318 Jlêt L E t)ROIT DU SEIGNEUR C O M È D 1 E EN TROIS ACTES, EN PROSE, MÊLEE D'ARfETTES; Par M. DESFONTAINES: Repréfentès devant LEURS MAJESTES è Fontainebleau, le 17 OSiobre 1783. Et a Paris,par leComéJiens Italions ordinaires duRoij le 29 Dé;embre de la méme annés. Prix, 30 fols. A AMsTERDAÈi- Chez CE SAR NO ÉL GUERIN, LiBraire; M D C C L X X X I V,  acteurs: LE MARQUIS DE FLORIVAL, LE COMTE, fon Fih., LE BAILLI, THÉR ESE, MATHÜRIN, BAB ET, JULIEN, Al.AIN, FRONTIN, LA FLEUR, JUSTINE, N1CETTE, SüITE du marquis. Pages. Gardes-Chasse, Paysahs. Paysamnes. La Scène fe paffe au Vïllagc,  Pag. 3 L E ÖPvOIT DU SEIGNEUR, C O M E D 1 E. ACTE PREMIER, Le T/iédtre repréfente une Place de Village, dont le fond ejl ter miné par un cóteau, fur une dei alles s'éleve un arbre au pied duquel on voit un lit de gazon; fur le devant, on apperpoit la Maifon du Bailli: vers le milieu de Couverture, 'Julien arrivé , fuivi d'une troupe de jeunes Garf ons qui portent des fleurs fif des rubans: les Uns & les autres je groupcnt a terre, de dijférens cótés, & arrangent des bouquets ; Alain monte dans l'arbre &* l'ome de Guirlandes: Couverture peint le réveil de let nature. SCÈNE PREMIER. JULIEN, ALAIN, jeunes gabons. C H OE U R. JParmi ces fleurs nouvelles Choififlbns, Uniflbqs Les plus belles. ALAIN, du haut de l'arbre. C'eft Julien qui les oflrira. JULIEN. C'eft raa Babet qui les aura. C H OE U R. Parmi ces fleurs &c. ALAIN, a Julien. Mon arbre efl-il bien ? JULIEN. 11 n'y manque rien. ALAIN. Mais pourquoi parer ce feuillage? JULIEN. Ce fut fous Ton ombrage t Qu'autrefois.... Wais vous Ie faurez, Et foudajn vous m'approuverez, A 2 CHOEUR.  4 LE DROIT DU SEIGNEUR, C HOE U R. Parmi ces fleurs &c. JULIEN. Plus bas, plus bas. Babet pourrait nous entendre... ALAIN. Et tu veux la furprendre ? JULIEN. Plus bas, plus bas. ALAIN. Ce tnatin tu 1'épouferas, Et eet' nuit encor, je Ie gage, Elle ne dormlra pas. JULIEN, a dèmi-voix. Je ne le crois pas. C' H OE U R, d demi-vol Je ne le crois pas. JULIEN. Ah! fi 1'horloge du village Avait fecondé mon amour, Elle aurait avancé d'un jour. {En montrant le cbapeau de fleurs.") Sa couronne eft prcte.... ALAIN, montrant le bouquet. Son bouquet Eft fait. JULIEN, tenant toujours le chapeau. Tantót, fur fa tête, L'amour Ie placera, s Babet Pembellira. ALAIN, montrant les autres bauquets» Nous en avons pour nos Bergères, Pour nos amis, pour nos parens. JULIEN. Jeunes & vieux, filles & meres Auront & bouquets & rubans. C HOE U R. Parmi ces fleurs &c. JULIEN. Plus bas... C HOE U R. Choilifl'ons, Uniflbns Les plus belles. (Sept beures fonnent.') JULIEN. C'eft pour fept heures..,, les voili. • • Eh vlte, eh vïte... Mon cccur palpite... Rangeons-nous la. C H OE U R. Moi Ia, moi lt.  C O M E D I E. 5 JULIEN. Eh vlte, eh vite, Mm cceur palpite... Je Ia vois ALAIN, regardant £? ne voyant rien. C'eft voir de loin. JULIEN. Et ce fera toujours de même. De fes yeux, pour voir ce qu'il aime , Un amoureux n'a pas beroin. A L A I N. Tant mieux, fi c'eft toujours de même. {Babet parait Jur le cêteau, conduite par Matburin & par Tbérefe: elle eft fuivie des jeunes fi/les, des vieilles f des vieillatdsi Julien, Alatn & les jeunes gargons font rangés en file,') S SCÈNE II. Les mémes, THERESE, MATHURIN, BABET, vieilles, vieiltards, jeunes filles. JULIEN. J_ AIX. ALAIN. Paix. JEUNES G A*R C O N S. Paix. MATHURIN, a Babet, en lui montrant Julien. Regarde, ma cliere. Regarde au bas du cotea». BABET, interdite. Ah ! mon pere ! Comme il faut beau.' JULIEN, montant jur le coteau. II fait plus beau pres d'ma bergère. MATHURIN. La courfe merite un balfer. BABET, regardant fa mere. On dit que Iorfqu'on fe marie, On n'a plus rien è refufer. {Elle donne un baifer a Julien qui en prend un fecond.) MATHURIN. C'était 1'jeu de recommencer. JEUNES G ARC O NS. Leur bonheur fait na)tre 1'envie De s'époufer, de s'embralTer. A 3 {La  g LE DROIT DU SEIGNEUR, {La noce defcend.) MATHURIN, a Tbérefe, 'eii envoyant t arbre paré des guirlandes. Oh ! pour le coup , mi tendre amie, Faut rajeunir en voyant ga. THERESE. Oui, ce fut IS, Je ne 1'oublirai de ma vie, Ce fut lil que 1'on nous fianca. ] U L 1 E N. Couple chéri, couple Odele, Vous frez, en tout, notre modele, Et c'eft la qn'on nous fiancera. MATHURIN. Mes chers cnfans, ca va de fuite; Tót, mes amis, tót, vite & tót. Le bonheur, quand on le mérite, N'arrive jamais aüez tót. C ff OE U R. Tót, dépêchons, cue, vite & tót. Le bonheur, &c. .(Pendant ce ebttur , les jeunes filles condaifeilt Babet fur le lit de gazon , qui eft fous f arbre paré de guirlande?) THERESE. Le chapeau? JULIEN. Le voila. THERESE. C'eft aux filles a 1'atiaclier. MATHURIN. Leur tour viendra, & elles ne feront pas fachées. (Jandis que les jeunes filles mettent le cbapeau fur la tite de Babet, Julien fèp les garf ons attachent des rabans aux bouquets.) J U S T I N E. Ce n' s'ra pas moi toujours. N I C E T T E. . Ni moi. THERESE, a Mathurin. Ca m' fait fouv'nir du >our d' mon bonheur. MATHURIN. Et du mien... J'avai? qué'qu' printems d'moins.' THERESE, Quand on s'aim'bien, 1'amomne a fes douceurs tu 1'fais, MATHURIN. L'hiver le fuit... C'eft 1' moment ds s' quitter, & 9a fait de lapeins. ^  C O M E D I E. f THERESE, attendrie. Occupons-nous .-Trios enfant. Jü L.f EN, a Babet. Que ce chapeau-ia te va bienj BABET. Sans toi, je ne 1'aurais jamais defiré. THERESE. Le bouquet? JULIEN. Le voiia. THERESE. C'eft encore aux filles a le placer. JULIEN. Ne pms-je avoir la piêférence » MATHURIN, a Thérefe qui veut dire non. Je t'entends... Mais ne dis rien: Ne faut - il pas que Juiien Prennt connaiH'ance. De fon bien ? JULIEN, courant a Babet. Ah! Babet!... ma main eft tremblante... Ce n'efl pas d'peur. BABET. Jele fens bien. THERESE, a Matburin. EH' rougit. MATHURIN. C'eft qu'elle eft contente. JULIEN, après avoir place le bouquet. Les fleurs que voilé fur ton fein, N'ont fai' que changer de jardin. JEUNES . GARCONS, donnant les leun. Ces bouquets la, fur votre fein, Ne front que changer de jardin. {Pendant ce dernier refrain, Matburin £? Thcrefe vont s'ajjeoir aupris de Babet: Juiien refle de bout a cl té ds Matburin, tout le village les environne.