ub AMSTERDAM   L E T T R E V JE M. D'ESLON, Docteur-Regent de la Faculté de Médecine de Paris , Premier Médecin ordinaire de Monfeigneur le Comte d'Artois , &c. A M. Philip, Doyen en Charge de Ia mcme Faculté. A LA H A Y E. •ft =gjë=-- W 1781.   Lettre de M. d'Eslon, Bo&eurRégent de la Faculcé de Médecine de Paris, &c. A M. Philip, Doyen en Charge de la, mémc Faculté. Monsieur et très-honoré DOYEN, S'il eft vrai que toute découvcrte utile au Genre humain, doive éprouver a fa naiffance, des contradittions proportionnées a ion objet, j'ai dü prévoir quel fort attcndoit celle du Magnétifm'è Anunal 3 preffentir les défagrémens inévitablement attachés a fa difcuffion, & mc réfigner d'avance aux fuites des préjugés défavorables qu'elle alloit faire naïtre. Cette prévoyance a, fans donte, été la fource de la tranquiilité dont j'ai joui pendant le cours de cette longue affaire. En me préparant aux évènemens, elle m'a donné le courage nécelfaire pour les foutenir; & je ïVai pas été pris au depourvü, lorfque la Faculté de Médecine de Paris a rendu contre moi un Décret, qui ne tendoit a rien A L  (4 ) moins qu'a me faire perdre toute confidération publique 5 moi qui, depuis fi longtemps, 11e ceflois de lui donner des témoignages non équivoques d'un fincère attachemenu Un pareil oubli de tous égards, devoit me difpenfer des ménagemens^brdinaircs, & m'aiïtorifcr, fans doute , a recourir aux moyens de rigueur , pour faire annuller une décifion injurieufe ; mais avant de les employcr, je defirois Buffer a ma Compagnie le tems de revenir d'elle-même fur une démarche précipitée ; &: voila pourquoi vingt mois font écoulés fans- que ma réclamation ait été entendue. Malheureufement ma patience & ma modération n'ont fervi qu'a endormir la Faculté fur les reproehes qu'elle a a fe faire. Peut-être même s'eft-elle flattée de perfuader aux autres que fa conduite eft a 1'abri de toute inculpation. On n'ignorc pas, Monfieur, ce qui l-'a cngagé a me traitcr avec eet éclat. On fait que, mes Obfervatïons fur le Magnétïfmc Animal, renferment tous mes crimes; akifi les perfonn.es qui m'ont lü, peuvenr me juger, ou, pour mieux dire, m'ont déja jugé. Ceux en qui la lecïure de ces Obfervatïons a excité des mouvemens d'indignation  li) contre leur Auteur, ceux qui n'y ont vu qu'infolence , menfonge , orgueil, ou préfomption 5 ccux-la m'ont déja jugé digne de blame. Ils doivent approuver la conduite que 1'on a tenue a mon égard. Au contraire, ceux qui ont trouvé de la fimplicité dans mes récits, de la modération dans 1'cxpofition de ma facon de penfer, de la décence dans mes expreffions , de la réferve dans mes citations; eeux-la doivent indubitablement défapprouver la Faculté. Quant aux griefs étrangers a mes Obferva" üons j que 1'on a accumulés a plaifir dans la? dénonciation qui a etc faite de cc Livre a la Faculté, ils doivent être confidérés commc autant de hors-d'oeuvre, ou de jcux d'efprit, dont on a cru devoir s'appuyer pour mieux faire valoir 1'objet principal, mais qui d'ailleurs ne peuvent être d'aucun poids dans la queftion; puifque la Faculté ne les avoit pas accueillis avant de procéder au jugement qu'ellc a rendu contre moL La preuve , Monfïeur , qu'avant de me jugcr, la Faculté n'avoit fait nul cas de ces prétendus griefs eft écrite dans vos mains.. Ayez la complaifance de vous faire repréfentcr le billet par lequel lAlfemblée de la A3  (6) Faculté fut convoquée pour le 18 Septembre 1780 : vous y verrez que ce fut pour en- tehdrc M. Roujjel de Vau^efme , parlant de mon Livre; moi mexpfiquant^& pour délibércr enfuïte (1): expreffions vagues & mêmes bifarres, ainfi. que je le ferai voir ci-après; mais qui bannilfent toute idéé d'accufations étrangères a mes Obfervations fur le Magnêcifme Anïmal, en démontrant que, de fon propre aveu, la Faculté n'a entend u juger que ces dernieres. Voulez-vous , Monfieur , quelque chofe de plus concluant cncoreï Rappellez-vous que le 18 Septembre 1780, dans 1'heure qui précéda la condamnation de mon Livre, j'offris a la Faculté toutes les explications qu'elle pouvoit defirer fur tel point de ma conduite qu'elle voudroit examiner. Or, comme elle n'en a demandé. aucune, n'eft-il pas de toute évidence qu'elle n'a entendu (1) Voici le texte Latin; car la Faculté, comme on le fait, doit ignorer le Francois, & ne parler qu'en Latin. 5> Convocentur Do&ores Medici, &c y> clariffimum Collegam noftrum, M. Rouflel de Vauzefs> me, de Librocuititulus, Obfervations [ar It Magnétifmt *> Animal, a clariffimo Collega noftro M. d'Eflon cons> fe&o dicentem, fimul & eumdem clariffimum Colle3> gam noftrum M. d'Eflon fe explicantem audituri, poftea* que, deliberaturi «.  I 7) tonnoïtre que de ce qui etoit deja avoue par moi, c'eft-a-dire, de mon Li vit? Mais il y a Plus : le jugcment de la Faculté lui-même, n'eft relatif qua cc Livre. En exigeant lc défaveu de mes Obfervations fur le Magnètifme Animal, c'eft mon Livre que Pon condamne formellement : en m'enjoignant d'être plus circonfpett a 1'avenir, dans mes Ecrits a iégard de la Faculté, c'eft encore mon Livre que 1'on condamne formellement , puifque la liftc de mes Ecrits, fe bornoit alors a cette Brochure. Si j'infifte fur ce point, Monfieur, ce n'eft pas qu'un plus grand nombre d'accufatioUs m'cffraye , ou que je ne veuille juftifier que mes Obfervations; mais en toute affaire, lorque 1'on veut s'entendre, on ne fauroit trop réduire la queftion a fa plus grande fimplicité, de manière a ne préfenter, s'il eft poflible, qu'un feul objet a examiner, & qu'une feule décifion a donner. En nous attachant, Monfieur, a ce principe , il ne fcra pas difficile d'établir les faits d'après lefquels il doit être prononcé entre la Faculté & moi; les voici: Je fais un Livre, ou j'entreprens de confirmer au Public 1'exiftence déja annoncée du Magnètifme Animal ; eet Ouvrage, je le A 4  _(*) . donne pour le fruit de vingt-deux mois de reflexions, & d'une année d'expériences fuivies avec conftance: je n'y demande pas que 1'on me croie fur ma parole: j'y follirite uniquement le Lcfteur de faire attention a ce qui fe paffe: en conféquence, je lui cite des faits nombreux, je 1'exhorte a vérifler ceux qui font a fa portee, & j'appelle au iurplus en temoignage d'une partie de ce" que j'avance , trois Médeeins , membres comme moi, de la Faculté de Médecine de* Paris. Que devoit faire en pareille circonftancc, Je Corps qui fe propofoit de juger eet Ouvrageï II devoit, je penfe, 1'examiner, ou le faire examiner avec attention, tout au moins le lire, interpeller 1'Auteur & les trois Médeeins cités par lui; difcutcr leurs opimons refpeeïives avec poids & jugement, .& venfier les faits avec impartialité & bonnefoi. , On n'a rien fait de tout cela. Mon Livre n'a etc affujetti a aucun examen : ni moi ni les trois Médeeins, dont j'invoquois le témoignage,n'avons été interpellés: aucun fait n'a etc venfie : aucune opinion n'a été difcutée; feulcment la Faculté de Médecine a écouté avec complaifance une longue diatribe, prononcee contre moi par un de fes Membresj  (9) qui ne connoiffant, avouoit-il, aucun fait par lui -même, les combattoit tous fur des ouidires, oupar des allégations vagues; & c'eft d'apiès eet étrange plaidoycr, qu'elle a cru inutile de fe procurer d'autres éclairciffemens, que fans ferme de procés, elle a prononcé anathême contre mon Livre, & qu'elle m'a enjoint de le défavoucr, fous pcine d'êtrc ignominicufement expulfé de fon fein. Comme vous étiez, Monfieur, au nombre des opinans dans 1'Affcmblée du 18 Septembre 1780, il eft de votre parfaite connoiffance que je n'en impofe pas. Vous favez auffi bien que perfonnc,, qUelle a été la précipitation de la Faculté en cette affaire, & que je ne puis être juftcment foupconné d'avoir eu des torts récls envers elle5 auffi, Monfieur, s'il ne s'agiffoit que de votre conviclion perfonnclle, j'en aurois déja trop dit > & ce n'eft pas pour vous que feront utiles les details ultérieurs dans lefquels je crois néceffairc d'entrcr. Ils ont pour objet de faire connoïtre au Public combicn peu j'ai mérité les impreffions défavorables que le Décret de la Faculté peut lui avoir données de moi. Si 1'on me taxoit d'oublier dans ces détails ce que je dois a ma Compagnie, fi 1'on m'al-  kguoit que je cherche a 1'avilir, fi 1'on m^ac* cufoit de me complaire a 1'humilier, je répondrois, fans m'émouvoir, que rien n'eft plus éloigné de ma penfée; mais qu'il m'eft .impoffible de ne pas réclamer publiquement contre 1'injuftice publique dont elle eft coupable envers moi. Ainfi donc, Monfieur, ü vous trouvez dans cette Lettre quelques expreffions du reftentiment légitime que je ne cherche pas a diffimuler, vous n'y trouverez pas celles de la hainc. Loin de renfermer en mon cceur un fccret levain contre ma Compagnie, je vis dans la ferme perfuafion qu'elle devroit être foigneufement confervée, protégée & honorée. Quoi qu'il en foit, Monfieur, immédiatement après la publication de mes Obfervations fur le Magnètifme Anima/, javois prévenu M. le Vacher de la Feutrie, alors Doyen, &: votre prédéceffeur immédiat, que j'étois chargé, par M. Mcfmer , de propofer a la Faculté les moyens que ce Médecin croyoit les plus propres a conftater 1'utilité de fa découverte, & que je folliciterois inceffamment une Alfemblée de la Compagnie pour 1'entrctenir a ce fujet. M. le Vacher de la Feutrie a qui le droit de convoquer ces fortcs d Affemblées appartenoit, en fa qualité de Doyen , n'éleva dans notre cntrevüe  ( II) aucune difficulté contre ma prétention, & me donna au contraire fa parole formqile de répondre a mes defirs, lorfque je le jugerois convenable; mais bien-töt allarmé par les clameurs dont il fut aflailli, il eut recours aux confeils de gens prudens ; & 1'on verra tout- a-l'heure comment confeillent les gens prudens. Les clameurs dont je*parle fe manifefterent par la démarche que fit M. Pajon de Moncets. Ce Médeein a qui vous favez, Monfieur, que 1'on a fouvent reproché parmi nous la trop grande aftivité de fon zèle, déclara, dans une Aflemblée ordinaire de la Faculté, qu'il étoit dans 1'intention de dénoncer mon Livre; & s'adreffant a M. le Vacher de la Feutrie, il lui demanda la convocation d'une Affemblée extraordinaire a eet effet. Celui-ci paroiffoit embarraffé dans fa réponfe ,'lorfque la Compagnie décida la queftion en rompant 1'Affemblée, & ne laiffant perfonne dans la falie pour délibérer (1). (1) M. Mefmei-, en rapportant cette anecdote, dan* fon Livre intitulé : Précis hijlorique des faits relatifs au Magnètifme Ardmal, 1'attribue a M. Rouflel de Vauzefmes: c'eft une erreur, elle appartient a M. Pajon de JVloncets.  ( izl Commcnt accorder eet adte de modération & de fageffe avec les procédés que la Faculté s'eft permis dans la fuite de cette affaire? Au tems dont je parle, mes relations avec M. Mefmer avoient déja pres de deux ans de date : elles étoient de notoriété publique: j'en avois entretenu la Faculté ellemême : j'avois engagé plufieurs de fes Membres a porter, les uns une attention momentanée , les autres une attention fuivie, aux phénomènes du Magnètifme Animal : j'avois enfin publié mes Obfervations; en un mot toutes les fautes pour lefquelles j'ai été condamne depuis, étoient commifes & publiques: & cependant la Faculté jugcoit ma conduite irrépréhenfible ! Que s'eft-H donc paffé depuis qui ait pu changer fon opinion? Quelle peut être la caufe d'une contradiftion auffi palpable \ II faut le dire: M. Pajon de Monccts ne dénoncoit que mon Livre. Eh» qu'importoit mon Livre? on 1'auroit oublié * comme tant d'autres, après en avoir parlé quelques jours. Poftérieurement,au contraire, on dénoncoit, fous divers prétextes, ma conftance, ou fi 1'on veut mon opiniatreté, a faire fortir Ia Faculté de la longue torpeur oü pn la tient fur les vrais intéréts de 1'humanité. Cc qui eft bien different, Monsieur le DOYEN.  (13) Comme j'étois alors au cours de ce qui fe palfoit dans la Faculté , je favois ou, par qui, commcnt, s'étoit tramé le projet de dénonciation dont avoit été* chargé M. Pajon de Monccts, & j'attcndis en filence le réfultat de ces menées obfcures ] mais auffi-töt après que 1'accueil fait a cette dénonciation cut mis en évidence les véritables difpofitions de la Faculté en corps, je crus devoir profitcr du moment , & prévenir toutes nouvelles intrigues, en rappellant a M. Levacher de la Feutrie ma demande d'une Alfembléc extraordinaire. Malheureufement il n'étoit plus tems: M. Levacher de la Feutrie n'étoit plus le mêmc homme : blamé pax fes confeils de s'être trop avancé en me promcttant une Alfemblée , il fe renfermoit gravement en lui-même, & prudemment taciturne , il éludoit également mes demandes les plus fimples & les plus preifantes, cnfortc que je n'cn pus tirer autre chofc que 1'exhortation vague &c répétée jufqu'a la fatigue de ne compromettre ni la Faculté, ni moi. Inutilement m'efForcaije de lui faire voir fous toutes les faces 1'importancc de la queftion que j'cntcndois agiter; inutilement eifayai-je de lui faire fentir que j'étois dans une de ces circonftances forcées, oü la convicrion ne permet pas le filence a  ( 14) la probité, je perdis mes peines. La lecon de M. Levacher étoit faite : ne ricn compromettre étoit le grand mot qu'on lui avoit prefcrit, comme dernier tcrme de toute politique , &: comme centre de ralliement ou devoient aboutir & mourir toutes fes idéés. Enfin , finutilité de mes efforts étant démontrée , je pris le parti de mettre la forme de mon cöté } en lui laiffant ma dcmande par écrit ,&en y fpécifiant, fuivant le vceu de nos Statuts, les objets que j'entcndois propofer dans 1'Alfembléc folHcitéc & lc 30 Aout fuivant, après quelques démarches de furérogation & d'un effet aufii inutile que les précédentes, je lui écrivis une lettre que je placerai ici, pour deux raifons principales; la première, paree que cette lettre conftate en réfumé ce qui s'étoit palfé jufqu'alors entre M. le Doyen & moi ; la feconde , paree qu'elle n'eft pas étrangère aux circonftances aduelles. En effet, Monfieur, mon intention étant de vous demander aujourd'hui une Affemblée de la Faculté, ainfi que j'en demandois une a M. Levacher en 1780, les réftexions que je lui faifois alors peuvent avoir encore leur utilité; & j'efpère que vous voudrez bien leur prêter quelque attention.  (*)-) M.d'Eslon, a M. Le Vacher de ia Feutrie, Doyen en charge de la Faculté de Médecine de Paris. Monsieur et très-honoré DOYEN,. ■>•> T a i cii Thonncur de vous prévenir, il y a 53 environ deux mois, que je vous follicitcrois »de m'accordcr une Affemblée de la Faculté, » pour 1'entretenir du Magnètifme Animale fou" mettrea fon jugement ma conduite en toute » cette affaire, & lui communiquer les moyens » que M. Mefmer croit les plus propres pour » confrater 1'exiftence & 1'utilité de fa décou>3 verte. Vous voulütes bien alors m'affurer que «vous ne vous refuferiez pas a mes juftes » défirs. « En conféquence, Monfieur, lorfqu'il en a ssété tems, j'ai eu 1'honneur de vous revoir a » ce fujet, 8c de vous expofer ma demande par »écrit, en y fpécifiant, fuivant le vceu de nos «Règlemens, les objets que je défirois propo« fer a la Compagnie. «Ces formalités remplies, ma réclamation »•> n'étoit plus fufceptible que d'un agrément 53 ou d'un refus formellement prononfcés. J'ai »3 la doulcur de m'appercevoir que vous préfé-  (*o »rez un troifième parti; celui d'éluder mes wfollicitations, & fans doute de laffer ma « conftance par des délais interminables. «J'ai,Monfieur,a me plaindre perfonnelle»mcnt de cette réfolution. Elle pêche effen»j tiellement contre la juftice que vous me »devez. En effet, fi je ne puis efpérer de faire » ceffer entièremcnt les indifcrétions dont je jjfuis l'objet,il eft évidemment de mon intérêt >sde ne pas laiffer croire qu'ellcs foient autorijsfées de mon Corps, & qu'cllcs y prcnnent 55 naiffance de fon avcu. N'y eut-il que la dés>nonciation qui a été faite de ma conduite a »j la Faculté, vous ne pouviez , fans injuftice >5 marquée , me privcr , autant qu'il étoit en >svous,.de faire valoir ma juftification a fes >3 yeux. 55 Mais laiffant a part ce qui ne concerne que » moi, la circonftance m'oblige de vous repréi3 fcnter que votre conduite eft dircctement >3 contraire a vos devoirs. 'sCar, Monfieur, fi ma demande étoit évi» demment recufable , il falloit la refufer. «Si fon utilité étoit réelle , votre devoir «étoit de 1'admettre avec empreffemcnt. 35 Dans 1'un & dans 1'autre cas, éludcr eft »3 un abus de 1'autorité qui vous eft confiée. »Lesj»ifons en font fenfibles. »3 En  . Lp) w En effet, le droit réfcrvé au Doyen d'ac*>cordcr les Affemblées, eft un Règlcmcnt de »police intérieure, d'autantplus fage, que pat »le feul fait de fon adhéfion a la demande d'un "Membre quclconquc, le Corps fe trouvc » nanti de la connoiüance &c de la décifion de »1'objet. « Le droit de refufer des Affenibiccs feroic » plus abulif, fï nos Statuts n'avoient pourvu 33 aux inconvénicns, en accordant a chaque »Membre des moycns de réclamaciort. »Ainfi, Monfieur, nes Loix font auffi fages >s& auffi prévoyantes qu'clks puiffent 1'etre ; » mais c'eft enfreindre cuvatement ces Loix »3 que de ne prononcer ni oui, ni non, de ma33iiière qu en même-temsla faculté fc trouve 33privée de la conhoilfaiice &: de la décifion 33 des queftions qui i'intcreflènt,& les Membres 33du droit de fe plaindie, püilque a la rigueur 33 ils font dans rimpoflibilite de prouver un >3 refus. 33 D'après ces principes inconteftables, trou33 vez bon, Monfieur, que je vous demande de 33 nouveau 1'Affembléeee la Faculté aux termes 33fpécifjes dans ma lettre du 21 de ce mois, 8c 33 que je vous preffe de me faire une réponfe s>légale, fauf a moi a me pourvoir contre vos >3 refus, s'il y a lieu. B  ( i8 ) » Je ne puisprévoir, Monfieur, quelle fera «1'iflue de lapénible entreprife que j'aiformée i »> mais fi, contre mon vceu le plus fincère, je >j luis jamais obligé de faire connoitre au Public >5 la nature des obftacles qui m'auront arrêté » dans le défir de lui étre utile , il me fera trés«important de prouver que vous avez éludé »mes réciamations,ainfi que je 1'ai avancé au » commencement de cette lettre. Je vais donc » vous rappeller brièvement ce qui s'eft palfé >s entre nous, quoique vous le fachiez auiiiwbien que moi. »Ma lettre du 21 de ce mois ayant refté « deux jours fans réponfe, je me fuis tranfporté 33 deux fois chez vous fans vous y trouver. Je m ne vous y ai rencontré que le Samedi 27, & 33 fur ce que je ne vous ai point diffimulé mon « étonnement de votre filence, vous n'avez pas 33 fait difnculté de me dire que votre intention » étoit de ne me répondre que verbalement. »Cette réponfe , fur laquelle je fupprime 35 toutes réfiexions, a été fuivie d'exhortation « pour m'engager a me défifter de ma deman33 de, & a ne pas me compromettre: fur mon 33 refus , vous m'avez renvoyé a la Saint-Luc, »> jour d'Alfemblée générale, oü,medifiez» vous, chaque Mcmbre de la Faculté a droit •> de propofcr la queftion qui lui paroit cou-  { 19 ) «vertable (i). Ènfin, Monfieur, qüand" vou§ » avez vu que j etois-déterminé a exiger une '3 réponfe pofitive, vous vous êtes reiifermé « dans des afiurances générales de bonne vo33lonté , en ajoutant que vos occupations & h celles de la Faculté ne vous permcttoicntpas » de fixcr un jour précis pour rAflémblée que »> je follicitois. En vain je vous ai offert d'ac»ceptcr un délai de trois femaines, je n'ai rien » obtcnu de plus4 «Les faits ainfi établis, Monfieur , je me »permettrai quelques obfervations qui me «paroiflentpropres avous faire fentir la nécef » fité d'agréer ma demande. "Je foutiens unecaufe extrêmement impor«tantepourl'Humanité.L'incrédulité de quef >3ques Perfonnes peu inftruites, de leur propre >3 aveu, ne peut affoiblir en rien mes Affertions sspofitives. " Dans tous les cas, leurs avis individuels ne »-peuvent fuppléer a la volonté de la Compagnie entière. C'eft au Corps a s expliquer lui- (i) Nous étions au 27 Aoüt, & M. le Vacher me renvoyoit légèrement au 18 Octobre fuivant, jour de Saint Luc. Je trouvai ce ton de'placé, & je me vis réduit a prier très-férieufement M. le Vacher d'en prendre un Jiutre; ce qu'il voulut bien faire. Bi  ( io ) * même fur ce qu'il a a faire. La Faculté n'exifte >3 en Corps que dans fes Affemblées, & fa voix w ne peut être entendue que par fes décrets. » Ne doutez pas , Monfieur , que lorfque wl'utilité du Magnètifme Animal fera reconnue, «le Public ne s'indignc hautement contre ceux « qui fe feront oppofés a fes fuccès. "•Si la Faculté fe refufoit aujourd'hui avec » réflexion a connoïtre d'une affaire auffi effenw tielie au bonheur des Peuples, il eft trés» certain qu'elle encourroit un jour le blame «de la Nation. Sa conduite feroit fans excufe. »Mais fi la Faculté n'avoit pas concouru au «bieri par la feule raifon que vous lui auriez «celé mes démarches en faveur de t'utilité »publique, vous ne pouvez vous difïïmuler «qu'elle en rejetteroit la faute fur vous avec •» amertume. "Alors, Monfieur .ceux qui applaudiffent "aujourd'hui a votre manière de voir, &c qui " peut-être la provoquent,feroient les premiers V a la hlamer a haute voix. II eft même a pré»jfumer , d'après la marche du cceur humain , » que vous n'auriez pas de plus crueis détrac'3 teurs. 