TRAITÉ DES TROIS IMPOSTEURS. CHAPITRE L _ De D i e u. 'si-s/-1 §. i. Quoiqu'il importe a tous les hommes de connoitre la vérité , il y en a très-peu cependant qui jouiflent dc eet avantage: les uns font incapables de .la rechercher par eux-mêmes , les autres ne veulent pas s'en donner la peine. II ne faut donc pas s'étonner fi le monde efl .rempli d'opinions vaines & ridieulesj rish n'eft plus capable de leur donner cours que Pignorancej c'cft-la 1'unique four e des faufïes idéés qüe Pon a dc la Divinité, de 1'Ame, des Efprits Sc de prcfque tous •les autres objets qui compoïênt la Reli•gion. L'ufage. a .prévalu-, iUar fe conA  ( 2. ) fentc des prejugés dc la naiffince &j Pon s'en rapporrc fur les chofes les plus eitcntiellcs a des perïbnnês intércffees- qui "fe font unc loi dc foutenir opiniatrément les opinions recues 8c qui n'ofent les détruire de peur de fe détruire eux-mêmes. §. 2. • Ce qui rend le mal fans remede, c'eft qu'après avoir établi les fauffes idéés qu'on a de Dieu, on n'öublie rien pour engager le peuple a les croirc, fans lui permettre de les examincr $ au contnire on lui donne de Paverfion pour les Philofophes ou les véritables Savans , de peur que la raifon qu'ils enfeignent ne lui faffè connoitre les erreurs' oü il eft piongé. Les partïfans de ces abfurdités ont ft bien réuffi qu'il eft dangereux de les corabattre. II importe trop a. ces impofteurs que le peuple foit ignorant, pour fouftrir qu'on. le défabufe. Ainfi on eft contraint de déguifer la vérité, ou de fe facrifier a. la rage des faux .Savans y ou des ames bafles êc intéreflees. Si le peuple pouvoit eomprendre en quel abïme 1'ignorance le jette, il fecoueroit bientöt le joug de fes indignes con-  (?) duéteurs, car il eft impofïïble de laiïïer agir la raifon fans qu'elle découvre la vérité. Ces importeurs l'ont {] bien fenti, que pour empêcher les bons effets qu'elle produiroit infailliblement, ils fe font avifés de nous la peindre comme un monftre qui n'eft capablc d'infpirer aucun bon fentiment, Sc quoiqu'ils blament en gcnéral ceux qui font déraifonnables , ils feroient cependant bien fachés que la vérité fut écoutée. Ainfi 1'on voit tomber fans cefle dans des contradiétions continuelles ces ennemis jurés du bon fensj 8c il eft difficile de favoir ce qu'ils prétendent. S'il eft vrai que la droite raifon foit la feule lumiere que 1'homme doive fuivre, 8c fi le peuple n'eft pas aum" incapablc de raifonner qu'on tache de le perfuader, il faut que ceux qui cherchent a 1'inftruire s'appliquent a reftifier fes faux raifonnemens, Sc h détruire fes préjugés j alors on verra -fes yeux fe deftiller peu-a-peu Sc fon éfprit fe convaincre de cette vérité , que Dj'eu n'eft point ce qu'il s'imagine ordinairement. §• 4- Pour en venir a bout, il n'eft befoin ni de hautes fpéculations , ni de pénéwa* A %  ( 4 ) Fort avant dans les fccrets de Ia nature, On n'a befoin que d'un peu de bon fens !)our juger que Dieu n'eft ni colere ni jaoux; que la juftice 6c la miféricordefont de faux titres qu'on lui attribue; 8c que ce que les Prophêtes 8c les Apótrcs en ontdit, ne nous apprend ni fa nature ni fon effence. En effet a parler fans fard 8c a dire la ebofe comme elle eft, ne faut-il pas eonvenir que ces Dofteurs n'étoient ni plus habiles ni mieux inftruits que le refte des hommes j que bien loin de la, ce qu'ils difent au fujet de Dieu eft fi grofïïer, qu'il faut être tout-a-fait peuple pour le croire? Quoique la chofe foit afTez évidente d'elle-même, nous allons la rendre encore plus fenfïble, en cxaminant cette queftion : S11 y a quelque apparence que les Prophêtes 8c les Apötres ayent été autrement conformés que les autres hommes? §• r- Tout le monde demeure d'accord que pour la naiffance 8c les fonctions ordinaires de la vie, ils n'avoient rien qui les diftinguat du refte des hommes; ils étoient engendrés par des hommes,ils naiffoient des femmes, & ils conlervoient  (r) leur vie de k même facon que nous. Quant a 1'efprit, on vcut que Dieu animat bien plus celui des Prophêtes que des autres hommes , qu'il fe communiquat a eux d'une facon toute particulieté: On le croit d'auiTi bonne foi que fi la chofe étoit prouvée ; Sc fins confidérer que tous les hommes fe refTemblent, Sc qu'üs onttous une même origine, on prétend que ces hommes ont été d'une trempe extraordinaire, Sc choifis par la Divinité pour annoncer fes oracles, Mais outre qu'ils n'avoient ni plus d'cfprit que le vulgaire , ni 1'entendement plus parfait , que voit-on dans leurs écrits qui nous oblige a. prendre une ft haute opinion d'eux? La plus grande partie des, chofes qu'ils ont dites eft fï obfeure que 1'on n'y entend rien , Sc en fï mauvais ordre qu'il eft facile de s'appercevoir, qu'ils ne s'entcndoient pas eux-mêmes, Sc qu'ils n'étoient que des fourbes ignorans. Ce qui a donné lieu $ 1'opinion oue 1'on a concue d'eux, c'eft la hardieffe qu'ils ont eue de fe vanter de tenir immédiatement de Dieu tout ce qu'ils annoncoient au peuple j créance abfurde Sc ridicule, puifqu'ils avouent eux-mêmes que Dieu ne leur parloit qu'en fonge. II n'eft rien de plus naturel i 1'homA 3  ( s ) me que les fonges, par conféquent il faut qu'un homme foit bien effronté, bien vain & bien infenfé pour dire que Dieu lui parle par cette voye, & il faut que celui qui y ajoute foi foit bien crédule 8c bien fol pour prendre des fonges pour i des oracles divins. Suppofons pour un moment que Dieu fe fit entendre a que1r qu'un par des fonges, par des vifions, ou par telle autre voye qu'on voudra l'ima^iner, perfonne n'eft obligé d'en croirefur fa parole un homme fujet a 1'erreur, 8c même au menfonge 8c a 1'impofture : aufli voyons-nous que dans 1'ancienne Loi 1'on n'avoit pas a beaucoup pres pour les Prophêtes autant d'eftime qu'on en a aujourd'hui. Lorfqu'on étoit las de leur babil qui ne tendoit fouvent qu'a. femer la révolte, 8c a détourner le peuple de Pobéiffance duc aux Souverains, on les faifoit taire par divers fupplices; Jéfus-Chrift lui-même n'échappa point au jufte chatiment qu'il mëritoitj il n'avoit pas comme Moyfe tine armée a fa fuite pour défendre fes opinions: (*) ajoutez a ceia que les Prophêtes étoient tellement accoutumés a fe contredire les uns les autres, qu'il ne s'en trouvoit pas dans (*) Moyfe fit mourir tout tl'nn coup 2400Q. hommes pour s eïre oppofés a fa Loi.  ( 7 ) quatre eens (*) flfe feul de véritable. De plus, il eft certain que lebut de leurs Prophéties, auffi bien que des loix des plus célebres légiflateurs,"étoit d'éternifer leur mé moiré , en faifant croire aux peuples qu'ils conféroient avec Dieu. Les plus fins politiques en ont toujours ufé de la forte , quoique cette rufe n'ait pas toujours réufïi k ceux qui, a 1'imitation de Moyfe, n'avoient pas le moyen de pourvoir a leur fürcté. §■ 6. Cela pofé , examinons un peu 1'idée que les Prophêtes ont eue dc Dieu. S'il faut les en croire, Dieu eft un Etre parement corporel; Michée le voit affis; Daniël, vêtu de blanc 6c fous la forme d'un vieillard ; Ezécliiel le voit commc unfeu; voila pour le Vieux-Teftamcnt. Quant au Nouveau , les Difciples de Jénis-Chrift s'imaginent le voir fous la forme d'une colombe , les Apötres fous celle de langucs de feu, 6c Sr. Paul enfin comme une lumiere qui 1'éblouit 8c Faveugle. Pour ce qui eft de la contra- (*) II eft ëcrit au premier I,ivre Jes Rois Chap. n. vs. 6. qu'Achab, Roi d'Ilïaë! , confulta 400. Prophêtes,' qui fe trouverent to«s faux, par I"5 fuites do leurs l'rophctiesr I  ( 8 ) dicrion de leurs fentimens , Samuel (*) croyoir que Dieu ne fe repentoit jamais de ce qu'il avoit réfohij au contraire Jcrémie (b) nous dit que Dieu fe repent des confeils qu'il a pris. Joël (cj nous apprend qu'il ne fe repent que du mal qu'il a fait aux hommes: Jérémie dit qu'il nc s'en repent point. La Génèfe (d) nous enfeigne que 1'homme eft maitre du pêché, & qu'il ne tient qu'a lui de bien faire , au lieu que St. Paul (e) afture que les hommes n'ont aucun empire fur la concupifcence fans une grace de Dieu route particuliere &c. Telles font les idéés fauftes &" contradiftoires que ces prétendus infpirés nous donnent dc Dieu, Sc que 1'on veut que nous en ayons, fans eonfidérer que ces idéés nous repréfentent la Divinité comme un être fenfible, matériel & fujet a toutes les paftions humaines. Cependant on vient nous dirc apxès cela que Dieu n'a rien de commun avec la matiere, & qu'il eft un Etre incompréhenfible pour nous. Je fouhaiterois fort favoir comment tout cela peut s'accorder , s'il eft juftc d'en croire des (a) Cnp. 15, vs. 2. & 9. (b) Cap. 18. vs. 10. (c) Cap. 2. vs. 13. (d) Cap. 4. vs. 7. (e) Rum. 15. 9. vs. 10-  ( 9 ) contradi&ions fi vifibles & fi déraifonna*bles, cV 11 1'on doit enfin s'en rapporter au témoignage d'hommes affez grofftcrs pour s'imaginer, non-obftant les fermons de Moyfe, qu'un Veau étoit leur Dieu! Mais fans nous arrêter aux rêveries d'un peuple élevé dans la fervitude & dans 1'abfurdité, difons que 1'ignorance a produit la croyance de toutes les irnpoftures & les errcurs qui regnent aujourd'hui parmi nous. CHAPITRE II. Des raifons qui ont engagé les hommes a fe figurer un Etre invifible qiion nomme communément Dieu. § I- Ceux qui ignorent les caufes pliyfiques ont une crainte (*) naturelle qui (*) Catera ,fuaf-eri in terris ^Caloquetucntur Mortales pavidis cuui pendent mentibu'' fape Hfficiunt anhnos hmnihrs formidine Divüm Depreffhfqueprernunt ad terrarn , propterea quod Ignorantia caujnrum cavferre Deorum Cogit ad imperium ras, & conceden regnum: (3* Quorum operum caufas nulla ratione videre tojfunt bigt firri Divino ?iumine rentur. Lucret, de rer. nat. Lib. VI. vs, 4.9. &[e11Af  ( io ) ■procédé de 1'inquiétude Sc du doüte ou ils font s'il exifte un Etre ou une puiffance qui ait le pouvoir dc leur nuire ou de les conferver. De la le penchant qu'ils ont a feindre des caufes invifibles, qui ne font que les Phantömcs de leur imagination, qu'ils invoquent dans 1'adverfité 8c' qu'ils louent dans la profpérité. Ils s'en font des Di~ux a la fin, 8c cette crainte chimcrique des puiflances invifibles eft la fource des Rcligions que chacun fc forrae a fa mode. Ceux a qui il importoit que le peuple fut contenu Sc arrêté par de femblables rêveries ont entretenu cette femence de Religion, en ont fait une ioi, Sc ónt enfin réduit les peuples, par les terreurs de Tavenir, k obéir aveuglément. §• z La fource des Dieux étant trouvée, les hommes ont cru qu'ils leur reftembloient, Sc qu'ils faifoient comme eux toutes chofes pour quelque fin. Ainfi ils difent Sc croyent unanimement que Dieu n'a rien fait que pour 1'homme , Sc réciproquement que 1'homme n'eft fait que pour Dieu. Ce préjugé eft général, 8c Iorsqu'on réfléchit fur 1'influence qu'il a du néceflairemcnt avoir fur les mceurs 8c les opinions des hommes, on voit claircmcnt  (II) que c'eft de la qu'ils ont pris occafïon de fe former des idéés fauffes du bien & du mal, du mérite &'du démérite,des louan- . ges & de la honte , de 1'ordre & de la eonfufion, de la beauté & de la difformité, & des autres chofes femblables. Chacun doit demeurer d'accord que tous les hommes font dans une profonde ignorance en naiflant , & que la feule chofe qui leur foit naturelle eft de chercher ce qui leur eft utile & profitable: de la vient i°. qu'on croit qu'il fuffit pour étre librc de fentir en foi-même qu'on peut vouloir & fouhaiter fans fe mettre nullement en peine des caufes qui difpofent a vouloir & ii fouhaiter, par ce qu'on ne les connótt pas. 2°. Comme les hommes ne font rien que pour une fin qu'ils préferent a. tbüte autre, ils n'ont pour but que de connoïtre les caufes finales de leurs acrions & ils s'imaginent qu'après cela ils n'ont plus aucun fü}et de doute, & comme ils trouvent en euxmêmes & hors d'eux plufieurs moyens de parvenir a ce qu'ils fe propofent, vü qu'ils ont, par exemple, des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un foleil pour les éckirer c\C. ? ils ont conclu  ( ra) txtil n'y a rien dans la nature qui ne foit fait pour cux, & dont ils ne puiflent jouir & difpofer ; mais comme ils favent que ce n'eft point eux qui ont fait toutes ces chofes, ils fe font cru bien fondés a imaginer un être fuprêmc auteur de tout, en un mot ils ont penfé que tout ce qui exifte étoit 1'ouvrage d'une ou de plufieurs Divinités. D'un autre cöté la nature des Dieux que les hommes ont admis leur étant inconnue, ils en ont jugé par eux-mêmes, s'imaginant qu'ils étoient fufceptibles des mêmes paffions qu'eux ; 8c comme les inclinations des hommes font différentes, chacun a rendu a fa Divinité un culte felon fon humeur, dans la vue d'attirer fes bénédiétions Sc de faire férvir par la, toute la nature a. fes pro* pres defirs. §• 4- C'eft dc cette maniere que le prejugé, s'eft changé en fuperftition; il s'eft enracinc de telle forte, que les gens les plus groffiers fe font cru capables de pénétrer dans les caufes finales comme s'ils en avoient une entiere connoiffance. Ainll au licu de faire voir que la nature ne fait rien en, vain, ils ont cru que Dieu 8c la nature penfoient k la facon des hommes.  