~) THERESE, a Babet D' 1'inftant qu'on nous mie en menage, Nous n'eum'!, qu'un efprit & qu'un coeur: Depuis vingt ans, même langage, Mêmes deiirs & même humeur. Mon^ enfant, fais comme ta mere Et d'compagnie, avec 1'Amour, Chaque matin, dans ta chaumicre Le plaifïr te donn'ra 1'bon jour. C H OE U R. Chaque matin, dans vot' &c. A 4 MA-  $ LE DROIT DU SEIGNEUR,, MATHURIN, a Juiien. Je m'appercois qu'A ton orcille, Le défir fonne le tocfin; Mats, en joulflatit de la veille, Songe toujours au lendemain. Mon ci fam, fais comme ton pere, Et d'compagnie, avec 1'Amour, Chaque matin, dans ta chaumiere, Le plaifir te donn'ra 1' bon jour. C H OE U R. Chaque matin , dans vot' &c. JULIEN. Babet eft Phonneur en perfonne , Et moi je fuis fon amoureux : Qu'on vienne nous offrir un iróne, IVotre réponfe eft dans nos yeux. Kous dirons, fa n'y peut rien faire, Et d'compagniê, avec /'Amour, Chaque matin, dans not* chaumiere , Le plaifir nous donne 1'bonjour. C 11 OE U R. Chaque matin, dans vot' &c. JULIEN. L'bon jour, & 1'bon foir... Mais j'arni, vl'a qu'Bab^ê eft préte.... BABET. Ded'puis long. temp*. JULIEN. Je 1' fuis d'refte; il ne nous manque plus que Monfieuc 1* Bailli, & j' vais frspper a fa porte. {II Cappelle en /rappatit.) Morifieur 1' Bai.li .. {Le Bailli parait a fa fenfcre, babillé, mais en bonnet jt. mm/7.) L E BAILLI. Un petit quart d'heure, & je fuis a vous... JULIEN Un p'tit quart d'heure, c'eft trop long. L E BAILLI, fe retirant. De la modération. JULIEN. C'eft impoffible. THERESE. Patience. ALAIN. Une ronde5 en attendant qu'il vienne; Ie tems vous dem0in5' MATHURIN.  C O M E D I E. 9 (Tm le village fe prend par la min, & fait cercle aw tour de Babet.,) ALAIN. Colin , f * ra-ce Ie demierf Reprendrai-je mon pannier? C H OE U R, Colin, f'ra-ce &c. ALAIN. Dans c' pannier, Bergère agile Portait fes fruits i Ia ville, , Chacun lui dit, en paflant, Vous n'manqu'rez pas de chaland: Oh! vraiment, vraiment, f'fajt elle, C'eft un' bagatelle. ' Colin, f'ra-ce le dernier? Reprendrai-je mon pannier? C H OE U R. Colin, f'ra-ce &c. ALAIN. Ce Colin, qu'Amour engage, Vient f' placer fur fon paffage. Elle , aufli-tót, de quitter Son pannier pour 1'écouter. Oh! vraiment, vraiment, f' fait elle: C'eft un' bagatelle. Colin, f'ra-ce le dernier? Reprendrai-je mon pannier? C IJ OE U R. Colin, f'ra-ce &c. ALAIN. C'eft exprès que je vous guette, Mais, pres d'vous, ma langue eft muette, Et j' vous demande un baifer, C'eft plus gai que de caui'er. Oh! vraiment, vraiment f' fait elle C'eft un'bagatelle. Colin , f'ra-ce Ie dernier ? Reprendrai-je mon pannier? C H OE U R. Colin > f'ra-ce, &c. ALAIN. MonBeur, fi c'était tout autre, 11 n'obtiendrait rien du ndtre... Mamzell', 9a m'rend courageux, Et pour ur. j'en au'"d deux. Oh! vraiment, vraiment, f' fait elle, C'eft un' bagatelle. Colin, f'ra-ce le dernier? Reprendrai-je mon pannier ? C li OE U R. Cplin, f'ra-ce &c. A 5 ALAIN.  10 LE DROIT DU SEIGNEUR, ALAIN. Vos baifers ont 1'air 1! tendre, Qu'on n'faurait trop vous en prendrc: C'eft ben doux d'en avoir deux, Mais trois valent encor mieux. Oh! vraiment, vraiment, f'fait elle, C'eft un' bagatelle. Colin , f'ra-ce le dernier? Reprendrai-je mon pannier? C H OE U R. Colin, f'ra-ce Stc. {Pendam ceite ronde, Juiien appelle le Bailli, de temps en temps, Cappergoit & va au-dcvant de lui.") JULIEN. Vla Monfisurt' Bailli. SCÈNE II. Les mêmes, LE BAILLI. LE BAILLI, tenant des papiers. Il n'y a pas encore cent ans que cette redevancea eu Ton ener. bonjour, enfans & conréquemment, point de prefcription. MATHURIN. M, 1' Bailli, nos deux jeunes gens vous attendent avec impatience, & nous vous prions L k bailli (allant & venant.) Ce fut Kathèrine Grignon qui comparut. JULIEN. M. 1' Bailli.... L E BAILLI (allant £? venant.) Elle dtait au moment d'époufer Pierre Cbenu. THERESE. M. 1' Bailli. . . . L E b Ai l l i ( allant & venant.) Lequel dit Pierre fut fort inquiet. MATHURIN, JULIEN. M. f Bailli. . . . LE BAL LI {allant c? venant.") Mais la fusdite y fut contrainte, par corps, & Monfeigneut ne lui fit pas gïice d'une minute. C H OE U R. M, 1' Bailli. . . . LE  C O M E D I E. ij LE BAILLI. En voici le procés-verbal, en bonne forme, & figné de Chriftophe Prenani, mon ayeul. JULIEN. Mais encore une fois. . . . L E BAILLI(i Juiien. Tu as raifon; Babet elt jolie, tu es jeune , fort amoureux, & j'approuve 1'alliaiice. MATHURIN. Dénechez donc, & donnez-nous 1' contrat, nous allons 1' figner. L E BAILLI. Babet y confent? BABET. Bien fort. L E BAILLI. II n'y a de réciamation de la part d'aucuo garcon ? ALAIN. Si fait. vraiment, & mes camarades & moi, j* récls». mons au moins une vingtaine de baifers que j'avons de. inandés a Babet, & qu' jjamais ell' n'a voulu nous accorder. BABET. Ils font retenus. JULIEN. Et tu n' les gard'ras pas long-temps. L E B A I L-L I. PaiTons. JULIEN.] Au contrat. L E BAILLI. Je le tiens, mais j'ai une grande nouvelle k vous apprendre. MATHURIN. Qu'eft-ce que c'eft? L E BAILLI. Monfeigneur vous aime tous. THERESE. Nous Ie favons. L E BAILLI. II s'intérefle è Babet & a Juiien. JULIEN. Nous tach'rons de 1' mérïter. L E  12 LE DROIT DU SEIGNEUR, L E BAILLI. Leur mariage même eft caufe qu'il vient aujourd'hui MATHURIN. C'eft un bonheur de plus. L E BAILLI. Et voici une lettre qu'il m'écrir en conféquence. JULIEN. * Vous la lirez après. L E BAILLI, II eft eflentiel que je la life avaut. JULIEN. Ca va nous r'tarder. L E BAILLI. C'eft raffaire d'un moment. MATHURIN. Ecoutons. LE BAILLI, lifant. De tous le tems, Bailli, mes ayeux ont jout du droit de vafelage, monpire n'apasjugé a propos de Texer eer, f ai fait com»;e lui; mais mon fils nia prefé de le renouveller d f égard de Babet, j'y ai confenti. JULIEN. Droit de valTelage ? BABET. A l'égard de Babet! MATHURIN. Que voulez-vous dire? L E BAILLI. Un inftant. Nous arrivcrons demain a midi. (!a lettre eft datde d'hier.) La jeune fille fe tiendra pi'ie, £f vous l'amenerez au cbd. feau, dans le pavillon qui donne fur les jardins. JULIEN. Au chüteau ? BABET. Moi! L E BAILLI. 1'ai demaudé du filence Elle y reftera feule BABET, JULIEN. Seule? L E BAILLI. Elle y reftera feule, juj'qu'au moment cii elle fubira ?épreuve impofée par la loi, & au moment de fon mariage, s'il fe fait, vous ouvrirez le bal avec el/e, c'eft le privilege fie vot re charge &e. BA»  C O M E D I E. 13 BABET, JULIEN. Mou père! MATHURIN. M. P Bailli, je n'ai jamais entendu parler d'un droit aufll extraordinaire Que fignifie-r.il? Depuis quand exifte- t-il? D'ou? vient-il? L E BAILLI. Du droit féodal, de fervitute puellarum envers leurs Seigtieurs & Maitres , cbap. 7; paragrapbe 10. JULIEN. Au cliateau! BABET. Sans Juiien! avec Monfeigneur! LE BAILLI. Sans Juiien, avec Monfeigneur, tête-a-téte» THERESE. Tête-a-téte! Comment? Pourquoi faire? L E BAILLI. Ce que fa Grandeur ordonnera. JULIEN. Que peut-elle ordonnerl L E BAILLI. Je 1'ignore. MATHURIN. J' n'y comprends rien. BABET. Juiien m'aime, je le fais, je n' veux rien favoir de plus. THERESE, a Matburin. J'ai fait de même. JULIEN. Et Monfeigneur aurait le droit! L E BAILLI. La loi Ie veut, vos pères y étaient foumis, 1'ufage eft confacré, point de replique. C HOE U R. Ah! Juiien.' Juiien! quel ufage! JULIEN. Non, non, jamais. L E