384   '3&L/ DËFENSE yfn D E s-/ Mr. l'abbé raynal et de Mr. borrelly contre LES ATTAQUES CLANDESTINES DE <^UEL(^UES^£üENHJ[^S LITTERAIRES. —\i*b<&frt:&v,f — OUVRAGE EN FORME DE LETTRES a d r e s s e'e s au mêrae Mr. BORRELLY, Membre de 1'Academie de Berlin, Profefleur d'Eloquencc a 1'Académie militaire des Nobles & Fabricant de favon dans la même ville. Par Mr. DE LA VEAUX. A LA HAYE, ^ *fi7. lci LlBRAIRES A s s O c I e's. 1783-   LETTRE I. MONSIEUR, N'avez-vous pas êté indigné, comme moi, des propos qu'on tient depuis quelque tems a Berlin fur le compte de notre cél^bre Abbé Raynal, qui mérite tant qu'on 1'aime, qu'on 1'eftiine & qu'on 1'admire? Tantót on entend dire que ce n'eft pas lui qui a fait 1'Hiftoire philofophique des deux Indes, tantót les mêmes perfonnes, oubliant ce qu'elles ont avancé d'abord, le traitent de fanatique, de dtclamareur, & 1'accufent d'avoir outragé les rois, la religion & les gouvernemens dans un ouvrage qu'ils veulent nous perfuader n'être pas de lui. Cependant ces impoftures groffières s'accréditent parmi les gens qui croient tout furparole, elles s'impriment dans des petits Journaux gallo - germaniques oü le bonfens eft aufïï cruellcment outragé que la langue, ou dans ces feuilles clandeftines que la police de Paris tolère pour amufer les laquais & attirer 1'argent A 2 de  4 ===== de quelques étrangers qui croient qu'il eft du bon ton de les lire. Voila fur-tout a quoi font expofés la plupart des gens de lettres qui viennent a. Berlin. II n'y a pcut-être pas de ville au monde oü un homme de lettres de réputation fok plus accueilli, plus fêté, plus honoré; mais auffl il n'y en a point oü Ia calomnie le déchire plus cruellement. Rien n'eft plus naturel; 1'accueil des honnêtes gens excite la jaloufie des méchans, & les pygmées littéraires forgent en fecret les armes dont ils tachent dafiaffiner, par derrière, les géans qui les ofTufquent. Avouez, Monfieur, que ce feroit un grand fer. vice a rendre aux gens de lettres de découvrir le trou de ces chouettes anonymes qui crient dans les ténèbres contre les gens de mérite. Quel plailir ce feroit dc fecouer le flambeau de la vérité a leurs yeux égarés, & de les prendre par les ailes pour les expofer a la rifée des honnêtes gens! Voila, je crois le feul moyen de les corriger. Depuis quelque tems je travaille a cette bonne ceuvre. Mais, le croiriez-vous, Monfieur, toutes les recherches que j'ai faites jufqirk préfent ont été inutiles. J'ai été indigné de voir qu'au lieu de m'indiquer des méchans, on me nommoit des gens d'un mérite diftingué & on avoit 1'audace de les accufer de ces ceuvre*  -' 5 euvres d'iniqiüté. Vous le dirai-je? La calomnie ofe vous attribuer les mauvais propos & la plupart des écrits clandeftins qui attaquent Mr. 1'Abbé R. furtout depuis fon abfence. Quand je demande, qui eft-ce qui dit du mal de Mr.R? on me répond, c'eft Mr. Borrelly. Quand je demande qui eft-ce qui eft 1'auteur d'une fatyre inférée dans la Correfpondance littéraire fecrete No. 42. oü 1'on traite Mr. R. d'unc manière indigné? on me répond c'eft Mr. Borrelly, & toujours Mr. Borrelly. Les téméraires nc s'en tiennent pas aux difcours, ils ofFrent de fournir des preures; ils difent quand, comment, oü ils vous 1'ont entendu dire, & on prétend que tous leurs témoignages fe réuniffent. Ah, Monfieur, jugez de mafurprife, & de mon indignation a ces propos injurieux. J'aime les grands hommes, c'eft mon foible, je ne puis fóaffrir qu'on les outragé & je me crois obligé de les défendre de toutes mes forces. Calomnier ainfi les deux premiers écrivains du fiècle Mr. 1'Abbé Raynal & vous! cela crie vengeance. Je veux confondre ces vils ennemis quibarbouillent de lie la ftatue des philofophes. M. lAbbé Raynal m'honorc de fon amitié, j'ai pour vos talens 1'admiration la plus ardente, je veux tacher de terraffer fes ennemis & les vótres. Mais, Monfieur, en attendant que vos ennemis foient en poudre, confolez-vous en penfant que la A 3 plupart  6 plupart des gens de lettres francois ont été cxpofés * Berlin a. ces trai ts cnvenimés. Parlez ici de Voltaire, louez fes talerts, admirez fon génie; on vous répondra qu'il a fait des friponneries k un marchand, qu'il tl fait rétrécir un habit emprunté, qu'il a trompé un Juif, qu'il a vendu des bougies. Ces viles hiftoriettes inventées ou déflgurées par la canaille littéraire de ces tems-la ne font plus révoquées en doute, & jusqu aux facriftains des Eglifes frangoifes tout le monde les fait par cceur. De forte qu'un homme qui a paffé fa jeuneffe dans les fociétés les plus brillantes, un homme de génie qui préche a. chaque inftant 1'honneteté & la bienfaifance, un liomme généreux qui a aidé de fa bourfe un nombre immenfe de malheureux, un homme adoré a Paris, eftimé fur tout le globe, cei homme-la n'aura pas eu alfez de jugement pour éviter de pareilles fottifes, il ne fera venu a Berlin que pour faire des baffeiïes fous les yeux du héros qui 1'honoroit de fon amitié, & Berlin feulpourra lui reprocher ces vilainies! Touffaint a été un peu plus ménagé parceque fa faveur étoit moins grande. Mais a Berlin on lui contefte encore aujourd'hui Les mmtrs; & cependant c'eft pour eet ouvrage qu'il fut profcrit & perfécuté.N Comme s'il y avoit un grand plaifir a fe faire preferiye pour le livre d'un avure! comme s'il étoit fort agréa-  ■ :■ ■. 7 agréable d'être' obligé de fe fauvef précipitamment avec fa familie & de venir fubfifter avec peine dans le nord de 1'Allemagne! Perfonne ne doute k Paris que Touffaint ne foit auteur des Meeurs; mais k Berlin on fait tout. Le pauvre Prémontval qui afiiirément n'étoit pas fans quelqu'efpèce de mérite a été obligé de faire taire fes ennemis, en arrachant le mafquc qui cachoit leur ignorance. Quoiqu'Académicien de Berlin, il a prouvé dans fon Préfervatif que quelques-uns de fes confrères ne favoient pas le frangois. J'ai fuivi fon exemple; mon Maïtre de langue a diffipé mes ennemis, & je m'en fuis très-bien trouvé. Ce qui doit vous confoler encorc, Monfieur, c'eft que ces vils propos, naiffent & meurent k Berlin, fouvent même dans le petit cercle qui les a produits. C'eft dans quelque tripot de cailletes, dans une tabagie littéraire, dans un cabaret académique qu'on a imaginé que Mr. l'A.R. n'avoit pas fait 1'hiftoire des deux In des, c'eft la qu'on a dit pour la première fois que c'étoit un déclamateur, paree qu'on 1'avpit ln dans quelque journal obfeur; cliaque membre de la brillante fociété 1'aura répété le foir en foupant, &tout jufqua la fervante aura répété ÏAbbé R. efl un déclamateur. A 4  8 . La haute nobleffe adopte plus difficilement ces feruits ridicules. On peut dire en général qu'elle a beaucoup de gout & de coilnoiffances, & qu'elle parle francois avec une pureté qui feroit honte a bien des Parifiens. Il n'eft point de nobleffe qui ait moins de rnorgue & de hauteur, furtout pour les gens de lettres. Mais la difette ou 1'indulgence introduit fouvent dans ces maifons les cbeniües littéraires dont jc viens de parler, & ces bruits injurieux qu'ils ont intérêt d'y répandre, sy accrédifent quelquefois infenfiblement. Adieu, Monfieur, une autrefois je commencerai votre juftification dans toutes les formes; en attcndant je fuis avec une admiration reclueufe &c. LETTRE H. Vous vous rappellez, Monfieur, le tems oü 1'on fit COUrir le faux bruit que Mr. TAbbé R. avoit été arrèté a Liège au nom de la France. Vous futes tranfporté defureur, vous fulminates contre 1'envie qui s'acharne fur les talens, & vous ne vous tranquilhfates que lorfqu'une perfonne du premier rang vous eut affuré que 1'éloquent Abbé étoit libre & en bonne fanté. Voila  - at Voila ce que je dis a. vos ennemis lorfqu'ils m'auurent que vous vous déchainez a préfent contre ce même Abbé que vous eftimiez alors. Comment penfer, leur dis-je, qu'un homme qui a pris avec enthoufiafme le parti de M. 1'Abbé R. fans le connoltre; le déchire baffement depuis qu'il 1'a connu, depuis qu'il Ta regu chez lui, & qu'il en a recu des marqués de politeffe & de bienveillance? Non, je ne puis croire de telles impoftures, & vous fuppofez a Mr. B. un cara&ère léger & méchant qui ne convient ni a. fa place ni a fes talens. Savez-vous ce qu'ils répondent a ccla? Qu'il y a bien de la difFérence entre un grand homme éloigné & un grand homme qui eft fous vos yeux; que 1'Abbé R. a Liège ne vous faifoit aucun ombrage, mais que ce même Abbé a Berlin vous faifoit fentir, malgré vous, tout votre néant littéraire; que vous craigniez qu'il ne vous enlevat cette faveur ufurpéc dont vous jouiffiez alors dans quelqucs maifons respetlables. Votre néant littéraire! lesfaquins! n'avez - vous pas été indigné de 1'expreffion ? On voit bien que ces gens-la ne s'y connohTcntpas. Ce qu'il y a de certain, cependant, c'eft que la jaloulie littéraire commenca a rugir contre notre illuftre Abbé, dès qu'on vit 1'accueil que lui faifoient tous les honnêtes gens. C'eft alors qu'cn commenca a le traiter de déclamateur & de fanatique. U étoit poli,  IO poli, on 1'accufa d'être flatteur; s'il eflt été brufque comme Rouffeau on lui auroit reproché d'être grofHer. On s'imaginoit que celui qui, dans fon cabinet, difoit aux fouverains des vérités hardies; devoit, dans lafociété, négliger cette politelTe flatteufe qui en fait le lien le plus doux. On ne s'en tint pas aux difcours, un homme de lettres écrivit h un feigneur du premier rang pour le prévenir contre notre Abbé, & le repréfenter comme un homme d'un commerce dangereux. II y a des gens qui prétendent que c'eft vous qui avez écrit cette lettre, que vous en avez parlé avant de 1'écrire, & que vous avez recu une réponfe qui vous prouva que la haute nobleffe de Berlin penfoit mieux fur le compte de Mr. 1'Abbé R. que les faquins littéraires qui le dénigroient par envie après 1'avoir próné par ton. On dit que vous avez lu cette réponfe en fociété, il y a des gens qui la favent par cceur, & ces gens - la paffent pour de trés - honnêtes gens. Mais affurément ce ne font que des ignorans & des rhéchants; ils ne favent pas que les talens fupérieurs font au-deffus de 1'envie, ils ne favent pas qu'en vous fuppofant affez méchant pour écrire une lettre de cette nature, (ce qui eft contre toute vraifemblance) vous n auriez pas été affez étourdi pour en faire confidence a quelqu'un & encore moins pour lire publiquement une réponfe humiliante: ils ont beau dire que vous facri- ficriez  '-J. . 1 ' .