S ERMON S DE FEU MR. ESCHAUZIER;   S JE R 310 N S SUR DIVERS T EXT ES ^ D E UECRITURE S A I N T P A R FEU MAo SAMÜEL ESCHAUZIEJHL, EN son vivant CHAPELAtN dé s. a. s. lb Frince d'Ouange et de Nassau, pasteur de l'Eglise Wallonnk de la Haye,Membrs de la societe des sciencbs de flessin* gue,etc. A LA HAT E, ' 3. Huüe 4. li Janetaux ( M11*) Indawey f J.' ) Joly (Mlls) Gouvernante des Fi'les de Mr. de Styruni Jcnquieres (P. P. H. de Dompicrre de) dit Larrey, Confeiller. %m *3 K-  6 SOUSCRIPTEURS. K- Ex. M M. Kroms (M1!e M. E.) . . . "a, Knyper (Mm=. E. vaa Nikkelen) née-I'Abée. L. Labat (Bcrnabé de) Pafteur de l'Eglife Wallonne de 2« Brielie. Lacoudré (Mlle. J. ) Langlois ( M««, Marie ) Veuve H. G. Certon. Larché (M'»'. la Veuve) Larcher (Moe. j. a. Douariere) van Keenenburg, née Botten. Leeuwen ( J. Zegelaar van ) Lichtenbergh (C. ƒ, de) Depnté aux Etats-Généraal* Lmdcn (J. Van der) Avocat aux Cours de Juftice. Lóckell ( Mm«. c. M. ) Loder, Treforier Lokhorst ( H. V. ) L i . . (Mad.) Lyade (Mad. Ia Conitcöe de) de Voorst, M. Maanen (F. van) / Mannen (A. L van) S. S. Th Sc Maca'eiter, Général - Major. Macateftcr - Loup, Lt. Colonel B. E. Jvfaelarne (A.) . , . £ Mafelary ( M!;°. de) Mauzy (MMes.) MeLvtll (!*Amir,t) Merfen (M«e. de)née d: Jonge . 2. Micden ( A. van der ) Molière  S O U SCRIPT E U R 8* f M M. Ex. Molière ( A. C. ) Mulicre (Si') Avocat. . . i \ Ma\f!ln (M1?*. M A.) née de Coninck. ' N. %% • • • Ti Nagel CM^e la. Baronne Dóaariere de) afe le Lcu de Wilhem , Dame de la Baronnie de Wifch-Ampfen, &c, &c, &. de) R. Randwyk (Mme. la Comtefle de) de Gameren, née dd Bigot. Randwyk..Pol! (MaB. Ia Comtefle de) née de Bigot. Rau (S. F.) Profefleur en Theologie & Pafteur de l'Eglife Walloaoé de Lcidc. Rengers ( L ) Rietmulder i W.) Rcchefort (P. Abm. de) 5 1 * , * Roepel (Ml'*. G. M ) , Roepel (M"ï. P. C. P.) Rover ( J. T. ) Royer ( A. J-) Royer (M"«. L. P.) < Rutz (F. G. C ) Pafteur. Ruyfch (Müe.) iftiygcrbos, Confeiller. fcygerbos (M««.) s. pSk ( B*rcn de 3 Lt Gen. des Garde3 $üifles... 2. Santh2uvel ( Mme. van den) 'Douariere van Stryen Saüflaye (j. G. C. de la) Pafteur. Schuyicnburg (C N. r.) Sar-  S0USCR1PTEURS. p M M. Ex. Serrurier ( J. J.) Pafteur. Serrurier 1'Ainé. fcsigelnndt (van) Gadfchalkoort. Société (la Nouvelle) de Lefture de la Haye. Son (C. van) Spiegel (L. P. van de) Stcenvoorden (1*1™*. A. M. van) Veuve N Gautietv Stierum (M"e. de) Suaflb (Mmc. la Baronne de) T. Teixeira (Bn.) junior. Tciïeira, junior (Is) d'Amfterdam, Tinne Abz. (P. F.) Secr. Tinne (M*s. E.) Thse (A. F.) . ■, t \ i 3 rrfingh(G.) . p - 4 , l l a TollOïan*(Mmt.) Trcuer ( M5!e. de ) TroiTelier (M!>e. C) Trotter (MUe. h. P.) Juyll (M««. J. a de) née Fagel. V. Verdun (Mlle. L. de) «* Vernede (Mme. ia Veuve) née de Maucler: Vernede (J. H.) Pafteur. Viüates (G V/. J. Des) Vintcent f J.) Voigt d'Elfpe (!e Baron de) \ \ \ S'. Vonnez (J Daniël) Voute (Mm*, la Veuve) Voute ( Mme. la Veuve ) née Maizcnnet, tl \ W.  iö SOUSCRfPTEÜR S; YV. M M. v . tVaffeaear-Twicfcel (Te Comte dei J" WalftnaUr-Twickel CM™. ,n ' 3' Warfcaaar-d'Obdnm Cie Comte de) Wa^aaar'-d'Obdarn C&{">«. ja Comréfö de) Waftnaer-Starrefiburg (Pküle J. M. de) Watevilie (F. E. de) V.'.itreeacrt CM. Cde) hée Öierkcns Wettty Olatth.) CHapelaia de, Gardes Suiacs. W -lter < J. J. ) Ncgr. Wiiteknitz CMlfe. p. . M. A. Cromrnelin. . r Gulian Crommeiin . , x Robert Daniël Crommeiin . r D. W. Crommeiin . . x B. J. Crommeiin . . r J. E. Liotard . , Jaques Tejjfièt . , x K. C. Semirier . . , J. Breguet . j J. T. Griot Paftenr a Amfterd. ; x D. J. Louis Pafteur a Amfterd. . . x D- Z Chatelain ancien Pafteur de Rottcrd. a Vevay 1 Sani. Fr Chatelain . . " r La Veuve Momma, née Vosmaar . . t La Veuve Henry Abraham Chatelain, née Chatelain. r £. Chatelain ■ -j J. S. Robert, Pafteur a Amfterdam. . , Bruno Zweerts. » # . j Derok, Infütuteur des aveugles. . . x J. H. van S wind en, Prof. . ' . * % Herman Schneck ' • • 1 Mad. von Schenck, nee Schwencke , x A. de .Mortier . t V I. L. Farfon P. J. Menjolet Jacqucs TeyfTet Junior. . ' . , x F. Le Sueur Pafteur de l'Eglife Wallonne de Breda. a Char.  ?F» SOUSCRIPTEURS. 13 MM. Ex. Charles Jean Gallé, Prof. en PhiL & Pafteur de 1'Eglifë Wallonne a Bois-le-Duc. . . i M. Hulman . • i Johs. Lamb. Budde. , * . i Geertruy Budde. « • . ï Par D. J. Changuion, Libraire, Mad. Olimpe ■ Marie Chion, Veuve Naudi * i. Samuel de Chaufepié Pafteur a Amft. . . i« Frefcarode, Pere. . . , .1. Antoni Bruiningh. . , . . ï. M11*. G Bruynmgh. . » . i. A Godefroy. « . . . i. E J. Fizeaux. . . . x* J. Cazabon. . . 3 . r. P. Mounier. * . 4 4 j, Mounier, Etudiant en Théologie . « ' 36 Gillot . . . . . i. Mad. Gillot. . . i, Mad» Eiizafceth Efchauzier. . « j< Jacob Langlois. . , .4. Jacob Langlois Junior. . f ♦ l« Louis Métryer. . « I, Claude Noordwyk. • . , t. Bosboom. . . , , 1 Ij W. G. Stroinfe. ', . . , 1. Souchay, Pafteur k Leide. . , . I» Mad. Ia Veuve Rondeau. . . 1. I. S. van de Poll. . . %, Jacques Langlois. . . , j, Albert Weysheypel. . . tl. Jaques Riboulleau. . } x, J. J^ Voute. ... • . « X. r ~- Voute. . . , . t»  14 SOUSCRIPTEURS. M M. Ex. Jean Cordes. . . . i, M1U J. Couderc- . . . t. M. van Son, Pz. , , . x. P. Fouquet . • . • , . i. Mad. V. Van Eys, "née Amfïhcq. . , f. P. A. van Eys. , . j Couwenhoven. . . . . x. Mlu. Fonvielle. . . . } r. Delpierre . E. mrMt Libraire de la ReiaS R. Hon. Lord Viscount Sydney. #* Lady Viscountess Sydney ' ' 10 ï?t tt tTT B!fh°P of Glocefter. • Hon. Earl of Charham. Countefrof Chatham. Earl of Cardigah. t~— CoimteiT 0f Cardigan, Hon. MiiT Townshend. Hon. Mi-ff H. Townshend. Hon. M«. Townshend. Hon. Mr. Townshend. Rt- H°n. Lord Dynevor. Rt' H°n- Lady Dynevor. Charles Townshend Esq. M*% Mary Townshend. . RC* Hon- Charles Townshend Hon. W. A. Townshend. Hon. H. G. P. Townshend, Hon. Mr-s. Cornwallis. Mr. G. Store Jun. S. A. Severne Esq. Ed- Barnard Esq. Rob Jenner Esq. G Buchanan LLB. Rc. Hon.' Counters of Ailesbury; •K. Hon. Lord Auckland. Abbé Gautler. R. Stone Esq.' Lady Mary Bowfby. Tho*. Bowlby Esq. 'The Duke of Buccleucb. . The Dutches of Buccleuch Lord Dalkeitb. Lord'Montaeu.' -fcevd, M*. John Luxmoo-e. ' • • 'a COP* i  SOUSCRIPTEURS. 19 a CoppenbagüjE. M M fa, L* ComtelTe de Schimmelman,née Schubart. . 4 . De h Calmette, Bailiif. . . % Ls Comte, de Schee!.. . . . . 2 • De Ia Calmette. . 1 Miie. Deftinon. . * . . 1 De Pleflen. , . . . .1 Mad. de Scheel. . . . . i La ComtelTe Schulin, . I Mad Fabrititis. ... j La Baronne Illin. . . i Le Comte & Ja Comteflè de Reventlow. . a d'Erenheim. • . .»: i Le Baron de Blöme. . . . % Mad. Juel vrind» x Schultze . . t . . s Le Comte Molke. » .2 Le Baron Adler. . . .2 Le Baron Knut. I Mad. de Hauch. . 1 ' De Brochenhaus. . . x De la Poitrie. , . 1 De Brachel. . 3 PdrPierrt Steintnann, Libraire a Coppenhague. Brandorph. . . . 3 Mourier .Pafteur de l'Eglife Francaifea Coppenhague. \ J. G. Maurenbrecher, Pafteur Allemand, . 1 J. Monod, Pafteur de l'Eglife Francaife a Coppenhague. g C. F Hoyer, Pafteur & Prieur de l'Eglife dc Holm. I P. Pefchier, Négociant. • • • . * Agur, Négociant. . . . I N. Schiotc Courtier. . . * Trefcbow,Profefleur,' Pafteur de l'Eglife de. la Garnifon Danoife. . • . • l J. L. Pix, Ancien Gouverneur des Tndes. . t D. L. S. L. W. Comte de Lovendahl. . 4 * * 4 Mitcheüï  to SOUSCRIPTEURS. M M. Ex. Mitchell, Marchand Boutonnier. » . i Frontin, Marchand Bijouttier. , a Dupiiis, Marchand de Modes. . , t Mi'e Sejournas. j Mourier, Capitaine. , i Miie. C. öteinmann, Francaife. , i Mme. Verrayon. . . i M»e. L. Mazar. i Lavigne, Gantier. . .11 Mme Willerme. ; ' ; z Mm». Olivarius. . . x Mms Fumars.' . . , ' z MM Eyraud . , , » z Mm' Broca. ... z Mr. Balie, Evcque. . . i Mme. Philibert. i Obelay, Teneur de livre a la Banque. . z Lindencrone, Chambellan^ . . i Van Hemert, Négociant & Conf. Etat. ♦ ï Romxis , Négociant. ... ■ Larpent. . i Baruel, Chantre de l'Eglife Francaife i Copenhague, i Mrae. Clement*. a Puerari. . •*•"-'.' 4 Mazard de la Garde, Controleur de la Pofte Norvegienne. . . , , Duntzfelt, Négociant. . • s Mlle- Eolking, Dame Angloife. , . j Suenfon, Conful. . . z M1Ie. M. Duguai . , r De Coninck, Confeiller,d'Etat. . ïo De Coninck, Agent de S. M. 1'Impératrice de toutes les Ruflics. . . . 5 „Steümann, Librave. . t —5 ' * * Total de hi Sousc-iption 744 Exemplaires. TA-  T A B L £ DES SERMONS. PREMIER SERMON. LE BUT ET LE FRU5T DES AFFLICTIONS DES FIDELES. Rom. VIII: vs. 27. Or nous favons que toutes chofes aident enfem* ble en Men a ceux qui aiment Dieu. Pag. 1. S E C O N D SERMON. iUR LES COMMUNIONS INDIGNES. x. Aux Corinthiens XI: vs. 29. Celui qui mange (de ce pain) & boit (de cette coupe) indignement, mange & boit fa condamnation, ne difcernant point le Corps du Seigneur. 27 • * S TROI-  TABLE des SERMON S.' TROISIEME SERMON. SUR LE RE'GIME DU CHRETIEN COMPARE' AVEC CELUI DU WON DAIN. I. Aux COBINTHIENS IX; VS 25. Quiconque^ lutte vit entier ement de régime, & quant a ceux la ils le font pour obltnir une couronne corrupt/Me, au lieu que nous en attendons une incorruptible. 54. QUATRJEME SERMON, SUR LES DIFFERENS DÉGRES DE GLOIRE ET DE BONHEUR DANS LA VIE A VEN/R. r. Aux Corinthiens XV: vs. 41, 41. Une étoile eft différente d'une autre étoile en gloire 42. II ^ en fera de même aujft en la rèfurrection des mor is. g-j C I N Q U I È M E SERMON. SUR LA MAISON DE DEUfL ET LA MAISQN DE FESTIN. EcCLESIASTE VII; vs. 2. II vaut mieux aller dans um maifpn de deuït, que dans une biaifon de feft in. i u. STX-  T A B L *Ë des SER MO N SV S I X I É M E SER M O N. SUR LE - CONTENTEMENT. E?itre aux PhiL'. IV: v$i II. 9'ai appris a ëtre content des cfaqfes j'elon qut je me trouve. 1 38. SEPTIEME SERMON. SUR LA ME'SURE DE LA PERFECTION. Epitrb ds Sr. Jaques III: vs. 2. Si quelqu'un ne bronche point en paroles, c'eft üh nfimmi parfait, 165. I I U I T I E M E S E R M O N. SUR L'EVANGILE CACUE' AUX ENTENDUS ET REVE'LE' AUX PETITS EN FA NS. St. Luc. X: vs. 21. [En ce mime tems Jèfus fe rèjouit en efprit, dit: je te raids gr ace> ö Pere ! Seigneur du Ciel & de la Ter re de ce quetu as cdchè cas clmfes aux fages & aux entendus & que tu les as rêyilêes aux , petits enfans. II eft ainfi, ó Pere! paree que tel a ètè ton bon plaïfir. 193. NEÜVIEME SE R M O N, SUR LA CONFIANCE EN Dl £17. Genese 22: vs. 14. En la montagnede ï Eternel ily ferapourvu.xi^. D I X I E M E SERMON. SUR LA FLATTERIE. 1. Tiiess, II: vs. 5. Car auffï nous n'avons jamais ètè furpris en parole de flaterie, comme vous le favez, .... Duu en eft têmoin. 250. ON-  *ABLE des SERMONS. ONZTEME SERMON. SUR LE SCANDaLE. St. Matthieu XVIII: vs. 7. Malheur h l'hmme par qui k Scandak arrivé. ^ DOUZIEME SERMON. SUR LA VAINE GLOIRE. I. Cor.. IV: vs. 7. Qui eft-ce qui met de la difrence entre toi & un autre? &> qu'e/l-ce que tu as que tu *w Fayes recu? &> fi tu l'as regu pourquoi ten glorifies tu, comme fi tu r.e l'anis pomt reful so3_ TREIZIEME SERMON. SUR LA DIFFERENCE DES VOEUX DU SAUVEUR AVEC CEUX DU MONDE. l'EvangtleselonSü. Jean. Ch. XIV.vs.27. Jeyous laffe la paix; je vous donne la paix; ;e ne vous la donne point comme le monde fa donne. QUATORZIEME SERM O^N.* 4>Uil LA PIE'TE' CHRE'TIENNE NULLEMEN T INCOMPATIJ3LE AVEC L'ACTIVITE'DE LA VIS CIV1LE. Epitre a Ti te. Chap. III. vs. 14. Qjie les notres au ft apprennent a étre les premiers a s'appliquer aux bonnes osuvres pour les ufages néceffaires; afin quils ne fiovent pas fans jruit. ' £.-6. PRfÈRÉ  P R I E RE A V A N T L E S E R M. O N' JUiternel notre Dieu, Créateur de 1'Univers ë~, Père des hommes! Tu nous vois réunis fous ces yeux, & profondément abbattus au pied de ton tröne, pour te rendre les adoratiocs & les hommages qui font dus & ta M>jefté fouveraine; pour célébrer tes miféricordes infimes, te témoigner notre jufte gratitude, & te deiaander de nouvelles faveurs. Qui n'adoreroit, 6! Eternel, ton EJfence infinie, dont nous n'oferions entreprendre de fonder les profondeurs? Qui n'éxalteroit les fublimes perfccttons qui brillent fi magnifiquement dans toutes tes oeuvres? Qui ne reconnoitroit furtout combien eft précieufe ta gratuite, aujfi les Fi's des hommes fe retirent fous ïombre de tes ailes? Que de biens, ó! notre bon Dieu, dont tu nous as rendus participans dans la nature! C'eft de toi que nous tenons la vie, le mouvement £*? Pe'tre. Par notre entendement capable de connoitre lavérité, & par notre volontê de choifir le bien, tu nous as faits feulement un peu moindres que les anges, tu jious as couronnis ds gkire & d'honneur. La  PR IE RE a vant lk SERMON. La force, la fanté, Jes commodités & les agrémens de la vie, tous ces fragiles biens ta bonté nous les conferve, & elle Je rtnouvdle peur mus chique matin C eft toi qui as fWé cette RépubÜque, qui nous v fais jouir de la liberté, de Ja pa;x, & de 1'abondance,' pendant que d'autres peupJes font expofés aux plus terribles fléaux, ou gémiffent fous Je joug du defpotifmo. O! notre bon L>]Cu, quand tu aurois borné tes fcveurs a ces avantages terrestres, de quelle recónnoiilance ne devrions nous pas être pénétrés ? queJ ne devroic pas être notre emprelfement a te plaire, & notre fidélité a garder tous tes commandemens? Mais ces biens. de Ja nature ne font rierj au prix de ceux que tu nous fais dans la grace; & ceft en particulier dans ces Temples que tu nous en ouvres tous Jes tréfors. lei Seigneur] tu nous admets en ton augufte préfènoe, &, felon la déclaration de ron divin Eils, étant aJJimUés: en fm nom, tu te ttouyes au milieu de nous. Jci tu nous repais abondamment d'une nourriture fpirituelje. Tu nous ëb're'uves, au fleuve de tes dêlfces. O! Eternrl, combicr. font aimabks : tes lab-mades, aujp notre Ame foupite ardemment) même elle défaut après tes parvis 0\ Eternd. Créatures ingrates, nous venons te confdfer nos ingratitudes, & tu nous ca  PRIERE avant le SERMON, ? en accordes le pardon. Pêckurs, fouiües de crimes, indignes de nous approcher de tci, tu nous donnés un Médiatmr qui intercèd,e pour nous. Re ellèj, chargés u'une fentence de malédiftion & de mort, tu nous offres un pleige, une victime fkci ifiée en notie place, & nous venons nous en appüquer les mérites par notre foi. Enfans &t téhébres, tu nous conduis par Ia lumiere de ton foleil de juftice. Malheur u% £f misér.ables, tes magniriqucs promejjes font nos plu» puilTantes confoUtions. Heureux, Seigneur! fi connoifiant ainfi lea biens que tu nous oftres dans ta maifon, nous favions les mettre a profic pour le falut de nos ames. Aides-nous y toi même grand Dieu, en nous donnant les difpofitions qui nous font néceifaires. Remplis-nous de refpect pour ton aujufte préfence, d'un faint zéle pour ton fervice, d'un vif fentiment de notre mifère fpirituelle, & d'un dé/Jr ardent d'en obtenir la guérifon. Bénis en particulier la méditation que noüs allons faire de ta Divine Parole. Affiste puiflamment ton foible ferviteur que tu appelles a la propofer de ta part a ton peuple. Donne-lui tout ce que tu fais lui être néceflaire pour le faire avec clarté, avec fimplieité & avec force. Que pénétré* Je premier des vérités quil annonce 3 il en pé-  PRIERE AVAïiT le SERMON. pénétre plus facilement fes auditeurs. RensJes toi - même attentifs a Ia- prédication de ta parole. Que leurs préjugés, ni letirs paffions ne lui ferment pas I'éntrée de leur coeur. Et qu'ainfi, Seigneur! nous n» fortions point de ce Temple fans que notre ef pit feit éclairé, notre ƒ01 affermie, nos cëürt ianctifiés & confo'és. Nous te dem;indons toutes ces graces au Nom & par les mérites de Jéfus CÜrift. Ceft en fon nom précicux qire nous t'invoquons, Ao're 1 ere, tfc.  SERMON PREMIER SUR LE BUT ET LE FRUIT DES AFFLIG* TIONS DES FIDELES. Ro m. VIII: vs. 27. Or nous favons que routes chofes aident enfemble en bien a ceux qui aime-nt Dieu. fi ien de plus étrange, M. F., rieri de plns abfurde même aux yeux de la chair, que ces exhortations de 1'Evangile: (a) quand ón vous aura injurics & perfécutès, rëjouijjïz vous & treffaillez de joye. (b) M. F. tenez pour une parfaite joye, quand vous tomberez en diverfés tentations, 6* en ce que vous participez aux foiijfrances de Ckrift, réjouijjez vous. (c) Ne femble t'il pas qu2 c'effc aprcs un tel langage que les Difciples de Jéfus auroient du abandon' ner leitr maitre & ne plus marcher avec lui? En effet y a t'il une chöfe au monde pour' la- («) Matth. V: vs. 11, ia. f.&) Jacq. I: vs. 2. (c) 1 Pierre IV: vs, 13. A  2 I. Ses.mok, $ar Rom. VEL vs. 27. laquelle 1'horame afc une averfion plus ddcidée, & plus forte, que pour 1'adverfité , Ia douleur, les fouffrance, ? Cetne averfion de laquelle dépend en grande panie fa confervation tftfft-eife pas inrimemem Jiee k fk conftiiuüou naturelle ? Et non feulement l'Evangile nous comroande, de ne pas nous Jivrer indiltin£tement Sc fans réfiftance a cette averfion , de la furmonter dans des maux inévitablesou dont nous fomrnes acïuellement afiüiilis: Mais il nous ordonne eneore de refondre en quelque forte notre nature, d'anéantir cette averfion, de. la cransformer en defir, d'envifagcr enfin Sc de recevoir ces fujets de trilieffe &°de douleur, comme des fujets de joye & d'ailégrefTe. Mais ce qui doit-paroïtre plus e'trange Sc plus incomprélienfibJe encore aux yeux de la chair, c'efi: que ces rnêmes exliortations ont cté recues avec docilité, & obe'ïes ponéiueliement. C'eii que les Apótres de Chtïk ft refircrcnt de devant le Ccnfeil joyeux d'avoir élê reaJas dignes de foujfrir des opprobres pour k torn de Jejus, qu'un Si. Paul fe glorifia dans lairibulations, qull prit plaifir, f» cc font .fespropres terraes, dam les infirmius, les in. jures, lts néceffités, les perfécutións & les atigóijfes pour Chrif, Sc que eet éxemple a étc fuïvi par une foule de fidèles affligés-, perie- ca» («) s Cor. XII: vs. 10.  1. Sermon, Sur Röm. VIII. vs. 27. g cutés; de martyrs, qui ont ètè ét en dus dam lts tour ment s ne tenant point compte- cfêtre délivrés. Cependant quelqu'étrange que la chofe puifie paroitre au premier abord a des hommes charnels & terreftres, eöe n'a rien que de naturel öc de raifonnable , dès qu'on réfiechit férieufement fur le but & 1'effet des affliftionsj des épreuves douloureufes, des fouffrances que Dieu difpenfe ici bas a ceux qui lui font chers. Q-uel homme afiailli par une maladie mortelle pourroit ne pas défirer avec ardeur, recevoir avec reconnoilTance & prendre avec joye le breuvage le plus amer, qui devroit lui rendre immanquablcment la vie & la fanté ? Or il en ÖÖ: ainfi des affliftions des fidèles & c'eft la vérité particuliere • que St. Paul veuc nous apprendre fous ces expreffions en apparence plus générales , nous J'avons que toutes chofes &c. L'Apotre après avoiréxaké au commcncement du Chapitre le bonheur des fidèles dans la de'livrance de la condamnation du pêché par Jcfus Chrift, & dans 1'efpérance d'une réfurrcclion en vie éternelle, vcut les fortifier enfuite contre les affliélions, les contradiclions & les fouffrances, auxquclles ils demeuroienc expofés, autant & plas que les infidèles pendant cette vie. U y avoit la fans doute de quoi furprendre & ebran» O) Hebr. XI. vs. 35, A 2  4 I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs 27. ébranler peut - être des Chrétiens nouvellement convertis, & qui auparavant avoient vécu fous la Loi. Cette ancienne oeconomie avoit propofé pour récompenfe k h fidélité des ServiteursdeDieu, des béne'diétions temporelles, une vie longue, une prolpérité conilante, 1'eftime, la vénération, J'amour de leurs contemporains. Et ne femble t'il pas que ces fortes de bénédiótions devroient toujours être le partage de ceux que Dieu avoue pour fes enfans, fes élus, les hériciers de fon Royaume. Cependant ces mêmes hommes fe voyoient expofés , comme dit St. Paul vers la fin du Chapitre a Fopprefflon, a l'angoijje, a la perfécution; a la famine, è la nudité, auperil, a Vèpèe. Ils étoicst fivrés a la mort tous les jours & eflimés comme des brebis de la boucherie. Ne falloit il pas des confidérations bien fortes pour affermir leur foi contre une difpenfation fi inattendue, & en apparence fi contradictoire, de la providence de leur Dieu & Pere? Ces confidérations, St. Paul les leur offre dans notre Chapitre , depuis le vs. 17. La première eft tirée de cette gloire & de cette immortalité bienheureufe que Jéfus Chrift a mife en êvidence & qui dédommagera fi richement les fidèles de tout ce qu'ils auront pu fouifrir ici bas. SI nous fouffrons avec Chrift!, dit 1'Apotre, nous ferons aujfi glorifiès avec lui. Tout bien compté, j'ejlime que les foufrances du tems préjent ne Jont point a cvntrebalan- cer  L Sermon, Sur Kom. VIII. vs. %f. $ ar avec la gloire qui doit être révêlée en nous. C'en étoit affjz pour encourager les fidèles & les porter a la patience, mais cela ne fuffifoit pas pour rendre raifon de ces épreuves mêmes auxquelles ils étoient expofrs. Ne pouvoient-ils pas toujours penfer que la gloire offerte a leurs elpérances ayant ètè acquife par les fouffrances de Jéfus Chrifi, leurs propres fouffrances étoienc donc fuperflues, & parconfé-juent qu'il eüt été digne de la puiflance & de la bonté de Dieu de les leur épargner. Voila pourquoi St. Paul joint une feconde confidération a la première; il veuc leur faire comprendre que fi leurs afflifih'ons & leurs épreuves n'étoient pas abfolument néceflaires pour leur mériter le faiut, elles étoient cependant trés utiles & néceflaires pour les préparer & les conduite plus furement a fa poffeffion, & que les fidèles devoient avoir une pleine & entiere certitude de ce fruit prifent & par la de ce but de leurs affiiótions. Or nous favons que toutes chfes, c'eft a dire to'ites fortes de tribulations, de fouffrances & d'épreuves aident enfembls en bien a ceux qui aimtnt Dieu, a tous fes fidèles ferviteurs, a tous les chrétiens fincères, qui non-obftanc ces épreuves, tiennent ferme la profejjion de leur efpérance fans yarier. M. F. fi Sc. Paul avoit principalement en vue les perfécutions que la profeflion des premiers Chrétiens leur attiroit de la part des A s in'  6 ISermon, Sur Kom. VIII. vs. 27. infidèles, & que Dieu dans fa fagefle & fa mifcricorde juge a propos de nous épargner, la propofition de l'/ipotre n'en eft pas moins applicable au;: affliftions des fidèles dans tous les terns. Cpmnae le refle des hommes, & . q xlquefois plus qu'eux , ils fqnt expofés aux adverfitcs & aux mar.x de tout ordre, dont notre vie raortelle eft prefqu'a tout moment . traverfiie. Epreüves douloureufes fans doute, vcritables fujets de tfifieffe, mais que tout Chrétien eft appellé k fouffrir, nonfailemenc avec réfjgnation & avec patience, mais de plus avec rcconnoüTance & une fainte joye, paree qu'il doic favoir, g'u'jj doit ëtre pleinement afluré que loutes ces chfes aident enfemble &c. C'eft M. F., cette certiiude que nous allons travaiiler a produire & a fortj£er en chacun de vous, en dirigeant faccifïïvernent vos p;nfi.es fur celui qui dispen Je ces ajictions, fiif ces ajjïiciions clks-:hême$, & enfin fur ceux a qui elles font dispcnj'èis c'eft a dire que nous vous prouveroas I. que k hut de Dieu dans ces afjplétions ne peut être que de hs faire contnbuer au bien de ceux qui J'aimenr, II.. qüe ces afiiiJtions font par leur nature trés propres a contributr a nqtre bien. III. Enfin que ceux qui aiment Dieu ne manquent pas de recueilhr ce fruit de leurs afitótions par Ja maniere dont ils font dispofés a les recevoir, & par J'ufage qu'iis en font. Suivez nous Chré- tiens  I. Ser sion, Sur Rom. VIII vs. 27. 7 tiens avec nneatrention foutenue & réligieufe, & Dieu veuille Ja bénir pour fa gloire & votre véritable bien. Ainfi - fok - il. I. Que les affiictions de ceux qui aiment Diea doivent avoir nécelTairernent un but otile & falutaire pour eux, vous en ferez déja pleine. nient convaincus, M. F. fi vous faites feulemenc attention a Celui qui les dispénfe. Parlant a des Auditeurs Chrétiens, ferions nous obligés de prouver que le tourment ns fort pas de la poufiere, que le travail ne germe pas de la terre- mais que (b) ceft F Eternel qui forme la lumiere ö* qui crée les ténèbres, qui fait la paix 6* qui crée auffi l'adverfité. Ce font des déclarations de Dieu lui-même dans fa paroJe. Et Ja doctrine de Ja Providence que nous faifons tous profeffion de croire, & qui découle nécelTairernent de celle d'un Dieu Créateur, doit nous convaincre que non feulement eet Etre fuprême a voulu qu il y eut des adverfkés dans le monde, mais qu'il en eft encore le dispensateur; que de quelque caufe que nos adverfités puilfent procéder, elles ont toujours la volonté de Dieu > pour premier prin- (a) Job V. vs. 6. (£) Jeftie XLV. vs. 7. A 4  8 I. S s r m o n, Sur Rom. VIÏÏ. vs. 17. principe. Les maux de la vie ont différentes fources. Tantöc ils nous viennent du cours dela Nature, ce font les vents & les tempêtes, les tremblemens de terre, la famine; ce font des maladies meurtrières, des accidens funestes de tout genre (a) qui arrivent* éga/ement au jufle & au méchant, au bon, au net & au fèuillé, d celui qui facrifie comme a celui quUne ifacrifie point. Mais fi Dieu a prévu diftinctëment tous les effets qui devoienc réfulter de ces caufes naturelles, comme fa toute-fcience ne nous permet pas d'en douter, ne deyons nous pas reconnoitre aufii que c'eft fa main qui nous dispenfe les maux que nous en fouffrohs. Tantöt nous fommes affligés par nos femblables, ce font des calomniateurs qui noirciiTent notre réputation, des fourbes qui nous trompent, des hommes violens qui nous oppriment & nous perfécutent. Dieu fans doute n'cft pas 1'auteur de ces crimes, il y auroit du blasphêmé a le fqupfonner; cependant ii eft certain encore que fi toute • fcience en a dü prevoir les effets, & qu'en lachanc ainfi la b'ridé aux rriéehans, fa volonté eft que les bons en deviennent quelquefois les viftimes. Cette volontJ de Dieu fe remarque plus évidemmenc encore dans c.s maux qui par 1'ordre étjUr Ca) Ecclef. IX, ys. 3.  ï. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 27." 9 établi, font les fuites naturelles de nos imprudences, de nos vices, de nos exces. Si ce n'eft pas a ces fortes d'affli&ions que les fidèles font les plus expofés. ils le font cependant quelquefois , & alors ils le font plus furement que lts autres hommes, paree que, fi leur foibleffe, leur fragilké, les fait tomber dans le pêché, leur piété les empêche d'en prévenir ou d'en détourner par de nouveaux crimes la peine naturelle. Or fi toutes les fouffrances du tems préfent nous viennent ainfi de la volonté de Dieu, ceux qui 1'aiment doivent être perfuadés que cette volonté eft a leur égard bonne & agréable, que ces afHictions doivent comribuer de quelque maniere d leur bien. Pourroiehtils en douter un inftant M. F. fans douter en même tems de la bonté, de la fagejfe, ou de la fouveraine puiffancc de Dieu? La bonté de Dieu n'eft pas aveugle ni illimitée dans fon éxercice , elk: doit fe trouver en harmonie avec fa fainteté & fa juftice, & ces perfeóTions de 1'Etre fuprême ne lui permettent pas toujours de laifier un libre cours a cette bonté. Dieu ne fauroit jamais prendre plaifir aux affliftioris & aux fouffrances de fes créatures; cependant il n'y en a que trop qui par leur corruption & leur malice volontaire, ne peuvent dans la vie a venir attendre de fa juflice que des peines & des tourmens fans fin, dont leurs afflictions préfentes ne fontcju'un foible piélude. A 5 Mais  to I. Sermon, Sur Rom. VHF, vs. 27, Mais de qui sragit-il dans notre texte? de ceux qui aimentDieu, ou comme fApotre continue, de ceux qu'il a appelles felon fon propi arrété: c. a. d. de ceux qui ayant eté appelles a la connoiflance ,de 1'Evangile de Christ, 1'ont embralTé avec ardeur, défirent fincèrement de vivre felon fes loix, déplorent ïeur corrnption & leurs chutes involontaires, travaillent a être faints comme Dieu eft firint; & que Dieu vent bien juftifier, c. a. d. traite! comme juftes en Jéfus Chrift fon fiis, & a qui il deftine 1'héritage de fa gloire. Si donc ce même Dieu a préde/tinè , comme dit • encore notre Apotre, ces objets privilégiés de fes compïaifances , de fon amour, de fes plus tendres compaffions, s'il les a prêdefli'. nés d êire conformes a Pimage de fon fils dans les chofes qu'il a fouffertes; fi fa Providence leur difpenfè ici bas des afflidions, des épreuves douloureufes, des fouffrances, peuvent-ils douter un inftent que ces difpenfations ne partent de ce principe de bonté fi évident a leur égard? qu'elles n'entrent dans Ie-plan des miféHcördes Divines? qu'clles ne doivent avoir pour eux un but falutaire qui fera infailliblement rempl; ? S'il n'en étoit pas ainfi il fêudroit, ou tien que Dieu manquat de fageffe, qu'il put fe tromper dans les moyens qu'il choifit pour atCeindie au but qu'il fe propofe; ou qu'il manquat de puiffance pour garantir fes bien aimés de  t Sermon, Sur Rom. VIII. vs. z%. n de ces affli&ions, fi elles leur étoient inntiles. Mais puisque Dieu joint & une fageffe infiulliblc une puiffance fans bornes, que bien loin de dépendre des caufes fecondes, les caufes fecondes dépendent entierement de lui, la feule conüdération que toutes ckofes nous viennent de fa maiu, ne doit-elle pas déja convaincre ceux qui Taiment qu'elles aident enfemble a Uur bien ? Quoi que leur vue bornée ne leur permet pas d'appercevoir quels peuvent être les fruits de ces afiliftions, ou comment elles contribuent a leur bien, ne devroient-ils pas être aufii aflurés que Dieu les affiige pour leur profit que s'ils le • voypjent diilinctement. Mais ce Pere miféricordieux n'a pas jugé h propos d'éxiger 5 eet égard de fes enfans une foi aveugle; il nous permet de difcerner plufieurs de ces fruits fiüutaires que les afiiictiens font capables de produire. C'eft a vous les indiquer & a les dévalopper que nous deltuions notre fecond article. JI. Pour comprendre, M: F:, combien les afflictions, 1'adverfité, le malheur peuvent nous être utiles , il ne faut pas fe tiomper fur ce qui.fait notre veritable bien. Les gens du fiècle, les mondains ne le comprendront jamais. Ayant choifi leur portion dans cette vie, uniquement affectionnés aux chofes de la chair, fai-  is I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 17. fiifint confifter leur fouverain bien dans Ia posfeffion des trëfors de la terre & dans la jouïsfance de fes plaifirs, tout ce qui peut leur oter Jes premiers & les diftraire des autres doit leur paroitre un mal. Mais quiconque n'eft pas entierement aveuglé par le monde, doit comprendre que fon véritable tréfor eft dans les Citux, dans la participation a cette félicité parfaite & éternelle que 1'Evangile propofe a nos efpérances. Et que par confequent tout ce qui peut contribuer a mortifier VaffePtion de la chair qui eft la mort, comme s'exprime notre Apou-e, & tout ce qui peut coutribuer a vivifier, établir & perfedionner en nous l'affcllion de Vtfprit qui eft la vie & la paix? que toutts ces ckofes font trés propres a aider d notre véritable bien. Or voila précifément les fruits que les adverfités & les affiidions de la vie préfente peuvent produire; elles peuvent nous aider a règkr nos penfées & nos afe&ions par rapport au monde; nous faciliter la pratique de plufieurs vertus indifpenfa'.'les, nourrir en nous une rèpentance habituelle, & enfin forti fier notre piété & nous affurer qu'eJle eft foiidement établie dans nos eoeurs. Reprenons. I. Je dis d'abord que les afflidions font trés propres h règler nos penfées & nos affeBions par rapport au monde. Qu'il eft difficile, M: F:, d'avoir des idéés juftes de ce monde & de ne pas  ï. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. sj. 13 pas nourrir pour lui un attachement exceffif, lorfqu'une profpérité conftante nous roffre fuus 1'afpeét le plus faux & le plus féduifant Queft le monde par rapport a nous? un lieu de paffa^e oü nous ne fommes placés que pour y remplir les devoirs que Dieu nous a prefcrits, & nous y former i ces veitus qui feules pourront nous rendrc heureux dans notre véritable paüïe. Que font les biens que ce monde nous offre ? des biens qui n'ont de valeur & de durée qu'autant qu'il elt néceffaire pour la fatisfaction de nos befoins temporcis, mais pas affez pour les rtndre dignes de tout 1'attachement d'un être fpirituel & immortel. Que font les plaifirs du monde? des momens de diftraction agréable, deftinés a nous faire reprendre avec plus de vigueur & de courage facquit de nos devoirs. Voilk comment nous devrions toujours les envifager pour que nos affections Ji leur égard fuffent bien réglées. Mais telle eft notre foiblefle que la moindre lueur de profpérité fascine notre efprit & trouble notre jugement par rapport au monde, nous fait oublier la vanité & la fragilité de fes biens, y attaché notre coeur outre mefure , & nous faifint craindre le terme inévitable qui doit nous y enlever, nous en fait aufii écarter avec foin la pcnfée. O mort! difoit le fils de Syrach, que ton fouvenir eft amer d un homme qui vit en paix dans fes biens, d un homme qui na point de fdcherie & qui riujfit en toutes cho*  14 I. Sermon, Sur Rom, VIII. vs. 27. thofes! (a) Quoi donc de plus propre l eöfriger eet attachement exceffif au monde & a 3a vie, fruit d'une jouiiTance trop confïante & trop tranquille de fes biens, que 1'adverfité & les afflictions? Qu'efi>ce qui poun'oit mieux nous détacher des richeffes & des honneurs du monde que ces cataflrophes qui les détruifent, ou nous les enlevent? Qu'eft-ce qui pourra mieux nous faire fentir la vanité de ces plaifirs, que ces revers, ces chagrins, ces langueurs qui en é eignent le goüt & les défirs, qui nous les rendent facheux & importuns ? Qu'eft - ce qui pourra mieux nous détacher de la vie, & nous en faire envifager le terme fans répugnance, que les adverfités de tout ordre dont elle eft traverfée? Les affiiétions font donc un moyen trés efficace pour regler nos penfées & nos affections par rapport k la terre, pour mortiiier tout attachement exceffif a fes faux biens, & pour nous faire furmonter ainfi ce grand obftacle qui s'oppofe ici bas a notre fan&iflcation. H. j'ai dit en fecond lieu, que 1'adveiflté , les affiiaions font trés utiles pour nous fermer d Ia pratique de plufieurs vertus indispenfables; & vous reconnoitrez fans doute pour telles Vhumilité & la charité. Nous avons au dedans de nous des femences d'orgueil qui tendent a fe Ca) Ecclef. XLI. vs. x. & 3.  L Seb.moff, Sur Ram. VIII vs. 27. 15 fe manifefter dans tous les états de la vie, mais que la profpérité furtout fait éclore, nourrit & porte a leur plus haut dégré d'accroiffemenr, Nos entreprifes font-elles heureufes, 1'orgueü hoos porte a en attribuer le fuccès uniquement ;a nos talenis, notre habiieté, notre pruden.ce, <& nous infpire ainfi une préfomption téméraire & fouverainement dangereufe. Sommes nous ■élevés au defTas des autres par le rang, les honneurs, les richefies, nous avons bien de la peine a ne pas mettre fur le compte de nos ■qualités perfonnelles & de notre mérite réel, les hommages que nous attire uniquement notre décoration extérieure, & è ne pas regarder avec mépris, & traiter avec fierté ceux qui 3 ces égards font nos inférieurs, Mais quoi de plus propre a möröfier un orgueil fi infenfé & ü choquant aux yetrx de Dieu & des hommes, & 3 nous former a rhumilité, que 1'adverfité , les alIMions, les disgraces ? Quoi de plus propre a. nous donner des idees juftes & par conféquent humbles de nous mêmes, que ces revers de fortune qui font fuccéder la cenfurs amère aux plus balles flatteries? Quoi de plus propre a nous infpirer une modefte déSance de nos talens, de notre habiieté, de notre prudence, que ces traverfes inopinées qui font fichouer les entreprifes les mieux concertées & Jes mieux conduites ? Quoi de plus propre k ijous faire eftimer & ménager le moindre de nos.  i6 I. Sïrmon, Sur Rom. VIII. vs. af. nos femblables que ces infortunes, ces chagrins & ces fouffrances, qui nous font fentir fi vivement !e befoin que nous avons de leur fecours & de leur confolation ? Un autre malheureux efïet de la profpérité d'une vie peu traverfée, c'eft de nous rendre infenfibles aux maux de nos femblables, d'étouffer dans nos cceurs la charitè. Un homme confhmment heureux devient en quelque forte inctédule au malheur; les tableaax les plus vrais qu'on lui en tracé, lui paroiffent autant d'éxagérations, fi ce n'eft de chimères. Tout occupé d2 fon bonheur il n'a pas Je tems de penfer que des milSiers de fes fimbhbles Iuttent contre 1'adverfité & fc nourriffent d'un pain de larmes. Ou bien il écarté avec foih cette fombre penfée, qui pourroit troubler Ia tranquille jouïifance de fa profpé.ité en lui faifant entrevoir combien elle eft fragile. Et fi des circonftances inévitables le forcent a .s'en occuper, fi les foupirs & les fanjlors des .malheureux viennent frapper malgré lui fon oreille, il fera tenté de les attribuer plutót a leur impatieuce qu'a 1'excès de leurs mr.ux, ou ii n'envifager leur infortune , que comme la jufte punition de leur folie ou de leura crimes. C eft ainfi que la profpérité rend a étouffer cette compaflion fi naturelle \ nos cceurs, & a nous éloigner de cette charité fi recommandée par l'Evangile. Mais quoi de plus propre au con- trai-  I. Sermon, Sur R.o;?i. VIII. vs. 27. 17 traire ;\ nourrir une pitié compatiffante & a nous porter a 1'exercice de toutes les pjrties de la charité, que nos propres afTIictioos ? Elles nous font fentir jufqu'a quel point la douleur & le chagnn peuvent navr'er & brifer une ame. A combien de traverfes & de malheurs on peut être en proye, fans nous les être direetement attirés. Combien les maux les mieux mérités r.ous rendent dignes de compaffionl Et combien les moindres marqués d'intérêt cc de pitiede la part de nos femblables, combien leurs plus légers fecours peuvent contribuer a adqucir nos peines, & a nous les faire fupporter patiemment. 11 efc donc clair que les affiietions font trés utiles pour nous furmer a Thumilité & a la daritc. III. Elles ne font pas moins propres a prodüiré ou a entretenir dans nos cceurs ces fèntimens de répentauct falutaire , qui font fi difficücs & fi rares chez les heureux du monde. Oui la profpérité nous éioigne de la répentance par cette mondanité, eet orgueil & tous les autres vices qu'elle nous infprre & qu'elle nous fait chérir. Ira t'on fufpendre des occupations agréabiës & att^Mntes, dcarrer des penfées douces & flatteufes, interrompre le cours de fes plaifirs , pour s'occuper d'idéés triftes & hnnmiantes, pour rechercher par un examen pénible ces erreurs, ces vice3,ces pêchés, que notre amourpropre craint tant d'appercevoir! pour fe pénéB trer  i8 I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 27. trer de tout ce qu'ils ont de désordonné, d'offcnfantpour Dieu, de funefte pour nous mêmes ? Combié de ce qu'on envilage comme des bénédiéhons de Dieu & des marqués certaines de fon approbation , comment ira t'on s'imaginer qu'on ne mérite que fon indignation, fa colère & fes jugemens, & qu'on en deviendra tót ou tard Ia vicliine fi on perfévére dans fon impénitence & fa fécurité ? Ne pouvant fe réfoudre a abandonner des pafiions & des vices qu'on chérit & qu'on a tant d'occafions de fatisfaire, avec queïle avidité ne doit on pas faifir les illufions que nous offrent des idéés outrées de la miféricorde de Dieu, de 1'efficace d'une foi fférile, ou d une répentance tardive dans un lit de mort? Mais I'adverfité, les affiictions, les difgraces, en nous enlevant Jes biens terreftres qui occupoient toutes nos penfées & nos affections, nous difpofent au recueillement & a des rédexions férieufes. En nous dégoutant du monde préfent, elles nous conduifent naturellement a chercher le bonheur dans eet autre monde, oü nous ne pouvons être lieureux que par la fainteté & la vertu. Difpofés a regarder les affiictions comme des jugemens de Dieu, elles réveülent nos confeiences, nous remplisfent de frayeur te de crainte, & nous portent a réchercher les pêchés & les vices par lesquels nous avons allurné Ie courroux de notre Pere Céiefte & nous nous fommes attirés les ei-  I. S e r m o n, Sur Rom. VIII. vs. 27. lp effets de fa disgraèe. Et voila comment felon 1'expreffion du Prophete Efaïe, (a) lorfque les jugemens de Dieu font en la terre, les habitans de la terre habitable apprennent la juf ice. IV. J'ai dit enfin que les affliclions font trés propres cl fortifier notre piété, & a nous affurer qu'elle eft folidement établie dans nos cceurs. Par la piété nous entendons ces fentimens de foi, de confiance & d'efpérance en Dieu, eet aniour de préférence, ce défir de lui plaire & de lui obéir, qui font 1'ame de notre vie fpirituelle. Rien de plus propre a fonifier toutes fortes de difpolkions de 1'ame que leur exercice. Or qui ne fent, que ces fentimens de piété órit beaucoup plus pToocafion de s'éxercer, & de s'éxercer diflicilement dans I'adverfité que dans la profpérité; & que ce n'eft qu'aprés que notre foi & notre obéiffance out été éprouvées par le feu des affiictions, que nous pouvons être cdnvaïncus qu'elles funt fincères, folidement établics & enracinées au dedans de nous. Si nous ne ceffons pas de nous confier en Dieu & d'eipèrer en lui lors même que toutes fes difpenfations nous paroisfent contraires. Si nous continuons a 1'aimer, malgré les chatimens qu'il nous inflige. Si comme Moïfe nous aimons mieux être affligês ayec O) Efaie XXVI: vt. 9. £ 2  =o I. Sermon, Sur Rom. VlIF. vs. 2^ avec le peupk de Dieu que de yhn w ^ peu de tems dam les délices du pêché; (a\ om alors nous pouvons être pleinement afiurés qu'une vraïe & foiide piété habite dans nos coeurs. Et c'eft alors que taffltéion, comme notre Apotre s'exprime au Oh. 5, produit la patience, & la patience réprcuve, & Fèpreuve lefperance; efpérance qui ne fcra point confondue, mais qui infailliblement nous tournera d louange, a honneur & a gloire, quand CArifi fera réyélé. III I Après avoirvu, M. F., combien les affiictions de tout genre font propres a cóntribuer a notre bien, Confidérons enfin3'en qui elles dépfoyent cette efficace falutaire. St. Taul le marqué trés diftinctement dans mon texte; c'eft dans ceux quiaiment Dieu, & ce qui doit nous en affurer pleinement, ce font les dispofitiens dans lesqueües des hommes de ce caractére recoivent leurs amictions, & 1'expérience coniiante de tous les fidèles. I. Oui, M. F.; ces fruits des affiictions que nous avons confidérés commepoffiblesal'égard de tous les hommes, font certains, affurés a 1'égaxd des GO Heb. XI: vs. 25.  I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs'. 27. 21 des fidèles, de ceux qui aimtnt Dieu. Pourquoi ? paree qu'avons noiis dit , eet amour de Dieu qui eft rtpandu dans leur coeur, leur fait naturelle-ment rapporter ces afilictions au but que leur Pere Célede s'y propofe. Que font des enfans bien nés k 1'égard de leurs peres fe'on la chair, de 1'amour desquels ils ont lieu d'ètre pleinement 'afl'arés? R_ecoivent-i!s quelques marqués de leur indignation >, ou de leur colère, ces enfans ne fattribueront point au caprice, ni a des fentlnïêns de haine de la part des auteurs de leurs jours, mais plutót a quelque fame qu'eux mêmes pourront avoir commife. Ils s"éxaroinerout avec Ibin pour la ddcouvrir; 1'ayant découverte ils s'en nfïligeront, ils en feront I'humble aveu, ils en folliciteront Ie pardon. Ils feront plus, ils s'en corrigeront apprendront de leur chatiment a veiller avec plus d'attention fur eux-mêmes, & a ne rien épargner pour fe conierver 1'affeclion, è"c la faveur de leur Pere bien-aimé. Et ne font-ce pas la les difpofitions de ceux qui aiment Dieu, h 1'égard de leur Pere Céiefte ? Ne doivent - ils donc pas naturellement recueillir tous les fruits que leurs affliètions font propres & deftinées a produire? II. L'Sxpédence de tous les faints avons nous dïr encore, ajouce un dernier fceau, & un fceau irréfragable a la propofition de St. Paul dans mön texte. Eprouvcs au creufet des affliélions, E 3 üs  22 I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 27. ils en font fords brillans de fiiinteté & de gloire. R\appellez - vous M. F., car le tems ne nous permet pas de vous les expofer, les exemp!es d'un Job, dun David,d'un ManaJJe. Tous ils ont pu dire avec le Roi Prophéte: O) civant quejefujfie affligèfallois d travers ckamps, mais maintenant fob/erve ta parole. 11 mefi bon iavoir été affligé, afin que fapprenne tes ftatuts. 0 Eter nel! tu m as affligé, felon ta fidclitê. Jertez les yeux fur l'Eglife, tant fous 1'ancienne oeconomie que fous la nouvelle. N'eftcepas lorfqu'elle a été le plus affligée, battue par la^ tempéte , expofée a la perfécution, qu'on a le mieux reconnu en elle le caraclère (b) d"une Eglife glorieufe, naiant ni tac/.et ni ride, ni autre chofe femblable- mais fiainte & irnpréhenfibie ? Rentrez enfin en vous mêmes, Chrétiens! n'eft-ce pas dans vos affiictions que vous vous approchez plus prés de Dieu, que vous vous cachez plus avant fous 1'ombre de fes ai'es? n'eft-ce pas dans vos épreuves douloureufes que votre dévotion languisfante s'eft ranhnée, que votre amour pour Dieu a pris une nouvelle ardeur, votre défir du Ciel une nouvelle vivaatë, & que vous avez marché a pas redoublés dans le chemin qui y conduit? Gommen: apiès tant de pretives léunies, (& fur. tout O) Pf. CXIX. vs. 67 & 7i. Cé) Ephef, V: vs. 27.  t Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 27. 23 tout après votre propre expériencej pourriez vous douter encore, que toutes chofes aident enfembk en bien d ceux qui aiment Dieu? Recueillons , M. F. , de notre méditation deux grands ufages: Tun par rapport aux affli&ions, 1'autre par rapport k eet amour de Dieu qui feul peut nous les rendre falutaires. 1. Puisque les affli&ions que Dieu envoye a fes fidèles leur font fi falutaires, c'eft donc avec juftice que 1'Evangile neus exhorte, comme nous 1'avons vu au commencement de ce difcours, Jt en faire un fujet de joye. Mais prenons garde, M. F., d'outrer cette penfée. Prenons garde d'un cd té, de nous imaginer que les maux de la vie ne doivent point troubler notre joye, que nous devons travailler a ne pas les fentir. Eli! fi nous y ètions infenfibles comment pourroientils contribuer a notre bien! Notre Apotre, ne dit-il pas expreffement dans fon Epit-re aux Hebreux, que (a) tout chdtiment ne Jemble pas fur I'/ieure un fujet de joye, mais de triftejfe; ce n'eft qu'après cela qu'il produit un fruit paifible de jujïice d ceux qui font exercès par ce moyen. Ce qui doit nous réjouir dans nos affliclions, c'eft donc uniquement la penfée des fruits falutaires qu'elles font capables de produire. D'un autre coté, fi les affliclions foi:t & eet égard Chap. XII: yï, XX. B 4  H h Sermon, Sur Ro;;?. VIII. vs. *r] égaai un vrai fujet de joye. cependant gardons nous de nous y expo.er témérairement ou d<* les rechercher lorfqii'Ü dependroit de n-us de" n->us-cn garantir. Si elles peuvent produire des frmts falutaires, elles peuvent auffi en produire de peruicielix. rjdverflté a fes tentati-ons auffi^n ql)e la profpérité. Elle peut nous indutte au mécontentemént^ a llnraatien ce aumunnure, a des aélions crimineJles, & voili fon e/Tet ordinaire dans ceux qnin'aiment point Dieu, & qui font' defHtués du fecours de fa grace, Qr comment pourrons-nous comn ter for cette affiftwee de J^rit de Dieu dar* d:1s afi';&ons auxque-lles il ne nous a gomt appellk? Suivons-donc, M. F., notre a ver/ion Welte pour les maux & les fouffances, auffi Iongtems gue nous pouvons Ie faire 'fans tf? cpntr? la volonté de Dieu, & contre aucun de nos oevers. Ne craignous pas les affiiécions outre mefire, lorfque nous en fommes ménaces. Et lorfque £>ieu jugesa k propos de nous tfs euvoysr, recoMioiffons qu'eües nous font devènaes néceffiures, recevons- les avec fou. muTion, même avec a&ions de gracés, & prontons avec emprelTement Cz avec joye des aides qa;eBes nous oiFrent pour avancer nótré ventab:e b;cn. ,è; Po:iry rcuffir, ÏYI. F., spprenons encore ' oe notre texte h enactenir cohftaroment .lans nos cceura eet ft jj/ei{ quj p^ ^ nous  I. Serhon, Sur Rom. VI13, vs. ir. 25 nous rendrc falutaires toutes les affucu'ons, " qu'il plaira-a la Providence de nous envoyer. Travaillons a être vrais Disciples de 1'Evangilc de Chrift, & .aimer la -piété & la veitu avant que I'adverfité vienne 4 nous rencontre:. Si Ia prospérité a fes tenrations, elle.a auül fes avactages. EJle eft trés propre a attacher i Dieu par la reconnoiffance, les cceurs fenfibles & bien phcés. Elle nous oiiïe müle moyens , de faire des progrès confidérables dans la piété. Profitons de cette nianiere, du fupport de Dieu & des bénédiélions temporelies dont il nous comb'Ie encore, & nous tirerons de cette conduite un doublé avantage. Si lés' afffiéfc'ons ne nous font point néceifaires, D'cu nous Jes épargncra; ou li nous en avons befoin pour nous rélèvei de nos clutes, ou .pour ranimer notre piété languifiante, elles atteindront furement leur but, & nous en récueiilirons tous les fruits falutaires qu'elles font capables de produire. Que li, M. F., fans un befoin abfoiu pour nous jnêmes, Dieu jugeoita propos de nous appeiler & des tribusarions & des. fouffrances, pour un plus grand avancement de f 'Evangile, comme s'exprime notie Apotre, pour glorifier Dieu par notre patience, notre rélignatjon & notre perféverance, pour (#) faire reluire notre lumiere de~ Ca) Matth. V: vs. 16. B 5  a£ I. Sermon, Sur Rom. VIII. vs. 27. devant les hommes, afin que voyant nos bonnes ceuvres ils glorifient avec nous notre Pere qui eft aux Cieux. — Ah! foyons pleinement perfuadCs, Chrédens, que ce Pere miföi-fcordieux propoitionnera fes fecours h nos befoins, // ne permettra point que nous foyons tentès au deinde nos forces; mais avec la tentation il nous donnera une heureufe ijfue, afin que nous puisfions la foutenir Oui lóyons alfurés que ces épreuves ne pourront nous féparer de la diletlion de Dieu qu'il nous a témoignée en Jèfus Chrift, qu'au contraire, en nous faifant parvenir a une plus grande fainteté elles nous prépareront un plus haut dégré de gloire, que fi nous avons foujfert avec Chrift, nous rêgnerons auffi avec lui, nous ferons affis a fa droire, dans les Cieux & qu'après avoir relui ici bas comme des flambeaux au milieu de la génération tortue & perverfe, nous brillerons a jamais comme des étoües de la première grandeur. AMEN!* A M E NI * * * SER;  27 SERMON S E C O N D SUR LES COMMUNIONS INDIGNES. Celui qui mange ( de ce pain ) «5? boit (de cette coupe) indignement, mange & boit fa condamnation, ne difcernant point le corps du Seigneur, {a) I. Aux Cor. XI: vs. 29. ]VX F- le texte que n°us venons de vous lire eft fans contreclit du nombre de ceux qu'un prédicateur ne doit traiter qu'avec beaucoup de prudence , & nappliquer a fes auditeurs qu'avec de grandes précautions. II n'y a peut-ëtre point de pailage de nos Saintes Ecritures qui vous parodie avoir moins befoin d'un commentaire, & il n"y en a peut-être pas qui puilfe moins s'en pafier, & qui feroit plus fujet a de funeiV: conféquences, il on vouloit fe contenter des premières idees qu'il femble ofirir a 1'efprit. Vous avez été in- (<0 Pour un jour de Préparauon l la Communlon,  23 B. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 20. inftruits des difpofitions qui doivent fe trouver dans un Chrétien, pour qu'il püifle communier dignement. Quoi donc de plus naturel que d'entendre par ceux qui mangent de ce pain, cê? boivent de -cette coupe indignement, tous ceux qui approchent de la table facrée' fans y apporter dans le plus haut dégré ces dispofitions fi néceifaires. Et comme les termes de jugcmer.t ou de condamnation fignifient d'ordinaire Ie jugement final que Dieu prenoncera aux reprouvés, les peines delenfer; quoi de plus naturel encore que de comprendre cu'une feuie communion indigne fuffit pour nous perdre êfernellement. Sdon de telles idéés, voiei, M. F. Je plan que nous devrions fuivre dans ce discours. Ce feroit de vous indiquer d'abord plufieurs daflea de communians indignes, dans Ielquelies fe trouveroient conr.ris prefque tous nos ;:uJiteurs. De vous dé] ndre u:fuite des plus noires couleurs 1'énormité du enne dont ils fe rendent tons ('galemenr coupables. Et de vous tracé: enfin un tableau eflnryant de la conc'-mnation c^eme-lle dont St. Paul les ménace indiftinctement dans raon texte. Mais quel frtut M. F. potirrions nous attendre d'un tel discours? II piairoit fans doute a ces auditeurs, que des dédamatións vagues, & fortes contentent toajoHfiS, mais qui n'éxaminent jamais s'ils en remportent des idees plus clai-  IL Sermon, Sur x Cor. XI. vs. 29." 