Mon feul plaifir, hélas! jugezde mes allarmes. — Cette nuit, & depuis mon féjour k Samos La première oü j'ai pu goüter quelque repos, Un fonge bienfaifant afibupiüant ma peine, A produit k mes yeux 1'Ombre de Timagene; II n'était point fanglant, il n'avait point au feilt Le coup dont le furprit un barbare affaffin j i'Amour & le bonheur animant fon vifage Me montraient ce Héros fous la plus douceimage. Dieux! me fuis-je écriée, il m'eftenfinrendu!.,. Cet éclat me réveille r il était difparu; Mais le voyant encor des yeux de la penfée, Ten ai gardé lon^tems une joye infenfée, Du du moins, j'ai fenti dans mes tranfports divers Mes ennuismoins cruels,mes foupirsmoinsamers^ Ge,-  TRAGEDIE. 13 Cepcndant, du Solcil la naiffante lumière A peine de fes feux a frappé ma paupière, Aufluót faifant choix & de fleurs & d'encens, J'ai couru fur fa tombe apportcr ces préfens, Me flattant qu'il voudrait encore k fon amante Offrir du fein des morts fon ombre confolante; Je me fuis profternée, & j'ai dans ces momens Prononcé de 1'amour tous les enchantemens, Tels que jamais perfonne au Ciel ne fk entcndré De prière auffi vive & d'hommage aufü tendre! TRASIME. Maisjene comprends point, Madame, en cesrccits Cjuel objet effrayant a troublé vos efprits! ERICIE. Ah! laiffez moi pourfuivre, & ma terreur extreme Va, peut-être Seigneur ,paffer jusqu'k vous même! Tout k-coup, au milieu de mes foupirs brülans, La tombe me répond par des gémiffemens, Je m'approche, & du marbre oü ma main eft placce Je crois voir s'agiter la furface glacée; Soit crainte, foit efpoir, j'ofe y fixer les yeux; J'appercois prés de 1'Urneun ferpent furieux, De fon terrible dard trois fois il me menace; Jeveuxfuir;il s'élance, ilme ceint,ilm'embraffe» j'étais prête k périr, fans forces, fans fecours, Un Dieu, 1'amour fans doute,a pris foin de mes jours! Le monftre cède aux coups d'un pouvoir invifib!e9 Je fens de fes replis brifer la chaine horrible. II tombe >& s'enfuyant vers des murs entrouverts, D'us  14 TRASIME & TIMAGENE. D'un fiflement finiftre il frappe encor les airs! TRASIME. C'efi: trop vous allarmer d'un femblable prodigc; Peut être de vos fens n'eft-ce qu'un vain preftige; Lorsqu'un profond cnnui tient nos cceurs occupés De fantómes, de cris, nos efprits font frappés, Trifte & cruel cffet d'un douloureux délire Qui fpus de nouveaux traits chefche a fe reproduirc! ERICIE. Je ie crois; &d'ailleurs, qu'importe a ma douleur Qu'elle feule ait formé ce Jpectacle d'horreur, Ou qu'il foit du hazard un effet véritable? Rien ne doit déformais me fembler redoutable; Quand on efpère encor j on pèut encor trembler: Mais moi!pourqucls objetsmeverrais jctroubler? Ma crainte & mon efpoir,tout dort fous cette tombe. Moi-mêmea mes tourmens je fens que jefuccombe! Si j'ai pu, de mes jours ranimant le flambeau, Venir jusqu'a Samos, j'y eherchais ce tombeau; Levoir, le parta»,er, voila mon efpérance, Le partager furtout! & le moment s'avance. TRASIME. Quoi, Madame! il n'eft point de terme a vos ennuis! Du tems & de mes foins j'eipérais d'autres fruits. Timagene eutpour vousun fentiment troptendre Pour que votre trépas puiliè flattcr fa cendre. ERICIE. Si jusqu'a ce moment j'ai fupportö le jour, C'était pour lui marquer toutce que peut 1'amour. Mais  Tragedie. i5 Mais par un long effort 1'üme enfin affaibliè i Au cceur qu'elle a perdu veut être réuniej Je le fens, elle chcrche a brifer fes liens, trasime, vivement. Ah! Madame, ccffons de cruels entretiens; .Mon cceur eft accablé par ce trifte langage! ericie. II ne faut pas, Seigneur, 1'entendre davantage. Mes ennuis, je le vois, laffent votre pitié; Les regrets de 1'amour fatiguent 1'amitié; On craintdecuntcmpler trop longtems 1'infortune; d'abord laplainte touche, enfuite elle importune. Que dis-je? non,Seigneur, c'cfttrop vousoutrager, Votre cceur eft trop grand pour avoir puchanger, L'excès de mes chagrins riefaürait vous déplaire, Pour vous, de leur objet la mémoire eft trop chère; Mais peut-être, aux discours que jeviensde tenir, Votre cceur fe rappelle un trifte fouvpnir , Peut-être de 1'amour êtes-vous la viétime? trasime, troublë. Moi Madame!... oui fans doute.... & le fort qui m'opprime.... ericie, vivement. A-t-il mis au cercueil 1'objet de votre ardeur? Que je vous plains, hé-las.' trasime, encor e plus troublê. Vous déchirez mon cceur l ericie. ïmprudente! c'eft moi qui rouvrevos bleffures! Mais,  16 TRASIME & TIMAGENE. Mais, Seigneur, pardonnez mes indifcrets murmures; Les malheureux voudraient par leurs accens plaintifs Tenir fur leurs ennüis tous les yeux attentifs,' Sans fonger que fouvent les témoins de leurs larmiés Ont affez k foufFrir de leurs propres allarmes. ji n —— ■ — f |' ■ J| SCÈNE IV. TRASIME, ERICIE, CL E ONE. CLÉONï. Je vous cherchais, Madame, un Envoyé du Roi Veut vous entretenir. ericie. Moi, Cléone! &pourquoi, Que me veut-il ? Cléone. II a refufé de le dire; II prétend que c'eft-vous qu'il doit feule en inftruir'e. »: ericie. Qu'il garde fes fecrets, je ne veux rien favoir. Un Envoyé d'Hircan.' trasime. ■ , Madame} il faut le voir;  TRAGEDIE. . i? ïl ne fout point braver lesRois dans leur Empire. ericie. Seigneur, je vousentends;, cemotdoitmefuffire; Je vois que dans ces lieux je me flattais envain D'éviter les regards de ce monftre inhumain. Ah! s'il faut qu'a fa Cour je me fafle cönnaltre, 'C'eft la flame a la main que j'y voudrais paraitre, Le Ciel, 1'injufte Ciel ne me 1'a pas permis! Princeffe fans états, fansparents, fansamis, Je n'ai de fon bourreau pour venger Timagene Que les vceux impuiffants d'une éternelle haine. Mais du moins j'avais cru (vousmel'aviezpromis) N'être point expofée k voir mes ennemis, Je crus votre Palais un refpectabie afile Oü je ne defirais qu'un deTefpoir tranquiüe: Mais on veut m'enlever en terminant mon fort Jusques k la douceur de jouir de ma mort! trasime. Eh! pourquoi concevoir un fi trifte ptéfage? De 1'Envoyé d'Hircan c'eft prendre trop d'ombragé. Quels que foient fes motifs ne craignez rien du Roi, Les moindres de vos vceux feront toujoursma Loi, Je fuis bien loin, helas! de vouloir vous dcplaire! Tendrement. Si vous faviez combien votre eftime m'eft chère!... _ Ericie le regarde, ils,arrê:e &cherche a cacher fon trouble. Mais, quoiqu'a vos defirs je me mor.tre foumis, j'ai cru que les confeilspouvaient m'étrc permis. li fort en fottpirant. B SCÈNE,  18 TRASIME & TIMAGENE. SCÈNE V. ERICIE, C L E O N E. C L É O N E. IVIadame, un autre objet vers vous m'amène encore, Un vaiffeau fur ces mers voguait avcc 1'aurore; II s'arrête foudain, & derrière un rocher 11 cherche un'abri für qui le puiffe cacher. Tandis que d'alTez loin mon ceil le confidere Dans un leger esquif un inconnu prend tcrre, Et, marchantagrands pas, jette,de toute parts Sur ces bords, vers le bois, fes avido regards,' Sitót qu'il m'appergoit, il s'emprefle,il s'avfince, Puis il femble foudain craindre &fuirma préfencej Enfin il fe raffure, &, me parlant de vous, II s'eft dit Lydien, & qu'il lui fcrait doux De pouvoir un moment jouir de votre vue. ERICIE. Mais de cetEtranger comment fuis-je connue? C L É O N E. II dit qu'a Timagene il vécut attaché, Le récit de fa mort 1'a vivement touché, Mais vos douleurs femblaient PafFeéterdavantageQuelques pleurs malgré lui coulaient fur fon vilage! ERICIE. Et ce vaiffeati, croifi-tu qu'il puiffe en difpofer?  