- II fieriez votre réputation a la rage de lire fur les toits le moindre billet que vous recevez de quelque grand feigneur, ils ont beau m'affurer que vous arrêtez les paffans dans les rucs pour leur lire ces billets, qua vous les envoyez a votre refpe&able ami Mr. Virchaux libraire a Hambourg qui les fait lire dans fa boutique, je ne faurois croire de telles fottifes; un homme qui a fait les Elêmens de Tart de penfer, ou la hogique rédüite a ce qiielle a d'utile, eft incapable de ces petiteffes & de ces étourderies. Mais voici un autre propos non moins impertinent qu'on tient encore fur M. 1'Abbé Raynal. On répand partout qu'il n'eft pas 1'auteur de ÏHiftoire philofophique des deux Indes. Et quand on demande quel eft 1'homme de lettres qui peut donc aroir fait cct cuvrage? II y a des gens qui font affez ineptcs pour répondre c'eft Diderot. Cette affertion feroit aflurément bien ridicule dans la bouche d'un homme de lettres, & on ne fauroit vous accufer d'en être 1'auteur. On dit cependant que vous avez dit quelquefois Raynal efl un dcclamateur & je n'aime pas mieux Diderot que lui. Vous n'avez pas dit cela affurément, mais quand vous 1'auriez dit; le grand mal! Peuten difputer des goüts & des couleurs? peut-on forcer 1'ane qui broute un chardon, a refpirer arec  12 avec volupté la douce vapeur de 1'ambrofie? Et 1'on veut forcer un Profeffeur d'Eloquence a admirer Diderot & Raynal ? Mais en vérité cela eft ridicule. D'ailleurs en infinuant que Mr. 1'Abbé R. n'eft pas auteur des ouvrages qui font publiés fous fon nom, Vous auriez, envers lui, un tort qu'il n'aura jamais k votre égard; car je vous affure que fi ce grand homme lit vos ouvrages, il ne doute pas un inftant qu'ils ne foient de vous d'un bout k 1'autre. Mais peut - être que vos ennemis vous attribuent des propos dont ils font eux-mêmes les inventeurs; peut-être qu'ils croient eux-mêmes ce qu'ils vous accufent de répandre. Prouvons- leur qu'on ne fauroit douter que Mr. 1'Abbé R. n'ait fait fon Hiftoire des deux Indes. Eft-il poffible qu'un homme de lettres de profef fion renonce k la gloire que pouvoit procurer, &qu'a procurée en effet un ouvrage tel que 1'Hiftoire des deux Indes? Eft-il poffible qu'un homme a. fon aife comme Mr. 1'Abbé Raynal; s'expofe k perdre fa fortune, fon repos, fa liberté, fa viepeut-être pour un ouvrage qu'un autre auroit fait? O vous qui êtes affez bons pour ajoüter foi aux vils propos de quelques calomniateurs jaloux, lifez feulement, dans notre illuftre auteur, 1'Eloge d'EIyza Draper, qui eft un des morceaux les plus éloquens de fon hiftoire, & vous me  ■== 13 me direz h" Mr. Diderot ou quelqu autre homme de lettres qui auroit fait eet ouvrage, eüt prêté fa plume pour faire 1'éloge de 1'amie de Mr. 1'Abbé R. Cet éloge fublime eft 1'ouvrage dun cceur; 1'efprit n'a pn le produire; Tami feul d'Eliza a pu la louer avec tant de fenfibilité & d'énergie. Un cceur froid auroit trouvé cet éloge déplacé. Le cceur feul de notre fenfible Abbé pouvoit penfer a rendre cet hommage public a la vertu & a la tendreffe de cette femme unique; jamais un homme indifférent ne fe feroit avifé de le faire, & s'il 1'eüt fait, nous ne verferions pas des larmes en le lifant. II eft donc certain que Mr. TAbbé R. feul peut avoir fait 1'éloge d'Eliza Draper, & comme ce morceau eft un des plus beaux de Ion ouvrage je conclus qu'aucun morceau de 1'Hiftoire des deux Indes n'eft au-deffus de lui. Je rapporterai ici cet éloge en faveur de ceux qui n'ont pas lu 1'ouvrage; & il n'y a que ceux-la qui puiffent en dénigrer 1'auteur. Éloge d'Éliza draper. „Territoire d'Anjinga, tu n'es rien; mais tu as donné naiffance a Eliza. Un jour ces entrepots dc eommerce, fondés par les Européens fur les cötes d'Afie, ne fubfifteront plus. l'herbe les couvrira, ou 1'Indien vengc aura buti fur leurs débris avant que quelques fiècles fe foient écoulcs. Mais fi mes écrits ont quelque durce le nom d'Anjinga reftera dans la mc- moire  14 r moiré des hommes, Ceux qui me liront, ceux que le? vents poufferont vers ces rivages, diront: c'eft-la que naquit Eliza Draper; & s'il eft un Breton parmi eux, il fe hatcra d'ajoüter avec orgueil, & elle y naquit de parens Anglois. Qu'il me foit permis d'éjraricher ici ma douleur & meslarmesj Eliza fut mon amie. O lefteur, qui que tu fois, pardonne-moi ce mouvement involontaire. Laiffe-moi m'occuper d'Eliza. Si je t'ai quelquefois attendri fur les malheurs de 1'efpèee humaine, daigns aujourd'hui compatir k ma propre infortiine. Je fus ton ami fans te connoitre; fois un moment le mien. Ta douce pitié fera ma récompenfe, Eliza finit fa carrière dans la patrie de fes peres, a Fage de trente - trois ans. Une arae célefte fe fépara d'un corps célefte. Vous qui vifitez le lieu oü repofent fes cendres facrées, écrivez fur le marbre qui le couvre: telleannée, tel mois, tel jour, k telle heurc, Dieu retira fon foufBe k lui, & Eliza mourut. Auteur original, fon admirareur & fon ami, ce fut Eliza qui t'infpira tes ouvrages, & qui t'en difta les pages les plus touchantes. Heureux Stern, tu n'es plus, & moi je fuis refté. Je t'ai pleuré avec Eliza; tu la pleurerois avec moi; & fi le ciel cüt voulu que vous m'cufficz furvécu tous les deux, tu m'aurois pleuré avec elle. Les hommes difoient qu'aucune femme n'avoit autant de grÉces qu'EUza. Les femmes le difoient auffi. Tous louoient fa tmivut; teus louoient fa fenfibilité; tous  15 tous ambitionnoient 1'honneur de la connoitre. L'envie n'attaqua point un mérite qui s'ignoroit. Anjinga, c'eft a 1'influence de ton heureux elimat qu'elle devoit, fansdoute, cet accord prefqu'incompatiblc de volüpté & de dccence qui accompagnoit toute fa pcrfonne, & qui fe mêloit a tous fes mouvemens. Le ftatuairc qui auroit eu a repïéfenter la Volupté, 1'auroit prife pour modèle. Elle en auroit égolement fervi a celui qui auroit eu a peindre la Pudeur. Cette ame inconnue dans nos contrces, le ciel fombre & nébuleux de 1'Angleterre n'avoit pu 1'étèindre. Quelque cbofc que fit Eliza, un charme invincible fe répandoit autour d'elle. Le délir, mais lc défir timide la fuivoit en filence. Le feul homme honnête auroit olé 1'aimer: mais n'auroit ofé le lui dire. Je cherche partout Eliza. Je rencontre, je faifis quelques-uns de fes traits, quelques-uns de fes agrémens épars parmi les femmes les plus intéreffantes. Mais qu'cft devenue celle qui les réunilfoit? Dieux qui épuifiites vos dons pour former une Eliza, ne la rites-* vous que pour un moment, pour ctre un moment ad? mirée, & pour être toujours regrettce? Tous ceux qui ont vu Eliza la regrettent. Moi, je la pleurerai tout le tems qui me refte a vivre. Mais eft-ce affez de la pleurer ? Ceux qui auront connu fa tendrcffe pour moi, la confiance qu'elle m'avoit accordce, ne me diront-ils point: Elle n'eft plus, & tu vis? Eliza de voit quitter fa patrie, fes parens, fes amis pour s'affeoir a cöté de moi, & vivre parmi les miens.  miens. Quelle félicité je ïrfétois promife! Quelle joie je me faifois de la voir recherchée des hommes de genie j chérie des femmes dugoüt le plus difficile! Je me difois, Eliza eft jeune, & tu touches a ton dernier terme. C'eft elle qui te fermera les yeux. Vaine efpérance! O renverfement de toutes tes probabilitéi humaincs! Ma vieilleffe a furvécu a fes beaux jours. II n'y a plus perfonne au monde pour moi. Le deftin m'a condamnc a vivre & a mourir feul. Eliza avoit Pefprit eultivé: mais cet art, on ne le fentoit jamais. II n'avoit fait qu'embellir la nature; il ne fervoit en elle qu'a faire durer le charme. A chaque moment elle plaifoit plus; a chaque moment elle intéreffoit davantage. C'eft i'impiTifion qu'elle avoit faite aux Indes; c'eft l'impreffion qu'elle faifoit en Europe. Eliza étoit donc tics - belle? Non, elle n'étoit que belle: mais il n'y avoit point de beauté qu'elle n'effacat, paree qu'elle étoit la feule comme elle. Eliza a écrit: & les hommes de fa nation, qui ont mis le plus d elégance & de goöt dans leurs ouvrages, n'auroient pas défavoué le petit nombre de pages qu'elle a laiffées. Lorfque je vis Eliza, j'éprouvai un fentiment qui m'étoit inconnu. II étoit trop vif pour n'être que de 1'amitié; il étoit trop pur pour être de 1'amour. SS c'eüt été une paffion, Eliza m'auroit plaint; elle auroil effayé de me ramener a la raifon, & j'aurois achevé dt la perdrc. E4iz»  ■ 17 Eliza difoit fouvent qu'elle n'eftimoit perfonne autant que moi. A préfenr je le puis croire. Dans ces derniers momens, Eliza s'occupoit de fon ami; & je ne puis tracer une ligne fans avoir fous les yeux le monument qu'elle m'a laiffé. Que n'a-t-elle pu douer auffi ma plume de ia grace & de fa verra? II me fembie du moins l'enténdre: „ Cette Mufe fcvere „ qui te regarde, me dit-elle, c'eft 1'Hiftoire dont la „fonftion augufte eft de déterminer 1'opinion de la „poftcrité. Cette divintc volage qui plane fur le glo„be, c'eft la Renommee, qui ne dédaigna pas de nous „ entretenir un moment de toi: elle m'apporta tes ou„vrages, & prépara notre liaifon par 1'eftime. Vois ce „ Phénix immortel parmi les flammes, c'eft le fymbole „du génie qui ne meurt point. Qüe ces emblêmes „t'exhortent fans ceffe a te montrer le défenfeur dt „l'ltuwanité, de la vérité, de la liberté." Du haut des cieux, ta première & dernière patrie, Eliza, recois mon ferment. Je jure de ne pas êcrirt une ligne, ou Fon ne puijfe reconnoitre ton ami, Je fuis &c. B LETTRE  18 LETTRE IIL Ce feroit a vous, fans doute, Monfieur, qu'il appartiendroit de prouver que Mr. 1'Abbé Raynal n'eft point un déclamateur. L'Eloquence eft faite pour défendre 1'Eloquence, il eft beau de voir un grand homme, juftifier un grand homme. Mais occupé maintenant a cette partie fcientifique de la chymie qui enfeigne a faire du beau favon, tout autre objet vous devient étranger. II faut donc que ma foible plume entreprenne cette apologie que perfonne n'ofe entreprendre & que vous feul pouviez faire dignement. La déclamation eft une fauffe éloquence qui prête au menfonge les couleurs de la vérité. Elle confifte dans un ftyle bourfoufHé, emphatique, foible de penfée, elle emploie les grands mots dans les petites chofes, & jamais le ton qu'elle prend n'eft convenable aux chofes qu'elle traite. Ce n'eft pas ainfi que vous écrivez vous, Monfieur, ce n'eft pas ainfi qu'écrit Mr. 1'Abbé Raynal. Rien de plus oppofé k ces défauts que le ftyle de ce grand homme. La vérité, 1'humanité, la liberté, le bonheur des peuples, voila les grands objets qu'il  19 qu'il traite fans ceffe. Son fujet eft fublime, fon ftyle doit letre, & il 1'eft. Je congois qu'il peut paroitre extraordinaire a ces machines humaines qui végetent fur la terre fans avoir une penfée a eux, a ces méchans qui ne fe réjouiffent qua la vue du mal, a ces monftres qui compofent dans les ténèbres les poifons qu'ils deftinent a ceux qu'ils ont attiré fous Tappas trompeur d'une amitié fimulée, qui aiguifent d'un ceil cruel le poignard qu'ils piongent en fouriant dans le fein de leur ami; a ces êtres froids qui ne voient fur la terre que la pature qu'ils dévorent, qui ne connoiffcnt d'autre bonheur que Ie fourire d'un grand, d'autre malheur que fon dédain. Queft-ce qu'eft pour de tels gens le Philöfophe fublime qui s'élève au deffus du globe & qui fecoue dans la fange les préjugés qui font trembler le monde? La brute dont la tête eft courbée vers la terre, n'admire point le foleil qui fait naitre 1'herbe qui la nourrit. Dans tous les grands morceaux de 1'Hiftoire des deux Indes, 1'éloquence confifte toujours plus dans les penfées que dans 1'exprefflon. Souvent c'eft une fimplicité noble & fublime, quelquefois 1'indignation d'une ame honnête & fenfible qui fe révolte contre les crimes. Le méchant heureux regarde froidement les B 2 maux  ao . 