29 claires, & plus diftiö®»*, des difpofitions plus Verrueufes, & qui par conféquent n'iroient pas moins braver a la table facrée cette condamnation terrible, dont ils auroient été ménac;s. D'un autre cöté un tel difcours ne pourroit que jetter une frayeur déplacée dans des ames fimples, des cceurs fincères, de vrais Chrétiens qui, pénétrés du fentiment de leur indignité, n'ofi,roient livrer leur cceur a cette douce confiance avec laquelle il nous convient d'approcher d'un tróne.de grace, ne participeroient qu'en tremblant a un facrement fi rédoutable, fe tiendroient méme entièrement éloignés de Ia table Sainte de peur d'y manger fcf cty boire Uur condamnation. Des effets fi contraires a 1'efprit de 1'Evangile ne fauroient réfulter naturellement d'une doctrine que eet Evangile nous enfeigne. Ces premières idees que préfente notre texte ne peuvent donc être celles que 1'Apotre vouloit exprimer. Aufïï allons nous fuivre uri plan bien différent de celui que nous venons de tracer; & nous en efpérons avec Ia grace de Dieu des effets plus falutaires. Nous allons confacrer Ia Ie. partie de notre difcours a vous faire confidérer notre texte dans fon fens propre & littéral, ou dans 1'intention direéie de 1'Apotre ; & vous verrez M. F. que les communions indignes dont il parle étoient particulieres a l'Eglife de Corinthe, & ne  SO II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs 29. ne fauroient même avoir lieu de nos jours; & d'un autre cöté que Ia peine dont il les ménace n'étoit pas moins particuliere k eet age de l'Eglife. Notre He. partje fèra confacrée a vous faire une application indirecte des paroles de mon texte, & pour eet effet nous n'aurons point recours a J'autorité de St. Paul, mais a la nature même des chofes, & au génie de 1'Evangile. C'eft fondé fur ces principes invariables que nous rechercherons qui font parmi nous ceux qui doivent fe re« garder comme des communians indignes, & la jufte condamnation qui les attend s'ils perfévérent dans leurs funeftes difpofkions. C'eft M. F., tout le fujet de votre attention réligieufe. Et toi, Divin Jéfus! qui nous invites fi miféricordieufement a ta table pour nous y faire trouver, non Ia condamnation, mais la vie, ne permets pas qu'il nous arrivé de tourner nous mêmes a notre perte ces tendtes foins de ta charité! Qu'une vive reconnoiffance pour les bienfaits, plus que la crainte de fes jugemens, nous porte a abjurer toutes les mauvaifes difpofitions qui pourroient les attirer fur nous. Afin que tous enfemble, venant au feilin de 1'agneau avec la robe de noces, nous en fortions raflafiés de tes graces & difpofés a Ia jouilfance éternelle des ineffables delices que tu referves a tes rachetés dans le Ciel. AMEN! I.  11. Sermon, Sar i Cor. XI. vs. 20. 31 Notre texte, M. F., eft dans Ie cas d'un grand nombre d'autres paffages de J'Ecriture dont on ne fauroic bien faifir Ie véritable' fens qu'en les confidérant dans leur liaifort avec ce qui précéde & ce qui fok ; & desquels, pour avoir négligé cette précaution fi naturelle, on a déduit quelquefois des dogmes direftement contraires a la vraïe doótrine de 1'Evangile. Notre texte eft étroitement lié avec le difcours de 1'Apotre depuis le vs. 17 jufqu'a la fin du Chapitre, dont par conféquent nous fommes obligés de vous faire 1'analyfe. Ce qui précéde notre texte vous fera comprendre la nature du crime dont parle St. Paul, & ce qui le fuit Ja nature de la condamnation dont ceux qui commettoient ce crime étoient ménacés. I. Le but général de St. Paul étoit de reprendre & de corriger les Chrétiens de Corinthe d'un défaut fcandaleux dans la célébration de 1'Euchariitie. Mais pour vous faire comprendre, comment Jes Corinthiens avoienc pu lè laiiTer entrainer dans un abus fi énorme, il faut vous rappeller avant tout de quelle maniere on communioit, ou on faifoit la Cêne dans ce premier age de l'Eglife. Le nom de Cêne fignifie proprement fouper, par-  32 II. Sjsrmon, Sur i Cor. XI. vs.' 29. paree que Ie Sauveur in/ïitua ce facrement pendant ou après Ie fouper de la Pague. Les premiers Chrétiens n'avoient point d'Eglifes, qu des Eeiix uniquement deftinés au fervice divin. Ils s'aifembloient a des tems marqués dans des maifons parriculieres. Pour imker mieux le fouper pafcal, ou bien les répas qui fuivoient les facrifices, ils ne fe contentoient point de fe mectre a table pour célébrér la Cêne comme nous le faifons aujourd'hui; mais ils 1'accompagnoient d'un fouper nommé Agape ou charité, c'eft a dire un figne de la communion fraterïielle qui étoit entr'eux, & de leur charité envers les pauvres, qui étoient 1'objet principd de cette inftiturion. Et tous enfmble, fdon 1'expreiïion de St. Luc, (a) préno'hnt leur repas avec joye & ftmplieité de cceur, louaiit Dieu, &> fe rendant dgréSbles d tout le peuple. Mais un ufage étabii dans des vues fi louables & fi chrétiennes dégénéra bientót en abus & particutfierement parmi les Corihthiens, comme St. Paül nous le fait remarquer. En ceci, dit il au vs. r7, que je vais vous dire, je ne vous loue point, c'eft que vos ajfemblées ne font pas mieux 'réglées qiPeUes Pétoient; elles le font moins. Car premièrement quand vous vous ajfemblez, fapprens qu'il y Aft es II: vs. 46, 47.  ïl Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29. 33 y a des divifions parmi vous fen crois unè partte. Et au vs. 20. quand donc vous vous affemblez ainfi tous enfemble, ce n'eft pas manger la Cêne du Seigneur. Car lorfquil s'ag.:t de prendre le repas, chacun prend par avance fon fouper particulier, enforte que leun a faun, & Pautre fait bonne ckére. N'avez vous donc pas de maifons pour manger & pour baire P ou méprifez vous l'Eglife de Dieu i Paul Lwapporte. Nous ne prétendons point par la que les affliclions temporeHes ne ibient plus des chatimens du Seigneur, dont nos péchés font la caufe, & notre correction le but. La provïdence & la miféricorde du Seigneur font toujours les mêmes, & chaque chrétien eft appel-1 Ié a envifigcr toutes les ailli'dions qu'il fouffie ja bas comme une difdpline méritée & falutaire. • Mais ce que nous avons voulu dire, eelt que 1'efprit de révélation nous manque pour nous mettre en état d'appliquer, comme St. Paul, vos affliclions a tel ou tel pêché que vous aurièz pu commettre , a moins qu'elles n'en foient des fuites naturelles & néceüaires. Qu'il y auroit en nous de la témérité & une témérité impardonnable de penfer ou dire: „ il „ y a parmi vous des langueurs, des maladies, V des mora ftbites , 01/ prématurées , donc {i '-"-v,x g^'Tes éprouvent ónt communié indiHetóehtr . Des communions indignes comme tout autre deveir du ciftemal rêmpll.qui plus eft comme tout pêché, toute désobéfflhnce aux com, man-  ïl. Se rui on, Sur i Cor. XI. vs. ao. 39 ] mandemens du Seigneur , nous attirent dès aprefent fi diCgraee^ & une condamnation éternelie fi nous y perfévérons. Mais nulle part 1'Evangile ne nous a révélé que Je,Seigneur ait. afiigné , pour tous Jes ages de l'Eglife , une peine particuliere aux communians indignes, autre que celle qui rei'ulte natureJlement de ce devoir mal rerr.pii, & des mauvaifes difpofitions qui en font la fource. Nous croions apréfent, M. F., vous avoir fufiifamment expliqué les paroles de notre texte, & 1'intentioa directe que 1'Apotre s'y propofoit, pour en prévenir toute fauflé appfication qui pourroit eftrayer des ames fidèles, & les éloigner d'un facrement deftiné a les confoler cc a les encourager. Mais quoique les paroles de notre texte fe rapportent fi direcfement & fi particulierement aux Corinthiens, nous pouvons nous en faire une applicadon indirecte & générale; & c'eft a quoi nous avons deftiné notre feconde partie,pourlaquelle nous vous demandons un redoublement d'attention. IL Pour connoitre qui font parmi nous ceux qui doivent fe regarder comme communians indignes nous ne faurions recourir a 1'autorité de St. Paul dans mon texte, puisqu'il n'y eft queftion que d'un abus particulier, qui n'exifte point, C 4 &  I <4o 'H. .SERMON, Sur i Cor. XI vs. 20; -& ne fauroit même exifter que trés dffficile• ment de no* jours. Les lumières cme 1'Ecrimre .nous fournit fur la nature de ee fictement, f dont on a foi» d* vous mme avant que dB vous y admettre; fe manière dont nous ce^bronsda Gêne, favoir dans toute Ia fimolicité de fon- pmmêtii « dans des lieüx uniquement deftinés au culte; les avertiffemens contmuels qu'on vous fait avant d'approcher de la table facrée & pendant qu'on y participe, ■tout cela ne fiuroit vous permettre de n'v pomt discerner ft corps, c'eft-a-dire, les fymboles da corps du Seigneur; & „0us ne funons vous taxer &ns injuftice, de ne pas vöus condmre .pendant cette -a-ition avec Intérieur de devotion convenable a ft fainteté. Cepenoaut il n'en^eft pas moius vrai, qu'il ne fe *H6 que trop fouvent des communions indices panm nous; que la St: Cêne y eft pmSuïéfc enne niiniete plus couverte, mais non moins r^eltei cc füuvent plus eiiminelle que-chez les Conndiiens, Pour vous , en convaincre il n'y a qu-a faire une attention plus particuliere a la nature de ce ftcrement. au but que Jéius Chrift s y elt propofe, & zxxx fruits qu'il eft deftiné a prodüire. Tout ce que nous y apportons de contraire & cela volontairement, doit nous rendre. communians indignes, nous fait mal dis, cerner e corps & h fung du Seigneur, nous ifnd plus ou moins coupabks envers lui, cc 112  IL Sermon, Sur 1 Cor. XI. vs. 29. 41 ne peat procéder que de difpofitions condamnables cc qui ferviront efteétivement h notre condamnation , li nous avons Ie malheur d'y perfé• véren C'eft ce qu'il fuut développer avec foin. La St. Cêne peut être envifagée fous deux feces didinctes', favoir comme -une-profejfion folemnelle & pubJique de notre Chriftianisme, cc comme un acie particulier du culte chrétien. C'. ft ce qui fonde la néceffité de deux fortes -de difpofitions pour participer dignement a ce facrement augufte. Les premières font celles qui forment le vrai chrétien, qui doivent nous accompagner en tout tems pour mériter ce titre, fans Jesquélles nous ne faunons nous acqüitter dignement d'aucune partie du culte, rj¥' nous appliquer aucune des promeflès de 1'Evangile; difpofitions que le Sauveur lui même rapnorte a ces deux, la foi, & la rèpentance. Lts fecondes font ce recueillement d'efprk & cette dévotion du cceur, cette humilité profonde, cette reconnoiffance, eet amour & ce dévouement pour Jéfus Chrift qui doivent accompagner avec une vivacité nouvelle le fouvenir fi folemnellement renouvellé de fes fouffrances & de fa mort, comme de Vunique moyen de notre falut. Ec voila ce qui va nous faire reconnoitre diverfes clafles de communians plus ou moins indignes, qui fe ■rendent coupables, quoique dans des dégrés différens, envers Je corps & le fang du SeiC 5 gneur  42 II. Se hm on, Sur i Cor. XI. vs. 29. gneur, & fe préparent ainfi une plus ou moins grande condamnation. I. De ce nombre fcnt fans contredit, & au premier chef ces Chrétiens fi indignes 4e ce nom; ces hommes profanes qui fans ombre de piété & même de foi dans leur coeur font conduits a la table facrée par des motifs purement humains, pour des intéréts charnels & terreftres. Oui M. F., il n'eft que trop vrai qu'au fein du Chriftianifme 0:1 voit des hommes n'aiant rien de Chréden que le nom, & quelquefois les apparences. Je ne parle pas feulement de ces malheureux qui, nés & nourris dans la mifère, privés de toute inftruétion & de toute éducation, mênent une vie toute .animale & meurent comme ils ont vécu. J'ai principalement en vue ces hommes plus coupables qui, après avoir joui du bonheur ineftimable d'une éducation chrétienne, après avoir été inftruits de bonne heure des vérités & des devoirs de la réligion, fe font abandonnés enfin te a leurs pasfions effrénées pour le monde, fes biens & fes volup.tés, & ont laiifé étouffer par elles dans leur coeur la crainte de Dieu & de fes loix, le défir & jufqu'a la penfée de leur falut. Tourmentés quelques fois par des remords que leur confcience, & des principes obfcurcis, Daais non pas éteints, reveillenc dans leur ame, ils  II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29. 43 ils cherchent a s'en délivrer en pervertiflant leur efprit auffi bien que leur coeur par la lecture de ces produclions empoifonnées, que ce fiècle incrédule & licencieux fournit avec une fi malheureufe abondance. Quelqu'étrangers que fe foient rendus ces hommes a la religion & au Chriftianifme, ils y tiennent cependanc encore par les intéréts de ces mêmes paffions qui les en éloignent. Si un air d'incrédulité & d'irréligion peut leur donner de 1'importance aux yeux d'un certain monde & dans certaines fociétés, il produit un effet tout oppofé dans d'autres fociétés, aux yeux d'un autre monde, qui a d'ordinaire plus d'infiuence fur leur bien être temporel. Voici ajors comme ils s'arrangent , & favent combiner des intéréts fi oppofés. Avec un cce.;r profane & incrédule ils confervent la livrée du Chriftianisme. Impies dans leurs entretiens particuliers, ils veulent paroitre réligieux dans leur conduite extérieure & publique. On voit de tels hommes, pour ne pas encourir 1'indignation des croyans, ou la difgrace d'un piotecteur, pour fe conformer aux bienféances de leur pofte, ou de leur condition, fe joindre au culte Chrétien, & approcher de la table facrée pour paroitre annoncer la mort d'un Sauveur, en qui ils ne croyent point, pour y chercher l'affurance d'un falut auquel ils ne penfent point. Plut a Dieu  44 & Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29. M. F., qu'on put douter de 1'éxiftence de. pareils communians! mais qui pourroit douter un infhnt de leur indignité, de Fhorrible abus qu'ils ne craignent pas de faire d'une inftitution fi refpeélable & ü fainte, de 1'infulte criminelie qu'ils font a fon inftituteur, & par comequent de Ia condamnation dont ils fe rendent dignes? Si de tels communians font confirmés dans 1'incrédulité, quelle fauffeté, quelle impofture,'quelle lache hypocriiie! S'ils n'ont pas entierement renie's la foi, s'ils croient encore qu'il y a quelque chofe. de facré dans cette cérémonie réligieufe, qutlle audace facrilège! JVe craignons pas de le dire, M. F. Ie crime des Corinthiens n'étoit pas comparable au leur. Ceux-Ia, comme nous 1'avofts vu, pouvoient pécher par ignorance, & communier indignement fans en avoir 1'intention; mais qui eft-ce qui pourroit excufer ou du moins adoucir la conduite de ceuxci? C'eft Ie facrement du Seigneur, la profeffion publique de notre foi & de notre rc?pentance. C'eft une Cérémonie toute fainte, a laquelle leur hypocrifie, leur incrédulité. & leur impénitence les rendent entièrement indignes de participer. L'Eglife, par un principe de charité plutót que de rigueur, leur défend 1'accès a la fainte table, non feulement pour qu'ils ne fouillent point les. viandes facrées, mais furtout pour qu'ils n'aggravent point leur condamnation ; mais ils méprifent éga-  II, Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 2q\ '45 également les défenfes de l'Eglife, la fainteté du facrement, & Ie caraétère de celui qui fa infticüé, Afin de ménager par leur hypocrifie quelques intéréts terreftres ils ne craignent pas de fe rendre dignes des plus févères chatimens de Dieu; & fi Ia mort prévient leur amendement, d'aggraver de la manière la plus terrible leur éternelle condamnation. Oui, M. F., c'eft h de tels communians que peut s'appliquer dans toute fon énergie cette expremon de mon texte, ils mangent & boiyent. leur - condamnation. II. Si parmi nos communians il s'en trouve quelquefois de fi indignes du nom de chrétieus, il y en a un beaucoup plus grand nombre d'autres qui portent ce nom avec plus de raifon, mais qu'on auroit tort cependant de re» garder comme de véritables chrétiens. Car s'ils prétendent remplir les conditions du Christianis-me, ce n'eft qu'en les rempliflant mal, & dans un but directement contraire a celui de 1'Evangil?. Le but de 1'Evangile, dans les conditions de foi & de répentance qu'il nous prefcrk, eft de nous faire mourir au pêché pour yivre d la juftice, pour nous nettoyer de toute fouillurt de chair & cfefprit, c? achever notre fantlification dans la crainte du Seigneur. Mais les chrétiens dont nous parions, efclaves de certains péchés qu'ils ne fauroient le refou- dre  4 ff II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. £9. dre d'abandoflser, eagagés dans un genre de vie contraire aux loix de 1'Evangile, mais auquel leurs paffions, leurs habitudes' ou-leurs intéréts terreftres les atföchent, fe font une foi & une répentance a leur manïere; favoir une foi fans oeuvres, & une répentance fans amen? dement. Selon eux il fufïït de fe confier en Ia miféricorde de Dieu & aux mérites du Rédemp-" teur, de confeffer de tems a autre fes péchés & d'en demander le pardon, de s'acquiter avec quelque régularité des devoirs du culte public & particulier, pour pouvoir fe flatter d'être en état de grace, s'appliquer les promelfes de 1'Evangile & nourrir 1'efpérance de fon falut. En confequence de tels Chrétiens ne manquent point de communier régulierement, de s'y préparer'avec quelque foin, par la fufpenfion de leurs habitudes vicieufes, ils ont de plus des jours de retraite; ils confacrent quelques momens a des lechires de piété afin d'apporter du moins a la table .fainte, les fentimensde dévotion qui peuvent saccorder avec les difpofitions de leur cceur. En un mot ils y apportent tout, excepté le facrifice de ces péchés ftvoris, cette pureté de cceur, qui eft précifément ce que le Seigneur leur demande. Et en confequence on les voit dès le lendemain retourner a ces mêmes péchés d'habitude, fe montrer ( pour parler avec notre liturgie), 1'un parjure, fautre rebelle a fes fupê* fieurs, mutin, bat teur, querelleur, adultere, im-  If. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 27. 47 #»j>»r, larron, ayare , ravijjeur , ufurier , intempérant. Je le demande, M. F., qu'eftee que de tels Chrétiens devfoient penfer d'eme mêmes ? que devroient ils penfer de leurs communions? Ne favent-ils donc pas que feloir la doctrine expreffe de 1'Evangile un feul de ces péchés, dès qu'on s'y plait, dès qu'on s'en fait une habitude & qu'on y perfévére, fuffit pour nous exclure du Royaume des Cieux, pour nous rendre indignes du ütre de difcipleS' de Jéfus Chrift, & de la participation a fes graces de pardon & de falut. Qael fruit peuvent-ils donc efpèrer de la profeffion publique qu'üs {Viennent en faire? ne vous abufezpas, leur dit 1'Apotre Saint Paul, Dieu ne peut être moqué. Qu'ils examinent 1'ufage qu'ils font de cette inftitution fu'nte de leur divin Maitre, & qu'ils fe flattent encore, s'il leur eft poflibie, de difcemer véritablement le corps du Seigneur, de communier dignement. Quel a été le but de Jéfus Chrift en fouffrant la mort de la croix pour nos péchés, & nous donnant un mémoïiil fi touchint de cette mort dans la Sainte Cêne. Ah! ce ne peut être que de nous faire fentir vivement quelles font les peines que ie pêché merite, afin de nous en infpirer une jufte honeur, pour nous y faire renoncer aura rit qu'il eft en nous, & nous infpirer un dévouement fans referve a fes faintes loix. Mais que font les -communians dont nous parions?  48 II. Sermon, Sur iCor. XI. vs. ap. Ils regardent Ja mort de Jéfus Chrift, & Jes fymboles de fon corps & de fon fang comme un encouragement a demeurer dans nos péchés, puisqu'ils s'en appJiquent les graces, quoiquds perfévérent dans Jeurs vices. Chaque commumon au Iieu de les rapprocher de Ja fainteté les en éloigne, au lieu de les réveiller de leur fécunté la fortifie. Bien ham dhonorer leur Sauveur, ils le deshonorent, au lieu de rendre refpeftables fa Réligion & fes Sacremens, ils les expofent a opprobre de la part des incrédules & des profanes. Le moyen après cela de^ douter qu'ils ne mangent de ce pain & ne boivent de cette coupe indignement, qu'ils ne fe rendent coupab/es envers le corps &> le fang du Seigneur, & qu'ainfi il ne mangent £f ne boivent leur condamnation, c'eft a dire, que leurs communions indignes naggravent la'jufte peine qu'ils méritoient déja. III. Enfin il y a M. F.. des Chrétiens fincè* res, vivant dans la foi & dans la répentance c'eft a dire qui, croyant a fEvansile défirent fincèrement & s'efforcent de pratiquer fes loix j ne foutfrent en etix aucune habitude de pêché, & n'en commettent point d'a&e par infirmité ou par furpriié qu'ils ne le défavouent .& ne prennent de nouvelles précautions pour n'y pas retomber, & qui néaumoins ne communient pas toujours dignement. Et en effeü nous  It. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 20. 49 nous avons vu qu'outre ces difpofitions générales, fans lesquelles nous ne fomines quahfiés pour aucun acte du culte clivia, le Sacrement de la Cêne exige de ceux qui participent des dispofitions particulieres qui lui font propres, fa-. . voir le récueillernent de 1'efprit & la dévotion du cceur convenables a une aftion fi fainte cc fi folemnelle. Or il arrivé a de vrais Chré-» tiens de ne pas communier a eet égard auflt dignement qu'il peut dépendre d'eux. Je dis, M. F., qu'il peut dépendre d'eux pour ne point tomber dans des déclamations vagues qui pourroient êire fauffement appliquées: car oü en ferions nous M. F. fi nous ne pouvions communier fans crime a moins que d'avoir ces difpofitions générales & particulieres dans le plus haut dégré de perfection abfolue? II n'y auroit aucun Chrétien qui put communier dignement. Auffi avons nous les plus fortes affurances du contraire. Notre charitable Sauveur a inftitué ce Sacrement comme un fecours pour nous aider J> avancer vers la perfection, il ne peut donc s'attendre a. nous trouver parfaits. Mais ce qu'il attend & ce qu'il éxige c*eft que nous apportions k fa table des difpofitions auffi parfaites qu'il peut dépendre de nos fincères efforts, & d'un bon ufage des graces & des fecours qu'il nous a procurés. Or pour y apporter un récueillernent & une dévotion convenables , il fa ut que nous y ayons préparé nos> D ei-  50 II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29. efprits & nos cceurs, & voila ce qu'il n'arrive que «op föüvènt a de vrais Chrétiens de néghger Comptant trop fur leur fincérité ils ne fe dénent pas affcz de la foibleife humaine ils ne mettent pas toujours un affez grand in-' tervalle entre les öccuparibia du monde & leurs commumons; ils ne s'y difpofent pas fuffifimment par la méditation & ja prière. Faut ü s étonner après cela des diftractions dont ils fe plaignent, de leur indifférence , de leur froideur a la table facrée, & du peu de fruit qu'ils retirent de leurs communions pour avancer dans la vertu & dans la piété ? Oui fans doute, M. F., leur langueur, leur fécherelfe dans une aftion fi propre a. allumer notre zèle, & a échauftèr notre' dévotion, eft pour eux un jufte " fujet de reproche, & une ofFenfe envers le Sauveur, dont ils doivent lui demander le pardon, & dans laquelle ils ne fauroient perfévérer fans expofer leur falut. S'ils profitent fi peu de ce fecours que Ie Sauveur leur offre, c'eft uniquement par leur propre négligence, & s'ils négligent ainfi ce qui peut les avancer & les forafier, il eft fort a craindre que bientot ils ne reculent, que leur piété ne s'affbibliffe de plus en plus, qu'a la fin elle ne seteigne, & qUe revenaiit a la table du Seigneur, ce ne foit pour y matiger & y boire d leur condamnation. Mais fi raalgré nos fincères efforts & nos foins les plus affidus, il nous arrivé enco-  II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29. 51 re de ne pas fentir k la table facrée, tout le zèle & la ferveur que nous défirerions, ne nouS en allarmonspoint M. F.,c'eft un eifet de notre infirmité & nou de notre négiigence. Ne foions pas effrayés de la dcclaration de notre texte, nous pouvons être affurés qu'elle ne nous regarde point; car nous n'avons pas un fouvtrain Sacrificateur qui mpuiffe avoir compaffion de nos infirmités ; mais nous avons celui qui a été tentè comme nous en toutes chofes, excepté le pêché. (a~) Bien loin que nos impeifeétions doivent nous éloig* ner de la table facrée, allons avec afpurancê au tróne de la grace; afin que nous obienionS mijéricorde & que nous trouvions grace peut être aidés dans nos befoins (b) Oui ne nous relachons point, & Dieu bém'ra de plus en pluS nos effprts; il nous fera aller de progrès en progrès, jusqu'a ce que nous ayant délivrés de ce corps mortel il nous faffe parvenir a la mefme de la parfaite ftature de Christ. Mais vous M. F. qui êtes obligës de vous appliquer plus ou moins la déclaration de notre Apotre que nous venons de méditer, au nom de Dieu ne vous rendez pas cette méditatioii inutiie, ne fermez pas volontairement les yeuxa la lumière qui vient de vous être préftntéj, ne balancez pas a reconnoitre votre indignité pour régler felon cette connoiifance votre con- (0) Hcbr. IV vs. 15. (J>) Hebr. IV vs. 16. D 1  52 II.Sermon, Sur i Cor. XI. vs. 29: duite, afin de ne pas aggraver, ou plutöt de prév-enir votre condamnation. Si malheureufement il fe trouvoit parmi nous de ces incrédules & de ces impénitens qui voudroient approcher de la table facrée , réfolus de perfévérer dans leurs criminelles difpofitions, ah! qu'ils s'en éloi-ncnt, qu'ils renoncent a leur coupable dellèin, qu'ils ne viennent point fouiller les viandes facrées, & aggraver leur condamnation déja fi terrible,'par leur hypocrifie & leur profanation. Ou plutöt qu'abjurant pour jamais leurs égaremens pasfés,1 pénétrés de bonte & de confufion, déchirés de remords, & fermement réfolus de renoncer d toute impièiè & convoitift mondaine, ils viennent a la table facrée implorer un pardon que Ie Seigneur eft toajours prêt d'accorder aux plus grands pêcheurs qui fe repentent fincéremenr. Que ces demi - chrétiens qui refufent a Jéfus Chrift Ie facrifice qu'il leur demsnde, qui ne lui apporten: qu'un coeur partagé & peu fincère, qui défirent bien de participer k fes graces, mais ne veulent point fe foumettre k toutes fes loix,- que de tels chrétiens rédéchisfent murement fur leur état & fur leur parricipation a la table facrée. Nous 1'avons dit, léfus Chrift ne fauroit les avouer pour fes difciples, & fes graces ne leur font point deftinées; qu'ils ne viennent donc pas en chercher les afluran» ces> de peur que, fe les appliquant témérai- ret  II. Sermon, Sur i Cor. XI. vs, 29." 53 rement ils re fe foitifient dans leur funefte fécurité & n'affurcnt que leur condamnation. Ou plutót aulli que fe dévouant fans referve a leur rédempteur ils réparent le fcandale de leurs communions paflees par un renoncement entier aux péchés dont ils font encore les efclaves. Et vous Chrétiens fincères, mais inconhdérés, qui ne devez attribuer vos communions imparfaites & fi peu fructueufes en progrès, qu'a une négligence qui n'eft point fans pêché, épargnez vous a 1'avenir de pareils reproches, ne vous livrez plus a une préfomption fi dangereufe, ne croiez jamais pouvoir vous préparèr avec trop de foin k célébrer dignement les noces de 1'agneau & k recevoir les graces qu'il diftribue k fa table. Confacrez les momens qui vous reflent a dégager votre ame de toute penfée & de toute affeérion trop étrangè e aux grands objets qui doivent 1'occuper demain. Et puifie ainfi notre participation k la Table Sainte, être pour nous tous un devoir bien rempli, une fource de graces fanêtifiantes, & un fceau, une arrhe de cetf^ communion éternelle que nous eipérons d'cltreI:enjr dans le Ciel avec le Pere le Fils & lé Sc. Efprit. AMEN! D3 SER-  $4- SERMON TROISIEME SUR LE REGIME DU CHRÉTIEN COMPARE AVEC CELUI DU MONDAIN, (a) Sur i Cor. IX: vs. 25. Qukonque lutte vit entier ement de régime, <5? guant d ceux ld ils le font pour obtenir une couronne corruptible, au lieu que nous en attendons une ineorruptible. C^e qui éloigne Ia plupart des hommes du vrai Chriftianisme, ce font les grandes oblL ganons qu'il impofe, Ce qui occaiionne cette indifférence pour la plus fainte & la plus fa.'utaire des Réligipns, ce font les pénibles er'forts qu'elle éxige pour 1'acquiiition du falut qu'elle nous offré, II y a peu d'hommes afiez abrutis pour ne pas défirer après la mort un état de bonheur fans mefure & fans fin, tel que FEvangile nous 1'annonce, s'il nefal- loit ( jours celles qui ne le font point. 11 doit contrarier des gouts & des penchans qui, jusques a un certai'n point, peuvent être légltimes, mais qui deviennerit aifément crirnjnèts, s'ab* ftenir de ces amufemens innocens en eüx- mêrnes, mais que fon tempérament, fon humeur, les paflions lui rendent dangereux & pouröient lui rend're funeites Le Chrétien eft donc fouvent appel!é a renoncer a fa liberté, il doic donc fouvent fe getier & fe eontraindre ; ce n êft que par ces facrifices qu'il pourra remplir la tache qui lui a été prefcrite & être rendu participant du falut que 1'Ëvangile ne promet qu'a ceux qui par leur perfêvérance d bien faire, auront cherché l'honneur, la gloire & l'immortaliiéi ia) Rom. ft vs 7. ; E  66 lil. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. II. Ces facrifices, ces abftinences5 cette mortification, tout cela n'eft pas particulier èt la piété chréticnne; ce n'eft pas feulement Pacquifition du falut qui prefcric une difcipline fi févè:e. Le monde rt'enexige pas moins de ceux qui y cherchent leur bonheur: nous ne faurions nous procurer aucun des avantages qu'il nous offre, que par bien ces facrifices, qu'on obfervant une difcipline toute pa.reille a celle que la piété nous prefcrit. St. Paul pour convaincre les Corinthiens de cette importante yérité leur en cite un exemple finguücrement frappant pour eux. C'eft le régime qu'ohfervoient les Athlétes , qui fe préparoient pour les jeux publics, quiconque lutte, dit PApötre,v/ï entier tment de régime, ou s'abfrient de tout ce qui peut lui nuire. Outrc 1'éxercice continu'el que ces Athlétes étoient tenus de faire dès leur tendre jeuneffe, ils étoient obligés a un régime dur & auftère , qui confifloit dans 1'ablLncnce de certatns plaifirs & de certains alimens & dans 1'ufage réglé des autres, afin de donner' par la au corps la force & la fouplefie néceffiiros pour eet éxereice. C'eft 1'idée que nous en donne un Pnilofophe Payen „ Veux tu vaincre dans „ les jeux olympiques, difoit Epictote, tu ,J as la un beau deflein, mais confidères-en 5, les préparatifs & les conféquences. II fau- „ dra  III. Serjmon, Ssr i Cor. IX. v?. a§L 'ë dra que 81 vives de-régime, q$k tu man„ ges quand tu n'auras point de faim, i ïfê » tu t'abftiennes des viandes agréables, cue td,, t'éxtrces dans certains tems . k foürFrir' 53 le froid & je chaud, en un mot que tu te ., livres tout en tier- au Médecin.'" Et ce régime -tout gênant cc dur qu'il etok devoicêtre obfervé fans rclaehe ; on ne pouvoit Ie négliger fans perdre en peu de tems des dispofitions acquifes. dans beaucoup darmee? & fms renoncer ,k la viétoire. Mais ce que faifoient les Athlétes polir vaincre dans les 'ycivc publics, tous les mondains le font pbur les öbjets de leurs paflions, Ce n'efl que rade pénibles éxercices, de Iaborieux mvaux,. & de durs facrifices c.a'ils peuvent s'en prócurer la poffeffion. Eft-on rongé de ta foif des richeffes, veut-on faire cè qu'on appelle dans Ie monde fa fo-itune, quel dar rén-: me n'eft-on pas tenu d'obferver ï L'uix monte un frêle vaiffeau, traverfe des mers immenfes, bravant les écueiis & Jes tempé-* tes , pour aller chercher fous des cfimats' reculés dequoi fatisfaire plus promtemcnc hcupidité qui le dévore: I'autre , moins iéméraire mais non moins avide, s'enferme dans fon cabinet, y tend tous lés rcfiorts". de fon efp'rit, met en oeuvre tout ce qu'il' a d'imagination & de génie , pour iu ven ter de nouveaux moyens d'étcndre fon commerCe & d'accroitre fes revenus; II éple fes ocE a u=-  68 III. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25; Cpj & les cm onfhnces p0-r les mettre a profk, & ce n'eft qu'tn feuWnén ces fpé-.' cuutions d'une applkation conftantè, d'un traWl mfatigable, Cc par conféquent d'une ab-. ftmencc prefqu'entiere des plaifirs, qu'il peut parvenu;.enfin a accurauler des treTors. Sontce les honneurs, qui exeitenc notre ambition? afpire_ ton a des diftinétions.-des charges & des utres qw.donnent du reliëf? Quel dor régime n'eft on pas tenu d'obferver ! Deux chemins yconduifent, égaiemene rudes & escarpes, i'un c'eft h mérite, mais malheureufemenc ü eft. Öolfi incertain a-i'ü eft peu fréquenté., 1'autre que Uw la foule, c'eft krfmmi Mais k quoi ne feoc ij pas s'afiiuet"r pour s'infnvuer,. & fe conferver dans les bonnes graces dun protecleur ? Refpecl aveugle pour fes decifions-fomnifiion entiére a fes volontés, complaiïlmces fans bornes pour fes caprices. II feut fe défaire de fon humeur & de fon caraótère pour les plier aux fiens., . xncenfer jusqua fes défauts fiatter baffement fes vices. Se laifie t'on dol imner par ,1a volupté & font ce les plaifirs que 1'on cherche ? On eft tout étonné da rencontrer des : èpines la ou 1'on n'attendoit oue des ïïèuüsi Les plaifirs font fi dépendans de la fortune, qu'avant de fe livrer a ceux la il faut commencer par fe rendre celles-ci favorable. Y eft-on parvenu? ce font Jes'  III. Sermon, Sur i Cor. IX vs. £25 Co les plaifirs eux mêrnes qui chaiTent la voluptèj trop uniform es ils deviennent infipides, & fouvent il eft trés difficile de les varier. Tantöt ils font éloignés de nous, il faut les en rapprocher. Tantöt d'autres avec nous y prétendent, il faut les leur difputer. A t-on une pafiion plus noble aux yeux des hommes , amb'itionrre t'on un nom fameux, une réputation qui vole de bouche en bouche jusqu' aux pays les plus éloignés? c'eft ici que les facrifices font néceffaires, que le régime eft auftére & dur. Voyez ce Prince qui veut aller a la gloire par les conquéres, il renonce aux douceurs d'une vie paifible & tranquille, aux délices d'une cour voluptueufe. II s'affujettit a la vie auftére &/agitée d'un foldat, aux fatigues & aux perils de la guerre. II marche aiant conftamment la mort a fes cótcs & fans voir de terme a fa pdnible cqurfê. Après une bataille gagnée il faut en livrer une autre, après une ville prife d'affaut, il faut projetter Ie fiège d'une autre, après un Royaume conquis, il faut en conquérir un autre & après avoir rempli Je monde connu de défolation & de carnage, il faut en aller découvrir de nouveaux. Voyez un homme qui veut arriver a Ia gloire par un autre diemin, par Ie favoir; fon régime pour être moins périlleux, n'en eft pas moins auftére. 11 livre de continuels combats a fa parede & E 2 fait  '/o HL Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. fint les plaifirs qui s'ofrrtmt pour courir au pavail qui lattend. S'il ne rjsque pas fa vie V *mm en quelque forte au commer-e des j ytvans, pour s'entretenir avec les mort? Dans fon travad même, il facrifie ce qui lui plai» » ae qm phira aux autres, ce quj pour.-oit , Jinfiruire a ce qui doit Je fame paroitre I mm ïmm* w# § h cn. [ tiques, ij eft toujours occupé a les réfut-r ' j'envie eherchant fans . relache k lui ravir cette gloire qui lui a tant couté k acquerir. J A quoi donc que 1'on s'attache dans Ie mon' de, ^ce n'efi: que par des peines & d-s I faenncesq'iePon peut y parvenir: toujours I d y a un regime & ppurqupj Ja piél6 ne J prefcnroit-elle pas- le fieu f pourquoi Je I mondain regardera til en pltié fe Qtótien I gin 1'obferve puis qu'il y eft lui-même obüge. II ne s'agit que de favoir 1; fn CJ, Chacun d'eux fe propofe, le but auquel | tand. Examinons ces fins differcntes, comparons lesM F., & VOUs ^ ^ Is Uirecien i emporte en ftgeffij fUr fe mon_ dun, pms que ce'ui-ci U fait potJ}. £ atlendoiis une incjrnrnible. L'Apötr;e. dans notre texte compare le but I  IZL Ssrmon, Sur i Cor. IX. vs. 25. '71 de l'Athlète avec le Hen par un feul caracrère mais dans le verfet qui le précéde , ii 1'avoit déja compare par un autre non moins propre a fon deffein. RéunifTons les ' M. F., & comparons le but du mondain avec celui d 1 Chrétien , d'abord par leur certitude, enfuite par leur nature: c'eft tout ce qui nous refte a vous projofer. I. Ns favez-vom pas, dit 1'Apjtre dans ie verfet précédent, que quand on courtdans la lies, tous cour ent bien, mais un feul temporte le prix. O ui de tous ceux qui ccuroient dans Ia Fee, i'! n'y avoit que celui-la feul qui arrivoit Ie premier au but, qui remportac le prix: de deux lutteurs, il n'y en avoit néceiïairement qu'un feul qui put remporter Ia vièïoire & obtenir la couronne. Ainfi après 1'éxercice Ie plus long & le plus pé. nible, après le régime le plus auftére & ie plus conftamment obfervé, après lesefforts Jes plus foutenus, iFpouvoit arriver que fon fut dévancé ou terrafle par celui qui avoit plus de légercSé ou d'adréffe; on perdoic'ainfi le fruit de fes peines, & au lieu de la gloire qu'on avoit cherchée on ne trouvoit que de la bonte. Ce même caraftère d'incertitude, M. F. accompagnc tous les objets mondains & trompe fouvent l'efpoir & les travaux de ceux qui y pré- * tendent. Combien de fois n'eft il pas arrivé E 4 que  P 111 • Sermon, Sur i Cor. IX va. 25. que celui qui pour chercher des tréfiors bravoit ie courroux des ondes en eft devenu la rproye? Et que eet autre pat la mauvaife foi d'un correfpondant, par, un naufrage ou par telle autre calamité s'eft vu privé en un inftant du fruit ds fes pénibles travaux. EdOn encore a voir un Courtjfan devenu la vi&ïtne des mêrnes caprices qu'il avoit baffement encenfés, ne recueülir que la difgrace au lieu des faveurs qu'il attendoit? Pyrrhus Roid'E. pire eit-il le feul Prince. qui cherchant a fa ïvndre fameux par fes conquêtes , projettant dajoutér a fon Royaume, l'Italie, a lïtalie la Sïcile, a la Sicile Carthage & 1'Afrique entiere, va périr ignominieuf ment dans la chétive Argos par la main dune femme? Combien de fois enfin Fhomme de lettres malgré fon appücatioiif & les veilles, ne manque t'il point cette gloire qu'il s'étoit promife , foit par le mauvais gout ou les travers de fon fiècle, foit pas les imputations injufies, ou les critiques malignes de fes envieux? Rien donc de plus incertaui que le but que le mondain fe propofe, il doit fe refoudre aux plus grands facrifices, fe foumetrre au plus dur régime faas être süuré den récueillir le fruit. Qu'a ce premier égard déja Ie Chrétien a d'avantages fur lui! S'il pratique de pénibles devoirs, sil fe foumet a ui régime auftére, au moins eft-jj eerwin d'obtenir le but qu'il fe propofe. Si St, Paul  III. Sermon, Sur 1 Cor. IX. vs. 25. 73 Paul s'acquite avec tant de zèle du miriftère qui lui eit coniié, ce n'elt pas afin de temporter le falüt fur fes compagnons d'oeuvre, mais afin d'en être rendu participant comme les autres. ici tous peuvent entrer dans la lice, grands & petits, forts & foibles, efprits bornés comme grands génies, tous peuvent cgalement prétendre au prix, celui qui a recu un feul talent , auffi bien que celui qui en a recu dix. Pourvu qu'il faffe valoir fon ralent , qu'il mette en ceuvre les facultés qu'il a recues, qu'il co rre conlbrnment autant que fes forcés le lui permettent, il peut être afiuré de ne point manquer le but. Ici point de calamité a craindre, point de concurrens s point d'en vieux a redouter, ici les caprices de celui qui diflribue les titres 6c les honneurs ne tromperont point notre efpoir, car (a) celui qui nous a fait les promeffes eft fidéle, il n'y a point en lui de variation , ni d'ombre de changement, ce qu'il a dit il le tiendra, <5r* Palliance de fa prttx ne bougera point (b) II fait plus, il n'attend pas que nous foions au bout de la carrière, ni que none viétoire foit complette pour nous couronner; non il commence a le faire dès ici bas, pendant que nous fommes encore dans Ca) Heb. X: vs. 23. Cé) Efaie LIV: vs. 10, E5  74 Hf. Serbiow, Sur iCor. IX. vs. 25. dans Ia lice; & chaque facrifice que nous ftfc ions a Ia piété porte avec lui fa récompenfe. En effet une des parties du bonheur qui nous eft refervé dans les lieux célefles, fa partje fondamentale, n'eft ce pas la fainteté, cette habitude vertueufe, qui fera le caracfère dominant des juftes glorifiés, & qui 1'tft en quelque forte de Dieu lui même. Or a quoi tend ce régi. me que Ja piété nous present? N'a-t'il pas pour but de produire, ou d'affermir & d'enraciner au dedans de nous cette habitude vertueufe & par conféquent d'y faire naitre ces fentimens de fatisfaérion, de plaifir, de bonheur qui font les fuites inféparables d'une telle habitu-" de. Ainfi dès ici bas nous fommes en quelque forte rendus participant de la félicité éternelle; & la mort en nous dégageant de toutes nos entraves ne fera que pcrfeêiionner notre bonheur, en perfeeïionnant notre fainteté. H. A ne confidérer que Ie dégré de certi. tude que le Chrétien & Ie Mondain peuvent avoir de parvenir au but qu'ils fe propofent, on eft forcé de convenir que la conduite du premier porte un caraftère de raifon & de fageffe que 1'on ne trouve pas dans la conduite du fecond: Mais cette conféquence eft d une evidence plus fenfible encore lorfque on reflèclwt fur la nature 11 différente & ii dispro-  HL Sermon, Sur i Cot. IX. vs. 25 75 proportionnée du prix ponr lequel ces deux; iAtbilèÊas combattent. Suppofons que les Athlétes euilent été aiTurés de ne point manquër Je prix des peines qu'ils s'étoient données, du régime qu'ils avoient fi conftamment obfervé; leur récompenfe feroit cependant demeurée au desfous de leurs travaux, puisque , felon Fcxpreffion de Sc Paul, ce qu'ils faifoient, ils ie faifoient pour une couronne corruptible. En effet les prix qu'on diftribuait dans ces fortes de jeux n'étoient que des couronnes compofées de diftérentes efpèces de feuilles. Que 1'Apötre avoit donc bien raifon de la nommer corruptible & elt-il concevable que des hommes doués de raifon ayent voulu achetcr li cher une fi chétive récompenfe? Mais ne tombons point dans une vaine déclamaüon en outrant les chofes; 1'acquifition de ces couronnes,confidérées en elles meines, n'etoit pas le véritable but que les Athlétes fe propofoient, ce n'en étoit que le figne extérieur, le but réel confiftoit dans les honneurs & la gloire qui s'y trouvoient attachés \ c'étoi.nt les applaudisfemcjis d'un peuple innombrable qui afliftoit a ces jeux & dont les t'ioges infenfés éxaltoient les vainqueurs au deiïus de la condition humaine, les égalant presque aux Dieux; c'etoient les honneurs outrés avec lesquels on les recevoit dans leur patrie. Tous les concitoyens du vainqueur alloient au devant de lui, le conduifoient dans la  ?<6 lil Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. la ville en triornphe, monté fur un char fuperbe; il y entroit par une brcche faite expres aux murailles. C étoient la préféancs dans les jeux publiés & le privilege d'être nourri aux dèpens du public. C'étoient des odes chantées a leur gloire & des Jlatues 6 igées en leur honneur. Mais eet appareil éblouisfant & faftueux, en meritait il moins le nom de couronnt corruptïble? Cette gloire quelqu'éclatante qu'elle fut n'étoit après tout qu'une fauffe gloire, puis qu'elle n'étoit fondée que fur quelque qualité corporelle, étrangère a 1'homme du moins a ce qui conftitue 1'cxcellence de fa nature. Ce n'étoit qu'une gloire paffagere, quelque foin que 1'on pritpourl'éternifer. Ces vairjqueurs après avoir fait pendant quelque tems 1'admiration publique étoient effacés par ceux qui venoient après eux & qui obtenoient les mêrnes honneurs. Et quelie utilité réelJe y avoit il dans cette gloire puis qu'elle ne pouvoit ni prolonger leur vie, ni les rendre héureux après la mort. Et n'eft-ce pas la p:écifément le earaéèère des biens terreftres que les mondains recherchent par tant de peines & de travaux? Affarés de les obtenir feroient ils dédommagés par leur poffeflion? Non, c'eft quand on en veut jouïr que fillufion ceffe & qu'on éprouve les plus amers regrêts d'avoir confumé fes forces pour néant. Pies* que  III. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. ?f- . qae tous ces biens fe rapportent a la partie vile & terreftre de nous mêmes. Bien loin derendre & d'ennobiir les facultés de fame qui conftituent notre véritable prix , trop fouvent ils les corrompent, les fouillent & dégradent notre être pour le rapprocher de celui des brutes. Tous ces biens ne font ils pas fragiles, paffagers? Les richeffes fe dhfipent & s'envolent commt un aigle vers les cieux. (a~) Les honneurs fe perdent ou nous font enlevés; les plaifirs deviennent infipides-&'nous laffent; la gloire s'évanouit comme la fumée. Enfin tous également nous Jaiffent en prove aux maladies, aux chagrins, aux pertes les plus fenfibles, k la mort, & trop fouvent nous préparent par leur abus une éternité de remords & de mifère. Ah! M. F., qu'ils font justement nommes une 'couronne corruptible, qu'on peut dire avec verité du mondain quil fe promene parmi ce qui n'a que de Papparence. (b) Cue Ie prix auquel le Chrétien afpire eft different! II eft infiniment fupérieur h tous les facrifices qu'il peut lui faire, lis affliclions du tems préfent ne font point d contrebalancer avec la gloire qui doit être manifeflèe en lui , (c) en un mot c'eft une couronne ia» (a) Prov. XXIII. ys. 4. (b) W. XXXIX vs. 7 CO Rem. VIII. vs. 1s.  72 Ui. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. incorruptible. Ici Jes acclamations & les c'Ioges ne feronc point prodigués par un p uple ignorant, qui ne s'arrêce qua l'ej érieur & ne fait louer que des qualiiés frivole* & brillantes; nous les entendrons de la bouche d'un juge, qui elt le fils unique du Pere, Dieu bénit éternellement avec lm ! Du haut'de fon tróne étabii dans les nues, il nous criera: Ce/a va bien, bom & fidèles Jèrviteurs, vous mavez été fidèles en peu de chofes, je vous 'êtab/irai fur beaucoup, entrez dans la joye de votre Seigneur. ( a ) Alors allant au devant da Seigneur en fair, les Anges & Jes Saints glonfiés viendront au devant de nous en fainte pompte pour nous introdüire dans leurs céleftes demeures. La notre honneur & notre gloire fera detre affis fur un même tróne avec notre Rédempteur pour rêgner éternellement avec lui. La nous mangerons, nous boirons d Ja table danS fon Royamne. ,(b ) La nous nous unirons aux cfaurs eeieftes pour célèbrer les lomnges de celui qui nous aura fairs ce que nous ferons, & eert en lui que nous verrons éternellement notre image, lui ètant rendus Jemblables en le voyant tel qu'il eft. (O Ces defcriptions de FEcriture toutes méfa) Matt XXV. vs. zt. (/') Luc. XXII. vs. 30. < c) 1 Joh. III. vs. 2.'  Hf. Sermon, Sur i Cor. IX vs. 79 métaphoriques qu'elles font expriment cependant une gloire réelle, fondée fur ce qui feit notre véritable excellence, la perfection de nos facultés fpirituelles, notre conformité avec les intdligences célelles , notre reflemblance k la divinité. C'eft une gloire auiïï durable que notre éxiftence, qui ne finira point, un trefor duns le Ciel ou la tigne & la rouille ne gdtent rien> (a~) des rajfajiemens de joye d la droit e de Dieu pour jamais, (b') Et pour tout dire en un mot, c'eft une couronne dont le Dieu fuprême feta le diftributeur, qui nous eft acquife au prix du fang de fon fils unique , & que fon St. Efprit lui-même nous rcndra dignes de porter. Finilfons. Après ce que vous venez d'entendre, M. F. , feroit - il befoin de nouvelles reflèxions pour vous faire fentir lequel des deux, du Chrétien ou du mondain fe conduit felon les régies que la raifon, le feul bon fens nou* diêtent, & par conféquent laqueile de ces deux conduites nous devons choifir pour le modèle de la nótre. Non, Chrétiens, ce feroit faire injure a votre pénétration ou a votre bonne foi, mais permettez nous une feule refléxion encore. Après ce que vous venez d'entendre il vous fiéroit mal dbfer vouj fer- Ca) Matth. VI vs. ao. {.bj Pf. XVI. vs. 4. .  8o III Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. fervir d'un prétexte tres commun, pour vous difpenfer de vivre felon les regies que Ia morille Evangelique nous prefcrit. Ces rêgles dit on font trop parfaites pour la nature humaine, il n'eft pas en notre pouvoir de les obferver dans toute leur étendue, nous ne fommes pas deftinés ici bas a une* fi grande perfeftion. Mais n'avons nous pas vu que ce qu'il y a de plus difficile dans la piété chrétienne, les facrifices qu'elle éxi& » 11 1 * 'óos : ien [es faire pour Ie monde, hotft ne les troüVóns point au deffus de nos forces dès qu'il sagit de nous en procurer 13 vM óbjet ? Eri'! don vient donc, que dès qu'il s'agit du filut, nous changeons pour ainfi dire dc nature & nous ne pouvons plus ce que nous pouvions uri infttnc plutóc? Le voici, M. F. , c'eft que dans tour ce que nous faifbns pour le monde , le coeur y eft intéreffé, au lieu que quand il s'agit du falut, il n'y a prefque'aucune part. C'eft que nous connoiffons bien ces objets du monde après Lfquels nous travaillons, c'eft que nous y penfons fouvent, c'eft que nous les aimons avec paftion, & que rien ne cóute quand on aime , qü'aucun effort n'eft pénible dès que fon eft anirr.é par quelque paflion. Au lieu qua 1'égard du falut nous fommes pour la pluspast dans une honteufe & inexcufable ignorauce; k peine nuijg  Itf. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. 81 nous favons ce qui conff.ir.ue notre véritable gloire j nous n'avons que peu d'idées du bonheur célefle, ou n'en avons que de faufles. Ét comment aimerions nous un bien inconnu? Et fi nous ne 1'aimons point eft-il étonnant que les moindres efforts, les moindres facrifices pour fobtenir, nous paroiffeht pénibles & au defitts de nos forces? S'étonnera t'on de la froideur & de rindifférencé avec lefquelles nous demandons a Dieu les' biens qu'il nous offre, & de notre négligence a profiter de ceux que fi grace nous a déj;\ fournis? Ah! M. F. fentez-vous toute la folie d'une pareille conduite ? Des biens dont nous pouvons nous paffer dans ce monde, & qui Tie peuvent nous rendre heureux qn'autant que nous y reftons; nous les aimons avec fureur & rien ne coute pour les acquérir, pendant que nous négiigeons avec Ia plus froide indifférence des biens dont nous ne faurions nous paffer dans ce monde, ni dans 1'autre , fans être fouverainemeilt miferableS. Voulons nous M. F., une bonne fois alltimer au dedans de nous 1'ardeur & le zèle que nous devons avoir pour 1'ouvragé de notre falut, vou'ons 'nous pourfuivre eon» ftamment la coUrfe qui nous eft propofée (a) & nous montrer moins infidèles aux faints engagemens que nous avons renouvellés a te ta- (*) Hebr. Xll ys. x. F  82 III. Sermon, Sur i Cor. IX. vs. 25. table du Seigneurappliquons nous a mieux connoitre la couronne incorruprible qui nous eft offerte. Puifant cette connoiffance a fa fource, dans une méditation affidue & réflechie de la parole de notre Dieu, apprenons a fentir le prix de notre ame immortelle, le dégré de bonheur & de gloire auquel notre Créateur Pa deftinée, & notre Redempteur veut la conduite par l'imitation de fon éxemple & notre obéïffance a fes loix. Et bientöt nos défirs s'allumeront, s'enflammeront, le joug de Chrift ne nous paroitra plus pénible, nous le chargerons fur nous avec courage, les plus grands facrifices ne nous couteront rien. Soulagés par fon St. Efprit dans nos foibleffes , fortifiés par fa force, foutenus par fon bras puisfant rien au monde ne fera capable de nous faire perdre la couronne incorruprible que le Seigneur, jufte juge a refervée d tous ceux qui auront combattu le bon combat , acheyé la courfe, gardé la foi; (a) veuille t'il nous en faire a tous la grace! AMEN. (<0 2 Tim. IV. vs. 7, 8. SER,  83 SERMON QUATRIEME SUR LES .DIFFÊRENS DÊGRES DE GLOIRE ET DE BONHEUR DANS LA VIE A VENIR. Sur i Cor. XV: vs. 41, 42. 