TRAGEDIE. 19 C l É O N E. Il en parate le maitre. ERICIE. II faut lui propofer ' jivec tranfport. C'eft ie Ciel qui 1'envoie!... écoute moi, Cléone; Hircan, fon député, tout ce qui m'environne , Trafime même, tout m'eft fufpeót aujourd'hui. Cours vers eet inconnu, va Cléone, dis-lui Que laffe d'habiter une terre ennemie, Je voudrais retourner au fein de la Lydie. CLÉONE. Qu'il m'eft doux de favoir que vous quittiez^des lieux Dont le funebreafpeft fatiguait trop vos yeux! Cescyprés, ce tombeau, cctte urne, cette cendre...- ERICIE. Cette cendre, dis-tu? ne va pas t'y méprendre; Quoique loin de ces bords je détourne mes pas, Ericie en fuyant ne la quiuera pas. Oui, je veux la ravir cette urne précieufe, Le feul bien dont encor je puiffe être envieufe. CLÉONE. Maisj Trafime jamais n'y voudra confentir, ERICIE. Eh! je ne penfe pas devoir 1'en avertir! { CLÉONE, De votre amant peut-étre eft-ce offenfer les manes J Une tombe eü: faarée. E R I C I E. Oui, pour des raains profanes, 3 2 mais  zo TRASIME & TIMAGENE. Mais non pour moi. Ce foir, d'un pas filencieux Scule , fans nul effroi, je reviens en ces lieux; Alors, alors ma main faintement facrilege, Violant des tombcaux l'augufte privilege Ravit 1'urne, en n'ayant dans ce larcin nouveau Que le Ciel pour temoin, les aftrespour flambeau* A gagner le vaiffeau tu m'aideras enfuite, Ec fon départ prochain garantit norre fuite. Va, rejoins 1'Etranger, fonge k t'en affurer, Moi,pour ce beau deflein, je cours toutpréparer. cléone. Mais Madame, fouffrez que je hazarde un doute; J'ignore oü 1'Etranger doit diriger fa route, Et s'il compte rencrer dans un port Lydien! ericie, rapidement. II ne m'importe pas , mon fort fuivra le fien, Qu'il me jette,s'il veut,dansuncoindelaGrèce, Pourvü que j'y fois libre, &, toute k ma trilteffe, Que j'y faffe élever un fimple Monument Qui réuniffe un jour & 1'amante & 1'amant, Afin qu'en même lieu nos cendres dépofées Des pleurs du voyageur foient enfemble arrofées; Que nos noms, k 1'envi répétés tous les deux, Par vicnnent d'Age en Age, & que ces bords fameux Montrent k 1'univers, après mille ans encore, Le plus beau monument dont la Grèce s'honore! Fin du premier A8e, ACTE  TRAGEDIE. 3$. acte n. SCÈNE I. • TIMAGENE, PHANOR, TIMAGENE. Le reverrai-je enfin? me fera t-il permis D'embrafler en fecret le plus cher des amis? P H A N O K. Ici même, Seigneur, Trafime va fe rendre „Cetendroit,m'a t-il dit,eft p'V'S für pour at eend re; . Puisque c'eft a moi fcul que 1'on voudrait parler, „Nul témoindangereux n'y viendranous troubler, „Vous pouvez fur ce point rafiurer votre maicre." TIMAGENE. Ainfi par tes discours tu n'as point fait connaitre Que je refpire encore, & ton zèle discret A fgu tenii caché eet important fecret? PHANOR. Oui, Seigneur, &d'aiüeurs, j'ai vu prés de Trafime Memnon I TIMAGENE. Quoi! eet agent du Tiran qui m'opprime, 11 t'auraitvu, Phanor? ó Ciel! je fuis perdu! PHANOR. Ne craignez rien,Seigneur,jen'enfuispasconnu, B 3 Ha-  0.1 TRASIME & TIMAGENE. Habitant de Samos, mais dans un rang vulgaire, La Cour n'avaic pour moi qu'une pompe étrangcre; Du fort qui vous pourfuit l'injuftice & le coups Furent les premiers nceuds qui m'unirent k vq\js. timagene. Memnon & mon ami! quel préfage finiftre! Que faifaic prés de lui eet infame Miniftre? Lui, que j'ai vu fans ceffe k me perdre attaché! phanor. Mais de vos ennemis il fut le plus caché. timagene. II eft vrai, c'eft moi feul qui 1'ai fgu reconnattre; A travers fes détours j'ai démasqué le traitre; Trafime ne fait point que ce vil importeur Des troubles de Samos fut le premier auteur; II ignore qu'Hircan, tiran pufillanime, Eut befoin de Memnon pour s'enhardir au crime- Qu'au manége des Cours habile k fe plier 11 lui cache les fers dont il fait le lier, Et le conduït au gré d'une adreffe infolente Dans les détours obfeurs des projets qu'il enfante, phanor. Ainfi pour éviter un trop jufte courroux Lui feul fit foulever vos fujets contre vous?. timagene. Ah! fi je recouvrais les droits de ma naiffance, Ce Memnon le premier fentirait ma vengeance, Son fupplice expirait fes nombreux attentats, Et lui-même Phanor, il ne 1'ignore pas, Juge donc ou pour moi doit s'étendrc fa haine! Mais  TRAGEDIE. 33 Mais il eft un moyen qui va la rendre vaine, Des cette nuit je pars; 1'objet de tous mes vceux Pour qui j'affronte ici le fort le plus aftreux, L'adorable Ericie a me fuivre s'apprête; J'enleve enfin cc foir cette illuftre conquête. PHANOR. Quoi! Seigneur, a la voir vous êtes parvenu ? TIMAGENE. Apprends tout mon bonheur; trcmblant d'être connu, Et toutes fois cédant a Tardeur qui m'anime, Tandis que tu cherchais le Palais de Trafime, Je me fuis hazardé de parcourir ces lieux; Une femme d'abord s'eft offerte a mes yeux; J'ai fgu qu'elle fervait depuis peu la Princeffe; Alors, fans me nommer, fur cc qui m'intéreffe Je 1'ai fait expliquer fans nul déguifement; Qupl recit enchanteur, Phanor, pour un amant! Elle a fgu m'exprimer, par des traits pleins de charmes, I): ce trop tendrc objet les premières allarmes, Lorbqu'elle appritqu'en proie a de laches complots Ma tête était vendue au tiran de Samos, Ec, lorsque de ma mort la nouvelle femée par ce vain monument lui fut trop confirmée, Scs cris, fon défefpoir &, ce defiein fi beau De venir par fes plcurs honorer mon tombeau. Quoique déja le bruit d'une ardcur fi parfaite tut étonné la Grèce, & percé ma retraite; Ce féc'vÊ a tel point a paru m'attendrir, Que des pleurs indiscrets onc penfé me trahir. B 4 1 H A-  34 TRASIME & TIMAGENE. PHANOR. Mais n'ayant point encor provenu la Princeffe-, Comment efpérez vous, quelque foin qui votös preflc, De pouvoir cette nuit Ia ravir a ces bords? TIMAGENE. Phanor, fans le favoir, elle fert mes efforts; Tantoc, pourqu'a mes yeux elle daigrir. paraitre» J'ai feint que la Lydie en fon fein m'a vu h itre j L'effet que j'attendais a pafie mon efpoi-r, L'cfciave eft revenue, & m'a dit que ce foir Ericie elle même a ma foi fe confie, Et veut fur mon vaifieau retourner en Lydie. Tu le vois, dier Phanor, toutfuccèiea mcsvoeuxfc Tout confpire a fervir un projet dangereux, Etbicntót Ericie aces bords arrachée,..., Mais j'apcrcois 1'efclave a fon fort attachée. SCÈNE II. TIMAGENE, PHANOR, CLEONE, CLÉONE. Craignant pour fes deffeins quelque trifteharard La Princeffe defire avancer fon départ. Hircan, c'eft la, Seigneur, tout cc qu'elle ap. préhende, Hircan veut qu'a fa Cour ce foir elle fc rende; On parle d'un himen qu'il lui veut propofer. T I-  TRAGEDIE. ^5 T I M A GENE. De fa main ce Tiran oferait difpofer! Non, jamais, ...