325 B 338   VUES SUR . L E RUBICON, O U R E*C H E R C H E S SUR LES CAUSES ET LES CONSÉQUENCES DES AFFAIRES POLITIQUÊS Q u i doivent être du Par Par M. Paine , Senfe , ancien J méricain y au De etrangeres. 1788».   PRÉF ACE. Une expreffion employee dans le Parlement d'Angleterre , touchant la guerre d'Amériqne , & faifant allufion au paiïage dn Rubicon par Jules-Céfar, a rendu , en plufieurs occafions, cette rivière 1'emblême de la guerre. Heureufement poiir 1'Angleterre , elle eft encore du cöté païfible du Rubicon ; maïs comme on n'éteint pas toujours facilement les flammes une fois allumées ; de même , les efpérances de la paix ne font point aufli süres qu'avant le commencement de cette dernière difpute myftérieufe. Or, pendant que le calme dure , il ne fera pas inutile d'examiner les xéfultats d'une guerre, s'il eft vraï a  qu avant de la comtnencer ; ofl doive d'abord cn calcüler les rraix. La Nation voit a. la rête un jeune Miniftre rempli d'ainour-propre, & dépourvu d'expérience. Plufieurs exempies ont fouvent montré que le jugement diffère du génie , Sc que les affaires d'une Nation font en danger entre les mains de celui .en qui Fexpérience eft a defirer. On a fait fervir les circonftances de 1'avant-dernière guerre , a, décorer - le caractere du Miniftre actuel, Sc peut-être a-t-on beaucoup exagéré ; car , radminiftration auroit été très-repréhenfible ü Ion etit moins fait , que ce qu'on fit alors , lorfque nous confidérons les moyens., la force Sc 1'argent employés. . La Grande-Bretagne Sc FAmé-  iij rïque combattoien t contre la France feule; 1'Efpagne ne fe montra que vers la fin de la guerre. Le grand nombre de troupes que levèrent «Sc entretinrent a leurs frais les Colonies Américaines, toutes chofes égales , auroit été capable de faire pencher la balance. La France, a cette époque , n'avoit pas autant donné de foins aux affaires maritimes , qu elle Ta fait depuis ; & [S décention des matelots Francois, avant quaucune déclaration de guerre eüt été faite, violence qui fera toujours mife au nombre des coupables artifices de la guerre, quoiqu on puiffe la juftifier par la politique , alTura contre cette Nation un avantage certain , mais peu loyal. Cette conduite refTemble a celle d'un homme qui fait  'IV admtniftrer \ fon adverfaire, une potion affoiblifTante , la veille du jour ou il doit lui faire un appel.  l_j e hafard a fi fouvent reclifié les erreurs des fyftêmes, que c'eft une preuve de prudence de n'admettre qu'avec réferve ou le blame ou 1'éloge. « Le Rubicon eft pafte": » Telle fut Ia raifon par laquelle on crut juftifier la guerre la plus ruineufe qu'ait jamais fupportce 1'Angleterre. Accablée par 1'événement, & gémiftant fous le poids infupportable des impöts, elle a été de nouveau conduite miniftériellement fur le bord de ce ruifleau fatal & bordé d"A~ lufions, fans qu il lui fok permis de favoir pourquoi. A VUES SUR L E RUBICON.  (O On a entaffé les préparatifs; 1'alarme a été répandue comme s'il y alloit du fort de la Nation y & a la fin la montagne n'a enfanté qu'une fouris (i). Quiconque voudra examiner maintenant avec candeur les cara&eres nationaux des Anglois & des Francois, ne pourra s'empêcher d'être frappé du changement qui s'établit. Le peuple Francois commence a s'occuper des fes vrais intéréts , tandis que les Anglois abandonnent ce noble privilége. Les affaires de Hollande ont été le hochet du jour, 6c 1'on doit impofer une taxe fur les fouliers & les botes > comme 1'annoncent les Papiers publics, pour le fervice du Stathouder ; ce qui fera infiniment d'honneur a la nation, en vérifiant le vieux proverbe Anglois:« Quand » on a ufé fes fouliers 9 il ne faut pas » ménager fes botes.»'s Démocrite fe feroit borné a rire dff cette folie ; mais comme dans un fujec de cette importance , les argumens férieux font préférables a la raillerie, nous (O L'auteur dit: Une fouris Hollandoife (a Durch Moufe).  (3) ï'abandonnerons pour la remplacer par im examen imparnal. Avant d'y procéder, il ne fera pas hors de propos de fe faire une idéé générale de plufieurs matieres politiques, qui conduiront naturellement a une intelligence plus exacte du fujet. Quelle a été la fuite de toutes les guerres de TAngleterre , fi ce n'eft une accumulation étonnante dedettes & d'impóts ? Tantöt il s'agiffoit de foutenie une guerre étrangere , & tantöt une autre. Cétoit 1'Autriche, c'étoit la Prufle,' & ainfi de fuite ; mais le réfultat a toujours été les Impöts. Quelques individus fe font enrichis par 1'agiotage , & la multitude a fupporté le fardeau. Veuton favoir ce qu'a recueilli la GrandeBretagne par la guerre depuis 1758, pour fe dédommager de deux cent millions fterl. de dettes , dont 1'intérêt annuel , joint aux dettes antérieures, 1'accable aujourd'hui ? Rien. On a produit, comme en fpe£tacle , une gloire imaginaire, & fon éclat trompeur afafciné tous les yeux. Des guerres qui pouvoient s'éviter , après avoir été témérairement entreprifes, ont fini par Aij  .'( 4 ) des dettes & du mécontentement. II eft dans Fhomme je ne fais quoi de phantaftique, qui Fentraine aux erreurs mêmes qu'ii veut fuir. Cette jaloufie , que les individus de chaque nation éprouvent pour les deffeins fuppofés des Puiftances étrangeres , ne les rend propres qua devenir la proie des Aliniftres, & de ceux dont le mé- tier eft la guerre ou 1'agiotage. « Que la »confufion foit dans la politique de » FEurope , & puifie chaque nation être *> en guerre avant fix mois! » Voila une fanté qu'on a portée en préfence de Fauteur.... L'honnête & doux convive qui proclamoit ce vceu , follicitoit une entreprife auprès du Miniftre. Vous , génies bienfaifans! s'il en eft qui préfident au déftin de notre globe , combien devezvous déplorer la dégradation de 1'efpece humaine ! Quand on confidere les calamités de Ia guerre, & les maux dont elle menace même les générations futures , peut-on ne pas tomber dans un abïme de fenfaqons douloureufes, de penfées" défefpérantes ? Ah ! fans doute une mam divine a préparé dans le coeur de Fhomme la  i i) fibre fentimentale que fait vibrer la pitié au récitdetant dinfortunes! O hommel apprends-donc que la vraie grandeur d'une nation eft fondée fur les principes de 1'humanité , & que le véritable honneur, lorfqu'elle n'eft pasen danger, eft ö'éviter Ia guerre , plutöt que de compromettre le bonheur ou la vie d'un feul citoyen ! Maïs indépendamment de toutes confidérations civiles tkmorales , une guerre ne peut produire , dans les circonftances préfentes , aucun événement en faveur de 1'Angléterre ou de la France , qui puifle dédommager 1'une ou 1'autre des frais qu'elle leur coüteroit. La guerre amene dans fes progrès un fi grand nombre d'événemens impoftibles a prévoir , que la fagefte hursaine ne peut en calculer