41. Une étoile eft différente d'une autre étoile en gloire. 42. // en fera de même auffi en la rèfurretlion des morts. a par rapport h la vie a venif des queftions indifcrettes & oifeufes , auxquelles des Théologiens peu judicieux ont attaché beaucoup trop d'importance & dont la difcufïïon les a beaucoup trop longtems occupés. Telles font, par exemple, celles-cl: dans quelle partie de la création fera le féjottr des bienheureux? Sera-ce fur cette terre, mais puriflée par le feu, & rétablie dans fétat d'crdre, de beauté & de perfection dont F 2. elle  U [IV. Sermon, Sur i Cor. XV. vs. 41, 42. elle jouiflbit avant que Dieu 1'eüt maudite, ou bien fera - ce dans ce troifteme Ctel, dont nous ne connoiiTons abfolument que le nom? Les bienheureux fe reconnoïtrontils dans 1'autre monde, s;y rappelleront-ils les liens du fang, de 1'amirié & de fintérêt qui les avoient unis fur la terre, ou bien la contemplation fublime de Dieu effaêera telle tout autre fouvenir, abforbera t'elle li parfaitement nos penfées, que rien de terreiïre ne pourra plus ks occuper? Sera-ce de nos bouches que nous louerons Dieu dans Je Ciel, & quelle Jangue y pariera t'on? J'appelle, M. F., des queft ions de cette nature indifcreites, parceque nous navons pas, & que nous ne pouvons avoir des idéés aifez développées de la vie a venir pour les décider; & oifeufcs, parceque leur décifion ne fauroit avoir une inducnce confidérable fur notre conduite dans la vie préfente. Mais il y a une autre quefrion par rapport au monde a venir qu'on regarde aifez généralement comme indifférente & problématique, quoique la décifion en foit tres évidente & puiffe nous devenir fouverainement utile & falutaire. Tous ceux qui feront jugés dignes dtntrtr dans la joye du Seigneur, de partager la gloire qu'il nous a méritëe, jouirontils de cette gloire & de cette félicité dans une égale mefure ? ou bien cette mefure fera  IV. Sermon, 'Sar i Cor. XV. vs. 41, 42. 85 fera t'elle différente, proportionnée aux talcns que chacun aura refus de Dieu dans ce monde, & a 1'ufage qu'il en aura. fait. „ Cette „ queftion", ont dit plulieurs de nos ThéoJogiens, & c'eft la penfée de la plupart des Chrétiens, „ cette queftion eft plus curieufe „ qu'utile & néceffaire; il doit nous fuffire j, de favoir que fi nous fommes fidèles, nous 3, pofféderons la télicité éternelle". C'eft de cette déciiion ïhéologique que nous allons travailler dans ce difcours k vous faire fentir la précipitation & la témérité, en vous prouvant [I. d'abord, qua la doctrine des différens dégrés de gloire eft confirmée de la maniere la plus fatisfajfante par la Raifon & VEcriiure & en vous expofant II. enfuite les grands & falutaires ufages qua nous pouvons & devons en récueillir. C'eft tout notre plan & tout Je fujet de votre attention réligieufe. Et puiffions nous tous bien convaincus quil y a plufieurs demeures dans la maifon de notre pere célejle (a) être faintement ambitieux de nous procurer Jes plus éminentes & Jes plus glorieufes, & y travailler efficacément. Dieu leveuille, Dieu le falie! AMEN! I. 00 Jean XIV. vs. 2. F 3  flS IV. Seiuion, Sur i Cor. XV. vs. 41, 42. I. L'Ecriture, il faut en convenir, M. F., nous réprefente en beaucoup d'endroits Ia gloire du Ciel, la félicité éternelle fous des caraétères qui emportent manifefrement une efpèce d'égalité pour tous ceux qui en feront rendus participans. Tous également feront délivrés de tout vice, de toute erreur, de tout befoin, de tout mal,* tous habiteront la Citè de Dieu, la Jérufalem célefte; tous y feront avec leur Dieu & leur Sauveur; tous y gouteront les rajfafiemens de joye qui font d fa droite pour jamais, (a) Mais que cette même félicité fans mélange pour tous les bienheureux, fera néanmoins trés différente ert dégré & en mefure, voila difons nous ce que la Raifon & VEcriture s'accordent a neus faire comprendre. Nous ellons d'abord vous produire les induêlions que ld Raifon feule nous fournit; nous vous montrerons enfuite comment Ia do&rine de VEcriture les appuye & les confirmc de la roaniere la plus expreffe, les érigeant ainfi en preuves irréfragables. I. On peut confidérer cette vie , cette immortalité que Jéfus Chrift a mife en évi- den- Pf. XVI. vs. n.  IV. Sermon,Sur i Cor. XV. vs. 41^42. 87 dence, (a) qu'il a promife & méritée a tous fes fidèles difciples fous plufieurs points de vue diftinéts , mais dont les feules lumières de la raifon nous font également conclure que tous ceux qui participeront a cette félicité n'en jouiront pas dans une méme mefure, qu'il y aura dijfèrens dégrés de bonheur &f de gloire dans le Ciel. 1. D'abord, M. F., en faifant abftraftion du rapport de eet état futur & notre état préfent, nous pouvons envifager le premier fimplement comme un autre ordre de chofes, comme une oeconomie nouvelle , dont le même Dieu eft 1'auteur; & les bienheureux comme une claffe diftincle de créatures. Or la raifon ne nous porte t'elle pas naturellement a conclure de ce qui eft conftamment ii ce qui fera ? Le grand caractère qui fe fait remarquer conftamment dans tous les ouvrages du Créateur, que nous avons fous les yeux, ne faut il pass'attendre a le retrouver dans ceux que nous ne voyons pas encore. Ce caradère général n'eft - ce pas M. F., une variété graduée , non moins remarquable dans chaque claffe d'êtres que dans leur immenfe collection qui compofe 1'univers ? Quelle variété, quelle gradation dans les O) iTim. I. yj. 10. F 4  83 IV. Sermon, Sur 1 Cor. XV. vs. 41,42, les êtres créés » depuis Ia matière brute & non organifée , jusqu'au fér-iphin . qui affiftê devant le trans de Dieu ? Quelle variété .-quelle gradation encore dans ces différentes claflls de cié',tures ? .dans ces globes de feu qui roulent fur nos têtes, dont fimmenfe éloignement nous permet néanmoins de contempler 1 eclat brillant & varié , auffi bien que dans les corps terreflres ? Quelle gra.dation dans les metaux depuis le plomb vil jufqu'a 1'or pur; dans les pierres depuis le roeher jufqu'au diamant; dans les vègétaux depuis fhyffope des muraüles , jufqu'aüx cédres du Liban; dans les mürriaux depuis le ciron jufcju'a fliomme? Quelle nouvelle gradation dans ces effeses dont les individus out au premier coup d'ceil le plus d'uniformité? Et, pour ne pariet que de 1'homme confideré du •cÈtè de fes facultes intellectuelles fans contrcdit les plus nubles & les plus excellentes, quelle différence entre 1'intelligence d"un fauvage & celle d'un homme civilifë ? combien de dégrés encore entre celle d'un artifim , d'un manoeuvre & celle d'un philofophe éxercé aux plus fublimes contemplations ? L'Ecriture enfin ne nous fait-elle pas rciuarquer une femblable diverfité jufques dans les intelligences cékftes, dont elle nous a révéle l'éxiltence? ne nous parle felle pas d'J/tges, d'Jrc&anmt$. de Chèrublns, de Sèrapkins, AzTrones,  IV. Sk&MON, Sur i Cor. XV. vs. 41, 42. 89 de D&minations, de Principautès, de Puiffances. Ét ce grand caractère qui conftitue Ia beauté, Ia 'perfection de l'Univeis actuel, cesfêï'öif-^Ö dans une autre oeconomie a laquellè 1'Ecdture attriböe plus de beauté & de peuection encore ? Ce feroit raifonher contre toutes les leglés' de i'analogie & du bon fens , h quoi fe joint encore une analogie..particuliere, tirée de fétat préfent de ces mêraes etr.es, dont nous recherchons 1'état futur, ce qui nous conduit a un fccond point de vue fous kquel nous pouvons envifager la félicité. céleste, 1'(.economie | venir. 2. Si nous avons confidéré les bienheureux dans le Ciel comme une claffe diftinfte de créatures, & Ia félicité célefte fimplement comme un nou vel ordre de chofes, nous 1'avons dit M. F., ce n'a été que par abitraction; car cette félicité a un rapport naturel avec un état précédent, puifque les efprits glorifiés feront des hommes qui auront été fanctifiés fur la terre. Ce feront des hommes, c'eft - a - dire, des créatures douées d'une ame fpirituelle, capable de perfection & de bonheur, mais dont le bonheur & Ia perfection, fufceptibles d'une variété infinie de dégrés , marchent toujours dans une proportion égale, 1'une étant le fondement de 1 autre. Plus nous travaillons a perfeétionner les facultés F 5 de  oo IV. Sermon, Sur i Cor. XV. vs. 41, 4a. de notre ame; — notre intelligence, notre efprit par la connoiffance & le gout de la vérité; — notre volonté, notre cceur par des difpofitions & des habitudes vertueufes; — plus notre ame devient fufceptible de ce bonheur de cette félicité fpirituelle & éternelle afiortie a fa nature. Ici bas cette félicité eft toujours incomplette, parceque 1'éxercice de nos facultés fpiriruelles fe trouve gêné par les entraves d'un corps matérie], & par 1'imperfection du monde oü nous. fommes placés Cependant en travaillant tous les Jours a nous perfeêtionner, ou fi vous voulez k nous fanéfifier autant que notre état préfent peut le permettre , nous acquérons déja une mefure de cette félicité fpirituelle & éternelle ; nous préparons notre ame a la gouter & k s'en rasfafier lorfqu'elle fe trouvera dans de plus heureufes circonftances. Ces circonftances lui feront offertes dans la vie a venir. La tous les obftacles feront éloignés, nous nous trouverons a la fource de cette félicité j cette fource nous fera ouverte, & nous ferons en pleine liberté d'y puifer & d'en remplir notre ame felon fa capaciré. Or comme il eft évident que cette capacité eft trés différente dans les hommes ici bas, que leur perfection, ou leur fanêtification eft trés inégalement avancee, que Jes uns ont uh gout tout autrement épuré & vif pour la vérité & la vertu que les autres, la raifon ne nous porte t-elle pas en-  IV. Sermon, Sur i Cor. XV. vs. 41, 4a. 91 encore a conclure que la mefure de gloire & de félicité qui doit naturellement y être propurtionnée fera auffi tres différente; que dans le Ciel les uns furpafféront les autres en bonheur & en gloire , comme ils fe feront furpaffés ici bas en fainteté. II ne manque point d'exemples, M. F., pour nous faire comprendre comment les mêrnes objets peuvent faire fur les hommes des imprefhons différentes de fatisfaction & de plaifir, felon leurs difpofitions. II n'y a qu'a comparer nos facultés fpirituelles aux organes du corps, a nos fens. Une belle & riante peripeciïve n'afFeétera t'elle pas plus agréablement un homme dont la vue eft dans fa perfection, qu'un autre chez qui 1'age ou quelqu'infirmité en a détruit la force. Un concert harmonieux n'afFeétera - t'il pss plus délicieufement une oreille éxercée par 1'étude de la mufique, qu'un homme qui ne peut en juger que par fer.riment 6e ne fait point difcerner les fineffes de 1'art. Vous direz peut être, fi tous les bienheureux auront leurs facultés également perfectionnées par la réfurreclïon, votre argument perd toute fa force; mais nous vous demanderons a notre tour, qui vous Fa dit? Qui vous en aflure? FEcriture ne nous dit rien d'une telle fainteté, d'une telleperfection infufe, fumaturelle, miraculeufe; elle nous dit bien que nous ne ferons plus fusceptibles de fouffrir ni capables de pécher; que toute imperfection de cette  92 IV. Sermon, Sur i Cor. XV. vs. 41,42." te nature fera abolie; ce qui n'emporte pas que tous les bienheureux feront reudus égalemerjt & abfolument parfaits en dégré, nonobftant ïïnégalité aéluelle dé leurs progrès. Cette feconde induction de la raifon demeure donc dans toute fa force, & elle en acquiert une nouvelle par un 3e. point de yue plus fimple , moins abfirait que le précédent fous lequel nous pouvons envifiger 1'ceconomie a venir & la félicité cdefte. 3 Oui, M. F., nous devons envifager en troifième lieu, 1'oeconomie k venir comme une oeconomie de rétribution, & la félicité célefle comme la récompenfe de nos vertus & de nos bonnes oeuvres. Ne craignez pas, qu'en tirant ainfi nos preuves de la raifon feule & de la nature des chofes, nous nous écartions de la révélation & du fyftême de Ja grace, qui nous propofe la félicité du Ciel comme un don des richeffes de la miféricorde de Dieu, & comme le prix du fang de Chrift qui doit nous la faire poiféder. A. Dieu ne plaife que nous favorifions en quelque forte 1'abfurde doctrine du mérite des oeuvres, ou que nous portions atteinte k la doctrine Evangelique de notre juftification & de notre rédemption par le fang de Chrift. Nous n'avancons rien qui ne foit confirmé par 1'Ecriture comme vous le verrez bientöt. Con-  IV. Ssiuion, Sur i Cor. XV. vs. 41, 42. 03 Contentons nous de remarquer k préfent que toute récompenfe de Dieu ne. peut être envifagde que comme un don de fa libéralité. Et quant k la rédemption par le fang de Chrift, elle nous délivre de la condamnation & des peines que tout pécheur mérite, & rend nos bonnes aclions fufceptibles de récompenfe,- mais elle n'en détermine en aucune fajon le dégré, elle ne fait que remettre les chofes dans le même état oü elles auroient été, fi nous n'avions jamais pêché. Or Dieu nous ayant mis ici bas dans un état d'épreuve, pour nous recompenfer dans la vie k venir;fon équité inaltérable n'éxige t'elle pas qu'il rende d chacun felon fes oeuvres, c'eft -k- dire qu'il proportionne fes recompenfes, toujours difproportionnées en elles mêrnes k tout le bien que nous pouvons faire & a tous les maux que nous pouvons fouifrir ici bas, qu'il en proportionne du moins la mefure aux dhïérences qui fe trouverone dans ceux qui feront recompenfés; d'oü la raifon nous conduit encore k conclure que la félicité celefte , que Ia gloire éternelle fera différente en mefure & en dégré. En effet quelle diverfité ne voyons nous pas ici bas dans les oeuvres de ceux k qui cette félicité éternelle eft deftinée? quelle diverfné dans les talens qu'ils ont re^is, dans la tache qui leur eft impofée, dans la maniere dont ils la rem- plis-  C4 IV. Sirh.cn, Sftr i Ccr. XV. vs. 41, 42. pliffent, dans les obftacles qu'ils ont a furmonter, & dans le tems de leur épreuve ? Comparez les Prophétcs, les Apotres, dans leur noble mais pénible' carrière , avec les limples fidèles; comparez les Martyrs qui ont vécu fous la perfécution & fcellé leur foi de leur fang avec ces Chrétiens qui profelfent leur Religion en toute liberté; comparez un homme dont toute la vie a été confacrée & la fainteté & k la vertu , qui dès fa jeunelfe s'eft abftenu du vice & a combattu les tentations qui 1'y follicitoient, avec ce mondain qui n'a cefié d'orlènfer Dieu & de s'abandonner k fes paflions; mais qui, touchant au bord de 1'abyme, a enfin ouvert les yeux & a été fauvé par la répentance. Et des conduites fi différentes procureroient un fort parfaitement égal? un même dégré de gloire & de félicité en feroit la récompenfe? Cette fuppofition, jufques-ici peu vraifemblable, devient abfurde, conrradiftoire, injurieufe aux perfections de Dieu. Cet être fuprême clr. fouverainement libre dans fes dons fans-doute; mais 1'exercice de cette liberté ne feroit pas digne d'un Dieu, fi elle n'étoit dirigée par fa fagelfe & par fón équité. Or ces perfections peuvent-elles permettre que ceux qui auront ie moins fait foient le plus recompenfés, que ceux qui auront le moins fêmé récueillent le plus abondament, que 1'indolence &  IV. Ser mon , Sur i Cor. XV. vs. 41, 42. 95 & la fécurité des hommes foient encouragées, ce qui eft immanquable dans le fyftême que nous combattons. Que fuit-il de Ik M. F.? C'eft que la raifon, fous quelque point de vue quelle nous faffe envifager la gloire des juftes fanclifiés & la félicité du Ciel; nous porte k conclure que cette gloire & cette félicité ne feront pas égales pour tous les bienheareux : mais que, proportionérnent aux difpofitions & a 1'oeuvre d'un chacun, elles feront trés différentes en dégré & en mefure. Nous allons vous montrer k préfent que toutes ces inductions que la raifon feule nous a fournies font pleinement confirmées par 1'Ecriture qui les érige ainfi en preuves irréfragables. Continuez - nous M. F., tvotre attention. II. 10. Et d'abord notre premier argument tiré de 1'uniformité qu'on doit naturellemcnt attendre dans toutes les oeuvres du Créateur, & dans les difpenfations de fa libéralité, fi différentes ü variées dans le monde préfent; eet argument 1'Ecriture 1'appuye & le confirme dans les paroles que nous avons mifes a la tête de ce difcours. Une étoile, dit 1'Apotre St. Paul, eft différente d'une autre étoile en gloire, il en fera de même en la rifurreciion des morts. Tous les interprêtes ne s'accordent pas il eft vrai, fur le fens que nous donnons a ces paroles. Selon quelques uns il ne  96 IV. Sermon , Sur i Cor. XV. vs. 41, 42* ne s'agit dans ce verfet comme dans ceux qui le précédent & qui le fuivent que de la fupériorité des corps reffufcités fur nos corps act u els Nous convenons que c'eft la propremeut ce que 1'Apötre veut prouver dans cette partie du Chapitre; mais en lifant avec réfiéxion on pourra s'appercevoir que 1'Apötre, a 1'occafion de cette différence, entre les corps céleftes & les corps terreftres qu'il vouloit étabiir, paffe dans le verfet 41. comme par digreffion, a remarquer une différence, une fupériorité de gloire entre les corps céleftes mêrnes, c'eft-a dire dans l'état des faints glorifiés. Toute chair, n'eft pas une même forte de chair, die - il au vs. 39, mais autre eft la chair des hommes cé? autre eft la chair des bêtes, & autre celle des poiffbns, & autre celle des oifeaux. IIy a des corps céleftes, continue' t'il & des corps terreftres; mais autre eft la gloire des céleftes & autre la gloire des terreftres. Voila tout ce dont 1'Apotre avoit befoin pour la conclufion qa'il vouloit tirer. Quand après cela il confidère encore la gloire différente des corps céleftes, quand il dit: autre eft la gloire du foldf & autre la gloire de la lüne3 & autre la gloire des étoiles, car une étoile eft différente d'une autre étoile en gloire, fe peut il rien de plus propre ï nous faiie comprendre que dans des corps refnifcités déja fi giorieux, il y aura encore des dégrés de gloire, analogües a ceux que les a.<- tres '  IV. Ssrmon, Sur xCor. XV. vs. 41, 42." £7 tres qui brillen* dans le firmament r;ous font' appercevoir? Et peut-être-que dans ce même h pafiage 1'Apdtre veut nous infinuer de plus que ces différens dégrés de gloire dars le Ciel confifteront en partie dans la perfec.1 tion plus ou moins grande du corps que . nous recevrons par la réfurreftion. Mais \ bornons nous prircipalement k étabfir la' 1 certitude de ces dégrés , fans entreprendre 1 d'en déterminer la nature, a quoi nous ne I faürions jamais efpérer de réuiïir ici bas, out - nous ne connoijjbns qiïën partie. 2°. Cherchons plutót encore dans 1'Ecrituró 1 de quoi appuyer le fecond argument que la raifon nous a fourni. Voyons fi elle favorifé < en quelque forte cette idde de liaifon natul relle entre notre état préfent & notre état ' futur, & fi elle en tire la même conclufioa que nous en avons tirée. C'eft, avons nous dit, k mefure que nous avons perfe&ionné ici bas : les facultés de notre ame & que nous aurons été fimftifiés fur la terre; que nous ferons ; fusceptibles de gouter les délices du Ciel & que i nous y pourrons jouir d'un plus haut dé^ré de félicité & de gloire, Or n'eft-ce pas la le fyftème que 1'Ecriture établit clairement 1 lorfqu'elle nous repréfente notre état a&uel ; comme le tems des femailles, & notre état ' futur comme celui de la moisfon & dé la:' S ré^"  5>S IV. Sermon, Sur f Cor. XV.-vs. 41V42". fécolté; Icrfqu'eile compare les prbgrès que' nous faifons ici bas dans la fainteté & la juftiV ce, les lumières, les vertuS què nous avöns acqmfes; k un germe dépofé dans un terroir fertile, dont nous recueillirons les fruits naturels & abondans dans le Ciel? Dites au füfie,- c'eft ainfi que parle le Prophete Efaï'e, dites au jufte que bien lui fera, car les ju/les' mangeront le fruit de leurs oeuvres. Semez d la ju/lice, (a) lifons nous dans Olée & vous' fnoijfonnerez (b) felon la gratuité. Ce que Vhomme aura femé, ,il le moijfonnera auffi. (c) Ce font les exprefiions de St. Paul dans 1'Epitre auxGalates. Et 1'Ecriture nous permettroit-el'e de foupconner que cette moiflbn fera égale' pour tous fans lucune proportion a la quantité qu'ils auront femée ? L'Apötre St. Paul déclare expreflement le contraire, or je vous dis ceel, (d) c'eft ak.fi qu'il s'exprime aux' Corinthiens comme pour réveiüer notre attention, & nous faire fentir 1'importance de la1 doei;ine qu'il va avancer, or je vous dis cecixque celui qui férne peu recueillira peu; mais que celui qui fême , abmdamment recueillira- aujji' Ca) Ch. III: vs. 10. ( b ) Ch. X. vs. iz. (t) Ch. VI. vs. 7. Cd) 2 Cor. IX. vs. <5.  IV. Sermon, Sur i Cot. XV. vs. 41 ,'42. 99 gbondanïment. Pouvions nous efpérer5 M. F., une décifion plus fatisfaifantei 3*. Mais c'eft furtout lorcque 1'Ecriture parle de l'oceonomie future, de la vie éternelle, comme du tems de la ré:ribution &, des récompenfes, qu'elle cor.firme la doctrine que nous travaülons a établir, avec une clarté, une précifion, & dans un fi grand rom-, bre de paffages , qu'on a lieu d'être furpris, comment les Théologiens ont pu fe partager. fur cette matiere, & comment il arrivé qus, les Chrétiens y faiTent généralement fi peu. d'attention. Et d'abord k quelle diverfité de, récompenfes 1'Ecriture ne nous prepare t'elle. point, en déclarant que ce'te oeconomie future fera la fuite & 1'effet du jugement que le Fils de Dieu éxercera? Alors, dit-elle, il jugera le monde habitable en juftice; c'efi-ctdire, qu'il péfera dans les plus éx'-fétes balances, non feulement nos aéb'ons ex'.érieures, mais nos paroles & nos penfées, nos difpofitions les plus cachées & les plus fecrettes. Et tout cela ne feroit que pour féparer les méchans des bons? Et pendant qu'il punira les premiers en proportion éxaéle de leur démérite, il recompenferoit les au'res, èealement fans aucune proportion? Mais 1'Ecriture n'établit - elle pas directement le contraire lorfqu'elle dit en (propres termes, qu'aG z loi?  i-o IV. Sermön, Suf i C^.XV.vs.41,42^ Jors Dieu rendra d chacun-fa louange\ què> C. wua remporlera en Jon corps felon 1» qttifc fiura fait, que lejugementde Dieu [era felon l<: véme", cs en ceuc autres endroits, que Dieu r.ndra d edacun. felon fes oeuvres. IVeft-cepas encore cette diverfité de récompefifes que ]e Prophete Daniël enftdgno cSairement lorsqu'il dit qu'après la rélurrcction, ceux qui auront été inielligens luiront comme la fplendeur de l'ttendue, & ceux qui en auront amené plufieurs- d la jufiice, comme des ètoiles d ton jours & d perpétuité. (a) Le Sauveur dans ces paroles de 1'Ecriture ftlon St. Matthieu celui qui regoit un Prophete en qua'.itè de Prophéte , recevra la récompenfe d'un Prophete; «S? celui qui recoit un ju/is en qualiié de jufti recevra la récompenfe d'un jufie. (b). Et SL Paul aux Corinthiens en parlatit des prédicateurs de 1'Ei'angile ,fi l'oeuvre de qudquun demeure, il en recevra la récompenfe; mais fi. l'oeiive de quelquun brule, il en fera la perte, mais pour lui il fera fauvé. (c) Quoi de plus clair encore fur cette mattere que la pa.ahole des talensdans St. Lucr le Servtteur qui a gatzné dix ma~- ((*) Ch. XII. vs. 3. (/>) Ch X. vs. 41. {e) . Cor. III. vs. 14, jg,-  ÏV. Sermon, Sur f Cor.XV. vs.41,4*. ici karcs recoit puijjance fur dix villes, (a) mais 1 celui qui rPen a gagnè que cinq riefl ètabli qtit fur cinq villes. Envain oppoferoit - on k cette parabole celle desvigneronsdont le traveil fi différent rejut cependant le même falaire; H eft au deffus de toute conteftation -que dans cette parabole il ne s'agit que des dons de 1 la grace êc de -la vocation des Gentlis, & 1 que le Sauveur n'y avoit en vue, comme dans la parabole de i'enfant prodigue, que de ■ combattre 1'injufte jaloufie des juifs. E. fin le Sauveur na t'il pas encouragé expreffément | par des récompenfes particulitres & des privilèges diftingués dans le Ciel, ceux de fes 1 d fciples qu'il app .Holt h remplir fur la tere la tacbe fi épineufe de coBtribuer & rétabhffement de 1'Evangüe, &d"en fceller la profellion -publique par leur fang? Après avoir entretenu fes Apötres des perfécutions & des fouffrances qui les attendöient, il les encourage > 4 IV.Sermon, Sur i Cor.XV. vs.41,42. eft refervé dans f autre vie, au même ddgré de tourmens qunn Jntioclms, qu'un Hérode, qu'un 'Néron, ou tel autre monftre d'injuftice & de cruauté, vous ne le perfuaderez point, vous ne Jeffrayerèz point, parceque fes fentimens naturels d'équité & de jüftice répugnent a cette idéé; mais dites lui qu'il eft refervé a des pcines proportionnées a fon PJé-hé, & vous parviendrez beaucoup plutóc a le perfuader & a 1'effrayer falutairement. De même propofez a I'efpérance de ce Chrétien qui, dans fa vie obfcure, a rempli des devoirs faciles, un dégré de gloire égal k celui dont jduiffent les Pi ophetes, les Apötres , les 'Mahyrs, ces hommes d'éüte dont le monde riétoit pas digne , vous l'cblouirez peut-être un moment par dc n maguiaques promeffes, mris dans des momens plus CdlmeS il n'ofera y abandonner fon ame ; fon humilité Chrétienue ébranlera fa confiancc , & vous ne réufiïrez a la récablir pleinement qu'en lui ï-fippeiiant, que comme une étoile efl differente d'une autre étoile en gloire, il en fera de mé me dans la réfürreilion des inerts. Travailhz a epcourager Ia répentance d'un pécheur qui a confumé la plus belle partie de fa vie dans le crime par 1'efpoir d'une récompenfe égale k celle d'un homme qui, dès fa jeuncjfe a yéetj dans la crainte de Dieu fc dans 1'obéiflauce * fes loix ; aopuyez ces pro-  W. S»ï*fQV, Sur I Or. XV.VS.41, 42. 105 promeffes de toutes les confidérations tirées des richeïTes de la miféricorde de Die-u, & du mérite infini du fang de Chrift ; plus vous éxalterez ia récompenfe, plus vous augmeuterez fon défefpoir; mais rappellez lui qu'il y aura différent es dzrnetires duns la maifon de notre Pere Cèlefle & il ofera efp Ter de la miféricorde de Dieu d'y trouver fa place; cette idéé repandra la lumière dans fon ame & avec elle la plus douce confiance & une* pleine ccrtkude de foi. II. Un fecond ufage que cette doêiirine •nous ofFre & que nous pouvons en retker c'eft de reglcr notre ambitien en la tourna»t vers fon véritable objet. Ce • défir de 1'éiévation eft un penchant que Dieu a impr.'me* dans le cceur de tous les hommes: 1'ambition ne peut donc être vicieufe en elle même; mais elle le devient, lors qu'elle fe trompe dans fon objet ,• lorfque, s'attachant uniquement aux durinéuoas du monde & aux grandeurs terrestres, elle fe livre k leur pourfuit; avec cette ardeur que Dieu ne nous avoit donnée que pour des biens plu^ folides, & plus dignes de notre ame immortelle. Si Jéfus Chrift; reprit les fils de Zébédée „Iprsqu'ils lui demanderen t d être aifis dans fon Royaume l'un d fa droite & 1 autre d fa gaucfie; (a) s'il (a) Matth. XX'; vs, 30-23. 0 5  io6 IV. Sermon, i Cor. XV. vs.41,42: s'il leur répondit, vous ne favez cs que vous dtmandez^ • ce fut paree qu'ils n'avoient dans feur efprit que des grandeurs terreftres & temporelies ; _ mais a fégaid des dignités de fon sègne fpirituel, bien loin de reprimer leur ambition, il 1'excire, il Ia nourrit, en leur faifant entendre qu'ils pourroient y parvenir par leur fidélité a leur miniftère, & leur conitance dans les perfécutions qui les attendoient. Voiia donc, Chrétiens, comment nous devons diriger notre ambition. Chercher la fatïsfaclion dece noble defir dans les honneurs du monde qui ne font que fumée, dans une élévation extérieure qui n'eft qu^une décoration vaine & paflagère , dans la faveur d'un homme mortel qu'un foufle renverfe dans la fosfe & fait difparoitre pour toujours: je ne dirai pas, quel crime! mais quelle folie! quelle abfurdité! Je ne dirai pas non plus , reprimez ce défir qui vous tourmente, étouffez cette ambition qui vous ronge, mais tournez-la, Chrétiens, vers fon véritable objet. Parmi ces divers dégrés de gloire & de félicité que fEvangile propofe a vos efeérances, amfcitionnez ici bas les plus éminens & les plus giorieux, foyez rongés du dcfir d'être ies premiers dans la faveur de votre Dieu & de votre Sauveur, d'étre affis d fa droit e ü fa gauche dans fon Royaume, d'y manger &t d'y bokt h fa table; & que cette noble am-  IV. Sermon , Sur i Csr. XV. vs. 41,42. 10? ambition vous excite a remplir avec le zèle, 1'activité & la perfévérance qui lui font propres , tous les devoirs qui peuvent vous faire obtenir ces glorieufes diftinclions. C'eft le troifième ufage que nous voulons vous faire tirer de la doctrine de mon texte. III. N'eft-ce pas un fpeclacle déplorable,' M. F., que celui du peu de zéle, de la tiédeur & de la négligence avec lesquels la plupart des Chrétiens rempliiFent les devoirs que leur Chriftianisme leur impofe. Les uns viyent fans y faire la moindre attention, perfuadés qu'il fufiïra d'y penfer lorfque la vieilles. fe ou quelque maladie dangereufe les avertira que bientöt il n'y aura plus de tems pour eux. D'autres encore voudroient les pratiquer tous également, mais ils le font avec une indolence, une nonchalance bien peu afforties 'a un ouvrage d'oü dépendent de fi grands intéréts. D'oü vierrt cela M. #.? c'eft qu'ils oublient, ou ne croyent point la doctrine que 'nous avons travaülée a établir. Entrer dans le 'Ciel, penfent-ils & ofent-ils dire quelquefois, voila 1'article important; mais quant a la place que nous y occupèrons, n'importe, puisque la moindre fera encore trés heureufe. Quel langage! que de tels Chrétiens fon: mal difpofés pour le Ciel & indignes des récompenfes que Dieu nous propofe, puifqu'ils en fentent' •' ; ü  &e3 IV. Sermon, Sur i Cor. XV. vs.41, 42.' fi peu Ie prix, qu'ils ne favent point en apprécier la valeur. Que cette froideur eft déplacee, injurieufe a ce Dieu qui nous offre dans fon Evangile une diverfité infinie de ré* Éampenfes, pourquoi? fi ce n'eft pour aiguüïonner notre aftivité, enflammer notre zèle a ïemphr nos devoirs, a,avancer de progrès en progrès, a tendre vers la perfection & a en approcher Ie plus gu'ii pourra dépendre de nous. Apporterions nous d'éternels délais a ïaccompliffement de eet cuvrage, fi nous étions bien conVaincus que Bieu nous récomftnfsra felon notre trayail? Négligerions-nous le plus petit de nos devoirs , la moindre occafion de rendre fervice k nos procbains, fi nous étions bien convainctis qa'un verre d'eau froide nous 3. j>1 donné une volonté libfe, ou la facuké de nous dëterminer librcment pour ce qui eft jufte gl I droit, honnête , vertueux ; psr conféqaemr . tout ce qui favorife ce bon ufage de notre liberté , cette perfection de notre volonté ^ a une vale ar réelle par rapport k nous. ■ Dieu nous a donné une ame fcnfibk, fifcep- tible de plaifirs de divers genres, de plufieurs? : fenfations agréables qu'il nous a ménagées dés ici bas & de plaifirs infiniment plus vifs & plus , durables, qu'il nous deftiné principalement dans' r une autre reconcmie. Donc tout ce quï' ■ peut entretenir dans notre ame cette fenfibi-' Kté au plaifir, tout ce qui peut contribuer k [1 fón exercice k une valeur réelle par rapport a nous. Secon'J principe. Dieu nous ayant donnet plufieurs facultés dont la perfection eft deftiI née k contribuer a notre bonheur; tout notre?' I bonheur, toute la félicité dont nous fommes' I fufceptibles dépend donc de 1'éxercice & dé I Ia perfection de toutes nos facultés. Nous: I attacher a 1'une d'elles & négliger les auè tres; cultiver notre entendement & laifi| fer corrompre notre volonté; vouloir fanctiper notre volonté fans eclairer I'entendement ,> II a ca  tt6 V, Sermon, Sur Ecrfefr VH. vs. & oa bien négliger 1'une Sc ! autre de ces facultés pour ne cultiver & n'éxercer que notre fenfibilité , notre penchau: au plaifir; ce feroit tout au moins rendre notre bonheur incomplec & renoncer volontaircment a une partie de la félicité que le Créateur nous a deftinée. II y a plus, M, F.,..& c'eft un troijie:ne principe , négliger ainfi quelques unes de nos facultés feroit non feulement rendre notre bonheur incomplet; ce feroit encore le renverfer entierement; ce feroit nous condamner k n'en gouter ici bas que fombre, la fimpie apparence; nous préparer un malheur réel & intérmmabïe dans la vie a venir. Tout eft lié dans les ouvrages du Créateur ; tout eft fubordonué 1'un k fautre dans un ordre fixe que nous ne faurions intcrvertir fans en renverfer le but & fans en perdre le fiuit. Notre bonheur ne peut atteindre fa perfection que par une gradation qu'il faut fuivref néceffairement fi on ne veut le manquer tout a fait. Toutes nos facultés ne fauroient être éxercées & perfeérjonnées k la fois, ni dans un ordre indifférent; les lumieres conduifent aux vertus, & les vertüs aux vrais plaifirs pour lefquels notre ame a été créée cc qui doivent la rendre éternellement heureufe. — Èclairer notre èfprit, fanótifier notre volonté, voila donc la première tache qu«.  V. Sxrmon, Sur Ecclef. VIL vs. 4.' Hf que nous prefcrit 1'ouvrage de notre bonheur: ..tache que notre état aftuel de foibleffe Sc de corruption doit nous rendre d'abord diffi,cile Sc pénibis. C'eft, pour 1'avancer cette tache que nous devons favoir fufpendre pour quelque tems notre fenfibilité au plaifir, que nous devons renoncer a bien des occafions que le monde nous offre de 1'exercer. Celui qui voudroit n'en manquer aucune, celui qui voudroit commencer fon bonheur par la jouiilnnce de tout ce que la terre nous offre de fenfations agréables, ne tarderoit pas ci découvrir fon erreur. Le dégout des plaifirs fenfuels en fuit de prés le raffafiement, & ne laiffe dans fame que Je regrêt d'avoir émousfé, perdu fa fenfibilké aux plaifirs plus purs, plus nobles & plus durables qui étoient faits pour la rendre heureufe, & qui ne peuvent plus faire que fon tournier)t. De tous ces principes découle de la maÉjere la plus naturelle une conféquence qui va nous mêner direftement au but. — Deux objets fe préfentent: 1'un en éxercant notre fenfibilité au plaifir, en nous faifimt gouter les fenfations agréables dont notre corps nous rend fufceptibles ici bas,- s'oppofe & la culture de 1'entendement & de la volonté, fi même il ne contribue a corrompre & k dégrader 1'une & l'aucre de ces facultés de notre ame, de la perfection defquehes dépend H 3 nêan« Wh» ■ *  ïi3 V. Sermon, Sur Ecclef. VII. vs. é némmo;ns notre folide & éterncl bonheur: 1'autre de c.-s objets en f;fpendant notre fen. 'iibüité au plaifir, en nous fmar.t .même éprouver des fenfations pénibles & douloureufes, a | cependant une tendance naturelle a remplir notre efprit d'idées vraies, urJles, nécefiaires, & k pénétrer nos ccems de fentimens juftes ;& dioits, qui feuïs peuvent difpofer notre ame a Ia jouilfance des plaifirs dignes delle cc des plaifirs éternels propofés a notre efpérance. De ces deux objers, je vous Ie dema"de, lequel croyez vous qui mérite Ia préférence au jugement de la faine raifon, de la prudence, de la fagefie ? II n'eft pas pos- fible ^ qae vous vous y trompiez, après les principes que nous venons d'expofer; principes dont ia füiiefle & 1'év.dence ne fanroient être comefldes. C'eft fur ces prin-' cipes qje nous allons éxaminer 3a décifion du fage cans mon texte. Si paradoxe aux yeux de la chair, elle ceïfera de le paroitre aux ' yeux de la raifon. Vous en comprendrez la vérité & la fagelfe. —- Vous ne tarderez pas ïi convenir avec Salomon, qu'il vaut mieux aller dans une maifon de deuil que dans une ptaifon de feflin, ou comme il s'exprime quelques verfêts plus bas f le emir du fage eft. dans la i maifon de deuil, mais le coeur des fous dans la maifon de joye C'eft le fujet \ notre feconde & principale partie.  V. Sermon, Sur Êcclèf. VII. vs. 2. II. 11 y a des intcrprêtcs qui regardcnt la fentrnce de mon texte cömme étant liée avec celle qui la précéde ; ce qui donneroit felon €ux un fens décerminé a la maifon de feftin comme d la maifon de deuil dont parle le fage. Il venoit de dire que le jour de la mort vaut mieux que le jour de la naiffance; difant enfuite, quil vaut mieux aller dans une maifon de deuil que dans une maifon de feftin, il entend felon ces interprêtes, non feulement par la maifon de deuil celle ou 1'on plcure la perte d'une perfonne chérie que la mort vien: de coucher dans le tombeau, mais encore par la maifon de feftin celle oü fon fe iivre k la joye a 1'occafion d'un enfant qui vient de naitre, felon 1'ufage de ces tems lk. Mais la fentence de Salomon n'en eft pas moins jufte & vraie en preuant la maifon de feftin oü 1'on fe ralfemble, k quelque occafion que ce puiffe être dans le dellêin formé [je ne dis pas de fe livrer h 1'mtempérance, & la dÖbauche, a des exces honteux & criminels, notre texte n'auroit pas befoin de preuves] mais dans le deffein de fe diftraire & de fe réjouir dans une fociété de parens, d'amis & d autres rélations, par des récréauons innocentes en elles mêmes, & par les plaifirs d'une H 4 •  ïao V. Sermon, Sur Ecckf. VII. vs, a; table abondarnment & délicatement fervie, da.scJl.-d que dans celle-la. Pour ne vous en laiffer aucun doute neus allons les compa- fur lejpra, le «,«„■ & la conduite de ceux quï ontren, Continue,-nous votre atS I. Ce ne font pns nos idees, M. F., erna nous allons fubftituer a celles de Salomón; « ne fera pas nécefTaire de récourir aux fuotihtes de la dialcéiique pour donner de la couleur a une penfée abfurde. Le fage ne ]aifle pns douter un feul inftant qu'il veuille dire que la maifon de deuil foit préférable en elle- «réafele d aller dans celle-la que dans celle. p. Pour montrer qu'il ne compare ou n'op. pofe ces deux objets que dans ce qu'ils ont de reiatif a la tache de notre vrai & öternel bonheur, il ajoute d'abord: cor en celle-ld ejl la fin de tout homme, & le yivant met cela dans fon coeur: c'eft h dire il en récueille idées > des feutimens & dcS princf dg conduue fouverainemen't ütiles & nécelfaires pour fa vraie félicité, & que ia fréquenta-' tion de la maifon de fefiin ne lui procurera jamais, fi elle ne lui en mfpne de directe' ment contraire* dans leur na:ure & dans leurs êuc.s. , Le  V. Sermon, Sur Ecckf. VIL vs. 2. isi Le grand objet que la maifon de deuil, dont parle le lage, offre a 1'efprit de ceux qui y entrent c'eft la mort, foit par le fpeclacle de celui-la même qui venanc de tomber fous & faux, n'offre plus qu'un corps fans vie, un cadavre déüguré, ne demandant qu'a être caché fous la terre pour y devenir la proye des vers & de la pourriture ; foit par le fpectacle d'une familie céfolée dont les gémiffe» mens ce les larmes annoncent que celui qui les foit verfer n'eft plus. Qu'il faudroit être ftupide pour ne pas voir clans cet événement particulier la fin de tout homme & par conféquent la notre. Cette fentence, tu es poudre & tu reloumeras en poudre, (a) que celui qu'on pleure dans la maifon de demi vient de fubir, a é:é prononcée contre tous les humains; aucun n'a pu y échapper depuis qu'il y a eu des hommes fur la terre jusques a nous, il eft donc impoffible que nous y échappions. L'état de ce cadavre que nous n'avons pu contempler fans horreur fera donc un jour le notre. Les larmes qu'il a fait répandre, nous les ferons répandre a none tour. Le tornbeau qui va le renfermer nous renfermera avec lui. Penfée trifte, fombre , mélancolique, je 1'avoue; mais penfée jufte & vraie, qui fait une parue efTemielle de la connoiffance de nousmêmes, & qui, confidérée fous ce feul point de C«) Gen. III. v«. 10. H5  z'££ V. Sermon, Sur Ecclef VII. vs. s. combien par confé•quent elles nous doivent rendre précieufe la maifon de deuil qui nous les rappelle, & nous la faire préférer h celle de feftin. II eft vrai tant que vous ferez dans celle-ci, aucune de ces idéés fombres & triftes ne chagrineront votre efprjt. Rien ne vous y reprochera votre cor- rup*  fi Sermon, Sur Ecelefi VIL va.- s.- ia*» ) ruption & ne vous y dépeindra votre miferea mais auffi rien ne les guérira. Au contraire vous 1'aggraverez & la coniirmerez en y perfévérarit. Et pour avoir éloigné fi longtems ces penfées de votre efprit, elles vous feront doublement amères, lorfque des circonftances, dont vous ne ferez plus les maitres, vous forceront enfin & vous en occuper. IL La préférence que mérite la maifon de d.uil fur la maifon de feftin acquerra plus d'évidence encore en confidérant, en fecond lieu, leur inliuence fur les fentimens de notre coeur. Si vous reconnoiffez que l'humilité & le détachemettt du monde font des difpofitions effentielles au Chrétien, nécelfaires pour fon falut, fon bonheur éternel, vous ne pourrez vous difpenfer de convenir avec le fage qu'il vaut mieux aller dans la première de ces maifons que dans la demiere. Quelles puhTantes lejons dhumili'té la maifon de deuil ne nous donne t'elle pas ? Non, il n'eft pas poffible qu'après y être entré avec reflexion, on en forte avec orgueil. Quelqu'élevée que foit notie condition dans le monde,- quelles que foient nos dignités, notre puiffance, nos richeflls; quelques éloges & quelques foumiffions que nous prodiguent de vils flatteurs, des ames baffes & rampantes; jJ n'eft pas poffible que leur fédu&ion fub- fifie  126* V. Sermon, Sur Ecclef. VII. vs. o.] Me devant Jes objets que Roos offrè Ia maifon de deuil; que tout J'édifice de notre orgueil & de notre vanité ne croule devant la penfée de la mort. - Pourrions-nous conferver des lentimens de haocenr & de fierté avec nos femblables, en nenfant que ie tornbeau nous égalera dan, péu de -;0urs au moindre d er tr'eux ? « Comment tirer vaniré de notre force, de nos talers, de nos char mes, quand nous penfons que dans qaAoois jours il ne reftera de tout ce!a qu'un peu'de cendre & de poufTière? w Comment nourrir des fentmicns d mddpendancc & d'orguei! a 1 egard de notre Créateur , lorfque la penfée de Ia mort nous rappelle que nous ne fommes maftrès de rien, m tre fouffle étant dans fa mam puffmte, & aae nous ne mémons „en, ia jultice ne devant a norre corruption & k nos péchés que mifère & que dvittfj^ow? Quelle ecole d'humiiité que la maifin Je aeutl! Sx donc nons fommes intércfies a rabartre les vaines fumées d'un orgueil qui nous trompe fi groffiè/ement; qui nous rend fii méprifsbles & fi ridicules aux yeux des hommes, fi abominables a ceux de nieu, com bien cette école, quelque mortifi,nte quelle fo't , ne doit elle pas nous êt e précieufe ? Mais fi vous êtes attachés a ces chimères fi vous ne pouvez vous réfoudre k vous en décromper; fi vous voulez braver Pinftant ine-  V. Sermon, Sur Ecctef. Vil. vs.' 2; tóf inévitable qui de cette éjévation vous prdcipitera dans 1'abyme, ah! vous ne pouvez mieux faire que d'aller dans la maifon de feftin. Ici, bien loin d'avoir rien de mortifiant k craindre pour votre orgueil, votre fierté fera nourrie par les honneurs qui vous y feront rendus., par la magnificence qu'on y étalera. Votre vanité fera flattée par les éloges qu'on y prodiguera a votre merite réel ou prëtendu. au milieu de fabondance & des délices rien ne vous rappellera fhumiliante idéé de votre deflitution naturelle, & du befoin continue! que vous avez de la bienveuillance & de !a proteclion du grand Etre, qui feul donne aux alimens leur faveur, aux plaifirs Jcur poinfe & au commerce des amis le charme que nous y trouvons. — Ne croyez pas, M. F., qu'il y ait rien d'outré dans cette derniere penfée. Dieu lui même voulut bien avertir fon peuple de ce danger: prenez garde d vcus mêrnes, (a) fit-il dire par Moife & Israël, de peur qiien mangeant & en buvant, & étant raffafiés, votre coeur ne s^élêye, & que vous n'oubliez £ Eternel votre Dieu. La maifon de deuil fi favorable a i'humifité ne 1'effc pas moins a une autre difpofition du cceur, tout auffi effentielle a un Chrétien, favoir le détachement du monde; c'eft, a dire, pour fal Dsut. VIII;  t±d V. Sermon, Sur Ecclef. VII, vs. 2} pour ne rien outrer, un attachement proportionné k la jufte valeur des biens du monde, & par conféquent trés foibie, trés modéré. Qu'eft-ce qui peut mieux nous faire appréeier les biens de la terre que Ia grande vérité que la, maifon de deuil nous retrace ? -- C'elt la mort qui nous apprend ce que nous fommes par rapport au monde; des êtres pafiagers qui ne font. pour ainfi dire, que paroitre & disparoitre far ce théatred'inconftance, & dont la vie n'eft qu'une vapeur légère que le moindre fouffle peut ftara évanouir. — C'eft Ia mort qui nous apprend ce que Ie monde eft par rapport a nous; c'eft elle qui nous devoile la vanité des richcjfesdont 1'avare ne récueillira d'autre fruit que de les laifier a 1'héritier avide qui les diffipeia; des honneurs qui ne procureront a fatnbitieux qu'un cercueil plus magnifique, une tom* he plus ornée pour cacher fes cenèïes; des plaifirs dont Ie voIupm:-ux n'einportera que le régrêt de s'y être reudu par fes excès troptót infenfible. Non, M. F., point de prédicateur plus éloquent plus perfuafif des vanités du monde que la mort. Mais malheur k nous fi nous attendons a écouter fes tardives leeons, lorfqu'elle viendra nous frapper nous mêmes. Entrons plutot dans ld maifon de deuil & que 1'exemple des autres nous inftruife. La nous pouvons apprendre, pendant qu'il en eft tems encore, a connoitre cette vanité des biens da  II IV. SeilHOU, Sur Ecclef. VIL vs. 2. de la vie, a fentir combien ils fónt indignes; 6 d'occuper toutes nos affeclions, toutes nos fa-' : cultés, tous nos foins; par conftquent a en détacher nos coeurs & a referver nos plus I vifs défirs pour ces biens fpirituels & céleftes j qui, par leur excellence & leur durée, font I ^uls dignes de notre ame immortelle. Ouï ^ voila les heureux effets que la maifon ds *fc»//tendnar.urellement h produif e fur le coeuf . de ceux qui y entrent. — Et qui ofera nier' que celle de feftin, n'ait une tendance toute ( oppofée ? cet affemblage recherché de tous' les agrémens de la vie qui s'y trouve, ne doic - il pas nous en donner naturellement lesf idéés les plus fauffes & les plus féduifantes? , ce deffein de les gouter fans mélange qui I. nous yamène, ne doic - il pas natureliement y j: attacher nos coeurs outre mefure,. fufpcndre & rallentir d'autant notre attachement I pour les biens plus nobles & plus dignes de I nous ? en émouffer le goutf éteindre h fcr longue, & nous rendre ainfi non feulemenc I indignes, mais encore incapables de les possa fèder ? III. Enfin M. F., f] vous faites atr.ent.ioa1 qu'il ne fuffit pas de connoitre & de défirer les biens éternels pour les obtenir, mais que dépendans de la bienveuillance de l'-Auteur unigue de tout don parfait, nous devons nous; ï aïïaf 1  H° V. Sermon, ^^y.1 VII. vs. *f| a/Turer cette bienveuillancc ici bas en diVgeunt toutes nos a&ions & nos démarchesfur Jes famtes Mx qu'il nous a données: & fi vous confidérez J'infiuence de la maifon de deuil & de la moijbn de feftin fur notre conduite-, rien ne vous manquera pour ftntir Ia préférence que mérite Ia première. Qiaëpnque entre dans ia maifon de deuil avec un efprit de réfiexion ne peut manquer^ d'en remporter m creur de fageffe. JN'eit-ce pas la que nous apprenons a faire' ie compte de nos jours; a nous convainrre de la. bnéveté & de la fodfté de notre vïe & par conféquent du pf]x de ce tems ff rapide & fi incertain ? n'eft-ce pas la maifon de deuil qui nous dé voile la vanité & Ie neant de tous les avantages terreftres ? combien par conféquent fout infenfés ceux ouf com'ument a kur pourfuite leurs facultés & leur tems, qui y facrifienc leur confeience , kur devcir, la faveur de Dieu, & Féfp%raflJ ce de ces biens éternels dont ils ne connoisfent a ia fin le prix que pour fentir 1'immenfité^de leur ptrte. La bouche du mourant qu'on pleure dans Ja maiion de deuil na t'dle pas confirmé avec cette force , cette énergie de la rlus intimé nerfuafion , que eraindre Dieu 6? garder fes commandemens eft iet bas le tout de Vhomme. Après cela : pourrois-je continue* a vivre dans Ia frivoJIté, 1*  V. Sermon, Sur Ecclef. VIL vs. 2. i ji j ja diffipation, Ia mondjnité, ou j'ai vécu jusd qu'a préfent? Quelques jours panes dans les' I délices du pêché me dedommageront-ils Id'une cternité de mifère qu'ils me préparent, & d'une éternité de bonheur qu'ils me feront perdre pour jamais ? Non je vais changer da conduite & cela fans aucun délai ; k cette folie fécurité dans laquelle je n'ai fom1 meillé que trop longtems va fuccèder la plus ■ infatigable vigihnce. Mes plus chers intéréts étant au dela du tombeau., toutes mei il démarches vont s'y rapporter. La gratuite de Dieu m'étant tnsilleure que la vie , jé si n'épargnerai rien pour me 1'affurer. Le monde ne me tentera plus par fes attraits; je fcrai continuellement en garde contre fes féduifantes amorces. Ce ne feront plus mes plaifirs, mais mes devoirs qui feront ma ré; gle. En un mot je vetix k tout prix vivré ; comme je voudrai avoir vécu, lorfque a mort I tour 'p ferai de ma demeure une maifon dé ' deuil, M. F., que la maifon de feftin eft peuf % propre a renvoyer ceux qui y entrent, avec" I de fi falutaires réfolucions. Qu'on eft éloi; gné d'y pratiquer cetteffigefe que nous mfpire la maifon de deuil. Vous faut-il d'autres ïj témoignages que celui de votre propre expé1 rience ? avec quelque defièin qu'on s'y ren; de de ne fe livrer qu'a une joye innocente ,< 1 * rif  ï& V. Sermon, Sur Ecclef. Vil. vs? £■ eft-il fi aifé de la contenir dans fes jutfeaf bornes , & d'en forcir éxempts de pêché' Conferve t'on toujours dans la sayeté des ré? pas Ie refpect qu'on dolt a Ja piété a la charité, & la retenue qu'éxïge Ja pudeur? Eft-on onpofe a gander tellement le gukhet, de fes, kvres, qu'elles ne Jaiflènc échapper ni railJem profane, ni propos fatyrique, médifant m éqmvoque impure ? Jes loix de la ten> pérance y font-eJIes fcrupuleufement obfervees;, tone n'y invite-t'il pas a Jes transgreffer? Et le fruit qu'on en reftiporte n'eft. ce pas fouvent un corps appéfanti, une raifon abrutie, toujours moins difpofée, toujours plUs ineapable de vciiler & de penfer aux chofes qui appartiennent a notre vrai &, éternel bonheur. Je ne dis pas que ces conféquences foient inévitables, mais toujours oncourt rifque d'en faire 1'épreuve. Ét après • tout ce que vous venez d'entendre , pourriez. vous baiancer encore a convenir avec 1'Eccléfiafte dans mon texte, quV/ vaut mieuxaller dans une maifon de deuil que dans- tmt maifon de feftin. ui. Cniel ufage ferons nous a préfent, M. F.v de cette maxime dont nous n'avons pu mécónnoïtre ia fageffe? Sentant tout Ie prix de-  •-V. Sermon, Sur Ecclef.'Vil. vs. fi. 133 Ila maifon' de deuil & des obiets qu'elle nous offre, irons-nous, fombres fanatiques, nous ■loger dans les tombeaux & vivre ayeq les morts? Ingénicux kraflembler autour de nous les images les plus triftes & les plus lugu* bres, & k détruire ainfi leur irapretöon par leur continuité ; fuirons-nous comme un : poifon mortel la maifon de feftin & tout ce qui pourroit répandre Ja gayeté, une joye doilce, innocente dans nos coeurs? Chrétiens, fouvenons-nous que le Dieu tout bon I qui a voulu mêler de biens les maux de cette ' vie, n'a pu vouloir en même tems nous en rnterdire la jbuiïfattce & tomber ainfi en contradiction avec lui-même. Souvenons-nous aufti que la vraie fageffe eft éloignée de tout excés, qu'elle doit tenir un jufte milieu entre les extrêmes; que fes lecons font modérées, S & par conféquent faciles , agréables k fuivre i autant qu'elles font falutaires. Vous le reconnoitrez, je m'affure dans celles qua nous eroyons devoir vous faire tirer de la maxime de notre texte. La maifon de deuil, vous 1'avez vu, a un véritable prix par rapport k nous; elle nous donne les inftruttions les plus utiles, & peut : former ep nous les dispofitions les plus falur taires. Travaiilons donc a furmonter te répugnance que nous infpire tout ce qui peut nous rappeller les mifères de la vie, la conJ. 3 dam«  134 V. Sermon, Sur Ecchf. VIL vs. 2'. damnation du pêché & la mort. Plus cette répugnance eft forte, plus 1'idée de la mort nous attrifte & nous révolte, & plus il eft eflentiel que nous nous en occupions. Mais .en proficant des occafions que Ja Providence nous ménage pour entrer dans la maifon de deuil entrons-y, M. F., avec un efprit de riflexion & de foi. Les falutaires effets qu'elle eft propre k produire, elle ne les produit pas nécelfairement. Hélas I que trop fouvent on en fort auffi vuide d'idéés, de feminiens, & de refolutions fages, faintes & reugieufes qu'on y étoit entré, & alors fans doute on eft allé s'y attrifter a pure perte. Mais après en êcre forti avec un coeur defagyf, ce que cette maifon avoit de plus fompre un horarne^ Igieux, qiu travaille conftamment a fe&nder' bien loin de contrarfer, les vues de Celui qui" a creé lacher/hé comme la projpériié Non f dont St- ddcrit ies travaux! Jes aftnftions, fes fouffrances par lesquelles il avoit paffe on ne üuroit douter qu'il n'y aic cte fenfible Que dis-je? üns ïcftéranceauil avoit en Chri/l, ne s'eftimoit-il pas la % mierabe de toutes les-créatures? {a) & toutetois il écoit content. Ne confondez donc point en ce neu ]e contentement dont nous parions, "avec cette ftupide maoïence qu'on rencontre quelquefois chez des hommes è peine dignes de ce nom. Ils ne fupportent ies mifères de leur état avec une tranquihté aoparente, que paree que les efforts quil faudroit faire pour s'en tirer couteroientplus a leur laehe pareffe que leurs W * Coré XV. vs, iq,  VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. n. 145 fouffrances ne cmrent aleur ferfibilité. Non* M. F., Je contentement qui peut nous accompagner dans toutes les conditions, n'fft pas incompatibJe avec le défir & les foins d'améüorer la nótre, fi 1'on peut y parvenir par des efforts modércs, & des moyers légitimes. Ce font alors des occafions que Ja Providence elle même nous ofire; & il y auroit en nous de 1'ingratitude, & de 1'obflination £1 n'en point profiter. C'eil la pehféé; de notre Apötre lui-même dans fon Epitre aux Cor. EJi-tu appellè étant efclave, dit-il, ne fen mets. point en peine; mais auffi fi tu peux être ruis. en liberté ufies en plutót. ("ai) Voici donc enfin la nature du vrai contentement. Le mot original défigne proprement fe fujfire d foi-même, paree que la fource de ce contentement ne fe trouve point dans les chofes extérieures, dans la nature de x\otre condition; mais dans nous mêmes, dans notre ame , dans une difpofition d'efprit qui nous fait acquiefcer a Ia fituation ou. nous nous trouvons placés, & qui nous éloigne par la des intrigues de F ambition, des foucis de Favarice, des murmures de Fimpatience, du rongement de la jaloufie,t & de Fenvie, sutant d'affeftions défordonnées, qui troubjent notre tranquilité, notre paix & le fen- (q) Cor. VII. vs. ja.  