(<* part) cachons micux le trcuble qui m'agite. CLÉONE. Seigneur, que lui dirai-je ? TIMAGENE. Eh! crois tu que j'héfite? Qu'elle vienne, auflitót nous fuirons deceslieux, CLÉONE. Seigneur, dans peu d'inftans je 1'amènea vos yeux. SCÈNE III. TIMAGENE, PHANOR. TIMAGENE. Si je tardais un jour elle était la viflime! ... Que je dois m'applaudir!... mais cependant Trafime! Ah1 je ne partirai fatisfait qu'a demi, Si je n'ai fur mon fein preffé ce tendre ami. Lorsque de 1'amitié fous mes yeux j'ai ce gage, Amour, fouffre en mon fein un fi jufte parage, Tu ne peux t'offenfer du noble fentiment Qui rappelle 1'ami dans le cceur de 1'amant!.... Mui, partir!... fans goüter la douceur de lui dire, „ Ami fcche tes pleurs, Timagene refpire, II eft devanttes yeux,il te üent dansles bras"... B 5 Non'  26* TRASIME & TIMAGENE. Non, Phanor, je Terais le plus grand des ingrats; Je veuxrevoir Trafime, il le faut,oui,fansdoute' PHANOR. Mais s'il tatdait longtems ?... TIMAGENE. ! Mon cher Phanor, écoutc, Tout mon cceur fe remplit d'un deffeingénéreux, Mais les moindres délais leTendraient dangereux; Sans doute qu'Ericie a 1'inftant va paraitre, Je tremble dc m'en faire auflitót reconnaitre; En m'offrant tout k coup k fes regards furpris Trop de faififfement frapperait fes efprits: II vaut mieux commander k mon impatience. Pour toi qui ne parus jamais en fa préfence, Tu peux 1'attendre ici; dcsque tu la verras II faut vers mon vaifleau précipiter fes pas, Et moi, pendant ce tems, je cours trouver Trafime. PHANOR. J'admire, en leblamant, ce projet magnanime* Mais,Seigneur. pour le fuivreil eft trop imprudent. Pourqui vouloir braver un péril évident? Pour complaire au tiran, quelque vil fatellite Peut encore attaquer votre tête profcrite. TIMAGENE. Ce fer la défendra, PHANOR. Mais, au moindre fignal L'ufurpateur, inftruit de ce retour fatal, Peut vous faire entourer; feul, comment vous défendrc ? r i-  TRAGEDIE/ af timagene. jo refterai trop peu pour qu'il puiffe 1'apprendre. phanor. Memnon peut-être encore obfède votre ami. timagene. J'en fuis dans mon projet encor plus afermi, Son fang..,. quoiqu'il en foit, n'en dis pas davantage; Pnanor, j'aurai pour moi le Ciel & mon coarage. JIJort. phanor, feul II m'échappe.'. .grandsDieux,veillezfurfesdeftit,^. Détournez loin de lui les pas des aflalfins. SCÈNE IV.. ERICIE, CLEONE, PHANOR. Elle yiennent par un cöté oppujé a la fortie de Timaqtne. cléone. ï^nfin par ce détour nous voïla parveuues A fortir du Palais fans en être appergues. ericie. •Eft-ce lk 1'Etranger? cléone. Non Madame. ericie, voulant fe relirer. Eh! pourquoi M'avoir fait efpér&r? f HA* O  SS TRASIME & TIMAGENE. piuhqr, allant a Ericie. Banniffez votré efFroi j A fon vaiffeau mon maitre obligo de fe rendrc A commis k ma foi le foin de vous attendre; Daignez fuivre mes pas, Madame. ericie. II me fuffit. Elle lui fait Jïgne de sHloigner> il gagne Pavatit Scène, elle va vers le tombeau, c? revient. Cléone, malgré moi le trouble me faifit, Elle y retoume, s'arrête devant la porte. Mais n'jmporte, avangons.. d'unc inj ufte épouvante Ke frappe point mes fens, reconnais ton amante , Grande ombre, éveille toi, je trouble ton repos, Je viens pour enlever le plus cher des depóts; Ce deffein k tout autre eüt dü parakre un crime: Mais quand 1'amour 1'infpire, il le rend légitime. , Elle entre daas le tombeau. phanor. Quel eit donc fon projet ? c l e o n e, Le plus tendre des foins. phanor. Les momens nous font chers: ne fauriez-vous dumoins Lui dire que je crains, en tardant davantage, De ne pouvoir fans risque approcher du rivag2? Ericie fort du tombeau Pume a la main. ericie. Rcftes chers & facrés, je vous poffédc enfin, Tré-  TRAGEDIE. &9 Tréfor de mon amour, repofez fur mon fein; Cendres, réchauffez-vous a 1'ardeur de ma fiame, Allons,'fuyons, Cléone.... SCÈNE V. Les Acteurs précédents, TRASIME. trasime, entrant vivement. O ücourrez-vous, Madame? X R I c i e. Elle s>appuye Cur Cléone, de ma* nicre que Purne ne /bit pas d'abord vue par Trttfime. Trafime, ó ciel! trasime. Pourquoi ce trouble a mon afpecT;, Fourquoi eet étranger? tour. me devient fufpect, >> a Phanor. Vous vouliez me quitter?toi,tu m'as trompé,traitre. phanor. Si vous faviez!... mais non, je cours chercher mori maitre. II fort. trasime. Son maitre! qu'il paraiffe, & fa témérité Va recevoir le prix qu'elle a trop mérité." e r i c i e. A de pareils discours je méconnais Trafime, Quoï*  5o TRASIME & TIMAGENE. Quoi! vouloir me fervir, Seigneur, c'éft dons un crime? Je veux quitter Samos, lorsque eet Etranger Me prête fon fecours, eft ce vous outrager? Ou, ne puis je,enunmot,difpoferdemoi-mêmet trasime,// avance vers Ericie. Connaiffez donc. Madame, k quelle horreur extréme, Jl voit Purne. Que vois je ? me ravir tous les biens k la fois! Sur celui-lk, barbare, au moins j'ai quelques droits ? ericie. Les miens font plus facrés, trasime. Moi, j'en ai davantage. e r I C i e. Sur Famitié 1'amour eut toujours 1'avantage. Timagene. parait dans 0 fonds du théatre 6? s,arrtie pour écouler. t r a s I m e. Cette Urne m'appartient, ma main fut la rempiir. er i Cl e. Vous m'en devez le don. trasime. Je n'y puis confentif, J'élevai ce tombeau pour y garder ces cendres, Je les baignai de pleurs. ERICIE. Ah! les miens font plus tendres. Toi qu'honorent ici ces généreux combats, Sors, Timagene, fors de la nuit du trépas } Ta  TRAGEDIE. 3T Tu vois quels font nos cccurs, entre- les deux prononce, Je t'évoque fans crainte, & j'attends ta réponfe^ ■—^■8———— ———» *—■>—— —■—*( SCÈNE VI. Les Acteurs prdcédcnts, TIMAGENE. Ericie, Elle apper'coit Timagene, tombe dans les bras de Cléone & lai$* J'e toinber Pume. C^u'ai-je vu? timaoen e,/£ jettant a fes genoux. Ton amant. t li. a s i m E. Qu'entends-je? timagene,/? relevant & embraffant Trafime. Ton ami- trasime, en s^èloignant & fe dótachant de la Scène. Dieux! ericie, revenant a elle mime. & retombant. J'ai cru 1'entrevoir! tout mon cceur afrémi. timagene, retournant a Ericie. C'eft lui-même, il te parle, il te voit, il t'adore, C'eft pour toi que le Ciel permet qu'il viveencore. 