L E FOLITIQUE N°. I. LUNDIj ce 12 FEVRIER 1781. U n voyage dé dix. ans m'avait tenu abfent de ia Hollande, ma patrie. J'y arrivai dans un tcms ou elle paraiffait en proie aux divifions inteftmes; je fus afe étonné de vpir qu'au milieu des injurcs & des outrages mukipliés, que la Reine prétendue des mers lui faifait eflliyer, il y eut des^Citoyens aiTez témcraires pour défendre Fa caufe en^ vers & contre tous. Mon étormemerit fut extréme* lorsque j'entendis publiquement dénoncer le parti contraire conime formant des faftions&des cabales. Je fuis né Politico - mane dans toute la force du ternie. J'avais a peine atteint mon premier lustre, que la feule vue d'une gazette. ou d'un papier pu. biic mefaifaic palpiter. Un tresfaillisfement involontaire, un attraction fympathiqae, g.gnait tous mes fens : mon émotion augmentait furtout a la vue des papiers Anglais, parceq'Vils font bien grands & bien larges. Je ne restai pas tranquille avant quej'eneufle apprislalangue; & ce qui contribuabeaucoup a augmenter ma fureur pour les papiers Britanniques, c'eft qu'ils étaient remplis de raifonnemens politiques. ünedescente, une bataille, une conquête, un armeraent, &c. n'occupenc certainement pas la téte d'un Ivf inistre public. autant que la mienne. La manie don t je fuis atteint eft d'autant plus difficile k guérir , -que jusqu'i préfent mes amis ont toujours été d'une Tome LA in-  co indulgence extréme pour les idéés politiques, que ie me plaifais a leur communiquer. Ceux furtout k qui je donne des repas, ne tarisfent jamais en éloges fur mon compte. Us n'ofent penfer que d'après moi • Enfin j'aivoulu voir fi je n'étais pas trompé; j'ai pris" le partide me produire au public, qui neme flattere iurement pas; parceque je ne le régalerai jamais qu en obfervations & projets politiques. Mon desfein est de lui écnre toutes les femaines : fi mon entrepnse lui plait, je pourrai habiller moi-même ces feuilles a la Hollandaife, en les faifantparafcre dans ma Jangue maternelle. Je ne disfimulerai cependant pas, que j'ai bien des raifons de former d'heureux augures en ma faveur. PumphiU pasfe fürement pour une des tétes les plus profondes en politique de la Haye. J'ai vu fouvent fe former un cerclenombreuxautourde faperfonne: au premier mouvement de fes levres tous les audi. teurs restaient la bouche béante, & 1'écoutaient comme unoracle: Ehbien, Pamphüe n'a jamais ófé depuis mon retour, parler d'un événement important , fans m'avoir auparavant confulté : & j'ai eu le plaifir de voir qu'il était d'autant plus fété, próné, claqué , qu'il fe modelait plus exa&ement fur les obfervations que je lui avais foufflées. Après un pareil trait, n'ai-je pas raifon de préfumer orgueilleufement du projet, que j'ai f ormé d'inftruire hebdomadairement le public. Serait-il nécesfaire d'avoir été initié dans' le fecret des Cabinets pourentendre la politique ? Cctte fciencen'a-t-elle pas des regies, fi non pofitives', du moins affez vraifemblables, pour qu'on puiffeen calculer lesprobabilités? Eh que faut il davantage dan sce bas monde? ( ombiendeperfonnes fecontentent du probable. dans les affaires les plus importantes comme lareligion, lafanté, &c? Mes obfervations font le fruit de 1'expérience &du travail II y a plus de cinquanteans quejecompile difcute & médite. J'ai été temoin & fouvent mémc afteur dans presque toutes les grandes fcenes qui fe font pallëes durant ce fiecle enEurope. Je ne fuis pas non plus fans littérature, L'intérêt que  Cs) mifes par les autres. Je ne fuivrai d'autre regie que 1'amour de 1'humanitc en général, & les loix communes du bon goüt. Ces feuilles hebdomadaires, offriront un tableau piquant de 1'état des affaires politiques & de 1'efprit humain. Nous parierons avec cette liberté qui eft un droit inhérent a la qualité d'homme,& avec cette décence, qu'impofent les égards introduits par les liens des fociétés&la diftin&ion desrangs. Nousne ferons ni de vils adulateurs, ni des cyniques impudens. Nous aurons toujours devant les yeux, de perfettionner le jugement, d'épurer les mceurs, de desfi'.ler 1'ignorance, de detruire les erreurs & d'accréditer lesgrandes vérités, utiles au genre humain» Nous louerons ce qui eftlouable, nousblamerons ce qui eft blamable, fans diftinólioh de nation ni de religion. Les vices & les erreurs, particuliersou na» tionaux, ne feront jamais palliés ni flattés. Nous croirionsmanquer anotredevoir,finousgardions le filence fur tout ,ce qui porte atteinte a la liberté civile des individus oua la liberté politique des nations: Nous déttftons autant ces oppreffions populaires, qui font les fuites de la licence que ces chatimens A 2 arbi-  C4) arbitraire*, que les gouvernemens defporiques coq-' vrent du nom de coups d'état. Lefameux Simon-Nicolas-Henri Linguet avaitconcu a peu prés le méme plan. Malgré fes talens que j admire, & fes infortunes,qui me le rendent encore plus ener, ïl ne fcra cependantpas mon modele. II prolhtuait trop a des perfonahtés une plume faite pour eclairer le genre humain. A tout moment & a propos de nen, ïl faifait palfer en revuë d'Alembert & laHarpe, la Harpe & d Alembert. Les Rois de la littéraire étaient les objets qu'il aimait principalement a préci. piter du trone. II n'en voulait qu'aux grandes tétes, iemblable au tonnerre, qui tombe ordinairement fur la cime des hautes montagnes. Pour nos deux guinées ü nous accablait de déclamations contre les Enciciopediftes & les Economiftes: il ne les accufait derien moms que du projet de bouleverfer les Empires: on s eftmêmc fouvent appercu, qu'en vomiffant de brillantes horreurs contre eux, il finiffait par adopter leurs fyitemes. Nous eiperons que, s'il obtient jamais fon élanuffement, il n'entonnera plus fon refrein ordinaire en faveur de 1'efclavage &dudefpotifme afiatique: il n'y avait pas jufqu'au ftileoriental qu'il ne s'attachat a copier: lesfigures, 'esapologues coulaient par torrens de fa plume : jamais il ne s'appeigut que comparer n'eft pas raifonner. Malgré ces traits qui n'ótent rien a fes mceurs, nous ne lailferons pas de rendre, de tems en tems , juftice a fes talens lublimes; &depefer dans la balancede 1'équité natu. relle la terrible infortune qui vicnt d'enchainer fa plume & faperfonne. C fi A P. I. Obfervations fur le Manifefte publii le 20 Dêcembre 1780 par I''Angleterre contre les Provfhces- Unies. On n'a pas été furpris que 1'Angleterre, fans aucune raifon plaufible , ni prétexte apparent , ait rompu fubitement avec les Provinces-Unies. C'eft la quatrieme guerre qu'elle leur declare depuis 1'éta- blifle-  bliffement de laRépublique. Elle n'eft pas moins iniufte que les autres : car il n'amve gueres, que cans ces fortes de conteftations, 1'aggreffion & 1 jniquite foient du cóté de la puiflance la plus faible. Le rS d'AngSre fe plaint d'un Traité fait avec les Xméricainl Mais ce Traité n'était que 1'ouvrage de qudques Régens d'une ville particuhere. Bten lom d'étre authorifés de la fanftion , il n'etait pas meme connu du refte de la confédération ii ne devait fortir fon effet que dans le cas ou ^dependance de 'Amérique ferait reconnue par 1'Angleterre. On n'accordait pas plus aux Etats-Ums, quü nc leur aeté Sccordé nar 1'Angleterre elle]-méme ; qui;, fouvent ^Tle^nnnincement des Troubles a traité avec eux. 11 ferait fingulier qu'on nous dedarat la ÏÏrre par ce qu'unMagiftrat d'une ville a fait avec un Américain,cequelesMinistre*| Angla«.ont fouvent fait avec les Agens du Congres. II ferait finguher, que l'Angleterre & les Provinces - Unies duflent s entr'éroreer mutuellement ; parceque M. van Berkel a déplu k George iii. ii ferait imguher, que nous fusfions obligés de livrer nos Regens , pieds & r,oings liés , \ 1'Angleterre; paree quils ne fmyent pas avcuglémrat les vuës de cette Cour & luvr preferent les intéréts de leur patiie. Quant a 1 amvee de PaulTones dans le Texel, pouvait-pn lechalTer comme piratejpuisque fa coramiffion emanait d unopunfance alliée de laFrance&independante dans lefut.? N'aurait ce pasétéfe déclarer partial dans un cas, ou nous étions & devions être neutres; dans van cas de guerre civile, oh il nous appartenait d'autant moinsdeprendre parti.quec'eft furde pareils troubles & fur unemfuiv reclion femblable, qu'eft fondée la Looftitution aótuelle de 1'Angleterre & la nótre. Quant aaCommerce de contrebande que nos particuliere ont fait avec 1'Amérique , on ne faurait nier qu'il nait ete confiderable. Mais les Etatsl'ont-ils jamais authonfé'? Ont-il jamais réclamé les vaiffeaux furpris dans le délit reél de Ia contrebande?Dans un payspresque tout compote de navieateurs&de marchands, eft-il poffible de repn»er 1'avidité des Particuliers ? Me foffitófl pas que  co nous les abondonnions aux périls, auxquels leur té. jnéiité les expofe?Notre gouvernement a-t- il jamais pu s obhger d'empêcher fes fujets de faire un commerce ilhcite, dont leRoi d'Angleterre n'eft pas luimerne capable d'éloigner les fiens? Apres avoirainfi analyle les imputations des Anglais, quels eriefs n'aurions-nous pas a leur reprocher? Ils ont arrété, iaiü & conflsqué une quantité innombrable de nos vailleaux, contre la teneur formelle des traités, & nous n avons nen dit. Ils ont, par ordre public du gouvernement, attaqué le pavillon de 1'Etat &faifi de force Jes navires,efcortés par nos vaiffeaux de guerre; & nous avons gardé le iïlence. Un de leurs Amiraux,a la tête dune grande flotte dans les Ifles Occidentales, foulant aux pieds la foi facreé des Traités & toutes les Jois des Nations, a violé notre territoire, en portant i'audace jusqu'a enlever les navires , fous le canon meme de nos forts, qu'il menacait de faire fauter au moindre figne d'oppofition. Ce dernier trait de' violence a révolté les plus infenfibles de nos Compatriotes Les Anglomancs, étonnés cux- mêmes des facheufes imprellions que cette démarche avait occafionées, ont jugé devoir en arrêtter les fuites. Ils ont eu recours a leurs vils falariés, a leurs ftupides creatures. Ils ont fait publier une apologie de leur conduite ;ils ont comparé le procédé de 1'Amiral Rodney devant 1'Ifle St. Martin , avec celui de 1'Amij-al.Tromp devant les Dunes. Ils n'ont pas fait attention que , quand méme Tromp aurait enfreint le droit des gens, enviolant le territoire de 1'Angleterre en 1639 , il ne s'enfuit pas qu'en 177R, Rodney put ïmiter eet exemple k 1'égard des Etats. Lè mauvais exemple n'autorife perfonne. Les Traités d'alliance & d'amitié étroite, que nous avonsfaitsdepms cette époque avec 1'Angleterre, rendent la conduite de Rodney plus coupable, que cclle de Tromp ne 1'était. On pourrait encore répondre en faveur desEtats, qu'ils balancerentlongtemsavantd'en venir a cette extrémité & qu'il ne fe déterminerent a donner des ordres a Tromp, pour attaquer les Anglais dans les Dunes, qu'après s'être afiurés par des preu- ves  C7 ) ves authentiques que les particuliers, & méme le Roi d'Angleterre connivait avec lEspagne alors notre Ennemie ,non feulement pour 1'asfifter fecretement, mais méme ouveriement. On ne voit pas que les Etats, pour juftifier leur conduite en 1630, aient fini par mettre le comble a la provocation 6c ala violence, en déclarantpeu de mois après la bataille des Dunes, la guerre aux Anglais. Combien la conduite actuelle de 1'Angleterre eft elle ericore plus criante, quand 1'on fait attention, que depuis cent & deux ans, que nous tommes en paix & en alliance , elle a recu de nous des fervices multipliés & inappréciables, fans qu il tolt posfible aux Anglais de nous citer un feul fervice esfentiel, qu'ils nous aient procuré en retour. C eft nous qui , 1'an 1688, les délivrames de 1'efclavage , en envoyant a leur fecours 1'élite de nos troupes & de notre marine, fous le Prince d'Orange,qui chaüa le Tyran, rétablit les Loix & recula les hmites des U-_ bertés Britanniques. Ainfi c'eft a nous que le K01 qui vient de nous déclarer la guerre,doit 1'aöe de^Uiiïement qui a porté la Couronne dans fa mailon <5c fur fatête, Ce qu'il y a de plus remarquable c eft que cette expédition ne réuffit qu'au moyen dune Nego. ciation fecrete avec deux ou trois des Prmcipaux Régens d'Amfterdam , négociation bien plus étonnante que celle du Traité aftuel avec les Amencains; puisqu'il nes'agiflaitderienmoins ,que de détiöner un Monarque avec lequel on était en paix & ^P™ trop éelairé,pour ne pas lecouter avec attention Sunnofons ou'.m dam et cZf ?,S'qU Jl faute*%erpour pénétrer SmesT 11 p0U"'ait Parkr a S- A. en ces j, II-  CI3) Illuftre Reietton des Fondateurs de notre République, premier Citoyen d'une Nation libre, je fais " nuevo'reameeft fenfible, &que vousaimez votre mvs Te fais que lorfque vos démarches fontmal" interpretées, une louable indignation fouleve votre grand cceur contre la calomnie, & que des larmesgé,\ néreufes, témoignages non fufpefts de votre fenfibi.. lité patriotique, coulcnt de vos yeux. Ce n eft pas " feulement faire tort a votre cceur, mais encore avo! tre jugement que de vous attribuer le projet de préferer votre intérêt a celui de 1'Etat, &dechercher V a vous élever fur lesdébris de la liberté: vousfavez " que fans elle votre patrie ne fauraitexifter. Si quel. " ques unes de vos démarches ont infpiré des foupcons, il ne faut s'en prendre qu'a ces laches Adulateurs " qui égarentlesmeilleurs Princes, en cachant leurs " vuës'particulieres fous le voile du bien public. " Us vous ont dit & ils vous diront, que vous ne pouvez vous fier qu'a des étrangers , qui ne " dépendront que de vous, que votre gloire confifte ' a commander a de nombreufes légions, qu'il ne faut pas permettre aux',Citoyens, des'exercer aux armes, " & que le maintien de votre pouvoir dépend d'une " Cour étrangere. Ils trompent &vous & 1'Etat. Ils , vous font perdre 1'afFeaion de vos Concitoyens, " qui eft le plus ferme rempart de votre puiflance. Cette puiffance ne confifte pas a accumuler préro" gatives fur prérogatives.Plus elle s'éleve, plus elle " eft en péril- Toute puiflance exceffive devient fus" pecle aux Bataves. Jettez les yeux fur le peuple. ' II a toujours été porté pour les Stathouders, tant " que leur puiflance formait une jufte & heureufe " balance avec celle des corps anftocratiques. II ferait difficile dc trouver dans la clafle nombreufe du peuple, un feul homme qui ne fe fente4 " difpofé a payer de fa perfonne ou de fes moyens, " pour vanger avec vigueur & célérité, les infultes " faites a 1'Etat. Voila, Prince illuftre, ce que les " Flatteurs vous déguiferont. Ce font eux, qui dès le . commencementdes troubles élevés enAmérique, 'l ont arrêtté les projets de nos bonnes & vieillesTétes, " en faifant propofer une augmentation de troupes, „ doni  ( 14) 3, dont nous n'avions aucun befoin, au lieu desrenforts ,, de marine, que les circonftances rendaient nécef„ faires. Nos ennemis, témoins «Scpeut - être inftru3) mens fecrets de l'inaótion,que la diverfité d'opinions „ occafionnait dans 1'Etat, n'ont pas manqué de s'en V prévaloir. Dans le fein de la paix, al'ombre des M infinuations les plus amicales, les perfides détrui„ faient notre commerce, déshonoraient notre pavil» Ion & faifaient perdre a 1'Etat toute confidération „ chez 1'etranger. „ Nos bonsPatriotes avaientbeaü crier qu'il fallait „ fe mettre dansunétat refpectable de défenfe mari„ time,pourprotéger le Commerce & conferver la „ paix. L'Anglais & fes partifans foutenaient, que „ nous n'avions rien a craindre que des Puiflancesde „ terre. Nos Patriotes difaient hautement, que votre „ grandeur était attachée k celle delapatrie. L'An„ glais infinuait calomnieufement que vous aviez des „ intéréts oppofés. Ceft par fes infinuations & fes 3, promeffes perfides, qu'il a voulu vousendormirdans „ une fauiTe & dangereufe fécurité. Le réveil aété „ imprévu & terrible. Mais il nous procure un grand „ avantage ; puifqu'ir vous montre évidemmentque 5S toute Confiancefurl'étranger efttrompeufe, & que „ vousn'avez d'autre intérét que celui de la nation. ., Prince! le falut de 1'Etat & 1'amour de tous „ vos concitoyens font dans vos mains. Avecl'auto„ rité confiéea vos foins, vous pouvez donner la plus forte impulfion aux opérations néceffaires. C'eft a „ vous qu'il appartient, dans ce peril commun, de „ réunir tous les partis & tous les intéréts. Le ca„ raclere de la Nation ennemie, fa conduite ordinai„ re, notre pofition & celle des autres Puiflances „ tout demande de la grandeur dans nos préparatifs * „ & de la vigueur dans nos opérations. Tout del mande que nous commentions par porter tous „ nos efforts furmer, ou nos intéréts les plus pré„ cieux font attaqués. Pour concilier les divers fenti„ mens; que le fage tempérament de la Province „ de Hollande foit adopté. Qu'onlaifleleFrifons'ap„ pliquer uniquement k la défenfe maritime ; & que ;, les autres Provinces, avaut depenferal'augmenta- n tion  (15) tion des troupes de terre, commenceüt par fe mettre „ en füretéducóté delamer. On objefte qu'il peut furvenir une révoludon de circonftances, contre laquelle il faut fe pourvoir par ' des enrólemenspuiffans. VosFidelesFrifonsrépon, dent, que cette révolution de circonftances n'ecant donnée que comme un incident éloigné&imprévu; „ ilconvient de commencer parfe mettre en défenfe „ fur mer, oü le danger eft non • feulement prochain, „ mais rcel & exiftant. II était difficile de parer a eet argument. Bientót après quelques Armateurs Anglais ont alarmé " nos cótes: ils ont fait plus de peur que de mal: fi " 1'on alléguait cette circonftance, pour montrer la • néceffité des augmentations de troupes; ne ferait^ ilpas k craindre, qu'on s'imaginat que cesalarmes étale^^^e^s? „Comment penferen effet,que les Anglais font en état de tenter une defcentequi puifle mettre laRé„' publique en danger? Le Roi d'Angleterre, difent les Fnfons, ayant k peine aflez de troupes pour aflurer fes propres domaines, pourrait-il endéta„ cher un affez grand nombre, poui\faire la conquête „ d'un pays auiÏÏ peuplé que les Provinces Unies ? „ Ou les Anglais voudraient les conquérirparune „ g'rande invafion ou fe bomer a des incurfions &a , des ravages. I ans le premier cas, pourraient-ils „' débarquer fur nos cótes un corps d'au moins foixantemille hommes? Alorsméme nosvoifmsdu Continent, verraient ils cette conquête d'un ceil in" différent? Dans le fecond cas, nos corps d'ar„ mée fe trouveront ils toujours k méme de fe porter , a tems aux endroits ménacés ? Les Ennemis ne ', prendront - ils pas leurs mefures pour faire des in- curfions imprévues,& de promptes retraites?n'au„ ront-ils pas pillé, détruit Sc disparu, avant qu'on „ ait pufevanger? „ II n'y a qu'un moyen de prévenircesdefcentes, „ &tous les malheurs qui nous menacent. Ilyalong„ tem- que nos bons Patnotes 1'ont indiqué a grands cris: ne Ennemis méme nous endonnent 1'exem„ ple. Comment fe font-ils trouvés en état de pro- i, téger,  „ lemrait encore a protéger notre navigation iuf. „ quaunecertainehauteurf Les Efpagnols, contre „ lefquels nous avons foutenu une guerre fi longue „ ont il jamais tenté de nous envahir pai mer ™8Les a, Anglais qui en furent, dit-on, empêchés par une „efpece de miracle, font ils, commeP alors " mïeTnSf68 alliÓS P^ns'dans notre voS: " fr„gr ) ^Core un m°yen d'affurer notre dé« renie lans detourner les reffources néccflaires ,> pour la marine : eet exemple nous eft auffidonné „ par notre ennemi: C'eft 1'inftitution des miïces ;; Sn°e?s U1'w pIan' qu'ü n'eft pas S „ Nous ne pouvons plus reculer fans opprobre-ou „ danger. Jamais 1'occafion ne fut plus favSble nour 35 Hfn, f°Srl0ngUeS inju^'es- La PJus nSK „ & la plus fiiine partie de la Nation attend ef „ pere, demande des Réfolutions hardies & vkou- „ reufes. Elle fe croirait trahie, fi des entraves im- „ prevuesarrétaientleur vceuPatriotique. Elle-les " lf% ^ fU/ V0US:, que ne doit"°n Pas craindre s, de Ion zelc devenu furieux, fi quelque terriblere„ vers lui faifait foupconner qu'on a néWé les brés „ cautions néccflaires-pour la défenfe de la PatHe? „ Le moment eft critique & folemnel: il ne sVit " ^VienrkolnV^Uü^efondei'vofrc "a"^rité fur fes „ bafes mébranlables de 1'affeéhbn nationale, ou de „ lébranler en donnant occafion h des foupcons " Uï; V?tVu Grandeu'- & celle de votre maifon 3, dépendent du bon, ou mauvais fuecès de cette met* * f: fc Perfonnenedouie, que ce bon ou mauvais „ iuccesnefoit eptre les mains, de celui, a qui nous „ avons confiéle credit le plus étendu fur les Corps „ pohtiques & la plus grande autorité fur les Corps 3, executifs." 7?' Ces Feuilles pöriodiques paraïtront régulierement, tous les i.uiichs.cheE lespnncipauxLibraires desPays-Ess.  IE POLITIQUE N°. II. LUNDI, ce 19 FEVRIER 1781. CH AP. IV» Cbfervations fur la Neutralitè- Armés, Mefures nicejjaires pour dicter la. Lot aux Anglais. Le deftin de 1'univers eft entre les mains des Puiffances, qui f orment cette noble & formidablc confédération. II dépend d'e'.les de pofer fur une bafe inébranlable, les bornesdes nations & les droits del'hu* manité. Ellesn'ontqu'avouloir; & le fang huriiain ne teindra plus les mers. Jamais 1'occafion ne fut plus favorable, pourabaiffer celle qui faifait impërieufement laloi a tout 1'univers. Tout dépend du moment aftueli 'maisfi on le laiffe échaper, 1'Angleterre trouvera encore le moyende fortir avec gloire, du pasdangereux oü elle eft engagée. Pour mieux entendre cette aflertion , il convient de rappeller le principal objet politique de 1'Angleterre, en provoquant a&uellement toutes les Puiflances. On ne peut lui en fuppofer d'autre, que de cou- Eer de tous cótés, toutes reflburces aux Américains. ,e but de la Neutraiité-Armée , qui confiftait h établir la liberté générale du commerce & de la navigation , ne pouvait manquer de favorifer les Vues Tome I. B de  C 18 ) de ces nouveaux Republicains. La pofition phyfique de la Grande Bretagne, le grand nombre, 1'audace & Favidité de fesarmateurs,doiventnéceffaircment intimider toutes les FuifTances maritimês quife trouvent en guerre avec elle. Obligée auparavant de les ménager, mêrae en les moleftant, elle n'eft plus , au moment d'une rupture, obligée de respecter aucune forte de pavdions. h He dévore de 1'oeil les richefl'es de toutes les Nations. Les Puiflances confederées ne pouvant gueres agir de concert & avec vigueur , elle efpere dg les prendre en détail & au dépourvu. Cinq , fix ou fept ennemis f orment , il eft vrai, une forte partie contre elle: mais c'eft s'abufer, que d'examiner le nombre des ennemis: il ne faut calculer que les forces qu'ils peuvent iaire agir : 1'Anglais demeurant dans des Ifles , & experimenté depuis longtems dans les combats navals, déploye fes forces avec aifance, liberté & vigueur. C'eft un Athlete dont les deux bras font formés a la Lutte. Les autres Puiffmces, obligées delaiflër fur terre la.partie la plus confidérable de leurs forces, ne cömbattcnt, pour ainfi dire, qu'avecla main gauche: &l'on fent quel avanfege cette circonftance dotine a 1'Angleterre. Les Anglais font doncmémeaéluellementunePuisfance trés formidable 11 faut furtout ne pas perdre de vue, que la liberté de 1'Europe dépend de 1'indépendance de 1'Amérique. Si '1'Angleterre , dans la crife ou elle fe_ trouve , ménage fi peu les autres Puiflances, a quel point ne porterait elle pas 1'orgueil, fi elle;venait areconquérir fes Colonies perdues ? On peut dire, que de eet événement, dépend la liberté générale de la Navigation de toutes les autres Natibns, & la füreté de leurs Pofléffions dans les deux Indes. Pour déconcerter les projets ambitieux de 1'Angletcrre, & aflurer les droits des Nations rnaritimës fur Tindcpendance de PAmérique, on ne faurait donc prendre trop de précautions. La première, c'eft de conferver la force de la conféderatión, parl'Union la plus intime&des efforts vigoureux. La  C 19 ) % La feconde, c'eft depermettre aux Amateurs Américains,d'entrer librement dans tous lesports:ccd y ven- SïbS de porter, fous de fortes efcortes, tomes foues des munitions &de provifions aux Atné- nLanqüatrieme, de former une flottepuiffantepour rrniferal'entvéedudétroitdeCalais. La cinquieme, de chereher partout les grandes des Anglais, & de les attaquer vigoureufement avec la funeriorité du nombre. Ta S eme, de tenter quelques defcentes dans leurs villes maritimês, ce qu'il eft fort a fé a des Puiflances, qui ont plus de forces de terre que de mer II ne faut pas s'imaginer, qu'on parviendra a humiliei cefte oJgueSleufe Puiflance . en la mmant fourdement par des opérations lentes & circonfpeftes. C eft une de ces b&sféroces,qui dévorent ceux qui veulent les £privoifer par la douceur. II faut la dompter, en ffiörtantdes coupsviolens&fenfibles. I nefauc ;"s hu donner de relache,.qu'elle^aitfubi des conditions, qui enchainent a jamais fon ambidon fc la ■ fiCL-!maniere,donteIleprovoque toutes les Pu flances, eft une infulte a 1'univers entier Etats a qui les nrncédés defpotiques ont mis les armes a la main, ■ PdU vous de vanger 1'humanitéde fes infolens défis Vot- honneur, votre füreté, votre falut demanuent des efforts unanimes, & des opérations viguureufcs. En un mot il s'agit ou de vous couvrir de home en recev" Sloi d'mie feule , oud'éternifervotre gloire, en pSt fur une baze inébranlable les droits & te repos des nations. . On attend aauellement, avec la plus grande ïmpatienc laRéponfede la Ruflieala nouvelle de-Ia«jpSormSg entrel'An.leterre cScla République des Pfovinces Unie-' Les Anglais tremblent ; ils paraiflent héliter avant d'ófér declarer de bonne-pnfe les vaifle'aux enlevés aux Ho landais Amfi la juftice ou 1'iniuftice de leur conduite, dépend de lade.ernuaation de la Rulfte. 'is garderout furement les B 2 »a-  C 20) navïres, au cas qu'elle refufe d'époufer la caufedeïa République. Mais fe déclare-t-elle en faveur d'un Etac, qui n'eft vifiblemenc attaqué par 1' 4ngfete«e que d'après&même en conféquence defon Acceflïon ? h N^trahté , on verra fans doute, lafierréAnglaife chanceler. On fent que ce point eft de la plus grande importance & de la derniere délicateffe II n'eft pas apréfumer, quei'Augufte Souveraine, qui eft 1: nottile&l'ante de la plus glorieufe Confédératiort qui fut jamais concue, revienne fur fes pas. en abanoonnaat un Etat, qui ne s'eft rendu odieux aux Anglais. q epouravoir voulu fuivre cesgrands principes d'équité univerfelle , que Carherine a tracés aux autres Souverains de rUnivers. Une pareille démarche ne faurait entrer dans cette ame grande & forte. Dun autre cöté, les Anglais reviendront-ils lachement for leurs pas, avoueront ils-Tinjufticede leur attaque, en reftituant les riches dépouilles qui en ont été les fruits? Cette orgueiileufe nation qui ne fe foutient acluellement, que par des feminiens de fierté, au deffus de fon état réel, ne cra.ndra-t-elle pas, de porter le dernier coup a fon'crédit, en avoüant ainfi fa faiblefiè ? Peut-être cherchera-t-elle un tempérament, en exigeant des Puiffances léfées, quelque cefllon dans leurs droits de navigation, en retour du facrifice, qu'elle prétendra faire en rendant Ie bien d'autrui Mais ces ccffions, qu'elle ne manqueroit pas de propofer, ne feront-elles pas contraires aux grands principes tracés dans la NeutraIité, aux intéréts des autres Puiflances Belligérantes, qui ont excité la Hollande k ne rien céder, aiaHollande elle-méme, qui perdraitpar la tout le fruit de fa louable réfiftance depuis le commencement de3 troubles? On nepeutdonc fe diflimuler que la derrière démarche de 1'Angleterre a tellementbrouillé les affaires, qu'il ne faudra rien moins qu'unelevée générale de bouclier, pour les terminer Et cette levée générale de bouclier nepeut avoir d'autre objet, que de diéter des loix a la Puiflance orgueiileufe, qui a ofé les provoquer toutes & depofer les droits & les de-  ( 21 ) devons des Nations, fur des principes a jamais iné. branlables. ... , Les Hollandais ne laiflentpas de s ïmagmer, quil leur refte encore quelque efpoir de recouvrer leurs Vaiffeaux. ( 'ette erreur eft d'autant plus ré vol tante, quel'on voit deshomme quipaffentpoTintelhgens, y ajouter foi , & les Anglomanes faire tous leurs efforts pour 1'accréditer. „ O mes chers Compa„ triotes,' fuis-je obligé de leur dire. „ que! ïncon,, cevable preftige a fafciné tous vos fer*s % Par „ quelle révolution finguüere avez-vous perdu juf„ qu'a la derniere tracé de ce bon-fens, qui vous „ faifait remarquerautrefois entre toutes les Nations ,, de 1'Europe ? L'Angleterre eft-elle une nouvelle ' Circé. dont la coupe enchantereffe opere les plus „ étrangesmétamorphofes? Jufqü'aq. and fcrmerez„ vous les yeux k la lumiere du grand jour?' Juiqua ,, quand vous laifferez-vous prendre aux piéges les " plus eroffiers ? Le Miniftre Anglais eft alle fixer fa , réfidencedansunpaysvoifin; & vous avezlafotte „ confiance de croire qu'il fe négocie un accom., modement fecret. L'Anglaisfufpend la condamna. tion devosnavires: & vousefpérez auflitót, q- ils " vousferont reftitués. Ii n'eft plus permis, mes „ chers Compatriotes, de vous cacher a quel point le mépris des Anglais eft monté pour notre Nation, " Si ces fuperbes Infulaires favaient, que toute no„ tre occupation a&uelle ne confifte, qu'ènous for- eer de fatales erreurs, & que notre derniere ref' fource repofe dansles plus chimeriquesillufions de la crainte, combien leur confiance orgueiileufe ' n'augmenterait-elle pas? Mais c'en eft trop : . c'eft pouffer trop loin le délire & la ftupidité: il * il eft tems de vous défabufer- 11 importe de vous l apprendre, que le fi&nal folemnel du pillage „ ayant été donné, nos Navire^ enlevés tont d ve„ nues des propriétés Britanniques, qu'il n'appartient , plus au Souverain de nous reftituer. Oui, lepou- voir du Monarque, affifté de fon Parlement & !L revétu de toute la plénitude de 1'autorité Souve- B 3 » raine>  ( ( 23 ) • „ raine, ne s'étend pas jufques Ia. La cónftitutiöö „ Bricannique, 1'exemple de tous les tems, le ca'„ racrere de la Nation, tout enfin s'oppoferait aune „ prétcntion pareille. „ Mais, dira-t-oii, les Armateurs auront été char„ gé d'inftructions &de claufes fecretes; on neleur „ auralivré des Lettres de Marqué, quefous lacon„ dirion de reftituer les Navires, au cas que laraiibn „ d'Etat néceffite ur>e refiitution. Quel abfurde ef. „ poir ! Y a-t il un Anglais, qui voulüt hazarder les „ dépenfes & les rifques d'un Armement a de pa„ reilles conditions ? Efi-ü méme au pouvoir du „ Monarque de retirer la parole Royale qu'il a don„ née, pour encourager fes propres INavires, qui „ feraient des prifes? , Mais, dira-t-on, le Monarque n'a t-il pas au „ moins le droit de tirer du tréfor public les fommes néceffaires pour nous indemmfer? Oui, ileft vrai, „ quon ne Jui a pas encore ravi ce droit. Mais, i'i dans fa ■ détreffe adluelle , eft-il en état de. le „ mettre a Êxécution ? Pourra t-il en détacher ■,, fept eens mille livres fterlings ? Ofera-t-il faire ,, une démarche d'une fi grande conféquence, fans „ 1'aveu de la Nation? Si, cependant, mes chers ,, Compatriotes, il vous plait de précipiter votre „ perte, vouspouvez vous abandonner a ce ridicule „ efpoir." C H A P. V. Coup-d'ail fur VAngleterre; Obfervations propres a apprê*_ ' cier le Carnet ere de la Nation Anglaife &Ja i'uifance. Quand les malheureux troubles de 1'Amérique Septentricnale éclaterent, 1'Angleterre était au comble de la gloire, de la grandeur &. de la profpérité. Sa prepondérance avait en porié lequilibre dans toutes les mers, &dans toutes les parties du monde. Elle avait danS fes mains une telle force, que les autres Etatsétaient devenus abfolument incapables de fe dé- fen-  ( 23 ) fcndre de fes entreprifes. Cette nation , fi fiere de fa ifberté & ü jaloufe de celle des autres en était ve-felle • Elle avait, certamement, pus de forces ftclu es floriffantes de puifTantes Colomes n en Paraifla t que plus folide & plus redoutable. En un mot 1'univers tremblait devant elle. . II ei eft des gouvernemens comme des individus. TantdeSandeur &depuiflance ont infpiré naturelle■mSl'ori.eil& lafiené. Ce font des fentimensirreSles quifonttoujourslesfuices de la trop grande möfDéri\éq H eftprefque impoffible,denepasabufer 5'u. uouvoir exceffif. Si le gouvernement montre au^ueVodération, les particulier* ne peuvenr iéIer au penchant fecret, de faire fentir la fupénorité Q* ils ont fur toutes les nations. II eft impoffible nShlonRue cette conduite ne faffenaïtrela jaloufie I a ha Se II feformaitde toutes parrs desvrxux feere? i Sur le renverfement d'un édifice qu. offufquait tous les autres defon ombre. On fe réumt toujours nour humilier une nuiffance trop preponderante. K ce que prouve 1'hiftoire dé tous les fiecles, cil e mrticulierement de Louis XIV, & enfin en dernie? lieu celle de 1'Angleterre. Ces rnauvaifes difSion percerent des la première éruption des trouEles dé' 'Amériquc. Un cri fourd fe fit entendre de Se les narties de 1'Europe: on fentlt qu'il fallait S cettë occafion pour abaifter les Defpotes du SmmSe Le vceades nations fe déclara vifiblen^n^our'celle,quipourraitlesgarannr a jamais,con. «e la pXntion injurieufe d'un feul peuple a la monarchie univerfelle des mers. Avcuïe par 1'orgueil de la prolpérité, 1'Angleterre ne voulut pas méme paraïtre foupconner cette consOratio Générale. Elle a multiplié lesprocedes d la Snee & de 1'audace Elle a provoque fucccffi vemcTSL les Puiflances Lavoila auKmainsavec B 4 llUd  C 24 ) g2 ennemis; & trois autres fontprétsa fe *fc Sept Ennemis J Aces mots:les enthoufïafl-PQ fi» n ü Anglais ïi^fiïT^tefW' contre lui li habite 1'Mp u i l bnneniIS conjures de 1'univers 1FoS,e S*88 heureufementi1tuée font exercés a cette Li 3e ff 'TL futT"!?''? esacle de fes forces, pour mieS coS ,w. ^e "r"0n öai1^?» ssssssss ÏKSS Ce ferait tomber dans l'excès oppofé aue de fi» l es SS d,t: Nous, fommes les Rois de la mer, .es autres Nations ont répété fottement • fausite't S^nfcffV lb 0nt V' Nous fommeslepre Les At wfn " h v rleP™™rpetLPk de Vunivers. ces paroles prefque tout 1'un vers eft venu mem-p fcrvdement a leurs pieds, le dépot de fou indien! dance  (25) dance & de fes droits. II y a méme eu des Ecrivains foidifantpolitiques, qui, cédant a 1'opinion publique, au lieu de la changer, ont ófé blafphemer contre le genre humain, enpouflantle délire jufqu'a dire, que, fans les Anglais, la Philofopbie n'aurait pas eu fur la terre une nation, dont elle put s'honorer. Pour peu qu'on eut voulu décompofer ces idéés magnifiques, onn'yaurait trouvéquedu vuide,pour ne pas dire pis. Eft-ce pour avoir dans la derniere guerre conquis des pays immenfes, que les Anglais font la première nation de 1'univers? Les Huns, les Vandales, les Tartares, ont fait des conquêtes bien plus brillantes par la population & la valeur des pays conquis. Eft-il bien glorieux de combiner dans le fein de la paix, des projets d'invafton & de pillage, & de prendre au dépourvu despeuplesendormis fur la foi des traités? Les Anglais font-ils le premier peuple de 1'univers par 1'exceïlence de leur conftitution ? Quel gouvernement que celui, oh les Repréfentans du peuple font obligésde le vendre après 1'avoir acheté; ou le Citoyen le plus turbulent &le plus faétieux peut impunément mettre en danger les vies & les proprietés de toute la fociété? II s'en faut beaucoup, qu'il fok clair, que ce gouvernement n'eft pas tyrannique ï ileft certain , qu'il eft odieux pour les nations voiflnes ; cartoutyporte au pillage & a 1'oppreffion des autres. Qu'on compare ce gouvernement avec celui des Républiques Helvétiques, des nouvellcs Républiques Américaines, &c. & qu'on falfe unejufte appréciation. Les Anglais font-ils le premier peuple del'univers pour avoir fait trancher la tête a un Roi. Cette démarche fuppofe en effet du nerf & de la vigueur. Mais quel modf anima la nation & cette fameufeexécution? Fut-ce 1'enthouliafme de Ia liberté qui annoblit tout? Non: ce fut le fanatifmele plus intolérant & le plus abfurde. Cmelle en fut 1'ilTue? Le defpotifme le plus humiliant, le plus impérieux, & le plus arbitraire qui füt jamais. P Bj . II  (26) II n'entre guerés dans les têtes des Enthoufiaftes, dtf calculer les forces de 1'Angleterre, d'après unparallele exaét de celles que les Ennemis peuvent lui opp-jfer. Pour fe former des notions juftes , il convient de remonter aux commencemehs -de cette guerre. Les Anglais n'avaient alors a combattre que les Américains. Ils ont employé tous leurs efforts pour les réduire: &dès lafeconde année, ils avouent qu'ils font hors d'état d'entretenir des forces fuffifantes pour opérer cette conquête (*> Hs font obiigés d'avoir recours a toutes les voies laches & obliques de la bafleffe, de 1'intrigue, &de la corruption. Ils veu. lent faire un effort férieux en s'avangantdans le cceur du pays ennemi; qu'arrive-t il ? Ils font obiigés de fe rendre prifonniers Depuis, ils n'ont fait la guerre qu'a la mamere des Tartares. Ils ont prorité de 1'immenfitédeceContin:nt&du licenciement des armées Américaines, pour tombera 1'improvifte, fur des places ouvertes: mais ils n'y ont refté, que pour piller, incendier & détruire : 1'approche de quelques forces ennemies les a fait fuir. La France s'eft enfin déclarée. L'Anglais avait alors 1'efpérance de fe mefurer avec ardeur & liberté contre desvoifins odieux,fur un élément qui lui était naturel. II y a eu quatre ou cmq combats livrés de part & d'autre a forces a peu prés égales. Quel avantage les Anglais ont-ils pu remporter? Ils ne fe font emparés de Pondicherry, qu'en faifant,' fuivant leur atroce&odieufe coütume , attaquer cette place avant une déclaration. Mais les chofes ont bien changé: quand ilafallu eflayer leurs forces dans une lice ouverte & publique, Us ont perdu St. Vincent, la Grenade, leurs.établiffemens d'Afrique & une partie de Ia Floride. On convient méme généralement que filesFrangaisè»: les Efpagnols avaientmisun peu plus de vigueur dans leurs opérations, il nerefterait pas actuellement aux Anglais un pouce de terre en Amérique. CHAP. I C*) Voyez les campagnes militaires du CènèralHowe.  C*7) C ff A P. VI. " A auel.point csnvient-il iabaiffer^Angletern^pour ia fecurité générale des autres Nations ? Une derniere reffource refte aux Anglais. Ils efperent qu'en éprouvant méme partout les plus terrible, revers, il amvera, que, pour le mamtien de 1'équilibre général, on ne permettra pas quelAnsleterre foit écrafée. Comme ces expreffions font frop vagues pour être entendues, il importe de recourir a notre coutume ordinaire d'analyfer les termes Que veut-on dire pas ces mots: Kcrafer l Anpleterref Ses Ennemis ont ils concu 1'épouvantable Proiet d'abimer cette Ifle orgueiileufe dans 1 ocean nui 1'environne? Ou bien onwis 1'abfurdite de s iinaeiner qu'ils lui öteront le bonheur & 1 avantage de fon admifable pofition,a laquelle les Anglais euxmêmes ne peuvent s'empêcher d'attribuer leur bröfpérkév Tant que la Grande Bretagne confervera cette heureufe pofition, ne confervcra-t-elle pas èSalement un commerce étendu, une marine: refpectable? Ces avantages ne dépendent-ils pas de la nature de fon gouvernement, & non des mauvailes dis. üofitionsdes Puiflances voifines? Ce n'eft donc pas enréduifant 1'Angleterre aux bornes que la nature lui a prefcritcs,qu'on pourrait craindre la deltruction de 1'équilibre général. • , Cette heureufe balance n'exifterait effeéhvement plus fi 1'Efpagne ou la France ou toutes les deux de concert, enlevaient toutes les poffefiions lointaines de la Grande-Bretagne, & fe les appropnaient. Les erreurs & les malheurs de la politique moderne font de ne vouloir pas fe tenir dans le cercle pofé par 'la nature. Elle a fixé a tous les luats des limites ■ qu'ils ne fauraient franchir,fans altérer 1 harmonie du fyftême sénéral. Difons le franchement : puifque notre premier devoir eft d'être impartial &  (28) de préferer le bien del'bumanité,è celui de tellenation que ce foit: 11 eft également contre la nature que l\\mérique feptentrionale foit foumife k J'.Hnglèterre la méridionale a 1'Efpagne, le Mogol & le Bengale a une fociété Brittannique, les Molucques è une fociété elgique&c. C'eft d'après ces principes, qu'on pourrait établir 1'équilibre général fur des fondemens mébr nlables, dont 1'humanité n'aurait jamais & gémir. Heft a croire, que fi une étincelle de cette idéé brillait aux jeux de 1'Augufte Souveraine, qui eft 1'Auteur & 1'ame du projet fubiime de foumettre toutes les nations a uncode général de liberté &d'équité fur les mers , il n'en faudrait pas davantage pour embrafer fa grande ame, L'afcendant, que fon vafte génie lui donne fur les autres Puiflat^ ne manquerait pas d'influer fur 1'éxécution de ce projet. Cependant, comme les préjugés font invétérés, & qu'il faut, dans ce bas monde, fe foumettre nécesfiiirement a la grande loi des plus forts, on pourrait avoir quelque égard a cette malheureufe néceffité; on pourrait former une heureufe balance en combinant fi bien le partage des Mes Américaines, & des EtablilTemens dans les lndes Orientales, que les différentesPuilfancess'y contrebalanceraient,fans qu'aucune emportat la prépondérance. Mais que ferez-yóus, dira-t-on, de 1'Amérique feptentrionale? Je réponds, que fon indépendance doitêtre la première, bafe d'une Pacification généra. le. II ferait même bon,que cette indépendance renfermat actuellement la Floride & le Miffiffipi, auffi bien que le Canada, Mais les tems ne font pas encore murs, pour poufier plus loin ces falutaires idéés. C H A P. VII. Origine de la rêvsluiion /fméricaine, tntêrêt des Puifances de l'Europe cl eet égard. Ctte partïe du nouveau Continent doit 2t la douceur du gouvernement Anglais, & a la bonté  C39) té de fon terroir, 1'accroiffement rapide de fa population & de fa puiflance. Ces Colons avaient quitté toutes les parties de 1'Europe &furtout 1'Angleterre , four aller chercher la liberté dans les déferts de Amérique. Ayant acquis des fentimens analogues k leur maturité, & a leurs forces,on a voulu exiger d'ellesce qu'on ne leur avait jamais demandé; lor.*qu'elles étaient dans un état d'enfanee & de faiblefle: On lent, combien cette politique imprudente a dó révolter des efprits que la liberté, Péloignement du Gouvernement, la forme du culte, rendaient farouches & altiers. II n'y a, cependant, que des Sophiftes &de mauvais plaifans, qui puiffent foutenir que leur levée de bouclier n'a d'autre fondement ,qu'une miférable taxe de trois fols fur le thé. Quand méme toute fociété politique n'aurait pas le droit de conferver, ou de changer a fon gré la forme particuliere de gouvernement, il eft aifé de prouver , que le Miniffere Britannique avait concu le plan d'altérer, tout ce qu'il y avait de trop hbre dans lesdiverfes conftitutions des Colonies & de s'affurer de leur dépendance abfolue, par des inftitutions arbitraires & defpotiques. Déja la Colonie de Maffachufett, la plus importante, avait été pnvée du droit de payer fes Gouverneurs, fes Juges, &c. Déja le dernier Palladium de la liberté civile, le jugement par Jurés lui avait été ravi. Déja on 1'avait réduite a fe foumettre a Pempire terrible d'un gouvernement militaire. La Cour Britannique avait poulTé le délire dudefpotifme jufqu'a détruire la conftitution fondamentalede cette Colonie Les Colons n'avaient, dans leur détreffc, d'autre reffource qu'un défefpoir courageux. II faut, en effet,qu'ils aienteu des motifs violensdereffentiment contre la mere-patrie;ïpour öfer, feuls, lans alliance & fansappui, défier uae puiffance, devant laquelle PUnivers tremblait, Une pareille audace n'a pas manqué d'étonner. De 1'étonnement on a paffe a 1'admiration, en voyant , que dans une partieüinégale, lesAméricains foutenaient leur caufe avec gloire II y a dans le cceur humain un penchant fecret, qui PintérelTe en faveur de tous les peuples, qui fe foulevent contre 1'op-  ( 3ö) 1'oppreflion. II n'y a pas jufqu'aux nations écrafées fouslejoug du defpotifme, qui ne s'intéreflent au triomphe des opprimés, paree que eet exemple leur donne 1'efpérancc, defetrouver un jour en état de les Imker, ou la confolatiou de voir leurs oppreffeurs trembler a ce fpeétacle. Ces difpofitions populaires influent- plus qu'on nepenfe, fur les déterminationsde ceux qui gouvernent ; furtout, quand ils ont des raifons particulieres dedéfirer, que cette circonfhnce abaiffe une puiflance prépondérante, dont ils font jaloux. Le foulevement des Colonies de 1'Amérique Septentrionale,fut marqué d'abord pardestraits d'héroi'fme & de fermeté, fi extra ordinaires,que tous les hommes de génie qui les apprécierent , annoncerent de bonne heure quels en feraient les effets. Dés 1'an 1764, le fameux acte du Timbre, qui établiflait des droits'fur le papier marqué & défendait d'en employer d'autres dans toutes les écritures publiques, occafionna des Tnouvemens, qui auraient dü alarmer le Miniftere de la métropole. Cette innovation excita des éclats fignalés La confpiration générale, qui fe fit alórs entre les Colons, nous étonne encore. Cette Convention unanime de fe priver des marchandifes fabriquées dans la métropole, jufqu'a ce qu'elleeüt rétiré 1'aóte dontonfeplaignait, montreaquel point lepatriotifme républicain animait déja 1'efprit des Colons. Les femmes, dont on pouvait craindre la faiblefle l furent les premières a renoncer, a ce que 1'Europe leur avait f ourni de plus féduifant & de plus agréable. Dans lesRégions Septentrionales on les vit payer les étoffes groflieres, qui fe fabriquaient fous leurs yeux, aulfi cherement, que les beaux draps qui paffaient les mers; & s'engager a ne point manger d'agneaux, afin que les troupeaux plus multipliés puflent, avec le tems, fuffireau vêtementde tous lesColons. Cette efpece de réfiftance indireéle& paflive, qui doit iervir d'exemple a toutes les nations, qui fe fentiront foulées par lesabusdePautorité,eutl'effetque tout le monde fait. L'aéte du Timbre fut révoqué après deux ans d'un mouve*  (31) mouvement convulfif, qui dans un fiecle de fanatifme, auraitoccaiïonné. fansdoute, une guerrecivile. Des Ecrivains publiés ont foutenü en Angleterre, que cette révocation avait été la caufe de la guerre aétuelle. Ils ont dit, qu'une telle condefcendance n'avait ferviqu'a augmenter 1'audace des Colons . m leurfaifant croire qu'on les redcutait. En effet, cette ceffion fut tellement régardée comme une faiblefle & une timidité, quel'acte furie culte rehgieux dans le Canada, païïa pour un trait de précaution, parlequel le Miniftere voulait fe ménager cette Colonie du Nord pour s'en fervir a dompter les autres. Ceux qui ont fait cette obfervation, n'ont cherché fans doute qu'a flatter le Miniftere, pourl'abfoudredü blame odieux d'avoirétélui méme la première caufe de cette retroceffion, en fe permettant des droits inju'les & téméraires fur les propriétés des Colons. L'acle du Timbre, impofé par le Parlement Britannique, était non-feulement contraire a la prudence, mais encore aux droits, auxcoütumes des Colonies & detouie Conftitution libre. On a voulu exiger de leur obéiflance, ce qu'on ne devait attendre que de leur volonté- Des contrats folemnels appuyaienc leur prérogative, fi naturelle & fi conforme au but fondamental de toute fociété raifonnable. Les Colonnes invoquaient avec juftice le Chartres de leur établilTement, qui les autorifent a fe taxer librement & de plein gré. Un citoyen Anglais, dans quelque hémifphere qu'il habite , ne doit con • tribuer aux charges de 1'Etat, que de fon confentement donnépar lui-même, ou par fes Répréfentans. C'eft pour défendre ce droit facré, que la nation a verfé tant de fois fon fang ; qu'eile a détróné fes Rois; qu'elle a foulevé oa bravé des orages fans nombre. Peut elle difputer atrois millions de fes enfans, un avantage qui lui coüta ficher; qui,peut-être, eft le feul fondement de fon indépendance? On pourrait rapporter un nombre infini d'autres raifons po ir juftifier la réflftance desColonies: mais, comme elles ont été obligées de rompretous lesliens qui les attachaient è la mere-patrie, en s'érigeant en Re-  (33) Républiques libres & indépendantes, & que leur droit eft acluellement remis au jugement de 1'épée; ils'agit moins que leur caufe foit jufte, qu'il n'importe qu'elle foit couronnée d'un heureux fuccès. En conféquence nous difcuterons des queftions plus intérefiantes. Nous démóntrerons, qu'il eft impoffible aux Anglais de jamais conquérir 1'Amérique Nous expoferons 1'intérêt général. qu'on peut avoir en faveur de cette frande révolution. Nous développerons les fuites eureufes, ou funeftes, que l'Independance de ce nou vel Etat, peut avoir pour les diverfes Puiflances de 1'Europe. Ces Feu.lles périodiques paraitront régulierement, tous les Lundis chez lesprincipauxLibraires desPays-Bas.  I E POLITIQUE N°. III. LUNDI, ce 20 FE VRIER 1781* ■,, CHAP, VIII. Obfervations fur le Difcours de Mr. Wraxall, dans la Cbambre des Communes. Etat des Finances en Angleterr e. Un nouveau Membre du Parlement Britanniqub vientdeprononcerun Difcours. quiacaufé lë plus grand éclat, & fait encore le fujet de tous les difcours politiques. Les uns difent, que le motif de 1'Auteur de cette Diatriben'avait été qu'une foif violente de fe faire un nom. D'autres afl'urent, qu'il n'eft qu'un de ces enfans perdus, que le Miniftere detache quelquefoispourfonder leterrein,avantd'eiatrer lui méme en a&iort, Ce Mr. Wraxall eft, fans doute, lemême a qui nous devons un voyage dans les parties intérieures de la France, ou 1'ön trouve des obfervations neuves & iniéreffantes, & qui feraient hardies de tout autre que d'un Anglais. Avant, dit-il, de jetter les yeux fur le tableau, de notre fituationpréfente, jefupplie la Chambrè l de les porter avec moi fur 1'époque brillante dë 1762. Quel fpeétacle de gloire, de fplendeur & " de pr'ofnérité, pendant le petit nombre desannées, qui fuivirent. Bélas! ces tems ne font pas aflez " éloi>  C.28» 3, doforces de terre que nous attcndrions cicTlmptta»» trice? elle ne pourrait pas aujourd'hui, cpnjrae „ en 1747, traofporter une arméè du golfe de Fin„ lande fur le Rhin fans la pcimiflion ou de la Ivlai„ ion d'Autriche ou de celle de Brandenbourg, „ peut-ctrc de toutes deux. „ Que font la Pologne, laSardaigne, Naples & „ le Portugal? des Royaumes de nom dont, enfup„ pofant toujours des difpofltions favorables, nous „ n'aurions rien a attendre qui répondft a nos be„ fojns : reftcnt donc 1'Autrichc & la Frufle; c'eft „ ncceïïairement fur 1'unedc ces Puiflances que doit ,, tomber notre choix. Fréuéric r'ciI plus ce grand „ Prince, ce grand Général qu'on admirait en lui il „ y a quelques années : fuccombaut fous le pbids j, des années & des infirmités-. il a vu fa réputation „ déclincr: livré aujourd'hui a Mprit d'avaricc & de „ rapacité, devenu capricieux , bourru, il aperdu „ fa popularité : il nc vit plus comme il faifait au „ milieu dc fon peuple, il s'eneftcloignc &s'cften„ fenré comme un recius dans les fombres appartements de Potzdam ; a pcine fes foldats 1'appercoi„ vent-ils : il eft devenu méfiant, jaloux de fonh'eri„ tier, arbitraire & tyrannique dans les ordres qu'il j, donne, en un mot, on ne trouve plus en lui le „ Héros qui combattait a IJJJa, Rnfbach, g&, £Pc. „ Ajoutez a tout cela, Monfieur, que fut-il encore „ lé méme, on ne peut fediffimuler fon averfion pour „ 1'Angleterre, fa prédilecb'on pour la Fiance: mais „ bornons nous a 1'envifager comme un Prince qui ayantperdufa réputation, a firn'par aliéner entierement fes troupes qui s'en plaignent prcfqu'univer„ fellement, le blament & comme Monarque & „ comme Général, 1'accufent de nc les avoir pas , coridüités dans la derniere guerre avec 1'Empereur, „ comme elles étaient accoutumées de 1'étre autrc„ fois & de les avoir traitées avec une févcrité auffi ,, peu méritéequ'inucile. „ Enfin, refte donc TAutriche feule, & c^eft-la ,, que nous trouverons l'alliance que j'ai indiquée, ,, 1'aJliancepuiiïante qui nousmanquc. » Le  (39) „ Le Dieu tutelaire de la Grande-Brctagne vicnt de „ rappeller dans fon fein une grande Princeffe, qui, „ furie déclin de fa carrière, était devenue a-peu„ prés inutile afes Etats : fon grand agc, beaucoup „ uedévotion, plus que tout encore trois Archi., duclielTes, fesfilles, mariées a des Princes de la '„ Maifon de Bourbon, tout concourait a la rendrcpa„ cifique: ia mort a changé tput-a coup le fyftéme „ du Cabinet de ISienne : jofeph IL Héritier de fes 3, vertus &dcfesvaftesPrbvinces, ayantde plus les „ vertus particulieres de fon fexe, plein de feu, „ d'aétivité, d'ambition, de courage, dévoréparla „ foif de la gloire, connoiffant parfaitement, non„ feulement les peuples qui lui font foumis, mais „ une grande partie de 1'Europe, prjrticuliéi ement la France, voifin inquiet qu'il ne voit pas fans ja,, loufie ; ayant une predileclion marquée & connue pour 1'Angleterre: s'occupant fans relache desmo„ yens d'illuflxer fon notn , &d'ajouter a la profpé„ rité de fes Etats , en les faifant participer aux ri,, chcilés du commerce : auquei on fait qu'il a déja „ ouvert quelques canaux: fupérieur aux préjugés ,, réligieux, a 1'influencequi dérive des connexions de Familie: adoré de fes fujets qui révérent en lui „ la jufticedu Monarque & les talents du Général: „ Jufeph II, enfin, qui, dans la courte guerre de ,j 1778 a eu un afcendant fi marqué fur la Prufic; „ qui dans ce moment-ci a Jut pied 3 ou 4 cent mille „ hummes des plus belles des 'meilleures troupes qui exiflent Jur terre, troupes qui n'ont pofé les „ armes qu'avec un regret marqué & qui n'ont pas „ diffiinulé dans le tems combien leur coütait le fa„ crifice que faifait leur Prince aux difpofitions pacij, fiques defeue MarieThereJe ; teleftrAlliépuifiant „ dont la Grande-Bretagne doit a Tinfiant même re„ chercher 1'amitié : nous y avions quelques droits, ,, nous avons foutenu les prétentions de fon ayeul a „ la Couronne d'Efpagne; nous avons affermi le* tröne „ chancellant de faMere : voüa dumoins des remi- ,, nifcences qui conduifent a des ouvertures — „ Ma's, me dira-t-on, ouelles feront ces ouvertures ? C 4 » Que  (40) '», Que propoferons nous a 1'Empereur pour 1'engager », a nous affifter? Nous lui ferons trois grandes pro* pofltions. Premiérement, pour le mettre en étttd'en,, trer en campagne, la Chambre votera en fa faveur un million fterling : en fecondlieu, on ouvrira, le Port 5, rf'Anvers quifera déclaré libre; troifiémement comme on s, fait qu'il defire quelques éiablijjements dans l'lnde, on lui offrira Malacca, Ceylon, Cochin & Nega. patam. ' L'avanced'un million fterling eft indifpenfable; 5, il eft notoire que 1'Empereur a befoin d'argent: li „ 1'on m'objecte la détreflé nationale, fil'ondit que 5, dans les circonftances préfentes on n'eft pas en état de facrifier un million a 1'acquifition d'un Allié ft puiffant^ au nom de Dicu, dés 1'inftant méme, tombons agenoux, & demandons la paix, comme lefitLoi/w XIV, en 1709, k Gertruydenberg. Ouvrir le Fort d'Anvers & le rendrelibre, c'eft d la ,, fois obliger un °°° < Dépenfes extraordinaires & imprévues . • 269,000 » » Total 1,514,000 Ordonnance. Dépenfes ordinaires . 170,000 Liv. Ster 1. Extraordinaires . . 50,000 ■ 1 g Total 220,000 ' Ainfi les Dépenfes de la paix montent k 331,000 Livres Sterlings. Qu'on compare ces dépenfes avec celles qu'il a fallu faire depuis le comraencement de la guerre d'Amérique. 1775 1776 1777 Marine 2,496,000 4,153,000 4,590,000 Armée 2,206,000 4,799,000 4,797,000 Ordonnance 451,009 $22,000 620,000 Total S,l53,ooo 9474,000 10007*00 i--3 1779 1780 Marine 6,173,000 7,774,000 8,6*8,000 Armée 6,466,000 7,405,«00 7»79ö,ooo Ordonnance 90,40*0 9, 8*000 1,04 9 ,000 Total 13,543000 16,165,000 17, $33,000. Ces calculs font tirés des Journaux du Parlement, & forment une maiTe de 71,875,000 Livres Sterlings ; on pourrait méme, en, comprenant divers arrérages, la faire monter a quatre vingt millions. Avec ces quatre vingt millions de dépenfes, qu'a-t-on fait ? On a perdu treize Colonies, la JÜomiflique,la Grenade, St.  Il (46) Sc. Vincent & de riches étabüffemens en Afri. que. Dans la première feflïon du Parlement qui vient d'être dilTous, le Miniftere employa toutes les rufes de 1'intrigue & de la fourbene pour 1'engagcr a en tref dans les mcfures de la guerre d'Amérique. On en vint jufqu'a affurer que les dépenfes ordinaires en tems de paix fuffiraier.t pour terminer cette guerre. On diminua les frais de la 'marine, Four mieux tromper le public, on éteignk un million de ladette nationale. Mais la méme année on fut obligé de recourir a un emprunt de deux millions. En ótant méme de ces quatre ving: millions les dépenfes ordinaires en tems de paix, on ne laifferait pas de former une fomme de óo millions, que fon peut dire avoir été facrifiêe aux mefurcs impmdcntes des Miniftres. La guerre n'eft pas '• encore terminée. Bien des millions feront prodigués avant ce terme: Etcependant le Miniftere fuit toujours le méme fyftême, en faveur du quel le Parlement s'eft déja expliqué. Ainfi les dépenfes allant toujours en augmentant, monteront bientöc a cent millions; & n'auront préduit qu'ë la perte des objets que'1'Amérique avait offert elle méme d'accorder. II s'en faut beaucoup que cette perte foit la feule pour 1'Angleterre, Quel immcnfe capital n'a pas été pei-dn' par les propriéraires des Fonds publiés? Ils pnt éprouvé une réduction de 88 a 60 par cent, qui forme une perte de prés de 30 millions de fonds; ce qui fur un total de plus de" 150'millions, rconte a plus de 40. millions aneantis. Pour mettre ce calcul dans un jour plus frappant, fuppofons qu'un particulier ait fait Pacauifition d'un fond de mille hyres Sterlings a 8Ji; & qu'ainfi il ait payc 880 livrcs Suppofons qu'il ait defbnéxette 'acquifition au mariage d'un Oiphelin Quelle ferait aétuellement la valeur de ce fonds ? Environ £00 livres. Voila une taxe qui fair. disparaitre pres d'un tiers des biens de POrphelin. Les propriétaires des cerres ne font pas moins k plain-  C 47 ) plaiudre. Je nc parlcrai qu'en paiïant de la taxe d'un Chelin ajoutée par livre, dont il n'ont probablement aucun efpoir d'être jamais allégés. L'imagination ferait effrayée, fi 1'on foumettait au calcul les pertes que les propriétaires des terres & des maifons ont éprouvées dans leurs Capitaux. En calculant les etFets qu'ont produit & que produiront les nouveaux fublides, onles fait monter jufqu'a deux eens vingt fix millions ; ce qui ajouté aux cent millions dépenfés inutilement par le Miniftere&• aux ^millions de pertes dans les fonds publics, forine une fomme de 366 millions. Ces calculs ne font encore qu'une efquiffe des maux caufés par cette guerre. On ne faurait apprécier les pertes que le Commerce & les Manufaétures ont éprouvées. Partout les marchés font rem- Elis des marchandifes amoncclécs, fans acheteurs. ,es ouvriers font arrachés de leu 3 atteliers, poiir ailer creufer leurs tombeaux en Amérique, pays qui, dans des jours plus heureux, repandait partout les richefTes, 1'induftrie & 1'aétivité. Qu'on jette d'un autre cóté, les yeux fur la Navigation marchande. Quel Spedtacle! Des Vaisfeaux qui portaient les marchandifes Anglaifes dans toutes les parties du monde, font a préfent convertis en batimens arinés, chargés de canons, deboulets, de poudre, d'épées, de bayonnettes; on ytrouve jufqu'a ces inftrumens que les fauvages employent pour enlever des chevelures fanglantes. Ce qui refte du Commerce de ce grand Empire, jadis maïcre de 1'Océan, n'a plus d'autre azile que des pavillons neutres ou des affuvances a dix pour cent. L'Amérique était jadis un raagazin pour la marine Britannique. De quatre vaiiTeaux qui entretenaient fon Commerce dans le cours de fa prospérité, trois étaient de fabrique Américaine. Le Commerce général de ce pays a donc dans quatre batimens éprouvé une perte de trois. . Une des principales reflburces du mirchand cfr le crédit. Sans le crédit, le Commerce eft réduic aux  (48 > &ux premiers échangeS de la fociété dans fon enfance. A quoi s'étend le crédit actuel ? A de viles opérations d'agiotage pour répondre aux mefures fanguinaires de la guerre dAmérique. ïous les emprunts que fait le Gouvernement font des Primes mifes fur la tête du Marchand pour fa deftruétion: Non-feulement on lui aótéles moyens de payer les fubfides; mais encore on a établi par ces emprunts un profit ufuraire de 7 è 8 pour cent: eet hauffement des intéréts le réduit donc ou a renoncer aux affaires, oua s'expofer aux peines infligées par la loi contre les ufuriers. Ainfi les opérations du Miniftere fontunmonopole, qui détruit tout le crédit particulier, ou une infraétion des loix qui porte le dernier coup a cette bonne-foi, qui foutient le commerce en grand. Qtiand fon objectcrait que quelques marchand* trouvent a emprunter aunintérécraifonnable, qu'eftce que cela prouverait, fi-non, qu'il efc encore quelques Patriotes éclairés, qui préferentlafüreté de fin' duftrie particuliere aux offres exorbitantes de la prodigalité Miniftérielle,dont les conféquences inévitables «Strapides ne peuvent être que la Banqueroute & la ruine de la Nation ? La fuite de cette difcuJRon du N». prochain. Ces Feuilles périodiques paraltront régulierement, tous le» Londis a Amjïerdam , chezj. A. Crayenfcbot; a Haarkm , chez Walree; a Leide ,chez Les FreresLuchtmans, Luzac & van Damme , & Les Freres Murray ; a la Haye, chez J. van Cleef, La Veuve Staatman & Wy~ tiands; a Gouda, chez Van der Kloos; a Rotterdam, chez Bennet & Hake , D. Vis, & J. Bronkhorji; a Dordrecht, chez Bluffè; aUtrecht, chez B.Wild, H. Spruyt,&G.T. van Paddenburg, & les principaux Libraires des Pays-Bag. L'Auteur croit devair annoncer de mitveau qu'il fe rêferve de faire lui meme paraüre cette Feuüle en Hollandais.  L E POLITIQUE N°. IV. LUNDl, ce 5 MARS, 1781. Suite du Chapitre VIII. fur les Finances d'Angleterre. Depuis Tan 1776,ona impofé dix-fept difFérentes taxes perpétuelles ? dont le produit devait être d'un million,quatre vingt trois mille livres Ster* lings(*3 & n'a pas rendu plus d'un million cinquance mille. C*) Ën 177Ö. Produit. Sur le Papier marqué : i 30,000 — Les Papiers iNouvelles . 18,000 — LesCattes ; . 6,coo — LesVoitures . i ïg.coo En 1777. Sur les Dotneftiques 105,00© — Les Timbres • * 45>°°° -Timbres . * 10,000 — Vltres . • 45,000 _ LesEncans » * 37>°°° En 1778. SurlesLoyersdesMaifons . 264,000 — Les Vins . : 7-»ooa Tome.I. D En  C5o) En 1779, Sur les Véiges . . 364,000 Sur les Chevaux de Pofte . 114,000 En 1780. Sur la Dréche . . 310,000 — Les petiisVins . 20,617 — LesLiqueütaibrtes . 34,557 -■I/Eau de Vie . . 35,3,o — Le Rum . m 7o.c,fousle titre de Boitrgs-dn-Tréfor, bcurgs-d'Amirautés, £fc. Quant aux revenus des autres Bourgs, Ia vente s'en fait du fond de la corruption publique, e'eft-a-dire, la bourfe publique. Ainfi les Membres du Parlement font les Repréfentans du Miniftre & non ceux du Peuple Ce malheur durera tant que les Elus feront obiigés de recourir au Miniftre, pour réparerunefortune qu'ils ont ébranléc, pour acheter les voix  ( 53 ) vont du Peuple. Ils e'engraifferont toujours de fes dénouilles. Ils gagneront méme aproportion que U éts f s. que cette obftination fera fuivie de la mme ennere de fon crédit national, & de tous ceux qui y ont part; puifqu'il eft impoffible de ramener des Colonies, que f Angleterre au comble de fa Puiffance , ne pourrait ^obfeSK^es ne fervent ordinairemen? qu'adonner des notionsvagues: il faut favoir ksdé ails pour êtrevraiementmüruit; parmi les de tails il va un choix a faire: on doitelaguer tout ce m neut mettre de laconfufion dans lesidees; lefpnc 2S q2 Straks caracteriftiques, dont 1'onpeut déduire des réfultats clairs & précis. Quant a 1'énorme dépopulation, on a calculé (*) o«S dépütsfani7j9iu%'en i778, lctota desmaifons avait diminué dans lAnglet, rre leule & la prmc.nauté de Galles de 33,758. Le nombre en.a été potte f moins d'un million. En accordant un million barras de la nation vont toujours en augmentant; fes poffeffions les plus importantes fontperdues; elle vient de provoquer un quatrieme ennemi, qui doit probablement lui enattirer plufieurs autres; le commerce décroit a vuë d'oeil, les reffources diminuent a méfure, que les charges augmentent. On n'a qu'a jetter un coup d'ceil fur Ie dernier emprunt, pour von-queles Reffources dc 1'Etat, n'ont jamais coüté auffi cbcr; un Fond de 3 pour cent s'eft vendu a 40 pour cent de préjudice; on y a annexé une annuité de 3$ pour cent , de 29 ans , qui, pour dix ans, revenait effedlivement a 15,!-! pour cent par an, puifque le 3 pour cent, donnait un rabais de do pour cent. Ainfi le public, outre 1'obligation dc payer au rachat40 livres deplus, qu'il n'avait recu pour chaque.billct de mille livres, a donné pour préfent une prime de pres de 33 pour cent fur lescourtes annuités. On a eu beau faire briller aux yeux des Prêteurs, lesavantages d'une Lotterie;on n;a pu obtenirque fept millions; quoique, fans comprendre 1'augmentation de Ia dette na vale de 2,176000 livres, on eut befoin de dix millions & demi; outre le confentemenc ordinaire d'un million dc crédit. II faudra cepcndant remplir ce déficit; & quand on confidere quela dette nationale monte a 200 millions; on ne peut s'empêcher d'applaudir anx réflexionsfuivantcs. _^ t Le fyftéme idelerne eft d'engager les revenus pu.  (55 ) publics & de compter, que la poftérité pendant la paix, acquittera les charges contraótées pendant la guerre. Cette funefte maxime fe perpétue d'age en age; on oublie tout-a-fait la conduite fage & prudente des Anciens. On a franchi toutes les bornes; comme s'il y avait une fi grande différence entre le public & un particulier, pour établir des maximes entierement oppofccs pour 1'un, ou pour 1'autre. Si les fonds du public font plus confidérables, fes dépenfes font néceflairemenc plus fortes ; fi les reffources font plus nombreufes, elles ne font pas infinies Les dernieres folies ont furpafl'é tout ce que 1'hiftoire nous a tracé dans ce genre; fans en excepter le délire des Croifades. Car il n'eft pas prouvé géométriquement, que le voyase a la Terre Sainte n'eft pas la route du Paradis; mais il eft démontré, que 1'accroiffement de la dette nationale, eft la route directe qui conduit ala ruine nationale. Un coup d'ceil jetté fur les principales branches du Commerce, montre qu'on n'a pas exagéré , en parlant de 1'état de décadence oh il fe trouve. La pêche de Terre-Neuve a toujours été regardée, comme une branche d'unefi grande irr.portance,_ qu'afin de 1'augmenter & de la conferver on n'avait rien oublié, pour détruirc la pêche de la Nouvelle-Angleterre: Cette pêche de Terre-Neuve eft acbuellement anéantie. Les exportations ont toujours été une fource abondance de richefles pour la nation. Voici une lifte authentique, quimoncre quelle diminution elles ont éprouvée. Importation. Exportation. Prefit. Eni7?4&i77S. 13,412,030 i5,S59,SSO 2,147,320 I77ó. Ii,69ö.757 13-729,73 < 2,032,977 1777. 11,721,327 12,832,522 pn,i94 1778. 10,086,536 11,507,525 ' Les importations dans la nouvelle Ecofie, ont montéen 177Ö, a 245,036 liv. en 1777 3934,164 liv. & en 1778 a 332,150. Les Exportations ont etéda Da 6 5:9,  6,529, de 8,030, &de 5,329 livres. Les Exportations faites en trois années dans la Nouvelle-York & la Floride, ont éprouvé des altérations non moins ruineufes. C'eft tout ce qui refie a 1'Angleterrc dc fon Corr.rncrce exckifif, avec les Colonies de 1'Amériqucs. Ce Commerce. fans ycomprendre celui du Canada, a dpnöé jufqu'en 1774 a i'Angleterre une balance avantageufe d'un million & demi par an. Les exportations des quatre années, avant cette époque, form.aknt un total d'environ 3,03^,072, .& les in> portations de r^ö^fféjj. Onvoitpar les différens tableaux des Exportations & Impoitations dans les deux guerres précédentes, qu'alors le Commerce augmenta, au Iieu de ciminuer; & qua ia fin de la derniere guerre, il était monté au plushaut point de grandeur ;"ce qui fansdoutene contribua pas peu a procurer une balance avantageufe , a repoirqer au dedans lesfommes verfées au debors, a conferver 1'argent a un intérêt modique, & a mettre le Gouvernement en état de pourfuivre la guerre avec vigueur, & de la terminer avec éclat & digmté. 11 faut abfolumenttourner la médaille, dans la guerre actueile; fes préludes ont commencé par jettcr i'Etat' dansl'agoniede la mort. Elle augmente 1'éthifie, en caufant la fortie des efpeccs & JaStagnation du commerce. Mais comment, dira-t on, Je pays n'a-tril pas en* core fuccpmbé fous lepoids des criamités, réimies, de ia diminution du commerce & des efpeces, & de 1'augmentation des dettes ? La Képonfe eft fimple. Cette détrefle n'a pas encore eu lamoindre influence, fur les objets de luxe : les opérations de la guerre, les profits des nouveaux fonds, les fuccès des armateurs, ont cnrichi grand nombre de particuliers, qui par leurs dépenfes, ent feuten 11. la balance des rever.uspublics. LesRemifes desbalanojs, dus aux marchands, qui fe font ren": és dn commerce; la ver te desprifes; les foufcriptions des étrangers pour les emprunts, ont contrc-balancé les inconvéniens. Les intéréts énormes donnés par le Gouvernement, ont mis en action tout, ce qu'on pouvaitrccueillir d'arncnt desafiairesparticulieres. Mais furtou.tla ciéation d'une quan •  C57) quantité confidérable de papier de crédit, enportant dans la fociété une nouvelle efpece de monnoye, a confervé les efpeces, en les aviliffant & en les réduifant aux ufages du commerce cn détail. Depuis le commencement de Février 1780, jufqu'au méme terme de 1'année fuivante , YEchiquier a dü payer vingt-cinq millions & demi, en papier feulement, pour 1'emprunt, pour les taxes, pour la Lotterie & pour le confentement du crédit ordinaire d'un million. La création des Billets de JBanque a été 1'unique ref. fource de la Nation : Sansce foutien , 1'édifice de fon crédit s'écroulait entierement. Mais eet avantage ne donne a 1'Etat, qu'un embonpoint factice. Il jette le corps dans un état d'apoplexie, qui le metachaque inftant en danger de périr, par-un accident fubit & cruel. ' , Ainfi le Roi d'Angleterre eft obhge de recourir aux mêmes expédiens, qu'il reproche avec tant d'amertume aux Chefs du .Congrès. _ Ily a toute apparence, que fon papieréprouvera bientót lemêmedifcrédit', que celui de 1'Amérique, II ne tiendrait méme qu'aux Hollandais, de faire crculer tout 1'édificc de ce crédit artificiel: ils n'auraient qu'a tirer les fommes, qui leur font due, : auffitót la difproportion fetrouverait fi grande entre le papier & les efpeccs, que Ia Nation ferait ruinée. Cette feule opération lui ferait plus de tort, que la perte de cent batailles navales. II nefaudrait méme qu'une certaine combinaifon patriodque, de la part des Hollandais pour opé/erce terribleeffet. La guerre pafTée augmenta la dette nationale , de foixantc & onze millions & demi La guerre actuelle a déja porté cette augmentationa foixantc quatre millions, Elle ne fait encore que commencer, fi 1'on cxamine, combien on eft peu avancé dans Fobjet, p-jurlequel elle eft entreprife. Cetteperfpedtive devient encore plus fombre , quand 1'on confidere qu'outre les charges, qu'elle accumule de plus en plus, il faut encore la foutenir avec les charges des guerres précédentes. D 5 Quelles  Cj8) Quelles fonf les efpérances de1'Angleterre ? Elle s eft attire déja quatre püiflans ennemis ,déclarés contre elle, fans avoir une puiflance , qu'elle puifleap. ?lvSramie' ni m foit PCU difP°fee en " Elle fourniflait aux Hollandais desarticles de commerce affez confidérables, pour contrebalancer le tribut annuel des fonds, qu'elle leur doit. 11 n'eft pas mut.le, de mettre dans les circonftances actuelïes , un paral tableau devant les yeux, en préfentant Ja balance des impomtions ddé?a tirer vengeanee des injures faites a laPatrie; & qu'ils maniiefteht leurs bonnes d<■ fpofitions , en faifant fortir des forces affez c.nfiuérables, pour ouvrir la route aux Armaeeurs, & protéger la Navigatiort 2° Que 1'Etat encourage les Citoyens, a former fous fes aufpices & fon affiflance des afibciations patrioti 3ues, pour anèantir jufqu'a la derniere tracé de circulation u'aucune efpece de marchandife Angurrfe^ ctpour prendre desméfures, afin de les remplacer, ou par des Manufaétures érigées dans le pays, ou par desreeoursa d'autres paysétrangers. —30. Q^u'on déf'ende a touc M'archand quelconque, de prendre aucune part aux emprunts, qui pourront s'oüvrir en Angleterre. Cette défenfe ferait d'autant pfus légitime, qu'il ne convient nullement a des iföllandais, dans le; circonftancespréfentes, defournira leurs ennemis desarmes pour les battre. II n'eft aucune raifon de politique,quipuiffecolorerunepareille tolérance. On fait qu'il n'y a que les négo»cians k gros capitaux, qui gagnent a ces emprunts, par la facilité, qu'ils ont de gagner les primes propofées a.ceux qui les enlevent. C'eft une marchandife dangcreufe, qui femblable au fameux agiotage des Beurs, diminue de valeur, en paffant de main en main, & p'erd entïerement fon prix chez le dernier. II eft yrai, que ce ne ferait pas la première fois, que nous aurionsfournidcsarmesa nos ennemis: mais, dansles "autres cas ,on n'a toléré cette pratique que lorfque 1'Etat nepouvantempêcher, qu'ils ne fuffent pourvus, ju'geait qu'un paieil commeice pouvait nous fournir de nouveaux moyens de faire Ia guerre. Mais dans Jes préts faits a 1'Angleter'e il n'y a que des inconvéniens, fans aücuh profr pour 1'Etat. Au contraire 1'impoffibilité de trouve, des prêteurs,ne manquerait pas de faire rentrer 1'Angleterre en ellé-même, & la  C 67 ) la Forcerait peut-être a prévcnir une banqueroute, dans laquelleelle femble chercher a fe précipiter tête ^ F^enohs exemple fur les Anglais. Le crédit de la France, était perdu dès 1'an 1758. Le Gouvernement était fi dénué de fonds qn'il faifait offnr fourdement 11 & i pour cent d'intérét en Angleterre è ceux qui en vöudraient prêter. Que firent les Lords de la Tréforerie dans cette circonftance ? Ils promirent une récompenfe de 200 livres fterlings a quiconque découvrirait un citoyen intéreffé dans cec emprunt. On déclara que c'était un crime de haute trahifon d'aflifter d'argent les Ennemis de 1'Etat au tems d'une guerre ouverte. 43. Cette idéé méme; pourrait encore être pouifée plus loin. Les Hollandais pourraient fe concerter pour retirer tous les fonds, qu'ils ont en Angleterre. Une pareille opération faifant perdre tout 1'équilibre entre les efpeces & le papier, forcerait les Anglais par lacrainte d'étre alors écrafés fotis les débris de leur crédit prêt a s'écrouler, a feraontrer plus faciles aux conditions d'une pacification générale. : . • 50. II conviendrait de former différentes efcadres, pour porter la défolation, dans tous les petits ports de la Grande-Bretagne : Paul Jones nous a montrc les endroits 011 nous pouvions frapper: il n'eft perfonne, quiconnaifle mieux ces.cótes, que nos matelots & nos pêcheurs. 6°. II eft certain, que les Etats pourraient caufer de grands dommages a 1'Angleterre, en attirant dans leurs ports les Armateurs Américains. 1 Si la crainte des Anglais, ou 1'attente de nouvelles combinaifons politiques, .empêchentqu'onn'ofe encorereconnaïtre 1' indépendance des Etats- Unis; on pourrait cependant, dans un tems de guerre, mettre leurs Armateurs en état de faire des torts confidérables a 1'Angleterre; en leur offrant un azile afluré, & toutes fortes d'avantages dans les Provinces-Unies. Si 1'on poufle la pufillanimité, jufqu'a craindre que quelqu'une de ces E 2 dé-  (68) démarches ne paraiffe une reconnaiffance de 1'Indépendance de 1'Amérique, on pourrait avoir recodrs a unautreexpédient. Dans une tranfaclion avec la Cour de France , on pourrait ftipuler pour les Anna. teurs des Nations amies & alliées de cette Couronne, les mêmes avantages, qu'on accorderait aux Franqais. Par ce moyen on pourrait non-feulement attirer des Armateurs Américains dans ces ports; mais méme faire agir des efcadres entieres de cette Nation. 70. Qu'il faut tout tenter pour conclure au plutót, une alliance avec la France. Dans les circonftances préfentes, une pareille démarche nedoit être arréttée pr aucun delai, par aucun préjugé. Ce n'eft pas a la France de faire les premier pas. Nous avons plus befoin d'elle, qu'elle n'a befoin de nous. Elle peut méme avoir des raifons politiques, pour refufer notre alliance. Car alors fi elle reprenait desétablifl'emens, que les Anglais nous auraient enlevés, elle pourrait les garder comme une conquête légitime. 80. 11 faudrait armer tous les habitans des cótes, en état de porter les armes, les former en milices, & les exercer aux évolutions militaires. Ce font eux, qui par leur pofition, & par le motif puiflant dc 1'intérét perfonnel, font le plus en état de s'oppofer aux Anglais; s'ils tentaient quelque invafion. Lesprécautions publiques que 1'on prendrait a eet égard, pourraient au moins intimider les Anglais & les détourner de pareils projetSi Ces obfervations de monami, fe reflentent des idéés du bon vieux tems. Pour s'afiurer fi elles font praticables, il faudroit avoir un Thermometre pour le patriotifme& pouvoir dire, a quel dégrécelui des Hollandais fe trouve actuellement. On fait qu'avant ces derniers troubles, il était bienfroid. On alfure méme que leschaleurs caufées par la rupture, n'ont guere eu d'influcnce que fur le petit peuple. Jamais la République ne s'eft trouvée dans une crife plus difficile. bivifée audedans, attaqüée au dehors, craignant d'étre abandonnée par les Puiflances ©ti elle avait mis toute fa confiance, n'ófant fe fier  ( 69 ) fier a celles qui 1'invitent k faire caufe commune c«afre le n êm?Ennemi, elle ne parate pas même ofer en venir k des délibérations Cet embarras na ?en ïétonnant: dar une fauffe démarche en faveur des orétentions de 1'Angleterre aurait les plus fatales SSqScVpour le préfent cc pour 1'aven.r Ort S combien une démarche différente par une alfiance ^vec la FranCe, 1'Efpagne & les Etats-Unis de 'Amérique pourrait influer fur les affaires generales. De quel ceil la Ruffie envifagerait-el e une parefile aliarïeP Quel changement entrainenit-elle dans e fvftême po litique de 1'Europe ? C eit une matiere impoïïnFe & delicate que nous examinerons dans un numero prochain. CHAPITRE X. Sur tindépendance de V Amérique fi? la furetê de fon Crédit. Quoioue ie priffe le plus vif intérêt k 1'IndépennS fans avoir aucune bonne opmion, du iucces 0* ce te Snde révolution. Cela n'eft pomt étonnant Zifouece que nous favons fur ce pays éloigné, nous SftSalrement tranfmis par les Papiers-Anglais, canal infefté ou les eaux les plus pures ne peuvent Sffer fans fe corrompre. ]'en vins lufqua douter, l les Amédcains aspiraient de bonne-foi k la hbereê, &s'flsméritaient de 1'acquérir. 