BAILLI. De la douceur. JULIEN. Dans quel pays, dans quel village Doit-on fa femme & fon Seignear? L E BAILLI. Monfeigneur ne prend point la tienne, 11 la demande poliment, Pour un moment. JU,  I4 LE DROIT DU SEIGNEUR, JULIEN. Et fa demande fera vaine. BABET. Non, Juiien, Je n'en ferai rien. MATHURIN. Mes chers enfans, point de colere... Et vous, Bailli, dites-nous, fans myftere 3 Ce qu'il exige de Babet. L E BAILLI. Ce qu'il exige de Babet ? MATHURIN. Ce qu'il exige de Babet. L E BAILLI. Pour le bonheur de nos families, Ses ayeux, avaient, eneffet, Le droit ri'interroger nos filles Sur le choix qu'elles avaient fait. C H OE U R. Pour Ie bonheur &c. L E BAILLI. Monfeigneur veut agir de même, PreuTe eertaine qu'il vous aime; En quatre mots, voik» le fait. C H OE U R. En quatre mots &c. MATHURIN. En ce cas, plus de refiflance, Refufer, ferait une oflenfe. BABET. Chargez-vous en, fage bailli, Répondez lui, répétez-lui Que Juiien feul a fu me plaire. L E BAILLI. C'eft & vous de le fatisfaire, Monfeigneur veut être obei. THERESE, MATHURIN. Mes chers enfans, plus de colere... Monfeigneur , Monfeigneur ne veut que notre bieD. BABET. Oui, Monfeigneur ne veut que notre bien, Mais, fon fils... JULIEN. Mais, fon fils... BABET. Je veulais te ie taire .. JULIEN. Non, non... LE BAILLI, THERESE, MATHURIN. Eh bien? BA-  C O M E D I E. ï5 BABET. Eh bien ; C H OE U R. Eh bien! BABET. L'autre foir, j'étais feulette, A 1'ombre de eet ormeau, J'y flnifiais ia rofette Dont j'ai paré ton chapeau. Monfieur le Comte fe préfente... AIi! m' fit-il, qu'elle ert iavhTante ! Que le foir, II eft doux de f'voir! Monfieur, je fuis votre fervante, J'y vois mieux le matin que 1'foir. LE UAILLl, TiiEKESE, MATHURIN, JULIEN. Ce propos me fait trembler... C HO E U R. Babet.... Babet.... il faut tout révéler. BABET. Je veux fuir, & fans myftere, Voilit qu'il retient mes pas... Oui, m' fit-il, c'eft pour me plaire Que vous avez tant d'appas. Cédez au feu qui me tourmente ; Vous conviendrez, p'tite innocente, Que le foir, II eft doux de f'voir. Monfieur , je fuis votre fervante, J'y vois mieux le matin que rfoir. JULIEN. Puis apres... BABET. II me fuit a travers la prairie, Mais, voilé que je crie... JULIEN. Eh bien 1 BABET. Et malgré fon ardeur, Je crois... oui, je crois qu'il eut peur. THERESE, MATHURIN. Bailli! Bailli!.. que faut-il faire? JULIEN. Défobéir. L E BAILLI. A Monfeigneur! C H OE U R. Le jeune Comte veut lui plaire. L E BAILLI, a Babet. Vous êtes valTale du pere, Vous n'aurez affaire Qu'a fa grandeur, JU'  it? LE DROIT DU SEIGNEUR; JULIEN. Par fois, Ia grandeur défefpere Et nos amours, & not' honneur. MATHURIN, a Juiien. Monfeigneur nous aime Conire fon fils même II faura Ia protéger. Mais craignez de la fdcher. JULIEN, a Matburim Vous le voulez ?.. MATHURIN. Je le défire. JULIEN. Babet... Babet... je n'ai plus rien i dire... Mais li 1'on vient a I'affliger, Si 1'on ofe lui faire injure... MATHURIN. Je jure De t'en venger. BABET. JULIEN. Le jure Je jure De ne pas changer. De m'en venger. LE BAI LLI, a Babet. Venez, craignez d'outrager Le Mai re qui vous aime; Contre fon fils même II faura vous protéger. MATHURIN, a Juiien. JULIEN, a Babet. Que fa tendrefle te raflure, f Ah! ta conftance me raflurê, Mais fi 1'on vient è I'affliger, Mais li 1'on vient a t'affliger, Si 1'on ofe lui faire injure, Si 1'on ofe te faire injure, Je jure Je jure De t'en venger. De m'en venger. C H OE U R. Allez, craignez d'outrager Le Mattre qui nous aime : Contre fon fils même II laura nous protéger, ( Le Bailli emmene Babet.} FIN.DU PREMIER ACTE. AC»  C O M E D I E. 17 ACTE N. Lefond du Thédtre repréfetite un veflibüle auqtiel on tnonte par plupeurs dégrès: de cbaque cSté, fur le devant,féle~ vent deuxpavillom auxquek on arrivé aujft par qnelques marcbes; la porie de Cun & de i'autre eft en face du fpcclatcur. L'efpace qui conduit du bord de la fcene a ces pavilknt, eft garni de tilleuls fèparès par une cbarnille de fix 011 fept pieds de bauleur, £? dans laquelle on a pratiqué des portes latérales. Le Bailli arrivé mys. téricufement par celle qui eft a la droite du fpeiïateur. SCÈNE PREMIÈRE. L E BAILLI. U. e réflexion prudente m'a fait laiffer Babet au Viliage jufqu'au moment de 1'arrivée de Monfeigneur, & ladite réflexion nnnvke a examiner 1'appartement dans lequel fa Grandeur m'a ordonne de la conduire. Je fais que 1'on peut y entrer par les jarcïns, Monfieur le Comte ferait capabled'en profiter, pour rendre une vifite a la future, & j'opine qu'il eft de ma fagefle de me précautionner contre toute efpece de furprife.... Entrons ... Reviendrai je par ici?... Traverferai-je les fusdits jarriins, pour aller chercher Ia jeune fil. le ? .... Je verrai. (// monte dans le pavillon placé h la droite du fpeélateur, & entre dans f appartement qui eft cer.fé y Ure joint. Au mime inJlant,on entend une ritoumelle jur laquelle Fr enfin paratt par la porte du vejlibule.) SCE.  IS LE DROIT DU SEIGNEUR, SCÈNE II. F R O N T I N. O n a rien vu... Je me fuis iö. .. En tout ce que j'emends dire... Tour. ce que je voi M'inrpire De 1'efTroi. (// examine le cdtc du bois a fa dioite,') Nous 1'attendrons fous ce feuiüage... Je ne 1'approche qu'en crcinbianc.. Ah! le trilte perfonnage Que celui de confidem!... Ec fon père! Quand il le faura! Quel tapage ! quelle colère ! 1 imsis il ne pardonncra. (Le Bailli fort de l'appartement dans lequel il êtait entri: au mime inftant, la Fleur arrivé par la porte latérale t prattquée dans la cbar mille a gaucbe du fpeüateur.) SCÈNE III. LE BAILLI, FRONT IN, LA FLEUR. L E BAILLI. j^E fuis tranquille. FR ON TIN, treffailtanu Je mc-ure de peur, (Le Bailli entend parler & farrite LA FLEUR. La chaife eft prête. F R O N T I N. C'eft la Fleur... LA FLEUR. Mais fi Babet n'eft pas docile... F R O N T I N. Plus bas, plus bas. L A F L E U R. Quelle rumeur! L E BAILLI. Quell» horreur! FRON-  C O M E D i E, f| FRONTIN. i LA FLEUR. Plus bas, la Fleur. I Quelle rumeur! LA FLEUR. ftlamcie!l' Babet eft bitn jolie... Mais 1'enlever k Juiien! L ü BAILLI. L'enlever.' LA FLEUR. Ah! c'eft folie. FRONTIN. Obéis , & ne dis rien. LA FLEUR. I FRONTIN; Jobéis, &; ne dis rien. | Obéis, & ne dis rieri, LA FLEUR. A quelle heure ? FRONTIN. Tu le fauras. La FLEUR. Si 1'on m'attrappe, que je meure Si je ne vous décele pas. FRON T I N. C'eft mon affaire... L É BAILLI. Je te ruivrai. FRONTIN. Mais laiffe-moi. LA FLEUR. Je crains le peie... L E BAILLI. Je parlerai... E A FLEUR. Chacun pour fbi. ERONTIN. . LE BAILLI. , LA FLEUR. C eft m™ affaire, Te te fuivnï I t Maislaiüe-moi. | |e parSaT' | {Pendant le trio le Bailli rentre tour doucement dan! I appartement aoü il était forti, Frontin renvoie la rleur, er le Comte