NOUVELLE BIBLIOTHEQUE belgiqueva tome quatrieme, Première Portie, POÜR LES MOIS DE JANVIER, FEVRIER, MARS» MDCCLXXXIIL tswt*fiöw iivsnM'ür - snwt -«stoft ^ LA HAT È,4j£> Chez C. PLAAT* Libraire dans le HofftraaL MDCCLXXXIIL  AVIS du LIBRAIRE. On jeindra h la Seconde Partie de ce Volume y qui paroitra dans peu de Semainesy la Lifte des Soufcripteurs. Ainfi Von prie ceux qui ont différé jufqu'-a prefent d'envoyer leurs Jtioms, de le faire le piïitót pojftble. On peut a£'üirer le Public, que les deux Porties du Tome V. paroitront exaiïement h Uur tems, favoir h la fin des Mois de Septembre & Dêcembre procfytins.  T A B L E DES ARTICLES. PAS; I TjlCTIONNAIRE HlSTORI- que &c. Tom. VII. V/II. ... . . . £ II. Suite de la Descriptxon de plusieurs animaux peu connus, par Mr a. vosmaer 2 III. essai sur les accusations 1NTENTBES AUX TfiM- pliers, par M. Nico- LAÏ. ...... 3t IV. Mémoires de la Socié- TÉ PhILOLOGIQUjï ft PoËTIQUE DE LeIDE. SS V. Histoire Critique du COMTÉ DE HOLLANDE * 2 eu  iv TABLE des ARTICLES. Paö. et de zélande, par M. Kluit, Tom. II. 71 VI. Pietas Belgica &c. . 80 VII. Julie par M. R. Feith g9 VIII. Hymnes en Prose poi E les Enfans par M. Phrponcher. . . ."105 IX. Dissertation sur la Physiognomie. . . . III X. Poësies Latines. . .126 XI. Prospectus , d'un Jour¬ nal de JuRISPRUDENCE. I36 XII. Nouvelles LiTtËraires. 140 XIII. Articles Extraits du Journal Eelvetique. 15a XIV. Articles Extraits de la correspondancë litteraire Secrétte. . . Nou-  NOUVELLE BI BLIOTHEQUE BELGIQUE. POUR LES MOIS DE Janvier , Février, Mars. MDCCLXXX1II. ARTICLE PREMIER. Vaderlandsch , Geschied , Aard- , RYKS-, GüSLAGTS-, EN StaATKUN- dig Woordenboek &c. C'eft-a-dire, DlCTIONNAIBE HlSTORIO^UE , GëOGRAPHIQUE , GÉNÉALOGÏQUE ET Politique, contenant Fffijioire 4ncienne & Moderne, Ecclêfiaftique & Civile des Pr onnets Unies, des Pays de leur 'Domination ; avec une Defcription des Villes, Villages ,Sel' gneuries (f Êdifices &c. &c. fifc. Tom. IV. Part. r, A ainfi  a Nouv. Biblïoth. Beloique. ainji qiïune Natice fur lavie des Hom* mes 6? des Fetnmes célèbres, qui J'& font difiingués dans la Politique, dans la Guerre,dans les Arts & les Ssien* ces, par ordre Alphabétique &c. (fc. par Mr. J. Kok, dmfterdam 17821783. Tom. VU. 6? VllLBO BY. Prix ƒ 3 - ia - o On peut faire aux Volumes que nous annontjons les meines reproches qu'aux précédens (a), mais ils méritent aufli è tous égards les mêmes éloges. L'infatigable Rédafteur de eet Ouvrage y fait preuve d'une grande érudition ;les recherches immenfes que demandoit cette entreprife ,les peines&les difficultés de tout gecre qu'elle fuppofe» doivenc bien faire pardonner quelques longueurs, quelques détails, qui d'ailleurs peuvent avoir leur utilité. Un ouvrage de ce genre n'eftpasfiisceptible d'analife.noas continueren* donc (a) Voyez Tom. J. p. 34«. Tom- M493. de ce Journal.  Janv.,Fev., Mars. 1783. 3 a faire connoïtre quelques articles intérelTans de ce Di&ionnaire. 5, Boete ( Amende_). On entend ordinairement par ce mot, une peine pécuniaire , que 1'on inflige pour des crimes, qui ne méritent pas une ponition plus févère. Sans entrer ici dans des discuflions qui ne font pas de notre reflbrt fur la nature de ces peines, fur leur dégré d'intenfité , fur la diftin&ion que font les Juriscoofultes entre les Amendes bonorables & profitables, nous donnerons quelques éclairciflemens fur une efpèce particulière d'amendes, connue autrefois dans ce Pays, fous le nom de Stesnbeete , ou Amende de Pierret, qui faifoit une partie confidérable des revenus des Souverains de ces contrées; amende dont 1'orïgine fe perd dans la ruit des tems. Tacite nous apprend qu'on ne fe bornoit pas en Germanie a des amendes pécuniaires proprement «Jites, rnais que 1'on condamnoit fouvent les cri> minels a livrer un certain riombre de chevaux, ou une partie de leur bétaif. L'Hiftorien Wagenaar prouve, d'après Tacite, que les anciens Saxons payoient A 2 tou -  4 Nouv. Biblioth. Belgiqjje. toujours leurs amendes de cette manière,' & il conjefture, que cette coütume fut adoptée enfuite parles Frifons. Quoiqu'il en fok nous ne parions ici quede Vamende de pierres, ufitée daos le 14, 15, & 16e fiècle. Les autres efpèces d'amendes furent en ufage dans des tems plus recu'és. Cette amende de pierres confiftoit a payer une certaine quantité de pierres de différente efpèce, dont le nombre étoit fixé par les Loix, ou proportionné a 1'énormité du délit. On fe fervoit de ces Pierres pour la conftrudtion des Villes , des Batimens, des murs, & des Eclufes. Comme le nombre des Habitans gugmenta dans ce Pays a mefure que le commerce fit des progrès plus confidérables, on fe vit bientót obligé d'élargir les Villes, de conftruire de nouvelle» Eglifes, de nouveaux Edifices, & ces befoins toujours renaiflans contribuerent beaucoup a tenir en vigueur 1'amende dont nous" parions. II ne faut pour s'en convaincre que jetter les yeux fur laDefcription d"Amersfoort, Tom. I. p.25. oü 1'on voit qae l'amtndt de pierres fut éta* b!i£  Janv., Fev. , Mars. 1783. 5 blie en 1388, a Poccafion d'une nouveïenceinte qu'il s'agiflbit de donner k la Ville ; Wagenaar (a) rapporte que cette amende y êtoit univerfellement re^ue en 1411. Le nombre des pierres n'étoit pas toujours le même, comme nous venons de Ie dire; tantót on condamnoit Je criminel è livrer 2 è 3000 pierres; tantót k faire élever è fes fraix une partie des murailles, ou bien k faire paver les rue» de la Ville a la diftance de quelques verges. Dans le 15e fiècle on condamnoit ua meurtrier , k Utrecht, k fournir viogc cinq mille pierres. Ceux qui jouoientaux jeux de hazard étoient obligés de quitter la Ville pendant un mois & de fournir deux mille pierres; on puniflbit celui qui permettoit ces jeux dans fa maifon . d'un exil de deux mois, qu'il pouvoit racheter néanmoins par une amende de dix mille pierres. L'Auteur cite encore d'autres Loix éta- (0) Tom. II. Part. 4. Pag. 25. A3  6 Nouv. Bibliöth. Belgiqub. établies en Hollande, qui toutes dietoient la même peme. On exigeoit cette amende avec la dernière rigueur j ceux qui ne pouvoient point la fatisfaire étoient punis par l'exi', & plus févêrement encore felon les circonftances. II étoit permis cependant de donner en argent le prix de ces pierres; enfin dans la plüpart des Villes on nommoit tous les ans quelques membres de la Régence, qui prenoient connoiffance des délits que laloi puniflbit de cette amende, & qui Ia faifoient percevoir ". ,:, Bor, QPierre Cbriftiaanz) après Aitzema, le meilleur & le plus impartial des Hiftoriens Hollandois, naquit è Utrecht en 1559: année fameufe par 1'établiffement des nouveaux Evêques & de 1'Inquifition dans les Pays-Bas. Dès fa jeuneffe il s'appliqua avec ardeur a 1'étude de 1'Hiftoire, & furtoutde celle de fa Patrie; il travailla longtems a ion grand ouvrage, dont il publia les premiers Volumes en 1595. fous ce titre; Sonrces des Treubles des Guerres & des divifions inteftines éts Pays Bas. II dédia  Janv.,F£V., Mars. 1783. y dia fon Livre au Magiftrac d'Utrecht, dont il recut des diftinöions fort flatteufes. En 16ij on lui conféra le titre d'Hiftoriographe des Etats de Hollande, avec un penfion affez confidérable pour ce tems-la. On a du même Auteur une De/cripticn de Bois leDuc & du fiège de cette Ville; un redt de la Prife de Wejel, & une fuitc h la Cbronique de Carion. Dans les dernières années de fa vie il ne s'occupaque de ffon Hiftoire des Pays-Bas , qu'il pouffa jesqu'au commencement du 17e fiècle. II mourut è Haarlem en 1635. Boreel (Guillawme'), Seigneur de Duinbeke & fVelteoven , defcendoit d'una des plus anciennes maifocs des PaysBas , & même de 1'Europe. II étoit de la tige des Comtes de Barcelone, Princes de Catalogne, dont les defcendans occupèrent vers le onzieme fiècle, te* Thrönes de Portugal, d'Arragon, ®nerent fur la Bourgogne. On trouve même des Boreel ou Bvrel, car tel eft le nom originaire de cette familie, dès !e huitième & neuviètne fiècle :Notre Auteur donne une notice abrégée de la vie de A f tous  8 Nouv. Biblioth. Belgiqjte. tous. les ayeux de celui qui fait le fujet de eet article; mais ces détails nous meneroient trop loin, & n'intéreHoient aufll qu'un trés pecit nombre de nos Lcctcurs. Nous préférons pour cttte raifon de ne donner ici que le précis de la vie du fameux AmbalTadeur iJoreeZ, qui eut une fi grande influence dans les Négociations les plus importantes du 'XVlle fiécle. Les talens de Mr. Boreel fe ;développerent pour la première fois en 1639, oü il fut député par la République pour ajulter les différens , qui s'étoient élevés entre FArchevêque & Ia Ville de Bréme. II eut le bonheur de réuffir dans cette miffion , & de foutenir avec dignité le beau röle de médiateur que les Etats avoient pris dans cette difpute. Au bout de deux mois les parties fignerent un accord j qui termina la querelle. Lors de 1'avénement de la célèbre Chriftine au chróne de Suède sla République lui députa une Ambaffade, dont Boreel fut le Chef- II étoit chargé de traiter avec cette Reine fur des objets rélatifs a la navigation & au commerce dans la  Janv.j Fev. ,Mars. 1783. 9 la Baltique; le Dannemarcken hauffant le prix ordinaire des droits d'cntrée & deibrtie, gênoit beaucoup cette partie li intéreffante de notre commerce Ils'agiffoit donc, foit de chercher une nouvelle route par Gottemburg ou I.ubecq, foit de faire un Traité avec la Suède, II eft inutile de détailier ici, avec notre Auteur, les cérémonies de la réception des Ambaffadeurs è 'Stokbolm. Remarquons plutót, que Mr. Boreel engagea les Suédois a former une alliance trés avantageufe pour la Rèpublique; qu'il obrint pour fes maïtres le titre de Hauts fc? PuiJJants Seigneurs, titre que la Suède leur avoit refufé jusques-la, & qu'il figna enfin féparement le nouveau Traité, pour ne pas êcre obligé de mettre fon nom au deffous des noms des Miniftres de la Reine, comme ceux-ci 1'exigeoient. En effet ce qui feroit a bon droit traité de hauteur minucieufe entre particuliers, devient important & nécesfaire entre Souverains. L'année fuivante Boreel fut envoyé avec deux autres Commiflaires - Députés des Etats è Stade, pour terminer avec le A 5 Dan-  IO NOÜV. BlBLIOTH. BfiLGIOUE. Dannemarck les differens , qu'avoiene occafionnés la haufle des droits d'entrée. Après avoir arrangé les chofes a la fatisfadtion de la République, il ne voulut point fe prêter aux deörs du Roi, qui propofoitde faire uneAlliance avec lesEtats,& deréunir ainfi dans un feul Traité tous les points en litige. Boreel craignoit avec raifon que le Roi ne fe rétra&at alors fur plufieurs articles ftipulés dans les Conférences de Stade. Bientót les talens de notre Négociateur fe déployerent fur un plus vafte Théatre. La République le députa en 1644 en Angleterre, avec deux airtres Seigneurs, pour offrir au nom des Etats leur médiation dans ks querelles qui divifoient alors le Roi & fon Parlement. C'eft la que Boreel fit preuve de toute fon habileté & de Part fi néceffaire de manier les efprits. II avoit a ménager d'un cóté les intéréts & la dignité d'un Roi malheureux & obftiné, de 1'autre 1'humeur altière & inflexible des Cnefi du Parlement, qui étoient perfonnellement intéreffés a rejetter tout accomraodement avec leur Souverain. A peine Bo-  Janv. , Fev., Mars. 1783. 11 Boreel put-il obtenir une fèuïe audience dan» !e Parlement, alors affemblé a Weftminjler; il parvint dans cette occa* iion a captivcr 1'attention de la plupart des membres, & peut être eut-il réufli a faire goüter fes propofitions; maïs Ia fa&ion de Cromwel voyant cette difpofition des efprits, eut 1'art de répandre a propos une nouvelle inlidieufe qui cbangea totalement !e Parlement, & détourna ainfi tout le bien que Boreel auroic pu faire. Dans une converfation particulière entre les Ambaffadeurs Hollandois & quelques Chefs du Parti Républicain , les premiers fe plaignirent des déprédations continuelles des Vaiffeaux dü Parlement, & des violences qu'ils fe permettoient fur mer contre les navires Hollandois, qu'ils enlevoient fous leplus leger prétexte; ils ajouterent , qu'au moins il devoit leur être permis d'entrer indifFéremment dan* les Ports du Roi ou du Parlement, ou bien que les Anglois devoient s'abftenir de naviguer en Efpagne, qui étoit alor» en guerre avec la Hollande : maïs les Anglois leur répondirent avec hauceur: qui  12 NOTJV. BlBLIOTH. BeLGIQÜB." queMaüres de la mer, ils étoient accoutumis a, y donner des Loix 6? non d en recevoir. Réponfe altière , que Boreel fut dévorer alors, mais que nos vidtoires navales firent payer bien chers depuis a ces fiers Infulaires. Cette Ambaffade fe termina donc infruüueufement, & tout le monde fait le trifte fort que fubit depuis 1'infortuné Charles. Boreel fut enfuite nommé An> baffadeur de la République a la Cour de France, oü il réfida plufieurs années. En plufieurs occafions il foutint Phonneur de fa dignité contre Louis XIV. même,aupointque ceMonarque fit porter des plaintes aux Etats Généraux,,témoignant qu'elle fe trouvoit bleffée des expreffions de leur Ambaffadeur ; mais comme celui-ci n'avoit fait que répondre avec une noble liberté aux discours peu mefurés du Roi, fa conduite ne fut pointdéfapprouvée.C'eft ce même Boreel, qui fe plaignant un jour avec véhémence 4 Louis XIV. des violences des Pirates Francois qui défoloient notre Marine Marchande , fe vit interrompu par le Cardinal Mazarin, qui s'écria avec humeur.  Janv., Fev.j Mers. 1783. 13 meur. —— Pure déclamation que tout eela! C'efl au Roi, repliqua Bo' red, en fixant le Miniftre, que j'ai l'bonneur de m'adrejfer, & il reprit fon discours. Mr. Boreel mourut a Paris en 1688: fon corps fut tranfporté a la Haye, & enterrê aux dépens des Etats, honneur unique fans doute, mais que méritoit Ia mémoire d'un homme, qui avoit rendu è fa Patrie les fervices les plus (fignalés. Nous ferons grace au Le&eur de Ia defcription de la Pompe funèbre, dont M. Kok configne ici tous les détails. Le Roi Charles I. conféra a Boreel Ie titre de Chevalier Baronet, en reconnoiffance des fervices qu'il avoit tdché de lui rendre lors de fon Ambaffade, & lui permit d'ajouter a fes armoiries un des Léopards de 1'Ecu de la Grande-Bretagne, avec la couronne des Vicomtes Anglois. Le Fils ainé de Guillaume Boreel s'eft diftinguè particulierement dans une Ambaffade en Ruffie en 1664, oh regnoit alors AUxis Miebaelovoitz. II y témoigna beaucoup de ferraeté, mais fa mis-  14 Nouv. Biblioth. Belgique. fion n'eut pas alors tout le fuccès défiïê. Cetarticle nous fournit encore un reproche bien grave contre notre Auteur. Au lieu de fe contenter de mettre en peu de mots Ie Lcéteur au fait de 1'objet de cette Ambaffade, il commence fon recit par Pénumération faftidieufe de tous ceux qui compofoient la fuite de eet Ambaffadeur; fans oublier les Cuifiniers, les IvJarmitons, les Palfreniers &c. il ne rjous fait grace d'aucune des cérémonies qui fe pratiquerent dans les difFérentes villes que traverfa PAmbaffadeur; il nous donne le catalogue de tous les préfens dont Mr. Boreel fut chargé pour le Czar, enfin il n'oublie pas Ia moindre date, ni Ia moindre vifite que PAmbaffadeur recut & rendit k la Cour de Moscou. La feule obfervation que nous fournit eet article, roule fur Ie prodigieux changement que Pierre I, & fes illuftres fucccffeurs ont opéré en Ruffie. En lifant la defcription des ufages rec,us alors dans ce vafte empire, on fe croit tranfporté parmi les nations les moins civilifées; Ia farouche grandeur du Souverain, le mépris qu'il montroit pour les COU"  Janv., Fev., Mars. 1783. 1S coutumes écrangères, la profonde ignorante de fes fujets, tour, annoneoit au fiècle pafTé une nation barbare & fauvage : aujourd'hui Pétersbourg eft la rivale de Paris & de Londres; les arts & les fciences regnent dans toute la Rusfie & eet Empire eft peut-être de nos jours le plus grand contrepoids dans la balance du fyftême politiqoe de 1'Europe. Van Braam (Guillaume') un des Capitaines qui fe font immortaiifés a la bataille du Dogger slank le 5 Aoüt i78r, naquit a Werkhoven dans la Province d'Utreebt, en 1732. L.a Familie de Mr. van Braam eft originaire de Flandres, & descend pat une branche cadette des anciens Vicomtes de Gand. Le nom de Fan Braam, n'eft proprement qu'un furnom donné è 1'un des ancêtres de notre Contre-Amiral; on le nommoit, dit un ancien Ecrivain Francois, Bramour, ou Bramator en Frangois, paree qu'allant au combat fc? en bataille, il crioit ou bramoit comrne un Büier) aulfi prit it pour fon cimier d'atmes la tête £P le cel d'un Bêlier aüè i'Hermines % c&rné cf barbeli de gueulles. Mr.  iö Nouv. Bibltoth. Belgiqüe; Mf' Van Braam commenca fa carrière militaire des 1'Sge de douze ans. II fit plufieurs voyages en qualité de cadet de marine, de Lieutenant & de Commandeur. Après avoir effuyé plufieurs paffe-droits,il parvint en 1762 au grade de Capitaine de haut-bord, a la recommandation de la Princeffe Douairière de Frife, grand-mere du Stadhouder actuel. Comme on n'équipoit presque point en guerre, Mr. Van Braam fe mit au fervice de la Compagnie des Indes Orientales, & fit quatre fois le voyage de Batavia & de !a Chine. La Compagnie lui témoigna fa reconnoiffance en 1763 & lui donna une chaine d'or avec une médaille du même métal. II commanda fucceffivement troisFiégates depuis 1'année 1771. En revenant d'uce croifière en 1778, il reprit aux Anglois un Vaiffeau Hollandois qui venoit de Ceudret & le ramena a bon port au Texsl. Mr. Va n Braam fe diftingua trés glorieufement a la fameufe journée du Doggersbank , oh il eut a repouffer 1'attjque d'un Vaiffeau de 96 canons, quoi- que  Janv., Ffiv., Mars. 1783. r? que le Gen n'en portat que 54. Tout !e monde fait que ce VailTeau nommé la Princejfs Amélie foufFrit infiniment dans ce combat; le Capitaine Marcartny, qui le eommandoit,fut tué & les Anglois eurent beaucoup de peine è fauver le navire. Celui de M. Van Braam qui esfuya plus de neuf-cent coups de canon ïisqua de couler h ,fond, & ne demeura a flot que par les foins du Capitaine & 1'intrépidité de fon équipage. M. Van Braam fut nommé peu de tems après au commandementd'une Efcadre, deftinée pour la Baltique, mais comme cette expédition n'eut point lieu ,il demeura saTexel, oii il remplitavec diftindtion le pofte de Commandant de la rade. Cet Officier eft fi chéri de fon monde, que lorsqu'il fut obligé de paffer fur un autre Vaiffeau, pour mettreen mer, on reconnut h des fignes non équivoques fa douleurde fon équipage, qui étoit obligé de demeurer fur celui qui avoic tanc foufFert au Doggerslank. Comme tous les Matelots temoignerent un égal déür de fuivre leur Capitaine, on les fit tirer au fort, & ceux que le hazard faTome IV. Part. 1. B yo>  18 Nouv. Biblioth. Belgique. vorifa, s'en réjouirent comme de la plus brillante fortune. Pour appaifer les autres, il permit encore a une vingtaine d'entre eux de le luivre, ce qui les remplit de joye & de reconnoifïance. Ce témoignage de zèle & d'attachement fait autant 1'éloge du Chef que celui des matelots. C'eft en lifant de pareils traits d'héroisïr.e & de fenfibilité qu'on doit fe fentir fier d'être né dans Ie fein d'une Nation , capable de les offrir. Nous regrettons beaucoup que Mr. Kok n'ait fait aucune mention de 1'intrépide Capitaine Braak , qui s'eft couvert de lauriers dans la même bataille; eet Officier qui commandoit le Prince Héré' ditaire étoit Ie premier ide la ligne, & effuya confêcutivement le feu de toute 1'Efcadre ennemie. Ce brave Marin pourroit fe plaindre, avec plus de raifon peut-être que ne Ie fait notre Auteur, dans Partiele que nous venons de rapporter, du filence que nos Poëtes & ros Ecrivains ont gardé envers lui. En efTet on ne trouve fon nom, pour ainfi dire qu'en paffant, dans cette multitude d'é-  Janv., Fev., Mars. 1783. 19 d'EIoges, de Defcriptions & d'Ouvrage6 de tout genre qu'enfanta la fameufe journée du Doggersbank; peut-être dirat'oDiPrafulgebant CaJJius fc? Brutus, eo ipfo quod eorum imagines non vifeban*ar(a). (a) Nous ne prétendons point par cette obfervation affoiblü la gloire des Zoutman, des Kinsbergen, & de tous les autres Héroi du Doggersbank. Perfonne en effetne fent plus vivement toute Ia reconnoiffanse que 1'ondoit 4 ces défenfeurs de la Patrie, qui ont rétabli I'honneur de la Nation aux yeux de I'Europe entiere. B * AR-  to Nouv. Biilioth. Belgiqüb. ARTICLE SECOND. Suite de la Description de plu» sieurs Animaux peu connus jus. qu'a présent, é? qui fe trouvent dans le Cabinet d'Hiftoire Naturelle de S. A. S. Monfeigneur le Pr ine e Stadhouder ; par Mr. A. Vosmaer , Confeiller de S. A. S. Directeur de fon Cabinet d'Hifloire Naturelle & de Curiofitès, ainfi que de la Mina. gerie ,• Membre de VAcadémie Impériale , Correfpondant de F Académie Royale des Sciences de Paris, Membre de celle de Madrid & des Sociétés Littéraires de Flejfmgue & de Haarlem &c. Traduit par Mr. Reutner , in 40. a Amjierdam chez les Hérhiers P. Meyer 6? Warnars 1783. orné de planches &c. &c. M«  Janv., Fev., Mars. 1783. 21 MVosmaer commer.ca en 1766 a ♦ publier PHiftoire Naturelle & la Defcription des Animaux rares, dont Ia Ménagerie &leCabinetduPrinced'Orange ont été enrichis fucceffivement. Vingt cinq Cahiers avoient déjè paru, lorsque eet Ouvrage intéreffant fut interrompu en 1778, foit par des voyages que PAuteur a ifaits dans PEtranger, foit par d'autres obftacles qui paroiffent aétuellement levés,puisque 1'avertiiTementqu'on diftribue avec les deux nouveaux Mémoires, promet une continuacion. Nous efpérons que Mr. Vosmaer ne tarderapointaremplir fes engagemens, & nousne ferons pas lesfeuls fans douteal'y exhorter. II importe au Public de voir completter une Collcdlion tqui a été fi favorablement accueillie par les Naturaliftes les plus célèbres & les Critiques les plus difficiles. Les deux Quadrupèdes qu'on nous fait connoïtre ici, le Coulou & le Canna, 1'étoient fort peu auparavant, & la defcription de Mr. Vosmakr eft certainement la plus détaillée & la plus autbentique qui en ait été donnée jusqu'è préfent. B 3 Le  a 2 Nouv. Biblioth . Belgique. Le premier Coudou a été envoyé du Cap de Bonne Efpérance en 1776. C'eft après le Cheval & le Zébre un des plus beaux animaux connus. II appartient & 1'efpèce des Cerfs, auxquels il refiemble pour Ia forme & les mouvemens, par le bois, le fon de la voix, les habitudes& le naturel. Mr. de Buffom donne a eet animal le nom de CondomaduCap de Bonne Efpérance , nom qu'il a cru devoir adopter» mais que d'après Mr. Vosmaer eet animal n'a jamais porté. Notre Naturalifte croit le connoitre depuis trés longtems, & toujours fous la dénomination de Coudou , que les Hottentots lui ont donnée; & qui par corruption aura été changée en Condoma. C'eft le même animal dont Gessner (a),d'aprèsCajus a donné la Tête & les Cornes; & non pas la Chèvre inconnue dont parle Kelte ( b ), & qu'il répréfente avec une barbe & des cornes droites, for- (0) Gessner de Quadrup. p. 295. (6) Defcriptien du Cap de Bonne Efpir.Tom. I. p. 170. de rEdition Heil. infol.  Janv., Fev., Mars. 1783. aj fbrme que Mr. de Buffon attribue aufli au Coudou fans 1'avoir vu en vie. Cet illuftre Savant paroit avoir confondu le Coudou avec 1'EIan de Knlbe, dont M. Vosmaar traite dans le fecond cahier fous le nom de Canna. L'Auteur indique ici tous les Auteurs qui ont donné des Defcripcions plus ou moins fidelles du Coudou, celle de Mr. Pallas lui femble la plus exaéte (a). Graces aux foins du Gouverneur du Cap, M. le Baron de Plettenberg, on a été a même d'obferver cet animal en vie; celui qu'il^envoya en 1706 fut placé dans Ia Ménagerie du Stadhouder. Ce Coudou étoit d'une humeur extrêmement douce; „ on ne lui a jamais vu donner la moindre marqué de férocité; il fe laiffoit approcher, toucher, carrésfer fans défiance, II aimoit beaucoup le pain & il le prenoit de la main de tous ceux qui lui en préfentoient. Pendant fon féjour dans la ménagerie, fa nourriture or- (o") Specikgia Zoologica Tom. J. Fafc. I. f. 17. JV°. is. B 4  24 Nouv. Bibliot». Belgique. ordinaire étoit 1'herbe, le foin, 1'avoine & d'autres grains: il mangeoit volontiers la carotte, & furtout le pain , dont les c.'rfs privés& les autres efpèces de cette claffe font auffi fort friands. 11 dormoit co.nme eux, la tête appuyée fur le corps ". „ Ses Gardiens affurent qu'il rumi- noit. Sa voix tenoit de celle du cerf que eft en rut, mais il rayoit rarement. Sa courfe reffembloit au trot du eheval, & elle paroiffoit fufceptible d'une grande viteffe; mais la plüpart de ces animaux contractent par la longueur du voyage & par le défaut d'efpace fur le Vaiffeau, une roideur de membres qui ne fe diffipe que difficilement, Lorsque dans fes accès de gaieté il fe mettoit i courir& a bondir, on Pa vu fouvent lever le derrière du corps, fans que jamais il ait fait mine de ruer". Le Quadrupède Africain qui porte le nom ó'Elan dans les poffeffions Hollandoifes du Cap eft proprement appellë Canna chez les Hottentots. On en avoit déja vu un male & une femelle de cette efpèceenHollandeen 1748 ou 1740, &  Janv., Fev., Mars. 1783. t$ Sc les détails qui les concernent ont été recujillis de la boucbe d'un Gardien qui 1'avoit foigné alors dans la ménagerie du Prince. „ Après avoir fait quelque féjour k la ménagerie, ils étoient gais & bien portant. La douceur de leur naturel ne s'eft jamais démentie; on pouvoit les approcher & les toucher fans danger. Oa avoit accoutumé le rrale, & fans beau* coup 'de peine, k fe foumettre a la bride, & a fe laiffer atteler entre les brancards d'un cabriolet. II y couroit avec une extréme vitejfe, & plus e Buffon Tom. V. Edit. d'Amfterdam 1781.  janv., Fev., Mars. 1783. 17 M. de Boffodj qui de tout tems a faic Ie plus grand cas des obfervations deM. Vojmaer 1'a critiquè en dernier lieu fur quelques nouveaux noms qu'il a fallu impofer ou appliquer a des animaux pen connus, tel que la Marmotte Batarde &c. Voici comment Ie Naturalifte Hollandois répond k cette incülpation. „ Que M. de Buffon foit un Ecrivaia i du premier ordre, qu'il entraine fes Lecteurs par la magie de fon ftyle, c'eft ce que nous reconnoitrons volontiers; mais prétendroic- il pour cela k 1'infailübilité? . & dans ce momenc-ci, ne feroii-il pas . un peu en contradittion avec lui-même? t Qu'il nous permettede lui rappeller avec tous les égards dus k fon mérite, que • dansle Tome III. de fes Supplément publiés déja en 1776, ü s'eft emprtiTé d'adopter (p. 178) cette même dénomination de Marmotte Batarde, qui a le malheur de lui déplaire aujourd'hui. II m'en veut auffi de ce que j'ai appel16 1'Agami, YOifeau Trompette, M. de Buffon me fait trop d'honneur en me croyant 1'Auteur de ce nom; je lui prouverai que mes compatriótes ont trouvé » cet  a8 Nouv. Biblioth. BelgtqubV cet oifeau fous ce même nom aux Indes Occidentales; qu'il 1'y a porté avant que j'ai pu Ie connoitre; que les Auteurs Hollandois 1'ont toujours appellé ainfi; & ce qui eft bien plus, que les Francois les ont imités. Ma Description de VOifeau Trompette, a été imprimée en 1763 & M. de la Condamine, dans fes Voyages iam l'Amérique Septentrionale, imprixnésa Paris en 1745, s'étoit déja fervi de cette même dénomination. Fermin, que j'ai cité, 1'a également employée; peut on dire après cela que c'eft moi qui 1'ai inventée? Ce que M. de Buffon releve au fujet de VAlcyon ne fauroit être discuté ici. II fe peut très-bien qu'il refte encore quelques doutes a oppofer a mes recherches; mais un obfervateur exadfc & impartial fouscrira t'il aveuglement a toutes celles que nous a données Ie Pline Francois ? " C'eft a ce ton décent & modéré que 1'on reconnoit les vrais favans, qui, „ Même en fe combattant favent fe refpeSter (a% Les (•) Nous croyons que les raifons con«Suantes qu'il allegue dans cette note pour- xoierit  Janv.,Fev., Mars. 1783. 29 Les Cahiers que nous avons fous les yeux font ornés chacun d'une figure, deffi. née, gravée & coloriée avec foin. Nous fuppofons que la prolixité des titres « été confervée par analogie aux précédens; mais chargés comme ils le font, il étoit fans doute impoffible de leur donner une tournure aifée; ce que perfonne d'ailleurs n'eut été plus capable de faire que le Traduéleur aöuel, M. Renfnek. Plus d'une fois dans ce Journal nous avons eu occaöon de le faire connoitre, & la traduélion qui vient de nous occuper ajoute encore a tous les titres, qui lui affignent un rang diftingué parmi Je pe- tit roient bien ramener fon illuftre adverfaire; mais il eut été a defirer queM. Fosmatrlui» même ne fe fut jamais écarté de cette modération 11 recommandable parmi les gent de Lettres: & qu'après les premiers mouvemens de colère il eut fuprimé Ja fortie déplacée qu'il s'eft permife contre M. Forjier, dans fa Description de l'Orartg. Outang; pag. 19 & 20, & qui défigure étrangement un Ouvrage aufli eflünable a d'aia» tres égards.  i 3° NOÜV. BlBLIOTH. BELGfOJW. I tït nombre de nos bons Ecrivains. Son ftyle eft fort foigné, mais en même tems aifé & naturel; en un mot il a le rare mérite d'avoir faifi le Jlyle de la tbofe. En comparant la Traduétion de ces derniers Cahiers avec celle des Cahiers précédens on trouve la plus étrange différence; le premier Traduéteur paroit ignorer jusqu'aux premiers principes de la langue & de Part d'écrire; fon ftyle louche & rabotteux rend è peine foutenable la lecture des premiers Cahiers; aujourd'hui Pouvrage de M. Vosmaer acquiert un nouveau dégrê de mérite; en effet dans un Livre de ce genre, fait pour être lu & médité chez 1'Etranger, on fent que Poriginal ne peut que gagner beaucoup a une Tradu&ion élégante & foignée. AR TI-  Janv.,Eev., Mars. 1783. 3r ARTICLE TROIZIEME. Essai sur les accusations intentées aux Templiers , & fur la fecret de cet Ordre} avec un Dijfertation sur l'origine de la Franc.' Maconnerie: par Frederic Nicol ai. Ouvrage traduit de VAIUmand, a Amfterdam chez D-J. Changllion 1783. in 8°. de 2*4 pages. On fe rappellera peut.ëtre que dan» un de nos premiers Journaux nou» annonqa\mes cet Ouvrage de M. Nicolai , & que nous promimes alors de ren* dre compte de la*Tradu6bion 'auilltóe qu'elle feroit pubüée. II eft jufte de far tisfaire k cet engagement. La plupart des Hiftoriens attribuent Is condamnation des Templiers k 1'avarice & k la haine du Roi de t rance ,Pbilippe le Bel, & k la baffe complaifance du Pape Clément Vt créature de ce Monar- que>  ?}£ NoUV. BlBLïOTH. BeLCIQUEv que. D'autres en plus petit nombre juftifienc le Roi & condamnent les Templiers. Quelques-uns enfin; cherchent a tenir un milieu, en reconnoiffanc qae les Templiers furent moins coupables qu'on ïe 1'a cru ; mais auffi en ne voulant pas permettre que le Roi ni le Pape encouïenc les blames de ce jugement inique. M. Nicolai fuit une route différente; il admet comme fondées la plupart des accufations qu'on afaitcs contre les Templiers , mais il tache de prouver que leurs erreurs n'étoient point criminelles, qu'il ne réfulte pas de leurs Confeffions 1'aveu de véritables crimes, & qu'il fauc en un mot imputer leur conduite, leurs rites , leurs myftères, k 1'effervefcence d'un zèle mal édairé. ' Cette affertion abfolument neuve eft développée avec beaucoup d'art dans 1'ouvrage que nous avons fous les yeux. Elle contredit toutes les idéés regues jusqu'a préfent fur Ia nature des horreurs qu'on imputoit aux Templiers, fur 1'injuftice des fupplices qu'on leur fit fouffrir; il faut fe réfoudre par conféquent> ou bien a examiner a I'aide d'une fai-  Janv.j Fev.j Mars. 1783. 33 faine critique 1'opinion de M. Nicolax. ou bien a la rejcttcr comme une hypo-' thèfe ingénieufe, mais deftituée de preuves fuffifantes; li tout aütre que M. NicoLAil'avoicadoptée; ellen'auroit pas fait grande fenfation ; mais quand on confidère,que c'eft un Auteur célèbre dans la République des Lettres qui lui donne* du poids, un pareil témoignage mérite la plus grande confidération', [& s'il ne fórme pas une autorité complette, il doit du moins nous engager a fufpendre notre jugement, jusqu'a ce que nos pro-' pres recherches & 1'examen des preuve» qu'il avance, dé terminent notre Croyan* ce a cet égard. L'Auteur avoue francbement que la haine & peut-être 1'avarice de Philippe influèrent beaucoup fur le fort des Templiers ; il reconnoit même que cette haine fut la principale fcaufe de la chóte de cet Ordre, mais il cherche è juftifier en quelque forte cette haine par le tableau de la mauvaife conduite qui déshonoroit 1'Inftitut des Templiers. , Le premier vice dont M. Nicolai lea accufe eft, 1'orgueil; leur valeur, leurs ' Tem. W. Part. 1. G triom»  34 Nouv. Biblioth. Belgique triomphes les éleverent a leurs propre» yeux au deffus du commun des hommes t & 1'orgueil religieux, qui eft de toutes les croyances, de tous les tems & de tous les pays, acheva de les rendre infupportables. Dès le douzième fiècle ils irriterent contre eux 1'Evéque deTybériade, en lui refufant 1'obèiffance & furtout les dix* mes j qu'ils étoient obligés de payer. Le Pape Innocent III. qui les avoit foustraits a toute jurisdiétion pour ne les faire dépendre que de Rome, en effuya diverfes mortifications , & fe plaignit nmèrement de leurs défordres. Ils s'attirèrent encore la haine des Princes féculiers, en manquant de foi a leurs Souverains, en entreprenant fur la juris. diftion du Roi d'Angleterre, & par d'autres excès. L'Auteur cite en note le témoignage de plufieurs Ecrivains contemporains & autres, dont Pautorité eft au deffus de tout doute: on peut donc regarder comme inconteftablement prouvé ce premier grief contre les Tem. pliers. Bien lom de détourner 1'orage qui les mé-  Janv., Fev., Mars. 1783. $f menacoit, les Chevaliers du Temple continuèrent par leur aviditê, leur orgueil, leur vie dérèglée, a fe faire généralement détefter. Ils furent prés de dètróner le Roi de Chypre pour fe venger de quelques légers refus; reproche que leur fit publiquement le Pape Boniface Vilt dans difFérentes Bulles rapportées patDuPuy, Hiftoire des Templiers , dans les Pièces Juftificdtives, pag. 178. Enfin il fe révolterent vers le commencement du quatrième fiècle contre Pbüippe le Bel, & le Grand Maïtre de 1'Ordre traita fon fouverain d'égal a ègal. En voila fuffifamment pour jufti-, fier la haine qu'ils infpirèrent a la Cour de Rome, dont ils méprifoient 1'autorité, fi redoutable dans ce tems-Ia, cc au Roi de France , fi jaloux des prérogatives & des droits de fa couronne. Mais cette averfion qu'ils s'attirèrent, «ette foif de vengeance qu'ils allumerenc contre eux ne prouve encore rien, lorsqu'il s'agit d'examiner les crimes dont on les accufoit, & la juftice des fuppli-, C 2 ceS  36" Nouv. Bibltoth. Belgique. ces qu'on leur infligea. 11 y a bien loin del'orgueil, de l'aviditó,a des horreurs qui font frémir la nature; & s'il eft permis de dire avec M. Nicolai,,s qu'il ne fuit pas néceffa'-rement que toutes les accufations fur lesquelles Pbilippe & après lui Clément firent fubir des interrogatoires aux Templiers aient été ablölument controuvées" , il faut convenïr cependant, que I'empire & le facerdoce s'étoient ligués pour la deftruétion d'un Ordre , qui les bravoit 1'un & 1'autre ; qu'il eft affez probable qu'on leur a fuppofé de faux crimes pour en punir de véritables, ou du moics pour fe vanger de leurs infolences & de leurs attentats. Ce feroit bien peu connoitre 1'efprit de ces fiècles d'ignorance que de nier la pofflbilité de cette fuppolition, dont on a vu de nos jours un exemple bien frappant dans le fupplice du P. Malar grida. II eft donc de la plus grande importance de fuivre 1'Auteur dans le détail des preuves qu'il donne de fon fentiment ; ü faut pefer les accufations mê- mes.  Jan., Fev., Mars. 17S3. 