C '3 ) L'expériencc ayant fait connoïtrc qu'un nombre infini dc calamités troublent les douceurs delavie comme les orages, les tremblemens de terre, les maladies, la faim, la foif 8cc. on attribua tous ces maux a la colere célcfte, on crut la Divinité irritée contre les offenfes des hommes qui n'ont pü óter de leur tête une pareille chimère, ni fe défabufer de ces f'réjugés par les excmples journaliers qui eur prouvent que les biens 8c les maux ont cté de tout tems communs aux bons 8c aux méchans. Cette erreur vint de ce qu'il leur fut plus facile de demcurer dans leur ignorance naturelle que d'abolir un préjugé regu depuis tant de Meeles, 8c d'établir quelque chofe dc vraifemblable. §• f- Ce préjugé les a conduitsaun autrc qui eft dc croire que les jugemens de Dieu ctoient incompréhenfibles, 8c que par cette raifon la connoiffance de la vérité étoit au deffus des forces de Pefprit humain ; erreur oü 1'on feroit encore, fi les mathématiques, la phyfique 8c quelques autres fciences ne 1'avoient détruite. §• 6. II n'eft pas befoin de longs difcours  ( H ) •pour montrer que la nature nc fe propofc aucune fin, & que toutes les caufes finales ne font que des fiftions humaines. II fuffit de prouver que cette doctrine öte a Dieu les perfections qu'on lui attribue. C'eft ce que nous allons faire voir. Si Dieu agit pour une fin, foit pour luimême,foit pour quelque autre, il defire ce qu'il n'a point, & il faudra convenir qu'il y a un tems auquel Dieu n'ayant pas 1'objet pour lequel il agit , il a fouhaité de ï'avoh": ce qui eft faire un Dieu indigcnt. Mais pour ne rien omettre de ce qui peut appuyer le raifonnement de •ceux qui-tiennent 1'opinion contraire, fiippofbns par exémple qu'une pierre qui •fe détache d'un batiment tombe fur une psrfonne & la tue, il faut bien ,. difent nos ïghorans, que cette pierre foit tom.bée a, deffein de tuer cette perfonne, or cela n'a pu arrivcr que paree que Dieu 1'a voulu. Si on leur répond .que c'eft le vent qui a caufé cette chüte dans le tems que ce pauvre malheureux paffoit, "ils v'olis denianderont d'abord pourquoi il paffoit précif?mcnt dans le moment que 'le vent ébranloit cette pierre. Répli*quez leur qu'il alloit diner chez un de fes amis qui 1'en avoit prié, ils voudront favoir pourquoi eet ami 1'avoit plutöt prié  <'f) ■dans ce tems-la que dans un autre; ils vous feront jarifi une infinité de queftions ■bizarres pour remontcr de caufes en caufes & vous faire avouer que la feule volonté de Dieu qui eft Paztie des ignorans, eft la caufe première dc la chüte de cette pierre. De même lorfqu'ils voyent la ftru&ure du corps humain, ils tombent dans 1'admiration ; Sc de ce qu'ils ignoTent les caufes des effets qui leur paroisfent fi merveilleux, ils concluent que c'eft un effet furnaturel auquel les caufes qui nous font connuc? ne peuvent avoir aucune part. De-la. vient que celui qui veut examiner a. fond les eeuvres de la creation, Sc pénctrer en vrai Savant dans leurs caufes naturelles fans s'affêrvir aux préjugés formés par 1'ignorance, pafte pour un impie ou eft bientöt décrié par la malice de ceux que le vulgaire reconnoit pour les interprêtes dc la nature & des Dieux : ces ames mercénaires favent tres-bien que 1'ignorance qui tient le peuple dans Pétonnement, eft ce qui les fait fubfifter Sc qui conferve leur crédit. • §. 7. - ' : Les hommes s'étant donc imbus dc la ridicule opinion que tout ce qu'ils voyent  ( 16 ) eft fait pour eux, fe font fait un point de Rehgion d'apphquer tout a eux-mêmes, & de piger du prix des chofes par le profit qu'ils en retrrent. C'eft la-deftus qu ils ont formé les notions qui leur fervent a expliquer la nature des chofes. a juger du bien Sc du mal, de 1'ordre Sc du defordre, du chaud Sc du froid, de la beauté & de h laideur &c, qui dans le fond ne font point ce qu'ils s'imaginenf maitres de formcr ainfi leurs idéés , ils fe flatterent d'étre libres; ils fe crurent en droit de décider de la louange Sc du blame, du bien & du mal ; ils ont appellé bien ce qui tourne a leur profit Sc ce qui regarde le culte divin, Sc mal m contraire ce qui ne convicnt ni a 1'un ni a 1'autre: Sc comme les ignorans ne font capables de juger de rien, Sc n'ont aucune idee des chofes que par le fecours de 1'imagination qu'ils prennent pour le jugement, ris nous difcnt que 1'on ne connoit tim dans h mture, Sc fe figurent un ordrc particulier dans le monde. Enfin ils 'croyent les chofes bien ou mal ordonnées, fuivant qu'ils ont de la facilité ou de la peine a les imaginer , quand les fens les leur repréfentent; Sc comme on s'ar'rête volonticrs a ce qui fatigue lc moins -le cerwau,, on fe peifuade d'être bien fondé  ( i7 ) &ndé a préférer 1'ordrc a la confufion, comme fi 1'ordre étoit autre chofe qu'un pur effet de 1'imagination des hommes. Ainfi, dire que Dieu a tout fait avec ordre , c'eft prétendre que c'eft en faveur de 1'imagination humaine qu'il a créé le monde de la ma'nierc la plus facile a être concue par elle: ou, ce qui au fond eft la même chofe , que 1'on connoit avec certitude les rapports & les fins de tout ce qui exifte, affertion trop abfurde pour méritcr d'ctre réfutce férieufement. §. 8. Pour ce qui eft des autres notions, ce font de purs effets de la même imagination, qui n'ont rien de récl, Sc qui ne font que les différentes affections ou modes dont cette faculté eft fufceptible: quand, par exemple , les mouvemens que les objets impriment dans les nerfs, par le moyen des yeux , font agrcablcs aux feris, on dit que ces objets font beaux. Les odeurs font bonnes ou mauvaifcs, les faveurs dou ces ou ameres, ce qui fe touche dur ou tendre, les fons rudes ou agréables, fuivant que les odeurs, les faveurs & les fons frappent ou pénctrent les fens c'eft d'après ces idéés qu'il fe trouve des gens qui croyent que Dieu fe plaït  C 18 ) a la mélodie, tandis que d'autres ont cnl que les mouvemens céleftes étoient un concert harmonieux: ce qui marqué bien que chacun fe perfuade que les chofes font telles qu'il fe les figure , ou que le monde eft purement imaginaire. II n'eft donc point étonnant qu'il fe trouve a peine deux homme d'une même opinion & qu'il y en ait même qui faffènt gloire de douter de tout : car quoique les hommes ayent un même corps, & qu'ils fe reffemblent tous a beaucoup d'égards, ils different néanmoins a. beaucoup d'autres ; de la vient que ce qui femble bon a 1'un devient mauvais pour 1'autre , que ce qui plait a cclui-ci déplait a. celui-la. D'oü il üfft aifé de conclure que les fenrimens ne different qu'en raifon de 1'organifation & de la diverfité des coexiftances, que le raifonnement y a peu de part, êc qu'enfln les notions des chofes du monde ne font qu'un pur effet de la feule imagination. §• 9- II eft donc évident que toutes les raifons dont le commun des hommes a coutume de fe fervir, lorfqu'il fe mêle d'expliquer la nature, ne font que des fagons d'imaginer qui ne prouvent rien moins que ce qu'il prétend 51'on donne a ces idéés  C 19 ) des noms comme fi elles exiftoient ailleurs que dans un cerveau prévenu; on devroit les appelier, non des êtres, mais de pure? chimères. A 1'égard des argumens fondés fur ces notions, il n'eft rien de plus aifé que de les réfuter, par exemple. S'il étoit vrai, nous dit-on , que 1'univers fut un écoulement & une fiiite néceffaire de la nature divine , d'oïi viendroient les imperfe&ions Sc les défauts qu'on y remarque ? Cette objeótion fe réfute fans nulle peine. On ne fauroit juger de la perfeótion Sc de 1'imperfection d'un être qu'autant qu'on en connoit 1'elfence 8c la nature; Sc c'eft s'abufer étrangément que de croire qu'une chofe eft plus ou moins parfaite fuivant qu'elle plak ou déplaït, 8c qu'elle eft utile ou nuifible a la nature humaine. Pour fermer la bouche a ceux qui demandent pourquoi Dieu n'a point créé tous les hommes bons Sc heureux , il fuffit de dire que tout eft néceffairement ce qu'il eft, 8c que dans la nature il n'y a rien d'imparfait puifque tout découle de la néceffité des chofes. §• io. Cela pofé, fi 1'on demande ce que c'eft que Dieu, je réponds que ee mot nous M z  i 20 ) rcpréfente 1'êti'e univerfel dans lequel pour parler comme Saint Paul, nous avons la w>, le mouvement & 1'être. Cette notion n'a rien qui foit indigne de Dieuj car fi tout eft en Dieu, tout découle néceffairement de fon effence, 8c il faut abfolument qu'il foit tel que ce qu'il contient, puifqu'il elt incompréhenfible que des êtres tous matériels foient maintenus 6c contenus dans un être qui ne le foit point. Cette opinion n'eft point nouvelle ; Tertullien, 1'un des plus favans hommes que les Chrétiens ayent eu, a prononcé contre Apclles que ce qui n'eft pas corps n'eft rien , 6c contre Praxéas que toute fubftance eft un (*) corps. Cette doctrine cependant n'a pas été condamnée dans les quatre premiers Conciles Oecuméniques ou généraux. (**) (*) §l"s autem ntgabxt Deurn ejfe corpus , etji Deus Spiritus! Spiritus tt'tam corporis fui gentris, in faa e§gie. Tektul. adv. Prax. Cap. 7- (**) Ces 4. premiers Conciles font i°. celui de Nicëe en 31$. fous Conftantin & le Pape Sylvestre. 2°. celui de Conftantinople en 381. fous Gratiën, Valentinien & Théodofe, & le Pape Damafe I. 3° celui d'Ephèfe en43'r. fons Théodofe le jeune & Valentinien, & le Pape Céleftin. 4». celui de Chalcédoine en 451. fous Valentinien Sc Martian, 6c le Pape Léon I.  ( ZI ) §. II. Ces idéés font claires, fimples 8c les feules mêmes qu'un bon efprit puiffé fe former de Dieu. Cependant il y a peu dc gens qui fe contentent d'une tellc fimplicité. Le Peuple groflïer 8c accoutumé aux flatteries des fens demandc un Dieu qui refTcmble aux Rois.de la terre. Cette pompe, ce grand éclat qui les environne 1'éblouit de telle forte , que lui öter 1'idée d'un Dieu a-peu-près femblable a ces Rois, c'eft lui öter 1'efpérance d'aller après la mort grofïïr le nombre des courtifans céleftes pour jouir avec eux des mêmes plaifirs qu'on goüte a. la Cour des Rois; c'eft priver 1'homme de la feulc confolation qui 1'empêche de fe défespérer dans les miferes de la vie. On dit qu'il faut un Dieu jufte 8c vengeur qui puniffe 8c récompenfe: on veut un Dieu fufceptible de toutes les pafïions humait nes; on lui donnc des pieds, des mains, des yeux 8c des oreilles, 8c cependant on ne veut point qu'un Dieu conftitué de la forte ait rien de matériel. On dit que 1'homme eft; fon chef-d'oeuvre 8c même fon image, mais on ne veut pas que la copie foit femblable a 1'original. Enfin ie Dieu du peuple d'auiourd'hui eft fujet  (*») a bien plus de formes que le Jupiter des Payens. Ce qu'il y a de plus étrange, c'eft que plus ces notions fe contredifent 8c choquent le bon fens, plus le vuleaire les révere , parcequ'il croit opiniatrément ce que les Prophêtes en ont dit, quoique ces vifionnaires ne fuffent parmi les Hébreux que ce qu'étoient les augures 8c les devins chez les Pavens. On confulte la Bible comme fi Dieu 8c la nature s'y expliquoient d'une facjon particuliere j quoique ce livre ne foit qu'un tiffii de fragmens coufus enfemble en divers tems , ramaffés par diverfes perfonnes, 8c publiés de 1'aveu des Rabins qui ont décidé fuivant leur fantaifie de ce qui devoit être approuvé ou rejetté felon qu'ils l'ont trouvé conforme ou oppofé a la loi de Moyfe. (*) Telle eft la malice 8c la ftupidité des hommes. Ils paffent leur vie a chicanner 8c perfiftent a. refpefter un livre ou il n'y a gueres plus d'ordre que dans 1'Alco-? (*) Le Talmud porte que les Rabins dé'ibérerent s'i's öteroient le Livre des Proverhes & celui de 1'Ec.cléfiafte du nombre des Canoniques; ils les hifferent paree qu'il y eft par'é avec éloge de Moyfe & de fa Loi. Les Prophéties d'Ezcchiel auroient été retranchées du Catalogue facré fi un cettain Chanoine n'avoic entrepris de les conci» lier avec la même Loi.  if ij) ran de Mahomet, un livre, dis-je, que perfonne n'entend, tant il eft obfcur 8c mal concu; un livre qui nc fert qu'a fomenter les divifions. Les Juifs 8c les Chrétiens aiment mieux confulter ce grimoire que d'écouter la Loi naturelle que Dieu , c'eft-a-dire la Nature , entant qu'elle eft le principe de toutes chofes, a écrit dans le cceur des hommes. Toutes les autres loix ne font que des fictions humaines, 8c de pures illullons mifes au jour , non par les Démons ou mauvais Efprits qui n'exifterent jamais qu'en idéé, mais par la politique des Princes & des Prêtres. Les premiers ont voulu par la donner plus de poids a leur autorité, 