H$ VI. Sermon, Sar Phil IV. vs. té timent des biens que Ia Providence a mis k notre porree. C'eft ce qu'il faut mkux V0U3 cévélopper. Le contentement d'efprit éiöïgne de nos cceurs fambition. Non un défir modéré d'aniéjj ,rer notre fort, comme nous 1'avons déla remarquc', & de nous tirer par un travail üonnete des horreurs de findigence, du méPns de la pauvreté ou de la fbrvitude. Mais ces défirs immoderés & exceffifs de fortir de notre condition, de nous élèver au deslus de notre état, de parvenir a une opulente dont nous fommes fort éloignés, ou h des digmtes, des honneurs auxqueJs nous n'ajons nafurellement aucun droit de prétencue• JJeürs rnquiets, qui nousrendent notre condition préfente infupportable, nous en tont meprifer les douceurs & nous mettent hors d état de les gouter. Défirs enfin qui nous portent k des entreprifes téméraires, ou a faire ufage de moyens obliques qui nous preparent dans notre confeience les plus cruels remords. L'homme content de fon fort fe lajffe, bien poufler par un vent favorable, mars fi aime mieux refter a fa place que de remonter contre un torrent, ou de s'expoIer aux dangers de la tempête. Le contentement d'efprit ne doit pas moins bannir de nos cceurs Pavarice: cette paffion fordide, qui, lorfque Dieu nous a mis dans une  VI. Sas. mon, Sur Phil. IV. vs. ïr. ïqf' fituation aifce, lorfque non content de nous ?.ccorder Ie néceflaire il y a joint le fuperflu & nous a mis en état de nous procurer des avantages qu'il refufe a tant d'autres: nous fait perveitir les dons de fa bonté, nous fait facrifier une jouilfance préfente a des föucis pour Ie lendemain fi injurieux a fa providence; nous faifj retrancher quelquefois fur le néceflaire mêrné pour ajouter a d'inutiles amas, dont la confervation nous couté les foins les plus fadguans * & les inquictudes les plus cruelles. L'hommé content de fon fort jouit avec réconnoifiancé des douceurs légitimes, des avantagts réels que fa condition peut lui procurer; jöignant a 1'ufage de fi fortune une ceconomie prudente & modérée, il fe répofe par rapport a 1'avenir fur celui qui a dit.: je ne te dèlaijjeraï point 6>, je ne f abandonneren -point. (a) S'il jouit ainfi des douceurs de fa conditiofï avec reconnoiifance, il fupporte d'un autre cöté fans impatience les desagrémens qui y font attachés. II recoit le mal avec le bien & ne s'étonne point de ce mélange. Sa bouche ne fe répand point en plaintes amères & iinportunes; Son coeur ne fe livre point au reflentiment ni a 1'aigreur. L'inlblent murmure n'en approche' jamais. Quelques revers, quelques cataftrophes qu'il puiffe être appellé a. fouftrir dans fa con* aü {*) Hebr. XIII: vs. & K 2  148 VI. Sermon, Sur PMl. IV. vs. n; didon Ja réugnation Ia plus parfaite accompagne Cs contentement d'efprit doit éloigner enria de fon ame une paffion non moins propt- T favoir la baïfe ,«7,, Une iqjufte des !™ ^mmes Pofleden; au deffus de nous. JN0n jamais cette paffion ne tour, nienta que ces ames infatiables & ambitieufes, qui voulant réunir tous les biens & tous les tynneurs nen voyent les autres en poffeilion qu'a km prejudice. Mais rhomme content de fon fc nl lf5 T faaft^>&^Proeurera hs P Ifirs tepluspurs, s'il a eu J'avantaee d'y eonmbuer M. F.fepeut-il une dispo^n Pftdèt ainfi de ce qu'il n'a point, & jouir fin* «ectfms dégout Ie ce'^a ^ ^ cieschcdesde ce monde fans en dépendre, don, lame demeure calme, tr.nouiie & contente au miheu des viciffitudes contimielles d'ici ^ "«is de voir quels peuvent être les fohdes fonfemens d'une dïspofition II heujeufe & ü déffiable. C'eft le fujet de mqn ï.econd pjint.  VI Sermon, Sur Phil. IV. vs. it. 14$ II. Lés principales confidérations, M. F., qui peuvent fonder ce contentement que. nous ve* nons de vous décrire, fe tirent de la nature des tliiférentes conditions dans lesqttelles nous pouvons être placés, de nous me'n:es & de notr'e 'deflination fur la terre, enfin de la providenc'e de Dieu qui rêgle & dirige toutes chofes ici bes: reprenons. L Quelques différentes que paroiffent aii premier abord les conditions dans lefquelles nous pouvons être placés, elles oft'rer.t ceci de com* ïnun a un homme qui les confidère attentivement, fcavoir qu'elles fónt toutes , Un mélange dé biens & de maux; qu'a mefure que les avantages fe muluplient, les defagrémens fé multiplient en proportion: de forte qüe changer de cond'tion, ce n'eft Ie plus fouvent que changer en apparence & demeurer les mêrnes quant & feffentiel. Cette verité M. F., feroie ftifcepdble'd'un détail infini, il faut donc nous' borner k des réfléxions générales. II n'y i point de véritable bien dans la vie dont un homme, qui par fon travail, ou par quelqu'autré moyen, fe trouve pourvii d'un honnête nécesfaire, ne puilfe jouir. La fanté, Ia force; lc: bonheur domeftique, les douceurs de la oom Corde & de 1'amitié, le bon témoignage de fo{-  150 VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. il, même peuvent fe trouver dans les cabanes des bergers, & dans les habitations obfcures du manos'ivre, comme dans les maifons fomptueufes des riches, & les palais des Rois. Et les véritables maux, les remords de la confcience, le trouble, la défunion, les infirmités, Ia maladie, & Ia mort ne font pas plus étrangers aux uns qu'aux autres. Que dis-je? Jes véritables biens font plus fidèles aux conditions les plus obfcures, qu'aux élevées & aux plus éclatantes! Un accroiffement de fortune entraine avec lui un accroiffement de befoins, toujours plus mal aifés a fatisfaire. Un pofte plus élevé apporte de plus grand foins, & de nouvelles peines. La plus haute faveur eft toujours le plus grand efclavage. La confidération, Ia réputation, la gloire appellent Jes perfécudons de I'envie & de Ia jaloufie. Et Ie raffafiement de tous ces biens imaginaire?, eft le plus grand des maux; il eft le pere de 1'infupportable enqui, & du dégout des biens les plus véritables. Telle étant Ja nature des différentes conditions dans léfquelles nous pouvons, être placés; la plus humble, la plus obfcurè & par conféquent la plus commune & Ia plus, aifée a obtenir, n'elt-elle pas réellement la plus défirable pour qui fait en bien ufer? Et parconféquent cette première confidération ne nous olfre felle pas déja dequoi nous rendre fontens des chofes ^ felon que nous nous trouvons? il  VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. n. 151 II. Mais il y a plus M. F., Qui fommes nous, & quelle eft notre deftination ici ba>- pour que nous foions fi difficiles fur la place que nous y remplifTons? Ce monde feroit-il donc un lieu de jouiflance? Y ferions nous peur donner carrière k nos défirs, & pour trouver notre bonheur a les fatisfaire? O! que nous ferions k plaindre fi c'étoit la notre deftination , ou fi nous avions le malheur de nous le perfuader! Sous quel trifle afpect ce monde ne devroit-il pas fe préfenter a nous, & quelles ne devroient pas être nos idéés par rapport a fon Auteur? Jugez-cn M. F. par ce langage d'un homme qui avoit confumé fa vie dans cette fatale erreur. Au bout d'une carrière de toutes les jouiffances que le monde peut offrir, & que le coeur de 1'homme peut (défirer il fut forcé de s'e'crier; Aiant confidèrê toutes les oeuvres que mes mains avoient fait es, & tout le travail auquel je métois occupé en les faifant, voila tout efl vanité & rongement d'efprit, tellement que l''homme n'a 1 aucun avantage de tout ce qui efl fous le foleil. C'eft pourquoi j'ai haï cette vie , d caufe que les chofes qui fe font faites fous le j foleil m'ont déplu; ear tout eft vanité, & rongement d'efprit. (a) Mais non, Dieu ne nous a pas deftinés a paffer ce petit nombre d'années qui ia~) Ecclef. II: vs. ir. K 4  *52 VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. if- goi s'écoulent fi rapidement; dans des défir* Wqüiets, des jóuüTances innpides, & des dé* gouts toujours rénaiJTans. Notre d. ftination at tout autrement noble, tout autrement digne de Ja ftgefle de notre Créateur , & tout autrement conforme a Ja conftitution de ^ monde Si Jes biens de Ja terre ne peuvent fatisfcure nos défirs, & nous rendre contens, eelt qu'ils ne font pas faits pour cela. Uieu les a créés feulement pour les befoins de nos corps, qui naturellement font trés bornés, & fe c°ntentent de peu. Et nous M. F. il nous a créés, ij nous a placés dans ce monde, hon pour y étabJir notre domicile , pmsqü'il ne nous y laiffe que pendant quelques inftansj maïs pour que nous nous y préparions a la jouiffance des biens fpirituels & cékfles qui, par leur exceUence & leur durée, font feuls capables de fatisfaire J'immenfité de nos défirs. Et en quoi confitte cette préparation qui doit nous conduire h une pofllffion fi heureufe? Confllteroit-elle dans Ja place que nous aurons bccüpée ici bas? dans Je plus ou le moins d'a* Vantages temporels dont nous aurons jouï, enforte que celui qui fe fera elevé aux conditions les plus éminentes, fera auffi Je mieux quafifié pour le bonheur étefnej ? HéJas! M. F. 1'Ecriture nous montre une proportion toute oppofée, elle nous montre le Riche dans Pabymc & Lazare dans le Jein tTAbraham di- fanf  VI. Sermon, Staf Phil. IV. vs. fi. t$% dimt au premier, Mon ftlsl fóuviens-toi que la as eu tes biens en ta vie 6? que Lazare y a ■eu fes maux ; mais il eft maintenant confolé\ & tu es grihement tourmentc. (a) Et pour quoi cela, JVL F. , parceque cette préparation au bonheUr avenir confifte, non dans ies biens dont nous aurons joui, mais dans 1'ufage que nous en aurons fait; non dans nos avarttages extérieurs mais dans notre pureté intérieure , dans la fidélité & Je zêle avec lefquels nous aurons rempli nos devoirs, chacun felon fon état , fon rang, fa condition. Craindre Dieu & garder fes commandemens, voila donc le tout de f homme (F) ici bas, felon la conclulïon de 1'Eccléfiafte; & voila ce que non feulement on peut faire dans toutes les conditions, mais ce qui eft moins difficile dans les conditions infèrieures que dans les plus rélèvées. A méfure qu'on s'élève dans le monde les rélations fe mültiplient, le cercle des devoirs s'étend, les diftraétions font plus nombreufes, les tentarions plus féduifantes, & par conféquent notre tache plus difficde, & notre fort éternel plus incertain. A celui d qui il a été beaucoup donné, il fera beaucoup redemandé, d celui d qui il aura été beaucoup comtnis, il lui fera clautant plus redemandé. N'eft O) Luc XVI: vs. 25. (O) Ecclef. XII: vs. ij. K j.  ï54 VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. ifl 3\T'eft-ee pas l& encore, un fondement folide pour ce contentement que nous vous avons décrit ? Confidérant ainfi notre véritable deftination, toute condition fupportable ne doit-elle pas nous être k peu prés indifférente? Et s'il n'y a pas dequoi nous porter k craindre & a fuir 1'élévation plutót qu'a la défirer, il y a la du moins dequoi nous engager 3. être contens des chofes felon que nous nous trouyons. III. Enfin la troifième confidération que nous vous avons indiquée peut en quelque forte nous fuffire, & tenir lieu de toutes les autres par fa fimplicité , fa folidité , & fon efficace. Oui M. F. fi Dieu nous fait paffer par ce monde pour nous conduire a notre véritable deftination, nous y abandonne t'il a nous mêmes? y fommes nous jettés comme au hazard? Eft-ce 1'aveugle fortune qui y ïêgle les rangs & les conditions, ou Dieu nous a t'il laiifé la liberté & le pouvoir de les choifir comme nous les voudrions? Mais remarquons d'abord qua ces mots de hazard & de fortune font des termes vuides de fens, dont ceux- la feuls pouvoient fe payer, qui étoient fans Dieu & fans efpérance au monde. Remarquons enfuite, qu'heureufement pour nous, rien n'eft moins laiffé a notre choix & a notre difpofition, que notre rang, notre condition, notre fituation dans le mon-  VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. \\. 155 monde. Tout cela dépend de mille chofes qui ne dépendent point de nous; de la naiffimce, de la conftitution de la fociété dans laquelle nous naiffons, de nos talens, de nos facultés, & de mille occafions que le plus fouvent nous ne faurions faire naitre a notre gré. Mais qui eft - ce donc qui dirige toutes ces chofes , qui les prépare de loin, & les amène dans le tems? C'eft Dieu , c'eft fa Providence qui gouverne toutes les chofes d'ici bas. Ah! voila fans 1 doute qui fuffit pour fonder le contentement le i plus folide, & le plus réel, dans quelque condition que cette Providence ait jugé a. propos de nous placer! Dieu eft un être indépendant, fouverain Seigneur de tout ce qui éxifte, puisqu'il a tout tiré du néant, & que fe puiffance feule nous conferve: & par conféquent difpen» fateur libre de fes biens, puisqu'il ne doit nen a perfonne. Voila déja qui nous oblige, qtd nous force {> être contens de notre fort ici bas, quelqu'il puiffe être. La juftice n'interdit - elle pas d la chofe formèe de dire d celui qui l'a formêe pourquoi tri as tu faite ainfi? (a) Et puisqu'il n'y a point de fort, point de condition dans- le monde qui n'ait fes biens & fes avantages, notre mécontentement ne feroit-il pas ingrjtitude , comme rébellion? Mais fi cette (ponfidératiou eft propre a nous fermer la bouche, Qj) Rom. IX. vs. 29.  156" VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. gl che, & a nous empêcher de nous Kvrer au murmure & au mécontentement, en voici de plus efficaces, de plus propres a nous infpirer un acquiescement iibre & volontaire, & a répandre la plus douce latisfaéïion dans notie ame; ce qui feul conftittie le vrai contentement. 'dui M. F. ce Dieu libre & indépendant, qui ïêglè les conditions & noüs affigne a chacun notre fort dans Je monde, eft tout a la fois un Dieu fouverainement fage & infiniment bon. Ce n eft pas un Etre de I'ignorance & des caprices duquel nous puifflons craindre de dtvenir les viftimes, puisque fa fag^ffe ne lui permet pas de rien faire fans raifon, ni fans deffein, & que la bonté qui forme fon grand cmctére, dont Ia nature & Ja re'igiön nous föürniffent des preuves fi nombreufes & fi éclaüames, ne faurbient nous faire douter, qu'il ne fe propofe toujours le plus grand bien , le vrai bonheur de £cs créatures. Et nous ne foumettrions pas, non feulement avec réfignatfon, mais avec la plus entiere confiance & avec joye,- notre fageffe bornée a cette fageffe infinie, & nos défirs presque toujours déréglés a cette volonté qui efl toujours bonne, agréable, & parfait) P Cette confidération ne nous feroit elle pas euvifager fé.at ou la condition dans laquelle Ja Providence nous a placés, comme étant la walkure a notre égard, la plus convenable h nos véntables intéréts, en un mot comme celle que  i VI. Sermon, Sur Phil. IV. vs. n. 157 que nous aurions du choifir nous mêmes, ft il Dieu nous en avoic laiffé la liberté? Et ; cela même ne doit - il pas nous porter efficacement k y bomer nos défirs, a en gouterles biens avec reconnoifiance, k en fuppor1 ter les maux avec réfignation & k regarder l toute autre condition fans envie, puisqu'elle ne fauroit avoir le moindre rapport avec nos véritables intéréts ? C'eft - a - dire en un moe , k itre contens des chofes felon que nous nous \ trotivons. Chrétiens qui marchpns dans la i lumière. ferions nous affez ftupides pour n'en, pas rccueillir ce doux fruit, puisque des I payens memes ont bien feu le faire dans I leurs ténébres? „ Croycz-rnoi," a dit un Poë,; te Latin (*) „ laiffons faire aux Dieux- iis L favent ce qui nous convient. Nous deinan^, 3, dons ce qui nous plait, ils donneront ce L qu'il nous faut: 1'homme leur eft plus chef y qu'il ne 1'eft a lui même." III. Mais d'ou vient donc , M. F. , qu'avec tant & de fi foiides raifons d'être contens des chofes felon que nous nous trouvons , les | hommes le font fi peu: & que la plupart des Chrétiens, plus fondés encore a 1'étre par les grandes lumières, les hautes & vives qfpérances que leur chriftianifme leur offre, ne C*) Jüvenal,  i$9 VI. Sermon, Sitf Phil, IV. vs. \t\ he Ie font guéres d'avantage ?' C'efl: qüe ce contentement n'eft pas une difpofition machi ale qui nous foit naturelle , tant s'en faut; mais c'eft une fctéhcé que nous devons apprendre, comme St. Paul 1'avoit apprife, en empioyant pour cela ies moyens convenables. JMous allons M. F., dans notre 3e & dernier article, vous indiquer les principaux & les plus directemcnt effieaces. Si vous les employez fidèlement nous pouvons vous asfurer qu'avec la bcnédiélion du Ciel le plus vrai contentement en fera le fruit. Ne plaignez donc pas quelques momens d'attention dont nous avons encore befoin, pour vous les propofer ces moyens, non avec 1'étendue qu'ils méritcroient, mais avec celle que les bornes de ce difcours pourront nous permettre. I. D'abord puifque le vrai contentement a fon fiège dans fefprit, il eft' clair qu'on doitl'y préparer, 1'y difpofier paria rcrlexion. Les fondemens de cette difpofition fi heureufe fe trouvent dans les confidérations que nous venons de vous propofer. II faut donc les avoir fakes ces confidciations, il faut fe les être rendues propres & familieres, il faut s'en être fait une habitude, afin qu'elles pi yffent agir fur nous & nous rendre contens dans tous les tems & dans toutes les occafi- ons*  VI. Ser Ai on, Sur Phil. IV. vs. ti. tfö ons. Eft-il étonnant après cela de voir méco ntens, & malhenreux ces Chrétiens qui fe livrent entierement aux impreffions extérieures, qui ne réflechiifent point & ne veulent point apprendre a réflechir? Leur christianifme leur oifre bien les vérités les plus importantes & les plus efficaces, mais elles ne leur en demeurent pas moins étrangéresj ï\ ils fe contentent de les avoir comme en dé: pot dans le Livre divin qui les renferme, fe perfuadant qu'il fuffira de les y chercher au befoin. Mais alors leur ame, inhabile a pen| fer, ne fauroit y prêter une attention convenable; elle demeure abandonnée aux impreffions du dehors, & ces grandes vérités font pour elle fans efücace & fans confolation. II. Mus pour qu'elles foient véritablement efficaces & confolantes, ces vérités, pour ij qu'elles puiffent nous rendre comme St. Paul I contens des chofes felon que nous nous trouyons; il faut auffi que comme lui nous puiffions | «o«f glorifier dans le témoignage de notre con1 fcience: fayoir quen ftmplicité, & en finclrité de Dieu nous avons converfé dans le monde, (a) i Quelle confiance en effet pourrions nous j avoir en la Providence de notre Dieu fi nous ne nous conduifions felon fes voyes, felon K/0 2 Cor. I. V£, 12.  tSo. Vl. Sesmok, Sur Phil. IV. V5. u. felon les direclaons qu'elle nous a données * En nous écartant de la route que Dieu nous a tracée, nous nous écartons nécelTairernent du but qu'il s'eft propofé. Nous ne pouvons avoir ni jouiffance pure dans ce monde, ni légitime efpérance pour celui qui eft k venir. // n'y a point de paix pour le méchant a dit mon Dieu, (a) fa confcience le rendant infupportabïe k lui même, empoifonne jufqu'aux jouiiTances par lesquelles il cherche k s'étourdir, le fait courir fans ceffe après des jouis&nces nouveJles qui ne Je contentent point d'avantage, & Je rend ainfi malheuren* au fein de la grandeur & des plaifirs. La honne confcience au contraire eft elle même un feftin continuef elle fcule nous procure une fatisfa&ion fupérieure è tout ce que les objets du monde peuvent. nous faire gouter; eüe nous permet encore de jöuif des vrais biens de Ja vie dans toute leur pureté, <% nous rend ainfi bemeux dans la plus basfe & la plus obfqure condition, III. Un troïfième moyen qui nous aidera. puiftamment a nous contenter de notre ïort que] qu'il puifie être, c'eft d'entretenir & de nourrir dans nos coeurs les fentimens d'humilitè que notre Chriftianifine doit nous infpirer fi 4$ Efaie XLYUl vs. a* SS*  VJi Sermon, Sur PM. IV. vs. n. \6t | naturellement. Une des grandes fources du mécontentement c'eft fans doute 1'orgueil. 1 Comment fe contenter de peu, quand on fe j perfuade qu'on a droit a tout, qu'on peut 1 pretendre k tout, qu'on efl digne de tout? I Notre Chrifdanifne nous conduit k de tout i autres penfées, il nous dcpeint k nous mêmes i comme des êtres qui n'uvons droit de prétèndre a rien, qui ne fommes dignes de rien.' I Que dis-je comme des créatures rébelles, ins! grates, qui par les péchés & les transgresj fions dont nous nous rendoas tous les jours coupables, fommes naturellement indignes des moindres bienfaits de notre Créateur, & ï dignes au contraire de fes plus févéres chatiI mens, du fort le plus miférable. Chrétiens I M. T. C. F., pénétrons nous profondément j de ces humbles & jufles penfées, & quelque foit notre fort dans ce monde, il nous paroi* \ tra beaucoup au delfus de ce que nous pou( vions attendre, ou efpèrer ou mériter. Nous : en rejevrons les biens avec la plus vive rejj connoilfmce, les maux avec la plus entière | réllgnation. Nous ferons plus que contens \ des chofes felon que nous nous trouvons, IV. Un genre de vie labcrieux & utile s efh auffi un moyen trés efficace pour entre« I senir cette heureufe difpofition. C'eft M. F., h. uu«  tSa VI. S*rmon, Sur Phil. IV. vs. ii. une erreur générale «3c trés funefte de fe pérJ fuader qu'on fera trés content Jorfqu'oh fera parvenu a n'avoir rien a faire, qlpa jol(i lorfquon pourra fe iivrer a une moile ojfiV£ Le travail eft ia deftination de J'homme & Ie mécontentement Ia punition conftante d<* om Loifiveté eft fi peu faite pour i homme qu'il n'y en a aucun qui puifie h fupporter. On fe fait des occupat'ions d agrément dont ou eft bientót hm & dégouté; notre inquiètude naturelle fe promene d'objets en objecs fans être jamais fafkfaite • lefprit fe rempiit de chimères qui nous tour-' mentent; 1 'humeur devient difficile, chagrine; un tempérament méJancholique prend Je des' fus; tout nous effraye ou nous affligéj & h vie nous devient enfin infupportable. LTn travail utije eft feul capabïe d'entretenir Ja vigueur du tempérament, fa force de 1'ame, le contentement de fefprit. C'eft après une journée utilement employee & dans léfpérance d'en paffer Je iendemain une femblabie qu'on goüte Je plaifir du repos, qu'on jouit véritablement des douceurs innocentes de Ja vie, qu'on fournit fa carrière avec j'oye„ qu'on en voit anprocher ia fin fans frayeur comme fans impatience, cc qu'on trouve enfin dans ia penfée de 'la mort de quoi fortifier notre contentement ici bas. Otii M. F., en antic?- pant  VI. S£R.ttoN, Sur Phil. IV. vs. li. 16*3 pant par la penfée fur ce tenne inévitablej et c'eft le dernier moyen que noUs voulions vous indiquer , nou? apprcndrons fans doute k juger de notre fort ici bas comme nous en jugerons infailliblement lorfque ce terme fera arrivé. O! que la place que nous aurons occupée dans le monde nous fera alors indifférente ! qu'il nous paroitra alors peu important d'avoir été riches ou pauvres, fouverains ou fujets , ferviteuts ou maitres , dans 1'élévation ou dans la bas* fefTe. Alors nous fentirons vivement qu'une feule chofe étoit necejfaire. Prêts k être jugés felon nos oeuvres nous comprendrons que craindre Dieu gander fes commandimens étoit le tout de Vhommc. Nos vices & nos péchés feront. les feuls fujets de nos régrêts & de nos craintes; & nos vertos, nos bonnes aftions les feuls fujets de notre contentement, de notre tranquiliré , de notre confiance , pourquoi donc ne les feroient-elles pas dès a préfent ? Employons fidèlement tous ces moyens M. F., prions Dieu qu'il les béniffe par fa grace & nous aurons bientöt appris comme St. Paul d être contens ici bas des chofes , felon que hout nous trouvons ; nous nous réjouirons aveC lui dans nos plus mielies épreuves parceque nous ferons perfuadés que notre af L z  i4 Vt Sïrmok, Sur Phil. IV. vs. ir.:' fiiStipn lègêre & cTun moment, produira J nous h poids èternel dTune gloire infiniment excellente, (a) Dieu nous en fafle a tous la grace. AMEN! AMEN! (a) a Cor. IV. vs; 17, SER-  iö5 SERMON SEPTIEME SUR LA MESURE DE LA PERFECTION, Epitrs de St. Jaques III. vs. 2. Si quelqiiun ne bronche point en parola , c'eft un homme parfait. iSoycz parfaits comme votre pere qui efl aux cieux efl parfait; tenchns a la perfection. M. F. ces piéeeptes dc Jéfus Chrift & de fon Apótre nous font connoitre l'efpdt & ie but du Chriftianisme , la perfection de ia Q^ti» humaine ; telle eft la fin qu'il fe propofe. Ne doit-on pas s'étonner après ceh, M- F-> que la plupart de ceux qui portent le glorieus nom de Chrétiens , demeurent fi éloignés de -cette perfeclion, & faffent fi peu, ou point defforts pour y parvenir? Quelle peut être la raifon de cette inconféquence ? Si ce n'eft pas une igno-. rance grofïïère du but de la Religion qu'ils profefil-nt, on ne peut fattribuer qu'T. 1'une de ces deux caufes; ou bien méeonnoifiant la perfecr tipn a laquelle le Chriftianisme veut nous élè« L 3 ver  i6S VII. Sermon, Sur Jaques 111. vs. 2. var, ils 1'rfpfcilfent k leur niveau, & croient la voir dans leur coriaüue ; ou bien connoilfant cette perfeflipH Evangelkjue, mais, séduits par Ls plus nuffel iliufions , 'ils aoient que leur conduite en offre le modéie. N.,üs pourriors donc , M. F., diffiper ces groffiéres & pernickufes erreurs , en rc&'flant chêz les uns la fauffe idéé qu'ils fe ferment de Ia perfection, & en dévoilant les autres k eux-mêmes, pour les convsincre' combien ils en font encore éloignés: cependant nous ne ferons aujourdTiui ni 1'une ni 1'autre de ces deux chofes, efpérant de parvenir au même but par un autre moyen, & ce moyen, c'eft St. Jaques qui nous le fournit dans les paroles que nous venons de lire en votre préfence. II nous y indkjue une mefure d'après laquelle nous pouvons juger de nos prog;è5 vers Ia perfection; mefure jufte , pré-, cifj & que nous pouvons confulter k toute heure; je ve'ux parler de 1'ufuge que nous faifons de- notre laneue, de cette faculté de par'er dont Ie Sage Créateur nous a enrichis, aTexcluiion de tous les êtres animés qui font fur la rerre j car, dit r.otre texte ,. celui qui ne broncLe point en paroles efl. un homme parfait. Pour vous rendre notre méditauon fur ce mot ièntancieux de S% Jaques-auffi ütüe &faJutaire qvi; nous le dé.üiCiiuns, ii faudia.  Vil". Sermon, Sur Jaques III. vs. 2. 167 I. D'abord vous expliquer ce que nous devons entendre par un homme qui ne bronclie point en paroles; aün que vous ne vousfafiiez point de faufiès idéés de la mefure que St. Jaques nous indique , & ne retombiez par la dans fillufion que nous voudrions dilliper. II. Après cela nous racherons de vcus rendre iènfible la vérité de ce que 1'Apotre avance, favoir: qu'un tel homme qui ne bronche point en paroles eft un homme parfait. IIF. Enfin , en cóncluant ce discours , nous aurons foin de vous guider dans 1'ufage que vous devez faire de cette maxime fi intéresfiute. Dieu veuille accompagner notre deffein cc nos efforts de fa bénédiétionl ainfi feit- iU 1 De toutes les facultés, dont le fage Créateur a doué nos corps, une des plus précieufes eft fans doute celle de la parole; par elle nous communiquons aux autres hommes nos penfées, & nous apprenons h notre tour les leurs. C'eft donc k cette faculté que nous fommes redevables des douceurs & des avantages cle la fociété, de 1'accroiffement de nos lumières & de nos connoiffimces, en un mot, de la perfection de notre être : mais d'un autre cóté (& n'eft ce L 4 pas  tt5S VIL 5 er mon, Sur *f*qm m V5> 2< pas -toujours le fort des chofes les plus excellentes, des qu'on les détcurne de leur véritable but} de toutes les facukés de 1'homme ij n'y en a point de plus nuifible, qui empoilonrfe d'avantage les agrémens de la fociété qui contribue d'avantage a la corruption de la nature humame, & propage plus la méchanceté que Ie don de Ia parole.. Sc. Jaques en tracé un tableau bien énergique immédiatement aprè, mon texte: la langue, dit-il, eft un jeu , e eft un monde d'iniquité, elle eft telle entre nos membres qtielie Jouille tout le corps, & enftamtne tout k monde qui a été crée' étant elle même enftummée du Jeu de la gel,ei ne. Ce feroit nous écircer de notre fujet, F-($n* de nous arreter plus longtems a vous déésdfér les biens & Jes maux que la langue bien ou ma! gouyernée peut produire, & prodmc tous les jours dans le monde. Contentons nous de remarquer, que Dieu nous a donne cette factfté uniquement pour femPloyer a fi gloire, au kien de nos femblables & a notre propre bonheur; auffi Jongtems que nous fuibns un ü Jegirime ufage de notre langue, & que nous combinons ces différens devoirs , nous répondous au but de Dieu nous faifons ce qui lui efl agréable; mais dés que dans 1'ufa-e de cette faculté, nous choquons ces intéréts, ou q«*e nous cherchons a avancer I'un aux dépens de fautre, nous agis- fous  VII. S b r m o n , Sur j acnes III. vs. 2. 16) föns contre la volonté de Die'.i, nous p'chons, nous bronchcns en paroles. C'eft la le fi.ns dü mot broncker dans 1'EcritüreSainte: elle Compara la conduite que Dieu veut q 'e nous tenions dans ce monde a 11:1 chemio que nous devons pa'courir : tont ce eue nous faifons de contraire a Li volonté de Dieu eft donc autant de faux pas, de chutes qui retardent notre courfe; i'arrêtent, fi nous ne nous r levons promptement, & peuvent ainfi nous faire manquer le but. Kt par la il paroit claïrement qu'on nc doit point entendre par un homme qui ne branche pas en paroles, c.lui qui pour ne point pee':er de fa langue tè condamueruit a un crerne! fiience; c'eft néa:rmoins ce qu'on: im.i:;i;:é quelques cfprits fuperftiaeux, & ce qu'on pratique encore dans KrcdBês commmnucés réligL-uf.-s. C\Ia même eft agir contre h volonté de Dim; c'eft brc ::hcr. Dieu ne nous ayant puint confié ce talent pour i'enfouir, m:\is pour le faire valoir. Par celui qui ris bsonzhe point en paroles, il faut donc entendre un homme qui, dans i'uPjgf qu'il fait de fa langue, ne tombe dans aucun des abus que Dieu condamne, & qui font oppofés au but que cet Etre infiuiment Jage :'eft propofé en nous la donnant. Mais on doit diftingtier deux fortes de ces abus. II y en a qui font toujours .'els ■• il y en a qui ne le deriennent que par les circonftances. L 5 Jet-  i^o VIL Sêrmon, Sur Jaques III. vs. 2., Jettons un coup d'oeil rapide fur ces deux fortes de péchés de Ia langue; afin que vous ne vous trompiez pas fur la méfure de perfeélion que St. Jaques nous indique, en nous faifant des idéés trop légères de celui qui ne bronc/ie point en paroles. L Je dis, Mes Freres, qu'il y a des pa* roles, des difcours, qui font vicieux & criminels en eux - mêrnes, qui parconféquent le font dans tous les tems & dans toutes les circonftances, paree qu'ils font dire clement contraires aux loix de Dieu, & au but qu'il s'eft propofé en nous douant de la parolc; tels font d'abord ces difcours blafphématoires par l.fquels (croiroit-on que 1'humanité fut capabïé de. tels excès!) de vüs mortels ofent attaquer 1'Etre qui les tira du néant, Cc mettre leur bouche contre le Ciel, (a~) comme s'exprime le Pfalmifte, foit pour nier féxiftence du Dieu qui y habite; foit pour dégrader fes perfeéfions adorables foit pour infulter la ré êlation qui eft fon ouvrage, en cherchant a renverfer par de vains raifonnemens les fondemens qui 1'établiffent, ou k la rendre méprifable, par de profancs rail!eries: tels font encore les fauj]es lévres que Dieu a en abomination; ces parjures, ces m;?i- foth (a) Pf. LXXHI: vs. g.  VIL Sermon, Sur Jaques III. vs. 2. 171 fortges odieux par icfquels on en impofe au prochain a fon doromage,- ces calonwies déteftables dont on noircit fa réputation; ces rapports qui sêment la haine & .la difcorde; ces i.'iyeiïim,;-cts injures.qm couvrent le prochain de honte & d'opprobre ; ces railleries piquantes & amères, qui le rendent ridicule Cc méprifablc: tels font enfin ces difcours qui rnanifeftent la corruption & les vices, ds notre propre coeur; ces paroles oljcbties.production d'une imagtnation irr.pure; ets ranteiïcs & ces difcours arrogant qui décè'cnt une vanité ridicule, ou un condamnable orgucil; ces jirremcns d'habituc'c par lesquels on avilit le r,om des chofes les plus facrées, & on mai ifede le peu de refpeór. qu'elks infpirent. Voila les abüs de la langue.les plus groffiers, les plus évidens, ks paroles qui font. toujours criminelles, qü'aucua tumes, qu'::ucune drcmdanca no fauroit excufer, j arce qu'elles font dans une oppofition directe avec ks loix les plus claïres, & les plus expreües de notre Souverain LégiHntcau-. Celui qui ne branche point en paroles eft donc fans contredit un homme qui ne tombe dans aucun de ces abus fi évidemmen: criminds, bien loin de s'en être fait une habitude; un homme dont de femblables difcours ne feuilkmt jamais la bouche. II, Cependant ne penfez pas M. F. que nous  i?2 VIT. S-ermon, Sur Jaques fit. vs. 2. nous ayons déja épuifé 1'idée d'un homme qui ne bronche point en paroles; enforre que celui qui fe contenteroit d'éviter ces pèehés de Ia langue dont nous vous avons fait 1'énumération auroit le droit de fe ranger parmi les hommes parfaits. Au contraire, nous avons lieu de croire que St. Jaques n'avoit qu'indireétement en vue ces vices grcffiers: loccafion qui Jui fait avancer Ja fentence, que nous vous expliquons, doit nous faire comprendre qu'il penfoit plus direétement k ces abus de ta langue qui, n'étanc point vicieux en eux-mêmes, le deviennent par les circonftances, & dans Jefqueis auffi les hemmes tombent bien plus fréquemment que dans ceux de Ia première claffe. M. F. m Joyez pas plufieurs maiires, dit 1'Apótre dans le verset qui précéde celui de notre texte, faehant que nous recevrons vne plus grande condamnation ; car nous bronchons tous en plufieurs manlercs. Nous n'entrerons pas ici. M. F. , dnns les difcuffions des commentateurs pour déterminer qui étoient ce,^ maitres & ces doótcurs que Sr. Jaques avoit en vue, fi e'étoient les. Gnoftiqucs\ les N:co'aï;es, 'ou autres hérétquis de ce tems, qui, rëmplis dvune fauffe fciencë, & er core plus de vanité & d'ambition s'érigeoient eu docteurs desicnojcns, & corrompoum la fimplicité & Ja puisiê de la do&rine Fvan^éhque par lem$ . ' exua»  VIL Sermon, Suf Jaques III. vs, £ 17j extravagans & pernicieux fyftêmes: oubienfi c'étoient ces Chrétiens judaifans qui critiquoient, cenfuroient, condamnoient avec orgueil & avec aigreur, la conduite des Chrétiens, qui, profitant de la liberté EvangéJique, n'imitoient point leurs obfervances fuperfiitieufes. Le caraèlère que 1'Apótre dépeint dans ces paroles n'eft pas fi rare qu'il faille remonter jusqu'aux Siècles Apoftoliques pour en trouver les originaux, il n"y a dans le monde que trop de ces Doiïeurs, & de ces Maitres fans vocation; ou les reconnoit a deux fortes de langages, que celtti qui ne veut point bronchef en paroles doit éviter avec foin, le ton cecisif & les censures deplace'es. 1. C'eft fans doute un ufage légitime dö la parole, & conforme au deffein de Dieu, que de 1'employer k 1'inftruclioa des autres hommes, en leur communiquant nos découvertes & nos vues, en travaillar.t a étendre leurs lumières, difiiper leurs préjugés & leurs _ crreurs, & perfeaionner ainfi leurs facultés intelleauelles. II n\ft pas néceflaire d'être rèvêtu du caraftère de maitre, ou de docteur pour ofer 1'entreprendre; tous les hommes y ontun droit égal, pourvü qu'ils aient les qualités néceffaires pour y réuffir, afiez de lumières dans 1'efprit, de juftefle dans les idéés,  174 VIT. Sermon, Sur Jaques III. vs. 2. idéés pour pouvoir donner de véritables inftruélions; de bonnes intentions pour ne propofer que des chofes 1 uciJes; di 1'humiiité, de la modeftie, une jufte dcfiance d'eux mêmcs, pour ne point s'aigrir & sVmporcer quand les autres hommes n'entrent point dans leurs idees, ou entreprennent de les convaincre qu'ils fè font eux-mêrnes trompés.. Mais ces qualités fe trouvent elles toujours chezceux qui fe mêlentd'inftruire & d'éclairer les autres? eh! combien n'en voit on pas tous les jours s'ériger en doeïc-urs & en maitres fur des matières dont il n'ont que des idéés vagüés & fuperficielles, couvrant leur ignorance de décifions tranchances-, & de fophismes ridicule»; combien qui prononcent hardiment fur ce qu'ils n'entendent point du tout? combien qui remplis de vanité & d orgueiï ne peuvent fouffrir la plus legére contradiction, & ofent traiter d'efprit foibles, de petics géuies tous ceux qui n'adoptent point leurs idéés, ou qui entreprennent de rèléver leurs fautes &'de dévoiie'r leurs erreurs? combien qui póuflant les chofes a un plus grand exces encore, ne craignent pas de foumettre les vérités révéiées a d'orgueilleux fyfcêmes & d'éxiger pour ces p'-oductions de j'imagination humairiè, un acquiefcement implicite , qui n'eft du qu a la parole de Dieu? Celui qui ne broheje point en paroles eft un homme qui évite avec  VII. Sermon, Surjaquts III. vs. 2. 175 avec foin de s'ériger ainfi en Do&eur & en Maitre; convaincu que nous bronchons tous en plufieurs manier es, que les bornes de notre raifon font étroites, qu'avec les meilleures intentions on peut fe tromper groffièremenr, il évite avec foin ce ton décifif & tranchant; il fe garde bien de propofer fes propres idéés avec tant de confiance, & de forcer pour ainfi dire, les autres a les adopter; craignant k jufte titre , qu'étant lui même dans ferreur, & y entrainant fes fréres avec lui, il n'en recut une plus grande condamnation. 2. Mais ce caraétère de maitre que tant de gens s'arrogent dans la fociété, s'annonce encore par des discours d'un autre ordre, que ne fe permet pas celui qui ne broncke point en paroles; ce font les critiques & les cenfures déplacées. Si la charité felon St. Paul, ne penfe point en mal, c'eft uniquement lorfqu'il s'agit dactions dont les véritables motifs nous font inconnus ; d'ailleurs la charité ne doit pa; nous empêcher de regarder comme blamable & mauvaife, une action qui eft véritablement blamable & mauvaife , & de h condamner comme telle. Mais, pour cenf'rer & condamner hautement les fautes du prochain, il faut y être autorifé par le caraétère dont on efl: révêtu dans la fociété, ou par les bonnes in-  *76 VII. Sermon, Surjajues til. vs. i& intentions qui nous animent. Alors on le fait en préfence cle ceux la meines qui fout tombés dans ces fautes; on kur fait foutir leurs torts avec douceur & avec modeftie; on les exhorte avec humilitff & avec un vrai zéie a les réparcr. Quand on agk de ceVte mamere, on rcmplit un d,voir qui nous ei forteraent recommandé dans 1'Ecriture : tu reprendras fioigneujèmment ton prochain , fc? tu ne foujfriras point de pêche en lui, dit Dieu, par Ja bouche de Moïfe; (a) fi ton frère apêché contre tol, reprens-le, dit Jéfus Chrift. Mais, eft ce ainfi que dans Je monde on critique, on cenfure, on condamne les défauts & les vices du prochain? on les recherche, il efl vrai, avec une indiscrete curiofitd, mais ed-ce afin de corriger ceux qui s'en font rendus cpupables. ? Non, c'eft pour les répandre dans les compagnies ; pour s'en entretenir avec un plaifir maiin; pour les groflir avec mauvaife foi , & Jes condamner avec orgueil. L'homme qui ne bronc/e point en paroles, eft celui qui évite avec foin ces critiques médjfmtes., convaincu que nous bronchons tous en plufieurs nwrkres , qui chaefcö de nous a fes vices & fes défaurs, il couvre du voile du filence ceux qu'il appercoit dans les autres; fachant que cehu aUi mèdit de foa frè- (fl) Luc. XVII: vs. 3.  VII. SB Amon; Sur Jaques lil vs. 2: 177 frere, ainfi que s'exprime 1'Apótre, & li condamne , midit de la loi & condamne la loi, & recevra ainfi lui-même une plus grande condamnation. Par celui qui ne bron-^ cht point en paroles, St. Jaques entend donc un homme qui dans 1'ufage qu'il fait; de fa langue, non feulement ne tombe jamais dans aucun de ces abus grofiiers qui font toujours criminels ; mais encore ne dit jamais que ce qu'il faut; n'avance point de chofes hafardées, nuifibles, ou trop frivoles ; ne les dit que quand il le faut; fait choifir les tems, & les circonftances, & n'accable pas a tout propos ceux qui fécoutent, de fes inftruólions & de fes ceniüres; ne le dit enfin que de la maniere qu'il le faut; fait asfaifonner tous fes difcours, de la modeftie; de 1'humilité, de la douceur & de la charité, qui conviennent a tout homme raifonnabl'e, mais furtout a un Chrétien: Or fi de cette maniere quelquun. ne branche point en paroles, c'eft dit St. Jaques, uti homme parfait. Achevons d'éclaircir ce mot fentencieux de 1'Apötre, & tachons de vous en rendre la vérité fenfible. C'eft le fujet de mofl fecond point. „ 11. Avant de pouvoir réuflit a vous rendré  i;8 VIL Sermon, Sur Jaqites lil vsjëé fenfiblc la vérlté de la propofition exprimée dans mon texte, il faut déterminer 1'idég que nous devons attacher a ce que St Ja* ques nomme un homme parfait. Le terme de parfait eft extrémement vague , & rccoit des déterminations différentes, felon les differens fujets auxquels on 1'applique. La perfection eft en général fharmonie avec laquelle les différentes parties d'un tout confpirent a un méme but; quand donc on parle de la perfection de 1'homme moral, on entend par la f harmonie, 1'accord avec Jequel routes fes aclions concourent au hut auquel elles doivent tendre. Ce but eft de les rendre conformes a Ja volonté de Dieu, qu'il nous a manifeflée dans fa loi. C'eft ce que J'Ecriture appelle en d'autres termes , ntarcher dans fintégritê , la droiture, la juftice. Suivant J'Ecriture un homme iiitégre, jufte & droit , eft uu homme qui fe propofe dans fa conduite & dans chacune de fes aclions , de faire la volonté de Dieu, qui pratique autant qu'en Jui efl tout ce que la loi commande , & s'abftient de tout ce qu'elle défend ; qui s'étudie a acquénr toutes les vertus , a prévem'r & k déracmer tous Jes vices. Cette perfcéliou n'efl donc pas incompatibJe avec les foibles. fes «St les infirmités qui font inféparabJe* de la nature humaine; cc font des f4UI pas 4qz$  I VIT. Sermon, Sur Jaques lil. vs. 2; ^f$ , dont Ie vrai Chrétien fe relêvé aufïl - tót, pui j ne le détournent pas du ben chemin & ne i fempêchent pas de pourfuivre fa courfei \ Quand donc 1'Apötre dit , que celui qui I ne bromhe point en paroles eft un homme | parfait, il ne vcüt pas nous faire ehteridre I que totlte la perfection de 1'homme coofifte a ne point broncher en paroles; il Veut I dire feulement , que ne point broncher en paroles, eft une marqué; un indice d'un homme . parfait. II ne veut pas non plus nous faire entendre qu'un tel homme a déji atteint le plus haut dégré de perfection dont la nature hümame eft fufceptible; 1 il veut dire feulement, qu'un tel homme eft < deja fort avancé vers la perfection , qu'il a deja fait des progrès confidérables dans lé chemin qui y conduit, ou qu'il peüt les faire quand il le voudra ; qu'il doit avoir toutes les qualités réquifes pour cet effet. II peut tenir en bride tout le corps, ajcute immédiatemment 1'Apötre-,' C'eft - k - dire, il ne tient qu'a lui de régler de même fes autres actions, toute fa conduite. Trois Confidérations, M. F., fi vous voulez les faire avec nous , ne pourront vous lailfer aucun doute, fUr la vérité de la-fentence de St; Jaques ainfi expliquée. Confidt'rez, la place que nos difcours occupent dans Pensemble de nos a&ions. 2°. la pttretê intèrieure, gu'une langue bien gouvern/e fupfiojè. 30. oö M 3 bkö  ïtö VIT. Sér mon, Sur Jaques IÏL vs. @ bien vigitahcp-, la circonfpc&ion, les ejforts qu'elle ixigë fans cela, pour la tenir en bride, & vous ferez convaincus que celui qui ne bronche point én paroles ejl, oü peut être un hommê parfait. ï*. Je dis, JVf. F., que pour fe'co'nvaincrd qu'un homme 'qui ne bronche point en paroles ejl un homme parfait, c'eft k dire, efl: déja bien' avancé vers la perfection, il n'y a qua coniiderer la place que nos difcours occupent dans 1'enfemble de nos aétions. Parrni les différentes fclicns des hemmes il y en a qui ne conviennent qu'k un certain ordre de perfonnes, ou que dans cerfairies circonftances de la vie; mais Jes discours, les paroles, font de tous les états, depuis le Monarque jufqu'au moindre de fes fujets; de toutes les conditions, depuis' Je plus riche jufques aux plus pauvres; de tout kge, depuis 1'afifance jufques k la vieilleffe. Elles entrent dans prefque toutes les Circonftances de la vie. Combien de devoirs dans la fociété qui ne s'accompiiffent' que par 1'ufage de Ja langue? C'eft par elle que les Princes gouvernent, les juges décident, les inftituteurs enfeignent, toutes fortes de Maitres commandent. C'eft par elle que fe fait tout commerce, que fè dirigent toutes les affaires, tant particulieres qua-  •VII. Sermon, Sur Jaques III. vs. a. i dx que publiques ,• c'eft elle qui eft le lien de la fociété, puis qu'il n'y a point de fociété I -fans converfation, & que la converfation I eft I'ame de nos diftraófr'ons, de nos amu^ fcmens, de nos plaifirs. En un mot, il n'y a point de jour, prefque point d'heure dans la jouinée, que nous ne faflions ufage de notre langue. • Joignez k cela, M. F., 1'infiuence qu'ont nos difcours fur nos aclions proprement dites; celles-ci étant prefque tcujcurs 1'effet, la conféquence, ou 1'exécuÜoö de ceux-Ik. Et vous devrez comprendre qu'un homme qui 71e bronche -point en paroles , qui fait régler fagement tous fes discours , qui évité conftamment tous lea abus de Ja langue que la raifon, la loi de Dieu condamnent; qu'un tel homme a réglé ainfi la plus grande partie de fa conduito fur la loi de Dieu, a fait des progrès conr fidérables dans la juftice & dans la fainteté, qu'il eft déja fort avancé vers Ia perfection; 011 felon rexprefiion de mon texte, que celui qui ne bronche point en paroles, eft un homme parfait. a°. Une feconde confidération qui doit nous faire fentir Ja vérité de cette fentence de St. Jaques, ( c'eft-k dire qu'un homme qui ne branche point en paroles eft déja bien , prés de la perfe&ion:) ce font les difpofitions intérieur^ que le bon ufage de la paft! j role  l8a VII. Sermon, Sur Jaques III. vs.»: rple exprimc, Cue font en tffet ros paroks , . os difcours ? fi ce n'eft 1'exprcffioq des penfées de notre efprft , & des feminiens de notre coeur ? Si donc nos paroles font mauvaifts, fi elles font contraires a la loi de Dieu, on doit conclure que nos penfées & nos fentimens font de même na-, ture; & c'un autre cöté, fi nos difcours .font conformes a la loi de Dieu , on doit préfumer auffi, qu'il n'y a run dans fintérieur qui n'ait ce caraflkre. Delk ce moe d'un ancien Philofophe, park pour que je te connoijfe; c'eft ie même principe que le Sauveur du monde vouloit inculquer aux Pharifiens. Race de vipéres, leur dit-il , comment pourriez vous parler bien, étant ■méc/ians; car de Pabondance du coeur la bou■che parle; c'eft pourqui fhomme de bien tire de bonnes chofes, du bon tréfor de fon coeur; mais Phomme mechant the de mauvaifes cho\ fes du mêiivais tréfor de fin coeur. (a) Suivant ce principe , fi d'un eóté 1'on doit conclure qu'un homme a dars le coeur tous les vices que fes mauvais difcours & fes vaines paroles fbppdient'; on doit préfumer de 1'autre, qu'un homme qui ne tombe dans aucun de ces péchés de la langue , n'a pas feukment aucun des vices qui pouiroient 1'y con- (a) Matth. ^Qf'j rs. 34-33,  VII. Sermon, Sur Jaques III. vs. 2. 183 conduire, mafs encore qu'il a les vertus oppofées. En ne parlant jamais 'de Dieu & des chofes divines qu'avec la vénération convenable, on doit fuppofer qu'une vraie piété habite au dedans de lui; en ne bleffant jamais i'honneur, la réputation , aucun intéxêt du prochain dans fes difcours, on doit fuppofer qu'intérieurement la même charité 1'anime; en ne fe permettant aucun langa? ge contraire k la fincérité, a la modeftie, k la décence, aux bonnes moeurs, on doit fuppofer que la même pureté fe trouve dans fon coeur. Et fi avec cela il fait réunir ces trois chofes , de ne dire que ce qu'il faut , de le dire que quand il le faut, & de la maniere qu'il le faut, on ne fauroit fans injuftice, fe former de 1'efprit & du coeur d'un tel homme que les idéés Jes plus rélèvées, & les plus excellentes. Confidérant ainfi les vertus que le bon ufage de la parole exprime, & voyant un homme qui ne bronche point en paroles, on doit préfumer qu'un tel homme eft déja fort avancé vers la perfeftion, ou comme 1'Apótre s'exprime dans mon texte , qu'il eft un homme par* fait. 39. Vous aurez fans doute remarqué M. F., que nous avons dit, qu'un homme qui pc bronche point en paroles, fait fuppofer , M4 • dónne.  ?84 VII. Sermon, Sur Jaques III. vs. 2? donne' è préfumer qu'il a les vertus qu'une langue bien gouvernée exprime; mais non qu'il prouve inconteftablement par la qu'il les ait, qu'il foit acluellement un homme parfait. Car il n'eft pas impoffible qu'un homme avec certains vices dans le coeur, ne travaille & ne parvienne a ne les point imanifefter par fes paroles; mais alors la circonfpecfion, la vigilance, les efforts contihuels qu'une telle conduite éxige, montrent d'un autre cöté, que fi cet homme n'a pas éncore toutes les vertus qui forment 1'homme parfait, ce n'eft pas que les moyens lui manquent pour les acquérir, mais qu'au contraire il les poffède tous; ec que, comme dit St. Jaques , il peut tenir en ,bridc tout le corps ; c'eft notre troifième confidération. Quand on voitquelqu'un s'acquiter d'une chofe qui renférmè de grandes difficultés , ne peüt-ori fpas conclure , avec raifon , qu'il pourra tout auffi bien s'acquiter d'une autre, qui ne renferme pas de plus grandes difficultés, ou qui en öfi're de moindres, pou&. vu qu'il le vcuille; or c'eft ia le cas d'un homme vicicux qui ne brcrcheroit point en paroles? Quand en a Ie coeur puf & éxempt de vices, oa peut l|cber Ia brfde h fa langue fans courir risque de pécher de fes Jèvfës; mais ne point pé • cherde feslèvres, ne point brencher en paroles, xnalgr«j les vices qu'on, a dans le coeur, eft  VIL S br mon, Sur Jaques III. vs. 2. 