L E POLITIQXJE N°. CVL LUNDI,ce 17 FEVRIER, 1783. Aux Citoyens des Pays Sas - Unis. Deux années fe fonc écoulées depuis notre première entrée dans !a carrière épineufe. & délicate que nous avons ófé pourfuivre jufqu'a cecte époque: fach?,nc combien i'opimon générale influe fur les détermmations publiques, dans un gouvernement oü la preffe jouit de quelque liberte, nous faisïmes lloftanc de fermentation oü la difie'Tanation des grandes véntés que nous avons déveiop. pées devaic produiie le plus de fruit. ïn'ous ne penfions gaere que dans un tems ou la dtclanniou infolente & perfide de 1'Angleterre devaic avoir ei> flamme tous les efprits d une généreufe ind.gnation, nous crouverions des antagoniftes, en expotant des óbfervations patriotiques donc i'événement a prouvé depuis ,è plufieurs égards, la jufte(Te& 1'importance. 11 ne nous ferait pas difficile de montrer qu! fi toutes les idees que nous avons propofées en drfférens tems,euiïent été iuivies égalemct, autanc du moins qu'on avait droic de 1'attendre de I'gtat 0ï1 fe trouvaic la Répubiique, vous auriez retirë Toiyja V. A des  co des avantages coniïdérables de cette guerre, au lieu d'être réduits a la honteufe akernative de céder une partie de vos propriétés a vos Ennemis & de ne devoir le falut des aucres qu'a la pure générofité d'un Allié volontaire. Tous ces obftacles nous ont forcés a revenir fouvent fur la même matiere, femblables a ces athletes qui font obligés de renverfer plufieurs fois leurs adverfaires avantde leurporterle coup décifif qui les terrafle complettement. Cet incident nous a forcés a nous refTerrer dans un eerde étroit, au lieu de promenernos regards fur la fphere étendae que nous avions en vue de parcourr. Nous nous fommes en général bornés aux affaires incérieures de la République & aux intéróts généraux d ms lefquels'les circonftances- préfentes 1'onc engagée,. L'attaque violente de nos Ennemis & le fecours flatteur de leurs partifans nous ont forcés en quelque fagon a nous appefantir fur des fujets qu'aütrement nous n'aurons fait qu'elHeurer. Ces feuilles font devenues par la Touvrage de nos partifans & de nos déiracteurs. C'eft aux uns & aux autres qu'elles doivent leur accroiffement & leur fuccès. On peut ajouter qu'elles font 1'époque & qu'elles ont étë uh des moyens heureux d'une révolution falutaive dans les opinions & les principes du peuple. :Chers Concitoyens, fi jamais le defpotifme & le pouvoir arbitraire, plus dangereux en. core, paree cu'il peut exifter indépendamment de la tyrannie d'un feul, ofaient porter de nouvelles atreintes a vos droits elTentiels, & vous ftire perdre de vue vos intéréts évidens, vous trouveriez dans ces feuilles des maximes propres a vous ramerscr au bon cbemin • & des traits qui pourront vous Tcchauffer. Elles feront a jamais ie depót des p'ufieurs principes importans qui ont enfin prévalu & des aöions les plus brillantes des patriotes avoués par la nation. Si cette guerre lui a coüté des facrifiees- au dehors & procuré d'heureufes réformes ?.u« dedaiis , clle verra dans ces feuilles quelles font les caufes des maux qu'elle a foufferts, & qui  C 3 ) cnt rendues a la paix. II faut avbuer qu'cn 1672 & 1748 , nous avions une idéé li affreufe des Francais que nous penfions peu qu'ils refticueraient ce qu'ils avaient; pris. Les Anglais , au contraire, n 'ont jamais cédé aucune de leurs conquêtes que pour des équi valens; & c'eft a la faveur de cette politique ambitieufe qu'ils ont confervé Gi-' braltar, Minorque , New York, le Canada, 1'Acadie, le Cap Breton, la Floride, la Grenade & les Grenadines, la Üominiqiléj Sc. Vincent, St C'^riftophe,Pondichcry. Mahé, Chandernagor, & prefque tous les écablifïemens lointains, a la faveur defquels ils avaient acquis une puiffance fi formiJable. La France,au contraire,ayant la perfpe&ive ia plus briiianie dans les deux Indes, ne fe contente pas de rendre aux Anglais, fix Iftes importantes qui étaient d'anciers appanages de fa couronne; ellé n'héfite pas même a rendre a la République des établi (lemens qui font des conquêtes trés- légitimes , puifqu'elles lui font abandonnëes par 1'Ennemi fur lequel elk? les a faites. V Anglmane. Au moins, nous avons formê pour Ia France unc diverfion heureufe qui lui a procuré cesj avantages étonnans qui 1'ont mife en ^état de dicïcr la loi a fon Ennemi. Le Francais, Dites plutót que nous n'avions ga ere befoin de vous dans cette querelle; que non-feulemcnt vous n*y avez rien fait, mais que vous avez empêché lei autres de faire. La France, obligée d 'arracher vos éta-  C9) établifTemens de 1'Amérique des mains des Anglais, sr"eft vue par la dans la nécefïïté de parcager fes forcés, qui» ré mies , auraient pu faire fur les Anglais de ces conquêtes qu'on ne rend pas. La France, obligée de couvrir le Cap felle était certainement Intéreffée a ne pas laüTer tomber eet important éta. blifï'ement duns ies mains des Anglais , a vu par cette diverfion échouer ies emreprifes qu'elle avait formées dans 1'Inde. Mr. de Suffren était prét a écrafer 1'Amiral Hughes dans untroifiemecombat; 1'Anglaistrouve malheureufement une retraite a Trinquemale. Mr. de Buffi part de France avec un corps nombreux de troupes; elle doivent appuyer un plan des plus hardis , qu'il a formé fur 1'Indt;: mais hélas! trouvant votre établiffement du Cap encore trop faible pour réfifter a quelque nouvelle attaque des Anglais, il eft obiigé d'y laiffer une partie de fes forces: & c'elt pour vous défendre que la France voit avorter des projets qui 1'auraient mife en état de renverfer le dernier appui dit cololTeBritannique. Oferez-vous dire après cela que Louis XVI manque a fa parole royale de ne pas féparer fa caufe de la vötre. Si nous voulons même développer 1'origine de eet engagement, combien de reproches n'aurions nous pas a vous faire? C'eft vous qui propofates les premiers de différer le rétabliflement de Votre paix jufqu'a la pacification générale. Et vous demandates è fa Majefté des preuves tranquillifantcs qu'il voudrait bien s'occuper de vos intéréts, Iorfque les négociations pour la paix auraient lieu, Le Roi de France accepta cette propofition. II crut, il eft vrai, qu'elle renfermait 1'engagement de nepas féparer les deux caufes. Mais cette interprétation qu'il donnait a ces paroles. quoique plus favorable a vous qu'a lui, puifqu'il était plus en état de foutenir vos intéréts, que vous ne 1'étiez de foutenir les flens1, fuc-elle adoptée généralement dans ce pays ? Ne fait-on pasdequelle maniere les Députés d'Amfterdam prirent fur eux d'altérerdes inftruftionsoü il Ieurétait enjoint d'agir conformément a cette internrétation ? A 5 Ne  C io > Ne connaft-on pas tous les inftrumens qui ont agi dans cette affaire? N'a-ton pas même foutenu dans des annoncespubüquesqueces Députés ,loin d'avoir êtédéfavoués, avaiént regu des remercimens ? Ainfi le Roi de France, avant donné felon vous une interprétation trop .ètcndue a la propofuion que vous lui aviez faite, n'aurait pbint été engagé a lier effenticllement fa caufe avec la vótre, puifque une portion d'entre vous a d'éfavoué cette interprétation. 11 eft vrai qu'on paruc fe ravifer dans la fuite; mais fi 1'on examine les effets plus que les paroles, ne femblerait il pas que vous avez effectivemént agi , comme fi vos intéréts euffent été féparés de ceux des Francais. Vous avez, il eft vrai , conformément a 1'interprétation du Roi de France , accordé lés dix vaiffeaux qu'il vous demanda't pour Breft. Mais n'avez-vous pas, conformément a rinterprétatiön des Députés avoués on défavoués d'Amfterdam, fait enforte que ces ordres fuffent éludés? Cet événement ne devait-il pas méconterter le Roi de France? Ne devait-il pas en conclure naturellement qu'il aurait beau s'accorder avec la République pour un concert d'opcrations; qu'il devait renoncer a tout efpoir d'en recevoir des fecours? Votre conduite ne l'autorifaitclie pas a fe régler en conféquence dans les négociations de paix. Bien loin, ccpendant , de faire entrer vos établiffemcns pris fur les Anglais en Jjgne de compenfation., deux fojs les né^ociations ont failli a être rompues CEt je fuis tres-bien inftruit) paree qu'on les refufait aux follicitstinns du Plénipotentiaire Anglais qui les redemandait h toute force. Comparez adtuellement de fang froid le procédé de vos anciens alliés avec celui de la France. l!s yentent s'indemnirer en quelque facon a vos dépens des facrifices .qu'ils ont été obligés de faire aux trois 'autres' Puiffanccs Belligérantes; pendant oue Ia France, non contente d'avoir protégé vosétabliffcmens, vous rend gratuiternent les poflefiions qu'elle a arrachées a 1'Ennemi. Qui des deux mérite  rite votre confiance & votre affeftion, oa dc celie. qui, après tanc de bienfaits, s'intérefle encore pout>; vous procurer une reftitution totale, ou des Anglais qui apiès une aggrefiion dont leurs Mimftres onc avoué eux-mêmes 1'injuftice, n'eftime pas aflèz votre amitié pour fe faire un mérite de vous rendre des poffeliions qui, par des circonftances corjnues étaient reftées fans défenfe & abandonnócs a la merci du premier aggreiTeur ? Que les plus violens Anglomanes vous vanteDt aauellement 1 amitié dej 1 Ansïlctcrrc' Le Francais ayant fini cette longue homilie, h laquel e aucun des autres interlocutoirs ne crut pas devuir répondre, la converJation tomba fur ceux a qui l'on devatt imputer le malheur de cette guerre & naturelkment fur le mé moiré apotogétique du Fnnce; un JnsiMs A wla même au/ft dms la converfation, avec les réfl-xions les plw déjolantes fur les prelnmnaires de la paix; on y fit des obfervations exinmement intérefantes; nous les rapporterons une autrefuis, C H AP I TRE LX. Sur la paix entre VAngleterre £? l'A né. rique. II tous eft parvenu plufieurs documens relatifs aux négociations de paix entre 1'Angleterre Sc 1 Aménquë; ces documens n'avant paru dans aucun papier public, nous commence'rons par les donner dans cette feuille, avant de paffer aux réflcxioos intereflantes que ce Traité fait naitre naturellcment. Commijfion du Congres pour faire la paix en date du 2y Sepiembrè 17?9. - Les Délégués des Etats-Unis dc New-Hampshire, Maflachufetc's Bay, Rhode Mand .& des Plantations de Providence, de Conneéticut, New-Ydrfc, JSewJerfey, Penfylvanie, Delaware, Mai'yland, Virgi-  C 12 ) nïe, de la Caroline Septentrionale, Caroline Méridionale & Georgië. A tous ceux qui la préfente verront, falut: Etant probable , qu'il s'ouvrira bientót une Né» gociation pour metcre fin aux hoftilités entre fa Majefté Très-Chrétienne & ces Ecats Unis d'une part; & fa Majefté Britannique de 1'autre part, &. comme c'eft le défir fincere des Etats^Unis, qu'elles puiffent être terminées par une paix fondée fur des Principes aftez folides & équitables, pour promettre raifonnament la durée des avantag^s de la tranquillité, fachez, donc, que Nous , ayant toute confiance en 1'intégritë , la prudence & 1'habileté de 1'honorable Jean Adams , Ecuyer , ci»devant CommilTaire des Etats-Unis k la Cour de Verfailles , ci-devant Délégué au Congres pour 1'Etat de Maftachufett's Bay, & Chef de Juftice dudic Etat, Nous avons nommé & établi, nommons & établiftbns par la préfente ledit Jean Adams notre Miniftre Plénipotentiaire , en lui donnant plein pouvoir , général & fpécial , d'agir en cette qualité , dc conférer, de traiter, de Convenir & de conclure avec les Ambaf. fadeurs ou Plénipotentiaires de fa Majefté Très-Chrétienne & de fa iVlajefté Britannique &avec ceux de tels autres Prmees ou Etats, que cela peut concerner, le revêtiffant d'un pouvoir égal, par rapport au rétabüftement de la Paix & Amitié, & pour tout ce qui fera ainfi convenu & conclü pour nous ou en notre Nom, de figner & faire la-deflus un Traité ou des Traités & de tranfiger tout ce qui peut contri' buer a completeer, k affurer & a renforcer le grand ouvrage de la Pacification, en aufïï ample forme & avec le même effet, que fi Nous étions perfonnellement préfens & fuffions les agens de 1'dffaire promettant en même tems de bonne foi, que nous accepterons, ratifierons, accomplirons & exécuterons, tout ce qui fera arrêté, conclu & figné par notre dit Miniftre Plénipotentiaire, & que nous n'agirons ja, mais  ( 13 ) mais pi ne fouffrirons que perfonne agiffe contre cela, pi en tout ni en partie. En foi de quoi, nous avons fait donner la préfente au Congrès , k Philadelphie le vingt- neuf Septembre de'l'année de notre Seigneur, mil fept cent foixante dix - neuf, & 1'an quatre de 1'Indépendance des Etats-Unis de 1'Amérique, Signc par le Préfident & fcellé de fon fceau. Attefté, Charle Thomfon Seciet. Sam. Huntington, Préfident. (L. S.) £ommijJion pour traiter avec Sa Majefté Britannique du 29 Septembre 1779. Les Délégués des Etats-Unis, De New-Hampshire, MatTachufett's-Bay, Rhode-, Wand & Plantations de h'ovidence , Connedticut, New-York , New-Jerfey , henfylvanie, Delaware, lVIaryland,Virginie, Caroline Septentrionale, de la Caroline Méridionale & Georgië, aflemblés en Congrès. A tous ceux qui la Préfente verront, falue: Comme c'eft le Défir des Etats • ünis que la Paix qui fe fera probablement entre Eux & fa Majefté Britannique, fok permanente & fuivie du Bénéfice mutuel, qui dérive du Commerce, les fuf. dits déclarent qu'ayant toute confiance en 1'mtégrité, la prudence & 1'habileté de 1'honorable Jean Adams , Ecuyer, ci-devant Commiffaire des EtatsUnis de 1'Amérique a la Cour de Verfailles, ci-devant Délégué au Congiès pour 1'Etat de MafTachu. fttt's Bay & Chef de juüice dudic Etat, avons nonv mé & établi , nommons & établiffons ledit Jean Adams , notre Miniftre Plénipotentiaire , lui don' nant plein-pouvoir général & fpécial, d'agir en cetie qualité , de convenir , d'arrêter & de conclure avec  ( 14) avec I'Ambafladeur ou Plénipotentiaire de fa Majefté Britannique, revêtu d'un égal pouvoir, pour ou' concernant un Traité de Commerce, & danstout ce qui peut être arrêté & conclu nour Nous & en notre Nom, de figner & faire la-deflus un Traité de Commerce & de tranfiger tout ce qui peut contribuer k 1'accomplir , i'aflurer & le renforcer, en forme aufïï ample & avec Ie même effet que fi nous étions perfonnellement préfents , & agiffions nous-mémes la dédans, prornettant en même tems de bonne foi, que nous accepterons, ratifierons, accomplirons & exécutrrons tout ce qui fera arrêté, conclu & figné par Notre dit Miniftre Plénipotentiaire & que nous ne ferons jamais rien ni nefouffrirons aucune Perfonne , d'agir contre, ni en tout ni en partie. En foi de quoi Nous avons fait donner la Préfente en Congres a Philadelphie, le trcnte- neuf de Sep. tembre, 1'an de Notre Seigneur mil fept cent foixante dix neuf, & Fan quatre de 1'Indépendance des Etats Unis de 1'Amérique. Signé par Ie Préfident & fcellé de fon fceau, Sam. Huntington, Préfident. (L. SO Atttfté Charl. Thonifon Sec. CmiM'Jfion réimie pour faire la paix. Du i. Juin 1781. Les Etats-Unis de i/AMéaiQUE, aflemblés en Congrès, A tous ceux auxquels parvicndra Ia préfente, falut. ' Attendu que les Etats-Unis, d'après un defir fincere de mettre fin auxhoftilités entre SaMajéftéTrcs■Chréricnne & les Etats-Unis d'une part, & Sa Ma. jéfté Britannique de 1'autre; & de les terminer par une paix fordée fur des principes afiez folides & équitables, pour promettre raifonnablement la du- rée  O*) rée des avantages de la tranquilité, ont nommé h cette fin 1'honokable Jean Adams , ci-devant Commiflaire des Etats-Unis de 1'Amérique è la Cour de Verfailles, ci-devant Délégué au Congrés pour 1'Etat de MaiTachufett's-Bay & Chef de Juftice dudic Etat pour être leur Miniftr.e Plénipotentiaire avec plein-pouvoir général & fpécial, afin d'agir en cette qualité, de convenir, de traiter, d'arrêter & de ' conclure avec les Ambafladeurs ou Plénipotentiaires de Sa Majefté Trés - Chrétienne & ceux de Sa Majefté Britannique & avec ceux de tels autres Princes ou Etats, que cela peut concerner, relativement au rétabliflement de la paix & de 1'amitié: Et comme le feu de la guerre, depuis ce tems-la,s'efl beaucoup étendu, & que d'autres nations & peuples ent été envelopés dans cette guerre, s'.chsz do.nc h PRésENT, que perfiftant toujours a defirer férieufement, autant qu'il dépend de nous, de mettre fin a 1'effufion du fang & de convaincre les Puiflances de l'üurope que nous nefouhaitons rien plus ardemment, que de terminer la guerre par une paix füre & honorkble, nous avons trouvëbon de renouveler le pouvoir donné ci-devant audit Jeam Adams, & de lui joindre quatre autres perfonnes pour la même Commiffion; & ayant toute confiance en 1'intégnté, la prudence & 1'habilété de 1'honorable .Benjamin Franklin, notre Miniitre Plénipotentiaire a la Cour de Verfailles, &'de 1'honorable Jean Jayv-ci-devant Préfident auCongrès & Chef de Juftice de 1'Etat de New-York & notre. Miniftre Plénipotentiaire a la Cour de Madrid, & de 1'honorable Henri Uurens, ci-devant Préfident du Congres, & CommifTaire envoyé, en qualité de notre Agent, aut)^ des Prov.inces Unies des Pays- bas, & 1'honovable Thomas Jefferfon, Gouverneur de la République de Virginie; avons nommé, conftitué & établi, & par les préfentes nommons , conftituons & établiffons lesdire Benjamin Franklin, Jean Jay, Henry Laurens&T. Jefferfon , comme adjoints du dit Jean Adams, donnant & accordant auxdits Jean Adams, Benjamin Frans-  C 16 ) Franklin, Jean Jay, Eïerri Laurens & Thornat Jeflèrfbn, ou è la majorité d'eux, ou a tels d'eux- qui fatontaiTemblés, ou en cas de mort, d'-bfence, d'indifpoiitioa ou d'autres? empêchernens des autres , a qui que ce fok d'entr'eux plein-pouvoir & autorité, générale & fpéciale ,conjointemeï.t & féparérnent, & ordre général & fpécial de Te rendre k telle place qui ('era choifie pour 1'ouverture desNégociaticnj de paix & d'y convenir, traiter, agir&conclure pourNous & en Notre norn avec les "Ambafiadeurs, CommilTaires & Plénipoientiairef des Princes & Etats quecela peut concerner, les revécifiant d'un égal pouvoir, relativement au rétabliüement de la paix, & de tout ce qui peut être convenu. & conclu pour Nous & ea Noire nom; de figner & faire la-deilus un Traiié ou des Traités, & de tranfiger chaque cbofe qui peut être uéceflaire pour accoraplir, afïiirer & renforcer le grand ouvrage de la Pacification, en auffi ample forme, & avec te même effet, que fi nous étioDs perfonneilement préfens & agilfions Nous-mêmes la-dedans,promettant en uiême tems de bonne foi , que nous accepterons, iatifierons , accomplirons & exécuterons tout ce qui peuc avoir été convenu , conclu & figné par nofdit's Miniltres Plénipotentiaires, ou par la majeure partie d'eux , ou par quelques-uns d'eux qui feront aflèmblés, ou en de morr, d'abfence, d'indifpofition ou d'autres empêchernens des autres, par ehacuh d'eux, & que nous n'agirons jamais ni permettrons a perfonne d'agir en contravention acela, nien tout ni en aucune partie. Én foi dequoi Nous avons fait donner la préfente pour êue fignée par notre Préfident & icellée de fon fceau. si Donné a Philadelphie le quinzieme jour de Juin, en i'année de notre Seigneur rail lept cent quarre- vingt-un & la ciiquiéme de noireludépendance, par lei Etats-Unis allèmblés en Congrès. San. Hunttikgton, P.élldenc. (L.S.) (altefté') Chakl. Thomson, Secret. Réfolution du Congrès du Juiliiet 1781. Par les Etats- Unis aiTeroblés en Congiès, réfo'u: Que la Commiflion & les Inftruftiorjs pour négccier un Traité de Commerce entre les Etats Unis & la Grande Brétagne, données a 1'Honorable Jean Adams , le '29 de Sep. tembre 1779 foient,comme font,revoquees par celles ei. Extraic des Minutes. C. Tomhson, Secr. Nous donnerons dans le No. prechain les iuftrucüons du Miniftre Britannique Mr. Oswald, & plufieurs suites pieces intérefiantes, & veis la fin de ce mois ies ikrcs et les errata qui appartiennent, au se. & 4e volumes. {Aux Adrejfes ordinaire*.)  L E POLITIQUE N°. CVII. LÜNDI, cea4 FEVRIER, 1783. Suite du CHAPIT.RE LX. Commijfion de Mr. Ricbard Oswald, pour traiter avec les Etats-Unis de 1'Amérique, du i*r Septembre 1782. George III, par Ia Grace de Dieu , Roi de la Grande Bretagne, de France & d'Irlande, Défenfeur de la Foi &c. &c. A notre féal & bien - amé Richard Gewald, de notre Cité de Londres, Ecuyer, Salut. Attendu qu'en vertu d'un Adte, pafte dansladerniere Seffion du Parlement fous je titre d'Adte pour autorifer fa Majefté a conclure une Paix ou Trêve avec certaines Colonies de 1'AmériqueSeptentrionale y dénommées , il eft obfervé qu'il eft elléntiel pour les Intéréts , le Bien-Etre 6e la Profpérité de la Grande Bretagne & des Colonies ou Plantations de New - Hampshire . Maiïachufett'sBay, Rhode-Ifiand, Conneclicut, New-York, NewJerfey, Penfylvanie, les trois Comtés inferieurs fur Tome V. B la  C i8 ) Ia Delaware, Ie Maryland, Virginie, Caroline-Sep. tentriooale , Caroline Méridionale & Georgië dans 1'Amérique-Septentrionale , que la Paix, la corre& pondance, le trafic & le commerce foienc rétablis entre elles: — En conféquence & pour manifefter pleinement notre fouhait & défir férieux,ainfi que ceux de Notre Parlement,de mettre fin aux calamités de la guerre, il eft ftipulé qu'il nous doit être & nous fera permis de traiter, de confulter, deconvenir & de conclure avec quelque Commiffaire ou Commiffaires, nommés ou k nommer par lesdites Colonies ou Plantations,ou parquelq'une d'elles ref« pectivement, ou avec quelque corps ou des corps, Civits ou Politiques, ou quelque Affemblée ou Af. femblées, ou clafie d'hommes, ou quelque perfonne ou perfonnes , quelconques, une paix ou Trêve avec lefdites Colonies ou Plantations ou quelque partieou parties d'elles; nonobflant toute Loi, Aêteou AQ.es du Parlement, toute inatiere ou. chofe a ce contraires. Apréfent, Sachezdonc, que Nous, répofant une confiance fpéciale en votre fageffe, fidélité, diligence & circonfpeótion, dans le manie» ment des Affaires qui font par la commifes k votre Charge, Nous avons nommé & déclaré, conftitué & nffigné, & par la préfente nommons,déclarons,conftituons & affignons vous, ledit Richard Oswald, pour être notre Commiffaire en cette qualité, pour üfer & exercer tous & chacun des Pouvoirs & des Autorifations qui paria préfente fontconfiés& remis, a vous Richard Oswald ; & de faire , accomplir & exécuter toute autre matiere & chofes, enjointes & remifes par la préfente a votre foin , durant notre Royal Vouloir & Plaifir; mais pas plus longtems, conformément k la teneur de celles-ci nos Lettres Patentes: Et c'eft notre iRoyal Vouloir & Plaifir, & par celles-ci, nous autorifons,' revêtons du pouvoir &requérons, vous, ledit Richard Oswald, de traiter, confulter & de conclure, avec des Commiflaires ou Perfonnes. revêtus d'un égal pouvoir par & de Ia part des Treize Etats-Unis de 1'Amé- lique ,  C 19) rique , favoir, New- Hampshire , Maffachuretc'sBay, Rhode-Iihnd,Conneór.icut, New-York,NewJerfey , Penfylvanie , les crois Comtés inférieurs fur la Delaware, Maryland, Virginie, Caroline Septentrionale , Caroline Meridionale & Georgië dans 1'Amérique Septentrionale, une Paix ou une Trêve avec lefdits treize Etats-Unis, nonobftant toute Loi, Adte ou Acr.es de Parlement, matiere ou chofe a ce contraires: fit c'eft en outreNotre Volonté & Bonplaifir. que chaque Réglement, Provifion, Matiere & Chofe, qui auront été convenues la-deffus, entre vous, ledit Richard Oswald & tels Commiffaires ou Perfonnes, comme il elt dit ci-devant , avec lefquels vous aurez jugé propre & convenable de former un tel aarrangement, fi pleinement & di« itinótement mis par écrit & rendu authentique par votre fignature & fceau d'un coté & par les fignatures & les fceaux de tels Commiffaires ou Perfonnes de 1'autre coté ; & eet lnftrument ainfi rendu authentique, vous Nous le ferez pafllr par un des Principaux Secrétaires d'Etat, & c'eft en outre Notie Yolontc & Bon Plaifir que vous Richard Oswald, promettiez & vous engag'ez pour Nous & en notre Royal Nom & Parole, que tout Réglement, Provifion, Matiere & Chofe , qui peut être arrangée & conclue par vous, notre dit Commiffaire, foient radfiés & confirmés par Nous, de la maniere la plus complette & la plus étendue; & Nous ne fouffrirons pas qu'il y foit dérogé ou contrevenu ni en tout, ni en partie, par aucune perfonne quelconque. Et nous requérons par la préfente & commandor.s que tous nos Officiers , Civils & Militaires, & tous nos autres ■ffeclionnés fujets quelconques ,aident & affiftenc, vous ledit Richard Oswald, dans 1'exécut:on de cette Commillion de Nous & du Pouvoir & Autorifation, y contenus Bienentendu cependant, & Nous déclarons ici & ordonnons, que les divers Offices, Pouvoirs & Autorités , accordés par] la préfente, cefferont,feront terminés & deviendront abfolument nuls & fans effet le premier jour de Juillct , qui fera Panree de Notre Seigneur, B 2 ' mil,  C 20) mil, fept cent & quatre-vingt trois; quoique nous ne les aurions pas, autrement, dans Je même tems, revoqué & fufpendu: Et attendu que, dans & par notre Commilïïon & Lettres Patentes fous Notre Grand Sccau de la Grande Bretagne, en date du donné le feptiéme d'Acüt dernier, Nous avons nommé, établi , conüitué & affigné vous, ledit Richard Oswald, pour être notre CommiiTaire, afin de traiter, de confulter, d'arranger & de conclure, avec un CommiiTaire ou des CommilTaires quelconques, nommés ou. a nommer par certaines Colonies ou Plantations en Amérique, y fpécifiées, une Paix ouTrêve avec lesdites Colonies ou Plantations; Sachez donc a préfent, que nous avons révoqué & termiré, & que nous révoquons & terminons par la Préfente notre dite Commiffion & Lettres Patentes, & tous & chacun desPouvoirs, Articles & Chofes, y contenus. En foi de quoi, Nous avons fait ériger ces Lettres de Nous, en Patentes, Témoin Nous mêmes, è Weftminfter le vingtunierae jour de Septembre, 1'an vingt-deux de notre Regne. Par le Roi lui-même, (.Sfgr.é) YORKE. Articles convenuspar £? entre Ricbard Oswald, Ecuyer, Commiffaire de Sa Majejté Britannique, peur traiter de Paix avec les Commiffaires des Etats-Unis ce l'Améiique pour fadite Majejté d'une part; £? Jean Adams, Benjamin Franklin, Jean Jay tSFLenriLaurens, quatre des Commiffaires defdits Etats , pour traiter de Paix avec le Commiffaire de fadite Mujeftépour Eux, de ratitre part; afin d'être inféré &? de conjli. tuer le Traité de Paix, qu'on Je propoje de conclure entre la Couronne de la Grande Bretogne £? lefdits EtatsUnis ; mais lequel Traité ne doit être conclu, que lorfqu'un /era convenu des Conditions de Paix entre la Grand - Bretagne £? la France*. Alors Sa Majejlé Britannique (era prête d conclure un tel Traité. At-  (21) Attendu que des avantages réciproques & la conv'enance mutuelle fe trouvent par 1 expériencé former 1'unique fondement de Paix & d'Amitié entre les Etats, Pon eft convenu de former les Articles du Traité propofé fur des principes d'équité généreufe & de réciprocité tels que tous les avantages partiaux fjces femences de difcorde ) étant exclus , il puifle s'établir une correfpondance fi avantageufe & li fatisfaifante entre les deux Pays, qu'on puifle s'en pro» mettre, & qu'elle aflure a Pun & k 1'autre, une Paix & une bonne Harmonie perpétuelle. Art. I. Sa Majefté Britannique reconnait lefdits EtatsUnis; favoir, le New-Hampshire,la BayedeMaflachufett, Rhode-lfland & les Plantations deProvidence, le Conneóticuc, le New-York, le New-Jerfey, la Penfylvanie , la Delaware , le Maryland, la Virginie, la Caroline Septentrionale, la Caroline Méridionale & la Georgië, pour être des Etats Librest Souverains & Indépendans, qu'il traite avec eux comme tels & que pour lui-même, fes Héritiers & Succefleurs, il renonce a toute Prétention au Gouvernement, a la Propriété & aux Droits Territoriaux d'iceux & de chaque Partie d'iceux: Et pour prévenir tous différens, qui pouraient s'élever a Pavenir, au fujet des limites defdits Etats Unis, il a eft convenu & déclaré par les Préfentes, que leurs limites font & feront comme il fuit: favoir: II. Depuis 1'arjgle Nord-Oueft de la Nouvelle-Ecojfe, favoir eet angle , qui eft formé par une ligne tirée diredlement du Nord depuis la fource de la Riviere Ste. Croix jufqu'aux Montagnes, le long defdits Montagnes, qui féparent les Rivieres qui fe déchargent dans le Fleuve St. Laurent, de celles qui tombent dans 1'Occan-Atlantique , jufqu'a la fource la plus B 3 Nord-  r--3 Nord Oueft de la Riviere Conneêticut;de la defcendant & longeant le milieu de cette Riviere jufqu'au itjme, degré de Latitude Septentrionale; de la par une Jigne droit k 1'Oueft, par la même Latitude , jufqu'a ce qu'e;le parvieune a laRiviere des Iroquois ou Cataraquy . de la en longeant le milieu de cecte Riviere jufqu'au Lac Ontario, a travers le milieu dudit Lac, jufqu'a ce que la ligne parvierrnca la Communication par eau entre ce Lac & le Lac Erié, de li le long du milieu dc ladite commitnication dans le Lac Erié traverfant le milieu dudit Lac jufqu'è ce. qu'elle arrivé a la communication > par eau entre ce Lac &' le Lac Huron; de la en longeant le milieu de ladite Communication par eau entre ce Lac & le Lac fupérieur; de la è travers le Lac Supérieur au Nord des Mes Royale & Phelipaux, jufqu'au Lac Long; de \h en longeant le mi* lieu dudit Lac Long & la Communication par eau entre ce Lac & le Lac du Bois jufqu'au dit Lac du Bols, de la a travers ledit Lac jufqu'a la pointe la plus Nord-Oueft d'icelui, & de la fuivant un cours direftement Oueft jufqu'a la Riviere Miftiffipi; de la par une ligne a tirer en longeant le milieu de la Riviere Miffiffipi, jufqu'a ce qu'elle coupe la partie la plus Septentrionale du 3imf degré de Latitude Septentrionale. — Au Sud par une ligne è tirer droit a 1'Eft, depuis le point déterminé de la ligne mentionnée en dernier lieu par Ja Latitude du 31"^. degré au Nord de 1'Equateur jufqu'au milieu de laRiviere Apalachicola. ou Catahouche; de la en longeant le milieu de cette Riviere jufqu'a fa réunion avec la Riviere Flint; de la diredtement joint la fource de la Riviere Ste Marie, & de la defcendant le long du milieu de Ia Riviere Ste Marie jufqu'è 1'OcéanAtlantique — A 1'Eft par une ligne a tirer le long du milieu de !a Riviere St. Croix depuis fon Embouchure dans la Baye de Fundy jufqu'a fa fource;de la depuis fa fource diredtement au Nord jufqu'aux fuftiites Montagnes, qui féparent les Rivieres, qui fe j etsen: d-2s rOceaK-Atlantiquej dc celles qui tombent dans  (*3) dans le Fleuve St. Laurent, en y compren-at toutes les lues, a la diftance de 20 lieuesj de tou.es les Par- * des des Cótes des Etat-ünis, & fituées entre les lignes a tirer droit a 1'Eft, des Points oh lefdites limites entre la Nouvelle-Ecofle, d'un cóté, & la Floride-Oriëntale, de 1'autre, toucheront refpeétivement la Baye de Fundy & 1'Océan Atlantique k I'exception des ifles qui font a préfent ou ont été ci-devant dans 1'enceinte des limites de la dite Province de la Nouvelle-Ecoflè. j HL II eft convenu que le peuple des Etats-Unis continuera de jouir fans moleftation du droit de pêcher du poiffon de toute efpece fur le Grand - Banc & fur tous les autres Bancs de Terre Neuve» comme auffi dans le Golfe de St. Lsurent & dans tous les autres endroits de la mer, oh les habitans des deux pays avaient coutume de pêcher ci-devant de tout tems: pareillement que les habitans des EtatsUnis auront la liberté de prendre du poiflbn de toute efpece dans telle partie de la cóte de Terre-Neuve, oh les pêcheurs Britanniques ont coutume de le faire (mais nullement de fécher ou de préparer le poiffon fur cette ifle) ainfi que fur les cótes, dans les Bayes & les Criques, de tous les autres Domaines de Sa Majefté Britannique en Amérique; & que les pêcheurs Américains auront la liberté de fécher & faler'le poiflbn dans toutes les Bayes, Havres & Criques non occupées de la Nouvelle-Ecoffe, des ifles de Madelaine & Labrador , aulft longtems qu'il n'y aurapoint été formé d'établiflémens. Mais aufïïtót'que ces Bayes, Havres ou Criques, ou aucun d'iceux, auront été occupés par des étabhffemens, il ne fera point permis auxdits pêcheurs de fécher ou de préparer le poiflbn dans un tel établiffement, fans être préalablement convenu è eet effet avec les habitans, propriétairei ou pofleffeurs du terrain. II eft convenu que les créanciers de part & d'auB 4 tre  ( 24) tve n'éprouveront aucun obftacle légal, pour récou» ' vrer la pleine valeur en argent fterling de toutes juftes dettes contradtées ci-devant de bonne-foi. - V. II eft convenu que le Congrès recommandera férieufement aux Affemblées legiflatives des Etats refpedtifs, de pourvoira reftitution de tous biens» fonds, droits & propriétés, qui ont été confifqués, appartenant a des fujets réeliement Britanniques,, ainfi que des biens-fonds, droits & propriétés des perfonnes réfidant dans les diftrifts en poifeflion des armes de Sa Majefté, & qui n'ont pas porté les ar» mes contre lesdits Etats-Unis: Et que les perfonnes de Tune ou Pautre dénomination auront pleine liberté de fe rendre dans coutes les parties d'aucuns des Treize Etats-Unis & d'y réfider 12 mois fans être inquiétées dans leurs efForts pour obtenirla reftitution de ceux de leurs biens-fonds,'droits & propriétés, qui peuvent avoir été cor.fifyués: Et que le Congrès recommandera de même férieufement aux différents Etats une nouvelle confidération & révifion de tous adres & loix , qui regardent les objets ci-deffus, de facon a rendre ces loix ou adtes parfaitement compatibles non - feulement avec la juftice & 1'équité, mais avec eet efprit de conciliation, qui, au retour des bénédidtions de Ja paix, doit univerféllementpré» valoir. Et que pareillement le Congrès recommandera d'une maniere férieufe aux différents Etacs,que les biens fonds, droits & propriétés des perfonnes mentionnées en dernier lieu, leur foienc reftitués, a la charge par elles de rembourfer a quiconque en pourraitêtre préléntcmenten poffeffion, le prix de bonne-foi ( s'il en a été donné aucun) que de telles perfonnes pourraient avoir payé, pour 1'acquiütion d'aucune desdues terres ou propriétés depuis Ia confifcation. • Et il eft convenu que toutes perfonnes, adluellement intéreffées aux terres confifquées,"fok a titre de dettei, contrat de mariage ou  C05O ou autrement, nerencontreront aucun empêcnement légal dans la pourfuice de leurs juftes droits. VI. Qu'il ne fera plus fait de confifcations a 1'avenir, ni commencé de pourfuites judiciaires contre aucune perfonne ou perfonnes, pour, ou k raifon de la part qu'elles peuvent avoir prife a la guerre préfente; & que perfonne ne fouffrira a ce fujet aucune perte ni dommage futurs, foit en fa perfonne & liberté, ou en fa propriété, & que celles qui peilvent fe trouver détenues lur de telles accufations au tems de la ratification du Traité en Amérique, feront immédiatement mifes en liberté & que les pourfuites ainfi commencées feront difcontinuées. vii. II y aura une paix ferme & perpétuelle entre Sa Majefté Britannique & lefdits Etats, & entre ies fujets de 1'une & les citoyens des autres; c'eft pourquoi toutes hoftilités par mer & par terre cefleront alors immédiatement; tous prifonniers des deux cótés feront-mis en liberté, & avec toute la célérité convenable fans caufer aucun dégat ni enlever aucuns negres ou autre propriété des habitans Américains. Sa Majefté Britannique retirera toutes fes armées, fes garnifons & fes flottes desdits EtatsUnis & de chaque port, place ou havre dans Tenceinte d'iceux; laiflant dans toutes les fortifications 1'artillerieAméricaine, qui pourra s'y trouver: Sa Majefté donnera également ordre & fera en forte que toutes archives, regiftres, acr.es & papiers appartenant a aucun des Etats ou de leurs citoyens, qui dans le cours de la guerre peuvent être tombés entre les mains de fes officiers, foient reftitués fur le champ & remis aux Etats refpedtifs & aux perfonnes , auxquels ils appartiennent. B 5 VIII.  C 26.) VIII. La Navigation du Miffiffipi depuis fa fource jufqa'k 1'Océan reftera pour toujours libre & ouverte pour les fujets de la Grande-Bretagne & les citoyens des Etats-Unis. IX. Au cas qu'il arrivat qu'aucune place ou territotre, appartenant a la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, füt conquis par les armes de Tune ou des autres, avant 1'arrivée de ces articles en Amérique, il a été convenu, qu'il en fera fait reftitution fans difficulté & fansexiger aucune compenfation. Fait a Paris le 30 Novembre de 1'an 1782. (Jïgnés) Richard Oswald. jean Adams. Benjamin Franklin. Jeanjay. Hen. ri Laurens. Témoin Caleb Whiteford, Secrétaire de la Commiffion Britannique. W-T. Franklin, Secretaire de la Commiffion Américaine. Articles particuliers pour rArmiJlics ou fufpenjion d'armes, De'claration. Comme les articles préliminaires arrétés & fignés aujourd'hui entre Sa Majefté le Roi de la GrandeBretagne, & Sa Majefté leRoi Très-Chrétien d'une part, & auffi entre Sadite Majefté Britannique & Sa Majefté Catholique d'autre part, renferment la ftipulation. de la cefl'ation des hoftilités entre ces trois Puiffances , laqueüe doit commencer après 1'échange des Ratifications defdits Articles préliminaires; & comme par le Traité provifionel. figné le trente Novembre dernier, entre Sa Majefté Britannique & les Etats-Unis de 1'Amérique Septentrionale. ilaétéftipulé que ce Traité fortirait fon ef- fet  C 27 ) fet auflltót que la paix entre lesdites Couronnes ferait récablie, le fouffigné Miniftre - plénipotentiaire de Sa Majefté Britannique déclare, au nom & par ordre exprèsduRoi, fonMaïtre, que lefdits EtatsUnis de 1'Amérique Septentrionale, leurs fujets & leurs pofteffions, feront compris dans la fufpenfion d'armes fus-mentionnée, & qu'ils jouiront, en conféquence, du bénéfice de la ceflation des hoftilités, aux mêmcs époques & de la même maniere que les trois Couronnes fusdites, leurs fujets & leurs poffeflions refpedtives, le tout h condition que, de la part & au nom desdits Etats-Unis de 1'Aménque Septentrionale, il foit délivré une déclaration femblable , qui conftate leur affentiment a la préfe nte fufpenfion d'armes & renferme 1'affurance de la plus; parfaite réciprocité de leur part. En foi dequoi,nous,Miniftre-plénipotentiaire de Sa Majefté Britannique, avons figné la préfente Declaration & y avons fait appofer le cachet de nos armes. A Verfailles le vingt Janvier mil fept cent quatre vingt-trois. '' CL.S.) (figné) Alleyne Fizherbert. „ Nous fouffignés, Miniftres plénipotentiaires des Etats-Unis de 1'Amérique Septentrionale, ayant recu de la part deMonfieur Fizherbert,Miniltre„ plénipotentiaire de Sa Majefté Britannique une „ déclaration, relative è une fufpenfion d'armes a „ établir entre Sadite Majefté & lesdits Etats, dont „ la teneur s'enfuit," . „ Comme les articles préliminaires , arretés et ., fismés aujourd'hui entre Sa Majefté leRoi de la \\ Grande-Bretagne, & Sa Majefté le RoiTres-Chrétien d'une part, & auffi fentre Sadite Majefté „ Britannique & Sa Majefté Catholique d'autre part, „ renferment la ftipulation de la ceffation des hoftilités entre ces trois Puiflances, laquelle doit coirt„ meneer après 1'échangedes ratifications desdits ar„ ticles préliminairesj & comme par le traité pro-  C *8 ) „ vifionel figné le trente Novembre dernier, entre „ Sa Majefté Britannique & les Etats-Unis de 1'A" „ mérique Septentrionale , il a été ftipulé que ce -, traité fortirait fon effet, auffitót que la Paix entre „ lesdites Couronnes ferait rétablie, le foufligne ,, Miniftre-plénipotentiaire de Sa Majefté Britan„ nique déclare au nom & par ordre exprès du Roi, „ fon maitre, que lesdits Etats Unis de 1'Amérique „ Septentrionale, leurs fujets & leurs pofieffions „ feront compris dans la fufpenfion d'armes fus„ mentionnée, & qu'ils jouiront en conféquence du „ béncfice de la ceflation des hoftilités aux mêmes ,, époques & de la même maniere que les trois Cou„ ronnes fusdites, leurs fujets & leurs poflefllons „ refpectixes, le tout a condition que, de la part „ & au nom desdits Etats-Unis de 1'Amérique fep„ tentrionale, il foit delivré une déclaration femb, blable, qui conftate leur aflentiment a la préfente „ fufpenfion d'armes, & renferme 1'alTurance de la „ plus parfaite réciprocité de leur part. „ Eu foi de quoi, nous , Miniftreplénipotentiaire „ de Sa Majefté Britannique, avons figné la préfente Déclaration, & y avons fait appofer le cachet de „ nos armes. A Verfailles le vingt Janvier, mil fept cent quatre-vingt-trois. {figné) Alleyne Fizherbert. (L. S) Avons, au nom desdits Etats Unis de 1'Amérique Septentrionale, & en vertu des pouvoirs, dont ils nous ont munis , accepté la Déclaration ci dcffus; 1'acceptons par ces préfentes purement & fimplement, & déclarons réciproquement, que jesdits Etats feront ceffer toutes hoftilités contre Sa Majefté Britannique, fes fujets & fes pofieffions aux termes&aux époquesconvenusentre aadipe Majefté le Roi de la Grande-Bretagne, Sa M-Jefté le Roi de France, & Sa Majefté le Roi d'Efpagne, ainii &dq la même maniere qu'il a été convenu entre ces trois Couronnes & pour produire le même effet. En  C29) En foi de quoi noüs , Mmiftres-plénipotentiaires des Etats Unis de 1'Amérique Septentrionale, avons figné la préfente Déclaration, & y avons appofé le cachet de cos armes, a Verfailles le vingt Janvier, mil fept cent quatre - vingt - trois. (fignés) John Adams. (L.S.) Benjamin Franklin. (L.S.) Copie du I & XXII Art. des articles préliminaires entre la France & la Grande Bretagne; figné a Verfailles le 20 de Janvier 1783. Auffitót que les Préliminaires feront fignds & ratifiés, 1'amitié fincere fera rétablie entre Sa Majefté Trés-Chrétienne & Sa Majefté Britannique, Jeurs Royaumes, Etats & Sujets, par mer & par terre, dans toutes les parties du monde,- il fera envoyé des ordres aux armécs & efcadres, ainfi qu'aux fujets des deux Puiflknces, de ceflér toute hoftilité, & de vivre dans la plus parfaite union, en oublisnt le palTé, dont leurs Souverains leur donnent 1'ordre & J'exemple;& pour l'exécution de cetarticle, il fera donné, de part & d'autre,des Pafiéports de mer aux vaiffeaux qui feront expédiés pour en porter la nouvelle dans les poffeffions desdites Puiffances. Art. XXII. Pour prévenir tous les fujets de plainte & de conteftation qui pourraient naitrc a 1'occafion des prifes qui pourraient être faitesen mer, depuis la fignature de ces Articles préliminaires, on eft convenu réciproquement, que les vaiffeaux & effets,qui pourraient être pris dans la Manche & dans les mcrs du Nord, après 1'efpace de douze jours, a compter depuis la ratification des préfents articles préliminaires, feront, de part & d'autre, reftitués ; que le terme fera a'un mois, depuis la Manche & les mers du Nord jufqu'aux Ifles Canaries, inclufivement; foit da; s l'Océan, foit dans la Meditsrranée; de deux mois, depuis lesdites ifles Canaries jufqu'a la ligne équinoxiale ou 1'Equateur, & enfin de cinq mois dans tous les autres endroirs du monde, fans aucure exceprion ni autre diftinétion plus particuliere de tems & de lieux Su:te  C 30 Suite du même CHAPITRE LX. Coup d'isil fur les intéréts gènéraux de la paix. On voit par les documens que nous venons de rapporter (documens dont le dernier Parlament Britannique demandait la connailTanCe a grands cris) qu'il faut dater du mois d'Aoüt pafTé la réfolution définitive qu'a pris le Miniftere Anglais de reconnaitre 1'indépendance de 1'Amérique. C'était le feul moyen, le moyen infaillible de mettre fin aux calamités de la guerre. Aufïïtót que les préliminaires entre la GrandeBretagne furent fTgnés, & cette derniere reconuue pour Etat indépendnnt, la guerre ne pouvait dur*r. La France, ayant déclaré a la face de 1'univers qu'elle n'avait d'autre vue que d'affermir cette indépendance, ne pou« vait fe reiufer a des conditions équitables de paix, fans alarmer les autres Etats maritimes & fans encourir ie bl&. me d'une ambition dangereufe. II était de fon intérêt évident de continuer la guerre pour porter le dernier Coup au coloffe Britannique & lui óter le pouvoir de jamais fe relever. Elle pouvait fe promettre des avantages d'autant plus confidérables que les triomphes brillans des Anglais dans la derniere campagne n'avaient abouti qu'a des ddfaftres & des pertes; mais le premier pas des An. glais étantfait, la France étaitentraïnée, bon-gré mal-gré, dans la route frayée de la pacification. Les Américains s'étaient, il eft vrai, engagés a ne pofer les armes que de concert avec la France; mais obtenant de 1'Angleterre tout ce qu ilspouvaient défirer.ils n'auraient pas vu,fans impatience une paix li flatteufe pour leurs vceux, retardée par les vues particulieres de leur AlÜé. Si 1'on n'avait a craindre aucune défeftion de leur part, on pouvait en appréhender du mécontentement & des murmures qui auraient affaibli les nceuds de 1'alliance réciproque & rapproché les Américains de leurs anciens freres & amis. Les Efpagnols ayant vu 1'impoffibilité de fe rendre maitres de Gibraltar par la force, ayant vu échouer dans la irême campagne leurs projets concertés avec la France fur la ]ama'iqt.e, & fingulierement embaraflés par le défordre afïreux de leurs finances, leurrés enfin par Ja ceffion agréable de Minorque, des deux Florides & 1'affranchiflement duMexique, devaientfoupirer pour la paix. La France épuifée elle-même par les prodigieufes dépenfesque cette guerre lui a coïuées, voyant s'élever vers les extré- mitéj  C 31 ) mités de 1'Allemagne des orages qui pouvaient ébranlet un équilibre au maintien duquel elle eft elTentiellement intéreffée , fentait viveraent 1'avantage & 1'aifance qu'elle devaic acquérir par la paix. Ces confidérations 1'ont fans doute déterminée. II faut avouer aufli qu'elle a fait des facrifices qui ferment la bouche aux Anglais a fon égard. L'Angleterre elle-même n'a certainement pas lieu d'être mécontente. Elle n'apasperdu les Américains pour leur avoir lendu leurs fermens & les avoir reconnus pour freres & comme égaux. Elle avait perdu fans retour fon commerce exclufifaveceux; elle y avait même renoncé. Elle leur avait tout offert a 1'exception de PIndépendance, le Parlement 1'avait même reconnue, en s'engageant a ne plus les attaquer; elle n'a donc perdu qu'un vain titre fans pouvoir réel; & certainement elle a eu la fage politique de faire la paix sflez tót pour pouvoir y renouer encore faciiement les avantages de commerce qu'elle fe promettait. C'eft même un fujet de gloire pour les Anglais que cette émancipatioti foit emanée du fein de la liberté Britannique. Les plus fages d'entr'eux doivent voir avec une fatisfaétion intérieure une nouvelle bafe mife a leur propre liberté par ce grand événement. Si les Américains euilent été fubjttgués paria force, les enfans de la Grande-Brétagne auraienc payé cette conquête bien cher. II aurait fallu pour retenir ces peuples impatiens du joug, des troupes qui auraienc fervi en même cems a opprimsr la liberté Anglaife. Le gouvernemeut Britannique, ainfi que tous les autres gouvernemens de 1'Europe, voyant dans 1'Amérique libre un afile ouvert a tous les peuples opprimés par les vices de radminiftration & les préjugés reügieux, fera obliaé de faire des réforraes heureufes,dont 1'indépendance de lTrlande & les demandes de reformes dans la Repréfemation & les finances font les heureux avant-coureurs- L'Angleterre doit encore s'eftimer contente de canferver la fupériorité dans les Antilies & dans les Indes Orientales. Ella méritaic une pareille paix, par Ia défenfe courageufe& bril— lante qu'elle a oppoféa a fes nombreux Ennemis. Mais la République des Pays Bas - Unis a tenu pendant cette guerre une telle conduite, qu'elle n'a'guere droit d'efpérer une paix fatisfaifante. Elle n'a faic que des pertes, elle a même refufé poficivement d'agir d'une maniere offei> (ive, elle n'a fu ni impofer a fes ennemis ni fe faire des alliés; une politique contradictoire & oppofée a tous les principes connus, a égaré tous fes confeils; la voix des  C 32 ) des bons citoyens s'eft perdue dans les airs; Ia lenteur dans les préparatifs, rinfubordination dans les officiers, la jnauvaife volonté dans les principaux Chefs, un dévoument aveugle a des intéréts particuliers, 1'a rendu la viftime de fon ennemi, la pitié de fes alliés naturels & la jouet des autres nations. Les erreurs nombreufes qu'elle a faites dans les négociations de paix feront a peine crues par la poftérité. Nous fommes en état de prouver que le blame de cette conduite & des pertes qu'elle nous caufera, ne peut être attribué qu'a la cabale infame des Anglomanes. Les Etats-Géuéraux viennent de publier une fufpenfion d'armes. Ils ont ratifié 1'armiftice. C'eft le feul de leurs Edits qui fera fans doute obfervé. En attendant, la République ne doit rien né»Iiger pour fe mettre fur un pied refpectable fur mer. Nous fouhaitons même qu'elle mon. tre a 1'égard du facrifice qu'on lui demande, une vigueur, une unanimité qui n'a pas encore p&ru dans la guerre; & que, par fes armemens, elle fe mette en état de faire refpefter fes demandes. Cette conduite & une confiance plus entiere en la France dont les intéréts font liés aux fieHS, auraient pu lui épargner un facrifice douloureux & peut-être funefte a la Compagnie des Indes-Orieniales. Mais les prétentions des Angiais a eet égard necouvrentelles pas quelque piége fecret ? Lorfque nous apprlmes quelle pierre d'achopement avait empêché les Plénipotentiairts des Etats d'accéJer a la pacification générale, nous foupconnames dans les Anglais Ie projet adroit d'avoir propofé des conditious inadmillibles, pourattirer la République dans une négociation particuliere. Nous fimes part de nos foupcons a des perfonnes en place. Mais le Miniftere rie France n'eft-il pastrop éclairé pour»'en laiffer impofer a ce point? Nanti de quelques-uns de nos étabiiflemens les plus importans, s'en deffaifirait.il avant d'être affuré que notre paix avec 1'Angleterre ne contient rien de contraire a fes intéréts? Quoi qu'il en foit, ce foupcoa eft actuellement devenu un bruit publicpar faffeiftation ,dit-on, des Régens Auglomanes a in fifter fur le recouvreraent de Negapatnam. On ajoute même qu'il ne ferait queltion de rien moins dans une négociation particuliere, que de donner une folidité nouvelle è la digniié Stathoudérienne par une garantie formelle da la part de 1'Angleterre .• Nous examinerons dans la feuille fuivante a quel point ces foupgons peuvxent Ure fondés. (AuxAdreJJes ordinaire*}.  L E POLITIQUE N°. CVIII. LUNDI, ce3 MARS, 1783. Suite du CHAPITRE LX. S Sur les interets gênêraux de la pacifi'cation. Nous apprenons que la publication que nous avons fake du Dialogue politique entre un Rêpublieain , un Anglomane & un Franciis avait rencontrée quelques défapprobatcurs. Nous n'avons fait que rapponer fidelement tout ce que chacun de cestrois interlocuteurs ont dit, & pouvaient dire. Ceux qui nous ont obfervé que les meilleursraifons étaient dans la bouche du Francais, n'ont pu nier que nous n'avionstuaucune de celles que ies deux autres pouvaient alléguer en leur faveur. Nous ne fommes ici que les rapporteurs d'un procés entre plufieurs parties qui doivent fe défendre ehacune , par ia bonté de fes raifons & de fa caufe. Auffi le plus grand nombrc de nos lefteurs a-t-il apnlaudi a cette maniere de préfenter les hommes & 'es chofes. Nous avops recu, è eet égard, des foffrages infiniment flatteurs par la dignité & les lumifres des perfonnages Les matieres que nous avons a traiter, étant également délicares & curieufes, nous fuivrons Tomii V. C donc  (34) donc le plan du même dialogue; & pour en venir plutót aux fujets qui font actuellement Pobjet de 1'intérét public, nous réclamerons la liberté en ufage parmi les poëtes; nous confondrons les tems & les fujets; & nous fuivrons moins le fil de la con« verfation dont nous avons été les témoins, que la liaifon des matieres, fuivant qu'elles paraftront mériter un développement plus prompt & fuivant que notre mémoire nous en offrira la fuite & le tableau. D'après ces préliminaires , nous renverrons a d'autres tems, ce que nous avons entendu touchant les auteurs de cette malheureufe guerre & les réflexions diverfes occafionnées par les préliminaires différents entre les diverfes puiffances. Nous commencerons par les réflexions oppofées que les négociations actuelles & les embarras de la République ont fait naftre. La fuite du dialogue acquiert un nouveau dégré d'intérêt par l'accefilon de 1'interlocuteur Britannique. Cette oppofition nous a femblé plus propre a faire reffortir les objets. Ce fut 1'Anglomane ou plutót le Stathouderien (car il avait radouci fon ton ) qui ouvrit la matiere fur les nêgociations aftuelles de paix. 11 entreprit d'abord de difculper fon parti des vues fourdes & obliques qu'on lui attribuait, en parlant en ces termes: L'ardent Statbouderien. On nous fait grand tort, en nous attribuant des projets fourds & cachés contre la liberté de notre patrie. Nous fommes autant éloignés de la vendre a PAnglecerre que de la livrer aux Francais. Mais cette fois la calomnie s'eft trahie elle.même. Nos Ennemis n'ont montré que leur acharnement & leur injuftice. Tantót ils prétendent que depuis le contmencement des troubles jufqu'è préfent nous n'avon\cheminé que d'erreurs en erreurs.& defauifes démarches en fauffes démarches. Acliuellement ils nous attribuent la politique la plus rafinée & la plus  C 35 ) plu-s fubtile. Cette guerre était d'abord, fuivant ces détrafteurs, combmée entre les maifons de Hanovre & d'Orange, pour opérer dans 1'Etat une révolution propre è affermir la dignité Stathouderienne fur les débris des lihertés nationales. Et roaintenant que les malheureux cffets de nos trou bles intérieurs montrcnt évidemment que cette guer« re aurait bien p'utót été tramée par les Ennemis du Stathouderat, afin de prcfiter de 1'embarras de cetce guerre pour réduire cette autorité a rien ou a peu de chofe, on nous accufe de travevfer Ja conclu» fion définitive de Ja paix.. afin de ménager une négociation particuliere a la faveur de laquelle les Anglais travailleraienc a récablir le Stathouderat fur une bafe nouvelle, afin d'y recouvrer par la leur ancienne infiuence. Je vous avoue que je ne concois rien a ce projet. J ai toujours regardé la paix comme le moment le plus défirabie pour le repos de la patrie & la tranquillité du Chef éminent qui a tant fouffert par Paltération de cette paix. L oppofition des villes anti-Stathouderiennes a la ceffïon de Negapatnam & le refus qu'a fuit le corps équeftre óc les deux villes qui, fuivent ordinairement 1'avis de ce corps, d'infifter fur le recouvremenc deiNegapatnam & fur la liberté des mers de 1'inde, prouvent évidemment que tout projet qui tendrait aretarder 1'heureufe conclufion de la paix eft une nouvelle calomnie de nos ennemis. L'ardent Rêpublieain. Ainfi vous vous diftinguez toujours Meffieurs les Stathouderiens; mais ce n'eft pas lorïqu'il s'agit de foutenir les intétèts effentiels de la patrie. Oni 1'accufation qu'on forme contre vous n'eft ciue trop plaufible. Nous n'avons g:rde d'être la dupe de 1'cppofition apparente du corps équeftre. Nous avons même eu tout lieu de croire que 1'Angleterre aurail laïfi cette occafion pour faire jouer au Stathouder le lóle de métliateur & nous rappeler k fes C 2 inté-  C30 intéréts,.en nous intimant que nous ne devrons qu'a fa puilTante interceffion les faveurs qu'elle aurait pu nous accorder. Elle n'aurait peut-être pas été la feule k vouloir garantir la conftitution appelée Stathouderienne; elle aurait peut-être attiré d'autres puiltances dans cette garantie, Dès lors la République n'aurait jamais pu entreprendre la moindre efpece de réforme, fans être expofée aux menaces de ces terribles garants. Ou plutót elle ferait devenue Pefclave de ces puiffances. Le Frangais. II me femble que vos deux fuppofitions fur les projets des Stathouderiens font contradictoires; nous autres Frangais qui n'avons aucune raifon de haïr cette dignité, qui, accoutumés au contraire au gouvernement monarchique, trouvons qu'il eft très-utile que les pouvoirs foient réunis fur une feu»? le tête pour le fecrct & la célérité des opérations, fommes naturellement inclinés k révérer une dignité comme celle de Stathouder , & nous n'avons intêrêt d'en traverfer les intéréts que lorfque celui qui en eflrevêtu paraic dévoué aux vues ambitieufes de nos Ennemis natuyels qui font les- vó'. tres Mais fuppofé que les Princes d'Orange voulufient abandonner un fyftême qui n'eft appuyé que fur des confidérations particulieres de fang & de familie, & n'eft dans le fond analogue ni è Ia politique de ces derniers tems ni è leur propre ïntérét, nous ferions les premiers a les foutenir paree que Pintérêt de la France eft inféparable de la profpérité de ce pays qui ne peut bien fleurir quautant que tous les membres qui le compofent tendent au même but du bien commun. Les alliances de fang doivent fe faire devant les intéréts d'Etat, & fi ces alliances de fang font trèsutiles pour relTerrer 1'union des Etats, qui empêche votre Stadhouder de jeter fes vues fur des Prir>  C37) Princes ou des Princefles de France pour former des écabliflemens a fes enfans. Guillaume I s'eft allié avec les Bourbon & les Coligni; & les Princefles fes filles n'ont pas dédaigné 1'alliance des Montmorenci cc des « • • La répugnance que pourrait occafionner la diffcrence des Religions eft encore moindre a préfent qu'elle ne Pa été dans les fiecles précédens oh la fermentation religieufe était dans toute fa force & fa chaleur. Si Guillaume V veut fe donner la peine de jeter un coup-d'ceil fur fon arbre généalogique, il verra que le fang des Bourbons cou!e dans -fes veines auTi bien que celui de Hanovre, Le fang des Rois de France aurait-il moins d'éoergie que celui des Rois d'Ang'.eterre ? Un Prince qui voit fa dcfcendance remonter par une fiiiation glorieufe de tant de monarques jufqu'aux Capets, jufqu'aux fondateurs de la Monarchie Francaife, doit il attacher plus d'intérêt a'celui de Princes qui ne regnent que depuis peu & par une révolution dont la legitimité n'eft pas fans conteftation? Ce n'eft donc que par une politique bornée & malcntendue qu'on alléguerait les alliances faites, ou a faire-entre les maifons de Hanovre & d'Órange, pour en déduire que cette derniere eft intéreffée a lbutenir la première contre la France. Cette erreur' qui ne fuppofe pas 1'élévation du génie peut caufer les plus grands maux a 1'Etat, comme il eft arrivé de cos jours. Vous craignez, Mr. PArdent Rêpublieain , que cette faufle politique ne fubtifte encore. Vous imaginez qu'il y a entre les deux maifons un plan fecret pour relever le Stathouderat aux dépens de la liberté nationale. Pourquoi donc êtesvous les premiers 4 lui fournir Poccafion d'en venir a cette négociation particuliere, en refufant d'accéder a la paix générale par une ceflion de peu d'importance? C 3 Var]  C 38 ) L'ardent Rêpublieain. De peu d'importance! Negapatnam eft non-feu* lement le centre d'un commerce puiffant; fa fituation nous met encore a portée de foutenir & d'approvifionner l'Ifle de Ceylon. tlle eft le centre oü fe réuniffent les toiles blanches , bleues, peintes, imprimées, fines & groffieres que la Compagnie tire pour fa confommatioo d'Kurope & des Indes; foit dé Bimibpatan , de Paliacate , de Sadraspatan; foit de fes' Comptoirsde laxótedela pêcherie. Toutes les march mdifes, qui fonnent communément quatre a cinq mille balles, font portées a Negapaf nam. Par le moyen de eet entrepót, nous vendons a la cóte de Coromandel, du fer, du plomb, du cuivre, du colin, de la toute-nague, du poivre, des épicer'tes. Nous gagnons fur ces objets des millions, fans compter ie produit des douanes. Mais la liberté des mers de 1'Inde, c'eft-a dire des Molucques que demandent les Anglais, eft un objet de bien plus grande irnportance encore. Qui ne voic qu'ils n'ont d'autre vue que de s'établir eux-mémes dans ces parages & de nous en chaffer. II y a longtems qu'ils ont formé ce projet. II y a pres de deux ceus ans que nous avons des querelles avec eux fur ce point. Leur conduite paffee annonce affez leurs projets futurs. S'ils parviennent t nous chaffer , vous verrez alors, s'ils accorderont aux autres nations ce qu'ils demandent aftuellement de nous. Le Francais. Je n'ai jamais été dans ces pays lointains, pour favoir au vrai 1'irnportance des ceffions demandées par 1'Angleterre. Je fuis obligé de m'en rapporter è des relations étrangeres. L'Hiftonen phliofophe qui n'avait aucune raifon de diminuer 1'importance de Negapatnam, & qui ne pouvait prévoir que eet v éta»  C39) établiffement ferait 1'objet de la conteflation actuelle, parlc ainfi de Negapatnam, „ Les dépen- fes de ces établiiïemens Hollandais, montent a " huit eens mille francs; & 1'on peut avancer, i fans crainte d'être accufé d'exagération, que le ' fret des vaiffeaux abforbe le refle des bénéfi' ces, Le- produit net du commerce de CoroZ mandel n'eft donc , pour la compagnie, que le . profit qu'elle peut faire fur les toiles qu'elle en " exporte. Son commerce fur la cöte de Mala- bar eft encore moins avantageux. II a com, mence a peu pres dans le même tems & s'eft auffi établi aux dépens des Portugais." Ainfi parle 1'Abbé Raynal. Or de tous ces établifiemens, on ne vous en demande qu'un feul. Tous les autres vous font reftitués. Quant a la demande d'une navigation libre dans toutes lesmers de 1'Inde, je vous avouerai ingénument que je crois, comm'e vous, que les Anglais ne vous la demandent que pour en abufer. Mais foit que vous leur accordiez, foit que vous leur refufiez cette liberté, ferez-vous eiji état de les empécher de faire eet abus? Vous ne pouvez exiger d'eux qu'une déclaration explicative comme quoi cette demande ne tend pas a envahir le commerce exclulif que vous avez dans ces pays. Ils vous 1'ont donnée cette explication. Hs s'bffrent a. la coucher formellement dans le traité. Ils fe foumettent, dès lors, comr me ils étaient foumis auparavant, è être confifqués, au cas que leurs vaiffeaux foient pris faifant infradlion a votre commerce exclufif. U Anglais. Ntjus me permettrez de vous obferver que notre prétention , toute dangereufe , qu'elles vous paraifïe , n'eft pas abfolument mal fondée. Nous venon' de renoncer folemnellement a nos prétentions fur ce qu'il nous plaifait d'appeler les mers Britanniques; nous n'avons employé dans le Traité C 4 que  C 40 ) qae nous venons de conclure, en parlant de ces mers, d'autre dénomïnation que celle de Canal tg? mer du Nord. Nous avons par la comme anéanti les anciennes entraves que nous vous impofions dans ces parages. En un mot, nous avons, foic par ce£ acle, foic par la reconnaifl'ance de 1'Indépendance Américaine, foic par d'autres démarches, reeonnu cette liberté des mers que vous avez fans cefle réclamée contre nous & qui eft la bafe de votre exiftence politique & de la profpérité de votre commerce, Nous fommes donc forcés a demander la méme 1'berté de la part des autres nations, & furtout de vous qui i'avez invoquée fi fouvent con-» tre nous. Vardent Rêpublieain. Cette liberté des mers eft fans doute un droit de la nature, mais celle du commerce, étantun objee de convention entre les divers peuples, quiconque viole ces conventions, faic par la une infraction au droit des gens. Toutes les nations font convenues de ces principes. Qu'auriez-vous dit, Meflieurs les Anglais, li nous avions empiété fur votre droit au commerce exclufif des colonies Américaines, avant que votre difpute rendit ce droit douteux ? Que diriez-vous a préfent, li''nous empiétions fur votre droit au commerce exclufif dans vos Ifles des Antilles? L'Anglais. La propriété de ces Ifles nous appartient; mais vous n'en pouvez pas dire autant des Molucqucs, ni même de 1'Ifle de Csylon. C'eft autant & peut être plus par 1'oppreflion oü vous tenez les Princes In* diens qui regnent dans ces contrées , que par vos traités avec eux que vous avez acquis le commerce ©xclufif des épiceries.; '  (41 ) L'ardent Rêpublieain. Et c'eft juftement cette fituation, qui nous rend vos demandes plus alarmantes. Nous ne pouvons affujettir ces Princes a nos vues que par la force. Nous n'avons même guere fu faire aimer notre adminiftration dans ce pays. Un Empire qui n'a de bafe que la violence n'en eft que plus chancelant. ]} eft donc de 1'intérêt évident de la France de nous foutenir contre les demandes des Bretons qui fe frairaient une route nouvelle a la puiffance a nos de. pens. Le Francais. Si la France n'a pas mieux époufé vos intéréts fur ce point, vous ne devez en imputer la faute qu'a vous feuls. Vous avez été invités dans les négo« ciations pour la paix générale, ainfi que les autres nations belligérahtes. Mais fallait-il que les Plénipotentiaires des autres Etats abandonnaflent le foin de leurs intéréts & les befoins de leurs peuples qui demandaient la paix, a la marche lente ou plutót a Pinaciion totale de vos Plénipotentiaires. Ils n'avaient aucune inftrudtion pour fe déterminer dans les cas imprévus; ils étaient obliges de préfumer, de deviner les vues de leurs conftituans. Laffairc a^luellement en litige étant du reflort de la Compagnie des Indes Orientales; au lieu d'envoyer en France des hommes de tête & de lumieres, des hom. mes degagés de tous préjugés. leurs Agens y font venus remplis de préventions contre la nation Fraricaife. Au lieu de s'ouvrir franchement & en toute confiance au Miniftere Francais, ils ont porté les foupcons & la défiance des petites ames & des pctites mtrigues dans tous leurs procédés; ils fe font amufés a des négociations avec des particuliers; .& Jorfque le tems de corclure s'eft approché, ils n'ont pas fu même développer toute 1'importance que leurs commettans pouvaient attacher a ces établiftepens. Pourquoi n'avez vous pas fu lier d'avance C 5 vos  C 42 ) vos intéréts a ceux de la France ? Pourquoi vous êtes-vous laifféégarer par ceux qui vous infpiraient des foupcons contre une alliance Francaife a laquel]e vous étiez plus intéreffés que la France ne 1'étaic ? Pourquoi avez-vous attendu au moment de la fignature des Préliminaires , a préfenter un plan d'opórations communes. La iignature des préliminaires entre 1'Angleterre & 1'Amérique cn date du 30 Novembre, ne devait-elle pas être un avertiitement fuffifant des arrangemens qui devaient fuivre néceffairement du ce premier? Point de tout. Vous n'avez fait vos offres que le feize Janvier, c'eft-a dire lorfque les chofes étaient trop avancées pour qu'on put réuffir. L''Anglais. Mefiieurs les Hollandais, vos fineffes font couvertes de fil blanc. Croyez-vous que notre Miniftere ne voit pas oü tendent tous vos délais & votre réfiftancc. Vous regardez notre Miniftere adtuel comme chancelant. Vous efpérez un changement d'adminiftration qui fera plus favorable h vos intéréts. Vos yeux font tournés fur le parti du Duc de Richmond & de Richard Fox. Vous auriez a vous fiatter que ces fougueux zélateurs, rétabüs dans le Miniftere, auraient plus d'égards pour vous Mais favez-vous fi le parti des Lords North & Stormend ne triomphera pas? Du moins ces deux pan is paraifferit réunis rontre 1'adrniniftration adtuelle. Ils confondront leurs vues. Ils feront intérefies, pour leur propre gloire, a ne pas vous céder plus que ne vous cédaient les Miniftres précédens. Peut-ttre même augmenteront-ils leurs demandes. La foi publique n'eft engagée que pour les traités conclus & non pour les traités a conclure. Le Francais. Quoique je me fois permis de parler avec fa liberté  C43) berté Francaife dé vos délibérations'politiques, je vousavouerai, cependanc, que je fuis bien éloigné de condamner la réfolution vigoureufe de la plunart des Membres des Etats de Hollande. Au contraire, bien loin de b&mef votre politique a eet égard k 1'excmpledc 1'Anglais qui vient de parler, j'v trouve un traitde.la politique la plus fine & la plus profonde. En rcjetant, avec lidee de ceder Negapatnam, celle d'une négociation particuliere & directe avec 1'Angleterre, vous hez des lors de a mamere la plus étroite la caufe de la ïrance a la Vötre. Vous liez néceffairement le Roi a vos intéréts de la maniere la plus légicime & la plus flattent pour lui. Vous le forcez, par les principes de 1'honneur autant que par les vues politiques, a foutenir vos intéréts prüs vivement encore qu il ne foutiendrait les fiens. Vous lui montrez le danger qu'aurait pour lui une négociation parti. culiere & direéte a la faveur de laquelle Angleterre pourrait renouer fes anciens haifons politiques. Si elle doit vous abandonner ce que vous ne voute pas céder, il vaut mieuxque vous en ayez obhgation k la France qu'a 'Angleterre. La France elle-même ne pouvant voir d un ceil indifferent un manége pareil, eft dès lors intéreffee a employer Tout ibnPcrédit en votre faveur. Or il eft ccrtain que fon crédit fera plus que les vues politiques que ?on prête au Miniftere Angla1S en faveur de la Matfon d'Orange. Cette poiitique de votre part peut rénarer les maux que vous vous etiez faits par la néWence a pourvoir vos Plénipotentiaires dinftruction & k veiller k ce que les Agens de la Compagnie conféraffent avec confiance & cordiahté avec les Miniftres Francais & ne laiflaflent pas échipcr le moment de leur expofer toute Fimportance des celfons que 1'Angleterre demandait de vous. Je fouhaite fincerement que cette politique adroite aic le fuccès dcfiré. Nous ne pouvons nous cacher que la France eft autant & peut ■ être plus mtercffêe que vous k ce que les Anglais nobtiennent  C44 ) pas ce qu'ils demandent. S'ii arrivait donc que Ia Cour de France, avec tout fon pouvoir & fa bonne volonté, ne füt pas en état de vous procurer 1'objet de vos défirs légitimes, vous êtes trop prudens pour lui en favoir mauvais gré. Elle a commencé , il eft vrai, la négociation fur le plan d'une pacification générale. Son honneur eft intéreffé a vous y faire comprendre. Mais vous n'exigercz fans doute pas qu'elle fe commette de nouveau k toutes les horreurs de la guerre, au rifque d'être abaodonnée de fes deux autres alliés qui font contens de la paix & au malheur de 1'humanité qui, récréée du'doux efpoir de la paix, fe verrait, en frémiffant. replonyée dans toutes les calamités de la guerre. C La fuite au N°. procbain.) Lettre au Politique Hollandais. Le tems oü nous vivons eft un tems de miracles: nous y voyons des chofes qu'auparavant nous n'aurions jamais crues, bien loin de. les efpérer. Comme parmi les obfervateurs politiques vous étes celui qui vous êtes le plus attaché k développer les eftets & les caufes, j'ai recours a vous pour vous prier de détourner un moment vos auguftes regards des matieres fublimes qui vous occupent, pour les jeter fur mon ignorance & mon embarras. Je ne fuis qu'un pauvre Bourgeois qui ne fait des événemens pubhcs que ce qu'il en lit dans les Gazettes & qui les lit affez régulierement, & qui aimant fincerement fa patrie prend bcaucoup de part a tout ce qui peut toucher fon honneur ou fes intéréts Sur cette confiance je vais vous propofer mes doutes. Les voici. Je lifais dernierement dans la Gizette de Diemermeer la Lettre du Roi de Pruffe aux Etats de Hollande oü il répond a celle que nos Magiftrats lui envoyerenc, pour lui demander raifon des Magiftrats de  C AS ) deClevesqui avaient refufé de faire arrêter les deux Vermeulen. Voici les réflexions que m'a fait naitre cette lettre, que je vous prie d'inférer avec les réflexions qu'elle m'a fait naitre. • R E' P O N S E. DeS.Maj.leRoi de PrulTe è la Lettre de Coraplainte de L. N & G. P. les Seigneurs Etats de Hollande & de Weft-Frife concernant le refus, fait par la Régence de Cleves, d'arrêter a leur réquifition les Libraires Vermeulen, Pere & Fils, & le Suédois Undeen, Fuyards de la Haie, a 1'occafion de 1'émeute du 6 Décembre 1782. Dlobks , Grands & Puiffants Seigneurs, cbers & par. ticuliers Foifins Gf Amis» Fre'de'ric&c. Nous vous aflurons préalablement de notre amitié & ue tout ce que nous pouvons d'aillenrs de bon & d'agréable. V. N. Puiflances ont jugé a propos de nous adieffer une Lettre en date du 28 Décembre de 1'année derniere, par laquelle vous nous portez des griefs contra notre Réj-erce de Cleves fur ce qu'elle a refufé de livrer & de faire arrêter, a votre réquifition, quelques Perfonnes fuguives de la Haie, accufées de fédition & nommées Vermeulen, par laquelle Lettre vous defirez de nous: que nous déjapprouviom cette conduite; que nous accordiom a favenir ia prompte extradition des Fugitifs,& quo.it cas que les fusdites Perfonnes fe trouvent encore dans nos Etats nous lesfafpons arrêter & vous les livrions. Quant a cette derniere demande, il ne nous fera guerre pcffible d'y déférer, puifque, de 1'aveu même de V. N. Puifian. ces, 'es Perfonnes en queftion ne fe trouvent plus dans nos Erats; & , pour ce qui concerre les plaintes portées contre nbtK Régence de Cleves, nous ne voyons pas qu'elles foient fondées, puifqu'elle n'eft en droit d'arrêter & de traduire qui que ce foit fans nos ordres particuliers, & que d'ailleurs Mrs. les Etais n'ont point jugé convenable de lui indiquer le moindre grief avéré k la charge des fufdits Fngitifs qu'ils ont fait pourfuivre. Deplus, nous appre nous d'un autre cóté & il appert même, par la Letire de V. N. Puiflances, que les Perfonnes ci-defius rotniré^s n'oni été jufqu'a ce jour convaincues d'aucun crime & quj ce n'eft que' fut un vain foupcon qu'on a envoyé a leur pour.  C 45 ) pourfuite. Dans des cas aufli incertains, auflT douteny», votre République n'a certainement pas coutume d'acquiefcer a de pareiües réquifition?. Les chofes étant ainfi, ce feroit a tort que V'. N. Puiflances croiroient avoir a fe plaindre de notre équité & de notre juftice, fi, pour cette fois, nousne pouvons condefcendre k leur demande & fi, au contraire , nous ne pouvons que leur marquer uotrê furprife de ce que, comme nous le tenons de bonne main, ce procédé extraordinaire & la Lettre même qui nous a été adreftée n'ont point toures les marqués d'authenticité& d'approbation des Etats ur.animes de Hollande & de WeftFrile, une grande partie des Membres s'y étant oppoléa forraelleinent. Par.la, nous ne pouvons que conjeéturer qu'un funefte mal-etendu a occafionné cette démarche inopinée & que les malheureufes difl'entions & la fermentation intérieure oü fe trouve !a République y ont une part principale; & c'eft la. deflïis que notre Envoyé Extraordinaire de Thulemeyer a déja fait, de notre part, des ouvertures a quelques • uns des princ:paux Membres de la République & fera connoire plus amplement', en cette occafion, nos intentions a L. H. Puiflances, en leur mar. quant combien nous fommes touchés de la malheureure fituation ofi fe trouve la République. Ayant, avec la plus grande vraifemblance, poré tout ce que nous venons de dire, nous requérons inflamment & ex'nortons, de la maniere la pius lérieufe, V. N. Puiflances, de ne point fe lailTer emporter par des foupcons deftitués de toutes les apparences, fomentés uniquement par des têtes chaudes inquletes, ambitieufes, a faire quelque démarche hafardée) tendant a cbanger ia forme du Gouvernement, dont les fuites ne pourroient étre qu'extrêmement funeflcs a la République: mais, au cwwaire, qu'elles prennent a lache, en coupant racine a tout getme de reffentiment & de' divifion, de foutenir la forme du Gouvernement fubfiftante fi heureufement, depuis tant d'amréjs, ainfi que de conferver les prérogatives dues aux Perfonnes qui con • coutent au Gouvernement de la République,laquelle, dans les conjondures critiques oü elle fe trouve, a plus befoin que jamais que tous fes Membres Ibient unis par les liens les plus forts de i'union & de I'unanimiié. Nous efpérons que V. N. Puiflances auront egard a nos confeils & aux repréfentations amicaies que nuus leur faifons cc  (47) & qu'elles les recevront comme provenant d'un véritabte Arai qui piend 1'intérêt le p!us effentiel au bonbenr & è Ia préfente conftiiution de leur République & qui ne fauroit être indifferent a fon fort, de quelque maniere qu'on voulut jamais yporter atteinte. C'eft dans ces fentiments que nous fommes &c. Donnéa Berlin ,1e 13 Janvier 1783. (Signé) Fre'de'ric (Et plus bas) Comre de Finkenftcin , tan Hertzberg. Ainfi parlc le Roi de PrulTe. On nous affcre que cette Lettre ne renferme que les confeils d'un bon ami & la bienveillance d'un fincere allié. On voit cependanc que les confeils de ce grand Monarque ne font pas abfolument cxempts de partialité & qu'il incline beaucoup pour le parti défavoué par la généralité de la nation. Cependant cette pluralitó a toujours é:é regardée dans toutes les Républiqucs, comme la parti qu'il fuut fuivre, furtout quand il eft confacré par la fanólion des corps légiilatifs. Auill n'ai-je pu m'empécher d'etre étonné en ïifant dans cette lettre, que celle des Etats n'a point touies les marqués d'autbenticité <ü? d'approbation des Etats Unanimes de llollande & de Weft-Frife, une grande parlie des Membres s'y étant fvrmellement oppofée. j'ai cru en effet d'après ce récit qu'il y avait une grande fciffion dans les Etats. Mais quc le aété ma furprife en Ïifant, a ce fujet, qVs la Gazette de Diemermeer un note, ou Pon faifait remarquer qu'il n'y avait eu d'autre oppofition que celle de la Nnblcfle qui n'a qu'une voix, contre celle de dix huit villes votantes, qui repréfentent la fouveraineté de toute la llollande. N'ayant jamais oui dire que, dans des affaires de üolice intérieure, 1'unanimité füt requife, je me confolai de cette atteinte portée a Phonneur de mes Souverains, en penfanc que le grand Frédéric pouvait avoir été trompé par des informations infideles. Mais ma furprife s'elt changée en perplcxité, en Ïifant dans la Gazette citée, une rétractation de  C 48 ) la nóte oh 1'on commentait le texte du Salomon da Nord. Cette rétractation de la part d'un Ecrivain qui paffe pour outrer les bons principes me tient depuis longtems a cceur. Puiique vous paraiffez avoir des informations fideles, daignez répondre a mes queftions. Serait'il donc vrai que la pluralité de quinze k dix-huit voix au moins n'a pas été pour la lettre écrite au Roi de Pruffe ? Cette lettre ferait-elle, comme finfinue Sa Majefté, le fruit d'une cabale fomentée par des têtes chaudes, inquietes & ambitieufes? Comme les Magiftrats d'Amfterdam ont fans dou* te influé fur cette rétraclation, auraient.ils défavoué une lettre, qu'on affure avoir été revêtue, dc la fanétion de leurs Députés, qui méme, dit oü, en ont fourni les prémières idéés. Ou bien n'eft ïl pas permis a un citoyen de donner décemment &fans expreffion injurieufc une explication tendant a juflifier aux yeux de fa nation, fes Souverains injuriés & outragés ? Sera-t-il permis aux Princes étrangers & aux Ecrivains qui vivent fous leur domination d'infulter. de tourner en ridicule ceux dont nous fommes obügés de refpedler les ordres & de défendre en même tems a un fujet zé!é de prendre leur défenfe? Notre fort ferait-il pire que celui de Venife, oïi du moins 1'on fait pendre les détraélcrirs du gouvernement, en impofant lilenee a fes panégiriftes? Les matieres d'Etat font-elles devenues dans notre République des chofes facrées auxquelies perfonne n'a droit de s'intéreffer que les Levites ou Régens? Ou bien faudraic il adopter 1'affertion des "Ecrivains étrangers qüi peignent nos Régens comme les efclaves de 1'Etrangcr & les Delpotes de leurs concitoyens? Cette derniere idéé me fait horreur: daignez lever mes doutes. {Aux Adrejjes ordinaires').  