8c ceux - ci ont voulu s'enrichir par le débit d'une infinité de chimères qu'ils vendent cher aux ignorans. Toutes les autres loix qui ont fu cc édé a celle de Moyfe, j'entends les loix des Chrétiens, «ne font appuyées que fur cette Bible dont 1'original ne fe trouve point, qui contient des chofes furnaturelles 8c impoftibles, qui parle de récompenfes 8c de peines pour les actions bonnes ou mauvaifes , mais qui ne font que pour 1'autre vie, de peur que la fourberie ne foit découvme, nul n'en étant jamais revenu. Ainfi le pexiple toujours flot* B 4  ( H ) tant cntre i'efpérance & la craintc eft retenu dans fon devoir par 1'opinion qu'il a que Dieu n'a fait les hommes que pour les rendre éternellcment heureux ou malheureux. C'eft-la ce qui a donné lieu a une ihfinité de Religions. CHAPITRE III. Ce que fignifie ce mot REL IGIO N: com* ment & pourquoi il s'en eft introduit un fi grand nonibre dam le monde. §• i. A vant que le mot Religion fe fut intrort i duit dans le monde,on n'étoit obligé qu'a. fuivrc la loi naturelle, c'eft-adire , a. fe conformer a la droite raifon. Ce feul inftinct étoit le liefi auquel les hommes étoient attachés; & ce Ben*, tout fimple qu'il eft, les unifToit de teile forte que les divifions étoient rares. Mais dés que la crainte eut fait foupconner qu'il y a des Dieux 6c des Puiffances invifibles, ils éleverent des autels a. ces êtres imaginaires , 6c fecouant le joug de la nature Sc de la raifon, ils fe lierent par de>aincs  (*r) cérémonies &c par un cultc fuperftitieux aux vains phantömes de 1'imagination. C'eft de la que dérive le mot de Religion qui fait tant de bruit dans le monde. Les hommes ayant admis des Puiffances invifibles qui avoient tout pouvoir fur eux, ils les adorerent pour les fléchir, & de plus ils s'imaginerent que la nature étoit un être fubordonné a. ces Puiffances. Dés lors ils fe la figurerent comme unc maft* morte ou comme un efclave qui n'agisfoit que fuivant 1'ordre de ces Puiftances. Dés que cette fiufte idéé eut frappé leur efprit , ils n'eurcnt plus que du mépris pour la nature & du refpeci que pour ces êtres prétendus qu'ils nommerent leurs Dieux. De la, eft venue 1'ignorance oü tant de peuples font piongés, ignorance d'oü les vrais favans les pourroient rctirer, quelque profond qu'en foit 1'abime, fi leur zcle n'étoit traverfé par ceux qui menent ces aveugles, & qui ne vivcnt qu'a, la faveur de leurs impoftures. Mais quoiqu'il y ait bien peu d'apparence de réuffir dans cette entreprifc, il ne faut pas abandonner le parti de la vérité ; quand ce ne feroit qu'en confidération de ceux qui fe garantiflènt des fymptömes de ce mal, il faut qu'une ame généreufe dife les chofes comme elles B T  ( 16 ) font. La vérité , de quelque nature qu'elle foit, ne prut jamais nuire, au lieu que 1'erreur, quelque innocente Sc quelque utile même qu'elle paroiffe, doit néceffairement avoir a la longue des effets très-funeftes. f. *. La crainte qui a fait les Dieux a fait auTi la Religion, Sc depuis que les hommes fe font mis en tête qu'il y avoit des Agens invifibles qui étoient caufe de leur bonne ou mauvaife fortune, ils ont renoncé au bon fens Sc a la raifon, Sc ils ont pris leurs chimères pour autant de Divinités qui avoient foin de leur conduite. Après donc s'être forgé des Dieux ils voulurent favoir quelle étoit leur nature , Sc s'imaginant qu'ils devoient être de la même fubftance que 1'ame, qu'ils eroyoient reffembler aux phantömes qui paroïfTent dans le miroir ou pendant le fómmeil , ils crurent que leurs Dieux étoient des fubftances réclles, mais fi ténucs Sc fi fubtiles que pour les diftinguer des Corp's ils les appellerent Efprits ,bien que ces Corps Sc ces Efprits ne foient en effet qu'une même chofe, Sc ne different que du plus au moins, puifqu'être Efprit ou incorporel, eft une chofe incompré-  C *7 ) henfïble. La raifon. eft que tout Efprit a une figure qui lui eft (*) propre , Sc qu'il eft renfermé dans quelque ljeu, c'efta-dire, qu'il a des bornes , Sc que par conféquent c'eft un corps quelque fubtil qu'on le fuppofe. (**) §• 3- Les Ignorans, c'eft-a-dire la plupart des hommes, ayant fixé de cette forte la nature de la fubftance de leurs Dieux 9 tacherent auffi de pénqtrer par quels moyens ces Agens invifibles produifoient leurs effets; mais n'en pouvant venir a. bout, a caufe de leur ignorancc, ils cn crurent leurs coniectures, jugeant aveuglément de 1'avenir par le paffe : comme fi 1'on pouvoit raifonnablement conclure de ce qu'une chofe eft arrivée autrefois de telle 8c telle maniere, qu'elle arrivera, ou qu'elle doive arriver confiamment de la même maniere; furtout lorfque les circonftances Sc toutes les caufes qui influenf néceffairement fur les événe'mens 8c les aêtions humaines, Sc qui en déterminent la nature Sc' l'actualitc, font diverfes. Ils cnvifagerent donc le paffe Sc en augure- (*) Voyez le paffage de Tertullien cité png. 24. (**) Voycz, Hobbes Leviathan de hom'ms Cap. n. pag. S6. 57. 58.  ( 28 ) rciit bien ou mal pour 1'avenir , fuivant que la même entreprife avoit autrefois' bien ou mal réufti. C'eft ainfi que Phormion ayant défait les Lacédémoniens dans la bataille de Naupaae , les Athéniens après fa mort élurent un autre Général du même nom. Annibal ayant fuccombé fous les armes de Scipion 1'Afjiquaiiij a 'caufe de ce bon fuccès les Rómains envoyerent dans la même Province un autre Scipión contre Céfar, ce qui ne réuffit ni aux Athéniens ni aux Romains ! Ainfi plufieurs nations après deux ou trois expérienccs ont attaché aux lieux, aux objets Sc aux noms leurs bonnes ou leurs mauvaifes fortunes; d'autres fe font fervi de certains mots qu'ils appellent des enchantemens, Sc les ont cru fi efricarcs qu'ils s'imaginoient par leur moyen faire parler les arbres, faire un homme ou un Dieu d'un morceau de pain , Sc métamorphofer tout ce qui paroiftoit devant eux (*). §• 4- L'Empire des Puiftances invifibles étant établi de la forte, les hommes ne les révérerent d'abord que comme leurs Sou• (*) Hobbes Leviathan de bomine Cap. iz. pag. 56. si. '  ( *9 ) verains, c'eft-a-dire, par des marqués de foumiffion & de refpeft, tels que font les préfens, lesprieres 6c c. Je dis tTabord, car la nature n'apprend point a ufer de Sacrifices fanglans en cette rencontre : ils n'ont été inftitués que pour la fubfïftance des Sacrificateurs & des Miniftres,deftinés au fervice de ces Dieux imaginaires. Ce germe de Rcligion ( je veux dire Fefpérance 6c la Cramte) fécondé par les paffions 5c opinions diverfes des hommes , a produit ce grand nombre de croyances bizarres qui font les caufes de tant de maux & de tant de révolutions qui arrivent dans les Etats. ' Les honneurs & les grands revenus qu'on a attachés au Sacerdoce, ou aux Miniflres des Dieux, ont flatté 1'ambit'ion 6c 1'avarice de ces hommes rufés qui ont feu profitcr de la fiupidité des Peuples; ceux-ci ont fi bien donné dans leurs pieges qu'ils fe font fait infenfiblement une habitude d'encenfer le.menfonge 6c de haïr la vérité. §• 6. Le menfonge étant établi, 6c les am-  ( ?o) bitieux épris de la douceur d'être élevés au-deffus de leurs femblables , ceux-ci tachcrent de fe mettre en réputation en feignant d'être les amis des Dieux invifibles que le vulgaire redoutoit. Pour y micux réuilïr chacun les peignit a fa mode 8c prit la licence de les multiplier au point qu'on en trouvoit a. chaque pas. §• /• La matiere informe du monde fut appellce le Dieu Cahos. On fit de même un Dieu du Gel, de la ïerre, de la Mer, du Feu, des Vents 8c des Planettes. On fit le même honneur aux hommes 8c aux femmes; les oifeaux, les reptiles, le crocodile, le veau, le chien, 1'agneau , le ferpent 8c le pourceau, en un mot toutes fortes d'animaux 8c de plantes furent adorés. Chaque fleuve, chaque fontaine porta le nom d'un Dieu, chaque maifon eut le fien, chaque homme eut fon génie. Enfin tout étoit plein , tant dcflus que delibus la terre, de Dieux, d'Efprits, d'Ombrcs 8c de Démons. Ce n'étoit pas encore afiez de feindre des Divinités dans tous les lieux imaginables ; on eut cru offenfer le tems, lejour, la nuit, la concorde, Yamour, la paix , la vicloire , la cont ention, hrouille, Y'honneur , la verin,  Mn. infèvre & la fanté, oneüt, dis-je, cru faire outrage a. de telles Divinités qu'on penfoit tou jours prêtes a fondre fur la tête des hommes, fi on ne leur eut èlevé des temples 8c des autels. Enfuite on s'avifa d'adorer fon génie , que quelques-uns invoquerent fous le nom de Muf es ; d'autres fous le nom de Fortune adoreréht leur propre ignorance. Ceux-ci fanctifierent leurs débauches fous le nom de Cupidon, leur colere fous celui de Furies, leurs parties naturelles fous le nom de Priape; en un mot il n'y eut rien a quoi ils ne donnaflent le nom d'un Dieu ou d'un Démon (*). §. 8. Les fondateurs des Religions fentant bien que la bafe de leurs impoflures étoit 1'ignorance des Peuples, s'aviferent de les y entretenir par 1'adoration des images dans lefquelles ils feignirent que les Dieux habitoient ; cela fit tomber fur lciu-s Prêtres une pluye d'or 8c des Bénéfices que 1'on regarda comme des chofes faintes paree qu'elles furent deftinées a 1'ufage des minifires facrés, 8c perfonne n'eut (*) Hobbes ubifupra de homme Cap. 12. pag. 58.  (• 32 ) la témcrité ni 1'audace d'y prétendre-; ni même d'y toucher. Pour mieux tromper ie Peuple, les Prêtres fe fuppoferent des Prophêtes, des Devins, des Infpirés capables de pénétrer dans 1'avenir, ils fe vanterent d'avoir commerce avec les Dieux; -& comme il eft naturel de vouloir favoir fa deftinée , ces impofteurs n'curent garde d'omettre une circonftance fi avantageufe a leur deffcin. Les uns s'établirent a Délos, les autres a Delphes & ailleurs, oïi , par des oracles . ambigus , ils répondirent aux demandes qu'on leur faifoit : les femmes même s'en mêloient i les Romains avoient recours dans les grandes calamités aux Livres des Sybilles. Les fous paffoient pour des infpirés. Ceux qui feignoient d'avoir un commerce familier avec les morts étoient nommés Nécromanciensy d'autres prétendoient connoitre 1'avenir par le vol des oifeaux ou par les entrailles dos bêtes. Enfin les yeux, les mams, le vifage, un objet extraordinaire, tout leur fembloit d'un bon ou mauvais augure •, tant il eft vrai que 1'ignorance recoit telle imDreffion qu'on veut, qnand on a trouvé le fecrct de s'en prévaloir. (*) (*) Hobhes nbi fupra de homme Cap. n. pag.  (33) §. p- ■ Les ambiticux qui ont toujours été de grands raaitres dans Part' dé tfomper, ont hiivi cette route lor-fqu'ils donnerent des loix j 8c pour obliger le peuple de fe foumettre volontairement , ils lui rut fuadé qu'ils les avoient Kgues d'un Dieu ou d'une DéefTe. Quoi qu'il en foit dc cette multitudc de Divinités, ceux chez qui' eüès ont été adorées, 8c qu'on nomoM /', , r. n'avoient point de fyftême généiul Cc Religion. Chaque Républiquc , cha |ue Etat, chaque Ville 8c chaque p rticulii c avoit fes rites propres & penfoit de la Divinité a. fa fantaifie. Mais il s'eit élevé par la fuite des légiflateurs plus fourbes que les premiers, qui ont employé des moyens plus étudiés 8c plus furs en donnant des loix, des cultes , des cérémonies propres a nourrir le fanatifrhe qu'ils vouloient établir. . ^Parmi un grand nombre, 1'Afie en'a vü naitre trois qüi fe font diftingués, tant par les loix 8c les cultes qu'ils ont inftitués, que par 1'idée qu'ils ont donnée de la Divinité, 8c par la maniere dont ils s'y font pris pour faire recevoir cette idéé & rendre leurs loix facrées. Moyfe fut C  ( ?4) le plus ancien. Jéfus-Chrift venu depuis, travailla fur fon plan 6c en confervant le fond de fes loix, il abolit le refte. Mahomet qui a paru le dernier fur la fcène , a pris dans 1'une 6c dans 1'autre Religion de quoi compofer la fienne, 6c s'eft enfuite déclaré 1'ennemi de toutes les deux. Voyons les caracleres de ces trois légiflateurs , examinons leur conduite, afin qu'on juge après cela lefquels font les micux fondés, ou ceux qui les réverent comme des hommes divins, ou ceux qui les traitent de fourbes 6c d'impofteurs. §. io. De Moyfe. Le célebre Moyfe petit-fils d'un grand Magicien (*) au rapport de Juftin Martyr, eut tout les avantages propres a le rendre ce qu'il devint par la fuite. Chacun fait que les Hébreux dont il fe fit le chef, étoient une nation de Pafteurs, que le Roi Pharaon Ofiris I. recut en fon _(*) II ne faut pas entendre ce mot felon 1'opinion vulgaire; car qui dit Magicien chez des gens raifonnables entend un homme adroit, un habile Charlatan, un fubtil joueur de gibeciere dont touc Kaft cenfifte dans la fubtilité & 1'adreffe, & non en aucun pafte avee. le Diable, comme le croit .e vulgaire.  (JM pays en confidération des fervices qu'il avoit regus de 1'un d'eux dans le tems d'une grande famine: il leur donna quelques terres a 1'Oriënt de 1'Egypte dans une contrée fertile en paturages 8c par conféquent propre a nourrir leurs troupeaux ; pendant pres de deux eens ans ils fe multiplierent confidérablement , foit, par cc qu'y étant confidérés comme étrangers, on ne les obligeat point de fervir dans les armées, foit qu'a. caufe des privileges qu'Ofiris leur avoit accordés , plufieurs naturels du pays fe joigniflent a eux , foit enfin que quelques bandes d'Arabes fufTent venues fe joindre a. eux en qualité de leurs freres; car ils étoient d'une même race. Quoi qu'il en foit, ils multiplierent fi étonnamment que ne pouvant plus tenir dans la contrée deGoflen, ils fe répandirent dans toute 1'Egypte, & donnerent a Pharaon une jufte raifon dc craindre qu'ils ne fuflent capables de quelques entreprües aangereufes au cas que 1'Egypte fut attaquée , (comme cela arrivoit alors alTez fouvent) par les Etbiopiens fes ennemis affidus: ainfi une raifon d'Etat obligea ce Prince a leur oter leurs privileges, 8c a, chercher les moyens de les affoiblir 8c de les affervir. Cl  ( 3* ) Pharaon Oms , furnommé Bufiris I caufe de fa cruauté, lequel fuccéda a. Memnon, fuivit fon plan a 1'égard des Hébreux, 5c voulant éternifer fa mémoire par l'ére&ion des Pyramides , 6c en batiffant la ville de Thèbes, il condamna les Hébreux a travailler les briques, a la formation defquelles les tcrres de leur Pays étoient tres-propres. C'eft pendant cette fervitude que naquit le célebrc Moyfe, la même année que le Roi ordonna qu'on jettat dans le Nil tous les enfans males des Hébreux, voyant qu'il n'y avoit pas de plus fur moyen de faire périr cette Peupladc d'étrangers. Ainfi Moyfe fut expofé a périr par les eaux dans un pannier enduit de bitume que fa mere placa dans des joncs fur les bords du fleuvc. Le hazard voulut que Thermutis, fille de Pharaon Orus, vint fe prornener dc ce cöté-la , 6c qu'ayant ouï les cris de eet enfant, la compaffion fi naturelle a fon fexe lui infpirat le defir de lefauver. Orus étant mort, Thermutis lui fuccéda, 6c Moyfe lui ayant été préfenté, ellc lui fit donner une éducation telle qu'on pouvoit la donner a un fils de la Reine d'une na^ion alors la plus favante 6c la plus polie de 1'univers. En un mot en difant ^ilfut ékvé dans toutes les fcien-  ( 37 ) ces des Ègyptiens, c'eft tout dire, 8c c'eft nous préfenter Moyfe comme le plus grand Politique, le plus favant Naturalifte, 8c le plus fameux Magicien de fon tems: outre qu'il eft fort apparent qu'il fut admis dans 1'ordre des Prêtres. qui étoient en Egypte ce que les Druides étoient dansles Gaules. Ceux qui ne favent pas quel étoit alors le gouvernement de 1'Egypte ne feront peut-être par fachés d'apprendre que fes fameufes Dynafties ayant pris fin, 8c tout le pays dépendant d'un feul Souverain , elle étoit divifée alors en plufieurs Contrées qui n'avoient pas une trop grande étenduc. On nommoit Monarques les gouverneurs de ces contrées, 8c ces gouverneurs étoient ordinairement du puiffant ordre des Prêtres qui poffédoient pres d'un tiers de 1'Egvpte. Le Roi nommoit a. ces Mo. narchies: 8c fi 1'on en croit les auteurs qui ont écrit de Moyfe , en comparant ce qu'ih en ont dit avec ce que Moyfe en a lui-même écrit,on conclurra qu'il étoit Monarque de la contrée de GofTen , 8c qu'il devoit fon élévatión a Thermutis , a qui il devoit auffi la vie. Voila quel fut Moyfe en Egypte, ou il eut tout le temps 8c les moyens d'étudier les mceurs d'cs Egyptiens 8c de ceux dc fa nation, C j  (1*) leurs paflïons dominantes, leurs inclina-s tions; connoifTances dont il fe fervit dans la fuite pour cxciter la révolution dont il fut le moteur. Thermutis étant morte, fon fuccefleur renouvella la perfécution contre les Hébreux , Sc Moyfe déchu de la faveur oü il avoit été, eut peur de ne pouvoir juftificr quelques homicides qu'il avoit commis; ainfi il prit le parti de fuir : il fe retira dans 1'Arabie-Pétrée qui confine a. 1'Egvptc; le hazard 1'ayant conduit chez un chef de quelque Tribu du Pays, les fervices qu'il rendit Sc les talens que fon Maitre crut remarquer en lui, lui mériterent fes bonnes graces Sc une de fes olies en mariage. II eft k propos de remarquer ici que Moyfe étoit fi mauvais Juif, Sc qu'il connoiffóit alors fi peu le redoutable Dieu qu'il imagina dans la fuite, qu'il cpoufa une idol'atre, Sc qu'il ne penfa pas feulement a circoncire fes en%ns. C'eft dans les défcrts de cette Arabie qu'en gardant les troupeaux de fon beaupere Sc de fon beau-frere, il concut le deftein de fe venger de 1'injuftice que le Roi d'Egypte lui avoit faite , en portant le trouble Sc la fédition dans le cceur dc fes Etats. II fe fhttóit de pouvoir aifé-  ( ?9 ) ment réufïïr, tant a caufe dc fes talens $ qae par les di 6c afin que perfonne n'eüt 1'audace de le contredire. II n'y eut jamais de Peuple plus ignorant que les Hébreux, ni par conféquent plus crédule. Pour être convaincu de cette ignorance profonde, il ne faut que fe fouvenir dans quel état ce Peuple étoit en Egypte, lorfque Moyfe le fit révolterj il étoit haï des Egyptiens a caufe de fa profefiion de Patres , perfécuté par le Souverain, 6c employé aux travaux les plus vils. Au milieu d'une telle Populace il ne fut pas bien difficile a Moyfe de faire valoir fes talens. II leur fit accroire que fon Dieu (qu'il nomma quelquefois fimplement un Ange) le Dieu de leurs Peres lui étoit apparu; que c'étoit par fon ordre qu'il prenoit foin de les conduire ; qu'il 1'avoit choifi pour les gouverner, 6c  ( 4i ) qu'ils feroient le Peuple favori de ceDieu,pourvu qu'ils cruffent ce qu'il leur diroit de fa 'part. L'ufage adroit de fes prefliges & de la connoiffance qu'il avoit de la nature , fortifia ces exhortations : 6c il confirmoit ce qu'il leur avoit dit par ce qu'on appelle des prodiges, qui font capables de faire toujours beaucoup d'impreffion fur la Populace imbécile. On peut remarquer furtout qu'il crut avoir trouvé un moyen fur de tenir les Hébreux foumis a fes ordres en leur perfuadant que Dieu étoit lui-même leur conducteur, de nuit fous la fi gure d'une colonne de feu, 6c de jour fous la formed'une Nuée. Mais auffi on peut prouver que ce fut-la. la fourbcrie la plus grosfiere de eet importeur. II avoit appris pendant le féjour qu'il avoit fait en Arabie que comme le Pays étoit vafle 6c in- ■ habité, c'étoit la coutume de ceux qui voyageoient par troupes de prendre des guides qui les conduifoient la nuit par le moyen d'un brafier dont ils fuivoient la flamme, 6c de jour paria fumée du même brafier, que tous les membres de la Caravane pouvoient découvrir, 6c par conféquent ne fe point égarer. Cette coutume étoit encore en ufage chez les Medes Sc les AfTyriens; Moyfe s'en ferC f  vit Sc la fit paiTcr pour un miracle, Sc pour une marqué de la proteétion de fon Dieu. Qu'on ne m'en croye pas quand je dis que c'eft un fourbe : qu'on en croye Moyfe lui-même qui au io~. Chapitre des Nombres 10. jüfqii'au 33°. prie fon beau-frere Hobad de venir avec les Ifraëlites afin qu'il leur montrat le chemin paree qu'il connoiffoit le Pays. Ceci eft démonftratif, car fi c'étoit Dieu qui marchoit devant Ifraël nuit Sc pur en nuée ou en colonne de feu, pouvoientils avoir un meiileur güidc ? Cependant voila. Moyfe qui exhorte fon beau-frere par les motifs les plus preflans a lui fervir de guide; donc la Nuée Sc la colonne de feu n'étoit Dieu que pour le Peuple, Sc non pas pour Moyfe. Les pauvres malheureux ravis de fe voir adoptés par le Maïtre des Dieux au fortir d'une cruelle fervitude , applaudirent a Moyfe Sc jureren! de lui obéir aveuglément. Son autorité étant confirmée, il voulut la rendre perpétuelle , Sc fous le prétexte fpécieux d'établir le culte de ce Dieu, dont il fe difoit le Lieutenant, il fit d'abord fon frere Sc fes enftns chefs du Palais Royal, c'eft-a-dire, du lieu oü il trouvoit ii propos de faire rendre les oracles; ce lieu étoit hors dc  (43 ) la vue & dc la préfence du Peuple. En.fuite il fit ce qui s'eft toujours pratiqué dans les nouveaux établiffemens, favoir , des prodiges, des miracles dont les fimples étoient éblouis, quelques-uns étourdis, mais qui füfoient pitié a. ceux qui étoient pcnétrans 8c qui lifoicnt au travers de ces impoftures. Quelque rufé que fut Moyfe, il eut eu bien de la pcine a. fe faire obéir, s'il n'avoit eu la force en main. La fourbe fans les armes réuffit raremcnt. : Malgré le grand nombre de dupes qui: fe foumettoient aveuglément aux volontés de eet habile lcgiflateur, il fe trouva des perfonnes affez hardies pour lui reprocher fa mauvaife foi en lui difant que fous de fauffes apparences de juftice 8c d'égalité, il s'étoit emparé de tout, que 1'autorité fouveraine étant attachée a ft familie , nul n'avoit plus droit d'y prétendre, 8c qu'il étoit enfin moins lePere que le Tyran du peuple. Mais dans ces; occafions Movfe en profond politique perdoit ces Efprits - forts 8c n'épargnoit aucun de ceux qui blamoient fon gouvernement. C'eft avec de pareilles précautions 8c en colorant toujours de la vengeance divine fes fupplices, qu'il rcgtia en Defpo-  (44 ) te abfolu ; Sc pourfinir de k maniere qu'il avoit commencé , c'eft-a-dire , en fourbe Sc en importeur, il fe précipitx dans un abïme qu'il avoit fait creufer au milieu d'une folitude oü il fe retiroit de tems en tems fous prétexte d'aller conférer fecrettement avec Dieu, afin de fe concilier par la le refpeét Sc la foumiftion de fes fujets. Au refte il fe jetta dans ce précipice préparé de longue main afin que fon corps ne fe trouvat point Sc qu'on crüt que Dieu 1'avoit enlevé pour le rendre femblable a. lui : il n'ignoroit pas que la mémoire des Patriarches qui 1'avoient précédé , étoit en grande vénération, quoiqu'on eut trouvé leurs fépulchres, mais cela ne fuift foit pas pour conter.ter une ambition comme la fienne : il falloit qu'on le révérat comme un Dieu fur qui la mort n'a point de prife. C'eft a quoi tendoit, fans doute, ce qu'il dit au commencement de fon regne : qu'il étoit éta* Mi de Dieu pour être le Dieu de Pharaon. Elie , a. fon cxemple , Romulus , Zamolxis , Sc tous ceux qui ont eu la fotte vanité d'éternifer leurs noms, ont caché le tems de leur mort pour qu'on les crüt immortels.  Ur) §. ii. Mais pour rcvcnir aux légiflateurs, il n'y en a point eu qui n'ayent fait émaner leurs loix (*) de quelques Divinités 8c qui n'ayent taché de perfuader qu'ils étoient eux-mêmes quelque chofe de plus que de fimples mortels. Numa Pompilius ayant goüté les douceurs de la folitude eut peine a la quitter, quoique ce fut pour remplir le trönc de Romulus, mais s'y voyant forcé par les acclamations publiques, il profita de la dévotion des Romains , 6c leur infinua qu'il converfoit avec les Dieux, qu'ainfi s'ils le vouloient abfolument pour leur Roi, ils devoient fe réfoudre a lui obéir aveuglément, 6c obferver religieufement les loix 6c les inftruftions divines qui lui avoient été dictees par la Nymphe Egérie. Alexandre le Grand n'eut pas moins de vanité; non content de fe voir le maïtre du monde, il voulut qu'on le crüt fils de Jupiter. Perfée prétendoit auffi tenir fa naiffance du même Dieu & de la Vierge Danaé. Platon regardoit Apollon comme fon Pere qui 1'avoit eu d'une Vierge. 11 y eut encore d'autres per- * Voyez. Hobbes, Leviathan: de homme cap. i%, pag. 59. & 6o.  (40 fonnages qui eurent la même folie : fans doute que tous ces grands hommes croyoient ces rêveries fondées fur 1'opinion des Egyptiens qui foutenoient quê 1'efprit de Dieu pouvpit avoir commerce avec une femme Sc la rendre féconde. * §■ 12.. De Jéfus-Chrift. . Jcfiis-Chrifh qui n'ignoroit ni les maximes ni la fcience des Egyptiens, donna cours a cette opinion, il la crut propre afon deffein. Confidérant combienMoyfe s'étoit rendu célebre , quoiqu'il n'eut commandé qu'un Peuple d'ignorans, il entreprit de batir fur ce fondement, Sc fe fit fuivre par quelques imbéciles auxquels il perfuada que le St. Efprit étoit fon Pere , Sc fa Mere une Vierge : ces bonnes gens accoutumés a fe payer de fonges Sc de rêveries, adopterent fes notions Sc crurent tout ce qu'il voulut , d'autant plus qti'une pareille naiflance n'étoit pas véritablement quelque chofe de trop merveilleux pour eux (*). (*) beau Fk.eon a tire d'aile Vienne obovibrer uve Pucelle , Rien n'eft ferprenant en ce/.i • L'on en 4 ) Ble méprifablc Sc que fa Loi n'eft qu'un tiffii de rêveries que 1'ignorance a mis en vogue , que 1'intérêt entrctient, Sc que la tyrannie protégé. §. 