37 mes, les tfponfcs,les preuves,& ne pas fe laiffer éblouir par les fophismes des défenfeurs de 1'Ordre, ou de ceux qui étoient intéreffés perfonnellement atrouver les Templiers coupables des plusabominables horreurs. Selon notre Auteur, les matérianxles plus précieux pour I'hiftoire des Templiers, font les confeffions des Chevaliers condamnês, que Dupuy aous a transmïl'es. Perfonne cependant n'a tenté de les examiner, ni de comparer a ces pièces originales les réfukats & les jugemens des Auteurs modernes, qui fouvent fe font copiés è cet égard les uns les autres. Tbomafius (a) s'eft élevé avec force contre le procés des Templiers, & comme le témoignage d'un fi grand homme a décidé 1'opiflion de plufieurs Ecrivains fubféquents, il faut renvrrfer , s'il fe peut, 1'édifice qu'il a taché d'établir. II s*eft fervi de trois raifonnemens princi- paux (a) In Diflertatione de Templariorum or* iline fublato. Hala; 1705. C3  £8 Noüv. BiBLiora. Belgioub. paux que M. Nicolai effaye de combattre tour a tour. 1. Un grand nombre des Templiers actufés ont db/olument nié tous les points mis d la (bafge de leur Ordre. II eft vrai que le plus grand nombre a perfifté toujours è tout nier, mais felon M. Nicolai ce défaveu ne prouve pas affez pour juftifier 1'Ordre entièrement; il paroit uniquement par la dépofition de Ia plüpart des Chevaliers, que les Templiers avoient deux, finon trois dégrés de réccption, circonftance remarquable, &dont 1'authenticité jetteroit un jour bien lumineux fur les réponfes jusqu'a - préfent contradi&oires des Templiers, dont les Uns ont avoué plufieurs points, niés par les autres; ce qui fe concilieroit facilejnent, en fuppofant que les Initiés au premier grade ne connoiffoient que les rites extérieurs de 1'Ordre, tandis que la participation aux myftères étoit réfervée pour ceux du fecond ou du troilième grade. La confeffion de plufieurs Chevaliers yierit è 1'appui de cette fuppofition; les uns ayoueat que tous les Frères a'écoient pas  Janv., Fev., Mars. 1783. 39 pas admis a 1'adoration de 1'idole, mais feulement le Grand • Maitre & les Anciens : d'autres reconnoiffent qu'il y a dans 1'Ordre du Temple deux .différentes réceptions,l'une bonne & permife,l'autre contraire a la foi. 11 exittoit encore un recueil des Statuts de 1'Ordre, que 1'on cachoit avec le plus grand foin, cc qui n'étoit connu que des grands Dignitaires. Ceux qui avoient été admis aux grades plus avancés, avouerent auffi des chofes inconnues aux initiés du premier grade. lis renioient J. C, ils marchoient fur la croix; quelques uns d'entre eux firent des aveux plus étranges encore. Tout ceci eft prouvé par les dépofitions des Templiers eux mêmes, telles que nous les a confervées Du Puy, dans 1'ouvrage cité plus haut. L'objeclion repétée fi fouvent, que les Templiers ont nié les crimes dont 1'ordre fut chargé, perddonc toute fa force; puisqu'il eftavéré,quetcusles Chevaliers ne connoiffoienc pas les fecrets de 1'Ordre, aux myftères duquel on n'initioit pas tout le monde iadiftiuftement. C 4 Mais,  4£ Nouv. Biblioth. Bslgiqu^. Mais, difent les Apologiftes des Tem' pliers, les confeffions ont été arrachées par la queftion, & plufieurs Chevaliers en ont fait une rétrattation dans laquelle ils out perfifié jusqu'a. la mort. Pour répondre è cette objection, 1'Auteur établit d'abord 1'infuffifance de la Queftion,entant que moyen unique pour connoitre la vérité. Souvent les tourmens ont arraché 1'aveu de crimes imaginaires; cette preuve n'eft donc admiffible qu'autant qu'elleeft fortifiée du concours de plufieurs autres rrfoyens, D'ailleurs on ne fauroit dire quelsfont les Chevaliers qui ont écé . torturés en France, ou qui ne l'ont ïpoint été : Ia fuppofition gratuite de cette circonftance ne fauroit faire preuve. Mais en admettent cette hypothèfe elle ne détruit point 1'aveu libre & public des Chevaliers Anglois, Iflandois & Ecoflbis contre lesquels des juges pleins de douceur n'employerent ni tourmens, ni promeffes, ni ménaces. Ceux-ci cependant perfifterent dant leurs Déclarations, qui fe trou- 11 Fran?/0"0165 * ^ deS TemPliers • - ■ i3 II  Janv., Fev., Mars. 1783. 41 11 faut voir dans 1'ouvrage rr,ême, comment 1'Auteur explique !a conduite que tint le Grand-Maitre de 1'Ordre, conduite marquée au coin de; la foibleffe & de 1'inconféquence , & dont les circonftances font rspportées d'une facon fort différentes par les Hiitoriens du tems. Tbomojius objccle encore , que les aveux volontaires ne fauroient faire preuve dans des- cbofes incroyables; cette objeótori repofe évideniment fur un principe erroné , favoir que les aveux des Templiers contenoienjr! des chofes indignes de croyance; c'eft ce que FAuteur examine dans la 3e Scólion. On peutrédu re les accufations intectécs a 1'Ordre a ^.ïiprincipales j voyons (i ellcs étoient croyables, de cette recherche en effet dépend la fölution de la difficulté oppofée par Tbomafius. Au refte FAuteur ne parle point ici des accufations friVoles & ridicules que 1'onporta contre les Templiers. JI ne s'attache qu'-a celles qui lui ont para effentieües, cc il les tire des meilleures fources (a). Pre- ( concernant un perjonnage illujlre, £2? décriz te dans un (Ijle élevé. Tout ce que 1'Auteur dit dans la fuite de ce Mémoire fe réduit a développer cette dérlnition & è la vérifier par la conduite des rneilleurs Poëtes» L'attion P'. ëaque doit être «ne;il s'agit donc de recherchet ce qui con" ftitue 1'unité d'une a&ion. L'aclion eft une enireprife qui fe fait avec cboix & aejfein , & l'union de Paction confiltt- a traiter de préférence une atlion d'un homine, en y fubordonnanC d'autres actions moins importantes; ainfï le caractère de Pünité de Paction eft: qu'elle foit féparée de toute autre» & que toutes fes parties foient liées natureliement entre elles. L'unité dépend donc de la propoütion que fait PAuteyr en commenc.ant. Ainfi Homére commence fon Poëme p3r ces mots. Mufe Ais nous la colère i'Acbille. Auffl Ja colère de ce Roi fait  èz Nouv. Biblioth. Belgique. fait-elle le principal fujet de 1'Iliade. L'unité conilitue par conféquent une des parties eflentit lies du Poëme Epique; elle difticgue 1'Epopée de 1'Hiftoire , qui elt le récit de , plufieurs aftioris, fouvent même auffi du Roman: n-.ais moins généralement, oarce qu'un Romander n'embrafib quelquefois qu'une feule aclion; le merveilieux n'entre pour rien dans cette différenee. L'Auteu^ous montre enfuite que cette règle eft puifée dans la nature, & que fans elle le plaifir que 1'on goute dans le Poëme Epique feroit infiniment moindre: c'eft ce dont tout le monde convient aujourd'hui. r L'adtion Epique doit être grande ij entière: M. Feith discute ce principe dans le Chapitre quatriéme. II eft difficile de fixer la véritable grandeur d'un fujet : épique ; c'eft ici. qu'il faut furtout laiffer beaucoup au génie & au goüt du Poëte: en effet Ia même aftion. que,Homére fut refferrer dans de juftes bornes feroit a coup fur trop étendue pour un P'ëte médiocre.& par Ia même raifon, le fujet qui fournit - è  Janv., Fêv., Mars. 1783. h un beau génie la matière d'un Poëme entier, ne pourroit êcre traité par d'autres, que d'une faeon trés concife. Mille circonftances qui échappent au verüficateur acquièrent le plus haut intérêt fous la main du grand Poëte: il fait les adapter, les approprier a fon fujet,' ce font autant d'ornemens qui embelliffent> l'adlion principale, fans l'embarraffer. II n'eft donc guères pollible de donner des régies fur cet article," la feule que 1'on puiffe admettre appartient & Vintêgrité de Paftion épique; elle comprend un commencement, un milieu» une fin ; 1'action épïque exige par conféquent une expofition,' un cceud, un dénouement. Tout Poëme qui réunit ces? trois qualités eft entier. Ainfi VOdyjfée. eft un Poëme entier, paree qu'il remplit toutes les conditions exigées; Homère ne le termine pas a la mort des Pourfuivans & au retour d'UlyJJe a Itbaque, paree que d'autres périls rnenacoient encore fon héros, & qu'ayant a raconter toutes les avantures de ce Prince, il ne pouvoit laiffer le Lecteur dans Tincertitude du fort qui 1'attendoit. Stac&  #4" Nouv. BiBiiTQTH. Belgiquk. Stace, au contraire, commence par un narré prolixe Je tous les événemens qui précéderent 1'aftion qu'il veut décrire; il ne termine pas fon Poëme a la mort d'Êtéode & de Polynice, mais il nous raconte encore les ayantures de Cleon, auxquelles perfprine ne s'intéreffe. Pour qu'un Poëme Epique foit dans les régies, il faut donc qu'on en puilte faiflr le plan d'un coup d'ceil, que 1'action ait toute Pétendue néceffaire, & que les parties foient en jufte proportion entre elles. .. „ Le principal Acteur du Poëme Heroique doit étre un perfonnage illuftre, paree qu'on s'intéreffe davantage aux actions d'un tel homme , qu'è celles d'uó citoyen obfeur; le feul nom d'un héroS annonce quelque chofe de grand & d'impofant. II eft même avantageux de choifir fon héros dans la Nation pour laquelle 51 écrit; cette précaution augmonte 1'itf. têrêt qu'on prend a fon Poëme. On fe« ïoit nêanmoics mal recu en choififfant un Roi, un Conquérant, dont le nom feül eft en exècration a fa nation. Ainfi PhiÜppe II i ne fera jamais un perfonnage r qti'üa  Janv.. Fev., Mars. 1783; 6$ qu'uTj Auteur Hollandois choilira pont le Héros de fon Poëme. A Vintérét de Nation il faut ajouter eucore Vinürit de Religion. Ainfi le Poëme d'Abraham par le fameux Hoog* vliet intérefie toutes les ames pieufes; ainfi le Tajfe a fu gagner 1'approbatipn de tous ceux qui regardoient les Croifa-' des comme une guerre. fainte. L'Auteur demande ici,' fi 1'on neppurroit point faire d'une Femme PHéroïne d'un Poëme Epique? & il fe décide pour 1'affirmative, en réfutant Ari~ Jlote, qui penfoit moins galamment fur le beau fexe. Aufll voyons nous que Pamour joue toujours le plus grand róle dan*, tous nos Poëmes, & dans la plupart de nos Tragédies. ... II eft permis auffi au Poëte de multi-, plier fes perfonnages, mais il ne doit en employer ni plus ni moins qu'il n'en fauc nécefiairement pour Paflaon. C'eft ici que j'homme de génie furpafie de bien loin 1* foule des Ecrivains,& nous invitons toue ceux qui font en état de lire ceMémoire* de méditer avec attention les excellente* obfervgtions de notre Auteur a ce fijjec,^ Ttmg IV, Paft, u Ë Ci  65 Nouv. BiblIöth. Bélgique. Ce qu'ildit de 1'art de contrafter les perfonnages nous a para parfaitement biefl vu, & nóüs ne faurions affez en recomiriander la ledrare. Sans la vraifemblance le plus beau Poëme manque fon but, il n'intéreffe plus. Un merveilk abfurde eft pöür mot fans oppas. ïl eft trés indifférent, qu'uo récit foit vraïou fabuleus, que des perfonnages fóient réels ou imaginarres, mais il ne 1'eft pas que ce récit,que ces perfonnages foient iritéreffants & vraifemblables. Ainfi l«tion de Samfon, qui tua mille Philiftins avec une machoire d'ane, eft vraie, mais n'eft pas vraifemblable en eïle-même; elle n'intérefferoit donc point dans un Poëme Epique : au contraire i' Abbadona dans Klopftock qui eft un Etre purement d'imagination, ne prèfente rien cóntre la vraifemblance, & il répand le plus grand intérêt dans le Mefte. Nous ne fnivrons pas 1'Auteur dans tcra's les détails taftiques oü il entre fur li  Janv-., Fev., Mars. 1783. s| la conftrudtion & le plan d'un Poëme, & dans les régies auffi fimples que judicieufes qu'il nous tracé fur ce point. On y reconnöit un homme nourri de la lec ture des Anciens & des meilleurs Ecrivains moderne»; il s'eft approprié tout ce qu'ils ont dit de mieux fur ce fujet, & préfente leurs différentes opinions fous le jour Ie plus lumineux. En général cec ouvrage contribuera efficacement a hater le développement du goüt & des bons principes parmi nos Poëtes Hollandois,& a un fortpetit nombre prés, ils avoient tous befoin de cette lecon. Le dernier Chapitre contient des ob» fervations trés curieufes fur Ia manière dont on doit imiter les Anciens. La DilTertation de Racine le filstqxii fe trouve dans les Mémoires de VAcad. dei Infcript. 6?Èelles-Lettres, Tom. V. citée par notre Auteur, ne laiffe presque riem è defirer fur ce fujet. • On lira néanmoins avec intérêt les réflexions de M. Feith. Suivant lui il n'eft que deux facons d'ir miter les Anciens; „ la première confifta è tacher de découvrir, comment les Anciens ont pu s'y prendre pour obfervef Es é  68 Nom. Bibltoth. Beiqjqvz* & imiter Ia nature, furtout dans ces en-" droits brillans de leurs ouvrages, qui depuis tant de fiécles font a fi jufte titre 1'objet de notre admiration. Par ces recherches on égalera fes modèles; & fouvent mêrne on les furpaffera-; paree qu'il fera plus facile d'éviterles fautes légères, quas aut incuria fudit, aut bumana parum cavit natara. Un exemple ren- dra la chofe plus fenfible. Le Poëte doit faire la defcription d'un fite riant & pittoresque, d'une mer agitée, d'unorage: II trouvera des modèles-, foit dans la nature méme, foit dans les. ouvrages des Anciens, il découvrira dans les derniers la route qu'ils ont choifie, & a coup fur il dchera de les imiter.——La nature nous apprend è connoïtre le vrai, mais elle ne nous enfeigne point a. choifir,l'excellent en tout genre; c'eft Part qui nous indique le choix. La nature ne nous apprend pas non plus a raflèmbler en une maffe différentes parties disperfées, qui dans leur réunion produifent des beautés, qui n'exiftent nulle part dans la nature, bien qu'elles foient trés aaturelles; c'eft 1'ouYrage du génie: La  Jamv., Fev., Mars. 1783. 6$ La feconde manière d'imiter confifte 4 emprunter quelque peDfée, quelque beau trait des Anciens, & a nous les rendre propres par de nouveaux embelliflemens, deforte que Pinventcur même en reconnoiflant le fond, ne puifle plus en réclamer la .propriété. Ainfi Boileau le plus grand imitateur des Anciens paroitra toujours original, Wen qu'il ait beaucoup emprunté de Perfe, de Juvenal & furtout d'Horace. Ainfi" Roujfeau dans fa belle Ode d ld Fortune a fu embellir & s'approprier ces vérs de Lucrèce. Quo magis in dubiis hominem fpecïarepericlis Convenit, adverfisque in rebus mfcere quisjit, Nam veree voces turn pecïore ab imo Ejiciuntur, £5* erripiturperfona, manet res, Voyezla Stance... Montrez nous Guerriers magnanimes 6fc. mais cette manière d'imiter exige le goüt le plus délicat & le tact le plus fin, on eft pour ainfi copiste & original en même tems j & une paE 3 reil-  tfb Noüv. Biblïot». Belgique. reille irnitation eft auffi admirable par fes différences avec fon modèle, que par fes feffernblances". p ; ■ . : |  Janvt., Fev., Mars. 1783. 71 ARTICLE CINQIEME. Historia Critica Comitatus Hollandle et Zeelandle , ab Anti. quiffimis inde deduUa Temportbus lom. II. P. II. Sifons Codicem Diplomaticum & Probationes ad Clironicon ffallandi^ & ejus Excurfus, auSlore Adriano Kluit, Antiquitatum & Hijioria Inprimis Diplomatü cce Faderati Belgii in Alma Uniyerjifate Leydenfi Profeffqre ordinariQ. ,vd. riisque Soctetqtifms Litergriis aajcxiptfl. Mediftburgi apud Petrum Gillis- ' SEN & Fïl. & ISAAC DE WlNTER. 4.003 ■ '/j kip »ag£ wc iss ?!.<■• C'eft-1 -dire, III3TOÏRE pRITIgUE DU CqMTÉ DE Hollande ET 3e Zolange , depuis les tems les plus reculés &c. &c. par Mr. Kluitj ProfeJJeura Leyden &c. E 4 ffc.  fsê Nöüv. Biblióth. BÉLarqu^; (fc.gr. in 4*.sde 578 pages; enrichi de planche &c. PHxf 1 2 • o - ó Mr. Kluit offre enfin au Public la ae. Partie du fecond Volume de fon 'Code Diplomatique, attendue depuis longtems; elle eft enrichie de toutes les gravures, qui devoient accompagner la première partie, mais que la lenteürdes ouvriers avoient retardées. Celle-ci eft auffi intéreffante pour les Amateurs dé la Diplomatique que la précédente , puisqu'elle coptient un grand nombre de Chartres & de Documens autbentiques depuis 1'an 1247 jusqu'a \Hi> qui font autant dé preüves de tout ce que ce célèbre favant a dit dans fes ObferVations & fes Digreffions fur la Chroniquë Hollahdoife d'un Moine anonyme d'Egmond. 1 ; On concoit aifément que fuivant la nature de cet ouvrage, qui exige continuellement des preuves ae tout genre, il eft impoffible que les chartres qu'il publie ici, foient égalemènt intéreffantes, Mais nos Lefleurs y verront avec plaifir une foule de pièces originales, qui jusqu'ici n'avoient pas vu le jour , & qui  Janv., Fev., Mars. 1783. 73- qui jettent beaucoup de lumières fur différens points de notre Hiftoire. • Telle eft par exemple la Chartre $Adolpbe, Roi d'Allemagne , de 1'armée ï282; elle fert non feulement k prouver de la manière la plus évidente, que le Comté de Hollande étoit reconnu dan» ce tems la comme un fief de 1'Empire, mais elle nous apprend encore k connoi-tre la nature de ce fief, qui jusqu'alor's femble avoir été un fief mafcuHn, mais qui par cette conceffion de Rodolphe effc devenu un fieffeminin. Voici en peu de mots ce qui donna naiffance k cette Chartre. Florent V\ Comte de Hollande, dan», un Traité qu'il fit pour Ie mariagedeMarguerite fa fille, avec Alpbonfe, fiis dei Henri III. Roi d'Angleterre, lui donna, en dót la moitié de ces biens ; medieta-: tem terra fuce. Sous les conditions fajvactes: i°. ques'il venoit k mou.rir fans; laiffer d'enfant male, tous fes biens paffe-, roient k cette fille. 20. Quefi en mourant il laiffoit d'autres enfans en bas age, il feroit jurer k la Nobkffo & aux Villes, qu'on reconnojtroit pendant leur minori-, Ej té,  74 Nocrv. Bjblioth. Belgiqui. té, le Roi d'Angleterre comme Régent de fes Etats, & Tuteur de fes Enfans. 3?. Qu'erjfiu pour alTurer 1'exécution de ce Traité il engageroit le Roi Rodolfbe k le confirmer & a le garantir. Ce Monarque entra dans les vues de Florent, & confirma le Traité par la Chartre dont nous parions : il déclare pofitivement que les biens féodaux de ce Comte pafferont aprés fa mort k fa Fille Marguerite.,, Quod fi ipfum (ditle texte} fine mafculo herede legitimo contingat decedere, filie fue, in comitatu (ffxdis qua; eidemtenet a nobis & Imperio fuccedentAinfi le Comté de Hollande eft devenu par cette chartre fief féminin, puisque le Roi Rodolpbe y appelle Marguerite. Quant aux biens allodiaux ils appartenoient de droit aux Enfans deFlorent, comme aux héritïêrs naturels de leur Père. Si la nature de ce Journal le permettoit, il nous feroit aifé de démontrer, que 1'application raifonnée de cette Chartre pourroit fervir a réclairciffement do plufieurs points importans de 1'Hiftoire Hollandoife de ces tems-la, mais ces détails ,qui d'ailleurs nous meneroient trop ,loin,  Janv., Fev., Mars. 1783. 7$ Join, n'intérefferoient que le plus petit Bombre de nos Leéteurs. Nous avons encore diftingué dans ce Volume la Chartre accordée par Florent V. a 1'Abbaye de Leeuwenborjl en 1247, par laquelle ce Prince exemte ce Monaltère de toute jurisdiclion de la part des juges inférieurs , & confirme toutes les dpnations qui lui ayoient été faites précédemment. Cette Chartre, qui voit le jour pour la première fois explique toute PHiftoire de la fondation & des fondateurs de cette Abbaye. Quoique ce Volume ne contienne, pour ainfi dire, que les Pièces Juftificatives des autres Volumes, & qu'il foit p3r conféquent peu fufceptible d'analife, il eft néanmoins digne de notre atteption par cértaines notep, que Mi. Kluit ajoute de tems en tems" peur 1'illuftration du Texte. Celle qui nous a pa?u la plus importante eft de-ftinée a prouver contre MHuydekoper (a) l'autheuld'.é au Traité de paixconclu en 1256 , entre Mmtes de Hollande avoient, furtout dans le neuvième fiècle, accordé k quelques Villes des Cbartres d'affrancbijfement, & des droits de Communautés, afin d'affurer davantage la viè& les biens de leurs habitans. Ces Villes étoient foumifes è, isn Tribunal compofé d'un Baillif ( Scultetus , Schout) & de quelques Echevins, qui adminiftroient la juftice au nom du Souverain; mais ils étoient obligés de rsnvoyer la connois. fance de certains caufes aux Comtes, qui en jugeoient foit par eux-mêmes, foit par leurs Confeillers, ou leurs Vaffaux, (leurj hommes). Ainfi les eaufes ordinaires reffortoient du Magiftrat du lieu; d'autres plus impoftantes étoient renvoyés au Confeil & aux Comtes; d'autres enfin étoient fimplement laiffées a la mer-'  78 Nouv*. Biblioth. Belgious* merci des Comtes. C'eft-ce qui arrivoit toutes les fois qu'il ne fe trouvoit point de loi formelle qui décid&t la caufe civile, oule fuppüce d'un criminel, ou bien lorsque la loi elle même renvoyoit a la merci des Comtes. M. Kloit nous donne plufieurs exemples de cette manière d'adminiftrer la juftice. Au refte cette merci des Comtes avoit une acception différente, felon la nature des objets auxquels on appliquoit la Loi: elle fignifioit tantót la clémence ,1a grace des Comtes, & tan tót leur indignation, leur colère. Ainfi dans un Chartre rapportée par Beuquet (a), on trouve ces paroles „ II perdra la billon, & fera du cors IN NOSTftE merci en noftre Terre- Ez Terres des autruz joutjces,li billons fera as Seigneurs de leus . & le cors demourra CU tEUR merci". Gardons nous cependant de confondre eette merci avec le droit de faire grace, qui (a) Lt Droit Public de Frame iclmci» ?. 303.  Janv., Fev., Mars. 1783. 79 qui s'étendoit beaucoup plus loin, & qoi eft fans doute le plus bel appanage da pouvoir Souverain. II eft bien inutile de nous étendre en éloges fur cet Ouvrage, dont le mérite eft déja fuffifarnment apprécié dans 1'Europe favante. Ce Volume ajoute encore a Ia réputation de 1'Auteur, & les gravure qui 1'accompagnent ne laiïfent rien § defirer. Elles font un honneur infini è 1'artifte, & a Mr. Kluit qui a dirigé fes travaux.  $o Nouv. Biblioth. Belgiqjjeï ARTICLE SIXIEME. Piet as Belgica , & Jani GrotiiCar, mina , a Leyden chez P. Pluygers & Koénïg, in4°. Prixfi-4-o II fuffit fans doute de nommer les Auteurs de ces Poëfies, MM. Wetstein & de Groot, pour exciter la curiofité; de ceux d'entre nos Lecteurs qui ai ment encore la bonne & faine Littérature, & cui, malgré le goüt du fiècle, malgré Pautorité des é'AUmbert, & des autres Dètraóteurs des Poëtes Latins modernes, mettent encore du prix au travail de ces hommes de génie, qui font paffer dans leurs vers les beautés des anciens; qui fans copier fervilement leurs modèles, favent artiftement adapter a leur fujet les tournures & jusqu'aux expreffions de ces Poëtes fameux, qui ont illultré & immortalifé le beau regne d'Augufte, & de de qurlques-uns de fes fucceffeurs. lies Poëfies de M. Wetstein ont pour  Janv. , Fev. , Mars. 1783. 8 ƒ pour objet plufieurs événemens honorables a notre nation, comme le titre Pindique fuffifamment. Ce font des pétites pièces détachées, mais remarquables par une Latinité trés pure, trés élégante, par un' ftile poëtique, qui fe foutient toujours merveilleufement. On ne trouve dans les ouvrages de ce Poëte rien de fade, rien de languiflant; la plupart des vers font marqués au bon coin , & s'il en eft qui paroiflent un peu foibles pour Mr. Wetstein , on les pardonneroit facilement a tout autre Poëte J mais lui même nous apprend a être difficiles. Voici le début de la première Pièce. Nautïca qua vobis revirefcit adorea, Belgae, Ceu prius, adtonito Jufcipienda mari. Squalet adhuc ftülans animofo ftmguine, fudit Quem pia pro vejira caefa falute mams. ' Omnis ad ceternam Famae qua tendimus arcem } Effugimusque rogos, ardua prima via. Indivulfa bonae cornes Mnc viüoria caufae .ChJJica per cunüas veflra fequatur aquasl Stare triumphatas, piratica caflra, carinas Gaudeat in p'ortu Mofa, vél Ta, Juni '■ Toni. IV. Part. ï. F Inte?  82 Nouv. Biblioth. Belgjque. lnter inkumanos Distordia fcaeva Britmmos Exfulet, ac Stygiam quqffet inulta facemï liis injulttt agris, hac fefe jaüet in aula, Anguxbw intorquens fceptra cruenta fuist U s'efi gliïfé dans le penultième vers «me erreur typographique, au lieu d'agris, xm fit aquis, ce qui fait un contrefens manifefte. Au refte admirons le début égalemewt föge & élégant dé ces vers; quelle force I quelle Poëfie! On ne lira pass avec moins de plailïr les vers fur le Capitaine Bentinck, mort des bleiTuïes qu'il recut au combat du Doggersbank. De [eptem ducibus, qui viribus Anglica junSis Forttter ArUois velafugajiis aquis , Et lapfum -patritg decus adferuiftis, acerlo Vulnere, Bentijscki, vicïima Martis ebis, hmepat adtordtum crudeli vulnere civem Ampels, vix ficcis qwmlibet ipfi gems. AMmvMus's'erl iërvi d'une expresfion pareiSe a-celle da dernier vers dans fon chef-  jAtiv., Fev. , Ma rs. i 7 83. 83 chef-d'ceuvreintitulé Confolation è Linie 1 feul ouvrage qui nous refte de ce grand Poëte. Sed Mavors templo vicinus, £? accola caropï, Tot dixit ficcis verba nee ipfe genis. v. 2315 '„ Pro Jlerili plangore, tubae clangore parenta „ Manibus , haec fpargi fletibus ojja nefas. „ Hoe aliquis vindex cinere exoriare, Britannias » Qp* face, qui feno , depopuleris opes". Ces deux dernïers vers rappellent biea diftindtement ces autres de Virgile 3 Aeneid. IV. 625—26. Exoriare aliquis noftris ex ojpbus ultor, Qui face Dardaniosferroquefequare Colonos. II y a beaucoup de fineffe & d'expresfion dans les vers qui terminent une petite pièce oü 1'Auteur fait parler la Princejfe Amêlie, vaiffeau Anglois du premier rang, que 1'on crut avoir échoué fur les bancs de Neruoège, en fe fauvanc de la bataille du Doggersbank. Aft qua major erom, magishocad vejlrapatebatf Fulmtna, Éf infejlae mok gravabar aquae. Nee reliqua cum clajfe nego fugiffe, cachinnis* Farcite, num vejlro merfa fub «réfui? F » Dans  #4 Nouv. Biblioth. Belgique. Dans un autre Pièce, fur le fortfuneffe d'un armateur Hollandois qui fauta en 1'air dans un combat contre une Frégate Angloife, on trouve ces beaux vers. Stet procul a vobis mortis timor, Uk timorum Maximus, in pugnam quos tuba Martis agit. C'eft une imitation fenfible & bien travaillée de Lucain, Liv. i. des Bar des des Druides. 1 Certe populi quos defpicit Arïïos, Felices errore fuo, quos Me timorum Maximus haud urguet lethimetus, inderuerM Jn ferrum mens prima viris animaeque capaces Martis, &f ignarum rediturae parcere vitae. La fiótion de la dernière Epigramme intitulée, Belgarum in America Coloniae a Britannis devajlatae, Gallico marte adJertae, nous a paru fort ingénieufe, mais elle n'eft pas affez foutenue; la fin eft erop brusquement amenée, & les der-, niers vers font foibles en comparaifon des autres." Nous  Janv. , Fêv. , Mars. i 7S3. t$ Nous y avons néanmoins diftingués quatre vers heureufement imitésd'Ovide: Hoe probat Ettryjlheus, qui fceptraBritannacorufcat I Hoe probet, Hollando vulnere fi quis ovat! At non Me probet, qui Celtae jura volenti Ponit, & Hollandumnunc quoque nomen amat. Et Ovide a dit: Hoe velit Euryftheus, velit hoe germana To- nantis; Laetaqus fit vitae labe mverca tuae. At non Me velit, cui nox (Ji creditur) una, Non tanti, ut tantus conciperere, fuit. C'eft ainfi qu'un homme de génie fait adopter jusqu'aux tournures mêmes dont fe fervent les Anciens: mais qu'il faut de goüt & de difcernement pour fe permettre de pareilles imitations; c'eft-lï le vrai fecret de 1'art. Les Epigrapbes de Mr. de Groot fur les portraits de nos plus fameux Héros modernes, & fur quelques perfonnages diftingués de nos jours, ajoutent beaucoup a Ia réputation qu'il s'eft faite fur notre Parnaffe ; ne donnant aux Mufes . ' F 3 'que  t'5 Nouv. Biblioth. Belgiqtje. que les momens qu'il dérobe k une profeffion pépible, & qui femble exclüre toute autre occupation , il a d'autant plus de droits a notre reconnoiffance, que les Pièces qu'il publie font trés correftes, & fort chatiées, merite bien rare aujourd'hui. Nos Leéteurs difiingueront dans ce Recueil les Vers qu'il adrcffa a Meie. de Lannoy, qui s'eft rendue célèbre par plufieurs Poëfies, & que ïamort a raviel'année dernière k fes amis dont elle faifoit les délices, & a la Littérature dont elle étoit 1'ornement. Dum canit aequoreï Lanovia Mortis alumnos, Angle ferox, rabiem qui domuere tuam: Diifuperilquantum ipfacalet'. quamturget aviti Sanguine, quam Patrix jiagrat amore piol Non aüo veteres arferunt igne Batavae, Indociles famulo fubdere colla jugo, Filia quam patrem, conjux hortata maritum^ Non pmul adjiantes praslia confpicerent; Autreducesincaflraviros, fpolia amplaferentest Exciperent vinUis fronde virente comis. O felix operae yatesl dignijjima cedro Carmina, Tyrtai proxima carminibus! Perge mares animos incendere: -perge, Vtragt Belgica,fie patriam demeruijje tuam. les  Janv.,Fev., Mars. 1783. 8? Les quatrederniers vers nousparoiffent ïmités de ce beau paffage d'Horace daas 1'Art Pcëcique. •— Homerus Tyrtceusque mares animos in Martia bella Verfibus exacuit. Les vers fur le Portraic de M- van der Cappellen tot den Pol, nous ont frappé par la beauté du coloris, & la force de. l'expreffion. En voici le début, Belgarum communis amor, columenque Tuban~ turn, Pollio, nobitibus gloria natus avis, Aurea quem gremia Libertas fovit aiumnum Ut primum antiquos luderet ante Lares. Ce dernier vers rappelle ceux • ci de Tibulle, I. XL 19. Sed patrii fervate Lares; aluijlis £f idem, Curfarem vejlros cum tener ante pedes. Les vers deftinés k être mis au bas du portrait du célèbre M. Zoutman ont F 4 beau-  $8 Nöuv. Bibliöth. Belgiquë; 'beaucoup de mérite; la fin en eft poetique <& fort jufte. Plaudke, Nereides, fraüis qui veflra catenis, Et putris Oceani jura tuetur, Mc eft. En général tout cette Colleétion eft digne des plus grands éloges, & fait honneur a notre Patrie. ' AR TT-  jAtfv., Fev., Mars. 1783. 89 ARTICLE SEPTIEME. Julia door Mr. Rhynvis Feith. C'eft-a-dire, Julie, par Mr. R. Feith, a Leyden ckez C. van Hoogeveen Jun. 1783. petit in 8°. de 231. pages, orné de yigneites, de fleur ons £f c.\&c. Pr ix f 1 - 8 - o Voici le premier Ouvrage de cette nature que nous connoiffions eD Hollandois. Les Anglois & iiirtout les Allemands.ont beaucoup donné depuis quelques années dans cette efpèce de Romans , oü les événemens font fubordonnés aux fentimens, & oü 1'on décrit plótöt les fenfations qu'éprouvent les perfonnages qui paroiffent fur Ia fcène, que les avantures de leur vie.. Ce genre mitoyen pour être bien manié ne laisF 5 fe  9© Nouv. Biblioth. Belgioue. fe pas que d'offrir les plus grandes difficultés; il faut plus de génie & de talens qu'on ne le penfe, peut-être, pour intéreffcr le Lecteur, dans des ouvrages de pure imagination, lorsqu'au lieu de retracer des événemens extraordinaires 4 on fe contente d'exciter fa fenfibilité par l'expofition d'un fait unique, & commun en lui même. C'eft alors qu'il faut ufer de toutes les reffources de 1'art : des idéés hardies, de grandes vues, un ftyle énergique & tout éclatant, pour ainfi dire, de comparaifons, de métaphores & d'images,voila ce que 1'on exige d'un Auteur; mais comme il eft pénible en même tems d'être grand fans enflure , d'éviter les penfées fauffes ou gigantesques, les antithèfes trop fréquentes, en un mot, tous ces lieux communs de Rhétorique, qui è la longue deviennent froids & mesquins, & qui fe rencontrent jusqu'au dégout dans une foule de nos productions modernes. Mr. Feith dont nous venons de parler dans un des Articles précédens, étoit bien capable fans doute de furraonter ces difficultés. Dans fa J u 11 e il  Jan., Fev., Mars. 1783. ot H a fu dous intéreffer fans le fecours d'événemens romanesqucs , nous attendrir fans recourir a des moyens brïarres & hors de la nature, tels qu'on n'en voit que trop dans quelques Anecdotes deMr. d'Arnaud, &dans d'autres ouvrages femblables. Le cadre qu'il a choifi n'eft pas abfolument neuf; un amant qui pleure Ia mort de fa maitreffe , qui épanche fa douleur dansle fein d'un ami, voila tout 1'hiftorique de ce Roman;mais ce qui en conftitue le principal mérite a nos yeux, c'eft la puretê du ftyle, & le ton d'originalité qui regne dans cet ouvrage. L'Auteur au lieu de peindre de mémoire des fentimens afFoiblis, femble exprimer fes propres idéés, fes propres' fenfations; on ne decouvre point ici le travail forcé d'un Auteur, |qui a des heures réglés , tèche de fe donner pour un certain tems des fentimens étrangers k 1'état de fon ame; on y voit plütót 1'homme pénêtré de 1'étendue de fes malheurs, affez tranquille pour fe rendre compte de fes fenfations; une mélancolie douce& continuelle femble avoir di&é  $1 NöUV. BlBLÏOTH. BeLGIQTJE; dicté les expreffions, & le eoeur les avoir recueiUies.. II y a peut-être un peu d'affectation dans les titres des différens Chapitres: La Rencontre, la jeune Fille, le Tow beau, Fragment, le Malheur eux £fc. ces titres ne donnent que des idéés fort vagues, & d'ailleurs ce laconisme n'eft pas original. Sterne en a fait ufage dans fon Voyage fentimwtal, & il a eu une fouIe de copiftes, qui déféfpérant d'imiter fon ftyle & fa manière, ont adopté la feule chofe qu'ils pouvoient s'approprier; tels les difciples d'un Philofophe Grec buvoient du vinaigre pour acquéïir le teint pale de leur Maitre, & fe croyoient alors auffi favans que lui. Le début de cet Ouvrage prépare Ie Lefteur aux fenfations qu'il va bientót partager. Dans une de ces délicieufes foirées „ d'Eté, qui nous dédommagent de ,, 1'accablantechaleurd'un jour fans nua3.1 ges; oü 1'ame appéfantie s'anime & „ fe réveille; oü la douce agitation de „ mille Zéphirs rafraichiffants nous faip „ re-  Janv., Fev., Mars. 1783- 9S „ refpirer de nouveau le plaifir de notre „ exiftence, je me hatai de gagner ma „ promenade favorite". Après une defcription fort pittoresqüe d'une fombre forêt, oü Edouard (c'eft le nom du héros de cet Ouvrage) entretenoit fa méiancholie, il nous rend cömpte de 1'état de fon cceur; dés longtems il avoit fenti le befoin d'aimer, & cependant il n'aimoit point. Souvent entrainé par les charmes de la figure , il s'étoit livré k 1'efpoir d'être heureux; „ mais la légéreté, 1'inconftance habi„ toient dans Ie cceur de la jeune pers, fonne dont les traits annoncoient la vertu. Je vis, en verfant des larmes „ amères, que je m'étois tronipé, que „ j'avois pris un fentiment commun de volupté pour Ia tendrelTe, & plus ó„ loigné que jamais du bonheur, je déplo„ rai mon fort, & mon cceur fatigué „ erroit a 1'abandon dans une trifte 3, oifiveté". Tout-a-coup il rencontre JuLiE&dès ee moment il fut heureux. I! fe font mille fermens de s'aimer toujours; Juxie réuniffoit k tous les charmes de la jeu- neffe  54 Nouv. Biblioth. Belgiojje.- neffe & de la beauté un cceur pur, une ame honcête; fa dévotion même étoit mêlée de ce léger enthoufiasme réligieuxs qui caraélérife les ames fenflbles: mais }e Père de Julie s'oppofe a 1'union de deux cceurs tendres, 1'intérêt lui défend de permettre ce mariage:les deuxamans font au déféfpoir, & Edouard exprime fa douleur de la facon la plus touchante, dans le Chapitre intitulé l'Intérêt. Le chagrin, la mélancolie s'emparent de leurs cceurs, ils vifitent enfemble une Eglife voifine du Bourg qu'ils habitoient 1'un & 1'autre. Pénêtrés de refpeét & de cette terreur religieufè qu'infpire Ia s, majefté du lieu, nous nous profterj, nons devant VÈtre invijible qu'on adore dans ce temple. La Réligion élève 1'ame & fait fentir a 1'homme fa S| propre grandeur; 1'oppreffion de notre cceur fe diffipa après cet acte folemnel, & nos premiers defirs nous „ portent a vifiter les caveaux du tem3, ple. Dans Ia partie la plus fombre du 3, lieu, entre deux colomnes gotbiquess j, nos yeux découvrirent un large efcaA lier de marbre, qui conduifoit dans Ie » fou-  Janv., Fev., Mars. 1783. 95 „ fouterrain. Nous y defcendirrjes k pas „ lents, & nous nous trouvames tout-a„ coup dans un fecond temple, oü le jour ne portoit qu'autant de clarté qu'il en „ falloit pour diftinguer les objets. Le „ premier pas que nous imprim&mes „ fur cette terre ou repofoit la mort, „ fit retentir Ia voute entière, & ce „ bruit fourd fembla frapper tous les „ cercueils entaffés confufément dans 1'étendue du caveau. Un froid fai- fiflèment fe rendit maïtre de nos fens. „ JüLiR p^lit, je parlai, & un lamen„ table écho. répeta k quatre fois mes , paroles : La force de la fenfatioDj une terreur involontaire glacèrent les fens j, de ma compagne. Elle tomba fur une bière — quelle penfée agite ma Ju» '„ lie ? lui demandai-je d'une voix trem- „ blante. Je m'imaginois entendre a, la voix d'un homme,me répondit-elle „ avec effroi. La terreur vous a. „ trompée, ou peut-être c'eft le bruit „ du vent, dont les fifflemens fe fait en„ tendre le long de cette voute. ——■• Tout eft ici tranquille comme la „ mort".—— At  96 NÓUV. BlBLlOTH. BELGIQJïE. Au travers de cette foible traduction qui ne découvrira ici des beautés du premier ordre, quelle fimplicité, mais quelle majefté dans cette defcription • On croit descen -ïre avec Julie dans ce lieu de terreur, entendre 1'écho qui frappe la voüte; dans 1'original point d'hors d'ceuvre, point de phrafes faftueufes, chaque mot porte coup, fait image, & exprime avec jufteffe la penfée de 1'Auteur. Mais quittons ces lieux funè-> bres; & voyons nos amans réfifter è une tentation plus dangereufe mille fois: 1'Auteur la rapporte dans le Chapitre ir* tulé, Fragment. ' sj bientöt, mon ami „ mais auffi n'exiftat - il jamais de plus. „ forte tentation. Vous connoiffez le „ bois épais, oii je vis Julie pour la j première fois. Sur lefoird'un beau jour 33i je pénêtrai dans ce feuillage facré. Je „ trouvai mon ange fur le banc de gal, zon, prés du grand baffin, dans le plus obfcur de la forêt, Nous nous: „ embraffames tendrement & nos ames s, jouiffoient du bonheur. Pendant une , con-  Janv. , Fev., Mars. J783. 