L A VALISE DECOÜSUE,   uw*. L A VALISE DECOUSUE, O u RECUEIL De Lettres de differente* Per/onnes, pour fervir d l'Hifloirc des ÏNSURRECTIONS de France, de Licgc ér des Pajs-Bas. Je ris de ces Peuples avilisqui, fe laiffant ameuter par des Ligueurs, ofent parler de Liberte', fans même en avoir l'ide'e. & le coeur plein de tous les vicesdes Efclaves s'imaginent que pour étre Libres, il fuflit d'être mutins. ff. ff. RO US SEA U, Coufid. [ar !f Gouv. dl Polos ne. PREMIERe PARTIE, A F RA N C F O R T, & fe trouve a Maef!richt, chez CaveÜer, Libraire. / 7 9 o<   AVIS DE L' E D I jf E U R. Ïl cft du dcvoir d'un Editeur fidele d'inftruirc le Publie de 1'Hiftoire de 1'Ouvrage qu'on lui préfente. Nous obélfions a cettc Loi, quoiqu'elle foit un pcu critique pour nous. Voici. comment nous fommes parvenus a la pofleffion des Lettres, vraiment curieufes, que nous publions. Je demeure habituellenient a Bruxelles j niais , pour n'être ni témoin ni a&eur ni vi&ime des troubles qui menaqoient cctte Ville, je m'cn fuis cloigné au commeneement du mois  de Novembre, & fuis vcnu me réfu. gier dans 1c Pa} s de L.... , chez un de mes frercs , Curé dc T... entre T.. & P.., oü je compe pafier le rcfte del'hivcr.- Undcces dernicrs y urs, en revenant de la chafie, j'appercus fur 1c grand chcmin un Paquet ficcllé. Je le ramafiai, conime on peut le crcire, & ne fentis d'abord aucun mouvement de curiofité. Perfuadé que le Meflager, qui 1'avoit perdu, reviendroit fur fes pas, pour le chcrcher , j'attendis plus d'un quartrd'heure, & demandai a trois Hommes , qui paflerent fucceflivement, s'ils n'avoient point perdu de paquet.Tous trois mayant repondu négativement, je continuai ma route, & tout cn marchant, je déliai 1c Paquet-  vij Jc ne fus pas pen fufpris d'y trouver üne ccntaine dc Lettres. A peine rentré dans la Maifon, que féduit par le Dém >n dc la curiofité, ;'c me mis a en parcourir les fufcriptions. Voyant que plufieurs étoient adreffécs a des Gcns de ma connoifiance , & croyant reconnoïtre fecriture de queïques Perfonnes, avec qui f avbïs eu des liaifons, il n'y cut pas moyen de réfifitcr a la démangcaifon de favoir ce qui étoit dedans. J'en ouvris une, timbréé de Cologne : ellc étoit dun Francöfs refugié, qui écrivolt a M„ 1'Abbé de R**, & lui parloit fi ferïférnerit fur les affaires préfentcs, que je la lus en entier. J'en ouvris enfuite uncav.tre, timbrée d'Aix-la-Chapelle, & adrcfice  viij a un Bruxellois; die étoit d'une Femme qui fe déchaïnoit contre fon mari, paree qu'il étoit du parti des Patriotes. J'en ouvris une troifieme : celle-ci, datéc de Liége Sc fans fignature, m'intérefla tellement, que je la relüs plufieurs fois de fuite : on y racontoit l'Hiftoire de la Révolution Liégeoife, & on y plaidoit avcc chaleur la caufe du Pïincé Celfinime contre les prétentions de fes Sujcts. Jen ouvris encore une autre : elle étoit d'un Patriote Liégcois, qui rendoit compte des intrigues & des maneges qu'on avoit employés, pour porter le Peuple dc Liége a fe foulever & a prendrc les armes contre fon Souverain. En un mot, je les ouvris toutes , & deux jours entiers furent  füféftt employés a les lire. La diverfité des manières de s'exprimer, les anccdores , les traits d'humeur , les épanchemcns fécretsj la fmgularité des confidcnces, la différcncc des intéréts & des vues, m'ont procure' 1'amufement le plus complet. Ou je me trompe fort, ai-jc die en moi-mémc , ou 1c Public verroit avcc plaifir une partic dc ces Lettres* D'après ccttc idee, je me fuis détermine a choifir celles qui m'ont le plus iritéreffé, & a les livrei a 1'impreffion. Dans le choix, je me fuis attaché de préférence a celles qui traitoient des affaires préïcntes de Francc, de Liége &des Pays-Bas. On nc s'attcnd pas fuis doutc a trouver autant de fagefié. h  X dans la plupart dc A^.eurs-qui %urcnt tour-a-tour dans cc Reeueih Lcj réilexions qui fc préfcnteront a 1'elprit des Lecteurs judicicux , pourront fixer leur jugement fur eertains faits & fur pluficurs Perfonnages, dont on park li diverfement dans le monde. Ccux qui ne penfent point par cux mêmcs & qui aiment pourtant la vérité, y puifcront des lumieres capablcs de redrellêr leurs opinions, s'ils fe font lailfé prévenir en faveur dVne liberté qui n'aboutit qua rendre les Pcuf les > lu- malhcareux. Je (ens, micux qu'on nc fauroit me le reprocher, combicn je fuis blairublc d'avuir détoiirné dc leur deftination les Lettres que je public, ainö  que routes celles que j'ai fnpprimécs. JWois du les cnvoyer au plus prochain Bureau de Pofte, au lieu de les ouvrir & de les lire. Ma foiblcüe , je 1'avoue, eft ine:;cufablc; mais ü 1'on fait attcntion quec'eftpar un pur effct du hafard , que tant de fccrcts font tombés e itre mes mains, & que mon premier mouvement a été de dccouvrir laPcilönnc qui a perdu le paquet, ou aura quelque iudulgcnce pour ma curiouté. Elle eft bien plus pardoanab!c,quc celle des Patriotcs Brabancons qui, dans tous les Burcaux de Pofte dc leur Domination , pcu fatisfeits d'ouvrir prefque toutes les Lettres , rcriennent toutes celles qu'ils jugent fufpedes 5c propres a favonfer  xi; jeurs laches reffentimens. Ils nc rcfpectcnt raêmc pas les paquets deftinés aux Pays étrangers. Jamais, fous le Regne du Dcfpotifme Francois ou Imp-'rial, on ne porta fi loin cette forte de brigandage, que fous le Regne de la Libertc. A peine les Patriotes dc Brabant font-ils parvcnus a fecouer le jong de TAutorité Monarchiquc, qu'a 1'exemple des Démocratcs deFrance, ils ne fe font faifis du bouclier &de lcpée del'Etat, que pour excrcer des tyrannies mille fois plus étendues Sc plus cruelles,que celles qui les ont portés a fe révolter. L'ancicn Gouvernement avoit rempli les prifons de Bruxelles de Scditieux, de Confpirateurs Sc dc Rebelles, & lc Comité Patriotiquc les a rem-  xiij plics dc Citoycns a qui on n'a pu reprochcr d'autre crime, que d'avoir obéi aux ordres du Souvcrain ou a ceux de fon Miniftre. II fuffit d'avoir etc attaché a randen Gouvernement ou d'avoir cu des iiaifons avcc fes Agens, pour être vexé, emprifonnc ou forcé de s'cxpatrier. Les Patriotes Liégcois fe font-ils montrés plus fages > ... Mais ce n'clt pas a moi dc parlcr ni, des uns ni des au tres. Les Lettres que je mets en lumière diront plus & mieux fur ces matières, que tout cc que je pourrois dire dc mon chef. Je me permettrai feulcment d'obferver, au fiijct dc ces derniers, qu'ils font d'autant plus coupabies dc s'êtrc révoltés & d'autant  xiv xnoins k platndrc dans leur malheur, qu'ils n'avoicnt aucun rcpioche a faire a leur Souverain. J'ignorc comment on a pu égarcr le paquet qui receloit les Lettres que je publie. Après avoir épuifé dans mes co.njccturcs tous les incidens, toutes les poffibilitcs, je n'ai pu imaginer autre chofe, fi ce n'eft que Ia Valiic du Courricr dc Liége a Bruxelles étoit trouée : voila pourquoi fai donné a cctte Collection 1c titrc de Valife Decoufue. Si quclques Critiques, plus habilcs que mol, trouvent que j'aurois pu imagincr un titrc plus analoguc a mon aventure, je les pric de me communiqner leurs oblèrvations : je le reformerai en confé-»  XV quence ; car j'en fuis a préfent plus que jamais pour la Réforme. Au rcftc, les Pcrlbnnes, dont je public les Lettres, n'ont pas a craindrc d'êtrc compromifes 5 malgré mon indifcrétion, je fuis capable d egards. J'ai fupprimé leurs noms, dc mêmc que celui des Perfonnes a qui les Lettres étoient adrcfTées. Si 1'on trouve que cette fuppreflion n'efl pas fagc , du moins relativcment aux Lettres qui honorent 1'cfprit 5c les feminiens de ccux qui les ont ccritcs, j'aurai foin de réparcr ma faute dans une nouvelle Edition 3 & fi les Auteurs jugent apropos d'en écrirc dcnouvelles5cqu'ils veuillentme les adrcficr,je leur promets de les joindre aux pre-  xvj mièrcs, fans jamais nommer que ccux qui voudront ctre connus. Ils pcuvcnt me faire parvenir leurs avis par 1'cntrcmife du Libraire. La feconde Partie de ces Lettres eji fous la Prejfe & fcroitra in* cejfammcnt. Let.tré  •{ i ) . Lettre I. De M le Comte de E* * d M. I'Alk de R**) d Cambvai. Cologne 20 Janvier 1793. Je crains bienmon chcr Abbé3 que vous ne vous abufiez dans vos efpérancCs, Jc ne concois pas comment ün Homme d'efprit & dc fens peilt fe bercer didécs fi abflrufes & fi chimcriques. Le Rctc de 1'Eglife eft: paffe & menie celui dc la,Réligion. Pour poiivóir unir le Cambraifis & le Kainaült francais a la rutürè Republique des Pays-Bas, & détèrminèr ces deux Provinces a fecouer le jong de Ia France, il faut cjiiélqué chofè de plus que des Prêtres & des Dcvots ; & ce ne fera jamals rvxtéöi du CathoÜcifmc qui détermmevn A  ( % ) les Trcupes qui font a Cambrai Sc dans les environs, a époufcr & a foutenir vos intéréts. Quelque mécontentes qu'clles foient du Régime ctabli par TAflèmbléc Nationale , elles préféreront toujours notre Gouvernement a tout autre. D'ailleurs je fuis bien éloignc de croire, comme vous & vos Evèques, que les Brabancons & les autres Beiges parviennent 3 ajfurer leur indépendance & a fe créer Republicains. Outre qu'ils n'ont z leur tcte cue des efprits médiocres, ni la Hollande, ni 1'Angleterre, fa Rivale, nc font intéreffées a leur laifler prendrc une forme de Gouvernement capable de les guérir de 1'efpèce d'apoplexie qui captive leurs facultés pour le commerce, Sc de leur donner une émulation Sc des forces qui les mettroient en état de leur refifter dans 1'occa-  i 5 * iion. Ellcs fc borneront, ainü que la Prufle , a cntretenir par dciious main la divifion Sc lc défordre parmi eux, afin qu'ils foient épuifés d'homnics Sc d'argent, lorfqu'ils rcntrcront fous la Domination de 1'Empereur ou fous cclle d'un nouveau Maicrc. Car il eft poffible que S. M. I. leur permetcc, moyennant des dédommagements. de fechoifir un autre Duc. Mais quand les trois Puiuances allices, dont ancunc, foyez en fiïr, ne fe dcclarera ouvertemcnt pour eux, favoriferoient leur projet de Pvépublique & empêcheroient, par de fourdes nienées, 1'Empereur d'envoyer des Troupcs pour les foumettre ; quand, en un mot, ils réufïïroient a fe conftituer Republicains, pouvcz-vous efpérer que la France , toute foible qu'elle eft, dans ce moment, fouffnroit paifiblement qu'on lui A "  ( 4 ) cnlevat le Hainau.lt & le Cambraifis ? Et vous, ïTion chcr Abbé, vous, Zèlateur de la RéUgion, vous Royalifte &: Francois, pouvez-vous le dcfircr ? Pourquci blamer, d'ua coté, 1'Auemblée nationale d'avoir dépouillc le Roi dc fon autorité, & approuver, dc 1'autre, la Natian belgiquc de fe fouftraire a 1'Autorité de fon légitime Souverain i Si vous voulez êtrc Hncèrc, vous conviendrez que votre aaiour pour la Réligion, ou plutöt, pour 1c Catholicifme vou$ fait haïr 1'Empereur, & que c'eft cette hainc qui vous porte a approuvcr contre vos principes 1'Infurreciion des Pays-bas, tant il eft vrai qu'il le mCle toujours quelque, chofc de nos paflïons, dans prefque tous, nqs jugemens ! Je n'ai fait que pafter. par Liége fans m'y arrèter. C'eft ce qui m'a emptché  ( 5 ) d'allcr voir votre Ami M. 1'Abbé Feller. L'Exhortation qu'il a adreifée a. la Nation belgique , prouve fa fermeté & fait du tort a fon jugèinent. Quand on a vraiment de la Réligion & du zMe, on n'encourage pas fes Compatriotes a la revolte» Le Législateur des Chrêtiens a fait un préceptc de la foumiffion & de robéillance aux Princes & a leurs Répréfentans. Ce Journalifte a de 1'efprit, du favoir &, ce qui eft plus rai'e, du caraótère, quelqiic fois mérnc de la clialeur dans le ftyle ; mais convenez qu'il décèie une grande ignorance du Siècle, quand il entreprend de faire entendre raifon aux Infurgens des Pays-bas. Trabit fua quemque voluptas, & aujourd'hui 1'attraic géncrai eft 1'amour du changement & celui dc la tyrannie démocratique. Pourvü qu'il n'y ait plüs dc BüüÜ-  ( 6 ) k, ni dc Lettres de cachet, ni de Ccnfèurs Pvoyaux , il knporte peu aux Francois d'être emprifonnés fur le moindre foupcon d'Ariftocratïe, de ne pouvoir eenre contre les Démocrates, de voir la Réligion méprifce, le Clcrgé depouillé, la Nobleftè degradée, la Mseiftraturc avilie , le mérite infulté , la fidelité & le zèle profcrits, la fageflè exilée, les Beaux-Arts anéantis, & les mceurs tout a fait dépravées. Pourvü qu'ils aient la liberté d'imprimer des menfohges, dc debiter des injures & de franchir toutes les limites de la décence, il leur eft indifférent d'are expofés a plus de vexations & d'injuflices, que lorfqu'ils n'avoient qu'un Maitre. Or, depuis que les Francois font devenus le Pcuple a la mode, il eft dans 1'ordre que touce 1'Europe participc & leurs extra-  (7.) Tiigances ; ad exsmplum Galü t:t:is componitur orbis. Ain.1, mon chcr Abbé, votrc Ami Feller, aura beau prêchcr la paix & la concorde a. la Nation belgiquc, il ne 1'empêchera pas de courir a fa ruine, L'Encyclopedie & les autres Productious de nos Philofophes ont teUément vieilü lesPeuples qui parient notre Langue, qnils radotent tous, plus oumoins, en proper* tion de leurs progrès dans la Philofophie ; car de i'amour de la Philofophie n'ait Ia haine de la Réiigion, Sc dc la haine de la Réiigion 3 le mépris de toutc Autorité. Il faut donc s'attendre a voir les 3clges & les Liegeois, nos vonnis & par conféquent nos premiers imitateurs, a palfer, dans les convulfions de 1'Anarchie, le tems que les premiers pourroient employer a fe créer, d'aprcs leurs priviléges, Une Conukution folidc, qua  ( 3 ) l'Eriiperéür ne refufëroit certainement pas de fanótionner & de laiflcr garantir par les Puiiïances; & les feconds,a obtenir, par ie laciïfice de leurs prétentions inlenfées, le retour de leur Prince qui, feul, peut les préferver des chaines qu'on forge pour eux a la Cour de Berlin. Mordus de la tarentule philofophique, le venin qui les agi'ce n'a pas fait encore aiïez de progrcs, pour que la fiévre décroifle & que Ie déiire csiz la place a la raifon. J'en juge par les violentcs déclamations dont les Patriotes del'une & 1'autrc Nation rempliiïent les gazettes. Je n'cn üs pas une, depuis quclques mois , qui ne m'infpire du mépris pour les Ecrivaillcurs de profenioii & de la pitié pour 1'efpcce humaine. O miferas homlnum meines! 6 peclora ceeca! Ce Vers de Lucrece devroit figurer a Ia tête de tous nos Papiers publics. Je  ( 9 ) Je ne compte paffer ici que trois ou qua; fcre jours, après lefqueis je me rendrai a Bonn. Je me propofe d'y fixermon fcjour jufqu'a la fin de Miyver. Vous pouvez m'y adrëflèf vos lettres pofte-reftante. Ce que vous me mandez du vieux Commandeur ne me furprend poinr. Jc connois fa dtbonnaireté ; car e'cft le moe qui convient a fon caracUre bienfaïfant. Préfentez-luij je vous prie, mes hommages refpecTueuxj Adieu, man cher Abbé, la longueur de ma Lettrc doit vous prouver combien j'aime a m'cntvctenir avec mes Amis; rnais, de grace , armez - vous d'incrcdulité eom trc tout ce qu'ou débite fur les affaires ' préfentes.  ( K> ) Lettre II. De Me- N** W** d M. fon Marï, d Bruxelles. Aix-la-Chapelle 10. Janr.- Vos injures ne me touchent guères, Mon- fieur : la preuve que je ne fuis pas folie, c'eft que je vous ai quitté. En attendant que je puiffc donner a notre féparation la forme légale, je me fiatte que vous ferez exact a payer la pcnfion que vous étes con- venu de me faire toucher par-tout ou je ferai. Quelque modique qu'elle fok, relati- vement a ma dot, je m'en contenterci. jufqu'i cc que la Juficc en décide autre- ment. Je ne fuis pas la feule qui blame^votre conduite, ll n'y a ici qu'une voix fur votre ingraïkudc envers 1'Empereur. Pour  C ii ) voz-vous nier que votre Familie ne lui dcive fa fortunc ? Perfonnc n'ignore que vous avcz cté un des plus ardens Moteurs de 1'Infurrection. L'Empereur lui-même en eft inftruk. Graignez qu'il ne fe dctermine a foumettre par la ferce fes Provinces rebelles. S'il prend jamais ce parti &c qu'il lui rcuffiflê, commc on n'en peut douter, il dok , en bon Policique, punir févérement les Ckoyens qui ont le plus influc dans la Révolution. A fa place, je confifquerois le bicn des riches 5c ferois trancher la tète des autres, afin d'intimider ceux qui dans la fuite feroient tentcs de fe révolten Je vous lailfe a penfer fi vous feriez épargné. j'ai des dcfauts, pujïque vous le dites : mais quand un Homme n'a pas dc quoi fe faire efiimer de fa Femme, il eft bicn prés ds. E z  ( 12 ) lahaïr; & quand il a des torts envers clle, il la haic &z il s'cfForcc de lui trouver des dcfauts , pour juftiEer fes mauvais procédés. J'apprends que vous faites votre cour a Vandcrneot: ce rólc eft digne de vous; mais on ajoutc que ce petit Cromwel paroit peu fiatté de vos hommages : ce mépris prouveroic qu'il n'eft pas auffi bete qu'on la prétend. Ne craignez pas que j'abufe de ma liberté. Vous m'avez guèrie de 1'amour pour jamais, &c 1'amour pourroit fculm'infpirer le dcfir & me donner les moyens de me venger de vos infïdélités. Je veux & je dois me conferver honnéte 5 mais c'eft moins par égard pour vousque par ef.imc pour moi-même. La franchife un peu dure avec laqucl'e je m'cxprimcj vous  ( 13 ) «pond de la Jincéritc des fentimens que je vons manifefte. Adieu, Monfieur le Patriote; je fuis avec moins de rancune que de mépris» célle qui feroit heureule, fi elle n'étoit votre Femme.  ( 14 ) Lettre III. Dun Anonjme d M. le Chevalier de La G *>Jt Major en fecond de Cavalerie, R. de F. p. le G. G. d. P. B., d Bruxelles. Lie'ge 18. Janv. 1790. ¥ ▼ Ous avez trop d'cfprit & dc fageiTe, Monfiéur lc Chevalier 3 pour jugcr de la Caufe de notre Prince, d'après les aflertions quclquefois captieufes de 1'Auteur, des Obfervations, & encore moins d'après les dcclamations indéccntes & fouvent abfurdcs dc nos Gazettiers» L'Honnête-homme éclairé, qui n'a entendu qu'une Partie, fulp end fon jugement; &, s'il ne peut dcméler le menfoncje a travers les artifices de la malignité 5 il repoude du moins j commc par inf-  ( M ) tinei les mauvaifes imprelïïons qu'on s'cfforce dc lui donner. Jc ne penfe donc pas que vous vous foyez laifié prévenir. Je fuis même renté de croire que les raifons alleguées par les ennemis de Son Altesse Celsiss i m e , loin de yous avoir féduit, n'auront fait qu'augmenter vos doutes fur la jufticc de leur Caufe. Pour vous convaincre dc leurs torts & vous mettre a portee dc jugcr combien ils font criminels, il mc fuffira de vous raconter d'uac maniere fuccincte 1'hifloire de Ia Révolution. Mon réck fera exa<3: & fidele, & par conféquent bicn différent de celui des Papiers publics. Je mc permettrai auparavant quelqucs cbfervations qui, en méme tems qu'elies vous donneront une idéé de mes principes politiques, vous prouveront que je ns fuis pas  ( 16 ) plus que vous le partifan. des Beaux-Eiprits du fiecle. J'obfervc d'abord que, s'il eft un fujct fur lequel on fe faiïê moins de fcrupulc d'être' intolerant & tyrannique, c'cft ladéfenfede 1'Autorité des Princes. Les noms dc Patrie & dc Libcrté fervent de logiquc& deraifon. a ceux qui n'en ont pas. Quand ils ont prononcé ces noms, ils croient avoir tout dit. Ainfi la Patrie n'eft aujourd'hui que la Dé-*, mocratic > & la Liberté n'eft que la foumiffion aux Démagotrues. A voir la manière dont les Pcuples les plus éclairés fe conduifent, ne feriez-vous pas tenté dc croire, avec 'J. J. Roajfeau, que 1'Homme civilifé eft unEtxé depravé & d'autant plus malheureux, qu'il s'écarte plus de 1'état de 1'Hcmme fauvage ? Pour moi, je fuis convaincu que, depuis que les mots dc  ( Ï7 ) de rr.ifcn, tfUtimnite', de patriot ifme, dc blènfaifance Sc de -vertil, font dans' toutes les bouches, le fentiment qu'ils exprimcnt efc banni de tous les cceurs; que plus notre fiecle s'eft éclairé & plus il s'eft eorrompu; & que la perverfion des amcs efc en raifon'du progrès des lumieres. Et véiitablcment, les plus mauvais Sujets d'im Etat j ceux qui y mcttcnt le trouble, ccux qui fe, ment des maximes féditieufes, ceux en un mot doiit la conduite annonce le plus le mépris des loix, des mocurs, Sc de toute autorité , font prefque toujours des Gens inftruits Sc de beaux Parleurs. Qui de nous n'a pas éprouvé que fi Ia fociété d'un H omme d'efprit eft agréable, clleefcaufn moins fure, que celle des Hommes d'une moindre intelligence ? Si, commc il n'eft guercs permis d'cn G  ( 18 ) ' «louter, les paffions, chez la plupart des hommes, parient plus haut Sc font plus fortes que la raifon, augmenter ou pcrfectionner les facultés humaines, n'eft-ce pas multiplier &c aggraver les maux de 1'Humanitc ? D'après ce principe, on doit rcgarder laTypographie, eet Art de propager Sc d'éternifer le ven in des efprits corrompus, comme une de plus funeftes inventions de 1'efprit humain» A juger du mal qu'elle fera par celui qu'elle a deja fait cn Europe, il efe aifé de prévoir que les Souverains ne tarderont pas, 11 nona profcrire eet Art dangereux, du moins a en réfervcr l'ufage pour eux fculs, comme ils fe font réfervé les Manufactures de poudre X canon. C'eft a 1'Encyclopédie qu'il faut attribuer Fétrange Révolution qui a dépouillé lc Roi de France de fon Auto-  ( 19 ) rité Sc qui ménace, pour Ie malheur des Peuples, tous les autres Potcntats de I'Europc d'un pareil fort. Je dis pour le malheur des Peuples, car c'eft une vérité rcconnuedetous les Poiitiques profonds , que pms 1'Autorité fe divife & setend, Sc plus les Peuples font malheureux ; que plus elle fe rcfferre Sc fc concentre, Sc plus le Gouvernement eft vigoureux & tranquillc. Or, 1'Autorité fc relferrc, quand elle pafte du grand nombre au plus petit, de la Démocratie a. 1'Ariitocratie, de celle-ci a ia Royautc ou dans les mains d'un feuh Combien font dojic peu polkiqucs , peu plulofophcs &c combicn coupables envers la focicté,ccux quf, fous prétexte de rendre le: Pei-ples plus heurcux, cherchent a diminucr & a diviler le pouveir du Souverain ! Le nom de Liberts, fi doux ï C 3  ( 20 ) prononccr Sc 11 difEcilc & comprcndrc, * eft l'hamecon avcc lequel les Intriguans attirent 1'attention du Peuple , le rallient aucour d'eux Sc le portent a méconnoitre fes vrais intéréts. C'eft ainfi que deux ou trois dc mes Concitoyens, pour fervir la 9 Un Etat eft libre, lorfque par les Loix on la Conftitution, les reïïbrts du Gouvernement font diipoiea de la manière Ia plus avantageufe au bien ge'ne'ral. Ces reflbrts confiftent dans le pouvoirle'gislatif, lepouvoir cxe'cutif & le pouvoir judiciaire. La Liberté politique re'fide propremcnt dans Ia . diftribution de ces trois pouvoirs. La Liberté civi/e ou celle des fujets de 1'Etat confifte dans le droit qu'a chaque Citoyen d'ufer legitimement de la portion d'inde'pendance que les loix lui accordent, en de'domrnagement de la portion qu'ellcs lui enièvent. Si Pon y fait attention , pn vena que cette portion de Liberté eft plus grande dans les Etats monarchiques, que dans les a:.:tres ëfp'eces de Gouvernement.  ( 21 ) Cour de Berlin, dont un eft le ftipendiaire, aidés dc quelques Jeunes gens dc bonne-foi, mais fubjugués par les opinions du Siècle, font vcnus a bout d'indifpofcr le Pcuple contre le Gouvernement, de le fou~ lever contre ic Souverain & de troublcr la tranquillité, dont nous jouiüions depuis fi long-temps.. Quelque Philofophe que foit le Sieur F**, le premier Moteur de nos troubles , je doute qu'il fc fut jamais déciclc a traliir fa Patiie, fous le vain prétexte ' d'en améliorcr le fort, fi 1'ctat de fa fortune eut pü le confaler des difgraccs du Gouvernement Sz lui fournir les moyens dc fuivre fes goüts; il n'efl: pas né fcrocc; mais, ftimulé par les befoins de la vanité , c eft plus par fyftcme , que par paftion, qu'il s'eft vendu pour vendre fon  ( 22 ) Pays aux ciuicmis fecrets de 1'Empereur. Car, ne vous y trompez pas , notrc Infurred-ion n'a été fufcitéc que pour attirer chez nous les Pruffiens, dont le but étoit de fomenter par-dcfious main les u-cubics des Pays-Bas Sc dc faire une Place d'armes de notre Capitale, dans le cas d'une rupturc ouverte avec la Maifon d'Autriche. C'cft ce qui explique les égards qu'ils ont montrés pour les Patriotes Sc leurs fubtilitcs pour éluder les Décrets de la Cliambre Impériale de Weftlaer. A préfent qu'ils font parvenus a leur but, on peut prévoir aifément ou qu'ils fe coiifotmeront aux dits Décrets ou qu'ils trouveront un prétextc pour fe retirer. Voilapourtant comme lePcuplcqui rarementufe de la raifon, eft toujoursladupc t.c ceux qui fc montrent fes' zéiateurs,  ( 23 1 cjiiüi qu'ils foient ordinairemcnt fes plus tsrribles ennemis. Quclquc dures, quclque multipliées que foient les lecons qu'il a recues, i eet égard , il ne faut pas efpérer qu'il fe corrige ; tout entier au moment préfent , 1'expérience du paffé eff perdue pour lui ; il fera dans töus les temps toujours prêt a fe plier aux imprellïons qu'on voudra lui faire prendre , pourvü qu'on lui parle d'indépendance, de foulagement, ic qu'on ne heurte pas trop rudement fes préjugés favoris. L'audace lui en impofê d'autant plus facilemcnt, qu'elle eft analoguc a fes paffions toujours extrêmes , toujours imprévoyantes. Mais fi le Peuplc eft inconfidérc , crédulc & le plus fouvent ennemi de luimêmc, il n'en eft pas dc même du Public  ( H ) qui eft au Peuple ce que cdui-ci eft a la populace. Quefqüe féduic ou corrompvt que foic Ie Public, il exifte toujours parmi ceux qui le compofem, un certain nombre d'Efprits fains, inaccefftbles i la folie du jour & aux fafcinations du charlatanifme, qui gémiftcnt fur 1'aveuglemcnt de la nniltitude, & déplorent le 'malheur des Pays en proie au fanatifme d'une faulfe libertc. Le nombrc de ces bons Elprics ou du moins de ceux qui n'ont pas laiffc empoilonner leur raifon par le vcnin de la Cabalc foi-difant patriotique, eft ici beaucoup plus confidérable qüe vous ne fauriez vous le figurer. il y en a, dans toutes les conditions, qui maudilfent la Révolution; mais la crainte du pcignard ou du pillage les empêche dc réclamcr contre ce qui s'eft fait,  ( 2s j ftles bbligemême deparokreapprouver ce qu'ils blament dans lc fond de leur cceur. Cette gêne ou plutót cette tyrannie qui ferme la bouclic aux plus fagcs Ckoyens, peut vous donncr une idéé de la lógiqufj des défcnfeurs de notre liberté. Vous n'aurez pas une meilleurë ópi*. nion de leur défintéreffemcnt, quancl vous faurezque le premier fob des Motcurs de la Révolte a été de déplacer les Bourg-Mcures cn fonction & de fe faire nommer a leur place par acclamatiön , è'eft-a-dire j par les cris de leur Cabale. Cefc-la fans doutc le motif pour lequcl ils réclamoient avcc tant d'ardeur 1'abolition du Reglement de 1684, qui óte au Corps de Métiers ls droit d'élirc fes Magiftrat-s. Cette nomination illegale & fédkieuf* fut fuivic de fexpulilon des membres d« / D  ( zS ) Confcil Sc du licenciement des Troüpes de Sou Altksse. Les premiers furent rempkcés par des Citoyens tout dévoués aux nouveaux Bourg-Meftrcs, Sc les autres par une Milicc Bourgeoife. Ces fubverfions furent accompagnées de quclqucs défordrcs particuliers, dont je crois devoir vous épargncr le riek , a caufe de leur peu d'intérêt. Il m£t que je n'oublie aucune circonftancc eflentielle. Le Prince , alors a fon Chateau de Seraing , infiruk le jour même (c'étok le 17 aout) de cc qui venok de fe paffer •, prévenu que la Bourgeoifie , ou plutót la Populace armee, étoit dans la difpoftion defoutenir par la violencc, non-feulement tout ce que les nouveaux MagiftratS avoient déja fait, mais encorc tout cc qu'ils fe propofoient de faire s averti du projet  ( 27 ) qu'on avok formé d'euvoycr vers lui des Gcns armés pour 1'ameuer a ITlótcl-deVilie ; le Prince , dis-je , affiigc de voir fes Sujets courir i leur perec. & défirant de ramener a tout prix la paix & la tranquillité, s'empreiïa d'üdreifer aux Ufurpatcurs de la Pvégence un Billet ccrit dc fa main. Ce Billet qu'on a pris pour unc promcflè de Ratification générale, quoiqiï'il n'ait évidemment pour objet que les mciures a prendrc pour ctouffer la Rebellie n, étoit concu en ces termes : je ratïfievai tout ce qu'on croira devoir fa'tre pour rétablïr le calme dans Ia Ville. Totis mes Sujets penvent comptcr fur ma parole. Cela, veut-il dire , comme on 1'a prétendu méchamment, que Son A r t e s s e s'eng?geoit a confirmcr la nouvelle Rcgence & d fancHonncr fes opérations ? D 5  ( 2g ) Cependant cc Billet communiqué au Peuple, lui parut d'un bon augure & modcra fa fureur ; mais il ne fauva pas le Prince de 1'incurfon qu'il redoutoit. Une troupe dc Gcns armés fe rcndit au Chateau de Seraing, fous le nom de Députation, Sc conduific le Prince dans fa Capitale , aveclcsmèmes démonfrrations de joic,que 1'avcugle Populace de Verfailles avcit fait éclater le jour qu'eile accompagna Louis XVI a Paris. Arrivéea 1'Kótel-de-Ville, Son Altesse» en defcendant dc voiture, fut d'abord haranguée par un miférable Frippier •, digne organe d'un tel Peuple. Cet homme qui s'étoit approché d Lllc fans aucun figne de refpeót, lui préfente la Cocarde & lui dit pour tout compliment, tenez., Gr And-Tere, m'.ttcz. cc!.-, fur vctrc manche. Ces rubans.  ( 29 ) vous iront a merveille; puis faififlant le Prince par-deffous le bras, allons : courage! continua-t-il , montez, Grand-Pcre; on ne •vous fera pohtt de mal. A peine Son Altesse étok-el!e entree dans la Salie du Confeil, que Ia Populace impatiente, fait demandcr fi le Prince a figné. Qu'il fe dépêche, cria-t-on, d'une voix menacante, fi non, nous allons monter. Il cfl bon de vous faire obfervcr que cette grande Salie n'ctoit éclairée que par une feulc bougie , que le moindre fouffie pouvoit étcindre &c dont la trifce lumiere fe réfléchifloit a peine fur la nudité des épées qu'on brandklok avec affeclation. Jugez , Morifieur, fi 1'on peut fe prévaloir d'une Ratification fi peu libre & fi ignominieufe, pour ceux qui 1'ont follicitce c3: reeue.  ( 3° ) Tout cc que je viens dc vous raconter fut 1'ouvrage du 17 £c du 18 Aoüt. Dis le lendemain matin , lc Prince , pour n'être ni témoin ni complice des défordres que fa préfence n'auroit pü empêchcr , s'en retourna a la Campagne, fous prétexte de fanté, & fortit peu de jours aprés du Pays de Licge, afin d'éviter , comme il s'en cxpliquoit dans fa DccUration, dc fe trouver aux Etats qui devoient s'affcmbler le 31 du mois & qui ne pouvoit qu'être tumultueux. Cette Retraite un peu tardive étoit d'autant plus lage , que les Liégeois avoient pris les Parificns & 1'Affembiée Nationale pour modèle. Cependant la nouvelle Pvégence , fiere d'avoir obtcnu ou, pour mieux dire, arraclic la Pvatifkation confirmative de fon Elcclrion & dc fes entreprifes, arrêta lc 15) de  ( 3f ) dépccher fans de'.ti des Mcjf.:g-rs a toutes lts Villes du Pays de Liége, peur leur faire part de /'Heureuse Révolution qui venoit de s'opérer dans la C.ipitale & pour les inviter de fe johtdre a la Cité & de tra-vuilIer avec elle a la régéneration de la Conjtitution. Trompées par de faux rapports, féduites par les promefies d'un fort plus heürcux, excitées & dirigécs par des facHeux , Ia plupart des Villes & Communautés de la dépendance du Prince, prirent tour-a-tour la Cocarde, &, contre le vceu des Notables & de tous les Efprits fenfcs , fupprimerent les Magifirats, ï 1'imitation de la Métropole. Comme c'étoit prelque partout la Populace qui dominoit, prefque par-tout les Magifh'ats ont été remplacés par des Gens vils & tarés, Jugcz s'ils ont  ( 32 ) laiflé échappcr 1'occafion de fe vcnger da mépris des honnêtes Citoyens. Les bornes de leurs vexations, font celles dc leur puiilan.ee, leur duréc fera ceile de leur autorité. Figurez-vous un aflcmblace de petits Tyrans qui ne fentent leur exiftance & le pouvoir de leur place, qu'cji raifon du mal qu'ils font , & vous aurez une iufte idéé de ceux qui, depuis fix mois, gouvernent notre Pays. Ce qu'il y a da plus affligeant , c'eft que les Citoyens les plus enimables , les plus amis de 1'ordre, les plus attachés au Souverain , ceux en un mot qui, dans des temps moins malheureux pourroient en impofer aux Malintentionnés, ont été réduits ?. la dure alternative, ou de prendre la fuite, ou de fc couvrir du mafque de la Rébellion & de concourir eux-mêmes a la fubverfion des  ( ü ) v des Loi;; 5 Sc ccla , pour n'êtrc pas égök gés dans les rues ou rotis dans leur maifön' TcI a «c pendant quelque temps le fanatifme Paniodquc, qu'il Cu&hk d'ctrc furpris fans Cocarde , pour être amu-tót emprifonné quelquerbis menie poignardé, feion lc plus ou le moins de zèle des défenfeurs de la Liberté. Les Etrangers n'é" toient pas i 1'abri de cette exécrablc tyrannie, puifqü-u„ Sujet de fEmpereur, nomnié Neuvïlk , domicilié d I-Jodimont, territoire du Duché dc Limbourg, fc trouvant lc 14 Déccmbre, d Vervier, territoire de Liége, fut armé par une Sentinellc Bourgcoife , paree qtfü étoit fans " Cocarde. La Scinineiie youlut le contrain% a en prendrc unc. Le Limbourgeois «7»nt cu 1'impruJencc d'alléguer pour s'en défeadrc , qu'il étoit Etrnnger , le zélé E  ( 34 5 Panlate lui répliqua par un coup de bayonnette dans lc ventre qui 1'étendit mort fur la place , pour lui apprendre , comme Ta dit plaifamment 1'Auteur d'un Pamphlcï qu'on vient de publier, a fe (onformer déformah aux Loix des Revolutions. Pour achever dc vous donncr une jufte idéé des malheurs qui nous accablcnt, jc dois ajouter que cct aftaffinat eft demcuré impuni, & qu'il en a cté de meme de cent autres délits. Vous direz lans doute, M. le Chevalier, que ce n'cft pas fur ce ton que les Papiers publics ont parlc de notre Révolution. Ils ont tout juftifié, tout admiré, tout préconifé. Cela ne prouve autre chofe, fiiión , que les Gazettiers font les Echo du menfonge. Quoi de plus contraire a la vérké , par exemplc , que la Lettru  ( 35 ) que le Tiers - Etat a adrefiee au Prince lc f de ce mois & qu'on trouve déja dans les Gazettes ? " PuiiTent nos humbles Re- „ montrances , y dit-on cfFrontément, „ ramener Votre Al te s se au fcin „ ■ d'un Peuple loyal & généreux, qui ne „ lui a donné aucun fujet de fe plaindre de lui, qui n'eft pas un moment forti „ des bornes que prefcrit 1'cquité la plus „ féverc... dc cc bon Peuple qui ne defire „ que dc vous aimer. „ Croiriez - vous qu'au moment même ou 1'on fignok cette Lettre ce bon Peuple, cc Pcupl'e fi loyal, fi généreux, fè déchainoit dc la manière la plus infukante contre fon Scuvcrain & forcoit les Comédiens A le jouer fur le théatre; Pas plus tard qu'hier ce bon Peuple menaca les Comédiens dc mettre le feu a leur Salie, fi l'acrcur qui devoit jouer ie E z  ( 3^ ) Tartujfe , ne paroiffait dans tout fon rólc habillé felon le coftumc du Princc-Evèque. Qui ne doit, après ccla, s'armer d'incrédulicé contre tout ce qu'on ccrit & fur-tout contre ce qu'on n'écrit que pour être pubfic dans les Gazettes? A Liége, comme a Paris, ceux qui ont fait la Révolution vaudroient en ètre les Hiftoricns ; après avoir tourmenté leurs Contemporains, ils voudroient encore trompcr la poftérité; maïs ils ont beau faire, la Raifon qui s'éclipfe fouvent, mais qui ne s'ctcint jamais, diffipe les nuages dont on cherchc a couvrir la vérité, elle rcjette les narrations menfongeres ; elle n'écoute point la voix dccévante des paffions ; les Décrets des AlTemblées les plus nombreufes ne lui cn impofent point; elle juge fans prcWe, fans haine, comme fans amour, Cc  ( 37 ) ■ fl c'cja marqué da fccau de réprobation les trois quarts & demi des Ecrits & des Fcuilles qui paroilïént Sc difparoiflenc cliaquc jour. Pour achever de vous mettre bicn au fait des aflaires qui vous concernent, engflgez M. Marmol a vous communiquer Ia Lettre que je lui écrivis hier, dans laquelle, jV.i, je crois avoir afiez bicn expofc les droits du Prince Sc prouvé 1'injuftice Sc Ia mauvaile foi des prctentions dc nos Révolutionnaires, * Jc vous pric , Monficur le Chevalier, d'agrécr mes falutatións très-cordiales. * Cette lettre trouvee dans le paquet eft la i.;n:e. Je notre Collection.  ( 38 ) Lettre IV. Be Mtte. de Si. A** d M&e. U ComteJJe de d Mom. Aix-la-Chapelle, 16 de 1'an 1790. N"o u s voila dönc tout dc bon féparces, ma chere Amic, & déja trente lieues d'intervalle fé trouvcnt entre vous & moi ; demain d'avantage , &c ainfi chaque jour va ajouter dc nouveaux cfpaces entre nous. A en juger par la rapidité de ma courfe, ceux qui ne connoitroient pas mes fentimens pour vous, s'imagincroient qu'il m'en coüte peu de quitter une Amie tendre, une Amie fagc , une Amie agréable, une Amie de mon enfancc , avcc laquelle j'ai paffe les momens les plus délicieux de ma vie. Quelque cffort que jc faflè, je fens  ( 39 ) a cette iaée tous mes regrets fe renouvcller; mais je fcrai fidele a nos convenïions : je m'interdirai tout ce qui peut annoncer la moindre foibleife. Nos études, nos obfervations , ce foin d'établir dans notre ame une fermetc d 1'épreuvc des événemens, ne me feront pas inutiles dans la circonftance. Je ne veux pas avoir a rougir devant la Perfonrie que j'cftime le plus d'une contradidion ü oppofée d nos principes. Je ne vous parlerai donc plus des fentimens aduels de inon cceur : ils feront toujours dignes de vous Sc de moi, Sc c'eft vous dire que je faurai les renfermer dans les bornes que nous nous fommes prefcrites. Mais j'ai beau rappeller mon courage : je comprends mieux que jamais que cette philofophie dc fentiment coutc fouvent beaucoup d la nature , Sc  ( 4° 3 cmc cette raifon orgucilkiife qui veut s'en décorer dans toutes ks cccafions , h'en achete le plus louvent que f exterieur, aux dépcns des plus dculourcux facrifices. je luis malgré moi trifte , rêveufe & quelquefois de mauvaife humeur. Ma Tante, qui m'obfervc fans cefle , a dc la peine a comprendre commcnt on peut s'affliger de quitter un Pays Révolté lc Hvré aux convulfions de 1'Anarchie. L'idéc d'une riche fucceffion furvenue, lorfque je m'y attendois le moins; le projet d'un établiflement qui fera, dit-clle, mon bcnhcur; le plaifir de revoir un Pays oü elk a pailé fa première jeuuelfc , font autant d'objets* qui occupent & fiattent (i agréablement fon cfprit, qu'elle me fait ccntinuelkment la guerre fur mon indifférence a eet égard. Ah I ma Chere! fi elle fentoit comme moi tous  ( %i ) tous les avantages d un bonhcur indépendant des clrconftances & des événemcns, elle fauroit mieux apprccier cette paix, cette douceur, cette union de deux cceurs qui s'eftimcnt, ces délices que nous gouflöns, en formant notrc efprit & en perfeélionnant notrc raifon, par des leclures cc des réflexions dont les horreurs de la guerre civile n'avoient pu interrompre le cours. Je lui paife cette injufcice : notre manicre dc pcnfer n'efc pas du relfort de toutes les ames..... Ma Tante ne ccflè de me parlcr dc Vienne & des agrémens que j'y trouverai. Sans mc lailfer prévenir par l'enthoufiafmc qui la tranfportc , j'attcnds dc pouveir juger par moi-même de tout le bien qu'elle m en dit. Vous connoiiïèz la trempe de mon efprit & cette fa'con dc fentir qui F  ( 4* ) unhfok fi fort 'nos Ames : j'en ferai ufage, attendcz-vous y ; mes Lettres deviendront pour vous une fuite non interrompuc de nos entrctiens philofophiques : vous aurez des cbfervations, des crkiques, des réficxions mais quelque chofe que j'aie a vous dire des Autrichiens , je le prédis , je ne fentirai jamais rien d'égal aux charmes que je trouvois dans votrc fociété. Je vous annonce le retour de Mde. la Comtefle d'Auxj de Neuf-Villc. Le hafard nous a fait defcendre au même Hotel oii elle loge , & c'eft pendant que ma Tante paffe la foirée avcc elle, que j'ai le plaifir de m'entretenir avcc vous. Mde. dïAuxy partira dcmain pour Mons avcc fon Mari appellé ou rappellé par les Etats. Pour nous, npus «e nous reinettrons en route  ( m ) . qu'apres deriiaih; car ma Tante n'aime pas a voyagcr ie faint jour de Dïmanche. J'en aurai plus dc marge pour allonger cette Lettre, que je fuis forcée d'interrompre. 'Ma Tante defire que je paffe dans 1'appartcmeat dc Mde. d'Auxy oh nous dcvons fouper. Elle a fait avertir de notrc arrivée mon Coufin le Chanoine Trcfoncier. Il eft ici depuis pluficurs mois avcc d'autrcs Ariftocrates de Liége. Adieu, ma Chere , ou plutöt fans adieu. Dimancbe au mat'in. De ja des obfervations. Cette Ville, ma chere Amie , abondc cn Réfugiés de France , dc Brabant, du Pays de Liége, &, malgré cette affluence d'étrangers, la Société, m'a-t-cn afluréc , n'y eft rien V z  ( 44 ) moins qu'agréable. Tout le monde y eH trifte , fans en exccpter les Francois , fi j'en crois, un'Francois même trés-aimablc > qui foupa hier avcc nous & que nous aurons aujourd'hui ïi diner avec le Chaaoinc. Les honnêtes Geus fe rencontrent avec plaiiïr , a. ce qu'il pré-ccnd, mais ils fe rechcrchcnt peu &c s'accueillent avec froidcur. L'Efprk d'infubordination qui confond tous les rangs , 1'Efprit de Révclie qui menacc &c intimide tous les Propriétaires, 1'Elprit de calcul qui s'eft emparé des Têtes les plus frivoles , voila ce qui fait, a t-il ajouté, qu'on réfléchit plus qu'on ne parlc, qu'on raifonne plus qu'on n'agit, qu'on s'occupe moins des autres que de foi , & qu'on fon ge moins a fes plaifirs qu'a fes intéréts. La gaitc eft fllle du contentement & dc 1'infouciancc, & prefque.  ( 45 ) nulle part on s'eft ni content ni trsn» quillc. Tout le foupé s'eft paffe en raifonnemens fur les Infurreclions Sc en conjectures fur 1'iffuc qu'auront celles de Liege Sc des Pays-Ras. M. lc Comte d'Auxy, qui eft Patriote en diabic, s'eft beaucoup difputé avec le Chevalier de fflangtful, Sc je dois lc dirc, il a été complcttement battu, quoiqu'il ait beaucoup d'clprit. Cc Chevalier eft le Francois dont je yous ai parlé. Je penfe , comme lui, que le meilleur des Gouverncmcns eft lc Monarchique tempéré par les L oix, Sc que fi le deftin n'a pas réfolu la diftölution de la France, fon Roi ne tardera pas X réprendre 1'autorité, dont PAffemblée Nationale 1'a fi indignement dépouillc. C'eft 1'unique planchc qui refte dans lc naufïage. L'autoriu  ( 46 ) Royale cfh effeftivernent la clef de la voute Monarchique 8c lc fcul lien qui puiffe ret.enir dans lc Faifceau de 1'Etat, tant de Provinccs 11 éloignées les unes des autres & dont les intéréts 8c les, coütumes lont aufli dirrérens , que les produdTions cv lc climat. Quoique plus rapprochées & moins confidérables, les Provinces Belgiqucs font cncore plus divifc'cs d'intérêts , que celles de France ; ellcs ont dc plus lc défaut de fc haïr les unes les autres ; car vous üvez combien les Flamands ont d'amipathic pour les Brabancons, & combien les Luxcmbourgeois font détefcés des uns 8c des autres. Prions donc le Ciel, ma chere Amie, pour qu'il ne permette pas que nos Compatriotes réuffiffent a érigcr les PaysBas en unc P.