15. On prétend néanmoins qu'une Religion établie fur des fondemens fi foibles, eft divine Sc furnaturelle, comme fi on ne favoit pas qu'il n'y a point de gens plus propres a donner cours aux plus abfurdes opinions que les femmes Sc les idiots; il n'eft donc pas merveilleux que Jéfus-Chrift n'eüt pas des favans a fa fuite, il favoit bien que fa Loi ne pouvoit s'accorder avec le bon fensj voila fans doute pourquoi il déclamoit fi fouvent contre les fages qu'il exclut de fbnRoyaume oü il n'admet que les pauvres d'efprit, les fimples Sc les imbécilles: Les efprits raifonnables doivent fe confoler de n'avoir rien a démêler avec des infenfés. S. 17- De la Morale de Jéfus-Chrift. Quant a la morale de Jéfus-Chrift, avoit fait encore fi peu de progrès. „ On fait ,, de tems immémorial, difoit-il au Cardinal Bembo, combien cette fable de Jéfus-Chrift nous a „ été profitable." Quantum nobis noftrifyue ea de Cbrifio fabula profuerit , fatis efi omnibus {eculis netum.  on n'y voit rien de divm qui la doive faire préférer aux écrits des anciens ou plutöt tout ce qu'on y voit en eft ure ou imité. St. Auguftin (*) aroue qu 4 a trouvé dans quelques-uns de leurs ecrits tout le commencement de 1'Evangile ïelon St. Jean; ajoutes a cela que 1'on remarque que eet Apötre étoit tellement accoutumc a pillez les autres qu'il n a point fait difficulté de dérober aux Prophêtes leurs énigmes & leurs vifions^ pour en compofcr fon Apocalypfc. ü oa vient, parexemple, la conformite qui le trouve entre la doarine du Vieux & du Nouveau Teftament & les éents de Platon, fmon de ce que les Rabins, & ceux qui ont compofé les écritures, ont pille ce gvand homme ? La naifTance du monde a plus de vraifemblance dans fon Tmée, que dans le livre de la Génèie ; cependant on ne peut pas dire que cela vienne dc ce que Platon aura lu dans fon yoyagc d'Egypte les livres Judaïques, puisqu'au rapport de St. Auguflin (t) le Roi Ptolomée ne les avoit pas encore fait traduire quand ce Phüofophe y voyagea. _ La defcription du Pays que Socratetait a Simias dans le Phtdon , a mfinimcnc (*) Confelüons Liv. 7. Chap. 9. f. (t) Idem Ibidem. D 4 _  O) plus de grace que le Paradis Terreftref Sc la fable des Androgynes (*) eft fans comparaifon mieux trouvée que tout ce que nous apprenons de la Génèfe au fujet de l'extraction de 1'une des cötes d'Adam pöur-en former la femme Sec. Y a-t-il encorc rien qui ait plus de rapport aux deux embrafemens dc Sodöme Sc de Gomorrhe que celui que caufa Phaëton ? Y a-t-il rien de plus conforme que la chüte de Lucifer Sc celle de Vulcain, ou celle des Géans abimés par la foudre de Jupiter ? Quelles chofes fe reftemblent mieux que Samfon Sc Hercule , Rlie Sc Phaëton, Jofeph Sc Hypolite, Nabucodonofor Sc Lycaon , Tantale Sc le mauvais Riche, la Manne des Ifraëlites Sc 1'ambrofïe des Dieux ? Saint Auguftin (f), St. Cyrille, Sc Théophilafte comparent Jonas a Hercule furnommé Trinoblius , paree qu'il fut trois jours Sc trois nuits dans le ventre de la Baleine. Le fleuve de Daniël repréfenté au Chap. 7. de fes Prophéties, eft une imitation vifible du Pyriphlégéton dont il eft parlé au dialogue dc 1'immortalité de 1'ame. On a tiré le pêché originel de la (*) Voyez dans le Bnnquet de Platon, Ie Dis? i'cnnrs d'Ariftonliane. (t) Ciié de Dieu Liv, 1. Chap. 14.  CT7 ) boete de Pandore, le Sacrifice d'Ifaac Sc" de Jephté de celui d'Iphigénie en la place de laquelle une biche fut fubfiituée.Ce qu'on rapporte de Loth 8c de fa fem-, me eft tout-a-fait conforme a. ce que la fable nous apprend de Baucis 8c de Philémonj Phiftoire de Perfée Sc de Bellérophon eft le fondement de celle de St. Michel 8c du Démon qu'il vainquit; en-, fin il eft conftant que les auteurs de 1'Ecriture ont tranferit prefque mot a mot les ocuvres d'Héfiode 8c d'Homcre, §. 18. Quant a Jéfus-Chrift, Celfe montroit au rapport d'Origene (*) qu'il avoit tiré de Platon fes plus''belles Sentences. Telle eft celle qui porte qu'un chameau paffèroit plutót par le trott d'une aiguiile, qu'il n'eftaifé d un riche (Tentrer dans le royaume de Dieu. (f) C'eft a lafecle des Pharificns dont il étoit , que ceux qui croyent en lui doivent la croyance qu'ils ont de Pimmortalité de 1'ame, de la réfurreétion, de Penfer, 8c la plus grande partic de ft morale , oil ]e ne vois rien qui ne foit dans celle d'Epictete, d'Epicure 8c_ de quantité d'autres; ce dernier étoit cité par St. ; (*) Lib. 6. contre Celfe. (f) Lib. 8. Char- 4- D y  ^8 > Jêröme (*) comme un homme dont li vertu faifoit honte aux meilleurs Chrétiens , Sc dont la vic étoit fi tempérante , que fes meilleurs repas n'étoient qu'un peu de fromage, du pain Sc de l'eau: Avec une vie il frugale, ce Philofophe, tout Payen qu'il étoit, difoit qu'il valoit mieux être infortuné Sc raifonnable que d'être riche Sc opulent fins avoir de raifon; ajoutant qu'il eft rare que la fortunc Sc la fageffë fe trouvent réunies dans un même fujet, Sc qu'on ne fauroit être heureux ni vivre fatisfait qu'autant que notre félicité eft accompagnée de prudcnce, dc juftice Sc d'honnêteté , qui font les qualités d'oü réfulte la vraye Sc la folide volupté. Pour Epiétete, je ne crois pas que jamais aucun homme, fans en cxcepter Jéfus-Chrift, ait été plus ferme, plus auftere, plus égal, Sc ait eu une morale pratique plus fublime que la fienne. Je ne dis rien qu'il ne me fut aifé de prouver fi c'en étoit ici le lieu, mais de peur dc pafter les bornes que je me fuis prefcrites, je ne rapporterai des belles aétions de fa vic' qu'un feul exemple. Etant efclave d'un Affranchi , nommé Epaphrodite, Capitaine des Gardes de Néron , il prit (*) Liv. i. contre Jovinien Chap. 8.  C T9 ) fantaine a cc bratal de lui tordre la jambe ; Epidete s'appcrcevant qu'il y prenoit plaifir,lui dit en fouriant qu'il voyoit bien que le jeu ne finiroit pas qu'il ne lui eüt caffé la jambe; ce qui arriva comme il 1'avoit prcdit. Eh bien'. continua-t-ü d'un vifage égal Sc riant, ne vous avois-je pas bien dit que vous me cajferiez la jambe? Y eut-il jamais de conftance pareflle a celle-la ?' Et pcut-on dire que JefusChrift ait été jufques-la, lui qui pleuroit êcfuoit de peur alamoindreallarmc qu'on lui donnoit, Sc qui témoigna , pres de mourir,une pufillanimité tout-a-Eut meprifable êc que 1'on ne vit point dans fes Martyrs. Si Pinjure des tems ne nous eut pas ravi le livre qu'Arrien avoit fait de la vie & de la mort de notre Philofophc , je fuis perfuadé que nous verrions bien d'autres cxemples de fa patience. Je ne doute pas qu'on ne dife de cette aaion ce que les Prêtres difent des vertus des Philofophes, que c'eft une vertu dont la vanité eft la bafe, Sc qui n'eft point cn effet ce qu'elle paroit ; mais je fais bien que ceux qui tiennent ce langage font de ces gens qui difent en chaire tout ce qui leur vient a labouche, Sc. croyent avoir bien gagné Pargent qu'on leur donnc pour  ( 60 5 _ rnftruirele Peuple, quand ils ont déclame' contre les feuls hommes qui fachent ce' que c'eft que la droite raifon & la véritable vertu ; tant il eft vrai que rien au monde n'approche 11 peu des mceurs des vrais Siges que les actinns de ces hommesfuperftitieux qui les décrient; ceux - ci femblent n'avoir étudié que pour parvenir a un pofte qui leur donne du pain, ils fons vains & s'applaudiftent quand ilsl'ont obtenu, comme s'ils étoient parvenus a: un état de perfeétion, bien qu'il ne foit pour ceux qui 1'obtiennent, qu'un état d'oifivcté , d'orgueil, de liccnce & de volupté , oïi la plupart ne fuivent rien moins que les maximes de la Religion qu'ils profeftent. Mais laiftbns-la des gens qui n'ont aucune idéé de la vertu réelle 'pour examiner la Divinité de leurMaitre, §• 19- Après avoir examiné la politique & la morale du Chrift oü 1'on ne trouve rien d'aufTi utile & d'auffi fublime que dans les écrits des anciens Philofophes, voyons fi la réputation qu'il s'eft acquife après 'fi mort eft une preuve de fa Divinité. Le Peuple eft fi accoutumé a. la déraifon que je m'étonne qu'on prétende tirer aucune conféquence de fa conduite j  r ( 6r ) 1'cxpérience nous prouve qu'il court toujours après des phantömes, Sc qu'il nc fait Sc ne dit rien qui marqué du bon fens. Cependant c'eft fur de pareilles chimères qui ont été de tout tems en vogue, malgré les eftorts des favans qui s'y font toujours oppofés, que 1'on fonde faeroyance. Quelques foins qu'ils ayent pris pour déraciner les folies regnantes, le Peuple ne les a quittées qu'après en avoir été raffafié. Moyfe eut beau fe vanter d'être 1'interprête de Dieu Sc prouver fa miftiqn Sc fes droits par des fignes extraordinaires , pour peu qu'il s'abfentat (ce qu'il faifoit de tems a. autre pour confércr, difoit-il, avec Dieu, Sc ce que firent pareillement Numa Pompilius Sc plufieurs autres légiflateurs) pour peu, dis-je, qu'il s'abfentat, il ne trouvoit a fon retour que les tracés du culte des Dieux que les Hébreux avoient vus en Egypte. II eut beau les tenir 40. ans dans un défert pour leur faire perdre 1'idée des Dieux qu'ils avoient quittés, ils ne les avoient pas encore oubliés, ils en vouloient toujours de vifibles qui marchaftent devant eux, ils les adoroient opiniatrément, quelque cruauté qu'on leur fit éprouver. La feule haine qu'on leur infpira pour  ( 6-2 ) les autres nations par un orgucil dont les plus idiots font capables, leur fit perdrc infenfiblement le fouvenir des Dieux d'Egypte pour s'attacher a celui de Moyfe; on Padora quelque tems avec toutes les circonftances marquées dans la loi, mais on le quitta par la fuite pour fuivre celle de Jéfus-Chrift,par cette inconftance qui fait courir après la nouveauté. §• 20. Les plus ignorans des Hébreux avoient adopté la Loi de Moyfe; ce furent aufti de pareillcs gens qui coururent après Jéfus; Sc comme le nombre en ell infini, Sc qu'ils s'aiment les uns les autres, on ne doit pas s'étonner fi fes nouvelles errcurs fe répandirent aifément. Ce n'eft pas que les nouveautés ne foient dangereufes pour ceux qui les embraftcnt, mais 1'enthoufiafme qu'elles excitent anéantit la crainte. Ainfi les Difciples de JéfusChrift tout miférables qu'ils étoient a fa fuite Sc tout mourans de faim (comme on le voit par la néceffité oü ils furent un jour avec leur conducteur d'arracher des Epics dans les champs pour fe nourrir) les difciples de Jéfus-Chrift, dis-je, ne commencerent a fe décourager que lorsqu'ils virent leur Maitre entre les maïns  ( G-J ) des bourreaux & hors d'état de leur donner les biens, la puiftance Sc les grandeurs qu'il leur avoit fait cfpérer. ^ i Après fa mort fes difciples au défespoir dc fe voir fruftrés de leurs efpérances firent de néceftité vertu; bannis de tous les lieux Sc pourfuivis par les Juifs qui les vouloient trad ter comme leur^Maïtre, ils fe répandirent dans les contrées voifincs, oïi fur le rapport de quelques femmes ils débiterent fa réfurrection , fa filiation Divine Sc le refte des fables dont les Evangiles font li remplis. La peine qu'ils avoient a réuffir parmi les Juifs les fit réfoudre a chercher fortune chez les Gentils, Sc a tenter s'ils ne feroient pas plus hcureux parmi des étrangers, mais comme il falloit plus de fcicnce qu'ils n'en avoient, les Gentils étant Philofophes Sc par conféquent trop amis de la raifon pour fe rendre a des bagatelles, les Sectateurs de Jéfus gagnerent un jeune homme (*) d'un efprit bouillant 8c aétif, un peu mieux inftruit que des pêcheurs fans lettres ou plus capable de faire écoutcr fon babil; cclui-ci_ s'affbciant avec eux par un coup du cicl (car il falloit du merveilleux) attira quelques partifans a la feéle naiffante par la crainte (*) St. Paul.  ( 64 ) des prétendues peines d'un Enfcr, imite des fables des anciens Poëtes, Sc par 1'efpérance des joyes du Paradis, oü il eut 1'impudence de faire dire qu'il avoit été enlevé. Ces difciples, a force de prefliges Sc de menfongcs, procurerent a leur Maïtre 1'honncur de paffer pour un Dieu , honneur auquel Jéfus de fon vivant n'avoit pu parvenir : fon fort ne fut pas meilleur que celui d'Homere, ni même li honorable, puifque fix des Villes qui avoient chafie Sc méprifé ce dernier pendant fa vie , fè firent la guerre pour favoir a qui refteroit 1'honneur de lui avoir donné le jour. , §. 