arrivé.) SCÈNE IV. LE COMTE, FRONTIN. L E COMTE. JVÏon pére ne tardera pas, il ne foupcronne rt'eri.. » B 2 FROf4  »o LE DROIT DU SEIGNEUR, FRONTIN. Tout doux... L E COMTE. Nous fommes feuls... Le moment avance, tout eft -ü prét? FRONTIN. Et vous êtes réfolu d'abufer d'un droit! L E COMTE. Repréfentations inutiles: Babet l'emporte, elle m'entratne malgré moi, & j'en triompherai. FRONTIN. Elle eft fage. L E COMTE. Je la refpefterai. FRONTIN. Son cceur. . . . L E COMTE. Doit étre a moi. FRONTIN. A Juiien. L E COMTE. Qu'elle oublira. FRONTIN. Jamais. L E COMTE. Silence... Elle tiaverfera ce pavillon. {Celui qui eft a fa droite.) Mes chevaux ra'attendront.... FRONÏI N. Sans moi 1 LE COMTE, d"un ton abfolu. Mos chevaux m'attendront au pied de cette porte. (Cc'le qui eft au fond du mêmepavillon.) Tu v feras avec la Fleur & Babet aura difparu avant que Ton ait" eu le temps de s'en' s^percevoir. FRONTIN. J'en frclmis... Et vous la conduifez?.,, L E COMTE. Dans la terre qui m'appartient. Elle en fera Ia FermerFRONTIN. 'ermiere. La Fermière. L E COMTE. Moins je lui infpireraide coquetterie, plus j'auraidepou voir fur fon eceur, & fi rien ne peut la réduire, il u'eft point de facrifice que je ne fois capable de lui taire. FRON.  C O M E D I E. 2t FRONTIN. Aüonj donc. L E COMTE. Que m'importe la tetre entière, Quand j'ofe du plus tendre père. liraver Ia tendrefle & Ia lui ? C'eft pour Babet que je refpire, 11 n'eft point de bien oü j'afpire, Si j'obtiens le don de fa foi. Babet a les mceurs du village, Et fon coeur connaitra 1'amour; II eft perfide, il eft volage A la ville comme & Ia Cour. RichelTe, honneurs, grandeur fuprême, Vous n'offrez que de vains plaifirs: Se voir aimé de ce qu'on aime, Peut-on former d'autres defirs? Que m'importe la terre entière, Quand j'ofe du plus tendre père Braver la tendrelTc & la !oi? C'eft pour Babet que je refpire, 11 n'eft point de bien oii j'afpire, Si j'obtiens le don de fa foi. FRONTIN. Je fuis coafondu,. . Et vous prétendez que je vous side .. . L E COMTE. A faire mon bonheur. FRONTIN. A vous allier?... L E COMTE. Avec les graces & la vertu. FRONTIN. Mais fongez... L E COMTE. Je lis dans ton coeur, & fi tu écais capable de me tra* bir... FRONTIN. Je Ie devrais. L E COMTE Malheureux! FRONTIN. Tout le village va crier. L E COMTE. II s'appaifera. FRONTIN. Monfieur votre père.... B 3 LE  as LE DROIT DU SEIGNEUR, L E COMTE. Le temps )c calui.ra. F R O N T I N. Et c'eft moi qui payerai pour vous. L E COMTE. Paix... Le Bailli pourrait avoir des doutes; & jufqu'au moment de mon entretièn avec la jeune fi ie, je veux avoir 1'air de ne m'occuper que de ta fète aui devait fuivre le mariage. FRONTIN. Elle fera fort guic pour Juiien. L E COMTE. J'ai chargé Allain de la conduire , je vais le retrouver, & toi... FRONTIN, voyant Alaiu. Le voici. L E COMTE. JulLn! FRONTIN. Alain. L E COMTE. Que me veut-il? tAlain parait, & regarde, avec cmprcffcmcr.t, de to:ii/ei cótés.) SCÈNE V. Lei mêmcs, ALAIN. FRONT1 N. qui diable en a-t-ii ? ALAIN. Ca va comm' un charme. L E C O M T E. Quoi? , ALAIN. Oui. vraiment: j'ons regardé, conGdéré, tourné, r'tourné, & j'nons pas découven la plus p'tite chöfe qui doive le chagriner. LE COMTE, FRONTIN. Qui? ALAIN.  C O M E D I E. 23 A L A I N. Ju'ien qui efl inquier, & qui m'a priö d'exnmiticr c' q'ii paffe. FRONTIN, au Comte. Vous Penténdez. ALAIN. Sans qu' vous en doutiez. LE COMTE. Ne le fais-tu pas ? ALAIN. C'eft c' que j'ai dit. LE COMTE. Tes couplets a apprendre... F R O N T I N. Les jeunes filles a raffernbler... ALAIN. Ca s'ra magnifique. FRONTIN. Eh! va-t'en. A L A I Ni Oui, Babet vient, la cliofe eft claire, Et ca fourmente le hameau. Mais 1' beau coiip-d'oeil que ca va faire A fon arrivée au clid'eau ! Ecuyers £; gardes chalfe... LE COMTE, FRONTIN. Eh! tais-toi , tais-toi de grflee. ALAIN. Oh! fi j'etais a leur place , Jarni? comm' le cor fnnnerait! LE COMTE, FR ONTIN, Mais, tais-toi, tais toi, de grüce. ALAIN. Jarni! comm' le tambour battrait! LE COMTE, FRONTJN. Paix... La fe:e efl un fecrer. ALM Ü. Mais pour ce foir j'apprends mon róle , C'eft un plaiür de l'répéter: Puis furie chani, fur la parole, J'vient tout expres vous confulter. FRONTIN. 11 m'inquiete... II me défole... L E COMTE. Sur quoi viens.rü me confulter. ALA1 N. Oui, Babet vient, &c. 13 4 LE  94 LE DROIT DU SEIGNEUR, L E CO M T E. Eh! bourreau! dis-inoi cequ> tu veux FRONTIN , le prend par'le bras. A ce foir. ALAIN, voyant le Marquis. Monfeigneur. . . L E COMTE. Mon père! ... Silence. {Le Comte leur recommanie encore la difcrétion par fesges. tes,&va au-devant du Marquis quis"aré;e en fouriant.) SCÈNE VI, Les ir.imes , L E MARQUIS. LE MARQUIS. jLJ U fecret.... je me retire. L E COMTE. Mon pere... ALAIN. Ceft quYauf vot'refpcft, Monfeigneur, M. TComreeft bien aife qu vous ayaz toute la furprife d'laféte de c'foir L E C O M T E. Le traitre ? LE MARQUIS, a AïaXn. Et voiia pourquoi vous ne m'en dites rien. ALAIN. Monfeigneur 1'a d'viné. FRONTIN. L'imbêcile! LE MARQUIS, au Comte. Confolez-vons, je m'en doutais. , L E COMTE. C'eft Ia premiirequejefais, & d'avancc, je vcusdemande grace pour les paroles. LE MARQUIS. Les plus fimples lont les meilleures. L E C O M T E. La nature eft difficile a faifir. LE MARQUIS. Ce n'eft pas fa faute. (Frontin fait fon poffible pour renvoyer Alain, ilne peut y réuffir.) ALAIN,  C O M E D I E. 15 ALAIN, a Front in. Cavav'nir....fibendonc, M.rComte, quej'avonsl'honneur de vous r'pré:enrer que (lila qai a faic les couplets donc vuus êtes 1'auteur.... LE MARQUIS, LE COMTE. Fort bien. ALAIN. II y a mis une certaine rubrique d'mots que je n'entendons pas bien fpécifiquement, & j'voudrais que'qu'cbofe d'pu clair, d'pu incompréhenfible pour a 1'égard du bonheur d'l'un,puii du bonheur d'l'autre, c'qui faic un bonheur a deux.... L E COMTE. J'y penferai. ALAIN, au Marquis. Et par la même occafion , j'prenons la valifcenced'fupplier Monfeigneur de n'pas faire attendreJuiien. L E COMTE. II fuffit. ALAIN. Sa grandeur eft ben polie, maisentète-a-tête, catroubleua amuureux. LE MARQUIS. Soyez tranquille, & Iaiffez-nous. (Alain fort.) FRONTIN, apart. Je refpire. LE MARQUIS, au Comte. Babet va paraïtie, c'eft vous que j'ai chargé du foin defair© fon bonheur, & je vous croyais aflez galant pour aller au-devan t ri'elle. L E COMTE, avec embarras. Le Bailli eft jaloux de fesdroits , &je lesrefpecte... d'ailleurs.... LE MARQUIS, Jene veux rienfavoir, & votre difcréiion, 1'embarras de Frontin, votre voiiure que je viens de voir préparer.,.. L E COMTE. Mavoiture! LE MARQUIS. Toutcela fuppofe que vous nous ménagez pour ce foir quelques furrjrife.... FRONTIN. C'eftvrai: {au Comte), renoncez*y. » 5 LE  26 LE D R OIT DU