97 converfation animée & tendre & des „ momens de filence plus agréables en„ core, la nuit répandit ces voiles autour „ de nous, tandis qu'a la voute d'un ,, cielpur, laLune resplendiffoitde|tran„ qui lies & majeftueux rayons, [au travers „ desirameaux. Le filence profond de la „ nature n'étoit que foiblement troublé „ par le chant monotone de 1'hóte des „ marais. Une terreur religieufe agitoic „ tous mes membres. — Affis fur le ga„ fon prés de Julik, je repofois ma tê„ te fur fon fein, & fon bras né^ligem, ment paffé derrière moi nous tenoit 'l entrelacés 1'un h 1'autre. — Je levai la " tête. La Lune éclairoit le vifage de Iülie. Je vis un fourire angélique briller fur fes joues — la beauté, le '* tendre feu de fes yeux. — La douce expreffion de fes traits, & ce touc " enchanteur qui augmentoit le char" me de chaque beauté — mon cceur ][ palpitoit, mon fang fe précipitoit & ' bouillonnoit dans mes veines. — „ Je youlois 1'embraffcr, & déja mes le" vres étoient collées fur les fiennes. „ Une douce impreffion la fit gliffer fur Tomé IV. Part. ï. G „ 1'her-  $8 NOUV. BlBLIOTH. BeLGTQUE. „ Pherbe; mes baifcrs 1'y fuivirent „ Julie\ — mon Edouardl — Je fen„ tois ion cceur, ce cceur, dont je con„ nois tout le prix, palpiter fous le „ mien — 1'excès du fentiment m'em- pórtoit — j'allois m'oublier — tour ,, k tour brölant & paMe de volupté Julie ,, étoit pour moi Punivers, & les mo„ mens qui me refioient encore dans le j, bois, je les regardois comme les bor- nes de mon exiftence. Ma Julie! 3, répétai-je en tremblant. —O! Pamï j, de mon cceur, mon excellent Ami! répondit elle. — Julie! ah! pour- „ roit tu me refufer te refufer „ Edouard,we pourrois-je te refufer? „ Peux tu defirerquelque chofe que Ju„ lie ne défirat auffi ? Jusques dans Pé„ ternité nous cceurs ne formeront |que s, les mêmes vceux. Edouard ! que de biens ne nous promet pas Pimmor- *' talité. L'immortalité, Julie l—• " ah! tu me rends a moi-même — 3' oublie , oublie ce moment fatal ■ '}\ c'eft le premier, le feul oü je ferai in"y dignede toi- — Julie l je ne voyois „ en toi que la beauté, que les charmes,  Janv., Fev., Mars. 1783. 99 s, è préfent j'y reconnois, j'y retrouve „ un ange", —— &c. I! nous eft impoflïble de traduire différentes Lettres de Julie a fon Amant, & les réponfes d'Emard; les bornes d'un extrait nous interdifent ce plaifir; contentons nous d'obfcrver qu'elles fe font lire avec Ie plus vif intérêt, & qu'elles ne le cèdent pas même aux fameufes lettres de la Nouvel'e Hèloïje >fur qui elles ont encore cet avantage., c'eft que la Julie de Rouffeau, malgré fes principes & fa vertu fuccomb^ néanmoins , & que tout 1'étalage de beaux fentimens que fait fon Héroïne, roanque fon but, & perd tout fon effet. Ici tout refpire 1'amour de la religion & de Ia vertu; 1'ame s'élevedans cette ]ecl:ure,& les douces larmes qu'elle fait répandre ne font point troublées par le tableau du crime & des remords. Une des derrières lettres d'Edouard contient le récit de fa fituation, en apprenant la mort de Julie, au moment on fon Père jflêchi par leur amour, confentoit a 1'union de ces deux amans. Eq voici quelques morceaux. G 2 „Eft.  loo Nouv. Biblioth. Belgïqüe. „Eft ce un fonge,ou vivai-je encore? ,, un foDge effrayant qui obfcurcit enco„ re ma raifon même, après.le reveil?— ,, Cette horrible coup n'eft-il point ima„ ginaire ?| moi! je ferois un homme „ mortel, & je pourrois le fupporter? Mon Dieu! diffipe ce nuage de de,, vant mes yeux ? rends moi ma rai„ fon! Que je connoilTe toute 1'amertu,, me de mon fort, que j'avale goute è 3, goute le calice d'horreur que tu me „ préfentes! Qu'a chaque trait mille „ poignards fe faffent fentir dans mon „ cceur! . . . . oü fuis je ?quels fenti5, mens éprouvai-je? des fentimens!... 3, non, 1'on n'en a plus,lorsqu'on eft au 3, déféfpoir • . . pour toujours, au dé- féfpoir! mon ami peux tu te faire une 3, idéé de ma ficuation! auffi malheu)} reux, & fans que ia moindre lueur „ d'efpêrance brille pour moi au bout „d'une carrière, peut-êcre encore 3, fi longue! fe voir comme pétrr„ fié, au bord d'un précipice! voir tout ,, s'abimer autour de foi ! jetter un „ ceuil morne dans la nuit du tems; s'y enfoncer de plus en plus fans trou„ ver  Janv.,Fév., Mars. 1783. 101 „ ver Ie plus foible jour! —• demeu„ rernéanmoins diftrait, froid & glacé, „ envifager fon fort fans Ie fentir —„ ah ! cependant tel eft mon état! Si „ je pouvois verfer un torrent de lar„ mes; — mon cceur fentiroit un foi„ ble foulagement; mais cette confola„ tion des malhcureux m'éft auffi refu„ fée — pas une larme — tout eft „ froid — froid comme la mort! Ju„ tóe! la mort .... ah! du moins, un „ foupir s'échappe de mon fein! out, „ je le fens, il me refteencore une dou„ ceur. — Approche, meflager de bé„ nédidion! dis a ce cceur déchiré, qu'il „ palpitera encore pour une heure, & „ qu'alors dans une longue nuit, il fera „ la pature des vers , que je me réjoui„ rai alors pour la première — mais hêM las! pour la dernière fois ". ■ Ne reconnoïton point la le langaged'un fombre & farouche déféfpoir i quelle force , quelle véhémence ! malheur a l'homme qui demeureroit infenfible en lifant ce morceau dans 1'original. Cependant Ia religion & fes touchanG 3 tes  i«2 Nouv. BrsuoT». Belgique. tes confoiations calment peu a peu le déféfpoir d'Edouard ; une fombre mais douce melancholie s'empare de fon ame, fit il trouve des motifs d'efpérance dans la perfuafion oü il eft de revoir un jour Julie dans le Ciel. O mon ami! (ditil dans fa derniè„ re lettre ) ne m'envie point cej plai,, fir; le feul dont mon ame foit encore fufceptible. ——» Oui, Alcefte, mon cceur me le dit. La raifon & la reli)t gion confirment fon témoignage. Nous nous reconnoitrons — d'un bout de „ 1'Univers è 1'autre nous nous recon„ noitrons ; nous nous rappellerons „ avec joye ce petit nombre d'heureux jours , que la Providence fit naitre „ pour nous ici bas, de ces jours dont „ nous favourames enfemble les délices. „ C'eft Ik en effet que fera Ie lieu de la „ jouisfance. — II n'exiftoit pas dans ce „ monde. — L'amour, 1'amitié, Ia ver« „ tu , la fcience, on fème tout cela fur „, cette terre —— & le tems de Ia mois- fon ne viendroit il jamais? Cette fe», mence facrée feroit-elle étoufFée en „ nais-  Janv., Fev.j Mars. 1783. 103 „ naiffant, partageroit-clle le fort de la „ haine, de 1'envie & du crime? „ Non , toutes les puiffance de mon „ ame s'élcvent contre cette idéé; mon „ cceur frémit a la feule penfée „ un jour, un jour nous mosflbnnerons, „ nous recueillerons une moilfon éter- 3j neiic. Attendons cette époque „ avec la plus vive impatience, moü „ ami! Vous m'y retrouverez fociable „ & heureux, vous ne m'y perdrez plus„ & moi j'y reverrai ma Julie & vous.— „ Adieu, Alcefte, les larmes qui mouil„ leut ce papier vous atteftent mon ami- „ tié! oui vous m'êtes cher le der- „ nier jour vous en convaincra. ■— „ Pour la dernière fois -— adieu — „ jusques dans 1'éternité". Ce Volume contient encore quelques Anecdotes Hiftoriques & difFérentes pièces, que 1'Auteur compofa dans fa première jeuneffe, mais qui ne s'en res« fentent, que par le feu & la chalcur de la compofition; nous en avons dit affez pour les cceurs vertueux & fenfibles; ils s^emprefferont d'acquérir cet OuvraG 4 Se»  104 Nouv. Biblioth. Belgioue. ge, recommandable encore par la netteté de 1'exéeution typographique ; elle fait un honneur infini aux preffes du Sr. Van Hoogeveen. Les Vignettes qui 1'accompagnent nous ont paru fort bien gravées, la fecondc Ed.tion qui eft fous presfe fera orné de quelques plancbes en taille douce , anxquVlies on travaille actuellement; on prépare auffi, de 1'aveu de 1'Auteur , une Traduction Fraocoife de Julie, qui paroitra inceflamment. AR TI-  Janv.,Fev., Mars. 1783. i»5 ARTICLE HU1TIEME. Lofzangen in Prosa voor Kinderen &c. C'eft-a-dire, Hymnes en Prosepour les Enfans, par Mr. W. E. de Perponcher , Traduites de V'Anglois, h Vufage de fes Enfans, in 8°. de 75. pag. a Utrecht chez la Veuve J. van Schoonhoven 1783. Prix ƒ o - 8 - o Crt Ouvrage jouit des honneurs accordés aux productions du génie, on leur transmet une nouvelle vie en faifant paffor leurs beautés dans les langues étrangères. Mr. de Perponcher a fu conferver dans fa .Trauuétion toute 1'énergie & le G s fu-  106 NOUV. BlBLIOTH. BfiLGIOJtTfi. fublime de l'Anglois; Notre langue plus riche , plus libre que Ie Francois fe prête auffi plus facilement aux mêmes tournures, aux mêmes inverfions. Mais le TraducTxur n'en mérite pas moins nos éloges, par la manière dont il s'eft acquité de cette tache, & notre reconnoisfance, par le fujet qu'il a choifi. II eft bien difficile fans doute de mettre dans la bouche des Enfans des prières è Ia portée de leur age; mais il 1'eft d'avantage encore de leur faire fentir toute I'étendue de la gratitude qu'ils doivent a 1'Etre fuprême pour les bienfaits qu'il leur accorde. C'eft par la contemplation de la Nature & de fes productions auffi variées qu'excellentes, qu'on peut amener 1'enfance h reconnoitre toute la bonté du Créateur, & c'eft auffi la route qu'on a fuivie dans ces Hymnes. Elles font deftinées aux Enfans, & par conféquent elles doivent être fimples, intelligibles, mais en même tems, énergiques & dignes, pour ainfi dire, du grand objet qu'on s'y propofe. En voici un exemple. „ Venez, louons Dieu, car il eft trés „ grand;  Janv.,Fev., Mars. 1783. 107 „ grand; Béniffons Dieu , car il eft „ trés bon". „ II créa toutes chofes; leSoleil pour „ regner pendant le jour; & la Lunepour „ reluire durant la nuit". „ II créa la grande baleine, & 1'élé„ phant, & le pefit vermiffeau, qui fous „ nos pieds rampe dans la pouffière- „ Je louerai Dieu de ma voix,puisque je peux le célébrer, bien que je ne „ fois encore qu'un enfant. „ Naguères encore a. la mammelle, „ ma langue étoit muette dans ma bou- u che. . „ Le grand nom de Dieu ne m étoit „ point connu, car mon entendement „ n'étoit pas ouvert. „ Aujourd'bui que jeparle, ma langue ,fle célébréra; aujourd'hui que fa bon"y té m'eft connue, mon cceur ie ché- „ O! qu'il m'appelle & je me rendrai , 'vers lui; qu'il commande, & je lui obéirai, &c. L'hymne X npus offre des beautés d un autre genre. „ LaMère. Fih de la Mortld'oü viens » tu  io8 Nousf. Biblioth. Belgique. „ tu aujourd'hui;? pourquoi ce vifage „ qui indique le cbagrin , pourquoi ces „ yeux ternis des pleursquetu asverfés. L''Enfant- J'ai vu la rofe dans tou- te fa beauté , elle s'épanouit au foleil s, du matin. — Je reviens, elle étoit „ fl^trie fur fa tige. La graces de fa forme n'exiftoient plus; tous fes char- nes avoient difparus, fes feuilles di„ fperfées $a & ]k couvroient la terre, „ & perfonne ne les recueilloit. „ Un chène majeftueux s'élevoit au „ pied de la colline, fes branches por„ toient un épais feuillage; fa tête do- minoit fur la plainc, & prodiguoit un „ ombrage bienfaifant: le tronc avoit la „ fermeté d'une haute colomne, & fes „ racines recourbées tenoient au fol „ comme des ferres. Le lendemain je vis fes belles feuilles defféchées par le vent oriental; la hache avoit coupé fes „ fortes branches , le ver s'étoit frayé un chemin jusqu'au pied du tronc , & „ avoit porté la mort & la pourriture „ dans toutes les parties de 1'arbre, que „ je vis étendu a mes pieds. ,,9> J'ai vu un homme dans toute la „ for-  Janv., Fev., Mars. 1783. 109 „ force de 1'age, fes joues étoient colo„ rées de 1'éclat de la fanté, fes mem„ bres étoient agiles & dispos. II fau„ toit, il marchoit, il couroit. II s'en„ orgeuilliffoit de fe voir la plus excel„ lentes de toutes les créatures. — Hé„ last a mon retour, je le vis giffant, „ froid & inanimé; fes pieds n'avoient „ plus de mouvement; fes mains ne s'é„ tendoient plus vers fon ami, la vie „ étoit envolée , & Ton n'appercevoit „ plus de fouffle dans fes narines.— Voila ce qui m'attrifte. La mort regne fur ce monde —- elle détruit les " ceuvres de Dieu; Tout ce qu'il a créé " périt, tout ce* qui nait doit mourir ' un jour". „ la Mère. Fils de la mort! n'a tu „ rien obfervé de plus; eft-ce donc la „ le feul fruit de tes découvertes? Re„ tourne; contemple les ceuvres de Dieu „ d'un ceil plus attentif , & vois s'il „ laiffe périr entièrement fon ouvrage". L'Hymne fuivante eft deftinée a prouver la fageffe & la bonté de 1'Ecre fuprême. Tout meurt dans la nature, mais tout fe revifie; 1'homme meurt, mais  jio Nouv. Biblioth. Belgique. mais Ia Religion lui allure Pimmortatalité. Ce petit Ouvrage ne peut que produire -!e plus grand bien ; il feroit k defirer, que les Pères, que les Inftituteurs le misfect de bonne heure entre les mains des Enfans, a 1'inftructions desquels Mr. de Perponcher prodigue tant de veilles. -ARTI-  Janv.,Fev., Mars. 1783- 111 ARTICLE NEUVIEME. Verhandeling over de Physio^ gnomie-kunde. C'eft-a-dire, DlSSERTATIONS SUR la PhYSIOGNO- mie, gr. in 8°. de 145- pag. par Mr. J. D. P. ^ Leyden chez j. van Reffelen & B. Onnekink 1783. PREMIER EXTRAIT. Comme le projet de traduire cette excellente Differtation , que nous avions annoncée dans Pextrait de la Bibliotbèque Médicale de Mr. J Voegen van Engelen, ne paroit point fe réalifer, nous nous hatons de la faire connoicre è cette partie de nos Letteurs, qui ne Pont point lue dans 1'Ouvrage Périodique dont elle eft tirée. Mr. J. D. P. vient de la faire rêim.  Ui NOVV. BlBLlOTH. ËELGIQUE.- réimprimer féparement, & le Public lui faura gré fans doute de cette attention. Dans un tems oü la plus grande partie de 1'Europe a les yeux fixés fur une fcience auffi finguüè'f* que ia Phyfiognomie, il éto;t hien nécelfaire qu'une plume exercée élevat une di#ie contre le torrent qui entrain'1 la mulritude, & qu'en ramenant le Ltcteur aux premiers principes d'évi lence & de certitude morale, on analifèt les régies & les fondemens fur lesquels repofe la brillante hypothèfe renouvcllée de nos jours par M. Lavater. L'Epierapbe que 1'Auteur a placée en tête de fa DilTertation dénote affez qu'il n'adopte pas. le fyftème du Pafteur de Zuricb. Garde toi tant que tu vivras De juger des gensfur la mine. Mais ce mot de La Fontaine n'eft pas une raifon, examinons donc avec impartialité celle de notre Auteur. Voici en -peu de mots ce qu'il entreprend de prouver. La Science Pbyfiognomonique, fi tant eft  Janv., Fev., Mars. 1783. 113 eft qu'elle exifte, a été reculée par les Ecrivains anciens & modernes bien loin au dela de fes juftes bornes. Au lieu de confulter les forces de Pefprit humain,' on n'a fuivi que les écarts d'une imagination exaltée; d'un petit nombre d'obfervations favorables , mais purement fortuites, on a prétendu tirer des conféquences générales, quoiqu'abfolument fauffes. - Telle eft, remarque 1'Auteur dans fon Introduction, telle eft malheureufement la marche de 1'efprit humain. A peine eut-il levé un coin du rideau qui nou* cache les opérations myftérieufes de Ia nature, que 1'homme fe crüt capable d'en fonder toutes les profondeurs. Bientöt il voulut trouver des rapports intimes entre des chofes que la nature avoit féparées pour toujours , il entreprit même de lire dans 1'avenir. Ainfi les premiers pas que 1'on fit dans 1'Aftronomiö conduifirent aux abfurdes fpéculations de PAftrologie judiciaire. Ainfi 1'art qui nous apprend a connoitre les métaux fift, naitre 1'Alchimie , ainfi la Médecine pro-, duifit cette foule de Charlatans, donCi Tm, IK Part. u H l«  ïi+ Nouv. Biblioth. Belgiqub. Ie Peuple n'eft pas encore revenu denos jours. Ainfi dans toutes les fciences oa établit bientót fur un petit nombre de vérités cónnues les Syftêmes les plus ri» dicules & les plus révoltans. II fallut des Cècles entiers pour détromper les hommes fur des erreurs accréditées; la faine Philofophie contribua fans doute k deffiller les yeux, & les lumières qu'elle répandit firent rentrer dans 1'oubli tant de prétendues fciences que les tems de barbarie avoient fait accueillir. Dans ce nombre 1'Auteur range fans héfiter la Phyfiognomonie. „ Science qui feroit k jamais reftée dans 1'obfcurité qu'elle méritoit, fi un favant enthoufiafte n'avoit pris la peine de 1'en retrrer & de lui prêter tous les ornemens d'une éloquence faftueufe & brillante ". L'Auteur partage fes Antagoniftes en trois Glaffês. II range dans la première ceux qui fe font fervis de la Phyfiognomonie comme d'une arme auxiliaire pour foutenir tel ou tel Syflême qu'ils vouloient éiever. i Dans la feconde il place indiffinctemoEt tous les Auteurs qui dans certains en-  Janv., Fev-, Mars. 1783' n$ endroits de leurs ouvrages ont fait 1'apologie de cette fcience; enfin la troifième claffe eft compofée de ei ux, qui ont direclement écrit en faveur de la Phyfiognomonie, qui en ont fait le principal objet de leurs écnts. Mr. P. ne daigne point entrer en lice avec les Ecrivains des deux premières claffes ; ■ 1'efprit de s fyftême dans les uns, les connoiffances fuperficielie*' des autres, ne les rendent point des antagoniftes affez redoutables pour combattre leurs opinions; cVft proprement M. Lavater &■ ceux qui a fon exemple ont écrit ex profeffo fur la Phyfiognomonie que 1'Auteur eutreprend de réfuter dans ce Mémoire. «s y Aorès avoir prouvé en peu de mots, .1'infuffifance du témoignage des Anciensfl que lesPhyfionomiftes réclament en leuc faveur, paree qu'il ne s'agit pas ici d'autorités, mais de faits & d'obfervations , 1'Auteur remarque qu'il ne feroit pas difficile d'en produire d'auffi pofitifs contre la Phyfiognomonie^ entre autres celui de Mr. de Bufon, Hifi. Nat. de VHornme T&m. II. Quant aux anecdotes fur les- H 2 quelles  ni6 Nouv.Biblioth. Belgiqus. quelles on s'appuye, il fuffit de les citer, dit notre Auteur, pour jugerdequelpoids -elles font dans cette difpute. Lavater „ nous raconte que fous Louis Xlfc „ un particulier avoit jugé avec certi„ tude que le Comte de * * étoit uu '„ trés malhonnête homme k Ia feule infpeétion de fon écriture- Quel mo„ tif, s'écrie le Pafteur de Zuricb, pour ,, nous exciter k la vertu! je dirois firn» „ plement, quel motif pour apprendre k bien écrire". , II ne faut pas croire cependant que 1'Auteur rejette indiftinctement toute efpèce de Phyfiognomonie; il admet celle qu'on a nommée Jlnatomique, ou Médicale, mais non pas cependant fans ■■quelque reftriction. Un Médecin habiJe peut bien après une longue fuite d'oblervations démêler fur les traits du vifage une altération plus ou moins fenfibles dans 1'organifation; mais cette con'noiffance ne fera pour lui qu'un fymptóme de plus; la Phyfionorhie feule d'un malade ne lui fera pas décider du genre 'de 1'indifpofition , mais elle viendra k Fappui des autres conjeétures fur lesquel-  Janv.,Fev., Mars. 1783. ii£ les cette fcience repofe en grande partie; & ces fymptomes fe prêteront ainfi mutucllement de la fcrce & du poids. Mais s'il en eft ainfi de la Phyfiognomonie Médicale ,que dira-t'on de VlntelUctuelk qui devroit nous enfeigner le dégré de capaeité & de perfeótion dont J'homme eft capable; de la PhyfiogDomonie Morak qui nous fait démêler le earacïère d'une perfonne, même lorsqu'il n'eft pas affez dévéloppé pour dégénerer en paffion dominante foit pour le bien foit pour le mal ? Comment lire fur un phyfionomie lepenchant a 1'yvrognerie, par exemple, Iorsque ce vice commence a peine a jetter fes racines, lorsqü'il n'a point encore altéré les organes, ni vitié la .eonftkution? . Cependant , dit Lavater la vertu embellit & Ie vice enlaidit". Non, ré. pond Mr. P. la beauté n'indique pas exclufivement la vertu, ni la laideur le vice. Toutes deux ont mille caufes accidentelles & morales qui ne permettent pas de les reconnoitre pour des fignes diagnoftiques & certains. H 3 Après a •>  SiS Nouv. Biblioth. Belgiooe. ' Après la Phyfiognomonie Motale filit celle que 1'on nommé Pbyfique & qui fait juger des forces du corps. II eft conftant qu'il ne faut pas beaucoup d'ob^ervations pour s'appercevoir qu'un payfan a plus de forces qu'un petit maitre des grandes villes; les travaux du corps 1'endurciffent & lui donne plus de forces, que n'en ont ordinairempnt ceux qui s'adonnent aux fciences & qui mênent une vie fédentaire. Quant a la Chiromancie , la Pédolliancie, 1'AuteUr rejette abfolument toutes les cónféquences qu'on prétend pouvoir tirer de ces fciences auffi abfurdes que frivoles. ■ II ne croit pas non plus que 1'on puisfe reconnoitre la profeffion ou Ie métier d'un perfonnè a fa figure ou a fes traits. On peut a la vérité dans certains artifans deviner leur état a quelque figne extérieur , tel qüe la hoirceur du vifage, le calus dans les mains &c Un Géomêtre, un ca'culateur profond aura de mê> me fouvent ün air penfif & diftrait qui d'enotera les fciences abftraites auxquelles il s'occupe «• mais il feroit ridicule Ü 2 de  Janv., Fev\, Mars. 1783. 119 de tirer de ce petit nombres d'obferyations, qui d'ailleurs font fujettes k mille cxceptións, des conféquences pratiques univerfelles & fures. Mais en fuppofant même que la figure, les traits, les mains indiquaffent la rnaladie, le caraclère & la profeffion des hommes, ce qui n'eft vrai que dans un certain fens rélatif, on n'accorde rien encoie aux Phyfionomiftes. Ceux ci prétendent découvrir fur le vifage feul une multitude bien plus confidérable de cho-fes. Us croyent y lire toutes les diffé» rentes nuances qui caraftérifent les pas* fions , 1'humeur & les habitudes de 1'homme, en un mot tous les mouvemens du cceur & de 1'efprit. C'eft donc ce qu'il s'agit d'examiner. Pour démontrer d'abord 1'impoffibilité de parvenir k ces connoiffances, 1'Auteur fait un tableau raifonné des différentes efpèces de tempérament; il montre combien ils font modifiés; que jamais ils ne fe trouvent daps 1'homme k un dégré affez fort pour fe faire ap« percevoir fur la phyfionomie; d'ailleurs les caracières mêmes font fi difiïciles k H 4 con-  iao Nouv. Biblïoth. Belgique. connoitre d'après les fignes extérieurs, qu'on ne pourra jamais fe flatter de diïtinguer & de démêler les traits qui font propres è chacun d'entre eux. Ajoutons que 1'organifation n'eft point également parfaite ni également foible dans toutes les partics du corps. Ainfi la force des organes peut porter quelqu'un a vouloir jouir de plailirs auxquels fon tempérament & fon caraétère né paroisfoient point 1'appeller. Cette feule obfervation prouve a combien de méprifes 1'on ne s'expofe point, lorsqu'on veut juger des caractères par le tempérament. Quant aux traits du vifage, les grandes paffions qu'ils expriment ne font pas de longue durée; celles que le Brun nouè a fi admirablement dépeintes, n'exiftent pas même dans la nature. II eft poffible que la douleur, par exemple, afFecte un homme de fa^on , que fon vifage en resfente une forte empreinte de trifteffe, furtout lorsque cette douleur eft longue & profonde; mais toutes les paffions n'affeöent point auffi fortement que la douleur ou la joye. D'ailleurs leurs fignes extérieurs nefont pas  Janv., Ffiv., Mars. 1783. itf pas les mêmes chez tous les hommes; il faut fouvent cocnoitre uneperfonne pour fe perfuader que tel ou tel figne n'exprime pas chez elle le mépris, Ia colère &c. Combien un Phyfionomifte ne fera-t'il donc point de méprifts? combien de fauffes conféquences ne tirera-t'il point de fes principes hafardés, & que 1'expérience contredit journellement. - Enfin la plüpart des hommes apprennent de bonne heure a déguifer leurs vrais fentimens,a cacher les impreflions des paffions, & fouvent 1'art eft porté fi loin de ce cóté la, qu'un Phyfionomifte feroit bien embarraffè k trouver le caractère d'une perfonne, dont 1'cxtérieur annonce tout le calme de la vertu, tandis que fon cceur eft en proye a mille defirs infenfés. L'Auteur fe permet dans cet endroit une déclamation unpeu ufée contre le déguifement & la fauflVté; plus hant auffi a propos des paffions, il avoit fait une ample digreffion fur 3'age d'or, & cité plufieurs paffages d'Ovide & de Pope, qui cn ont décrit les douceurs. Qu'il nous permette de lui faire obfer- • H 5 *er,  122 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQÜE. ver, que dans une Differtation auffi intércffante que la fiennc ces hors d'ceuvre font abfolument déplacés, que le bon goüt n'admêt point ces tirades parafites, qui ne font que diftraire du fujet principal, & qu'enfin une des premières qualités d'un Ecrivain c'eft d'être concis, furtout dans un ouvrage de pur raifonnemens. Les Phyfionomiftes prétendent encore, que chaque homme apporte en naisfant une phyfionomie naturelle; il n'existe pas deux caractères abfolument égaux, ni deux phyfionomies parfaitement resfemblantes ; mais par la liaifon intime qui exifte entre 1'ame & le corps, on peut faifir certains rapports entre Ia phyfionomie & le caraftère & lorsqu'une fois une partie de ces rapports nous font connus , il eft facile de juger de ceux qui ne le font point. . Mais eft il bien vrai que cette phyfionomie naturelle, qui d'ailleurs eft modifiée dans la fuite par mille caufes phyfi« ques & morales ait tant de rapport avec le caraétère & les facultés intellec- tuelles  Janv., Fev., Mars. 1783. 123 tuelles de 1'homme , que la connoiffance des traits du vifage & de 1'excérieur en général amene direaement a cello da tempérament, des cara&ères & des faCultés morales Pour admettre cette fuppofition , il faudroit connoitre non feulement quels font les refforts cachés qui a^ilT nc dans la formation de 1'homme; quel ift ce mouk intérieur (pour nous fervir de 1'expreffion de ï# de Buffon) dans lequel. il eft modélé; mais il faudroit encore avoir une partaite connoiffance des loix qui agiffent dans la formation de 1'ame, dans la manière dont s'oj ère 1'action mutuelle de 1'ame fur le coms, & du corp? fur 1'ame; alors i! feroit poffible de déterminer a priori le rapport qui, dit on , (X'fte entre la phyfionomie & le caraöère, & de fe faire une idéé de leur nature , mais comme ces connoiffances demeureront vraifemblablement toujours an deffous de notre portée , il faut fe contenter d'examincr les réfultats de cette hypothèfe & de confulter 1'analogie & 1'cxpérience. Mais com-  t3.\ NöÜV. BlBLlOTH. BeLGIQÜÏ. comment juger par analogie des opérations de 1'ame, d'un être que nous ne connoiffdns que trés imparfaitement, & comment décider de fa nature & de fes propriétés fur la fimple connöilTance de la forme extérieure d'un être matériel, qui ne lui reffemble en rien? Pour expliquer ce raifonnement 1'Auteur fe fert d'un exemple qui rend la chofe fort claire. Lorsque les Efpagnols découvrirent 1'Amérique , ils rencontrerent un nombre prodigieux de fruits & de plantes, qu'ils n'avoient jamais vu. S'ïls avoient jugé de la bonté de ces fruits d'après leur forme extérieure, ils fe feroier.t fouvent expofés aux plus terribles dangers; mais ils examinerent avec attention quels étoient les fruits dont les Indigènes & les Animaux faifbient ufage , & enfuite ils hafarderent d*en goüter; ainfi la phyfionomie des chofes eft trompeufe; & il feroit trés faux, lorsque nous voyons un homme pour la première fois, dedécider, d'après quelques fignes extérieurs, du dégré de per-  Jan v., Fev. , Mars. 1783. 125 perfeétion , dont il eft fufceptible, & de fes facultés intelle&uelles & morales; 1'analogie ne nous apprend rien a cet égard "& 1'expérience nous montfe tous les jours combien un pareil raifonnement eft faux & hafardé. (La fuite au Trimejlre procbain.) ART li  125 Nouv. Biblioth. Belgiqtje. ARTICLE DIXIEME. Poesies Latines. i ffortatio ad amicum ut rus mecum contédat ( a). Heu Miferi! laqueata igitur de peftore curas i Teéta fugent? fl-as fata morentur opes ? Quid (a) Ces vers nous ont étéenvoyés par ua afionyme , qui voudra bien accepter ici 1'hommage de notre reconnoiflance. Nous nous fommes a la vérité permis quelques légeres obiervationc; -m-iis comme elles n'ont pour but que 1'avancement de 1'art qu'il cultive fi heureufement, nous aimons a nous flatrer qu'il nous en faura quelque gré. Une critique jufte & honnête ne peur manquer d'être bien recue, & fait l'éi©ge de 1'ouvraga fur lequel elle s'exeice.  Janv.,Fev., Mars. 1783. izf Quid tituli fafcesve juventFquid inania vulgi Numina ? ab ingenuis fponte rejeiïa viris (6). Haut Tyria virtus geftit prodire lacerna, At potius cultu paupere tefta latet. Si fapis urbani mecum deliria faftus Defpice, cura anima; candidejanel meae. Si fapis, & flrepitu jurisque rigore relictis , Sit ftudium innocuos ducere rare dies: lila juvent alios: Nos gaudia carpere ruris^ Nos in fedutta vivere valle decet (OHic animos proprio liceat coJuifle nitore: Virtute, egregiis ingeniique bonis; Livor ubi, & pravis taceat mala cura plai di Qd-) Et quod prasterea peftora crimen alunt. Ma» (i) RejeSla. Nous ne connoiflbns pas d'exemple oü la première fyllabe de cc mo* foit brêve. Peut-être auroit-il mieux val« «lire. Numina ? ab ingenuis numina fpreta viris. ( c) Decet. Juvet feroit ici en oppofitioia avec 1'idée précédente, & feroit untneilleuE efFet. \d~) Mala cura placendi. Cette penféa! aianque un peu de jufteffe. Le foin» ie de* fit  12$ NOÜV. BlBLIOTH. EëLGIQUB. Mane novo, Eois radios fi Pbcebus ab undia Spargit & aurato vertic honore juga, Magnificum, egregio ftupefaclus ab ordine rerum, Natura; artifici carmen uterque dabit (e). Ipfe facro Pneebus fuffundet ora liqnore (ƒ). -Sive tuas canimus, parveCupido, faces-, Seu canimus placidi fperata filentia ruria; Materiem numeris feu dabit ipfa. fides. Quanta erit ff veteres vates aliosque voluptas (g) Sub viridi quercu vel refonaffö cafa? Candidanosclauftrae tuguri dumLuna feneftrae i imminet & tacitae tempora noélis eunt (h). Jun- fir de plaire n'eft pas un vice. La flatterie en eft un fans doute", niais mala cura plattndi n'exprime pas cette idée. r (e) Dabit nous préférerions canit t qui fe« ïoit d'un effet plus poë.'ique. (ƒ) Suffendet la dernière de ce mot eft longue. Pour éviter la faute on pourroit écrire. Salva fuo Phcebus nobis defonte rigabit. (g) il feroit P,us élégant de dire. . Quama erit O! vates veteresque novosque voluptas. ' rh) Ce vers rapnelle un peu trop celui # Qvide I. Jnor. VI. H-  'Janv., Fév.,.Mars. 1783. kit) JuHgius, ille fuis decus immorta'e Britannii, Adtonltos animos fidera in alta vehet: Per juga , per fylvas, comitabitur aemula FJacci, Aemula Pieridum Potica muf* Lyrae CODifcemus mundique vices, & fata virorum, jQaos tuleruut quondam tempora quosque ferunt (/). Seceffu in tacito quae ünt bona commoda nofle, Sit pius,& Patriae quaeque dolofa, labor. Ut fi jura decet libertatemque tueri Cm) ' In commune aliquid praeftet uterque bonum, Interea liquidi fontes qus gaudia nobis? Flumina quae, nymphis invidiofa, dabantf. Eft aliquid denG fruticis confidere in umbra, Lambitubiinnocuos unda protervapedes («). Dum Tempora noEtis eunt; excute pofte feram. (i) Ces quatre vers font admirables. lis expriment parfaitement de trés belles penfées; c'eft-lS le comble de Part. CO Quosque, quosve feroit plus jufte, & plus doux è 1'oreille. Cm) Si decet. Ce n'eft pas ici (e;mot propre. Il n'eft pas douteux, quqd operteat jura libertatemque tueri. («) Les beaux vers ! que d'harrnonie & Tom. IV. Part. I. I de  Ï$Q Nouv. Biblioth. Belgique.' pum piélae recinun» volucres dum lilia fla^ grant (o). Et Zephyri molli gramine Iuxuriant ( p). Eft aliquid plenis uvam decerpere ramjs («), Eft aliquid truncis inferaiffe piros; SI fapis, urbani mecum deiiria foftus Dcfpice; Nos teneant rufiica teéta duos.' Jane! negas noftris nomen fubfcribere votis t Dulcia nee placidi commoda ruris amas? Commoda ruris amas: fed non nifï Sylvia noftri eft (r). Confcia delicii deliciisque cornes. Quas de déllcateffe I c'eft 4 de pareils trai£s qu'on reconnoit le vrai poëte. (o) Dum. Nous aimerions mieux ubi. um pulcer ortum Lucifer A matutinis anteibit rofcidus horis, Extinguet & ftellas polo. Biya §alui! eunfti te fupplice thure rogft mus, Tu fofpita carum caput: Tu volucres Fati pennas in publica Regi Longum retardes commoda, Larga Ceres fic ditet agros , tranquillus inertem Dum rufticus glebam fecat: .^Tndique carpat iter terra pelagoque viato* Latrone nullo ttrritus : iBf (o) Nou? ne croyons pas que le verbe fctfewafefoit admiflible en Poëfie, 11 eft d'«r Latinité tiop jngderne,  Jak-v., Fev., Mars. 1783. l£g ia commune bonum facrato fcedere gentes Irrupta jungat copula: tteligioque, Pudorque , & fraudis nefcifc Virtus Felicibus connubiis ïncrcfcant vigeanaque, & in aurum faecala prifcum Converfa, mortales beent. P. H. Marrok, Belgico ,Betga, Legato a Saeriii 14 hwth  $3 6 Nótrv. BiBLtOTH. Belgique. ARTICLE ONZIEME. PROSPECTUS. JOURNAL de JURISPRUDENCE, i PAR Une Sociétê de Jurisconfultes celèbres. Ce Journal, dont cbaque cahier fera d'environ cinquante pages,grand in Octavo, beaa papier &caraftères neufs, paroitra en Jnillet 1783» & fucceffivement les dix premiers jours de chaque mois , chez H. J. Landmeter, Impri' meur Libraire a Majtricbt, Scpropriétaire de ce Journal. 11 contiendra: 1, Les ordonnances desPrinces & des Cours Souveraines. 2. Les caufes célèbres, leurs déciiïons & . leur exécution. Le  Janv., Fev., Mars. 1783. 157 3. Les coutumes générales & particulières de de divers Peuples & de divers endroits que 1'on ne trouve pas imprimées. 4. Des extraits & annonces de Livres nouveauxen matière de Jurisprudence civile, criminelle, féodale, militaire & eccléfiaitique, fant pour la Pratique que pour la Théorie. 5. Des droits, privileges & immunités, les plus remarquables, de plufieurs Provincès,Villes & corps ecclëfiaftiquej& fécuHefs, & des obj'ets eflentiels, pour fe perfeftionner dans la Jurisprudence, & devenir Juge éclairé. 6. Tout ce que Meflïeurs les Amateurs vou-l dront envoier a 1'Imprimeur de ce Journal , rélativement a ia vatte fcience du droit, fi important^ au bonheur des hom-» mes & des nations. 7. Les vies des Jurisconfultes célèbres, avec une notice des ouvrages & des travaux de ces grands Hommes, qui ont mis en «euvre les puiffans refforts de 1'éloquense, de la vigilance & de 1'humaniié, pour defendre fans intérêt, ni ambition i'inrocence opprimée, pour confondre les oppreffeurs & dévoiler les tergiverfations «3e Ja chicane & de l'injuftice. I 5 0n  ïjjS Nouv. BibLioth. Belgique. On invite Meflïeurs les Jurisconfultes a communiquer au proprïétaire de ce Journal, tout ce qu'ils jugerontintéreffant pour l'inftruction du Public & 1'utilité du Barreau; & on les prie de vouloir coopéjer par leurs avis a la perfcction de cet ouvrage périodique. On ne négligera rien pour procurer la fatisfaction de Meflïeurs le3 abonnés, 6c pour remplir fidèlement les engagernens, qu'on aura pris avec le public. On ne fera ufagc d'aucun écrit anonyme, & qui ne foit affranchi, pour autant qu'il foit poffible. Le Prix de la fouscription de ce Journal, pris è Maftricht, chez le Proprié. taire, eft de 12 Livres de France, ou de fix Florins de Hollande pour 1'année cntière. On fouscrit è tous les Bureaux des Poftes Impériales & étrangères, 6: poinÉ chez le fusdit Propriétaire, qui ne fe tnêle de la fouscription & de la diftribution que pour les P ah-Bas , la Principauté de Liege, le Ducbi de Ju- liers  Janv., Fev.,Mars. 1783. 139 liers iS la Ville iïAix-la Cbapelle, oh ]*on peut fouscrire chez les principaux Libraires; 1'on fouscrit a la fiaye chez l'lmprimeur Libralre de ce Journal. Les Amateurs font priés de s'abonner avant le premier Avril 1783, aö» qu'on s'arrange en conféquence pour le ïirage. N O E.  I4ö Nouv. BiblIoth. BelgiquS. NOUVELLES LITÏERAIRES. Algemeens Catechismus voor de Nederlandsche Burger Jeügd , betrekkelyk tot den Godsdienft, de Ztdeleer t de Huisboudelyke Belangen en de Staatkunde &?c. c. a d. Catécbisme Univer~ fel, de Religion, de Morale, d'Eco-, nomie Domejlique fcf de Politique , & Vufage de la Jeuneffe Bourgeoife des Pays Bas , in 8°. de 100 pages, & Utrecht chez la Veuve van Schoonhoven 1783. Prix ƒ o - j ■ 8 On a écrit des volumes immeufes fur ca fujet, & avouons le, on a fouvent embrouillé favamment la matière. L'Auteur de ce petit Catécbisme en dit affez fu? ces différens objetspour donner aux jeunes gens d'une fortune bornée ou d'un état obfcur des idéés claires & fuffifantes de la Religion, de la Morale &c. Cet ouvrage resfemble fi fort pour la manière 3 celle de 1'Auteur des Injlruüions pour les Enfans, de la vie d'Altamont , des Hymnes en profe éfcc- que  Janv. , Fev. j Mars. 1783. 