21. On peut juger par tout ce que nous avons dit que le Chriftianifme n'eft comme toutes les autres Religions qu'une impofture grofTiéremcnt tiflue , dont le füccès Sc les progrès étonneroient même fes inventcurs s'ils revenoient au monde : mais fans nous engager plus avant dans un labyrinthe d'erreurs Sc de contradictions vifibles dont nous avons affez parlé, difons quelque chofe de Mahomet lequel a fondé une loi fur des maximes tour tes oppofées a celles de Jéfus-Chrift. §. zx:  ( 6f ) §■ zz. De Mahomet. A pcinc les difciples du Chrift avoienc cteint la Loi Mofaïque, pour introduirc la Loi Chrétienne, que les hommes entraïnés par la force & par leur inconftance ordinaire, fuivirent un nouveau légiflateur, qui s'éleva par les mêmes voyes que Moyfe; il prit comme lui le titre de Prophéte 6c d'Envoyé de Dieu; comme lui il fit des miracles , 6c fut mettre a profit les palfions du peuple. D'abord il fe vit efcorté d'une populace ignorante, a laquelle il expliquoit les nouveaux Oracles du Ciel. Ces miférables féduits par les promeffes 6c les fables de ce nouvel Importeur , répandirent fa renommée 8c 1'exalterent au point d'éclipfër celle dc fes Prédéceffeurs. Mahomet n'étoit pas un homme qui parut propre a fonder un Empire, il n'excelloit ni en Politique ni (*) en Phi- (*) „Mahomet, dit Ie Comte de Boulainvil,, liers, étoit ignorant des Lettres vulgaires, je ,, le veux croire; mais il ne 1'étoit pas affüré- ment de toutes les connoiflances qu'un grand ,, voyageur peut acquérir avec beaucoup d'efprit „ narurel , lorfqu'il s'efforce de 1'employer utile„ ment. II n'étoit point ignorant dans fa propre „ langue , dont 1'ufage, & non la leclure , lui E  ( 66 ) lofophie; il ne favoit ni lire ni écrire. II avoit même fi peu de fermeté qu'il eüt fouvent abandonné fon entreprife s'il n'eüt été forcé a foutenir la gageure par 1'adreffe d'un de fes feftateurs. Des qu'il commenca a s'élever Sc a devenir célebre, Cora'is, puiffant Arabe , jaloux qu'un homme de néant eüt 1'audace d'a-. bufer le peuple, fe déclara fon ennemi 8c traverfa fon entreprife j mais le Peuple perfuadé que Mahomet avoit des conférences continuelles avec Dieu & fes Anges fit qu'il 1'emporta fur fon ennemi; la familie de Coraïs eut le deffous & Mahomet fe voyant fuivi d'une foule imbécille qui le croyoit un homme divin, ■ , avoit appris toutc la fineffe & les beautés. II '' 'n'étoit pas ignorant dans 1'art de favoir rendre " odieux ce qui eft véritablement condamnable, " & de peindre la vérité avec des couleurs fimp!es & vives, qui ne permettent pas de la mécorïnoltre. En effet ', tout ce qu'il a dit^ eft " vrai, par rapport aux dogmes effentiels a la 'I Reliaion; mais il n'a pas dit tout ce qui eft " vraK & c'eft en cela feul que notie Religion " differede la fienne". II ajoute plus bas,„que " Mahomet n'a été ni groffier, ni barbare; qu'il " a conduit fon entreprife avec tout 1'arr, toute " la délicateffe, toute la conftance, 1'intrépidité, " les grandes vues dont Alexandre & Céfar eus" (ent été capables dans fa place &c." Vit de Mahomet par le Comte de Boalaifwilliers Liv. 2. pag, 2Ó6. 267. 5c 168. Edit. d'Amit. 1731.  C les plantes en ont plus que les minéraux, & les animaux encore davantage. Enfin ce feu renfermé dans le corps le rend capable de fentiment, Sc c'eft ce qu'on appelle Yamey ou ce qu'on nomme les efprits animaux, qui fe répandent dans toutes les parties du corps. Or il eft certain que cette ame étant de même nature dans tous les animaux, fe diffipe a la mort de 1'homme ainfi qu'a celle des bêtes. D'oü il fuit que ce que les Poëtes Sc les Théologiens nous difent de F  ( 8i ) 1'autre monde eft une chimère qu'ils onE enfantée 6c débitée pour des raifbns qu'il eft aifé de deviner. CHAPITRE VI. Des Efprits qu'on nommc Démons, §• i. Nous avons dit ailleurs comment la notion des Efprits s'eft introduite parmi les hommes , 6c nous avons fait voir que ces Efprits n'étoient que des Phantömes qui n'exiftent que dans leur propre imagination. Les premiers doéteurs du genre hunaain n'étoient pas affez éclairés pour expliquer au Peuple ce que c'étoit que ces Phantömes, mais ils ne laiffbient pas de lüi dire ce qu'ils en penfoient. Les uns voyant que les Phantömes fe diftipoient, 6c n'avoient nulle confiftance les appclloient immatériels, incorporels , des formcs fans matiere, des couleurs 6c des figures, fat» être néanmoins des corps ni colorés-  f 83) ni figurés, ajoutant qu'ils pouvoient'fe revétir d'air comme d'un habit lorfqu'ils vouloicnt fe rendre vifibles aux yeux des hommes. Les autres difoient que c'étoit èes corps animés , mais qu'ils étoient faits d'air ou d'une autre matiere plus fubtile, qu'ils épaififfoient a leut' gré lorfqu'ils vouloicnt paroïtre. §.2. Si ces deux:fortes de Philofophes étoient oppofés dans Popinion qu'ils avoient des Phantömes, ils s'accordoient dans les noms qu'ils leur donnoient, car tous les appelloient Démons ; en quoi ils étoient aufïï infenfés , que«ceux qui croyent voir en dormant les ames des pcrfonnes mortes , 8c que c'eft leur propre ame qu'ils voyent quand ils fe regardent dans un miroir , ou enfin qui croyent que les Etoiles qu'on voit dans 1'éau font les ames des Etoiles. D'après cette opinion ridicule ils tomberent dans une erreur qui n'eft pas moins abfurde, lorfqu'ils crurent que ces Phantömes a- ! voient un pouvoir illimité, notion deflituée de raifon, mais ordinaire aux igno- f rans, qui s'imaginent que les Etres qu'ils F i  ( 84) ne connoifTent pas ont une puiffance met* veilleufe. §• 3- Cette ridicule opinion ne fut pas plu* tot divulguée que les Légillateurs s'en fervirent pour appuyer leur autorité. Ils établirent la croyance des Efprits qu'ils appellerent AVzg/o#,efpérant que la crainte que le peuple auroit de ces puiffances invifibles le retiendroit dans fon devoir; cc pour donner plus de poids a ce dogme ils diflingucrent les Efprits ou Dé-* mom en bons 6c mauvais: les uns furent deftinés a exciter les hommes a obferver leurs loix, les autres a les retenir 6c a. les empécher de les enfreindre. Pour fivoir ce que c'eft que les Démons , il ne faut que lire les Poëtes Grecs 6c leurs Hiftoires , 6c fur-tout ce qu'en dit Héfiode dans fa Theogonie ou il traite amplement de la génération 6c de l'origine des Dieux. §. 4- Les Grecs font les premiers qui les ont inventés ; de chez eux ils ont pafte par le moyen de leurs colonies dans 1'Afie, dans 1'Egypte 6c 1'Italie. C'eft la oü  ( SY ) les Juifs qui étoient difperfés a. Alexandrie Sc ailleurs en ont eu connoiffance. Ils s'en font heureufement fervis comme les autres peuples, mais avec cette différence qu'ils n'ont pas nommé Démons, comme les Grecs, les bons Sc les mauvais Efprits indifféremment, mais feulement les mauvais, réfervant au feul bon Démon le nom d'Efprit, de Dieu, Sc appellant Prophêtes ceux qui étoient infpirés par le bon Efprit; de plus, ils regardoient comme des effets de 1'Efprit Divin, tout ce qu'ils regardoient comme un grand bien, Sc comme effets du Caco-Démon ou Efprit malin tout ce qu'ils eftimoient un grand mal, §• r- Cette diftinétion du bien Sc du mal leur fit appeller Démoniaques ceux que nous nommons Lunatiques, Infenfés, Furieux, Epileptiques; comme aufli ceux qui parloient un langage iilconnu. Un homme mal fait Sc mal propre étoit, a. leur avis, poffédé d'un Efprit immonde ; un muet 1'étoit d'un Efprit muet. Enfin les mots d' Efprit Sc de Démon leur devinrent fi familiers qu'ils en parloient en toute rencontre : d'oïi il eft clair qus»  ( 8 SENTIMENS Sur le "Traité DES TROIS IMPOSTEURS. IL y a longtems qu'on difpute s'il y a eu véritablemcnt un Livre imprimé fous le titre de tribus impoftoribus. M. de la Monnoyc informé qu'un SaVant d'Allemagne (*) vouloit publier une differtation pour prouver qu'il y a eu véritablement un Livre imprimé, de tribus impoftoribus, écrivit a. un de fes amis une Lettre pour établir le contraire : Cette Lettre fut communiquée par Mr. Baylc a M. Bainage de Beau val, qui en donna au mois de Février 1694. un extrait dans fon Hiftoire des Ouvrages des Savans. Poftérieurement Mr. de la Monnoye a fait fur cette matiere une plus ample disfertation dans une Lettre de Paris du 16. Juin 1.7ÏZ. a. M. lc Préfident Bouhier, dans laquelle il affuré qu'on trouvera en (*) D.uiiel George Morhof, mort le 30. Juin iIóqi. far.s avoir tenu parole.  ( 91 ) petit 1'Hifi.oire prefquc complette de ce fameux Livre. 11 réfute d'abord 1'opinion de ceux qui attribuent eet Ecrit si 1'Empereur Frédéric I. Cette fauffe imputation vient d'un endroit de 'Grotius dans fon appendice du traité de Antichrifto , dont voici les termes : Librum de tribus impoftoribus abfit ut Papa tribuam aut Papa oppugnatoribus > jxm olim mimici Frcderici Barbaroftle imperatoris famam fparferant libri talis , quafi jilffu ïpfius fcripti, fed ab eo tempor e , nemo eft qui viderit; quare fabulam efte arbitror. C'eft: Colomiez qui rapporte cette citation page 2S. de fes mélanges Fliftoriques. Mais il y a deux fautes, ajoute-t-il: 1 ^. ce ne fut pas Fre'déric I. ou Barberouffe qu'on faifoit auteur de ce livre, mais Frédéric II. fon petit-fils , comme il paroit par les Epïtres de Pierre des Vignes, fon Sécrétaire 5c fon Chancelier, & par Ma'thieu Paris, qui rapportent qu'il fut accufé d'avoir dit que le monde avoit été féduit par trois impofteurs, & non pas d'avoir compofé un Livre fous ce titre. Mais eet Empereur a fortement nié qu'il eüt jamais dit pireille chofe. II détefta ]e blafphême qu'on lui reprochoit, déclarant que c'étoit .une calomnie atroqe;  (P3 ) ainfi c'eft a tort que Lipfe Sc d'autres écrivains l'ont condamné fans avoir affez examiné fes défcnfês. Averroês, pres d'un fïecle auparavant, s'étoit moqué des trois Religions, Sc avoit dit que (*) la Religion Judaïque étoit une Loi d'enfans, la Chrétienne une Loi d'impoffibilité, £5? la Mahométanne une Loi de pourceaux. Dêpüis, plufieurs ont écrit avec beaucoup de liberté fur le même fujct. On lit dans Thomas de Cantimpré qu'un Maïtre Simon de Tournay difoit que trois Sédutleurs, Moyfe , Jéfus- Chrift fjf Mahomet avoient infatué de leur doEtrine Je genre humain. C'eft apparemment ce Maitre Simon de Churnay dont Mathïeu Paris conté une autre impiété, Sc le même que Polidore de Virgile appelle deTurway , noms 1'un Sc 1'autre corrompus. Parmi les Manufcrits de la Bibliothèque de M. 1'Abbé Colbert que le Roi a acquis en 1732., il s'en trouveun nomméroté zon. qui eft d'Alvare Pêla^e, Cordclier Efpagnol Evêque de Salves Sc Algarve connu par fes livres de Planclu Ecclefta qui rapporte qu'un nommé Scotus Cordelier Sc Jacobin, détenu prifonnier a Lisbonne pour plufieurs impiétés , ■ (*J apud Nevkanum 1. Sylvae nupt. 2. n. 121,..  ( 94 ) avoit traité également d'impofteursMoy-' fe, Jéfus-Chrift Sc Mahomet, difmt que le premier avoit trompé les Juifs, le fecond les Chrétiens, 8c le troifieme les i Sarrazins. Diffeminavit ifte impius hareticus in hifpanid (ce font les termes ó?Alvare Pélage ) quod tres deceptores fuerunt in mundo, fcilicet Maïfes qui deceperat Judaos, fi? Chriflus qui deceperat Chrifiia-; tios , cj? Mahometus qui deccpit Sarraze- ■ 710S. Le bon Galmei Barlette dans un fermon de St. André fait dire a Porphire ce qui . fuit : cj? ftc falfa eft Porphirii fententia,^ qui dixit tres fuiffe garrulatores qui totum •■ mundum ad feconverterunt;primus fuit Moï- ■ fes in Populo Judaica , fecundus Mahonie- • tus , tertius Chriftus. Belle Chronologie qui met Jéfus-Chrift 8c Porphire: après Mahomet! Les Manufcrits du Vatican cités par ' Odonir Rainaldo Tome io. des Annales.: Eccléfiaftiques, font mention d'un Jeann'm de Solcia Chanoine de Bergame , Doéleur en Droit Civil 8c Canon, nom-» mé en Latin dans le Décret de Pie II. Javinus de Solcia, condamné le 14. Novembre I4f9- pour avoir foutenu cette impiété que Moyfe, Jéfus-Chrift Sc Mahomet avoient gouverné le monde a  (*r) leur -fantaifïe , mundum pro fuarum libito voluntatum rexijfe. Jean Louis Vivaldo de Mondovi qui écrivoit en iyoö\ 8c dont on a entre autres ouvrages un traité d« duodecim perjecutionibus Ecclefia Dei , dit au Chapitre de la fixieme perfécution, qu'il y a des gens qui ofent mettre en queftion lequel des trois Légiflateurs a été le plus fuivi, Jéfus-Chrift, Moyfe, ou Mahomet : qui in quaftionem vertere prefumunt, dicentes : quis in hoe mundo majorern gentium aut populorum fequelam ha.' buit, an Chrijlus, an Moyfes , an Mahometus ? Herman Riftwyk , Hollandois, brülé a la Haye en i f i z. fe moquoit de la Religion Juive & de la Chréticnne: on ne dit pas qu'il parlat de la Mahométane , mais un homme qui traitoit Moyfe 6c Jéfus - Chrift d'impofteurs , pouvoit - il avoir meilleure opinion de Mahomet? On doit penfer de même de Pautenr inconnu des impiétés contre Jéüis-Chrift trouvées 1'an 1^47. a. Genève parmi les papiers du nommé Gruet. Un Italien nommé FauJIo da Longiano avoit entrepris un ouvrage qu'il intituloit le temple de la Vérité, dans lequel il ne prétendoit pas moins que de détruire toutes les Religions. „J'ai, dit-il , commencé un au-  trc ouvrage intitulé Je tempJe de Ia Vê* rité, deffein bizarre que peut-être je „ diviierai en trente livres; on y verra „ la deftruction de toutes les feétes, de la „ Juive,dc laChréticnne , de la Maho„ métanne Sc des autres Rcligions, a 3, prcndre toutes ces chofes dans leur „ premier principe." Mais parmi les lettres de .1Aretin a. ce Faufto, il ne s'en trouvc aucune ou eet ouvrage foit défigné ; peut-être n'a-t-il jamais été achevé, Sc quand il 1'auroit été Sc qu'il auroit paru, il feroit différent de celui dont il s'agit, dont on prétend qu'il y a une traduétion Allemande imprimée infolio, dont il refte encore des exemplaires dans les bibliothèques d'Allemagne. Claude Beauregard en Latin Berigardus , Profeffeur en Philofophie, premiérement a Paris , eniuite a Pife Sc enfin a. Padoue, cite ou défigne un paflage du livre des trois lmpofteurs, ou les miracles que Moyfe fit en Egypte font attribués a la fupériorité dc fon démon fur celui des Magicicns dc Pharaon. Giordan Brun , brulé a Rome le 17. Février 1600. a .