11.1, 1 .... maux qui affligent Thumanité; la peinture vive des malheurs du genre humain ne va point jufqu'a fon cceur. Enfermé dans un égoïfme ftupide, fon intérêt feul peut le tirer de fon apathie; il dédaigne tout ce qui n'a pas un rapport dire£t a lui. Quelle eft 1'ame honnête & fenfible qui ne verfc pas des larmcs fur le tableau touchant que M. R. nous fait de 1'hótel-Dieu de Paris. „O toi, dit-il en „ s'adreffant a 1'Empereur, qui defcendant du premier „tróne de l Europe, as parcouru fes principales con„ trees avec la foif de connoitre, & fans doute le défir „de travdiller au bien de tonpays; dis nous quelle „fut tori horreur, lorfque tu vis dans un de nos hö„pitaux fept ou huit malades entaffés dans le même „lit; toutes les maladies mêlées, tous les principes & „les degfés de la vie & de la mort confondus a.cóté „de celui qui exhaloit le dernier foupir, le mourant „a cóté du mort, tous s'infe&ant, tous fe maudiffant „réciproquement. Dis-nous pourquoi tu n'allas pas „ offrir ce tableau a 1'imagination de ta jeune & tendre „fceur notre Souveraine; elle en eüt été touchée fans „doute,- elle eüt porté fon émotion auprès de fon „époux, & fes larmes euffent intercédé pour les mal„heureux. Quel augufte ufage k faire de la beauté!.. " Avpuez, Mr. Borrelly, qu'une lecon auffi éloquente aux Rois, eft bien plus belle, bien plus utile, bien  21 bien plus touchante que ces petits écrits anonymcs qu'on leur fait palier quelquefois pour nuire aux gens en place qu'on jaloufe. Quelle eft 1'ame honnête & fenfible qui ne fe révolte pas en fongeant aux maux que 1'Inquifition a faits fur la terre? Quel eft 1'homme digne de ce titre qui ne frémira pas au récit des fupplices affreux que des moines féroces ont fait fouffrir a des milliers d'innocens? Malheur a celui que ce récit ne touche point! malheur a 1'ame de bronze qui ne trouveroit qu'une froide déclamation dans le tableau que nous en fait 1'Abbé Raynal! L'irruption des Mauves en Efpagne y a jetté le chriftianifme dans une abjeftion dont il s'cft a peine relevé depuis deux- cents ans ; & 1'Inquifition 1'y montre jufqu'a nos jours fous 1'afpect le plus hideux: 1'Inquilition, tribunal terrible, tribunal infultant a 1'efprit de J.C., tribunal qui doit être détefté, & des fouverains, & des cvêques, & des magiftrats, & des fujets; des fouverains , qu'il ofe menacer & contre lcsquels il a cruellement févi; des évêques, dont il nnéantit la jurisdiftion; des magiftrats, dont il ufurpe 1'autorité légitime; des fujets, qu'il tient dans une continuelle terreur, qu'il réduit au fileuce & qu'il condamne a la ftupidité, par le péril de s'inftruirc, de lire, d'ccrire & de parler; tribunal qui n'a du fon inftitution, & qui ne doit fa durée dans les contrées oü il s'eft maintenu, b 3 qu'a  22 qu'a une politique facrilege & jaloufe d'éternirer des préjugés & des prcrogatives qui ne pourroient ctre difcutés fans s'évanouïr. L'Inquifition, cet eftroyablc tribunal, établi d'abord pour arrêter le progrès du judaïfme & de 1'alcoran, a dcnaturé le caraftère des peuples. II les a formés a la rcferve, aladcfïance, a la jaloufic. Et comment en fut-il arrivé autrement? Lorfqu'un fils put accufer fon pere, une mere fon fils & fon époux, un ami fon ami, un citoyen fon concitoyen; lorfque toutes les paffions devinrent égalemcnt dclatrices, cgalement ccoutées; lorfqu'au milieu de vos enfans, la nuit, le jour, les mains des fatellites vous faifirent & vous jetterent dans 1'obfcurité des cachots; lorfqu'on vous céla le crime dont vous étiez accufé; lorfqu'on vous contraignit a vous défendre vous-même, & qu'emprifonné pour une faute que vous n'aviez pas commife, vous fütes détenu & jugé fur une faute fecrete que vous aviez avouée; lorfque l'inmuction de votre procés fe commenca, fe pourfuivit, s'acheva fans aucunc confrontation avec les témoins; lorfqu'on entendit la lecture de fa fcntence fans avoir eu la libcrté de fe défendre? Alors les yeux fe familiariferent avec le fang, par les fpeftacles les plus atroces. Alors les ames fe ïemplirent de ce fsnatifme qui fe deploya fi cruellement dans les deux hémifpheres. L'Efpagne ne fut, il eft vrai, ni troublée, ni devaftée par les querelles de religion: mais elle refta ftupide dans une profonde ignorancc - - - La fuperftition y avoit abrutï les efprits,  - *3 efprits, au point que 1'état s'applaudiffoit de fon aveuglement. En 1732, les élémens conjurés engloutirent une des plus ïïchcs flottes qui fuffent jamais forties duMexique. Le défefpoir fut univerfel dans les deux hcmifphercs. Chez un peuple plongé dans la fuperftition tous les événemens font miraculeux; & le courroux du ciel fut généralement regardé comme la caufc unique d'un grand défaftre, que 1'inexpérience du pilote & d'autres caufes tout auffi naturelles pouvoient fort bien avoir amené. Un auto-da-fe parut le plus fur moyen de recouvrer les bontcs divines; & trentehuit malheureux pcrirent dans les Hammes, viclimes d'un aveuglement fi déplorable. II me fcmble que j'affifte a cette hortible expiation. Jelavois, je m'écrie: „ Monftres cxécrablcs, arrêtez. „Quelle liaifon y a-t-il entre le malheur que vous „ avez éprouvc, & le crime imaginaire ou réel de ceux „que vous détenez dans vos prifons? S'ils ont des „opinions qui les rendent odieux aux yeux de 1'éter„uel, c'eft a lui a lancer la foudre fur leurs têtes. II „les a foufferts pendant un grand nombre d'annccs; il „ les fouffre & vous les tourmentez! Quand il auroit a „les condamner a des peines fans fin au jour terrible „de fa vengeance, eft-ce a vous d'accélérer leurs fup„plices? Pourquoi leur ravir le moment d'une réfi* „pileence qui les attend peut-être dans la caducitc, „dans le danger, dans la maladic? Mais, infames que „vous êtes, prctres diffolus, moines impudiques, vos B 4 „crimes  „crimes ne fufHfoient - ils pas pour exciter Ie courroux „duciei? Corrigez - vous, profternez-vous aux pieds „ des autcls; couvrez - vous de facs & de cendres; im„ plorez la miféricorde d'en haut, au lieu de trainer far ,, un bucher des innocens dont la mort, loin d'effacer „vos forfaits, en accroitra le nombre de trente-huit „ autres qui ne nous feront jamais remis. Pour appai„fer Dieu, vous bmlez des hommes! Etes-vous des „adorateurs de Moloch? - - - -" Mais ils ne m'entendent pasj & les malheureufes viélimes de leur fuperftitieufe barbarie ont été précipitées dans les flammes, Trouve-t-on dans ces morceaux un feul mot qui foitdéplacé, une feule période bourfoufflée. Tout n'eft-il pas rempli de chofes exprtmées de lamanièie la plus fimple & la plus convenable. Lorfque 1'auteur fe tranfporte au fpeftacle horrible d'un Autoda-fé, dit-il de vains mots aux barbarcs executeurs de ces cruautés ? Parleroit- il convenablement en s'cxprimant avec moins de chaleur & d'enthoufiafme? En un mot, fes exprefÏÏons font-elles au-defTus de fon fujet? Si c'eft-la de la déclamation, les Fènélon, les Boffuet, lesFléchier, lesVoltaire, les Rouffean, les Thomas & ftirtout les Borrelly ne furcnt jamais que de vils déclamateurs. Ehbien, Mcfïïcurs les frondeurs, fi ces morceaux ne vous conviennent pas, cherchez en quel- qu'autre  ——— 25 qu'autre, montrez-nous ces prétendues déclamations, appuyez enfin vos accufations vagues fur quelque chofe de folide, cltez-nous un paffage, retranchez en les mots fuperflus, les phrafes inutiles, les expreffions bourfoufflées, les idees oifives. Montrez-nous en un mot de la déclamation. II eft aifé a un pédant d'infulter un grand homme, mais fi ce pédant n'appuie fes infultes fur aucune preuve, il eft utile de 1'en faire répentir. Eh bien, difons-le pour un moment, tous ces morceaux ne font que déclamation; 1'Hiftoire des deux Indes eft un ouvrage déteftable, dégoutant, 1'univers qui 1'admire n'a pas le fens commun. Si cela eft, Meifieurs, vous avez tort de prétendre que Mr. R. n'en eft pas 1'auteur. Au contraire, prouvez qu'il eft de lui, votre ennemi fera affez humilié; fi fon ouvrage eft mauvais 'laiffez- lui fa honte de 1'avoir fait. Je me fuis appereu que les érudits de Berlin confondent fouvent la déclamation avec 1'éloquence. Mais les érudits, fort eftimables d'ailleurs, font ordinairement mauvais juges quand il s'agit d'éloquence & de goüt,. Vous fentez bien, Monfieur, que ce n'eft pas de vous dont je veux parler. Je prouve ce que j'avance. Dans le programme des prix que 1'Académie de Berlin propofe pour Pannée 1785, aprcs avoir dit qu'elle s'eft vue obligée de remettre le prix fur la B 5 queftion:  26 . queftion: Qiielle eft la meilleure manier e de rappeller les peuples d la raifon; elle ajoute ce paffage bien étonnant: TAcadémie a vu avec peine que les auteurs des mémoires au lieu de chercher d circonfcrire un fujet déjd fort étendu fe livroient d des digreffions £f même d des déclamations, £autant plus déplacées que TEloquence n eft pas durejfort de la elajfe de philofophie. Vous voycz bien, Monfieur, que ces Mefiieurs confondent ici déclamation & éloquence. Ces déclamations font déplacées parceque TEloquence n'eft pas du reffort de la Philofophie. Affurément il y a autant de difference cntre déclamation & éloquence qu'entre clinquaut & or fin. Et puis fait-on ce que c'eft que 1'éloquence quand on avance qu' elle n'eft pas du rejfort de la philofophie? La véritable éloquence eft rcxprefiïon naturelle d'une ame pénétrée de fon fujet Quiconque ne s'intéreffe pas a fon fujet le traite mal. & quiconque s'y intéreffe eft éloquent. Le premier en traitant un fujet philofophique, ne fera qu'un ouvrage d'érudit, le fecond fera un ouvrage de génie.. Et oü trouve-t-on plus d'éloquence que dans le Difcours fur l'inégalité des conditions qui a jetté les fondemens de la répntatiou de J. J. Rouffeau? Je me fois écarté un inftant de mon fujet, jefpère que vous voudrez bien me pardonner cette petite digrefiion, & croire qne je fuis c\c. LETTRE  27 LETTRE IV. ILJn malheur pour les gens célèbres c'eft que la méchanceté leur attribue fouvent les ouvrages qu'elle fabrique elle-même. C'eft ainfi qu'on amis fur lecompte de Volraire une quantité d'ouvrages qu'il étoit incapable de faire, c'eft ainfi qu'on a ofé dire que hPucelle étoit de lui. Hélas! Monfieur, malheureufement pour vous, vous êtes dans le même cas, il a paru dans la Correfpondance littéraire fecrette de Paris N°. 