1 & >  32 TRASIME & TflM AGÉNË. ericie, revenant a elle enüêremenf. Timagene! il vivraic! pour fentir mon bonheur ó Ciel, foutiens ma force & ranime mon cceur.' timagene, allant a Trafime. Ouvre-moi donc tes bras. t r a s i itf e. J'en crois mes yeuxapeine. timagene. Eh bicn.' crois-en ton cceur, il chérit Timagenes. trasime. Mon trouble timagene. Ton filence eft loin de m'allarmer; Ericie & Trafime, ah! comment exprimer?... Vos fublimcs débats, je vïens de les entendre! Je vous voyais tous deux vousdifputer macendfe! Non, entre vos deux cceurs le mien n'a paschoifi, De quel doux fentiment ce tableau m'a rempli! Eft-il quelquesmalheurs qu'untel inftant n'efface' Je ne veux plus du fort accufer la disgrace; S'il ne m'eüt pourfuivi, s'il ne m'eütopprimé, Je n'aurais fgu jamais combien je fuis aimé! ericie. Mais dis-moi quel mortel, ou quel Dieututélaire A fauvé des dangers une tête fi chère? trasime. D'oü vient que de ta mort le bruit s'eft répandu ? timagene. Reffouviens-toi du jour oü mon père vaincu Perdit prés de ces murs & le tröne & la vie. Je quittai, prcsque feul 5 cette terre ennemie, Hir-  TRAGEDIE. I? Hircan, pour s'affurer le fruit de nos revers» Èmbarafla mes pas de cent piéges couverts, De nbmbreüx affaffins m'entoura dans ma fuité. je ne pouvais longtems éviter leur pourfuite; Mais au fer du premier par hazard échappé, Soudain d'un coüp plus für je Tabattis frappé, 11 avait a peu prés ma taille & ma figure; Avcc lui j'échangeai mes habits, mon armure, Et, laiflhnt pour le micn fon corps enfanglanté, te bruit de mon trépas dcvint ma lürcté, Hircan 1'acerédita; foit qu'en effet lui - mêmè Fut le premier trompé par un tel ftratagême, Soit plutót, qu'il penfat que, quelque fütcebruit* S'il le chargeait d'un crime, ilen cueillaitle fruit* É R ï c i Ê. Mais comment votre ami pouvait-il s'y mépréndrc? TRASIME; En m'apprenant fa mört oh m'ofttit de lui rendrd Les funèbres honneurs qu'exigeait 1'amitié; Hircan pour ma douleur feignit quelque pi.tié, . Ün corps me fut fémis; & le fang & la fangc' Altéraient tous fes traits par leur afTreux mélangei je ne reconnus point un myftère odieux.. u ERICIE. Seigneur, 1'amour, fansdoute, aurait eu d'autres yeux! c ft*  24 TRASIME & TIMAGENE. h Timagene. Mais toi, fi cette erreur te parut néceffaire, II fallait y livrer le refte de la terre Et non pas ton amance; il fallait preffentir Son mort J défefpoir, & pour le prévenir Preffer tes pas fecrets vers la Cour de Lydie, Dans eet afile heureux me conracrer ta vie Refpirer prés de moi 1'amour & le bonheur: Mais non, tu préféras m'accabler de douleur! D'une amante les pleurs font-ils fi peu de chofe ' Qjj'iis foient même oubliés par celui qui les caufe? timagene. Jefistoutpour tejoindre, errantdemersenrnerSé Je fus longtems en butte k des malheurs divers; Enfin, fachant qu'ici 1'amour t'a fgu conduire, Dans mon cceur éperdu 1'efpoir eft venu luirc; J'arme un vaifieau, le vents'emprefle a mefervir, J'aborde, & je reviens t'enlever, ou mourir. ericie, avec tra ft/port. Tü combles tous mes vceux, marchons, me voift préte. T k. a s i m s. è part. ó Ciel! TIlKENt Trafime, adieu. * 8. A-  TRAGÉDIE. 35 * R A s I M E, le faiftjfint par le bras. Non, Timagene, arrête...; ik part. jè ne me corinais plus scène Vil Les Adteurs précédentSj PHANOR. • ïhanoji, a Timagene. Seigneur, n'avancez pas, le rivage paralt tout couvert de Soldats; lis fe font partagés en différentes troupes; Les uns,de ces rochers parcourant tous les grouppesj Obfervcnt le vaiffeau d'un regard curieux; Les autres en grand nombre avancent vers ces lieusu . TIMAGENE. a Ericiè. Marchons, quoiqu*il arrivé, ERICIE. Ah! ta perte eft vifible. TIMAGENE. Combattant fous tes yeux je me crois invincible, TRASIME, ^uoi! tu Youdrais tenter!... Q 2 U1J  Sa TRASIME & TIMAGENE. r i c i e. Tu me glacés d'éfroil C'eft courir a la mort. timagene. Je mourrai prés de tor! trasime. h part. Sauvons-le, s'il fe peut; que toutautrefoincelle, f h a n o r. l c> Timagene. Dérobez-vous d'abord au danger qui vous preffe; N'eft il point dans ce bois quclqu'endroit plus obfcur ? ericie. Ce tombeau n'cft-il pas un afile affez für ? trasime, « Timagene. Non, mon Palais peut feul t'offrir une retraite; Vicns fans crainte, tu fais qu'une route fecrette Feut'nous y faire entrer en trompanttous les yeux. ericie. Sans doute; & quand la nuit aura voilé lescieux, Ces fo!aats,par fon ombre écartés du rivage, Pourront jufqu'au vaifleau nous livrer un paffage; timagene. J'adopte ce projet. trasime. Eh bien, que tardes-tu? j timagene. L'efpoir renait encor dans mon cceur abattu, Cva'aux foins de 1'amitié notre amour fc confie.  TRAGEDIE. 37 ERICIE. a Trafime. Seigneur , veillez fur lui. TRASIME. Je réponds de favie, h Ericie, montrant Timagene. Venez, raffurez-vous; des jours fi précieux Sont un dépöt lacré dont je réponds aux Dieux, Fin dn fecond A8e. , G3 ACTE  3*5 TRASIME & TIMAGENE. ACTE UI. SCÈNE I. Le Théatre reprèfenti un Salon particulier, du Palais de Trajime. TRASIME) feiiL Je puis donc fans témoins refpirer un moment! Que mon cceurabcfoin d'un libre cpanchement! % Chers & cruels objets, Timagene, Ericie, Vous êtes nés tous deux pour m'arracher la vie!.., Mais quoi!.,. j'immolerais 1'amour a 1'amitié, Et pour moi feul enfin je ferais fans pitic / S'il faut qu'elle b'éloigne, il faut que je périffe,..* JJh! qui peut m'impofer un fi grand facrifice ? Eh bienlqu'il parte feul, ..maisjeconnais fon cceur. Si j'aimc avcc tranfport, il aimeavec fureur, Rien ne 1'y forcera miférable Trafime, D^un ton concentrê & bas. Courage, encore un pas, jette-le dans 1'abyme, Ne fois ni vertueux, ni coupable a demi, Rends ton rival heureux. ... ou frappe ton ami, Deviens un monftre affreux, fois un hóte perfide, Drefle Ibn-écnaKiud de ta main parricide, Infame délareur, féroce affaflin Plonge, plonge toi-même un poignard dans fon fein, Ec, de fes flancs, la main qui fortira fumante, , Re-  TRAGEDIE. 