33 Alors il ne fera plus tems de m'accufer >3d'indifcrétion,de méchanceté ou d'obftina33 don. J'aurai tout fait pour éviter de com"prornettré qui que cc foit.  (ii) «Veuillez bien, Monfieur, obferver que » courage & fermcté ne font ni orgucil ni opi«niatreté. Je vous le'répète. J'ignoreoü tout «ceci peut aboutir; mais quel que ioitl'évène»ment il m'en coütera toujoursexceffivemcnt » de vous déplaire , de rien faire qui puiffc » altérer notre ancienne amitié, ou vous faire m douter des fentimens refpeclueux avec le£ »j quels je fuis , Monsieur et très-honoré DOYEN, Votre très-humble & très-obéiflant ferviteur, d'Eslon. »P. S. Je* me rendrai, Monfieur, Vcndredi « matin chcz vous pour prcndrc votre réponfe. Je me rendis cffeétivement le Vcndredi fuivant, premier Déccmbre , chcz M. Levacher , '& fus encore plus mécontent de lui que par le paffe : ce qui me fit prcndre lc parti de -le citer a la Faculté dans 1'Affemblée du même jour ; mais avant d'y procéder, je crus devoir entretenir cette Compagnie de quatre traitemens par le Magnètifme Animal. J'en préfentai deux comme guérifons commencées, & deux comme guérifons achevées. Les voici tous quatre. B3  (tl) M. Buffon, Dotteur Régent de la Faculté de Médecine de Paris, &c premier Médecin de Madame la Comtesse d'Artois , étoit, a 1'age de foixante-trois ans , affligé d'un horrible polype au nez , jugé incurable par les Gens de 1'Art. Dans un état pire que la mort, il eut recours a M. Mefmer, & en peu de tems le polype tomba fous la main-de celuici. Tel eft le phénomène vraimcnt admirable & nouveau dont je rendois compte, ajoutant que , d'après ce premier effet, il n'étoit pas déraifonnable d'efpérer 1'entier rétabliüement du malade. Je me trompois fur ce dernier point, puifque M. Buffon épuifé, mourut quatre mois après ; mais la chüte du polype, fans le fecours d'opérations chirurgicales, &c par le feul effet d'un agent inconnu & invifible, n'en étoit pas moins réelle; & 1'infouciance d'un Corps de Médecine tel que la Faculté , fur un fait aufïi important pour 1'humanité, moins inconcevable.Les Perfonnes qui défïreroient de plus amples éclairciffemens a ce fujet, les trouveront dans le Pró. Cis Hijlorique des faits relatifs au Magnètifme Jnimal jufquen Avril , Livre oü M.. Mefmer préfente deux verfions différentes de la maladie &: du traitement de M, Buffon. La première, page 149 & fuivantes3 eft cellede fes Adverfairesi la feconde, page 186 & fuivantes *  (si eft la fienne propre. On peut comparer (i). Le fils de M. de Scran Walen, agé de huit (i) L'Almanach de la Faculté , pour 1'annee 1781, donne une troiüème verfion de la maladie & mort de M. de Buffon. La voici dans le langage favant de la Faculté, fuivie d'une traduftion que j'offre aux perfonnes qui aiment qu'on les entretienne tout bonnement dans leur langue maternelle. M. Buffon, Conftitutione phyfica ad fanguineam accedente pneditus, crebras & naribus hemorragias paflus,; polypo narium ultimis vitae annis affeftus fuit, qui altas radices agens, offa dilatavit enormiter,abiitque demum in tumorem carcinomatodeum , quo vitae medullam exhauriente , conjugi & quinque liberis, Eeque a;matus coniux & pater, miferè ereptus eft die 7 Januaru 1781. Dolore atroci preffus, mortis dira expe&atione conturbatus, famili*, amicorum deprecatione iterata incitatus, tandem M. Buffon nova: ex Germania recensapud nos adfportat* plus jaftatas quam jaaandae artis, (potius-nè artificii) Magneiifmis animalis aleam, led fruftra fubierat. TraducTion. » M. Buffon étoit dune conftitutio» >, fanguine , fujet k de fortes hémorragies par le nez, il y, fut, vers les dernières années de fa vie, afflige dans „ cette partie d'un polype; les profondes racines du mal * écartèrent les os énormement; & il furvint iucceffi>, vement une tumeur cancéreufe qui épuifa les fources » de la vie. C'eft ainfi que eet époux, ce pere cheri, i fut miférablement enlevé a fa femme & k cinq eni, fans, le 7 Janvier ï78i. Enfin , M. Buffon, preffé par „ des douleurs intolérables, troublé par la cruelle ex- B4  ( M ) a neuf ans, fut mis entre les mains de M. Mefmer dans un état déplorable. Les extré- J> peftative de Ja mort, incité par les fupplications réïté« » rées de la familie & de fes amis, courut, mais envain » les hafard du Magnètifme AnimcJ, médecine nouvelle s> & nouvellement apportée d'Aliemagne en France, 3> plus vantée qu'a vanter, ou pour mieux dire , qui 3> n'eft qu'une fupercherie «. Si le polype de M. Buflbn étoit cance'reux, s'il étoit affez énorme pour avoir écarté les os énormemtnt, s'il épuitoit les fources de la vie, s'il ne refloit a M. de Buffon, que 'a cru,He expefiadvc de la mort , on peut, ce fernblé, avancer fans légéretéqü'il étoit incurable dans Jes principes ordinaire? de fait. C'étoit ainfi que je peignois eft'eaivement fon état a la Faculté, Ie premier Sepcembre i73o. M. de Vauzefme vint dix-huit jours apris, affurer a cette Compagnie que je lui en impofois, Aujourd'hui rAlmanach de la Faculté affure,comme 1'on voit, que je n'en impofoispas. Qui croire? Je terminerai eet note paree qui a été dit de M. Baffon dans ÏAffemblée publique dn 6 Septembre i72i; car il faut favoir que la Faculté a tiouvé merveilleux'depuis quelques années, d'avoir auffi .fes Affemblée publiques, oü 1'on fait 1'éloge des Médeeins morts dans 1'année. Je crains bien qu'on ne dife fouvent: Plus jaclati, quant jucldndi tpotius ne artificii ). M. Philip, Doyen, étoit chargé de 1'éloge de M, Buflon. Comment s'y prendre pour Iouer dans une Affemblée de la Faculté, l'entrée du défunt chez M. Mefmer? Le pas étoit embarraffant. Voici en fubftance comment M. Philip s'entira. » M. Buffon, dit-ii, étoit un. ¥ excellent cjtoyen. Sa fin en eft la plus belle des preu-  ( M ) mités fupérieurcs & inférieures étoient paralyfces, &c il étoit tourmenté par une diarrhée depuis 1'age de feize mois. On crut remédicr s> ves. La jugeant inévitable, il voulut que du moins j> elle fut utile a 1'humanité; & fe dévouantpour vic» time, il fe mit entre les mains de M. Mefmer, non j) pour fauver fa vie, mais pour en être tué de manière j) a convaincre 1'Univers que le Magnètifme Jnim.il, n'eft ■>■> qu'une charlatanerie «. Je n'étois pas a 1'Aflemblée , mais on m'a afluré que ce morceau avoit été très-applaudi. J'ofe crcire que M. de Vauzefme, 1'Almanach, & M. Philip auroient mieux fervi la Faculté dans 1'opinion publique , fi, lahTant 1'efprit a part, ils avoient engagé cette Compagnie a examiner la théorie de M. Mefmer fur les polypes. Suivant lui, ils ont en général leur origine dans les vifcères. De-la, ils s'étendent en ramifications imperceptibles dans le corps: & le polype. fenfible ou vilible , n'eft qu'une extrénuté de ces ramifications, a-peu-près comme le fruit eft placé a 1'extrémité d'une branche ou d'une tige dont les racines font en terre. Cette théorie eft trop étoignée de nos connoiffances ordiriaires pour n'étre pas, au premier abord, rejettée comme fyitéme ou comme rêverie. Cependant, s'il étoit vrai que M. Mefmer fit impreffion fur un polype placé, par exemple, dansle nez, en touchant les vifcères du malade, & que réciproquement, il lui fit impreffion aux vifcères, en lui touchant le nez, il faudroit bien, quoique la preuve ne füt pas abfolue, fufpendre fon jugement,& convenir que la chofe mérite attention. C'eft cependant ce que j'ai vu.  ( 16 ) a fa foibleffe., cn 1'aifujcttiifant a porter des brodequins ferrés : il en réfulta pour tout bien qu'il fe caffa la cuiffej on la lui remit, mais fi mal, qu'elle en eft reftée confidérablement arquée. L'organifation de 1'enfant étoit tellement viciée , que 1'aótion de fc caflér la cuiffe & 1'acf ion de la lui remettre eurent lieu fans douleur. Enfin, fon état malheureux eft invinciblement conftaté par une Confultation fignée Bouvard & Guenet qui exifte entre les mains de M. Mefmer. C'eft dans toute la force du terme une fentence de mort prochaine. Cependant le jeune M. de Seran vit encore. — Lorfque je rendis compte de ce fait en Faculté , je donnai la guérifon de la diarrhée comme certaine , & laiffai au tems a décider fur celle de la paralyfie. Je ne m'avancois pas trop , puifqu'en mettant de cöté toutes les difcufïions que 1'état de eet Enfant peut avoir fait naitre depuis ; il eft certain que lorfqu'il a quitté M. Mefmer, il étoit radicalcment guéri depuis plufieurs mois de la diarrhée , il fe fervoit librement des extrémités fupérieurcs , il avoit repris de 1'cmbonpoint, & il n'étoit pas dutoutdécidé qu'avec le tems le Magnètifme Animal ne feroit pas venu a bout de la paralyfie des extrémités inférieures. M. le Chevalier de la Hauffe, Lieutenant-  ( *7 ) Coloncl a la fiiite du Régiment de Conflans, Huftards , avoit perdu depuis dixans la faculté de tranfpircr de tout le cóté droit, & y éprouvoit un froid marqué , lors même que le cöté gauche étoit en meur. II fut enfin affefté d'une douleur rhumatifmale qui lui entreprenoit le bras & 1'épaule. Après fix femaines de fouffrances jour & nuit, il vint me prier de lui faire voir M. Mefmer. En trois minutcs il éprouva une forte chaleur, qui fe répandant de 1'épaule jufqu'au bout des doigts, fut fuivie d'une meur abondante , le débarrafla fubitement de fes douleurs, lui rendit la liberté du mouvemenr & 1'ufage de fon bras. En un mot il fut guéri. Depuis cette époque M. le Chevalier de la Hauife n'a plus été privé de la chaleur naturelle, qu'il avoit recouvert par les procédés de M. Mefmer, & il ne s'eft plus reffenti de fon accident, malgré les variations du tems les plus inattendues , du moins 1'ai-je vu huit a neuf mois après dans eet heureux état, & n'ayant pas celfé d'en jouir. M. Bourlet rils, Capitaine de Dragons, & premier Valet-de-chambre de Monfeigneur le Comte d'Artois , étoit depuis quclques années fujet a des attaques de nerfs très-violentes; & malgré les confeils de MM. Lieutaud,Laffonne , Audirac , Bouvard , Tronchin, & beaucoup d'autres, il fe voyoit a la fleur dc  ( z8 ) fon age, dans la cruelle fituation d'abandonner fes deux fervices, lorfque M. Mefmer Ie mjt affez promptement en état de'les fuivre 1'un & 1'autre. Au moment que j'écris, il y a deux ans que cette cure fubfifte, fans aucun reffouvenir des maux précédens. Après avoir rendu compte a la Faculté de ces détails intéreffans, je me plaignis de M. Levacher de la Feutrie alfez vicement, pour qu'il ne put éviter de me promettre pofitivement une Affcmblée prochaine. Alors fe réveil! éren t lesclameurs qui avoient précédemment échauffé la tête de M. Pajon de Moncets. Cependant je n'eus plus affaire a lui. M. de Vauzefme fe préfenta a fa place. Je n'en étois certainement pas connu ; mais jeune & tout récemment recu parmi nous, il trouvoit fans doute avantageux de s'annoncer dans le monde par une démarche d'éclat. Quant a moi j'appris fon exiftence, fon nom j fon intention de dénoncer mon Livre , 1'agrément qu'il en avoit obtenu & le jour qu'il devoit y procéder: j'appris , dis-je, tout cela par le billet imprimé , qui me fut cnvoyé, fuivant 1'ufage, pour m'annoncef 1'Affemblée du 18 Septembre 1780. Ce billet eft remarquable , en ce que 1'objet dont M. de Vauzefme devoit entretenir la Faculté, y eft trèsclairement expliqué , tandis que ceux dont  ( 2-9 ) j'avois \ parler y font méconnoiffables J cnfotte qu'il dcvient inconteftable que 1'Affemblée a été donnéc, non a moi, pour me faciiiter les moycns d'entretenir la Faculté du Magnètifme Animal, mais a M. Rouffel de Vauzefme , pour m'empécher d'ufer des facilités que 1'on avoit l'air de me donner. «Les Doctcurs en Médecine , cft-il dit dans »ce Billet, s'; fembleront pour entendre M< » Rouffel de Vauzefme, parlant du Livre fait «par M. d'Eflon, fous le titre cV Obfervations fur »j/e Magnètifme Animal, & en même-tems le „même M. d'Eflon s'expliquant (i) «. J'ai dit que ces expreffions étoient bifarres. En effet, fi M. Levacher prétendoit accéder ainfi au défir que j'avois d'enrretcnir la Faculté d'une queftion importante , il traite bien légèrement les affaires 'férieufes. Qu'on n'épilogue pas fur 1'épithète dcférieufe; car fi 1'on veut affe&er de croire que le Magnètifme Animal ne mérite pas ce nom , il reftera toujours que ma fituation perfonnclle étoit affez critique pour mériter 1'attcntion de M. Levacher de la Feutrie. D'un autre coté , li les*confeillers de M. Levacher ne vifoient , ainfi que je dois le préfumer , qu'a me faire perdre mon objet (i)- Voyei ci-deflus, 1'original Latin, en note.  ( w) de vue, en m'occupant a combattre les ftitt» lités de mon Adverfaire, ils fe trompoient fort dans leur calcul. Je dirai comment, au moment de parler, je ne jugeai pas a propos de répondre un feul mot a M. de Vauzefme , & comment, quoi qu'on eüt fait, j'entretins uniquement la Faculté de 1'affaire majeure qui m'amenoit vers elle. Je n'avois demandé a M. Levacher ni la moitié ni le quart d'une Alfemblée: je lui avois demandé une Alfemblée entière : c'étoit une Alfemblée entière qu'il m'avoit promis devant ia Compagnie. De quelle autorité fe permettoit-il de partager entre M. de Vauzefme &c moi celle qu'il me donnoir > N'eft il pas extraordinaire que M. de Vauzefme ait obtenu a la première réquifition une Alfemblée qu'on ne m'accordoit qu'après deux mois de follicitations & a 1'aide d'une efpèce de violence > Les motifs de M. de Vauzefme étoient-ils donc plus honnêtes que les micns ? II fe portoit a une délation envers un Confrère qui ne 1'avoit pas offenfé 5 moi, j'offrois 1'hommage de mes penfées & de mes aftions a une Compagnie que j'avois toujours fait profeflion de chérir. Que dire enfin de Pavantage accordé a M. de Vauzefme d'entretenir avant moi la Compagnie pour lui parler contre moi ? Ma de-  ( 3i ) mande n'étoit-elle pas antérieure a la fïenne* Toutes chofes égalcs, d'ailleurs, M. de Vauzefme étoit-il placé pour obtenir des préférences a mon préjudice! Ne doit-on pas, dans les Corps , avoir égard a 1'ancienncté , aux fervices, a fattachement reconnuï Qu'on eüt permis a M. de Vauzefme de dénonccr mon Livre, & même ma perfonne, fi les circonftances 1'avoicnt exigé, a la bonne-heure; mais n'étoit - ce pas choquer ouvertement la décencc , que de 1'exciter , pour ainfi dire , a m'infultcr en face, en fixant pour fa dénonciation le feul inftant oü je ne pouvois m'abfenter de la Faculté fans donner prife contre moi > Si toutes ces réflexions, ou feulementpartie d'entre elles , font vraies , fous quels aufpices contraires M. le Vacher de la Feutrie n'a-t-il pas affemblé la Faculté le i8Septembre 1780 ï comment a-t-il pu fe diflimuler qu'il alloit égalementcompromettre lui, fa Compagnie, M. de Vauzefme & moiï Comment, Monfieur? c'eft paree qu'on peut être un excellent homme, avoir en partage, ainfi que M. le Vacher de la Feutrie , la modeftie , la douceur & 1'extrême probité , & néanmoins n'être pas a fa place dans celle de Doyen. Ge n'eft' pas , Monfieur, par de petits confeils , de petits intéréts, de petites vues, de petites  ( 3* ) im-ngues, qu'on doit agir ou fe laifler guider lorfqu'on a fhonneur d'être a la têtc d'une grande Compagnie. Ilfaut, ou ne pas s'y laifler placer, ou bien élargir fts idéés, & dut on palfer pour homme a fyftêmes, ilyfautde la grandeur. Voyons cependant, Monfieur , comment fe paffa 1'Afiemblée du 18 Septembre 1780. Que M. de Vauzefme eut méprifé mon ftyle comme bas & gigantefquc: qu'il m'eut taxé d'ignorance, de contradicïion, de ridicule & même d'abfurdité: En cela rien n'auroit dü m'étonner. Ces expreffions font ftyle de favans , comme ccrtains barbarifmes , font ftyle de Notaire. Mais qu'une Alfemblée compofée de gens réputés par état gens d'efprit, ou tout au moins gens de bonne compagnie, ait pu fe plaire a des plaifanteries auffi miférables que celles dont mes oreilles furent frappées, ce jour-la 5 cela n'eft pas concevable. Par exemple , en parlant de M. Mefmer , quel cfprit y a-t-il a défigner eet homme célèbrepar les épïthètes d'avanturier, de charlatan , de jongleur Allemand , & a m'appcller, moi, fon Procureur, fon Pröneur, fon Satellite &c? Quel efprit trouve-t-on aux qualifications de hardiefle, d'audace, de fuffifance , &c. dont  I 33 J dont je fus gratifie avec profufion & auxquelles je vis raflernblée fourire plufieuES fois ? La Faculté aurpit-eile du foufFrir qu on me taxat de manoeuvres indécentes, de commerce illicite, & qu'on défignat mes liaifpns avec M. Mefmer par 1'épithète d'aifociations fcandaleufes ? II y a parmi nous des gens auftères , des gens fages, des gens prudents. Qu'auroientils dit fi j'avois donné un librc cours a mon ïndignation lorfque mon dénonciateur s'avifa de mettre ma probité en doute, & les inculpations de menfonges & de fauffetés en avant ? Qui de nous auroit été plus a blamcr, eux d'avoir permis une pareille licence, ou moi de ne 1'avoir pas foufferte ? II m'en coüta pcu pour me modérer. Plus humilié pour le compte de la Faculté qu'affcclé pour le mienpropre, i'attendis paticmment la fin de cette longue fatyre , & lorfque mon tour vint de parler, je ne dis, fur ce que je venois d'entendre, que le mot néceffaire pour me fervir de tranfition rapide a 1'objet effcnticl dont j'étois occupé. II s'agiffoit de faire accueillir par la Faculté les propofitions que M. Mefmer m'avoit chargé de lui faire. On fait que ce. Médecin propofoit a cette Compagnie de choifir vingt- C  ( 34) quatre malades & d'cn réferver douze pour les faire traiter fous fes yeux par les méthodes ordinaires, tandis que lui, Mefmer, auroit rraite les douze autres pat fa méthode particulière. Le but de cette offre étoit d'établir des points affurés de comparaifon entre la doctrine recue & la doctrine annoncéc, de manière a jüger avec connoiffance de caufe 1'utilité de cette dernière. Comme je craignois que ces propofitions n'euffent le défaut d'être trop raifonnables, dalier a la vérité par un chemin trop a découvert, & de la préfenter dans une nudité trop allarmante pour 1'amour-propre, j'avois jugé indifpcnfablc de préparcr les efprits par un difcours ou j'cxpofois les motifs, qui, par intérêt général pour la chofe publique &c par intérêt particulier pour fa propre coniiftance, devoient engager la Faculté a ne pas repouffer M. Mefmer. Je ne dirai pas que mes raifons furent trouvées mauvaifes : elles ne furent pas écoutées. L'approbation avoit été pour M. de Vauzefme, les rifées furent pour moi. Ce n'étoit pas le moment de me laiffer intimidcr. Je lus mon difcours fans m'interrompre. A cette leef ure, d'un même'tems, & d'un même ton, fuccéda cclle des propo-  C 35 ) iitions de M. Mefmer j après quoi je dépofai le tout fur le bureau, 8c demandai qu'on allat aux voix. II ne me fut pas difficile de reconnoïtre que cette fermeté étonnoit dans un homme qui n'a jamais paffé pour tranchant. Je crus même appercevoir dans 1'affcmblée un moment d'embarras que Le Doyen fit ceffcr en m'expofant avec civilité que la delibération ne pouvoit avoir lieu en ma préfencc , 8c que ma fortie devenoit néccflairc. J'aurois pu trouvcr de fortcs raifons pour me refufer a. cette demande; mais jen'en alléguai aucune, confidérant que fi je pcrfiftois a refter , le tems fe pafferoit en altei cations , & qu'il n'y auroit pas dc détermination prife : inconvénient que je voulois évitcr par - deffus tout. D'ailleurs, je laiffois dans 1'affcmblée trois perfonnes indifpcnfablcmcnt obligées a foutenir ma caufe : je veux dirc MM. Bertrand, Malloet & Solier. Ces Médeeins avoient longtems 8c publiquement fuivi les opérations de M. Mefmer avec moi: ils avoient vu chez lui des expérienccs , des traitemens, des guérifons : leur opinion m'étoit parfaitcment connue ; & je favois pofitivement qu'elle étoit la même que la mienne. N'étoit-il pas raifonnable de penfer qu'ils fc réuniroient C i  ( 50 pour défendre une vérité dont ils connoiffoient fi bicn toute l'importance> D'après ces idees, il fera aifé de conclure que je ne fus pas médiocrement furpris en rentrant, lorfque le Doyen m'annonca qu'il sn'étoit ordonné d'être plus circonfpeét a 1'avenir dans mes écrits a 1'égard de la Faculté, que j'étois- fufpendu pendant un an de voix délibérative dans les affemblées de la Compagnie , qu'a cette époque je ferois rayé du Tableau , fi je n'avois défavoué mes Obfervations fur le Magnètifme Animal; enfin qu'on rcjettoit les propofitions de M. Mefmer. La bifarrerie de ces réfolutions m'ötant tout efpoir de ramener les efprits a des fentimens plus raifonnables, je témoignai avec la plus grande brièveté que j'y renoncois \ & je fortis, laiffant, a ce que j'ai compris, la Compagnie auffi étonnée de mon fangfroid que je pouvois 1'étrc moi-même de fa conduite. Je me fuis contenté, Monfieur, d'efquiffer rapidement les fcènes qui eurent lieu dans 1'affemblée du 18 Septembre 1780, paree que M. Mefmer m'a difpenfé de plus grands détails en inférant dans fon livre les propofitions que j'ai faites en fon nom a la Faculté f le difcours dont je jugeai convenable de les  ( 37) appuyer , & la dénonciation de M. de Vauzefme (i). Cependant je fuis indifpenfablemcnt obligé de revcnir fur cette dernièrc pièce , fi je veux connoïtrc de qucls torts on m'accufe. Elle feule peut me donner des lumières fur la caufe de ma condamnation, puifque celleci n'a été ni précédée, ni fuivie d'aucune inftrucf ion propre a établir , conftater ou éclaircir les faits dont elle dépendoit. Et 1'on ne peut pas dire que je me plaife a donner, aux paroles de M. de Vauzefme, une impoitancc qu'il n'a pas lui-même. Rien de plus futile que fes déclamations, tant qu'elles n'ont appartcnu qu'a lui : j'en conviens ; mais les chofes ont changé de face depuis que la Faculté les a mifes au rang de fes propres opinions par 1'accueil favorable qu'elle leur a fait & le décret authentique qui s'cn eft enfuivi. Dès ce moment 1'ouvrage de M. de Vauzefme eft devenu 1'ouvrage de la Faculté, & répondre a M. de Vauzefme, c'eft répondre a la Faculté. Ainfi donc lailfant a part les inculpations que leur balfelfe ne permet pas de relcver, & dont malheureu? fement le difcours de M. de Vauzefme abon- (i) Voyei le Précis hiftorique des faits relatifs au Magnêiifme Animal. C 5  (3?) doit, il eft conftaté que j'ai été blainé , eft premier lieu, pour'avoir infulté les Compagnies favantCS & fpéciakment la Faculté de Médecine de Paris ; en fecond lieu, pour avoir abjure la doctrine des Ecoles, en annoncant des principes contraires a la faine médecine, & en donnant, pour appuyer & confirmer ces nouveaux principes, des obfervations de cures impoflibles & invraifemblables ; en troifième lieu 3 pour m'être comporté d'une manière peu conforme a la dignité de mon état, en favorifant & accueillant le charlatanifme. Suivons ces trois divifions. 