4j. une critique auffi ridicule que méchante d'une petite pièce de vers adreffée a Mr. 1'Abbé Raynal. Ce célèbre auteur y eft traité de la manière la plus indigné. On lui reproche d'inuiter les peuples a brifer leur jong, & de leur préfenter le poignard de la vengcancepour frapper leurs'fouuerains. En un mot, on v dit que toutes les loix divines èf humaines font égalemens outragées dans l'Hiftoire des deux Indes. Vos ennemis affurent que vous êtes 1'auteur de ces atrocités. Jevais confondre ces vils impofteurs qui attaquent ainfi votre réputation, je vais leur prouver qu'il eft impofTIble que vous ayez fait cette critique. Je ferai plus, je vous les nommcrai, je les livrerai a toute votre ven-  vengcanee, fakes tonner fur leurs têtes lafoudre des loix. Ofcz faire imprimer qu'ils font des impofteurs & niez hardiment; tout ce qu'ils ont 1'impudencc d'avancer contre vous. Alors ils feront obligés de fournir leurs preuves, que vous pulveriferez fans doute; car 1'innocence eft fi forte contre 1'impofture & le menfonge! Oh comme vous allez triompher de leur méchancete-! Mais entrons en matière. Lorfque Mr. Raynal vint a Berlin, Mr. Mayet Direcleur des fabriques de foie du Roi lui adreffa les vers fuivants. E P I T R E. Verrons - nous donc toujours rhipocrifie Livrer au feu la vérité hardie Sur le menfonge établir fon pouvoir Exorcifer les t/ilens, le favoir, ' La Croffe en main, chatier le génie. RafTurans-nous; ces étranges abus, Grace a Raynal, bientöt ne feront plus. Raynal 6 toi qui leur livras la guerre, PourfuiS le cours de tcs nobles travaux: , Nouveau Théfée, ofe afFrancbir la terre Des préjugés, des moines, des dévots Monftres hideux, & plus cruels encprc Q_u'au tems jadis ne fut le Minotaure, Oie écrafer ces reptiles affreux Df( t  m Dut le venin, hélas! qui les devote, Dans le tombeau t'entralner avec eux. Sous les débris d'un édifice impie Que fon courroux avec force ébranla, Tel autrefois 1'amant de Dalila Enfevelit aux dépcns de fa vie Le peuple affreux qui le perfécuta, Sage Raynal, ame noble & fublime, O du bonfens, de fon culte nouveau Crillant apötre & martyr magnanime Au fanatifme arrache fon bandeau Et fois enfin fa dernière viclime! Mais qu'ai-je dit? prés d'un Roi bienfaifant Dans cet Empire & glorieux & vafte Oü fous le nom de Frédéric le Grand, On voit règner par un beureux contrafte Le defpotifme en Prince tolérant, L'humanité fous Fair d'un conquérant, Le Dieu Plutus comme un foldat fans faftc Et Part des vers en Monarque éclatant. Dans ces cllmats qui virent encore naïtre Un prince afFable & fécond en exploits, Plétos par goftt, pbilofophe par choix, Qui fur le tröne efFaceroit peut-être Ce bon Henri que la France eut pour inahre, Et dont rhiftoire e(t 1'école des rois. Du fiège enfin de la philofophie, Tu  30 Tu peux braver les noirceurs & les cri» ' Du fanatiime & de 1'hypocrifie. Raynal tu peux par tes fages écrits Impunément éclairer ta patrie A la raifon ramener les efprits, Rendre la vie a fes lauriers flétris. Et fans danger offrant a fa mémoire De fes fureurs la déplorable hiftoire, Dire combien les beaux-arts, les talen» Perfécutés pour de vaines maximes Et de fon fein bannis depuis cent ans Onrenriclü fes voifïns de fes crimes. Crois-moi, Raynal, de fi nt les depeins Doivent ici fixer ton domicile. Ah! garde-toi d'abandonner 1'afyle Ou la raifon coule des jours fereins, Oü fecouant une crainte fervile La vérité peut d'une voix utile Se faire entendre a tous les fouverains Civilifer, inftruire les humains. Calmer furtout la fureur qui les domptc Du philofophe eft le premier befoin. Plus d'un pays honore un pareil foin. Mais pour la France, ah! difons-le a fa honte, II eft prudent de 1'éclaircr du loin. Voici maintenant la critique qu'on vous impute, &: la défenfe que j'y oppofe. Cette  ■ 31 Cette êpitre fi een eft une, eft un chef-d'oeuare d'extravange & de mauvais goüt. Vauteur peptt être rempli de talais & de connoijfances comme directeur de fabriques, mais il en eft entierement dépourvu comme potte, & le meillcur eft de fe bor■ner aux objets de fa profejjion, & tout es les fois que la manie de rimailler fe réveillera dans fa eerveile, de s'appliquer le précepte de Defpréaux. Soyez plutót macon, fi c'eft votre talent Ouvrier cfiimê dans un art néceffaire Qitécrivain du commun & poé'te vulgaire. Cette tirade outrée ne peut affurément partir d'un homme qui a été 1'ami de Mr. M. D'ailleurs M. Borrelly qui vient lui-même de fe livrer a fon talent en entreprenant une fabrique de favon, n'auroit pas voulu rappeller a M. M. le précepte de Defpréaux, il auroit craint qu'on ne lui rappellat cette épigramme qu'on fit contre lui lors de 1'établiffement de fa fabrique. Las enfin d'être auteur vulgaire Borrelly maintenant fabrique du favon, Ah! puiffe-t-il dans un art néceflaire, Donner enfin quelque chofe de bon! Continuons la critique: A  3* ■-: A quoi penfoit Mr. M. fintituhr fa pieceEpitre? Elle rien a ni le ton, ni la forme. Qu'on en juge par le début. Le poete trébuche £5" scgare des les premiers pas. Son dejfein eft de faire une épitre, c'eft a dire une lettre en vers, £f il Toublie, aujfitk pour emboucher la trompette hcroï1ue Oh voit enfüite ïembarras du foit-di- fant poete, qui foreê de quitter le ton pyndarique de fon délire & de commencer un difcours direct a fon héros ne fait comment fe tirer de ce mauvais pas: Ces étranges abus Grdce a Raynal bientot ne feront plus. Raynal o tot qui leur livras la guerre. Je dis donc qu'un Profeffeur d'Eloquence ne fauroit avoir fait une critique auffi fotte, ou ce feroit le plus fot de tous les profeffeurs. Vous qui êtes un homme d efprit, Mr. Borrelly, vous favez bien que 1 epitre en vers eft fufceptible de tous les tons & qu'on pourroit eiter mille épitres de bons auteurs qui commencent & continuent pendant io, 20, 30 vers fans adreffer un difcours direct d leurs héros. Il y en a une de Madame Deshouillières a Mr. Arnauld Fermier général oü elle ne commence un difcours direct afin héros quau 20eme vers. II yen a une deVoltaire écrite de Plombièrcs a M. Pallu, oü il ne com- t ' mence  -== 33 tnence pas dans toute la pièce un difcourf direct d fin héros. Elle commence d'un ton encore plus pyndarique que celle de Mr. M. Du fond de cet antre pierreux, Entte deux montagnes cornues, Sous un ciel noir & pluvieux, Oü les tonnères orageux Sont portés fur d'épaiiTes nues, &c. &c. Mais paffons a 1'endroit de la critique fi flatteur pour Mr. 1'Abbé Raynal. Mr. ÏAblé Raynal publie un ouvrage oü non content de démontrer aux peuples que leurs maitres abufent de leur pouvoir, il les invite d brifier leur joug, oü, au lieu de leur recommander robéijfance envers eux, lors-même quils manquent d leurs obligations, etiam difcolis il les établit juges de leur conduite, £f leur préfiente le poignard de la vengeance pour les /rap* per; oü, non fieulement il attaque les prêtres qui, fous prétexte de religion, ont fouvent bouleverfi les Etats; mais oü il ofe même fapper les fondemens du chrifiianifme, nê, felon lui, des dêbris du paganifme, oü enfin les loix divines &" humaines font également outragécs: le parlement qui condamne le livre £f ï'auteur nefi qu'un tribunal de fourbes £f d hypocrites qui n'établiJJ'ent leur pouvoir que fur le menfonge! C Qu'un  34 Qu'un -Capucin ait braillé cette tirade devant quelqu'évêque imbécile, je le croirois volontiers; mais qu'un Académicien de Berlin, qu'un homme de lettres, qu'un confrère de Mr. 1'Abbé Raynal 1'ait fait imprimer a Paris, pendant qua Berlin il careffoit ce grand homme, c'eft une baffeffe dont on ne fuuroit le croire capable. Repafïbns les points principaux de cette fatyre, & voyons li elle eft fondée. „L'Abbé Raynal a-t-il démontré aux peuples „que leurs maitres abufent de leur pouvoir?'' Pour bien juger du fyftême de ce grand homme il faut le comprendre, ou du moins vouloir le comprendre. „II ne faut pas, dit-il, entendre par gouverne„ ment les conftitutions bif-arres de 1'Europequi font un „ mélange infenfé de loix facrées & profanes. Quand „un gouvernement facerdotal & militaire a mis tout „fous le joug, même les opinions; quand 1'homme „impofteur a pcrfuadé a 1'homme armé qu'il tenoit „ du ciel le droit d'opprimer la terre, il n'eft plus au„cune ombre de liberté pour les peuples policés.' Voila. le tableau de rous les peuples de la terre, ft „vous en exceptez peut-être quclques républiques." Rien n'eft plus vrai que ce qu'avance ici 1'Abbé Raynal. Les loix, les conftitutions, & les coutumes de la plupart des Etats de 1'Europe font nées du fein de la barbarie, du defpctifme & de 1'ignorance. La né-  ===== 35 nécefiité nous a obligés mille fois d'abroger ou de changer ces loix; qui faifoient le malheur des peuples &des fouverains, & les efForts que les fouverains euxmêmes font aujourd'hui pour réformer encore leurs Etats prouvent qu'ils font convaincus de cette vérité. „II les invite a brifer le joug." Mr. R. crie auxRois & a leurs Miniftres: „aimez „le peuple! aimez les hommes! & vous ferez heu„ reux. Ne craignez alors ni les efprits libres & cha„grins, ni la révolte des méchans." Ce n'eft donc pasl'autorité qu'il condamne, mais fes abus; loin de brifer le joug, il veut le rendre plus durable en le fondant fur 1'amour, fur la bienfaifance, fur la reconnoiffance, en un mot fur toutes les vertus. II veut que le cceur féroce des Caligula & des Néron foit réprimé fur le tróne par la crainte des loix; il veut que les hommes ne fe laifient pas égorger comme de vils troupeaux, par un extravagant que le hazard aura mis a leur tête. La liberté fait, felon lui, le bonheur du peuple & du fouverain, voila pourquoi il invite les uns a la rendre les autres a la reprendre. Si le defpotifme eft un monftre