11 eft vrai, que )efSvice defubiuguer 1'Amérique annoncée régulierelort denus fept ans, & démentie régul.erement fnutes leFannéesP, m'av'ait infpiré quelques foupcons. PéÏÏs dans ces difpofitions, lorfque j'eus le bonheur de fa re il y a quelques mois, connaiffance avec un f! Compatriotes qui revenait de 1'Amérique, % favS ; K un lon| «jour, oh il avaxc méme  payé de fa perfonne, au fervice des Etats-Unis. Te ne fuis point furpris, me dit-il, de vous voirrempli de préjugés contre cette République naifTante. Les Anglais ont 1'art de colorer fi bien leurs mcnfonges, qu'il faut. être bien inftruit pour ne pas en être la dupe. II eft vrai qu'ils répétent la même promefle , depuis fcpt ans a 1'Europe & a 1'Univers: maïs ils poffédent aun'tel dégré 1'art de pallier leurs revers &d'exagerer leurs fuccès, qu'il n'eft pasétonnant, qu'ils aient encore dés partifans crédules. On ne fe figure pas qu'un Miniftre, dont on ne peut croire les Membres abfolument deftitués de 'fens commun, s'obftine a amufer la nation par des efpérances frivoles, & a 1'épuifer par de funeftes efforts , fi la conquête de 1'Amérique était impoffible. On ne peut concevoir, qu'une Nation qui paffe pour éclairée , fe laiffe tromper a ce point, & s'expofe ainfi aux fuites terribles d'une guerre fi fanglante & fi difpendieufe Pour vous défabufer, continua mon HollandoAméncain; je ne m'étendrai ni fur les talens, ni fur les defleins de ceux qui compofent actuellement le Confeil Britannique Je me contenterai de vous faire remar- ."juer, qu'ils n'ont pas la vuë bien pereante, puifque la plupart des projets qu'ils ont concertés. ont tous mal réufll ; & qu'ils ont intérêt a pourfuivre cette guerre puifqu'audéfaut de gioire, elle leur procure beaucoupde credit, & furtout d'immenfcs profits, comme il appert par le compte des fommes qui leur paflent entre les mains. Les Miniftres Britanniques font obiigés de leurrer la Nation, pour en obtem'r des fubfides: le défir de conferver leur place, 1'ambition dejouer un.röle, la crainte du peuple, toutes ces confidérations les empêchent de reculer. On croit aifément ce qu'on défire. Les Mécontens & les Réfugiés Américains, étant les feuls oracles qu'ils confultent, il n'eft pas étonnant qu'ils foient abufés. De-la leurs fréqaentes erreurs, de-la lesbruits qu'ils répandent d'une recon- cilia-  C7*) ciliation toujours prochaine, ou d'une conquête facile mL^AménSuê nc peut être conquife que par la red, dition volontaire des habitans, ou par la force des. 3r On' ne peut efpererune reddition volontaire de la part'des Habitans, qu'en fuppofant, que leurs difEfitions pour 1'Indépendance font fatbles ou équivoques, ni une conquête par les armes, qu en luppofant que le pays eft faible pour la défenfive & peut Le ai?émentPfubjugué par q^.^Sftdte eoureufes& bien concertées. n,ett plus tacue quedcmontrer la futilité & 1'abfurditéde ces fuppofi ions. Certains détail* effentiels, quo.que peu connusfbr larévo'ution Américaine, prouvent que les efprits font tellerr.ent attachés au grand objet de 1 Indépendance, qu'on ne doit moralement craindre aucun changement dans ces difpofitions; on peut tirer Üesconféquenceségalementfortesd'unparaneleen^ laRévolution des Pays-Bas, &cellede 1'Amerique. Ce parallele a des traits frappans, échappés a ceux qui 1'ont ébauché, & propres a confondre ceux qui prétendent qu'il y a entre les deux cas une grande différeuce, au préjudice & audéshonneur des Amé- Amérique Septentrionale eft tellement favorifée par la nature, qu'il eft a peu prés impoffible de la conquérir par des armées. Enfin, onpeut dire i°. que fon Indépendance eft aonuvée fur des fondemens inébranlables. 2°. Qu elle accroit, malgré les inconvéniens de la guerre en puiffance &en richeffes, tandis que la puilTance &la richefle de 1'Angleterre vont toujours en déclmant. r,0 Qu'elle mérite une confiance génerale ót qu li n*v a aucun pays dans le monde. dont 1'Independance foit plus afturée, dont la jenneffe prometteun avemt plus brillant&Iapofitionun crédit plus fur. _ Ces affertions m'étonnerent beaucoup ; mais les preuves que mon Américain me donna me parurent ii convaincantes, que j'ai cru devoir les rédiger d aE 4. • --P1»  ( 7* ) pres fes inftruétions. Ce que je dirai eft le fruit de fes lecons. II y a longtems que la Grande Bretagne, a formé le projet d'aflujettir les Colonies Américaines dë changer la forme de leur Gouvernement, de cir'confcnre leur commerce dans un cercle plus étroit & d'y lever des taxes par la feule autorité du Parlement fous le prétexte fpécieux de les protéger & de les' défendre. Mr. Shirley, Gouverneur de MafiachufetVBav. laiffa percer ce deffein dés 1'an 1754. C'était un homme plein d'audace, & fertile en projets !I n'avait pas été délicat fur le choix des moyens pour sélever. II crut entrevoir dans un pays nailfant, lefperance dune fortune brillante & foiide pour fa familie. II avait pour Miniftres Hutchinfon & Oüvier, dont la plume était vendue ala faveur. Ruffel, Paxton , Ruggles & quelques autres n'étaient que des mftrumens fubalternes. Mais ils pouvaient faire beaucoup nar 1'efprit d'intrigue & d'infinuation, parmculier- a des hommes de ce caraétere, pour qui 1 interet eft le bien fuprême & le patriotifme un vain nom. Shirley fentant qu'il ne pouvait rien faire fans les autres Colonies , réfolut de gagner ceux qui *'v diftinguaient par leur influence & leurs talens. Én 1 54, ilouvrit dans les plus grand fecret, auDoéteur Franklin, le projet de taxer les Colonies par un acte du Parlement. C'était fe confefier au Renard Auffi ce Patriote judicieux & zélé , répondit a cette confiance par les remarques fuivantes dont il exifte des copies écritcs: Elles font trop remarquables pour être pafféesfo ^sfilence. „ Le peuple ne porte jamais mieux le fardeau des taxes, que lorfqu'il a ou croit avoir quelque part a 1 errploi qu'on en fait." „ Plus les mefurespubliques déplaifent au peuple. plus il eft difficile de faire aller les roues du Gouvernement " ö , « Exclure les habitans de 1'Amérique, de participer 3 1 Election d'un Grand Confeil pour leur Léfenfe, ou  ( 73 ) 0ü les taxer dans un Parlement, oü ils n'ont point de Répréfentans, font des chofes qui doivent vraifemblablement, leur caufer le plus grand mécontentement." , , ' , „ II n'eft aucune raifon de douter, que les Colons ne foient difpofés a fournir des contributions volontaires, pour leur propre défenfe. " „ Le peuple lui-mêtne, ayant plus d'intérêt. eft auffi plus propre a juger des forces néceffaires pour fa défenfe, & des moyens de lever de 1'argent pour eet effet, qu'un Parlement Britannique qui fe trouve a unefi grande diftance." „Ceux qui font nés en Amérique font, fans doute, auffi propre- k déliberer avec fageffe & fidélité fur la défenfe de leur pays, que des Gouverneurs envoyés par la Grande-Bretagne, qui n'ayant ordinairement d'autre objet, que de fairepromptement fortune pour retourner dans leur patrie, chercheraient toujours k pourfuivre la guerre avec la France fur un plan , beaucoup plus avantageux a leur intérêt particulier, qu'a 1'intérét général du pays." „ Vouloirque les Colonies payentdes taxes, pour leur propre défenfe fans leur confentemenc, ferait douter de leur fidélité, ou de leur attachement a leur patrie, ou de leurslumieres; ce ferait les traiter, comme des ennemis conquis, & non comme des Bretons libresj ayant pour droit inconteftable de ne pouvoir être taxés, que par leur confentement donné par euxmêmes, ou par leurs Répréfentans" „ Les Taxes parlementaires, une fois impofées, font fouvent continuées, lors même qu'il n'y a plus de nécelfité de les percevoir: mais fi 1'on confiaic aux Colons le droit de fe taxer eux-mêmes, ils ne manqueraient pas d'alléger le fardeau des taxes, aufiitót qu'il paraïtrait inutile de le porter plus longtems." „Si le Parlement avait le droit de taxer les Colons, ils n'auraient plus celui d'avoir des aftemblées de Repréfentaas j puifqu'elles deviendraient dés lors inutiles." E s s> Vo«.  C?4) „ Vouloir impofer les Colonies en Parlement, fous prétextede les défendre contre 1'Ennemi, ne fexait pas plus équitable , que d'obliger les CinquePorti & les autres Ports de la Grande-Bretagne, d'entretenir des forces contre la France, & de les taxer a eet effet, fans leur permettre d'avoir des Répréfentans dans le Parlement, „ Les Colons ont toujours été taxés indire&ement par la métropole: outre le payement des Taxes , im■pofées néceflairement par leurs Aflemblées, ils ne peuvent acheter que des Manufaétures de la GrandeBretagne, chargées de taxes accablantes. N'elt-ce pas une forte taxe, que de fe privé* de 1'avantage de s'appliquer a ces Manufaclures, ou d'en acheter ailleurs a meilleur marché." „N'eft ce pas une taxe bien péfante, que d'être ■obiigés de tranfporter une grande partie de leurs producbions dans la Grande-Bretagne, & de s'y contente d'un prix bien inférieur a celui qu'ils auraient dans d'autres marchés ? " „ LesColons ayant aurifque de leurs vies & dcleurs biens, étendu les domaines & augmenté le commerce & les richelles de la mere-patrie, ne méritent pas d'étre privés du droit de fe taxer eux mêmes fipré . cieux pour des Bretons " „Le droit d'avoir des Répréfentans en Parlement, leur ferait probablement agréable, & ne manqueraic pas de concilier les vuës & les intéréts de tout 1'Etnpire " Soit que des Remarquesauïïi importantes, & marquées au coin d'une politique fi profonde, euffent fait impreffion, foit que le Miniftere füttrop occupé de la guerre, quinetarda pas a éclater, le projet de taxer les Colonies ne fut pas pourfuivi. Mr. Shirley ne refta pas même longtems a la téte du Gouverne» ment de MafTachufet. II fut remplacé par Mv. Pownall. Mr. Pownall étaic un zélé partifan de la liberté & des droits du peuple. II déteftait 1'intrigue & la cabale & ne tarda a fe voir en bute a leurs traits. Trop honuete hommepourfe foutenirpar lesmemes mo-  C 75 5 rhoyens, il démanda fa démiffion: On mit a fa place Mr. Bernard, alors Gouverneur du New- Jcrfey. Mr. Bernard était 1'inftrument le plus propre. pour nn Miniftere ambitieux II avait fuccé des 1'enfance les principes les plus étendus fur la prérogative royale. II avait aflez de lumieres & de talens pour faire le mal II n'avait qu'un défaut en politique , c'était une franchife brusque; mais comme les arts font les enfans du befoin, la néceffité oh il fe trouvait de pourvoir a 1'entretien d'une nombreufe familie, ne tarda pasa leftiler aux procédés artificieux de la politique miniftérielle. Tant que la guerre dura, on nofa toucher aux droits des Colonies, qui d'elles-mêmes, rendaient alors de fi grands ferviccs. Cette guerre avait élevé 1'Empire Britannique a un point de grandeur & de gloire , dont on ne trouve aucun exemple dans les annales anciennes ou modernes. Mais au milieu de eet éclat. 1'Angleterre était réduite a gemir de fes propres fuccès. Elle était écrafée fous le fardeau d'une dette immenle: la néceffité de conferver les conquêtes qu'on venait de faire, diminuait 1'efpérance de pouvoir alléger ce fardeau. Dans eet embarras, Bernard infpiré par la cabale vendue au Miniftere, refcufcita 1'idée de taxer les Colonies, par un fimple acte dü Parlement. Les écrits de ce Gouverneur font des documens authentiques qui dépoferont éternellement contre lui. On trouve dans un Traité, qu'il fit palier au Miniftere en 1764 ces paroles remarquables. „ L'opinion oh 1'on eft actuellement, qu'onverrabientöt denouveauxRégiemens, pour ' le Gouvernement des Colonies Américaines, vient \\ probablement de la bonne idéé qu'on a des lu„ mieres du Miniftere, plutót que d'aucun projet, „ qui ait tranfpiré du Cabinet. II eft trop éclairé, „ pourne pas voir la néceffité d'un Réglementpareil ,, & trop zélé pour le bien public, pour ne pas le „ mettre aexécution. 11 s'agit feulement de lavoir.„ fi les tems font aflez'imürs pour cette opératiou. *, Ileft a préfumer, qu'unepareille reforme neman„ quera pasd'étre attaquée par de pui flans préjugés;,  C70 9, il eft donc a propos de travailler a les détruire." Soit que le Miniftere eüt foufflé ces infinuations, pour ionder les efprits; foit que Bernard n'eüt d'autre but, que d'aduler le Miniftere; il eft certain, quela cabale miniftérielle en Amérique avait depuis longtems, ce grand objet en vuë. Rien n'était plus éloigné de leurs vuës, que d'envoyer le produit de ces taxes en Angleterre, pour y étre employé a la liquidation de la dette nationale. Ils s'étaient partagés d'avance cette brillante proie. Elle devait d'abord fervir a procurer de gros nppointemens au Gouverneur, au Lieutenant Gouverneur, aux officiers de la juftice &des Amirautés, & a tous les Membres du Gouvernement, pour les rendre abfolument indépendans du neuple; & les foumettre aux idéés arbitraires duMiniftredEtat. Leur intention était de faire un nouveau partagede tout le Continent de 1'Amérique Septentrionale, de le divifer en Colonies moinsnombreufes & plusétendues, de fupprimer peu a peu toutes leurs Chartres, de calquer tous les gouvernemens fur le plan d'une adminiftration purement monarchique, Sc d'y introduire 1'inftitution abfurde de la noblefie. Mais 1'avidité des Financiers Bi'itanniques, fit échouer ce projet. Us jugerent, qu'il n'était pas encore a propos d'impofer de pareilles taxes; a moins que ce ne füt pour les verfer dans leurs tréfors. Le Gouverneur Bernard écrivait le ti Juilliet 1754 qu'une réforme générale en Amérique, était une démarche, non-feulement défirable, mais néceflaire. Les principes expofés dans fon Ecrit qu'il fir paffer au Minifte're, développeront fes vuës a eet egard. „ La régie, dit-il, qu'un Breton ne faurait être lié ni par les loix ni par les taxes, a moins d'y avoir confenti, doit étre bornée aux habitans de la GrandeBretagne & n'y eft pas même obfervéeexaftement." „ Le Parlement de la Grande-Bretagne, a le droit de faire des loix & d'impofer des taxes aux pofieffions éloignées, quand même elles n'ont point de Répréfentans." „ C'eft le devoir &le droit du Parlement de prendre les mefures propres a la défenfe des Colonies." Les  ( 77 ) ',, Les Conftitutions Américaines font fufceptibleï d'altération." „ Les Chartes ne font analogues qu'au tems, oh les' Colonies étaient a leur berceau. Elles ne peuvent s'accorder avec l'acroifTement, qu'elles ont acquis depuis. Elles ne peuvent fervir qu'a démembrer 1'Empire Britannique. Au lieu de morceler 1'Amérique en petits diftriéls, il faut la réunir en Gouvernemens grands & peu nombreux qui fe contrebalancent. 11 faut a 1'Amérique un troifieme pouvoir legislatif, réel& diftinét, médiateur entre le Roi& le peuple; ce qui forme une des qualités particulieres de la ■Conltitution Britannique. En attendant que les tems foient mürs pour y établir une noblelfe héréditaire, il convient d'y établir une noblelfe, au moins pour la vie. Jamais 1'occafion ne fut plus favorable pour reformer les conftitutions différentes. II ferait méme a propos de les reformer toutes fur le même plan, afin qu'il n'y en ait point de plus libres les unes que les autres." II faut avouer que de pareilles prétentions de la part du Parlement Britannique fur une population de trois millions d'hommes, reflemblent beaucoup au pur defpotifme. Un homme libre ne doit être lié que par des loix auxquels il a confenti. Dés que les Américains n'auraient aucune part a des Régiemens qui les concerneraient, ils .deviendraient des efclaves. Soumis a une nation efféminée, corrompue, accablée de dettes, ils auraient été les plus vils efclaves ■de 1'efpecedemaitreslaplus méprifable. Ainfi penfaient, ainfi parlaient les Américains, lorfqu'ils s'appercurent des, projets qu'on formait fur leur liberté. Les Colonies, & furtout celles du milieu, étaient nombreufes, exercéesaux armes, & pleines d'hommes robufi.es & audacieux. Tous jaJoux de leur liberté parcequ'ils connaiflent tous leurs droits, ils étaient réfolus de les foutenir jufqui la derniere goutte de leur fang. Telles étaient leurs difpofitions lorfqu'en 1760, la Chambre de Commerce d'Angleterre envoya des ordres aux Officiers de Ia Douane en Amérique, pour les authorifer a récourir auj:  C 78 > aux Cours de Judicaturé afin d'enóbtenir 1'exée'iuioi de certams acte du Parlement, connus fous le nom d'aélesde Commerce, entre lefqueLs fe trouve le.farneux Acte de.Navigation, fruit de la jaloufie & de la haine des Bretons contre les Hollandais. On ne les authorifait a rien moins qu'a violer la liberté civile en entrant de force dans les maifons, dans les navires , dans les magazins, pour y. chercher les mar* chaadifes prohibees. La plupart des Colonies s'op. poierenta cette mnovation. Celle de Mafillchufet'sBaye fe diftingua furtout en portant cette affaire devant la Cour fuprême de la Province. Comme Iesjuges étaient dévoués a la Cour de laquelle ils ienaient leurs places, ils eurent plus d'égard pour leurs proteéteurs que pour la patrie. Us prononcerent en faveur du Roi. Mais les raifons expofées par les Avocats de la nation, laifierent dans les efprits des foupcons ü aiarmans fur les projets de la Métropole, ,que les traces n'ont jamais pu s'effacer. Toutes les •mefures de la Cour, du Parlement & de leurs Créatures firent naftre dés lors les plus violens foupcons. Plufieurs motifs de mécontentement entretinrent - & augmenterent la fermentation, jufqu'a ce qu'une entreprife plus alarmante la fit éciater en 1764. La Grande-Bretagne avait fait des efforts exceffifs pendant la derniere guerre. Tous les refibrts de la machine fifcale y étaient forcés. Mr. G. Grenville, Chancelier de 1'Echiquier crut que le tems était arrivé' d'affocier les Colonies aux charges de la Métropole. II imagina pour prétexte que 1'Angleterre ne fuccombait fous le poids des dettes, que pour les avoir défendues; &que 1'équité impofea chacundes Membres qui compofent un Empire, 1'obligation de .contribuer a fes dépenfes, proportionellement a fes facultés. Il.oubliait, ou feignait d'oublier, que les reftnetions impofées aü Commerce des Colonies était une taxe déji bien aggravante, qu'ellcs avaient toujours jouidu droit de fe cottifer volontairement pour lesdépenfes générales, que, bien loin de s'en prévaloir, elles avaient,. dans la derniere guerre, pour la caufe - •" - j «om-  C79 ) commune, contraóté des dettes immenfes, faitmarcher leurs milices 7incipiis. Jamais Ia maxime de s'oppofer aux commencemens du mal n'eft plus nécefiaire que lorfqu'il s'agit de démarches qui peuvent influer fur ie fort d'une nation entiere. Les premiers reiettons du defpotifme prennent 1'accroifi'ement le plus effrayant, fi on ne les détruit jufqu'au dernier germe Dés quelepeuple mollit, latyrannie devient fi puiffante, qu'il n'eft plus poffibled'en arrêter les effets. C'eft une gangrêne dont les ravages font de plus en plus funeftes & rapides. L'impöt procure des penfionaires; & les penfionaires follicitent chaque jour une augmentation d'iropöts. Le peupleperd infenfiblement de fon courage & de fa vertu. II met fon fou- verain  ( 91 ) verain bien dans les places & la faveur. L'intrigue & la cabale ne manquent pas d'introduire tous les vices. La vertu, l'intégrité, 1'efprit public, la firnplicité, la frugalité font des objets de ridicule & de mépris. Le luxe, le clinquant, 1'égoïfme, la basfelfe ,1a venalité ontbicntót corrompu toute la maffe de la fociété. [La Suite au Noprocbain.] C H A P I T R E XL Nouvelles obfervations fur le Difcours Mr. Wraxall. f-^e fameux difcours ne peut manquer de donnet \_j occafion au développement Ide bien des obfervations iutéreffantes: nous ne pouvons cependant nous empêcher de faire remarquer qu'il eft probable que nous avons rencontré jufte.en infinuant que Mr. Wraxall pouvait avoir été détaché par le Miniftere, pour fonder le terrein. On allure qu'il a été question del'envoyer a Vienne,pour y ménager 1'alliance de 1'Empereur. Cette faveur n'empêche pas que les perfonnes éclairées ne s'amufent a fes dépends. Voila le difcours que lui a adreffé un des perfiffleurs de Londres. „ — Souffrcz quej'unifTe mes hommages aceux, „ que la Nation prodigue a vos talents diftingués „ pour la Politique. — L'Amérique, la France, 1'Ef„ pagne, la Hollande s'étant ouvertetnent déclarées „ nos Ennemis; les Puiffances Neutres aiant formé „ une ligue, dont 1'objet était vifiblement de four„ nir a leur gré des armes & desmunitions a nos En„ nemis déclarés ; les têtes faibles qui compofent „ notre faible oppofition, fe font plaintes deceque „ nous n'avions pas un feul allié a oppofer a eet Uni„ vers conjuré; bien de; gens avaient la faibleffe i „ de les croire & de fe livrer au découragement, „ lorfque fortant des nuages comme un aftre bril„ lant, vous avez rendu la lumiere k cethemifpherc „ obfeurci: vous nous avez montré du bout d& „ Doigt  C90 „ Doigt dans le lointain un torrent de gloire k venir „ qui echappait k 1'infirmité de notre vue;-vous „ avez enfin prefenté a nos yeux etonnés un afiié „ plus pmlTant a lui feul que le refte d%ZM „ enfemble, Erapereur d'Allemagne! Pour échauf„ ftr encore I'éclat qui I'environne, avec quel dcïu„ ge de fohde Eloquence, avec quel favarit Snceaa „ njvez vous pas diftribué les ombres fur fous les „ objets, que vous aviez d'abord paffé en revue i Tous „ les Pnnces, qui, dans le cours de vos voiies „ vous ont fait un fi touchant accueil, comSef nl „ les avez-vous pas récompenfés en nous préfentant „ leurs portraits! Le trifte Tyran Fréderic f 'EfclaTe „ Guftaye,:l'IdiotChriftian & votre bonne AffliePIm» Pera[»ce Ruïne, dont vous avez foin de mént „ gerla modeftie: combien cestëtes couronnées ne „ vous;font.elles pas redevables ! - LEmpeieur „ d Allemagne a tout éclipfé: a la bonne heure -bieï „ des gens cependant en rendant hommage afes ver„ tus a fes principes, k fes talents, en fereeardant „ enfin comme le digne héretier de fon AuguffeMe' „ re, fe feraient difpenfés de 1'expofer k un parallele „ qui ne peut que 1'offenfer Iui-méLme; ca? fi vous '? llll,donner \Pas t°utes les têtes Cou- „ ronnées, p us vous abbaiffiez celles-ci, moins vous „ eleviez ceIle-la. Une autre chofe qu'il n'aura pas „ digere volontiers. s'il vous a jamais lü, c'eftTe „ calcul que vous fakes de fes finances: Ce Prince „ a.t-ii jamais arrêté fes comptes avec vous? Vous „ a Ml jamais confié qu'il avait befoin d'argent? „ Et fur tout vous a-t-il jamais dit,qu'avec un miU „ hon lterhng unefois donni, on ferait de lui tout „ ce qu'on voudrak. ,, Allons, Mr. Wraxall , un peu de générofité„ donnez annuellement un million; la conquête ou „ lanéanaffement de la France, de 1'Efpagne, de la „ Hollande: 1'Aménque réduite a rentrcr dans 1'al„ legeance tous les projets de la Neutralité - armée " ^Cr°i^ei'tés't0UC cela vaut bien Ie million annuel: „ & fi 1 Empereur vous a effeétivement confié qu'il avait  C93) „ avait befoin d'argent, je vous confeille de lui en „ compter deux pour la première année; après avoir „ introduit le petit amendement dans votre plan, permettez que je vous obferve, que fi vousêtesle „ plus grand , vous n'êtes pas le feul Speculateur „ donc fe glorifient nos trois Roïaumes : £? moi „ auffi je fuispeintre oferai-je vous dire humblement: „ Voici quelques-unes de mes efquiffes: vous en pouvez réclamer 1'idée. „ Si en ouvrant des ports a tous les Princes, qui „ dans les diverfes parties de 1'univers, feraient bien „ aifes de devenir de grandes Puiflances Maritimês, nous pouvons nous aflurer leur alliance, pourquoi fe borner a un feul? Pourquoi ne pas ouvrir, par „ exemple, une douzaine de ports a 1'Empereur du „ Monomotapa?Il eft clair,que nous pourrions lui con- .fier les Clefs de 1'Inde; donnez-lui un million, il „ va mettre en Campagne 100 mille Negres, dont la „ couleur feule jettera la terreur parmi nos Enne„ mis; il s'arrangera des ifles de Madagajcar , de „ Mauritce, de Bourbon & de quelqu'autres baga„ telles femblables; vous lui enverrez a eet effet Sir ,, Hugh Paillifer avec 30 Vaifleaux de ligne feule„ ment: car il n'a befoin que de Vaiffeaux : vous ,, aurez foin de mettre a bord grande provifion de „ petits miroirs, de coutellerie commune & de jou„ jous, ce que 1'on peut fe procurer par cóntrat: „ cette affaire arrangée, pourquoi négligeriez-vous „ enfuite 1'Empereur d'Etbiopie; on fait, qu'il con,, voite la poffeflïon de quelques ports fur la mer „ rouge : oir Hugh, cheminfaifant, lui en ouvrirait une douzaine : alors 1'Egypte eft comprife, & de ,, 1'Ethiopie fi celebre par fes arbres immenfes &an„ tiques, nous tirerions tout le bois de. conftruc„ tion, dont nous aurions befoin pour quatre Mari,, nes, comme celles que nous avons apréfent& que „ nous ne manquerions pas de quadrupler ; vous ,, fentez, que le tout arrivé commodément par le „ Nü; nous formons un dépót a Alexandrit & delfc „ nous dominons enfin fur la Méditerannée. „ Eh!  <Ö4 ) Eh! pourquoi encore ne ferions-nous pas untH „ & bon traité d'amitié avec 1'Ewpereur des Tar„ tares ? Donnons lui Ie port de Canton: les Chi. „ nois ne fouffleront pas: ouvrons lui en quelques„ unsfurles mersduNord, le plus prés poffible de „ la nouvelle-Zemble: dela, fi vous lui donnez un million , il uendra les Rulles en refpect . „Reftent les Hottentots, qui gémiflènt depuis'long" "fT, J1 ]OUS Batave: rendez leur la liber„ té & laiilez les faire; vous verrez leurs tvrans „ rapidement chafies du Cap de bonne Efpérance„ &, eelt alors, que pour le coup nous pourrons „ djre nous en fommes venus a nos fins, &c. &c, On pourrait 'poufler cette ironie,beaucoup plus lom , & tomours aux dépends de Nathaniel Wil■liamj Wraxall, Ecuyer. Le Miniftere Britannique eft.rfan,?, «^f? d'"n gout plus facjle a fatisfairepuifqu il a déja jetté les yeux fur Mr. Wraxall nour une négociation oh il ne s'agit, dit-on, de rien moins, que d'allumer une nouvelle guerre dans Is ■Continent de TEurope. Si fonchoix s'arrêttait fur ce grand homme, il n'en faudrait pas davantaee pour faire trembler les nombreux Ennemis de 1*Angleterre II va renverfer tout le fyitêmede la politique Euro' peenne. 1 Les Turcs, anciens & conftans alüés des Francais , font de mandits. raécréans, qu'il faut extirper de.a face de la terre. En conféquer.ce, Mr. Wraxall abandonnera au fuccefleur des Céfars 1'héritage nes Ottomans. Cette iibéralité fervirait encore a punir Lmgraticude de la Rufiie, que Voltaire avait déja invitee aconquenr 1'ancienne Grcce, aiadélivrc de 1'efclavage d'une nation barbare, &a v retablir lalangue & les beaux arts des Praxitele & des Demosthene. Pour achever d'humilier les fucceffeurs de Pierrele Grand, Mr Wraxall ne ferait pas maldenvoyer des émilfaires auprès des hordes ambulantes de la lartane. Leur habileté déja bien connue | loulever dans 1'Amérique,& dans les Indes les Saü- vages  C 95 ) vages, ou les Barbares contre des Chrétiens, leur viendrait fort a propos, & leur donne les plus grand efpoir de fuccès. Ils pourraient même leur porter des caffe-têtes, lesinftruirea enlever des chevelures fanglantes & a boire le fang de leurs ennemis De fi grands avantages, un Empire auffi brillant que celui de la Ruffie, & furtout 1'alliance des Anglais ne manqueraient pas de flatter le Khan des Tartares. Puifque tous les peuples policés femblent d'accord, pour rejetter 1'alliance Britannique, celle des San. vages & des Barbares n'eft donc point a inéprifer. Au moins, Mr. Wraxall aura-t-il, pour lui le grand Rouffeau : il fera 1'inftrumcnt deftiné a réalifer la prophetie de 1'illuftre Genevois, qui a déja prédit, que les Hordes de laTartarie renverferaient 1'ouvrage de Pierre I. & fe placeraient fur fon tróne, avec autant de facilité,qu'elles avaient ufurpé celui des Dinafties Chinoifes. Les Régences d'Afrique également fufpecles, furtout depuis la derniere affaire du Conful Anglais a Tanger, ne méritent pas moins d'étre chatiées. Avant de partir pour Vienne, on confeille a Mr. Wraxall, de laiffer au Miniftere unplan pour s'emparer de ces nids des pirates. Et puifque femblable a 1'Alexandre de la Suede , il ne conquiert des rovaumes que pour les autres , il n'oubliera pas de donner ces vaftes contrées a 1'allié fidele & conftant de 1'Angleterre, le Portugal. II n'eft en effet aucun peuple, plus propre k forcer les infideles a entrer dans la voie du falut, en ne leur laiffant d'autre alternative que le dilemme clair &netdesauto-da-fés: II faut brüler dans ce monde, quiconque veut être grillé dans 1'autre. Mr.Wraxall, ayant déja fait la diftribution des Indes Hollandaifes, pourrait encore pouffer plusloislagénérofité,en offrant la Hollande elle-même, &lesfix autresProvincesde 1'Union Belgique, aquelquePrince, qui voulüt s'affocier a 1'Empereur en faveur de la Grande-Bretagne, ou a 1'Empereur lui-même.Jofeph qui aimetant avoyager, ferait peut-être encore plus flatté d'une  (96 ) d'une acquifition , qu'il pourrait aifément vifiter qui arrondirait fi bien fes domaines des Pays-Bas & lui aflurerait irrévocablement la pofleflion des MoIucques, dont nous avons vu que Mr. Wraxall lui avait déja fait préfent. Ces Feuïïles périodiques paraifïent régulierement, tous les Lundit a Amflerdam , chez J. A.Crayenfcbot; a Haarlem , Chez Walree; a Lelde, chez Luzac & van Damme . & Les Freres Murray; a la Haye, chez J. van Cleef, La Veuve Staatman, & Plaat; a Gouda, chez Van der Klos; a Rotterdam, chez Bennet & Hake, ScJ.Bronkborll; d Dordrecht, chez Blujjé; b, Utrecht, chez B. Wild & G T. van Paddenburg; a Deventer, chez Leemhorst ; a Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue f chez Van Goor; a Arnhem, chez Troost; a Boisle-Duc, chez J. H.Pallier, & chez les principaux Libraires des Pays-Bas.  L E POLITIQUE N°.VII. LUNDI* ce 26 MARS, 1781. Suite du Cbapitre X- fur la Rêvolution de VAmê. rique &c. Cependant la nouvelle de la maniere, dont les Américains avaient re$u le thé de la Compagnie, venue en Angleterre, jetta le Miniftere dans les tranfports de la plus violente colere. II regafdait fa derniere démarche comme un chef-d'ceuvre de la politique. Lc dépit de fe voir ainfi trompé, alluma dans fon cceur tous les feux de l'indignation; D'ailleurs il ne pouvait fe diflimuler, d'avoir caule un tort irréparable a la Compagnie des Indes & d'avoir fait naitre entre le Royaume & les Colonies, une querelleprefque impoffible a conciliën Son dépit auementait , en voyant les trois Royaumes condamner fes fauffes démarches & le parti de loppofttion tourner fon obftiriation ,en ridicule. Au lieu de foulaser la Compagnie, il avait accéleré fa ruïne. Au lieu d'établir 1'autorité abfolue du Parlement fur les Colonies, il avait élevé un mur éternel de fépa • radon entre la mere & les enfans. L'inftant d'une nouvelle Election était proche. II en vint au point de redouter le reffentiment d'une maffe d Eleéteurs corrompus. TomeI. G L>ans  C 9S ) Dans eet état de défefpoir, il n'imagina que des projets audacieux èc violens. 11 crut n'avoir cchoué dans lés dcllotins que pour avoir attaqué toutes les Colonies a la fois, C'était-le peuple de Mallachufet, qui ayaic donné le branie a tous ces mouvemens. Ses loix conftitutives favorifaient beaucoup les opinions de liberté. Ses Répréfentans étaient trop.nombreux & trop fouvent élus pour pouvoir être corrompus. Les Officiers publics dépendaient trop du peuple. On jugea qu'il ferait impoffible d'établir le pouvoir arbitraire par le moyen des taxes du Parlement , tant qu'une pareillé conftitution fubfhterait. En conféquence le Parlement rendit trois bills remarquables, 1'un pour réduire la Ville de Bofton par la crainte en formant fon port, 1'autre pour déclarcr Ja conftitution de Mallachufet fupprimée & fes Chartes abolies;& le troifieme, pour faire amener en Angleterre les Américains, afin d'v être jugés comme coupables de haute'-trahifon. Une démarche aufii violente ne manqua pas d'augmenter le mécontentement & 1'opiniatreté des Américains. Elle ne fit que refferrer les nccuds qui commencaient a fe former entre les diverfes Colonies pour Ia défenfe. commune. Celles du Nord jetterent les premiers fondemens d'une afTociation politique Elles formerent le premier Congrès qui fe charg1 c??i  ( io.5 ) „ tes; & qu'ils ne forment qu'un cri d'indignatioa „ & de vengeance. Donnez leur des armes . . . „ envoyez les aux combats ... ils reviendront vèinqueurs ou periront comme Warren , dans l, les bras de la gloire & de la liberté." Animés par ces exemples, les habitans de NewYork ie fighalerent par un trait hardi, ens'emparant decanonsdetouteslesbatteriesroyales. Ils monterent la nuk aux retranchemens fans faire le moindre bruk; & malgré le feu des vaiffeaux de guerre, ils les emporterent en lieu de fureté. L'expédkion en Canada & lefiegedeQuebec porterent au plus dégré la bravoure & la confiancedes Troupes Amerisaines. On fait comment leur patience héroïque furmonta tous les dangers & lesinconvéniens d'une marche longue & fi funefte aux arméés; comment ils virent le moment ou cette grande ville allait tomber entre leurs mains. Ils s'étaient déja emparés de la Baffe-ville, lorfque le Général Montgomeri qui conduifait toute cette entreprife, fut tué: les Anglais profitant du premier moment de conflernation que cette perte jetta parmi les Ame; ricains, firent avec la fupériorité du nombre un effort fiir leur petite troupe. Elle fit une retraite ho> norable & glorieufe. On ne peut s'empêcher de remarquer a cette occafion, qu'il s'en eft peu fallu que cette Capitale de la nouvelle • France ne fut devenue le ceetre & le liège de la confédération Américaine. Le Congres avait déja invité les Canadiens a entrer dans la confédération. La plus grande partie étaient difpofés en fa faveur, ils déteftaient la dominaticn Anglaife. Ils avaient volé au nombre de deux mille, fous les drapeaux de Montgomeri : ils donnerent aux Américains tous les fecours pofibles dans leur marche. On fait par les relations du Général Burgoine, qu'ils fe conduifirent d'une maniere bien oppofée envers les arméés Anglaifes. L'apologie que ce Général a faite de fa conduite, parak montrer que fon malheur eft du en partie aux mauvaifes difpofitions des Canadiens en faveur de 1'Angleterre, Onfent,quella G j iR«  C ) influence Ia prife de CHiebec aurait eu fur les iuites de cette .guerre. On fent quel poids les habitans de cette Colonie auraient mis dans la cau fe de 1'Amérique, a la nouvelle que la Frances'était declarée. CHAPITRE XI, Sur IM Prife del'ifle de St. Euflachep.irles Anglais, fur les eau fes de l'ètat tfinièfenfe oü fe trouve la Republique, & fur 1'alliance future, qu'elle pourrait faire avec les Puiffances Ennemies de l' Angleterre. T a nouvelle de -la prife de St. Euftache, ne JL-i pouvait mamquer d'exciter 1'attention du Politique Hollandais: Pendant qu'il redigeait les idéés qu'un événement pareil ne peut manquer de fournir a tout homme accoutumé a refléchir & a tout citoyen zólé pout fa.patrie, il a recud'un Américain la Lettrefuiyante, qu'jl a traduitede 1'Anglais La Réponfequ'il yfera, vientfort apropos pour développer les matieres intéreffantes qui font le fujet de ce chapitre. Monsieur. Je brülai de voir en Europe une feuille politique, écrite par quelqu'un, qui füt au fait des affaires de notre République nailfante. J'ai vu beaucoup de gens, qui s'intérelTent au fuccès de notrecaufe; mais peu qu' ófent fe livrer a leur inclination naturelle, faute d'étrèinltruitsdu véritable état des chofes Jugez, par la combien la publication de votre feuille pénodique a dü meplaire; j'atteftea 1'univers,que je n'y ai rien troüvé, quine füt de la derniere exaélitude. Je ne doute pas que vous ne fourniffiez avec fuccès la carrière ou vous venez d'entrer : vous n'avez befoin, pour prouver la folidité de 1'indépendance Américaine & la fureté de fon crédit, que de rappeller a vos concitoyens & a 1'Eürope des faits auffi clairs que le jour; j'attends avec impatience la fuite  ( r?7)) fuite de vos irnpovtantes difcuffions; j'ai déjè vu des perfonncs ébrah'.ëes par Vos raifonnemen; , je ne dou-e pas que vo'.'s ne Fafiïez des proféktes de tous vos lecta.rs; & perfonne n'en merite plus que vous. . En attendant, vous me permetrez de vous faire quelques queftions qui, peut-être, ne feraient pas entrées dans le plan que vous aviez adopté , Dites moi Monsirur,. t° Ouelles font les eaüfes véritables, qui ont empiché ceux, qui fon; a late. ede votre République,de .la mettre dans un état de défenfe, propre a ïmpofcr aux Anglais: il elt impoffible, -qu'un Etat qui' pofféde un numéraire fi confidérable & donc le commerce eft li floviffant, manque de reffources. 2°. Pourquoi votre Gouvernement necherchepas "dans la circonftance ou il fe trouve, a faire caufe commune avec la France,l*Efpagne&lesEtats-ums de 1'Amerique; & ne faifit - il pas une -oceanen naturelle, pour s'attachera jamais 1'alliance avantageufe de ces derniers en reconnaiffant leur indépendance? 3" Pourquoi aucun de vos compatriotes n'a encore entrepris de dé veloppcr les avantages du Traité éventuel,oue lesMagiffrats d'Amfterdam ont fait avec Jes Plenipotentiaircs du Gongrès ? Comment PEtat n'a pas encore temoigné fa reconnaifl'ance a ceux qui voulaient lui ménager de fi grands avantages?. 4°. Comment vos pbffeiïïons fe trouvent dans un tel état de faiblefle q-ije les Anglais n'ont qu'a fe préfenter pour les faire rendre a difcretion ? Pourquoi n'avez-vouz pas envoyé quelques vaiffeauxde guerre,pour protéger vos Mes fous le vent? 50 Vous avez promis de nous faire connoftreles brochures, qui ont rapport a la politique. Je voudrai, bien favoir ce vous penfez d'une rapfodie, dont Linguet nous avait déja offert un Larnbeau"& dont on nous, donne aétuellement la fuite avecceTitre bizarre; les Reveries d'un Suiffe, ayant pour but la Re ■ conciliation entre ïAngleterre £f les Colonies. Je  ( 108 ) Je penfe Monfieur, que vous n'ajouterez pas fbi aux papiers Anglais, que vous les releverez méme pour avoir avancé, que la conquécede St. Euftachentramerait celle de 1'Amerique. Pour rendre cette* iaee plusplaufible, ils ont crudevoir introdu.re notre mfortuné Laurens, fur la fcene, en lui faifant dire ala nouvelle de la prife de St E uftache, que c'en était f ait de 1 indépendance Les Américains dont lesreflources &le courage n'ont recu aucun atteinte effentielleparlesconquêtesfuceffives de Bonen, de Newlork tePbiiadelMttk de Charles-town, feraient-ils tf^r L Tr\es *$bri? d'une PIace qui ne leur appartient pas ? Quand même la France Sd'Efpagneabanx?n»Zaieüt h notble"ufede 1'Amérique J'ófeméme ajouter, quand méme elles s'unii sient aux. Anglais contre nous, leurs forces réunies ne feraient pas capables de renverfer 1'édifice de notre indépendance. Jn,laCT £?Core P'us folide queeelledelaHollande. ^ïtes riardiment a vos Compatriotes, aux Anglais Vul uf 'S;que les fuites de la conquête de St. nni ,?C' f\fer°nt/entir dans peu en Angleterre; ?«w £lmaiiCiiancls de ce R°Y^me ayant perdu le ieul débouché, par oh ils faifaient encore entrer en Amérique un grand nombre de leurs Manufaótures, ne tarderont pas a fe répandre en plaintes & en cris amers. Si ja voulais m'étendre fur les reffources foncieres quaura éternellement 1'Amérique, pour faire la guerre au moins fur la défenfive; cette üifcuffion me menerait fort loin: fi elle n'entrait pas du moins indirectement dans votre plan, je pourrais vous envoyer des éclairciffemens propre» a lever tous les doutes fur ce fujet. J'ai l'honneur &c. RE-  ( ió9 ) R E P O N S E. (*) Je ne fuis point étonné que ces feuilles plaifent aux Américains;jepourrais méme vous citer des Anglais qui les lifent avec plaifir & régularité. Elles ont droit d'intéreffer tous ceux qui s'intéreffent aux droits de 1'homme, aux avantages de la liberté, au bien-être de 1'humanité. On verra dans la fuite que, pour condamner la conduite des Anglais dans bien des cas, jene fuis rien moins qu'em nemi de la nation & que je fuis bien loin d'être 1'aveugle partifan des Francais & des Américains, J'expoferai 1'état & la conduite politique de la France avec amant de franchife que d'impartialité. Ouóique les commencemens de votre révolution aient droit de plaïre aux hommes libres & fenfibles, je me garderai bien d'óter du Tableau les nuages qui ont offufqué quelquefois ce foleil fi briljant dans fon aurore. Quoique le Refpecbable Américain a qui je dois mes mftruétions m'offre unefource auffi pure qu'abondante, je n'y puife cependant pas les yeux fermés: j'ai toujours foin de comparer fes renfeignemens avec les difcours de la partie oppofée. J'ai lu tout ce que Samuel Johnfon, Linde, Gallo • way& plufieurs autres ont écrit fur eet article. Pour avoir donné ma confiance a des Américains fur les affaires de 1'Amérique,je ne négligé pas de m'informer de tout ce que difent leurs ennemis. Je connais un Anglomane, qui vauc bien un Anglais fur eet article: c'eft ce que vous verrez par le róle qu'il jouera dans mes obfervations fuivantes. ; . , J Quant a votre première queftion je prendrai Ia liberté de vous renvoyer au ler numero de ces feuilles- vous y verrez les caufes de notre faiblefle expofées dans le difcours a'un bon Patriote au Prince a'üranse te viens de rencontrer les mêmes idéés dans (*) On prie tous ceux qui auraient des obfervations a communiquer a PAuteur de les adrelTet a J. A. Cmjenschot, Libraire dansle Kalverjiraat, kJm(l?r. Proebain- Ces Feuhïes périodiques paralfTent régulierement, tous les Lundis a Amflerdam , chezj. A. Crajenfcbot; a Haarlem , chez Walree; d Lelde , chez Luzac & van Damme , & Les Freres Murray; a la Haye, chez J. van Cleef, La Feuve Staalman, & Plaat; d Gouda, chez Fan derKlos; aRotterdam, chez Bennet & Hake, tkJ.Bronkhorfl; s Dordrecht, chez Bluffè; a Utrecht, chez B. Wild & G T. van Paddenburg; a Deventer, chez Leemhorst; a Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue chez Fan Goor; a Arnhem, chez Troost; a Bois-le-Duc, chez J. li.Pullier, & chez les prmeipauxLibraires èes Pays-Ba».  L E POLITIQUE N°.VIII, LüNDI, ce 2 AVRIL, 1781. Suite da Cbapitre X. fur f Indépendance de PAmé. rique ÊrV. te me ferais étendu fur plufieurs autres détails reJ latifs a la guerre que les Américains foutiennent depuis fepc ans, fi je n'apprenais que ce lujec intérelfant vient d'exercer la plume dun des Plus • grand Ecrivains de notre fiecle. je n ai encore vu |ue des lambeaux de *HMn** ^^tSn^hinue" caine par l'Üluftre Auteur de 1'hiftoire Philofophique & politique; mais j'en ai vu aflez pour n ofei plus lutS avec un rival de cette force. Sachant: qu il a puifé une partie de fes rerifeignemens dans lamemes fources qui m'ont été ouvertes, j ai tout lieu de Sëfumer queq, dans une matiere de cette importan£, ilne fe fera pas laiflÜ entrainer au torrent rapide de 'fon imagination btülante. Ie me bornerai a remarquer quil s'eft livré, depus cette époque, plufieurs batailles & un grand ïombre d'etóarmouches, & que les momphes des deux nartis ont été au moins balancés, avec cette dS&Se que les fuccès des Américains entrainent Sujouïs des avantages importans, paree qu fis conv Tome JL "  battent dans leur propre pays; au lieu que les Anglais fe trouvent ordinairement plu^; faiblcs après des vi&oires qu'auparavant; paree qu'ils ne peuvent pas fe procurer facilement desrenforts, pourenfuivre le cours. Si les Bretons ont triomphé a lirooklyn , h Cambden, les fuccès furent balancés a Brandy*'voynei cquivoques a Bunkersbill, a Wbüe-plaim ' k Gerihan town, & les Américains ont été inconteftablement viétorieux a Benington , a Nantasket, a Still. water, a Beaumont- Edge, a Saratoga & a Kings-moun* tain. Ces traits doivent fuffire aux perfonnes fenfées pour juger du courage & des difpofitions de la nation Américaine. II faut donc fe fermer les yeux pour mettre encore en problême, s'ils ont ce courage & cette énergie de caradtere, qui font a la fois lameilleure preuve & la plus lure défenfe des droits de 1'homme a la liberté. Non feulement, ils en connaif< fent le prix; ils en ont encore 1'amour & 1'enthoufiafme. Pour mettre cette alfertion dans un plus grand jour, je vais raffembler toutes les objedlions que m'a fait, a cefujet,FApglomane de ma connaiffance. „ On les pourfuit, dit-il, le fer &la flamme ala „ main, pour les affervir a une puiffanceirritée, & „ ils fe battent avec prudence dans une pofition „ qui devrait les réduire au défefpoir. Ils femblent „ fe confler moins a leur courage que dans la diftan,, ce qui les fépare de 1'Angleterre & qui force leurs ,, ennemis a les aller chercher a travers un océan „ couvert d'orages. Dans cette caufe oh la juftice ,, du ciel parait intéreffée a les défendre, ilsfem5, blent croire que c'est aux vents & aux tempêtes a „ détruire leurs ennemis; il convient plutöt a 1'hom,. me libre de fe regarder comme l'inftrument & le „ fléau dont le ciel veut fe fervir pour détruire les „ tyrans & la tyrannie. 11 ne faut pas prendre pour ,, un fuccès 1'adreffe qui échappc k unedéfaite : ce,, lui qui veut vaincre fait bien que c'eff un art qu'il faut apprendre dans les défaites. & il paye vo„ lontiers de fon fang de pareilles lecons. Quand „ on ne combat que pour défendre quelques por- „ tions  CH5) „ dons de terre, quelques jouiflance» peu néceffai„ res, on peut ne pas fentir le befoin d'oppofer „ toutes fes forces a fon Ennemi : mais celui qui „ combat pour fa liberté, ne mefure pas ainfi fon 5, courage ;il en montrera beaucoup plus même qu'il „ ne lui en faut pour vaincre. II ne lui fuffit pas „ d'échapper aux tyrans, il veut les exterminer. II „ ne veut pas feulement vivre libre, il veut mou„ rir pour la liberté; ce fentiment ne parait „ pas naturel; auffi a t-il produit des prodiges, toutes les fois qu'il s'eft trouvé dans 1'homme: c'eft ce qui a transformé rapidement des peu„ pies pafteurs, agricoles & marchands, en des peu„ pies de héros : c'eft ce qui a fait fuir plus d'une „ fois des troupes difciplinées & couvertes defer, „ devant des hommes nuds & fans difcipline. II „ manque donc aux Américains quelque chofe de .* cette énergie neceffaire a des peuples qui défen's, dent leur liberté; & ce défaut eflentiel eft une fuite ou du genre de vie qui lesa prefque toujours ,, occupés avant cette guerre, ou de leurs conftitu„ tions civiles & politiques, ou de 1'influence du „ climat, ou peut-être a la fois de ces trois caufes ., réunies. II eft même des philofophes (*) qui onc „ foutenu que les hommes, dans cette partie du „ monde , dominés par 1'influence d'un climat in„ grat qui arrêtte & énerve les principes de la vie, ,, ne pouvait que dégenerer en Amérique, au point ,, de perdre de fa force dans fa conftitution phyfique „ & de fa fenfibilité & vigueur dans fes facultésmo» „ rales.'' Telles furent les affertions de mon Anglomane ,& j'efpere que ni lui ni perfonne autre ne mereprocheront d'avoir atténué fes idéés. Quant a fa derniere obfervation, je commen5ai par lui faire remarquir que d'autres philofophes avaient prouvé que les facultés phyfiques & morales, la force du corps & 1'élévation de 1'ame font d'autant plus parfaites & éner H 2 gi- (*) Mr. De ■ Pau, Auteur des Rtchercbes PUhfopbiquei fur les Américains.  ( 116 ) giques qu'elles confervent une certainerudeffe, qtu' eft Teller, d'une population difperfée & d'un climat encore rude & lauvage: ainft en fuppofant même des raifonségales des deux cötés', ilfaudrait refter dansle doute & ne fe décider que d'après des faits authentiques & conc!uans;or pour lefujet dont nous traitons, jl n'eft fürement pas de faits plus décififs, que les combats des Américains avec les troupes Européennes. Leur taille n'a rien qui annonce une trifte dégénéjration. D'après les traits dé ceux quipaffent en Eu? rope, il ferait même a croire que 1'efpece humaine fe perfedtionne dans ce pays la, bien loin de s'y dégrader. L'énérgie & 1'aélivité avec laquellelesAméTicains ont exccuté la révolution adtuelle, prouvent aflez cette aüértion. En peu de tems, ils font vernis about de chaffer entierement les Anglais de leur continent. Les fuperbes Bretons n'occupent plus dans cette vafte partie de monde, que quelques villes maritimês fituées, ou dans des pointes prefque environnées de la mer ou dans des Ifles ifoleés. Exigerqne les Américains les chaflent a force armée, c'eft cxiger 1'impoffible : ils n'ont point de marine. II eft facile de concevoir que les Anglais, avec des flottes fupérieures, fe maintiendront toujours a New - york, a Charles town , a Long-Ifland &c. Avec un pareil -avantage ils feront toujours en état de rendre inutiles les efforts des armées les plus nombreufes & les plus braves. Les Américains dénués d'argent, peuvent également fe jouer de tous les efforts de 1'Angletcrre, paree qu'ils font tous foldats & qu'ils babitent un pays qui n'a pas d'égal pour la défenfive. Mais. fans argent, on ne créepas une marine; fans argent il n'est gueres facile d'exécuter des expéditions cffenfives. • On fent. au contraire, quelle facilité! les Anglais ont, avec la fuperiorité de leur marine, de faire des defcentes fur les cótes. 11 eft impoffible d'être prét idans tous fes lieux ou'ils peuvent débarquer, paree qu'on ne peut jamais favoir oh leur defcente doit fe faire; paree que, dars un pays oh la population eft difperfée , il n'eft pas facile de raflembler a tems les for-  C "7 ) forces necéfiaires pour repoufTer ceux qui font des invafions imprévucs & fubices. Ce font des oifeaux de proie qui par 1'agilité de leur vol,peuvent choifir a leur gré leurs viclimes, cc fondre a 1'improvifte dans les lieux fans défenfe. Ce qui prouve invinciblement la faibleffe des Anglais & la force des Américains; c'eft que les fiers Bretons n'ont pas encore pu former un établiflcment dans 1'intérieur des terres II ne tiendrait qu'a la France & a 1'Efpagne de les chaffer entieremcnt de cette partie du monde, en y envovant des flottes fupéricures a celles des An4ais Nous examinerons dans la fuite quelle raifon peut les avoir empêchées de s'attacher a une poiitique ft fimple & fi naturelle. ; , Pendant ce difcours qui n'était pas appuye fur des raifonnémens fubtils. mais fur des faits clairs & décififs j'obfervai que la phvfionorme de mon Anglomane', fe couvrait de nuages; je la vis s'animer infenfiblement; enfin il éclata en m'mterrompant en ces termes: Trouvez-vous en Amérique, me ebtil des traits qu'on puifle comparer a ceux de nos '! ancêtres , lcrsqu'ils fecouerent couragcufement le " jou' des Efpagnok? Ont-ils rien qu'hs puiflens ' comparer aux défenfes d'Alkmaar , de Leide & , de Haarlem? Suivez le ffi des deux révolutiocs, " vous verrez quelle différence entre les difpofitions & la conduite des deux pcuples: Si donc " deux événcmens dont les circonftances font fen " blables, doivent offrir les mémes réfultats; deux " événemens dont les circonftances font d,fférentes, " doivent également différer dans les fuites. Cette " maEiere de raifonner eft celle de tous les politi' ques; c'eft celle qui eft a la portée du plus grand nombre, c'eft eelle qui eft la plus füre dans 1'or',' dre des ehofes morales. " Je ne crois pas, dis-je a mon Anglomane, qu'on puifle tirer des conféquences décifives des deux révolutions, quand méme ellesferaient marquéesades -traits frappans de reffemblance. J'ai fait une étude particuliere de 1'hiftoire de ma patne; on fait en gé. séralque ce n'eft que par des hazards hiureax, qu'elle h3 m  ( Ii3 ) eft venue k bout de fe procurer l'indépendance. A trois époques différentes, elle a été fur le point'd'étre entierement fubjuguée par le Duc d'Albe, par Requefens & Farnefe; elle n'a dü fon falut qu'a la mutinerie imprévue des troupes Efpagnoles, efpece de défordre qui ne s'eft pas encore manifefté dans les armées Anglaifes. Elle n'avait pas même pour objet de s'ériger en Etat Républicain ; elle ne cherChait qua changer de joug; c'eft a 1'aflaflmat commis par Balthazard Gerard que nous devons 1'avantage de n'avoir les Princes d'Oracge que pour Lieutenans du Souverain & non pour Souverains du Pays. La révolution Américaine offre mille traits qu'on peut comparer aux fiéges mémorables de Leyde & de Haarlem. La réiblution courageufe de fe pafier d'une des commodités qui flattent le gout, la première Expédition en Canada, & plufieurs autres traits remarquables ne font pas indignes d'étre mis a cóté de ceux que retracent les annales Belgiques. Le courage des femmes du New-Jerfey qui fe formerent en milices pour foutenir les" hommes, rappelle d'une maniere frappante la valeur des Bourgeoifes de.Haarlem, a la tête des quelles fe trouvait la Célebre Kenauw Simons Hafielaar. S'il ne fe rencontre pas des traits abfolument ferablables, c'eft que la différence des lieux, des tems & des nations ne comporte pas une pareille identité II fuffit que les grands traits aient une reflemblance frappante; & c'eft ce que je fuis en état de prouver. Je veux bien me contenter de ces traits généraux, dit alors mon Anglomane , fi vous êtes en état dc les exhiber; mais je n'ofe efpérer que vous réusfifliezdans votre entreprife. Voyez me, dit-il, ce qui fe trouve dans une brochure que Sir Jofeph Yorke fit publier fur ce fujet. C'eft mon oracle. Un Génie auffi fublime, revêtu d'un caraétere auffi res pectable n'aurait jamais cherché a impofer. Nous lumes ces paroles. „ Les Auteurs de la confédera„ üqg Américaine ont fagrifié a leur ambition, leur „pro-  ( i'9 ) „ propre liberté & celle de leurs Compatriotes; „ leurs noms feront transmis a la poflérité comme „ des exemples capables d'cmpêéher les autres de „ marcher fur leurs traces; & les Ecrivains du parti „ Franco-Américain n'ont artificieufement com„ paré la révolution de 1'Amérique avec celle des „ Pays bas, que pour flatter la vanité de ceux qui „ examinent peu; ils s'en fervent comme d'un man„ teau propre a couvrir leur ambition qui a fait „ naïtre en eux la vaine efpérance, qu'en fomen„ tant les brouilleries Domeftiques de 1'Angleterre , „ ils feraient en état d'entraïner dans une ruïne com- munc la mere-patrie & fes Colonies. Avant de répondre a cette citation , je ne vous cacherai point, dis-je alors, que j'ai pour le génie politique de Sir Jofeph la même admiration, qu'on pourrait rencontrer dans le pkjs ardent Anglomane. Je ne fache pas que, dans aucun lieu, aucun tems, aucune nation , on puiffe citer un Miniftre auffi heureux dans fes négociations. Par exemple, il eft évident qu'au moins depuis cinq ou fix ans, la République avait les raifons les plus fortes de mettre fa marine fur un pied refpectable. Pendant toute cette époque , Sir Jofeph peut fe vanter de 1'avoir tenue dans les fers, en plongeant dansuneefpece d'engourdiffement ceux qui devaient donner le branie aux affaires, & d'avoir, malgré une infinité d'outragès tous plus révoltans les uns que les autres, conduit les chofes de maniere k ménager un pi étexte de rupture, au moment critique oh fon pays avait befoin de trouver dans le pillage & les dépouilles des Hollandais , les reffources qui lui manquaient pour foutenir fon crédit & pourfuivre la guerre Ce n'eft pas tout. II femble avoir laiffé fon ombre dans le pays. On diraitque fon génie nous gouverne encore de fa retraite de Londres. Le fort qu'il a jet té fur nous eft un de ceux qui n'exigent pas la préfence du Magicien pour cominuer fon effet. Ainfi la gloire de 1'Afnbaffadeur eft au deffusde toute exprefiion, de tout parallele. Dudley Caiieton qui conduifit Barnevelt fur 1'Echaffaut & Sir George Downing qui nous H 4 attira  attira la feconde & la troifieme guerre Anglaife, n'étaienc que des apprentifs diplomaciques auprès du Grand Sir J oieph Yorke. Ainfi, vous voyez, continuai-je , que les circonftances du tems ne me font pas fermer le yeux fur les talens de nos Ennemis. Je nefaurais, pourtant, m'empêcher de vous avouer que je ne trouve dans ce que nous venons de lire qu'une déclamation, atv folu.nent vuide de raifonnement, S'il y a quelque différence entre les chefs des deux révolutions, je fuis obligé d'avouer qu'elle eft en faveur des Américains On a des preuves que Je Prince d'Oran^e & la plupart des autres Auteurs de la Révolution Belgique, ne cherchaient k renverfer la Puilfancede Philippe II que pour élever la leur fur fes débris. Mais les Chefs Américains n'ont pas méme donné lieu a des foupcons. Ils n'ont paru jufqu'a préfent avoir d'autre but que d'établir la conftitution la plus republicaine & la plus démocratique. On n'a qu'a lire les loix Conftitutives que chacun des treizeEtats a publiées pour fe convaincre de cette vérké. ïous dépendent du peuple. II n'eft point de corps ariftocratiques parmi eux; il n'eft perfonne qui ne doive fa place a 1'élection libre du peuple; il n'eft perfonne qu'il ne puifle dépofer au moins toutes les années. S'il y a quelque différence entre les deux révolutions, c'eft que les Américains n'ont pas attendu , comme nous, le dernier outrage de ia tyrar.nie; c'eft qu'ils ont fu en détourner les coups ea fe foulévant avec un généreux courage, dés qu'ils ont vu qu'elle s'avancait pour les écrafer. Les Pays-bas, me dit alors mon Anglomanc, a. vaient d'autant plus de droit de fe foulever que chacune des dix fept provinces jouiffait de grands privileges, que plufieurs villes y formaient desefpeCes de Républiques particulieres qui, fouvent, avaient dicléla loi a leurs Souverains que la nomina' tion de la plupart des Magiflrats fe faifait indépendamment du Frince, & que la nation faifait entendre fes droits & fes vceux dans des aflémblées appellées Etats, ' Arrê-  Arrêttez, dis-je alors, vous venez , fans le favoir de faire le portrait des Conftitutions des Colonies Anglailes, avant qu'elles éclataffent contre la mere-patrie. Les Colons avaient même plus de privileges que bièn des Provinces Belgiques; puifque, dans toucesles Colonies, non feulement les Députés des affemblées Provinciales, mais encore les Officiers de juflicc & de police dépendaient du peuple. Les Colonies formaient plutot des Répubhques alliées de 1'Angleterre que des Provinces foumifes a eet Empire. . D'ailleurs je fuis bien éloigne daccorder qu un pays ait plus de droit qu'un autre a fe foulever contre les tyrans. La liberté eft de tous les tems & de tous les lieux- Toutes les nations ont droit de chercber la liberté & de s'élever contre la tyrannie. C'eft un droit primitif contre lequel on ne prefcrit jamais, paree qu'il eft fondé fur le Conftitution del'homme. [La Suite au No procbain.] Suite chT Chapitre XI. fur la prife de St. Euftfiche , la faibiejfe de la République fi? ï'alliance future qu'elle pourrait faire avec les Puifjances Ennejnies de f Angleterre. f II n'eft gueres d'étranger, tant foit peu initié dans le Courant des affaires politiques, qui ne fe croyé en état de prefcrire, d'un ton magiftrai, ce que doivent faire lés chefs dc notre République dans la circonftance préfente. La République felon eux doit naturellement fe lier avec les Etats qui ont a combattre le même ennemi qu'elle. Pour peu qu'ilsfoient verfés dans la lecture des hiftoires anciennes & modernes, ils vous citent cent mille traits de cette nature & vous prouvent, quedepuis Abraham qui prit le parti de Loth fon neveu & de cinq ou fix Rois de ces Cantons contre cinq ou fix Roitelets voifins, jufqu'a la guerre de 1778, les nations fe font, ainfi que les individus, toujours unis aux ennemis de ceux qui les attaquaient. On ne concoit donc pas, felon eux, comment la République étant fur le point d'être écrafée par un Ennemi fupérieur, elle puifle resH 5 ter  C 122 > ter fans défenfe , fc Iaifler dépouiller avec la plus profonde infenfibilité Sc paraitre même n'ofer fe joindre aux Ennemis de fes Ennemis. Que ces politiques fuperSciels connaiffent peu le fond de notre Conftitution & fes intéréts politiques! Ils veulent exiger d'une conftitution compliquée & d'un gouvernement divifé entre un grand nombre d'individus , la même acfivité que du gouvernement monarchique & abfolu. Quelle abfurdité! C'eft demander 1'impoffible. Nous étions engagés dans une Confédération, avant d'être engagées dans la guerre : pouvons-nous agir,fans avoir confulté nos Confédérés ? Pouvons-nous contraéter de nouveaux engagemens, avant de favoir s'ils peuvent fe conciIier avec ceux que nous avions contracfés auparavant? N'eft-il pas même a craindre que les autres membres de la Confédération neutre n'aient des intéréts oppofés è. ceux, qu'il faudrait adopter en formant une alliance avec des Puiffances belligérantes? N'eft-il pas même a craindre que ces intéréts foien't d'une nature a les porter a fe lier avec 1'Angleterre au cas que la République fit alliance avec fes Enne-* mis? Dela 1'Europe entiere engagée dans la querelle de 1'Amérique. Dela le feu de la dévaftation défolant tout 1'univers. Dela des guerres lonsues & fanglantes qui pourraient changer le fyftême entier de notre globe, & le changer de mal en pis. Voila des réflexions bien alarmantes. Pour y répondre, on dirait,peut-être,que dans d'autres tems, nous n'avons pas. manqué d'aétivité dans les occafions oh il fallait agir, que nous avons fait & foutenu des guerres longues & fanglantes; que, dans les guerres maritimês , nous n'avons jamais attendu le péril d'étre écrafés par 1'Ennemi, pour mettre des flottcs de cent Vaifleaux en mer. On ajoutera que la même aftivité s'eft également manifeftée, foit dans les tems du Stathouderat, foit dans les tems oh le gouvernement était fans Stathouder. Quant a la neutralité-armée, onrépondra, peutêtre,qu'elle ne faurait trouver mauvais qu'un de fes membres repoufle des attaques injuftes; puifqu'elle ne s'eft formée que pour eetobjet; puifque fon prin- cipal  ( ) cirai irrérêt étant d'abaiffer ladomination arbitraire des Anglais fur mer,el!e nefaurait voir qu'aveccomplaifance toutes les démarches qui peuvent contri. buer a ce falutaire .objet. Elle ne faurait trouver mauvais que , polir mieux réufiir, nous ayons recours a 1'affiftance de nos voifins, lorfqu'elle nous eft offerte. Au moins pourrait-on encore ajauter, il n'eft aucune raifon qui puifle nous empêcher de prévenir notre ruïne certaine par des armemens vigoureuK & formidables. II n'eft aucune loi qui puis* fe empêcher un Etat attaqué comme le nótre, de recourir a tous les moyens d'écartcr la tempête. Cette conduite n'aurait rien de contraire aux articles de la Confédération-armée. Si elle avait des raifons de nous refufer les fecours promis aux membres de la Confédération, notre acceffion ferait alors fcmblable a celle de la France & de 1'Efpagne. II en eft auffi qui difent qu'il eft honteuxque, notre commerce & notre navigation étant attaqués ouvertement en tous lieux, les Capitaines des Vaiffeaux de guerre ne puiffent faire des repréfailles; paree qu'ils ont des ordres formels de n'agir que fur la défen- J'avoue que tout le fyftême de cette conduite peut furprendre les ignorans ; mais ne voit-on pas que notre but eft de mettre les Anglais dans leur tort? II me femble entendre quelque perfiffleur nous dire en ricanant, que nous fuivons 1'Exemplc donné pav les Francais dans leur guerre précédente , & que nous pourrions en être la dupe. S'ils s'étaient trouvés, difent-ils, les plus forts, ils euflént commencé les hoftilités. Mais lorfqu'ils yirent tous leurs projets déconcertés par 1'attaque fubite & violente des Anglais , ils délibcrerent, avant d'ufer de repréfailles. Les Anglais leur retenaient plus de trois eens navires; ils ordonnerent qu'on leur rendit les deux ou trois qu'on leur avait pris. Leur but était de mettre les Anglais dans leur tort. Ils réuffirent au fuprême dégré. Le tort des Anglais fut des plus graves, car ils enleverent prefque toutes les pofleffions Fran-  C 124 ) Francaife?, en Afie , en Afrique & en Amérique. Le malheur de cette politique fut que la gravité de ce tort rendit les Anglais fi puiffans, qu'ils furenten état Je garder prefque tout ce qu'ils avaient pris J'avoue que ce perfiffiage eft éolouiffant: mais qui ■ peut pénétrer les fecrets du Cabinet? Peut-être ne cherche-t-on pas 1'alliance de la France & de 1'Espagne, paree qu'elle entrainerait naturellement la néceffité de reconnaitre 1'indépendance del'Améri. que feptentrionale La France s'eft engagée, a la face de 1'univers, de ne pas accepterde paix quine füt pofée fur la bafe de cette indépendance. On fenc qu'elle y eft d'ailleurs effentiellement intéreffée & qu'elle ne pourrait jamais compter fur une paix fure ;fi \f Grande-Bretagne n'eft irrévocablement féparée de 1'Amérique. Les deux conditions effentielles d'une alliance entre la France & les Etats Généraux feraient une garantie réciproque de toutes les pofleffions respecfives & un engagement de ne jamais s'accorder avec 1'Ennemi commun que d'un confentement réciproque. Ainfi la France s'étant engagée k ne pofer les armes qu'après avoir fait reconnaitre 1'indépendance de 1'Amérique, les Provinces-ünies, en s'aliiant avec la France , ne pourraient s'empêcher de reconnaitre cette même indépendance, Un ardent Américain faifirait cette occafion pour nous retracer la confternation qu'une étroite confédération entre la France, 1'Efpagne les Provinces-Unies des Pays-bas & les Eta:s-Unis de 1'Amérique, cauferait en Angleterre & 1'utilité que_ nous retirerions en nous hatant de joindre aux liaifons polfdques des correfpondancesmercantiles, dans ua pays qu: préfente les plus grands avantages a ua E'.at maritime & commergaut comme la HolLnde. 11 noüs rappellerait les principaux articles du Iraité eventuel de commerce. Dans quel autre Pays, dirait-il aux Hollandais, auriez vous pu ▼ous liatter d'obtenir non feulement de faire en«■er librcment toutes les fortes de marchandifes regardces généralement comme innocentes; mais encoict dc i.'y payer, d'autres droits a'entrée que ceux aux-  jUK quels font foumis les habitans du pays ? Ce traite annulle entierement 1'acbe fameux de navigation donné contre vous par Cromwel. Vous n'auriez fait qu'un même peuple avec les Américains. Vous eufiiez été liés avec eux par la conformité de religion & de gouvernement: cette alliance naturelle eut été d'autantplus folide, que les deux peuples fe trouvaient dans les fituations les pluspropres a une alliance: ils font en état de fe faire beaucoup de bien, fans pouvoir fe faire du mal 1'un a 1'autre. Ayant dans 1'Angleterre, 1'une fon ennemie, 1'autre fa rivale éternelle, eet incident ne peut manquer de leflerrer les noeuds des alliances réciproques entre les deux Républi- ques. , . , Qu'on eXamine les détails particuliers de ce traité; tous: les cas y font prévus & réglés, avec une précifion & une clarté qui préviennent toute difpute a 1'avenir. Heft donc inpoffible deconcevoir comment on pourrait blamer ceux qui préparaient de fi grands avantages a 1'Etat. On ne concoic pas qu'après avoir porte Ta circonfpectiou jufqu'k pofer uneclaufeéventuelle, cette conduite ait encore pu trouver des défapprobateurs On ne concoit pas que, dans les circonftances préfentes, on ne cherche a s'affurera jamais ces avantages enreconnaiffant ouvertement 1'indépendance de 1'Amérique- . . Une pareille démarche ne pourrait avoir que des fuites heureufes. Les Américainsn'ayantbefoin,pour expulfer entierement les Anglais, que de reflburces pécuniaires, en trouveraient alors abondamment: Ils feraient aifément un emprunt de dix a douze millions de florins, dès qu'il ferait authorifé par la démarche des Etats en déclarant 1'indépendance. de 1'Amérique }.'.•'' Enfin il eft tems de dire la vérité d'un ton ferme & hardi. La reconnaiflance de 1'indépendance de 1'Amérique ne doit plus être mife en délibération II n'eft plus tems de difputer fi cette indépendance ferait utile ou non a ce pays. II n'eft plus tems d'exaOiiner fi nous en retirerons de plus grands avantages que  C 126) que Ia France. Ces fortes de difcuffions ne peuvent rien changer au décret des deftins. Nous n'avons plus d'autre alternative que de tout tenter, pour nous attacher un Etat fi puiflant dans fon berceau. Quelle fpéculation mieux imaginée que de retirer tant qu'il fera poffible, nos fonds des mains d'un vieux diffipateur dont les dépenfes augmentent & les reilources diminuent d'une maniere effrayante, pour donner notre confiance & notre crédit a un jeune homme,qui annonce fes fuccès futurs par fa fagelTe, fon économie, fon courage, fa conftance & fes vertus! Jettons les yeux fur 1'état précaire oh nous fommes en Europe. N'avons nous pas befoin de former, autant que poffible, de nou velles alliances ? Et n'eft-il pas de la politique de chaque négociant en particulier, ainfi que de 1'Etat en général d'aller au devant d'une République naiflante qui nous tend les bras? Ces idéés font bien éloignées de celles d'un prétendu Suiffe, dont on m'a prié de juger les revêries. Je n'y ai trouvé de heureux que ce titre Réveries. Car 1'ouvrage doit faire 1'effet du plus puiflant foporifique. C'eft une rapfodie, écrite dans un ftile barbare & plat, oh 1'on ne trouve ni obfervations juftes, ni reflexions folides, ni penfées faillantes. C'eft un enfant Batard qui ne trouve perfonne qui ófe s'en dire le pere, & que ceux qu'il ofait reclamerde ce nom, fe font bien vite emprelfés de défavouer. Pour montrer que je n'en impofe pas, j'en vais citer quelques traits. Je n'ai eu, dit 1'Auteur, que les feuls buts, que les feules intentions ci - après, dont je fuis bien perfuadé nc m'être nullement écarté dans 1 exécution, favoir la paix générale entre les nations belligérantes, avouant franchement, que je fuis ennemi irréconciliable de toute guerre: la Réconciliation entre 1'Angleterre & les Colonies révoltées, la quelle réconciliation , j'envifage Conftamment comme un acte de juftice,de convenance, d'intérét, de néceffité entre la mère & fes fïlles. „ C'eft avec ce ton que 1'Auteur veut apprcndre aux Américains, c'eft-a>dire, k un peuple qu  C 127 ) qui élit fes chefs librement & au moins chaque annee, qu'ils ne font que dei cbefs de Rebelles, reconnus é? traités pour tels $c, Or quiconqne, pourfuit 1'Auteur, trouveraitque j'ai tort; qu'il n'eft pas permis a un Suiffe, comme je le fuis reellerriént £ƒ pour la vie, de faire imprimer , dans de tels buts. dans de telles inte.ntions: C'eft avec ce ftile de crocheteur que ce Suiffe qui 1'eft probablement k la porte de quelque fdgnem,veutdirs quelques véritês en faveur de 1'Angleterre. Cesventés font qu'elle eft une nation des plus grandes des plus formidables, des plus refpedïables, des plus admirables de tous les tems & pays, qu'il arrivera que les chefs des Rebelles feront banqueroute, feront ou reconciliés, ou totalemcnt difperfés. Quiconque, ajoute-t-il, trouverait teilesou autreschofes a la charge de mes Revêries & ferait tenté de me le prouver, peut en envoyer fes raifons par écrit & franc de port k Mr P. F. Gosse, Libraira de la cour a la Haye. Je crois que le Sieur Gosse , quoique Libraire de la Cour , a lui-même rougi d'avoir paru donner fa fanótion a cette rapfodie: car il a fait inferer,dans des papiers publics,un avertiffement oh il proteftait n'y avoir aucune part. Je vois, dit-il aux Américains, votre nouvelle conftitution, vicieufe dans le fond, incompatible avec le phyfique du pays & qui , fi elle pouvait fubfifter longtems, augmenterait tous les maux bien loin d'y remédier. II eft fingulier qu'avec une Conftitution pareille les Américains réfiftent depuis fi long tems auy efforts redoublés de la nation la plus grande, la plus formidable dans tous les tems & payx; & qu'elle ne puiffe fe flatter d'avoir pu s'établirfolidement dans une feule place de 1'intérieur du pays. L'Angleterre a toujours, eu, dit • il, de plus grands avantages que fes Ennemis 6? moins de désavantages. Treize Colonies perdues, la perte delaGrenade,de St. Vincent, de la Dominique, de deux flottes entieres , tous ces échecs peuvent - ils être compenfés paria conquête de Pondicheriét de St. Lucie? Au  jiupire l'Angleterre vendrait ou ceder ait l'Ametiqui & d'aulres pn'ffances Europeênnes . , . Vous fentiriez alors l i d-jjureiice de Gouvernement. Quand un foi-«difimt fuiffe ofe ecriredeschofes auffi abiürdes, il faue avouer qu'il n'eft pas néceflaire a un Auteur d'avoir le fens commun rdinaire pour trouver de libraires qui 1'impriment. Je ne pourrai m'étendre davantage fur cette rapfodie, qu'en ennuyant mes leêteurs . je leur dois trop, pour leur rendre un fi mauvais iervice. Ils peuvent être aflurés que tout cequi me refte a dire fur la Révolution de 1'Amerique eft une refutation complette, de tout ce que peuvent en dire fes Ennemis qui font ceux du fens commun auffi bien que de la liberté. Ces Feuilles périodiques paraifTent régnlierement, tous les Lundis a Amfterdam , chez 'J. A. Craj\ nfchot; d Haarlem , chez Walree; d Lelde , chez Luzac £? van Damme , & Les Freres Murray; a la Haye, chez van Cleef, La Feuve Staalman, & Plaat; d Gouda, chez Fan deiKlos; a Rotterdam, chez Bennet & Hake, faJ.Bronk. borfl; d Dordrecht, chei Blufè; a Utrecht, chez B. IFild & G. T. -aan Paddenburg; d Deventer, chez Leent» bont; d Groningue , chez Huyzingh; a Nimegue Chez Fan Goor; a Arnhem, chez '/roost; d Bois-le-Duc, chez J. H. Pallier, & chez les principaux Libraires des Pays-JSaa.  L E TPOLITIQUÊ N°. IX. LUNDl, ce 9 AVRIL, 1781- Suite du Cbapitre XL fur ^«^«^*/^^ &c. & du paralléle entre la révolution des Pays- bas £? celle de f Amérique. En comparant la fituation de 1'Amérique dans | "moment de la tévolutipn :tftad8j. fe trouvaient les Pays-bas, lorfqu ^„^^^^ contre Philippe II, on remarque les relTemblanees les «fc 5» me d.t Qu'il me foit permis, dis-je alors, de compaier ^^:?II^It! Y Penfez-vous? Un è un mohftre de vices, de perfide & de ciuauw • Mon iiitention n'eft point oe comparer les qualités des deux monarques: George 111, toujours chastp tnuiours fidelle, toujours modefte, & nolant ev'et des Veux fur'd'autre femme que la Reme & Philippe II. brülant des paffions dun latyre nortan la débauche & 1'incefte a 1'excès e plus efr ?r?né ie nc parle que de la fituation politique des deux Monïques ficde 1'influence qu'elle ent fur leur ° Geoïeê HL monta fur le tróne dans le tems d'uiie guerre avec la France. Son avénement k la Coa. Toms L A  C 130 ) ronne fat marqué par mille brillantes conquétes & par la paix la plus glorieufe qui rendit fon royaume lep'us puiflant ocle plus redoutable de I'ünivers. II fe trouva maitre des plus valles pofleffions dans toutes les parties du monde. 11 comptait fous fa domination les 'fles Britanniques, celle de Terfey, de G ,ernefey & de Minorque, la Hanovre, le Sénegal le Bengale, une grande partie de Mogol, la rnoitiédel'.