L E POLITIQUE N°. CIX. LUNDI, ce 10 MARS, 1783. Suite du CHAPITRE L„ Sur les conféquences de l'Indépendance Amêricaine. Lettre au Politique Hollandais. Monsieur! "ï""\nns les veilles comme dans Ie fommeil, lés hom-» mes onr des ré' ves, qui viennenc fouvent ou du délire d'un efprit fortement exalté, ou de quelque dérangement dans le phyfique. On a vu des réves très-fpirituels faire une vive imprefüon fur des efprics trés-éciairés & trés- inftruits, Comme on en a vu'donc le fonds tenait a la plus grande bizarrerie & faifait honte rnême au lens commun.. Celui dont i'ai 1'horineur de vous retracer Pimage, n'eft 1'effet ni de la folie ni de 1'indifpofitiori; c'eft 1'amour ;e plus tendre & le plus vrai pour la Patrie qui Pa produit. Depuis quelques années je nourriffais les regrets ltfs plus vifs fur le fort dênlorabie qui menacait ce Tome V; D pass  pays, s'il ne s'occupait férieufement des moyensde récablir dans Pefprit des nations, ce fentinient de grandeur, de prudence & de confidcration qu'on éprouvait autrefois au feul nom des Pais-Bas-Unis, de ce peuple commercanc, navigateur & conquéranc; qui, non conrent d'avoir vaincu, & forcé les élémens qui menacaient fon exiftence, aconcourir a fa profpérité, fit fervir les débris du tröne d'un defpote odieux a élever un remple a la liberté. L'univers étonné Padmira; &, comme il offïait le magnifique fpeclacle d'un Peuple-Roi, on aimait a lui décerner les titres qu'on donne aux peuples devenus libres & puiffans par leur courage. Tant de grandeur amena une profpérité briljante. Son commerce embraffait les quatre partjes du monde, & fes pofieffions furtout en Afie rendaient prefque toute PEurope fa tributaire; de fes ports , il fortaic des flottes marchandes qui portaient continuellement a toutes les PuifTances les objets dont elles avaient befoin. Des jours fi profperes n'auraient jamais du finir ! mais comme la profpérité n'a de durée qu'autant que la pureté des mosurs & 1'amour du travail vont de pair avec la févérité des loix, cette profpérité difparut par degrés jufqu'a ce qu'enfin les mceurs , la vertu, le travail, le courage & les loix firent place a la corruption, 1'indolence, la faibleffe & 1'anarchie. Tels étaient les tableaux que j'avais fans ceffe dans Pefprit en penfant a ma patrie; & c'eft a ces imprefïions réunies aux caufes & aux fuites de cette guerre que je dois le rêve fuivant. Ce qu'il y a de fingulier c'eft que la fcene fe pafte dans une Loge de Francs-Mngmi, ou, devant. comme Oratcur, prononcer un difcours; je paffai fur les formalités ufitées dans eet ordre & commengai ainfi. Mes trè; • cbers Freres! Plus les momens font précieux, plus il faut les employer avec économie & utilité. Le fujet que j'ai 3 <  & traiter aujourd'lmi eft vafte; il me foutnirait une ,ample matiere è la difcuflion, puifque c'eft fur la révolution de 1'Amérique; mais je rne bornerai è la confidérer fous deux points de vue; i°.quant a fes effets par rapport a la guerre qu'elle occafionne, quant a fes fuites par rapport aux Nord-Américains en particulier & a PEurope en gónéral. En*, ■fin du réfultat de chacune de ces confidérations je tirerai des conféquences relatives au pays da je vis. La partie Septentrionale de 1'Amérique, qui vient de donner au refte de cette pa?cie du globe le fignal de la liberté, gémiffait, depuis plus de deux fiecles, fous le defpocifme de PEurope. Elle ne le fupportait que paree qu'elle n'avaic point encore les moyens de s'y fouftraire; mais elle les préparait en fi* lence; & 'leur maturité feule devait en Fa'éiliter le fuccès. Dès qu'un Peuple connaft le prix de la li* berté, il en defire la jouiffance, alors il eftrarequ'il ne devienne libre: exiftence, propriétés, tout doit érre facrifié a la victoire. Auffi longtems que cette révolution n'eft point entamée , annoncée, fourenue & confommi'e, le péüple qui la defire eft malheuteux. Les Nord Américains ont fouffcrt toutes les privations, toutes les horreurs de la guerie, pour devenir indépendans; & c'eft a ce prix feul qu'ils ont arraché leur liberté des mains de 1'oppreffion. Plus heureux que les peuples des Pays-Bas-Unis, ils ont eu un plus grand nombre de circonliances favorables, qui toutes ont concourua accélérer cette révolution. La trance a toujours été la feule Puiffance qui aït époufé la caufe des opprimés. On diraït qu'elle aime mieux faire des peuples libres que de Petre elle-mê:ne. Si les Etats-Unis fe tiennent en garde contre la 'corruption des mceurs; s'ils reflenc inviolablement attachés a leurs principes; s'ils font obferver les 'loix; s'ils ne fe laiffent point égarer par le nombre 'des émigrans qui viendront de toutes parts augmenD 2 ter  C 52 ) ter leur population & leur induftrie; s'ils font affez fages pour refter dans le cercle oü ils font placés; fi ia foif des conquêtes ne trouble point leurs confeils , s'ils obfervent une exacte neutralité dans les guerres d'Europe & d'Amérique, dont cette derniere para-fr devoir être longtems encore le funefte ..théatre; *'ils protegent cette neutralité par des apparences redoutables, par une flotte toujours prête a fe porter oü le befoin de 1'Etat peut ie demander; fi furtout enfin, ils confervent entre eux cette unanimité , cette intimité qui a formé leur union; leur bonheur & leur profpérité n'ira qu'en augmentant, & le commerce des Indes & de 1'Eu, rope venant d refluer dans leurs ports, approvijionner leurs villes, enricbir leurs babilans, n'amentra point avec cette abondance les caufes dangereufes de la faiblejje & de l'avi/ijfement des peuples qui s'occupent plus a devenir ricbes £? puijjans, qu'beureux £? refpe£iés Si au contraire, ils fe gouvernent jur des prihcipes diffêrens, leur triompbe a£buel jera l'avantcoureur de leur ruine, il en naltra de .la méfintelligenceparmi les chefs, des difcu'f ons épineufes dans lesdélibérations, & des guerres inteftines dans le fein de la nation ; c'eft alors qu'au lieu d'avoir élevé un temple précieux a la liberté- ils n'auront-fak que forger a leurs defcendans desfers, peut-être encore plus pefans que ceux qu'ils venaient de brifer. Nord» Américains .vous avez eu une Puiflance pourmodele, gardez-vous de 1'imiter cn tout! que fon exemple vous garantiffe de la jaloufie de vos voifins, & des dangers d'une trop grande opulènce! Ea révolution d'Amérique eft de toutes ies guerres cehe qui peut avoir ies fuites les plus funeftes pour lés Etats-Unis en particulier & pour' 1'Europe en géneral. II eft poflible que le même efprit qui a fomenté, concerté, réfolu & opéré cette indépendance dans le fein des poflefiions Angiaifes, puifle fomenter, concerter, réfoudre & opérer une pareille indépendance  C53 ) dancc dans le fein des poffeïïlons que confervent encore la France, 1'Angleterre, 1'Efpagne & la Hollande dans les autres parties de 1'Amérique. Dans, ce cas, les Etats-Unis fe trouvemnt dans la cbamftance la plus critique. S'ils refufent des Jèrvices d leurs voifins jaloux de marcber fur leurs traces, ils s'expofent d tous les inconvéniens d'un voifinage dangereux; font-ils cau/e commune aveceux, ils révoltent les Puiffances ennemies, ils cbaJJ'ent la paix cff le bonbeur du fein de leur Etat. S'ils prêtent des fecours d quelque Puijjance ae l'Europe que ce foit, ils courent les mémes dmgers ; ies refufentils, ils font ingrats. L'Amérique paratt devoir être encore Inngtems le théatre des guerres des Europeen'; les poffjfions dans cette partie du monde feront longtems encore ie vébicule pw.JJant de la juloufu Cjf de l'ambition des bomvies, £f m ceffera d'être telle quaprèi avoir entier ement Jecouê le joug de l'Europt, ce qui prouve démonJtrativement que fa découverte ejt un mal pour les deux hémifpberes. N'eft -il pas a prcfumer qu'ure partie de 1'Amerique n'a fonné la trompette que pour en apoeler le refte fous les étendarts de la liberté. Les Sauvages fi jaloux de leur indépendmce, £? les Ëuropéens trunspiantés fur cette plage ,fi jaloux de développer des talens oude vouloir jouer une tók, ne peuvent-Is pas je rêmir pour travailler a ne dépendre abfolument que d'eux feuls? Ainfi que i'Angleterre, le5 nations intóreflees a empêcher cette révolution, fentiront comme elle de quel danger il eft d'en arrêter, d'en empêcher les prog'ès & la réufiite; ces nations auront aparts qu'il vaut mieux céder avec générofité que de plier avec baffeile. Tous les efïorts des Européens viendront fe brifer contre les écueils du nouveau monde. L'üurope un jour fera heureufe, fi les peuples libres du nouveau monde ne viennent pas fondre fut ele, poa- lui donner des fers a fon tour: cette D 3 con".  (54) conqutte ferait d'autant plus factie C53 plus rapide que les Européens éjfèminé> auront ptrdu leur courage £? leur ancienne énergie. Puifque ln. vraie fageffe confifte h véger le préfcnt fur le paflé, & è penfer plutót a être heureux qu'aledevenir, Peuples des Pays Bas Unis., mes cher* Concitoyens! ne méprifez pas mes confeijs, profitez en, je vous conjure, fi vous en svez le cou« rage comme vous en avez encore le pouvoir. La paix que les Puiflances belligérantes vont conclure entre elles, vous fera certainement onéreufe. congez que cette paix, riu plutót cette trêve, n'eft que 1'efiét des circonftances & non de la fincérité ! La fiere Albion n'aurait jamais confenti h mettre bas les arrn.es, fi elle eüt pu les garder. Elle ne recoit la loi du vainqueur que pi.ur fe préparer les moyens de s'en venger en tombant fur lui au premier moment fvooralle d fon rejjentiment. Pendant eet intervalle elle va fe réconcilier avec 1'Amérique y dont elle fera toujours le plus grand commerce* L'babitude oü 1'on eft en Amérique de confommer les marebandifes de fabriques Anglaifes, forme au moins quelque préfomption en faveur d'une aflertion pareille» On l'a dit quelque part; même langage, même religion, même origine, mêmes caraclercs., prefque une même familie, tout parait annoncer une réconciliation folide & durable. Si elle eft telle & que 1'Angleterre foit afiurée que les Ktats-Unis refteront neutres, elle fu]citera dans toutes les Colonies. Frangaifes, Efpagnoles & Hnlhndaifes - eet efprit d'inquiétude, de cabde, de révolte £f de fédition, qui lui eft propre; & pour fe venger de fes ennemis actuels, elle offrira è ces nouveaux Infurgens les mêmes fecours que la France a fl gratuitement accordés aux Nord Américains;de la divifions, guerres, acharnement de part & d'autre , foulevement dans toutes les pofleffions Européenes du nouveau monde, une fcifiion enfin qui brifera è jamais tous les rapports injmédiats des deux hemifpheres. L'Eu"  (55) L'Europe Paura produite, & 1'Europe en fera punie la première. Que de conféquences a tirer' d'une pareille révolution! Avant que 1'Angleterre fe lie intimement avec 1'Amérique, avant qu'elle s'empare de la plus grande partie de fon commerce, avant que les Américains apprennenc a fe paffer de 1'Europe pour faire direclement fon commerce; avant que nous perdions par nos lenteurs le fruit de la reconnaiffance de leur Indépendance, Mtons-nous, chers Concitoyens! dc profiter de ces circonflances pour confolider par des opérations réelles cette alliance du traité de commerce que nous venons de contracler avec eux. Unifïez-vous k eux par les liens de 1'intérêt, puifque dans ce fiecle on n'en connait réellement pas d'autres, furtout de nation k nation. Fortifiez vos places au dehors & au dedans; rétabliflez votre marine ; rappelez le fiecle de vos Tromp & de vos de Ruiter , réformez dans votre adminiflration tout ce qui caufe trop de lenteur dans vos déliberations, rappelez dans tous les cceursde vos officiers qu'ils font les defcendans des vainqueurs de Philippe; reprenez vos mceurs, votre économie, votre franchife, votre courage , votre ancien caractere , afin que n.unis de ces puifTans feccurs, il n'y ait aucun ennemi affez audacieux pour vous provoquer impunément Si, malgré ces vérkés, vous n'en faites aucun ufage, craignez de perdre entiereroent votre confideration , votre pouvoir, Pos moyens. \'os poffeffions ne fauraient même •*';_• 1 l'a bri dc la jaloufie, de 1'ambition & ae la perf K< dc voa ennemis acharnés a fe partager vos dé- iiouittes; — A ces mots j'cntendis un grand )ruU; (/^nr dmiie on annovcait un Profant,) je rrj'éveillaj en (urfaut &, Pefprit rempli de ces idéés j nelcvai pour les écrire & vous les envoyer. Hcure tx M »*en trouve une feulement qui puiffe mttrcfTerl D4 P.$.  ( 56 ) P.S. Pro jet pour une paix perpètuelle. J'allais fermer ma lettre lorfque les moyens de parvenir a une paix perpètuelle font venus fe préfenter k mon imagination; ils pouvaient bien être appelés un rêve , cependant je vous avoue franchement que je fuis pour le moment très-éveillé. Un de mes vce'ux les plus finceres eft de pouvoir yapprocher, le plus qu'il eft poffible, tous les hommes de ce centre commun oh réfldë la vraie félicité & latendre union. En époufant ie parti de 1'humanité. il ne s'agit. pour le foutenir & le défendre, que d'ii terpréter fon propre cceur, & d'y puifer les' moyens d'en rendre les fentimens avec"candeur & ilmr/.icité Perfuadé qu'il faut plus d'efprit que jc n'en ai pour montrer quclles puiffances il importe le plus a ma patrie de ménager, j'abandonne volontiers 3 Meffieurs les Politiques & furtout a vous Monlieur, la g'oire d'indiquer les moyens qui lui funt le plus avantageux, & je fouhaite que, s'ils font tels que vous tachez de le perfuader, elle n'en fuive point d'autres dans les circonftances a&uelles. Pour parvenir a confolider k jamais une paix conftante & inébranlableparmi les Nations qui couvrent la furface du globe; il ferait a fouhaiter qu'il exifiat fur la terre un Etat affez puiffant & affez refpeêté pour engager toutes les Puiflances a concourir k ce bienfait falutaire, & que d un concert unanime pn nommat un Sénat d'hommes integres & vertueux qui fut 1'arbitre de tous les différcns qui furvicn» draient entre les Puiffances, & qu'après un examen rigoureus des droits refpeêlifs, on convrac mutuellement de déférer k la fentence prononcée par ce Sénat. Ce Sénat ferait compofé d'hommes affez vertueux pour n'avoir d'autre patrie que 1'univers, d'autres amis que la juftice & la véiïté, d'autre intérêt,d'autre gloireque celle qui nafcrait d'une confiance aufli illuftre,: Ja faveur, la brigue ni la najf-  (57) naifiance n'auraient aucune influence pour y être admis. Pour compofer un tel Sénat, i! conviendrait qu'il y lüc dans chaque Provinee une affemblée pour choifir le citoyen le plus éclairé & le plus homme de bien ; chaq'ue élu ferait envoyé dans la capitale de I'Empire, oü une autre affemblée ferait occupéc fans partialité a choifir 3 d'entre ces hommes de bien qui pourraient réunir le plus de fuffrages & le plus de preuves en leur faveur, Chaque Puiffance de PEurope aurait dgalement 3 Dépurés pour Par* femblée générale. On fixerait leur réfidence dans 1'endroit le plus a la portée de la correfpondance générale. Ces Députés feraient nommés a vie; fur 3 Députés il y aurait un Préfident, qui recueillerait les voix ou Popinion des deux autres pour procéder enfuitc fur Parrêt a prononcer. Toutes les années la préfidenee ferait dévolue a un nouveau Député è la pluralité des voix. Ce Sénat aurait par fa feule autorité le droit de réprimer 1'audace & 1'injuftice de tout infraéteur quelconque; mais avant de procéder a une teile inflitution, il ferait abfolument néceffaire de régler les limites des Empires & de ies regarder comme facrèeg. Voilé mes idéés... elles font PefquifTe d'un plan qui exigerait les plusgrands foins & les détails les plus exacts. Ne ferait - il donc. pas poffible que le petit rombre des Têces couronnéés , dont le forc, 1'état & la vie de tarit de mjllions d'hommes dépendent, fe réuniffent par un principe de tendrelfe pour leurs fujets , pour leurs families , par amour enfin de Phumanité, amour facré que 1'Etre fuprême a gravé dans tous les cceurs, & que malheureufement nous afFaibliflons trop par notre ambition démefurée! Qu'il ferait beau en efiétde réalifer le brillant rêve d'une paix perpétuelle! Ne pouvons nous donc pas efpérer que lesSouverains fe perfuadent unjour que rien n'eft plus injufte, plus crue! & plus inhumain que de s'égorger mutue lement pour des caufes quelque f ois très-légeres,tandis qu'un fimple particulier D j rou«  C 58 ) rougirait d'avoir pu s'oublier pour 1'affaire même la plus grave, & que le réfultat des guerres ne caufe que le malheur des individus & la décadence des Empires, paiT'épuifement de. leurs finances? Si les Souverains penfaient que leur bonheur ferait d'autant plus grand qu'ils ne ie devraient qu'a leur fagefïe, è leur prudence , & qu'entourés de leurs fujets, comme un pere 1'eft de fes enfans,ils feraient bénis & adorés chaque moment de leur vie; ce fentiment feul de fclicité devrait les conduire a pacifier tout ce qui dépendrait d'eux. Mais fi c'eft une fatalité que cette vérité, cette tendre affection ne puiffent animer que des ames fans puiffance, fans autorité, il faut déplorerla fituation des Souverains qui feuls caufent ces défolations, puifqu'ils pourraient feuls les éviter. Si les Puiflances de 1'Europe fe réunifTaient un jour pour concourir & cette paix fi néceffaire au bonheur du genre humain, il eft è préfumer qu'elles ne negligéraient pas de s'affranchir des honteufes vexations, que le Roi de Maroc exerce fur Elles, en les aiTujettiffant a des tributs, qui tiennent autant de la barbarie da tiran, que de 1'inertie des tributaires. L'ILftoire feule de ces brigandages politiques fuffirait pour en démontrer toute la balTefTe & 1'inutilité. Une chofe qui me frappe & m'étonne c'eft que fi 1'on confulte féparément tous les hommes, & qu'on leur demande s'ils préferent la paix ou la guerre, j'ofe me perfuader, d'apiès mon ceeur & mes amis, qu'il n'exifte aucun individu qui n'accédat a ]a paix, & qui ne voulüt même 1'acheter par quelque facrifice fi elle en dét endaic. Pourquoi donc ces hommes réunis forment-ils des cabales, des prótcntions injuftes? Pourquoi, par un efprit d'effervefcence inconcevable portent-ils le fer, la mort& le feu chez des nations qui ne les connaiffent pas? L'homme réuni en fociété, quitte c - il donc alors fes feminiens pacifiques éi na'turels pour tn éprou- vet  (5S> ) % t „ mes  ,, mes la tranquilité publique, paree qu'on pouvait „ dans un inftant fermer tous les dóbouchés. „ Cette allégation n'eft rien moins qu'exacte : „ Tout eft fermé la nuit a Amfterdam : mais on „ comprend facilement que dans une ville fi gran„ de, & dont le territoire ne s'étend guere au-de„ \k des portes, il eft impollible d'óter en un in„ ftant, pendant le jour, tout moyen de fuite; les „ débouchés ne peuvent être ni affez tót ni afiez „ longtems interceptés pour cela. En fecond lieu, „ fi le local donne quelque facilité pour arrêter les ^ criminels , il cn prête beaucoup davantage pour r„ détruire les traces du crime. Tout le monde „ fait qu'a Marfeille , a Bordeaux & partouc 011 ,, il fe trouve des courants ou de grands amas „ d'eau, les ports & les rivieres fervent trop fou- vent a eet ufage. Or tout eft port & riviere a s, Amfterdam. D'ailleurs plufieurs circonftances „ devraient rendre la police plus difficile dans cette ville qu'a Paris même qui eft trois fois plus „ peuplé „ Amfterdam eft compofé du ramas de toutes les nations; on y trouve auranc d'avanturiers & plus de matelots que partout aiileurs. Or ceux-ci fonc „ les plus indifciplinés & les plus brutaux de tous les nommes; ceux-la les plus fripons, les plus „ intrigans & les plus dangereux. Le levain des anciennes diffentions entre le parti ariftocracique & le démocratique fermente encore dans cette grande ville. On y profelle plus de trente reli3, gions diverfes: les profélites nombreux de ces fectes émules 1'une de 1'autre, fuivent ci prêchent „ prefque dans les mêmes lieux les dogmes & les „ rits de leur croyance. Que détincelles qui „ pourraient produire les plus terribles embrafe\, ments! Cependant cette cité eft habituellement „ & abftraction faite de quelques émotions popu„ laires, qu'excitent deux fois en un fiecle les pré„ varications des municipaux ou les intrigues des „ factions, cette cité, dis-je, eft la plus paifible E 3 „de  ( 70) ,, de toutes les grandes villes; & cela fan- lettres „ de cachet, fans Infpecteors, ni", éxempts de pó,, hce, ni comiTf)'fl;mes de 'quarr.ie.rs, ni toute ,, cette race de üé a:ei rs, qui mfgSfè notre caoi„ tale & nous fuii. ^remSler au fein.de ros foyers „ domeftiques, njr wnprilonncmcrits' arbkraires & „ indtfinis, ni punitkns extrajudiciaires, ni enfin „ tout cc qu'ofcrk les Rois. Nul Bourgeois ne „ faurait être arrêté dans fa maifon, même pour le forfait le plus atroce , que tout le 'Corps de ,, la Magiflratuve ne s'v trrmfportc, & n'attefte „ ainfi folemnelle^cnc que 1'accui'ation efl réelle, t, & que faccufó fera légalement abfous cu con„ damné. Par que;le magie peut- on produire des .„ efFets fi mcrveiUeux? Par le feul ' fëcours des ,, loix, par leur exécudon conflance,. rigide, in„ flexible. Tout Citoyen fait dans eet heureüx „ pays, qu'il eft hou-mc auffi bien qu.é les premiers dcs'Magiftrats: il fie compte pas fur Timpunité. „ II ne c'raint point' 1'op'preffion; rien ne Pexcicd ,, donc a Ia méebanceté .& tout 1'invite a la pnx. „ Aucune fecle ne prévaut, aucun feftairé n'ofe fe faire remarquer, paree que la puïfiancé civile ,,, les traite tous avec b même impartiaüté: & que „ loin de fomenter les lrinés & d'.iurorif.r la per„ fécution, le Magiftrat s'y oppofc de tout fon „ pouvoir: paree qu'il réprime le Profèlytifine, & „ punit toute action qui troublela fócieté,, qüelle que .,, foit la Reügion du délinquant; paree qu'il contient les Pr'édicants dans des limites frès étroites; „ paree qu'enfin en bornant les Miniilres de la „ Religion dominante a la deflerte de leurs éghfes. ,, il a êu grand ibin de rendre leurs piaces piys pénibles que lucratives, & de leur défendre dé parler en public de ce qui intérene I'ordre du Gow " vfrnement. La Puiflance témpörelle dominant abfolument fur la fpiritueüe, conferve.aux Hollan\ dais avec une infatigable vigilance.. 1'héntage ', précieux de la tolérance que leurs Pcres ont ,y payée de leur fang. Leurs Prêtres né font point 5» Pef"  C 7i ) „ perfécuteurs paree qu'ils n'ont ni 1'inrérêt ni fur,, tout le pouvoir dc Pètre: ils ne s'efforcent pa^ de gouverner la terre paree qu'ils n'ont rien a y „ prétendre. Ainfi* la Hollande a trouvé le feul moyen d'établir & de maintenir une iberté de „ confeience univerfelle; c'efl; de détruirel tous les „ motifs intérelïés qui alimentent le ze!e & le „ rendent ardent, opiniatre & funefte. La tolé„ rance illimitée a refroidi la fougue des fanatiques 5, en larendant impuiilante; elle a contenu les dé* „ vots , confondu les menées des prédicans , „ étoufte le Profclytifme, donné h la puifiance ci4, vile une fupériorité inébranlable fur le Corps fa. cerdotal & fur toutes les fedtes. Elle a mainte> „ nu la tranquilité fociale au dépens de 1'enthou„ fiafme, de 1'hypocrifie, de la fuperftition & de la cupidité; elle. a furtout fauvé la nation du „ danger terrible de voir les deux autorités fe iiguer pour appuyer le defpotifme pratique par „ le defpotifme fpéculatif: & le fupplice du ver„ tueux Barnevelt aura du moins fauvé pendant un „ fiecle & demi fon ingrate Patrie. Jamais la fer„ veur des fedtes qui dans le peuple va peut-être „ jufqu'au fanatifme ne produic aucune explofion. „ Quiconque exciterait quelque tvouble pour caufe M de Religion ferait puni avec la plus inflexible „ févérité; on le fait, chacun fe conduic paifible„ ment felon fa croyance, dont il ne rend compte „qu'a Dieu feul. Peut - être dans une certaine „ clafie de citoyens quelques-uns aiment un peu „ moins leur Religion, mais tous aiment beaucoup „ plus leurs femblables. Chacun adore Dieu è fa „ mode, fans débattre quelle ell Ia meilleure ma„ niere de le pricr. La tolérance appelle la tolé„ rance, comme la perfécution rend perfécuteur. „ L'expérience qui e(t "le complément de toutes „ les preuves, lorfqu'elle confirme la théorie, a por„ té en cette matiere la certitude jufqu'a, 1'évidence. „ Par des moyens fi doux, fi jultes, fi fimples, „ fi politiques, fi fages, la Hollande tranquille E 4 „ &  (7= ) & fortunée a profité d:s fautes dc fes voifin? & „ Velt ennchie de leurs pertc. A cette conduite „ modérée fubftituez des coups d'autorité; faites ba'rafcrè une Bulle, fa:tes circuler des lettres de cachet, vous aurez de l'enthoufiafme, du fana„ tifme & des convulfions, au lieu de la profpérité w & de la concorde. ,, Amfterdam, cette école & ce théatre de tolé. rance civile & rcligieufe, cette ville bö fe trou„ vent reünies tant d'adtivité cv: une tranquillitéfi profonde, un ordre fi fimple & fi parfait avec ,, tant de liberté, mériterait fans doute que nous y „ écudiaffions les principes de cette police que nous croyons avoir portée a un fi hauc degré de perfettion Nous pouvons y apprendve duin >ins,',' qu'il eit des méthodes auffi föres, moins difpen- dieufes & plus douccs que les nótres,de mamte„ nir la paix dans la fociété. Ce n'eft pas avec un nombre infini d'hommes, des monceaux d'or & „ des attentats continuels fur la liberté des ci„ töyehs, qu'il eft beau de produire latranquihité „ publique. C'eft en refpeétant les droits de tous, 'j, c'eft en obéiffant aux loix, en employant peu ., d'hommes & d'argent; c'eft, en un mot, en pro- düifant dc grands effets avec de petits moyens. „ Au refte, quand je vante la liberté Hollandaife* ,, ie n'entends pas parler de celle qui eft fondée' ,, fur leur ('onftitution, & que je regarde conme ,, a peu-pres détruite, mais de celle dont jouifient les individus dans le cours ordinaire de la fociété. j, La liberté politique fuit de la Hollande comme 1-, de prefque tous les Etats deM'Europe, (ah! quel., le République marchande la conferva jamais!) „ mais ceux qui ne réfiéchiflent point, ne s'en ap. pergoivenc pas encore, paree que la liberté ci- vile eft a peu prè< intadte ou trés - rarement at„ taquée. Le reuple d'Amfterdam croit pofféder „ la liberté politique, paree qu'il fent fes forces, „ paree qu'on le ménage, paree qu'il s'émeut, crie f, & caflc quelques vitres,deux ou trois fois en cent M ans.  C 73 ) „ ans. Les Magiftrats entendent par ce mot de li„ berté les reftes d'une oligarchie mourante dont „ ils n'ont plus que 1'orgueil, la morgue & peut„ être la corruptinn: entin, 1'infatiable cupidité de „ la nation Holiandaife 1'a privée de ce que les An„ glais appeljent fi bien l'kfprit public, & en même „ tems elle a perdu la bonne foi, qui 1'a rendue fi „ recommendable; & l'efprit d'ordre & d'écono„ mie, qui avait été 1'un des principaux inftru. „ ments de fa profpérité, tandis que le poids d'une ,. dette énorme qu'une folie ambition lui a fait contractei-, les accifes exorbitantes & devenues en „ quelques facons arbitraires, qui en ont réfulté; „ & furtout les révolutions modernes du commer„ ce lui rendaient ces vertus plus que jamais né- ceflaires. Le luxe, fléau deftrucleur du commer„ ce même, dont les efprits étroits & les empiri„ ques politiques croient qu'il eft 1'aliment, le „ luxe précurfeur & compagne éternel de la fer„ vitude, regne deja defpotiquement fur ce pays „ faêlice, qui a tant de befoin de la liberté, & „ que ces diverfes caufes, combinées avec beau,, coup d'autres, telle que 1'ambition , 1'inf uence & „ les ufurpations du Scadhouderat, livreront bien» „ tót ou reftitueront a la mer. Je n'ai prétendu ., louer que la Police d'Amfterdam, qui eft vrai,, ment admirable. Ainfi parle le fils du Marquis de Mirabeau fi próné, quand il publia /'Jmi des hommes, & fi'dé. erié depuis, par fes procés & fes querelles avec fa femme & ce fils. Cet éloge de la police d'Amfterdam eft d'autant plus digne de foi que celui qui 1'a tracé n'avait pas beaucoup a fe louer des Magi. ftrats de cette ville. On fe rappelle encore com. ment ce jeune homme y fut arrêté (*), üvré è des exempts (*) Ce fut (ï je ne metrompe, au mois de Mai 1777; Ie Courier duBas-Rbtn en paria dans le tems; cette faifie fit le plus grand éclat dans ce pays. E 5  (74) exemots de police & mené en France, o!i il fut renferme au chüteau de Vincennes, dont il parait forti depuis quelques mois. C'eft dans un ouvrage irititulé des Lettres de Cachet c? des prifons ü?Etai, qu'il a rendu, eet hommage k Ia ville d'Amfterdam. Cet ouvrage oh 1'on trouve des recherches laborieufes & intéreflantes fur la Conftitution Francaife & fur les abus de 1'autorité, combiné wee'l'bi/ïoire de la Baftille du fameux Linguet, ne peut manquer de faire fenfation. On dit que lé Parlement de Paris eft déja occupé des moyens de remédier a cet abus, qui contrafterait trop avec Ia gloire d'un Roi, qui veut regner par la juftice & fa bienfaifar.ee. s'ils n'étaient fupp; imés. Si cette réclamation courageufe de ces deux viclimes du pouvoir arbitraire, peuvent donner lieu h des réforines,qui affurent la liberté individuelle des citoyens, ils auront rendu un fervice immortel a la France. giuandnous nous rappelons les hiftoires tragiques de aineveit &deLouveftein. que penfer de ces écrivains qui prennent toujours le parti des chefs militaires de la République,' fans penfer qu'une légere prépondéranee en leur faveur, les a mis que'.quefois en état de refcufciterici des (cenes qui ne fontfaites que pour les pays oh regne le defpotisme abfolu d'un feul. On a beau déclamer contre les corps ariltocrati* ques. Soit que dans ce pays les individus qui les compofent, ne forment pas une clafle particuliere de families patriciennes, foit qu'ils foieht obligés de refpefter le peuple du fein dequel ils lont tirés; foit que ce peuple ait par le moyen des requêtes ou des ïnfurréélionsou mêmedansqiielquesendroits direéter ment, part a 1'adminiftration par le choix de f s Repréfentans', il eft cértain qu'on n'a jamais eu dans ce pays des griefs auffi violens a leur charge qu'a celle des individus inveftis d'une autorité fupérieure & particuliere. Ce n'eft pas qu'il ne foit arrivé des cas oh 1'cn pourrait faire des reproches fordés aux corps ariüocratiquesj ce n'eft pas qu'ils n'aient quelque- fois  ( 75 ) fois abufé du manteau des loix pour exercerdes vengianees arbitraires. La maniere rigoureufe dont il a été févi contre les Gazettes Frangaife & Hollandaife de la Haye , quoique cette derniere fut la feule coupable, n'a pas été goütée géneralementde ceux fnêtne qu' défavouaient les principes du Gazetier; quoique plufieurs excufent cette démarche, en alléguant, que cette punitiön n'eft tombée que fur une propriété qui appartcnak a ceux qui infligeaient la peine. Tous les bons patriotes géjpflent encore de ■ oir, qu'én Hollande on n'ait pas encore öté formellement aux Ivlagiftrats Ia prérogative dangereufe de faire fortir , fans forme de procés, qui bon leur femble , de leur ville. Quoique les cxemples de ces fortes d'exils arbitraires foient peu connus, quoique Findépendance municipale des villes différentes en empêche 1'abus, que la Cour provinciale de juftice foit ouverte aux plaignans dans ces fortes de cas, & que ces diverfes raifons empêchent les con"féquences facheufes de cette prérogative, il vaudrait beaucoup mieux qu'elle n'exiftat pas. Ce ferait une nouvelle arme a óter aux détraóteurs de la 'liberté On dirait que 1'autorité partagée entre un grand nombre de membres perd dc fon poids: la conduite de Maurice, de Guillaume II & de Guillaume III prouve au contraire qu'un chef militaire, revêtu de prérogatives particulieres, peut plus aifément faire pancher la balance de fon cóté & que la moindre prépondérance le met en état de fe porter aux procédés les plus tyranniques'& les plus dangereux. Qu'on juge, d'après ces réflexions, appuyées fur les faits, fi la prépondérance que paraiflent acquérir aéluellement les; corps ariftocratiques peut avoir de funeftes cffecs. Suite  (76) Suite du CHAPITRE L, fervant de Rêponfe d la Lettre in/ér éi dam le N°, précédent, fur les fuites de i'/ndépendance Amèricaine, éf fur le projet d'une paix perpéluelle. Monsieur, II n'eft pas d'homme fenfible qui, réfléchiiTant fur les calamités de la guerre, ait pu fe défendre d'un enthoufiafme philantropique, & ne fe foic fouvent demande, s'il n'y aurait pas des moyens d'arrêter cette fureur meurtriere, qui arme les uns contre les autres, des êtres fairs pour s'entre. aimer , & qui ne peuvent être heureux , que par les fecours réciproques de 1'amitié. II n'eft donc pas étonnant que les plus grands génies aient payé tribut a cette fenfibilité, qu'ils aient cru factie ce dont les réflexions méthodiques d'une froide raifon leur auraienc montré rimpoffibilité. II n'y a que 1'opinicn qui puifle, fi r,on éteindre les horreurs de ce fiéau , du moins en diminuer les atrocjtés & les retours. Le progrès des connaiflances humaines montrera 1'abfurde atrocité de 1'art infernal des combats. L'univers déteftera enfin ces conquérants odieux/ qui voyaiénc leur g'oire augmenter , a proportion qu'ils avaient augmenté les calamités du genie humain. Le tems vicndraoii les hommes ne fetairorit plus , en fe profternant devant leurs deltructeurs. Les Homere ne feront plus d'Alexandre, ni les Quinte.Curce de Charles Xtl;une ligue fecrete & falutaire s'établira parmi les chefs des Erats, contre ces Souverains frénétiques, qui fe font un métier & une gloire de foudoyer des légions d'affaflins, pour porter au loin les défolations de la guerre avec la fureur des conquêtes. Quand verrons-nous arriver cet heureux changement dans les opinions? Je ne fais fi je me trompe; je m'expofe volontiers au reproche d'Ecrivain a paradoxe, d'Knthoufiafte aveugle de la révolution Amèricaine; mais je n'ai pu m'empécher de regarder.'depuis longtems,cecévénement, comme le prélude le plus heureux pour ame- ner  ( 77 ) ner ce changement d'opinion, & les conféqtiences falutaires qui doivent en réfulter pour le bonheur de Fhumanité. Je luis donc bien éloigné d'adopter toutes les conjeótures liniftres, que les plus ingénieux fpéculateurs ont pu former fur 1'Indépendarce de 1'Amérique. Je lais que le célebre Linguet en repréfente les fuites fous un jour très-défavorable. Voyons ce que cet éloquent Ecrivain dit a cette occalion, pour régler nos obfervations, de maniere a donner des éclairciflemens fur tout ce qu'on peut alléguer contre cette fameufe révolution. Voici un extrait de ce au'il publiea ce fujet dans fon N°. LXXI. „ C'eft a une chimère, ou plutot a un intérét „ perfonel qu'ils ont facrifié l'exiftence de la moit.è „ de leurs compatriotes, le repos de 1'autre pendant „ quatre ans & même leur poftérité. — Car enfin „ quelles feront les fuites du fardeau dont ils ont „ chargé leurs provinces? „ Les foupcons femés dans le public d'un projet d'accord fourdement ménagé entre 1'Angleterre „ & i'Amérique, ont paru plus d'une fois reprendre „ denouvelles forces.... II eft avéré maintenant „ qu'ils ont fait leur traité Jëparé. „ Qui peutfe diflïmuler qu'a peine la flammepartie de Bofton, pour ravager les deux mondes, fera éteinte, ce port incendiaire & Londres fe rappro, cheront. Toutes les efpcces de Hens tendent a " les unir. Le fang, les affaires, la langue, les mceurs, le culte, le befoin mfmc attirent fans l\ cellè i'Amérique vers 1'Angleterre, & 1'étartenc „ de la France. Quels feront aprcs fon émancipaH tion les objets qui peuvent établir entre el!e & „ les contrées de l'Europe des relations avantageü„ fes ö celles-ci, paree qu'elles en fournironc les „ matériaux Des fabriques?.. Les plus Ütllés „ feront bientót imitées & effacées par i'induffric „ Amèricaine, fi elle fait dans ces Cffmats feconder la nature. ' „ Que  (73) „ Que refcera t - il a. la France après tout le n grand fracas de ce demier efclar.dre ? Les „ frais énormes ...;.& le 'régret d'avoir donné a ,, fes propres Colonies un exemple dangereux, dont „ il etc plus è fouhaiter qu'a efpérer que la mé„ moiré fe perdra dans ces contrées oraeeufes... „ Quel colon des Andlies, en voyant aborder fur fon rivage le pavillon déformais refpe'tté des „ Etats-Unis, ne peut pas fe dire a lui-rr.ême, qui „ 1'a donc affranchi ? Qaels ont été ies motifs qui ont autorifé nos voiims a i'arborer fi fierement „ fur nos mers ?... „ Sans doute il faut des circonftances, des fe„ cours , des voifins intérefles , & peu délicats, „ pour pafler de cette théorie a la poütiqne; mais „ en manque-t- on quand on en cherChe? L'An-, gleterre re fera-1- elle pas attencive a fairenaï re „ ces conjonclures, a offrir ces affiftances? Les „ Etats-Unis eux-mêmes, s'ils acquierent enfin la „■ confiftance qu'on a voulu leur donrer a fi grands „ frais, ne deviendrOnc-ils pas avant peu ou les „ conquérans de ces ifles , ou le irs feduéieurs ? „ ... De ces exemples funefies que peut-il ré- fulter autre chofe que de nouveaux troubles dans „ le monde, de nouvelles pertes pour des I rinces imprudens ou faibles, & de nouvelles calamités „ pour les peuples? ,, Si ce raifonnement efl: proprc a donner de 1'in„ quiétude a la France, combien doit-il être effra,, yant pour 1'Efpagne? ... Les Hibitans du Mexi„ que & du Perou feront-ils plus religieux obferva,, teurs de leur allégearce que ceux de la Penfylva„ nie, ou du Maryland? Ceux ci une fois devcnus ,, des Puiflances ne s'emprefferont-ils pas de fe pro,, curer dans leurs voifins du Continent, comme dans „ ceux des ifles des fujets ou des alliés? „ Les infortunés reftes des races dépolfédées par „ la cupiditéEuropéenne, ne courroht ils pas detou„ tes parts au devant dc ces nouveaux maitres ?.. ,, Les  ( 79 ) „ Les Américains , avantagés par. la nature du „ même genre de richefles 'celles qui font lesprin„ cipaux alimens de k richefie Hollandaife ) ufe-3, ront lans doute de la même économie; c'eft fous 3, le pavillon du Congrès , des treize Provinces, „ & non fous celui des fept, quecirculerontles mats -, „ les goudrons, les clunvres, les farines du nou- veau monde. Ces apprentifs navigateurs.... fe perfeétione- ronc: ils fuppléeront par des loix adroites a Fin* ,, duftrie qui leur manque ; ils écarteront par des „ loix probibitives ces courtiers donc Fempreflemenc a favorifé fi longtems leur inaciion & leurigno„ rance. Le débouché même que femble ouvrir aux 3, Hollandais l'alliance avec I'Amérique , ne peut leur aiTurer que des avantages/ légers & peu dura-- bles Celle-ei aura plus de facilité qu'eux pour „ faire le commerce direét de l'Inde:Et 1'on ne peut „ douter qu'avant peu elle n'en foit 1'entrepót uni- que pour 1'Europe. On ne peut pas douter da- vantage qu'elle ne s'ap;>roprie bientot le cé'.ebre ré3, glement qui a déjdfondé au préjudice de la Hollande „ la profpérité de 1'Angleterre; que le Congrèi ne ré„ dige, ?2e prmnulgue dans fes Etats un a£te de navi,, gation auffi fatal aux entremetteurs Bataves dans ,, le nouveau monde, que le premier 1'a écé dans „ Tanden. Le fucre,Findigo, le vin, 1'eau-de-vie, „ les métaux vraimenc uciles, c'eft a dire autres que ,, Por & 1'argent, feronc a peu prés ies feuls fecours que I'Amérique fera tentée déformais de deman- der a 1'Europe ou a fes pofieffions. Or dans tous „ ces articles, quelje fera la contribucion de la Hol„ lande? Elle n'en produit aucun; & peut-elle fe flatter de continuer a s'en approprier au moins le „ fret, quand les Américains refuferonc de les re}, cevoir d'eax ou pourront venir les chercher di- reftement... „ II eft donc évident que de toutes les puiflances „ qui ont pris pare k cette guerre, il n'y en a pas „ une  CSo) „ une qui n'tót des intéréts direétement contraires \, a ceux qu'elle y a foutenus. „ 11 femble qu'une forte d'efprit de vertige,parti „ de 1'autre continent, fe foit emparé de celui-ci, „ qu'il ait fafciné tous les yeux defEurope; que , les illufions aient réuffi k écarter également tous les minifteres de leur véritable politique, en-les " rendant les uns furieux jufqu'a fe battre, & les „ autres léthargiques jufqu'è négliger les occafions „ les plus favorables. Un oblërvateur ... ferait tenté de croire que la Providence eft enfin dé- terminée a donner a I'Amérique le moyen de fe „ vanger de fes anciens ufurpateurs ;que lesméprifes fans fin de toutes les adminiftrations fur une aufli H importante matiere eft le commencement de cet„ te efpece de juftice. Après tant d'aflertions qui condamnent Ja Révolution Amèricaine, foit dans fes caufes, foit dans fes effets, il parait bien difficile de montrer qu'il eft plus vraifemblable qu'elle contribuera a ralentir la fureur des guerres. Mais voyons. (La fuite au N°. procbain,') L'Editeur de cette Feuille mettra en vente k Ia fin ^e cette femaine : Remarques fur les Erreurs de 1'Hiftoire Philofophique & Politique, de G. T. Raynal , par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale riff. par Mr. T. Paine, Maitre es Arts de PUniverfité de Penfylvanie , Auteur des diverfes Brochures , publiées fous le titre de Sens Commhn, Miniftre des Affaires Etrangeres pour le Congrès &c. traduitesde 1'Anglais &. augmentées d'une préface & de quelques notes par Mr. A. M, Cerisier, gr. 8*.  L E POLITIQUE N». CXI. LUNDI, ce 24 MARS, 1783. 1 ■ — ■ 1 — CHAPITRE LXII. Sur les difficultés d'écrire l'Hifloire de la guerre préfente, &Jürtout celle de la Révolution .tut Amèricaine. m . - . . . | Le fouleveme&t des Colonies Anglaifes contre Ia métropole , le fuccès rapide de cette infurrec. tion, & ks fuites qu'elle doit avoir pour le refte du globe, foit au moment de Ia paix, foit dans un avenir plus éloigné, eft un des plus grands événemens que nous retracent les annales du monde. La fanótion donnée acet affranchiflement, eft un événement unique, On n'avait pas encore vu de puijfance politique naitre Êf devenir adulte en moins de fept ans. Un événement auffi particulier dans fa nature doit renfermer les fingularités les plus piquantes. II n'eft donc pas étonnant que la gloire de les retracer a 1'univers aitexcitérémulation des plus grands génies du fiecle, Mr. G-ull laume Thomas Raynal, fi fameux par fon Hif* ioire Pbïlofopbique & Politique, n'a pas attendu le dénoument de ce grand drame pour en produire les fcenes intéreflantes aux yeux du public. Mais, ToMfc V. F quoi-  quoiqu'il n'ait retracé que le* principaux traits, & que des récits vagues & généraux épargnent bien des épines qui fe rencontrent fous les pas de ceux ■qui entrer>t dans les détails, il s'en faut beaucoup qu'il ait obfervé la fidélité, qualité principale d'un bon Hiftorien. II n'eft perfonne tant foit peu inftruit desaffaires de I'Amérique, qui puifle admettre ce que dit i'Hiftorien politique, foit fur les faits qui ont caraöérifé cette révolution , foit fur les difpofitions du peuple qui 1'a produite, foit fur la politique des nations qui fontentrées dans la querfclle„ foit méme fur la nature du local oü fe font paffés ces grands événemens. C'eft ce que Mr. Paine, Miniftre des Affaires étrangeres pour le Congrès, d Ïortêe de vérifier les chofes, vient de montrer (*). Jn Journalifte Allemand, dit une Feuille publique en annongant 1'Ouvrage de Mr. Paine, obfervait avec ratfon, que la Révolution de 1'Amérique'par l'Abbé Raynal, était plus l'ouvrage d'un Orateur enflammé pour la caufe de la liberté £P entrainê par fon entboufiafme, que a'un calculateur politique-qui combine lenlement & fagement les faits avec leurs caufes, Auffi auraiUon dü intituler ce pamphlel; Déclamation fur la guerre d'Amérique; cette Décld'üüUon, cependant9 ejt, dans beaucoup d'endrsks, marqtiée au coin du génie. Mais l'auteur qui Je cbargera de la tache périlteufe de 1'Hiftoire de la Révolution Amèricaine , doit la lire plutót pour s'écbauffer l'imagu nation, que pour s'injtruire des événement. Qjioi' quil ü y en ait trés ~peu dans cet ouvrage de Mr. l'Abbé Raynal, pref que tous Jont cependant plus ou moins faux ou ctlteres, comme le prouve Mr. Paine. T £ai* C*) Quoiqu'il pnraiiTe qu'on a déja entrepris ou publié deux TradufHohs Fiwcaif'es de cette brochure', imprimée 8 è 10 fois a Londres, depuis fix mois; nous crovonspou? voir afiurer d'avauce, que eelle pubüée' adttiellement par FEditeurde cette Feuilie, fous le Titre.de Remarques ,nefauraicêtre, .111 moins pour.la fidélité & ia divifion méthodiquej inferieure a aucune auire.  C 83 > Qui le croirait? Le fait principal de cette guerre, la caufe rêeile^ de ïinfurreéion ïltt Colonies a écbappè d Mr. l'Abbé Raynal & cl pref que tous lts Ecrivains qui fe font exercés fur cette élrange Révolution. ... Mr. Paine pronve que Mr. l'Abbé Raynal s'ejt trom* pé en attribuant ■ (origine de la guerre d l aSte fur lt thé ou au refus de payer les taxes. La vraie caufe en eft fuivant lui dans l'acïe declaratoire qui fuivu le rappel de 1'aStedu timbre; acte qui, en ojjujettiffant I'Amérique au Parlement Britannique dam tous les cas, ouvrait une vafte carrière au defpotifme. II fe manifefta Memót dans l'a:ïe du tbé; mais cet acïe fe. condaire ne fut pour les Américains que la première occafion de leur infurreélion, dont la caufe exiliait déja. , * J Si Mr. Raynal qui avait eu le plus de facilité pour faifir ces événemens, par ies connaiflinces que/U1 £CVaiC avoir donné fon travail hi/Iorique des etablijfemens Européens dans les deux Indes , n'a pu nous donner qu'un récit infïdele a tous égards, qui fe chargera de la tache périlleufe d'écrire cette HiftoireV Nous favons que deux des plus beaux elprits de la France avaient formé cette brillante entrepnfe. Un Américain célebre, inftruit de leur projet, Jeura fait communiquer la lettre fuivante. adresfée a Fun d'eux. Monsieur. *j aC'eft avec plaifir que j'ai aPPris votre deflein „ décnre fur la Révolution Amèricaine, paree que „ vos autres éerns, qui f^nt beaucoup admirés „ des Américains, contiennent des principes de Lé„ giflation, de Politique & de Négociation aui font ,, parfaitemenc analogues aux leurs; de foue cue „ vous ne pourrez guer.e écrire fur ce fuiet fans „ produire un ouvrage qui fervira a Finilruétion du ,, public , & furtouc a celle de mes Concitoyens. Mais j'efpere que vous ce m'accuferez pa's de „ préfomption d'arfeétation ou dc fingularité, fi "e F 2 „ha.  ( 84 ) „ hazarde de vous dire que je fuis d'opinion qu'il ! eft encore trop-tót pour entreprendre une „ Hiftoire complette de ce grand événement, & qu'il n'v a perfonne ni en Europe ni en Améri„ que, qui, jufqu'a préfent, foit en état de la faire ,, & qui ait lesmatériaux requisou néceflaires pour cela." " „ Pour entreprendre un tel ouvrage, un Ecrivain „ devrait divifer 1'Hiftoire de I'Amérique en plufieurs " ^ï^Depuis le premier établiflement des Colonies en i6co, jufqu'au commencement de leurs „ brouilleries avec la Grande-Bretagne en 1761. , 20. Depuis ce commencement (occafionné par un ordre du Bureau de Commerce & des „ plantations dans la Grande-Bretagne, donné aux „ officiers de la Douane en Amérique, de faire exé„ cuter d'une maniere plus rigourieufe les adtes du „ Commerce & d'avoir recours aux Cours de la „ juftice pour avoir des décrets d'afïïftance k cette fin; jufqu'au commencement des hoftilités, le „ 19 d'Avril 1775- Pendant cette période de 14 „ ans il n'y eut qu'une guerre de plume. ., 30. Depuis la Bataille de Lexmgton jufqu k la „ fignature du Traité avec la France, le 6 Février 1778. Durant cette période de 3 ans, la guerre „ fe fit uniquement entre la Grande-Bretagne & les „ Etats- Unis." . _ , „ 40. Depuis le Traité avec la France jufqu aux „ hoftilités entre la Grande-Bretagne & la France ' premierement; puis avec 1'Efpagne , enfuite jufqu'au développement de la Neutralité armée & k la guerre contre la Hollande. Enfin toutes ces fgenes trouvent leur dénoument dans les ' Négociations de la Paix. . ■ „ Sans une connaiffance diftinftede 1'Hiftoire des Colonies dans la première période, un Ecrivain fe trouvera toujours embaraffé, depuis le commencement de fon ouvrage jufqu'a la fin, pour rendre compte des événements & des caracteres  C 85) qui fe prefenteront k décrire achaque pas, k me!! fure qu'il avance vers la feconde, la troifieme cc " la quatrieme périodes. Pour acquérir une connail" fance fuffifante de la première pénode, il faudrait lire toutes les Chartes accordees aux Colonies, *', & les Commiftons & Inftru&ions donnéesaux Gou. ' verneurs, tous les Codes de Loi des différentes O». loniesfex Treize Volumes in Folio de Statuts fecs& !! rebutansqui nefe lifenc guere avec plaifir m en peu de tems) tous lesRegijtres de la Légiflature des différentes Colonies; que 1'on ne trouvera quen ma" nufcrit & en voyageant en perfonne , depuis . New-Hamsphire jufqu'a la Georgië; les Regijires des Bureaux de Commerce & des Plantations dans " la Grande-Bretagne depuis leur inftitution jufqua ' leur diflblution, comme auffi les Papiers des Bureaux de quelques - unes des Secrétaireries d Jitat. , Jl y a une autre branche de lefture, dont_ Ion , ne faurait fe difpenfer, quand 1'on pourrait fe ! paffer des autres. je parle de ces écrits qui ont ' paru en Amérique de tems a autre, je ne pretends . cependantpas, dans la place ou je fuis, éloigné de , tous les livres cc écrits, en faire une exacte énumération - Les Écrits des anciens Gouverneurs Wintbrop&mnslow, duDr. Matbes, Mr. Prince; " Neals Hiftoire de la Nouvelle Angleterre; Duglas " Sommaire fur les premières Plantations; lamélw. ration progrefftve des terres & ^tat prefent des Colonies Briltanniques; Hutcbinfon Hiftoire de Maf'\ racbuiïetts.Bay; Smitb Hiftoire de New-lork; ' Smitb Hiftoire de New.Jerfey, les Quvrages de " miliamPenn; Dummers Défenfe des Lbartes de la !' Nouvelle-Angleterre; l'Hiftoire de Virginie & plu» Üeurs autres. Toutcela était antérieur a la difpute " préfente, qui commenca en 1761. . Durant la feconde période, les écrits font plus „ nombreux, cc plus difficiles k fe procurer; il fut alors donné au public des Ouvrages de grande " importance: dans les débats entre ceux qui ' furent acteurs dans cette fgene en qua;ite dkF 3 » cn*  ( 86-) „ crivains, il en eft qui méritent d'être diftingoés. On cornpte panri eux les Gouverneurs du Roi „ Pownal, Bemard & Hutcbinfon; Le Lieutenant Gouverneur Oliver; Mrr Sevoal, Juged'nmirau„ té pourHalifax, Jonathan Mayhew, D, D Ja* „ mes Otis, Oxenbridge Tbatcber; Samuel Adams; ,, Jofiah Qjiiniy, Jojepb Warren Ecuyer; & peut- écre les fuivants n'ont pas été moins im« „ port ans qu'aucun des autres, favoir les écrits de Mr. Dickinfon, de Mr. Wilfon & du Dr. Rush de „ Philadelphie.deMr. Living'ion & de Mr. Dougal „ dt New-York; du Colond Bland & d'Arthur Lee „ de Virginie, & de plufieurs autres. Les Regiftres „ de la Ville de Bonon & particulierement d'un Co„ wAtê de Correfpondance ; du Bureau des Cornmif., fi ms de la Douane; de la Cbamhre des Réprefentans ,, & du Bureau du Confeil de MaJJacbuJttt- Bay; en „ outre les Gazettes de la Ville de Boston dans les dcr„ niers tems, pour ne pas dire celles de Nei>:- York „ 8* de Pbiladelphie, doivent être ramaffées & „ examinées depuis 1'an 1760. Tout cela eft né„ cefTaire pour écrire avec précifion & en détail „ .'Hiftoire des débats avant que les hoftilités euflènt „ cotnmencé, compris la période de 1'année 1761 „ jufqu'au 19 Avril 1775, « Durant les troifieme & quatrieme périodes les Regiftres, Pamphlets & Gazettes des Treize-Etats „ doivent être recueillis, ainfi que les Journaux du „ C01.gres (dont cependant une partie eft encore fecrete) & la ColleEtim des Nouvelles Conjlitutions ,, des divers Etats , le Remmbrancer & le Regijtre "annuel, papiers périodiques publiés en Angleter„ re. Les Affaires de 1'Angleterre 6? de I'Amérique „ & le Mercure de France l publié a Paris & le Po„ -litiq-te Hollandais imprimé è Amfterdam, toute la ,, fuite de la Correfpondance du Général Washington „ avec le Congres depuis le mois de Juillet 1775 „ jufqu'a ce jour, qui n'a pas encore été publié & „ qui ne le fera pas non plus jufqu'a ce que Je Congrès 1'ait ordonné ou permis, & permettez- >, moi  C87-> „ moi de vous dire qu'a rrto'ns aue cette vafte „ fource foit ouverte, il ne fera guere poffible è „ perfonne d'entreprendre une Hiftoire de la Guerre Amèricaine: II eft encore d'autres 'écrits d'impor„ tance dans les Bureaux du Comité Sécret , dans le Comité du Commerce , dans le ; Comité des Af„ faires étrangeres , dans le Comiié ce la Tré/ore„ rie, dans le Comité de la Marine, dans le Bu„ reau de la Guerre (autant qu'il fubfifte) & du „ Département de la Guerre, de la Marine, des „ Finances & des Affaires étrangeres depuis leur infti- tution. II y a auffi des Lettres des Mini/tres „ Américains en France, Efpagne, Hollande 6c d'au- tres parties de,1'Europe. La plupart des documents & matériaux étant encore fecrets', c'eft un démarche prématurée que „ d'entreprendre une Hiftoire générale de ]a Ré-' „ volution Amèricaine; mais 1'on ne faurait mettre „ trop d'aétivité cc de foins a faire la coileétior. des „ matériaux. II exifle cependant, a la vérké déja ,, deux ou trois Hiftoires générales de la Guerre & „ Révolution Amèricaine, publiées è Londres, & ,, deux ou trois autres publiées a Paris; celles en „ langue Anglaife ne font que des matériaux infor- mes & confus fans difcernement & toutes cès ,, Hiftoires foit en Anglais foit en Francais, ne j, font autre chofe que des monuments de 1'jgno„ rance complette de leurs auteurs fur ce fujet. ,, II faudrait la vie entierc 6c Ia plus longue, h „ commencer dés 1'age de 20 ans,pouraffembler de „,' toutes les Nations & de toutes les partks du mon., de, dans lefquels ils font dépofés , les docu,, ments propres a former une Hiftoire complette de la Guerre Amèricaine; paree que c'eft propre,, ment 1'Hiftoke du Genre-humain dans toute cette „ époque. Il faut y réunir 1'Hiftoire de France, „ d'Efpagne , de Hollande, d'Ang'eterre & des Puif„ fances neutres auffi bien que de I'Amérique. „ Les matériaux en devraient être afïemblés de t,ou„ tes ces Nations, & les documents les plus imF 4 , por-  C 88 ) I portans de tous, auffi bien que 'ies cara&eres de» " Acteurs & les reflorts fecrets des Aclions, font encore recélés dans les Cabines & en chiffres. Soit qae vous, Monfieur, entrepreniez de donner „ une Hiftoire générale oufimplement des remarques ,', & oblérvations, femblables è celles que vous avez données fur les Grea fcf les Romains; vous II produirez unOuvr'age extrêmement intéreflant & in» „ ftrudif, pour la Morale, la Politique, la Légiflation, & je me ferais un honneur & un plaifir de vous H fournir tous les petits fecours qui feront en mon \y pouvoir pour la facilité de vos recherches. II m'eft impoffible de vous dire fi le Gouverne' ment de ce pays fouhaiterait de voir quelque " ouvrage profondément écrit, & par un Auteur j" d'une grande célébrité, en langue Francjaife. II „ eft queftion d'expofer des principes de gouverne„ ment, fi différens de ce qu'on trouve en Europe, furtout en France, qu'on ne verrait peut - être S, pas une entreprife pareille d'un o?il indifférent:' ' c'eft ccpendant une chofe dont je ne me crois ') pas le juge compétent. ,, Permettez, Monfieur, que je finiffe cette Let, tre en vous donnant une clef pour toute cette *, Hiftoire. II y a une analogie générale dans les •- Gouvernements & les Caradtcres de tous les Trei" ze Etats, mais ce ne fut quelorfque les débats '* & la guerre commencerent en MafiachufTetts-Bay, li principale Province de la Nouvelle. Angleter!' re, que les inftitutions primitives firent leur pre""mier effet. Quatre de ces inftitutions devraient " être bien étudiées & amplement examinées par " quiconque voudrait écrire avec connaifiance de " caufe fur ce fujet; car elles ont produit un effec *' decifif, non - feulement dans les premières déterj, minations des débats, dans les Confeils publics, J & les premières réfolutions de réfifter par les armes, *'mais auffi par 1'infiuence qu'elles eurent furies " efpritsdes autres Colonies en leur donnant 1'exem-.  ( «9) " ple, d'adopter plus ou moins les mêmes inftita*/, tions & des mefures femblables. Les qnatre inftitutions mentionnées font 1. Les Villes ou Diftriös. 2. Les Eglifes. 3. Les Ecoles. 4. La Milice. 1. , Les Villes font de certaines étendues de pays, ou diftriéts de territoire, dans lefquels " étaient divifés le Maffachufetts-Bay, leConneéb'" cut, le New-Hampshire & le Rhode-lsland. Chaque '? Vilie contient 1'unedans 1'autrefix milles oudeux " lieues quarrées. Les habitans qui vivent dans ces li" mites doivent former, en vertu de ia loi , des corporations ou corps politiques, & font inveftis de certains pouvoirs & privileges, comme par , exemple: de réparer les grands chemins, d'ëntre. " nir les pauvres, de choifir les élus, les confta',' bles, les collecteurs des Taxes & d'autres officiers, & furtout leurs Réprefentans dans la Légis, lature; comme auffi du droit de s'affembler toutes les fois qu'ils font avertis par leurs E\ns-t ,' dans les affemblées de Villes, afin de délibérer fur les affaires publiques de la Ville ou de donner des " inftruftions h leurs Repréfentans. Les Confequen'J ces de cette inftitution ont été,que tous les habi' tants avant acquis dés leur enfance, unehabitude *' de difcuter, de délibérer & de juger des affaires " publiques, Va écé dans cette éten(lue c,c Villes ou ' diftricts, qiie les fentiments du Peuple fe font " formés premierement, & que leurs réfolutions ont " été prifes, depuis le commencement jufqu'a la \\ fin des débats & de la guerre. 2. „ Les Eglifes font des Sociétés Religieufes, qui comprennent le Peuple entier. Chaque di„ ftridt contient une Paroiffe & une Eglife. La 4 plupart n'en ont qu'une & quelques-unsenontplu* F 5 » iieurs  C 90 ) „ fieurs. Chaque Paroifle a unemaifon d ;aflemb!ce& uriMmiftreentretenuaftspropresdépens.LesCon„ ftitut ons des Eg'ifes font extrëmement populaires, „ & leClergéa peu d'influence ou d'autorité,al'ex„ cepcion de celles que leur proprepiété , leur ver,, tu ; leurs lumieres leur donnent naturellement. ,, Ils font chöifis par !e peuple de leur Paroifle, & „ recjojvent leur ordination du Clergé voifin, Ils „ font tous mariés, ont des families & vivent avec „ leurs Paroifliens dans une parfaite amitié & inti„ mité. Ils vont voir les malades, exerccnt la „ charité envers les pauvres, afiïftent a tous les „ mariages & enterremens, & préchent deux fois „ chaque dimanche; le moindre reproche fait è leur „ caraclere moral, leur ferait perdre leur influence „ & leur nuirait a jamais. De forte que ce font „ des hommes fages, vertueux tk. pieux. Leurs fen„ timents font en général adaptés a ceux du peuple , „ & ils font amis jaloux de la Liberté. 3. ,,11 y a des Ecoles dans chaque ville; elles font é" ta,, blies par une Loi exprefle de ia Colonie, chique vil„ le confiflant en foixante families,eft obligée fous „ peine d'amcnde, de maintenir conf'amment une „ Ecole & up maitre qui enfeigne è lire, a écrire, „ 1'arithmétique & les principes des Langues latine & grecque. Tous les enfans der. habitans ceux „ des riches comme des pauvres, ont le droit d'aller „ dans cette Ecole publique. On y forme les Etu„ dians pour les Colleges de Cambridge, de New„ Haven de Warwich & de Dartbmouth; & dans „ ces Colleges on éleve des Maitres pour ces Eco„ les, des Miniftres pour 1'EgÜfe, desDoöeurs en „ Droit & en Médecine , & des Magiftrats & Offi„ ciers pour le Gouvernement du 1'ays. 4. „ La Milice comprend tout Ie Peuple. En „ vertu des Loix du pays ch ïque habitant male en. » tre 16 & 60 ans,eft emólé dans une Compagnie  C 90 ,, & Régiment de Milice, complétement pourvu de „ tous fes officiers.. II eiï obligé de tenir toujours ,, dans fa maifon & a fes propres dépens, un mous,, quet eu bon ordrc, une corne a poudre,unefivre ,, de cette poudre,douze pierres a feu, vingt.quatre ,, balles de plornb, une boête è cartouche & un ,, havre-fac. Deforte que toute la Contrée eft „ préte a marcher a fa défenfe au premier fignal. ,, Les Compagnies & Régiments font obligés dè s'afTembler a un certajn tems de 1'année, fur „ les ordres de leurs officiers, pour la vifitation „ de leurs armes & munitions, & de faire leurs „ manoeuvres. , „ Voici, Monfieur, une pedte efquifie des quatre „ fources principales de cette fagefle dans les Confeils, de cette habileté, de cette bravoure rrjilitaire , qui ont produit la Révolution Américai* ne , & qui, j'efpere , feront faintement con,, fervées comme les fondemens de la Liberté, dii „ bonheur & de la profpérité du peuple. S'il cd „ d'autres particularités fur lefquelles je puifle vous „ donner des informations, vous me ferez 1'amitiè „ de me le faire favoir. J'ai 1'honneur d'être." Suite du CHAPITRE LXI. Sur les Suites de la Pacification a&uelle fjf de Vindépendance de 1'Amérique. On ne peut refufer h Mr. Linguet un pinceau fier & mate, qui rend avec feu des idéés fortement fenties; mais les Ecrivains dans lesquels le génie domine n'ont pas toujours le fens-froid néceffaire pour combiner lentemenc & mfirement les eflets avec les caufes & tirer des conféquences exact.es. Ils préferent trop fouvent des idéés neuves a des idéés vraies. lis n'aiment pas a penfer comrne la multitude; ils fe font aifément illufion, ens'imaginantqu'en pienant un vol fublime, on voit les chofesdans le 1 point  C92 ) point de vue le plus jufte; quoiqu'il arrivé aflez fouvent que ces nouveaux Icares s'égarent dans des régions qui ne font pas faites pour les faibles humains; tandis que le vol lent & mefuré de 1'hirondelle n'expofe jamais a ces fréquens écarts. Qu'on s'abandonne aux élans de 1'imagination dans des fujets de poëfie ou de pur agrément; elle eft faite pour embellir cette fphere brillante; mais dans les faits hiftoriques ou dans les conféquences a tirées de ces faits, elle ne doit jouer qu'un róle fubordonné au jugement. Pour procéder avec ordre & méthode, il faut développer les caufes des guerres actuelles parmi les Puiflances maritimes: enfuite examiner fi 1'Indépendance de I'Amérique n'offre pas des avanta* ges confidérables a toutes les Nations & même des préfomptions trés-fortes, qu'elle ne fera pas inutile a 1'accompliffement du projet bienfaifant d'une paix univerfelle. Les erreurs qu'on s'eft formées & qu'on a répandues fur les Américains viennent des idéés fauffes qu'on s'en eft faites. Si cependant 1'on eüt voulu obferver avec attention & fuivre pas a pas tout le fyftême de leur conduite publique dans cette guerre; on fe ferait bien gardé d'en faire des portraits diamétralement oppofés, qui forment les deux extrêmes, & qui font également faux- 11 eft arrivé que le même auteur, faute d'avoir réglé fa plume fur des informations juftes, a donné dans ces deux excès. Je n'en citerai qu'un exemple tiré de Mr. Linguet lui-même. „ II a fallu aux Provinces~Unies de 1'Europe qua> rante ans CO de combats & de viéloires pour * s,f§eller (i) On étend ordinairement cette époque a qnatre vingts ans, depuis 1'an 1568 jufqu'a la paix de Munfteren 1648 ; ^inais il en faut déduire \ 2 ans de repos qui furent 1'effiit 'de la uêve conctue a Anvers en iöop.  ( 93) \ fceller leur affrancWfiement: elles couvraient les !. mers de vaiffeaux & la terre de foldats. Ce n'eft qu'après avoir battu, dépouillé leurs tirans, " qu'elles ont arraché la reconnaiffance de leur Li- berté. C'eft fur des lauriers qu'elles ont écnt ?! la charte de leur Indépendance. Mais celles de I'Amérique ne comptent, pour ainfi dire, que des défaftres dans les débats dont " 1'jffue femble leur être fi favorable. (O Leurs faibles effais dans la marine ont difparu comme !, des éclairs , fans en avoir eu la vivacité. Sur terre, hors la capitulation de Saratoga, biemöt " ~ pour fe concerter fur 1'Ouvrage en queflion ? Afin de vóus mettreparfaitement è même d'apprécier le compte que le Libraire a fait tenir è moq ami, j'en joins ici une traduéhon partielie: 1'original en entier eft entre mes mains. Doit M & ... Libraire è *** Pour trois a quatre femaines, avoir fervi tous les jours chez moi a Monfieur des Gaceaux & du Genievre . , fi. 3 . o - o Plus,, pour une bouteille pleine d'cxcellente eau de vie de Cognac, que j'ai porté moi ■ même k la maifon de Monfieur & que je lui ai remife en perfonne. ♦ , fl.'o - 12 • o Plus pour avoir été boïre enfemble, au cabaret pi èsde ma maifon, une bouteille de vin a 10 f., pour votre compte , Monfieur, fi. o - 5 - o Ob  i 105 ) Obfervez, je vous prie, Monfieur, que le premier Article de ce curieux Mémoire renferme une faulTeté; car mon ami affure & pr^tefte n'avoir été chez ce Libraire, tout au plus que deux fois par femaine, lors qu'il y était mandé pour corriger les épreuves. Dans 1c fecond, il eft dit que le Libraire a porté une bouteille d'£au-de- vie de Cognac chez mon Ami; mais celui-ci ne 1'avait point prié de cette fa« veur: il eft trop honnète pour vouloir rabaifïer un Libraire a 1'abjecte profeffion de Commiffionnaire pour les détails de fon domeftique. Pour le tröifieme, mon ami déclare que, fi 1'E" diteur lui eüt fait connaitre en quelque maniere que le payement d'une bouteille de vin répugnait è fes principes économiques, il fe ferait faic un plaifir véritable de la payer en entier, afin de ne pas déranger le fyftême raifonné de fon Libraire. II y a plus, Monfieur; c'eft que, fur le compte dont "il s'agit, le Libraire a couché, comme livres heufs & complets , des livres vieux, dépareillés, incomplets, propres è relier la canelle, cc que mon ami n'avait emportés que pour une fimple lecturc. II a encore pris chez le même Libraire trois Exemplaires de fon'propre ouvrage, & le compte en eft aufii chargé. Penfez-vous, Monfieur, quelesrebuts demagafin, dépareillés encore,ont la même valeurque d'autres ouvrages ? Un Auteur n'a-t-il pas droit dans ce pays a fix Exemplaires au moins gratis des productions de fon Génie? Attendu que mes affaires m'obligent, Monfieur, a m'abfenter quelques mois, je vous prie de vouloir bien inférer & la préfente & votre avis fur ce qu'elle renferme dans un de vos Numéros prochains-; je le trouverai dans toutes les villes ou je dois paffer. J'efpere eQtte giice , ^& fuis comme tous lés G j bons  C 106 0 bons patriotes Anti-Anglomanes avec une Confidération , une eftime des plus diftinguées, M.ÖNSIEüR. Votre tres- bumble & très-obéifian tServiteur &c. &c. &c &c. &c. R E' P O N S E, . Je ne vois pas trop, Monfieur, ce que Ie contenu de votre lettre peut avoir de commun avec les matieres. politiques qui font 1'objet de cette feuille. 11 y a une diftance infinic entre les grances affaires des Ëtats fouverains & les petites tracafleries entre libraires & auteurs. Au moins les Souverains favents'accorderquelqucfois, furtout quand ils ont épuifé leurs peuples; mais Ia guerre entre les libraires & les auteurs eft éternelle: elle ne connait ni trêve ni armiftice: elie fubfiftera tant qu'il y aura des libraires avides & des auteurs difficiles a contenter ; ainfi Ia paix perpétuelle eft vraiment une chimère de ce cöté-Ia. II faut avouer cependant que Ie cas que vous me propofez eft unique & qu'il méritait d'étre confervé pour la rareté du fait. Je ne connais point le code Batavique fur les loix entre les libraires & les auteurs. Mais il faut foigneufement diftingucr les libraires nationaux d'avec les étrangers établis dans ce pays; ces derniers fe font une finguliere idéé de cette profeffion lis s'imaginent que ce qui émaoe des cervelles penfantès, font des cffets folides fur lefquels ils peuvent agir comme fur un bien  C 107 ) bien immeüble, & qu'on peut traiter les Auteurs comme on traite des manoeuvres. Ils mefurent les produétions de 1'efprit k la toife; & gare 1'Auteur qui fe livre a eux fans les connakre. Si quelque jour il me refte des momens de loifir, je pourrais configner une hiftoire non moins.piquante mais plus fombre que la vótre; car il n'y eft quèftion ni de bifcuit ni de cognac ; mais d'un emprifonnement en bonne forme & bies conditioné ; 1'affaire, arrivée a un de mes amis, furilequel le libraire n'avait pas un denier a prétendre, eft une vraie tragi * comédie; il y a pour rire & pleurer; & 1'on ne faic fi 1'on doit plus fe divertir du ridicule d'un libraire qui force un auteur emprifonné a lui compofer un ouvrage, ou frémir cc s'indigner des manoeuvres laches & infaraes dont il abufa des offres d'un homme confiant cc crédule. . , _ ■ Vous voyez , Monfieur, que votre ami n eft pas le feul qui ait a fe plaindre des libraires.; je ne vois pas d'autre expédient que de lui.confeiller de s'arranger k tout prix, a moins qu'il ne veuilje perdre en procédures 6c en tems, au-delè de fa jufte réclamation. Suite du CHAPITRE LXI. Sur les fuites de Ia pacificatiën atïuelle, ö5 de l'Indépendance de I'Amérique. II eft une mukitude dc perfonnes qui ont mau« 'vaife opinion de la paix conclue ou prête a fe conclure. II eft aflez raifonnable de penfer que la fiere Albion n'a mis bas les armes que pour ceder a 1'embarras des circonftances, & qu'elle ne manquera pas de tirer 1'épée du fourreau a la première occafion favorable k fon reffentiment. Cette obfervation n'eft malheurcufement que trop vraie; les  C Jö8 ) les pacifications conclues entre des Puiflances naturellernent rivales ne font que de'grandes tröves' mais il aurait'fallu rechercher en même tems fi la jtócification actuelle n'óte pas , du moins pendant bien des années, le pouvoir & les occafions è de nouvelles güerres: c'eft ici qu'il eft permis de s'étendre dans le vafte champ des conjectures, paree qu'elles peuvent pofer fur des faits connus & pro•pres a occaüonner des rcflexions. II eft vrai que bien des perfonnes font dans 1'idée qu'un peuple', dont la guerre a trompé les efpérances, ne doit s'occuper que du foin de recouvrer ce qu'il a perdu, & que 1'autre, enivré de fes fucccs, doit former de nouveaux projets ambitieux. Cet héroifme- pe ut être bon dans un Ro■man ou dans une piece de théatre; mais il ne vaut Tien en politique; paree que 1'héroïsme n'eft qu'une fottife, quand il n'eft pas dirigé par la prudence. Que la multitude fouffre impariemment fes défaites ou s'énorgueillifle de fes tnoniphes, c'eft une mar. que-qu'elle a-de la nobleffe, de 1'élévation dans 1'ame ; mais les hommes deftinés a gouverner ne doivent pas' avoir fon imprudence & ne peuvent régler leur politique que d'après leur pouvoir. L'Angleterre a perdu des colonies qui la rendaient toutepuiffante. Avec, leurs fecours & leurs alliance, il n'v avait pas d'entreprife qu'elle ne put former; & elle abufait effectivement de cette heureufe pofition.Son pavülon dominaic feui fur les mers. Les polfeflions lointaines des autres puiflances' maririmes étaient k fa discrétion; elle pouvait les infulter & les braver impunément. II eft bien ficheux, fans doute, pour elle , d'avoir perdu ce colofle de pouvoir. II n'eft pas a douter qu'elle ne cherchat a recouvrer cette domination, fi jamais 1'occafion s'en préfeutait. Mais quel. événement pourrait amener une occafion femblable? Quand il arriverait des divifions inteftines parmi les divers Etats-Unis de 1'Amérique ferait-il.jamais queftion d'y appeler les Anglais pour y  C 109 ) v retablir leur ancienne domination? Les autres Ëtats de 1'Europe ne feraient-ils pas intérefles a prévenir cette réunion? Les têtes des Américains, habituées è 1'indépendance , plieraient- elles aifément fous 1'ancien joug ? Ce nouvel empire ferait - il facile a conferver ? Ne produirait - il pas une multitude d'embarras, de dépenfes & de calamités, qui fuffiraient pour détonrner le gouvernement Anglais de jamais plus y fonger ? L'Angleterre, épuifée des efforts de cette guerre, accablée fous le fardeau de deux cents trente millions fterlings de dettes, pourra-t»elle de longtems fe livrer a de nouveaux projets de guerre? II n'eft pas douteux que ce Royaume ne puifle être heureux fans les colonies qu'il a perdues ; il eft donc a fuppofer qu'il cherchera a alléger par 1'entretien de la paix & par les arts, la charge énorme qui 1'écrafe. N'eft ce pas le prémier objet qu'il doit avoir en vue pour fe procurer des reffources; & quand il brülerait de 1'ardeur de fe venger; aurait - il les moyens de 1'entreprendre ? Bien loin que fes revenus les lui procurent , ils lont même infuffifans pour dtfrayer les dépenfes ordxnaires du gouvernement ; & ce ne pourra être qu'après une longue paix & une grande réforme économique dans 1'adminiftration, qu'ils pourront fuffire ö ces feules dépenfes fans de nouveaux emprunts : ainfi 1'entreprife de troubler la paix ne pourrait venir de la Grande-Brétagne; & quand on confidere que c'eft a la politique de 1'Angleterre qu'il faut attribuer toutes les guerres maritimes depuis plus d'un ficcle, il n'eft guere apparent que la rupture vienne d'un autre pays. Cependant elle commence è fe perfuader qu'elle n'a Men perdu qui lui füt néceflaire. Elle fent qu'il lui refte encore aflez de Colonies & d'établifiemens, en Amérique, en Afle & en Afrique, pour fournir non» feulement a fes befoins, mais encore au luxe de fes voifins. C'eft avec raifon qu'on a obfervé que nos guerres aftuehes entre nations maritimes ne font que des  C 11° ) des guerres de commerce. Les avantages qu'un peuple commercant s'eft procurés fur 1'autre par fes établiflemens dans les Indes Orientales ou Occidentales, voila les caufes perpétuelles de rivalités, de divifions & de rupcures fanglantes. Mais 1'abaiflement de 1'Angleterre remettanc chacun dans 1'équifibre, elle ne fera plus a portée de les atcaquer comme auparavaut. On pourrait détailier une multitude d'autres obfervations fondées fur des faits, pour prouver qu'il n'eft pas vraifemblable que la rupture vienne de 1'Angleterre. Ce grand point prouvé, eft-il a craindre que 1'ardeur des conquêtes au-dela des mers & la jaloufie du commerce mettent lesarmes è la main de la France? N'étant pas une Puiflance eflentiellement commercante, ayant montré dans 1'occafion favoble que lui a préfenté cette guerre, qu'elle cherchait moins a s'enrichir de ce cóté-lè, qu'a rabaiffer ceux qui inquiétaient & traverfaient Ia liberté générale, eft-il a fuppofer que des intéréts ambi. deux fur mer la portent a lever de nouveau 1'étendartde ladeftruétion ? Son commerce intérieur, la richefle de fon fol, la culture de fes terres fuffifent pour la rendre heureufe & puiflante. Fn un mot, la France a prouvé, par fa modération dans les négociations actuelles, qu'elle n'avait ni le befoin ni le defir de faire dans les Indes de ces aquifitions nouvelles qui fonc toujours 1'occafion des ruptures. L'Angleterre a confervé dans le voifinage des Etats-Unis deux Provinces immenfes, le Canada & la Nouvelle-Ecofle, qui pourraient lui fournir 1'occafion de conquérir, ou tout au moins de troublerla République Amèricaine. Des fpéculateurs intelligens ont cru même découvrir dans les articles des traités conclus, une fource féconde de divifions & de ruptures. On peut répondre a cette objection que 1'aggreflion ne pourra guere venir de 1'Angleterre. II eft.impofllblequ'après 1'expérience qu'elle a faite, elle ne voie pas que non-feulement le territoire des Etats-Unis oft're un rempart impénétrable è 1'ambition, mais qu'étant cinquante fois plus puif- fans  (III) fans que les Provinces Anglaifes qui les avoifinent, le fort de celles-ci ferait trés - précaire eri cas de rupcure. 11 eft donc de 1'intérêt des Anglais de ménager les Américains de ce cóté- la. Mais les Américains n'auront-ils pas intérêt de rompre avec 1'Angleterre, pour fe procurer des Provinces qui font fi fort è leur bienféance ? C'eft ce que nous examinerons bientót. Lettre et l'Auteur du Politique Hollandais. Monsieur. Dans votre No. CVI, en date du 17 Février de cette année, vous femblez avoir prévu ce quetoutboa Citoyen des Pays-Bas-Unis fait ou doit faire dans 1'intérieur de fa familie. Je veux parler des réflexions férieufes dont nous devons, tous tant que nousfommes, nous occuper chaque jour, fur laiituation de la République dans les dernieres années qui ont précédé la guerre injufte que nous a déclaré 1'Angleterre; pendant le cours des hoftilités qu'elle a exercées fur nos biens & fur nos poffeflïons, mais principalemenc fur les fuites honteufes & tous égards de notre aveuglement fur nos vrais intéréts. N'allezpas croire, Monfieur, que je fois verfé comme vous dans le droit civil & canonique ; que je connaifie a fond ce que c'eft, ce qu'il plaïta tant de gens, de nommer l'Art de la politique. Je vous avoue d abord, quejene fais pas Ia langue francaife aiTez pour 1'écrire: Ia lettre que je prends la liberté de vous adrefier, a été écrite de ma main; toutes fes réflexions font bien h moi, mais je me fuis fervi d'un Garcon Charpentier Francais pour en faire la traduétion. Je fuis tout bonnement un maitreConftruéteurdc vaiffeaux,bon Réformé, bon Citoyen, pere de fept fils qui penfent comme moi, & de cinq filles qui ne fe mêlent que de prier Dieu & s'emprcffent en attendant un Epoux, de porter 1'ordre, 1'économie & la félicité dans toute ma maifon Le foir , quand nos travaux journajiers fontfinis, une bonne lefture, tantót his- tori-  torique, plus fouvent politique, nous occupe tous jufqu'au fommeil. La foirée du Lundi fe paffe ordinaircment a la lecture de votre Numero que nous traduit le même Garcon charpentier. Comme toute ma politique n'eft autre chofe que le bien de ma familie & la bonne foi la plus févere dans toutes mes relations avec mes Compatriotes & les Étrangers, je me trouve embarafTé fort fouvent de favoir définir a ma familie & lui expliquer le grand mot de Politique d'Etat. Craignant de lui donner des Notions fauffes fur quel- , que matiere que ce foit , vous m'obligerez beaucoup , Monfieur, en voulant me fournir des moyens fürs, clairs & certains pour raifonner jufte fur ce mot fi próné, que j'entends répéter fi fouvent. Mais auparavant je vous déclare naturèllement que je crois que ce que les Savans appellent Politique d'Etat, n'eft certainement pas autre chofe felon moi, que le bien de l'Etat, réglé d'apiès les avantages des autres nations. S'il en eftautrement.jevous prie de m'éclairer,& je ferai part de vos lumicres a mes Ëhfahs. En même tems, rappelez-vous, je vous prie, Monfieur, la promefle faite, page 11 du même No- d'obfervations extrêmement importantes que vous vous êtes engagé de nous donner une autre fois, fur le Mémoire apologétique du Princc & fur les réflexions défolantes qui naquirent, dites-vous, des préliminaires de la paixactuelle , k la fin de 1'excellente réponfe du Francais aux autres discoureurs. Si vous me permettez de vous faire quelquefois part de mes idees,& que vous les jugiez dignes d'une répon fe, j'aurai l'honneur de vous les commumquer quelquefois, & vous verrez que, jufqu'a la derniere claffedes Citoyens, il eft de bonnes gens qui déplorent la honte & la faiblefle de notre Nation & qui favent diftinguer le vrai Patriote, de 1'Ennemi fecret ou falarié de fa patrie. Je fuis avec la plus haute confidérarion Monfieur, Votre très-humble & trésobéiflant Serviteur, Willem Vroome. (Aux Adrejjes ordinaire*).  