été accufé d'avoir avancé quelque chofe d'approchant. Mais paree que Beauregard' & Brun ont avancé de pareilles rêveries, Sc ont jugé a propos de les citer com-  (P7) coramé tirécs du livre des trois impofteurs jj eft-ce une preuve süre qu'ils ayent lu ce livre? Ils 1'auroient fans doute mieux fait connoitre , 8c auroient dit s'il eft manufcrit ou imprimé, en quel volume & en quel lieu. Tentzelius , fur la foi d'un de fes amis prétendu témoin oculaire, fait la defcription du livre, fpécifiant jufqu'au nombre de huit feuilles ou cahiers ; 8c voulant prouver au troifieme Chapitre que 1'ambition des légiflateurs eft la fource unique de toutes les Religions, il cite pour exemple Moyfe , Jéfus-Chrift 6c Mahomet. Struvius après Tentzelius rapporte le même détail, 6c n'y trouvant rien que la netton ne puiffe inventer, ne paroït pas plus difpofé a croire 1'exiftence du livre. Le Journalifte de Leipfic dans fes atla eruditorum du mois de Janvier 1709. pages 36. 6c 37. produit eet extrait d'une Lettre dont voici le fens: étant en Saxe,fai vule livre des trois impofteurs, dans le Cabinet de M. * * *• C'eft un volume in 8°. Latin, fans marqué ni du nom de Vimprimeur, ni du tems de Vimpreffim, Iaquelte,& en juger par le carablere, paroiffoit avoir étéfaite en Allemagne; feus beau employer toutesles inventions imaginables pour obtenir G  (p8) lapermiffion de le lire entier; le maïtre du livre , homme d'une piêtê délicate, ne voulut jamais y confentir , £5? j'ai même ffu qu'un célebre Profeffeur de Wirtemberg lui en avoit offert une groffe fomme. Etant allé peu de tems après d Nuremberg comme je m'y entretenois unjour de ce livre avecM. Andre Mylhdorf , homme refpeclable par fon age & par fa doêlrine , il m'aveua de bonne foi qu'il l'avoit lu, & que c'étoit M. "vV lfer Miniflre qui le lui avoit prêté; fur quoi de la maniere dont il me détailloit la chofe , je jugeai que c'étoit un exemplaire tout femblable au précédent; lokje concluois quindubitablement c'étoit le 'livre en queftion ;. tout autre qui ne fera pas in 8°. ni d'auff ancienne impreffion ne peuvant être le véritable. ' 'L'Auteur de ce livre auroit pu -& dü donner plus d'éclairciffément, car il ne fuffit pas de dire j'ai vu, il faut faire voir & démontrer qu'on a vu , autrement cela n'eft pas plus authentique qu'un ouï-dire; a quoi il faut réduire tous les Auteurs, dont il eft jusqu'ici fait mention dans cette diftertation. Le premier qui ait parlé du livre comme exiftanten 1^43. eft Guillaume Poftel dans fon traité de la conformité de 1'Alcorah avec la doélriiie des Luthériens ou  C 99 ) des Evangéliftes qu'il homme Anêvangêliftes, & qu'il entreprend de rendre toutii-fait odieux , en voulant faire voir que le Luthéranifme conduit droit z 1'Athéismc : il en rapporte pour preuves trois ou quatre livres compofés felon lui par des Athées qu'il dit avoir été des premiers Seéfcateurs du prétendu nouvel Evangile. Id arguit nefarius tratlatus Villanovum de tribus Prophetis, cimbalum mundi, Pantagruelus, ö3 nova infula? , quorum autores erant anevangeliftarum anteftgnani. Ce Villanovanus que Poft el dit Auteur du livre des trois impofteurs eft Michel Servet, fils d'un Notaire qui étant né en i fop. a Villanueva en Arragon, a pris le nom de Villanovanus dans la préface qu'il ajoute a une Bible qu'il fit imprimer a Lyon en ïj"42. par Hugues de la Porie, 2c prenoit én' France le nom de Villeneuve fous lequel on lui fit fon proces après avoir fait imprimer en iff3 - a. Vienne en Dauphine la même année de fa mort, fon livre intitulé Chrifliamfmi reftitutio , un livre devenu extrêmement rare par les foins qu'on prit a Genève d'en rechercher les exemplaires pour les brüler ; mais dans tous les catalogues des livres de Servet on n'y trouve point le livre de tribus impoftoribus. Ni Calvin , ni Bèze, ni -AlexanG z  ( ioo ) ire Morus, ni aucun autre défenfeur du parti Huguenot qui ont écrit contre Servet , & qui avoient intérct de juftifier fonfupplice, & de le convaincre d'avoir compole ce livre , aucun ne 1'en avoit accufé. Poftel, Ex-Jéfuite, eft le premier qui fans autorité Fa fait. Florimond de Rémond, Confeiller au Parlement de Bordeaux, a écrit pofitivement avoir vu le livre imprimé. Voici fes termes. „Jacques Curio en fa Chro5, nologie de Fan iffö. dit que le Pala, tinat fe rempliftoit de tels moqueurs de 5, Religion , nommés Lievaniftes, gens SJ qui tiennent pour fables les livres , faints fur-tout du grand légiflateur de 5, Dieu, Moyfe: n'a-t-on pas vu un li5, vre forgé en Allemagne quoiqu'imprij- mé ailleurs, au même tems que 1'héré?, fie jouoit au/Ti fon perfonnage, qui fc} moit cette doctrine portant ce titre des „ trois impofteurs &c. fe moquant des 3, trois Religions qui feules reconnoiftent „ le vrai Dieu, la Juive, la Chrétienne êc la Mahométanne ? ce feul titre montroit quel étoit le fiecle de fa nais„ fance qui ofoit produire un livre fi im„ pie. Je n'en eufte pas fait mention fi „ Ofius 8c Génébrard avant moi n'en eus„ fent parlé. II me fouvient qu'en mon  '( »or ) s, cnfance i'en vis 1'exempkirc au Col„ lege de Prefle entre les mains de Ra„ mus , homme aflez remarquable par j, fon haut & éminent favoir, qui em- brouilla fon efprit parmi plufieurs re„ cherches des fecrets de la Religion qu'il manioit avec la Philofophie. On „ faifoit paflèr ce méchant livre de main „ en main parmi les plus Doctes defi„ reux de lc voir. O aveugle curiofité ! " Tout le monde1 connoit Flori* mond de Rêmond pour un auteur fans conféquence, dont on difoit communément trois chofes mémorables. ALdificabatfine pecunia , judicabat fine confcientid , fcribebat fine fcientid. On fait même qu'il prêtoit fouvent fon nom au P. Richeaume Jéfuite qui (fon nom étant fort odieux aux Proteftans) fe cachoit fous celui du Confeiller de Bordeaux. Mais fi Ofius & Génébrard en parloient auffi formellement que Florimond de Rêmond, il y auroit de quoi balancer : voici ce que Gê paree que je fuppofe, ajoute-t-il, qu'il n'y ait que trois Religions celle de Jéfus-Chrift, celle de Moyfe & celle de Mahomet, fi toutes les trois font fauftes, il s'enfuit que tout lc monde eft trompé: raifonnement fcandaleux, & qui non-obftant toutes les précautions de Pomponace a donné lieu a Jacques Charpentier de s'écrier quid velhac fola dubitatione in Chriftiana Schola cogiiari potefi perniciofius ? Car dan fait encore pis dans le i ir. de fes livres de la fubtilité; il compare entre elles fuccinctemcnt les quatre Religions générales, & après les avoir fait difputer Tune contre 1'autrc, fans qu'il fe déclare pour aucune, il finit brufquement de cette forte his igitur ar- , bitrio vicloria relitlis; ce qui fignifie qu'il laiftc au hazard a décider de la viétoire: paroles qu'il corrige dc lui-même dans la feconde édition. Ce qui n'a pas empêché qu'il n'en ait été repris très-aigrement trois ans après par Jules Scaliger a caufe du fens terrible qu'elles renfermoient , 6c de 1'indifférence qu'elles marquoient de la part de Cardan, tou- i chant la viótoire que 1'un des quatre par-. tis, quel qu'il fut, pouvoit remporter, ifoit par la force des raifons, foit par la l force des armes.  ( uo ) Dans le dernier article du Naudarana qui eft une rapfodie de bévues Sc de fausferés, il y a quelques recherches confufcs touchant le livre des trois impofteurs. ïl y eft dit que Ramus 1'attribuoit a Pofiel, ce qui ne fe trouve nulle part \ dans les écrits de Ramus; quoique Pofiel eüt d'étrangcs vilions, Sc que Henri Etienne dépofe lui avoir oui dire que des trois Religions, la Juive, la Chrétienne, Sc la Mahométane, on pourroit en faire une bonne , il n'a pourtant dans aucune de fes ceuvres attaqué la Miftion de Moyfe , ni la Divinité dc Jéfus - Chrift , Sc : n'a pas même ofé foutenir en termes précis que cette Religieufe Hofpitaliere Vcnitienne qu'il appelloit fa Mere Jeanne feroit la rédemptrice des femmes, comme Jéfus-Chrift avoit été le rédempteur des hommes. Sculement, après avoir 1 dit que dans 1'homme animus étoit la partie mafculine, anima la féminine, il a eu la. folie d'ajouter que ces deux parties; ayant été corrompues par le pêché, fa mere Jeanne répareroit la féminine, com- ■ me Jéfus - Chrift avoit réparé la mafculine. Le livre oü il débite cette extravagance fut imprimé in-16. a Paris 1'an . tffz. fous le titre des'trois merveilleufes •viftoires des ftmmes , Sc rï'eft pas devenu  (III) fi rare qu'on ne le trouve encore affêz aifément; 8c 1'on verroit de même celui qu'il auroit publié des trois impofteurs, s'il étoit vtai qu'il fut venu a eet exès d'impiété. II en étoit fi éloigné que des 1'an if43- il déclara hautement que 1'ouvrage étoit de Michel Servet, 8c ne fe fit aucun fcrupule pour fe venger des Hu guenots fes calomniateurs de leur impofer dans une Lettre qu'il écrivit i Mafius Tan if63. d'avoir eux-mêmes fait imprimer ce livre a Caën, nefarium iïïud trium impoftorum Commentum feu liber contra Chriftum , Mofem £5? Mahometem Cadomi nuper ab illis qui Evangelio Calvini fe adduclijftmos profitentur typis excuftiis eft: au même Chapitre du Naudaana il eft parlc d'un certain Barnaud en des termes fi embrouillés qu'on n'y comprend rien, a moins d'avoir vu un petit livre intitulé le Magot Génevois ; c'eft un in 8°. de p8. pages imprimé 1'an 1613. fans nom du lieu j 1'auteur ne s'y nomme pas non plus, 8c pourroit bien être Henri de Sponde , depuis Evêque dc Pamiers : il dit qu'en ce tems-la. un Médecin nommé Barnaud convaincu d'Arianifme le fut aufti d'avoir fait le livre de tribus impoftoribus , qui a ce compte feroit de bien fraiche datte. Ce qu'il y a de plus rai-  (II*) fonnable dans ce même dernier article du Naudaana, c'eft qu'on y fait dire a Naudé , homme d'une expérience infinie. en matiere de livres, qu'il n'avoit jamais vu le livre des trois impojieurs, qu'il nc le croyo.it pas imprimé, 8c qu'il eftimoit fabulcux tout ce qu'on en débitoit. On peut encore ajouter a ce catalogue le fameux athée Jules Céfar Vanini, brülé a Touloufe 1'an i6ip. fous le nom de Lucilio Vanino , accufc d'avoir répandu ce mauvais livre en France quelques années avant celle de fon fupplice. S'il y a des écrivains follemcnt crédules, gens dépourvus de fens commun, qui puiffent admettre ces impertinences, 8c affurcr que ce livre fe vendoit publiquement alors en divers endroits del'Europe, les exemplaires n'en devroient pas être fi rares; un feul fuffiroit pout réfoudre la queftion: mais on n'en voifaucun ni de ceux-la, ni de ceux qu'on dit avoir été imprimés, foit par Chrêtien lfechel a Paris vers le milieu du 16". fiecle , foit par le nommé Nachtegal a la Haye en 1614. ou 161 f. Le Pere Théophile Raynaud a dit que le premier, de riche qu'il étoit, tomba par punition divine dans un extréme pauvreté. Muilerus dit que le fecond fut chaffé de la Ha-  (II?) Hayc avec ignominie. Mais Bayle dans fon Dictionnaire au nom de Wechel a folidement réfuté la f ble qu'on a débitée de eet Imprimeur. A 1'égard de Nachtegal, Spizelius rapporte que eet homme qui étoit d'Alcmar, fut chaffé non pour avoir publié le livre des trois impofteurs, mais pour y avoir proféré quelques blasphêmes de cette efpece. Enfin qu'on parcoure avec attention & patience ce que dit Vincent Placcius dans 1'édition infolio de fon vafle ouvrage de Anonimis cj? Pfeudonimis , Chrétien Kortholt dans fon livre de tribus impoftoribus , revu par fon fils Sébaftien, 8c enfin Struvius dans 1'édition de 1706. de fa differtation de doclis impoftoribus ; on ne trouvera rien dans leurs recherches qui prouve que ce livre a exifté; 6c il eft étonnant que Struvius qui, malgré les preuves les plus fpécieufes que ïentzelius avoit pu lui rapporter de 1'exiftence de ce livre, s'étoit touiours tenu ferme a la négative, fe foit avifé depuis de croire le livre exiftant fur la plus frivole raifon qui fe puiffe imaginer. Une préfacc anecdote de VAtheifmus triumphatus lui étant tombée -entre les mains, il y trouva que 1'auteur, pourfe difculper du crime qu'on lui avoit imputé d'avoir fait le livre de tribus impos' H  ( u4 ) toribus, répondit que 30. ans avant qu'il vïnt au monde ce livre avoit vu le jour. Chofe merveilleufe! cette réponfe avancée en Pair a paru fi démonftrative a Siru~ •vius qu'il a ccffé de douter de Pexiftence du livre, concluant qu'elle étoit füre puifqu'il n'étoit plus permis d'ignorer le tems de 1'édition, qui ayant précédé de 30. ans la naiffance de Campanelle arrivée en if6"8., tomboit par conféquent jufle en 1 y^S. De la pouffant les découvertes plus loin , il s'eft déterminé a prendre Bocace pour auteur du livre, par une mauvaife ïnterprétation du livre de Campanelle qui au Chapitrc 2. N°. 