\mérique la Jamaique,la Grenade.St Vineent, les Barbades&c < ette monarchie était devenue fi puiflante fur mer qu'elle pouvait infuker impunément touces les autres nations fur eet élément. Phihppe II. fe trouva également en montant fur Ie tróne, engagé dans une guerre avec la France. Les atailles de St.Quentin,de Gravelingue & plufieurs conquétes lui procurerent la paix glorieufe de Cateau Cambrefis oh il dicla la Loi a la France. II était alors le Monarque le plus puiflant de I'ünivers, par fes immenfes pofleffions dans les quatre parties' du monde. II pofledait 1'Efpagne, la Navarre, les Pays bas la Franche ■ Comté - une partie de l'Italie, le IflesPhilippines & celles du Kond, un partie des' Molucques, Tunis, Oran & ie Cap Verd,le Perou Ie Mexique. la nouvelle Efpagne, le Chili, & plufieurs Ifles Sa marine était fupérieure a celle de toutes les autres nations. Bcaucoup de peuples ont atteint a ce point de grandeur, qui femble réalifer 1'idée d'une monarchie Univerfelle. Mais eet excès de puiflance a toujours été le dernier periode du regne de la puiflance même, ou plutót fon premier pas vers fa chüte. L'Espagne & 1'Angleterre portaient dans le fein méme de leurprofpérité ie germe fatal d'une décadence nécesfiure& prochaine. Ne pouvant s'élever plus haut, elles _ devaient néceflairement baifler. Comme on ' n'ófait les attaquer en face, on a eu naturellement recours a d'autres moyens. On a fomenté les divifions qui devaient éclaterdans un empire trop étendu pour que toutes les parties en fuflent également bien attachéesa un centre commun. Ces divifions! ayant naturellement éclaté dans les parties les plus éloignées & les plus  C 131 ) plus libres, les puiflances jaloufes, c'eft-a-dire, toutes les autres nations ont également applaudi a ces | infurrections: ces difpofitions n'ont pas peu contribué a affermir les infurgens des Pays-bas & de 1'Amérique: dés que les uns & les a<: tres ont paru aflez ; forts pour fturenir leur infurreétion, les puiflances les plus mtéreflées a fabaiflement de 1'^fpagne & de 1'Angleterre, n'ont pas rardé a fe déclarer. Philippe II jaloux & alarmé de 1'efprit de liberté qui regnait dans les Pays-bas, voulut commencer par affermir fon autorité, en portant atteinte a des I privileges qui lui ftnfaient ombrage. George III fe vit a peine paifible poflefleur de fes domaines héréditaires & des conquétes de la I guerre, qu'il projetta de changer les Conftiturions des Colonies pour affermir fon autorité en les rendant plus foumifes. ' ! Philippe II envoya dans les Pays bas le Cardinal i de Granvelle, miniftre adroit &impérieux: mais les cris de la nation furent II violens contre ce miniftre odieux, qu» la crainte d'une révolte générale le fit 1 rappeller. Cette condefcendance ne fit qu'enhardir des efprits déja mécontens & ennemis du joug. George III, nomina pour Gouverneur de Maffechufet-Baye , Thomas Hutchinfon, homme devoué ] aux vues despotiques du Miniftere. Adroit & in* - finuant il fut former une cabale en fa faveur: mais ] que pouvait une petite troupe contre le rnécontentement général du peuple? H éclata avec_tant de vio- 1 lence, qu'on crut devoir nommer le Général Gage I a la place de Hutchinfon. La haine des habitans des Pays-bas contre Gran- I veile fe manifefta par tout ce que le ridicule a de n plus méchant: on ie reprefenta couvant des ceufs d'ou I fortaient des Evêques; pendant que le diable volti- J geait fur fa tête en dif.nt, %ml& nvmfils écoutez l*. | La haine des Américains contre le Gouverneur Hutchinfon, fut fi violente, qu'a hüade pbe fon 1 effigiefut chargée d'infcriptions dilfamantes, trainée i| ignomineufement dans un tombereau, Cc attachée a un I gibet oü elle fut confumée. Ia Les  ( 132 ) Les Beiges 'détefterent infenfiblement tout ce qui paroiffait leur retracer les objets les plus précirux de la Vénération Efpagnole. On voulait les forcer a fuivre aveuglemene toutes les Cérémonies de 1'Eglife Romaine Ils fe jetterent, avec une efpeced'acharnement,furles objets confacrés par ce culte religieux. En peu de jours les images & les ftatucs furent détruits & brifés dans prefque toutes les places des Pays - bas. Les Américains , voyant qu'on refufait d'óter 1'impót mis fi.r le ^é, réfolurent unanimement de s'en paffer. On voulut les forcer a recevoir cette denrée, Hs fe jetterent avec fureur fur les vaisfeaux qui en étaient chargés. Ils firent disparaitre eet objet du (.ulte />nglican. Philippe il envoya pour foumettre les Beiges, le Duc d'.Ube avec une armée formidable. Mais Ia crainte des Troupes ne put engagcr les habitans a payer le dixieme, impofition arbitraire & tyrannique; paree qu'on voulait la lever, fans le confentement de la nation qu'il falla;t chercher dans les Etats. George III, voulant réduire les Colons mécontens, envoyafen Amérique le Général Gage avec des troupes formidables. Mais tout eet appareil militaire ne put forcer les Colons a fe foumettrê a la taxe fur le thé. Les peuples des Pays-bas formerent des confédération pour le maintien de leurs privileges. Ils envoyerent des requêtes pour expofer leurs droits & leurs griefs, avant de fe déterminer a repoufler la force par la force. Depuis le commencement des troubles, les confédérations furent trés nombreufes dans les Colonies. Les requêtes envoyées en Angleterre ont la reffem blance la plus frappante avec celles, que les confédérés des Pays-bas envoyerent en Efpagne. Dès les cómmencemens des troubles des Paysbas, on prévit que ces Provinces allaient étre arrachéesde la monachie Efpagnole Dès 1'an 1565 on y difaif que les bahitans 1'étaient fi lourds ni fi bêtes a'ignorer, quelle obligatwn doit un Prince d fon fa[fal 6f  ( 133 ) , Êf que 1'on trouverait bien le moyen de faire la guerre fans a-Zon lüt par qui &ƒ comment. En Ï72 . Gu llaurae ï. avertit les Etats qu'il n'y avait gueres d'apparence qu'on püt refter fouaiis a des Princes Etrangers, ians èxnofer le pays a de grands malheurs. Des Tan 17Ó2 la fciiïion des Colonies fut annoncee en Angleterre.' Peu de tem apiès le .Sr. Jofias I ucker i 'oven de Glocefier confeilla au gouvernement de prévenir leur révolte, en les abandonnant comme des enfans mdociles a leur indomptable per- verfité. , . Peu de tems avant de prononcer une abjuration folemnelle, les Etats de Hollande & de Zélande déckirerent a la face de D'nivers qu'ils ne penfaient nullement k fecouer 1'autorité du maitre légitittie. Ils attefterent les puiflances Chrétiennes qu ils n'avaient pris les armes que contre des Officiers perfides qui avaient abufé du nom du Roi. Ils nnrent le même langige jufqu'au moment de 1'abjuration folemnelle en 1 ;,82. Les Américains n'ofaient également prononcer le nom d'indépendunce en prenant les armes Un an avant derecourir a cette déclaration, iis protefterent, dans une lettre adreffée aux Marchands de Londres, que nen n'était plus éloigné de leur penfée. L'Efpaene fit des efforts qui 1'epuiferent par des emprunts'exorbitans.La population diminua d'une maniere effrayante. Oneut beau faire des régiemens pour 1'encourager. 11 virent k la fin, qu'on ne crée pas des hommes parjdes éiits. Le célibat & la fuperftition religieufe acheverent ce que les guerres civiles avaient commcncé. Pour comble d'humilia.ton 1'Ëspa grands Jurifconfultes de ce pays (*) n'a pu s'emrA cher de Ja remarquer. Ce qui eft encore, dit-il bien fiatteur pour les Hollandais, c'eft que tout co que les Américains n'ont pu tirer de 1'aóre de de 1'Union d'Utrecht, fe trouve conforme a Ce qui s'obferve fur le même objet.dans la République des Provinces-Unies. II croit devoir préférer Ja conftitution de fa patrie : mais s'il avait reflécH que la plus grande partie des articles de cette Union font tombés en défuetude, & qu'il n'y a encore au cun pouvoir formellement coaétif, & que fouvent les articles les plus effentiels ont été violés je doute qu'il eüt hazardé cet'e alfertion. Le par'allele des deux conftitutions eft une queftion intérelTante aue je me propofe d'examiner dans la fuite. La déduction claire de ces différens faits & paralleles ne manqua pas d'affecter mon Anglomane- lorsque je lui en fis 1'expofition. ^ous avez beau me dit-ü , rapprocher les détails des deux révolutions & en tirer des conféquences en faveur des Américains. Vous me permettrez de vous obferver quê les Provinces - Unies ont principalement tiré leurs reffources & leur profpérité de leur fituation maritime & de 1'étendue de leur commerce. Avec leurs forces oavales, elle furent en état de faire unprofitimmenfe par les pirateriesparticulieres& la prife même deflottes entieres Efpagnoles: avec leur induftrie mercantile, elle fe trouverant en état de s'enrichir & de fe renforcer,dans lefeude la guerre,aux dépends de leurs" ennemis même qu'ils approvifionnaient de toutes fortes de marchandifes. Ce fut par la qu'elles fe trouverent en état de foutenir une guerre fi difpendieufe & fi longue, & de prendre place parmi les premières fjg Mr; Panl™ * d" T. IN. de-fon Expofiuon de 1 Union d Uirecht, ouvrage Hollandais, que nons nous propofons de faire connaltre d'une maniere jufte & impar-  C 13° ) res Puiflances de 1'Europe. La République des Pfovinces-Unies s'afFermic, s'erïrichit & augmenta en population; pendant que le Royaume valtc & peuplé de 1'Efpagne s'épuifa d'hommes & dc reffources. Les Provinces-Unies confetverent, multiplierent même leurs richeffes par les effets magiques du commerce & de la circulation , en attirant chez elles la confommation d'un ennemi languiffant dans 1'inaótion, Attentives a conferver dans leur fein la population des hommes induftricux & utiles, elles fe battaient avec des métaux que 1'induftrie intérieure reproduifait fans ceffe & voyaient accourir fous leurs drapeaux, les volontaires de toutes les nations, paree qu'une folde réguliere & permanente attire toujours les hommes. Le fer, lc feu, les tempêtes fe difputaient envain le droit de détruire les hommes ; la facilité des recrues rendait les armées, pour ainfi dire, indétruifibles. Les expéditions maritimês n'accablent pas le pays qui les fait; paree que la confommation retourne toujours a la fouice. Ainfi les Provinces-Unies pouvaient, avtc la derniere facilité j envoyer au loin des efcadres qui fatiguaient 1'Ênnemi comme des troupes légcres fatiguent d'épais bataillons. Elles fe fortifiaient par les prifesfaitesfur les Efpagnols qiai fourniflaient ainfi de nouveaux moyens pour être vaincus. Voila, dit mon Anglomane , la principale caufe qui fit triompher nos fept petites Provinces de tous les efforts de la Monarchie Efpagnole. C'eft une caufe eflentielle: pouvez-vous prouver que les Américains fe trouvent dans le même cas vis-a-vis de 1'Angleterre ? En un mot êtes-vous en état de prouver que 1'Amérique, au milieu de la guerre, augmente, ainfi que les Provinces-Unies ont accru en forces & en richefies en combattant 1'Efpagne? Avant de répondre a cette queftion, on me permettra d'obferver qu'il y a une différence eflentielle entre le fyftême militaire des Américains & celui que fuivirent les Provinces-Unies, en combattant contre 1'Efpagne. Les Beiges, accoutumés aux occupations paifibles.du négoce & de 1'induftrie, furent  C Ho ) furent obiigés de mettre tout leur efpoir, dans des années régüliéres & compofées en grande partie aetrangeis Les Américains trouvent dans eux mêmes, dans leur état civil, les reffources que les Beiges furent obiigés de chercher dans des lé-ions mercenaires. Les A.néricains ne font pas cdmme les jjelges leur o cupation particuliere des arts de iindultne qui énervént les ames & les corps en procurant des richeffes. Ils font prefque tous Agricoles; ils font parti, ulierernent aaonnés aux travaux champetres ou de première réceffité. Leur population n'eft pas concentrée dans les villes; elie eit pnnapalemcnt dfperfée dans les campagnes. JVJais .1 eft facile de voir que ce fyftême particulier elt un avantage pour eux, & que leur indépendance eft bien plus folide; paree qu'elle ne dépend pas du courage d'autrui, mais du leur. On fent combien, dans un pays, que nous montrerons dans la luite, n avoir pas d'égal pour ladéfenfive; des citoyens , tous foldats, peuvent fervir a renforcer un co.ps de troupes régulieres peu nombreux, mais proportionné aux reffjurces nationales. C'eft a des laboureurs &non a des fculpteursou des artifans que Rome fut redevable de fa gloire. Ce font ces hommes fimples & grofïiers qui revêtant le casque & la cuiraffe,après avoir tracé les fillons de leur champ, fixerent toujours ia viéïoire du cócé des aigles Romaines C'eft de la charrue qu'ils tirerent Curius & Cincinnatus, ces hommes qui méprifaient • les richeffes, & qui retournaient cultiver leur héritage, après avoir triomphé des ennemis de la patrie. Qu'on compareces hommes, citoyens vertueux audedans, guerriers redoutables au dehors , enflammés du zèle patriotique, pénétrés de refpeér. pour leur religion, ïnacceffibles a 1'avarice & a la cupidité, avec ces méprifables avortons qui font a la tête des gouvernemens perdus par le luxe, enfant des arts, avec ces étres frivoles toujours avides de plaifns & de richeffes; avec ces ames criminelles, toujours bourrelées d'ambition, qui portent dans leur cceur le dé& coupable d'affervir leurs concitoyens, & de don- ner  neis la mort a la tendre mere qui les nourrit, avee ces ames laches , prêtes a ramper aux pieds d'un maitre & a vendre au plus offrant une höerté donc ils ne font plus dignes- Si 1'on a juftement re. marqué que les peuples nuds & couvercs de fer ont toujours vaingu les nations riches & abondantes en or, a combien plus forte raifon,les America ns fauront-ils défendre leur indépendance contre une nation perdue de dettes, de luxe & de vices comme 1'Angleterre? • On n'a qu'a jetter les yeux fur les guerres précédences; on voit avecétonnement qu'elles n'ont point empéché les progrès de la population On a calculé qu'elle doublait en Amérique , tous les vingt ans. Dans la derniere guerre qui dura depuis 1755 jusqu'en 1763, on ne s'eft pas appergu que cette évaluation ait diuinué. Les Américains déployerent alors les plus grands efforts & firent ld plus grandes dépenfes; a peine s'eft on appergu que les progrès de la population ordinaire euffent nlenti. En s'arrêtcant feule.nent fur ce qui fe paffe en Amérique, on verra les habitans de chacun des tre'zeEtats continuer a prolonger les établiffemens dans le fond des déferts, reculant ainfi les froatieres , abbattant les bois , défrichant des terres nouvelles, avec autant d'ardeur dc derapidité qu'ils avaient cojtume de le faire en tems de paix. Ce fait qui eft des plus réels eft une preuve fans replique du progres de la population. II eft encore un moyen certain de déterminer 1'accroiffement de la population, par les déno nbremens authentiques qu'on a fait du peuple. II eft vrai qu'on a beaucoup négligé de les faire ces forces de dénombremens fi importans dans les commencemens d'un peuple naiffant. Cependmt plufieurs Etats particujiers ont p.iblié de ces fortes de róles La Colonie de Maffachufet's Baye fit un dénombre- ment en 1773, 1774 & 1779- 0n a trouvé 1ue dans ce court efpace de cinq ans, fa population & les Valeurs des immeubles avaient augmenté plus qu'el-  C 142 ) qu'elles n'avaient jamais fait è aucune autre cW que, pendant le même efpace de tems. Cependant aucune des Colonies ne prit plus de part aux opérations de cette guerre, que la Baye de Maffachufet. Aucune autre Colonie ne fit proportionnémenc d'auffi grands efforts par mer & par terre Aucucune autre n'eut plus d'hommes més, prilbnniers ou enlevés par les maladies. On a trouvé, par des calculs, que la population de 1'Aménque a doublé, a peu prés tous les dixhuit ans , par le feul effet de la génération ordinaire II y a déja prés de fept ans que dure la guerre aétuelle. Les Américains aflurent qu'elle ne leur a gueres enlevé plus de 40 mille hommes. Us aflurent encore , qu'ils ont eu , dans cette époque une augmentation d'environ fept eens cinquantê mille hommes dans leur population. Ce nombre leur fournit environ cent mille combattans. lis comptent que depuis le iy Avril 1775 jour oh commencerent les hoftihtés, le nombre de leurs citoyens en état de combattre & combattans, n'a pas augmenté de moins que de foixante & dix mille hommes. Us jugent que ce nombre n'augmente pas moins que de vingt mille hommes toutes les années. Quand ce calcul ferait un peu exagéré, le contraire ne laiife pas d'être alarmant relati'vement a la la Grande Bretagne. L'Amérique n'augmente pas feulement en nombre de citoyens, fes forces augmentent encore a plufieurs autres égards. La difcipline de fes années fe perfeétionne, fes officiers de terre & de mer deviennent tous les jours plus habiles. Leur expérience dans la fabrique des matériaux militaires, comme falpêtre, poudre, armes a feu,canon, s'accroit de plus en plus. Les manufaclures en laine & en fil font de grands progrès. Enfin elle fait des progrès rapides dans tout ce dont elle a befoin pour maintemr fon indépendance Elle accroit en force & en puisfance. Son commerce même augmente toutes les années: le nombre des vaifleaux qu'elle a envoyés ce"tte  C J43 ) cette année dans les Antilies, celui des bdtimens arrivés dansles ports de France, d'Efpagne, de Hollande & de Suede, rnontrent que fon commerce s'étend tous les jours. Elle s'enrichit furtout par les armemens en courfe. Les prifes feules qu'elle a faites fur les Anglais dans 1'année 1780, fubviendront a plus de la moitié des dépenfes de la guerre. Je n'ai pu furtout m'empêchcr de copier cette note tirée d'un papier de Londres du 17 Janvier paffé. Un Anglais qui vient d'arriver d'Amérique rappor„ te qu'il a fait au mois de Septembre & d'Oétobre , paffé, un voyage d'environ 500 milles ,de Bofton k ", Philadelpriié & qu'il n'a pas effuyé la plus pe., tite moleftation. II dit que le pays qu'il a „ traverfé était trés peuplé ; qü'on y continuait „ tous les travaux ordinaires de 1'A^ricuIture & t, qu'il ne paroiffait pas qu'on s'y reffentit aucune- ment des inconvéniens de la guerre. Bofton était „ le [iége d'un commerce immenfe. A Philadelpbie „ OLi !e Congrès faifait fa refidence, il n'avait reconmi „ de traces de la guerre, qu'en voyant faire 1'exer„ cice k un fuperbe détachement de cavalerie légere. Philadelphienemanquait d'aucune efpece des prin„ cipales marchandifes Européenncs, li ce n'eft de „ chapeaux qui fe vendaient jufqu'a 16" dollars la „ piece. Mais on avait trouvé bien des moyens de „ fe paffer de cette fdrte de marchandife ;& même „ le befoin n'en était que momentané, jufqu'a I'ar„ rivée de plufieurs vaiffeaux attendus d'Europe. „ Ce voyageurajoute que, quoique les alfemblées „ populairèsfoient un mélange des bien de caracbe„ res différens, cependant le Congrès acfuel s'étaic „ acquis la plus grande confidération, par les talens ' „ & rintégrité des membres qui le compofenf: on „ obéïffait a fes ordres avec une ardeur parti,, culiere: ce voyageur ne put alors s'empêcher de „ remarquer, avec le plus grand chagrin, quebien„ loin de chanceler aucunement dans le grand point „ de 1'indépendance, il pefgait dans toutes les conM verfations particulieres des gens de tout état Sc „ con-  C *44 ) Ti cofidkion un refientiment violent contre I'Ander* „ terre. Les plus modérés fe bornaient a exhaler leur fureur contre la cabale EcolTaife & le Mi„ niftere de Londres. P. S. Nous pourfuivrons dans le No. fuivant nos remarquesfur la néceffité, oü fe trouve atluellement la République de s'ailier particulierement avec les EtatsUnis de 1'Amérique. Ntus ófons ajfurcr que des obfervations aujfi neuves & auffi Mntéreffantes ne fduraient être trop mèditées par les chefs de tous les Cohvememens & furtout par eeux des ProvincesUnies. Ces Feuilles périodiques paraifTent régulierement, tous les Lundts d Amfterdam , chezj. A.Crajtnfcbot; d Haarlem , chez Walree; d Leide , chez Luzac & van Damme , & Les Freres Murray; d la Haye, chez j. van Cleef, La Peuve Staatman, & Plaat; d Gouda, chez Pan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, IkJ.Bronkborlï; d Dordrecht, chez Bluffe ; a Utrecht chez B Wild & G T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leemhorst ; d Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, chez^zwGöor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-leDuc, Chez J.H. Pallier, & chez les principaux Libraires dés Pays-Ras.  L E POLITIQUE N°. X. LUNDI, ce 16 AVRIL, 1781. C H A P I T R E XII. Sur la Necejfité oü fe trouve aituellement la République de i'allier particulierement avec les Etats-Unis de l'Amérique. L'objet quejemefuispropofé eft d'inftruire plütót que d'amufer, & de n'abandonner aucun fujet, avant de 1'avoir développé dans toute fon étendue. Je n'ai eu dans les matières intéreffantes dont j'ai entrepris la difcuffion d'autre objet que 1'avantage de 1'humanité en général & de ma patrie en particulier. Je ne fuis ni pour. ni contre fes Francais ou les Anglais; je ne fuis que le rapporteur d'un grand procés ; & je ne fais qu'expofer les pieces des deux par. ties au grand tritunal des nations Si je parais défendre avec zele la caufe des Américains, c'eft paree que j'ai les raifons les plus fortes de penfer que 1'objet en eft jufte, le fuccës fü- & le* fuites de la derniere importance. Si j'fcvfifte fi fort fur une alliance entre notre République & eet Ëtat naiffant, c'eft paree que je crois que tout bon citoyen eft oblige de publier les obfervations, qu'il juge utiles a fa patrie. Tout ce que je dis fur eet important ohjet eft appiiyé fur des obfervations, dont je défie les plus ardens Angloraanes de p.ouvoir infirmer la vérité. Tome l. K  C 146 ) On m'a communiqué & 1'on m'adreffe encore tous les jours de nouvelles queftions fur eet intéreffant fujet: Vous pouvez étre affuré qu'il n'en cft.aucune a laquelle je ne fois en état de donner des réponfes fatisfaifantes & fans répilque. Ceux qui m'ont fait des queftions è eet égard, peuvent me démentir devant le public, notre juge commun, en publiant leursobjecfions dans toute leur force. J'ai bien des chofes encore a développer, & j'ai tant de matériaux pour établir ce que j'ai entrepris de prouver fur des fondemens folides, que je ne doute pas de porter la con„ vidïion dans les efprits les moins crédules. Mais, comme le plan que j'ai adopté joint k mes autres occupations , m'empêche d'offrir a Ia fois un objet fi fertile en obfervations, je crois devoir m'arrêtter quelquefois fur des points dont certaines circonftances demandent un prompt développement. „ Les Ambalfadeurs de France & d'Efpagne, di„ fent les papier.s publics, ont tous les jours de fré„ quentes conférences avec les principaux Chefs du „ Gouvernement. On a bien des raifons de penfer „ qu'il y a fur le tapis le projet d'une alliance of„ fenfive & défenfive contre 1'Angleterre. " J'ai déja montré par quelles raifons, cette alliance entrainerait indireélement la reconnaiffance de 1'indépendance des Etats - Unis de 1'Amérique. Pour développer d'une maniere plus détaillée, les grands avantages d'une pareille démarche, fuppofons qu'un homme inftruit foit admis dans les affemblées politiques ou font difcutés les grands intéréts de la nation. Qu'on me permette de lui mettre dans la bouche ce difcours fuivant , qu'il prononcerait avec la fermeté d'un citoyen & le refpecl: d'un fujet. Après leur avoir donné les titres prefcrits par 1'ufage. ,, H. & P. S. Vous avez, leur dirait-il, trop de lumieresdanslafcience politique & trop de zele pour la patrie, pour n'avoir pas remarqué tous les efforts des Anglais, pour dérober a la République & a 1'univers entier la iituation réelle des affaires de 1'Amérique. Les fauffetés les pluspalpables, les menfonges les plus ab- 'fur-  ( 147 ) furdes, même dans les déclarations Royales ou Mi-s nifterielles, ou toutes les expreffions devraient êtra pefées, ne leur ont jamais rien couté, pour arriver a ce but défiré. Les Miniftres n'ont ceffé, dcpuis fept ans, de répandre par mille petits manéges & de faire dire folemnellement au Roi du haut de fon tröne , que les Américains étaient fur le point de rentrer fous le joug & de fecouer la tyrannie de leurs chefs. De quel front ne faut il pas être armé , pour ófer promettre une conquête qui devient tous les jours plus difficile & taxer de tyrannie une aflemblée,qui n'a qu'un pouvoir précaire & toujours dépendant de la volonté de ceux qu'on 1'accufe de tyrannifer ? " „ II eft de la plus grande importance , que toutes les Puiflances foient convaincues que la conquête de 1'Amérique eft non feulement difficile, mais abfolument impoffible. Elle eft impoffible par les caufes phyfiques & morales que la faine politique ne doit jamais perdre de vUë. Les Généraux Anglais avouent unanimement qu'il n'y a pas de pays plus fort pour la défenfive. Les deux fameux Howe & le malheureux Burgoine (*) fonc d'accord fur ce point. Leurs plus ardens adverfaires ont même été obiigés de convenir que ce pays était perdu ajamais pour 1'Angleterre (**)." Les f*) Voyez leur Compte rendu fur ce fujet: nous en extrairous les principaux détails dans les difcuffions fuivantes. (*') Voyez 1'ouvrage imitulé , A vieuw of the Evidencè refativé tb the conduct of the American war under Sir IFilliam Howe, Lórd Vifcount, and General Burgoine, as given bcjore a Committee of the houfe of Commoiis. L'Auteur de ce rapprochement des divers tdmoignagesrendus fur eet objet, apiès avoir fait tous fes efforts pour faire tomber le blame des Reversj publics fur la mauvaife conduite des généraux, ne peut s'etnpécher de termiuer fon ouvrage par ces paroles remarquables: The cor.fequences of thh unaccountaly weak and voretched conducï are, tbirty thoufand brave men deftroyed, tbbly millions of mo: ney expended; thirteen Provinces lofl ; and a war with K 2 tbt  C 148 ) Les caufas morales font dans les difpofitions générales du peuple. II n'eft gueres poffible que ces dispofitionspuiffent changer; paree qu'elles fontappuyées furies motifs les plus grands & les plus puiftans. Les Américains afpirent a 1'avantage fi flatteur de figurer parmi les nations libres & indépendantes. Ce motif, capable de changer les hommes en héros, ne repofe pas fur lê defir vague d'un honneur plus brillant que folide. Us favent, que ce n'eft que par 1'indépendance qu'ils peuvent s'afiurer 1'avantage fi féduifant pour ceux qui l'ont déja goüté, de fe donner les formes de gouvernement qui leur font le plus agréables. Ce n'eft que, par 1'indépendance qu'ils peuvent s'afiurer 1'avantage inappréciable de rendre tous leurs ports libres & de s'ouvrir ceux de toutes les autres nations. Leurs efprits altiers ne pourront jamais foutenir 1'idée d'être réduics aux bornes étroites du monopole tyrannique , oh 1'Angleterre les avait circonferits jülqu'alors, al'opprobre d'un vafte continent & au préjudice du refte de I'ünivers." „Les Américains, quoiqu'attachés aux maximes de la tolérance religieufe , ne laiflent pas d'avoir un zele ardent & particulier pour la Presbitérianifme qui eft la religiotr du plus grand nombre. Qu'il me foit permis de remarquer, enpaffant, combien ce fentiment les attacherait a un pays comme le nötre , oh cette méme religion eft la dominante. On n'a qu'a jetter les yeux fur leurs papiers publics ; on voit qu'ils penfent généralement & que leurs Miniftres travaillent adroitement a les confirmer dans 1'idée, qu'ils combattent non feulement pour le maintien de leur liberté civile; mais encore pour les principes de la liberté religieufe. Us re- tbe wbo/e boufe of Bourbon; c'eft. a-dire. ,. Quellesfont „ les fuites de cette conduite faible & déplorable? Trente „ mille hommes perdus, trente millions fterling* facrifiés „ inutilement,- treize Provinces échappées pour toujours „ de nos mains, & une guerre avec toute la maifon de „ Bourbon."  C «40 ) regardent leurs conftitutions nouvelles comme les mieux adaptées a ce but cher & précieux. Us regardent 1'indépendance comme un dépot facré que 1'Etre fuprême leur a confié. Ils croiraient trahir la caufe de la patrie & de leurs defcendans, s'ils laisfaient échapper un avantage fi précieux , dont la jouiflance entiere & tranquille leur paratt prochame. Ils fe regardent comme combattant pour fe garantir du plus grand des maux. Us ne peuvent fe diffimuler que, s'ils rentrent jamais fous le joug de 1'Angleterre , elle mettra tant de bornes a leurs privileges • & que le gouvernement militaire qu'elle. ne pourra s'empêcher d'v établir, aggravera fi fort le joug de 1'oppreffion , qu'ils deviendraient les plus malheureux & les plus vils des Efclaves. Rien n'eft capable de les féduire. Us fentent qu'en trahiffant leurs alliés, non feulement ils feraient regardéspar 1'Europe & par 1'Univers comme les derniers des humains; mais que les promeffes les plus folcmnelles feraient de vains garans contre la néceffité toujours fubfiftante de prévenir denouveauxfoulevemens, par toutes les mefures defpotiques, que la prudence ambitieufe peut imaginer." „ Expoferai-je aux de politiques fi judicieux les motifs de refientiment & de la vengeance, qui font fur le cceur humain des impreffions fi profondes & fi difficiles a déraciner? Les Ecrivains, foudoyés pat le Miniftere Anglais, font obiigés d'avouer que les excès commis fur les Américains ont dü porter ces fentimens au plus haut dégré de fureur (*), Les Américains n'oublieront jamais les manoeuvres imaginées pous renverfer de fond en comble les (*) Les malheureux Américains, dit Ie falarié MiniUériel Galloway (Letters te a Nobleman) apris [avoir ■prêté ferment , étaient pillés par la foldatefque. Leurs ,femmet & leurs filles étaient la proie violente de f infame brutalité des derniers des humains : amis & ennemis étaient iiidifiincïémeut. les viSimes de ces traitemens bar' harcs. K 3  C iSo ) les conftitutions h Pömbre defquelles ils ont été élevés,les tyranniques efforts tentés pour les taxer fans leur confentement, Ia fureur impitoyable avec laquelle ón a brülé leurs habitations, maflacré les habitans, fait périr leurs prifonniers de mifere outragé Ie fexe dont 1'honneur eft Je plus grand avantage, excité les fauvages au maffacre , fuborné les Efclaves négres pour égorger leurs maitres. Si ces horreurs ne fuffifent pas pour infpirer une haine funeufe, implacable; qu'on dife, par quels autres exces on pourrait exciter ces feminiens? „ L'amourde la liberté, Ie zèle de la religion, 1'intérét du commerce, la foif de vengeance, 1'ardeur de relfentiment; avec quelle énergie, de fi puiffans moufs ne doivent ils pas agir fur des cceurs fenfibles & altiers? 11 ferait donc abfurde d'imaginer qu'ils rentrent jamais volontairement fous le joug." „Les caufes phyfiques que nous avons indiquées, lufhlent pour demontrer, qu'ils ont tous les avantages pour fe temr au moins fur la défenfive & faire echouer les plus grands efforts de leurs ennemis." ,, Outre ces caufes intérieures qui s'oppofent a la réduthon de 1'Amérique, il convient de ne pas perdre de vuë les caufes extérieures. Je veuxparlcr de 1'in. téret qu'ont les Puiflances Fnnemies de 1'Angleterre, de s'oppofer a jamais a une réunion qui ne manquerait pas d'entrainer les conféquences les plus fatalcs pour le mainticn de leurs pofleffions dans les lndes cx pour la liberté de leur navigation." ■ „ Quand même , dit un Auteur Anglais , quelque miracle opérérait la réduftion de 1'Amérique, comment pourrait-on è une diftance de mille licues, conferver la pofleffion d'un pays qui s'étend fur une cote de joo heues dans un enfbneement, dont perfonne ne faurait calculer 1'étendue ? Toutes les forces, je ne dis pas de la Grande-Bretagne, mais celles de 1'Europe entiere pourraient-elles y fuffire? Dans ce cas même la Maifon de Bourbon aurait atteint fon but: Elle a fans doute penfé qu'il eft encore poffible que 1'Angleterre abandonne entierement cette guerre y mais en voyant les forces Sri-  C 151 ) Britannique» fe porter tout entieres fur Ie Continent de 1'Amérique , on la verrait bientót changer de conduite; cn verrait fon inacbon fe changer enaéhvité Elle déployerait alors tous fes efforts. Au lieu de s'arrêtter aux branches , elle dirigerait tous fes coups a la racine de 1'arbre: Elle porterait aux Anglais des coups d'autant plus fenübles , qu ils icraient fans défenfe , par la néceffité de confumer toutes leurs forces a la défenfe de ï'Aménquc.' 1 Suppofons même un prodige encore plus grand qu'une conquête forcée; une reddition générale & volontaire de la part de 1'Amérique. ' La Mailon de Bourbon ne ferait-elle pas encore un grand obltacle a cette reddition ou a la paix ? Un pays capable d'une foumiffion auffi Mche, deviendrait auffitót le théatre de la guerre la plus fanglante. Elle ferait la femme dont les membres furent déchirés par les. amans qui s'en difputaient la jouiffance. La Maifon de Bourbon courait tous les rifques d'une guerre extréme , avant de confentir a cette funefte démarche " „ II ne faut pas s'aveugler: L'indépendance de 1'Amérique fera toujours regardée comme le grand point de la queftion. La France & 1'Efpagne ne peuvent accepter de paix, qui ne foit irrévocablement |appuyée fur la bafe de l'indépendance Améncamc. Leurs intéréts les plus effentiels exigent cette grande féparation ; leur conduite a eet égard ne s'eft pas encore démentie. A peine le Congrès eut donné une fanétion folemnelle a fon indépendance , que les Agens Américains furent recus & reconnus a Paris. Li France ne craignit pas d'avouer formelle. ment dans fon manifefte a la Grande-Bretagne & a I'ünivers, que cette indépendance était la baze de fon alliance avec 1'Amérique." L'Angleterre , n'ayant, cependant, pas encore laiflë percer le moindre penchant a condefcendre a cette démarche, il faut s'attendre aux inconvéniens d'une guerre longue , ruineufe & fanglante : puifque chacune des Puiffances belligérantes, agit d'après des principes fi oppofés & d'une importance fi gran- de. Nous devons donc nous attendre, méme en K 4 nous  C 15») nous réconcihantavec 1'Angleterre, k voir notre navigation encore expofée pendantlongtems aux violences & aux Brigandages maritimês." Quand 1'Angleterre ne nous aurait pas forcés aprendre parti contre elle , quand nous n'aurions d'autre intérêt que de travailier k accélerer le retour de la paix, quel meilleur parti pourrions-nous prendre que de faire caufe commune avec les Etats qui ont les plus grandes reffources & font les plus eJo:gnes de 1'épuifement? Pouvons nous opter enre 1'Angleterre feule & diminuant en reffources & ! Amérique affiftée de deux puiffans alliés, & croisfant tous les jours en forces & en richeffes." ; « Après avoir prouvé que nous n'avons rien acraindre en nous ailiant avec 1'Amerique, qu'il me foit permis d'mciiquer les importans avantages que nous procurerait cette alliance. " , „ il eft certain que nous fommes plus intereffésa 1'indépendance Américaine, quela France & 1'Efpagne. „Comme nous fommes une puiffance inférieured'Angleterre ferait bien plus tentée d'abufer envers nous de l'.ffrayanre fupériorité que le recouviement de 1 Amérique lm procurerait. Nousn'avom pas befoin de creufer dans 1'avenirpour concevoir des alaimes: nous n'avons qu'a jetter les yeux en arriere,fur Ie fyftême de conduite, que les Anglais ont tenu conftamment notre égard en remontant jufqu'au berceau méme de la République. Nous n'avons méme qu'a jetter les yeux fur Ia conduite qu'ils ont tenue aSt Euftache, en confisquant les propriétés particulieres des habitans. Quelle nation fauvage ou barbare, dit a cette occafion , un de nos meilleurs papiers publics, (*) pouffa plus loin 1'affreux droit de conquête? Par quel renverfement de toutes les notions communes, peut - on traiter ainfi des hommes, qu'on a forcés dmvoquer la prétendue magnanimité Britannique? Que ne doit-on que pas craindre d'une nation capable u'ajouter ainfi 1'outrage a la violence?" „Enfaifant alliance avec les Etats-ünis & par con. /*: i. . n féquent  053) féquent caufe'commune avec la France & 1'Efpagne, nous fommes, non feulement en état de nous vanger; mais nous retirerons encore les avantages les plus g'iod L'accélération ee la paix fi néceffaire è notre commerce. „ 20. L'abaiiTement d'une puiflance maritime, qui nous a toujours tenus en échec fur 1'élément qui eft la fouree de notre exiftence politique^ 30. Par une conféquence naturelle, 1'extenfion de notre Navigation & de notre Commerce, que le traité ébauché avec 1'Amérique nous montre d'une maniere. fcnfible." • „ 4°. Des forces nouvelles pour faire échouer les defieins des Puiflances envieufes de notre profpérité, „Pour montrer que nous ne faurions trop hater notre démarche. jettons un coup-d'ceil fur la politique qu'on peut fuppofer a la France." „ Cette monarchie, fi déchue & O mépnféei Ia mort du dernier Roi , devenue fi refpeöable & fi puiffante depuis fon alliance avec 1'Amérique, doit avoir de grandes vuës d'ambition; elle projette. fans doute, de fe procurer la fupériorité en Amérique & d'attirer a elle les branches les plus fertilesdu commerce de cette partie du monde. Cette politique eft bien naturelle & bien pardonnable è une puiflance qui a déployé les premiers & les plus grands efforts en faveur des infurgens. Le projet d'une indemnifation femblable eft trés légitime, & ferait adopté par toute autre nation qui le trouverait dans le méme cas. La France a dü voir, par la prife de St. Euftache, combien elle fe trompait en croyant fournir a 1'Amérique feptentrionale , les principaux articles de 1'induftrie Européenne. Elle cherche donc tous les moyens^ de s'afiurer les avantages qu'elle penfe lui être dus. On fent combien nous fommes, par cette confidération, des Rivaux redoutables pour elle. Elle a donc, è eet égard, peu de raifons de nous voir entrer dans la méme c arriere & dans les mêmee liaifons avec 1'Amérique. L'ne autre raifon,c'eft qu'elle ne peut fedifiimulerque -notre alliance avec elle la priverait de 1'efpoir de K j gar-  C 154 ) garder les conquétes, qu'elle ferait des poffeflions que les Anglais nous auraient enlevées." „ Puifque nous fommes plus intéreffés a accéder k cette alliance, que la France a nous y attirér, c'eft donc a nous de faire le premier pas.Notre offre ne'ferait pas rejettée. Nous ferionsdès«lors affurés des avantages du traité de Commerce, dont quelques -uns de nos patriotes éclairés ont déja pofé les fbndemens. Dès-lors toutes nos poffeffions font garanties. Nous pouvons méme ftipuler le recouvrement de toutes celles, que les Anglais nous ont enlevées dcpuis le commencement de la guerre. D'après la claufe néceffaire de ne faire aucune paix fans le confentement de chacun de confédérés, n'auri ons-nous pas encore 1'efpérance de nous faire reftituer tous les effets qui, depuis le commencement des troubles, ont été la proie des brigandages Britanniques?" „ Une paix particuliere avec 1'Angleterre rétablitait-elle nos affaires? Non feulement nótre Commerce & notre navigation continueraient a éprouver les mêmes attaques par la continuation de la guerre: on fent que nousferionsdès-lors en bute au reffentiment des puiflances ennemies de 1'Angleterre & au mépris de toutes celles qui font neutres. L'Amérique fe vengerait en nous éloignnnt de fes ports. La France & 1'Efpagne nous puniraient en nous retirant les privileges qu'elles nous ont accordér. Les puiflances, qui compofent la neutralité armée, faifiraient'toutes 4es occafions de nous faire repenrir de lalenteur avec laquelle nous les avons 'imitees Nous ferions la fablë du refte de 1'Univers. Après avoir perdu toute confidération nationale, nous ne tardelions pas a perdre notre exiftence politique." ' ■1 f Les difpofitions de l'Auguftelmpératrice de Ruflie font connues. On ne doute plus a préfent qu'elle ne foit difpofée en faveur de 1'Amérique; Peut-être jugerait elle dc fon' mtérét de traverför nos liaiföns avec ces nouveaux Etats. Cette confidération ne doit avoir d'autre effet fur nous, que de nous enga-  £ C T55 ) ger a ha^er cette démarche. Quand le pas ferait franchi, cette illuftre Souveraine ne manquerait pas d'imiter notre exemple , paree qu'elle a le Génie trop profond pour ne pas voir, qu'il n'y aurait plus alors de meilleur parti pour elle". Qu'attendons nous? Le peuple eft dans les meilleures difpofitions. II brule de rencontrer des occafions de vanger nos longues injures. Notre ïllustre Stathouder ne peut plus fe fermer les yeux fur le vérkable intérêt de la patrie, qui eft le fien. Le danger commun doit réunir tous les membres divilés de 1'Etat." ... . . jRappellbns'nous, que nous avonsite dans la même 'fituation, que ces nouveaux Etats qui combattent pour 1'indépendance & la liberté- Que ferionsnous devenus , fi nos voiflns, avant de fe dècider en notre faveur , euffent minutieufement calculé toutes les petites confidérations, qui pouvaient les retenir; s'ils ne s'étaient pas attachés a un grand noint celui d'humilier &,d'abaiffer une Empire trop nuiffant & trop redoutable pour leur füreté. Ainfi tout nous engage k nous déclarer ouvertcment en faveur de l'indépendance Américaine. La vengeance 1'intérêt, 1'honneur, tous les fentimens qui peuvent mouvoir un Etat, fondé comme le notre fur la Liberté & le Commerce. ; ' Les Anglais fe font fans-douteimagines, que nous n'o'ferions jamais nous porter a une démarche, qui ferait décifive contre eux. C'eft ainfi qu'ils joienent conftamment le mépris a la violence. Délabufons les d'une maniere terrible. Montrons leur, que nous n'avons tous plus d'autre intérêt que celui de la patrie. C'eft ce qu'attendent les meilleurs citoyens; c'eft ce qu'attendent 1'Europe & I'ünivers qui ont' les yeux fixés fur nous." Chap»  CHAPITRE XIII. Sur 1'influence que le patriotifme des femmes pourrait avoir dans let circonftances prifentes. Ona fouvent dit que les Femmes étaient comme les marchands, qu'elles i,'avaient point de patrie. Je P™1 Pas, mon tems a citer tous les traits de Uiiitoire Belgique qui démentent le dernier membre de cette propofition. H eft certain, comme Ie remarque un de nos Hiftoriens, qu'il n elt aucun pays oh les femmes fe foient fignalées par tant & de fi grands traits de courage patriotique Elles endofferent la cuirafle & ceignirent plufieurs fois I'épée pendant les tems critiques oh dans Ie iein du pays méme, nous avions a combattre contre le despotifme & la tyrannie. Le même Auteur remarque a ce fujet, que ces traits ne lont point etonnans dans un pays oh les femmes, °""e la fenfibilité naturelle k leur fexe, ont la taille & la force des hommes. Heureufement nous ne reverrons plus le tems, ou les femmes dc ce pays feront obligées de s'armer du fabre & de combattre fur la brèche. Maïs dans les circonftances penlleufes, ne peuvent elles pas fervir la patrie par d'autres moyens ? Qu'on «fe rappelle les exemples que nous offrent, a ce fujet, les Repubhque anciennes. La, au moindre befoin de la patrie, toutes les citoyennes lui offraient avec joie le bacnfice de tous leurs ornemens; & les diamans, les pierres précieufes qui paraient les femmes, étaient, dans tous Ie tems, regardés par la République comme une partie de fon tréfor. Quelle parure pour les femmes Romaines que le dueil qu'elles pnrent toutes è la mort de Brutus! Les hommes ne fe paffioneront jamais pour la liberté, fi leurs femmes la regardent avec indifférence. Cette belle moitiédu Genre-humainpeut faire beau coup par 1'em- pire  ( 157 ) pire puiflant & légitime qu'elle a fur Ie cceur des hommes. On a beau faire, la nature a voulu que 1'homme préfer&t a tout le bonheur que les femmes lui donnent. II y a en nous un fentiment dont elles fe ferviront toujours d'une manicre {ure, pour nous infpirer tous ceux qu'elles ont intérêt de nous donner. Elles ont 1'empire d'une paffiön avec laquelle elles fe rendront toujours maitreffes de toutes les autres. L'Homme elt naturellement indocile & rebelle, il fallait qu'il füt fort; & fa force & fa fierté ferment fon ame k tout ce qui veut y pénétrer pour modérer fes pafflons & fes volontés. Mais il eft un être doux & facile, que la nature femble avoir fait pour la foumiffion, & que le Légiflateurpeut former & fagonner k fon gré. Aflez faible pour recevoir toutes les impreflions qu'on veut lui donner, elle eft toute puiffante, pour communiquer enfuite a 1'homme toutes celles qu'elle a re • cues. Ce mélange furprenant de force & de faiblefle, eft furement une des grandes Lois de la nature dans fes vues & dans.fon plan fur 1'efpece humaine: c'eft fur cette loi naturelle que doit être élevé tout le fyftême de la légiflation fociale. On lit avec admiration 1'Hiftoire de Polygone dans la vie de Théfée. Si 1'on remarque les adorations & les hommages que recevait la beauté dans cette ville d'Athenes, confacrée a une Déefle qui était ladivinité de la fageffe, on reconnaitra peut'-être fanspeine, combien les femmes ont contribué a rendre les Athéniens une nation libre,grande & refpc&able. Communément nous ne croyons devoir aux femmes que notre bonheur: on voit que nous leur fommes encore redevables de nos vertus. C'eft une chofe qui n'a jamais échappé au génie pénétrant des fages légiftateurs de 1'Antiquité. Nos politiques modernes, qui profeflent le plus grand mépris pour ces vieilles légiflations, ou s'on occupait de mceurs & de vertu, ne voient pas fans pitié le légiflateur Licurgue s'occuper profondément de la maniere, dont les jeunes Lacédemomennes recevront les carefles de leurs époux. Mais Ei-  ( IJ8 ) Licurgueïavait que le légiflateur eft, pour ainfi di* ré, un Prométhée qui doit créer des hommes & que 1'amour eft le feu du ciel, donc il doic fe fervir dans cette créacion. Après avoir montré fur ces obfervations, qu'elle influence la conduite des femmes peut avoir fur le courage des hommes même qu'elles ont amollis, nous jetterons les yeux fur 1'exemple qu'elles donnent en Amérique. L'illuftreEpoufe du Général Washington était faite pour donner eet exemple. La lettre circulaire qu'elle a écrite aux perfonnes de fon fexe, ayant produit les plus grands effets, nous n'omettrons pas une piece fi propre a donner de 1'éclat, aux affaires dont nous avons entrepris la difcuffion. Cette piece qu'on a lue dans les Eglifes fous ce titre; Sentimens d'une Américaine, eft de la teneur fuivante. „Aumoment que la guerre aftuelle a éclaté, les femmes de 1'Amérique manifefterent leur réfolution de contribuer, de tout leur pouvoir, k la liberté de leur patrie. Animées par les fentimens du patriotisme le plus pur, elles font pénétrées de douleur de ne pouvoir offrir que des veeux ftériles pour le fuccès de cette glorieufe révolution. Elles brülent d'avoir une occafion d'être plus utiles: Ce fentiment eft univerfel, depuis les extrêmités feptentiïonales jufqu'a celles du midi des treize Etats-Unis. Cette noble ambition eft excitée par 1'exemple éclatant de ces héroïnes de 1'antiquité, qui ont illuftré leur fexe, & montré a 1'Univers que fi notre faiblefle, fi lespréjugés &les ufages nous empêchent d'entrer, comme les hommes, dans la carrière de la gloire militaire, nous pouvons les égaler & quelquefois les furpaffer dans notre zèle pour le bien' public. Je crois devoir m'énorgueillir de tout ce que mon fexe a fait de grand & de recommandable. Je me rappelIe avec admiration & enthoufiafme tous les traits de courage, de conftance & de patriotifme que 1'hiftoire nous a tranfmis. Le peuple chéri de Üieu a renverfé la tyrannie par la vertu, la valeur & le zèle d'une  C 155 ) d'une-Deborah, d'une Tudith, d'une Efther! L'héroïfme de la mere de Machabécs en confentant a voir fes eufans mourir a fes yeux, Rome fauvée de la fureur d'un Ennemi viétorieux par (les efforts d'unVolumnie,& des autres Dames Romaines; tant de fieges ou les femmes ont paru oublier la faibleffe de leur fexe , travaillant a relever des remparcs, creufer des foffés, donnant des «armes aux combattans, lancant elles-mêmes des traits ennemis contre les afMlans, dépofant les omemens de leur parure & leurs tréfors pour remplir le fifc public & accelererla délivrance de leur pays: s'enfeveliffant ellesmêmes fous les ruines, fe précipitant au milieu des Hammes,pour ne pas êtreexpofées auxoutragesdun Vainqueur infolent." , ' ,. , , Nées pour la liberté, dédaignant de porter les fers d'un gouvernement tyrannique, nous ófons nous affocier a la grandeur de ces.Augufr.es Souveraines qui'ont tenu avec tant d'éclat les fceptres des plus grands Etats, aux Batildes, aux ElisabEths, auxMARiEs,aux C at her in Es, qui ont mis leur gloire d étendre le regne de la liberté, n'ont voulu regner que par la douceur & la juftice, ont bri/ê les fers de l'Efclavage , forgês par des tyrans dans les Jiecles de IHgnorance 6f de la barbarie (*). Ne voyons nous pas, aéluellement, les Dames Efpagno]es faire les facrifices les plus patriotiqu.es, pour augmenter les reffources de leur Souverain? Ce monarque eft 1'ami de la nation Frangaife. Ce font nos alliés. "Nous croyons être ainfi doublement obligées de rappeller, que ce fut une jeune Fille, qui ralluma en France la flame du patriotifme, que de ]ona;s revers avaient éteint dans le cceur de fes Concitoyens. Ce fut la Pucelle d'Orléans qui chas- (*) II n'eft rien de comparable a eet éloge fublime & délicat de 1'Augufte Souveraine, dei Ruflïes , donné par des femmes, par des citoyennes, qui font par conféquent incapables de ilatterie.  fa du Royaume de France , les Ancëtres de ces mêmes Bretons dont nous venons de fecouer le joug odieux; & que nous devons chafler de tonte 1'ctendue de ce continent. " [La Suite au N: procbain.] Ces Feuille» périodiques paraifTent régulierement, toui les Lundis d Amfterdam , chezj. A.Crajenfcbot; d Haar. lem, Chez Walree ; d Leide, chez Luzac & van Damme & Les Freres Murray; d la Haye, chez J. van Cleef, La FeuveStaatman, & Plaat; dGouda, chez Fan der Klos; dRotterdam, chez Bennet & Hake, &J.Bronkhorfi; d Dordrecht, chez Blufi; a Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leem. borst; è Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, Chez Fan Goor; d ArnbeOt, chez Troost; d Bois-le Duc. chez g.H.Pallier, & chez les principajux Libraires des  L E POLITIQUE N°. XI. LUNDI, ce 23 AVRIL, 1781. Suite du Chapitre XII. fur finfluence que le Patri»tifme des femmes, pourrait avoir dans les circonftances prêfenteit . r? nfin je dois m'arréter a ce petit nombre dé " tii traitshéroïques. C/ui fait,files perfonnes portées a critiquer, quelquefois trop feveres k notre égard, ne trouveront pas mauvais que nous foyons fi bien inftruites des actions dont notre fexe a droit de fe vanter? Au-moins fommes nous certaines qu'on ne faurait être bon citoyen, fi 1'on n'applaudir. aux efforts que nous faifons pour foulager les troupes qui défendent nos vies, nos pofleffions, notre liberté. La condition de nos foldats a été mife devant nos yeux ; on m'a repréfenté les inconvéniens inféparables de la guerre , & le courage généreux avec lequel nos foldats les ont fupportés. On a dit' qu'il ferait a craindre que, dans le cours d'une longue guerre, on perdit de vue les maux qu'ils esfuyent, & que leurs fervices ne fuffent oubliés. Oubliés . jamais! Je puis leur répondre au nom de mon fexe. Braves Américains! votre defintéreffement, votre courage & votre confiance feront toujours dans un tendre fouvenir en Amérique, tant qu'elle confervera des vertus." Tome I. L „Nov»  C 162 ) „ Nous favons qu'étant éloignées du théêtre de la guerre , la fecurité dont nous jouiffons eft le fruit, de vos veilles, de vos labeurs , de vos dangers.' Si je goüte le bonheur de vivre au milieu de ma familie ; fi mon mari cultive fon champ cc fait fa récolte dans la plus grande fécuritë, fi environnée de mes enfans, le plus jeune eft pendu a mon fein fans que je craigne qu'un féroce ennemi vierne troubler cette félicité; fi la maifon eu nous demeurons, fi nos terres, fi nos jardins, font acbuellement hors de toute atteinte de la part de ces incendiaires, c'eft a vous que nous en fommes redevables ". ,, Héfiterons - nous de vous tëmoigner notre reconnoiffance ? Héfiterons nous de retrancher fur nos habits cc fur notre parure, quand ces legéres privations pourront nous mériter vos bénédictions ? Qui, parmi nous, ne renoncera pas, avec Je plus grand plaifir, a ces vaias ornemens; quand il verra que les braves défenfeurs de 1'Amérique pourront tirer avantage de 1'argent que nous aurions employé h des parures futiïes; qu'il leur fervira pour fe garantirdes rigueurs dela faifon , qu'après leurs travaux pénibles ils en tireront un foulagement extraordinaire & inattendu; que peut-étre ce préfent leur paroitra d'une plus grande valeur, paree qu'ils pourront dire: il nous vient 'de la main des 'Dames. II eft tems de faire éclater ces fentimens qui nous animerent, au commencement de la révolution ; lorsque nous renoncames a 1'ufage du Thé qui flattait fi agréablement notre geut pfhtót que d'en recevoir de nos perfécuteurs; lorfque 'nous leur donnames apenfer que nous regardions les autrts commodités de la vie, comme des chofes fuperfiues, dès qu'il s'agiffait de, notre liberté^ quand nos mains Républicaincs filerent le chanvre, & préparerent les toiles deftinées, a 1'ufage de nos foldats; quand exilées «Sc fugitives , nous fupportames avec courage tous les-maux inféparables de la guerre. Ne perdons/ pas un moment, Eortons'Thommage de notre  ( I63 ) J tre reconnaiflancc fur 1'autel du courage militaire. Et pendant que des efciaves mercenaires combattent pour vous attircr dans les fers dont ils font chargés, ó vous heureux defenfeurs de la liberté, recevez d'une main libre, Vpiïje la plus purë qui pouvait être offerte a votre courage par une .Américaine." Amfi penfent, ainfi parient, ainfi agiffent les femmes de 1'Amérique. Jettons les yeux fur cette Angleterre qui s'elt rendue 1'Ennemie de tout 1'Univers On y a vu les femmes former des efpeces de confédérations, pour faire armer centre les Ennemis de 1'Etat. Cependant quel eft le pays au monde oh les femmes ont donné plus d'exemples dczèle patriotique que dans les Pays-bas? Si nous ne fommes pas encore réduits a des extrêmités, qui exigent qu'elles faffent a 1'état le Sacrifice des ornemens qui cmbelliflënt la beauté; au moins peuvent-elles faire beaucoup en fe rempliffant des plus ardens fentimens de patriotifme. qu'elles feront paffer dans les cceurs des hommes. On fent combien, dans un pays libre, 1'opinion publique a de pouvoir fur les déterminations de 1'Etat & fur ie zeie de ceux qui' font deftinés a Ie fervir. Suite du Chapitre XI. fur P Indépendance de VAmérique & parliculierement Jur let fuites qu'elle doit avoir en Europe. Je recus 1'r.utre jour, une vifité imprévue de mon Anglomane. II avait Pair courroucé. Je fuis fort étonné me dit-il", du róle que vous me faites jouer aux „ yeux du public. Il circule depuis quelque tems ,, certaines feuilles hebdomadaires fur les affaires ,, générales: ou je me trompe fort, ou jai tout lieu „ de penfer que c'eft moi que vous y eéfignez fous „ le perfonnage d'Anglomane. En un mot n'étes„ vous pas l'Auteur du foi-difant Politifyè IfAian* „ dais? Je crois y avoir vu des preuves fenfibles que „ vous trahiffez la confiance que j'avais en vous. „ II ne convient pas d'abufer de la forte des ex„ preffions échappees a une familiarité intime & HL 2 f „ bïu  C 164 ) ,, bre. Je ne faurais aller dans aucun endroit qu'oö „ ne me demande. avez-vous lu le Politique lloliandais? La maniere dont on me regarde me ferait ., penfer que vous avez découvert votre fecret a „ tout Ie monde On dirait que pet ouvrage eft 1'ar„ fenal général de tout ce qu'on peut dire contre les „ Anglais. II n'y a pas jufqu'aux femmes qui fe s'ar„ rachent. C'eft fans doute pour gagner auffi leur s, fuffrage & répandrc plus lom la contagion que „ 1'Auteur s'eft inficlieufement attaché, dans plu5, fieurs occafions, a flatter la vanité de cefexe fri„ vole." Arrêtez, lui dis-je. quoique je ne fois pas un paladin & que je n'aye jamais été ftiléa expoferma vie cn champ clos pour 1'amour des belles, je ne fouffrirai jamais qu'on infulte en ma préfence cette aimable moitié du Genre-humain. Si je ne puis les dé endre en rompant des lances contre des Chevaliers mal - encontreux; j'ai dans ma plume une autre arme avec laquelle j'ai juré de les défendre jufqu'au dernier foupir. Quel bonheur ne leur doit on pas? Quel plaifir même, dans les maux & les chagrins quelles eaufent! En vérité je crois que 1'anglomanie infpire non feulement la haine des hommes, mais même celle des femme.-. Dieu me garde d'étre jamais atteint d'une fi funefte maladie! Quant aux autres reproches que vous me faites, aioutai-je, en quoi trouvez vous que j'aye abufé de votre confiance? Ai-jeattenué vos idéés, affaibli vos expreffions? Bien loin de vous défigner en rien qui püt vous faire reconnaitre; je ne vous ai pas même donné un róle ridicule. Bienloin de me confier vos obfervations fous le fceau du fecret, vous m'avez même fouvent fait des défis audacieux. C'eft peut-être bien moins une prétendue trahifon qui vous irrite , que le chagrin de vous voir refuté d'une maniere triomphante. Ce dernier reproche piqua vivement Mr. 1'Anglomane: car elle bleffait au vif fon amour propre qu'il préfere ainfi que bien de fes compagnons, a tous les autres jimours. ■ Puis-  C 165 ) Paifqae le premier pas eft fait, dit-ü, je ne m'oppofe point a ce que vous rendiez publiques les obfervations que je veuxbien vous développer. Mais vous êtes grandement trompé, fi vous croyez avoir établi votre objet fur des fondemens inébranlables, Ce que je vous ai dit n'eft rien en comparaifon de ce qu'il me refte a vous dire. J'ai bien d'autres queftions a vous faire; ce font autant d'otyeébons que je crois impoffible de réfoudre. Je fuis tellement affuré de cette impoffibilité, que je confens a me ranger fous vos étendards, fi vous me donnez des réponfes fatisfaifantes. Vous pouvez publier nos converfations dans vos feuilles, de la maniere dont vous avez-commencé. Te ferai ravi de fkïre un profélyte tel que vous, dis-je alors a Mr. 1'Anglomane Cela rendra le plus grand fervice a la bonté de ma caufe. La néceffité de vous répondre me donnera occafion de développer avec plus d'étendue la matiere qui eft aétuellement la plus intéreffante pour toute 1'efpece hu- maine. „ . , Vous avez raifon , me dit • il; il n eft point de queftion qui intéreffe plus vivement toutes les nations de la terre. 11 n'en eft aucune qui ne doive ftémir des fuites qu'aura pour elle la ré* volution de 1'Amérique, fi jamais elle s'effectuait. II n'en eft aucune qui ne foit intéreffée a 1'empècher dc tout fon pouvoir; & notre République en particulier ne faurait trop redouter ce rival naisfant, qui, par la nature de fa pofition, fera en état de lui ravir toutes les branches de fon commerce. Comme 1'Amérique contient en nature toutes les denrées que nous tirons du nord pour les porter au midi, elle fera feule, tout le cabotage & le Commerce interlope des deux Continents, & des Ifles du nouveau monde. Le lien qui uniffut 1'Amérique a 1'Europe étant rompu , toutes les autres colonies Européennes vont tomber au pouvoir de ces nouveaux Etats ou fuivre leur pernicieux exemple. Ce n'eft pas tout. L'Amérique, Maicreffe des épicéries, des mines d'or & d'argent , des pjerres précieufes & de plufieurs autres producbions indigenes, va L 3- nous  C I6ö ) nous foumetttre a un tribat que l'habitude & le délire ont rcndu néceffaire. La balance fera d'autant plus contre nous qu'elle peut naturaüfer toutes les producfions de notre continent. De la 1'Europe s'épuifant peu a peu & réduite enfin, par la raifere &la dépopulation, ou a plier fous le joug de 1'Amérique, ou a n'offrir que de vaftes déferts, habités par quelques hordes fauvages ou barbares: tandisque 1'Amérique ira fe peuplant dans tous fes points & fe remplilTant d'empires riches & brillans. Avez- vous ïu le mémoire que le i:,r. Pownal, ci devant Lieutenant Gouverneur du nouveau Jerfey a adrefl'é fur ce fujet aux Souverains de 1'Europe (*)? Voici le livre dit -il, en le tirant de fa poche. Quoiaue je fois biea loin d'admettrelesaffertionsextravagantesdecet Auteur, j'ajoute cependant foi aux malheurs qu'il annonce devoir réfultcr de cette revolution pour 1'Europe. „ La conftruélion des vaiflbaux, dit-il, & la navjga5, tion ont fait tant de progrès chez les Américains „ qu'ils peuvent conftruire & naviguer a meilleur „ comp- (*) Sousce tiire: AMctnorial totbe fovereigns of Europe vpon the prefent fffairs between the old and the New IVorld. Cet ouvrage cctic dans un ftile néologique & fingulier , rempli de pathos & de phrafes inintelligibles, ne laiffe pas de contenir les mironnemens les plus juftes & les connoiflances les plus ex^ftss fur 1'Etat de 1'Amériqne. On a raifon de penfer que 1'Auteur quoique connu depuis, a voulu fe cacher en adoptan; ce ftile: a peu prés comme 1'Auteur du Procés des trois Rois a deguifc lc fien par une continuité d'inverfions & par un Galimathias qui fait bail.' Ier en lifant cette btochure; quoique 1'Auteur foit plein de ce fiel & de cette méchanceté dont la lefture flatte fi fort, furtout quand les traits font lancds contre les Têtes ceintes du Diademe. Mais pour revenir a J'ouvragedu Sr. Pownal, les Anglais ont cru en devoir rendre la K'fture plus facile: ils 1'ont habillé d'un autre ftile fous le titre de Tranflation. Elle a été faite avec beaucoup de goüt: c'eft fans doute le même ouvrage traduit en Francpoisfous ce titre, kenfêcs fur la Révoluiion de l''Amérique - Unie extraites de Tou■srage Anglais, intitulé Mémoire adreffé &c.  „ compte que les Européens, fans en excepter les „ Hollandais, malgré toute leur économie. „ L'Amérique entrera en concurrenceavec la Bol. „ lande pourle frêt des vaiffeaux & 1'article dupois„ fon dans tous les marchés de 1'Europe. Le ris & „ le bied , dont les Américains auraient^ déja ap„ provifionné les marchés Européens, 11 l'Angle„ terre n'en avait point arrétté 1'exportation, fe„ ront tomber 1'Agriculture en Efpagne, en Por„ tugal , & peut être même en France. Les arti,, cles, que 1'Amérique a fournis feule jufqu'a pré„ fent & que 1'Europe reqoit avec avidité , affu„ rent déja aux Américains 1'avantage de ce com„ merce & les mettent en état de faire des affor„ timens plus complets & dès-lors plus avantageux. ,. Le poiffon de rebut, la farine, le maïs, les vian„ des falécs, les beftiaux & les bois de conftruc„ tion feront tranfportés par des vaiffeaux Ame„ ricains aux Indes Occidentales. Les vaifleaux de „ 1'Amérique iront encore en Afïique chercher des „ négres, qu'ils échangeront dans les Ifles a fucre „ contre les Melaffes. Us pourront encore fe char5, ger du tranfport de ces mêmes Ifles. Tant d'a„ vantages réunis leur donneront conftamment la „ fupériorité dans cette partie du monde. Le bon „ marché de leurs articles, le peu de frais du trans„ port, la vente avantageufe qu'ils feront de leurs vaiffeaux a leur arrivée en Europe, les faibles bé„ néfices dont leurs marchands fe contentent, fe„ ront néceffairement baiffer le prix de ces mêmes „ articles, obligeront les marchands Européens a fe „ réduire fur leurs bénéfices & occafioneront des „ réformes économiques dans la culture & dans le „ tranfport des articles que Fancien monde récolte. „ Pour comble de malheur, la politique que les A„ méricains auront de rendre leurs ports libres & de „ s'ouvrir les marchés de 1'Europe, 1'atteritionqu'ils „ auront de garder la neutralité dans les guerres, ,, 1'éloignement qu'ils montreront pour tous les dé„ melés politiques, & la multiplicité de leurs entreprifes dans les ports oh ils auront étéadmis, L 4 »> ame-  „ ameneront la confufion & la ruïne dans tous les „ pays de i'Europe & furtout dans ceux qui ne fub„ fiftent que par 1'exportation des denrées étrarigê- Ce n'eft pas tout „ un peuple majtre d'un Grand », Empire iur un Continent oh il eft feul, fouffri„ taif.il fur fes prcpres confins un IVIoncpole iëm„ blable a celui üe la Compagnie de Hudlon, lors„ qu'on 1'a vp tenter un paftage auNord-oueft pour „, les Grandes Indes? Des hommes qui fe font ou„ vert le commerce de la Baye de Honduras de „ celle de Campéche & du Golfe de Mexique; qui „ font allés jufqu'aux ifles Malouines, pour la feule „ pêche deJaBaleine, s'arrêtterontrilsauCapHorn? „ Ne doubleront-ils pas le Cap de Bonne-Efpéran5, ce & feront-ils longtems a fe montrer dans la mer „ du Sud & fur les cótes de la Chine ? Les Hollan>, dais qui n'ont aucun droit fur les Ifles a épices, „ les aqrent pour rivaux. Ces hommes entreprenans les leur difputeront & employcront contre eux „ les mêmes argujrffcns que les fept Provinces-Unies „ ont employés contre le Portugal. Les iïaifons „ avec 1'Europe donneront a 1'Amérique, une célé„ brité qui la fera connaitre dans toutes les parties s, du monde ancien.... On ne verra plus en Amé,, rique que des attraits qui invjteront a s'y établir: ., & les émigrations deviendront [générales. Les „ hommes, dont 1'efprit eft le plus en'ireprentjnt. „ & dont les vuës fopt les plus utiles, ieront les „ premiers a y paffer & y feront fuivis de leur 3, fortune. 11 y a longtems que les cpératiens de „ banque ont appris aux hommes d'Etat que les proj, priétés font auffi. libres que leurs maitres. Ef „ quant aux émigrations dont Ie commerce fpurnit „ encore les moyens, il n'y aurait pour les cirpé„ cher dans les gouvernemers de 1'Europe tu'im re„ tour abfolp a la tyrannie féodale, qui ïetintles hommes a la chafne <5c qui interdit aux Etrsngers ,, 1'approche dc leurs territoire^ Le principe fóndamental'de lAirérique," ajou. te 1'Auteur, „ doit étre de rendre fes ports lip're§ »> P0UL  C 169 ) pour toutes les nations du monde indiftinfté. ■menf T7n s'arraehant. ftri clement. a ee nrinri- " pe , fes Habitans doivent devenir avec le tems „ les pourvoyeurs du monde entier. Du moment qu eue cene a appartemr a uuc ucs rmncuicesue „ 1'Europe, fes articles de commerce pafferont li- brement dans tous les marchés de 1'ancien monde. „ Les fourrures de 1'un & 1'autre hémifphere y en„ treront en concurrence par la ceflation des ventes „ exclufives. La Suede a fouvent afpiré al'avan- tage de vendre exclufivement fes fers & les au„ tres objets néceffaires a la marine que fon fol „ fournit; & plus d'une fois 1'on a mis au nombre „ des hoftilités qui fe commettaient contre 1'Angle- terre, les mpyens qui étaient les plus propres a „ lui faire refufer ces objets, ce qui a déterminé „ le Gouvernement Britannique a accorder des pri„ mes pour les articles de cette efpece, que fes „ Colonies de 1'Amérique lui fourniraienc. Les fu„ jets des Etats-Unis, admis dans les marchés de „ 1'Europe y feront tomher cette efpece de Mo,', nopole. Les Ruffes, par la conquête ,de la Li- vonie & les progrès de leur civilifation, y font „ encore les maitres de cette branche importante „ de commerce. Ainfi les Puiffances du Nord f mt 3, elles-mêmes intéreffées a s'oppofer a 1'indépen,, dance de i'Amérique." Vpus ne recuferaz certainement pas le témoignage d'un Auteur fi félé pour les Américains. Loin de le recufer , dis-je après cette longue tirade, c'eft dans lui que je trouverai des armes pour vous combattre. Je 1'ai lu avec 1'attendon qu'il mérite. J'y ai trQuvé des obfervations qui montrent qu'il eft impoffible d'empêcjier acluellement l'indépendance de 1'Amérique. Ce nouvel Empire, ditil , tend a devepir un des plus grands & des plus pui flans dc la terre. II prend fa place au. milieu des nations : Video J'olem orientem in occidente. 11 eft de droit de fait une puiflance in> dépendante. Quelques raifonnemens qu'on fafle, quelques traités que 1'on puifle conclurc, quelques L 5 guer-  guerres que 1'on entreprenne, le droit & le fait demeureront intacts, Autant vaudrait-il combattre oü , difputer pour 1'Empire de la Lune. Cette indépendance eft auffi certaine que les décrets du deftin. Les Conducteurs des nations en Europe fontils obiigés de courir les rifques du jeu terrible de Ia guerre, pour arrêtter une révolution qu'ils pourraient tout au plus retarder de quelques années, mais jamais empêcher ? Une révolution qui eft 1'effet du cours inévitable des chofes humaines, pourrait-elle être prévenue par la ligue de quelques iociétés ? Et quand méme, au bout de plufieurs fieclès, 1'Europe deviendrait comme ces contrées de la Tartarie & de 1'Afrique que les émigrations ou les conquétes ont dépeuplées . 1'efpece humaine tranfplantée en Amérique , divifée en plufieurs Etats , riches & puiffans, ferait-elle moins heureufe qu'elle ne 1'eft a préfent? II importe d'avoir toujours devant les yeux & de comparer les füites de l'indépendance Américaine a celles de fa réunion a la Grande-Bretagne. Les efforts étonnans que cette derniere continue k déployer, les reffources immenfes qu'elle fait trouver, la conduite hautaine qu'elle tient au milieu de fa plus ' accablante détreffe, 1'audace avec laquelle elle infulte tous les pavillons, tout préfage ce que 1'Angleterre deviendrait, fia la maffe de fés forcesaótuelles fe joignait celle des Colonies révoltées. La liberté du continent ne ferait plus que précaire; le commerce fubirait le joug de la Reine des mers. Bien loin que l'indépendance de 1'Amérique devienne fatale a Tanden monde, on peut affurer qu'on en verra réfulterlebonheur général & que les Souverains de 1'Europe trouveront alors leur puiffance k lafource oh les peuples auront trouvé leur bonheur. „ La concurrence , dit trés bien 1'Auteur que vous m'objeétez, „ devenant plus univerfelle, les bénéfices fe • ront plus partagés & 1'induftrie fera plus encouragée dans tous les rangs." Quand le commerce eft tout entier entre les mains du marcfaand, maitre dubé- né-  C 171 ) néflcc, il veut des profits immenfes, dont ilécrafe 1'acheteuv. , . J'avoue que la concurrence de 1 Amenque ierait funefte a plufieurs Etats de 1'Europe, s'ils nechangcaient pas de fyftême économique a 1'égard du commerce. Mais en les forcant a convenir entre elles d'une liberté abfolue dans leurs ports refpcctifs • elle deviendra la fource du bonheur général de fÜnivers. Les Américains , en admettant dans leurs ports les navires de toutes les nations, exigeront la même liberté chez les autres. Comine ils embrafferont dans lear commerce toutes les régions oh leurs vaiffeaux pourront aborder, ils y prendront, outre les objets de leur propre confommation, ceux encore dont ils auront befoin. ,..'. • ' Le commerce deviendra plus libre , les haiions entre les deux mondes feront plus multipliées. Qu'on ne perde jamais de vuë combien les privileges exclufifs font funeftes pour le commerce. Jufqu'a prefent les vrais principes en ont été ignorés. On a cru que la politique mercantile exigeait d'appauvnr les nations voifines, & par le faux fyftême des nnpóts, on a cru qu'il fallait empêcher que les fonds qui font le fruit du travail & de 1'induftrie ne s'accumulafient dans le commerce , oh ils auraient étc i utiles. 11 eft tems de renoncer a ce fyftême funefte. II eft tems de reconnaitre que, quand 1'homme aura la liberté de tourner fon induftrie vers les objets qui lui feront les plus lucratifs; quand tous les marchés lui feront ouverts, alors tout fera le plus heureufement difpofé pour 1'accroiffcment de la population, des richeffes & des forces : & 1'on verra enfin les Somerains de 1'Europe trouver leur puiffance d la fource oü les peuples auront trouvé leur bonbeur. L'Amérique n'a pas encore & n'aura probablement pas de longtems plufieurs articles particuliers k 1'Eu- J rope Les vins , les huiles , les étoffes & plufieurs autres produclions Européennes feront encore longtems avant de s'y naturalifer. La concurrence ne i fera fürement pas k craindre de plufieurs fiecles. I Trois millions d'hommes , ayant derrière eux de valles  C 172 ) viafles & fertiles contrées a défricher, ne s'appliqueront pas de longtems au travail des Manufaétures. Les objets de première néceffité pourront y être fa* briqués pour la confommation intérieurs; mais ceux d'aifance & de luxe, qui font une branche principale du commerce de 1'Europe feront importés en Amérique, auffi longtems qu'elle aura des terres è peupler. L'exportation dans Tanden monde augmentera même a mefure que la population s'accroitra dans le nouveau, par la liberté qu'il aura acquife. Tous les Américains conviennent unanimement que pendant plufieurs fiecles a venir, leurs poffesiions confifteront uniquement en terres; que Tagriculture fera la fource de leurs richeffes & le principal objet de leurs travaux; qu'ils ne s'appliqueront qu'a la culture des matieres cruës, néceflaires pour les fabriques de TEurope ; qu'ils payer ont a celleci la main-d'ceuvre des produétions'de leur propre fol; en un mot, que leur patrie ne figurera comme nation Manufacluriere & commercante que lorfque Timmenfe étendue des terres, qui y reftent a cultiver, fera remplie d'habitans; ce qui, en calculant mêmeTaccroiffement de Ia population fur le pied le1 plus favorable, ne pourrait gueres avoir lieu que dans dix ou douze générations. II s'en faut beaucoup que les produétions propres a 1'Amérique foient les mémes que celles de Tanden monde. L'Indigo, le Coton, le Ris, le Tabac, les Bois de teinture, le Rum. font les ob' jets principaux de l'exportation des Colonies méridionales. Les Etats au Nord de la Virginie abondent en grains, en viandes falées, en poiffon &c, L'Europe a même un intérêt vifible a s'afiurer dans cette partie du monde d'un magazin pour la fubfiftance de fes Colonies. Quant aux munitions navales qui font l'exportation la plus riche de la Rufïïe & de la Suede , Ton fait que c'eft uniquement a force de primes que la Grande-Bretagne a excité les Américains a la culture du lin & du chanvre, afin de pouvoir fe paffer a eet égard des aatioas feptentrionales TEurope; & que c'eft d&ns  C 173) dans Ia même vuë que, par aéte de Ia 2de année de George II , elle a affigné des prix a l'exportation de la poix & du goudron , de la thérenbenthine, des mats, vevgues & beauprès de la nouvelle Angleterre. Sans ces encouragemens momentanés 1'Amérique ne fe ferait pas attachée a des produétions qui n'entraient point dans 1'ancienne fphere de fes échanges. Aujourd'hui elle n'en a peut- être pas fuffifamment pour fon ufage; & elle continuera longtems a importer de 1'étranger de gros cordages, des toiles è voile, du fer en barre &c. II s'en faut beaucoup que les Américains puisfent, de longtems, caufer des préjudices^aut Etats du nord par l'exportation & lefrêt dei mêmes mar. chandifes, L'ocean Atlantique eft un trajet trop long & trop difficile pour qu'ils puiffent fournir ^une grande quantité de ces articles aux marchés de 1'Eurnpe. L'Amériqueadans fon fein d'autres produétions d'un plus grand prix, d'une plus grande facilité pour le tranfport & qui lui préfentant un bénéhce plusconfidérable, lui óteront 1'idée de ravir aux Européens un Commerce pour lequel ils font mieux fitués. S'il eft vrai que l.'Amérique puiffe devenir une rivale dangereufe au Commerce de 1'Europe le ferait elle moins en rentrant fous le joug Brittannique ?On doit pofer pour fait inconteftable que la population y doublé, y triple même dans un efpace de 30 a 40 ans. Ou 1'Angleterre avait formé le projet d'arrêtter cés progrès par la rigueur dc fon gouvernement (ce que certainement fes partifans n'avoueront point) ou fon empire toujours croiffant fur le continent du nouveau monde, réuni a fes autres poffeffions immenfes, aurait a la fin forraé un coloffe de pouvoir qui pouvait écrafer toutes les autres nations. Dans ce dernier cas, 1'Amérique ne deviendrait pas moins la rivale de la Ruffie de la Suede, de la Hollande; fes liaifons avec la grande Bretagne 1'auraient engagée dans toutes les guerres Britanniques Au contraire la paix fera aétuellement le feul objet de fa politique. Dans le fein du repos, de 1'a- bon-  074) bondance & de la liberté, elle cultivera tous les arts elle ofFrira une retraite füre aux infortunés que les funeftes effets du luxe, de la corruption & de la tyrannie forceront a 1'émigration. Elle fera par la la fauve-garde du bonheur de tous les peuples par la néceffité, ou elle mettra les Souverains de s'occuper de cec avantage , pour ne pas voir leur puiffance voler avec leurs fujets dans les déferts de 1'Amérique. II fuitdela que les premiers raomens,qui fuivront la rèconnaiffance de l'indépendance Américaine promettent a la République des Pays-bas des avantages confidérables & certains. Quel pays plus en état d'y faire un commerce, avautageux, 'foit par rimpurtation des marchandifes Européennes dans les EtatsUnis foit par 1'exportation-des produétions des Etats ünis en Europe, qu'un pays comme le nótre qui furpaffe tous les autres par les talens de la riavigar tion & 1'induftrie du Commerce ? Quand méme toute 1'Amérique deviendrait libre, ne gagnerions nous pas a commercer direclement dans tous les Etats de ce nouveau continent au dela de ce que nous perdrions du commerce exclufif des établiffèmens peu confidérables, que nous avons dans ce Pays-la? L'indépendance de 1'Amérique peut devenir Ia source d'une paix Univerfelle & du bonheur général des nations Qu'on jette les yeux fur les guerres aétuelles. Elles ne font que dés fruits de 1'éfprit violent & infananle de Comme: ce: ce font les avantages que certains - tats ont eu Sfur les autres par leurs Colonies lointaines, qui depuis environ deux fiecles, ont été des fourcesfe ondes intariffables de rivalités. de diyifions, de Cala.nités. Mais lorfque les nations feront rcftreintes aux hornes que la nature leur a prefcrites, qu'elles n'auront plus dans les Pays éioignés que desComptoirs& non des Provinces, leurs intéréts fe croiferont beaucoup moins : elles ne pourront difputer que d'induftrie & cfémulation. On ne pourra jamais óter a la France 'X a 1'Angleterre les avantages a'un fol ferüle ni a la HoL  C *75 ) Hollande, ceux d'un fol propre h 1'induftrie, au i Commerce univerfel. II n'eft pas impoffible que les Conducteurs des nations ne délirent un jour.le bien ■ de 1'humanité. II peut même arriver. qu'ils comprenI nent a la fin que les intéréts des peuples divers ne fe ■ croifent que pour leur malheur réciproque. Toute puiffance qui croirait que fon intérêt particulier eft de s'oppofer a ces avantages eft donc oppofée au ' bonheur général. Toutes les Nations font donc intéreffées a combattre cette ennemie du genre hui main, jufqu'a ce qu'elle ait été obligée de facrifïer I fon prétendu avantage particulier a 1'évidence du i bien général. Jamais 1'occafion ne fut plus favorablc pour for| mer un Congrès général des Puiflances maritimês, oh 1'on examinerait les objets fur lesquels on pourrait interdire toutes les hoflilités ultérieures, Ces points feraient la bafe d'un traité général & les parties eifentielles du fyftême qui ferait naitre une paix j pcrpétuelle entre tous les Etats fitués fur 1'Atlanti: que. Une telle réfolution ne ferait dans 1'ordre poi litique qu'une imitation de la fameufe ligue Anféai tique dans des tems plus reculés. Henri le Grand & la Reine Elizabcth , quoique bons politiques, ne défefperaienc pas de réalifer ce projet qu'on regarde aétuellement comme chimerique. Us formerent un 1 plan qui n'échoua que par des accidens imprévus. 1 Les Puiflances qui compoferaient ce Congrès feraientgarantes pour empêcher a jamais, que le com| mercene produisit de nouvelles guerres. Le droit des gens fur mer eft encore a naütre. Point de loix,ni dc ] principes fixes fur eet Élément. La mer eft toujours I en proie aux pirateries, même dans les tems de paix. On délibererait donc io. A quel point il convient de reftreindre la liber1 té générale du commerce & de la navigation que le ! droit naturel a accordé a tous les peuples. 2». A  (i?o öo. A quel point le droit des nations peut s'étendre fur les Bayes cc les eaux qui baignent leurs cótes. 30. A quel point les différentes nations peuvent interdire 1'entrée de leurs ports a d'autres, ou changer leurs marchandifes de droits & d'impóts, [La Suite au N». procbairu] Ces Feuilles périodiques paraiflent régulierement, tous les Lundis d Amjlerdam , chez J. A.Crajenfchot; d Haarlem , chez Walree; d Leide , chez Luzac & van Damme , & Les Freres Mürray; a la Haye, chez J. van Cleef, La Veuve Staalman, & Plaat; d Gouda, chez Van der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, ScJ.Bronk* borjl; d Dordrecht, chez Blujfé ; b, Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leem* borst; d Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, chez Van Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-le Duc , chez J.H.Pallier, & chez les prmcipauxLibraires des Pays-Bas.  