LE POLITIQUE N°. CXIII. LUNDI, ce 7 AVRIL, i?83. C H A P I T R E LXIII. Sur les punitions arbitraires Qf les prifons d'Etat en France. Je viens de lire les Mémoires fur la Bajlille L'écru de Mr. de Mirabeau fur les Lettres de cacbet cjf les pnfons d'Etat, m'avait rempü d'indiVnation • celui de Mr. Linguet m'a pénétré d'horreur. Ces' deux mémoires, compofés par deux Auteurs différens, qui ne s'étaient pas concertés & n'écrivaienc pas d'mtelligence, ne s'accordent que trop bien dans le récit des atrocités qu'ils racontent. On peut asfurer que les Gouverneurs de la Baftille & de Vin* cennes, de Launay „ Rougemont, ces hommes odieux qui fe fontun plaifir barbared'augmencer 1'arnertume de la coupe de douleur qu'on fait devorer è des ianocens opprimés, font condamnés a un opprobre immoreel. Dans un tems oh le Miniftere Francais joue un róle fi brillant fur le théatre de la politique qu'il termine avec tant de noblefle une guerre pourfuivie avec tant de grandeur d'ame & d'éclat; on voitavec peine que la maniere dont deux individus onr. été facnfiés a des vengeances particulieres, femble jeter une tache fur fa gloire. Ces deux Ecrivainsinfortunés avaient fans doute le cceur trop plein & trop ulcéIoms V. H ró  ( "4 ) ré pour envifager leur fort cruel fous ce point de vue. Mais, puisqu'ils ont prouvé, au-dela de toute réplique, qu'ils n'avaient écé facrifiés qu'a des cabales; que les réceptacles affreux oü il&. ont été confinés, ne font guere peuplés que de pareilles viftimes, on ne peut s'empêcher de déclarer hautement qu'il eft au deflbus de la dignité du Miniftere Francais de fe rendre 1'inftrument d'aucune vengeance particuliere. Quand on confidere la fureur & 1'acharnement avec lesquels Mr. Linguee s'eft déchafné contre quelques individus dont il était mécontent* on concoit aifément que Mrs. de Du. ras, Depresmesnil, d'Alembert , cc tant d'autres , devaient nourrir le defir ardent d'une vengeance terrible contre un Auteur qui les percait de traits amers & les couvrait d'un ridicule indélébile ; dont lesécrits étaient dévorés, & dont les attaques fe re* produifaient fans relache & fans efpoir d'interruption. Tout homme qui fe voit un objet de haine & de rifée ne faurait vouloir du bien a ceux qui fement des- épines auffi cruelles fous fes pas. Au défaut d'autres reflburces, il defirera nacurellement de trouver dans 1'autorité publique les moyens de vengeance que fon état ou fes talens ne lui permettent pas. Mais qu'un gouvernement éclairé compromette fa dignité, ou pour mieux dire fon honneur, en fe laiflant engager a époufer les relTentiments des particuliers, c'eft a quoi 1'on n'aurait jamais pu poiter le bon Louis XII. En fe couvrant des fymboles de la Royauté, cePrinceferegarda comme lepere de tous fes "fujets &ne vouiut de 1'autorité fouveraine, que Ie pouvoir de faire du bien. Quelques Courtifans 1'excitaient a fe vanger de laTremouillequi,après favoir fait prifonnier a la. bataille de St. Aubin, femblait avoir pris un plaifir barbare a irrfulter a fon malheur : un Roi de France , répondk Louis, 71e venge point les quereües d'un Duc d'Orlêans : Si la Tremouille a bien fervi fon mattre contre moi, il me fervira de même centre ceux qui fer aient tentisde twibler l'Eiutt Louis  ( "5 ) Louis XVI eft certainement monté fur Ie tröne avec des fentimens auffi nobles. Sa conduite privée & pubiique annonce un prince également jufte &, bicnfaifant. Les deux Ecrivains rendent a cet égard la juftice la plus complette & la plus honorable a ce jeune & vertueux Monarque. Ils n'accufent que le deftin général des Princes, dont les meilleurs ne font pas ia 1'abri des furprifes faites h leur confiance, fentiment qui caraétérife particulierement les ames nobles & les cceurs- droits. Auffi les citoyens honnètes, amis du fouverain & de 1'humanité, ne voientils pas, fans une émotion actendrilTante, les gémiffemens-de ces victimes échappées, dont les cri's pourront enfin pénétrer jusqu'au tróne.^Ze Roi le [avait! cette agréable penfée leur fait efpérer qu'un Prince jufte, bienfaifant, modéré dans fes defirs, réglé dans fes mceurs, partifan zéié de 1'équké, & ennemi juré de tout artifice, ne laiffera pas fubfifter desrepaires affreux qui déshonorent a-la-fois & la nation & le miniftere. Je n'ai pas vu avec indifférence que, dans le lamentable récit de Mr. Linguec, les Philofophes qu'il a attaqués , font abfolumenc épargnés. il ne les foupconne pas d'avoir trempé dans fon malheur. On ne peut s'empécher de rendre aux Membres de 1'Académie Francaife , le tribut de gloire qui leur eft dü a cette occafion. II eft vrai que Mr.de Duras, celui fur qui tombent les foupgons les plus violens, appartenait a ce corps vraiment refpeaable, quels que foient les farcasmes- qu'on ait Jancés contre lui , depuis fon origine jufqu'è ce jour. Mais auffitót que la détention dc Mr. Linguet fut connue, le Duc Académiën ne conferva pas longtemsfa Préfidence dans le Sénat Académique. Je n'ai pas 1'honneur de connaïtre Mr. d'AIembert, ui Mr. de la Havpe; je ne crois pas avoir jamais vu ces Meffieurs; mais ils ont droit aux hommages, aux reraercfmens de tous les cceurs généreux. II ne faut pas s'abufer. Toutes les profcriptions H 2 par.  ( HG ) partielles, ces coups d'Etat, ces actes d'autori» té ne fauraient produire 1'etTet qu'on en attend, li 1'on veut , par ces moyens finguliers , arrêter le progrès des lumieres générales. Uien ne faurait empêcher les citoyens d'élever la voix & de s'occuper publiquement du bien de 1'humanité.. Les Princes éclairés, les peres des peuples favorifent le développement des connailTances les plus délicates & le regardent comme avantageux è la profpérité publique, quand elle n'eft pas diftinguée de la leur. Ainfi, quel que foit le refpeét, Ja vénération que m'a infpiré la conduite magnanime de la France dans tout ie cours de cette guerre, je ne faurais cacher des erreurs particuiieres qui, lans caufer aucun derangement dans fon fyftême public è 1'égard des au. tres nations, ne laifle pas de porter a la gloire une, atteinte cruelle, mais heureufement facile a faire difparaftré. Quand on entreprend de plaider la caufe de 1'humanité devant le tribunal augufte des nations, onne doit rien négliger, pour le rendre djgne & de fa caufe , & de lés juges. On ne doit pas refter indifférent fur tout ce qui peut intéreffer la juftice & la liberté. Entreprendre de démontrer Jes droits & les devoirs de 1'homme, Penchainemenc & la communication des vrais intéréts de chaque fociété, de lier les événemens moraux & politiques, tel doit être 1'objet d'un Ecrivain qui fait s'eftimer, & qui n'a de but que 1'utilité générale. La République de Platon n'eft que Je fon^e d'un honnête homme éveillé. Le droit de chercher la vérité, de la dire avec. le refpecr. qu'elle mérite, eft le droit de tous les hommes; je me glorifie de 1'être. Citoven d'un Etat libre, exempt de préjugés, incapable' d'adulation, je fens vivement Je bien; je le refpecte partout oh je le vois; je le démontre quand j'en fuis inftruit; je blame le mal avec Ja méme franchife, il m'indigne & je le dénonce. Ainfi, fans ceflèr d'étre boncitt.yen, je fuis cosmopoJite, je voudrais rendre J'homme  me plus cher ó I'homme, faire tomber ces abus nas. fagers qui aigriffent & préviennent Jes nations con tre les nations, rapprocher par ia bienveillance tous les étres raifonablcs de 1 extrémité d'un oóle è 1'autre. Voila ma profeffion de foi civile & do. litique; mon culte focial y eft conforme. PuifThi je faire des profélytes! Suite du CHAPITRE LXII. Sur k crédit de I'Amérique, Réponfe aux Confidirations patriotiques, inférées dans le No. précédent. II n y a que des Américains qui foient capable de montrer a fond ia folidité du crédit des EtatsUnis. Ils n'ont certainement pas manqué a une politique auffi fage, dans un tems furtoucoü ils avaient beloin d intérefler PEurope a leur fort, dans un tems ou ce fort était encore précaire & chancëlant. Nous avons configné ces raifons en plufieurs enf ces feuilles & furtouc dans le Cbapitre AL^JI, page 308 jusqu'd lapage 407 du Tome troU Jume. II me femble que Jes raifons qu'on y allégue font péremptoires. Je n'aurais jamais penfé qu'il fallüt de nouvelles preu'ves, furtout lors que le cré. dit de I'Amérique doit avoir regu une nouvelle folidité, par la déclaration de fon indépendance de la part de la Grande-Bretagne. Mais il eft d'autres perfonnes que des Capitaüftes a qui cette circonItance n'a pas paru infpirer' de la confiance pour Je crédit Améncain. Voici ce que Mr. Linguetvient de publier a cette occafion, „ Quellcj feront" dit il, „ les fuites du fardeau, „ dont ils ont chargé leurs Provinces? Ces taxes H 3 „ dont  ( "8") , dont" ils les ont affranchies égalaient - elles, au- * raient-dles jamais pu égaler le prix que leur cof> te la patente de leur prétendue Liberté? lis " avaient a payer les intéréts d'une tres-petitc par- * ne de tröjl ou quatrc Milliards, que devait alors ;' 1'Aneleterrc i dette contractée en plus d un üe" cle & qu'un crédit immenfe rendait moins acca" blante. Ils font aujourd'hui chargés feuls des m" térêts & du capital de plus de deux MiUiards ; dette accumülée en moins de dix ans & qu il taut " foutenir fans argent & fans crédit. " , S'acquitteront-ils ? En ce cas 1'exactitude ne „ fera t-elle pas mille fois plus ruineufe que 1 an« cieme fuiétion ? " Phenomenes dans 1'ordre politique, parvenus , par un développement fubit & imprévu a occuper un rang presque en naiffant, parmi les Corps " Se ce genre s'attribueront-iis dés 1'enfance une " mauvaiié foi, une corruption , que la caducité femble excufer , dans les Empires vieillaras? " Donneront-ils a leurs Créanciers leur impuilTance " pour pa\ement, 81 la croironfils juft.fiee par a f, Inenace d'employer le refte de leurs forces -a la foutenir? ■ . . , . ,, Mais ne ferait-ce pas fletrir leur berceau d un öoprobre ineffacable? Cette ignommieufe faillite " ferait-elle même fans danger? S'ils ont acqu.s en fi *m dc tems la grandeur apparente des véritables Corps politiques, ils font lom den avoir la viguear. lis font entourés de voifins, qui ne 1 manqueront pas 1'occafion de les dévorer ; a cet. te occafion les débats presque inévitables entre Z eux, d'ici au tems oh leur Conftitution pourra " être formée, ne 1'altoibliront-ils pas ? Ils avaient ' auparavant une exiftence obfeure, fubordonnée, „ mais certaine, mais heureufei oferaient- ils sen ' promettre autant pour 1'avenir?" Ainfi parle Mr. Linguet* Nous n'entreprendrons pas de le réfuter. On voit fuffifamment qu'il n a r pas  C tï9 ) pas entendu la nature du papier-monnaie de I'Amérique. Le célebre Auteur de 1'Hiftoire Pbilo/opbique &? Politique n'a pu fe garantir de la même erreur. Comme il n'y a que des Américains qui puiflent nous fervir d'autorités & de guides dans une matiere auffi compliquée 'n comme un de leurs miniftres les plus éclairés a réfuté Mr. Raynal, .fa Réponfe impofera lilence h tous les détraéteurs de I'Amérique, fervira a développer le fyftême futur des Américains ö Pégard du crédit&frayera la route aux raifonemens que nous prendrons la liberté d'y ajouter: dans ces fortes de matieres abftraites fpéculatives, nous ne pouvons que rapporter les raifons pour & contre; c'eft au public intérene a fe ranger du coté des meilleures. „ Les métaux," dit Mr. Raynal, „qui fur le globe en„ tier repréfentent tous les objets de Commerce, ne furent „ jamais abondans dan? cette partie du nouveau-monde. „ Le peu qu'on y en voyait, difparut même aux premières „ hoftilités. A ces fignes d'une convention univerfelle, „ furent fubftitués des fignes particuliere a ces contrées. „ Le papier remplaca 1'argenc. Pour donner quelque di„ gnité au nouveau gage, il fut entouré d'ernblêmes qui devaient continuellement rappeler au peuple la grandeur „ de leur entreprife, le prix inepréciable de leur liberté, „ la néceffité d'une perfévérance fupérieure a toutes les in- fortunes. L'artifice ne réuffit pas. Ces richeflës idéales „ furent repoulTéis. Plus le befoin obiigeait a les mul». „ plier, plus leur aviliflement croilTait. Le Congrès s'in„ digna des affconts faitsö fa monnaie; & il déclara traïtres „ a la patrie tous ceux qui ne la recevraient pas coraine „ ils auraienc recu de 1'or." „ Eft-ce que ce Corps ignorait qu'on ne commande pas ,, plus aux elprits qu'aux fentiments ? Eft-ce qu'il ne fentait „ pas que, dans la crife préfente, tout citoyen raifonnable ,, craindrait decomraettre fa fortune? Eft-ce qu'il ne s'ap„ percevait pas qu'a 1'origine d'une République, il fe per„, metiait des afles d'un-defpotifine inconnu dans les ré„ gions même faconnées a la fervitude? Pouvait il fedif. H 4 „ fimu.  C 120 ) fitnuler qu'il punilTait un défaut de confiance, des mêmes „ fuppüces qu'on aurait a peine mérités par la révoite & „ paria trahifon? Le Congrès voyait tout cela, mais le „ choix des moyens lui manquait: fes feuilles méprifables „ & méprifées étaient réellement trente fois au-defluus da ,, leur valeur originaire, qu'on en fabriquait encore. Le 13 Septembre 1779, il. y en ent dans le public pour » 79y>744'°°0 Livres. L'état devait d'ailleurs 188,670,325 „ livres, lans compter les dettes particulieres a chaque „ province/ Dans les paiTages que nous venons de citer, dit Mr. Paine, 1'Hiftoiïen parie comme files Etats-Unis euffentcontrafté une dette de p'.us de quarante millions de livres fterlings, encoie ne faic-il pas mention des dettes particuüeres des Etats refpeétifs. Enfuite, parlant du commerce étranger avec I'Amérique, il fait entendre ces paroles: „.Les Etats" (en Europe) „ vraiment comtnercans, „ inftruits que I'Amérique feptentrionale avait é;é réduite „ a contraéïer des dettes, è l'époque rriê.ne de fa plus „ grande profpérité, penferent judicieufement que dans fa „ détrefle aftuelle elle r.e pourrait payer que fort peu de „ chofe de ce qui lui ferait apporté." Je fais, dit Mr. Paine, qu'il doit être extrêtsement difficile de faire cotnprendre, a des étrangers, la nature & les circonftances de notre papier-monnaie, puifqu'il eli tant d'Améncainsqui n'en comprennent pas eux-mêmesla fabrique intérieure. Je pourrais me bomer è dire que le fort de ce papier eft aduelleroent déterminé chez nous. On s'eft accordé a le laifler repofer, avec cette efpecede refpeét quel'ort contradre infenfiblement pour lts chofes inanimées, dont 1'on a tiré' de longs fervices. Toutes les pierres du pont qui nous a fauvés, femblent avoir des droits è notre res» pe£b. Cette derniere était un pierre angulaire, & fes avantages ne fauraient éne oubliés. II y adans les ames reconnaiflantes une fenfibilité qui s'étend aux chofes mêmes auxquelles 1'eftime ne fauraic être d'aucuneutilité, nile mépris d'aucun préjudice. Au moins cela eft ainfi & la plupart des hommes en éprouvent 1'elTe:. Quant  ( 121 ) . Quant au papier-monnaie, quoique Ie Congrès lui ait affi^né le nom de Dollar,- il n'en a pas toujours eu la va leur de la part de cette atTerablée. Les Dollars en papier qu'il répaimit Ia première année équivalaient a 1'or & a Pargenr. La feconde année, ils valurent moins, la troifieme, encore moins; ils perdirent ainfi pendant prés de cinq ans de leur valeur primitive; a la fin la valeur entiere è laquelle le Congrès pouvait apprécier les différentes émis. lions de papier-monnaie, pouvait former un total d'envlron dix a douze millions fterlings. II aurait ainfi fallu dix a douze millions fterlings detsxes pour faire la guerre pendant ces cinq années, & è mefure que ce papier écait créé & qu'il perdaic en mê.ne tems de fon prix, il n'y eut aucune taxe, ou prefque aucune de quelque valeur,- ainfi, lerTet était le mcme pour le public foit qua le difcrédir lui fit perdre dix a douze millions d une valeur employée, foit qu'il 1'eAt payée avec dix a douze millions de taxes: car, puifqu'il .'eft borné a 1'une de ces deux manieres de fervir 1'Etat, 1'affaire, examinée fous une perfpeftive générale, eft dès brs indifférenie. Ce que I'Hiftorien regarde comme une dette, n'eft donc qu'un mot vide de fens; eüe a été anéantie par le confentement unamme de tous, en déJuifant, a leurs propresdé. pens, de la valeur des billersqui circulaient entre eux,une fomme a peu prés égale a la dépenfe de la guerre pendant cinq ans. r II y a plus. Le papier-monnaie étant afluellement fup. primé ainfi que fon aviliflèment, 1'or & l'argent ayant pris* fa place, la guerre fera dés-lors continuée par la voie des taxes, qui coiltera beaucoup moins au public que ca qu'il a perdu par la dépréciation du papier-monnaie; mais en payant la taxe, les citoyens font affranchis des inconvé. Diens du papier-monnaie; ainfi que lorfqu'ils fouffraientles iuconvéiiiens de ce dernier, ils n'avaient pas le fardeau de la première a porter: 1'efFet fera a peu-prés le méme; encore avons-nous gagné en avantages moraux; car autant la taxation produit la fagefle & la frugalité, autant la circulstion d'un papiet tombé en difcrédit produifait la diffipatien & linfouciance. H 5 D'ail-  C 122 ) -DYilleurs, fi Ia portion des taxes qne paye un indivicTn, eft au-deffous de ce qu'il a perdu par 1'aviliffement du papier-monnaie, c'eft une preuve que ce changement eft un avautage pour lui. Si fa portion excede ce qu'ii a perdu par le papier-monnaie, & qu'il foit taxé avec équité, c'eft une preuve qu'il n'avait pas perdu fa jufte portion de 1'aviliflement du papier qui devait être également pour lui une taxe léelle. II eft vrai qu'on ne penfa jamais, qu'on ne prévit jamais que la dette renfermée dans 1'émiflion du papier - monnaie s'éteindïait ainfi d'elle- même; mais comme, du confentement unanime & volontaire de tous, elle a eu cet eftet, la dette eft dès-lors payde par ceux qui la devaient. Peut-être n'a-t-on jamais rien vu qui ait été fi univerfellement fouvrage du peuple qne ceci. Le gouvernement n'y trempa nnllement. Chacun avilit fa propre monnaie de fon propre confentement; car tel fut 1'effet de 1'augmenta. tion de la valeur nominale des efFets. Mais ayant par cette réduétion éprouvé une perte égale a ce qu'il aurait payé par la voie des taxes, la juftice diftributive veut donc que 1'on confidere la perte qu'il & effuyée a raifon de 1'aviliffement du papier fur le taux de la taxe de ce tems, & non pas qu'on le taxe après la guerre, pour réparer aux dépens d'autres perfonnes ce qui s'écait réduit a rien entre fes mains. ' Autre obfervation. L'émiflïon & Ia circulation du papiermonnaie furent imagiriées pour faire Ia guerre. II a rempli fon effet, tant qu'il a duré, fans que le public ait été afiujetti a quelque autre charge de conféquence. Mais fuppofer, comme 1'ontfait quelques-uns, qu'a la fin de la guerre, cc papier-monr.aie devait être converti en or ou en argent, ou qu'il conferveiait la valeur de ces efpeces, c'était fuppofer que nous allions gagner deux eens millions de Dollars en en trant en guerre, au lieu de payer les frais qu'elle cccafionne. -Enfin, fi, dans les affaires de I'Amérique, il reftait encore quelque chofe que 1'on ne put comprendre, par rapport  ( 123 ) port a fon papier-monnaie ou a d'autres circonihnces, que 1'on fe rapelle que c'écait ici Ia guerre du public; que c'était la guerre du peuple, la guerre de la patrie. Cétait fon indépendance qu'il fallait maimenir, fes propriétés qu'il fallait défendre; fon pays qu'il fallait fauver. Ici le souvernement, 1'année, le peuple font une feule &meine chofe. Dans d'autres guerres, des Rois peuvent perdre des domaines ou leur tróne; mais ici la perte doit tomber fur la majefté du peuple. & fur les propriétés pour Ie falut defquelles il combat. Tont individu étant perfuadé de cette vérité, il marche au champ de bataille, ou paye fa cordon des taxes, comme fouverain de fes propres domaines; & lorfqu'il eft conquis, c'eft un Monarque qut tombe. La Remarque que fait 1'Hiftorien vers Ia fin du paffage cité relaüvement aux dettes contracties par 1'Amérique dans un tems de profpérité, (voulant parler des tems qui précéderent les hoftilités) fert a montrer, quo.qu .1 nen ait pas fait 1'application, la grande différence qui fe trouve entre un peuple indépendant & un peuple qm ne 1 eft pas. Dans un état de dépendance, le commerce da 1 Aménque, chargé d'emraves, n'était pas, avec tous les avantages de la paix en état de fe former une balance v elle contraaait annuellement des dettes. Mais ^e^nt ^elU eJi indèpendante , elk ne demande pas a Mer par le -crédit, quoiquelle foit engagée en guerre; fes magajms fontrilisde marcbandifes; 1'or & fargent-fint*, venues les efpeces courantes du pays. II ferait dictie de dcvelopper les caufes de ce pbénomene; mats il exi ■ fie, & les faits font encore plus pui (fans que les raijonnemens. Ces derniers mots de Mr. Paine devraient fuffire a. tous ceux qui ont purévoquer en doute la folidité du crédit Américain. Ils ne font point les fruitshazardés d'une imaginationéchauffée &prévenue; ils viennenc d'un homme inftruit; ils font les conféquences naturelles du fyftême des conftitutions de 1'Amérique au dedans & de la politique qu'elle doit fuivre au de-  C m ) fors. Non feulement elle ne s'engagera pas elle fera même , a raifon de la forme intérieure d'e fon gouvernement peu en état de s'engager dans ce .fyftême demprunts que plufieurs Etats de I'Euro.pe ont adopté ü légerement, fjftéme qui, p^r une pentc naturelle, les entraine dans la néceffité de deues nouvelles, jusqu'è ce que le précipice creufé fous leurs pas s'ouvre a la fin & amene une banque■route générale & un-bouleverfcment total dans le fyftême du gouvernement. L'Amérique. au contraire, a,-dans ies terres qui lui reitent a cultiver des reflburces immenfes qui la mettront a même d'a'norl tir facilement la dette contractie pendant la guerre & de fe pafler d'en contrafter de nouvelles a l'ave' mr. Ses terres cultivées augmentent journeliement de valeur avec 1'augmentation de la population qui doublé tous les vingt-cinq ans par la propagation naturelle, & qui doublera bien plus rapidement encore par 1'émigratioti des étrangers que la paix y fera affiuer, tant qu'il y aura des terres a concédera de nouvelles families L'augmentation graduelle des terres en valeur , des rich fles & des Habitans, 'promet donc a cet Etat une augmentation toujours croiffante de reflburces infinies, tandis que les Etats de 1'Europe, ayaat tiré tout le parti poffible de la culture & de 1'induftrie, ne peuvent éprouver qu'u ne décadence graduelle a cet égard, furtout ceux qui, par les progrcs du luxe & des dettes nationa les, & par conféquent des impóts. ont augmenté les caufes de la dépopulation, de la pauvrute & du découragement. Ce qui pouvait détourner les Capitalifles Européens de lui fournir des fonds, était fans doute Ie fyftême équivoque de fon papier monnaie. Mais Mr. Paine a montré 1'abfurdité des craintes qu'on pourrait conferver a cet égard. II a montré que cette émiffion ne pouvait être comparée qu'au papier kde crédit créé dans une place bloquéc, & dont les  C 125 ) les vicilTitudes ne peuvent affecler que lés Habitans ck la place, heureux encore s'ils acbettent leur falut ace prix! Il a montré que ce papier-monnaie, quel qu'ait été fon deltin n'a rien de commun avec les dettes étrangeres. Cellts-ei font d autantplus folides, qu'elles font garanties par le peuple eartier qui les fait au nom de lés repréfentans, qui ne' s'engagent' eux-mêmes que par 1'impulfion du peuple, leur Commertant. Le crédit des Etats Républicains a toujours eté regardé . •& non fans raifon , comme infinimtnt plus folide que celui des Etats oü 1'Adminiltration eft indépendante. Sans doute que la paix va rendre ces obfervatiors tous les jours plus inutiles, & faire disparat, tre les occafions d'emprunt que la guerre nécefii-. tait de la part des Etats Américains. Mais cette remarque fait (emir en même tems toutes les fuites de la politique pufiiiunime ou faufié qui a empêché nos Capkaliites d'accorder leur confianceaux américains. lis auraient, par ce moyen, ajou. té un nouveau ciment aux liaifons politiques formées entre les deux nations: ils auraienc, par ce moyen, farikté les opérat;ons de commerce qu'on ne iaurait trop augmenter dans ce pays-la: ils auraient préparé cette heureufe balance qui donne,. au moyen des intéréts annuels, tant d'avantageaux Etats prêreurs fur les Etats emprunteurs; au point que fouvent les pays qui n'ont que kurinduttrie, ont Pavantage fur les 'pays produóteurs. L'Amérique fe ferait aiors trouvée dans une tfpece ae dépendancede cette République, du moins jufqu'a ia liquida, tion finale des fonds. Qu'on jette les yeux fur le traité de paix conclu entre 1'Angleterre & I'Amérique. Les Ang ais onc eux-mêmes été furpris des conceliions ïinmenfes qu'on a faites è ce peupie naifiant, échapé de ion fein. L'imagination fe perd, en envifageant les leflources infinie* que cette République va tirer de cet  ( 126 ) cet Etat des chofes, en pofant 1'agriculture pour Is bafe fondamentale de fon fyftême politique; en n'y admettant la navigation & Ie commerce que comme des objets ïecondaires & fubordonnés. On a reconnu que les terres fituées au - dela de cette chaine de hautes montagnes qui bordent a 1'occident 1'intérieur de cette République, étaient d'une beauté, d'une fertilité, dont on n'a pas d'idée. Elles y paraisfent d'une qualité bien fupérieure a celles fituées le long des cótes de la mer. De grandes forêts remplies d'arbres droits & grands; de valles prairies oh paiffent de nombreux troupeaux d'une efpece particuliere errant ga & la & fans maitres; un climat doux & modéré, des rivieres dont le cours parait dhigé vers 1'oueft & le fud, qui vont fe jeter dans ]e large & majeftueux fleuve duMiffiffipi qui, tirant fes eaux defources lointaines & ineonnues, déploye fes bras k 1'eft & k 1'oueft, jusqu'a ce que fe joignant avec 1'Ohio, leMilfory & cent autres rivieres ce Roi des Fleuves , en comparaifon duquel. le Nil & le Danube ne font que des ruiffeaux, fe iette dans la mer du Mexique ; combien encore de valles lacs qui fe mêlenta 1'Océan vers leNordEft & communiquent a diverfes branches naviga-. bles'du Miffiffipiiquelle étendue de terres ! Combien. de Communications aifées, avantageufes! Quelle heureufe pofition ! Quelle opulence ne va pas acquérir un pays auffi vafte. peuplé d'hommes aélifs & laborieux , ayant dans fon fein toutes les chofes. de défenfe & de première néceilité , & gouverné" d'après le fyftême des conftitutions les plus belles, que fefprk humain ait pu enfanter. Qui peut, qui öferait douter du crédit d'un peuple placé dans une pofition auffi heureufe, n'ayant devant lui que des perlpeaives d'amélioration ik de richefles! C H A.  ( «7 ) CHAPITRE LX I I. Sur Ja pacificatiën aftuelle entre la République fi? 1'Angleterre, Lettre d l'Auteur du Politique Hoüandais. Monsieur, Nous venons d'apprendre la confirmation de la reprife de Trinquemale par les forces Frangaifes, Cette nation femble deftinée a repvendre aux Anglais toutes les pofieffions que ces Ennemis avides & féroces nous avaient enlevées. En approfondiflant ces événemens il ferait facile d'y trouver de nouvelles raifons de l'identité de nos intéréts avec ceux des Francais. On ajoute même que Negapatnam eft auffi retombé dans les mains de ces courageux alliés. Quel fort doit fubir ce dernier établifiement a la fuite de la pacification actuelle; c'eft ce que nous ignorons; mais ces reprifes des Frangais vont jeter de nouveaux embarras dans une négociation qui n'était pas déja fort aifée. On fait que la France & 1'Angleterre ont fait dans le traité de paix un arrangement définitif fur les pofieffions que chacune d'elles céderait ou conferverait dans 1'Inde : il y eft ftipulé que toutes les conquêtes contraires k cet arrangement feront rendues de part & d'autre: en vertu de cet engagement les Frangais feraientobligés de rendre Trinquemale & Negapatnam non aux Holiandais, mais aux Anglais. Ainfi ces dernieres conquêtes ne peuvent manquer de jeter de 1'embarras dans la négociation., Les Hollandais ne verront pas de bon ceil que leur' allié rend k 1'ennemi commun des poiTeffions qui leur appartenaient avant la runture aétuelle Au cas même qu'il n'y ait que Trinquemale de repris ; les Anglais qui s'autorifaient de cette ceffion im«  ( ia.8 ) importante a faire aux Hollandais, 'pour réclamer Negapatnam & la liberté des mers de 1'Inde, n'ont, depuis la conquête deMr deSuffren, plus de pareil trait de générofité a faire valoir: la France parait donc encore plus intéreiTée qu'eile ne 1'étaic auparavant, k infifter pour que tous les éjtabliiTemens ou prétentions de la République lui foient reftitués ou lailTés. Voila, je crois, un dès points lés plus épineux de politique qui fe foieni jamais rencontrés. Je ne fais pas comment on pourra en fortir, a moins de nous procurer une réftitution entiere. Daignëz éclaircir mes doutes, fi vous avez d'autres idéés. Je fuis &c. (Nous donnerons une Riponfe fc? des détails fatisfaifans d ces quefiions, l''ordinaire procbain.) J. A. CrajenscïtiT, Libraire h Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite adtuellement, Remarques fur les Krreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine, Maitres ez-Arts de l'Univerfiié de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des affaires Etrangeres pour le Congrès &c. Traduites de 1'Anglais & au- fmentées d'une préface & de quelques notes par A. 1. Cerisibr , gr. 8vo a 18 fois On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Feüille.  L E .POLITIQUE N°. CXIV. LUNDI, ce 14 AVRIL, 1783. CHAPITRE LXIV. Sur Vètat politique de la Compagnie des Indes-Orien* tales , contenant la Rêponfe aux Oueftions injé. réis dans le N°. précédent fur la conquite de Trinquemale, gf des explications Jur le Mémoire remis aux Etats Généraux le 17 Fevrier par les Direéleurs de la Compagnie. Monsieur! Je penfe, comme vous, que les affaires de Tlnde onc jeté de nouveaux embarras dans Ia négociation dé paix avec 1'Angleterre 5 mais a, quelques égards feulement. Certainement 1'Angleterre ne peut plus faire entrer Trinquemale dans la balance générale des négociations; car, quoique la France ait pris un arrangement dJfinitif, indépendant de toutes les opérations & conquêtes qui pouvaient s'êtrc faites jufqu'au moment oh la nouvelle des préliminaires fignés arriverait dans 1'Indej. elle n'a pu rien déterminer fur ce qui pouvait être 1'objec de nos prétentions; d'autant plus que le mémoire des confidérations dreffé, è cette occafion, dans Tomb V. I 1'as-  C 130 ) 1'afiemblée des Dix-fept, tenue k Ia Haye Ie 17 Fevrier 1783 , montre qu'il y a un concert d'opérations entre la France & laComp?gnie. Ce concert emporte uaturellement la néceffiré des'aider& fefecourir dans le recouvrement des étaiffiflemens refpectivement pofledés avant la rupture. Cet engagement était antérieur au traité du 20 Janvier 1783. C'elt une condition eflentielle, au lieu que 1'obligation de r Bonne-Efperance, ou pour mieux dire, tous nos établiflemens de 1'Inde. Le mémoire cité ne fait pas difficulté de déclarer è cette occafjon, que le Jervice rendu par les renforts qu'envoya Sa Majefté Très-Cbrétienne pour la Jureté du Cap & In difenfe de l'Inde, était d'une fi grande importance qu'il était, plus aifé de le fenlir que de l'exprimer. II n'y a, d'après cette déclaration , que de vils Omderwetfcbe Patriots, d'infames Reymers Vryaarts, & tous ces laches ünglomanes qui ont fait tant de tort au Stathouder en lui attribuant leurs opinions, il n'y a que des hommes pareils , devenus 1'opprobre & 1'horreur de la nation, qui puiiTent nier les fervices rendus par les Frangais. II eft vifible, il eft inconteftable, que la Cour Britannique ne nous avait déclaré la guerre, pour aucune autre raifon, que pour s'emparer de nos Colonies , riches & fans défenfe. Depuis longtems, même au milieu de la paix la plus profonde, die faifait des menées fourdes pour gagner les fouverains de 1'ifle de Ceylon. On a reconnu qu'elle avait eu des émiflaires traveftis a la Cour de 1'Empereur de Candy; la rapidité avec laquelle elle a accru fa dominauon dans l'Inde, fa politique toujours artificieufe ou violente fuivant 1'occafion; tant de moyens employés fans interruption, montrent affez qu'elle s'attendait a couronner fon ouvrage par Ia conquête entiere de toutes les pofieffions Be'giques dans cette partie du monde. Elle efpérait, comme le remarque tres - bien le mémoire des Viretïeurs, trouver dans cette nouvelle acquifitioh un dédommagement plus qu'équivalent a la. perte qu'elle efluyait, par Mmpoffihilité de recouvrerI'Amérique feptentrionale. Elle ne défefpere pas encore de parvenir a fon but. C'eft fur cet efpoir lans doute qu'eft fon • dée 1'obftination avec laquelle elle infifte fur la ceffion de Negapatnam & de la navigation libre le long & a travers de Cevlon & des Molucqucs. C'eft la fans doute qu'on 'la verra bientoc diriger i 3 &  C 134 ) & porter tous fes efforts, II eft aifé de voir que fi le flambeau de la guerre fe rallume bientót, ce fera dans ce foyer, & que les flnts du fang Européen que 1'ambition a fait répandre dans ces plages lointaines ne font rien en comparaifon de celui qui doity couler encore. La facilicé d'envahir Ceylon par le moyen de Negapatnam, de détacher les Molucques par la liberté d'y naviguer, & d'attirer a foi les fruits indigenes de ces deux pays, la Canelle & lei épiccries, & de rendre alors 1'univers entier tributaire de la nation Britannique, voila fes plans, voila fes projets, voila fon ambition. Cette pofition a fait imagirer a quelques-uns de nos ardens patriotes, un projet fingulier qui paTaft teméraire & qui n'eft peut-être que fublime. „ II faut," difent ces Enthoufiaftes, „ nous enfe~velir plutót fous ies ruines de la patrie que de " rien céder a 1'avide & injufte Anglais. 11 a tout '| aceordé a la France, a l'Efpagne, a 1'Amérique. Serons-nous les feuls auxquels il difterait des " loix iniques? Les deux premiers Royaumes " étaient, fuivant lui, des aggrefleurs injuftes^ét ' ambitieux; les Américains avaient abufé d'un ¥ bonheur acquis fous 1'influence Britannique pour | fe foulever; c'eft fous ce point de vue qu'il a. , envifagé fes autres ennemis; mais a-t-il pu allé' guer contre r.ous un feul motif de provocation? ]' 11 a tout ófé avant & pendant la guerre; nous ' n'avons marqué ces deux époques d'aucun évé" nement qui poiffe avoir allumé fon reflentir ment ou réveillé fon avarice ; & c'eft fur nous * que tombe tout le poids de fa fureur! Hommes V, Bcbes ou hébêtés qui fouteniez que nous devions le ménager dans la guerre pour en obtenir !, une bonne paix, voyez les fruits de votre po, litique imbécille ou traitrefle! L'Anglais ne ref!, pefte que ceux qui 1'ont provoqué ; il veut , écrafer qui n'a pas fu fe défendre. II avoue ,, ainfi Ion infernale maxime, que la rat fon appar,. tient au plus fort fi? le tort au plus faible. En " ' vam  C 135) „ vain nous demandons indemnifation des brigandages les plus injuftes & les plus énormes. envain nons réclamons les traités les plus folemnel-: „ envain nous en appelons aux principes de la neutralité que nous n'avons mamtenue qu'avec „ troü de foin. L'Anglais, fi indulgent po'utiennent , encore les colonnes chancelantes de la prolpé- rité Belgique Fait-il de pareilles demandes a „ la France, h 1'Efpagne, au Po-tugal? Nous „ ouvre t il de fon cóté fes ports fes havres,fes comptoirs, & fon commerce exclufifs? La „ Compagnie Anglaife s'offre t elle a nous faire „ partager fes eroits & fes privileges?" B3taves! qui de vous ne fent p:i§ fon fmg bouil- lonner, a ces prétentions odieufes &tyr;mniques? N'étes-vous plus les defcendans de ceux qui „ vous ont acquis ces r>ches pofieffions qu'on veut aétueilement vous ravir r* Qui de vous n'of„ frirait pas fes biens & fa perfonne pour fe dé„ rober a des conditions auffi flétriffantes ? Un trait d'enthoufiafme peut nous fauver & nous „ rendre notre ancienne confidération. Eft-il im« I 4 „ pos-  C 136 ) „ poffible dans un tems que trois Puiffances vont j, jouir de la'paix, d'avoir des vailleaux & des „ hommes ? Ce pays ne renferme -1 - il pas des,, fources inépuifables de ce métal qui eft le nerf „ de la guerre ? Rien ne nous preffe de conclure „ avec 1'Angleterre. Le généreux Louis XVI ne „ s'oppofera point a un projet qui ne 1'écarte pas „ de fon fyftême de paix. Son intérêt lui fait un devoir de ne pas abandonner les places qu'il a „ conquifes ou qu'il garde, pour nous, jufqu'a no„ tre paix avec 1'Angleterre. Le Hér s rie l'Inde, „ 1'ennemi implacable des Anglais , Hyder Aly fe „ prêtera facilement a des engagemens avec nous, „ Nous verrons alors, fi avec ces précautions, les ,. Bataves altérés de vengcances cc guidés par „ 1'honneur, ne feront pas redoutables a un ennemi , épuifë , dans un pays 011 fon nom eft en hor\, reur, oh les princes & les peuples n'attendent qu'une occafion pour fe foulever généralement , contre fa tyrannie." Tels font les cris d'un noble défefpoir que nous avons recueillis fidelement des papiers publics les plus généralement avoués de la nation. 11 eft ccrtain que les affaires des Anglais ne font pas dans un état bien riant en Afie. Le Lord Shelburne en faifait le 17 Fevrier pafte , la peinture fuivante dans la Chambre des Communes „ L'on demande aux Miniftres pourquoi ils ont rendu Pondichcry aux Frangais, öt pourquoi ils ', ont donné permiffion a ceux-ci d'environner Chandernagor d'un foffé ? L'on peut donner deux • raifons urgentes pour ce procédé. La première '| eft que ce Païs-ci n'avait ni la volonté ni la force " de continuer la Guerre. L'autre eft 1'état défes" péré des Domaines Britanniques en cette partie *, du Monde. Vous devez bientóf être informés , pleinement, Mylords, de tout 1'enfemble de la * trifte vérité que je ne fais qu'efHeurer aujourd'hui. !! Mylords, par les derniers rapports, qui nous en '5 1 „ font  ( 137 ) „ font venus, on déclarait que les Troupes étoient „ fans paie depuis quatre mois & par conféqucnc 3, fur le point de la révolte. Oui, les affaires de la Com„ pagnie des Indes en ces Quartiers-la étaient dans jj une iituation fi miférable qu'on était obligé d'hy„ potbéquer fes marchandifes a de riches Individus, „ quinon-feulementrefufaient (tel eft ledélabrement „ du crédit de la Compagnie dans cette partie du Globe) de fe contenter de fes affurances folemnelles pour Ia difpofition fidele de leurs fonds aux ven„ tes des marehandife< de l'Inde ici, mais empbyaient „ des Agents pour avoir foin que les affaires fe fis„ fent avec plus de fureté pour eux. Et vous pou,, vez calculer en quelque fagon, Mylords, 1'extra„ vagance de 1'ufure, au taux de laquelle la Compagnie eft obligée d'emprunterde ces Agents, par „ la feule circonftance que quelques-uns des Agents „ mêmes, employés par ces ufuriers, ont ïcco L. „ St. par an comme commiffion pour leurs peines. „ II n'eft pas néceffaire, Mylords, d'ajouter 3, un feul mot de plus pour prouver la néceffité de „ concéder ces Articles a la France qui dans ce mo„ ment même formait des alliances avec Hyder,, Aly, notre plus formidable & invétéré Ennemi, ., pour nous chaffer entierement du Pays. Notre j, ancien Adverfaire, Mr. de Bufiy, au déchn de fa vie , ègé de prés de quatre-vingts ans, avait quitté la France expreffément dans le defiein de for5, mer cette alliance: & qu'avions-nous pour réfi„ ■fter a fa force , lorsqu'elle aurait été formée? „ Pcnfez-vous que des Troupes fans paie voudroient „ fe battre? Maïs pofez qu'il fut poffible d'atten,, dre un procédé auffi desintéreffé de la part de la „ commune foldatesque; des Troupesaffaméesvou„ draienc ou plutót pourraient-elles fe battre? Les „ Avis que nous recümes vers le même temps, „ nous apprenaient que nos Forces envoyées contre Hyder-Aly étaient journcllement en crainte d'ê„ tre réduites a mourir de faim. Quelle réfiftance Ij une  ( 138 ) „ une Armée d'Infanterie (car nous n'avions point , de Cavalerie) pouvait elle faire contre ce Prince „ puiflant & contre fa Cavalerie nombreufe, bien ,, équipée, & formidable? Aucune réfiftance quel„ conque: elle aurait été d ffip-e comme de la pail„ le au vent Tandis donc que la Cour de France ignorait ie trifte état denos affaires dans cesQuar„ tiers & qu'elle n'était pas encore informée da ré,, fultat des Négociations de Mr. de Buffy avec „ Hyder Aiy, la prudence n'impofait-elle pas au „ Miniftere Britannique le devoir de céder, comme il Ta fait dans ce moment- la , lorsqu'il était pro„ bable qu'il ne cédait que ce qui n'était déja plus ,, en fon pouvoir V' Nous avons donc eu quelque raifon de temporifer, de ne pas déferer aveuglément aux prétentions Brit: nniques. Ces raifons pourront faire impreffion fur les Anglais; la trance en fendra les fuites; & cet Ktat , en adoptant une politique male. foutenue par des effbrts vigoureux , pourrait encore for» tir du labyrinthe oii il eft engagé. La Compagnie dit dans fon mémoire qu'elle s'attendait pofitivement en conféquence des efpérances données- a fes Députés a Paris & des ordres remis a Mr. de Suffren, que Trinquemale ferait fecourue & que les Troupes Frangaifes combinées avec celles d'Hyder-Aly auiaient chaffé les Anglais de Negapatnam; mais elle ne dit pas que la France fe füt er.gagée a lui garantir ces ctabliffeinens Quoi qu'il arrivé, il fera difficile que la Compagnie des Indes oublie jamais qu'elle ne doit fon falut qu'a la Cour de France. Elle ne ferait plus rien, fans fon fecours Elle devrait ériger une ftatue a Mr. de Suffren. Sans le combat qu'il livra a John. ftone dans le port de Praya, le CapdeBonne-Efpérance, cette clef des Indes, tombait au pouvoir de 1'Anglais. Si ce Héros Francais n'avait défemparé 1'Êscadre de 1'Aniiral Hughes, lorsque ce Breton vo- lait m  c 139) lait de la cowjuête de Trinquemale a celle de Colombo, & des Molucques, s'il eut cédé aux importunités des traitres qui, d'accord avec la politique Anglaife, voulaient le ramener a 1'lfle de France, 1'Anglais triomphait k jamais dans l'Inde: c'en était fait & de la puiifance Francaife & de la nótre dans cette parcie du monde, „ I>s Francais ne nous ont pas feulement fauvés. Ce n'eft pas oucrer la chofe que de dire qu'ils fe font facrifiés pour nous. S'ils n'avaient pas été obli. gés de morceler & de confumer leurs forces pour conferver nos poiTeffions; quels avantages n'avaientils pas a efpérer des forces de terre & de mer qu'ils ont envoyées dans l'Inde? On dirait que 1'Angleterre nous voyant fans défenfe, ne nous a déclaré la guerre que pour diminuer par une diverfion , la poids des forces Francaifes intéreffées k notie conftrvation. Si telle a été fa politique, on peut dire qu'elle en a recueilli les fruits; puis qu'il elt probable qu'elle ferait expulfee de toute l'Inde,ft elle ne nous avait pas forcés, malgré nous, k entrer dans la querelle. Qu'on juge , d'après cette nouvelle réfiexion, fi nos pofieffions demandées par 1'Angleterre peuvent étre cenfées entrer dans la baiance des négociations générales. Cette guerre, ces malheurs, ces embarras, nous ferviront fans doute de legon utile. Nous ne Ia devons qu'a 1'état de décadence & de faiblefle bien connu oh fe trouvait Tadminiftration de la Compagnie II ne fera pas inutile de développer les caufes de ces maux & d'en rechercher les remedes. C'eft ce que nous examinerons une autre fois. CHA'  C Mo ) CHAPITRE LXV. Sur la Politiqui d'Etat, pour fervir de rêponfe d la Lettre du Maïtre - Cbarpentier en conJlruction navale , infèrê clans le No. penultietne. Monsieur, Vous êtes paffé-maitre en conflruêtion navale;& vous me demandez des explications fur l'art de la politique. II faut avouer en effet que les affaires de 1'Etat dans le département de la conftruétion des vaiffeaux, femble avoir introduit une nouvelle maniere d'envifager la politique ; mais j'efpere vous prouver que cette nouveauté en politique ne vaut rien On voit bien a votre maniere d'écrire que vous favez vous occuper d'autres chofes que de celles de votre profeffion. Vous êtes fans doute le même que je rencontrai dernierement chez un libraire , venant fouscrire pour les meilleurs journaux Francais & Anglais, particulierement pour celui de Phyfique de Mr._ l'Abbé Rozier , fans que vous parlaffiez, du moins f3ci!emenc, aucune de cesdeux langues, h ce que me dit le libraire. II n'eft pas étonnant de trouver ici, dans les conditions les plus mécaniques, des hommes inftruits & qui favent penfer; pendant que dans d'autres pays on ne peut tirer les artifans de leur fphere grofliere & d'une ftupide routine. On voit en France, mais furtout en Allemagne & en Italië, des payfans qu'on aurait peine a diftinguer autrement que par la bipédité, des bêtes de fomme qu'ils employent. Les chofes font bien autrement en Angleterre, dans lesPays-bas' Unis & en Amérique. L'éducation y eft générale; on y trouverait difficilement quelqu'un qui ne fut pas "lire & écrire; & l'on ne voit pas que ni 1'agri* culture. ni les arts mécaniques perdent a cet état des chofes. Ainfi, Mr. le Maitre en couftruction na-  ( 141 ) navale, vous ne m'étonnez point, en me montrant que vous favez auffi bien penfer que conftruire. Vous méritez affurément une réponle. Votre ftile montre que je n'aurai pas befoin de dcscendre au dialede qu'on attribue è ceux de votre profeffion. Je vais vous répondre dans le langage des gens honnêtes & bien nés. La définition que vous donnez de la politique eft jufte, Mais vous n'expliquez que la politique de nation a nation. II eft un autre politique d'état qui n'a rapport qu'aux affaires intérieures ; & 1'examen de cette oerniere eft bien plus curieux que celui de la première. Par exemple, les Monarques, les Princes. en un mot, les adminiftrateurs, inveftis de fexercice de la puiffance fouveraine dam» un Etat, ont un fyftême particulier de conduite pour le maintien de leur autorité. Les uns s'imaginent qu'elle n'eft bien foutenue & que 1'Etat n'eft tranquille, que lorfqu'ils ont le pouvoir redoutable d'envoyer le cordon fatal h qui leur déplaït; d'autres, plus timides k raifon de l'opinion pub.-ique qu'ils font inftruits h refpeéter, fe bornent a faire difparaitre ou a jeter dans des culs de baflè-foffe un citoyen odieux ou fufpect, au moyen d'un hiérogliphe "particulier, comme qui dirait, figné tolema. . II eft une politique d'Etat de la même efpece, dans les Républiques auffi bien que dans les Monarchies. L'inquifition d'Etat a Vemfe a établi une bouche d'airain oh l'on peut verfer toutes fortes de dépofitions vraies ou fauffes & immoler fes ennemis fous le voile du bien de 1'Etat Au moindre fienal, au plus léger foupgon, le tribunal terrible eft en poffeffion de faire arrêter le premier comme le dernier des citoyens & de les dévouer a la mort ou è la perte de la lumiere, fans forme de procés. , . ,. Les louables Cantoris eux-mêmes ont une politique intérieure d'Etat. Cette nation qui fe difperfe n tn  ( '42 ) en fi grande abondance chez 1'étranger, qui s'eft: procuré dans la plupart das autres pays des privileges au defius des nationaux , profcrit irrévocablement tout étranger de fon fein. Ils ne peuvent y acquérir le droit de Bourgeoifie qu'on accorde aux individus Helvétiques partout ailleurs; & fi, quelques membres dédaigneux du louable corps fe relachent a cet égard; ce privilege ne fe donne qu'a des millionaires ou è des Louis XI qui en échange, apelait les Suifies, fes Compaes. Un honnête homme qui n'a que fon indultrie & le talent d'en répandre les fruits dans le fein de la patrie nouvelle qu'il y adopte, re peut fe fiatter de partager la prérogative des autres citoyens. II doit é'attendre è y être éternellement regardé comme un profane, un impur; dans 1'efpérance qu'enfin fes defcendans pourront auffi devenir citoyens è la dixieme génération. Les Suifies font en pof» feffion immémoriale d'être régardés partout comme freres & amis, & de regarder tous les autres hommes comme des ennems & des én-esd'une efpece particuliere. Apparemment que cette politique d'Etat fubfifiera jufqu'a ce que les autres nations aient ouvert les yeux &, d'après les regies de 1'équité générale, interdit aux citoyens des Al. .pes tous les privileges qu'üs n'accordent pas aux autres. La politique intérieure d'Etat dans les Pays-bas. Unis, offre un champ non moins fécond d'obfervations piquantes Mais., avant d'entamer cette matiere, toute neuve, qui fera 1'objet d'une difcuffion particuliere, examinons la politique d'Etat relativement aux nations étrangeres. Vous avez bien raiion d'obferver que la politique extérieure n'eft que le bien de 1'Etat. réglé d'après les avantages des autres nations. L'imérêc général , bien entendu, n'eft pas oppofé a 1'intérêt particulier. II eft faux d'avancer qu'une chofe bonne en morale ne vaut rien en politique. La morale & la politique forment une feule fcien- ce,  C 143 ) ce, dont les principes font entierementles mêmes; & les rapports d'un Etat, d'une fociété, d'un particulier, avec !es autres Etats, les autres fociétés & les autres hommes , re font qu'une extenfion des rapports de chacun d'eux avec eux-mêmes. Le bonheur des nations, comme celui des particuliers, dépend de I» maniere dont chacun d'eux fait s'arranger, pour prendre fes avantages, fans nuire k ceux des autres. La juftice & la prudence, par rapport aux particuliers, fe nomment fageffe politique a 1'égard des fouverains, & droit des gens relativement aux nations. L3 juftice eft une regie univerfel'e qui détermine les droits de tous . dans la grande familie des nations, ainfi que dans les fociétés particulieres. Le trouble, le défordre, la ruine des nations, ainfi que les malheurs des particuliers font les ch&timens plus ou moins prompts de la violation des loix naturelles, antérieures aux fociétés, aux conventions, aux loix humaines qui en dérivent. L'ignorance de ces maximes, les préjugés contrai.es, les fophifmes des méchans les attentats de 1'ambition, l'égoïfme de la cupidité, les rufes de la fauffe politique, rien au monde ne peut obfcurcir 1'évidence de ces principes. C eft par le concours unanime k leur obfervation que la tranquillité des Etats fe maintient & leur profpérité s'accroit. La force des dépofitaires de '.'autorité, la félicité des peuples réfident dans 1'oblérvation de ces vérités primkives & facrées. Ne fait pu< d un autre ce que tu ne vuudrais pas qui te fü' fat, eft une maxime obligatoire des Etats auffi b'en que des particuliers. Les hommes ou les nations qui la rransgreffent, occafionnent le défordre, & font toujours viétimes de leurs transgreffions Le droit des gens ne differe en rien du droit naturel. L'Etat naturel des fociétés. les unes k l'éiard des autres, eft un état de fociété de paix, d'échange, de commerce réciproque: cetre fociété eft egalement une fociété d'égahté & d'indépenJance: cette éga-  ( M4 ) égalïté de droit commun oblige les nations d'avoir les unes cour les autres , les mêmes égards, les mêmes menagemens. La politique intérieure n'eft que le droit des gens. Elle pofe fur 1'égalité de nation , la défenfe de nuire a aucune , la réparation des dommages caufés, la bonne foi dans les traités, la fidélité a maintenir les conventions,& fur les égards dus aux Ambafiadeurs. La haute opinion qu'un peuple a de lui-même ne fait jamais la grandeur de 1'Etat, quand fes vjces moraux & politiques le rendent dangereux è luimême & redoutable k la fociété générale des autres nations Quelque fplendeur qu'il acquiere, s'il veut devenir abtölu, il travaiile a ne 1'étre jamais ; & il fera toujours malheureux jusqu'a ce qu'il foit détruit. Les tems modernes nous ont fourni des lecons mémorables de cette grande vérité. Les Efpagnols, les Francais & les Anglais en ont été tour-a-tour les fujets & les victimes. Philippe II, Louis XIV & Ie Cabinet de St. James ont vu les déplorables effets de leur ambideufe politique. (La. fuite au N° procbain.~) J. A. Crajknschot, Libraire è Amfterdam & Editeur de cette Feuüle, a imprimé & débite aétuellement, Remarques fur les Erreurs de L'Hkstoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c. parMr. Thomas Paine, Maüres ex-Arts de l'Univerfité de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des Affaires Etrangeres pour le Congrès &C Traduites de 1'Anglais & augjnentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier , gr. 8vo a 18 fois On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Fcuille.  L E POLITIQUE N°. CXV LUNDI, ce 21 AVRIL, 1783. Suite dtfCHAPITRE LXV. Sur la Politique d'Etat, oü l'on prouve que les intérêtt des Nations ne font pas différents & oppofés. Lorfqu'un gouvernement eft entrafné par la paffiondc dominer, il n'eft pas le fléaude fes voifins impunémenc. S'il veut les aifujettir par 1'empire des mers, fes vaifieaux deviendront des épon» ges qui boiront la partie la plus précieufe de fafubftance. Les mers appartiennent è: toutes les nations. Toutes onc un droit égal de figurer fur ce théatre vafte & mobile. La Providence n'a varié fes dons dans les difFérens climats qu'afin que les hommes de tous les pays, tributaires les uns des autres par les befoins, "fe rapprochaflent par la bienveiUance, & fe devinffent mutuellement néceflaires. C'eft fur ce plan que Dieu a formé les mers qui féparent & uniflënt les nations. II a voulu que ces réfervoirs immenfes, qui appartiennent a tous, fuflent indépendans de toute domination particuliere. Tojh: V. K En  ( 146 ) En effet, le befoin lie toutes les nations entr'elles. On va chercher dans le Nord, des grains, dulin, destoiles, des pelleteries, de la cire, du goudron, des matures, des bois de conftruftion, des voiles, de la poix &c. Le Midi offre d'autres avantages, la Zone tempérée a des vins de toute efpece, des huiles, des fruits, des fels, des manufactures dont les produits utiles & infiniment variés font néceffaires aux deux mondes. Tous les Etats de 1'Europe polTedent quelques branches de commerce, quelques richeifes particulieres, foit qu'ils les dennent de la nature feule, foit qu'ils les doivent a leur induftrie; Si les befoins lient toutes les nations entr'elles; fi les mers font des canaux de communication réciproque; il eft évident que la liberté & 1'immunité générales font deux conditions abfolues, fans lefquelles le commerce des nations ne pourrait exifter ni fubfifler. Les hommes de tous les climats fe reftemblent en un point; il fe conduifent tous, conformément a leur intérêt, quand ils font éclairés fur cet intérêt véritable. Or leur véritable intérêt eft également dans les égards dus aux droits des autres, ainfi que dans la jouilfance des leurs. II faut être deux pour commercer; avec de pauvres voifins on ne ferait qu'un pauvre commerce.. On ne peut vendre beaucoup & conftamment aux autres, en les privant le plus qu'on pourrait, des moyens d'acheter & de payer. Si deux nations voifines profperent enfemble, elles n'en profpéreront que mieux- L'opulence de 1'une fe fonde en grande partie fur celle de 1'autre. Kntre nadons comme entre particuliers, il n'y a rien è gagner qu'avec ceux qui ont des produéhons & des richefies. C'eft: ce que les Minifteres d'Angleterre & de France commencent enfin a appercevoir. II eftdéclaré, dans le Traité de paix entre ces deux nations. Article XVII, que les deux Cours nommeront des Commisfaires pour travailler fur ïétat de commerce entre les deux  deux. nations, afin de conv;nir de nouveaux arrangemens de. emmerce, fur le fondement de la réciprociié £f de la cmvdiuwee mutuelle. Cette ftipulation fait un honneur infini aux deux Cours. Elle prouve que 1'empire de 1'opinion commence a faire place au regne de la raifon. On ne regardera donc plus comme une maxime fondamentale de politique , d'appauvrir fes voifins pour s'ennchir foi-même. G'ëCt en appelant tous les hommes au partage & h la jouilfahce de tous les biens phyfiques que 1'homme peut les multiplier óc s'en affurer une piovifion continuelle, toujours plus forte. Le plus grand intérêt de chaque peuple eft, en excitant le commerce national, d'appeler dans les ports le commerce étranger, par raffurance de toute liberté, de toute proteétion, & d'exciter 1'émulation des concurrens par 1'anpat du commerce d'échange & d'un gain légitime, C'eft le moyen in. faiilible de rendre i'un & 1'autre commerces aulfi flórifl'antsqu'utik-s; un intérêt commun $ preffanr a la fois 1'ordonne ainfi. Cet intérêt eft conforme aq droit naturel, au droit des gens, aux befoins réciproques, aux loix da commerce qui unit les nation', è 1'immunité des mers qui font le précieux lien de communication entr'elias, èf la liberté, h la fureté qui font ies deux anneaux de cette chaïne immenfe. Cherchons a développer ces principes par des obfervations. II faut rendre juftice au üoyen Tucker. Aucun Auteur n'a mieux expljqué cettematiere que cet Auteur, qui nous a tracé le plan des idéés que nous allons expofer. Que l'on demande è un négociant, même h tout marchand en détail, s'il ferait de fon intérêt que les plus riches de fes pratiques, & ceux qui payent le mieux fuffent réduïts a la banqueroute ou a la mendicité, fa réponfe ferait laconique. II ferait même tenté de demander a 1'interrogateur, s'il ne cbtrcbe pas d l'infulter par cette quejlion ? Eft.il pour les nations des regies & des maximes différentes h cet égard de celles que fuivent les particuliers? K 2 Lca  C 148 ) Les corps politiques font - ils int»f relTés k appauvrir leurs pratiques ? Ce qui feraic le comble 4e la folie & de 1'abfurdké de la part d'un individu h 1'égard d'un autre, fera-t-il regardé comme le chef-d'ceuvre de la politique d'Etat aEtat. Venons aux exemp"'es Les Anglais, devenus riches & puhTans, achetaient des quantités immenfes des vins, des eaux de vie & d'autres productions de la France. Que les Anglais foient réduits ó la détreiTe, a 1'indigence; qu'ils redeviermcnt pauvres «St miférables comme certains cantons de 1'Allemagne, de 1'Italie ou de 1'Efpagne. Acheteront-ils plus des vins, des eaux de-vie de France, qu'ils ne faifaient auparavant? Devenus pauvres, leur pratique fera t elle meilleureV une celle queftion pourrait «elle fe propofer férieufement? Les Anglais, noyés dansles richeflés & la profpérité, ne manquent pas d'éprouver les fentimens de la vanité, du falie. Leurs femmes, comme il eft naturel au fexe, fe piquent en même tems de parure. Cet état des chofes n'cffre -1 • il pas un débouché nouveau a tout ce que 1'induftrie & le goüt Frangais peuvent imaginerdeplus riche & de plus galant ? Les foies, les velours, ies galons, les modes de France necirculeront-ils pas en plus grande abondance dans un pays riche & floriffant? Mr. Necker a obfervé (dans fon compte rendu) que les étrangers qui voyagent en France, y forment une des branches les plus lucratives de commerce ; & il évalue a trente millions de livres tournois le profit de cette finguliere branche de commerce pour la France. II eft naturel que la fource de ce commerce avantageux vient principalement des pays les plus nches, comme 1'Angleterre & la Hollande. Tournons aéluellement la médaille. Confidérons la France comme une pratique de la Grande-Bretagne. II eft certain que la plupart des Anglais ont regardé longtems comme une des maximes fondamentales de leur politique, de leur ambkion & de leurs effbrts de reduïre Ja France a la derniere détref-  C 143 ) trefle. Ils croyaient voir fur fon malheur s'élever la bafe de leur grandeur & de leur profpérité. Parmi les différentes erreurs qui ont égaré 1'efprit humain , il n'en fut jamais de plus fatales au repos du monde que cette ardente animoiité contre le bonheur d'autrui: de la cette jaloufie de commerce, paffion funefte, qui depuis fi longtems fait couler des flots de fang humain. On dirait que les Anglais ont regardé comme une maxime inconteftabie, de ne pardonner a aucune nation qui pouvait fe proCurer quelque avantage fur eux k cet égard. Au lieu de s'attacher, par la rivalité légitime de l'induftrie, a diminuer les inconvéniens de la concurrence, ils auraient voulu qu'on exterminat du globe quiconque faifait des ouvrages plus finis & k meilleur marché que ceux qui fortaient desmanufactures Britanniques. Qu'on interroge, cependant, tous les Anglais, fur les productions de leur fol ou de leurs manufaétures; rien n'eft comparable a ce qui fort de leur pays: pourquoi donc portent-ils une jaloufie fi ardente contre tous les effets de 1'induftrie des autres pays? Pourquoi cherchent-ils tant de moyens pour leur porter obftacle & préjudice? M'cft-ce pas une chofe certaine, que, quelque entrave que l'on mette au eommerce, le concours & la baiance feront toujours a ceux qui fourniffent ce qu'il y a de plus excellent & de meilleur marché. Les Anglais n'auraient donc, k ne déférer qu'a leur propre opinion, rien k craindre d'une concurrence libre & ouverte avec la France. Le goüt des manufaétures Anglaifes en France n'eft-il pas, en effet, monté a un point qui devrait leur faire defirer rétabliffement de conventions pofées fur les principes d'une liberté, d'une égalité réciproques? Serait-il de leur intérêt de réduire un Royaume 11 bien difpofé a faire ufage de leurs manufaétures, a la mifere & a la mendicité? N'eft-il pas au contraire, de leur avantage réel, defavorifer la profpérité de la France par teute forte de moyens juftes & K 3 ho»  C 150) honnétes? Plus la France deviendrait pauvre, plus e!lc ferait . une pratique mauvaife pour 1'Angleterre. Plus elle fera riche, plus au contraire fa pratique fera benne. S'il exiÜe des intéréts femblables entre deux natiums, que l'on regardait comme des Ennemies naturelles, c'eft a dire comme intéreffées, chacune, k la ruine de 1'autre, k plüs forte raifon. les autres nations n'ont ils pas des intéréts oppófcs a ceux de la République Btlgique. II eft vrat que la baiance du commerce panche naturellement pour ceux qui habitent le climat le plus fertile> mais chaque nation a fes avantages particuliers; & 1'induftrie aidée d'une pofition heureufe & d'un gouvernement libre, peut fe procurer des avantages équivalens. 11 n'eft jamais entre' dans le plan des delTcins de la Providence de faire des nations des bêtes féroces, pour fe déchirer & fe dévorer les unes les autres. Le fage & bienfaifant Ordonnateur des mondes a voulu,fans doute, que 1'intérêt d'un commerceégal & réciproque füt la bafe de notre intérêt réel, permanent & national. Depuis les tems d'Héfiode jufqu'a prefent, on a obfervé que deux hommes du même métier s'accördent difTicilement. Voila les germes fatals de ces jaloufies focialcs, de ces corporations exclufives, de ces monöpo'es deftruéleursqui afrlig>..nt tant de corps politiques. LcbienparticulierneprCvaut que tropfouvent fur lebien public, 11 n'eft p;.;< jufqu'a 1'Auteur dc feuilles hebdomadaires ou périodiques, qui ne prétende avoir le droit exclufif de raifonner ou de déraifonner une ou deux fois par femaine, d'annoncer les événemens vrais ou faux des quatre parties du monde. La faveur prévaut même fur 1'intérêt général; & quoique fa concurrence fafle autant de bien k la fociété que de tort aux monopolcurs , cette grande vérité n'eft pas fentie par les adminiftrateurs des Etats, même les plus éclairés fur leurs ïatérêts. . - t • Pour-  C 151 ) ' Pourquoi les mêmes maximes n'auraient-elles pas lieu dans la fociété des nations comme dans la fociété d'un feul peuple? „ Quoi " dit 1'Anglais, ne devons-nous pas être jaloux du commerce des " Francais & des Hollandais, nos rivaux? Ne de" vons-nous pas les empêcher de devemr nches, " s'il eft poffible? Leur richeffe fait notre pauvre" té & leur pauvreté fait notre richeffe. Auffi " nous fommes ennemis naturels & néceflaires jat" qu'a la fin des fiecles." A en croire ces raifonneurs" des Clubs anti - Gal- . licans , il femblerait que le Créateur n'aurait pu régler les intéréts de deux pays voifins, pour 1'avantage commun de tous. N'eft-il pa> au contraire évident qu'il a départi è chaque nation des avantages différents pour concounr a 1 intérêt de toutes? L'efprit vif, léger & docile du Francais enfante des ouvrages ou 1'éclat & le goüc excellent. Le génie profond & méthodique de pAnslais brille par la folidité, la régularité. Le Hollandais, laborieux , opintètre & frugal , met dans le commerce général une attention minutieufe qui augmente 1'émulation & le dêbouché de toutes les autres nations. II eft comme 1'ame qui doorié une valeur a une multitude de branches de commerce qui fe flétriraient fans lui. II fert a tous, fans nuire a aucun. 11 eft donc clair que fonder 1'efpoir de fa richeffe fur l'appauvriffement de fes voi-ns eft un projet de brigands combiné par des aveugles. Voyons- è préfenc quelles font les prétentions qui s'oppofent a cet arrangement qui établirait le bien commun & la paix générale des nations.. Un defpotifme exclufif fur ies mers enchaine le commerce général. Prétendre foumettre les vents & les flots aux fignaux d'un pavillon exclulif, c'eft une tyrannie auffi abfiuve qu'intolérable. Une prétention auffi orgueilleufe eft un crime de leze-humanité, une violation formeile des loix divines & bumaines. L'attribution de cc qui eft a autrui n'en K 4 fau-  C ijO "(aurait donner la propriété. Violer Ie droit des autres eft, comme nous 1'avons vu, la maniere la plus füre, comme la plus terrible, de nuire a fon propre intérêt. L'empire exclufif d'un élement commun ne * donne rien de durable; fon fceptre ufurpé fe brife contre le moindre écueil; il doit étre englouti par les ondes indépendantes qu'il veut tyrannifer. Dans tous les tems, chez tous les peuples, une puifiance injufte n'a jamais été que précaire. Toutes les loix d'équité & de paix tendent diredtement a la confervation des avantages généraux; mais toute atteinte aux droits d'autrui détruit ces avantages. L'ambition fait les ufurpateurs & les tyrans; mais la tyrannie appelle la vengeance : c'eft ainfi que 1'orgueil & la cupidité de 1'ancienne Carthage s'expierent par fa décadence; elle fouleva mille peuples contre elle, paree qu'elle croyait pouvoir les infulter impunément a 1'aide de fon empire fur les mers; fes ennemis s'inftruifirent par leurs défaites; enfin, vaincue par Agatocles & Scipion, elle devint le mé- {>ris de funivers, dont elle aurait pu fe conferver e refpect par fa modération & fa juftice. L'Angleterre a voulu marcher fur les traces de 1'ancienne Carthage. Qu'a t-el!e retiré de fon despotifme fur les mers & de fa cupidité? La moitié de fon empire s'eft déja détachée de 1'autre avec violence. Elle s'eft vue obligée d'abandonner ignominieufement une partie des conquêtes que l'injuftice lui avait données. Une prodigalité de dépenfes funeftes h ébranlé fes reflburces eflentielles. Son crédit chancele partout. Sa dette nationale s'eft accrue a un point que les réformes les plus économiques ne donneront pas encore efpérance de faire face aux intéréts, fans de nouveaux emprunts, c'eftè-dire fans la néceffité de charges nouvelles jufqu'a ce que le peuple demeure écrafé fous le poids. C'eft de 1'acte de navigation publié en 1660 qu'il faut dater 1'origine du defpotifme Anglais fur le commerce & fur les mers. Cet acte porte 1'em- prein-  (153) preinte du cceur & de 1'ame de Cromwell. II offre, il eft vrai, un fyftême de régiemens uüles aux Bretons, mais injurieux & attentatoires aux libertés des autres nations. On ne tarda pas k en voir les funeftes effets. L'Ang'ais attira chez lui, fans in. terpoiition étrangere, les richefles des autres nations. 11 fe vit en état de les gagner, de les enchaïner ou les braver , avec leurs propres tréfors; la République fentit ia profpérité nationale diminuer graduellement a ce nouvel état des chofes; elle ficplufieurs efforts pour les ramener a leur état primitif; mais inutilement; elle fe trouva, par une combinaifon finguliere d'intérêts particuliers qui prévalaient fur 1'interêt national, entrainée k concourir aux proiets ambitieux de ia rivale qui 1'écrafait. La longue oppreffion produit 1'aveuglement & la ftupidké; peu s'en fallut que la République ne fe vit réduite a cet état déshonorant. Le coloffe ne la regardait plus que comme un marche-pied faic pour le conduire oh fon ambition le guidait; & quand elle ófait fe plaindre de cet outrage, 1'Angleterre prétendit être 1'unique arbitre des réclamations & le feul juge dans fa propre caufe. On a vu, dans notre patrie ,, des citoyens affez lachement vendus k 1'étranger, pour nous donner fes jugemens tyranniques pour la régie de notre conduite & la réponfe a nos plaintes. Etrange effet de la politique Britannique! Dans tousdès Etats elle s'eft fait des feclaires,desenthoufiaftes prêts k préférer fon intérêt a celui de leur patrie, ou qui du moins donnaient pour fymbole univerfel que les querelles perfonnelles a 1'Angleterre touchaient 1'univers entier; que toutes les nations étaient intérelTées a fon aggrandiflement & k fa profpérité ; & qu'a elle appartenait le droit de régler Péquilibre général, c'eft-a-dire de faire fervir chacune k fon ambition & k fa cupidité. Heureufement que ce fyftême, imaginé par GuillaumeIII,né pour le malhe'ur de fon fiecle éc du nótre, commence k fe difllper comme une illufion. INous aurions a penK j fer  C 154 ) fer que nos arriere-neveux ne feront pas autant affligés par les guerres que Font été nos peres &nous. Les Etats de PEurope prennent peu a peu une affie. te déterminée. Les bornes & les droits de chacun deviennent chaque jour plus certains & plus fixes. II ne refte gueres qu'è fixer 1'étendue & la liberté de quelques parties du commerce de chaque nation , rclativement a 1'autre Si l'on peut parvenir k ce point, les grandes raifons des guerres difparaïtront;on viendra peut-être a avoirhonte des'ent>re-détruire pour des riens, ou plutót pour n'obtenir que des défaltres. Le fyftême aétuel rend tous les jours plus difficilc 1'exccution des entreprifes importante! Avec nos grandes flottes & nos grands armées, il faudrait couquérir des Royaumes entiers pour fe dédommager des dépenfes de Ia guerre. Les fiaances de 1'Etat le plus riche font épuifées cn deux ou trois campagnes. Quelque heureux que foient les fuccès, ils deviennent prefque inutües, paree que tout manque pour en profïter en continuant la guerre avec vigueur. On la fait mollement enattendant que la néceffité contraigne a la fois les deuxpartis è pofer les armes. Quelle puilTance ferait actuellement en état de foutenir une guerre de trente ans ? Voila pourquoi 1'Angleterre n'a pu continuer huit années une guerre que 1'Efpagne, dans une po» fition femblable a bien des égards, a fait deux fois pendant prés de quarante ans confécutifs. En un mot, que gagnent les Etats maritimes h fe faire la guerre pour des intéréts de commerce ? Les torts réciproques qu'ils fe font tournent a. 1'avantage des puiffances neutres, dent les commercans étendent & multiplicnt leurs relations. A Ia paix, la nation la plus triomphante fe trouve appauvrie par les dépenfes de la guerre; & loin d'être en état de faire un commerce plus floriffant, elle fera occupée pendant longtems a réparer les maux que !a guerre aura faits a les poiTeffions attaquées ou recouvrées. Un peuple commercant ne doit faire la guerre que pour  ( 155 ) cour empêcher que fon commerce ne foit ruiné & jamais pour 1'augmenter. Europèens, pourquoi entreprenez vous des conquêtes , tandis qu on ne fonse pas a mettre en valeur ies fnches qui dédionorent vos campagnes? Pourquoi voulez -vous acöuértf de nouvelles cités, pendant que les votres tombent en ruine & que le Bourgeois oifif y languit? S'il vous importe d'augmenter le nombre de vos fujets, que ne les rendez-vous heureuxV Le bonheur les multipliera, Pourquoi ledifputer pour ues Colonies, tandis qu'on ne tire pas de celles qu'on pofléde, tout le parti qu'on poun ait en tirer? Pourauoi recourir a la force pour étendre le. commerce tandis que 1'induftrie feule peut proourer cet avantage a moins de frais & plus furemenc? Le proiet de vouloir être feul makre de la navigatr.m, n'eft pas moins chimérique, ni moins rumeuK que le projet de la monarchie univerfelle fur la terre. 11 eft mcme plus dangereux, car un Etat terrien ne touche qu'è quelques-uns feulement par certams points j ^u lieu qu'un Etat mantime pcuc attaquer prefque tous les Etats & dans mille endroits différens. Aufli ies Anglais ont-ils perdu beaucoup de ia confiance des autres nations. depuis qu'ils ont ófé dire qu'on ne devait pas tirer un coup de de canon dans aucune partie du mond.; fans :eur permisfion, &que, dans plufieurs occaiions, onlesa vus agir conformément a cette idêc. Nous finirons cette dismin par des répxions fur Ja politique intérieure d'Etat dans ce pays. Suite  C IS*) Suite du CHAPITRE LXV. Sur 1'Etat de la Compagnie des Indes. En faifant des recherches fur les diverfes tehfarï yes des Anglais contre nos établiffemens de l'Inde j a! fait la découverte d'un récit fort fingulier & bien propre a montrer leur attention conftante k foulever es autres nations contre nous. J] v a nlus dun fiecle quils nous accufent des excès les nut* contraires k 1'humanité dans cette partie du monde Si I on en croit leurs écrivains", nous fommes dans es Indes des piraces & des tyrans. Les récits fabuleux, les calomnies atroces ne leur coütent rien nomdécrier notre adminiltracion dans l'Inde Ce aue nous allons rapporter, ne peut prouver que deux chofes, 1°. 1'envie que ies Anglais ont toujours eue de nous rendre od.eux chez les nations commercantes de 'Inde & Jes contes qu'ils mettent eaSê pour cela. i°. Le projet qu'ils ont formé de fe ménager dans les Molucques des prétcntions ambit eufes: car le Prince de Maduré qu'ils ont eu entre ^ mains, naura pas manqué de leur céder tous fes droits fur fon Royaume è conditior: de venger fur les Hollandss la mort de fon pere. On fait n.^ chez les Anglais, ces fortes de ceffions fe font è bon marcné ; & l'on n'a point oublié ce Sauvage que M. Oglethorpe amena è Londres en 170, dor> on eut grand foin de faire un puiffant Koi & qui pour une montre d'or & quelques guinees vendit aux Anglais autant de pays qu'j]s en volurent dans I'Amérique Septentrionale Rèla.  C 157 ) Riiat!'» de la maniere dont les Hoilandais fe fent empartt de Vljle de M A D u R é , traduit du St. James Evening • Pofl. Maduré eft dans les Indes Orientales, proclie Java. Cette Ifle eft agréable, fertile & riche, & jufqu'a 1'annéc 1747 elle fut gouvernëe par fon propre Roi. Elle eft habitée par des Malais; ce peuple s'eft toujours diltingué par 1'accueil qu'il fait aux étrangers , particulierement aux Anglais , ainii que par 1'intégrité & la bonne-foi qui regne dans fon commerce: 1 Les Hollandais, fous différens prétextes , fe font rendus maf' tres d'un grand nombre d'Iflcs dans les Indes, & traitent tyranniquement les Souverains de celles qu'ils n'ont pas encore foumifes. Maduré jufqu'a ce tems était du nombre de ces deniieres: fur un prétexte hontcux & ridicule les Hollanditis y tirent dans cette année plufieurs defcentes: ils y envoyaient pour cet cffet des vaiffeaux de Batavia, leur capitale dans les Indes, dont Maduré pour l'on malheur eft voifine; & dans ces defcentes , ils pillaicnt, maffacraient & faifaient efclaves tout ce qu'ils rencontraient. Le Souverain de Maduré, homme d'un courage & d'un mérite diftingué, s'était fouvent oppofé a leurs emreprifes avec vigueur, mais rarementavecfuccès. Ces peuples n'étaient point dreffés a 1'art de la guerre, tel que les Européens le pratiquent, & ils tiraient peu d'avanta^es de leur nombre. Enfin le Roi voyant qu'il ne lui était plus poffible de défendre fon llle contre I'ennemi, réfolut de fe mettre lui-möme fous la protection du Sultan de Benyar dont il était parent. II communiqua a fon peuple Ie parti qu'il avait pris, & lui confeilla de fe foumettre a un pouvoir auquel ils ne pouvaient réfifter; que pour lui,comme il fallait ou qu'il périt ou qu'il iïit emmené en efclavage; fon dcffein était d'échapper par la fuite. Ils recurent fes adieux en pleurant , & faifant des voeux au ciel pour la confervation de fa perfonne facrée. II prit avec lui un de fes fils, un nombre de fes femmes, un corps de demeftiquës fidclcs & de fes plus vaillans foldats, & un tréfor conlidérable en or & en pierres précieufes. II fe mit dans des barques avec ces cffets, 6; fit la mcilleure partie du chemin qui le menait a la retraite qu'il avait choifie. Les Hoilandais avec plufieurs barques attaquerent ce petit parti dans fa retraite; mais ils furent repouffés avec perte : les Maduriens avaient toujours eu de la bravoure , mais alors ils y joignaient le défefpoir. S'étant ainfi délivrés de cet obftacle, ils continuerent leur route pour Benyar, & les Hoilandais s'attendant qu'ils prendraient cet endroit pour leur refuge, enyoyerent un vaiffeau pour couper le paffage, ou pour empêcher que le Sultan ne les recut , & ce vaiffeau lüt avaut eux dans U riviere de Jjknyar. lis  C I5S ) Ils le Mtouvrfrent a tems, & fe tinrent caehés fous le rivaee • dans la mm ils éviterent le vaifTeau Hoilandais, & en abordeftm «r. plus fort. qm fe trouva être un vaiffeau Anglais: cïtait ™ Onflow, Capitaine Congrcvc. Le fils du Souvcrain dc Maduré était pour lors avec les Anglais a Bcneoolcn, « la haute idéé que tï pere avaU d. méHtc ur vous-memc ftrt fort (èmblable. Tel fut le n eff-ee n ft ent que les Hollandais envoyerent au Sultan II obé tf fit £ réter le Capita.nc Congrcvc, le chargea de fers & reftfa de W ' rendre f, hberté .mlqu'a ce que les Anglais euffent rem le Sou veram quon lm demandait. Le Capitaine d'abord re u t ; maïs aprés quelques joiu*, voyant le Sultan déterminé dan fa \i li lü don, .1 écnvit des ordres pour qu'on livrat-Je ma 1 eu eux Mo narque avec tout cc qui lui appartenait. ""ineuicux Mo, Le Roi dont la perfonne & les manieres étaient pleines dP dignité , avait gagné pendant fon féjour a bord du v ,bi" , , était réftluje faire! HMjft? JffS» * a'*mcnt P\^tk qu'il était trahi, £ q„e h 'me prochait. Voyant qu'on était prêt il lui fairè \- K para » fon malheur & non a Le défenff qui^n'^pÓnible^- f„msn $T POrïC ' & dcs gens ^"fcrent «rmés de fabres de fufils & de bayonnettes: il vit quel était le dellin qui fattendait! ét  C 159 ) ét' fuivant les principes de grandeur que les Sauvages ont dans. les Indes, il voulut empêcher que fes feiivmes après fa mort 11e fuflent conduites en efclavage. Voyant qu'il ne pouvait pas les défendre plus long-tems, il prit le parti de les égorgcr, & commenca ce cruel facrifice de fa propre main, 011 prefcnce de cette troupe étonnée. II commenca par celle qui lui était la plus cherc qu'il frappa au cceur, & il aurait fan fubtr le même Ottt> ftoutes les autres, f. les Anglais ne fe fufient letés fur lm: il. ie bleiTcrent & le «rent prifonnier; il fut mis dans les fers , èi ce fut pour lors qu'il commenca fes plaintcs fur fon mahieureux fort O Anglais, Anglais, c'eft vous, s'écriait-il, c'eft vous qm refuYez votre proteftion a des opprimés, c'eft vous qm vous ioimiez a leurs ennemis pour les accabler! Se peut-U que les bons Anglais fc'etait ainfi qu'il les avait toujours appelés) voyent leurs amis les Maduriens dans 1'efclavage & qu ils ne les afiiftent pis' Peuvent-üs voir un Roi ini'ulté par des ufurpateurs & ne pas'prendre fa défenfe? Non, il n'y a aucune générofité dans les hommes blancs; il n'y a aucune vérité! Pourquoi m avez-vous promis de me prendre fous votre protecnon? _ C eft vous & non les Hollandais qui avez détröné le Souveram de Maduré. Cemmem fuis-je venu ici, fi ce n'eft paree que vous. vous êtes engagés de me défendre? Faites-le, ou, fi vous ne 1'ófez pas, du moins obfervez les loix de 1'honneur, mettez-moi fur le rivage, & me laifiez a ma propre valenr. Sil faut que je meure, que ce ne foit pas du moins avec la penfée que des Anglais font des perfides & des laches." Oü eft donc, s'écriait-il,oü eft prérentcment votre grandeur & "votre pouvoir, oü eft votre générofité & votre luftice? Maitres des mers, des Hollandais vous intimident: protecteurs des malneureux , c'eft vous qui me livrez , moi qui ai mis ma perfonne & mon Royaume fous la proteétion que vous m aviez promife avec ferment." Ouand le malhetireux Monarque eut exhalé ces plaintcs , les Officiers lui témoignerent qu'ils étaient pénétrés de ion lort, cc lui firent obferver que tous ceux qui étaient pre ens fondaient en larmes. Ie le vois , répondit-il , mais ce n eft pas votre pitié que j'ai demandée, c'était votre protechon , c eft elle que vous m'avez promife , & a moins que vous ne me 1 accordiez, le ciel fans doute vous punira. Les bidmens Hollandais parurent alors , & on lui répondit qu'il fallait monter fur leur bord; il fe tourna vers fes gens, & d'un air férieux, rempli de dignité, il leur ordonna de Ie fuivre; „ & li déformais," leur dit-il, „ fuelqu'un nomrae les Anglais devantvous, dites-lui que ce peuple na pas la vertu & le mérite que les bons Malais lui crovent. Toute-fois , continua-t-il , en fiuTffitt fes adieux aux Anglais ," je vous prie d avoir des égards pour le' Prince mon fils que vous avez parnn vous. Accordez-lui ia protcction que vous refufez & ion peie. o Anglais, parlez-lui de ce que i'ai foulfert, dues-lui que lort pcre allant a la mort lui recommande de le venger. m ia vt-r-  ( iöo ) ta , dit-il en terminant, ne peut vous porter a faire ce que je vous demande , que je puifle du moins 1'aeheter de vous ; prenez mes tréfors ; car' pourquoi en enricliirais-je mes plus grands ennemis ?" En parlant ainfi , il répandit fon ör & fes joyaux , & descendic fans émotioh dans la barque que les Hollandais avaient envoyée pour le prendre. Nos gens ne purent voir ce fpeftacle fans répandre des larmes ; mais les Hollandais n'en furent pas plus émus que fi c'eüt été un criminel qu'on leur eüt livré pour être exécuté. Ils retourneren! a leur vaiffeau , lequel mit & la voile auffitót qu'il fut nuit, &, on n'en entendit plus parler dans le port. L'Ifle eft demeurée dans les-mains des Hoilandais, & le fort du Roi peut être deviné , puifqu'il fut conduit aux établiffements qu'ils ont au Cap. Ceux qui pourraient donner des éclair ciffemens, foit fur cet ètrange rècit, foit fur les caufes de la dècadence de la Compagnie' & de la maniere de la rele* ver, font priés de les adrejfer au plutót aux Edi* deurs du Politique Hoilandais, qui dijféreront en conféouence la fuite de cette difcujfïon jufqu'au JNo. 117. J. A. Crajenschot, Libraire a Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite actuellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoire Philosophiqöe & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de 1'Amérique Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine, Maitres ez-Arts de l'Univerfiti de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des Affaires Etrangeres pour le Congrès &c. Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier, gr. 8vo è 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Feuille.  X E POLITIQUE N°. CXVI LUNDI, ce 28 AVRIL, 1783. Lettre de MM. de Beukenrode Qf Brantfen, avec de- Réflexions, pour fervir de fuite au CHAPITRE LX1V fur les prétentions £? les demandes des Anglaii dans Vlnde. Lettre au Politique Hoilandais. Vous demandez des éclairciifemens fur les affaires aótuelles de la Compagnie des Indes» Orientales, & vous n'avez pas tort. Les conjectures que vous avez hazardées a ce fujet dans votre No. 114, ne font pas toutes également bien fondées. Je dis toutes; car a bien des égards. les raifonnemens que vous metfez dans la bouche de 1'interlocuteur Francais dans le Dialogue fur nos négociations de paix, font tout-a.fait analogues a ceux de Mr de Vergennes, comme vous le verrez dans la piece intéreffante que je vous envoie. Elle prouvera du moins que vous n'êtes pas plus Tqms V. L que  C 162 ) que les autres Ecrivains de votre parti, rinftrument de Ia politique de la France, ainfl que s'expriment les Anglomanes , vos ennemis. II n'eft pas a douter que fi vous eufiiez été fon émifiaire, vous auriez été ion confident jufqu'a un certain point, & que vous auriez tenu un langage plus adapté è fes vues, exnofées dans Ja lettre de nos Ambaftadeurs a cette Cour. On voit dans cette lettre que les Anglais n'ont pas reconnu la liberté de la navigation au point que vous paraiffez l'avoir infinué page 40 de votre Numero 108; & qu'ainfi ils ont encore moins de raifons d'exiger que nous ia leur accordions dans des parages oü nous avons la pofieflion exclufive d'une branche particuliere d'un commerce fi précieux & fi important. . On voit encore dans cette lettre que c'eft bien a tort qu'on voudrait nous confeiller de traiter di. rtétement avec 1'Angleterre ; qu'une négociation pareille n'effeétuerait rien de plus a notre avantage; & que nous n'y perdrions que le fecours d'un intercefleur puiffant. La négociation directe n'aurait rien de plus avantageux , de plus libre; puifque nos Miniftres peuvent conférer en particulier è Paris avec Mr. Fitzherbert & faire agir direétement un autre Agent en Angleterre. On voit, en même tems , par cette dépêche , combien un Etat eft faible quand 1'éloquence des négociations n'eft pas foutenu par la force des armes, & combien eft humiliant le róle de ceux qui font des demandes, fans être en éi at de les faire refpefter. De la le crime impardonable de ceux qui, par leur politique faufie ou Jeurs vues perverfes , ont empêché le développement des forces de la République. On voit encore dans ces dépêches que, malgré les reproches que les Anglais ont pris plaifir d'entafler contre nous, nous avons réellement plus de griefs a leur charge qu'ils n'en ont a la nótre. Ils  C 163 ) Ils font monter bien fiaüt les prétendues vexa tions que nous avons coipmifes ou comrneuons dan» 'l'Inde; cependant fi la conduite des Bretons dans cette partie du monde était expofée foiis fon vrai jour, laquelle des deux nations méricerait le plus de reproches , de 1'Anglais ou de nous? Mais cette queftion a déja été réfolue. Des Kcrivains Britanniques ont déja repréfenté leur conduite d'une maniere peu flatteufe pour leur nation. Ce qu'ils nous reprochent dans cette partie du monde, fans compter qu'on y reconnait le pinceau infidele d'un Kival jaloux, peut-il entrer en comparaifon avec les horreurs qu'ils ont exercées dans le Bengale & dans toutes les partjes de la prefqu' Iilc de l'Inde oh ils ont formé des établiiTemens ? On fera d'autant plus charmé de vo;r la dépêche de nos Ambaffadeurs fur les diffieultés de la négociation aétuelle, qu'elle met chacun a portée de connaftre le véritable état des prétentions reciproques & que d'ailleurs elle e!t écrite d'un ton & d'un ftile qui doivent plaire par une fimplicité & une netteté qui ne fe.rencontrent pas toujours dans ces forte? de pieccs officielles. Cere kttre, adreflee fuivant la coutume .au Préfident de PAffemblée des Etatï-G.'néraux. eft de la teneurfuivante. ,, A la récepnon de Ia Réfolutioh de L H. P. du H 4 de ce mois, p'rife d'apiès notre dépêche du ,, ao JatiVi'ér oh nous faïfions 1'expofé de l'état de „ la 1 egociation de paix , hojs n'avons pas négligé .,, d faifir la première oécafion de prier Mr. ie '}, Comte dc Vergennes, en fCy' communiquunt Ie ,. contenu de no> ihftruetion's ultérieures , de Ia maniere la pi s 1 refTanfe & avec cette énergie „ qu'infpiraient fuffifamment & ''intérêt de la Ré„ publique & les confidérations du propre in té» „ rêt de la Cour de France, de vouloir difpofer Sa Majefté de procurer a cet Etat cet apj, pui , cette intervention puiffante fur laquelle ., Leurs Hautcs Puiffances s'étaient repofées, en L 2 „ vertu  C 164 ) „ vertu des aflurances données & fi fouvent ré„ pétées." - ,, Nous defirions beaucoup d'avoir la fatisfarftion „ de pouvoir vous alTurer par la préfente que ces „ eiforcs auraient eu un fuccès complet ; mais, „ quoique Son Excellence nous ait répété de nou„ veau que le Roi était toujours difpofé a foute» „ nir la République autant qu'il était en fon pou,, voir & d'en prendre a cceur les intéréts, nous „ ne pouvons cependant vous cacher que nous „ n'avons pas eu le moindre fondement a pouvoir „ efpérer que cette Cour appuie ou puifle appuyer avec quelque fuccès les conditions de Ja raa,, niere dont on nous les atransmifes, toutes juftes „ & modérées qu'elles puiflent paraftre." ,, Mr le Comte de Vergennes a paru lui mémé „ furpris du peu de difpoiition que l'on montrait, „ dans les circonftances 011 les chofes étaient ame„ nées par le cours malheureux d'une guerre que ,, nous nous étions, -en grande partie, attüée par notre propre inabïiviié , a ufer de quelque condes„ cendance; obfervant qu'infifter fur les demandes que nous avions faites donnait k connaitre plus de defir de continuer une guerre dont la Répu„ blique, difait-il, n'avait pas autant éprouvé le „ poids que les Cours de France &d't£fpagne, que „ de fe réconcilier avec 1'Angleterre." ' „ II obferva que, tout défagréable qu'il était d'en „ venir k quelque ceflion & de reculer fur des pré,, tentions alléguées, il fallait cependant confulter ,, les circonftances ci quelquefois céder a la néces„ fité ; il allégua pour exemple le cas de la Fran„ ce dans la guerre précédente & celui de 1'Angle. „ terre dans celle.ci. Jl infifta paniculierement „ fur les peines qu'il s'était données pour faire „ défifter la Cour de Londres de fes prétentions „ fur Trinconomale, fi important par fa fituation, „ pour l'acquijition de laquelle le Minijtere Anglais avait in/ijlé avec la dtrniere chaltur, & que c'était Ik YUltimatum auqüel il avait pu 1'amener." „ Nous  C iö5 ) Nous avons en conféquence communiqué a Son Excellence les inftruétions particulieres que " Leurs Hautes Puiffances nous avaient envoyecs " fut chaque point en particulier Nous lui avons narticulicrement donné a connaitre 1 utih é & la " lécSS^?, dans le cas oh la Cour de Londres ne pourrait être mduite a reconnaitre la liberté " de la Navigation; que les Cours de trance & " d'Efparnedë concert avec 1'Aménque, adoptaffent " fe? principes de la confédération de la Neutrah" é-armée & fe joigniffent a la République, pour ' • les faire fuivre & obferver. Nous avons, en " même tems, infifté de la maniere la plus forte " fur 1'exécution de la promjfe que la tour de France ne former ait aucun traité aéfinitif, Jans la *' République ; mais nous ne pouvons nous rlatter " d'avoir beaucoup mieux réuffi dans ce point. " Son Excellence nous objcéla furie premier pomt, " qu'il doutait beaucoup fi l'on pourrait difpofer " 1'Angleterre a reconnaitre la liberté de a navir, gation, conformément aux principes de la Neutralité-armée; qu'elle avait beaucoup de ïépug^ceTles'a3opter; & que I'Etar d'ailleurs peu a cette reconnaiffance, LeuisJrlau " tes Puiffances ne fe trouvant alors pas moins " dans le cas de faire refpccter le droit du paJ v lïon neutre ; & que n'infiftant plus fui■ e rcconnaifl'ance nous pouvions faire au Mmiftxie '-' Anaai^, en termes convenables, la déclaration :' dont nous étions chargés. Que nous pournons " auïi Snoer a 1'Ambaffadeur dlEfpagne & aux " Miniftiesde 1'Amérique de concourir avec la Ré" nub'ique a 1'adhefion de pareils principes St que, " Kr ce qui concernait fa Cour, le Roi n éta t " Es élo^é d'adopter pour foi le fyftême de te >' Neutral,?é.armée/& qu'il avait déja inBnué & ' qu'il donnerait a connaitre qu'on ne fit aucune " dfficuUc d'avouer ce fyftême dans un traité ^de Commerce avec la ^P^^^/^l^S dant il lui ait plu d'expliquer fi Ion ferait en " L 3 »*  C 166 ) „ même tems incliné a en faire Ia caufe commu„ ne des autres PuiiTances belligérantes ou pad„ fiées aétuellement." „ Par rapport au fecond point, favoir Ia reftitu. „ tion complette des places conquifes, il déclara „ formellement qu'il ne voyait aucunement lieu „ de les faire rendre a la République; qu'il s'étaic „ expofé a rompre la négociation pour nous con„ ferver Trinconomale; mais qu'il n'avait pu fau„ ver Negapatnam ; que fi la République tüt eu „ quelque cboje pour metlre dans la baiance, les cbo„ fes uuraient peut-êire pu s'arranger plus facilement „ (*); mais aue les chofes n'étant pas ainfi, on ne „ pouvait efpérer aucune pacification fans faire „ quelque facrifice „ Quant a la demande d'une navigation libre „ dans les mers de 1'Afie, Mr. de Vergennes ne „ fut pas moins réfervé a faire quelque proineflé „ tendante a ce que 1'Angleterre fe défifterait de „ cette prétendon : il parut cependant concevoir 5, que, la République étant diipofée d'en venir, „ aptèsdes éclairciiTemers convenables, a des ar„ rangemens que l'on pourrait former foit pour ., faire difparaftre les gênes prétendues a cet égard „ autant qu'elles paraitiaient fondées, foit pour le„ ver les griefs que la Compagnie Hollandaife avait „ fouvent portés a la connaiflance de Ia Cour Bri„ tannique, reladvement a des entraves de com„ merce dans le Bengale & ailleurs, la Cour de St. „ James ne devait faire aucune difficulté d'accepter j, une telle propofition. Quant aux dédommagemens demandés, il nous s, a répondu: qu'il ne prévoyait pas que l'on püt „ engager 1'Angleierre a nommer des CommilTai„ res pour régler ce point: Que la.Cour d'Ef- „ pa- (*) Ainfi 1'Anglais fuir toujours fon ancienne maxime, de garder toutes lés conquêtes,-a moins qu'on ne lui don. Be des équivalens.  ( 167 ) „ pagne aVait, dans Ia guerre précédente, fait les ! tentatives les plus preflantes k cet effet ; mais ! le tout fans aucun fruit; & qu'après de Iqngues difcuiTions, on n'avait pas pu aller plus lom que „ ce qu'on nous propofait aauellement. Enfin, quant aux inftances réitérees d exécuter 'la prom'efie de .ne pas en venir a un Traité ' définitif fans la République, il n'a voulu en aucune facon s'engager k rien, difant que chaque puiflance devait confulter la convenance ; que " la Répub'ique calculait iesfiennes; le Roi, dont " les Etats avaient tant /buffert de la guerre, etait " obliséd'enfaireautant; que l'on foupnait pour la fin des chofes; que fi Ton s'était beaucoup preije, " le Traité définitif aurait été conclu; que l'on nen " avait retardé la conclution qu'afin de gagner du " tems pour la néüociation de 1'Etat; que dans cette intention feule on avait aufii envoyé des !! couriers aux Cours de Vienne & de Petersbourg ' pour requérir une médiation qui était tout-a-fait fuperflue &ne pouvait être d'aucune utilué; qu il ü efpérait que nous ferions ufage de ce toifir, pour \l nous mettre en état de concourir a cette négo„ ciation générale. Nous avons employé de nouveau contre tout , cela, tous les argumêns pofiibles pour faire fentir k Mr. le Comte de Vergennes l'injuftice qui " fe trouvait dans un pareil traitement & les maux " qui non feulement tomberaient fur la République " fi elle était abandonnée, mais par un contre-coup aufii les défavantages qui en réjailliraient pour " la France; mais vous concevrez facilement aue, " d'après la tournure qu'ont pris les chofes & l'un" pofrbilité a laquelle cette Cour eft réduite par la " fianature précipuée des Préliminaires, tout cela . n a pas fait beaucoup d'imprefiion. Nous n'avons pas manqué de faire, fans perte de tems, a Mr. Fitzherbert 1'expofé de nos m" ftruftions ultérieures; nous avons, dans une con" L 4 » re'  C IÖ8 ) „ férence, ii.fifté de la rnaniere la pliis forte qU"il „ foit fatisfait aux demandes équitables & iégitimes ,, a tous égards que nous faifons. Mais nous fvm- mes obligés de vous informer avec doukur que nous avons eu le malheur de renconlrer dans ce Monfieur des difpofitions qui nous dient tout efpoird'un accomo„ dement équitable. , „ II nous a déclaré que le Roi fon maitre était „ parfaitement incliné a fe réconcilier avec la Ré„ publique a des conditions équitables ; mais „ ajoutant en même tems que les dernieres propofi- tions qu'il avait faites lui paraiffaient être de la „ derniere équité; qu'elles étaient Xultimatum qu'il „ avait ordre de propofer; que Mr. .le Comte de „ Vergennes qui s'était donné tant de peine pour „ vei lier aux intéréts de la République & qui par la avait effeftué la reftitution de Trineonomale, en avait lui - même reconnu 1'équité; & que l'on „ n'anrait jamais attendu que la République etit fait „ aucune difflculté de les accepter: nue fes inftruc,, tions lui faifaient un devoir d'infifter la-defl'us, & qu'il n'était nullement autorifé a fe prêter l y, quelque autre propofition. „ Nous lui avons répiiqué \h ■ deifus que Leurs „ Hautes Puiffances envifageaient ces propofitions „ fous un tout autre point de vue; qu.'elles étaient „ tout - è- faitdifférentesde celles que nous aurions propofces & qu'elles devaient paraitre d'autant „ plus injuftes qu'elles étaient faites è une puiffanee „ qui avait été attaquée par la guerre la plusinjuf'c; „ que nous ne pouvions' pas, non plus, compren' „ dre comment, fans aucune conférence è la fuite „ de la Réponfc que nous av-ions faite a fon Mé4, moiré, & fans nous avoir donné les éciaircifie. ,, mens que nous avions demandés, il pouvait nous SJ oppofer un ultimatum pour lequel on ne paraif,y fait vouloir admettre aucun autre argument ou „ propofition, comme nous ne pouvions nous 1'i- magiaer; que Mr. le Comte dc Vergennes^ qui » dé-  devait au moins connaitre les intéréts de fa Cour, , avait pu les trouver parfaitement équitables; ' mais que cela étant ainfi n'engageait la Képn' blique a rien; que chaque puifïance était le plus " en état de connaitre fes propres intéréts & de* " vait feule en juger; & qu'il femblait en même " tems tout-a-fait étrange qü'un autre pfu faire a " cet égard des arrangemens auxquels on voalait " donner quelque effet, fans avoir difcuté d'une " maniere amica'e avec la partie intérelTee, les ar,' gumens qu'elle pouvait aliéguer pour & contre ; s[ que dans une négociation de paix les parties con' tratlantes dcvaient tdcher de faire des conditions " qui aituraffent la durée & la folidité de la paix & qu'eu conléquence,par des condefcendanccsréci" proques & en adoptant des principes d'équité, on " devait chercher a concilier les prétentions réci" proques de la meilleure maniere poffible. " „ Nous fommes infenfiblement tombés dans un „ ample débat fur la matiere même & fur chaque „ point pris en particulier; mais comme nous ne pouvions rien obtenir de 1'un ou de 1'autre cóté, \ nous avons finalement dit, fur le premier point que nous l'abandonnenons;mais que nous devrons ', déclarer, a lui Mr.Fitzherbert, que Leurs Hautes Puiflances ayant reconnu & adopté les principes „ de la neutrahté-armce, eKes^n'avaient pas befoin ,. que quelque autre puiffancè les eüt reconnus; „ qu'elles maintiendraient toujours inviolablement ,, les droits du Pavillon neutre fuivant ces p-.inci„ pes, comme fondés fur le droit des peuples & reconnus ou adoptés a peu prés par tous les Etats commercans; qu'elles ne s'en défifteraient ja- mais & ne s'en écarteraient en rien. ,, Quant au refte, nous 1'avons prié que la Cour „ de Londres eüt la bonté d'en confidérer en', core 1'équité & qu'il veuille 1'appuyer de fes bons offices, ainü que nous lui avons donné a connai" tve par rapport au point de la navigation oonL j ,; gê«  C 170 ) „ g£née dans les mers Orientales, qu'il n'était ja„ mais parvenu de plaintes a Leurs Hautes Puiffan„ ces que les fujets de la Couronne Britannique „ aient éprouvé quelque obftacle ou quelque gêne „ de la part de la Compagnie des Pays-bas Unis dan- leur navigation journaliere aux poiTeffions ou „ comptoirs Britanniq'ues; mais qu'au contraire il y „ avait eu fouvent des plaintes a Ia charge de la „ Compa>?nie des Indes Anglaifes, foit dans la Bjn„ gale, foit ailleurs; fans qu'on ait montré iemoin„ dre égard pour ces plaintes lorfqu'elies ont été „ portées a la connaiff nee de la Cour deLondres; „ que nous devions de plus lui demander quelque „ éclairciffement, oü, par qui & quand ces griefs „ auraient eu lieu, afin que fi ces plaintes paraif- faient vraies & fondées. il füt fait a cet égard, „ ainfi que fur celles que l'on faifait contre laCom„ pagnie des Pays-bas-Unis , tels arrangemens que „ l'on jugerait convenab'es " „ Sur cela & fur autre chofe, i! nous a repondu „ que toutes liées que fuflent fes mains & toutes „ précifes que fuflent fes irftruétions pour ne pas ,, outre-paffer les bornes de ['ultimatum propofé „ ou quelque autre propofit'on qui s'en écarterait, „ il hazarderait cependant d'en donner connaiflan- ce a fa Cour, pourvu que de notre coté nous „ nouschargions,comme nous 1'avons fait.dedon„ ner connaiflance a Leurs Hautes Puiflances, de „ ce qu'il nous avait dit, & fpécialement qu'H n'y „ a aucun lieu d'efpér£r que le min ftere Anglais „ fe relachat en rien de plus que ce qu'il avait „ déja fait, ou qu'on put attendre quelques autres „ difpofitions d'un changement de miniftere, la „ principale difficulté réfidant dans la ceffion de „ Negapatnam, attendu que la Compagnie des Indes. „ Britanniques qui avait beaucoup d'ir.fluence & d „ laquelle on ne pouvait s'oppofer, était irflexible {*) >, la (*) Les dernieres nouvelles de l'Inde n'auraient-ellespas fait  ( I7»0 la-deffus; qu'au refte il pouvait nous informer *' que les plaintes relatives aux gênes de la navi, gation avaient principalefnent rapport au paiTa' ce k travers les Molucques; mais qu'il ne favait " pas pir qui, ni quand elles avaient été occafion• nées, & qu'il demanderait des éclairciftemens " ultérieurs l&dcflus; nous aflurant en même tems " que pour ce qui concernait les griefs de la " Compagnie des Pays-bas, on n'aurait, de la part " de 1'Angleterre, aucune répugnance è les réparer " d'une maniere équitable & que l'on pourrait fai" re la-deflus dans les préliminaires les mêmes fti- pulations qu'entre fa Cour & la France, qui avait élement porté des plantes fur les procédés de !' la Compagnie Anglaife dans le Bengale." , Voici, Monfieur, en fubftance, lecpntenudes deux conférences que nous avons eues: nous at" tcndons actuellement la réponfe ultérieure de Mr. de Fitzherbsrt; nous ferons en même tems " nos cfforts les plus puiffans & nous n'oublkrons " rien pour difpofer Mr. le Comte de Vergennes a " prendre a cceur les intéréts de la République & " a procurer une bonne iftue h notre négociation." „ Nous avons 1'honneur d'être avec toute 1'ef„ time k (fignés) Leftevenon de Berckenroae. G. Brantzen. De Paris le 15 Mars 1783." Si jamais nous fommes obligés de faire un facrifice auffi douloureux que lacefftonde Negapatnam, onne viendra fans doute plus nous vanter les avantages & les bonnes difpofitions de la magnanime Angleterre a notre égard. Sa conduite dans cette négociation eft un trait de lumiere qui doit nous fervir de lecon fait quelque imprerïï.m fur elle? L'infortune adoucit les coeurs les plus durs & lesédaire: Ainfi, en rendant tout, 1'Angleterre aurait encore perdu le mérire de la générofité. Quïlle poliüque folie! Et cela pour un fi mince objet!  C 172 ) lecon éternelle. Cette nation domine adluellement dans l'Inde. Elle y pofiede plus d'établiiTemens qu'elle ne peut en gouverner. Elle fuccombe pour ainfi dire, fous le poids de fes acquifitions dans ce pay9, peuplé, riche & fertile. Plufieurs Koyaumes , des territoire» immenfes , une multitude de Princes y reconnaiflent la domination Britannique. En un mot, des frontieres de la Perfe jusqu'a celles de la Chine, on voit prefque partout les traces des poiTeffions Anglaifes. Ils ont les ports les plus commodes, les comptoirs les mieux fitués. Et ce peuple ambitieux & avide veut nous enlever un petit comptoir, que fa violence & fa cupidité lui ont fait ufurper fur nous. Mais fi jamais ce brigandage était ratifié, nous ófons prédire que cette place pourra devenir ties fatale aux Anglais, par la facilité d'être reprife, a la première rupture avec la France. Rien n'eft plus curieux furtout oue de comparer ici les reproches que nous fait le "Miniftere Francais a ceux que les Anglomanes de ce pavs mettent dans fa bouche. Mr. le Comte de Vcrgennes nous a déclaré franchement que nous ne devions imputer notre malheur qu'è notre ina&ivité. II obferve, avec trop de raifon peut-être, que puifque nous ne pouvons rien mettre dans la baiance, il faut nous déterminer è faire des facrjfices. Ecoutons le langage qui lui prête 1'Auteur des lettres de Reynier l^ryaart, Après avoir obfervé,' avec beaucoup d'humeur, que nous avons entamé & que nous pourfuivons les négociations fous les aufpices de la France, fans ia connailTance & 1'aveu du Stathouder ; & que nous aurions pu nous procurer une paix particuliere honorable & auffi avamageufe (voyez la Réponfedcette fotte remarque p. 428 du No. 10j) il s'écrie: „Qui 5, fait fi la France ne nous dira pas: Vous ra'avez „ procuré des munitions navales? mais c'étaic pour s, rcmplir votre bourfe. Vous avez projeté un trai^ té avec 1'Ainéfiquej mais c'était pour aftbuvir  ( 173 ) .» votre relTentiment contre 1'Angleterre. Ce n'eft pas pour moi que vous vous éces expofés a la euerre avec les Anglais; mais pour avoir oci lafion d'anéantir le Stathouderat.... Je connaiiïais votre faiblefle fur terre & fur mer: jene pouvais donc efpérer de tirer de grands fecours de vous. Au contraire, vous m'avez été acbarge, " puifqu'il m'a fallu prendre Join de vos étabhjfe! mens [ans dèjer.fe. Ne vous ai-)e pas fauvé letap que les Anglais auraient certainement pris i iV ai?! ie pas arrêté leurs autres emreprifes dans les Indeh N'aUe pas repris Demtrary, EJJequebo & * les Berbices? Fais.je difficulti de vous rendre ces ' établiiïemens (*) ? Qite voulez-vous de plus i One % continue pour vous une guare ruineuje " avec 1'Angleterre, après avoir atteint le but qm en " était l'obtetl. Vous n'avez pas executi vos promeljes. Fous n'êies pas d'accord entre voust " fans harmonie on ne peut rien en altenire. Au " lieu de vous mettre en état d'exécuter quelque chofe, vous perdez votre tems a des d'lputes fur votre iurisdidion militaire , fur votre haat 1 Confeil de guerre, fur la collation des emplois, ' fur des arrangemens relatifs a des Commiffions que vous appelez ambulatoires.... Vous ne devez donc vous en prendre qu'a vous-meines, ü " ie ne puis vous donner d'autres preuves de mon amour & de ma bonne volonté envers cet Etat. " Non, Mr. Reinier Vryaarts, ces derniers mots ne peuvent être fortis que d'une _ bouche imnure & non d'un Miniftre Francais. Pourquoi avez-vous altéré la véritable tournure que donnerait ia France a cette efpece de reproche, pour- (•) On voit que cet Ecrivain n'a fait aucune difficulté de piller les dialogues iniéiés dans les No. 104, 105 105 108 du Politique Hoilandais; nous marquerons'ces èndroits par des iialiques; mais il aar.rau p»s dü altérer ce dialogue par les infmuatwns les pies ca. lomnieufes & les invraifemblances les plus tévoltantes.  t m) pourquoi n'avez-vous pas fuivi ie tnodele qui s'en trouve N°. 106 p. 8 du Politique Hollandais* Quand on veut imaginer desfictions, il ne faut pas blefler Jes vraifemblances & 1'équité, comme vous le faites a chaque inflant. P. S. Plufieurs perfonnes, ayant témoigné Ie defir de trouver dans ces feuilles, comme ure piece propre h her plus intimemenc nos obfervations fur la pacification aótueüe, le Mémoire du ïyFevrier, nous avons cru devoir déférer a leurs avis, d'autant plus quelle doit fervir de fondement aux éclairciffemens que nous avons promis, pour 1'ordinaire proOriëntale^ ' Com/'aëme Belg!4ue es(de l'Inde;) „ expreffion , par laquelle l'on f^avait qne PAngleterre en„ tendait une Navigation illimitée dans toutes les Mers & „ dans tous lesCanaux a 1'Eft, notaminent auffi le long des „ Molucques ou des Ifles a Epices, & a travers leurs „ parages." Tous les Membres refpectifs del'Affemblée, fentanttrèivivement avec Son Alt. Séréniffirae, que les fufdites pré. tentions de la Cour d'Angleterre ne tendent è rien moins qu'a dépouiller la Compagnie Hollandaife de fes poffelïïons & de fes Prérogatives les plus effentielles, & a lui poner ainfi un coup mortel, ont jugé unanimement, qu'on ne fcanrait jamais fe juftifier envers les Intéreffés de la Compagnie, fi l'on ne mettoic encore en ceuvre tout ce qui dépend d'elle, pour s'oppofer a ces demandes fi injuftej de la Couronne Brittannique par les voies les plus c<.n« venables; & ainfi l'Affemblée s'eft crue dans 1'obligation d'expofer aux Membres de L. H. P. les raifons fur lefquelles elle juge devoir fonder fes griefs a 1'égara des fusditee prétentions de l'Anfiletefre. Paf.  C 179 ) PafTant donc a Cet Ëxpofé par Ie préfent Mémoire, les 'Directeurs doivent reinarquer d'abord & en premier lieu, que la Ville de Négapatnam étant fituée dans le Royaume de Tanjaour, (qui eft, comme l'on ferait, 1'une des principales Puiflances de la Córe de Coromandel) les Anglais, qui om dé-ja une trés-grande influence fur ce Prince, fe trouveront a même, par la poffjffion de cette Place, d'exercer encore plus dempire fur lui; au moyen de quoi la prépondérance de leur pouvoir fur cette Cóte, qui déja n'eft que trop infigne , prendra de nouveaux accroiffemens. ——— Et il ne faut pas cbercher fort loin, quelles feront les fuites qui en réfulteront néceffairemenc pour le Commerce de la Compagnie. Les Directeurs fe font trouvés plufieurs fois dans la néceflité de verfer dans le fein de L. H. P. des plaintes fur la conduite des Employés de Ia Compagnie Anglaife au Bengale, qui, pour avancer leurs intéréts perfonnels, abufant de la dépendance oü cette Compagnie a f911 mettre les Puiflances du Pays, ne ceffaient d'opprimer fous le mafque de ces Puiffance* diverfes branches du Commerce de la Compagnie Hollandaife, & lui portaient un préjudice exceffif. Et, comme 1'onnefcaurait fuppofer que le principe moteur de pareils procédés fera moins actif chez les Employés de Ia Compagnie Anglaife a la Cóte de Coromandel que chez ceux du Bengale, il ne peut y avoir de doute, qu'a mcfure que 1'autorité & le pouvoir de Ia Compagnie Anglaife fur cette Cóte s'étendront, 1'occafion pour les Employés ne devienne plus aifée pour fuivre les traces des Officiers du Bengale, & pour fe fervir de cette autorité & de ce pouvoir a 1'avancement de leurs intéréts perfonnels & particuliers, intéréts qu'il n'eft pas rare res, & que, fe portant pour Puiffance Protectrice a leur. égard, elle réfout, pour ainfi dire, leurs forces dans les fjenaes, & les y mêle quelquefois entiereinent. „ On pourrait; fi c'était ici le lieu convenable, déve„ lopper encore davantage cette idéé & indiquer que c'eft lii qu'on doit chercher la raifon péremptoire de ces „ progrès incroyables & rapides que la Puiffance des An„ glais a faits aux Iudes; mais il doit fuffire d'en alléguer „ un mot; car l'on découvre auffkót la néceffité abfolue ,, que les autres Puiffances Européennes s'entendent, autant que poffible, mutueüement, pour donner du moins quel„ que équilibre a cette Puiffance fi croiffante des Anglais. ,, Et ce Principe dont la juftefle, a ce que penfent les „ Direéteurs & Principaux & Participans-Jurés, étant évident, „ ne laiffe guere lieu de douter que la Cour de France püt ,, envifager avec un ceil d'indifférence, que la prétention „ formée, en fecond lieu, de la part des Anglais, a l'effet „ d'avoir une Naviga ion Libre dans les Mers & Canaux , Orientaux, &, en particulier, encore, le long & a travers des Moluques, ou Ifles a Epiceries, leur füt accordée-, car, quoique dans cette demande il foit uniquement „ mention de la Navigation, & point du Commerce, les „ Diteéleuri & Principaux Partictpans Jurés , fauf meilleur Avis, regardent comme plus que vraifemblable, que l'exercice d'un Commerce Libre dans ces Mers eft lebuc , principal & caché que cette Demande recele. „ Or, cela étant accordé, la Compagnie Anglaife des ' Indes Orientales, qui chaque Année ramaffe a 1'Oueft de Pinde, par les revenus Territoriaux, des Tréfors fi innombrables, s'ouvrirait encore a 1'Eft des Indes des four. ces fi abondantes pour raccroiflement ultérieur de fej Richeffes, qu'enfin ce Co'offe excéderait toutes les bor„ nes & les limites imaginables. La Grande-Bretagne obtiendtait donc par ce moyen une fuffifante indemni' fation de la pene qu'elle fouffre par l'Indépendance de I'Amérique-Septentrionale; les Directeurs & les Principaux „ Jurés fe croient en droit de pouvoir douter, fi alors on atteindrait le but que, fuivant 1'opinion générale du Public, on fe propofait par la Guerre dans I'Amérique. Septentrionale. Mais, quoi qu'il en foit a cet égard, dutnoins eft-il M WW  C 183 ) „ inconteftable qn'il ferait dur, innniment durpourlaCom„ pagnie des Indes-Orientales, il elle fe voyait obieée de „ faire, pour la Baiance des Négociations de Paix généra„ les, un Sacrifice qui enrrainerait infaillibleinent Ia Ruine „ totale de cette Compasnie, „ Leurs Hautes Puiffances n'ignorent pas, comment Ia „ Compagnie a acquis, moyennant des fraix immenfes, „ des peines infinies, des Propriétés & PofTeiïïons dans „ le? Mers Orientales, & forméenfuite.avecdifférens Princes ,, de ces Régions, des Contrats Exclufifs pour une livrai„ fon privée des Produétions de leurs Domaines. — Leurs „ Hautes Puiffances favent encore, avec combien de „ lance la Compagnie a jufqu'a ce jour veillé fans c ffe, „ & s'eft effectivement oppofée a teun-s les iaft»&k>ns „ que la Jaloufie des autres Nations s'efForcdt de faire fur fes Prérogatives fi nrécieufes. S'il eft permis aux l)irec« ,, teurs & Principaux Participans Jurés de s'expliq rer ron. dement, ils ne peuvent irarqner affez for.emem 1 ur „ furprife de ce qu'on forme une Prétemion, énoncée de „ maniere qu'elle femble contenir beaucoup moins que ,, ne renferme effectivement le contenu de cette D 'mande. „ Les Directeurs & Principaux Participans Jurés ont en „ vue la Liaifon inféparable qui, du moins h 1 urs vmx, „ exifte entre la Navigation & le Commerce; tcllemmtqne, quand même on fuppoferait que l'Angleierre ne cherche „ point, en deraandant cette Navigation illimités, a fup„ planter la Compagnie dans fon Commerce Exclufif; — „ Ia Couronne Britannique ne dou cependant pas ignorer, „ que telles Conditions & Stipulations qu'on voudrait faire ,, pour conferver ce Commerce intact a Ia Compagnie, el„ les feraient réanmoins, en accordant Ia Navigation illimi„ tée, toutes três-facüement éludées rar 1'Avidité & la „ mauvaife Foi de ceux qui exerceraient cette Navigation „ fi illimitée; vu que 1'étendue énorme de ces Régions em. „ pêche abfolument d'y pourvoir d'une maniere convena. „ ble." „ L'idée de 1'imp ,ffibi1ité d'une Prévoyance pareille, ,, ferait, en accordant par le Traité de Paix la Navigation „ illimitée , une impreffion fi profonde fur le Public, que cela „ feul fuffirait è ruiner de fond en comble le Crédit déja fi „ chancelant de la Compagnie. II ferait fuperflu de vouloir „ démontrer que 1'extinétion de ceOéditdeviendrair,ds.ns „ l'acc«ption la plus étendue, fatale, non.feulement k M 4 „ PExi-  C 184 ) VExiftence &anxOpérations du Corps de Ia Compagnie, *' mais auffi a la Confervation même des Pofleifions Hol- landaifes dans l'Inde. Les Direéteurs & Principaux Participans Jurés croient donc avoir prouvé évidemment & d'une maniere auffi " précife que la nature de Ia chofe le permet dans ce M,é" moiré, que tous les deux objets des Prétentions formées ') par la Cour Britannique, touchent.les Intéréts les plus ef- fentiels de la Compagnie des Indes-Qrientales, & que \\ cette Compagnie doicexifier, outomber, avec ces Inté- Ils font encore d'opinion, quoiqu avec une foumiffioa 'refpeétueufe pour les Délibérations & les Décifions infi' niment éclairées de Leurs Hautes Puiffances, qu'a lé" gard des Points fixés & amplement développés ci-deffus, " rien , quoi que ce puifle être, ne fera accordé. Ils croient en outre que Leurs Hautes Puiffances, a 1'inftar " de ce qu'EUesfont toujours, prendront auffi, particulie" rement dans cette occurrence, en Délibération férieufe, , " les Influences très-étendues&innombrables, quelaCom" pagnie des Indes-Orientales a fur la Subfiftance & Ie " Bien-Etre de tant de Milliers d'Habitans de ces Provinces. " Ils font d'ailleurs intimement perfuadés que Leurs Hau!' tes Puiffances approuveront la Requête des Direéteurs & ■' Principaux Participans Jurés, de maniere qu'il plaife a *' Leurs Hautes Puiffances de mettre en ceavre sous les '! Moyens que Leur Sagefle éclairée jugera les plus ef" ficaces pour détourner Ia Ruine d'une Compagnie dont " la Chute entrainerait en même tems celle de Villes en" tieres de cette Province, auffi bien que des autres; Chute " dontle Contre-coup, ainfi que ies Direfteurs & Princi" paux Propriétaires ofent dire, fe ferait fentir violemment " a Ia République entiere. Ils follicitent enfm refpeétueu» fement Leurs Hautes Puiffances, qu'EUes daignent faire les Efforts imaginables, pour diriger les Chofes de ma, " niere que Ia Couronne Britannique fe défiffe des Pré» tentions ailéguées ci-deflus." Par Ordonnance de 1'Afiémblée de X V11. (Etait ftgné) F. W. Boers. La Haye, ia Févtiir 1783. Lc  C 185 ) Le langage que tiennent les Directeurs de la Compagnie dans ce Mémoire & celui de Mrs. les Ambaïfadeurs des Etats a Paris, dans la depêche que nous avons rapportée, ne retracent pas les jours de 1'ancienne gloire Belgique. Ce langage ne refiemble guere a celui des conférences de Geertruidenberg, a moins qu'on n'envifage Ja République comme jouant le róle humiliant que la France jouait alors. 11 y a longtems que les affaires de la Compagnie font dans cet état de langueur & de décadence qui annonce une ruine prochaine, fi l'on ne la prévient par des remedes prompts & efficaces. Dans les commencemens de cet établiffement, ainfi que dans 1'origine de toutes les fociétés civiles ou politiques, toutTfe porta, d'une maniere énergique &réguliere, vers un feul & même but. Les premiers navigateurs que I'ardeur des entreprifes attira des Paysbas-Unis dans les mers de l'Inde, y déployerent cette énergie d'ame, cette chaleur de courage quicarac» térile un peuple naiffant & vainqueur de la tyrannie. „ Lorfque la Compagnie, dit un Ecrivain mo„ derne , fe vit en pofieflion de ces riches établif- femens, elle ne fe üvra pas a une ambition trop " vaste. C'eft fon commerce qu'elle voulut éten- dre, & non fes conquêtes. Le fang des peuples ', del'Orient ne coula plus, comme autemsohl'en- vie de fe diftinguer par des exploits guerriers & ,' par la manie des converfions, montrait partout " les Portugais aux Indes fous un appareil mena', cant. Ils parurent comme des libérateurs & non 11 comme des conquérans. Par la maniere de pTacer ! & de diftribuer leurs forces ils furent contenir les '\ peuples que leur conduite leur avait d'abord con-r ciliés. Hs firent paraïtre une fi grande fimplicité' , que les membres du Gouvernement, vétus dans " le cours ordinaire de la vie comme de fimples " matelots, ne prenaient des habits décensque dans le lieu même de leurs aflemblées. Cette modeftie I, était accompagnée d'une probicó fi marquée qu'aM s » vant  C i85 ) „ vant 1'an iS~o il ne s'était pas fait une feule for„ tune remarquable; mais ce prodige inouï de ver„ tu ne pouvait durer. •. L'aufterité des principes „ Républicains dut céder a 1'exemple des peuples „ Afiatiques. Le goót pour les chofes d'éclat corrompit les moeurs; & Ja corruption des irosurs rendit éganx les rroyensd'accumuler des richeffes. „ Le mépris mêmedes bienféances fut pouffé 11 loin, „ qu'un Gouverneur Général fe voyant convaincu „ d'avoir porté le pillage des finanbes au- dela de „ tous lesexcès, ne craignit point de juftifier fa „ conduite, en montrantun plein pouvoir figné de „ la Compagnie. Le Mémoire de Mrs. Jes Directeurs indique plufieurs des caufes qui ont empêché qu'on ne mJt les établilTemens de la Compagnie en état de défenfe; il place dans ce rang 1'extrême difette d'hommes avec laquelle elle s'eft vue obligée de lutter depuis bien des années, augmentéeencore par les épidémies qui dépeuplent le centre de fes établiflemens, la fameufe Batavia On ne peut nier que cette obfervation ne foit que trop fondée. Quoique la chaleur qui devrait être naturellement exceffivea Batavia, y foit tempérée par un vent de mer fort agréable qui s'éleve tous les jours a dix heures & qui dure jufqu'aquatre; quoique les nuiis foientrafraichies par des vents de ten e qui tombent k 1'aurore, 1'air eft trés mal-fain dans cette capitale des Indes & le devient tous les jours davantage. II eft prouvé par les Regiftres que depuis 1714 jufqu'en 1776 il a péri, dans 1'hópital feulement, quatre vingt fept mille matelots ou foldats. Parmi les Habitans a peine en voit-on un feul dont le vifage annonce une fanté parfaite. Jamais les traits ne font animés decouleurs vives, Ia beauté fi impérieufe ailleurs, eft fans mouvement & fans vie. L'on parle de la mort avec autant d'indifférence que dans les armées Annonce-ton qu'un citoyen qui fe portait bien n'eft plus, nuJle furprife pour un événement fi ordinaire. L'a- vari'  C 187 ) varice fe borne a dire: 11 neme devait rien; oubiem 11 faut que je me fajfe payer par fes béritiers. Önne doit point être étonné de ce vicedu climat, fi l'on confidere que pour la facilité de la navigation, Batavia eft placé furies bords d'une mep, la plus'fale qui foit au monde; dans uneplaine marécageufe & fouvent inondée; le long d'un grand nombre de canaux remplis d'une eau croupiffante, couverts des immondices d'une cité immenfe, bordés de grands arbres qui gönent la circulation de l'air & s'oppofent k la difperfion des vapeurs fétides qui s'en élevent. ... Les caufes de dépopulation n ont pas manqué de contribuer a la rareté des fujets difpofés k fe tranfplanter, a travers des mers immenfes, par un trajet périlleux, qui abforbe lui -même une partie con. fidérable des équipages. La concurrence des autres nations a contribué encore k cette difette. Et N reflburce a laquelle la Compagnie s'eft vue obligée de recourir pour fe procurer des matelots & des foldats, ne fert pas k encourager les aventuriers qui veulent tenter la fortune dans l'Inde. Les vils agens de 1'avidité, ces hommes que le peuple a Üétris du nom de Vendeurs-d'ames, n'augmentent furement pas le crédit de la Compagnie qui les emploie, ni la réputation de 1'Etat qui les tolere. II ferait fans doute bien difficile d'obvier k ces inconvéniens dont les caufes ne riérivent pas feulement d'une adminiftration vicieufe. On pourrait employer des moyens économiques, propres a rendre les voyages moins dangereux k la fanté & è purifier l'air dans un climat que la nature n'a pas rendu malfain II ne ferait pas impoffible de regagner 1'affeftion des Habitan* de l'Inde qu'une conduite, il eft vrai trop arbitraire, femble avoir aliénés. Quoi« nue les Anglais exagerent,fuivant leur coutume, le defpotifme de la Compagnie dans 1'Afie, on nepeut difconvenir que fes agens n'aient fouvent abufé du pouvoir confié k leurs foins & de Pefpoir de 1'impu-  C 188 ) nité. Aufii les perfonnes impartiales conviennent qu'on ne met pas dans le choix des fujets 1'attention qu'on devrait y mettre Hen eft, dit ingenument 1'Auceur de la Richefle de Ia Hollande, du bon & du mauvais fuccès des affaires de la Compagnie, comme de toutes celles qui dépendent de 1'activité, du génie & des talens de ceux auxquels elles font confiées. Mettez a la tête d'une bonne armée un chef incapable de la commander, elle fera battue par une poignée de foldats bien conduits. Mettez a la rête d'une maifon de commerce un homme fans intelligcnce & fans a&ivité, on la verra dépérir tout de fuice & finir par une faillite. L'hiltore des révolutions du monde eft remplie d'exemples qui atteftent la vérité de cette remarque. L'Hiftoire de la Compagnie pourrait préfenter aufii plus d'un exemple d'une affaire manquée ou d'une perte trèsconfidérable , occafionnée uniquement par la négli-. gence, 1'imprudence, ou 1'ineptie de celui qui en avait la direétion.... S'il eft vrai, comme on le prétend, pourfuit Je même Auteur, qu'aujourd'hui il eft trés-rare de voir entrer au fervice de la Compagnie des gens de mérite & de capacité ; que ce font pour 1'ordinaire des perfonnes qui ont mal fait leurs affaires, des jeunes gens débauchés qu'on fait prendre parti pour les Indes, afin de s'en débaraffer; fi dans Jes Indes même on n'a point affez d'égards au mérite & aux talens & que les poftes lucratifs foient conférés k de nouveaux débarqués qui n'ont d'autre titre pour y afpirer qu'une recommandation, tandis que d'autres qui ont pafie la plus grande partie de leur vie au fervice de la Compagnie, croupiflent dans des empiois inférieurs, oh on les traite avec dureté & mépris, le moyen que les affaires de la Compagnie puiffent aller? Si Ie reproche qu'on lui fait a cet égard eft fondé, il n'en faudra pas davantage pour indiquer la caufe de fon afFaibliflement, & celle qui la détruira immanqua- ble.  C 189 ) blement. Comment s'imaginer que des gens de probité & de mérite , s'expatrieront, abandonneront leurs parens & leurs amis, s'expoferont aux dangers d'un voyage hazardeux, ironc vivre dans les coins reculés* de la terre, 011 ils courent rifque de manquer des beloins de la vie , è moins qu'ils ne puiffent fe flatter de voir récompenfer leurs travaux & leurs peines par des douceurs & une fortune qui y foient proportionnés II était autrefois permis a tous ceux qui forment Péquipage d'un navire', de faire un petit commerce de leur propre bien; les moufles même jouisfaient de cet avantage. Outre 1'encouragement qu'on donnait par la, on excitait 1'émulation, on aiguifait 1'induftrie & on donnait occafion aux gens de mer de contraéter 1'efprit de commerce, & de devenir par la plus utiles dans des poftes plus avancés. Pourquoi la Compagnie s'eft» elle écartée de cette ancienne maxime ? Rien n'eft plus nuifible a ce corps que de décourager les perfonnes qui voudraient entrer k fon fervice. Nous ne défavouerons pas que la trop grande indifférence dans le cKoix des fujets employés au fervice da ia Compagnie ne foit une des caufes de fa décadence. 11 eft même unecirconftance qui contribue encore au peu de choix avec lequel on prend ces fujets, mais que 1'AuteurdehRicbeJfe de la Hollande fe gardera bien de révéler ; je veux parietde 1'icfluence du Stathouder dans la compagnie, depuis qu'on a cru devoir lui déférer le titre d'Ad* miniftrateur fuprême On ne peut difconvenir, en effet, que la mulriplicité des occupations de Son Alteffe Séréniffime & la diitinétion même de fon rang ne lui permettent guere de connaitre les perfonnes les plus capables dc fervir la Compagnie. On fait, cependant, a n'en pas douter, qu'il era> ploie fouvent fa recommandation en faveur des places vacantes, recommandation d'autanc plus dangereufe, qu'on n'ófe s'y ïefuler. Mais  C I9P ) .^Mais la caufe principale de la décaden ce de la Compagnie , c'eft que fon adminiftration , quoigu'elle n'eut pas changé le régime qui lui procure une fi grande profpérité, n'eft plus faice pour les circonftances aéluelle». Tout a changé dans le fyftême du commerce, de Ia navigation & de la politique ; des concurrences nouvelles fe font établies; 1'énergie qu'elle tirait du corps ferme & yigoureux qui 1'avait produit de fon fein, n'exifte plus par la langueur oü ce corps eft tombé. En un mot, la faibleffe & la décadence de laRépublique ont influé beaucoup fur celle de la Compagnie. Une circonftance qui fans doute aurait pu foutenir 1'édifice chancelant de la Compagnie des Indes, eft 1'établiiTement du Cap de Bonne-Efperance. L'Etat n'a jamais donné 1'attention convenable a cette importante colonie II parait acluellement une piecebien propre a montrer les caufes qui s'oppofent aux progrès de cet établiiTement. Les Colons drefferent, au mois de Jvlai 1779, un Mémoire qu'ils ont fait préfenter a l'Affemblée des Dix fept. Depuis longtems ils s'étaient plaints qu'on grévait leurs terres d'impöts, qu'on embarraffait le débit de leurs produétions d'entraves ; qu'ils ne pouvaient expédier des bStimens pour communiquer entre eux; qu'on les forcait a emprunter k des intéréts énorroes, & nu'on ne permettait pas les confolations d'un culté public a la majeure partie d'entr'eux qui font de la religion luthérienne. Le mémoire en queftion rapelle ces griefs & en contient bien d'autres encore. Je ne choifirai que quelques traits propres a montrer le defpotifme révoltant de? Officiers de la Compagnie & la néceffité de remédicr a des abus qui pourraient avoir des fuites funeftes. „ Un de ceux qui fe comportent de la maniere „ la plus intolérable," dit le Mémoire, „ en vers „ nos Concitoyens du Cap, eft Mr. le Fifcal Cuil- „ laume  ( m ) laume Corneille Bo;rs. Sa conduite ~h leur égard efttellemcnt arbitraire, oppreffive, infoutenable, *', au'un homme, pour peu qu'il éprouve les fen„ timens de la liberté, ne peut y penfer qu'aveC „ indignation Ii ne fe contente pas d'exi- per les amendes les plus accablantes éi de la maniere la plus arbitraire; il confifque des biens entiers pour" les fautes les plus légeres, même „ pour des cas d'inadvertance; enfin il porte la „ ty ra unie jufqu'a condamner des innocens fans „ vouloir écouter aucune juftification. En 1773 „ un Bourgeois, nommé Jean Henri Vos, acheta „ des armes a bord d'un vaiffeau Suédois qui mouilr lait dans la Baye Fals. Mais, quoiqu'il eüt de„ mandé & obtenu le permiffion de les emporter, „ on les lui confifqua; & le Fifcal eut 1'audace de répondre è fes plaintes: Que voulez vous „ faire? La moidé de ces armes me revenait & „ 1'autre moitié a 1'entrepót des armes." „ Un autre Bourgeois nommé Charles Henry , Buitendag avait eii querelle avec fa femme. Elle „ avait porté fes plaintes au Fifcal AJjoint, nom„ méTummer & demandé une féparation. 'Quin„ ze jours aprés ce Commis envoya enlever ce „ mari de fa maifon; & quoiqu'il fe füt rcconci„ lié avec fa femme, le fit enlever de force par „ un fatellite de la juftice & des Caffres, & traf„ ner pieds & mains garottés p en 1'accablant de „ coups * la prifon publique. Ni les cris dc ce ci„toyen, ni les fanglo:s de fes deux filles cou„ rant éplorées dans les rues, ne purent le fauver „ de la barbarie de ce defpote. Dans la era in te „ que fa tyrainie ne füt traverfée par un fo ïle„ remerir, il fit embarquer ce malbeureux fur un „ vaiffeau qui allait a Batavia, recommandant aux „ officiers chargés de le garder, de lui donner plus „ de coups que de morceaux a manger." „ M A. Bergh, Landdroft ou Seigneur de Stel„ lenbofch «X de Drakenftein, paflant a cheval de- „ vant  ( 192 ) vant la maifon d'un Bourgeois nommé Jean „ Eelhoff, lui demanda pourquoi il ne faluait pas „ fa Seigneurie? Le Bourgeois affis devant la „ porte , affoupi pour avoir bu plus qu'a 1'ordi„ naire, répondica moitié endormi: qui êtes-vous? „ je ne vous connais pas. Sur cette réponfe Mon„ feigneur Bergh fit enlever le Bourgeois, le fit „ mettre en arrêt, & le lendemain, dans le lieu „ des exercices de la milice Bourgeoife , lui fit „ arracher fon chapeau par un Huiflier, le déclara „ publiquement infame & incapable de porter les „ armes & le bannit de fon dihrict pendant deux „ ans." (La fuite au N«. procbain.) J. A. Crajenschot, Libraire h Amfierdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite aétuellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoirë Philosophiqöe & Politique de Mr.'Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de 1'Amérique SeptentrioDale &c, par Mr. Thomas Paine, Maitres ez-Arts de 1'UniverJilé de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Tilre de Sens Commun , Miniftre des Affaires Étrangeres pour le Congrès &c. Traduites de 1'Anglais & augmentèes d'une préface & 'de quelques notes par A. M. Cerisifu , gr. 8vo a 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires., qui diftribuent ladire Feuille.  L E POLITIQUE N°. CXVIII LUNDI, ce ia MAI, 1783. CHAPITRE LXVI. Jujlification du RédaEleur de la Gazette d'Amfterdam, contre les ajjertions auffi indécentes que peu mi* ritées d'un Anonime, A l'Editeur du Politique Hollandais, Monsieur, Attaqué d'une maniere auffi injufte aue violente, comme Rédaéteur de la Gazette d'Amfterdam, je devais naturellement me défendre fur le champ de bataille ou j'étais affailli. Mais ce que j'avais prévu eft arrivé. Je n'ai jamais pu ob> tenir du Propriétaire de cette Gazette, qu'il infér&t mon apologie dans fa feuille. Cette circonftance vient fort a propos pour montrer combien eft petite mon influence fur la manipulation des nouvelles Francaifes rédigees fur les bords de 1'Amftel, & pour me fournir 1'avantage de donner a ma défenfe une étendue que [a nature d'une gazette n'aurait pas admife. J'efpere que vous aurez plus de déférence pour un EcriTome V. N vain  C 194 ) vain que Fon'défigne comme un des principaux Rédacteurs du Politique - Hoilandais , que n'en a montré le propriétaire de la Gazette , quoiqu'il füt lui même intéreffé a Pattaque faite a fon Rédacteur. C'était dans fa maifon qu'on était venu me porter les coups. * II convenait qu'il m'ouvrït le même afile pour les repoufler. Nos Leéteurs voudront bien fe rappeler que, 1'année derniere, il fut inféré dans la Gazette du io Septembre un article préfenté comme une traduction d'un papier Américain & qui 1'était en effet, comme nous fommes en état de le démontrer. C'était une fi&ion, femblable a celles que l'on trouve dans la fameufe brochure intitulée, VAn deux mille quatre eens quarante. On parlait de plufieurs articles que l'on fuppofait devoir fe trouver dans les papiers Américains a la fin du dixhuitieme fiecle; & l'on oftrait une lifte fiétive de l'accroiffement que devait avoir acquis la marine Amèricaine a cette époque. C'eft ainfi que cet article fut préfenté, comme il eft évident par la da*e de 1'année 1800, bien eftedlivement énoncée, par celles de 1781 & 1782 qu'on y mentionne comme des époques anciennes, & par la maniere dont on parle de Charles-town dont les Américains n'ont recouvré la poffefiion que vers la fin de 1'année derniere (J*). On ne pouvait fe mé- pren- (*) Pour órer toute reflburce aux foupcons & a Ia méchanceté, voici Partiele tel qu'il fe trouve dans le No. LXX1II de la Gazette d'Amfterdain de 1'année 1782. De Boston le 12 Jttillet. Quoique notre Marine foit encore bien faible, les efforts que l'on fait pour Ia tirer du néant, nous promettent un avenir brillant. On trouve a cette occafion dans nos Papiers Continentaux une idee três-piquante. Aprés avoir expofé plufieurs Articles curieux, que l'on fuppofe devoir te  C 195 ) prendre fur cette fiftion. Les Gazettes les plus célebres, entr'autres le Courier de PEurope, la jugerent affez piquante pour 1'adopter mot pöur mot, telle que je 1'avais fait placer dans la Gazette Francaife d'Amfterdam. Jugez ciueüe a dft être ma furprife, lorfque, huit mois après 1'infertion de cet article innocent, on m'anporte une brochure, écrite avec la plus haute prétention de la part de l'Auteur & les forties les plus indé. centes contre naa perfonne, au fujet de cet article. Le libelhile ne femble pas même avoir jugé digne de fon attention de s'informer il le propriétaire de la Gazette ne s'efi pas abfolument réfcr- vé fe trouver dans nos Papiers publiés 1'année i8oö, on don. ne un Paragraphe de la teneur fuivante: „ La Flotte qui mouille dans ce Port eft compofée des „ Vaiffeaux : le Montgomery de 90; le Warren de j/o; „ le Mercer de 80; le IVoofler de 74; le Nash de 74 ,• le Polaski de 74; le Lynch de 74; le Woodford de 74; „ le Kalb de 74; le Randolph de 64; le Biddie de 64, le „ Weeks de 64 ; Ie Drayton de 64 canons; outre fept „ Frégates & trois Chaloupes de Guerre. „ Quant a la Flotte de 1'Amiral Jones, kCharles-Town , „ felle efl compofée de 17 Vaiffeaux de ligne & de neuf „ Frégates; & ia Flotte commandée pnr 1'Amiral Nichol. „ fon , confifte en 11 Vaiffeaux & cinq Frégates, Ce» „ dernieres ont depuis peu été achevées dans le nouveau ,, BalTin de Cbejler, prés de cette Ville. Le p.ompt ac- croiflement des Forces Navales de ÏAmérique, (les,, qnelles ne confiftaient en 1781 qu'en deus Frégates Fédérafes & une appartenance a 1'un des Etats) doit „ être attribué è 1'extravagauCe de Ia Cour Britannique, „ qui changea, en. 1782, la Guerremalheureufeuientcon„ duite depuis que'ques années, en Guerrev de Mer; ce „ qui tourna nuffitót le génie, le courage, les reflburces ,, des Etats-Unis vers la conftruction & I'équipement d'u„ ne Force Navaie , qui les a rendus la Quatrieme Puis* „ fance Maritime du Monde." N a  Té le droit de choifir & d'arranger les pieces ou telles traductions de pieces qu'il lui plaft d'inférer dans fa feuille, & fi le Rédacteur a d'autre em« ploi que celui d'en traduire quelques-unes, de corriger, le moins mal que la nature & la néceffité des expéditions promptes & multipliées de ces fortes de feuilles peuvent le comporter, celles qui viennent d'une autre main & d'y coudre a la hate des préambules Sc quelquefois des réflexions que le propriétaire adopte, rejette, mutile, altere k fon eré, ordinairement, fans prendre confeil que de lui - même. Mon adverfaire n'a pas jugé ces informacions afléz importantes pour mériter fon examen; il a dirigé lés attaques contre moi; Sc comme 1'article me femble avoir été confervé tel que je 1'ai communiqué , je n'ai pas cru devoir laiffer pafier fous fiknee les critiques aufii indécentes qu'injuftes auxquelles il a donné lieu. Ce n'eft pas la première fois que j'ai effuyé les attaques de cet adverfaire. J'avais révélé plus d'une fois fon ignorance grofiiere, confondu fes allégations calomnieufes, & prouvé fon infigne mauvaife- foi. 11 avait été réduit k me répondre qu'il n'y avait pas d'autre expédient pour éteindre 1'incendie dont je menagais, difait-il, le pays, que d'enf velir mon feu avec ma perfonne dans 1'eau faum&tre de nos canaux. II parait que la maniere dont j'ai relevé cette finguliere réplique a mis cet homme en fureur. Mais le délire de la colere 1'a trahi. II a laiifé le Politique Hoilandais de cóté, il m'a prisè partie fur la Gazette d'Amfterdam. Ce qui concerne les Américains a naturellement fixé 1'attention d'un Ecrivain qui paraft leur avoir juré une haine plus implacable que les Anglais. L'article de leur marine future eft devenu 1'objet de fes plus violentes attaques. Mais égaré par la paf(ion, aveuglé par la haine, & dévoré de fiel , il érige cette fiction en réalité & par Ja fubftitution perfide de 1'année 1780a celle de 1800, il merend re-  C 197 ) refponfable de toutes les abfurdités qui coulent natnrellement de cette expoficion infidele. Nous fouille- rions notre plume en rapportant les épkhetes indécentes nue cetce fauïle attribution donne lieu au folliculfaire d'entaifer fur nous. Ne pourrionsfc nous pas lui rétorquer avec plus de fondement les gentilleffes fuivantes qu'il employé a notre égard? Notre Magot prit pour le coup Le nom d'un port pour un nom d'bomme. Qu'importe, dans fes allégations ou de la folie ou de ifimpertinence? Eft-cel'imbécillüè ou le délire qu'il faut donner pour attribut d un pareil barbouilleur ? II faut être plus qu'incorrect pour changer en réalité une fuppofition donnée pour telle. Mais que dironc les leEteurs impartiaux, quand ils fauront que le critique faifit cette occafion pour nous accufer d'infolence & de baifeffe. Un bomme arrogant eft prefque toujours Idcbe, dit il. En outrageant le Mi* nijtere Anglais, le Gazetier n'a rien d craindre: s'il difait la vérité d celui de Verfailles, fon torebon pe* riodique ne circulerait plus en France; le Rédatïeur irait filer au Spinhuis, ou nager dans l'Amftel. Non, 6 le plus vil deslibelliftes, vous ne connaiffez pas 1'ame de celui que vous dépeignez fous des traits auffi odieux. Ou plütót, vous 1'avez connu fans vouloir rendre a la nobleffe & a 1'intésrité de fes fentimens la juftice qui leur eft due. Ne 1'accufez-vous pas dans votre miférable libelle d'être 1'Auteur de la Lettre d Guillaume Thomas Raynal inférée dans Le Politique Hollandais & d'avoir été1'apótre fanatiquede la liberté Genevoife? Lifez encore le No. Ii3du Politique. Paraiffezaétuellement devant le tribunal équitable du public, Conciliez cette conduite toujours ferme dans fes principes, toujours uniforme dans fa marche ; conciliez les étoges que j'ai donnés k la France avec les cenfures décentes que j'ai quelquefois hazardées fur fa N 3 con-  ( 198 ) conduite; & foutenez, fi vous pouvez, la ccm- paraifon Qui de nous deux mérite 1'accufat'on d'infolence & de lacheté ? Quel motif d'mtérêt peut - on m'attribuer ? Qae la circulation de la Gazette loit plus ou moins grande en France, il n'y a que le propriétaire qui puiffe y perdre ou y gégner. Et quant a la faveur, vous favez qui de nous deux a le plus de befoin de flatter la Cour pour obteuir un auire bénéftce. Nous rie fommes cependant pas les plus maltraités par ce libellifte; puis qu'il nous a fait l'honneur de dire que notre tête était mnr.tè.- d ia d'Alembert. 11 dit bien tis du Courier de 1'Europe, qu'il appelle leplus infipide fatras, le plus plat de tous les torebons pè* riodiques. Torebons, excrement. ordure , voila les mots favori^ dont H régale fes Ennemis & fes Leéteurs. Plufieurs Gazettes ont rapporté un por; rak de Washington , tracé, a ce qui paraït, par des peintres'plus inftruits & du moins aufii habiles que le libellifte ; nous le défions de nous produire un feul trait de ce tableau ni dans le Politique , ni dans la Gazette II ne laifle pas de nous 1'attribuer. Plufieurs papiers Européens oDt rapporté une Lettre d'un Membre du Gouvernement- Américain; & nous ne pouvons bien nous rapeler, fi c'eft dans la Gazette du 6 Septembre qu'elle a paru pour ;a première fois. Le Critique femble triompher ctt te fois-ci. 11 en fait un long commentaire; il en pefe les aflertions, les raifonnemens, les termes; c'eft la qu'il donne la carrière la plus libre a fes indécentes forties.' Ses atroces turlupinades qui ne peuvent que faire naitre 1'indignation de ceux qui en font les objets & 1'ennui des autres, forment un total d'environ foixante - fix pages. Nous en épargnerons le fommaire a nos ledieurs. Ainfi de trois articles qui fervent de b fe a fes accufations, le premier eft auffi lïkmement qu'impudemment falfifié, le fecond n'eft pas de nous & le troifieme eft une de ces pieces générales dont nous ne fom* mes pas plus refponfables que ceux qui l'ont pu- bliée  C 159 ) bliée avant, avec ou après nous. Ledleurs impartiaux, eft-il des termes pour caraétérifer le procédé de notre détradleur ? Peut on fe montrer plus ridicule par la mal-adrelTe & plus odieux par la méchanceté? Mais, quoique nous foyons le principal objet de fes attaques, nous ne fommes pas les feuls. Le public verra ce qu'il doit penfer d'un Ecrivain qui diflile le poifon fur les caracteres les plus purs & les plus respe&ables. On fe rappellera fans doute avec quelle grandeur d'ame les Frangais uferent de leur vidloire a la Baye de Hudfon. Amis & Ennemis applaudirent a 1'humanité qu'ils firent alors éclater dans 1'ivrefle d'un fuccès auffi périlleux. Nous ne pouvons fans injuftice" dit a ce fujet la relation d'un Anglais (Voyez le loyds Evenings - Poft 13 Avril j „ refufe'r aux „ Frangais la gloire de déclarer qu'ils en agi„ rent avec cette affabilité qui caraclérife la na„ tion Frangaife. Mr, de la Peyroufe fut 1'honneur „ de fa nation & 1'ornement de la nature humaine; a) fa politeffe, fon humanité, fon excellent carac„ tere lui concilierent Paffeétion de tous les Offi„ ciers de la Compagnie Leur féparation futcmn,. me'celle des plus tendres amis qui ne doivent „' fe revoir de longtems. Sans la bienfaiiance avec „ laquelle il laifla des provifions pour les Indiens, „ ces malheureux auraient péri de détrefle. Ces ,, qualités divines annoncent le héros, adouciffent „ les calamités de la guerre, & rendent 1'adyerfité „ fupportable aux infortunés expofés a fes ,, coups-" II n'y a rien a ajouter a ce tableau. II vient d'un hnnemi Sc d'un témoin oculai e. Mais notre Satyrique audacieux foutient , p. 33,1 de fon impudente feuille, que Mr. de la Peyrouje a renouvelé dans la Baye de Hudfon les borribles fcenes du Palatinat, de Bodegrave, de Zwammerdam, incendiês par ordre des Louis Xlf, des Louvnis & des Luxembourg! Ce font fes propres exprefN 4 fions»  C 200 ) fions. II y a fans doute dans une de ces deux relations un menfonge avéré. Leóteurs impartiaux, c'eft a vous de juger quel eft 1'impofteur impudent, ou de PAnglais qui loue fon ennemi donc il a éprouvé la bienfaifance, ou du Folliculaire qui du fond de fon afile ténébreux dans les Pays-bas décbire un Officier refpeótable qu'il ne connait pas? L'Augufte Affemblée du Sénat Américain a joué pendant toute cette guerre un ró!e plein de' fageffe, d'honneur & d'habileté. Le fuccès le plus rapide & le plus glorieux a couronné fa conduite politique. Les noms de ceux qui ont animé, conduit & dirigé cetBilluftre Corps, pafferont, avec gloire, a la derniere poftérité. La France. les Ftats-Genéraux, 1'Angieterre elle-même enfin, les ont reconnus pour ies vénérables Répréf ntans d'une nation indéperdante & libre. J'ai honte de répéter la maniere indécente donc cetinfolent libellifteparle d'Un Souverain dont les Etats des Pays basUnis, orack qu'il doit refpeÜer, dit il, ont proclamé 1'indépendance. Ces Répréfentans nefont, fuivant lui, que des tyrans cmimés par le cruel plaifir de régner fur leur pays, par une arnHtion atroce. Le fang fe glacé, dit-il, les cbeveux fe bérijfent fur la tête en penfant d la cruautê froide réfléebie. ... d la politique fanguinaire qui dirige les de/potes de la géneration préfente au deld des mers. II compare leur conduite a l'infolence d'un Idcbe roquet qui agace un dogue généreux. Le titre le plus doux qu'il leur donne eft celui de Dominateurs de I'Amérique, d'Ariftocrates du nouveau monde. Enfin, il dépeint ce corps comme une macbine mue par le Cromuoel de I'Amérique , qui pourrait, comme celui de 1'Angleterre, dijfoudre avec fes foldats, ce croupion ultra-maritime. La réputation du Général Washington eft au deffus de I'éloge. Les Ennemis les plus partiaux ne peuvent refufer a fes qualités militaires & civi- les  ( 201 ) Jes le tribut de gloire qui leur eft dü, II n'eft pas un particulier, un Monarque rnême en Europe qui n'enviat la gloire d'avoir joué le róle du héros Américain qui vient d'affermir 1'indépendance de fa patrie. Notre Critique ne donne pas a ce grand homme d'épithete plus douce que celle de farouche Diclateur de I'Amérique, plus dur & plus infiexible que les loix cruelles de la guerre, qui par fa conduite cruelle & impolie a cboqué tous les égards düs d la juftice & d la bienféance, éf pret d imprimer d fon nom une note de lacbeti & de bar» barie, & d foulever tous les peuples contre fa cruauté, n'ayant montré qu'un mérite paffif & nêga* tif, dont les plus grands exploits fe jont bornés d avoir fait pendre le malbeureux André. II publie une lettre vifiblement fabriquée fous le nom de Washington ; mais auffi puiflant raifonneur que cenfeur décent, il aflure que quand elle ne ferait pas de lui, elle n'en prouverait pas moins que fes concitoyens connaiflent fon ambition. Sa réputation eft brillante, avoue-t-il ailleurs, mais eft-elle également folide'i Ce font ld deux chofes bien diffêrentes. Le P. de Montefquieu, MM. d'Alembert, Diderot, Marmontel, font auffi parvenus, dans leur genre,d fe faire une brillante réputation. Cependant, aux yeux de la raifon, ils la juftifieraient difficilement. C'eft ainfi que ce vil zoïle outrage les perfonages les plus refpeétables. Semblable aux oifeaux nocturnes il ne peut fouffrir 1'éclat d'une lumiere pure. U n'attaque les grandes reputations, que paree qu'il fait peu de cas de la fienne. Son afFeétation h renverfer ce que les autres encenfent, a préconifer ce qu'ils méprifent, a décrier les belles aólions & en envenimer les motifs, montre qu'il ne croit pas a la vertu. Cet échantillon fuffira fans doute pour apprendre aux perfonnes fenfées a apprécier un Ecrivain qui veut nous donner des regies degoüt, de décence, de ftile, de logique. Quoique fon attaque fut N 5 trop  C 202 ) trop infolente pour être envifagée avec indifférencc nous nous garderons bien d'indiquer le titre de fon libeile. Nous 1'abandonnons ainfi que fon Auteur a 1'obfcurité oti ïe public femble favoir condamné, bien fur que les honnêtes gens feront fatisfaits de ce que nous en avons dit & ne défireront pas de connaitre plus amplement ni 1'éerit ni 1'au. teur. ~ . Rien n'eft plus ridicule que fon affedtation a copier Linguet, dont il n'eft que le finge. II croit en avoir'le génie, paree qu'il en adopte quelquefois les principes. II fe croit un grand Ecrivain, paree qu'il a découvert des fautes de grammaire dans des Gazettes II ne s'eft pas appergu que, s'il repete quelquefois les tournures de 1'orateur Champenois,il n'a comme lui, ni cette chaleur, ni ce nerf toujours foutenu, ni, fel cauftique, ni enfin ce don de convaincre & quelquefois de perfuader, fans lequel il n'eft point d'éloquence. Mettre les mots k la place des chofes., les afiertions k la place des preuves, les déclamations a la place des raifons, voila tout le mérite de cet libellitte. Soa ftile généralement groffier, quelquefois tres incorrect, eft toujours monotone & foporifique. Ce peu de mots fuffira fans doute pour apprécier un Ecrivain qui, caché adroitement fous les ténébres de fanonime , expofe perfidement ceux qui lui déplaifent au grand jour , les prend è partie fur des ouvrages dont la partieéconomique ne leur appartient pas, dont la nature admet nécefiairement une multitude de pieces de ftile & de principes divers, d'un Ecrivain, qui, pour mieux reuffir a me rendre odieux ou ridicule, m'attribue fes propres fottifes. Cette conduite eft-elle permife ? Eft-il de 1'équité , de, 1'honnêteté des- procédés de me défigner par mon nom & mon emploi en gardant foi même le plus profond incognito ? L'attaque eft-elle égale? Les armes font elles les mêmes ? N'eft-ce pas, venir couvert d'un masqué de fer, attaquer fon adverfaire a nud? Avant  C 303 ) Avant de finir cette lettre nous ne pouvons nous empêcher d'obferver que ce libellifte audacieux s'affiche pour le redoutable champion du Prince Stathouder , pour 1'Apologifte de fa conduite & 1'admirateur des Écrits que ce Prince a publiés pour fe juftifier. Le deftin malheureux de ce Prince Illuftre fembleêtre. de n'avoir dans fon parti que des Ecrivains fufpeéls par leurs principes & décriés patleur conduite. Mais il eft. trop éclairé pour être flatté du lache devoument d'un écrivain qui déchire fans pudeur les Washington . les Laurens, les La Peyroufe, les Auteurs de laKévolurion Amèricaine &c, qui, lors de la defceme des Frangais a Minorque affura que cette expédition les dê.honorg. raient; que la France a compromis fa gloire dam cette guerre, 6? /acrifié Jes peuples, & qui a porté lacraffe ignorance jusqua nous dépeindre 1'Kmpereur de Maroe comme ayant la face rembrunie d'un habitant de la zone torride. II n'eft pas étonnant qu'un Zoïle auffi odieux fe cache foigneuferaent fous le voile impénétrable de 1'anonime. Nous qui n'avons pas les mêmes mo. tifs, qui nous faifons gloire de n'avoir pour Ennemis que les Détradleurs de ce qu'il y a de bon, d'honnête & de refpeétable, & qui, malgré Finfuffifance de nos talens, avons le courage de plaider conftamment pour les meilleurs principes, nous ne craignons pas de nous figner A. M. Cërisier. Se-  C 204 ) Seconde Lettre du Maüre cbarpentier en conftruction navale fur divers fujets. Monsieur, je me trouve fort honoré de Ia Cbrnplarfance avec laquelle vous avez répondu k la lettre que j'avais pris la hardiefle de vous adrefier, & je vous en faismes remercimens finceres; j'efpereque vous voudrez bien avoir quelques égards aux réflexions & aux demandes ci-jointes, elles font une fuite néceffaire de ma première lettre. Vous me paraifTez étonné, Monfieur, de ceque, paffé-maitre, comme vous ditcs, en conftruction navale, je me fuis occupé de quelques réflexions fur VArt de la Politique. Je fuis maïtre , il eft vrai, dans un autre Art; mais qui ne donne point 1'exclufion a des connaiflances d'une autre efpece. II me faut bien quelques dédommagemens pour ce qu'il m'en coüte pendant cette guerre, peur m'étre, a 1'exemple de mes peres, attaché a mon état. II eft bon que vous fachiez qu'auffitót que j'ai vu les Anglais voler comme des brigands fur nos navires & nos pofieffions, héritier de 1'amour de Ia patrie dont brülaient mes honnêtes ancêtres, j'ai couru préfenter k mon Souverain la conftruótion d'un vaiffeau de 74, dont mes facultés & mes connaiflances me mettaient a même de venir a bout avec honneur. Ma propofition ne pouvait être refufée; on 1'agréa & je m'engageai a livrer en fix mois mon batiment fait & parfait. La célérité que j'avais promife, effraya fans doute les Commiffaires qui devaient examiner les principales pieces de bois dont j'avais k faire ufage ; ils vinrent d'abord en vifiter la quille, ils Ia jugerent belle, bonne & folide ; on Tap-  C 2CJ ) 1'approuva par conféquent. Ce fut la feule piece dont ces Meffieurs voulurenc être contens. Mais quant a une foule d'autres pieces de bois, ils formerent tant d'oppofitions fur leur nature, leurs qualités,fur leur emplacement, qu'ils laffaient, pour ainfi dire, chaque jour ma patience, furtout quand mon ège, & mon expérience me démontraient que ce que je leur préfentais, valait beaucoup mieux que ce dont ils voulaient le remplacer Us m'ont contraint, en rejetant d'excellens morceaux de bois, dans un tems oh il était a un prix extraordinaire, de me procurer d'autres pieces dont je n'aurais jamais cru avoir befoin, & que je ne pouvais acheter que par grandes parties a un prix fix fois peut-êcre au deifus du prix ordinaire. J'obéiflais avec douleur , parceque je prévoyais que ce prix pouvant baiffer è chaque inftant, 'je m'expofais pour une ou deux pieces de bois dont on voulait que je manquaffe, a perdre confidérablement fur le total que l'on me forcait d'acheter. Cela n'eft que trop arrivé. J'ai perdu 10,000 florins par cette manoeuvre que je n'ofe appeler méchancetó, quoiqu'elle en ait tous les fimptómes; & pour me défefpérer, le Commillaire en chef ne m'a fait attendre que 3 mois fa décifion fur les ornemens aüégoriques que je devais placer fur les derrières de la Chambre de poupe. Je ne me repens point de mon zele, mais il me femble que l'on ne 1'a pas trouvé agréable, & que l'on a voulu m'en punir. Cependant j'ai rempli mes engagemens, je puis dire avec honneur, en multipliant les bras & doublajit au moins la dépenfe. L'on m'en a payé le prix, mais on m'a óté le goüt d'acheter fi cherement une autre fois 1'avantage de fervir ainfi ma patrie: Vous étiez fans doute inftruit de cequi m'était arrivé, Mr. ainfi qu'a plufieurs de mes Confrères , car je ne fuis malheureufement pas !e feul qui ait été traité de la forte; quand vous dites que les Affaires de 1'Etat dans le Département de la Conjtiutï on des vaiffeaux, Jcmblent avoir introduit unt nou-  C 206 ) nouveUe maniere d'envifager la politique. Quoiqu'il faille raifonner en charpentant, je vous ai marqué dans ma précédente Mr. en quels momensnous nous occupions, ma familie & moi, a manier autre chofe que la hache ou la tariere. II peut fe faire que je fois celui que vousdites avoir rencontré dans la boutique d'un Libraire. Mes Enfans ont recu quelque Education, toutes les Langues fe parient chez moi; nous avons une bibliotheque affez bien compofée, un peut Cabinet de phyfique & de médailles . & je viensde faire pofer un paratonnerre au delfus de ma maifon qui domiue fur tous mes chantiers. Ne nous confondez pas Mr., avec ceux qui exercent des profeffions mécaniques. Notre art eft plus ancien que celui de la politique, il remonte jusqu'a Noé. Ne m'attribuez pas, je vous prie, ce que'le ftile de ma lettre peut vous avoir offert de paffable. J'écris peut-être affez bien en Hollandais; mais je vous 1'ai dit, la traduétion en appartient toute emiere a un de mes ouvriers. Dans votre pays, fans doute, les gens de ma profeffion n'ont pas le langage deshorméles gens; mais ici nous ne parions pas un autre idióme, & ce que nous difons eft toujours honnête; il fort de notre coeur; je fuis véritablement enchanté de voir que je ne me trompais point dans la définition du mot de politique a'Etat, ni fur la chofe que ces mots renferment. Pour celle qui ne regardé que les tffaires imerieures, je la nomme police a'Etat & jc vois comme vous, Mr qu'elle pourrait offrir bien des traits finguliers dans cette ville feule. Car,'par exemple. c'eft a cette politique intérieure ces Etats, probablement, que nous devons attrihuer 1'idée de quelques uns de nos Officiers de Milice Bourgeoife , qui leur a fait choifir Ja nuit pour exercer leurs Compagnies au flambeau fur nos places publiques, a la lueur de fix Janternes: Qu'un Acteur après avoir diverti, corrigé peutêtre les Citoyens pendant plus de vingt années fur le théatre de la Nation, devenupar fa vieilleffe ou fes  C 207 ) fes infirmités hors d'état de faire pleurer ou rïre encore, regoit pour toute récompenfe une'honorable place a Yüuden-Manbuis: Qu'un étranger en arrivant dans cette ville & n'entendant pas notre langue, s'égare k chaque inftant, dans nos rues, ne peut même connaitre ni retrouver fon auberge; parceque nos rues, comme partout ailleurs -en Europe, ne portent point k leurs divers angles ie nom qu'on leur a donné &c. &c. &c. Attendu que ma lettre eft déja trop longue , je me bornerai s'il vous plait, Mr. a vous demander quelle eft donc la nouvelle épidemie dont eft aftligée de nos jours notre chere République Je fais bien que vous n'êtes pas Doéteur en Médecine,& jene vous en eftime que plus; mais enfin vous parlez fi fouvent de cette maladie ; vous en décrivez 11 bien les fimptómes caraélériftiques & les progrès, que je ne puis douter que cette Épidémie ignorée avant un demi-fiecle environ dans ma patrie, ne vous foit parfaitement connue dans fa fource, fa caufe & fes effets. Vous la nommez Anglomanie; je n'ai jamais pu 1'expliquer a mes Enfans, parceque en feuilletant tous nos Diétionnaires & nos Grammaires, il ne m'a pas été poffible de trouver un mot qui püt y répondre en notre langue. Je ne fais fi le nom de cette maladie eft Francais, ou s'il nous vient de 1'Allemagne avec cette épidémie, mais je ne puis m'en former une idéé a moi même , ainfi comment pourrai-je en inftruiremes Enfans? Le Médecin, qui, depuis trente ans, 'fert ma maifon ne connait pas non plus cette maladie, inconnue encore a Leide, en Frife & k Groningue; & il eft affez habile, quoiqu'il ne foit jamais forti de la République oh il eft né, pour s'être aquis depuis fa jeunefie la confiance & 1'eftime de tous les bons patrlotes. J'efpere , Mr. que, dans quelques-uns de vos Nor. fuivans, vous voudrez bien répondre a cette der-, Biere queftion furtout, afin que je prenne les pré- eau-  C ao8 ) cautions les plus fages pour garantir ma familie & mes ouvriers d'une maladie qui, felon vous Mr., a porté les plus grands dommages a la République., Je fuis avec la plus haute eftime, Monsieur, Votre très-humble & très-obéïflant Serviteur Willem Vroome. J. A. Crajenschot, Libraire k Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite adluellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal , par rapport aux Affaires de 1'Amérique-Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine, Maitre eZ'Arts de l'Univerfité de Penfylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Minifire des Affaires Étranger es pour le Congrès &c. Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier, gr. 8vo k 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires', qui diftribuent ladite Feuille.  L E POLITIQUE N°. CXIX LUNDI, ce 19 MAI, 1783. CHAPITRE LXVIII. Sur les affaires intérieures de la République, Lettre au Politique Hollandais, Monsieur. On dirait que vous cherchez a éviter les occafions de parler des événemens particuliers qui agitent encore rhémifphere pelicique de cet titat. Vous femb'ez vous attacher exc ufivemenc a des obfervations généraies fur les afLires dc la puciflcation aétuelle; & vous ne parle/, plus, comme aupara^ant. des abus qu'il s'agit de réforrner C'elt peut êcre 1'affeétation de votre filence k cet égard qui a induit en erreur les Nouvelliftes étrangers & les a portés a publier qu'il y avait un accord entre les Démagogues de ce pays pour dérober leurs projets aux PuifTances étra'ngeres, & pour prévenir les cris de la nation au moyen d'une marché ténébreufe &cachée, Cette aiT rtion elt d'aucant moins fonJée que nos papiers nationaux ne ceffent de parler des matieres & même des memToms V, O bres  C aio ) bres de 1'Etat de la maniere la plus vigoureufe & la plus libre. Jamais on na tanc écric i° fur la Jurisditïion Militaire (*), 2° fur la néceffité de recbercber les caufes qui ont fait écbauer l'expédition projetée pour Breft; 30 fur les recommandations du Stathouder cj? même Jur fes nominations dit ecl.es dans plufieurs uilles comme d Alkmaar & d Rotterdam, 40 fur la diftribution illégale des Commiffions en Overyffel, 50 fur l'abolition des fervitudes dans la Guel'are , comme elles ont été fupprimées en OveryJJel, 6» Jur le rétabliffement des droits des Communautés Bourgeoijes ou populair es dans ces deux Provinces, 70 fur léreiïion des milices Bourgeoifes oii il n'y en a pas, & leur amélioration dans les endroits oü elles font décbues- Tous nos papiers ont retenti des efforts tentés fur ces divers objets. On n'a point caché la maniere donc le Stadhouder s'eft vu obligé de confirmer les deux Bourguemaitres de Zwoll nommés par le College de la Commune jurée,-fans pouvoir y introduire les deux candidats que Son AlteiTe leur avait fubftitués. Les Etats de Hollande & ceux de Frife viennent de prendre une réfolution définitive pour ramener la jurisdidtion militaire aux principes de la Conftitution Belgique & aux regies d'un Etat bien policé. Mr. de Capelie de Poll vient d'expofer au grand jour un abus bien propre a éclairer ceux qui, fur des bruits artjficieufement femés & fur des clameurs non-fondées, attnbuaient a ce qu'ils appellent la Dèmocratico-Arifiocratie le projet d'enlever au Stathouder les prérogatives les plus effen- tielles (*) Nous n'avons, il eft vrai, prefque rien dit fur ce fujet. Mais qu'aurions nous pu dire qui valüt tant de Mémoires publics, particnlierement celui des Etats de Frife , oü regne un ton noble & philofophique , & celui d'Amrterdam fi convaincant par la logique & 1'érudition, que les Etats de Hollande ont cru devoir fadopier comme 1'interpréte le plus fidele de leurs fentimens & Ja régie de leurs procédés a cec égard.  C iti > tièlles. Ce digne Régent vienr de prouver que c'eft ait Stathouderat qu'on aurait plus de raifon d'auribuer des ufurpations & des violations de ferment On fait qu'il n'eft pas de Province, a 1'exception de celle d'Utrecht, ou le Stathouder ait autant de pouvoir qu'en Overyfiél par fon influence dans tous les emplois ou Commifïions des Départements, foit légiflacif, foit exécutif. Non content de la prérogative flatteufe de choifir dans une nomination formée par les Etats les fujets deftinés aux Commiflions_ importantes, foit pour 1'adminiftration de la Province, foit pour le corps de la Cpnfédération,le Stathouder s'était arrogé le privilege non • feulement de difpofer arbitrairement fans attendre aucune nomination, mais même de partager chacun de ces emplois entre plufieurs membres. 11 n'y avait eu aucune réclamation contre cet abus jusqu'au 19 Février 1777. Le Stathouder, ayant ainfi le choix & la nomination directe de tous les membres de ,cette Province qui avaient le plus de part a 1'adminiftra* tion politique, les trouvait naturellement toujours dociles, toujours conforme? k les vues. Mais on fait que ces vues ne s'accordaiert pas toujours avec celles de plufieurs Corps légiflatifs des autres Provinces ou il n'avait pas la même influence. Ce n'était pas fans raifon que Son Altefie Séréniffime s'autorifaic des délibérations prifes en.Gueldre & en Overyflel fur 1'augmentadon des troupes de terre, pour infinuer dans fon mémoire apologéti. que, que la divifion furvenue k cet effet ne venait pas de lui. On ne peut difconvenir que c'eft a ces délibérations qu'il faut en partie attribuer la divifion qui a caufé tous les maux de 1'Etat, Mais on ne peut s'empêcher de convenir aufii que fi Pinfluence Stathouderienne eüt été moindre dans dans ces Provinces, elles auiaient vu les chofes fous le même point de vue oh les envifagerent d'abord laFrife& la ville d'Amfterdam, les deux membres de la Confédération les moins aflujettis k Pinfluence Stathouderienne.' II ferait facile de O a proa-  C *ia ) prouver que tous lesroêmbres de 1'Etat avaient le méme intérêt lors de la première éruption de ces troubles. LaGueldre, 1'ütrecht & 1'Overyflel, étant même moins expoiees aux fuites d'une rupture avec 1'Anglais, comme Provinces de terre, avaient moins de raifon de le ménager. Ces trois Provinces ont trop éprouvé les fuites d'une guerre avec la France , & montré dans tous les tems ( voyez les Mémoires d'Avaux} trop de répugnance pour les mefures qui pouvaient la faire naftre, pour avoir concouru, librement, a tout ce qui pouvait retarder les armemens maritimes. Ainfi dans un cas oh l'on ne pouvait armer par terre fans alarmer la France, ni fur mer fans irriter 1'Angleterre, ce dernier choix était donc le plus prudent, le plus naturel; il aurait donc été certainement adopté par toutes les Provinces , puifque 1'Etat n'était troublé & ménacé que fur ce dernier élément. Ainfi tout citoyen qui s'oppofe è 1'influence qui a mis obftacle au développement de cette importante mefure publique, doit être rangé au nombre des bons patriotes. C'eft ce que Mr. de Capelle de Poll avait entrepris dès le commencement de 1'année 1777. La dépofition dont fon patriotifme fut récompenfé, 1'a empéché pendant quatre ans de travailler a une réforme qui peut-être aurait prévenu les maux de la patrie, les diflenfions fcandaleufes qui en font la fuite, & les mortifieations douloureuies qu'on fait dévorer a ceux qui en font les véritables Auteurs* Ré-  ( 213 ) Riponfe i ia Lettre pricédente, fur la politiqueJntïrieure de la Républ,que & particulier ement fur la nêceiTité de faire entrer les principaux citoyens dans les milices Bourgeoijes,jour fervir de fuite au CHAP1TRE LXV. Dans les obfervations que j'ai publiées pour wouver que les intéréts des divers Etats E'éta ent pas oppofés, on a cru découvnr une contraSnpalpable avec les principes expofe auparavant dans' cette feuille. On nous a 0b eöé qu'ayant pris a tache de repréfenter 1'Angleterre omie 1'Ennemie naturelle de ce pays,, nous ne rouvions plus parler d'une identite d intéréts avec les fiens. lelie eft 1'objection principale qu'on nous * tSVeft'plus facile que d'y répondre, Kous avons bien prouvé que les intéréts des nations n • taient pas oppofés; mais nous n'avons pas dit quelles mivilTent toujours leurs vrais intéréts. Nous avons montré que 1'Angkterre, en adoptant depus plus d'un fiecle pour conftante politique , de élever fur les ruines des autres nations, avait nui a fes propres intéréts, C'eft par cette conduite qu. elle eft devenue le fléau de les voifins & le pnncipal Auteur de fa propre décadence. Quelquefois même on connait fes intéréts, on eft méme ine hné les foutenir; mais 1'effet ne répond pas wu,°urs au de. fir paree que, quoique chacun fouhaite fon intérêt' quand on le lui rnontre, tout le monde n'a pas cet« aftivité néceifaire pour le conferver quand il eft attaqué, ou 1'acquérir quand il eft échappé des mains On voudrait la fin, fans être tenu a fournir les movens propres a 1'obtemr. Un de nos pap r nadonauxvient de puplier ace fujet une idéé, dont nous allons extraire & ^velopper les principaux traits Par exemple, dit-il, les; Anglais défiraienc bien férieufement de tirer de^ leurs colonies Amèricaine* tout ce qui leur faifaient plaifir , de les affujettir par les armes, ne pouvant O 3 1C*  C 214 ) les ramener par les voies de la conciliation % maij n'ayant pas eu le courage de recourir aux mefures qu'ils auraient dü prendre, de mertre la main k l'ceuvre, L'effet n'a pas réponduau défir. Par exemple les Frangais ont eu bonne difpofition de profiter de la rupture entre 1'Amérique & 1'Angleterre, pour abaifler cette derniere dont la grandeur les humiliait & les offufquait; & mettant tout de bon la man a 1'ceuvre, employant les moyens les plus efficaces, l'effet a repondu au défir, & la paix a c mfacré 1'objet de leurs efforts. Les Puiffances neutres fe voyant attaquées fur un élément ouvert, libre &' commun è toutes les nations , pour une querelle qui ne les intéreffait au« cunement, ont concu 1'idée d'une Confédérationarn.ée; les plus expofées au danger fe font hitées d'y accéder; la République avaic bonne-envie de renforcer par fa jonftion le feul fyftême qui pouvait la fauver; mais n'ayant pas eu l'aclivité né' ce£"Jre d l'acquifition de ce fouhait important & ve« nant trop tard, l'effet n'a pas répondu au défir pès le commencement des pirateries des Anglais, tous les Citoyens des Pays bas-Unis frémiffaient d'indignation, apelaient le bras vangeur qui réprime 1'infoience; leur zele patriotique allait jufqu'a délirer une rupture qui ne tardapas è venir: les dispofitions du peuple étaient bonnes ; celles du Souverain n'étaient pas mauvaifes; Ie Chef du pouvoir cxécutif voulait qu'on commencat k fe mettre fur Poffenfive & qu'enfuite on courüt fus k 1'Ennemi, pour le piller, le tuer. £? lui nuire partout oü l'on pourrait; les C3pitaines & Officiers de Marine n'étaient pas moins bien-intentionnés: les Matelots étaient pleins de feu , les Amirautés pleines de provifions &de munitions;la bonne voloniénc man. quait pas; 1'osuvre feule manqua: ainfi nous fumes npus-mêmes outragés, pillés, ravagés partout impunément; de lè les plaintes, les murmurcs, le mecontentement, une paix humiliante & le défir gé-  ( 215 ) général d'un changement dans une admimft.fati.on qui n'a pas été en état de joindre l'effet au aèjiu II eft vrai que la bonne volonté eft rettée; la puiffance légiflative frémit d'avoir vu fes combmaifons & fesordres méprifés; elle parle d'une vengeance exemplaire contre le pouvoir exécutif qui n'a rien exécuté. Ici le peuple avait bonne-volonté; mais ies reprofentans n'étant plus les' órganes & les interprétes de fa volonté, depuis qu'ils fe font rendus ïndépcndans, n'ont pas obéi a la voix populaire; enfin, quand ils y ont déféré, ils ont trouvé eux mêmes des réfraétaires dans les exécutcurs de leurs ordres; lc Stathouder a montré toute bonne volonté; on ne lui a pas obéi; les Capitaines, les Officiers ont auffi trouvé dans leurs fubalternes des rcfraétaires; ainfi tout le monde a fait montredu plus grand patriotifme; fi rien n'a été opéré , chacun a rejeté la faute fur fon prochain; & voila comment dans cette guerre nous avons été joués au dedans óc pilles au dehors» Les chofes n'étaient pas adminiftrées de cette maniere autrefois. L'Amiral Byland avoue lui-meme qu'il n'a pas imité l'exemple de Tromp qui luivit aveuglément les ordres des Etats & fortit avec fa flotte pour une croifiere dont le fuccès lui pa. raiffait comme 1'expedition de Breft a paru au Comte. Autrefois cette fuboidination nous procurait des fuccès & de la gloire; on s'eft vifiblement écarté des anciennes maximes, il n'eft donc pas difficiie de voir oh git le mal intérieur del'Etat. II y a dans 1'adminiftration intérieure ou la police de notre pays bien d'autres chofes inintelhgibles; & c'eiï ici le lieu de faire les recherches promifes. Milice Nationale. La Bourgeoifie eft divifée dans plufieurs villes & narticulierementaAmfterdam, en milices;dans bien de< endroits ,& furtout dans cette ville, elle ne veut pas defouffrir garnifon; elle fe croit en état de fc défendre contre toute attaque prévue ou imprévue; O 4 (los  C 216 ) d'oh vient que, dans ces villes, 1'exercice régulier dc armes, les évolutions militaires, font ils abandonnés k la petite Bourgeoifle? D'oh vient qu'un homme riche, un négociant d'un certain rang regardé au deiTous de foi d'aller s'exercer avec les autres citoyens? Cette conduite n'eft-elle pas auffi imprudente qu'elle eft abfurde? Un particulier n'eft-il pas intérene è la défenfe de fa patrie a proportion des biens qu'il y poflede & des avantages qu'il en tire par fon induftrie? Dans les fuites orageufes des troubles & des faétions, tels que les circonftances actuelles nous en ont fait apprehender le retour; leurs maifons, leurseffets, leurs perfonnes n'auraient-elles pas été le plus expofées a l'infolente avidicé des fadlieux? Les maifons des mauvais pacriotes, dans ces conjondtures, ne feraient-elles pas celles oh il y aurait le plus a piller ? (*) Dans une République, n'eft-il pas des tems oh tous les citoyens doivent fe confondre, & les riches faire oublier 1'inégalité des conditions par leur mélange avec les pauvres? Si leurs occupations ou d'aucres motifs les empêchent de s'aflujetir a certaines gênes, par exemple a Ia garde • ils peuvent du moins fréquenter les autres exercices. Eft-il rien de plus propre è maintenir cefe ardeur guernere & cette fierté de courage qui connait le prix de la liberté & fait la défendre au befoin? Cet exercice produit encore un autre avantage qui n'eft pas k méprifcr. II procure une récréation auffi agréab'e è 1'efprit que faine pour le corps. II n'eft pas de meilleur fpecifiquepour prevenir ces maladies de ftupeur & de bile , fi communes dans cette ville & pour fe pafler des fuppóts lugubres d'Esculape. Le ridicule que l'on cherche a ré- pan. (*) En iftt; il y eut a Amfterdam un tumulre populaire contre les Arminiens Quand les mutins paffaient devanc une belle maifon; elle a folie apparence, difaient-ils elle appartient (ürement a quelque Arminien. Ilg parlaiene méme ci aller voir è la banque, s'il n'y avait pas quelque Béréuque caché. H  pandre fur ces aflbciations également refpeftables & légitimes, eft injufte & indécent. Injufte. puisqu'un des articles de notre Conftitution Fédérati* ve, en fait une des bafede 1'unionen ces termes: Et pour qu'on puijje trouver des fecours toujours prêts dans le befoin, tous les babitans mdles de chaque province, depuis Vage de dix-buit jusqu'd foixante ans feront tenus, dans ïefpace d'un mois au plus tar d , de faire enrêgiftrer leurs noms , afin qu'd la première affemblée des Etats de la Confédération, on puijje ordonner ce qu'on jugera le plus convenable pour la fureté es5 la défenfe des pays de l'Union. En conféquence de cet article, les Etats d'Ucrechc firent aufficót un appel & un dénombrernent des Habitans du pays, pour infcrire ceux qui étaient propres è porter les armes. Mais quand la même précaution n'aurait pas été prife également dans les autres pays de 1'union, elle n'eft pas moins obligatoire dans tous les tems. C'eft au Souverain k y porter fon attention. S'il négligé ce devoir facré; il auchorife dès lors tout citoyen courageux k prendre enmainlamagiftrature,a faire cet appel; de la ces accufations de révolte & de rébellion, comme on a vu dans le cas del'Auteur de l'Adreff* au peuple des Pays-Bas, qui n'avait cependant invité fes concitoyens a s'armer pour la défenfe de 'a patrie & le recouvrement de leurs droits, qu'en vertu de cet article de la Conftitution fondamentale Ce n'eft pas a dater de 1'union d'Utrecht que tous les Citoyens de cet Etat doivent être foldats. „ Dès les tems les plus anciens" dit Grotius (Annal. Lib. III. p. 63. i „ les principaux de la Bour„ geoifie , quand ils avaient atteint 1'age requis , „ étaient divifés en compagnies militaires. Ils fai„ faient la défenfe de 1'Etat en tems de guerre & „ fa füreté en tems de paix, lorsque ce n'était pas „ une maxime du gouvernement de fe confier k „ des étrangers; cet ufage de 1'antique vertu „ fubfifte encore, ainfi que 1'appareil extérieur; w nos derniers troubles ont fervialesperfecuonner; Oj „ &  C 218 ) ,, & l'on a fouvent pu compter fur leur affiftance contre. 1'Ennemi au dehors & les féditions au dedans". (") Les défenfes opiniêcres d'Alkmaar, de Haarlem, de Leide, & de Groningue & d'autres villes prouvent la vérité de cette remarque (**). Xenophon nous apprend que chez les Athéniens les citoyens propriétaires des terres étaient les meilleurs foldats, comme les plus intéreffés a la confervation du pays. Chez les anciens Germains, on n'accordait qu'è des hommes libres, 1'honneur de combattre pour la patrie. Les feuls poffelTeurs de la terre avaient le droit de la défendre. Dans le tems que les Comtes de Hollande, les Ducs (*) Pour montrer'que nous n'avons pas corrompu le texte d'un Auteur dont la réputation fait prefque loi, le voici: „ Veteri inflituto prajeipui oppidanorum , quibus „ idonea armis aetas, in certa corpora, velut manipulos, „ adfcribebantur. Id prafidium bello, pace munimentum, „ cutn nondum principatus ars fuit fidere externis: manet „ mos et defuetae virtutis infigne, fed ufu per hos mo„ ms reddito, fidélis fa:pe illorum opera adverfus hoftera „ et feditïones fuit." (**) Aucun Auteur n'a mieux expofé les mceurs anciennes a cet égard, que celui donc nous ailons rappor, ter le texte intéreffant. „Majores noftri, Viri fapientiffi„ mi," dit-il, „voluerunt ut ex optimis.et didoribus, fi„ deique fpectata; civibus vigiles, plures paucioresve, pro „ tempore, et periculo, legerentur qui urbem defende„ rent: his per longam annorum feriem utimur urbis cu„ ftodibus, quid igitur foris quarremus, quod domi fup. „ petit? Quid exiraneum, quid mercenarium, quid iin„ probum, infolentemque militem arceffemus ? Si noftri „ cives, minus firmi ab exercitio armorum, agite doce- „ antur, leftis tribnnis, rei militaris peritis Major „ enim in his quam in auxiliaribus fides erit. Illi pro „ aris er, focis, conjugibus ac liberis, arma ferent, mili„ tes, quibus omnia fno arbitrio corripiendi licentia, et „ impunitas, nullum rei damoum verentes, aufto pericu„ lo, facile diabentur." Campbuifm Qrat. de Livin» jfans/ono Lycbinire. m  ( 219 ) Ducs de Gueldre, les Evêques d'Utrecht gouvernaient les pays & que les Frifons maintenaient leur liberté Képublicaine contre 1'un on 1'autre dc ces trois Princes; les Bourgeois des ville* & les Habttans des Campagnes étaient tous foldats. Au premier cri d'alarme ils étaient fur pied pour défendre le navs- ils fuivaient quelquefois leur chef fur la fronttere peur ctótier leurs injulies aggreffeurs. Depuis 16 & 18 jusqu'a 60 ans ils étaient obligés de fe mettre en campagne fous la bahniere de leur paroisfe ou du patron de leur Communauté. Enfin Charles VII Roi de France , imagina d'entretenir des troupes fur pied pour être toujours en état de re* poufler les 'invafions fans cefle renaiflantes des Anglais en France. Les Princes voifins, entre autres les Ducs de Bourgogne , qui poffédaient alors la plus grande partie des Pays-Bas, tremblerent a cette nouveauté. Charles I. furnommé le téméraire, un des tvrans les plus arbitraires, des conquérans les plusatroces qui aient fait gémir 1'humanité, réfolue de fuivre cet exemple. II engagea les Etats de les pavs a lui fournir un fond de fix vingt mille écus nourl'entretien perpétuelde huit eens lances_. „ Mats grand doute faifaient les fujets, dit Commines dans fon vieux langage, ij? pour plufieurs raifons, de fe mettre en cette fujettion oü ils voyaient le Royaume de France d caufe de fes gens d'armes. La volonté lui vint d'en avoir plus & de plus hardiment entreprendre contre tous fes voifins. Et de fix vingt mille écus les ■fit monter jusqu'a cinq eens mille fpar l accroiffement des zens d'armes fes fujets ont eu bien a fou fnr. Combien que les pays, dit Olivier de la Marché, en murmurerent longterns, difmt qu'ils étaient fort foules; toutefois ü leur tournait d grand profil , comne depuis ils ont bien connu: car le Duc etait fi pufant, au li pouvait exècuter & faire forte & raide jujiice, 11 tenait le pays en crainte &? en paix. 11 vivait l epêe au poing avec tous fes voifins £ƒ ce qu'il ne pouvait faire par amour, il le faifait par crainte."  ( a2o ) Ainfi les troupes réglées qui avaient détruit la liberté de Rome & celle de 1'univers , reparurent fur Fhorifon politique, après une éclipfe de huit aneuf fiecles. De la ces taxes arbitraires, illimitées; de la ces infurreétions civiles, de la ces perfccutions horribles . qui forcerent les peuples a fecouer le joug de leurs anciens maitres. Ainfi 1'ambition des chefs produit le gouvernement militaire; & legou. vernement militaire les révoltes & les mécontentemens populalres. Pour refireindre a une portion mercenaire du peuple ou d'étrangers. 1'honneur de défendre la caufe commune, il faut augmenter les impóts : de lè le découragement du cultivateur., qui ab-indonne triftement firn champ pendant la paix (V fa charrue pour ceindre 1'épée ; de Ik les défenfeurs de la patrie d«venus bientóc fes ennemis , tenant fans cefle le poignard levé fur leurs concitoyens & prêts k Yen* foncer dans le cceur de leurs parens & dans le fein du fexe le plus tendre. Les peuples amoureux de leur liberté, dit un Auteur moderne, ont toujours regardé des armées mercenaires & nombieufes comme totalement incompacibles avec les droits des citoyens. Les nations anciennes étaient plus libres que les modernes, paree qu'elles étaient armées. Chaque citoyen était foldat; le camp était fa cité, il portait k fa ceinture le fer qui affurait fa liberté. Dans tous les pays les gens de guerre ne font plus a la nation; ils appartiennent è celui qui les commande; ils croient que leur feul devoir confifte a lui étre fideles & qu'ils n'ont rien de commun avec leurs concitoyens; & que fi le chef 1'ordonne, ils peuvent leur porter le ravage & la mort. Ainfi Maurice, a 1'aide des troupes fur pied, vint k bout de changer arbitrairement les Régences d'une multitude de villes, d'opprimer la liberté & d'attirer a lui feul toute 1'autorité publique. II fit emprifonner avec le despotisme le plus violent les citoyens les plus refpeéla/ bles  C 221 ) bles & ies plus propres par leur courage 4 ƒ oppofer afes vues; avec leur aide, il fitmaflacrer, furléchaffaut, au mépris de toutes les loix & forrnes établies, le vénérab'e Oldenbarnevelt qui avait fervi plus; que lui 4 affermir 1'indépendance de 1'Etat. Ainfi Gui.laume II, 4 Paide des troupes, voulut fuivre les mêmes traces; il avait déja fait emprifonneravec la même violence, que fon grand oncle Maurice, les Régens qui avaient le courage de s oppofer 4 fon ambition ; il marchait contre la ville d Amfterdam, avec les troupes payées pour défendre 1 Etat, èi il V a toute apparence que fi ce jeune Prince avait eu autant d'expérience & d'habileté, qu il avait d ambition & de fierté, le pays était réduit une feconde fois 4 1'esclavage. La conduite de la ville d Amfterdam dans cette occafion montre qu'on ne faurait tropinculquer aux citoyens de ne confier leur défenfe qu'è eux mêmes, & combien, dans un pays comme le nótre, il ferait aifé de fe défendre contre les arméés les plus formidables} qui auraient pénétré dans lecceur même du pays " L'homme de guerre eft partout un mercenairequi ne'connait d'autres liens que ceux qui 1'attachent 4 fon Commandant. II ne tient 4 la patrie, que comme ces lieres qui étouffent peu 4 peu larbre dont ils ravilfent les fiics nourriciers, Cependant il le croit ledéfenfeur de fon pays, tandis qu il n eft que trop fouvent Pinftrument fatal de 1'ennemi domestique qui cherche continueilement 4 le mettre dans les fers Le defpote regardé fes foldats , comme appartenant plus particulierement 4 lui; il les juge comme feuls propres 4 feconder fes vues, comme faits pour le fervir aveuglément dans toutes fes entreprifes, foit contre fes propres concitoyens, foit contre les fujets des Etats qui peuvent être 1 objet de fa haine ou de fon ambition " Nourri dans les principes d'une obéiffance lerwjle accoutumé par état 4 une difciplire ngoureufè, qui lui défend de raifonner fur les oidr« " 1 qu il  C 222 ) qu'il recoit (*) , le foldat eft communément un efclave & devient par la même le plus dangereux ennemi de la liberté de fes Concitoyens. Dès que fes chefs commandent, il méconnait tous les rap. pons qui Ie lient aux autres hommes; il plongela, fi l'on veut, 1'épée dans le fein du citoyen, de fon f ere, de fon ami; il ferait puni par la mort ou Pinfamie, s'il balancait a fuivre des ordres qu'il ne lui eft jamais permis d'examiner. En un mot, 1'homme de guerre, de même que le dévot fanatique , ne fe croit pas fait pour penfer; il devient cruel, inhumain, fans pitié; il commet le crime fans remords, quand fes chefs lui difent qu'il faut commettre le crime." „ II n'y a que dans les Républiques,. oh les Souverains & le peuple font la même chofe, qui n'ont pas de Chef éminent & oh les troupes fur pied ne forment qu'un petit corps de réfervej propre a feconder les milices nationales, il n'y a que dans ces endroits oh elles ne foient pas dangereufes. Que tous les citoyens donc foient eux mêmes leurs propres défenfeurs. Si la paix n'offre pas dans une République 1'image de la guerre, fi les efprits ne font pas accoutuméa avec 1'idée des périls , fi les citoyens ne font préparés par leur éducation k être foldats, il eft a Craindre qu'ils ne foient confternés a la vue du danger. La crainte eft une des paflions les plus naturelles au cceur humain & des plus dangereufes. Em- C*) Si c'eft le cas pour les troupes de terre, il n'en eft pas ainfi des forces de mer; fi du moins l'on doit en croire a ce fujet Mr. le Comte de Byland qui infinue dans fon Mémoire que dans ce pays les ordres du Souveverain pour la marine, ne font pas comme en France ou en Angleterre , des objets qu'il faille fuivre fans exa. men , & fans le bon plaifir des Officiers chargés de les exécuter.  ( 223 ) Empêchez que 1'ame n'y foit ouverte. Quand la crainte engourdit les fens & trouble la raifon, il n'eft plus tems d'y remédier." Que notre République foit donc militaire. Que tout citoyen foit deftmé k fervir fa patrie. Que chaque jour il s'exerce k manier ies armes. Que dans la ville il contraéte 1'habitude de la difcipline néceffaire dans un Camp. Que les jeunes gens trouvent du plaifir & de la gloire k tous ces exercices qui élevent 1'ame en endurciiTant le corps. Tantót qu'ils creufent une tranchée, & que tantót ils la combient. Qu'ils apprennent a braver toutes les intempéries des faifons & k ne rien craindre. Que les éleves de la République fe familiarifent avec les armes qui doivent fervir k la défenfe de la patrie. Qu'ils exécutent avec la plus grande précifion toutes les évolutions militaires. Non feulement on formera par cette difcipline des foldats invincibles, on donnera même une nouvelle force aux loix & aux vertus civiles. II ne ferait pas impoffible de prouver qu'un petit Etat oh chaque citoyen n'eft pas deftiné a défendre fa patrie comme foldat , ne faur lit défendre longtems fa liberté. C'était 1'opinion de Mr: le Maréchal de Saxe: voyez fes Revéries, ouvrage d'un grand Capitaine qui avait médité fur !a guerre en ph'ilofophe. S'il y a dans un état des hommes bornés aux feules fonétions civiles, ils amolliront néceffairemenc les mceurs publiques ; & la molleiïe des mceurs relachera certainement les reflbrts du gouvernement militaire. Que tous les citoyens manient les armes; dès lors les douceurs & les occupations de la paix n'amolliflent 6c ne corrompent point les mceurs." „'•-■-, Ces raifons, ces exemples font péremptoire-\ Mais comment les faire goüter k ceux qui ont pris leur parti & qui traitent de nouveauté dangereufe cequi furpafle leur intelligence bornée, contraiie leurs  C 214 ) leurs préjugés, ou dérange leurs plaiflrs. Ils vous foutiendronc que ces exercices de la Boureeofie ne peuvent caufer que du défordre, fans procurer aucun bien, furtout depuis que la tactique eft per fedhonnée au point, qu'il n'y a que des troupes difciplinées journellement , en un mot des troupes continuellement fur pied, qui puiiTent faire face aux bataillons exereés a Ia guerre moderne. C La fuite au N». procbain.) J. A. Crajenschot, Libraire k Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite adtuellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de 1'Arnénque-Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine Maitre ez-Arts de l'Univerfité de Pen/ytvanie Au. teur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun,Miniftre des affaires Etrangeres pour le Congrès &e. Traduites de I'Anglais & auementées d'une préface & de quelques notes par A M. Cerisier , gr 8vo a 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite M euille.  L E POLITIQUE N°. CXX. LUNDI, ce 26 MAI, 1783. CHAPITRE LXVII. Sur la Milice Nationale , pour fervir de fuite au No, précédent. g^n ne peut s'empêcher d'avouer que pour entre\ J prendre des expéditions lointaines, tenter des coups de main - porter Ia défolation & le dé"at fur les terres d'autrui, il n'y a nen de comparab'e a des Troupes qui ne favenc & ne font d autre métier que celui de la guerre. Oui, pour de* atoues vigoureufes & les opérations d'une longue Campagne, les foldats de profeffion feront généralement fupérieurs a des milices Bourgeoifes. Mais nonfeulemenc il ne s'agit point ici de pareilles entreprifes • elles ne s'accordent même pas avec ies maximes d'une République telle que la nótre, qui ne doit cultiver les arts de la guerre que pour conferver les faveurs de la paix & qui, par fa pofition & la politique, ne doit gueres agir que fur la détenuve. br, qu ondife a préfent fi des Bourgeois exercesaux armes ne feront pas en état de défendre leurs villes & leur pays, auffi bien que des troupes étrangeres & mercenaires. Ils en connaiffent le fort éi le faible: Tom* V, P t0U8  C 226 ) tous les défilés, les endroits Ie plus propres h attirer 1'Ennemi étranger dans des piéges leur font familiers; & fans recourir è des exemples empruntésdans des Ge' des antérieurs,de la SuilTe &, de nos jours,des enfans courageux de 1'AmériqueSeptentrionale, les annales de la République fourmillentd'exemples qui prou« vent la vérité de cette remarque. Des Troupes étrangeres peuvent quelquefois, k 1'aide d'un coup de main, s'emparer d'une place; mais fi les Bourgeois font exercés aux armes & qu'ils foient zélés & fideles a la patrie, les garnifons les pluspuifiantes tiendront-elles longtems contre eux?Les Troupes Prusfiennes, Francaifes, ou Allemandes, font-elles fupérieures a celles que 1'Autriche & 1'Efpagne envoyaient autrefois contre les Habitans des Alpes ou contre nos Pays-bas, ou a ces Bataillons vaillans & aguerris dont 1'Angleterre a inondé I'Amérique, fans pouvoir la fubjuguer? Les Efpagnols étaient, fans doute, dans le tems de la Révolution Belgique, les troupes les plus belliqueufes & les plus formidables de 1'univers. Leurs garnifons occupaient les places les plus fortes & les plus importantes. llsne livraient presque aucune bataille dont ils ne fortisfent vainqueurs. A Gemblours, une poignée d'Es» pagnols mit en déroute une armée de trente mille hommes des Etats. Les palfages qu'ils tenterent du Continent en Zélande & dont ils vinrent a bout avec tant d'audace & de fuccès, nous paraiflent des événemens incroyables. „ On ne peut nier ces faits," dit Grotius, „ mais nos Bourgeois, è force d'étre „ vaincus, fe perfeétionnerent dans les armes, &ne „ tarderent pas è fe voir en état de chafler leurs „ redoutables tyrans," Les Anglais ont été dans le même cas en Amérique. Ils ont gagné des batailles. Ils fe font couverts de gloire dans la guerre la plus pénible qui fut jamais. A quoi fe font réduits tous ces lauriers, tous ces exploits? A voir deux de leurs armées, leurs plus braves vétérans, des hommes blanchis dans les dernieres campagnes d'Allemagne, metcre bas les armes devant les Agricul- teurs  C 227 ) teurs du Nouveau-Monde. Or,la Suiffe,I'Amérique & les Pays-bas-Unis n'onc-ilspas dans la pofition phyfique de leur fol des avantagesapeu pièsfemblables& infinimenc avantageux pour la défenfive? On peuc y pénétrer, on peuc v faire des conquêtes. Nous avons vu les Efpagnols, nous avons vu les Francais réunis aux Anglais, s'établirjusquedans lecceur de nos Provinces. Les Anglais fe font, tour-a-tour, emparés de Bolton, de Pliiladelphie, de Charles- Town & ae New-York Ils ont traverfé 1'Amérique dans tous les fens. Mais ces expéditions rapides ont-elles été de durée? Si les Habitans font exercés aux armes & réunis pour la caufe de la liberté, ils rendront le féjour de ces hótes incommodes, de ces odieux ufurpateurs, fi dur , fi périlleux ; ils leur feront payer ficher cette vifite momentanée, que leschers de ces invafions ne tarderont pas a faifir la première occafion favorable de fauver leur honneur en évacuant leurs conquêtes. Autre exemple qui vient de fe paffer fous nos yeux. La Grande Bretagne tenait 1'Irlande couvbëe fous un joug de fer. Les lrlandais avaient tenté plufieurs fois de le rompre. Leurs efforts n'avaient fervi qu'a fourmr 1'occafion de 1 appefantir. Unis enfin dans leurs projets & leurs defirs, ilsforment des compagnies de mihces; &torcent ainfi les redoutables Anglais, a leur accorder des avantages qui ne s'éloignent gueres de 1 Independance. Ils ne tiennent plus è 1'Angleterre que par le nceud focial, le feul qui convient a un pays qui veut conferver fa liberté avec 1'alliance d un voifin Pl C^ïSSions fondées fur 1'hiftoire de tous lestems & de tous les pays & furtouc fur la fituatmn phyfiquede uótreterritoire, doivent perfinder_ è touc Unme impartial, que ce pays ferait mvincible, £ mrtout les Citovens, tant des^ampagnesquedes vil&^S dS& en milices, fuivant ies principes établis par 1'union d'Utrecht. La guerre, comme nous la faifons, ditun Auteur moderne , (dont nous changerons quelques exp, s-  C»»8 ) Gons pour les adapter è notre fujet) excede les armées par de trop longues marches & par des travauxaccablans. Elle donne a des Ennemis le tems de nous furprendre par des incurfions foudaines. II faudraic avoir fur Ja frontiere des armées plutót que des garnifons pour les repouffer. Avant que nos troupes disperfées aient volé au point de 1'atcaque; Fépouvante, la défolation, le ravage, ont fait de rapides progrès. Pour oppofer k ces torrens une digue toujours préfente, eft-il d'autre moyen que de rendre toute la nation militaire? Tout homme ferait foldat pour la défenfe du pays. Ainfi chaque district compoferait une Compagnie, ou une divifion ou Peloton; chaque Quartier ou Ville formerait un Régiment ou plus fuivant fon étendue; & chaque Province une armée, avec des points de raJliement, oü chaque Citoyen, au fon de la trompette, fe rangerait fous les Drapeaux. Les Troupes auraient 1'avantage d'étre attachées è leur pays natal qu'elles feraient fleurir par 1'agriculture ou I'induftrie. Avec quelle ardeur ne défendraient-elles pas leurs foyers ? Dans ce plan. la patrie n'eft plus un nom vague, une chimère pour ceux qui la défendent. C'eft un objet préfent & cher, auquel chacun eft attaché par tous les nceuds de la nature, „Citoyens" pourrait-on leur dire, en les raffemblant pour repouffer 1'Ennemi; „ c'eft le „ champ qui vous a nourris, c'eft 1'attelier qui vous „ a procuré des reffources, c'eft le toit qui vous „ a vus naitre, c'eft le tombeau devosperes, Je „ berceau de vos enfans, Ie lit de vos femmes,que „ vous défendez." Voiia des intéréts fenfibles cc puiffans. lis ont fait plus de héros que 1'amour même de la gloire. Jugez de leurs effets fur des ames accoutumées dès 1'enfance aux rigueurs de la discipline & a 1'image des combats. Eft-il rien de plus flatteur que le tableau d'une jeuneffe laborieufe & guerriere , répandue autour des drapeaux dans les villes & les campagnes, préfei vée par la travail desvices de I'oifiveté, endurcie par  ( 229 ) mr Phabitude h des exercices pénibles, utüe a 1'omlll de 1 paix & prête a courir aux armes au preb ■ cïLT a'nne attaque V L'Etat n'en aurait pas mier fignal du"^nf fur pied, mais peu nomSeux ^^qu Sfi'de Vorterefes mou; vameY fe porteraient d un poftea ,1'autre; ou te yantes , ie f» L'efprit m itaire etabli, & danger es appellerait. l,eipméritcrait Je Pémulauon donnée , ce ieiait q & au 1jeu SS tevées^aites Tla bate ê compofées en grandl mr ie d'étrangers, que la faveur, la collulion, fa nSence ou le befoin font accepter fans exa- un tems oü il deploya les pius gldU, , , Ré trois ^^rS^ S «ns inKn ÏÏUde' détodre Wvï Q^l» feraient fans difcipline & fans ^bordinat.on? On n'a qu'a fe figurer un moment comb en euacs gens, Charles XII * tfenaer oen ^ Habitans, revenus de la P^Xrdis par 1'expé. retrace les événemens fameus aes ruui-i ^  C 030 ) dines, de Moudon, de Pultava, de Ticondero">,a, dTork-Town & tant d'autres. On prétend que les peuples d'un Etat tout militaire ne feraient gueres foumis. Sans doute ils ne le feraient gueres fous un gouvernement dont ils auraient lieu d'être mécontens. Ils font, dic-on , amis des nouveautés, enclins au changements, inquiets, remuans, crédules pour le pre. mier audacieux qui leur promet un fort plus doux. Mais cette peinture ne convient pas a des hommes libres & heureux. Les hommes favent ce qui leur manque é£ ce qui leur eft dü. Ils fa vent qu'il eft de leur intérêt de maintenir un gouvernement modéré, vigilant & fage. lis ne font point infenfibles aux foïns qu'un gouvernement jufte i\ éclairé prend de foulager leurs peinw. Ils feront dociles pour celui qui s'occupera de leurs intéréts. Et par qnel preftige quelques mécontens feraient-ils d'un peuple fortuné un peuple parjure & rebelle? C'eft au Souverain quilaiiTegémir fes fujets dans 1'oppreflion, a craindre qu'ils ne 1'abandonnent; mais des Régens qu'on fait occupés du repos & du bonheur de la nation confiée a leurs foins, n'ont point d'ufurpations k craindre. Eft-ce en entendant célébrer leurs vertus, publier leurs bienfaits, qu'on ófera troubler leur adminiftration? Eft-ce dans les campagnes oh régreront 1'aifance, le calme & la liberté; dans les villes oh Pinduftrie & la fortune des Citoyens, leur état, leurs droits & leur vies feront fous la garde des loix ; eft-ce lè que les rebelles iront chercher des partifans? Non: fi 1'empire de la juftice n'eft pas inébranlable, rien ne 1'eft fur la terre. Süppofons enfin qu'il y ait du risque & de Paudace a rendre les Citoyens puifians pour les rendre heureux & tranquilles. Des fouverains qui ne font que les Répréfentans du peuple, dans un état Rêpublieain & primitivernent démocratique, doivent-ils craiadre une démarche appuyée fur les principes fondamentaux de la conftitution ? Neforit- ils  C 231) ÏU nas les premiers qui devraient dire au peuple?„Noes vousme-tons a tous les armes a la mam, pour nou, " ferv rTnoï^ & pour nous réfifter " fi nous ne le fommes pas?" De te s admimftratèu s feraienti s téméraires"? Ne ferait-,1 pas at..conmire de leur prudence de s'afiurer ainfi a^ eux-mêmesun frefn contre leurs paffions & une digue conSe celle des autres? N'eft ce pas leur ,ntére aufii En flue celui du peuple, qu'on leur impofe la néSffitéKjuftes? II eft vrai que Ja vertu ne doi ptfavoir befoin du frein de la «a « £nmme eft für d'être vertueux h tous les ïnltans de fa vie? Chez nou les Souverains font foumis aux bix auffi bien que le dernier des particuliers. Pourouoi ne ftraieScils pas dans le cas d'y etre rappeS au mólndre de ces écarts qui font 1'aepanage de la mture humaine, qui n'eft amais parfaite ? II ne s'agT point ici d'arracher les citoyens a des occunat ons qui aflurent le bonheur de leur vie & la wosSé de 1'Etat. II eft des moyens de comEces^ avec les occupations civiles. Les petits tfouigeois ï au res artifans qui fe font une g^ire & «ne écréation de vaquer h ces exercices, font- Is mons orcunés aue les citoyens d'un rang plus eievef Sd leSrs affaires fouffrent ou font dérangées, S t on Tamais attribué la caure de ce dérangetln'r l leÜT exaftitude h paraltre dans les exerSce « Dans p uïeurs villes de France comme nar exemp'e aPLyon , ne font-ce pas les principaux citoyen, les négocians les plus accredrtes Srforment feuls la milice Bourgeoife ? Cette vil e reearde comme une de fes prérogatives pre£^% SStr fa défenfe & fa fÜretéqu è ellemême Le gouvernement, déférant fagement a1 cette opton^leêtable, fe gardera* bier1 de, fubftttuer a cette noble k naturelle défenfe, cf ^ une |^, nifon de troupes mercenaires. Pourquoi un exernSe auffi beau ne ferait-il pas imite dans une vifte Li refiemble a Lyon, par un commerce floriffant 1 P 4  C 232 ) & qui la furpafle par ia forme Républicaine & l'efprit de liberté? Mais qu'eft-il befoin d'alléguer tous ces exemples, tous ces raifonnemens, tandisque nous avons' des miüces Bourgeoifes, non - feulement fur les vieux parchemins oh nous avons tracé notre conftitution, mais en effet, dans tant d'endroits, oh ils formcnt des milices. Infcrits tous en Compagnies militaires a Amfterdam, pourquoi ne feraientils pas tenus d'en exercer les fonétions? En continuant de prouver 1'avantage & la néceffité des milices Bourgeoifes &de fondre dans cette discuffion ce que les Auteurs les plus célebres, Grotius, Fletcher, Mably & Marmontel ont dit è cette occafion, nous examinerons la maniere de les mettre fur un pied folide & régulier. La fuite au N°. prochain. C H A P I T R E LXVIII. Sur le Stathoudr'rat. Lettre au Politique Hollandais. monsieür, Tant de perfonnes déclament acluellement contre le Stathouder auffi bien que contre le Stathoudérat; 1'efpece d'apologiftes qui eft entrée fur 1'arêne pour les foutenir a- tellement augnaenté les préyeutions , au lieu de les diminuer , • que le torrent de cette opinion pourrait, en groffifi'ant, entraincr des fuites dangereufes. De tous les Ecrivains publiés ; vous m'avez . dans le fein même du parti que vous avez époufé, paru montrer tant de modération & d'équité, tant de dispofition a conciiier les partis en ne difllmulant pas les avantages qu'on pouvait accorder a 1'un ou a 1'autre, que je n'ai pas  ( 233 ) pas héfité de recourir avous pour la publication des idéés fuivantes au fujec du Stathouder & du Stathoudérat. „ • . Les Ecrivains les plus prévenus contre 1 un cc 1 autre font certainement ceux qui ont plaidcle plusvivement pour la liberté de la preffe. Ils ont défendu ce nointavec d'autant plus de chaleur, qu'en effet il introduit dans le gouvernement une efpece d'influence populaire a laquelle ils ont le plus de part. Ou peut les regarder, fous ce point de vue, comme les véritables démagogues ; avec d'autant plus de raifon, qu'ils ont en effet produit les effets les plus étonnans fur les dispofitions & la conduite du peuple. Les Auteurs de ces déterminations populaires ont donc raifon de foutenir un principe qui leur a procuré une autorité fi grande & fi glorieufe. II eft vrai que les S'.athoudériens ont déclamé contre la liberté indéfinie de parler au peuple par la voie de i'impreffion; mais, ce n'a pas été une de leursdémarches les plus prudentes; & il fera toujours vrai que c'eft au Stathoudérat qu'on eft redevable de cette précieufe liberté. Si le Stathoudérat n'exiftait pas, oh ierait le poids qui balancerait 1'autorité des Ariftocrates fur le rede de la nation? Si ces Ecrivains venaient a bout, ce qui, foit dit en paffant, n'eft gueres en leur pouvoir, d'opérer lafuppreffion du Stathoudérat, pourraient-ils parler avec la même liberté des affaires & des membres de 1'Etat ? L'opinion dominante aétuellement eft la démocratie. Les adminiftrateurs aétuels ne font plus que les Répréfentans ou les Commiffaires du peuple. Leur autorité ne repofe plus que fur fon bon plaifir & fon fuffrage. Ces principes font vrais, furtout d'après notre conftitution , originairemcnt populaire; mais oferait-on hazarder la prédication de pareilles vérités, fi le Stathoudérat n'exiftait pas? Les Ariftocrates ne féviraient-ils pas contre les apótres d'un tel évangile , s'ils n'avaient befoin des mêmes écrivains cc des mêmes dogmes, pour le maintien du fyftême qu'ils P 5 onC  C =34 ) ont adopté contre les vues du Stathouder? Les Ecrivains ou Dérnagogues du tems ne doivent donc leur irfluence & leur liberté qu'a 'a jaloufie, è 1'oppofltion formée entre. l'Ariftocratie & le Stathoudérat. Ils dispataitraient, fi ces deux partis venaient a fe conciiier, ou fi 1'un deux venait a terrafler 1'autre. Si d'un cóté l'on a raifon d'être étonné qu'une obfervation auffi palpable n'ait pas fait 1'impresfion qu'elle doit faire fur les Ecrivains publics, il n'eft pas moins étonnant que, dans ce déchamement général contre 1'autorité Statboudérienne, cette derniere n'ait pas eu 1'adreffe ou la politique de gagner les peuples dans plufieurs occafions oh elle eüt pu attirer leur confiance fans compromettre fa dignitéL'affaire des payfans d'Overyffel était un de ces cas. Le Prince Stathouder n'avait aucun intérêt a foutenir les prétentions d'un petit nombre de Drofts opprelTeurs contre une foule de payfans opprimés. II en avait au contraire beaucoup a prendre le parti du petit peuple, auquel il doit fa dignité. Combien de défagrémens ne fe ferait-il pas épargnés, fi, dans cette occaGon , il fe füt déclaré en faveur de Mr. de Capelle? On pourrait citer une multitude d'autres exemples que le Stathouder aurait pu mettre a profit pour conferver ou augmenter fon influence & dont l'effet a été diamétralement contraire, par le parti qu'il a pris. On ne peut imputer cette conduite qu'aux inlligations de quelques confeillersperfides. Depuis quelque tems , cependant, le Confeil de fon Alteffe paraft fe ravifer. La maniere dont il s'eft conduit lorsque la Bourgeoifie d Utrecht demandait des Régiemens plus favorables aux nationaux dans la collation dés petits offices & emplois, lui a fait beaucoup d'honneur. Mais, quoique l'affaire ne füt pas affez intéreffante pour lui procurer tour d'un coup le rétablifiëment de fon crédit, S que Porage foit encore trop violent pour être calmé par un effort auffi léger, le fouvenir ne laiffe pas d'en être gravé dans bien des  C 935 ) des cceurs fenfibles, & fe développera dans des tems plus calmes. Son1 Alteffe féréniffime a tenu, au fujet de leclat qu'a fait la non fortie des vaiffeaux ordonnés pour Breit, une conduite prudente & modérée qui doit faire auffi fon effet fur les perfonnes qui penfent. Le Mémoire de Mr. de Byland n'eft pas moins propre a juftifier, fi-non cet officier, du moins fon Alteffe è cet égard. II a reen les ordres. Le Prince les a donnés. II ne pouvait faire plus. Ceit a ceux qui ne les ont pas executés a fe laver aux veux de la nation. r • a Dans la dispute élevée en Overyffel au fujet des Commiffions, il s'en faut beaucoup que ni le Stathouderat ni le Stathouder foient a blamer , autant que vous paraiffez 1'infmuer dans votre dernier Numero. La lettre que le Prince vient d ecrire a ce fuj'et eft un monument d'autant plus respeclable qu'elle ferme la bouche aux zélateurs les plus acha'rnés contre lui. Elle mérite une place dans votre feuille, quand ce ne ferait que pour marquer les deeirés par lesquels le Prince s'avance vers 1'opinion populaire & pour fervir de guide auxréflexions que ie continuerai fur la matiere que jeme fuis engagé de traiter. La Lettre a laquelle fon Alteffe répondait, était émanée de la Commune jurée de Deventer & concue de la maniere fuivante. Se're'nissime Prince et Seigneur, Nous nous trouvons obligés par le devoir,que nous prescrit notre ferment , d'informer Votre Alteffe , que Mr. de Capelle du Poll nous a adrefTé & h nos Communes-Jurées une Lettre datée de Zwolle le 23 du courant contenant en fubftance: „Que, tandis que le ferment, prêté par les , Membres de 1'Ordre Equeltre & des Villes 4 leur adnusfion exigeait non - feulement qu'ils obfervatlent « Z rempliffént eux-mêmes le Réglement fur la Régence de , cette Province, arrêté leipFévner 1765, ü jugea.t qull hg  («3« y „ ne lui était pas permis de lailTer paiTer plus longterm &ns „ remarque ou d autorifer par fon fiience une atteinte nor „ tée depuis longtems a ce Réglement, en ce qu'on ne for" „ me point de Nominations pour iesCommiffions vacantes' „ & particulierementen ce qu'on divife & partage une feule' „ & même Commiffion entre divers Membres: One vou ,. lant fe conduire en certe affaire avec la plus grand'e dis" S [10ü^ ]e. P'US grand rerPea P°ur ,e Caraftere, dont " Y ■ !ftneVime'u' avait cru ne P°uvoir mieu* faire que „ de sadrefler fans bruit, quoique dans fon Caraftere ou „ Wie,_ a V. A. S. par une Lettre, datée de Zwolle le 2, ,. Février de 1 année courante, dontil nous envovait coDie„ Qu.1 avait jugé en méme tems, pour ne pa's aair avec „ préc.puauon devoir laifler paffer tout le tems dela tenue " rnü v' ^ns|ad,re«erultérieurement al'Affemblée de " r\-A \q"?ftre & desVill«> &inêmerinterval!e entre „ a Diète & le premier Mai, & devoir mppofer toutes ,, "es «„fes poffible. de délai, qu'on mettait S e? „ pédier les Actes des Commiffions, plutót que de fe per„ mettre le foupcon que Votre Alteffe , furtout ayant ;, par une Réfoluuon du 5 Mars 1783 déja une con" vT ; ! e£a,e'. comment chofes s'étaient paffées k " YTrd d.es Nominations dans 1'Ordre Equeltre de Sallan„ de) eüt jamais pu faire Ia démarche de n'expédier les fus„ ditsAftesqtfaprés la féparation de laDiète, & cela fïn« „ lhonorer d'aucune Réponfe &fans faire aucune attention „ aux reprefentations amicales & aux réclamations férieufes «, qu il avait faites en qualité deMembre du Gouvernement' „ & de lui couper ainfi par le fait 1'occafion de s'oppofer' „ fur ie champ a ce procédé illégal & contraire a laConlti„ tution oe notre Province : Quenéanmoins tout cela était „ arrivé; &, que les Commiffions ayant étédivifées & Dar „ tagéesentre différents Membres, il n'avait par conféquenï „ été fut rim delêgal. & qu'il ne faurait fe faire nis^xe„ cuter rien de légaf en vertu de ces défignatiom illégl „ les, par les pretendus Députés dans lesDépartements ref„ peft.fs : Que 1'Ordre Équeftre & les Villes E % „ allemblés acluellemenr, & cette atteinte portée a laCor „ mtution exigeant un promt reméde, il nelui reftait d'au- " ^C PTJnPTen9e que de s'adrefrer aux Membres tou„ jours fubfiftans du Gouvernement de cette Province fca. „ voir, aux trois Villes Capitales; afin qu'elles puffent pre.,- „ dre  C 237 ) 1 dre telles mefures promr.es & efficaces, que l'importafice !' & la nature de l'affaire 1'exigeaient." Nous n'avons fair, il eft vrai, jufqu'ici aucune difficulté d'acquiefcer toujours au partage des années fixées pour les Commiffions , comme ila été fait psr Votre Alteffe & par fes glorieux Prédéceffeurs; &, auffi longtems que tous les Mem. bres du Gouvernement de la Province témoignaient en être contens, nous n'aurions fait encore aucune difficulté d'ac. quiefcer de même a 1'égard des Commiffions, dont il vienr d'être difpofé: Mais V. A. S. voudra bien reconnaitre avec nous, que l'affaire prend une face abfolument différente, dès qu'un des Membres réclame 1'obfervation rigoureufe du Réglement fur la Régence: puifqu'il eft inconteftable, qu'/7 n'eft pas permis de faire aucuns cbangemens dans ce Réglement, G? par conféquent qu'on ne fgaurait conniver k ce qu'on s'en écarté pour un tems, finon dl'unanimité de tous les Membres, qui compofent 1'AffembUe de- 1'Ordre Équeftre & des Villes. Puis donc que le fus.dk Réglement porte expreffément, que toutes les Commiffions Provinciales doivent être remplies refpeetivement pour le téms de fix, quatre, ou trois années, & qu'è 1'expiration de ces termes refpectifs V.A. a droit d'é. lire de nouveau d'autres perfonnes pour les remplir ou d'y continuerles anciens Députés, nous nous trouvons obligés, en vertu de notre ferment folemnel pour le maintien de ce Réglement, du feu, del'avis, & avecl'agrément exprès de nos Communes-Turées, que nous avons extraordinairement convoquées a cet effet, de prier V. A. avec rout le refpeft qui lui eft dü, mais en même tems d'une maniere auffi féneufe que 1'exige 1'importance de l'affaire, „ qu'il lui plaife de changer auffi promtement que poffible, vu 1'expiration " prochaine des Commiffions aftuelles, les arrangemens pris " a 1'égard de celles qui vont vaquer, de retirer les Acte» " deja envoyés, & d'en dépêcher de nouveaux conformes ',' au fus-dit Réglement." Dans 1'attente que Votre Alteffe, ayanr mürement pefé ce que deffus, comme il convient, fentira avec nous la néceflité du changement & ne fera point difficulté de concourir au maintien de la Conftitution une fois établie, nous recoramaadons V. A. a la fainte protection de Dieu & fommes &c. Mgr.  C 238 ) Mgr.le Prince Stathouder fit en date du 4 du caurant la Réponfe fuivante: '* NOBLES &c. Ayant re9u votre Lettre en date du 26 Avril dernier par laquelle vous nous communiquez le contenu de ce que' Mr de Capelle du Pol vous a expofé fur ce qu'il ne fe for.* mait pomc des Nominations pour les Commiffions vacantes particuliérement fur la divifion & Je partage d'une ièule & mê' me Commiffion entre plufieurs Membres, & par laquelle vous nous priez de plus, qu'attendu 1'expiration prochaine des Commiffions ïlnousplüt de faire, le plutót poffible, un changement aux arrangemens déja pris, deretirer les Act.es deia envoyés, & d'en dépêcher des nouveaux conformes au Ré glement fur la Régence; nous avons jugé a propos aprés müredélibération, de vous faire parvenir notre Réponfe fur les repréfentations, qui nous y ont été faites, & fur la prie. re qui nous y a été adreffée, fans nous expliquernéanraoins fur 1'expofé de votre fus-dite Lettre ni fur le contenu de 1'Arirefft y mentionnée de Mr. de Capelle du Pol particuliérement pour ce qui s'eft paffii dans le Quartier de' Sallande par rapport a la formation des Nominations dans ce Quartier, attendu que nous regardons cet objet comme n'é. tant pas de ce lieu. A cet égard nous devons vous rappeler ce qui nous appartient, relativement a la dispofition des Commiffions tant Provinciales qu'externes, en vertu de la Dignité de Stathouder Héréditaire de la Province d'Over-Yffel, qui a été conférée au Seigneur notre Pére & a fes Succefleurs & tourner votre attention fur le droit & 1'ufage invariable ï ce fujet. II vous eft connu par-la ainfi qu'è tous Jes Membres de 1'Etat, que d'abord aprés que cette Dignité fut conférée & confécutivement jusqu'au moment préfent, quoique le Réglement fur la Régence, arrêté en PanHée 1675 n'exiIMt pas moins alors qu'aujourd'hui, il n'a jamais été difpofé autrement des Commiffions qu'en les divifant & lespartageauc en même tems; que jamais il 11'a été fait d'autres demande? ni fóllicitations par tous les Membres de la Régence, tant d» 1'Ordre Équeftre que des Villes, que fur ce pié; que cettë coutume a été fuivie non-feulement du tems du feu Seigneur uotre Pére, de la Dame notre Mère, & par nous; mais  C 239 ) mais auffi que l'Ordre-Equeftre & les Villes mêmes ont continué de fuivre, pendant tout le tems de notre Mino'ité, la même tracé & la même facon de dispofer & de taire le partage des Commiffions, fans que jamais ''quoiqu'il fe foic élevé p'ufieurs différends fur la dispofnion & le partage des Commiffions entre les Membres) il foit venu a 1'efprit d'aucun Membre de 1'Ordre Équeftre ou des Villes, que celle dispofnion & tel partage des Commiffions ne pourrait avoir lieu ni fubfilter plus longtems en vertu du Réglement fur la Régence; tandis qu'il eft certain, que les Membres refpectifs^lu Gouvernement les ont tenus & regardés pendant notieMinorité pour fi légitimes, qu'ilneleur a pas même paru néceffaire de s'en dispenfer mutuellement, ayaut penfé iudubitablement, que 1'ufage conftant & non-interrompu, confirmé par un confentement tacite & par une approbation effeétive, devait être reconnu comme complettement adopté & tenu pour légitime. Puis donc qu'il s'en faut tant que jamais aucun Mernbre de? Régences Provinciales ou Mumcipales foit tombé dans 1'idée, dont vous faites a préfent mention dans votre Leure, & fur laquelle vous infiftez; que d'ailleurs il nous a même été conftaté, que plufieurs Membres de l'Alfönvblée des Etats adherent effccYivement a lamantère, dont jusqu'a préfent la dispofnion & le partage des Commiffions fe font faits, & en font les Défetrfeurs, & que fur lefimpleexpofé del'un ou de 1'aucre Membre individuel du Gouvernement, fans le concours de tous les Membres de 1'Etat, qui en auraient eu communication & en auraient délibéré fuivant 1'ordrede la Régence, ü ne nous eft pas permis de nous écarter de la facon de dispofer des Commiffions & de les partager, telle qu'elle a eu lieu pendant toute la durée du fus-dit mtejfvaile, & qu elie doit fervir a la fatisfaftion réelle & a 1'agrément delapluparc des Membres du Gouvernement, qui par ce moyen peuvent avoir, pour la plus grande partie, part aux Commiffions, fans que 1'intérêt public en fouffredupréjudice , nous n'avons pas pu nous prêter en cette occafion a vos repréféntations & i votre prière, ni faire ou effectuer aucun changement dsns les Commiffions, comme il en a été dispofé par nous dans les Quartiers & Villes refpeéti ves, & que les Actss en ont été ex ■ pédiés; mais nous devons y perüiter. Si en attendant, un ou piufhurs Membres de 1'OrdreEqueltre ci des Villes croyent qu'il conveuait de 1'air.j ^ au-  C 240 ) aujourd'hui plus que ci.devant quelque réflexion ouremarque fur cet Article du Reglement fur la Régence, joint a la pratique & a 1'ufage non-interrompu, a raifon de quoi 1'un ou 1'autre pourrait fe faire un fcrupule, qui ne fcaurait être levé que par une Réfolution des Etats, nous penferions qu'il conviendrait de traiter cette matiére a l'Affemblée des Etats , afin qu'il put en être délibéré formellement & pris telle Réfolution qu'on jugerait convenir a la nature des chofes & fuivant 1'ordre du Gouvernemenr. Si alors Ie réfultat des délibérations de l'Affemblée des Etats était tel, qu'on préférat pour la fuite au partage des Commiflions la dispofnion d'une même Commiflion en faveur d'une feule Perfonne, & qu'ainfi les Membres de 1'OrdreEquefrre & des Villes renoncaiTent a la jouïiïance des avantages & des agrémens de la Régence, auxquels alors il ne pourra avoir part qu'un très-petit nombre, (raifon, pour laquelle uniquement nos Prédéeelfeurs & nous avons d'abord & fans inter/uption fuivi 1'ulage aétuel, a 1'exemple de ce que 1'Ordre-Equeüre & les Villes avaient établi depuis la mort de feu S. M. Guillaume III. de glorieufe mémoire pour la plus grande fatisfaétion des Membres de la Régence;) dans ce cas nous. qui nefcaurionsy avoir ni ychercher pour nous-mêmes aucun avantage, y pourrons acquiefcer aifé. meur. Suiquoi &c. • j. A. Crajenschot, Libraire h Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite acluelJement, Hernatques fur les Erreurs de L'Hjstoire PhILOSOPHIQUE & POLITIQUE de Mr. GUILLAUME Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c par Mr. Thomas Paine, Maitre ez-Arts de l'Univerfité de Penfylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des si ff air es Etrangeres pour le Congrès cjrc Traduites de PAnglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier, gr. Svo a 18 fois. On les trouve aulfi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Feuille.  X E POLITIQUE N°. CXXI. LUNDI, ce 2 JUIN, 1783. CHAPITRE LXIX. Sur les Juites de Vindépendance Amèricaine re* lativement d VAnglelerre. L'emprefiement des Anglais pour renouer les anciennes liaifons avec I'Amérique, eft un objet digne de 1'écornement d'un obiervateur impartial, de la cirtióficé des nations marchandes & des recherches d'un Philófopne lis ne fe promettent rien moi s qu,- dVttire< a eux la partie la plus grande & la plus avsmageufe du commerce de 1'Am rique. Cec efpoir eft-il fov.dé? L'on ne peut di^convenir que le peu de durée de cecte guerre ci Ia mukitude des rapports qui fe rencomrent entre les deux nat'ons, ne fervent beaucoup & fa. ciliter le renouvellement de1- ancienres liaifons, C'eft une oblérvation que nous avons faite plus d'une fois. Les Angnis ne ..ouva.enc voir cet efpoir s'échapper de leurs mains, qu'en s'obtt nant a prolonger la guerre Ils ont eu la fagelfe de la conclure affez tót, & d'une maniere affez généreufe pour avoir droit a la confiance de leurs anciens rólons, devenus leurs égaux. Cette guerre ne ToMit V, Q Pou%  C 242 ) pouvant finir que par la proclamation de 1'indépendance , il convenait d'y préparer les nations. II convenait a tout Ecrivain inflruit d'accelerer par fes efforts le moment qui devait fermer les playes de 1'humanité gémiifante 11 convient auffi è fa fincerité de ne pas les laiiTer dans 1'ignorance fur les conféquences naturelles de fes premières obfervations. Perfonne n'a prédit les fuites d'une prompte reconnaiifance de 1'Indépendance Amèricaine de la part de 1'Angteterre , d'une maniere plus frappante que 1'Auteur des obfervations Jur les Penfées d'une tête froide fur 1'Indépendance Amèricaine. Nous avons cru devoir en donner la fuite, interrompue depuis le N°. GIL de cette feuille. Rien n'eft plus propre k juftifier les miniftres Anglais pacificateurs : c'eft 1'apologie la mieux raifonnée & la plus complette de leur conduite. Nos ledteurs voudront bien fe rappeller que c'eft un Américain qui parle, longtems avant qu'on penfat férieufement è faire la paix , puisqu'il parait que fes raifonnemens n'ont pas peu contribué a déterminer le Miniftere Anglais aux négociations qu'il a fi heureufement terminées. L'Ecrivain Britannique pour détourner fes concitoyens du projet d'acheter la paix au prix de 1'indépendance Amèricaine , s'était permis d'avancer ces paroles: La France a longtems lutté pour oppofer fa concurrence d nos manufaStures; mais, inutilement. Enfin l'Independance avouée, la mettra en état d'éxé~ cuter ce projet. ,, Que 1'Angleterre forte enfin de fon profond fommeil, a tèpondu l'Awéricain. Qu'elle recon„ naifle 1'Indépendance. Qu'elle avoue les traités „ conclus entre la France & I'Amérique. Qu'elle fafle „ un traité de commerce pareil avec les Ftats-Unis, „ fur les principes généraux de 1'égalité, de la ré„ ciprocité. Des lors ni la France, ni aucune au„ tre nation en Europe ne fera en état de balancer „ 1'Angleterre dans fes manufaétures, dont nous „ avons le plus de befom en Amérique. celles de „ laine «St de fer. Les fabriques Angiaifes a cet „ égard  C 243 ) „ égard ont un teldégré de perfeétion; les Amérï,„ cains y font tellement accoutumés, que ce com« 5, merce ne tarderait pas è retourner a 1'anciennö „ fource. Les demandes qu'en feraient les Améj, ricains , ainfi que de plufieurs autres articles des „ manufaétures Britanniques augmenteraieüt avec „ Ia population de I'Amérique, avec fon commerce ,, intérieur & étranger; elle fe procurerait ainfi les s, moyens de payer les marchandtfes qu'elle tirerait „ dc 1'Angletcrre. Bien loin que 1'indépendance ,» Amèricaine puiiTecauferdupréjudiceaux Anglais, ils ne tarderaient pas, au contraire, è en refien„ tir les heureux avantages; défabufés rapidement, „ ils feraient frappés de leur longue obflination k la traverfer, au prix de tant de fang & de tré,, fors. Mais il fautau'ils aient la fagefie de dépofer „ leurs jaloufies mal fondées, leurs animofités vio- lentes ; qu'ils aient foin de terminer a la paix „ toutes les disputes fur les limites, de maniere a. prévenir toute invafion de leur part ; qu'ils ne j, portent plus les vues étrokes de la rivalité au „ point de vouloir fermer a I'Amérique ces bran„ ches de commerce, ces pêches & les autres avan„ tages maritimes que Dieu & la nature lui ont des» „ tinés. S'ils laiflent un libre cours aux paffions ,, balles de 1'envie, de la jaloufie & de la haine, ils doivent s'attendre a être payés de retour: ilstrou. ,, veront des Ennemis rcdoutables dans les Améri„ cains; mais fi les Anglais ont la grandeur d'ame de condescendre a ce qui parait devenü le fyftê„ me fixe des autres puiffances maritimes de 1'Eu,, rope , relativcment a 1'Amérique , è la traiter „ avec franchife & amitié, ils y trouveront au„ tant & même plus d'avantac;e que jamais ils n'en „ ont retirés auparavant. Tout dépend de leur „ conduite. II nc leur manque que d'ouvrir les „ yeux a 1'évidence. Si les Anglais veulent continuer les hor„ reurs de la guerre & la fureur du maffacre, „ troubler encore le commerce de I'Amérique , ils Q a 51 en  C 244 ) „ en éprouveront tant de traits d'une hatoe mortel„ le, que leur crédit en fera ruiné , leurs manufac„ tures détruites, leur influence en Europe réduite „ è rien > leur puiffance navale tellement inférieure „ è celles de la France & de 1'Efpagne, qu'elle ne „ s'en rétablira jamais; leur domination dans les „ Indes orientales & en Wande totalement detruite, „ & leurs Ifles des Indes occidencales réduites è implo„ rerla proteétiondequelqu'autrepouvoir;ilsfe ver„ ront eux-mêmes a la merci du premier Aggrefleur." „ La continuation de cette guerre fournit a Ia „ France & même a 1'Efpagne la facilité de balan„ eer les manufaétures Britanniques. Ces deux Ro„ yaumes portent actuellement toute leur attention „ fur cet objet. Ils ne s'eiforcent pas feulement „ d'imiter les manufaétures Anglaifes; mais d'en„ gager I'Amérique a s'accoutumer aux leurs. L'A„ mérique fe familiarife de plus en plus avec les „ marchandifesfrancaifes; elle commence h y pren,, dre goüt. Les avantages de commerce accordés „ è 1'Irlande & l'accroiflement des manufaétures „ qui en eft le réfultat, en faciliteront infiniment „ Tintrodudtion & l*amélioration,par les correfpon„ dances intimes que 1'Irlande, au moyen de fa „ liberté aétuelle, va nouer avec la France & 1'E„ fpagne. Ainfi la continuation de la guerre n'au„ ra que de funeftes effets pour 1'Anglais: elle mettra „ la France en état de miner par les fondemens les „ intéréts les plus importans de 1'Angleterre. On ne peut donner a 1'obltination è pourfuivre une guerre aufll nuifibie , d'autre nom que celui „ d'une frénefie aveugle & inouie jufqu'è prefent. „ Que 1'Angleterre ouvre enfin les yeux. On lui „ fait accroire que la France elt lafle du róle „ qu'elle a joué: comme fi ce róle n'était pas un „ des plus fages, des plus heureux, des plus hono„ rables & des plus brillans qu'elle a jamais joué. „ L'Europe & I'Amérique ne feraient-elles pas plü„ tót inclinées a penfer, que fi 1'Angleterre fe ven„ dait a. la France, elle ne pourrait lui rendre de „ plus  C *45 ) plus grands fervices dans les différentes branches " des intéréts mercantiles, navals , politiques ou ,• économiques, que de continuer cette guerre." Mais, dit 1'Auceur des Penfées d'une tête froide, nous tirons des Indes occidentales certaines productions abjolument néce[faires d f avantage cif aux progrès de nos manufacïures ; nous ne faurions les tirer d'ailleurs. Nous ferions donc réduits d prendre les reftes de la France ou de 1'Amérique, lor [qu'elles auraient rempli leurs engagemens réciproques. Si c'eft la un argument pour continuer la „'guerre," répond 1'Américain, „ne parait.il pas forti d'un cerveau égaré par la fievre plütót que „'d'une tête froide? Un raifonnement pareil ne , prouve-t-ii pas plütót la néceflité oh fe trouve " 1'Angleterre de faire une prompte paix , pen. " dant qu'elle conferve fes Ifles V Comment fera t elle en état de les approvifionner de bois fi ' elle continue la guerre? Un Anglais qui porte,, rait un tête froide fur cet objet confeillerait a fes concitoyens de faire la paix pour conferver " leurs Ifles. II aurait vu que la continuation de ' la guerre ne peut entrainer que leur perte & cel" le des articles fi néceffaires aux manufaétures '! Britanniques. L'Amérique ne défire pas de voir ' ces Ifles tomber au pouvoir des Francais. Elle " fera prête a garantir aux Anglais toutes celles qui *' ne feront pas prifes. La France reftituera proba" blement celles pour lefquelles on lui donnera " des équivalens. L'Amérique ne peut défirer Ia " continuation de la guerre. Elle n'y gagne d'autre avantage que de fe perfectionner dans 1 art mih" taire. dans 1'Agriculture & les manufaétures, ', deftinées a former pour 1'avenir les bafes les plus ' folic'es de fon commerce, de fa profpérité &defa " puiffance navale. II n'y a que la France & 1'Espagne qui puiflent en defirer la continuation; " puis qu'elles font chaque année de nouvelles con" quêtes en territoirecc de nouveaux progrès dans les !' manufaétures, le commerce, la puiffance rnariti' Q3 me  C 240 ) „ me & la confidération politique cn Europe. . La „ nation Anglaife éprouveraic-'elle, comme corps „ politique, cette haine de foi - même qui porte fes „ individus au fuicide? Quand la guerre ne produic ,, que des revers honteux, & que la paix offre un „ chemin a la gloire, pourquoi fe prccipiter dans „ 1'abime , & s'ccarter de la route qui mene au „ falut?" (La fuite au No. procbain.) Suite du CHAPITR'E LXIX» Sur le Stathoudl'r at, Et de la Lettre au Politique Hollandais. Dans la dispute fur les Commiffions cn Overyfiel quel eft le principal argument allégué par Meifieurs de Deventer? ces mots, il n'eft pas permis de faire aucune efpece de changement ni de dérogation au Réglement , fi non d l'unanimité de tous les membres qui compofent 1'aQemblée de Vordre équeftre fc? des villes. Le Stathouder femble reconnaitre ce principe important que ces fortes de régiemens , quoique jurés folemnellement, ne font que des contrats qui peuvent être annullés par la volonté générale des parties intéreftees. C'eft ce qu'il avoue hautement en difant qui fi raffemblée des Etats juge a propos de prendre une détermination contraire il eft prêt a y acquiefcer. -. N'avez-vous pas appercu la maniere adroite & fine dont Ie Prince femble reprocher aux Régens d"Overyffel leur excefiive complaifance aux dépends des droits de !a nation & le f crifice de ces droits précicux pour un objet particulier d'ambition ou d'mtérêt, puis qu'il avance hautement que Jes Stathouders n'ont déféré a 1'ufage de conferer les' Com-  ( 247 ) Commiffions fans nomination préalable & de Jes nartager contre la teneur de Réglement, que pour condescendre au défir du grand nombre de perfonnes qui défiraient d'y entrer (*) ? Le Stathouder ne faurait faire tout le mal qu il plait è fes Ennemis d'attribuer k fon influence. II n'eft pas inutile de citer au fujet dü Stathouderat, les paroles d'un Auteur qui s'efi rehdu fameux dans les circonftances aéluelles. „ Ceux" dit-il, „ qui ont quelque connaiflance du gouvernement politi- que , favent que la Souveraineté fe divife en trois „ branches ou trois opérations: le pouvoir Légifla„ tif, le pouvoir judiciaire & le pouvoir exécutif. Le droit de faire des loix détermine ce qu'il faut „ ou faire ou éviter. Le pouvoir judiciaire décide „ des droits d'un chacun è 1'égard des autres. Le pouvoir exécutif eft chargé de faire obferver ce „ que les loix ont prefcrit ou les fe ences dé„ cidé. „ Le Préfident Montesquieu a montré 1 mconvés, nient d'un gouvernement oh ces trois pouvoirsfe„ raient réunis dans le même corps ou le même individu... L'expérience a montré combien il ,] ferait dangercux qu'un fouverain füt 1'éxécuteur des fentences qu'il aurait prononcées Deux „ chofes font principalement néceffaires pour Ja fu„ reté & la liberté des Citoyens. i°. Que celui ' qui jouit de ia Souveraineté n'ait pas le droit de " faire telles loix qu'il lui plait ou qu'en les vou„ lant exécuter il rencontre une oppofition qui leur „ faiïe perdre touteforce? s°. Que celui qui faitles „ loix ne puifle les mettre a exécution que par „ ceux a qui ce pouvoir eft confié : 50. Que ce- (*) La fouveraineté ferait-elle une dépouille , une proie, dont-il appanient aux Adminiftrateurs de dispofer, & de morceler les portions fuivant leur bon plaiiir? Ces adminiftrateurs font-ils autre chofe que les Serviteurs du peuple ? N'eft ce pas le peuple qui les a forcés a adopter ce tég'ement? Ntte du Rédacteur. Q 4  c 248: „ lui qui eft revêtu de cc pouvoir n'ait, du pou„ voir légiflatif qu'autant qu'il lui eji faut pour „ exécuter les loix. „ Ainfi tant que les Etats fe réferveront le pou„ voïr légiflatif cc ne laifferont que le foin du pou„ voir exécutif au Stathouder, il eft impoffible que „ celui-ci puiiTe porter atteinte a la liberté civilc. „ II faudrait qu'il fe rendit maitre du pouvoir lés,,giflatif & qu'il en dépouil'at les Etats du pays. „ Cela ne ferait il pas poffible, diiat on? La col„ lation de-, emplois de la part du Stathouder, 1'é„ leólion des membres des Régences des villes qui „ le rend maitre des membresdes aftemblées d'Etat, „ ne lui donnent-elles pas 1'occafion d'y faire pren„ dre telle réfolution qu'il lui plait ? je reconnais „ volontiers que 1'influence des Stathouders dans „ la collation du emplois & 1'établilTement des Ré„ gens peut & doit leur donner une grande influen„ ce fur les délibérations des aftemblées d'Etat; „ mais il ne meparaft pas poffible quecetteinfluence „ les porte a dépouiller les Etats de la puiffance „ légiflative. Je ne crois pas qu'un Stathouder por„ tat fon pouvoir au point de faire prendre aux „ Etats la Réfolution d'enlever aux cours de jus„ tice la connaiflance des chofes du département „ judiciaire. „ Croira t-on jamais qu'un Stathouder contre le„ quel il eft fi facile de foulever le peuple, au„ quel les Bourguemaicres d'Amfterdam ont „ ófé dire qu'il pourrait bien devcnir l'objet de la „ défiance &f de la haine publique , au lieu a'être „ l'objet de l'amour & de l'efiime de la nation, pen„ fera-t on qu'un tel Stathouder puifle être en état „ d'opprimer le pouvoir légiflatif? ,, Quoiqu'il en foit, c'eft toujours un bien dans j, notre gouvernement que les Etats foient inveftis „ du pouvoir légiflatif, la première, la plus eflen„ tielle & la plus précieufe portion de la fouve„ rainité & que les Stathouders foient chargés d'éxé-  C 249 ) „ d'éxécuter ce que le pouvoir légiflatif a déter* miné. RE'PONSE d la Lettre fur le Stathouderat. La maniere dont vous préfentez vos idéés fur la néceflité du Stathouderat pour le maintien de la liberté civile eft neuve aflurément; mais je doute beaucoup que les partifans de cette dignité foient fatisfaits de vos raifonnemens. Ilsdirontque c'eft avoir une idéé peujufte de cette néceflité que de ne lui donner pour bafe que 1'efprit de jaloufie & d'oppofuion entre les ariftocrates & le Stathouder, que cette bafe eft d'ailleurs fragile, puifqu'il n'eft pas impoffible que cette oppofition difparaifle cc qu'alors la nation foit foumife au plus rigoureux defpottfme; le Stathouder ferait le Doge de Vemfe, les Régens feraient les Nobles Venitiens, le peuple ferait moins que rien. Vous ne reprefenteriez le Stathouder que comme un épouvantail qui tient 1'un ou 1'autre parti en refpeél, fans être 1'ami d'aucun. Un Anglais en publiant, il y a quelques années, des obfervations fur la nature de notre gouvernement, parle ainfi du calme & de la tranquillité qu'il avait alors remarquée dans ce pays, mais qu'il n'y trouverait plus a préfent „ Dés qu'une nation appellée libre eft dans un „ état de tranquillité, on peut aflurer qu'elle a fur ,, la liberté des idéés très-imparfaites. Ce qu'on „ nomme ordinairement union dans les corps poli„ tiques, eft une chofe équivoque ; la véritable ,, union eft celle de 1'harmonie, qui fait concourir „ toutes les parties de 1'Etat, maJgré leurs divi„ fions entre elles, au bien général de la fociété. „ Les Républiques ont befoin d'agitation; & ü faut „ craindre pour leur liberté, quand on les voit fi Q 5 » cal-  C 250 ) j, calmes. Jamais les peuples ce furent plus libres „ qu'au milieu des diiTenfions inteftines; Rome & „ 1'Angleterre en font des exemples frappans La Hollande toute occupée de fon commerce & des „ moyens d'augmenter fes richeffes, s'endort fur „ les atteintes qu'on porte a fa conftitution. Le peuple a trop de mollefle, lorfqu'il eft queftion „ de foutenir fes droits. Des millions de citoyens y „ croient, par exemple, qu'ils ont un droit incon- teftable de prendre part au gouvernement; que „ leurs ancêtres ont acheté ce droit au prix de leur „ fang; mais quand ils font arrêtés dans leurs pré„ tentions par un Miniftre d'Htat, ils ne mettent „ aucune chaleur dans leur réfiftance." Ainfi parle Mr. Williams dans fon Hiftoire des gouvernement du Nord. II s'enfuivrait, d'après cet Auteur, qu'il faut dans un Etat libre des divifions & des partis: ainfi le Stathouderat, en réveillant cet efprit dediscorde. produirait un bien: il refiembleraitalors h un mal nécefiaire pour prévenir de plus grands maux. Cet Auteur n'avait pas vu les chofes dans 1'état d'aétivité, de fermentation oh elles font aétuellement. L'influence qu'a eue le peuple a la reconnaifiance de 1'Indépendance Amèricaine, au rétablifiement de Mrs. de Capelle & Van Berkel, k la fupprefiion des fervitudes, aux fuccès des réformes contre l'influence Stathouderienne, celle qu'aura vraifemblablement la réclamation des Bourgeois de Zutphen, lui feraient fans doute changer d'opinion. Tout le monde ne verra pas la prudence que vous trouvcz dans la conduite de Son Altefie au fujet des Commifllons. Le Prince aurait pu voir qu'on lui tendait un piege en la reflufcitant. II aurait dü témoigner, fi non plus d'égards, du moins plus d'attention, k la lettre de Mr. de Capelle en date du 23 Fevrier paffé. II devait voir. qu'on ne manquerait pas de s'autorifer de fon filence pour le dépeindre comme -infracteur gracuit des for«  C 251 ) formes du gouvernement qu'il avait juré de maintenir. Si l'on ajoute a cette reflexion que la réclamation datait du commencement de 1'année i~77j la conduite de Son Alteffe paraïtra bien plus inconcevable Dès que, felon la lettre de Mrs. de Deventer & fuivant les principes du Droit public, l'oppofition d'un' feul membre changeaic nbfölument le cas, il ne lui reftait plus que de veiller au maintien des loix. Son Alteffe n'eft certainement pas plus coupable d'avoir toléré cette dérogation a. ,un Réglement pofé pour loi invariable, que toutes les parties intéreffées qui paratflaient d'accord pour cette dérogation : mais il aurait dü voir qu'on pouvait s'autorifer de fon filencc a cet égard pour infirmer un Réglement que les ardens Républicams n'envifagent plus qu'en frémiflant. Telle eft la conféquence d'une dérogation arbitraire a un Réglement établh Depuis 1'an 1748 le peuple n'a pas fait d'autre contract: avec fes adminiftrateurs; il les a forcés a recevoir ce Réglement; il paffe pour Ia regie fondamentale de ladminiltration; on ne peut donc s'en écarter, fans introduire cette anarchie que les ardens Stathouderiens attribuent a leurs adverfaires. II eft vrai que le Prince, dans cette Lettre, admet le feul principe qui peut donner la force a tout contrat civil ou politique, le confentement des parties intéreffées, fans lequel il n'eft point de contrat; mais puifque le Prince, fuivant fes propres paroles n'était nullement intéreffé a la dérogation dont on s'eft plaint, & qu'il ne Ia tolerakque par condefcendance & pour plaire aux membres qui s'en étaient difpenfés pour leur propre intérêt, dit il; n'était-il pas de fon devoir, en qualité d'officier chareé de veiller au maintien des loix, de retirer fa condefcendance & fon appui, dèsqu'il y avait uneréchmation en faveur de 1'obferyance rigide? il femblerait même qu'il n'y aurait pas eu befoin de détermination ulté- rieu-  ( 2*2 ) rieure des Etats fur ce fujet & qu'une feule réc'amation fuffifait pour obliger le Prince a appuyer de Jon autori'é 1'adhéfion ftrifte a la lettre de la loi. 11 eft encore une autre obfervation qui rend le Prince moins excufable dans cette circonftance La puiffance qu'il a dans les trois Provinces de Gueldre, d'Utrecht & d'Overvflel, par les Régiemens renouvellés en 1747 , 'eft capable de fatisfaire 1'ambition la plus étendue, a moins qu'elle ne tende a 1'ufurpation de 1'autorité fuprême. On peut affurer qu'au moyen de ces Réglemens il jouit dans ces trois Provinces des droits Jes plus folides d'un Souverain, fans en avoir le titre dangereux. II aurait du fe contenter de ces prérogatives précieuïes, & ne pas imïter ces Souverains imprudens qui ébranlenc leur autorité, pour vouloir trop 1'augmenter. EnvouJant aller au delè de J'immenfe autorité qu'on lui avait confiée dans ces Provinces, il a donné aux autres adminiftrateurs le même droit d'afpirer a une autorité plus grande & aux particuliers éclairés 1'occafion de fouiller fous les fondemens de fa propre prérogative. Dès qu'on montre qu'elle n'a d'autre fource & d'autre bafe que la volonté du peuple & la condefcendance des autres adminiftrateurs; on autorife auffi le peuple cc les régens a redemander le pouvoir qu'ils ont confié, puifqu'on ne 1'exerce plus de la maniere prefciite. La citation faite au fujet de l'impuiffance du Stathouder a faire du mal, paraft drée de La Ri~ cbejje de la Hollande, édition Hollandaife, T. III. p. 326. Mais dans ce paffage I'Auteur a donné une nouvelle marqué de fon infigne mauvaife foi. Vous connaiffez fans doute les Lettres de Reinierl/ryaart. On a des preuves fuffifantes qu'elles fortent de la même plume qui a compofé La RicbesJe de la Hollande. Le paffage en queftion ne répréfente le Prince que fous la qualité de chef du poUVoir exécutif. On réduit a peu de chofe fon influence, fon autorité dans le département du pouvoir légiflatif. Mais s'il en faut croirc le mê- , . , me  C 253 ) me Auteur, lorsqu'il parle dansles lettres de Reynier vryaarts , le Prince eft bien autre chofe que le fimple exécuteur des ordres du Souverain. II eft membre intégram de la Souveraineté , titre qu'il refufe è la ville d'Amfterdam. II eft chef de 1'Etat: en un mot il eft le ieul Répréfentant de toute la puiffance fouveraine. Cet Auteur saccorde d'ailleurs fort peu avec lui même: car avant de nous peindre un Stathouder comme chargé uniquement du pouvoir exécutif, il nous 1'avait repréfenté, p. 152^ l53i comme le chef néceffaire de lFtat, auquel on peut parler journellement & a toute heure pour en recevoir des ordres dans les occafions imprévues ; comme h* les Aftemblées légiilacives ou leurs miniftres n'étaient pas è parler a toute heure du jour & de la nuit & n'étaient pas les véritables chefs de la Répub'ique. Dans la diftinétion que Montesquieu a faite des trois pouvoirs,ilavoulu, conformément a fon plan, plutót peindre ce qui était que ce qui devait être: ce grand homme s'eft contenté de traiter du droit pofitif des gouvernemens établis , fans porter fes recherches fur les principes du droit politique: il a imaginé la diftindtion des trois pouvoirs pour peindre la conftitution Britannique: & il ferait d'autant plus dangereux de faire 1'apphcation de ces principes a la nótre; qu'il s'en faut beaucoup qu'un Stathouder ait ici les mêmes prérogatives qu'on a laiffèes au Roi d'Angleterre: ce monarque a le droit de donner fa fanétion aux loix, elles n'ont de force que par fon apptobation; la paix & la guerre font en fon pouvoir ; comme nous 1'avons vu dans la paix avec I'Amérique , oh , de fon propre chef, il a reconnu raffranch:ffement d'une partie confiderable de 1'Empire & n'a déclaré les préliminaires que lorsqu'ils ont été fig'nés. Les principes tracés par Monfieur Flie Luzac 1'Avocat - i_ibraire feraient penfer cu'un Stathouder ne faurait jamais influer arbicrairement fur  C 254 ) fut le pouvoir légiflatif; mais l'hiftoire nous mon» tre le contraire. Maurice , revêtu du pouvoir exécutif, s'eft trouvé en état d'opprimer les affemblées légiflatives dans les provinces de Gueldre de Hollande, d'ütrecht & d'Overyffel: On fait a quoi il a tenu que Guillaume II n'en ait fait autant. Avec quel despotisme arbitraire Guillaume III n'at-il pas changé les Régences qui lui déplaifaient, particuliérement aZiriczée en 1689 ? II eft vrai que ces Stathouders n'ont pas arraché les apparences extérieures du pouvoir légiflatif aux Etats du pays; mais tout homme impartial ne fanrait nier qu'en s'arrogeant le pouvoir de dépofer ou de créer, fuivant leur intérêt ou leur caprice les membres des aftemblées légiflatives , ils ont pu acquérir un pouvoir dangereux è la liberté, foit politique foit civile. Politique, puisque leur influence aflujettiffaic toutes les délibérations a leur volonté; 1'exemple de Mr. de Capelle, dans un pays oh le Prince a une partie de ce pouvoir mon* ilrueux fur les membres de Ia légiflation, montre fuffifamment combien la liberté politique qui confiftc fns doute a ce que chaque Regent puifle dans les aftemblées d'Etat propofer telle opinion ou adopter tel avis qui lui plait, eft expofée par l'influence Stathouderienne ; & conféquemment Ia liberté civile, qui confifte è ce que chaque citoyen puifle exercer les droits qui lui appartiennent. Une autre obfervation que nous ne faurions trop inculquer & qui prouve fans réplique l'influence exorbitante, pour ne pas dire dangereufe du Prince dans les aflemblées d'Etat; c'eft la diiférence de fentimens de ces aflemblées, k proportion de 1 autorité qu'on a laifiêe au Stathouderat dans 1'élection des membres: cette difference ne viencelle pas de paraftre d'une maniere frappante, non-feulemenc dans les diverfes Provinces par le róle qu'ont joué la Hollande & la Frife k 1'égard des autres Provinces dès le commencement de ces troublcs; mais encore  C 355 > core par celui qu'ont jouó les diverfes parties d*une même Province; comme par exemple en Hollande les villes d'Amfterdam & d'Alkmaar, & en Frife les Campagnes; oü le Stathouder a moins d'autorité que dans les autres endroits. C'eft ce qui ne parate pas moins dans le fujet des recomrnandations. Deux exemples montreront k quel point cette legere condefcendance en faveur du Stathouder pouvait déeenerer en tyrannie. En 1777 il y eut k Leeuwaarde une éleftion fur laquelle le Premier, nom que l'on donne k une efpece de Lieutenant-Stathouder, qui eft 1'homme de confiance du Prince, ne fut pas confulté. Ce Premier était le Sieur Van Hambroick. Quoique Mr. Van Hambroick füt abfent, il fut tellement irrité de cette démarche qu'il engagea Son Alteffe k écrire au Senat de Leeuwaarden la lettre fuivante, que l'on croirait émanée du Confeil de Philippe II. Nobles, Sages, Discrets &c. Nous avons vu avec beaucoup d'étonnement , que la préfentation qu'on nous a faite de fujets ' a élire , avait été formée a 1'infcu de Mr. Van " Hambroick; & nous ne pouvons vous diffimuler '' que nous fommes outrés de voir le peu d'égard que vous montrez par la aux affurances qui vous " ont été faites depuis fi peu de tems que ledit " Sieur était inftruit de nos bonnes intentions re" lativement aux affaires de cette ville: nous vous " prions en conféquence de la maniere la plus for" te, qu'a 1'avenir vous n'ayez plus k conclure des ?' affaires d'importance dans votre ville, fans les ' lui communiquer; mais au contraire k montrer " pour fes avis toute la condefcendance poffible: ), en quoi vous nous donnerez beaucoup de fa„ tisfaótion. „ 7 Septembre 1777-" Sont  C 256 ) Sont ce des Républicains, font ce des Frifons font ce des vainqueurs de la tyrnnnie & du pou' voir arbitraire, font-ce des affembiées fouveraines & légiflatives , auxquels un officier chargé d'exécuter leurs ordres ófe tenir un pareil langage ? N'eft-ce pas une contradiótion dans les termes ainfi qu'un renverfement de tout ordre, qu'il y ait dans un Etat libre un officier capabie de dicter ainfi fes volontés pour des ordres aux Miniftres immédiats de la Souveraiuété ? Un Emploi lucratif devenu vacant a Rotterdam, était a la dispofition d'un des Bourguemaftres - Regnans. Pour faire fa cour au Prince Stathouder, il crut devoir, comme fes collegues, lui déférer la Dominatio'i de cet emploi, mais en même tems, il envoye fon fils k laHaye, pour folliciter de la faveur du Prince ce qu'il aurait pu obtenir decellede fon pere. Que cette maniere de faire fa cour eft ingénieufe & délicate ! Qu'elle aurait bien mérité d'être également fïïre! Le fils du Bourguemaitre fuit les inftructions qu'on lui avait données. II fe préfente devant fon Alteffe Quelle düt être fa furprife lorsque le Prince lui dit avec beaucoup de fang-froid, qu'il avait difpofé de la place en faveur d'un autre. J. A. Crajenschot, Libraire a Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite actuellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c par Mr. Thomas Paine, Maitre ez-Arts de l'Univerfitê de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des Affaires Etrangeres pour le Congrès &c Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier , gr. 8vo k 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Feuille.  