épubliquc, foit limple, foit  ( 47 ) rcdérative. Outre que les diviiicns nuiroient a la paix inférieure de 1'Etat s c'en feroit fait de la Noblefle & du Clergé > & bientpt les mceurs leroient perducs. Les Beiges feroient moins libres, ctant Ripublicains, qu'ils ne 1'ctpient mus la domination Autrichiennc. La Liberté n'exifte point parmi les rivajités, & les faclions. L'ambition domineroit fans eeflè 6c immoleroit chaque parti 1'un après 1'autre. Aulieu d'un Maïtre, ie Peuple en auroit plufieurs» Jamais la Nation Belgique ne fe trouva en fi belle paffe pour rentrer dans la plénitude des Droits, dont elle s'eft montrée fi jaloufe ; jamais elle n'aura une occafion plus favorable pour donncr a ces Droits une confiftance inébranlable. L'Empereur eft difpofé 1 tout accordejr & a tout fanc.  ( 43 ) rionner. Si k Nation eft fagc, elk fe hatera de profiter de 1 hcureufe pofition oh elk fe trouve. Il s'ccoulera peut-ctre plus d'un fiecle, avant que les évenemens ne lui prcfehW une circonftance auffi propice, pour laire valoir fes Prétentions &c raffermir fes Privileges... Je vous quitte ; mais j'efperc reprendre bientöt la plume. Dimanche au Soin Que vous auriez eü de pkifir , ma chere Amie, d'entendre mon Coufin & le Chevalier, difcuter cóür-a-toüc les intéréts des Peuples & les véritabks caufes de kur malheur! Depuis vos débats fur les matières Politiqucs avec lc pétuknt Auteur des T. S., je ne mc foüviens pas d'avoir entendu dc converfation qui m'ait mm intéreffée, que eelk de ces deux Champions,  ( 49 ) Cüampians. Il mc ïiérok mal, lans douté, d'cfTaycr de vous rendre leurs différens raifonnemens pour prouver qu'en changeant la forme du Gouvernement, les Peuples ne font que ehanger de chaines & fe ren* dre fenvent plus malheureux : leurs faVantes difcufüons perdroient trop dc leur" énergie, cn palfant lous ma plume. Je m poilédé tantót par les Rois de Francc , tantót par ceux dc Germanie. Liége n'étoit encore qu'un petit Bourg, lorlqueHubert, en fut nommé Evêquc, C'étoit, je crois, vers le commencement du huitieme liécle , fous le Regne de Charles-Martcl. Ce Prince auffi valcureux que zélateur de la Foi Cacholique, ayant  ( 51 ) donnc a <5r. Hnbert la jurifdidtion territoriale de ce petit Diocefe , 1'Evêque aggrandit Liége, le ceignit de murs, fit des Loix pour fes habitans, établit un Tribunal de JufHce & créa un Magiftrat qui, fous le titre de Grand-Maycur, étoit partlculiéretnent chargé dc veiller au maintien de 1'ordre & de la Police. Ainh" , c'eft a un dc leurs premiers Evcques que les Liégeois doivent la Fondation de leur Capitale , & leurs premières Loix; ce qu'il n'eft pas imitile d'obferver, Cette petite Souveraineté s'aggrandit avcc le temps, par les Conceffions que les Rois d'Auftrafie lui firent fucèéffivement. Le pouvoir du Princc-Evêque fur les Liégeois ne différoit pss de celui des Rois d'Auftrafic fur leurs Sujets, & ccux^ G 2  ( 52 ) ci étoicnt fi abfolus , qu'ils n'avoit pas beföindu confcntcment de la Nation , pour aüéner des portions de leur Domame. On dcit inférer dc la, que les Droits & Privileges accordés uiccefTIvement au Peuple Liégeois & qui fbrment cc qu'on appelle la Conftitution de i'Etat, font autant de dons de la muuiGccncc de fes Evêcues. Et cc mcme Peuple prétendroit aujotird hui avoir le droit de leur faire la Loi!.. Oui, ma chere, il lc prétend, &z vous allcz favoir au jufc commcnt il s'y eft piis pour faire valoir fa prétention. L'Etat dc Liége étoit un objet d'admiration & dc jaloufie , en Europe, a caufe de la douceur de fon Gouvernement; la paix y regnoit depuis un grand nombre d'années i les Sujets étoient tranquillcs & heureux , lorfquVmc nartie du Peuple ou  ( 53 ) plutót de la Populace , fufdae par des Efpvits fielieux & mal-intentionncs , s'eft foulevte & eft accourue a 1'HÓLel-de-VilIe pour abolir je ne fais quel Reglement de 1684, qui avok interdic a la Populace cffemblée le droit d'élirc fes Magiftrats. Notez que cc Reglement ou eet Edit, longtemps lollicité par 1'Elite de la Nation , fut accordc pour mettre fin aux Icencs leaudaleufes Sc mcurtrieres qui accompagnoient les Eleclions. Les Corps de Metiers s'affernb'oient pde Sc méle fur la Place Publique 8c ce n'étoit qu'i force dc brigucs , dc cabalcs 3 dc elameurs, de meuaces , Sc d'atfaiïïnars , que ceux qui ambidonncient la Magiftrature parvenoient i fe procurer lc plus de voix. Cependant, pour rentrer en poflèffion 4'ün proit fi fuucüe s la PopuLce aiméc  ( 54 ) eommen.ce par déchirer dans 1'Kótel-deVille les Ecufions des Bourg-Meftres en fonction & ceux de leurs Prédécefleurs, a 1'exception de deux Ecuflons qu'elle diftingua avec affeftation. Après cette exécution, elle cafle de fon autorité la Magiftrature en fonccion & élit par acclamation de nouveaux Magiftrats , a la tête defquels elle a foin de placer les deux Perfonnaecs dont elle avoit refpefté 1'EcwTon', paree que c'étoit , comme vous le devinez , d'après leurs infpirations qu'elle agiffoit. Ces deux anciens Bourg-Meftrcs en vouloient au Gouvernement, paree que le Gouvernement qui s'étoit appercu qu'ils ctoient des Intriguans fansmceurs, comme fins principes, les tenoit écartés des emplois. C'eft pour fe venger de ce mépris, que fous le voile fi trompeur & fi perfide  ( 55 ) de 1'amour du Peuple, ils n'ont Iaific échapper aucunc occafion de jetter dans les Efprits des femences de révolte, 8c de les y faire fruclifier, par 1'efpoir d'un avenirplus heureux. Voili, ma Chere , des d'étails que nous ignorions. Les Gazettiers dc Liége, voués par.crainte ou par intérêt au Patriotifmc du jour, n'ont eü garde de nous en faire part. Ils ont égalemcnt trompé lc Public fur les prétendues difpofitions du Peuple & du Prince i favorifer les changemens projettés par les Motcurs de la Révolte. Croyez que rien n'a été moins libre que les démarches & les déclarations de S. A. C, depuis le moment de la Revolte julqu'd celui de fa fuite; croyez que cc n'eft qu a force d'intrigucs 8c dc menaces que les Faclicux ont aménc le Peuple & lgs Etats,  ( 56 ) tfaüleurs trés - illégalement aücmbics , £ faire ce qu'ils ont fait. Enfin, les enncmis du Gouvernement ont fi bien manoeuvre auprès des Agens de la Cour de lkrlin, qu'ils font parvenus a les corrompre, Sc, par leur entremifc , a tromper S» M. Pruffienne & fon premier MiniftKGr au point de leur faire abandonner la Caufe du Prince, maigré les Décrets Sc les Ordonnances que la Chambre Impériale de "Wcfdacr a rendus en fa faveur. Je vous avoue que je fuis fort fcandaliiéei de la conduite des Pruflicns. Elle mc paroit d'autant plus étrange, qu'elle dement' celle qu'ils ont tenue en Hollande; d'autant plus injufle, que la Caufe du Stathouder n'étcif pas a beaucoup prés auffi bonne que celle du Prince - Evêque ; & d'autant plus impoliaque, que la Cour de PrufTe a 1'air  ( 57 ) 1'air d'approuvcr la Révolte d'un Peuple contre fon 1.'gitmie Souvcrain. Quel Prince déformais pourra donc fe flatter d'ètre tranquillc ó\: afiuré fur fonTróne, files Princes töifins encourageht fes Sujets d mécónnoïcre fon autorité & a employer la force contre lui? C'eft pour avoir favorilc 1'Infurredion & 1'Indcpendancë des Américains, que le Roi de France a perdu le crédit dont il jouiflóit en Europe & 1'autorité qu'il avoit fur fes Sujets; car on fait que 1'or de 1'Angleterre a plus contribue 1 ia Révolutlon de France, que 1'amour de la Liberté. La caufe du Prince de Liége eft celle de tous les Princes de 1'Empire , & même celle de tous les autres Souverabs. Tous font incérefles a fufpendre leurs projets de guerre , & a fe hgucr contre I'clpric de Patrio tiiII  ( 58 ) mc oü de faullè Liberté , qui menace tous les Gouverncmens. Ils doivent dérendie lc Prince-Evéquc de Liége contre fes Sujets , s'ils ne yeulent encourager les leurs propres a fuivre un exemple fi dangereux. Rarement les Puiffances de 1'Europc trouveront-clles a foutenïr une caufe plus jufce Sc qui touche dc plus prés 1'intérct général. En eftet, les Dcmandes des Patriotes Liégeois ne tendent a. rien moins qu'i la fubver/ion du Gouvernement , i 1'anéantiifcment des Droits du Prince , au renverfement des Loix facrées de 1'Empire. Quand ces Demandcs fcroient aufli cquitablcs qu'elles font injuftes, elles n'en feroient pas moins criminelles Sc puniilables , 4puifqu'elles ont été fakes d'une maniefc attentoire a 1'autoritc légitime du Souvcrain, & au relpecl  ( 59 ) du a la Proteivion du Corps Germanique. Mais fi-, par une indifFércnce qu'il n'eft pas permis de fuppofer, ou fouftroit que, par crainte ou par amour pour la Paix , le Prince de Liége cédat aux réclamations ce fes Sujets , il faudroit alors re^arder ce: événement comme un fymptóme allure de la diflblution politiquc de 1'Allemagnc. Cependant 1'efpric de vertï'ge eft fi répandu, & les lumieres de la faine Politique le font fi peu, que je fcrois peu étcnnéc de voir les Cabinets abaudonner le Prince-Evêque a fa deftinée. Depuis que les Cours défalent & tyrannifent 1'efpece humaine, je ne crois pas qu'elles aient en aucun temps au::: mal entendu leurs vrais intéréts , que dans cc Siècle de lumieres. L'avantage du moment deelde prefque toutes leurs entreprires H 3  ( ('O ) fans s'inqiucter des fuites. Prefque tous les Souvcrains paroiflènt croire que pour bicn regner, il faut corrompre , Sc que pour enrichir un Peuple , il faut ruiner celui dc, fon voilin. Auiïi les craintcs qu'ils infpiroient a leurs Sujets , il les éprouvent aujourd'hui •, & c'cft le feul trait qui annonce aux hommes le réveil dc la Providence Sc un avcnir moins malheureux. Telles font, ma Chere, les obfervations de mon Coufin fur les affaires de Liége. Je pourrois y ajouter mes propres idees Sc vous prouver que jc n'ai pas oublié les principes de votrc cher Auteur , 1'Abbé de Mably> mais voila 1'heure du départ de la Pofte , & je ne veux pas palfer eet ordinaire fans faire partir ma Lettre. Elle n'eft d'aillcurs que trop longue. Je defire que vous ne vous en apperecviez pas. Si  ( 6i ) iïous nous arrctons quelqu'aurre Dart, je tous écrirai encore, perfuadéc c]ue je trourerai pluftcurs de vos Lcrtres a mon arriyée a Vienne. Adieu, ma bonne Amie ; quand pourrons-nous nous réjoindre ?. Bien des choies tendres a I'aimable Chanoineile. Vous étes plus heure^fe que moi , puifqu'il- vous relle une Amie, ♦. Adieu !  ( U ) Lettre V. De M. l'Abhé S*** de C*4 d M. le Comte d'A** de N** dBruxclles. Aix-la-Chapelle, 20 Janv. 1790. Je fors, Monfieur le Comte, de 1'Hótel oü vous lotucz. On m'a dit que vous veniez de partir & que vous n'alliez pas a Mons , mais a Bruxelles. Je fuis bien fachc de ne vous avoir pas rencontré. J'allois pour vous faire mes adieux Sc vous témoigncr encore une fois combien je me félicite d'avoir fait votre connoiflance & combien je fuis affligé de notre féparation. J'avois tant de plaifir a politiquer avec vous Sc a vous entendre parler fi fenfément des intéréts dc votre Nation, que votre  ( 63 ) sbfence fera un grand vide dans mes ré* créations. Pour peu que dans les Etats de Brabant il y ait des Hommes aufïï éclairés & aufïï fages que vous, je ne doutc pas que la Nation Belgique ne parvienne a fe conftituer libre & a faire reconnoitre fon indépendance ; mais les bons Efprits font rares , méme en Fra'nee, & nulle part, ce ne font ceux-ld qui dominent. Ainfi, a votre place, je me bornercis a un róle purcment paflif. La gloire ne vaut pas la tranquillité qu'elle fait perdre. Les têtes font encore trop exaltces , pour que 1'enthouhafme ne ne 1'emporte pas fur la raifon, & quand le délire eft général, la fageffe pafte pour folie ou pour foiblefte. Si cependant, MonMcur le Comte, vous efperez d'ctre écouté & defirez d'être un  ( 64 ) ies principaux Agens de la nouvelle ConCtitudon, j'offre de vous communiqucr des idees capables d'alfurer 1'Indépendance des Pays-Bas, &, ce qui vous paroitra lans doute extraordinaire, je me fais fort d'engager 1'Empcreur a fanclionner lui-mèmc cette Indépendance; car, fans fon confentement, n'elpérez pas de la rendrc durable. Semblable a ce Géant enchainé pendant fon fommeil par des Pigmées & qui en fe rcveillant rompt fans effort les licns dont on Pavoit garotté, ce Prince n'aura pas plutöt fait fa paix avec les Turcs, qu'il fera lc maitrc dc renverfer, quand il voudra> les barrières que vous aurez établies autour de votre Indépendance. Elles demeureront vacillantes, tan: que S. M, I. ne vous aura pas prêté les mains. J'ignore qucls font les projets ik les reiTources dc vos Com-' patriotes;  ( % > patriotes ; mais quelque puiflantes que foient celles-ci , je fuis en état de leur dcmontrer qu'ils retomberont fous le joug Autiicliien , s'ils n'adoptent le plan que j'ai formc. Il a cela d'avantageux, qu'il cadre a leurs vues, foit qu'ils defirent d'avoir un nouveau Maitrc, foit qu'ils preferent de fe Gonftituer Républicains. En attcndant, je dois vous obferver que vous n'avcz pas de temps i perdre , pour profiter de la faveur des circonfances, Quoique les Ncgociations pour la Paix avec les Turcs aillcnt leur train , 1'Empereur n'en preffe pas moins les levées de troupes. J'en ai vu ce matin la preuve entre les mains du Capitaine de L*** qui recrutc ici pour le fervice de S. M. I. S'il eft vrai, comme on le débitc, qu'on yexe & qu'on emprifonnc, a Bruxelles /prefI  ( 66 ) que toutes les Perfonnes qui ont été attachées i Tanden Gouvernement, je fuis perfuadé que vous ferez vos efforts pour arrcter ce genre de Tyrannie. Il eft a la fois ridicule & hontcux, que ceux qui ont pü vaincre les troupes Autrichiennes ne puiffent vaincre d'injuftes reffentimens. Plus on peut > comme dit Séneque , moins on doit fe permettre ; mais la juftice & la raifon confervent peu de pouvoir dans les Têtes échauffées par 1'efprit de parti. Je préfente mon refpecT: a Madame la Comteflè & vous prie d'agréer mes trèshumbles & trcs-cordialcs falutations. P. S. Au refte, 1'offre que je vous fais de vous fournir les moyens de vous conftituer Rcpublicains d'une maniere ftablc, ne contrédit aucunement rattachement lifere & par que j'ai.voué a 1'Empereur,  ( 67 ) puifque S» M. y trouveroit fon avantage. C'eft ce que je vous prie de faire obferver i ceux a qui vous fèrez dans le cas de communiquer ma Lettre; car je me piqué d'être auffi conftant dans mes fentimcns, que ferme dans mes principes. I z  . ( 63 ) Lettre VI. De M. £*>*■, d M. ïAvocat 5***, d Lowvain. Liege 18. Janv. 1790. ▼ o 1 c 1 , mon cher Ami , une Lettre anonymc, que je vous prie de tranfcrire fur le charnp & d'envoyer a la Pofte. Mon écriture pourroit être connue ici; la votre ne le fera pas. Il eft bon d'ailleurs, de dépayfer le Pcrfonnagc Sc de lui laiïïcr croire que le coup part de Louvain. Je doutc , qu'après avoir lu cei.te douce Lettre , il foit encore tenté de parler en faveur du Prince & de fon Chapitrc Cathedral, J'avoue que je vais livrer fes jours aux tourmens dc la crainte,;  ( 69 ) mais il eft jufte que les enncmis de ia Liberté foient malhêureux. Le nombre de nos Partifans diminue tous les jours. Ces diables dc Prufiïcns preffurent ft fort Iss Citoyens, que les plus zéïés pour la nouvelle Conftitution commencent a regrettcr Panden Régime. Lc Peuple même fe décourage; mais la Populace eft toujours pour nous, ainfi que les Habi cues des Cafés & des Jeux publics. Avec ceux-ci, nous ramenerons les autres, quand il fera queftion d'un coup dc main. On croit que les Pruillens ne tarderont pas a fe rctirer. La Lettre du Roi de Pruftc d Son Ar te s se femble i'annoncer. Si cela arrivé, avant que les Cerclcs puificht envoyer aftez de Troupcs pour les rcmplacer, nous redeviendrons les Maltres, & Dien fait files Ariftocrates suron:  ( 70 ) cliaud. Nous connoiflbns tous ceux qui ne tienncnt a notre parti que par la crainte , & nous les furveillons de prés, C'efl préférablemcnt chez ceux-la , que nous avons logé les Soldats. On fc plaint, on cric , on pleure , & nous laüTons crier & pleurer, fans nous en inquiéter. Quand la moitié des Citoyens feroient ruinés, ce nc feroit pas acheter trop cher Ia nouvelle Conftitution. Le bien général ne fe fait qu'au détriment de celui des particuliers. Mais qu'importc le malheur de quelques individus, pourvü que la Nation foit librc ? Elle le fera, foyez-cn fur, en dépit de la Chambrc Impériale de "Weftlaer. Convenez que la Cour de Berlin nous fert bien & que nous avons fagement fait d'y cnvoyer Fabri, quelque cher qu'ait été ce Menage : nous triompherons n'en doutez  ( 71 ) pas. Nous ne voulons plus de Prince , ni de Prêtres ; nous voulons ctre Indépendans , &: nous le deyiendrons , faflut-il égorger la moitié des Citoyens. Les Nobies & les Bourgeois opulens n'exiftcroient déja plus , li 1'on eut fuivi mes avis L\ ceux dc mon frere, Il y auroit eü. bien du malheur, fi parmi tant de Veuves , je n'eufie pu déterminer quelque richarde a m'époufer. Les Femmes ont épuifé ma fortune; c'eft aux Femmes a la réparcr. La Baronne de V** me conviendroic a mervcillc : c'eft dommao-c que fon Mari ne foit pas Ariftocratc; j'aurois un efpoir affiirc de la rendre Veuve. Elle me plait, malgré fa dévotion, ou plutöt, a caufe de fa dévotion même; car, quoique je n'aie point de Religion , j'aime que les autres en aient. Elle eft la fauve-garde des  ( 72 ) qudlité's qui font lc charme de la vie &c im frcin contre les vices qui la rcndroicnt infupportable. La Philofophie eft fans doute une chofc excellente , puifqu'ellc nous délivre des préjugés & des remords ; mais convenez qu'il y auroit peu de profit a être Philofophe, fi tout le monde 1'étoit. Unc Société ccmpofée de Mirabeaus, dc Be.zumarcbais , dc Linguets , dc Suards &c dc Bsjfenges, feroit un vrai Pays de Leftrigons & d'Antropophages. Voila pourquoi j'ai toujours regardé comme de petits Efprit1; tk de demi Phiiofophcs les Auteurs qui ccrivent contre la FLeligion. ]l me tardc fort , mon cher Ami, que vos affaires vous permettent de revenir. La petite Fanchon s'ennuie de ne pas vous voir. Le Brtin voudroit bien la confolcr dc votre abfence: mais jc doute qu'il par- fienne  ( 73 ) vienne a lui plaire. Elle Je connoït alle* bien pour le méprifer , & le mépris ne conduit guères a • 1'attachemcnc. Quelque dévoué qu'il foit, dans fon Journal , au Patriotifme & & la Liberté, je vous avoue que je ne 1'cn eftimc pas davantage. C'efc un homole vil & bas qui ment au Public tk a Ia confcicncc pour dc l'argcnt. il écrirolt contre nous , pour peu qu'il y trouvat plus de pront. Mais comme Ü nous eft dévoué & que fa Feuillc eft une des plus fépandues dans nos Cantons, il eft bon dc lui cachcr Hiorreur qu'il infpirc a 1'un & i 1'autre parti, Le pétulant Marquis d'Hxvricourt, demande fouvent de vos nouvellcs & dcfire autant que moi votre retour. Sa douce Maitrelfc vient d'accoucher d'un jol! petk gare©», dont vous auricz etc le Parrein»  ( 74 > u vous vous fufïïez trouvé ici. Eile m'a chargé de vous dire mille chofés agrcables de fa part. Hatez - vous de terminer vos affaires. Vous favez combien vous Ctes attendu ici. Vale & me tui devotijfimum exiftima. P.S. Au reftc, j'ai appris, a diner, par un Avocat de Bruxclles, qui eft venu fe réfugier ici, que le Confiteor de Son Éminence le Cardinal Archevêque dc Malines, & la Vérité Vengée , dont vous defiriez tant de connoïtre l'Auteur, font dc 1'Abbé Sabatier de Cajlres, un des plus fanatiques Adverfaires de la Philofophie & de la Liberté, témoin fes trois Siécles de la Littérature & les premiers Nos du 'Journal Politique - National , qui font, dit - on , de lui.  ( 75 ) Lettre VII. De M. VAbhé de C** d M. de F**, d Malines. Liege, ig Janr. 1790. I j &-1G0 te abfolvo : vous favcz bien, mon C!