6. du livre intitulé Atheifmus triumphatus s'exprime en ces termes : hinc Boccacius in fabellis impiis probare contendit non poffe difcemi int er legem Chrifti, Moifis {j? Mahometis, quia eadem figna bakent uti tres annuli confimiles. Mais Campanelle a-t-il entendu par la. que Bocace tut auteur du livre de tribus impoftoribus ? bien loin de cela; répnnd;mt ailleurs a cette 'objeclion des Athéës, il dit y avoir fatisfait ailleurs contra Boccacium (3 librum de tribus impoftoribus-. §C Struvius au parag. 9. de fa differtatioii' de dotlis impoftoribus cite luimême le paffage d1'Err. ftius, qui dit que Campanelle lui a dit que le livre étoit de  Muret: mais Muret étoit né en i f zo"., Sc le livre ayant été imprimé en 15-38., Muret ne pouvoit avoir-que iz. ans, age auqucl on ne préftimera jamais qu'il ait été capable d'avoir compofé un tel livre. II faut donc conclure que le livre de tribus impoftoribus écrit en Latin Sc imprimé en Allemagne n'a jamais exifté. II n'y a jamais eu de livre imprimé, quelque rare qu'il ait été, dont on ait eu plus de connoiffmee & plus diftinóte Sc plus circonftanciée. Qiioiqu'on n'ait point vu les Oeuvres de Michel Servet , on a toujours feu qu'elles avoient été imprimées oü elles 1'avoient été. Avant les deux éditions modernes qui ont été faitcs du Cymbalum mundi, ouvrage de Bonnaventuré des Perrieres, caché fous le nom de Thomas Du Clevier, qui dit 1'avoir traduit du Latin, 6c dont il ne reftoit que deux exemplaires anciens , 1'un dans la Bibliothèque du Roi, 6c Pautrc dans celle dc Mr. Bigot, de Rouen , on favoit qu'ils étoient imprimés, le tems 6c le nom du Libraire : il en eft de même du livre de Ia Bêatitude des Chrétiens , ou le ftêau de la foi, dont 1'auteur Geofrei Vallêe, d'Orléans , fut pendu 6c brülé en Grève le 9. Février 1 ƒ73, après avoir abjuré fon erH z  ( hó* ) reur, petit-livre dc 13. pages in8°. imprimé fans nom de lieu Sc fans datte, trésmal raifonné, mais fi rare que 1'exemplaire qu'en avoit M. 1'Abbé d'Eflrées eft peut-être 1'unique. Quand tous ces livres auroient abfolument péri , on ne douteroit pas néanmoins qu'ils n'cuflent exifté , paree que leur Hiftoire^eft aufii vraye que celle du livre des trois imposteurs eft apocryphe. RÉPONSE h la Differtation de M. DE LA MONNO TE fur Le traite des trois Imposteurs. UNE efpece de diftertation affëz peu démonftrative qui fe trouve a la fin de la nouvelle édition du Menagiana qu'on vient de publier en ce pays, me donne occafion de mettre la main a. la plume pour donner quelque certitude aü public fur un fait fur lequel il femble que tous les favans veulent exercer leur critique, Sc en même tems pour difeul-  ( n7 ) per tin très-grand nombre de très-habiles perfonnages 6c même quelques-uns d'une vertu diflinguée, qu'on a taché de faire paffcr pour être les auteurs du livre qui fait le fujet de cette differtation qu'on dit être de M. de la Monnoye : je ne doute pas que ce nouveau livre ne foit déja. entre vos mains, vous voyez que je veux parler du petit Traité de tribus impoftoribus. L'Auteur de la differtation foutient la non-exiftence de ce livre 6c ta.che de prouver fon fentiment par des conjeétures , 6c fans aucune preuve capable de faire imprefïïon fur un efprit accoutumé a ne pas fouffrir qu'on lui en faffe accroire. Je n'entreprcndrai pas deréfuter, article par article, cette disfertation qui n'a rien de plus nouveau que ce qui fe trouve dans une differtation Latine de dotlis jmpoftoribus de M. £ urebard Gottheffle Struve imprimée pour la feconde fois a Jène chez Muller en 1706. 6c que 1'auteur a vue puifqu'il la cite. J'ai en main un moyen bien plus sur pour détruire cette differtation de M. de la Monnoye, en lui apprenant que j'ai vu mets oculis le fameux petit Traité de tribus impoftoribus, 6c que je 1'ai dans mon Cabinet. Je vais vous rendre comptc , Monfieur, 6c au public de la ma-  f "8 ) niere dont je 1'ai découvert, 6c comment je 1'ai vü> 5c- je vous en donnerai un court êc fidele extrait. Etant a Francfort - fur - le - Mein en 1706., je m'en fus un jour chez un des Libraires le mieux afforti en toutes fortes de livres , avec un Juif 6c un ami nommé Frecht, Etudiant alors en Théologie : Nous examinions le catalogue du Libraire , lorfque nous vimes entrer dans la boutique un efpece d'Offlcier Allemand qui s'adreiTant au Libraire lui demanda en Allemand , s'il vouloit conclure leur marché , ou qu'il alloit chercher un autre Marchand. Frecht, qui reconnut 1'Officier , le falua 6c renouvella leur connoiffance ; ce qui donna occafion a raon ami de demander a eet Officier, qui s'appelloit Traivfendorff", ce qu'il avoit a démêler avec le Libraire. Irawfendorjf lui répondit qu'il avoit deux manufcrits 6c un livre trés-ancien dont il vouloit faire une petitc fommc pour la Campagne prochaine, 6c que le Libraire fe tenoit a fo. Rixdales , ne lui voulant donner que 4fo. Rixdales de ces trois livres, dont il en vouloit tirer ƒ00. Cette groife fommc pour deux manufcrits 6c un petit Uvret, excita la curiofité de Frecht, qui demanda a fon  r 1x9) ami s'il nc pouvoit pas voir des pieccs qu'il vouloit vendrc fi cher. Traivfendorff dra. aufiïtót de fa poche un paquet de parchemin lié d'un cordon de foie, qu'il ouvrit , & en tira fes trois livres. Nous entramcs dans le Magafin du Libraire pour les examiner en liberté , 8c 3e premier que Frecht ouvrit , fe trouva 1'Imprimé , qui avoit un titre Italien écrit a la main a la place du véritable titre qui avoit été déchiré. Ce titre étoit Spaccio della Beflia triumphante dont 1'impreffion ne paroiffoit pas ancienne: je crois que c'eft le même dont Toland a fait imprimer une traduétion en Anglois il y a quelques années, 8c dont les exemplaires fe font vendus fi cher. Le fecond qui étoit un vieux manufcrit Latin d'un caractcre aftez difficile, n'avoit point de titre , mais au haut dc la première page étoit écrit en affejz gros caraótere: Othoni ïlluftriffimo amica 'meQ cariffimoY. I. S. D., 8c 1'ouvrage commencoit par une lettre dont voici les premières lignes : attod de tribus famofisfimis nationum deceptoribus in ordinem juffu meo digeffit dotTiffimus Me roir quorum fermonem de ïlla re. in tnufeo meo habv.ifti exfcribi curavi, atque Codicem illim Jlylo C O P I E de 1'Article IX. du Tome i", feconde Partie , des Mémoires de Littéraiure, imprimés a la H.vye chez Henry du Sauzet 1716. ON ne peut plus préfentcment douter qu'il n'y ait eu un Traité de tribus impoftoribus puifqu'il s'en trouve plufieurs copies manufcrites. Si M. de la Monnoye 1'eüt vu auffi conforme qu'il eft a, 1'extrait qu'en donne M. Arpe dans fa Lettre imprimée a Leyde le 1 r Janvier 1716., méme divifion en fix Chapitres, mêmes titres 8c les mêmes matieres qui y font traitées, il fe feroit récrié contre la fuppofition de ce livre qu'on voudroit mal-a-propos attribuer a Pierre des Vignes Sécrétaire 8c Chancelier de l'Empereur Frédêric II. Ce judicieux Critiaue a déja fait voir la différence du ftyle Gothique de Pierre des Vignes dans fes Epitres d'avec celui employé dans la Lettre que 1'on feint adrefTée au Duc de Baviere Othon Vllluftre en lui en-  c m) voyant ce livre. Une remarque bien plus importante n'auroit pas échappé a les lumieres. Ce Traité des trois Imfofleurs eft écrit & raifonné fuivant la méthode Sc les principes de la nouvelle Philofophie, qui n'ont prévalu que vers le milieu du fiecle , après que les Defcartes , les Gajfendi, les Bernier St quelques autres fe font expliqués avec des raifonnemens plus juftes Sc plus clairs que les anciens Philofophes qui avoient affect é une obfcurité myftérieufe, voulant que leurs fecrets ne fuftent que pour les initiés. II a même échapé a 1'auteur de 1'ouvrage dans fon cinquieme Chapitre de nommer M. Defcartes, Sc il y combat les raifonnemens de ce grand homme au fujet de l'ame. Or ni Pierre des Vignes, ni aucun de ceux qu'on a voulu faire pafter pour auteurs de ce livre, n'ont pu raifonncr fuivant les principes de la nouvelle Philofophie, qui n'ont prévalu que depuis qu'ils ont écrit. A qui donc attribuer ce livre? On pourroit conclurre qu'il n'eft que du même tems que la petite Lettre imprimce a Leyde en 1716. Mais il fe trouvera une difficulté. Tentzelius, qui a écrit en 1689. Sc poftérieurement, donne aufii un extrait de ce livfe fur la >  (i?4) , foi d'un dc fes amis p.rétendu témoin oculaire : ainfi fans vouloir fixer 1'époque de la compofition de ce livre qu'on difoit compofé en Latin Sc imprimé, le petit Traité Francois manufcrit , foit qu'il n'ait jamais été écrit qu'en cette langus ou qu'il foit une traduélion du Latin , ce qui feroit difficile a croire , ne peut être fort ancien. Cc n'eft. pas même le feul livre com-» pofc fous ce titre Sc fur cette matiere 3 un homme que fon caraéterc 5c fe profes-* fion auroieht dü engager a s'appliquer a d'autres matieres plus convenables, s'eft avifé de compofer un gros ouvrage écrit en Francois fous ce même titre des trois impofteurs. Dans une préface qu'il a miie a la tête de fon ouvrage, il dit qu'il j a longtems qu'on parle beaucoup du livre des"trois impofteurs qui ne fe trouve nülle part, foit qu'il n'ait véritablement jamais exifté , ou qu'il foit perdu ; c'eft pourquoi il veut, pour le reftituer, écrire fur le même fujet. Son ouvrage eft fort long., fort ennuyeux, Sc fort mal compofé , fans principes, fans raw fonnemens. C'eft un amas confus de toutes les injures 8c inveftives répandues contre les trois légifiateurs. Ce manuscrit: étoit en deux volumes in-folio é-  C»3f) pais, & d'une belle écriture & affez menue : le livre eft divifé en grand nombre de Chapitres. Un autre manufcrit femblable fut trouvé après la mort d'un Seigneur, ce qui donna occanon de faire enlever eet auteur, qui ayant été averti fit enforte qu'il ne fe trouvat rien parmi fes papiers pour le conyaincre. Depuis ce tems il vit enfermé dans un monafterc oii il fait pénitence. En 1733. il a recouvré entiérement fa liberté, & on a aiouté une penfion de ip. liv. fur 1'Abbaye de St. Liguaire a une premiere qu'il avoit réfervée de 3fo. liv. fur fon Bénéfice; il fe nommoit Guiïïaume, Curé de Frêfne-fur-Berny, frere d'un Laboureur du Pays. II avoit été ci-devant Régent au College de Montaigu j dans fa 'eunefte il avoit été enrölé dans les Dragons, & enfuite il s'étoit fait Capucin. / 4  T A B L E DES MATIERES Traitécs dans le Livre DES TROIS IMPOSTEURS, Et des pieces relatives a eet Ouvrage. CHAPITRE. I. De Dieu. Faufes idees que Von a de la Divinité , paree qu'au lieu de confulter le bon fens £s? la raifon, on a la foiblejfe de croire aux opinions , aux imaginations , aux vifions de gens intêreffés a tromper le peuple ci? & Ventretenir dans 1'ignorance Éi? dans la fuperftition. ■ • Bage i CHAPITRE. II. Des raifons qui ont engagé les hommes a fe figurer un Etre invifible qu'on nomme communément Dieu» De 1'ignorance des caufes phyfiques , Éi? de la crainte produite par des accidens naturels, mais extraordinaires ou terribles , eft venue l'idée de Vexiftence de quelque Puiffance invifible ; idee dont la Politique &? rimpofturt n'ont pas man-  T A B L E quê de profiter. Examen de la nature de Dieu- Opinion des caufes finales réfutée comme contraire a la Jaine Phyfique. ... 9 CHAPITRE. III. Ce que fignifie ie mot Religion. Comment cjf pourquoi il s'en eft introduit un ft grand nombre dans le monde. Toutes les Religions font 1'ouvrage de la politique. Conduite de Moyfe pour êtablir la Religion Judatque. Examen de la Naiftance de Jéfus-Chrift, de fa Politique, de fa Morale, (3 de fa rêputation après fa mort. Artifices de Mahomet pour êtablir fa Religion. Succes de eet Impofteur plus grands que ceux de Jéfus-Chrift. . . 24 CHAPITRE. IV. Véritês fenfibles fïf évident es. Idéé de l' Etre univerfel. Les attributs qu'on lui donne dans toutes les „Religions, font pour la plupart incompatibles avec fon effence, 13 ne conviennent qu'a 1'homme. Opinion d'une vie a venir (3 de l'exiftence des Efprits, '• combattue & rejettée. . 69 CHAPITRE. V. De l'Ame. Opinions dijfêrentes des Philofophes de Yantiquits  DES MATIER.ES. - fur la nature de VAme. Sentiment de Defcartes réfuté. Expofition de celui de V Auteur. . . 74 CHAPITRE. VI. Des Efprits qu'on nomme Démons. Origine fj? fauffetê de 1'opinion qu'on a de leur exiftence. . . 82 SENTIMENS fur le Traité des Trois Imposteurs. Extrait d'une Lettre ou Differtation de M. de la Monnoye d ce fujet. pi REPONSE d la Differtation de M. de la Monnoye fur. le Traite des Trois, Imposteurs. , n