185 une chofe auffi difficile qüe les plus grands efforts de vertus & d'héroïfme. Pour vous en convaincre faites a,ttention, 1% a Ja rapidité de la parole, a cette prodigieufe mobilité de la iarigöe; a peine h penfée eft elle dans Vefprit, ou le fentiment dans le coeur, que la langue eft en mouvement pour 1'exprimer; le coeur rempli de quelques paflions, ne fauroit. fe foulager que par une abondance de paroles: par exemple, li c'eft la colère qui 1'agite, qui ne fiit par ft propre expérience combien il eft difficile alois de mettre un frein a fa langue; quelle vigilance, quels efforts il faut pour garder le gulcbet de fes levres, afin qu'elles ne s'exhalent point en rcproches & en injures? C'eft la ce qui expüque ce que nous dit St. jaques, de cette grande difficulté de gouverner la langue, quelques verfets après mon texte; toute efpéce de bétes fauvages, d'oifeaux, de reptiles, de poifjons de la mer fe dompte, & a été domptèe par les hommes; mais la langue nul homme ne peut la dompter; c'eft un mal qui ne fe peut reprimer. 20. Confiderez avec cela les tentations coutinuelles qui nous follicitent a bronchtr en paroles ; de ce riombre eft d'abord le peu de 'cas que 1'on fait de ces fortes de-péchés. Si vous exceptez ces blafphémes qui font horreur, ces parjures' que la juftice.humaine punit, ces calom* tms groffières qui revoltent, a peine comptc M 5 %-%  iSS VIL Sermon, Sur Jaques IIL vs. & t-on les autres abus de la langue, parmi les péchés ; on les commet fans remords, on les wit commettre fans indignation; Ie mal qui en réfulte étant fouvent éloigné, a peine excite t-il notre attention; & ce qui rend cette tentation plus fédujfante, ce font les grands avantages qu'on peut retirer de ces péchés qui nous coutent fi peu: il ne faut quelquefois qu'un men* fbnge pour faire tout a coup une fortune; quelque fois il ne faut qu'une médifance, qu'une iufmuation maligne, pour ternir ]a répumtion d'un concurrent, lui enlèver la faveur dont fi jouit & s'établir fur fes ruines. Mais il y a des avantages moins odieux que les abus les plus ordinaires de la langue peuvent nous fiocurer, & qui en rendent la tentation plus féduüante encore, presqu'irréfiftible; c'eft de fe feire jemnrquer , de briller dans le monde, En eftèt k qui prodigue t,on dans le monde Jes- ritres de lavant, d'homme d'efprit & de génie ? n'eft ce pas a celui qui étale a tout propos fon favoir, qui pour paroitre ne rien ignorer, rifque fouvent les affertions les plus térc é.aires & les plus fauffes;. qui foutient avec opiniatreté, ce qui'1 a une fois avancé, dépri* me le favoir, lèfprit, les talens des autres? pen-* dant que le vrai favant qui u'affirme que ce qu'il eft affuré de bien favoir, qui ne dit que ce qu'il fait pouvoir être utile, dont 1'humilité permet qu'on le contredife, qui fait rendre jufiice m mérite d'autrui, pafié pour pent génie, & de- meu-  VIL Sermon, Sur Jaques III. vs. a. 187 rneure ignoré, A qui le monde donne til le titre d'homme aimable, de qui vante t-on, & recherche t-on la fociété ? n'eft ce pas de celui qui fait égayer la converfation par le fel de la médifance, de la raillerie maligne éc cruel* le, de traits licencieux fans grofiiéreté, de propos vains & frivoles , indignes d'un être qui penfe; pendant que celui que ne dit que des chofes fédeufes, rcfléchies , honnêres «Sc utiles, qui ne parle du proctuiu que pour lui rendre jufiice, & le défendre contre la malignité , paffe pour un homme ennuyenx qu'on évite & qu'on fuit. Combien de jugement, de force u'efprit ne faut - il pas pour réfifter a des tentations li féduilantes ? Conciuons; uu homme qui, malgré les difpofitions vicieufes d'un coeur corrompu, ne broncheroit point et* paroles, montreroit par IJl, une vigilance, une force cupable de furmonter les habitudes les plus invéiérées, & les plus enncinées; il montreroit par la qu'il ne tient qu'k lui d'effacer les reites de corruption qui le fouillent encore, en un mot de tenir en bride tout le corps. Soit donc que vous conlïdériez la place que nos difcours occupent dans 1'enfemble de nos aéfions; foit les vertus qu'une langue bien gouvernée fuppofe, ou bien la vigilance les efforts qu'elle éxige, pour la tenir fans cefie en bride, vous ne fauriez méconnoitre la vérité de la fentence de St. Jaques, ainfi que nous vous  Ï85 VII. Sermon, Sur Jaques III. vs. 2.1 vous 1'avons expliquée, celui qui ne bronche point' en paroles, eft un homme parfait. Em« ployons, Chrétiens, les momens qui nous restent a tirer de ce mot fentencieux les ufages qu'il nous offre. III. I. Mes Frères, puisque nous avons vu 'en commencant ce difcours, que la perfection doit être 1'étude conftante du Chrétien, qu'il n'efl: parfait qu'il ne porte juftement ce titre, qu'autant qu'il fait des efforts continuels pour fe rendre femblable a fon pere qui eft aux cieux. Et s'il efl: vrai, cqmme nous avons taché de vous en ccnvaincre, que 1'ufage de notre langue efl: un indice , une mefure, qui peut nous inflruire a toute heure des progrès que nous avons fait vers cette perfection. fi effentielie; avec quels foins ne devons nous pas veiiler fur cette partie de notre conduite? Avec quelle attention ne devons nous pas pefc-r nos.paroles', nos discours les plus communs, les plus ordinaires? Mais jufqu'ou ne pouiTe t-on pomt ia négligence d'une pre', caution fi utile, difons plus, d'un devoir fi important ? Y a t - il quelque partie de la conduite fur laquelle on s'examine moins que fur fes discours, fes paroles? Faut il s'étonner, apresceia, de la profonde ignorance d'eux mê-  VIL Sermon , Sur Jaques III. vs. 8. TB 9' Bies dans Iaquelle vivent la plupart des Chrétiens? Dèsque leurs actions, proprement dites, font régulières, dès qu'ils n ont point de crimes révoltans k fe reprocher, ils fe font les idéés les plus flatteufes de leurs difpofitions intérieures, & fe perfuadent qu'ils n'ont rien d'eflentiel a réformer dans leur coeur; mais Ia vérité de mon texte en offre une marqué plus fure , un indice plus certain. Voulons nous donc, Chrétiens, en faire un légitime ufage, au lieu de parler comme nous le faifons dordinaire, fans réfiéxion, pefons avec foin toutes nos paroles; au lieu de mettre en oubli nos difcours , dès qu'ils font fortis de notre bouche, rappellons nous les è la fin de chaque journée. D e cette maniere nous pourrons nous alTürer, fi ne bronchant point en paroles 3 nous fommes dans le fens de Saint jaques du nombre des hommes parfaits. II. Mais fi nous profitons de ce confcil, fi nous tirons de la vérité de notre texte ce premier ufage, nous ne tarderons pas a faire une découverte bien humiliante, c'eft que noüs fommes prefque tous fort éloignés de cette perfection qui fait le caractére du vrai Chrétien. Ce qu'il y a fi fouvent dans nos paroles de contraire k la piété , k la Vérité, a la prudence, a 1'humiiité ,h la modesÉie, sTéquité & ala charité; les difcours,-fi non  190 VIT. Sermon, Sur Jaques lil. vs. 2. Bon blafbhématoires, du moins profanes fur les chofes les plus facrécs, que des Chrétiens n'ont pas honte de fe permettre; ces menfonges , ces impoftures , ces juremens , ces médifances qui fe mê'ent fi fouvent a nos difcours; la licence & la frivolité de tou'es Cos converfations, tout cela ne pourra nous laiffer aucun doute fur les imperf ctions, les fomllures, les vices quirégnent dans nosefprits & dans nos coeurs; nous ne pourrons nous dilfimuler qu'k peine nous avons fait les premiers pas dans la carrière de notre fanclification ; fanctificatian, fans laquelle nul ne feuroit plaire au Seigneur, ni efpérer de voir fafsce. Mais cette découverte, quelque trifte & humiliante qu'elle foit, nous fera falutaire, fi elle nous fert de motif è entreprendre inccffamment cet indifpenfable ouvrage de la fanclification, fi longtems & fi honteufement négligé; & la fentence de notre texte pourra nous y êrre utile. Elle nous apprcnJra k détruire ce préjuaé fi commun, qui nous fait regarder les péchés de la langue comme moins criminels que les autres. j\Tous avons vu que nos paroles occupent la plus grande partie dans 1'cnfemble de nos artions; la fréquence de nos paroles vicieufes compenferoit donc ce qui pourroit leur manquer en atrocité ; & fi nous remaiquions teute leur infiuence nous ne pourrons nous ca  Vtt. SeRmon, Sur Jaques ïïtvs,i. lp. en diffimuler le crime. St. Jaques ne nous dit-il pas expreffément dans le iM. Ch. que fi quelqu'un croit avoir de la piété, & ne tie?it point en bride fia langue, la religion tfun tel homme eft vaine ? Le Sauveur ne ditil pas expreffement que nous ferons appeltés a rendre compte de toutes les paroles inutiles, ■que nous aurons dites? (a) C'eft -k - dire quö tous ces difcours que nous regardons fimplement comme frivoles, feront examinés, & que nous ferons punis de tout ce qu'ils auront eu de criminel. Apprenons de la M. F., k ne pas compter pour rien une fimple parole; & k ne négliger aucun foin pour purifier tous nos difcours. Afin d'y réuffir , commenfons d'abord par réprimer 1'intempérance de notre langue. La multitude de paroles, dit le Sage, n'eft point exempte de pêché; mais celui qui retient fes levres eft prudent, {b) Oui parions moins, & nous parierons mieux. Nous avons vu d'un autre cöté, que toute la perfection que 1'Evangile éxige de nous ne confiffe pas d ne point broneher en paroles; nous ne devons donc pas, comme 1'hypocrite, ne fporter notre attention que fur ce feul objet; mais nous devons aller a la fource, au coeur, bannir de notre ame toute penfée fauffe ou vaine, déraciner toute af- O) Matth. Xll: vs. qfi. (&) Prov. X. vs. 19,  ipi VII. S eim o fi, Suf Jaques III. is* wi affection vicieufe, dompter toute paffion crirninelle; la remplir, au contraire, d'un profond refpect & d'un ardent amour pour Dieu, d'une charité finccre pour le prochain ; de toute la pureté de penfées & de défirs convenables k Ja fainteté de notre vo:ation, k des difciples de Jéfus, a des rachetés du Tr 's ITaut, a des bourgeois des Cieux, & des combourgeois des faints. Alors, pukque c'eft de Vabondance du cceur que la bouche parle, aucun difcours cfiminel, peu féant , ou ntlifible ne foitira de la notre, mais feulement ceU;i qui eft propre a édifier; alors, pour m'exprimer avec 1'auteur du Hvre de< Proverbes, notre langue fera fantê, notre bouche une fiurce de vie,la fageffe fe trouvera fur nos levres, cV nous ferons rafdfiés du fruit de notre bouche. Ca) Alors, ö Dieu! notre langue difourra de ta juftice, notre langue fera la plume dun écriyain diligent( b ) nous rendröns ton nom mémor able dans tous les agss, & d caufe de cela les peuples te célébreront d jamais, (c) AMENÜ AMEN! A Dieu foit gloire a jamais. AMEN !• (a~) Ch. XII: (fc) Pf. XXXV vs. 28. (c) Pf. XLV vs. ft & 18»  SERMON HUITIEMË SUR L'EVANGILE CACHÉ AUX EiVTENDUS ET REVÉLÉ AUX PETITS ENFANS. . St. Luc X. vs. ii: Én ce même tems Jêfus fe re jouit en éfpi'ih & dit: je te rends grace, ó Pere / Seigneur du Ciel & de la Terre! de ce que tu as cdchè ces chofes aux fages & aux entendus & que tu les as rivélées aux petits enfant. II eft ainfi, d Pere! paree que tel d été ton bon plaifir. Ne femble t-il pas, M. F. , que Ia Relt' gion Chrétienne que nous avons tous le bonheur de connoitre & de profelfer, & donc ón ne cefie d'éxalter, dans cette chaire Fexcellence, la fublime fageffe, la divinité ; he femble t-il pas que certe Religion de-' vroit compter parmi fes plus zélés fecrateurs', les favans & les fages" du monde ? que ceux' N quot?  ip4 VIII. Sermon, Sur St. jjibX. vs. qu'on vante pour leür pénétration. & leur' gérrie devroient les premiers en découvrif les divins caraétères ; confacrer leurs talens & 'leurs- veilles k les dévoiler aux yeux des fimples Sc des ignorans, & a les défendre contre les libertins & les impies qui ofent les nier, ou les noircir ? Mais, helasl en jettant un coup d'ceil fur 1'état aétuel du Cnrittianifme, nous découvronS un fpectacle bien différent. Dans tout ce qui prétend au titre d'efprit fort 8c de génie, nous voyons fes ennemis déclarés ; les fages du monde cherchent k faire briüler leur prétendue fageffe en traitant cette Religion d'impofture, ou du moins en affectant & répandant des doutes fur fa célefte origine ; & ïe beau nom de Philofophie eft devenu la ijvreé de 1 incrédulité, pendant que le Chrétien eft traité d'efprit foible, de petit génie; fa foi, d'aveugle crédulité, fon zêle, de fanatifme , fa piété, de fuperftition. Tout cela, M. F., ne pourroit - i! pas former un préjugé contre la Religion Chrétienne? tout cela ne pourroit - il pas faire regarder nos éloges comme fufpects , & les fondateurs du' Chfiftianifme comme des hommes qui ont feu profiter habilement des ténêbres de leur fiècle? Bien loin de Ik M. F., & celui pour qui cette circonftance deviendroit une occafion de chute, ne montreroit que fon ignor  VIII. Sermon, Sar St. Luc X. vs. 21. 105 ignorance de Ia nature du Chriftianifme .& de Ia profonde fageffe de fon Divin Auteur. Ce dernier Ie favoit bien, & lui-même a déclaré pofitivement , que la Religion qu'il venoit enfeigner aux hommes n'étoit pas faite pour ceux qui prétendent au titre de Jages & d-ent en dus; que ce n'étoit point parmi des hommes de ce caraétère, qu'il s'attendoit a trouver des difciples. Et bien loin de s'en allarrner pour fhonneur & le faccès de fa doctrine, il fen réjouit en ejprit, Comme nous le voyons dans notre texte; il loue & glorifle fon pere célefte , de ce qu'il a permis que les vérités qu'il annonjoit., demeuraffent cachés aux yeux des fages & deg entendus, & ne fuffent revéiées qu'aux petits enfans ; reconnoiffant . dans cette difpcnfation un témoignage fenfible de fon amour & de fa bienveuillance pour Ie genre humain. M. F., en choififfant ces paroles remarquables de notre Sauveur pour Je fujet de notre méditation, nous ne nous fommes pas feulement propofés d'en éclaircir Ie véritable fens; mais fur tout de vous munir contre ce préjugé dont nous avons parlé, de vous faire confidérer Ia réjection du Chriftianifme' par les faux fages du fiécle, fous Ie même point de vüe que la confideroit notre divin maitre; afin qu'au lieu d'être pour vous un fujet de fcandale vous vous en réjouiffiez N % plat*  596 VIII. Sermon, Sur Si. LucX.vs. éi:-. plutót en efprit & vous en rendiez grace h votre pere célefte. Dieu veuille que ce foic Je fruit de nos efiörts & de notre attention! Ainfi foit-il! Commenjons par écarter les faux fens qu'on pourroit donner a notre texte, & fixons le véritable. Pour y réuflïr il eft néceifaire de faire attention a la circonftance dans laquelle le Sauveur prononca ces paroles. Selon notre Evangile , ce fut k 1'occaf3on du retour des foixante & dix difciples & du rapport qu'ils firent de leurs fuccès. Mais St. Mathieu qui attribüe au Sauveur les mêrnes paroles les place après les vifs & fanglans' reproches que Jéfus venoit de faire aux juifs incrédules, & particulierement k quelques villes qui s'étoient fignalées par leur incrédulité; reproches que St. Luc place immédiatement avant le rétour des foixante & dix difciples. Ces deux circonftances, vous le voyez, M. F., ne font pas affez éloignées pour qu'on ne puiffe fuppofer avec quelques interprètes qu'elles n'en font qu'une, & que le Sauveur ne prononca qu'une fois ces paroles Cependant il n'eft pas abfolument néceffaire de recourir k cette fuppofition, puisque ces paroles font trés bien placées après les deux circonftances, & qu'il eft afTez proba. tle que le Sauveur les aura prononcées plus  • VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. 21. 19? d'une fois pour inculquer d'autant mieux cette importante vérité dans 1'eiprit de fes difciples. En cc\ même tems, dit St. Luc, Jéfus fe ré]0uit en efprit, & dit, je te rends graces 6 Pere! feigneur du ciel & de la terre; c'eft ^ dire, immédiatement après, & a 1'occalïon de ce que le Sauveur venoit de dire, il éprouva une fatisfaction intérieure, un fentiment de plaifir & de joye. St. Mathieu ne nous dit pas que Jéfus fe réjouit en efprit, lorfqu'il pronor^a ces paroles, & la circonftance après laquelle cet Evangelifte Jes place nous en fait fentir la raifon. Le Sauveur venoit de s'occuper de 1'incrédulité des juifs , de leur aveuglement, de leur obitination ; ipectacle affligeant pour fon ame charitable, & qui le force k en détourner fes regards , pour les diriger fur ceux qui feroient un meilleur ufage de fes graces. Mais dans 1'une & 1'autre occafion, tl loue, & glorifie fon pere célefte; il lui témoigne avec complaifance, un acquiéfcement entier k fa volonté. Et quelle étoit cette volonté ? c'eft que Dieu a cdché ces chofes aux fages & aux entendus, & qu'il les a réiélées aux petits enfans. Ces chofes dont le Sauveur parle font les vérités qu'il enfeignoit, la Religion qu'il prêehoit, ce que nous nommons, en un mot, 1'Evangile. Les fages & les entendus font djrectement les N 3 in-.  ?q3 VIII. Sehmon,S^Sa Zï/cX. vs. 21. jncrédules d'entre les juifs, & plus particu= Jieremenc felon SC. Luc, les Pharifiens , les Scri&es cV les Do&eurs de la loi , qui rejetterent le confeil de Dieu d leur égard; & en général ce fonc les hommes de tous les ages qui leur relfemblent. Les petits enfans dont parle le Sauveur, font aufli dircctement Jes juifs qui recurent fa doctrine & crurent en lui, prefque tous des gens de balfe condition & fans lettres, comme on le volt par ceux que nomment les Evangéliftes, & ce font en général tous les hommes en qui fe troüvent les mêrnes difpofitions. Mais dans quel fens Dieu a t'il réyé'é 1'Evangile k ceux-ci, & i'a t'il cdcké aux autres ? feroitce un effet du deffein de Dieu ? n'auroit i! pas voulu que les fages cïf les entendus eonnuffent cette doófrine falutaire ? point du tout, M. F. , puifque la prédication leür en fut faite auffi bien qu'aux autres , ce que jéfus leur reprccha d'en avoir fi mal profité. Ce n'étoit donc pas Dieu proprernent qui leur cachoit 1'Evangile, c'étoient eux-mêmes qui fe le cachoient, c'étoient leurs inauvaifes difpofitions qui les empêchoient de réconnoitre & d'embraffer cette doctrine célefte: au lieu que ceux qui font nommés |es petits enfans, y étoient naturellement portés par les difpofitions contraires. De tout ce que nous venons de dire , il paroit clai-  viii. Se R.m o nj Sur St, Luc x. vs. ci. 199 elairement, M. F., que les actions de graces du Sauveur ne portent point fur ce que 1'Evangile eft cdc/.ê aux fages, mais fur ce qtf/tauf cdché aux fages cs5 aux entendus, il eft revé e' aux petits enfans \ enfin le Sauveur conclut fes actions de graces en exprimant le motif de fa reconnoiifance: 11 eft ainfi, ö Pere ! parceque tel a été ton Ion plaifir. Après avoir fixé le fens de ces paroles, paifons , M. F. , au grand but de ce discours, f our cet effet nous tacherons, J, De vous prouver la vérité de cette pro- pofition de mon texte dans Je fens que nous venons lui donner. Dieu a cdché ces chofes aux fages & aux entendus, & les a rcvélées aux petits enfans. ii. Enfuite nous aurons foin de développer les raifons qui porterent le Sauveur a s'en réjouir en efprit & a en rendre graces d fon pere célefte. Et nous tacberons d'exciter en vous les mêmes fentimens. Continuez-nous, M. F., votre attention religieufe. L Dieu a cdché ces chofes aux fages & aux N 4 en-  2oq VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. 21. entendus, c'eft a dire fuivant notre explicarion: „ Dieu a tellement arrangé le plan de fon ,, Evangile que ceux qui font de la claffe' des fages & des entendus devoient naturellement le méconnoitre & le rejetter , a caufe de leurs mauvaifes dispofitions ; au lieu que „ ceux qui font de Ja claffe des petits enfans \, devoient d'abord le reconnoitre pour ce qu'il e, eft, & 1'embraffer avec ardeur." Pour vous faire fentir la vérité de cette propofition felon le commentaire que vous venez d'entendre, nous allons vous developper les différentes difpofitions, ou vous tracer le caraclère de ces fages & de ces petits enfans; enluite nous en rapprocherons quelques caracfères de cet Evangile qui leur eft prêché ; & par la vous verrez elairement comment & pourquoi il demeure cdcafzux uns, pendant qu'il eft rtvtie' aux autres, I. Que ce ne font pas de vrais fages ni de vrais enfans que le Sauveur défigne par ces dénominations ,• c'eft ce que nous vous avous déja fait remarquer. Les Dofteurs juifs qui «ejetterent PEvangil? & ceux qui en furent les premiers Disciples, ne nous offrent ni 1'un ni j'autre de ces caracléres. Les premiers n'avoient de la fageffe que le nom, les autres n'ayoient de Fenfance que 1'éxempüon des préjugés & d«,s paflions qui dpmineiit les hommei; mais voici  VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. ai. 20T voici ce qu'ils étoient réellement. Notre desfein n'elt pas de vous expofer tous les traits du caraclère des Pharificns, des Scriba, des Sages d'entre les Juifs , de vous faire une longue & fatiguante énumérarion de leurs opinions, de leurs piéjugés & de leurs erreurs; bien moins encore, d'expofcr a vos yeux le hideux tableau de la corruption de leur creur, de vous détaiiler tous les vices déteftables qu'ils cachoient fous le voile d'une régularité apparente; ra;.is que le Sauveur fe plaifoit k leur arracher par une Jutte indignation qu'excitcit chez lui leur hypocrifie, & pour les démasquer k un peuple qui les révêïoit comme des faints. Notre texte ne nous les fait envifager, que comme fages & entendus; & c'eft fous ce feul point de vue, que nous nous contenterons de vous les dépoindre. Le Sauveur ne leur donne de fi beaux noms que paree qu'ils fe les arrogeoient, & qu'ils vouloient paffer pour tels aux yeux des autres. Ce n'étoit pas la fcience, ni la fagelfe qu'ils aimoient & recherchoienr, mais uniquement la confidération & lauéputation qui les fuivent dans le monde; le reliëf, le crédit, 1'autorité, que le nom de favant & de fage procure ordinairement; voila ce qui flattoit leur orgueil & leur ambition. De la 1'afréctarion avec laquelle ils fe faifoient donner les titres de Docfeur & de Maitre. lis fthit toutes leurs a&ions, difoit le Sauveur, en vue N $ 4.h  '202 VIII. S a r m o n, Sur St.Luc X. vs. 2 f, dl" être regardés des hommes; ils airnent les premier es pluces dans les feftins, &f les premiers fi/ges dans les Synagogues, c? les falutations dans les marchês , & cfêtre appelles, notre Do&eur l notre Do&eur ! f7z)Ce même caraétère fe manifefte encore par 1'objet de leur favoir & de leur prétendue fageffe. S'ils euffent aimé Ia vraie fageffe, ils auroient pu la trouver fans peine & fans efforts dans la Révélation dont ils étoient les dépofitaires; la loi de Moïfe leur offroit la régie de tous leurs devoirs, appuyée de tous les motifs néceffaires pour les fake pratiquer autant que 1'imperfecfa'on de cette oeconomie le permettoit. Mais alors ils n'euffent été que Difciples , & ils vouloient ê;re Maitres, ils n'euffent été qu'inftruits & ils vouloient inffruire les .autres. Auffi dcdaignant de fe borner aux vérités révélées qui étoient pour eux & leurs enfans, pour les faire, ils voulurent pénétrer les cho/es cdchées, qui font pour VEternel, (7>) & donnereut dans les rêveries des philofophes Payens fur k Métempfycofe & le Deftin. Ne pouvant ajouter un feul point a la Loi Ecrite fans encourir fanathéme , ils la corrompirent par de fauffês glofes; ils s'attachérent aux traditions, qu'ils cntreprirent- de lui égaler en leur attri- bu.uit (a) Matth. XXIII: vs. 5-8. O) Deut: XXIX. vs. 39.  yill. Sermpn, Sur St.Luc X. vs. 21. 205" buant une autorité divine. Ils multipliérent tellement les préctptts 6c ies fubtilités de cette Loi orale, que la Lei de Dieu en fut éclipfée & disparut en quelque forte aux yeux de la multitude. Enfin ce qui achêve de juftifier le I caraétère que nous leur attribuons, c'eft leur eftime pour toutes les qualités extérieures, brilhtntes, capables d'éblouir; & leur indifférence, leur mépris pour les qualités les plus réeiles, I les plus folides, féparées de celles la. Tels étoient , Chrédens , les fages & les entendus du tems du Sauveur, auxquels il oppofe h i jufte titre ceux qu'il nomme petits enfans, foit I paree que les entendus les confidercient comme I tels j ou plutöt paree qu'ils en avoient 1'heu1 reux caraétère, 1'humilité, la docüité & la bonne foi. Tels furent edectivement les premiers Difciples du Sauveur, ctspauvres & ces petits z qui Dieu a révélé 1'Evangile. Ils ne resfembloient pas aux enfans du cöté de 1'aveugle crédulité & de i'ignorance, comme il paroit par leur maniere de raifonner dont Sr. Jean nous a confervé un exemple dans 1'hiftoire de 1'aveugle né. Ils n'étoient pas felon 1'expres• fion de Sr. Paul des enfans en prudence, mais : de petits enfans en malice.(a) Sans fe parer du titre de fages ils l'étoient réellement , paree '| qu'ils cherchoient Ia vrr.ïe fageffe, celle qui en les Ca) 1 Cor. XIV: vs. &  VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. sr, les fanctifiant devoit les conduire au bonheur éternel. Enfin 1'humble & jufte idee qu'ils avoient des barnes de la raifon humaine leur faifoit comprendre que ce n'étoit pas en eux. mêrnes qu'ils pourroicnt trouver cette faaeffe, & leur donnoit 1'humilité & la docilité nécesfaire pour recevoir la vérité de quelque part & de quelque maniere qu'elle püt leur être préfentée. Voilk, M. F. , les deux claffes d'hommes que Ie Sauveur défigne dans mon texte , voila les deux genres d'auditeurs k. qui 1'Evangile eft prêchd, mais avec des fuccès bien différens. Voyons k préfent quels font les caractéres de cette Doctrine Evangelique, & vous fentirez bientöt la raifon de cette différence; vous comprendrez que les uns devoient naturellement la rejetter, pendant que les autres rembralferoieat avec la plus vive. ardeur. II. Vous le comprendrez, M. F , fi vous faites attention i". d'abord k la Nature dè la doctrine, qde 1'Evangile enfeigne. Ce ne font pas des vérités abftraites, uniquement propres a éxercer Fefprit, k faire briller fa pénétration, & fa fagacité; non ce font des vérités, qui ne doivent paffer par fefprit que pour aller au coeur & diriger la conduite. Et par cela même des vérités fimples , k la portée des génies les plus bornés. C'eft-ce qiü paroit évi- dem.-  Vliï. Sermon» Sur Sa Luc X. vs. 2i". 265 demment par les difcours du Sauveur & lés Epitres de fes Apötres qui confiftent presque, pour Ia plus grande partie, en exhortations, en direétions & en préceptes, dont faffemblage nous offre la régie claire & facile de tous nos devoirs. Si FEvangile nous enfeigne auffi des vérités d'un autre genre, qui ne femblent avoir qu'un rapport éloigné k ce but, & offrir plus a la fpéculation qu'Ji la pratique; ce n'eft pas par ée cöté quil nous le préfente, c'eft uniquement du cóté pratique que nous fommes tenus de les envifager. Si cet Evangile nous parle de Dieu, ce n'eft pas pour nous faire fonder les profondeurs impénétrables de la nature de cet Etre infini; mais pour nous le faire connoitre fous les rélations fi fimples d'un Créateur i qui tout 1'Univers doit fon éxiftence & fa confervation, d'un Maitre qui eft en droit de nous prefcrire des loix, d'un LégiJJateur qui nous ies prefcrit effectivement, & dun Juge k qui nous devons rendre compte de notre adminiftration. Si 1'Evangile nous parle de notre ame & de fon immortalité, ce n'eft pas pour que nous nous tourmentions a pénétrer le myftére de fa nature, de fon union avec le corps, , & de fon éxiftence hors du corps; mais pour i que nous foyons perfuadés qu'en mouranc 1 nous ne ceftbns pas d'éxifter, qu'une par de de nous mêrnes furvit k la dilfolution de 1'autre, &  so6 VUT. Sïumon, Sur St.Luc X. vs. ai' & fera capable de recevoir Jes peines & les récompenfes que nous aurons meritées. S'il nous parle d un Médiatcur, Dieu & homme mort pour nes offenfes, ce n'eft pas pour que nous nous engagions dans Jes difcuffions d'une Théologie épineufe, fur Jes droits de la juftice djyirie,' que nous dérerminions ces queftions oifeufes , fi Dieu ne pbuvoit pas nous pafdonner fans fatisfaèiion , & fi ]a mort de Jéfus Chrift étoit Ja feufe fatisfaction puflible ; mais uniquement pour nous faire fentir combien Dieu hait Je pêché, pour calmer Jes remords d'une confcience coupable mais pénitente, & nous infpirer cette confiance néceifdre pour aller au tróne de la grace. II en eft- de même de tous Jes autres dogmes, s'ils ont un cóté obfeur qui pourroit donner Jieu a de ftériles recherches ce n'eft pas de ce cóté que 1'Evangile nous les préfente,. ce font les c/wfes edekées qui ne font que pour PEtemel ■ mais encore une fois, c'eft uniquement du cóté clair, fimple, & pratique, a Ja portée de routes- fortes d'efprits. Telles font Jes vérités que 1'Evangile enfeignè également aux entendüs & aux: petits enfans; ceux-ci y trouvant i'objet de leurs défirs & de Jeurs vosux doivent Jes recevoir avec empreflement & les embrafler avec ardeur dès qu'elles leur font offertes? mais  VlII. S e r m o n, Sur St. Luc X. vs. ai. 207 mais peüt-on s'attendrc qu'il en fera de même des C*1 des entendus ? il leur fauc ; des doctrines dont la connoisfance puiife les diftinguer du vulgaire ignorant; & voici des vérités que les plus petits d'entre les hom- I mes peuvent également faifir & comprendre ; des vérités qui leur apprennent que du cóté des chofes néceifaires, ils font aul hiveau des autres hommes , <& que ce qui les en diftingue n'eft que vanité. Une doc- ! trine fi mortifiante pour leur orgueil ne devoit-elle pas leur demeurer cachée ; c'eft k I dire, ne devoient - ils pas naturellement la méprifer & la rejetter? 20. Mais du moins fi ces chofes quelques fimples & claires qu'elles foient, étoient au dela des mers, (a) pour que les fages & i les entendus puflent avoir la gloire de les en apporter; fi elles étoient encore dans les cieux pour qu'ils les en puflênt faire deseendree mais non, elles font fous nos yeux & dans nos mains, & voila encore ce qui les leur cache. Je veux dire, M. F., qu'ils n'auroient pas tant d'éloignement pour 1'Evan; gile, s'il fe contentoit de foumettre k notre l examen les vérités qu'il enfeigne, s'il nous ; laifloit le foin de décider de leur déeré de cer- («Ö Deut. XXX; vs, 12 -13.  a<ïï VUL S e r bi o n , Sur St. Luc X. vs .at. s, un autre arrangement, aux montagnes de „ s'applanir, aux flots de s'éJévër, a la terre „ de prendre un autre afpeéï, prétendant „ qu'k de telles merveiJIes, ils reconnoitroient „ d'abord le maitre de la nature." Prétentions, non moins orguedleufes qu'illufoiresr en effcc feroit il digne d'un Dieu bienfaifant de bouleverfer Ja nature , pour convamcre des hommes qui réfiftent a la conViétion ? Mais ces prétentions devoient naturellement obfcurcir aux yeux des fages & des entendus tous ces divins caraótères dé 1'Evangile, lefquels ne pouvoient être appereus que par les petits enfans, c'eft- adire, Jes limples & Jes humbles. Ce n'eft donc que dans les différentes difpofitions de ces deux claflês d'hommes qu'il faut chercher & qu'on peut treuver la raifon pourquoi 1'Evangile eft caché aux uns, pendant qu'il eft rèvèlè aux autres. Confiderons èpréfent, M. F., Jes fentimens que cette circonftance humilfante, en apparence, pour Ja Religion Chrétienne, excita chez fon divin Auteur, & apprenons k révêtir, & fon exemple , les mêrnes fentimens. C'eft tout ce qui nous refte a vous propofer. II. II faut bien, M. F., que cette circcn* ftan:  • VUL Sermon, Sur St. Luc X.vs. 21. 213 "ftance ne foit humiüante qu'en apparence •pour la Doctrine chrétienne , & qu'elle lui foit glorieufe en efföt; puifime le Sauveur s'en réjouit en efprit, & en rend graces d fon Pere célefte- Examinons, M. F., ce qui fondoit en iéfus Chrift ces fentimens de joye & de reconnaisfance, & vous verrez qde les mêmes caufes doivent produire, chez nous, les mêmes effets. I. II eft ainfi, 6 Pere! farce que tel a été ton bon plaifir. Voila , M. F , la raifon pour laqueile le Sauveur fe réjouit en efprit, & rend graces d fon Pere célefte d'une circonftance qui pouvoit fembler humiliante pour fa Doctrine. Cette même confidération de la volonté fouveraine de Dieu, fervic plus d'une fois au Sauveur a le faire acquiefeer avec joye , k ce qui d'abord lui fembloit dur & difficile k fupporter. Lorsqu'en Gethfémané, 1'idée du fupplice & de 1'ignominie qui 1'attendent, remuent toutes les puiffances de fon ame , la pénétrent de trifteffe jufques k la mort, & font couler fon fang par grumeai;x, la feule penfée que telle eft la volonté de fon Pere le ranime, reléve fon courage abbatu, lui rend fa fermeté avec fes forces. Ici la même confidération s'offre k fon efprit, perfuadé de la puiffance infinie de fon Pere, auquel O 3 il  tbs Vin. Sermon, Sur Si. LücX. vs. kit certitude, & le choix de les rejetter ou dé les admettre; en un mot, fi 1'Ecriture n'avoic d'autre autorité que les écrits d'un Philofophe. II eft vrai, M. F., que quelques fages & entendus de notre fiécle ont voulU nou* perfuader que c'eft la véritablement fefprit de la foi chrétienne; mais il n'eft pas moins vrai qu'ils la défigurent & la perveftiUent, & que ceft ramèner fous fon fantóme un Deïsme affez mal déguifé. Non, les vérités que 1'Evangfe nous erfleigiie, ii ne les préfénte pas k notre raifon pour les éxaminere mais k notre foi pour les croire, Après nous être convaincus par des preuves luffifantes que c'efi: Dieu qui parle dans nos lïvres facrés , tout ce que nous y trouvons elairement exprimé, nous fommes obligés dé 1'admettre comme certain & indubitable. Si les chofes que nous y lifoils ne font pas1 claires de tous les cötés, fi quelques unes' nous paroiffent incompréhenfibles, fans renfermer rien de contradictoire, c'eft alors le cas de foumettre nos foibles 1'umiéres a celles de 1'Etre qui fcait tout, & de nous contenter d'être favans de fa feience. En un mot la foi chrétienne ne cohfifte pas k recevoif 'comme certaines les vérités de 1'Evangile fur les démonftrations que la raifon pourroié én donner, mais fur f autorité de Dieu, dont 1'Ecriture eft la parole. Une tefle Doctrine  VIJL Se R M o n j Sur St. Luc X. vs: 21. sop' trine devoiü die plaire aux fages & aux entendus? non fans doute., puis qu'ils ne poujj voient Ia recevoir qu'en renoncant il leurs : prétentions & a leurs titres faftueux. Pour I vous, nous dit le Sauveur, ne foyez point I appeilés nótre maitre, car Chrift eft Jeul 4 votre Doeteur, & vous êtes tous freres. (a) Mais I comment fe foumettront - ils a cette autorité, • eux qui voudroient faire autorité par euxmêmes? Non» rompons ces Hens, difent-ils, 1 & jeitons loin de nous ces chaines. ( b ) Soutenons „ que les révélations ne font que „ dégrader Dieu, en lui donnant les paffions „ humaines " & concluons enfuite, qu'il n'y ; a point de révélation. Et voila comment 1 leur orgueil révolté par ce fecond caractère I de 1'Evangile, dispofe encore leur efprit a en méconnoitre & en combattre la divinité; pendant que les fimples & les petits en\ fans, ne demandant qu'a être inftruits, Sc 1 aifurés des vérités qui intérelfent leur falut 1 écernel, devoient fe foumettre avec joye k Fautorité de 1'Evangile, ne. pouvant défirer' 1 & choifir un maitre & un doeteur plus éclaire, & moins capable de les trompèr qu&' I Dieu lui - même. 3. Con«" 10) Matth. XXin. vs. 8, (6) Pf. II. vs. 3. O  aio VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. 21. 3. Confidérons enfin un troifième caractére de la Doctrine Chrétienne, que le Sauveur avoit, peut-être directement en vüe. Comment Dieu nous a t'il parlé? a quelle marqué veut il qu'on reconnoilfe Ia divinité de fa parole? C'eft, vous le favez M. F., par des bouches humaines qu'il nous a fait entendre fa voix. Et qui font ceux qu'il a choifi pour fes organes? vous le favez encore, des homme-- trés ordinaires, deftitués par leur origine, leur ran , leur profeflion, leurs qualités, & leurs talens perfonnels, de tout ce qui pouvoit exciter 1'attention, 1'admiration & Ia déférence. Jéfus Christ lui même , cn qui toute plénitude de la Divinité ha* bitoit corporellement; (a) ne fut a 1'extérieur qu un homme fans forme ni apparence , comme un rcjetton fortant d'une terre altific. (b) Ses Apótres quoique remplis du St. Efprit, n'etoient que des pècheurs qui avoient quitté leurs filets pour le fuivre, des hommes fans éducation, fans lettres, fans fafiueufe éloquence. Ils étoient, a la vérité, munis d'un fceau qui ne pouvoit faire méconnoitre leur divin caraétère. En les voyant commander a la nature pouvoit on fe déguifer a foi - même qu'ils étoient envoyez par fon Auteur? Mais s'iis (a) ColofT. II: vs. 9. 0) Efaie LUI. vs. a.  Vllf. Sermon, Sur Sr. Luc X. vs. at. 211 s'ils faifoient de vrais miracles, c'étoient enccre. des miracles fans éclat, fans pompe , des malades guéris, quelques morts reffufcités , des aifamés raffafiés dans un défert, des miracles qui fembloient deflinés a manifefter plutóc la charité, que la puiffance de celui qui les opéroit. Tant de vraie grandeur, fous une apparence fi fimple, fuffifoit pour ces petits enfans, cherchant k fe convaincre que ceux qui leur préchoient une doctrine 1 celéfte, leur étoient envoyés par le Maitre du Ciel & de la Terre. Mais cette fimplicité . offroit un nouveau piége k 1'orgueil des fages & des entendus. Quelle apparence que Dieu ait pu choifir pour les organes de fa parole, des hommes fi petits, fi vils, fi méprifables k leurs yeux! Si Dieu a voulu parler aux hommes pourquoi n'en " ont ils rien entendu ? pourquoi des hommes doiventils leur dire ce que Dieu a dit? Ces miracles, k la fois fi grands & fi fimples, qui montrent avec tant d'évidence la main d'un Dieu auffi bon que puiffant, tout cela n'eft a leurs yeux qu'impofture, ou bien 1'ouvrage du Démon; pouf les Pharifiens, il leur faut . des miracles d'un autre genre, ils demandent un figne dam le Ciel. Ils vouloient fans f doute comme les fages & les entendus de j nos jours, „ qu'il ordonnat au foleil de ] ehanger fon coiiijs, aux étoiles de formey Pa «^  £14 VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. 21I il s'adrelTe comme au Seigneur du ciel & de la terre, & de la dépendance abfolue ou tout ce qui éxifte fe trouve de fes volontés, il en conclut, que fi fon Pere 1'envoye pour le faire reconnoitre comme le Sauveur du genre humain, & que parmi ces hommes il fe trouve des fages & des entendus qui le rejettent, ce n'eft pas que Dieu ne püt le forcer a le reconnoitre pour ce qu'il étoit, que celui qui tient les coeurs des hommes en fa main , ne put !es plier a fon obéiffance; mais e'efl qu'il ne le vouloit point, paree que cela ne convenpit pas aux vues de fa fageffe & de fa bonté; & dèflors il acquiefce a cette volonté fuprême avec joye & avec reconnoiffance. La même confidération ne doit elle pas , déja, M. F., exciter en nous Jes mêmes fentimens. Les chofes invifibles de Dieu nous font affez manifeftées par la contemplation de fes ouvrages, pour que nous foyons convaincus qu'en lui réfident une puilfance fouveraine, une intelligence diverfe en toutes fortes, une bonté, une équité, une justice qui ne peuvent jamais fe démentir. Par conféquent, nous devons acquiefcer de bon coeur & avec plaifir a toutes les volontés reconnues d'un tel Etre, foit que nous én penétrions les raifons, foit qu'elles nous demeurent cachées. Comme dans la Nature  VIII. Sermon, Sur St, LucX. vs. ai. 2ï< re , nous concluons de 1'ordre qui s'y manifefte, que c'eft un Dieu, ami de 1'ordre qui en eft i'auteur, & que les chofes qui nous paroiffent contraires h cet ordre doivenc ncceffurement s'y rapporter; nous devons penfer de même p:r rapport k Ja Réligion. Convaincus par des preuves que nous ne faurions combattre, que c'elt Dieu qui en efl 1'auteur; des difficukés que nous ne pouvons aauellement réfoudre, ne doivent point ébranler notre foi, & nous jetter dans le doute, mais nous devons les mettre fur le compte des hornes de notre raifon. Quelle que fut donc 1'abjeétion réelle du Chriftianifme dans le monde, i nous ne devons pas en être fcandalifés. i Quelques fages cc entendus que prétendent être ceux qui le réjettent, nous devons être : "convaincus que c'eft un effet de la volonté de Dieu , & par conféquent d'une volonté jufte, fage & bonne. Nous devons a 1'e- : xemple de notre Sauveur nous rèjouir en efprit, & rendre grace au Pere, Seigneur du ciel & de la terre , de ce quil a cdché ces chofes aux fages & aux entendus & qull les a révélées aux petits enfans. II eft ainfi, 6 Pere ! parceque tel a été ton bon plaifir. II. Mai>, M. F., quo:que cet acquiefcement implicite a la volonté de Dieu, ait pu offrir O 4 un  aiö VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. ai. un fondement folide aux fentimens que Ie Sauveur manifefïe; ne doutons pas que celui qui connoiifoit tout le confeil du Pere, n'ait fgu pourquoi Dieu edekoit ces 'chofes aux fages aux entendus, & ne les rêviloitqu'aux petits enfans. Et quoiqu'une connoiffauce certaine de la volonté de Dieu éxige toujours une foumiffion joyeufe & reconnoiflante de notre part, il nous eft cependant permis de rechercher modeftement, & autant que nous en fommes capables, les raifons de cette volonté, & declairer ainfi 1'acquiescement que nous lui devons. Oui, M. F., cette difpenfation de 1'Etre fuprêrae nous offre un témoignage fenfible de fa bienveuillance envers le genre humain, Remarquons d'abord que les hommes étant des êtres raifonnables & libres, comptables de leurs aétions, & Dieu voulant les treiter comme tels, il ;)e pouvoit fans contradiélion les forcer a embraifer la Religion qui leur étoit offerte. Or, les hommes fe trouvant dans des difpofitions fi direétement oppofées, il étoit impoflible que la même Religion put leur plaite également, qu'ils y acquiefgaffent librement les uns & les autres, & 1'embraffaffent tous avec une égale ardeur. Au contraire elle devoit naturellement demeurer cachée aux uns pendant qu'elle feroit révélée aux autres. Lz Religion révélée aux petits ep/ans, fi fimple év fi complette dans 1?§  VUL Sërmon, Sur St: Luc X. vs. 21. 217 les vérifés qu'elle enfeigne; fi proportionnée a leurs facultés par 1'autorité 'divine dont elle les munit, & le fceau aüquel cette autorité fe fait reconnoirre, cette Religion ne convient point aux fages & aux entendus, & leur demeure ' cdchée. Une Rehgion qui auroit convenu aux fages & aux entendus,' feroit demeutés cachée aux pedts enfans ; furchargée de vérités abftraites, inutile pour la pratique, propre féülembnt a éxercer & a arnufer fefprit; fa doctrine eut été tout a fait au delfus de leur portée. Sans autorité divine, établiffant la raifon pour juge de chacune de fes vérités, elle les eut laiffés dans le doute, ou leur eut fait confumer a vérifier toutes ces chofes, un tems entiérement defiiné k les pratiquer. Tout autre fceau que celui des miracles, n'eüt pas frappé affez promtement & affez vivement leurs efprits. Ce qui convenoit aux uns ne pouvoit en même tems convenir aux autres. II ne s'agit donc que de favoir comment Dieu devoit agir conformément a fes perfe&ions, & pour le plas grand bien du genre humain? Et alors il paroit éyidemment que .ceft en faifint ce qu'ü a fait, en cdchant ces chfes aux fages & aux ent en du s , & en les rèvilant aux petits enfans. En donnant une Religion agrèable aux fages , Ö9 cachée aux petits enfans, Dieu neut favorifé que la moindre partie du genre humain, qu'un petit nombre O 5 d'hpm-  f iS VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs.ii. d'hommes qui ne fe font remarquer que par leur affectation de fe produire, & par 1'importance qu'ils fe donuent a eux-mêmes; mais qui fans cela demeureroient perdus parmi ces millions de petits & de fimples, que la vanité & 1'orgueil des premiers femblent ne compter pour rien. En dounant une Religion agiéable aux fages, & cachée aux petits enfans, Dieu eut entretenu 1'oifiveté de ces hommes qui confument tout leur tems a des fpéculations, k des recherches qui n'ont fouvent d'utilité qu'k leurs propres yeux, pendant qu'il eut furchargé d'études indifpenfables ces millions de petits & de fimples, que les befoins les plus prefikns obligent a un travail fans relache, fi utile & fi néceflaire a la fociété. En donnant une Religion agrêabk aux fages, & cachée aux petits enfans, Dieu qui réfijle aux orgueilleux, eut flatté óc nourri les paflions d'un petit nombre d'hommes, a qui ces mêmes paflions cachent feules une Religion deftinée, non k entretenir.nos vices, mais k les déraciner de nos cceurs, & a y faire gemier & fruclifier toutes les vertus; pendant que lui, qui fait grace aux humbles, fut demeuré fourd aux voeux & aux prieres de Fhumilité, en refufant d'inftruire ceux qui connoiflant les bornes de leurs lumières & fi fcience infaillible, ne deman' doient d'autie Doeteur que lui. Voila, M. F., ( des confidérations plus que fuffifantes pour vous ' per-;  VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. ai. 219 perfuader que fi 1'Evangile eft cdché au» fages gj? aux entendus, ce n'ell pas une raifon qui doive nous faire douter de Ion origine célefte, puisque ce caraétère doit la confirmer a nos yeux. Une Religion fouveraineraent digne ; dun Dieu bienfaifant, le Créateur, le Pere , 1'ami des hommes.! Une Religion fouveraineraent adaptée k notre nature & a notre condidon! Une Religion qui envifage le genre humain, i non d'une maniere fuperficielle & incomplette, mais dans fon véritable état, & dans tous fes befoins, en un mot, comme il n appartient qua fon Auteur de le confidérer! .Voila les caractères que Pabjeéïion apparente du Chris- l tianisme, nous y a fait remarquer. Et nous rougirions d'une telle Religion ? & nous ferions tentés de la méconnoitre & de la rejetter ? Non, divin Jéfus, notre maitre & notre Sauveur! a ton exemple, nous nous réjouiffons en efprit, et nous te rendons graces, ó Dieu notre pere, Seigneur du Ciel et de la Terre, de ce que tu as cdchè ces chofes aux fages et aux entendus, et que tu les as révélées aux petits enfans. 11 tft ainfi, ó Pérel paree que tel a été ton hon plaifir. Nous ne faurions nous réfoudre k terminer ce difcours, fans vous avoir munis contre une conclufion qui ne réfulte pas naturellement, il efl vrai, de ce que nous venons d'entendre; mais qu'il eft è craindre pour-  120 VIII. Sermon, Sur St. Luc X. vs. ii. pourtant que plufieurs n'aiment k en tirer. C'eft qu'il faut regarder le favoir comme un figne de réprobation, & 1'ignorance comme le caraétère des élus de Dieu. Si la pareffe naturelle a 1'bomme avoit induit quelqu'un de vous, M. F., dans cette dangereufe erreur , ce feroit une preuve évidente qu'il n'auroit écouté notre difcours que bien fu« perficiellement. Nous vous avons montré, il eft vrai, que l'Lvangik dtmcurc naturel, lement cd dié aux fages ti? aux enten dus; mais eft-ce leur fageffe ou leur fcience qui en eft la caufe ? non fans doute, nous 1'avons montré encore, c'eft uniquement le motif qui les porte a ufurper ces noms de fages & d'entendus. La vanité, 1'orgueil, J'ambition de fe diftinguer des autres hommes & d'être les doèteurs du genre humain, voila les difpofitions qui éloignent naturellement du vrai Christianisme, & que nous ne faurions affez vous exhorter h fuir de toutes vos forces. Mais la vraïe fageffe, le vrai favoir. en eux-mêmes, au lieu d'éloigner ceux qui les poffèdent de 1'Evangile, les y conduifent furement & les y attachent avec zéle: nous pourrions en produire les plus illuftres exemples s'ils n'étoient univerfellement connus. L'ignorance au contraire mêne a la fuper. ftition, & nourrit le fanatisme, qui font les ennemis les plus dangereux de la vraïe Reli-  VIII. Sermon, Sur St. LucX. vs. èi. ml h'gion. Non, fans doute, M. F., nous 1'avons dit expreifément, le caraétère de ceux a qui 1'Evangile efl révélé, c'eft un vrai defir de connoitre toutes les chofes néceffaires au bonheur & au falut, accompagné de fhumilité, de la docilité & de la bonne foi, qui caraetérifent l'enfance. Croyons aveuglement, Chrétiens, ce que Dieu nous a dit; mais ne i le faifons qu'après nous être convaincus par un férieux examen, que Dieu lui-même a parlédanslelivre que nous, nommonsfa pa ole, 1 & qu'il y a elairement exprimé ce que nous croyons. Ne cefTons jamais de travailler chacun, felon que nos circonftances nous le permettent k éclairer & fortifier notre foi par la leéture & Ia médiration, nous tenant feulement en garde contre une vaine curiofité, & contre toute préfomption téméraire & orgueilleufe de vou- t loir connoitre & décider au delk de ce qui eft écrit. Si nous fommes guidés par un fincère defir de notre falut, de reconnoitre & de fuivre la route qui peut nous y conduire; ne craignons pas de nous tromper, ou que ees chofes nous demeurent cachées. Croyons Ia parole de notre Divin Sauveur, fi quel- i qu'unr dit il, veut faire la volonté de mon Pere , il connoitra de la do&rlne, favoir fi elle 1 eft de Dieu. (a) Et perfévérant dans de fi i falutaires dispofitions, nous irons de foi en foi, de Ca) Jean VII; rs. 17,  S22 VUL S e r m o nt, Sur St. Luc X. vs. 21. <& vertu en vertu, jufqu'au moment heureux oü cette foi fera changèe en vue, et nos efpèrances en poffejfion, ou. tous les miftéres du Royaume des Cieux nous ferons pleinement révélés, oir nous ferons rendus femblables au fils de Dieu, en fcience, en fageffe, en fainteté, comme en bonheur & en gloire. Dieu nors en faffe a tous la grace. AM" N1 AMEN! SER*  22| SERMON NEUVIEME SUR LA CONFIANCE EN DIEU. Genese 22. vs. 14, 'En la montagne de F Eternel il y fera, pourvu. ]VÏes Freres, Iesexprefllonsproverbialesqué nous venons de vous lire furent occafionées : par un evenement que nous allons vous rappeller en peu de mots, pour vous faire entrer d'abord dans le vrai fens de notre texte. Le fcrutateur des coeurs, qui connois- 1 foit la fidélité de fon ferviteur Abraham, mais qui vouloit la faire éclater au dehors par un témoignage non équivoque , & la propofer en éxemple aux fidèles des fiècles ia venir, jugea a propos de la mettre a répreuve. Prem ton pik , dit 1'Eternel a Abraham, ton unique, celui que tu aimest ; IJaac, et t'en va au payt de Morija et l'offre ïla en. hl9cau/le- c'eft k dire, fie de tes pro. prei  IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14; pres mains cet objet de ta rendrefiè, étens» lè fur un autel, plonge Je couteau dans fort fein , verfe fon fang, öte fes entrailJes, coupe ]e corps par quartiers, & après que les flammes en auront confume' fous tes yeux la fubftance, jettes en les cendrcs au vent. Le St. Patriarche ne fachant point réfifter aux ordfes du Ciel que's qu'ils foient, fe met aufïïtót en devoir de les éxécutef. II fe léve de bon ma tin; prend deux de fes ferviteurs avec lui et Ifaac fon fils; et aiant f endu le bois pour fholoiaufte, il fe mtt etï chemin & s'en alla au lieu que Dieu lui avoit dit. Abraham non content de combattre la douleur qui le déchire a encore ia force de la eacher & Ifaac marche avec lui comme un innocent agneau , qui dans 1'ignorance du fort qui 1'attend fuit gaiement fon conducteur a la tuerie. Arrivés au pied de la montagne,'Abraham dit a fes ferviteurs, demeurez ici; moi & F'enfant marêhërohs jufques ld & adorerens, après quoi nous reviendrons d voïiij Abraham n'oöblié point le - bois de 1'holocaufte & le charge fur la viftime qu'il devoitconfumer. 11 prend lui même le fu & un couteau en fa main, & ils sen vont ainfi tous les deux. Pendant cette trifte marche Ifaac, tout étonné de ces préparatifs d'un facrifice fans appercevoir la viótime, adrelle k fon pere ces paroles fi propres a lui ce-  ]X. Sermon, Sur Génefe 22. vs. 14. 