qui déchire lui-même fes pro. pres entrailles; fi le tyran, par 1'oppreflion, mine infenfiblement le tróne de fes enfans; en un mot, fi les peuples & les rois ne peuvent vivre heureux & en förcté qu'en refpeftant mutuellement leurs droits; celui C 2 qui  36 —= qui les invite a refpe£ter ces droits eft farm des uns & des autres. Voila ce que fait Mr. 1'Abbé R. il demande des loix qui faffent le bonheur de 1'homme, il veut que tout homme fans exception y foit foumis. Ce n'eft pas la brifer le joug, c'eft refferrer les liens; ce n'eft pas préfeut er aux peuples le poignard de la vengeaiice, c'eft mettre le glaive entre les mains de la juftice. „ Oü non feulement il attaque les prêtres qui „fous prétexte de religion ont fouvent boule„verfé les Etats, mais oü il ofe même fapper „ les fondemens du chriftianifme." Eh bien! fi les prêtres, fous prétexte de religion, ont bouleverfé les Etats, pourquoi ne les attaqueroitonpas? Vous déteftez ceux qui fe révoltent contre lesRois, eh! qui jamais excita de plus fréquentes révoltes que les prêtres ? qui a pourfuivi, excommunié, affaifiné les rois, fi ce n'eft les prêtres? qui a délié les fujets du ferment de fidélité, qui a mis entre leurs mains le poignard des brigands, qui a donné les royaumes au premier qui en dépouilleroit les fouverains légitimes? les prêtres, les prêtres. Et dans quelles vues Tont - ils fait? par un efprit de fanatifme & de domination aveugle; par un orgueil monftrueux; par une ambition féroce. Maintenant un philofophe s'élève au-deffus des préjugés, il tire le rideau qui cachoit  ■ 37 cachoit ces horreurs, il arrache le mafquc de lhypocrifie, il veut décrédker les opinions qui font couler lefang; opinions inventécs, établies, fomcntées, détruites, changées, rétablies, foutenues par les prêtres ; il veut affermir les vertus qui uniffent les hommes entr'eux; vertus que tous les fages des nations ont honorées depuis le commencement du monde: & c'eft contre ce philofophe que vous prenez le parti des prêtres! „Oü il ofe même fapper les fondemens du „ chriftianifme, né, felon lui, des débris du „ paganifme." Si la fatyre que j'examine ici n'attaquoit Mr. 1'Abbé Raynal que par rapport a la Religion chrétienne, je me garderois bien d'en blaraer 1'auteur, & encore moins de démontrer que vous êtes incapable de 1'avoir fake. Tout le monde connoit votre mérite a. cet égard, on fait que vous poffédez toutes les vertus des dévots, & vous avez appris a tous vos amis que votre familie eft honorée de la proteftion particulière de la Sainte Vierge. On fait que M. votre frère curé a Nimes a regu de la Mère de Dieu une lettre fignée Marie Reine des Anges, avec laquelle on opere des niiracles que tout le monde peut attefter. Vous même, Monfieur, initié dans les mvftères profonds de la cabale, vous pénétrez, fans être forcier, tous les feC 3 crets  38 .. ■ crets les plus cachés de la Nature. Mais il me vient une idee, fi vous pouviez faire venir cette Lettre de la Vierge, elle ferviroit peut-être a. nous faire découvrir 1'auteur de la critique, & k vous juftifier aux yeux de tous les honnêtes gens, & certes ce ne feroit pas la un de fes plus.petits miracles. La Sainte Vierge vous rendroit ce bon office avec d'autant plus de plaifir, que fa rêputation eft un peu intéreffée dans 1'affaire. Oui, Monfieur, je penfe aufïï que Mr. 1'Abbé R. a eu tort de dire que la Réligion chrétienne mit la terre en combuftion, qu'il falloit en fimplifier la do£trine, la purger des abfurdités qui 1'aviliffent; il a eu tort de dire que Dieu ne fe fiche pas quand 011 mange unpouletle vendredi, Sc que s'il s'en fachoit on ne 1'appaiferoit pas avec une pièce d'argent; que 1 ahfolution ne fert qu'a étouffer les remords & encourager les fcélérats; ce font affurément la autant de blafphèmes dont 1'horreur faute aux yeux & qui m'ont Tévolté comme vous. LAbbé R. ne penfe probablement pas en bon chrétien, il fe moque du Pape & des prêtres, & je ne crois pas que pendant fon féjour a. Berlin il ait été une feule fois a confeffe. II eft bien vrai qu'il n'eft pas capable de faire des écrits clandeftins dans le feul dcffein de perdre les gens & de les réduire k la mendicité, fes ouvrages ne font point clan-  — . 35) , ckndcftins & anonymes; il n'en fait point paffer a quelques pcrfonncs feulement, & il ne tache point den dérober la connoiffance au public, de peur qu'on ne le fóupgonne d'en être 1'auteur, il met fon nom a (bn livre, & offre de ftnitenir ce quil avance. Voila ce que doit faire un honnête homme. II eft incapable de s'affocier avec des gens pour profïter de leurs fecrets & de leurs lumières, & de leur chercher enfuite chicane afin de refter feul maitre des avantagcs de la fociété. Il eft incapable d'engager des gens en place a négliger leur devoir, de leur promcttrc de les juftifier auprès de leurs fupérieurs, & de fe fervir enfuite de ces mêmes négligences pour les perdre. II eft incapable de faire une fatyre de laquais contre un homme qu'il fréquenteroit, avec qui il mangeroit, &: qui lui témoigneroit de 1'amitié & de la bienveillance. Mr. 1'Ahbé Raynal eft un homme franc, honnête. vertueux, fenfible. Mais toutes ces vertus, font des vertus felon le monde, il n'a point la foi; & fans la foi, nos ceuvres ne font que de la crème fouettée. „Oü enfin les loix divines & humaines font „également outragées." Cette affertion dépourvue de toute preuve eft ridicule dans la bouche d'un homme de lettres. L'ouvrage de Mr. 1'Abbé Raynal tend d'un bout a 1'autre au bonheur dc rhurq.anitc, & ce but eft trés conforme C 4 -aux  4° aux loix divines. Quant aux loix humaines tout homme a droit de les examiner. II doit sy foumettre dans le pays oü il vit, mais il peut en montrer les abus, les inconvéniens, les inconféquences. II peut dire hardiment aux peuples vos loix font cruelles, vos ufages font barbares. II peut les inviter a les changer & leur en indiquer les moyens. Tout homme a~ regu de la nature le droit de penfer ce qu'il veut & de dire ce qu'il penfe, les tyrans chercheront envain a enchaïner la penfée; le cceur du philofophe fera toujours un afyle facre oü la vérité bravera leur rage. Malgré eux, cette vérité feperpetuera dans leurs ouvrages, elle fe répandra fur le globe comme la vapeur imperceptible qui mürit infenfiblement le fruit de la terre. Mais ne nous arrêtons pas plus longtems fur cette accufation ridicule & digne tout au plus d'un Capucin ou d'un Dotleur de Sorbonne; prouvons. invinciblement par ce qui fuit, que Mr. Borrelly eft incapable d'avoir écrit ces fottifes. Notre critique après avoir reproché a Mr. M. d'avoir traité de fourbes & d'hypocrites les juges qui ont condamné Mr. 1'Abbé R. continue ainfi: Ce n'eft pas ainfi, je ncn doute pas, que Mr. l'Ahbé R. raifionne au fond de Jon ceeur. II ne fientoit peut-être pas en écrivant toute /'horreur que doivent infipirer les dangereux écarts de fon imagination. Mais il  i " 41 // a trop bon efprit pour ne pas rendre juftice a des Magiftrats qui n'ont fait que de leur devoir en le pourfuioant: mais il eft naturellemcnt trop droit, trop honnête, trop ami de la tranquillité publique ö" trop attaché aux principes de la religion quil profejfe pour ne pas condamner un jour hautement fes funeftes erreurs. J'admire fon génie Of fes vaftes connoijfances. Pen d'écrivains méritent de lui être comparés. Ses ouvrages inftruifent la gènèration prèfente Sjf éclaireront la poftérité. La feulegloire que puiffe encore ambitionner ce grand homme, ce philofophe aujji aimable que vertueux, c'eft celle de revenir fur fes pas, de fe montrer fon propre cenfeur, £y de donner cet exemple de repentir ö~ d'amandement d ceux qui pourroient s'égarer fur fes traces £f d'aprés fes principes. Afiurément il n'y a qu un fou qui ait pu écrire ^ette tirade après celle qui la précède. Cet homme qui invite les peuples d brifer leur joug, qui leur prèfente le poignard de la vengeance contre leurs fouverains, cet homme qui viole les loix divines humaines elè maintenant un homme qui a tin bon efprit, un homme naturellement droit, honnête, ami de la tranquillité publique. Ses ouvrages inftruifent la génération prèfente, £f éclaireront la poftérité, ceft un philofophe auffi aimable que v'ertueux. Cet homme vertueux qui Jappoit tout-a-l'heure les fondemens du chriftianifme eft C 5 main-  42 . maintenant tres-attaché aux principes de la religion quilprofejje, if cet homme attaché a la religion qu'il profeffe condamnera un jour fes funefïes erreurs ö" fe. convcrtira. Quel miférable galimathias. L'ignorance, la rage, 1'envie, la baffeffe peuvent feules avoir produit cette critique extravagante. Et 1'on veut qu'un Académicien de Berlin, qu'un Profeffeur d'éloquence, qu'un homme de go ut qui a fait une Logique de 204 pages, ait pu pécher auftï lourdement contre les régies du bon fens & de la logique! Apprennez téméraires que Mr. Borrelly a le fens commun, apprennez que eelt un homme d'efprit, un homme de génie, & que ces titres feuls peuvent le difculper de vos accufations audacieufes. Mais parions un peu des juges. Mr. Ie Critique reproche a Mr. M. d'avoir djt que le tribunal qui condamne 1'Abbé R. n'eft qu'un tribunal de fourbes d'hypocrites qui n'établiffent leur pouvoir que fur le menfouge. Deux tribunaux ont condamné 1'ouvrage de Mr. R. la Sorbonne qui a condamné Buffon, Marmontcl, Helvetius &c. &c. & le Parlement qui eft compofé d'un grand nombre de gens d'efprit & de mérite. Quant a la Sorbonne, j'ai affurément pour elle tout le refpe£t qu'elle mérite, & je me garderai bien de glofer fur fes facrés jugemens. Mais pour * le  —- 43 le Parlement doutez-vous, Monfieur, que la plupart des membres de cc corps ne poffédent 1'ouvrage de 1'Abbé R.? doutez-vous qu'ils ne 1'aient lu, admiré, loué dans leurs cercles? doutez-vous qu'ils ne 1'aient condamné que par un efprit de corps, par une décenced'état, qu'ils abjuroient au fond de leur cceur? avouez donc qu'il entroit un peu d'hypocrifie dans leur fait? Le Parlement qui venoit d'éprouver les triftes efFets du pouvoir arbitraire, le Parlement qui eft 1'ami & le protecleur du peuple, pouvoit-il ccndamncr fincèrement un livre qui ne tend qua foutenir fes droits & ceux des peuples ! Vous penfez comme Mr. M., Monfieur, vous avez comme lui, vous avez bien plus que lui de 1'horrev pour les tribunaux que les préjugés, le fanatifme, ou 1'efprit de corps font agir. Vous penfez comme Mr. M. que la France a befoin qu'on ïéclaire Z? qu'on ramhie fes efprits a la raifon. Vous les avez bien traités autrement, vous, les juges