*cr, cc que ccla veut «lire. Mais unavcrtiflementque jedois vous donner, avant la pcnitence, c'eft de vous corrigcr du dcfaut de fincéritc qui regne dans votre Confeffion. Un Brabancon, qui a coutume de dire fon Confiteor k un Capucin, ne dok pas s'attendre a la tnême crédulité de la pare d'un Directeur aufïi éclairé que moi. Vous avouez vos fautes, fans qu'il parokTe vous en coüter beaucoup; mais apprenez qu'im Ami eft encore plus difficile qu'un ConfeOeur. K %  ( 76 ) Cela die , vous aurez fbin , pour votre Pénitence , de lire réguhérement les trois Feuillcs Périodiqucs qui fe fabriquent dans notre Noble Cité & auxquelles je viens de vous abonner. La Pénitence eft rude, j'en conviens, pour un Hommc qui a du gout & qui aime la vérité ; mais il faut bien que je vous fafle expier la négligence que je vous ai fi juftement reprochée. Je vous enjoins, de plus, de la réparer par une plus grande exaclitude d m'écrire, fans quoi votre Cöntrition fera regardée coinme nulle, &c votre Confefnon vous rendra plus coupable. Je fuis aflez bien, comme vous voyez la marclie que vous m'avez ouverte par votre mek culpa. Je vous exhorte d continuer d'édifier les Dévcts avec qui vous i fcvez k vivre. Je voudrois cependam que  ( 77 ) ' vous nc fnfïïez pas aula" crédule fur- 1'article dc la bonnc opinion qu'ils ont des Auteurs, Motcurs, Acteurs 8c Fauteurs de notre Révolution. Je puis vous alfurer que la Régence acTuellc n*«ft compofée que de mauvais Sujets qui, du matin au foir, ne font occupés que de tromper la Nation 8c le Public. Le nom de F**, parmi les honnétes Gens, eft devenuc le fynonyme de tous les viccs ; le nom de Cb** le fynonyme de toutes les lachetts; celui de Bafeuge, leur Orctcur, rappelle a la fois des ridicules, des platitudes 8c les excès du libertinage. Cc font des Gens fans mceurs, fans principes, fans vergogne , qui, fous le voile perfide 8c trompcur de 1'amour de la Liberté & du bien Public, ont cherchéi 8c trouve les moyens dc foulcvcr le Peuplc, pour fe venger du Gouvernement qui  ( 78 ) les mcprifoit avec raifon, mais qui peutêtre n'auroic pas dd dédaigner leurs intrigues factieufes. Pour vous peindre d'un. feul traic la corrupcion de nos Révolutionraires , il me fuffira de vous dirc que , dans 1'intention de loucr 1'Ecrivailleur Baffinge , ils 1'appeUent le Mlrabeau Liégeois , Sc que ce Bajfenge eft aflez vil pour tirer vanité de cette métaphorc. Il ne peut cependant ignorer, qu'auprcs des bons Efprits, le nom de Mirabeau eft encore plus deteftable & plus injurieux, que ceux de Llnguet Sc de Beaumtrchais, Vous avez raifon d'être ctonné de la conduite de la Pruffe. Le Public, cc Juge impartial, paree qu'il eft fans Iiaine & fans jaloufic paree qu'il ne fc laifie pas féduire par des Sophifmcs capdeux ni par les dehors d'une fauiTc bienvcillancc , le Public  ( 79 ) eft indlgné , révolté de voir la Cour dc Berlin protéger fi ouvertemenf une Révolution, auffi impure dans fa fource, qu'elle eft injufte dans fes motifs Sc funefte dans fes effets. Il pourroit bicn arriver Si il arrivera infaillible ment au Roi dc Prufte, cc qui eft arrivé au Roi de France, dont les Sujets, i beaucoup prés . n'étoient pas auffi onpriniés , auffi efclavcs que le font encore les Pruffiens. La France étoit pourtant excufablc, en quelque forte, dc favorifer 1'Infiirrcótion d'Amérique, puifque les Anglois font fes ennemis naturels; mais la Pruffe ne fauroit 1'être de protéger les Sujets Re belles d'in Prince, qui ne peut lui portcr aucun ombrage, & qui ne lui a donné aucun fujet de mécontentement. Si notre Souverain avoit etc bi?n cön*  ( 80 ) feillc, il auroit déju fait répentir le Cabi-' net dc Bcrlin, de fa conduite aulïï injulle gu'impolkique. Il ne faudroit pas aujourd'hui dc grands moyens , pour faire foulever la Silene &i même le Brandebouro- : il fu.lïrok peut-ttre d'une trentaine de Pamplilcts bien adroits , bien fedkieux, bien populaires, compofes ou traduits en langue vulgaire & adroitement diftribucs dans ces Pays.... Deux feu'es Loix gouvernent la terre, la Loi du plus Fort & la Loi du plus Fin. Quand un Prince opprimé n'eft pas le plus Fort, il dok recourir a 1'adre.ffe, ou fubir fans fe plaindrc fa malheureufe deflinée. Tout en travaillant a la Réfutation dc Macbiavel , ie feu Roi de Prune projettoit 1'Incurfiou dans la Silcfie & faifok afndiïment fa Cour a Vu'.taïre , Ie Michltvd de  ( ) dc la Lit'.érature. Sou luccelfeur eft plus jufte, mals il fe laiile conduire par uö Minifcrc qui nc 1'eft pas, Quoique M. d'Herttberg fuc Prefident dc 1'Acadcmic de Eerlin , je lui croyois de l'cfprit & de la perfpicacicé; mais la conduite dc fon • Makre a Pcgard de notrc Infurtc&ion m'a détrompé. Pour peu que cc Minifcre Philofophe continue de fc monirer li peu ja* loux de 1'eflime des bons Politiques nc doutez pas que nous ne voyons bientot éparpillcr les tréiors rcnfermcs dans les Cavaux de Pofcdam & de Berlin, ce fruit dc tant d'cconomics cc de tant de vexations. Adieu; car fi j'écoutois davantage mon humeur, ma Lettre deviendroit un volume. Ne foyez plus li pareiTcux a nrécrire & dites mille chofes honmtes dc ma part a 1'Abbé dc Volxai. L  ( 82 ) Lettre VIII. De M. lc Chevalier de 1'erabifa > d M. l'Evêqtie d'A**, d Paris. Borcette, prés d'Aix-la-Chapelle, 18 Janvier 1790. Je fuis trcs-flatté , Monfeigneur, de la Réponfè obligeanïe dont vous avez honoré ma derniere Lettre. Me mettre au rang de vos correfpondances fuivies, me donner une place dans vos occupations du jour du Sabbat, c'eft vcritablemcnt me procurer a moi-même Ie jour du Seigneur Sc de la Jubilation. Il n'y a qu'un PreTatPhilofophe, comme vous, qui en partageant fes fcntimens d'atnitic avec tant de monde , puilfc en faire réjaillir une partie fur un Gcntühomme Portugais} qui n'a  ( 83 ) pour aiufi dire, fait que palier en France, qui connoit pourtant tout le mérite de votre efprit, mais qui n'a pas eu le temps de vous faire conno'itrc toute la fingularité du ficn. Puilque vous le dcfircz & que vous avez mcrne la bonté de m'en prier, je continuerai de vous parler avec franchifc & loyauté. Je vous dcmande feulemeut un peu a'indulgence pour les cxprefllons impropres qui doivent nécelfairement échapper a un Etranger, lequel ne connoitpas encore toute la délicatefle de votre langue. Je répondrai trés - exadtemcnt a toutes vos quefdons ; mais je dois auparavant vous faire obfervcr que le palfage dc Rouffeau que vous citez, ne détruit ni ne combat mon opinion de 1'incompatibilité de la nouvelle Conftitution , avcc 1'cfprit, & lc L %  f ÈI 1 earacVerc National. D'ailleurs, fi fur cetta inatiere les. idees du Citoyen de Geneve faifoient autorite , je pourrois citer une infinité de maximes & d'obfervations, répandues dans fes écrits , qui feroient la condamnation de votre Memblée Nationale. Vous pouvez-cn juger par cc morccau, tire de fon Jugcment fur la Polyfyno4ie. Apvcs avoir fait fentir Ie d.mger des innovations dans un grand Etat s " La „ fcule introduclion du fcrutin, ajoutc-t-il, devoit faire un renverfement épouvan3, table, & donner plutót un mouvement s, convulfif Si continuel a chaque partie, » qu'unc nouvelle «iguBor au corps. Qu'on juge du danger d'émouvoir une fois les « mades éno' mcs qui compofent la Mo>. narchie 'Francoife ! Qui pourra retcnir ,C 1'^branlement domvé , ou préyair tous  ( 8? ) „ les efTets qu'il peut produire ? Quand „ tous les avantages d'un nou/eau plan „ feroient incontcftablcs, quel hommc üc féns ofcroit entreprendre d'abolir les « vicillcs coutumes, de changer les vieil,> les maximes & de donner une nutrc i, forme 1I'Etat, que celle oü 1'a fucccfïïfivement amene une duree de treizc ,; cent ans ? „ C'eft pourtant ce que vous, Monleigncur, & pluficurs des autres Députcs , n'avez pas craint de faire. li eft vrai que les Dominateurs de votre Alfemblée ne paJfcnt pas en Europe pour des Hommes de fins. Ofez encore me citer 1'Auteur du ContrxH Soclal! Mais continuons. " Que le Gouvernement aétuci „ foit encore celui d'autrefois , ou que „ durant tant dc liéclcs il ait ciiangé dc „ nature :::fcnt:b!cment, il eft éealcment  ( 86 ) >, imprudent d'y toucher. Si c'eft le même , „ il faut le refpecfter; s'il a dégénéré, c'eft >, par la forcc du temps 3c des chofes; Sc la fageffe humaine n'y peut rien. „ Il eft pofnble , Meilïeurs les Franeois , Sc j'ai du penchant a le croire, que vous foyez, comme vous le dites, la première Nation du monde, fans excepter les Chinois, mais ce ne fera certainement pas dans la fin du l8e. Siècle, que vous trouverez votre Gloire. La vraie Philofophie, ne coniïftc pas dans 1'affiche d'une incrédulité deftruélive de la Société, ni le véritable Efprit de légiflation , dans le renverfement de la plus ancienne des Monarchies. N'allez pas non plus chercher indiftinctemcnt dans vos Faftes de quoi juftifier votre orgueil : vous pourriez y trouver de quoi vous couvrir d'opprobre Sc d'ignomi-  ( 87 ) «ie. La France a eu un Louis XII , $c un Henri IV, un d'Jmboife & un Sully ,mais n'a-t-elle pas eu des Tibfres & des Scjans ? Vous avez eu un Louis XII; & paree «u'il étoit économe; paree qu'il pleuroit quand il étoit obligé de demander des fubfides i fon Peuple , vous 1'ayez tourné en ridicule ; vous avez poufTé 1'indéeence jufqu'a le fatyrifer fur le théatre en fa préfence. Vous avez eu un Henri IV; & paree «uil avoit confiance en un Miniftre éclairé êc honnête - homme; paree qu'il s'occupoit férieufement des moyens de rendre fon Peuple heureux, vous lui avez plongé un couteau dans le fcin. Vous avez aujoard'hui un Roi, peu aótif, a la vcrité, mais elfentiellement bon, ami  ( 88 ) dc la jiiftice Sc de la fimplicité : il vous affemble pour 1'aider .1 réformcr des abus onéreux a la Nation', Sc , pour prix dc la bonté , vous conjurcz contre lui Sc vous le dépouillez des prérogaiives du Tróne. Jugez-vous , Nation Irancoife, Sc voyez li vous méritcz d'ctre licureufe. Ne font-ce pas vos vices qui ont provoqué les abus d'autorkc que vous citez, pour juilitier votre rcbellion ? Au défaut d économie Sc dc prévoyance prés. Panelen Gouvernement étoit le plus doux Sc lc plus lïvgc que vous pufliez dedrer. Loin d'ctre trop deipotique » il ne 1'étoit pas aficz. Il faut un feeptre de fcr pour contenir des Sujets fans mceurs Sc fans raifon, dont la crainte leulc peut arréter les exces. Il n'appartient qu'a des Citoyens honnétcs Sc religicux d'avoir de bons Rois. Un Peuple corrompu ne peut avoir que des  des Defpotes. Il n'eft fufceptible ni de la Liberté dont il ne feroit qu'abufer & qu'il reperdroitbientót, ni de la profpéi ité, toujours incompatiblc avcc la liccnce cc lei mauvaifes mams. Je fais que votre pcnchant pour les piaifirs nc peut cteindre votre paiïion pour la gloire; c]ue vous fr.vezallier les laürlers avec les rofes, la vertu avcc la volupté ; mais eft-ce a vous qu'il appartient dc louür vos bonnes quahtés, &de parlcravec mépris des autres Peuples ? Craigncz que, pour vous punir dc votre vanité Sc fe vengcr de vos humiliations, ils ne vous trainent au Tribunal féverc dc la raifon , & que Ü, fans avoir befoin de remonter au temps des Clément, des Ravaillat; Sc des Danüens, pour vous faire honte, ils ne citent les fottifes Sc les crimes dc toute efpèce, dont vous vous kas M  ( 9° ) rendue coupable, depuis que vos Dépiués ont ufiirpé le titre d'Ajfemblée Nationale. Je vous demaude pardon, Monfeigneur, de cette tirade; mais puifque vous m'avez permis de donner un libre eflor a mes penfees , je n'ai pas cru devoir reprimer cc mouvement d'humeur contre une Nation que j'aime & qui m'a forcé dc la quitter. Je paffe a vos quefcions. La première me furprendroit moins , fi vous n'apparteniez a une des plus illuftres & des plus anciennes families de France. Non, Monfeigneur, je ne penfe pas que les diüinclions de la' naifiance foient un prejuge , & .encore moins qu'il faille les décruire. S'arracber des bras d'une mere ou d'une époufc chérie , parcourir des Mers mugitfantcs , marchcr d'un pas  ( 9i ) ferme fur la glacé des montagnes & dans les marais bourbeux des vallons , braver tous les Elémens, vivre & même s'abbreiiver, durant des jours entiers, de fes propres fueurs, affronter des bouches qui vomhlènt des incendies, renverfer des portes de fer, efcalader des murs cnflammés, rapporter des plus pénibles Campagnes de cruelles cicatriccs, pour fruit de fes trvauK £e pour prix de la perte de fa fortune, êtré aflez récompenfé par 1'honueur d'avoir défendu fa Patrie, mourir pour Elle : tel efr le deftin de la Nobleflè. Puis-je croire après ccla que ce foit un préjugé qui la diöingue ? Tant qu'il y aura de la raifon & de la jüftice dans un Etat, le plus bas Officier d'une armée, que dis-je? Le plus fimple foldat, arborant le Drapeau fur les remparts ennemis,confervcra fa fupcriorite U 2.  ( fc ) naturelle fur fc plus opulent des Caiculateurs de la Rue Vivienne. Je lerois auffi Roturier que Cbamfort Sc Reuilberes, que je penferois de même. Si ma réponfe a votre fcconde quefnou n'eft pas contraire ï vos principes & aux intéréts de votre état, elle le fera du moins d votre conduite extérieure, dont, je vous l'avoue, j'ai cté autant Icandalifé, que 1'ont été les Prêtres fïncérement attachés a la Religiom Vous voyez que je vous parle avec un? grande franchife ; mais fi j'agiffois autrement, je croirois trahir la confiance que vous me témoignez. Aux Geus en place, qui ont 1'efprit auffi-bien fait que lc votre , on doit dirc la vérité fin? tous ces ménagemens qui la déngurent Sc la rendent inutile. Jc penfc donc que 1'Aucm'oléc Nauo-  ■ - ( 93 ) kfie a cu trés-grand tort , & qu'elle a donrie une grande prcuve d'ignorance en Pülitique &c en Lcgislation, en paroiflant dédaigncr le re;Tort fi puifiant de la Reik gión , en affciblillant lc pouvoir Eccléfiaftique, & en dépouillant le Clergé de fes kiens. Je me fbuviens d'avoir lu dans Montefquieu , que je n'ai pas fous la main , que ia fourcc la plus empoifonnée des mal-beurs, des Grecs, c'cf: qu'üs ne connurent ni la nature ni les borncs de la puifiance Sacerdotale & dc la Civile; que cette diftinóHon eft pouitant 'a bafc fur laqucllc polè la tranquillitc des Peuples; 5: je me rappelle tres-bien qu'il ajoute, que " cette diftinclion eft non-fculemcnt fondce fur la Rcligion , mais encore fur la raifon ?j & la nature.  ( 94 ) Les Mirabaus, les Target, les Theuret, les Camus, les Barnave, en favent-ils plus que Montefquieu , dont le Génie obfervateur avok employé vingt ans a la méditation des Lc;:: ? La France, en adoptantla Religion Chrétienne reconnut la Puifiance-fpirituclle des premiers Pafieurs; & par renrégiftrement de plufieurs Canons de 1'Eglife, 1'aveu de cetEe Puifiance a acquis la force d'une Loi féculiere cu civile, Décruire aujourd'hui cette Loi", c'eft afficher 1'injufticc, 1'incrcdulité, le mépris des Loix, &encourager le Peuple a n'avoir point de Religion, ce qui, comme Voltaïrt en eft convenu, feroit Ie plus grand des malheurs qui puftènt affiigcr un Etat. 'c TeJle eft la foiblefiê hu>, maine tk telle fa perverfité, dit-il, dans i, fon Traité de la Tolérance, qu'il vaut  ( 95 ) >, mieux pour elle d'être iivrce a toutes „ les fupcrftition-s que d'ctre fans Reli=> gion. „ En dépouillant de fes Privileges & de fes Biens , le Clergé, un Corps auffi Sacré , auffi important, même dans 1'ordre Politique, c'eft comme fi 1'on difoit au Gouvernement , faiies tout ceder au pouvoir arbitraire. L'intérêt a dévcloppé dans toute 1'étendue poffible la méchancetc des Hommes : óter par contre-coup a cette méchanceté le fréin le plus puiffant, n'eft-ce pas fe déclarer I'ennemi de fa Nation & de 1'Humanité entiere ? Croire que les Loix civiles font fuffifantes pour la concorde 5e le bonheur des Sociétés, n'eft-ce pas déccler une ignorance impardonnable i des Hommes qui f? donnent pour Législatcurs ?  (9S ) Vous me demandez, Monfeigneur, eu quoi je {ais conlifter les mceurs, lorfquc j'ai avancé que 1'Affemblée Nationale les avoii. détrukes en France. J'entends par les mceurs, ce que 1'on a toujours entendu, la maniere de penfcr & de fe conduire d'un Peuple. Ce moe , dérivé du Ia tin mores, qui fignifie ufages, habitudes, coutu7r.es, indique aflez qu'clles ne font pas reftraintes au plus ou moins de probité , d'honneur, oude dépravation d'un Peuple. On n'a de mceurs, qu'autant qu'on eft fidele' aux ufages , aux préjugés étabhs , aux opinions confacrées par une adoption générale. Idoütrer fon Roi , cliérir les Princes du Sang , refpeétcr les Membres du Gouvernement, honorer la Religion de fes Percs , traker avec reconnoifiancev'& diftinction le fiing. verfe pour la Patrie, refnectct:  ( 97 ) refpedcr les propriétés , préférer 1'honneur aux tichelles , obferver les bienféances d« fon état; voila ce qui diftinguoit principalement les mceurs de votre Nation & ce que le Génie Philoiophique & le Génie Innovateur de 1'Aiïemblée Nationale ont banni de 1'efprit & du cceur des Francais* Un Peuple a perdu fes mceurs & fon caradère , quand il a changé fes manieres d'ctre, quand il foule aux pieds tout ce qui avoit fervi a fa profpérité ; quand il admire, honore & carefle les Artifans de fon malheur; quand il met des diftindions entre la probité & le pairiotifme, quand il n'en met pas entre les talens & 1'honneur. La feule exiftence de Beauüiarchais & de Mira.beau, prouve combien la France eft dégénérée & corrompue, Mon opinion fur M. Nechcr diftere peu, N  ( 98 ) je crois, de la votre. Je 1'ai toujours regardé comme un Homme médiocre, cautuleux & plein de vanité; excellent Agioteur, mais mauvais Financier & plus mauvais Miniftre. Aucun des ouvrages publiés fous fon nom n'eft de lui. Thomas a eu la plus grande part aux premiers, même a celui qui a pour titre de ITmportance des cpinions Religieufes, quoiqu'il n'ait étc imprimé qu'après la mort de eet Académicien. On y retrouve fes principes & fa maniere froide &z emphatique. Le Rapport au Cortfeil> beaucoup mieux écrit, eft d'un tout eutre ffyle Ik, par conféquent, d'un autre main. Necker eft lc Moteur & la Source de tous les maux qui affligcnt le plus beau des Royaumes. Malheur aux Peuples qui s'enthoufiafment pour des Charlatans \ Suj^t perfide, 1'Hypocrite ambiticux mine  ( 99 ) fans cefïè le fondement des Monarchies> qui eft 1'honneur. Appareil impofteur, lïmplicité affecfxc , pecits moyens , mences fourdes, réferves étudiées} entours vulgaires; a ce cortege on peut le reconnoïtre. A moins qu'il ne s'agifle de leur intérct le plus preffant, les fourbes lont nécelfairement médiocres dans toutes leurs aólions. Eft-ce que les Efprits fupérieurs connoilfent les relfources de 1'inconfequence 6c de la faulfeté ? Le génie ni 1'honneur ne choifirent jamais les mauvais röles 5 car on n'appelle point un beau róle, rien de ce qui eft au-deflbus d'une place. Toujours feduit par de beaux dehors , le Peuple s'enthouliafme louyent pour ceux qui fappent fon bonhcur. Quelquefois les Hypocrites aftucieux entendent leur nom mentir dans une multicude de bouches; N 3  ( ICO ) mais le jour arrivé , & ce jour n'eft pa's loin pourM. Necker, oü le mafque tombe, oü lc fronÉ de ces Hommes, préconifés par 1'eipèce des Gens qui infulterent aux cendres de Colbert, n'ofFre plus que la honte de rinfuffifance & 1'empreinte du ridicule. Oui, vous verrez bientót ce mêïrie Public fi fouvent injuftc , fi infenfe dans fes opinioiis , fe réunir, dans toutes les Contrées dé la France, pour pourfuivre de fon horreur le Miniftre dont il a été fi long-temps l'admirateur & la viclime. Les Sages qui obférvcnt & jugent en filence n'ont en aucun teilips été la dupe des maneges pécüiiiéüx de ce Génevois. Des lc premier abörd, ils ont-pénétré lc mafque, & vous favez qu'il n'eft point dc reputation clécidéc, fans le fuffrage de la Sagcfïe. L'extrait d'une Lettre de Vcrfailles, da-  ( ioi ) tée du 16 Décembre 1780, vous prouvcra» Monfeigneur, que rambicieufc vanité de M. Necker ne put fe dérober dcs-lors a la pénétration du vieux Maitrepas , ou du moins a celle du Verfaillois qui en 178O s'exprimoit ainf: : NotreComte de Maiirepas, qui aFort defapprouve' le renvoi de M. de Sartine, la nomination de M. de Cajlries, & d'autres chan. gemens qui ont eu lieu pendant fa maladie, a fait promettre au Roi de ne plus en faire dc pareils, fans le confulter. Le Mentor converfant dernie'rement h cs fnjet avec un de fes Favoris, lui dit:" üje laiflbis faire ce Necker, „ il s'e'rigeroit bientót en Diccateur & s'arro„ geroit toute 1'autorite'... Cet Homme eft „ pétri d'orgueil & d'ambition... Depuis qu'il „ eft e'leve'au pofte qu'il occups aujourd'hui, „ il fe meconnolt. Je n'ofe dire au Roi ce „ que j'en penfe, pnifque c'eft k ma recom„ mandation feule que S. M. h accepte' fes ,, fervices , comme malgre' Elle, C'eft moi „ qui Val fontenu jufqu'a pre'fent; &, en re„ connoiGance, ü forme des inti igues contre  ( 102 ) „ moi, faitrenvoyer les Miniftres, met ileur „ place des Gens \ fa Dévotion. II s'eft rante' „ qu'avant un an , il efpe'rok de renouveller „ le Confeil d'Etat. J'ai vu les Lettres qu'il „ s'eft permis d'e'crire a mon fujet : c'eft un „ Intrigüant, un Cabaleur que la profpe'rite'a „ rendu Infolent. Je faurai le remettre k la „ place d'oü je 1'ai tire, & oü j'aurois dü le „ laifler. Je me fuis laifle aller alors aux fol„ licitations de Pefai, & j'avoue k ma honte „ que le Roi avoit mieux juge' ce Perfonnage „ que moi. „ Servons-nous, me dit-il, de eet ffoinme pour fon crédit. Laiffons-te au Tréjor* Royal; c'ejl le feu l pofle auquel il foit propre; ilrientend rien d l'Adminiflration. Ceu'ejlpas dans le métier qu'il a fait qu'il peut s'en e'tre infiruit. La place de Contrólcur-Général ne eonvient qn'd mes Intendans. Choififfons le plus hor.néte d'-'entre eux, & je crois que nous ferous mieux. Ce Necker a la tete remplie de projets; il neus feroit faire des fottifes, diffi, eiles peut-e'tre d réparer. „ Je m'eflbrcai de perfuader le contraire „ au Roi. Je lui obfervai que eet Homme fe„ roit docile h fes volontës; que, pofledant „ une fortune confiderable, il ferviroit plus „ par ze'le que par inte'röt; qne n'ayant  ( 103 ) w aucune liaifon avec les Gens de la Cour, v il ne feroit occupe' que des devoirs de fa „ place. Je citai h S. M. 1'exemple du Comte „ de Vtrgennes, qui ne fe mêloit de rien qui „ fut e'tranger k fon departement. Enfin, » j'obtins que Necker feroit mis a la tére des „ Finances & qu'on renverroit Tabourean„ dont il etoit alors 1'Adjoint. Depuis qu'il „ eft en chef dans cette partie, il a fait des „ innovations continuelles; il fe conduitavec „ une durete e'tonnante envers fes fubordon„ nes & avec une hauceur revoltante envers' « les autres. Je recois journellement des „ plaintes k fon fnjet, & je fuis très-decide' k „ 1'expulfer. II ne s'agit que de trouver quelqu'un qui puifie le remplacer. „ Celui k qui M. de Maurepas fit cette confidence , lui obferva qu'il ne croyoit pas que ce fut le moment de renvoyer le Directeur des Finances; que M. Necker jouiffoit de toute la confiance publique; qu'on ignoroit lesmotifs de plainte qu'il pouvoit avoir contre lui; qu'il croyoit plus prudent d'attendre encore quelque temps, pour pouvoir preparer la Nation h eet evenement & méme le lui faire defirer; que le Dïre&eur fe propofant de rendre un Compte public de fe geftion, ü falloit le UuTer faire.  ( 104 ) ,. Je ne fuis pas de 'eet avis1, réporidit te 4,' Comte de Maurepas. Ce Compte qu'il veut „ rendre peut nuire au cre'dit & d'c'couvrir t, des fecrets de 1'Adminiftratioö qui ne doi„ vent etre connns que du Roi & de fes Mi„ niftres. La guerre d'Ame'rique a de'j& coute' „ des fommes e'normës; mon opinion e'toit „ qu'on ne la fit point & celle du Comte de „ Vergeunes qu'on ne la fit que le plus tard polïïble ; nous aurions de'ja acquitte' un „ qnart de la dette de 1'Etat, avec 1'argent s, qu'on a de'penfe'depnis trois ans, facs ce„ lui qu'il fandra fournir encore jufqu'a ce „ qu'elle foit termine'e. Taboureau s'oppofoit „ a cette guerre : ce n'e'toit pas un Genie, mais il avoit des vues droites ,* il connoif„ foit la routine du Contrule-Ge'neral. J'au„ rois dü le laifier en place. Delille , fort „ Homme de confiance, me pre'vint contre „ Necker ; je crus qu'il y avoit jaloufie de „ Metier. Dans ce moment je ne fuis feconde' „ parperfonne; j'ai fans ceffe a combattre les intrigues de Cour , celles des Freres du i, Roi, dont 1'aïne'vèut etre quelque chofe; „ ce que j'cmpecherai autant que jelepourrai. i, Le Comte d'Artois aime le plaifir; il coute j, beaucoup, Le Roi a de 1'attacpement pour „ lui  ( 105 ) ,•, lui & ne peut lui rien fefdfer. Enfin , fans „ maitrefles , fans aucun gout pour le faux f 3, avec un efprit d'ordre & d'economie, nous „ nepouvons re'uüira rctablir nos Fnii a egalifer la recette avec la dr'penfe. Nous „ fommes continuellement force's derecourir „ k des emprunts : voili uniquèmént en quoi ,j Necker deploié quelques taleiis. Mais il fauC u faut que cela finifle, & le premier eniprunt „ que le FJirecteur me propofera fera le pre'- texte que je prendrai pour le faire renvoyef* Le Public, iv'pliqua le Favori, dcfapprouve la maniere liberale avec laquelle on a traite M. de Sartine, dans un moment oü 1'Etat a les plus grands befuins. „ Le Public a tort. Sartine a exerce' les „ fonctions de Lieutenant de Police pendant „ long-temps & d'une maniere qui lui a feit „ honneur. Le Roi 1'aimoit. J'avouc qu'il n'e'„ toit pas un excellent Miniftre de la Ma„ rine ; mais il avoit de bons fous-or- dres , &c . „ Cette Lettre écrite il y a dix ans Sc dont je ne vous cite que la dixieme parrie, eft trU-curicufe &c vicne u'urc iaipjiu.ni« 1 ' * O  ( io5 ) «lans le Ge. vol. d'un Recueil de Letircs Hiftoriques , Poliiiques & Critiques, fur les (vénemens qui fe font paffes defuis 1778 jufqua préfent. Cette Collection qui n'eft pas encore parvenue en France , Sc qui fc trouye a Maeftricht cnez Cavelier, eft une des plus intérelfantes dc ce genre, Sc j'offre de vous la procurer. Quoique je ne fois qu'a une portee de fulïl d'Aix-la-Chapclle, j'y vais fort rarement, Sc fuis par confequent peu en éfat de vous mettre bien au fait des Francois qui s'y font réfugiés. L'Evcque de Carcaffonne n'y a paffé que dix ou douzc jours, L'Evêque de Meaux y eft encore, ainfi que les Abbés de La Chatre Sc dc Lufine , qui comptent y paffer le refte de 1'hiver. Le Duc de La Force en eft parti peu regretté de ceux qui le voyoient. M. Bertin , Is  ( 107 ) Miniftre, ciiéri de fes Vaflèaux & cïtimê de fes Amis, n'y eft pas venu en fiighif, mais pour foigner fa fanté. Quand M. de C* * en partira , il nc fera regretté que de fon aubergifte. Pour Mcfficurs de5**, ils ne Ie ferórit de perfonnc. Ils ont la morgue des Hommes nouveaux. M. le Comte d'Efcars, le feul des Francois que jecultive, eft d'une polkelfe & d'une honnêteté qui décéleroient fa naiffance, quand il n'auroitpas un Cordon. Il vient quelquefois me voir dans ma Charcreufc, mais pas auffi fouvent que je lc dcfirerois. C'eft un Homme de fens & d'efprit, qui paroit faire quclquc cas de moi. J'en fuis d'autant plus flatté , qu'il n'y a que ceux qui fac-henr mettre un prix a. leur eftime qui puilfent la rendre chere aux Hbnnêtes - Gens & merker la leur. C'eft Y0us_dire3 Monfeigneur, que vous avez la O z  ( io3 ) miemie, quoique nous différions, finon de facon de penfer , du moius de facon de nous conduire. Agrécz mes révérences peu cérémonicufès, mais bicn cordiales.  ( 109 ) Lettre IX. De M. le Comte de &**, d M. le VicomteE**deF**, dBruxellcs. St. Trond, ce 20 Janvier 1790. Q M*UE vous ctes imprudent, mon cher Vicomte! Je viens de lire dans une Feuillc Périodique, une Lettre de vous qui peut vous faire ie plus grand tort. C'eft celle oü vous vous plaignez fi mal-adroitemcnt d'un Libelle répandu fur votre Compte, dans lequel on vous accufe, dites-vous, de manquer de Patriotifme & de ne vous étre pas aftez montrc conlre PEmpereur. Je nc connois pas ce Libelle, mais s'il eft tel que vous le donnez d entendrc , il me femble que vous devriez des remerciemens d 1'Auteur , au-iieu , des injures que  ( iïo ) vous lui prodigués. Quoi! vous vous faches de ce qu'on cherche a couvrir votre ingratitude envers la Maifon d'Atttriche d qui, cornme tout le monde fcait, vous devez voti-e fortune Sc le titre qui vous fcpare de la ClafTc des Roturiers! En vérité, mon cher E**, cela n'a pas le fens commun. Rétra&ez vue cette Lettre imprudente; car fi jamais 1'Empereur réconquiert les Pays-Bas incapables de réfifter d une armee de jO mille hommes , cette Lettre fiiffiroit pour vous faire perdre vos biens &c votre tête plus précieufe encore. Tout le monde ne fera pas de mon avis, fur ce dernier point, paree que peu de monde vous aime autant que moi. Je n'oublierai jamais que vous m'avez prêtc de bonne grace vingt .louis , dans un moment ou vingt louis ctoient pour moi plus  ( III ) précieux que vingt mille liyres dans ua autre temps. C'eft pour reconnoitre ce fervice que je vous exhorte a défavouer la Lettre dont il s'agit. Si la crainre de voir vos pofleffions pillées par les Patriotes, vous 1'a inipirée, la crainte de voir 1'Empereur rentrer dans la poflèffion des Pays - Bas, doit vous en fuggérer le dcfaveu. Mes complimens a la petite Hofalïe, fi vous 1'avez encore. Je vous falue comme je vous aime ex toto corde & animo; car je n'ai pas encore eublié tout-a-fait mon latin.  ( tii ) Lettre X. De M. de B*, d Mlle- de Mur...., d Bruxelles. De Coblence 16 Janvier 1790. Jai quitté Luxembourg > ma bonne Amie, pour venir ici avec mes Confrères les jeinf ifsi Nous comptons y féjourner jufqu'a ce que les affaires de Brabant prenncnt une tournure décihve. Je pronte d'une heure de loifir, pour répondre a votre dcrnicre Epïtre. Vos vers , comme votre proie , me font éprouver chaquc fois un nouveau plaifir, C'eft dommagc que vous foyez fi parefleufe. On devroit écrirc plus fouvent, quand on écrit fi bien & qu'il en coute fi peu. Votre Tirade fur Linguet eft vraiment charmante. Te yous donnerai fur le compte dc ccc Eura"é  ( i il3 ) Enragé les renfeignemens que vous deürez pour votre Linguétiade. Je connoiflois déja la Lettre qu'il a adreffée au Comité Patrïotiqtte de Bruxdles , Sc que vous avez eu la bonté de m'envoyer» Je n'en fuis pas moins reconnoiffant de votre attention. Vous m'obligerez de me •procurer fa Correfpoudance avec M, le Comte de Trauttmanfdorff, dés qu'elle paroitra. Quei homme que celui qui publie ainfi les Lettres qu'on n'ccrit que pour lui l Je vous prie d'ajouter au paquet quelquesuns des Pamphlets qu'enfante la Révolutiom Celt fur-tout dans ces Produ&ions du délire qu'on apprend a connoitre les maladies de 1'Efprit humain. Cette connoiifance eft néceflaire aux Moraliftes ScauxLégiilateurs, qüi font, comme vous favez, les Médecins des Etats, P  ( ii4 ) , Malgré tous les fervices que j'ai rendtts a Linguet', je n'aurois été ni fürpris ni faché de trouver, dans fa Lettre, mon nom accolé a ceux de MM. Crumpipen, Le Clerc Sc de Feltz., qu'il appelle fi élégamment des Voleurs en Chef. Je ne me piqué pas de valoir mieux que ces Meffieurs. Leur réputation > ni la mienne ne fauroit fouffrir de la frénélie d'un Homme tel que ■Linguet. Perfonne de ceux qui lifent n'ignore que c'eft un des plus effrontés menteurs que le lïecle ait produits ? Je ne fais fi vous avez fait attention a Ja.Note oü il tombe fur le Rcdaótenr du Journal gcncral de l'Europe; mais rien n'annonce plus fa mauvaife foi & fon audace que cette No:c. Il y dit formellement qu'il n'a jamais eu aucune efpece de rélation pécuniaire avec le Soiiverain ou fon Gou-  ( u's ) Utrntmtüt , tandis qu'aucun Membre du Gouvernement n'ignore qu'il a rccu de 1'Empereur mille louis de gratification, pour ce qu'il a écrit, dans fes Annales, en faveur des prétentions de S. M. I. rélativcment a la navigation de 1'Efcaut. L'Ordonnance fur le Tréfor-Royal qui lui fut remifê a eet effet, palfa dans le temps, par mes mams' & par celles de plufieurs de mes Confre res, alors affèmblés chez M. Crumpipen, le Secrétaire d'Etat. J'ai ouï dire a M. de Feltz , qu'outre ces mille louis , il en a rccu fept cent autres, quelque temps aprés, pour le même objet; mais je n'ai pas une connoifïance immédiate de cette feconde gratification. Dans cette même Note, Linguet, prennant fans doute fes Leéfeurs pour des imbécilles , fc défend d'ètre Coupable d'ingraP 2  C n5 ) titudc envers rEmpcreur, quoique des la première phrafe de fa Lettre, il s'annonce lui-même pour le plus ingrat des Sujets de Sa Majelïc, puifqü'il s'y félicite de pouvoir rendre hommage a la Liberté naiffante & au Peuple généreux qni Ca , dit-il , fi miraculeujement reconquife. Quand 1'Empereur n'auroit fait que lui donner un afyle dans les Etats & lui accorder les droits de Citoycn, auroit-il du louer les Brabancons d'avoir brifé les Héns qui les tcnoient fous la domination de ce Prince ? Auroit-il diife déchalner, comme il leFait, contre fon prétcndu Defpotifme & calomnier fon Gouvernement Un homme reconnoilfant auroit gardé le filence, quand il n'auroit rccu que lc droit dc Bourgeoifie. Cc qui prouye fur-tout la baffeffe & la  ( H7 ) vileté du Perfonnage, c'eft la maniere in» folence dont il parle aujourd'hui des Membres du Confeil Royal, tandis que peu dc jours avant la Révtdution, il étoit d leurs genoux, dans 1'efpoir d'obtenir, par eux, d un prix fort au-deffous de fa valcur , un bien appartenant d je ne fais qu'elle des Abbayes fupprimécs. Mais rien ne décele davantagc fon naturel pervers & fon penchant pour 1'impofture , que la comparaifon qu'il fait dc la conduite du Gouvernement avec les atrocites du Duc d'Albe & fes complices» „ Si leurs Succelfeurs , ajoute-t-ij, n'ont „ pas donné autant d'occupatian aux Bour-, „ reaux, c'eft le temps qui leur a manqué „ plutót que la volonté. „ Vous notercz que, depuis dix ans, jufqu'au jour de la Rérolution, il ne s'eft pas fait fix exécu-  ( ii8 ) tions clans le Brabant, Sc que lï , depuis le mois de Septembre dernier, on eut livré au glaive vengeur de la Jufïice tous les Citoyens atteints Sc convaincus du crime de Sédition, les Bourreaux auroient eü chaque jour des viótimes a immolcr a. la tranquillité publique. Le temps a lï peu manqué au Gouvernement pour punir les coupables, que rout le monde fait, pour nc citer qu'un exemple, que lorfqu'on a ouvcrt les prifons de Bruxelles aux criminels, il y avoit plus d'un mois que 1'arrêt de mort du S. Secretant, Gouverneur des enfans de M. le Duc d'Urfel, ctoit prononcé Sc figné. Dira-t-on que cct arfêt,' rendu d'une voix unanime fut injufte? On n'oferoit , puifque le S. Secretant a été convaincu par piéces de fon écriture, piéces qu'il n'a pü défavouer, d'avoir forme  ( ii9 ) comme vous fayez, le complot d'aflaffinw avec fes complices tous les Officiers de la garnifon; puifqu'unc de ces piéces, également de fon ccriture, contenoit le plan & la conduite qu'on fe propofoit de finvre dans Pexécution. II n'eft pas inutile d'obferver que ce n'eft qued'aprèsles dépofitions du Prévenu, que le Confeil Militaire s'eft déterminé, non d emprifonner Madame la Duchefïe A'Urfe!:, ni d la traiter avec barbarie, comme Lïngutt le prétend, mais d lui donner une Garde dans fon Hotel, jufqu'au moment de la confrontation. Les charges contre cette Dame étoient telles, que fi fon eut fuivi les loix d la lettre, on auroit du la conduire en prifon & la tenir au fecret. Lc Général des armes a pris fur lui de mitiger la Loi , eu confïdération du lan*  ( -20 ) de Madame la DuchelTe d'Vrfel & des^féfvices de M. fon Mari ; & cependant le Sr. L'mguet ne lailfepas detaxer de barharic le procédé du Général. En un moe, vous devez regarder lc Tableau que lc Libellifte faic de 1'ancien Gouvernement, comme un amas d'exagéradons, d'hyperboles & de menfonges, que tout Bruxellois de bonne foi eft en état de démentir, Ce qu'il y a de plaifant, c'eft que tandis que, d'un cóté, Linguet, croyant faire fa cour aux Membres du Comité, s'efforcc de perfuader au Public qu'il n'y a point eü de Conjuration , les Conjurateurs font occupés d'un autre cóté, d publier un Précis hiftorique de leur affociation & de leurs manoeuvres, pour prouver que c'eft moins aux Milices formces par Vandernoot, qu'a leur  C m ) . leur complot qu'on dok le fuccès de la Révolution. Vous trouverez un long extraic de ce Précis dans le N° f du Journal général de ïEurope. Les principaux Chefs de la Conjuration y font nommés , & on ne les nomme, que paree qu'on croic rendre hommage a leur Patriotifme. Ce qui ne feroit pas moins plaifant, fi Linguet fe piquok d'avoir des principes & de laLogique, Oeft de lui voir faire 1'Apologie de 1'Ariflocratie, de la Démocratie, de la Liberté & même de 1'Anarchie, après avoir conlommé la plus grande partie de fon encre vénéneufe a nous tracer les avantages dc la fervkude , & du defpotifme. Je le prédis : vous le verrez changer de ton & fe déchamer contre les Patriotes, foit Ariftocrates, foit Démocrates, dés que 1'Empereur aura reconquis les Pays-Bas; Q  ( 122 ) «ar je n'imagine pas qu'aucune Puiflancc öfe 1'en empêcher. Quoique Linguet h'aic jamais été mis par les Gens de goüt dans la claffe des bons Ecrivains , on s'appercoit qu'il dégénéré tous les jours. On ne peut foutenir la lecture entiere d'aucun de fes derniers Ouvrages. Si fes Annalcs ont eu quelque fuccès dans leur nouveauté , ce n'eft qu'A 1'audacc & a la virülence de 1'Auteur qu'clles le devoient. Car telle eft la nature de l'homme, & fur-tout de 1'homme lettré, qu'il éprouve une forte de plaifir a lire des mechancetés. Ellcs flattent pour un moment notre amour-propre, par la raifon qu'elles blelfent celui d'autrui. On aime a voir 1'orgueil des Grands humilic, & les Satyres de Llnguct ont prefque toujours eu pour objet des Hommes eclébres  ( ) ou des Gens en place & en crédit, tels que d'Alembert, Gerbier, la Harp e, lc Duc dc Nivernois, le Comte de Maurepas, M. de Mhomeml, le Comte de Vergennes , 1« Maréchal de Zto^, &c. Il a joué pendant quclque temps le róle de ÏArétin, avec cette différence que VArctin ne fe mantra jamais infidele & ingrat envers ceux qui payoient fon fuffrage ou fon filence, Jc dois ajouter que l'Arétin avoit un vrai talent, & que Linguet n'a pas encore fait d'ouvrage digne de refter. Sa réputation mourra avec lui. Il écrit fans goüt, fans méthode & fans correftion. Son imaginadon féconde, mais naturellement froide, ne s'cchauffe qu au flambeau dc la haine & de la vengeance. Dans fes meilleurs morceaux, II éblouit plus qu'il n'éclalre, il féduit plus qU4l ne perfaadc & aucun — Q. *  ( 124 ) fe fait rclire , paree qu'ils manquent tous de naturel, & que rien n'eft naturel ni beau ni intéreflant, fans la fimplicité. Puifque vous defirez les plus grands détails fur Linguet, il eft bon de vous répéter ce qu'un Anglois dit de eet Auteur. Linguet s'eft imagine' que 1'Europe entiere avoit les yeux fur lui & pre'noit & fon fort le plus grand inte'rêt. Cela n'a jamais e'te'; on a beaucoup parlé de lui, mais fans s'en occuper : on a vu fon t mprifonnement avec la même indifïerence que fa de'livrance. Sa manie a touiours e'te' de fe croire 1'objet de 1'amour des uns & de la haine des autres ; il n'a jamais e'te' que celui de leur indiffe'rence, Onne s'intéïefle point aux Gens qu'on n'eftimepas. Me'cbant fans autre motif que Finte'rêt de fon amour-propre ou de fon avidite' pour i'argent, Linguet s'eft tout permis pour fe veuger de ceux qui l'ont humilié ou qui n'ont pas fatisfait a fon extreme avarice.... Jamais il n'a fait un afte de bienfaifance, ni le moin? dre acte d'humauite' : fon fdence le prouve. Mais s% n'a iamai? goute' le plalfir deiicieux  ( 125 ) de faire le bien, il a favoure' plus d'une fois celui de faire le mal. C'eft ainfi que les Efprits infernaux fe de'dommagent des maux qu'ils fouffrent par ceux qu'ils font. Malgre' la foif de 1'or dont il eft devore', il veut qu'on le croie deTinte'reffe', & del&fon affeftation k paffer fous filence ou k nier les re'compenfes & les bienfaits qu'il a recus & le plus fouvent follicite's. Tout ce qu'il a e'crit contre M. le Duc iCAiguillon ne prouve certainement pas qu'il foit deTinte'reffe'. Eft-ce par de'fintereffement qu'il a intente' un proces ridicule k Champon voiturier de Bruxelles '. qu'il s'eft fait vingt fois citer par fes domeftiques devant les Echevins de cette Ville ? Eft -cepar deTinte'reffement qu'il ame'contente tous les Imprimeurs, tous les Libraires, tous les ouvriers de la mime ville avec lefquels il a eu des affaires ? Eft-ce par de'fintereffement qu'il a reproclie' a un Chirurgien honnête d'avoir ba fon vin, k un Prote qui dirigeoit fon Imprimerie & qu'il nourriffoit , d'avoir trop bon ape'tit ? Eft-ce par de'fmte'rellement qu'il fait attendre fi iong-temps après le payement les marchands qui lui font des fournitures; qu'il a fi maltraité' fon cher Ami Lequefne i qu'e'tant k Oftende, il a reproche' au Cornmis  ( 126 ) du Sr. Ramberg, d'avoir ouvert fes maks & d'en avoir diftrait une cuillier d'argent ? Eft-ce paree qu'il eft de'finterefle, qu'il s'eft brouille' avec Borat, avec Panckouke, avec tous fes cliens; qu'il s'eft plaint fi fouvent de ce qu'on contrefaifoit fes Annales ? Eft-ce enfin par deTinterefiement qu'il a aide' fa Chere B**, avec laquelle il vit, a enlever a fon mari 80,000 liv. & une partie confiderable d'argent.erie ? Je de'fie qu'on puifie citer une feulo perfonne avec laquelle il ait eu des affaires d'inte'ret, qui n'ait a fe plaindre de lui. II eft fi ingrat, fi avide, fi e'goïfte, fi difficile a vivre, qu'il n'a jamais pu former de liaifon durable qu'avec la Femme qu'il a enleve'e a fon Mari & a fes Enfans; encore que d'injures & de coups n'a-1-elle pas eu a fouffrir de fa part? Voila j ma chere Amie, tout ce que je puis vous fournir fur Linguet. Sa noire ingratitude a 1'égard de S. E. M. lc Comte. de Trauttmanfdorff, eft feulc capable de jufïifier teut le mal que le Con-Homme  ( 127 ) Anglols dit de eet Ecrivain; Si vous faviez tout ce que ce Miniftre a fair pour lui, vous acheteriez lc Portraie de Linguet pour y cradier delfus toute la journée. Adieu, ma bonne Amie , donnez de vos Houvellcs au plus fidele de vos Amis 80 de vos Admirateurs. P- S, Malgré tout ce qu'on débite dans les Gazettes , le Duché dc Limbourg & tout lc Pays de Luziembourg font reftés fideles d 1'Empereur. Si je voulois vous faire rire & frémir a la fois, je n'aurois qu'd vousraconter les vengeances, d la foisridicules & atroces, dc 1'Armcc des Patriotes. Le temps ne më permet pas d'entrer dans ces détails. Je vous en amuferai dans ma première. Je vous prie feulement de ^us pourvoir dïncrédulité contre tout ce qu'on débite de la prétendue barbari? des Tron-  ( 128 ) pcs Impériales. Le Rédacteur du Journal général de l'Europe efc payc, j'en fuis certain , pour admettre dans fa Feuille tout ce que les Patriotes lui envoyent Sc pour rejetter toutes les réfutations de eet amas dc menton ges calomnieux. Au refte , j'oubliois de vous dire que c'eft a tort que M. Edotiard de TValkiers prétend que c'eft M. le Comfe de Traittt^ mandorff, Sc non M. le Comte & Alten , qui fit arrêter, dans le mois d'O&obre , les cinq Gentilshommes , Membres des Etats. Pour le convaincre de fon erreur, il vous fuffira de lui lire la Lettre que ces Seigneurs écrivirent, lors de leur élargiffement, a S. E. M. lè Comte de Trauttmandorff, a. qui ils en avoient 1'obligation, J'étois chez ce Miniftre au moment qu'il recut cette, Lettre & mon attachement pour Son  ( 129 ) Son Excellence m'engagea a lui demander ia pcrmiffion de la copi^r. La vcici : Monsieur, Kous avons 1'honneur de remercier vorre Excellence de la permi.iion qu'elle a bien voulu nous accorder. Notre liberté' öoüs eft d'autant plus prJcieufe, qu'il y a long-temps qu'on n'en eprouvoit plus les effers, & que nous ofons lui dire avec la plus grande ve'rite', que la maniere defpotiqüe & arbitraire dont la Nation eft traite'e deprus quelque temps, eft une des Caufes qui ont aeheve' de dJcruire la connance, Caufe que nous fommes lien loin d'itnpütér k votre Excellence. Nous fommes avec leplus profond refpeftj Monsieur j De votre Excellence Les tres-humbles , &c. le Comtö de Spangen , Lannoi , Duras , E. Coloma & de Prud'hommt d'Hailly. Bruxelles, le 14 Novembre 1789. R  ( 130 ) Lettre XI. De Af. VAbhé S. D. C. d M PAhhé Ma** C. de Mde- V*** & de j^de. ,£***, d Vcrfailles ou d Paris. Aix-la-Chapelle, 19 Janv. 1790. ie connois cette écriture, avczvous dit, en recevant ma Lettre. Ne feroit-ce pas 1'Abbé S*** qui m'écrit? Oui, Monfieur 1'Abbé , c'eft lui-mcme. Eb , quoi! Après un fi long