la fin. La feule chofe certaine eft 1'augmentation des impöts. La politiqi;e des Cours de 1'Europe eft maintenanr tellement comblnée, & leurs intéréts (I mêlés les uns avec les autres, que , mal-' grélafacilitéde commencer une guerre, le poids & 1'influence des Nations médiatrices obligent le vainqueur même a A iij  () recevoir des conditions de paix déTavantageufes. Le commerce & les forces maritimes font devenus une mode , ou plütöt une rage en Europe; ce qui excite naturellement les diffe'rentes Cours a empêcher, fok FAngleterre , fok la France, d'augmenter leur puilïance refpeöive par la deftrucr.ion ou même Faffoibliffernent de 1'une des deux; & par confe'quent, quelques perfpectives qu'elles puiffent avoir au commencement d'une guerre , de nouveaux ennemis fe déclareront a mefure que 1'une remportera des avantages fur Fautre, & des obftacles renaiflans détruiront les fuccès. La grandeur de Louis XIV ligua 1'Europe entiere contre lui, & la même caufe produira toujours les mêmes effets; c'eft pourquoi, cette nation feule eft vraiment fage , qui, contente des moyens de défenfe , ne fe crée point, en pure perte, des ennemis, en cherchant a devenir plus grande que ne le permet le fyftême de 1'Europe. Le Monarque ou le Miniftre qui paffe cette borne^ n'entend rien a fes  ( 7 ) affaires. C'eft ce que le Poëte appelle dans une autre occafion : The point where fenfe and non fenfe joint. Le point ou la raifon s'unit u la démence. Peut-être ne trouvera-t-on pas un exemple plus frappant de la folie de compter furies événemens, que dans les traités d'alliance. Si-töt qu'ils ont rempli 1'attente immédiate de 1'une des deux parties contraclantes , on s'en fouvient a peine. Les prétextesnemanquent point enfuite pour les éluder, ni les raifons pour les rendre inutiles; & fi la moitié de 1'argent que des nations prodiguent pour des alliances fyftématiques , étoit réfervée a leurs deffeins particuliers, elle feroit mille fois plus avantageufement employée. Les Monarques & les Miniftres, par ambition ou par reffentiment, fpécuient fouvent en eux-mêmes des projets de grandeur future, & exécutent ce qui leur paroit devoir produire des fuccès: cependant, lè tems s'écoule ; quelqu'événement imprévu furvient, & réduit tout au néant, Quelques vains lauriers fup- A iv  ( 8 ) pléent au fuccès; la nation ruinée crïe vicloire, & le Gouvernement infulteles vainqueurs par de nouvelles taxes. La politique & les intéréts des peuples de i'Europe varient fi fouvent les utis a 1'égard des autres , qu'on ne fauroit fixer la probabilité même de leur conduite future. Le grand principe des alliances femble n'être que peu entendu ou peu cultivé dans les Cours , principalement dans celle d'Angleterre. Ce n'eft pas 1'inciination des Souverains qui allure 1'effet d'une alliance; c'eft fur-tout, c'eft uniquement 1'intérêt réel des nations. , L'alliance de la France avec 1'Efpagne, quoiqu'on en parle comme d'un fimple pafte de familie, tire fa plus grande force de 1'intérêt national ( i ). L'Efpagne ne doute point du parti que prendroit 1'Angleterre a 1'égard de ces mines , fi celle-ci pouvoit détrüire (i ) Que font les mines du Pérou & du Mexique • a l'alliance de la France & de 1'Efpagne ? Elles feroient épuifées , que ia raifon d'Etat qui Va. fait former n'en fubfifteroit pas moins. Ces mines fatales ent au contraire le plus contribué a la dépopularion & a Pappaüvtiflernent de 1'Efpagne , & fans doute eiies produiroient le même effet fur d'autres poffeffeurs.  ( 9 ) les forces maritimes de Ia France, 6c par conféquent 1'intérêt de 1'Efpagne fe trouve continuellement uni avec celui de la France. Les Efpagnols ont de hautes. idéés del'honneur, rnais ils n'ontpas les mêmes idéés de l'honneur Anglois. Ils confiderent; 1'Angleterre comme entiérement gouvernée par des principes d'interêt, öc fe perfuadent qu'elle fait peu de fcrupule d'entreprendre ce que lui dictent ces principes , lorfqu'elle voit le moyen de 1'exécuter. Ce n'eft pas tout II n'eft pas une nation en Eu- rope , qui n'aime mieux voir ces mines au pouvoir de 1'Efpagne , que d'aucune autre Puiflance , paree que Ja richefle de ces mines , qui ruineroit 1'Europe entre les mains de quelques-unes de ces Puiffances > fè trouve diftribuée fans péril , 6c plus paifiblement par 1'entremife del'Efpa gne, que par celle de toute autre nation. C'eft une des caufes fecrettes qui unit une fi grande partie de 1'Europe aux intéréts de la France , paree qu'on la regarde comme une barrière qui aflure la diftributionlibre & égale de ces richefles. Cette alliance d'interêt eft er.core un  ( io ) des ciments inconnus qui empêchent 1'Efpagne & le Portugal y deux nations qui fe haïfTent, d'en venir a des hoftilités. Elles font toutes deux dans la même fituation ; & quelques puiflent être leurs mécontentemens , elles ne peuvent s'empêcher de confidérer qu'en écoutant leursj reffentimens , elles fe ruineroient elles - mêmes , & s'expoferoient a devenir la proie d'un plus puiffant ennemi. En un mot , cette alliance d'intérêt national eft la feule fur laquelle on puiffe compter, & qui puiffe être avantageufe. Toutes les autres, formées par la limple volonté ou le caprice des Souverains, ou par des liaifons de familie, mal combinées avec les intéréts nationaux, font 1'écueil de la politique , & ne manquent jamais de devenir onéreufes a la nation , qui prodigue fes richeffes préfentes dans Tattente cl'un retour éloigné. Quant a la Hollande, il faudroit être bien peu inftruit pour ne pas favoir qu'il exifte un principe plus énergique de (i) Si telle eft la politique qui empêche ces deux nations de s'attaquet, on ne peut qu'en admirer la fageffe.  ( II) rivalité entre cette Républlque & 1'Angleterre , relativement au commerce, qu'entre la France & 1'Angleterre pour la prépondérance. Ainfi, du moment oü un Stathouder fentira que fes intéréts font liés a ceux de fon pays , & agira d'après les vrais fentimens du peuple qui paye fes fervices, les moyens que prend maintenant 1'Angleterre pour ie rendre formidable , produiront le contraire de ce qu'annoncent les politiques du jour. Quelques puhTent être leurs efpérances ou leur attente , les circonftances ne produiront jamais que leurs effets naturels. Ce n'eft pas le defir des parties intéreffées qui décide un événement; il'faut que les moyens qui le préparent, aient une tendance irréfiftible a n'en pas produire un autre. L'Angleterre a dirigé l'acte denavigatlön contre les intéréts les plus chers de la Hollande; il n'eft donc pas a préfumer que 1'envie de profiter de la fituation accidentelle dun feul individu , d'un Stathouder, puiffe , comme dans le cas préfent } réunir les intéréts des deux peuples. Quelques années encore, peutêtre un moindre efpace de tems t con-  ( 12 ) duiront