iniques, dans TEpitre dédicatoire qui eft a la tête de votre logique. Vous dites, en vous adr^ffaut a 1'homme eftimable a qui vous la dédiez : Des juges ignorans, barbares Sf fauatiques out prononcé contre vous un arrct qui fait frémir la nature £ƒ qui révolte Thumanhè: ces ogres altérés defang ont tranché les jours de votre foi-difant complice pour vous dérober au glaivs meur- trier  44 — ■ trier de leur législation arbitraire vous avez été rêduit a la malheureufe nccejjité de . vous exiler de votre patrie . . . üf de chercher un afyle, de la protetlion, des fecours ehez une nation étrangére. Voltaire eft votre appui, Frédéric votre bienfaiteur.... Selon vous, voila donc la France qui a des juges ignorans, barbar es £jf fanatiques; elle a donc une lègislation arbitraire, elle a donc des ogres alt ér és de fang qui prononcent des arrêts qui font frémir la nature & qui révoltent ïhumanité. Elle a clonc befoin qu'on 1'éclaire & qu'on la ramène a la raifon, comme le dit Mr. Mayet d'une manière bien plus modérée. Ainfi, Monfieur, loin d'avoir pu faire un crime a Mr. Mayet de s'être exprimé ainfi, loin d'être 1'auteur de la critique en queftion, ce paffage de votre logique prouve que vous devez regarder cet auteur comme un imbécile ou un enragé qui n'aura fongé qua nuire a Mr. Mayet & a dire du mal de notre bon Abbé. Je fuis &c. LETTRE  45 LETTRE V. MONSIEUR, Je crois avoir affez bien prouvé dans ma dernière Lettre que Mr. 1'Abbé R. ne mérite aucune des accufations dont le charge la critique; je crois aufïï que tout homme judicieux fent a préfent que vous n'êtes point auteur de cette critique. Continuons d'en examiner encore quelques traits pour achever de confïrmer cette vérité. Mr. M. avoit dit: Prés d'un Roi bienfnifant Dans cet Empire & glorieux & vafte Oü fous le nom de Frédéric le Grand, On voit règner par un heureux contraire Le defpotifme en Prince tolérant, L'humanité fous 1'air d'un conquéranr, Le Dieu Plutus comme un foldat fans fafte Et 1'art des vers en Monarque éclatant. Quel impitoyable rimailleur, dit le critique, dans cet empire vafte Ton voit regner le defpotifme, ïhumanitè, le Dieu Plutus £f Tart des vers; autant de mots autant d'inepties. Ah pour le coup, Meflieurs les cabaleurs, vous ne fauriez foutenir que ce paffage foit de Mr. Borrelly! Songez donc que Mr. B. eft pen- fionné  4* - fionné par le Roi, fongez qu'il a été choifi-par Ce Monarque pour être membre de fon Académie; fongez qu'il a lu l'Art de la Guerre, fongez qu'il a du gom, & ne le croyez plus capable deregarder comme amant d'inepties que Frédéric eft bienfaifant, qu'il eft tolérant, humain, fans fafte £f qu'il a fait de bons vers. Si Mr. Borrelly avoit été capable d'écrire ce paffage, il faudroit qu'il fut ou le plus extravagant ou le plus méchant & le plus ingrat de tous les hommes. Mais ce n'eft pas le Roi feul qui eft ainfi traité dans cette fatyre, 1'auteur voudroit nous faire accroire que les Brandebourgeois ne font que des imbéciles, & que la raifon eft aufii perfécutée a Berlin que dans les pays ou Fon écoute les criailleries des prêtres; écoutons cet habile homme: Du fièg-c enfin de la philofophie. Le Brandebourg, fiége de la philofophie! idéé neme Sf tout-a-fait plaifante! Eh bien, Monfieur, quen dites-vous? Itesvous capable d'avoir ainfi parlé contre le pays qui vous nourrit? contre les Etats duSouverain qui vous aappellé? Non, non, & vous direz fürement avec moi acemiférable auteur: apprennez, faquin, qu'on peut appeller le fiége de la philofophie un pays qui eft gouvèrné par un Roi philofophe, un pays oü la philo-  ===== 47 philofophie perfécutée trouve un afyle inviolable, un pays qui eft affez fage pour profiter des principes 8c des lecons de ces philofophes profcrits & rejettés par une patrie ingrate, un pays oü les prêtres ne profcrivent point, oü les tribunaux ne pourfuivent perfonne pour des opinions, en un mot un pays oü on laiffe du moins a 1'homme la liberté de penfcr, cette liberté qu'il eft extravagant de vouloir lui enlcver; & qu'on ne lui enlèvera jamais. ' Tel eft 1'heurcux pays que j'appellerai le hège de la philofophie, tel eft le Brandebourg. Le téméraire qui a ofé dire le contraire, ou ne connoit point le Brandebourg, ou eft un de ces ferpens qui cherchent a percer le fein qui les réchaufte. Continuons ; Raynal tu peux par tes fages écrits Impuncment cclairer ta patrie, A la raifon ramener les efprits. Courage! dit le Critique, courage Mr. le Poete, inti' rejfez-vous pour votre patrie. La France eft encore plongée dans les tèneb'res de ïignorance £ƒ de la barbarie, fes malheureux habitans ne font encore que des fous. C'eft de Berlin que doivent partir les rayons de lumiere qui doivent enfin cclairer ce pays de fauvages £f d'antropophages. C'eft de Berlin quil faut lui enfeigner les loix d'une fage police. Oui, Mr. le Critique, Mr. Borrelly vous apprendra que la France eft encore  48 ========= encore quelque chofe de pire qu'un pays de fauvages & d'antropophages ; il vous apprendra que ce font des ogres alt ér és defang qui font frémir la nature. Il vous apprendra que c'eft a Berlin qu on reeoit & qu'on protégé ceux qui font pourfuivis & perfécutés par ces ogres; & loin de plaifanter fur les rayons qui partent de Berlin, il vous dira avec Mr. Mayet que la Cour de Berlin, par cette conduite, éclaire en effet les pays barbares Oü Ton trouve encore des ogres. Ah! garde-toi d'abandonner 1'afyle Ou la raifon coule des jours fereins. Je ne doute pas, dit Mr. le Critique, que le dernier vers n'ait fait rire tous les Berlinois, tant leur raifon a de férênité. Quelle critique groffière! quelle infulte brutale! Prétend - il infinuer par la que les Berlinois ne font pas contens de leur fort, qu'ils ne coulent pas des jours heureux & fereins ? En vérité il n'y a qu'un fou, un méchant & un étourdi qui puiffe dire le contraire. Oui, Mr. le Critique, la raifon coule a Berlin des jours fereins. II y a plus, c'eft que les plus grands fous y vivent même auflï tranquilles que les fages; on leur permet de faire des projets, des chateaux en efpagne, on tolère leurs extravagances; & ön fe contente d'en rire. Je fuis &c. LETTRE  49 LETTRE VI. MONSIEUR, J'efpère que vous ferez content de la manière dont je vous défens contre vos ennemis. Mais je vous ai promis de tous en nommer quelques-uns; il faut vous tenir parole. Vous ne favez peut-être pas encore, Monfieur, jufqu'oü va leur rage contre votre perfonne, ils ont fabriqué des lettres qu'ils vous attribuent, des lettres fottes, ridicules, extravagantes,' & ils font courir des copies de ces lettres! En voici deui queMr.M. m'a communiquées, il m'avoit bien prié de n'en point faire ufage, mais j'ai trop de refpe£fc pour vous, Monfieur, pour ne pas vous facrifier un faquin de cette efpèce qui attaque aufli baffement la réputation d'un grand homme. LETTRE que Mr. Mayet prétend avoir écrite d Mr. Borrelly, Monsieur, 11 m'eft tombé entte les mains, depuis deux jours feulement, un libelle périodique intitulé: Correfpondance fecrette cfe. dans lequel on a inféré cinq ou fix pages D d'in-  5o - d'injures contre moi, au fujet d'une Fpitre a Mr. Raynal, & oü ce Philofophe lui-même eft affez maltraité. On préfume, Monfieur, que vous êtes 1'auteur de cette critique, fi ten eft une ; mais cet acharnement contre un homme qui ne vous a jamais offenfé ne me paroit pas vraifemblable. Je ne vous crois pas non plus affez lache pour défavouer un ouvrage dans lequel vous m'auriez attaque. C'eft pourquoi je vous prie, Monfieur, de me dire fans détour fi vous êtes ou fi vous n'êtcs pas 1'auteur d'une pièce qui commence ainfi: Cette Epiire (a Mr.Raynal), ficen eft unc} efl un chefd'auvre d'extravagance iif de mauvais goüt. Ces quatrc mots fembloient avoir tout dit, mais ils ne fuffifent point a la ragê de 1'auteur & il délaye fa belle fentence dans cinq ou fix pages de fuite. Si vous êtes Pauteur de cette fatyre, Monfieur, vous pouvez être excufable par les griefs que vous avez contre moi. Vous n'avez qu'a ine les expliquer & la feule vengeance que je tirerai de vous, fera de vous prouver combien vous vous êtes laiffé féduire & tromper par mes ennemis. J'ai 1'honneur <&c. Mayet. P. S. Si vous ne me répondcz pas, je regarderai votre filence comme un aveu, & vqus n'aurez pas lieu d'être furpris, fi j'ufe de réprélailles. RÉPONSE  ■ - 51 R É P O N S E attribuée a Mr. Borrellv. Monsieur, Je fuis fort êtonnê que vous m'écrivicz d'un ton aufll peu mefuré & avec menaces. Je vous Moltere que je ne connois pas cette Correfpondance fecrete. Qui eftce qui fuppofe que je fuis 1'auteur de la fatyre qui vous offenfe ? Je vous fomme de me le faire connoitre. Celui qui fuppofe fans preuve ne peut être qu'un téméraire & un faquin. Je ne vous crois pas affez inconféquent pour faire cette fuppofitión vous-même. Ainfi votre honneur exige que vous le nommiez pour vous mettre a couvert de mes juftes reproch.es. J'attends fur cela votre réponfe & je fuis &c. Borrelly. Ce 18 Novembre 1782. Jugez vous-même, Monfieur, par le ftyle fpadafïïn de cette lettre de la noirceur de vos ennemis, ils veulent nous faire accroire que vous êtes capable de 1'avoir écrite. Mais nous favons que les rodomontades ne font pas dans votre caraclère. Je fuis fort étonné je vous déclare . ... je vous fomme . . . . un témêraire . . . unfaquin . . . Non ce n'eft point Ik U langage dun homme d'efprit, d'un homme.de mérite comme Mr. Borrelly. La modeftie accompagne toujours le mérite, il n'y a qu'un vil fanfaron qui puiffe écrire de cette manière. Da Mr.  53 ' Mr. Mavet prétend vous avoir répügue" la Lettre i'uivante. Monsieur, De toutes les perfonnes qui ont préfumé que vous étiez 1'auteur de la critique, je ne vous en citerai qu'une, c'eft moi. En vous regardaht comme mon cnnemi, je puis être un têmêraire, mais non pas \m faquin. Voici mes preuves. Comme les exprcffions de témcraire, de faquin, iVinconféquent, de coqitin, de vile canaille, vous font extrémement familières, j'ai cru reconnoitre ce même ton de modcration & d'honnêtcté dans la fatyre contre moi. Votre conduite, h mon égard, m'a fait aifcmcnt ajoutcr foi a quelques-uns de vos propos qui m'ont été répétés. Je ne vous citerai ceux qui me les ont rendus qu'après que vous m'aurez expliqué vousmême les motifs qui vous ont. infpiré autant de hainc après quatre ans d'une liaifon journaliere. Je ne vous crois pas affez inconféquent pour avoir fait fans raifon une démarche qui a laiffé dans 1'efprit de plufieurs'une impreflion déshonorante pour moi. Au furplus, Monfieur, je vous ai écrit avec modération & honnéteté & vous m'avez répondu avec une furcur qui m'a indigné & une hauteur qui m'a fait rire. Si vous voulez, foit dit fans menaces, nous prendrons le public pour juge. Je ferai imprimer ma Lettre & votre Réponfe. La colere vous a tellement tranfporté que vous avez oublié de fatisfaire a la feule queftion que j'ai pris la liberté de vous faire. Je ne vous ai point demandé fi vous con-. noiffiez XzCorrefpondance fecrette. Je vous ai demandé fi  -"-< ■ 53 fi. vous connoilïïez une critique qui eommence par ces mots: cette Epitre, ft c\n eft une rdc. 11 eft très-poffible qu'une critique répandue tombe dans un" Journal qui nous fok inconnu. Je fuis &c. Mayet. P. S. Si vous n'avez plus que des injures a me dire, je vous prie de ne point me répondre. Voici votre prétenduc Réponfe. Monsieur, Votre feconde Lettre de ce jour ne mcriteroit pas de réponfe: je veux bien cependant vous en faire une qui fera la dernicre. Vous prétendez écrire avec modération & honêtetê. & vous avancez que les expreffions de coquin, de vile canaille, me font extrémement familieres. Eft-ce la Xhonnètetê qui vous cara£térife? Vous ofez vous permettre de me foupconner fans preuves d'être 1'auteur d'une fatyre contre vous; & d'après cette fuppofition gratuite, vous me menacez d'une reprefaille. Appellez-vous cela de la modération? vous me regardez, dites vous encore, comme votre ennemi. Qui eft-ce qui vous le perfuade? 