L E POLITIQUE N°. CXXII. LUNDI, ce 9 JUIN, 1783. Suite du CHAPITRE LXIV. Sur les Conféquences de 1'Indépendance, relativement d 1'Angleterre, contenant des particularités intèrejjantes pour 1'Hiftoire de la Révolution Amèricaine, L'Antagonifte des Pen/êes d'une tête froide, conrinuant fes obfervations lumineufes, publie quelques particularités intéreiTantes fur 1'hiftoire des premiers Troubles, relativement aux Transfugesdu parti Rêpublieain. „ Les Réfugiés Américains, „ en Angleterre," dit-il, „ forment un fi grand ob„ ftacle è la paix, qu'il ne me femble pas hors de „ propos de faire quelque digreffion a, leur fujet. „ Le premier, le plus difiingué d'entreux , Mr. „ Hutchinfon, n'eft plus. II était né pour étre Ia „ caufe, l'ob;et & la vidtime de la rage populaire; „ il mourut le lendemain de 1'éruption des dernie„ res émeutes de Londres & juftement affez tót, „ pour n'être pas le trifte témoin des fureurs exer. „ cées fur la maifon du Lord IVIansfield, fureurs „ qui avaient tant de refiemblance avec celles, dont „ fa propre maifon avait été le théatre, quinze ans Toms V, R » au-  C2J8 ) „ auparavant. IiTu d'une ancienne «Sc refpeétable „ familie Amèricaine; né, élevé dans lepays; en« „ flammé de tout le zéle qui caraótérife la religion „ des Congrégationiftes; affectant d'honorer le ca„ raftere des premiers colons; initié de bonne-heu* „ re dans ies affaires publiques; plein de talens & „ infatigable dans le travail ;chéri &eftimé du peu- ple ; devenu Répréfentant de fes concitoyens „ dont il avait gagné toute la confiance; fes vuës „ s'étaient développées & étendues dans fes fréquens „ voyages en Europe ; poffédant è fond & dans „ le plus grand détail, les evénemens de fon pays, „ au point d'en avoir cornpofé une hiftoire , ex„ trêmement répandue ; ayant de vaftes corres„ pondances en Europe auffi bien qu'en Amérique; „ jouiffant de la faveur de la Cour Britannique, „ comblé de fes honneurs & de fes penfions; dans ,, ces circonftances & avec ces avantages, il étaic peut-être le feul homme au monde qui püt faire „ naitre la querelle entre la Grande - Bretagne St „ I'Amérique dans le tems & de la maniere dont elle „ a éclaté & engager les deux pays dans des fureurs „ qui ne doivent finir que par leur éternelle fépara„ tion. Voila fon caraétere, voila fes actions mc- morables. Une ambition infatiable qui perga tou„ jours a travers fes autres qualités, qui s'accrut „ avec fon aggrandiffement, qui fe renforga avec „ l age & 1'expérience, & qui finit par prévaloir „ fur toutes les autres paflions de fon cceur, & fur „ les principes de fon efprit; qui lui faifait dévorer „ avec une avide crédulité tout ce qui favorifait fa paflion dominante; mais le rendait aveugle & „ fourd pour tout ce qui s'y oppofait, è un point „ que fes repréfentations ainfi que celles de fon „ ami , de fon inftrument Bernard , porterent le. „ Roi, le Miniftere, le Parlement & la nationBri„ tannique a des procédés qui finiront par ODérer „ 1'abaiffement de la puiffance des Anglais, s'ils ne „ changent de conduite, & par élever I'Amérique „ au comble de la grandeur & de la gloire." „ Oq  C *5S* } „ Ön rcconnait des traits frappans de fon génie dans divers pamphlets pübiiés depuis peu en An« 3, gleterre & généralement attribuésè Mr Galloway. II eft aiTez probable que ces publications ont été ,, concertées entre 1'adminiftration & les Réfugiés j, Amé icains & qu'on ne produit fur la fcene que j, Mr. Galloway, qui eft probablement le principa! 9, Auteur." ,, Les, Penfées d'une tête froide fur les Confèquenj, ces de 1'Indépendance Amèricaine. quoique com,, binées pour échauffer une nation belliqueufe, 3, peuvent fervir auffi de raifons è I'Amérique pour j, défendre fon indépendance & fes alliances.'* ,3 On avance dans cc pamphlet;"^u'j/a Jouvent été' nffirmé que I'Amérique a dèpenfé d f onder & d défendre les Américains plus qu'ils ne jermt capables de lui te(tituer 6f qu'il ferait plus avantageux pour ceRoyaume d'abandonner Vindépendance & de perdre ce qu'il a dèpenfé, que de s'obfiiner d en retenir la domination. 3, Ivlajs on répond trés bien a cette afiertion générale * que ies primes puur Vavancement du commerce èr les charges de ld guerre précédente ne doivent pas être rejettées Jur I'Amérique ; que la charge du gouvernement des Colonies s'ejt bornée d ia Nouvelle Tork^ aux deux Carolines, d la Georgië, d la NouvelleEcoffe & d la Floride oriëntale fjf occidentale. „ Grt ,, fait trés bien reraarquer que" la Nouvelle-ingieten e , le Nouveau Jtrfey, la Penfylvanie, la Delaware & la Virgin,e n'ont pas coüté un farding d la Grande Bretagne; que néme toutes les fommesprodiguées pour les premières ne montent pas a plus d'un million ts fept eens mille livres; d'tft l'on peut encore déduire fept eens mille livres prodiguêes avec extrava* gance d la cov\iruttion d'un quai d Halifax; ce qui rêduirait la Jomme d un million. ,,aMais la véritable répönfe eft que I'Amérique ,, a *payé plus que fuftifamment, tout ce que les ,, Anglais ont déperfé pour elle Le profic qu'ils 33 ont tiré de fon commerce dans une annee feuleR 2 5> menta  ( *«5o ) „ went, a été plus que 1'équivalent (*) de tout ce „ qu'ils ont dèpenfé pour elle en cent cinquance ans. (*) C'eft ce que l'on prouve par des faits & des raifon» nemens, dans un Ouvrage indifpenfable a tous ceux qui veulent s'inftruire des intéréts & du Commerce de I'Amérique: c'eft le Foyageur-Américain, dont nous avons ga la Régence è révoquer un édit dreffé pour la levée d'autres milices que les huit compagnies Bourgeoifes. Elle exigea qu'il ne füt pris aucune déliberation fecrete avec le Prince d'Orange, fans en étre inftruite. II elf. vrai que l'Ariftocratie reprit peu-apeu le deffus; fur tout lorsque le Prince Maurice fe transporta en 1617 a Utrecht, & fans aucune autorifation que fon audace, dépofa les Régences, caffa les milices Bourgeoifes appelUesWaardegelders, & apprit,au grand malheur de la liberté, qu'un Stathouder pouvait changer les affemblées légiflatives k fa volonté. Ce fut a la fuite de la conqucte des Frangais & des Anglais en 1672,que le gouvernement d'Utrecht fubit une révolution totale. Lorsque les h rangais évacuerent cette Province, elle demanda k rentrer dans PUnion: Guillaume III. avait alors , a la fuite des mouvemens populaires & de la confufion générale oh fe trouvaient les affaires, acquis une autorité fi grande qu'il n'avait qu'a parler pour procurer du fuccès è une requête aufli légitime: mais on ne fait par quelle fatalité, les Etats-Généraux ou plutot les Etats de Hollande qui décidaient alors des affaires de toute la République, firent rejetter cette demande: le Grand Penfionaire Fagel le bras droit du Prince, était 1'ame de toutes les dé.  ( 267 ) délibérations: c'était le même qui trama la confpiration Gueldroife pour que la lbuveraineté füt déferée a Guillaume: ceux d'Utrecht n'apprirent qu'avec qonfiernation qu'ils ne feraient plus dans la République , qu'une Province fujette comme les pays conquis de la Généralité: cette prétention était d'autant plus révoltante que ceux qui la formaient n'avaient rien fait pour défendre ni délivrer le pays d'ütrecht contre 1'invafion des Ennemis & qu'ils ne 1'avaient point reconquis a main armée. Tout le monde était dans la derniere confternation, lorsqu'on infinua adroitement aux Trajec tins de recourir k la médiation du Prince d'Orange: Cet avis fut fuivi; Ia Province d'Utrecht fut, ainfi que la Gueldre fit 1'Overyffel, reintégrée dans 1'Union; mais ce fut au prix dé fes prérogatives les plus précieufes & de fa liberté. On fit un Réglement de Régence d'après lequel on donna au Stathouder plus d'autorité que jamais Charles-Q_uint n'en avait poffédé en qualité de conquérant & de Souvcrain. C'eft ce Réglement fupprimé a la mort de Guillaume III & renouvellé en 1747 a la fuite des émeutcs populaires qui rétablirent le Stathouderat , que les Trajectins, aujourd'huy plus éclairés fur les principes de la liberté, n'envifagent plus qu'en frémiffant. On remarque cependant que Guillaume Hf, lui-même, lorfqu'il fut queftion de rétablir la Province d'Utrecht dans 1'Union, fut le premier a reconnaitre la fouveraineté du peuple. Le Comte de Hoorne, qu'il avait envoyé dans la ville avec un détachement, opera, en vertu d'une Requête fignée de cinquante huit Bourgeois, un changement total dans la Régence, fit fit recevoir le fameux Réglement qui bouleverfa toute 1'ancienne Conftitution. Cette requête, publiée depuis peu, n'eft pasfeulement un morceau curieux par fa teneur, mais auffi par Pefpece de perfonnes qui la fignerent. Ces foufcripteurs, que Guillaume III appele les principaux Bourgeois, ne font pas tous des gens de loi ét d'étude, comme on y en rencontre en effet quelques-uns; mais la plupart étaient des con-  C 268 ) conditions les plus communes, des Tailleurs, des Cprdönniers, des Boulangers & autres de cette claffe. Guillaume III pouvait.il reconnaïtre plus authentiquement la puiffance fouveraine du peuple, qu'en s'ai.torifant d'une Réquifition de gens pareils, pour former un Réglement qui devait changer tout le fyftême de 1'ancienne conftitution? Telle eft forigine de la forme aéluelle du Gouvernement d'Utrecht. Cependant, quoique les Stathouders euffent acquis par ce Réglement la difpofitionde toutes les magiftratures vacantes& des Commiffions & autres dignités importantes, foit dans la Province, foit dans la généralité, ils n'ont jamais paru fatibfaits de cette prérogative précieufe. Dès 1'an 1747 Guillaume IV exigea que la préfentation des fujets a élire annuellement, ne fe fft qu'apiès l'avoir confulté préalablement. Pourconcevoir 1'importance de cette prétention, il faut favoir que le Stathouder a bien la difpofition de tous les emplois, ma's en faifant 1'éleétion entre deux fujets qu'on lui préfente, hors desquels il n'oferait choifir, pour ne pas tropalarmer les efprits, quoiqu'il en ait le droit: mais pour que dans cette préfentation il ne fe trouvat aucun fujet odieux ou fufpect, au Stathouderat, dans toutes les villes oh le Prince avait cette immenfe autorité , il avait en même tems un homme, honoré de fa confiance, è 1'infgu duquel on n'ófait difpofer d'aucun emploi & auquel on n'ófait en refufer aucun. A Utrecht on ne connait ce perfonnage que fous le titre odieux de Lieutenant. Stathouder. C'eft le fameux Mr. Pellers qui 1'exerce depuis longues années. Nous né répéterons pas ici toutes les anecdotes fcandaleufes que la fermentation aéluelle a fait répandre pour reDdie ce perfonnage odieux a la nation. Notre feuille ne fera jamais un dépót de perfonalités. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de dire que c'eft un fingulier perfonnage que ce Premier ou Lieutenant-Stathouder. Jamais Magiciens n'ont opéré des prodiges femblables. Sans paraitre dans  C »ÖQ ) dans les affaires publiques & fouvent fans aucun litre, fans influence,ni qualité politique,ils faifaient tourner toute la machine du gouvernement; ils diflribuaient k leur gré les faveurs ou les diseraces, les honneurs ou les affronts: femblables k ces fpectres invifibles que 1'ignorante crédülité nous peint comme fe plaifant a faire le tourment oule bonheur de quelques humains. L'empirede ces efpritsfollets était devenu d'autant plus infupportable, que la propagation des lumieres rendait leur exiftence plus problématique : 1'illufion fe diflipait avec le grand jour: 1'honneur, la confcience même s'indignait de leur injufte domination. Tous ceux qui paraiffent dans 1'aflemblée des Etats d'Utrecht font obheés de prêter le ferment que voici: Je promets & je jure de défendre & d'aider a dé. fenire 6? d maintenir tous les Privileges, Cbartes &• Droits du pays d'Utrecht & des trois ordres dont il eft, cornpolé ainfi que les coutumes anciennes, légitimes & bien confervées: d'aider, d'iffet 6f de con* feil d favorifer les intéréts gènéraux du pays, d'y avt/er & conclure pour le plus grand avantage £? bun étre, ainfi qu'il me par ultra convenable, fuivant mon jugement $ ma confcience, sains ai-fection, sa. s faveur , sans haine. Le culte des lutins, des farfadets politiques, ne faurait fe concilier avec Pobfervation reguliére d'un ferment auffi formel. Le Stathouder lui même ejt tenu , par le fun, de corferver & maintenir les habitans de cette Province dans leurs loix, privileges è' droits éf de les proteger cj défendre d cet égard contre toute violence du debors & du dedans. Les recommandations , fuites néceflaires de 1'exercice de 1'emp oi de Lieutenant Stathouder n'ont pas non plus une feule ombrede légitimitédans le Réglement. Tous les membres du Gouvernement font obligés d'en jurer Pobfervation. II y eft ftipulé, aue buit jours avant 1'éleEtion des Bourguemaïtres & Echevins, il fera fait par les Bourguemaïtres, Echevins 6? Con* Jeil de cette ville, une nomination d'un nombre dou* Lle de Bourguemaüres Echevins fcf que la préfen* tation  C 270 ) tation en fera falie au Stathouder, pour quHl choififfie dans ce nombre les Bourguemaüres & Echevins. \[ n'eft point ici queftion de lettres de recommandation. Le ferment prêté dans les Etats le profcrit hautement par ces mots, fans affeélion . fans faveur fans haine. C'eft d'après ces obfervations que l'on ófe avancer actuellement que, depuis 1'inftitution des recommandations, le Réglement de la Régence d'Utrecht a été continuellement violé de Ia part du Stathouder; que cette violation a délié les citoyens de 1'obfervance qu'ils y doivent; qu'ils font autorifés a demander une autre forme de gouvernement & le rétabliffement de ces anciens droits & prérogatives dont on jure de leur affurer le maintien depuis fi longtems qu'on les leur ravit. Mais avant de décider cette matiere délicate, h laquelle la Gueldre & I'OveryfTel font également intéreffés, voyons, quant a lOveryffel, les progrès qu'y font les non'ons Démocratiques, Ne perdons pas de vue l'affaire des Commiffions. Elle eft plus intéreffante qu'elle ne parait. La Province d'Overyffel offre un fpeétacle intéreffiint & curieux aux Pays-bas-Unis en particulier & k toutes les Républiques en général Depuis fix mois elle a été le théatre de plufieurs ■ événemens qui ont relevé le courage & 1'efpoir des amateurs de la liberté. On a déja vu Ie premier éclat caufépar l'affaire des Commiffions, qui paraifiait fi peu importante dans fa mture. A cette occafion la Commune-Jurée de Campen n'a pas été fatisfaite de la conduite des Magiftrars de cette ville. Elle a, Ie 28 du mois dernier, prisla Réfolution de lui témoigner fon mécontentement par lAdreffe luivante, déterminée a 1'unanimité des voix. La Commune-Jurée fe croit obligéedevous expofer.Nobles & Vénérables, qu'elle a appris par une Leitre de Mr le Baron de Capelle du Poll en da'e du 11 Mai de cetté amiée, que ce Seigneur avait fait paffer au Confeil & a Ia ' Cora-  C 271 ) « Commune des trois Villes principales de ceite Province, une Miffive, datée de Zwoll le 24 du mois pafte", relativement a la Collation fake depuis peu des Commiflions par le Prince Stathouder-Héréditaire. Le Corps de la Régence ne peut donc s'etnpêcher, mais il fe trouve obligé, Nobles & Vénérables, de vous téftoigner fon extréme furprife & fon mécontentement légitime, fur ce que vous avez, Nobles & Vénérables, pu trouver bon, non feulement de ne pas porter a leur con. naiffance & è leurs Délibérations, une Miflïye adreffée ft leur Affemblée , mais que vous, Nobles & Vénérables, loin de montrer, a Pexemple louable du Confeil & de la Commune Jurée de Campen & de la Commune-Jurée de Zwoll , vos difpofitions & votre zèle pour obferver & exécuter le Réglement de la Régence, & de Ie faire obferver & exécuter autant qu'il eft en vous, avez, au contraire, condefcendu è cette Collation irréguliere & méme révocable. La Commune-Jurée étant donc outrée non feulement de votre procédé, Nobles & Vénérables, mais particuliérement aufli des mefures & des entreprifes violentes faites & exécutées contre fon Corps & par la ayant plus de raifon de fe réveiller, porterait atteinte a ce a quoi elle eft tenue en vertu de fon ferment a la Bourgeoifie de cette Ville en qualité de fes Repréfentans Jurés & par-la de Proteéteurs & Défenfeurs de fes Droits & Privileges, au cas qu'elle laiffat paffer fans attention ou qu'elle approuvat par fon filence de pareilles démarches qui font certainement d'une conféquence trés inquiétante, démarches par lesquelles, vous,Nobles & Vénérables, donnezclairement a connaitre d'avoir le deffein de communiquer, auffi peu que poffible, avec la Commune Jurée des chofes qui regardent la Ville & de conclure toute chofe de votre propre autorité: Elle fe trouve en conféquence obligée, Nobles & Vénérables , de vous prier & de requ?rir de vous, de la maniere la plus preffante, de vouloir h 1'avenir prêter la main :\l'ob« fervation des Loix Fondamentales du Gouvernement. Et comme la preftation de Serment & 1'entrée effective en exercice des nouveaux Committés inftallés dans les Colleges refpedtifs, quoique trés révocables, a dérangé toute {'Affaire, que la faute n'eft, plus a réparer, &que les Actes délivrés ne peuvent plus, (ainfi que le Confeil & la Commune-  C 2?2 ) t mune-Jurée de Deventer l'auraient autrement demandé) érre reiirés; la Commune-Jurée attend néanmoins qu'avec 1'Aide du Confeil & de la Commune-Jurée des deux autres Villes, vous t4chiez, Nobles & Vénérables, de diriger les chofes de maniere que (laiflant aller certe Affaire cette année pour les raifons mentionnées) toutes les Commiffions Provinciales foient conférées le premier de Mai 1784 de nouveau & a tous égards, de la maniere prefcrite par le Réglement. La Commune-Jurée déclare ici avec Franchife & Liberté, qu'elle eft réfolue de ne plus permettre k cet égard d'infraction ni de connivence. La Commune-Jurée fe trouve auffi obligée, a cette occafion, d'expofer qu'elle n'a pas appris avec moins d'étonnement que vous, Nobles & Vénérables , avez décidé,' fans leur connaiffance & leur concours, au fujet de la pré. pondérance de Suffrage a l'Aflemblée des Etats, tout autrement qu'il n'a été fait dans les deux autres Villes Capitales, oü, nommément a Zwoll, les chofes de cette efpece font, k la demande & réquifition expreffes de Ia Commune, portées, comme il convient, a la connaiflance & aux Délibérations des Communes-Jurées. La CommuneJurée eft d'autant plus affeftée de cette négligence de votre part, que par-la on lui a óté 1'occafion de s'oppofer k tems a 1'A vis conciiiatoire de Mr. le Sénéchal de Sailand, portant ce qui fuit: (La fuite au N«. procbain.') J. A. Crajenschot, Libraire h Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite adtuellement, Remarques Jur les Erreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine, Maitre ez-Arts de l'Univerfitê de Penfylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Miniftre des Affaires Etrangeres pour le Congrès grV. Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M. Cerisier, gr. 8vo a 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladite Feuille. 1  L E POLITIQUE N°. CXXIII. LUNDI, ce 16 JUIN, 1783. Suite du CHAPITRE LXX. Sur le fort de la Démocratie dans les Provinces dt Gueldre , d'Utrecht & d'üveryjjel, & fur les mouvemens qui éclatent pour la rétablir & < renverfer les inftitutions qui s'y oppofent. Fin de l'Adreffe de la Commune-Jurée de Campen au Confeil de cette ville, La Commune-Jurée, venant a Pavis conciliatoira propofé par Mr. le Sénéchal deSallanddans la derniere affemblée des Etats, en fait 1'énoncé fuivant: „ i. Une furféance du droit q „ t Le Stathouder ne doit entrer en fonétion „ qua 1 a-ie de dix-huit ans accomplis " „ II. Le Stathouder fera dc Ia religion reformée, „ en _ fera profeffion publique , fera oblieé dè „ maintenir cette religion dc tout fon pouvoir & „ quant a la doctrine de la maniere qu'elle a 'A6 „ confirmée-dans le Synode national tenuaDorten „ 1718 & 1719." * ]I-1L^ur,°,riti Souveraine continuera de réfider * Aümla £?ob]efre & Jes Villes du Luché de Guel„ dre & Comte de Zutphen, comme auparavant „ & tellg quelic fubfifte préfeateraeut, fans que u  ( 279 ) „ le • Stathouder puiiTe s'en arroger la moindre " P me'Ladite Province continuera k confifter dans les trois Quartiers féparcs & dittincts de ï Nimeeue, de Zutphen & de VehvweLe Stat* Kef nè pourra Fdispofer d'aucune Charge ou " CoSflion tant au dedans qu'au dehors de la " P-övmce. II ne prendra non plus connaiflance " dêTa réception d'aucun Membre dans 1'o-dre de " la Nobleffe, & dans la Magiftrature des villes t de cette Province & n'y fera aucun changement. IV Le Stathouder fera obhgé de garder■ & d'obferver 1'Union faite entre les Alliés k Ut" recht én 1579, comme auffi toutes les Conven" tions&lesConcordatsdece pays; il aidera k mam" tenir tous les Privileges, lmmun.tés, Droits, " Sdonnances & Coutumes, dont jouiffentlaNo" Se , & les Villes en général ou cn particu- lier • & aidera dc méme a maintenir la Souve" rainèté de cette Province & la défendra contre tous ceux qui voudraient y donner atteinte. " V Le Stathouder étant a Arnhem ou autre part 'ril la Cour Provinciale fera affemblée, pourra y " prendre féance, & alors il y préfidera recuen" fera les voix, & en formera la concluf.on felou " 1'ordre ; & dans la fuite , quand il aura atteint l a" Le de chx huit ans; tous fes Acte , L-ttres & " Héneches ferort cxpediés au nom du S athouder J & des Confeillers, comme cela s'eft pratique au- " PaviV.aSi*dans la fuite quelque different! imprévu "enait k s'élever entre les trois Q^mcrs de cette !' Province, ou entre le Corps de la Noplefle & le Com des villes dans les Quartiers, Ie Stathou" der Ichei-a de les accommoder I l'amiable, ou " faute de cela, après avoir entendu les parties , ft % décidera fuivant ce qu'il jugera être plus cflnfor, me k la raifon & a 1'équité. . . -'" , , ' V VIL Le Stathouder fera auffi Capitaine Gfeg „ 'ral de toute la Milice^qui eft, ou qui fctttagj  C 280 ) „ dans cette Province, auffi bien qu'Amiral Géné. „ ral, autant que cela concerne le Duché & Com„té, & il fera obferver dans cette Milice le bon „ ordre & la discipline militaire. „ VIII. Le Stathouder Sc Capitaine Général ne „ pourra rien faire contre 1'ordre établi en i6?i >, par tous les Confédérés, touchant les patentes' „ la garde des Clés Sc pour donner le mot dans les' „ villes qui ont voix a 1'Aflemblée des Etats. II „ ha pourra point non plus changer les garnifons „ des villes de cette Province; mais le pouvoir de „ donner des patentes, ie de changer les garnifons „ demeurera è la dispofition des Quartiers', ou aux „ Seigneurs leurs Députés ordinaires; Sc la aarde „ des Clés Sc le droit de donner le mot, refteront „ aux Magifirats ayant féance aux Etats, comme cela fe pratique a préfent. „ IX. Le Stathouder & Capitaine-Général ne „ pourra point conférer les charges de Gouver„ neurs, Commandans , ou Majors des villes ou „ fortereffes de ce Üuché ou f'omté. „ X. Le Stathouder & Capitaine-Général ne „ pourra non plus dispofer d'aucune charge militai„ re appartenant a la répartition de cette Province„ mais en tems de guerre, & faifant la campagn»' „ il pourra conférer les Charges militaires qui vien„ dront a vaquer pendant la Campagne feulement. ,, XI. On donnera au Stathouder & Capitaine„ Géneral un Régiment d'Infanterie , qu'il pourra „ choifir entre les Régimens a préfent répartis dans „ cette Province, qui fera nommé le Régiment du „ Stathouder, le Colonel retenant néanmoins les „ apointemens de Colonel pendant fa vie: mais le „ Stathouder aura d'abord & retiendra enfuite la „ dispohtion de toutes les places qui viendront k „ vaquer dans ce Régiment, fans aucune excep„ tian;,a condition cependant qu'il préferera les ,, Onginaires du pays aux Étrangers, & qu'il fau„ dra qu'ils ayent 24 ans accomplis; & les Com„ miflions militaires feront expédiées par les fecré, » tal-  ( 281 ) „ taires des Quartiers fuivant 1'ufage établi préfen,, tement. „ XII Le Stathouder & Capitaine-Général aura „ la penfion annuelle affectie è ces fortes de Charges : k favoir cinq-mille-neuf-eens florins , a , prendre fur les Domaines de cette Province; & outre cela, il aura en qualité de Stathouder de cette Province , fon contingent des rélevés des " fïefs & de leurs expéditions fuivant le reglement „ fait k ce fujet. „ XIII. Le Stathouder & Capitaine-Général ne „ pourra demander aucun changement dans la pré„ fente inftru&ion, foit pour le tout, foit en par„ tie, ni a la Province en général, ni a aucun de „ fes Membres en particulier. Et quand il fera par„ venu a 1'age de dix-huit ans, il fera tenu de figner „ cette inltruction avant fon inftallation & de faire „ la-deffus ferment dans 1'affemblée." C'eft ainfl que les Gueldrois limitaient les prérogatives du Stathoudérat en 1722, pour éviter le reproche de facrifier leur liberté è cette dignité. Voulant excufer leur conduite aux yeux des Hollandais, ils alléguerent pour raifon qu'il était plus prudent & plus für d'admettre Ie Stathoudérat dans un tems de calme, afin de limiter a loifir fon autorité, que d'attendre des fcenes pareilles aux défor. dres de 1'année 1672, oh il faudrait tout facrifier a r.anarchie,& a la fureur de la populace. Les Gueldrois devaient donc s'attendre , au renouvellement de ces fcenes d'anarchie. a n'éprouver aucune révolution politique, ou du moins a être mieux traités que les Provinces qui n'avaient accepté le Stathouderat qu'avec répugnance & par la violence populaire. Le contraire eft cependant arrivé. Les principes de modération, de reconnaiffance, tout a été facrifié k la puiffance Stathoudérienne. Elle s'eft prévalue de ces difpofitions, a proportion qu'elle a trouve ies efprits plus ferviles. Elle n'a pas ófé fe roidir oh elle a trouvé des ames plus fieres cc plus jaloules de leurs droits. Delk 1'immenfe S 5 dif>  C 282 ) différence entre les prérogatives da Stathouder ca Hollande & celles qu'il poiTede en Gueldre. On n'a mis d'obftacle k Hmmenfe autorité du Prince, que dans un feul point. 11 eft ftipulé qu'il ne pourra nommer aux emplois que des perfonne» pourvues des qualïtés requifes par les loix du pays. Encore ce Réglement a t-il été enfreint dans ce point eftentiel. „ Combien de Bourguemaitres s'écrie a cette occafion un ouvrage qui pour étre profcrit, ne laiffe pas de contenir quelquefois des informations affez ftlres, „ combien de Bourgue„ maïtres;" dit il a Son Alteffe,., avez vous, depuis „ votre inftallation dans le Gouvernement, fait en„ trer dans les villes de Gueldre & ailleurs, contre „ les privileges des villes & du pays? Combien „ qui n'avaicnt pas 1'age requis, qui ne pouvaient, „ k raifon de leur grande jeuneffe, prêter le fer„ ment ordinaire? Combien rempliflaient des places qui les"excluaient de la Régence?... Pour„ quoi laiffez-vous dans les villes de Gueldre les „ Colleges de la Commune Jurée, ce feul & der„ nier rempart des Bourgeois & de leurs privileges, „ tombcr dans la décadence, le mépris, Je discré,, dit, & s'éteindre?" On voit par cette exclamation que les places même des Communes Jurées font conférées en Gueldre abfolument par le Prince & qu'elles n'y ont pns même, comme en Overyffel, aucune part dans l'Eleétion des Magiftrats. Le Prince peut conférer toutes ces dignités fans aucune nomination préalable. II peut faire entrer dans le Corps Équeftre qui lui plait. Pour comble d'infortune, il eft ftipulé k la fin du Réglement que „ le Stathouder aura la faculté & le plein-pouvoir d'interprêter, d'augmenter ou de „ changer ce Réglement ou les articles d'icelui, „ fuivant qu'il jugera a propos pour le bien & Je „ fervice du pays "Ainfi le Stathouder s'eft conftitué Legiflatcur & Defpote Suprème en Gueldre, ce qui eft affurément le plus haut dégré de pouvoir que l'on puifle accorder k un Souverain : Pouvoir qui, conféré a un feul homme, détruit toute loi fondamen- tale  C 2S3 > tale & que je ne fiche pas qu'un Monarquemóme de France ait jamais óle s'arroger ou fes fujets lui attribuer. II n'eft donc pas étonnanc qu'en fe rappelianc combien ce Reglement eft contraire h l'inftruclion de 172a , que le Stathouder avait juré de mainrrir dans tous fes points , Ia maniere dont il a été introduit, les infradlions même qu'on y a faites, les articles deftruétifs de toute liberté qui s'y trouvent , & furtout les privileges flaneurs & précieux dont jouiffu'ent autre-fois les Communes de plufieurs villes; les citovens commencent a en révoquer en doute la validité. Ceux de Arnhem & de Zutphen, foutenus de leur Communes-jurées, ont déja commencé è faire des reclamations: les Requêtes préfentées è ce fujet aux Communes jurées , difent pofitivement qu'elles ne regardent point le Réglement de 1750 comme légitime dans tous les points. O - fait comment les Magiftrats de Zutphen ont accueilli ces efforts patriotiques ; nous aurons occafion d'en parler une autrefois. . Suite du CHAPITRE LIX. Sur les Confe'quences funeffes qui auraient réfulti pour 1'Europe d'une reuman de i'Amérique d L'Angleterre. L'imputation, faite par ïAntagonijle de< Penfèes d'une tête froide, aux Réfugiés Américains d'avoir caufé tous les malheurs de 1'Angleterre, n'eft que trop fondée. Ce que, dit a cette occafion , un de nos papiers nouvelles mérite d'être remarqué. Au milieu, dit-il, de la fituation flcheufe oüfe trouvent les LoyaIif:es Américains ,ce qui doit les toucher le plus, c'eft qu'on leur reproche a jufte titre d'avoir été la principale caufe de Ia Guerre, en trompant le Gouvernement & les Commandans Britanniques par de faufles efpérances & des rapports exagérés. Soit que ces impoftures ou ces exagérations aient du s'attribuer a un zèle bien-intentiouné mais imprudent & aveugle, ou que les paiïïons de la haine & de Ia vengeance leur ayent donné naiftance, en étouffant tout fentiment de délicatefle fur les moyen* de  C 284 ) de parvenir a leurs fins, il n'eft'que trop cenaia, ma ces attente? trompeufes ont induit le Miniftere & les Gé. néraux Anglais a la plupart des démarches mal-concues" qui ont enfin mis la Cour de Londres dans la dure né'. celïïté de reconnaltre 1 Independance des Treize-EtatsUnis. C'eft a elles fur-tout que le Comte Cornwallis a" imputé fa tntte caiaftrophe. Le Chevalier Henry Clinton ayant publié un Narré de fa conduite, particuliérement pour ce qui regardé la Capitulation de York-Town, Mylord Cornwallis y a oppofé une Réponfe, a laquelle Sir Henry Climon a répliqué par des Obfervations. Dans cette Réponfe de Mylord Cornwallis l'on trouve entre autres les paflages fuivans. Pag. 3., & 4. „Nos efpérances de fuccès dans des opérations offenfives n etatent pas fondées uniqnement fur le» effort» du Corps fous mon commandement immé.iat qui ne paflait pas de beaucoup le nombre de trois mille 'hommes , mais prmcipalement fur les affurances les plus pofitives, données par des Députés & des EmilTaires,qui avaient toute 1'apparence d'éïre dignes de foi, „ que,lur „ 1'apparition d'une Armée Britannique dans la Caroline„ Septentrionale, un gros Corps d'Habitans ferait prét a „ la joindre & a coopérer avec elle, en tacbant de ré„ tablir le Gouvernement de fa Majefté." Page 5. „Le manque inattendu de nos Amis rendit la viaoire de Guild/ord peu profitable. Je fc er*  ( 28S ) „ effort pour ob-tenir la libeité de les vendre dc „ la maniere la plus avama^eufe k des marchés „ divers ainfi que les autres nations chercheront k „ les acquérir?" „ Cet Ecrivain eft tellement froid qu'il ne We „ pas a penfer. Quelque chaleur dans 1'imagint 3, tion nelui ferait cependant pas inutile; elle of„ fnrait k fon efprit une variété d'obfervations oui „ ne s y font jamais offertes. Trois millions d'Amé„ ricains & toutes les nations de PEurope ont au„ tant de droit aux faveurs communes de Ia Pro. » v'dence que les habitans de 1'Ifie appellée la „ Grande Bretagne, dont quelques uns ne feraient „ pas facbes dacquerir la monarchie univerfel„ le. Les Américains ont autant de droit a la „ jouiflance de la terre, de Fair & des mers que „ les Bretons. Qui peut les avoir autorifés a tenir „ leurs freres fous le joug odieux du monopole & a les empêcher de participer aux avantages „ aes autres humains & k leur fermer I'entrée des „ leurs 1 Le Createur a t-i] formé cette partie du ,, g.obe pour lufage de 1'J/le Britannique exclufi„ vement? Cette idéé peut venir d'une tète froide m ma,s donc le cerveau eft bien étroit. Heft encore M une autre obfervation que trop de fang froid m °u "°P de chaleur empéche fouvent de faifir ,. La Grande-Bretagne, féparée de 1'Amérique, al „ clans le cours de cette guerre, déployé une miffó „ de pouvoir & de reflburces, gUdeinent fupé„ neure, fpécialement fur mer, ace dont les au„ tres Puiflances maritimes Fauraient jugé capable. „ De fon cóté 'Amérique. féparée de Ia Grandel „ Bretagne a deveioppé une maffe de pouvoir & „ de moyens dix fois au deffus de ce donr au" jU o6 Pu,ffance en Kurope, fans excepter la Gran„ de Bretagne, I aurait jamais foupconnee. Voilé „ de; x découvertes qu'ont fait les autres Krats ma„ nnmes. Ils voyent, jusqu'a la démonftration, „ que fi Ja Grande-Bretagne & I'Amérique euffent „ pu le réumr fous la même domination, c'en était „ fait de la liberté des autres nations fur mer Tout „ le  ( 287 ) „ le commerce & la navigation du globe aurait été abforbé par le defpotifme infatiable de cette Ifle. " En conféquence , les Princes de 1'Europe font una. P nimement intéreffés & détermmés ö s oppofer " a cette dangereufe coalition. Quand meme les Américains s'y préteraient, ce qu'on ne faurait iamais attendre, les Puiffances de 1'Europe ne le permettraient pas- Pour quel objet donc les Au* alais facrifient ils leur fang & leurs tré/ors? *J£h, dit 1'Auteur des penfées d'une tete froide le commerce des cótes, celui de la Baltique,de la Méditerranée, fcf le commerce qu'ont les Anglais avec les mtres nations, fur leur propres batimens, pourra t il leur fournir des matelots fuffifamment pour entrelemr une marine capable de protéger les Isles.Britanmques Uur commerce 9 D'après cette fuppofition, la Grande-Bretagne n'aurait d'autre commerce a protéger que celm des cótes, que celui de la Méditerranée & de la " Baltique; & dans ce cas, elle pourrait maintenir " ce commerce auffi bien que la Hollande & lePortuzal défendent le leur, & de la même maniere. " C'eft a quoi elle fe verra certainement réduite, " li elle continue cette guerre , encore quelque " tems Si le Congrès Américain prenait la refolution'd'interdire rigoureufement 1'importation des " manufaétures Britanniques, foit direftement foic " indirectement, de quelque partie du monde qu el" ie viennent, cc qu'il fera probablemenc obli" zé de faire, afin d'affaiblir les Anglais & de " renforcer fes alliés; ils verront, s'ils perfiftent dans' cette guerre, les fources de leur commerce " fe tarir, ces canaux précieux couler dans d'autres " lits. leurs matelots diminuer & fe fondre k me" furé que ceux de leurs ennemis augmenteront " chaque jour au point de les fupplanter partout. " Voila comment 1'Angleterre fe prépaie elle" même fes maux & fa ruine,fi elle s'obftine acon' tinuer la guerre." '  ( 288 ) Le nombre de fes marins, continuera*t-il fur le mêmef ii, dit PAuteur des penfées d'uce Tete froide, s il faut que fes manufaSiures, éprouvent le double défavantage de recevvir leurs matierespremières d des prix plus bauts Qf qu'elles vendent les matieres fabriquées d meilleur marcbél „ Je fuppofe, repond l'Antagonifte, que les An„ glais feront a méme d'acheter Jes matieres pre„ mieres de I'Amérique auffi bon marché que Jes au„ tres nations. Aspireraient-ils donc k recouvrer „ leur monopole de maniere a empêcher toute au>» tre nation de tirer directement les produdtions „ Améncaines ? Voudraient-ils empêcher les Amé»» ïic?ins de fe procurer les manufaétures, les pro„ ductions & les autres marchandifes des autres na„ tions ? Examinons cette prétention de fang froid." (La fuite au N». procbain.) j. A. Crajenschot , Libraire k Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite aétuellement, Remarques fur les Érreurs de L'Histoirï Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal, par rapport aux Affaires de I'Amérique Septentrionale &c. par Mr. Thomas Paine Maitre ez-Arts de l'Univerfité de Pen/ylvanie, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Titre de Sens Commun , Minilire des Affaires Etrangeres pour le Congrès &c. Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A M. Cerisier , gr. 8vo k 18 fois. On les trouve auffi chez les Libraires, qui diftribuent ladita Feuille.  L E POLITIQUE N°. CXXIV. LUNDI, ce 23 JUIN, 1783. «4b ' Suite du CHAPITRE LIX. Sur les confêquences de l'indépendance Amèricaine & particuliérement jur les fuites funejtes qui auraient rêfulté d'une rêunion de 1'Amérique avec l'Angleterte. Combien de peines s'eft donné 1'Angleterre avant la guerre, pour empêcher les ' Américains de communiquer avec les autres par" ties du globe, dans un tems que leur efprit éprouvait toute cette pufillanimité qui carafterife eflentiellement des Colonies foumiles au Mono" nole lorsque les Marchands Américains n a" vaient encore voyagé qu'en Angleterre; lorsqüe les capitaines de leurs vaiffeaux & leurs mate* lots ne connaiffaient pas les cótes de France, & ou'on ne celTaic de leur inculquer qu'elles étaient " difficiles & dangereufes? Avec tous ces avantar gesties Anglais ont-ils été en état d'arrêter les " nroèrèsde la navigation Amèricaine? Mais qu eft" Rrfvé depuis que la guerre a éclaté? Les jeu, " nes negociat's de I'Amérique font venus en foule " c^tou^partiesdèsEtats-UmsaborderenFran, Tomé v. r »ce  ( 290 ) „ ce & en d'autres contrées de 1'Europe; ils ont „ étudié les befoins de la France & les retours „ qu'ils pouvaienc en tirer ; ce calcul & cette balan„ ce onc pris dans leurs livres de compte une pla„ ce dunt les rraces ne pourront jamais s'effacer. „ Tant de Capitaines Américains connaiffant donc „ toute la cóte de France, au point d'y faire en,, trer des vaiffeaux partout ils veulent, fans même „ le fecours de pilotes ; leurs médecins, leurs „ théologiens & leurs jurisconfultes ayant voyagé en France, formé des liaifons avec les hommes de lettres & établi des correspondances qu'on ne „ faurair%plus détruire : enfin les marchands& les man'ns de I'Amérique ayant eu occafion d'explorer les criq :es, les bayes & les havres de 1 A„ menque elle même, dix fois mieux qu'ils ne Fa„ vaient fait auparavant , afin de fe dérober aux „ frégates & aux autres vaiffeaux de guerre Bri,, tanniques; après tout cela, pouvons nous fup„ pof r de fang froid, que les Anglais pourraient „ jamais recouvrer leur monopole rx empêcher la ,, co:itrebande? Si les Anglais devaient conquérir ,, I'Amérique, fi elle devait fe foumettre (fuppo„ fitions les plus extravagantes qu'on puiffe faire) „ ü n'eft pas de Commis de Douane , pour peu „ qu'il foic de bonne-foi, qui puiffe opjrier que les „ Ang'ais foient jamais en état d'exécuter encore „ 1'acte de navigation en Amérique. Cinquante „ milie hommes de Troupes réguüeres, poftés le j, long des cótes, & cinquante vaiffeaux de guerre ,, conftamment en croifiere, dépenfe qui excéde. „ rait infiniment la valeur du Monopole, tout s ces ,, précautions n'opért raient rien tl ne faut nas fe „ faire Plufion 1 la Grande Bretagne ne peut faire ,, des miracles; & dès que fon nv.mopole eft perdu „ fans efpoir, pourquoi continue* telle la guerre? „ C'en eft fait des mate'ots que ce monopole lui „ aflurait ; la meilleure politique qui lui refte a ,, fuivie eft d'imiter la générofité, la magnanimité „ de la France: elle n'a pas d'autre moyen d'empê- „ cher  C 291 ) „ cher les Américains de fe procurer des avantages „ qui lui feraient funeft.es-, c'eft en s'obftinant è „ pourfuivre cette guerre, qu'elle confoinmera fa „ propre humiliation & leur triomphe Chaque jour, les diverfe- p.rties de I'Amérique forment „ avec la France, 1'Efpagne & la Hollande, de „ nouvelles liaifons Civiles, politiques, militaires, „ lictéraires, mercantiles & navales; il n'y a que la „ paix qui puifle y mettre un frein. „ A quoi peut tendre la perfpeftive alarmante de „ la perte des matelots pour la Grande-Bretagne? „ Si c'eft pour 1'engager a continuer la guerre , „ cette idee n'eft elle pas également propre a por„ ter fes enne nis au métne but? Ils fe regardene ,, comme deltioés a acquerir tout ce que la Grande„ Bretagne doit perdre; & I'Amérique fera celle „ qui gagnera le plus. En fe laiflant fubjuguer, „ elle voit au contraire non feulement la perte de „ tous ces avantages, mais celle encore de fa liber„ té,de fes meilleurs marinsöt,pour combled'amer„ tume, la perfpeftive d'une exiftence flétrie par „ lahonte. La France, 1'Efpagne, la Hollande & „ toutes les autres puiffances maritimes auront une part a tous ces objets , fi la Grande Bretagne „ vient a en efluyer la perte. Elles ne perdront pas feulement cette portion ; mais la fureté & „ 1'exiftence de leur pavillon feront encore expofées aux plus grands risques, fi I'Amérique devain retourner fous le joug Britannique & 1'AngU terre „ recouvrer fon monopole fur le commerce, la pêche & la marine des Ëtats-Lfois. „ Jettons encore un coup d'ced fur quelques imes „ des funettes conféquences de la conquête de 1'A' mérique de la part de la Grande-Bretagne. Uni ', multitude d'hommes les p'us favans, les plus habiles & les plus refpeftables dans les treizeEtats' Unis, feraient réduits a chercher une autre patrie. Quelques.uns romberaient entre les mains des " Anglais; il yen aurait qui dédaigneraient depren" dre la fuite, mais qui rcfteraient pour renouvel" Ta „ Ier  C 292 3 „ Ier aux yeux du genre.humain Iefpectacle desSydj, ney & desRufTell; cependant il y aurait des émi,, gratiors conüdérables. Quelle ferait , dans ce „ cas , la conduite politique de la France & de „ 1'Efpagne? Ne fomeraient-elles pas immédiate- ment des Brigades Américaines, comme elles en ont „ formé d'Irlandaifes? Ces deux pays ne feraient„ ils pas 1'azile naturel des officiers & des foldats „ Américains ? N'entretiendraient-ils pas conttam„ ment correspondance & commerce avec 1'Améri- que? Ne fo menteraient-ils pas dans leur patrie une ,, dispofnion perpétuelle a la révolte L'Angleterre ne ferait elle pas réduite a y entretenir conftam„ ment pour conferver fon autorité plus de vais« „ feaux & de foldats qu'elle n'en a employés pour la recouvrer? „ Les Anglais ont entrepris la guerre la plus „ abfurde qui foit jamais entrée dans 1'efprit d'êtres ,, raifonnables. Leurs fuccès même leur font fu„ neftes; maïs avantageux a I'Amérique. S'ils pren„ nent une ville, ils y font naitre la haine contre „ eux; & le commerce qu'ils y ouvrent fait pas„ fer aux Américains les fecours dont ils ont be„ foin; les foldats Anglais apprennent aux citoyens; j, même aux plus petits enfans, toutes les bran„ ches de la tactique , la discipline, les manoeuvres des troupes , les évolutions de la cavalerie , de 1'artillerie &c. Si leurs vaiffeaux de guerre & leurs corfaires prennent des vaiffeaux Américains , cela ne fert' qu'a former des offi„ cicrs de mer & des matelots pour I'Amérique; , ils apprennent, même en captivité, a fe perfectionner dans toutes ies branches du fervice de 5, mer. Si les eorfaires Américains prennent des „ matelots briranniques, ceux ci trouvant chez ces „ nouveaux maitres, du bceuf, du pouding, de la bierre &C. s'enrólent avec ardeur fous leurs dra,, peaux. Que les Anglais continuent : qu'ils con„ fomment i'ceuvre éclatante de la deftruétion „ pour eux, de la gloire de I'Amérique & du bon- „ heur  C 293 ) hcur de 1'humanité. Ce délire eft dans 1'ordre * 5e la Providence. Voila des idéés prf*»™" ;,' cfialeur ; mais pourquoi mon antagonifte eft il fi "Sfparlait en 1780 1'Auteur des Lettres éerites con "e £ Penfées d'une tête frou.t, du Sieur Galloway un des Réfugiés auquel les M.mftres Ar, r2 accordaient d'autant plus de confiance , qail S -inal i Vavanf-ee d'avoir été membre du pre. LTconirS,dis talens littéraire», diftmgués. C GallS que Sir William Howe appelleun rLVp. r de föttifes fa Nugatory Informer; eft le Sme qu^acompofé ces fameufcs OtólWIW*, ob V^n accufaitT Duc de Richmond, d'afp.rer è la RovaS & Charles Fox d'une confpirat.on pour foSr lMnfurreftion Amèricaine & s'emparer, Smmè un autre Catilina, des rênes du gouverneSeTBritannique. L'événement a montre combien Ca loway " eft mépris dans toutes les cönjeftures ftr fAmérique; & qu'un Apoftat eft toujours un rnauvais confeil er. Des événemens anroncés par des SrpSclairé5& Plus judicieux ont montre que fon Ant gonjL ne lui eft'pas moins fupéneur par les lumieres & les raifonnemens., que par a'fidélité 1 fes orinc pes & par le róle brillant qu',1 joue fur leS fe politique. II eft vrai que les Lettres élrAntag nilfe des Penfêes d'une tête froide n ont mm que 1'année derniere, lorfqu'on commenc, è &ct Hndépendance Amèricaine comme jj bafe SiTaire de la paix dont on avait le plus picilant befoï Mafs lespe?fonnesqui aiment a s'mftruire, to d^ant plSs charmées de tréuVer ces piece  C 294 ) Plénipotentiaire dont il était revêtu pour faire la paix. On fera charmé de trouver dans ces feuilles la collection d • tout ce que ce grand hommeacompofépour la cjufe de 1'humanité au nom del'Améri. que. Nous prions tous ceux oui auraient d'autres lambeaux de ces Lettres intéreffantes, de vouloir bien nous les communiquer. CHAPITRE LXXL Sur 1'AdrrJJe de Mr. U Fiancq van Berckbey d fet Cn itoyens &f la convenance d'incurporer les Compagnies de Volontaires avec les anciennes milices Bourgeoifes. Si Mr le Francq van Berckhey eüt borné fon travail a des obfervations fur les milices volontaires, è la maniere de les incorporer avec les anciennes, afin d'attirer infenfiblement tous les Bourgeois aux mêmes exercices & aux mêmes devoirs ; ce qui don être le buc de ces établiffemens patriotiques; il aurait pu éclairer fes concitoyens & mériter de fa patrie. Mais au lieu de travaüler a cet obiet falutaire ,fi propre a rétablir laconcorde& renforcer 1'union qu'il recommande, il n'employe les reflburces les plus fubtiles & les raifonnernens les plus dangereux que pour introduire la difcorde & allumer la guerre civile. Nous aurions été d'autant plusportes a prendie fon parti, que les voies de fait , toutes juridiques qu'elles puifllnt paraitre contre ceux qui fe funt bornés a des écrits, ne fauraient jamais nous plaire ; & que nous n'avons vu nous mêmes qu'avec inquiétude l'érecfion des Com. pagnies Volontaires. Nous femblions déja prévoir que dans ces tems orageux & critiques il s'éleverait des artifans de difcorde, des le Franco van Berckhey, qui peindraient fous un jour odieux & chercheraient a empoifonner les louabies efforts de leurs concitoyens, en formant des fociétés particuheres pour s'exercer dans les armes-. Cependant nous  ( 295 ) nous n'aurions jamais penfé que Ia vengeance & Ia méeianceté euffent imaginé des comparaifons auffi odieul'es & dératuré les faics les plus connus d'une maniere auffi révoltante que 1'a fa,t Mr. van Berck1 ey; pourdécrier des inftitutions & des perfonnes qui lui déplaifaient. II a bien droit, fans doute de conferver du reffentiment des affro as qu'on lui' a fait dévorer dans la lice polémiouc oh il a ófé s'eitiyer. Ses Adieux d Ion Fils & fon P ëme fur le Dogger: banc lui ont attiré des Critiques affez cruelles pour allumer le fang d'un homme moitïs bilieux. Mais pourquoi ne pas attaquer direéiement fes Antagoniftes ? Pourquoi <.hercher k fes ennemis des querelles qui n'ont rien de commun avec l'objet de fon reffentiment? S'il vryait dans les Compagnies de Volontaires des i o mvémens & des dangers, pourquoi ne pas les montrer fans recourir k des perfonalités tiifficile': a prouver & étrangeres a la queftion? Avant de m'ttendre fur cette affaire, il contient cependant d'expofer mes idéés fur 1'érection des Compagnies Volontaires qui a donné lieu k cette malheureufe querelle. U y aurait beaucoup a dire fur cet objet; maü j'ai cru, que 1'événemem raconté dans la Lettre fuivante , donnerait de meilleurs éclairciffemens que tous les raifonnemens abftraits & les obfervations politiques qu'on pourrait faire. Lettre d'un Lyonnais au Politique Hoilandais. Monsieur l „ Je n'ai pas vu d'un ceil indifférent la maniere flatteufe dont vous parlez de mes Compatriotes, dans le N°. CXX de votre feuille. J'ai cru que je ne pouvais mieux vous prouver combi™ j'étais fenfible k la gloire que vous faites rejail'ir T 4 »  t 2£>6 ) , fur eux aux yeux de vos Concitoyens, qu'en ], vous fourniffant, fur le fujet que vous a porté k „ en faire mention, des détails qui peut-être ne „ feront pas inuriles aux Hoilandais" '„ Je ne remonterai pas a 1'antiquité de Lyon, , aux prérogatives de ville libre & impériale dont ,', elle a joui autrefois & aux privileges dont elle ' conferve encore quelques débris, heureufement échappés aux progrès de 1'autorité Royale en „ France." „ Entre ces privileges, fes Bourgeois confervent ,, encore celui de fe garder eux-mêmes, Ce privi» , lege eft d'autant plus précieux que jufqu'a 1'é„ change du Marquifat de Saluces en 1601; Lyon était exaclement frontiere du Royaume, puilque „ la mojtié d'un de fes Fauxbourgs étant de la Pro- vince de Breffe appartenait au Duc de Savoye. ,, Lyon n'a dans fes murs de troupes régulieres que la Compagnie du Régiment Lyonnais qui garde les portes & qui, comme k Amfterdam, eft k la „ foldc & fous le ferment de la ville. Ainfi que „ lesmeilleursinftitutionesau maintien desquelles on „ ne porte pas un ceil attentif, la milice Bourgeoife était combée dans la plus grande décadence. Jamais, cependant, il n'était venu dans 1'idée d'aftbcier a cetl, te milice quiconque fe trouvait en chambre gar, nie, au mois de May. On ne forcait pas, com', me a Amfterdam, toute perfonne, les étrangers l, même qui fe trouvent dans ce cas, de prê„ ter ferment en cette qualité & de payer „ en fuite une contribution arbitraire , pour être „ difpenfés d'en exercer les fonctions. Ce qu'il s, a de für, c'eft que peu a peu les bons & hon5, nêtes Bourgeois qui faifaient la force & la gloire de ces milices, s'en étaient retirés, comme k „ Amfterdam: il n'y reftait plus que le bas peu. ., ple qui , pour un vil falaire , était chargé de la défenfe & de la garde des Citoyens. Ön ne „ connaiiTait plus ceux qui compofaient ces mii9 lices que fous la dénominatioa injurieufe de „ Gar-  ( 297 ) Garrots. H fallait quelque chofe d'extraordinaire " nourles tirer de cet avilifiement. II était cel que, V lorfque la patrouille du guet rencontraic la milice " Bourgeoife, il prenait le pas fur elle. Les Bourgeois ayant oublié, leur ancienne gloire avaient nerdu leur énergie. Heureufement que les Capi" taines de ces milices Bourgeoifes étaient encore , comme en Hollande, choifis dans la claffe des " Citovens les plusrefpeftables. En 17C6 Mr. Co" lomb , étant Capitaine d'une Compagnie , mar" chand de foie en gros, ne put yoir cet avihnement d'un ceil indifférent; mais 1'ardeur de le faire difpa" raitrene luifit pa^'oublierlesreglesdela prudence. " Ses affaires, fon commerce, fes talens, fon inté" grité lui donnaientune grande influence. 11 ré" folut'de la mettre a profit pour rétablir ila mi" lice Bourgeoife dans fon premier éclat. il con" voqua chez lui les principaux Bourgeois de fon quartier. II s'étendic fur 1'affront qu'ef" fuvait fa Compagnie. II montra que cette ïn" fuite retombait fur tout le Corps de la Bour" geoifie. II fit voir qu'elle devait s'attendre a céder " ignominieufement le pas, tant qu'elle n'aurait pas " des Repréfentans plus en état de la faire refpecter. " Vovant que ce difcours faifait imprefiion; eh " bien ces Hépréfentans plus refpeftables que je ** " réclame, c'eft vous, Mefiieurs; vous apparte" " ntz a ma Compagnie ; mais je renonce volon" " tiers au droit que j'ai de vous y appelier; je ne " ' veux pour compagnons de mes travaux pa" " triotiques que des hommes de bonne-volonté; " " ceux d'entre vous qui voudronc parcager les " " exercices qui appartiennent a la milice Bour" " geoife, n'ont qu'è fe déclarcr: fi pour mieux " " exciter le refpecl: & 1'émulation , ils jugent " qu'il ferait utile d'adopter un uniforme; déci" " dez vous promptement." " Ce difcours énergique fit l'impreffion la plus „ étonnante. La propofition fut re§ue avec apT s v> Plau-  „ plaudiflement. G\i adopta l'uniforme, on vola „ aux exercices, les premiers entrafnerent un plus grand nombre ; les Compagnies des autres qüar„ tiers qui avaienr d'abord regardé cette innovation comme un enthoufiafme éphemere qui s'éten. j, drait fans laifiér de tracé, voyant qu'elle prenait une confiftance refpeétable & frappé* du coup u'ceil de 1'uniforme, fuivirent a 1'envice premier exernple. La patrouille du guec ayant alors ófé difpüter le pas, trouva une réü,j ftance courageufe; la conteltation devint tres ,, vive, elle fut portée a la Cour de France En„ vain le Capitaine du guet fit valoir la nobleilè „ de fon extraétion , 1'bonneur du Roi intéreiTé au maintien des foldats de police plus qua ce„ lui des, milices Bourgeoifes; tout fut inutilej „ la Cour fentanr les avantages qu elle pouvait ti. „ rer, en cas de befoin , de 1'enthoufiafme miiïtai„. re répandu dans la Bourgeoifie des villes, & „ trouvant les titres des Bourgeois inconteftables & foltdes , prononga en leur faveur. Ainfi Ia „ Cour de France que l'on fe p ait è peindre com„ me ]e plus arbitraire & le plus defpotique des j, gouvernemens, n'a pas jugé dangereux, ce que „ des cfprits étroits ou mal intentionnés ófent, dans une République, m'a-t on dit, repréfenter ,, fous un jour odieux." Oepuis cetems, les Compagnies Bourgeoifes „ a Lyon continuent de fe rendre refpedtabies, „ par 1'exaétitude a remplir les fonélions établies „ par cette rdgénération. Les Bourgeois eux„ mêmes conviennent avec le Capitaine du jour „ & de 1'heure de ces exercices; ils fe fent ordinai„ rement dans les valles enclos de quelque cou„ vent; les principaux y font porter leurs armes „ par leurs domeftiques; mais il faut des caules fon„ dées & graves pour fe difpenfer d'y paraitre. 3, Les Capitaines & les Lieutenans font toujours „ choifis  C 299 ) „ choifis dans 1'élite des Bourgeois. Les autres „ emplois fubalternes , comme ceux de Caporal & „ de Sergent , font abandonnés a la claffe qui „ compofait 1'ancienne milice. On voit ces capo„ raux, tirés de la claffe des joumaliers, exercer „ publiquement ces mèmes Bourgeois qui leur don„ nenc de 1'ouvrage & leur procurent du pain. „ On voit ces Bourgeois leur obéir ponctnelle» „ ment & , après 1'exercice , leur faire des diftri„ butions pécuniaires pour la peine qu'ils ont prife „ de les exercer. Perfonne n'a cru devoir s'affran„ chir de ia garde. Ils fe rendent chaque jour, en „ uniforme & dans 1'appareil militaire, au pofte „ affigné. Une collation décente, mais fans dé„ licateffe , les y attend. Aucun n'eux ne rou„ git de faire Ia garde, le fufil fur i'épaule, „ chacun dans Ie pofte , oh il a été diftribué ; „ ainfi la Bourgeoifie ne paraft pas feulement li „ pour la forme. Au moindre bruit, a la première „ alarme, on forme des détachemens pour vo„ Ier au lieu du danger. Ils font quelquefois des „ évolutions militaires , de fimulachres de batailles „ & d'attaques; & des connaiffeurs ont été furpris ,, de 1'habilété & de la précifion, avec les quel„ les ils exécutent dans ces occurrences les ma„ nceuvres militaires les plus difficiles. Ceft, alors „ une fóte dans toute la ville, Lorsque Madame „ de Savoye pafla par Lyon pour aller confommer „ fon mariage avec Monfieur Frere alné du Roi; „ c'était un fpeótacle raviflant de voir la nombreufe „ Bourgeoifie de cette grande ville, toute raflem„ blée fous fes différens drapeaux, en uniforme militaire , chaque Compagnie n'étant diftinguée „ de 1'autre que par la couleur de 1'habit, Ils „ formaient une haie épaifle de prés d'une fieue „ jufqu'au palais de l'Archevêque oh la Prin,, cefte mit pied a terre. Ils ne voulurent pas „ permettre qu'elle fut introduite dans la ville & „ gardée par d'autres milices que les Compagnies ,, Bourgeoifes.  ( 3°o ) „ Autrefois les négocians, les fabricans, les tra„ fiquans, &[les autres Bourgeois deJLyon, après avoir rempli leurs occupations d'état, ne connais • „ faient aucun exercice agréable & utüe pour fe „ délaffer & fe récréer. Ils allaient ou promener „ leur ennui dans des cercles frivoles, ou perdre Ie fruit de leur travail dans des tripots de jeu ou ,, s'abrutir dans des tabagies crapuleufes. La re„ forme des milices Bourgeoifes, en préfentant des „ récréations plus agréables, plus honnêtes & plus „ falutaires, a fait disparaitre une grande partie de „ ces &bus, en ótant 1'occafion de s'y livrer. „ Voilé, Monfieur, le narré fidel & véridique „ de Ja maniere dont s'eft opérée cette heureufe „ révolution dans la Milice Lyonnaife. II y a, „ dans ce récit, bien des particularités qui peuvent „ fervir de lumiere & deguide è vos Compatriotes. „ Si vous voulez bien les publier pour leur inftruc „ tion, vous obligerez" Votre Dévoué Serviteur ****,, Am[lerdam, ce 13 Juin 1783. Nous n'ajouterons rien auxéclairciflemens & aux lumieres qu'offrent les details de cette Lettre,au premier coup d'ceil. On y voit la maniere d'incorporer les Compagnies Volontaires dans les Milices Bourgeoifes. Cette incorporation nous parare d'autant plus néceflaire que les jaloufies & les divifions font trés faciles è éclater dans des villes Républicaines, dans un Etat furtouc , ou la petite Bourgeoifie a quelquefois, eu une influence aflez grande pour occafionner un changement total dans la forme politique de 1'adminiftration. Aufii, en voyant ce qu'a fait ici le petit peuple dans les années 1617,  C 301 ) 1Ö17. 1618, 1672, 1747 & 1748; nous n'avons jamais pu affez nous étonner de 1'indifférence des Régences municipales au fujet des milices Bourgeoifes. Comme on a toujours pu faire plus de fonds fur les Bourgeois les plus diftingués qui n'ont jamais paru auffi portés en faveur du Stathouderat , que la petite Bourgeoifie ; il eft étonnant que les Régens n'aient pas tourné leur attention ö attirer , comme anciennement, les principaux Citoyens (Prcecipui Oppidanorum comme dit Grotius) dans la milice des villes. S'ils euffent pris ce précautions, peut être n'auraient-ils jamais vu des fcenes pareilles a celles des années dont nous venons de faire mention: ou, fi les circonftances avaient occafionné la néceflité de ces changemens, on les aurait opérés d'une maniere paifible, décente & confiitutionelle. II n'y aurait pas eu des Arminiens chaffés du pays,des maifonslivrées au pillage, desOlden-Barneveltdécapités, & des DeWittmasfacrés par la populace. 11 n'eft donc pas etonnant que dans les circonftances actuelles, les Régences de plufieurs villes favorifent les efforts qui (e font de toutes partes pour rétablir les milices dans leur ancien éclat. Rien n'eft plus propre a maintenir la liberté de leurs délibérations & le refpeét du a leur autorité, dans un tems d'orage &'de divifion. Toutes les Régences de Hollande étant d'accord pour le même plan , celles des autres Provinces avant le même intérêt; il eft certain , que dans ces circonftances, la cabale oppofée a 1'avantage commun de 1'Etat, ne ferait plus capable dc rompre leurs démarches & leurs projets pour le bien de la patrie fi les milices ne formaiênt qu'un feul&;même corps oh les principaux Bourgeois auraient naturellement la principale influence. Voila des vérités que Mr. van Berckhey a taché, mais vamemert, d'obfcurcir & de dénaturer. Les troubles & les guerres civiles dont il fait la pitovab e efquiffe, ne font point venus de 1'ambition des Magiftrats, dont il attaque effeftivemenc 1'autorité,  ( 3°3 ) en faifant les proteftations les plus fortes de leur refter inviolablement fidele. Mr. van i'.erckhey affecte furtout un zéle extraordinaire , un dévouement presque fanatique pour la ville de Leide. Avant de pafier a un examen plus étendu de fa Brochure, il ne fera pas inutile de rap. porter la péroraifon qu'il adrefle è cet égard, è fes concitoyens- Elle pourra do mer une idéé du génie de 1'Auteur a ceux qui ne peuvent lire fon écric dans la langue originale. C'eft un morceau curieux, un chef-d'ceuvre de décence,de losique & & de goüt. ., Que la faétion deLoevenftein s'énorgueillifie „ de fes feltins fuccu'ens; que dans fes banquets *)t ,, el'e renouvelle fa conjuration; nous autres," ditil a fes concitoyens, „ renouvellons notre union a „ une table frugale de harang, de pain blanc avec „ une razade de bierre; donnons nous la main droi„ te & jurons fidélité a 1'Etat, k Orange, aux Pe„ res des Bourgeois & aux Capitaines, dont laplu„ part peuvent vanter leurs ancêtres, qui, font 5, reftes fideles a Leyde dans toutes fes calamités: „ foyez leur attachés, priez pour eux, obéiffez leur' „ maudiflez toute discorde, toute apparence de di' „ vifion , mettez une feconde fois vos mains 1'une „ dans 1'autre & jurez fur les c'és de Leyde „ dans les poings de vos Vénérables Magiftrats! „ Quand une legion de conjurés ferait entendre fes" „ rugiffemens, vous, ó Bourgeois feriez un mur de „ cuivre pour vos Magiftrats; point de crainte foyons „ courageux & fideles, trefibns une guirlande d'O„ range. Décorons nous de 1'empreinte des mon„ naies de papier fabriquées aux armes de Leyde- ou bien, prenez les papiers déchirés de vos noms „ outragés & mettez y cette devife:" Fideles d Leyde jusqu'd Vignominie, „Voi- (*) Mr. van Berckhey fait ici allufian au repas que quelques Patriotes ont donné a A^fltrdam 'e 26 Avril de cette année, & oü fe trouver n-: .ffemblés plufieurs illuftres Défenfears de la liberté Républicaine.  f'3°3 ) Voila, Mes chers Concitoyem, voilé les paro». 5, les cordiales de votre Jean lr Frakcq van „ Bf.rckhsy. Je vois óéjh ia rage ouvnr f. gaeule devonnte; je vois les preiTes & les dards de la calomnie fe préparer; je vois rnalédiction fur ma„ lédidtion pleuvoir fur ma tête, & peuc être eftam„ pes pacibulaires fur eftampes patibulaires pour me ' mettre au carcan ; rinquificion de cette factiori " qui a déja levé le masqué s'affemblera bien vite " en Confeil pour me proscrire moi & tous les pa" triotes vérhables & de bon al'oi, comme un fléau " de la liberté, comme un Pandit. Mais point de crainte, poiut de crainte, un Bourgeois de Leyde „ dont les ancêtres ont envifagé de fang-froid les courmens de 1'inquifition, la pefte, la famine ur du parti Répub'icain dans fes deux derniers Poëmes, qu'on s'eft borné a les exporer au ridicule au. qu.>l e'les orètenr de trop de có'és: & qU2 la fV'Ur de fes exprefli.ms Jénore affez , que la vengeance a plus de psrr a ('on adrefl'e ffénétique qu'un véritable élan de patrioiiiine.  C 304 ) „ gL mes mains, qu'on „ me ies garotte; voili ma tête de Leyde , qu'on la „ fépare du tronc fur l'^cfatfiaut de Barnevelt, „ poar la rcconciI:ai)on flc 1'oubli de cette fac„ tion éternellemenc funefte au repos de ma chere „ patrie , alors mes levres mourantes exhaleront „ encore ces mots: „ Qu'il eft deux de pêrir pour la patrie 6f pour la ,, chere Leyde!" II faut avouer que jamais la barbarie du ftile, 1'incohérence des idéés cc le délire de la fureur n'ont offert un tel alfemblage de déraifon & de fanatisme: interdire è un homme pareil les fonttions de fa place jusqu'a ce que 1'organifation de fa tête füt rétablie & lui en conferver les appointemens pour le mettre en état de fe faire guérir, aurait, me femble, été la feule punition qu'il méritait. Et dans le cas même oü il aurait paru que fes éearts fur la politique n'ont pas influé fur fes connaiffances en phyfique, pourquoi fes difciples feraient-ils privésdes inftruclions qu'ils peuvent en retirer, fur ce fujet? Loivent ils perdre !e fil d'une matiere inintéreffante par ce que leur maitre a dit des injures a ceux qui ne penfent pas comme lui en politique ? On voit fuffifamment par fes dernieres produclions,que fon timbre eft fêlé. Nous ne pouvons, en conféquence,nous empêcher d'exhorter ceux qu'il a le plus maltraités, de fuspendre les procédures qu'ils ontinftituées contre lui: s'ils cherchent une fatisfaétion, celle de favoir que cette attaque ne les a point flétris aux yeux de la partie la plus faine de la nation, doit leur fuffire. (La fuite au N'. prochain.') (Aux Adre(fes ordinaires').  L E POLITIQUE N°. CXXV. LUNDI, ce 30 JUIN, 1783. Suite du CHAPITRE LXXI. Sur les Compagnies volontaires , fur l'adrejje de Mr. le Francqvan Berkbey d fes Concitoyens, fur la Démocratie légitime 6f fur la Satyre intitulée Catalogue raifönné £fc. II faut rendre a Mr. van Berkhey la gloire qui lui eft duë. II ne s'eft point caché fous le voile de Panonime , pour lancer a fes adverfaires les traits de fon reffentiment & de fon inimitié. II s'eft offert tout entier devant la bréche, pour engager & foutenir le combat. Mais il faut avouer aulfi que fon pamphlet incendiaire était combiné de facon a ne donner aucun efpoir de fuccès , fi 1'auteur n'avait paru lui-même a la tête de fon ouvrage. Sans le titre qui porte fon nom, la brochure n'eüt paru, que ce qu'elle était, un tiffu de faits, ou douteux, ou faux, ou altérés, & coufus enfemble par des fophismes infidieux & des déclamations forcénées. Nous nous bornerons a en faire connaitre quelques traits. Tout le monde connait les malheureufes disputes qui firent naitre ia divifion entre le Prince Tome V. V Mau-  ( 306 ) Maurice & le Penfionaire Oldenbarnevelt. On fait que ce dernier lutta vivement contre le Stathouder ambitieux qui menacait la liberté de fon pays & qu'il paya fon zèle de fa vie. On fait que les Penfionaires de Leide & de Rotterdam, Hogerberts & Grotius, combattirent, dans ces temsoraeeux, & fouffrirent avec lui pour les droits de la patrie. II eft des faits qui prouvent que Maurice nefut Contre-Remontrant que parceque Barnevelt pancbait pour 1'Arminianisme; & que ce Prince était fi peu verfé dans les matieres qui étaient l'objet des disputes, qu'il attribuait a fes adverfaires les mêmes dogmes qui faifaient la bafe duSyftême Gomarifte. On peut' affurer du moins que Maurice ayant paffé la plus grande partie de fa vie, dans le tumulte des armes, entendaitles matieres théologiques beaucoup moins que Barnevelt; qui,par la fupériorite de 1'êge & des connaiffances abftraites du Droit, était plus en état de fe déclarer pour un parti religieux avec connaiflance de caufe. On fait que les Régences des villes attachées au parti de Barnevelt , n'eurent recours aux milices appellées Waard-gelden que pour être en état de fe défendre contre 1'orage qui les menagait. On fait que le principal reflbrt qu'on mit alors en ceuvre pour foulever la populace contre fes Magiftrats , fut 1'arme dangereufe de la réligion. Voila le vrai point de vue fous lequel les perfonnes éclairées de tous les partis envifagent actuellement ces lamentables événemens. Suivant Mr. van Berkhey, il ne s'agit a préfent de rien moins que de renouveller les fcenes fanglantes des Hoeks & des Cabfiiaux. „ N'eft-il „ pas a craindre," dit-il, „ que des Monarques , étrangers ne fe mêlent de nos affaires? LeGrand „ Frédóric nV paraït pas indifférent; d'un autre ,, cóté, la France n'eft pas è moins a redouter. Qu'il ferait douloureux d'entendre, au lieu de „ ces anciens cris de parti, Bredero, Bredero ! " „ Mant*  C 307 ) „ Montfort, Mont forti ceux-ci, Dort, Dort! Bout. „ bon, Bourbon] & de 1'autre cAté, Leyde, Levdel „ Orange, Orange! Brandebourg, Brandebourg?' „ Maurice ," dit-il, „ était attaché aux" opi» ,, nions des Calviniftes; ISarnevelt embrafia le par», ti contraire, beaucoup plus pour traverfer Mau» nee que par des principes de religion " II ofe même ajouter que des Auteurs dignes de croyance ont écric que Barnevelt engagea Maurice dans le Combat de Nieuwpoort „ dans 1'espérance de „ 1'y faire périr, de forte que 1'ordre donné „ fut alors regardé comme un feconde lettre „ d'Urie , afin d'entraïner Maurice & fon Frere „ Frédéric dans le même malheur, cc que le Dieu „ Tout-Puifiant empêcha, d'oh le reffentiment „ de Maurice contre Barnevelt paraft avoir tiré „ fon origine , d'autant plus qu'Oldenbarnevelt étant d accord avec Sninola infiftait pour la trê„ ve & paraiffait ainfi fe comporter , comme s'il „ eüt voulu ramener les pays devenus libres „ fous la domination des Princes Autrichiens „ d'un cóté& des Etats Romains de 1'autre, ce qui „ eft la caufe vraie, évidente & ju!le que Maurice „ fe réveilla pour la religion & la libercé; d'autant plus qu'il favait , combien la France avait in„ flué pour faire mettre le Duc d'Alencon a la „ place de Guillaume I, fon pere; de même que „ longtems aprés, en 1672, cette faélion toujours „ funeufe aurait élevé Turenne au Stathouderat; fi, fuivant certain Auteur, il n'y avaic manqué un petit nombre de voix." Mr. van Berkhey compare enfuite les Waardgelden avec les Compagnies volontaires , & infinue, mais plus adroirement, une comparaifon en« tre les Magiftrats de Leide d'a-préfent cc ceux d'alors: il faic furtout entendre qu'ils felaiilent aéluellement égarer par de jeunes étourdis , & par leur Penfionaire. Dire qu'un Guerrier auTi bouillant, aufii hab;'e V 3 que  ( 308 ) que Maurice qui, de lui-méme & fans aucun con* feil, tit, comme un autre Guillaume le Conqucrant, mettre le feu a fes navires, pour apprendre a fes Soldacs qu'il fallait vaincre ou pair, ait été une victime expolée par Barnevelt a la bacaille de Nieuwpoort , c'eft ce qu'on ne perfuadera jamais a perfonne ; & c'eft fur quoi l'on défie Mr. van Berkhey d'alléguer un feul hiftorien digne de foi. On fait au contraire que les Députés des Etats, entre lesquels ie trouvait Barnevelt, furent dans des tranfes mortelles pendant qu'on livrait cette fameufe bataille, & qu'ils auraient bien voulu 1'empecher s'il eüt été poffible. On fait que fi lanimofité entre Maurice & Barnevelt vint a la fuite de cette bataille , ce fut bien plutót a caufe de 1'orgueil ambitieus qu'elle infpira a Maurice, orgueil qui lui fir traverfer toutes les démarches que l'on fit pour obtenir un armiftice aufii néceslaire que glorieux è la République, & qui le porta b toutes ces violences fur les quelles il établit effectivement la tyrannie & fon despotisme. Quant a la nomination du Duc d'Alencon ou d'Anjou è la Souveraineté des Pays bas, on fait que ce fut une trame particuliere a laquelle Guillaume I lui-méme cut la plus grande part, afin de conferver pour lui, comme on le lui refervait en effet, celles de Hollande, de Zelande & d'Utrecht. A cet égard 1'Auteur montre autant d'ignorance que de mauvaife foi. Quant au projet d'élever Turenne au Stathouderat Mr. van Berkhey devrait bien nous citer fon Auteur; car les hiftoriens ne parient que du projet de le mettre k la tête de 1'armée. Turenne était petit fils de Guillaume I. Prince d'une maifon Souveraine. il pouvait, comme tant d'autres, adopcer ce pays-ci pour fa patrie. Sans doute quefice projet, auquel Turenne lui-même fe montrait peu difpolë , eüt reuifi; 1'Etat n'aurait pas été plus mal commandé dans la guerre qui éclata la même année : il connaiffait è fond ce pays oh il avait fait fon ap- pren-  C 3°£> ) nrentiflkae militaire: peut-être même ce choix auSt-irSrmé le bras vengeur de Louis & écarté la foudre qui ne tarda pas a crever fur la Répu- blXus ne nous arrêterons pas è commenter le com. menZe de Mr. van Berkhey fur le plan pubme nnnr fervir de réele aux Compagnies de vo ontairPes nou penfonl toujours qu'on ne Aurait trop SnnliaSer S n'en faire qu'un feul& même corps ou musP les Bourgeois, de bonne vokntêfeulement,fusfS admis- & que es volontaires ne devra.ent être nue de efpecesV fociétés, d'écoles darmes, fans 2araftere & fans confiftance, oh l'on fe préparcrait aux SScites requis dans les fonél^ ons de, a mthc Roureeoife oh l'on voudrait entrer. Celt la ie vrai movende prévenir ces tempêtes & ces horreurs nue TesY van Berkhey & Confirs , cherchent évrSment a exciter dans 1'Etat. Pour montrer qu on 5eSt prendre trop de précaution contre ces SftoblS incendiaires cL défavouent & les^H egences & tous les honnêtes Bourgeois e me bornerai J citer un paffage de 1'antagonille hebdomadaire du pTlan dfr J\fder.Rbyn. \, Ne parate il pas' ditil ', qu'il faut chercher les vrais tyrans oh 1 on nous dit aue font les défenfeurs de notie liberté? Dé" fendreVvSdreffi de le Francq vaniBerkhey-un des '* Silleurs patriotcs deLevde, ó ciel ! Le fang de " S bonM commune commence a bouillonncr a " Roteidam auffi bien qu'a Leide. Je cra.ns, je era na " rme fi le Sr. van Berkhey éprouve quelque traite" SSi: tadipe ou qu'on luiTinflige une pumtion " nuTrefpire 1'oppreffion , cette affaire nait les " ?uke lS plu? violentes. Aucun brave, aucun " nöble Bourgeois de Leyde ne fouffr.ra qu'un de " fes conckoyens, un fuitout, qui seftexpoféè "la bïhe coungeufement & fans intérêt pour " Phonneu de a Bourgeoifie de Leyde & qui neus ?! i avenisde ces trames dangereuies quii fe f or' maientinfidieufement foitoppnmé! Non! Con" V 3 "  ( 3io ) „ dtoyens! L'équité! Ia bonne caufe! ó'tyrannie „ deteftable! biens, fang & vies, tout pour le ,. mieux!!!... le Prince! un Prince ópprimé l „ Innoeence! Liberté!... Religion !.... Calom„ niateurs diaboliques!.... Scandales de notre na. „ tion!... ó Leydois! ó Leydois! La paix & le „ repos font certainement les jouiflances les plus „ douces, les plus flatceufes & les plus adéfirer.. „ c'eft ce que je reconnais ... mais il faut auffi re„ connaitre avec moi que la tyrannie&Ie despotiss, me i ous reduiraienc a 1'esclavage. Veillez donc 9, foi?neufement que ces monftres cruels ne vous „ mettent Ie pied fur lecol, fous 1'apparence trom„ peufe d'une fauffe liberté & ne vous impofent „ le joug de ïa vioience .... mais non .. rien n'eft „ plus facile que de fe laifler enchainer. . il ne faut craindre aucune difficulté pour maintenir Ia „ vraie, 1'elfentielle liberté!.... Mais je fensque je s, m'échauffe.. je me tais pour cette fois... je dé„ chargerai dans une autre occafion ce qui refte „ encore fur mon coeur. . Mais, je vous prie „ Meffieurs, foyez coursgeux; la bonne caufe, je „ vousaffure, tnomphera." Ainfi parle un des Coriphéesdu parti. Je me contenterai de lui répondre par une queftion. 