le Stathouder au lieu oü tout s'oublie ; & fon fucceffeur , conteraplant les erreurs qui troublèrent fa vie , fera porté naturellement a rejetter les moyens qui les firent naitre , 6c a fe repofer lur les intéréts de fon pays, plutöt que de recevoir 1'affiftance momentanée & tumultueufe d'une Puiftance étrangere. L'Angleterre elle-même offre maintenant un exemple de ce genre de politique. Le règne a&uel, en favorifant i'Ecoife, a calmé 1'efprit de fattion qui agitoit les deux règnes précédens. C'eft en vain qu'on a taxé cette politique d'ingratitude envers ceux qui établirent & protégerent la fuc.ceflion d'Hanover. Junius parut; mais fa plume brillante féduilit fans convaincre , 6c quoiqu'il eut 1'art de cacher 1'efprit de faclion par la force du raifonnement, 6c de donner de la grace au farcafme, la faine politique n'en réfifta pas pas moins a fes traits. Quelles feront donc les conféquences naturelles de tout ce qui fe fait en faveur du Stathouder, ou d'une guerre qui peut en être la fuite ? Sondés les profondeurs du cceur humain} 6c vous y verrezi  ( 13 )... 1'avenïr. C'eft de la qu'il faut tirer fes conjetlures, & non pas des déclarations ou des projets des Miniftres. Un paragraphe de Papiers publics, les cris forcenés de politiques romanefques, de ceux qui defirent la guerre a toute occafipn , ou fans autre motif que celui de 1'agiotage, peuvent nous obje£ter la finefle, 1'intrigue Fran^oife; mais les Hollandois ne font point un peuple a qui 1'intrigue de la France ou de 1'Angleterre , ou de toute autre Nation , puiffe en impofer long-tems. S'il y a eu en effet de 1'intrigue, c'eft entre 1'Electeur d'Hanover , le Roi de Pruffe & le Stathouder, & le peuple Anglois feul fera dupé de plufieurs millions. Les Hollandois , comme on 1'a déja obfervé, ne font acceflibles ni a la fineffe nï a 1'intrigue ; c'eft peine perdue que de les attaquer ainfi. L'intérêt feul de leur commerce fait fur eux une impref* fion durable: c'eft 1'ame politique de leur République , le reffort de leurs actions ; & lorfque ce principe coïncide avec leurs idees de Hberté , il a toute 1'impulfion dont eft fufceptible un Hollandois. Les patriotes en Hollande ne font  ( 14 ) devenus les ennemis du Stathouder 9 qu'après s'être convaincus qu'il étoic celui de 1'intérêt national ; ils n'ont eu befoin d'aucun autre motif. Peu leur importoit que fa défeélion procédat d'un attachement étranger , de la corruption, ou de fon manque d'intelligence dont perfonne ne doute. Ce fut piutöt 1'effet que la caufe qui irrita les Hollandois. Le Stathouder a fait ufage du pouvoir qu'il a dans le Gouvernement pour ex> pofer les intéréts & la propriété du peuple qui le foutenoit; quel plus puiflant motif de reffentiment peut ? en aucun pays , irriter des citoyens contre un Prince ? Les Hollandois ont jugé Ia conduite du Stathouder contraire a leurs intéréts nationaux. Si les Anglois ont pu chalTer les Stuarts , a combien plus forte raifon les Hollandois n'auroient-ils pasce droit a 1'égard du Stathouder f Les efforts de 1'Angleterre pour le rétablir , ne fervent qu'a inyétérer , dans le cceur des Hollandois, la même haine contre 1'Angleterre , que relfentirent les Anglois contre la France , lorfque Louis XIV voulut rétablir les Stuarts ; & fi la politique actuelle prétend attacher la Hollande  (\t) a 1'Angleterre, elle fe fonde fur un prhv cipe très-erroné. Confidérons maintenant la fituatlon du Stathouder fous un autre point de Ifue, II doit attribuer les troubles a quelques fecrettes influences qui préfiderent a fa conduite pendant la derniere guerre , ou en d'autres mots, a la conviétion oü fort étoit qu'il fervoit d'inftrument au miniftere Britannique. Ainfi, comme chaque partie d'un- argument doit avoir fon poids, au lieu d'accufer les Francais d'intriguer avec la Hollande , 1'inculpation doit plutöt tomber fur l'adminiftration Angloife, pour avoir intrigué avec le Stathouder , & expofé la nation a une guerre , fans motif fuffifant. La conduite actuelie du miniftere confirme les foupcons, 6c découvre aux Hollandois cette collufion du Stathouder contre leurs intéréts nationaux, qu'il auroit dü cacher > puifque 1'évidence de fes deffeins lui caufe plus de maux, que la vaine parade des fervices qu'il a rec.us, nelui a procuré d'avantages. La néceffité feule auroit pu excufer 1'Angleterre d'avoir paru auvertemenc  ( i* 5 dans une caufe qui doit encore plus aliéner du Stathouder le cceur de fes concitoyens. Si la France eüt fait quelques difpofitions de guerre , 1'Angleterre auroit pu avoir quelques prétextes pour faire une démarche, qui ne peut manquer de convaincre 1'univers que les foupcons des Patriotes contre le Stathouder étoient bien fondés, & que leur caufe étoit jufte , quoiqu'elle n'ait pas été juftifiée par le fuccès. Quant a 1'influence des Hollandois dans la balance de 1'Europe (ce qui intéreffe principalement 1'Angleterre , difent quelques Papiers publics), voici la conduite que commande leur pofition. Comme fatleurs des autres nations, leur intérêt les engage a la neutralité , & ils Tobferveront toujours , a moins qu'on ne les attaque comme dans la derniere guerre & toute fpéculation qui paffera la ligne de leurs intéréts, c'efta-dire, de la neutralité , foit avec 1'Angleterre ou la France, ne pourra qu'échouer. II n'eft donc point de 1'effence de la politique , d'entreprendre une guerre pour effectuer , a grands frais} ce  ( 17 5 ce qui doit arriver naturellement, & audela de quoi il n'y a rien a efpérer. Que ia Hollande foit aliiée avec 1'Angleterre ou la France ; avec toutes les deux , ou même qu'elle ne le foit ni de 1'une , ni de 1'autre, fa conduite nationale , dirigée par fes intéréts, fera prefque toujours la même, ellefera neutre. II eft tellement de la nature des alliances de n'aboutir a rien , que de s'expofer a la guerre , foit pour empêcher celles qui vont fe former , foit pour détruire celles qui le font déja , eft une des fpéculations les plus infenfées, une de celles qui méritent le moins qu'on prodigue des tréfors. A peine faudroit-il rifquer une guerre qui n'entraineroit aucunes dépenfes, paree que tout ce qu'on peut efpérer de la guerre, fe fait naturellement par 1'inutilité complette des alliances dont 1'intérêt & les convenances réciproques ne font point la bafe. Quelque pompeufe que puiffe être Ja déclaration d'une alliance , 1'objet de la plupart de ces contrats entre deux nations , eft de s'affurer mutuellement, toutefois autant que la chofe le comporte, que 1'une ne fe joindra point aux B  ( i8 ) ennemis de 1'autre dans quelque guerre qui puiffe s'élever : mais la fituation phyfique 8c palicique de la.Hollande tend a afTurer cette tranquillité de fa part aufli efBcacement a la PuiJTance dont elle n'eft pas aliiée , qu'a celle