SEIGNEUR, L E COMTE. Non, mon pere....maisje veuxquela owiée regale dernain tout le village, ekcemaiinjechafTepourelie FRONTIN. Vous chaffez ? L E COMTE. Sans doutc. L E MARQUIS. Nous fa vez a quoi vous engage le droit que je vous permets dexercer.... il vous donne celui de faire des heureux, & ie vous 1 abandonne: jueez de ma tendrefll> pour vous. ALAIN, accourant. Vla Babet. LE MARQUIS, au Comte. II faut larecevoir, vouspartirezaprès. (Le Comte va audevant 'de Babet; elle arrivé h la fin de la marc'ie Juivante, conduite par le Bailli, pré-ed e des Gardes-duifjes fous les armes, £~> fuivie de la Cour'du Marquis.) SCÈNE VII. Lesmimes, LE BAILLI, BABET, Suite. C HO E U R. H onneur, honncur, Chantons en chreur Notre bon Seigneur. Nos plaiflrs vont remtire, ( Le printemps nous rend notrc rnaicre. Ah! fans retour, Loin de Ia Cour. Habirez ce jour. Cédez au defir qui nous pre (Te, Par.agez notre ivrefle; Honneur, cent fois honneur A notre bon Seigneur. (Vair de la marcbe continue, tout le monde fe tait ■ Bah t fait la révérence au Marquis, & lui renwt fon contrat de mariage; il ordonne au Bailli Je la conduire dans le Pavillon qui eft afa gaucbe, & le Bailliobeit; lorfau'el ley eft entrèe, le Comte donne un coup-d\il, & toutl', cortege defile devant le Marquu.") " CUOEUR.  C O M E D I E> n7 C H OE U R. Honneur, honneur. Chantons en chceur Notre bon Seigneur. Nos plaiflrs vont renaïtre, » Le printems nous rend notie maitre. Ah; fans retour, Loin de la Cour, Habitez ce fejour. Cédez au détir qui nous preffè, Partagez, &c. scène viii. LE MARQUIS, fevL « Quel fpeétacle pour un pere?...oui! j'ai lu dans Ie cceur demon fils, & le défir qu'il ténioigne d'inrerroger Babet, les Ibinsqu'il fe donne pour célébrer fon mariage, noipatiencedans laquelleil eft d'en voir arriver le moment, tout me prouve qu'il nes'occuperaqiedu bonheur de fes vaffaux. (Le Bailli fort de f appartement dans lequelon Pa vu entier ; il eflfuivi de Babet qu'il veut retenir.) scène IX. LE MARQUIS, LE BAILLI, BABET. BABET. Il eft trop bon, trop généreux pour me r' buter. L E MARQUIS. Qu'entuids-je V LE BAILLI, a Babet. Repofez-vous fur moi. BABET. 11 m'écouten. LE MARQUIS,^ Babet, Qae voulez-vous? LE BAILLI, a Babet. Rentrez. L E MARQUIS. Approchez. ba-  28 LE DROIT DU SEIGNEUR, BABET. Moafeigaeur.... L E M A R Q I S. Eh bien ? BABET. J'croyaisét' hardie, & v'lèqu'la parolememanque; LE MARQUIS. Remettezvous. BABET. J'ai trop d'chagrin. L E MARQUIS. Si vous airnez Juiien, votre impatience eft pardonnable, mais elle ne doit point vous caufer des alarraes aullï vivjs: qui peut les faire naltre? Parlez, Babet, expliquez-vous, mes bontés font a ce ptix. L E BAILLI. Les vernis dégënerent, & notre fageffe ne fe retrouve plus dans le cceur de nos enfans. LE M A R Q U I S. Bailli... L E BAILLI. O tempora ! ó mores! L E MARQUIS, au Bailli. M'entendez-vous ? L E BAILLI. Mais je fais tout, & je veülerai fur tout. LE MARQUIS. Ceft Babet que j'interroge, & c'eft a Babat de répondre. L E BAILLI. Votre grandeur a raifon- LE MARQUIS, a Babet. Pourfuivez. BABET. Dans Ia prairie & fous 1'ormcau , Juiien veillait fur mon troupeau; Tranquillement & fans détour il me parlait de fon amour. Sans crainte, fans prévoir d'orage, Nous formions les niemes vieux, Nous n'avions qu'un cceur il nous deux , ïous mes jours éiaiens fans nuagc, Nous eiions heureux. L Ë MARQUIS. Vous ferez heureux. B A B E T. Votre ordonnance, vos delirs, Viennent troubler tous nos plaiflrs. Hét  C O M E D I E. -p Kélas.' fans vous, & pour jamais, Ivous avions le calme & la paix. l e MARQUIS. Vous aurez le calme & Ia paix. BABET. Malge moi, Je frémis de votre Ioi. LE MARQUIS. Gü voulez-vous en venir? BABET. C'eft qu' fauf vot' bonne grace, & fi c' n'était pas vous manquer d refpeól.j' voudrais qu'vous commandaffiez qu'on u m aiaiat pas. E e MARQUIS. II ferait difficile de m'obéir... Mais ia demande eft nouveile.... BABET. C t amour-la n' feit a rien. LE MARQUIS. Aunez-vous changé d'avis? BABET. J' n'ai jamais é'é du fien. l e MARQUIS. iit vous aüez vous marier ? _ , BABET. Je n' fuuhaite que oa. LE MARQUIS, «» Bailli, Jiaiili, lm croyez-vous la tète bien faine. le bailli. rlus que vous ne penfez. LE MARQUIS. Et plus je 1'entends, moins je puis la concevoir... Babet, Bailli... votre filence, fes ïnquidtudes, Ia de.mnde qu'e le péaéttu t0UC C ren''eraie quelque my^re,& jefauraile BABET. Si Monfeigneur m'exemptait de la loi, ca n' paroftroic p- t-ctre pas. r r uul[ L E MARQUIS. Comment? BABET. Si quelqu'un qU: nous chagrine fe r'flouvenait de c'que ie lm ai dit, 93 parairtnit encore moins. ' le MARQUIS. Achevez. BABET. Je n' faurais....  30 LE DROIT DU SEIGNEUR, L E M A Q U I S. Babet... BABET. Ca vous f'rait d' !a peine. LE MARQUIS. De !a peine! BABET. Laiffez-mci partir. L E MARQUIS. Je ne puis, B A B E T, dé folie., Eh bien!... oui..., i'obéirai ... mais fi Monfeigneur m'abandonne.... fi M. le Comte... L E MARQUIS. Mon fils!... BABET. Pardonnez.... mais Juiien.... mon pere.... ma mjre.... nous n'elbdrons qu'en vous. (Elle rentt e duns le pavillon , en pronongant cette derniere pbrajè.) SCÈNE X. LE MARQUIS, LE BAILLI. L E MARQUIS. ek efl trop, Bailli, je le vcux,je i'exige; parlcz. LE BAILLI. Si je favais inftruite de ce qui fe paffe, rien ne 1'aurait arêtée. LE MARQUIS, vivcment. Que fe pnfi'e- t-il ? LE BAILLI, montrant le pavillon. Les chevaux de M. le Comie leront )a LE MARQUIS. Pourquoi n'y feraient-ils pas? L E BAILLI. Pourquoi ? L E MARQUIS. Luijeft-il défendu de chafier, de faire une honnêceté k Babet ? LE  C O !YT E D I E. 3I L E BAILLI. Qu il va ravir a fa familie. L E MARQUIS. Que voulez- vous dsre? L E BAILLI. Ce que j'ai encendu. L E MARQUIS, Vous ? L E BAILLI. Moi. même. L E M A R Q U I S. Bailli.... LE BAILLI. 1'A votre grandeur lui permet de palier une demiheureavec cette mlortune'e? demi-heure critique, demi-heure fatale, aemi- heure dangereufe.,. LE MARQUIS. Je counais mon fils, il en eft incapable vous me trompez. (Dans le moment même, Juiien arrivé par une desportes latèrales: tl eft a la li te des jeunes payfans,& fuivide Tberè/e £r de Matburin qui cherchent a le calmer.) SCÈNE XI. Les nJmcs, THERESE, MATHURIN, JULIEN, JEUNES GARCONS. JEUNES GARCONS. O V-y ui contre un droit qui nous ofFenfe Tout nous dit de nous armer. L E BAILLI. Quel outragel L E MARQUIS. Quelle infolence. Et qui peut vous allarmer ? JULIEN, JEUNES GARCONS. Nous relpeélons votro puilfonce, Mais nos cceurs, nos cceurs font :\ nous. L E MARQUIS. Le mien, protégé 1'innoccnce. THERESE, MATHURIN. Prenez pitié de leur courroux. JU-  Ji LE DROIT DU SEIGNEUR, JULIEN. Vous nous aimez, je vous révere , Mais Babet, Babet efl: mon bien. (Babet entend la voix de Juiien, £? vient fe jetter dans les bras de Ja mere.) SCÈNE XII. Lts mêmcs, BABE.T, BABET. st lui... JULIEN, courant a elle. Babet... LE BAILLI,/? retenant. Tdméraiie. ■. B A B E T. Juiien .. Ma mere... IS'e nVabandonncz pas, & je ne crains plus rien. L li MARQUIS, a Juiien, Si vous redoutez ma colere, Calmez ce cemroux indlfcret, Je vois que Babet vous efl: cliere, Et je vous réponds de Babet. JULI E N. Ah! daignez, daignes me la tendre. L E M A R Q U I S, J'entends qu'elle cede & la loi. C H OE U R. A la loi! JEUNES GARCONS, i Juiien. Nous jurtns de te défendre, Tout le hameau fera pour tol. LE MARQUIS. Quelle audace! THERESE, MATHURIN. Voyez nos larmes. JEUNES GARCONS. L'amour qui les unit doit être refpeété. LE MARQUIS, au BaiVi. Chaque inltant. chaque mot augmente mes alarmei: M'auriez-vous dit la vérite ? L E BAILLI. Je tremblias de vous en inflruire. L E MARQUIS. N'ajoutez pas 4 mon chagrin. CIJOEUR.  