14? . que nous ferions tentés de 1'attribuer au .même Père ; miis comme 1'Eaivain ne s'eft point nommé & que nous ne trouvons point au titre fa devife ordinaire, nous nous abftiendrons de former des conjeétures, peutêtre, indifcrettes , fur cet artkle. Contentons nous de remarquer que ce Catéchisme ren» ferme dans fes différentes parties tout ce qui eft néceffaire de favoir pour remplir les devoirs envers Dieu, envers foi même & envers la Société; le ftile en eft fimple, mais fort pur, & la méthode que fuit 1'Auteur nous a paru trés fage. Les Chrétiens de toutes les communions pourront adopter tout ce que dit 1'Auteur au fujet de la Religion : quant a Ia morale elle eil de tous les pays, de toutes les croyances; fi quelque Théologien fanatique reprochoit jamais a i'Auteur de n'être point entré dans des discuffions fur les matières qui divifent les Chrétiens , il pourra lui répondre , que fon but n'étoit pas de former des Difputeurs, mais des hommes vertueux. Tout le monde n'eft pas appellé a traiter des points de critique & de controverfe. mais nous avons tous un intérêt direct è connoitre les devoirs particuliers a chacune des rélations, que nous foutenons ici bas; c*é-> toit  *42 Nouv. BrBLioTH. Belgiqüe. toit Ie but de 1'Auteur; il nous paroit qu'iS i'a parfaitement rempli. Remarques fur les erreurs de VHifloire PMlofopkique £P Politique de Mr. Gutllaume Thomas Raynal , par rapport aux affaires de i'Amérique Septentrionale i$c. par Mr. Thomas Payne , Maitre ez Arts de l'Univer/ité de Penfylvanie, Auteur des diverfes Brochures,pulliées fous le titre de sens commun, Miniflre des Affaires Etrangères pour le Congrês &c. Traduites de l'Anglois £? augmentées d'une Préface ö> de quelques notes par A. M. Cert» sier, a Amfterdam chez J. A. Crayenfcbet, Libraire 1783. gr. in 8°. de 126. pages. On regardera certiinement M. Payne, comme 1'un des principaux moteurs de la révolution da YAmirique Septentrionale, ii 1'on convient de rimpreflïon que les écrits oü la chaleur du ftyle eft jointe a Ia force des ïaifonnemens, produifent fur les efprits déja enthoufiasmés pour une fi belle cauftf. Oni connoit ceux qu'il a pubiié fous- le titre de Sens Cemmun & il eft peu d'hommes dont Ie iémoignage doive avoir plus de poids dans les diseuflions hiftorfques & politiques fur la: ré-  Janv., Fev., Mars. 1783. 143 révoludon longtems mémorable, qui eft peut-être 1'époque de Ia formation d une nouvelle Europe. L'ouvrage que Mr. PAbbé Raynal a publié a ce fujet, ne pouvoit trouver un critique plus redoutable ^ dès, qu'il parvint a Philajelphie, M. Payne prit la plume pour le combattre, & M. Cekisier , Auteur de plufieurs ouvrages fur les affaires préfentes , & du Tableau de ïHiftoire des frovinces-Unies vient de traduire I'importante discuflïon dans laquelle il eft entré fur les erreurs de M. 1'Abbé Raynal. Le Tradu&eur paroit avcir defiré qu'après la leflure de cet ouvrage, il ne reftit plus i M. PAbbé Raynal , d'efpoir de recueillir quelque gloire de fes médïtations furies événemens ré'atifs aux 13 Etats-Unis. II n'y ajpute que deux mots & c'eft pourra» vir a ce eélèbre Ecrivain 1'honneur qu'on lui a attribué d'avoir prédit 1'éruption & 1'iffue de cette guerre. ,, Nous avons entre les „ mains, dit-il, des Pamphlets Anglois, oü „ dès les années 1758 & 1750, on prédi3, foit Ia- défection prochaine des Colonies. „ Cette idéé fut furtout incufequéa avec vé,, hémence , lorsqu'on vit, dans la dernière „ paix.Ie Miniftère Anglois, abandonner les „ avantages furs des Antilies pour fe réfer„ ver Ie Canada, oü le voifinage rédouté ,, des  E44- Nouv. Biblioth. Belgiquè. „ des Francois auroit forcé les Colons a fe „ tenir aveuglement attachés a la Métrö„ pole —!—&c. ". II eft bien inutile de nous arrêter fur cette production , dont le Journal Encyckpédique a donné deux analifes fon amples. L'ouvrage du Or, Payne méritoit bien les honneurs de la Traduftion, & celle de M. Cerisier nous a paru aufli fidelle que le génie de la langue pouvoit le permettre. II n'a donc point touché au fonds de l'ouvrage ; il s'eft borné 4 changer la forme de Lettres que 1'Auteur avoit donnèe a fon Ecrit, forme d'autant plus facile 4 faire disparoitre, que 1'Auteur ne porte jamais la parole a Mr. Raynal , auquel ces Lettres font adreffées. Enfin au titre d'Abbé que lui prodigue M. Payne, le Tradufteur a fubftitué le plus fouvent la dénomination d'Hifioritn Thilofopbe; qui paroit plus du goüt de M» jlAYNAL. Tableau de l'Hiftoire Générale des ProvincesVmes, par A. M. Cerisier,- Tom. IX. in 8». de 577 pages, è ütrecht^chez B. Wild 1783Pris ƒ 1 - 16 - © Nous reviendrons dans le Trimeftre prochain a cette fuite de VWJlw de nos Pro- vinces  jANv.jFuv., MARS. 1783. »4f' yinces. Ce Volume qui renferme une dés époques les plus brillantes de nos Annale* fe fait lire avec beaucoup d'intéiêt. Oorfpronkelyke Dichtwerken van P. J. KAsitblbyh fife. c. a d. Poëfies Originales de Mr. Kasteleyn, 2 vol in gr 8° de ifla pa£m, A Arnfierdam chez Sckalekump . 783. Pn'tf / 1 • iÖ ; s L'Auteur a intitu'é cet ouvrage Poëfies Originales , pour lé Sire contrafter avec le» Imitations, qu'il publia autrefois. Toutes les Pièces de ces deux Volumes ont pris naisfance dans la fertile imagination de Mr. Któteleyn. Les unes roulent fur des fujets fort férieux, d'autres fur dés matières1 badines, mais il tombe fouvent dans le détaut commun a tous ceux qui pubsient un volume entier d'Epigrammes. A peine en tfou» ve t'on un petit nombre de bonnes au miliel» d'une foule dë médiocres. II feroit a delïter encore que 1'Auteur s'étudiat a rea4re fón ftile plus ferré, & .1>is précis. La briéveté eft effentieUe a 1'Ë. pigramme 5 s'il faut , pour arriver a unè feule penfée, effuyer la leélure d'un grand nombre de vers, le Leclaur n'eft pofiit a'sfez payé de fa peine. D'ailleurs, conto* le reraarque 1'Abbé le Batteux, il eft bléri dififcile qü'un'é feute penfée foit aflez" richel Time IV. Pari. x. K Jö*  14Ö Nouv. Biblioth. Belgique. pour cotjjmuniquer une partie de ce qu'elle a de piquant a quinze ou vingt vers qui la précédent, & conferver encore aiTez de force pour paroitre faillante en finiffant. Au refta nous fouscrivons volontiers au jugement favorable que les Journaliftes Hollandois ont porté de l'enfemble de ces Poëjies, & nous exhortons 1'Auteur a profiter de leurs avis. Guliehni Hewfoni Defcriptio Syjlematis Lymphatici, Iconibus illujirata, ex Anglico Latine vertit Jacoeus ThiüNPius van bh Wyn— persse , Praefatus efl quaedam de lympha j&f tymphaticis, Johannhs David Hahn. Trajeiï. ad Rhen. Typis H, van Otterloo p . 86. in 8° Prix ƒ 3 - S - o Cet ouvrage méritoit bien d'être connu de tous les Médecins de 1'Rurope , & Poh doit favoir gré au jeune Mr. van de Wynpersfe d'en avoir fourni Ie moyen, en le traduifant dans une langue familière aux favans. La Préface du Profeffeur Hahn eft trés intéreffante. ü reconnoit avec franchife que ce livre du Do&eurHEWsoN, n'eft point parfait a beaucoup prés; mais cet aveu ne Ie rend pas aveugle fur 1'excellence des obfervations multipliées qu'on y rencontre. Au refte on trouve dans cette Préface quelques idéei  Janv.jFev., Mars. 1^3, iJff idéés un peu bafardées fur la nature de ii Lympke, que nous foumettons a la cenfure des connoiffeurs. Differtatie Pky/ica & Mathematica de möAtium ahituame barwmetro metienda. Accedit, refraStionis A/tronouiiae Iheoria, Auüore Ch.H. Damen, A. L. M. fcp Philof. Doiïor. HagaÉ Comit. 1783 Prix f i 5 - ° Nous rewiendrons bientöt a cet ouvrage. Symbolae Litterariae ad Incrémentum fcieniiarum omne genus, a variis amice collatae ex Haganis faïïae Duisbergenfes, curante J. P. Berg, S Theol. Doü. Ejuid Hift. Ecclef fc? Ling. Oriënt. Prof. Puil. Ordin. Tomï Prii •mi, pars Prima. Hagae Comitum & Duisbur' gi, fumtibus C. Plaat , Bibliopolae , Typis Benthonianis 1783. Prix f 1-5-0 II ne faut pas confondre cet ouvrage avec Ié Mufaeum Haganiim , aitue'Iement Mufaeum Duisbergenfe, fous les mains du nouvel & favant Rédacteur, M. Berg, parent & ami de Mr. Ie Profeffeur Barkey, qui étoit aUtrefois a Ia tête dé ces deux Recueils. Dans le Trimeftre prochain nous donnerons 1'Extrait du Mufaeum, & nous nous irorneions aujowrd'hui a la firaple öotice de'  148 Nouv. Biblioth. Belgïque. 1'ouvrage annoncé ci deffus. Mr.BERO ,apris les mêmes foins que fon Prédéceffeur pour enjichir fa Bibliothèque de plufieurs morceaux fort curieux. Telle eft la première Pièce qui n'avoit jamais été imprimée ; c'eft un Discours Académ:que du fameux Tib. Hemfierhuis t(uxYApa'tre St Paul; l'Orateur femble écbauffé du même feu qui animoit ce Héros de 1'Evangile, il le propofe pour modèle d'imitation è ?es Auditeurs & répond i toutes les objtct'on» que les Incrédules ont fait lur la vie & les écrits de l'Apótre des Gentili. On a beaucoup difputé lur le ftyIe & la méthode d'écrire de St. Paul, Les uns ont cru 1'honneur de ia Reiigion compromis , fi 1'on ne foutenoit la pureté & 1'élégance de fon ftyle. Mais, obferve 1'Oratcur, la divinité des Ecritures ne dépend point d'une pareille preuve. Les Pères les plus pieux de 1'Eglife fe font bien permis de reprendre le ftyle de St Paul. Origene ne fe contente pas de relever les fo'écismes & les barbarismes qui fe trouvent dans les Epitres de l'Apótre, mais il foutient encore, que plufieurs paflages en font presque inintelligibles pour cette raifon. St Jérome dit pofitivement, que St. Paul favoit a peine le Grec, lui qui paria néanmoins avec tant de force dans 1'Aréopage. L'Orateur diftingue ld  Janv., Ffiv., Mars. 1783. 145 ici entre Ie ftyle d'un Auteur, & fa mécho. de de préfènter les objets, fa compofition. II avoue que le ftyle de l'Apótre étoit bien éloigné de lélégance atténienne, mais ajo'ute-t il, les Juifs Helleniftes auxquels St. Paul écrivoit fi fouvent, ne lei.ilent pas compris s'il fe fut fervi d'un autre dialeéte; il étoit donc bien obligé de préférer 4 la pureté duG ec Attique un idiome moins élégant, moins correft, mais plus 4 la portee de la multitude i d'ailleurs on ne peut nier que le fty'e de St. Paul ne foit nerveux, précis & fouvent fublime. Toute fa compofition annonce un homme parfaitement ver. fé dans les Lettres, Haec igitur eloqtienti/i, quie non In flofculis verborum fc? orationis catamiftratac pig. mentis fed in indolis excelfae no;is: fed in poniere rerum graviffime pronuntiataxum eft pofita, fi cuiquam, Paulo certe , maxima merito affi- ^La'feconde Differtation de ce Recueil eft jntitulés Zachaeus illuftratus al Luc. XIX. vs i — 9 i elle a pour Auteur Mr. J C Stahemberg Après. quelques obfervations cri. tiques, fur Ie nom, la Religion & la Profeffion de Zachée, 1'Auteur donne plufieurs détails fur la fituation de la Ville de Jertcht oh Zachée habitoit. H examine enfu.ce K 3 «utl-  ï5o Nouv. Biblio'th. Belgique. quelle étoit la nature de 1'emploi de receveur & de péager qu'exeicoit cet homme. Et on ]ira avec intérêt les remarques de 1'Auteur fur cet article. Enfin M. Staremberg explique de la manière la plus fatisfaifante toute 1'hiftoire de Zachée, telle que St. Luc la rapporte. - Viennent enfuitedes obfervations de Mr. J. C. Biel fur ce paffage deSt.Matthieu XI. 8. Mais quêtes vous allez voir? Un homme vêtu de précieux vêtemens ? voici ceux qui portent des habits precieux font dans la maiftn des Rois. 'Grotius entend par ces mots v$temens précieux, vefiimsnta mollia, I»*ko?, des habits de foye , Mr. Biel prouve fort dcétement, q'ie c'écoient des ^temens de pourpre, ou du Ha le plus fin, qui avoient la douceur, mollitas, qu'exprime le mot itutXmiti, Ön voit que cette discuffion «eft plus curieufe qu'intéreffante. Anonymi Conjettura ad Hebr. XII. 23. Cet anonyme prétend que par ces mots les efprits dés juftes Jan&ifiés, il faut entendre le Saint Efprit, ou la troifième perfonne de la Trinité; Que le pluriel les efprits n'eft employé dans le texte que pour défigner la multitude de fes dons & de fes opérations. M.Bero ^ejette cette conjetture dans une note, pour des raifons qui nous femblent trés plaufibles. Nous y renvoyons le Lecleur, ainfi qu'aux au-  Janv., Fev., Mars. 1783. I51 autres Mémoires contenus dans ce Volume, dont nous nous contenterons d'indiquer lei titrer. Marquardi Winckel obfervatto aU Rom. I. 29—31- Sinceri Graecophili, PJ' riculum Exegeticum faüum ad Ïuyw»™ , ApoRoli Pauli Effatum, Rom VIII. 19—23- JohTheoph. Elsneri Ju:cinüa & ™defla EPl' crifis adfermonis Paulini Expofitionem de gemente creaturd Rom. VIII 19-23- Ejusdem Tentamen Exegeticum ad eundem locwn. Ejusdem [uccinüa delineatur praecipuorum contentorum feu drticulorumfidei MajorisCateche[eos\AntiquorumFratrum Bóhémorum Anno is23 ftncer0 ca' lamo expofita. C. Hymnophili Medttata Hiftorho Theologica de fufpeBo vel potius fitto Habacuco. Epiftolae Doü Virorum M.egii Moshemii £ƒ Pfaffii ex autograpks defcriptae. Taal- Dicht- 'en Letterkundig Kabinet £?t c ad Biblioihèque Philologique, Poëtiquetf Littéraire, ou Recueil de DiJJertations fur la Langue, la Poëfie fc? $ Littérature Hollandotfe, ouvrage rédigé rj? publié par Mr. Brender 4' Brandis. Tom. 4. N*. 1 , 2. a Amfierdam chez Groenewoud 1783» Prix fi- 4 -o Cet ouvrage périodique dont nous avons déja parlé (Tom. 3. P- 232 ) fe continue avec beaucoup de fuccèsj 1'Edïtear le rend K 4 *  %$i Nguv. Biblioth. Bëlgique. de plus en plus inréreffant par le choix & Ia yar été des matières. Cette Bibliothèque deviendra précieufe a notre langue & a notre Littérature pourl'excellence de plufieurs Mémoires qu'èlle renferme. Nous avons diftingué dans le N°. 2. celui d'un anonyme jur l'ortographe fcf le ftyle, & celui de Mr. B. a B lui même fur les diminutifs. ARTICLES EXTRAITS DU JOURNAL HELVETIQUE. De la littérature allemande, &c. A Neuchêtel, de l'Imprimerie de Samuel Fauche, Libraire du Roi. Cette brpchure eft un des fruits du lojjïr ia Roi: on fait qu'il fe déiafle fouvent i écrirej& ce genre de délaffement qui exerr ce encore 1'efprit, qui ne coftte rien au peuple, eft digne d'un grand Monarque . . . . Me frouvera t-on trop étrange, fi je dis qu'il ferait a defirer que tous les Souverains s'amufaffent k compofer des brochures? En général la compofitioH eft un exercice ptile pour tous les efprits. Sans vouloir §ue chacun fe faffe Auteur, j'aimerois affez m  Janv., Fev., Mars. 1783. is$ qne presque chacun compofat. On s'accou» tumerait par-la a mettre fes idéés en ordre» a les tirer au clair, a les exprimer exa&ement. Si tous les Princes & tous les grands Seigneurs étaient un peu écrivains, je fris porté a croire que ce ferait un bien, non pas, fi vous voulez, pour la République des lettres, mais, ce qui vaut mieux, pour 1'hU'. manité. Comment parler d'une brochure du Rol dans un Journal dédié au Roi? L'éloge ferait fufpeft de baffe flatterie, & la critique impertinente. Un fimple extrait mettra le Lefteur en état de juger lui même. Au refte le Souverain defceod de foa tróne & devient, quand il écrit, un ilmple citoyen de la Rép-iblique littéraire: il eft permis alors de ne pas être en tout de fon avis. Ce ne font pas des loix qu'il diéte, mais des opinions qu'il propofe ; & ce ferait honorer bien mal un grand homme que de n'ófer en rien s'écarter de fes idéés. Sa gloire dépend-elle d'une brochure? II fe fonde lui-même fur ce que/« opinims font libres pour donner fon avis fur la littérature Allemande, & il déclare qu'il n'a oucunt prètentim a Vinfaiüibüité. Nous ne nous ferons donc pas un devoir de penfer i tous égards comme lui.  154 Nouv. Bibltoth. Belgiqüe. Ainfi, par exemple, nous n'applaudirons pas aux phrafes fuivantes. „ N'en déplaife aux admirateurs de Montagne, fes écrits groflïers & dépaurvus de graces ne m'ont caufé que de 1'ennui & du dégout Les abominables pièces de Shakefpear, farces ridicules & dignes des fauvages du Canada ", Nous nous permettrons de témoigner quelque furprife de trouverle nom de Bourfault entre ceux des Pafcal, des Corneilie, des Defpréaux , de ces génies immortels, que 1'Auteur appelle avec juftice les véritatles pères de la Langue Franpaife. Nous pourrons même relever 1'inadvertance d'avoir mis au nombre des ouvrages a traduire du Latin Epiftete & Marc-Antonin. Venons maintenant a 1'analyfe de 1'ouvra ? ge , oü 1'on trouve dts confeils utiles, dont on peut profiter . non feulement a Dresde & a Berlin, mais a Parisf & plus particuHérement encore dans notre Suiffe. tant Allemande que Francaife, oü la bonne littérature & le goüt ne font guére qu'a leur aurore. Les Lettres en Allemagne font dans un état d'imperftftion trés- fenfible; cela me parait inconteftable. Je ne crois pourtant pas cette imperfeflion tout a-fait auffi grande qu'elle eft repréfentée ici.  Janv., Fev., Mars. i?*3- $3§ II eft vrai que le goftt manque a presque toutes les produftions des Allemands: mais Ie génie s'y fait fentif, & 1'on fait que le génie précede le goüt, que le goüc munt lentement let fruits du gén,e On coTxr.cnce par copTer la nature', & dans ces premiers effais on'imite presqu'au hazard les objets qu'elle préfente : le tableau étonne fouvent par fon exaftïtude , par fa hardieffe, par fa grandeur-, mais ce n'eft que lungtems après qu'on vient a peindre avec choix, avec dé- licateffe , avec goüt Dirai-je que les Graces font les fceurs cadettes des Mufes ? ft Comparez les idylles de Gesner h la defcription des jardins d'Armide., & vous me comprendrez. Ici la nature eft enrichie, embellie: la e'Ie n'eft riche que de fes propres biens, belle que de fes fïmples attraits le Poëte 1'a copit'e avec la minutieufe exactitude d'un amant qui fait le portrait de fa maitreffe. Tout en elle eft beauté pour lui, & il ne trouve rien a ajouter a fa beauté; il peint tout, & laiffe tout tel qu'il eft Ah! n'eft-ce pas ainfi qu'il faut peindre la nature? toute 1'élégance de Virgile vaut elle la fimplicité ruftique de Théocrite ? Gesner le.ur eft fupérieur a 1'un & a I'autre par le fen-  Ï5Ö NOUV. BlBLIOTH. BELGiqüE. fentiment: c'eft 1'amant le plus tendre qui jamais ait follicité les faveurs de la Mufecharapêtre. 11 eft vrai qu'il comparera un berger fautant de joie au chevteau qui bondit. fa blonde chevelure aux épis ondoyans, le duvet léger qui commence a ombrager fon menton ö l'herbe naijjante- cela nous déplait, Mais qu'on m'explique, fi 1'on peut, ce que ces images ont de faux, de défagréable en elles-mêmes .... Si je devitns aveugle, qu'on me life les charmans poëmes de Gesner, & je verrai encore la nature! Ce genre appartient de droït, a ce qu'il me femble, au premier age de Ia poëfie, le goüt empêcherait peut-être d'exceller dans la paftorale. Cet age eftlfavorable auffi i Ja poëfie lyrique. Nous n'avons point en Francais de poëfie auffi pleine, auffi forte que celle des odes de Halier : nous n'avons lien a comparer aux chant de guerre du grenadier Pruffien , aux odes de Ia célèbre Karfch, i celles de Cramer & de Klopjlack. 11 n'y a pas du goüt dans tous ces poëtes , fi 1'on en excepte Haller: mais il y a du feu, de Ia verve, de 1'enthoufiasme ; ce font de |vrais poëtes , •n les croirait infpirés. Je fris que nous ne  Janv-, Fev.,Mars. 1783. 157 Bé goüterions pa» ces beautés males & fimples. Salina qtialis, aut perulia folïbus Pernicis uxor Appvii. Mais cela prouve feulement que nous n'au-< ions plus de lyriques; & on peut le prédire hardiment. La France poarra produire des Anacréons, & non des Pindares. Ceel me rappelle un paflage de J J. Rouffeau „ 11 ne faut pas aemander fi nos littérateurs modernes . toujours fages & compafféi , fe font récriés fur la fougue & }e défordre des ditbyrambes. C'eft fort mal fait fans doute de s'énivrer, fur-tout en 1'honneur de la Divinité: mais j'aimerais encore mieux être ivre moi-même , que de n'avoir que ce fot bon fens qui mefure fut la froide raifon teus les discours d'un homme échauffé par le vin". Appliquez cela i 1'enthoufiasme qui eft 1'ivresfe de 1'ame. Les mceurs & la politeffe font qu'onr ne -'eoivre plus: 1'efprit & le goüt font qu'on ne s'enthoufiasme plus. Le poëme épique. confidéré par quelques critiques comme 1'ouvrage le plus accompli du génie, n'appartiendrait-il point auffi au premier age de la poifie ? Homers, Ojfian,  J58 Nouv. Biblioth. Belgiqüe. Milton ont devancé Ie fiècle du bon goüt: & peut-être la narration poëtique , paffionuée & merveilleufe de 1'épopée convient-elle en effet davantage a ces premiers tems du réveil des Mufes: nous ne favons plus conter ainfi. Je ne craindrai pas de dire que notre fiède eft trop raffiné pour produjre une Iüade. Quoi qu'il en foit, ce genre n'a point é;é cultivé fans fuccès par les Allemands. Klopfiock, dans fon Meffie , s'eft presque montré 1'égal de JMihon: le chantre aimable d''Abel a mérité l'applaudiflemtnt de 1'univers par une éuopéc paftorale, pleine d'intérêt & ,de douceur. Outre cela. lec Allemands ont des contes poëtiques charmant-, ils ont des romans dans ie goüt de Richardfoh , qui paraiffent leur svoir fervi de modèie, & qu'ils ont heureufement rrités. Or, le conté poëtique eft ure efpèce de courfe épopée; & le roman eft ur> genre lï Vuifin du poëme épique , qu'on a difputé ptur favoir auquel des deux fe rapportait le Té'émaque. Voila les genres dans lesquels lesAI'emands ont fur tout excellé: car je ne dis rien des pttits genres. J'ajouterai feulement, comme i ne chofe fkgulière , qu'ils ont de* chanfocs de toute efpèce, dont quelques-unes ont  Janv., Fev., Mars. 1783. 153 ont toute la délicatefle de celles d'Anacréon, d'autres font 1'expreffion la plus douce de la tendrefle , d'autres enfin n'ont pas moins d'agrément, d'efprit, de vivacité . de précifion, que nos meilleures chanfons francaifes. Je puis citer encore comme une phénomène le célèbre Rabener qui, felon moi eft fupérieur & a Snift & a Lucien. Le genre dramatique eft 1'écueil des Allemands. Melpomene n'a été courtifée que par des amans bourrus , comme s'eiprimc notre Auteur. Gesner a fait, il eft vrai, Ja meü. leure comédie paftorale que je connaiffe, celle d'Erafte'. j'e préfere bautement Ia Mort d'Adam dcKlopjlock au Philoiïete mème deSophocle: il y a des beautés & du patbétique dans les pièces de Lejfmg. Mais Erajte tient un peu de 1'idylle; la Mort d'Adam eft un fujet abfolument unique-, & les pièces de Lejfmg font des drames. Ainfi 1'art dramatique eft dans fou enfar;ce,& rienn'annonce un Corneüle ni un Molière. Les genres en profe font moins avancés encore: pointd'orateurs, point d'hiftoriens. N'en foyons pas furpris: Homere fut bien antérieur a Demoftliène, & Corneüle a précédé Boffuet. Enfin, que la littérature Allemande foit un peu plus ou un peu moins avancée,, elle  lóo Nouv. Biblïoth. Belgiouï. a cèrtainement de gran 's progrès i faire. D'oü vient fon imperfedtton aéïuelle ? Qu'y a-t-Ü a faire pour la diminuer ? Ces deux queftions font examinées dans cette brochure. Le tumulte de la guerre effraie lesMufes-, 1'éclat & le brüit des armes les fait fuir; elles cherchent, elles veulent des afyles dont la paix ne foit point tröublée. Louis XIVUvrait des bataüles, pendant que Racine, Lafontaine & Boiltau, compofaient leurs inimortels ouvrages: mais les bords de la Seitie étaient paifibles; le feu de Ia guerre n'était allurhé «.ue fur les frontières du Royaume, oü Louis ne combat aif que pour la gloire; & les tranqüilles Parifiens, environ. nés de tous les arts de la paix , de tous les agrémens de la vie, joniffaient, pour air.fi dire du fpeftacle de cet incendie lointain : ïl excitait leur curiofité; c'était un des amufemens de leur oifiveté. II R'en a pas été de même en Aliemagne. De longues guerres ihteOines, des guerre» deftruflive*: y ont retardé !es progrès des lumières Péchirés tour-a-tour par desétrangers & par fes propres enfans, théatre perpétuel de carnage, el'e ri'a pu profiter, auffitót que les autres parties de 1'Europe, des fcienfaits de la fcience. Les premiers mojnens de cal me ont été confacrés a défricner , *  Janv., Fev., Mars, 1783- iöi l rebitir: il a fa'Iu fe procurer les befoins de la vie avant de penfer i fes douceurs,& les Princes occupés de ces foins, n'euient pas le loifir d'être des Auguftes, Mais aujourd'hui, qui retarde encore les progrès de la littérature ? Deux caufes; 1'imperfeftion de la langue , & la mauyaife méthode qu'on fuit dans les études. La langue Allemande, felon notre Auteur, n'eft point encore formée , & manque au génie: elle eft brute, a demi barbaie, fans agrément. „ Ce qu'on écrit en Souabe n'eft pas intelligible k Hambourg ; & le ftyle d'Autriche parait oblcur en Saxe". Ce ne font pas les dialedtes des Grecs, quinedifféraient guère que dans la manière d'articuler les mêmes mots; ce font des patois, des jargons , auffi difFérens par 1'expreffion que par la prononciation (a), Or, ( a ) En tout ceci il y a peut- être quelqu'eMgération. La langue Allemande eft ricbe, expreflive; & par le moyen des mots compofés, elle peut, comme ce'le des Grecs, exprimer a Ia fois ce qui ne peut quelquefoi» fe traduire que par une ligne entière en Francals. Elle a des longues Sc des breves treft marquées; elle eft plus fonore & plus ma,? Tom. IV. Part. I. L jeftueufo  ï6z Nouv. Biblioth. Belgiqub. Or, que faut-il pour former & fixer une Ja<-gue? De bons Eaivains, des Poëtes furtout. C'effc a eux que toutes les langues doivent leur élégance, leur richeffe,cette abondance de termes métaphoriques, d'expresfions figurées, d'épithètes harmonieufes qui 1'ennobliiTent. Ainfi fe forme le tréfor, &, ponr ainfi dire, 1'arfenal du génie , qui fans cette provifion , fe trouve obügé de tout créer, & n'eft qu'un habile artifte fans ou« til, incapable d'exercer fon art. Des Pbilofophes ont écrit en AHemandï mais les Hotrrere, & non les Ariflote, forment les langues. Pour accélérer ce petfeftionnement de Ia langue, il eft un excellent moyen; des traductions bien faites, o{r 1'on s'étudie a rendre la précifion, 1'énergie & la propriété des termes de 1'original. J'ai dit que tout cela me paraifTait applicable a notre langue ; & d'abord a notre Francais Suiffe, a notre Francais provrncial. Le jeftueufe que Ia nótre. Et quant a Ia diverfité des dialectes, il parait que 1'on s'accorde a regarder la Saxe commi le pays attique d-J 1'Aliemagne.  Jasv., Fev., Mars. 1783. 163 Le Francais eft une langue forrr.ée & fixée, j'en conviens: mais ilne left pas pour nous, paree que dans notre Suifle on le parle mal„ on J'amalgame avec le; différens patois, on le déngure en cent diverfes manières. Le Francais eft élégant; mais notre Francais ne 1'eft pas. Ceux d'entre nous qui veulent lécrire paflablement.n'ont donc d'autre resfource que de Pécudier dans les bons Au« teurs du fiècle de Louis KIF, de fe familiarifer avec leur ftyle, j'ai presque dit de les apprendre par coeur; & qu'ils prennent bien garde de ne pas y mê'er le Francais de leur endroit, comme nous difons! . ., , Souve* nons nous de la trifie aventure que Phedrö raconte de ces pauvres chiens députés vers Jupiter-' me pardonuera-t-on cette do&e citation ? Au refle, fi quelqu'un obferve ici mali. gnement qu'au précepte je devrais bien join. dre auffi 1'exemple . . . d'abord, je pafferai condamnation: & puis j'ajouterai qu'un jour? nal, felon moi, doit être écrit d'un ftyle de converfation , que c'eft a peine un livre, Nee fi quis , ut nos , fcripferit fernpni propriara, hunc dixeritn ejfe fcripterem. Un Journalifte eft a me9 yeux fort au-deffuus de la dignité d'A teur: car c'en eft une, & une très-grande, quand on écrit bien. I 9 %<  IÖ4 Nouv. Biblioth. Belgïque. Revenons a notre discuffion. La langue Allemande eft encore a former *, Ia nótre eft formée. Mais elle commence a perdre fa forme. II me femble qu'elle eft a peu prés au même dégré en redefcendant que la langue Allemande ea montant: n'eft-il point a craindre qu'a mefure que Tune achevera de fe perfeftionner, 1'autre n'acheve de fe corrompre ? Les Allemands ont encore des métaphores impropres; & nous, nous recommen^ons a en avoir: nos meilleuts Ecrivains fe tourmentent pour en inventer de nouvelles qui font presque toujours forcées. Le célébre Linguet tombe affez fouvent dans ce défaut. L'Auteur du Tableau de Paris , dont je parlerai & auquel je paierai volontiers mon tribut d'eloges, n'en eft pas exempt; il vous dit: „ Chaque plume de commis me parait un tube meurtrier. .... La ferme eft l'épouvantail qui comprimé (a) tous les des- feins hardis & généreux La finance eft ( a ) Et de plus, voyez fi la métaphore fe foutient. Eft-ce qu'un épouvantail comprimé? ... Ces métaphores mal foutenues font auffi 1'un des défaurs fur lesquels 1'Auteur de cette brochure infifte le plus.  Jan., Fev., Mars. 1783. 165 eft le ver folitaire. ..." Y a-f il de la nobleffe dans ces métaphores ? ne font - elles pas un peu Allemandes? Et c'eft un de nos meilieurs Ecrivains qui s'en ferc! La langue Allemande n'a pas encore affez d'expreffions élégantes ; & nous , qui en avons affez , nous forgeons des mots ir.élégans, nout emp!oyons des expreffions favantes, des termes de 1'art qui rendront la langue raboteufe. Bientót une femme ne pourra plus lire les ouvrages d'agrément fans interprête , a moins qil'elle ne fache la phyftque & le latin. Le mot de comprimer, que je viens de citer, ceux de vèhicule & d'oblittirer, qui fe trouvent quelques pages auparavant (o), les deux dans une même phra. fe : de femblables mots, dis-je, & cent autres pareils, dont notre langue fe hériffe, ne lui font-ils pas perdre fon élégance & fon poli p ne reprend-elle pas ainfi fon ancienne ofpérüé? (Car je puis auffi parlerfavamment au befoin). De ( a 1 Ce qui me les a fait remarquer, c'eft précifément que je voulus lire ce morceau a des femmes qui fe plaignirent de ne pas comprendre ces grands termes. ... II fe peut au refte que les femmes de Paris les corSprennenc. L3  ÏÏ6* NöUV. BlBLIOTH. BELGIOjfE. De bonnes traduftions feraient peut-être un moyen tout auffi efficace de retarder la dé' cadence d'une langue que d'en accélérer les progrès. En voiU afTez fur l'imperfeélion de Ia langue. Venons maintenant a la méthode d'en. fcigner & d'érudier. La pédanterie du fiècle des commentateuu fait négliger & dédaigner 1'étude des langues par des littérateurs aftuels. Peu d'entr'eux Tavent affez de latin pour Ure les anciens Auteurs avec autant de facilité & de plaifit que s'ils euffent écrit en AUemand. _ Cette ignorance des langues retarde les progrès de Ia littérature en AUemagne. En France, la même caufe précipite la décadence du goüt. L'étude des langues eft bien loin de n'êtee, comme l'orgueilleufe ignorance voudrait fe le perfuader, qu'une étude de mots & une fcience de perroquet. La comparaifon du génie des différentes langues fournit une multitude d'idées: l'étude d'une langue étrangère nous fait mieux connaitre ce'le que nous parions, fon earaftère, fon fort & fon faible, toutes fes reffources; la propriété de 1'expreffion , 1'art de bien faifir toutes fes plus légères nuances, afin de les atbrtir a celles du fentiment & de la penfée, -ce 'talent caraflériftique d*s grands Écrivains ne  Janv., Fev., Mars. 1783. 167 «e s'acquiert peut-être, ou du moins re fe perfeétionne que par 1'étude des langues. Pbilofophes qui avez médité fur 1'étroite liaifon qu'il y a entre les mots & les idéés 1 vous favez combien cette étude eft utile, & quel jour e'le jépand fur tout l'affemblage de nos penfées: c'eft une efpèce de logique expénmemale. A mefure qu'on avance dans la connaiflance des mots, les idéés fe débrouülent, s'éc'airciffent, s'arrangent, fe tirminent, fi 1'on peut exprimer ainfi combien elles prennent de précifion ... Et citezmoi un de nos excellens Ecrivains qui n'ait fu que le Francais. On ne fait jamais bien fa langue, quand on ne fait que fa langue: elle ne devient riche, énergique & flexible que pour ceux qui en fa vent d'autres. Difons quelque chofe auffi des autres études: elles fe font mal au gré du Monar~ que littérateur qui daigne s'occuper de ces objets. Trop peu de févérité dans le choix important des premiers iuftjtuteurs , des régens, dont il faudrait exiger, non du génie, mais des ccnnaiffanccs, un grand fonds de bon fens & de patience, beaucoup d'exaétitude k expüquer tout ce que leurs écoliers n'entendent qu'a demi & a corriger L 4 leurt  168 Nouv. Biblioth. Bblgïqüe. leurs tttêmes, enfin le goüt de leur métier t première faute. Paffons dans les unlverfités. Chaque Profeffeur ïait fon cours a fa manière, s'attathe a fes Auteurs & a fes opinions favorites, y revient fans ceffe & ne vous parle presque que de cela. A la fin de fon cours vous ne favez point la fcience qu'il doit en. feigner, & il s'en embarraffe fort peu: fa tïche eft Faite, l'année eft finie, & il a gagné fa penfion. L'Auteur couronné s'égaie un peu aux dépens de M. le Profejjeur en droit, qui m'a, dit-il, la mine bien rébarbative. „ II parle des loix de Meraphis, quand il eft question des coutumes d'Osnabruck; ou il inculque les loix de Minos a un bachelier de Saint-Gall". M. le PrqfeJJeur én Wfloire a fon tour; ón lui reproche de n;être guère qu'un Cbro, noiogifte, un Généalogifte, un froid, fec& diffus raconteur. Lngique, Phyfique, Rbétorique.Mora'e, Wédecine, tout paffe en revue, fi ce n'eft la Géométrie qu'on ne peut enfeigner mal, & Ia Théologie dont on foupconnera m tre Auteur d'avoir voulu infinuer affez dairsaaent qu'on ne peut 1'enfeigner que mal. En  Janv., Fev., Mars. 1783. 169 En général, il ferait certainement 4 foufaaiter qu'il y eüt plus d'uniformité dans la méthode d'enfeigner, que chaque Frofeffeur füt tenu & aftreint 4 fuivre telle ou telle marche, que fa route füt tracée, & qu'il te püt pas conduire ca & 14 fes écoliers & leur faire faire mille écarts au gré de fes caprices. Tel auditoire dé Théologie eft refté tout un hiver dans 1'arche de Noé, occupé 4 la mefurer dans tous les fens, a compter les efpèces d'animaux qu'elle renfermait, 4 la mettre a flot, 4 lacher le corbeau qui ne revint point, puis la colombe qui revint, puis encore Ia colombe qui 4 Ia fin ne revint plus, au grand contentement des étudians, qu'ennuyait fort ce long déluge. Tel Profeffeur d'Hiftoire s'amufera un an entLer 4 débrouiller la fucceffion des anciens R.ois d'Fgypte. ... Au réfte, s'i\ en a la manie , eut-il des cahiers a fuivre, eüt-il une méthode prefcrite, qui 1'arrêtera? En finiffant cette brochure , fon illuftre Auteur parle avec fimplicité des avantages que procureraient en Allemagne les progrès de la littérature. ,, Le Gentolbomme 4 la campagne ferait un choix de le&ure qui lui ferait convenable, & s'inftruirait eo s'arnu» fantj le gros bourgeois en deviendrait moins L 5 ruftte i  JfO N»uv. BlBLIOTH. BeLGJQTJB. ruflre. les gens défceuvrés y trouveraient «ne reffource contre 1'ennui (a) ; le goüt des belles-lettres deviendrait général, & il répandrait fur la fociété Paménité, la douceur, les graces , & des reffources inépuifables pour la converfation ". Cette manière vraie & fimple de repré. fenter 1'tfage journalier des connaiflances me rappelie une des idéés qui m'a le plus fouvent occupë; c'eft que le goüt de la leflure & des belles-lettres eft un des plus fürs moyens d'entretenir 1'union dans les families, d'en bannir 1'ennui, d'animer, de varier, d'égayer un peu , de rendre intéreffan. tes les converfations domeftiques , & de donner ainfi a une vie retirée les agrémens qu'on vachercher dans une fociété plusnombreufe. Pour former le Hen de la concorde, il faut, ou des travaux, ou des plaifirs communs. Dans les claffes inférieures de la fociété, oü trouvez-vous 1'union? Ce fera dans (a) Et notez qu'il leur en faut une. S'ils n'ont pas cel!e-la, ils s'en feront d'autres, & elles feront pires. La mifère produit le crime; Tennui du détauvrement produit le vice. *  Janv., Fev. , Mars. 1783. 171 dans Ia familie laborieufe, oü c'nacun s'oc cupe, oü la femme travaille a cóté de fon mari, & les enfans fous les yeux de leur père: numero recreante laborem. Ce travail ainfi partagé devient agréable: les courts intervalles en font aifément #emplis par une converfation dont Ie fujet eft encore le travail de la journée ou celui du lendemain» ou telle autre chofe également intéreflante pour tous le* membres de la petite communauté. Séparez ces bonnes gens , qu'ils ne travaillent plus en commun, que chacun ait une occupation a part: ils s'ennuieront en» femble, & le ménage ira mal. Dans les claffes que la crainte de 1'indigence ne condamne pas a un travail corporel & affid*-. oü les repas fe prennent a loifir, oü 1'on a des mqmens fuperflus a dépenfer & de grands vuides è remplir dans la vie, comment fe plaire erfemble & refter chez foi fi 1'on ne lit point? de quoi parler? Les autres fujets de converfation font bientót épuifés: quand on a paffié en revue les nouvelles Politiques , celles de Ia vrle & celles du voifinage, la fource tarit, on refle a fee, & Pon n'a plus rien a fe dire. D'ail. leurs, ce qui intéreffe 1'un n'intéreiTe pas 1'autre : It père en parlant de fon négcee, de  IJ2 NoüV. BlBLIOTH. BeLGIQJJB. de fes emplois, de fes affaires, ou de la gezette, fait bailler fa fille; fa mère , en parlanc de fon ménage ou de fes fervantes, fait bailler fes fi!s ,• J'un & rautre, en s'entretenant enfemble de vieilles aventures, en remontant 1'arbre gén^alogique de tous ceux dont ii s'agit, ennuient foit 'eurs enfans, qui a leur tour ne peuvent fans les impadenter leur parler de ce qui les intéreffe. Alors qu'arrivet-il? La concorde & Yennui habitent rarerr.ent enfemble: les enfans perdent néceiTairement quelque chofe de leur confidération pour des parens qui les ennuient, les efprits s'éloignent, on fe disperfe, on devient presqu'étrangers les uns aux autres. Le chez foi n'eft que le lieu oü 1'on mange, oü 1'on travaille, oü 1'on dort: on s'amufe, on vit aiileurs. Ainfi le charme de la fociété domeftique eft rompu , & 1'on fe jette dans la diffipation. Heureufe la familie a laquelle fes dieux Pénates ont donné le goüt de la Ieéturel Quelle foule d'idées a mettre en commun! La converfation n'eft pas vuide, elle ne languit pas, elle ne tombe pas, & chacun peut y prendre part. Je vois donc au moins un bien moral qui réfu'te de la culture de 1'efprit, & ce bien eft immenfe: j'en ai dit affez poft Ie faire com  Janv.,Fev., Mars. 1783. 