11 eft fingulier que tous ces libelles cortre le parti Rêpublieain , en déclamant vivement contre la démocratie, ne ceflent de faire des effbrts pour at. tirer de ieur có'.é le petit peuple ét pour l'eneager a les foutenir p*r les voies de fait. Peut-on fe contre-dire d'une maniere plus frappanter» La démocratie eft donc mvoquée par les deux partis. Mais quelle democratie eft la moins dangereufe & la plus refpedlable; ou de celle qui parle de rendre aux Bourgeois intérefles au fort de la patrie par leur bien, leurinduftne & leur éducation, une influence ancienne & réguliere; oude celle qui ne réclajne è foi que Ia populace la plus ignorante, & ]a plus fougueule? Ainfi  ( 3" ) Ainfi les deux partis en appellent éga'enent a Ia Puiffance fouveraine du peuple. Les uns fe rappellant que c'eft k fes infurrections effrayances & tu. multueufes que le Stathoudérat doit fa dignité, ne ceffent, par des écrits & d'autres manoeuvres, de 1'exciter aux mêmes désordres, pour foutenir fon ou. vrage. Les autres n'ayant jamais gouté cette déHiocratie anarchique & turbulente , difent au peuple : „ on vous trompe; on vous fait fervir d'in,, ftrumens k 1'ambition d'un feul: voyez fi 1'immenfe autorité que vous lui avez fait déférer a guéri nos maux: elle n'a fait que mettre deux „ intéréts dans 1'Etat: confervons cependant cet „ ouvrage de vos mains; mais faifons enforte „ qu'il ne foit plus dans le cas de nuire: citoyens ! „ ayez le courage de réclamer vos anciens droits; „ ils font 'appuyés fur des principes imprefcripti„ bles & fur des documens inconteftables: mais procédez, comme vous avez commencé, par la „ voie décente, tranquille & conftitutionelle des écrits „ & des reauêtes. Le petit peuple lui-même eft inté„ reffé a reclamer des droits qu'il doit partager „ avec vous: n'eft-ce pas infulter k fon jugement „ & au fens commun que de tenter de lm faire accroire que fa liberté confifte è remettre 1'exer„ cice de 1'autorité fuprême entre les mains d'un *' Quand la populace effrénée & féroce couit a Ia fuite d'un infame Tichelaar ou fe range autour de la boutique d'un vil Raap, pour commcttre des horreurs, voilk cette démocratie eifrayante, qui, fuivant Ariftote(liv. 4 chap. 4 des Politiques) reffemble ala tyrannie &qui, fuivant Plutarque (dans la.'vie de Dion) n'eft qu'un marché ou l'on vend Ia République. Mais quand le peuple a des droits fixes & déterminés & n'influe qu'indireftement dans le gouvernement, foit par la nomination des Magiftrats foit par la liberté des Rcquêtes & des écrits, foit autrement en tribus, claffes ou communautés, 4 V 4 Vea  C 312 ) peu nombreufes, voilé la véritable démocratie que les plus grands politiques ont regardé comme la perfeclion du gouvernement. Dans tous les tems notre conftitution a été régardée comme démocratique. On s'eft trompé en difant (ci-devant pag. 233) qu'avant la reftauration du Stathouderat les Régens Ariftocrates n'étaient pas regardés comme dépendans du peuple en Hollande. Un ouvrage bien connu, fous le titre de Traité de la Liberté civile , Verhandeling van de Vryheit in den liurgerftaat, imprimé a Leyde en 17.17? parle ainfi du gouvernement du pays de Hollande. „.Si l'on arrêté fes regards fur nos Aftemblées „ d'Etat, notre gouvernement paraïtra d'abord une pure ariftocratie; mais en examinant la chofe „ plus a fond, on reconnait que cela n'eft pas. „ Car d'abord, quant au Corps équeftre & aux „ Nobles, fi notre gouvernement était ariftocra,, tique, tous les Nobles nés en Hollande y ayant „ des biens & des pouvoirs acquis, auraient, en „ vertu de leur naifiance, droit de prendre place ., & de voter dans ce Corps, comme autrefois cela '„ fe faifait dans le Senat de Rome & comme il „ arrivé a préfent a Venife, è Genes & ailleurs. „ Mais, au contraire, il faut que les Nobles de" „ Hollande foient infcrits & appeüés dans ce „ Corps; & il n'y, a qu'un petit nombre de Nobles „ pour repréfenter: les autres ne font pas admis s, pas même les enfans de ceux qui font infcrits 5, dans le Corps équeftre & qui ne font des-lors 5, que de fimples particuliers , jufqu'a ce qu'ils „ foient infcrits." „ Si le gouvernement était ariftocratique, tous „ eeux qui paraiffent dans les afiemblées y pren„ draient féance & voix de leur propre chef, ce „ qui n'eft pas. Au contraire, tous ceux qui le f, compofent y repréientent, chacun, le membre h du  C 313 ) „ du corps ou la ville qui les envoye k faffem„ blée ; ils ne votent pas en leur nom , mais en „ celui du Corps qu'ils repréfentent. Er. même, „ dans les affaires de grande imporcance, ils n'ó„ fent hazarder leur voix, que d'après 1'ordre de „ leurs commettans,auxquehwls fontobligésderendre compte. . . . „ La portion éminente de la liberté, favoir le „ droit du peuple a la fouveraineté & k la haute „ adminiftration du pays, parate dans les aflemblées „ d'Etat, dans toute fa force & fa pureté. Car, „ quoique le peuple entier ne fe mêle pas des af„ faires d'Etat, la Souveraineté ne laiffe pas de „ réfider dans le fein du peuple, eft exercée au „ nom du peuple & appartient au peuple. La „ Haute Affemblée des Etats repréfente tout le „ Corps du peuple; le Corps équeftre tou„ te la Nobleffe; & les Confeils des villes ou „ leurs Députés, chacun , la Commune de cha„ que ville , au moyen dequoi le peuple par„ ticipe au Hauc Gouvernement; la fouveraine„ té réfide dans fon fein, £? lui appartient auffi ,, bien qu'elle appartenaif autrefois au peuple Romain. „ Car les Régences des villes ne font que les no„ tables ou les principaux de la Commune & de „ la Bourgeoifie La Régence n'eft pas hérédi„ taire, mais élecfive; toute perfonne de la Bour„ geoifie &de la Commune y a droit également, „ pourvu qu'il ait les qualités requifes, & n'en elf „ pas exclus comme a Venife & a Genes. Ainfi „ la fouveraineté appartient proprement au Corps „ du peuple." Autrefois, ceux, la cabale ennemie de 1'Etat, cherchaient encore a s'étayer par des differtations raifonnées & décentes. Mais leurs fophifmes inlidieux ayant étédévoilés au grand jour, ilsne peuvent plus reèourir a cette reffource. Pour fuppléer 4 ce défaut, ils ont cru que les dards de la calomnie leur fervi. raient mieux. Tout ce que leur génie fécond a V 5 pu  ( 314 ) tui imaainer pour rendre odieux ou ridicules les vrais défenfeurs de la liberté, ils Pont mis en ufaee. Ils contlnuent a les faire paffer en revue dans leur prérendue Lanterne Magique. Mr. van Berkhev , Plus ardent & plus furieux, les a attaqués avec Pimpétuofité de fon caraclere. On crovait qu'ils avaient épuifé tout ce que la calomnie & Pacharnement peuvent imaginer de plus affreux , lorfqu'on a vu paraitre le Catalogue pap, fonné d'une ColleÜion de Tableaux peints par ies plus fameux Jrtiftes dé ce pays, Les caracteres les plus refpedtables font horriblement travestis dans cette infame caricature. II ne manque a cet ouvrage quune place diftinéte pour le Portrait de PAuteur. Tous les matériaux s'v trouvent; il n'y a què recueilhr les traits les plus 'noirs qu'il a employés. Pant que 1 Auteur ne montrera pas oii il a trempe fes pmceaux, fes tableaux paiferont toujours pour des portrans de fantaifie, dont il n'a pu trouver lidée & les couleurs que dans lui même. Par exemple il applique a Mr. le Chambellan de Capelle ce vers de Britannicus Mais, Narcijje, Seigneur, ne vous trabit-il point"? D'après cette devife , ce masqué eft repréfenté comme un monftre trahiffant lachement le Prince aui lui prodigue fes bienfaits, fa faveur & toute fa confiance. Si PAuteur de cette caricature devait dévoiler Pefpece de trahifon qu'il veut défigner il ferait fort embaraffé. Mr. de Capelle aurait-ïl révelé des fecrets que la confiance aurait dépofés dans fon fein, ou divulgué des aétions que la prudence doit tenir cachées? En ce cas PAuteur ferait entendre qu'il eft fur le compte du Prince, des particularités qui ne doivent pas voir le grand jour. Ces particularités ont-elles tranfpiré? Jusqu'a préfent le public ne fait encore rien a ce fu-  jet qui puiffe étre l'effet de l'indifcrétion d'un ami. La conduite privée & pubiique du Prince eft affez connue. II eft certain du moins qu'il n'en eft encore rien transpiréqui compromette la candeur & la bonté qui Ie cara&érifent. Les Confeillers traitres è ce Prince , ne feraient - ce pas plutór ceux qui 1'ont engagé a ces démarches qui lui ont fait perdre 1'amour & la confiance de la nation ? Onpeut attaquerle Stathouderat, en confervantau Stathouder & k fa perfonne le refpeét, qui eft dü a fes dignités éminentes & a fes qualités perfonnelles. On peut encore attaquer le Stathouderat en regarÉatit cette dignité comme utile & même néceffaire a Ia République. Développer la maniere de réduire le pouvoir exorbitant qui en fait néceffairement un objet d'inquiétude & d'alarme a la liberté Républicaine & dont l'influence a, fuivant 1'opinion généiale, donné, dans ces circonftances orageufes, occafion a touces les fuites de cette guerre; ne ferait-ce pas montrer plutót la maniefe d'affeoir cette dignité fur une bafe ferme "& tranquille? Les Beiges n'ont jamais pu fupporter un pouvoir exorbitant ; ils n'ont été tranquilles que lorfque les ordres & les dignités de PEtat n'ont pu nuire è la liberté & au bien public. Lifez 1'hiftoire de tous ies Souverains, de tous les Stathouders; vous verrez que ces derniers furtout ont toujours troublé l'Etat, lorfqu'ils ont aspire a une autorité plus grande que celle qu'on leur avait confiée primitivement. On peut voir par la caricature en queftion combien les chofes changent, fuivant le caraeïere des fpeéiateurs & leur maniere d'envifager les objets. Par exemple, les Miniftres Américains dont les talens politiques ou militaires ont opéré la liberté de leur patrie n'étaient d'abord que d'infames fcélérats qui voulaient s'élever fur les debris de leur patrie enfanglantée; le Roi d'Angleterre ne les traitait pas autrement dans les diverfes harangues qu il adres*  C3iö) adreflait a 1'une & k 1'autre Chambre, lorfqu'il était queftion de leur demander des fubfides: aéluellement ces móroes perfonnages font traités par 1'Angleterre elle même avec les égards düs aux Repréfentans d'un Etat libre & fouverain & par toutes les nations comme les immortels fondateurs d'un empire glorieux & refpe&able. Mais quand la for. tune n'aurait pas couronné leurs intrépides efforts, ces braves Américains feraient.ils moins refpectables aux yeux des hommes honnêtes, éclairés & impartiaux ? II eft donc un autre criterium que le fuccès, pour juger de la conduite politique des hommes qui jouent un certain róle fur le théatre des événemens politiques. Careat fuccejibus opto Quisauis ah eventu fatïa notare putat. Ce criterium c'eft l'objet de leurs aétions & le but d'utilité qui peut en revenir pour la patrie. II eft vrai qu'il eft difficile d'apprécier les motifs des divers auteurs qui paraiflenc fur la fcene des événemens qui nous frappent. Ils peuvent couvrir des prétextes les plus fpécieux & les plus nobles, les motifs de 1'intérêt le plus vil ou du reffentiment le plus dangereux. D'après ces obfervations impartiales, bornons nous k exarriiner les buts les moins équivoques & les réfultats les plus évidens de la conduite des principaux chefs des deux partis qui divifent la République. 11 eft, fur ce fujet, des regies que rien ne peut infirmer. Nous les devélopperons dans le $°. procbain. Au Politique Hoilandais. Amfterdam ce 24 Juin 1783. Monsieur ! Nos gazettes de cette femaine offrent deux Ré- fo>  C 3i7 ) folutions des Etats-Généraux qui, comparées 1'une a 1'autre, me paraiffent offrir un problême embaraffant. . Par la première, on prie, on autonje le PnnceStathouder a joindre trois autres vaiffeaux a celui qui doit conduire Mr. van Berckel en Amérique; afia de prevenir, en conféquence d'un avis propofé par S. A., le danger que pourrait courir le pavillon de 1'Etat, au cas que les négociations de paix viDiTent a être rompues. Dans la feconde, L. H- P. interrogées par des Négocians, s'il eft néceffaire d'être nanti de paffeports Anglais pour naviguer, répondent; qu'ils font inutiles, a raifon de 1'armiftice figné le 3 Fevner paffé. „ , Qui dirait que ces deux Réfolutions font émanées de la même affemblée & le même jour? La première annonce que les affaires font encore trop incertainei pour qu'on puiffe expofer le pavillon de 1'Etat; & la feconde déclare; que les vaiffeaux marchands peuvent naviguer en toute füreté. Eft-il une contradidtion plus frappante? Les vaiffeaux des particuliers ont-ils moins a craindre que ceux de 1'Etat? J'en ai plufieurs prêts a mettre è la voile: la théorie de ce problême eft au deffus de mon intelligence: voudriez-vous me dire lequel de ces deux avis je dois fuivre dans la pratique? Suite du CHAPITRE LXIV. Sur les affaires de la Pacification & de la Compagnie des Indes-Orientales. Quoique le delai qu'éprouve la conclufion de la paix définitive, foit affez naturel, vu la multiphcité des intéréts k concilier & 1'inccrtitude des événe • men; attendus de l'Inde; il eft, cependant, des perfonnes qui craignent pour le renouvellement des hoftilités. Nous ófons affurer que ces craintes ou ces  C 318 ) ce« conjedtnres font abfolument chimériques. Nous fo rimes d'avis que les fondemens pofés a la pac:fication future font tellement folides que l'on ne verra de longrems, les fureurs de la guerre éclater entre les Ecats maritimes qui font actuel'ement la pax. Peu a peu les nuages qui font encore fur les ye< x des hommes è partis ou a préjugés , fe diifiperont; & nons ne doutons pas que Mr, de Vergen, nes & lo Lord Sheiburne ne foient, è 1'occafion de cette paix, rangés bientót au nombre des bienfaiteurs de 1'humanité Nous ne diffimulons pas que les ceffions demandées aux Pays-bas-Unis ne leur rendeur cette paix tiès défagreable, s'ils font obligés de les faire. Mais ce malheur ne ferait pas fans remede. Les affaires de la Compagnie des Indes Orientales a qui_ l'on demande les principaux facnfices qui mettraient la fanótion a la paix, ne fonc pas dans un état défespérant. C'eft ce que l'on voit, par le Mémoire que 1'affemblée de fes direéteurs tenue k la Haye le 3 de ce mois a préfenté aux EtatsGénéraux. Cette piece extrênement intéreffante dans les négociations adluelles & dont notre collection ne faurait fe paffcr, était de la teneur fuivaute. Hauts et Puissans Seigneurs! La Compagnie des Indes-Ouentales cherche, dans les errconftances préfentes, fon refuge auprès de V. H. P., fous 1'autorité defquelles elle s'eft élevée & confervée jufqu'a préfent & avec le fecours defquelles, elle efpere & attenJ, fous la Bénédiétion du Dieu irès-puiifanr, de continuer a former un Corps des plus uti.'es pour ce Pays. Ses affaires foru:, k 1'occafion du manque d'argenr comptant, trés inquïétantes & trés embarralTantes; mais, cependant, de maniere que le fecours de Vos Hautes Puiffances, joint a la Perfpecïive d'une paix prochaine, pomrair la meure en état de pourfuivre, avec efpoir fondé de fuccès, fon Commerce & de procurer par-la un avantage réel au Pays. Les Directeurs font dans 1'intention d'expofer trois points. t. QuGlle eft la caufe qui les a entratnés dans ces circon- itan-  C 3ip ) ftances. 2. L'efpoir fofidé qu'avec le Secours de Leur» Hautes Puiflances ils pourront continuer leur Commerce avec un heureux fuccès. 3- L'Uiiüté de ce Commerce pour le Pays. Et par la preuve de cela, il réfultera de foi même que les Directeurs ont droit d'attendre le Secours de V. H. P. Pour venir au premier point, les Directeurs doivent remarquer d'abord, qu'on ne faurait chercher cette caufe ailleurs que dans 1'éruption de la Guerre qui, quoiqu'elle n'aic pas éclaté en Afie & par conféquent, fans que Ia Compagnie ou fes Officiers y aient trempé, mais dans une autre Partie du Monde, n'a pas lailfé de porter trop rapidement fes fuites deftructives dans 1'Orient & de caufer des pertes cruelles a la Compagnie. On fe bornera d'abord aux Etabliifemens prïs a Suratte, a Ia Cóte-Occidentale de Sumatra, a celle de Coromandel, de Bengale & de Trinconomale. Dans le premier de ces Comptoirs, on a, il la Prife faite par les Anglais, fait un Inventaire des effecs qui s'y trouvaient, jufqu'a Ia concurrence d'environ quatorzeTonnes & demie d'Or & de trois Tonnes & demie a la Cóte de Sumatra. Et quoiqu'on ne puiffe donner un Relevé exact des trois autres Places, attendu qu'on ne 1'a pas encore recu; on peut cependant, d'après les EtTets qui s'y trouvent annuellement, faire un Calcul affez jufte; & par-la évaluer les Marchandifes prifes fut la Cóte de Coromandel a cinquantefix Tonnes & celles du Bengale a dix-huit Tonnes, excepté que dans Ia derniere on aura déja tiré fur les fommes déja mifes en cailfe, mais dont la Compagnie n'a pas encore d'avis, faute d'occafion ; ce que, depuis la prife de ce Comptoir, on pourrait évaluer a un Million. A cette perte on peut encore ajouter, quant au Bengale, ce qu'ou aura recu ici de trente-neuf Tonnes en Lettres de change Négociées, ce dont on ne peut gueres faire une évaluation exacte. La perte faite a la prife de Trinconomale peut être évaluée a deux Tonnes. II faut encore ne pas perdre de vue que, quant a ces pertes faites a la Conquête de ces Etabliflemens, on ne fe borne qu'aux EiFets & Marchandifes , & qu'on ne parle pas des Edifices & des Etaolis- fe-.  C 320 ) lemens; dans 1'efpérance qu'a la Conclufion de Ia Paix il fera veillé, a cet égard, aux Intéréts de la Compagnie. Ainfi la Prife des Etabliifemens fufmentionnés forme, feule, un objet important de cent quatre Tonnes d'Or, fans compter les Pertes caufées aux Particuliers. La Pri. fe & la Deftruction des Vaiffeaux eft encore une chofe de grande iraportance, d'autant plus que cet objet a une influence plus directe fur la Caiffe de ce Pays. II faut encore ajouter ici la perte faite, auflitót aprés 1'éruption de la Guerre, du Vaiffeau furpris è l'improvifte par 1'Ennemi, la Vrouwe-Catharina-Wilhelmina, évalué cinq Tonnes & demie. Le Vaiffeau le Held-Wottemade parti pour Ceylon , & pris prés du Cap, évalué a neuf Tonnes. Le Vaiffeau de retour la Concordia coulé a fond , évalué a environ huit Tonnes., La Prife & la Deftruftion de quatre Vaiffeaux de Ia Chine dans la Baye de Saldanha , dont la Cargaifon était évaluée a foixantetrois Tonnes & les Vaiffeaux a fept Tonnes, enfemble a fept Millions; d'oü cependant il faut déduire ce qu'on a déchargé de ces Vaiffeaux au Cap, avant leur Retraite k la Baye de Saldanha , ce qui évalué a un Million rédui. fait cette perte a fix Millions. ( La fuite au N: procbain.') T. A. Crajenschot, Libraire a Amfterdam & Editeur de cette Feuille, a imprimé & débite a&uellement, Remarques fur les Erreurs de L'Histoire Philosophique & Politique de Mr. Guillaume Thomas Raynal , par rapport aux Affaires de 1'Amérique Septentrionale &c par Mr. Thomas Paine, Maitre ez-Arts de l'Univerfité de Pen/ylvame, Auteur des diverfes Brochures publiées fous le Jitre de Sens Commun , Miniflre des Affaires Etrangeres pour le Congrès tj?c. Traduites de 1'Anglais & augmentées d'une préface & de quelques notes par A. M Cerisier, gr. 8vo a 18 fois. On les trouve'auffi chez les Libraires, qui diftnbuent ladite Feuille.  L E POLITIQUE N°. CXXVI. LUNDI, ce7jUILLET, 1783. ' Suite da CHAPITRE LXIV. Sur les Affaires de la Pacification & de la Compagnie des Indes-Orientales. Fin du Mémoire des Directeurs de la Compagnie aux Etats-Généraux. 11 faut encore ajouter a cela la valeur du vaiffeau de rétöur du Bengale , le Dankbaarheid, pris auffi dans la Baye de Saldanha, qui peut, avec la cargaifon , étre éva.lué a quatorze Tonnes & demie; ainli que la p.'rte de la Fldte le Noordbeek, a fon retour, évaluée uneTönne. Enfin lesVailfeaux pris dans la Baye deT-iiiconomaie , le Groénendaal & Ie Canaan, qui peuv.-nt, avec la cargaifon', é'trfe évalués a cinq Tonnes. Tous cesVaifleaux pris & détruits formJiit une perte importante de cent trois Tonnes au pré. judice de la Compagnie. II faut encore ajouter a cela 1'eatreüen des Vaiffeaux qui, par crainte des rifquesde la guerre , fe fo't réfugiés a Ca iix & a Drontheirn & dont les dépenfes peuvent être évaluées a plus de cinq Tonnes. Qu'on aioute encore les groffes Dépenfes que Ia Compagnie a dü faire pour envbyer dans l'Inde quelque.'-unes des chof s les plus néceffaires, des Pons Étrangers; ce qu o'n Tomé V. X ftVd.  C 3^2 ) n'aurait nu envoyer d'iciqu'a beaucoup plus de frais. Qu'on aioute encore le hauflement des Gages & les hautes Payes, auouel la Compagnie s'eft vue obIigée,& qui.a 1 occafion de la mort précipitée de ceux qui les ont obtenus, a occafionné une autre charge pour la Compagnie; ce qui doit, au. prés de Vos Hautes Puiflances, paraltre un fardeau intolérable pour Ia Compagnie. •*" Les Directeurs ne doivent pas tenir davantage 1 attention deV H P. en fulpens, enparcourant toutes lesClafles des Gens dé Mer, pour faire voir la différence qui en réfulte a 1'égard de chaque homme; ils s'arrêteront donc a la grofle Navigation. . , Dans les tems ordinaires, un Matelot qui gagne douze florins, recoit deux mois, ou vingt quatre florins, è compte: II ne touche pas de Gages, que le Navire ne foit forti de 1'embouchure; il faut qu'alors le Matelot gagne ces deux mois, avant de pouvoir en recevoir davantage. Un tel Matelot gagne actuellement feize florins, il recoit donc trentedeux florins a compte & une prime de vingt-cinq florins. On lui avance en outre 75 florins fur la prime quil doit recevoir a fon Retour. . Et le Tranfport qu'il fait pour s'équipper, eft admis par la Compagnie è raifon de 12S florins. . Le Matelot coüte donc deux eens cinquante-fept florins è la Compagnie, & fes Gages courent du jour qu'il vient k bord. Après avoir développé tout cela, qui ne voit evi. demuient que les Directeurs n'ont épargné aucun fraix, afin de pourvoir, s'il eüt été poffible, l'Inde de Vaifleaux'&de Monde; mais les Circonftances des Affaires en Europe, les Enrólemens extraordinaires en faveur d'autres Corps , renverfaient chaque fois leur attente. Qui n'apprend en même tems avec douleur le dommage que la mortalité d environ Mille Hommes abord dehuitNavires arinés, entre les Pays.bas Unis & le Cap, a caufé a la Compagnie! Perte qui devient plus grande, a proportion que ces Vaifleaux ont été réduits a s'arrèter plus longtems dans les Ports Celgiques, oü ils ont refté plus de treue mois prêts a mettre a la voile. Qu'on ajoute encore a toutes ces pertes réellesle défaut des Retours, dont les Profits, méme dans les tems ordinaires, fervent èfubveniraux Fraix; lesquels auffi n'ont pas étérecus depuis 1'année 1780, fil'on en excepteles trois Navires qui fe font trouvés è Drontheim. Alors faut-il s'étonner que la Compagnie fe trouva dans ces circonftances ac-  C 3233 accidentel'es; ou plutót ne fera-t on pas firrpris que la Com. pagnie ait jufqu'a préfent pu füpporter tous ces coups fcnfibles; puisqu'éiant hors d'état de pouvoir négocier fur fon propre Crédit, elle n'a, fous la Garantie tanr de Vos Hautes PuifBnces que des Seigneurs Etats de Hollande & de Welf. Frife, encaiffé que huk Millions; ce qui joint même au Provenu des Ventes faites au Printems des années 178 r, 178a &1783 , ne peut aucunement entrer en comparaifon avec les Ventes qu'elle fait d'ordinaire chaque année. Les Directeurs penfent avoir ainfi fuffifamment démontré aV. H. P., que la caufe des Circonftar,ces oü ils fe trouvent, doit être uniquement cherchée dans cette guerre mal. heureufe. II en réfulte donc, que cette caufe n'étantqu'ac«identelle, ces circonftances doivent aufïï, après que la guerre fera terminée, s'améliorer: Conféquence qui fe ma. nifellera encore davantage par l'expofition du fecond poinr, favoir, l'efpoir bien fondé de continuer le Commerce de 1'I'ide avec un fuccès heureux, fous les aufpice» de V. H. P. & la Bénédiétion de 1'Etre Suprème. Si la pofition de Ia Compagnie pouvait être attribuéea une diminutiondeCora. merce; fi des Débourfés contir.uellement plus forts que ci. devant, avaient épuifé lés Caifles; fi, enfin, quelques caufes, autres qu'accidentelles, avaient, pour ainfi dire, menacé fa chüte de loin; les Directeurs n'oferaient guere» fe flatter du moindre redreffement ou amélioration5 les Direfteursn'oferaient pasaflurerV. H. P., comme ils Ie fontactu. ellement de bonne-foi, qu'ils ne peuvent imattiner aucuoes railons, capables d'empêcher a 1'avenir le fuccés de leur Commerce, a moins qu'il n'arrivat un changement rotal dans le Syltême politique & mercantile. On n'olè préfager a Vr. H. P., que la Compagnie parvienne jamais a fa première fpkndeurj mais auffi ilne ferait gueres difficile ue décou»rir les caufes pour lesquerfes la Compagnie n'eft pas auffi il riifante dans ce fiecie que dans le Pecle précédent. II i'uffic d'alléguer la Navigation. le Commerce plus fréquens dcj autres Nations , outre la Compagnie B-lgique, p. ur c mvaiacre chacun de l'impoffibilité d'afpirer toujours a ceue profpérité. Mais, comme peu de tems avant 1'éruption de la guerre, elle s'ett trouv"edans une fituation b -attcotip plus favorable qu'elle ne le fut pendant les 25 années antéritures, &ceia, quoique les Maladies & la Moitalité, tant a bord des Vaisfeaux fortant d'ici, que dan !a Capitaledes Indes Beigiques X a  C 324 ) même, euffent rendu indifpenfable un plus grand envoi de monde & par-la augmenté les Dépenfes. 3 Et comme cette fituation favorable avait mis Ia Comnagnie en état de pouvoir, de tems a autre, rembourftr quelques-unes de fes Dettes; en quoi elle a merae réuffi, au point que malgré les Sommes négociées année der. niere ces Dettes n'éga'.ent pas a beaucoup pres laSomme oü, 'durant ladite époque , montaient les Dettes de la ^^comme ces Sommes font, néanmoins, fans 1 inter■vention de perfonne, mais feulement par le Pront réfultant du Commerce, diminuées fi confidérablement & auraient fuivant toutes les apparences, été totalement nquidées fi la Répubiiaue n'avait été furprife par la guerre; les Direaeurs croient pouvoir en déduire que, pourvu ou'il fe viflent une bonne fois en état de taire, pour ainfi dire, revivre le Commerce; le même tems fortuné ne manquerait pas ron plus de revenir; du moins h Ia Providence daigne préferver fes Colonies & fes rxavires de Défaftres extraorditiaires. .; A cette fin, 011 n'a qu'a refléchir que depuis 1 an i/bo nul» Retours n'ont été expédiés des Indes; que par conPquent tout ce qui aurait dü être embarqué pour la Paine en 1781, 1782 & I783 re "0live" encore renfermé d~ns les Maaa'fins dë la Compagnie; tellement que ITnde n'at. tend ciue 1'occafion favorable de faire tranlporter fes Tiéfors dans les Pays-ba< Unis. Mais cette occaüon ne peut e„ere artiver fans 1'afliuance de V. H. P. Comme plufieürs Navires font néceffaires pour effectuer celranlport, comme d'ailleurs il faut qu'on penfe enfin férieufement a ioi'inir des deniers comptans a l'Inde, qui nadep.uts trois ans recu aucun argent des Pays-bas Unis; ce qu'on ne faurait évaluer a moins de fix Millions; puifqu'on doit encore fe préparer è expédier plufieurs autres Articles indifpenfables pour les Etabüffemens; les Direaeurs, après a„oir céfalqué ce qui, par ce moyen ou autre, pourrait rentrer peut-être, ne peuvent gueres évaluer leurs beloins a tnoins de 14 Millions. - „ , . Certainement cette Somme eft bien forte; mais elle les Éeïrrait auffi en ë'tit de faire, comme aurJSravant, revivre .t,n Commerce, qui a toujours été;de la plus grande utiïirë pour le pays, & qui, comme Jon 1'elpere, continutra auffi de l'étre: Cp  C 325 ) Ce qui menerait donc imperceptiblement les Direaeurs a cxpofer leur ttoifieme Point, Putilité de ce Commerce pour la République. Vouloir développerce Point dar.stouie fon étendue, ferait faire tort au jugemenr éclairé de V.H. P. auxquelles ne doit pas être inconnue l'influence que le Commerce tres Indes-Orientales doitavoirfur la République, foit a raifon de la Circulation importante des Deniers qui en réfulte, laquelle peut-être évaluée par ana quarante Millions au moins, provenant du Commerce direct, qui par fon enchainetnent avec d'autres Branches de Commerce peut même être calculé a un Tiers de plus; d'eü dénve de foi- même Ptntérêt notable qu'y a le Commerce: Soit par rapport a 1'expédition annuelle d'environ trente Vaiffeaux, & 1'intérêt de la Navigation par Pemploi journalier de 2500 hommes, du moins dans lei Cban iets refpeétifs. ——Le foutien de nombre des fujets de la République dans l'Inde. —— La profpérité plus grande de plufieurs autres dans la République même; qui la devaient, en grande p.:r- tie, a la Compagnie des Indes-Orientales. Et enfin 1'intérêt VérfUbie que le Pays a aars le maintien du Commerce del'Orient, relativement a fes propres Revenus, & qui depuis 1'érection de la Compagnie des lndes-Orientaies ft' font accrus a une Somme très-confiderable. Que l'on ajoute encore 1'intérêt de tant des Villes, qui, poffédant aftuellement des degrés de profpérité plus ou moins corfidérables 1'une que 1'autre, fout néanmoins toutes en état de contribuer au fuppon des charges du Pays, deviendraient bientot des Membres inutiles a 1'Edifice de 1'Etat. Faudrait-il donc que la Compagnie, qui a, au-Geflits de toutes les Puiflances Européennes, 1'avantage de pofféder les meilleurs Etsbüfïémens aux Indes; qui elt msitrefle dj Cap, la C'.é de Pinde enüere; qui poflèile Ceylon, cette Ifle qui, outre fes Productions de Canelle, a d'aiüeu:s 1'avantage de pouvoir impofer la Loi a tout 1'Occidet» de 1'fnde, qui compte parmi fes Pofl'fli >n« floriflantes 1'lfle de Java, cette Clé del'Orient, füt otyi&ée d'y reuoncer, ainfi qu'a Pavantage du Commerce de Pinde, Une telle démarche , envifagée politiquement, quelles conférences n'auraiteüepas? Car on ne cherchera pas a railbnner ici, mais feulement a réclamer Pexpérience, pour montrer que ie Commerce de Pinde ne peut fe faire qu'au moyen d'une Compagnie. L'exemple de la France , réJuite aauellement a revenu: a la ciéation d'une Compagnie des Indes OrientaX3 ies,  C 326 ) Jes, prouve fuffifammeut en notre faveur. Si donc le Commerce des Indes-Orientales ou, ce qui revient au même la Compagnie des Indes eft d'une fi grande utilité pour ié pays. ainfi qu'il a été prouvé par le troifierne Point, vérité dont V. H. P. ont montré être convaincues; fi donc on eft fondé a efpérer de pouvoir reprendre ce Commerce avec fuccès, & de délivrer par ce moyen la Compagnie des Embarras accidentels oü elle a été entrakée malgré elle, ainfi qu'il a été prouvé par les deux premiers Points, les Direéteurs doivent donc s'attendre au fecours effeétif de V. H. P. auquel ils ont fe droir le pluslégitirne, a raifon des malheuis qui réfultemient, fi la Compagnie, d'oü le Pays a tiré des Sommes fi confiJérables depuis fon érection , &qui eft a pié-e:é, on leur avait conflruit un vafte amphitbéatre a une diftance convenable du champ de bataille. Tous ces travaux étant préparés pourouvrir la fcene.Ies Sindics, le Confeil,les Étrangers de diftinclion, les parens & les favoris du Roi s'aflemblerent au palais de S. M., qui n'était qu'une maifon de peu d'apparence, dans un quartier retiré, & fitué dons une rue fort étroite de Ia haffe ville, C'eft de la cependant que le Monarque fe mit majeftueufement en marché le premier, au milieu des deux plus anciens Sindics, entre une doublé haie de Citoyens fous les armes. Au fecond rang venaient les deux anciens Sindics , enfuite marchaient plufieurs étrangers de diftinction, qui, derneurant dans Geneve, ou s'y trouvant par hazard, avaient été invités a la fête. Après eux venait Ie Confeil des Vingt-cinq; & la marché était fermée par les amis, les favoris & les parens de Sa Majéfté Genevoife. Elle traverfa dans cet ordre une partie de la ville, précédée d'une bande de tambours, de fifres, & de muficiens, qui jouaient alternativement des airs militaires. Lorfque leRoi, fa Cour & fes Gardes furent rendus dans la plaine oü les troupes étaient rangées en bataille, S. M. fut faluée par les Officiers-Généraux; & par une triple décharge de mousqueterie & d'anillerie; & ayant fait le tour des deux armées, le Roi fe placa fur 1'amphitéatre fous uu dais qui lui était préparé, & fa fuite fur des gradins plus  ( 332 ) plus bas, couverts des plus riches tapis, chacun felon fa dignité, fon rang ou fa naifTance Depuis longtems les troupes témoignaient la plus vive impaiience d'en venir aux mains; & lorfque le Roi fut afïïs il fut de toute impoffibilité de les comenir plus longtems! Elles demanderent a grands cris a leurs Officiers de les condnire è la gloire, & leMonarque donna le fignal. Ausfitót les deux armées marcherent st 1'attaque avec la plus gtande intrépidité, fachant qu'elles combattaient fous les yeux de leur Roi, de leurs Sindics, de leurs femmes, de leurs enfans, de leurs mtres & de leuis meres grands. Elles fe garderent bien de marquer la frayeurla plus légere. Elle» braverent le feu le plus vif & le mieux foutenu; le bruit du canon, loin de les intimider, ne ferwait qu'a redoubler leur valeur, & l'on entendait mille cris d'allegrefle percer les flots de fumée & de pouffiere, & 1'emporter fur les fons répétes des clairons & des trompettes. L'ingénieux auteur de cette feinte bataille avait eu foin de la varier par différens incidens. L'une des deux armées avait placé une embufcade derrière quelques arbres pour furprendre 1'ennemi; au cas, qu'empqné par fon courage, il wint a s'avancer avec trop de peu de précautions. Cette* rufe eet le plus grand fuccès; quoique les deux armées, auffi bien que les Ipeclateurs, euffent vu placer ce détachement. Un convoi de vivres s'étant avancé vers une des deux armées, fut attaqué fur le champ par un parti de 1'autre; $: aprés la plus chainle efcarmouche, la moitié des cha' rióts fut enlevée par les aflaillans, & Ie refle demeura aux troupes pour lesquelles il parailTait avoir été précédemmenc defliné. Un pont de bois fut enfuite brufquement attaqué, & defendu avec une bravoure égale , & finit par être détruit fous les coups de l'une & 1'autre armée; car dans la chaleur de 1'aaion, les cotnbattans ayant oublié fi ce pauvre pont leur appartenait ou s'il était aux ennemis, je ne pus comprendre comment il fe trouva au centre de la mêlée puifque dans toute 1'étendue du champ de bataille, il n'exi! irait ni riviere, ni ruifTeau, pas même un fimple foflë. Des deux cótés la cavalerie fit auffi des merveilles. II eüt été difficile de décider lequel des deux Généraux fe diftingua le plus. Leurs habits a l'un & a 1'autre étaient COIS-  ( 333 ) eouverts de galons d'or, car les loix fomptuaires ngoureufeinent obfervées en toute autres tems, é.aient fufpendues dans les occafions de cetie nature, afin de donner a 1'aftion tout 1'éclat dont elle pouvait être fufceptible. Comme chacun de ces braves Généraux épuifatt toute fott habileté dans des matches & des contremarches favamment exécutéesdepart & d'autre, & qu'aucun d'eux ne iongea.c a rien moins qu'a s'avouer vaincu , le Réve-end auteur du proiet ne put en rendre la cataftrophe auffi décifiv; _ auffi intéreffimte qu'il fe 1'était propofé; & tandis que la viéloire volait également fufpendue entre les combattans, un néraut accourutdel'Hótel de ville pour annoncer que le diner était prét Cette nouvelle parvint en un inïlant aux oretl'es des euerriers; & produifit fur eux un effet exadement femblable it celui que firent naitre les Sabines, fe préctpuant entre leurs ravifieurs & leurs parens. La fureur des foidats Genevois fe ralentit tout-a-coup; les deux armées, a la vue de ce qui leur eft le plus néceffiure , fufpendeiu leur anitnofité, mettent . bas les armes, s'embrafient, deviennent les meilleurs amis du monde, & volent au lieu du feftin. . , . „ . r La même Compagnie qui avait efcorté Ie Roi lur le champ de bataille , le fuivit dans le plus bel ordte a 1'Hótel de ville,oü l'on avait préparé un banquet magnihque Cette fête, d'abori militaire & champcre, changea pour lors abfolument de nature. L'Ho.el de ville & 'es rues voifines de ce fuperbe édifice, oü I on avait dreffi plufieurs tables pour un gr.nd nombre d officiers & de loldats, devinrent le lieu de la fcene. S. M., les Sindics, les Membres du Confeil ; tous les Étrangers dnerenc dans la Grand' Salie, & les autres Appartemens, ainfi que les cours étaient également remplis de moüde. Le carna^e du diner fut plus confidérabie que celui du combat; &°è que'ques autres égards, le feftin fe trouva prefque auffi guerrier. On avait placé une timbale au mmeu de la Salie; a chaque fanté le timballier battait une marche militaire qui était fur le champ répétée par l s tambours & les trompettes du dehors , & ftuyie du canon des tC Laarpremiere fanté que l'on y but, fut a la profpérité de la République. Dès que S. M. 1'eü; annoncée , toute la Compagnie fe leva, tenant tous 1'épée mie d une mam,  C 334 ) & Ie verre plein de 1'autre. Elle fut bue au fon de rooi les inftriitnens & des canons, aprés quoi, tous les Convives croiferent leurs épées, cérémonie qui fe pratiquait roujours dans chaque cercle ou cotterie, oü fe donne un repas è l'o^cafion de quelque réjouiflance publiqtie. C'eft un ancien ufage par lequel chaque ciioyen s'engage a prodiguer fon fang pour la patrie. La fanté du Roi fe bur enfuite, mais fans la derniere cérémonie, puis celles a 1'honneur des Dames, des Étrangers de tous le« pays, & de tous les Convives. Après avoir été deux grandes heures a table, on pratiqua une autre cérémonie, alTez finguliere. Cent gr'nadiers, le fabre a la main, s'avancerent d'un pas a ave au milieu de Ia falie; ce qui leur était d'autant pus facile; que la table était difpffée eu fer a cheval, ils trouvaient au centre une efpace capable de les contenir. Ils demanderent la perrh'flion de porter une fanté: dés qu'elle leur futaccordée, chaque Grenadier, par un mou. vement bien compalTé, tira de fa poche un grand gobelet, qui, ayant été rempli de vin fur Ie champ, l'un de ces Grenadiers, au nom de fes confrères & de toute 1'armée, porta la fanté du Roi Moyfe I. Son exemple fut fuivi pir fes camatades & par toute la Compagnie; & célébrée comme les précédentes, au bruit des tambours, des trompettes & de 1'attillerie. Après cette fanté & plufieurs autres, le* Grenadiers firent a droite, & fortirent de la falie avec la même gravité qu'ils y étaient entrés, & allerent reprendre leurs places aux tables dreffées dans les rues. Peu après, un homme fingulierement vétu entra dans la falie, & diftribua a tous lesConvives quelques feuilles imprimées qui femblaient par leur huinidité fortir récemment de la prefle. C'était un Vaudeville compofe a 1'occafion de la fête, fort gai, plein d'efprit & de bon fens, oül'on faifait avec enjoüment 1'énumération des avantages, dont jouiflaient encore les .Citoyens de Geneve, & par lequel on les exhortait a la concorde, è profiter de leur induftrie & a 1'amour de la patrie. Cette ingénieufe chanlön fut d'abord cnantée par celui qui venait de la préfenter, & répétée enfuite par un grand nombre d'affiftans qui faifa'ert chorus; cc dans un moment on 1'entendit dianier dans toites les rues de Ia ville. A notre dei'cente de 1'Hótel de ville, nous trouvames les foi*  ( 335 ) foldats mêlés avec leurs Officiers, aflls encore aux tables drelTées dans les rues, & entourés de leurs femmes & de leurs enfans. Ils ne tarderent pas a fe lever, & s'étant féparés en différentes Compagnies, ils fe répandirent dans les champs, fur les remparts & dans les jardins, oü ils continuerent a s'amufer jufqu'è la nuit, a danrer au fon des inftrumens. Sur les o heures du foir, toute la ville parat illuminée; on tira deux heures après fur la grande place uil fuperbe feu d'artifice, oü 1'artifte préfenta fous des feux de diverfes couleurs, un grand nombre d'allégories, d'emblêmes, de devifes & d'infcriptions analogues il la féte, après quoi S. M. Moyfe I. fut reconduit dans fon palais au même ordre & avec la même fuite qu'il en était forti; mais avant que d'entrer il jeta lui même au peuple une quantité confidérable de médailles d'argent, propres aéternifer parmi fes Concitoyens, fon adrefle, fon regne & ce jour mémorable. Quoique cette féte ne füt qu'un tableau bien imparfait des manoeuvres ufitées en tems de guerre,& de 1'élégance d'un banquet royal, il en formait cependant un bien frappant d'égalité, de joie réelle & fincere, de concorde & de zele patriotique. On y voyait tous les habitans d'une ville, de tout un Etat même, réunis & ne formant qu'une même familie étroitement & tendrement liée, fpeétacle peu commun, enchanteur pour toute ame fenfible. Ces fêtes, ces exercices, les revues générales de chaque année, formaient jad's a Geneve un fpeétacle agréable & innocent pour les femmes & les enfans; contribuaient a la fanté & au plaifir des miliciens mêmjs, & leur donnaient en général un noble maintien, en leur faifant fentir leur propre importance. Connut-on jamais, Monfieur, dans votre trifle cité des amufemeus de cette efpece ? Une apathie univetfeile n'y regne-t elle pas conftamment pour tous les autres objets qui n'ont que peu ou point de rapport avec le Commerce? Vous favez que 1'état de Négociant ne fut jamais propre a nourrir le patriotifme, puifque 1'intérêt particulier, qui en eft partout 1'ame & le véhicule, fe trouve toujours en oppofition avec 1'intérêt public , & fait fouvent même oublier jufqu'a 1'amour de la patrie. Ce ferait donc a des fêtes, a des exercices femblabies, que devrait s'occuper la jeunefle de 1'opulente Amiterdam & des autres villes des Pays-bas.Unïs. lis y piendraieut une contenance mild  C 33«) male & fiere qui leuf manque abfolumenf.; & outre' IV mour de leur patrie dont ces exercices leur fourniraienr, chaque jourun aliment nouveau,leurs corps y deviendraient plus robuttes, leurs membres s'y dégourdiraient; & leur fanté deviendrait plus durable & plus ferme. En formant des compagnies de cavalerie, vos jeunes gens apprendraienc k monter a cheval,a s'y tenir avec grace & dignité, cequi eft fi rare parmi eux, & au lieu de ces cavalcades iiifipidesque l'on leur voit renouveler tous les famedis & les dimanches, a fi grands frais, fans que le plaifir qui en réfulte pour eux &pour les fpeóbteurs puifle valoir cequi leur coüte; votre jeunefle s'y mettrait au fait des évolutions de la cavalerie, apprendrait a connaitre la bonté & les vices de leurs che» vaux, & en cas debefoin, cequi ne peut que trop arriver, foutenue par le zele des ciroyens & réglée par la difcipline qu'une troupe de cette efpece peut aJmeitre, fans recourit aux ravages des éclufes, pourrait préfer ver Amfterdam d'infulte ou d un coup de main, procuterait les moyens de défendre la ville d'un ambitieux voifin, ou d'un citoyen corrompu, julqu'au moment oii elie pourrait être fecourue par les autres Etati de la Confélération Belgique. Mais avant tour, je voud-ais que Pexeicice a la Prufiïenne, devenu aujourd'hui celui de toute PEurope & de I'Amérique, füt lubflitué aux lourdes & rifibles évolutions que j'ai vu Pan pnfTé faire apprendre a vos Compagnies Bourgeoifes, qui déji trop lentes & trop fle?mariques de leur naturel, ont befoin •de fe former a de?' mouvemens plus vifs ck plus rapidement exécutés. La fituation d'Anifterdam, la largeur du Golfe qui torme fon port; & Ie Zuider-Zée même s'il en était befoin, pourraient fervir a de^ limulacres de naumarchtes aufli amufans pour les afieurs que pour ceux qui en feraient les témoins; on y fótmerait l< s jeunes Oiiiciers & les ma'elots au msrceu -res nautiques & martiale:-, & par lafiluence des éirangers que ces fêtes attireraient dans la ville oü vous hab tez, on y ferait couler un nouveau Pactole au (em de fes remparis. Je fuis avec refpeift Monsieur Votre très-obéiflant Serviteur * * * ancien Citoyen de Geneve. {Aux Adrejfes ordinaires,')  L E POLITIQUE No.CXXVII. LUNDI, cei4JÜILLET, 1783, Suite du CHAPITRE LIX. Sur les conféquences de l'indépendance Amèricaine, particuliérement fur la perfpeclive qu'offrent prèfentement les Treize.Etats Unis d PEurope: Expofé du projet de Mr. le Baron de GroThaus fur un nouveau fyjiême de Banque nationale. Extrait d'une Lettre de Philadelphie , du 2 Mat. „ XTous me demandez , Monfieur, quelles mefures „ v adopiera le Congrès pour éviter les incomruodités ,, que les Gouvernemens Européens ne manquent pag „ d'éprouver,coutes les fois qu'ils paflent de 1'étatde guer„ re a 1'état de paix, ou de celui de paix a 1'état de „ guerre. Si ma réponfe vous étoni'e, ne vous en prenez ,, qu'a vos préjugés, qui vous font reiiatder vos ufages „ comme devant fervir d'exemple a 1'univers entier. Sonn gez cependant qu'il ne ferait pas jufteque les f'autes éter„ nelles de 1'ancien Continent fuflent perdues pour le „ nouveau." „ Chez vous a, peine la trompette guerriere a t elle re» „ tenti, qu'on arrache de fa charrue le laboureur pour fe Tous V. Y „ tran*-  C 338) „ transfotmer en défenfeur des foyers qu'il n'a plus; & „ lorsque les querelles des Rois ceffent, faute d'argent, „ cent mille bras demeurés fans moyens de fubfillance, „ embarraffent 1'état appauvri, & n'ont quelquefois d'au„ tre reflburceque celle d'aller chercber ailleurs des com„ bats & du pain. Nous avons prévenu ici, autant que „ la prudence 1'a permis, les fuites funeftes de ce doublé „ malheur: nous avions enrólé a Ia vérité 70000 hommes i, de milice pour fervir au befoinmais fans leur faire dé„ ferter ni leurs charops, ni leurs atteliers. Une armée de „ 12 a 15000 hommes fuffifait pour Ia défenfe de notre eau„ fe; & quand les fecours de notre allié & les événemens ,, de Ia guerre nous ont permis de diminuer la force de „ cette armée, elle a été réduite a un tel point, qu'au „ moment de la paix la totalité de cette armée ne s'élevait „ qu'a 4800 hommes effecïifs d'infantetie, & a 2600 che„ vaux." ,, A cette époque auffi défirée, que glorieufe pour la „ patrie; au lieu de grever les peuples d'un nouvel impöt „ en faveur des conquéransde Ia liberté publique, leCon„ grès leur a concédé des terreins, pour les récompenfer „ de leurs fatigues & de leurs travaux. C'eft ainfi que ,, Pexiftence de nos guerriers, loin d'étre onéreufe a noa „ provinces, leur deviendra au contraire utila par 1'aug„ mentation de la culture générale, & des manufaétures „ qui vont alimenter notre commerce. Vous m'objecteriez „ envain que ce n'eft jusques-la qu'une imitation des an- ciens bénéfices militaires qui donnerent autrefois nais,, fance au regne féodal en France. Nous ne craignons pas », une pareille conféquence chez nous. Ce n'eft que par „ le concert de tous les Etats particuliers qu'une nouvelle ,, guerre pourrait éclater, & c'en eft affez pour affurer que „ notre tranquillité fera durable: ainfi nous n'aurons pas de „ long-tems a faire de nouvelles concefïïong de terrein» Chaque guerrier cultivera le fien, y élevera fa familie, ,, & apprendra a fes petits-enfans qu'ils tiennent de la pa- trie tout ce que les hommes ont de plus cher au monde, ,, leur fortune, leur repos & la liberté. Enfin le Gou,, vernement populaire, touruant principalement fes vues „ vers le commerce maritime, fera gerraer dans tous les „ efprits, ce principe d'expérience, que la guerre eft 1'en'„ nemie capitale de la profpérité publique." Quoi-  C 339 ) j, Quoique notf2 dette publique foit déja confidérabie, il eft de fait, cependant, que les 7' années de guerre „ enfembleKmt cottté infiniment moins de dépenfes aü „ Congrès, qu'une feule année de cette même guerre n'a 4, coóté £t 1'Angleterre: de plus, la guerre fe faifait fur no„ tre foi; elle y a dépofé fes engrais,qui font des guinées^ „ & cette monnaie eft peut-être plus commune (propor$, tion gardée) a Philadelphie qu'a Londres: il nous en „ renirera encore quelques-unes; quand la Grande-Brétagne' „ fera obligée de nous payer environ 30 mille livres fter„ ling qu'elle doit au Congrès pour 1'entretien de prifon. „ niers Anglais." ,, Notre banque, établie feulement depuis ün an, acquiert „ de jour en jour plus de crédit & plus de confiftance. „ L'or de France, d'Efpagne & de Portugal a fortné les „ fondemens folides de eet établiffement; notre aflivité 2 j, fait le refte. L'attention du Congrès fe porte toute fur „ les moyens d'augmenter la fomme de nos exportations; „ & déja il a donné des encouragemens pour la culture du cbanvre." „ Chaque province, a i'envi 1'tine de? 1'autre, elfaye les ^ ptoduétions les plus propres a fon climar. Dans la Ca„ roline, par exemple, on cultive les vers a foie avec un fuccès vraiment admirable. Les muriers font taillés en „ haye, ce qui facilite le dépouillement de la feuille qu'on coupe avec des cifeauat, en même tempsque le brin; & „ 1'éducation da ver eft infiniment plus facile & plus pro„ pre par cette méthode. Les foies provenues de cette „ culture ont été ouvrées dans la même province, & les „ étofFes apportées en Europe ont déja obtenu le fufïrage „ de vos manufacturiers." „ La province de Maffachiiflet, fituéeau nord, s'adonne „ fpécialemeut a la pêche dciamorue; & favantage que ., lui donnc fa fituation géograplitque pour ce genre de „ commerce efttel.qii'aiicune nation de 1'Europe ne pourra rivalifer avec les pêcheurs de Bofton." „ Enfin la différente latitude de nos cótes immenfes as. „ fure un grand commerce de caborage aux provinces ma5J ritimes, & formera une pépiniere de matelots pour Ia £ grande navigation,lorsque notre fuperflu fera en étatd'être }, échangé contre vos denrées d'Europe." „ Voila, mon ami, les premiers avantages que préfente Y j2 ne.  C 34° ) „ rtotre conftitution; elle eft falne, elle eft fage, elle n'en,', treprendra rien au delfos de fes véritables forces, & per„ fonne ne peut fonger è les attaquer avant qu'elles foient „ élevées a toute leur grandeur. Nos pas feront rapides, ,, paree que nous aurons fans ceffe préfents a nos yeux, „ & fe.xemple de 1'Europe. & Ie flambeau de 1'expérien„ ce, qui feront nos guides conftans dans toutes nos dé» ,, marches, &c." A la fuite de ces remarques on ne verra certainement pas fans intérêt les traits fuivans échappés Jt un écrivain Frangais fur quelques-uns des Américains, qui ont le plus contribué a élever, pour me fervir des paroles du Général Washington , cet idifice mujejiueux d'empire & de liberté ouvert a ces vitïimes que la mi/ere ou l'opprejjion pourfuit dans toutes les parties du globe. Washington. C'eft 1'homme qu'il fallait pour Ia révolution de I'Amérique. Lorsqu'un peuple fe fouleve & fe donne des chefs qui ne font pas animés de fon efprit, ils en profitent pour 1'opprimer; il ne fait alors que changer de joug. Lorsque des chefs excitent un peuple è la révolte & que celui-ci n'a pas les mêmes intéréts qu'eux, il fe lafle bientót des troubles & retourne fubitement a fon joug naturel; la révolution alors n'eft qu'un émeute. Mais lorsque les peuples & les chefs fonc conduits par le même génie & enflammés des mêmes pasfions, la première émeute devient une révolution comp'lete. La nation entiere forme alors une mafte qui preffe dans toute fa denfité & dans toute fon étendue; 4-ien ne réfifte a fon poids. On dit que le Hoi de Prufle a envoyé une épée ö Washington : l'on aurait pu mettre cette addrefle è Ce préffent': Le plus grand Général de i'ancien monde au plus'grand Général du nouveau, Jean  C 34i ) Jean Adams. II a été un des plus grands Auteurs de la liberté Amèricaine. J'ai éprouvé auprcs de lui cette fatisfaétion fi rare de trouver le caractere de 1'Auteur correfpondant au róle qu'il joue: je vis un homme tout entier a fon objet, qui ne parlait que pour donner bonne opinion de fa caufe & une grande idéé de fa nation. Son exterieur fimple femble fait pour contrafter avec la force & 1'étendue de fes penfées; elles étaient toutes tournées du cóté de la République dont il avait aidé & pofer les fondemens, & ne perdaient pas de leur chaleur pour être exprimées avec méthode & précifion, comme une armée qui marche a 1'ennemi n'a pas l'air moins audacieux, pour obferver les loix de la taöique. Parmi plufieurs faits qu'il citait en 1'honneur de fon pays, il en eft un qui mérite de pafler a la poftérité Deux jeunes foldats avaient déferté de 1'armée, & ils étaient re tournés a la maifon paternelle. Le pere indigné de cette aclion, les ramena lui même au Lord Stirling, leur Général, qui leur pardonna en faveur du pere. t Ainfi fexprime l'Auteur oü nous avons puijé ces détails.") Ön peut ajouter que ce grand homme a rèuni tous les talens des perfonnages deftinés è faire le deftin des empires. II a montré les fuccès des Demofthenes par les produdïions littéraires qui répandirent les germes de la révolution dans 1'efprit de fes concitoyens, les talens des Chatham dans les premiers Congrès dont il fut 1'ame . le génie de Licurgue dans la conftitution de Maffachufet dont-il fut 1'Auteur, la politique des Temple dans le Traité préparatoire avec 1'Angleterre dont-il a été le principal Négociateur. Ainfi fe développe la brillante perfpeétive qu'offre la République des treize Etats- Unis. II Y 3 neft  ( 342 ) n'eft donc pas étonnant que les hammes de tous les rangs , les fpéculateurs de cous les objecs , je. tent leurs regards vers cet Etat naiflant. Les,papiers publics nous ont inftruit, a cette occafion, du projet d'une Banque fur un plan abfolument nouveau, propofé aux citoyens de I'Amérique. L'Au. teur de ce projet, Mr. le Baron de Grothaus, ayant bien voulu nous communiquer une copie de fon fyftême, nous nous Mtons de le faire paraitre dans la langue Frangaife. On ne faurait trop étendre la connaiflance d'un projet qui peut procurer les plus grands avantages aux nations qui voudront 1'adopter. Si la fimplicité & la clarté indiquent les produétions des grands génies , on ne peut refufer ce titrc h l'Auteur de ce projet. TRAiTé fur un nouveau Plan dk Banque nationale pour le public en Général par Mr. le Baron de Grothaus. Les papiers publics d'Angleterre ont parlé avec Ie plus grand éloge d'un projet de Banque nationale publique , de ma fagon. Mais comme on y fait menrion d'une produftion antéricure , écrite iur le même fujet, je crois qu'il eft de mon devoir de mettre fous les yeux du public les idéés que j'ai de. véloppées dans ce premier plan. II eft vrai que j'ai travaillé plus amplernent fur cet objet en Frangais; mais le manufcrit n'a pas encore vu le jour; il repofetranquillement avec les autres papiers de mon porte-feuille J'ai fouvent parlé de mon projet k des Banquiers & k des négocians; j'ai conféré avec eux fur ce fujet; mais je n'avais pas encore pris de réfolution définitive k cet égard, foit défiance naturelle de mes talens , foit crainte d'être accufé d'une orgueilleufe préfomption. Ce plan fut imaginé primitivement-pour 1'Eledr.oxat de Hanovre. Et je crois de bonne-foi qu'il y i fera  C 343 ) fera k plus grand bien, s'il y eft adopté. Je fuis convaincu qu'il y aura tous les effets expoiés dans 1'entreprife. II n'eft pas même dit, fi, quelque iour on ne penfera pas férieufement a un projet de cette nature; il paraitra du moins bien clair & bien évident que ce nouveau plan de Banque nationale, oue ie vais décrire, ferait un objet de la plus grande utilité dans tous les pays connus du globe; foit grands foit petits ; foit Républicains foit Monar- ^ï^n'aurai pas la vanité d'approfondir 1'hiftoire des divers établifiemens des préfentes Banques publiques ; je ne veux que jeter un coup-d'ceil fur leurs avantages & leurs défavantages. Les Banques publiques, ayant 1'avantage particulier de crée--(*) par de nouveaux fignes, une monnaie fidive & d'ajouter h la maffe des fonds publics,elles ont paru d'un fi grand avantage aux objets du commerce , qu'elles font adoptées dans presque tous les pays. Te dois cependant obferver que toutes les Banques établies jusqu'è préfent font fujettes aux inconvéniens que je vais expofer: ... Premierement. Elles ne font immédiatement avantacreufes qu'k un trés-petit nombre. Secondement. Elles ne font combmécs que pour 1'avantage des ricbes. U (*•) II rne femble que les billets de banque n'augmen. tem nas la maffe des fignes de la valeur des chofes, quand ils ne repréfentent exaaement que les efpeces reelles qu on v a dépofées. Elles ne peuvent s'écaner de cette regie, fans tromper la confiance publique; il n'y a que dans le proiet de Mr. le Baron, que cette obfervation eft vra.e a la lettre, & dènuée de 'tout danger, en faifant entter les biens.fonds dans la circulation publique. Note du Politique Hollandais.  C 344 ) Troifiememene. En préfentant des avantages au commerce, elles n'en procurent aucun ou que bien peu è l'agriculture, qui devrait être le premier objet de tous les Etats quelconques. En quatrieme & dernier lieu. Au lieu de prêter au public, elles empruntent de lui, & généralement , fans procurer aucun intérêt. Pour obvier a ces inconvéniens, je vais expofer un plan], qui, je penfe,(& j'efpere que ce n'eft pas fans raifou,) embraffe le bicn-être d'un Etat en grand, & indique une route aifée , commode , exempte d'épines , pour la clalTe moyenne du peuple, auffi bien que pour celle des opulens; même pour toutes les efpeces d'individus, & en particulier pour 1'extenfion du commerce . 1'avancement de J'Agriculture & la folidite de gouvernement même. Plan de la Banque. Premierement, Une certaine fomrrje fera empi-untée par 1'Ecat , fur le crédit de la foi publique, pour laquelle on paira 1'intérêt ordinaire. ' Secondement Quiconque voudraemprunterdel'argent pour i'avancement ou les progrès de FAgri. culture ou du Commerce ou pour quelque autre objet, fera fecouru- par la Banque juequ'a la concurrence de quatre vingt pour cent de fa propriété réelle, qui dèslors fera engagée ipfofacïota un intérêt moindre que 1'intérêt légal, au moyen de quoi, quatre cinquiemes de tout 1'Etat feront ou peuvent être en circulation continuelle entre les Gouverneurs & les Gouverné;; & au moyen de quoi„ la République aura tous les avantages qui réfultent néceffairement de la circulation des Billets de Banque dans les Etats Commncans , fans compter les avantages mercantiles d'Efcompte, ce qui fupplée a la dif. férence entre les prêts faits a gros intéréts & les prêts faits è petits intéréts, ainfi qu'è toutes les autres dépenfes de la Banque; commeBatimens j>ayement des Directeurs, des Commis &c. Troi-  ( 34J ) Troifiernement. Attendu que les Banques ou les Banquiers n'allouent aucun intérêt pour 1'argent ou les efpeces courantes; cette Banque, au contraire ne payera qu'un pour cent de moins que le taux auquel elle emprunte fes fonds. Quatriemement La Banque prêtera encore fans intéréts, avec les cautions convenables, jusqu'a la concurrence d'une certaine fomme, mais pour un certain tems feulement, paffe lequel f les fonds feront vendus jusqu'a 1'ent er rembourfement de la Banque. Cinquiemement. II fera établi des Comptoirs de la Banque nationale dans toutes les parties de 1'Etat ; & ils feront dans une liailon & une correspondance continuelle avec la Banque principale. Sixiemement. La Banque fera établie le premier créancier par la Loi. Ayant ainfi, en peu de paroles, expofé le plan de la Banque, je me bornerai a quelques obfervations qui rendront plus frappans les immenfes avantages qui doivent réfulter d'une pareille in\titution. "Tout obfervateur qui a iuivi avec quelque foin le genre humain dans toutes les clafles, a travers les différens états de la vie; qui s'eft appliqué 3t étudier la vanité de la plupart des ricbes & qui n'a pas fermé fes yeux & fes orei'les aux miferes & aux cris des indigens & des nêcejjiteux, découvrira bientót, que presque tous les maux d'un Etat tirent leur origine de 1'inégale repartition !de 1'argent & particulieremen du commerce vicieux qu'on en fait; ce qui rend, s'il eft poffible, les pauvres encore plus pauvres encore. Je demande que le Ledteur indulgent & bcnévole veuille bien confiderer un moment la Banque que je propofe. Comme, dans les papiers publics, on a fait mention de la Virginie, je me fuis transporté en efprit dans le voifinage de Richmond, Capitale de cet Etat naijjant. Suppofons qu'un citoyen de cet Etat ait des terres, évaluées deux mille livres fterlings Le propriétaire aurait befoin de bitir une maifon qui Y j fer-  C34Ö) fervirait k 1'embelliffement de la Capitale, ou d'un vaiffeau, póur transporter le produit de fon pays dans les climats étrangers & lointains, fous les auspices du nouveau pavillon aux treize étoiles. II fait fon marché avec les différens ouvriers; lorsqu'il a befoin de payer, il tire fucceffivement fur la Banque Pendant ce tems, des billets pour des fommcs confidérables font préfentés; la Banque eft obligée d'y faire honneur. Le vaiffeau met a la voile; 1'année s'écoule; on nè demande point d'intérêt; on ne s'inquiéte point; on n'a pas befoin de recourir aux Capitalift.es; point d'atteinte au crédit, malheur plus intolérable que la mort, pour des hommes d fentimens ê? d'bonneur. La Banque ne fait qu'ajouter 1'intérêt lêgdl au Capital. Le vaiffeau retourne; fon gain eft confidérable. II le verfe tout entier dans la Banque, fachant qu'il peut toujours tirer fur elle k vue. II trouve qu'il pofféde plus qu'il ne doit; cependant, il ne laiffe pas (comme je viens de le dire) de tout verfer dans la Banque, attendu qu'il ne perd qu'un pour cent dans 1'intérêt qu'il donnait a la Banque bicnfaifante qui lui prêta fi généreufement ,&qui lui facilita le moyen für de jeter les fondemens d'une fortune qu'il dépendra toujours de lui d'augmenter, s'il le veut Qu'il plaife actuellement au leéteur bénévole de quitter les riches campagnes, voifines de Ia Capitale, pour me fuivre dans les deferts de 1'intérieur des terres de ce même Etat, Un fol excellent, un climat féduifant, invitent le paifible cultivatcur a défricher la terre, a labourer une certaine quantité d'acres qui flattent Ton efpoir, & a établir ia familie qu'il a ou qu'il attend , dans une folitude délicieufe, que les vices de 1'Europe n'ont pas encore fouillée. La même étendue de terrein qui, pres de la Capitale, était évaluée deux mille livres. ne faurait étre eftimée plus de cinquante. C'eft une aqm". fition ou une conceffion faite a ce nouvel habitant; il n'a pas dargent pour s'y tranfporter; il ea  ( 347 ) en manque, furtout, pour avoir des inftrumens d'aericulture. La Banque, prévoyant tous ces befoins, lui ouvre fes magalins, elle: fournic a tout ce qu'il lui faut; il devient fon débiteur; il com. mence k travailler. 11 a befoin d'argent; on s eft obliaéde lui fournir jufqu'a la concurrence de quatre vinet pour cent de la valeur de fa propriété. Au bout de deux ans, les terres font peut-etre évaluéesde nouveau; leur prix a beaueoup augmenté, & en même tems le crédit de 1'induftneux pro. PrOuiuons a préfent les tranquilles habitans de Phémifohere occidental. Jetons nos yeux. fur_le vafte Empire qui a paru tout k coup iur 1'norifon en Europe, qui fait ^iï viendrait par la le depót univerfel de 1'argent de 1'Etat; on s'cmprefferait de 1'y porter, foit par ce ciu'il rendrait un intérêt utile, 'foit par ce qu'il ferait öès-lors a 1'abri des atteintes du fort: dès lors tout le  ( 355 ) le numeraire d'un état ferait en circulation, auffi bien que les propriétés foncieres; les efpeces fic5ti— ves que i'Angtëtèfre a crèéés au moyen de fes dettes & de fon crédit, ne pourraient entreren baiance avec un fiftême appuyé fur des bafes auffi folidcs. La Fran» ce, par exemple, cn 1'adoptant, ne manquerait pas d'aquérir une fupériorité décidée que 1'Angleterre n'a eue qu'en leurrant lés autres nations. La Banque, étant devenue infenfiblement le feul comme le premier créancier; les procés innombrables , occafionnéés par lés dettes particulieres n'exifieraient plus. Elle aboürait infenfiblement ces légions noires, rapaces d'hommes de loi qui dévorent la fubftance des families & introduiient tant de divifions dans la fociété. On pourrait objecler que ce plan ne ferait avantaeeux qu'a une portion de citoyens, aux propriétaires fonciers, Or,que de perfonnes dans le monde, de riches méme qui n'ont pas le bonheur de pofféder un pouce de terrein? II eft vrai que ce plan eft particuliérement adapté & avantageux aux propriétaires fonciers. En ce cas, il con vient fingulierement aux pays riches en fonds; en cela il tend merveilleufement h relevcr la valeur des terres & è tourner toutes les vues de la fociété vers les richeffes primitives de 1'homme. II s'accomode ainfi particuliérement avec le fiftême des Economiftes Francais. II eft impoffible de détailier les avantages qu'il offre fous ce point de vue, a un Etat; foit en augmentant & confolidant la valeur des terres, foit en ramenant les hom« mes aux veftus qui caraétérifent la vie agricole, & en tendant par la a réprimer les défordres du luxe pernicieux a tous les Etats. En excitant les membres de la fociété a 1'acquifition des propriétés foncieres, cette inftitution tend a diminuer le nombre des grandes propriétés que plufieurs ont regardé comme dangereufes aux' Ktats & a établir une répartition plus égale, Ainfi fans penfer a introduire une communauté chimérique de biens, Z 2 elle  C 356" ) elle vife a en ramener les avantages, fans produire aucun de fes inconvéniens. Par ce même effet elle diminuerait fingulierement le nombre des pauvres que le luxe laiffe fans propriété; & les mettrait dans le cas de fe paffer de ces engagemens ufuraires qui ruinent tant d'honnêtes peres de familie. 11 y aurait. il eft vrai, dans le commencement, des] cas nombreux, ou les hommes fans propriétés foncieres, auraient befoin des fecours de la Banque. Mais dans ce cas même, la Banque pourrait également venir a leur fecours, ainfi que le font aftuellement les Lombards, & les particuliers qui font valoir leurs capitaux. Elle prêterait fur des effets mobiliaires ou fur des cautions dont les fonds lui feraient hipotéqués; mais au lieu que 1'intérêt des Lombards ou des capitalift.es- prêteurs eft ïntolérable & tend véritablement è rendre les pauvres encore plus pauvres par le poid exceffif de 1'intérêt ; la Banque, au contraire, fe contenterait d'un intérêt modique, que 1'Etat déterminerait & que 1'extrême quantité de richefles en circulation ne manquerait pas de faire baiffer, au grand avantage de la nation en général & de toutes les branches de 1'induftrie en particulier _ ■? 11 eft des perfonnes qui pourraient objetterè ce plan qu'il donne aux Princes des reflburces infinies, une trop grande quantité de richefles difponibles, qui dans les mains d'un Monarque fage, patriote &pacifique, ferviraient, il eft vrai, a faire fleurir 1'Etat: mais qui, a la difpofition de Princes d'un caraftere oppofé , qui ne font pas rares, leur donneraient la facilité, & par la, 1'occafion d'exécuter des entreprifes ambitieufes qui , foulevant toutes les nations voifines contre eux, pourraient caufer a la fin la ruine de lêurs peuples avec la cela je réponds que la Banque, devenue nationale , mettrait en effet let, biens des fujets dans les mains de 1'adminiftration; mais qui ne voit qu'elle eft combinée de maniere a ne pouvoir caufer des  C 357 ) effets pernicieus, fans ébranler 1'intérêt & le crédit duSouverain F La Banque étant devenue un établ.ifement national, le Souverain eft dès lors le premier banquier; fon tréfor n'exifte plus que dans la Banque générale; il y eft depofé pour fon avantage particulier, autant que pour 1'avantage public; en lemettant a même de retirer les intéréts ordinaires aue rapportent les prêts faits par la Banque; nour■ rintérêt public, afin d'aider ceux de fes fuïets aui feraient dans le cas d'avoir befoin d avances. C'eft ainfi que cet ingénieux fiftême lie intimement les fuiets avec le Gouvernement. Qui ne voit que dès que le Souverain formerait des entrepnfes disrjendieufes & extravagantes fur es Etats de fes voifins il ébranlerait dès lors le credit de fa Banque', & par conféquent le fien propre? D'ailleurs 1'efprit de commerce & de finance n'eft nas naturellement conquérant. 11 infpire infenfiblement des idéés de fagefie, d'economie & de paix, qui font diamétralement oppofees a la foif défordonnée des conquêtes. . U Ce fiftême rend le Monarque le véritable éco. nome du bien de fes fujets- II devient dèslors en effet le perede fes peuples, dont 1 intérêt n a été oue trop fouvent diftingué du fien. Son intérêt le Dorte avoir leur propre profpérité; & cette profpérité publique n'eft pas d'une nature alarmante, nuifqu'eile ne tend qu'a leur infptrer un efprit d orSre, d'économie, qui ne s'accorde nullement avec 1'efnrit d'infubordination& de révolte. Des lors, le pouvoir du Prince eft une autorite tutela.re, intérelTée a garantir a chacun fa propriété & fa liberté Ainfi ce plan qui ne paraiiTait adapté que pour les adminiftrations Républicaines auxquellesilconvient, il eft vrai, beaucoup, ne fe concilie pas moins avec toutes les efpeces de Gouvernement. II neft nas même jufqu'au pays foutms au defpotifme Oriental, oh il ne püt cauièr les plus grands biens. Dans ce fiftême un Monarque devient un pere tendre qui prévient les befoins de fes fujets, qui  C 358 ) va vifïter, le fabricant dans fon attelier, le laboureur dans fa cabane, le marchand dans fes bureaux; pour leur fournir les moyens de profpérer, chacun dans fon departement refpeétif. En un' moe C-fyftême embraflea Jafoisle fceptre &la houlette. La confiance qui doit regner entre le Souverain & le peuple eft dès lors intime & entiere. Au lieu qu'autref u's le Monarque était débiteur, il devient créancier. Sa dignité en augmente avec fon autorité ; & celle cieft d'une nature fi intéreffante qu'elle rend fa perfonne, fon adminiftration, infiniment précieufes & chéres. On pourrait objccler encore que ce plan, en mettan t tou- les propriétaires fonciers a même d'avoir des avances pour toutes les entreprifes qu'ils pourraient former, en mettra plufieurs dans le cas de tenter des entreprifes extravagantes , de fe repofer fur les avances de la Banque, &de s'endormir jusqu'i ce que le terme fatal de quatre-vinst , les tire par un coup terrible, de leur dangéreufe létargie. On ne faurait nier que les efprits déréglés dans leurs fpéculations ou infoucians dans leur conduite ne trouvent des appats dangereux dans le fiftême de cette Banque. Mais dans 1'état adtuel des chofes, combien d'autres occafions n'auraient ils pas de mal gérer leurs affaires & de fc ruiner? Notre Banque , en devenant le feul, comme le premier créancier, fait disparaitre ces occafions. Elle introduit des vernis & un genre de vie qui ótent les caufes de diffination & de dépenfe. Et quand même elle n'introduit pas une réforme générale ri cet égard, car il ferait abfurde de fuppofer qu'elle fupprime tdus les vicés de la fociété; quel mal y a t-i| .pour 1'Etat que les biens d'un particulier paff|nt entre les mains d'un autre ? Ceux qui n'ont que leurinduftrie & qui favent la faire valoir, fe. raient bien malheureux, fi on leur raviffait 1'efpoir féduifant & fiatteur de parvenir «i quelque diftinttion «ans 1'Etat, en devenant propriétaires fonciers. Car, quei-  ( 359 ) quoique toutes les] propriétés foient confifquées a. la Banque au terme fatal de quatre vingt pour cent de la propriété, fa nature n'eft pas d'aquérir ; elle ne peut que vendre, que retirer jusqu'a la concurrénce de ce qui lui eft du,&abandonner le refte au propriétaire engagé. . , Autre exemple. Le Gouvernement doit a tel ou tel Géneral ou Officier public, un honoraire annuel de vingt mille livres. II recoit pour cette fomme un billet h tirer fur la Banque. II n'a pas befoin de cet argent. II refte en dépot dans la Banque; dcs-lors cette fomme lui procure deux avantages; i°, un dépot fur & inviolable, oh les voleurs ne peuvent atreindre ; 2' un certain intérêt , qui, ajoutant a fon caoital, augmente fa fortune. II arrivé fouvent, dans de grands Etats,des detreifes momentanées: une province, par exemple, n'eft pas en état de fournir a 1'Etat fon contingent particulier en argent: le Gouvernement fe trouve dans des embarras è cette occafion: mais, dans notre fiftême, ces embarras ne fubfiftent plus. Toutes les Banques fe correfpondant l'une a 1'autre; les Banques particulieres n'ont rien a faire que de mettre la taxe des particuliers en baiance avec leurs hipotheques, & la Banque générale a toujours fon recours fur les Banques particulieres qui ne font qu'ajoutcr un intérêt modique k la maffe des dettes particulieres. Un des effets les plus grands, les plus heureux de cet établiffement, eft fa tendance naturelle a rendre inutiles tous les receveurs d'impóts & par conféquent a faire fupprimer infenfiblement le poids ainfi que le nombre de ces nuées de chenilles, leur fuite ordinaire, quidévorent les Etats Par exemple. Un particulier doit au Fifc public la redevance ordinaire des taxes: eft-il en état de payer fa quote part? II la porte a la Banque, donc les Commis font devenus naturellement les receveurs de 1'Etat. N'eft il pas en état d'y faire honneur? A lors, Z 4 on  C 360) on charge fa redevance momentanée fur le capital de fes fonds hipotéqués & la Banque, qui doit avancer jusqu'a la concurrence de quatre vingt pour cent de fa propriété. Dès-lors point de géne, point d'embarras, point de tems perdu h folliciter des fervices qu'on n'obtient fouvent pas; point de ces rapports, de ces murmures de la méchanceté qui, fouvent, portent une ü grande atteinte au crédit. La plupart des Princes de 1'Europe cherchent aétuellement a fe diftinguer par des traits particuJiers de grandeur & de bienfaifance. Plufieurs d'e^tr'eux ne voient pas avec indifférence ies défordres introduits dans le fiftême de leurs finances. Ils gémiffent de ne pouvoir foulager les maux de leur- fijets a cet égard. Avec quel encoufiafme ne doivent ils pas faifir un fiftême falutaire qui les mét a même de réparer les fautes de leurs prédéceffeurs Öc de travaüler efficacement au bien de leurs fuj.'is? Un plan de cette nature n'eft-il pas propre a frapper tous ceux qui ont 1'efprit de juftefle, d'ordre & de fageffe? Les Monarques entrent par ce moyen dans tous les befoins, dans toutes les affaires de leurs fujets, & le bien public n'eft plus que le bien du Souverain. ün ne peut nier,-que Pinftitution de cette Banque ne foit adaptée particuliérement aux petits Etats & furtout aux Républiques riches en propriéi éi foncieres; car quoiqu'il ne füt pas impoffible de 1'adopter en Hollande; cependant; comme !a majeure partie de fes propriétés font mobiliaires ou fe trouvent dans les deux Indes , leur appréciation ferait ou trop précaire ou trop difficile, pour qu'on put affeoir la-delTus une inftitution de cette nature. Mais le-autres Provinces de la République & des Etats, tel que la Pologne, la Suede, le Danemark, la Tofcane, ceux de divers Princes de 1'Etnpire & furtout la France & la Rufhe, ne rencontreraient aucune difficulté a 1'introduire. Au contraire >• le Danemark, qui, faute d'argent , eft aótu-  C 36-1 ) aftuellement dans 1'embarras, y trouverait, foit pour ie commerce, foic pour 1'agriculture, des reflburces infinies. II eft impoffible d'apprécier les avantages immenfes que l'on a droit d'attendre de ce fiftême, pour 1'extenfion du commerce , 1'avancement de 1'agriculture, & par conféquenc pour 1'augmentation de la population du crédit & de la puiffance d'un Etat qui en font les fuites naturelles. Oue de terres ïncultes! que de terres mal cultivées! que de bons projets échoués faute de moyens! Qui peut nier les avantages immenfes que doit procurer cette Banque aux Etats auffi bien qu'aux particuliers, en fourniffant des reflburces dans toutes ces circonftsnecs ! II eft cependant dans le projet un article difficile k entendre. L'Auteur dit que la Banque prêtera fans intéréts, avec les cautions convenables, iusqu'èla concurrence d'une certaine fomme,-mais pour un tems feulement, paffé lequel les fonds feront vendus jusqu'è Tender rembourfement de ia Banque, _ , , L'Auteur fait fans doute allufion a un tems, ou la Banque, ne fachant oü placer fes fonds, pourrait dans des occafions extraordinaires & particulieres de bien public ou de quelque récompenfe particuliere, faire de ces fortes d'avances. II aurait du, ce me femble, s'expliquer un peu mieux è cet égard: Au refle , ce fiftême eft d'une nature k fubir les modifications & les altérations particulieres que chaque Etat peut juger convenir le mieux a fa conftitution particuliere. Z s CHA-  c 36-2 y. CHAPITRE LX XII. Sur les Affaires de la Compagnie des Indes* Oriëntale* la fituation -préfente de la République relati- * vement d la paix, £f fur les dangers qu'elle court d cet égard. Lettre au Politique Hoilandais. Monsieur, Je n'ai pas vu fans étonnement Ie ton d'affurance avec lequel vous nous dites (dans votre Numero CXXV) que la conclufion de la paix eft certaine & que le renouvellement des hoftilités n'eft pas h craindre. En parlant de la forte, aviezvous donc oublié les raifonnemens également vigoureux & frappans que vous aviez expofés, dans votre Numero CXIV, pour montrer combien la paix, aux conditions que nous impofait 1'Angleterre, était injurieufc & intolérable (*) ? Croyezvous que les Anglais fe foient relachés de leurs prétentions depuis le 14 Avril que vous développiez ces argumens patriotiques ? Non Monfieurla reprife dc Trinquemale, oui devait raifonna' blement, les porter a changer de ton , n'a pas opéré le moindre changement fur leur efprit ambitieux. Vous avez fort bien fait de publier dans vos feuilles le dernier Mémoire que la Com- (*) C'eft ce que nous n'avions garde d'oublier. 