filence & lans m'avoir prévcnu de fon départ ! J'ai tort, j'en conviens, d'être parti fans vous dire adieu; mais vous connoifiez trop les Hommes & favez trop bien faire ufage de 1'indulgence naturelle au Sage, pour ne pas me pardonner ce manquc d'attcntion , fur-tóut fi vous daigncz vous rappeller le danger que je  ( i3i ) courrois, pour peu que j'eufle différé dc partir. Ce n'eft pas dans le temps d'une liberté naiffante, dans le moment du triomphe de la Philofophie, qu'il convient de dire, & encore moins de publier, fa facon de penfer. Cc feroit fe commettre contre le Fanacifme. La Prelfe eft libre , mais la Vérité ne 1'eft point. Les Ehthöunaftes de M. Neektr, qui n'cn a plus aujourd'bui, me menacoient déja de la Lanterne, qui n'eft pas celle Diegene. M. votre Coufm, tout Député Sc inviolable qu'il eft, n'ofoic plus me parler , ni me faluer devant lc monde, tant il avoit bonne opinion de la tolérance de fes Co-Députés. Je voudrois bien favoir cc qu'il penfe aujourd'hui de leurs opérations. Lefilenccqu'il garde, depuis fi long-temps dans 1'Affemblée, (car je lis alfez pcguliérement le Journal de Paris) meperR Z  ( i32 ) fuade qu'il ne les approuve point. Mais k quoi fert qu'il les condamne, fi> comme tant d'autres Députcs pufdlanimcs , il n'a pas le courage dc lc manifeftcr J VU\ comme 1'Auteur de 1'EGcléfiafte, in loco judicii impietatem, & in loco juftitu iniquitatem* Vive M. 1'Abbé MmïjI vive M. Depremnill Voila des Hommes dignes de 1'ancienne Rome. L'Abbé Mmty fur-tout a déployé des lalcns & un cara&ere capables d'efFacer de plus giands égaremens que ceux qu'on lui a reprochés. Ubi plura nitent non ego paucis cffendar maculis j fes tores ont été ceux du fiecle; fon courage & fa fermeté tont des vertus a lui. Je le trouve djgne. de la fqrtune, fortes fortuna tdjuvat > comme dit Te'rence. II n'a donc point violé mon efcime, comme celle de je ne fais quclle Femme précieufe : je la  ( 133 ) tlonne fans le moindre effort a. qui-la merite. Je la donncrois même a. M. De U Harpe, s'il s'en rendoit digne. Croiriez-vous que , depuis ma fortie de France , je mc fuis vu dans la néceffité d'écrire contre M. 1 Abbé de Feller, malgre notre identité de zèle & de principes qui me lc faifoic eftimer ? Mais il s'eft permis contre le Gouvernement de Bruxcllcs des impoftures & des calomnics que la reconnoiifance Sc 1'amitié, amant que 1'amour de la vérité , m'ont fait un devoir de réfuter. Je lui ai donc adrefié, fous le nom d'un ancien Magiftrat, une Lettre de 76 pages in-8vo. qui , quoique écrite ï la hatc, n'a pas laifle d'avoir du fuccès, puifqu'elle a été contrefaite en quatre endroits différens. Toujours fidele a mes principes Sc aelé pour les repandre , je dis, dans cette  ( 134 ) Lettre, que la Liberté n'eft qu'un nom, lorfqu'elle ne fert qu'a rendre les Peuples plus malheureux ; qu'elle ne fauroit convcnir a un Peuple qui a goüté de la douceur corruptrice des Arts, des lumieres 5c du luxe; que les Loix les plus fages, fans |es mceurs, font infüffifantes pour la conduite d'un grand Etat, & qu'il n'y a plus de mceurs, la oü il n'y a plus de préjugés; qu'il eft démontré aux ycux du Sage que 1'lndépendance des Peuples ne les rendroit pas plus heureux, & que 1'Indépendance des Rois rendroit les Peuples plus libres. " Appellés, ai-je ajouté, pour réta„ blir Pordre dans les Finances, les Dé„ putés devoient-ils toucher a une Confti„ tution qui duroit depuis treize cent ans „ & qui a rempli 1'Univers de la gloire >, du nom Francois ? Et fi t£^t ou plutót  ( 135 ) a le Miniftère avoit befoin d'ctre régénéréj » falloit - il renvcrfer Ia Monarchie pour „ produire cette régénérarion ? Il nc fuffit „ pas d'avoir un amour chaud de la Pa„ trie i du zèle pour tout cc qui mtérclïè „ 1'Iiumanité, des intentions droites & * mêtné une certaine étendue de lumieres j „ tout cela ne donne pas le droit de fon>, ncr le tocfin de la réformation, lorlque » PEtat eft dans la détreue & dans une » crife violente. //ƒ*«*-, dit M. d'Argcn„ fon , plus de temps pour réformer eer„ tams abus, qu'il Wen afallupour les intro„ duire. Il ne fuffit pas d'avoir lu quelques » chapitres de Grotius, de Montefijuieu, » de Mably & de 1'Autcur du Contratl ,, Social, pour refaire une Conftitution, » pour donner de nouvelles Loix ï un P 8r'lnd Peuple, pour favoir difcerner les  ( Ij6 ) „ circonftances oü le mal abfolu eft url „ bien relatif, & tel défordre, un chainon. „ de 1'ordre géncral. Les maux Politiques „ entrent dans léconomie du Gouverne„ ment auffi ncceflairement, que les maux „ Phyfiques dans le fyftême du monde. La „ fiévre eft un mal, mais la fiévrc dévore les mauvsifes humeurs. La connoiilance 3> des principes n'eft rien, fi elle n'eft ac„ eompagnce de celle des obftaeles tk des „ inconvéntcns. Il y a tant derreurs, pour „ une vcritc , tant de rifque a briler les „ anciens refforts , même pour leur en „ fubftitucr de neufs , mais inéprouvés, „ tant de pref iges qui fafcinent 1'homme „ le plus en garde contre fon imagina„ vtion, tant de dirficultés a iurmonter pour „ établir le bien ï la place du mal, qu'il ,: eft prcfqu'aulli diffieÜe de réïormcr les „ Etttt  ( n? ) 5, Ecats que de les fonder : & des Avocats ; „ qui connonTent a peine 1 economie do„ meftique , "n'ont pas cru ce travail aua deflus de leurs forces! Mais quels poli„ tiques , que ceux qui établiflènt pour ,, premier principe du Code Social une 55 égaliré qui n'cxifte ni dans la Nature, 55 ni dans la Société l Quels Légïslateuirs, •) que ceux qui , dans une féance , ont „ fait quinze Loix , une feule auroit „ exigé de longues & profondes médita55 tations ! Quels Réformateurs, que ceux „ qui, pour évitcr la banquèroüte netrou„ vent d'autre expediënt que d'enléver au ,> Clergéfes biens, comme li des dons faits „ librement fous la foi Publique & Nationale, & fi une longue pofreffion n'étoient pas des créances auffi facrées , que celles « des Capitalifles de ia Rue Vivicnae!  ( 138 ) Quels Philofophes, que ceux qui, vou„ lant faire lc bonhcur d'une Nation, „ commencent par la rendrc malheureufc, qui défirant dc la rendre libre , piongent „ fon Roi dans la fervitude & finiflènt par „ devenir eux-mêmes les Efclaves de la „ plus vile Populacel 3, Je vous pric, Monfieur 1'Abbé, de faire lire .ce morceau k M. votre Coufin & a fon aimable Co -Députc, & de leur dire que j'en ai conclu que le Roi de France ou» s'ils 1'aiment mieux , le R.oi des Francois reprendra la liberté & 1'autorité qu'on lui a ü ingratement ravies. Et vcritablement, 1'aclion publique ne fauroit fc foutcnir long-temps dans 1'état de violence oü elle fe trouve. Outrc que lc Clergé , la Noblelfe , la Magiftrature & tous les riches Proprictaircs dcfirent, finon une contre-  ( 139 ) Révolmion, du moins un changement, la Bourgeoific elle-méme fe'laffe déja du nouveau régime. Il n'eft pas de Citoyen en état de gagner fa vie honnêtement, qui ne fente qu'il vaut mieux que la Loi veille pour lui, que de vcillcr pour elle. Ainfi, fans être Dcvin, on peut prédire que la nouvelle Conftitution ne fe foutiendra pas fïx mois, a moins que Ie Ciel n'ait décidé la diffolution totale du Royaume. Vous favez , Monfieur 1'Abbc , que , depuis dix ou douze ans, ma manie eft de faire des prédisftions fur les affaires publiques & fur ceux qui les manicnt. Que ces prédiiftions foicnt Ie réfultat de mes obfervations ou 1'effet d'un hafard heureux & foutenu, il eft certain que leur accompliffement toujours précis a plus d'une fois étonné les Gens de ma connoiftance. Vous S z  ( 14° ) ne tiircz pas que celles que j'ai fakes fur les ravages polkiques de la Philofophie, fur les humüiations de la Cour & du Gouvernement aient été imaginées aprés coup, puifqu'elles font confignées, depujs dix ans, dans les Préfaces des deux dernieres Editions de mes T. S. Vous favez qu'étant a diner chez le bon Abbé de Valory, avec quatre ou cinq Aumóniers de la Cour, je prédis , fix mois avant la première Affemblée de Notables , que du train dont les affaires alloicnt, nous ne pouvions manquer d'avoir les Etats-Généraux avant fix ans ; ce qui fit rire tous ces Abbés a mes dépens. La chofc eft pourtant arrivée. Vous favcz que, lorfqu'on convoqua ces 'Eïats , qu'on croyoit ne devoir plus affembler, je dis , e*i votre préfence , a notre digne Ami M. C**, que li le Gouverne-  ( i4i ) ment ne prenoit de promptes mefures pour empêcher 1'opinion par tête, on devoit s'attendre a voir le Roi dépouillc de fon autorité, réduit a la lifle civile & tout le Royaume fens delfus deffous. Je fus taxé d'extravagance; Sc cependant je voyois jufte. Vous ne favez peut-ctre pas, mais j'ai des motifs pour vous le dire, que trois ou quatre femaines avant la réunion des trois Ordres , difputant chez M. le Cardinal de La Rochefoucault contre M. le Comte de P.tnat, fon Neveu, j'annoncai, en préfence de fix Evcques, parmi lefquels fe trouvoit Jc Co-Adjuteur ÜAlbi ( qui , par parcnthefe, étoit feul de mon avis), que fi 1'on ne fe hatoit d'acaparer les Journaux Sc les meilleures plumes, trois mois ne fc palferoient pas, fans qu'on ne vit lc Cleraé £>,  ( 142 ) perdre les Dixm.es Sc la propiiété dc fes biens , Sc fans que la Noblelfe ne fut dépouillce de fes diftinéHöns. Cbntrcdit & plaifimtc la-deflus par mon adverfaire , je m'emportcrai jufqu'a dire , dans ma vivacité, que je ne ferois nuliement furpris, d'après 1'aveugle préfomption de la plupart des Nobles, qu'on dcmolit leurs Chateaux, brillat leurs parchemins Sc profcrivit leurs perfonnes. On crut que j'avois la tête exalteer M. le Cardinal, qui efi a 1'abri de ce défaut, pour ne pas m'entendre déraifonner, pafia dans fon cabinet pour dire fon Bréviaire. Le peu d'encouragement que j'ai recu de tout temps de nos Prélats, fi j'en excer te 1'aimable Archevcque dcLyon, m'empéche de les plaindrc. Ils doivent dire comme les freres de jofepb, merito bac pat'mur, quia peccavimus in fratrem.  C 143 ) Trouvez '°on que je continue le récic de mes prédidiohs ou prévillons , comme il vous plaira de les appeller. L'accompliffement qu'elles ont eu , vous infpirera plus de confiance, pour une prophétie que je fis hier, en grande Compagnie, Sc dont je dois vous faire part, puifqu'elle intéreffc la Religion & plufieurs de vos bons Amis. Dans lc mois de Setempbre 1783, je remettre, par M. le Baron Des Almons , i M. le Prince de Luxembourg , Capitaine des Gardes dc Sa Majefié, dors' de quartier, un petit Mémoire pour qu'il le pre_ fentat au Roi. Un des principaux objets de ce Mémoire étoit de prouver qu'au-lieu de diminuer le nombre des Gardes du Corps, on devoit fe hater de rétablir la Maifou Militaire du Roi, dont 1'e.uincfion  ( 144 ) avcic privé lc Tróne d'un appui & d'un éclat néccffaircs, & aliéné les cceurs d'une foulc de Gentilshommes qui, de Serviceurs foumis & heureux a la Cour, étoient devenus des raifonneurs dangcreux Se mécontens dans les Provinces. Outre que ce rétabliffement , de la maniere dont j'en préfentoisleplan3devoit faire entrer if ou 20 millions dans le trélor PvOyal, dont on avoit grand befoin a cette époque, il auroit concilié au Gouvernement le fuffrage dc toute la Nobleffe & celui de la bonne Bourgeoifie, defquels on avoit plus de befoin encore, pour la prochaine tenue des EtatsGénéraux, accordés aprés tant de déprédations. Or, j'ai annoncé poutivement dans ce Mémoire qui fut lü & gouté par le Roi, que fi Pon n'exécutoit ce Projet , il falloit regarder M. Necker, ou comme le plus  ( 145 ) plus grand cnnemi du Tröne, ou Comme rinfcrument des Philofophes conjurés contre 1'autorité Royale, &, qu'on devolt s'attendrc a un bouleverfement genera!. Telle fut en propres mots mon expreffion. J'étois a. Buc , pres de Verfailles, chez Al. dc Lancon, le jour que M. 1'Archévêque de Sens, alors Archevêque de Toulcufe, fut appellc au Miniftèrc des Finances, avec letitre deMiniüre principal. Plufieurs perfonnes de la Cour qui s'y trouvoient, entr'autres l'cltimable Marquis de Rcms.'mville, perfuadés fans doute, qu'il fufïïfoit d'avoir fu gouverner un Diocefe, pour bien gouverner un Royaume, efpéroient beaucoup de ce choix & vantoient a 1'envi les talens du nouveau Miniflre. Je pris la parole, & m'adrelfant a M. de Komahiville T  ( 146 ) qui m'en a reparlé depuis, j'annoncai en termes propres, que M. 1'Archevèque ne fe maintiendroit pas deux ans en place, qu'il n'y feroit que des fottifes, qu'il en fortiroit plus dérefté que fon Prédécclfeur , & je finis ma prédiction par dire , d'après la penfée de Tacite, que pour paroitre toujours digne du Miniftcre, il n'auroit pas y arriver : Omnium confenfu, capax imperït, nifi imperajfet. Quoique ce Miniflre principal eut perfcvéremcnt détourné lc Clergé de France, dans fes trois dernicres Affemblées , de mc donner des marqués d'cfcime, &, j'ofe le dire, de reconnoiilance; quoiqu'il eut été lié toute fa vie avec les Philofophes, mes ennemis, & qu'il le fut encore avcc 1'Abbé Morreler, le plus acharné de tous , 1'intérêt que je prenois d la Chofe publique me  ( 147 ) Jétermina a lui faire parvenir, fous un autre nom que le mien , des Obfervations qui, s'il en eut profké, 1'auroient difpcnfé de promectre les Etats - Généraux & détourné d'employer la vio'ence contre Ie Parlement. Voyant qu'il ne profitoit pas de mes Obfervations & qu'il continuoit d'agir d'aprés fa tête, moins miniftérielle qu'académique , je pris le parti de lui écrire directement fous mon nom.... Mais a quoi bon ces détails étrangers a 1'objet auquel j'en vcux venir ? Je les fupprime donc, mais non fans quelque regret; puifque vous auricz vu M. 1'Archevéque de Scns, guéri de fes préventions contre moi, me regarder comme un des plus grands précurfeurs de 1'opinion publique & s'occuper des moyens de réparer le tort qu'il m'avoit fait, lorfque fa fu^ue du Miniftérc, T z.  ( HS ) & fes efforts pour couvrir fa honte, par de nouvelles^ dignkés, 1'empêcherent de fonger a moi. Multi fantam, confckntiam fiiuci yerentur. Je n'ai point fait de prédi&ion fuif M. Afecker, mais, ce qui équivaut z une prédiótion , je n'ai ceffé de dire , des le commencement, a fes plus chauds partifans, que je le regardois comme un Hypocritc de meeurs, bon Agent de change, mauvais Adminifcrateur & Miniftre médiocre. Cependant, lorfqu'il fut rappellé au Miniffere, mon opinion fur fon caracferc & fur fes talens, ne m'empêcha point de lui offrir mes fervices, par le defir de me rendre utile a ma Patrie & clans l efpoir , je ne m'en cache pas, d'obténir quelquc bienfait, Je n'obtins qu'une Rcponfe d'Agcnt  ( 149 ) dc change , quatre lignes fort froides & fort plattes. Je m'en fuis vcngé , en publiant fa Lettre a la fuite dc la mienne, qui, counme tout lc monde fait, renfermc des craintes fur 1'avenir, dont les cvénemens fubféquens ont prouvé Ia jufte-llc. Je n'ai pas été moins heureux dans mes prédictions ou conjeclures politiques que fur les affaires Nationales. Je ne vous en eiterai point des excmplcs, paree que vous les croiricz fakes aprês 1'événcment, n'étant pas a portée d'intcrroger les Miniftres &c les autres perfonnes a qui j'en avois fait part. II me fuÊra dc vous dire, que Ia fagelfe & 1'utilité de mes obfervations en ce genre m'ont attiré des marqués non equivoques d'eftime & de reconnoi(fance d.e Ia part de deux Souverains. J'obferveraj a ce fnjet qu'on ne rend pas aflcz dc  ( IjO ) jüfticè d la probité des Princes; leurs intentions font toujours bonnes, paree qu'ils n'ont aucun intérêt d mal faire. Nc pouvant voir par eux-mêmes ce qui fe paile dans Pintérieur & hors de leurs Etats, ils ont befoin d'être éclairés par de zéles Obfervateurs, &c ils les rencontrent rarement parmi leurs fujets, qui font ou intércffés d les tromper ou incapables de leur dire franchement la vérité. La fujétion rend faux ou timide. Peu de Gens ofent lutter contre 1'opinion générale; peu de gens favent mtme penfer autrement que les autres. Un faux honneur nous féduit, une fauffe honte nous effraye, Sc nous fait enfreindre les devoirs les plus facrés, falfus honor juvat, & mendax tnfam'ni terret, Mais venons-en a la prédiclion que je vous ai promifc & dont l'accompliiTcment' mettrcit  ( ISI ) le comble a votre fatisfaction & aux vceux de plufieui-s de vos amis. Vous aimez les ci-devant Jéfuites; vous avez été un des Membres de leur Société; vous avez gémi avec tous les bons Citoyens de leur fuppreffion & avez été révolté de la maniere tyrannique dont ils ont été chaflés, fans aucun prétexte, de fEfpagne, & fous un faux prétexte , du Portugal : eh bien ! je vous annonce qu'ils feront bientöt rétablis ; j'en ai, depuis quelques jours, de vifs preflèntimens , & a tout age, les vifs preflèntimens ont été pour moi des certitudes. Je puis fi bien m'y fier, que, fi vous le voulez, je gagerai ma Bibliothequecontre la votre, qu'avant la fin de 1'année, le Pape aura donné la Bulle de leur rétabliflcment. Les extrêmes fe touchent en Morale ,  ( 152 ) comme en Phyfique : le triomphe de U Philofophie fera fa ruine, Sc bientót nous verrons 1'Impiété qui faic la garde autour du tombeau dc la Société, y defcendre ellemême pour I'y remplacer. Les Jéfuites étoient les Grenadiers de la Religion & par confequent les plus fürs appuis du Tróne. Le Souverain Pontife & tous Princes Catholiques étoient donc intércffés i les maintenir & a les protéger; mais les Phdofophes, fi ennemis a la fois des Princes & de la Religion, qu'un de leurs principaux Chefs (Diderot) n'a pas craint de dire qu'il auroit voulu pouvoir étrangler le dernier des Rois avec les boyaux du dernier des Prêtres , Sc qu'un de fes Dilciples (1'Abbé Raynal) a ofé imprimer que les Peuples ne Jeront heureux que lorfqu'ils tfauront ni Marnes ni Prêtres, quoi- qu'il  (. 153 ) qu'il fut Prêtre lui-même; les Philofophes, dis-je , fentant que les Jéfuites étoient le plas grand obftacle a 1'exccution dc leurs grands projets , ont tant intrigué, tant manceuvré, tant publié de calomnies contre ces Religieux, qu'aprés cfre venus a bout de les faire fupprimer en Portugal, puis en France Sc enfuite en Efpagne, ils font enfin parvenus a obrenir un Eref qui anéantit la Soeiété, j'ignorc a la follicitation de quellc Puiffance le Souverain Pontife révoquera ce Bref; mais il fera d'autant moins de difficulté de le revoquer, qu'il eft d'une nullité frappante, puifque le Corps fupprimé par ce Bref, comptoit quatre-vingt Buiies en fa faveur Sc avoit été confirmé par dix-ncuf Pontifes ; puifque c'eft contre ie veil. de prefque tous lts Evéques de la V  ( 154 ) Catholické qu'il a été follické & obtena par deux ou trois Cours; puifqu'il eft contraire au Droit Divin, au Droit Naturel, au Droit Criminel , au Droit Eccléfiaftique , comme 1'a démontré l'Abbc de Feller, un des plus intrépides Zélateurs de Ia Religion, qui , fans fon acharnement féditieux contre la Maifon d'Autriche, dont les Jéfuites n'ont jamais eu a fe plaindre, me paroitroit un des Hommes les plus eftimables, comme il eft un des plus éclairés. Je me fouviens qu'iine des chofes qui me révolta le plus contre ce Bref, étoit la défenfc fake aux Jéfuites de jamais chereher a fe juüifier, quelque bonnes raifons qu'ils euffcnt a oppofer aux griefs qu'on leur imputoit, & la défcnfe, plus abfurde encore que revoltante, faite a tous les Tribunaux dc recevoir leur juftification Si  ( i$S ) d en connokre. Ce Bref plein d'abfurdkés, de menfonges , de contradictions & de nullkcs, n'a été ac'cepté, nulle part, purerftéfit & fïmplement; par-tout, on a protefté contre quelques-unes de fes düpofitioiis.Naples, enl'acceptant, défendit fous peine de la vie de i'imprimer; la Ruffic & la Pruffe, en nc 1'acceptant, pas firent la même défenfe. Lc Parlement de Paris, lui-meme, menaca de le faire bruler, lï on lc lui cnvoyok. Piufïeurs dc nos Evêques le laifferent d la Pofte, fans vouloir le retirer. Le Pape actuci n'ignore rien de tout cela. Jugez s'il lui en coiïtcra beaucoup dc lc fupprimer, pour peu que quclque Puillance demande le rétabliffement de la Société! Quand on fonge que la plus téméraire des Affertïor.s Anti-Royaliftes , imputées aux Jéfuites, n'eft pas comparable pour la V Z  ( i$6 ) hardicffë aux maximes dc Ia Philofophie, honorées aujourd'hui comme des vérités & mi fes en pracique par 1'Aflèmblée Nationale , on eft bien tenté de gémir fur lc lort de 1'efpcce bumainc. N'eft-ils pas plaifant que ce qui eft vertu dans un temps, foit crime dans un autre? Que 1'aclion du Prince de Lambeck^, qui eut été généralement applaudie quinze jours auparavant, Pak fait regarder comme un criminel quinze jours apres ? On condamne aujourd'hui a mort M. de Favras, pour avoir tenté une entreprife qui , dans quelque temps , fera chérir & honorer fa mémoire; car, il y a cent contre un a paricr que le Roi des Francois, redeviendra le Roi de France & rentrcra dans la plénitude de fes droks. C'eft ainfi que l'aclion de CromVitli applaudie pendant pluficurs annces  ( 157 ) par fes contemporains, eft devenue 1'cxccration dc Ja poftérité. Pofteritas unicuique fuum rependit, comme dit Tache; mais en attendant, on vous pend, on vous décolc, on brüle votre chateau, vos titres, & vous etes forcé de vous exilcr, pour n'ètre pas tcmoin ou vidtime du fanatifme de la Philofophie & de la Liberté. Pauvre humanité ! Quand Roufeau, eer Ecrivain éloquent dont les idéés profondes, mais dangereufes, ont fait tant de mal aux Hommes, quand Roujfeau ne 1'auroit pas dit, cc qui vient de fc palTer en France & dans le Pays de Liege, vous auroit appris que 1'Efprit Philofophique eft mille fois plus funefte aux Hommes, que le Fanatifme dc la Religion. lide autorite' & leurs Re'volutions moins fre'quentes ; il les a rendus eux-mêmes moins fanguinaires; cela fe prouve par le fait en les comparant aux Gouvernemens anciens. La Religion mieux connue e'cartant le fanatifme a donne' plus de douceur aux mceurs Chre'tiennes. Ce changement n'eft point 1'ouvrage des Lettres; car par-tout oü elles ont brille', 1'humanite' n'en a pas e'te' plus refpeé/fc'Je : les cruaute's des Athe'niens, des Egyptiens, des Empcreurs de Rome, des Chinois en font foi; que d'ceuvres de mife'ricorde font 1'ouvrage de 1'Evangile! que dc reftitations, de re'parations la Confelïïon ne fait-elle point faire chez les Catholiques? Chez nous, combien les approches des temps de comm'union n'ope'rcnt-elles point de re'conciliations & d'aumunes? Combien le Jubile' des tle'breux ne rendoit-il pas les Ufurpateurs moins avides ? Qne  C tfi ) Que de miferes ne pre'venoit-il pas ? La fraterhite legale uniflpit toute 1* Nation; on ne voyoit pas un mendiant chez eux.,.. Philofophe , tes Loix morales font fort 'belles, mais montre m'en, de grace, la fanc» tion. Ceffe un moment de battre la campagne, & dis-moi nettement ce que tu mets a ia place du Paradis. Ce n'eft pas la ce qu'on appèlle aujourdhui de la Philofophie ; mais ce font pourtant les obfervations d'un profond PoliticoMoralifte; que les Philofophes du lïede honorent comme un de leurs Chefs ', paree qu'il s'eft quelquefois exercé a écrire, non pas contre la Religion dont il a toujours reconnu la néceiïité, mais contre Cemtns dogmes du Chriftianilme. L'abus c\wtRoufJeau a fait de fes talens a eet égard ne feit qu'a donner plus de poids ace que laforce dc la vérité lui a arraché en faveur d§s principes religieus.  ( 162 ) Les morccaux de la Note que je viens de citer ne font-ils pas la condamnation de tous les Philofophiftes qui s'appuient del'autorité de eet Ecrivain, pour déclamer contre Ia Religion! La derniere obfervationne fuffitclle pas, pour faire fentir k tout bon Efprit Wmprévoyance Sc le peu de fageffe des principaux Décrets de 1'Alïèmblée Nationale ? Et véritablement, tous les profonds politiques , Bacon , Montcfquicu , Warhurton , Sec. ceux même qui n'avoient point de Religion , font convenus que les Loix les plus fages , priyées de la fanction Divinc, font infuffifantes pour gouverner 1'Efpece Humaine. Les Hommes refpeclent peu leur propre ouvrage , Sc fe foumettent volontiers k des ordres qu'ils croient émancs du Ciel , maxima e longinquo r ever ent ia.  ( i63 ) Il en eft de toute Autorité > comme des Seuves, elle s affoiblit a mefure qu'on remonte vers fa fource. La Philofophie eft 1'éteignoir des illufions &par conféquent le fleau de 1'humanitc. « L'Art de bouleverfer les Etats, dit „ Pa/cal, eft d'ébranler les coutumes éta„ blies, en fondant jufques dans leur four„ cc , pour y faire remarquer le défaut „ d'autorité & de juftice. „ Que penfer aprcs cela dc ceux qui ont décidé , que le Roi de France s'appeüeroit délormais le Roi des Franfois, & qu'il fupprimeroit de fes titres les mots par la» gr ace de Dieu, employés, dit-on, pour la première fois par Charlemagne ? Oh! Philolophes , que vous êtes peu Philofophes! Savez-vous a qui 1'on a la première obligation de cette belle Réforme I C'eft a cc Géomctre demi-Bel-Efprit que d'Aletiibert, X z  ( i64 ) dont il a été le plat Valet & le froid imitateur , a pouffé dans les deux premières Académies dc la Capitale, pour lui donner de quoi vivre & le mettre a portée d'exercer plus fruclueufement fes talcns pour 1'intrigue & fa haine pour la Religion. Oüi , c'eft M. de Condoreet, qui, le premier, a eu 1'idée dc cette fuppreffion. Ce foi-difant Marquis en avoit fait la Motion , fix mois avant lc Décret, dans 1'Aflèmblée des Eledxurs de Meulan. J'en fus inftruit dans le temps par M. C* *, qui me parut moins indignc de 1'audace, qu'étonné du peu de philofophie de cePhilofophe. Il faut en effet avoir bien mal obfervé rEfpcce Humaine, pour ignorer que toute la Philofophie ne vaut pas un feul des préjugés utilcs qu'elle detruit. Les préjugés étabiis fans raifon deviennent la raifon même,  ( 165 ) quand ils co-opérent au bien géhcral; celui, par exemplè, qui flctric dans Popinion les parens d'un Criminel, a plus empêehé dc crimes, que la craintc même du fupplice, & je doute que l'AfTemblée Nationale , qui m'a pourtant appris a ne plus douter de ricn , fc détermine a. délivrer la perverfité humainc dc ce licn falutairc. C'eft depuis que les Anglois Pont brile, que les vols & les fuicides font deyenus fi fréquens dans leur Ifle, Les Chinois, dont les Philofophes nous ont li fort vanté la Moraje & la Sagclfe , ont élevé tant de barrières autour du crime, que leurs Loix impofent unepunition aux deux plus proches voifins d'un Criminel. Une erreur utile eft préférable a une vérité nuifible. La raifon cefie de 1'être & devient un vrai poifoii, des qu'elle rsUche jCs iiens fociaux &  ( 'i66 ) qu'elle éteint le feu facré de la vertu. La vraie Philofophie eft lafageffe, & point de fsgeffé, fans 1'amour de 1'ordre, & point d'ordre , fans dc facrifices continuels au bicn Public : & rien ne porte autant a ces facrifices, que les préjuges ? Les préjuges, dira-t-on, font la honte de la raifon; d'accord, mais la même Sageffé qui fournit des lumieres pour les connoitre , nous ordonne de les refpecter pour lc bien de Ia Société. Avant de boire la ciguë, le plus lage des Grccs facriha un coq d Efcülape. Tcllc eft la nature de 1'Efprit humain & telle fa foiblefle , que 1'illufion & lc menfonge ont plus d'empire fur lui, que la raifon & la vérité. C'eft par Pimagination qu'on mene les Hommes ; ils n'admirent & ne refpectent que ce qu'ils ne connoiflènt pas, que ce qui en impofe aux fens d la raifen  ( i67 ) même. Les Législatcurs , qui fans eontrcdit fonï les yrais Bienfaiteurs de 1'Humanicé , les vrais Philofoph.es, pour rendre les Loix refpecLables&fuppleer a leur impuiffancq, ont tous fènti la néceffité de recourir au merveilleux. Pour que 1'Etat foit floriflant, il faut qu'un grand nombre de Citoyens oublient leur propre intérêt & s'occupent de Pintérêt Public. Le premier dc nos devoirs eft de fervir la Patrie; mais eft-ce la première de nos inclinations ? La Nature nous commande de nous préférer aux autres. II eft donc néceflaire de chercher des objets aifez mtérelfans, pour impofer fdênce aux murmures dc la Nature, & oü les trouyer aillears que dans les préjugés ? L'Athénien croit habiter des murs élevés par Mincr•ut : le préjugé eft pour les Arts, & les Arts font portés ï leur perfectiom Le Ro-  c m ) mam eft pcifuadé que fon Fondateur efl fils du Dieu Mars : le préjugé eft pour la ^ ^.,t avant de décider,&qui ne dccident jmr.ais que d'aprés la Jufdce & la P.aifun, cfpcle de Poftérité vivaiue ou ccn^mooraine Z  ( 178 ) qu'on ne peut ni féduire ni corrompre, qui fubjugue a la longue la multitude Sc la détermine a ratifier tous fes jugemens. Or, c'eft cette claffe de bons Efprits, laquelle conftitue le vrai Public , qui a déja concilie au Prince Sc a fa Caufe lc fuffrage de la plus faine partie des autres Efprits , & qui ne tardera pas a lui concilier auffi celui du Peuple. Oui, Monfieur, quelquc aveugle Sc ingrat que le Peuple paroifle dans certains cas, il aime la juftice Sc finit par fe ranger du cóté de la raifon. Il eft aifé de le féduire, de le préoccuper d'inférêts mal-entendus» d'entrainer fon fuffrage par des promefies •, mais il revient de fes cgaremens Sc rentre dans le parti des Sages , dés qu'il s'appercoit de Pin juftice Sc de la mauvaife foi de fes Sédudeurs. Si Ariflïde fut exile d'Athènes Sc Cktron dc  ( 179 ) Rome, ce fut 1'ouvrage de la brigue & de la cabale de quelques Fadieux ; mais les regrets fuivirent de pres Pexil de ces deux Illuftres Perfonnages. Le Peuple, éclairé par les gémiflemens des bons Citoyens fur cette injuftice, follicita lui-même leur rappel , pour donner X 1'un lc furnom de Jujle & a 1'autre celui de Pere de la Patrie. Qu'ils tremblent donc ceux qui , fous 1'apparencc de contribuer au bonheur du Peuple de Liége, Pont porté a des égaremens qui ont éloigné le Prince, de fes Sujets •, le Paftcur , de fes ouailles ; le Pere , de fes Enfans. Qu'ils tremblent, ceux qui fous prétexte dc rendre au Peuple des Droits qui, quand ils féroient légitimes, ne produiroient que des divifions &c des troubles , fe lont efforcés de renverfer une Conftitution fage , prévoyante & enviéc Z z  ( i8o 5 d2 toutes ies autres Nations. Qu'ils tremblent, ceux qui, fous le voile reipectable de 1'amour de la Patrie , ont ufurpé la Magifirature , porté lc dcuil & la crainte dans les Families fideles a leur Souverain , exerec un pouvoir tyrannique fur tous les ordres de Citoyens Sc attiré dans 1'Etat une Soldatefque vorace qui le ronge & lc ruine ! Le jour des vengcances fera celui oü le Peuple , éclairé fur fes vrais intéréts, reconnokra 1'impof ture Sc la pcrfidie de ces Hommes audacieux, des Auteurs dc fes maux, Sc cejour, Monfeur, eft moins éloigné que vous ne 1'imaginez. Oui , vous verrez , dans peu de temps, les meines Hommes qui cherchent a furprendre votre droiture Sc a vous donner de mauvaifes impreffions fur les objets dc leur haine, Sc qui le font de  ( iSi ) l'èftimc & du refpcft dc tous les Honnênêtes-Gens, vous les verrcz paycr, les uns, de leur forcune, les autres , de leur vie , &Ie plus grand nombre, de l'exécraücn Publique, J'abus qu ils ont fait de la crédulité Populaire. J'ai Phonneur d'ètre trèrs-parfaitcment, êze.  ( 182 ) Lettre XIII. De M. Sattr** , d M. de B*9 d Valcncienncs. Liége x8. Janv. 1790. ï homme cfl une béte féroce que je Jiaïrois fi la Religion , plus que la raifon, ne m'ordonnoit de 1'aimer. Plein d'inconféquences & de contradidtions , méchant, fenfible, injufte, généreux, cruel, ver de terre , gloire & rebut de la Nature, c'eft un monftrc incompréhenfible , comme 1'a dit Pafcal. Ne foyez point furpris de ce debut, mon cher Ami, il m'eft arraché par la douleur de quitter un Pere que j'aimc tendremcnt, une Mere, que j'adore, une Pa-  ( i83 ) trie qui m'eft diere, malgré les horreurs de toute cfpêce qu'on y exerce , depuis plus d'un mois. Les Patriotes font des tigres, out des tigres, & d'autant plus dcteftables, qu'ils fe livrent de fang-froid * toute forte de eruautés. A Paris, la canaille leule s'eft montrée cruelle & barbare : a Bruxelles, elle a été contenue , mais rien n'a pu contenir la haine de la Bourgeoifie. Il ne fe paiTe de jour , d'heure ni de minute, que les Bourgeois ne fe rendent coupables de quelque nouvelle atrocité. Je ne fuis forti que trois fois, depuis la Révolution, Sc chaque fois j'ai failli a perdre la vic„ On abhorre & 1'on pourfuic comme des traitres a Ia Patrie , non-leulement tous ceux qui ont occupé quelque emploi fous Panden Gouvernement, mais encore tous ceux qui ont eu des liaübns avec eux. Les  ( 124 ) plus heureux font qu'on a cmprifonncS. Les autres courent rifque d'ctre afibrnmés dans les rucs, pour peu qu'ils foient recounus. La vcille de mon départ , on roua de coups de baton , fur la brune, un Jeune bomme qui travcrfoit la Halle aux Blés, & ccla, uniquement, paree que fon pere avoit été employé au Gouvernement. Ce Jeune homme eft mort lc lendemain des fuitcs dc fes bleffures. Deux jours auparavant, je fus moi-même affailli'dans la rue de la Madelaine par deux Hommes dont un , que j'avois vu alitrefois dans un Eftaminet, me demanda fi j'étois M. Saur*** A peine lui eus-je répondu af irmniivcment, qu'il fit un pas en arriere & me tanga un coup de canne fur la tête, dont je fus fi ctourdi, que je ferois tombé d la renverfe, fi je ne m'étois auffi-tót sppiiyé d'une main  ( 185 ) ftjain contre la boucique d'une Fruitiere. Je parai, de lagauche, un lecond coup quim'a écrafé le pouce & deux autres doigts. J'auroïs infailliblenient recu un trohïéme coup , fi la Fruitierè , touchce fans doute de ma jciineffe, ne me 1'eut fauvé, en repouflant cc lache Afteffin. Cette bonnc Femme ma fait entrer dans fon arriere-boutique, Sc» après m'avoir donné tous les fecours a fa portee, m'a demandé la raifon pourquoi on m'avoit ainli maltraité, Je n'ai pü lui dire autre chofe, finon c]ue je ne connoiffoit pas ces Scélérats, Sc que j'avois lieu de foupconner que leur haine contre moi venoit de cc que j'avois été attaché a la Chambre des Comptes, en qualité de Praticant. Cette maudite Place , qui me valoit fi peu, eft pourtant caufe que je me fuis Aa  ( 185 } fenu caché, comme un Criminel, pendant plus d'un mois; que ma vie a etc expofée, Sc que j'ai été obiigé de m'expatrier, a 20 ans, pour ne pas 1'expofer d'avantage. Si le Gouvernement a des torts envers la Nation , eft-ce a de jennes Commis, qui n'ont cü aucunc efpèce d'infiuence fur fes opérations, qu'il convient de s'en prendre ? On a porté Plnjufuce, la Dcraifon, Ia Fcrocité, jufqua infulter, maltraiter, dépouiller les Femmes , Meres , Tantes , Sceurs ou Amies des Employés. La VieilleiTe ni 1'Enfance n'ont pas été épargnées, Après avoir pillé la maifon de Mde Hoorts, qui s'étoit réfugiée au petit Béguinage, les Patriotes ont pourfuivi cette Dame, fi relpectable par fon age Sc par fa piété, juf ques dans fa Retraite , Sc ont enlevé de fes Coffres tout le Linge qu'ils ont trouyc  ( 187 ) a la marqué de fa Fille M*e De Berg , mariée au Confeiller dc ce nom. Ce qu'il y a de plus épouvantabie , c'eft que le Comité fouffre &c même encouragc ces Brigandages. En voici une preuve irréfra°abic , qui vous fera jager en mêine temps jufqu'a quel point ceux qui le competent étendcnt leur animofité. M. Bartheloux, que vous connoiifez peutêtre , avoit acheté du Gouvernement cette grande Maifon , fituée prés de celle dc M. de Walklers, connue fous lc nom de Refuge du Pare. J'ignore s'il avoit achevc de la payer ; ce dont je fuis certain, c'eft qu'il avoit verfé, en dernier lieu, dans le Tréfor-Royal, 23 mille florins pour eet aciiat. Eh bien .' fous prétexte que ce batiment avoit appartenu a une des Abbayes fupprimces , M, Bartheloux a eu 'ordre Aa 2  ( i88 ) d'en déménager fous vingt-quatre heures Sc d'abandonner fa Maifon a 1'ancien Abbé. Les 24. heures n'ayant pas fuffi pour Ie démenagement de fes meubles , une foule de Patriotes ent jetté a la porte, péle Sc mde, ce qui en reftoit encore, après la 24-e heure expirce. Ce fait s'eft paffe fous mes yeux, mais je n'ai pas tout dit. Croiriez-vous que ce Citoyen, Pere d'une nombreufe Familie, qui n'a jamais eu avec le Gouvernement d'autre liaifon que le dit achat, n'a pü obtenir, lous prétexte qu'on le croit Royalifte , le rembourfement du prix qu'il a donné pour la Maifon dont il a été fi indignement chaffé? Croiriez-vous encore que , fous ce même prétexte de Royalifme , il a été pkifieurs fois infulté, affailli Sc affommé de coups par les Patriotes? Rien n'eft pourtant plus certain.  ( i89 ) Dcrniercmcnt c'cn étoit fait de fa vie, Ci un de fes Fils Sc fon Gendre n'étoient arrivés a temps, pour le dcliyrer de trois Patriotes ou plutöt de trois bourreaux, cjui 1'avoient renverfé par terre d'un coup de baton Sc paroiffoient difpofés a vouloir 1'achever. C'eft ce qui 1'a determiné ï s'expatrier Sc a fe retirer a Douai, jufqu'i des temps moins malheureux, N'imaginez pas cjue ce Citoyen foit celui qui ait le plus a fe piaindre du Comité Patriotique. J'en connois au moins vingt plus malheureux encore, fans ctrc plus coupables, qu'on tient, les uns, depuis cinq femaines, les autres, depuis un mois , dans des cachots infeefs, oü leurs Parens & leurs Amis n'ont pas même Ia liberté d'aller les confoler. Une de ces Vidimes infortunées, qui doit fa liberté a une de fes Sceurs,  ( i9o ) laquelle heureufement connoilfóit particuliérement 1'Abbé Du Pare, un des Membres des Eta:s , m'a fait frémir tk dreffer les cheveux, en me racontant tout ce qu'elle a fouffert pendant les neuf jours qu'elle a paflis dans eet enfer. Notcz qu'elle n'a été interrogée que le jour même que 1'Abbé Du Pare lui a fait rendre la liberté. Que les Hommes font inconféquens! On reprcchoit a 1'ancien Gouvernement d'avoir fait arrêter plufieurs Perfonnes , fans Décret préalable de faifie, & a peine s'eft-on emparé du Gouvernement, qu'on a emprifonné -, avec moins de formalités encore, plus de Citoyens, en huit ou dix jours, queleMiniftere n'en avoit faifis, en un an. Que vous ctes heureux davoir quitté Eruxelles avant la Révolution ! Outre les dangers que vous auikz courus, votre amc  ( I9i ) naturellement fenfible & honnête n'auroit pü réfifler d ce fpeclacle d'injiifiices & d'horreurs. Mais d quoi penfent ceux qui tolérent, permettent, commandent ou cpmmettcnt ces abominations ? Efperent-ils que eet état d'Anarchie durera éternellement ou qu'ils parviendront d faire légitimer par la Nation i'autorité dont ils fe font empares ? Les Infeufés! ils ne voient dpnc pas qu ils amaflent fur leurs têtes des charbons pms a les embrafcr. La Providence ne permettra pas , qu'ils viennent d bout de donner de la confiftancc aux formes Rcpublicaincs, que les Etats ont adoptces & qu'unc puiffante ligue du Peuple ne celle de combattre. Ce n'eft pas en privant les Citoyens de ce qu'ils ont de plus précicux, de la Surcté dc la Liberté, dc la Propriet, qu'on par-  ( 192 ) vient a confoÜder un nouvel Ordre d'Adminiftration. La mcfintelligencc qui regne entre les Etats & le Peuple , donnera lc temps a 1'Empereur , a ce que j'efpere , d'envoyer des troupes au fecours de celles réunies dans la Province dc Luxembourg. Trente mille Autrichiens fuffifcnt pour reprendre les Provinccs qui ont fecoué le jou foit une Loi oppreffive Sc contraire aux Droits du Peuple : les Particuliers , dont elle gènoit 1'ambition, avoient-ils 1'autorité de 1'abolir? En l'abolulant, ont-ils agi au nom de la Nation? La N ation etoit-elle dument repréfentée par la Populace trompéc, dilpofce, foule-  ( 214 ) vee par eux? Cette Popuiace effrénée repréfentoit-elle la Nation, lofqu'elle débuta par rnettre en pieces , dans 1'Hötel de Ville , les Ecuilbns des Magiftrats de la Nation? Loifqu'elle contraignit, par violence , les Bourg-mcftres en fondion, a renoncer a leur Magiftrature ? Lorfqu'elle nomma , par acclamation , pour les remplacer, les principaux Faétieux qui 1'avoient mife en mouvement? Tous les Citoyens d'un Etat, font é^a- Ö lement intérelfés au maintien de 1'ordre. Point d'ordre , fans fubordination ; point de fubordination , fans refpect pour les Loix. Souffrir qu'on viole les Loix, fous prétexte de les réformer, c'eft expofer ia fortune, fa fureté, fa liberté, la vie même. » Le bon Citoyen, dit Cïcéron, eft celui „ qui ne fouffre pas dans fa Patrie qu'il y  ( 21$ 5 „ ak une, puiiiance qui prétende s'élever „ au-deflus des Loix : " Bonus Civis eft, qui non poteft pat't eam in fit* civitate po~ tentiam qua fupra leges ejfe veilt. D'après ces principes inconteftables, entendent-ils leurs intéréts & font-ils de bons Citoyens, ceux qui ont fouffert, qu'une vile Populace , dirigée par trois ou quatre Intrigans, forcat les Regens a fe demettre dc leur Régence, & élut ces mêmes Intrigans a leur Place ? Eli ! quel Pere de Familie , quel Propriétaire, quel Individu jaloux de ia liberté , de fa propriété, dc fa füreté , voudroit demeurer dans un Etat oü il feroit permis au Peuple, a la cralïe du Peuple , de detruire les Loix établies, pour en créer de nouvelleS a fa fantaifie ? Qui de vous ignore, que le petit Peuple eft toujours prêt a fuiyre les mouvemens  ( 216 ) que le charlatiunc & i'intrigue voudront lui donner ? Qui de vous ne fait pas, que fi le pouvoir vienc du Peuple , il ne peut ni ne doit 1'exercer par lui-mênic -? Qui de vous peut fe diiïïmuler 1'impureté , 1'opprobre, 1'illégalité de la Régcnce adtuelle ? Celui qui fe foumet, dit Plutarque, a un pouvoir ufurpé n'eft pas un Citcyen, ceft un efclave. Il n'y a point de Cité pour des Efclaves > dit le Poëte Publius Syrius, fervorum nulla eft civitas. L'obéilfance X des Rebelles , aux violateurs des Loix eft une véritable trahifon. Liége, écrivoit derniérement a fa Cour lc Réhdent de**, n'eft pour les bons Citoyens & pour les Amis du Souverain, qu'une vafte prifon gardée par des imbécilles aux ordres de quelques frippons. „ Ricn, dit Cicéron, n'eft plus contraire a réguitc  C 217 ) „ t'équité que des Hommes armés & rtu „ nis; rien de plus oppofé au Droit que la „ contrainte Sc la violence : „ Nihil eft afin d'arrêter  ( 224 ) par 1'Autorité abfolue d'un feul lc deipotifme de plufieurs; Vous n'avez pas ï craindre que le Souverain devienne jamais trop Puiflant. Outre que ce n'eft que le défaut de Puiffance qui potte les Princes a abufer du pouvoir qu'ils ont, la Politique a fait trop de progrés , pour que les Chefs des Natkms, fur-tout ceux qui font électifs, puhftent déformais ignorer que leurs intéréts font indivifibles de ceux du Peuple, & que leur félicité dépend de celle de leurs Sujets* Songez que 1'Edit de 1684, eft la SauveGarde de la tranquillité Publique, Sc que ce n'eft que par la tranquillité , que 1'Etat peut devenir floriflanr. Les innovations minent le bonheur National, & creufent des abvmes. S'il y a des améliorations a faire dans votre Gouvernement, attendez-les de deux  ( 22j ) deux forces égalemenc vi&orieufès & pacifiques , la force dc votre Conftitution , qui permet & indique les changemens utiies, & la force des cliofes, qui les néceffice & les exécute. Si, comme 1'a dit J. J, Roufeau, le Peuple le plus lieureux eft celui donc ou parle lc moins, donc le rólc dans 1'Hiftoire eft le moins brillant, vous pouvcz vous vanter d'ctre un des Peuples les plus lieureux de 1'Europe ; & a qui devez-vous ce bonheur fi ce n'eft .a vocre Conftitution? . Pourquoi la changericz.