11 eft vrai que je n'ai ni ne veux plus avoir de liaifon avec vous: mais cette déterminatiou de ma part ne prouve pas que j'uye de la haiue contre vous. Et la conclufion que vous en tirez n'eft pas confequente. Au furplus, Monfieur, foycz indigné & rkz tant qu'il vous plaira. Je D 5. ne  54 ne m'inquiéterai jamais de t0iu ce qQe vous faire. Je n'ai ni explication a vous donner, ni compte i vous rendre de ma conduite, & je vous laiffe toutes les voyes libres pour arriver a Yimmortalité. Ecrivez contre moi. Flattez noblement toutes les nations de 1'Univers, en publiant que la France, votre chèrt Patrie, eft li vree a ¥ ignorante, h la fnperfiition 8c au famtifme. Tout cela vous eft permis; & le public qui eft bon juge le trouvera fans doute digne de vous. Vous m'objeaez enfin que je n'ai pas fatisfait I votre queftion, & qu'il eft très-poffible qu'une Critique ré. pandue tombe dans unjournal qui nous fok inconnu. Je vous réponds que votre conféquence eft jüfte; mais que votre fuppofition eft un outragé qu'un galant homme ne doit jamais fe permettre, qui ne fait tort qua celui qui eft affez téméraire & affez pett dclicat pour 1'avancer. II exifte une critique contre vous: donc c eft moi qui Pai fivrée aux vents pour tornier erAuite dans un Journal dont je ne connois pas même 1'exiftencc Ce raifonnement eft vraiment admirable. J'ai Phonneur &c. Borrellyi. Ce 18 Novembre 1782. Cette feconde Lettre que les faquins vous attribuent eft un peu plus modérée que la première; mais en vérité elle n'eft guère plus raifonnable. II eft vrai qu'on n'y trouve qu'une feule fois lc terme de fémér met?, tre de 1'órdre & de 1'agrément dans le récit qu'il „avoit a. faire, peut paffer, chez fa nation, pour „le père de Téloquence. „C'eft donc dans Tembelliffement des chofes „néceffaires a Thomme; & non, comme on Ta „répété fi fouvent, dans une imitation vague de „la nature que confifte Teffence des Beaux-Arts. „C'eft de ces foibles germes exiftant dans la na„ture que 1'efprit humain, par une culture rai„fonnée, a fait fortir peu a peu les Beaux-Arts; „pour les élever enfin a ce point de perfecüon, „oü tels que des arbres excellens, ils produifent „les fruits les plus agréables. „II en eft des Beaux-Arts comme de toutes „les autres inventions humaines, c'eft fouvent au „hazard que les uns & les autres doivent leur „exiftence. Foibles a Tinftant de leur naiffance, ( „ils paroiffent d'abord mériter a peine 1'attcn„tion des hommes; mais le génie & le travail „les perfe£lionnent infenfiblement; & ils procu„rent enfin h Thumanité, les avantages plus pré„cieux. La Géométrie ne fut d'abord qu'un ar„pentage trés - imparfait, 1'Aftronomie qu'une „occupation infpirée a quelques gens oififs par »1»  ' 67 „la curiofité & le défceuvrement; & c'eft a force „d'étendre & de perfeftionner,, par une étude „fuivie, les foibles connoiffances de ces com„mencemens, qu'on eft parvenu a former ces „fciences ftiblimes qui répandent aujourd'hui „tant de bienfaits fur Ie genre humain. Ainfi „quoique nous foyons fondés a croire que les „Beaux-Arts ne doivent leur première e.xiftence „qu'aü défir de flatter les yeux ou les autres „fens, gardons-nous cependant de penfer que „ ce foit la leur unique but, & que leur utilité „n'ait pas des bornes plus étendues. Pour juger „ du vrai mérite de 1'homme, ce n'eft pas dans „la première enfance, qu'il le faut confidérer, „ mais dans 1'age oü fes facultés font parvenues a „tout le développement dont elles étoient fus„ ceptibles. „ La première queftion qui fe prèfente donc „ici, c'eft de favoir en quoi confifte Teffence des „Beaux-Arts, & les avantages qu'ils peuvent „prócurer aux hommes. Laiffons les efprits „foibles & fuperficiels répéter fans ceffe que les „Beaux-Arts ne tendent qu'a produire en nous „des fenfations agréables; & qu'ils n'ont pas un „but plus relevé que celui de flatter notre ima„gination Sc nos fens: examinons fi la raifon E 2 „ne  68 ■■- „ne pourroit point y découvrir une fin plus „noble,- voyons jufqu'a quel point la fageffe „peut faire ufage de ce penchant naturel qui „porte 1'homme a embellir tout ce q«i 1'envi„ronne, & de cette émotion ^volontaire qu'il „éprouve a la vue du beau. Nous n'aurons pas „befoin de nous engager, .pour cela, dans des „recherches longues & difficiles, la nature nous „ofire une voie plus courte pour parvenir a la „connoiffance de ce que nous cherchons. La „nature eft le premier artifte, & nous décou. „vrons dans 1'ordre merveilleux qui règne dans „fes ouvrages, tout ce qui peut donner aux arts „des hommes le plus haut degré de perfe£Hon „& d'excellence. „Tous les objets de la création concourent a. „produire de toutes parts, fur nos fens, des im„prefflons agréables. Chaque être relatif a nos „beloins a une beauté indépendante de ce rap„port. Les chofes mêmes qui n'ont pas avec „nous un liaifon immédiate femblent n avoir „recu de belles formes, & n"être revêtues des „couleurs les plus agréables que paree qu'elles „ font fans ceffe expofées k nos regards. „La nature en multipliant ainfi, autour de „nous, les objets qui forcent de tous cötés notre „ame  ' 6$ „ame a recevoir une foule d'impreflions agréa„bles, voulut fans doute exciter & entretenir en „ nous une douce fenfibilité propre a tempérer, „par fes efFets agréables, la rudeffe de notre ca„raffcère, 1'excès de notre amour-propre, &la „ fougue de nos paflïons violentes. „Il exifte un rapport de communication en„tre ces beautés & une fenfibilité exquife cachée „au fond de nos cceurs. Cette fenfibilité exer„ cée fans ceffe par les imprefTions agréables que „ les couleurs, les formes, & les fons de la na„ture font fur nos fens, répand fur tout notre „ être un fentiment plus délicat; 1'efprit & le cceur „font plus occupés; nous fentons naitre en nous „une foule d'imprefiïons douces plus parfaites „ que ces fenfations groffières qui nous font „communes avec la brute; nous devenons hom„mes; notre activité augmente a proportion du „nombre d'objcts intéreffans que nous décou„vrons dans la nature, toutes nos facultés fe „réuniffent & fe déploient, nous nous élevons „au-deffus de la matière, nous nous rappro„chons des fubftances fpirituelles, & nous fen„tons alors que la nature n'eft pas uniquement „ occupée a fatisfaire nos befons phyfiques, mais „ qu'elle veut aufii nous ménager des jouiffances E 3 „plus  7° - „ plus délicates, & élever, par dcgrés, notre être „ a un état plus noble & plus parfait. „Mais la nature ne s'eft pas bornée a cet „embéliffement général des créatures; cette ten. „dre mèrc a verfé en plus grande abondance les „charmes de la beauté fur les objets les plus nécelTaires a notre bonheur. Empreffée a nous „faire diftinguer le bien &lemal, elle s'eft fer„vie de la beauté & de la laideur pour nous les „faire connoitre: elle verfe fur 1'un les charmes „les plus raviffans afin de nous entrainer a 1'ai„mer; & donne a 1'autre une force repouffante qui nous le fait haïr. Qu'y a-t-il de plus néceffaire au bonheur de 1'homme, de plus conforme a fa noble deftination que ces liens for„més par le commerce mutuel des plaifirs qui „uniffent enfemble les membres de la fociété? „Eft-il rien de plus doux furtout, que cette „union facrée par laquelle 1'homme, encore ifolé „au milieu de la fociété générale, attaché a fon „fort une compagnc néceffaire a fon caur, une „compagne qai,_ en partageant fes plaifirs & fes „peines, augmente les uns, diminue les autres, „& le fouiage dans la carrière de la vie? Auftï „n'eft-il aucun objet pü la nature ait raffembld „autant d'agrémens & d'attraits que fur la figure „hu-  - 7« „humaine, trone charmant des plus douces fym„pathies. Cef» la qu'on voit briller les charmes „raviffans de la beauté la plus propre a infpirer „le défir de former le plus doux & le plus facré „de tous les nceuds; c'eft la qu'on voit refpirer 5, fur la matière infenfible tout ce qui a le plus „d'empire fur les hommes; les agrémens de „Tefprit & les qualités aimables du c.iur. „Mais n'oublions pas que la nature a mis „auffl dans les êtres qui peuvent nous nuirc ira„médiatement une force repouffante qui nous en „éloigne; laftupidité abrutiffante, les vices du „cara&ère, & la méchanceté du cceur font em..preints avec autantde force fur la figurehumaine ^queles qualités d'une ame bien née; mais c'eft „par des traits propres a infpirer 1'averfiön & le „dégout. Les objets fenfibles produifent donc „fur notre cceur deux efFets différens, ils 1'atti„rent vers le bien, & 1'éloignent du mal. „Cette conduite de la nature ne nous laiffe „aucun doute fur ie caractère, & 1'ufage que „nous devons faire des Beaux-Arts, les mutifs qui „animent cette tcndre mère dans 1'embclHkment „de fes ceuvres doLvent nous diviger au(h dans .