39 Reviens traitre, reviens 1'ofïïir k fon amante'. Quel tableau, jufte Ciel! il trouble ma raifon; Non, je ne fuis pas fait pour cette trahifon.... Ou entend du bruit. il'Papergoit» Dieux! c'eft lui! que veut il ? SCÈNE II. TRASIME, TIMAGENE. TIMAGENE. Phanor vientdem'apprendre Qu'k partir cette nuit je ne dois plus prétendre. Tar les foldats d'Hircan mon vaiifeau reconnu Dans le port de Samos ra refter détenu: Mais tu peux, mon ami, réparer cette pertcj Une galére armée k Phanor s'eft offerte; Du départ le Pilote achevait les aprêts, Phanor s'eft dit chargé de tes ordres fecrets, A ton nom, ce Pilote a montré tant de zèle Que je ne puis choifir de guide plus fidéle, Prêt k tout entreprendre, il viendra dés ce foir, C'eft k toi maintenant k remplir mon efpoir, Tu n'as qu'k dire un mot, la voile fe déploie; Te devoir mon falut, voilk toute ma joie.... Tu ne me réponds rien! pourrais-tu balancer? Va, je ne te fais pas 1'affront de le penfer; Mais, parlemoi dumoins. C 4 TRA-  4 trasime. Pour s'en laifier charmer i'erreur eft trop grosfière. Memnon, pour appuyer ce prodige nouveau AHez donc démentir fa cendre & fon tombeau. mem»  45 TRASIME & TiMAGËNË. m e m n o n. Peut-être ces témoins, malgré leur apparence, Ne meritent - ils pas une entière croyance ! trasime. Que dites-vous? m e m n o n. Le Roi vient de me révelér Un fecret que je crois devoir vous dévoiler. On vous trompa,Seigneur.- d'Hircan la politiqüö Crut affermir par vous 1'opinion publique, Ce n'eft point votre ami qui vous fut apporté. trasime. Ainfi 1'on abufait ma tendre piété! Et vous étiez inftruit d'une fourbe cruelle? m e m n o n. Je viehe d*en fecevoir la première nouvelle. Soudain, vous le voyez, je vous en fais 1'aveuj Je n'ai point de vos pleurs voulu me faire un jeUj Toujours la vérité s'explique pnr ma bouche, Et je prends intérêt k tout ce qui vous touche.C'eft ce même motif d'un jufte attachement, Seigneur, qui me contraint, me preffe en ce moment De vous faire un aveu mille fois plus pénible; Je fens qüa vötre cceur le coup fera terrible. trasime, vivement. Comment ? Expliquez-vous; Vous me faites frémir ! m e m n o n. Pr'mce trop abufé, que vous allezgémir! Mais tout.me le prefcrit, jene dois plus mctaire5 Je tremble du récit qu'il me relle k vous faire, Son-  T R A G- E D I E. ' 47 Songez, Prince, fongez en frémiffant d'horreur Que j'ai du moins longtems ménagé votre cceur. trasime. Pourquoi ces longs détours? qu'aves-vous k m'apprendre ? M e M n o n. Hélas! ce que jamais vous ne deviez entendre. II eft donc des mortelspour qui rien n'eft facré.' Dont le front impudent eft mobile a leur gré; Dont la touche exercée aux plus laches parjures Du voile des fermens couvre leurs impoftures; Dont 1'ceil fait emprunter un paifible regard, Lorfque leur main aprête en fecret un poignard, Et qui dans notre fein cherchent k reconnaitre Lesendroits douleureux. pour y frapper en traltre! Vous aimiez votre père , il ne 1'ignorait pas Le monftre dont la main lui donna le trépas! C'était-la le motif de fa barbare joie, Quand fous fes pieds fanglans il étouffoit fa proie. trasime. Oü tendent ces discours ? Mon père aux champs de Mars Périt, en fuccombant k fes communs hafards; Eft-on affaiiiné tombant dans les batailles? me m n o n Quoi! Seigneur,rien encor neparlek voscntrailles? Vous ne preffentez point!... eh! comment pres-* fentir Ce qu'au prix de mon fang je voudrais démentir? Mais puisque l'affasfin aujourd'hui fe ranime, Peut-être fa fureur médite un nouveau crime, Peut-  4» TRASIME & TIMAGENE, Pent ■ être Ie poignard teint da fang patcrnet Cherche encore a porter au fils un coup mortel-j II le faut prévenir; fachez que votre père N'expira point frappé par un traic ordinaire; | Gloricux& vainqueur il fortait du combat, Ün traitre 1'appercioit, le fufprend & 1'abat. trasime. A-t-on pü découvrir le norit du parricide? m e m n o n. N'avez-vous pas déjk reconnu le perfide/ Timagene.... trasime. Ah! grands Dieux! m e m n o n. C'eft lui qui 1'a frappé* trasime. Quetle horreur! m e m n o n a part. * Achevons. trasime. Mais non, tu t'es trornpé^, Ce crime eft imposfible. m e m n o ri. ' II eft affreux a croire* Que ne puis-je moi-même en perdre la mémoire? Ah! fi mes yeux du coup n'étaicnt pas les témoins , Je ferais comme vous, je döuterais du moins: Mais j'ai vu; toutcs fois, je fuis loin de vous,dire Que mon feul témoignage aitdroit de vous fuffire; J'ai rempli mon devoir, en ne vous laiflant pas Expofé fans défenfe aux complots des ingrats;  T R. A G E 1)1 Ê. 4$ Si la chofe a befoin de vous être affirmée, Vous pquvez cóhfulter la moitió de 1'armée; Pour moi je me retire, & ne fuis point furpris Öuè. d'un zcfc trop vrai le foupcon foit le prix. Ilfeint de vouloir fortir. TrasimE, le ramenant defurce. -Vous nc fortirez point!tu refteras , barbare. II faut que dans 1'inftant ta bouche me déclare Tout ce qui s'eft paffé. ' H E M lï O N.! De femblables récits Doivcnt être épargnés a 1'oreille d'un fils. I El S I M S. Je le veux. e -m é m u o m. Eh! comment vous peindrè..vatte père Des mains dè votre ami trainé dans la pouffière ? Comment vous peindre un tigre altéré de fon fang Plongeant trois fois le fer darts fon débile fianc, 'Criant» je fuis vaincu , mais toi! fois ma viclime, Meurs traitre, expire ici ,meurs père de Trafimê... Seigneur, je vous 1'ai dit, déjk vous paliffez!. trasime. èvet fitolence. ■ Achève. M e m N O N. Cepetfdant, nous étións difperfés^ Et lorsqu'a nous fes cris ont pu fe faire entendre, Nous fommes "accöurus trop tard pour le défeiidre.... trTs; m e. Ni méme le venger ? P m jrvi*  5a TRASIME & TIMAGENE. m e m n o n. Timagene en fuyant Nous en ravit 1'efpoir, votre père expirant M'appelle, & me tcndant une main défaillante," Porte k mon fils, die- il mon armure fanglante; Tu vois j mon cher Memnon, tu vois quel eft mon fort, Divlui ...mais non , jamais ne lui conté ma mort; Laiffe k fon cceur féduit fon heurenfe ignorance; Refpeótons fa douleur & reftons fans vengeance. trasime. Sans vengeance! mon père!.... ah! je veux de ma main Percer 1'infame cceur de ce monftre inhumain j Qu'il tremble, il va périr. // veut aller a la porte par oü Timagene eft f 5 Pour-  58 TRASIME & TIMAGENE. t i m A gene. Eh bien, crue!, répond , Pourquoi me Ie cacher? ton filence m'outrage; De tes maux 1'amité réclame le partage , „ Toi,des lecrets! nos cceursn'enconnurent jamais, Tu ne m'aimes donc plus! trasime. C'eft naoi feul que je hais! Par rèjlexitn fubitt. Mais il eft encor tems, je puis fi je 1'arréte.... Courons, volons, 1'infame en répond fur fa tête. IIfort avec la plus grande précipiiatio». timagine, feul. Qu'a-t-il donc? quels regards ilajettés furmoij Ses discours, ce départ tout me glacé d'effroi! Si je ne connaiffais le grand cceur de Trafime, J'aurais pris fa douleur pour le remords du crime... Ahifuyezloin de moicraintes,foupgonshonteux; Un cceur comme le fien eft toujours généreuxj. Soupgonner un ami c'eft s'accufer foi même. 5 C E- SCÈNE III.  TRAGEDIE. 