-vous ? Songez qu'un Eut ne fe fouticnt, que par les mêmcs principes qu'il s'eft éraóli; fongez que la Confdtution d'un petdt Etat eft moins dans Pexercice, que dans la combinaifon dc fes forces. Songez que ce n'eft pomt par les armes, mais par la poiitique Ff  ( 226 } de vos Evêques, que le Diocefe de Liege qui , fous St. Hubert, ne renfermoit que deux Bourgs & quelques Hameaux, forme aujourd'hui une Principauté compoféc de vingt-deux Villes & d'un nombre confidérable de Viilages & de Bourgs. \ La Liberté & les autres Droits dont vous jouilfez, vous les dcvez a vos Evêques. Malheur a Vous, fi güidés par les Syftêmcs deftrutleurs de la moderne Philofophie , il vous arrivé jamais de fecouer le Joug Eccléfiaftique, le plus tolérable, le plus léger de tous. Chargés de préfïder au Cultc, & de diriger les Mceurs, les Souverains Eccléfiaftiques mettent plus d'Humanité dans leurs Loix, plus de retenue dans leur conduite, plus de réferve &z d'équité dans f exercicc de leur Pouvoir, Les ennemis même dc la  ( 22/ ) Religion convicnncnt qne la Société a été Civilifce, Humaniféc, Eclairée par le Clerge. Si, dans les temps d'ignorance Sc dc tcnebres, les Prêtres ont impofé le Joug de la fupcrllition, ce joug étoit alors lié a la Moralc Sc remplacoit le frein des Loix. Les Temples étoient alors la feule Ecole des Peuples. En mettant, pour ainfi dire, le Cachet de la Divinité aux Loix Civilcs, les Pontifes dc la Religion les rendoient plus refpeclables ; Sc fi , par ce moyen, ils ont amaffé des richefies, fondé des Villes, formé de petits Etats, mieux vaut pour les Peuples que ces riclieffes, que ces Souvcrainetés foient dans les mains du Clergé, que dans celles des Séculiers. Ceux-ci les retiennent pendant des fiecles dans la même Familie, tandis quefies ne font que pafièr dans Ia Familie des autres Ff z  ( 228 ) & qu'il n'eft pas de Particulier qui ne puiffe efpérer d'en obtenir une portion. Que dis-je? il n'eft pas d'Homme obfcur a qui il ne foit permis d'efpérer de donner un Succefieur au Pontife Souverain; Combien fout donc infenfés & inerats ceux qui déclament contre une Religion fondée fur la fraternité des Hommes & la paternité de 1'Etre-Suprême! Ceux qui fe décba inent contre un Sacerdoce ouvert a tous les Hommes, & qui les met a portee d'exercer la Bienfaifance! Que de Races Illuftres fe feroient éteintes dans la mifere & 1'opprobre, fi des Eccléfiaftiqucs tirés de leur fein> ne les avoient foutcnues, avivées par des fecours légicimes ? De combien de Grands-Hommes les Arts, les Lettres & les Sciences n'euflent - ils pas été privés, fi les fecours d'un Chanoinc ou  ( 229 ) d'un Curé n'avoient mis ces Grands-Hommcs a portee dc cultiver les talens qu'ils tenoient de la Nature! Les Enfans de tous les Citoyens peuvent parvenir a la poffeffion des Biens du Clergé : tous les Citoyens font donc intéreffés ï ne jamais fcuffrir qu'on aliene ces Biens, fous quel prétexte que ce foit. Nation Liégeoife \ prolïtez des Lumieres des Francois, mais n'i'mitez pas leurs travers : depuis fiuit mois, ils ne s'occupent qu'a ternir leur Gloire , & a confoler les autres Nations de la longue fupériorité qu'ils ont eue fur elles. Ce n'eft pas le moment de vouloir être Francois , puifque dans ce moment les plus Honnêtes Franccis rougiffent dc 1't-crc & défertent leur Patrie en proie au defpotifmc démocratique. 11 vous conyient encore moins d'être  ( 2g0 ) Pruffiens. La Cour de Berlt'n n'a para prendre intérêt a votre Infurredion , que pour fe ménager , je le repete , une place d'armes & des magafins dans votre Pays. Il lui importe peu , en effet, que vos Magiftrats foient élus par Acclamation ou par le Serutin , par Ie Peuple ou par le Prince. Ce qui lui importe , c'eft de vous prefiurer, en paroiffant vous protéger. L'attachemcnt qu'elle vous témoigne n'eft autre que celui du Vautour ï fa proie, Si vous êtes fages, fi vous entendez vos intéréts les plus preflans , vous öterez a cette Cour, peu délicate, tout prétexte de laiffer plus long-temps des Troupes dans votre Cité. Les Soldats Pruffiens font, chez 1'Etrangcr , comme des loups dans une Bcrgerie ; la Hollande fe reffentira longtemps du féjour qu'ils y ont fait. H^tcz-  ( 23 i ) vous de déclarer au Roi de Prufïe qu'aprcs avoir été long-temps abufés par des Charlatans , vous reconnoiflez aujourd'hui 1'injuftice de vos prétentions; que vous êtes réfolus de vous foumettre de vous-mcmcs aux Décrets de la Chambre Impériale de Wetzlaer, & de vous anuer, s'il lefalloit, pour en appuyer Pexécution. Déclarez-lui que vous ne voulez rien changer d votre Conftitution; que répentans des torts que vous avez d 1'égard dc votre Souvcrain , vous êces déterminés d tous les facrifices pour les réparer. Et véritablement, c'eft le meilleur parti que vous puifïiez prendre. Si par la foumillion & le repentir, vous n'attirez bientót le Prince dans fa Capitale ; fi vous tardcz trop a lui rendre le pouvoir exéciuif dans toute fa plénkude> fi, au-lieu  ( 2^2 ) d'aitbiblir 1'Autorité que lui donnent les Loix Confiitutives, vous ne vous emprellèz a la fortifier , craignez que lc Peuple ne pcrdc 1'habitude dc la fubordination, & ne la reprenne qu'aprés la fatiétc de la licence Sc la laffitude du défordre. Depouillez-vous de toute prevention, Sc vous ne tarderez pas a coinprendrc. que telle conduite que vous teniez , tjue tels reflbrts que vous falTiez jouer, vous finircz par rentrer fous la Domination du Prince, que les Loix fondamentales vous ont donnc. N'en doutez pas : les chofes feront rétablies , comme ellcs étoient avant votre Jnfurrection. Une plus longue réfifcance ne fera que prolonger vos maux. Voyez quel eft Hntérêt des Princes de 1'Empire : pouvez-vous croire qu'ils fouffriront que la Pruife porte la moindre attcinte aleur Conf- titutlon  ( 233 ) titucion palitique , dont 1'Etat de Liéee forme une partie ? L'Empereur, Ia France elle-méme, toute 1'Europe s'armeroit contre Frédérk - Guilleaume , plutót que de fouffrir un pareil attentat a Ia foi des Traités & au droit Public de 1'AUemagne. Faites donc de vous-mêmes, chers Patriotes, ce que rirréfiftible néceffité exécutcra malgré vous. Souvenez-vous que la Dèftinée conduit ceux qui confentent, & qu'elle entraine ceux qui réfiftent : Fata volentem ducunt, nolentan trahunt. La nier agitée fous un vaitfeau qui cede au mouvement des vagues , eft furieufe au pied d'un rocher. Cédez d la Juftice & a la Raifon ; c'eft le feul moyen de ne pas céder tót ou tard a Ia force. Il eft temps de mettre fin aux inquiétudes, aux craintes , aux tourmens qui agicent tous ceux  ( IP ) qui font unis par quelque lien a la Fortune publique; il eg temps de rendre a 1'Etat les Citoyens que dc jLif.es dl.;.;: ces en ont éloignés. Epargnez a la Patrie dc nouveaux malheurs. Faites vous-mêmes juftice des Uïurpatcurs de la R.égcnce, & fournilïczau Prince qui, malgre vos égaremen;, n'a jamais ceffé dc chcrir fa Nation; fourniffcz-lui vous- mêmes les moyens de rétablir 1'ordre 5e la tranquillité. 'Vous nc balancercz pas a prendrc cette réfolation, Sc 1'exécuterez fans délai, fi vous daignez réfléchir que la profpérité d'un Etat dépend moins de la perfeétion, que de la .permanence de fon Gouvernement, & que les Infurreélions ont plus forgé de fers , qu'elles n'cn ont brifé.  ( 235 ) Lettre XV. De M. Eer-^yMcJtre Perfuqmer, d M le Chcvdier de L. Z)**, d Namnr. Lie'ge ig. Janv. 1790. IVIoNSIEUR LÉ CHEVALIER, Celle - ci ne fera pas auffi intéreffante que ma derniere , mais elle vous prouvera mon cxacftitude a vous informer de tout ce que j'apprends. Pendant que je peignois M. 1'Avocat V**, Bajfenge eft arrivé, & impadent de lui apprendre des nouvelles, il lui a demande s'il pouvoit parler librement devant moi» —1 Oui; il eft des nötres. —< Vous faurcz „ donc que je pars après - demain avec Gg 2  ( 236 ) „ 1'aini Chefiret pour mc rendre 1 {Jerlin, „ J'ai fait un Mémoire qui leve la paille. „ Le Prince eft f. .♦. & touce fa Sequelle „ auffi. Je ne doute pas qu'Hertz.berg „ n'adopte mon projet. —• Quel en eft le but ? Bajfenge a repondu par queiques mots Latins que je n'ai pas tous compris, quoique j'aie fait ma Troifieme •, mais ce qu'il a ajouté en francois me fait foupconner que fon Mémoire roule fur les moyens de détacher le Pays de Liege de la Conftitution Germanique, & d'en mc.nager la réunion au Duché de Cleves. Je vous avoue, Monlieur le Chevalicr, qu'au moment oü certaines de fes paroles m'ont mis a portée dc découvrir le but dc fon projet , j'ai friffonné d'ho?:reiir dans toutes mes fibres. S'il eut alors fixé les yeux fur moi > il lui eik été facile de lire  ( 237 ) dans les mxens, combien j'étois révolté de fa perfide lacheté. Voici les traks les plus remarquables que j'ai retcnus de fa converfation avec ma Pratiquc. " L'argent nous manque. Nous avons „ eu de la peine d nous proenrer quatre„ vingt louis. Le feu du Patriotifme s'a„ mortit chaque jour. N'importe , nous „ partirons , quand il faudroit nous bor„ ner d cette fomme. Pour peu qtiHertz„ berg foit reconnoilfant, il ne nous laif- fera pas manquer d'argent pour le re„ tour. Le bien dont je facilke 1'acquifition „ fuo Domino, exige une gratification, & „ nous 1'aurons felon toute apparencc.... „ „ Les dernieres Lettres que j'ai recues „ de France me font craindre que rAf„ femblce Nationale ne puiife empêcher  ( 2S8 ) „ le Ft_oi de s'unir i la Maifon d'Autriciie, „ pour s'oppofer aux entreprifes de la tri„ ple Alliance relaiivement aux Pays-Bas. „ Nous ferions flambés & n'aurions fait „ que de la bouillie pour les chats, fi le malheur vouloit que les Pruffiens &: les „ Stadhoudériens eufl'ènt le deflbus. Cela „ pourroit bien arriver, a répondu Mi V** \ „ car les forces Mc'lnndoifes fur terre ne „ fcront pas d'un grand fecours, attendu „ que chez eux Ie parti des Patriotes fé forci„ fiarit chaquc jour, pourroit bien les ren„ dre nulles pour la Prufle. Ils vienncnt de réimprimcr un Mémoire compofé en „ leur faveur , capable d'augmenter le „ ncmbre de leurs partifans, de tous les „ Ainis de leur ancienne Confdtution. Je „ le lifcis cc matin. Il y a un paffage con„ trc le Stadhouder & contre le Roi de  ( 259 ) „ Pruffe dont j'ai ces frappé, jen ai mar„ qué la page ; écoutez ce morceari, „ Alors M. 1'Avocat a la a haute voix. ïl m'a fait tant de plaiiïr , qu'en fortsnt, mon premier foin a été d'aller acheter cc Mémoire. Voiei le paflage. Je dois vous dire que Bajfcnge n'a pü 1'enccndre, fans fe déchainer contre 1" Auteur, contre 1'Imprimeur & contre lc Libraire qui vend cette Brochure. Ces Mcfiieurs voudroicrit lans. doute que la Prellè ne fervlt qu'd propager leurs idéés & leurs menfonges, &: qu'elle fut abfolument interdite aux Ecrivains qui nc penfent pas comme eux. La complaifance abfurde des Etats & 1'Afliance denaturec da Stadhouder avec une Nation ennemie de fon Pays, purent iaire pre•vüir qu'il viendrqit un Prince frurdrige qui n'auroit pas horreur , pour accroltre fa Puiffanec , de vendre aux Anglois le comuieres  ( 240 ) Beigique, de liver 1'Elite de fes Concitoyer.s aux armes d'un Defpote e'tranger. Eh! quel a e'te' le but de tant d'Actes de tyrannie, de tant de forfaits? Ambitieux fubalterne , tu as de'daigne' d'étre le premier Citoyen d'une Re'publiquc, & tu es devenu le Vaflal de deux Rois 1 Tu as cru porter le dernier coup a la Liberté' mourante, & tous les jours il augmente le nombre dc ces bons Citoyens que tu voulois de'truire , de ces Hommes opiniatres qui n'ont de falut que dans ta perte & 1'extinction de ta Familie ! Et toi, Succefleur d'un Heros qui n'exerrjamais que le Defpotifme du Ge'nie ; toi qui pourrois egaler fa gloire, en e'levant, par degre', les Pruffiens k cette Liberté'Politique, feul bienfait auquel le Grand Frédéric ne les alt point appelle's, paree qu'il ne les en a pas crus dignes, tu n"as pas rongi d'être ï'inftrument du courroux d'une Femme & le deftrufteur d'une Re'publique ! Encore fi tu n'avüis pas choili le moment ou le puiffant Allie' de la Hollande e'toit comme enchaine' par un Defün imperieux ; convaincu de barbarie tu n'cuJTe pas e'te' foupconne' de likhete , & la prompte punition de ton attentat en auroic diminue' Fhorreur. Tremble ! la yengeance n'cn  ( 241 ) h'en fera peut-être que plus terrible. CetAllia de la Hollande , dont l'amitie' t'eft fi ne'ceffaire, ne te punira que trop, s'il t'abandonne au milieu de 1'orage qui gronde fur ta téte. Mais quel que puiffe être le fort re'ferve' au Stadhouder , k la Republique, a ces Pruffiens altere's d'or & de fang, vous avez, ö Ver« tueux Patriotes, rempli un Pieux devoir en attaquant le Stathouderat. N'euffiez-vous recu aucun eneouragement, vous pouviez croire que fi 1'amour de 1'humanite' n'entralnoit pas vos Allie's au fecours de vos Provinces, ils y feroient poufle's par la crainte de donner une Sanction fatale a ce Droit du plus fort, qui, dans le fyfteme moderne de la Politique Europe'enne, peut incelTamment caufer leur pro« pre ruine. J'ai accomrtiodé aujourd'hui, poür Ia troiheme fois , un Réfugié de Bri;xelles qui eft bien en colere contre les Brabancons. Ayant jugc, par quelques mots que j'ai lachés expres, que je n'étois pas porté peur le Patriotifme, il s'efc ouvert ii moi Hh  ( 242 ) lc fccond jour > & vous ne fauriez croire avcc quel emportement il déclame contre les Prêtres & les Moines de Brabant. Il fc propofe, m'a-t-il dit, de compofer un Mémoire , pour prouver, que fi la Maifon SAutnche reconquiert la Flandre Sc lc Brabant, comme il n'en doute pas, Elle eft indifpenfablement obligée d'abattre une trentaine de têtes; d'expulfer, fans exception, tous les Moines des Pays-Bas; dc dépouiller de leurs Bénéfices tous les Eccléfiaftiques convaincus d'avoir cabalé, intrigué pour indifpofer le Peuple contre fon Souverain, Sc d'en revêtir le petit nombre de Curés, de Vicaires & de Prébandés qui font refcés Fideles. Il y en a plus de ces derniers, que des autres, dans les Provinces de Luxembourg Sc de Limbourg. La Politique Sc la Jufiice, dit-il, exigent qu'ois  ( H3 ) diftingufc ces deux Provinces par des bienfaits. Récompenfer &c punir a propos , voiLi toute la fcience du Gouvernement. Je peigne toujours les deux Capitaincs Pruffiens; mais ils parient li mal le Francois & moi ü mal 1'Allemand, qu'il n'y a pas moyen de tirer grand'chofe d'eux , quelque envie qu'ils aient de caufer avec moi. J'ai 1'honneur d'ctre avec refpectj Monfieur le Chevalier, &c. Hha  ( 244 ) Lettre XVI. De M. ie Comte de R**, d M. le Baron de L. R**, d Bruxelles. Aix-la-Chapelle, 17 Janv. 1790. e connoiffóis déjd , mon cher Baron, la Lettre du Prince de Llgne d fa femme: je 1'avois vue dans le N° XI du Journal Cénéral de fEurope; mais j'ignorois qu'on Feut imprimée d Bruxeües, & qu'on 1'eut dift ribuéc aux Membres des Etats & a ceux du Comité. Si c'eft par les ordrcs ou du confentcmcnt de Mde. laPrinceiTe dc Llgne qu'on a publié cette étrange Lettre, il faut convenir qu'elle a rendu un bien mauvais fervice d fon Mari. Outre qu'elle eft écrite fans réflexion, fans politeffe, fans efprit , il y a des imprudcnces qui devoient dé-  ( 245 ) tourner de Ia rendre publique. Il n'eft pas doutcux que le Prince de Ligne ne défavoue cette Lettre, s'il a connoilïancc de fa Publieke. En attendant, j'ai cru lui rendre fervice, en publiant une Rcponfe capable de perfuader au Public que c'eft a tort qu'on Fa mife fur le conipte de ce Prince. J'en ai adrefféune copie XLeBrun; mais je doute que ce PolnTon 1'infere dans fon Journal, oü il n'admet que les Pieces qui favorifent fon dévouement aux prétendus Patriotes de France, de Liege Sc des Pays-Bas. Je vous ferai donc bien obligé , mon cher Baron, d'engager un des Imprimeurs de votre Ville a en tircr deux ou trois mille exemplaires, & a les repandre dans le Public. Je vous tiendrai compte des frais, Sc encore plus de la bonne ccuvre. Je vqus falue Sc fuis tout i vous.  ( 246 ) Lettre XVII. Aux Rédacteurs du Journal Général de lEurope, d Liege. Aix-la-Chapelle, 16 Janv. 1790. «>f 'a 1 vü , Mefllcurs, avec une furprife extréme, dans le dernier N° de votre Journal, une Lettre prétendue ccrite par M. le Prince de Ligne a Madame fon Êpoufe. Je fuis trop 1'Amide lun, jerefpe&e trop 1'autre, &t les connois trop bien tous deux, pour que je ne regarde point cette Lettre comme apocriphe, & que je ne m'empreue point de détromper ceux qui pourroicnt la croire authentique. Et véritablemcnt, le moyen dc perfuader aux Gens qui connoüTent le ftyle pur «3c délicat , les idécs ingénieufes > «5c les  ( 247 ) fentimens élevés dc M. lc Prince de Llgne, qu'il aït pu écrirc une Lettre oü 1'on trouve des expreffions triviales & grofficres, des idéés faulTes & mal préfentées, des mcprifes fur des opérations de guerre , de plates injures & des reffëntimens plus plats encore contre des Hommes eftimables ? La mal-adrcffe de fon Imitateur faute aux yeux de quiconque eonnoit 1'efprit cultivé & le caractere aimable de ce Prince. Madame la Princelfe de Ligne n'a pas moins a fe plaindre de 1'Ecrivain, qui a ofé ufurper le nom de M. fon Mari, & de la légércté avec laquelle vous lui avez donné acces dans votre Journal. Cette Dame eft incapable de liyrer au Public une Lettre fi peu réfléchie, fi propre a faire du tort X M. fon Mari, & même a lui atdrcr des défagiémens. Car MM. dc Belgiofo ,  ( 248 ) de Trautnianfdorff , &c Genera! AL U Comte d''Alton, qu'on y traite élégamment de monftre, ne fcroient pas Gens a difïïmuler les injures qu'on le permet contra eux, s'ils poUvoient penfer que cette Lettre fut véritablemcnt du Prince de Llgne; & fi , contre tóute vraifcmblance, il 1'avoit écrite , fa refpectable Moitié fe fut bien donné dc garde, non-feulement de la . faire imprimer, mais d'en lailler prendre des copies. Elle auroit fenti qu'un Officier employé par S. M. I., parvenu au grade le plus éminent du Service Militaire , décoré de 1'Ordre dont on recompenfe les grandes Acfions , ne pouvoit décemment loucr, vanter, exalter ni les exploits des Troupcs Brabanconnes ouFlammandes, cjui n'ont fait aucun cxploit; ni les talens de M. Van der Merfch, qui avouc lui-même n'avoir  ( 249 ) n'avoir pas même eu 1'occafion de les développer , ni le' paüagc de 1'Efcaut que parfonne ne dilputoit, ni la bagarre de Tuurnoulh ou les Rebelles n'ont tiré fur les troupes^de S. M. que par les fenêtres & par les trouj des caves, &c, Ces confidérations & beaucoup d'autres que je laifle a la fagacité de vos Lectcurs, prouvent évidcmmcnt que c'eft trés-mal a-propos, qu'on a mis furie compte de M, le Prince de Ligne, la Lettre publiée fous fon nom dans le XIe N° de votre Feuille ; & me font efpérer que vous voudrez bicn éclairer le Public fur la faullèfc de cette imputation , en attendant que M. le Prince de Ligne prennc les mefures qu'il jugera convenables pour le dctromper lui-même. Je fuis, c\'c. Ii  ( 25o ) Lettre XVIII. De M. le Baron de V* *, Capitaine au Service de S. M. PruJJicnne, d Af. le Marquis de L * , d Bruxelles. Liege, 18 Janvier 1790. t ,1E vous oublie fi peu, Mbnfieur le Marquis, que j'ai eu 1'honneur de vous écrire il y a trois jours pour me plaindre moimême de votre long filence. Nos Lettres fe fêront fans doute croifécs. Récraótez donc vos reproches , rangucnez vos doléances & n'allez pas vous .imaginer qu'un Brabancon que j'ai pratiqué, avec tant de plaifir, pendant les cinq ou fix femaines qu'il a paffécs a Liege, ait tout perdudans mon efprit, paree qu'il eft allé groffir  ( 25r ) dans lc Brabant le nombre des Royaliftes. Qiioique je défcnde ici une Caufe AntiRoyale , foyez fut que mes principes nc différent point des vötres. J'aime mon Maitrc, autant que vous pouvez aimer 1'Empereur , & c'eft ce qui fait que jc n'approuve pas plus que vous le róle que nous jouons ici. Mes Camarades fouffrent, autant que moi, de fe voir obligés de protéger des Rebelles. Je ne fais ce qui a pu détermincr notre Cabinet a les foutenir ; mais je fais bien que c'eft une fottife qui pourra nous coüter cher. Il part chaque jour pour la Pruife, pour le Brandebourg, pour la Siléfie, une infinité de Lettres, écrites par nos Soldats, capables de porter dans ces Pays 1'amour de la Liberté & 1'efprit d'Infurrecfion. Les Cartha^inois s'efféminerent & fe corrompirent i  ( 2-2 ) Capoue : il eft fort a craindre que Liege ne foit encore plus funefte a nos troupes. Quoiqu'il en foit, nous vexons d'honnêtcs Citoyens pour défendre 1'ouvrage de Gens méfeftimés & méfeftimables. Prefcjue tous les Auteurs de la Révolution font mal famés & criblés de detces. Ce Fyon, dont vous me parlez, doita tout le monde, & perfonne ne peut le pourluivre en juftice pour en être payé ; car il s'eft fait nommcr Bourg-Meftre de Vervier, de la même maniere que MM. de Fabri &z Cbeftret font été ici. Croiriez-vous que . . . Je fuis, cvC. Fin de U premiers Partie,