L E POLITIQUE N°. XII. LUNDI, ce 30 AVRIL, 1781. Suite du Chapitre XII. Sur tindépendance de PAmé* rique cj? en particulier de timpofftbilité quelle rentre jamais fous le joug, J'étais 1'autre jour è la campagne, poür profiter des beaux jours que la faifon nouvelle nous aprocurés. Je me trouvais dans une maifon ou les affaires de 1'Amérique entrerent infenfiblement dans le fil de la converfacion. Je m'appercus que plufieurs de canx 3ue j'avais connus autrefois comme fiottans encore ans une efpece d'incertitude fur 1'ifiue de cette grande querelle, fe déclaraient pofitivement & fortement en faveur des Américains. Us avouerent méme Ïu'ils avaient trouvé dans le Politique Hollandais un )rateur qui les avait convaincus. Cet éloge me flatta d'autant plus qu'aucun d'eux ne me connaiffait pour 1'Auteur de cette feuille. II y en avait cependant un parmi eux, en qui je crus reconnaitre une espece de vénérati0n ftupide, pour tout ce qui émanait des confeils Brita nniq ues. II ne pouvait fe perfuader qu'un Mini fiere qui fe foutient encore avec quelque éclat, put continuer une guerre qui ne pro» mettrait qu'un avenir funefte. Lord George Germaine, dit-il, n'eft certainement pas un homme abfohv ment dépourvu de bon fens ou de lumieres. II a declaré en plein parlement ., qu'il fe flattait „ que la paix avec 1'Amérique n'était pas éloignée, „ que c'était 1'événement qu'il défirait le plus, & Tomb I. M „qu'ii  „ qu'il croyait qu'elle pourrait fe faire a des condi„ tions avantageufcs & honorables pour la Grande„ Bretas'tie: ajoutant qu'il était intimément perfuadé „ que ie moment approcbait & que fon efpérance n'é., tait pas purement fpéculative , mais fondée fur des avis récens. II s'étendit fur la mifere dans la„ quelle les Américains font piongés aujourd'hui, & „ il affura que la plupart étaient dffpofés h rentrer „ dans leur devoir; mais qu'ils en étaient empêchés „ par Ia tvrannie de ceux qui s'étaient emparés de „ Fautorité. 1! ne croyait pas, dit-il. que le Congrès 3, füt le premier aconlentira cette démarche;mais que „ d'après la pofition des affaires en Amérique, le décri 3, de ion papier monnoye, lapauvreté & la détreffe du ,, pays & la dette énorme qui 1'accablait. le méconj, tentement extréme de toutes les clafles du peuple au „ fujet de 1'alliance avec la France; le peu de bé„ néfice que 1'Amérique avait retiré de cette allian„ ce, il était perfuadé que les Américains, c'eft-adire leurs affemblées politiques ne tarderaient pas ,, a écouter des propofitions de paix." Telles font, continua ce partifan des Anglais, les propres paroles de Lord Germaine. Lorfque, dans une nation ancienne, célebre par fafageflé, fa vertu & fa puiffance, au milieu d'une affemblée refpeétable, un grand Miniftre prend la parole & déclare avec un air de réflexion, de délibération & de folem • nité, quelles font fes opinions fur la vérité des faits & fur la' probabilité des événemens futurs, on ne doit légerement pas révoquer en doute fes lumieres ou fa bonne-foi. Non feuleinent je révoque 1'un & 1'autre en doute, dit un Américain qui fe trouvait dans la Compagnie ; je crois méme qu'il faut étre abfolument étranger a ces qualités pour les attribuer a Lord George Germaine. La preuve faute aux yeux de tout le monde. Je connais ce difcours. Dans quel tems a-t-il été prononcé? Le 6 du mois de May 1780, lui dit-on. II y a donc environ un an que ce Miniftre Britannique nous repréfentait la réconciliation comme pro-  ( 179 ) prochaine. Eft- elle plus avancée aétuellement qu'elle nel'était dans ce tems-la? Au contraire nc devientelle pas tous les jours plus impoffible? II ne fera pas hors de propos de vous lire des Obfervations, qui ont étéfaites alors fur ce difcours par une perfonne également inftruite dans les affaires de 1'Amérique & dans celles de 1'Angleterre. Ce difcours était fi frappant que j'ai cru devoir le communiquer a mes lecteurs; puifqu'il entre naturellement dans mon fujet. II était congu en ces termes. „ II peut y avoir quelque ambiguïté dans cette phrafe: a des conditions honorables & avantageufcs pour la Grande-Bretagne. Sans-doute le Lord Germaine a voulu dire ou pour rentrer fous Vobèijfance de la Grande-Bretagne ou du moins pour faire la paix avec elle Jéparément de la France." „Les Américainsaccepteront-ils ou non ces conditions? Cette queftion ayant pour objet un événement futur, ne faurait être décidée par des témoignages; elle ne peut être foumife qu'a des raifonnemens de probabilité. II eft un argument que le Lord Germaine ne parait pas avoir prévu, cc, que ne laiffe pas d'être de quelque poids. C'eft que, pour rentrer fous le joug de 1'Angleterre, ou pour faire la paix féparémerit de la France, il faut que les Américains courent les rifques d'une guerre certaine avec la France «5c 1'Efpagne, & peut-être, fuivant les apparences aétuelles, avec la Ruffie, la Suede, le Dannemark, la Hollande & le Portugal; car il parait que chacune de ces puiffances eft toute auffi oppofée que la France & 1'Efpagne'aux prétentions de la Grande-fretagne fur les mers. II ri'y a pas parmi les Américains, un Marchr.nd, unPayfan, un Commercant, un Matelot, qui ne fache cela ou qui ne doive le favoir bientót. II faudrait donc qu'ils fuffent deftitués de la doze de bon fens, que Dieu a donrié a tous hommes, pour échanger 1'amitié de toutes les nations du monde contre leur inimitié, uniquement dans 1'intention de renouer avec 1'Angleterre qui ne les protégerak pas, une liaifon qu'ils ont toute forte de raifon de craindre ,* comme le plus grand des maux qui puifle leur arriver, d'après les oppreffions, & les cruautés M 2 inouies  C 180 ) inouies qu'ils ont déja éprouvées de Ia part de 1'Angleterre?" „ On foumet ces réflexions k Ia confidération du Lord. On lui demandera, puifqu'il parait plus porté a fentir qu'a raifonner, li, dans le cas oh il ferait Américain, il défirerait fe précipiter fous les débris d'un Empire qui éclate en mille pieces, & commence une nouvelle guerre contre une ligue de toutes les nations du monde qui , fuivant les Anglais euxmêmes, parait avoir des fentimens d'inclination & d'eftime pour 1'Amérique ? Si les Américains font auffi miférables qu'il plair. audit Lord de les repréfenter, voudraient-ils augmenter leur détreffe & la rendre indéfinie ou; perpétuelle, en époufant la caufe d'un Empire ruïné & en faifant la guerre a une demi douzaine d'Etats qui ne le font pas? „ Si nous nous en rapportons au témoignage des perfonnes qui arrivent en Europe de toutes les par. ties de 1'Amérique, nous ne pouvons douter que Ie Lord ne foit dans la plus grande erreur. Tous les gens de cette partie du monde qui connaiffent les principes & les opinions du peuple , déclarent qu'il eft avec une Unanimité qui n'a pas eu d'exemple dans aucune révolution, fermement réfolu de maintenir fa fouveraineté & fes alliances , & qu'il n'y a perfonne en Amérique qui montre le plus léger défir de rentrer fous le gouvernement de la Grande Bretagne ou de faire une paix féparée. " Mais fi le Lord cberchait bien fincerement la vérité , & qu'il eüt le jugement aflez bon pour 1'atteindre en difcernant les moyens qui font entre les mains de tous les hommes, il aurait pu voir fon erreur. II y a certaines marqués auxquelles on peut découvrir'infailliblement les opinions, les inclinations & les défirs d'un peuple, fans recourir k des témoignaees ou a des argumens tirés de loin. La Preffs, les Dijiricts, les Jurès & les /iJfemUêes , font quatre fources d'oh, indépendamment de beaucoup d'autres, on peut tirer une démonflration infarlliblè des véritables fentimens du peuple Américain. II n'v a point de nation au monde quijouïfle d'une liberté  ( iSi ) liberté auffi illimitée de la preffe que celle qui eft aujourd'hui établie dans chaque Etat de 1'Amérique, | par la loi & par 1'ufage. Tout Européen qui ht ij les Gazettes Américaines, ne révoque point cn doute cette affertion; il n'v a rien que le peuple ne prenne : la liberté de cenfurèr ou d'attaquer. II attaque les i Gouverneurs & les Magiftrats de toute dénomination, les Officiers & les Généraux de 1'armée , de ! tout rang, les Affemblées & les Confeils, les mem • : bres du Congrès & le Congrès lui • même, toutes les fois qu'il défapprouve leur conduite. Ya-t-on jamais vu un feul article oh il foit queftion d'un defir ■ ou d'une velléité de rentrer fous le Gouvernement de la Grande-Bretagne, ou de faire une paix feparée ? Les Diltriéts en plufieurs endroits dc 1'Amérique I font de petits territoires d'environ deux heues quari rées 1'un portant 1'autre , en vertu des anciennes : loix du Pays, qui font toujours en vigueur; il ne faut que le 'nombre de fept habitans d'un de ces dis! triéts pour avoir le droit de demander aux Magiftrats une Affemblée publique de tous les habitans. II y a néceffairement, chaque année , plufieurs ; de ces Affemblées de diftriéts; & en général, il y i en a un grand nombre. Dans ces Affemblées, fe i trouvent tous les habitans de quelque Claffe qu'ils .! foient; tout Payfan, Marchand & même Journaher, auffi bien que toute Perfonne de Confidérarion & Ma1 giftrat public. Chacun ale droit de voter, & de dire I fon fentiment fur les affaires publiques, de propofer i des mefures, de donner des inftructions h fes repré; fentans dans la legiflature; & on a ufé conftamment & fréquemment de ce droit fous 1'ancien Gouvernei ment, & on en ufe aujourd'hui encore plus fréI quemment fous ie nouveau. On a vu des milliers i de ces inftruftions aux répréfentans fous 1'anciea ' Gouvernement, dans lefquelles on leur eryoignait ï de s'oppofer ouvertement aux Juges, aux Gouverneurs, aux Aétes du Parlement, au Roi. aux Lords «Sc aux Communes de la Grande Bretagne. Qui empêcherait aujourd'hui le même peuple de s'oppoler au Conerès? Rien. A-t-on lu un feul vote d'un de fes diftrfös; a-fon entendu ua feul difcours pour M 3 pïo-  c i8j ; propofer ou pour manifefter le défir de rentrer fous le Gouvernement de la Grande - Bretagne ? Pas un feul. N'eft ce pas la une manifeftation du fenti ■ ment du Peuple?" „ Les jurés, en Amérique, étaient anciennement un autre organe par lequel les fentimens des peuples parvenaient au public. Les grands & lespetitsjuiés ont exprimé, expofé avec affez de hardieffe & de liberté leur maniere de penfer contre les aétes de Parlement, & contre la conduite de la Grande Bretagne; mais aucun s'eft-il jamais permis un feul mot contre le Congrès ou contre les autres Affemblées ou contre les Juges dans leurs nouveaux Gouvernemens? Ont-ils enfin jamais témoigné la moindre velléité de retourner fous 1'obéïffance de 1'Angleterre? Non trés certainement. „ Mais, dit-on, le papier-monnoie jette le Congrès dans de grands embarras. Hé bien ? Qu'en veut - on conclure? Se difpofe t'il pour cela a rompre 1'union, a violer fes alliances ? Le papier-monnoie embarrasferait-il moins le Congrès, s'il avait un guerre a foutenir contre la France & 1'Efpagne." ,, Cet embarras même ne ferait-il pas plus confidérable ? Le papier- monnoie empêche t- il 1'accroiffement & la population des Etats-Unis? Non. La guerre aótuelle y met elle obftacle? Non. Depuis le commencement de la guerre la population & lespropriétés ont pris tous les ans de nouveaux accroiffement; & tous les efforts de la Grande Bretagne ne peuvent en arréter les progrès: Au contraire les richesfes & la population de la Grande Bretagne ont elles augmente? Son commerce s'eft-il étendu? la confidération politique de la Nation a-t-elle acquis plus de prépondérance dans la balance du pouvoir en Europe ? L'abbatement & la conflernation des Anglais font affez connaitre ce que 1'on doit repondre a cette queftion." ,, Le Lord Germaine parle beaucoup de la mifere des peuples en Amérique: Qu'il fe borne a regarder autour de lui, qu'il confidére 1'Etat de la Grande Bretagne; & s'il eft de bonne foi, qn'ildife de quel cóté eft la mifere, de quel cóté eft la perfpeccive af- freufe  C 183 ) freufe d'une guerre civile. La verité eft, que 1'agn. culture & les manufaftures, non de luxe, mais de premier befoin , ont fait de tels progrès en Amérique par 1'effet méme de cette guerre , que c'eft un point fort équivoque de favoir, fi les fubfiftances & les babillemens y ont été jamais plus faciles a fe procurer*& de meilleure qualité. En outre le butin immenfe fait par les Corfaires Américains fur le 1 Commerce Britannique a introduit dans le pavs une 1 quantiré prodigieufe de marchandifes de toute efpece; < & malgré tous les efforts de la Marine Britannique, le Commerce des Etats-Unis s'étend & s'ouvre tous i les ans de nouvelles Communications avec différens | pays. La Grande-Bretagne elle-même eft forcée de 1 concourir a fon accroiffement ; & elle le fera de plus en plus par la fuite, comme on en a eu une ] preuve récente dans la permiffion d'importer fur des batimens neutres du tabac d'Amérique de quelque | partie du monde que ce puiffe être." , „ 'des chofes que ces membres élus puiffent exercer quelque tyrannie fur des hommes donc ilsdépendent ainfi abfolument? On pourrait également reprocher au Lord Germaine & a fes Collégues dans 1'adminiftration, qu'ils font les tyrans de leur Royal maïtre, qui peut les disgracier a fon gré. Les afiémblées, étant ainfi élues chaque année par le peuple ou Ia i milice, choififfent également'tous les ans leurs Céputés au Congrès, & jouilfenc du droit de pouvoir les rappeller a leur voloncé. La milice obéiraic-elle ou a cas Affemblées ou au Congrès dans 1'exécution de fes ordres tyranniques ou pour d'autres ordres qui ne leur plairaient pas? La chofe parle d'elle même. 1 C'eft donc, fuivant le digne Lord, 1'armée continentale qui eft 1'inftrument de fa propre fervitude, & de celle de fon pays. Selon lui chaque officier tient fa commiflion du bon plaifir du Congrès. Mais : felon le noble 1 ord, cette armée eft fi faible qu'elle n'oferait fe mefurer avec 1'armée Britannique. U eft vrai qu'elle eft conftamment employée a ce fervice M 5 &  ( 185 ) & qu'elle n'eft rien en comparaifon de la milice, Que deviendrait-elle donc, fi la milice ou la majeure partie de la milice qui n'eft autre chofe que le peuple, fe joignait k 1'armée Britannique? Mais fans cette réunion la milice ne fuffit-elle pas pour écrafer 1'armée continentale? Cette armée n'occupe que quelqües efpaces de terreins trés bornés dans deux ou trois Etats; pour veiller aux mouvemens de 1'armée Britannique & protéger les vaiffeaux de guerre Américains. Ne lui ferait-il pas impoffible d'avoir la moindre influence fur neuf ou dix grands Etats qui n'ont pas dans leur territoire une feule compagnie de 1'armée continentale? Ainfi rien n'eft plus ridicule que 1'affertion du noble Lord a eet égard. Ce Lord conclud par une diótinétion qui, s'il eft poffible, a encore moins de fondemens que ,.fes alfertions " „II dit que le Congrès refufera toujours detraiter, mais que le peuple & les Affemblées s'y détermineront. Ou ce Lord a-t'-il trouvé le principe de cette différence entre les Affemblées & le Congrès? Les membres du Congrès ne fortent-ils pas de la méme fabrique? Ne font ils pas eux méme membres des As» femblées? Ne font ils pas les créatures des Affemblées? Ne font ils pas élus tous les ans? Leur exiftence politique n'eft elle pas k tout moment fous la mam cies Asfemblées? Les Affemblées n'ont elles pas le droit légal de les rappeller lorfquelles le jugent k propos & d'en nommer dautres ? N'ont-elles pas le droit Conftitutionel de leur donner des inltruétions fur la maniere dont ils doivent fe conduire ? S'ils n'obéisïent pas a ces inftruétions, ne peuvent ils pas les révoquer & en nommer d'autres qui feront plus obéisfans ? Si les Affemblées défirent une réconciliation avec la Grande Bretagne; ne peuvent-elles pas nommer un Congrès qui la défirerait auffi ? Si le peuple défirait une telle réconciliation; ne peut il pas nommer des Affemblées qui feraient tous leurs efforts pour 1'effeétuer ? Mais je me fuis trop étendu k ce fujet. Mylord Germaine décele une telle ignorance des faits, une telle inattention aux fignes les plus frappans des fentimens  c is?; I timens des peuples, & qui font les indices infailliI bles de leurs intentions, une telle impéritie des loix . & de la conftitution des Etats-ünis d'Amérique, - qu'un obfervateur impartial ne peut voir tant de bévues & d'extravagances fans étonnement & fans commifération pour la nation infortunée qui doit en 1 être la viétime." II n'y eut perfonne dans la Compagnie qui ne fut ' frappée de ces obfervations L'Auteur appuyait : fes raifonnemens fur des faits authentiques & évidens. Tout le monde convint unanimement qu'il méritait plus de confiance qu'un Miniftre ambicieux & partial, qui, quoique a la tête des affaires, avait un intérêt a tromper la nation; & qui 1'avait certainement trompée; puifque les promeffes dont il avait eu 1'imprudence dela bercer, paraiffaient bien loin de fe réalifer. Je vous étonnerai bien plus encore, nous dit alors 1'Américain ; je fuis en état de vous prouver qu'il n'y a gueres de pays au monde ou 1'on foit moins i inftruit des affaires de 1'Amérique qu'en Angleterre. Vous avez, fans doute, entendu parler du Dodteur Fothergill? Oui, dit quelqu'un de la Compagnie. N'eft il pas :| de la Communion de ces enthoufiaftes connus fous lenom de Quackers? Je ne 1'aurai jamais cru en lii! fant les ouvrages qu'il a donnés au public. II a des i connaiffances profondes dans 1'hiftoire naturelle. . Et de bien grandes auffi dans la politique, réplii| qua 1'Américain. II vient d'adreffer au peuple d'An1 gleterre un Mémoire en forme de Teftament, oh il déduit des preuves affez frappantes fur 1'ignoran| ce de fes Compatriotes relativement aux affaires de 11'Amérique. A ces mots, toute la Compagnie témoigna la I plus vive impatience d'entendre le Teftament du Doéteur Quacker. Notre Américain , charmé luii même de fatisfaire une curiofité qu'il n'avait pas ; excitée fans deffein , nous lut la piéce entiere coni cue en ces termes. CHA-  ( 188 ) CHAPITRE XIV. Teftament du\DoÜeur Fotbergill, de la Sociétê des Qttac. kers fc? DoÜeur en Médecine, oü 1'on voit a quel point les Anglais font ignorans fur les affaires de PAtnéri. que &c. Amis et Compatriotes! Je fens les principes de la vie s'affaiblir dans moi: mes forces chancelantes m'avertiffent que mon heure n'eftpas loin; mais, avant de prendre un éternel congé de vous, j'ai cru que je devaisvous laiffer quelques inftrudhons, dont vous avez furement grand befoin. Nous voyons, nous déplorons tous les malheurs de notre patrie, & pour comble de douleur.la perfpeflive devient tous les jours plus fombre. Je n'ai pas befoin de remettre encore devant vos yeux ce que nous fumes autrofois & ce que nous fommes è préfent. II importe beaucoup plus de chercher les caufes de cette différence & de les faire difparaitre, quand on les aura trouvées. On a cherché 1'origine de nos infortunes dans diverfes caufes ; on commerce a s'appercevoir h préfent qu'il ne faut pas la chercher ailieurs que dans la guerre avec 1'Amérique. 11 ferait inutile d'examiner aétuellement Ia juftice & 1'injuftice de cette guerre. Des perfonnes d'efprit, de génie, & de probité foutiennent encore le pour & le contre fur cette queftion. Mais toute important que eet examen pouvait être au commencement de la guerre; il femble a préfent que nous devons plus plütót confidérer par quels moyens nous pourrons en fortir avec le moins de préjudice & de honte. Amis et Conciotyens ! Je crois devoir vous informer qu'il y a plus de quarante ans que je connais 1'Amérique. Mes connaiffances ne fe bornent pas & une feule Province, mais a toutes. Auffi dès la première éruption des troubles aétuels, je ne tardai pas è  C 189 ) k m'appercevoir que 1'un & 1'autre parti, auffi bien. 'les Fauteurs de 1'Amérique contre 1'adminiftration que les Partifans des mefures miniflérielles contre eet immenfe continent, étaient également ignorans fur les affaires de 1'Amérique, fur le phyfique du l pays & fur les difpofitions des Habitans. J'en ai ; vu grand nombre qui poufïaient 1'ignorance jufqu'& ' demander quelle était i'origine de ce peuple, quel I langage il parlait,quelleReligion il profcffait;& de quel :, couleur il était? Cette ignorance était prefque Univer1 felle; & le peu des chofes vraies qu'on debitait fur ij le compte des Américains, était mêlé de tant d'erreurs & d'abfurdités; & ces notions s'enracinaient fi ■ fort dans les efprits de 1'un & 1'autre parti, qu'il fut dèslors impoffible de pouvoir raifonner avec per. I fonnc. I , , - Je fuis en état de prouver que la plupart des Unj« i ciers qui furent envoyés les premiers pour calmer i ces malheureux troubles font revenus dans une igno, rance auffi profonde des chofes les plus ïmportan• tes, que ceux qui font reftés ici. . La connaiffance de 1'Amérique fut circonfcnte : dans le cercle des marchands, & principalement de : ceux qui faifaient négoce dans ce pays la. On parlait I beaucoup de ce continent; mais il n'y avait gueres r que les interelïés dans les articles de fon commer> ce qui fuflént quelque chofe k ce fujet. Les dé! bats fur 1'aóte du 'limbre dornereut lieu de faire !; des recherches; mais le »tout s'efFa§a bientót des } efprits. On fait qu'un de nos plus célèbres Avocats, parI lant dans une affemblée publique de judicature lailfa 1 échaperces mots: riskae la Virgime. Iléchapaplu; fieurs autres traits de cette forte d'ignorance égale- ment honteufe & générale. Cette ignorance groffiere ! était égale dans les Villes, dans les Campagnes, dans les Tnbunaux de juftnee, dansles Affemblées natio- nales, dans le Miniftere lui-même, J'ai cru devoir infifter fur ce fujet; car je crois qu'il eft impoffible de rendre raifon de 1'extreme extravagance de notre conduite, autrement qu'en  ( 190 ) 1'attribuant ou a une ignorance profohde des affaires, ou a un délire opiniÉftre & délibéré. Mon objet n'eft point de flétrir 1'un ou 1'autre parti. Les opinions des deux cötés ont été prifes avec précipitation ; les moyens d'information n'étaient pas toujóurs prêts; on s'eft contenté de notions fuperficielles, telles que le hazard les fournisfait. Dans eet égarement général, il y avait quelques exceptions; mais comme elles n'étaient point calquées fur les prejugés du jour elles étaient oubliées ou méprifées.' Nous n'avons qu'a jetter les yeux fur les harangues de tel que 1'on croit devoir regarder comme un des mieux inftruits fur les affaires de 1'Amérique, fur les habitans, fur leurs dispofitions, fur leurs reffources, fur ce qu'ils ont fait, fur ce qu'ils fe propofent de faire, fur 1'étendue de pays qu'ils habitent; nous aurons tout lieu de penfer qu'il n'y a presque perfonne dans ce pays, que 1'on puifle regarder comme fuffifamment inftruit de ce qu'il y a de plus effentiel relativement a 1'Amérique. Ce n'eft qu'avec la plus vive douleur que je fuis obligé d'obferver que le Gouvernement n'eft pas auffi éclairé qu'il aurait dü 1'être. Ce n'eft pas qu'il manque de moyens pour avoir des informations; mais c'eft qu'il s'eft habitué a ne recevoir que celles qui font analogues a fes idéés favorites. Trois fortes de perfonnes ont paru fur la fcene depuis 1'éclat, caufé par la deftrucbion t!u Tbé, depuis méme la révocation de facie de Timbre. Elles ont fourni, d'une maniere conftante & uniforme , toutes les fortes d'informations qui pouvaient flatter. D'abord les Officiers Anglais prépofés k la perception des droits du Timbre, s'étant vus dépouillés ignominieufement de leurs emplois fe font fait un mérite de peindre les Américains, tous fans exception, comme ennemis irréconciliables de 1'autorite Royale Leurs rapports ont été accueillis avec avidité ; & malgré la promeffe qui fut faite a la révocation de 1'aéf.e fur le Timbre de ne jamais tepter d'avantage de pareilles entreprifes; on ne laiffa pas de faire encore une légere tentative. On convint  c 19») convint qu'une punition éclatante fuivrait immédiatement le refus. On crut généralement que rien n'était plus néceffaire & plus aifé. ' Lorsqu'il fut queftion de ce léger impót fur le Thé, les Américains avant de fe rendre, commencerentparagiterla queftion, s'ils devaient s'y foumettre ou non. Les uns furent pour le négative, les autres pour 1'affirmative: ces derniers furent forcés a s'exiler de leur patrie; plufieurs parmi eux, gens de rang, de confidération, &'de fortune étaient connus déja en Angleterre , oh ils fe réfugierent. Ces exilés recurent 1'accueil le plus favorable ,• on eut la plus grande confiance pour les rapports qu'ils prodigucrent; les efpérances qu'ils firent briller, parurent de la derniere importance; on les récompenfa, on pourvut a leurs befoins, autant que les circonftances le permettaient. [La Suite au N°. procbain.) AVERTISSEMENT. L'objet de cette feuille hebdomadaire ne doit pis être borné aux affaires de deux ou trois pays. L'Auteur a des matériaux , pour faire pa fier fur la fcene tous les Etats, furtout ceux qui iouent un róle dans les affaires générales; il n'a prefque encore rien dit fur la France, 1'Efpagne, 1'Allemagne, laRuffie, la Suede, le Danemark. II s'eft longtems arrêté furies affaires de 1'Amérique. II a cru devoir s'étendre fur ce fujet; paree qu'en effet c'eft un des moins connus, & cependant un des plus intéreffans dans lescir, conftances aétuelles. Rien en effet n'eft plus important dans un tems oh tout parait tendre k la formation de quelque liaifon politique avec la nouvelle ré- Eublique Américaine. Quoique 1'Auteur foit encore ien loin d'avoir épuifé le fujet, il eft dans la réfolution, pour contenter les différens goüts & varier les matieres d'inftrucKon, de s'étendre dans les N°s. fuivans , fur les autres pays & furtout fur les affaires de la Hol lande. II avait promis de donner une idéé des brochures politiques qui paraiffent dans ce pays. Une des plus intéreffantes eft fans .doute le Jyllême poli-  ( 192 ) politique de la ville d'Amfterdam, expofê dans un vrai jour cjf fa conduite jujlifiée contre les accufations du Cbevalier Torke. II a jufqu'a préfent différé d'en parler, paree qu'il voulait favoir tout ce qu'on pouvait écrire contre eet ouvrage. N'ayant rien trouvé de bien fatisfaifant dans la brochure intitulée, 't waar daglicht &c le vrai point de vue &c. ni dans le mémoire juridique &c. de Regtsgeleerde memorie &c.; il attendait avec impatience un ouvrage, in folio, annoncé fourdement comme plus décifif, foit par fon format & • fon poids , foit par la multitude des citations. Il^vient enfin de recevoir eet ouvrage promis avec tant d'emphafe & attendu avec tant d'impatience (*). II croit devoir annoncer d'avance qu'il donnera une idéé affez jufte, foit de eet ouvrage, foit des deux autres, pour que fes ledteursn'aientpas befoin de recourir aux originaux, a moins qu'ils ne veuillent fe guérir de quelque infomnie. (*} Sous ce titre: Politiek Vertoog over 't waar Syftema van de Stad van Amfterdam, met Relatie tot de Algemeene belangens der Republiek , zoo als 't zelve uit 's Lands Hiltorie kan worden opgemaakt. Benevens Confideratien over de tegenwoordige Oorlog en het voorgevallene in de Jaren 1777-1780. Mitsgaders Dedudtie over de geheime Onderhandelingen, tuflehen den Heer Penfionaris van Berckel en de Engelfche Colonien in America, en het Traétaat met derzelver gefloten te Aken den 4 September 1778. Ces Feuilles périodiques paraiflent régulierement, tous les Lundis d Atnfterdam, chez J. A.Crajenfcbot; d Haarlem , chez JValree; d Leide , chez Luzac van Damme , & Les Freres Murray; d la Haye, chez J. van Cleef, La FeuveStaalman, & Plaat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotter dam, chez Bennet & Hake, SscJ.Bronkbor(l; d Dordrecht, chez Btuje; H Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leemhorst ; d Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, chez Fan Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-leDuc, chez J. H. Pallier, & chez les principaux Libraires des Pays-Bas.  L E POLITIQUE N°. XIII. LUNDI, ce 7 MAI, 1781. ■Suite du Chapitke XIV. contetrant le Teftament dit Oocleur Fotbergt 11, de la Societé des Quackers & Doe. teur en Medecine, oü fon voit a quel point les Anglais jont ignorans fur les affaires de l'Améi ique &c. „ 11 eft bien malheureux pour ce Royaume d'être obli■ I gé de payer jufqu'a foixante mille livres Jterlings^ par an, aux ,-Juteurs de ces fortes d'infomations, qui n'ont tous qu'une voix pour ajfurer que rien n eft plus facile que ia conquête de 1'Amérique ; que plus de la moiiié des Habitans foupirent pour rentrer fous la dómination Britannique; que le Congres ejt divifé; & que la plus grande partie ejt prète a fe déclarer en faveur di la Grande-Bretagne. " „Combien dcfois nenous a-t-on pas affuré que les Troupes de Washington étaient fans habits, fans armes, fans dUVipline, & réduits a la lettre a périr de faim? Ce Général n'a pas laiffé pourtant de faire échouer les efforts fucceffifs des plus habiles de nos Officiers & de hos meilieures troupes? Rien ne nous manquait. Cependant qu'avons-nous fait? Après bien du tems perdu inutilement, nous avons vu nos officiers disgraciés, 1'armée fe confumer infenfiblement , réduite a chercher des recrues en Amérique; la nationaggraverle poids de fa dette,& partout une augmentation de calamitcs que la fenfi- Tome I. N bilitó  C 194 ) bi li té m'empcche de retracer. Voila le réfultat des faaflej informations." „Un autreflcau s'eft encore joint aux malheurs de la nation. C'eft une fuite de la guerre. Nous avons dans notre fein d'autres armées d'Ennemis. Quels font-i{s? Ceux qui s'enrichiffent des défaftres de la guerre." „ Auffi conftans flatteursdu pouvoir quevils efclaves de 1'intérêt, ils forment uncri général &unanirae. Us ramaflént 5a & la tous les rapports vains & frivoles des Réfugiés; ils les débitent au public comme des oracles ; ils ne manquent pas des'en fervir a juftifier toutes les mefures publiques qui leur font fi avantageufcs. " „ Quioferacontredire les conféquences de ces obfervations? Les Réfugiés, les Intéreflës aux fournifiëmens, les Militaires n'ont qu'une feule voix fur eet objCt. Us forment une légion. ó Mes Concitoyens quand faurez-vous refléchir? (*)" „ J'ofedire que jeconnaisparfaitement 1'Amériqne. yoje avancer, d'après la connaiffance que j'ai de ce pays, que, quand méme la France VLJpagne Je li. gue. (*) II y a, dit le Doven Tucker, fept efpeces de gens qui crient a la guerre & qui fonnent fans crlfe 1'alarme des combats. Une rnultitude de gens qui, n'ayant tien a faire, veulent fe donner de 1'importance en affeétantun patriotifme ardent. 2. Les Auteuts aifamés de pamphleis incenriiaires, c'eft la leur plus fur gagne-pain. 3. Les Actionjftes du Change-^/Zfj', car c'eft dans les tems de trou. bles qu'ils peuvent mettre a coimibution la créduliié nationale. 4. Les Rédacteurs des papiers-nouvelles; car la guerre eft pour eux une riclie moiffon. 5. Ceux qui ont des Contrats, des Commiflions ou des Emplois pour les fournhTamens; femblabies aux corbeaux , ils ne peuvent s'erigraifier que de corps moits. 6. Les marchands chargés des importations & exportations; la guerre eft pour eux une fource mépuifable. 7. Les officiers de terre & de mer; la guerre orïro des moyens de gagner a ceux qui aiment le gain & des occafions de fe fignaler a ceux qui coureur après la gloire d'cgorger leurs fembiables.  gnewient avec vous contre VAmr{qye, vcus ne ferieZ jnnviis en état dn la conquérir. Vous pourricz forcer les Habitans a fe retirer dans I'intérieur des terres: vous pourricz envahir leurs villes & leurs ports de mer : mais la nation fubfifterait toujours, fortement ligüée contre vous. Quand vous auriez eu tous Jes fuccès poffibles . -il deviendrait encore douteux fi la poffeffion des places conquifes vaudrait la peir;e de les conferver. Je ne le crois pas. II me ferait facile d'en donner des raifons qu'il ne ferait pas facile d'infirmer. " „ Actuellement que la France & 1'Efpagne font caufe commune avec 1'Amérique, qu'avons nous a espérer? II faut être aveuglé par les préjugés les plus abfurdes pour n'en pas voir les conféquences. Washington , lui feul, avec le peu de forces que nous lui prêtons, n'a pas laiffé de nous empêcher de regagner une feule Province. Ceux de Maffachufet, de Penfylvanie , de Maryland & de Virginie gohtent tous les avantages de la paix, fi non qu'ils font obiigés de contribuer au maintien de quelques troupes pour leur défenfe. Car ce ferait le comble de i'abfurdité d'attendre quelque avantage de 1'expédition infenfée & fauvage dans la Baye'de Chefapcak. Lc maintien de leur armée nous "parait une forte charge; mais 1'avantage qu'ils tirent en fourniffant aux troupes Britanniques les befoins de la vie, les : mettent en état de fupporter ce fardeau avec aifan ce. " ,, Les Puiffinccs alliées de 1'Amérique n'ont qu'a agir de concert & vigoureufement avec elle; on a tout lieu de penfer qu'elles prendront ce parti, puisqu'il eft évidemment de leur plus grand intérêt d'empêcher a jamais qüe 1'Amérique ne fe réuniffe avec i 1'Angleterre. Oui la France fera bientót en état de nous dicfer la loi. Toute 1'Europe eft convaincue que 1'Angleterre & 1'Amérique réunie formeraient une maffe de puiffance trop prépondérante & trop i rcdoutable." „ II faut porter 1'ignorance jüfqu'è la puérilité, pour penfer que la France eft dans le deffein de s'emparer iS 2 d'au-  C J06 ) d'aucune des parties de l'.4mcYquc, récVmées parle Congrès: fon buc n'eft que de nous liiviftr- Lc-s Francais & Ie; Efpagnols fr.vcnc trés -bien qu'ils couiraieut les mêmes rifques que vous. s'ils afpira-ent a s'emparer de quelqu'un dc- cerritoires ces Ëtara - Cnis. Des querelles & des guerres ctcrnelles empoifonneraient tout le A-uit de pareilles conquétes." „11 n'eft pas d'Américain qui voulüt fe foumettre a ce fort: nc croyez pas qu'ils preferent jamais lejoug de la France a celui de 1'Angleterre. Leur alliance adtuclle elt le fruit d'une politique fenfée: 1'amitié nationale n'y entre pour rien; des fervices réciproques pourront, peut-être, faire naftj-e cette amitié; elle croitra k proportion que vous les attaquerez avec plus d'opiniatreté & de fureur." „ Mais quelle eft, mes chers Concitoyens, votre opinion fur- cette Confédération formée' autour de nous, & connue fous lc nom de Neutrahtê-urmée ? Je ne faurais en parler avec autant de confiance que des affaires de 1'Amérique; parceque je ne puis ici que faire des conjeótures. Je ne laifferai pas de vous expofer mon opinion. Adoptcz-la, fi elle quadie avec la vötre."' „ Les Analais ont longtems réclamé 1'Empire de la mer. Us 1'ont mèmecxercé, & pour dire la vérté, avec un defpotifme tyrannique & révoltant. Nouspouvionsinfulter , outrager impunément toutes les nations; aucune n'ófaits'oppoferanos prétentions. Nous les obligions partout a baifiér pavillon. Nous faifions des ïccherches, nous faififiions,. nous condamnïons leurs vaiffeaux, d'après des loix que nous avions nous-mêmes établies. Aucun peuple n'ófait fe plaindrc ; ils s'imaginaient tous n'ayoir d'autre parti a prendre que de fe foumettre aveuglément a notre code maritime. " „Quand,les Puiflances de 1'Europe nous ont yus embaraffés dans les troubles actuels , nos Coionies réliftant a tous nos efforts, & nffiftées par de Puisfins alliés ; elles ont jugé 1'occafion favorable pour récouvrer leurs droits. Elles ont formé un code maritime fur les principes de la liberté de la navigation. Elles ont poft pour baze que la mer eft un  C Ï97 ) ■élément commun k toutes les nations, qu'aucun peuple n'a le droit de prefcrire des loix a eet égard a aucan autré, quand méme il ne 1'égalerait pas en Puiflance. II ferait bien dur en vérité fi tout voyageur qui auraic la fovce de 1'on cóté avait le droit de forcer tous ceux de moindre force qu'il rencontrerait en route, a le fuivre ala première auberge, pour fubir un examen fur fes affaires." „Les Puiflances de 1'Europe, fatiguées de tantd'outrages révoltans , óc profitant habilement de notre embarras, ont cru devoir former un code de loix, qui fervirait de régie conftante , en tems de paix ou de guerre; & au cas que nous refufionsd'y accéder, d'employer contre nous cette Neutralite-armée. Si felle cliofe arrivé jamais*qu'en doit-il réfulter? Qu'il nous faudra recevoir dorénavant les loix fur mer de ceux a qui nous étions accoutumés d'en donner. II n'y a rien la que dc jufte; mais cela n'eu eft pas moins douloureux pour un peuple brave cc courageux qui a joui longtems de cette Souveraineté. 'Si nous refufons de foufcrire aux Régiemens qu'on nous préfente,cette Neutralité-armée fe joindra dèslors a la France & a 1'Efpagne pour nous y forcer. " „ Anotre'guerreavec 1'Amérique qui fuffirait pour nous tenir en échec, paraiffent devoir fe joindre bientöt les efforts armés de toutes les Puiflances maritimês de 1'Europe. S'il nous eft fi difficile de pourfuivre la guerre avec les premiers, comment pourrons-nous tenir téte a tous les autres réunis ?", >. ■ ,, IIy a certaines chofts a confidérer relativement aux Puiflances neutres." ., Elles ne peuvent ignorer a queldégrc notre puisfance s'e8 accrue par notre commerce en général, & furtout par celui de 1'Amérique. Le Tabat eft un article confidérable de commerce ccdeconfommation dans la plupart des Etats de 1'Europe. Elles brülent d'v prendre part i auffi bien que dans les autres articles du Commerce Américain. Ou je me trompe fort, ou nous les verrens faifir la première occafiun favorable pour nous faire le même compliment que nous avons'recu de la France." i N 3 L A-  C 198 ) L'Amérique - difent-elles^ adéc'aré fon indépendance. La France & lLfpagne 1'ont recor.nue, les fujets de ces deux Etats jouilient déja du bénéfice de ce commjrce; les autres foupirent pour les mêmes avantages. Que feront-eües ? iilles imiteront le même lixemple, elles recormaitront l'indépendance de 1'Amérique & nous enverront dire: fi vousöfeznous molelter , nous faurons nous défendre. Eh bien! vous croyez-vous en état de faire la guerre contre* 1'univers entier ? " „ Ce ne font la que des conjecïures , dira-t'-on ? J'y confens. Elles ne. laiffent pas de mériter quelque attention. En un mot, 1'on ne peut en prévenir les fuites qu'en faifanc la paix avec 1'Amérique. " „ Sans une telle paix, vous êtes expofés a éprouver une ruïne totale au dedans & a recevoir au dehors la loi de vos voifins. II n'eft pas néceffaire de rapeler les autres calamités qui font les Juites de la guerre Américaine. Ce ferait aigrir une' plaie que tout Ie monde fent déja." „ Quel eft le remede ? 11 eft facile , mais amer: c'eft de faire la paix avec 1'Amérique , avant que vos fuccès foient balancés par vos revers, avant que 1'aigreur de la vengeance ait éteint tous les reftes de Pamitié naturelle entre deux nations dont 1'origine, le langage, la religion, les mceurs & la conformation phyfique font les mêmes. II eft encore tems. Mais quelle paix pcut-on faire ? A quelles conditions ? Renoncez aux poffeffions que vous ne fauriez garder ou a celles q«e vous ne pouvez plus recouvrer. L'indépendance, tót ou cara il vous aurait fallu 1'accorder. Laiflèz les Réfugiés crier le contraire a tuë-téte ; ils y font intéreffés; ne les écoutez pas. J'en ai connu plufieurs. II y en a parmi eux qui ont encore affez dc candeur,pouravouer que 1'Amérique ejt invincible." „ Mais, difent les Partifans de Ia guerre, la France ne permettra jamais aux Américains de faire avec nous une paix, que fous les conditions les plus humiliantes. II faut bien peu connaitre la France ou 1'Amérique, pour avancer une pareille erreur. La bafe  C 199 ) bafe de leur alliance eft que ni fa France ni 1'Amérique ne- traiteront avec ia Grande-Bretagne, fans la ftipulation exprefle de 1'indépendanc- Américaine. Ainfi la paix dépend de nous " „Envain nous flatterions-nous d'avoir lapaixatiparavant. C'eft l'intérêt de la France; c'eft 1'intérêt de 1'Efpagne; c'eft l'intérêt de toute 1'Europe que cette claufe ferve dé bafe au traité. II faut qu'il y ait une éternelle barrière élcvée entre PAriglèrerre & 1'Amérique. Autremcnc la guerre n'a point de terme." ,, Nous précipiterons-nous donc dans descalamités nouvelles & inévitables, fur 1'unique cfpoir de rencontrer des hazards heureux? Nous expoferons-nous a recevoir la loi de Puiflances que nous faifionstrem» bier d'un feul regard? Ou plütöt, dépofant les fentimens d'orgueil & de vengeance qui nc font plus de faifon , ne chercherons-nous pas, en gens fages, a tirer le meilleur parti des circonftances, a tacher de nous garantir du mépris & de la détreffe? Ces réflexions font peu confolantes; mais 1'événement en montrera la jufteffe. je ne m'abandonne pas a Fesprit de Prophétic ; je ne raifonne que d'après des faits clairs & publics." On demandera , peut-être, quel eftle but de la France en faifant de fi grandes dépenfes, fi elle ne cherche pas a acquérir des pofleffions territoriales en Amérique? Mais ne lui fuffit-il pas d'acquérir la prépondérance en Europe? Quelle Puiffance öferait J'atraquer, fi jamais 1'Amérique eft irrévocablement détachée de nous ? " „Quand,nous avions 1'Amériquc,la Francefavait, & toute 1'Europe fentait, que toutes les autres Colonies Européennes dépcndaient de notre bon-vouloir. Leur état dcvint encore plus précaire , en voyant 1'Amérique, accroitre en population, en puiflance, en commerce , & renforcer ainfi le pouvoir de la Grande-Bretagne. Les Habitans de la Nouvelle-Angleterre euflent été capablcs, avec le fecours d'une flotte Britannique, d'ajouter la Nouvelle-Efpagne a I'Empire Britannique. La France ne pouvait fe disN 4 fimu*  C 2G0 ) fimuler que, fes Ifles fous le vent étaient perdues ajla première guerre." „ j'avoue que nous aurions des motifs fuffifans de continuer la guerre; fi nous avlons quelque proba. bilité de fuccès, fi nous avions quelque efpoir de maintenir notre autorité fur les Colonies, d'après le plan adopté par 1'autorité fupérieure. Mais c'eft une folie d'entrèprendre cc qu'un ne fauiait efpérer d'obtenir; & ce qu'on ne peut ensieprendrë>\ fans s'expoler a une ruïne totale. " „ Si donc , mes chers Compatriotcs, nous pouvons , unebonne fois, nous perfttader que toutes nos Galamiiés font des fuites de la Guerre Américaine, & que nous devons en attendre de plus terribles encore; s'il eft certain que nos fuccès dans ce pays - la font loin dc balancer nos malheurs; s'il eft vrai que la puiffance de nos ennemis augmente a mcfure que la nótre diminue • s'il eft vrai cue nous n'avons pas un ami fur les fecours duquel nous puiffions compter;; s'il eft vrai que toute 1'Euvope nous regarde d'un ceil froid & d'un air d'étonnement, prets a fuccomber fous les efforts d'une ligue générale; ne devons nous pas tous , jufqu'aü dei nier , nous atirefter: u Hiróne, pour demander la paix, avant que nous foyons contraints a la recevoir, a des conditions iniOiératUs?" Je ne crains pasd'aifurerquel'efprit de fa él ion ou de parti n'a aucune part dans le langage que je vous tiens. J'aime, je refpeóte mon Souverain & ma patrie: je voudrais que nous euffions confervé nes droits fur les Américains. Mais échappés de nos mains. il ne nous refte plus qu'a regagner leur amitié; avec elle nous recouvrerons & notre commerce cc ion fupport. Ne nous expofons pas a perdre un avantagc auffi précieux. Prenons garde de ne pas facrifier ce qui nous refte de notre atöci< n pouvoir, a la folie, a l'orgueil'& ala vengeance " „ Je ne fuis pas affez préfomptueux pour vous dopner mes obfervations pour des oracles. Je ne vous demande que de vous décidcr d'après les faits; comparez les raifons de part & d'autre: penfez a ce que  C =01 ) que vous voyez & fentez; & fi mes obfervations vous paraiffentjuft.es, agiffez en conféquencc. " , Ob a mille fois répété que la guerre Américaine était du goüt de la nation. Peut-étre 1'était-elle dans les commencemens. On lui avait fait accroire deux chofes a eet égard, qüe rien ne s'accordait plus avec fon intérêt & fon orgueil. C'eft par eet artifice qu'on a gagné fon fuffrage." i On lui fit accroire que chaque chelin arraché de 1'Amérique, était une chelin acquis a 1'Angleterre. On lui fit accroire que les Américains étaient liés par les plus fortes obligations a la Mere - patrie ,& que c'était un trait de la plus noire ingratitude de refufer le chelin demandé! 11 n'en fallut pas davantage a nos badauds de Londres, pour crier a la guerre non-fculement contre 1'Amérique, mais, en cas qu'une autre nation fe refufat a leurs demandes, contre tous & un chacun qui ferait affez hardi pour lui réfifter. Nous ne favons que trop. combien il eft facile d'engager les habitans de cc pays a croufer une caufe qui flacte leur arrogance ou leur intérêt." ■ „ Je crois pouvoir avancer aérucllement que le peuple en général eft revenu de fon erreur & qu'il voudrait bien que cette guerre n'eüt jamais commencé. Bien loin d'être aétuellement de fon gpüt, on voit, a travers 1'orgueil même qui nous empéche d'avouer nos fautes, a travers 1'efprit de vengeancequi nous anime, on voit, dis-je, percer un defir inquietde voir la fin des calamités que la Guerre de 1'Amérique entraïne." Le peuple commence, également, h s'apperccvoir qu'on s'eft joué groffierement de fa crédulité; & que les Américains ont, auffi bien que les Anglais^ 1'èsprl de fentir 1'oppreffion & le courage de la repoufier. On commence a fe douter que cette malheureufe querelle pourrait b.'en ne pas avoir le fuctèsbrillant dont on s'était flatté." „ Comment fortir du pas dangereux ch nous fommes engagts? Par nne paix avec 1'Amérique. C'eft a préfent le cri populaire, le cri univerfel. Le N s Sou-  ( 202 ) Souverain qui hélite d'y déferer, expofe au plus terrible des malheurs fon peuple, fa familie & lui, même." „ Qu'il me foit permis de déplorer ici fignorance d'un Miniftre, de la bouche duquel nous nous rappelons tous avoir entendu: que la moitié du peuple Américain défirait de rentrer fous la domination de la Grande-Bretagne ; erreur la plus abfurde cc la plus funefte qu'on ait jamais pu avancer. Que dire, pour convaincre des perfonnes qui cherchent ainfi a fe tromper eux-mêmes & les autres?" „ On m'a dit, & j'ai des raifons de croire, que les Officiers ou autres perfonnes qui reviennent de 1'Amérique, font arrétés jufqu'a ce que 1'on fache quel langage ils tiendront; celui de la guerre oude la paix. S'ils repéfentent la guerre comme'auffi ruineufe que peu propre au plan de fubjuguer 1'Amérique, on les oublie; ils peuvent dès lors renonceratoutefpoir d'être avancés." „ Ce n'eft pas tout. II n'eft pas de précaution qu'on ne prenne pour décréditer leurs rapports. On ne manque pas de femer que l'intérêt, 1'inconduite & le refiéntiment d'avoir été trompés, font les feuls mobiles de tous les rapports qu'ds publient. „ On a fait des affociations; on a préfenté desaddrefles; on a ufé de plufieurs moyens modérés & légitimes pour nous fauver du précipice , mais le tout inutilement." „ On dit que nous n'avons échoué que pour avoir porté nos demandes trop haut. Ce mauvais fuccès ne doit pas décourager les bons citoyens. Chaque Comté n'a qu'a s'affocier pour drefler des mémoires fur les effets qu'il a éprouvés de cette guerre. On connoitra ainfi ce que le peuple fent, & par la ce qu'il penfe. L'aflemblage de ces connoiflances donnera des indices certains fur les raifons de continuer ou d'abandonner la guerre Américaine." „ On pafferait enfuite aux moyens de fe procurer, des informations fideles fur les affaires de 1'Amérique-, fur 1'état de nos armées dans ce pays, fur les frais qu'elles coütent, 6c fur 1'état ou fè trouvent les  C 203 ) les Américains a eet égard. Jufqu'a préfent les derniers ont eu bien de -la peine a foutenir leur crédit public & a faire circuler leur papier-monnoye. On a">prend que 1'un 6c 1'autre eft dans unmeilleur état qu'auparavant (+■;. L'argent que nous envoyons pour (*) Nous avons actuellement, dit une Lettre de Mar. bie-beaddv. n ]anvit--r 178Ï ,1a perfpeftive d'avoir pour ia Carapaene prochaine ure aufli belle Armée que jamais. Le Congrès a requis les E:ats refpeétifs d'enróler leurs Quotes pour trois ans ou pour toute la Guerre. Les divers Corps Légidatifs, fatigués des peines que leur caufaient les enró • lemens pour un court terme, embraüent cordialement le plan du Congrès. D'après un principe d'écor.omie, le nombre des Bataillons a été diminué de beaucoup* mais en re. vanche ils confiftencen plus deSoldats:Et,fijene me trompe, ils nous fourniront une Armée de 30 a 4° mille Hommes. Ces forces réguüeres & les Milices, qui (è tiennent corïtamment prêtes è agir , fuflifent amplement avec les Troupes de notre ffiele Ailié a agir même ofFenfivemenc par terre.- Tout ce qui nous manque dans nos reiTources militaires, c'eft une Marine fupérieure dans nos Quartiers h celle de 1'Ennemi. Les difpofitions du peuple, qui durant 1'efpace de toute une anrée a porté un fardeau de Taxes pour le montant des frais d'une Campagne entiere, ne fe fontnullementaltérées; & je ne fcaurais comprendre, comment l'Aumiriftrati'jn Britannique eft fipeu délicate fur fon proprehonneur , que d'afiurer les crédules Européens, qu'il y a une pojjibilité, beaucoup moins une perjpeüive, de foumijfion de la part de 1''Amérique, ou méme de réconci' liation ou de pacification, a moins d'une reconnoijfance com. plette de fon Indépendance. Les Gouvernemens du Conti» neut & de chaque Etat en particulier ont acquis aujourd'hui une confiftauce & une folidité qui augmentent chaque jour. Le Peuple Américain fent fi bien fa propre dignité & fon importance, comme étant la fource d'oü fes Chefs lirent leur pouvoir & leur rang; les nombreux Officiers, qui compofent les Départemens Légiflatif, Exécutif, Ju. diciaire, & Militaire, tant de YUnion que des Etats particuliers, ont, de leur cóté, un intérêt fi direct dans la cor.tinuation de leur autorité, que le Gouvernement Bri. tannique pcurrait auffi bien tenter de changer les Loix im. mua.  ( 204 ) pour payer nos troupes fe perd prefque tout dans les mains des Américains. L'intérêt leur fait af- fronter muables & fondamentales de la Nature que de renverfer \" Indépendance do ces Etats, foutenue comme ellel'eit par Une Aliiance avec la France & par une connexion avec VEfpagne, qui ne difTere guères d'un Traité. On ne le croira peut-être point en Europe, oü 1'on s'eltlahTé condui. re jnfqu'ici pir des préjugés, que les Emifiaites Britan'niques fement a deffein; mais nous ponvons prouver, com. me un fait au-deffus de fout doute , d'aptès les rapports des Etats refpeétifs , que les Fermes font plus riches en Bétail, & que le Peupie en général a plus de Fonds réels qu'au commencement da- la Guerre. Les Dettes publiques s'étant étein.tes en grande partie par la dèpréciation même de notre Papier-monnoye, nos reflburces (fi 1'on en excepia les habillemens pour les Troupes & les Mnnitions de guerre) font inépuifables pour ponder vigoureufementles homlités du« rant un nombre d'années. Un peu plus d'expérience dans la partie des Finances nous mettra en état de procureroctuellement les Subfides requis. Depuis qu'on a réfolu de celTer les Emiflions de papier, les Etats refpeétifs fe font vus dans le cas de lever leur Quote-part pour ces Subfides par des Taxes, fans pouvoir recourir a des Emprunts, attenduque la cbüte extraordinaire du Papier-monnoye ne permettoic point anx Corps Légiflatifs ri'é;ablir le crédit des Siiretés d'Et„t ou Bil/ets du Tréfor Mais PAiTjinblée aftuelle de Maffachufetfs parait déterminée a prendre les mefures les p'us pr^ptes, pour afl'.irer une jutïice exacte a tous ceux qui ont des créarces a Ia charge de 1'Etat, & pour demander ainfi a« Peuple des Subfides par h voie $ Emprunts, dont la garantie fe fondera fur des Taxes, comme la Grande Bretagne le praiique depuis fi longtems. Nous fentons p?rftitement 1'importance de lever nos Subfides par la voie d'Emprunt, en reglant en même tems nos dépenfes avec la plus grande économie. Au lieu de mettre fur le peuple des Invóts po'ir les befoins courants de toute une ar.née, muis1 »e le tax?rions alors que pour 1''Intérêt dc l'Emprunt; &, ayant en mains 1'Argent requis pour cnaque Campagne , avai c qu'elle commenca'.:, nous ferions des épargnes fur bien ces objets. Nos deux dernieres Campagnes fe lont refl'entles de. k lemeur avec laquelle des Taxes pour tont le montanc desfrais de la Guerre nous procuraient de 1'Argent. Les smé- liorations  C 205) fronterles plus grands périls pour nous Fournir des provifions, fur lesquelles ils font des profits exorbir tans liorations en ce genre feront d'autant plus faciles, que Ia valeur de notre Papier na point varié ces fix derniers mois. Elle eft de 75 Dollars en Papier de la vieille Emiffion pour un Dollar en efpeces; & en 40 Dollars de la même Emis. fion pour un Dollar de la nouvelle; de forte que celle - cl n'eft pas beaucoup au deflous de la moitié de la Somme nominale en efpeces. Le cours des Lettres de change eft encore piusavantagaux, étant diminué de 65 a 55 Dollars de la vieille Emiffion pour un Dollar en efpeces. Les Anglois a New-Tork perdent fur leuts Billets de change 20 pour cent ■& au-dela, lorfqu'ils leur font payés en efpeces; ce qui équivaut a la perte qu'on fait fur le change ici & dans les Etats voifins. Les Etats refpeétifs mettent aétueüement en circulation le nouveau Papier - monnoye & anéantiffent Fancien, en vertude la Réfolution du Congrès dui8 Mars dernier: ce qui a produit au jour tout i'Or & 1'Argent amaflé; &tous les Contrats fe font aujourd'hui en efpeces: Mais a la Bourfe 1'on ptéfere les Billets de ctéJit." „Le Commerce & les Armemens en coutfe font préfentement plus flonffams que jamais: Lss Négocians s'occupent avec ardeur a armer des Corfaires. Les marchands & Manufaéturiers Britanniques avaient cru déboucher une grande, quartité de leuts marchandifes dans la Caroline Méridionale; mais nos Armateurs ontenlevé li plupart de leurs Badmins, ainfi que ceux qui étaient deflinéspour Quebec &'a Nouvelle Ecoffh, de forte que nous fommes affez bien pourvus de Produétions de la Grande Bretagne. Elles reftent cependant aleur prix; mats colui des Marchandifes des Indes-Occiden. tates eft fort bas, pafte queuous en avons en abondance, lieu elt de méme cu Porc & de la Volaüle. La detniere Récolte a été excellente , a 1'exception du Fein; & 1'Agriculture eft fur le meilleur pié. Depuis quelques années les Fermiers de la Nouvelle Angleterre ont cultivé du Froment de Si. bèrie, qui furpalfe le Froment commun en qualité : En 1774 «n Particulier en envoya un Gallan a un de fes Amis a pöitsmouth dans la Nouvelle Angleterre; L'eflii fut lieu. reux & uouva bientóc des imüateurs; de forte qu'il n'y a pas lieu de douter, que cette Contrée n'en produifebientór afïèz, non-feulement pour fa propre confommation , mais auffi pour celle des Etats voifias, & mêae pour 1'exportatiou en Eu: rope.''  C 206 ) cans (*) je faïs qu'on a fouvent payé vingt-quatre fois a New-York pour un chou. Ainfi les Américains ne fe prefléront pas fans doute de terminer une guerre qui leur eft fi avantageufe. On allure qu'ils peuvent déja compter fur un fond de trois millions fterlings." „ Il ne ferait pas impoffible d'obtenir des informations authentiques fur la néceffité de terminer cette 1 malheureufe guerre. II y a méme de grandes raifons pour en venir a cette démarche. Auparavant, la guerre fe faifait avec une modération & un fang-froid,dont on n'avaitjamais vu d'exemple dans aucune guerre civile. Les deux partis femblaient ne s'attaquer qu'avec une forte de répugnance: ils femblaient encore fe regarder comme dès freres defiinés a s'aimer avec tendreffe, dès que 1c motif de la discorde aurait difparu. Mais que la fcene elt changée! Les dernieres exécutions faites par ordre du Lorei Cornwallis a Charles-town , les Répréfailles prifes par les Américains. & furtout celles qu'ils ont exercées dernierement dans leur camp, ont aigri les esprits de part & d'autre. On ne cherche plus la victoire par des moyens doux & honorables. On ne cherche qu'a fatisfaire la fureur & la vengeance. Tout préfente dans 1'avenir 1'image d'une affreufe boucherie; les deux nations n'éprouvent plus les fentimens de juftice & d'humanité." „ La nation Anglaife, fi fameufe par fon humanité, verra t-elle d'un ceil froid ces fcenes de fang & d'horreur ? N'aura-t elle plus aucun fentiment de commifération & de générofité1? " „ Je (*) Sir William Howe fait Ia même obrervation. Voyez dans fes Campagnes milifaires les Obfervations fur une Let' tred tin Gentilbo'*».* pag 10. Qr/e les Américains., dft-fl, nous aient apporlè nes provipous, c'efl une chofe certajne. Mais fai tout lieu de Joupgonncr q'ia le Général IVasbing* ton connivait, par une e/pt ce dc politique . d ce Commerr ce.... Jl fentait que la circuit/tion de l'or & de 1'argent fervait d ren]'oreer fon pays dans un point trés- important.  C. 207 ) „ Je ne fuis pas étonné que ce tableau ne fiffe aucune impreffion fur ceux qui nous ont entrafnés dans cette guerre barbare ■& dénaturée. ,, Si l'intérêt ou l'amtyition n'avaient pas endurci leurs cceurs féroces, n'auraient-ils pas prévenu les fuites de ce terrible fléau? " „ C'eft donc le peuple, c'eft donc la nation en« tiere qui doit agir maintenant pour arrêter la fuite de ces calamités & 1'effufion ultérieure du fang humain. Tout doit 1'engager a cette demarche, l'intérêt auffi bien que 1'honneur. " „ Je ne puis trop répéter que c'eft au défaut d'information que nous devons tous nos malheurs. Ces informations nous convaincront de 1'abfolue nécesfité de faire la paix avec 1'Amérique , aux condir tions même les plus dures. Excepté dans cette partie du monde , toutes nos autres poffeffions font encore intaétes. Les Francais nous y ont enlevé deux Ifles importantes. Les Efpagnols même y font des conquétes fur nous." „ Si jamais ces derniers s'emparaient de Gibraltav, que devient notre influence dans la méditerranée? Les Puilfances Barbarcfques n'auront plus de refpeét pour nous. Car ce n'eft que depuis que cette forterefle eft dans nos mains, qu'ils ont ccflfé d'exercer des pirateries fur les Anglais, & de réduire •au plus cruel efclavage ceux dont ils s'emparaient." „ L'Efpagne voit le rétabliffement de fon antique gloire dans le recouvrement de cette importante forterefle." Plus la paix eft différée, plus le danger auquel nous fommes expofés devient grand. Qui fait fi, dans un an, nous ferons encore en état de nous maintenir dans la pofleflion du Canada & des autres établiflemens importans qui nous reftent, foit dans le continent. foit dans les Ifles de 1'Amérique. C'eft avec ces fentimens, mes chers Compatriotes, que je yous fais un étcrnel adieu. Un Franc-Tenancier Anglais. P. S.  ( 208 ) P. S. Mais , difent 1'Archevêque, les Evêques & le Clergé de la Province de Cantorbery, c'eft a caufe de nos péchés que Dieu permet que fa Majefté ait été entrainée dans une guerre jujie £f néces • faire. Une guerre jujie ! Avez-vous donc oublié quels font les Aggreffeurs? Sont-ce'les Américains qui ont formé des prétentions nouvelles? Ont-ils demandé de nouvelles exemptions ? IM'avons-nous pas été les premiers a exigér d'eux des chofes auxquelles ils n'avaient jamais été accoutumés ? Quel ufage, quel droit, quelle prefcription ; quel exemple nous authorifait a leur faire ces demandes? Une guerre femblabie pourrait-elle étre jufte , furtout quand la partie attaquée s'eft montrée difpofée a un accomodement, fans pouvoir 1'obtenir?" „ Une guerre injufte ne faurait être néceffaire. Convient-il donc a des Synodes d'y donner la fanétion, & d'oublier qu'un Souverain doit maintenir paix fur te terre & bienveillance pour tous les hommes?" .,Mais ce fujet eft trop Augufte & trop abondant. Plüt au ciel que je pufle contribuer a reconcilier non - feulement les peuples unis par la confanguinité, mais encore tous les enfans de notre perc commun!" La longueur de Ce Chapitre nous force de renvoyer au N°. fuivant un article intêreffant fur les pertes de Demèrary &f d'EJJequebo ÖV. Ces Teuüles périodiques paraiflent régulierement, tous les Lundis a Amfterdam , chez J. A.Crajenfchot; d Haarlem , cbez Walree; d Lelde, chez Luzac & van Damme , & Les Freres Murray; d la Haye, chez J. van Cleef, La Veuve Maatman, & Plaat; d Gouda, chez Van der Klos; d Rotterdam , chez Bennet & Haie, & J. Bronkbor/t; d Dordrecht, chez Bluffé ; è Utrecht, chez B.lVild & G. 'F. van Paddenburg; d Deventer, chez Leemhorst ; d Groningue , chez Huyzingb; d Nimegue, chez Van Goor; d Arnhem ., chez 'Iroost; d Bois-leDuc, chez J. H. Pallier, & chez les principaux Libraires des Fays-Bas.'  L E POLITIQUE N°. XIV. LUNDI, ce 14MAI, 1781. CHAPITRË XV. Sur la prife de Demerary Ö? dité,une aétivité, comparable a tout ce que ies Gouvernemens les plus anciens & les mieux établis peuvent offrir a eet égard. II eft vrai que dans quelques difcours ou écr.rs des Anglais, on ófe encore foutenir que le peuple" «n Amériqwe eft plein d'inclination Ss o'attacherriem poux  C 219 ) pour I' Grande-Bretagne: mais ces affcrtions font tellement contraircs S la vériré, a 1'évidence, qu'on ne revient pas de 1'éconnement, en voyant ces rapports trouver encore des efprits crédüles. On n'a qu'a jecter les yeux fur les Ecrits ou les Difcours émanés de 1'adminiftration Britannique depuisdixfept ans, pour être convaincu que, pendant tout le cours de cette Epoque, elle n'a pas ceffé de publier des Rapports également expofés faux ou infideles. Onn'a qu'a réflecbir comment les magnifiques promeffes, les prédiciïöHS hardies qu'elle a faites régulierement au commencement de chaque année, ont toujours été démenties par les événemens de la fin. LeSous. figné prend la liberté d'expofer ce qu'il fait rélativement aux difpofitions des Habitans dc 1'Amérique. Comme il a eu plus d'occafions de les connaftre, fon rapport mérite plus de confiance que celui d'au- ' cun Breton que ce foit. Auffi ne craint-il pas d'asfifrer que rien ne fera capable de les faire chanccler dans la réfolution de maintenir leur Indépendance, II öfemême avouerque, quoiqu'il ent appris, pendant touc le cours de fa vie, a quel point fes concitoyens portaient les fentimens de vertu & 1'uniformitédes principes qui les caraétérifent; leur unanimité finr Partiele de l'indépendance n'a pas laiffé de 1'étonner. Quand on penfe que toute la magie du pouvoir, des artifices, des intrigues &'de laféduction, qu'on a mife en ufage dans les différents Etats, n'a pu arracher de leur devoir qu'un petit nombre des étres les plus méprifables , il faut avouer que ce bonheur elt un phénomene auquel on ne devait gucres s'attendre. Cette indépendance eft appuyée fur la bafe fi folide des .intéréts, de 1'honueur , des confeiences & des difpofitions du peuple, qu'elle ne fauraic être ébrsnlée par aucun fuccès que les Anglais puiffent obtenir dans cette guerre, foit en Amérique, foit eri •Europe; ni par aucune des alliances qu'ils formeraient, s'il était poffible qu'ils trouvaffent des Aliiés avec une caufe auffi injufte & auffi défefpérée.' Ouoi-  C 220 ) Quoique les Habitans de TArnérlque, contraints par Ia néceffité ,ij authorifés par les Loix fondamentales des Colonies & de la Conftitution Britannique ; par les principes avoués dans le Code des Loix Anglaifes & confirmés par plufieurs Exemples des Annales Britanniques, par des principes femés dans 1'Hiftoire des Nations, dans le Droit public de 1'Europe, & partieulierement dans 1'Exemple éclatant des Conféderations Helvétique & Belgique & de plufieurs autres, & fouvent reconnus & ratifiés dans les Corps Diplomatiques, principes fondés fur Ia juftice éternelle & fur les loix de Dieu & celles de la nature, quoique, dis-je, les Américains aient rompu a jamais tous les liens qui les attachaient a la Grande-Bretagne; ils ne fe font, cependant, jamais regardés comme dé,tachés de leurs Alliés, furtout de la République des Provinces-Unies, ni comme affranchis de leurs connexions avec aucun des peuples qui vivent fous fon gouvernement. Au contraire ils ont invariablement & dans toutes les parties du monde, confervé les mêmes fentimens d'affection , d'eftime & de refpeéLpour la Nation Hol* landaifc, que leurs Ancêtres leur avaient transmis. Quand le Congrès, fuivant les notions de la fai.ne Politique, imagina d'envoyer des perfonnes chargées de négocier des alliances en Europe, ce ne fut point par un oubli dédaigneux, qu'il n'envoya pas en même tems un Miniftre a Vos Hautes Puiflances : mais connaiffant la nature des liaifons politiques entre la Grande-Bretagne & cette République , ainfi que le fyftême de paix & de ncutralité, qu'elle avait cherché depuis fi'longtems; il jugea qu'il ne convenait pas de tenter alors è la brouiller avec fes Alliés, a fomenter la discorde dans la Nation oü a la jetter dans Tembarras. Mais depuis que 1'adminiftration Britannique j uniforme & conftante dans fes plans d'iniquité, mé* prifant fes Alliés comme elle avait méprifé fes Concitoyens établis dans les Colonies, fe jouant de la foi des Traités, comme elle s'était jouée des Cbar-tresRoyales,violant les Droits des Nations, comme elle  C 221 ) elle avait violé les loix fondaraentales des Colonies & les Droits inhérens des fujets Britanniques, a fupprimé arbitrairement tous les Traités entre la Couronne & cette République , déclaré la guerre & commencé les Holliütés, apres avoir laiflé longtems auparavant percer les deffeins qu'elle avait adoptés: tous ces motifs qui ont retenu le Congres n'exirtent donc plus; & 1'occafion s'offre de propofer des liaifons telles que les Etats-Ums de 1'Amén'que ont droit d'en former, telles qu'elles puificnt le concilier avec celles qu'il' ont déja forméesavcc la France & 1'Efpagne , liaifons qu'ils font tenus par tous les motifs du devoir de 1'incérêt & de 1'mclina••ion d'obferver comme invielables & facrés , liaifons enfin qui ne foienf pas contraires a tous les autres traités qu'ils font dans 1'intention de propofer a d'autres Souverains. S'il y eüt jamais une alliance naturelle entre les Nations , c'eft celle qui pourrait étre formée entre les deux Républiques. . Les premiers Colons qui jetterent les fondemens des quatre Etats feptentrionaux, trouverent dans cette République un azile contre la perfécution reliligieufe. En ouvrant nos Annales nous apprennons qu'ils refterent ici depuis 1'année mil fix eens huit jufqu'en mille fix eens vingt, ainfi pendant les douze années antérieures a leur émigration. Ils ont entretenu conftamment & transmis avec joie a la pos ■ térité le fouvenir de la protection & de 1'hofpitalite & particulierement de cette liberté religieufe qu'ils avaient trouvées ici , aprës avoir cherché vainement tous ces avantages en Angleterre. Les premiers Habitans des deux autres Etats, la Nouvelle-York & le Nouveau- Jerfey, étaient fortis direftement de ce Pays; & leurs Defcendans confervent encore la Religion, le Langage, les Coutumes , les Mceurs & le caraétere de cette Nation. L'Amérique en général, avant qu'elle eüt formé des liaifons avec la maifon de Bourbon, a toujours confidéré cette Nation comme fa première amie en Europe. Lesprincipaux traicsde fon Hiftoire, les grands  C 222 ) hommes qu'elle a produits, foit dans les différents arts de la paix foit dans les opérations militaires par mer & par terre, ont été regardés comme des modeles & des objets particuliere d'étude d'admiration dans chacun des Etats de 1'Amérique. La conformité de Religion , quoiqu'elle ne foit plus confldérée actuellemenc comme auffi effentiêfle a des Alliances quelle 1'était autrefois, ne laiffe pas de paffer pour une circonftance heureufe. On peut dono affurer, fans s'écartef de la vérité, qu'il n'y a pas de Nations qui aient plus de reffemblance pour la Religion , les dogmes & la difciphne Ecrléfiafti. que, que ces deux Républiques. ü'anrès cette confidération, autant qu'elle peut ajouter du poids a la chofe, 1'alliance ferait parfaitement naturelle entre les deux Etats. La reffemblance des formes de gouvernement eft encore ordinairement regardée comme une autre circonftance qui rend les alliances naturelles. Qaoique les conftitutions des deux Républiques nefoient pas exaéte.nent les mêmes, on n'a pas laiffé de remarquer beaucoup d'analogie entr'elles; il y en a du moins affez pour faciüter les liaifons réciproques. Quant aux ufages généraux , quant a la liberté des fentimens fur les articles importans relatifs aux examens des cultes au droit du jugement particulier, a la iiberté de confeience, avantages fi précieux a maintenir & fi doux a difpenfer au Genre-humain, avantages aétujllement plus expofés dans la GrandeBretagne par 1'efpric d'mtolérance qui ne ceffe d'y fermenter, que dans aucun autre pays, quelie resfemblance eft plus frappante que celle qui fubfifte entre les deux Nations? L'origine des deux Républiques a tant de reffemblance que 1'Hiftoire de 1'une parait n'ètre que la Copie de 1'autre : U n'eft pas dans les ProvincesUnies de Citoyen éclairé qui ne foit obligé d'avouer la juftice & la néceffité de la Révolution Américai-. ne, s'il ne veut condamner ce qu'il y a de plus bril. lant dans les aétions de fes immortels ancêtres: Actions revêtues du fuffrage & de i'applaudiflèment du  , C 223 ) du Genre-humain & juftifiées par lés décrets irrévocables du Ciel. 11 eft un autre circonftance qui, dans ce üecle, a plus d'influence encore que toutes les autres pour la formation des amitiés Nationales. Je veux parler du grand & puiflant intérêt du Commerce. Vos Hautes Puiflances en connaiffentle fyftême général & les pro gres continus dans toutes les parties du globe, d'une maniere trop fupérieure, peur qu'il me fut poffible de leur développer a eet égard des chofes qui leur feraient inconnues. 11 n'eft, cependant, pas hors de propos de faire obferver que la pofition centrale de ce pays, la vafte étendue de fa Navigation , 1'importance de fes Etabliffetnens dans les Indes Orientales & Occidentales, 1'intalligence fupérieure de fes Marchands, le grand nombre de fes Capitaliftes & la nchefle de fes fonds ont infpiré k 1'Amérique un penchant particulier pour fe lier avec elle. D'un autre cóte, 1'abondance & la variété des produétions de 1'Amérique ; les matieres premières qu'elle offre pour les Manufaétures, póur la Navigation & pour le Commerce; la grandeur de fes demandes & de fes confomraa'tions des marchandifes Européennes, de celles de la Baltique & des Indes-Orientales & la fituation des Etabliffemens Hollandais dans les IndesOccidentales, toutes ces confidérations levent tous les doutes qu'on pourrait avoir fur les avantages que cette République retirerait d'une alliance avec les Etats-Unis. Les Anglais font téllement convaincus de cette vérité , qu'ils ont toujours regardé cette Nation comme leur rivale pour le Commerce de 1'Amérique : C'eft cette opinion qui leur infpira 1'idée de rendre & de maintenir ce terrible Aéte de Navigation, également funefte au commerce & a la Puiffance maritime de ce pays ainfi qu'au commerce & aux droits des Colonies. L'occafion s'offre aftuellement pour les deux Etats de brifer pour toujours ces entraves odieufes. Si quelque confidération eüt pu jamais empêcher les Anglais d'éclater en guerre avec Vos Hautes Puiflances, c'eüt eté la crain-  C 224 ) erainte d'une alliance entre les deux Républiques ■ il eft aifé de préyoir que rien n'eft plus capablé de les obhger a faire la paix qu'une alliance femblable, des quelle fera complettement toimée U ferait inutile d'indiquer en particulier, ks avantages mfinis que retireraient les h tabliflemens de la République dans les Indes-Occjdentales d'un Commerce ouvert, encouragé & protégé avec le continent üe 1'Amérique. 11 eft également inutile d'indiquer en particulier les immenfes avantages aue retirerait la Compagnie des Indes-Orientales" en envoyant direftement les dcnrées dans les marchés de 1'Aménque: quelle fécurité & quelle extenfion on peut donner au commerce même de la Baltique par la hberte de la Navigation avec 1'Amérique qui a toujours fait de fi grandes demandes & qui en fera de bien plus grandes encore des Chanvres des Cordages, des Toiles a voile & des autres articles de ce Commerce : quels avantages la Navigation Nationale retirera de Ia Conftruélion & de I'achat qu'elle y fera de vaiffeaux : combien le nombie de leurs matelots pourrait s'augmenter ; enfin quels avantages les deux pays retireraient en ouvrant mutuellement ieurs ports aux Vaiffeaux de guerre & Amateurs de 1'un de 1'autre. Si, donc, la conformité de religion, de gouvernement, de moeurs primitives; fi donc les intéréts de commerce les plus écendus & les plus durables peuvent former un fnotif & un attrait pour des liaifons politiques, le Sousfigné fe fiatte aue dans tous cespoints, 1'Umon eft fi évidemment naturelle aue jamais la Providence n'a défigné , d'une maniere fi frappante, deux Nations éloignées a étre unies 1'une avec 1'autre. On foumet encore a la fageffe & k 1'humanité de Vos Hautes Puiflances, fi ce n'eft pas vifiblement le bonheur du Genre-humain, que les Puiflances* de 1'Europe bien convaincues de la jufbee de la Caufe Américaine (& qui d'entr'elles ne le ferait pas? ) doivent fe hater de reconnaitre l'indépendance des  ( 225 ) des Ecats-Unis & former avec eux des Traités équitables, comme le plus für moven de convaincre la Grande-Bretagne de rimpofTibilité d'atteindre jamais au but qu'elle fe propofe. On vous prie encore de confidérer fi le dernier Code maritime , relativement aux droits des Vaisfeaux neutres, malgré la nobleffe & 1'huma'nité, qui brille dans ce Code, peut être ctabli contre la Grande Bretagne qui, fans l'indépendance de 1'Amérique , ne 1'adoptcra jamais , ne s'y foumettra jamais que contrainte par la néceffité. On vous prie de confidérer, dans le cas oh 1'on put fuppofer que 1'Amérique rencrat avec les pepinieres de fes matelots & les magazins de fes matieres premières pour la Navigation & le Commerce, fous la domination & le monopole de la Grande. Bretagne, fi les Etablifiemens de toutes les autres Nations au dela des mers ne feraient pas a la merci de eet Empire immenfe qui n'a • depuis longtems, fuiyi pour regie de fa conduite que le fentiment de fon pouvoir; ou qui, du moins , n'a jamais eu les égards convenables pour la juftice , 1'humanité ou la décence. Puifqu'il eft évident & certain que d'un cóté les Américains n'ont aucun penchant a rentrer fous la domination Britan> nique, & que d'un autre cóté, les Puiflances de 1'Europe ne pourraient ni ne devraient y confentir avec fecurité, pourquoi laiiTer cette funefte fource de querelle ouverte au hazard d'événemens qui plongeroieiu les Nations de 1'Europe dans dq nouvelles fcenes d'horreur & de fang; lorfque les Puiflances maritimês n'auraient qu'un pas décifif a faire pour la fermer; en faifant des Traités avec une Nation qui jou'it depuis longtems de 1'avantage d'êtte Souve-. raine, & qui 1'eft de fait & de droit. Je crois pouvoir jne flatter que 1'Exemple de Vos Hautes' Puiflances ferait jmité par tout les Etats maritimês, particulierement par ceux qui ont eu patt a laRédaétion du dernier Code de marine. L'idée que l'indépendance de 1'Améiique pourrait nuire au Commerce de la Ealtique, eft une erainte frivole. Cette objeélion eft non feulesient deftituée de fondement; on peut même aflurer qu'il arriverait précifement le contraire. Le  ( 226 ) Le frêt & les aflurances pour lesvoyages oüil faut traverfer-, f Atlantique, font (ï hauts; la main a"oeuvre eft fi chere en Amérique, que le goudroti, la poix, la térebenthine & les bois de conftruction navale ne pourraient jamais être tranfportés en Europe a des prix auffi modiques que peuvent le faire les pays a portée de naviguer dans Ia Baltique. Avant 1'époque de la Révolution, les Anglais ne foutenaient ce Commerce qu'avec Ia plus grande difficulté, le Parlement fe vit même obligé d'affigner des primes énormes pour encourager la culture de cette branche d'induftrie. Quant au chanvre, aux cordages, & aux toiles a voiles, bien des fiecles s'écouleronr probablement, avant que 1'Amérique en recueille une quantité fuffifante pour fa propre confommation. La raifon eft de la derniere évidence; c'eft que ces articles peuvent être apportés, ou d'Amfterdam, ou même de Pétersbourg & d'Archangel è beaucoup meilleur inarché qu'ils ne couteraient dans le pays. L'Amérique fera, conféquemment, pendant des fiecles,un marché des plusarantageux pour la plupart de marchandifes qui viennent de la Baltique. II eft encore un fuppofnion que les Anglais ont imaginé pour détourner les autres Nations de pourfuivre leurs vrais intéréts. Ils ont fait courir Ie bruit que les Colonies des autres Nations fuivraient f exemple des Etats-Unis. On n'a qu'a jetter les yeux fur les Puiflances qui, dans cette circonftance, ont été les premières a fe déclarer contre 1'Angleterre. Elles ne pataiflent pas avoir foupconné ces conféquences; quoiqu'elles ayent au dela des mersdes pofleffions auffi confidérables qu'aucun autre Etat de 1'Europe : II n'y a , certes pas la moindre probabilité qu'aucune au» tre Puiflance de 1'Europe, imaginé jamais, a 1'imitation de 1'Angleterre, de changer tout Ie Syltême du Gouverne. ment de fes Colonies & de les forcer, par I'oppreflbn , i la néceffité de fe gouverner elles-mêmes. En effet fi la Mere-patrie ne fe porte a de pareils traits d'injuftice & de cruauté, il n'y a pas de danger que les Colonies forment jamais de femblables entreprifes. Le fondement ie plus folide des Gouvernemens établis eft dans les cceurs, les paffions, les idéés & le génie du peuple. II firui les plus violentes innovations pour alterer les inclinations & le caraftere d'un peuple entier. II n'eft pas dans I» nature humaine d'échanger la fureté contre les dangers  C 227 ) dangers & un bonheur afluré contre des avantages incertains. : Le Sousfisné foumet aux reflaxions de Vos HautesPuiiTances, i file Syltême que les Etats Unis adopterent unanimement 1'an i: mil fept eens foixante & feize, non fans 1'avoir auparavanc 1 mü'ementexaminé &minutieufementdifcuté,enébauchantle Ttaité qü'lli propoferent a la France, Ie fyftême de for. ; mer d'équitables l'raités de Commerce avec toutes les Puisfances Maritimês de 1'Europe, fans fe foumetfe a rL-n que füt contraire & la liberté polinque"ou de Commerce.lytlêine qui fut enfuite approuvé par le Monarque & pofé pour fondement des traités avec la France: fyftême atiquel les Etats-Unis ont refté in violablement attachés, & dont ' ils ne s'écarteront jamais a moins qu'il n'arrive ce qu'on ne faurait gueres attendre, que certaines Puiflances fe décla. j rent contre eux. On foumet, dis je, aux Réflexions de \' Vos Hautes Puiflances , fi ce fyftême n'eft pas ï'unique : moyen d'empêcher un pays qui s'éieve avec uneperfpeftive fi brillante,de devenir jamais un objetéternel de jaloufics& |de guerres parmi les Nations. Si cette idéé eft jufte, il i s'enfuit qu'il eft de 1'interêt de tous les Etats de 1'Europe de I reconnaitre immédiatement l'indépendance de 1'Amériq'ie. Si I cette politique bienfaifante eft adoptée, on ne tardera pas è voir jaillir du Nouveau - Monde une fource inépuifable ! d'avantages pour toutes les parties de 1'Ancien. Le Sousfigné 'a 1'honneur d'informer encore Vos Hautes PuiflVees que les Etats Unis de 1'Amérique, aflemblés en 1 Congrès, confervant la plus haute opinion de la fagefle & tón la magnanimité de Vos Hautes Puiflances, ainfi que de Uur ïnvolable attachement aux Droits & Libertés du I Genre-humain , & défirant cultiver 1'amitié d'une Nation, fi dittinguée par fa fagefle, fa juftice & fa modéra) tion, ont nommé Ie Sousfigné pour réfider auprès de vous, i & vouf donner des aflurances plus particulieres de li ; grande vénération qu'ils ont pour Vos Hautes Puiflances, priaiit Vos Hautes Puiflances d'accorder une confiance entiere a tout ce que le dit Miniftre vous déclarera de leur part, iparttculierementjlorsqu'il vous afluiera fouslefceau duCong ès de la fincérité de leur refpe avons U droit mnJeulement de vous gouverner; ma's encore de di/pofer de \vqus d notre volohtéj Nous trouverons bien des.tems 1 plus favorables pour exercer ce droit. Les Américains n'eurent pas le tems d'ériger un monument pour peri pétuer ce trait qu'ils regardaient comme un acts : de iuftice. On revint aux mêmes mefures; on crut \ qu'il fallait que 1'Amérique füt taxée par autorité ÏOME I. P  C-30 ) da Parlement. On voulut prendre a la lettre cette expreffion fi ordinaire a nos Compatriotes , nos Colons, nos Colonies. L'Amérique abondait en riches produétions; fes habitans nageaient dans Topulenccj quel bonheur li le Parlement pouvait s'arroger le droit fupiéme d'en arracher des contributions arbitraires! Cette affreufe politique fut 1'cpoque de tous nos malheurs. Grenville. C'efl ce qui parait. J'avoue que je me trompai dans le róle que je jouai: un cceur noble & franc fe fait un devoir de reconnaitre fes erreurs. Mais ne paraiflait-il pas convenable-que 1'Amcrique payat fa part des dépenfes de la guerre la plus difpèndieufe oh la Nation ait été engagée ? Cbatam. C'était la le langage du jour. Je me bornerai a une ou deux queftions, pour montrer que cette guerre ne fut pas entreprife pour 1'unique objet de défendre 1'Amérique. Ètait-il de l'intérêt de 'la Grande-Bretagne de garantir de 1'invafion ennemie une partie conlidérable de fes pofleffions les plus précieufes? Quand un homme me frappe fur lebras, héliterai-je a repoufler 1'attaque , pour confidérer s'il a fait tort a ma perfonne? Obfervez d'abordque fi 1'Amérique n'avait pas contribué a cette guerre, le Canada ferait encore au pouvoir de la France: Les pavillons Britanniques ne flotteraient pas fur lesrives de la Nouvelle-Ecofle. II eft vrai que les dépenfes de la guerre étaient énormes : Mais 1'Angleterre a-t-elle fu tirer les avantages qui devaient réi lulter de fes fuccès ? Le commerce exclufif de 1'Amérique & des petitions modérées & volontaires n'auraient-ils pas affermi & augmenté le bonheur de 1'Angleterre? Mais tel eft Cremnlle, la loi du fort. Les peuples, ainfi que les indiyidus, ne favent pas tirer parti de leur bonheur: ils abufent toujours des faveurs du ciel. Grenville. On me dit, Cbatam , que vous avez conftamment traverfé ces mefures, & que vous en avez prédit les fuites fatales. Cbatam. J'ai toujours penfé que la force des armes ne faurait légitimer des actions injuftes. Dès Tan-  j'année 1775, je confeillai de rapeller les troupes da Bolton & d'éteindre par, la conciliation le feu de cette malhcureufe difpute: mais 1'orgueii de la Nation , ébioui par 1'idée de nos derniers fuccès contre de puiffantcs Monarchics , ne forma que ce cri : Je Joumeitre lans candittons. Elle voulut donner au peuple qui avait fenti le poids de fa Puiffance, le fpeétacle agréable & finguher d'une Nation tournant fes armes contre elle-méme & plongeant le fatal poignard dans fon propre fein La première fcene de fang ouverte a Lexington préfageait d'affreux malheurs: mais hélas que peuvent les confeils de la raifon fur une Nation éprife de 1'idée de fon jrp portance & de fa dignité & enflée par la profpérité ? Quelle abondante moiffon n'offrait pas la brillante perfpective des profcriptions & des confifcations aux Perfonnes en place? Quel puiffint aiguillon pour donner des prcuves de leur fidélité? Grenville Penfez-vous donc que le rappel des armées de 1'Amérique eüt alors ouverc 1c chemin k un accomodement ? Les demandes & 1'jnfolence du peuple n'auraient-elles pas augmenté? Chalarn. Voila bien un autre pierre d'achopement! Augmenté fes demandes! Envérité, vous ne jugezde 1'Amérique que par la conduite de 1'Angleterre Les Américains fe bornaient cependant a des requêtes foumifes , & fur un ton qui leur fera honneur jusqu'a la derniere poilérité. Après la révocation de 1'Aéte du Timbre, qu'ils avaient obtenue; leurs demandes, leur infolence ont-elles augmenté ? Avant que la Grande-Bretagne entreprït d'aflurer par la force fes prétentions fur 1'Amérique, elle aurait dü jetter un coup d'ceil fur les vues que pouvaient avoir les voifins;elle devait apprécier, fans ajouter trop de foi a des aflurances pacifiques, leurs intéréts fur la balance des évenemens probables ou malheureux, & prévoir le parti que ces voifins pouvaient prendre dans cette querelle. Deux Nations ne fauraient plus tirer 1'une contre 1'autre fans at tirer 1'attendon de leurs voifins. L'Angleterre n'était elle pasdevenue unobjec d'envie pour toutes les Nations qui 1'environnent? P 2 Gren-  C *3* ) Crenvülr. Mais la France & 1'Efpagne n'ont-eï» |; les pas joué un róle perfide, en prenant part aux dis- L putes entre la ( rande-Bretagne & fes Colonies? Cbatam. L'accufation de perfidie nationale eft trop p fouvent employée pour impofer au vulgaire. Com- p bien les Cuitnaginois n'ont-ils pas été perfides, au p dire des Romains ? ( ependant combien ces derniers j< . ne furent-ils pas perfides en faifant avec les pre- t miers une paix combinée pour leur deftruction qu'ils | effeétuerent dans la fuite ? Quel mortel affez in- j; fenfé , pour s'imaginer que la France & 1'Efpagne f encore fanglantes ces bleifures qu'elles avaient recues de la Maiirejje de l'ücéan & de la Reine des ó Ifles, refleraient fpeétateurs indiflérens dans une cir- jj confiance auffi favorable que celle que le délire jjj Britannique leur fourniffait ? II femble que les hom- tj< mes d'Etat devraient être mieux inftruits de 1'his- [j toire des tems paffés. Les ancétres de ce méme \ peuple, fi prodigue envers les autres d'accufations |' de perfidie, ont joué un róle exaclement femblable | a celui que condamne acluellement leur poftérité. [ Elizabeth & Henri IV n'ont-ils pas affiflé les f( Hollandais dans leur révolte contre Philippe II; ^ paree qu'il était de l'intérêt de la France & de m 3'Angleterre de mettre des bornes a la puiflance du 8| Monarque Efpagnol? Nous devons avoir aéluelh- » ment dépouillé toutes les affeélibns locales dont ? 