C O M E D I E. S3 . rt C HOE UR, a demi voix. Monfeigneur ft tair.I! foupire. Ah! quel fera notre defïin! LE MARQUIS. Mon Cis , mon fils! Que dois-;e faire » LE BAILLI. r\e réprimer, le contenir. v , LE MARQUIS, Vous ddchirez le cceur d'un peie .. iviais, qui fait aimcr, fait punir. JULIEN. Je ne faurais vivre fans elle. BABET. Je ne puis vivre fans Juiien. JEUNES GARCONS. Prorégez un couple fidele .. THERESE, MATHURIN. leur bonheur efl tout notre bien. E E BAILLI. Je tremblais de vous en inflruire . L E M A li Q U I S. N ajoutez pas a mon chagrin. C H üE U R. Monfeigneur fe tait... u foupire... Ah! quel fera notre deflin' Bailli... LE MARQUIS. L E BAILLI. Qu'ordonnez-vous ? L E MARQUIS. „ , . , . Traverfez ce pafiage, II conduit au chaieau, renfermez.y Babet... „ . , JULIEN, a/anné'. Oh! ciel! L E MARQUIS, a Thèrefe a Matburin . Sulvez fes pas... foutenez fou courage kt vous faurez bientót quel fera mon projet. JULIEN, enchantè. Monfeigneur... L E MARQUIS. u A-,r Cardez le fllence, i.t diflipez votre frayeur. C H OE U R. Monfeignenr nous rend 1'efpérance, Et le calme efl: dans notie coeur. C H OE U R. LE MARQUIS. Monfeigneur nous rend 1'efpérance. Je vous ai rendu IVfnérance Et le calme elr dans notre cceur. Mais, helas! quel efl ma ricudéur f G^dons le plus profond filence , Gardé* Ie plus Pr. r?d fi «c" Et diffipons notre frayeur. Et c,ffiFe2 v0!te foyeur ' c (Ba.  3t LE DROIT DU SEIGNEUR, {Babet rentte dans Vappartement d'oii elle êtait fortie avee le Bailli, Tbérèfe & Mathurin ; Juiien & les jeunes gar(ons fortent par la porte latérale , le Marquis par cclle du ve/libule. FIN DU SECOND ACTE. ACTE TROISIEME. Fror.tin paratt Julvi de deux Domcftiqties, chargés (Tune table & de quclques chaifes. SCÈNE PREMIÈRE. FRONTIN, DOM ESTIQUES. FRONTIN. D ans ce pavillon... eh bien? a votre droite....(1 vous la connaiffez... fur la table... allez... la fotte cfpèce que les fTens! (il va fermer k clef Cune des porte s latérales.) è doublé tour...! & l'autre de même le Bailli pourraitvenir, Juiien feraithom" me a nousépier... (*) FRONTIN, JULIEN. Ah! SCÈNE IL JULIEN, FRONTIN. JULIEN. c tsxiciqu' Monfeigneur va 1'interroger. FRONTIN. Oui. JULIEN. Laiffez-moi ia voir & fcnrendre. FRON. ; (*) Juiien ouvre cette porte dans Ie moment raême.  C O M E D I E. j3 FRONTIN. Non. T U L I E N. Je n' f' rai pas le moindre bruic. FRONTIN, le renvoyant. Impofilble. Monfieur,... F 110NTIN, oerviteur. , . JULIEN, furieux. !a wit Crai"S PaS qU'e"'rae trahifre"- mais Saie vous fi 1'on m' Uon j. . FRONTIN, le renvoyant. . „ JULIEN. Oui... fi fon ofe... V BONTIN, fermantlaporte. C efl: dit. SCÈNE III.' F R O N T I N, feu!. J_y E dróle efta!erte,& quand il fe riourerait de quelque chofe, 11 ne lerait pas plus inquiec... & mon maitre que 1'hiftoire de fa chaife a forcé d aller a la chalïe! Iln'eltpa, méchant, maisil eltvif; &fes Gardes? fespauvreschiens! commei!s vontêtre" traites! combien il va monquer-de gibier! on n'a pas la main sure. quand on médite un mauvais coup, &j'enfais quelque chore maisiln'ya plus abalancar, & je me reTime: *urïe cbaifeici, l'autrela, &lebailde!aferme fur Ia table .. La feuJe chofe qui me raffure, c'eft que Juiien ne peut plus entrer c eft que M. le Marquis ne foupconne rien : ** le voici! ' QLe Marquis fort du pavillon oppofé, avec Tbérè/e £? Mat hu. rin.) SCE. * n en:re dans Ie pavillon i gauche du foectateur. daris le fond.0" f°rtir ^ pavilIon' aPPerï«c If Marquis & fe rctirt C a  36 LE DROIT DU SEIGNEUR, SCÈNE IV. LE MARQUIS, THERESE, MATHURIN, FRONTIN. L E MARQUIS. Ïl étatt efletuiel que Babet ignorat mon projet, & Ia feule chofe dont j'ai voulu qu'elle füi irftruite , c'eft qu'elle va paffer avec mon fils la demi-heure impofée paria loi: mais le Bailli veillefurelie, le chareau ferafermé: les avenues en ferontgardées, 6i vous devez être trarquilles. TI1ERES E. Plusnot' enfant nous intérefle, & plus nous fommes fichés des maux qu'elle vous caufe. L E MARQUIS. C'eft du fond de ce pavillon * que nous allcns entendre Ia converfaiion que mon fils doït avoir avec elle, & votre age, voirehonnêteté, le repos de Juiien, tout m'a décidé a vous en rendre les témoins. ' {Chaque mot que le Marquis prononci, fait trembler Frontin qui fint Cimpoffibtltte ele lui échaper; il poufe la porte du Jcnd, ejfaye de sefquiver, avance unpiedqu'il retire aujfi tót, & enfin pr-nd le pattid''avoir l''air d''atranger le pavillon, MATHURIN. L'épreuve eft pénlble. L E MARQUIS. Et nécelTaire; mon fils eft mon fucceileur, & fa vertu eft un bien dont jedois comptea mes vall'aux.... eutrons. THERESE. 11 craindra de vous afïliger. l E MARQUIS. Je m'en éiais flat té, mais fes chevaux font prèts, &jen'efrêre plus rien. ** Que fais-tu la? FRONTINfra defcendant. J'arrangeais ces chaifes, & je me reine. LE • Ce'ui dans lequel eft Frontin. *» H avance vers ls pavillon & voit Frontin.  C O IU E D" I E. IJ LE MARQUIS. Si tu forsavant que Babst foit ici, ce foir tu periras fous le baton. FRONTIN. Je refte. L E MARQUIS. Même punition, s'il t'échape un geile, un regard , une parole qui faffent foupconner a ton maitre que nous fommes dans ce pavillon... (Le Marquis y entre avec Thérèfe SP Mathurin : ik en ferment les port es.) FRONTIN. Si quelqu'un voulaitprendie ma place! SCÈNE V. LE COMTE, FRONTIN. L E COMTE. I3abet, Babet va venir.,. De la tendrefle , Qui me prefle, Je vais 1'entretenir.. . Ah.' Frontin! Frontin! quelle ivrelFe! (Frontin refte comme un terme , les yeux baiftJs, & les bras pendans.) Eh bien!... eh bien! Quel filence ! Quel maintien \ Frontin, je perds patience... (Frontin live les yeux ii? les baijfe aujfi tót: il en fait de mime de fes bras. Eh bien!... quoii Des coups d'ceil!... des geiles 1 FRON T I N. Moi! Des geiles!., je n'en fais pas faire, Et je n'en ai pas fait. L E COMTE. Frontin! FRONTIN. Non, non. L E COMTE. Crains ma colere. C 3 FRON.  '38 LE DROIT DU SEIGNEUR, FRONTIN. Je n'en ai pas fait, c'eft un fait. L E CO MI E. Qui peut troubler fa tête ? FRONTIN. IVon, non , & ce n'eft pas honnetc De ioutenir que j'en ai fait. L E COMTE, LaifTe-moi, fors. FRONTIN, rcgardant fi Babet vient. Que je vous totfle!.. On m'en, a promis pouree foir, Et fi mon lort vous lotéreiTe, C'eft bien afliz de ceux que je dois recevoir, L E COMTE. Que t'a-t-on promis? pari e. .. Efl-cc ivi efle, oa folie? FRONTIN. Je n'ai bu de ma vie. L E COMTE. 11 me confond a chaque mot. FRONTIN, trêUatit. A chaque mot, oh! c'en eft trop, Et je jure, je prorefte, Que je n'ai pas fait un feul g^flc , Que je n'ai pas dit un feul mot. L li CO M TE, ^ part. Le vin, la chofe eft claire, a troublé fa cervelle... Si je m'einporte, il me perdra.., avec douceur.') Dans un inftabt, Babet viendia... Je dois Ctre feul avec elle, Laifle-mol .. FRONTIN, regardant li elle vient. Monfieur .. L E COMTE. Je le veux. F R O N T I N. Monfieur... L E COMTE. Eh bien ? FRONTIN. „ . ., J'ai des raifons touchantes, Des raifons frappantes, Pour i'aitendre dans ces lieux. L E COMTE. Des raifi'iis touchantes ? f R O N T I N. Des raifons frappante». LE  C O M E D I E. 39 LE COMTE. FRONTIN. Ah! c'en eft trop , Tors de ces lienx, j Oui, pour un mot, oh ! c'en efl: trop, Ou redoute ma colere : j Et je ute, je protefte, Non, non, jene puisplusme taire, | Que je n'ai pas fait un feul gefte, Va,lai(Te-raoi,oui, je leveux. 1 Que je n'ai pas dit un feul mor. {Le Comte va pour entrer dans le pavillon oü efl le Mar. quis, appcrgoit Babet & s'arrê.te; elle efl aimnée par le Bailli qui la lui préfeut e; aujfi- tót quelle a defcendn les degrèsduveftibute, Frontin les jrancbit, & difparait. SCÈNE VI. LE COMTE, LE BAILLI, BABET, LE BAILLI, a Babet. Sagesse, fimplefle & vérité! [au Comte:'] NoblefTe, dé. licateflé & bonté. (IIfalue le Comte & fe retire.~) L E COMTE {après un moment di filence. Poll-je efpèrerque Babet voudra bien me regarder ? BABET. M. i'Bailli m'a dit.... quej'n'avais autre chofe a dire... que de direquej'aimeJuiien , jevousl'ds, &c'eiïtout, L E C O M T E. Jevous ai vuefou vent... jene vous ai parléqu'une feule fois, & vous m'êtes échappée. BABET. II étaït tard. L E COMTE. Je voulais vous répéter qu'il eft impofTible dc vous voir fans vous aimer. BABET. Ii y abienlong-temsque j'fuis ici. L E COMTE. Quand vous me connaitrez mieux, vous ferez moins prcffée de me quitter. B A B E T. Si i' fouffr ais toute feule, ce n' s'rait rien. L E COMTE. Serais-je affez malheureux pour vous caufer de l'entlui? BABET. Je n' fais pas bien c'que c'eft.... mais Juiien m'attend, & je n' ie verrai jamais nop. C 4 LE  4o LE DROIT DU SEIGNEUR, L E COMTE. Ju'ien! Vousnefongezqu'Jtlui? II A B E T. A lui feul,... aprè< mon pcre & ma mere. ^ L E C O M T E , vivement. Et c efl rlc leur bonheur dont je brüle de vous parler • Baher charmante Babet: vous los cbérifTez, & vousoub'iezqueleur' age va bientót les mettte hors d'etat de fournira leursbelöins BABET. Hl n'enauront pastantquej'vivrai. L E COMTE. Et s i!s étajent heureux, vous le feriez ?... B A B E T. Ah! fi par fois j'ai d'la iriftelTe, Oelr que Juiien n'ait plus les liens, Kous les regretrcrons fans cefle, Et tcus nos foins front pour les miens; Matin & foir au labourage , Au bois, lux champs,au jardinage, Nous tra/aill'rons pour les nourrir, Et moins nous les verrons vieilür Mus ils jouiront de not'ouvrage , ' Et plus uous aurons de plaid.-. B A B E T. L E C O M T E. C e monefi o.r, Je Ie , g* 1 edCV;;,r Je vcüterai' De )a jeunelfe, Sur ,Pur vk.i|ie(r De ma tcudrefie. Qlli m.in,tre|iee/ De leur viei'le.re CM votre efpoir, r^£l°m'f'l* Votre devoir, ' Jecar.erat Iw&uitte, Vous mc.es cbère, *£**Xt ü richelTe; T 7^ *» Je neformepo.ntoauiresvoetti. J'aurai foindeJesreudr.'.'heureux BABET. '.neureux. Ah! fi par fois, &c. ,r L E C O M T E. Vous m'enchantez, & je veux feconder vos defirs O,,; Babet, tantdegraces, tan:de vertus mériient un autieibn BABET. " Lenóirc nous fuffit. L E COMTE. Undcrit doit enétrelegaee, vous le trouverez dans ce naVi«on, {celuidam kqueleflfonpere.) venez 1'y lecevo'ir de ma B A BET, rctirant la fieiwe. C elt trop d honneur. LE  C O M E D I E- 41 L E COMTE. I! vous met a Ia tête d'une des plus belles fermes de la province: c'eft trop peu pour vous; jele fens, mais foyez-en Ia mtftrefle, la 1'ouveraine; elle eft a vous, & je ne m'yrendrai, je n'y jouirai de votre préfence que lorfque vous daignerez me le permettrê.... Nous ne répondez rien ? BABET. C'eft qu'il y a plus d'ine demi-heure que j' fuis avec vous. LE COMTE. Ab! c'eft trop braver mon hommage. BABET. Quel outrage Vous ai-je fait? L E COMTE. Venei, & dans ce cabinet, Voyez quel eft votre partage. B A B E T. Juiien le verra. LE COMTE. De la méfiance? BABET. Vous remeiciera. L E COMTE. De la réfiftance? BABET. f Monfeigneur C'eft trop d'honneur. L E COMTE. Votre familie vous eft chere.... C'eft fon bonheur que je veux f;,ire, Et vous craignez de m écoutcr ? 3 A 15 È T. C'eft Juiien qu'il faut confulter. L E COMTE. Votre Juiien me défefpere BABET. Juiien ? L E COMTE. Babet.... BABET. Que voulez-vous ? L E COMTE. 1 C'eft lui que votre cceur prefere, Et, malgre moi, j'en fuis jaloux. BABET. Notre feul bien eft de nous plaire. Et c'bien-ia n'eft pas digne d' vous. L E COMTE. Votre familie vous eft chere, Et vous craignez de m'ecouter? c 5 BA-  42 LE DROIT DU SEIGNEUR, BABET. C'eft Juiien qu'il faut confulter. L E COMTE Ah.' c'eft trop braver mon hommage.... * BABET. ' Quel outrage Vons ai-je fait? (Juiien parait fur le baut de la charmille , & fuit tous les mouvcmens du Comte.) L E COMTE. Venez, & dans ce cabinet, Voyez quel eft votte partage. BABET. Juiien la verra, Vous remerciera. L E COMTE. Tout eft perdu li je differe Vous m'offenfez, Obeilfez BABET. De Ia colere? Ah! pardonnez L E COMTE. Venez, venez BABET. Ah! (// ouvre la porte du pavillon , voit fon pere : dans le moment même, Juiien stempare de Babet,) L E COMTE. Mon pere! BABET. Juiien! (Silence gcnéral pendant lequel le Marquis a les yeux fur fon fils qui n ofe lever les fiens: le Bailli paroit fur les deg; és du pavillon oppofé.) SCÈNE VII. Lesmimes, LE MARQUIS, THERESE, MATHURIN, LE BAILLI, JULIEN. LE MARQUIS, a fon fils. JErT c'eft vous qui devez étre leur Seigneur? leur modële ? JULIEN, a Babet. Quelboubeur? LE  C O M E D I E. LE MARQUIS. Et Ie premier exeinple que vous leur donnez... je ro ugis de le dire. L E COMTE. J'ai tout fait pour lui plaire.... j'aurais tout bravé pour être fon époux. L E MARQUIS. Vous? LE COMTE. Regardez-la, &jugez moi. L E MARQUIS. . Sortez. L E