'COMPAGNIES SAVANTES INSULTÊES. Il eft vrai que dans mes obfervations j'ai conclu a la négative lorfque j'ai, élevé la queftion de favoir fi les Corps Littéraires avoient rempli le but de leur inftitution en ce qui concernoit le Magnètifme Animal} mais je me fuis exprimé en termes dont perfonne n'a droit de fe plaindre j & la Faculté auroit d'autant plus mauvaife grace de prétendre y être infultéc que j'y ai clairement fait exception d'clle en défignant les Corps dont j'cntendois parler, tels que la Faculté de Médecine de Vienne, les prin-  in) , • * cipalcs Academies dc 1'Europc & la Societe Royale de Médecine de Paris. 11 fcroit inutile de répéter ici par quellcs raifons le régime de la première dc ces Compagnies me paroit défeftueux. Quant aux Académies, je a'ai pas befoin d'êtrc prefle pour déclarer que je ne fuis pas leur partifan. Si c'eft-la une infulte j'cn fuis fache; mais je ne faurois changer ; & puifque le fujet le comportc, j'établirai le plus fuccinacment qu'il me fera poffible les motifs invinciblcs fur lefqucls eft fondée mon opinion. Du temps que les Univerfités fleurilfoient cn France , les fciences étoient modeftcs &c utilcs, paree que les Savans étoient modeftcment & utilcment placés au centre de 1'education; & que la, fans orgueil & fans faftc, mais avec honneur & dans 1'aifance, ils paffoient leur vie entourés d'Elèves qu'ils formoient aux bonnes mceurs par lepreccpte & par 1'exemple , auxquels ils tranfmettoicnt kurs connoilfances, & dont ils attendoient leur gloirc avec juftice, puifque de véntabies obli^ations méritent reconnoiffance , & que des témoignages multipliés de reconnoiffance engendrent néceflairement la célébnte. Cc n'eft pas ici une déclamation en faveur des anciens : 1'affccfion qu'ils portoient a leurs Elèves eft peinte dans leurs écrits. On y voit C 4  '( 4° ) que lorfque des circonftances impératives exigcoicnt leur éloignement, ils s'cn plaignoient comme d un exil , ne fqupirant qu'après leur retour, & ne perdant pas un inftant pour Peffecfuer lorfque le terme en étoit arrivé. D'ailleurs Pétabhffement des Poftes & MeiTageries, dans 1'unïque vue de faciliter aux Etudians les approches de la Capitale, plaide fans doute plus que tous ce qu'on pourroit dire en faveur des follicitudes maternelles de PUniverfïté de Paris pour les progrès des fciences. Quelle conftance, pour mieux dire, qu'elle opiniatreté d'amour dn bien public ne fut pas néccffaire dans ces temps difficiles pour faire & confolider un pareil établiffement ! Que manquoit-il donc a nos pères pour donner aux fciences la plus grande extention defirable ? II leur manquoit dc joindre a 1'énergie des mceurs qui leur avoient été tranfmifes par leurs ancêtres, les connoilfances que leurs defcendans ont acquis depuis ; car d'ailleurs en placant les fciences au fein de 1'inftruaion première, ils avoient pris la route la plus füre &: la plus directe pour en procurer la plus prompte & la plus facile jouiflance a 1'univerfalité de la Nation > Ce grand obftacle alloit être levé : déja la lumière des fciences fe montroit fur Pho-  ( 41 ) tifon,quand les Académies parurent pour tout détruire. Alors fut établie la diftinction entre le Savant & 1'Educateur. Le premier devint Académicicn ; le fecond ne fut plus qu'un pédant de Collége (i). C'eft ainfi qu'cn ótant au génie la charge précieufe d'élever & de formcr les Citoyens, il ccfla d'avoir le grand objet dc t'utilitc publique pour mobile dc fes travaux. II ne lui refta plus d'autre éguillon que la vanité , d'autre rcffource que de briller d'un éclat qui n'appartïnt qu'a lui feul, d'autre emploi que celui dc faire des livres. Les livres devinrent la feule enfeigne du mérite littéraire; 1'homme de lettres ne valut plus que par la plume, la plumc feule ouvrit les portes Académiques; & en langage d'Académicien, tout homme qui ne fut pas Auteur ne fut plus rien. On fait affez que I on n'arrive a TAcadémié Francoife qu'après avoir fait des livres , & il exifte un règlement de 1'Académie des Sciences par lequel chaque Membre de cette Compagnie eft obligé de déclarcr, au commencement de Fannée, quel ouyrage (i) Ici je n'entends pas offenfer, je me fers des termes dont retentiflent les ceuvres de nos Littérateurs modernes.  il compte mettre en lumière dans les trois cents foixante-cinq jours fuivans. Enfin celui qui veut aujourd'hui fe faire un nom dans les Sciences doit avoir fait au plus tard un livre a vingt ans, & s'il vit cent ans, doit faire des livres jufques a cent ans. Cependant tandis que les Académies s'arrogeoient les diftindions, les prérogatives , les priviléges , les récompenfes, les faveurs dont les Sciences font fufceptibles; tandis qu'elles rapportoicnt a elles les encouragemens & les établiffemens , FÉducateur av.ili tomboit dans la misère. Privé du bonheur du moment,deconfidération perfonnelle, de tout efpoir de récompenfe ou de tranquillité pour fes vieux jours , entièrcment étranger, aux noblcs idéés dc fes foncfions primitives, réduit, pour comble d'ignominie, a la pénible & flétriffantc charge d'inculqucr a coups de fouet les mots d'une langue barbare dans la tête de la jeuneffe, il fe fit un jeu de fes larmes , devint fourd a fes fupplications, tomba dans un abrutiffcment abfolu, &: loin de faire gcrmcr dans les jeuncs cceurs de fes Elèvcs les fentimens dclicats de 1'amour & de la reconnoiffance, en leur repréfentant les vertus d'un père, il ne laiffa dans leur ame que 1'image du vice, en y gravant, cn  <43} eara&ères ineffacabks, 1'opprobre &z la ferocité de fes premiers tyrans (i). Combicn ne pourrois-je pas ajouter a la trifteffe de ce tableau, s'il eft vrai, comme il n'en faut pas douter, que les larmes dont on abreuve la jcuneife & les mauvais traitemens auxquels on 1'aiTujettit ayent les fuites les plus funeftcs pour la fanté de fhomme fait; s'il cftvrai que la corruption des mceurs, dont 1'éducation publique eft malheureulcment infc&ée, foit une caufe non douteufe de la dégénération phyfique des clalfes élevées de la Nation ; s'il eft vrai qu'il foit commun de rencontrer dans les Colléges des jeunes gens, qui, ne fachant pas encore au jufte ce que c'eft que crapuk ou pcrverfité, font déja néanmoins & crapukux & pervers; triftes effets , mais effets immanquables de 1'infouciance qui naït forcement dans 1'Educateur, dudécouragement 3 de la détrelfe & de l'avililfement ou on le ticnt. Ce que je viens dc dire ne changera pas (i) L'Obfervateur attentif s'apper5oit qu'il s'élève, fle tems en tems dans l'Univerfité, des fujets que de pareils abus révoltent, ainfi que nous : jufqu'a préfent ils ont pris, autant qu'ils ont pu, le parti de quitter l'Univerfité : moyen affuré pour qu'elle refte toujqurs dans le même état.  1 m' c 44} les idees recues, mais il prouvcra'du moin§ que 1'attachement dont je fais profeffion pour ma Compagnie, n eft ni dans les mots , ni 1'effet d'un caprice ac'cidentel; mais qu'il eft dans les choles & fondé fur des principes réfléchis que 1'intérêt quelconque d'une difcuffion particulière ne fauroit affoiblir. En effet, dans la Faculté , refte précieux de 1'Univcrfité de Paris, & dont conféquemment les principes conftitutifs font en oppotion directe avec les fyftêmes Académiques, le Médccin , non-feulcment exerce fon art en qualité de Praticien, il 1'cnfeigne encore en qualité d'Educateur. On le voit habituellement aller de fes maladcs a fes écoles, & retourner de fes écoles a fes malades. Auffi la qualité de Régent, eft-elle un honneur parmi nous, & ce n'eft pas un vain fitte, puifque chaque Membre acquiert le droit de s'en glorifier, par le défintércffement avec lequel il contribue d'une portion confidérable de fon tems, de fes foins , & de fes peincs, a 1'éducation des Elèves foumis a la difcipline du Corps. Enfin 1'on ne fauroit trop loucr 1'heureufe combinaifon de fages principes qui, nous réuniffant fans ceffe en Affemblécs ou en Comités , pour prendre en confidération 1'intérêt de nos Ecoles , forme une chaine imperceptible , mais continue^  ( 4T ) entre nous & les Elèves de la Faculté, au moyen de laquelle 1'exemple ou les lumièrcs du Médccin le plus accrédité & le plus répandu , ne font jamais entiércment perdues* pour le moindre des Etudians. Je crois même qu'a cette dernière difpofition eft du le refpecf fingulicr, que de tout tems la Faculté a eu pour les mceurs: effet peu remarqué, mais très-remarquable de conftitutions vrab ment admirables. Si lc fcandale public a toujours été fi rare parmi nous, fi nous n'affichons pas 1'indécence des moeurs comme on le fait en d'autres profeffions, ce n'eft pas que plufieurs d'entre nous ne pufient donner au plaifir le tems qu'ils confacrent a une vie trifte, auftère & pénible; ce n'eft pas que nous ne foyons expofés aux plus étranges confidences & aux tentations les plus extraordinairesj ce n'eft pas que nous foyons plus fages que les autres hommes; ce n'eft pas enfin que nous foyons plus foibles ou moins forts: c'eft que nos inftitutions font fages: c'eft qu'elles ne nous permettent pas de nous élever au-deffus de notre état: c'eft qu'elles nous obligent a cachet nos foibleffes: c'eft qu'en même tems divifés & unis, nous fommes au public & a nous : c'eft que tel Médecin a qui fes malades pardonncroient im exces public , en trouveroit la punition  (4«) dans 1'indignation de fon Corps. Je le répète donc , il faut qne la conftitution d'un pareil Corps foit excellente; &, j'ofe le dire, il faut qu'elle foit refpeétable. Telles font les bafes fur lefquelles la Faculté repoferoit encore & feroit inébranlable, li raifonnant mieux la grandeur de fes obligations, elle les avoit toujours pefées a la balance de futilité publique; fi, moins occupée d'étendre ou de confervcr les limites d'une futile jurifditfion, elle s'étoit fpécialement attachée a donner aux Peuples la eertitude qu'il ne fe perdroit aucune vérité utile a leur confervation , & qu'ils trouveroient toujours en elle une fauve-garde affurée, ou un afyle volontaire contre les innovations & les attentats de la cupidité; mais il eft malheureufement arrivé dans la Faculté, ce qui arrivé tót ou tard dans toutes les inftitutions humaines : après les premiers tems , la lettre tue 1'efprit, la forme 1'emporte fur le fond , les acceffoires font oublier le principal: on ne met d'importance qu'aux minuties, & 1'on négligé les objets indifpenfables: on fe targue de prétentions imaginaires, & 1'on n'ofe fe prévaloir d'avantages „réels; enfin, lorfque les préjugés font enracinés , il eft févérement défendu de les examiner , fous peine de palfer pour novateur, & de déplaire a tous ceux  ( 47 ) qui ont pour maxime que ce qui n'a pas été fait la veille , feroit très-dangereux a faire le lendemain. Et voila comment nous facrifions chaque jour nos plus fages inftitutions a des erreurs aveuglément adoptées en tems d'ignorance: comment il règne parmi nous des abus enfantés par le laps du tems que nous reconnoiflbns pour tels , mais que nous n'avons pas la force dc corriger: comment, nous ïommes efclaves d'ufagcs inutiles, fatiguans, bifarres & même pernicicux : comment, par attachement a d'anciens ou de nouveaux préjugés, nousappliquons a desobjetsmiférables ou ridicules, le tems, les foins, les peincs &c les dépenfes que nous devrions employcr a des objets néceffaires. Voila comment, enfin , affaiffés fous nos propres forecs , nous avons accrédité nous-mêmes dans le Public, 1'opinion que nous étions un corps fans ame, fans vigueur, inutile, a charge a la Nation &C même deftrudeur du bien. II n'cn eft rien cependant: les refforts de notre machine, pour être diflendus & relachés, if en font pas moins bons &: moins folides. Loin de les brifer, qu'on leur rende leur élafticité naturelle , & on leur verra produirc des fruits utiles , avec une abondance que 1'on demanderoit en vain a toute inftitution formée fur des principes différens des nötres.  (48) Vivement frappé de ees vérités dès les premiers pas que je fis dans ma profeflion, je vis avec plaifir que la Faculté s'étoit précédemment occupée de corrigcr quelques défectuofités des plus faillantes de fon régime. Elle avoit même nommé des Commiffaires pour en faire le travail préliminaire ; mais ceux-ci ayant négligé leur miflion, le projet n'avoit pas eu de fuites. Jele repris, & j'ai en conféquence preffé long tems la Faculté de prendre en confidération une réforme plus générale. Je ne devois certainement pas m'attendre a ce que les premières ouvertures que je hafardois a ce fujet fuffent accucillies favorablement. Cependant, & je dois le publier au trèsgrand honneur de la Faculté, ellcs ne tombèrent pas en pure perte. Les idéés en germèrent dans les efprits : infenfiblement on fe familiarifa avec le mot de réforme: du mot, on défira que 1'on pafsat a la chofe ; & par fuccefïion de tems , ce vceu devenant général, la Faculté adopta des mefures propres a produire des changemens heureux. Ce n'eft pas que toutes les têtes fuffent d'accord fur les moyens: la multitude des opinans entraïne la diverfité des opinipns; mais enfin la voix générale étoit pour le bien, & 1'on fe mouvoit direftement vers lui, lorfqu'un choc imprévu fit abandonner cette marche vrai- ment  (49)" ment eftimable pour en prendrc une retrograde que, fuivant toutes les apparences , on ne changcra plus. Je vcux parler de 1 etabliffemcnt de la Socicté Royale de Médecine, époque a laquelle les cfprits divifcs par des intéréts particuliers, & pcrdant tout rclfouvenir du biet? public, il ne fut plus en Médecine queftion de Médecine, mais de jaloufies , de détraétions, de qucrclles , dont 1'Hiftoirc véiïdique ou motivée ne feroit honneur ni a 1'une , ni a fautre des Affbciations oii clles prirent nailfancc. La Faculté auroit bicn dü concevoir que ce n'étoit pas èn déclamant par la Ville, ou en s'échauffant fur fes foyers obfcurs, qu'elle détruiroit les préjugés qui lui nuifoient dans 1'opinion publique. Elle n'a fu combattrc fes Adverfaircs que par de vaines prétentions a un défintéreffiément imaginaire, a une capacité exclufive, a des prérogatives ridiculement préfentées,&c.,toutesallégations qui ont tcllement ennuyé, que, pour y mettre fin, il lui a été ordonné dc fe taire. Combicn n'en auroitellc pas mieux agi'fi, laiflant a fa rivale la folie des prétentions Académiques, elle s'étoit renfermée dans 1'exercice des principes folides de fa conftitution , en s'attachant a révivifier fes Ecolcs, & a remettre en vigueur 1'hcureufe D  ( 5° ) alhance de 1'enfeignemcnt & de la pratiqutf téünies en fon fein ! A 1'aide de pareils avantages Sc de quelque prudence , il n'eft rien d'utile qu'elle n'eüt entrepris avec fuccès. En Vain la Société auroit abrité fa futile exiftcnce fous les remparts d'une protcdfion décidée, fa deftruft ion étoit inévitable ; Sc ce qui eft affez fingulier, le Magnètifme Animal te préfentoit a point nommé pour y conrribuer. En effet, quel contrafte n'auroit pas opéré dans 1'opinion publique la fierté dédaigneufe dont avoit ufé la Société envers M. Mefmer, comparée a la fageffe de la Faculté, fi celle-ci, procédant avec réflexion \ 1'cxamen du Magnètifme Animal, Sc reconnoiffant authentiquement fon exiftence Sc fon utilité, s'étoit impofé les démarches néceffaires pour fon établiffement Sc fa propagation dans le Royaume & dans les Ecoles de Médecine. Quelle marche! Sc quelle nobleffe ! Quand bien même le Magnètifme Animal n'auroit pas tenu tout ce qu'il promet, quand bien même il n'en auroit réfulté qu'une vérité phyfique de fimple curiofité ? Toutes ces difcuffions de Faculté & de Société ne font que des tracafferies aux yeux du Public. Bien perfuadé que le zèle de fes intéréts n'anime dans le fait aucun des deux  (JIJ partis, il leur rend indifférence pour indifférence. Cela feroit très-bien s'il ne s'agiflbit que d'eux, mais il s'agit de lui, & il ne devroit pas fe difïimuler qu'il eft le vrai fouffredoulcur fur qui rctombent tot ou tard les effets du peu de foin que nous avons de nous inftruire. Que fera-ce donc lorfque la Société confolidée femportera définitivement fur la Faculté , & qu'offrant a fes Membres des avantages individuels & des moyens d'intrigue qui ne fe trouveront pas chez celle-ci, chacun fuira la peine, c'eft-a-dire, la Faculté, pour courir au profit , c'eft-a-dire, vers la Société \ Alors la Faculté fera néceffairement abandonnée par tout Membre capable de lui faire honneur.Ellenefcraplusqu'un corps fans ame. Pareille a la Faculté des Arts depuis 1'établiffement des Académies , il ne lui reftera plus que les fonétions d'Educateur. Ces foncrions fcront avilies & n'infpireront que le dégout: 1'enfeignement deviendra le partage exclufif des gens qui mourront de faim : la jeuneffe, accoutumée a méprifer fes maïtres, méprifera fes études: répandue fans initruction , elle multipliera fes ravages a 1'excès; &c les peuples malheureux, feront plus que jamais les vicfimes de 1'ignorance &c de la cupidité. Alors, peut-être, on penfera qu'il n'eft D z  (ii) plus poffible dc changer ce qui a été fait: fort tournera autour du mal 3 & faute de le preridre a fa racine, on ne leguérira jamais. Ne vaudroit-il pas mieux s'occuper d'avance de ces objets, & reconnoïtre dés aujourd'hui combien les peuples font intéreffés a ce que la prévoyance & la fageffe préfident & veillent a la rédadfion & au maintien des règlemens fur le fait de la Médecine \ C'eft du fang hümain qui coule, pendant que 1'on s'endort fur le terrible pouvoir que la loi confie aux Médeeins. Ce font nos parens les plus chers, nos amis les plus tendres, nos ferviteurs les plus fidèles, qui tombent chaque jour immolés aux vains fyftêmes que 1'orgueil enfante avec légèreté , & que la cupidité foutient avec obftination : & cependant les gens les mieux intentionnés ne craignent pas dc réclamcr inconfidérément pour la Médecine , la liberté indéfinie que la politique n'ofe accorder a des fciences oifeufes ou a des Arts fimplement utiles. Ils devroient bien réfléchir que la liberté de faire fouffrir & mourir fes fcmblables , ne peut être rangée au nombre des immunités de la fcience. Le Médecin ne revient pas fur une fauffc combinaifon avec la même aifance que le Géomètre ou 1'Aftronome fur une erreur de cal-  ( )3 ) tul. Enfin, il eft également barbare & infenfé de placer 1'hommc vivant fous le glaive aigu de Tignorance, avec moins de précaution qu'un troupeau de bceufs, des pièces d'étoffe, ou des