1'influence eft fi grande fur les peuples de lahaut; tr & nous pouvons parler franchement comme cito- c{ yens d'un autre monde. Soyez affuré, Grenville, cc que dans la fociété des Nations, chacune aura tou- ^ jours en vue fon intérêt & fon indépendance, & | fe tournera naturellement contre celle qui devien- \ drait trop préponderante. L'idée d'Empire univer- )■< fel eft ridicule; & toute Nation^ qui s'arroge la do- [; rtiïnation fupréme de la Mer nè peut manquer de k foulever contre elle de puiflantes confédérations. \ Auffi nos Compatriotes auront bientöt lieu de fe re- U pentirden'avoii'i as été modérés dans la profpérité: f au heu de s'amufer a reprecher aux autres d'avoir f blefi'é la vertu narionale & la foi publique; il? au- „ rost  C 233 ) l ront aflez de raifons pour fe reprocher leur indifcré- tion & leur peu de prévoyance. Gr«nviUe, Ce que vous dites, Chatam, eft aflez jraifonable. Mais comment croyez-vous qu'il foit I poffible de tirer d'embarras le pays oü nous avons 1 paffé notre première exiftence, & oü vous avez joué un róle fi brillant ? D'après les nouvelles les ijplus récentes il parait que votre prédiétion a eu lieu & que les Puiflances maritimês font entrées dans une confédération , trés propre a favorifer j l'indépendance des Colonies. Cbatam, Le fort eft jetté. L'Amérique eft perIdue a jamais pour 1'Angleterre. Ce fatal événerment eft le réfultat d'un enchainement de confeils | pervers, traverfés par la plus faine partie de la JSfa|tion. Penfez-vous qu'après 1'effufion dc tant de fiang, aprèstant de fcenes de carnage & de défollation, pour mairtenir une domination injufte, ■: l'affeétion pour la Mere-patrie n'eft pas totalernent leifacée du Cceur des Américains? Les cruautés du IDuc d'Albe ont-elle ramend 1'efprit des peuples ré ■ Jvoltés contre le joug de 1'oppreifion ? Mais pour I quoi ces raifonnemens ? 11 y a dans les chofes huI mains un cours que tout le génie de 1'homme ne faurait iarrêtter. Vous me faites a peu prés la même queftion Jqui me fut propofé par Richmond, pea de tems 1 avant que je quitaffe la carrière politique dans l'au« I tre monde. J'en fentis la force ; & je ne pus ca]cher 1'embarras oh elle me jetta. Confeiller de reï connaitre l'indépendance de 1'Amérique , était une 1 démarche trop hardie, a ne confulter que les opiInions du jour & ma propre réputation. Je con§ois a préfent que cette démarche doit être après» tout 11'effet de la néceffité & d'une expérience coüteufe. ,|Le même peuple qui, dans 1'orgueil du pouvoir, 's'extafiait au fon des armes, eft fouvent obligé d'ar■ borer le premier la branche d'olivier. L'admini- ftration Britannique , avec le pouvoir magique de Tor répandu dans les pays de la venaüté, peut ve-" nir a bout di tout. L>i gutrre eft nécejfaire: l'bun» , ntur. la dignitê, l'intérêt de la Namn ia demander.t. PS Tel  1 C 234 ) Tel eft le cri général; mais ce bruit femblable air frémiffement qui précede les tremblemens de terre, paffe bien vïte. II faut changer de ton. La paix : devient un défir unanime ; & fon doux empire 11 1'objet de l'admiration générale. Cette Révolution, Grenville, peut être comparée a la découverte du Nouveau-monde. Elle aura la plus grande influence fur les affaires de 1'Europe. Elle fera une éterncllc legon a I'ünivers, combien il eft dangereux pour une Nation de s'oublier elle même dans lc fein du pouvoir & de la profpérité. Mais pour quoi s'arrctter aux Nations? Une étrarge fatalité femble les expofer fouvent a devenir les dupes & les viétimes des caprices de leurs Chefs. CHAPITRE XVII. Etat, Conduite & Politique de la France. Nous ne parierons point du gouvernement intérieur de la France: c'eft un defpotifme mitigé: cependant on ne reprochera jamais au politique 1 i Üollandais de prendre la défenfe du defpotifme tel f mitigé qu'il foit. » Nous ne parions que de la confidération politique, c'eft-a-dire du róle qu'une Puiffance joue a 1'égard des autres Puiflances. • Mais comme le caraclère des Nations'influe beau- 1 coup fur leur fituation politique , nous jettsrons un 1 coup-d'ceil fur celui de la Nation Francdfe; nous peferons fes défauts & fes qualités, & peut-être y verrons nous les caufes qui dévelopcront les contradiéïions frappantes qui s'y rencontrent. Elle eft 1 la feule Nation qui ait confervé de 1'énergie dans le < caraétere; même après avoir perdu fa liberté. L'hon- ! ' neur,ce mot magique, opere dans cetteNation tout j ce que lePatriotifme le plus ardent peut operer dans les Républiques. On n'a qu'a je:ter un coup d'ccil fur les tems oh ce Royaume gemiffait écrafé fous le joug du plus dur defpotifme. Si 1'on a vu d'un cóté toutes les viles manoeuvres .de la flattcrie & de  C S35 ) de la baflefie, 1'on a vu de 1'autre des traits de courage & de magnanimité patriotique qu'on aurait ad* mirés chez les plus fameux Républicains Je ne puis rtfléchir fur la Révolution arrivée dans la Magiftrature fous le dernier regne, fans étre confirmé dans ces idéés. En jectant même les yeux fur la littérature Francaife, on trouverait difffcilement, dans les pays même oh la carrière -la plus ilhmitée eft accordée a la liberté de penfer & d'écrire, des Ecrivains plus hardis dans 1'expofition desdroitsde 1'homme & des devoirs des Souverains. II ne manque k cette Nation qu'un gouvernement plus libre pour étre le premier peuple de 1'önivers. On ne revient pas de 1'étonnement en penfant que, dans une pareille Nation, dans un tems oh les Chefs-d'eeuvres de Montefquieu , de Rouffeau & de Raynal étaient admirés & médités; on ait vu la hitte 'fmguliere qui ferait le plus grand, ou du despotifme du Souverain ou de 1'obéiffanc e paflive des fujets. Ce qui parait encore plus étonnant c'eft que le Prince qui lui donna ces nouveaux fers, r.'avait point cette trempe d'ame audacieufe & ferme qui caraétérife les vrais Defpotes. Aucun des ordres de 1'Etat n'öfa réclamer. La Nation avait perdu toute fa vigueur au dedans & 1'Etat toute confidération au dehors; la poftéritc n'oubliera jamais les fingularités d'un Regne dont la moitié s'était paffée entre les déprédations & la honte & 1'autre moitié entre la baflefie du vice & les convulfipns du defpotifme. Le Monarque avait pousfé 1'abus de 1'autorité jufqu'h ne plus s'embarafièr des apparences. A la mort de Louis XIV, le plus impérieux des Rois , les Princes du fang difaient encore: „ L'opinion cue le Roi peut tout ce qu'il ieut, doit faire craindre qu'on ne lui infpire un jour cette funefte maxime. Mais a la mort de Louis XV, la Nation était déja tellement familiarifée avec Ie joug que 1'on difait a fon Succeffeur au nom du Parlement : Sire la Puiffance Royale ne connait d'autres hornes que celles quii lui pl it de fe dovner d tile-mêmï. 11 «ft plus aifé de penfer que d'exprimer le mépris P 4 au-  C 230; auquel ces traits de baffeffe expofaient tous les individus d'une pareille Nation dans toutes les parties du monde. Chez un peuple dégénéré . dont une partie ne peut être corrompue par le luxe lans que la portion la plus nombreufe ne foit abatardie par la mifere, la guérifon ne peut venir que du Chef. II eft impoffible de décrire 1'heureufe impreflicn qu'ont pu faire fur une Nation ardente & vive ces paroles fublimes prononcées par le nouveau Monarque dans les premiers joun de fon regne; La gloire qui me flatie le plus elt de gouverner un peuplu libre. Ce regne avaic commencé fous des aufpices peu flatteurs, & le prélude avait été agité par des orages civils. On ne laiffa pas d'entrevoir. a travers ces nuages, que le nouveau Monarque défirait le bien de fon peuple & qu'il avait aflez de force dans le caracfere pour tenir les rênes de 1'Etat d'une main ferme. Les gens prudens en congurent d'heureux préfage.; facnant que la févérité eft meilleure pour un Roi que findulgence ; paree que la première eft utile au peuple & que la feconde ne fe fait fentir qu'aux grands. Le choix qu'il fit de fes Miniftres donna la plus haute idéé de ft fagefle & de fes: bonnes intentions. Rien furtout n'a plus contribué a donner de 1'énergie a ce Rcyaume que fon Alliance avec TAmérique, L'fturope n'avait alors aucune opinion avantageufe de cette révolution ; la France était fous un regne qui n'avait encore nulletenue, nulle confiftance; faMarinefe reffentait encore des humiliations & des deprédations du règne précédent; dans eet état, le jeune Monarque öfa braver la Puiflance maritime la plus formidable de I'ünivers. Rien n'eft plus facile que de faire des jugemens erronés fur la pofition & les plans des Puiflances. Une idéé finguliere frappe un génie ardent: 1'efprit déftn probateur donne une réputation d'impartialite & de pénétration: & la raifon, dans ces circonftances eftroujouis facrifiée k 1'imagination. A fin donc d'êxpofer nos idéés fur eet objet intéreffant , & mettre nos Ledteurs a portée de balancer le pour & le contre, nous  ( 237 ) nous rappoiterons ce qu'ont dit des hommes de génie fur la conduite de la France: & nous y ajoutea-ons les idéés qu'une müre réflexion nous a infpirées. „ II n'y avait - ont-ils dit, que les Francais qui fuffent tentés dé courk les rifques de s'aliier' a la République naiffanie, paree que les Francais ofent tout. Ils foutinrent longtems les Infurgens en leur faifant paffer obfeurément des fe. ours. Les Char.tiers de la France fe couvraient de navires. Ses Arfenaux fe rempliffaient d'artillerie. II n'y avait prefque plus de plaees dans fes magazins pour des munitions navales. Ses Ports ofl'raient la perfpecbive la plus menagante, & George III ne voyaic rien encore. Pour réveiller la Cour de St. James de fa léthargie, il fallut que Louis XVI lui fit notifier formellement qu'il avait reconnu l'indépendance des ^tatsUnis." „ Cette notification était Une déclaration de guerre. II n'était pas a fuppofer qu'une Nation plus habitaée a provoquer qu'a être provqqaée , vic d'un oeiltranquille une autre Nation délier fes fujets du ferment de fidélité & les élever avec éclat au rang des Puisfances Souveraines. Toute 1'Europe prévic que deux Etats, rivaux depuis des fiecles, étaient fur le point de teindre de leur fang les eaux de 1'Océan & de recommencer ce j'eu terrible oh les profpérités publiques ne fauraient jamais compenfer les défaftresparticuliers, Ceux, dans qui 1'ambition n'avait pas encore éteint tout fentiment de bienveillance pour leurs femblables, déplorerent d'avance les calamités qui, dans 1'un & 1'autre Hémifphere, allaient tomber fur la race humaine." „Les fcenesdefang nes'ouvrirent cependant pas a l'inftant: ce delai infpira aux efprits crédules quelque efpérance que la paix pourrait encore durer. On ne favait pas qu'une flotte , fortie de Toulon, était chargée d'attaquer les Anglais dans 1'Amérique Septcntrionale. On ne favait pas qu'il était forti da Londres des ordres pour chaffer les Frangais des Imies Oiïentales. Sans, cependant, être initié dans p 5 cm  ( 238 ) ces myfleres de perfidie qu'une po'itique infidieufe regarde comme de grands coups d'Etat, les gens judicieux virent bien que les hoftilités étaient inévitables & ne tarderaienc pas a éclater, méme fur notre Océan. Cec événement, prévu depuis longtems, fut amené par Le combat de deuxFrégates le 17 Juin 1778." U La France , pourfuivent ces Efprits désapprobateurs,commenca la guerre avec des avantagesineftimables. Le tems, ia place, les circonftances, elle avait tout choifi. Ce ne fut qu'après avoir fait fes préparatifs a loifir ; ce ne fut qu'après avoir porté fa puifpance au dégré convenable, qu'elle fe montra fur le champ de bacaille.. Elle n'avait a combattre qu'un Knnemi d^ja humilié, affaibli &découragé par drs querelles domeftiqu: s Le voeu des Nations était pour elle contre ces Maitres impérieuxou , comme on les appellaitalors, cesTyrans de 1'Océan." „ Les événemcns parurent répondrc au défir de 1'Europe. Les Officiers Francais, qui avaient de vieilles injures a vanger,fe fignaürent par des aétions brillantes dont lefouvenirdurera longtems. Ce grandes connaisfances dans la théorie,un courage inébranlabie,fupp!éerent ce qui leur manquait dans la pratique & 1'expérience.Tous lesfimples engagemens,der,avireana\ ire,leur firent le plus grand honneur,& la plupart fe terminerent h leur avantage. La flotte Angloife courut encore de plus grands risques que des batimens ifolés. Elle fut fi maltraitée qu'elle avait a craindre d'être detruite en partie ou totalement ; fi la flotte Francaife , qui 1'avait reduite a eet état déféspéré au combat d'Oueflant,. n'avait pas été obligée par des ordres timides, par des intrigues odieufes, par la faiblefle de fes Amiraux ou par tous ces motifs enfetr.ble , de quitter la mer & de fe rendre la première dans le port." „Dans ledélirede ce fuccès,peut-étre inattendu, la France parut perdre de vue fes plus pi écieux intéréts. Son printipal objet aurait dfi étre d'intercepter le commerce de fes Ennemis , de couper le doublé nerf de leur puiffance, leurs matelots & leur ric-  ( 239 ) «richefië, & de fapper a la fois les deux fondemenS de ïa Grandeur Anglaife. Rien n'éut été plus facile a un^ Puiffance préparée depuis longctms a la guerre que d'interceptev des flottcs marchandes, qui naviguaient en pleine fureté & n'avaient qué de faibles convois: c'eft ce qu'on ne fit pas. Les immenfes richeffes, attendues par la Grande - Bretagne de toutes les parties du Globe,entrerent tranqudlement dans fes ports , fans avoir effuyé le moindre dom- ni8fAu contraire le commerce de la France effuya les coups les plus funeftes dans les deux Hemispheres & fut intercepté de toutes parts. Ses colonies fe virent enlever , presque a la vue de leurs cótes, des provifions, au moment qu'elles tendaienc les bras pour les recevoir avec toute 1'impatience de la difette; & la Métropole fe vit arracher quatre vingt millions , presque arrivés dans fes ports. Ce revers ne manquait pas de,caufe." „La MarineFrancaife avait été malheureufe pendant longtems, & c'eft au vice de fa confticution qu'on attribuait tant de revers. On avait tenté plufieurs entre-prifes pour en altérer ou changer les régiemens: mais ces innovaüons, bonnes au mauvaifes, furent toujours rejettées avec un dédain, plus ou moins marqué. A la fin les chefs de laManne diéterent eux-mèmes, en 1776,1™ Réglement qui les rendant maitres abfolus des routes , des anerages, des Arfenaux,desChantiers &des Magazins, détruifirenc cette infpeétion réciproque que Louis XIV avait jugé convenable d'établir entre les Officiers de la Marine & ceux de 1'Administration. Depuis cette époque il n'y eut plus d'ordre, de dicipline ni d'économie dans les ports. Tout y tomba dans le défordre & la confufion " „Le nouveau plan eut encore desfuitesp'usfunestes. Avant cette époque c'était le Miniftere qui avait conduit les opérations navales vers 1'objet tracé par la politique. Cette autorité paffi , prefque fans qu'ons'en appercut.kceux qui devaient executer ces opérations qui prirent infenfiblement la teinte de leurs '  C 240 ) leurs préjugés. Ces préjugés les porterent k croirequ» ce n'était pas en recourant k Ia maniere lourde & péniblc de convoyer les Vaiffaux , ni a des croifieres ïongues & difficilcs pour furprendre ou détruire ceux de la Nation Ennemie, qu'on pouvait acquérir de la gloire. Ce doublé devoir fut entierement négligé ou mal rempb , d'après de 1'opinion répandue a Breft. qu'ü n'y avait rien de noble , ni de glorieux dans ce fervire." „1! faut avouer que ce préjugé eft fingulierement bizarre & tout-a-fait contraire aux loix de la fociété. Que! peut avoir été 1'objet des Etats en fe formant des foices militaires pour purger les Mers? Leur obj?t était-il de procurer des occafions de s'avanceraceux qui commandentouquiservent? Leur un que objet était-il de leur fournir des occafions d'ex- rcer une valeur qui n'était faite que pour eux? Leur objet était-il de couvrir de fang un nouvel élément? Non fans doute. Des flottes de guerre font pour 1'Océan ce que les fortereflès & les remparts font pour les Habitans des villes, ce que des at iiiées nationales font pour des Prov'nces expofées aux incurfions de 1'Ennemi : 11 y a des propriétés qui font attachées au fol: il y eh ad'autres qui lont créées & tranfportées par le commerce & qui font, pour ainfi dire, flottantes fur 1'Océan. Ces deux fortes de propriétés ont également befoin de Défenfeurs. Guerriers ! Voila votre fonétion. Que dirait on, fi les forces de terre refufaient de protéger les Habitans des cités, les cultivateurs des champs, & d'éloigner le feu qui menace leur moiffön ? Officiers de Marine, vous vous croyez avilis en con. voyant & protégeant le commerce. Mais fi le commerce n'eft pas protégé, que deviendront les richesfes de 1'Etat dont vous avez raifon d'attendre une partie en recompenfe de vos fervices?" „A quoi ferait reduite votre propriété, dans les revenus de vos terres, k la fertilité defquelles le commerce & la circulation contribuent fi fort? Vous croiriez vous avilir. Quoi, vous avilir en devenant utilcs a vos concitoyens. Eh que font tous les ordres  ( 241 ) dr«s de 1'Etat auxquels le Gouvernement a confié quelque portion de 1'autorité publique , fi non les Protecteurs & les Défenfeurs de leurs concitoyens & de leurs biens? Votre pofte eft fur 1'Océan, comme celui du Magiftrat eft dans lesTribunaux, celui du Soldat dans les Camps & celui du Monarque fur fonTróne, ou ilne commande d'un pofte plus élevé que pour porter les yeux plus loin ét raffemblcr fous un feul point de vue tous ceux, qui ont befoin de fa proteétion & de fa défenfe. Sachez que la gloire fè moiffonne dans tous les champs oh 1'on peut rendre des fervices a la patrie, Sachez qu'il y a plus de gloire & d'avantages a préferver qu'a détruire. II y avait auffi dans 1'ancienne Rome des admirateurs'de la gloire. On ne laiffait pas d'y préferer celui qui fauvait un fimple citoyen è celui qui avait détruit une armée d'Ennemis. Quoi! ne voyez-vous pas qu'en fauvant des Vaiffeaux marchands, vous fauvez la fortune de 1'EtatV Oui,votre valeur eft éclatante ; elle eft connue dans toute 1'Europe auffi bien que dans votre pays: mais que fait a vos concitoyens qu'elle fe foit fignalée dans des occafions d'éclat, qu'eile ait forcé 1'ennemi de remorquer fon vJfleau ou qu'elle ait en difperfé les débris fur les vagues, fi vous avez laiffé périr ou prendre les vaiffeaux chargés des richeffes de votre pays ; fi dans les mêmes ports oh vous entrez en triomphe, mille families défolées déplorent la perte de leurs fortunes ? Au lieu d'être accueillis a votre débarquement,avec des cris de viétoire, vous ne ferez recus ' que dans le filence & 1'abbatement; vos exploits ne ferviront qu'a enfler le récit pompeux d'une Gazette de Cour ou de ces papiers publics. qui, en amufant les oififs ne donnent qu'une gloire éphemere; fi cette gloire n'eft pas gravée dans les cceurs de vos Concitoyens par le fouvenir d'un avantage réel au bjen-conimun." „ Les maximes confacrées a Portsmouth étaient bien difféientes. C'eft \k qu'on fentait, qu'on refpeétait la digrtïté du commer.ee. La c'était a la fois un devoir & uabonneur dele défendre; 1'événement r »'■■'-* ' m ■  C =42 ) a décidé de quel cóté les Officiers de Mer avaient les plus juftes idéés de leurs fonétions. " „ La Grande-Bretagne venait juftement d'éprouver un revers bieu humiliant dans le Nouveau-monde ; & un Ennemi plus puiffant la menacait de calamités bien plus grandes encore dans l'Ancien. Cecte fituation alarmante jectait tous les efprits dans 1'incertitude & la défiance. Les richeffes Nationale? arrivent. Celles de la Nation rivale ajoutent a cette malle énorme ; & dans 1'inltant le crédit pubuc fe ranime; 1'eipoir fe releve & ce peuple que 1'on regardait déJaigncufement comme déjaécrafé, reprend fes forces & reparaic avec fa valeur & fon orgueil ordinaires." „ Au contraire les Ports de France retentiffaient de gémilTemens. Une honteufe & fatale inaétion fuccédait a une aétivité qui l'avaic illuftrée & enrichie. L'indignucion des marchands fe communiqua a la Na» tion entïcré, Les premiers momens de fuccès font des momens de déhre , ou il eft auffi facile de cacher que de juftifier les fautes. Mais 1'infortune rend Ie jugement plus fevére. La Nation obferve de plus prés ceux qui gouvei nent & leur demande hautement compte du pouvoir & de 1'autorité qu'on leur a confiés. On reproche au Miniftere de Louis XVI, d'avoir bleffé la Majefté du premier pouvoir du Globe, en défavouant, a la face de I'Univers, les fecours qu'il avait envoyés aux Américains d'une maniere clandeltine. On lui reproche d'avoir, par des intrigucs miniltérielles, ou par 1'afcendant de quelques Agens ohfeurs. engagé la nation dans une guerre défaltrcufc lorfqu'elle aurait pu s'occuper a remettre en ordre les refforts du Gouvernement, agué. rir les longues playes du dernier regne. On lui reproohe d'avoir provoqué la guerre par une politique infidieufe, d'êcre defcendue a s'envelopper de difcours indignes de la France; d'avo.r employé avec 1'An; gleterre le langage d'une audace timide qui parait défavouer & contredire les projets formés & les fen» timens du cqeur ; un langage qui ne peut qu'avilir celui qui le tjent, fans trbmper celui auquel on 1'udres- fe;  C 243 ) i fe; & qui, en déshonoranc, ne peut rendre Ie déshonneur utile ni au Miniftere ni a 1'Etat Qu'il eüt été bien plus noble de déclarer avec toute la franchifede ; la Dignité. „ Anglais, vous avez abufé de vos vicfoi„ res. Voici le moment de montrerde la juftice.ou „ ce fera celui de la vengeance. L'Europe eft fatiguée „ de fouffrir des Tyrans. Elle rentre a la fin dans „ fes droits. Déformais, égalité ou guerre." „ Choi„ Clfez." C'eft ainfi qu'auraic parlé ce Richelieu que tout bon citoyen ne peut, il eft vrai, s'empêcher de haïr, par ce qu'il était un cyran cruel; & que pour regner arbjtrairement il faifait périr fes i ennemis fous la lnche du nourreau, mais que la Nation ne peut s'empêcher d'honorer, parceque ce fut . lui qui montra le premier a la France fa dignité, & i lui donna parmi les Etats de 1'Europe le ton qui :| convenait a fa Puiffance. C'eft ainfi, que leur aurait 1; parlé ce Louis qui pendant quarante ans gonfécucifs, ; feut fe rendre digne du fiecle auquel 1! donna fon 1 nom; qui mit de la grandeur même dans fes fautes, ' qui jamais, pas méme dans 1'adverfité ni 1'humiliatiiion, ne dégrada fon peuple ni lui méme. Ab ! il Lfaut de grandes ames pour gouverner de grandes ■i Nations. Ce róle ne convient pas a ces efprits qui :i font indifférents ou froids par legéreté, k qui 1'autoi rité abfolue n'eft qu'une efpéce d'amufement, qui j laiffent négligemment flotter les grands intéréts aux : caprices du hafard, & font plus occupés de confer»ver le pouvoir que de 1'exercer. Pourquoi demanide t-on encore des hommes qui tiennent dans leurs l mains toute 1'autorité de 1'Etat, qui n'ont qu'ap3rler ipour fe faire obéir, pourquoi fe'font-ils laiffés préivcnir dans toutes lesMers par des ennemis dont le 1 gouvernement devaitnéceffairement rallentir les opérations militaires? Pourquoi fe font-ils engagés par un traité imprudent a des conditions avec le Congrès qu'ils auraient pu tenir fous la dépendance par d'amples & réguliers fubfides ? Pourquoi enfin n'ont-ils pas affermi & confolidé la révolution en tenant toujours fur les cótes feptentrionales du Nouveau-monde une efcadre capable de protegcr leurs Colonies Si  C 244 ) & de faire refpeóter leurs alliances ? Mais 1'Europe qui a les yeux fixés fur eux voit un grand deffein & point de mefures concertées; voit dans leurs Arfenaux & leurs Ports des préparatifs immenfes & point d'exécution ; voit équiper des flottes menagantes dont les dépenfes faftueufes font prefque inutiles; voit d'un cóté tout ce qui annonce la force & puiffance impofante d'un grand peuple, & d'un autre, Ia lenteur & Ia faibleffe qui caraétérifent leur génie & leurs vues. C'eft par ce contrafte frappant entre leurs projets & 1'exécution, entre leurs moyens & leur emploi, q je le Génie de 1'Angleterre étourdi pour un moment, a repris fa vigueur au point que c'eft encore un problême en Europe li la France en fedéclarant pour TA mérique n'a pas fait revivre & augmenter la Puisfance Britannique." Telles font les plaintes qui fe font élevées de toutes les parties du Royaume , & que des Philofophes ont raffemblées pour lesoffrir, fous le point de vue le plus frappant , aux yeux de 1'Autorité, fi toutefois elle daigne les lire ou lesécouter. Voila les plaintes dont plufieurs traits font hazardés, & dont les plus fondés ont occafiorré d'heureux changemens. Ce que nous examinerons dans le Ar«. procbain. Ces Feuilles périodiques paraiflent régulierement, tous les Lundis d Amfterdam , chez ƒ. A.Crajenfcbot; d Haarlem , chez Walree; d Lelde, chez Luzac & van Damme, & Les Freres Murrayi d la Haye, chez J. van Cleef, La Feuve Staalman, & Plaat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, tkJ.Bronkborft; d Dordrecht, chez Blufte ; a Utrecht, chez B.Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leemhorst ;. d Groningue , chez Huyztngb; d Nimegue, chez Fan Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-le Duc. efaez J. H. Pa/lier, & chez les principaux Libraires des Pays-Bas.  L E POLITIQUE JEmJLJL/JLWJBJLlS. N°. XVI. LUNDl, ce 28 MAI, 1781. j Suite de Chapitre XVl[ Sur tÉtat, la Conduite ci? la Po. litique de la France & de CFfpugnc. .jTTnfin la Philofophie, dont !c prémier dcfir elt de HL» voir tousles Gouvernemens juftes & tous les peuples heureux, en jettant les yeux fur Talltarice 1 d'une Monarchie avecun peuple qui défend fa liberté , eft curieufe d'en pénécre'r des motifs Elle ne ] voit que trop clairement que le bonheur de 1'humanité n'y entre pour rien. Elle penfe que li la rour de Verfailles. eüt été déterminée par 1'amour de Ia . juftice, elle aurait pofé pour premier article de fon accord avec 1'Amérique, que tous les Peuples avpri- ; més ont droit de fe joulever cohtre leurs Oppreffeitrs. j Mais cette maxime, qui fe trouve parmi les loix ; d'Angleterre, qu'un Roi de Hongrie en montant i fur le tróne, fut affez grand pour en faire une des ) conftitutions d'Etat ;qui fut adoptée par un des plus grands Princes qui ait régné, par Trajan , lorfqu'il 1 die, dans une affemblée du peuple Romain au premier Officier de l'Kmpire,en lui préfentantune épée nuë, en 1'inftallant fuivant la coutume , dans fa charge: pour moi,Jijefuisjujte; contre moi^fijedevieni : tyran. Mais cette maxime eft trop éirangere k nos Tome I. q Gou-  ( 24e ce Prince ait alors jügé l'indépendance des Erats Unis contraire a fis intéréts; foit que cette réfolution lui ait paru trop pjématuré; foit enfin, qued'autres objets politiques aient abforbé fon attention , il refufa d'entrer dans cette invitation. On fuppofa d'après fon caraérere, qu'il ferait inutile de répéter les follicications. Après cette prémière tentative, on le fargua fi peu fur cette grande affaire, que ce fut fans fa conUaiffance, que la Cour de Vcrfailes fit notificr « cciie^ ?t. James qu'elle avait reconnu 1'Indt'peadance des PrQvinccs confédérées." „Pendant cette inrervalle. les forces de terre & de mer qtie 1'Efpagnë employait contre les Portugais dans Je Bréfil , étaient rentrées. La riche flotte qu'elle attendait de Mexique était arrivée dans fes ports. Les IVéfors qui hii venaient dn Perou & de fes autres pcfi.-ffions, fc frouvaien't en pleine füreté. Elle  C '47 ) Elle était affranchie de toute inquiétude & maftreiTe de fes mouvemens , loifqu'elle brigua la gloire de pacifier les deux Ilemisphcres. fa iriédiation fut acceptée, auffi -b:en par la France dont les entreprifes bardies n'avaierit pas eu les fuccès qu'elle s'en était promis,que de 1'Angleterre, qui pouvait craindre de provoquer contre elle un nouvcl Ennemi " ,, Charles III. foutintavec dignité le grand róle qu'il devaic jouer. II propofa que chacune des Puiffances j belligerantes, mettant bas les armes, füt maintenue | dans les territoires qu'elle occuperait au tems de la J convention ; qu'on formerait un Congrès oh feraient i difcutées les prétentions réciproques; & qu'on ne 1 commencerait point de nouveiles hoftilités avant le 1 tcrme de douze mois expirés. " „ Ce Monarque n'ignorait pas que eet arrangement procurak a la Grande-Bretagne la facilité de I fe ménager une réconciliation avec fes Colonies, de • leur faire acheter par des grandes ceffions en faveur de fon commerce les ports qu'elle avait encore fur I leurs cótes II n'ignorait pas qu'il devait bleffer la f dignité du Roi fon Neveu qui s'étaitengagé a maintenir les Etats-lmis dans la poffeffion de tout leur ter* jritoire. Mais il croiait étre julle, & 1'on ne peut 11'être fans oublier toutes les confidérations perfonelles." Ce plan de conciliation ne plut pas a la Cour de j Verfaiües ; la feule confolation n'était puifée que : dans 1'pfpérance qu'il ferait rejetté p tr la Cour de ; Londres. Tette efpérance ne fut pas decue. L'An; gleterre ne put fe déterminer k reconnaitre 1'inI dépendance abfolue de 1'Américain ; quoiqu'ils ne I duffent pas être appellés aux conférences qui devaient avoir lieu ; quoique la France ne püt négocier pour eux ; quoiqu'ils n'euffent pour avoir foin de I leurs intéréts qu'un Médiateur qui ne leur était lié ipar aucun traité & qui, peut-étre, au fond du icoeur, ne défirait pas leur avantage; quoique fon refus lui fit appréhender d'avoir un Ennemi de plus. " „ C'eft dans une circonftance pareille ; c'eft dans le ' tems qu'un noble o;gueil éleve 1'ame au-deffus de t toutes les fortes de terreurs; lorfqu'il n'eft rien de Q 2 plus  ( 248 ) plus affïeux qur onte de recevoir la loi & lorsqu'il n'y a pas a het ni choifir entre la mine & le deshónneur ;c'ei alors que la grandeur d'une Nation parait toute enievée. Je conviens cependant que des hommes accoutumés a juger des chofes parl'évenement, donne le nom de refolution grande & perilleufe a Théroïfme ou a la folie fuivant le bon ou mauvais fuccès dont ils ont été fuivi. Si donc on me demandait quel nom fera donné dans les temps a venir a la fermeté que les Anglais firent alors éclater, je repondrai que je n'en fcai point. Mais celui qu'elle mérite je le feaL Je fcai que les Annales du monde ne nous offre que rarement le fpeétacle augufte & majeflueux d'une Nation qui aime rénoncer a fon exiftence qu'a fa gloire". ., Le Minillerc Britanique eüt k peine publié fa termination, que la Courd'Efpagne époufa laquerelle de celle de Verfailles, &en confequence celle de 1'Amerique. L'Efpagne n'avait que foixante trois vaisfeaux de ligne & fix autres fur les chantiers. La trance en avait quatre vingt outre huit que 1'on preparait. Les Etats-Unis n'avaient que douze fregates, mais un grand nombre d'armateurs". ,. A toute cette combinaifon de forces 1'Angleterre n'avait a oppofer que quatre vingt quinze vaiffeaux de ligne, & trente trois fur les chantiers. On voyait encore feize difperfé 9a & li dans fes ports; mais n'étant plus propres au fervice, on les avait convertis en prifons ou hópitaux. Inférieure en inftrumens de guerre elle 1'était encore plus en mo. yens de toutes fortes pour les employer. Ses diflèntions domefliques aftaibliffaient encore les reffources qui lui reftaient. C'eft la nature des Gouvernemens vraiment libres d'ètre agités en tems de paix. C'eft par des troubles inteftins que les efprits corfervent leur énergie & le fouvenir continuel des droits de la Nation. Mais, en tems de guerre, toute fermentation doit ceffer; toutes les haines doivent s'éteindre. tout les intéréts doivent fe réunir & contribuer a 1'envi au bien public. Mais la fcene fut tout-a-fait différente daus les Ifles Britanniques il n'y  C 249) n'y eut jamais de diffentions plus violente». Jamais les prétentions réciproques ne fe développerent a vec moins de circonfpection dans aucune circonftance. Les deux fadtions foulerent aux pieds le bien public avec une égale audace " „Les chambres du Parlement ou les queftions les plus importantes avaient été difcutées avec éloquence, avec force&dign;té,ne retentiffaient plus que de cris de rage, d'injures groffieres & de querelles auffi piquantes qu'elles étaient indécentes. Le petit nombre de vrais Citoyens qui reftaient a la patrie . demandaient hautement un nouveau Piet, un Miniftre qui, comme lui, n'eüt ni parens ni amis; mais eet hovame extraordinaire eft encore a paraicre. On crut méme alTez généralement que le jour était arrivé oh ce peuple fuccomberaic, malgré 1'élévation de fon c-.iracr.ere, malgré 1'exnérience de fes Amiraux, malsnéla bravoure de fes Marins, malgré cette énergie qu'une Nation libre doit acquénr dans les fecouffes inteftines." Mais l'Empire du hazard eft une carrière ïmmenfe'QLii fait en faveur de qui les Elemens fe déclarerontv II ne faut que le fouffb da vent le plus léger pout donner ou enlever la vidtoire. Un coup de canon peut déconcerter une flotte entiere par la mort de rXmiral. On ne voit pas les fignaux; on ne les é-oute pas; on y désobeit. L'expérience, la valeur & 1'habileté font traverlés par 1'ignorance, par la jalouüe, par la trahilon , par 1'afiurance de 1'impunité. Une brume couvre des nnvires qui co;nbattent & les fépare ou les rend méconnaiffables. Un tempête, ou un calme peuvent également fauver ou détruire. Les forces font Croifées par la viteffc inégale des vaiffeaux. L'heureux moment eft perdu par la pufillanimité qui balance ou par - la témérité qui fe précipite. Des plans feront formés ave • fageffe ; mais le fuccès manquera par ie défaut de concert dans les mouvemens de 1'exécution. Par un ordre imprudent de la Cour, ce qui pouvait être une journée glorieufe tourne en deshonneur. II ne fiut aue Ia disgrace ou la mort d'un Miniftre pour changer un projet. Eft-il poffible qu'une étroite  ( 250 ) union fubfilte parmi des confédérés de caracterc's fi oppofés qne le Francais vif, leger & dédaigneus, 1'cspagnpl hautain, jaloux, refervé, lent & circonfpect & 1'Américain qui jette encore a la dérobée des regards vers la Mere - patrie & fe réjouirait des défoftree de fes alliés, s'ils pouvaient fe concilier avec fon indépepdance De pareilles Nations, foit qu'elles agifiént féparement ou conjointément, tarderont-elles longtems a fe faire des reproches & des plaintes & a fe brouiller? Leur plus grande espérance ne doit-elle pas être que- des revers multipliés ne pourront faire pis que de les replonger dans eet état d'humiliation d'oh ils tentaient de fortir & de fixer le fceptre des Mers dans les mains de 1'Angleterre: lorfqu'une ou deux défaites confidérables auraient pu réduire ce peuple ambiticux a ne jamais plus tenir unrang parmi lesprincipalesPuisfances de 1'Europe ? " „ Qui peut donc, qui peut prévoir quel fera Vévénement ? La France & 1'Efpagne réunies ont de puisfantcs reffources ; mais 1'Angleterre a 1'art d'employer les fiennes. La France cc 1'Efpagne ont des tréfors; l'Angleterre,un grand crédit National.D'un cóté, on voitun nombre infini d'hommes; de 1'autrê , la fupériorité dans la ftruéture des vaiiléaux, «Sc poi-r ain-. fi dire, 1'art de dompter la Mer dans les batailles na\ales. Ici la valeur & 1'impctuofité; la, la valeur & 1'expérience. D'une part, 1'activité qu'une Monarchie abfolue communiqué auxdeffeins; de 1'autre, la vigueur & 1'énergie qu'infpire la liberté. La des pertes & des affronts a vanger; ici, 1'ancicnne gloire avec la Souveraineté de 1'Amérique & de 1'Océan, k recouvrer & a conferver. Les Nations alliées ont 1'avantage qui doivent réfulter de 1'Union de deux grandes Puiflances, mais en même tems les inconvéniens qüi doivent réfulter de cette Union même, par la difficulté d'entretenir 1'harmonie & laconcorde dans leurs deffeins & dans leur exécution par les forces refpectives L'Angleterre elt laifiée a elle-méme; mais n'ayant que fes propres efforts a diriger, elle a 1'avantage de 1'unifonnité dans lc deffein &  c m) un ordre plus für & peut-être plus pompt dans lesidees: elle peut, avec plus de facilité, combiier lesplans de défenfe & porter des coup* plu* prompts." „Afin de pefer ce grand fujet avec ji;flcffe,nous mettrons dans la balai.ee la différente énergie qui peut être communiquée aux Nations rivales par une guerre, qui n'eff, a bien des égards, qu'un gucne de Rois & de Miniftres d'un cóté; mais de 1'autre une guerre vraiment Nationale oü il s'agit des plus grands intéréts de 1'Angleterre; celui d'un Commerce qui produit fes richeffes, celui d'un Empire & d'une Gloire fur lefquelles repofe cette grandeur." , En un mót fi nous mcttonsle courage de la Nation Frangaife en contrafte avec celui dela Nation qu'el le combat, nous verrons que 1'ardeur du F rangais s'éteint auffi promptement qu'elle eft facile a s'enflamer ; qu'il cfpere tout quand il commence , qu'il défefpere de tout au moindre obfhcle qui 1'arrête; que, d'après fon caraclére, fon bras doit tirer fa vigueur de 1'entoufiafme du fuccès pour en obtenir de plus grands encore: que 1'Anglais, au contraire, moins préfomptueux, malgré fon audace naturelle, fgait dès les commencemens , lutter avec courage pour s'clever a proportionele la grandeur du darger, & pour recueillir des avantages même de fes revers: •femblable a ce chêne robufte auquel Horace compare les Komains qui mutilé par lah'che fe releve fous les coups qui lui font portés & tire dc fes pertes & de fes bleflures une force & une vigueur nouvelle ". „ L'Hiftoirenous montre également cue peu de ligues ont partagé les dépouilles des Nations contre lefquelles elles ont été formées. Athenes viétorieufe de la Perfe; Rome fauvéc d'Annibal; dans les tems modernes, Venife échappant a la fameufe ligue de Cambray ; & dc nos jours, la Fruffe devenue par le génie d'un feul homme en état de mefurer avec 1'Europe, tous ces exemples devraient- fufpen• dre notre jugement fur 1'iffue de la gnefré aéfuelle. " „ Suppofons, cependant. que la Maifon de 13ourQ 4 bon  C =52 ) bon vint a obtenir les avantages dont elle pouvait fe flati er. Quelle conduite devait-elle tenir"? ,. La france eft, fous tous les points devuë, 1'F.m. pire le plus fortement combiné,dont les Annales de KHiftöirè aient jamais fait men tion. Sans être en état de foutenir ie parallele, l'£fpagne eft également lm Ltat tiès-puiflanc; & les fources de fa profpérité devicnnenr tous les jours plus abondantes. Ainfi donc le foin le plus important de laMaifon de Bourbon aurait dfx être d'obtenir d'abord que fes voifins lui pardonnalfent les avantages qu'elle tient de la nature, qu'elle doit a 1'art ou que'les événemens lui ont procurés. Si jamais elle tentait d'augmenter en Puiflance , i'alarme deviendrait générale ; & 1'üni. vers fe croirait ménacé dé 1'efclavage. On a même tien a'étre étonné cp.ie les autres Nations de 1'Europe n'ont Jas encorz traver'fi fes projets contre l'Angleterre. Le reffentiment que rinjuftice & la fierté de cette Lfie orgueiileufe ont infpiré partout, doit avoir ocCafionné cette maécion. Mais la haine fe tait quand i'intérêt parle. Jl ejt ptffiule que l'kurope rtgarde l'affaih'JJJcment de la Cr anu.» Bretagne dam l'ancien 6? te nouyet Hemijpbere. comme un événement contraire d fi jtl-ité; & qu'après avoir joui des humiliations & des dtngers de cette Puiflance 'altiere & tyranniqv.c, elle fe détermme a la fin a prendre les" armes en 1Ï1 faveur. Si cela arrivait, les Cours de Verfaillés & de Madrid fe verraient déchues de 1'espé.-ance qu'elles avaient concue d'une prépondérance fur le Globe Ces confidérations devraient les' déterminer a preffer leur attaque & a ne pas donner 3 une politique prévoyante ou jaloufe le tem» de former de houvelles difpofitions. II faut furtout , qu'elles s'arréttent a propos ; & qu'un defir outré d'humilicr leur ennemi commun ne leur ferme pas 'es yeux fur leurs propres intéréts". Les Etats-Unis ont fait éclater ouvei tement le projet d'attner dans leur affociation toute 1'Amérique feptentrionale. Plufieurs mefures, celle furtout d'in-\iter les Habitans du Canada a la révolte, ont don. . Dé  C 253 ) né lieu de penfer que c'était auffi le défir de la France, On peut foupconner que 1'Efpagne a pareillement adopté cette idéé". „ La conduite des Provinces qui ont fécouélejoug de la Grande-Bretagne eft limple & telle qu'on devait 1'attendre. Mais leurs alliés ne manqueraientils pas de prévoyance, s'ils adoptaient le même fyftême". „ Hélas la prompte & rapide décadence de nos mceurs & de nos forces, les crimes des Rois & les malheurs des peuples accélerent cette fatale cata>■ ftrophe qui doit détacher un monde de 1'autre. La mine elt préparée fous les fondemens de nos £mpires chancelans, les matériaux de leur ruïne s'amaffent & s'entaffent, formés du débris de nos loix du choc & de la fermentation de nos opinions du renverfement de nos droits qui faifaient notre courage , du luxe de nos Cours & de la mifere de nos Campagnes, de la haine a jamais durable entre des hommes laches qui poffédent toutes les richeffes & des hommes robuftes, vertueux même, qui n'ont plus rien a perdre que la vie. A mefure que nos peuples s'affaibliffent & fuccombent tous les uns fous les autres, la population, la culture, 1'induftrie & les arts croilfent en Amérique : ce pays, forti du néant, brüle de figurer a fon tour fur la "face du Globe & dans 1'Hiftoire des Nations. Tout confpire a ce grand démembrement.. Tout y achemine & les progrès. du bien dans le nouvel Hémifphere & les progrès du mal dans Tanden ". La néceffité de difcuter d'autres matierés importantes nous oblige d renvoyer d des Ncs. procbains la fuite de ce Chapitre, oü 1'on montrera ce qu'il y a d'outré da'is ks offtrtions frécédentes. Q. S LET-  C 254 ) C H A P I T R E XVIII. Sur Pimportance d'une alliance avec 1'Amérique. LETTRE a l'Auteur du Politique Holten, dais, de Rotterdam 19 May 1731. Traduite du Hollandais, T'attends avec beaucoup d'impatiencc la réfutation J que vous nous avez promife des brochures qui ont paru contre les vrais principes de notre Etat. J'efpere que vous dévoilerez les fophifmes & lamauvaife foi de ces mauvais citoyens qui ont Ófé écrire en faveur de nos plus injuftes & plus ardens ennemis. C'eft bien avec raifon qu'un des meilleurs papiers publics (*) avoue que leur fyftême doit paraitre execrable a tout bon Hollandais. II m'eft venu fouvent une réflexion fur 1'imprudence & la fottife de ces ennemis de la patrie & du bon fens. lis aflurent unanimement que la caufe de la guerre doit être imputée a la Ville d'Amfterdam. lis ajoutent que cette ville n'a eu, dans cette occafion , comme dans toutes les autres, d'autre objet que (**) fon intérêt1 particulier. Cette (*) Courier du Bas Rhin Ar«. 40. Samedi 19 May. (**) Au commencement des troubles tin certain Folliculaire, en écrivant contre la Ville d'Amfterdam , difait, pour difi ulper 1'Angleterre , que fa conduite était i.éccfnéc par l'intérêt, d'après cette idéé ironique que tous les corps politiques n'ont eu , n'ont & n'auront d'autre guide que leur intérêt £f que nous aujji, Dieu merci fommes conduits par ce vilain intérêt. C'était le langage de ces JVleffieurs dans ce tems la; mais ayant vu que ce moyen de défenfe n'avait pag  ( *55 ) Cette affertion eftd'autant plus finguliere que perfonne n'a jamais pu défavouer que, de toutes les Villes de ia République, Amfterdam était celle a qui les fuites de cette Kupture devaient caufer les plus grands défafhes. Elle aurait, dans ce cas, cherché la ruine de la République, non feulement a pure perte; mais encore en s'expofant au danger certain d'être la première enveloppée dans le naufrage commun. Voila comme on raifonne; quand on veur défendre la caufe .la plus inique qui füt jamais. Voila ce qui pourra fervir aux Hiftorkms futurs des événemens préfens, a montrer cette ville, ne perdant jamais de vuë l'intérêt de la patrie , toujours infiftant dans ces tems d'alarmes & d'orages a faire armer la République, pourconjurer la tempéte. Cette réflexion fuffi ait pour détruire tout ce qu'on trouve dans tous les libelles qu'on peut écrire in folio. J'efpere que 1'Auteur du Politique Holhndais developpera toutes les idéés qui peuvent éclore d'un germe auffi fécond. II me refte encore, Monfieur, d'autres queftions h vous propofer. J'étais étonné que le Mémoire en Miniftre des Etats-Unis de 1'Amérique pour montrer 1'importance & la néceffité des liaifons de politique & de commerce avec cette République, né vous ait pas fourni des réfiexions. Je n'ai pu lire eet oavragts fans en faire un grand nombre; je m'arrêtterai feulement fur deux des plus importantes. On foumet, dit-on dans ce mémoire, aux ré,, flexions de Vos Hautes Puiffances, fi le fyftême „ que les Etnts-Unis adopterenten ébauchant la Traité „ qu'ils propoferent a la France, le fyftême de for ., mer des Traités égaux de commerce avec toutes „ les pas fait fortune, ils ont jugé a propos de tourncr la même maxime contre la Ville d'i\milerdam, pour 1'inctilper & Ia rendre odteufe,fous prétexre qu'elle a conftamrnent facrifié )a République & les intéréts les plus eflentiels è fon intérêt particulier.  „ les Puiflances maritimês de TEurope, fans fe fou>' „ mettre è rien qui füt contraire è la liberté politi„ que ou de commerce; fyftême qui fut pofé pour „ fondement des Traités avec la France; fyftême „ auqucl les Etats-Unis ont refté inviolablement attachés ts' dont ils ne sécarteront jamais d moins ,, qu'il n'arrivé, ce qu'on ne Jaurait gueres attendre, ,, que certaines PwjJ'unces Je déclarent contre eux. " Après avoir lu ce paragraphe avec attention, j'ai dit; les Américains, en traitant avec Louis XVI, fe font réfervés ie droit de faire des Traités pareils avec toutes les autres Puiffances de I'ünivers: ils n'ont accordé k la France aucun avantage exclufif ;& la Fi •ance a déclaré elle-méme qu'elle n'avait d'au* tre objet que d'affermir 1'indépen ïance de 1'Amérique . & qu'elle regardait eet avantage comme affez confidérable, pou>- n'en pas exiger d'autres. Cette modération de la France était d'une politique néceffaire; pour diffiper les ombraees qu'auraient pu concevoir & les Etats-Unis de l'Amérique&les Etats Maritimês & tommergans dc 1'Europe. L'objet des Etats-Unis était fans doute de fe ménager, en ne favorifant aucun pays aux dépends des autres, le moyen d'atcirer les autres Etats de 1'Europe dans une alliance pareille, en formant des Traités femblables de comme ce. Mais fi cette politique ne produit pas 1'effet dcfiré , conferveront-ils les mêmes égards pour les autres Etats ? Ne chercheront-ils pas a fe vanger d'un réfus, ou d'un delai injurieux? Üans 1'ardeur du reffentiment qui anime des Etats jeunes 6c facilcs a s'enflammer, ne croiront-ils pas devoir accorder des avantages particuliers aUx Puiffances qui ont fait les premiers & les plus grands efforts en leur faveur ? Mais il eft une fuppofition encore plus probable & ?lusicraindre, & qui pourrait poiterle dernier coup notre puiffance Ne devons nous pas appréhender que notre obftination a rejetter des offresfi naturelles &  ( 257 ) & fi avantageufes, ne confirme les Américains, dans le foupcon que notre Etat eft gouverné par des Chefs abfolument vendusa 1'Angleterre, qui ont en vue de refter fideles a cette implacable Ennemie, malgré fes caprices, fon despotifme, fes brigandages 6c fes cruautés? N'eft-il pas a craindre qu'alors ils ne falfent, k 1'imitation de Cromwel, un a£le pour l'accroiffemenl du Gommen e & de la Navigation ? S'ils défendent a tous les vaiffeaux d'ime fabrique étrangere d'introduire en Amérique d'autres denrées ou marchandifes que celles qui feraient cruës ou fabriquées chez la Nation qui les apporte, que deviendra notre République. qui, dans la déi , cadence rapidc de fon Commerce & de fa Navigation . commengait k tourner fes regards vers 1'Amérique, pour y trouver des reffources capables de foutenir 6c de ranimer fon exiftence chancelante? N'eft-ce pas principalement, par le tranfport de marchandifes étrangeres , furtout par celle de la Baltique que nous pourrions jetter les fondemens du Commerce le plus vafte & le plus avantageux aree les Etats - Unis de 1'Amérique ? La feconde obfervation qui s'eft offerte k mon efprit en lifant le Mémoire Américain, regarde les Manufaétures de ce pays. 11 n'eft que trop connu qu'elles font dans la derniere décadence. Les efforts patriotiques qu'on a tentés pour les ranimer, font bien loin d'avoir répondu aux brillantes efpérances qu'on avait congues. La difcuffion des caufes qui ont occafionné cette décadence me mene* : rait trop loin. Je me contenterai de remarquer que nos Manufaétures pourraient fe rclever, fi elles avaient un débouché avantageux. Or , dans un tems oh tous les pays de l'Kurope ont élevé a 1'envides Manufaétures de toutes fortes, je ne vois pas d'endroit ou nous puiffions trouver un débouché plus fur, qu'un pays qui , réduit pendmt bien Ides années encore a fe borner aux arts de premiere néceffité, n'aura pas de longtems une population  c 558; lation affez rapprochée pour trouver des avantages a quitter les cultures en travaillant aux ouvrages de Finduftrie. L;.s Manufaétures n'ont jamais fleuri en Amérique. Ceux qui s'y font appliqués jufqu'ici n'éta:ent que des femmes & des enfans qui ne pouvaient travailler dans les Campagnes, ou des hommes , dans de certaines faifons de Fannée & dans les intervalles du tems oh ils nc pouvaient s'occu^per a 1'agriculture. Les travaux Champêtres font, dans ce pays la, beaucoup plus avantageux que les Manufaétures. Avec les produétions du fol , les Américains peuvent importer & fe procurer tous les objets de Finduftrie a beaucoup meilieur marché qu'ils ne pourraient les fabriquer. Quelle eft la caufe de ce phénomene ? La fertilité d'un pays encore neuf. Le produit d'une journée de 24 fois dans ces terres nouvelles ne rend pas feulement les 24 fois en récolte; mais elle au-, gmente encore de 24 fois la valeur de la terre: pendant qu'une pareille journée dans l s Manufaétures ne rend qu'un produic net de 24 fois. II eft vrai que depuis la guerre, le frêt & les asfurances ont été fi hauts qu'on s'eft appüqué beaucoup plus aux Manufaétures. On a élevé des febib ques de falpêtre,defel, de poudve, de canon & d armes. On a fabriqué des draps & des toiles cc plufieurs autres articles; mais ce que la guerre a fait naitre, finira fans doute avec la guerre. L'Amérique fera longtems le pays des matieres premières &' 1'Europe celui des articles d'industrie. Ainfi des liaifons entre 1'Europe & 1'Amérique on doit voir jaillir une fource inépuifable d'avantages; a moins que quelque mauvais génie en politique ne dérange le plan de la nature. Vous voyez , Mr. que vous n'ètes pas le feul Hol-  C 259 ) Hollandais inftruit des affaires de 1'Amérique. Avant de terminer cette lettrc vous me permettrez de vous demander pourquoi vous n'avez encore rien dit des peincs que fe donnenc les Anverfois pour rapellcr leur ancien Commerce en ouvrant 1'fis: caut? J'ai Thonnear, &c. La Réponfe d cette Lettre au N*. fuivant. P. S. On trouve dans la Gazette de la Haye ' 1'averciffement fuivant. I Comme il a pnru dans le Politique Holhniais, N°. 14. qui s'imprime a Amfterdam, chez le Librai: re J. A. Crajenfchot, une traduétion du Mémoire k , LL. HH. PP. par Mr. Adams prétendue exacte £ƒ ' F Héréditaire, k imaginer, prefcrire & mettre a exécutioa toutes ies mefures qui paraitront les plus propres & les plus convenables afin de parvenir, fous la Bénédiction & 1'Affi. ftance du Dieu trés Puiflant, a réparer le paffé, a laver la lionte & Ie deshonneur dont cette République eft flétrie chez 1'étranger, & par une défenfe vigoureufe de la Patrie & de tout ce qu'elle a de plus cher & de plus précieux, a la maintenir dans les avantages d'une Liberté achetée fi cher, contre des calamités ultérieures. Meffieurs les Députés fe trouvent encore exprelfément chargés de faire coucher dans les Regiflres de Hollande, la Propofition mentionnée pour l'apologie & la décharge de Meffieurs leurs Commettans & d'infifter de toutes les ma* nieres poffi'iles qu'on prenne a eet égard des Réfolutions promptes & dont on voye les effets, dans la vue d'obtenir ce but falutaire - qu'on prie d'une maniere puiffante, les autres Membres de travailler a obtenir en faveur de cette Propofition, le fuff'rage de Meffieurs leurs Principaux, pour 1'apporter dans l'AiTemblée prochaine. ,, II ferait inutile," dit 1'Auteur de la Gazette Francaife d'Amfterdam, ,, dc s'étendre en réflexions ,, fur une piece qui n'en offre que trop, & des plus „ douloureufes. Nous nous contenterons de remar,, quer, qu'il n'y a que des Régens, bien fürs de 1'intégrité & des traits louables de leur condui., te, qui puiffent s'exprimer fur ce ton. Afin, ce„ pendant, qu'on ne nous accufe pas de ne produi,. re que les piéces des parties intéreffées, nous fai,, fiffons cette occufion pour déclarer que quoique „ la Ville d'Amfterdam iemble, dans cette occafion, ,, & depuis longtems, fe produire feule fur la fce,, ne , il ne faut pas croire que fa conduite ne foit ,, approuvée que dans la rlollande. La plus gran„ de partie de la Nation dans toutes les Provinces„ Unies, eft en fa faveur. Quelques Ecrivains ob„ fcurs, rougiffant de leurs produétions, au point „ d'offrir des récompenfes a quiconque prouverait „ qu'ils cn font les Auteurs, ne devraient fürement „ pas fervir d'autorités aux Etrangers. On fait affez „ pour quel parti la Frife s'eft déclarée. Si les au„ tres Provinces n'ont pas encore fait le même éclat, / R 3 » c'eft  C S.66 ) „ c'eft une fuite de certaines circonftances, parti„ culieres a notre gouvernement, & qu'il eft plus „ aifé de deviner qu'il ne ferait prudent de les indi„ quer." Quant a ces dernieres parolcs, 1'Auteur nous pardonnera de ne pas être de fon avis. Nous fommes perfuadés que, dans un Gouvernement libre, éclairé & légitime, il n'y a point de vérité qui ne foit bonne a dire ; & qu'il n'y a d'autres. regies a eet égard que de relever avec modération les fautes qui ne viennent que de la faiblefle humaine, en les diftin* guant des crimes publics & prémédités qu'il faut attaquer avec toute 1'indignation d'un patriotifme ardent & courageux. Un de nos Ecrivains, également diftingué par fes principes, par fes mceurs, par fon courage & par fon génie (*) , a prouvé que la liberté de penfer & d'écrire eft une des prérogatives de notre conftitution. II a détruit 1'abfurdité & les conféquences de cette maxime; qu'il r.e convient pas d'expofer au Tribunal du Peuple des chofes qui doivent être Vobjet des Délibérations de 1'Etat. „ Si dans „ les divers événemens, dit un Auteur moderne," qui paffent fous nos yeux, nous blamons avec courage ce qui nous parait devoir 1'être, nous ne cherchons pas le trifte & vain plaifir d'une indifcrete cenfure. Nous parions aux Nations & a la PoftéritéNous leur devons tranfmettre fidelement ce qui peut influer fur le bonheur public. Nous leur devons 1'Histoire des fautes pour apprendre a les éviter. Nous devons être juftes envers ceux qui exiftent encore, comme les Hiftoriens doivent 1'être envers ceux qui ne font plus. Si parmi les hommes puiffans il en eft qui s'offenfent de cette liberté ne craignons pas de leur dire que nous ne fommes que les Organes d'un Tribunal fuprême que la raifon éleve enfin fur un fondement inébranlable. II n'y a plus en Europe de Gouvernement qui ne doive en redouter les arrêts. L'opi- (*) L'Auteur de la brochure intitulée : Tweede Brief over de DroHendienften in Overyfel.  ( 267 ) L'opinïon publique qui s'éclaire de plus en plus & que rien n'arrêcte ou n'intimide, a les yeux ouverts fur les Nations & fur les Cours. Elle'pénétre dans les cabinets ou la politique s'enferme. Elle y juge les Dépofitau-es du pouvoir, leurs paflions & leur faibleffe ; & par 1'Empire du génie & des lumieres s'éleve de toutes parts au deffus des Adminiftrateurs pour les diriger ou les contenir. Malheur a ceux qui la déd-ugnent ou qui la bravent! Cette apparente audace n'eft que rimpuiffance. Malheur a ceux qui par leurs talens n'ont pas de quoi foutenir ces regards! Qu'ils fe rendent juftice & dépofent un fardeau trop pefant pour leurs faibles mains. Ils cefferont du moins de compromettre eux-mêmes & les Etats," Qui êtes vous pour ófer porter vos regards téméraires fur la conduite des Gouvernemcns ? Je fuis bomme , je fuis citoyen. Ces deux titres ne me donnent-ils pas le droit de m'élever a la difcuffion de ce qui touche mes plus grands & mes plus pré» eieux intéréts ? N'ai-je pas le droit de reclamer tous les avantages légitimes que la Patrie oh j'ai recu ou fixé mon exiftence, peut acquérir? N'ai je pas l'intérêt le plus preffant aux fautes qui peuvent lui attirer des malheurs? Voila mes titres, voila mes droits. Je puis me tromper; eh bien dévoilez mes erreurs ; c'eft une fuite de la liberté que je réclame. II peut auffi m'échapper des véricés utiles; le feront-elles' moins, par ce que je n'ai pas, comme tous les citoyens des anciennes Républiques, le droit d'ouvrir mon avis & de voter dans les délibérations publiques ? Mais les principes de la Conftitution politique & de la Religion Nationale, ne font-ils pas des ol-jets facrés qu'il faut refpeéler , a moins qu'on ne veuille. de gaité de cceur, ébranler les fondemens de 1'Ordre public & les liens les plus forts de la Société ? Oui, quand le Gouvernement & la Religion pofent fur Timpofture & la tyrannie & ne peuvent fe foutenir que par les mêmes moyens. D'après ces obfervations, néceflaires pour faire mon apologie fur ce que j'ai dit & fur ce que R 4 je  ( 268 ) jepourrai dire encore, je vais dévoiler les circonftances qu'on a juge devoir taire dans d'auties eer its. Quand Amfterdam parle, quand elle parle fur ce ton, quand fon courage eft applaudi par deux villes aulii puiffantes que Dort & Haarlem, on ne faurak révoquer en doutes Ja légitimité de fes plaintes. Car quoique la liberté de s'énoncer fur les ob-> jets publics foit une des prérogatives pa: uculieres des corps politiques d'Etat ou de leurs Membres qu'on appelle Régens; il n'y a gueres de pays ou le mélange & le choc des intéréts & des vues en. gagent a s'exprimer avec tant de réferve & de circonfpeétion. il n'y a pas de pays 011 les partis différents foient obiigés de fe ménager davantage dans les tranfaétions publiques. Les Anglais ont même été tellement frappés de cette modération, fi oppofée aux éclats violens de la liberté dans leurlfle, qu'ils ont prononcé d'un ton despbtique que les Hollandais ne connaiffaient pas du tout la liberté de penfer; que quoique leur gouvernement fütpopuraire a quelques égards, les citoyens n'ófaient publier leurs fentimens; que le peuple a trop de molleffe lorsqu'il eft queftion de foutenir fes droits ; que des milliers d'Habitans, croyant avoir part au gouvernement, ne tardent pas a reconnaitre leur nullité, quand ils veulent agir en conféquence; & qu'ils ne mettent aucune chaleur dans la réfiftance qu'on leur oppofe. Ces reprocbes font exagérés; mais il eft tems de revenir a la ville d'Amfterdam. Ses plaintes font fondées. Elle montre qu'on a verfé dans la caiffe générale les fommes nécesfeires pour fubvenir aux dépenfes extraordinaires de la Guerre. L'attente des citoyens ne laiffe pas d'étre trompée. Elle eft trompée d'une maniere d'aucant plus douloureufe, que toute la Nation s'attendait a quelque grand coup contre 1'Ennemi de la Patrie. Les cótes de la Grande-Bretagne é- taient O Williams Hijlm're des Coaveruemens du Nsrd.  C 2<*S> > étaient alors dégarnies. Une peiite Efcadrc pouvak aller attaquer New-caftle, bunderland & Whkby; ces placesfont incapables de faire aucune réfiftance. On pouvait auffi vifiter les lieux oü Paul Jones nous a montré qu'on pourrait poi ter des coups fürs & fenfibies, avec un armement d'une force médiocre & conduit feulement avec une habile é ordinaire. II exifte un pamplilet Anglais écrit, il y a cent ans, fous le titre de L.ondres coupé par l.i gorge, oü 1'on montré la facilité de défoler plufieurs des placcs les plus importantes de la Grande-Bretagne & la détreffe oü fe trouverait Londres par 1'attaque ou la deftrdétion de Newcaftle & des batimens & mines de charbon II eüt encore été facile aux Hollandais de porter un autre coup a 1'Angleterre. L'Amirauté de ce Royaume n'a pas envoyé un feul vaifléau de force pour protéger cent gros navires & quatre mille des meilleurs matelots qui font partis pour la pêche de la Baleine par les 60 & 6j degrés de latitude. Quelques Frégates & Corfaires arnvant a la fin de Juin au milieu de cette pêcherie enleveraient poisfons, navires & matelots avec la plus grande facilité. On fe ferait ainfi dédommagé de 1'abandou qu'on a été obligé de faire de cette pêche pour faciliter les armemens de 1'Etat. 11 eft actuellement trop tard pour penfer a ce projet. II' en était un autre dont la Nation demandait & femblait attendre 1'exécution avec impatience. C'était 1'enlevement d'un grand convoi forti duWefer avec plus de deux mille de ces hommes que Ier petits Princes Allemands vendent a 1'Angleterre. Un retard inconcevable dans le départ de 1'Escadre du Texel a fait encore échouer ce projet dont le fuccès paraiflait certain. Peut-être eft - il d'autres objets auxquels on peut affigner la deftination de cette 'f lotte, comme d'aller au devant des navires attendus des Indes ou d'autres endroits &c. Eft-ce que les opérations navales déplairaienr è. ceux qui, depuis les troubles fur Mer, n'ont ceffé R 5 de  C 270 ) de vouloir porter toute I'attention du Gouvernement du cóté de la terre? Le reffentiment de n'avoir pas réuifi , la erainte de déplaire a des ennemis auxquels on dit qu'ils font voués. les engageraient-ils a traverfer encore toutes les opérations navales ? Quand il s'agit ,du' falut de la Patrie , quand les colonnes de la profpérité Nationale font ébranlées jufques dans les fondemens, ne fautil*pas que toutes les confidérations particulieres fe taifent; & quiconque conferve des intéréts oppofés a la défenfe de la Patrie, fous quel point de vuë doiton le confidérer ? Mais, dira-t-on, eft-il bien für que Ia conduite d'Amfterdam foit authorifée de 1'opinion publique & du fuffrage de la portion la plus nombreufe des citoyens? Au contraire ne fait-on pas que la plurahté s'eft toujours trouvée dans le parti oppofé? Quelques efprits ardens peuvent 1'approuver: mais les reproches des uns , 1'oppofition des autres & le défaveu des adminiftrations fuprêraes ne prouvent-ils pas que cette ville orgueiileufe a agi contre la volonté générale & qu'elle eft coupable de la guerre défaftreufe 011 Ia République fe trouve aéluellement engagée? S'il eüt été poffible , s'il eüt été permis de recueillir les voix du peuple, c'eft a dire du corps colleétif de la Nation de fe regler fur les fuffrages qu'il aurait donnés, cette objeétionn'aurait jamais eu lieu: mais il n'eft que trop vrai que le peuple n'a, dans la plupart des Provinces-Unies, aucune part aux Gouvernement ,ni par 1'influence de fes fuffrages ,ni par des Répréfentans de fon choix. Les Corps politiques jouïlTent du droit de choifir leurs Membres, quelq'.es-uns par une éleélion indépendante; mais la plupart en acceptant les fujets qu'il plait au Prince Stadhouder de choifir fur une préfentation faite par eux-mèmes de plufieurs membres. Ainfi la plüpart des Régens, dépendant de ceux qui fe font toujours oppofés aux mefures de la Ville d'Amfterdam , font interéffés k fuivre leur parti; foit pour être continuées dans les dignités, foit pour en ou- vrir  ( 271 > WTÏr la' porte a leurs amis &! a leurs parens. Voilé pourquoi le parti du Prince fera toujours fur de la pluralité; comme le Roi d'Angleterre eft également für de 1'obtenir par des voies différentes. Lk le Monarque a les moyens de corrompre les Membres choifis par le peuple: ici le Stadhouder a les moyens d'éloigner les Régens qui ne feraient pas de fon"parti & de n'admettre dans les charges que des perfonnes dont il eft für. Auffi remarque t-on qu'en Frife oii le peuple a quelque part au Gouvernement & dans la ville d'Amfterdam oü les principaux Régens font indépendans du Prince , on ne fuit en général que les mefures qui font les plus conformes aux intéréts les plus évidensde la Nation. On a fort bien remarqué que cette ville étant expofée le plus aux fuites funeftes de cette guerre; elle devait naturellement tout tenter pour en éloiener les horreurs. Elle n'a donc pas fuivi aveuglément l'intérêt perfonnel; elle a donc confulté la dignité de 1'Etat. Comparons a ce fujet fa conduite avec celle du parti contraire. Amfterdam voulait qu'on eloignat la guerre, en le mettant dans un état refpeétable de défenfe qui im • pofat aux Anglais; fuivant cette maxime, dont elle éprouvait déja la vérité, que les faibles font toujours la viétime des plus forts. Elle fivait que les Anglais, peuple fier paree qu'il eft marin & intéreffé paree qu'il eft commercant, n'ont jamais fui* yi que ce droit avec ia Républiqus. De tout tems le plus faible céde au plus fort, difait Athenes aux Infulaires de Melos : Nous n'avons pas fait cette loi ■ elle eft auffi vieille que le monde 6? durera au. tant que lui. Cette même raifon, qui fied fi bien a 1'injuftice, fi: qu'Athenes füt a fon tour fubjuguée • par Lacédémone. Mais en attendant que les Anglais rencontrent auffi quelque Lacédémone qui tourne cette maxime contre eux , la Ville d'Amfterdam demandaitque la République füt mife en état de les empêcher d'abufer du droit fingulier de la force. Le parti oppofé difait au contraire', que les Anglais,  C 272 ) glais, exigeant ceitaines condefcendances, il fallait Jes leur accorder, pour gagner & conierver leuramitié. Ils foutenaient qu'il y avait plus de fonds k faire fur la reconnailfance & la généroficé Britanniques que de craintes a concevoir des nouveaux moyens que cette condefcendance lui fourniraic pour abufer de fa Puiflance. Ils s'embaraffaient peu que la France vivement intérélfée a cette démarche Ia regardat comme une dérogation au fyftême'de Neutralité que la République était tenue d'obferver entre deux Puiflances Belligérantes. 'On s'appercut même qu'ils auraient défiré, dans ce conflit, entrainer la République dans la querelle de 1'Angleterre, c'eft-a-dire fournir des armes a fon plus dangereux ennemi, affurer a jamais fon defpotifme fur les Mers & expofer la République aux attaques de la France. Alors il aurait fallu lever de grandes armées de terré. Le Chef de la République aurait goüté le fingulier plaiflr de paraitre a la tête de nombreules armées & peut-étre de jouer un róle brillant dans les affaires de 1'Europe. Telle parait avoir été leur policique. U eft fort douteux, fi elle aurait eu le fuccès défiré. Les Annales des événemens pafl'és nous prouvent, au contraire , que , dans toutes nos guerres avec la France , elle a prefque été toujours en état d'envahir nos frontieres & quelquefois de pénétrer jufquesdans le cceur de 1'Ëtar, Une telle politique ferait des plus funeftes : auffi faut-il bien fe garder d'en attribuer 1'idée au Prince qui eft a la téte de notre République. On aflure, & il eft bien plus probable, que Ia racine de ce fyftême vient du terroir Britannique. Ja« mais, peut-être, Ia. Cour de Londres n'imagina un projet nlus adroit &■ plus profond. II importe de dévoiler ce myftere dans toutes fes profondeurs. L'objet oftenfible des munitions navales portées librement en France ne peut avoir été Ia caufe dc fes infulres , de fes clayieurs. Quel reflentiment pouvait-elle en éprouver , puifqu'elle en interceptak impunément tous les navires, fans s'embarafler des  073) des réclamations des Etats, fans refpeéter les prérogatives facrées*du pavillon d'une Puiffance indépendante ? Mais elle efpérait qu'en forcant la République a certaines condefcendances & a la levée dc troupes dc terre, elle pourrait 1'entraüner dans une guerre avec la France. Les Francais, dans ce cas , n'auraient pas manqué d'attaquer fes frontie■res: cette démarche eüt nacurellement alarmé les Puiflances voifinest 1'Empereur, le Roi de Pruffc & d'autres Etats de 1'Empire n'auraient pas refté fpeétateurs indifférens de la quereile: avec de gros fubfides 1'Angleterre eüt attiré de fon cóté de nuiffans alliés: 1'embrafement ferait devenu général «ans toute 1'Europe. La France, embaraffée dans une guerre de terre, n'aurait pu déployer que de faibles efforts fur Mer & fe ferait vue obligée d'abandonner a 1'Angleterre le fccptre de Neptune & 1'Empire de 1'Amérique. Voila fans doute Le fecret de la politique Anglaife rélativement a la République. Voila le projec pour le fuccès duquel les partifans nombreux qu'ils ont dans ce pays, devaient leur fervir d'inftrumens. Voila pour quel deffein ils ont cherché a éblouir les fots par les grands mots d'alliés naturels; comme fi , la liberté politique ne devait plus exifler dès qu'on eft engagé dans une alliance ; comme fi 1'un des eontraétans pouvait manquer a fes obligations, fans que 1'autre füc délié des fiennes; comme fi les cas de ces fortes d'alliance n'étaient pas toujours bien & düment fbpulés- Pour montrer en effet fi nous fommes authorifés k fuivre toutes les mefures de 1'Angleterre , fous prétexte qu'elle ferait notre aliiée naturelle , il importe d'examiner; fi nous avons des alliés vraiment naturels. Cette difcuffiondémontrera notre impartialité & fuffirait pour faire disparaltre 1'édifice aërien des Anglonanes: elle préparera du moins les efprits-aux réfutations que nous donnerons de leurs Syftêmes. CHA-  C 274 ) CHAPITRE XX. Sur cette Queftion: la République a-t- elle des alliés naturels pour commencer la réfutation du Politiek Vei toog ? ✓~\n a beaucoup écric fur les alliances naturelles; yj c'eft furtout dans les Provinces-Unies oh 1'on s'eft le plus étendu fur ceux qui étaient nos alliés naturels. Les uns donnent ce nom a 1'Angleterre d'autres k la France, d'autres a 1'Empereur, d'au' tres au Roi de Pruffe: Ces idéés ont changé fuivant le tems & les circonftances 5 mais avant de fe disputer fur les Puilfances auxquejles on pouvait donner ce titre, on aurait dü examiner le fond de la queftion , favoir, fi nous avions réellement des tels alliés. Tous les gros livres écrits fur cette madere ne prouvent que 1'ineptie ou la mauvaife foi des Auteurs; ils fe contredifent fans ceffe; paree qu'il ne faurait y avoir de liaifons dans des principes faux: c'eft ce dont il eft facile de s'affurer en jettant les yeux fur des brochures prétendues politiques , publiées au commencement des troubles préfens, fous les titres du bon Hollandois &c. Ce font ces livres mal réfutés jufqu'a préfent qui ont fervi de fondemens aux Ecrivailleurs fuivans. Ce que je vais dire pourra éclairer la mauvaife foi des Anglomanes & montrer a ceux du parti oppofé les vrais principes qui peuvent leur ferVir contre les Ennemis de la Patrie au dedans & au dehors. Avant de s'étendre en longues difcuffions en faveur des Anglais ou des Francais, on aurait dü commencer par définir ce que c'eft que des alliés naturels. Des alliés naturels font deux Etats qui par leur pofition naturelle, ne peuvent fe faire aucun mal & peuvent fe rendre de grands fervices. D'après cette définition dont tout le monde fent 1'évidence, eft il beaucoup d'alliés naturels? Je n'en vois que peu d'exemples en hurope; & je doute s'il y en a jd'au-  te) d'autres que celui des Turcs & des Francais & de ces derniers avec les Suedois. Les Turcs & les Francais n'ont rien & craindre les uns des autres & peuvent fe procurer les plus grands avantages par le commerce, & furtout par des attaques qui faflenC diverfion ; lorfqu'ils font en guerre avec la Mailon d'Autriche. Les Francais font a peu prés dans le même cas avec la Suède. D'après cette explication , qu'on me dile quel peut être 1'allié naturel de la Hollande ? On ne faurait donner ce nom aux Etats qui, ne pouvant lui faire du mal , ne peuvent non plus , lui faire aucun bien. On ne faurait donner ce nom a aucun des Etats dont les intéréts peuvent changer & avec lesquels 1'fbftoire montre en effet que la République a eu de fanglantes querelles. Paffons fucceffivement en revue la France , 1'Angleterre , le Portugal, 1'Autriche, la Suède, le Dannemark, la Pruffe & quelques autres Etats de 1'Empire. . La France ne faurait être 1'alliée naturelle de la République. Quatre guerres longues & fanglantes, cauïées par 1'ambition d'un cóté & des craintes tantoc fondées , tantöt chimériques de 1'autre, un voifinage trop puiffant un peuple inquiet, belhqueux, entreprenant, le fyftême d'aggrandiffement naturel aux grandes Monarchies, le defir de donner a 1'Empire Francais fes anciennes limites du Rhin , tout cela prouve que la France ne faurait étre 1'alliée naturelle de la République. Quelques intéréts puisfans deCommerce, des vues momentanées de politique peuvent & doivent dans certaines ciiconftances, former des alliances même étroites entre les deux Etats: dans de pareilles circonftances d'intérêt & de befoins preffans, la défiance ferait dangereufe: mais il ferait abfurde de fe fonder fur un fyftême fixe de la part d'un Empire , puiffant & abfolu ou le Maitre ou le Miniftre donnant leur volonté pour loi fuprême, peuvent changer de politique fuivant leurs caprices. ' „ , Des querelles éternelles, cinq ou fix guerres longues & fanglantes, l'aéfive rivalité du Commerce, 'tout montre que non feulement 1'Angleterre ne ^ faurait  C 276 ) rok étre 1'alliée naturelle de la Hollande; mais qu'elle eft par fa pofition, par fon intérêt, de tous fes ennemis le plus ardent, le plus redoutable & le plus dangereux On ne doit cependant pas cacher que 1'Aijgleterre ne faurait voir d'un oeil tranquille la conquête des Provinces-Unies par quelqu'un des Etats qui 1'entourent & furtout par la France; mais ce n'eft que par la c ainte du danger oh les Ifles Britanniques feraient - lors oppofées : d'ailleurs les autres Etats circonvoifins ont le même intérêt a l'indépendance de la République. La Hollande au contraire eft vivement intéreffée k ce qu'on óte aux Anglais eet Empire maritime dons ils ont tant abufé & dont la deftrüct.ion lui rendra la facilité de tirer tous les avantages poflibles de 1'élément qui eft la fource de fon exift.nce & de fa profpérité. Ce fyftême eft celui du bien public, fondé fur 1'équité naturelle. Ici Ia juftice n'elt que 1'expreffion de l'intérêt général. Auom peuple n'eft plus intereflc que Ie nötre a reprendre toutes fes forces & a cimenter fon indép' ndance individuelle fur les reffources que le climat & la mer lui préfentent. La fuite au N". prctbain avec la Rêponfe promij'e au N*. précédent. Ces Feuilles périodiques paraiiïènt régulierement, tous les Lundis d Amfterdam . chez^. A.Crajenfcbot; d Haarlem , chez Walree; d Lelde , chez Luzac £? van Damme , & Les Freres Murray, d la Haye. chez J. van Cleef, La Feuve Staatman, & F laat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam , chez Petmet & Hake, & y. Bronk' borfl; d Dordrecht, chez Blufte; a Utrecht, chez B.Wild & G T. van Paddenburg; d Deventer, chez Leemhorst; d Groningue , chez Huyzingb; d Nimegue, chez Fan Goor; d Arnhem chez Troost; d Bois-le Duc, chez J. H. Pallier, & chez le« principaux Libraires des Pays-Bas. On trouve chez 1'Edireur de ces f uilles UAmgriquiade Poëme a Ibis & Foltaire recu aux CbampS élifées par Henri quatre, Eftampe altégorlque.  