avec qui elle a contraété des engagemens. Ainfi, dans 1'un 8c 1'autre cas, on peut compter également fur fa neutralité. Quant a 1'union cordiale d'intérêt entre la Hollande 8c 1'Angleterre , il eft aufli peu naturel qu'elle exifte, qu'entre deux individus rivaux dans le même métier; 8c s'il eft une démarche qui puiffe Téloigner davantage, c'eft celle que fait maintenant 1'Angleterre. Elle n'a fait qu'accroitre l'animofité des Hollandois par fon obftination a capter le Stathouder, qui ne pourra fe procurer du repos a 1'avenir , qu'en s'uniffant aux Patriotes , comme le Gouvernement Britannique 1'a fait de nos jours avec 1'EcofTe. Que les dépenfes étoient donc inutiles, que la politique étoit fauffe de s'expofer a une guerre pour les affaires de Hollande! Oui , une alliance fincere eft plus probable entre la France 6c 1'Angleterre , qu'entre 1'Angleterre 6c la Hollande. Ce  ( 19 ) n'eft point la manière de fentir d'un Anglois , mais celle d'un Hollandois qui décide la queftion. De 1'Angleterre a la France, il n'exifte aucune rivalité réelle d'intérêt; c'eft plutöt 1'effet du tempérament, de la jaloufie, de la défiance réciproque , qui entretient l'animofité, qu'aucune caufe effentielle. Mais de la part de la Hollande a 1'égard de 1'Angleterre , outre 1'efprit d'animofité, c'eft le preiïant motif de la rivalité dans le commerce qui agit , ainfi que le fouvenir poignant des injures palfées. Ils oublieront difEcilement la guerre qu'on leur a fake fous 1'adminiftrationdu LordNorth, lorfqu'ils ne prenoient aucune part aux hoftilités , & qu'ils ne jouoient que 1'humble röle de marchands. Ces raifons, dérivées des fentimens du cceur humain , démontrenc donc que toute efpérance d'attacher la Hollande a 1'Angleterre , comme Puiffance amie , eft vague & futile. La nature gouverne le cceur humain d'une rnanière uniforme, &. toute politique qui voudra contrarier fes loix immuables, tombera d'elle-même. Quiconque voudra examiner 1'hiftoire de la politique Angloife pendant ces Bij  ( 20 ) dernieres années, s'appercevra qu'elle a été dirigée fans fyftême déterminé. Pour établir ceci, Ü ne faudra que faire attention a un événement, dont tout le monde peut fe reffouvenir. La guerre d'Amérique a été entreprife 8c foutenue a grands frais , d'après 1'opinion annoncée publiquement que la fuprématie, dans ce vafte continent, étoit néceflaire a la Grande-Bretagne : mais a préfent que 1'Amérique s'eft fouftraite au joug de la mere Patrie , la politique actuelle affüre qu'elle nous étoit a charge. Ces deux alfertions fe contredifent , 6c leur contradiction démontre ün manque de fyftême. Si la derniere eft vraie, on eft en droit d'inftruire le procés des Miniftres , qui auroient dü faire cette découverte avant que cette guerre civile eüt couté la moindre dépenfe. Cette feule confidération furHt pour faire douter fi les mefures attuelles font plus fages que celles qu'on prit alors. L'expérience prouvera fans doute qu'une guerre entreprife en faveur du Stathouder, ou fous 1'efpoir de s'attacher un parti dans la Hollande , qui, de toute manière , ne fera jamais qu'une Puifl'ance neutre, eft  ( 21 ) une abfurdité politique , comparable a celle d'en avoir entrepris une pour conferver rAmérique. Si 1'Angleterre eft affez puifiante pourfe maintenir & conferver fon influence dans le monde comme une nation indépendante , elle n'a befoin d'aucune liaifon étrangere. Si elle ne 1'eft point, c'eft donc a ton que les Anglois ont concu une fi haute idéé de leur importance. En un mot , ou fa politique eft mauvaife , ou fa fituation n'eft point telle qu'on la repréfente: elle doit renoncer a fon opinion pour juftifier fa politique , ou abandonner fa politique pour défendre fon opinion. Si i'on fuppofe que quelque genre de liaifon avec la Hollande vaille la peins d'être acheté , on pourroit demander pourquoi on brifoit cette liaifon en les attaquant dans la derniere guerre. Si elle n'étoit pas digne, d'être confervée fans dépenfe, 1'eft-elle maintenant d'être regagnée a grands frais ? Si les Hollandois n'aiment point les Anglois , croit-on les forcer a les aimer contre leur volonté ? Si 1'on objeéle enfin que pendant la derniere alliance , ils ne fe conduifirem JB iij  ( 22 ) point en amis , croit-on qu'ils le deviendront davantage dans une autre ? Ils étoient alors aufli libres de choifir qu'ils • le feront jamais. Par-la, onpeut découvrir quel eft le fentiment qui gouverne la nation. Ce n'eft point ce que peut être un Stathouder , quidirigera la Hollande ; ce fera toujours un principe de comïnerce. L'intérêt eft aufli prédominant, & aufli fecret dans fes opérations que l'amour; il réfifte ala force, & déjoue les ftratagêmes de la contradition. Les hommes d'Etat, & les politiques les plus habiles ont toujours eu pour principe , que les alliances étrangeres ne fervoient qu'a embarraffer & a épuifer i'Angleterre; qu'environnée par 1'Océan, elle ne pouvoit être envahie comme les autres contrées du continent de 1'Europe, que fa fituation lui dictoit un fyftême différent de celui qui convient a ces contrées; & que fe liguer avec elles, c'étoit facrifier les avantages de fa fituation a une politique capricieufe. En effer, quoiqu'elle puiffe rendre de très-grands fervices aux autres peuples , elle ne peut en attendre de leur part que de très-foibles ; & comme il faut toujours qu'elle  1*3,) paye les foldats qu'on lui prête , elle peut s'en procurer quand ils lui font néceffaires. II vaudroit donc mieux pour elle recourir a ces reffources au moment du befoin , que de s'embarraffer d'alliances fyftématiques , qui fervent plutöt a 1'entrainer dans des guerres continentales , étrangeres a fes vrais intéréts , qu a la délivrer d'une guerre entreprife pour fon propre compte. De cette difcuffion des affaires de Ia Hollande , ou Ton vient de voir que fon alliance ne peut être un motif raifonnable de guerre , nous procéderons a démontrer que ni la France, ni 1'Angleterre , ne font en état d'en entreprendre une; & qu'il n'exifte aucun objet préfent , ni pour 1'une ni pour 1'autre , qui puilfe les dédommager des frais qu'elle entraineroit, ou les excufer,aux yeux de leurs fujets refpeétifs , d'établir de nouveaux impóts. Je défends la caufe du pauvre, des manufa£tures, des artifans, du fermier , de tous ceux fur qui tombe le poids réel des taxes mais, par- deffus tout y je défends la caufe de 1'humanité. II arrivera toujours que les bruits de Biv  ( 24 ) guerre feront accueillis h Londres pafmi le plus grand.nombre. II eft des miiliers dliommes qui ne vivent que par elle; leur moifton. Les clameurs que de teis indiviclus répandent dans les Papiers publics , & les converfations , paffent , fans examen, pour la voix du peuple; & ce n'eft qu'après que le mal eft confommé, qu'on s'appercoit