lingots de métaï. Laiffons donc les vains paradoxes, & convenons fans balancer que , foit qu'on confidère dans la Médecine une fcience favorable & confervatrice dont il eft effcnticl de faciliter les progrès , foit que 1'on n'y appercoive qu'un Art dangereux & deftrucf if, dont on ne fauroit trop prévoir les ravages & contenir les écarts, il eft certain que Thomme qui s'adonne a la profeffion de la Médecine, doit être circonferit par des loix qui le forcant a éclaircr fon cfprit &c a formcr fon jugement, le tiennent en tout tems , autant que cela eft poflible , dans la dépendance des mceurs , des bienféanccs , & dans les bornes d'une févère prudence. Or, toutes ces conditions de première néceflité , fe trouvant réunies dans la Faculté de Médecine de Paris, &c d'ailleurs fon fyftême conftitutif d'éducation tendant fans relachc a ramener les principes de la fcience vers 1'inftruétion commune y y tendant même forcément, pcut-on dire , puifque des erreurs dc plufieurs fiècles n'ont pu detourner la Faculté de cct objet impoi>  ( S4 1 tont, il fufHroit a cette Compagnie d'abjui rer quelques préjugés anciens, & d'adoptcr quelques règlemens propres a faciliter & faire profpérer les connoiffances nouvelles pour devenir en peu de tems, & a peu de frais, le centre & le foyer oü aboutiroient & d'oii partiroient , pour fe tranfmettre d'age en age, toutes les vériris utiles a la confervation des peuples. La Société, au contraire , n'ayant par fa conftitution aucune influence fur les mceurs, ne tendant par fes fyftêmes Académiques qu'a divaguer la fcience, a la faire abonder en futilités verbeufes ou en écrits miférables & même dangereux, en un mot a mettre 1'oftentation du favoir a la place du favoir réel; la Société, dis-je, fera donc toujours, quoiqu'on fafïe, & de quelque dépenfe qu'on 1'étaye, le jouet des opinions du jour; & fes examens, fes décifïons; fon accucil, fes rebuts, ouvrages du moment, varieront fans ceffe, s'évanouiront, & feront néceffairement oubliés comme lui. Ces confidérations abrégées devroient fuffire pour détermincr qui des deux mérite préférence &protedr.ion,de la Faculté ou de la Société, & combien la queftion de leurrivalité, fi frivole lorfque 1'on ne s'attache qu'aux mots, eft elfentielle lorfque 1'on cxamine le  ( IS ). fonds des chofes; mais je ne me flatte pas d'un pareil fuccès. II eft paffe cn mode aujourd'hui de difputer fur tout, & de ne décider rien. En attendant d'autres tems, je crois en avoir affez dit pour établir dans ma caufe les principes de mon attachement pour la Faculté de Médecine de Paris , & ceux de mon éloignement pour les fyftêmes littéraires oppofés aux fiens. Revenant donc, fur 1'accufation qui m'a été intentée, je demande a tout efpnt impartial ce*qu'il penfe de la prétendue infulte dont je me fuis rendu coupable envers ma Compagnie > dans un Livre oir j'ai eu 1'attention de ne pas la nommer, &r fur-tout ce qu'il dit de ma radiation par la Faculté en honneur des Académies , ou, qui pis eft, en honneur de la Société ï DOCTRINE DES ÊCOLES ABJURÈE. PRINCIPES CONTRAIRES A LA SAINE MÉDECINE ADOPTES. J'au rots mal rempli, je crois, mon objet; fi, lorfque je rendois compte de mes Oblèr» vations fur le Magnètifme, Animal 3 je n'avois D 4  f r La diète & 1'eau de Dumoulin > Ne fait-on pas que M. Bordeu, un des Médeeins du fiècle qui, je crois, avoit le plus de génie, étoit incrédule en Médecine > Enfin, pour ne compromettre pcrfonnellement aucun des Artiftes vivans, citons la Faculté en corps. N'a-t-on pas foutenu, le zi Mars 1781, en fa préfencc, c'eft-a-dire, de fon exprelfe approbation, une Thèfe fousce fingulier titre: » Celui qui vit conformément aux principes » de la Médecine, n'en vit-il pas plus mifé» rablement (1) > « Si c'eft la matière a difcuffion , que deviennent les principes de la faine Médecine, &c. dont on fait tant de bruit ? Lorfque la Médecine ne juroit que par Ariftofe & Gallien, tout ce qui n'étoit pas Ariftote & Gallien, ou leur Commentaire, étoit en oppofition a la doctrine enfeignée dans les Ecoles , &r conféquemment réputé contraire a la faine Médecine; mais lorfque (1) Voyei PAImanach de la Faculté pour 1781, p. 105, An adeb miferi vivat qui Medici yivit ?  ( 59 ) Dcfcartes eut para , & qu'il eut rompu la chaïne qui nous lioit les uns aux autres par des opinions communes, nous ne fongeames qu'a profiter de notre liberté : chacun tourna de fon cöté,& fe livrant a fon imagination, il parat des fyftêmes & des livres a 1'infini.Les uns eurent a leur naiffance plus dc vogue que les autres; mais fucceftivement tous demeurèrent confondus dans la foule; & c'eft dans cc chaos qu'aujourd'hui celui qui veut devenir Médecin, prend au hafard ce qui lui convient, fe fait des principes tels quels s &: finit par avoir indifpenfablemcnt une Médecine de fa facon , & différente de toutes celles de fes confrères. De-la il lult évidemment que la Faculté , compofée d'cnviron cent foixante Membres, qui ont tous une dodrine particulière, ne peut pas avoir en corps une dodrine exclufive; enforte que lorfque 1'on cric parmi nous a la faine doctrine , a la faine médecine, aux vrais principes , &c nous ne faifons que répéter le langage de nos ignorans ayeux , fans nous apperecvoir que, dans leurs erreurs, ils avoient au moins 1'avantage d'être conféquents: avahtagc dont nous ne pouvons nous vantcr comme cux, puifque dans toute la force dc 1'exprcfüon, nous ne favons, comme on le voit, cc que nous difons.  i 6° ) CHARLATANISME ACCÜEILLI. Nemo cum Empiricis aut d Collegio Medicorum Pcirifïenjïum, non probatis Medica ineat conjilia. " Qu'aucun ne confulte avec des Empyri« ques, ou des Médeeins non approuvés de m la Faculté «. Ce font les termes du 77*= article des Statuts de la Faculté de Médecine de Paris; Statuts homologués au Parlement, & qui ont force dc loi. Je ne fais, Monfieur, comment, avec autant d'cnvic de me trouver en faute, on n'a pas réclamé contre moi le vceu littéral de ce Statut. II eft pofitif: M. Mefmer n'eft: pas un Médecin approuvé dc la Faculté, cela eft certain : j'ai confulté avec lui : quand même on n'auroit pu me convaincre bien démonftrativement de ce dernier tort, mes relations avec ce Médccin, connues, avouées même proclamées, auroient fourni fuffifamment contre moi des conclufions plaulibles ; & cette marche plus honnête , plus décente Sc plus diredte que celle qui' a été fuivic, auroit au moins couvert les procédés dont on a u'fé cnvers moi, d'une apparence de refpecl pour d'ancicns préiugés. Je range, Monfieur, ce Statut dans la  l-tfl) claflc des préjtfgés dus a notre ancienne barbarie, paree qu'il eft évidemment infenfé de reléguer parmi les Charlatans, fous le nom de Médeeins non approuvés, les Médeeins de tous les pays & de tous les lieux, autres que ceux admis parmi nous avec certaines tormes ; paree que cc Statut a été dicté dans 1'origine par des vues déshonorantes; paree qu'il n'auroit jamais dü être en vigueur, & qu'en le citant aujourd'hui, 1'on ne fait que répéter des mots dont on n'examine plus le fens; paree que 1'exécution rigoureufe en eft devenue impraticable, & qu'elle feroit, même en certain cas, contraire a des Ordonnanccs plus nouvcllcs & plus fages; paree qu'enfin ce Statut étant néceffairement tombé en défuétude, il feroit abfurde ou de mauvaife foi d'ériger en crime pour un feul 1'inobfervation d'un règlemcht auquel perfonne ne fe conforme. Voila, Monfieur , bien des chofes a prouve. J'cfpère cependant en venir a beut fans tomber dans une prolixité condamnable. Les Anciens , Monfieur 3 exercoient en même - tems la Médecine & la Chirurgie. Hypocrate, fes Auteurs & fes premiers Difciples étoient en même-tems & Médeeins Chirurgiens. Bientót la pareffe ou la fauffe fcience, mirent en queftion la poflibilité du  i 6i) fait le plus authentique ; & il fut décidé qu'une même perfonne ne pouvoit pratiquer les deux Arts a la fois. On a exacfement fuivi la même marche en France. Nos premiers Médeeins, qui n'étoient pas des Hypocrates, mais qui nous valoient peut-être bien, nos premiers Médeeins , dis - je , étoient originairement & Médeeins & Chirurgiens. Dans la fuite, ils trouvèrent plus commode de fe décharger des opérations manuelles de la Chirurgie fur des Difciplesou Garc_ons, & ils ne fe ravisèrent que lorfque parmi ceux-ci, ils s'éleva des gens a talens, quidonnèrent, pour quelques raomens, a. la Chirurgie un éclat inconnu. Alors, la cupidité fe révcillant, les Médeeins craignirent qu'on n'empiétat fur leurs fonctions, & argiiant de leurs priviléges & de la fuprématie de leur Art, pour empêcher les Chirurgiens de faire ufage d'intelligence & de capacité, on vit la Faculté leur refufer 1'entrée dc l'Univerlité paree qu'ils n'étoient pas lettrés, & en même-tems leur dénier le droit d'être lettrés , paree qu'ils n'étoient pas de 1'Univerfité. Ce fut par une longue fuite d'inducfions auffi juftes qu'elle obtint, en dernière analyfe, le fameux Arrêt qui condamna,en 1660, les Chirurgiens a faire la barbe, a tenir boutique de barberie, a fuf-  pendre deux palettcs pour ehfeighe a leur porre, & fur-tout a ne pas favoir le Latin. Pour foutenir ce bifarre triomphe, la Faculté furchargea fes Statuts de Rèdements barbares, tels que ceux de ne parler aitcn Latin dans nos Afiemblées, de n'enfeigner qu'en Latin dans nos Ecoles, de ne donner qu'en Laan des ordonnances aux malades: cependant, de donner des lecons en Francois aux Apprentifs Chirurgiens, mais de ne leur montrcr que les opérations manuelles : La divifwn du continu, l'union du divifé, (i) &c. Ces extravagances eurent force de loi pendant plus de foixante ans, & quand elles ont eté attaquées, il a fallu, pour les faire oublier trente autres années de travaux non interrompus, tout le génie de la Peyronie, toute la conftance de M. de la Martinière^ toute Ia protecfion de Louis XV; & encore la Chirurgie ne 1'a-t-ellc emporté qu'en renoncant a faire Corps avec 1'Univerfité, &: en adoptant un régime particulier, fufceprible des plus grands inconvéniens, & qu'on a défigné fous le nom d Académie; faute (i) Solum mocio doceat quaj ad operationem manualem pertinent, & continui divifione, divili unione , &C. Voye[ Un, s*,des Statuts de la Fa;ulté, ■  ( fans doute, de favoir quel nom lui donner. Car elle n'eff pas une Académie. Ce fut donc principalement pour tenir les Chirurgiens dans 1'abjedion , que la Faculté" défendit les confultations avec les Médeeins non approuvés. Mais aujourd'hui comment allier cette jurifprudence avec les loix émanéesduTróneen leur faveur, avec 1'habitude de communiquer enfemble, avec la nécelfité de les confulter fur les partics de 1'Art ou ils font fenfiblement plus verfés que nous ï Eft-il enfin dans la Faculté un Membre quelconque aflez préfomptueux pour regarder comme au-de(fous de lui, de raifonner & de fe concilicr, dans 1'occafion, avec MM. la Martiniere , Louis, Moreau, Andouillet, Sabatier, &c. &c? Les relations établies entre les Savans & les Médeeins de toutes les Nations, 1'accueil fait & recu dans les voyages des Médeeins étrangers en France, ou des Médeeins Francois en pays étranger , rinftrudion répandue dans les clalfes principales, & même dans les clalfes ordinaires de la Société, ont été autant d'occafions de fe radoucir & de revcnir fur des' principes qui feroient défedueux aujourd'hui, quand ils n auroient contre cux que leur trop grande rigidité ; mais faute d'ofer prendre la chofe en grand, nous ne favons  ( 66 ) nature, ils ne pouvoient les ordonncr avec connoiffancc de caufe, mais ils en appelloient a 1'expéricnce. Grand fchifme alors, grands débats parmi nous. Un jour qu'ils étoient plus vifs qu'a 1'ordinaire , je me permis d'obferver, qu'il nous étoit trop commun dc ne voir dans ces fortes de queftions que des lézions de privileges du corps, Sc qu'il étoit tems de les confidérer dans les rapports de leur danger ou de leur utilité. En conféquence je propofai de former un comité pQur les cxaminer, les débattre Sc les réfoudre, de manière 'a tracer décidément un plan de conduite, fur lequel chacun put fe régler en tout tems, en fuivant les loix d'un cceur droit Sc de 1'honnêteté publique, foit envers les Médeeins regnicoles , autres que^ccux de la Faculté, foit envers les Médeeins étrangers,foit envers les Charlatans eux-mêmes, foit enfin envers les malades dont, par état, nous devons refpecter, guider Sc non défefpérer la foibleffe. Yous n'ignorez pas, Monfieur, quel fut le fuccès de ces propofitions. On ne prit aucun parti, & 1'on fe laffa de difputer. Après avoir généralifé la queftion, fouffrez, Monfieur, que je la particularilè. Cela doit m'êtrc bien permis dans une occafion ou j'ai été. attaqué au perfonncl avec auffi  ( 67 | peu de ménagement. D'ailleurs, n'ayant pas defiel, je n'ai pas 1'intention d'offenfer. Je me fuppofe donc, Monfieur, tranfporté au milieu d'une Affemblée de la Faculté ; & la , après avoir exhorté tous mes Confrères a fe bien examiner eux-mêmes, je leur demande qui d'cntre eux, fe trouvant en fa confcience plus régulier que moi, ofera me jetter la première pierrc! Ce ne fera pas vous, Monfieur le Doyen: vous êtes trop galant homme. J'entrois un jour a mon ordinaire c-hez M. Mefmer: & le trouvai s'entretenant avec vous, vous le preffiez vivement de fe charger d'une malade qu'il traita réellement pendant quelque tems a votre follicitation. Ainfi, Monfieur le Doven, vous voila duement atteint & convaïncu d'avoir vu le Charlatan, de favoir confulté de favoir follicité, de lui avoir confié les jours d'une mère de familie; en un mot, d'avoir commis la même faute que moi. Vous ferez donc rayé, s'il vous plak, ainfi que moi, Monfieur le Doyen. Ce ne fera pas non plus notre Doyen dage, M. de Lépine. Perfonne ne révère plus que moi fon age, fes lumières, fa doueeur, fa candeur; mais je ne puis m'empêcher de lui rappeller aujourd'hui, qu'entr'au_ Ei  ( 68 ) tres irrégularités a moi connues, il a protégé , préconifé, ordonné le remède de M. Gamet, Médecin non approuvé, ou Charlatan, comme on voudra rappeller. Ainfi, M. de Lépine voudra bien être rayé comme moi; & graces a ce fage arrangement , voila la Faculi é privée en même-tems êc de fon Doyen d'age, ■& de fon Doyen en charge. Seroit-ce M. Majault? En général il a quelque penchant pour les fpécifiques arcanes. Entre autres, il a confeillé les Huiles préparées de M. Damner, Charlatan ou Médecin non approuvé de la Faculté , a Mademoifelle de B***, qui a été depuis entre les mains de M. Mefmer. Seroit-ce M. Bouvartï Quel que foit fon rigorifme connu pour les Charlatans, il n'a pu s'empêcher de favorifer le fpécifique arcane de M. Bellet. M. Bouvart fera donc rayé comme les autres. Ce ne fera certainement pas M. de Lafifonne. En fa qualité de père & de chef de la Société de Médecine, qui elle-même eft chef &c mère du Charlatanifme Francais, il devroit être rayé fans difficulté; mais ceci eft trop général dans un moment ou j'ai promis de tout particularifcr. Difons donc, fans remonter trop loin, que M. de Lalfonne a  ( 69 } admis M. Gondran auprès de M. Ie Comtcr de Maurepas mourant. Ce M. Gondran, fuivant les expreffions de M. de Vauzefme ;,, eft un Charlatan qui vend des gouttes pour la goutte, dont on ignore la vertu. Je fens bien qu'on peut chercher a difculper M. de Laffonne, en difant qu'il faut de la complaifance auprès des grands; mais je nie que la maxime foit applicable a la Médecine. Oii la condefcendance pour les petits eft inadmiffible , la complaifance pour les grands feroit criminelle. Ainfi je ne puis m'empêcher de conclure a ce que le fort de M. de Laffonne foit affimilé au mien-: il doit être rayé tout comme moi. M. Poiffonnier approuvera fans doute que j'élève une queftion a fon fujet. II étoit reconnu 7 depuis plufieurs années, en Médecine , qu'un des plus surs moyens pour abréger les trop longues douleurs des malades, étoit de leur faire avaler du poifon, proprement dit. On devoit déja a la ciguë , a 1'aconit, I la jufquiame , au fublimé corrofif, la célébrité de plufieurs Médeeins. Je ne fais comment on avoit pu oublier 1'ürfenic au nombre de ces précieufes découvertes : fit funèbre réputation auroit bien dü, ce femble, lui valoir quelques préférences. Parut enfin M. de Saint-Ildephons, Moufquet-aire, fi je  ( 7ö ) ne me trompe, qui s'avifa de le mettre en ceuvre. On prétend que plufieurs de fes effets furent heureux, en ce que des malades attaqués d'accidens violens ne moururent que de phthifie. Cependant f Auteur étoit vraifemblablement de bonne foi, puifqu'il chercha .a foumettre fa méthode a fexamen public de la Faculté; mais celle-ci, effrayée fans doute par 1'uniformc du nouveau Médccin, fe refufa a fa demande. Alors M. de SaintIldcphons prit le parti de rendre fa méthode publique par la voie de 1'impreflïon. Son livre fut approuvé parM. Poiffonnier, Membre de la Faculté de Médecine de Paris, Cenfeur Royal; & c'eft dans cette approbation qu'eft, a mon avis, la faute de M. Poiffonnier. Je m'explique, car il feroit dur d'être condamné une feconde fpis fans être entendu. Je protefte donc formellement que je n'entends pas blamer ici les foins que 1'on fe donne pour arriver a la célébrité par des routes empoifonnées. La célébrité eft une fi belle chofe! Je n'entends pas blamer non plus M. de SaintUdephons. Quand bien même on le convaincroit d'imprudence, il n'cn feroit pas moins Vrai que le monde, trop peuplé, doit être farclé de tems a autre, fi 1'on peut s'exprimer ainfi, comme un champ de bied trop touffu. Je n'entends pas blamer davantagc la pru-  ( 7i ) dence de la Faculté : elle a trés-bien fait de fe refufer a 1'examen propofé ; car il vaut bien mieux faire fervir la canaille , qu'on. appelle peuple , aux expéricnces de la douce Phyfique , qu'on appelle Médecine , que de compromcttre la dignité d'une Compagnie telle que la Faculté, ou autre Corps favant. Enfin, je n'entends pas blamer M. Poiffonnier, Cenfeur Royal, d'avoir approuvé la brochure de M. de Saint-Ildephons. Dés qu'elle ne contenoit que des opinions de Médeeins, il ne pouvoit pas faire autrement : mais je le blame d'avoir, fans égard a fon titre de Médecin de la Faculté, fervi de Cenfeur a un livre défapprouvé de la Faculté; manquement bien plus formel a la dignité de celle-ci, que la conduite qui m'a été reprochée. Car, enfin , lorfque j'ai avoué publiquement le Magnètifme Animal, je n'avois pas contre moi un défaveu formel de ma Compagnie : d'oii il fuit évidemment que moi rayé, M. Poiffonnier doit 1'étre aufli. Je n'ai jamais fait' de confultation en fofme avec M. Mefmer, que fous 1'autorité de M. Borie, mon ancien. Voici comment cela fe paffa. M. Mefmer fut follicité de fe rendre au village de Creteil, auprès d'un apoplectique, dont 1'accident faifoit du bruit dans Paris. 