225 chirer 1'ame & ri défarmer fon coüragé; Mon Per tl voici le feu & le bois, mats oü efl la béte pour l'holocaufie ? La fidélité d'Abraham triomphe de ce nouvel affuit j ne voulant point affliger d'avance Jfaac, il a la force de lui répondre , Mon fils! Dieu fis pourvoira lui-même de la béte pour l'holocaufie! & ils continuerent a marcher. Arrivez enfin au lieu redoutable oü devoit fe livrer ce grand combat entre la Religion & la Nature, Abraham y batit un autel, arran* ge le bois, & obligé d'inflruire enfin Ifaac des ordres du ciel, il trouve chez cet enfant un acquiefcement égal au fien. La vicfime efl liée & étendue fur l'autel, déja le facrificateur 1'empoigne, Ie couteau fe léve ; mais une main invifible arrête le bras d'Abra* ham. Un Ange du Seigneur lui crie; ne mets point ta main fur l'enfant & ne lui fais rien! Ton Dieu n'eft pas un Dieu barbare , ta foi & ton obeïffance ont éclaté par le témoignage Ie moins équivoque! C'en efl: affez! Alors Abraham leve les yeux, &voit un bélier qui étoit retenu d un buiffon par fes cornes; il le prend & l'ofire en holocaufie au lieu de fon fils. EproUvant ainfi l'acCompIhTement le plus heiueux des paroles qu'il avoit dites a Ifaac, & voulant éternifer le bienfait de Dieu & fa confiance, il nomma ce lieu, l'Eternel y pourvoira. Et, ajoute 1'hiffoP  220" IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14. rien facré, it ld vient qu'on dit au jour $ hui parmi les enfans d'Ifraè'l; en la montagne de l'Eternel il y fera pourvu. C'eft k dire que Je fouvenir du nom donné par Abraham h cette montagne & de i'événement qui y donna lieu fe perpétuant parmi fes enfans, il paffa en proverbe, & que pour manifefter en d'autres occafïons la même confiance qui anima ce Patriarche, ils fe fervoient de ces expres- fionS EN LA MONTAGNE DE L'eTEKNEL 1 l y sera pour vu. C eft de ce fentiment exprimé avec tant d'énergie dans ces paroles* que nous avons deffein de vous entretenir & cette heure, &. cela dans un doublé but; pour vous en montrer 1'ufage & pour en prévenir 1'abus, voici, pour cet effet, 1'ordre que neus allons fuivre. I. D'abord nous vous expliquerons la nature de cette confiance en Dieu exprimée dans les paroles de notre texte; & vous verrez dans combien d'occa/ions ce fentiment nous eft utile & nècejjdire. II. Dans un fecond article nous vous montrerons que ce fentiment fi utile eft encore fouverainement raijonnable & appuyi fur les plus folldes fondemens. III. Dans un troifième & dernier nous vous  IX. Sermon, Sur Gencfe £2. vs. 14. 227 vous ferons voir que ce fentiment fi raifonnable ne 1'efl pas toujours, parceque ce n'eft; (pavee certdihes dijpdfitïom que nous pouvons dire; en la montagne de lEterncl il yfifd pourvu. C'eft tout notre deffeiu & tout ie fujet de votre attention reh'gieufë; Dieu vcuille be'nir nos communs efforts par fa grace, afin qu'ils nous dëviennént falutaires. Ainfi foit-il! I. En la montagne de VEternel &c. Quelle eft i Ia nature du fentiment exprimé par ce proverbe? C'eft le^i". objet de notre examen. Nous avons déja exprimé ce fentiment par le terme général de Con/Jance en Dieu; ; mais ce terme dès qu'il efh général n'exprime 5 auffi qu'une idéé vague, il faut donc le restreindre & déterminer de quelle confiance nous voulons vous entretenir. Nous avons uniquement en vue celle que nous devons 1 mettre en Dieu, & qui fe rapporte a nos intéréts temporels, a la confervVtion de nos . corps & de nos biens, au fuccès de nos desfeins, de nos entreprifes, de nos travaux; en un mot k tous les événemens qui peuvent nous affecter ici bas , foit en bien foit en mal. Nous fommes trés éloignés de con] noitre toutes les caufes fecondes qui agiflent P a dans  £s8 IX. Sermon, Sur Gcnefe 52, vf. 14, dans Ia nature; fi le Phyficien eft parvenu a. ert découvrir quelques unes, mille autres lui font cachées, & peut être le feront toujours; & ce que certainement Ü ne connoitra jamais, c'eft 1'étendue & Ia dure'e des forces que Dieu leur a communique'es. Et qui peut favoir fi les loix que la nature a fuivies jufques k ce moment, ne cefferont pas d'être obé'ies dans 1'inftant qui va fuivre? Qui peut Connoitre les difpofitions intérieures des agens Hbres & moraux, & prévoir ies effets qui en refulteront par rapport au monde en général & par rapport k chacun de. nous en particulier ? L'homme devroit donc être naturellement dans des allarmes , des inquiètudes, des craintes, une défiance continuelles. II devroit n'ófer former aucune entreprife, incertain s'il pourra 1't'xécuter. Les moindres calainités devroient le jetter dans le dcfespoir, ne voyant point 1'iifue par laquelle il pourra en fortir. Mais laiffant \k ces caufes fecondes qui lui font fi imparfaitement connues, remontant k Ia caufe première qui les a établis & qui les dirige, il fe repréfente 1'Etre Suprème comme agiffant direclement fur les créatures inanimées, comme veillant aux actions des êtres Iibres, fdchant plier leur volonté & en diriger les effets felon fon bon plaifir, en un mot comme gouvernant le monde & tout ce qui y arrivé m  IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14. 229 au plus grand bien de fes créatures. De cette perfuafion nait pour lui un fentiment d'asfurance & de confiance en Dieu qui, malgré fes lumières fi bornées & au milieu de fes incertitudes ,He rend calme , tranquille t le remplit de courage & d'espérance dans les plus grands dangers, lui donne dans tous les événemens ce repos, ce contentement d'efprit, fins lesquels nous ferions les plus mif'érables des créatures; mais avec lesquels nous fommes heureux ici-bas, autant que notre nature & notre fituation le comportent. Telle eft cette confiance dont nous voulons vous entretenir & qui eft exprimée dans les paroles de mon texte. Mais cela eft encore trop vague, & comme on ne fauroit bien comprendre Ja nature d'un fentiment, fon utilité, fes douceurs, qu'en fe pla$ant dans les circonftances qui le font naitre; tranfportons nous y par la penfée, M. F. & parcourons rapidement les occafions principales qui peuvent donner lieu k cette confiance & qui doivent nous faire dire avec les Israè'lites, en la montagne de VEternel il y fera pourvu. I. D'abord fi nous nous confidérons comme des êtres deftinés kvivre fur cette terre pendant un efpace de tems, court k bien des égards, mais dont 1'étendue eft cependant de fuixante&dix, ou quatre-vingt années,& fi nous fouhaitops d'ar, P 3 «5  230 IX; Sermon, Sur Ger.efe sa. vs. i^,: river k ce dernier terme,- nous ne faurions . 1'efpérer raifonnabJement, qu'en remontant jufques a f Auteur de notre être, & mettant • toute notre confiance en lui. Car quel eft notre corps pour fubfister pendant une fi longue faite d'années ? C'eft un compofé mcrveiüeux d'un nombre presqu'innombrable de différentes parties dont le bon état & l'harmonie conftituent la vie & la fanté. Mais plus le nombre des parties qui compofent notre corps eft grand, plus le nombre des caufes qui peuvent le détruire eft grand a proportion. II ne faut fouvent que le dérangeinent d'une feale partie de cette machine fi compiiquée, pour en arrêter le mouvement. Un feul de ces vaisfeaux fi merveilleux par leur nombre & leur fineffe rompu, une goute d'humeur étrar gére, un grain de matiere deplacé, fuffifent pour appeller la mort. Comme un verre fragile le moindre choc peut nous réduire en pouffière. Et je pourrois espc'rer de conduire ce vaiffeau fi fragile, a travers tant d'écueils! Et je pourrois me flatter que pendant foixante & dix ou quatre-vingt années aucun de ces petits vaifieaux ne fe rompra! Qu'une goute d'humeur étrangère ne s'in. t'-oenira pas oü elle feroit nuifiblc. qu'un grain de miti-ère ne fe déplacera point? Non! bien loin decorr.pter fur une vie auffi longue, je devrois m'étonner de ce que j'ai pu la conferver jus- qu'a  IX Sermon, Sur Genefe 22- vs- t4- 231 qu'a cette heure, a chaqu :inftant je devrois ;être dans 1'appréhenfion de la voir cesfcr, . fi je ne pouvois lever les yeux au Ciel & dire: En la montagne de lEternel il y fera pourvu. & Notre vie terre Ure, M F., ncft intêresfimte qu'autant qu'elle eft heureufc; & nou.s aurions peu gagné d'être tranquilles fur notre confervaüon, fi nous devions craindre de nous voir bientöt rniférabïes. Nous ne pouvons nous paffer d'une certaine portion des biens de ce monde pour fatisfaire nos beibins coï poreis, pour la nourriture & le vêtement, ni de mille autres ciiofes que notre éducation, notre fang, notre profeflion, ou des affe&ions innocrrntes rendent néceffaires k notre bonheur. Quand même nous ferions déja abondamment pourvus de toutes ces chofes, quand même nous auvions des richeffes amaffées pour beau• coup d'années, comment pourrions nous être affurés de les conferver jusques a notre mort? Des accidens fans nombre ne peuvent-ils pas n .ais Jes enlê'/er? Les fkimmes ne peuvent elles pas les confumer, la tigne ou la rouille les geit er, des larrons nous les dérober? Et fi nous ne poffedons pas encore le néceffiire fommes nous sffuiés de pouvoir nous le procurer par notre travail? mais la makdie peut nous ö:er nos forces; les occafions de travailIer avantageufement peuvent nous être refufées; P 4 de?  IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14. des infirmiiés piéeoces peuvent nous rendre incapabies de toute aétion. Qui pourroit donc fe livrer au fommeil, avec 1'aflurance de n'être pas k fon réveil le plus malheureux des hommes, a moins qu'il ne remonte jufqu'a 1'Etre fuprême, & que mettant toute fa confiance en lui il ne dife : en la montagne de F Eternel il y fera pourvu, III. Nous vivons au milieu d'autres hommes dont ks difpoliüons a notre égard décident en grande partie de notre bonheur ou de notre miière ici bas; k la bonne foi defquels nous fommes fouvent appellés k confier nos biens, nos intéréts les plus chers, notre vie; de qui nous attcndons des fecours qui nous deviendront nécelfaires. Mais ces hommes font-ils réellemcnt ce qu'il nous parciffent ? ce que nous attendons de leur part fommes nous affurés de fobrenir? Nous en avons pour tout garant des démonftrarions extérieures qui peuvent' ne point ïépondre a 1'ir.térieur, & cacher quelquefois les plus noirs defleins; des proteftations, des promeffes qui a tout moment peuvent etre fauiFées. Qui fait fi cet homme dont ie regois tant de marqués de famitié la plus tendre, en a le plus leger fentiment dans le coeur, fi ce n'eft pas uniquement fintérêt ou la vanité qui fe c&chent fous ces beaux dehors? $Uï fait fi mes fécrets qui je lui confie ne fon^  IX. Sermon, Sur Genefe 11. vs. 14. 233 font pas divulgués, fi mes défauts & mes foibleffes que je ne lui cache point, ne font pas en mon abflnce le fujet cle fes dérilions & de fes railleiïts ? Cet homme a qui je me livre entierement fera peut - être temé de me trahit? cet ennemi que je cruis ïéconcilié, n'attend peut - être que la première occafion qyi s'offnra pour tne perdre? ces enfans dont j'attends l*s confolations & les fecours dans les infifmités d une vieiïleffe qui s'avance, ferout : peut-être affez déiiaturés pour me les refufer. "Ah! M. F. que notre foit feroit déplorable! a quelles angoiffes ne ferions nous pas en proye, fi nous n'avions fur qui nous appuyer? Si au milieu de ces mcertitudes nous ne pouvions dire, en la montagne cle l''Eternel il y fera pourvu. IV. Les maux que nous n'avons contidére's jusqu'ici que. comme des objets de crainte & d'appréhenfion, Dieu juge a propos de nous .les envoyer. Un homme richement pourvu des biens de la fortune fe les voit enlèver en un inftant. Une mere de familie voit périr d'une mort pj ématurée un tendre époux» fon unique fjutien, ainfi que de fes nom« breux enfans. Une maladie cruelle nous affaille & femble nous préparer des tourmens infupportables. C'eft dans ces momens affreux oü toutes les reffources humaines nous manquent a la fois, que la confiance en Dieu ' P 5 «tt  4$4 IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14. eft abfolument néceflaire pour nous garantir du défespoir. Me voila nud lel que je fuis yenu au monde. .Qjielle eft ma force que je puijfe foutenir de ft grands maux, ma force eft-elle une force de pierre & ma chair eft elle iacier ? c'eft pourquoi je choifirois d'être éiranglc & de mourir plutót que de conferver mes os. (a) Voila M. F. quel devroit être notre langage dans de telles circonftances,* ft nous ne pouvions nous affurer en un Dieu qui donne les richeffes auffi bien qu'il les öte, qui s'eft déclaré le pere de 1'orphelin & 1'appui de la veuve, qui fait la playe, mais auffi qui ia guérit, en un mot fi nous ne pouvions dire, en la montagne de l'Eter nel il y fera pourvu. V. Enfin M. F. il y a un accident qui arrivé éfa'einent k tous, il y a une heure qui eft la même pour tous les hommes, c'eft celle de la mort. Que ce dernier moment oü toute la nature femble s'anéantir pour nous, devroit r cher Cd) Job VI: vs. 11, 12.  IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14. 235 cher de nous h grands pas. Nous voyons arriver le moment ou ce corps, par lequel nous fentons & nous agiffons , va devenir froid; pale, inanimé, oü il va être dcfcendu dans la foffe, pour fervir de proye aux vers,oü il va retourner dans la poudre, pour ne refufciter qu'au dernier jour, dont le terme eft probablement tres éloigné. 11 efl bien vrai que dans ce corps mortel & corruptible habite une autre fubfhnce fimple & fpirituelle, en qui réfide proprement le fentiment, 1'intelligence & la volonté. Mais pendant notre vie nous voio'ns 1'ame fi intimement unie au corps, i'éxercice de fes facultés dépendre en telle forte de ce même corps, que quoique nous foions convaincus, que la deftruétion de notre loge terreftrc n'entrainera pas celle de 1'höte qui y habite , nous ne faurions cependant imaginer comment notre ame, pourra éxercer fes facultés & communiquer avec les autres êtres fans le fecours du corps, fe rappeller fes idéés fans 1'intervention du cerveau qui en confervoit les traces , ni par conféquent comment elle pourra être heureufe dans cet état de féparation? Quelles ne fcroient donc pas nos craintes, nos allarmes, nos angoiffes aux approches de la mort, fi nous ne pouvions mettre en Dieu notre affurance, & nous remettre a lui de notre fort? fi nous ne pouvions accompagner notre deruier  2^6 IX. Sermon, Sar Genefe 22. vs. 14. nier foupir de ces mots fi 'confolans: En la montagne de VEternel il y fera pourra. II. Vous venez de voir, Chrétiens, quelle eft la nature de la confiance en Dieu expriméa dans notre texte , dans combien d'occafions ce fentiment nous eft utile éc néceflaire, quelle miférable vie nous trainerions lans lui fur la terre. Quand donc ce fentiment ne feroit qu'illufoire, deftitué de tout fondement folide & raifonnable, de quelle reconnoislance ne devrions nous pas être pénêtrés pour celui qui 1'auroit mis dans notre coeur ? Mais bien loin que cette confiance en Dieu foit illufoire & vaine , elle nous eft diclée par la plus faine raifon, elle repofe fur les fondemens les plus folides, les plus inébranlables, E'Ide'e de Dieu, l'experience, & la Re've'lation concourrent k nous 1'infpirer: c'eft ce dont nous n'aurons aucune peine k vous convaincre. . I. J'ai dit que l'idee de dieu nous porte naturellement k nous confier en cet Etre fuprême, & ne fauroit nous faire douter qua ce fentiment ne foit trés raifonnable & bien fondé. Et ne craigncz pas qu'il foit néces» faire pour cet effet de nous répréfenter la Créj  tX. Sïrmon, Sur Genefe 22. vst 14^' ajf < Créateur comme retouchant a chaque inftant fon ouvrage, & ayant befoin de miracles continuels pour remédier' k des défauts qu'il n'auroit point prévus. Non fans doute; on peut fe former de Dieu des idéés plus grandes, plus nobles, plus dignes de lui & qui n'offrent pas des fondemens moins folides a notre confiance. Qui dit Dieu dit un Etre 1 dont la puiflance ne connoit de liraites que celles qui fe rencontrent dans la nature mê- i me des chofes qu'il a formées, dont la fcience embrafle toutes les idéés poflibles, dont la ■ fageffe fait choifir les meilleurs moyens pour 1 arriver aux fins que fon immenfe bonté fe propofe. Voilé celui que nous reconnoiffons 1 pour notre Créateur, tel efl le Dieu & qui nous devons notre éxiftence. Pourrions nous douter, Chrétiens, que la bonté infinie qui fait ! fon grand caraólère fe foit propofée un autre but en formant des créatures fenfibles comme nous fommes, que de les rendre heureufes? Pourrions nous foupjonner un inftant que ce '. Dieu a gravé dans nos coeurs le defir du bonheur , fans avoir intention de le fatisfaire ? I Ou bien craindrions nous qu'il ne pourroit pas (i toujours atteindre le but qu'il fe propofe"? Ou bien qu'ignorant nos befoins fa puiffance quelque grande qu'elle foit ne fauroit toujours ve- 1 nir a notre aide? Mais fa toute - fcience n*a i felle pas pré vu de toute éternité, toutes les ficu-  IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14.. iituations dans lesquêffèji nous nous rencontrerons depuis le premier moment de notre éxiftence ? Et fa fagefle infinie n'a t'clle pas du choifir éc ordonner les moven? les plus propres a y pourvoir? Eft-il poflible qu'un homme qui conroit un tel Dieu & 1'adore, puifle être dans la crainté & dans les aüarmes? que s'appuyant fur cette rocbe il puifle jamais être tbranlè? Non; quelque fragile que foit mon corps, s'il eft expediënt pour mon bonheur qu'il vive, mon Créateur aura bien feu écarter de fon chemin ce qui pourroit le brifer. Quelqu'incertams & périfiables que foient les biens de ce monde, la providence de mort Dieu faura bien me les procurer ou me les conferver s'ils me font véritablement utiles. Quelqu'impénétrables que foient les dispofitions iritérieures de ceux qui m'environnent, le Dieu de bonté & de vérité ne permettra point que je fois le jouet d'une perpétuelle illufion. Quelque grands que foient les maux qui me preffent, il faura bien me retirer de ce bourbier profond, dè?-que cette difcipline ne me. fera plus néceflaire. C'eft ainfi que Fidée de Dieu doit naturellcment produire en nous cette confiance , ?u lieu que celui qui auroit le malheur de mdconnoitre cette vérité fondamentale, ncfauroit nourrir ce fentiment fi doux & fi utile, mais éprouveroit le trifle fort d'un homme abandonné a lui même. Et il  IX. Sermon, Sur Genefe ai. vs. 14. 239 il n'y a perfonne de vous qui ne comprenno que ce n'eft qu'en reconnoiffrat 1'éxiftence & les perfeólions d'un Dieu Créateur qu'on : peut dire: En la montagne de F Eternel H y fera pourvu. II. i/Experience offre, avons nous dit, un fecond appui au fentiment dont nous vous entretenon?. Quel ordre invariable dans la naturel Depuis tant de milliers de fiécles que le Créateur imprima le mouvement aux aftres qui roulent fur nos têtes, ils ont conftamment fourni leur carrière fans fe heurter, ni fans rallentir leur marche. Le foleil fe , couchant ie foir fur notre hémisphere a t'il 1 jamais manqué de reparoitre le matin, & de ranimer la nature par fes rayons vivifians? . Toute la nature enfévelie fous les glacés de 1'hiver a t'elle jamais manqué de renaïtre au printems. II eft donc vrai que Dieu veille fur le monde phyfique, que dès le commencement il a pourvu a fa confervation & k fon gouvernement ! Les tendres foins envers il 1'homme, formé a fon image, ne fe font nonplus jamais déraentis! Si nous voyons des: hommes mourir avant le terme prefcrit a la : vie humaine, s'il y en a dont les corps péI risfent en naisfant, combien n'en voyons nous pas auffi qui malgré tous les dangers qui les r/|' environment, atteignent & paffent même les bor*  *40 IX. Sermon-, Sur Genefe22. vs'; f|J bornes les plus réculées de la vie. Si nous voyons quelques fortunes renverfées, il y en a d'autres en plus grand nombre qui fe foutiennent, & rien n'eft plus rare que de voir périr un homme de mifere. L'homme diligent & laborieux trouve partout fa fubfiftance. Le vieillard & 1'infirme font noürris par l'homme miféricordieux. Si les démonftxations extérieures de ceux avec qui nous vivons en fociété, ont réuffi quelqüeföis k cachet les deffeins les plus pernicieus- j il efl: plus ordinaire qu'elles ne fervent qak les découvrir. Jamais le menfonge ne fait tellement révêtir les couleurs de la vérité, qu'il foit impofïïble k un homme attentif de ne pas s'y méprendre, & combien de trames perfides, qu'on croyoit pour jamais enfévelies dans les ténébres, n'ont pas été produites au grand jour? Nos maux n'ont-ils pas fouvent été cohvereis en bien ? Celui qui fe croioit malheureux fans reflburce, n"a t'il pas quelquefois trouvé dans fon malheur' même la fcurce de fa félicité? Et puSsquuil Job Sc un Jofeph fe font bien vus heureux après leurs fouffrances ; k qui fefpoir d'éprouver la même chofe feroit-il interdit ? Ce qui a été, M. F. ne doit-il p:;s nous fervir de garand pour ce qui fera? Une fi conftante expérience du paffé ne doit-elle pas nous tranquillifer fur 1'avenir? Oui fans doute puisque cette expérience nous confirme 1'idée que  IX. Sermon, Sur Genefe il. v"s. 14. 24* que nous nous étions formée du Créateur. Mais celui qui voudroit fe fonder fur cette expérience feule, fans remonter jufques k Dieu, s'appuyeroit fur un rofeau caifé. Attribuant cet ordre & un aveugle hazard, ce même hazard ne peut-il pas le faire ceifer demain? Non; ce heft quen la montagne de F'Eternel qu'on peut dire il y fera pourvu. III. Enfin, M. F., ce que la raifon & 1'ex, -périenee nous enfeignent, la révélation le confirme de la maniere la plus expreffe & achêve ainfi de donner i notre confiance un fondement inébr2nlable. Cette révélation nous propofe 1'éxemple de tant de faints hommes j 1 qui faifoient de leur confiance en Dieu, 1'ame 1 de toute leur conduite; que cette confiance ; rendoit fi calmes, fi tranquiles* & en même tems fi courageux, fi intrépides; qui, après : avoir gouté les douceurs de la vie préfente voyoient cependant la mort approcher avec j joye. Paitout nous voyons des traces de 1 cette confiance en Dieu dans nos faintes Ecritures; partout nous la trouvons exprimée dans? ïes termes les plus énergiques & furtout dansles Pfeaumes, qui ne font pour la plupart que des expreffions diverfifiées de cette confiance en 1'Eternel. II y a plus M. F., cet Etre fuprême nous défend lui-même dans la révé1 iation de nous confier cn, aucun autre qu'en lui  «42 IX. Skrmon> Sur Genefe 22. vs. 14, feuh ffl^v ys,> Fhofnmc qui ft confie en lhomme & qui de la chair fait fon bras-, & dont le cceur fe retire de è Eternel; il fera comme une bruyere en Une lande. II nous commande & nous invite par les expresfions les plus touchantes a nous confier entierement en lui: eonfie toi de tout tm cceur a P Eternel # ne fappuye point fur ta prudence. (a) Attent-toi d 1'Eter nel fc? tiens bon> & il fort ifera ton coeur, attent-tot dis-je a l'Etemel. (b) Dieu lui mime a dit: je ne te dèlaifferai point, je ne fafandonnerai point, deforte que nous pou* •vons dire avec ajfurance, tEternel m'efi en aidt & je ne craindrai point. (c) \\ nous déclare enfin quV/ met toute fon ajfetlion en ceux qui s'attendent a fa gr at uit i. (d > Et fi la fcule idéé de Ia bonté de Dieu pouvoit déja fonder notre confiance; quelle ne doit-elle pas itre après cette miféricorde infinie, fi elairement manifeftée dans la révélation? miféricorde qui fa engagé a facrifier robjet de fes dileétions les plus tendres, pour ramener les hommes dans le chemin du'bonheur dont ils s'étoient volontairement écartés. Celttï (ei) Prov. III. vs: 5. 0) Pf. XX. vs: 11-14. Cc) Heb. XIII. vs; 5, 6. (d) Pf. CXLVJI, ys; a.  IX. SeHmoNj Sur Genefe as, vs. 14. 243 Cc//// ggy/ nous a donné ainfi fon propre fils 1 ne nous donnèroit-il pas toutes chofes, avec l lui ? (a) C'eft donc fur les plus folides fondemens f, qu'au. milieu des incertitudes, des dangers, «5c des maux de cette vie nous mettous toute notre confiance en Dieu, nous nous repofons fur lui du bonheur de notre fort. Rien par conféquent de plus raifonnable , de plus lénfé, de plus jufte que de dire avec les enfans d'lfiraël: en la montagne de VEternel il y fera pourvu'. III. Mais ce fentiment de confiance ön Dien qui peut être fi raifonnable & fi jufte ne 1'eft cependant pas toujours, ni dans tous Jes hommes. Ce n'eft pas dans toutes les louches que les paroles de notre texte font bienfèantes. Au contraire elles peuvent devenir un langage infenfé, parceque cette confiance ne dégénéré que trop fouvent en une t e' m e'- R a i r e pre* somption^ ou bien en une folle se'curii e'. Deux; mots fuffiront pour vous faire comprendre combien ces difpofitions font, différentes de ia vraie confiance & pour vous convain•ere que; celle - ci ne fauroit être féparée d'une' C « ) Hem. VIII. vt. ii. 5 , <3 *  244 IX. Sermon, kW Genefe 22. vs. 14.1 d'une kumbk réfignation, nï dune diligente a&ivité. I. J'appelle tèméraife prèfomption cette dispofition d'un homme, qui fe perfuade que tout ce qu'il attendra de Dieu avec une ferme confiance, cet Etre fuprême ne fauxoit ffianquer de le lui accorder. Mais une teJle difpofition n'eft. - elle pas toute différente de 1'idée que nous vous avons donnée de la vraïe confiance 7 Ne. difions nous pas qu'elle conlifte k être peifuadés que Dieu dirige tous les événemens au plus grand bien de fes créatures? Ne ferions nous donc pas préfomptueux & téméraires fi nous piétendions être mieux inftruit que notre Créateur lui-même, de ce qui convient & notre vrai bonheur? Avec combien de vérité n'a t'on pas dit, que Dieu ne fauroit punir davantage les mortels, qu'en rempliffant tous leurs défirs, & éxaucant tous les voeux qu'ils lui adreffent ? L'un délire une vie longue, mafs il ne prévoit pas les maux qui la lui rendroient amère. Le jufte eft mort, dit Efaïe, & il ny a perfonne qui y prenne garde, que le jufte a été recueilli de devant le mal. (a) Un autre défire une profpérité non interrompue & il ne fait pas que \a) Efaie hVU, vs. 1.  IX. Sermon, Sur Genefe té; vs. 14. 245 'que l'aifie des fots les tue cV que la profpérité des fous les perd. (a) Un troifieme voudroit être a 1'abri de l'affliftion par ce qu'il oublie qu'il nous eft bon et être affligé, que notre ajjli&ion légere & qui ne fait que paffer, eft frès propre d produire en" nous le poids éternel d'une gloire fouverainement excellente, (b) Non la vraïe confiance ne fauroit être féparée de la réfignation. Celui qui s'ajfure en l'Etemel efl perfuadé que quoiqu'il arrivé, que fes defirs foient remplis ou qu'ils ne le foient point, Fun & 1'autre eft également k fon avantage. Mon ame, dit-il, tien tot col, regardant d Dieu, car mon attente eft en lui, quoiqdil en foit il eft mon roclier ör* ma dèlïyrancc. C'eft PEternel quil fajj'e ce qui lui femblera bon, IL J'appelle folie fécuriti, cette difpofition d'un homme qui fe perfuadé qu'en mettant en Dieu fon affijrance, cet Etre fuprêrne fubviendra k fes befoins, le délivrera des maux qui le preflent, le garantira de ceux qui le menacent, lui accordera en général tout ce qui eft néceflaire a fon vrai bonheur, fans qu'il falie rien lui-même pour fe le procurer. La maniere dont nous avons décrit ( a ) Prov. I. vs. 32. (6)2 Cnr. IV. vs. 17.  246 IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14, d attend avec con- fianc*  }X. Sermon, Sur Genefe ai. vs. 14. 247 fiance que Dieu prolongera fes jours, ne peur être qu'un infenfé. Celui \k ne 1'eft pas moins qui efpére que Dieu fubviendri k fes befoins & lui fournira abondamment les chofes nécelfaires k Ia vie, pendant que par fa pareile ou, fes folies diffipations , il appelIe 1'indigence & la mifère. Dieu a établi que le vrai bonheur de notre ame dépendroit de la pureté & de la droiture de toutes fes facultés; laiflèr donc corrompre & abrutir c.'s facultés par le defordre & le vice, *5c attendre malgré cela de la part de Dieu un bonheur éternel après la mort, n'eft-ce pas avoir renoncé k Ja raifon? Ces éxemples fumfent fans doute pour vous faire remarquer, que lactivitè qui ne doit jamais être féparée de Ia confiance en, Dieu n'eft autre chofe que Ja pratique de Ia pieté é\ de la vertq. Oui, Dieu a fupplée a. notre ignprance de» caufes fecondes, en nous tracant Ia régie felon laquelle nous devons nous conduire. Se confier en Dieu c'eft dpnp obferver conftamment ce que fa loi nous commande, quelles que foient les circonftances du, nous nous trouvions, k quelques maux préfens que notre fidélité* aux loix divines puisfe nous expofer. C'eft . être perfuadés que toutes chofes aideront enI femble en bien a ceux qui aiment Dieu (a) que („a') Rom. VIII. vs. 27. C^4  248 IX. Sermon, Sur Genefe 22. vs. 14.; que faire fa volonté eft toujours le moyen le plus fur de nous tirer des circonftances les plus critiques, qu'il ne permettra jamais que nous foyuns véritablcment malheureux pour lui avoir ob,ï. Auffi n'eft-ce qua une telle confiance qae les promefies font faites, Dieu lui-même nous déclare qu'il ne fe tieht uue prés de ceux qui font d'un coeur integre envers lui. Affure-toi en l'Eternel & fuis ce qui efl bon , & prens tqn plaifir en P'Eternel & il t'accordera le voeu de ton coeur. (jaj La délhrance des juftes viendra de l'Etcrnel9 il fera leur force au jour de la détreffe; car T Eter nel leur aide c? les délivre, il les dé— livrera des méchuns & les fauvera paree qu'ils, fe feront retirès vers lui. (b) Ce n'eft que de l'homme vertueux que 1'Ecriture dit enCore que fa confiance eft ferme &folide; fe couckefianspeur, il s'endort cnpaix, car t'Eternel le fait habiter en affurance. (c) II nefi point en fiouci, difant, que mangerai- je? que boirai-je? de quoi fier ai-je vétu? car fon Pere Célefie fait qu'il a befoin de toutes ces ch-, fes. (j d) Quand il marchcroit par la vallée 'de l'ombre de la mort il ne craindroit aucun mali O) Pf. XXXVII. vs. 3.4. (A) Pf; XXXVIj; vs. 39, 4C> le) Pf. IV. vs. 9. C4) Matth. VI,  IX. Sermon, Sur Genefe sa. vs. T4. 04^ , pal: rEter nel efl avec lu% Son baton & fa hou lette font ceux qui le confoient. (a) En un mot, quand on remueroit la terre & que les montagnes fe renverferoient dans la mer, , que les montagnes feroient ébranlées par t l'élévation de fes vagues , il ne craindroiu point , parceque l'Eternel eft fa retraite, , fa force, fon fecours dans fa détreffe & fort t aifé d trouyer, (b) paree que dans quel. que fituation qu'il fe rencontre il peut dire 1 avec fondement, l'Eternel y pourvoira. -Hatons • nous, M. F., de nous approprier cette douce alfurance, cette inaltérable férénité de l'homme de bien fe confiant en Dieu. Travaillons -y par la méditation conftante des grandes vérités que nous vous avons rappellées; travaillons - y, furtout, enmarchant conftamment dans cette intègrité fans laquel. le nous ne pouvons être agréables k Dieu, & obtenir fa proteélion: veuille t'il nous en faire la grace ! AMEN! SER- • Ca) Pf. XXIlj. vs. 4. vs. 5. Car aujji nous n''avons jamais été furpris en parole cle flaterie , comme vous le, favez, ..... Dieu en eft témoin. JVf es Freres, la maniere dont FApótre s'exprime dans, les paroles que nous venons de vous lire , doit nous faire comprendre qu'il. avoit fur la fiatterie des idéés bien différentes de celles qu'on en a communément dans, le monde. Si on s'eft accordé a regarder la fiatterie comme un vice; fi on déclame quelquefois contre fa baflefle & fes pernicieux effets, tout cela n'eft que pour le discours,.& on manifefte de tout autres penfées & de tout autres fentimens dans la conduite. Ce vice fi bas & fi- pernicieux, déguifé fous le nom. óepoliteflè, de favoir vivre, du fa ge du mondt, eft devenu un art, une étude, jugée en quelque forte indifpenfable, & le fujet d'une ef-  X» SERMON Sur i Theft". II. vs. 5. 252' efpece de gloire a mefure qu'on y réuffit.' . Le flatteur adroit, bien Join d'avoir a redouter le reffentiment de celui qu'il flatte, eft für au concraire d'en êcre agréé, chéri, recherché & protégé. Faut-il s'étonner après cela du régne étendu cc prefqu'univerfel de la fiatterie ? Cependant ce que nous avons nommé déclamation dans la bouche des gens du monde , eft la vérité pure & fimple, au jugement de la faine raifon, de la probité & de 1'Evangile. Point d'abus de la langue plus dangereux & plas criminel aux yeux de 1'honnête homme, & fur tout du Chrétien, que la fiatterie. De la M. F., la vivacité que St. Paul met dans fon Apologie. Car auffi, dit-il, nous 71 avons jatnais été furpris en parole dc fiatterie, comme vous le favez; _» Dieu en eft tèmoin. Son horreur pour ce vice eft telle, qu'il en craint jufqu'au foupjon, & n'épargne rien pour 1'éloigner. II ne fe contente point du témoignage des Thefialoniciens euxmcmes, en difant, comme vous le favez; mais il en appelle de la maniere la plus folemnejle au témoignage de cet Etre devant qui toute notre conduite eft nue & découverte, & qui eft le fcrutateur des coeurs; Iorfqu'il ajoute, Dieu en eft timom. Mais qu'eft-ce idonc que St. Pau! voïoit dans la fiatterie de dfi odieux & de fi contraire aux principes ii cet Evangile, dont Dieu Jui avoit commis la '  •2ja X Sermon, Sur i Theff. TI. vsT 5: la prèdication? II Ie dit expreffément au verfet III: car il n'y a eu dans l'exkortation que nous vous avons faite3 ni fédu&ion, ni mau~ vais motifs, ni fraude. Tout cela n'eft-il pas évidemment contraire aux maximes de probité, de fincérité & de charité que nous prêche 1'Evangile, & tout cela-cependant fe rencontre dans la fiatterie voila , en trois mots, ce qui en conftitue le crime & le danger. Fraude, mauvais motifs, fedu&ion. C'eft■ ce que vous comprendrez, M. F., fi vous voulez confidérer avec nous ce vice, dans/tf Nature, dans fes Principes & dans fes Effets. Ce fera Ia matiere des trois articles de notre discours. Accordez nous, Chré* tiens, une attention foutenue & réligieufe,- éc Dieu veuille accompagner nos efforts de fa bénédiclion, afin que par fa grace nous puiflions réuflir a vous détourner pour jamais de la fiatterie , & k vous mettre en garde contre les féduclions perfides des fiatteurs? AMEN! h La fource de nos illufions fur le vice contre lequel nous voud. ions vous munir, c'eft fa refiemblance avec ia louange , qui peut être trés innocente & trés utile a donner & a reeë voir. I! importe donc de la dirtinguer avec fofn de 1'odieufe fiatterie. La,  ; K. Sermon, Sur i Thtjf. IL vs. 5. 25^ La louange efl: de la part de Celui qui loue un témoignage de fon eftime: c'eft un hommage que 1'admiration & la reconnoiflance rendent aux vertus , aux aétions généreufes & utiles, aux- talens cultivés avec foin & avec fruit. La louange efl pour celui qui efl loué «ne récompenfe de fes efforts, & un encouragement k les continuer & k les rédoubler. C'eft dans ce but fi utile, que le fage Créateur nous a rendus fenfibles k feftime, a 1'approbation & aux applaudiflemens de nos femblables. C'eft dans ce fens, que le Sage a dit: la renommie eft préférable aux grandes richeffes. (a~) La rèputation vaut mieux que le Ion' parfum. (£) U nous eft donc permis de la rechercher, pourvu que notre defir d'être Joué des hommes ne foit point féparé de celui d'être approuvé de Dieu & de notre confcience, & que le premier foit fubordonné au fecond. . Mais il y a des caraêlères eflentiels a la louange pour qu'elle remplifle fon but, pour qu'elle foit, comme nous 1'avonsdit, innocente & utile a donner & k recevoïr. Pour cet effet il faut d'abord qu'elle foit fmeere, qu'elle foit 1'expreflion d'une véritable eftime intérieure, puisque c'efl elle feule qui lui donne fon Ca) Prov. XXII: vs. ï. (£) Ecclef. VIII; vs. x.  Ï54 X. Sermon, Sur i T/ieJf. ft vs. *. fon 'véritable prix,- & dèj-lors cette eftime ne fe bornera point a de iimpks paroles toujours équivoques, mais elle fe manifeftera par toutes les autres démonftratio'ns extérieures qui lui font propres, telles que les egards, la confiance & Jes ferviCes. Mais il faut de plus, que Ja louange foit éclair je. Celui-la feul efl: en droit & dans 1'obiigation de louer , qui fait discerner 'ce qui eft véritablemerit löuable. Les Jouanges aüxqueiles il nous eft permis d'être fenfibles ne font pas celles d'une mufÜtude toujours ignorante & aveugle, mais Uniquement de ceux qui nous font fupérieurs, ou dtimoins nous égaJent en mérite. Ce font eux feuls qui peuvent donner, c'eft d'eux feuls que nous pouvons attendre des Jouanges éciairées & juftes , & qui dès-Iors -feront toujours modérèes & discré:es. QueJques louables que nous puiffions être, nous ne faürions réünir tous Jes genres de mérite \ •ni êtte feulement parfaits, accomplïs dans celui qui nous eft propre. L'approbateur fcfcg ré & fincére ne Jouera donc jamais qu'avec mefure, qu'avec modération. En rendant justice a nos efforts, k nos progrès, ij ne nous ■cachera point ce que nous pouvons y ajouter encore; & fachant que ce parfum, quelque pur qu'il foit, ennivre les foibles mortels dèsqu'il eft prodigué; il ne le difpenfera qu'a. jee cette rétenue & cette discrétion avec hé-  X. Sermon, Sur i Theff. U. vs. 5I 25J fesquelles nous devons Ie défirer, dès-que nous n'en avons point fait notre but unique. Ce n'eft pas, Mes Freres, de ces louanges fi Juftes, fi légitimes, fi utiles, que St, Paul a pu fe défendre dans les paroles de mon texte; lui même, dans fes Epitres, a loué plufieurs fois de cette maniere les fidèles a qui elles font adrelfées. Auffi cette approbation eft-elle bien différente de la fiatterie, dont nous allons vous développer apréfent, la nature. La fiatterie eft aüflï, M. F., une appnv bation ; mais les louanges légitimes & utiles font, comme nous venons de le voir, toutes fondées fur la vérité; au lieu que Ia fiatterie left fur le menfonge, la fauffété, ou la fraude, comme dit notre Apótre. Le terme de fiatterie exprimé tous les tëmoignages deftime, de confidération, de refpel que Ion donne k quelqu'un direéiement, ou indireftement, mais contre Ie jugement de la confcience. Tel eft ce vice dans fa nature, que nous confidérons ici feparément de fon principe & de fes effets. Cette définition doit vous faire comprendre que Ia fiatterie peut varier infiniment dans fes manieres, & dans fes dégrds. U feroit impoffible de voua en faire un détail complet, contentons nous «e quelques traits principaux.  *$6* X. Sermon, Sur i tfojf. Ih vj, $( A confidérer en elles-mêmes Jes marqués dej f, civilité , de déférence, de rcfpecl qu'on fe donne réciproquement dans Je monde,- elles ne i font point éxemptes de menfonge, de fiatterie,- A mais elles Ie font, en quelque forte, dans 1'u- j fage. Perfonne n'y elt trompé; chacun fait ij les réduire k leur jufte valeur, & par confé- i quent, celui qui ne s'en acq :iite que dans les i occafions qui 1'éxigent, oii il ne pourroit s'en | difpenfer fans fingularité, obftination, orgueil; J & qui de plus les diftribue avec difcer- I nement, felon le caraétère & lage des perDn- f nes, felon 1'autorité & le rang qu'elles tien- i nent dans lefrmonde, ne doit en aucune Eicon | être mis au rang des flatteurs. Mais ces mê- I mes marquésde civilité, de déférence & de il refpeét deviennent des flatteries , lorfquelles i font prodiguées, & prodiguées fans difcernement contre les régies de 1'ufage, parceque alors elles fortent de 1'acception ordinaire; qu'elles font faufles, menfongéresj Par la même raifon les louanges les plus juftes peuvent dégénérer en fiatterie. Quelqu'un a fait une aéfc'on, ou pofféde quelque qualité louable ; vous 1'en louez dans 1'occsfion, & vous lui rendez juftice; vous? i donnez gloire a la vérité; mais, fi vous vous ïépandez cpntinuellement en éloges, fi vous lui lépétez k chaque infiant les témoignages da f  X Sermon, Sur i Tiefll. rs. 5. «57 de votre admiration, ou de votre eftime, vous fortez de la verité , qui eft. toujours fimple & jamais affectée; vous donnez a la louange un prix qui eft au deflus de fa jufte valeur. Les louanges outrées , exceflives, appartiennent plus direclement 2 la fiatterie. Ne louer jamais que par des termes d'excelIent, de parfait, d'achêvé, d'accompli; mettre les heureux effais de Ia jeunelfe de niveau ou même au deflus des chefs d'oeuvre des maïtres les plus confommés. Exalter les vertus les plus communes k 1'égal des plus difficiles & des plus héroïques. Surtout louer Je cara&ère d'un homme par quelqu'une de fes aétions; célébrer comme accompli en charité, libéralicé, juftice, tempérance, piété, ce7ui qui s'eft montré dans quelques occafions charitable, libéral, jufte, tempérant, pieux; je le demande, M F., n'eft ce - pas allier le menfonge a Ia vérité, & fe rendre coupable de fiatterie? Son dernier dégré ce font les faufles louanges ; mais elles peuvent 1'être de différentes maniéres. II y a des qualités dignes d admiration, mais qui ne rendent eftimable celui qui les pofféde, qu'autant qu'elles font accompagnées d'autres qualités qui feules peuvent les faire valoir. II en eft ainfi de la beauté, des talens naturels, de fefprit, oü  258 X. Sermon, Sur i T&$ 11. vs. s; du corps, des biens extérieurs, comme les. richeffes, ]e rang, les honneurs. Ce n'eft qu'a condition qu'elles foient accompagnées de vertu, d'un vrai mérite, que celui qui les poflede efl digne de louange. Mais , jui témoigner fon admiradon , fon ëftjiye. uniquement a caufe de ces qualités, ou quil ne s'eft point données., ou qui n'ajoutcnt rien par elles - mêmes a fa valeur 3 n'eft-ce pas dire hautement, qu'elles tiennmt lieu de mérite ? Surtout prodigu^r 1'encens & la louange k ia beauté fans vertu ; aux talens, ou frivoks ou pernicieux ; au riche , au grand 1'orgueilleux, avare, injufte, oppreifeur, ambitieus, n'eftce ^ pas proftituer aux vices des; hommages qui- n'appartiennenc qu'a la vertu? n'eftcj pas démentir le témoignage de fa confcience ? appelier le mal- bleu, & l'amer doux ? Et c'eft k le faire ouvertement, que 1'indigne fiatterie fe laiife enfin conduire. On a vu, plus d'une fois, le flatteur, dépouillant toute honte, louer, encenfêr le vicieux par fes vices mémes, employer toutes les finelfes de fon art pour pallier, excufer les démarches les plus criminelles, & les plus odieufes, les déguifer en actions innocentes, fi ce n'eft en vertus dignes de reconnoiifance & de louanges. Telle eft Ia fiatterie dans fa nature,, faujfeté, menfon. ge3  X. Sermon, Sur i TAejf. II. vs. 5. 250) ga, fraude. Obfervons - la, en fecond lieu , dans fes principes. II. Ib^*?'"*' '«smrfeott 'fel) . nO *a&flfiuéti Je conviens d'abord cue de1! témoignage.4 d'eftime, des louanges, peuvent être' contra?-2 res k la vérité, fans 1'être au térnoignage1 de la confcience; c'efl,-a-dire, qu'on p-ue flatter de bonne-foi, parcequ'on fe trompt? dans fes jugemens; qu'on n'a prdnt de lu-> mières fuffifantes fur ce qu'on en'treprend de louer. Mais alors on fe rend évidemment coupable d'une préfomption, d'una' témérité condamnable & dangereufs, puisque eés louanges n en font pas moins de* flatteries jou - celui qui les recoit, & ner* produifent pas moins tous les mauvais effet^ que nous détaillerons dans la fuite. Mais ces flatteries qui, non feulementcontraires a la vérité, le font encore au témoignage de la confcience, ne fai?roient> avoir que des principes condamnables oi* de mauvais motifs , comme dit notre Apötrc. ; On peut les réduire a ces deux ; une lache complaifance, ou bien, un vil > intérêt, ^ Le but de la louange efl:, comme nous i 1'avons vu, de rendre juftice au vrai mé* xite, aux talens, aux vertus; & par Ik de & 2 leg  *6o X, Sermon, Sur i Th ff. II. vs. $r Je* encourager; mais Je but de la flattere efl: uniquement de faire plaifir k celui que 1'on flatte, & c'efl k quoi on fe laiflê quelquefois aller par une lache complaifance. On voit des hommes k qai la louange plait, qui aiment k être admirés, encenfés; qui s'y actendent de la part de tous ceux qui les approchent, qui mendient leurs éloges , leurs applaudiffèmens, & fe montrent mécontens, chagrins, quand on les leur refufe. He bien! on ne veut point les mécontenter, les chagriner. On les voit encenfer par d'autres, on ne veut point fe diftinguer, on craint que notre fdence ne foit taxé d'orgueil, de jaloufie, d'envie; & ce qti paroit fouvent plus ré* doutable enco-e, d'ignorance, de ftupidité. On joint donc fa voix au concert des flattturs; on tourmente fon efprit pour plat eer, a propos, des louanges trés dépiacées^on s'extafie, on fe récrie fur les moindres bagatelles que dit ou fait la perfonne k qui 1'on craint de déplaire ; & fans borner k elle fes fades louanges, on fe croit obligé de ks étendre fur tout ce qui lui appartient. Et voila comment on entretient ces'iaifons qui ne font fondées que fur la vanité, 1'amufement, Je plaifir; auxquelles on proftitue, quelquefois , le refpeétable nom d'amitié. Mais autant que la fiatterie efl: eflencielk k  X.'Sï*.mon, Sur i T/ietf. II. vs. 5. 261 i ces fortes de Jiaifons, autant efl - elle incompatible avec la vraïe amitié , qui, comme on fa dit fi bien , a 1'eftime pour bafe, & la vertu pour ciment. L'amitié , bien loin d'exclure la complaifance, en eft au contraire la föurce & 1'aliment. Ausfi 1'Evangile, bien loin de condamner cette complaifance, nous en fait un devoir. Que ehacun de vous, (a) difoit 1'Apötre St. Paul, complaife d fon prochain; mais en même tems il lui prefcrit fes juftes bornes, lorsqu'il ajoute, dans les chofes qni font bonnes pour fon édiftcation. II eft , fans doute permis, il efl: jufte même, de fe conformer aux gouts , aux défirs du prochain, non feulement dans des chofes eflentielles & de devoir, mais encore, dans les moindres chofes qui peuvent lui faire plaifir, pourvu qu'elles foient innocentes. Or nous avons déja vu que la fiatterie ; n'eft point de ce nombre ; il faut de plus que oötre complaifance foit véritablement utile au prochain, qu'elle puifle avoir pour fruit, fon bien, fon édification, i & vous verrez, d'abord, que la fiatterie ; produit des effets tout oppofés. Nous avons donc bien nommé ce principe qui nous y conduit quelquefois, une lache complaifan- ■ ce; lache, en ce qu'elle craint moins de nuire <<0 Rom. XV. vs. 3. &3  fiG2 X. Sermon, Sur. i Theffl II. vs. 5. nuire que de déplaire, -lacht, en ce qu'elle redoute plus la faufie accufation d'orgueil & d'envie, que le titre vrai & odieus de flatteur. Mais, la fiatterie a d'ordinaire un principe, un motif moins fpécieux, qui dé"couvre toute la baflefie de ce vice: c'eft comme nous 1'avons dit , un vil intérêt. Voiii pourquoi la fiatterie fe trouve, prefque toujours venir des inférieurs aux fupérieurs. On ambitionne la bienveuillance d'un maïtre, la familiarité , les largelfes d'un jiche, les faveur.-, la proteólion d'un grand; voila des vues intérefiees, mais qui peuvent être innocentes & lé, itimes, dès qu'on ne fe propofe de les obtenir que par de bons moyens: c'eft - k - dire en rempliifant avec fidélité & avec zèle fes devoirs en fe rendant digne d'eftime & de protection pa" un vrai mérite, des talens utiles, un travail appliqué & de vrais fervices. Mais, outre que ces moyens ne font pas toujour* infaillibles, vu le caraétère de celui dont on brigne la faveur, ils font longs & difficiles, praticables feulement pour des coeurs vejwtux. Le grand point eft de plaire, de fe rendre agréable , éc pour cela il fe préfente un chemin beaucoup plus court cc plus aifé , pour quiconque n'eft point esclave de fa confcience. On eft für de fe faire  X. Sermon, Sur i Thejf. II. vs. 5 263 faire eftirner & aimer de ceux & qui on ^peut perfaader qu'iis nous parouTent nimables & eftimables, • auifi n'épargne t'on rien pour cela. On leur en prodigue les affurances & les proteftatrons, & pour en juftifier ja fincérité,. on ne tarit point en éioges fur' leurs cötés louables; on relève avec adrniration leurs actions les plus indifférentes. Parient ils, on fe tait devant eux, (V) comme dit 1'auteur du livre de 1'EccIéfiafte, & enfuite, on exalte leurs difcours jufju'aux nues. Mais ils ont des défaUts qui fautent aux yeux; hé bien, non content de les disfimuler , on cherche a leur en faire un mérite, ou en les imitant, ou en cépréciant I les qualités oppofées. Mais ils ont des vices ehéris: on les exeufe, on les déguife, on les nourrit. k ent-ils avares, on éxal'e leur fage économie; font-ils prodigues, on vante leur noble générofité. Mais ils ont conju les plus iniques projets; on cherche des couleurs pour les jufWier, on les approuve & les feconde. Et quel eft le motif de cette fervitude volontaire, de cette lache hypocrifie, de cette indigne proftitution ? un vil intérêt! On méprifè ee riche , ce grand; quelquefois on le détefte; mais on encenfe fes richelfes, fa grandeur, fon crédit, fa puiffance, dont on cherche i\ profker. Voi. . la O) Chap. XIII. vs. R 4  864 X. Sermon, Sur i Thejf. II. vs/ 5! li ce qu'efl la fiatterie dans fon principe; mauvais motifs. II nous refte k vous la faire . confidèrer dans fes effets, III. la fiatterie, II odieufe dans fa fiatürë, ij méprifable dans fes principes, va vous paroitre, non moi is évidemment, pernicieufe dans fei effets. St. Paul en exprimé ce troifieme caraétère par le terme de fédüBion, & tel eft Peffet que la fiatterie produit direeïement fiir celui qui en eft Pobjet. Elle le féduit miférablement. L'homme qui /iatte fon prochain ., dit 3e fage, étend le fikt devant fes pas; & le Pfalmifte, la bouche quiflatte fait tomber \(a) voici de quelle manière. Ce qui allure le fuccès de Ia fiatterie eft auffi ce qui en fait le danger. Nous avons un premier flatteur au dedans de nous, c'eft Pamoür - propre qui groflit a nos yeux nos bonnes qualités, enfle notre mérite que nous aimons 2. adrnirer; affoiblit, exténue, nous cache nos défauts que nous craignons d'appercevoir. C'eft \k un des grands obftacles k notre perfection ici-bas; obftacle qui ne peut être furmonté que par une attention continuelle au dedans, fecondée paf Jes contradiótions,les mortifications & les cen- fures 00 Prov. XXIX. vs. 5,  X. Sermon, Sur i Thejf. II. vs. 5. 265 fures que nous éprouvons au dehors. Mais ce même amour-propre qui nous rend ces falutaires rémédes fi amers, nous fait paroïtre doux le poifon de la fiatterie, & ouvre notre coeur k fes funeftes influence;, k fes perfides féductions. Déjk dispofés k jager avantageufement de nous mêmes. a nous foupconner p'us de mérite & moins de défauts que nous n'en avons , les flatteries des autres hommes ] 11e nous paroiflënt que des louanges juftement méritées, nous confirment dans notre erreur, 1 & nous aveuglent bientöt entiérement. Et de : lk qu'arrive t'il? ne voyant pas fes défauts, on ne s'en corrige point. Croyant avoir les ■ bonnes qualités qui nous manquent, on ne fonge point k les acquërir. Trop heureux encore, quand Ja fiatterie nous laifle tels qüe 1 nous fommes; mais elle ne borne point k cela fes malheureufes féduélions. Elle nous léduit ; k l'orgueil, ou le pouflë bientöt a fon comI ble, fi nous en avons déja les germes au 1 dedans de nous. Le moyen d'efiimer les aul tres plus excellens que nous - mêmes, quand on s'entend continuellement éxalter audeflus d'eux ? le moyen de ne pas les regarder avec fierté, dédain, mépris, quand on les ravale continuellement devant nous? le moyen de regarder avec humilité a la lource de tous les avantages dont nous jouiflbns, quand on i s'attache k nous en faire un mérite, comme Rs ê  %6ö" X. Sermon, Sur i Thtff. II. vs. 5. li nous ne les tenions que de nous mêrnes. Voulez-vous vous convaincre, M. F., quel excès d'orgueil la baffe fiatterie peut infpirer aux foibles mortels, jettez les yeux fur Hérode-Agrippa, dont parle le livre des Acres. Déjk bouffi de vanité, ce Prince vient étaler avec pompe fon éloquence devant le pcuple. Ce peuple, connoiffant fa foibleffe, ne rougit point de poulfer la fiatterie jufqu'au blasp'nême; il s'écrie de concert: voix de Dieu, & non point d'/wmmc. Hérode tombe dans le piége quelque groffier qu'il foit, il ne donne point gloire d Dieu, & meurt rongé de vers. La fiatterie nous féduit k la préfomption, compagne inféparable de I'orgueil. Avec ces hautes idéés qu'on cherche k nous donner de nous mêmes, de nos talens, de nos facultés, de notre prudence, de notre fageffe, comment ne pas fe perfuader qu'on eft capable de tout, qu'on peut réuffir k tout, comment ne pas fe laifTer pouflér a des entreprifes, dont on ne fent la préfomption la témérité, la folie, qu'en les voyant miférablement échouer? Roboam, féduit par les jeunes flatteurs qui 1'environnent , préfére leurs téméraires confeils, k la fage prudence des vieillards & perd Ia moitié de fon Royau* me. La fiatterie, enfin, corrompt les caractéres les plus heureux, & achève de perdre les cmurs déja corrompus. 