59 SC EN E IV. ERICIE, TIMAGENE, CLEONE. ericie. Je te cherche; Phanor dont le zèle eft extréme, A fgu de notre fuite avancer le moment, Le navire eft tout prêt, & fe Pilote attend. timagene. Partons, chere Ericie, & que rien ne m'arréte; Hircan, faroüchc Hircan, jouis de ta conquête; Souille un tróne ufurpé fur mon père & fur moi ; Je renonce fans peine au vain titre de Roi, a Ericie. Celui de ton époux eft le feul oü j'afpire, Je pofléde ton cceur, il me refte un empire. Ou entend du bruit. ericie. Dieux! qu'entends - je ? timagene. Quel bruit i ericie. Nous fommes découverts! Mannon parait dans le fond anc des gardes. timagene. Je reconnais Memnon! on m'apporte des fers.  Memnon Ut bas. Tiens, fcélórat, tiens, lis..... tu reftes fans répondrel La vérité 1'cmporte, enfin il s'eft troublél MEMNON, /« rpmeitant. Cet e'crit me furprend, fans en être accablé. Des yeux moins prévenus que les vötrcs,peut-êtr» Sauraient, dans cet écrit, aifèmcnt, reconnaitre Des caraclères faux, que 1'on tracé en tiemblant Pour micux imiter ceux d'un vieillard expirant.*^ SCÈNE IX. CLEONE, TRASIME, M E M N O N. CLÉONE. Seigneur, que fakes-vous quand la trifte Ericie Vöus appelle k grands cris ? jê trcmble pour la viss Depuis que Timagene arrac'né de fes bras S'eft vu dans les cachots trainé par des foldats. £ T K. A«  6T TRASIME & TIMAGENE. trasime, avecjm cri 6? »« regari terrible. Mem non! cléone, montrant Memnon,' C'eft lui-même mem non. Oui, Seigneur, Ie Roi.... trasime, avec un gefle menaganh Silence? « Cléone. Cléone fort. Rejoignez Ericie..... ó fureur.' ó vengeance! a Memnon dPun ton concentrê. Tu ne m'avais pas dit qu'il était dans les fers! J'admire avec quel zèle aujourd'hui tu me fers! m e m n o n, tremblant d'abord, fe raffurant peu a peu. Seigneur, je lis trop bien dans ce regard terrible Qu'au deftin d'un ami votre cceur eft fenfible, Que même ence moment, plein d'un trop prompt courroux, Vous appréciez mal ce que j'ai fait pour vous. Mais je connais des Grands 1'ordinaire injuftice..., Tour ne pas perdrè au moins Ie fruit de mon fervicej Auprès de la Princeffe obfervez-vous, Seigneur; Accufez-moi tout feul, en plaignant fa douleur, Peut-être, quelque jour,les charmes d'Ericie Rendront votre colère, en fecret, adoucic; Eft-ce un fi grand malheur que de perdreunrival? Un ami ne 1'eft plus dès qu'il nous eft fatal; Vous me pardonnerez, votre amour me 1'annonce j II  . r r- A G E D ï E, ' II neut s\n aller. Souffrez que jusques-la trasime, courant apres lui, & le tuani de manière qu'en reculant Memnon tombe dans la eouliffe. Tiens, voila ma réponfe* m e m n o n. en tombant. O rage! trasime. montrant fon êpée. Fer fanglant, fer vengeur, fi ma main Ne veut pas te plonger a 1'inftant dans mon fein, C'eft pour tenter encor de fauver Timagene; ^ Mais fi j'en perds 1'efpoir, ma mort devient certaine. Fin du quatriètne Atie* Èi acté  W TRASIME & TIMAGENE. ACTE V. Le Théatre reprêfente mie prifon, on y voit deux poteaux, une table & une lampe. ■ SCÈNE I. T I M A G E NE. r 21 ejl ajfts contre un poteaie oh fes chaïnes font attachées , la table eft un peu éloignée de lui. Pourquoi donc du tiran le miniftre barbare Retient-il fi lpngtems ie coup qu'il me prépare * II veut que, 1'ceil fixé fur 1'horreur demon fort, Je meure mille fois en attendant la mort! Que de mon échaffaud 1'épouvantable image Faffe frémir mes fens, &pa1ir mon courage! II ne me connait pas! le plus cruel tourment Ne faurait m'arracher un feul gémiffement Si 1'ame eft forte, hélas! le cceur eftplusfenfible; C'eft-lh dans ce moment que la plaie eft horrible! Cependant c'eft pour moi que je dois moins gémir; Quels que foient mesennuis, la mort va les finir j Bientót cendre glacée, infenfible pouflière, J'échappe a la douleur, a 1'humaine mifère.-... Mais les tendres objets que je laiffe en ces lieux! .C'eft pour eux que des pleurs pnt coulé de mes yeux. SCÈNE  TRAGEDIE. 6* SCÈNE lï. TRASIME, TIMAGENE. tra sime, dans la coulijje. Ouvrcz, ouvrez, vous-dis-je , ilfaut que je le voie. timagene. 6 Ciel, c'eft mon ami que ta bonté m'envoie! TRA sime, s'arrê. anta P entree de> la prijon. Mes pas font chancellans, mon ceil s'eft obfcurcïj Je ne 1'appergois point!.... quoi ,n,'eft-il plus icjl! timagene. Trafime \ trasime, il chancelle encor'e, f'tfr- rête & s,appuie. - je 1'entcnds! avangons,... Timagene!... timagene, ilfi leve g\ retenu par Ja. chaine , lui tend les bras. Ciel! pour le fecourir daigne brifer ma chaine! Reprends tes fens, approche, Stbannistgneffroi. TRASIME. je voudrais & ne puis me trainer jufqu'a toi....; Mais quel jour paliffant vient effrayer ma vue? La foudre k coups prefles a fiiloné la nue.' La terre fous mes pieds n'a-t'ellc pas tremblé? E 3 C«  70 TRASIME & TIMAGENE. Ce pilier fuit ma main, ce mur s'eft ébranlé f Puiffent tomber fur moi ces voutcs frémiffantes» N'entends-je pas des cris&dcs voix gémiffantes? TIMAGENE, Dieux! comme la douleur a trouble fa raifonj TRASIME. On répéte les mots de fang, de trahifon ï Eh bien! accufez-moi,Divinité trahic, Amitié, vous auffi, malheureufe Ericie. TIMAGENE. Mon ami TRASIME. Ton ami! j'en ai fouillé le nom,, Tu n'en as plus! TIMAGENE. Qu'entcnds-je? TRASIME. Abufé par Memnon , J'ai violé les loix du Ciel & de la terre; Oui, j'ai de ton retour révélé le myftère; Venge-toi, je l'attends & 1'implorc a. genoux ; Frappe. II fe jette h fes pieds. TIMAGENE, A quels traits affreux, Ciel, me referviezvous v Quoi, je péris par lui... quoi, c'eft lui qui m'opprimc, Lui qui me fut fi cher!... releve-toi, Trafime, Ton ami tepardonne, il fait plus, il te plaint; Tu règneras un jour, glorieux , flatté, craint, Tu  TRAGEDIE. ?t Tu verras une Cour empreffée k te plaire; Moi, je vais au fupplice; k mon heure dermcre, Seul, accablé d'ennuis, montant aux échafauds, Au milieu des tourmens,fousle ierdes bourreaux, Non, je ne voudrais pas, Trafime , être k ta place . TRASIME- Eh! quelle flme aflez vile, affer. lache, affez br.fie , Pourrait defirer d'ètre un monftre tel que moi. Mon nom va devenir le flgnal de 1'effroi; Il portera partout 1'horreur & Pépouvante. Dans 1'ombre de la nuit une époufe tremblante S'évcillcra, croyant que fon époux trahi Vient d'être affafüné par un perfide ami; Lepère,k fes enfans, déformais, va défendrc De la douce amitié le fentiment fi tendre; La terreur , les foupgons dans tous les cceursfemés Ticndront tous les mortels 1'un contre 1'autre armés; Le ferment le plus faint' fcra nommé parjure, De Tamitié je privé k jamais la nature! T I M A GENE. Modcre ces tranfports: Trafime, calme-toï. TRASIME. Quoi! tu peux me parler & me voir fanseffroi! Contre un vil délateur, contre un ami barbare De malédiftions ta bouche femble avare! Demande au Ciel fa foudre, elle attend que tes