„1'embéliffement dcsNinventions humaincs. E a Le  73 r==== „Le but général des Beaux-Arts doit donc être jjd'embellir tous les ouvrages des hommes, dans „la même intention que la nature embellit les „ceuvres du créateur. Les arts doivent fuppléer „a la nature en embéliffant autour de nous ce que „nous avons inventé polir notre utilité. C'eft h „eux a revêtir d'agrémens convenables nos habi„tations, nos jardins, nos meubles, & furtout „notre langage, laplus précieufe de toutes les „inventions. Ceft a eux a leur donner ce char„me que la nature a répandu fur tout ce qu'elle „a fait pour nous, & leur unique but ne doit pas „être, comme on fe 1'eft fi fauffement imaginé, de „nous procurer les petites jouiffances de quelques „nouveaux agrémens; mais ils doivent diriger „les impreftions agréables de la beauté, de 1'bar„monie & de la convenance de manière a enno„blir le plus qu'il eft pofïïble & nos feminiens „& nos idéés. Ils doivent furtout, a 1'exemple de la nature, raffembler tous les charmes de la „beauté la plus fublime fur les objets qui fervent „immédiatement a notre bonheur, afin de nous „infpirer pour eux un penchant invincible. „Cicéron défiroit (de OfF. lib. i.) pouvoir met„tre fous les yeux de fon fils une image fenfible „de L vertu, perfuadé qu'il feroit impoftuSle^de  ======== 73 „la regardef un inftant fans concevolr pour elle „1'amour le plus ardent. Tel eft le fervice important que les beaux-arts peuvent nous rendre. Que „la vérité, que la vertu deviennent les premiers „objets de leurs travaux! qu'ils s'occupent fans „ceffe a verfer en abondance la magie de la beauté & des graces, fur ces biens précieux de 1'hu„manité; & ils parviendront a remplir dignei „ment cette tache fi glorieufe." N'avouez-vous pas, Monfieur, que ce morceau ne fauroit être 1'ouvrage d'un homme qui n'avoit que des connohTances morales? Croyez-moi, Monfieur, rendez plus de juftice a votre ancien confrère; & une autrefois ne cherchez pas a 1'avilir aux yeux des jeunes gens qui doivent a jamais chérir fa mémoire. Je fuis &c. LETTRE VIII. MONSIEUR, J'avois déja envoyé a mon libraire les lettres que j'ai pris la liberté de vous écrire; lorfque j'en regus deux qui me firent répentir d'avoir pris votre défenfe. Elles m'ont rangé, j'ofe vous 1'avouer, au nombre de E 5 ces  74 ' ces tcmêrairès & de ces faquins qui affurent que vous devez être 1'auteur de la fatyre inférée dans la Correfpondance fecrette. Mr. M. qui apprit apparem* ment que je prenois votre parti contre lui, s'empreffa de me fournir quelques-unes de fes preuves. En conféquence, il me montra les originaux des lettres que vous lui avez écrites, & il m'envoya la copie d'une déclaration de Mr. de S. votre affocié a la fabrique de favon. Voici la lettre de Mr- M. & un extrait de la déclaration de Mr. de S. Lettre de Mr. M. a l''Auteur de cet Ouvrage. Monsieur, Je vous envoic une copie de la déclaration de Mr. deS. touchant la critique platte & grofïïère de mon Epïtre a 1'Abbé Raynal; j'attefte que cette copie eft entièrement conforme a 1'original que j'ai entre les mains, & que j'exhiberai quand vous le jugerez a propos. D'aprèg une telle pièce & d'après les procédés de Mr. Borrelly, S mon égard, il ne m'eft plus polïible de douter que la fatyre en queftion ne foit de ce dernier. Au furplus, mon jugement ne doit point régler le vötre & vous f«rez tel ufage qu'il vous plaira de tout ceci. J'ai 1'honneur d'être &c. M. Extrait de la Déclaration de Mr. de S. adrejfée d Mr. M. 1 Monsieur, .... Je vous ai afTuré que Mr. Borrelly eft 1'auteur du libellc ou le Brandebourg, vous & Mr. Raynal êtes égale-  - 75 également maltraités; jc ne puis que vous confirrrier ce que j'ai eu 1'honneur de vous dire, ce dont je fuis certain, ce que je dirois en préfence de Mr. Borrelly, & ce que je puis jurer fur 1'Evangile, c'eft que ..... un jour que vous lui aviez écrit pour lui demander s'il étoit 1'auteur de la Satyre en queftion, nous étions Mr. Borrelly & moi a 1'embrafure d'une de fes fenétres qui donne fur la rue du St. Efprit, il me fit la leéhire du libelle & me dit. Ce faquin me demande fi c'eft moi qui fuis 1'auteur de cet ouvrage? Oui, je le fuis, je l'avoue entre nous, mais croit-il que je le luidirai? Voila, Monfieur, ce que jc puis témoigner en confcience. Je fuis ikc, de S. Mr. de S. eft un gentilhomme francois, agé de plus de foixante ans, connu dans la ville par fa probité, un homme qui ne traite perfonne de faquin & de téméraire, en un mot un homme qui n'eft pas capable d'avancer une chofe de cette nature fi elle n'étoit pas vraie. En comparant fon témoignage avec les lettres que vous avez écrites a Mr. M., en examinant les détours que vous prenez pour éluder la déclaration que 1'on vous demande; en pcfant les termes dont vous vous fervez pour lui rcprocher d'avoir dit du mal de fa patrie, termes reffemblant a ceux de la fatyre & qui prouvent que vous 1'approuvez; en penfant que vous avez en cfFet colporté &: lu cette fatyre depuis votre cuifine jufqu'a la claffe ou vous enfeignez ! les  7S les régies de la logique & de Téloquence; il n'eft guère poiïïble de réfïfter a la témcrité de penfer que vous en êtes réellement Tauteur. J'apprends que vous faites une colleclion de lettres qui doivent, ditez-vous, vous juftifier. Mais je vous avoue que les lettres de tous les Potentats de TUnivers ne prouveront jamais que vous n'avez pas dit a un honnête homme ce qu'il vous accufc d'avoir dit. Ces fortes de déclarations purcs & fimples arrachécs avec art, ne fignifient rien aux yeux du public; &ily en a telles dont on pourroit prouver la fubreption & 1 artifice. D'ailleurs tant que ces lettres ne prouveront pas que vous n'êtes pas Tauteur de la fatyre; tant qu'elles ne démontreront pas que Mr. de S. eft un fourbe qui a inventé le propos qu'il vous attribue; je vous confeille charitablement de les conferver dans votre portefeuille. II eft vrai qu'il n'y a pas grand mal a critiquer un auteur, & tout homme a droit de le faire; mais quand, a la critique, on ajoute des injures atroces; quand on ofe accufer un homme d'exciter les peuples d poignarder leurs fouverains: quand on ofe Yaccufer de violer toutes les loix divines £jf humaincs; ilfaut fe nommer, il faut prouver ce qu'on avance; quiconque refufe de le faire eft un lache digne du mépris de toute la terre. Les gens de lettres fe plaignent qu'ils font  '- 77 font perfécutés par les gouvernemens, mais fi on découvroit les trames fecrettes qui font jouer ces perfécutions, on trouveroit fouvent que leurs plus grands ennemis font ces miférables barbouillcurs de papier qui, dans le défefpoir de ne pouvoir faire de bonnes chofes; fe jettent avec fureur fur le piedeftal de la ftutue dun grand homme, le rongent avec rage, & le fouillent de la noire écume de 1'envie. Tous les philofophes de la terre devroient fe réunir pour venger «ne tnjure faite a l'un d'eux. Mais oü font-ils les philofophes? On donne ce nom k quelques troupes de baladins qui fautillent au gré de Tor que quelques grands agitent autour d'eux, comme le pêcheur agite Tappas qui eft au bout de fa ligne. Un philofophe c'étoit Rouffeau, c'eft 1'Abbé Raynal, facrifiant tout a la vérité; un philofophe c'eft un homme qui ne tremble point k la vue des fers, des prifons, de la mort; & qui, en defcendant dans la tombe, fourit dédaigneufement au tyran qui Ty plonge; un philofophe, c'eft un homme qui peut faire a un grand Thonneur de lui demander une grace, mais qui eft incapable de la briguer baffement. J'admire Rouffeau copiant orgueilleufement de la mufique dans fon grenier, & je méprife le pédant doré  7* ^- doré qui fe moule bauement au gré du riche qui le paie & le méprife. Revenons a notre fujet, il s'agit donc, Monfieur, ou de nier hardiment que vous ayez fait la Satyre en queftion, & de démentir publiquement Mr. de S. ou de prouver ce que vous avancez contre Mr. 1'Abbé Raynal, ou d'avouer que vous en étes Tauteur & de demander humblement pardon au public & a Mn» 1'Abbé R., ou enfin d'avouer, par votre filence, que vous méritez tous les reproches que .les amis de Mr. R. peuvent vous faire a cet égard. Souvenez-vous, Monfieur, du jour oü Mr. 1'Abbé R. dina chez vous. Rappellez-vous comme ce bon vieillard careffoit votre petite familie, comme il fe plaifoit a faire caufer vos enfans, comme il écoutoit avec intérêt leurs réponfes naïves, comme il fut enfuite chez un bijoutier pour leur faire un préfent. Dites, Mr. Borrelly, dites; eft-ce pendant qu'il careffoit vos enfans, pendant qu'il les tenoit fur fes genoux que vous auriez fongé a le repréfenter comme un fcélérat? Eft-ce pendant qu'il les embraffoit que vous auriez pu former le projet de laccufër publiquement d'avoir violé toutes les loix divines & humaines? Eft-ce en caufant familie-  ===== 79 lièrement a votre table avec ce bon vieillard que la rage de 1'envie fe feroit gliffée dans votre cceur? Auriezvous eu alors, fur votre bureau, dans votre poche le poifon que vous prépariez è ce refpectable philofophe que vous regardiez avec le fourire de la bienveillance, a qui vous ferriez la main avec les démonftrations de 1'admiration & de 1'attachement? Mais quand le démon de 1'envie vous auroit porté a écrire contre 1'Abbé R. qui auroit pu, ditesmoi, vous porter a tourner en ridicule un pays oü vous avez trouvé une fortune que vous chercheriez en vain ailleurs. Ne favez-vous pas renthoufiafme que 1'on a en France pour le Roi de Pruffe? Ne favez-vous pas que les gens de lettres qui méritent ce titre, le regardent comme le protecleur de la philofophie & des lettres? N'avez-vous pas vu vousmême, comme il a accueilli notre célébre Abbé? N'avez-vous pas lu la Lettre qu'il a écrite a ce fujet k Mr. d'Alembert? On ne fait ce qui fait ici le plus d'honneur au Roi, ou la confiance hardie du philofophe qui eft venu dans fes Etats, ou 1'accueil gracieux du héros qui Ty a regu. Vous avez vécu en France, Monfieur, vous avez vu la Sorbonne, les Evêques, les Curés, les filoux, les Lettres de cachet &  & les moines, & vous pourriez ne pas favourer iet le bonheur d'être afFranchi de tous ces fléaux? Et vous pourriez plaifanter fur la liberté, fur le bon. heur, fur la férénité dont on jouit fous 1'Empire de Frédéric. Je vous le répète, Monfieur, ces accufafions font graves, hatez- vous de vous en juftifier, ou d'expier votre faute. Si vos accufateurs font des föurbes, confondez - les; & alors je ne me repentirai plus d'avoir pris voire défenfe dans les Lettresprécédentes; & alors vous me verrez employer contre eux les mêmes armes que j'ai cru devoir prendre contre vous. En attendant ce moment que je defire pour votre gloire, je fuis &c. ERRATA. Page 8 Hgne 14, retlueufe — lifez refpeBueufe. Page 25 lignc 17. fa hontt — lifez la home. Page 30 après le igeme vers mettcz un (.); apres leaocmc. une (,). Page 30 dernier vers, du loin — lifez 'de loin. Page 61 ligne 9, accent gart-on — lifez accent gafcon.