173 comprendre. Gentilshommes de campagne, gres bourgeois, gens dejatuvrés, donc le Roi parle dans la phrafe qui m'a fervi de texte, vous en profiterez, fi.vous voulez. Pères & mères, vous y penferez, fi vous êces fages; & 1'homme fenfé qui veut fe choifir , non pas une femme feulemer.t, mais une compagne, fera bien d'y avoir égard dans foa choix. Après cette grave moraUté, je dois a mes Leóteurs quelque chofe de plus gai. S'amuferont-ils de deux phrafes, qu'on nous cite comme un exemple de mauvais goüt qui regne en Allemagne? L'une eft de je ne fais quel Poëte qui, s'adreffant au Proteéteur qu'il s'étaic choifi, le prie de répandre fur fon humble ferviteur fes rayons gros comme le bras (arms dick). L'autre eft du Profeffsur Heineccius quff dédiant a une Reine quelqu'un de fes ouvrages , lui dit qu'elle brille comme un efcarboucle au doigt du tems préfent. Que fi quelqu'un s'étonnait qu'en parlant d'un ouvrage du plus grand Roi du monde j'aie ófé n'êcre pas en tout de fon avis, & mêler fans ceflè les idéés d'un Journalifte a celles d'un héros, je lui rappellerais ce que dit a Philippe de Macedoine un certain Muficien: ,, A Diéu ne plaife, fire, que jamais vous  ï-4 NOUV. BlBLlOTH. BELGïQtfE. ♦ous ayez Je malheur d» favoir ces chofei- la mieux que moi % Ptilippe fe trouva aa-dëffi» d'une auffi petite gloi- re Et qu'était ce PhUippt auprès de FrëdMcl C* Tableau de Paris, 2 voZ. t» 80. ./f Hambourg; & fe trouve a Neuchatel, chez Samuel Fauche. Si un Jouraalifte n'eft abfolument pour vous qu'un Nouvellifte littéraire; s'il en eft des journaux comme des gazettes, dont Ja plus piquante eft celle qui annonce les nouvelles les plus fraiches, il faut eonvenir, Leéleurs.' que je viens bien tatd vous dire mon avis du Tableau de Paris. Mais Un ancien Philofopbe a dit élégamment: „ Dans tout ce que tu faishate-toi lentement". Et quoique cet apopthegme foit antérieui a 1'invention des gazettes, je foutiens qu'il $ft très-applicabe aux journaux. Avant que de rendre compte d'un ouvrage , j'aime fort a favoir ce que le public en penfe, a en caufer avec quelques perfonne» qui Jachent lire, a laiffer mürir le jugement que  Janv., Fev*., Mars. 1783. 175 qae j'en porte. Si, pendant ce tems-Id ,mesdiligens confières me préviennent, jem'en inquiète affez peü: ils ne me prennent guère a 1'avance de ce que j'avais a diie. Et vous, Lecteur, qui ne lifez un journal que pour favoir li vous achetterez ou non les livres dont il parle ( fouvenez-vous de grace que les nouvelies les plus fraiches ne font pas les plus füres: hatez-vous lentement, & ayez quelque confiance au jugement impartial & réfiéchi du Journalifte de 1'Europe qui fe hate le plus lentemeut. Au refte, celui qui lirait ainfi mon Journal n'eft pas mon homme. II me femble qu'un Journal bien fait doit avoir une existence & un méiite plus irdépendant des ouvrages dont on y parle •, & mon ambition ferait qu'on püt me faire le compliment que Saint-Preux fait a Julie. „ Vous qui mettez dans vos ltócürss mieux que ce que vous y trouvez, &;dont 1'efprit a£lif fait fur le livre un autre livre quelquefois raeilleurque le premier. ....". Je ne pretends point m'appliquer cet éloge: mais je voudrais fort en ètre digne; car telle eft 1'idée que je me forme du bon Journalifte. Après ce préambule. je vais vous parler briévement du Tabltau de Paris, Briéve- ment,  I7<5 Nouv. Biblioth. [Belgiqüb.^ ment, paree qu'il n'eft pas poflible d'analyfer un ouvrage de ce genre; briévement, fur-tout par la raifon que c'eft un livre fait pour être lu généralement, un livre amufant pour tout le monde , un livre qui reftera. Il faut donc fe boraer a en caufer. Si 1'on compare cet ouvrage avec YAn deux mille quatre cent quarante, on fentira combien les talens de 1'Auteur fe font perfeótionnés. A ce ton foutenu d'enthoufiasme qui dégénéré en emphafe & fatigue le Lefteur par fa propre monotonie, a fuccédé un ton plus naturel & plus varié. Je ne dirai pas cependant que ce ton ne foit plus que celui de Ia force & de la chaleur fans aucun refte d'empbafe; mais il eft beaucoup moins emphatique. Aux vues chimériques de la jeuneffe ont fuccédé les réfiexions plus folides de 1'age mür. Et è, fon retour du voyage que tout homme de génie fait dans Ie monde imaginaire, M. Mercier n'en a été que meilleur obfervatear du monde réel. Ainfi, nonobftant toute ma prévention en faveur de la jeuneffê, je conviens que 1'age nuVit les talens, & que les années ne viennent point a nous fans nous apporter de quoi enrichir & former notre efprit, fi nous favons lever fur elles le tribut qu'el- les  Janv., Fev., Mars. 1783. 177 Jes doivent a 1'homme, & qu'elles ne paient qu'au fage: Multa ferunt anni venientes commoda fecum. Le fujet de ce livre ne faurait guere êtra plus intéreffant. Qui ne ferait curieux de lire le Tableau de Paris ? Un hermite mime, qui ferait fa demeure au fommet de nos montagnes, pourrait-il être affez écranger a 1'univers pour ne point fe foucier du tout de connaitre Ia phyfionomie de la grande ville? Celui-même qui s'écriera; Qui? moi! vivre a Paris! Eh! qu'y voudrois-je faire ? fera bien aife de favoir un peu en détail ce que c'eft que Paris & comment on y vit. N'allons point a Paris, mais lifons Ie Tableau de Paris. II convient, felon notre Auteur, 4 tout homme qui fent fon génie, d'alier refpirer quelque tems 1'air infpirateur de cette Athè. nes moderne. J'oferai révoquer en doute ce principe convenu. Il me femble que plufieurs germes de talens fe développent plus avantageufement & s'éltborent &p fermentent mieux dans la tranquille folitude, com- Tome IV. Part. 1. M me  178 Nouv. Biblioth. Belgique. me parle (je crois) Jean Jaques RouJJeau. Ainfi, par exemp'.e , la douce fenfibilité d'un Gesner fe ferait peut-être altérée a Paris. Ainfi, je ne crois pas que ce foit le féjour de Paris qui rende plus capable de faire un Roman comme VHéloiCe, un poëme comme Ylliade; mais YEmile & YEfprit des loix, & ïe Livre de Yefprit , &c. &c. j'accorderai volontiers qu'ils vaudraient moins , fi jamais leurs Auteurs n'avaient été a. Paris. Seraitce donc de l'efprit & de la Philofophie qu'il faudrait aller chercher dans cette capitale de 1'Empire des Lettres ? Hommes de génie! je voudrais vous retenir en Suiffe; mais que nos riches partent pour Paris & qu'ils y reftent.' C'eft la Patrie du riche; ils y auront les commodités qu'ils cherchent, Ie bruit qui leur plait, les fpectacles quf leur manquent. ... Et nous ne les regretterons pas. Mais oü en étais-je? . .* . . Je difais que le fujet eft heureufement choifi. J'ajoute qu'il eft bien traité. Oui, le Tableau de Paris doit plaire a chacun! On aime la variété, & c'eft la variété même. On veut de l'efprit, & il y a de l'efprit par-tout. On y trouve de quoi fatisfaire tous les goüts: desréflexions,sui plairont aux gens férieux; de 1'enjouement & de 1'éloquence en quelques  Janv.jFev., Mars. 1783. 179 ques endro/ts; des remarques légères, de petits faits . des aneedotes qui font pJaifir; un ton moral, qui fait efh'mer 1'Auteur. Je prélère cet ouvrage è tous les autres ouvrages de M Mercier, Après 1'avoir lu, vous eonnaiffez Paris, fes différens quartiers, les mceurs du jour& mille particularités qu'avec toute 1'imaginatfon du monde on ne viendrait pas a bout de deviner, qu'on a même encore quelque peine a croire quand on les lit. Que chaque année plufieurs viftfmes malbeureufesdu luxe meurtrier péïiffenc fous les roues des carofTes, qu'il y ait dans 1'enceinte de Paris quarante mille proftituéos , & je ne fais combien d'autres traits pareils: heureux habitans de nos mor.tagnes, encore a demi fauvagesl ces progrès effrayans de la civiiifation ont bien de quoi vous étonner. Rien n'eft oublié dans le Tableau. Religion , Gouvernement, Police , Mceurs, Littérature, Ufages, Modes, Speftacies, Aümens, Edifices, Coëffure, Habits, Induitrie ; tout paffe tour-a-tour fous les yeux: le Savoyard, 1'Ouvrier, le Bourgeois, la bonne & la mauvaife Compagnie, 1'Homme de Lettres, ie Comédien, 1'Avocat, le Médecin, l'Ercléfiaftique. chacun a fon chapitre,-nuln'échappe au Peintre; rien Ma ns  180 Nouv. Biblioth. Belgique. ne lui parait indigne de fon pinceau j il n'épargne perfonne. Primores populi arripuit propulumque tributim. N'avez-vous jamais parcouru une vatte forêt, oü vous voyez quelquefois un grand arbre s'élever du milieu des buiffons, quelquefois un rofier fauvage dont les fleurs brillent aux rayons du foleil, quelquefois une petite plaine riante, un efpace éclairé, un ruiffeau fugitif; & puis vous vous retrouvez a quatre pas de la fous un ombrage épais, environné d'un mélange confus d'arbres de toute efpèce & de toute grandeur? Cette comparaifon triviale convient affez bien au Tableau de Paris. Ce Tableau a le mérite de la reffemblance, les gens qui ont vu Paris 1'y reconnaisfent fort bien. „ C'eft bien cela", difentils d'un ton capable. Et la plupart de ces connaiffeurs admirent fur-tout le livre par cet endroit. Je plains 1'Auteur d'être fi mal loué. Pour moi, fans connaitre Paris, je vois que le Tableau reffemble , & je n'ai pas befoin de confulter ces Meflïeurs. Avec un peu de difcernement, il n'eft pas fort difficile de voir fi un pareil portrait eft de fantaiüe, ou d'après nature. Ce  Jaxv., FEV.y Mars. 1783. i8r Ce qui a frappé davantage Je plus grar]d nombre des Lecleurs du Tableau de Paris, ce font les Hiftoriettes donc il eft parfemé; c'eft tout ce qu'ils en »nt recenu; c'eft ce qu'ils vous en citent avec complaifance; le refte n'a presque point laifté de tracé dans leur mémoire. Parlez-leur des prifons, des hópitaux , tout-a coup ils vous interrom- pent & s'écrient: „ Ahl cet homme qui avait été fi longtems è Ia Baftille I vous rappellez-vous? ... Mon Dieu! q'ue cela eft intéreffant . . .! L'Auteur a donc trés-bien fait de nous conter de ces petites Hiftoires que nous aimons fi fort, & qui fe placant d'elles-mêmes dans la plupart des têtes, oü des penfées entrent fi difficilement. 11 mg rappelle cet Avocat habile, a qui Je premier Préfident de Harlai demandait: Mois pourquoi cette f ai. ble preuve? - Monfeigneur, elle eft pour Monfieur un tel. - Et cette mauvaije raifon' ~ Pour un tel autre juge. Avant de rendre la fentence qui lui donnait gain de caufe I© premier 'Préfident lui dit- Maitre Dumont vos paquets ont été remis chacun a leur adreiïe J'en dis autant a 1'Auteur du Tableau Dans le choix de fes anecdotes, il a un peu trop imité Ie père de 1'Evangile, qui M 3 tiri  iSn Nouv. Biblioth. Belgique. the de fon tréfir des chojes nouvelles des chofet vieilles. C'eft un conté ufé, par exemple que celui de 1'économe qui.après avoir impitoyablement querellé fa fervante de ce qu'elle avoit jetté au feu une allumette qui n'était encore brülée que par un bout, paie fans le moindre murmure un impót onereux: j'ai lu ce conté cent fois , & 11 eit A On'pourrait extraire de ces deux volumes un certain nombre de penfées dans le gout de la Brutere & de la Rochefoucauld, qui m'ont frappé par leur juftcffe . & qui peignent en deux mots les mceurs de ce üecle. En voici quelques unes. Nos penfées deviennent fi fubtiles, qu'èlles s'exhalent de manière qu'il n'en "h'ntde parler remplace 1'éloquence, & rela eft bien différent. Telle Ume dit qu'elle aimerait mieux être enterrée a Saint-Sulpice que de vivre en Province. , Les femmes ne fe mêlent plus du ménage, a moins quelles ne foient femmes d'ar- "fans. j „ ™ Perfonne ne Kt plus pour apprendre; on se iit oue pour critiquer. - Pour  Janv.j Fev.,Mars. 1783. 183 Pour être 1'homme du jour, il faut avoir délicatefTe de complexion, délicateffe d'esfprit, déücatefle de fentimens". Mais ne dirai je donc que du bien du Tableau de Paris ? II y a ceitainement auffi des défauts è reprendre, & je vais en parier ; car il faut tenir toujours, autant qu'on le peut, la balance égale. Je ne reprocherai point a 1'Auteur la fingularité de fes titres: Gare! gare 1 Quipaye, t-on? Promenons-nous. Cette fingularité, que je trouve un peu affeftée & de nul effet, d'autres fans doute la trouveront piquante. Je ne critiquerai point le genre & la forme de cet ouvrage qui eft, pour ainfi dire, un ouvrage a tiroirs. Cela ne pouvait être autrement. Mais on peut reprocher au ton de cet ou. vrages quelques défauts communs a pres que tous nos meilleurs Ecrivains modernes, & qu'il eft par cette raifon du devoir d'un Jouinalilte exact de relever. 1. Quelquefois de 1'emphafe,qu'on prend pour la chaleur, des expreffions exagérées, des apofbopbes peu naturelles. J'en citerai un exemple. Après avoir rapporté qu'on diftribua de force aux boulargers des farines gatées, 1'Auteur indigné s'écrie : O foleil, tu éclaires de femblables forfaits l Admire qui M 4 vou-  184 Nouv. Biblioth. Belgioüe. voudra des tournures de phrafes pareilles: Sermonesego mallem repentes per humum{a): ie ne reconnais point la le cri de l'ind.gnation Te fuis bien für que Caton, qui en tnourut, comme dit Tomg, ne s'avifa jamais une feule fois de s'en prendre au foleil des crimes de Céfar. Lucain lui aura peut-être prêté quelque part ce langage, mais ce n eit pas celui de la nature. 2. Quelquefois des chofes forcées , des images tirés de trop loin, des mots recherchési . auxquels on ne s'attend point. C eft la modeaujourd'hüi. On veut avo.i m ftyle fort Et pour cela que fait-on? D abord oncherche 1'expreffion la plus éloignée du langa6e ordinaire", enfuite on donne la tor- (a) On me dit tous les jours, on m'écrit même: „Ou fupprimez, ou du moins traauiS votrê éternel latin". Ma.s, fi vous ne le comprenezpas, fupprimez- e vous meme; fuppofez qu'il n'y eft pas. Dès qui ne fus^ pend point la phrafe, & que le fens eft complet fans lui, quel mal vous fait-il ? Ne Sz vouslepafler? Pour moi, je déclare que% ne faurais me -éfoudre i le traduire. ïe mot latin fait plaifir i «ux qui Pentendent: mais la tiaduftion en ferait fade.  Janv., Fev., Mars. 1783. 185 ture a fa phrafe. . . Ne tient il donc qu'a, cela ? Le fecret ne ferait affurément pas fort difficile. Mais on n'eft fouvent que bizarre voulant être énergique; au lieu d'être fort, on eft forcé. ]e croira's que la force du fty e confifte a exprimer de la manière la plus fimple une penfée forte. Les talens de M. Linguet peuvent avoir beaucoup contrib. é a corrompre le goüt a cet égard: fa manière lui fied,- mais elle ne lied qu'a lui. 3. Quelquefois encore un ton d'humeur, d'acreié.qui devient auffi tous les jours plas commun. Lifez, par exemple, tout ce qui eft dit des Journaux, des Journaliftes, des demi-Auteurs & quart-d'Auteurs, qui fabriquent des fugitives: c'eft un épanchement de bile ; ce n'eft qu'aigreur & que mépris. Je n'en prends rien pour rooi. Mais eft-il bien de fe livrer ainfi a 1'humeur en parlant au public ? Qu'a t il a faire de toute cette amertume? L'aigreur ne me parait jamais bonne a rien. Admirez-vous Rouffeau, quand il dit des duels au premier fang: Eh! qu'en yeux-tu faire de cefang, béte féroce , le veuxtu boire? Admirez-vous 1'Abbé Raynal, lorsqu'il fe répand en vceux ardens pour que 1'Amérique foit inondée du fang des Euro. péens? Admirez-vous Linguet dans fes accès M 5 d'en».  186" Nouv. Biblioth. Belgique. d'emportement? Quelque refpett que 1'on doive a ces hommes de génie, il doit être permis de remarquer & de défapprouver leurs écarts, de peur qu'ils ne foient imités par des Ecrivains a qui rien ne les ferait pardonner. C'eft en conféquence de ce principe que j'exerce ici une critique févère fur le Tableau de Paris. Si ce n'était qu'un livre d'un mérite ordinaire, je me croirais obligé a 1'indulgence ; mais il n'en a pas befoin. 4. Je défapprouverai donc encore la hardieffe» quelquefois exceffive, avec laquelle 1'Auteur s'élève contre tout ce qui lui parait blamable. C'eft une belle & refpeftable qualité que le courage de dire la vérité ; 11 n'appartient qu'a une ame lache & fervile de penfer autrement. Mais la dire fans ména. gement, fans égard, eft ce bien la fervir ? Et la piéfenter avec douceur & modeftie, eft-ce la trahir? C'eft au moins, dira-c-on, 1'affaibür & Ia déshonorer. Non: l'Apótre de la vérité doit'être ferme, mais la fermeté n'exchit point la prudence. Le ton de la Térité eft fimple | i! ne devient fier que lorsqu'elle eft attaquée; & alors même il ne doit pas devenir offenfant. Apótres de Ia Philofophie & de 1'humanité, oferais-je vous propofer ici pour modèles les Apótres de la * Re-  Jakv.j Fev., Mars. 1783. 187 Religion ? oferais je vous rappeller le fage préccpte que leur donna leur Maitre, d allier , non pas a la fierté du lion, mais a Ia fimplicité de la colombe, Ia prud.nee du ferpeiit? L'une fans 1'autre ne ferait que nuire. Je ne veux pas être mal compris. Les quatre défauts que je viens de relever dans ces quatre paragraphes, ne regnent pas d'un bout a 1'autre de cet ouvrage : ils n'en déparent qu'un petit nombre d'endroits. Nous avons grand befoin de toute notre tolérance littéraire, pour ne pas faire un procés criminel a 1'Auteur fur ia manière injurieufe donc il traite Boileau, qu'il dégrade de la dignité de poëre, pour Ie rabaiffer a la miférable qualité de froid verificateur. Que Racine, & Molière, & Lnfontaine étaienc fots de le croire pies grand poëte queux.' C'eft qu'üs n'y entendaient rien: ces gens-la ne favaient ce que c'était qu'un poëte... Cette nouvelle héréfie panfienne n'a pas encore beaucoup de fe£car ceurs dans notre Suifle; & nous >uronslongl tems la foctife de regarder comme un vrai poëce le froid & plat auteur de 1'Art poëtique & du Lutrin... Ce Lutrin I on tn parle bien peu: ny a-t-il donc pas de I'invention, du mouvement, de la poëfie, du feu, du  ï88 Nouv. Biblioth. Belgique. du génie ? Je ne fais fi Voltaire , qui parle de tout dans fes innombrgbles brochures, en a jamais dit un feul mot. Depuis que Tiran avait eu ia malice de mettre ce poëme ■épique en parallele avec 1'hiftorique & philofophique Htnriade, il était fort naturel que 1'Auteur de celle-ci s'efforcat de faire oublier jufqu'a 1'exiflence du chef-d'ceuvre de Defpréaux. En parlant de la Saint-Louis, 1'Auteur du Tableau nous a été fufpect de vouloir témoigner quelque mépris pour Ie monarque dont elle eft la fête: il femble vouloir infinuer qu'on ne peut le louer que par des tours de farce. Ce titre de Joint nuit a Louis JX. dans l'efprit de nos philofophes modernes: comment un Prince qui Ie mérita, un Prince fcrupuleufement religieux, un Prince d'une chafteté févere , un Prince dévót, un Prince qui fe croifa, ferait-il grand i leurs yeux? Mais fi ces vertus de moines fi dédaignées n'ont point empêché Louis d'avoir toutes les qualités héroïques, s'il a été toujours courageux, toujours ferme, toujours jufte... quelle vertu royale 1 s'il a eu le génie de la légiflation , s'il a aimé fon peuple: pourquoi n'oferions-nous dire que c'eft le plus grand Roi, qui fe foit affis fur Ie üóne de la France? L'hiftorien Hume ne doit  Janv., Fev., Mars. 1783. 189 doit pas être fufpect de partialité en faveur des faints: voyez cependant avec quelle vénération il parle, dans fon hiftoire d'Angleterre, de 1'irréprochable Louis! On fent combien il trouve étrange qu'un faint ait été grand homme & grand Roi; mais i! J'avoue. Et cela eft jutte. Quoi! paree qu'un Roi aura eu le malheur d'être canonifé, on Ie méprifera fans examen! Philofophes, foyez vrais. S'il eüt été moins dévót & moins chafte, vous lui croiriez 1'ame moins étroite; vous lui pardonneriez alors fa croifade. Ce ferait votre héros; & en effet i tout autre égard il mérite de 1'être. II fupplanterait Henri IV. Vous Jut érigeriez des autels. Mais toujours ce que la cour de Rome aura canonifé, le Sénat philofophique 1'anathématifera. Littora littoribus contraria. De plus, on a bien mal trouvé le fecret d'honorer la mémoire de Saint Louis par ces éternels panégyriques , louanges annuelles & périodiques, éloges d'ufage , qui fe paient, comme une efpèce d'impót. . . Quelle répatation peut réfifter a une femblabie épreuve? Faites tous les ans un panégyrique de Henri IV, ou de Voltaire, ou même de Frédéric le Grand; & la génération préfente ne paffera poinc que leur gloire n'en ait fouffert. Auffi voyez- vous  190 Nouv. Biblioth. Belgiqub. vous qu'on s'amufe % réhabiliter Ia mémoire de Pierre le Cruel, tandis que perfonne ne célebre plus Saint Louis, a moins que ce ne foit fa tacbe. Nous aurons encore un procés a Poccafion d'un paiTage tiré de 1'article des Coiffeurs... Des Coëffeurs?.. Oui, des coëffeurs: & voici pourquoi. A propos de perruque & des progrès de 1'art du perruquier, on nous dit. . . ,, La perruque , dans fon origine, d'un volume exagéré & bizarre, a fini par imiter le naturel des cheveux. Ne pourrait-on pas appercevoir ici Ja marche & PemVême de 1'art dramatiquel . . . La groffe & énorme perruque repréfenterait la tragédie bouffie cïf bourjouffiée "... (C'eft de cel e de K icine que 1'Auteur prétend parler; il eft bon de. le dire: Non du drame; on pourrait aifément s'y tromper.) '„ Une perruque légere qui rend parfaitement Ia couleur & j'jfqj'a la racine des cheveux, qui f'implante P'iur ainfi dire, & ne femble po'nt étrangere fur la tête qui la porte, repiéfentera le drame vrai, contre lequel les groSes & antiques perruques font rage ; mais il faut enfin qu'elles cedent a leurs mo- der-  Janv\, Fev.j Mars. 1783. jgt dernes rivales „ . . . Nous verrocs. Ne chantons pas triomphe avant bataille gagnée. Aiüeurs on nous dit qu'un campagnard laifle la les éternelles tragédies de Racine pour les vaftes compofitions de l'abbé Prévót Qa). Ailleurs encore, apropos de mufique, on parle du ton monotom de notre étroite tragédie ; puis on ajoute: " vienne la manière du grand Shakefpear! ... Oh! elle viendra. „ Toujours des prophéties! Je crois pouvoir prédire k mon tour, que, fi elle vient, elle durera peu. Mais quel acharnement! Ah! je le vois, vous êtes orfevre, Monjieur Jojfe.. . Moi, qui ne le fuis pas, qu'il me foit permis de dire mon fentiment fur cette matière. J'ai été partifan très-zélé da drame; & les jeunes gens en général font, a ce qu'il me parait, tous portés a 1'être. Je ne le fuis plus. J'aime pourtant beaucoup Eugé' niet Ca") Si nous ne penfons pas de même 1'Auteur & moi fur certains chefs, je fuis en revanche très-flatté de m'être rencontré avec lui fur d'autres. Ainfi , par exemple, j'ai vu avec plaifir qu'il trouve, comme moi, qu'on ne fait point apprécier le mérite d'un bon faileur de romans.  192 Nouv. Biblioth. Belgiqtje. nie, & le Philofophe fans le favoir, & le Füt naturel. Mais j'aime mieux encore Iphigénie, Andromaque , Athalie & Phedre ; & fur-tout, fi j'ófe le dire , le Phihüete & YOedipe. Je ne fuis donc pas affez paffionné pour ne pas mériter qu'on écoute mes raifons; & fi on me montre qu'elles font mauvaifes, je fuis pret a changer d'avis. Le drame reffemble-t-il, autant que fes partifans voudraient nous le faire croire, z la perruque qui s'implante? Imite-t-il de fi prés la nature? Eft-il fi vrai? N'eft-il ni monotone, ni bovffi bourfoufflé'; C'eft ce qu'il faudrait d'abord examiner. L'art, comme 1'a très-bien obfervé M. Linguet en parlant de la tragédie anglaife, ne fera jamais, quoi qu'on faffe, qu'une imitation. C'eft une prétention abfurde que celle de vouloir mettre les objets fous les veux précifement tels qu'ils font; & une reffemblance trop exacte ferait même un défaut. On a cité cent fois le vers très-fenfé d'Horace: Quodeunque oftendis mihi fic , incredulus odi. Ce qu'on dépeint ainfi me devientodieux; Et je n'y fais pas croire. Le mot incredulus eft très-viai. Car, ce qui rend  Janv., Fev. , Mars. 1783. 193 rend infupportable cette imitation trop exacte , c'eft qu'on n'y fait pas croire. Je fais tièf-bien que 1'acteur qui veut me repréfenter au naturel les convulfions effrayantes de la mort, n'eft point mourant, & pourraïc m'éviter ce dégoutant fpeflacle: incredulus edi. Ce font juflement les efforts mal-adroits, qu'il tente pour fe rapprocher de trop prés de la nature, qui me forcent a m'appercevoir de Ia fauffeté de fon art: je 1'avais oubliée, s'il eüc moins voulu raflembler. Appliquons cela a 1'art dramatique. Dans la tragédie, vous me peignez des. héros ; vous me tranfportez dans des pays lointains, dans des fiecles reculé=. Je fuis tout-a fait dépayfé : mon imagination docile & fubjuguée eft fous Ie charme, tant qua dure le fpeétacle. Vos perfonnages font des hommes prefque d'une autre efpece. Quand vous évoquez devant moi les ombres orgueilleufes A'Achille & d''Agamemnon, A' Alexandre & de Porus, de Sertorius & de Pompée, d'Herm:one, de Clytemneftre, ou d'Agrippine, je ne m'attends pas a les entendre parler un langage vulgaire. La pompe & la cadence du grand vers Alexandrin, Ia nobleiTe des fentimens, la magnificence des expreffions & des images, tout eft aflbrti, tout concourt a entretenir une illufion que Tom. IK Part. I. N i0  ip )V NoUV. BlBLrOTH. Belgique. je chéris. Je fuis dans Ie pays des enchantemens, & je ne fuis point furpris d'y voir tout plus grand que nature. Je demande feulement au poëte magicien que tout fe foutienne, que rien ne me défabufe & qu'il me laiffe me tromper. Une fta-ue coloffale bien proportionnée, voilé, felon moi,l'image de Ia tragédie. Mais vous dites: ,, ce qui eft coloffal „ n'eft pas naturel "... Et vous , 1'êtezvous ? Vos perfonnages font des bourgeois, & quelquefois un notaire, un commis, un vinaigrier. Je fais comment parient tous ces gens-la; je connaisle ton des converfations; je vois comment on eft & comment on s'entretient dans les families. Dans vos drames je ne me reconnois point. Je puis avoir la manière de penfer, le caraftere , les fentimens de queiques uns de vos acteurs; mais je ne m'expliquerai jamais comme eux, fi je puis. Ils moralifent, i/s differtent, ils déclament: c'eft un enchainement de beaux discours, un étalage de beaux fentimens, tels que je n'en entendis jamais. C'eft bien le drame qui porte la grojfe énorme perruque! c'eft bien lui qui a le ton monotone'. Le ton d'Athalie eft bien plus différent de celui de- Phedre, que- le ton du Pèr$ de familie ne 1'eft  Jawv., Ffiv., Mars. 1783. 1^ i'eft de celui du Fils naturel. Et pour moi, il me femble que tous nos drames font i peu prés fur le même ton, & qu'il y 3 beaueoup de variété au contraire dans le ton de nos tragédies. Comme on voit différemment.' Mais en tout cas, ce ferait notre faute i diront modeftemeqt les fatfeurs de dra! mes.,. Non) Meflïeurs, c'eft celle du genre. Vous n'aurez garde de nous rendre les converfations telles qu'elles font, avec Jeurs longueurs, avec leurs interruptions &c & vous ferez bien . car cela ennuierait. Mais en les ennoMiffant, en Jes rendant plus rapides & plus fuivies, en y exprimant dans toute leur énergie les fentimens dont tout homme raifonnable affaiblit l'expreilion & réprime 1'effor, ne voyez vous pas que, plus vous avez choifi près de moi vosobjets d'imitation, plus je ferai frappé du contrafte? Incredulus odi. C'eft donner un front de géant a une ftatue. dont toutes les autres proportions font d'après nature. Or le feul défaut impardonnable, difoir Horace, c'eft ce manque de rapport entre les parties: Sit quedvis , fimpkx duntaxat £ƒ unum. Si je ne me trompe, le ton du drame n'st *T a pa»  196 IMouv. Biblioth. Belqique. pas été pris d'après celui de la fociété: mals fi 1'on n'y prend garde, il pourrait bien un jour le devenir, quelques perfonnes 1'onr trouvé li beau qu'elles l'emploient. Ainfi ce ne fera pas de la converfation qu'il aura paffé au théatre, mais du théatre dans la converfation: chofe affez finguliere pour mériter d'être remarquée. Quant au grand Shakefpear, j'ai déja eu 1'occafion de témoigner toute mon admiration pour lui: mais j'ai dit auffi que je ne fouhaitais pas qu'on s'étudiat a 1'imiter. ii faut regretter fon génie, & non pas fa manière. Cette manière, qui lui était naturelle, ne Ie ferait pas a ceux qui voudraient 1'imiter: par-la méme elle ne plairait plus; elle paraitrait affeélée, & 1'on fait qu'il n'y a point de pire affeftation que celle du naturel. Paulum intereffe cenfes, ex animo omnia. Ut fert natura , facias: an de induftria ? Si 1'on veut changer quelque cbofe dans Ia manière de notre théatre, (& je crois qu'on fera bien ) rapprochons-nous des Grecs plutót que des Anglais: étudions Euripide & Sophocle plutót que Shakefpear. Euripide $ Sophodc ont formé Roem; Shakefpear n'a * formé  Janv.,Fev., Mars. 1783. ip7 forméét, j'öfeledire, neformera perfonne. ii eft des chofes admirables en elles-mêmes, dei mérites réellement fupérieurs, qui ne valent pourtant rien è imiter. De ce genre eft Skakespear. Je n'ai pas fini. On voudra bien que je m'arréte encore un inftant fur ce que dit mon Auteur du cbrijlianisme de Paris. Qu'on ne foit chrétien qu'a la Parifienne, ou qu'on le 'foit a 1'antique, le tableau de 1'écat adtuel de la Religion intérefle & donne a penfer, ne füt-ce que par fes rapports intimes avec le fort des hommes, des fiècles & des ft>> ciétés. On ne fait trop ce que penfe 1'Auteur lui-même a cet égard, & peut-être ne veutil pas le dire plus clairement. Aujourd'hüi c'eft affez 1'ufage: en pareille matière on fe tait; ou, fi 1'on parle, les discours font d'une obfcurité tranfparente. On ne s'explique pas, on fe fait deviner. • A l'afpeft du peuple profterné devant Sainte Genevieve, il femble que notre philofophe, pénétré de refpeét & d'attendriffement, fe reproche de ne pas partager cette dévotion populaire. Du haut de fa philofophie, il ne peut s'empêcher de laiffer tornber un regard d'envie fur tel favetter qui meurt d'amour pour la fainte. En comparant N 3 Ia  $9/8 Nouv. Biblioth. BelgïqüS. Ja ferveur drs dévots, dont le ectw fe fon/L s'amollit, ferépanri, dont il voit couler les larmes, dont il entend les foupirs, è la féchereiTe, a 1'aridité du culte philofophique, il eft ému jufqu'au fond de 1'ame; il femble prêt a dire aux apótres du déifme: Pol! me occidijlis, amici! Cui demptus per vim mentis gratiffmus erm. Agiis cruels! vous m'arrachez la vie, En m'arracbant une fi douce erreur. Et il a bien raifon. De tous les fentimens qui peuvent affecter 1'ame humaine, la dévotion eft le plus doux; c'eft auffi le plus jjoble; c'eft auffi leplus raifonnable. Qu'eft» ce en effet que la dévotion? c'eft la pasfion de la Religion : & quoi de plus propre a..é.teyer ros fentimens jufqu'a la palfion ? Toute croyance religieufe qui ne pioduit pas Ia dévotion, manque fon but, & trompe le ceeur de 1'homme, Ces prétendus fa. ges. qui veulent bien ètre religieux, mais non pas dévots, fe croient 1'élite du genre humain , & ils en font la lie a mes yeux. . . Honorée & bénie foit la mémoire de J. Awffeaui Quelle qu'ait été fa Religion, il y fut dévot: il avait 1'ame trop vraie & trop fen-  ]as.3 Fev., Mars. 1783. 199 fenfible pour que cela put être autrement. Mais Ie même Auteur, par'ant de Ia mefie quelques pages plus bas, fubftitue au ton de lentiment un ton lefte & cavalier...,, La dit qui veut; l'entend qui veut; on ne parle plus de cela. . . On dit par jour a Par^ fis a %>t mille mefies, a quinze fois piece. Toutes ces mefies ont été fondées par nos bons aïeux, qui, pour un rien, commandaient le facrifice non fanglant. Entrez dans une églife: a droite , a gauche, en face, en arrière , de cóté, un prêtre ou confacre, on éleve rhoftie, on Ia mange, on prononce l'ite miffa eft. On ne difcute plus nulle part fur Ia Religion. Ceft un vieux procés définitivement jugé -, & il était bien tems, apiès une inftruftion de tant de fiècles. . . On ne fcandalife plus perfonne, & 1'on n'eft plus fcandalifé. " 1 Ce ton même amene quelquefois des remarques frappantes. En voici une. „ Depuis dix ans, le beau monde ne va plus a Ia meffe: on n'y va que ledimanche, pour ne pas fcandalifer les laquais; & les laquais favent qu'on n'y va que pour eux." Cela fe voit tous les jours. Ce qu'on ne fait que pour I'exemple, on Ie fait toujours N4 fans  too Nouv. Biblioth. Belgique. fans fruit, paree qu'on le fait mal, C'eft même un trè* mauvais exemple que de nie faire une chofe que pour 1'exemple ; c'eft la faire envifager comme une fimple bienféance. . • & le peupie a très-bien fu profiter de cet exemple. Tel eft donc a Paris J'état de la Religion. II ne fe commet plus de facrileges: mais les prêtres aimeraient mieux qu'il s'en commlt de tems en tems, & qu'on penfat davantage i eux j ils fe plaignent qu'on oublie de leur manquer de refpeU. Plus de déclamations contre les dogmes & les myfieres; on aurait Vair d'une fot écolier. On laiffe aux garpns perruquiers les plaifanteries irréligieufes; elles font tombées en roture; & cette portion de la fucceflion de Foltaire n'a pas été réclamée par fes affociès. „ il n'y a rien qui annonce un plus mauvais ton que de vouloir railler un piêtre (a) dans une fociété: il fait (a) Je tranferis ce paffage par charité a J'ufage de nos jeunes gens qui fe croient uri fefprit merveilleux & un excellent ton. quand i!s ont fait a un eccléfiaftique quelqu'objection qu'ils croient fans réponfe , ou quelque raillerie qu'ils trouvent piquante, Ce n'eft qu'un manque de favoir vivre.  Janv. , Fev. , Mars, 1783. aoi fait fon métier gaiement, ainfi qu'un CHS. cier fait le fien. . . Une infoudaoce gêtt«. rale caraétérife aujourd'hui i ce 0>j« tOtti les hommes de la capitale qui ne font pas peuple. Quelques jeunes gens fans expè* rience veulent-ils effayer de fe finguhrifet en fe rangeant du parti de» croyans? on let laiffe faire,- & au bout de quelques mois, voyant qu'il n'y a rien a gagner & qu'on ne les diftingue pas même, ils prenomt le parti d'être comme tout le monde. II faut convenir que ce fyftême d'attaque eft bien formé, parfaitement ifflaginé, profondement combiné! Ce long blocut eft plus redoutable mille fois que tous ks plus terribles affauts. Aux perfécutions on oppofe la fermeté 4 aux raifonnemens des réponfes, aux railteries Ie mépris, aux infultes la patiencej mais qu'oppofer a cette écrafante indiffêren. ce? Si ie Chriftianisme fort encore victorie ux de cette épreuve, il faudra bien fe réfoudre a lui croire une origine célefte & une durée éternelle... Mais... Une dt'couverte , que je fuis très-furpris qui ait échappé a la fagadlé des inctéMutes, c'eft qu'aujourd'hui, non-ffitttetteni « Paris, mais par-tout ailleurs, ie ch;iftiani$ae ne fubfille prefque pU.s que ée nom. Ceux  402 NOUV. BïBLIOTH. BeLGIQUE. qui Je profefTent, ceux qui le prêcbent, fes pius zéiés détenfeurs, n'en parleraient certainemene pas fur le ton des Apótres: c'eft la fabie du chapeau , qui, paffant d'héritier ea béritier depuis fon premier inventeur, après avoir été retrouff.-, gancé, retapé, galonné, reraiilé, n'étaic plus reconnaiiTable. On refpeête la Religion, mais généialement on y tient affez peu. Stat magni nominis umbra, Qualis fiugifero quercus fublimis in agro Exuvias veteres popuii, facrataque geftans Dona ducum : nee jam validis radicibus heerens, Ponderefixa fuo eft; nudofque per aè'ra ramos Effundens, truneo, nonfrondibus, efficitumbram. At, quamvis primo nutet cafura Jub Euro , Tot circum fyha firmo fe robore tollant, Soia tarnen colitur. „ Tel qu'on voit au milieu d'une fertile campagne un chêne antique & fuperbe, chargé de dépouilles, d'offrandes, de trophées, que confacra la dévotion des peu' pies & des chefs. Ses racines ne pompenc plus les fucs nourriciers de Ia terre; c'eft fon poids feul qui le iïxe & le foutient encore. Sas rameaux deiTéchés & privés de leur ornement, t'étendent tiiflement autour de  Janv., Fev., Mars. 1783. 