LE POLITIQUE MQlLXtJLWlBJLXS* N°. XVIII. LUNDI, ce ir JUIN, 1781. Suite du Chapitre XX. Sur cette Quejllon: La République a t-elle des alliés naturels, pour commencer la réfutation du Politiek Venoog? La rivalité du commerce,de vieillesprétentions, 1'alliance Anglaife, le voifinage des Pays-bas, montrent que 1'Empereur ne faurait étre 1'allié naturel de la Hollande. La jaloufie de commerce , 1'alliance Francaife, plufieurs guerres, de vieilles injures, montrent que la Suède ne faurait étre 1'alliée naturelle des Provinces-Unies. L'alliance étroite avec 1'Angleterre, la jaloufie de commerce, d'anciennes querelles,plufieurs guerres, montrent que la République ne doit pas chercher d'allié, ni dans leDannemark, ril dans le Portugal, ni dans les villes anféatiques. Un voifinage redoutable , le defir de cimenter fon influeace en Europe par une puiffance mariti- Toine I. «S me,  C 278 ) me, 1'ambition naturelle a une Monarchie nouvelle & abfolue, montrent que la Pruffe n'eft point 1'alliée naturelle de la République. J'ai beau chercher quels pourraient être les alliés naturels de la République: jene trouve qu'un Etat; c'eft 1'Efpagne. A ces mots je vois la furprife éclater fur les vifages de tous mes leéteurs: comment 1'Efpagne, dira-t-on, avec laquelle nous avons fait la guerre la plus longue, & la plus fanglante qui füt jamais ! 1'Efpagne qui ne peut oublier que nous fümes les premiers a fapper les bafes de fa grandeur & a accélérer fa décadence. Oui 1'Efpagne , lorfqu'un leger intérêt 1'aura détachée de fon Union avec la France, pourrait devenir notre alliée naturelle; parceque fes vieilles prétentions fur la République n'exiftent plus; paree qu'il ne lui refte plus d'efpoir de les faire revirre: parceque ne pouvant nous caufer aucun mal, elle peut nous rendre les plus grands ferviees, foit par des traités de commerce, foit par des diverlions utiles contre les Puiffances qui voudraient nous attaquer. Je laiffe h d'autres le développement de cette idéé qui n'eft qu'ébauchée, & qu'il appartient aux politiques de faire mürir. Dans cette fituation , quelle doit être la politique de la Hollande? C'eft de fe défier également de toutes les Puiffances qui 1'environnent, de s'attacher a des fyftêmes de paix qui cimentent fon bonheur , de ménager toutes les Puiffances pour n'être enveloppée dans les querelles d'aucune ; & de prendre parti pour celles, qui la ménagent contre celles qui attaquent les fources de fon exiftence; mais, cependant de maniere a pouvoir fe retirer, quand la prépondérance de celle qu'elle foutient peut devenir dangereufe. C'eft pour avoir manqué a cette politique néceffaire que 1'Ahgleterre s'eft accrue a un point dont nous avons été les vicbimes. Ces principes font ceux de la ville d'Amfterdam, ceux de 1'Auteur de fon Syjïême Politique; & s'ils ne font pas  C 279 ) pas ceux du parti oppofé; c'eft qu'ils font aveuglés par 1'ignorance ou 1'efprit de parti. Quand même, ce qui n'eft pas, 1'exiftence de la République ferait fondée fur 1'arnitié d'une Puiflance particuliere; cette Puiffance ne faurait être la Grande-Bretagne. Quel fervice pourrait-elle nous rendre, au cas que les Puiffances qui nous en tourent, concuffent, dans ce fiecle fi fécond en partages, le beau projet d'en faire un de nos Provinces? Nous pourrions être envahis, conquis & morcelés, avant que leRoi d'Angleterre eüt eu le tems de demandef un fubfide a fon Parlement. Au moins la France pourrait-elle nous être utile au cas que ce projet füt ïramé par les Puiffances qui nous entourent. Notre exiftence n'eft donc fondée fur l'amitié particuliere d'aucune Puiffance. Sur quoi ferait-elle donc fondée? Sur une bafe affez précaire, furtout dans ce fiecle: fur la jaloufie de toutes, également intéreffées a ce que notre conquête n'augmente pas le pouvoir d'une.autre, également intéreiTées a nous défendre contre toute Puiflance qui deviendrait trop prépondérante, II ferait un moyen de rendre notre exiftence indépendante de ces reffources incertaines: mais ce moyen ne pourrait s'acquérir fiins quelque altération dans le Gouvernement, foit dans 1'état politique des Provinces particulieres, foit dans le Syftême du Corps féderatif, foit dans Ia Conftitution*militaire, foit dans le Stadhouderat, dignité qui, avec certai. nes reftriéfions, pourroit procurer des avantages infinis, fans jamais caufer d'alarmes: ces objets importans,fur lesquels nous avons beaucoup réfléchi, feront peut - être le fujet de quelques - uncs de nos aifcuffions fuivantcs. S z CHA-  C 280 ) CHAPITRE XXI. Rc'ponfe d la Leltre continue dans le Chapitre XVIII, principalement Jur Couverture de I EJcaut clsr le commerce des I'ays-bas. Monsieur, Les obfervations que vous avez eu la bonté de me communiquer relativement a la conduite d'Amfterdam & a 1'importance de former au plutot des liaifons politiques & mercantiles avec 1'Amérique, me dispenllnt de m'étendre fur ce fujet. Je me contenterai de remarquer qu'Amfterdam , ayant montré plus d'inclination pour les Américains qu'aucun des autres Membres du Corps féderatif, il ferait poffible que les Etats-Unis lui .tinffent compte de fa bonne volonté. Ils pourraient faire une exception en fa faveur, d'après 1'exemple que le Roi de France leur a donné. A ces mots j'entends nos Anglomanes póuffer des eris de rage & de fureur. Eh bien Meffieurs, oubliez vous donc, que vous avez avoué que chaque ville avait le droit de faire, èplus forte raifon,d'accepter des arrangemens relacifs a fon commerce particuliei? Mais cette prédilecfion ne tend-elle pas évidemment a faire naitre la jaloufie , la divifion & peutêtre des guerres inteftines dans 1'Etat? C'eft une conféquence, fi non direéte, du moins indireéte. fi non prochaine, du moins éloignée. Rien n'eft plus ctair-. lorfqu'Amfte'dam recire de grands avantages de la pêche de la baleine , du commerce des Indes-Orientales & Occidentdes, c'eft évidemtm nt aux dépens du Corps général de 1'Etat. M-. lneurs les Ant;lomanes, que vous êtes de profonds dialeéticiens? Parccqu'Amfterdam accepte des . faveur, de commerce que les autres Membres n'ont, pas voului tcevoir, parcequ'elk faifit toutes les occafions .  C 281 ) fions de devenir riche & puiffance, que vous avez la fottife d'éioigner, c'en elt fait de 1'Etat, Cette ville orgueiileufe, en devenant plus peuplée & plus riche, fera fans doute une moindre confommation & exportation des bleds, des pommes de terre, des legumes, des fruits, des tourbes & des objets des Manufaétures desProvinces & des villes circonvoifines; elle ne peut manquer d'étre, une de ces excroiffances dangereules, dans le phyjique qui, en attirant d elle tous les fucs vitaux, dejfechent les corps &? en minent e[fentiellement les forces, fous une fau ffe afparence de profpérité. II faut avouer que dans le fiecle éclairé oh nous vivons, il fe fait tous les jours des décou» vertes que 1'ignorante fimplicité de nos peres n'tüt jamais imaginées: au moins c'eft un grand malheur pour 1'Etat que les Habitans des Provincesméditerranées trouvent dans la profpérité d'Amfterdam un débouché avantageux pour leurs denrées; car devenant plus riches, ils s'expofent a gagner 1'orgueil, 1'infubordination & les autres vices qui ré> fultent de 1'abondance. Mr. L'Auteur du Politiek Vertoog eft fans doute un grand Philofophe, auffi auftere • dans fes mceurs qu'orthodoxe dans fes écrits; il voudrait nous ramener a la communauté des biens de la primitive Eglife ou aux glands dont on dit que les" premiers humains faifaient leur mets le plus délicieux Pour que tout alMt bien , il faudrait qu'Amfterdam ne penfat jamais que d'après les autres & jamais pour foi. Vous me demandez encore, Mr,, ce que je penfe fur 1'ouverture de 1'Efcaut & du Port d'Anvers: d'après ce que j'en ai dit en parlant du difcours extravagant de Wraxall, j'avais peine a y ajouter foi : le document public qui a donné lieu a ce bruit n'augmentait pas ma confiance: mais comme cette piece fervira de fondement a mes obfervadons, j'ai cru devoir 1'inférer ici. S-! A Mes--  C 282 ) A Messieurs, Jfis Bourguemaüres, Echevins , &? Confeülers de la Ville d'Anvers, ,, r es Habitans de Ia Ville d'Anvers en général & ceux „ g y qui y font Ie commerce en particulier, jugeraient „ nutte k leurs intéréts, s'ils négligeaient dans un tems que „ toure f Europe patle des avantages que 1'ouverture de 1'es„ caur.produirait, de s'adreffer a vous, Meffieurs, pour donnet aconnoitre leurdéfir, qu'il vous plaife de faire pour eet „ effet les démarches néc.-ffaires. Tandis que toutes les Nj„ tions fixent actuellement leur attention fur la liberté de la Navigation, ferions nous les feuls, qui, quoique aiant „ plus d'infé-êt que d'autres , refteraient tranquilles & laiiïe- raient pafler inrttilement le moment, lequel paraït être „ a\ préfent venu, de nou? délivrer du joug, que Ia Répu„ blique de Hollande nous a impofé dans les jours da „ fon premier éclatV Non! il eft tems que nous fortions „ de notre aflbupiflement. Depuis le Traité de Munfler „ cette ViPe & fon commerce font tombés dans le plus „ grand déciin ; mais oh a encore en main des moyens pour fe relever , parceque fes Habitans ont toujours continué d'avoir une portion indirefte dans le comakr„ ce: Ce font eux qui, après Ia fupreffton de la CoropaH gnie d'Oftende, ont aidé b rétab'ir la Compagnie des „ Indes Orientales de SuèJe & du Dannemarc; & il ne fe„ rait pas difficile de prouver que des projets de toutes for,, tes de nature ont eu lieu dans leurs fpéculations; Que „ ne pourraient-ils donc point faire, lorfqu'il leur fera libre „ de faire un commerce direct & non gêné? L'efpêrance ,, feule, qu'ils en ont, fait revivre parmi eux 1'efprit du „ commerce. „Quand oneompare la pofition des Villes d'Amfterdam & „ d'Anvers, 1'on trouvera que celle de la derniere a beau. s, coup d'avantages fur la première. Le Commerce des Blés qui fait dela Hollande 1'entrepót de 1'Ëurope, & tout le „ commerce du Nord, s'ofïrent a l'envi k la Ville d'An„ vers: On y trouverait bientót des magafins, pourvus de „ tout Ie néceffaire pour étendre le commerce & égaler „ celui d'Amfterdam. Ce feul commerce ferait fuffifant „ pour faire fleurir la Ville d'Anvers, & pour y faire revivre M les beauX joui», qui ont précédé la Paix de Munfter. „Ce  C 283 ) „ Ce qui nous touche, Meffieurs, c'eft qu'il fe trouve „ des perfonnes, qui veulent partager les intéréts des Pro„ vinces, & faire naltre une rivalité entre les Ports d'O„ ftende & d'Anvers; tout comme fi un Port de plus ferait ,, de trop pour les Etats de Sa Majefté. Si cela pouvait ,, être la queftion, perfonne ne pourra nier que la Ville „ d'Anvers eft beaucoup mieux fituée pour faire un com„ merce érendu que la Ville d'Oftende. L'expérience feule „ fuffit pour ledémontrer. Le Commerce, qu'Anvers a fait ct-devant, y était venu naturellement de lui même, quoi- qu'il füt auparavant a Bruges , parceque le Port d'Anvers „ était meilleur &atous égards plus avantageux. Mais ces ,, Villes n'ont rien de commun; &, fi 1'Efcaut était ouvert „ & rellait ouvert, Ofteude n'en foufFiirait point de dom„ mage. Nous avons 1'avantage d'avoir pour Souverain un Prince, dont toute 1'application tend arendre tous fes fu,, jets heureux; rien ne peut plus contribuér è ce bonheur que le commerce: les Beaux-Arts qui fe font foutenus i „ Anvers malgré la décadence du commerce depuis prés de „ 140 ans, y acquerraient un nouveau degré de perfecliou & de luftre. ;, Nous efpérons, Meffieurs, que vos foins & votre zèle pour tout ce qui peut conttibuer a la profpérité d'une Vil. ,, le, que vous avez encore delivrée depuis peu de la men„ dicité , vous feront trouver avec un contentement par., tjculicr,de nouveaox moyens pour procurer de 1'ouvrage aux „ pauvres & aux indigens, diminuer par.la les frais de leur », emretien, fans compter tous les autres avantages & furtout „ 1'aucmeatatioH de notre population, qui feta le réfultat ,) de r?otre demande. „ Cette prétendueRequéte, dit laGazettedeLeide a ce fujet, eft deftituée de date & de fignature; ei 1'on ne dit point, quel eft le Corps repréferitatif des Habitans d'Anvers, qui a cru pouvoir faire une pareille démarche. Jufqu'a ce qu'on donne eet éclaircifl'ement, nous jugeons pouvoir révoquer en doute 1'authenticité d'une piéce , dans laquelle on porte at. teinte a la bonne foi des Nations & a 1'honneur du Souverain même, en le fuppofant capable d'enfreindre fans caufe légitime un Traité folemnel, parceque le moment parait favorable pour fe délivrer d'engagemens que fes Ancêtres ont contraétés, & de facrifier ainfi a des motifs d'intérêt,la juftice 6f 1'honS.4 neur,  C 284 ) neur, qui font la bafe du Tróne & le fondement le plus folide de la profpérité des peuples. c'eft envain que 1'Auteur de cette piéce réclame le cri général , qui s'eft élevé en faveur de la liberté de la Navigation. 11 n'y a que des politiques, indiftérens fur les principes pour parvenir a leurs fins, qui defireraient fonder une telle liberté fur 1'anéantiflement des Traités; les Puiffances du Nord elles-mêmes, qui fe font liguées pour cette liberté, ont pris les Traités refpeétifs pour regie de leurs déclarations aux Puiffances ijelligérantes. Si les conventions les plus formelles ne devaient fubfifter déformais qu'auffi longtems que l'intérêt du moment 1'exige, il vaudrait mieux vivre parmi les Sauvages de 1'Amérique que parmi les Nations policées de 1'Europe." Quoiqu'on ne puiffe plus douter aétuellement de 1'authenticité de la piece en queftion . les obfervations de Mr Luzac n'en font pas moins judicieufes; elles ne s'accordent guères avec les Lettres fur les circonftances du tems préfent, Brieven over de tegenwoordige tydsomjiandigbeden, tant vanté, tant cité dans le Politiek Vertoog; quoique des Journaliftes judicieux i*j y ayant trouvé h peu prés les mêmes principes répandus depuis dans ce dernier ouvrage , n'aient pu s'empêcher de dire que 1'Auteur, en ramaffant tout ce qui peut rendre les Francais odieux & les Anglais dignes de confiance, méritait d'étre rélégué dans le rang de ces libelliftes violens & partiaux qui ne méritent que 1'indignation & le mépris. L'Auteur de ces Lettres preud d'une maniere fi fcandaleufe le parti des Anverfois contre la Hollande, que dans le tems ■on ne pouvait croire qu'il füt Hollandais. 11 ne fera donc pas inutile de faire ici quelques réflexions contre tous ceux qui, parlant de eet incident, ont trahi leur ignorance & leur haine pour la République. C'eft avoir une fauffe idéé des chofes que de penfer & dire que la Hollande & la Zélande abufant de la viétoire & de la faibleffe de leurs ennemis, leur ont diété a main armée les conditions outrageantes & (*) l'aderlandfcbe Letteroefeningen.  C 285 ) & defpotiques de tenir leurs ports fermés. On n'a qu'ajeter les yeuxfurlapofition topographyqHe d'Anvers; on n'a qu'a fe rappeler les premférf événemens de la révolution Belgique, pour reconnoitre cette erreur. La Ville d'Anvers a longtems fait partie de la Confédération Belgique; elle entra dans 1'Union d'Utrecht, comme elle était entree dans la Pacification de Gand; elle fut même, plufieurs années, le centre de la nouvelle République; ce ne fut qu'en 1585, qu'elle retomba fous le joug des Es. pagnols. Mais le Duc de Panne, en reprenant An! vers , ne put s'emparer également de tous les forts fitués au-deflbus de cette ville, vers 1'embouchure de 1'Efcaut. Les confédérés en refterent les mat res & reprirent même quelques piaces qu'on leur avait enlevées dans le cours de la guerre. lis refterent ainfi les maitres de la Navigation inferieure du fleuve, avantage qu'ils fe firent confirmer dans le traité de paix. En jetant d'un autre coté les yeux fur le fiege mémorable d'Anvers, c'eft a cette ville qu'il faudrait imputer le malheur d'avoir un port inutile, puifque, par une défenfe plus vigoureufe & plus fage, elle ferait reftée dansl'Union avec tous les avantages qui en réfultaient. ^ La Zélande & la ville d'Amfterdam ont toujours mis beaucoup d'importance a 1'efclavage du port d'Anvers; mais il s'en faut beaucoup que cette ville, en.recouvrant la liberté de fa Navigation, füt dans le cas de leur enleverüne partie confidérable de leur commerce. Les piaces maritimês des Provinces-Unies ont eu depuis plufieurs fiecles & bien des années avant la révolution, une grande Navigation & un commerce fiorifiant: C'eft ce que des Auteurs modemes ont démontré {*). C'eft donc une erreur de croire qu'elles fe foient élevées fur les débris de Gand, de Bruges & d'Anvers. On ne faurait nier qu'elles n'en aient Voyez le Tableau de TH'iftoirc des Provinces - Unies & ia Ricbejfe de la Hollande, S 5  ( 286 ) aient recu quelque augmentation; mais c'efl 1'An- £leterre qui en a tiré les plus grands avantages. ,a caufe eft évidente;. c'eft que les mêmes troubles qui chaflerent le commerce de ces villes agitaient dans le même tems la Hollande, la Zélande, la Frife & les Provinces circonvoifines. Les faétions des Houcks & des Cabeliaux, des Sebienngers & des Fetkopers , des Licbtembergs, & des Gunterlings, des Hekeren & des Bronkbotjï ont prefque a la fois, pendant bien des années, déchiré prefque tous les pays qui forment aétuellement la République des Provinces-Unies, dans les tems oü la Flandre était en proie aux plus vives diffenlions inteftines; lorfque Gand ékBruges tenaient 1'Empereur Maximilien en prifon, cc lorfque leschatimens exercés fur ces deux villes en firent iortir finduftrie & le comruerca qui les enrichiffaient. Les Provinces-Unies étaient le centrede la rébellion & le théatre des plus affligeantes calamités. lorfque les cruautés des Efpagnols chaflerent ls commerce de-la ville d'Anvers, II faut en effet les caufes les plus violentes pour chafler le commerce d'un pays oh il a fixê fon féjour. Les maifons puiffantes de commerce , les fonds immenfes &néceflaires pour le faire, le crédit, finduftrie, ne fe tranfpiantent pas facilement d'un pays dans un autre. On vient de publier Jut la liberté de l'Efcaut une lettre, tres-bien raifonnée, dont je vais extraire les obfervations qui m'ont le plus frappé; fans m'aflreindre toujours fcrupuleufement aux expreflions de 1'Auteur. II ne faut pas rapporter aFaflerviflement lachüteda commerce des Pays-bas Autrichiens. II faut remonter è 1'époque oh le defpotifme fifcal & religieux de 1'Efpagne portait dans les Pays-bas le joug de la fervitude civile & les flammes de 1'inquifition. Le commerce ne peut s'accorder avec 1'efclavage, avec la perception tyrannique des impóts, avec les ccn» vertifleurs & les bourreaux. C'efl principalement a Londres que fe font réfugiés finduftrie cc les marchands de Louvain , de Gand , de Bruges , d'Anvers écc. Quoique la Hollande & la Zélande fuffent dans le même  ( 287 ) même tems en proye a des malheurs femblables, 'Sc plus terribles encore, elles fe trouverent par leur pofition & la faute de leur Ennemi en état d'élever une marine puiffante, de battre leurs anciens maitres & de s'emparer de leurs dépouMes dans les lndes. C'eft fur leur courage , fur leur Navigation , fur leurs établiifemens dans les lndes & non k 1'embouchure de 1'Escaut , qu'elles ont pofé les fondemens du Commerce le plus riche & le plus étendu qui füt jamais. Si tous les Pays-bas étaient reftés attachés a la Confédération, ils auraient partagé les richeffes, 1'industrie, la puiflance & la grandeur des Provinces-Unies. Les Pays-bas Autrichiens n'ont pu recouvrer leur Commerce brillant, parcequ'üs 1'ont perdu. Pourreparer cette perte, il aurait fallu que Ia Hollande & 1'Angleterre remplies de leurs manufaétures, euffent eu la complaifance de leur renvoyer toutes ces manufaétures avec leurs richeffes, leurs ouvriers & leurs matieres premières. II n'y avait qu'un Louïs XIV. qui püt a eet égard prendre Philippe fecond pour modele. Quand les Flamands & les Brabancons auraiene encore une fource de matieres premières & d'ouvriers, ferait-il facile d'y rappeler 1'induftrie, de 1'y naturalifer après un fi long exil? Le peu de progrès du commerce dans ces pays - la, a bien d'autres caufes que l'aflerviffement d'un feul de fes ruiffeaux. 11 faut les chercher dans la multitude & 1'énormité des droits impofés fur les marchandifes qui entrtnt dans la domination Autrichienne, & qui en fortent; droits qui fc répetent d'une Province, même d'une ville k une autre; il faut les chercher dans l'inquifition tyrannique&infölencedesCommis dont lesfrontieres font couvertes , dans la fujetion fifcale & inique oh font les balots & les voyageurs foumis les uns k une vifite qui expofe les effets qu'ils renferment a fe giter, & les autres k une infpeétion indécente & odieufe. On a forcé des femmes a fe dépouiller jufqu'è la chemife; pour trouver, avec une fcandaleufe avidité, des effets founjis a ces taxes odieufes. Une  C 288 ) Une pavtie du Commerce que font 1'AlIemagne & plufieurs Provinces de France avec la Hollande, n'auraient point d'autre débouché que les Pays-bas, fi les impöts & leur perception n'y étaient pas tyranniques. Les négocians de St. Quentin , de Rheims, de Paris, vous diront tous que les linons, les vins, les modes qu'ils envoyent dans lei pays fitués fur le Baltique, feraient embarqués a Odende fans les armées d'Ioquificeurs a Bandoulieres qui chaffent par une gêne perpétuelle, le commerce ami de la liberté: ajoutez 1'embarras & la cherté des routes de terre, hériffées de barrière, dans les pays 011 il n'y a point de canaux. Tous ces obftacles ne nuifent pas feulement au commerce de tranfit; mais encore a celui d'importation & d'exportation L'étranger trouvanc tanc de difficultés k répandre fon fuperflu dans ces pays en a moins de facilité de les débarraffer du leur. D'ailleurs, combien d'améiiorations a faire dansles reffources naturelles de ce pay42 Avant de fe livrer èdes fpécuiations incertaines au dehors, il faut avoir porcé au plus haut point finduftrie dans'1'intérieur. II y a même des réformes affez difficiles & qui, dans la balance, ne tiendront jamais contre des pays oh la quantité, le célibat, les richeffes & 1'oifiveté uu Clergéne dévorent pas finduftrie du Peuple. L'Efcia' vage de 1'Efcaut eft-il donc la caufe que Louvain n'eft gueres peuplée que d'étudians & de profeffeurs; Malines remplie do procureurs & de juges ; que Mons , Tournay, Ypres, Gand, Bruges, ne font plus que des cadavres. S'il y avait un moyen de revivifier ces .villes, ne ferait-ce pas par 1'aggrandiffement ti la füreté du port d'Oftende? Quand même les ports d'Oftende, de Niewport, dVnvers offriraient des rades libres, füres & commodes , le Négoce pour s'y réfugier , abandonnerait-il les ports de Hambourg. de Dantzic, d'Anfterlam , de Rotterdam, de Middelbourg ; de Dunkerque, de Rouen , de Nantcs.. de la Roebelle, de Bordeaux; de 1'Elbe, la Somme, la Seint-, la Loi-  C 280 } Loire, la Garonne & les ports des trois Royaumes de la Grande-Bretagne oü il joui't de tous les avantages & facilités qu'il peut défirer? Les Anglais même qui leurrent aujourd'hui les Pays-bas Autrichiens de 1'espoir d'un commerce libre & floriffant, ne feraientils pas les premiers a s'oppofer a cette révolution, fi elle avait quelque apparence deréuffite? C'efl la jaloufie contre la profpérité d'Amfterdam qui les fait crier contre 1'Efclavage de 1'Efcaut. Ils crieraient bien davantage fi la liberté de 1'Efcaut rendait aux Pays-bas 1'efpoir de recouvrer leur ancien commerce? Tous les Etat» cherchent a 1'envi a augmenter finduftrie Nationale. La Ruffie & méme Vi'autres Etats du Nord font des efforts & des facrifices pour fe procurer des manufaétures. 11 n'y a pas jufqu'a 1'Efpagne & au Portugal qui ne commencent k fentir qu'elles font plus utiles que des Auto-aa-fés. Les Pays-bas Autrichiens en ont auffi, Mais pourraientils les augmenter aux dépens dés autres pays; furtout dans un tems oü tant d'Etats fe piquent d'avoir une marine guerriere pour foutenir le commerce ét 1'indufirie Nationale? Mais , dira-t-on, n'eft-il pas apparent que la Navigation d'Anvers étant ouverte , le commerce en remontantle fleuve, répandra fabénigne influence dans toute 1'étendue d'un territoire agréable & fertile, entouré de canaux & de grands chemins &c? Je réponds encore, pourquoi les ports de Bruges, de Gand, d'Oftende & de Niewport ne produiraient-ils pas le mêmes effets? II eft même apparent que ces ports perdraient par le nouveau débouché d'Anvers le peu de commerce qui leur refte; le Braband ne s'éieverait alors qu'aux dépens de la Flandre. La liberté de ce'fleuve enrichirait peut-être 1'intérieur des terres; mais il appauvrirait fürement les cótes de la mer. On trouve de 1'injuftice a tenir 1'Efcaut fermé: ne ferait - ce pas 'au contraire le comble de 1'iniquité de rouvrir une Navigation affurée aux Ho'landaispar les fuites naturelles d'une révolution univerfeliement rati- fiées  C 290 ) flée, & par une longue; pofieffion. Quel homme. quel Etat ferait authorife a s'approprier une cho nemens les plus favorables pour les Angl8> fa'gloire : les Anglais allaient rentrer dans. les limrtcs étroites de leur l&è: guidés par cetta nouvelle Etoilcdu Nord, tous les pavillons allaient flotter fous 1'étendard de la paix & de la liberté? Les Hollandais , peuple accoutumé depuis quelques années a jouer un grand róle, pajjïf, dans les affaires de L'tiurope, femblaient avoir mis toute leur efpérance dans la protcétion de cette illuftre Sou. veraine. Quand les Ambafiadeurs Extraordinaires partirent pour lui porter les hommages & le dévoument de la République. leurs concitoyens les accompagnerent de bénédiétions jufqu'aux glacés de Köurfe; partez illultres Citoyens, allez expofer aux pieds de 1'immortelle Catheriiie la caufe de ia jufticeopprimée; engagezdaa faire triompher la Hollande fur toutt s les mers: fa grande ame fera fiattée del'ambition de relever un peuple, jadis fi refpeétable, aétuellement fi méprifé Les'Ménipotentiaires , arrivés fous les heureuxauspices de tant de bénédiétions, déployerent le cai aétere & les ordres dont ils étaient revêtus, Les réponfes qu'ils recurent augmenterent encore les efpérances, C'était, difait-on alors, une Reine qui avait pofé les fondemens de la grandeur Anglaife; d écait réfervé a une autre Reine de les renverfer. Pour un homme qui ne fe laifie pas aveuglcr par les préjugés vulgaires & qui s'occupe a balancer les intéréts des différentes Puiflances, il était aifé de prévoir que la Ruffie, malgré fes proteltationspubliques, malgré les louanges dont on 1'accablait, ne prendrak pas facilement parti contre les Anglais, qu qu'en fe déclarant pour un membre de la confédération opprimé, elle ne ferait pas aux Anglais une guerre active & vigoureufe: car, pour faire une telle guerre , il faut être mu non feulement par de grands intéréts, mais encore par de grands motifs de res" fentiment: on ne décide pas aifément a piller,masfacrer & détruire fon femblable de fang-froid: il faut porter a toutes les Nations indiftinétement une haine enmcinée & vigoureufe; en un mot , il faut être Anglais pour attaquer les autres peuples fans des modfsfi non évidens,du moins plaufibles, de provocation- Un  C 299 } Un Pertonnage Refpechble, & ne pöurjottef un grand róie dans les fcenes politiques, qui m'honore de fon amitié, me parlait ainfi dans les tems même cue ce coloffe de confédération-armée s'elevait avec le plus grand éclat. „ j'avoue , me difait-il , que „ cette confédération eft admirablement bien com„ binée pour humilier 1'orgueil & la puiflance de „ 1'Angleterre. Grace immortelle foit lendue a ce„ lui qui en forma 1'idée . a celle qui 1'adopta, a „ ceux qui fuivirent fon exemple. Mais en payant „ a ces grands perfonnages le tribut de louange' aui „ leur eft dü, je ne puis refufer ma plus vive ui„ miration a ceux qui fauront tourncr en leur fa„ veurun plan combiné pour leur deftruétion. Je le „ prévois. Jamais les Anglais n'auraient ofé attaquer „ la République, s'ils n'avaient vu que la confédé„ ration du Nord leur fervirait plus qu'elle ne leur „ nuirait. Ecoutez leurs raifonnemens & vous ver„ rez s'ils font d'habiles politiques. Les Hollan„ dais, ont-ils dit, font réduits a 1'état de n'oftr „ rii pouvoir plus fe défendre par eux-mêmes. ,, Sirjofeph Yorcke efl tellement afl'uré de leur in> „ puiffance , foit par fes relations avec ceux qui ,. font a la tête des opérations, foit par une con„ naifl'ance cxacle de leurs difpofitions & de leurs „ reffources, qu'il n'a pas craint de gagcr une fom,, me confidérable , que la République ne mettrait „ pns cette année vingt vaiffeaux de guerre en mer. „ Dans eet état des chofes elle ne manquera.pas de „ fe jeter entre les bras de la confédération du „ Nord. Cettej confédération aurait beau confer,, ver les difpofitions les plus fortes de lafervir. Un „ feu! mot fuffira pour arréter fa meillcure volonté „ & fes opérations. S'il eft néceffaire de recourir „ è Ia corruption pour faire entendre ce mot, rien „ n'eft plus facile que d'infinuer a 1'Impératrice ., qu'elle ne doit pas fe facnfkr pour des alliés qui " ïieX°nt,r!en de Icur cócé- Si» par impoffible, a, République Ie mettait dans un état refpcél;!„ ble de défenfe; on infinuerait fortement que ce ,, n'eft pas en conféquence de 1'acceflion a la NcuT 4 „ tra-  C 300 J „traiité,qu'onluia déclaré la guerre. On trouvera des „ Ecrivains parmi les Hollandais, méme dans la Ré* ,> gence ,qui leur f ourniront des armes.en foutenant cec„ ie finguliere affertion, avec plus de zele encore „ que les Anglais ne pourraient le faire. Mais, com„,me les apparences de raifon ne font bonnes que „pour fervir de précexte & ne 1'uflife.nt pas pour „ décider la détermination des i uiffances , on fera „mouvoir un reÜbrt plus puilfant, fur-tout furl'es„ prit d'une Princefie qui fe piqué de n'agir que „pour rétablir 1'équiiibre de I'ünivers & tenir la „balance de 1'Europe. On ne manquera pas de „faire fentir que ia France & 1'Efpagne devien„draient trop redoutables, fi 1'Angleterre était écra„iee: il elf vrai que ce mot ècrajéi ne fignifie rien, „& que toutes les Puiflances de I'ünivers conju„ rées oe pourraient anéantir une Puiffance dont la „ bafe reppfefur la pofuionphyfique , fur le caractere „ National , & fur la conftnuuon : mais, comme les „ ttats ne font pas moins accoutumes a fe payer „de mots,que les individus, on répétera fouvent ces mots éüuitiüre , buLuncn; on mettra méme une fi grande quantité du plus pefant des métaux dans „cette balance, qu'il faudrait être bien fin pour ré„fitter a ces manoeuvres. „ Pendant ce tems ia, les Hollandais, fe repofant „aveuglément fur leurs prétendus albés, s'abandonnant a l'maction d'un gouvernement indolent,compli., qué & diyifé,reiteront dansleur etat de faibleflê,&,ce ,,qui vaut mieux encore,fe croyant liés par des en„gagemens antérieurs , n'oleronr. pas même accepter „ les invitations de la France , de 1'Fipagne, des Etats„Unisdc 1'imérique; pour faire caufe commune, & „combiner enfemble les opérations les plus propres „a nuire a 1'Knnemi ,, 11 nc fubfiltera rien de tous ces grands mouve„mens que des pellifl'es & de riches bijoux pour les ,, Agens de part & d'autre. Eux feuls en profiteront. „Cette confédération n'eltqu'un épouvancail: les ,,oifeaux de proie trembieront & s'enfuiront ala piet, mierc vue; mais peu a peu voyant fon immobiuté, „ils  „ ilsferapprocheront,&peut-étre même onlesverra „ fe mettre fous fon ombre, comme dans une retraite füre pour aller dévafter 1'efpérance du cultivateur „ induitneux. ,, On attendra,on demandera degrandes flottesaux „ Puiffances du Nord ; ce qui eft plus aifé & moins ,, difpendieux que d'en faire: pendant ce tems, ,, les Anglais auront ruiné notre commerce & envahi „ nos Etabliffemens. Enrichis & fortiflés de nos dé,, pouilles; qui pourra alors leur faire la loi? ,, Quand nos Auibaffadeurs Extraordinaires partirent „ pour Pétersbourg, les Lords North & 6andwich burent a leur fanté, & 1'on dit que, dans une dc leurs „ délicieufes orgies, ils leur fouhuiterent toutes fortes „ de proïpérités dans leur voyage." Ainfi parlait, il y a cinq mois, eet illuftre Citoyen qui m'honore de fa confiance & de fon amitié. L'evenement femble juftifier cie plus en plus la vérité de fes obfervations. Auffi un Paylan de NordHollande, voyant ce qu'il eft réfulté de ces grands mouvemensqui devaient produire de fi grands effets , difait aflez plaifamment: a préfent je vois bien que la grande Femme du Nord eft comme la mienne & qu'il ne faut pas fe fier a ce fexe léger. On fe perd en voulant pénétrer la politique de la Hollande. Quelqu'un difait: c'eft une Monarchie fans tête,une République fans liberté, une Puiffance belIigérante fans forces, une Alliée fans amis, un Etat commercant fans marine, un Territoire riche fans puiffance, un Etat indépendant fans énergie. En reftant fans défenfe, s imagine-t-elleque fa faiblefle défarmera le courroux" de fes Ennemis? Au contraire n'eft-ce pas le moyen le plus für d'exciter leur avidité, par 1'affurance de 1'impunité? Sa politique ferait-elle_ d'ergager les Puffanccs neutres a prendre fon parti par la compaflion ? Pauvre politique ! l.ans cette planete fublunaire on ne fait rien pour rien: les Puiffances fe difent, ainfi que les individus les uns aux autres, ainfi que 1'Etre fuprême dit a fes créatures: aides-tvi & je t aiderai; T j pure  C 302 ) pure générofité eft mor te ainfi que crédit. L'intérêt gouverne les Puiflances encore plus que les individus. On commence par méprifer les Etats faibles & fans vigueur: on finit par les fubjuguer & les partager. Suite du Chapitre XIX. fur la Repréfentation de la Ville d'Amfterdam. LETTRE d 1'Auteur du Politique Hollandais de la Haye le 13 Juin 1781. Je vous lis aflidument; paree que, fans vous regarder comme abfolument dégagé de toute partialité, j'aieru voir que vous étiezde bonne-foi, & qu'avee le dtfir le plus fincere d'être impartial, il ne tenait qu'a peu de chofc que vous ne le fufliez en effet : c'eft ce motif qui m'a déterminé a vous envoyer les obfervations fuivantes; perfuadé que votre amour pour la vérité vous engagcra a les inférer dans votre première feuille. J'ai admiré la vigueur avec laquelle vous prenez le parti de la Ville d'Amfterdam: je fuis moi-même le-premier a applaudir a fa conduite générale-: mais, il s'en faut cependant, qu'elle foit en tout exempte de reproches. D'un autre cóté, je n'ai pas moins admiré le courage avec lequel vous parlez des fauflés vues, des fautes, & des mauvaifes difpofitions du parti oppofé: mais il faut hien fe garder de rejeter entierement fur lui le blame de nos malheurs aétuels. •J'avoue que la Ville d'Amfterdam connaft nos intéréts réels & voudrait faire adopter le vrai fyftême de 1'Etat. Mais n'avez-vous pas été obh'gé de remarquer vous même N°. XIV. p. 214 ) aue, dans une occafion oh il s'agiffait du falue de la patrie elle n'avait pas montré cette ardeur & eet enthoufiafme, naturels aux efprits vraiment Républicains & attachés de bonne-foi a leurs fentimens. J'ajouterai a cette réflexion, que je prends dans un fens différent duvótre, que, jufqu'a préfent, Amfterdam u'a gue- res  C 3°3 J rcs fait pour la caufe publique que de;vceux,"des ■déciarations ftériles , mais aucune demarche importante & de.-ifive, Elle parait inclinée, plusquetous les autres Membres, a faire alliance avec les Stats•Unis de 1'Amérique : mais a-t-elle plus de droit k leir reconnaiffmee, pour les avoir aidés & fecouru plus que les autres? Ses Négocians, fes Capitahltes s'épuifent en offres de fervice , en étalage da bonne volonté: mais lorfqu'il eit queftion de fe déclarer par des effets, fontdis les premiers & les plus a dens a prendre put aux emprunts ouvertsen faveur de i'Amérique V Au contraire, ne fait-ón pas qu'il fort continuellement de cette ville opulente , des fomnes irwrienfes qui paffent en Angleterre; pour corroborer nos Ennemis & les aider de plus en plus a dépouiller ces marchands, auffi mnüvais citoyens queprêteursgénércux?Ne fait-on pas que les Négocians de cette ville, ceux même qui fe font montrés. les plus animés contre 1'Angleterre n'ont jamais ccfi'é & ne ceffenc pas de tirer de cette Iflè une immenfe quantité de marchandifes en manufiictures ; au lieu ci'encourager celles de ce pays , celles d'Allemagne ou de France; & que prefque tout ce qu'ils envoyent dans 1'Amérique Septentrionale vient du terroir Britannique? Qu'il me foit permis de remarquer, acetteoccafion, que les Etats-Unis eux-mè nés auraient dü depuis longtems, publier des régiemens pour défendre cette importation ; a moins qu'elle ne vinc par le moyen des prife-;; ce qu'il ferait extrêmerne'nt facile de vérifier. On fent quel coup terrible un Régiement pareil porterait a 1'Angleterre, qui ne fe foutient en effet aétuellement que par la lacheté & 1'avarice des particuliers des Puiffances fes Ennemies, Q iant k ce que vous dites fur la conduite du parti contraire; votre tableau eft beaucoup trop chargé. Je n'approuve point le zele avec lequel le Prince demande 1'augmentation des troupes de terre, ayant que la Navigation foit pourvue des défenfes nécesfaires. C'eft com meneer par porter la pompe fur le derrière de la m ufon, pendant que le devant eft la proie des fluumes. Maisle Prince abeau jouirducrét ^ dit.  ( 304 ) dit le plus puiflant, de 1'autorité la plus grande; les Etats enfonc-ils moins, Ia fource des fubfides nécesfaires & le eentre d'oh doivent partir toutes les opérations ? II eft vrai que la plupart des Régens font dépendans du Prince: mais ils n'ont qu'a fe remplir du zeIe de la patrie & tcndre tous au meme objet d'intérèt & de falut public, le Prince ne s'oppofera jamais a eetteconfpiration générale? Je fuis a portée de connaitre fes difpofitions; je fuis für qu'il ne les travei-ferait pas. 11 aime fa patrie. Quoique fes démarches fur les mefures publiques n'aient pas toujours été les plus juftes ; il ne laifie pas d'être bien intentionné. On peut étre mauvais politique & bon patriote, comme on peut-être bon politique & mauvais patriote. Les Etats n'ont qu'a fe réunir dans les moyens & les' opérations néccflaires, vous verrez que le Prince y concourra de tout fon pouvoir. II n'a aucun éïoignement pour les Américains. Au contraire fa conduite publique a eet égaid donnerait apréfumer qu'il eft crès-bien difpofé en leur faveur. Si les Membres des Corps politiqi'es n'ofent prendre certaines mefures; paree qu'ils s'imaginentqu'elles déplairaient au Prince; il faut avouer au'iJs ne font pas fculcment coupables de lacbeté; mais qu'ils font encore dans une grofllere erreur: eneur qui ne peut manquer de produire le plus funefte eftct m fomentant les divifions au dedans, & de pèrdre 1'Etat au dehors en arrêtant toutes les opérations néceffaires a fon falut. Savez-vous quelle eft la véritable caufe de nos irréfolutions actuelles, de nos malheurs & du mépris général des autres Nations pour nous: c'eft que nous n'avons prefque plus de véritables citoyens, de vrais patriotes, dames vraiment Républicairies ^ulfin'aije pu m'empécher d'être frappé de ces paffages que j'ai trouvés dans la Nouvelle Edition de l'HÏflom Pbüojnphique fc? Politique . J'ai bien peur que eet Eloquent Ecrivain n'ait fait un tableau trop' fidele. II ne fera pas inuti.e de 1'cxpofer dans les circonftances préfentes, aux yeux de nos concitoyens. „ Mais , combien vos mceurs font déchues & dégén rées dela fimplicité du gouvernement Ré- pu-  C3ö5 5 publicain ! Les intéréts perfonnels qui s'épurent par leur réunion , fe font ifolés entiérement; & la corruption eft devenue générale. II n'y a plus de patrie, dans le pays de 1'univers, qui cevrait infpirer le plus d'attachement a fes habitans." „ Quels fentimens de patriotifme ne devrait-on pas en effet attendre d'un peuple qui peut fe dire k lui-même : Cette terre que j'habite ; c'eft moi qui 1'ai rendue féconde ; c'eft moi qui 1'ai embellie ; c'eft moi qui 1'ai créée. Cette mer menacante , qui couvrait nos campagnes, fe brife contre les digues puiffantes que j'ai oppofées a fa fureur. J'ai purifié eet air, que des caux croupiffantes remplisfaient de vapeurs mortelles. C'eft par moi que des villes fuperbes preffent la vafe & le limon oh fiottait 1'Océan. Les ports que j'ai conftruits, les canaux que j'ai creufés, recoivent toutes les produétions de 1'univers que je difpenfc a mon gré." „ Les héritages des autres peuples, ne font que des poffeffions que 1'homme dispute a 1'homme; celui que je laifferai a mes enfans, je 1'ai arraché aux élémens conjurés contre ma demeure ; & j'en fuis refté le maistre. C'eft ici que j'ai établi un nouvel ordre phyfique, un nouvel ordrc moral. J'ai tout fait ou il n'y avait rien. L'air, la terre, le gouvernement, la'liberté : tout elt ici mon ouvrage. Je jouis de la gloire du paffé; & lorfque je porte mes regards fur i'avenir ,. je vois avec fttisfaétion que mes cendres repoferont tranquillcment dans les mê.mes lieux oh mes peres voyaient fe former des tempétes!" „ Que de motifs pour idoldtrer fa patrie! Cependant it n'y a plus de patriotifme ; il n'y a plus d'efprit public en Hollande. C'eft un tout, dont les parties n'ont d'autre rapport entre elles . que la place qu'elles occupent. La baffeffe , 1'aviliffe. ment & la mauvaife foi, font aujourd'hui le partage des vainqueurs de Philippe. lis trafiquent de leur fermenc comme d'une denrée ; & ils vont de> venir le rebut de 1'univers ,* qu'ils avaient étonné par leurs travaux & par leurs vertus " „ Hommes indignes du gouvernement oh vous vivez,  C 3°* ) vivez, frémiflez du moins des dangers qui vous environnent! Avec 1'ame des efclaves , on n'eft pas loin de la fervitude. Le feu facré de la liberté, ne peut êtrë entretenu que par des mains pures. Vous n'étes pas dans ces tems d'anarchie, ou tous les fouverains de 1'Europe , également contrariés par la noblelfe de leurs états ne pouvaient mettre dans leurs opérations ni fecret, ni union,ni céiénté ,■ oü 1'équilibre des puiffances ne pouvait être que 1'effet de leur faiblefle mutuelle. Aujourd'hui 1'autorité devenue plus indépendante, allure aux Monarchies d s avantages dont un état libre ne jouira jamais. Que peuvent oppofer desRépublicains acette fupérionté redoutable ? Des vertus; & vous n'en avez plus. La corruption de vos mceurs & de vos Magiftrats , enhardit par-tout les calomniateurs de la liberté ; & votre exemple funefte reflerre peutêtre les chaines des autres Nations. Que voulez-vous que nous répondions a ces hommes, qui, par préjugé d éducation ou par mauvaife foi , nous difent tous les jours : le voila ce gouvernement que vous exaltiez fi fort dans vos écrits; voila les fuites beureufes de ce fiftême de liberté qui vous eft fi cher! Aux vices que vous reprochez au defpotisme , ils ont ajouté un vice qui les furpafle tous, 1'impuiflance de réprimer le mal. Que répondre a cette fatyre amere de la démocratie ï" Induftrteux Bataves, autrefois fi pauvres, fi braves, & fi redoutes , aujourd'hui fi opulens & fi faibles, craignez de retomber fous le joug^'un pouvoir arbitraire qje vous ave;, brifé&qui vous menacc encore : ce n'eft pas, moi qui vous le dis; ce font vos généreux ancêtres qui vous grient du fond de leurs tombeaux." „ N'eft-ce donc que pour cette ignominie que „ nous avons rougi les rners de notre f ng , que „ nous en avons abreuvé cette terre ? La mifere que „ nous n'avons pu fupporter,eft celle que vous vous „ préparez. Cet or , que vous accurauiez éi qui „ vous eft fi cher , c'eft lui qui vous ami. fous h ,, dépendance d'un de vos ennemis. Vous trenjhlèz „ devant lui, par la erainte de perdre les richeflbs » quc  (■'307 ) „ que vous lui avez confiées. II vous commande, „ & vous obéiiïez. Eh! perdez-les, s'il lefaut, ce* ,, perfides richeffes, & recouvrez votre digniré, „ C'efl alors que, plutót que de fubir un joug, quel „ qu'il foit, vous préférerez de renverfer de vos „ propres mains les barrières que vous avez données „ a ia mer,& de vous enfevelir fous les eaux , vous, „ & vos ennemis avec vous." „ Mais, fl dans 1'état d'abiection & de pufillanimité oü ,, vous êtes, fi demain il artivait que 1'auibition ranien^t „ une. armée ennemie au centre da vos provinces ou fous ,, las murs de votre capitale; parlez, que feriez vous? On ,, vous annonce qu'il faut, dans un moment, ou fe réfou,, dre fi ouvrir les portes de votre ville, ou a crever vos „ digues: vous écrieriez-vous ? Les Digues ! Les Digues! „ vous palilfez. Ah ! n nis ne le voyons que trop: il ne „ refte a nos malheureux descendans aucune étincelle de la „ verin de leurs peres." ,, Par quel étrange aveuglement fe font-ils donné un ,, mai're? Par quel aveuglement, plus étrange encore, ont,, ils éternifé fon autorité, en la rendant héréditaire? Nous „ divions: malheur a ceux qui fe promettaient de domi,, nêr le Piince par la reconnailTmce. & la République par ,, 1'appui du Prince, s'ils n'avaient été les premières vicli„ mes de leur balfe politique, & piongés dans la retraite ,, & l'obscuri'é, les plus cruels des chatimens pour des „ hommes intriguans & ambitieux. Un peuple libre, un „ peuple commet9ant qui fe donne un maitre ! Lui, a qui „ la liberté doit paraitre d'autant plus précieufe, qu'il eft a craindre que fes projets ne foient connus, fes ïpéculati„ ons fufpendues , fes entreprifes traverlees , les piaces „ de 1'Etat remplies par des traitres, & celles de fes colo„ nies procurées a d'indignes étrangers. Vous vous con„ fi>z dans la juftice & les fentimens du Chef que vous „ avez aujourd'hui , & peut-être avez-vous raifon. Mais „ qui vous a garanti que fes vertus feront transmifes a fon „ fuccefleur, de celui - ci s.u fien , & ainfi dage en age a ,, tous ceux qui nsitront de lui?" „ O nos concitoyens! ó nos enfans! puifle l'avenir dé„ mentir un funefte preflentiraent! Mais fi vous y téfiéehvs•,, fiez un moment, & fi vous preniez le moindre intérêt aux ,, fort de vos neveux ,dés-tl préfent vous verriez fe forgerfous „vos yeux, les fers qui leur font deftinés. Ce font desétran„gers qui compofent & commandent vos armées. Ouvrez les „ an-  „annales des nations; Iifez& frémiflez des fuites néceflaires de cette imprudewce. Cette opulence qui vous tient afloupie „& fous les pieds d'une puiflance rivale de la vótre; c'eft ,. cette opulence même qui allumera la cupidiié de la puiffance v que vous avez créée au milieu de vous. Vous en ferez dé„ pouilïés, & en même tems de votre liberté. Vous ne ferez „plus rien: car vous chercberez en vous votre courage, & „vous ne 1'y trouverez point." „Ne vous y trompez point. Votre condition préfente eft «plus facheufe que la nóire ne le füt jamais. L'avantaged'un „peuple indigent qu'on opprime, eft de n'avoir a perdre „ qu'une vie qui lui eft a charge. Lemalheur d'un peuple énervé ,,par la richefle,c'eft de tout perdre, faute de courage pour „ fe défendre. Reveillez-vous donc. Regardez les progrès „fucceftifs de votre dégradation. Voyez combien vous étes „defcendus de 1'état de ('plendeuroü nous nous éiions élevés , „& t&chez d'y remonter fi toutefois il en eft tems encore." „ Voiia ce q ie vos illuftres & braves ayeux vous difent par ma bouche. Et que vous importe, me répondrez-vous, notre décadence actuclle & nos malheurs a venir. Etes-vous notre Concitoyen ? Avez-vous une habitation , une femme, des enfans dans nos villes? Et que vous importe & vousmêtne oü je fois né , qui je fuis, oü j'babite, fi c : que je vous dis eft la vérité?Les anciens démanderent-ils jamais a 1'augure dans quelle comrée il avait re9u le jour, fur quel chêne repofait l'oüeau faridique qui leur anner.gait une viftoi. re ou une défaite? Bataves, la deftinée de toute nation commer9ante eft d'êtte riche, lache, corrompue & fubjuguée. Demandez vous oü vous en êtes?" P. S. Nous ferons voir dans un des N'. prochains ce qu'il y a d'exagéré dans cette Lettre. Ces Feuilles périodi^u. s p^raiftent régulierement, tous les Lundis fr Amfterdam, chez J. A. Crajenfchot; d Haar. lem , chez Walree; a Leide , chez Luzac & van Damme, & Les Freres Murray, d la Haye, chez J. van Cleef, La Feuve Staatman, & F laat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, &J Bronkhorli; d Dordrecht, chez Bluffe; a Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez Leem. borst ; d Groningue , chez Huyzingb; d Nimegue, Chez Fan Goor; d Arnhem , chez Troost; d Bois-le Duc, chez J. H. Pallier, & chez les principaux Libraires des Pays-Bas On trouve chez 1'Editeur de ces feuilles. VAweiiquiade Poëme a 6 fois ScFoitaire rifuaux Champs ilifées par Henri quatre, Ejiampe aliégorique.  LE POLITIQUE MOJULJLWJD/JLIS. ' N°. XX. LUNDI, ce 25 JUIN, 1781. Suite du Chapitre XIX. fur la Repréfentation de la Ville d' Amjlerdam. ) Autre LETTREa 1'Auteur du Politique Hdlan. dais, de la Haye le 18 Juin 1781. Je lis avec plaiflr les feuilles que vous donnez au public ; & je fouhaiterais que tous nos conciI toyens les luffent avec la même attention, les uns ; pour s'inftruire des véritables caufes denos maux, i Jes autres pour y apprendre leurs devoirs & tous | pour y voir nos "fautes & nos reffources. Conti; nuez, Mr., comme vous ave-c commencé. Que le I hazard de la naiffance ou le choix volontaire d'un | penchant libre vous ait rendu notre conéitoyen; il : eft Certain, qu'il n'y a rien dans vos écrits que les ; meilleurs citoyens ne puiffent avouer, & que des ] obfervations t'rès-patriotiques, qu'il ferait a fouhaiter que ceux qui peuvent influer dans les affaires d'Etat fentiffent auffi bien que vous. J'ai vu, furtout, ; avecautantdeplaifir que d'admiration,ia maniere ju: dicieufe dont vous avez développé Ia conduite d'Amfterdam & la politique du parti contraire dans vo« tre XVIIe numero, ij'aurais, cependant, défiré que ' vous euffiez eu la bonté de vous étendj-e davantage fur le but principal de la repréfentation de cette ville Tomc I. V cou  ( 3"-° O courageufe ; furtout relativement a la propofition 4c former- un Committé qui, de concert- avec fon Alteffe^ exa ffinetait les moyens de parer aux dangers éminens & terribles qui nous menacent. Rien ne ferait plus néceflaire & plus ucile que 1'exécution de ce fage projet, foit pour la Patrie, foit pour le Prince lui-même. Son Alteffe ne peut ignorcr que fes démarches font fingulierement fuspectes dans la crife aétuelle, qu'on 1'accufe, tantöt fourdement, tantót affez ouvertement, d'abufer de fon autorité pour favorifer 1'Angleterre ; pour laquelle on .prétend qu'il a le plus aveugle attachement. Ce Committé, compofé de perfonnes revêtues de la confiance des différens membres du Corps politique, aurait été comme le tribunal devant lequel il aurait pu dévoiler fes démarches aux yeux de la Nation , difiïper tous les faux foupcons concus contre lui, & citer les détraéteurs de vertu & patriotifme. Ce confeil, compofé des perfonnes les plus éclairées & les plus en crédit dans chacune des Provinces refpeélives , aurait combiné les plans de défenfe ou d'attaque les plus judicieux, les plus glorieux & les plus utiles a laPatrie. Huic perfonnes voient beaucoup mieux qu'une feule. On ne peut difconvenir que différente» lumieres raffemblées en maffe, font plus fortes & plus füies qu'une feule, a telle hauteur qu'on puifle la placer. Efl-ce qu'on voudrait forcer Amfterdam a fe feparerde 1'ünion? La maniere dont les chofes fontconduites, pourrait induire les efprits faibles a foupconner les plus finiftres complots. Depuis le commencement des troubles je n'ai pas perdu de vue la conduite de notre Cour: la place que j'occupeme met a portée de favoir des choièsqui ne tranfpirent gueres au dehors.' Vous dirai-je que j'ai toujours craint que tel ne füt le projet des mal-mtentionnés, longtems avant que le plan du Traité avec •1'Amérique füt connu, on débitait qu'Amfterdam voulait fe détacher de la confédération. j'ai vu des •Prédicans, ou gagnés par ia corruption, ou aveuglés par 1'efprit de parti qui les Cartóérifè* cofn- méncer  C 311 ) pencer k-prévenirle peuple cn lui infpirant ces dan» geretix préjugés. j Que préfage accuellemcnt 1'inaétion trop marquée de iErat.? Que préfage cette opiniatre infenfibilité fur toutes les repréfentations d'Amfterdam ? Ou je me. trornpe fort, ou je crois qu'on veut la forcer a quelque démarche éclatante qui puifle autorifer a la réduire par la force-& a -enchainer a jamais ce dernier rempart de la liberté Belgique, On la pré-, fenterait alors toute enchafnée a 1'Angleterre. Et certaines conditions cpmbinées avec cette Cour pour le sétabliffement de la paix, & le renouement d'une alliance nouvelle-, feraient le pr;x de cette brillante conquête, & de cette offre magnanime. On a beau dénigrer le Gouvernement AntiStathoudéricn. Je ne demande aux perfonnes impartiales que de comparer les tems ancitns ou notre ruine paraiffait certaine a ceux d'aujourd'hui. Au moins tn 1672 avions nous une marine formidable. ■Croit on que 'fi quelque Prince auffi puiflant que Louis XIV nous attaquait par terre, nous aurions, au êéfajm de' marine, des forces de mer affez refpeétables pour nous défendre , comme nous le fimes autrefois fur mer? • J'avoue que Ie Stathoudérat procure des avantages inh'nis. Mais un de fes grands inconvéniens nefèrait-il pas de mettre dans 1'Etar un intérêt qui n'eft pas celui de-1'Etat? On obferve généralement que lorfque la : rovince de Hollande était pour la France, le Stathouder était pour 1'Angleterre, & que lorfque Ie Stadhouder était pour 1'A.glete; re; la Hollande était pour la France. On a remarqué que les EtatsGéHéraux ont également toujours fuivi les principes ■ des Stadhouders: mais que le Stathoudérat étant aboli , la I rovince de Hollande a généralement par fa préponderance & fon crédit, réuni tous les intéréts & attiré dans fes plans tous les autres Membres de la Confédération. Les ihdividus ainfi que les Etats font également mus par l'intérêt. Le patriotifme des Républiques) n'eft même rien autre que la plus grande fiaifon des intéréts particuliers avec l'intérêt public: Ainfi c'eft un grand inconvénient qu'il y ait dans un Etat V 2 un  C 3ift ) on Chef dont l'intérêt foit de puerroyer par terre, tandis que 1'avantage public exige des guerres de mer. Fn 1653, les Etats oferent même avancer que le Stathoudérat, au lieu d'être ud lien d'Union, avait été continuellement un foyer de difcordes. 11 m'eft impoffible de trouver des termes pour définir notre imittion, notre état de faiblelfe. En 1775 les peres de la patrie jugeaient déja qu'il était d'une extréme néceffité d'augmenter notre marine & de proté"erle commerce: le négociant fe prêta volontiers a l'impofition du doublé droit de lajt & au payement d'un pour cent fur ies marchandifes importées, &d'un demi fur celles exportées: mais quel avantage en a retiré le commerce? L'an 1779, nousavions déja en fervice, 36, tant vaiffeaux de guerre que frégates, fans compter ceux qui fe trouvaient dans les chantiers: au commencement de 1'année 1780 les forces navales étaient déja eflimées a p. vaiffeaux que 1'on jugeait nécfffaires pour Ia proteélion du commerce: fi Von confidere a préfent combien de coups de marteaux 1'on a pu donner en 16 mois de tems dans les chantiers de 1'Amirauté, avec quelle furprife ne voit-on pas qu'il ne s'y trouve pas aétuellernent jo navires ¥ Eft-ce le bois qui nous a manqué? Non: Puifque nous fommes encore en état d'en envoyer dansles autres pays, Sont-ce les ouvritrs? non; car dans ce cas nous aurions pu fuivre 1'exemple de la Frife & recourir a ceux des particuliers. ' II faut donc qu'il y ait dans les chantiers des prévarications particulieres qu'il ferait néceffaire de tiévoiler. La ville d'Amfterdam n'a donc pas tort de propofer 1'établiil'emcnt d'un Committé qui, dc concert avec fon Alteffe, aurait f ceil fur ce département particulier: on aurait tort de dire que cette innovation óterait a 1'autorité du Confeil d'Etat; celui qui diri»c ce Confeil en ferait le premier membre: & le Committé particulier ne ferait que pour un tems & pour un département particulier. On a mis une interruption formelle fur pluü 'un des branches les phis fertiles de la navigation La pêche du hareng, la navigation de Surinam font interrom- pues:  C 3i3 ) pues: Syftême fingulier dont on ne voit pas d'exemple che/ les autres Puiffances. Quel avantage en eitil réfulté? En a-t on plus de vaiffeaux de guerre prêts a agir contre 1'Ennemi? Nous venons de voir encore avec quelle racinté, un iimpie Corfaire porte 1'alarme dans les ville: maritimês du nord de la Grande-Bretagne. On a des plans fürs pour faire un tort confidérable aux Anglais, en remontant méme jufqu'a Chatam: Les autres Ennemis de 1'Angleterre perdent leur tems a nous folliciter. Ils difent unanimement que nous nuifqns plus a Ia caufe commune que nous n'y fommes utiles; & ils ont malheureufement raifon. • . Qu'on jette feulement les yeux fur les priies ïmmenfes que les Anglais ont faites fur nous: quelle augmentation de puiffarce ces richeffes ne leur ont-elles pas apportée? Ainfi donc cn nous laiffant dépouiller impunément, nous fourniffons des armes a 1'Angleterre & contre fes autres Ennemis & contre nous mêmes. Ainfi notre inaftion, notre nulhté ne peuvent manquer d'être infiniment préjudiciables, & vivement fenties non-feulement par nous- même, mais encore par la France. 1'Efpagne & 1'Amérique. . Dans les tems de De Witt, on accufait le parti dominant de porter toutes les forces de ia République fur la mer: Quand les Francais & les Anglais nous attaquerenten 16-2, par terre & par mer, au moins nous pouvions nous défendre fur ce dernier élément. Que dis-je? De Ruiter a ia téte de cent vaifleaux attaqua les flottes combinées de France & d'Angleterre; & ce fameux combat de Solsbai qui fe termina fansdoute a notre avantage, affura au moins nos cótes éc notre commerce. L'année fmvante il hvra trois autres batailles qui furent autant de viétoires. He Ruiter eüt la gloire de faire entrer nos flottes marchandes dans les ports : il déferidit & enrichit fa Patrie d'un cóté lorfqu'elle périffait de 1'autre. Nos armateurs cauferent un dommage immenfe aux Anglais & aux Francais, On ne voyait que nos pavillons flotter dans toutes les mers. Un' jour qu'un conful de France difait au Roi de Perfe, que Louïs XIV avait conquis prefque toute V 3 la  la République: comment cela peut-U être? répondit le' Monarque Perfan, puil qu'il y a toujours au pun a'Or~ mus vingt v iijfsanx Hollandais pour un Francais. L'Ana'ajs 'femble avoir atteint fon but. Pouvait. il en avoir un plus court , plus für & plus terrible que de nous mettre hors d'état de proté* ger notre commerce pour trouver des reffources & de; richeffes par la facilité d'en faire fa proie. Si donc la voix d'Amfterdam n'eft pas écoutée, nous verronsbientót, avec 1'excès du défefpoir toutes nos Colonies tomber entre les mains de nos Ennemis, notre commerce ruiné, & la République détruite.- Un peuple qui pöftede les principales relTour* ces d'une pareille guerre , 1'argent & la facilité d'équiper des navires,' refter dans eet état de faiblefle! on ne faurait "donc prendre trop de précautions pour én recherener les caufes & recöurir aux mefures fages d'une bonne défenfe. On regardêfa peut-étre, la propofition d'Amfterdam comme tendante k enchafrier 1'autorité Stathoudérienne. Mais. je ie répète : que les meillcurs amis de la maifon d'Orange pefenc eet inconvénient qui n'eft qu'imaginaire & paflager, aux reproches que les malheurs de cette guerre peuvent attirer au Prince. Qu'ils s'énoncent alors avec patriotifme &impartialité fui• 1'étabüffement d'un Committé, qui n'eft nullement créé pour mettre des hornes ou des entravesa 1'autorité du Prince; mais pour i'affifter de fes confeils; pour lui développer fuivant les circonftances & lesbefoins, les intéréts de chaque Province en particulier & de la Confédération en général. Eft - il rien de plus propre k alléger le fardeau pefant dont il eft chargé, vu les départemens nombreux;& compliquésqui exigent aótuellement fon attention: un tel Confeil dont les Membres feraient revêtus de pouvoirsfuffifans de toutes les Provinces pour donner de 1'aétivité aux opérations, ferait donc aufli néceflaire qu'utile. C'en eft fait Nous n'avons plus rien a attendre de la Ruflie. Notre inaftion, nos incertitudes, nos divifions encore^ilus que les manoeuvres de nos Ennemis, ont fait échouer les efpérancps qu'on s'en était formées. 11 était de la derniere abfurdité de fecourir un Etat,- dont  C 3'J ) dont les principaux Régens font clans finten tion dé nc pas combattre & dont plufieurs font devoués au' parti de 1'Enneir.i. Un de nos Ecrivains périodiqucs a repréfenté eet événement d'une maniere fi frappante dans un fonge poftique, que je ne puis m'empêcher d'en rapporter les principaux traits. „Je ne fuis, 'éeriï le révcuv. pas un allé grand dormeur pour mériter le titre d'un vrai Hollandais: mon' fommei! ne dure jamais cinq ou fix ans. pas même cinq ou fix mois, mais tout au plus 5 ou 6 heures. Ce n'eft même ni 1'efprit d'intérét,ni 1'ambition de la faveur. qui me font dormir." „ J'étais dans mon lit, penfam aux fecours demand.'s en vertu ds- la neutralité-armée; lorfque le fommeil' me furprit & je fis le rêve fuivant." v Je fongeai que la Cour cnvoyait a Pétersbourg un courier fur un cheval d'une viteffe extraordinaire II avait derrière lui une groflé valife, toute remplie dë démonjtrations, de dihhérations, de réjohniuns, de ftltiA citatiins, de prierrs , de preneffes , de cmditions & d'autres marchandifes actucllement a la mode dans les Cours. 11 était chargé de les échanger contre des vaiffeaux de guerre bien armés & fuffifamment équipés. Le courier fit fon voyage avec une extréme diligence, & recut de la Czarine toutes fortes de marqués d'amitié. iVlais ayant expofé les marchandifes dont il était pourvu,' & ce qu'il demandait en échange, on lui répondit qu'on avait déja en Ruffie de ces fortes de marchandifes en abondance ; que ce n'avait jamais été la coutume des Cours de les. recevoir en échange de vaiffeaux de guerre ou d'autres marchandifes"précieules. Cependant, pour ne pas lui caufer la douleur d'avoir fait un voyage inutile , on voulait bien retenir ce qu'il avait apporté & lui donner en échange non des vaiffeaux de guerre mais d'autres marchandifes qui valaient bien les fiennes. En conféquence on mit dans fa valife les articles dont je vaïs parler. " ., N°. I. Unpaquetd'affurances d'amitié, fort gros, mais extrêmement leger f „NQ. II. Plufieurs déclarations pour montrer qu'on V 4 avait  ( 3iö ) avait bien examiné lés chofes apportées par le cou> rier & mürement délibéré la defius," ,, N°. 111. Un tableau, repréfentant un magnifique édifice dont la bafe repofait fur des paroles , mais qui par la faiblefle des fondemens, .s'écroula, dés qu'il fut achevê." ,, NQ. IV. Un petit livre en langue Rufle, pour montrer par despreuves péremptoires., qu'entre pro» mettre éi faire il y a autant de différence qu'entre les ténebres& la lutnjere." „N". V, Un vieux traité écrit enGrec fur la néjcellité & 1'utilitéde fe défendre foi-même." ,,N°. VI. Un miroir ingénieux ou 1'on voyait d'après nature ce qu'on avait été jadis; ce qu'on était aótuellement;& ce que 1'on devait être a 1'avenir." „ Le Countr eut bien de la peined je cbarger d'un paral miroir: il craignait que fi ln République venait d s'en fervir; la doultur & l\ffroi ne la fidjent (omber en lincope." „ N°. VIL Un Télsfcope très-ingénieus, par le moyen duquel, au dire de 1'impératrice, nous pourrions prévenir tiès-facilement notre ruine entiere." „N°. VIII. Un Traité pour enfeigner la maniere de baar des vaiffeaux de ligne éc des Brégates." „LeCouner ne put s'empêeber de marquer de l'mdigna* tion en recevant ce dernicr article; tl uécLra qu'on favait en Holl inde l'arl de la conjtrui'tion navale auffi bien qifen aucun autre lieu du monde: mais l'Jmpératrice s'excaja en dijant qu'elle avait cru que nous avious ou» blié eet art," „ Enfin ce qui reftait de vuide dans le paquet fut rempli de vent, après quoi qn lui donna fon congé , en lui fouhaitanc un bon voyage." ,,Le fommeil délicieux que je goutai fut alors interrompu pat un réveil fqb.it; ceptndant je ne tardai pas a me rendormir óf je rêvai encore a mon courier que je voyais revenjr de Pecershourg. Mais. héjas! il ne montait plus un eheval vite a' la courfe; jj fe traïnajt a peine, appuyé fur deux béquilles: je jui demande queile était la caufe de fa déconvenue ? li me répond trifiemenc que le froid du pays-cl était.  (3^7) était infupportable & qu'il allait apprendïe i fes maitresque le climat rigoureus dela Ruffie était beaucoup trop froid pour des Hollandais: en effet, dit-il, le venty produit les effets les plus funeftes; les membres y tombent dans un état parfait de paralyfie: mon cheval en eft mort, & je fuis obligé de retour* ner en me trainant fur des béquilles." P. S- 11 fe trouve quelquefois dans la Gazette du Bas-Rhin certaines particularités que celles da ce pays n'ofent rappurter. La fuivante dont il était déja tranfpiré queique chofe eft tres remarquable. „ Mrs. ies Régens d'Amfterdam viennent, dit 1'Au„ teur, de faire une démarche encore plus vigoureufe „ que celle qu'ils ont fait en préfentant le 18 du mois ,\ dernier le fameux mémoire qu'on a rapporté. Ven3, dredy dernier, au fortir de 1'affemblée des Etats „ de Hollande, deux Bourguemaitresd'Amfterdam ;.c- compagnés du Penfionnaire 1/iJJer , ont fait de„ mander une audience particuliere du Prince Stad- houder, qui les a recus a la maifou du Bois. Ces „ Mrs. ont lu a S. A. i>., da la part de leurs princi„ paux, un mémoire rempli des affurances les plus „ fortes d amour, de refpeéf., d'attachement pour „ fa perfonne cc fon illuftre familie, mais par lequel „ ils lui demandaient en même tems, de la maniere „ la plus formelle & la plus preffante, d'éloigner de „ fes c nfeils ,ccux que la Nation en général regar- dait comme la caufe de 1'inacf.ivité oh 1'on a tenu „ jufqu'ici les forces navales dela République ,&par j, conféquent de la ruine de fen commerce & de la perte de fes pofltffions. Le Prince a répondu que „ la reconnaiftlmce t\ d'autres motifs lui faifaient „ une obligation indiipenfable de ne jamais fe pré ■ „ ter k une pareille propofition &c. Du refte S. A. „ S. a demandé communication de ce mémoire, pour que la perfonne inculpée put y repondre & fe dé„ fendre; mais Mrs. les Députés ont jugé a propos de remtttre eet écrit dans leur poche. On eft cu- rieux de voir quelles feront les fuites de cette déV s mar-  C 318) „ marche, qui annonce dans les efprits une grandè ,, fermentation, qui ne peut que s'accroïtre, lors* „ que le refus de la neutralité-armée fera générale„ ment connu; & par 1'embarras ou 1'on fe trouvera „ de prendre un parti. 11 n'y en a pas d'autres fans ,, doute, que celui que confeillait ce matelot a fon camarade qui fe noyait, c'éft-a-dire, de ne fe „ vouer a aucun faint, ni faintc, mais de nager vi,, goureufement pour regagner le bord. „ On fait que' les négocians des principales villes „ de Hollande ont préfenté des 'Requêtes fur les mo,, yens de protéger leur commerce & leurs érablis„ lemens dans les Colonies. Lorfque leurs Députés „ fe rendirent Chez le Prince , dit Ie même Auteur, „ pour folliciter fa proteéb'on eh faveur de leur re„ quête. S. A S. leur obferva qu'on manquait de caj, non ; ils repondircnt qu'ils en procureraient en „ moins de fix femaincs Ia quantité nécelfaire, dus„ fent-ils les faire venir d'Angtetehe. Sur ce que le „ premier membre de 1'Amirauté au département de „ la Meuft leur a objecfé qu'on manquait de voi„ les, ils ont répondu qu'ils en fourniraient de mê„ me. A la bonne heure , quMs fournilfent tou,, jours; ce n'elf. pas du bien perdu; mais de ce que „ les vaiffeaux auront du canon , des voiles, des „ agrets & tout 1'attirail requis, s'enfuit-.il qu'ils partiront? Suite du néme Chapitre XIX. fur la Repréfentation & la conduite de la Ville (i'Amllerdam , pour/ervir. de rêponj'e d la Lettre inférée dans le N". précédent. MONSIEUR. Quand des perfonnes qui pefffent d'une maniere courageule & libre veulent me faire part de leurs réflexions; il ne leur faut pas d'autre titre de recommandation; quand même leurs principes ne s'accorderaient pas tout-a-fait avec les miens. J'applaudis a  (3io; h tó plus grande partie des obfervations que vous avez eu la bonté de me faire paffer: mais il en elt quelques-unes que vous me pennettrez de développer. Vous dites qu'Amfterdam n'a fait pour la caufe publique que des vosuv, des déplaratii.*s Jtér.L: , mais aucune déiurcbe importante & i.'écifioe. Comptezvousdoac, pour rien * Monfieur, toutes les réfolutions , les protcftations éc les propofitions qu'elle a- donné s, deuiis le commencement des troubles ;, en faveur des mefures que vous ne pouvez-vous empêcher d'approuver? Toutes ces chofes ne font-clles pas des démarches décilives ? Avez-vous rien ]u de mi«BK riHbnné, de plus male que les picccs émanées de fon Sénat ? Euffie/.-vous défiré qu'elle eüt levé des troupes , allumé le feu d'une guerre civile dans le fein du pays & fait révolter les peuples? Cette ville, toute-puiffante qu'elle elt, n'a-t-elle pas des ménagemens a garder avec fes cqnFédérés? N'eftil pas, au contraire, étonnant que feule , fans appui , & même traverfée par les autres elle ne fe foit laiffée intimider ni par le crédit du Chef Eminent , ni par la fupériorité des aurres confédérés. En vérité je vous prendrais pour un Francais a votre langai,e: cette Nation ne connait que les extrémes; elle ne croit pas aux pa Ui ons a moins qu'elles ne s'an. noncent par des éclats violens. Des dilfenfions cU viles doivent, fuivant elle, être nécelfairement accompagnées de rage & de mafficre: j'en ai vu même qui portaient cette fauffe maxime au point de défefpérer de la nouvelle République Américaine, paree qu'on n'y voyait pas des traits de fureur & d'impétuofité; comme on en rencontre dans certaines annales de la liberté naiffante. Si cette idéé était auffi vraie qu'elle eft|faulfe, ce ferait. les peuples les plus ardens & les plus impétueux qui feraient les plus libres: 1'évidence montre cependant le contraire; & ce n'eft pis fans raifon qu'on a remarqué plus dc liberté parmi les peuples dit Nord que parmi eéux du midi; ces deniers n'ont que des élans, des excès de paffion, qui s'éteignent aufü vilt qu'ils font faciles a s'allumer : mais les peuples duNord réuffiffent beau-  C 320 > beaucoup mieux dans ces occafions; c'efl la qu'on voit ces réfolutions conftantes & vigoureufes qui marchenc d'un pas ferme & affuré vers un grand buc, ne fe détournano jamais & comoattant avec opioiêtreté les malheurs de la fortune & des hommes, A Rome, en Grece, a Naples les différens partis ont toujours dégénéré en faétionsj fe font toujours baigné dans le fang, & ont toujours fini par ci.Tienter le pou'oir arbitraire & defpotique. Mais les différens partis qui agitent les Républiques d'Angleterre & de Hollande fe contre-balancent,, fans Te choquer; & quand ils fermentent, c'efl ordinairement le parti de la liberté qui emporte la viétone. Quant aux traits particuiiers que vous lancez contre Amfterdam, ils n'atteignent pas jufqu'a la Régence de cette ville: il faut avoir foin de diftinguer entre elle & les particuiiers : elle a fait fon devoir; il eft impoffible dans un pays de commerce d'infpirer k tous les citoyens des fentimens qui leur faffent toujours préférer l'intérêt public k l'intérêt particulier» Si même les capitaliftes de cette ville ajoutent plus de foi au crédit de 1'Angleterre qua celui de 1'Amérique, ce n'eft pas que, dans leur cceur, ils preferent les Anglais aux Américains. f n raifonnant avec eux, on les fera convenir que le crédit de 1'Amérique eft plus für que celui de 1'Angleterre: mais qu'il foit queftion de placer leur argent, ils fe lailferont toujours entrainer par 1'habitude & la proximité. La différence de leur conduite kl'égard des deux peuples n'eft qu'un effet naturel de leur pofition refpeétive al'égard de la République. L'homme & furtout le négociant eft toujours conduit par les apparences. Le voifinage de 1'Angleterre & l'éioignement de 1'Amérique infiuent fingulierement fur fa conduite. On aime mieux placer fon argent pres que loin. On a beau montrer 1'impoffibilité de conquérir. 1'Amérique ; 1'Angleterre obtiendra toujours plus de confiance ; foit a caufe de fa proximité; foit paree que fon exiftence parait plus confolidée. Je fuis afTez de votre fentiment fur ce que vous dites relativement aux Etats; ou ils font Souve- rains,  rains, ou ils ne le font pas. S'ils font Souvc rains, c'efl: a eux a donner leur impulfion au Prince & non k recevoir la ficnne; s'ils ne le font : pas, qu'ils abandonnent des piaces ou ils trompenc 1'efpérance de la Nation. Quand a la corruption de nos Magiftrats, il faudrait jeter un ceil téméraire fur toutes les Régences pour en conclure qu'elle eft auffi générale que vous la fuppofez: ce que j'ai dit fur les Régens d'Amfterdam montre qu'au moins ceux-la font exempts de toute corruption. Je ne crois pas méme que la bravoure de la Nation aic éprouvé une diminution confidérable. Qu'on fournifle aux Hollandais les occafions de ; fe fignaler; & vous les verrez auffi braves & auffi redoutables aux Angla:s qu'ils le furent jamais : il eft vrai que les mceurs publiques ont beaucoup de rapport avec le Gouvernement: mais que direz-vous, i que dira Mr. Raynal quand on prouvera que ■ dans les jours les plus brillans de notre gloire, le Corps colleétif de la Nation n'a jamais goüté une liberté plus grande que celle dont il jouïtk préfent V Le Gouvernement a toujours été ou une ariftocratie pure, ou une ariftocratie mêlée de monarchie : les peuples n'ont jamais connu la liberté politique: quant a la liberté civile, elle eft auffi étendue aétuellement qu'elle le fut'jamais. Aétuellement qu'il n'y a plus de fond k faire fur la Ruffie, & que les fix mois d'armiftice en vertu du traité de Breda expirent, on a lieu de s'actendre a un changement de fyftême , a plus d'harmonie, & k des mefures plus vigoureufes. l a ville d'Amfterdam a déjè., comme nous 1'avonsvu, fait une démarche encore plus décifive que les pré. cédentes; pour renverfer le crédit de certains étrangers, dont la conduite n'était que trop fufpecte. II paraicra fingulier que pendant fix mois , la République fe foit laiflé dépouiller impunément; pendant que fes ünneinis multipliaient les violences & les invafions. Cette politique eft d'autant plus finguliere que fi ces Ennemis avaient auffi bien réuffi  ( 3?