cris Du plus noir des forfaits follicitent ce prix. Amitié profanée, & qu'au fond de mon ame Je fens toujours brüler de la plus vive fiame, ' Sainte Hospitalité, Dieux vengcurs des lèrmens, E 4 En^  ?t TRASIME & TIMAGjENE. Entendez, exaucez mes terriblcs accens. Raffemblcz, a la fois, tous vostraus fuf ma tcte; Qu'a chaquc inftant la mort mc menace & s'arréte; Que chaque jour, livrant mon cceur a fon bourreau, -Augmente nes remords par un remord nouveau, Qu'enfin, lorsque Penfer faifira fa vicHme, yy retrouve un tourment digne encor de mon; crime! • TIMAGENE. Quels effroyablcs vceux! Vous qu'il vient d'attefterA Daignez plutót, daignez ne les pas écoutcr; S'il eft vrai. qu'un Itrlortcl a fon hcure dernicre Voit rarement le Ciel repouffer fa prière., Grands Djcux,dontla bonté veille fur les humains^ Daignez de mon ami protéger les deftins ; Accordez, c'eft pour moi le feul bien défirable , .Aux pleurs de 1 innocent la grace du coupable; Que pour lui. le paffe couvert d'un voile épais Deï fes jours prolongcs ne trouble point la paix,; Qu'a jamais tant d'horreurs loin de lui foienr. ' chaffées; Ne verfez dans fon cceur que de douccs penfées^ Et, fi fes pieurs encor font dus a mon malheur, Que cc foit de tendreffe & non pas de ftireur! trasime. O conftantc amitié! lc voüa ton. langage!' Tu pardonnes 1'erreur & fur vis a 1'outrage! Pour rendre un peu decalme a mon cceur éperdu, Couvre moi, mon ami, de ta douce vertu. // fi jette dans fes bras. SCÈNE;  TRAGEDIE, 75 SCÈNE III. ERICIE, TIMAGENE, TRASIME. ERICIE. Que vois-je, juftes Dieux? que fais-tu, Timagène? C'eft Trafime, c'eft lui donc la rage inhumaine, Dans les emporternens d'un amour trop, fatal, A dénoncé 1'ami pour perdre le rival. TRASIME. a Timagène. & Ericie. Pounais-tu lcpenfer? le croiriez vous, Madame9 Que l'amour a ce point eüt dégradé mon ame? ERICIE. Ne nous impofc plus par ta fauffe vertu: J'ai vu, j'ai vu Memnon dans fon fang étendu, II m'a tout découvert: vdnerncnt ta furie Pour voiler ton forfait aura tranche fa vie, De fon dernier inftant il fallait t'emparer, Ou par un coup plus prompt le forcer d'expirer. a Timaglne. Je quittais fon Palais,ou plutöt le repaire en montrant Trafime. Ou t'avait attiré ce monftre fanguinaire; J'entends de faibies cris; une mourante voix Me difait: „ Ericie, elt-ce vous que je vois? , Fuycz, fuycz Trafime, il cn eft temsencore; E 5 »  f4 TRASIME & TIMAGENE. „ Apprenez qu'en fecret le traitrc vous adorc»; „ II a fgu me forcer k fervir fon deffein, „ Et quand de fon rival le trépas eft certain, „ Quand c'eft lui, par mes mains, qui le traine „ au fuppüce, En fcélérat profond il frappe fon complice „ Pour ofer feindre encor de venger fon ami.'* TRASIME. Je reconnais Memnon/ dans le crime affermi, Même au terme fatal oü tout homme eft fincère,. Cet affreux importeur garde fon caraftqre! TIMAGENE. 6 Ciel, que dois-je croire? ERICIE. II ne peut démcntir....» TRASIME. rapidement. Non, je fuis criminel, mon ami va périr, Et c'eft moi qui le perds; dans mon horreu? extréme Je viens de 1'avouer, k 1'inftant, k lui-même; Mais ce qu'il ignorait, ceft la funefte ardeur, Le malheureux amour qui dévora mon cceur. a Timagene. Je croyais ton trépas, & je pouvais fans crime Me livrer k 1'efpoir d'un amour légitime, d Ericie, Vous favez, toute fois, fi jamais votre afpecl M'arracha d'autre aveu que ceux demon refpedtj J'efpcrais tout du tems, lorsque de Timagene Le retour m'a rempli de plaifir-& de pcine, a Tï-  TRAGEDIE. 15 a Timagene. Après un'long combat, digne de ta pitié, Je fentais dans mon cceur triompher l'amitié, ]e m'en applaudiffais: Memnon s'offre a ma vuc, Et porte dans mon fein une horreur imprévue» II me dit que toi-même au milieu des combats Tu levas fur mon père un parricide bras. TIMAGENE. •De cette atrocité tu m'as jugé capable? TRASIME Je 1'ai cru, le voila mon crime véritablc'. Le refte, tu le fais. Quand, détrompé par tol, Tu m'as vu furieux & frémiflant d'effroi, J'ai couru,dc Memnon croyant rompre la trams; Mais il n'était plus tems! j'ai maflacré 1'infame! a Ericie. Quoi qu'il ait pu vous dire a fon dernier foupir, Voila la vérité! ERICIE- Q jï peut la garantir? TIMAGENE. Mon cceur, il a befoin que le Gen foit fincère. Trafime, ta douleur me parait trop amère, De tes mortels regrets ne fois plus occupé.... ERICIE. II caufc ton trépas.... TIMAGENE. Un traitre 1'a trompéi II n'a pu démêler fes infernales rufes. TRA"  /S TRASIME & TIMAGEN.E, trasime. Ami trop généreux? ericie, « Timagene. Et c'eft toi qui 1'excufes! Ah! quoique l'amitié-t'infpire cet effort, Je ne vois plus en lui que 1'auteur de ta mort; Ma jufte haine trasime, avec défefpoir , <$f sWoi*.. gnam un peu. Ah ciel! timagene. O ma chère Ericie, N'augmente point 1'horreur dont fon ameeftfaifïe^ Daigne voir fur fon front le repentir tracé Trafime les regarde dyun air fombre. Lis tout fon défefpoir dans ce regard glacé; Quelque fok ton courroux tu 1'as trop fait paraitre, Tu viens de 1'accabler, il en mourra peut-être! Ah! rends-moi mon ami. c'eft trop perdre aujourd'hui. Ericie regarde Timagïne "avec tendreffe. Qu'un de ces doux regards s'arrète auffi fur lui; Qu'un mot confolatcur, en fortant de ta bouche, Affaibliffe du moins fon défefpoir faroucbe. Viens Trafime, regois fon pardon, il t'clt dü; Tu manquas de prudence & non pas de vertu. Traftme approche. Timagene faifit la main d'Ericie £? ia lui donne , enfuile il s"êcris avec enthoafrasme. Mais ce r.'elt point affez, je puis plus faire encore! Ton  TRAGEDIE. ff Ton amant va périr, & mon ami t'adore, II avait fgu tantöt m'immoler fon amour.... Si tu me promettais de Pen payer un jour, Si je poüvais unir fe douleur & tes larmes, Ce ferait a ma mort meier les plus doux charmes.. Enrichir l'amitié d'un prodige nouveau, En autel de 1'hymen ériger mon tombeau ! TRASIME. II eft d'autres moyens d'honorer ta mémoire; je ne m'explique pas. Madame, da;griez croire Qu'a quel point que mon crime infpire de 1'effrdi, Rien ne peut égaler 1'horreur que j'ai pour moi; Peut-être même, avant que mon ami périffe, j^aurai fgu vous forcer a me reiidrc juftice. ERICIE. Quoi! vous pourriez tenter?.... TRASIME. Rien,... rien pour le fauver; L'efpoir en eft perdu; je n'ai pu foulever Ni peuple, nifoldats; des amis froids, tranquilles Donnenta fon malheur quelques pleurs inütiles; De 1'invmblc Hircan je n'ai' pu m'approche.r , Au fond de fon palais il a fgu fe cacher E R ï C I E. ©n vient, Ciel! les voila ces Miniftres du crime! SCÈNE  ?3 TRASIME & TIMAGENE. SCÈNE IV. r Les Acteurs précédents , un OFFICIER» des GARDES. timagene. Je le vois, les bourreaux attcr.dent leur vidtime. trasime, traverfant le tkêatre pour aller a POfficier. apart. bas, b P Officier. II faut la leur livrer Qui vois-je fur vos pas.? L'0 f f i c I e r. Une Garde ctrangcre avec quelque foldats. TRASIME, II fuffit.... k préfent ce que je vous demande C'eft d'attendre un moment; la faveur n'eft pas grande; d'uq air de confidencè. Mais je veux m'éloignerpöur n'etre pastémoin..» Retenez prés de lui la Frincesfe avec foin, L'0 F F i c i e R. Vous ferez fatisfait. trasime, dsun air fombre. Adieu, cher Timagene, Adieu,, Madame. ericie. Eh quoi, fes pleurscoulent apeine! 