203 de lui. & ne donnent plus aucune ombre: fon tronc en répand encore. Dans fa vieilIelTe, prêt i tomber fous les premiers efforts de la ternpêce, il eft toujours 1'objet de la vénération publiquè: environi é de toutes parts de vertes forêts, lui feu attire tous les hommages; les arbres d'alentour, quoique dans toute leur force, reftent fans honneur. Que deviendra ce refte de chriftianifrne ? Ces étincelles éparfes s'éteindront-elles enfin dans la cendre refroidie? ou rallumerontelles un jour cette flamme de Religion, qui autrefois embrafa la terre? Dieu lui-même peut-il réparer les ruines De cet arbre féché jufques dans fes racines ? Les chrétiens n'oferaient en douter. Le* philofophes n'en croient rien. Enattendant, oü fe confervent les veftiges les plus fenfibles de 1'ancien chriftianisme? oü retrouve-t-on une image un peu moins imparfaite des premiers fiècles, des mceurs des premiers fideles, de 1'union qui régnait entr'eux , de leurs affemblées, de leur foi, de leur [langage ? Ne faut-il pas convenir que Voltaire a eu raifon d'obferver que c'eft dans quelques-uues des fectes qui fub-  so4 Nouv. Biblioth. Belgiqtjb. fubfiftent parmi les proteftans? . . Je ne veux pas approfondir cette matière, fur laquelle je n'en at déji peut-être que trop dit. Mais qui fera le Tableau de Neuchatel, pour fervir de pendant au Tableau de PaHit . . . Cette idéé me plait fort, & j'aiverais a Ia voir exécutée. II ferait intéreiTtnt d'obferver les reffemblances & les diftérences: nous n'aurions pas ie chapitre Acadimie Francaifè; mais nous aurions un humble chapitre College, & un autre chapitre» Aureru-naus quelque jour Une académie? Le chapitre Gens de lettres ferait court: mals le titre Gens qui lifent, ou Comment Ht-mï pourrait fournir beaucoup. Et 1'article ^mm? & 1'article Comédies de fociété ? & i'article Education ? & les articles Mariage, Célitst, Jcunes hommes, Jeunes filles?.,. J'allais cublier Typographies & Journal. . . . O que 1'Auteur du Tableau de Paris n'eftil mon compatriöte! II attrape, il faifit fi heureufement Tair des phyfionomies ! il en rend fi bien les traits 1 il les flatte fi peu!... Je lui detE&sderais le portrait de ma patrie: car, je ne fais fi je me trompe, mais je lui trouve une phyfionomie a portrait. Et ptétecdez-vous, dira quelque cenfeur, nous  Janv., Fjev., Mars. 1783. aoj nous donnet cette longue rapfodïe pour ua extrait du Tableau de Paris} Affurément; & quand je vou8 Mrals tranfcrit la moitié du livre, je ne penfe p*s que j'euffc pu vous en donner une idéé ; plus jufte. . . Et puis, fi vous ne voulez abfolument pas que cet article foit un extrait, qui vous empêche de 1'inti tuier, üe- ' marqués critiques, 6? cmfidirttims Hm/es, a l'occafion du Tableau de Parisl C CORRESPONDANCE LITTERAIRE SECRETE. Be. Paris le i Janvier 1783. I - M. J'ai différé jusqu'a ce jour de vous entre1 tenir d un ouvrage que j'ai fous les yeux i depuis quelque tems: je voulois vous donner vos étrennes, j'ai cru ne pouvolr mieux choifir. Cet ouvrage a pour tfcre: Lettres Iroquoifes ou Correfpondance politiqut hijlorique fjf critique entre un Iroquois voytigeant m j Europe, êf f's correfpondmits dans l'Amiriqut Sep-  2o6 Nouv. Biblïoth. Belgiquz. Septentrionale. Le titre promet beaucoup & J'Auteur ne le clément pas. En dévelopant fes idéés avec facilité, il fe laiffe quelquefois entrainer par fon imagination, & dans ce cas la même on lui fait bon gré de fes écarts. En général il regne dans ces Lettres un ton de légéreté , un intérêt, un je ne ff ais quoi qui entraine, & je ne doute pas que vous n'en portiez le même jugeÈaent. L'iroquois débarqué a FOrient fe met en rpute le lendemain pour Paris, par la Diligence , oü fe trouvoient un Armateur, un Officier réformé & un Officier de marine: 1'Offi. cier reformé , Chevalier de S. Louis qui avoit fervi au Canada fous M. de Moncalm , fe rendoit a Verfaüles pour y follfciter du fervice, 'defirant être employé dans 1'armée des Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale oü la France faifoit paffer des troupes. L'armateur lui demande- s'il fait a qui il faut s'adielfer pour cela: Je fuppofe, répond 1'Officier, que c'eft au Miniftre: „ Non, lui réplique 1'armateur, c'eft un certain C. de B. . . . qui eft chargé de 1'expédition de tous les Brevets & Commiffions, c'eft' auffi lui qui e'xamine la capacité de ceux qui fe préfentent pour avoir de 1'emploi en Amérique. < C'eft fans doute un Officier- géné-  Janv., Fev., Mars. 1783. 207 général; je ne connois cependant pas. —— Non, c'eft un agent avoué du Congres; c'eft le bras droit du Miniftre; le Confeil de M. Francklin. . . . C'eft 1'Auteur du Barbier de Séville, dit un abbé qui n'avoit point encore parlé ! la converfation s'anima; 1'abbé lut des vers qu'il avoit faits pour une Danfeufe de 1'Opéra. qui lui avoit écrit de fe rendre a Paris, oü elle devoic lui procurer un bon bénéfice par 1'entremife de 1'Evêque de **** avec lequel elle vivoit. L'Iroquois qui n'eft point encore civilifé ne comprend rien a toutes ces intriguesj il arrivé a Paris, fe fait préfenter au Dofteur Franc. Min, eft invité chez ce Miniflre, oü la converfation roule alternativement fur les affaires les plus férieufes & fur les plus grandes frivolités; c'eft dans 1'ouvrage même qu'il faut en lire le détail, que je ne pourrois morceler fans en diminuer le mérite. Dans la feconde lettre de 1'Iroquois a fon ami, il lui parle des différentes claffes de citoyens qui raffemblés en corps répréfentc-nt la nation: Sgavoir 1'ordre du clergé,. celui de la nobleiTe & le tiers état. Quoique nouveau débarqué, il raifónne en con.' no fleur & en homme inftruit: „ Le tiers état, dit-il, eft ici compté pour rien; un ., citoyen pauvre dont vingt. ayeux auront „ com-  to8 Noov. Biblioth. Belgique. „ comme ftmptes foldats, défendu la patrie, * fera méprifé & même avili, tandis qu'un „ autre citoyen qui aura amaffé des richefR-s „ par des moyens peu honnêtes, acquerra „ de la confidération, & pourra avec fon „ argenc afpirer aux premières charges de „ 1'Btat. Ces charges purifient de toutes les iniquttés & ont en outre 1'avantage de „ tendre nobles ceux qui ne le font pas: tt de forte que les enfans d'un nouveau par„ veou prennent fouvent le titre de Comte, „ Vicomte ou Marquis: ., Je me rappelle a tt Cïtte occafisn une plaifanterie qui fut fai«' „ te fur trois de nos Marquis de la nouvelle „ édition. . , , Brunoi eft H Marquis ? — OUi. , , Vüttte eft-il Marquis ? — oui... „ De Süvre eft ü Marquis? — oui... ce „ font dont trois Marquis ? — non, c'eft „ un Comte ". L'lroquois ne parolt point partifan du fameux Jaeques Cook, connu par fes voyages dans Phémifphère auftral & autour du monde: eattainé par 1'éloquence ou pour mieux dire par les paradoxes de 1'homme au petit fcrupule (a), il regarde Cook comme un m- vi- (o) L'écrivain dont il s'agit fut obKgé. diuon, étant encore trés jeune, d'aller * Con-  Janv. »Ffiv., MarS. 1783. 2 09 vigateur hardt qui peut êtré un trés b»n marin^ mais du re/?e comme un génie médiocre qui ne fait pas d'honneur a l'Angleterre oh il y a réellement des hommes: .... Enfin il attend fon retour pour le juger définitivement. ... II 1'attendra longtems, mais heureufementpouï la méinoire du na vigateur Anglois, fa réputation ne tient pas a 1'eftime de M* * *; Cook a des droits imprefcriptibles a notre reconnoiffance , par les découvertes dont on lui eft redevable & a nos regrets par la manière tragique donc il a terminé fa carrière. Nous avons force almanacbs nouveaüx fuivant la coutume; il me refté encore a fouiller dans la littérature clandeftine de 1'année derniere. Elle a été fertile en productions qui n'apprennent rien, finon qu'en fiattant les vues & les défauts des hommes, en fourniffant de 1'aliment a leur malignité, on Confeffe: après avoir rempli les formalités d'ufage & au moment oü il alloit recevoir Tabfolution: „ Mon Pere, dit il a fon con. feffeur: il me refte un petit fcrupule; — Quel eft-il, mon enfant? — Je ne crois pas en Dieu Tornt IF. Part. 1. O  iio Nouv. Biblioth. BELcrout. on eft plus cercaln de leur plaire qu'ea épuifant fa fortune & fa fanté è des reenet, cbes, a des méditations dont leur inftruéh'on & leur bonbeur font l'objet. J'acheverai dans mes premières lettres de vous mettre au courant. Nouveaux Couplets fur FAirr Lifon dormoit &c. S'il eft vrai qu'amour ait des alles, Tant mieux pour lui, tantmieux pour nous: C'eft donner des vapeurs aux Belles Qu'imiter de gothiques foux. Céladon, d'augufte mémoire, Seroit fort mauffade aujourd'hui; Soyons auffi tendres que lui, Sans bailler pour le faire croire. Aimable enfant de Ia beauté Le plaifir n'eft pas fans gaité. La gravité n'eft point fageffê, L'ennui prouve fort mal l'amonrs Fi des galans dont la tendreffe €émit & languit nuit & jour! Am»u>  «' Janv., Fev., Mars. 1783. ais Amoureux autant que poffible, C'eft du falpêcre que mon cceur; Mais quand 1'amour fait Ie pleureur L'enfant n'en eft que plus rifible. Chez nous, efprit, raifon , defir, Tout doit refTembler au plaifir. Si ce plaifir eft un menfonge, Qu'eft-ce donc que la vérité? Puifque notre vie eft un fonge, Rêvons un peu de volupté. Loin de nous ces triftes folies, Grandeurs, pouvoir, brillans forfaits! Arni, bon vin . maitreffe & paix, -En voila de bien plus joJies. Comme ici bas tout n'eft qu'erreur, Errons en croyant au bonheur. Ecrits fur des Tdblettes a fecret données pour Etrennes a Madame de******* Etre charmante, être adorée, Ce n'eft pas tout pour le bonheur: Sa caufe, hélas! trop ignorée* Elle eft au fond de votre cceur, O 2 fii&e*  aiü Nouv. Biblioth. Belgiqtje. Dictez & rempliffez vous-même Les vceux qu'on doit former pour vous. Aimez, aimez bien qui vous aime, Vous les aurez accotnplis tous. Les ames tendres font difcretes Et deux font leur monde en s'aimant; Ne confïez qu'a ces Tablettes Les jours donnés au fentiment. De votre choix toujours plus digne, Votre amant en lifant cela Pourra vous dire i cbaque ligne: Je n'ai vécu que ces jours-la. Par M. le Chev. deM....t Le 8 Janvier. Les cérémonies nocturnes de Noël fëmblent depuis longtems fervir d'époque a des fcenes fcandaleüfes. L'Eglife de S. Róch, qui paroiffoit être le rendez-vous de tous nos libercins &c,, a enfin ceffé d'étra 1*  Janv., F/iv., Mars. 1783. 213 Ie théatre de mille horreurs, depuis que le fameux Balbdtre n'y faic plus raifonner fur 1'orgue fa brillante harmonie: mais les filouteries ont fuccédé aux indécences, & celle que 1'on a fake dans 1'Eglife S. Sulpice eft auffi plaifante que hardie Le Curé faifoit laquête, fuivant 1'ufage, précédé d'un fuiffe & fuivi d'une fceur. Un groupe de bons, Apótres , raflemblés comme par hafard , ferrent M. Ie Curé, 1'embarralïent & le font trébucher au point qu'il laiffe tomber fa bourfe. Chacun parolt animé d un faint zele pour ramaffer les écus de M. le Cure; la fceur quêteufe qui le fuivoit, fe baiffe égalemenr pour aider. Un malin faifit Ie tems, & lui güffe fa main fur la cuiffe. Elle fait un cri, & laiffe aufll tomber fa bourfe. Le dróle s'y attendoit, il la faifit & s'enfuir, Cette fcene excite de la fermentation •, chacun des filoux en profite pour s'évader, emporrant avec lui les écus qu'ils avoit g anés fur M. le Curé. Les plus grand? flé'érats ont des imitateurs. Voila Desruts régénéré dans un de fes anciens confrères. Un Epicier, héritier d'une tante qui demeuroit a Rouen, & dont la trop longue exiftence probablement cominencoit i 1'ennuyet, a pris un beau jour la O 3 t>>  214 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQUEV réfolution d'y mettre fin. Sur le prétexte' de quelques affaires, il eft parti pour cette ville, & eftdefcendu chez fa vieille parente, qui l'a recu avec bonté. Après y être reflé quelques jours, & Jui avoir adminiftré une dofe mortelle de poifon lent, il eft reparti pour Paris. Les effets en ayant été plus prompts qu'il ne Pavoit peut-être prévu, cette malheureufe femme ne tarda pas a être attaquée de déchirements intérieurs auxquels elle pe put réfifier. Sa mort violente ayant paru furprenante aux médecins qui 1'avoient affiftée dans fes derniers moments, on a fait 1'ouverture de fon corps, & reconnu les traces du poifon. De ce moment on a faiiï & empriformé la domeftique qui Ia fervoit, & fur des dépoiitions, on a trouvé convenable de venir a Paris chercher 1'épicier fon parent. Enlevé de fa boutique, on l'a conduit dans les prifons de Reuën, oü il vient de fubir le fupplice de Ja roue & du feu, fi juftement mérité. Parmi plufieurs de fes parents qui ont été compromis dans cette affaire, un fien frère paroit véhémentement foupconné d'avoir été 1'odieux bourreau de deux ou trois miférables petits enfants dont il étoit le père & dont il eft devenu Fabominable parricide, Nos chers con- tem-  Janv.jFbv., Mars. 1783. 215 temporairis feront tant qu'ils nous feront croire aux races fi fatales des Tantales, dont 1'exiftence & le fouvenir ont fait gémir 1'antiquité. Une aventure moins revoltante mais auffi tragique, vienc de fe pafier fous nos yeux. Le fils d'un ancien tailleur de cette capitale, é'evé dans une forte d'aifance & de luxe, ne trouvant plus les mêmes reffources dans la maifon paternelle , s'étoit infenfiblement fait un befoin d'efcroquer pour foutenir fes plaifirs & fa parure. 11 alloit manger depuis quelque tems aifez fréquemment chez un traiteur nommé Meunier, & avoit eu la bonne fortune d'y enlever incognito plufieurs couverts d'argent. Le traiteur, ne fachant a qui s'en prendre, en prévint un infpecleur de police, qui mie des mouches dans la falie a manger. L'élégant tailleur arrivant un de ces jours derniers comme a fon ordinaire, 1'epée a travers le corps, un gros manchon fur la poitrine, s'empare d'une petite tablè qui étoit dans un coin , s'affied aoprès & demande a diner. La fervante lui apporte un couvert: retardée par le fervice, elfe differe quelques tems è fervir cet homme. 11 1'appelle derechef: elle lui préfente enfin un potage. —— Un couvert; étourO 4 die  2l6 Nouv. Bïblïoth. Belgiqüe. die que vous êtes! ... La fille n'ofant répliquer, croit avoir oub'ié & lui rapporte un fecond couvert. Il transvafe fa foupe dans une affiette, met adroitement 1'écuelle d'argent dans fon manchon & mange tranquillement. Cela fait, il appelle Ia fille • elle paroit. Quoi! lui dit-il, vous emportez mon écuelle ne m'apportez pas de bouilli? vous êtes une grande étourdie ! Troub'ée par le cahos d'un monde prodigieux, cette fille ne répüque qu'en bégayant, & va chercher le bouilli de Monfieur; mais tout ce petit manege n'étoit pas tellement fait avec dextérité, que les mouchards ne 1'euffent vu d'un bout a 1'autre. L'un d'eux va trouver Ie traiteur: Nous tenens votre homme, lui ditil , le voila dans ce coin. Le tailleur eft accufé hautement; II veut nier, mais l'un des mouchards lui fautant au collet, fouilie dans fa poche d'oü il retire Ie couvert, tandis qu'un autre lui prenant fon manchon, en fait tomber la fatale écuelle. Confondu, hors de lui-même, ne voyant plus de reffource, il eft aflez heureux pour pouvoir êter fon épée dont il fe donne trois coups dans Ie corns. On Ie porte chez un commifiatre, d'oü après avoir été panfé, on Ta ^qnduic au, Chdtelit. On ne doute pas,. s'il f 01 en  Janv., Fev., Mars. 1783. 21? -en revient, qu'il n'aille trainer le boulet a Toulon ou a Rrejl pour fes efcroqueries, ou que s'il en meurt, il ne foit trainé fur Ia claie comme fuicide. Quelque foit la jufte tolérance avec laquejle on traite aujourd'hui ce crime de Leze fociété, ce!ui-ci, rélativement a l'individu , eft. de nature a paroitre mériter la févérité de la Iói. Deux autres filoux ont été p'us heureux, L'un d'eux paré comme une chalTe , fe préfeDte au petit Dunkerque, magafin fort brillant de bijoux , montre une affez belle bague qu'il porto't a fon doigt. & demande è Ia changer pour une de plus haut prix. On lui préfente un folitaire de !a plus belle eau, du plus beau brülant poffible. II le regarde, 1'examine, 1'admire, & demande le prix. —— Cent-cinquante-louis, de retour avec la vótre, répond Grandcher. — ■ Cela eft énorme; mais elle me plait: jé vous en offre cent. Le jouaillier tientbon, 1'amateur en ajoute vingt- cinq, bien affuré qu'il n'en donnera pas un feul, & le marché fe confomme. II tire de fa poche deux rouleaux cachetés, les met dans fon chapeau, & puife dans fa bourfe 1'appoint des vingt-cinq louis d'or en monnoie blanche. Sur ces entrefaites entre un autre homme, O s biea  *r8 Nouv. Biblioth. Belgiqus." bien vétu, qui feignant de ne le pas consoiere, s'en approche néanmoins, comme pour examiner quelques bijoux, prend adroitement Ie cbapeau, rouvre la porte & s'enfuit. L'amateur de bague crie au voleur, & fe met a courir après lui. La circonftance paroit fi naturelle qu'on n'ofe le retenir; mais muni de Ja bague, il rejoint bientót fon adroit complice , & laiffe fes duppes dans 1'étonnement & dans 1'attente. N*. 3. Le 15 Janvier, L'Abbé de Mably vient de fe faire une terrible querelle avec les Pbüofophes. Dans nn petit ouvrage oü il traite de la manière iicrire l'hifioire, il a ofé dire que 1'biftoire univerfeile de Voltaire n'eji qu'une pasqumade. . . que dans la Vie de Charles XII, rhiftorien marche comme un fou a lajuite d'un fou; . . . qu'un ignorant a beau faire, fon ignorance perce toujours par quelque ctté. . . Que Voltaire manque de jugement fc? de gout; . . . Qu'avec un peu d'hormêttté, on ivi'  Janv., Fev., Mars. 1783. ti$r iviteroit les éccrts oü il eft tombé &C Vous penfez bien, M., qu'on s re^vé ces blaspkemes avec beaucoup d'aigreur & que 1'on n'a pas manqué de récriminer. On a reproché entr'autrés a M. de Mably d'avoir dit dan* le petit ouvrage dont il eft queftion, qu'il admirtit Tacite , pour la manière dont il rapporte la mort d'Helvidius, tandis que la mort d'Helvidius ne fe trouve point dans? Tacite. . . II eft entré dans le détail de ce que M. de Voltaire auroit dü dire dans l'introduclion a ÏHiftoire de Charles XII, & 1'on obferve que c'eft précifément ce que M. de Voltaire a die. Jl faut avouer que 1'on avoit droit d'attendre de M. de Mably, une critique plus folide, plus jufte, pius impartiale des ouvrages hiftoriques de M. de Voltaire, puifqu'il vouloit entreprendre une tache auffi iuperflue. On ne lit pas plus ce grand écrivain pour apprendre 1'hiftoire, qu'on n'en lit un autre auffi célebre, pour apprendre le fecret des opérations de la naure & pour acquérir une connoifTance exacte de fes productions. Quelque convaincu que foit 1'honr.ête homme, de 1'inutilité de fes obfervations, toutes juftes, toutes fages qu'elles puiffent être, il ne doit point fe laffer d'exprimer fa vive  120 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQUE. vive indignation, de tonner contre les abus révoltans, dangereux & barbares qui fe pr.opagent avec audace & impunité. Paris pour» roit être le féjour de la liberté, de la tranquillité, de la füreté, & pourtant chaque jour y voit éclore de nouveaux malheurs dont 1 humanité gémit. Deux cbofes également dangereufes font au nombre de leurs caufes; Les Cabriolets & les cannes armées. Le grand nombre d'étourdis Impertinents & méprifables, qui circulent jour & nuit dans cette Capitale, femblent vouloir le difputer k la race. abjecte & brutale de nos valets, par 1'excès de leurs imprudences. S'ils font dans leurs cabriolets, le train furieux avec lequel ils font rouler cette voiture traitrtffe, renverfe, écrafe Ie malheureux cltoyen qui to'a pas afTez d'agilité pour s'y dérober, & fouvent privé une malheureufe familie du foutien le plus effende! a fon exifience. S'ils font a pied, on les voit armés de maffues groffieres, ou de batons ferrés d'e'. fées, lances ou haches-a-marteau, dont 1'ufage meurtrier dépend d'une pointe de vin, ou du plus léger mouvement de colere fi facile a exciter dans des êtres auffi dépourvus de principes d'honneur & d'humanité, que remplis de fanfaronade & de lacheté: De forte que  Janv., Fev., Mars. 1783. 2*1 que Paris maintenant a plutót Pair d'un camp de Scythes que d'une ville poücée, oii la vie d'un citoyen doit être refpectée, & dans le cas contraire vengée par la mort de celui qui y aura attenté foit direétement, même, par une fuite de fes imprudences toujours puniffables dans les deux caf, Sans ofer entreprendre la trifte énumération des accidents occafionnés par les funeftes cabriolets, dont le nombre s'eft fi confidérablement multiplié depuis que les Greluchons & les Coiffeurs de nos Dames en font leurs voitures favorites, je ne puis me difpenfer de vous en citer un dont les circonftances font tragi-comiques. ii eft arrivé, jeudi dernier, dans la rue Mélée. Un de ces faquins du bel air, qui fans doute couroit ce matin-la les ruelles de fes catins, étoit defcendu chez la B. . . Son Jockey, ennuyé probablement d'attendre fon maltre , s'amufoit avec quelques petits Savoyards du coin voifin, dont il avoit été camarade; pendant ce tems la paffe un vigilant Efcroc, qui vsyant un fort joli cabriolet feul dans la rue, trouva fort commode de s'en emparer; & de fuite il y monte, prend les guides & fouette fans pitié. Le cfaeval part, & fe fent telleraent preffé , qu'il  222 Nouv. Biblioth. Belgiqüb. qu'il brüle le pavé. Une malheureufe fille fe trouvant fur fon paffage & n'étant pas avertie a tems, en eft cuibutée & tuée fur Ja p'ace. Ce fpeétacle excite 1'indignation & la pitié de quelques pafTants; ils pourfuive t Ia voiture, avertiffjnt Ia garde, & parviennent a Ia faire arrêter. On a faifi & emprifonné 1'efcroc-affaffin, mais quand vien;dra 1'exemple qu'on devroic en faire rur le lieu même de fes délits ? Peut-être jamais: & votia d'oit nait Ia multip'icité de ce: attentats dont les citoyens font fi fouvent les victimes. On a tant fait de contes fur 1'adrefTe ou J'effr^nterie des fripons, qu'on s'imagine toujours Être au bout du rouleau fur ce chapitre. Vous verrez par Ie trait fuivant, qu'il s'en faut que la matière foit épuifée : vous verrez que Ja cupidité fait donner afTez de valeur aux chofes les plus communes , pour infpirer 1'audace la plus déterminée dans les circonftances oü 1'on veut fe les approprier. Cinq garcons plombiers fe font pris de belle paffion pour les plombs d'une maifoa fituée cu!-de ;ac S. Hyacinte, prés ia rue de la üourdiere. En conféquence, ils s'y font tranfportés vendredi matin vers les 10 heures, munis d'nne petite charrettc, d'ou- tils  Janv., Fev., Mars. 1783. 223- tils & d'échelles, & fe font préfentés au principal locataite de la maifon, comme envoyés par le propriétaire qu'ils ont nommé, pour réparer les plombs de la couverture. Cette miffion n'ayant rien , en apparence , que de trés ordinaire, on les a laiffé grim-. per fur les troits & prendre toutes leurs dimenfions a leur aife; mais a la vue des parties faines & entieres qu'ils mettoient dans leur voiture, on fufpe&e leur fidélité. Le principal locataire étant prévenu de ce qui fe pafföit, a fait courir chez le propriétaire pour favoir fi véritablement il avoit envoyé ces ouviiers. Sur la réponfe négative, on a fait avertir la garde, qui, s'étant mife en embufcade au bout de 1'ifTue du cul-de-fac, a faifi comme au trébuchet les cinq gaillards , qui s'en alloient triomphants avec leur butin. On les a menottés & conduits en prifon, & durant le chemin ils fe confoloient fort tranquillement, en difant entr'eux: Au moins ne nous pendra t-trt pas pour cela. N°. 4. Le 20 Janvier. Si vous êtes curieux de connoïtre a fond 1'encyclopédie cuifiniere des Francois, Iifex Yhiflti.  22 A NOÜV. BlBLIÓTH. BêLGIQUÈ'. Yhiftoire de leur vit privée par M. le Grand WA'jfii: Vous trouverez de fava'tiffimes diileuations fur tout ce qui tient i notre économie animale; force anecdotes fur la Cour & fur la ville ; vous y verrez qu'uné ceitaine Reine de Navarre aimoit beaucoup le« cervelats d'ênes ( oui, M., les cervelats d'anes!) qu'elle donnoit toujours la preférence aux plus gros (cela va fans dire;) qu'elle aimoit ceux qui étoient fucculents (S. M. Navarroife étoit un peu fur fa bouche a ce qu'il paroit;) de plus, vous faurez que du rems du Chancelier Duprat on mangeoit des anons dans les meilleurs repas (on voit fouvent des ênes dans les nótres, mais ceux-ci ne fe laiffent pas manger, au contraire.) L'auteur qui eft un puits de feience nous apprend qu'au tems jadis il y avoit des feftins oü 1'on ne fervoit que des cochons, que ces repas étoient nommés baconiques, du vieux mot Bacon qui fignifie Perc. A propos de cochons, les Efpagnols (dit 1'Auteur) regardent les glands omme un mets ciéiicieux & en let vent fur leurst-. tables au deffeit, aprcs les avoir fait cuire fous la cendie (je ne vois la rien d'extraordinaire; la feule différence qui me frappe entre les efpagnois & les cochons , c'eft que ceux-ci mangent, les. gl3iids tels . qu'ils les" trou*  Janv., Fav.} Mars. 1783^ 225- trouvent.) L'hijioire de la vie privée desfrantois contient des fecrets merveilleux & inconcevables pour prendre du poiffon fanj filets, du gibier fans poudre ni plomb; c'eft Je pitit & le grand Aïbert (il me femble entendre ce charlatan qui tiroit les dents fans douleur,) je foupconne 1'auteur d'être de quelque coin de la Gafcogne, car il prêche beaucoup pour les ckapons de ce pays la (1'ail) Savez vous pourquoi Louis XIII fut furnommé le jufte ? c'eft parcequ'il étoit jufte au moins quand il tiroit de 1'arquebufe ( a ). •Je ne vous garantis pas que vous trouviez dans tout le courant de 1'ouvrage des beautés aufli faillances; vouspouvez jugerdefon utilité & de fon mérite par ce que je vrens de vous en dire : Nous aurons l'honneur dt vous donner dans quelque tems l'Extrait d§s anciennes mceurs des Frangois, quant a l'ba* lillement, a la coëjfure &c. £jfc nouvelle produüion qui fervira de fuite a celle-ci, 6? qui eJl retardée par l'indifpofition de 1'Auteur. Quand vous voudrez parler commencez pat vous taire, difoit quelqu'un è un bavard qui J'en- ( a) Ce Roi étoit effeftivement trés adroit ï cet exercice. Tornt IV. Part. i. P  22Ö,N0UV. BlBLIOTH, BsLGIQUE. 1'ennuyoit! c'eft un confeil qu'on auroit de donner a 1'auteur du Tableau naturel des rapports qui exiflent entre Dieu, 1'homme & l'u. nivers: 11 auroit très-bien fait d'épargner au public le détail de fes rêveries métaphyfiques dont la lecture feche & faflidieufe ne laifTe que Ie regret d'avoir perdu un tems qui auroit pu être employé plus utiiement. Quelques difcuffions fur Ia langue hébraïque, des differtations a perte de vue fur les caufes du bien & du mal moral; un enchainement d'idées découfues, des penfées neuves que tout le monde fait; des calculs auxquels Ie plus fameux algébrifte n'entendroit rien, tels font en gér.éral les matériaux fur lesquels 1'anonyme a voulu élever 1'édifice de cette emphatique production. Une des merveilles de notre efpece étoit donc réfervée au dix-huitieme fiècle ! Nous poffédons dans' cette capitale, un jeune homme, beau & bien fait, dont Torgane incomparable réalife tous ces dons enchanteurs que 1'Antiquité s'eft plu a donner a fes Orphées. Sans la plus légere notion de mufique, il chante avec autant de justeffe que de précifion & de goüt, les airs & même les partitions les plus compliquées, donnant a fa voix toutes les modifications dont la taille & la haute-contre font fufcepti- bles.  jAtiv.3 Fev.y Mars. 17H3. 227 bles. Son oreille eft d'une mémoire fi fcrupuleufe, foit pour la partie de l'accompagnement ou de la mélodie, que Mrs Gretri, Piccini & autres Virtuofes, ont non feulement jugé que Ia mufique lui feroit inutile , mais encore qu'elle pourroit altérer fes dons naturels. Son organe mufical eft fi merveilleufement combiné, qu'après avoir entendu deux ou trois fois feulemenc des fceses entieres d'Opéra, elles fe trouvent fi bien écrites dans fa tête, qu'il les répete auffi facilement que Ie muficien Ie plus con-* fommé les pourroit lire fur la mufique même. Quoique toutes les voix lui foient familieres, la haute-contre eft fa dominante; elle eft telle que le Gros, qui paiToit pour une des plus belles voix naturelles de 1'fiurope, ne paroïc plus fupportable a ceux qui ont entendu ce nouvel Apollon. Doué des charmes de la jeunefTe, il fait 1'engouement de la ville & de la Cour. Sur Ie rapport que quelques Seigneurs en firent a Ia Reine ces jours paifés, cette Princeffe, qui aime les talens & fe plalc a les fêter, defira 1'entendre & lui fit dépêchsr famedi dernier une voiture a 4 chevaux dans Iaquelle il fe rendlt chez Mad. la Duchefie de Polignac oü S. M. fe trouva. Cet affaut fut pénible pour la timidité du jeune chanteur; mais P 2 ras-  aa8 NoüV. Biblioth. Belgiqüe. raffuré par Vamabilité de cette augufte Princefle, il recut de S. M. les marqués les plus flatteufes de fa munificence, & plus que tout cela, les applaudifiemens les plus honorables. Des talens fi généralement admirés & enviés font pourtant le malheur du pere de ce jeune homme. Il voit avec amertume que cet enfant prodigue, déferteur de Ia maifon paternelle, s'aveugle fur fon exiftence, & qu'il préfere ètre 1'hiftrion de la Sociéfé qui le corrompt, tandis qu'il pour. loit y tenir un rang eftimable en y profeffant I'état utile & honnête d'Avocat, que fon pere exerce a Bordeaux & dans lequel M. Garat fon oncle, tout philofophe qu'il eft; fe diftingue a Paris. Les Pointilleurs, dont le nombre eft fi grand dans cette capitale, cherctient tous les moyens d'égayer leur trifte infuffifance. A les entendre, Mrs. 'es Bourgeois de Lille en Flandre, font les plus malins ou les plus fots provinciaux du fiècle. Dans le compte qu'un d'eux a rendu, dans le journal de Paris, des honneurs qu'on a décernés a M. Gretri, lors de fon pafiage, il cite au nombre des morceaux de mufique qu'on a choifis pour honorer la préfence de ce charmant Artifte, tous ceux qui précifémenc ont le moins d'analogie avec les vrais talens de ce mufi-  Jan., Fev., Mars. 1783. 229 muficien, & qui ont le moins ajouté a fa réputatfon. C'eft un défaut de goüt fans doute, mais a coup fur, ce n'eft point une méchanceté. Les Angbis, plus connoifleurs, viennent de faire traduire Zémire & Azor, & font de cette mufique charmante les délaffements de leurs débats parlementaires. Quelque vraie que paroiffe être 1'obfervation d'un homme fenfé , a qui j'entendois dire ces jours-ci, qu'a mefure que le théatre anglois fe civilifoit, le nótre fembloit devenir barbare, il eft certain pourtant que les fujets dont nous nous y enrichiffons, éprouvent fur notre fcene une métamorphofe fort avantageufe. Lifez Shakefpear, & courez aux Francois voir la piece nouvelle de M. Ducis. Tous deux ont traité le même trait hiftorique du Roi Lear: mais fi ie poëte anglois n'a 'fait de fon héros qu'un infenfé, toujours dans les excès de la démence ou de la fureur, combien devient-il plus intéreffant fous la plume de fon imitateur? c'eft un bon Roi, c'eft un bon pere; c'eft un homme imprudent, mais malneureux & tendre. Que de larmes fes diverfes & touchantes fituations arrachent aux cceurs dont la nature n'elt pas entierement bannie! C'eft une remarque honorable pour M. Ducis, que dans les différens fujets qu'il a traités, P 3 les  a^o Nouv. Biblioth. Belgiqüe. les fentimens paternels y font exprimés de la manière Ia plus énergique & Ia plus fublime. On peut fe reffouvenir de 1'efFet étonnant qu'a produit & produira toujours Mmtagu dans Roméo £«? Juliete : Le bon Roi Léar méritoit & a recu le même fuccès & les mêmes témoignages d'une approbation univerfelle. L'embelliffement & Ia falubrité de cette capitale font defirer depuis longtems Ia deftruotion de ces vilaines mafures qui fubfiftent depuis des lïècles fur différens ponts; il faut croire que les accidens qu'elles occafionnent détermineront un Gouvernement auffi paternel que Ie nótre a rafer ces tanieres oü féjournent Ia vermine & tous les germes de la coatagion. M. Rameau deuxieme fucceffeur du Notaire de la place des vi&oiret, qu'une réfolution fatale porta, Fannée derniere, i fe couper Ia gorge, étoit allé , jeudi dernier, avec deux c'ercs & un huiffier prifeur, pour faire 1'inventaire d'un menuifier demeurant fur le Pont-marie. La féance devoit fe faire dans une petite falie donnant fur Ia riviere; mais a peine y furent ils entrés, que le plancher s'abima fous eux, & qu'ils furent précipités dans Ia Seine. L'huifïïer prifeur eut le hafard de tomber dans 1'eau, & fut auflitöt pêché par un char-  Janv., Fet., Mars. 1783. 231 charbonnier. M. Rameau moins heureux, tomba fur un bateau & fe caffa la cuiffe.; l"un de fes clercs .tüt le même fort. ■No. 5- Le 19 Fevrier. M. de la Reyniere Sis du Fermier général de ce nom, a donné dernierement un fouper célebre par fa fingularité. La forme & ia formule des Billets d'invitation étoient. celles des Billets d'enterrement. Comme U eft originaire de Provence & parent d'un chaircuitier, il annoncoit que 1'huile & le cochon ne manqueroient pas (ce font fes termes.) En effet on dit qu'entre 17 fervices, il y en a eu un tout entier qui a parfaitement juftifié 1'annonce. Les convives ont fait fpeftacle fur la fin du feftin , Ie Public a été introduit, &a circulé autour d'une baluftrade qui environnoit Ia table. On a diftribué aux amateurs les fuperbes délsris de ce fuperbe feftin. M. de la Reyniere a fini par les prier de publier ce qu'ils venoient de voir. Comme toute fingularité a ordinairement un motif, on prétend que celle-ci a eu pour objet d'humilier Ja hauteur de Mad. de la P 4 Rey-  «3* Nouv. Biblioth. Belgiqüb. Reyniere, mere de 1'hóte fingulier. J'ou» bliois de vous dire qu'il n'y avoit pas un feul des convives qui ne fut un bon roturier. Le Chevalier Gluck qu'on nous annonCoit ne viendra pas. II a demandé I2,coo liv. pour fa mufique des Danaïdes. Opera de M. le Baron de Tfchoudi: on a prétendu 1'effayer avant de compter Ia fomme. M. le ïaron du. Rollet, chargé dans cette partie des affaires de M. Gluck a Paris, après avoir répondu au Comité comme il le devoit, a retiré la partition, & peut être ferons nous privés du plus bel Opéra qu'on ait encore vü au théitre, paroles & mufique- L'Opéra, Bacchus & 1'Amour viennent de. perdre une ds leurs plus fameufés prêtreiTes, en la Dlle la Guerre. Née dans Ia derniere claffe de la Société, cette fille célébre en a confervé les gouts & les défauts dans Ia profpérité: Jureufe , Buveufe &c. &c. Que peut-on penfer des hommes qu'elle a ruines, dépouillés & chaffés? (J Tempora! óMores! E'le avoit des .talens, fa figure étoit intéreffante, fa voix douce & fonore: elle a joué quelques róles, tels qa'Euridice & Ijthigénie, avec applaudiflement. L'intelligence avec laquelle elle rendoit certaines f&enes, ne laiffoit nul doute qu'elle n'eflt  Janv., Fev., Mars. 1783^33 pft devenir un fujet précieux 4 1'Académie de Mufique & au public. Mlle la Guerre avoit fait un feul enfant. Elle étoit trop au deffus des foiblelfes de 1'humanité pour s'en occuper plus que de fon pere & de fa mère: le premier vendoit des cantiques dans les carrefours; 1'autre alloit offrant dans les promenades le plaifir des Dames (a), métier dans lequel il s'en falloit bien qu'elle fe füt enrichie comme fa fille enfe livrant au but oppofé. Le fort qui a entevé dès 1'age de 28 ans, Mlle ia Guerre , a la carrière qu'elle parcouroit fi glorieufement & la loi qui donne fa fuccesfjon a ces pauvres diables bien étonnés d'être fi riches, les dédomage de 1'infouciance de leur fille a leur égard; mais la dtftinée du malheureux enfant eft auffi incertaine que le pere auquel il doit ie facheux préYent de 1'exiftence. Notre bonne ville de Paris eft toujours le théatre de quelques aventures plus ou moins tragiques, dont malheureufement gémit tout feul 1'homme privé qai ne peut n rien ( a ) C'eft fous ce nom que les marchandt d*oublies ou de Croquet annoncent leur marchandife, p 5  234 Nouv. Eiblioth. Bèlgique. rien. Dans 1'efpace d'une huitaine, j'en aurois dix au moins a vous citer. Combien en outre demeurent enfevelies dans l'obfcurité? Ces jours paffés, une de ces dévergondées du Port au bied, furieufe d'yvrefle, excitoit par des propos un bomme qui paffoit; ie malheureux s'en approche, elle lui plonge un couteau dans le ventre. C'eft, dit-on froidement, 1'effet du vin. Mais fi 1'on pardonne tout au vin , pourquoi ne pas arrêter le mal 3 fa fource, en défendant ces abominables tavernes, qui regnent le long de ce port, & qui fervent de refuge i tout ce que la Capitale a de canaille plus vile & plus crapuleufe? J'approuve fort que 1'on compatiffe è Ia fragilité bumaine, mais je voudrois que ce foit avec difcernement, & que tel qui paffa fa vie dans Ia crapule & dans Ia débauche, ne participe point aux mêmes graees que 1'homme de bien qui faillit une fois. Une autre de ces filles perdues avoit diftribuf5 des coups de couteau a des curieux qui 1'entouroientlorfqu'on I'emmenoit en prifon pour quelques coups de main. Au bout de quatre mois/nous I'avons vü fubir une punit.on nulle pour qui eft devenu indifférent ilmfamte: on l'a mife, ces jours ci, aucarcan avec un écrifeau portant cette in- fcrip-  Janv.,Fev., Mars. 1783. 