* ) réuffi dans nos principaux établiffemens , qu'a St. Euftache, a Dcmerary & aux Berbices; ils feraient affez forts pour tenir téte a. toutes les autres Puisfynces maritimês: pendant que coutes nos reflburces feraient épuifées. II ferable que, Ioifque le grand fignal de Ia guerre eft donné , il n'y a plus de^ ménagemens a garder : & celui qui veut fuivre a la lettre les regies dont fon Ennemi a jtigé, a propos de fe difpenfer , risque toujours d'êDre victime de 1'iniquité. "Vous me permettrez encore de vous faire obferver que Ia longue tirade que vous avez copiée de 1'Au' teur éloquent de YHiJtAre Pbilo'Qpbiqne & l'ulitique, eft dans bien des endroits, contraire a vos afftrtians Nous n'avons, felon vous, rien a craindre de Ia grande autorité du Prince. C'efl la aucontraire qu'il nous montre la principale fource de vgx maux, de notre peu d'énergie, & de la ruïneprochaine qui nous menace. J'ai trouvé dans le même Auteur un autre paffage , non moins fort, non rnoins effrayant. „ QuetPrince dit-il, voudrait, oferait. étre le ty„ ran d'un tel peuple? Un ambitieux infenfé, un guer„ rierféroce . fi. 1'on veut Mais parmi ceux qui font „ prépofés au gouvernement des Nations,cetteefpèce „ d'hommes eft-t 11e donc fi rare? Tout femble con„ fpirer pour donner fur ce point important les plus „ vives inquiétudes a la République.' A 1'exception „ de quelques officiers , il n'y a fur fes flottes ,, que peu de Nationaux. Ses armées font compo„ fées, recrutées & commandées par des étrangers , „ dévoués a un Chef qui ne les armera jamais affez „ tót a leur gré contre des peurles auxquels nul „ lien ne les attaché. Les fortereflés de 1'Etat font „ foumifes a des généraux qui ne reconnaiffent de „ loix que celles du Prince. On ne cefle d'éle„ ver aux piaces les plus importantes, descourtifans „ perdus de réputation, écrafés de deites , dénués de „ toute vertu, & intéreffés au renverfement de 1'or„ dre établi, C'eft Ia proteétion qui a placé, c'eft la „ proteétion qui maintient dans les colonies de-s „ commandans fans pudeur & lans talent, que Ia re- „ con«  C 3-3 } « connaiffance, que la cupidité inclinent a 1'affer,, viffement de ce» conirees éioignées. „ Contre tant de dangers, que pourront 1'aflbu„ p'iffement, la foif de la richeffe, le szofit des cqmmodités qui cqmmence a s'introduire, i'efpric de commerce, des condefcendances perpétuelles pour " une autorité héréditaire? Selon toutes les proba, bilités, ne faut-il pas qu'infenliblement, fans effu- fion de fang, fans violence, les Provinces-Unies „ tombent fous la monarchie? Comme le défir de „ n'être contrarié dans aucune de fes volontés, ou le ■„ defpotisme, elf au fond de toutes les ames plus ou „ rnoins exalté, il naitra, & peut-être bientöt, quel- que Stadhouder, qui, fans calculer les fuites fu„ neltes de fon entreprife, jettera la Nation dans „ les chaines. C'eft aux Hollandais a pefer ces ob, fervations." Nous recevons dansle moment la Rêponfe que 1'on dit avoir été faite par l'Impérat'ïc* de Ruffie: c'eft, une piece trop curïeufe pour ne pas étre injerée dans cette feuille. S. M. déclare: „ Ou'autant elle applaudit au zèle avec lequel leurs Hautes Puiffances fe font empreffées d'accepter fa médiation ; autant & plus encore fon „ cceur fenfible eft affecfé des difficultés imaginées ,, par la Cour de Londres, en renvoyant la récon„ ciüation avec la République a une Négociation de '„ Paix générale, entre toutes les Puiflances Belli„ gérantes, fous la médiation'combinés de Sa Ma„ jelté Impériale & de Sa Majeflé 1'Empereur A'o,, main, ' Dès que cette Négociation aura lieu, Sa .„ Maiefté promet d'avance a. la République, toute „ 1'affiftance qui dépend d'elle, afin que la Répubii„ que puifle fans délai rentrer dans le rang des Puis„ fancesNerJtreSi&par-lajouir entierement & fans er> traves de tous les droits & avantages, que fon „ acceflion aux engagemens entre Sa Majefté Impé„ riale óc les Rois , fes Hauts Alliés, doivent lui „ affurer. Dans cette attente , fon intention eft, „ conjointement avec Leurs Majeftés, de faire im- „ mé-  C a&4 ) „ médiatement un nouvel effort a la Cour de Lon„ dres, pour porter celle-ci a cette modération. & ,, ces fentimens pacifiqu s, que Leurs Hautes Puis„ fances, de leur cóte, ont fait paraftre. „ L'Impératrice fe flatte, que le tems & les événemens qui peuvent furvenir inopinément, feront „ naïtre des circonftances d'une nature qui la met„ tront a même de faire paraftre de la maniere la plus „ efHcace fa bonne volonté & fon affeét ion , dont „ Elle defire fincerement de pouvoir donner des ,, preuves a L. H P. On voit par cette piece.qu'il n'y eft pasmême queftion de fecour-s demandés ou promis & qu'on nous renvoye noblement & poliment aux Calendes Grecques. II valait bien la peine de nous faire attendre fix mois, pour nous donner une pareille rêponfe : on dirait. que nos prétendus alliés s'accordent avec nos Ennemis, pour nous endormir plus fürement & nous faire tomber dans le précipice ouvert fous nos pas. Hollande 1 Hollande! Quand fortiras-tu de ta longue léthargie! Quand fauxas-tu employer les reffources que la nature & 1'art t'ont difpenféès pour devenir & refter une Nation refpeétable & refpeétée! Ces Feuilles périodiques paraiflent régulierement, tous les Lundis d Amfterdam , chez J. A, Crajenfcbot; d Haarlem , chez IValree; d Leide , chez Luzac & van Damme, & Les Freres Alurray; d la Haye, chez J. van Cleef, La Feuve Staalman, & Blaat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, &J.Bronk' borfl; d Dordrecht, chez Blufte; a Utrecht, chez B. FFili & G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez Leem. horst ; d Groningue , chez Huyzingb; d Ntmegue, chez Fan Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bols-le Duc chez J. H. Pallier, & chez les principaux Libraires dei Pays-Bas On trouve chez 1'Editeur de ces feuilles. L'Aweriquiade Poëme a 6 fois & Foltaire regu aux Cbamfs élifées par Henri quatre, Eftampe a/légertfe.  LE POLITIQUE MQXILJLWJDJLXS. N°. XXI. LUNDI, ce 2 JUILLET, 1781. Suite du Cbapitre XX fur les Alliances naturelles, & en particulier fur celle entre la France fi? les Etatt'Unis de F Amérique, dam une Lettre écrite par un Américain d l' Auteur du Polittque Hollandais, Amfler. dam le 20 Juin 1781. Ce que vous avez dit fur les alliances naturelle^' & fur les principes 6c les motifs de ces alliances eft d'une évidence trop fenfible & trop frappante; pour n'être par adopté de tous ceux qui ne font pas abfolument aveuglés par les préjugés, ou par 1'efprit de parti. Je fuis étonné, qu'en traitant une matière auftl intéreffante, vous n'aye^ par fait remarquer qu'une pareille alliance exifte deja entre la France &les Etats-Unis de 1'Amérique. Une celle ob» fervation était d autant plus intéreffante, que les Anglais ont rempli 1'Univers des plus fauffes notions fur eet objet. Ils ne fe font pas bornés a dire que la plus grande partie des Américains & méme les neuf dixiemes de cette Nation étaient dévoués è leur caufe contre celle de l'indépendance & de ia liberté; ils ont eu recours a des manoeuvres plus X adroi.  C 3'« ) adroites, a des infinuations plus éblouiffantes pour tromper 1'efprit des Nations a ce fujet. Les Fmiflaires de la Grande-Bretagne fe font furtout attachés a faire accroire que 1'alliance entre la France & 1'Amérique était trop dénaturée pour pouvoir fubfifter. Leur objet était fans doute de fomenter les foupcons & la défiance entre les Francais & les Américains, & de diminuer la confiance que les autres Nations de 1'Europe pourraient avoir dans eet. te alliance de ces deux Nations, Mais rien furtout n'a paru faire plus de fenfation que le difcours prononcé par le Général Conway, dans Ia Chambre des Communes le 6 May de 1'année derniere, en propofant de faire la paix avec 1'Amérique. Comme eet ardent parlementaire paraisfait tenir au parti de 1'oppofit-ion & que fes déclamations fougueufes contre le Miniftere ajoutaient un 'nouveau^ poids k 1'impétuofité de fon éloquence; on fe défia moins des principes femés dans Ion discours: il fut répandu dans toute 1'Europe par la voix de fimpreffion & des papiers publics. II eft donc important d'examiner les fondemens de ce fameux difcours. „ Si notre fituation eft affreufe," dit le Général Conway, ,, il ne faut pas croire que les Américains „ repofent fur des lits de rofes; il s'en faut affuré„ ment de beaucoup, & c'eft précifement du fein „ de leurs détrelfes que part le rayon d'efpoir qui „ felon moi, nous luit aujourd'hui:" nous les avons „ forcés a contracler une alliance avec la France; j, cette alliance n'était pas naturelle: la nature, l'ba„ bitude, i'idióme, la religion, tout confpire d élever „ une barrière entre la France &? 1'Amérique; tout„ tend d reftlrrer entre 1'Amérique & 1'Angleterre les „ Hens naturels qui urnffaient ces contrêes jadis forW' ,? nées:" ., Les Américains n'ont pas trouvé dans leur grand & bon allié, 1'ami qu'ils cherchaient en lui; „ ils ont une averfion naturelle pour ie titre feul de «I Roi; ils préfcrent les inftitutions Républicaines k 1 „™  C 327 ) „ Ia Monarchie abfolue; ils font furchargés d'unè dette immenfe dont Ia France n'a pas paru em,, prefféc d'alléger pour eux le fardeau; leur papier„ monnoie eft parvenu h un tel point d'aviliffement, „ qu'ils ont donné jufqu'a 40 dollars en papier pour „ un dollar d'argent, valant 4 Shellings & demi: la „ plupart d'entr'eux gémiffant fous la tyrannie de „ ceux qui fe font emparés du pouvoir, defivént ar,, demment la reftauration de 1'ancienne forme de ., gouvernement: leurs troupes, mal payées, plus ., mal-vétues encore, ont été réduitcs h de fiaffreu„ fes extremités, que 1'été dernier (1779) dans lé „ cours d'une marche pénible, elles ie font vues réduites a ia radon d'une poignée de poix par ., jour: au reftè leurs alliés en favent autant que „ nous fur ce point: un Francais diftingué par fes „ talents, envoyé il y a quelques années par fa Cour „ en Amérique , pour y obferver les difpofitions „ du peuple, 1'état des chofes &c. dans unc lettre „ qu'il a écrite du lieu de fa deltination , fe fert de „ ces cxpreiïïons remarquables: on trouverait dans ,, un cajé dé Paris beaucoup plus d'entboujïafme pour ,, la caufe dé la liberté, que l'onn'en trouverait dans „ aucune partie de f Amérique ". „ Quant a ce que dit le Général Conway, de 1'état déplorable des forces & des reffources des Américains, je me réfere a ce que vous avez dit dans vos feuilles précédentes; & je fuis obligé de convenir que vous avez donné fur eet article des éelaircilfemcns très-juftes & tres-propres a montrer, que notre fituation n'eft pas auffi déplorable qu'il plait au Gérféral Conway de la repréfenter: la confiance furtout avec la quelle nous réfiftons aux efforts les plus vigoureux de la Grande-Bretagne, aurait dü le rendre plus réfervé fur ce fujet. ,, Le Général Conway dit que 1'alliance [entre la France & les Etats-Unis, n'eft pas naturelle. C'eft fans doute une grande queftion que de favoir fi elle 1'eft ou non. Avant de la réfoudre, il convient d'examiner ce qu'on entend par une alliance natuX 2 relle,  ( 328 ) relle, & voici, je crois, ce qu'il y a de mieux k dire. Lorsque deux Nations ont les mémes intéréts en général, elles font alliées naturelles. Le Général Conway obferve , i. que le Nature a élevé une bairière'entre la France & 1'Amérique; mais la nature n'a élevé d'autre barrière que 1'Océan & fa dihance; & cette barrière eft également grande entre 1'Angleterre & 1'Amérique; car le Général Conway ne foutiendra pas que la Nature ait pofé dans la conftitution des efprits ou des corps Américains, quelques principes d'amitié ou d'inimitié pour une Nation plutót que pour une autre. ,, Le Général obferve enfuite que 1'babitude k élevé u^e autre barrière entre la France & 1'Amérique , mais il aurait dü remarquer que 1'habitude de i'affeétion ou de la haine entre les Nations fe change aifément a mefure que changent les circonftances & les intéréts effentiels. D'ailleurs. le fait eft que la cruauté des Anglais envers les Américains (cruauté qu'ils ont eu foin d'étendre fur toutes les parties de 1'Amérique depuis une longue fuite dCnnées), a détaché de 1'Angleterre leurs efprits & leurs cceurs, & je ne fais fi aujourd'hui il exifte en Europe une Nation auffi généralement & auffi cordialement déteftée que 1'Angleterre 1'eft par 1'Amérique. Tout au contraire, la plupart des autres Nations de 1'Europe ont traité les Américains avec honneteté ; la France & 1'Efpagne leur ont témoigné de 1'eftime , de la confiance & de 1'affeétion; & ces procédés ont prodigieufement changé 1 nabitude des Américains a eet égard. La troifieme barrière de 1'inventioo du Général Conway, eft 1'idióme. II n'eft pas douteux que la différence d'idióme n'occafionne quelque difficulté entre la communicat on des alliés, mais ces difficultés diminuent chaque jour. II n'y a peut-étrepas de langue qui jamais ait été étudiée en même tems par tant de perfonnes, que 1'eft actuellement la langue Francaife en Amérique, & il eft certain que la langue que parient les Américains, n'a jamais autant été  C 329 ) été étudiée en France que depuis la révolution préfente , de forte que 1'embarras de s'entendre diminue de jour en jour. La Religion fait la quatrième partie de Ia barrière. Mais obfervons d'abord qu'il n'y a pas aff z de Religion d'aucune efpèce parmi les Grands en Angleterre, pour rendre les Américains paffionnés pour ces Grands; enfuite, que quelque Religion qu'il y ait en Angleterre, elle elf auffi loin d'être la Religion de 1'Amérique que 1'eft celle de la France. La Hiërarchie d'Angleterre n'eft pas moins défagréable a 1'Amérique que celle de tout autre pays D'ailleurs les Américains favent trés bien que le defir d'étendre une Religion par les conquétes, & de faire des profélytes par la force & par 1'intrigue , a difparu parmi toutes les autres Nations du monde en grande partie, &qu'iltrefte plus de eet efprit en Angleterre que par-tout ailleurs. Les Américains ont eu cc ont toujours plus de raifon de craindre, qu'une liaifon avec 1'Angleterre ne foit plus propre qu'une liaifon avec toute autre Nation de 1'Europe, a introduire chez eux une Religion qui leur eft défagréable, du moins quant aux Evêques & a la Hiërarchie. L'alliance avec la France ne comporte aucun article concernant la Religion. La France ne réclame ni ne defire aucune autorité ou influence fur 1'Amérique a eet égard, au lieu que 1'Angleterre réclamait & fe propofait d'exercer une autorité, & de forcer 1'Amérique du moins jufqu'a introduire des Evêques; & les Miffionnaires Anglais, afin de chercher a propager 1'Evangile dans les parties éloignées, ont envoyé depuis un ïiècle de grandes fommes en Amérique, poury foutenir leur Religion. Cet or a réellement produit 1'effet qu'on en attendait; il a corrompu beaucoup d'efprits, & il a été la principale fource du Torisme. II en réfulte donc que tant que la Religion fera confervée, l'alliance de 1'Amérique avec la France eft dans le fait plus naturelle que les anciennes liaifons de 1'Amérique avec la Grande-Bretagne, ou que toute autre liaifon qu'elle pourrait former. X 3 En  ( 33° ) En effet, tout homme qui examinera férieufement cette affaire, verra que ces trois circonftances d'nabitude, d'idiöme & de Religion, opéreront a 1'avenir, comme caufe naturelle d'animofité entre 1'Angleterre & 1'Amérique, paree qu'elles faciliterontfémigration, la perte de la liberté, la décadence de la Religion, 1'énormité de la dette Nationale, 1'augmentation des poids desimpeks, la diminution du commerce , de 1'importance politique en Europe & du pouvoir maritime; ce font autant dc malheurs qui ne peuvent manquer d'arriver a 1'Angleterre, & qui engageront beaucoup de fes meillcurs fujets a paffer en Amérique; & ainfi 1'habitude, 1'idiöme & la Religion contribueronr. a cette émigration. Pour 1'cmpêchcr , le Gouvernement Anglais fe verra donc obligé d'employer toutes fortes dc moyens, & il ne croira pouvoir réuffir qu'en nourriffant la haine du peuple Anglais pour les Américains. Le mauvais naturel des Anglais s'eft déja affez manifefté, & tout le monde voit que depuis nombres d'années leur Gouvernement non-feulement s'eft livré aux paffions les plus révoltantes contre les Américains; mais méme qu'il a pris pour fyftê-. me de fomenter ces paffions dans 1'cfprit du peuple Anglais. Enfin rhabitudc,l'idióme & la Religipn ont beaucoup moins de force que d'autres intéréts plus effentiels, pour déterminer 1'amitié & la haine des Nations. C'eft principalement le commerce qui influe fur 1'affeétion ou 1'animofité Nationale. Aujourd'hui il eft aifé de voir que les intéréts mercantiles d'Angleterre & d'Amériquc feront déformais incompatiblcs. L'Amérique enlevera ou du moins diminuera le commerce d'Angleterre en conftruétion de vaisfeaux, en fret, en pêche dejbaleine & de.morue & dc toutes efpeces de poiffons, en pelleteries & fourrures, enfin en une infinité d'articles qu'il ferait trop long de détailler. A ces égards, 1'Amérique n'ira point fur les brifées dela France, & au contraire  C 33» ) traire elle donnera prodigieufement de facilités & d'avantages au commerce & a la marine de cette Puiffance. Alors il y aura une rivalité & une concurrence perpétuelie"entre 1'Angleterre & 1'Amérique, ainfi qu'une fourcc éternelle de fiairiè & de guerre. L'Amérique aura befoin de l'alliance de Ia France pour la défendre contre les mauvaifes intentions de 1'Angleterre, de même que la France aura befoin de celle de 1'Amérique pour 1'affifter contre toate jaloufie & les hoftilités naturelles & perpetuelles de la Grande-Bretagne. Les limites du territoire feront auffi un autre fource conftante de difpute. Si malheureufement on fait une paix qui mette les Anglais en poffefiion du Canada, de la Nouvelle Ecofie & des Florides, ou de quelque morceau de terre en Amérique, ils empiéteront fans cefle fur Je territoire des Etats-Unis, au lieu que la France ayant renoncé a toute Juridiétion territoriale en Amérique, il n'y aura lieu a aucune difpute. C'efi pourquoi les peuples d'Amérique, chez qui' les fermiers même paraiffent avoir examiné plus ferieufement les intéréts des Nations que le Général Conway, croient généralement que depuis qu'ils fe font déclarés indépendans,' 1'Angleterre eft devcnue leur ennemie naturelle , & que comme depuis des fiècles elle a été & qu'elle fera toujours 1'ennemie naturelle de la France & 1'alliée naturelle des autres ennemis naturels de la France, 1'Amérique eft devcnue 1'amie naturelle de la France, & la France 1'amie naturelle des Etats-Unis: Puiflances naturellement unies contre un ennemi commun, & dont les intéréts continueront long-tems d'être reciproquement affurés, & favorifés par une amitié rnucuelle. 11 eft bien fingulier que les Anglais jugent auffi dogmatiquement des intéréts de toutes les autres nations. S'il faut les en croire , les Américains tiennent & ont tenu depuis plufieurs années une conduite tout-a-fait contraire i leurs intéréts; la FranX 4 ce  ( 331 ) ce & 1'Efpagne ont agi contre leurs intéréts; Ia Hollande agit contre fes intéréts; la Ruffie & les Puisfance:, du Nord agillént toutes contre leurs intéréts; 1'Irlande agit contre fes intéréts &c., deforte que fur toute la furface du globe, il n'y a que cette petite Ifle d'/ingleterre qui connaiffe fes intéréts, & encore parmi fes habitans, les Comités, les Affociations & les Affemblées font tous dans ia même erreur que le refte du monde. Ainfi chez toutes les Nations de la terre, il n'y a que le Miniftère Anglais & fa majorité incertaine cc flottante qui agiflent naturellement, & conformément a leurs intéréts. Le refte du monde croit pourtant avoir raifon, que c'eft la majorité Anglaife & Ecoffaife qui eft dans 1'erreur. /tutre LETTRE d P Auteur du Politique Hollanditis, d'Utrecbt le 23 Juin 1781 fur les Alliances naturelles &? yuriicutierement fur celles que la Hollande peut réclamer. Vous ne foupconnez, peut-étre, pas Monfieur, que dans le peu de mots qui vous ont échappé fur nos alliés naturels, vous avez expofé tout le fondement de notre fyftême politique a 1'égard des autres Puilfinces. Peut-être foupconnez-vous encore moins que votre fyftême eft précilëment celui de 1'Im .norcel De-Witt. Soyez orgueilieux de vous être rencontré avec ce grand homme, ou jaloux qu'il vous ait difputé la palme le premier; rien n'eft plus vrai que ce que je vous dis. Auifi n'eft-ce pas fans raifon que Jes Anglomanes ne négligent aucune occafion de dénigter ce grand homme : il y a environ vini.t-trjis ou vingt-quacre ans, qu'a 1'occafiond'une nouvelle üdiuon des Mémoires de d'Eftrades, il s'é- leva  ( 333 ) leva une difpute polémique, oh les Anglomanes prl. Tenr. vivement parti contre Ue Witt. Notre fameux Hiftorien Wagenaar, vengea la mémoire de ce grand homme en accablant fes ignorans & vils décraóteurs du poids de fes raifons & des traits de fes farcafmes: auffi n'ai-je pas été étonnë que le Dttracteur de la Ville d'Amfterdam ait, aans fon Politiek Vertoog, lancé le venin de fa langue de vipere fur Jean De Witt en avangant, p. 33 4e i'EJprit de Jon Jyjtême politique , que le fyftême de cette vil» le eft un funefie rejelton des combinaij'ons ambüieufes de De Witt, qui, dit-il, pour attirer a lui feul toute 1'autorité, commenca a renverfer le Stathoudérat & s'attacha enfuite a miner les droits des Etats-Généraux & des Colléges de la Généralité qu'il réduifit prefque a rien, fous prétexte de maintenir contre eux la Souveiaineté des Provinces; mais en effet dans la feule vue de porter au plus haut dégré poffible, le pouvoir de la Province de Hollande, fur laquelle il avait lui-méme acquis le plus grand afcendant & dontil réglait les décrets a fa fantaifie. je vous laiffe le foin de développer 1'infidélité de ce tableau injurieux. Je reviens au fyftême de Jean De Witt a 1'égard des Puiffances étrangeres. On lui reprochait avec amertume d'avoir dit que la Hollande feule pouvait faire face a toutes les Puiffances & n'avait pas befoin d'aucun allié, On s'eft trompé: fon fyftême n'était que le même que vous avez expofé (*> Ses idéés font tellement propres a donner un nouveau reliëf a ce que vous avez dit, & fi analogues aux circonftances du tems préfent, que j'ai cru qu'il ne ferait pas inutile d'en publier le précis fuivant. je (•) Je neme rappelle pas d'avoir jamais lu Les Mémoires de Jean De Witt, avant de compofer le Chapitre fur les alliés naturels de la Hollande. 11 y a bien des années que j'ai lu. un ouvrage Hollsndais, intiiulé Heilzame politieke Gronden &c, d'oü 1'on dit.que font tirés les Mémoiies ds leaa De Vv itt.  ( 334 ) Je commenccrai d'abord fur nos relations avec Ia trance & 1'Angleterre. 1 „ Si la Hollande, dit-il,voulait employer fesfoins pour fe mettre en etat de défenfe, elle eft fi forte, qu'aucune Puiffance , exeepié ïAngleterre, en risquant ia propre perte ne pourra 1'abat.tre. " „ Un traité de paix confifte dans une promefie mutuelle a ne fe point porter de domage 1'un a 1'autre, a quoi la Nature même nous oblige; mais une alliance engage quelque fois d faire des chofes, qu'on ne ferait point fans cela." „ Toute la difficulté qu'il y a, lorfque les Putsiances Souverames s'engagent dans une alliance réciproque , eft que le plus puiffant en recueilLe ordinairement le fruit; comme le Poëte Ovide 1'a fort bien expliqué, en difant:" Pax licet interdum eft, pacis fiducia numquam. . „ Quoiqu'ily ait une paix, le plus faible doit toujours veiller; tellement quefi lesSouverains ne peuvent jamais faire de paix, fur laquelle les parties les plus faibles fe puiffent fier, & que malgré cela ils fortifient chacun leurs frontieres , s'informant continuellement par desefpions, de toutes leurs démarches ; tous les traités doivent être tenus pour fuspects chez toutes les Puiffances Souveraines, qui recberchent plus leur avantage dans la guerre que dans la paix , qui ne fert qu'k leur faire prendre haleine, pour trouver 1'occafion de furprendre plus favorablement leurs voifins; & tant que cette occafion ne fe préfentera pas, elles obferveront la paix par interet & par des raifons politiques, & non point quils foient engagés par des promeffes & des fermens qu'ils peuvent rompre, fans erainte qu'on les en puniffe, x „ II eft certain que le monde en général ne cherche qu'a s'enrichir & s'agrandir, & qu'il n'y a point de }oix m de fermens, qui foient préférés è eet intérêt ; & ces inclinations regnent encore plus chez les  ( 335 ) les Grands que chez les autres, puifqu'ils n'ont eu dès leur jeunefTe, que la grandeur & 1'ambition pour principes, n'étant élevés dans aucune foumifllon ni erainte pour les Juges & la Juftice; au lieu que les Régens des Républiques ont été de fimples Bourgeois, qui ayant toujours fréquenté leurs femblables, connaiffent le fort öc le faible de tout; & confervent dans leur élévation, les reftes d'une erainte & d'une vènération pour les Loix & la Juftice qu'on leur a infpiréè dans une première jeuneffe." „ II n'y a qu'une allimce fondée fur une erainte par. ticuliere, £? fur une défenfe contre une trop grande puiffince , qui nous puiffe être avantageufe : puisqu'ellc fait durer plus long-tems la paix, on extirpe ainfi la racine d'une guerre qui comrnencerait a s'allumer." „ II eft certain que toutes les Républiques fondées fur le commerce, ont le même intérêt que la Hollande de conferver la paix ; mais elles ont en même tems de la jaloufie de notre commerce,qu'elles voudraient attirer chez elles, tachant de nous traverfer dans tous nos defleins, pour parvenir aieur but. Elles font d'ailleurs de fi peu d'importunce pour fecourir la Hollande contre une plus grande Puijfince, qu'il ferait inutile de faire quelque alliance avec elles pour une commune dére;ife. Pour ce qui regarde la défenfe par terre , meme a 1'égard des ProvincesUnies , nous avons éprouvé l'inutilité de 1'Union d'Utrccht, pour la défenfe commune, & comment les articles ont été violés du tems des Stadhouders, tellement que tout eft tombé fur les Hollandais. " „ A 1'égard de la France, 1'on fait qu'elle ne fubfiftait autrefois que par 1'Agriculture; & par conféquent on ne lui pouvait nuire par la guerre de mer: mais depuis les Régne de Henri IV & dans la fuite, on a mis de fi gros droits fur les entrées de toutes les Manufaétures étrangeres , & les Manufaétures de foie, laines, toiles, & toutes fortes d'autres métiers, v font tellement augmentés, que les Francais livrent a préfent plus d'étoffes & d'ouvrages, que les étrange rs  gers n'en fauraient confommer: tellement que la guerre cuntre nou\ leur ejt plus domageable, & ne l'ejt pas tant pour nous qu'autre fois." „ II eft donc facile de concevoir que la France ayant Ia guerre contre nous, fes habitans fouffriraient incomparablement plus que nous dans leur commerce; car il eft conftant que les Frangais profltenc tous les ans fur les Hollandais , de plus de trente millions d'argent corriptant, outre les marchandifes qu'ils envoyeut en France." „Onnepeut difconvenir que les Hollandais, par leurs forces maritimês, ne puiffent piller , brüler & faccager leur cótes depuis la mer du Nord jufqu'è. 1'Italie , a moins qu'ils ne 1'empêchaffent par des armées de terre, puifqu'il y a en France, du cóté de la mer,( un grand nombre de Villes & de Bourgs non fortifiés, & qu'ils n'ont pas affez de vaiffeaux: de guerre pour tenir la mer contre nous : outre cela nous ruinerions leur commerce dans les lndes Orientales & Occidentales . de même que leur commerce par toute 1'Europe. Avec cela les finances font fi mal menagées dans les Monarchies, en tems de guerre qu'on doit croire que nous pourrons rendre fervice è la France , en la portant k conferver la paix avec nous." „ II eft donc facile de concevoir par toutes ces raifons, que le Roi de France ne doit pas nous faire la guerre , de erainte d'être endommagé par nous, ni dans la vue de faire quelque gain ou conquête fur nous; mais au contraire la guerre contre nous ferait d'abord ceffer & arrêterait fa plus grande partie du commerce en France " „ L'Angleterre étant a préfent jointe avec 1'Ecoffe & 1'Irlande fous un même Roi, n'a plus befoin d'entretenir aucune garnifon ni de craindre aucune Puisfance étrangere. Elle eftfituée au milieu de 1'Europe avec des cótes favorables & profondes , remplies de bons havres , joint a une mer fort étroite ; & d'ailleurs tous les vaiffeaux allant & venant versl'Oc cidentfont obiigés pendant le beau tems, de paffer par les  C 337 ) les cótes d'Angleterre, pour éviter les cótes périlleufes de la France, & en cas de tempêtes , de fe fauver dans leur baye, même au rifque de tout perdre. II eft donc facile de voir que le Roi Britannique ade grandes forces maritimês,& eft indépendant de tous fes voifins a 1'égard du commerce, & fort redouté de ceux qui ont quelque intérêt a la navigation de cette mer étroite." „ Car fuivant le proverbe, Imperator maris, terroe Dominus ; & principalement un Roi d'Angleterre, puifqu'il peut par de puiffantes flottes, & par des pirateries particulières, actaquer tous les vaiffeaux qui pafleront fur fes cótes ; de plus , le vent cl'Eft regne la plupart du tems vers ces cótes, cequi donne une grande facilité aux Anglais de fortir de leurs havres & de leurs bayes, pour interrompre toujours notre navigation ; & fi le commerce des lndes Orientales & Occidentales nous était empéché ce ferait une ruine affurée pour toute la Hollande " „ II eft auffi vrai d'un autre cóté, que 1'Angleterre tire de grands avantages des Hollandais en tems de paix , par le paflage de leurs vaiffeaux & leur retraite dans fes havres, & que nous u/ons trois fois plus des marchandifes des Anglais , qu'ils n'en ufent des nötres, dont nous pourrions fort bien nous poffer, puifque les ManufaBures de la Hollande , £f des autres pays ■ font défendues en Angleterre, & qu'on ne peut trunjporter, ni porter par des vaiffeaux étrangers aucunes marchandifes, que celles qui font originaires d'Angleterre; ce qui arrête aflez notre navigation & notre commerce dans ce pays-la." „ Leurs rivicres jont fort pelites, £? éloignées les unes des autres, tellement que tout leur commerce & tranfport des marchandifes Je devant faire par la pleine mer, les Anglais peuvent beaucoup fouffrir par nos pirateries. " ,, Le commerce des Anglais par mer étant fi étendu, peut être extrêmement endommagé par notre puiffance navale, qui augmenté ious les jours même jufqu'a la Mediterranée & dans les lndes" Les  (m) „ Les Anglais ne peuvent faire aucune conquête fur nous, a cati.e de nos cótes difficiles 6? non proflndes, d moins que des conteftations inteftines ne leur en dmnasfent l'occnfion." „ II s'cnfuit que les Anglais ne peuvent faire la guerre que par mer, qui fe doit toujours faire avec de 1'argent comptant, a caufe que ces troupes ne peuvent fubfifter par le pillage ni par les contributions, ni par les quartiers d'hiver dans les pays ennemis, & que le Roi d'Angleterre ne peut fe fervir de fes domaines pour eet cïFet, qui ne peuvent pas feulement fuffire pour 1'entretien de fa Cour, de forte qu'il lui faudrait d'autres fonds pour faire la guerre." ., Si nous confervons bien notre Puiffance maritime, £? fi nous ménageons tout ce qu'il faut pour la fortifiet & i'augmenter, il faudrait de fi puiffuntes flottes centre nous que les confidérables fubfides qu'elles leur cnlteraient en empêcberaient les effets ; car cela ruinerait & incommoderait le peuple, de forte que le Roi aurait toujours des révolutions a craindre, & nö réuffirait point, en voulant continuer une guerre mal-a-propos contre nous." „ Les cótes d'Angleterre, d'Ecoffe & d'Irlande font fi commodes, cif les villes en font fi ouvertes, 6f fi peu fortifiées , que nos vaiffeaux y pourraient faire uh grand dégdt en les pillant e? brülant entiérement, fans qu'ils nous puffent rendre la pareille ; nos cótes étant de fi peu d'êtendu'ë, que nous les pouvtns garder avec peu de monde, & font d'ailleurs fi difficiles & fi peu profondes, que les vaiffeaux de guerre ne pourront jamais approcher affez prés pour tirer jufques fur nos rivages; & s'ils débarquaient dans des chaloupes, ils couraient rifque d'être renverfés par les flots. Tellement que nous pourn'ons reprendre par terre, en pillant leurs villes , ce que nous pourrions perdre fur mer , ce qui cauferait beaucoup plus d'émotion parmi le peuple, de voir brüler & faccager fes maifons, que les pertes fur mer ne pourraient nous caufer de dommage. „ Oa  C 339 ) „ On ne peut difconvenir que dans toutes les Régions Monarchiques, pendant la guerre particulièrernent par mer, les perfonnes de direétion employent fort mal les deniers, & avec fort peu d'ceconomie, dépenfant des fommes confidérables affez mal k propos , outre ce qui fe voie tant en argent qu'en munitions, dont la moitié ne vient pas a profit: & les finances manquent dans peu de tems, ce qui arriverait particulièrement en Angleterre,'oh les fubfides font limités par le Parlement a certaines fommes fixes, & les Anglais font taxés par dejfus toutes les autres Nations, d'être mauvais ménagers, &? portés d'une forte inclination au vol; au lieu que dans les Ré» publiques, même pendant les plus grandes guerres de mer, on y tient un fi bon compte, que les perfonnes qui ónt la direétion des finances, font obiigés d'en ufer avec la derniere oeconomie fans oferdétourner aucuns deniers ni munitions ;• ce que 1'on doit furtout attendre des Hollandais, qui font renommés de tout tems par leur fobriété & bon ménage, dont on ne peut pas feulement faire la difiinétion entre les deux Nations a 1'égard des finances & du gouvernement en général, mais même dans leur ménages & gouvememens en particulier ,• en forte que les gains étant diminués dans les deux pays, & les impóts & charges fur le peuple étant augmentés-par la guerre, les Hollandais, par leurs bonnes reffources caufées par leur ménage, fe foütiendront fuffifam. ment contre les Anglais, comme il a affez paru en 1667."' II faut doncconclure que Ia guerre ferait très-domageabledes deux cötés, & que les Anglais nous pourraient beaucoup nuire par mer, très-peu par terre, & que nous ne leur pourrions pas tant nuire par mer , mais beaucoup par terre, & que nous leurs pourrions faire beaucoup de dommage; ils pourraient affez nous ruiner de leur cóté, fi nous n'étions pas fuffifamment fórtifiés par un grand nombre de vaiffeaux de guerre. Les Anglais refteraient entierement maitres de la mer, fi le Roi & le Parlement n'employaient pas  C 340 ) pas les forces de ces Ifles a leurs plaiflrs, & poUr 1'entretien de la Cour, & de leurs gros équipages, au lieu de les employer 'avec leurs matelots a leurs vaiffeaux pour nous'détruire." „Notre unique confervation confiftedans 1'augmentation de notre puiflance maritime, de maniere que nous puiflions réfifter aux flottes Anglaifes, ou même les détruire." La fuite au N°. prochain. N. B. II s'eft glijjé dans le N°. précédent deux fautes qui font deux contre-fens page 311 ligne 22: forces de mer , lifez forces de terre , même page ligne 31 £f ^ 2. A la place de ces mots: le Stathouder était pour 1'Angleterre, la Hollande était pour la France. Ltjez, le Stathouder était pour la France, la Hollande était pour 1'Angleterre. Ces Feuilles périodiques paraiflent régulierement, tous le» Lundis d Amfterdam , chez J. A. Crajenfchot; d Haar. lem, chez Walree; dLeide, chez Luzac & van Damme, & Les Freres Murray; d la Haye, chez J. van Cleef, LaVeuve Staalman, & Plaat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, écJ{BroHkhor ft; d Dordrecht, chez Blufte; a Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez Leem. borst ; d Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, chez Fan Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-le Duc, chez j. H. Pallier, d Hambourg, chez J. G. Fircbaux , & chez les principaux Libraires des Pays-Bas On trouve chez 1'Editeur de ces feuilles. L'Ameriquiade Poëme 4 6 fois & Foltaire refu aux Cbamps élifées par Henri quatre, Eftampe allégoriqe.  L E POLITIQUE N°. XXII. LUNDI, ce 9 JU1LLET, 1781. Suite du Chapitre XX fur les Alliés naturels de la Hollande, & de la derniere Lettre du N*. précédent. „ Tl faut encore obferver, difent les Memoires de De 1. H^it^que nous ne devons pas par erainte de la guerre avec l'Angleterre,faire aucune alliance,pour attaquef offenfivement quelques Puiffances qui puiffent être redoutables a 1'Angleterre; car en prenant ce parti, nous renforcerions les Anglais, en nous affaiblilfant, lesquels pourraient nous accabler dans la fuite , fitöt qu'ils feraient débamffés de leurs ennemis, & avec bien plus de facilité ; quand nous aurions perdu tout le recours que nous pourrions avoir d'un autre cóté ; & puifque 1'Angleterre ettle plus a redouter pournous, nous ferions une grande folie de la rendre encore plus redoutable." „ Et furtout ne devons-nous pas, pour éviter une guerre avec 1'Angleterre, nous laiffer induire a changer ce Gouvernement de République en un Gouvernement Monarchique ■(*) fuivant 1'ancienne devife .. , . uoo .mlBta y i UfOü mvj ■ de (*) De Witt attaque ici le Stathouderat, mais le Statbou. derat étant devenu partie de la Conftitution, ces paroles font Tome I. Y Pl"tÓt  C 342 ) de Hollande: Leo rminciripernegat: Ie Lyon devenu libre, ne veut plus être enchainé; & fi n*us fommes forcés dans 1'état libre oh nous fommes a préfent, de faire quelques premières démarches , en quel état ne fenons-nous pas, fi nous avions un Chef qui ferait prefque mafire abfolu dans le Pays. qm nous lierait pieds & mains , en telle forte que nous ne pourrions plus faire la moindre réfiftance; & animé par cette haine naturelle que tous les Monarques portent aux Républiques, & pour détruire cette Puiffance de Mer & notre Commerce, qui lui parait fi redoutable, fous précexte de vouloir protéger un Prince qui ferait fon allié , ou qu'il aurait établie chez nous, nous rendrait la plus malneureufe Na* tion qui ait jamais été gouvernée par des Princes; puifque'ce regne Monarchique pnverait la Hollande de tous les avantages qu'elle f.ire de la Mer & des rivieres, & la furchargerait d'impóis, outre ceux qui y font déja, qui font affez grands, & nous abfmerait par fes dépenfes pour 1'entretien d'une Cour magnifique; avec une infinité de maux qui fuivent toujours les Monarcbies les mieux gouvemées: d'oü il s'enfuit que nous devons conferver ce libre gouvernement . & même s il elt néceffaire , par une guerre contre 1'Angleterre. Jl vaut mieux bazarder jon Jung cf Ja vie dans un combat pour fa liberté que d'être les v.ieurtriers d jamais de mms £? de nos delcendans. Si ja guerre contre les Anglais nous affaibliffait, nouspouvons tout attendre de Dieu & de la fortune; ou au contraire nous en ferions a jamais privés ; notre Commerce, notre Navigation & nos Manufaétures feraient ruines pour nous & nos descend^ns, qui maudiraient .des ancêtres filaches, & fi privés de bon fens & de courage." ., L'Angleterre ne craiVnant aucun Fotentat en Europe, que le Roi de France, ne.peut former aucune alliaace avec nous fur une erainte commune, que celle- "'J >.Sj .'10' uJii ai 'J ti sb sirua uiiavsb •""■o wit-b plutot applfcables a 1'autorité Souveraine, fi jamais on 1'ac coidait au Stathouder»  C 343 5 celle -lè, enforte que toute autre alliance avec elle nous ferait douiageable." II ejt encore een dn que nous ne devons point faire ü'alliance avec les Ang'ais, par l'envie de faire der conqhêtes; car quand nous aun'ons employé toutes nos tnrces o cette cbaffe, il fandra.l encore que nous nous bntiflions avec ce lion Angla's, pour partager le burin, qui le lire rait to-it de fon cóté, & dévorerait i'dne Hollandais; if nous p tuvres infenfês aurions comme un furet, ch-s. Jé le gibïer dans le< filets des Anglais. „L'on pourra conclure, par les réflexions précédent es , que toutes les alliances que la Hollande pourrait faire en tems de paix avec quelques Souverains , lui feront toujours très-inutiles , puifque vous n'en ferions jamais Jecourus dans le befoin. & qu'ils s'en Jerviraient plütót pour nous attir^r dam quelque guerre; mais il faut confidérer, en cas de guerre ou de troubles,, fi la Hollande fe pourrait foutenir fans le fecours de quelque Puiffance étrangere contre un de fes puiffans voifins, favoir: la France, 1'Espagne ou 1'Angleterre; & comme je croi<: que ouï, il eft donc certain que la Hollande étant attaquée de quelque moindre Puiffance, ne doit pas demander 1'affiftance d'aucun de ces trois p> iflans Potentats; d'autant que cela les rendrait enco;e plus puiflans ; & un vértible Hollandais doit joubaaer, pour le bien de fa Patrie, que la France & 1'Angleterre s'affaiblijfent , & que fEfpapie n'augmente pas." „ Si nous étions attaqués d'un de ces puiffans Po. tentats, nous ne devons pas non plus rechercher le fecours du dehors par des alliances,amom-' qu'elles ne s'offriffent d'ellesmêmes: fans ceiaon n'en recoit que de belles proineffes, comme nous l'avons éprouvé pendant notre guerre avec 1'Angleterre , par 1'allian- (*) L'ECpagne ne touchant plus adttiellement aux Provin. ces-Unies par les Pays-bas, pourrait devenir 1'alliée naturelle de la République, comme on 1'a déja indiqué dans lesN°»4 précéJens. Y »  ( 344 } l'alliance avec eet ingrat Dannemarc. Cependant lorfque les alliance' nous viennent commodément d let main, toutes les alliances font bonnes avec tous les Po. tentats, lorfque la Hollande tfi en guerre avec 1'Angleterre, pour en foriir pourvu que les alliés accompliffent les premiers leurs promeffes. „ Si 1'Efpagne nous fait Ia guerre. une alliance offenfive avec la France elt bonne, pourvu qu'Ule accompliffe la première fes promeffes: finon il vaut mieux nou? aider de nos propres forces." ,, Nous pourrons toujours affez nous foutenir contre la France, a moins qu'elle ne devint plus puisfante, & notre proche voifine par les conquétes des Pays-Bas; & de même contre les autres Puiffances, fans le fecours des alliances. Cependant, fi une moindre République ou Puiflance était engagée par une alliance avec les Hollandais dans la guerre pour une défenfe commune, nous pourrions toujours, étant parvenus a notre but, expliquer cette alliance k notre avantage." „ II eft plus utile de traiter d'une alliance avec une République qu'avec un Roi, ouun Prince Souverain, puifque cette première alliance écant fondée fur un intérêt commun, on peut s'affurer qu'elle fera confervée, tant que ces intéréts feront les mémes; d'autant que les Régens des Républiques font immortels, &? les Monarques ne peuvent ni ne veulent quelquefois com. prendre leur propre intérêt, ni fe donner la peine de régler leur Gouvernement fur ces intéréts, étant outre cela très-changeans & morteis." „ II fera toujours dangereux a la Hollande de traiter quelque alliance avec les Rois de France, & d'Angleterre, puifqu'il y a apparence qu'étant dans un plus haut rang,& poffédant une plus grande étendue de pays que nous, ils pourront toujours demander que nous foyons les premiers a fatisfaire a nos promeffes, & expiiqueront tous les articles a leur avantage : mais tant que la France reftera dans fon état d'a-préfent, c'eft-a-dire tant que 1'Efpagne (*) poffé- (*) Le même cas exifte par rapport I 1'Autriche.  C 345 ) poffédera les Pays-Bas, nous pourrons faire des alliances avec 1'un ou 1'autre de ces Monarques, contre celui des deux qui nous infulterait. Cependant fi la France était prête de fe rendre Maitre des PaysBas, & de devenir notre voifine, la Hollande fe doit garder de faire aucune alliance pour favorifer un fi dangereux voifin a 1'avenir, & même il ferait nécesfaire que toutes les Puiffances de 1'Europe fe joignifient, pour empêcher 1'aggrandiffement de cette Monarchie, qui éleve déja la tête au-deffus de tous fes voifins." „ De même, ne devons nous point faire d'alliance avec 1'Angleterre, puifque nous devons la redoutcr au dernier point, a moins qu'elle ne füt fondée fur une erainte commune contre une trop grande Puisfance, comme eft a-préfent la France; & toute alliance avec elle hors une derniere extrémité , leur donnerait plus facilemenc 1'occafion de nous faire la guerre. Qui a compagnon a maitre: ce qui fe trouverait facilement avec les Rois qui font au-deffus des loix; & tandis que 1'Angleterre croira que le repos de la Hollande dépendra du pouvoir de fon Roi, elle fera pour nous Palliée la plus tirannique qu'on pourra trouver dans le monde; a moins que la erainte d'un plus puiffant voifin ne Ia retienne en bride." ., Ce ferait une grande imprudence d'avancer quelque chofe a ces Princes inconftans, fur 1'efpérance d'en recevoir de la reconnaiflance dans Ia fuite. II nc faut jamais choifir un plus grand compagnon aue foi. Nos Eéputés des autres Provinces dans la Généralité, ne font que trop f aciles a fe laiifer engager par les Ambaffadeurs étrangers, pour entrai" ner la Hollande dans beaucoup d'affaires, lorfqu'ils y voyent quelque profit particulier, & que ce n'eft pas au préjudice de leurs propres Provinces, ils ne s'embarraffent pas beaucoup des affaires de la Généralité ; pour le refte, a la verité, il fait bon prendre de généreufes réfolutions de tenir parole, faire des libéralités; & fecourir fes voifins aux dépens d'autrui; pendant cela les Hollandais font les dupes des autres Puiffances. Y 3 CHA- ,  C 346 ) C H A P I T R E XXIII. Sur les caufes de la guerre aftuelle avec 1'Angleterre ê? fur ceUe de la décadenee de notre marine. Tous les partis s'accordent k dire que notre République, écant fonJée fur Je Crmmerce, doit avoir pour intérêt principil , pour objet continuel, de fe maintenir dans la paix. 11 efl donc bien étrange que la République n'ait pas lailTé d'être prefque toujours agitée par des guerres, depuis fon berceau. Elle efl née au fein des guerres: elle a commencé par combattre quatre-vingts ans contre 1'Efpagne. Depuis 1'an 1648 jufqu'è la paix de Breda en 1667, c'eft-a-dire pendant dix-neuf ans, elle futcontinuellement en guerre ou avec les Portugais, ou avec les Suédois, ou avec les Anglais, ou avec les Barbaresques, & fouvent avec plufieurs de ces Puiflances a Ia fois. La fameufe guerre de 1632 011 la France & l'An_'leterre mirent la République è deux doigts de fa perte, aura fix ans: la feconde guerre avec la France pour. 1'établilfement du Prince d'Orange fur ie tróne d'Angleterre, depuis 1'an 1085 jufqu'è la Paix de Kyswyi< en 1607, dura' douze ans, elle recommenca deux ans après pour la fucceffion d'Efpagne & n ayant fini que par la paix d'Ucrecht en 1712, elle dura treize ans: la derniere avec la France dura environ cinq ans ' de forte qu'en donnant deux eens quinze ans d'exiftence a la République, elle a fait la guerre pendant cent quinze ans, fans compter la guerre aétuelle qui probablement, ne fera pas d'aufli courtedurée qu'il plait a certains fpéculateurs, meilleurs humains que bons juges, de la repréfenter. Pendant toutes cesdifférentes époques, on n'a ceffé d'envifager la guerre que comme le fieau le plus funefle pour ce pays. Le fondateur de la République, l'immortel GudUume I, s'eft vu lui-même dans une crife fi terrible; qu'il prit cette dévife imaginèe par  C 347 ) par le feul défefpoir: incertum auo fata ferant. Au milieu de toutes cesfecoulfes la République s'eft toujours foutenue: les vagues de la meren fureur font venues fe brifer contre ce roe inébranlable; fouvent elles en ont prefque couvert la furface; on eüt dit qu'elles allaient 1'engloutir: mais, foit par la force des fondemens, foit par des hazards heureux, elle a toujours échappé au danger. Mais, doit-on fe perfuader que ce qui ett arrivé auparavant, arrivera toujours. S'il eft vrai que la République ne doit fon falut qu'a des hazards heureux, doit-on toujours les efpérer? Le fyftême des Puiffances Européennes a notre égard n'a-'t-il pas recu quelque altération ? C'eft ce qu'il importe d 'autant plus d'examiner que la guerre oh nous fommes engagés eft,peut-être, celle qui doit porter le-dernier coup k notrs état chancelant. II n'eft point de bon citoyen qui ne doive s'intéreffer vivement a la crife oh fe trouve la Patrie; il n'en eft point qui ne foit autorifé k rechercher les véritables caufes de fa faibleffe. Cette recherche ne doit pas fe borner a des obfervations fpéculatives; quand il a découvert ces caufes, il doit travailler de tout fon pouvoir a les faire difparaitre; 1'opinion publique peut beaucoup influer fur les déterminations de 1'Etat. 11 vient de paraftre un ouvrage intitulé : Correfpondance Jecrete entre un Hollandais établi en pays étranger d fon frere demeurant en Hollande, fur les caufes de la guerre acïuelle avec 1'Angleterre £? fur celles de la décadence de notre marine. L'Auteur de eet ouvrage ne parait pas dénué de connaiffances, fon ftile eft celui d'un homme bien né; il parait réfervé, circonfpeét; il affeéte un ton benin & doucereux: fes obfervations étant dans plufieurs articles diamétralement contraires k celles que nous avons expofées, nous avons cru devoir les rapporter. Pour montrer notre impartialité, nous choifirons les pasfages les plus frappans ; nous contentant d'ajouter 2uelquesnotes honnêtes; car nous avons étép'us fenbles au ton de modération qui regne dans 1'ouvrage Y 4 qu'aux  ( 348 ) qu'aux réfuta'tions que 1'Auteur prétend y faire de nos principes. „ Les uns, dit 1'Auteur, donncnt le nom de vertueux Patriotes , de véritables Hollandais- a ceux qui veulent qu'au mépris de toute autre confidération, 1'on faffe caufe commune avec la France, 1'Efpagne & 1'Amérique Septentrionale, pour arracher a 1'Angleterre 1'empire de la Mer; tandis que d'autres croyent qu'une telle conduite entrainerait infaüimie. ment la ruine de 1'Etat, & la perte entiere du Commerce, ou du moins qu'un tel parti ferait tout a-fait oppofé aux vrais intéréts de 1'Etat, puifqu'il detruirak eet équilibre fi nécelfaire entre les Puilfances dont la Hollande elt environnée , fyftême II avantageux a la République , a 1'Europe entiere , & au Proteftantifme." Ce préambule n'eft guére propre a prévenir en faveur du jugement de 1'Auteur. L'Angleterre ferat-elle anéantie pour être forcée a renoncer a 1'Amérique ? Ne fera-t-elie pas toujours une grande Ifle, &par conféquent une grande Puiffance maritime? Eft - il donc nécelfaire pour le bonheur de 1'Europe dc 1'exiftence de la République, que 1'Angleterre faffe la loi a toutes les autres Nations fur les Mers ? Quand i'abus qu'elle a fait de fa force maritime défillcra-c-ifles yeux de tant d'hommes aveuglés par l'intérêt ou 1'efprit de parti? „ Les uns fe plaifent a dépeindre S. A. S. ( vraifemblablement pour gagner ainfi plus furement la confiance du public) comme un Prince, bon, vertueux , rempli des meilleures intentions , mais qui aveuglé par de mauvais confeillers, s'eft perfuadé que fa grandeur, & fa gloire dépendent d'un grand nombre de troupes de terre, & qui pour parvenir a ce but, s'oppofe a 1'augmentation de Ia marine, tant que celle des autres troupes n'aura point paffé. D'autres le repréfentent comme totalement hvré aux intéréts de 1'Angleterre, quclques-uns même ne craignent point de 1'accufer publiquement de collufion gygc la. Grande Bretagne, & d'affurer que tout ce qui  C 349 ) qui fe paffe n'eft qu'un jeu, concerté d'avance avec lui ét le Chevalier Yorke, pour miner peu a peu les fondemens de la liberté de notre République, & pour la rendre dorénavant uniquement dépendante de 1'Angleterre." „ Pour accréditer de plus en plus de telsbiuits, dc pour fomenter davantage la défiance & le mécontentement, on publie tous les jours, une infinité d'écrits, qui renferment un vemn fi artificieufement caché, & oh certaines particularités odieufes paraiffent fi vraifemblables , qu'on fait a peine ce qu'il en faut croire, furtout, lorfqu'on entend asfurer a certaines gens , que plufieurs perfonnes du Miniftere même voyent avec plaifir ces brochures fe multiplier, paree qu'elles les mettent a 1'abri du reproche d'avoir donné occafion a la guerre actuelle, avant que la République füt en état de la fupporter." Tous les ouvrages qui ont paru fur les matieres du tems fe réumffent a juftifier la conduite de fon Alteffe. Tous s'accordent a dire que le Prince a le cceur excellent & qu'il a pour fa Patrie 1'attachement le plus fmcere. 11 s'agit de favoir aétuellement fï 1'obftination avec laquelle il a toujours infifté fur une augmentation de troupes de terre combinée avec 1'augmentation des troupes de Mer vient de lui ou de fes confeillers; & li ce fyftême eft de la faine politique: „ 11 eft trés inutile , dit 1'Auteur , que le public foit exaétement informé des affaires politiques; paree que le jugement qu'il porte fur les vrais intéréts de 1'Etat & fur les moyens bons ou mauvais dent le Souverain juge a propos de fe fervir pour le bien commun ne change rien a 1'état des'"chofes. Mais chaque individu Je regarde comme membre de la communauté, 6? a'uprès ce principe il juge volontiers de ce qui le concerne pour Ja part. Heureux, fi 1'on avaic afiéz de retenue pour fufpendre fon jugement fur des chofes que 1'on n'entend point, ou du moins que trèsjmparfaitement. Mais 1'arnour propre perfuadé que Y 5 1©  C 350 ) le filerre ferait honteux; paree qu'on 1'attribuerait k l'ignonnce : ils veulent plairc a. quelque Grand, fe frayer une rouce a la fortune, du moins gagner quelque argent de leur libraire, en écrivanc fur les affaires du tems. De-ia cette foule de brochures 6c de pamonlets dont les Auteurs, foit ignorance ou mécancecé , dénaturent les chofes &, n'ont d'autre but que d'entrairier le public dans un des partis qui partagent nos aifemblées & qui exifteront toujours tant qu'elles feront compofées de gens qui n'envifagenc pas les chofes de même ceil." II n'eft pas inutile de remarquer que ce langage eft celui du Politiek Vertoog , & dc tous ceux qui fuivent les mêmes principes. Les obfervations qui nous avons expofées dans le N° XVIII. fuffiront pour montrer que ce langage n'eft pas feulement abfurde ; mais encore déshonorant pour 1'efpece humaine & furtout pour des hommes libres. La vérité ne crainc ni la lumiere, ni 1'attaque. Au refte il faudrait être bien clair-voyant pour voir k quel Grand ceux qui écrivent comme ie politique Holhr.auis, pourraient faire leur cour: il eft auffi difficile de voir que cette route puifle mener a la fortune, que de voir qu'il foit condamnable de tirer un gain léger, quand 1'on croit avoir du talent pour cecte forte d'occupation. N'y auraic-il donc de perfonnes vraiment inftruites,que celles qui font dansles principes de 1'Auteur de cette correjpondance foi-Mjant fecrete ? Croit-il mériter une confiance exclufive & qu'il ferait a 1'abri des mefures qu'il voudrait que 1'on prit contre la propagation des écrits politiques? „ Ondevrait, dit-il, en particulier recommander a Meffieurs les Gazetiers de ne point fortir des justes bornes de la dferétion & de la circonfpeétion, furtout de ne point fe permettre des réflexions propres a exciter & a nourrir la défiance & 1'animofité réciproques & qui, répandant peu a peu le feu de la difcorde & de la fédition, détruit enfin la paix mtérieure, toujours fi précieufe , mais furtout fi indis. penfable en tems de guerre." Je  C 3Jt ) Je ne fais fi les Gazetiers jettent la divifion dans les efprits: j'ai beaucoup voyagé: je me fuis toujours appercu qu'ils fe pliaient en général è 1'opinion publique fans la déterminer & qu'il n'y avait pas de pays libre oh leur carrière fut auffi bornée, auffi circonfcrite qu'en Hollande. Que ne dirait donc pas un Anglomane, fi les Gazetiers de Hollande fe permettaient les mêmes libertés que chez les Anglais, fes bons amis ? II y a toute apparence qu'alors il n'y aurait plus de divifion dans ce pays & qu'ils auraient fixé 1'opinion du public & de tous les membres du Gouvernement fur le fyftême, qui aurait préfervé lVtat d'une guerre funeite & qui peut feul Ie fauver aétuellement. Ce ne font pas les Ecrivains publier qui ótent d 1'Etat fon énergie fc? fa vigueur; ce font • ceux qui veulent diriger fes opérations vers un objet, tandis que l'intérêt évident de 1'Etat exige qu'il foit dirigé vers un autre. „ L'expérience (dit 1'Auteur p. 107) de tous lestems a montré que les vices de la Conftitution de notre République exigeaient un Chef éminent qui donnat de 1'harmonie aux Confeils, qui füt comme le centre de réunion de tous les intéréts particulier! & le foyer oh ils fe concentrent pour le bien général."' Les Américains ont reconnu la vérité de cette même obfervation. II y a dans chacun des treize Etats un Stathouder ou Gouverneur. Mais 1'autorité de ce Gouverneur eft limitée pour les droits & pour le tems: il eft comme le centre ou les volontés générales viennent fe réunir : fon intérêt, fa fonétion eft de propofer,d'unir,de mouvoir: il n'eft puiffant que pour maintenir 1'union & faire le bien. „ J'aivü , dit 1'Auteur. lorfque la Cour de Londres voulait entrer en conférence pour modifier le traité de 1674, que le Prince, bien loin de favorifer ces conférences , les a traverfées, ne les jugeant pas convenables au bien de 1'Etac. Lorfqu'il s'agiffait de 1'acceffion è la neutralité-armée, il elt de fait queS. A. S. regardant cecte alliance cornm* un point d'appui, par-  ( 352 > particlierement contre 1'Angleterre, au cas qu'elle voulüt porter les chofes k 1'éxtrémité , a concouru avec ardeur k 1'accompliffement de ce traité, mais en tachant de ménager & d'affurer a la République les fruits de cette alliance qui aurait pu entrainercelle-ci plus loin que fes intéréts ne 1'exigeaient." II ferait abfurde de fuppofer que le Prince connaisfanc le bien de 1'Etat, nq s'y attachat pas avec aideur; puifqu'il doit néceffairement fentir le contrecoup des acteintes portées a la gloire & k la puiffance de 1'Etac. Pourquoi, cependant la République n'eftelle pas entrée plutót darts la neutralité? Un fyftême de neutralité n'était-il pas la véritable politique que la République devait fuivre ? Engager la République a y accéder a Ia première invitation, n'était ce pas, pour lui en ménager & afiurer les fruits, un moyen plus propre & plus für que d'attendre 1'éclac d'une tempête qui la menacait depuis longtems?" „ Suppofé, dit 1'Auteur, que nous faffions caufe commune avec les Ennemis de 1'Angleterre & que cette conduite nous réuffilTe, ne rifquons-nous pas de perdre la fureté que nous trouvons dans un jufte équilibre de forces entre les Puiffances de 1'Europe , équilibre toujours regardé comme le plus ferme boulevard du Proteftantisme?Qui nefen: auffi qu'tm jour ou 1'autre il faudra s'acquitter peut-étre par les plus grands facrificcs envers les alliés que nous pourrons avoir F" Ici 1'Auteur eft évidemmcnt la dupe de la maniere fauffe dont les Anglomanes ne ceffentde repréfentcr les alliances, lis ne veulent pas voir qu'entre Nations & Nations les alliances n'ont & ne doivent avoir d'effet, que par rapport aux cas & aux objets 'dont on eft convenu ? Parcequ'on était allié de 1'Angleterre, il faudrait, difait-on, tout lui accorder. En fuivant ce faux raifonnement nousdeviendrions également les efclaves de la France, de 1'Espagne & de 1'Amérique en faifant aéhiellement alliance avec elles. Comme fi l'alliance ne pourrait pas être combinée de facon 3 n'avoir fon effet que. dans  C 353 ) dans certaines circonftances, palTé lesquelles nous au. rions liberté de nous retirer, pour ne pas donner k une Puiffance cette prépondérance que nous vou. drions ötera 1'autre. Tel eft, teldoit étre le fyftême éternel de la République. D'ailleurs il faut avoir les yeux bien faibles ou couverts de 'préjugés bien épais pour parler encore d'intérêts particuiiers de feéte & de Religion dans le fyftême politique de 1'Europe moderne. L'Autriche ferait fort étonnée ,fi on la regardait comme un des boulevards du Proteftantisme pour avoir pris le parti de 1'Angleterre il y a trente-fix ans, & le Roi dePruffe ne s'étonnerait pas moins d'en être regardé comme le Deftruéteur pour avoir, dans le même tems, fait caufe commune avec la France. „ Son Akeffe s'eft toujours, dit 1'Auteur, fcrupuleufement reftreinte dans les bornes de fon autorité lé. gitime. Elle a mieux aimé fufpendre ou abandonner entierement 1'exercice de certains droits, du moment qu'ils lui ont paru douteux. Elle a mieux ai* mé fupporter paticmment les atteintes que certaines gens portaient a fon autorité, que de s'y oppofer avec une vigueur qui aurait pu faire naitre quelque méfintelhgence. 11 eft ridicule de foupconner qu'on ait voulu perfuader au Prince que fa gloire & fa puiffance dependaient plutót de commander une grande armée, qu'une puiffante flotte, & cette idéé n'a pu nakre que dans le cerveau d'un homme qui ne connaitpomcle caraétere & les principes du Stathouder " 11 eft fingulier qu'un Prince, fi délintéreffé fi peu entêté de ion autorité, n'ait pas laiflé depuis nombre d'années & ne laiffe pas aétuellement, d'infifter iur une au^mentation de troupes de terre peu proportionnée a celles qu'il demande fur Mer, pour un pays dontja bafe, la profpérité, & le falut aéluel repolent eflentiellemcntfur la Navigation. D'oh vient cette obftmation, furtouc dans un tems bh la Patrie n'a aétuellement a craindre & n'eft véritablernent afctaquée que fur Mer? „ Le Prince, pourfuit 1'Auteur, bien loin d'appuyer fur  C 3J4 ) fur l'aua;mentatiori des troupes de terre au préjudice de la marine, a toujours infifté fur un article auffi bien que fur 1'autre; il n'a rien négligé pour ramener lef efprits a des fentimens de concorde; il n'était pas naturel que S A.perfuauée du befoin réel qu'on avait de ces deux artic.es, facrifiat fon propre fyftême, celui de la plupart des Provinces, a 1'opinion du perit nombre de ceux qui ne voulaient armer la République que du cóté de la Mer, & qui, peu--être, dès-iors, méditaient une rupture avec 1'Angleterre, rupture que le Stathouder ainfi que les autres Provinces & même le plus grand nombre des villes de Hollande regardaient comme très-dangereufe." Etait-il naturel que ceux auffi qui penfaient que 1'augmentation dela marine était préférableai'augmentation des troupes de terre; que cette derniere même pourrait nuire a la première, renoncaffent k leur fentiment, en voyant furtout, par fexpérience du danger , que 1'augmentation de la marine était d'une telle néceffité, qu'on devait porter toutes fes forces & fes reffources vers ce feul objet. Quant a 1'opinion de la pluralité fur eet objet, on fait affez qu'il ne tenait qu'a Son Altefle, de faire par fon crédit & fon influence pafier cette majorité du cóté oppofé. Quant aux projets d'une guerre avec 1'Angleterre, perfonne ne doute que , dans les cas ks plus favorables, une telle guerre ne foit des plus funeftes. II eft bien douteux 11 elle entra jamais dans 1'idée de ceux qui infifiaient pour 1'augmentation de la marine: rnaisce qui eft certain, c'eft que d'après même 1'aveu de 1'Auteur, 1'Angleterre n'auraitjamaisöfé nousattaquer, fi notre marine s'était trouvée fur un pied refpeétable: c'était donc leur fyftême qui tendait le plus direétement & le plus évidemment è prévenir les fuites de cette guerre , fi 1'on trouve qu'il y a trop de partialité dans ce pays pour juger ce différend ; qu'on s'en rapporte au jugement des Nations écrangeres: elles s'accoidenr routes h. trouver abfurde que, dans un danger exiftant & terrible fur Mer, on veuille divifer ks forces de  < 355 J de 1'Etat en mfiftant fur une augmentation de fcrces de terre. „ 11 faut, pourfuit 1'Auteur, fe rappeler fertiele du Traité de marine conclu le n Décembre 1674, avec la Grande-Bretagne qui ftipule q>.;edes marchandifes appartenantes a des fujets d'une Puisfance neu re, foit chargées fur un vaiffeau ennemi , pourront être confisquées , & qu'au contraire des marchandifes' appartenantes a PEnnemi , mais chargées fur un vaifïeau neutre , ne feront point de contrebande. Jamais , peut-étre , la République n'a fait de Traité plus avantageux, & en même tems elle n'a jamais couru plus dedangers que par eet article: la France & l'Anglcterrè s'étant brouillées peu après, les deux Nations fe fervirent prefque uniquement de notre'marine marchande pour faire un commerce qu'elles fe feraient fans ceffe difputé & arraché mutuelletnent; des richeffes immenfes régorgerent par ce moyen en Hollande. Ce Commerce était trés avantageux a la France. Auffi vouiut-elle après la paix de 1748, a 1'occafion d'un traité de Commerce qu'elle défirait faire avec nous, engager la République a foutenir les droits que nous donnait eet article avantageux , même par la voie des armes, file cas y échéait. Mais L. H P. comprirenc alors que, malgré les avantages qui revenaient de eet article & du Traité projeté avec la France, il n'était cependant pas de l'intérêt de la République de fe brouiller avec 1'Angleterre & de s'expofer k une guerre avec ce Royaume, La conduite des Anglais dans de précédentes guerres avait, fans-doute, fait projeter ce traité a la France. Sous prétexte que les Hollaniais abufaient de Cefprit de Partiele en queftion & agiffaient fouvent même contre la lettre du Traité , on fe permetcait d'exercer contre eux plufieurs vexations. On vifitait nos vaiffeaux marchands . on les conduifait en Angleterre , cc 1'on en confisquait un rand nombre, tantót parceque les marchandifes qu'on y avait chargées étaient réellement prohibées par le traité de 5674, tantót paree-  ( 350 parceque les propriétaires des Navires ne proüvaient pas affez clairemenc leur innocence , tantót enfin , parceque la rivalité , la jaloufie & la précipitation ne diótaient que trop fouvent les arrêts. " „ Si 1'on eüt alors prêté 1'oreille aux plaintes continuelles de nos négocians , on aurait protégé efficacement cette branche de Commerce." La fuite au N'. procbain. Ces Feuilles périodiques paraiiTent régulieretnent, tous le* Lundis a Amfterdam , chez J. A. Crajenfcbot; a Haarlem , chez Walree; d Lelde, chez Luzac & van Damme, & Lei Freres Murray; d la Haye, chez J. van Cleef, La Feuve Staatman, & Plaat; d Gouda, chez Fan der Klos; d Rotterdam, chez Bennet & Hake, SzJ.Bronbborjl; d Dordrecht, chez Blufté; a Utrecht, chez B. Wild & G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez Leem. borst ; d Gronlngue , chez Huyzingh; d Nimegue , chez Fan Goor; d Arnhem, chez Troost; d Bois-le Duc, chez J. H. Pallier, d Hambsurg, chez J. G. Fircbaux;, & chez les principaux Libraires des Pays-Bas. On trouve chez 1'Editeur de ces feuilles. VAmeriquiade Poëme a 6 fois & Foltaire regu aux Cbamps élifées par Henri quatre, Eftampe allégoriqe.  L Ë POLITIQUE N°. XXIII. LUNDt, ce 16 JUILLET, 1781. Suite du Chapitre XXIII. fur les caufet de la guirre atluelle avec 1'Angleterre , üf fur celle de la décadence de notre marine. La maniere dont 1'Auteuf de la Correfpondance fecrete raconte la conduite des Anglais a notre égard, dans tous les tems, parait montrer qu'il ne peut s'empêcher de la défapprouver. Ce récit prouve encore que dès - lors 1'intérët direct de 1'Etat était de penfer uniquemerit aux forces maritimês: nous avions des droits précieux fur Mei1 a maintenir, on les attaquait; il était dortc naturel que nous prisfions des mefures, non contre la Puiffance qui nous excitait h les maintenir, mais contre celtó qui les violait audacieufement, föus les prétextes les plus ridicules. L'Auteur après avoir rappélé que le Prince en fortant de Majorité, travailla de tout fon pouvoir, a faire augmenter également les forces de terre & de Mer de la République, ajoute: „ vers la fin de 1'an* ., née 1768. S. A. avait tracé le plan d'une augmeatation, felon lequel le nombre des troupes de terre Tomb I. Z eüt  C 358 ) eüt été porté jufqu'a cinquante mille hommes. On aurait équipé tous les ans aux moins fix vaiffeaux de ligne aux frais des Provinces, indépsndamment des frégates que les Amirautés auraient pu y ajouter de leurs propres fonds. Le Prince & le Confeil d'Etat affurerentdans cette pétition générale pour 1'année 1760 que cette augmentation était indifpcnfabfement nécelfaire , tant pour la fureté de la République, pour la confervation de fon titre de Puiffance maritime, que pour la proteétion de fon Commerce & de fa Navigation. Le mauvais état des finances de quelques Provinces faifant craindre a celle de Hollande, que fi une fois 1'augmentation des troupes de terre avait paffé, les Provinces fe trouveraient encore moins en état de concourir au rétabliffement de la marine; quoiqu'on fuppofe que 1'influence du Prince eft plus confldérable dans ces Provinces, furtout lorsqu'elles font d'un avis oppofé a celle de la Hollande, elles montrerent, cependant plus de dispofition a conrribuer aux dépenfes maritimês que n'en avait Ja Hollande a contribuer a 1'augmentation des troupes. On évalue a plus de neuf millions les fubfides que 1'on avait demandés aux Etats pour 1'équippcment des vaiffeaux depuis 1766 jufqu'en 1777, qu'ils avaient déjè accordés fans compter la pétition de 4,178,508 florins faite en 1771 & que S. A. avait propofée pour 1'achat de 24 vaiffeaux, fans compter encore celle de 1,800,000 florins faite en 1777 pour les réparations néceffaires des vieux vaiffeaux & pour 1'approviflonnement des Magazins, pétition que les Etats avaient également accordée, fans compter enfin les frais de 1'expédition de Surinam a laquelle ceux de Hollande étaient bien plus parciculierement intéreffés que les autres Provinces." Dela 1'Auteur conclud que S. A. n'a pas moins inflfté fur la marine que fur les troupes de terre, &C On n'a jamais nié que le Prince Stathouder n'ait paru a la tête de ces propofitions patriotiques en faveur  C 3J9 ) veur de la marine & des Colonies, mais ce n'eft pas la ce dont il s'agit; la queftion eft de favoir, s'il y avait les mêmes raifons preffantes, pour que S- A. infiftat, dans le méme tems, fur 1'augmentation des troupes de terre; & furtout depuis que les troubles de 1'Amérique avaient tourné les regards de toutes les Puiffances maritimês & les opérations de toutes les Puiffances belligérantes du coté de la Mer, & donné occafion aux Anglais de nous attaquer & molester fur eet élément: S. A« & tous les Membres des Corps politiques de la confédération n'auraient - ils pas du porter alors tous les efforts de 1'Etat vers 1'augmentation de la marine? „ En 1774,continue 1'Auteur, laHollandénevouluc pas s'expliquer fur le plan d'une augmentation de forces de terre & de Mer. Mais 1'année fuivante elle dêclara qu'elle était difpofée a confentir k une augmentation de troupes de terre après que les confédérés auraient voulu préalablement affeéter un fond annuel de 700,000 florins pour le fervice de la marine cc donner des aflurances pour le payement de cetce Ibmme : pour concilier cette demande avec celle des cinq Provinces de Gueldre, de Frife & de Groningue , S. A. propofa un arrangement. Les cinq Provinces auraient renouvelé le confentement qu'elles avaient donné a 1'augmentation des troupes, combinée avec la conftruélion des vaiffeaux , mais auraient approuvé que la fomme propofée füt réduite a neuf eens mille florins, & que 1'on portêt fur 1'Etat de guerre un article de fix tonnes d'or pour 1'équipement des 'vaifléaux- Cette fomme devait être repartie au jugement du Prince cc du Confeil d'iitat, de facon a prévenir toute erainte pour la certitude du payement, & toute plainte a eet égard, avec cette inftruétioncependant, qu'on ne réduiraitpas un article fans réduire 1'autre; & que par conféquent fi 1'on diminuait 1'augmentation réfolue de 150,000 florins, 1'Article dela marine ferait auffi diminué de ioOjOCoflorins & mee ver/a. Ce plan ne fut pas accepté par la Hollande; ceux de Zéelande & d'Utrecht Z a le  ( 3<*° ) le prirent ad referendum; les autres Provinces ne I'ac cepterent que par condtjcendance". „ L'année fuivante la Hollande (TAuteur dit la mineure partie de cette Province; exhorta férieufement les autres Provinces a prendre plus a cceur les affaires maritimês; fans dire un feul mot de 1'augmentation des troupes de terre". „En-1777 on alla plus loin encore, la Hollande reprêfenta qu'il fallait, dans les circonftances préfeutes, fonger trés-férieufement & préférablement a toute autre confidération, a arrêter définitivement la pétition pour les vaiffeaux de guerre. La Gueldre déclara alors qu'elle était toute prête a concourir avec les autres confédérés a tout ce qui pouvait affurcrl'honneur & 1'indépendance de la République & a prouver qu'elle s'intéreffaic vivement a la Navigation & au Commerce; ne doutant point, ajouta-t-elle, que les autres Provinces encouragées par cette déclaration, ne confentiffent enfin & une augmentation, quoique peu confidérable, des troupes de terre. L'Auteur ajoute que la mort de 1'Elecf.eur de Baviere fournit l'année fuivante aS. A. & au Confeil d'Etat de nouveaux motifs d'appuyer fur 1'augmentation des troupes." Ces détails font très-intérefians, parcequ'ils répofent fur des faits: mais je ne faurais en tirer les mêmes conféquences que 1'Auteur de la Corre/povdance &c. J'y vois qu'il y a une rivalité naturelle entre les Provinces de terre & celles de Mer; j'y vois qu'elles s'accordent cependant a mettre la République dans un état de défenfe fur 1'un & 1'autrc élément;cette rivalité caufe une indécermination néceffaire & continuelje danslesdélibérations: puifque 1'Auteur prétend avec SA, que les troubles a l'occafion de la fucceffion de Bavicre devaient déterminer les Etats a 1'augmentation prompte des troupes de terre, il en faut également  (3öi ) ment conclure que la guerre qui fe faifait alors fur Mer & dont nous ne fentions que trop les funeftes effets aurait dü plutót porter les Etats a fe réunir fur eet objet, furtout lorfque la prompte fuppresfion de cete guerre de Baviere eut diflipé jufqu'è la plus légere erainte d'une tempéte fur tene. L'Auteur aura beau pallier, tergiverfer; il lui fera toujours impoffible de prouver que dans le cas méme oü 1'une & 1'autre augmentation des forces de terre & de Mer fe feraient balancées, la vue certaine d'une guerre- maritime n'aurait pas dü faire emporter la balance pour 1'augmentation des forces maritimês, préferablement a celles qu'aucun befoin apparent ne femblait requérir. „ Mais, dit 1'Auteur , il n'eüt tenu qu'a Ia Province de Hollande de prévenir tous les malheurs qui font arrivés en confentanc a la doublé augmentation de la marine & des troupes." Etait-il donc facile, était-il jufte, d'accorder cette doublé augmentation dans un pays auffi chargé d'impöts, lorfqu'aucune néceffité preffante ne paraifl'ait 1'exiger ? „ On m'a afluré,dit 1'Auteur, qu'a la première de. mande que fit le Roi d'Angleterre des Troupes Ecosfaifes, S. A. répondit en fubftance que cette propofition n'était pas de faifon dans un tems , oh 1'on fongeait depuis plufieurs années kaïcgmenter le nombre des iroupes ae 1'Etat, que d'ailleurs cette Brigade ferait de peu d'utilité a Sa Majefté , attendu qu'a peine compt'ait-on un feul Ecoffais parmi les foldats qui la coropofaient. Le Roi revint a la charge; il offrit de bonifier les frais néceffaires pour la levée d'un nombre égalde troupes è celui qu'il demandait & dans le tas que les Etats repriflènt la Brigade a la fin de la guerre, de lui permettre de faire fes recrues en Ecoflé. Le Prince communiqua cette réfolution aux Etats-Généraux qui la préfenterent fous un jour fi favorable aux Provinces refpeétives, que fix felaisZ 3 y> feient  C 3«Ó ferent gagner. La majorité des voix en Hollande écait du meme avis; mais quelques Membres voulaient qu'on ftipuldc qu'il ne ferait fait aucun ufage de ces troupes hors de 1'Europe , fans 1'aveu des Etats. Ce fut a cette occaüon que la ville d'Amfterdam laiffa échapper le véritable fyftême de neutralité que toute Puiffance indépendante doit fuivre dans ces fortes d'affaires. Elle déclara n'avoir accédé qu'a contre-cceur a la réfolution deprêterla Brigade, même fous les conditions précédentes. Elle allégua qu'on donnerait lieu de croire que 1'Etat prenait parti contre les Américains. Elle déclara qu'elle n'y confentait que fous les deux conditions fuivantes. " ,, i°. Que fa Majefté Britannique s'engagerait a n'employer jamais la Brigade Ecoffaife en entier ou en partie foit en Amérique, foit ailleurs hors de 1'Europe ; que ce corps ferait cenfé être rappelé au moment même qu'on en ferait ufage hors des royaumes & des domaines de Sa Majefté fitués en Europe, qua eet effet les chefs de cette Brigade feraient obiigés, au cas que 1'on voulüt lts envoyer ailleurs, de retourner immédiatement en Hollande avec leurs troupes & qu'on donnerait connaiffance de cette claufe aux Officiers commandans, pour fe conduire en conféquence". 2°. Qae 1'on ne confentirait point dans les EtatsGénéraux a la levée de nouvelles troupes, que fous les claufes expreffés de ne porter aucune augmentation de troupes de terre fur 1'Etat de guerre qu*en y ajoutant un articleprecijêment de la même fomme pour une augmentation annuelle de la marine. Le Roi inftruit de cette différence d'opinion, abandonna cette demande: 1'Auteur en conclud que eet incident joint au refus du fecours demandé en 1755 femble avoir été la première caufe du refroidiffement entre la République & fon ancien allié. " J'ai cru, que ces faits trouvaient naturellement leur place dans cette feuille dont le principal objet  C 363 ) jet eft dc développer les événemens de la guerre actuelle: mais je ne faivrais croire que d'après ce récit , le Roi d'Angleterre ait pu, fans le fuppofer atteint de folie, en concevoir du mécontentement contre la République. D'abord la majorité, que dis-je tous les Membres des Corps politiques, a 1'exception •d'une feule ville, étaient portés a condefcendre a Ia demande. En fuppofant donc d'après 1'Auteur, que les Cours foient fufceptibles de fentimens de reconnailfance ou de relfentiment, George III. devait etre plus flatté d'avoir eu pour lui la majeure partie de la République, qu'irrité contre elle a caufe de l'oppoütion d'une ville. Ou plutót comme l'intérêt feul gouverneles Puiffances, cette Brigade qu'il s'qbligeait a, remplacer, ne pouvant être d'une grande importance pour lui, il cherchait fans doute k attirer peu - apeu la République dans fes intéréts & fes querelles; mais prévoyant que eet incident pourrait fournir a 1'avantage des Francais en leur fourmfiant 1'occaüon d'envahir la République pai* terre, il fentit ou dut fentir que, dans ce cas, 1'affiftance des Etats lui ierait plus préjudiciable qu'utile; en le mettant dans la néceffité de leur fournir k fon tour des fecours plus confidérables que ceux qu'il aurait tirés d eux. C'elt l'intérêt feul qui meut les Puiffances; & furtout un Gouvernement tel que 1'Angleterre oh 1'on fe régie fur des fyftêmes fbces plutót que fur les pafiions changeantes d'un Monarque. La fuite aux N". procbain. •$HNs.