de Terreur. Ces fortes de gens qui ne connoiflent pas mieux 1'état de 1'Angleterre que celui de la France, exaltent avec emphafe la richelfe de la première; & faifant trophée de 1'état malheureux de 1'autre , Ie préfentent comme un motif fuHifant de lui déclarer la guerre. , Mais en admettant que de telles opinions foienc aufti vraies qu'elies font fauffes , comme nous le démontrerons bientöt , n'appercoit - on pas quelque chofe de vil dans le caradère d'une nation qui regarde comme un motif fuffifant de guerre les crifes accidentelies qui engourdiftent les forces d une autre ? Que 1'Angleterre y prenne garde: l'augmentation étonnante du papier de crédit qui circule dans toutes fes parties, 1'expofe a un choc plus terrible encore  ( 27 ) que celui qu'occafionna la banqueroute de la Compagnie du Sud, paree que le crédit & le papier qui le cautionne ont pris depuis cette époque un dangereux accroiflement. Qu'un tel défaftre arrivé, ( & les hommes les plus fages de la nation ne peuvent s'empêcher de le craindre) on regarderoit comme une infamie de la part de la France, qu'elle s'autorisat du malheur de 1'Angleterre pour lui déclarer la guerre ; & cependant , c'eft dans la Grande - Bretagne même que cette perfidie odieufe eft publiquement avouée. La banqueroute de 1719 fut accélérée par les grands crédits que les fonds avoient alors, & par la confiance du peuple. Le crédit ne s'étendil pas plus aujourd'hui , la confiance n'eft-elle pas aufti aveugle qu'elle 1'étoit a cette époque.'' Les Anglois croyoient alors être aulfi fages qu'ils penfent 1'être a préfent ; cependant ils furent miférablement trompés , & Ja même erreur qui les égara , renaitra de nouveau des mêmes caufes. Le crédit n'eft pas de 1'argent, & par conféquent, il ne peut en tenir lieu en dernier réfultat. C'eft feulement le  ( 25 ) moyen de s'endetter & non de s'acquifter ; autrement , la dette nationale ne s'accumuleroit point. L'erreur qui aveugle les nations fur 1'étendue du crédit eft préciféinent la même que tout homme entretient a fégard de la vie , fa fin eft toujours plus prés qu'on ne penfe, óc les Anglois fefont banqueroute de propriétés idéales, comme on fait banqueroute d'un temps dont on ne jouira point. Le peu que les nations connoiffent ou veulent quelquefois connoitre de leurs intéréts refpettifs, ne fert qu'a les précipiter dans des guerres qu'elles n'auroient pas entreprifes , fi elles s'étoient mieux obfervées : il ne fera donc pas inutiles de faire ici le parallèle fuccin£t des moyens de la France 6c de 1'Angleterre. Pour exécuter ce plan , il en faut écarter la fituation accidentelle d'une nation. Par fituation accidentelle, j'entends ce dérangement momentané de fon fyftême intérieur, auquel toute nation eft fujette ; nous devons le? regarder comme ces maladies qui retardent Ie développement du corps humain 6c gêne 1'exercice de fes forces naturelles.  ( *7 ) La bafe folide du pouvoir d'une nation eft affife fur fa population , fes richeftes, fes revenus. On pourroic ajouter encore fur le caraclère du peuple. L'on ne manque pas d'exemples qui prouvent qu'une nation qui fe repofe trop fur fes forces naturelles, eft moins propre a développer toua fes moyens que celle qui fent la nécefiité de compenfer le manque de forces par le redoublement de fes efforts. On en a vu fouvent la preuve entre 1'Angleterre & la France. L'a&ivité de la première , excitée par fes craintes , a quelquefois trompé les efpérances de la rivale , trop confiante dans fa fupériorité. Mais eet état de chofes ne peut fubfifter; il ne dépend que du caraclère accidentel d'un peuple. Tous les voyageurs qui dans ces derniers temps ont parcouru la France . favent qu'il s'opère un changement extraordinaire dans 1'efprit de cette nation ; changement qui rendra la France formidable, fi-töt que fon gouvernement faifira 1'heureufe cccafion de doubler fes forces'en alliant, fi l'on peut s'exprimer ainfi, la majefté du Souverain avec la majefté de la nation.; car de toutes  ( 28 ) les alliances , celle-ci eft la plus süre & la plus forte, paree que 1'intérêt, ainft formé , & agiffant contre les ennemis extérieurs, ne peut être divifé. On peut tenlr pour règle certaine , qu'un Sujet , de quelque contrée qu'il foit, attaché au gouvernement par detels principes , a deux fois la valeur qu'il avoit auparavant. La liberté dans le Sujet ne diminue point le pouvoir du gouvernement , comme on le croyoit autrefois; elle 1'augmente au contraire. Toutefois les progrès de cette révolution falutaire demandent a être furveillés avec la plus grande attention. Si les gouvernements oftroient la liberté au peuple , ou montroient de 1'inquiétude a ce fujet, 1'offre feroit probablement rejettée. On pourroit fe méfier de la caufe qui produiroit cette oftre. Par conféquent, le defir doit naitra dans la maffe du peuple , & 1'inftant précis ou rimprelfton devient univerfeile eft celui qui eft le plus important pour la confolid ation la plus efficace de la puiffance & de la grandeur nationale. Pendant que ce changement s'opère, la nation parok plongée dans une efpèce  ( 29 ) de cahos; mais c'eft du cahos qu'eft forti 1'ordre de 1'univers : les plus grands biens n'ont fouvent eu qu'une informe origine. C'eft pourquoi , nous pouvons être affurés que ce qui a dans ce moment 1'apparence du défordre en France, n'eft qu'un anneau dans cette grande chaine des circonftances, par lefquelles les nations arrivent au fommet de leur grandeur. Les Affemblées Provinciales, déja commencées en France,font amon avis (i), une repréfentation aufli complette du peuple que les Pariemens d'Angleterre. Les Francois étoient autrefois le peuple le plus libre de 1'Europe; & comme les nations paroiffent avoir leurs révolutions périodiques, il eft très-probable qu'ils Ie redeviendront de nouveau; tout 1'annonce déja; nous avons obfervé plus haut qu'ils commericent a penfer pour eux-mêmes , tandis que les Anglois renoncent a cette prérogative. En comparant 1'état préfent de 1'Angleterre & de la France, quant a la population , aux revenus & a la richeffe, (i) Non pas au mien.  ( 30 ) on peut prouver qu'elles ne font ni 1'une ni 1'autrs en état de s'atiaquer , & que Ia fin de la guerre feroit trés- probablement Ia ruine rnomentanée des deux nations. Pour établir ce point auquel il eft ii néceifaire que les deux nations aient égard , un libre examen de toutes les matières qui y ont rapport 3 devient indifpenfabie. Si quelques - unes de mes aflertions peuvent déplaire, je me croirai juftifié par leur publicité même : les faire connoitre , c'eft prévenir le mal; les taire ou les diffimuler, ce feroit cacher le précipice. De la Population. La population de la France étant d'environ vingt-quatre millions, furpaffe du doublé celle de la Grande - Bretagne , outre que la France recruce plus de foldats en Suiife que 1'Angleterre n'en recrute en Ecoffe en Irlande. Ajoutez a cela que TAngleterre & 1'Irlande ne fonc point dans une fituation trop amicale. Le ibupc.on que la première tient 1'autre dans un état d'abaiflement pour 1'empêwher de rivalifer fon commerce  (3i ) & fes manufaétures , aliénera toujours de 1'Angleterre 1'efprit des Irlandois. Revenus. Les revenus de la France font de vingt-quatre millions fterling. Ceux de 1'Angleterre , de quinze millions 6c demi. Les impöts par tête en France font de vingt Ichelings fterling; en Angleterre , ils font de deux livres fterling quatre fchelings 6c deux fous. La dette nationale en France , en y comprenant les rentes viagères , avec les intéréts ( qui forment deux cinquiémes de la detté entiere 3 6c quijexpirent tous les ans ) eft de cent quarante-deux millions fterling (i). La dette nationale en Angleterre , qui ne comprend que des intéréts a perpétuité , eft de-deux cents quarante-cinq millions. La dette nationale de la France renferme le pouvoir de fe liquider elle même fans aucuns nouveaux impöts pour eet objet r paree qu'elle n'exige que 1'application des rentes viagères , a mefure qu'elles expirent , a 1'achat des autres trois cinquiémes, qui font a intérêt perpétuel : mais la dette nationale ( i ) On fent que ce calcul dl erroné.  (32) d'Angleterre n'a pas eet avantage ; & par conféquent, le million fterling par an , qui doit être appiiqué a la réduire , eft un impót de plus fur le peuple, ajouté a ceux qu'exige le fervice ordinaire. Richejje. Cet examen-cï eft important; on doit 1'écouter avec patience, & le juger fans préj u gé. Rien n'eft plus commun que de voir des gens prendre une chofe pour une autre. Ceux qui exaltent la riehefie de Ia nation , ne prennent-ils pas un papier monnoie pour del'argent ? L'évidencede cette affertion peut être un des moyens de prévenir cette ruine , qui ne peut manquer d'arriver , fi l'on perfifte' dans Terreur. La plus, haute évaluation qui foit faite de 1'or & de 1'argent qui fe trouvent maintenant dans la GrandeBretagne , eft de vingt millions fterling * & les perfonnes les plus verfées dans ces matières , qroient que 1'évaluation eft très-exagerée : cependant la nation poffédoit le mfme numéraire , il y  ( 33 ) y a vingt ans. Aiafj , quelqu'ait été fon commerce, il ne lui a produit aucun prorit réel. Sürement perfonne ne fera alfez fimple pour s'imaginer que 1'accroilfement de la quantité de billets de banque qui s'effectue avec aulli peu de peine que 1 'impreffion des Papiers-nouvelles, conftitue la richeffe nationale. La quantité de Tor de la nation fut très-bien vérifiée dans les années 1773 , 1774 & 1775 j en refondant les guinées foibles. II fe trouva plus de quinze millions & demi fterl. de monnoie d'or; ce qui, avec plus de deux millions de guinées fortes qui circuloient, & avec la monnoie d'argent 3 formoit un total qui excédoit vingt millions fterl. Maintenant , on ne pourroit en trouver autant. L'accroiffement de la circulation des billets de banque eft étonnante , mais ils ne forment pas plus la richeffe de TEtat, que les Papiers publics ; paree qu'un accroiffement de billets de banque, 1q capital n'augmentant point, ou n'aug* mentant pas dans la même proportion , ne peut être un accroiffement de richeffe; il ne fert qu'a produire de fauffes idéesa C  ( 34) que le fage découvre, & dont 1'ïgnorant eft la dupe. Si Ton dit que des vingt millions fterl., quantité actuelle de 1'argent réel de la nation } un quart fe trouve dans Londres, on exagère probablement; mais, en admettant même que cela foit, il ne fera pas difficile de déterminer quelle partie de cette fomme de cinq millions eft renfermée dans la banque. II feroit ridicule de la fuppofer au-deflbus de cinq cent mille livres fterl., & extravagant de la porter a deux millions. II ne faut pas non plus un difcernement extraordinaire , pour juger combien la quantité des billets de banque* eft immenfe comparativement au capital qui les repréfente, lorfque l'on confidere que les impóts nationaux font payés en billets de banque ; que toute affaire confidérable fe termine avec des billets de banque; & que fi l'on ouvroit un emprunt de vingt millions a l'affemblée du Parlement, il feroit probablement rempli par des foufcriptions dans peu de jours. Cependant , on doit favoir que 1'emprunt ne pourroit être payé en argent , paree que 1'emprunt leroit au  frioins quatre fois plus confidérable que tout 1'argent de Londres, y compris ce que poffedent la banque & les Banquiers. Enfin, tout démontre que la rage qui parcourüt 1'Amérique pour le papiermonnoie, a atteint 1'Angleterre fous un autre nom. La , on 1'appelloit monnoie du continent ; & ici on 1'appelle, billets de banque : mais , qu'importe le nom , lorfque le capital eft inférieur au figne qui le repréfente ? II eft encore une autre circonftance , qui ne peut manquer de faire impreftion lorfqu'elle fera rapportée ; paree que , toute perfonne intéreffée aux fpéculations d'argent , en fentira la vérité, quojqu'elle ait pu n'y avoir pas fait réflexion auparavant. C'eft 1'obftacle qui rallentit la circulation de la monnoie dor par la néceflité de la pefer, obftacle qui fait fouventrefufer les pieces fortes,parce qu'il y en a une trop grande quantité de ioibles. Nous n'eflayerons point ici de déterminer fi } par de tels moyens, Je Gouvernement a voulu forcer la circulation des billets de banque ; mais ils produifent certainement eet effet a un très- C ij  (*6) grand degré) paree que le peuple, plütöt que de fe foumettre a 1'embarras & au hafard de pefer , prend du papier préférablement a de 1'argent. On en a vu la preuve en Amérique. L'effec naturel de 1'accroiffement progreflif *c continuel du papier , eft de bannir 1'argent réel, jufqu' a ce que 1'Etat ne prenne plus que 1'ombre pour le corps. Un commerce qui n'augmente point la quantité du numéraire dans un pays , ne peut être nommé un commerce avan' tageux : tel eft celui de 1'Angleterre. Quant au crédit, dont on a tant parlé , il peut être fondé fur 1'ignorance ou un faux appercu , aufli-bien que fu-r des moyens folides. A Amfterdam , 1'argent dépofé dans la banque , n'en reffort jamais. Ceux qui 1'y ont placé , quand ils ont des dettes a liquider , tranfportont leur droit a leurs créanciers ; eeux-ci, a leur tour , en font le même ufage , & le tranfport du droit fert de paiement. Or, li tout 1'argent dépofé dans la banque d Amlterdam pouvoit être détourné furtivement, & que la chofe püt etre tenue  C 37 ) fecrette , 1'idéé que 1'argent y refte toujours en dépot, entretiendroit le même crédit que s'il n'en eüt pas été détourné» Enfin , le crédit n'eft fouvent qu'une opinion ; 6c la différence qu'il y a entre 