235* fcription : Violente a coups de couteau. Et après un féjcur de quelques années dans unemaifon de force, elle aura la liberté de rentrer dans la fociété, & d'y repouveller fi bon lui femble, fes proueffes en tout genre. N°. 6. Le 26 Temer. On a trouvé dans les papiers de feue Mad. du Deffant, un portrait de la Ducheffe du Maine, fait par Mad. de Staal (cette femme célebre & galante qui répondit a celui qui lui demandoit comment elle fe peindroit el. le-même dans fes Mémoires, en parlant de fes amours : Je ne me peindrai qu'en hufle.) Ce portrait, par fucceflion, eft tombé entre les mains de M. le Duc D*** qui en a donné copie, fous parole'd'honneur qu'on ne le feroit point imprimer: on me l'a communiqué fous la même condition ; je vous en fais préfent avec la même réferve, pour 1'acquit de ma confcience. Vous pourrez Ja diftribuer en faifant pareille rrftriction , & fans que perfonne ait rien i fe reprocher , ce  23<5 Nouv. Biblioth. Belgique. ce portrait fera auffi public qu'il mérite de 1'êcre. Portrait de Mad. la Duchejfe duM... par Mad. de Staal. Mad. la Ducheffe du Af..., a 1'age de foixante ans, n'a encore rien acquis parl'expénence: c'eft un enfant de beaucoup d'efprit; elle en a fes défauts & les agrémens Cutieufe & crédule, elle a voulu s'inftruirê de toutes les connoiffances, mais elle s'eft contentée de leur fuperficie. Les décifions de ceux qui Tont élevée font devenues pour elle des principes & des regies, fur lesquels fon efprit n'a jamais formé le moindre doute; elle s'eft foumife une fois pour toutes. Sa provifion d'idées eft faite; elle rejettoit les vérités les mieux démontrées & réfifteroit aux meilleurs raifonnemens, s'ils contraiioient les premiers impreffions qu'elles a recues. Tout examen eft impoffible i fa Jégereté; & le doute eft un état que ne peut fupporter fa foiblefie. Son catéchisme & Ia Philofophie de Des. cartes font deux fyftêmes qu'elle entend éealement bien & dans lerqueis ene perfift^a juf=  Janv., Fbv.,Mars. 1783^ jufqu'a la mort, Son amour-propre quoiqu'exceffif n'a cependant fait de chemin qu» celui qu'on lui a fait faire. L'idée qu'elle a d'elle-même eft un préjugé qu'elle a reen comme toutes fes autres opinions. El e croit en elle de Ia même manière quelle croit en Dieu & en Defcartes, fans examen & fans difcuffion: fon miroir n'a ptt I'entretenir dms Ie moindre doute fur les agrémens de fa figure. Le témoignage de fes yeux lui eft plus fufpeft que le jugement de ceux qui dntdécidé qu'elle étoit belle & bienfaite (e). Sa vanité eft d'un genre fingulier, mais il femble qu'elle foit moins choquante, parcequ'elle n'eft pas réfléchie, quoiqu'en effec elle en foit plus abfurde. Son commerce eft un efclavage, fatyrannie eft a découvert; elle ne daigne pas Ia colorer des apparences de 1'amitié; elle die ingénument qu'elle a Ie malheur de ne pouvoir fe pafTer des chofes dont elle ne fe Posde point; effeftivement elle le prouve. On la voit apprendre avec indifférence la mort de ceux qui lui faifoient verfer les Iarmes, lorf- (a) Vous n'ignoreü pas, M., que Mad., du Maine étoit laide & boffue.  238 Nouv. Biblioth. Belgiqtje. lorfqu'ils fe rendoient trop tard a une partie de jeu ou de promenade. On ne peut point fe faire d'illufion avec elle; fa franchife, ou pour parler plus jufte, Ie peu d'égards qu'elle a pour tout le monde fait qu'elie ne diffimule aucun de fes mouvemens & qu'elie ne réprime aucun de fes caprices. Elle a fait dire a une perfonne de beaucoup d'efprit.que les Princes étoient dans la morale ce que les JMonftres font dans la phyfique: on voit en eux a découvert les replis de la vanité & la plupart des vices qui font prefqu'imperceptibles chez les autres hommes. Son humeur eft impétueufe & inégale; elle fe courrouce & s'afflige, s'emporte & s'appaife vingt fois en un quart-d'heure. Souvent elle fort de la plus profonde trifteffe par des accès de ga!té oü elle devienc fort aimable. Sa plaifanterie eftnoble, vive & légere. Sa mémoire eft prodigieufe; elle parle avec éloquence, mais avec trop de véhémence & de prolixité. On n'a point de converfation avec elle: elle ne fe foucie point d'êjre entendue; il lui fuffic d être écoutée. Aufll n'a-t'elle aucune connoiffance de l'efprit, des talens, des défauts & des lidicules de ceux qui 1'environnent. On a dit  Janv., Fev., Mars. 1783. 239 dit d'elle qu'elle n'étoit point fortie de chez elle & qu'elle n'avoit pas même mis la tête a la fenêtre (a)- Ellé a paffé fa vie a raffembler des plaifirs & des amufemens de tout genre. Elle n'épargnoit ni foins pi dépenfes pour rendre fa cour agréable & brillante: enfin Mad. la Ducheffe du M. . . . eft faite pour que 1'on dife d'elle, fans bleffer la vérité, beaucoup de bien & beaucoup de mal. Elle a de la hauteur fans fierté, le goüt de la dépenfe fans générofifé, de !a Religion fans piété, une grande opinion d'elle-même fans mépris pour les autres , beaucoup de connoif-. fance fans aucun favoir, & tous les empreffemens de Tamitié fans en avoir les fentimens. Voila, M., comme Mad. di Stoz/apeint ou plutót jugé Mad, du M. . . . . On voit bien que c'eft une femme d'efprit qui parle d'une autre, mais le portrait paroit frappant de reffemblance, quelque foit Ie motif qui 1'aie fait faire. (a) On prétend en effet qu'un jour fur ce qu'on lui difoit que les payfans n'avoient point de pain, elle s'écria de bonne foi: Eh Men, qu'ils mangent de la Brioche,   NOUVELLE BIBLIOTHEQUE BELGIQUE. Tome Quatrieme, Seconde Partie. Pour les mois de A V R I L, M A I, JUIN, MDCCLXXXIII. A LA H AT È, *j Chez C. PLAAT, Libraire dans le Hoflïraat. MDCCLXXXIII   T A B L E DES ARTICLES. Art. Pao. I. Recueil Philologique et TipOLOG. de DüISbourg. ..... 24x II. Observations sur deux Aurores Boréales. . 263 III. Histoire des Provinces Unies. .... 375 iv. essai sur la physiogno- monie , par M. Lavater. Tom II. . , . . . 292, v. dlssertation sur la hau- teur des montagnes mesurable au moyen du Baromètre. . . 362 * % VI. Pao-  iv TABLE des ARTICLES. Art. Pag. VI. Programme et Prospectus - 386 VII. Poësies Latines . . 412 VIII. nouvelles LlTTÉRAIRES. 4i4 IX. réflexions sur la Litt é r at ure (tirées du Journal Helvetique.') . 433 X. Correspondance Secre- te de Paris. . . . 462 XI. Additions. . . . . 513 NOU-  NOUVELLE BIBLIOTH EQUË BELGIQUE. POUR LES MOIS iïAvril, Mat, Juin. MDCCLXXXIII ARTICLE PREMIER. Museum Duisburgense conftruüum d Jo. Petro Berg. Tomi I. Pars Prima. C'eft-a-dirë, Cabinet oü Recueil fait A Duisbourg par J. P. Berg , Profejjeur en Théologie, Hiftoire Eccléfiaftique fcf Langues Oriëntales> dans FUniverfitè de cette Ville. fomë I. i. Partie, a la Haye & a Duisbourg, aux fraix de C. Plaat 17 83* Prix f ï - 5 • o tornt IV. Paft, 2. q. Ce!  241 Nouv. Biblioth. Belgioue; Ce Mufeum Duisburgenfe eft la continuation du Mufeum Haganum de Mr. le Profeffeur Barkey. Dans le Tomé i«- de notre Bibliotbeque nous avons rendu compte de la feconde partie du Tome 4. de cet utile Recueil. Le digne Profeffeur y avertiffoit le public, qu'obligé par fon age & fes infirmités a fc donner du repos, il fe propofoit cependant de publier encore deux volumes, de concert avec un favant qu'il ne jugea pas a propos de nommer. Nous apprenons ici que cet affocié eft Mr. le Profeffeur Berg, gendre de Mr. Barkey, & qu'il s'eft chargé feul de la continuation de 1'ouvrage, fous un titre nouveau, qui cependant ne changera rien è fa nature. Le but de Mr. B. eft, comme il le dit dans fa Préface, de recueillir & de rendre d'un ufage plus général des productions peu volumineufes de favans hommes, compofées a certaines occafions, & publiées fous le titre de Differtations, Harangues, Traités, Discours introductoires &c.; lorfque ces ouvrages n'auront pas été affez generfllement répandus, ou fe-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 243 feront devenus rares, & que par la nature du fujet, ou par la manière de le traiter, ils mériteroient de trouver plus de küeurs; on fe bornera cependant & des morceaux Thédlogiques, & è ceux qui y auront quelque rapport; comme des pieces Pbilologiques, Critiques, Historiques, ou Philofophiques. Le Profeffeur Berg fe propoie, encore a 1'exem^ ple de Mr. Barkey > d'accompagner de notes les pieces qu'il recueiilira , lorsque ces notes pourront être utiles & il aura foin de les diftinguer de celles qui appartiennent k chaque ouvrage. Ce n'eft pas qu'il ait intention de faire l'Ariftarque mal a propos, aü contraire il fe dêclare ennemi de ces Critiques $ qui ne Iouent & n'approuvent que ce qui s'accorde parfaitement avec leurs opini. ons, cenfurant & décriant tout ce qui s'en écarté. „ Je fuis", dit il, u fi' „ éloigné de les imiter, que fi mesAu.; „ teurs penfoiënt les mêmes chofes & de la même manière que moi, je ne prendrois pas la peine de raiTembler 3j leurs ouvrages; & je fuis perfuadé que Q 2 j5 rnel  244 Nouv. Bibmoth. Belgique. „ mes leéceurs feroient également peu dispofés a lire ce qui feroit en tout con„ forme a leurs propres opinions". Cette manière de penfer annonce un digne fucceffeur du Profeffeur Barkey, qui s'eft diftingué fi conftamment par un esprit judicieux & libre de préjugés, par fes principes de tolérance & en même tems fon zele pour la vérité & la Religion. Les pieces qui compofent ce volume font au nombre de quatre. La première eft du célebre Profeffeur Ernefti & parut è Leipfic en 1774, fous le titre de Summa Religionis Cbrifti ab ipfo tradita Joh: VI. C'eft un commentaire trés favant & judicieux fur le Chap. 6. de 1'Evangile felon St. Jean. Le Sauveur y expofe aux Juifs la nature de fa Religion fous des expreffions extrêmement figurées, dont 1'Auteur explique de la manière la plus fatisfaifante 1'occafion, le but & le fens littéral. Cette piece, dont le mérite conilfte dans fon enfemble, eft par conféquent peu fusceptible d'extraic. Nous  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 245 Nous en difbns autant de la fecoi>de Differtation qui a pour Auteur Mr. Jo. Gottlob Nimptfcb, imprimée a Leipfic en 1720 fous le titre s.nu» ©w, ou des Apparitions des Dieux: pour 1'explication de plufieurs palTages du N. T. Mr. N. a raffemblé ce qu'on trouve iur ce fujet dans les Auteur facrés & prof*, nes; compilation", dit Mr. Berg lui même, „ qui, par le foin avec lequel „ elle a été faite, 1'ordre & la méthode qui y regnent doit être regardée com„ me fort fupérieure a ce que d'autres ,, ont écrit fur la même matière. On „ y trouve", continue le Rédacteur, des chofes affez légérement avancées, ,, plufieurs du moins dont je ne garanti» „ rois pss la vérité, & préfentées d'une „ facon qui a pu plaire è beaucoup de t, perfonnes dans Ie tems oü 1'Auteur a „ écrit, mais qui ne fera pas générale„ ment goutée aujourd'hui. Cette Dis„ fertation a paru a Leipfic en 1720. „ Elle fut recue avec applaudiffement; ,, enfuite elle eft devenuerare, & m'a „ paru mériter une réimpreffion." Q3 Nous  %/^6 Nouv. Bïblioth. Belgiqub. Nous allons nous étendre un peu d'avantage fur la troifierne DilTertation qui a pour fujet l'Auteur fcf le Moyen de la destruElion de l'armée des AJJyriens du tems d'Ezicbias Roi de Juda. Elle eft de J. P. Heinius & a été imprimée a Berlin ea 1761. Ce trait d'hiftoire eft rapporté en trés peu de mots 2 Rois XIX: 3 & Efaïe XXX V11: 36 , dans les mêmes termes: un Ange de l'Eternel fortit tua cent quatre vingt cinq mille hommes au camp des Asjyriens; & quand on fe fut levé de bon matin, voila c'étoit tous des corps morts. 1'Auteur du 2e livre des Chroniques dit fimplement, que VEternel envoya un, Ange qui extermina entierement tous les hommes forts 6? vaillans, & les Cbefs les Capitaines qui étoient au camp du Roi des AJJyriens. Mr. Heine di vife fa DilTertation en deux parties. Dans la première il fe propofe de re«tierelier le genre de mort qui fit périrles Affyriens. II y a fur ce fujet Une fi grande diverlité de fentimens parmi les interpreten, que quelques uns ont mieux aimé  d Avril, Mai, Juin. 1783. 247 aimé avouerleur ignorance que de s'abandonner a de vaines conjeétures. Mr. H. penfe difFéremment. II entreprend d'examiner les principaux fentimens, & d'appuyer de bonnes preuves celüi qu'il croit devoir adopter. Le premier qu'il foumet a fa critique, eft celui du célebre commentateur d'Efaïe. Selon Vitringa les Affyriens périrent par une furieule tempête, accompagnée d'une grolTe grêle, d'éclairs & de foudre. La principale raifon qui éloigne notre Auteur de ce fentiment, c'eft que du recit d'Efaïe & du livre desRors il faut conclure que les AiTyriens,piongés dans un profond fommeil, ne s'appercurent point du fleau qui avoit occafionné de fi grands ravages; qu»è leur réveil ils furent frappés d'horrcur en voyant les corps d'un grand nombre de leurs compagnons privés de la vie. Et quand on fe fut levé de bon matin, voita c'êtoit tous des corps morts. II eft difficile a comprendre qu'ils n'euffent pas été réveillés, par 1'affreufe lueur des éclairs, Q 4 les  L 248 Nouv. Biblioth. Belgioue. les éclats du tonnerre, & le bruit d'une fi groiTe grêle. Le fecond fentiment examiné par 1'Auteur, qui a été adopté par 1'Hiftorien Jofephe, (en quoi il a été fuivi par des Commentateurs modernes d'un grand nom) c'eft que les AiTyriens furent confumés par une maladie peftilentielle. Vitringa a objeélé contre cette folution le court espace d'une nuit, clairement indiqué dans le texte, il n'eft pas probable que la pefte la plus violente puifle faire un tel ravage, en fi peu de tems. Cette difficulté ne peut-étre levée qu'en fuppofant une forte de pefte inconnue, & tout a fait extraordinaire. Mr. Heine ajoute que quelque fubtil & prompt qu'eut pu être le venin d'une telle pefte, plle auroit excité plus de bruit, de gérniiTemens, de clameurs, que Ie texte ne permet de fuppofer. Une troifieme folution attrihue la caufe de la mort des AiTyriens a un vent étoufFant & peftilentiel, qui tue en un inftant, & fait fouvent de grands ravages dans les pays Orientaux. C'eft le fcnti-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 249 fentiment de Prideaux qui a été adopté enfuite par d'autres Commentateurs; ma» comme ils n'en ont parlé qu'occafion* nellement & en paflant, M. H. qui eft entré tout a fait dans cette idéé, s'attache a la développer & a 1'étayer de nouveaux argumens. II eft parlé plus d'une fois de ce vent dans 1'Ecriture. Gen. X LI: 6. il eft nommé vent d'Orient, paree qu'il fouffle o> dinairement de ce point de 1'horifon ; dans Efaïe XXVII: 8. il eft appellé un vent rude; dans Jéremie IV: 10. un vent brulant; & dans Jonas IV: 8, un vent oriental qu'on n'appercevoit point. Tous les Voyageurs qui ont parcouru ces Régions n'ont pas manqué d'en faire mention. Les Arabes donnentdeux noms k ce vent. Celui qui fouffle le jour eft nommé Samüm du verbe Somma, il verfe le poifon. Celui qui fouffle la nuit eft appellé Cbarür du verbe Cbarra, il a brulé. II eft connu dans la Méfopotamie fous le nom de Sammiel ou vent peftilentiel, dans 1'Arménie & la Perfe fous celui de Bidifamur: en voici les caufes naturelles. Q 5 Dans  t$« Nouvr. Biblioth. Belgi^üe. Dans tous ces psys les rayons du Soleil ont en Eté une chaleur violente. Le Ciel y eft fans nuages & par conféquent ne donne point de pluyes pour rafraichir Fair, des mers de fable répercutent les rayons du foleil & augmentent ainfi l'embrafement, des vents violens d'Eft ou du Midi, emportant avec eux les particules ignées & les vapeurs fulfureufes, vont bruler les champs & donnent a Fair un tel dégré de malignité, que quiconque le refpire tombe mort k 1'inftant. Ce vent , dit Tbevenot, étoufte dans un moment des milliers de perfonnes, comme il arrivé fouvent a ces grandes Caravanea de Mahométans q«i vont tous les ans en péJerinage a la Mecque. Cbardin, dans fon Voyage de Perfe ,Tome 4. p. 22 en raconte quelque chofe de plus particulier encore „ ce vent" dit-il, „ eft fifflant „ avec grand bruit, rouge & enflammé >t & tue les gens qu'il frappe par une n manière d'étoufFement, furtout quand „ c'eft de jour. Son effet le plus fur„ prenant n'eft pas même la mort qu'il ^ caufe; c'eft qoe les corps qui en meu„ rent font comme dilTous, fens perdre pour-  p'Avril, Mai, Juin. 1783, 251 j, pourtant leur figure ni même leur cou„ leur, enforte qu'on diroit qu'ils ne font qu'endormis , quoiqu'ils foient morts, & que fi on les prend quelque part, la piece en demeure a la main". il le confirme par deux exemples, après quoi il continue: „ Lorsqu'on fent ce y, méchant vent, qui fe leve avec véhé« mence comme un tourbillon, il faut „ prompterrtent s'envelopper la tête, & fe jetter en terre fur !e venire, & Ia „ facë preffée contre la pouffiere jus„ qu'a ce que le tourbillon foit paffé, „ ce qu'on dit qui eft fait dans un quart „ d'heure". Les raifons, qui engagent notre Auteur k attribuer ls deftruftion des Affyliens a ce vent peftilentiel, font i°. que cette caufe paroit trés propre k produire un tel effet; objeüera t'on qu'alors toute 1'armêe auroit du être détruite? le Sommiel, répond Mr. H. n'eft fouvent qu'un tourbillon, qui ne parcourt qu'une petite p-.rtie d'un p ys, y exercant tous fes ravages, fans que les lieux voifins s'en foyent reffentis. 20. paree que cette eiplication n'eft pas fujette aux mêmes dif- ficul-  aja Nouv. Bibliot». Belgique: ficultés que ceux de Vitringa & de Jofepbe. Le tourbillon, felon Cbardin, paffe dans un quart d'heure, & étouffe les hommes en un inftant. La plus grande partie des AiTyriens en éprouvent les prompts & funeftes effets dans la nuit, lorsque 1'armée entiere eft plongée dans un profond fommeil; ceux que le terrible fleau n'a pas atteint fe réveil lent, & font faifis d'horreur en voyant le funefte fort de presque tous leurs compagnons. 3°. Enfin la manière dont cette deftruction foudaine des AiTyriens avoit été prédite, Efaïe avoit dit Ch. XXVII: 7. voici je m'en vais mettre en lui (le Roi des AiTyriens) un tel esprit, qu'ayant entendu un certain bruit, il retournera enfonpays. Selon notre Auteur on peut traduire: je dirigerai contre lui un vent, afin qu'il entende un bruit &c. Le Prophete avoit déja dit Ch: XVII: 13; II ( Affur) s'enfuira kin, il fera pourfuivi comme la bdle des mantagnes, cbajfée par le vtnt\& comme une boule poujjée par un tourbillon. Voyez encore Efaïe XXIX: 6 & XXX: 30. Quoiqu'on ne doive pas conclure, que toutes les expreffions de ces oracles dus- fent  d'Avril , Mai, Juin. 1783^ 253 fent s'accomplir 4 la lettre, & que le Prophete ne les ait fans doute accumulécs qüe pour donner des idéés plus ter. ribles du jugement de Dieu; cependant comme elles expriment toutes des phénomenes qui accompagnentplus ou moins le vent dont nous parions * il eft naturel de croire que 1'Etre Suprème y prédit non feulement la punition qu'il alloit infliger aux AiTyriens, mais qu'il en marqué encore le genre ou le moyen; & que la Prophétie a été veritablement accomplie, quoique de tous les phénomencs du Sam~ miêl, Dieu n'ait employé dans cette occaüon que ceux qui étoient néceffaires a fon delTein. Dans la Seconde Partie de fa DilTertation Mr. H. va plus loin, & entreprend de prouver que par 1'Ange de 1'Eternel, que le texte nomme comme 1'Auteur de la deftruötion des AiTyriens, il ne fauc encore entendre que la playe elle même envoyée par Ie Tout PuiiTant. L'Idée n'eft pas nouvelle; elle a déja été propolèe par Heuman dans fes Obfervations fur 1'Evang. de St. Jean Ch: V. p. au. Pour 1'appuyer & lui donner  jj4 NóüV. BlBLtOTH. BeLGIQÜE. ner queique certitude, notre Auteur produit les raifons qu'on a alléguées pour attribuer cet exploir k un fonge proprement dit, y ajoutant ce qu'on peut y répondre. I. L'Ecriture parle expreflement d'un Ange; cette raifon feroit décifive fi le terme original ne pouvoit défigner qu'un esprit intelligent, un Ange proprement dit * & n'étoit jamais employé dans nos faintes Ècriturcs que dans ce fens. Mais ce mot, pir fon étymologie, ne fignifie autre chofe qu'Envoyé, MeiTager, AmbalTadeur. Auffi eft il donné fouvent k des hommes. Les Prophetes font appellés des Anges dans Aggée I: r.3. Ce nom eftdonné a des chofes inanimées dans Ie Ps: mm 4, & dans lePs: LXXVIII: 49. les fleaux dont Dieu frappa J'Egypte font nommés des Anges ou MelTagers de maux. II. II eft fcuvent parlé dans le V: T: d'apparitions d'Anges & de grands exploits qui leur font attribués, que perfonne ne révoque en doute > la chofe eft inconteftable; mais il s'agit proprement de décider, s'il eft interveDU des Anges dans  .dIAVril, Mai, jW. 1783* *55 dans tous les fleaux, dans toutes les maladies, dans toutes les punitions que Dieu a jugé a propos d'infliger aux hommes , foit par un miracle, foit par une direo tion ordinaire de fa fage Providence; de favans hommes ont foutenu que la chofe a eu lieu fous 1'Ancien Teftament; accordons qu'au milieu d'un orage, d'une pefte, des Anges foient apparus pour annoncer la volonté de Dieu; il ne fuit pas de Ia que ce foient ces Anges qui ayent excité ces orages, cespefles, ou qui ayent dirigé ces fleaux. Tout eft arrangé dans le monde d'un manière li fage & fi parfaite, que les créatures, même les inanimêes, peuvent produire leurs efFets au tems marqué & de la manière la plus parfaite, fans aucune direöion externe comme celle des Anges. Lors donc que les caufes naturelles fuf. fifent pour remplir les deffeins de Dieu, on ne voit point k quoi ferviroit Ie Miniftere des Anges; réflexion qui ne déroge point aux opérations qui leur font expreffement aftribuées dans l'£criture.' D'ailleurs de quels moyens Dieu s'eftil fervi dans beaucoup d'occafions pour déli.  i$6 NöÜV. BlBLtoTÖi TteLGIQÜE; dêlivrer le peuple élu de la main de fes ennemis ? Rien ne lui eut été plus facile qüe d'y employer des légions d'Anges: cependant les Egyptiens ont été noyés par la mer, les Amorrhéens écrafés par la grêle; les Philiftins tués par la foudre; les Madianites par leurs propres épées; les Syriens chaffés par une frayeur fubite. L'Ecriture fournit une multitude d'exemples de ce genre, qui rendent la conformité de notre hifïoire avec eux trés probable; conformité qui cefferoit entierement fi un Ange avoit détruit les Affyriens par quelque moyen inconnu. III. Les Juifs ont été généralement dans 1'opinion, que presque tous les miracles étoient opérés par le miniftere des Anges, & fe trouvoient foumis a leur direétiom II fe peut que c'ait été 1'opinion des Juifs modernes, d'oü il ne réfuite nullement qui c/ait été le fentiment des Juifs anciens, ni que ce fentiment foit véritable. On recherche enfin i dit Mr. H. fi Dieu a excité ce fieau par un miracle, c'eft-a-dire, fi par un afte de fa volontê il  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 257 il changea dans ce moment 1'ordre de Ia nature pour exciter ce vent peftilentiel; ou bien fi fa Sage Providence 1'avoit préordonné pour exercer au tems marqué fes ravages fur les AfTyriens. Puisque 1'Ecriture fe tait, dit fagement notre Auteur, on ne fauroit rien décider fur cet Article. Faifons remarquer cependant, continue t'il, que les perfections Divines n'auroient pas brillé d'un moindre éclat, quand même cet illuftre événement n'eüt été qu'un effet de la providence ordinaire & générale de cet Ecre fuprême. Quel autre que ce grand Etre, dont 1'intelligence embraffe toutes chofes & pénêtre dans 1'avenir, auroit pu promettre cette, délivrance aux prières d'Ezéchias ? Quel autre que ce Grand Etre, qui fait tout ce qui lui plait aux Cieux & en la Terre, auroit pu accomplir cette promeffe? II n'étcit pas poffible d'afr tendre des témoignages plus fignalés da la Providence de Dieu. Le Roi & le Peuple ne pouvoient avoir plus de eertitude d'un fecours particulier & de* foins de 1'Etre Suprème envers eux. Mr. Reine, termine fa Differtatiön par Tm, IV. Part, 2. R 1'e-  as 8 Nouv. Biblioth. Belgïqub. 1'examendufameux paffagede Hérodota» Liv. 2. 14.1. que le favant Prideaux a regardé comme un recit déguifé de cette merveilleufe dêlivrance, mais que Roequei a cru rélatif è un événement différent. Notre Auteur examine les conformités & les différences, qu'il y a en» tre ce recit & notre événement, dont Ie réiuitat eft felon lui la confirmation du fentiment de Prideaux, rélativemene a ce paffage du Pere de l'Hiftoire. Tous ces raifotinemens deMr. Heine, dont nous venons de donner le précis, font appuyé d'obfervations critiques & de citations faites a propos, qui font preuve de fon érudition & de fon jugement. On ne fauroit nier, qu'il n'ait rendue trés probable la conjeöure avancée par d'autres interprêtes^ & ce qui témoigne 1'knpartiaüté du Rédifteur de ce Mufsum, c'eft qu'il n'eft pas de l'avis de Mr. Reine. Je c'oferois, dit-il, adopter cette conjecture pour plufieurs raifons, & principalement paree que je ne faurois comprendre, pourquoi ce vent brulant lequel, fi on doit s'en rapjporter a Cbardin, Niebubr, & autres Yoya-  d'Avril, Mai, Juitf. 1783. 2$p Voyageurs, n'eft p3s nuifible aux hommes ou aux animaux couchés par terre, auroit fait des ravages fi extraordinaire» parmi les Aflyriens, qui étoient probablement dans la même fituation, puist que la chofe arriva de nuit, pendant que toute 1'armée étoit plongée dans le fommeil. Mr. B. ne paroit pas avoir fait une attention fuffifante au recit de ces Voyageurs. Cbardin, que nous avons déja cité, dit expreflement: „ lors„ qu'on fent ce méchant vent il faut „ promptement s'envelopper la tête^ St fe jetter en terre fur le ventre & la ip face prejfée contre la pouffkrc jufqu'a „ ce que le tourbillon foit paffé ". II y a bien de la différence entre cette! fituation déterminée que dicte la pruden* ce, & cel ie des foldats Aflyriens couchés né<4igemment fur la terre, & livrés fans crainte au fommeil. Cette remarque fur la plus forte raifon qui partage les deux ftvans pourroit contribuer è les têünir* Ce n'eft pas que nous croydps qu'il foit effentiel de prendre parti din& cette diverfjté de fentimens. Noüs VQyons toujourS avec plaifir les efforta R 2 que  i6o Nouv. Biblioth. BélgiquS. que font des hommes judicieux & favans pour rehdre probables les conje&üres de ce genre, qu'eux mêmes ou d'autres peuvent avoir faites; elles ont une utilité particuliere dans nos controverfes contre les Incrêdules, pour montrer que certains endroits de nos faints Livres ne font pas auffi abfurdes & ridicules qu'ils aiment k les repréfenter. Dans ce cas ci il nous paroit affez indifférent k quelle des différentcs folutions on s'arrête, pourvu que la recherche dee caufes naturelles ne faffe point perdre de vue lamain puiffante qui les dirige, & que dans cette délivrance des Israëlites on rcconnoiffe, foit d'une manière médiate ou immêdiate, une direöion particuliere de la Providence de Dieu. La quatrieme & derniere DilTertation de ce Volume eft intitulée Aelios Capita, linoz Origines Ê? Hijloria, par Cbr. Erdon. Deylingius, imprimée a Leipfig en 1743- Tout le monde fait qu'Aelia Capitolina eft le nom de la nouvelle ville que 1'Empereur Adrien fit batir fur les ruines de Jérufalem, pour y établir un Colonie Romaine, dans le but de con tenir  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 261 tenir par ce moyen les Juifs toujours enclins è la révolte. Des Doéteurs de 1'Ancienne JSglife (entr'autrcs Eufebe) afin de pouvoir foutenir la fucceffion du Siege Episcopal de Jérufalem, ont ófé avancer que cette Capitale de la Judée n'avoit pas été entierement détruitê par Titus, mais que cet Empereur ec avoit laiffé fubfifter une partie, qui continua d'être habitée. Peut-être n'ont ils pas fait attention, qu'en faveur de cette fucceffion chimérique iis démentoient 1'aocompliffement de la prédidtion du Sauveur. L'Auteur met dans tout fon jour la fauffeté de cette affertion téméraire «Sc dangereuiè, en établiflant par des autorités hiftoriques la fubverfion totale de Jérufalem, & en prouvant qu'Aelia Capitolina, batie par Adrien , étoit une ville toute nouvelle, il tracé clairement fon origine, raffemble avec foin tout ce qu'il a pu trouver de fon hiftoire, & finit en obfervant que fous le regne de Conftantin, le refptét des Chrétiens pour les Saints Lieux leur fit donner le nom de Jérufalem, & la ville qui en occupoit la place, quoique celui R 3 d'Aelia  %6% Nouv.Bïblioth.Belgïqub. d'Aelia refta encore quelque tems en ufage. L'ambition des Evflques de cette ville, le fit enfin disparoitre entierement; pour faire mieux valoir les grandes prètentions qu'ils fondoient fur leur titre qu'ils prenoient d'Evêques de Jérufalem, fuccefleurs de St. Jaques, frere du Sauveur, que les anciens Syriaques appelloient le Prince des Apótres.  d'Avril, Mai, Juin. 1783* ARTICLE SECOND. Observations de Deux Aurores Boreales, vues ei la Haye le 26 27 d'Avril 1783. Pak G. VAN DER WEYDE, Plus onobferve la Nature, plus od y fait des progrès, & plus on s'appercoit qu'il eft difficile d'en pénétrer le fond, de rappeller les effets a leurs caufes fpeciales, & de comprendre 1'artifice ou le jeu de fes refforts. Les Aurores Boréales, longtems nègligées, font devenues a prefent un objet, dont les Phyficiens s'occupent, depuis qu'ils font partagés fur les cauïes de ce phénomene. Les obfervations nous ont appris, que ces Méteores font tres fouvent varier la direclion des aiguilles aimantées, & qu'ils ont beaucoup de rapport avec 1'ER 4 lec-  ?64 Nouv. Biblioth. Belgiqué. kétricité. Sans entrer dans un détail fur la nature ou fur les caufes de ce phénoroene, je ne ferai part a prefent, que des obfervations que j'ai faites de deux Aurores Boréales, les plus éclatantes que j'aie jamais vues, & qui, fuivant les Papiers Publics, ayent été obfervées auleurs. . , . Le 26 d'Avril au fair, le ciel parfeme de petits nuages, j'appercus peu après le crépuscule une lumière vers le NordOueft , je regardai cette lumière comme une commencement d'^wrore Boréale; elle formoit un are ou une bande d'une couleur blanche & jaunatre, qui s'agrandilToit continuellement, cet are prenoit naiffance, un peu au deffus de laPlanête Venus, qui étoit proche de fon couchant. II paffoit par la Conftellation de Caffiopée, & fe terminoit au Nord-Oueft. Cette lumière étoit dans le commencement tranquille & pale, mais d'une couleur affez éclatante. è 9 h 30' Cette Bande ou cet Are s'agrandiffoit, lancoit des rayons verticaux & lumineux, qui s'éleyoient jusou/au Zenith; ces jets de lumière du^ roient  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 265 roient jusqu'a 11 heures, lorsqu'ils fe disperfèrent par toute 1'étendue du ciel, depuis le couchant jusqu'a 1'orient a 60 ou 70 degr. d'élevation. a 1 h 30 Minutes, VAurore Boréale étoit foible & ceffoit delancer les rayons ou jets de lumière dont nous venons de parler. Je celfai alors d'obferver. Le Baromêtre&leThermomêtren'ont eu pendant cette apparition aucune variation, mais 1'Aiguille Aimantéea été trés agitée; fes déclinaifons ont été les fuivantes (a). k jo (0) L'Aiguille dont je fais mention lef,1 & dont les variations ont été fi grandes eft le N°. 3,dont Mr. le Profeffeur van S winden fait mention, dans fon Mémoire couronné par l'Academ. R. des Sciences a Paris fur la meilleurer fabrique des Aiguilles Aimantées, imprimé parmi les Mémoires des Savans Etrangers Tom. VIII. pag 250 & futv. Elle a été conltruite fuivant les principes de M. van SwiNDEN, & Mb. van S windem Avocat 4 la Haye, Frère du Profeffeur, de Franeker, l'a employée pour les obfervations qu'il a faites a la Haye, depuis 1'Année j 774. R 5 jus-  *€6 Nouv. Biblioth. Belgioüi: Jaiqu'au mois d'Avri! 1783- Cet obfervateor ayant enfuite quitté fa demeure a la Haye, iioh. o' o'— 20°. o'Nord-ouefL — 2. o — 190 55' ——— 4. o — 19> 5° — ■ 14. o — 20. 3 ij. o —- 20. 4 - 16. 15 — 20. 5 — 16. 45 — 20. o —— 18. 25 — 19. 58 — 28- 00 — 19. 30 — ■ 30. o — 19. 47 —1 1 40. o — I9> 11 1— 45. o — 18. 41 48. o —- 18. 5f ènh. o'. o — 19- °o . 2. — 19. 10 , 4. — 19. 15 j. — 19- 17 — 8. — 19 25 — — 9. — 19- 3° —— 13. ~ 19- jo i4. — 19. 55 . 30. — 2f. 00 il h. o. — 20. 00 De-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 267 De forte que Ia variation h été entre 20°, 5' & 18° 41' la différence eft donc de i°24'. Le 27e. d'Avril, j'appercus une Aurort Boreale qui ne cédoit en aucuae manière a la précedente, foit par ces jets de lumière, foit par fes différente» formes. Elle commencoit a paroitre, un peu après le crépufcule, en forme d'une grande bande, elle étoit alors traDquille & uniforme, dans la même région du ciel que la précédente. Cette are commenca a s'agrandir peu a peu» de- mJa remis cette Aiguille Aimantée pour con» tinuer ces mêmes obfervations, qui par lène fouffrent aucune interruption; j'obferve en* core une autre Aiguille Aimantée d'une conftruétion différente: celle-ci a été envoyée par V Academ. Eleüwale de Manheim , parmi les autres Inftrumets Météorologiques, a la Societé Médicale Météorolagique de la Haye. Cette Aiguille de Déclfnaifon m'a été remife par la Socie'é de la Haye, pour 1'obferver journellement: eUc a été tranquilie pendint cette Aurore J3o= ïéale, *  ï68 Nouv. Biblioth. Belgique. depuis 1'Oueft, jusqu'au Nord-Eft, elle avoit au dela de 50 dégr. d'êleva- tion. ; , . a 9 b. L' A. B. changea de forme, & il fe fit un petit are un peu au deffous du grand are, qui paffoit par les conftellations des Gemeaux, de Cofiiopée, Perfée, & de Cepbée. Ces bandes, lan«coient de larges jets lumineux, qui s'uniflbientau Zenith. è 9 h. 25' Le petit Are diminua. a 0 n. 20 Le grand Are s'élargit. a 9 h. 25 Les rayes ou jets devinrent plus abondants. k 9 h. 30' Le petit Are disparut. k 9 h. 35' Le nombre des jets ou rayes lumineux du grand Are continua d'augmenter. [ a 0 b- 37' J'obfervai une lumière trés forte vers 1'Occident. a 9 h. 39' Deux petits Arcs fe forrnerent fous le grand Are. k 9 h. 41' Une trés forte lumière roula le long d'un grand Are, venant du Septentrion & allant k 1'Occident. a 9 h. 4a' Les Arcs , s'uniffent & les rayes, s'augraentent encore. k 9  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 2<5