11 n'y fut pas plutöt arrivé qu'il s'ap- E 4  ( 7i ) percut que fa démarche étoit hafardée. Auffitót il fe renferma dans le rök d'un Médecin ordinaire, fe contentant de dire fon avis conformément aux principes connus. M.'Borie, loin d'élever des difficultés contre lui, fit Ja confultation dans la plus grande régieM. Tenon, Chirurgien, & conféqucmment Médecin non approuvé, paria le premier: M. Mefmer, Médecin étranger & non-approuvé , s'il en fut, paria le fecond : moï, en ma qualité de junior, je parlai le troifième: M. Borie ne paria que le quatrième; & comme Vancien, il recueillit les voix, les compara, les compta, & en fit le rapport a la familie du malade, en confbrnjité de Partiele 78 de nos Statuts. J'efpère que, d'après ce fait, M. Borie voudra bien lui,même conclure, de bonne grace, a ce qu'on le raie. Elève de M. Petit, j'ai fon fecret, que je croirois pouvoir trahir, fans manquer a la reconnoiffance; cependant je le tairai, en priant mon ancien maitre de reconnoitre que fi nous tvaitions en tête a tête la queftion dont il s'agit ici, nous ne pourrions nous regarder fans rire, ainfi que les arufpices de Cicéron. En attendant, on peut rayer M. Petit, fur ma parole. M. Lorry, homme connu par fes connoi£ fances, fon urbanité, fa douceur & fa com-*  ( 73 ) plaifance dans la Société, ne peut, comme on le fefit bien, manquer de titres a la radiation la plus folemnelle; mais, au moment que j'écris, il eft malade , ce n'eft pas celui de 1'attaquer, & je dois me taire jufqu'a fon entier rétablilfement. M. Thierry prétend avoir un grand éloignement pour les Médeeins non approuvés; cependant nous nous fommes trouvés, lui, M. Majault & moi, plufieurs jours de fuite, autour du lit de mort de Madame la Duchefle dc Mazarin avec M. Séifter, qui n'eft pas un Médecin approuvé : a la vérité c'étoit pour complaire a Madame la - Ducheffe, ou bien a Madame la Marquife, ou* bien a M. le Duc, ou bien a M. le Comte; mais, ni Duc, ni Ducheffe, ni Marquife, ni Comte , n'ayant le droit de difpenfer de 1'obfervation des Statuts, M. Thierry fera rayé, ne lui en déplaife, ainfi que M. Majault & moi. M. Morand a diftribué publiquement le remède fecret connu fous le nom de Tifanne dc Nicole. II a fait bien plus : il a compofé & prononcé en pleine Faculté un beau Difcours latin , pour prouver la légitimité de ces fortes d'aflbciations. Que Ton croie ou que 1'on ne croie pas a cette doftrine, toujours eft-il évident que M. Morand doit être rayé*  ( 74) M. Grandclas a été 1'un des plus ardens protecteurs du Spécifique Arcane de M. Rover. II y a donc bien long-tems qu'il devroit être rayé. Ce qui n'a pas été fait jufqu'a préfent, peut &: même doit indubitablement fe faire aujourd'hui. Tout le monde fait que M. Maloet a fuivi ïes opérations de M. Mefmer pendant fept mois &: demi; mais je me garderai bien de folliciter fa radiation. C'eft de fon filence affecfé , dans une occafion aufli importante pour 1'humanité en général, & pour moi en particulier, que je me réferve de lui deman, der compte. Ainfi qu'on le raie, qu'on ne le raie pas, comme 1'on voudra. M. Gouiiez de la Motte a foigné pendant plufieurs jours M. le Comte d'Hérouville, Lieutenant-Généraldes Armées du Roi, conjointément avec M. Mefmer & moi. S'étant comporté dans toutes nos conférences en homme honnête, il n*eft pas doutcux qu'il ne doive être rayé. M. Dcfeffarts fait bien , entre nous , quel fervice il a rendu au Spécifique Arcane, connu fous le nom de Poudre de Fuller. II voudra bien, 'fans que je m'expliquc davantage, fe joindre a moi, pour concourir a fa propre radiation. M. Dumangin a été 1'un des coopérateurs lau Journal de Médecine, livre auffi' onVert  ( 75 ) a tous les genres dc Charlatanifme, que le Rccucil annuel d'Obfervations publiées par la Société de Médecine; donc M. Dumangin doit être aflbcié de plein droit a ma deftinée, c'eft-a-dire, rayé. S'il falloit raffembler tous les faits de nature a opércr la radiation dc M. Bacher, il feroit bientöt rayé dc la tête aux pieds. Je m'en tiendrai donc a un fait de furérogation qui, n'étant connu que de moi, aura la gracc de la nouveauté. C'étoit dans le tems que MM. Bertrand, Maloët, Solier & moi, nous fuivions de concert les opérations de M. Mefmer; il étoit neuf hcures du foir, &C j'étois rentré chcz moi tcllcrnen* fatigué que j'étois dans mon lit. On m'annonce M. Bacher : il entre, s'affeoit a cöté de moi, me fait d'affcz longs complimens fur mes chagrins & fur les embarras ou je m'étois jetté pour un homme qui n'cn valoit pas la peine, M. Mefmer. Cc n'eft pas, difoit M. Bacher, que je ibis fon enncmi; mais, en vérité, 1'on ne comprend rien a fa conduite, ni a fes écrits 'j c'eft un Charlatan. Son livre eft inintclligible. Lorfque le manufcrit en fut lu en préfencc de plufieurs d'entre nous, perfonne n'y comprit plus que mól. II eft inconcevablc qu'on livre dc pareilles abfurdités a 1'imprcffion. Aufti, lorfque j'cn ai  '(7 viendrez, fe tirer d'affaire avec efprit \ mais, au fond, ce n'eft pas la rendre compte d'un livre, & cela n'eft pas agréable. M. Bacher paria long-tems fur ce ton, fans que je pufte imaginer a quoi tendoit un préambule auffi bizarre. Comme vous ne le devineriez pas plus que moi, Monfieur, il faut vous mettre au fait; M. Bacher venoit me propofer de fe mettre a la tête des affaires de M. Mefmer & des miennes. J'avois eu, felon lui, tort de m'adreffer a MM. Bertrand, Maloet &c Solier. Leur téputation n'étoit pas affez faite: j'avois befoin d'un homme connu, point crédule , ennemi des Charlatans èc de la Charlatanerie, tel que moi, par exemple , ajouta M. Bacher. Le Public ne me faura pas.dans cette affaire, qu'il y portera, je vous aifure, toute fon attention. La-deffus il m'offrit tous fes fervices. Je n'étois pas malheureufement ce jour-la cn difpofition d'accepter fes offres, & je ne les rappelle aujourd'hui que pour avoir occafion de vous (i) Tel eft effe&ivement PExti^it que M. Bacher a donné dans fon Journal de Médecine, du profond Mémoire de M. Mefmer , fur la Découvtrtt du Magnètifme Aiiimal 1-779-  <77) jriire, Monfieur, que vous pourrez, quand bon vous femblcra, convoquer, en toute fureté de confeience, la Faculté, pour pro-» céder a la radiation de M. Bacher. II feroit trop long, Monfieur, & fur-tout trop ennuyeux, de continucr la lifte des Médeeins qui ont manqué au précepte que 1'on m'accufe d'avoir tranfgreffé : en matière auffi abondante , il faut néceffairement fe refferrer (i). II me paroit donc & plus fimple &c plus court de faire rayer, d'un feul coup, ia Faculté entière. M. Tiffot m'en fournit les moyens. En effet, j'ai déja remarqué que ce Médecin étoit venu a Paris il y a quelque tems j &C (i) La lifte des Remèdes fecrets qui ont trouvé, dans Ia Faculté, des Approbateurs & des Adminiftrateurs aveugles, ne feroit pas courte. En voici un échantillon: Gouttes de Scheuvftz, & du Général la Motte, &c Eau antiputride, Medicinale, de Salubrité, de Gondran , de Quertan & Audoucet, de Fougere, &c. Poudres d'Aillaud, de Chartré , d'Armagnac , de Jammes , de St. Ange, de Godernau ; Pilulles de Bacher, de Stephens, de Sibié , de Jaquet, de Keizzer, &c. Ptifanne de Nicole, d'Agérony, de la Veroniere, de Veifs, &c. Fondansde Gamet, &c. Sachet d'Arnoud, &c.Remède de Dufour, Rob de Belette, Rob anti fyphillitique, &e. De toutes ces compofitions, il en eft qui ont été dévoilées au Public, mais elles n'en ont pas moins été ven«lues, achetées, confeillées, quoique fécrettes.  ( 78 ) 1'on ne doit pas mettre en döute que, fur fa réputation, il n'ait été appellé de tout cöté i cependant je n'ai pas oui dire qu'aucun des Médeeins ordinaires des malades ait refufé de confulter avec lui. Je ne ferai pas le tort a ceux de nos anciens qui ne fe font pas trouvés dans le cas de croire qu'ils euffent cu la malhonnêteté de répondre négativement fi la propofition leur en avoit été faite; &c je ferai cru vraifemblablement lorfque j'avancerai qu'il n'y a pas un de nos jeunes gens qui ne fe fut vanté long-tems de eet honneur, fi on le lui avoit procuré. D'oü je conclus que toute la Faculté doit être rayée, pour avoir confenti, de fait ou d'intention, a confulter avec le Médecin non approuvé, M. Tiffot. Si cette objection ne paroiffoit pas affez concluante, en voici une autre. M. 1'Abbé Sans, Phyficien, demeurant a Verfailles, &c qui n'a feulement pas la prétention d'être Médecin approuvé, avoit entrepris la cure d'une paralytique par 1'élccfricité. Satisfait de fes fuccès , il s'adreffa a la Faculté pour vérifier &c confrater les faits. Celle-ci, contre ' le vceu formel de fes anciens ufages, accepta la liaifon avec le Médecin non approuvé, & la fuivit par la voie des Commiffaires. Feu M. Buffon &c moi fumes nommés Commiffaires : notre rapport fut favorable, 6c je  ( 79 ) crois qu'en dernière analyfe la Faculté fit FefFort d'accordcr un certificat de cette cure a M. 1'Abbé Sans; comme fi M. lAbbé Sans avoit befoin d'un pareil certificat; comme fi la Faculté n'avoit d'autre utilité que celle dc donner un certificat inutile; comme s'il ne s'agifïbit pour elle que de faire trophée d'une jurifdiction imaginaire; comme fi elle n'auroit pas düexamincr, répéter, fuivrc ces intércffantes expériences, de manière a ne rien lailferperdre de ce qu'elles peuvent avoir d'utile pour 1'humanité & d'honorable pour leur premier auteur. En vérité , fi la Faculté ne devoit pas êtte inceffamment rayée pour fon commerce indécent avec M. 1'Abbé Sans, Médecin non approuvé , elle devroit 1'être a raifon de fon infouciance marquée pour les travaux de M. 1'Abbé Sans, Phyficien utile &c modefte. Remarquez , Monfieur, s'il vous plaït, que 1'exemple de M. 1'Abbé Sans eft plus concluant dans ma caufe qu'il ne ie paroit d'abord. Qu'ai-je fait lorfque je me fuis lié avec M. Mefmer; Dés les premières expériences dont je fus témoin, n'en référai-je pas a la Faculté, avec mon. ajjiirance ordinairej dit M. de Vauzefme? N'ayant pas été désapprouvé, n'ai-je pas été tacitement autorifé dans ma démarche? N'ai-je pas continué a  ( 83 ) fante pour un bain de pieds : fon effet efl d'attircr vers ces parties les humeurs déja fixées fur des organes plus délicats. Or, nous nous trouvions en 1774 trois Médeeins auprès d'un maladc trés - dangereufement attaqué d'une goutte remontée. 11 avoit précédemment fait ufage du remède dc M. Gondran, &: s'en étoit bien trouvé. II vouloit y recourir encore ; mais fon Médecin ordinaire tint aux remèdes ufités. Jufqucs-la, rien a dire. Cependant le malade n'ayant pu fupporter leuradtion violente, & fon état étant devenu effrayant, les parens proposèrent dc nouveau le remède de M. Gondran; & voici le mal. Mes deux Confrères, plutöt que de déshonorcr leur art ou d'infecf er leurs perfonncs par les approches d'un Charlatan, me laifsèrent feul auprès du moribond. Moins févère qu'cux, je refufai, a la vérité, de difpofer avec légèreté des derniers inftants que la Nature accordoit au malade , en lui ordonnant un remède qui m'étoit inconnu ; mais je confentis a ne pas 1'abandonner, fi, dans un état auffi défefpéré que le fien, les parens prenoient la chofe fur eux. En conféféquence, on envoya cherchcr M. Gondran: je ne quittai pas le malade, & il mourut, pour ainfi dire, dans mes bras. Triftes fonct\,ons! mais fonctipns chères a mon cceur. F 1  ( TOO') qu'elle a fait dans la première; & c'eft unit quement dans la troifième qu'eft lancé le véritable Décret, le Décret qui a force de chofe jugée, fur lequel la Faculté clle-méme n'a pas droit de revenir; le Décret enfin qui ne peut ctre annullé que par Arrêt du Parlement. Quelque fingulièrc que paroiffe au premier coup-cl'ceil cette infritution, fon Auteur étoit certainement un homme fage. En accordant a la Faculté de Médecine de Paris un droit de difcipline intérieure , il a fondé fur les mceurs & fur le refpect de 1'opinion publique la durée de eet antique établiffement. En 1'obligcant a mettre la plus grande réflection dans 1'ufage de cette inappréciable prérogative, il a prévenu, autant qu'il eft poffible, les effets de 1'intrigue &c de la jaloufie. En lui rcfufant le droit de revenir fur fes propres Décrets, il lui a donné a cnvifager les conféquenccs du moindre défaut de circonfpection dans la diftribution de fa jüfticc. Enfin , il lui a fait fentir qu'en punition de fes fauffcS démarches , elle rifquoit de compromettre fa dignité & fon autorité. En conféquence , il a laiffé aux Membres rejettés par la Faculté le droit de fe pourvoir par-devant les Cours Supérieures. C'eft ainfi que dans un cercle de peu d'éten-  ( ioi ) due, il a trouvé le moycn de mettre en aclion deux mobiles des plus puilTans fur 1'homme civilifé , 1'opinion publique & la loi pofitive. D'après ces obfervations, on voit comment un Mëmbre dc la Faculté , compromis injuftement dans Fopinion publique par une première délibération , conferve 1'efpoir d'engagcr fa Compagnie a revenir fur ies pas clans les deux Aflanblées fuivantes , & comment, a defaut de fuccès, le recours a 1'aurorité civile lui eft ouvert. C'eft Ié cas ou je me trouve : déja bjamé par deux délibérations , je dois provoquer la troifième , foit pour y etre blanchi définitivement, foit pour y voir 1'injuflice de la Compagnie a mon égard confommée de manière a acquérir le chroit den folliciter la réparation par-devant les Tribunaux ordinaires. Tels font, Monfieur, mes motifs pour réclamer aujourd'hui la convocation d'une troifième Aifemblée de la Faculté. J'efpèrc que la publicité de ma demande nfépargnera les lenteurs étudiëes dont j'ai eu a me plaindre par le paffé; mais comme je dois tout prévoir & que je fuis déterminé a nc pas fouffrir que ma demande foit éludée fous aucun prétexte, je vous déclare ici que,fi dans la quinzaine après la publication de eet Ecnt, fAlfemblée que j.e follicite n'a pas G 5  (10%) lieu, je vous prendrai, vous, Monsieur, le DOYEN, a partie , pour vous forcer par les voics juridiques a faire ce que vous devez , c'eft-a-dire , a la convoquer. Cc point obrenu, la conduite de Ia Faculté règlera la mienne. Qu'elle répare 1'infulte qu'elle m'a faite , ainfi qu'elle le doit , ou bien j'aurai .recours aux Loix , & le Parlement de Paris deviendra Juge dc notre différent. Je ne fais, Monfieur, fi la Faculté fe détcrminera enfin a examiner la queftion avant de la juger j mais je fais que je dois 1'en preffer. Jc demande donc que MM. Maloët&Sollier, cités en Faculté, foient tenus d'y configner par écrit & fans ambiguité , les motifs de leur convi&ion ou de leur incrédulité fur le fait du Magnètifme Animal; Sc je réclame d'avance une expédition de eet acte, pour en faire tel ufage qui me conviendra , foit pour ma juftification perfonnelle, foit pour la plus grande propagation de la vérité. II eft bien tems qu'ils s'expliquent \ ils ont fuivi pendant fept mois Sc demi , avec feu M. Bertrand Sc moi, les opérations de M. Mefmer; ils ont vu chez lui des faits nombreux, Sc j'aftirme que 1'un Sc 1'autre font convenus privativement avec moi de leur convidfion ï en conféquence, je les ai appelles publique-  ( io3 ) mententémoignage de mavéracite dans mes Obfervations fur le Magnètifme Animal. J'ai répété plus pofitivement cette interpellation enpleine Faculté le 18 Septembre 1780 (1). J'y ai donné pour certain qu'en leur confcience ils étoient de même avis que moi: aujourd'hui je confirme le langage que je tiens depuis deux ans, & ilsne peuvent trouver mauvais que j'ufe enfin de tous mes moyens pour les forcer a rompre un filence, oü le Public ne peut voir qu'un démenti formel de tout ce que j'ai avancé devant lui. Je dois vous prier, Monfieur , de faire obfervcr a la Faculté que le Jugement définitif qu'elle doit porter inceffamment , ne peut tomber que fur les faits antérieurs au 18 Septembre 1780, c'eft-a-dire, fur les faits qui ont motivé fon Décret contre moi. Tout ce qui eft poftérieur a cette date doit être érranger a fa délibération prochaine, fauf a m'intenter une nouvelle aftion , fi elle trouve que depuis cette époque mes procédés ont été répréhenfibles. Cette remarque me paroit d'autant plus effentielle, que je fuis dans la ferme réfolution de m'oppofer a ce que les (O Voyei au Précis hiftorique , le Difcours que fal prononcé en la Faculté, le 18 Septembre 1780. G 4  ( i°4 ) queftions qui nous agitent foicnt inutilement compliquées par des incidens nouveaux. Quel que-foit le Décret qui interviendra dans cette Alfemblée, j'efpère que vous voudrez bien m'en délivrer f expédition fans difficulté, & fans que je fois obligé de la follicitcr comme une grace: c'eft chofe de droit. Puiffe la Faculté, pour fon honneur, le rédiger en termes fatisfaifans & müremcnt réfléchis; car après 1'éclat qui a eu lieu , il eft conftantque je ne puis y fouffrir d'cxprcftions obfcures. Après vous avoir auffi longuemcnt entre tenu, trouvez bon, Monfieur, que j'adrcffö a mes Ledeurs quelques Obfervations. Elles ferviront de réfumé, d'éclairciffemcnt ou de complément a ce que j'ai eu 1'honneur de vous dire dans cette Lettre. Si la Faculté de Médecine de Paris s'cft permife en cette affaire d'oublicr que , placée immediatement fous les yeux dc la Nation , elle ne pouvoit fe fouftraire a fon jugement; moi, je ne dois pas oublier qu'ayant pris le Public pour juge de ma conduite, je me fuis engagé a lui en rendre compte en tout tems.  ( loy ) J e trouvcrai fans doutc des ledteurs a qui Ja fermcté dc ma conduite envers ma Compagnie ne plaira point j cependant il eft fcnfiblc qu'elle eft forcéc, & que la Faculté devoit la prévoir, lorfque, me livrant, autant qu'il eft cn elle, a la réprobation du Public, elle ne pouvoit raifonnablcmcnt fe diflimuler que bientöt la voix de cc même Public me commandcroit impérieufement dc réclamcr une réhabilitation authentique. D'ailleurs, il n'eft pas auffi rare qu'on pourroit bien le croirc , a la Faculté dc Médecine dc Paris de comparoïtre devant les Tribunaux, a la réquifition dc fes Membres : plufieurs d'cntre cux ont été cn inftance régléc avec elle; & fi leurs difcufilons ont moins éclaté que cellc qui m'occupe, c'eft qu'elles n'avolent que des intéréts particulicrs pour objet, au lieu que ma caufe embralfe les intéréts de 1'humanité entière. Je n'ai pas pris le ton de la plainte dans eet Ecrit, par la raifon fimple que je ne me trouve pas a plaindre. La radiation du tableau dc la Faculté de Médecine de Paris eft une pcinc d'opinion qui n'a d'effct pofitif, que lorfqu'elle attire le mépris public : or, jc me flatte que cela ne m'eft pas encorc arrivé. La Faculté d'ailleurs ne peut, cn aucun cas  ( I09 ) plairc par des fadeurs. Dans lc fecond, je ne puis être taxé d'aigrcur, puifque mes reproches, quoique durs, ne font pas amers, & qu'au fonds je me borne a mettre fous fes yeux ce qu'elle doit a 1'humanité , a cllcmêmc & a moi. J'ai ufé de la même franchife en parlant des Académies. J'avois long-tcms rcmarqué, non fans peine, que les hommes les plus célèbres de notre Littérature, tcls que Racine, Voltairc, lc lage Montefquieu, &c. s'étoient permis alternativcment de couvrir ces inftitutions de ridicules, ou de les combler de louanges , fans autrc régie que leur fantaifie, ou 1'intérêt du moment. Cette conduite m'a toujours paru très-déplacée ; car li les Académies font des établiffemens vraiment refpedablcs, il eft inconcevable que leurs feclateurs ofent les méprifer ouvertement; & fi elles font méprifables, il n'eft pas permis d'être leur fedateur. En aucun cas, on ne peut louer décemment cc que 1'heure fuivante on tiendra pour infenfé. Quel fpedacle plus déplorable, en effet, que celui du génie élaborant avec effort & réflexion 1'encens que dans fa confeience il va donner a 1'abfurdité! J. Jacques Rouffeau, fes partifans & fes imitateurs, ont donné dans un autre excès,  (ÏIÖ) lorfqu'ils ont déclamé contre les Corps Lit-< téraircs avec une aigreur qui les a privés du fang froid, fans lequel il n'y a pas d'impartialité. II réfulte de ce que je viens de dire, que la queftion de 1'utilité ou des dangers des Académies, eft une queftion encore toute nouvelle, quoique ces Corps exiftent depuis prés de cent cinquante ans; ce qui m'engage a raflembler ici les principes fommaires de cette difcuflion, au hafard de quelques répétitions. Les Sciences, malgré les inconvéniens qu'elles entrainent après elles, font néceffaires, dirai-je, aux Feuples ralfemblés cn corps nombreux de fociété; car il n'y a pas de milieu pour eux : il leur faut optcr entre la Science &c fes abus, ou la Barbarie & fes atrocités. La nécellité de procurer la plus grande propagation des Sciences , eft une conféquence néceffaire de leur urilité reconnue. Le moment de fe familiarifer avec elles eft marqué dans 1'crdre focial, comme celui del'inftruction première 1'cft dans la Nature: les Etudes doivent devancer 1'age mur; car 1'age mür n'eft pas le tems d'apprendre, mais d'exécuter. Ainfi les Sciences doivent être immédiatement placccs au fcin de 1'Education.  { ni ) Mais pour obtenir de bonnes Educations, il faut avoir de bons Educateurs, c'eft-a-dire, des Educateurs capables d'inftruire par leurs lumières, & de fervir d'exemple par leurs moeurs. Des perfonnes de ce mérite ne fe livreront jamais a un métier qui ne laiife pas d'avoir fes peines, fes fatigues & fes dégoüts, fi, d'ailleurs, ils n'y trouvent les avantages qui conftituent 1'honneur &: le bonheur. II eft donc évident que lorfque 1'on a öté 1'aifance & la confidération aux Univerfités chargées de former des Citoycns, pour en favorifer les Académies, a qui ce foin précieux eft étranger, on a attaqué le bonheur de la Nation dans fes principes conftitutifs. Après la néceffité de fe pourvoir de bons Educateurs, vient la néceffité de placer les inftrumens propres a faire connoitre & a dérhontrer les Sciences, a portée de ceux qui doivent les mettre en oeuvre, & en profiter; c'eft-a-dire, a portée des Educateurs & de leurs Elèves. II y a bien loin de ce principe a 1'ufage oü nous fommes de raffemblcr & d'cntretenir a grands frais 1'appareil des Sciences, uniquement pour récréer a des jours &: a des heures réglées les regards oififs de quelques palfans Regnicoles ou Etrangers.  { H4 ) Nos pères, tout ignorans, tout barbarcs qu'on les dit , & qu'ils étoient réellement a certains égards, nos pères fcntirent cette vérité précicufe, que toutes les Sciences fe tiennent par la main. En partant de cette idéé, ils réunirent 1'étude & 1'enfeignement de toutes celles qu'ils connoiffoient, en un feul corps, fous une même difcipline, en un même gymnafe, fous le nora d'Univerfité; idéé fimple, mais fublime, qui n'eut point de modèle dans 1'Antiquité. Que 1'on cherche dans les Annalesde toutes lesNations qui nous ont précédé , 1'on n'y trouvera aucune inftitutionpublique a qui 1'on puiife appliquer la fuperbe devife que 1'Univerfité de Paris eut dü prendre pour légende de fes Médailles : PvELIGlON, JUSTTCE, EüUCATION, SANTÉ! C'eft en péfant ces quatre mots avec 1'attention qu'ils méritent, que 1'on fent la juftefte &; la légitimité du titre de Fille ainée dont nos Rois qualifièrent 1'Univerfité de Paris; Eille vraiment digne d'ctre chéric, puifqu'elle devint en peu de tems le dépot & la fource du bonheur des Peuples. Je dis le bonheur des Peuples, & je le dis avec réflexion. Que les gens qui ne voient dans rUnivcrfité de Paris qu'une Alfemblée de pédaiis enfeignant barbarement une Langue devenue barbare, ou difputant inintelligiblcmcnt fur des quef-  ( «y) tions inintelligibles; que ces gens-la, dis-je, veuillent bien jetter un coup d'ceil attentif fur la lifte non interrompue des hommes célèbres qui fe font füccédés dans 1'Univerlité de Paris, depuis le tems de fon établiifement jufqu'au règne de Louis XIII, époque de la naiifance des Académies; ils feront furpris de 1'étendue des connoiffances & de la fcience profondc que ce Corps célèbre a renfermées dans fon fein. A la vérité, ces connoilfances & cette feiencé feroient a-peu-près inutiles dans notre liècle; mais elles ne 1'étoicnt pas alors. Je citerai peu d'exemples; tout homme inftruit n'en a pasbefoin: mais que 1'on jette les yeux fur nos Dodeurs confultés au tems de S.Louis, & que 1'on compare leurs objedions aux prétentions ultramontaincs avec les préjugés de ce tems-la; qu'on voie leurs fucceffeurs rédiger la Pragmatique Sanclion^ li long-tems arbitre de nos deftinées; &, fi 1'on veut trouver matière a un jufte étonnement, qu'on les fuive dans les Conciles, dans ces lieux oü les efforts de 1'intrigue, fecondés de la puiffance, de la richeffe, du fanatifme, ont toujours échoué contre la fermeté, 1'érudition, la fagacité, & j'ofe dire i'éloquence de quelques particuliers dénués de tout autre appui que la confidération publique. Que les aveuglcs ne voient pas ces vérités; que, H 2  (II*) prévenus cn faveur de leur feul mérite, nos Savans fe refufent a leur clarté, j'y confens; mais moi, je ne faurois m'empêcher d'admirer, du plus profond de mon cceur, ces hommes, dont le génie brillant au fein des ténèbres qui les environnoient, fut entre tenir le feu facré de nos Conftitutions, dont le male courage n'a ceifé pendant plufieurs fiècles, de défendre le dépöt de nos Libertés les plus précieufes , contre les efforts redoublcs des brigands qui 1'attaquoient de toutes parts, & qui, par leurs immenfes travaux, font parvenus a nous laifler en héritagc le bonheur dont.ils n'ont pu jouir eux-mêmes. Toutefois, en leur rendant 1'hommage lc plus fincère, on ne doit pas oublier qu'une partie cn eft due aux fages Conftitutions qui foutinrent leur jeunefle au-defliis des eaux bourbeufes de 1'ignorance, répandues fur la furface du monde. C'eft a 1'Univerfité dc Paris qu'ils furent redevables de leur éclat. Pourquoi 1'arbre qui porta jadis de fi beaux fruits eft - il maintenant ftérile & délaifle > Pourquoi d'un fi bel édifice ne refte-t-il que des décombres ? Ce n'eft pas ici le lieu d'un plus long examen. II feroit intéreflant pour toute perfonne fenfible aux progrès & a la décadence des Arts; mais les détails en fexoient trop étendus.  ( H7 ) La Faculté dc Médecine, portion de 1'Univerlïté, offre les mêmes inconvéniens Sc les mêmes avantages quelle. Mêmes principes a imiter, mêmes faulfes applications k corrigcr : après quoil'une &l'autre pourroicnt fervir de modèle a tous les établiffemens de ce genre. Cependant, cn donnant mes opinions fur les Académies, je n'entends pas attaquer les Académiciens qui les compofent. II en eft beaucoup que je révère infiniment, Sc je reconnois fans pcine qu'en général les gens vraiment rccommandables en Littérature, tiennent a quelques Académies célèbres. Si même il étoit poffible que 1'on s'occupat férieufement de relcver 1'Education nationale , je penfe que les premiers Inftituteurs devroient être choifis parmi les Académiciens acluels. J'établirai une diftinclion a-peu-prés pareille dans ce que j'ai, dit fur notre amour dé'fordonné pour les livres. Les livres, diraije, font utiles aux Sciences : ils leur font même néceffaires. Je fuis très-éloigné de nier ces véiïtés ; mais, répéterai-je toujours, c'eft leur richelfe la plus dangereufe , celle qui dégénéré le plus en luxe incommode, en fafte ridicule, en excès deftruclifs. Ils font nuilibles a 1'enfance, On n'en doit conlier a la jeuneffe qu'avec choix Sc mcfure. Une H 3  ( n8 ) éducation par les livres n'eft qu'une éducation en paroles; ils embrouillent pour toujours les idéés de celui qui en fait ufage trop tót: ils ne font bons, en un mot, que pour 1'homme déja inftruit. Mais c'en eft affez fur ce chapitre; il faudroit trop de pages pour commenter ces lignes. II feroit auffi trop long de donner l'extenfion néceilaire aux principes que j'ai hafardés fur 1'efpèce de police a laquelle devroit être affujctti 1'cxamen des remèdes fpécifiques & fecrets. II ne faut pas fc laiffer éblouir par le bruit que la Société de Médecine fait de fa prétendue vigilancc. Un homme inftruit fur ces matières, ne peut fonger, fans frémir, aux dangers des priviléges ou certificats accordés par cette Compagnie ; ce font, a la rigueur , autant de brevets de carnage &c de mort. Je me contente de remarquer, comme chofe remarquable, qu'il n'a jamais paru, du moins que je fache, de pro jet raifonnable fur cette matière. Le rigorifme avec lequel la Faculté fe refufoit autrefois ia tout examen & a toute atteftation de ce genre, malgré fon excès, eft encore ce que j'ai vu de plus fage. Je n'ai point jugé convenable de difcuter de nouveau dans cct Ecrit la queftion de 1'exiftence & de 1'importance du Magnètifme  ( H9 ) Animal. Les faits pofitifs qui prouvent fon action fur le corps humain, déja très-multipliés lorfque je publiai mes Obfervations, font innombrablcs aujourd'hui : les détails en feroient infoutcnables; & le Leef cur, pour fon proprc intérêt, doit trouver bon que je te renvoie a ce que j'cn ai dit dans mon premier Livre , cn 1'affurant que, loin de défavouer les faits contenus dans eet Ouvrage, ainfi qu'il m'eft enjoint par les Décrets de Ia Faculté , je les confirmc tous, fans cxception (i). II n'en eft pas de même des raifonnemens que j'ai hafardés d'après les faits. Pcut-être préfentent-ils autant d'erreurs que de vérités \ mais ne les ayant donnés que pour des préfomptions , ils ne peuvent faire tort qu'a ma fagacité perfonnelle : fur quoi je m'abandonne volontiers a la critique de toute perfonne qui ttouvera bon de perdre fon tems a difcuter fur auffi peu de chofe. D'ailleurs, je déclare (i) J'ai ï-emarqué , depuis la publication de ce Livre , que dans Ia defcription des maladies & de leurs traitemens, il m'étoit échappé trois ou quatre fautes de détails inexcufables. Je ne fatiguerai pas mon Lec< teur en les relevant ici, paree qu'elles ne changent abfolument rien au fonds. H 4  ( HO ) que je ne me charge pas de faire comprendre qui ne veut pas écouter , ni de convaincre qui ne veut pas être convaincu. J'avois cru être bien clair dans mes Obfervations fur le Magnètifme Animal, lorfque, donnant pour exemple de fon action & de fon efficacité le détail de quinze ou feizc traitemens de maladies par M. Mefmer , j'avois diftingué ceux qui préfentoient des cures ou guérifons achevées, de ceux qui ne préfentoient que des foulagemens ou phénomènes extraordinaires. Or, les cures ou guérifons achevées que je citois dans mon livre, y font au moins au nombrc de neuf, fous la dénomination de Marafme, a la fuite de fièvre mi- liaire. Obftrüclions compliquées , Jaunijfe & PdlesCouleurs , Flux hépatique , Paralyfie commencante s Rhumatifme d la tête, Contre-coup d la têtej Fluxions de poitrine, Fièvre putride. Je ne m'attendois pas alors que 1'on me reprocheroit de ne citer jamais aucune cure : c'eft cependant ce qui m'a été obje&é au moins clix mille fois, fans exagércr, depuis la publication de mon Livre, autant par ceux qui font lu, que par ceux qui ne font pas lu. Je fuis aujourd'hui tellcment accoutumé a ce propos, que je palfe condamnation fans dire mot. Combien d'occafions dans la vie oü il vaut  ( IM ) beaucoup mieux convenir des torts qu'on n'a pas, que de chcrcber a prouver la raifon que 1'on a (i) ï Cc qui prouve évidemment combicn 1'on a peu réclairciffemcnt des faits en vüe, lorfque 1'on demande s'il exifte réellement quelques cures par lc Magnètifme Animal, c'eft que 1'on me fait fouvent cette queftion dans les appartcmens dc Monfcigneur le Comte d'Artois. Pour fentir combien elle eft extraordinaire , il faut favoir qu'autour de cc Prince font néceffairement en vüe deux Pcrfonnes, qui'a elles deux préfentent trois cures dc M. Mefmer. Ce font MM. Bourlet, pere & fils, fes premiers Valets-de-chambre. J'ai donné plus haut un détail fuccinct de (i) De ces neufs guérifons, ily en a fept qui, a ma connoiffance, fe foutiennent encore aujourd'hui. Je n'ai pu fuivre celle du flux hépatique, ayant perdu de vüe le malade qui en étoit attaqué. Quant a la cure d'o'jftructions compliquées, elle peut être problématique a d'autres yeux que les miens, n'y ayant perfonne dans Paris, qui prononce.le nom de M. Mefmer avec plus d'aigreur, que le fujet de cette Obfervation. Or, comme 1'on doit autant qu'il eft poflible, éviter dans les queftions générales, de,compromettre le particulier malgré lui; je regarderai volontiers cette cure comme non avenue. Si j'avois prévu ce qui devoit arriver, je 1'aurois remplacée par quelqu'autre : cela m'auroit été ajfié.  ( ti8.) de maifon de dix mille , a la conditlon qu'il y rendroit fa découverte & fa doétrine publiques, cn formant des Elèves fuivant fes principes. M. Mefmer a refufé ces conditions ; & en cela il n'a pas eu, de ma connohTance, un feul Approbateur dans le monde. J'en excepte trois ou quatre Pcrfonnes qui, familiarifées avec fes idees, leur trouvcnt'cncore plus de grandeur que de fingularité. Moi, par exemple, je puis , dans plufieurs occafions , avoir défapprouvé la conduite de M. Mefmer: dans celle-ci il m'cft impoflible de le blamer. Peur juger cette queftion , il faut commenccr par fe mettre a fa place, & fe bien perfuader que la vie & la fanté des hommes n'étant pas un jeu , il ne fuffit pas d'ufer de la plus grande prudence, lorfque 1'on entre»* prend de déraciner des préjugés qui y ont trait, il faut encore s'armer de conftance jufqu'a 1'opiniatreté.ctLa communicationdem.es „moyens, a toujours dit M. Mefmer, n'eft *> pas la chofe la plus dirficile : leur adoption „ même feroit affez aifée. Mais leur fage ap„ plication, la perfévérance dans cette appli„ cation , 1 etude préliminaire de la théorie „ des maladies & fon intelligence : voila ce » qui fera pénible a obtenir «. En fe donnant lui-même pour exemple, il convient que fa plus  ■ ( 12-9 ) plus grande peine a été de fe défaire de fes idéés premières : toujours il vouloit s'aider dans fa nouvelle methode des remèdes dont il avoit 1'ancienne habitude: toujours il étoit tourmenté de la démangeaifon de prefcrire des ordonnances : je n'en fuis pas étonné, D'après ces craintes légitimes, M. Mefmer forma un plan , dont la facile exécution feroit honneur au plus glorieux des règnes. Son défir feroit de faire un certain nombre d'Elèves > mais d'Elèves affez fubordonnés a une autorité rcfpeclable , pour être obligés a étudier fa doctrine &c fes moyens avec la plus férieufe attention; non pour fe répandre auffi-töt en paroles ou en écrits indifcrets fur ce qu'ils auroient appris, mais pour fe placer modeftement eux - mêmes a la tête d'autres Elèves, foit dans Paris , foit dans les Provinces , ainfi qu'en ordonneroit le Gouvernement, enforte qu'en très-peu d'années le Royaume entier feroit dans le cas de profiter des nouveaux fecours qui lui font offerts, fans avoir couru le rifque de les perdre fous la plume jaloufe ou par les cris intéreffés des faux Savans du jour. Or, les offres faites a M. Mefmer ne rempliffoient aucunement ces vues, & même elles leur étoient oppofées , puifque ne confiftant dans le fait qu'en un troc du fe-- l  cret dc fa découverte contre 1'eqmvalent de trcnte mille livres de rente, elles emportoient la publication de ce fecret fans aucune des précautions néceffaires , pour que la doctrine qu'il renferme ne fut oubliée, ni dénaturée. Far ces motifs, M. Mefmer s'eit déterminé a refufer le fort brillant qui lui étoit propofé , s'il n'étoit accompagné d'un établiffemcnt proprc a rcmplir les vues indiquées. Je ne ferois pas furpris que 1'on donnat un jour cette conduite pour un modèle de défmtérclfement. Si M. Mefmer n'a pas obtenu 1'approbation du Public en ce point, il a été plus heureux dans fa difcuffion avec la Faculté de Médecine de Paris. En général, on a trouvé étrange que cette Compagnie fe refufat a la propofition qu'il faifoit de traiter par fa méthode douze malades du choix de la Faculté , tandis qu'elle en auroit traité douze autres' par les méthodes ordinaires: ce qui auroit offert des moyens de comparaifon &c des réfultats concluans, pour ou contre la nouvelle doctrine de ce Médecin ; mais j'aurois defiré qu'on eut été plus loin, c'eft-adire , jufqu'a reconnoitre que M. Mefmer prop'ofoit réellement ce qu'il y a de plus raifonnable. II feroit effentiel que la Faculté fentit que c'eft un devoir a elle d'adopter  lm) des moyens pareils, ou analogues,dans toutes les occalions importantes. Juftifions ce que je dis par des exemples. Lorfque 1'émétique parut en Médecine, il occafionna le fchifmc ie plus meurtrier. Ses partifans 1'adminiftroient aveuglément, & tuoient fans miféricorde. Ses antagoniftes auroient plutót laiffé périr pèrè, mère, enfans, que de les fauver par un remède abhorré. Les efprits doux temporifoient a leur ordinaire, &n'en immoloient que plus fürement leurs vi&imes, en différant jufqu'a la dernière extrémité , c'eft-a-dire , jufqu'au moment oü le malade n'étoit plus en état de foutenir l'a&ion violente du remède. II en coüta peut-être quatre ou cinq eens mille ames a la France avant que le procés, qui dura trente ans, fut vuidé. Cependant, le Parlement de Paris, juftement effrayéj prit dans 1'intervalle le parti de défendre' 1'ufage de 1'émétique. On a tourné eet Arrêt en ridicule, mais il étoit très-fage. II mit un frein aux exces de la Médecine, & donna aux gens fages, le tems d'examincr la queftion avec le fang froid de la prudencei N'eftil pas vrai que fi la Faculté de Médecine de Paris avoit fait alors fondevoir, elle auroit conftaté par des expériences contradiétoires & répétées avec fageffe, les avantages & les I i  C 13* > dangers du remède propofé de manière a rendre commune en moins d'un mois la vraie doctrine dont cette nouveauté étoit fufceptible > Que de fang épargné 1 Combien paroit miférable a cöté de ce grand intérêt, la crainte de compromettre la dignité de la Compagnie par une décifion fujette a erreur! Qu'eft-ce que la dignité d'une Compagnie de Médeeins ï Eh! Meffieurs, compromettezvous &: foyez utiics. Les mêmes fcènes fe font répétées de notre tems au fujet de 1'Inoculation. Même enthoufiafme dans fes partifans , mêmeviolence dans fes Adverfaires, même imprudence dans fon adminiftration , moins funeftes a la vérité, mais cependant très-facheufesmême follicitude des Tribunaux fur une queftion qui intéreffe la vie des citoyens j même embarras pour la décider. Par Arrêt, 1'Inoculation a été défendue dans les murs de Paris. Si elle eft falutaire , les dixneuf vingtièmes des Habitans de Paris, étant hors d'état de s'établir a la campagne le tems prefcrit , font privés de fes avantages. Et voila comment la vigilance du Tröne & des Magiftrats deviendra toujours inutile, tant qu'il plaira a la Faculté dc Médecine de Paris, d'avoir une dignité qu'elle craindra dc compromettre. Dans le fait de 1'Inoculation , elle devoit  lm) aider ou même prévenir le Parlement en lui demandant des facilités pour faire dans les Hopitaux toutes les expériences Sc obfervations néceffaires (i), & y examiner les diverfes méthodes propofées j après quoi elle auroit publié un corps d'mftru&ion raifonné propre a faire connoïtre les avantages Sc défavantages de 1'opération en elle-même, de la manière de 1'exécuter, de la conduire, d'en bannir le charlatanifme honteux que Ton s'eft permis Sc que 1'on fe permet chaque jour en cette matière délicate. Alots, vraifemblablement, un Arrêt auroit été inutile , ou du moins s'il eüt été jugé néceffaire, il auroit eu la convicfion, Sc non le foup N'eft-il pas totalement dans le refus que j'ai effuyé? Et n'eft-il pas höriteux que nous, qui réclamons fans ceffe, avec la dernière ardeur, les privileges de notre état, nous négligions , dans f occafion, avec autant de tiédeur, la prérogative d'être utilcs a 1'humanité ? Cependant, fi la Faculté paroiffoit excufable a quelques gens fenfés, pour avoir oublié le rigorifme de fes Statuts en faveur des Médeeins non approuvés, tels que M. Tiffot, Médecin étranger, ou M. 1'Abbé 'Sans, Phyficien, la leur paroïtra-t-elle autant dans fa conduite envers les Poifeffëurs de remèdes fecrets, de fpécifiques, d'arcanes, &c.; perfonnages qu'elle honore fpécialement dit nora dc Charlatans, & qui véritablement, quelques honnêtes gens qu'ön les fuppofc, doivent caufer aux Peüples plus de maux que la guerre la plus opiniatre ou la pefte la plus deftructive? Rappellons-nous qu'autrefois la Faculté ne vouloit prendre aucund connoiffance de tout cela. Pourquoi l Paree que  ( Si ) que pratiquaht exclufivement la Iviédecine dans Paris, aucun intérêt perfonncl ne s'oppofoit a ce qu'elle rcconnüt cette vérité fondamentale, que la Médecine n'exifte pas dans le rcmède, mais dans 1'application du remèdc. En t^gpféquence elle bannit alors, avec raifon, 1'cmploi de tout remède fecret, comme impoffible a adminiftrer avec difcernement, &c cömme meurtricr fi on PdÜploie autrement. Aujourd'hüi fa morale eft changée uniqucment, paree que les tems font changés; car les principes font toujours les ^mêmes, & ne peuvent avoir fubi d'altération •, mais chacun fe mêlant de Médecine, & s'arrogcant le dróit d'affaftïner fon prochain, en vertu de quelque protocole fecret qui le difpenfe des remords \ d'ailleurs la Société de Médecine ayant attiré 1'attention du Public par des certificats , des mémoires, des prétendues obfervations , des affemblées publiques, la Faculté a craint djêtre bientöt réduite a n'avoir plus rien a faire, & a penfé devoir, en conféquence, fe prêter au geut dominant, en adoptant des ufages encore plus dangereux que puérils; & c'eft ainfi qu'elle fait le mal de fens froid , non par amour du mal, mais feulement pour être quelque chofe , & fans y réfiéchir davantage. II lui en arrivera lc contraire,ft je fuis écouté, F  C 82. ) puifque les moycns qu'elle a choifis pour fa confervation, font précifément ceux en vertu dcfquels je réclame fa radiation. Mais je me lade , Monfieur , de parler avec .eet air de légèreté fur un fujet aurTi important &c digne du traité^e plus férieux. Paifons donc a autte chofe, &: voyons 11 les raifons qui ont dé terminé la Faculté a croire que j'^imois tant le Charlatanifme, ne tourncront pas encore a fa confufion. . Pour établir fa prétention, M. de Vauzefme entreprit de prouver, par les propres expreffions de mon livre, qu'il exiftoit des liaifons entre M. Mefmer &c moi; d'ou j'inférai fur le champ qu'il n'aimoit pas la befogne difficile. A cette preuve fans replique, il en ajouta une autre, en ces termes: » Tout le monde fait » que M. d'Eflon appelle auprès de fes ma^ »lades & confulte publiquement avec le » Charlatan Gondran, qui vend des gouttes » pour la goutte, quoique M. d'Eflon ne » connoilfe pas la vertu de ces gouttes «. II s'agit ici, comme vous voyez, Monfieur, du même M. Gondran que j'ai cité ci-defius a 1'article de M. de •Laifonne. Le remède de M. Gondran confifte en une liqueur fpiritueufe, dont on verfe quelques onces dans une quantité d'eau chaude fufïi-  ( §4 ) Ah, Monfieur! fi les vrais principes de la Faculté fe trouvoient ici en contradidion avec les rriiens , elle auroit bien pu fc difpenfer de me rayer : il y a long-tems que, de moi-même, j'aurots abjuré toute affociation avec elle. Quoi qu'il en foit, le malade n'avoit pu fupporter la chaleur de 1'eau prëparée par M. Gondran , paree que fes pieds étoient déja dépouillés par les remèdes ufités; mais dans le peu de tems qu'il y refta, je crus appercevoir une adion fenfible : je me déterminai a goüter 1'eau, & je ne 1'eus pas portée fur mes lèvres, que je reconnus la nature de 1'eau de M. Gondran; enforte que, depuis ce tcms-la, j'ai été en état d'ordonner fon remède fans recourir a lui. Vous voycz, Monfieur, par ce récit, combien M. dc Vauzefme a induit la Faculté en erreur, en lui difant que