11' nous femble, n'en déplaife a 1'Auteur de laLeitre, que ces deux propofitions ne font pas contradiftoires. On peut regarder la paix comme certaine, furtout en voyant 1'apparente condefcendance de 1'Etat a toutes les conditions qu'on lui propofe, & les arrangemens qti'il prend en conféquence, & regarder en mème tems cette paix comme homeufe & intolérable. Note du Politique Hollandais.  C 363 ) Compagnie des Indes-Orientales a préfenté aux Etats-Généraux. Mais vous n'auriez pas du nous faire attendre après les obfervations qu'il otfre natureilement. Vous deviez furtout réfuter ceux qui exageient la mauvaife fituation de la Compagnie. II eft certain que fa conftitution n'eft pas auffi mauvaife qu'on le prétend. Ses détraéleurs les plus fombres font forcés de convenir qu'elle ne pêche que par le mauvais choix des fujets employés a fon fervice, Une telle circonftance eft. elle un vice eflentiel? N'eft-il pas . facile de le faire disparajtre? Eft il donc impoffible que les Direéteurs, les Intéreffés, lVtat même,ne fe réuniitent pour introduire k cet égard une réforme heureufe? J'ai vu que vous avez fait ufagc des Memoires que les habitans du Cap out prélentés contre leurs adminiftrateurs. Mais vous ne favez pas que ces Memoires , quoiqu'autentiques ont beaucoup exagéré les chofes. Les faits font ou chargés ou préfentés fous un faux jour; & bien loin que Mr. le Fifcal Boers, qui s'y trouve le plus inculpé, mérite tous les rcproches qu'on lui faic, on fait qu'il a rendu de grands fervices a cette Co» lonie. On afture même, que, dans les circonftances adtueües, fans fes talens conciliatoires, il y aurait eu au Csp une émeute au fujet des Francais, a caufe des préjugés violens & des difpofitions perverfes des habitans contre cette nation a qui ils devaient leur falut. Pourquoi ne vous êtes vous pas attaché k montrer que Negapatnam eft d'une fi grande importance, que nous ne faurions renoncer au recouvremeot de cette poffeffion? II eft vrai que la France parait nous abandon» ner fur cet article. La lettre de Mrs. Berckenrode & Brantzen aux Etats Généraux (voyez la dans le A'o CXVL du Politique) femble trés alarmante k cet égard. Mais (i l'on confidere b en que les Anglais n'ont jamais rendu leurs conquêtes que pour des équivalens; que nous n'en avons point  C 304) è leur offrir , que la juftice ou 1'iniquité d'une guerre n entre en confidération dans un Traité de paix que lorfqu'on eft le plus fort; on ne fera nas lurpris que la France ne puifie nous foutenir dans le recouvrement de nos poiTeffions conquifes. Eftelle obhgée de faire pour nous plus que nous ne voulons faire ? N'avait-elle pas droit d'attendre qu'au moins a la première apparence de la proximité de la paix, nous ferions quelques efforts vigoureux , pour nous la procurer bonne ci avantageufe par quelque développement qui aurait impofé a Tennemi? Elle nous a mife a 1'épreuve fur ce point. L'affaire de nos vaiffeaux deftinés pour Breft, 1'a convaincue, qu'elle attendrait vainement quelque effort de notre part Et n'en déplaife a Mr. le Comte de Byland, Cdont, foit dit en pasfant, Mr. Bernard a fi vi&orieufement refuté le Mémoire) cette affaire n'a pas peu contribué a décider la France a la paix. Nous fommes donc fur le point d'étre contrains de recevoir la paix la plus honteufe qui fut jamais après une guerre non moins honteufe. Quoiqu'on ne puiffe ajouter foi a tous les rapports qui courent fur ce fujet, il eft certain qu'il nous faudra faire des facrifices. i°, II n'eft aucunement queftion de nous indemnifer des pertes que 1'Anglais nous a caufées, avec autant de perfidie que d'iniquité, foit avant, foit pendant la guerre. 2°, II ne veut pas fe défifter de Negapatnam. 3° , II en eft qui difent qu'il demanderait pour équivalent Uemerary ou Tabago 4°, On prétend encore qu'il exige le falut du pavillon comme anciennement, & qu'il demande a pofer pour bafe de fa paix avec nous le Traité de 1674, dans tous fes points. Je ne vous donne pour füre que la renonciation de notre part a toute efDece d'indemnifation ainfi qu'au recouvrement de Negapatnam; mais je ne laif.  ( 3^5 ) laifferai pas de faire des réflexions fur ces quatre obifs-,x 1 fi«trs mois qu'on nous tient entre yoda P^;%SSetqfan8 favoir fi nous au1'efperance & la "amf' x nous aurons a atten- rons ^ Pa«v*X. de cmelle inquiete tous les dre. Cette mcertuude^ crueue q ^ citoyens, géne le commerce j ^ Dans ^^^^^h *enacle des plus ternbles revers. danger, tous nos Dans ces «™ ^^Sn^'patrioles'gardent le «fide fa preffefeft plus confacrée Soes poft^»6» & * des injures m- qu a des queieu*» p dg nQS braves De. décentes. On D entenaau ; favez. m3g0g^S ouel orix 'ön veït vous fai/e acheterla „ vous a quel prix °°ft. d rien moins que de »' palX? LDAff de vos richefles & de » ™us en!er/vké Ces poiTeffions dans les Indes» oSS^ufvoSTa^e. aquifes au prix de " 2n dl fang & de lauriers; qui vous ont don" a a.Z 'Eurooe dans tout 1'umvers, une in„ fluence qu aucun p y bli{remens qui, par " ffiSarite drièurs produétions indigenes & „ la fingularite uc r climats, vous met- étrangeres k tous les autr ^ ^ ^ » taient, f tout 1'unWers onne parle de rien moins „ gitime a tout lumvers _ v g eternd „ ennemi / jnf fa „nilé&difpendieufe de les re„ n'ambnionne pas la yan te v ^ ^ * te,nL ftlrii? o'^déploye? vos pavillon,, & les gloire Jer ie o y F y demande qu'a y entrer „ armes de 1 Etat il n £ infenfib!e. iS^' -aï^de ce commerce exclufif  „ auquel vous attachez tant d'importaöce Tl „ ne demander que le droit d'aborder & de ré „ lacher dans vos ports, dans un tems de détrefTP „ de danger ou de befoin. Mais qui, jamais * „ contefté è aucune nation ce droit qu'on acce-r" ., de a fes propres ennemis en tems de rmerre? „ Exiger des ftipulations formelles a cet ézarè „ n'eft.ce pas faire au caraclere de notre nation „ un reproche de barbarie qu'elle ne meriterait „ qu en penfant ft en agiffant comme ceux oui ,, lui font dé parëiiles demandes? La nation Bri ., tannique, veut bien, dit-on, nous offrir des avan,, tages pareils dans fes ports de 1'Afie Mak " Atmel U l°mme nüus' dans fcs etablifTemens' „ des produéhons uniques & appartenatït exclufl. „ vement au tefritoire? Pour parvenir plus füre„ ment k fes vues perfides, que fait lWlais ? „ II ne fe borne tellement pas k la demande d'une fimple entrée dans nos ports, qu'il ne veuille „ auffi quelque établiffement qui le mette a même „ den tirer parti. II ne veut furtout pas au'on „ lui parle de fe défifter de Negapatnam NeE°patnam fitué fui. la cóte de Coromandel, visè,, vis de 1 Ifle de Ceylon, eft non-feulement imV portam par 1 avantage d'étre Je centre du com. „ merce des toiles de l'Inde; mais furtout par la v commodite de fon port. II n'y en a point dans n 'es ei]v!ÏPns 1U1 foit auffi facile & auffi für ,, La Puiffance qui poflede ce port eft en „état de > furprendre tous nos établifle'mens dé ? Y^ant noti;e opim'atreté k ne pas céder un „ établiffement de cette importance, il fe borne ,, dit-on, h nous demander Demerary Le fameinr' * £odneV> dans  C 37' 3 „ dans tous les arts&aguerris contre tous les dangefs „ de la navigation? Les vaiffeaux marchands nous fout-» 5, niront une pépiniere d'Officiers, experts & ha„ biles. Que la faveur ne prélide plus a leurchoix. ,, Que le mérite feul foit préféré. C'eft dans la j, Marine marchande que fe font formés les Tromp, „ les üe Ruiter, les, Piet Hein , les Van Galen & „ tant d'autres " „ Mais furtout, chers Concitoyens, ne permet„ tez pas qu'on vous trompe davantage. PreiTez „ vos Adminiftrateurs, vos Repréfentans, de fuivre „ le.fage avis, ouvert, dès le commencement de „ la rupture par la ville d'Amfterdam, & adopté „ depuis par d'autres'Membres refpeclables de la „ Confédération Dernandez qu'il y ait, fur nos „ flottes, comme autrefois, des Députés du Corps „ légiflatif. Rappellez vous que c'eft & un de ces „ Députés , è rimmortel Corneille de Witt, que nous „ devons la viétoire glorieufe de Chatham, Veillez è ce qu'il foit nommé pour cet emploi des ,, hommes dont le patriotifme, les lumieres & fin„ corruptibilité foient au defTus même du foupcon. „ Expofez vos defirs & vos plans par la voie con„ ftitutionelle de Requêtes décentes & patriotiques." „ Mais que font des propofitions, des projets, „ des réfolutions, fi l'on ne fournit les moyens de „ les exécuter ? Prévenez enfin le reproche „ qu'on vous fait , de ne développer votre pa„ triotifme que dans des avis ftériles & fur de „ froids papiers Penfcz & agiffe/, avec la même vi5, gueur. Adoptez enfin la bonne, la véritable po„ litique. Ne vous expofez plus a perdre des mil„ lions pour épargner quelques miférables fois. „ Faites uq effort extraordinaire. Lorfqu'il fut „ queft'on de foutenir Contre la France une guerre „ oh 1'Angleterre; vous avait engagés contre vos ,, propres intéréts & qu'il füt de votre honneur de „ maintenir un Stathouder que le malheur des cir„ cnv.tances vou- avait rendu, vous offrites le cin., quantieme de tous vos biens. Votre honneur, }, votre intérêt font-ils moins expofés dans la cirA a 2 con-  C 372 ) „ conftance aétuelle? Le danger eft-il moins „ grand? N'eft-il pas queftionde recouvrer larépu„ tationde 1'Etat,des poiTeffions de la derniere im„ portance, des prérogatives légitimes, & de vous „ aflurer la confervation des établiflemens qui vous „ reftent encore? Ne voyez vous pas que, fi vous „ cédez jamais dans une occafion oh quelque leger „ effort de votre part vous eüt mis en état de „ diéter des loix è votre ennemi; c'en eft fait de „ votre. confidération politique. Vous allez deve„ nir le jouet & la viétime de toutes les autres Puif,, fances du globe. Sortez enfin de votre dange„ reufe léthargie, de votre aflbupiflement mortel. „ Ecoutez enfin la voix facrée de la patrie qui ne „ lutte plus, que par des gémiflemens, contre la faulx menacante dc la mort. Ecoutez enfin le» ,. reproches attendriffans de vos ancêtres. Voyez „ leurs ombres facrées fortir de leurs tombes; quel ,, Citoyen, auquel il refte encore une étincelle de „ feu patriotique, ne penfe pas entendre leurs voix „ plaintives? „ lift-ce ainfi," difent-elles, „ que „ ,, vous dêfendez ces riches & précieux éta,, „ bliffemens que nous avons eu laforced'arracher „ „ aux Tirans mêmes qui voulaient nous réduirea „ „ Tefclavage & dont nous les avons forcés a nous „ „ ratifier la propriété ? Nous étions feuls contre „ ., lui, quand nous fïmes ces conquêtes. Et „ „ vous,enfanslaches-&dégénérés, vous ne favez Jt „ pas les conferver contre une nation épuifée, „ „ attaquée avec avantage par trois autres enne„ „ mis? N'étes-vous donc pas les defcendans de n „ ces glorieux conquérans ? La terre que vous „ „ habitez, n'infpire-t-elle plus, comme autrefois, „ „ la crainte de la honte & le mépris des dangers? „ „ Cesondes mugifiantes,enchainéesdans leurs lies „ „ par vos travaux, ne vous infpirent-elles plus „ „ les fentimens qui conviennent k des vainqueurs „ de la mer ? Répondez." " „ Ainfi parient vos ancêtres. Etes vous en état ,. de détruire ces reproches ? Qu'eft-ce qui rend  C 373 ) j, les Anglais fi peu traitables ? N'eft ce pas 1'idée „ ou ils font que vous accepteriez tout, que vous „ céderiez tout, plüiótquede vousexpofer au dan„ gerde combattre feuls contr. eux. Mais confer„ veront ils cet efpoir, quand ils verront que vous ofFrez une partie de vos propriétés, pour confer' ver le refte? Une démarche pareille ne leur im« " pofera t-elle pas? S'il fallait en venir è une " rupture décidée, ne ferions-nous pas en état de " nous foutenir? Et, s'il nous arrivait quelque revers, la France refterait elle fpeétatrice indiffé' rente? N'eft.elle pas fortement intérelTée a ne " pas pevmettre 1'augmentation de la Puiffance Bri' tannique è nos dépends? Mais tant que vous " ferez a ies yeux plus dans le cas d'offrir une ' proie què d'infpirer de la crainte , que " voulez vous qu'elle fafie? Vous feuls man" quez a vous mêmes. Certes les Francjaisn'ont jamais été acculés de négliger leurs avantages particu- liers Ils font vraiment intéreffés a ne pas aban" donner Negapatnam aux mains des Anglais Cet*' te poflefiion, devenue irrévocablement An" glaife, les met entre deux feux Les arrangemens. !' qu'ils ont faits avec 1'Angleterre dans l'Inde !' n'empêcheront pas la baiance d'y pancher en fa' veurde la Puiflance Britannique. Ils auront donc , tout epuifé pour l'engager a renoncer a Negapat- nam. Ils n'auront donc accepté la pa x en aban" donnant cette prétention, que paree que les cir- conftances la leur rendaient néceffaire. Nous ne devons accufer que nous. Eh bien! ce que nous " n'avons pas fait auparavant, faifons le a préfent. " Au moins refufons de conclure, avant de favoir " dans quel état font les affaires de l'Inde. Au " moins engageons 1'Etat a augmenter les arme" mens fur mer, au lieu de les diminuer. Cette " préeaution eft d'autant plus néceffaire que, dans " les délibérations publiques, il a déja été queftion " de diminuer confidérablement les forces de 1'Etat. " A a 3 „ J'en  C 374 ) „ J'en appele a la Réfolution des Etats-Générauxen date du 2 Juin." Sans être affurés, ft la paix ne reneontrera pas s, des obftacles invincibles, on parle déja de eon„ gédier une partie. confidérable de nos forces maritimes. II n'eft queftion de rien moins que de 3, licencier dix-fept vaiffeaux, fix de 70 canons, fix „ de 60; trois de 50; un de 40; & un de ao , fans ,,. compter d'autres qu'il a été déja queftion de con. gédier le 31 Mars de cette année. Que les Anglais qui, fuivant nos faifeurs de Memoires ju{ii. „ fic'itifs, ont une marine de deux a trois eens navires de guerre; que les-Anglais q;tii font aétuellement réconciliés avec I'Amérique, la France & 1'Ffpagne, défarment une partie de leurs vaisj, feaux; ils agiflent fuivant les loix de 1'économie, „ fans bleffcr les regies de la prudence. Mais que „ nous qui ne fommes pas compris dans la paix, „ qui ne pouvons adtuellement la conclure q .'a ,, des conditions auffi intolérables que déshonoran„ tes; qui fommes ménacés du eóté de 1'Afrique, „ & qui fommes encore en danger d'être attaqués par la plus redoutable Puiflance de 1'univers; que „ nous, dont la France ne juge pas 1'amitié d'une „ importance affez grande pour 1'acheter au prix 35 de 1'ifle chetive de Tabago (*), que nous, qui n'a* (*) L'Auteur de la Lettre ne fe IstfTerait-i! pas ici emporter par fa douleur patriotiqne ? li me femble que la France, ayant fauvé leCap, Ceylon & les Molucques ; & arracbé a 1'Anglais Demerary, Effequebo, lesBerbices, St. Euftache, Saba &St. Martin , peur rendre !e tout aux anciens propriétaires, doit eftimer un ami qu'elie achere au prix de fi grands fervices. Si les Anglais ont offert de rendre Negapatnam pour Tabago; c'eft (ans doute une rufe groiïïere pour diminuer le crédit des Francais auprès de ia République; mais Tabago étant une ancienne pofTeHion des Francais ou des Eipagnols; p;ut»on exigar, avec quelque fon-? de-  ( 375 ) j n'avons pas même adtuellement fur mer les for! ces qui nous fuffiraienc en tems de pleine paix; ' quenóusoui, dans ce cas, fommes dès lors réduns k être comme auparavant, le jouet de toutes les Puiflances de 1'Europe, nous difperfions, nous „- anéantiffions cette marine que le Prince d'Orange repréfente lui même comme fi peu conüderable; ne dirait-on pas que nous fommes livrés au plus l' dangereux des vertiges?" „ La France femble, par fa conduite, mépriier également & notre amitié & notre haine. Les ', Anglais mettent fi peu d'importance au recouvre„ ment de leur ancienne alliance avec nous. qu i s n'évitent aucune occafion d'augmenter, s'il «ft „ poffible, notre reffentiment contre eux, par les „ demandes les plus outrageantes. Les autres na,, tions femblent nous abandonner k 1'efprit de fai- bleffe & d'égarement oh nous fommes piongés. *; Et lorfque ce n'eft qu'en déployant des forces , refpeétables fur mer, que nous pourrions fortir , de cet état de dégradation, Cc faire adoucir les ' demandes qu'on nous propofe; on difperfe nos , forces, on les congédie ; on nous fait accroire que *) Mr van Berkel, Ambaffadeur des Etats-Unis, a •', befoin d'être accompagné d'un armement formida„ ble: l'on dégarnit nos ports & nos cótes; comme '„ pour nous forcer a recevoir telle paix qu'il plai, ra a un infolent ennemi de nous préfcrire ou k * un ami peu ardent de nous laiffer impofer. Que les „ bons citoyens, que les patriotes jueent, d'après 9> cé tableau, de ce qu'ils doivent faire." dement de juftice, que les Francais, après avoir fauvé de fi préeteux établiffemens a la République, lui facnfient un intérêt qui leur eft propre, pour lui faire recouvrer la feule poffeffion qu'ils n'oru pft arracher des mains Note du Politique Hollandais. A a 4  C 376 ) CHAPITRE LXXH. Sur les apparences 6f les fuites d'une Rapture entre. la Rujfis £5? la Turquie. 'Dans un tems que 1'Europe & presque tout 1e monde connu jouiffait de la paix la plus profonde; 1'Impératri ede Ruffie alluma, il y a douze ans, leflam beau de la guerre contre 1'Empire Ottoman. Si nous devions examiper les fondemens ou les prétextes fur lesquels elle expofa la tranquillité de PEurope aux dansers d'un emhrafement général, il nous faudrait entrer dans un champ de discuffion trop éloigné du hut qui doit guider notre marche. Nous ne pouvons qu'effleurer les objets, furtout 3uand ils font étrangers a notre pays» On ne vienra pas nous alléguer des opinions furannées d'intérêt réligieux, & nous dire que tous les Princes; doivent, k 1'exemple du Roi d'Efpagne, jurerde ne faire aucune paix avec les infideles & de tout tenter pour les exterminer de la furface du globe. Ces maximes ne font plus de faifon ; elles ne font même qu'une pure étiquette a la Cour de Madrid. Nous n'examinerons pas, k la baiance de la raifon & de 1'équité, fur quel fondement les Puiffances Chretiennes auraient droit d'envahir les propriétés des Princes Mufulmans, paree qu'ils feraient attachés k un culte différent, & qu'ils auraient fur la fervitude & la liberté des notions différente* des nótres. Nous n'examinerons nas de quel droit un Etat defpotique peut affecter la gloire de délivrerles autres d'un joug tyrannique. Nous n'examinerons pas, non plus, fl le Gouvernement Turc effc auffi defpotique qu'on le repréfente. Les opinions font trés partagées fur ce point. Mr. Anquetil Duperron, Voyageur éclairé, nie généralement tous les faits qu'on met a la charge des Qrientaux k cet ég.rd. Mr. Linguet, en adoptant la plupart de ces faits, employé toutes les reflburces de fon génie, pour  f 377 ) pouf prouver qu'ils ne font point incompatibles avec le bonheur des Etats & qu'ii n'y a rien de plus propre k affurer le repos & lafélicité des peuples, que defai'e, quelquefois, fauter la tête d'un faftueux Vifir ou étrangler un Pacha a trois queues. Ces matieres de fpéculation ne pouvant entrer en confidération avec les affaires politiques, portons feulement nos regards fur la derniere guerre avec les Turcs Nous avons trouvé fur ce fujet des obfervations frappantes dan un papier périodique de lVngleterre. Nous n'ajouterons prefque rien aux paroles d'Auteur qui s'exprime en ces termes: „ On remarqua, „ dans la derniere guerre entre les RufTes & les „ Turcs, que 1'Impératrice feule portait fes foins „ les p'us ferieux & toute fon aftivité dans la pour- fuite de cette guerre, tandis que le gros Mufta„ pha s'endormait indolemment dans les voluptésde ion Serrail, & que la langueur de fon caraétere ,, influait fur toutes fes démarches. On vit avec „ quelle ignominie,montrant plus de penchant aune „ négociation pacifique qu'a une guerre vigoureufe, ,, il fe laiffa dicler la loi (*). Cette apathie faci- lita les avantages fignalés que les KulTes rem- (*) Ce fut a cette occafion que Mr. de Vergennes fit éclater ces traits fublimes de génie, qui 1'éJevaient déjè au delfus du vulgaire des Miniftres éi; femblaient lui préfager le róle brillant qu'il joue aétu. ellement fur le théatre de l'Enrope. II était alors Ambasfadeur è Conftantinople. Mr. de Choifeul, qui gou. vernait la France, le prefiait d'engager la Porte è prévenir 1'Impératrice de Ruffie en lui déclarant la guerre. Mr. de Vergennes lui repondit: „ Je ferai armer les „ Turcs; mais je vous préviens qu'ils feront battus; que „ cette guerre tourrftra contre nos intentions, en rendant „ la Ruflie plus glorieufe & plus püiflante." Une telle réponfe décelait un génie bien fupérieur en politique a 6eiui de Mr. de Choifeul. Aa5  ( 3?8 ) porterent; leurs armées firent des prdgrès ef" frayans dans les Etats du Grand Turc deux articles fuivans, inférés dans les papiers publics , felon toute apparence, a 1'inftigation de quelque perfonne attachée au Miniftere RulTe. D'Amsterdam le 10 Juillet. La France & 1'Efpagne parsiffaient réclamer dans la Méditerranée les mêmes prérogatives que les Puiflances du Nord voUlaient s'atiribuer dans la Baltique. Cette prétention & les mouvemens qui fe font en faveur de la Puiffance Otromanne, de la part de quelques Princes Chrétiens, femblent avoir donné lieu aux Réflexions expofées dans la Lettre fiiivante, inférées fous la date de Riga. ,, Les Lettres de Petersbourg nous laiffeiu encore dans „ Ha.  ( 3«0 „ 1'racertitude, s'il y aura guerre ou non, entre nous & Ia „ Turquie. Au cas que cette derniere refufed'obferver eïi „ entier Ie Traité de Cainardgi, & qu'elle continue a nou„ rir ou tolerer en Crimée & dans le Cuban des troubles „ qui nuïfeDt a notre füreté, ilfaudra bien que nous repousfions la force par la force. A tout événement, nous faifons des préparatifs convenables. L'Empereur eft amant „ en droit de fouhaiter un libre débouché pour le Danube „ & Ia Hongrie, que nous pour Cherfon & nos Provinces „ d'Ukraine & autres. Véritabliment il n'a pas, ni nous „ non plus, un nombre de Vaiffeaux fuffifant pour le Cabo„ tage & le Commerce qui réfultera de cette liberté. Audi „ les Nations Cabotantes & Frettantes font elles autant in„ téreffées que nous mémes a cette augmentation de Com,, metce, qui augmentera leurs profits plus encore, & d'un „ même pas que les nótres. Cette guerre, fi elle a lieu , eft donc une guerre pour le bien public. S'il y avait quel. „ que Nation qui afFectit avec trop de partialité de porter ,, das munitions & des fecours a nos ennemis, on aurait tou,, jours le moyen è Petersbourg de s'en reffentir par les Douanes & autres opérations dans nos Ports. Les procé;, dés des Puiffances Européennes a notre égard dans cette occurrence feront la pierre de touche du fiftême poiitique qu'elles veulent que nous adoptions a leur égard pour 1'avenir, & qui nous fera diftinguer les vrais amis d'avec t, les faux. Notre glorieufe Souveraine dans la derniere guerre (dont le fort eut été furement bien différent, fi „ elle & fes Alliés y euflent pris part) a adopté une par,. faite impartialité, qui la met en droit d'attendre auffi „ qu'aucune Nation Européenne ne favorife les Mahome„ tans. Elle ne demandera pour fes Vaiffeaux, aux Speéta,, teurs, que ce qu'elle ne les empéche point d'accorder a ,, fes Ennemis, 1'eau, l'air & les néceffités du momenti& ,, fi par humeur ou partialité quelqu'un voulait les refufer , „ elle eft dé)\ fure de les trouver, non feulement en óeck ,, du Üétroit de Gibraltar, mais aufliau dela; les Ports & les „ Cótes de 1'Italie nous attendent avec impatience; nous „ les avons enrichis dans notre précédente guerre. Qui „ eft ce qui pourrait refufer anos flottes le droit d'y aller? „ Qui eft ce qui pourrait s'oppolèr a elles, fans êtrecertsin f, de rallumtr par cette prétention au droit exclufif des „ Mers, le feu d'une guerre plus générale que la derniere „ en-  C380 eiicore raai éteinte, & dont le moindre vent de partialité ,, peut rallumer les flammes, qui feraient naturellementdan. gereufes, pour ceux qui fe font épuifésala foutenir? Si ,, contre toute atteinte & toute probabilité, le Turban trou„ vait des amis en Europe, n'en trouverions nous pasaulïï, & que gagnerait-on a changet, ou étendre le théatre? Nos Armées pénétreraient elles moins dans le territoire „ Turc ? La Méditerranée eft un autre Océan, commun a , tant de peuples divers que ce ferait une préoccupation ,, puerile i l'un ou 1'autre d'entr'eux de s'en prétendre mal» tre. Ce n'eft pas comme notre Ealtique un Mer fermée, oü toutes les Nations qu'elle bsigne peuvlrst aifément & '„ impartialement prévenir qu'il ne ie commette inutilement „ des hoftilités par des avides Amateurs, nfland aucune ., d'elles n'eft impliquée dans la guerre; ce fiftême ne nuit j, a perfonne de ceux qui font étrangers eti cette Mer: ., L'Océan, la Méditerranée baignent cent peuples divers „ qui tous ont un même droit è naviguer, commercer & „ guerroyer fur leurs eaux. L'Angleterre & 1'Empereur de Maroc, qui tiennent le Détroit de Gibraltar, & qui re., fpeétent le Droit de gens, n'ont jamais penfé a déclarer ,, termé un patTage, que la naiure n'a pas ferrné, oü leurs „ canons ne peuvent atteindre, oü les courans empêchent même de ftntionner, & qui conduit aux Rivages de nos , Ennemis. Nos Flottes pourront donc, fi elles le veulent, ,, aller trouver nos adverfaires dans leurs foyers; nous re„ ('peélerons ceux des Nations étrangeres a cette guerre,& , nous chercherons les cótes de nos ennemis, fi nous le „ trouvons a propos. Mais non, efpérons plutót encore „ que la paix pourra fe maintenir, & que le bon génie des „ Ottomans pren^ra le deflus , & les portera è un aceom- modement raifonnable." De Cleves, le 5 Juillet. Extrait iTuiie Lettre particu,iere de Petersbourg. Rien de fi abfurde & de fi malfondé que les bruits qui fe repandtnt dans vos contrées relativement aux difpofitiohs de la maifon d'Autriche a 1'égard de la guerre projettée contre leTurc, & a d'autres cbjets qui ont rapport è cette grande affaire „ La France, avez vous dit avec plufieurs „ d»  C 383 ) „ de vos confrères, a détourné 1'Empereur de fon alliance „ avec la Ruffie pour attaquer 1'Empire Otroman." Cela pourrait être vraifemblable, fi de fon cóté 1'Empereur avaic pu détourner la France , il y a fept ans, de faire la guerre aux Anglais en faveur des Américains. Mais aprês que la France a gagné immenfémenc par des aquifitions direftes & indirefles, après qu'elle a bien fait fes affaires & abaiffé fa plus dangereufe rivale, par le filence obfervé, peut-être bien, peut être mal-a propos pit les autres Puiflances; il eft ridicule de dire & plus encore de croire que la France ait même fongé a détourner 1'Empereur des deffeins qu'il pourrait avoir de fon cóté. Ce que l'on a dit dans d'autres feuilles, des difficultés qu'éprouvera la Ruffie dans cette guerre, eft auffi mal fondé a tous égards. Que l'on reflê» chiffe feulement de fang-froid de quel cóté doit prooablementpencher la viétoire: La Ruffie a les mêmes Généraux, les mêmes Officiers, & prefque les mêmes foldats individu» ellement, qui ont battu tant de fois les Turcs dans la derniere guerre. Tous connaiffent le pays & la maniere de battre les Turcs. Les troupes Rulles font animées, eucouragées par le fouvenir de leurs fuccès paffes; elles font bien entretenues & mieux exercées. Les nuances de la Rulfie ne font pas en. plus mauvais état que celles de la France, qui fait des emprunts après la figaature des préliminaires. Perfonne ne peut fe vanter d'avoir une connaiflance entiere des forces & des reffources de la Ruffie. Les faits dépofent en fa faveur. Depuis un demi fiecle, cette Puiffance a fait, obtenu & conquis tout ce qu'elle a voulu. D'utj autre cóté,. les Turcs font pofitivement fans argent; & leur maniere tyrannique de s'en procurer au befoin, eft devenue prefque inutile & inéfkace. Leurs troupes ne conflftent guere qu'en un ramas de gens fans difcipline; & ce n'eft pas dans la première campagne qui fera décilive, qu'elles fe formeront. Les Officiers Francais fe donneront, comme dans la derniere guere, des peines inutiles pour ies exercer & les difcipliner. Enfin, c'eft une affèrtion gratuite que de dire, que dans la derniere guerre les Ruffes iiuient gagné des Vifirs & des Généraux avec de 1'or, comme on difait autrefois que les Franc'is prenaient des foiterelïjs enFiatidres avic des Louis. Ajoutez acela, que 1 incorruptibilité du Giand Vifir ou du Capitain Pacha adtuels, ne fiürait aucuneinent influer fur les armées O.tomannes & les rendre meil-  C 384 ) meillèure?. Jugez malntenant fi le Croiffant peut Te fau ter de recouvrer fon ancienne fplendeur; & fi Caihérine II, fut elle feule contre lui, n'a pas droit de compter fur des triomphes presqu'alTurés. Vous me preflez de vous dire ce que fera 1'Emperenr en cette occafion. La queftion eft délicate ; & je n'y repondrai pas d'une maniere direéte. Tout ce que ie puis vous dire avec certitude, c'eft que ce Monarque eft dans le cas de faire tout ce qu'il voudra; & que ni la crainte, ni une aveugle déférence ne le porterotu jamais a faire ce qui plaira aux autres, bien moins a ceux qui s'imagi. neraient pouvoir 1'iniimider. Les grands Prinees, les grandes Nations ne pteunent jamais pour regie de leur con. duite la convenance de leurs rivaux ou de leurs égaux. Mais, allez-vous conclure de-lè, une guerre générale va donc embrafer la moiiié de 1'Europe? Je reponds affïrmativement que fon ne doit pas avoir cette crainte; & que 1'abaifl'ement d'un Empire, déja tombé par lui-méme en décadence, aura lieu, fans aucune oppofition déclarée & fans qu'il en coüte beaucoup de fang. II ne m'eft pas poffible aujourd'hui de m'expliquer plus clairement: Je pourrai vous en dire davantage dans quelques femaines. J'ai &c. Ces Feuilles périodiques paraiflent régulieremt en tous les Lundis a Amfterdam, chez J. A. Crajenfchot; a Haar. km, chez Walree; rt Lelde, chez Luzac & van Damtue , & LesFreres Murray ; a laHaye , chez J. van Cleef, Detune, vanDrecbt & LaVeuve Staalman; a Gouda, chez Van der Klos; a Rotterdam, chez Bennet &Haie & D. Vis ; a Dordrecht, cbez BluJJé; a Deventer, chez Leemhorst; d Groningue, chez Huyzingh ; a Nimegue, chez Van Goor; a Arnhem, chezIroost; d Bois-leDuc, chez J. H. Pa/lier , aHambourg, chez J. G. l'ircbaus & chez les principaux Libraires* des Pays-Bas.  I L È POLITIQUE MO^LJL^rJDJLlS* N°. CXXX. LUNDI, ce 4 AOUT, 1783. Suite du CHAPITRE LXXII. Sur les conditions de la paix procbaine relativement & la République; fur les avantages que fa, conduite a procurés d la France Êf d l''Amérique , é? fur l'ob/igation oü font ces deux Puiffances de s'intéreffer en fa faveur. Lettre au Politique Hollandais, par un membré du Gouvernement. Monsieur! Vous avez fort bien développé (dans vos deux derniers Numerus) la conduite que la République doic obferver dans les circonftances aéiuelles , pour fe procurcr une bonne paix Les informations, contenues dans la lettre que Vous avez pu» bliée, font yraies & fideles II ferait même a defi* rer que le plan que vous propofez pour réveiller la nation de fafunefte lethargie ,fütadopté. Unedémar? che fi ératante de la part de toutes les parties de i'Etat na manquerait pas de nous rendre refpeétablesa Tome V. Ub 1'Err  C 386 ) 1'Ennemi, s'il nous méprife; & de rembaraflèr, s'il entrait dans fon plan de risquer une guerre, plutót que d'abandonner Negapatnam. Mais il eft un fujet non moins intereffant, &qu'aucun Ecrivain que je factie" n'a pas encore développé. Ce font les fervices que nous avons rendus a la France & a I'Amérique & dont l'une & 1'autre goutent les fruits dans la circonflance aduelle. Ces fruits font d'une importance affez grande, pour croire que ces deux PuifTances auraient dü s'interpofer d'une maniere plus efficace , pour nous procurer des conditions meilleures. Un coup d'ceil jeté fur le manifefte de 1'Angleterre contre nous, montre combien nous avons irrité cette altiere rivale & fervi fes Ennemis dans cette guerre. II eft vrai qu'elle n'avait aucun droit de nous en faire des reproches, puisque nous ne fuivions que la teneur des Traités qu'elle même avait impofésanótrefaibleffe. Quand nous avions ouvert des ports libres a St Euftache,& a Curacao, nous ne penfions gueres que les Américains retireraient de cette liberté, les avantages dont le Lord Stormont a fait un étalage fi effrayant. On ne faurait donc nier que nous n'ayons rendu par la de grands fervices aux Américains. Dès que la rupture eüt éclaté , 1'amitié que nous leur témoignames, la cordialité avec laquelle nous les resumés dans nos ports, les fommes que nous nous empreflames de leur avancer , ne contribuerent , fans doute, pas peu a les encourager & k les affermir dans leur glorieufe réfiftance. Ce n'eft même pas une circonflance indifférente que de faire obferver que c'eft k notre exemple qu'ils ont levé 1'épée contre la tyrannie. Sans la déclaration d'indépendance proclamée k la Haye le 26 Juillet 1581; celle du 5 Juillet 1776 n'eüt, fans doute , jamais eu lieu a Philadelphie. Sans paraitre dans cette querelle avec autant d'éclat que la France, nous n'avons, peut-être, pas moins contribué k fon fuccès. Pour mieux vous prouver cette affertion , qui vous étonne fans doute; permettez moi de vous rapeler la maniere éclatante dont nous avons reconnu l'indépendance Amèricaine.  C 387) ne. Quoique des efprits pervers , ennemis des deux Républiques, ou de miférables Ecrivains vendus a Pefprit de parti, aient ófé foutenir que cette démarche n'était duë qu'a un petit nombre d'hommes entrainés par 1'enthoufiasme ou 1'intérêt particulier; tout le monde fait au contraire, que jamais proclamation n'a mérité, a plus jiifte titre, d'être regardée comme le cri unanime de la nation entiere. Les Réquêtes, préfentces de toutes les parti es de la Képublique, feront des monumens éterhels du voeu national & des titres incontcftables a la reconnaiffance des Américains. Qu'on ce vienne pas nous objedter que cette démarche de notie part n'a , aucunement, infiué dans le fyftême des affaires générales. II eft certain, au contraire, qu'elle a donné la paix a I'Amérique. Ce n'eft que depuis cette époque, que le miniftere Anglais a changé de ton & 1'égard des Américain?. Ce n'eft que, depuis cette époque, que la nation Britannique, éclairée comme par un coup de fóudre, a regardé comme indispenfable une ceffiou dont 1'idée feule révoltait auparavant fon orgueit. Ce n'eft que, depuis cette époque , qu'elle a perdu infenfiblement les préjugés qui 1'échauffaient contre les Américains. Enfin ce n'eft que, depuis cette époque, que défesperant de nous attirer a une paix particuliere, elle a penfé férieufement a cette pacification générale, dont fes autres Ennemis ont feuls retiré tout le fruit & dont la reconnaiffance dé 1'Indépendance Amèricaine était un préliminaire eITentiel. Ainfi notre refus d'accéder a la paix particuliere, a certainement accéléré le moment de cette paix fi giorieufe pour I'Amérique. Voila pour les Américains, Voilé une partie des conféquences importantes que nos« développemens en leur faveur ont procurés. C'eft ainfi que les Ecrivains patriotiques de notre pays& vous en particulier M., avez contribué a rendre la paix è 1'univers & a mettre la derniere main a l'indépendance Amèricaine. La France, en qualité d'aTliée naturelle de 1'ABb 2 mé«  C 388 ) mérique, a partagé le fruit de tous ces grands feivices. Peut-être avons nous, en accélérant ainfi la conclufion de la paix, traverfé les projets de ceux qui auraient cru entrevoir des avantages dans la prolongation de la guerre Amèricaine. Mais 1'événement parait avoir prouvé que la paix ne pouvait arriver plus a propos, du moins pour toutes les autres puiffances belligérantes. L'Efpagne était dans le dernier épuifement. L'Amérique manquait abfolument d'argent , le nerf de la guerre. Elle était a ia veille d'une infurredrion militaire qui aurait pu avoir des fuites fücheufes, fans la nouvelle de la paix, arrivée fort è propos. La France, le pays le plus en état de foutenir la guerre, aurait eu les mains enchainées pour prévenir 1'orage qui menacait le plus utile de fes alliés, le Turc. Ih! qui fait encore quelle finguliére révolution de malheurs inconnus h la pénétration humaine, un plus long délai de la paix, n'aurait pas amenée ? La France a fait la paix la plus brillante,la plus avantageufe que lesannales de cette Monarchie puisfent nous retracer. Jet ons un coupd'ceil rapide fur ets principaux avantages. i°. Elle a coupé le principal nerf a un voifin redoutable, qui, depuis plufieursfiecles, s'engageait dans toutes les entreprifes formées contre elle, & qui, dans la derniere guerre, avait été en état de la réduire au dernier dégré d'abaiffement & d'humiïiation. 20. Elle a fecoué le joug le plus aviliflant qu un peuple puifle impofer a un autre, en affranchiffant le Port de Dnnkerque de la préfence odieufe d'un tiniffaire Britannique. 30. Elle a recouvré la pêche de Terre-neuve, pépiniere intariffable de matelots. ' * 4°. Elle a recouvré Tabago, Colonie importante dans les Indes-Occidentales. 5°. Elle a mis un frein terrible a la puiflance Britannique dans l'Inde, & acquis pour elle les éta- blis-  C 389 ) bliffemens importans de Pondichery, de Mahé & d'Orixa. . le ne parle pas de ce qu'elle aacquis en Afnque. 6°. Elle s'eft attachée è jamais la Couronne d'Espagne, en lui procurant le recouvrement de Minor* que & des deux Florides. 7°. Elle a acquis une confidération politique, fupérieure a celle qu'elle a jamais eue dans aucun tems; & cequi rend cette confidération plusfolide encore, c'eft que fes fuccès n'ont excité 1'envie d aucune autre nation & qu'elle a mérité juftement la réputation de modération , en rendant aux Anglais la Grenade, St. Vincent, St. Chriftophe, &c. A qui la France doit-elle les pofitions heureufes qui lui ont procuré de fi grands avantages? Nous avons déja vu que la République n'avait^ pas peu contribué a amener ce moment qui, pour n'êtie pas faifi è propos, échape fouvent des mains. Mais ce n'eft pas la le feul fervice que nous lui avons rendu. Combien de fois ne nous fommes nous pas, a fa confidération , expofé au reffentiment de 1'Angleteire quiafini par éclater contre nous d'une maniere fi terrible? Ne doit-elle pas nous tenir compte du refus injurieux que nous avons fait de la Brigade Ecoffaife z la Cour de Londres? Cette démande n'étaitelle pas corrtbiriëe de maniere a nous attirer inlenliblement dans la caufe Britannique? Nos relations avec elle feraient dès-lors devenues plus étroites; ces fuperbes infulaires , gagnés par cette marqué d'attachement, nous auraienc témoigné des égards: peut-être que nos marchands n'auraient pas éié dans ]e cas de réclamer des convois pour les munitions navales; ou, fi quelques-uns d'entre eux . en euffent demandé, la nation ne fe ferait pas trouvé dans un reffentiment affez profond , pour que 1'Etat eüt dü y déferer. Le Comte de Byland n'aurait pas été attaqué par Fielding; nous aürions pu accepter ou rejetter la Neutralité armée, fans conféquence: la découverte du fameux Traité préparatoire, n'eüt été qu'une Comédiequi aurait diverti un moment le Cabinet Britannique: & peu è-peu nous ferions entrés dans les intéréts de 1'Angleterre: Combien d'efförts lib 3 la  ( 39° ) la nation n'a-t-elle pas faits, pour rédr*er au parti qui voulait nous engager a faire caufe commune avec 1'Angleterre ? Combien les événemens n'auraientils pas changé de face, i° finousavions accordé la Brigade; 2Q ii nous avions donné les fecours en faveur desquels on reclamait les Traités ,• 30 fi la France n'eüt pu tirer de nos ports des munitions navaies; 40. fi nous eufiions ajouté nos forces navales a celles de 1'Anglais : & je vous réponds qu'alors nos. chefs du pouvoir exécutif n'auraient pas été dans le cas d'étre expofés a des reproches d'inaétivité ; & nos Bylands n'auraient pas trouvé des prétextes, pour fe dispenfer de conduire nos flottes a Portsmouth. II eft vrai que, dans cette occafion, la France aurait pu faire avancercontre notre parrieune armée nombreufe qui 1'aurait envahie. Sans doute que nous aurions fouffert beaucoup par cette invafion; mais ên 1'envifageant fous fes conféquences les plus effrayantes, cette diverfion n'aurait-elle pas nui eflentiejlement a la France? Un fi grand effort du cóté de terre ne 1'aurait il pas mife hors d'état de faire paraitre fur mer ces flottes redoutables qui ont détruit,alarmé ou du moins tenu en échec celles de la Grande Bretagne? On ne peut donc nier que la conduite de la République en cette guerre, n'ait procuré des avantages importans a la France. Le Cabinet de Verfailles eft trop éclairé , pour n'avoir pas prévu ces conféquences. S'il ne les eüt pasprévues, pourquoi tant d'intrigues fecretes, tant de démarches publiques, pour attirer la République de fon cóté ? Pourquoi ces encouragemens donnés aux Négocians qui formerent les premières Requêtes en faveur des rnunitions navales? Pourquoi ces diftinétions fingulieres en faveur des trois villes de Hollande qui s'étaient fignalées dans cette occafion? Pourquoi leur accorder exclufivement la dénomination de Patriotique ? Pourquoi mais je n'aurais jamais fait, fi je recapitulais toutes les circonftances oh la France a montré qu'elle mettait quelque importance a 1'amitié de la République. La  C 39i ) La erandeur d'ame qui carattérife le Monarque Francais, le portait donc, en voyant le danger ou nou" no^ étions expofés pour lui, è ces procédés magnanimes par lesquels il nous a temoigné fa reconnaiflance. H n'eft donc Pas étonnant que ,fe 1 vS au penchant de fon cceur fenfible il nous ait p omis hautement de ne jamais féparer fa caufe de fa notre a la négociation pour la paix. N avions nous pas tout droit de nous abandonner è la foi iaSS fe cette parole royale? Peut-on dire qu on v fatisfait exaftement, en fignant la paix fans Ittendre que nos intéréts foient accordés &. ménaeés* Le Cabinet de Verfailles ne s'expofe-cil pas a nerdre ainfi le fruit de tout ce qu'il a fait pour la République? Oh eft, oh fera le patriote, qu. ófe Eer dorénavant, que la France eft notre alhée naturelle? Ouelle confiance pourrons-nous mettre dorénavant dans fes promeffes publiques ■dansje eneaeemens les moins equivoques»' 11 nclt po nt cmeftion ici de fervices rendus, Nous aimons a les TouTces fervices; mais nous perdons Negapatnam; la douleur de cette perteine■fejoindrwelto pas au reffentiment d'avoir été abandonnes a la fignature des préliminaires? Les conditions que les Anglais perfiftent » nous imoofer, font telles que vous les avez pofees dans vóSe Numero 125. page 384- Vous auriez pu aiomer un fixieme article, favoir le refusdes Anglais d'une navigation libre fur les principes de la Neutralité-armée; & même unfeptieme favoir lademande qu'ils faifaient en même tems de naviguer librement dans les mers orientales. C'eft ainfi que cet Sent Ennemi nous refufait d'un cóté ce quil voulait nous arracher de 1'autre. Nous étions d autant plus embaraffés fur la Réquifition des Anglais, qu'ils faifaient femblant de n'exiger qu un trajet hgre conformément aux principes du Droit des Gens. Les Anglais ont réellement offert de rendre Negapatnam pour Tabago. Mr. Fox en avait fait un article des inftruftions des Plén.potentiaires BnBb 4 tan-  C 3S>2 ) tanniques; mais le Cabinet de Verfailles fe refufa ^ eette propofition. Je ne dis pas qu'il aurait du faire ce facrifice au defir de s'attacher Ia République; mais il eft für du moins, qu'il ne faurait trop veiller aux occafions d'y maintenir le crédit qu'il a fu s'y procurer> Le parti ennemi de la France, y cabale fans cefle contre elle: on n'a coupé que I'extrémité des plumes a la puiflance Stathouderienne qui paffe pour 1'ame de ce parti; on n'a-pas touché a la racine; les af les font encore intaétes; les plumes pourront donc repouffer & peut être, pour prendre un vol jplus rapide & plus élevé que jamais. La crainte feule d'une révolution pareille dans ma chere patrie, a diété les idéés que je viens de vous tracer. Je n'ai pas cru devoir me refufer a ces réflexions ; je crois que c'eft actqellement le véritable moment de les publier. Un faux ménagement k cet égard ferait trahir la France auffi bien que notre Etat. Ces obfeivations fe feront toujours tót ou tard ; mais faut-il attendre , pour les faire, que la faute foit irréparable ? N'eft • il pas d'un bon citoyen,de montrer les conféquences d'une fauffe démarche , lorsqu'il eft encore tems de Ia prévenir ? La France eft niture'lement intéreffée k foutenir le parti RépubUcain; je ferajs fiché qu'ij arrivat, comme du tems de Louis XIV & du Comte d'Avaux, des événemens qui empêchaflent ce parti d'ofer réclamer fon appui. Un faux pas en politique peut expofer nótre liberté, en aliénant les efprits contre ce fecourable & puiffant voifin. Si les obfervations contenues dans cette lettre vous paraiflent propres k prévenir ce malheur; cn les pufeiiant, vous obligerez Votre devoué Serviteur *** Memhre du Corps Légiflatif de **  C 393 ) C H A P I T R E L X X I 11.' Sar le Crédit des Etats-Unis de 1'Amérique. ' Le Congrès vient d'adreffer aux Etats refpeétifs de la Confédération Amèricaine un discours qu'aucun papier n'a point encore publié. C'eft uneefpe» ce de recommandation pour les engager a fe prêter è 1'établiffement de taxes ou de fonds pour faire face aux engagemens contraélés par rAflem» blée générale, ou aux dépenfes du Gouvernement. Cette piece, qui jete le plus grand jour fur le fyftême fiscal de I'Amérique, a paru vers la fin du mois d'Avril paffé. Elle était concue en ces termes: „ La perfpective que nous avons eue depuis „ quelque tems & qui fe réalife aétuellement, d'u„ ne heureufe conclufion de la guerre, ainfi que Ie „ befoin preflant des affaires publiques, ont né. „ ceffité le Congrès a jeter un coup d'ceil fur les dettes, que la guerre a laifiées aux Etats-Unis; „ & a préparer d'avance les moyens d'obvier aux „ dangers qui peuvent troubler 1'harmonie & la „ tranquillité de la confédération. Le réfultat de j, fes délibérations müres & folemnelles fur ces grands objets eft contenu dans fes diverfes re„ commandations du 18 de ce mois. Quoique ces j, recommandauons proclament fuffifamment les „ principes fur lesquels elles font fondées; aufii bien „ que le but qu'elles propofent, il n'eft. pas hors ,, de propos d'entrer dans des eclairciffemens & des „ remarques , afin de montrer fous un jour plus „ frappant, la nécefiité d'y déférer. „ La première mefure recommandée eft qu'il foit „ pourvu efficacèment aux dettes des Etats-Unis. }, Le total de ces dettes, autant qu'on a pu en faire „ le calcul, eft de quarante deux millions, trois cent foixante & quinze dollars. 11 eft évident Bbj . qua  CS94) „ que le cercle étroit de nos reflburces ne nous permet pas d'éteindre cette dette d'un feul coup, „ ni dans une courte période; & quand même on pourrait en venir a bout; ne vaut il pas mieux:, pour I'aifance de la fociété, que la dette foit „ abandonnée au cours d'une extinétion graduelle, „ & qu'en attendant on fe procure de certains fonds „ pour payer 1'intérêt annuel? Le montant de cet „ intérêt, ainfi qu'il paraitra par les papiers, eft „ évalué a deux millions , quatre cent quinze mil. „ le, neuf eens, cinquante fix dollars. II faut „ donc établir des fonds qui puiflent au moins ren„ dre cette fomme annuelle d'une maniere certaine ,, & ponótuelle." „ En faifant la recherche de ces fonds, le Con„ gres n'a pas perdu de vue les moyens ftipulés par les articles de la Confédération pour fubve,, nir au tréfor commun: mais après avoir bien con- fidéré cette méthode, il s'eft vu obligé de la re„ garder comme infuffifante & peu adaptée a la „ forme fur laquelle la dette publique doit être „ calquée. Les délais & les incertitudes inhéren„ tes a un revenu è établir & a percevoir de tems „ a autre par treize Puiflances indépendantes, eft „ au premier coup d'ceil inconciliab'e avec la pon„ élualité eflentielle è 1'acquittement de 1'intérêt d'une dette nationale. Notre propre expérience ,, même, fans relever les embarras accidentels, a fuffifamment démontré cette verité. Ainfi le „ Congrès, dans fes reeommandations, ne pouvait „ s'empêcher de faire quelque dérogation è la con5, ftitution fédérative; mais on trouvera qu'elle eft „ auffi légere qu'on pouvait la faire, & de maniere a „ la concilier avec l'objet en vue , & a la faire fou„ tenir par les confidérations folides de 1'intérêt & de la faine politique." „ Le fond qui s'eft d'abord préfenté pour cela, „ ainfi que dans une occafion antérieure, était une ,, taxe fur les importations. Les raifons qui rej, commandaient cette branche de revenus ont dé- » ja  ( 3£>5 ) ja été expofées dans un afte, Jl ïumra uc i-ay. „ peller que des taxes fur les confommations font „ toujours les moins onéreufes, paree qu'on les „ fent le moins & qu'elles font portées par ceux „ qui ont a la fois & la volonté & le pouvoir de ,, les payer: que de toutes les taxes fur les con„ fommations, celles fur le commerce étranger, „ font les plus compatibles avec le génie & ia „ politique des Etats libres: que d'après les pofi„ tions relatives de quelques Etats les plus com„ mergans , il eft impoffible d'amener cette res,, fource effentielle a exécution, fans 1'uniformité ,, la mieux concertée: qu'on ne faurait imaginer „ un canal plus propre a diriger cette uniformité „ que le Congrès, ni 1'établir pour aucun objet „ plus convenable,que pour celui de payer les dettes „ d'une révolution qui a produit une liberté illimi„ tée fi favorable è 1'accroiffement du commerce." ,, En remettant cette propofition fous les yeux des Etats, nous n'avons pas perdu de vue les ob,, ftacles qui, jusqu'a préfeut, en ont fait échouer „ 1'acceptation unanime. Nous avons limité la du,, rée de ce revenu a vingt cinq ans, & nous avons „ laiffé aux Etats eux-mêmes la nomination des „ Officiers prépofés a fa perception. A ne conful„ ter que les maximes rigides du crédit national, „ le revènu doit évidemment durer autant que l'objet pour lequel il eft créé, & la perception „ être foumife è tous égards, a 1'autorité d'ou éma, ne le revenu & qui doit répondre pour l'objet." ' „ Un tel abandon fur cet article fera, nous „ 1'efpérons, regardée d'une cóté comme l'effet ,, des difpofitions du Congrès a déférer dans tout „ les tems aux fentimens de ceux qu'il fert, & d'un „ autre cóté, comme une preuve de fon defir ar„ dent de procurer de quelque maniere , un „ accomplifiement honorable & jufte des engage- mens qu'il a formés." „ Pour rendre ce fonds auffi abondant qu'il eft poffible, & couper en même tems Ia raci- » ne  f OP* > 9, ne des collufions & des fraudes, il a été jugé bon „ afin de perfeftionner le plan, de recommander „ une impofition moindre fur les articles qui font „ les plus fufceptibles d'une taxe analogue è la quantité, & dont la confommation eft plus égale „ & plus générale, abandonnant tous Jes autres „ articles a une taxe proportionée a leur valeur." „ Le montant d'un fond pareil eft évalué a „ neuf cent quinze mille, neuf cent cinquante fix „ dollards. Les eftimations d'après lesquelles le „ calcul a été fait, ont été détaillées. On ne fau„ rait exiger une exaélitude précife dans un fujet fi „ compliqué& fi flottant. On préfume qu'il fc rap„ proche de la vérité , autant que le manque des „ matériaux propres peut 1'admettre." „ Le réfidu de 1'intérêt monterait k un million „ cinq cent mille dollars, & l'on s'en rapporté aux „ Etats pour qu'ils y pourvoient par tels fonds „ qu'ils jugeront les plus conve.iables. Les maxi» „ mes rigides du crédit public ont encore ici don. „ né lieu au Congrès de fe conformer aux fenti» mens de fes cooftituans. On ne faurait cepen„ dant oublier, relativement k cette portion de „ revenu, que la méthode imaginée pour la four„ nir, differe fi peu de celle indiquée dans les ar„ ticles de la confédération; & que les variations font tellement propres a 1'acquifition du grand „ objet en vue, qu'on s'en croit d'autant plus au„ torifé k attendre k cec égard un confentement „ prompt & illimité de la part des Etats. En fixant les contingens de cette fomme, le Congrès, „ comme on peut 1'imaginer, n'était guidé que par „ des lumieres encore imparfaites ; cc il en a pu „ réfulter quelques inégalités. Cela cependant ne „ faurait durer ; & l'on pourra toujours réparer „ ces disproportions par des arrangemens retro„ aclifs, aufiitöt que la régie conftitutionelle pour„ ra s'appliquer." „ La néceflité de faire un acte indivifible & ir„ révqcable des deux provifions précédentes, eft  ( 3C7 ) manifefte. Sans cette première qualité, on ne M Sr que des provifions partieües, lorsque de9 " provifiSns completes feraient effentiellement re" S & comme quelques Etats pourraient ne " préférer & n'adopter qu'un de ces fonds & les " autres Etats un autre, il pourrait arnver qu'au" cune pSon ne ferait faite: fans a feconde " qualité, il pourrait arriver qu'un feul Etat des " Tre ze entrainerait toute la nat on dans la ban" nueroute idéé dont la poffibilité feule fuffiraic " ?ou mettre une barrière'fatale a 1'étabblTement " %u crédit national. Au lieu de nous étendre fur " cf^eï nS noi. bomerons k foumettre deux " obfervat ons a la juftice & k la fageffe des Lé" gislatures. D'abord, les créanciers préfens, ou " plütót la partie nationale d'entr'eux, ayant ou fait " feurs avances pour un tems qui eft expiré ou étant ?* devenus, fansle vouloir, premiers créanciers, " ont, d'après les principes évidens de la juftice & » de la bonne-foi, droit a demander le principal de ", feur créance, & d'en refufer les intéréts annueb. ' II eft donc néceffaire que, ne pouvant déférei a " leurs demandes en leur payant le pnncipal, lm* térêt leur foit affuré d'une maniere fi fati faifante " & fi efficace, qu'ils foient en état,t fi c'eft eur " intention! de négocier leurs fonds a leur valeur " Pnriere & orimitive. Secondement, fi les fonds " font conftitüéTd'une maniere fi folide qu'ils infpi" ren uZ confiance entiere & générale , n'eft-il pas " k efoérer que le capital de la dette domeftique " donnant u? intérêt onéreux de fix pour cent, " pourrait être détruit au moyen d'autres emprunts " acqi s a des intéréts plus modérés? L'épargne " qu'on ferait par une celle opération- ferai un ef" fee liquide & pourrait être très-confidérable .. " Voila ce qui concerne 1'intérêt de la dette naVionale. Pour la liquidation du prmcipal dans le " èrmelimité, nous nous repofons fur 1 accro.ffe" ment naturel des revenus par le commerce, fur " des réquifitions k faire de tems k autre pour cet »» et-  C 398 ) „ effet, comme les circonftances pourrons le dicter „ & fur la perfpeftive des terres en friche. Si ces „ reflburces ne fuffifaient pas, il ferait néceffaire „ k 1'expiration des 25 ans, de continuer les fonds „ recommandés è préfent ou d'en établir tels autres „ qui paraitraient plus convenables?" „ Quant a cette derniere reffource (des terres va„ cantes) ainfi que pour obvier a des difputes & „ ades confufions défagréables, le Congrès renou„ veile, dans les recommendations actuelles cet„ les du 6 Septembre & du 10 Oétobre n8o A „ ces deux égards, un accomodement libre &'final „ de toutes les réclamations dc terres vacantes eft „ un objet qu'on ne faurait preffer avec trop d'ar„ deur." *" „ Le dernier objet recommandé eft un chanee„ ment conftitutionel de la regie fur laquelle on „ doit faire un partage des charges communes. La „ convenance & même la néceflité d'un chan^e„ ment pareil ont paru fuffifamment par les injufti. „ ces locales & les méconrentemens qui ont produit „ les évaluations des terres dans tous les Etats oh „ 1'épreuve a été faite Mais combien ces incon „ vémens ne doivent ils pas fe multiplier, fi l'on „ jete les yeux fur les évaluations k faire parmi les „ Etats eux-mêmes? De quelque cóté qu'on exa „ mine cette régie, 1'exécution en doit être accom. „ pagnée des difficultes les plus féricufes. Si ]es „ évaluations font déférées k 1'autorité des divers „ Etats, on ne faurait en attendre une fatisfaétion „ générale. Si la diftribution s'en fait par les Of„ ficiers des Etats-Unis traverfant le pays a cet ,; effet, outre les difpofitions que cettè métho„ de ne ferait pas difparaftre , la dépenfe en fe„ rait auffi cr.orme qu'incommode : & fi ]'on „ adoptait la méthode, imaginée dans 1'acte du 17 „ Féyner paffé , que l'on regardait comme Ia „ moms fujette k des inconvéniens , 1'infuffifance „ des données pour l'objet auquel elles font adaD,, tées, dérangerait beaucoup ; fi , toutefois il ne dé-  (.399 ) détruifait pas entierement toute confiance dans " l'exadtitude du réfultat; fans mentionner qu au- * tant que le réfultat peut être exaét, il devra cet avanta-e au principe fur lequel eft fondée la me- " thode que l'on propofe d'y fubftituer. Cette me" thode quoi qu'elle ne foit pas exempted mconvéü mens, en renferme cependant moins que toutes les autres qu'on pourrait imaginer. La ieule dirh'' culté importante qui s'y offrait dans les délibéra- tions des Congrès confiftait èi fixer la difference "propre entre le travail & 1'induftne des habitans • libres & de tous les autres habitans L idéé fur " laquelle on finit par s'accorder , fut 1 effet de conceffions mutuelles; & fi l'on fuppofe quelle ne s'adapte pas précifément au fait; on ne fau" rait douter q'u'un efprit égal de conciliation parrm les diverfes légillatures, ne prévale fur les inéga" lités léreres qu'on pouvait entrevoir de cóté ou d'au-reJ Mais nonobftant la confiance du Con" gres relativement au fuccès de cette propofition, c'eft fon devoir de rapeler que 1'événement peut " le tromper & requérir que l'on pourfuive les me" fures pour obtenir & transmettre 1'information % invoquéedans 1'aftedu 17 Février paffé ce qui \\ eft une chofe effentielle dans un pareil événe- " m Ainfi le plan communiqué &expofé par le Conerès doit aaueltemenc recevoir fa fanéhon de fes ", Conftituans. Tous les objets qu'il contient font de la derniere importance pour le bonheur de cet" te République fédérative; font néceffaires pour " nue le fruit de la révolution récompenfe pleine" ment le fang, les fatigues, les foins & les calamités qui nous 1'ont acquife. Maïs l'objet dont on fentira particuliérement la néceflité & qu'il eft par" ticuliercment du devoir du Congrès d'inculquer, " font les provifionsrecommandées pour la dette na? tionale. Quoique cette dette foit plus confidévable qu'il n'eüt été a defirer, elle eft cependant,  C 4oo ) ï, fur le total, moindre qu'on n'aurait pfl 1'attendré» ., & quand on Penvifage d'après la caufe pour la' quelle on la contraólée, & qu'on la compare aux „ fardeaux que des guerres d'ambition & de vaine „ gloire ont fait tomber fur d'autres nations, on „ devrait la fupporter non-feulement avec plaifir, s, mais encore avec orgueil. Mais il ne s'agit pas „ ici de la gmndeur de la dette. II fuffit qu'elleait „ été contraétée honorablement; & Ja juftice ainfi „ que la bonne-foi demandent qu'elle foit fidelement ,, acquittée. Le Congrès ne pouvait opter qu'entre „ des méthodes différentes pour Ia liquide? Les „ divers Etats n'ont pas a cet égard d'autre objet a „ difcuter La méthode qu'après une dfcuffion „ épmeufe & longue on a jugé a propos de choifir, „ eft, nous en fommes perfüadés, la moins fujette „ a des inconvéniens qu'aucune autre de celles qu'on „ anrait imaginées. Dans cette perfuafion, nous „ ïnvoquons la juftice & Ia foi folemnelle des Etats „ divers pour lui donner fon effet, pour examiner „ les conféquences d'un refus,& leur rapeller que j, le Congrès n'en eft pas refponfable." „ Si d'autres motifs que ceux de 1'équité pou„ vaient être allégués dans cette occafion; il n'eft „ pas de nation dans le cas d'être plus vivement af„ fectée; car a qui ces dettes doivent-elles être „ rembourfées? ( La fuite au N». procbain.) Ces Feuilles périodiqites parailfent régulierement tous les Lund.s LaFeuve Staatman; a Goudal chez Pan der Klos; dRotterdam, chez Bennet f«fHaie & D. Fis ; a Dordrecht, chez Bluft-, a Deventer, chez Leemhorst; d Cromngue, chez Huyzingh; a Nimegue, Chez Pan Goor - d Arnhem.. cbezTreost; d hois-leDuc chez J. h. Pallier , dHambourg, chez f. G. l'ircbauk & chez les principaux Libraires des Pays-Bas.  L E POLITIQUE N°. CXXXI. LUNDI, ce u AOUT, 178a. Suite du CHAPITRE LXXIII. Sur le crédit des Etats-Unis de 1'Amérique. (Le Congrès, après avoir mis fous les yeux des Etats refpeStifs, diverfes confiderations tendantes d les engager d adopterles impóts qu'il leur propofe , pour lts piquer d'bonneur , leur rapele en ces termes, 4 quelles claffes de débiteurs 1'Etat eft redevable.') „ "pvabord a un Allié qui, non content d'avoir L/ pris les armes en faveur de notre caufe, a „ ajouté k ce bienfait, les fecours de fon tré„ for , qui a joint k ces prêts importans, des „ dons généreux; & dont les prêts mêmes por„ tent l'empreinte de la grandeur d'ame & de 1'a„ mitié." ,, Aux individus d'un pays étranger qui, les pre„ miers, s'offrirent pour nous donner cette marqué „ précieufe de confiance en notre juftice & de leur „ inclination pour notre caufe & qui font mem„ bres d'une République qui la feconde s'eft em- Tome V. Cc s, pref-  C 402 ) „ preffee de reconnaftre notre rang parm? leg ,, nations." ,, Une autre clalTe de créanciers eft cette ban„ de iliuftre & patriotique de Concitoyens, dont le „ fang & Ia bravoure ont défendu les libertés de „ la patrie qui , parmi leurs autres détreffes, ont „ fouffert patiemment la privation de leur folde; „ lorsque les calamités de leur pays en empêchaient „ le payement; & qui, même a préfent, ne de„ mandent de ce qui leur eft dó , que la portion „ néceffaire pour leur donner la facilité deferetirerdu „ champ de Ia viétoire & de la gloire, dans le fein 9, de Ia paix & de Ia liberté fo-iale & qu'une fecu„ rité efficace pour le refte de leurs prétentions, 3, autant que leur pays eft acïuellemeot capable d'y », pourvoir." „ L'autre claffe de créanciers eft compofée , par„ tie de ceux de nos Concitoyens qui ont origi„ nairement a'iandonné au public l'emploi de leurs „ fonds.ou qui depuis ont montré la plus grande ,, confiance dans leur patrie, en acceptant les trans„ ports des prêteurs & partie de ceux dont la pro„ pneté a été ou avancée ou prife pour le fervice „ public. Vouloir diftinguer le mérite de ces „ diverfes claifes de créanciers, fjrait une tache „ également inutile & odieufe. Si Ia vo x de 1'hu„ manité plaide plus hautement en faveur des uns „ que des autres; la voix de Ia politique non moins „ que celle de la juftice parle également pour la „ caufe dc tous. Une nation fage ne permet ja„ mais que ceux qui foulagent les befoms de leur „ pays ou qui fe repofent le plus fur fa bonne„ f u, fa fermeté & fes reffojrces , foient trompés„ dans aucune de ces attentes." „ Qu'il foic expofé finaiement que q'a touioura „ été un, objet de gloire & d'orgueil pour l'Améri„ que . que les droits pour lesquels elle a combat„ tu, aient été les droits de 1'efiece bumaine Avec „ ia bénédiction de 1'Auteur de ces droits fur les mo- » yens  C 403 ); , g yens employés pour leur défenfe, ils ont renver'„ fc toute oppofition & jtfcé les fondemens de trei-, ze Etats indépimdans.. II n'y eut jamais d'cxem0, ple, il n'y en aura probablement jamais ou les formes pures & véritables du gouvernement Ré» „ pub icain puiffenc avoir une auffi belle occafion ,, de fe juftifier par leurs fruits. Sous ce rap3, port les Citoyens des Etats Unis ont è répondre „ pour la confiance la plus grande qu'on ait jamais mife dans une fociété politique. Si la juftice, la bonne foi., 1'honneur, la grartude, & toutes les „ autres qualités qui ennoblifient le caradtere d'une ,, nat'on & remplifient les vues du gouvernement, „ font lei fruits de nos établiffemens, la caufe de ,, la liberté acquerra une dignité & un luftre dont» „ elle n'a point joui jusqu'a préfent ; & elle fera „ un modele qui' ne pourra qu'avoir l'influence la ,, plus favorable fur les droits du genre-humain. j, Si d'un autre cóté, nos gouvernemens venaient a étre malheureufement fouillés des vices con- trairés a ces vertus fondamentales; la caufe que ,, nous nous fommes engagés a foutenir, ferait „ deshonorée & trahie; la derniere & la plus belle „ épreuve en faveur des droits de la nature humai» ,, ne nuirait a ces droits ; & leurs Proteéteurs & „ amis feraient expofés aux infultes&réduitsaufilen- ce par les fecïateurs de la tyrannie & de 1'ufur„ pation " ' : tak kH -; tul ïteï •• ;;.>-> *m..> , ' ii f A la fuite de cette recommandation, on li/ait unè Réfolution prife d la pluralité, d'autant plus intéref[ante par k jour qu'elle jette fur les forces refpeSlive des ttevze Etats , qu'elle n'a paru dans aucun papier public en Europe. Elle était conyueen ces termes.) De par les Etats-Unis afiemblés en Congrès, D8 Avril 783 Réfolu par neuf Etats, Qa'il foit r-commandé aux divers Etats, comme une chofe indifpeniablcment néceffaire au rétablisC c 2 fe-  C 404 ) fement du crédit public & a 1'acqüittement hono» rable & ponctuel des dettes nationales, de revêtir les Etats Unis aflemblés en Congrès du pouvoir de lever, pour 1'ufage des Etats.Unis, les impóts fuivans fur les marchandifes importées dans lesdits Etats, de tout Port, Ifle ou Plantation étrangere que ce foit. Sur le Rum de la Jamaïque Pour un gallon . . . 4 somes d'un dollar. Sur toutes les liqueurs fpiri- tueufes .... 3 oomes dito. Sur le vin de Madere . . ia oomes dito. Sur tous les autres vins . 6 oomes dito. Sur le thé bou commun pour livre .... 6 pomes dito. Sur tous les autres thés . 24 comes dito. Sur le poivre par livre . 3 comes dito. Sur le fucre brun par livre . •£ Qomes dito. Sur le fucre en pain . . 2 Qomes dito. Sur tous les autres fucres . 1 oome dito. Sur les melafles par galon . I eome dito. Sur le cacao & le caffé par livre 1 oome dito. Sui- tous les autres articles un impöt de cinq pour cent de leur valeur, au tems & a 1'endroit.de 1'ira- portation. Pourvu qu'aucun desdits impóts ne foit appliqué a d'autre emploi qu'ó décharger 1'intérêt ou le principal des dettes contracties fur la foi des EtatsUnis pour le foutien de la guerre, conformémenc h la réfolution du 16 Décembre palfé, ni pour plus de 45 ans; & pourvu que les collecteurs desdits impóts foient nommés dans les Etats oh ils doivent exercer refpeètivement leurs emplois; cependant , de maniere qu'iis puiflent être appellés & caffés par les Etats Unis, feuls, aflemblés en Congrès & dans le cas oh quelque Etat n'aurait pas fait cet établiffement, un mois après qu'ils auront été avertis a cefiij'ec, 1'établilTement fera fait par les Etats-Unis aflemblés en Congrès, Qu'il  (405) Ou'il foit en outre recommandé aux Etats refpeftifs d'érablir pour un terme limité de 25 ans & dapwow er au payement de 1'intérêc et du prmcipal 5esPde tes contraöées fur la foi des Etats-Unis, Pour foutenir la guerre, les revenus conliderab es & efficaces qu'ils jugeront les plus propres a les mettre en état de fatisfaire a leurs contingens re. fteSifs d'un million cinq eens mille dollars annuel èment, non compris dans les impóts fus-rnenSonSr equel contingent fera fixé & réprrti de èmsl aut^ fuivant la méthode qui eft ou peut être wefcrite par les articles de la confédération & San le cas oh les revenus établis par quelque bat Snd aient a produire une fomme qui excédat fa proForïion aftueue, cet excédent v ferait reverfé:; & dans le cas oh il y aurait un deficit dans les revenus de que qu'un des Etats; le deficit immédiat fe. fait renaré le plütót poffible par un tel Etat, & 'on poPu vo rait a tes deficit uitenen» en augmentant les revenus établis; bien entendu cependant, que jusqu'a ce que la regie établie par la confedé?arion foit mife en pratique, les proportiors de Ja fomme d'un million cinq eens dollars foit répar. ties de la maniere fuivante. Nouvelle-Hampshire . - • os Maftachufet . - • • «4,427 Rhode-Ifland . - • • 32.3 ■» Connefticut • • • 3 'O91 Nouvelle York . • • "»»t«3 Nouveau-Yerfey • • • "f-?™ Penfylvanie . - , • «oji89 Delaware • * ■ 2*'^3 Maryland ^ , • ; ■ JJJJJJ Carohne feptentri'onale • • 10^c°* Caroline meridionale . • • 9°-"£ Georgië * 0 Les revenus mentionnés ff^^^g par des geas établis, comme ü a été dit, mais ito  C 406 ) feront portés frif le credit féi ar* des Etats oh ih devront être recueillis. Qu'un compte annuel des procédés & de 1'emploi de tous lesdits revenus fera fait cc transmis aux divers Etats, en diftmguant les procédés de chacun des anicles fpécifiés ci Je montant de tout ie revenu, recu de chaque Etat, ainfi que les appoinremens ac cordes aux divers officiers employés a la perception ces dits revenus. ' Qu'aucune des Réfolutions précédentes ne fortira fon effet, que tous les Etats n'y aient accédé- & cependant après cette acceffion unanime, elles feront confiderées comme formant unlien mutuel, ob'igato* re pour tous les Etats cc qui ne pourra être diüous par aucun féparement . mais par le concours du Tout ou d'une Majorité des Etats-Unis, aflemblés en Congres. Que foit pour accélerer 1'extinétion des dettes foit pour établir l'harmonie parmi les Etats Unis II foit rappellé aux Etats qu'il n'ont pas rtndu der» aclcs è l'effet de déferer aux Réfolutions du Congrès du 6 beptembre & du 10 Oftobre 17F0 relativement ii la ceffion des'prétentions fur des ter! res, d'en faire la ceffion géréreufè qui leur y elf recommandée,- & aüx Frats qui peuvtht avoir paffé des a3es pour n'y déferer qu'en partie, de les revifer & de montrer uöe condefcendance entiere. Que pour affurcr', par une méthode plus convenable & .plus Certaine, les cpneingens que les Etats refpeöifs doivent fourrrir au tréfor commun il foit fait & il eft fait par la préfente les altérati'ons fuivantes dans les aïticleS de la confédération cc de 1'union perpétuelle entrp'ces Etats. Et les Etats divers font av'ertis 'd'auforifer leurs délep-ués re fprftifs de les foufcrt're & de les ratifier comme partie dudit inftrument de 1'uniori dans les termes luivans, favoir ' Quant .au huitieme des articles de confédération & d union perpétuelle entre les treize Etats de 1'A méjique, contenu dans les mots fuivans, favoir : u Tou-  I C 407 > Toutes les charges de la guerre & toutes ks autres dépenfes que l'on contradera pour la dé" fenfecommun ou pour favantage, général & qui " foont accordes par les Etats-Unis affembles ea " Carfvèl feront acquittées d'un tréfor commun " aS fera formé par les divers Etats en propornon " S la valeur de toutes les terres accordees d ns " rLnue F tat ou déterminées pour toute perfon" ne Tutan qu'un tel pays & le%fötis & progrès " ?„! ,f anra faits . feront eftimés d'anrês a >; KodVe queaie?Etat,Unis aflemblés en Congrès " Seront & établirmt de tems a autre " Cet Sl: eft aftuellement revoqué & annullé & Ti Place, h eft déclaré & arréte, dap-ei un^rVan«emePnt convenu dans le Congrès des EtatsUnisme toutes les charges de la guerre cj toutes leTautfes dépenfes qui ont été ou qui J er ont contraces Tor la dêfLfe commune ou l avantage gé> er al & accordé s par les Etats-Unis affemblés en Congrès. a fa réie ve cependant de ce fur quoi U aura eté pourvu. Itre nZ, feront acquittées du tré^r cammun qu, e. Tformé pailh *** EtaU en proport.on du nombre de ZTlïs Citoyens libres 8> titans blancs tj au. tes d out ai, fexe è? conditiën , J/omprisceux tres, ae wu , j g d,amees g> [ts ZlTcinqu ^d?toutes les autres perfonnes non 'Zp feVdans la clajje f^ente, ££*g* ' de Ia guerre; & I'apparence des affaires prouvaïé qu eile avait droit de les efperer. Le Lord Shelburne vit tout le danger ou fe trouvait expofée 1'Angleterre. Pour la fauver, il fit un pas cricique; il abandonna 1 indépendance aux Américains & leur accorda des conditions fi avantageufes, que les Préliminaires du Traité furent fignes. A cette nouvelle ina « tendue, le Cabinet de Verfailles, qui móditait de grands projets, fut obligé d'alterer fa marche • il fe trouva Dien plus embaraffé encore, lorsque les Anglais , fideles a la même politique, eurent gagné 1 Efpagne par les ceffions les plusattrayantes. Dans mte fituation il était è craindre que 1'Efpagne & 1 Amérique n'abandonaffent la caufe commune : la Fiance fut reftee feule alors avec un allié qui, au lieu de la renf.rcer, 1'affaiblifiait par des diverfions • elle ne pouvait donc fe dispenfer d'accepter la paix • & je veux bien croire qu'elle a obtenu des conditions avant .geufes; mais vous ne m'empêcherez pas dé penfer aufl. qu elles auraient été bien plus avantagculev encore fi nous euffions montié plus d'énergie & fi la guerre n'eut fini plütót qu'elle ö avait penfe? Peut-on dire, après cela, qu'elle ait fepare fa caufe de celle de fon allié ; furtout quand on fe rapelle que de tant d'établiffemens conquisfur 1 Etat el ie a fait enforte, qu'il nerisque d'en perdre qu un feul; quand onferapele qu'elle rend geoereufe. ment St fc.uftache,Effequebo, Demerary, les Berbices,Saba St- Martin, & qu'elle avait porté les Anglais a rendre non feulement Trinquemale qu on ne favaic pas encore repris; mais encore tous nos autres étabhffimens fur la cóte de Coromandel, è Surate, en Afnque &c. Car il importe de dire ici qu'on n.nfifte ftos fcr la demande d'une navigation libre dans les Molucques; P'ailleurs . quelque fens que l'on donne aux paroles du Roi , de ne pas féparer notre caufe dé lafinme , ne peut-on pas dire qu'il v a fadsfait ludilamment, s'il ne nous abandonne* point a la merci de nos Ennemis? Faites attention, ie vous prie, a cet argument, qui prouvé fans réplique, en  C4l* ) en faveur de la bonne foi de ce Monarque. Nöri feulement il nous a fait accorder une fuspenfïon d'armes indéfinie; mais, depuis cette époque, il a tellemen- veillé a nos intéréts & k notre falut, nue 1'armiftice n'a pas été rompue d ne le fera probabtement pas , que nos préliminaires ne foient fignés; c'eft a dire que nous ne foyons couvenus de nos arrangemens particuliers avec 1'Angleterre. II nous aurait abandonnés vraiment; fi, fignanc lui feul la paix , il nous eüt laiffé tout le poid & tous les dangers de la guerre, en un mot, s'il nous eüt joué le tour que nous jouames k Loüis XIV. a la paix de Munfter & que les Anglais nous jouerent pendant les négociations de la paix d'Utrecht. II a, avec une bienfaifante fagcffe, prolongé les négociations de maniere qu'après la reception de nouvelles pofitives de l'Inde, nous faurons fi nous devons recouvrer Negapatnam, ou fi nous aurions du le céder; de forte que cette accelération de la paix & la fignature des préliminaires fans nous, n'auront caufé aucun préjudicea 1'Etat. Vous étalez avec beaucoup d'emphafe le refus de la paix particuliere que 1'Angleterre nous avait offerte. Vo is voulez que la France regardé ce re. fu comme un facrifice important,fait a fa confidération. Mais qui ne fait que la France ne s'eft aucunement in erpofée pour empêcher cette paix particuliere? Qui ne fait qu'elle avait même intérêt a ce qu'elle füt acceptée; afin d'avoir les mains plus libres; pour difpofer a fon gré de celles de nos poffeffion's qu'elte avait reprifes fur les Anglais? Qui ne fait que cette crainte feule a empêché 1'Etat d'accepter cette paix particuliere, contre 1'a vis d'une multitude de Régeuces, de celle d' Amfterdam en particulier, qui avait d'abord opiné contre la reConnaisfifnee de l'indépendance Amèricaine & pour 1'acceptation des offres de Mr. Fox 9. Les të^ats de Hollande ne déguifent pas, dans leur réfolution du 12 Juin 1782 , que la confidération de leurs établiflemens paffés dans les mains des Frangais en-  C 416 ) entrait dans les motifs de leur refus d'une paix particuliere, r II regne, Mr , dans vos raifonemens une contradiction palpable & qui fuffit pour en détruire toute la folidité. Vous précendez que la paix ne pouvait arriver plus è propos pour I'Amérique , pour 1'Efpagne & même pour la France. Vous faites même preffentir que ces trois puiffances auraient j-isqué beaucoup par la prolongation des hoftilités. Si, donc, felon vous, la France était fi fort expofée en prolongeant la guerre, pourquoi lui reprochez-vous de ne l'avoir pas continuée pour veiller è nos intéréts ? s'expoferè tous les hazards & i tout le poids d'une prolongation de la guerre; Eh pour qui ? Pour un allié que ne voulait ou qui ne pouvait rien mettre dans la baiance. L'abondance des matieres nous oblige d renvoyer d l'ordinaire procbain une differtation intérejfante oü l'on refute le mémoire dont nous avons parlé dans notre No. CXFll drejjé par les Colons du Cap contre leurs Adminiftrateurs , e? dont nous avons déid relevé aueloues traits p. 363 au No. CXXVJ1I. Nous prions ceux qui nous ont envoyê des réflexions ' fir la conduite tenue d 1'égard de la probibition de la Gazette «teDiemermeer, de ne pas trouver mauvais, fi nous attendons un plus ample infonnê. avant d'en bazarder la publication. Incedo per ignes fuppofitos cineri dolofo. Fin du Tome cinq.uiime. (Aux Adreffes ordinaires.)