11 n'y a point d'hom-  JC. Se hm on, Sur x Tkff. II. vs. 5. 267 d'homme qui n'ait au dedans de Jui du penchant a certains vices 5 mais que Ja délicateffe ,de fa confcience, fes principes de Religion & de venu 1'empêchent de fuivre, le portent a reprimer. Que fait le flatteur adroit, intéreffé a corromprc fa victime ? il attaque d'abord Jes fauvegardes de fon innocence, il affoiblit fes principes, rit de fes fcrupules, 1'en fait rougir ; en meme tems qu'il flat te fes penchans, allume ies paflions, lui faeilite les i moyens de les fatisfaire, & plonge ainii dans le bourbier du vice, une a:ne faite pour la vertu. La Providence a oppofé des barrières aux cosurs les plus corrompus, & les plus dénués de la crainte de Dieu, c'efl; la crainte des hommes, de leurs jugemens, de Jeurs mépris, de leur vengeance; mais ces hommes devenus laches flitteurs, n'exprimant leur mépris que par des redoublemens d'éloges & leurs rcflentimens que par les plus balfes foumiilïons, la méchanceté efl: bientöt , parvenue k fon comble. Oui, c'eit unique■ ment a 1'infame fiatterie qua la terre a été rédevable de ces monflxes couronnes, dont 1 les noms fervent k de figner les derniers excès de corruption & de vice dont Phumanité foit capable, & feron k jamais 1'horreur & 1'exécration du genre humain. Remarquez encore, M. F.,, que la fiatterie a  Ï68 X Sermon, Sur i Thtjf. II. vs. £ rie, 'en corrompant par fes fédu&ions, ceux qui en fout les objets directs, ne borne pas è eux feuls, fes funeftes influences, mais les étend plus loin, & quelquefois fur toute la fociété. Quelle pene pour la fociété que tant de talens diftingués, d'heureufes dispofidons, dont ia culture auroit pu lui devsnir fi utile, négligés, enfoais, pervertis, pour avoir été troptót, & trop indiscrettement encenfés? Combien la préfomption que la fiatterie infpire n'a t'elle pas enfamé de projets & d'entreprifes nuifibles au bien public, ou au bien des particuliers, que le préfomptueux a entrainé dans fa ruine? Mais c eft furtout quand de laches flatteurs s'attachent \ corrompre des hommes riches,puiffants, conftitués en autorité, qu'ils font r.ommés i jufte tin-e des peples publiquts. Dans quelles calamités, quelle défolation, la fiatterie n'a t'elle pas plongé des états, des royaumes entiers, en pervertifl'ant leurs fouverains ? Comme c'eft elle qui a fait les Tiberes, les Nérons, óc les Caligulas, c'eft elle auffi, qui eft refponfable de la cruelle tyrannie que ces monftres ont éxercée fur leurs fujets; de tant de meurtres, de rapines & d'oppreffions en tout genre. C'eft elle, enfin, qui juftifiant & excitant 1'ambition des conquérans, prépare la défolation & la ruine de tout un monde. Qui ne foufcriroit, après cda, a ce vceu du Pfalmifte: Dieu veuille ré- tran*  " X'Sumon, oVr x Thejf. II. v». 5- »69 {rancher toutes les levres flatteufes! (fl) Tel! ]e eft, M. F., ce vice dans fa nature, dan» fin principe & dans fes effets. Hatons-nous de profiter des momens qui nous reftent, pour vous exhorter k vous détourner pour jamais de la fiatterie, & a vous mettre en garde contre kft ieduclions des flatteurs. I. Après ce que vous avez entendu, M. F.; vous ne pouvez plus être furpris de la vivacité i que notre Apötre met dans fon Apologie, de 1'éloignement qu'il témoigne pour ce vice, dont il fe défcnd dans mon texte; éioignement qui i ne doit pas être moins fort & moins fincere , dans tout vrai Carétien. Fraude, mauvais moi tifs, féduclion! fepeut-il rien de plus directe-r ment contraire au véritable efprit & aux préceptes fbrmels de cet Evangile dont St. Paul étoit l'Apötre, & dont chacun de nous fait profeflion d'être le Difciple ? Quoi de plus facré que les loix ds la fincérité & de la vérité ? Ce n'eft que par leur fidéle obfervadon que nous pouvons remplir le but que Dieu s'eft propofé i en nous gratifiant du précieux don de la parole^, , avancer le bien de la fociété, & nos véritables i intéréts. Auffi 1'Ecriture nous fait - elle envifager I les loix de la vérité fous ce point de vue. Elle attribue l'origine de la fauffeté, du menfonge, atj («) P£ XII. vs. Af  X. Sermon, .SV/r i T&fi II. vs. | au Démon, rennemi Ie plus déclaré du genre hu* main': e!le nous avertit que Dieu- 'a M abomivatton'les-faufles lévres. (a) Un des caracteïes du portrait qu'elle nous donne de l'homme, de bien, c'eft qu ilprofére la vérité, telle qu'elle eft en fin cteur; Cb) & en eonféquence elle rious donne ces commMidemens: ne mentez point Pan a l!'autre; ayant depouillê ' le menfonge , parle z en vérité , chacun avec fon prochain. (c) Et quels menfonges plus odieux que ceux qui tendent a féduire & h \ pervèrtir nos femblables, des Chrétiens! Du * moins a hs entretenir dans leur aveugleinent, k empêcher les progrès que leur Christianisme les appelle a faire dans Ia culture & I'emploi des talens qui leur font conhés! Quelle conduite plus direciement contraire aux maximesde cet Evangile qui veut que nous nous exhortions Van l'autre, & que nous nous éd/ftons PM l'autre ;(d) que, bien loin d'ufer de .fiatterie , nous reprénions les déréglés, & lors ' qu'un homme eft furpris en j'dute, que nous le rcdrefftons avec un efprit de douceurtje) Quelle fentence Jefus Chrilt n'a t'il pas prononcée con- (<0 Pf- XV. VS. 2. O) Coioir. ui. vs. 9. (c) Ephef. IV. vs. 25. Crf) I. TheflT. V. ii. 00 Cal. VI. 1.  X. Sermon, Sur i Thejf. II. vs. 55 a^t contre quiconque aura contribué a pervèrtir ls moindre de fes difciples ? Qiiiconque fcandalife quelquun de ces petits qui croyent en moi, dit ce divin Maitre, il vaudroit mieux. qu'on lui pitidit une meule au cou, & qu'on le jettdt au fond de la mer. (a) Et qu'eft-ce qui engage •Lbraver cette fentence formidable par un rrafic fi honteux & fi pernicieux de la vérité? Vous l'avez vu, les plus petits, les plus méprifables intéréts. Entre pardculiers on veut paffer pour un homme agréable, poli, être recu, recherché, fêté dans les fociétés. Auprès des grands, dans les cours, on veut fe procurer la faveur, fource des graces, en obtenir quelqu'accroiffement de fortune ou d'honneur: encore fi ces avantages étoient toujours certains, comme on 1'a fort bien"dit: „ le nombre des „ flaneurs qui ont perdu leur tems efl: bien „ plus grand que celui des flatteurs heureux. " O ui! le flatteur encouragé par fes premiers fuccès, ne manque point de rejoubler de hardieffe & d'impudence; mais enfin en outrant la fiatterie il ouvre les yeux de celui qui en eff 1'objet, & s'attire bientót fa haine & fon jufte mépris. C'eft donc pour des avantages fi friyoles & fi incertains qu'on fe laiffe aller a tant de fauffeté, de baffcffe & d'hypocrifie; qu'on trahit & qu'on perd ceux que 1'on fait pro- («) Matth. XVIII. vs. i1 n'étoit pas pofiible que plufieurs  XI. Sermon, Sur Matth.XVIII. vs. 7. 28' fieurs il en abufaffent, & n'entrainaffent d'autres Chrétiens dans leurs chutes; cela devoit arriver nécefiairement, non par la volonté de Dieu, mais par la- fragilité des hommes, & leur dépravation. Et c'eft-ce que la toute puifiance de cet Etre fuprême ne pourroit empêcher, fens détruire la nature de l'homme, & fans renverfer fa deftination ici-bas. ■ Enfin, pour que cette nécefiité des fcandales •ne fervit point de prétexte i ceux qui s'en Tendroient coupable s; de peur qu'ils ne s'imaginaffent qu'ils ne feroient point comptables des crimes & des malheurs dont ils feroient la caufe ou 1'occafion, le Sauveur ajoute: mais malheur a celui par qui le fcandale arrivé. S'il n'eft pas polfible qu'il n'y ait des fcandales parmi les hommes en général, il eft trés polfible h chacun en particulier de n'en point donner, de ne point contribuer k la dépravation & ii la psrte éternelle de fes freres, en profitant lui-même de tous les fecours de 1'Evangile, pour fe conferver faint & irrèpré■henftble devant Dieu, & devant les hommes; de forte que celui qui demeurant volontairement dans la corruption, y entrainera les autres avec lui, fe rendra doublement criminel; il fera condamné, non feulement comme con rompu, mais comme curruptcur; la juftice divifïe demandera le fang de fes freres de fee mainsy fes ptines feront proporuonnées a fes 5 5 cri-  4$2 XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. 7. crimes, & par conféquent trés grièves, en un mot, comme Ie Smveur Pa dit plus haut, plutöt qus de fcandalifer le moindre des difciples de ce divin Maitre, il vaudrolt mieux qu*on lui pendit une meule au cou, & qu 'on Je j'ettdt au fond de la rntr. Par cette doctrine de notre divin Sau« veur vous devez comprendre a préfent ce qu'efl le fcandale dont il parle dans fes effets; nous devons encore le confidérer dans les moyens de Ie com* mettre, de s'en rendre coupable. Ces moyens peuvent varier k I'infini; nous les rapportons k deux claifes générales ; la féduc~ tion,-Sc le mauvais exemple. Le fcandale étant dans 1'intention du Sauveur, tout ce par oü 1'on fait tomber le prochain dans le pêché , & 1'on met obftacles a fon falut, vous fentez que ceux qui s'en rendent coupables au-premier chef, ce font ces hommes infames qui, trouvant leur p'aifir ou leur intérêt dans la corruption , les défordres, les vices, les crimes de quelques uns de leurs femblables , n'épargnent aucune fcducüon pour les y induire, employant 1'autorité, les promeffes , les ménaces avec leurs inférieurs,. la fiatterie avec leurs fupérieurs , avec leurs égaux tous les artifices de l'efprit des ténébres, tous ces piéges perfides, dont nous vous épargnons le bon-  XI. Sermon, Sur Matth. XVIU. vs. 7, 2S\ Jionteux détail, ctpajble! de porter au crime des cceurs déja corrompus, ou de corrompre ceux ou régnoient encore la vertu & i'innocence. Ce n'eft pas a ces fcandales fi evidens que nous voudrions nous arrêter; il n'eft prefque pas polfible que de tels fedu^eurs fe méconnoiifent, ou fe faifcnt illufion fur la grandeur de leur crime; ils ne fauroient douter que, fidèles imitateurs du Démon fur la terre , ils doivent s'attendre a partager fon fort dans 1'éternité. Remarquons cependant encore, M. F., qu'on doit mettre au rang des fèducteurs ces hommes qui fans avoir des deflbins fur quelqu'un de leurs prochains en particulier, mais uniquement par intérêt, par vaine gloire, ou par amufement, répandent dans ie monde des productions impures, propres a allumer les paffions, cc attifer le feu de }ï convoitife; ou des productions licentieufes, qui peignant le vice fous des couleurs agréables, en diminuent f horreur, & ridiculifant la vertu , la font méprifer; ou enfin , des productions impies , dans lesquelles , fous préttxte de combattre la fuperftition, & de difliper les préjugés, on voudroit renverfer les grands principes de la Religion & de la Morale.—- On ofe atraquer la révélation par d'artiflcicux fophifmes, & de profanes rail- leries.  2S4 XI. Se r m o n , Sur Matth. XVIII. vs. f. Ieries, on entreprend de bannir Ia foi de Ia terre, c'eft - a - dire, de ravir k h juftice, & a la probité leur plus ferme appui, a 1'affligé fa confolation, au vice fon frein, & k la vertu fon encouragement & fa récompenfe. Entreprife qui ne fut jamais moins vaine que dans le fièéle oü nous vivons. Ah\ qui pourroit penfer fans frémir au crime de tels corrupteurs , juftement nommés empoifonneurs des amesOjiel compte terrible que celui qu'ils auront k rendre? qui pourroit foutenir fidée du fort affreux que leurs mallieureux fuccès leur préparent? Ici encore il n'eft pas befoin de raifonnemens pour vous faire fentir toute 1'énergie de cette parole du Sauveur. Malheur d celui par qui le fcandale arrivé. II eft plus facile, M. F., de fe faire illufion fur Ia feconde clalfe de moyens par lesqurls on fe -rend coupable de fcandale, & que l'acception de ce terme, dans le langage ordinaire, défigne plus particuliement: c'eft, le mauvais exemple, & ce n'eft encore, qu'a une claffe particuliere de ces fcandaleux que nous voudrions nous bomer. En effet on peut fcandalifer par une conduite innocente en elle-même; ainfi, la vertu pure & fans tache de notre divin Sauveur, fut pour les juifs un fujet de fcandale; mais alors o'eft un fcandale prh\ cora-  XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. 7. 285 comme s'expriment les moraliftes , & touC le crime eft pour celui qui fe fcandalife. II y a des actions indifférentes par rapport a nous, qui peuvent avoir apparence de mal aux yeux du prochain; que felon fa confcience le prochain ne fauroit imiter, fans fe rendre criminel; nous pouvons alors, par un uiage indifcrèt de notre liberté, être en fcandile a nos freres; & fi nous occafionnons leur chute, nous en fommes comptables au tribunal de Dieu, felon la doctrine de St. Paul, que nous vous avons développée dans d'autres occafions. Mais on donne plus évidemment & plus furement du fcandale par tout mauvais exemple, c'eft-a-dire, par tout p^ché, tout défordre, tout crime qu'on commet devant des témoins, ou qui deviennent publics aprés les avoir commis. Dans le dernier cas, le fcandale eft fouvent contre 1'intention de celui qui le donne & qu'il répare quelquefois par fa confufion, fes remords, ou les punitions infamantes qu'il s'attire de la part de la juftice humaine. Dans le premier cas auquel nous Voudrions déformais borner toutes nos réflexions, le fcandale , dans le fens du Sauveur, fans être toujours dans Pintention directe de celui qui le donne, eft cependant, 1'effet nécelfaire de fa conduite, & par cela même le rend auffi coupable que fi c'étoit fon but. Je  ü3<3 XI. Sermon, Sur Matth.XVIII.vs. % Je veux parler de ces hommes qui, engagés dans une vie criminelle, dans des péchés, des vices, des défordres, qui pour n'être point du. relfort des loix humaines ou paree qu'on fait les y fouftraire, n'en font pas moins criminels & condamnables, ne prennent aucun foin pour les cacher, & les dérober aux yeux du public ; femblenc mettre au contraire leur gloire dans leur confufion, affichent hautemeot leur indévotion, leur intempérance, leurs dimpations, & les injuftices criantes dont ils les aecompagnent, leur libertinage, leurs débauches, leurs commerces impurs, & quelquefois adulteres. Si jamais pécheurs méritent le nom de fcandaleux, dans le fens ordinaire, ce font fans contredit des pécheurs de cet ordre. Nous voudrions rous convaincre , k préfent, qu'ils ne le méritent pas moins , dans le fens du Sauveur; qu'ils doivent s'appliquer direélement cette parole fi terrible dans fa bouche: malheur d celui par qui le fcandale arrivé. C'eft le fujet de notre feconde partie. II. Les ménaces comme les promelTes du Sauveur, vous devez Ie favoir,Chrétiens, ne font point arbkraires; elles ne font point dictees par  XL Sermon, Sur Matth.XVIII. vl. 7.' 1S7 par la paffion, ou le préjugé; mais fondées fur la nature des chofes, & la plus éxaóte juftice. L'ame pure & fans tache du fils de Dieu ne rêgla fon amour ou fa haine pour les vertus ou les vices que fur leur dégré d'excellence ou d'atrocité. Si donc il a dénoncé un malheur particulier aux pé-j cheurs fcandaleux, ce ne peut être que paree qu'ils font plus corrompus, & plus criminels que les autres. Voulez-vous vous en convaincre par rapport a ceux dont nous parions, fakes attention, i°. au caraélè- v' re de dépravation qu'ils manifeftent, & par conféquent au tort qu'ils fe font k euxmémes, ±°. k celui qu'ils font k la Religion, ' en la déshonorant. 30. k la fociété, en la corrompanc 4. £ l'ame de leurs freres, en la perdant. Suivez nous, M. F., dans le détail de ces' quatre confidérations ; & il ne fe peut que vous ne fentiez k leur . égard toute 1'énergie de ces paroles de mon texte : malheur a celui par qui le fcandale arrivé. 1. Pécher eft le trifte appanage de 1'humanité; chacun de nous ne le fint que trop par une funefte expérience. La fragilité de notre ! nature, fa corruption héréditaire, la violencedes I paflions, le mauvais exemple & les tentations | qui nous environnent de toutes parts, ne nous • dé:  stfS XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. f. détournent que trop fouvent du droit che-' min de la vertu; nous entrainent, plus ou moins, dans les écarts du vice; nous font tomberdans des péchés, des crimes, plus ou moins grands, mais qui toujours nous rendent fouveraineraent coupables devant Dieu. Cependant, quoique les hommes foient tous pécheurs, ils ne font pas tous également corrompus. II en eft qui confervent dans leur cceur de feftime, de 1'amour pour la piété & la vertu, du respeél, de la crainte pour Dieu, un defir fincére quoique foible, fouvent fans efficace, de fe cpnformer k fes loix. De la cette honte, cette confuiion , qui accompfignent leurs chutès, qui les font rougir de leurs vices, qui les engagent a cacher leur turpitude a tous les regards, & les amènent enfin a la répentance, dès que 1'illufion ceffc, dès que la tentation diminue, & que les principes de Religion & de vertu, qui ne les ont jamais entierement abandonr.és, reprennent le deflu?. Eflr-ce la le cas, M. F, des pécheurs dont nous parions? peut on nourrir h leur égard les mêmes efpérances? Je 1'ai dit, M. F, ce font des hommes qui ont ceifé de rougir de leurs vices; qui bien loin de cacher leurs défordres en font pour ainfi dire parade; qui ne craignent point de les expofer au grand jour, de braver linfi les jugemens des hommes, le mépris des gens de bien, que dis-je ? qui par leur malheuren-  , XI Sermon, Sur Matth. XVIII.s: f, reufe impudence, femblent braver Ie Ciel même, & défier les jugemens du Trés-Ha ut. Peut? " il fe trouver encore dans de tels cceurs i jgudqu'ombre d'eftime pour Ia vertu, de crainte de Dieu, de refpeet pour fes lok? comment ! le fuppofer, puifqu'ils ont renoncé a tout ce qui en eft la marqué naturelle; & dèslors, . quel .n'eft point 1'excès de leur dépravation? : Si jamais on pouvoit prononcer d'un pècheur vivant, qu'il efl- tombé dans un endurciffemeqt fuis rérnède, ne feroit-ce point de celui la ? Ne s'eft-il pas privé de toutes lesreffonrces qui pourroient 1'amèner a la répentance éi a 1'amendement, de tous les motifs qui pourroient 1'y encourager? Concluons, M. F., le pècheur fcandaleux, renoncant ainfi k tous j les avantages qui peuvent flatter un cceur | yertueux fur la terre, óf préparant une perdition éternelle k fon ame, ne juftifie t'il pas ; déja par le tort qu'il fe fait a lui même, cette i fentence du Sauveur dans mon texte: malheur, & celui -par qui le fcandale arrivé. 2. Maïs combien ce malheur ne fera t'fl pas naturellement aggravé par . le tort que le pècheur fcarjdaleux fait immanquablement aux intéréts les plus facrés,- & d'abord, pour fuiI vre 1'ordre indiqué, k ceux de la Religion qu'il deshonore ? Qui font ces pécheurs fcandaleux 3 dont nous parions? ce font des Chrétiens, des '| homtj.  £ oo XI. Sermon, Sur Matth. X VIII. vs. ?. hommes qui, nés dans le fein du Chriftianisme, ont re^u par les foins religieux de leurs parens le fceau de fes graces, prefqu'avec Ia lumiere, & qui dans Page de raifon ont embraffé volontairement Ia profeffion d'être fervitturs de Dieu, difciples & rachètésde Chrift; ont ratifié 1'engagement de pratiquer fes faints préceptes, de fe conduire, comme il efl fèanty felon 1'Evangile de Chrifi(a)de manker d'une maniere digne du Seigneur en tout ce qui lui efl agréablc, fructifiant dans toutes fortes cle bonnes oeuvres (b ) déteftant & fuyant tous les péchés & les vices qui offenfent Dieu, & que profcrit fa parole. Cnie font par conféquent ces pécheurs qui, non contents de renoncerk des vertus que 1'Evangile commande, & de fe livrei' k des vices ét des défordres direélement contraires & fon efprit & a fes loix, agiflént de la forte ouvertement, publiquement, fans honte, fans retenue, fans remords ? Ah ! ils infultent k la Religion, & Pexpofent k opprobre. Ils lui infultent par leurs mépris outrageant pour fes loix qu'ils foulent indignement aux pieds, pour fes ménacee qu'ils fcravent témcrairement, pour fes promeffes auxquelles ils renoncent volontairement; & par lk k quel opprobre, quel deshonneur ne Pexpofent-ils point? Qu'eft ce qui peut rendre la Religion honorable, li ce n'eft la pure- té O) Phil. I vs. vj. t ' cè) coiofl; i. vs. i6.  XI. Se*, mon, Sur Mank XVill. vs. 7. 29 r té de mceurs de ceux qui Ia profeflênt, leur refpe&, leur obéïflance, leur fidélité k fes loix ? C'eft par \k qu'ils témoignent leur ferme perfaafion de fa certitude, de fon autorité, de fon importance 5 c'eft ainfi qu'ils deviem. nent eux - mêmes des preuves vivantes de fa pureté, de fa fainteté , de fon efficace. Mais que font penler de leur Réigion des Chrétiens qui lui refufent ouvertement, puI bliquement cette fidélité & cette obéïflance? Si ce n'eft ou bien que cette Religion faiate eft compatible avec les plus honteux défordres, ou bien que les avantages qu'elle propofe ne valent point la peine de fe gêner & de fe contraindre pour les obtenir„; ou bien, qu'elle efl; fans efficace pour vaincre la corruption inhérente k la nature humaine, ou bien enfin, qu'elle eft incertaine, problé; matique, fans preuves, fans fondement afluré. Et ne les voitron pas d'ordinaire ces pé- cheurs fcandaleux, afiicher 1'irréligion avec leurs défordres, aifeéter une incrédulité dans 1'efprit qui ne fe trouve que dans leur coeur, adopter avidément les plus groffiers fophismes des prétendus efprits-forts, applaudir a leurs profanes railleries, & travailler ainfi 1 k rendre méprifable par leurs fentimens & . leurs difcours cette Religion qu'ils deshono- roient déja par leur conduite. Qui, par I cette feule conduite , ils profanent le nom | de la faintètè de F Eternel parmi les nations,  Bos XL Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. £. comme il le reprocha k la maifon d'lfrael, par la boache de fon prophete; par la transgreffion de la loi, ils deshonorent Dieu, (#) comme St. Panl le difoit aux Juifs; par leur abandon fcandaleux au vice, ils font blafphémer le nom de Dieu, fa do&rine & fa parele, ils dennen t lieu u Pacherjaire de mcdire, (c) comme le même Apötre en avertit les Chrétiens. Ah! le premier crime, après celui de blafphémer foi-même Je nom de 1'Eternel, de décrier foi-même la Religion Cu'nte que le propre fils de Dieu efl venu établtr fur la terre, n'eft-qe pas le vótre, ó> pécheurs fcandaleux! qui en fournilfez 1'occalion & la matiere? Et ce qui ne peut laiffer aucun doute que cette aggravation de leurs péchés, en aggravera auffi la condamnation & Ia peine, eelt que le jufte juge après avoir pardonné k Ia fincère répentarjee de D.avid , fon adultére & fon bomicide, lui jnfligea toutefois une peine particuliere; ês caufe, lai dit-il par la bouche du prophéte Nathan, d caufe qtPen cela, tu as donné occafion aux ennemis de F Eternel de le blasp hém er. Malheur doncs a celui par qui le\ fcandale arrivé, (d) y \ n -jt 3' Mal?' O) Rom. II. vs- 13. ib~) Rom. II. vi. 24. f<5 Tim. V. A's. 14ti) %. Sm. JU, ^  XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. 293 3. Malheur troilïèmement au fcandaleux k caufe du tort qu'D fait k la fociété $ en la corrornpant. Combien ne lui en fait - il pas déja, en deshoaorant, & décréditant la Religion,1 cette barrière puiflante que Dieu a oppofée au débordement de la corruption» dans Ie monde; ce moyen fi efficace, auffi tongtcms qu'il efl en honneur, que Dieu s établi pour y faire régner fordre, les bonnes mceurs, Ia vertu, & la piété ? Mais il le fait plus direólement encore, par 1'influence naturelle du mauvais exemple. Vous le favez, M. F., les hommes font naturellement enclins a 1'imitation. Etres raifonnables, ils n» devroient fans doute fe laiffèr guider que par leurs propres lumières; mais fouvent en* nemis de la réfléxion, ils aiment a fe décharger de ce pénible foin, & fuppofant que d'autres' 1'ont rempli pour eux, ils préférenc de fuivre aveuglemènt leur exemple. Ajou« tez que les mauvais exemples flattent la corruption naturelle du coeur humain, fortifient les penchans vicieux, allument, enflamment les paflions, & diminuent la honte qu'il y a de les fatisfaire. Jugez par la, M. F.3 quelle funeste influence le mauvais esemple i| des pécheurs fcandaleux dont nous parions' , doit avoir fur la fociété. Déja des vices aux-' ; quels on n'ofe encore fe livrer qtie dans fon' < domqflique / gagnent bientöt tous ceiös" qui'  i94 XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. j* le compofent, pafTent des peres aux enfans, des maïtres aux ferviteurs , de ceux - ci k d'autres qui les fréquentent, & font ainfi des progrès, lents dans leur marche, mais fans bornes dans leur étendue. Quelle ne doic donc pas étre la contagion de ces mauvais exemples qu'on ne craint point de produire au grand jour, qu'on ne rougit point de donner comme en ipeótacle k tous ceux qui ont les yeux fur notre conduite ? Combien plus furè & plus rapide encore ne doit-elle pas erre cette malheureufe contagion lorsque le fcandale efl; donné par des hommes que leur caraétère,* leur rang ou leur fortune, élève au deflus des autres, fur lefquels tous les regardsfontconflammentattachés,-dontles mceurs forment les mceurs publiques. Combien la vanité & la complailance feules ne leur aflurent -elles point d'imitateurs, d'abord dans les rangs qui les approchent de plus prés, enfuite de dégré-; en dégrés jufques au peuple? Oui dés qu'une fois le luxe & la profuüon, les excès de la table, & du jeu, 1'amour défordonné des plaifirs & 1'oubli des devoirs, le mépris des bienféances, des mceurs, de Ia piété, fe trouvent autorifés par de tels exemples , ces vices ne connoiflent plus ni bornes ni frein; les loix fe taifent, ou parient fans effet; les moyens reprimans que fourniflbit Ia Religion font hors d'ufage; la corruption fe.  XI. Se r M o n, Sar MattL XVIII. vs. 7. 9.$$ fe de'borde fur tous Jes ordres de 1'état, en re» lache les liens, en tarit Jes relfources, ménace la poftérité d'une corruption plus grande encore, qui par le feul effet des caufes naturelles doit amêner enfin la ruine d'une telle nation, fi le Souverain Maitre du monde ne la hate par fes redoutables jugemens. Oui M. F , vérité terrjble! ce font ces péchés régnans, publics, fcandaleux qui allument la colere du jufte juge, contre les nations quï s'en rendent coupables, qui obligent la Providence a glorifier fa fainteté & fa juftice, par leur punition éclatante, en envoyant ces fléaux c'eftruéteurs qui frappent 1'innocent avec le coupable, qui répandent indiftincrement leurs ravages & leurs défolations, & font un monument des vengeances divines de ce même peuple jadis 1'objet des complaifances & des faveurs les p'us diftinguées du Trés Haut. Et n'eft-ce pas aux pécheurs fcandaleux qu'un tel peuple doit fa ruine ? Malheur donc , oui, malheur d celui par qui le fcandale arrivé.' 4. Heureux encore le pècheur fcandaleux fi 1? tort qu'il fait k fes femblables, ne tou-' choit ainfi qu'è leurs intéréts temporels, fe bornoit k les rendre miférables dans ce monde; mais que font les mifóres de la vie au prix des miféres de f Eternité ? qu'eft - ce que' T 4 « :  öo5 XL Sa a mon, Sur Matth. XVIli vs. 7I. la perte de quelques biens, de quelque próspéritè ici - bas au prix de la perte irréparable du royaume dei cieux ? Et ne font - ce pas ces raiféres,.n'ell-ce pas cette perte, que le pècheur dont nous parions prépare a ces ames innocentes que fes mauvais exemples auront féduites, k ces ames chancelantes qu'ils auront retenues dans le défordre, k ces impies, & k ces libertins qu'ils auront raflirrés 6: confirmés dans leurs égaremens. Pécheurs fcandaleux! que votre propre perdition n'effraye & n'arrête point, ferez-vous infenfibles k celle de vos prochains, que vous occafionnez & qu'ils vous reprocheront éternellement? Etne dites point,- fuis- je refponfable du falut d'autrui ? Suis- je le gardien de mon fi ere mot ? Ah! vous fentez combien eft injufte & cruel quiconque nuk au' p'rochain dans fa fortune cc dans fa vie, ét vous vous croiriez vous - mêmes exempt? d'injufiice & de cruauté en lui raviflant fon jnnocence & fon falut ? Et n'ajoutez pointy mais je n'avois aucune intention de le féduire ; fi je me luis livré ouvertement k mes vices & k mes défordres, c'efl: que je n'ai point voulu me donner la peine de lesr cacher, c'eft que je détefcois 1'hypocrifie, que' je ne voulois point palfer pour meilleur que je n'étois; en donnant un mauvais exemple ie n'ai force perfonne è Punker, Plut a Dieu t pus-  Jtï. Sermon, Sur Matth. XVIII. Vs. f. tQ?1 puffiez vous toujours Ie dire en vérité; mais ■ quand cela feroit ne faviez-vous donc pas qu'un mauvais exemple donné aux hommes, trouve infaiiliblement des imitateurs; que c'eft une _ étinceJJe jettée dans une matiere comfcuftible qu'elle embrafera certainement, & que celui qui veut la caufe fe rend refpon-' fable des effets? Réfumons apréfent, M. F., le crime des pécheurs fcandaleux dont nous venons de parier; criminels envers eux tnemes, en poufra„c ieur dépravation jufqu'fc fes deraiers excès; criminels envers la Reit'. &on,& 1'infultant, Ja décréditant & 1'expofant a opprobre; criminels envers la fociété,. la patne, en y propageant Ia corruption, en amenant ou hatant fa ruins; criminels en. vers kun freres, aü pJus haut dégré; homiades de leurs ames. ces ames fi précieufes aux yeux de Dieu, pour le rachat desquelles fon propre fils s»eft eXpofé a la mort: & par conféquent adverfaires de Jéfus Chrift & immftres du Démon. Je le deraande M. ï"., a queJJe condamnation de tels pécheurs ne doivent-iJs pas s'attendre? Quelles ne feront pas ks peines que la juftice divine leur refervé? regarder» - vous comme éxageré par rapport a eux cetté expreffion da Sauveur, il vaudroit mieux qu'on leur pendit une meule au cou, & qu'on les jettdt au fpnd de la Wert ou plutöt ne featez vous T 5 pas  $08 XI. Serm on , Sur Maltin XVIII. vs. 'f. pas combien leur eft applicable dans toute fon énergie cette fentence fi terrible de mon texte; malheurmalheur a celui par qui le fcandale arrivé? Quel pècheur fcandaleux s'il refiéehiffoit ainfi fur la nature du crime dont il fe rend coupable, fur les pernicieux effets qui cn réfultent, fur le fort affreux qu'il fe prépare k lui-même, pourroit ne pas le d/tefter, ne pas fabandonner fans retour, & ne pas chercher k le réparer par 1'éclat de fa répentance, & par 1'édifkation de fes vertus. Mais je 1'ai dit, M. F., ce qui comble le malheur des pécheurs de cet ordre, c'eft qu'ils fe ferment toutes les iffues pour fortir de ce déplorable état, qu'ils fe dérobent a tous les moyens qui pourroient ramener la lumiere dans leur efprit; qu'ils fe rendent inftnfibles k tous les motifs qui pourroient toucher, émouvoir leur cceur. Quel motif par conféquent cette confidération ne do;t elle pas être pour ceux qui par la grace de Dieu fe font préfervés jufques ici de cet excès d'égarement, a veiller avec la plus féricufe attention fur eux-mêmes, pour ne pas fe laisfer gagner par la contagion de 1'exempie, & a fe préferver ainfi du malheur. dénoncé,-  XL Sermon, Sur MattA.XVüL vs. f. 299 non feulement d celui par qui le fcandale •. arrivé, mais auffi au monde d caufe des fcandaleux. II eft nécejfaire qu'il arrivé des fcani dales, felon la déclaration du Sauveur, c'eft; è-dire, ainfi que nous vous 1'avons expliqué', i il efl inèvitable qu'il n'en arrivé; mais comme cette néceflité ne difeulpe point ceux qui donnent ces fcandales , elle n'excufe pas non plus ceux qui pouvant s'y oppofer les fouf' frent, ni ceux qui pouvant y rcftfcr y fuccombent. C'eft par ces deux réflèxions impor: tantes que nous finiffons. II eft impoffible, fans doute, qu'il n'arrive < des fcandales, il eft inévitable que des hommes licentieux, fans refpecf pour eux- mêmes & i pour autrui, ne fcandalifent le monde par leurs déréglemens, & leurs pernicieux exemples. Faites attention, M. F., que nous prenons ici, le terme de fcandalifer, dans 1'acception ordinaire de notre langue; mais cet effer. n'eft point ; le malheur que le fils de Dieu dénonce au mon. de a caufe des feandales. Si tous ceux qui en font les témoifis en étoient également offenfés, i indignes, révoltés; files loix civiles déployoient . d'abord toute leur rigueur contre le fcandaleux, i fans acception de perfonnes; fi l'Eglife en li• berté d'exercer contre lui fa difcipline 1'exert coit effeftivement; fi les puiflans lui retiroient I leur proteftion; fi les gens de bien lui refu- j j foient ouvertement leur eftime & leur familia-  jjoo XI. Sermon, Sur Matth. XVtlï. vs. f. .rité: croyez - vo'ts M. F., que le vice oferoit léver infolemment la tête ? que c;s exemples fe «nultiplierofnt beaucoup ,- que les défordr:3 ainfi reprimés feroient fort coritigieux? ne fentez vous pas, au contraire que-s'il eft iiuposfible qu'il n'y ait des fcsffdaes, il eft trés posfible qu'il y en ait moins qu'on nen voit fouvent, & qa'ainfl Ia négligence de ces salutaiies moyens n'eft rien moins qu'exeiukble ? Mais quel que foit le nombr? des pécheurs' fifimdaleux, quelque peu de réfirtance qu'on fetv oppofe, de quelque liberté, de quelque confidération qu'ils jouilfent 4 & par conféquent quelque féduifant que foit leur exemple, ne nous croyons pas plus excufablcs s'il nous arrivé d'y fuccomber en l'irnitantv La tentation eft forte, mais graces k la bonté divine nous ne manquons pas de moyens pour y réfister. Le penchant k' 1'imitation nous eft naturel, mais Dieu nous a donné la raifon? pour le guider. Eft r il digne d'êtres raifonna. fcles de prenlre pour moièles des hommes fans principes & fans mceurs, des hommes qui ne croyent vivre que pour Iktisfaire leurs pafiiom animales, qui ont renoncé, je ne diiai pas k la piété, mais k la prudence, k Is modération, k Ia décence,kreftime & a 1'appro.bation des gens de bien ? Voulez - vous vons conduire par imitation? choififlez vos modèles parmi des hommes d'une lageffe & d'une piété  XI. Se r m- o n , Sur Matt/uXVlll vs. 7. 30Ê piété reconnue; imitez la prudence de leur conduite, leur attachement a leurs devoirs reJigieux & civils, la régularité, la pureté de leurs mceurs, leur fidélité conjugale; graces h I Dieu, il nous refte de tels exemples, & même dans le rang le plus élevé. Mais nous : avons un guide plus fur encore, Chrétiens, & dont les directions fi nous les fuivons fi1 dèlement, ne nous égareront jamais, c"eft la1 parole de Djeu. Quoique difenc ou fafient les autres hommes; quelles que foient les opi: pions & les coutumes qui ont cours dans le monde, ce n'eft pas lk notre régie, celle fur laquelle nous ferons jugés. Dieu nous la donne cette derniere régie dans fa parole; lkpotre Légiflateur fuprême nous fait entendre fa voix; lk il nous dicte ce que nous devons. Jaiifer & ce que nous devons faire dans toutes les circonftances de notre vie; ce qui peut : nous rendre agréables li fes yeux, dignes de ! fa faveur, & de fes éternelles récompenfes. . Lk il nous propofe un modéle parfait, accomV ' pli, dans le chef & le confommateur de notre • fit-, dont nous pouvons fuivre furement les trafes. Etudions-la donc conftamment, cette divine parole, quelle ferve de lampe a nos : pieds, de lumiere d nos fentiers; rendons | nous propres par la méditation, fes principes & fes maximes, pratiquons celles-ci fi. i d£lemen$, & pratiquons • les furtout ouverte-  f "502 XI. Sermon, Sur Matth. XVIII. vs. fl ment: dépouiHons nous de toute faufle honte, trop ordinaire dans un fiécle de fcandales, faifons luire notre lumiere devant les hommes, y travaillons par Ia folidité & 1'éclat de nos vertus a rendre honorable Ia Religion, k arrêter Ie débordcment de corruption qui ménace 1» patrie, k édifier nos freres, & k converdt même les fcandaleux. Et après avoir relui ici bas, comme des flambeaux au milieu de la génération tortue ff perver fe, C«) après en avoir amené plufieurs d la juflice, nous brillerons un jour dans le firmament, comme des étoiles, d toujours & dperpétuité. (f) AMEN! O) Philip. II. vj. 15. (6) Dan. XII. ri. 2. SER;  3°* SERMON DOUZIEME. SUR LA VAINE GLOIRE. I. Cor. IV. vs. 7. Qui eft-ee qui met de la diférence entre toi & un autre? qWeft-ce que tu as que tu ne l'ayes recu? & fi tu Pas regu jbourquci Pen glorifies tu, comme fi tu ne Favois point recu? Jl en eft, M. F., de 1'orgueil de la vaine ; gloire comme de prefque tous les autres vi| ces : ils nous paroifient fouverainement déj raifonnables, ridicules ou odieux lorfque nous 1 les appercevons, les jugeons & les cenfürons dans les autres; mais on diroit qu'ils changent entierement de nature, dès qu'on nous les fait appercevoir en nous' mêmes. L'a1 mour- propre nous fuggère alors mille artifiI ces pour neus perfuader que fi nous pori tons de nous mêmes öc des autres des ju■I gemens fi différens, c'eft qu'en effet nos circonftances ne font point du tout femblables. I Cet homme par exemple que les moindres j avantages qu'il poffede enflent de vanité & d'o£  304 XII. Sermon, Sur i Cor. IV. vs. 7: d'orgueil, c'eft-a-dire qui en prend occafion de s'élever k fes propres yeux , de rnéprifer* fes inférieurs, & d'abufer honteufement des favenrs dont il jouit, cet homme ne tiendra pour 1 orgueil véritable que les derniers excès de ce^ vice; • que la vanité, le fafte ridicule d'un riche fans naiflance, oula hauteur, la fierté dédaigncufe d'un grand fans fortune & fans mérite, ou faffeétation du favoir & de la fageffe dans un ignorant & un infenfé; mais il fe per* faadera qu'avec des avantages & un mérite léels, il eft permis de les reconnoitre & do s'en faire honneur, da fentir fa fupériorité & des'en prévaloir, cc cela paree qu'il s'en croit uniquement redevable k fes foins, fes efforts, fort ïpplication, Oui, M. F., les hommes ne font pas auffi inconféquens qu'on fe 1'imagine. S'ils le paroifient fouvent ce n'eft pas que leur e£ prit manque toujours de jufteffe pour déduir» dun principe certain feslégidmes conféquences j mais c'eft que d'ordinaire ils méconnoiffent 1© principe lui-même, & n'en font pas fuffifamment convaincus. S'ils fe ghrifient de ce qu'ils ont ce n'eft pas qu'ils ne foyent perfuadés qu'il n'y a aucun fujet de gloire a tirer de ce qui nous vient d'autrui, mais c'eft qu'ils s'ima-> ginent ne tenir tout que d'eux mêmes; & le gfand moyen de détruire en tux Ia vaine gloite c'eft de les bien convaincre qu'ils rNtit rien j«V/f ns feyini recu. Telle eft aufiï la mé» ±QdQ  $j$Z. SErmó'N," Sur i CV. IV". vs. f. ■ thode par laquelle 1'Apótre St. Paül entre; prend de confondre 1'orguei! des Doéteurs ,i de Corinthe & de faire ceder les difputes <& I les divifions fcandaleufes qui en étoient les fruits. 0,M. F., dit-il dans le verfet qui I précéde mon textefat' 'tourné par une fa: pon de parler ce difcours fur moi & fur Apollos, d caufe de vous; afin que vous appreniez , de nous, ou dans nos per ('onnes, d ne point préfumer au delk de ce qui efi écrit, enfiorte . que pour I'amour de Tun, nul de vous ne s'enfie & ne méprife tautre, car qui efi - ce qui met de la diffèrenoc entre tot & un autre ? Quoique 1'Apötre ait ici direciement en vue les dons néceffaires au miniftère Evangélique, & qui dans ces tems miraculeux procédoient fi éviI demment du St. Efprit, cependant la maximd : eft générale dans fon exprefiion, & n'eft pas moins vraïe dans toute fa généralité. . Nous/ voudrions vous en convaincre dans ce difcours, pour cet elf et nous le diviferons en deux par ties- Dans la I*, nous vous prouverons en détail, avec éxaéb'tude & dans toute fon étec' due la verité du principe que 1'Apötre pofé. Qui ejl-ce qui met de Ia diffêrence entre toi 6? un autre ? & q'defi ce que tu as que tu ne Vayes recu ? dans la li', nous dévèlopperons la conféquence que 1'Apötre erj V üf  XII. Sermon, Sur 1 Cor. IV. vs. 7. tire & dont la juftsfle fe fait fentir au- prémier coup d'oei!: fi tu tas re, u pourquoi fen glorifies tu comme fi tu ne l'avois point repu? Accordez-nous, M. F., une attention' foutenue & religieufe. Et puifuons nous tous, inftruits a regarder fans ceffe a funique Auteur de toute grace excellente & de tout don parfait , rapporter conftamment en humilité & en charité ceux que nous avons reju de fa main libérale , k fa gloire par Jéfus - Chrift notre Sauveur! AMEJM! I. Qui eft-ce qui met de la dijfiirence entre toi & un autre ? & qdefi-ce que tu as que tu ne l'ayes recu V Voilk Ie principe que 1'Apötre pofe, & dont nous devons vous protfVer la vérité. Qu'il y ait de la dipfiérence entre les hommes, que les uns polfédent des avantages fupérieurs a ceux des autres, c'eft ce que 1'Apotre ne contefte poinr, & ce qu'il eft impofïfole de méconnoïtre. Un coup d'oeil jetté furie genre humain doit nous convaincre qu'il éxifte entre les individus une prodigieufe inégalité par rapport a leurs qualités naturelles ,- leurs conditions dans la fiociété, & teuts privileges par rapport dia Religion. Tous  XII. Se a. mon, Sur i Cor. IV. vs. 7. 307 Tous les hommes font également compofé$ d'un corps & d'une ame; mais quelle différence de 1'on a 1'autre par rapport k la conllitution, aux facultés, aux talens de ces deux parties de notre être ? Ici neus voyons des corps fains & robuftcs, dont les parties font bien proportionnées, les traits réguliers, les mouvemens faciles & pleins de grace; la des corps foibles & infirmes, difFormes & languisfans. Ici nous voyons des efprits vifs & pénétrans , une conception aifée-, un jugement fain, une mémoire heureufe, une imagination féconde & riante; ia une intelligence bornée, une conception lente, un jugement faux, une mémoire ingrate, une imagination ftérile ou mélancolique. Ici des palfions fougueufes & indociles; la des affections douces & modérées. Ici une fenfibilité aimable & touchante qui prend intérêt a tout, & qui intérefle tout le monde; \k des coeurs froids & jndiftérens, ■ Les Conditions des hommes dans la Société nous offrent des différences plus fenfibles encore, Nous y voyons les uns nés dans 1'élévation & dans ^abondance, les autres dans la pauvreté & dans la baffeffe. De ceux - ci il y en a qui parviennent aux richefles & aux honneurs, il y en a qui con-, tinuent a rahiper dans leur obfeurité ou leur indigence. Les uns jouifient de toute la con- y % Mé  3o8 XII. Séiimon, Sar i Cor. iV.vi. f. ficération due f.u vrai favoir & aux tajenr diftingués, Jes autres demeurent négligés com> me étant fans capacité & fans mérite. i Enfin les hommes ne font pas mom i distingués les uns des autres quant a leuis Priviléges par rapport a la Religion. Ceuxciv abandonnés a 1'état naturel d'une raifon dégradée , croupiifent dans les ténèbres de 1'igporance & de 1'idolatrie, pendant que ceux-la, éclairés du fiambeau de PEvangile de grace & de vérké, connoiffent le feul vrai Dieu & celui qiiil a envoyé, Jéfus Chrift. (a) Parmi ces derniers les uns ne recoivent la lumiere de ce flambeau célefte qu'altérée par les nuages plus ou moins épais • de Terreur & de la fuperfiition , pendant qu'elle luit aux yeux des autres dans toute fa pureté & dans tout fon éclat. Parmi ces derniers encore 1'Evangile eft pour les uns une lumiere falutaire, paree qu'elle éclaire efïicacément, &convainc leur efprit, qu'elle touche leur coeur, en plrrifie les affefti'ons & qu'elle fanólifte toute leur conduite j pendant qu'elle ne luit aux autres que pour leur condamnation, qu'elle les laifle incrédules, efclaves des c onvokifes charnelles, dépravés & diflölus dans leurs mo?urs. Vo:l& dés différences trés fenfibies entre Jes hom* mes* &i) Jèaii XVIï: ys. 3,  Xil. Sermon, Sur i Cor. IV. vs. 7. 309 •mes, mais qui felon 1'Apötre n'empêchenc point quil n'y ait entr'enx, a cet égard même, une efpeee d'égalité; c'eft que ces diftinctions ne dépendent point d'eux-mêmes, car qui eft ce qui met de la difterence entre toi & un autre? Ces avantages qui vous diftinguent ce vos prochains en êtes- vous uniquement rédevables a vous mêmes? non fans doute; car queft-ce qne tu as que tu ne Fayes recu? C'efl-a-dire vous ne joairiez d'aucun de ces avantages fans la libèralvê, la providence & la grace de votre Dieu. C'eft ce qu'il s'agit de prouver a 1'égard de ces différentes ciaifes de bieas que nous avons disr tinguées. I. Par rapport a la première la chofe eft: ü évidente qu'elle n'a pas befoin de preuve. Qui dit qualités naturelles, foit par rapport au corps, foit par rapport k fefprit, dit des qualités que nous tenons de la nature j qui ne fe m:mifeffent que peu a peu avec le déveioppement des organes, mais qui font une fuite de leur conftitution primitive, a laqueUe nous n'avons en rien contdbué, dont Dieu efl: la feul auteur. Plufieurs de ces talens fans doute peuvent être cultivés ou négligés, perfeétionnés ou pervertis, & voila ce qui occafionne notre erreur fur leur véritable fourcc. Si a 1'égard de la conformation de no- v 3 m  3io Xfl, Sermon, Sur i Cor. IV. vs. 7. tre corps on eft obligé de convenir que telle qu'elle eft, nous 1'avons recue il n'en eft pas de même k 1'égard de fa fanté. Ne nous arrivé t'il p CjO Matth. xxy. V19'  |2g XII. Sermon, Sur i Cor. IV. vs. proche; gardons nous de cet excès d'ingradpude, d'injuftice cc de rebellion. Craignons de laflèr la miféricorde de notre bienfaiteur, d'éteindre fon amour. Craignons de changer fon amour en coiere & fes bienfaits en chatimens. Gardons-nous de jamais penfer ou dire: je tai fait par la force de ma main & par ma fageffe, car je fuis intelligent, (a) Plutöt implorons fa bénédiéh'on fur tous nos deifeins <3? tous nos travaux; remercions - le louons-le de tous nos fuccès • rapportons-en a lui feul toute la gloire. Ne refufons 4 perfonne, rendons k chacun 1'eftime qui lui efl: due, quelque place qu'il occupe dans Ja focjèté • ne méprifons aucune des dispeofations de Dieu, & adorons dans toutes fa profqnde fagefie. Soumettons-nous, obéïflbns k fa volonté, en rapportant conftamment nos avannges au bien de la fociété, & 1'avancement de Ia gloire de Dieu, & de fa Religion , & par la & 1'avancement de nos véritables 'intéréts. Pour cet effet ne perdons jamais un inftant de vue fauteur de toute lohne donation de tout don parfait. Ne nous contentons pas d'être perfuadés en général 'que c'eft de lui que nous avons tout 'recu j mais faffons-en fans ceffe 1'application 4 tous les biens particuliers dont nous fommes fayörifés.; U a bien ypulu nous, y aidfiT. N ' " ' par. ia) Efaie X. vt. 13. * 1  XXT. Sermqn, Sur i Cor. IV. vs. 7. 32^ par Je culte qu'il 3 daigné nous prefcrire & que nous fommes appellés a lui rendre con* tinuejlement, Toutes fes parties, louanges, prierés, aaions de graces, nous rappellent de la maniere la plus vive le principe que nous avons travailjé i vous inculquer. Pratiquons donc fidèlement ce culte fi falutaire, non feulement dans ces temples, mais foir & mati» dans nos maifons: apportons - y tout le refpeél toute 1'attention & Ja dévotion convcnables. Et étant toujours avec le Seigneur il noui tfjscndra-' lui r même par la main droite, il nous conduira par fon confeil, // éloignera de ms coeurs toute femence de vaine gloire, (a) d'orgueil & de rebellion contre fa volonté fainte; il nous rendra fermes, immuables s abondans en fon oeuvre s & un jour il couronnera en nous fes propres dons, des magnifiques récompenfes réfervées a tous ceux qui auront fait ce qui efl jufte, qui auront aimé la benignitè c¥ auront marché en toute humilitè avec. I'Eternel leur Dieu (b) & leur BienT faiteur. VeuilJe- t'il nous en faire k tous la grace. & ,M E N. («) Pf. LXXIIL vs. a3, 34. ('b ) Michée VI. \t. 8. ' \ % | SER-'  $3* SERMON TREIZIEME SUR LA DIFF^RENCE DES VOEUX 'DU SAUVEUR AVEC CEUX DU MONDE» EvANGILE sslon St. jean. Ch. XIV, VS. IJ? Je vous laiffe la paix ; je vous donne la paixj je ne vous la donne point comme le monde la donne. (*) «ZVe vous conformez point au préfent Jiécle. (a) C'eft vous,le favez, M. F., une maxime de F Apotre St. Paul, dans fon Epfcre aux Romainsr maxime qui fouverainement jufte «Sc raifonnable en elle-même, a pu cependant par la maniere dont elle eft exprimée, don-ner lieu & a donné lieu trés fouvent eux plus faufles applications. On a vu des Chrétiens, & {*) Prononcé la vrille du Jour de 1'An» Cf} Rom. XII. ra. a.  XIU -Sermon , Sur St.Jean. XIV. vs. 17. 33* & on en voit encore, qui anime's du beaa «5c pieux deflein de vivre felon les préceptes de 1'Evangile, ont cru ne pouvoir remplir celui-ci, quen fe diftinguant en tout du préfent fiéclesc'elt-a-dire de la multitude des hommes, du monde & de tous fes ufar ges. Non contens de ne pas fuivre la multitude pour mal faire, faj on les a vus s'en diftinguer avec affeélation jufques dans les chofes les plus innocentes, dans les manieres les plus indifférentes de fe vêtir, dans le maintien «Sc la démarche, enfin dans les ufages «Sc les formules d'une politelfe qui, pour être i fouvent vaine & faulfe, n'en a pas moins pour but d'exprimer les lentimens les plus juftes «Sc Jes plus naturels. Si ces Chrétiens croient obéïr S par une telle fingularité aux volontés de Jéfus \ Chrift, leur Maitre & leur Sauveur, ils fe trompent beaucoup, puisque leur conduite en cela eft direérement contraire a la fienne. Ce divin I Sauveur en cenfurant avec force, & en fu* yant lui-même avec foin toutes les pratiques critninelles établies dans le monde,- fe conforma dans tout le refte aux ufages regus. Nous ne voyons nulle part qu'il ait aifecté de s'en écarter, mais bien qu'il les a épurés, «Sc fanctifiés, autant qu'ils étoient i fufceptibles de 1'être; & k cet égard, il s'eit dvf (*) Exod. XXIII. tï. &  33* XIII. Sermon, Sur St.JeanXIV. vs.zf, diftingué du préfent fiècle, même en s'y con* formant. Les paroles que nous avons choi« fies pour texte, & que nous envifageons coniT me les adieux Sauveur k fes difciples, font une preuve de ce que nous difons. Le monde a des formules ufitées dans ces fortes de circonftances, formules qui dans la bouche des gens du fiècle ne font fouvent qu'un vain fon, & quelquefois des paroles faufles & trompeufes. Le Sauveur condamne - t'il ces . formules elles - mêmes ? affeóle - t'il de nepas s'en fervir & de s'exprimer d'une fagon toute différente? non! il dit k fes difciples felon 1'ufage de ces tems; fe vous laifft la paix% je vous donne ma paixf & cependant il fe diftingué du préfent fiècle, je ne vous la donne point 3 ajoute til,, comme le monde la donne. C'eft, M. F., cette Iecon, fi fage & fi utile, que nous venons offrir k votre mé-Jitation. Et ce choix vous paroitroit- il déplacé k Ia veille d'un jour particulièrement confacré aux voeux & aux fouhaits? Riep de plus naturel qu'en recommeneant une nouvelle partie de notre carrière mortelle, des homme? dont le coeur eft pénétré d'une charité non feinte, qui défirem & fouhakent fincérement de voir tous leurs femblables heureux, expriment ce défir , & s'addrelfent reciprctquement les voeux qu'ils ne ceflent de former pour fon accompIifTement. Auffi perfonne  XÏlt Sirmon , Sur Ét. jean. XIV. vs. 27. 