j'appellois auprès de mes malades M. Gondran, puifque la feule fois qu'il a adminiftré fon remède fous mes yeux, il ne s'eft pas rendu a ma follicitation. M. de Vauzefme avance que je ne connois pas la vertu des gouttes de M. Gondran, & moi j'afnrme que je connois les effets Sc la nature de ce remède. Quel Juge peut s'élever entre nous) Ce fera, Monfieur, la Faculté elle-même, s'il  ( 8y ) lui plait. Vcuillez bièfï lui rappeller qu'au tems dont je parle, c'eft-a-dire, en 1774 &C 1777, je lui ai rendu compte, dans un? de fes affemblées, & des effets & de la nature du remède de M. Gondran. J'avancai alors, & je confirme aujourd'hui, que je le croyoi3 fouvent auffi efficace que les remèdes ufités; qu'il 1'étoit quclquefois davantage, & que toujours il étoit moins douloureux, moins infupportable aux malades : ce qui fufïifoit aflurément pour mériter la plus grande attention. En conféquence , j'exhortai mes Confrères a multiplier, avec la fageffe qu'on étoit en droit d'attcndre d'eux \ des. expériences que je n'avois pas été a portée de confta&er fuffifamment. Si la Faculté avoit oublié ce fait, ce ne feroit pas a la gloire de fon arrtÉur pour le bien public; & vous conviendrez que la néceffité oir elle m'a mis de le publier, ne fait pas 1'éloge de fa prudence. Peut-être, Monfieur, devrois-je, avant de terminer eet article , examiner fi la Faculté étoit légalement autorifée a prononccr ma radiation, pour un fait tel que celui dont il eft queftióh; car on peut m'.objecfer que nos Statuts ayant acquis force de loi par leur homologation au Parlement, il n'eft plus tems de mettre leur juftice en queftion, &Z F 3  ( 86 ) qu'il faivr^avant tout%y conformer. J'attendrai, Monfieur, que nous foyons fous les yeux de la loi, pour difcuter ce point de loi, & je n'y ferai pas embarraffë. En attendant, je vous obfervcrai que 1'article 77 de nos Statuts ne prefcrivant aucune peine pour ce genre de délit, & les décrets particuliers de la Faculté , quoique plus févères, J'étant encore moins que la fentence de cette Compagnie contre moi, elle auroit bien du réfléchir que, fuivant la raifon, fuivant la décence & fuivant le cri de fa propre confcience, le parti qu'elle prenoit de m'expulfer de fon fcin, étoit extréme, violent & même déshonorant. Après avoir auffi longuemeqj| difcuté les trois principales allégations de M. de Vauzefme ou de la Faculté, je pourrois, fans doute, me difpenfer de parler d'une quatrième, d'autant que M. de Vauzefme n'en a fait qu'une très-légère mention, & qu'au fonds, 1'objet en eft affez minutieux ; mais c'eft précifément paree qu'il eft minutieux , qu'il prouvera combien j'ai porté d'attention a ménager ma Compagnie dans les moindres chofes,.même lorfque mes principes étoient oppofés aux fiens. II s'agit du titre de Docleur Régent de la Faculté de Médecine de Paris*  ( 37 ) que j'ai placé en tête de mes Obfervations fur k Magnètifme Animal; quoiqu'il foit de principe parmi nous, que ce titre ne doit être pris que dans les Ouvrages dont la Faculté a agréé 1'hommage ou autorifé la publication. A bien confidérer cette prétention de la Faculté, on ne peut s'empêchcr dc la trouver trés-extraordinaire. Onneconcoit pas quelle efpèce de propriété elle peut réclamer fur un bien qu'elle ne cède qu'a des conditions rigoureufes. Lc titre de Docleur Régent de la Faculté de Médecine de Paris n'eft rien moins qu'une conceflion gratuite : on ne 1'acquiert que par de longs travaux, de rudes éprcuves, d'onéreufes dépenfes. Vous *& moi , Monfieur , 1'avons payé argent comptant. La feule Rég|pce coüte chez nous prés de huit cent francs; & encore,après que 1'on en eft revêtu entraïne-t-elle des charges qui , pour être volontaires,n'cn font pas moins fatiguantcs. On fait affez que par le feul cftet d'un dévouement auffi louable que permanent, la Faculté voit depuis des fiècles fes Membres régir^gtatuitcment fes intéréts divers & ceux dc fes Ecoles. Auffi, Monfieur , la prétention que j'examine en ce moment, eft-elle vifiblement une de ces imitations Axadémiques adoptées par la Faculté, faute de réflexion fuffifante fur la nature de fa conftitutiom F4  ( 88 ) Cependant, ce qui peut convenir a des Académies ne nous convient pas du tout; & les précautions de la peur, toutes raifonnables qu'elles font en elles , nou* devroient être abfolument étrangères. En effèt, Monfieur, les Académies n'ayant aucune PoliCe intérieure, aucune Jurifdiftion rcelle fur leurs Membres , aucun moycn de les contenir dans les bornes du refped dü aux Mceurs, a la Religion &c au Gouvernement; les Acadijpnies, dis-je , ont dü craindre de bonneheure qu'on ne leur attribuat en Corps les écrits ou les fentimens hafardés de quelques Membres, & d'être privées eh conféqucnce de leurs prérogatives , de leurs émolumens, de leurs penfions, même de leur exiftencc. Elles aglrent donc avec fageffe lorfq«Élcs prirent le parti de défavouer d'avance tonz Livre qu'elles n'auroient pas fpécialcmcnt approuvé , en permettant a 1'Auteur d'orncr fon frontifpice du titre de Membre d'Académie.-Mais que fignifieroit parmi nous un pareil règlement ? Peut-il exifter quelque doute légitime fur notre refpecfu; miflion aux Loix de 1'Etat, & fi quii^es individus donnoient imprudemment prifc a de pareils foupcons , la peine que nous leur infligerions , en vertu dc notre conftitution % ne feroit-elle pas une démonftration con*-.  ( 89 ) plette que nous ne partagerions pas leurs fentimens ? II fera contradictoire a la Faculté d'affedtcr la fuprématie fur les opinions en Médecine , Sc d'accueillir en méme-tems les Livres nouveaux qu'on lui préfente ( Livres qu'elle n'a pas lus avant , Sc qu'elle ne lit pas après) tant qu'elle n'entendra pas approuver formcllemcnt Sc affumer fur elle les principes , les erreurs, les bévues, les contradidtions , les extravaganecs dont ils fourmillcnt. Pourquoi donc les accueille-t-elle) Eit-ce pour la gloire qui doit lui revenir d'un hommage muet ou d'une Epitre dédicatoire) Ce feroit attacher fa gloire a bien peu de chofe; Sc le parti de fe réduire a une indifférence égale-: ment paflive paroitroit infiniment préférable. Dans le fait, Monfieur , c'eft-lk cc que la Faculté pourroit faire de plus fage. Ne point enconrager les Ecrits en Médecine , paree que, en général, ils font tous inutiles, nuifibles ou dangercux en tout ou en partic , Sc cependant ne s'oppofer a la publication d'aucun d'cux, pour n'avoir jamais a fe reprocher d'avoir refufé accès a une découverte utileou bien a une doctrine falutaire : voila , fi j'en étois cru , quelle feroit toute la Jurifprudence de la Faculté en fait de Livres ; d'aiU leurs prendroit, fans 1'offcnfcr, qui cn auroit  ( 5>o ) le droit, le titre de Docleur Regent. II eft k préfumer que celui qui croiroit faire , en écrivant, une adion honnête , ne choifiroit pas ce moment pour renier en quelque forte fon aftbciation avec elle ; au contraire, il profiteroit de 1'occafion pour faire connoïtre combien il s'honoreroit de lui appartenir. D'après ces diverfes confidcrations , il m'auroit été fans doute très-pardonnable de ne pas m'occuper de cette délicatcffe fadice; mais, comme au fonds, j'aime mieux, quand je le puis, fans inconvénicnt, dépcndre qur de défapprouver ou contrarier, j'allai priee M. le Vacher de la Feutrie, Doyen, de foumettre mes Obfervations fur le Magnètifme Animal au Jugement de la Faculté avant leur publication. II me parut craindre qu'on ne trouvat de l'affedation*a demander fon aveu pour écrire fur une queftion dont elle n'ofoit feulement pas reconnoitre la fuppofition. D'un autre cöté , il tomboit d'accord avec moi qu'il ne m'appartenoit point d'avoir, aux yeux du Public , fair de me cachcr de ma Compagnie. En conféquence, il conclut a ce que je prifte le titre de Docleur Régent , fans élcver des difficultés auxquelles, fuivant toute apparence , on ne fongeroit pas. Au furplus, comme il reconnoillbiü, n'avoir pas.  ( 91 ) fait une étude approfondic de nos Ufages &: •Statuts , il m'engagca a voir a ce fujet M. des Elfarts, fon prédéceffeur immédiat dans la charge de Doyen , qui paffe pour être verfé dans ces matières. Celui ci traita faffaire plus légèrement, & je crois qu'il avoit raifon. II me confeilla dc faire a eet égard ce qui me conviendroit le mieux , fans m'occuper autrement de ce qu'on pourroit dire. J'ai déja reconnu que cc prétendu tort ne m'avoit pas été fort yivement reproché dans 1'Affcmblée du 18 Septcmbre 1780 ; mais lorfque le Jugement intervcnu contre moi eut acquis de la publicité , il fallut bien 1'étayer de quelques raifons tant bonnes que mauvaifes: alors on fut bien-aife de trouver qu'il m'étoit impoffib'c de me laver du reproché d'avoir tranfgreffé formcllement nos ufages , en prenant , fans 1'agrément de la Compagnie , le titre dc Docleur Régen: de la Faculté. A la vérité , cela ne détruifoit pas dircétement 1'exiftcncc du Magnètifme Animal j mais c'étoit un tort, & 1'on étoit dans un moment oü 1'on eftimoit effentiel d'en trouver. : Les chofes en eet état, la Faculté jugca a propos de tenir fa feconde Affemblée a mon fujet; car lorfqu'elle veut opérer la radiation d'un de fes Membres, pour quelque caufè  ( 9* ) que ce fok , elle eft obligée de revenu- par trois fois & en trois Affemblées différentes, fur fa délibération. Je fus averti Zl 1'ordinaire par un Billet imprimé de convocation, que cette Alfemblée auroit lieu le 7 Oétobre ( 1780 ) , &C que l'ony delibéreroit, y étoit-il dit, unefeconde fois fur ma perfonne (1). Ces expreffions n'étoient pas moins vicieufes que celles dont on s'étoit fervi pour convoquer 1'Affemblée du 18 Septembre précédent j car il n'auroit pas dü être queftion de ma perfonne , mais de mon Livre. Quoi qu'il en foit, n'ayant pas envie de m'expofer a de nouvelles infultes, je ne me préfcntai pas; mais défirant éviter le reproche d'avoir rompu avec la Faculté, pendant qu'il reftoit encore des moyens de rapprochement entre nous, je fis tenir la lettre que voici au Doyen, un moment avant 1'ouverture de 1'Alfemblée. Monsieur et très-honoré DOYEN. »J'ai recu un Billet de convocation pour »lAfiemblée de la Faculté , qui doit avoir «lieu ce .matin: des deux objets qui doivent »y être traités, 1'un me regarde perfonnelle- (1) Convocentur Doclrores Medici, &c de ela- ||imo Collega noftro M. d'Eaon, fecunda vice deliOTraturi.  ( 93 ) «ment. II doit être délibéré fur moi pour la 53 feconde fois. » La teneur de ce Billet a droit de me fur„prendre^car M. Rouffel de Vauzefme n'a » fait qu'une demande en dénonciation, Cette «demande écrite & dans vos mains, ne peut » être altérée: cependant les deux Billets re„latifs a la même dénonciation différent fen«fiblement: celui qui avoit pour objet la » convocation du 18 Septembre dernier, ne «parloit que de mon Livre: celui qui a pour «objet la convocation d'aujoUrd'hui ne parle „que de ma perfonne. Peut-être, Monfieur, » ferez-vous frappé des conféquences de cette »irrégularité , fi vous voulez bien réfléchir >, que ïe 18 Septembre dernier la Faculté n'au«roit pas commis la faute de délibéter fur » ma tête , fi quelque Obfcrvateur des formes »lui avoit fait remarquer que c'étoit mon «Livre qui étoit dénoncé &z non ma Per» fonne. » Je fais bien que M. Rouffel de Vauzefme „a confondu ces deux objets dans fon dif» cours de dénonciation; mais c'étoit un mo»tif pour lui en impofer, 6c je fuis fort fiché «pour ma Compagnie que vous n'en ayez «pasprofité. En effet, Monfieur, de quelle » uttlké réelle pouvoit être pour 1'inftrudion ^des opinans,une déclamation injurieufe  ( 94 ) -qui n'eft fondée que fur des préfomptions «vagues, des affertionstauffies, & des déné"gations fans prcuvc } 4 " Quoi q^'il en foit, Monfieur, les réfle«xions précédcntcs font de nature a vous «faire fentir que je ne puis ine rcndre a lAf«femblée de ce matin. Si je m'y préfcntois, «ce feroit pour m'oppofer fonncllement i "toute délibération contraire a nos inftitu«tions : ce qui pourroit aigrir les efprits. Je «préfère la paix que doit procurer mon ab„fence. » En outre, je vous prie, Monfieur, de «vous rappeller que dans 1'Alfèmblée du i8 «Septembre dernier, on me pria dc m'ab«fenter pendant la délibération. L'agitation «des efprits me détermina a donner cette «marqué de déférence a ma Compagnie. «Dans le fait, je devois refter & cxiger avant »tout le rétabliffernent de 1'ordre. Le moment »eft mon excufe, mais ce qui fut condefcen»dance alors, feroit foiblefle aujourd'hui «reproche que j'efpère ne pas mériter dans »le cours de cette affaire. " Je n'ai pas, Monfieur, dans cette Lettre "pour unique but , de vous dire par quels «motifs je ne me rendrai pas a lAffemblée "d'aujourd'hui. Mon défir eft de ne laifler "autant qu'il eft en moi, aucun nuage fut  ( 95 ) „mon attachcment pour ma Compagnie. » Je laiffai, le 18 Septembre dernier, fur «le Bureau ,'le difcours expofitif de ma con„duite relative au Magnètifme Animal : ma „Compagnie peut y lire les motifs qui m'ont „déterminé a ne pas me lavcr du reproche » qu'on peut me faire d'avoir tranfgrelfé fes „Statuts. Je vais y fuppléer en peu dc mots «& en deux articles. „ i0. J'ai eu des liaifons avec un Médccin non „approuvé danslaperfonne dc M. Mefmer. Je „ne le nie pas, mais y a t il, Monfieur, un „Statut qui ait pu prévoir 1'extraordinaire „ découverte de ce Médecin \ Que font nos „Statuts auprès du foulagement du monde »>entier? En voila affez : nous partons de „principes trop différens pour nous enten„dre. II faut des Juges impartiaux entre nous, „& j'efpère en trouver. J'ajoutcrai cependant „ qu'il y auroit de la mauvaife foi a me preffer „trop vivement a cc fujet , puifqu'il n'y a „peut-être pas un feul de nos Confrères qui „ne foit dans le même cas que moi, ainfi „que je me réferve de le prouver quand il en „fera tems. » 2°. J'ai pris le titre de Docleur Régent en „tête de mes Obfervations fur le Magnètifme „Animal, fans 1'expreffe approbation de ma „Compagnie. Laiffons toute difcufuon fur le  ( 96 ) «genre du délit. Quand je n'aurois pas d'ëx* «cufe, quel motif, Monfieur, pour cherchef „a fiétrir le Membre de la Compagnie qui, " fans aucune comparaifon, lui a tëmöigné le «plus d'attachement: mais ce n'elt pas tour. » Je vous foinme, Monfieur , au nom dc "votre probité , comme Particulier , & au «nom de vos devoirs comme Doyen de la «Faculté , dc faire led ure de ma préfente » Lettre a ma Compagnie. „ Or , je déclare a ma Compagnie, que „lors de l'imprefïion de mon Ouvrage, je me «rendis auprès de vous pour vous demander «1'agrémcnt de le foumettre a fes lumières, «& de prendre le titre de Docleur Rtgem. Je «lui déclare que vous m'avez confeillé de "jouir de mes droits fans éclat. Je déclare «de plus que vous m'avez engagé a confulter « M. des Effarts, Doyen, hots de charge. Je «déclare que celui-ci m'a donné les mêmes «confeils 'que vous, & que je n'ai agi que „d'après vos confeils réunis. » II me refte / Monfieur, a vous prier de „ne pas oublier que dans 1'Alfemblée du 18 „Septembre dernier , j'ai demandé que le «difcours en dénonciation dc M. Roüffel de „Vauzefme fut dépofé fur le Bureau : ma „demande fut agréée. Cette Pièce pouvant «devenir néceffaire par les fuitcs, j'efpère n que  ( 97 ) „ que vous voudrez bien prendre des meiures «erficaccs pour qu'elle ne s'égare pas. Quoi„ qu'il en arrivé, vous voudrez bien oblervcr « que ma demande eft formelle ,& que fi je luis „obligé par les lüitcs de citer de mémoire, «ce fera, Monfieur le Doyen aduellemcnt »en charge , que j'interpellerai en garantie „ou en dénégation des faits. „ Je ne finirai pas, Monfieur , fans vous „témoigner de nouveau combien je fuis „peiné des difcuffions qui s'élèvent entre «nous. Obligé d'établir des diftindions entre J9 Monfieur le Doyen & mon ancien ami, je „le prie de diftinguer cgalcment dans ma „ conduite cc que me dicte la néceffité de cc „qui répugne a mon attachement pour fa «perfonne ". Je fuis, avec un profond refpedl, Monsieur et très-honoré DOYEN/ Votre très-humble & très-obéiflant ferviteur, d'EslöN. Paris, Ie 7 Oftobre 1780. M. le Vacher eut, dit-on , fhonnêteté de faire ledure de ma Lettre a la Faculté, 6c de reconnoitre fans balancer la vérité de ce que j'avancois ; mais le décret prononcé G  ( 98 ) contre moi le 18 Septembre 1780 , n'en fut pas moins confirmé , & peu de tems après M. le Vacher fe démit de la charge de Doyen, lailfant en fufpends 1'affaire qui me concernoit. A peine lui eütes-vous fuccédé,Monfieur, que j'eus 1'honneur de vous faire vilite &c de vous repréfenter qu'il ne pouvoit me convenir de refter dans une fituation auffi douteufe que la mienne. En conféquence , je vous priai d'indiquer la tenue d'une troifième Affembléc, pour qu'il y fut définitivement ftatué fur mon fort. Vous voudrez bien vous rappeller qu'après m'avoir inutilement donné les confeils de 1'amitié pour me faire défifter de ma demande, vous finites par vous y refufer trés - expreffément en votre qualité de Doyen: c'eft de quoi je me plains aujourd'hui , Monfieur ; vous n'avez pu en agir ainfi , fans manquer a la Juftice qui m'eft düe, & fans heurter les principes conftitutifs du Corps dont vous avez 1'honneur d'être Chef. Je ra'explique. Nous fommes d'accord, Monfieur, fur ce point, que la Faculté n'opére jamais la radiation d'un de fes Membres, qu'elle n'ait pefé fes motifs dans trois Affemblées différentes ( 1 ). Dans la première, eft décerné tel (1) J'avois demandé aM. Philip une expédition desl  ( 99 ) Dccfet que 1'on juge convenable. Dans k feconde , la Faculté infirme cu confirme ce Décrets décernés contre moi, les 13 Septembre, & 7 OAobre 1780 : voici fa réponfe. » Je ne puis, mon » cher Confrère, vous envoyer les deux délibéiations >> que vous me demandez. Elles font encore entre les " mains de mon prédécefTeur. Quand même je les au» rois en ma poflèflTion, je ne voudrois ni ne devrois vous j> en donner copie. Vous favez que dans toutes les af«jfaires, pour lefquelles la Faculté juge a propos de » tenir trois Affemblées, le Décret formé dans Ia pre» mière, quoique confirmé dansla feconde, ne recoit fa « véritable valeur qu'a la troifième , laquelle troifième » Alfemblée peut confirmer ou inflrmér 1'ouvrage des }) deux précédentes. Or, tel eft le cas oü vous vous » trouvez. On a tenu deux Affemblees a votre fujet: » voila le judicium inchoatum. II faudroitque la troifième >» eut lieu, & confirmat ce qui s'eft paflé aux deux précé» dentes délibérations, pour avoir ce que nous appellons j) judiciumperfi&um ,five confommatum. La troifième Afjj femblée ne s'étant pas tenue a votre fujet, & fi elle fe si tenoit, pouvant infirmer ou détruire ce qu'on a fait pré3) cédemment, vous voyez, mon cher Confrère, que je» ne devrois aucunement vous délivrer copie d'une dé» libération qui peut être anéantie le lendemain; j'ef3> père que vous goüterez mes raifons, qui font puifées j> dans nos ufages, que vous connoiflèz, comme moi. » Je fuis bien fincérement, mon cher Confrère, votre »très-humble & trés - obéiffant ferviteur. Signi, Philip , Doyen «. Ce Dimanche, premier Avril 1781. G 1  ( io* ) óter a fes Membres la polfefïïon de leur état: elle peut feulement les priver de leurs droits d'aflïltance a fes Alfemblées, & de confultation chez les malades; inconvéniens des plus minces pour qui ne les apprécie que ce qu'ils valent : enforte que je n'aurois perdu que des avantages trés-médiocres , quand bien même la Faculté auroit confirmé, par une troifième délibération , le Décret propofé dans les deux premières. En attendant, je ne fuis ni rayé, ni privé du droit de confultation, ni fufpendu d'aucune de mes fondions, ni banni d'aucune délibération; je fuis appellé a toutes les Alfemblées, & perfonne ne jouit avec plus de plénitude que moi des prérogatives , droits & honneurs attachés au titre de Membre de la Faculté. Si même je voulois argumenter de la conduite de cette Compagnie, je pourrois prétendre qu'elle a reconnu rimpuilfiance & 1'illégitimité de fon Décret, en négligeant pendant vingt mois de lui donner la fandion des formes prefcrites. En voila affez, ce me femble, pour prouver que fi la délïcateffe ne me permet pas de refter indéfiniment dans une pofition douteufe, je ne dois cependant pas en avoir été confidérablement affedé jufqu'a préfent. Ce "n'eft pas que je prétende n'en avoir jamais été fatigué : on n'eft pas affailli de tous cótés*  ( I07 ) pendant trois ans entiers, cle propos mortellementennuyeux, fans en être quelquefois mortellement ennuyé. J'aurois mieux aimé voir tenir a la Faculté une autre conduite. II me paroit dur d'être a la veille d'un procés, moi qui fuis 1'homme du monde le moins proceffif: j'ai même rougi, un jour que, follicitant une faveur affez intéreffante pour ma fortune, a laquelle je croyois pouvoir afpirer fans indifcrétion, ma demande fut écartée , par