COMTE, J'obéirai, mais croyez que le plus cruel de mes tourmens fe. race vous avoir déplu , d'avoiroféalarmerl'innocence. L E M A R Q U I S. LaifTez-rnoi. L E COMTE. Ciel! THERESE, MATHURIN". Giace. L E M A R Q I S. Ce mot feul vous met a votre place... c'eft pour vous, pour ieur irudtre que leur pitié eft forcée de fupplier. L E COMTE. Leur pitié! ... Biilii... L E BAILLI. M. le Comte... L E COMTE. Oü, font lestitres dont je viens d'abufer? L E BAILLI. Les voici. LE MARQUIS, apart. Que veut-il faire? (hruntin parait fur les degrcs du veflibule, avance recuk befte & nefait quelpartiprcndre,') L E COMTE. Ce font ces titresqueje détefte, quini'ontinfpiré l'odieux projet d'abufer de votre conriance. Vous avez eu, j'ofe le dire, vousavezeulafaibleflederenouveller, en ma faveur un droit dont jene me fuis fervi que pour outrager la vertu ,'qu^ pous flétrir les jours d'une familie que jene eeflerai de refpeéter & je rougis trop de ma faute pour ne pas óter les moy mis de la' commetire , acelui de vos defcendansqui feraicafiez malneu. reux pour vouloir m'imiter. CU  44 LE DROIT DU SEIGNEUR, {Ildécbire les titres & en jette les morpeaux aux pieds de fon pere.) L E MARQUIS. Que vois-je! THERESE, MATHURIN, BABET, JULIEN. Grace, Moniéigiieur, grace. L E MARQUIS. Crue!! V L E COMTE. Mon père! BABET. Monfeigneur verfe des larmes, c'ert nous direde 1'embraiTer. L E M A R Q U I S. Oui, Babet... le facrifice qu'il vient de faireme répond dela tranquiliité de mes vafaux, & tous mes vceux rempüs. LECüMTE, THERESE, MATHURIN, BABET, JULIEN. Je refpire. FRONTIN. M. Ie Marquis, je n'ai pas fait degeftes, je n'ai pas donné de coup-d'oeil. L E M A Tl Q U I S. Ton maiire ne temeitra plus a de pareilles épreuves, & tu peuxétre tranquille. L E BAILLI. Errare bumanum eft. LE COMTE, a Babet. , Les dons que je voudrais vous offrir ne lépareront jamais 1'ouuage que je vous ai fait... BABET. II eft oublié. L E C O M T E. Mais je vous ai pro mis une femme... L E MARQUIS. En voici le bail, & je le ratifie. C HOE U R éloigné. Babet... Babet... C H OE UR un fcene. C'eft la village. LE COMTE, JULIEN. Ah! courons, courons fur leurs pas. (Tout le Village an ive en tumulte, Alain tient la Fleur par le collct.) SCE-  C O M E D I E. 45 SCÈNE VIII. Les ttitmes, ALAIN, LA FLEUR, LE VILLAGE. Ï3 A B E T. A L A I N, a la Fleur. Non , non, j'ai du courage, Et tu ne 1'emaieneras pas. LE VILLAGE. Babet Babet... THERESE, MATHURIN, BARET & JULIEN. Calmcz vos craintes. ALAIN, 'au Marquis. Ce coquin veut nous 1'enlever. L E VILLAGE. Vous devez nous Ia conferver. LE MARQUIS, LE COMTE. Ceflez vos plaintes. JULIEN, pvenant Babef par le main, Elle eft a moi. L E VILLAGE. Elle eft k toi! (//lain laiffe la Fleur qui fattve.} L E M A R Q U I S. ' Je vous en ai fait la promelïe. (Tout le l'illage toit.be aux senoux da Marquis "i LE VILLAGE. J Ah! pardon , pardon , Monfeigneur' L E COMTE. Je vous réponds de fa tendrefle, bi vous oublicz mon erreur. LE VILLAGE. Ah 1 pardon , &c. LE MARQUIS. Vous avez bravé ma colere, Je devrais ufer de rigueur.... Mais tont me dit que je fuis pere, Et 1'indulgence eft dans mon cceur. L E VILLAGE. Ah! comment, comment reconnaitre ïant de bonte, tant de douceur! L E C O M T E. Je vous réponds de votre maïtre, li vous oubltez mon erreur. CHOEUR.  46 LE DÏIOIT DU SEIGNEUR, C H OE U R. Ciel! 6 ciel! que ta providence Kous conferve un fi bon Seigneur. 11 regne par la bienfaifance, Veille, a jamais, fur fon bonheur. . (Pendant ce Cbceur, ie Comte par Je bas a Alain qui fort, en lui faifant emendre qu'il va êtrc obéi.") LE COMTE, a Frontin. Ils n'arrivent pas. FRONTIN. J'y cours. LE.MARQUIS, au Comte. Je vous entends, & je veux que tout le monde s'emprefle k célébrer le bonheur de Babet. LE VILLAGE. De (out not' coeur. B A B E.T, a Tbérefe £? a Matburin. Vous 1'partagez, & 9a i'au.i.mente. (Les Paftres fi? les Paftourelles arrivent, accompagncs de la fuite du Marquis; deux Paylans placent un ir'óne de ver ■ dure , fur lequel on fait affeoir Babet. Le cortege eft terminé par un troupe de jeunes filles au milieu defquelles avancent des Pasjes qui portent une corbeille, la ban. niere du Seigneur, fi? un couftn fur lequel ily a un hochet. SCÈNE IX. Let mimet. NICETTE, JUST1NE, ALAIN, PAGES, PASTRES, PASTOURELLES , Suite du MARQUIS. ALAIN.i Babet. E foir, e» vot' honneur & gloire, Je vais dartfer, boire & chanterj On a d' 1'efprit & d' la mémoire Quand il s'agit de vous fêter. ( En lui montrant la corbeille.) S'il vous faut de la parure, Vous n'aurez rien qu'a défirer, Mais on fait que la nature A pris Ie foin de vous parer. C H OE U R. S'il faut, &c. • N 1 C I' T T E, ofrant un hochet. Le tendre amour oui vous infpire Fit le hochet pour les öpoux: Vous  C O M E D I E. K7 Vous Ie préfenter, c'eft vous dirs Ce que 1'hymen attend de vous. Si les jardins de Cythere Om toujours même agremens, C'eft que Ia fleur printaniere S'y renouvelle en tout tems. C H OE U R. Si les jardins &c. J USTINE , ojfrant la Banniere. Pour embellir votre chaumiere Je vous offïe un préfent plus doux C'eft la dévife & la banniere Du maitre qui veille lur nous. II nous protégé, il nous aime, Chaque moment nous en inltruit. Pour lui répondre de même Nous n'avons pas befoin d'eiprir. L E MARQUIS, prenant la main de fon fik. Vous ine péntkrez. C H OE U R. II nous protégé &c.... (Pendant ce dernier Cbieur, le Bailli met desgantsblancs; les Pafires £? les Pafiourelles commencent a danfer, il les aréte.) LE MARQUIS. Le Bailli a raifon, c'eft Ie pri vilége de fa charge. (Le Bailli fait trois révérences au Marquis & danfe lamarice avec Babet.) LE COMTE, a Babet. A merveille. LE MARQUIS, au Bailli. Et très-Iégrement. (Menuet villageois a la fin duquel le Comte fait figne a A. lain qui s'avance.) ALAIN. Vous enflamez, & pour long-tems, Tous les cceurs du Village : Mais è la Cour, ainfi qu'aux champs, On vous reudrait hommage. Vos traits, vos yeux favent tout engager •. , Mamzelle, Mamzelle , Mamzelle,... ' On plait au Roi, comme au berger Quand on eft jeune & belle. ' C H OE U R. On plait au Roi &c... ALAIN. Votte douceur eft un tréfor Dont le fefque eft avare. Votre innocence vaut de 1'or Tant 1'innocence eft rare. Vos  48 LE DROIT DU SEIGNEUR, Vos traits, vos yeux favent tont engager.... Mamzelle, Mamzelle, Mamzelle On plait au Roi, comme au lierger, Quand on eft jeune & belle. C H OE U R. On plait au Roi fcc. ALAIN. Auprês de vous toutes nos fleurs Sont des fleurs en peinturé: Mais on devrait avoir deux cceurs Quand on a vot' ligure. Vos traits, vos yeux favent tout engager, Mamzelle , Mamzelle, Mamzelle... On plait au Roi. comme au Berger , Quand on eft jeune & belle. C li OE U R. On plait au Roi &c. BALLET GENERAL. F I N.