#i!}4nS' CHAPITRE XXIII. Rêve abfurde & bizarre, s'il en fut jamais_, d 1'ufage de ceux qui aiment d paffer des cbofes férieufes d des contes qui ne fignifient rien. Et j'étais dans mon jardin que j'appelle ma maifon de Campagne, fuivant 1'étiquette Batave, & je lifais le Courier du Bas-Rbin, que je lis ordinaireZ 4 ment;  ( 3«4 ) ment; paree qu'il amufe quand il n'inftruit pas; fecret qu'il devraic bien apprendre aux autres Gazetiers qui, depuis cinq ou fix ans, ne font que nous raconter triltement les pertes, les affronts & les caJamités que nous elfuyons, fans ófer y méler la moindre petite dofe de plaifanterie ; pour adoucir 1'aigreur des pilules ameres que les Anglais nous font avaler. Et' c'était le jour du Soleil, premier Juillet , ét je lifais dans le 52. pag. 427. dudit Laurier, les paroles fuivantes; „ Pendant que le Docteur Kluti, „ en habile praticien, offre un remede efifcace con„ tre les maladies les plus communes d'aujourd'hui, „ 1'Auteur du Politique Hoilandais faifant, en quel» „ que forte , les fonélions de Médecin - conful„ tant, développe les caufes de ces maladies, les „ raifonne avec beaucoup de clarté, de folidité Sc „ de vérité, mais ne les guérira pas plus avec fes „ confultations politiques que le Üoóteur Klub avec fon eflence myolique," Ces paroles me jeterent dans une efpece d'extafe; je ne parlai plus que drogucs, que médicamens, que patiens ; & m'étant endormi dans cette ivreffe des fens, je rêvai que j'etais non-feulement devenu Médecin ; mais encore un des plus habües & des plus fameux praticiens de ce globe rond, ovale ou cornu, Et comme 1'amour propre manque toujours moins aux Médecins que la Science, je rêvai que tqut I'ünivers accourait pour me demander des corifultations. Grands & petits, riches 6t pauvres, ma maifonétait affiégée d'ipdivjdusde toutes les efpeces, de toutes les couleurs, de toutes les fedtes , noirs, bruns, bjancs, rouges, olivatres, Voetiens, Cocceiens, Ar» miqiens,Lutbériens, Anahaptiftes, Efprits forts &c.Ah! le bon métier que celui de Médecin rien n'eft plus inu ■ tile que la Science pour s'y faire une réputation; je n'avais qua prononcer certains mots myltéricux dcslan* guesles moinsconnues, Latins, Greés, Hébreux,Arabe^méme^ o« defnncr certains hycroglyphes fur le ,pa-  C 3ÖJ ) papier; la vénération qu'on avait pour moi augmcncait toujours è proportion de 1'obfcuricé des paroles , de la bizarferie des hyeroglyphes & de 1'épaiffeur du jugement des confultans. Comme ma réputation avait été précoce & rapide, & que je n'étais pas encore aguern dans cette carrière, je la fourniffais de bonne-foi: ma feule charlatannerie était d'ordonner des remedes innocens a ceux dont la maladie me paraiffait incurable. O que le monde ferait peuplé, li mes Confrères dans 1'art de guérir n'avaient jamais connu d'autre charlatannerie V Mais hélas ! il n'arrive que trop fouvent que, pour faire parade de leur Science, ils jugenr, a tort & a travers, aimant mieux tuer que de ne pas ordonner. C'elt ce qu'on verra plus fenüblement dans un certain cas pour iequel je fus appelé, lorsque j'exercais la Médecine en ibnge; cas le plus extraordinaire peut-être, qui foit jamais arrivé depuis que le fecret d'envoyer méthodiquement les gens a 1'autre monde a écé inventé. Pour revenir a mon fonge , je rêvai donc que j'étais mandé, pour voler au fecours d'un malade de diftinétion, gifant depuis cinq ans dans fon lit, d'une maladie qui , depuis le commencement , avait toujours empiré. On le difait a la mort; je trouvai en effet, fes parens & f»s amis dans 1'accablcment de la douleur: il y avait furtout au chevet de fon lit, un homme fur qui la plupart des regards paraiffaient le fixer avec vénération : s'il n'avait pas eu Fépitoge & tous les autres attributs de 1'art lublime d'Esculape, je ne 1'aurais jamais reconnu pour Médecin • comme il ne ceffait de répéter que le malade n'était point malade &que je m'étais appercu qu'on m'avait envoyéchercher malgré lui, „Monfieur:'lui dis-je elt fans doute le Médecin de la maifon ?" „ Oui, Monfieur," répondit-il d'un ton fier, & „ qui plus elt Médecin - né." Z ? „ Mé-  ( 3Ö« ) - „ Médecin -né! je vous avoue que ce titre efl; „ nouveau pour moi. Sans doute que Monfieur a „ recu du ciel le don fingulier de la Science in„ fufe?" „ Non, Monfieur, il ne fe fait plus de miracle; , ce n'eft pas la Science qui eft mnée dans moi; „ c'eft la qualité, le titre, le droit d'ordonner ex- clufivement dans la maifon oh vous n'avez été „ appelé qu'en contravention a toutes les loix divi„ nes & humaines. C'eft, furement quelqu'un des „ parens qui font ici, & qui me veut du mal, qui „ vous auraïïifpiré 1'audace d'empiéter fur mes droits M les plus facrés." Ces mots furent pour moi comme un trait de lumiere ; je foupgonnai alors que, dans une maifon oh la manie des titres héréditaires avait infatué les gens jufqu'a les affigner pour un Etat oh la Science feule devrait être confidérée, le malade devait être biena plaindre. Je le plaignis de tout mon cceur & je m'approchai pour examiner fon état. Son pouls était faible, intermittent, prefque imperceptible: la machine était dans un affoupilfement général: il n'y avait aucune .harmonie dans les mouvemens: les muscles, les arteres & tous les vehicules de la vie animale femblaient fe pouffer en fens contraire : je portai la main a la région du cceur; je trouvai que cette contrariété de mouvemens avait occafionné unengorgement total & prefque arrêté le mouvement de diaftole & fyftole. Les pieds étaient tuméfiés; mais après un examen convenable, je m'appercjus que la tumeur ne venait point d'une humeur viciée; mais de ce qu'on avait donné au patiënt des drogues pour précipiter vers les parties inférieures les fucs vitaux de 1'économie animale. Aufli la téte était lans moui vement; la face n'était cependant pas hypocracique; & la conjonétive était encore vermeille; la conftitution était même robufte : tous ces divers fymptómes me firent juger que le malade était dans un état dé-  C 367 ) déplorable, tant qu'il refterait entre les mains da Médecin - né; & que la machine n'étant pas affeétée de vices reéls, il y aurait moyen de le tirer d'affaire ü 1'on pouvait le traiter fuivant la théorie de 1'art & 'les principes de fexpérience médicale. Tout fervit a me confirmer dans cette idée. Pendant que j'explorais le malade; ah! ah! cria-t-il, je fens la chaleur & la force du cerveau fe refroidir & fe perdre; je me meurs! „ Non! non! reprit le Medecin-né, la tête efl: bonne & faine, j'en réponds, j'en fais plus que le malade fur ce point „ Nelecroyezpas,dit celui des parensqui m'avait fait' appeler; il y a prés de fix ans qu'il eft au lit: ie Médecin-né necefle de foutenir que lemaleftohle malade ne fent aucune douleur ; & il ordonne en conféquence. II veut que la maladie foit aux. . . " „Auxparties inférieures, dit en interrompant le. Medecin-né, c'eft la qu'il faut diriger tous les fucs de 1'économie vitale; oui, en deux mots comme en cent, les jambes ne valent rien; il ne lui en faudrait pas moins de cent vingt-mille pour marcher/ Si vous ne me croyez pas, vous croirez förement cegros livre-la, fur la table, ouvrez le; le livre eft en Allemand, traduit de 1'Anglais, & approuvé de tous les Doéfeurs d'Oxford, de Cambridge & de Gottingue: c'eft mon oracle, c'eft Ik que j'ai puifé & puife encore toute ma Science: la vue du livre était effeclivement propre è infpirer le refpeéf., a ne juger du contenu que par la grolieur du volume: elle était énorme: huit perfonnes auraient eu peine a le porter; je voulais 1'ouvrir; mais comme les vers 1'attaquaient de toutes parts & que j'ai toujours eu une répugnance naturelle pour ces infecfes, je n'ofai approcher; celui des parens qui m'avait fait appeler cc qui prenait l'intérêt le plus vif & le plus fincere a 1'état du patiënt, m'en dit tant de mal, qu'il acheva de medégoüter de 1'ouvrir. 11  II n'y avait en effet que le Medecin-né qui eüt le courage de s'en fervir. II y luc méme (out haut ces paroles que j'ai traduites de 1'Allemand (*) „ les „ plantes les plus falutaires qu'il y ait au monde „ font dans les Ifles Britanniques: hors de ces Ifles' „ point de falut. Oui quand le malade fe plaint de „ la tétfe'; c'eft dans les jambes que le mal réfide: 3, c'efl: la qu'il faut tranfporter le cceur; pour que les „ mouvemens dirigés vers le centre, étant réalifés „ par une augmentation de forces mutuelles II allait pourfuivrc le méme galimathias, les mêmes abfurdités, lorfque le malade s'écria, a boire! & boire! une goutte d'eau ou je meurs de foif. Une goutte d'eau, dit le Medecin-né, rien ne ferait plus funefte : qu'on lui donne un gros quartier de pain fee; c'efl un fpécifique infaillible contre la foif. Je voulus repréfenter que la Médecine devait fe prêter avec mefure aux demandes de la nature & non les contrarier; que non-feulement une goutte, mais même un grand verre d'eau ferait beaucoup de bien au malade; mais le Medecin-né me traita de fot, de fripon, d'intrus; & menaca dejrne faire jeter par les fenêtres. Ce dernier argument me fit taire, mais ne me perfuada pas. Je vis alors entrer dans la chambre une compagnie brillante, conduite par une grande Dame: elle avait le port augufte, un air de majefté ray onnait fur fon vifage; maisonétouffeici, dit-elle,l'air n'y eft paspur; on y coudoye tout le monde, fans acception de rang, ni de perfonne; venez dit-elle, avec nous, en ten:dant d'un air doux & affeétueux la main au patiënt ; (*) II y avait: Manfind keine heilfantere gewaefebfe als in Grofs Brittannien: auffer der. Groffen Brittannifehen Injuin ijl kein heil &c.  ( 3*9 ) tient; le grand air vous fera du bien. Ces mots furent comme le plus doux des baumes, le patiënt parut reptendre fes forces; la trifteffe de la mort fit place a la férénité de la fanté : arrêtez, dit alors „ le Médecin-né , il faut que je confulte auparavant mon gros livre, pour voir fi le grandair elf. falu„ taire a ceux qui fe trouvent dans votre cas." II ouvriten même tems fon gros livre; tous les Chapitres qu'il y lifait s'accordaient a dire que l'air ne valait rien pour ces fortes de maladies; alors les Parens qui environnaient le lit, perfuadés par celui d'entr'eux qui m'avait appelé, prirent la chofe plus k cceur, délibérerent a leur tour; après de longs débats, ils convinrent qu'd ne fallait pas s'en tenir aux raifonnemens du Médecin-né & de fon gros livre Allemand, traduit de 1'Anglais; qu'il fallait répondre a 1'invit'ation de la belle i.ame, qui menait la brillante compagnie: on s'approcha méme du lit pour aider le patiënt a joindre les autres: mais quand il fut levé , il fe trouva que la compagnie , impatiente d'attendre, avait déja difparu. Le malade a qui 1'efpérance femblaic avoir rendu fes forces, retomba fur fon lit ,_abïmé de défefpoir, la ptüeur de la mort fe peignit fur fon vifage: fes yeux s'égarerent, fon nez s'effila ; fes mains chafferenc les mouches: je crus qu'il n'y avait plus d'efpoir, je 1'abandonnai k mon tour, jurant que fi jamais j'étabiilfais une grande maifon, la première loi ferait de n'y mettre jamais un Médecin-né ou exclufif, a moins que je nc vouluffe la changer en un hópital. Cet accident imaginaire m'affeéla même fi fort, que je me réveillai tout en fueur, & que je doute encore fi c'eft un fonge que j'ai fait: c'eft aux Leéleurs k réfoudre ce doute; mais je protefte contre tous ceux qui voudraient donner une mauvaife interprétation au rêve le plus innocent qui füt jamais & qui n'ayanc-aucun rapport aux affaires politiques, qui font la matiere de cette feuille , n'eft inferé ici que parceque ce rêve m'a paru bizarre & propre a fatisfare les esprits qui aiment a pujjer das cbojes Jérnujes d des conles qui ne Jignifient tien. P. S.  C< 370) P. s. Engagement entre deux Frégates Hollandaifes 6f deux Frégates Anglaifes. c e fameux combat s'engagea le 29 de ce mois, Hnllnnrlaifft la Brille, com- mandée par le Capitaine Oortbuys, & la Frégate la Flore de même force & commandée par le Capitaine tl/miam tfeere yyiiuams aun coteet cnuc m n«g» Anglaife le Crefcentt&h FrégateHollandaife le Costor, Capitaine Melvill, d'un autre. Cette derniere, après avoir foutenu d'abord le combat contre les deux Frégates Anglaifes, enfuite contre la Flore toute feule, beaucoup plus forte par le nombre des canons & de 1'équipage, ayant eu 21 morts & 44 blesfés, fe voyant en danger de couler a fond & lebatiment avant déja fix pieds d'eau, fut obligée de fe rendre. Mais le Capitaine Oortbuys fut plus' heureux. II eombattit avec tant de courage & d'habileté que, malgré la plus opiniatre • réfiftance pendant deux heures & vingt minutes , 1'Anglais ayant eu plus de quatre vingt dix hommes tués ou bleffés, fut forcé de baiffer pavillon. Le Capitaine Hollandais était prêt de s'en rendre maitre; mais la mer s'étant trouvée trop haute, & la Frégate Anglaife la Flore étant venue au fecours, le Brave Oortbuys fe vit obligé de renoncer a fa prife & de fe retirer dans la Baye de Cadix. Les deux Frégates Anglaifes cinglaient versl' Angleterre avec leur prife, lorfqu elles furent rencontrées plus de trois femaines apres, par deux  C 371 ^ :deux autres Frégates Frangaifes qui reprirent le Cr«r. cent & le Caftor. La Flore n'échappa que par fa lé« gereté. La nouvelle de ces deux engagemens par. ticuliers n'a pas peu contribuéa changer les idéés des Anglais fur le compte des Hollandais, Si c'eft la leur caup d'eftai, difent leurs papiers, nous verrons bientót cette guerre fous un afpeél plus finiftre qu'on ne favait dabord imaginé. Cette affaire eft "encore un» nouvelle preuve de ce que nous avons avancé plufieurs fois. Non les Hollandais n'ont point dégénérés du courage de leurs ancêtres: Qu'on leur fournilfe les occafions de fe fignaler , que leur ardeur & leurs bras ne foient pas enchainés; & 1'oh verra renaftre des Ruiter & des Tromp! Comment 1 nous avons plus d'une fois, feuls & fans appui, tenu tête a 1'Angleterre : nous avons même, dans un tems oh 1'Ennemi avait fubjugué une partie de nos Provinces, feuls &fans appuy, balancé les forces de 1'Angleterre & de la France fur Mer: aétuellement que cette même Angleterre a quatre ennemis déclarés, que la fortune parait fe déclarer contre elle dans toutes les parties du monde, qu'a la moindre nouvelle de la fortie de nos plus faibles efcadres, tout tremble fur fes cótes faibles, dégarnies & dépeuplées, a préfent, dis-je, nous redouterions les Bretons! Quelle honte diraient nos anciens héros! Quelle honte, difent tous nos marins & nos bons patriotes! Ne femble t-il pas que la Providence nous ait ménagé cette occafion pour vanger les pertes, & les affronts'que nous avons effuyés de la plus infolente & de la plus infatiable des Nations k notre égard. Les Anglais, pour affaiblir notre gloire, ont fuivant leur coutume diminué le nombre de leurs canons & augmenté celui des nótres. Mais il eft certain que la Flore a 44 canons, en comptant ceux de la proue de la poupe & les obufiers 6c le Crefcent 32, fuivant le même calcul. Le courage & 1'intrépidité des Hollandais dans cette occafion font non-feulement confirmés par les  les récits de tous leurs Officiers, mais encore paf le témöignage des Ennemis. Telle était 1'ardeur de ceux qui montaient le Cajtor que le Capitaine MeU vill, leur ayant ordonné de tirer un coup a boulet, ils en tirerent buit. Les équipages fe plaignent que les Anglais ont porté la barbarie jufqu'a mettrïe des morceaux de verre & de fayence dans leurs canons, ce qui rend incurables la p:üpart de leurs bleslures II faut avouer que ces Inlülaires méprifent bien fouverainement les conventions des peuples policés , qui laiiTent aux Sauvages 1'art déteftable d'empoifonner les playes. Ces Feuilles périodiques piraifient régulierement, tous les Lundis a Amfterdam, chez J. A. Crajenfebot ; d Haat" lem , chez Walree; d Leide , chez Luzac & van Damme , & Les Freres Murray; d la Haye, chez J, van Cleef, La l'euve ótaatman, & Plaat; d Gouda, chez Fan der Klos; a Rotterdam, chez Bennet & Hake, SiJ.Bronk' bord; d Dordrecht, chez Blufé; h Utrecht, chez B. IFild & G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez LeetUborst ; d Groningue , chez Huyzingb ; d Nimegite, Chez Fan Goor; d Arnhem , chez Troost; d Bois-le Duc, chez J. H. Pallier, d Hambeurg, chez J. G. Firchaux , & chez les principaux Libraires dee Pays-Bas. On trouve chez 1'EditeUr de ces feuilles. UAmeriquiade Poême a 6 fois & Foltaire regu aux Cbamps élifées par Henri quatre, Ejlampe allègorique.  L E POLITIQUE N°. XXIV. LUNDI, ce 23 JU1LLET, 1781. CHAPITRE XXV. Mémoire préfenté de la part de la Ville d'Amfterdam d S. A. S. Mgr. le Prince Stathouder, le 8 Juin 1781. Le fyftême de la Ville d'Amfterdam, & toutes le* démarches qu'elle a faites ont eu pour objet ou de prévenir Ia guerre , ou de la pouffer avec vigueur, lorfqu'elle eut éclaté. Elle n'a pas vu fans douleur que, dans des circonftances auffi critiques, fes efforts courageux n'aient pas été couronnés du fuccès: a la vue des malheurs & des dansers terribles oh la Patrie fc trouve expofée, les cceurs ienfibles de ces Régens Patriotes ont été frappés de douleur: le fiience des autres Membres de la confédération ne les a pas arrêtés: voyant tous les efforts Patriotiques, tous les deniers fournis extraordinairement pour mettre la République dans un état de défenfe refpecfable, ne produire aucun fruit; ils n'ont pu s'empêcher de concevoir les foupgons les plus finiftres; enfin le danger imminent de la Patrie leur a arraché la démarche qu'on va lire dans le Mémoire fuivant, qui mérite d'avoir place dans ces feuilles & d'y lervir de'matiere aux réflexions qu'il fuggére naturellement a tout citoyen qui s'intéreffe au bien de 1'Etac. Tre's Illustre et Se're'nissim'e Prince et Seigneur! Me ssieur's les Députés de la Ville SAmifrdSm ont 1'honneur, au nom & par ordre de Mrs. leur» Principaux, de repréfenter a V. A. S., que lesdits Principaux Tome I. Aa ont  ( 374 ) ont appris avec beaucoup de déplaifir que V. A. S. avaft coneu du mécontentemeut au fujet de Ja derniere Propoii. tion faite dans 1'Aflemblée de L. N. & G. P., quoiqu'ileüt été contre leur intention de donner la inoindre offenfe a V. A. S., de lui manquer ou de lui caufer des défagréraens; c'eft donc avec beaucoup de fatisfaftion qu'ils faififlent I'oc« cafion d'en donner & V. A. S. 1'aflurance la plus vraie: Se fiattant que V. A. S., d'après ce qu'ils auront 1'honneur de lui repréfenter, pourra déduire elle-même les raifons pour lefquelles tit n'avaient fait a P. 4. S. aucune communi. cation du contenu de ladite Propofition , avant de la porter d PAJfemèlée de L. N. & G. />..* Qu'ils éprouveraient la douleur la plus vive, fi V. A. S. attribuait ce filenceèquelque défiance particuliere envers la Perfonne de V. A. S.; ils déclarent qu'ils en font abfolument dégagés, & qu'au contraire ils n'ont rien tant a cceur que d'exciter & de fomenter entre V. A. S. & leur Ville cette confiance qu'exigent nécelTairement le Bien-Etre & 1'avancement de lachofe publique; que, par leur repréfentation, ils avaient cherché ïi donner ouverture a ce qti'on imaginat & mit en ufage les mefures qui, paT la fituation critique des chofes, font de la derniere néceffité pour le falut & Ia confervation dela Chere Patrie. Que quant a eux, comme ils font placés è la tête du Gouvernement d'une Ville extraordinairement Peuplée, dans laquelle le petit Peuple commence a fenür les effets de la difette qui réfulte du manque de travail; ils font obügés de montrer en eifet & de la meilletire maniere poffible, qu'ils ne veulent laifler échapper aucune occafion d'exciter & d'avancer le Bien-Etre du Pays & de fes bons Habitans, s'ils ne veulent s'expofer è. perdre entierement 1'autorité convenable & le bon ordre qui, dans un Gouvernement Populaire, n'a d'autre bafe, que la confiance de la Commune & de la Bourgeoifie envers les Régens qui gouvernent, & a voir en peu de tems les chofes dans un bou» leverfement général. Qu'ils avaient peufé que les Affaires avaient, depuis aflez lungtems & furtout depuis la Rupture avec 1'Angleterre, paru, aux yeux de toute la Nation & non fans raifon, èire adminilfrées d'une maniere étrange & inconcevable; attendu que , nonobllant 1'extrème condefcendance qu'on avait eue pour les defirs de 1''Angleterre, on n'avait, chaque année, éprouvé de ce Royaume que des mépris, des outrages & des infultes, auxquels il venait enfin de mettre le comble par une Guerre ouverte, commencée par 1'enlevement d'uue quantité confidéra" ble de nos Vaiffeaux & par 1'invafion de nos PoiTeffions lointaines: on n'avait pas taillé de refter dans un état d'in. \ dé-  C 375 } défenfe & on n'avait pris aucunes mefures fufhfar.tes potlr mettre la République en état de maintenir fa Liberté, fes Droits bien acquis, fa Navigation étendue & fon Commerce légitime. Que , cependant, c'eft une vérité inconteftable, que les Membres du Gouvernement étaient depuis longtems d'opinion que c'eft principalement fur Mer qu'il fallait fe mettre fur un pied refpeftable ; comme il parait évidemment d'après les différentes Réfohuions ptifes dans l'année 1778 & les fuivantes; d'après les différens Rapports, Pétition6 & Confentemens pour augmenter & renforcer les Equipages des Vaiffeaux de Guerre, & fpécialement d'après le Rapport du 30 Mars 1779. Que nonobllant lefdites Opinions & Réfoluti^ns des Confédérés, pour équipertous les Va iïeaux de Guerre de 1'feiat & en conftruirede nouveaux; actuellement, apiès tant de tems écoulé, & depuis que les chofes ont pris une tournure fi funefte, on n'a pas même mis en Mer les 32 Vaiffeaux ftipulés dès le mois d'Avril 1779 bien moins encore les 52 dont l'Armement avait été téfolu l'année derniere ; de forte que jufqu'a préfent on n'a pris aucune des précautions propofées au mois de Mars 1779 a la Généraliié, pour la défenfe de nos Cótes & de nos Embouchures. Que la Régence de no;re Ville, avec tous les bons Habitans du Pays, qui fe montrent difpofés jufqu'a la derniere extrémiré a fournir les Impóts ordinaires & extraordinaires , eft non fans raifon , grandement furprife du peu de prompiitude ou de la lenteur dans l'exécution des Mefures fi importantes pour le Souverain: car il eft au-deflus de 1'imagination d'être obligé de croire que la fituation oü les Amiraurés refpeétives fe ,trouvent, foit fi mauvaife .qu'es deux ans de tems elles n'aient pu effectuer les Equipemens qu'elles avaient elles-mêmes propofés,- quoique les Denier* ne leur aient pasmanqué & quoique la néceffité foit devenu e tous les jours de plus en plus preflame. Qu'en confëquence, on ne pouvait concevoir les obfïacles & les diflicultés inattendus qui avaient empêché la fortie du peu de VailTeaux qu'on avait fuppofés entierement prêts a mettre en Mer, même lorfque V. A. S. après un Examen convena. ble des chofes, eut donné les ordres récelfaires. Que comme par-la les malheurs & les calarni:és arrivés k la République & fufpendus encore fur fa tête, font atiribués è eet état d'indolence & d'inaction, & comme onn'a pas encore pu remarquer qu'on ait pris des meun-es vigoureufes pour pré venir des maux ulrérieurs & réparer Ie paffé, fans quoi il faut s'attendre avoir la ruïne totale dela République, on juge en conféquence qu'il eft du devoir indifpenfable de braves Kégens & qu'ils ne peuvent différer de rechercher Aa 2 a  C37ö ) a quoi 1'on doit attribuer cette négligence inexcufable? & par quels moyens 1'on peut y obvier, & diriger & rétablir encore , amant qu'il eft poffible, les chofes pour la confervation de 1'Etat. Que«cela ayant, fous main & de tems a autre, éié renté. & les Affaires prenant tous les jours un afpeét plus finiftre & p'us dangereux, la prife de Réfoluiiont vigoureufes & la combinaifon de mefures convenables n'en font que plus nécelfaires & ne peuvent plus fouffrir de délai : Que d'un Examen mur & refléchi de tout cela, était réfultée la Propofition faiie le 18 du mois de Mai paffé, fur 1'ordre de la Rézcnce d'Amflerdam, a l'Aflemblée des Etats de Hollande, & foumife au Jugement & aux Délibérations des autres Membres, pour que, defdites Délibérations, on vit fortir les Réfolutions les plus utiles & les plus falutaires pour le Pays. Que ladite Régence eft encore dans 1'idée que ce qu'elle doit a la Patrie, aux bons Habitans, qui avaient longtém* «ttendu une pareille démarche de fa part, lui impofait la nécefli.é d'ouvrir ladite Propofition. Qu'il n'eft cependant aucunement dans leur intention de caufer aucun déplaifirou défagrément kV. A. S., ni d'introduire des innovations ou de diminuer & circonfcrire dans des bornes plus étroites 1'autoriié légitimement acquife du Seigneur Stadhouder; qu'au contraire ils peuvent affurer folemnellement qu'ils aideront toujours, de tout leur pouvoir, a maintenir la Conftitution aéluelle du Gouvernement, ï laquelle ils penfent que le Bien-Etre de la République eft étroitementattaché; qu'ils confiderent en même tems que, dans la fnuation actuelle des Affaires, rien ne ferait plus nécelfaire & plusutile, pour Ia direftion & 1'exécution des Opérations de la Guerre afluelle, 8c pour les combiner avec plus de fecret & de célérité, qu'elle forme & nomme un petit Confeil ou Committé, compofé des Régens des Provinces Refpeétives pour aflïfter V. A. S. de Confeil & d'effet, drcoopérer con. jointement a 1» confervation de la Patrie. „ Que cette Propofition (fondée peut-être fur des exem, plei antérieurs) ne venait d'aucun motif de défiance des bonnes intendons & deffeins de V. A. S. dont on n'avoit „ aucune raifon de foupconner 1» pureté; quoique, felon „ les informations de la Régence de cette Ville, quelques „ Gens malintentionnés aient taché de le faire accroire a „ Votre Alteffe Séréniffime. „ Mais qu'une telle défiance tomhait uniquement fur ce. „ lui, dont firfluence fur 1'efprit de V. A S. efiregardée „ comme la caufe première de la lenteur & de findolence „ qui regnent dam les Affaires. Et comme cela ne peut „ étre que tüs-préjudiciable au bien étre général, on „ s'était  C 377 ) >, s'était vainement attendu depuis longtems, que les orcon. •>, flances dangereufes oü fe trouve la République aétuelle- ment,auraient fait naltre enfin des Délibérationsférieufes i, fur les mefures qu'il faudrait employera l'avenir, & avec plus >, de vigueur que par le paflë. Mais que cette attente ayant été », vaine jufqu'a préfent & que s'agiffant de la confervaiion dela Patrie,de fa Liberté achetée a fi ham prix,de Votre „ Alteffe Séréniflïme, de Son Illuftre Maifon, en un mot, >, de tout ce qui eft cher &ptécieux aux habitans de la Ré>, publique; c'eft pourquoi la Régence d''Amfterdam a jugé ne pas pouvoir plus longtems, en fe t°ifant, manquer a i, fes devoirs, mais fe voitforcée, quoiqu'a regret, a la i, démarche préfente. C'eft donc avec tout le Refpeét qu'elle doit a V. A. S., „ mais en même tems avec la candeur & i'hoonête franchife w qu'exige 1'importance de la chofe, quelle reprèfente a « Uqtre Altejje Sérénifftme, & lui dcclare expreftément, „ que felon 1'opinion générale, le Seigneur Duc eft regardé tt comme la première caufe du déplorable état de faiblefte, oü la République fe trouve aujourd'hui, de toute la né" gügence qui a eu lieu, de toutes les fauffes mefures que l'en a prifes depuis ft longtems, cV de toutes les fuites i> fatales qu'elles ont tntrainées; que Con peut affurcr Fo»i tre A/tefte sérénifftme, que l'averfton elf la haine de la « Nation contre la Perfonne £=? f Adminijlration du Duc* »* font montéei d un tel dégré , que Pon doit en redouter les •> effets la plus facheux fi? les plus défagréables pour la »> 'IranquiLiiè publique. ,, Qu'on ne doute point, que V. A. S.,n'ait été déja infor« " mée par d'auttes de toutes ces chofes, ou bien , fi V. A. >» S, les ignore, qu'il faut l'attribuer uttiquement d la » erainte que Con a tu des effets du mécsntentement du » Duc. On ofe cependant en appeller avec confiance, fur » tout ce qui vient d'être dit, au témoignage de tous les » honnêtes & 'fireeres Membres de la Régence, qué Votre " Altelfe Sérémffime daignera interroger, en leur accordart » une pleine iiberié de parler & en les fommant de répon» dre felon leur Devoir & leur Confci^nce. ,, Ou ils avaient entendu plufieurs fois, avec beaucoup » de déplaifir, Mr. le Confeitler-Penftonnaire fe plaindre, »> en prijence de divers Membres de la Province de Hol lande, de la méftntelligence qr/i régnait entre lui & le u Seigneur Duc, de l'afcend/tni que ledit Seigneur a fur „ l'ejprit de V. A. S., ce qui faifait échouer tous fes efforts i, pour le Bien de la Patrie. „ Que cette défunion & cette diveifité de fentimens & A« 3 M de  ( 378 ) ,i de vues, entre Ie principal Confeiller de V. A. S. & le „ Premier Miniftre de cette Province,doit avoir non-feule„ ment les fuites les plus funeftes, mais qu'elles fottrnisfent ii encore un motif'fuffifant pour faire lei plus fortes in flati' „ ces, afin de détruire la fource de cette Défiance & de „ cette Difcorde; puifque ce n'eft uniquement que le Ré„ tabliffjment préaiable de la confiance & de la Concorde, i> qui peut fauver la République,- que rien n'eft auffi plus » nécelfaire pour Ie bonheur de Votre Séréniffivne Maifon, pour Ie maintien de Votre Autorité, la confervation de » 1'elHme & de 1'affeólion de la Nation, & de Votre confi' « dération chez les Puiffances Voifmes, Car 1'on peut affu» » rer V. A. S., & 1'on eft obligé de 1'avertir, qu'Elle pouri, rait bien perdre un jour 1'eftime & la confiance du Peu. „ ple, au lieu d'être & de demeurer toujours le digne objet », de 1'amour & de la vénération de ce Peuple & de ces „ Régei?s. Ce que 1'on prie & fonhaite ardemment que „ V. A. S. éprouve toujours, puilque dela dépend en grande „ partie la Confervation & le Bonheur de notte Chere Pa„ tiie & de la Ma-ton SOrange. „ Que bien que 1'on foit perfuadé, que les Membres de la ,, Souveraineté ont toujours la liberté, qu'il eft que!quefois ,, méme de leur devoir,de communiquer a V. A. S. & aux „ autres Membres leurs penfées fur 1'état & TAdminiftraiion „ des Affaires publiques, on cüt préféré cependant de s'ab,, ftenir dela démarche préfente, fi Ton avait pü concevoir „ quelque efpoird'amélioraiion §z de changement. Mais, puis. „ quefon ne pouvait plus s'en rlaiter pour les raifons ci.deffus „ énoncées,&que Ie danser était a fon plus hout degié, il „ ne reftait plus d'autre psni a prendre, que celui de découvrir „ a Votre Altelfe Séréniffime le véritabie état des chofes; dela „ prierdela maniere laplus folemnelle d'y réflechirférieufe. „ ment £f de neplusécouter dorénavantles Confiils &les In. „ fintiations d'un Homme accablé du poids de la haine „ des Grands & des pettts, regardé comme un Etranger „ qui na pas une Connai ffance fujffmtte de ia Foi me de „ notre Gouvernemc nt, & ne pot te point une véritabie „ Affèétion d notre Pays. „ Que nous fommes bien éloignés de vouloir accufer ce ,, Seigneur de ce dont en ne le charge que trop euverte„ ment, ou cTenvifager c»mme fondés les fvupjotts qu'on „ répand contre lui, d'un attacbement exceftif'& iliicite pour la Cour d'Angleterre, ou de mauvaife foi ö" de cor. „ ruption. Que nous croyons, qu'un Seigneur d'une fi haute „ Naisfance & d'un Rang fi dijlingué, eft imapable de s. pareilles bapHbs; mais que nous jugeens, que les idéés „fa-  C 379 ) „ fdcbeufes, que fon a prifes malbeureufement fur ftn „ compte,& qui ont caufé une mêfiance générale, le rendent n totalement inutile &pemicieux même,pour le fervice de ,, 1'Etat & de Votre Alteffe Séréniftime. Qu'il doit par con„ féquent étre éloigné de la direilion des Affaires £? de la „ Cour de Votre Alteffe Sérénijftme, comme étant un ob/lacle „ perpétuel au rétabliffement de la bonne Intelligence, fi „ néceffaire entre Votre Alteffe Sérènifjime & lesprincipaux n Membres de 1'Etat. Puiiqu'; u contraire, fa préfence ne „ pourrait dorénavant que faire tomberfur Votre Alteffe Sé„ réniffime la défiance que 1'on a concue , foit avec raifon , ,, foit èt tort,de fes Confeils. „ Que ces Repréfentations ne naiffent pas d'un principe „ de haine, ou de mauvaife volonté contre le Seigneur Duc, „ qui a eu autrefois lieu de fe louer même de la bienveil„ lance & des marqués réelles d'sfFeétion de la Régence „ $ Amfterdam , mais que 1'on protefte devant Dien & „ l'(7«*wrsentier,que les feuls motifs qui nous les ont dic„ tées, font la confervation de la Patrie, & de la Séréniffime Maifon de V. A, S.; & d'en prévenir 1'approchsnte ruine „ totale. Que la Régence de notre Ville s'y eft vu obligée, ,, tant en qualitéd'Habitans de ce Pays, que comme Mem„ bre de fon Affemblée Souveraine; afin de faire pat cette voie un dernisr effort, & d'indiquer, peut étre a tems „ encore, un moyen de fauver, avec la Eénédiftion du „ Teut Puiflant, leVaifleau de 1'Etat du plus imminent dan„ ger, & de le conduite dans un Port afliiré, ou bien, de „ s'acquitter au moins en tout cas de fon devoir & de dé„ charger fa Confcience envers les Habitans & laPoftérité. Qu'a Ia vérité, il ne faut pas r'éfefpérer du falut de la Patrie, mais que cependant les chofes paraiilent être venues a une telle extrémité, qu'a moins d'employer des moyens extraordinaires, il n'y a plus de reinede,& qu'A cette fin, fous 1'spprobation de V. A. S., on doit encore prendre la liberté de remettre a fa confidération,fi le meilleur moyen de traitcr a 1'avenir les chofes avec un heureux fuccès, ne ferait point que S. A.S. s'adjoignlt un petit nombre de Perfonnes choilies parmi les plus refpeétables & les plus éclairés des Nationaux, afin de concerter fans relache avec elles, ce qui, durant la Guerre préfente, pourrait être le plas néceffaire & le plus utile è la Conlèrvation & a la Profpériié de la République; avec les HmitarioBs & le pouvoir qui feraient jugés convenablespour remplir efficacement le but de cette Propofition : Que 1'on attend de la aufïïtót deux effets, grands & falutaires: !• >i Que dans un tems ferablable a celui-ci, oü tous les „ momens font précieux, aucun retard occafiofiné par Aa 4 „des  C 380) k „ des Délibérations de longue duréen'auraitlieu, & la „ célérué requife ferait procurée a 1'exécution de ce qui „ aurait é;é Ré'blu. II. „ Que par la la Confiance de la Nation ferait rétablie; „ uneirai.quilité, uu comeiuement univerfelsrenaiiraient ,, & chacun feiait anitné & encouragé a faire 1'impoffi„ ble pour contribuer joyeufement a 1'exécution des Mefures du Souverain: tandis qu'actuellement tout le „ contraire alieu, que 1'on entend partout des plaintes „ générales fur la Divifion & 1'Iuactmté du Gouver„ nemtnt. y Que ce qui vient d'étie propofé, ne parait pas feuleinent d'une r.éceffi é urgente a la Régence d''Amfterdam, mais que 1'on elt fondé a croire que les principaux Membres du Gouvernement de cette Province & de toutes les autres, font du même Avis. Quant au refte, rien de plus néceffaire que d'adopter un Syltême fixe, un Plan de direétion ferme, puifque la République doit opter entre deux Partis: Ou de faire la Paix avec VAngleterre? „ Ou de pourfuivre vigoureufement la Guerre , afin ,, d'accélérer par ce moyeu le retour d'une Paix „ honoiable ? Ce qui doit former le voeu fincere de tout Citoyen hon. nête, & a quoi fans autres vues ultérieures, (ce dont on peut donner les Alfurances les plus férieufes a V. A. S.) a toujours uniquement tendu 1'ouverture faite par notre Propolicion, favoir, de concerter, pour cette Campagne, les Opérations avec la France. On ne defire rieu, plus ardemment de notre cóté , que de déübérer fc'rieufement avec V.A. S. furl'option entie ces deux Partis allégués & quels moyens, pour parvenir au but choifi , il laudra mettre en oeuvre; mais nous fommes abfolument d'opinion qu'avant tout il ne faut jamais perdre de vue, quoiqu'uue Réconciliation puiife être préféiée, que rien ne (aurait étre négligé, ni omis, pour mettre de toute maniere la République dans une telle pofition qu'elle n'ait rien a craindre de fes Ennemis, mais qu'elle fe trouve.au contraire, en état de les forcer a defirer le Rétabliffement de cette Paix que, fans aucune caufe légitime, ilsoutauflï injuftement que méchamment rompu. QuelaPiéce ftifmentionnée eft la méme, a Ia Lettre, fans aucune addition ni retranchement, dont en préfencede Nous fouffignés, par ordre de Mrs les Bourguemaltres, Leéture a é;é faite aS.A. S.par lePenfionnaire Visfcber, le 8 Juin 1781, en préfencé de Mr. le Confeiller-Pen- ijon.  C 3«i ) fionnaire, & écrite vetbalementpar le fusditPenfionnaire: Ce que nous aiteftons. Amsterdam, 12 Juin 1781, (J>ignè) E. de V&y Temmikx, Dépofé' dans ie Cabinec J. Rendorp, de Meffieurs les Bour- Bourguemaitres. guemaitres, le iusdic Regnans, & 12 Juin 1781. c- w- VisscHdK. Penfionnaire* L'Original de ce Mémoire qui, après laLeclure, aété mis entre les mains de Son Altlsse - Sk're'missime , mais repris durant 1'Audience, a éiéenvoyé le 14 Juin a Mr. le Confeiller.Penfionnaire, accompagné d'une Lettre au nom des Bourguemairres, écrite- par Mr. le Bourguemaitre Rendorp au Confeiiler Pcnfionnaire fufmentionné. Nous avons déja parlé du projet d'adjoindre au Prince un Committé ou Confeil privé : nous avons fait voir combien ce projet ferait utile dans les cir conftances acluelles; nous avons montré que 1'autorité du Prince, bien loin d'en recevoir quelque atteinte, en ferait confolidée par 1'augmentation de la confiance publique qui eft le foutien de cette autorité, puifqu'elle en a été la première origine {*). Mais on ne peut s'empêcher de remarquer que cette propofition n'eft pas feulement autorifce par la néceffité des circonftances-& féminence du danger; mais qu'elle femble encore 1'être par des exemples antérieurs. Peut-étre la Régence d'Amfterdam fait elle particulierement allufion a 1'efbece de Confeil qui fut donné a Guillaume 1 ou bien a Guillaume IV lui-même, quoiqu'il eüt été mis a la tête de la République dans un tems de troubles, de guerre de terre, & de guerre contre les Francais; c'«ft a-dire darsun tems oü toutconfpbaita 1'avancement de 1'autorité Stathoudérienne, oh tout lemblait exiger la réunion des pouvoirs fur une feule tête pour le fecret des affaires & la célérité de 1'exécution , dans un tems enfin oh 1'on ne pouvait foupconner au Stathouder la plus légere connivence ou incli- (•) C'efl a des infurrections populaires que le Stathouderat doit Ion lérabiiffement; c'eft donc fur la confiance populaire que teite digniié léfide ; le Stadhouder ne faurait donc, pour fun propre intéiêt, trop s'attacher a co'rjferver la confiance de la Nation. Aa 5  inclination pour 1'Ennemi. A plus forte raifon te méme projet devrait-il avoir lieu dans un tems oü le detail comphqué d'affaires cc d'expéditions maritimês peut être, fans manque derefpeét, fuppofé n'être pas entendu parfaitement par un Prince, qui a toujours paru faire fes délices & fon objet particulier des évolut/ons militaires cc de la taétique de terre • dans un tems oü la Patrie étant divifée, il eft a craindre que 1'efprit de parti n'influe fur 1'exécution même des melures dont perfonne n'oferait publiquement révoquer en doute la néceffité, quels que foient fes fentimens fecrets fur 1'origine de la guerre. Tous les partis conviennent'cependant que Ia démarche de la Ville d'Amfterdam eft très-hardie, particuherement en ce qui regarde le Duc. Mais peu de perfonnes ont fu apprécier fainement cette démarche. Les uns, emportés par le torrent de f opinion générale, ont jugé auffi-tót le Duc coupable debautetrahifon; ih ont penfé dès-lors qu'il fallait qu'Amfterdam eüt, par devers foi, des pieuves fecretcs que des coniidérations particulieres 1'empêchaient de produire encore au tribunal de la Nation. D'autres font tombés dans une autre extrémité; puifque, „ difentils, Meffieurs d'Amfterdam avouent qu'il font bien éloignés d'accufer le Ducdemenéesillicitesavecl'Ennemi; puifque le Duc follicire avec tant 4'empresfement une réparation d'honneur proportionnée a 1'infulte, il n'y a que la plus pure innocence, la vertu la plus incorruptible qui puiffe parler ce langage: il faut donc que ]a Ville d'Amfterdam ait caJomnié. Un Prince d'une maifon Souveraine, allié i Ja plüparc des TétesCouronnées de 1'Europe & revêtü de la feconde charge de la République, a doncle droit cc ne peut même fedifpenferdedemander une fatisfaélion éclatante de 1'injure faite a fon honneur. Puisqu'il fe croit aflez afluré fur fon innocence pour ófer demander cette fatisfaction; puifque les Etats-Généraux auxquels il s'eft addreflé ont déja déclaré qu'ils n'avaient pas encore vu de grief, qui püt autorifer a regarder le Duc comme coupüble ou fufpeét de mauvaife - foi cc de corruption; enfin, puifque pour combler la juftice de fa caufe, un Corps revêtu de la Souveraineté , les Etats  (3*3 ) Etats de la Province d'Utrecht, viennent de défendre par un édit la publication de tous les écrits tendant & flétrir la réputation du dit Seigneur Duc, fous peine d'une amende de mille florins & d'une punition arbitraire & analogue i la gravité du délit; la Ville d'Amfterdam s'eft donc rendue coupable d'une ca. lomnie atroce; elle a donc porté atteinte è la dignité de 1'Etat, en la perfonne d'un Officier vertueux, faee, incorruptible, qui eft a fon fervice ". 1'avoue que la démarche de la Ville d'Amfterdam eft hardie. Je n'examinerai pas fi le fentiment de ceux qui s'imaginent qu'elle ne l'aurait jamais hazardée fi elle n'avait eu en main des preuves d'un délit, eft fondé; il ne s'agit aucunement dans le mémoire d'une pareille accufation. 11 fuffit de jeter un coup d'ceil attentif fur les points qui font 1'objet de fes repréfentations k 1'égard du Duc. i°. Elle dit que Mr. le ConfeilUr-Penfionaire s ejt fouvent plaint de la méfintelligence qui regnait entre lui £f que ledit Seigneur eüt fur 1'e/prit du PrinceStatbouder, un afcendant qui faifait écbouer tous fes efforts pour le bien de la Patrie, 20 Que ledit Seigneur eft comme écrafi fous le poids de la baine des Grands & des petits & regardé comme un Etranger,qui neconncdt pas fuffifamment le fyftême de notre gouvernement & n'a pas une affection rètllepour{ notre pays. ' oo, Que cette malbeureufe prevention cauiant une défiance générale, rend le Duc totalement mudje & même pernicieux au fervice de 1'Etat; & qu'il doit par conféquent être éloigné de la direétion des affaires & de la Cour ; comme étant un obftacle perpétuel au rétabliffement de la bonne intelligence, fi néceffaire dans les circonftances aétuelles entre fon Alteffe & les principaux Membres de 1'Etat. Voila trois propofitions dont les deux premières repofent fur des faits. Quant a la méfintelligence avec le Confeiller-Penfionaire , c'eft un fait public que le Seigneur Duc ne défavoue pas. Quant a la haine & aux foupcons con$us contre le Duc , la Ville d'Amfterdam ne dit pas que Je Duc ait mérité d'en être 1'objet; mais qu'il eft regardé & tenu pour tel par le bruit public. Les circonftances ne r lui  lui permettent pas dé fonder le fondement de ce bruit. Mie dit feulement, ce qui n'eft que trop vrai, qu une telle prévendon générale , concue même par les principaux Membres de 1'Etat contre un Seigneur a qui le Prince donne toute fa confiance ne peut que prodmr* les conféquences les plus funeftes pour la chofe publique La Ville d'Amfterdam, bien loin de chercher a montrer que ces préventions font fondées, déclare au contraire qu'elle ne faurait croire qu'une perfonne d une naijjance auffi illujtre & aécoré d'un emploi ft dijüngué puiffe avoir donnê lieu d Parcufation de corruption tfde mauvaife.foi. Elle n'articule aucun fait pohtif: elle dit fimplement que la défiance tombe uniquement fur le Duc ; mais en ajoutant que c'eft pörce que les plaintes du Grand - Penfionaire font trop notoires, paree que leDuceftt*™ généralement pour la première caufe de 1'état déplorable du pavs, de la neghgence des officiers, & des fuites fatale» que cela a entrainées. 11 eft certain que uon feulement la Ville d'Amfterdam, mais encore tout fEtat en général avait droit, daprè* les deniers fournis, de s'wtendre a voir la République dans un meilleur etat de dérenfe: il eft certain que ie Prince eft a la tête des mefures exécutives; il eft cenain que le Stathouder n a pu trahir fa Patrie & fes propres intéréts au point d avoir contnbué a cette négligerce; il eft certain qu.-leDuc (ii ne le me pas; s'eft emparé de la confiance du Prince au point li plus étonnant; il eft certain qu'il eft ét ranzer- ileft certain qu'il a toujours eu une affection particuliere pour la Nation Anglaife; on ne dit pas que cette affecten fait por. té a des procédés illicites; on n'attaque pas même ceuefuneiie affeaion dont un trop grand nombre de nos compattiotes lont malheureufement infeétés (*j: mais il s'aeit de favoir (*) Dans un tems oïï tous nos papiers retemilTaiem des dépréJations & des violences des Anglais conrre notre n.vigation , un ce"tain événement (cétau la prife des flottes Anglaife de, lndes Oriëntale%. Occidentale par les Efpagnols) fit baifler confidörablemcnt les tóions dAngiecerre. Un des perfonnages les plus conOdirables & ieTZl riches de la Ville d'Utrecht, d'une familie diftinguce & connue par fon attachement pour Ie Prince qu'elle n'a pas lieu d'acculerd%L graumde enun mot M**«. qui fe fait autam d, gloire d'être rami des Anglais quil en merite en effet par fon dévoumencpour lePr™ ce Stathouder, réalifa des fommes immenfe qu'il avait dans es fonds de France & ft hita de les verfer dans ceux d'Angleter- re.  ( 3«J ) favoir fi ces particularités ayant excité une préventiön générale dans les Grands ik les petits , il n'eft pas, comme dit Ia Ville d'Amfterdam, a craindre que 1'on n'en voie réfulter les conféquences les plus facheufes pour le repos public? II n'y a donc rien que de trés-raifonnable dans la demande de la Ville d'Amfterdam, quand même le Duc ferait abfolnment innocent de tous les bruits & 'foupcons femés contre lui & fon ame aufli pure que Ie criftal. La République eft dans un état fi déplorable, qu'on ne parle de rien moins que de la ruine entiere de fon Commerce qui eft la bafe fondamentale de fa puiflance & de fa profpériié. Elle s'eft trouvée quelquefois fur le bord du précipice: l'ennemi s'était rendu maitre de la plus grande partie de fes Provinces; mais fa fituation aétuelle eft encore plus oéft-fpérante quelle ne.l'a jamais été; en recouvrantles villes perdues elle fe trouvait dans le même étatdericheflequ'auparavant: mais qui pourra lui rendre aétuellement la multitude innbmbrablé de vaiffeaux qu'elle a perdus, & ceux que fon état de faiblefle lui fait craindre de perdre encore? Qui lui rendra fes Colonies conquifes ou prêtes a 1'être? Car fi le fyftême de 1'Europe a toujours été de nous faire rendre nos Provinces ou nos frontieres envahies; le fyftême des Puiflances maritimês & commercantes n'eft pas de rendre les Colonies lointaines. L'Angleterre croira trouver un dédomagement dans facquilHioii de nos établiflemens , & fe les fera aflurerpour fe confoler de fes pertes. La Ville d'Amfterdam nous afollicités de faire , dans les conjonélures aftueiles, caufe commune avec la France , & de concerter avec elle ks expéditions militaires & navales; cetre politique eft utile & nécelfaire a deux Etats qui ont letréme ennemi: cette al. liance eft la plus naturelle qui füt jamais, du moins pour le tems de la guerre: mais tous fes efforts pour faire adopter une politique auffi raifonnable ont échoué. Les Francais ont donc rsffón re. Un autre millionaire de la même ville porta eet enthoufiafme fanatique au-dela même du tombeau. II ordonna a peu prés dans le même tems par le teftament qu'il fit 'en mouranc, que la plus grande partie de fes biensne püt être polfédée par fes heritiers avant d'être e'onvenie en obligations Anglaifes. Qu'on me permette de fniie deux queftions: la première fi 1'on ne peut pas être bun Stathouriélien fans être Anglomane ? La feconde, fi 1'on peut être a la fois Anglomane & bon Patriote Hollandais? je penfe avoir d'aiitaut plus de droit de faire ces queftions, que je ne crois pas avoir dunne" lieu de foupconner que je fufie pour une autre Nation plus que pour ks Anglais. Ne foyons ni Anglais, ni Francais, ni Américains, ni AIIemands; ménageons toutes les Nations lans nous a-tacher a aucune en particulier; c'eft le fyfiêrae que nous devons fuivre; c'eft a ces marqués qu'on conriait ua vériublè Ilollandais, uu boa Patriote.  raifond'être tnécontens de nous, & pour Ie refus que nous faifons de nous aflbcier avec eux & pour le fecours que nous fourniflbns a 1'Ennemi ea nous lailfant dépouiller impunément. Quelle obligation pourra donc 1p.s engager anous rendre les pofleffions de la République qu'ils pourraient reprendre fur les Anglais? Ainfi notre état.eft pite qu'il n'a jamais été: ainfi 1'on ne peuts'empêcherde 1'attribueraceux qu'un attachement aveugle offufque des préjugés les plus »bfurdes contre la France, pour ne pas nuire a 1'Angleterre: ainfi les démarches de la Ville d'Amfterdam font de la derniere néceffité: tout Ia jufiifie, les malheurs de la République , & le péril de 1'Etat, la faine politique, le fans com. mun, & le zele de la Patrie. En fuppofant même que la paix nous foit avantageufe & nous faffe rendre nos pofleffions lointaines, quelle indemnifation pourra réparerles maux qu'elle a caufés a nosnégocians & rétablir les ravages faits dans nos Colonies qui ont été la proie, non de flottes & d'armées reguliéres, mais d'un chef de Brigands nommé Rodney ou d'une troupe de Corfaires qui ont ravagé ce qu'ils n'ont pu piller. Ce n'eft pas tout: notre Commerce eft attaqué dans la fource. Les branches de notre navigation mercantile, qui ne font pas Iezées font interrompues, & par cette interruption, 1'Etat ainfi que les particuiiers fouffrent autant que par Ia fureur des Ennemis. Nos fabriques tombent pour toujours, nos ouvriers reftent fans travail & fans efpérance d'en trouver jamais: pour comble de malheur, cedernier inconvénient qui dans d'autres pays excite le peiit peuple a fe dédommager en prenant pare aux armemens particuiiers, n'a pas le même effet fur nous. Soit que Ia Nation, naturellement droite,douce &tranquil. le, a'ait aucune aptitude pour cette forte de pillage particulier; foit que la difficuhé d'avoir des lettres de marqué décourage ceux qui y feraient difpofés; foit que les bruits artificieufement femés d'une paix prochaine leur faflent craindre d'en étre pour leur frais, les particuiiers ne s'arment pas plus contre TÊnnemi que 1'Etat. Ce tableau de notre luuation raalheureufe n'eft-il pas auffi effrayant qu'il eftfidelle? Füt-ilun tems cü 1'on ait été plus autorifé qu'a préfent i demander qu'un feul homme foit facrifié pour le Peuple? Barnevelt & cle Witt étaient de grands hommes, d'excellens Patriotes; & de pareils citoyens doivent bien valoir pour nous des Princes d'une maifon Souveraine. Bs étaient liés au pays par la naiffance, par les premiers emplois politiques; cependant, lorfqu'ils virenc que leurs mefures ne pouvaient plus tenir contre le torrenc du parti contraire, ils crurent devoir céder a 1'orage; ils pen-  ( 387 ) penfiient tous deux a fe retirer, de Witt avait deji abdiqué la charge de Penfionaire, mais leur vertu, leurs fervices & leurs talens ne purent les garantir de la fureur de ceux a qui une politique infidieufe,ou un foule/ement général.avaient fait tomber les rênes des affaires. Un Prince étranger qui peut vivre partout avec I'éclat d'un Prince, qui n'eft attaché a 1'Etat que parun emploi militai» re, s'imagine-t il mériter plus que ces grands hommes dont les fervices & les talens ne font plus équivoques? Parce que le fang des Rois coule dans fes veines, faut il que la Patrie foit facrifiée a un point d'honneur particulier? Auflï tous les Corps politiques de 1'Etat n'ont pas envifagé fa Requête aux Etats-Généraux fous le même point de vue. On fait que la Fnfe eft très-portée pour les mefures de la Ville d'Amfterdam. Ainfi nous ne pouvons mieux faire que de rapporter 1'avis que le Quartier de Wejlergo a ouvert dans les Etats de cette Province, appuyé de la proteftation de quatre Membres du Quartier de Zevenwalden. Cet avis met en peu de mots la queftion préfente dans le véritable. jour oü tous les Patriotes doivent 1'envifager. „Le dit Quartier, ayant examiné avec 1'attention requife leMémbi. re préfenté par Ie Duc H.H.P., eft d'opinion que les périodes du Mémoire remis dans les mains de S. A. S. au nomdesBourgcmaitres d'Amfterdam, fur lesquelles ledit Duc fe plaint, ne cintiennent pas la mtindre cbtfe que ledit Seigneur-Duc puijfe regarder comme injurieuCt a fa Perfonne; mais que lesdites Périodes ou Injures contenues dans ledit Mémoire, en renfermant une accufation contrele Duc,en fa quaiité de Confeiller de S. A. S. &c., ne'font qu'exprimer le vccu du Peuple, que Mrs. les Bourguemaitres d'Amfterdam ont porté daas le fein de notre bien-aimé Stadhouder-Héréditaire; en quoi ils ont donné publiquement une marqué éclatante de leut fincére attachemenc a S. A. S. & a fon Illuftre Maifon. Le Quartier eft auffi d'opinion que fi ledit Duc fc cro'tt injurié par les Bourguemaitres d'Amfterdam, S. A. S doit s'adrefier au juge ordinaire & compétent aes Bourguemaitres d'Amfterdam, attendu que rAITemblée des Etats-Généraux n'eft pas dan» ce cas le tribunal compétent, & que Mrs. les Ddpu:ds de cette Province ne doivent être chargés de fe mêler en aucune maniere de cette Affaire dans rAITemblée de la Généralité oü ils font envoyés.', ii elt vrai que ce n'eft la que 1'avis d'une partie de la Province; mais l'opinion du refte eft aflez connue: cec avis éft comme le premier pas qui ouvrira la route aux autres Provinces. On dit maimenant, plus ouvertement que jamais, que les Etats-Généraux non plus que les Etats des Provinces paniculieres, n'auraient pas dü être invoqués dans cette affaire: puisqu'ils ne font pas un tribunal emfitent pour juger Ia Ville d'Amfterdam. On ajoute que Vendredi dernier ï3 Juillet, les Etats de Hollande ont agité la propofition,foitdedonner i fon Alreffe un Committé pour 1'aider dans fes travaux, foit de faire exclure le Duc Feld-Maréchal des affaires politiques, qui n'ont rien de commun avec la dignité militaire i la quelle il aurait dü fe bomer. ii faut avouer que, dans un tems de divifion & de défiance générale,  ( 3ÖB ) rale, on ne faurait porter plus loin 1'efprit de modération. Le Difc ne pourrait donc rien faire de mieux que de céder a 1'orage. Tous fes efforts pour réfiticr ;\ l'imrétuofité du torrent, n'aboutirónt qu'a. fournir de nouveaux alimens a la prévenrion généiale; pendant que la conduite de la Ville d'Amderdnm deviendra toujours de plus en plus 1'objet de i'enthoufiasme & de la vénération publique. On dit que le Duc commence déjaa éprouverlesefletsduniéconier.tetnent dont le peuple avait jusqu'alors laché d'étotiffer le fentiment. 11 pasfait il y a quelques jours , prés du Village de Ayswyk, pour fe rendre a une maifon de plaifance, fituée fur le Canal en deca du Ltidfchiudam; les Habitans I'accablcrent d'injures; & peu s'en eft fallu que leur indignation ne fe foit portée jusqu'a le couvrir d'ordures. ' Le Duc dit fans doute pour fe juliifier; qu'il n'a pas mérité d'être en bute a cette confpiration générale contre fa perlsnne. II en appellera a la noblelfe c!e la naiffance, a 1'élévaüon de fon rang, au iémoignage de fa confeience, a la grandeur de fes fervices, a 1'éclat de fes exploits miftöaires. Mais füt-il le plus vertueux, Ie plus grand des mortels, s'il connaiflait réellement la conftitution de ce pays ainfi que celle de toutes les Républiques , il avouerait franchement qu il ne peut fe roidir contre Ie torrent, fans caufer un bouleverlement général dans le pays. 11 avouerait que dans une crife auffi maiheureufe, une trop grande opiniatreté de fa part ne fervirait qu'a accélerer la ruine de la République, en augmentant la divifion intestine. S'il aime reéllemenr. la Patrie, comme il s'en vanie, il doit donc préferer l'intérêt de 1'Erat au fien.- il doit donc avouer qu'il ne faurait lui rendre un plus grand fervice qu'en renoncant par un. éloignemenc volontaire aux affaires politiques. „ Mais mon honneur, dit-il, eft compromis i la face de 1'Europe! ne ferais-je pas incngne du caiaétere public que j'occupe dans 1'Etat, fi je montrais de 1'indifférence ou ce 1'infenfibilité dans uite conjoncturc auffi délicate?" Votre honneur compromis! & votre honneur vous ferait-il plus précieux que le falut de l'Etat?ou plutó'un vrai Républicain(Etvous devez 1'êtie puisque v«us fervsz nne République) ne doit il pas être prêt a facrifier non-feulement fes emplois, fes biens & fa vie, mais encore fon honneur même au bien de la Patrie? Ecoutez. Si vous n'êtes coupable de rien; la race préfenté & future fauront bien vous juftifier. Laiffez palier ces tems couverts de nuages & de tempêcss;un jeurplns fercin ne tardera pas a luire: il fera briller votre innocence & voc pas étonnant que cette conduite ait indifpofé une Nation fiere, libre &qui. fur ce point, a toujours montré , dans le Ccrns même oh elle était affervieaux Maitres les plusimpérieux la jaloufie laplus délicate, Je ie répete encore, dans toutes les Républiques, dans tous les Etats même. on doit être prêt a facrifier fon honneur au bien de Ja Patrie je n'ai pas j[it que pour fervjr la Patrie, on doive manquer a 1'hon-  ( 395 ) Thonneur, c'eft-a-dire. faire, une mauvaife acH^n: 1'Etat lui-mén.e n'a pas, dans ce cas, le droit de préférer le falut a 1'honneur; on fe rappelle , k cette occafion que Themiftocle, ayantdemandé dans 1'asfemblée du peuple d'Athenes' de communiquer une certaine prupofitionè Ariftides; & que celui-ci ayant dit au peuple qu'elle était trés avantageufe , mais cont:airea la droiture, les rttbéniens refufcrent una» nimement d'en entendre 1'ouverture. Je ne demande en faveur de la Patrie que cette abnégation de foi même que les légiflateurs dans ce qu'on appelle la vie fpirituclle du Chriftianifme ont recommandée a leurs feétateurs. Je n'étends pas même ma demande fi loin; ces pieux cnthoufiaft.es recommandaient a leurs difciples de courir au devant des mépris & desoutrages, dö s'en abreuver, & de fe faire en tout tems, une gloire d'être enbutte aux mépris du monde. Je ne demande a dc vrais Patriotes de s'expofer a des mépris injultes que dans un cas de grande utilité, d'importance extréme pour la Patrie. 11 ne s'agit ici que d'une queftion de morale bien fimple, favoir, fi 1'on doit s'expofer au mépris pour faire une bonne aétion. Or quel fervice eft' audeffus de celui que 1'on rend a la Patrie? Sonavantage ne doit - il pas étre préféré a tous les autres? N'admirons nous pas t ncore ces grands perfonnages qui, chez les moderncs ainfi que chez les anciens, ont facriflé non-feulement leur vie. mais encore celle de leurs parens & amis a la Patrie. L'honneur n'eft ici confidéré que dans le frns de réputation. C'eft dans ce fens qu'il faut lui préférer la vertu ; puifque perfonne ne faurait nier que ce ne foic un acte de vertu, que de fervir 1'Etat. L'homme civil, a trés bien dit un fhüofophe moderne, n'eft qu'une unité fraclionnaire qui tient au dénominateur, & dont la valeur eft dans fon rapport avec 1'entier, qui eft le Corps focial. Les bonnes inftitutions fociales font celles qui favent le mieux dénaturer l'homme, lui óter fon exiftence sbfolue pour lui en donner une relative, & tranfperjer le Bb 4 tnoi  C 396 ) moi dans 1'unité commune; enforte que chaque particulier ne fe croie plus un, mais partie de 1'unité, & ne foit plus feniible que dans le tout. Un Citoyen de Rome n'était ni Caïus ni Lucius; c'était un Romain: même il aimait la Patrie exclufivemerit a lui. Régulusfe prétendaitCarthaginois, comme étant devenu le bien de fes maitres En fa qualité d'étranger il refufiut de fiéger au Sénat de Rome; il fallut qu'un Cauhaginois le lui ordonnat. 11 s'indignait qu'on vouiüt lui fauver la vie. II vainquit, & s'en retourna triomphant mourir dans les fuppliccs. Le Lacédémonien Pédarete" fe préiente pour être admis au confeil de trois eens; il eft rejeté. 11 s'en retourne tout joyeux de* ce qu'il s'eft trouvé dans Sparte trois eens hommes valant mieux que lui. Voila le citoyen. Ce n'eft pas Pexil, dit le fage Plutarque, d'oüfont tirés ces brillans exemples; c'eft la caufe qui en fait I'infamie. Camille injuftement exilé par fes Compatriotes , n'en vit fa gloire aucunement altérée. Thémiftocles & Cicéron furent auffi contraints par Penvie de fortir de leur Patrie. Mais qui n'aimerait mieux être Ariftide Xamille, Thémiftocles & Cicéron que les délateurs qui les firent bannir de leur Patrie? Argumens en faveur du Duc. II fuffit d'avoir préfenté la queftion dans lejour oh nous l'avons envifagée, pour impofer filence aux perfonnes les plus fortement prevenues en faveur du Seigneur Duet Nous n'avons attaqué ni fon honneur, ni fa vertu, ni fes qualités morales, ni fes talens militaires. Nous ne faurions, cependant, nous fiatter de perfuader tout le monde. Mais, pour montrer que rien ne nous épouvante de ce qu'on pourrait allégueren fa faveur, nous ne déguiferons pas cequ'ont dit & difent encore pourle défendre, fes plus zélés & plus habiles Avocats. Nous n'affaiblirons point leurs argumens; au contraire en les relferrant nous leur donnerous toute la force & 1'éner-  C 597 ) 1'énergie qu'elles perdent, étant noyées dans un déluge de paroles qui ne fignifient rien. Demander, difent-ils au Stathouder d'éloigner touta-coup & fans forme de procés de fa Cour & de fes confeils un perfonnage diftingué , n'eft-ce pas une démarche de la derniere injuftice, de la plus choquante témérité ? Le plus aimable des Princes en y déférant, ne deviendrait-ïl pas le plusodieux, le plus vil des mortels? N'eft-ce pas vouioir le forcer a commettre une injuftice que d'exiger qu'ilcondamne &punijjefans aucune preuve V N'eft-il pas de la derniere abiurdité d'exiger qu'un Prince fi relevé par fa naifl'ance & fes emplois foit traité plus cruellement que le dernier des particuiiers qui, dans tous les bons gouvernemens, a droit d'invoquer la proteétion des Loix contre les attaques de la haine ? On veut que le Duc dévore 1'amertume d'un éloignement douloureux ; pourquoi ? Paree qu'on a malheureufement congu contre lui des préventions facheufes. Ainfi le Duc n'eft point dans ce cas la viélime du bien public; mais il eftfacrifié a 1'opinion du peuple qui ne fait ni ce qu'il aime ni ce qu'il hait, opinion que les gens fages ont toujours meprifée ? Raifonner de la forte, n'eft-ce pas parler le langage de la pafiion & non celui de la raifon? N'eft-ce p?s donner a la voix lache de la calomnie ou a la ftupidité d'un vulgaire méprifable . plus de poids qu'au langage du bon fens & de 1'équité ? N'eft-ce pas autorifer la diflémination d'une multitude de libelles qui n'ont pour fondement que la noirceur de la haine, ou la baflefie de 1'envie, ou les excès effrénés de la famine? Peut-être fe trouve-t-il dans quelques-uns de ces libel'es des idéés & des tournures ingénieufes; mais il ferait de la derniere injuftice de les fuivre comme des garants fürs; puifque ce qu'ils contiennent de plus piquant font des plaifanteries , fruit d'une imagination effrénée, mais aucun fait qui repofe fur la vérité. Amfterdam veut accréditer le bruit populaire que le Duc eft la feule caufe de la faiblefle de 1'EBb 5 tat,  ( 308 ) tat, de fon ïndolence, de fes malheurs. Peut-on hazarderune affertionpareille fansdéceler 1'ignorance Ja plus profonde de notre conftitution ou la mauvaife foi de la haine la plus injufte ? Qui ne fait en effet que les mefures que 1'on prend fur les affaires publiques ne viennent aucunement du Duc deBrunswich j mais des Etats-Généraux & du Prince ? Sur quel 'fondement pourrait-on méme avancer qu'il aurait eu part aux opérations; puifque le caracfere dont ileft revêtu ne lui donne aucune influence, aucune voix dans les délibérations d'Etat qui fe tiennent a ce fujet? Et puifque ces fauffes mefures qu'on prétend avoir été fuivies, n'ont de rapport qu'a la marine , fous quel titre aurait-il pu s'immifcer dans des affaires auffi éloignées de la fpbere oh il eft placé ? Eft-ce le Feld-Maréchal qui aurait dü coidlruire les vaiffeaux & créer les hommes qui nous ont manqué ? JEtait ce è lui de pourvoir les magazins de canons o; d'autres munitions néceffaircs ? Oferait-on foutenir que la dircéïion & le foin de ces fortes d'affaires ne dependent pas du Souverain du Pays, les Etats Généraux ? Ce ferait donc eux qu'il faudrait accufer. II ne faut pas ajouter plus de foi a des contes popuJaires qu'aux vraies raifons que 1'efprit le plus borné peut découvrir & faifir. Que veut dire cette affertion de la ville d'Amfterdam , que le Duc a tant d'mflutnce fur 1'efprit du Prince qu'elle fait échouer toutes les bonnes mefures en faveur de la Patrie? Ou le Prince s'entend avecle Duc contre 1'Ktat, & dans ce cas ileft ennemi de la Patrie; ou il manque du jugement néceffaire pour difcerner le bien du mal, & dans ce cas c'eft un imbécile, un efprit ftupide éi borné, capable, en accordant fa confiance a de mauvais confeillers, de perdre 1'Etat; & il faut 1'éloigner au plütót de la direétion des affaires. C'eft fans doi;te !a le but de la ville d'AmÜerdam, Si elle réufft k faire retirer le Duc; on 1'entendra bientót crier qu'il en faut faire autant du Prince. Qu'Arnfterdam réfléchilfe feulement bien k fes propres  ( 3°9 ) pres procédés ; que c'eft, par fes fourdes menées avec la France & 1'Amérique septentrionale qu'elle nous a auiré cette guerre, & fes fuites fatales. Si 1'on comptau les voix . on trouverait peut-être. que cette ville eft , encore plus que le Duc, réputée pour U caufe des malheurs publics Le peuple d'Amfterdam pourrait même être le premier a montrer , pur un foulevement fubit , malgré les impreflions qu'on a cherché a lui infpirer par une multitude de libclles, qu'il connait les vrais Auteurs des fauffes mefures dont il eft la vicfime. Rêponfe aux objeêlionj en faveur du Duc. Je crois être un de ceux qui ont le plus écrit fur les matieres du tems & pris avec le plus d'ardeur, le parti de la ville d'Amfterdam. Je puis protefter, a la face de 1'Univers, que je ne connais aucun des Régens de cette ville, que je ne crois avoir jamais parlé k aucun, que ni par correfpondance ni par aucune autre voie , je n'ai été excité a époufer leur caufe Je connais plufieurs des Ecrivains en langue Hollandaife, attachés aux mêmes principes ; j'en fais affez pour pouvoir affurer en leur nom, que la Régence d'Amfterdam n'a, ni direcfement ni indirectement, aucune part k lei r travail. Je fais, au contraire,rque les Membres de cette Régence, ont montré , dans certaines occafions, tant d'indifférence k 1'égard de ceux même qui avaient défendu & pouvaient encore défendre leur fyftême avec le plus de fuccès, qu'ils paraiffent avoir abfolument abandonné cette carrière auffi in :rate qu'épineufe. 11 me ferait aifé de montrer que, pour ófer prendre Ie parti que 1'on juge être celui de la juftice, on s'expofe a mille défagrémens, fans en recueillir aucune confolation qui en adoucifie Pamertume. II faut avoir le courage le plusardent & le Patriotifme le plus défintéreffé, pour fe hazarder dans cette carrière. L'accufation intentée a la ville d'Amfterdam d'échauffer le peuple par des iibelles, paraft bienfingu- liere  c 400; ïïere dans la bouche de fês Ennemis. Ont-ils donc oublié que ce font eux qui ont ouvert la carrier» polémique par un certain Difcours d'un bon Flollun. clais, dans lequel on reconnut auffi-tót lc ftile d'un ïfraëlite falarié par 1'Angleterre? Ont-ils oublié que les écrits les plus envenimés & les plus fédicieux font fortis de leur fabrique? Le Difcours au peuple des Pays-bas , la Lettre de Petersbourg , le Politiek Vertoog, CEfprit de eet écrit, les fept villages en feu, & quantité d'autres libelles incendiaires font fans doute a leurs yeux des écrits modérés, fans fiel, & furtout fans partialité. Tous les raifonnemens indépendans du grand point de la queftion, ne prouvent rien. II ne s'agit que d'un fait. Depuis longtems la République avait befoin d'être dans un état refpeélable fur mer; c'était la que le befoin de 1'Etat & le vceu de la Nation fe portaient, d'oh peut étre venue l'obltination du Prince a infifter fur une augmentation de troupes de terre? Quel obftacle cette demande de la part d'un Chef revêtu d'une auffi grande influence n'a-t-elle pas occafionné dans les mefures publiques ? Qu'on s'en rapporte fur ce fujet, non a la voix des Partis & des Ecrivains qui divifent Ia République; mais au jugement du tribunal impartial de 1'Europe qui n'a pu s'empêcher de marquer fon étonnement, en voyant demander pour la défenfe de terre des fecours que la néceffité des circonftances exigeait tout entiers en faveur de la marine menacée, & expofée a des atteintes terribies? Qui peut lui avoir infpiré ce fy ftêmè, qui ne tend qu'a favorifer nos' Ennemis actuels, les Anglais ! Qui peut lui avoir con fe.il lé de le fuivre dans tous les tems? N'eft-ce pas celui k qui la direétion entiere des premières années de fon enfance a été confiée? N'eft-ce pas celui qui s'eft tellement emparé de fa confiance que le premier Miniftre de la Province de Hollande s'eft vu obligé de fe plaindre qu'il arrêtait toutes les mefures avantageufes au bien public? II faut avouer que les délibérations politiques •viennent des Etats. Mais il faut bien peu connaitre les  C 401 ) ïes rcflbrts publics & fecrets de notre conftitution, pour ignorer que le Prince a 1'influence la plus grande fur le fuffrage des Membres qui déliberent & la plus grande autorité dans les mefures exécutives qui font les fuites des délibérations ? S'il eft vrai que le Duc afi peu d'influence, dans les affaires publiques;pourquoirefuferait-il de fe borncr aux occupations de fon caracfere militaire? II n'aurait, comme on Fa déja dit, pour confondre fes Ennemis, qu'a ceder kl'orage en feretirantau moins pour quelque tems? Puifque, felon fes partifans, foninfluence eft nulle dans les délibérations de 1'Etat cc les opérations d'une guerre na vale, le moyen le plus propre a prouver fon innocence, n'eft-il pas ce fe retirer ? Au contraire fon obftination a refter ne faitelle pas foupconner qu'il craindrait que les affaires n'allaffent fi bien pendant fon abfence, qu'on ne pourrait plus douter qu'il n'ait été la caufe dc notre malheureufe pofition actuelle? Quant a Fargument que le Prince ne pourrait fe livrer a un mauvais confeiller fans trahir un défaut de lumiere ou de bonne foi; eft-ce un Sarcafme ou un Sophifme ? En lifant cette tirade, j'ai fouvent flotté entre ces deux idéés ; mais je préfére de m'arrêter a la derniere. Oui, ce raifonnement n'eft qu'un miférable Sophifme. Le Prince peut avoir les meilleures intentions ft les lumieres convenables a la dignité refpeéfable qu'il occupe. Ce ne ferait pas la première fois que les meilleurs & les plus refpeélables des Princes fe feraient laiffés égarer par de mauvais confeillers. Ces fortes d'hommes ont même , pour gagner la confiance, un art qui manque aux Miniftres les plus vertueux & les plus habiles. C'eft une verité atteftée par 1'PIiftoire de tous les fiecles, & de tous les pays. On n'aurait pas même befoin de recourirades terhsbien anciens pour en voir les preuves. Louis XV. Ceorge III ontparufur letröne avec les qualités les plus aimables; on n'a pu leur refufer des talens eft'imablesjdesluraieres dans les affaires, & de la pénétra- tion  C40-O tion dansrefprit. A quelles mefures fauffesSt dange* reufes le premier ne s'eft-il pas abandonné? Quels malheurs le fecond n'a-t-il pas attiré a fes fujets? Eft-il k préfumer que fi George III. eüt confervé le' Lord Chatham dans fa confiance 6c le Miniftere, la guerre Américaine & toute fes fuites auraient eu ïieu?Si en France, fous un Monarque abfolu on n'a pas craint de demander, par ies repréfentations des particuiiers & de plufieurs Corpsilluftres, 1'éloignemcnc de Confeillers auquel il avait donné toute fa confiance, a plus forte raifon a-t-on le même droit dans: une République, & dans un tems oh cette République eft expofée a tous les malheurs d'une guerre étrangere & menacée de tous ceux d'une guerre domeftique ? Le Génie eft une faculté que la nature n'accorde pas a tous les individus que fon caprice refufe méme fouvent a ceux qui, par des dignités héréditaires, en auraient le plus de befoin. II n'y aurait pas lieu de s'étonner fi certaines perfonnes n'en auraient pas toujours une portion proportionnée a la grandeur & a la complicité des affaires dont elles font chargées; & il eft du dernier ridicule de vouloir prononcer anathême contre ceux qui ne croient pas que le- Princes aient la fcience infufe. II n'eft pas étonnant que, dans des Monarchies abfolues , onpuniffe ceux qui douteraient de l'infaillibilité des lumierts du Defpote. Mais, dans une République oh, non feulement les Affemblées d'Etat mais encore les Corps des villes forment dès parties intégmntes de la Souveraineté, décrediter les repréfentations d'un de ces Corps fous prétexte qu'il ne faut pas avoir le moindre doute fur le jugement ou les lumieres du premier Magiftrat de la République. n'eft ce vouloir pas introduire lesnotions abfurdes des pays les plus foumis au defpotisme? Et c'eft ici que le Patriotisme de la ville d'Amfterdam & fon zèle pour le Prince paraiffent dans tout leur jour C'eft, d'après cette idéé qu'il convient d'apprécier 1'idéc fubbme d'un Committé ou Confeil fecret pour les opérations de la guerre aétuelle. Mais cette  C 403 ) cette appréciation ne doit pas fe faire par des ame» viles, indignes de vivre dans une République, mais par des efprits males, libres &couragcux qui n'envifagent pas les chofes fuivant les préjugés des confidérations humaines: mais fuivant les principes invariables de la raifon & de la liberté. La ville d'Amfterdam a cru fans doute parler au Chef d'une Nation libre; il n'appartient donc qu'i des hommes libres de juger fa démarche; elle ne peut révolter que des efclaves; qu'ils aillent dans les pays dont ils voudraient introduire ici les odicufes maximes: un langage fier n'elï pas fait pour eux; ils ne font pas en état de 1'entendre. CHAPITRE XXVI. Sur les Edïts probibitifs en fait de livres &' en particulier fur le dernier Edü de la Province d'Utrecbt contre les pampblets contre le Duc. C'en eft affez fur cette matiere délicate, & que peu de perfonnes avaient envifagée fous le vrai point de vue. Arrétons nous; car , tout modéré qu'eft le' ton que nous avons choifi, Meffieursd'Utred'tpourv raient nous mettre au rang de ces efprits remuan? qui cherchent a faire naitre ou a fomenter le feu de. la difcorde. nvain neus leur dirions que nous écrivons dans une langue que le peuple n'entend pas; que nos vues ne tendent qu'a ramener tous les esprits au feul fyftême qui peut fauver la Républicue; il n'eft pas permis, nous répondront-ils, a de limpks particuiiers de porter une main audacieufe a 1'encenfoir; il n'eft donné qu'aux Grands-Prêtres & aux Lévices de toucher a 1'autel facré ; tout autre eft un profane qui merite d'être frappé de mort, comme ce téméraire qui porta la main a 1'arche d'alliance. J'avoue qu'il me ferait difficile de répondrea ces paroles fólemnelles, & de montrer que je fuis ad mis dans un Corps de la Régence; fans doute il me ferait alors per-  C 4°4 ) permis d'écrire les ouvrages les plus féditieux; pourvu que ce füt contre la Ville & la Régence d'Amfterdam & en faveur du Duc & de fon fyftême. . En vérité, ilne faut pas faire le voyage de Conftancinople, pour trouver des hommes qui regardent leurs femblables comme des troupeaux de bêtes qu'on peut tranfporter d'un paturage a un autre ou égorger a fongré. L'Auteurdu Politiek Vertoog fit paraitre, il y a deux ans, des Lettres fur les circonftances du tems prefent d'après lesquelles les Anglais étaient les plus grands & les plus juftes des hommes , & les Hollandais une Nation facrifiant tout ala cupidité &a la foif des richeffes,& leurs meilleurs Patriotes des laches ou des fcélérats. La Villed'ütrecht refta danslefilence. Les Frangais étaient crucllement traités, dans cette brochure,& quelqu'un de cette Nation y était répréfenté comme un pauvre Diable, paree qu'il avait écrit fur les matieres du tems. On fait que les Francais font faciles a s'enflammer. Le pauvre Diable ófa répondre a la diatribe: 1'Auteur, jugeant qu'il ferait plus facile & plus prompt de le puair que de lui répondre, voulut auffitót le faire fortir de la Ville; & s'il y avait joui de la Puiflance fuprême, il n'eft pas douteux qu'il ne fe füt vengé par 1'exil d'un honnête homme qui ne l'avait attaqué que fur la défenfive & n'avait employé d'autres armes que la plume. La fuite au iV*. procbain. Ce» Feuilles périodiques psrailfent régulierement, tous les Lundis d Amfterdam , chez J. A. Crajenfcbot; d Haar. lem , chez Walree; li Lelde , cheï Luxac & van Damme , & Les Freres Murraj; a la Haye, chez J. van Cleef, La Ptuve Staalman, & Plaat; a Gouda, chez P'an der Klos; a Rotterdam, chez Bennet & Hake, tkJ.BronkhorII; d Dordrecht, chez Blufte; i Utrecht, chez B. Wildit G. T. van Paddenburg; d Deventer , chez Leemhorst ; d Groningue , chez Huyzingh; d Nimegue, Chez Pan Goor; d Arnhem, chez Trotst; d Bois-le Duc, Chez J. H. Pallier, d Hambturg, chez J. G. Pircbaux , & chez les principaux Libraires de* Pays-Bas. On trouve chez 1'Editeur de ces feuilles. L'Ameriquiade Poëme a 6 fois & Voltaire rtcu aux Cbamps ilifies par Henri quatre i Eftampe allégoriqut.