11-  TRAGEDIE. $1 timagene. lorsque Trafime eft pres d&fortix. Te reverrai-je encore? trasime, s">arntant 6? hêjltant. Oui tu me reverras. // fort prèc'tpltamment en fe couvrant la téte ds Jon manteau. SCÈNE V. TIMAGENE,ERICIE, 1'OFFICIER, les GARDES. timagene. tPnn ton inquiet. ^.urais-je envaincomptéd'expirer dans fes bras? ericie. Sont-ce la les adieux d'une amitié fi rare? Timagene, crois moi, tu n'aimas qu'un barbare 1 timagene. Ah! ne 1'infulte pas j en ces triftes momens Confacrons a l'amour nos derniers fentimens. e r i coi e. Lui feul devait remplir ton ame toute entière; Vois-tu de' l'amitié combien l'amour diffère! Moi, je ne m'enfuis point en voyant tes bourreaux , Et  TKASIjME & TIMAGENE. Et mon ceil foutiendra 1'afpeft des échafauds. Pour ne plus te quitter je m'attache a ta chaine Lorsqu'on va t'entrainer il faudra qu'on m'cntraineMe preffant fur ton cceur, te ferrant dans mes bras* Tous deux d'un même coup recevons le trépas, Par un dernier foupir réuniffant nos ames, Defcendons chez les morts brülant des mêmes flames! TIMAGENE. Je ne fouffrirai point ce barbare dcffein, Si l'amour gémiflant 1'a fait naitre en ton fein, Au nom du même amour je dois te le défendre; Forme , fjrme un projet moins cruel' & plus tendre, Fais-toi de me furvivre un généfëux effort, Pour qu'il me refte un cceur encore apresmamort. Si tu veux perfifter en ta trifte penféé, Qui baignera de pleurs ma cendre délaiffée? Si de l'amitié même il faut me défier, Qui viendra fur ma tombe encor facrifier ? L'oubli va pour jamais djévorer ma mémoire. Trop fenfible Ericie, ah! fi tu veux me croire..*. Mais quel bruit imprévu ?.... ERICIE, avan$anl tin pas vers ia cou!i£ét Phanor'. j'ofe efpérer,.... ft  TRAGEDIE. 81 S C E N E VI. 'TIMAGENE, ERICIE, PHANOR, GARDES. PHANOR. Ah Madame,ah Seigneur, on va vous délivïer! ERICIE. Q bonheur.' PHANOR. Plus de fers.' Trafime..;.. TIMAGENE. Eh bien, Trafime?.»*■ PHANOR, fce généreux ami lui même pour viftime S'eft offert aux bourreaux! TIMAGENE. • Ciel! mon ami n'eft plus! je Ie fuivrai. ERICIE. Cruel' PHANOR. Non, vous êtes dégus; Que votre défefpoir faffe place k la joie. II vit, il vit encore, & c'eft lui qui m'cnvoie. TRASIME. Jé ne le puis comprendre..... F ER-I-  Xs TRASIME & TIMAGENE. ERICIE. Expliquez-nous du moins Par quel événement, ou par quels heureux foins ... PHANOR. Seigneur, depuis 1'inftant oit des chaines fatales Ont par 1'ordrc d'Hircan flétri vos mains royales, J'ai parcouru Samos dans ce preffant danger , Cherchant tous les moyens de vous en dégager, Des effbrts impuiffants ont confumé mon zéle Sans pouvoir raffembler une troupe fidéle : Mais bientöt tout efpoir dans mon cceur a ceffé En voyant fur la Place un échafaud dreffé; J'ai compris que du Roi la cruelle prudence, Redoutant des témoins fufpecls a fa vengeance, Des ombres de la nuit voulait environner Le facrifice afFreux qu'il venait d'ordonner. Si je ne puis fauver un Prince que j'adore, Ai-je dit, effayons de le revoir encoie Pour me charger du moins de fes derniers fouhaits. Alors je voiss'ouvrir la prifon du Palais, Un homme en fort, fans arme, &, fe voilant la tête, Marche a grands pas auxs lieux oü. fon trépas s'apprête , Monte fur 1'échafaud, & par quelques discours Semble hater le coup,qui va trancher fes jours. Déja 1'un des bourreaux prend la Mche & s'a« vance; Soudain au milieu d'eux en pleurant je m'élance; Je  TRAGEDIE. 82 fe reconnais Trafime!... TIMAGENE. Ah ciel! ... PHANOR. En ce moment Je ne puis retenir un jufte étonnement, Je m'écrie, & le nomme; envain cet ami rare Parait défefpéré de ce que je déclare, Tout s'émeut a ma voix, les gardes, les bourreaux, On s'allarme, on s'emprcfle, on porte des ftambcaux, Trafime, malgré lui, fe laifie reconnaitre; Hircan n'était pas loin; il voulait fe repaitre, En vous voyant périr, d'un fpeCtacle cruel; Ce bruit le vient jeter dans un trouble mortel; 11 accourt en tremblant, il appelle Trafime: Mais celui - ci, Seigneur , plein d'un tranfport fublime, Saifit le fer tombé des mains de fes bourreaux, Et prét a s'en frapper, il prononce ces mots , Hircan, de mon ami fi je n'obtiens la grace, „ Viens voir couler le fang du dernier de ta race; „ Malgré mon défefpoir j'ai refpedté le tien, „ Mais je dois & je vais répandre tout le mien, ,, A moins que par les Dieux toi-même icinejures „ Qu'oubliant pour jamais vos communes injures „ Timagene par toi va fe voir adopter." Hircan ne répond rien- &t parait héfiter ; Mais ü craintpour Trafime, Sc cède & la nature; „ Un  ?4 TRASIME & TIMAGENE. Un ferment, refpe&é même par l'impofture, Devant mille témoins eft par lui prononcé. TIMAGENE. Quclle joie en mon cceur cc recit a verfe! Des larmes de eendrede inondent mon vifage, ERICIE, Je 1'avouerai, l'amour n'eüt pas fait davantage! PHANOR. II s'avance lui même, & ces bruyants éclats..., SCÈNE VII. Les Afteurs précédens, TRASIME, Suiyi d^une grande fotile. TRASIME. Laiflcz moi, mes amis , me jetter dans fes bras 3 Rompez, brifez ces fers. des Gardes dèbarvjftnt Timagene de fe fers. TIMAGENE. O moment plein de charmes i TRASIME. h Ericie. Pardonnez fi pour lui j'ai fait couler vos larmes; Phanor vous a t'il dit, Madame?... ERICIE. Oui, Seigneur.  TRAGEDIE. 85 timagine. II nc m'a point furpris, je connaiffais ton cceur, trasime. Quittons ces triftes lieux, viens, héritierdutróne, timagene. Non, j'accepte la vie & non pas la couronne, trasime. Ah! je fuis aiïuré de vaincre tes rcfus; mantra: t Ericie. Regarde cet Objet & lönge a fes vertus, Le Ciel en la formant la fit pour être Reine. Mettant un genou en terre. Recevcz mes refpccts, femme de Timagène, Et daignez voir en moi votre premier Sujet. e r 1 c 1 e, le relevant. Je veux y voir un frère. timagene. Héros, Ami parfait, Je ne te parle point de ma reconnaiffance, Je te dois mon bonheur, voila ta récompenfe! ericie. De la fjinte Amitié nobles & tendres (oins, ProJigedont mes yeux lont les heureux témoins, Qj.ie les fiècles futurs gardent votre mémoire, E: de Samos, un jour.embelliffezi'hiitoire! F I N.