1'argent 6c le crédit , eft que 1'argent n'a pas befoin de 1'opinion pour fe foutenir. Toutes les contrées de 1'Europe 3 excepré 1'Angleterre , augmentent annueliement leur quantité d'or 6c d'argent, Par les regiftres tenus a Lisbonne 6c a Cadix, les deux ports oü fe rendent 1'or 6c 1'argent de 1'Amérique méridionale , il confte que plus de quatre-vingt millions fterl. y ont été importés dans I'efpace de vingt ans (i). Ils fe font répandus dans 1'Europe , 6c ont augmenté les fonds de toutes les contrées du continent ; cependant , il y a vingt ans qu'il fe trouvoit autant d'or 6c d'argent en Angleterre , qu'il s'en trouve a préferit. (i) Depuis 1763, jufqu'i 1777, période de qiunze ans de paix , les importations enregiftrées d'or & d'argent dans les ports de Cadix & de Lisbonne, monterent a foixante & dix millions llerl., outre ce qui fuc débM'qaé fecrettemenr. Giij  I38 5'. La valeur de 1'argent importé en Europe, exeede celle de l'or; néanmoins, tout le monde peut voir que la monnoie d'argent, en Angleterre , n'a point augmenté : on y en trouve trés - pau , excepté celle qu'on appelle birmingham shillings , qui } d'un cöté, porte une foible empreinte de la figure du Roi Guillaume i & qui, de 1'autre, eft abfolument liffe. Par oü montrera-t-on les pronts du commerce , fi ce n'eft par l'accroiffement de ce qui eft 1'objet du commerce , de 1'argent ? Un accroiffement de papier n'eft pas plus un accroiffement de bénéfïce , qu'il n'en eft un d'argent; & 1'Angleterre , en confondant ces deux chofes très-différentes , deviendra un jour la victime de fon erreur. Ce fera le roe oü viendra fe brifer le vaiffeau public. Nous ne rechercherons point ici pourquoi la quantité d'argent n'augmente point en Angleterre : qu'il faille en attriBuer la caufe au paiement des intéréts chez 1'étranger, au commerce des Indes Orientales , ou a la part que prend la nation dans des guerres étrangeres, ou enfin 3 ce que le montant de tout le  i 39) commerce que 1'Angleterre fait dans différentes parties du monde , pris collectivement, fe balance lui-même fans bénéfice ; .c'eft le fait feul , & non la caufe, qui eft 1'objet de ces difcuffions. Les hommes verfés dans le commerce, ne font pas les juges les plus compétens des affaires nationales. Accoutumés 3 courk des rifques dans leur négoce, ils font préparés a en courir avec le Gouvernement; & quoiqu'ils foient les premiers a fouffrir , ils font fouvent les. derniers a prévoir le maL Jettons maintenant un regard fur les manufactures. On a beaucoup parlé de leur état florilfant, & peut-être beaucoup trop ; car , ón pourra encore demander oü eft Le profit, s'il n'y a aucune augmentation d'argent dans la nation. Les manufaétures de laine font les. principales de 1'Angleterre; elles tirent évidemment fur leur déclin dans quelques-unes de leurs branches , fi ce n'eft pas dans toutes. La ville de Norwick,. 1'une des plus peuplées de 1'Angleterre & dont 1'exiftence dépend uniquement de fa manufaclure de laine, eft a préfent G iv  ( 4o ) dans ün état de dépériflement, qu'il fauC attribuer au déclin de fon commerce. Mais pour ne point traiter la matiere par une affertion générale , ou 1'embarraffer de calculs nombreux } nous citerons une circonftance par laquelle le progrès entier du commerce peut être déterminé. II y a trente ans que le prix payé aux fileurs de laine , étoit un fcheliing ( i ) pour vingt-quatre écheveaux , chaque écheveau contenant cinq cent foixante verges. Une main habile pouvoit filer douze écheveaux ; ce qui étoit fix fous fterl. par jour. Maintenant} eu égard a 1'augmentation des impóts & du prix de toutes les denrées, ils devfoient certainement avoir quinze fous de 1'ouvrage, qui leur en procuroit douze il y a trois ans. Mais tel eft le dépériffement du commerce , que le contraire exifte abfolument. Ils n'ont que neuf fous pour ce qui leur en produifoit autrefois douze. Ces malheureux peuvent ils defirer la guerre , lorf- (i ) Vingt- deux fols de France.  ( 4« ) qu'ils font déja a demi ruinés par le dépériffement du commerce & 1'augmentation des impöts ? Mais ce n'eft point la le feul malheur qu'ait éprouvé le comté de Norfolk, Les fermiers de cette contrée furent les premiers qui mirent en pratique 1'ufage de fumer la terre avec la marne; or le tems a démontré que malgré qu'elle donnat de la vigueur a la terre pour quelques années , elle épuifoit a la fin fon fuc; que les terres, en plufieurs endroits, font plus mauvaifes après qu'elles ont été marnées , & qu'il feroit très-défavantageux de les marner une feconde fois. Les manufaétures de Manchefter, de Birmingham & de Shefiield , ont eu derniérement une vogue confidérable, mais les profits n'ont pas répondu aux fpéculations. Celles qu'on a fakes fur le débit en Amérique a manqué , & celle fur laRuffie devient très-précaire. L'expérience manquoit aulfi pour déterminer la quantité a Iaquelle le traité de commerce avec la France donneroit , «cours; & il eft trés - probable que les éValuations ont écé portées trop haut,  ( 40 H'autant plus que les marchandifes angloifes deviendront maintenant rares err France (i) , ce qui n'étoit pas avant cette rupture inconfidérée. Mais, quelque brillant que puiffe être 1'état des manufaclures, elles font des fources trés - incertaines de la richeffe nationale. II n'eft pas dans leur nature de refter toujours dans Ie même pays. Leur débit dépend du caprice des modes , quelquefois de la politique des nations étrangères, & elles font expofées en tout temps a la rivalité comme au changement. Les Américains ont déja parmi eux plufieurs manufaétures , qu'ils ^référent a celles d'Angleterre , telles que celles de haches , de faulx , de clous , &c. Ils tirent maintenant des autres contrées , leurs vitres, qui étoient autrefois un objet confidérable d'exportation pour 1'Angleterre. II eft affez remarquable que tant d'Ecrivains qui ont préconifé 1'accroiffement du commerce anglois , fe foient bornés a prouver que la Grande-Breta- (i) Qui, s'il s'y établit une efprit public.  I 43 ) gne employoit une plus grande quantité de vaiffeaux & d'un port plus confidérable qu'autrefois. Car la mêmechofe arrivé dans les autres parties de 1'Europe. La mode du jour chez toutes les nations eft le commerce, & il augmente aufli-bien en France qu'en Angleterre. L'objet de tout commerce eft le profit, & le profit fe fait appercevoir, non par l'augmentation du papier-monnoie, ee qu'on peut fe procurer fans 1'aide du commerce , mais par celle de 1'or & de 1'argent. Ainfi , Teftimation auroit du s'établir, non par la comparaifon de la quantité de vaiffeaux} mais par celle de Tor & de Targent. Que cette quantité eut augmenté en Angleterre, les Ecrivains miniftériels ne fe feroient point arrêtés a Ténumération des vaiffeaux ; mais s'ils font un peu inftruits dans cette matière , ils doivent fa'voir que le numéraire n'augmente point , & que Terreur eft caufée par la multiplicatioh du papier , & qua méfure qu'elle augmentera, Tor & Targent diminueront. Les Anglois ne s'enrichïffent ^ d'illufions qu'en s'appauvriflant defpèces.  ( 44 ) De cent millions fterl. d'or & d'argent qui doivent avoir été importés en Europe de 1'Amérique méridionale, depuis le commencement de Tavant-dernière paix , il ne paroit pas que 1'Angleterre en ait tiré ou retenu la moindre partie, M. Necker potte Taccroiffement annuel de 1'or 8c de Targent en France (i) a plus d'un millión fterl.; & 1'Angleterre , dans Tefpace de vingt ans, paroit n'avoir rien augmenté que les billets de Banque. La crédulité eft richeffe, tandis qu'elle dure , 8c le crédit, en mille circonftances, eft Tenfant de la crédulité. Une faut pas plus de foi pour croire que du papier foit de Targent, que pour croire qu'un horame puiffe entrer dans une bouteille (2). Nous quitterons ce? matiëres pour faire quelques obfervations fur la dette nationale , qui eft une autre efpèce de papier-monnoie. En un mot , fur quelque point que ( 1) M. Necker ne fe trornpe-t-il pas? (z) Aliufion a ce qui eft arrivé i Londrea.  (V) l'on s'arrête , foit fur 1'argent ^ le papier , les manufactures} les impöts, ou la dette, on voit clairement 1'impofiibilité de foutenir une guerre , a moins qu'on ne prekende la fupporter en grevant le peuple par de nouveaux impöts: c'eft donc fuivre un fyftême de politique abfurde & ruineux, que d'expofer la nation a une» guerre pour le Stathouder , ou pour le Roi de Pruffe, ou pour d'autres objets étrangers, dont 1'Angleterre ne peut retirer aucun avantage poffible. La France n'eft peut-être pas dans un meilleur état; c'eft pourquoi une guerre dans laquelle toutes deux doivent perdre, & oü elles ne peuvent jouer qu'un röle fécondaire, doit être appellée hiftoriquement une querelle d'enfant t folie & inutile. Mais avant d'examiner le fujet de la dette nationale , il ne fera pas hors de propos de comparer la manière de faire la guerre de-puis la révolution de 1688, a celle qui eft ufitée de nos jours. Avant la révolution , les années de paix étoient confacrées a payer les dettes de la guerre précédente.  C 4* ) Depuis la révolution jufqu'en 1702 , période de quatorze ans , les fommes empruntées par le Gouvernement, en différens tems, fe montoient a quarantequatre millions fterl. ; cependant cette fomme fut acquittée prefqu'auffi vïte qu empruntée , trente - quatre millions ayant été payés au commencement de 1'année 1702. C'eft ie plus grand effort qu'ait jamais fait la nation ; car la force ne confifte pas a emprunter , mais a payer. On a depuis lors foutenu les guerres en empruntant & fondant le capital en intérêt perpétuel; au-lieu de 1'acquitter , on rejettoit continuellement & l'on accumuloit le poids & la dépenfe de cha« que guerre fur la fuivante. Par ce moyen, ce qui d'abord étoit léger , a fini par être accablant. La nation fupporte maintenant le poids de toutes les guerres depuis le tems de la Reine Anne. II me femble voir un homme charger peu-apeu fon cheval de plume jufqu'a ce qu'il créve fous le faix. La dette nationale offre aujourd'hui une nouveauté frappante. Elle a parcouru une progreffion circulaire jufqu'a ce  C 47 ) que le montant de 1'intérêt annuel foit devenu abfolument égal au premier capital de la dette , nèuf millions. Ici commencent a fe réalifer les prédiétions que firent fi long-temps les plus habiles calculateurs de la nation : que 1'intérêt atteindroit par la fuite la valeur de tous les capitaux fucceflifs, & cela, avec la même rapidité que ces capitaux mêmes fe font accumulés; paree qu'en continuant eet ufage, non-feulement il faudra donner de^plus hautes primes pour les emprunts, mais encore Targent, ou plu-i tot , le papier ne s'étendant pas fi loin qu'anciennement, ii faudra que la dette s'augmente avec une viteffe continuellement progrefiive. La dépenfe de chaque guerre \ depuis le commeneementdela dette nationale, a été doublé de la guerre précédente. Ainfi , la dépenfe de la guerre prochaine fera au moins de deux cent millions; ce qui portera 1'intérêt annuel a plus de dix-fept millions fterl. ; & conféquemment, les impöts dans la même proportion. La guerre fuivante élevera 1'intérêt a trente-trois millions, & une troifième guerre a foixante-cinq. Le fardeau des  ( 48 ) 'des intéréts accumulés ne fe fait fentir qu'au bout d'un grand nombre d'années; mais fi-töt qu'il commence a paroitre Iourd comme a préfent , il devient de plus en plus infupportable. On ne s'érige point ici en prophéte ; on ne fe regie que fur 1'analogie des faits: ce qui eft arrivé doit arriver encore. Et malheur a la nation , fi elle n'eft point effrayée par une telle perfpective ! Quant au projet de M. Pitc , de réduire la dette nationale, en deftinant un million chaque année a 1'achat des ronds publics, il paroitra un jour ridicule & frivole, pourne rien dire de plus; car fi un Miniftre n'a pas afiez d'expérience pour diftinguer les clameurs & 1'intérêt des gens d'affaire & des agioteurs , d'avec la voix & 1'intérêt du peuple, il •précipitera bientöt la nation dans quelque guerre inutile. Ainfi donc , tout projet derachat de la dette, fondé fur la continuation fuppofée de la paix, ne fera jamais qu'un acte de légereté & d'inconféquence. Le fyftême des fonds publics contient en lui-même le germe de fa deftruö.ion , aufli certainement que le corps humain renferm©  ( 49 ) renferme dans fon intérieur celui de la mort. Un tel événement doit être regardé comme infaillible , a moins qu'on ne prétende que nous ne devons point mourir, paree que nous ne fommes pas morts. La conféquence du fyftême des fonds; même a ne fuppofer ni guerre ni aucun défaftre public, feroit de créer dans la nation deux partis ennemis , dont 1'un fera continuellement furchargé de taxes pour payer les intéréts de la dette publique ; & dont 1'autre , propriétaire de cette dette , s'enrichira de plus en plus du produit des taxes. C'eft ce qu'un profond écrivain a déja rigoureufement démontré ; & Pinvifible main qui traca 1'arrêt de Balthazar , ne fut pas plus effrayante que celle qui fit, dans 1'atlas du commerce , le tableau de la dette nationale. Le fommeil qui a engourdi, pendant plufieurs années, la nation fur les matieres de finance, ne peut durer toujours; paree quele peuple eft eneore affoupi, on croit qu'il ne fe reveillera jamais. Mais fi une dépenfe, qu'on fuppofe inutile, d'environ cinq ou fix millions fterl. dans les D  ( so ) finances Francoife^^ a reveille" Ia nation entiere , nation regardée comme trèsdocile fur toute matiere publique , le peuple Anglois nefera certainement pas müins attentif a fesdroks & a