la confidération de mes relations avec M. Mefmer & de ma fituation précaire avec ma Compagnie. Cependant, tout bien pefé & calculé , je trouve que j'ai pu vivre fans me croire fort'malheureux. Pen dis autant de M. Mefmer. II eft aujourd'hui paffé cn mode de faire peu de cas de fa perfonne; mais quand 1'heure de lui rendrc juftice fera venue, on le peindra en maöryr de la vérité. C'eft ainfi que toujours dans "les extrêmcs , on fc complaït toujours dans Terreur. M. Mefmer n'a pas plus que moi la figure d'un perfécuté. Sans doutc il doit être affiigeant pour lui d'avoir cn main la vérité la plus utile a 1'humanité, &c dc ne pouvoir engager 1'humanité a la reccvoir; mais, au fond, le malheur ne retombe pas fur lui. Individuellcinent cela ne lui fait rien >  ( io8 ) & s'il a été recu incivilement plufieurs fois, en plufieurs endroits, & par plufieurs perfonnes, c'eft plus a la honte de ceux qui 1'ont mal recu qu'a la fienne; &, quoi qu'il en foit, il y a loin de 1'incivilité a la perfécution. Savoir refpecfer ce qui doit être refpecté, ne pas déprécier par de vaines déclamations ce qu'au fond du cceur on fait devoir être eftimé, s'abftcnir foigncufement d'affoiblir la bonté de fa caufc, cn adoptant les conclufions- de fégoifme exalté; tacher de faire goüter aux autres la vérité , en la préfentant avec la modefte férénité qui lui appartient; en un mor, tenir, autant qu'il eft en moi, le vceu d'impartialité, de vérité, de fermeté & de conftance que je fis, lorfque, pour la première fois, j'ofai proclamer 1'exiftcnce du Magnètifme Animal; voila la tache que je me fuis impofée au commencement dc cct Ecrit : c'eft au Lecfcur a décider fi je 1'ai remplie. D'après ces. principes, j'ai ofé louer la Faculté dans ce qu'elle a de louablc, & je n'ai pas craint de la blamer dans ce qu'elle a de blamable. Dans le premier cas, je ne dois pas être fufpect de fiatterie : ma conduite eft un sur garant que je ne cherche pas a lui com-  (II*) Par un centrafte frappant a mes yeux, mais qui me paroit ne bleffer perfonnc, les Cabinets publiés ou particuliers de Phyfique, d'Hiftoirc naturelle, de Chymie, d' Anatomie, &c. abondent dans Paris, & il n'y en a pas un a portée de 1'cducation de la jcuneÏÏe. Par un fccond contraire non moins frappant , tandis que ces Collections abondent dans la Capitale jufqu'a la futilité, elles font a-peu-près inconnues dans les Provinces, comme s'il n'y avoit perfonne a inftruire hors de la Capitale. S'il exifle dans Paris des Cours publics ouverts par des Savans ifolés, ou bien entre tenus par le Roi, il eft aifé de s'alfurer que, faute d'être a leur place, ils ne fervent de rien a 1'Education. On n'y trouve pour auditeurs ou fpedatcurs que des gens qui abandonnent les occupations de leur état, pour apprendrc ce qu'ils auroient dü favoir avant d'embraffer un état. Ce font des pères & mères de familie, des Eccléfiaftiques , des Militaires, des Magiltrats, des Négocians, des Financiers, &c.; mais des Ecoliers , proprement dits, il y en a peu ou point. L'Amphithéatre de Chirurgie de Paris feroit le feul établiffement dc ce genre vrai- ment  ( "3 ) ment a fa place, fi les Ecoles de Chirurgie n'étoient pas elles-mêmes hors dc leur place, depuis leur féparation de la Faculté. (i) La miférable éducation que 1'on recoit aujourd'hui dans nos Univerfités, ne doit pas fermer les yeux fur la beauté de leurs conftitutions primitives. Prenons celle de Paris pour exemple, & foyons juftes. Ci) Rien de plus ftupide, de plus ignorant, de plus gauche, de plus inepte, qu'un jeune homme au fortir de nos Colléges. C'eft une vérité qui frappe tout le monde. Cependant M. de Condorcet, connu dansles Lettres, Secrétaire perpétuel de 1'Académie des Sciences de Paris, & nouvellement recu a 1'Académie Francoife , a avancé cette phrafe remarquable dans fon Difcours de réception d'ufage. » Un jeune homme, au fortir de 3> nos Ecoles, réunit plus de connoiflances réelles, que 3> n'ont pu en acquérir par de longs travaux , les plus » grands génies, je ne dis pas de 1'antiquité , mais du )j dix-feptième fiècle. « Cela n'eft pas afmrément, mais je crois que cela pourroit être. La plupart des vérités phyfiques les plus intéreftantes, telles que celles de 1'Eledricité,de l'Aimant,de la décompofitionderAir,&c. n'étoient pas connues du tems de Corneille, Racine , Molière, la Fontaine, Boileau, & néanmoins je croirois au(fi agréable qu'utile, pour la jeunefle , de lui procurer ces connoiftances. A elles toutes, elles ne coüteroienc certainement pas autant de larmes, qu'une feule'règle de la Syntaxe. H  (I") la maladie de M. Bourlet, fils, que les Médeeins même ne pourroient nier fans la plus infigne mauvaife foi, puifque le traitcment dc la maladie avoit été foumis précédemment a 1'avis des plus connus d'entre eux a Paris & a Verfailles. Le même M. Bourlet, fils, a été attaqué en 1781 d'^ne fluxion de poitrinc. II étoit a Paris : je fus appcllé & témoin des faits. Non-feulement la maladie étoit caraftérifée, mais j'attcfte qu'il n'eft pas de Médecin qui, dans les principes ordinaires , n'eüt foumis le malade a la diète la plus auftère, &c qui n'eüt réitéré les faignées & les purgatifs , au point que s'il n'étoit pas arrivé d'autre accident, M. Bourlet n'en n'auroit pas moins paffé par tous les périodes d'une maladie très-grave , & par 1'ennui & le danger des remèdes ufités en pareillc occafion. Avec M. Mefmer , au contraire , il ne fut queftion que d'être traité deux fois par jour, de boire & de manger ; au moyen dc quoi le malade expectora & fua affez pour être par-. faitement guéri. £n lix jours il reprit fon fervice. M. Bourlet, pere , étoit très-incommodé depuis quelque tems, il fentoit fes jambes foiblir föus lui, &c donnoit dc vivcs inquié-  ( 12-5 ) tudcs a fa familie. On donnera a cette maladie très-féricufe tclie caufe & tel nom que fon voudra, il reftera toujours que M. Bourlet a été remis en bon état par M. Mefmer, & les effets opérés par ce Médecin ont été fi continus Sc fi fenfibles, qu'il n'eft pas pofïiblc d'attribuer fa meilleure fanté a d'autres caufes qu'a fes procédés. Je pourrois citer d'autres fairs merveilleux opérés par M. Mefmer dans la Maifon de Monfeigneur le Comte d'Artois ; mais , je le répète, je ne cherche pas a pxouver ici 1'efiicacité du Magnètifme Animal y mais feulement combien il feroit pofüblc de portcr une attention plus fincère aux phénomènes dc première confidération dont on eft témoin. II y a une manière de déraifonner fur lc Magnètifme Animal, trop commune dans le monde pour m'cn taire abfolnment. Elle confifte a trancher fur toutes les queftions relatives a la découverte, cn s'attaquant a la perfonne de 1'Auteur, a fon efprit, a fa conduite , a fes mceurs , &c. Que conclure de tout ce que 1'on pourroit dire a eet égard contre 1'exiftencc & 1'utilité du Magnètifme Animal, ai-je déja dit dans mes Obfervations ? Quel dépjorable rölc , dirai-je aujourd'hui, que celui dc dénigrer un homme qui a fait du bien a plufieurs, Sc n'a fait de mal a per-  ( iz4 ) fonne, uniquement dans Tintention de déprécier une vérité falutaire a tout le genre humain > Tant d'injuftice me rend , fans doute , la liberté d'un éloge, qu'au premier coup-d'ceil mes relations fuivies avec M. Mefmer paroiffoient m'interdire. Comme homme de génie, je ne vois dans les tems connus perfonne a mettre au-delfus de M. Mefmer. Si j'entreprenois de le comparer a quelqu'un , ce feroit a Defcartes. Ainfi que Defcartes, M. iMefmer a abandonné les fentiers battus pour ouvrir une immenfe carrière a fes contemporains & aux fiècles a venir. Au contraire, de tous les autres Savans qui partent de ce qui eft pour déterminer ce qui doit être, ces deux grands hommes font partis de ce qui doit être pour arriver a ce qui eft (i). M. Mefmer eft dans 1'opinion que Defcartes a plus approché que fes rivaux de la route qui Conduit a la vérité, & s'il prouve un jour cette affertion , Defcartes lui dcvra. (l) Dans mes Obfervations fur le Magnètifme Animal, pag. 108, je penchois a croire que le fyftême général de M. Mefmer, étoit un fruit de fa découverte. Aujourd'hui je penfe, au contraire, que la découverte n'eft venue qu'a la fuite du fyftême, & que ce n'eft qu'après le premier effort que 1'un & 1'autre fe font aidés mutuellement  ( ) le retour d'une partie de fa gloire. Quoi qu'il en foit, ils auront tous deux changé la face des Sciences: car il n'en eft pas une qui tot ou tard ne fuive 1'impulfion que M. Mefmer aura donnée a toutes? Aftronomie, Phyfique, Hiftoire Naturelle, &c. tout portera un jour 1'empreinte que eet efprit créateur aura imprimée fur la face de 1'Univcrs. Mais cc qui doit faire diftinguer elfentiellement M. Mefmer des autres hommes , c'eft le génie d'obfervation dont il il a été doué par la Nature, avec une prodigalité qui a peu d'exemple. C'eft a eet heureux taéf de tout ce qui 1'entoure qu'il eft redevable de fa découverte , eomme il doit a fa découverte des moyens d'obfervation inconnus au refte du monde. II eft peu d'objets fur lefquels il n'ait des appercus nouveaux ou peu communs. Lors même que 1'on n'eft pas de fon avis, c'efta-dire , lorfqu'on le croit dans 1'crreur , on eft forcé de convenir que de pareilles erreurs nc peuvent appartenir qu'a un efprit de 1'ordre le plus relevé. II n'eft pas moins extraordinaire dans fon érudition. Toujours on le trouve parcourant des livres; jamais on ne lui en voit lire aucun. Cependant, foit que cette méthode fuffife a fa fagacité , foit qu'il ait mieux lu autrefois , il n'ignorc pas ce qui a été dit avant lui: il a même en ce genre des  ( *af) connoiffances dont on ne fe doutcroit pas. Quant a fes comporains ii fe contente volontiers de connoitre leurs opiniöns générales, traitant d'inutiles la plupart des details dans lefquels ils fe noyent, & fe croyant alfez récompenfé dc la perte de quelques obfervations utilcs par le bonheur de ne pas fe fatiguer de nombreufcs futilités. C'eft de-fa, fans doute , que quelques Savans ont pris occafion dc prétendre qu'il n'avoit que des connoiffances fuperficiclles. II en a au contraire de très-profondes. Si elles ne font pas calquées fur les leurs, c'eft que différent avec eux dans les principes, il doit en différer dans les conféquences , & que s'il n'eft pas Phyficien & Médecin a leur manière , il eft 1'un & 1'autre a la fienne. Parlerai-je de fes qualités fociales ? on n'a pas craint de les attaquer publiquement. Mais que dire fur celui qui n'a d'autre occupation que d'afiifter , de foulagcr , de guérir fes femblables , & qucls traits ajouter a eet énergique tableau ) M. Mefmer eft toujours avec des malades : il eft peu d'inftans dans la journée ou il ne foigne ou ne fe tienne a portée d'en foigner quelqu'un. L'habitude en eft tcllement prife , qu'il ne pourroit plus s'en paffer. II s'en occuperoit même par diftracfion. Je 1'ai vu au fein de  ( 1*7 ) cettè vie hofpitalièrc & tumultucufe faire nombre cTexcellent.es actions: je ne lui en ai pas vu faire une mechante. Le plüs fouvent occupé d'idées abftraites, il s'abandonne involontairemcnt aux élans de fes vives penfecs, ou bien il fe dJaffe mélancholiquement a tirer d: ies inftrumens les fons harmonieux qu'il deftinc a Tutilité de ce qui Tenvironne. Quelquefois une converfation fur les Sciences le tire de fa rêverie; alors perfonne n'eft plus profond, plus lumineux. II femble créer une langue d'expreflion pour faire éclore des idees nouvelles ou fublimcs : cn d'autres momens il fe portc a des difcours légers ; & ce qui étonnera peut-être le plus, certains de mes Leétcurs, on ne pourroit, fans préfomption , fe fiatter d'avoir plus d'cfprit, plus de délicateffe, une amabilité plus douce, une plaifanterie plus fine, la caufticité plus aimable, la contradittionplus amènc. Après tout,chacuri ayant fes imperfeftions, M. Mefmer doit avoir les fiennes-, mais tout bien examiné je crois pouvoir confeiller auLedteur judicieux de fufpendre au moins fon jugement fur un homme, dont la poftcrité ne prononcera le nora qu'avec reconnoiffance & vénération. Le Gouvernement Francois a cu feul la fagefte d'apprécicr M. Mefmer. II lui a offert n ne penfion dc vingt mille livres & un loyer  ( »3«) bliffement folide de la vérité: fon exiftence feroit trop ifolée. Un Corps feul pourroit donner la généralité, la fuite & la fanftion néceffaires aux expériences qu'on devroit faire , comparer & difcuter pendant un laps de tems confidérable, peut-être pendant des fiècles. C'eft en pareilles occafions que 1'on appercoit combien les longs travaux d'une Compagnie affidue, pourroient influer efficacement fur la confervation des hommes. Si depuis fix eens ans que fubfifte la Faculté de Médecine de Paris, elle s'étoit appliquée fans interruption a reconnoïtre & conftater les grandes loix de la nature, fes affections pour les tems & les climats, fes retours périodiques a des époques éloignées, &c. II eft a préfumer que nous prendrions moins fouvent 1'cxccption pour la régie, la régie pour 1'cxccption , les frayeurs de notre imagination pour des réalités, des vérités pour des errcurs. Ces idéés recevront un nouveau développement par 1'exemple de ce qui s'eft paffe dans la queftion des naiffances tardives; queftion également intércffante en Médecine &en Droit public; mais queftion obfeure, peut-. être infoluble 3 oü il eft auffi difficile de conftater les faits que de décider fur leur uniformké ou leurs diflemblances. Si jamais  ( '37) cette décifion peut être donnée & admife avec fageffe, elle fera néceffairement 1'ouvrage d'expériences fuivies , raifonnées & réfléchies pendant plufieurs fiècles. Ce n'eft la ni 1'ouvrage d'un jour, ni 1'ouvrage d'une perfonne : c'eft 1'ouvrage des générations. Cependant cette queftion épineufe n'a jamais été traitée que par momens, & pour ainfi dire par caprice. II y a quelques années qu'elle fut agitée avec vivacité. La Faculté qui étoit, comme je viens de 1'avancer , en arriere de fix eens ans fur cette queftion, ne faifit pas le moment de réparer fa faute en s'occupant férieufement dc faMifcuffion, en Corps , en Alfemblées ou en Comités. Elle s'en rapporta a quelques-uns de fes Membres , qui ayant différé d'avis , s'attaquèrent pub'liqucment fur leurs opinions , & enfuite dans leurs perfonnes: alors la difputc devint générale : on écrivit & on injuria de tous cötés : le Public fut fcandalifé, mais il ne fut point éclairé. Paffons a 1'Ekaricité. Interrogez les Phyficiens cn Elcdricité. Ils vous en démontreront les phénomènes récréatifs, vous les expliqueront de leur mieux; mais lorfqu'il s'agira de fon application a 1'art de guérir, ils vous diront que malgré les alfurances de quelques enthoufiaftes, il n'y a rien depofitif fur eet objet.Il eft vrai que  ( r3S ) fi vous les preffez un peuderaifonnement,vous vous appercevrez qu'ils parient de ce qu'ils ignorent. Interrogezau contraire lesfectateurs de l'Electricité appliquée a la Médecine , ils vous tiendront unlangage entiérement oppofé. Par exemple, M. Mauduit, Membre de la Société de Médecine , qui, je crois, a quelques torts avec M. Mefmer, mais en qui je reconnois avec plaifir, une grande réputation de probité, M. Mauduit vous certifiera qu'il a obtenu de l'Electricité des avantages récls dans plufieurs maladies. De même M. 1'Abbé Sans , dont j'ai déja parlé comme d'un Savant modefte, vous dira qu'il vient de monter, a Vcrfailles, rue de Montboron, un Cabinet d'Eleclricité pour y traiter gratuitement tous les Enfans qu'on lui préfentera en état de Convulfion; maladie tréscommune, trés - dangereufe &z très-fouvent mortelle dans 1'enfance. M. 1'Abbé Sans, a la vérité, ne s'engage pas a enlevcr le principe de la maladie, mais il s'engage, ce qui peut être très-effcntiel, a calmcr les Convulfions, c'eft-a-dire , a garantir des dangers les plus imminens, & a donner le tems de fe munir d'autres fecours. Interrogez après cela la Société Royale de Médecine fur la même queftion , elle vous répondra qu'elle doit faire imprimcr inceffamrnent les plus beaux  ( 139 ) Memoires du monde, & qu'en attendant, fi vous voulez Lui donner vingt-cinq louis, elle annoncera un Prix pour Tannée 1783 ou 1784, comme il vous plaira. Iriterrogez enfin la Faculté dc Médecine de Paris, cile ne s'en eft jamais occupée, & rien ne montrc qu'elle doive s'en occuper par la fuite, Rien cependant ne feroit plus fimplc a elle que de monter dans fes Salles des machines Electriqucs, ou, par elle - même, par fes Elèves , par les Savans qui defireroient communiquer avec une Compagnie célèbre, elle vérifieroit toutes les opinions contradiétoires, réfoudroit de fon mieux les problêmcs élevés, executeroit ce qu'elle reconnoitroit être avantagcux aux peuples , &: formeroit tot ou tard un corps dc doctrine falutaire, s'il y avoit lieu. La première dépenfe dc ces établiffemens n'excéderoit pas la fommc de fix eens livres; fomrÉte pour laquclle la Faculté n'a befoin dc recourir a perfonne, puifqu'en fupprimant 1'imprefïion dc fon inutile Almanach pour une feule annéc, 1'argent feroit tout tröuvé. Ce que j'ai dit pour l'Electricité , je le dis pour 1'Aimant. Les uns en nient les effets, les autres en vantent les prodiges. II n'en coutcroit a la Faculté , pour réfoudre les problêmcs de cc genre, & cn extrairc 1'u-  ( 14* ) nne queftion revêtue , d'ailleurs, de tous les dehors du myftère. II ne 1'a pas voulu : a la bonnc heure j mais alors il ne doit pas être étonné que même parmi les Gens de F Art il fe trouve des Perfonnes timides dans leurs opinions, &, fi 1'on veut, pufiUanimcs dans leurs actions, qui, n'ofant heurtcr de front la tiédcur publique &£ les décifions tranchantes de l'inconfidération ou de la mauvaifc foi, fc laiffent entraïner au torrent de Texemple, & finiffent par condamner avec amcrtume ce qu'ils auroient loué avec empreffement & conftancc s'ils y avoient été infenfiblemcnt amenés & doucement encouragés par 1'opinion commune. En tout ceci, je le répéterai toujours, il n'y a de révoltant que la mauvaife foi. Mais eft-il donc bien vrai que des Médeeins , Gens qui fe chargent, fans y être forcés, dc la vie & de la mort de leurs frères, puiffent demcurer infenfibles au terrible fpedacle de leurs agonies? Eft-il bien vrai qu'il exifte des êtres affez barbares pour ne calculer dans ces affreux momens que les intéréts de leur orgueil & de leur avidité ï Oui, Ledfeur, cela eft vrai. Perfonne n'étoit plus que moi éloigné de me rendre a ces triftes vérités ; mais aujourd'hui j'en reconnois, en frémiflant , 1'exiftence. II vous eft aifé de vous convaincre que rien n'eft plus  ( 143 ) certain. Parlez a nombre de Médeeins du Magnètifme Animal: ils fouriront dun air fupéricur a votre crédulité; ils ne vous laifleront appercevoir que l'indifférence la plus calme; vous fournirez tout au plus quelques alimens a leur gaieté ; & cc fera beaucoup slis daignent aller jufqu'a fe moquer ouvertement de la chofe & de vous. Tout cela n'eft qu'un jeu mal concerté. Voulcz-vous le faire cetfer ? Ecartez les plaifanteries qui nc vont pas au but. Subftituez-en de plus dircétes, ou bien faitcs parler la raifon & les faits. Eicntót vous verrez, fuivant le caraétère de chacun , les traits de leur vifage s'altérer, leur front fe rider ou s'animer, leurs joucs fe colorer, leurs yeux s'enflammer , leur langüe s'emporter ; enfin ils nc fe poffédcront plus, & 1'injure naïtra fur leur bouchc pour en découler avec amertume. Pour moi, qui depuis qu'il a été fi légèrement délibéré fur ma tête, ai cru devoir a la prudence dc me tenir fans affecration affez a 1'écart pour éviter les difcuffions inutiles, je déclare que j'ai trouvé par-tout des Gens de 1'Art pour antagoniftes fecrets. Cachés , mais vifibles pour qui fait les découvrir, ils fc tiennent par la main; 8c formant une chaïne continue, qui, attachée par 1'un de fes bouts au marche - pied du Tröne, traine de 1'autrc dans les ruiffeaux  ( 144 ) bourbeux de la Capitale, ils y enlacent &S y retiennent par des fils imperceptibles tous les rangstous les états , toutes les conditions, toutes les profeffions. Animés par le même intérêt, preffés des mêmes défirs, réveillés par la crainte commune qu'il ne s'égare quelques portions de 1'or qu'ils couvent des yeux , ils tachent d'écrafer fous leurs pieds la tête de la vérité ; & dülfent-ils n'arriver a cette vief oire qu'a travers les dégoüts &: les mépris, ils comptent y parvenir, paree qu'ils favent bien que tout eft foiblelfe au louvenir des fouffrances , & que tout eft terreur a 1'afped de la mort. Qu'ils faifent comme ils 1'entendront. La vérité deftrudive detant d'abus,percera malgré eux: plus-tard, fans doute, qu'elle n'auroit dü j mais elle percera. Je fuis avec un très-profond refped, Monsieur et très-honoré DOYEN, Votre très-humble & très-obéiffant ferviteur , Paris , ce ij Mai