3*3* ify manque, ou ne voudroit paroitre y mariqder. Mais, fi les gens du monde fe conteritent de fe conformer k 1'üfage, & d'y fatisfaire quand k l'extérieur; ou s'ils fe contentent de fouhaiter au prochain le bonheur auquel ils bornent leurs voeux pour eux-mêmes; le Chrétien ne fauroit les imiter fans démentir les lumières dont 1'Evangile a éclairé fon efprit 3 & fans déroger aux fentimens dont il doit pénécrer fon coeur; & fi dans des jours tels que ceux dont nous parions, nous donnons notre paix, felon 1'expreflion du Sauveur, nous ne devons point la donner cemme le monde la donne. Nous allons, I. d'abord M. F., juftifier le point de vue fous lequel nous croyons devoir envifager notre texte. II. enfuite nous vous montrerons la différence des voeux du Sauveur, d'avec ceux du monde. III. Enfin, nous vous exhorterons a imiter fidellement ce beau patron que notre divin Maitre nous a laifie. C'eft tout notre plan, & tout le fujet de votre attention ra. ügieufe. ■ IYotïs avons déja indiqué le fens que noUs i croyons devoir attacher aux paroles de nd! ire texte; nous les regardons comme exprf- mant  §24 XIII. Sermon, SurSt Jean XIV. vs.27; mant les adieux du Sauveur k fes difciples j comme une formule de vceu & de fouhait, alors généralement eo ufage lorsqu'on fe féparoit de fes parens ou de fes amis; ufage auque! le Sauveur ne dédaigna point de fe conformer. Quoique ce foic lk ie fentiment du grand nombre des interprêces, nous ne vous cacherons point qu'il y en a plufieurs qui envifagent ces paroles fous un autre point de vife. Quelques-uns out cru que notre teXte n'exprime pas un vóeu que forme Jéfus Chrifr. en faveur de fes difciples; mais un devoir qu'il leur commande. II les exhorte, felon ces fnterprëtes, a Tunion, k la concorde, k la paix entr'eux; exhortation, qui devoit fervir de fondement k celle qui la fuït: que -votre coeur ne foit point troublc, & ne foit point craintif Comme s'il difoit, fi vous demeurez fidé'es k Yethortation que je vous adrelfe, fi, fpyant toute diffention vous demeurez unis par la Concorde & Ia paix, vous pouvez nourrir la plus entiére confiance & être allures de remporter la victoire fur tous vos ennemis. Mais pour donner de la force k te derrière phrafe, on cn -fait perdre auX précédentes; car que fignifieront alors ces expreffións, je ne la donne point, fcavoir la paix; tomwe le monde la dmne. D'autres interpreten s'éloignant d'avantage encore da' fen«  Zilt Sermon, £ur St.JeanXïV.vs.i?. 33$; fens natórel de notre texte, 1'ont envifagè eomme une efpèce d'ironie. Je vous laisfe la paix, je vous donne ma paix. C'eft k dire, je vous annonce une paix töute pareille h celle dont j'ai joui moi - même fur la terre, des contrsdictions perpétuelles, des ealomnies, des acpufations, des condamnations, des fuplicea,' mais que malgré tout cela , votre co2>:r ne foit pas agitè, ni craintif. Enfin un dernier commen!-aire qui approche le plus de celui qüi nous paroit le pïus fimple & Ie plus naturel, c'eft de regarder notre texte comme la difpoütion teftamentaire de Jéfus Chrift, comme une dëckration de Théritage qu'il lanToit a fes difciples; & c'eft bien, effectïvement, k quoi revient un fimple vieu dans la bouche de celui dont les paroles font Oui & Amen, & n'ont jamais manqué d'être fulvies par 1'effet. Mais; nous croyons, avons nous dit, devoir envifager celle-ci, comme une formule de voeit & de founait dont le Sauveur a bien voulir <è fervir, feton I'ufage de fon tems. C'étoic effectivement Ie falut ordinaire des Hébreux; Nous pourrions vous en montrer plufieurs exemples dans 1'Eeritufe. Soit en s'abordant,foit en fe quittant, ils avoient accoutumé de; dire: Que la paix foit avec vous, ou paix vous foit. Et ce mot de paix renfermot, iefigaoic alors toutes forte* de rrofpérités ♦3c  $36 XIÏI Sermon, Sar St. JeanXW.vsiifï & de biens qu'on pouvoit fe foubaker rrt&tuellemerit. Or ƒ« vous laisfe la paix t je vous donne ma paix, eft manifeftement une paraphrafe de Cette expreflion paix vous foit. La circonftance oü fe trouvoit Ie Sauveur doit achever de nous en convaincre. Notre texte fait partie du difcours qu'il adreffa a, fes difciples, après le fouper de la defniére Paque quil fit avec eux, c'eft k dire la même nuit qu'il fut livré aux juifs par le traitre judas. Ce difcours peut donc être regardé comme Ie dernier que le Sauveur adrefla aux fiens. Auffi eft"- il entiéremenc confacré, d'un cóté k les conföl*r dans la doulcur qu'ils devoient fi naturellement ref* fentir de I'abfence d'un maitre chéri; & de fautre, k les fortifier contre les aflauts qui feroient livrés k leur' fidélité & k leur cónftance. Rien n'étoit plus capable, fans doute, de produire ces heureUx effets, que la prömefle du St. Efprit qui devoit leür fervir de confolateur dans leurs afflicfions, & davocat auprès du Pere afin de leür obtenir de fa part tous les dons, tous les fecours & toutes les graces dont ils auroient befoin. Auffi le Sauveur répéte-t'il plufieurs fois & en plufieurs manieres la même promelfe, & en particulier dans le verfet qui précéde notre texté. Mais le confolateur, qui eft le St. Efprit que Pere envoyera In mon nom vous enfeignera tvu~  AlII.Sermon, Sur St. JeanXtV.vs.z7. 33 toutes chofes &> vous remettra en mémoire tou~' tes les chofes que je vous ai dites. Et pour mot, continue - t'il imrnédiatement, pour moi, quj vais vous quitter, je vous laiffc la paix, je ytus donne ma paix; je ne la donne point comme le monde la donne. Confidérons k pré* fent de plu's prés ces vcéux, cesfouhaits, que le Sauveur exprimé en faveur de fes difcf, pies, & remarquons avec foin leur différence d'ayéc ceux du monde. C'efl le fujet de notre fecond & principal Article. II; Le earaclérede notre Seigneur, & les expres* ftons qu'il employé, prouvent également qu'erj fe conformant dans les vosux qu'il fait pour fes difciples, ai» formules ulitées dans le monde, il a eu cependant des viies bien différentes de celles des gens du monde, des viies tout autrement relèvées & fubli» mes que les leurs. II s'agit de vous montrer k préfent en quoi cette différence confiflre. Nous confidérerons pour cet effet, 1». le fujet, ou la nature de fes voeux, t*. \qüt ftncéritè, y>. enfin, leur efficace. Aces trois égards, Ie Sauveur pouvoit dire avec vérité k fes difciples, je ne vous donne pomi, la paix comme le monde la donne. y t  338 XIII. Sermon, Sur St.JeanXlW'. vs. Vf} I. Si on vouloit juger des penfées que' les gens du monde attachent a leurs expresfions, par celle-1 qu'ils devroient y attacher, on fe tromperoit fouvent de la faeon la plus groifiere. La charité, il eft vrai, n'eft point fbupponneufe.- Mais quand on voit Ia conduite des hommes fe trouver dans une contradiétion manifefte avec leurs exprèsfions: cette même charité qui n'eft point foupconneufe, nous potte k fuppofer que le défaut fe troave plutöt dans les penfées qu'ils devroient avoir, que dans les actions qui les démentent. En voyant donc les' gens du monde prefqu'uniquement occupés des objets terreftres, de leur bien-être corporel, d'une profpérité purement temporede ; avoir conftamment k Ia bouche, des expresfions qui défjgnent des objets d'une toute autre narüre, des objets céleftes, le falut de l'ame, une profpérité fpirituelle, qu'ils ne défirent Sc ne cherchent point: n'eft-il pas naturel & charitable, de fuppofer qu'ils ne penfent pas non plus a ces derniers objets?' Les mêmes mots doivent donc quelquefois être entendus comme exprimant des chofes différentes felon le caraétère de ceux"* qui s'en fervent. Or il en efl ainfi du mot de paix , & d'autres exprefïions femblables dans la bouche des gens du monde, Sc dans Jjr  "Xiil. Sermon, Sur St.Jecm XIV. vs. 27.-339' ia bouche de Jéfus Chrift. La paix que les anciens Hébreux fe fou'haitoient mutuellemenc pouvoit défigner tout genre de profpérité , foit k 1'égard du corps, foit k 1'égard de l'ame, foit pour la vie préfente, foit pour la vie a-venir. Mais il n'eft pas douteux que les gens du monde, en fe fervant de cette expreffion, ne bornaffent leurs penfées k la profpérité qui les occupoit ie plus, & ne fe contentaflent dans leurs voeux de fouhaiter aux autres ce qu'ils regardoienc eux- mêmes comme Ie fouverain bien. Et c'eft-ce qu'on leur voit confirmer tous les jours, dès qu'ils" s'écartent de ces formules que 1'Ecriture . elle -même nous dicte, ou qu'un ancien ufage a confacrées. La fanté, une vie longue & heureufe, les biens de la fortune, les honneurs du fiècle, 1'eftime des hommes, n'eft-ée pas la tout ce que les gens du monde fe croient obligés de fe fouhaiter mutuellement ? Mais dèslors quels fouhaits plus vains, plus frivoles, plus infenfés ? Gens du monde fi vos voeux font frncères, n'eftcepas un bonheur rèel, fofide, complet, dufable que vous défirez pour ceux & qui vou$; vous intereffés? Et vous vous bornez a un bonheur apparent, purement extérieur, qui n'eft tel qu'aux yeux d'autrui, pulfqu'on n'eft' heureux foi-même quautant qu'on jouit de ia paix de l'ame, & c'eft elle que vous ou-  34° XIIÏ. Sermon , Sur St. Jean. XIV. vs. ttfi ïjRezj vous vous bornez a un bonheur fra* gile, périffable, qu'un fouffie peut faire éva» nouir; z un bonheur qui quelque confhnt qu'il puifiê être, n'eft eneorè que momentané , ne peut nous rendre heureux que pendant les inftans fi courts de notre vie mor* telle, & cela peut - être poür nous procurer une mifère fins mefure & fans fin dans la vie a venir. Ö que les voèuX de Jéfus Chrift doivent diiférer de ceux des geus du monde! II fouhaite a fes difciples la paix.Kous devons juger de la nature de cette paix par le grand objet qui occup'oit toutes les penfées de ce charksble Sauveur. Quel étoit fon but en vénant fur la terre?" dequel ouvrage avoit-il entrepris 1'exécütion ? Vous le favez, Chrétiens, c'étoit le grand ouvrage de notre falut. Mais en quoi confiftoit c& falut qu'il vouloit nous procurer? s'agifiöitil d'une délivrattcë temporelie, d'une paüt terreftre , d'une profpérité mondaine ?' Au contraire, c'eft de ces biens qu'il vouloit nous dévoiler la vanité' & le danger, c'eft d'une trop grande eftime, d'un fo! amour pour ces biens qu'il venoit nous guérir, nous corriger. Malheur, crie - t'il, d ceux' qui font dans la joye, c'eft-h-dire, en ne prenant point ces paroles dans les circonftances particulieres oü Jéfus Chrift parloitj malheur i ceux quï psffent leur vie dans une joye K}0&f  XIII. SEVMONySarSt.Jea» XIV. vs.; 27. 34! mondaine, fans Ia voir troublée par aucun revers; c'efl un calme perfide., avant - coureur des plus terribles orsges. II annonce k fes vrais difciples, des contradiélions, des adverfités, des affliclions dans le mende, & les repréfente comme des épreuves néceifaires pour les conduire au falut qu'il venoit leur pro. curer. Voici donc en quoi confifloit ce grand falut. Transgreffeurs de la loi de notre Dieu, nous étions foumis k fes malédidlions, k une mort fuivie d'une féparatiqn entiére & fans retour de cs Dieu, la fource de tout bien;' & par conféquent a une mifère éternelle. Nous gémiffions fous 1'empire du pêché, dans Ia corruption la plus profonde; fefprit rempli de ténébres & d'erreurs, & Ie coeur défefpérement malin, nous portions au dedans de nous la fource de notre mifere. Voila letat de perdition, dont Jéfus Chrift vouloit nous fauver, C'eft dans ce but qu'il étoit venu au monde. Ennemis de Dieu en penfées & en mauvaiftS eeuvres, il vouloit nous reconcilier & faire notre paix avec lui; dépravés, corrempus il vouloit nous purifier, nous fanéliher, nous ramêner k cet heureux état d'innocence d'oü le pêché nous avoit fait décheoir, & nous remettre ainfi en paix avec nous-mêmes. Voila le vrai bonheur, Ja vraie profpérité, Ia vraie paix; ccttc paix de l'ame k laquelle Y 3 I*  54- XIII. Smlmon, SurSt.yhn.tïy.vsrtf. le monde penfe peu, ou ne penfe point du tout, mais k laquelle le Sauveur penfoit, fans-doute, uniquement dans les voeux qu'il forma pour fes difciples. C'eft auffi pour cela qu'il la nomme fa paix; il ne dit pas feulement, je vous laiffe la paix, mais il ajoute , je vous donne ma paix; cette paix qui fait 1'objet de mes penfées, de mesdesfeins, & qui a fait fi fouvent celui de mes difcours; qui a été le fujet de la doctrine que je vous ai enfeignée ; telle efl: la paix que je vous fouhaite en vous quittant. Voeu bien digne de la fublime fageffe, & de la parfaite charité de notre divin Sauveur. II leur fouhaite une paix véritable, qui fait notre föuverain bien , puifqu'avec elle les affliclions du monde perdent leur amertume, & que fans elle il n'eft point pour nous de profpérité réelle; paix conjlanie qu'on ne fatroit nous ravir lorfqu'une fois nous en ferons mis en poflèflion',' puifque cette paix de Dieu , qui fur paffe tout entendement, garde nos coeurs & nos fens en Jéfus Chrift'. fjar) Paix éternelle, dont nous ne goutons ici ^as que les premices & les avant • gouts , mais dont nous obtiendrons la plénitude, lorsque dégagés des liens d'un corps mortel tombé en pouffiere, notre ame fera retournée dans  XIII. Sermon, Sur St Jean XIV vs.27. 343 dans Ie fein de Dieu, pour y demeurer éternellement. ■ II. Une feconde différence entre les voeux du monde, & ceux du Sauveur, c'eft, avons 'nous dit, la fincérité avec laqueile il les exprimé. Rien de plus généralement avoué que ce defaut de fincérité dans le langage des gens du fiècle, furtout dans ce qu'on numme favoir vivre, complimens d'étiquetje, formules de politeffe. C'eft une fauffe monnoye reconnue, & dont 011 eft cependant aflèz imbécile pour fe payer. Et comment pourroit • il y avoir l'ombre de fincérité dans un langage qu'on prononce, la plupart du tems, fans y penfer, fans réflecfion? L'ufige veut que dans telle circonftance, on tienna le langage de l'affticfion, & dans telle autre celui de la joye; que tantót 011 fe répande en 'Voeux & en bénédictians , tantót en affurances de proteélion & de bienveuillance. Le moment arrivé la bouche prononce machinalement ce que la circonftance éxige, fans qu'on puiffe quelquefois fe rappeller, fi on s'eft acquité de ce que Ia circonftance éxigeoit. Deplus quelle fincérité pourroit - il y avoir dans un langage qu'on tient indifféremment a qui que ce foitj fans avoir fouvent la moindre tendreffe, la moindre affection, pour ceux a qui on s'adreffe; fans quelquefois les connoitre en aucune faX 4 (O0i'  34+ XIII. Sermon, Sar St. JeanXIV. vs.a/. con. Enfin, ce qui en fait un langage menfongèr, fcux, trompeur, c'eft qu'on le tient a ceux-la même pour qui on nourrit dans fon coeur des fentiments de jalouiie, d'envie, de haine; qu'on affèéte quelquefois de fouhaiter Ia profpérité la plus complette % ceux [dont on ne refpire que Ia deftruétion. Voila "comme le monde donne fa paix. Ah! quand même le Sauveur ne fauroit pas dit expreffément, nous devrions bien fentir que ce n'eft pas ainfi qu'il donne Ia fienne. A la bonne heure que des hommes bcrnés & foibles, que la moindre chofe eft capable de diftreire, puiifent parler fans réflectrön. Mais c'eft ce qui ne pouvoit arriver a celui qui eft la fageffe même, & dont toutes les expreflions méritent égale-xnent notre attention la plus férieufe. A la bonne heure que des hommes bornes & méchansj dont le cceur eft fouvent. ulcéré d'envie & de hame , püiflent prononcer des vceux avec indifférence, & fouvent avec fauffeté. Mais la connoiffunce parfaite que le Sauveur avoit des hommes, & de ce qui étoit en eux, ne lui permettuit pas de leur parler avec jndifférence; il ne pouvoit fe déguifer ce qu'ils méritoient da fa part, & fon amour fans mefure pour la vérité, ne lui permetioit pas de le leur cacher. Auffi lui 'voyonsnous annoncer aux PJiarifiens & aux hypogrijss ks derniers malheurs avec la même fran-  XIII, Sïrmon, Suf St. Jean XIV. vs.v.p. 245 franchife qu'il fouhaite la paix k fes difciples-. Et le tendre amour dont il les aima, & qu'il exprimé düne maniére fi énergique & fi touchante dans le difcours dont notre texte fait partie, peut, -ïl nous faire douter que la même fincérité, la même ardeur ne fe trouve dans les voeux qu'il kur adreffe. Oui s'il leur fouhaite fa paix, c'eft du fond de fon cceur, c'eft qu'il eft animé du plus vif délir de ks en voir rendus participans; c'eft qu'il manqueroit quclq-je chofe a fon bonheur, fi fes vceux n'étoient point remplis. C'eft qu'il défire de leur procurer cette paix qu'il kur fouhaite, c'eft qu'il y a déja travail'é, & qu'il va y travailler encore, de la maniére la plus efficace. Troifième caraétère qui diftingue lts vceux du Sauveur d'avec ceux du monde. Oui k ce dernier égard encore il pouvoit dire avec védté, je vous laiffie la paix, je vous donne ma paix; je ne vous la donne point comme te mondt la donne. III. Les vceux des gens du monde n'ont Pas les feuls défauts d'être peu fincères, & de porter fur des objets petits & frivoles; ils font encore, pour 1'ordinaire, trés inutiles, ne procurant point les biens qu'ils expriment. Parmi ces' biens, il en eft dont les hommes peuvent quelquefois difpofer; tels font les biens de la fortune, les richeflès, les Y 5 hon-j  S4ö XIII.Sermon , Sur St. JeanXlV.vs,*?; honneurs; mais ils fe contentent de Jes fouhaiter,- & quand ils fe font répandus en ftériles vceux ïh s'imaginent avoir fuffifamment fatisfait k ce qu'éxigent, de Jeur part la reconnoiffance, la juftice, la charité, ou tel autre motif femblable. II y a d'autres biens qui ne font pas en notre difpofition, comme la fanté, la force du corps, les talons de fefprit. Néanmoins il dépend encore de nous d'adresfer de ferventes prières a 1'Auteur de toute grace excellente & de tout don parfait, & • Evïaj  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14.. 357 Evangeliques., & en faire même les éloges les plus; pompeus. -Mais inépuifables dans leurs artifices, il a'ont exalté en apparence la morale de 1'Evangile que pour la déprimer en eitet; ilsn'ont feinc de lui rendre hommage que pour Jui porter des coups plus affurés. Ceft le perfide Joab qui embrafle Hamafa pour mieux Jui enfoncer Je poignard dans le coeur. Cette morale fi propre a perfecliofjner l'homme,comme ces incréduies J'avouent, ne Je feroit felon eux, fi elle étoit généralement pratiquée , qu'au détriment du genre humain. Plus eJle réuffiroit a rendre l'homme heureux dans une autre vie, plus elle rendrok Jes hommes miférables dans celle - ci. Rien de plus incompatibie, a ce ou'iJs prétendent, que Je bon Citoyen Sc Je 'vrai Chrétien, qu il deppignent ainfi. Jes vrais Chrétiens," ce lont Jeurs propres termes, „ fe con„ fidereroient fur Ja terre, comme des voya„ geurs & des pélerins qui tend^nt au ciel „ leur véritable patrie ; ils regarderoient le „ monde comme un lieu de bannifiement; ils „ en détacheroient leur coeur; ils lutteroient „ fans fin & fans cefie contre leur propre „ nature pour s'empêcher de prendre gout a „ la vie périfiable. Toujours attentifs a répri„ mer l'amour des richeifes & des dignkés, „ ils ne fe détourneroient point de 1'oraifon „ 6c des oeuvres de charité pour courir au z 3 gajc  358 XIV. S e r m on , Sur Tite III. vs. 14.' „ gain, non pas même par des voyes légï,'■ times; ils fe contenteroiènt de Ia nourri„ ture & du vécement felon la frugalité des „ Apötres, & ne fe tourmenteroient point „ pour enrichir leurs enfans." C'efl k dire en deux mots, que le Chrétien. rapportant toute fa conduite a fon falut feroit nul pour la fociété , fans affefticn, fans amour pour la patrie, fans aftivité & fans zêle pour concourir a fa profpérité. M. F., cette attaque n'eft pas moins vaine que toutes les autres, paree qu'elle n'eft pas faite avec plus de bonne foi. Si ce portrait peut convenir k quelques Chrétiens fanatiques, féduits par leur imagination ou plutót par leur penchant a. l'oifïveté & a la pareffe, nous fommes bien éloignés de reconnoitre que ce foit le porrrait d'un vrai Chrétien. Et bien loin que la Morale de 1'Evangile tende en quelque maniere a détourner fes difciples des occupations turestres., des trayaux honnêtes & utiles a la fociété, elle veut & commando au contraire que jes Chrétiens s'y appliquent & s'y diftinguent par leur zêle & leur aclivité. C'eft ce que nous nous fommes propofés de mettre dans tout fon jour, en vous expliquant la belle exhortation de St Paul a fon difciple Tite: que les notres aujji cifpreniient d s'appliquer aux bonnes oeuvres pour les ufages necejfaires, fajm quils ne foyctit pas fans fruit. Après fivoii  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14 359 avoir juftifié ce que nous croyons être Je véritable fen* de notie texte, nous jufiifierons 1'exhortation même de 1'Apótre & nous en déduirons enfin les légitimes- confequences. C'efl: tout le plan de ce .discours & tout le fujet de votre attention religieufe. Dieu veuille bénir nos efforts par fa grace, afin que cette méuitation puifle contribuer a fa gloire, a f honneur de notre fainte Religion, & k la fancfification de chacun de nous en particulier. Amcn\ Ainfi foit-ii! I. Qjielques ordinaires & intelligibles que foient les expreflions de St Paul dans mon texte, les interprêtes ne s'accordent point fur le fens de fon exhortation. Plufieurs de ces expreflions font vagues & générales, ce qui a fait naitre plufieurs explications. Nous allons les examiner & juflifier celle que nous avons cru devoir adopter. Nous ne nous arrêrerons point k réfuter Ie commentaire qui reftreint 1'exhortation de mon texte k un ordre particulier de Chrétiens, comme fi St. Paul en difant que les notres avoit voulu défigner par cette expreffion les Miniftres de 1'Evangile, ceux qui partageoient avec lui & avec Tite la conduite des troupeaux Chrétiens. Ce commentaire a été pres- * 2 4 qw  g.6o XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14.' que généralement rejetté;& nous croyons avec la foule des interprêtes que St. Paul a voulu défigner par les notre* tous les Chrétiens indiftinétement, tous ceux qui font profeffion de eroire a 1'Evangile & d'en fuivre les maximes. Nous ne croyons pas non plus devoir adopter avec le plus grand nombre des interprêtes un fens trop général qu'ils donnent k 1'exhortation elle-même de 1'Apötre. Ils entendent par ces bennes oeuvres auxquelles St. Paul veut que les Chrétiens foient les premiers a s'appliquer^, toutes fortes d'aétions bonnes en elles-mêmes, ou commandées par la loi de 1'Evangile, tous nos ^evoirs tant intérieurs qu'extérieurs envers Dieu, le prochain & nous mêmes. Quelques-uns feulement prétendent qu'entre ces bonnes oeuvres St. Paul a eu particulierement en vue des oeuvres de bénéh*cence & de charité. Nous convenons que dans beaucoup de pafïages le terme de bonnes oeuvres a cette univerfalité. Nous convenons que rien ne feroit plus conforme a fefprit de 1'Evangile que le précepte de notre texte dans ce fens, puifque ia fanélification des Chrétiens eft le grand but que 1'Evangile fe propofe. Même nous ne difconvenons pas que le terme de bonnes oeuvres n'ait peut-être ce fens étendu dans le verfet huitióme qui, pour letour & 1'expreiïion a tant de rapport avec cdui de no-  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14. 3 cefi-a-dire, afin qu'i!s ié rendent utiles a la locié.é & qu'ils puifferit faire part aux indigens des fruits de leurs travaux. Ce n'eft pas Ia un fins arbitraire; non M. F.Jes expres% 5 fions  §62 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14.' ftons que 1'Apötre employé & les vues qu'il fe propofe juftificnt pleinement ce fens. x". Si 1'exprelfion de bonnes oeuvres fignifie Couvent dans fEcriture toute fortes de bonnes actions, des vertus de tout ordre & quelque. fois des oeuvres de bénéficence; la même expreüion défigne en plus d'un endroit, un travail homiête, les occupations légitimes de la fociété. Toutes les fois que St. Paul parle du métier qu'il avoit éxercé pour n'être a charge & perfonne, il fe fert du même mot que nous traduifons par ceuvre; & lorfqu'il dit aux Ephéfiens que celui qui dèroboit ne dèrobe plus; mais que plutot il travaille de fes mains, en faifant ce qui efi bon , (a) il eil clair qu'il n'entend par ces bonnes oeuvres auxquelles il exhorte ceux qui dèroboient, qu'un travail honnête, qu'une vie utiiement occupée & laborieufe ; & afin qu'il ne parut pas bomer fa penfée au travail des mains, il ajoute pour lts ufages néce/faires, Le mot qu'on a traduit ufage fignifie auffi office Y emploi. Les bonnes oeuvres pour les ufages nèceffaires délignent donc en généial toutes fortes d'occupations uriles, de fefprit ou du corps, propres k procurer le néceflaire k ceux qui s'y employent, & mêrae le fuperflu; afin qu'ils ne Jbyent pas la) vs. 8.  'XIV. Sermon, Sur Tite III. vs 14.' pas fans fruit, c'elf-k-dire afin qu'ils foient tn état de faire de? oeuvres de e'&rtté; car les oeuvres de bénéficence font quelquefois nommées un fruit, entrautres dans le vs. 17 du Ch. 4. de 1'Epitre aux Philippiens, oü St. Paul, louant & remerciant les fidèles de lui avoir envoyé plufieurs fois ce dont il avoit befoin, ajoute: ce n'eft pas que je recherche 'des prêfens; mais je cherche le fruit qui abonde pour votre compte. üe cett^ maniere chaque exprefiion de 1'Apötre offre une idéé didincte. 2°. De plus, les vues générales de Si". Paul dans cette Epitre, auxqueiles il faut toujours avoir égard dans fexplication des textes particulier?, & ce que f Apotre recommande a Tite immédiatement avant mon texte, confirment encore le commentaire que nous croyons devoir adopter. Sr. Paul avoit laiffé Tite en Crète% afin qu'il achevat de mettre en ordre dans cette Eglife ce qui reftoit d rêgler. Les Crètois étoient, felon 1'hiftoire, un peuple trés corrompu, adonné aux vices les plus honteux, & en même tems les plus contraires au bon ordre de la fociété. A une inclination décidée pour le menfonge & les plus infames débauches, ils joignoient un caiactèreindolent, paresfeux, une lache fainéantife; c'efl: ainfi que 1'Apötre les dép^int dans lefpremier Chap. d'après >}n de leurs propres Auteurs. II fe trouvoit par-  è4 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. i£ parmi les Crètois de faux Apótres, des Doeteurs Judaïfans qui les flattoient dans ces vices, en leur prêchant une do&rine inuiile & vaine, en les entretenant uniquement de folies queflions , de gènéalogits, de contcflatioiis & de difputes de la Loi, fans toucher k la morale. St. Paul recommande k Tite de s'oppofer forteinent k ces vices & aux Docfeurs qui les fomentoient, en prêchant lui-même la vraie doctrine de 1'Evangile. En exhortant Jes Crètois a remplir avec fidélité & avec zêle chacun les devoirs de fon age, de fon état, de fa condition dans le monde; voili dit 1'Apótre ce qu'enfeigne la grace falutaire, & vtila continue t'il, ce que tu dois affirmer, o Tite! afin que ceux qui ont cru en Dieu aient foin les premiers de s'appliquer aux bonnes ozuvres; voila les chofes qui font bonnes & utiles aux hommes, (a) Dans le vs. 13, il recommande k The, daccompagner foigneufement Zénas do&eur de la Loi & sjpóllos, afin que rien ne leur manqué; ccd-a-dne, d'exhoiter les Chrétiens de Crète a communicuer de leurs biens tempore's, dj fruit de leur travaux k ceux qui vtno:ent leur communiquer les biens fpirituels. Et voili ce qui lui donne une occafion toute naturelle de recomm inder a Tite d'exhortér les fidèles difciples Oètois, auffi bien que ceux qui ne 1'étoient pas encore, a fe diftin- gueï GO ▼* 8*  XIV. S E R. MO N, Sur Tite III. vs. 14. 365 guer par leur application & leur zêle dans 1'acquit de leur vbcation terreftre,- afin de pouvoir abonder en ces fruits de bénéficence & de générofité. Tout concourt donc, M. F. a. juftifier ce que nous croyons être le véritable fens de notre texte & nous ne nous ferions pas arrêtés fi longtems a vous en convaincre, fi 1'exhortation elle-même de 1'Apötre n'avoit pas befoin d'être juftifiée. Nous nous fommes engagés^a le faire dans notre fecond Aiticle. II. Qjie les notres auffi apprennent a être lespremiers d s'appliquer aux bonnes oeuvres pour les ufages nêcejfaires, afin qu'ils ne foient pas fans fruit. Ce qui fait proprement le fond de cette exhortation de St. Paul, c'eft comme vous venez dele voir, M. F., que les vrnis Chrétiens doivent non feuletoent fe choifir une vocation temporelle, un genre de vie laborieux & utile a la fociété; mais de plus qu'ils doivent s'y diftinguer par leur application, leur zêle & leur aébivité, Pour juftifier a préfent cette exhortation de notre Apotre contre ceux qui pourroient croire que dans ce fens elle s'éloigneroic en quelque forte de fefprit du Chriftianisme, nous allons montrer I». qu'elle s'accorde. parfaitement avec la doctrine conftante de 1'Eyangile. Nous montrerons IIg que rien ne fau-  3(56 XIV. Sermon, Sur Tite Ilï. vs. 14C roit être plus conforme a refprit de TE van-' gile. Continutz-nous Mj F., votre attention. t. Si nous prétendons que St. Paul, dans mon texte, exhorte tous les Chrétiens k une vie; occupée, laborieufe, a remplir avec fidélité & avec zêle tous les devoirs de Ia vie civile; ce n'eft pas que nous tordions a notre fens un paffage dont le véritable fens efi; incertain: c'eft que nous croyons que 1'Apötre exprimé ici ce que 1'Evangile enfeigné con« ftamment. En remontartt plus haut dans nos faintes Ecritures, nous trouvons d'autres appuis a 1'exhortation de St. Paul. Si jamais l'homme put s'imaginer avec quelqu'ombre de raifon que Dieu en le p'acant fur la terre, ne 1'avoit deftiné k aucune oeuvre terrestre, msis k y mèner une vie contemplative & oifcufe , c'étoit fans dott:e lorfque dans fon état d'innocence, il vivoit dans le Paradis, au fein de 1'abondance, &n'avoit nipein èfubir, ni befoins auxquels il failut pourvoir. Cependar.t le Créateur, pour nous faire comprendre que l'homme a été placé fur Ja terre pour y vivre dans le travail, nous apprend parMoïfe qu'il avoit placé Adam & Eve dans le jardin d'Eden pour le adtiver. (a) Le premier homme déchu de fon innocence & de , ) Mais par un fage tempérament elle conferve une jufte mefure de tems pour le culte Divin, & la vie fpirituelle : le feptième jour eft le repos de PEternel ton Dieu, tu ne feras aucune oeuvre en ce jour-la. Ainfi pour rendre les enfans d'Abraham re-' ligieux & faints, la Loi du Sinaï ne les arrachoitpasalaviecivile,a la fociété. Tout cela pourroit fervir a appuyer indireftement notre texte;, en nous rappellantque Jéfus Chrift n'eft pas venu pour abolir la Loi, mais pour l'accom; plir; O) non pour en abroger les préceptes moraux, mais pour les expliquer, les étendre; en confirmer fautorité & en pr:-ffer 1'ob- fer« (a) Gen. ïïl vs. 17.19. (6) Exod. XX. vs. 9. wl ( s) Matth. v, v. ï?.  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. r 41 fervation; mais 1'exhortation de St. Paul fe trouve fi bien appuyée dans 1'Evangile même, que nous pouvons abandonner ces preuves éloignées. Le Précurfeur, le Sauveurluumè.ve & fes Jpótres nous en fourniront k fen vie» 3*. Dieu voulut donner a fon fils un précurfeur pour préparer le chemin devant lui fif dreffer fes fmtiers; c'ed-a-dire, pour annoncer fa venue aux juifs, & les difpofer h recevoir leur Sauveur. Jean Baptifte il eft vrai s'éloigna du monde, fe retira du commerce de la fociété & fe tint dans les déferts, comme difent les Evangelifles ; mais i! ne Ie fit qu'a caufe de Ia vocation particuliere qu'il avoit a remplir; il devoit paroitre fuir les hommes, pour les attirer auprès de lui. Auffi vint-il des gens de tout ordre ponr écouter fes inftruétions & recevoir fonbaptêine, depuis les Pharifmis qui vouloient paffer pour les faints de lajudée, & faifoient profeffion de méner une vie toute fpirituelle, jufques aux hommes les'plus engagés dans les affaires du monde, dans les vocations les plus contraires a la vie contemplative. Jean Baptiftc n'auroit-il pas du naturellement confirmer les premiers dans leur genre de vie, & tacher d'en détourner les feconds, fi c/eut été la ]e but de la doctrine que le Sauveur devoit leur enfldgner ? N'eft - ce pas JA ce que  XIV*.Sermon, Sur Tite lil. vs. 14. 5^ que le précurfeur auroit du leur rdpondreV lorfqu'ils lui demanderent: que ferons nous t Mais Jean Baptifte cenfure les Pharifiens mal*gfé leur vie fpirituelle, leur fainte oifiveté. Lorfque les Péagers vinrent pour être baptifés difant aufli, Maitre 4 que f frons nous? Jean Baptifte ne leur répondit pas , abandonnez \ une profeffion non feulement fi décriée & fi 1 odieufe aux juifs; mais encore une profeffion : fervile, fi peu digne d'un être fpirituel & ■j religieux, n'occupant votre efprit que d'aridea : caiculs, & offrant a votre cupidité les tentaj dons les plus féduifantes; mais Jean - Baptifte 1 fe contenta de leur apprendre k fe fac&ifier 1 dans ieur vocation, en la rempliflant avec i fidélité. II fe contenta de leur dire: riéxigez rien au deld de ce qui vous efi ordonnê; (a) : Et pareillement aux gens de guerre'. nufez : point de concujfwn ni de fraude, mais contenten i yous de vos gages. (b~) 20. Jéfus Chrift ne démentit point fon Pré* I curftur. II efl bien probable que le Sauveur i lui même, foumis k fes parens ou k ceux qui ; pafibient pour 1'être, aida Jofeph dans le méjt tier qu'il éxercoit, jufqu'a ce que le tems de I ce qui étoit proprement fon «uvre fut arrivé. Ayani (d) Luc. III; vï. ij. {*) L«c. IJl, 14, &4  370 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14. Ayant befoin de difciples affidés pour être les témoins de fes difcours, de fes actions & des divers événemens de fa vie, il les choifit parmi des pécheurs & des péagers. II les exhorta, il efl vrai a quitter leurs filets & leur comptoir, mais pour le fuivre, afin de pouvoir 1'accompagner par tout oü il iroit. II ne s'efl déclaré contre aucune profeffion honnête, contre aucun travail. Si quelquefois il femble favoir fait, s'il a dit k un difciple, qui lui demandoit: d'aVer premïeremtnt enfevelir fon pere: laifje ks morts enfévelir leurs morts; f» s'il reprit Marthe (b) toute occupée des foins du ménage, Sc loua au contraire Marie qui avoit tout quitté; s'il exhorta uri jeune homme h vendre tout ce qu'il avoit a le donner aux pauvres; (c) c'e^- ^ s'agiflöit alors de profiter d'une occafion unique, ineftimable, qui devoit paifer rapidement, éc dont on ne pouvoit bien profiter que par de tels facrifices, favoir de la préfence du Sauveur ; c'efl qu'il s'agiflöit d'entendre fes Divines inftruéïions dé fa pnpre bouche, de converfer familierement avec le Fils unique de Dieu, 1'Auteur de notre falut, le diftributeur des graces divines. Hors de la Ie Sauveur Ca) Matth. VIII. vs. 21, 23. iV) Luc. X: vs. 3? -42. ff). Matth. XIX, vs, ax.  XIV. Se ii mon, Sur Tite lil. vs. 14. 372 veur fuppofe & recommande le travail, Ja vie laborieufe utile i la fociété; il en parle avec éloge & lui fait efpérer des recompenfes. Témoin la parabole des talent, celle des vignerons, & plufieurs autres du même genre. 30. Si le Sauveur lui même n'a rien avancé de contraire a 1'exhortation de St. Paul dans mon texte, nous ne trouvons non plus rien de pareil dans les écrits des Ap'Ares; & tant s'en faut, que St. Paul a répété plufieurs fois la même exhorration, & cela dansles termes les moins équivoques. Vous avez déja entendu ce qu'il dit dans fon Epitre aux Ephéfiens en parlant de ceux qui détoboient. Mais rien de plus formel & de moins fujet a contradiétion que ce qu'il dit aux Theflalomciens. Faites attention, M. F., fous quel point de vue important il veut faire envifager 1'exhortation qu'il leur adrefle. Mes Freres, dit-il dans fa première Epitre, nous vous prions de vous perfeQ.ionr.er tous les jours d'avantage & de tdcher de vivre paifiblement; de faire vos propres affaires, & de travailler de vos propres inainsy ainfi que nous vous l''avons or donné; afin que vous vous conduifiez honnêtement envers ceux du dthors, que vous ffayez hfoin de rien. Dan? O) Chap. IV. vs. 10-13. A a 2  372 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14.. Dans fa feconde Epitre il renouvelle Ia même exhortation & I'appuie de foh propre exemple. (a) Vous favez, vous-n émes comment il faut. que vous nous imitiezt vti qu'il n'y a run tu'1 d'irrêgulier dans la maniere dont nous nous fommes conduits parmi vous & que nous n'avons mangè gratuit ement le pain de perjonne', mais dans le travail & dans la peins, ttavailiant nuit & j'ur, afin de ne charger aucun de vous; non 5«? nous n'en ayons pas le pouvoir, ma's afin de nous donner nous tnémes a vous pour modèles, afin que vous nous imitisz. Car aujfi, quand nous étions avec vous mus vous dénon. cions ceci, que fi quel qu'un ne veut pas travailLr, quil ne mange point aufii; car mus apprenons, qu'il y en a quelques uns parmi vous qui f conduifnt d'une maniere déréglée, ne faifa?it rien, mafs vivant dins la curiofité. Nous dénonfons dene a ceux qui font tels &f nous les exhortons par notre Sauveur Jéfus Chrift, qu'en travaillant ils mangent kur pain paifiil ment; mais pour vous M. F., ne vous lafiez point en b-enfafant. Voila le véritable commentaire de notre texte, nous avons donc fuffifamment jüfHfié 1'exhortation de St. Paul par fa conformité avec la doctrine conitante de 1'Evangile. II. Ne pourrions nous pas déja. conclure, M. Fu (<0 Chap. Jfl< vs. 7-13.  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14. 373 M. F., que ce qui eft enfeïgné fi conftamment dans 1'Evangile ne fauroit être contraire a fon véritable efprit? Mais nous nous fommes eogagé» & vous montrer de plus que rien ne fauroit y être plus conforme que 1'exhortation de St. Paul dans mon texte. Pour le fentir il n'y a qu a confidérer 1° comment PArocre quatifie ces oeuvres auxquelles il exhorte les Chrétiens, &Ii° dans quel but il ks y exhorte. 1' Peut-on penfer un inftant q«e 1'exhortation de notre Apotre s'écarte le moins du monde du véritable efprit de 1'Evangile, tt* faifant attention que ce qu'elle recommande entre dans h claffe des bonnes oeuvres, & pouroit - on héliter un inftant k regarder comme telles des oeuvres pour les ufages nécejfaires. Tout travail, il eft vrai, toute occupation que les hommes fe donnent dans le monde, ne fauroit mériter le nom de bonne oeuvre. Toutes les profeffions, par exemple, qui ne s'exercent que par des voyes obliques & des moyens criminels, comme Ie menfonge, la fraude, Ia tromperie; toutes celles qui ne tendent qua favorifer le vice, le liberdnage, Ia débauche, toutes ces profeffions font indignes d'un Chrétien , & direéïament contraires k fefprit du Chriftianifme. Auffi bien loin d'être utiles a la fociété, elles lui font fou« Aï3 XC-  374 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14? verainement nuifibles, & rexhortation de St: Paul ne parle que des oeuvres pour ies ufages nèceffaires. Dieu créa 1'homme pour vivre en fociété. Nos befoins, nos fentimens naturels, la perfeaion & le bonheur auxquels Dieu nous deftiné, le prouveroient, 'fi la révélation ne favoit formellement décidé. Or la fociété ne fauroit fubfifter fans Souverains pour diriger fes intéréts, fans Magiftrats pour faire obferver fes loix, fans Guerriers pour la défendre. L''Agriculture, le commeree, les métiers, les fciences & les bea'ux arts, font nèceffaires dans la fociété pour procurer k fes membres dequoi pourvoir aux befoins de la vie, pour y répandre d'innocens agrémens, & y maintenir 1'abondance. II faut donc que les membres de la fociété s'employent k tous ces différens ufages, chacun felon fes facultés, fes talens, fes moyens. II faut que les fages dirigent ceux qui ne le font point, que les favans infiruifent les ignorans, que les courageux défendent les timides; que les forts fecourent & fervent les foibles, en un mot que chacun travaille pour les autres, s'il veut procurer fon propre bien. ' Voila des occupations, des oeuvres qui ne fauroient être regardées comme indignes de l'homme ou • du Chrétien, puifque c'eft 1'üfage naturel des facultés de l'ame ou du corps que le Ciéateur nous a lui-mé me données. Comme in- dif-  XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. ia. 375 différentes k notre égard, puifque nous ne faurions laiffer ^ces facultés oifives fans que le corps & l'ame ne ..reffentenÉ les funeftes fuites de cette oiüveté. Comme illégitimes, crimin elles, puisque toutes ces profeffions utiles & réceffaires peuvent être éxeicées fans s'écarter le moins du monde des fentiers de la vertu. Au contraire ce font des occupations, des oeuvres qui, néceffaires au bien com. mun de la focié é, font néceffaires encore a la fubfiftance de chacun de fes membres; c'eft un travail qui, fe rapportant au néceffaire ou k 1'utile, étend & perfeéfionne les facultés de fame, ou conferve & fortifie le corps. Travail qui fournit au Chrétien un puiffant fecours pour l'aider k marcher d'un pas ferme dans la carrière de la fmetification, en 1'éloignant des tentations fi dangereufes du défoeuvrement & de 1'oifiveté. Oftroit on disconvenir après cela que de telles oeuvres ne foyent bonnes? qu'elles ne méritent toutes ces qualifications que St. Paul entaffe dans fon épitre aux Philippiens, qu'elles ne foyent vénérables, juf es, pures, aimablcs, de bonne renommée, vertueufes & dignes de louange? (a)- Et ne font - ce pas la les chofes auxquelles les Chrétiens doivent penfer, qu'il leur eft enjoint de pratiquer pour fe rendre agréa» (a) Ch. IV: vs. 8. A a 4  3?ö* XIV. Sermon, Sur Tite. III. vs. 14.' agréables k Dieu? N'eft-ce pas pour nous rendre accomplis, 6? parfaitemcnt inplruits d toute lonne ffeuvre, (b) que 1'Evangile nous a été donné? Rien donc de plus conforme a fefprit de TEvangile que 1'exhortation de mon texte, rien de plus digne de vrais Chrétiens que d'être les premiers a s'appliquer a ces bonnes oeuvres pour les ufages nècejfaires. II0 C'eft: ce que vous ne fenrirez pas moins en confidérant dans quel but 1'Apötre les y exhorte; afin, dit - il, qu'ils ne foyent pas fans fruit. C'eft - k - dire comme vous Favez vu, afin qu'ils puilfent abonder en fruits de bénéficence & de charité, ou comme 1'Apötre s'exprime ailkurs, afin que non feulement ils nayent befoin de rien pour eux mêmes, mais qu'ils ayent encore dequoi donner a celui qui en a befoin. (a) Qui pourroit douter, M. F., que la charité (b) ne foit un des devoirs elfentiels du Chriftianifme. C'eft un précepte que 1'Evangile inculque k chaque page, que le Sauveur a nommé particulierement le fen, & dont la pratique eft tellement indifnen able que, fans elle, les plus rares connoifances, la foi la plus ferme, <5? les plus grands facrifices ne font rien devant Disa. f>") a T^m. ITT- vs. 17. (b) % ThefT. IV. 12. CO Ephef IIII vs. 28.  XIV. Sermon, Sur The TIL vs. 14. gjy Dieu. (a) Or y a t'il une vraie charité föas bénéficence? de» fentimens ilérfesnousrendreient-ils agréables a Diea ? Le Sauveur a tï! dcö&td qa'ii reconnoiaa pour fiens ceux qui auront ainé Jes iniigens, (b) les mahdesx les ppfomdra, ou ceux qui Jes auront iuurris> vé:usy vifrJs? Mais voila des wmts qui nécelTairernent en fuppofent d'autres. Nous ne faurions fécourir, foulager, faire du bien k nos freres lorfque nous fommes preifés par nos propres befoins. Une vie active, J2Ó0rieufe, i'application aux travaux utiles a ia fociété, font comme nous 1'avons vu /es lèal3 moyens de nous procurer 3 nous-mêmes ie néceffaire, & par conféquent ce fuperHn que nous pouvons & devons diflribuer a ceus qut en ont befinn. Voilé donc Ja vraie fource des fruits de bénéficence que nous fommes appeüés a produire. Pourroit-il donc être contraire a J efprit de 1'Evangile dcxhorcer Jes Chrétiens de s'appJiquer k ce qui peut les mettre en état d'cn remplir Ie grand devoir? Voila, M. F., un motif qui ne fauroit jamais nous permettre de demeurer oififs par rapport a la fociété, a moins que des circonftances particulieres ne nous y ob.'igent. La charité ne connoit point de mefure, 4*e 00 1 Cor. XIII. <*} Mattb. XXV. Aas  3?3 XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14. elle ne doit jamais défailnr, & nous ne devons pas nous laffer de faire, du bien. Voilé Un motif qui doit por ter le Chrétien a s'appliquer h fon oeuvre terreflre avec activité, avec zêle, é s'intérelfer a fon travail, puisque c'eft la le feul"moyen de le rendre fructueux pour lui-même & pour les autres. Voilé M. F., un motif qui achêve de diftinguer 1'oeuvre terreftre d'un Chrétien d'avec celle d'un mondain. Celui-ci ne s'occupe , ne travaille, ne s'agite que pour lui même , que pour fatisfaire fon avidité, fon avarice, fon gout pour le luxe, pour les plaifirs, fon ambition , fon orgueil. II ne met point dé bornes a fon oeuvre parceque ces. paflions n'en ont point. Si les autres hommes recueillent quelque fruit de fes travaux, ce font des miettes qui tombent dt fa talie; il fait dü bien, fans intention d'en faire; & ne fauroit en attendre aucune récompenfe. Le Chrétien au contraire travaille pour les ufages nécefi'aires; parceque fon devoir le lui ordonne , que fes befoins 1'y obügent, ou qu'animé du feu fi pur & fi beau de la charité, il fait des befoins de fes freres fes propres befoins. Et s'il ne met point de fin é fon travail auffi longtems que Dieu lui en laiffe les facultés & autant que le permet le foin de fon ame & du falut, c'eft qu'il ne voit point de fin aux fruits de charité, de bénéficence & de gêné»  XIV. S En mon, Sur Tite III. vs. 14. 3* nérofité qifiJ voudroit produire. Ce peut-ii rien de plus conforme au véritable efprit du Chriftianifme? & qu'eft-ce qui vous empécheroit encore dc fentir Ja juftice, 1'importance de cette exhortation de 1'Apötre dans le fens que nous avons adopté. II eft-tems M. F. de nous occuper des con/équences qui en découlent, ou de J'ufage que nous devons en faire. C'eft par Ia que nous allons terminer notre difcours. III. l°. Que les notres auffi apprennent a être les premiers a s'appliquer aux bonna cenyres pour les ufages ncceffaires ,afin qu'ils nefoyera pas fans fruit. M. F., combien cette exhortation fi conforme au véritable efprit de 1'Evangile, ne doir-elle pas confpndre tant de Chrétiens, qui mênent fur la terre une vie oifeufe, desceuvrée, inutüe pour eux-mêmes, & fans fruit pour la focié:é? Je ne parle pas de ces hommes avilis, & que le Chriftianisme rougiroit de reconnoitre pour fes Difciples, de ces laches fainéans, qui avec un corps faia & des bras robuftes ne fauroient être excités au travail par les befoins les plus prelfkns, & n'ont pas bonte de devoir leur fubfirtance a leur importunité, d'effuyer le mépris cc les dédains de luurs femblables avec le jufte repro.  £9o XIV. Sermon, Sur Tite III. vs. 14; proche d'être des fardeaux inutiles k la terre. Mais combien d'hommes ne voit-on pas dans le monde qui prétendent croire k 1'Evangile & que le befoin feu) peut engager k mettre la main k fceuvre; qui fans gout pour Ie travail, & infenfibles aux nobles motifs de répondre aux vues du Créateur & de fe rendre utiles k fes créatures, ne s*acquittent de la profeffion qu'ils ont embralfée, de 1'emploi qui leur eft confié, qu'autant qu'une indifpenfable nécelïité les y obhge; & qui hors de lk s'abandonnent k l'indolence & k la pareffe, confument des momens qu'ils pourroient rendre utiles , dans 1'inutilité, dans des diftra&ions frivoles & puériles, fans fruit pour eux-mêmes comme pour les autres. Combien de riches qui fe font de leurs richeftes un titre k 1'oifiveté, qui ne font rien, (V) felon St. Paul, & vivent clans la curiofiti, ou comme on les a encore fi bien dépeints „ dont la vie fe „ paffe k ne faire prefque rien le matin, & h „ employer 1'après midi k fe délaffer." De tels hommes ne font-ils pas formellement exclus du titre de Chrétiens dans mon texte? ils doivent y lire leur condamnation. i &°. D'un autre coté, M. F., ils ne font pas moins formellement condamné> dans mon texte, ces (a) s TAefli III. vs. ix '  XIV. Sermon, Sur Tite lil. vs. 34. 381 ces pieux fainéans respeélés ii longtems dans le Chriftianisme, 'qui font confifter la peifecfion Chrétienne k rénoncer k la fociété, k fe renfermer dans un monaftère pour ne s'y occuper qu'a des éxercices dune prétendue dévotion,k dés mortincations recherchées, k combattre, prefque toujours fans fuccès, les penchans les plus naturels & les plus utiles k lfmmanité. 11 feroit bien fuperflu, M. F., de réfuter devant vous une erreur que nous avons depuis longtems abjurée, & dont ceux qui 1'ont défendue avec Ie plus d'opiniatre,té fe détrompent journellement. Mais fi notre Eglife a abjuré la forme de cette erreur, il n'y a que trop de fes membres qui en ont retenu fefprit, 6t qu'on voit tomber dans cette efpèce de fanatisme. L'idée que beaucoup de Chrétiens Répormés fa font de la vraie piété ne les fait pas renoncer entierement au monde, ne les rend pas tout k fait inutiles k la fociété, j'enconviens, mais elle refroidit beaucoup ce zêle & cette aélivité avec lesquels St. Paul veut que les Chrétiens foyent ies premiers a s'appliquer aux bonnes oeuvres pour les " tfages nècejfaires, & par lesquelles feules ils peuvent fè rendre véritablement fru&ueux. Une piété fombre, chagrine, mélancolique, defleche le cceur & le courage des Chrétiens dont nous parions. Trop de pratiques pieu* fes, des méditations trop fréquentes, des orai- fons  XIV. Sermon, Sur Tite IJl. vs. 14, fönstrop prolongées,confument un tems. que reclament 1'éxercice de leur profeffion, la direction de leurs affaires, Ie foin de leur familie ; & tous ces devoirs. mal remplis ne fontils pas une violation ftrmelle de 1'exhortation de mon texte? Non .'quiconque veut être vrai Chrétien, doit fe défier, de toute dévotion qui le détourneroit de ces bonnes oeuvres pour les ufages néceffmres; de ces travaux utiles & honnétes dont Je Chriftianisme a renforcé 1'obligation; d'une piété qui nous mettroit hors d'ctat de remplir une de fes parties Jes plns effentieJles, je veux dire Jes devoirs de ia bénéficence & de Ja charité, devoirs qui nous faifant Je plus reffembler k Dieu cc k notre Sauveur, doivent nous rendre fi agréables a leurs yeux. Qu'conque veut être vrai difciple de St. Paul cc de 1'üvangile, doit fe montrer tout k Ja fois Chrétien religieus & laborieux Citoy.cn, Sa piété fe manifeftera dans fon ceuvre terreftre; elle rendra fon travail honné'e, vertueux, paifib'e, appliqué, abondant en fruits de bénéficence & de générofité. 3. Car enfin notre texte condamne & condamne non moins hautement ces foi-difant Chrétiens qui font, il eft vrai, les premiers & sappliqiur aux bonnes oeuvres pour les ufages nést  XIV. Sermon, Sar Tite III. vs. 14. 383 niceffaires , mais qui dans ieur travail affidil & opiniatrc ne font animés que par des vues baifes & intérelfées. Quelques foins qu'ils prennent pour les déguifer aux yeux du monde, ils fe démasquent eux-mêmes par la maniére dont ils dirigent leur oeuvre terreftre, & par 1'ufage qu'on leur voit faire des fruits de leurs travaux. Leur intérêt particulier fe trouve-t'il en concurrence avec 1'intérêt public, c'eft: celui-ci qu'ils facrifient fans héfiter. Le luxe & les plaifirs confument leur fuperflu, ou leur avarice 1'enfouit, ils peuvent fe refoudre k lailfer la pauvreté, l'inciigence, fans fecours, les talens utiles fans encouragement & la vertu fans récompenfe. M. F., s'il fe trouve de fi méprifables caraclères parmi nous, graces & Dieu ils ne forment pas le grand nombre. Mais veillons fans cefle fur nous-mêmes pour ne pas 1'augmenter. Ah! fi d un cóté une piété fanatique & oifeufe, & de 1'autre un vil égoisme, un bas efprit d'intérêt particulier prenoient le deflus parmi nous, de quel funefte avenir ne feroient-ils * pas les triftes préfage^? Ayons donc foin, de ne jamais nous écarter de fefprit du Christianisme dont 1'Apötre vient de nous donner une fi belle lecon; apprinons tous, tant que nous fommes, d être les premiers a nous appliquer aux bonnes oeuyres pour les ufages niceffaires; mais apprenons en même tems a pi  384 XIV. Sermon, Sur Tite II. vs. 14: #e j5w être fans fruit, (a) Que la charité procédant dun cceur pur, dXune 'bonne confcience & dune foi non feinte habite au dedans de nous: alors tout fera dans f ordre Sc rien ne nous empêchera de répondre aux vues de notre Créateur. L'intérêt propre nefera écouté qu'autant qu'il s'accordera avec fintérét public; les fortunes des particulicrs feront des ruiiTeaux, qui au lieu de s'arrêter a leur fource, iront répandre 1 abondance & 3a joye dans les triftes réduits de la mifère. On verra fleuHr les arts, les fciences ,1e commerce, tout Ce qui peut faire profpèrer les états. La patrie ne fe trouvera jamais fans reffource dans fes plus preffans befoins. La piécé , racinc de ces fruit-, fi précieux, fera partout en honneur. Nous ferons la douce expérience quelle eft profttable a toutes chofes (a ) & après avoir joui de f effet de fes promeftes pour la vie prêfente, nous entrerons en poffeffion de ce falut éternel qu'elle nous fait efpèrer dans la vie d venir. Dieii nous en f ffe a tous la grace. AMEN, 00 1 Tim. 1 n. 5. Cb) 1 Tim IV: vs. 8. F I N.