a 9 h. 4.j L'Aar. Bor. étoit foible. a 9 h. 53' Les rayes fe «épandirent, depuis 1'Horizon jusqu'au Zenith en for* me de Zig Zags, & vinrent principalement du Nord-Eft, &de 1'Occident, en s'uniffant ils formerent des torrens de lumière. a 10 h. 17' La Lumière & les jets du Sud-Oueft & du Nord-Eft, fe rependirent par toute 1'étendue du Ciel. a 10 h. 19' Je vis une forte Lumière au Nord, elle fe répandit par toute 1'étendue du Ciel, les bandes lumineufes disparurent. L'Aurore devint irréguliere. Cette irrégularité continua jusqu'a une heure après minuit, lorsqu'elle devint foible, je ceffai alors d'obferver, paree que je croiois que 1'apparition de ce Meteore finiffoit. La même Aiguille, employée dans. 1'obfervation précédente, changea de déclinaifon: elle a été. a 10 h. 12' a 19° 30/ N.O*1 17 - 19. 3j . 20 - 19 ij a 11 h. 10 - 19. 14' a 12 h. 30 - 19. 16" è 1 h. o U '19. i3  t7o Nouv. BiBttóTö. Bklgioüe. J'ai été dans 1'impoffibilité d'obfervef l'Aiguille plus fréquemment, mais il eft probable, qu'elle n'a pas été fort aguèe, d'après cet èchantillon d'obfervations. Le Baromêtre & le Thermomêtre n ont eu aucune variation. Ces Deux Aurores Boréales n ont pas été les feule s qu'on ait obfervé pendant ce mois, nous en avons eu de trés belles le 2, 7 . 12, 29 & 30 Avril, maïs elles n'ont pas été fi pompeufes que celles du aö & 27. Je n'ai pas pu remarquer, que ces Aunres Boréales, ayent été fu'vies de quelque changement dans la température derair, aü contraire elle'eft reftée chaude & fêche, il paroïtroit plutót qu'elles auront été 1'annonce d un été trés chaud , & d'une année trés fertile. Les Phyfieiens ne font nuUement d accord fur les caufes de la variation de rAieüille aimantée ; quelles, que foient leurs opinio», nous favons d'après les obfervations, que pendant l'apparition des Aurores Boréales les aêctinaifons deviennent irregulieres. Selon plufieurs Phyfieiens L' A. B, n'eft jien autre chofe  d*Avril,Mai, Jura. 1783. 871 que la matière Eleótrique, & de la ils concluent que c'eft la matière ElecM» que, qui fait varier les aiguilles. Nout n'examinerons point ici jusques oü leur» conclufions font fondées, mais on ne peut disconvenir qu'il y a des Experiences qui prouvent que le mouvement de }'Aiguille Aimantée devient pareillement irréguliere dès que le verre qui couvre la boëte oü fe trouve 1'aiguille, devient éleéhique, foit r.aturellement, foit par art, c'eft ainfi que M. Wikstrom obferva en 1751, que fon aiguille aimantée varia & changea de déclinaifon, après avoir été expofée aux rayons du goleil» & qu'elle commencoit a ofciller des qu'il touchoit le verre du doigt (a), Ce célébre Phyficienjugea delèquerElr&ricité du verre étoit la caufe de cette varktion. L'Ex- (a) Memoi'. des Savans Etranpers Tom. VIII. pag. 476. Phi'of Tranfad. N°. 480. Art. VI pag. 24*. Neue Philofophifche Abha'dtungen d^r Baierfche Akademie der Wisfenfchaften a". Eacd feite 204 und folg.  if% Nouv. Biblïoth. Belgiqué. L'Expêriencedu Profeffeur van Swwcen, fait voir qtfune Aiguille de cuivre offre le même phénomêne (a) & i'ai auffi obfervé plus d'une fois , que 1'AiguiUe étant expofée aux rayons du Soleii étoit plus agitée ou oscilloit d avantage qu'a 1'ordinaire. La Haye ce 24 Juin 1783. rai NeuePhil.Abh. der Bayerfche Akad. me 2c6 oü fe trouve la DilTertation de M. va n S w 1 k d e n. De Analogia Eleüru citatis & Magnetismi. Fra-  d*Avril, Mai, Juin. 1783. 273 Obfervatim des mêmes Aurores Boréales a Franeker en Frife. Mr. van Swinden, Profeffeur d Franeker me fit part de 1'obfervation du même phónomèue que je viens d'écrire dans une Lettre en date du 27 Juin, 1783. t'ont voici ks détails. „ L'Aurore Boréale du 26 étoit trés „ belle a dix heures ou dixheures & demie „ & format un bel are audeffus du fegment „ obfeur: il y avoit de beaux rayons qui „ partoient de celui ci; & on le voyoit „ fe mouvoir dans Ie fegment même, „ ce qui n'eft pas une phénomène fort qommun. Le fegment ne paroiffoit j, qu'une gaze qui le couvroit. Mes aiguilles n'annoncoient rien d'irregu„ lier: je ne les avois pas obfervées '„ depuis 6 heures du foir. „ Le Lendemain 27, je m'appcrcus des „ 9. h. du foir d'une Aurore Boréale des i, plus pompeufe, lacgant des rayons .„ de toutes parts, qui s'uniffoient enfin „ au dcla du Zenith, & y formoient „ un beau Paviilon, comme s'exprimenc . Tome iy. Part. 2. 'S J3 les  «74 Nouv. Biblioth. Belgioue „ les Ecrivains du moyen age: ou une „ figure exa&ement femblable a la ta„ che Tycbo de la Lune. Dans la jour„ née mes 'aiguilles n'ont vien prefenté „ d'irrégulier: mais leur mouvement di„ urne a été un peu plus grand qn'il ne „ 1'eft ordinairement depuis longtems: 5, & cela même eft affez frequement une „ indice d'A: B: je les ai obfervées a 9 „ h. & a 11 h. & il n'y avoit rien d'irrégu„ lier; leur mouvement avoit été trés , petit. Peut-êtreaurat'ilété plus grand " dans 1'intervalle: mais j'ai quelquefois vu des A: B: pompeufes n'influer pas „ fur les aigüillês. ^ „ Le 28 ciel ferein, mais fans A: B: 3f les Aiguilles trés tranquilles, & point irrégulieres, ce n'eft que tandis que le N°. 1 & 4. font allés de 2. h. a 6. " n. de 3' a 4' vers 1'orient, que le N°. 6 , * s'eft approché pendant le même inter" yalle de 6' vers 1'occident. 3* Le 29 étant dans la rue vers 9 h. du foir , ciel ferein , & trés - clair, je " m'appercus de loin d'une A: B: des]\ plus éclatantes, que j'aye jamais vues. '! Elle a beaucoup infliié fur mes ai' guil-  p'AvriLjMai, Juin* 1783. 27f „ guilles; je vais indiquer ici leur mar„ che, ouleur mouvement: N°.l. N°.4. N".6« aétédepuis 6h- 9h- 3'E- 5E- 8E 9_. pi- 7O-30E-30E 9A. 9\- 60-3JO-300 9i- toi-48E-3oE-3oE io\ - ioJ- 12E-10E- 5E ioj - ioi- o - • o - - ö - variat: 60' 40' 3$. N°.i. N°.4. N°.6. „deio4h.foira7h.mat:-46 0-35 O-19O Le N°. i- & 4, étoient environ aux ■1 mêmes points que les jours précéde&s a " lamêmeheure, mais le N°. 6. s'étoit rapnrocné du N. de 20' a 22': elle a 3, eu les 30 Avril & 1 Mai, fes mouve\y ments ordinaires, & le i*. Mai au „ foir, elle a repris fon ancienne ftation : " ainfi a t'el'.e parcouru ce jour la 14' O: " tandisque les N°. 1 & 4- n'ont pat„ couru que j' & 6': & ce qui eft rei5 marquable, & contre le cours ordi„ nairej les trois aiguilles fe font rap» .j prochées tous les jours de, 1'occii deiit"* S2 ARTk  276 Nouv. Biblioth. Belgïque. ARTICLE TROISIEME. Tableau de l'Histoire Générale des Pro vinces - Unies, par A. M. Cerisier, Tome Neuvieme a Utrecht; chez B. Wild gr. in o9. de 517 PaSes' Prix ƒ I - 16-0 La guerre pour la fucceffion d'Espagne ouvre ce Neuvième Volume. L'Auteur attribue la conduite des Etats dans cette occaGon aux reftes de cette haine violente que Guillaume III. avoit feu infpirer a 1'Europe contre la Monarchie Francoife. „ Une espèce de routine „ tenoit lieu de politique, & tout le „ monde trembloit pour la ruine du fys„ tême de 1'équilibre, dont perfonne „ ne s'étoit fait une jufte idée. On „ croyoit que 1'équilibre devoit être éta'„ bli fur une égalité de forces entre Ia Maifon de Bourbon & laMaifon d'Au,, triche,  u'Avril, Mat, Juin. 1783. 277 „ triche, & que tout feroit perdu fi 1'une „ prenoit un ascendant trop confidérabLe }, fur 1'autre. Mais ce principe étoit „ faux; mille exemples prouvent qu'on „ n'eft point ami pour être du même „ fang: une maifon peut donc acquérrr „ des Royaumes pour fts Princes, & „ n'en être pas plus redoutable è. 1'Eu„ rope. 11 eft encore évident que la „ puiffance dominante peut fe dégrader, „ la Puiffance rivale décheoir, toutes „ deux-mêmes fe ruiner a la fois ou „ fucceffivement, & prendre la place „ 1'une de 1'autre; fans que la liberté des „ autres Etats foit expofée a aucun dan" ger; il en réfultera feulement de nouveaux intéréts , de nouvclles alliances, de nouvelles liaifons. Craint-ou qu'il puiffe y avoir une Puiffance „ dominante, fans qu'il ne fe forme aus„ fitótune Puiffance rivale? Ce feroit „ la crainte la plus ridicule. Quel mal„ heur extraordinaire eft il arrivé a 1'Eu„ rope, quand la maifon d'Autriche par „ les Traités de Weftphalie & des Py„ renées a d'abord cédé a la France Ia „ place de puiffance dominante; & è. S 3 „ 1'An-  278 Nouv. Biblioth. Belgïque. „ 1'Angleterre , depuis le commencement de ce fiècle, celle de Puiffance „ rivale"? Les Etats fuivirent d'autres maximes: ils déciarerent la guerre k la France le 15 Mai 1702, lemanifcfte de 1'Autriche & de' 1'Angleterre parut le même jour. Mais aucune de ces déclarations n'irrita plus Louis XIV que celle des Etats-Gécéraux. Au rapport de notre Hiftorien, il ne put s'empêcher de s!écrier en la jettant avec indignation. Je faurai Yxtn faire encore repentir meffieurt let marcbandt de Hollande de leur audace a\ me déclarer la guerre. Louis XIV qui fe piquoit de s'exprimer toujours avec nobleffe & d'une facon convenable k fa dignité a-t'-il pu fe permettre un langage pareil? Le fait nous paroit au moins douteux. La guerre ne tatda pas a s'allumer, & le Comte de Marlborougb fut déclaré Généraliffime des armées des Alliés dans les Pays - Bas.' II fut fans contredit 1'homme le plus fatal k la grandeur de la France, qu'on eüt vu depuis plufieurs fiècles. Les Anglois Pont comparé a te-  d'Avril, MaiJuin. 1783. 279 Ce/ar, mais felon Mr. Cerifier, les meilleurs juges des exploits militaires ne lui ont pas été auffi favorables, & ils. ont marqué beaucoup plus d'eftime pour Guillaume presque toujours malheureux, que pour Marlborougb, accompagné de la viótoire. L'Auteur rend néanmoins juftice aux qualités éminentes de ce Général, qui fe diftingua autant par fes négociations, que par fes talens militaires. Un des événemens les plus confidérables de la campagne de 1704 fut la prife de Gibraltar par les Anglois & les Hollandois, fous lesordres del'Amiral Raoke, & du Prince de Darmftadt. Ce Roe, réputé aujourd'hui imprenable & devant lequel viennent d'échouer les forces combinées de la France & de 1'Espagne, ne tint pas quatre jours. Mais cette ville n'avoit alors tout ou plus que cent hommes de garnifon, qui ne purent tenir lête aux forces ennemies. Deux Capitaines Hielker £? J amper, è la tête de quelques foldats déterminés, fe jetterent 1'épêe 3 la main fur le móle & délogerent les affiégés: après une dèfenfe auffi j§ 4 vh  j8o Nouv. Biblioth. Belgique. vigoureufe qu'inutilé les Espagnols capitulerent, & obtinreDt tous les honneurs de la guerre. Les Anglois ont confervé depuis cette place, acquife par les deux nations, & qui leur auroit du appartenir de moi-, tié. PAmiral Rooke fit óter 1'étendard de 1'Empereur que le Prince de Darmfiadt y avoit arboré; celui de la Reine Anne y fut fubftitué. Marltorougb étoit adoré des troupes. „ En, I7c6 lors de Ia Bataille de Ramillies, ce Général fe vit environné, au commencement de 1'action, d'une troupe de Cavaliers Frangois, qui s'étant avancés \u delè de leurs rangs, tomberent tout a coup fur lui avec tant d'impétuofité qu'ils le renverferent de fon cheval. Les Anglois animés a Ia vue du danger qui le ménacoit, revinrent a la charge avec une fureur inexprimaoTe, repoufferent les Francois dans leurs rangs & dégagerent Ie Duc. 11 remonta a cheval, & dans le moment qu'il mettoit le pied è 1'étrier, un boulet de canon emporta la tête du Colonel Benfield qui combattoit h fes cótée", Tous  d'Avril, Mat, Juin. 1783. aSr Tous les événemens de cette longue guerre font fi connus, qu'il eft bien inutüe de nous adftreindre ici a la marche pénible & monotone d'une anaüfe détaiilée de cette hiftoire; pour cette raifon nous ne nous arrêterons qu'aux endroits les plus intéreffans, & nous renvoyons nos Leéteurs h 1'ouvrage même. Louis XIV, malgré fes malheurs ne cclToit point de perfécuter fes fujets Proteftans. La rigueur de fes Edits fuivic même les Réfugiés en Hollande , auxquels une ordonnancedu Roi öta lafaculté de retirer aucun bien du Royaume, en vertu de contrats de mariage, de dispofidons teftamentaires, ou a quelque autre titre que ce fut. Les Etats, dit M. Cerifier, ordonnerent de leur cóté que les Francois ne pourroienc former aucune prétention fur les biens des Francois décédés dans leurs Provinces, foit a titre dedonation, ou de fucceffion quelconque. Ceci n'eft pas abfolument exacL Les Edits des Etats du 18 Juillet i 170P, & du 7 Mai 1726 regardent uniquement les biens des Francois Réfugiés, décédés dans leurs S s  2%Z NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQJJE. Provinces. Ed efFet ces Edits font purement de répréfailles, ou de rétorfion; on les nom me encore les Placards de Religion , & ils ont été dictés par un jufte fentiment d'indignations qu'infpiroit aux Etats la dureté des ordonnances de Louis. II ne regardent auffi que les Frangois Réfugiés; quant aux autres Frangois établis en Hollande il leur a toujours été permis d'hériter de leurs Parens en France, & les Etats n'óterent auffi jamais a ceux-ci le droit de venir recueillir des biens en Hollande, attendu que le Droit d'Aubaine a été depuis longtems fupprimê par les deux Puiffances. Au refte plufieurs habiles Jurisconfultes prétendent que par la Convention du i Septembre 1773 entre la France & les Etats Généraux, tous les Edits de Religion ont èté mutuellement révoqués, mais adbuc fub judice lis eji. On ne lira pas fans intérêt le détail des Négociations pour la paix d'Utrecht. Louis XIV regut alors toutes les humiliations dont il accabloit autre* fois les peuples qu'il foumettoit a fon joug. Helvetius Père de 1'Auteur du Li • vre de l'Esprit; le Préfident Roüillé, JTorey  d'Avril, Mai, Jüïn. 1783. 28a Torcy propoferent envain les coDditions les plus avantageufes. Enflés de leur vidHre, & guidés par Mvlborougb & Eu«ène, qui defiroient la guerre, les Hollandois refuferent toute négociation, qui ne tenfü a dépofféder Philippe V du thróne Espagnol. Selon M. Cerijier, les Hollandois ne laiffjrent jamais échapper une occafion plus favorable d'établir leur cxiftence poiitique fur une bafe folide & de rendre a jamais leur commerce floriffant. Ecoutons le lui même. „ Heinftus & les autres Chefs du Gou„ vcrnement furent d'autant plus a bla> „ mer d'avoir fuivi la paffion de Marl„ borougb, intéreffé k une guerre oü il „ acquéroit de la gloire & de 1'argent „ qu'il n'aimoit pas moins, que les chan„ gemens qui fe faifoicnt alors dans le „ miniftere Anglois annoncoient un chan„ gement de mefures. Hs ne s'apper„ cevoient pas qu'ils s'èpuifoient pour „ la maifon d'Autricbe & pour 1'Angle„ terre, qu'ils parta^eoient k peine la „ gloire des avantages furprenans qu'on „ remportoit chaque jour fur la France, as que  284 Nouv. Biblioth. Belgique. „ que l'éclat de ces grand fuccès réjailliffoit presque tout entier fur lesgrands „ Capitaines qui préparoient & aflüroient 3, les vittoires. Le feul objet qui püt „ les intéreffer dans cette guerre étoit „ une barrière: pouvoient ils efpérer de >} la maifon d'Autriche , en pofleffion de „ 1'Espagne une barrière plus refpedtable que celle qu'on leur offroit a Geertruidenberg" ? „ On eft même étonné que les Puis„ fances Confèdérées puffent efpérer des „ conditions plus favorables que celles s> qu'ils arrachoient k la France. II faut, „ fans doute,que tous leurs Miniftres fe s, foient laiffés aveOgler par le génie de 3, Marlborougb, qui dominoit fur I'inté„ rêt univerfel. Ce grand Général pré,, voyoit que la paix alloit néceffaire„ ment entrainer fa propre disgrace, & „ qne la guerre feule pouvoit lui laiffer „ 1'espérance de fe foutenir. Le Roi „ de France, eut il cédé la moitié de fes )} Etats, eut il réuffi k faire descendre „ fon petit fils du Thröne; le Général „ Anglois ne vouloit point de paix. II „ f alloit que toute 1'Europe fut en ar- „ mes  D'Av-RIL, MAI, JüIN. I783. 28S „ mes pour foutenir fon crédit chance„ lant. Le Prince Eugène lui avoit lais„ fé prendre un ascendant, qui joint è ,-, ce dont il avoit è fe plaindre de la Cour „ de France & a cet amour naturel pour „ la guerre qui faifoit le fond de fon „ caractère,le portoit a traverfer toutce „ qui pouvoit amener la paix. „ D'après les dispofitions fecrettes de „ ces deux grands hommes 1'on n'eft S, plus furpris que leurs propofitions de„ vinflent cxceffives a mefure que Louis „ XIV faifoit des avances, lis óferent '„ même exiger que ce Monarque, fans aucune fureté ni garantie pour la pro„ longation de la trêve, jusqu'a une paix „ définitive, remit fes principales places frontières aux Etats, & qu'il pro„ mit même de dépouiller feul fon petit " fils, pour revêtir de fes Etats 1'Archiduc Charles, & cela dans 1'espace de deux mois, pendant que les Alhés, '„ tranquilles dans leur camp, jouiroient „ du plaifir délicieux de voir la maifon „ de France faire toüs fes efforts pour „ fa deftruclion totale. C'étoit k ces „ conditions a qui 1'on ne fauroit donner  286 Nouv. Biblioth. BelgiquE; ner une qualification convenable qu'on f promettoit de s'ouvrir fur les deman» f des ultérieurcs & les Etats voulurent " bien eDCore promettre, fans aucun en!, gagcment formel, qu'ils employé' roient leurs bons offices pour faire obtenir quelque dédommagement a Pnilinrje s'il vouloic renoncer de bon " ere a la Couronne. Louis XIV auf roit du voir au ton impéneux, aux Z prétenfions extravagantes de fes jmplacablescnncmis, qu'ils cherchoicnt " moins la paix avec lui, qu'a jouir è " loifir & de prés de fon humiliauon. 11 " n'eft pas néceffaire d'être Francois, " il fuffit d'être homme pour être ïndiT grjé de 1'idée de propofer a un Pere " d'arracher de fes propres mains la cou" ronne a fon Fils pour la mettre fur " la tête de fes éternels ennemis; ce *' n'étoit pas feulement une prétention " atroce, mais encore une politique im" prudente. Qui pouroit répondre aux " Alliés-qu'un de ces événemens fi com" muns dans 1'Hiftoirc, & qui changent fi fouvent la face des affaires & la liH tuation des peuples ne dérangeroit ,, point  d'Avril, Maï, JuiN. 17 H> point leurs efpérances & leurfortune? „ pourquoi ignoroient-ils, ou avoient„ ils oubliés qu'il n'y a point de fuccès „ durable fans prudence & que la pruden„ ce, loin d'abufer, doit toujours fe défier „ de la profpérité? La paix eft 1'objet „ de la guerre; pourquoi donc ne pas „ la faire dès qu'on peut la conclurre k „ des conditions avantageufes ? L'occa„ fion d'humilier un peuple dominateur „ ue fe préfente pas deux fois. Quoii, qu'il en foit les Etats laifferent échap- per une occafion qui ne fe préfenta plus depuis; & ce miniftère Anglois „ dont ils avoient refpetté les confeils „ jusqu'a 1'idolétrie, ne tarda pas a les „ abandonner ". On voit par ce morceau que M. Cerifier envifage 1'hiftoire fous une point de vue philofophique; qu'il ne fe contente pas d'expofer froidement h marche des événemens, mais qu'il en fait démêler les caufesj faifir le but; & apprécier avec impartialité les motifs, qui guiderent les perfonnages, qu'il met en fcène. Nous defirerions fans doute plus de pureté  a88 Nouv. Biblioth. Belgique. teté & de correétion dansle ftyle, moins d'anlithèfes; comme par ex. La France qui jusqu'alors a combattu pour la gloire, combat déformais pour fon falut pag. 205. II fe permet quelquefois des exprefliocs indignes de la majefté de 1'Biftoire, comme a la page 182. „ Marlborough fut initié dans le fecret. Cétoit fe confejjer au Renard : mais nous n'infifterons pas fur ces critiques, que M. Cerifier fe fera fans doute a lui même; Nous en avons dit la raifon dans un précédent extrait. Le morceau fur VHiJloire du fyftème des Barrières, nous a paru trés intéresfant, mais comme il n'eft guere fusceptible d'analyfe, nous y renvoyons le Leéteur. Ce Volume eft terminé par un Coup d'oeilfur L'état des mceurs tj de Vefprit bumain au commencement de ce fiècle. Les Pays-Bas produifïrent alors plufieurs perfonnages , dont les autres nations fe f roient enorgueillies. Parmi les génies créateurs qui firent des décou■ vertes utiles on diüïnguera touiours . Cbri/liaan Huygens, Leeuwenhoek, Hart. zoeker, Zvommerdam, de Graaf, & Coe- bom,  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 285* torn, le Vauhan des Hollandois. Quelques écrivains fe diftiDguèrent encore dans les arts de pur agrément. Le Poëme de Hoogvliet fur le lacrifice d'Abraham offre une texture régulière, un déVeloppement des paffions & un intérêt qu'on chercheroit vainement dans les autres Poëtes Hollandois qui le précéderent. Vers le même tems fleurit encore Poot, fimple Payfan , qui furpaffa tous fes rivaux dans la Poëfie Bucolique & Erotique. La Hollande fe reffentit encore' des disputes fur le fyftême de Descartes. Chacun prit parti dans cette querelle, qui fe termina par 1'exil volontaire du paifible Philofophe. Baltbazar Bekker Miniftre Proteftant 4 Amfterdam reveiU la une autre difpute, bien pluspiquante par la nouveauté & la fingularitéi II attaqua les préjugés reeus fur 1'influence des efprits, des revenans & des démons^ dans un ouvrage célèbre, qui parut fous le titre de Monde enebanté. II étoit fi perfuadé de fon fyftême qu'il vint jufqü*& dire; fi Satan exiftoit fur la terréi Tome 17. Part. 2. T «  2$0 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQÜB. il fe vangeroit fans doute de la guerre que je lui fais. Satan ne remua pas 4 mais les Théologiens y fuppléerent de refte, dit Mr. Orifier. Ils eurent le crédit d'armer contre lui la puilTance féculière & il fut dépofé publiquement» Spinofa dont les erreurs furent bien plus dangereufes ne fut point perfécuté, il mourut en 1677. Quelques années après un autre fceptique parut en Hollande; ce fut 3e Médecin Mandeville, né k Dordt. II paffa fa vie en Angletcrre, oü il publia fes Penfées Libres, & laFable des Abeilles. La vraie Religion fut encore expofée au mépris des Incrédules par lesridicules disputes des Hattemiftes, des V?rfcborijtes, des Zabbadiftes & des Myftiques. L'Auteur indique en peu de mots ies opinions de ces Se&aires, qui de nos jours ne feroient pas grande fenfation. II n'eft pas inutile de remarquer en terminant cet Extrait, que la Hollande fut alors 1'afyle de la plupart des hommes de génie, que la révocation de 1'Edit de Nantes fit fortir de la France. Entre le grand "nombre de ceux qui y trou-  D'AvrIL, Mai, Juin. ±783* 2§i tröuverent UDe feconde patrie, de Teftime & de Ia célébrité , il faut remarquer Bayle, Saurin, Huett Basnage & Abba* die. Au refte le gouvernement n'entra pour rien dans les encouragemens qui leur furent donnés. Ils illuftrèrent la République, & moururent pour la plupart dans une étroite médiocrité» Tel eft encore aujourd'huj le fort des ge»ê Lettres^  2Q2 NOUV. BlBLÏOTH. BeLCIQUB. ARTICLE QUATRIEME. ESSAI sur la PhYSIOGNOMONIE , dejïini a faire connoitre F Homme & a le faire aimer, par Jean GaspardLavater, Citoyen de Zurich & Miniftre du St. Eyangile. Seconde Partie, a la Haye 1783. En rendant compte du premier Tome de ces EJfais, nous nous ibmmes bornês a une analyfe trés fuccincte , Sc il falloit néceflairementêtre bref, a moins de répéter les extraits qui fe trouvoient déja dans le Journal auquel le nótre a fuccédê, & qui avoient été faits d'après 1'Edition Allemande. Nous n'avons plus les mêmes reffources pour le fecond Volume; & les matières qu'il traite étant i tous égards neuves pour le lecteur Frangois, nous les développerons avec un certain détail, & par cette raifon nous ferons obligés d'excéder les bornes ordinaire* d'un extraic La tache devien- dra  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 293 dra un peu forte, mais 1'ouvrage intéreffant qui nous Pimpofe, vaut bien la peine qu'on s'y arrête avec une attention particuliere. Fiüèles a nos principes , nous 1'examinerons avec 1'équité & la modèration qui devroient êcre toujours des devoirs facrés pour le Journalifte, & qui femblent avoir été fouvent oubliés par ceux qui ont critiqué la Phyfiognomonie de Mr. Lavater. Mais indépendamment de cette confidération, il arrivera cependant plus d'une fois que la facon de voir & de penfer de 1'Auteur, ne fera pas d'accord avec Ia nótre, & alors nous prendrons la liberté de déclarer & de motiver notre fentiment. Une telle franchife, loin de déplaire a Mr. Lavater, lui garantira d'un autre cóté Ia fincérité des juftes éloges que nous ferons fréquemment dans le cas de lui donner. Quelques - unes des objeétions qu'on peut faire contre la fcience des Phyüonomies avoient déja été débattues dans le premier Volume, & le Fragment qui ouvre le fecond eft deftiné a concourir au même but. II traite des prétbndues T 3 me.  394 Nouv. BiBLioTH. Belgiqüe. méprifes du Phyfionomifte; débuc qui fembleroit annoncer un peu trop de confian■ce, fi 1'Auteur ne nous avertiffoit quelques lignes plus bas „ que les erreurs t, du Phyfionomifte doivent être rappor„ tées aux bornes de fa pénétration, & „ non a 1'infuffifance de fa fcience ". Celui qui 1'exerce, peut avoir 1'air de fe tromper quelquefois, & même paroitre en defaut quand fes décifions font juftes. Son emploi 1'appelle a juger fouvent ; c'eft pourquoi il eft fujet a s'abufer plus fouvent que ceux qui ne s'expo» fent pas au même danger. Prononce-til des jugemens favorables ? il risque de les voir démenti's le moment d'après; 1'homme le plus fage & le plus vertueux portant au dedans de foi des penchans qui peuvent dégénérer en excès, ou prendre une fauffe direétion. Des yeux vulgaires ne décident que fur les aEtions; le Phyfionomifte obferve en même temps les dispofitions, le caraétère, les facultés j qui dans certaines circonflances paroiffent en oppofition avec la conduite; L'on fe prévient impitoyablement contre Phomrne réputé inepte ou vicieux; le Phy  j>'Avril,Mai> Juin. 1783. 295 Phyfionomifte recherche les talens & le? vertus que cet homme fi décrié conferve encore. P'heurcufes difpafitions fontelies cachées fous un extérieur rebutant ? un juge inexpérimentè ne les appercoit pas; le Phyfionomifte phferye , examine, & trouve des fujets d'adoration la oü d'autres blashpèment. Souvent il eft accufé d'agir d'une manière contradictoire a 1'opinion qu'il congoit de certaines perfonnes; mais cette contradiélion apparente ne doit être attribuée qu'a des motifs de charité qui 1'engagent a ne pas rebuter le méchant. Souvent enfin les décifions du Phyfionomiite font attaquées, paree qu'elles font envifagées fous un faux point de vue, paree qu'on fe dispute fans s'entendre. Quelqu'ingénieufe que foit cette défenfe du Phyfionomifte, on fe fouviendra pourtant toujours que fa Science a des bornes; que même elle doit être comptée jusqu'ici au nombre des connoiffances les plus imparfaites; que tout Phyfionomifte eft homme, fujet par conféquent a Terreur, livré quelquefois.aux préjugés & aux paffions. II ne feroit T 4 dofic  20f5 Notjv. Biblioth. Beloiqjcje; donc nullement étonnant de le voir tomber dans des méprifes très-réelles, & M. Lavater eft obligé d'en convenir lui-même, du moins tacitement. II. Fragment. L'art de diffimuler eft encore une des principales difficultés qu'on a fuscitées k la Science des Phyfipnomies; mais, fuivant 1'Auteur, cette pierre d'achoppement n'eft pas inamovible. Voici comment il 1'écarte. i°. II y a dans 1'extérieur de Thomme diverfes chofes qui ne font pas fusceptibles de déguifement, & qui font des indices trés certains du caraétère intérieur. II n'eft au pouvoir de perfonne d'influer a fon gré fur le fyftême de fes os, de changer la forme du front, la pofition des fourcils, le volume des lèvres, la coupe du nez & du menton, la couleur des yeux ; & toutes ces parties, & en général presque toutes celles qui font yifibles, ne fauroient admettre la moindre diffimulation. Mais fi 1'extérieur de l'homme, confidéré fous d'autres faces, prête encore beaucoup au déguifement, il n'eft $9. Aucune espèce de diffimulation qui n'ait  d'Avrïl, Mai, Juin. 1783. 29.7S n'ait des carsétères certains & fenfibles, quoiqu'ii foit difficile de les exprimer par des mots ou par des fignes. La contrainte, les effons d'esprit, les difttadtions qui accompagnent le déguiftment, ont des marqués auxquelles il eft difficile de fe méprendre. Un homme diffimulé veut-il masquer fes fentimens? il fe paffe dans fon intérieur un combat entre le vrai qu'il veut cacher & le faux qu'il voudroit préfenter. Ce combat jette de la confufion dans fes mouvemens , & plus il veut fcindre, plus fon trouble augmente, & mieux il fe découvre. Suppofé même que la diffimulation réuffiffe quelquefois è nous en impofer, 1'esprit devient attentif a force d'être trompé, & prudent a force d'attention. On parviendra a décourrir des marqués précifes pour la droiture & pour la fausfeté. On appercevra la candeur & 1'honnêteté,quiibnt toujours dans un état naturel , fans avoir befoin d'effort pour fe contraindre. On démêlera l'hypccnfie dans les momens oü 1'hypocrite oubliera qu'on 1'obferve. Qu'on fe donne bien de garde cepenT 5 dani  fe?8 Nouv. Bjblioth. Belgioue; aant de confondre la malhonnêteté avec la crainte & la timidüé. La foibleffe d'esprit, la faufle bonte, la facilité du caraótère font fouvent un bypocrite d'un -homme qui n'eft pas foncièrement méchant; mais on le diftinguera toujours de celui qui a vieilli dans 1'habitude de la fraude. A la fuite de PAddition de ce Fragment, on a placé le profil d'un Criminel, fameux par fon hyprocrifie. Nous avons cru trouver dans fa phyfionomie 1'expreffion d'une grande finefle. De la Liberté de l'bomme £? de fts Umk tes. C'eft le titre du JU. Fragment, dans lequel Mr. Lavater attaque vigoureufement Helvetim,pout avoir attribué è la feule éducation le pouvoir de former & de reformer 1'homme. Chacun de nous a un eerde d'activité & de fenfibilité qui lui eft 'affigné, & au dela duquel il ne peut s'élancer. C'eft a la Phyfiognomonie è déterminer les limites de chaque individu. Malgré les circonftances & Péducation, tel front & telnez excluent pour toujours le courage intrépide d'un Cbarles Xlljl'espritalgébrique d'un Eu- Ier,  d'Avril, Mai, Juni. 17S3. 2991 i«r, Ie t'énie claffifkateur d'un Linnée. Nous laiflons ces principes a Mr. Lavater; mais feroit-il bien décidé, paï exemple, qu'avec tels traits donnés on doit néceffairement être & refter ]&« ehe. Qu'un enfant naiffe avec un nez camard, avec un front enfoncé, avea un menton reculé, avec telle conforma. tion phyfionomique qu'il vous plaira; formez fon corps, endurciffez-le aux fa» tigues, jettez te de bonne hcure dans les champsde Mars, placez-le fous la con-. duite d'un brave guerrier ; & il eft a parier que cette éducation, que Phabkude & la force de 1'exemple triompheront de fes traits; qu'ils eftaceront le caraétère de timiditê naturelle qu'on voudroit lui fuppofer. L'Auteur rapporte dans trei. ze Additions une longue fuite de portraits, par lesquels il veut expliquer la différence des carattères & des dispofitions naturelles. Nous ne fommes pas affez habiles pour vérifier tous fes jugemens, & fi'fft aux connoiffeurs a voir s'ils trouveroct partout le mêmedegréde conviftion. Le IV. Fragment intitulé, peut-être affez  300 Nouv. Biblioth. Belgtqub. affez improprement, de la Beauté de la forme bumaine en général, établit la nécefficé mécaphyfjque de 1'exiftence de tous les hommes. Cette théorie amène des réflexions quirefpirentune philofophie pleinede douceur écd'humanité. „ Leplus „ abject, le plus dépravé, le plus per- vers des hommes, eft cependant tou„ jours homme, toujours néceffaire dans „ 1'Empire de la création.... Confidé„ ré comme un être ifolé, on découvre „ en lui des facultés merveilleufes, qui „ déja par elles-mêmes font dignes d'ad„ mtration. Comparé avec d'autres, fa „ reffemblance, fa dilfemblarice avec tant d'écres doués comme lui de rai„ fon, nous fnpperont encore d'éton- Bement.... D'ailleurs, que 1'homme „ aviliffe autant qu'il voudra la dignité „ de fa nature, il ne peut ceffer d'être „ homme, & comme tel, il fera tou„ jours fufceptible d'amendement & de „ perfedtion. L'homme peut fe cor„ rompre & fe régénérer a ud tel point, „ qu'il ne faut pas refufer toute eftime, „ même a celui qui porte la plus mau„ vaife phyfionomie, ni défefpérer en„ tière-  fi Avrilj Mai, Juin. 1783. 30* j3 tièremènt de fon retour k la vertü. „ Dans chaque phyfionomie, quelque „ dépravée qu'elle puiffe être, nous re>i „ trouvons 1'homme, c'eft-k-dire, 1'i„ mage de la Divinité— Etfi je pui» ,, diftinguer & aimer ainfi 1'homme dans „ levicieux, quels doivent êcre,ó Dieu w de Charité & Père des Humains, quels „ doivent être ton fupport & ta conv „ pafllon, Iorfque tu laiffes tomber tes „ regards fur les méchans! En eft il un feul oü tu ne retrouvcs plus aucun „ des traits de Jefus ton image"! Quel langage touchant! C'eft reffufioa d'une belle ame qui veut le bien de tout ce qui 1'environne. De tels fentimens font bien propres k nous réconcilier avec Ia Phyfiognomonie , puisque c'eft k elle que Mr. Lavater en fait honntur. Si nous n'étior* obügés de ménager les citations, nous rapporterions en entier 1'Addition dans laquelle 1'Auteur plaide la caufe des jnfortunés qui font privés des avantages d'un corps bien organifé, de la fanté & de la raifon. Même chaleur, même fenfibilité dans tout ce morceau. Le V. Fragment nou» cnfeigne les moyent  |dz Nouv. Biblioth. Belgiqjbe. moyens de roncilier la connoijjance de l'bemme avec l'amour du procbain. L'une De détruit elle pas 1'autre? & 1'Obfervateur en décóuvrant de nouvelles imperfcdtions chez les hommes, ne doit-il pas les trouver moins aimables? ne fera-t'-il pas d'autant plus frappé de leurs défauts? Puisqu'il n'eft perfonne d'affez fage pour n'avoir jamais commis d'imprudence ;d'alTez vertueux pour n'avoir jamais eu k fe reprocher une mauvaife aétion; puisqu'il n'eft perfonne dont les intentions 'foyent toujours droites, toujours puresj on peut dire que les hommes perdent ea général h être connus. Mais d'un autre córé ils y gagnent évidemment. Une étude attentive de 1'homme nous apprend ce qu'il eft & ce qu'il n'eft pas, de quoi il eft capable ou incapable; elleexplique fes aéb'ons, & fair fuccéder la compasfion h lafévérité, 1'indulgence a la haine. BieD plus, le Phyfionomifte découvre dans 1'homme des perfections adtuelles ou poffibles que n'appercoivent point ceux qui font portés a méprif'r, h calomnier Je genre humain; perfections qui fouvent demeur-ent cachées, .même aux re-  d'Avril, Mai, Juin. 1783, 30$ tegards d'un Juge indulgent qui ne connoïc pas les hommel Souvent celui-ci prononceracondamnation lèoü le Phyfionomifte fera grace; car le Phyfionomifte démêlera dans le vicieux la eaufe de l'é«. garement. II donnera a la même fource une nouvelle dircétion , & elle produira des vertus héroïques. Admirons avec quelle adrefle Mr. Lavnter fait lever ou efquiver les difficultés les plus embarrasfantes. Elles tournent toujours a 1'avantage de fa fcience, paree que tous les préceptes qu'il en tire font préfentés fous un point de vue utile au genre hu* main. Puiffe-t-il communiquer 1'honnêteté de fes intentions è tous ceux qui fuivront fa carrière, & puiffe a ce prix le nombre des Phyfionomift.es augmentet de jour en jour! VI. Fragment. La Phyfiognomonie eft la bafe la plus folide de Veftitne fcf de Va. mitié. Elle unit les cceurs, elle feule. forme des liaifons intimes & durables. L'amitié nait de Ia convenance des phyfionomies, de 1'homogénêité qui fe trouve dans 1'extérieur de deux perfonnes, Elle eft 1'eifet du rapport entre mei  304 Nouv. Biblioth. Belgiquev mes facultés & les befoins d'un autref errre mes befoins & fes facultés; mais eüe n'eft pas toujours une fuite de la conformité des fentimens & des carailères. (Nous 1'aurions cru cependant, d'autant plus que d'après les propres principes de 1'Auteur, cette conformité morale devroit fuppofer des rapports dans fextérieur ). La vraie amitié étant ainfi appuyée fur des convenances phyfionomiques, elle ne s'obtient point par des follicitations; ou du moins il n'y a que le Phyfionomifte qui puiffe 1'offrir ou la demander. Mr. Lavater s'eft fait une loi „ de ne jamais accorder ni demander „ ce fentiment a quelqu'un, düt-il avoir „, une haute réputation de vertu ou de „ fainteté, a moins de le connoïtre per„ fonnellement, ou de pouvoir juger de „ fa phyfionomie par des portraics oudes „ filhouettes d'une exefte refiemblance". Cette referve pourroit paroïtre un peu févère de la part d'un homme auffi bienveillant que Mr. Lavater; mais heureufement il adoucit en quelque forte fon arrétde proscription, car, ajoute-t-il, >, je n'exclus auffi perfonne de mon a„ mitié  b'Avril, Mai, Juin. 1783. 303 t, mitié fans 1'avoir vu, dut-on le charger des accufations les plus odieufes „ „ même avec une apparence de vérité". II nous femble que 1'une & 1'autre de ces régies pourroit être reftreinte. II y a tels cas décififs oü 1'on ne risqueroit rien de prononcer fur le caraétère d'un homme , fans qu'il foit befoin de fa préfence. N'euiïé-je jamais vu la filhouette d'un Fetulon, d'un Gellert, je les chérirai,je les honorerai toujours fur lafoi de leurs aétions & de leurs écrits. II ne valoit pas la peine d'imprimer les Anecdotes pbyfiognomoniques qu'on a recueillies dans le VII. Fragment. Elles font ou peu intéreffantes, ou conDues de tout le monde, Rien n'étoit plus aifé que de faire un meilleur choix dans ce genre. Le VIII. Fragment ofTre une longue fuite d'exemples, deftinés h fervir d'Ex. ercices; & en effet il y a de quoi étudier dans cette colleétion, qui comprend plus de 200 têtes de toute espèce, Mais la plüpart des phyfionomies étant caractérifêes pardes jugemens trés laconiques, fouvent même en deux ou trois mots, Tomé IV. Part. 2, V le  $o6 Nouv. Biblioth. Belgiqtje. le Lecteur qui cherchea s'inftruire, feroit bien aife peut-être de favoir fur quefë fondemens tous ces arrêts font appuyés. L'Auteur, a la vérité, nous renvoye aufentiment interne, auxpremières impiefftons; mais ce ne font la tout au plus que des effets, & on aime a remonter aux caufes dans ce qui eft fcience,ou ce qui doit paffer pour tel. II auroit donc fallu, fi nous ne nous trompons, fixer les lignes, les traits & lesformes, qui déterminent le caraftère, les facultés, la capacité ou 1'incapacité de chaque genre de tête; & par une claffification bisn entendue, on auroit pu établir & adop. ter des fignes politifs, faciles a reconnoitre & 4 appliquer. Faute de cette attention, le Lecïeur eft fouvent trèsembarraffé: il n'appergoit point, ou il voit différemment ce qu'on lui montre en gros, & par conféquent il fe perfuade que ce taft pbyfiognomonique ü vanté, eft trés propre k 1'induire en crreur. Quoiqu'il en foit, ces obfervations ne regardent pas toutes les Plancbes que Mr. Lavater nous propofe ici comme fujets 4'étude. Celles, par exemple, qui ont  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 30? été gravées par Cbodowiecki d'après le Brun, font trés caraftèriftiques, trés parlantes, & s'expliquent d'elles - mêmes. D'autres ont été commentées d'une manière fort intéreffante & avec beaucoup de fagacité. Telles font la belle eftampe. des Adieux de Calas, page 68 J celle qui eft copiée d'après le Pouffin, page 71; celle qui porte pour infcription Attentioh fans intérêt^ page 8o;.celle qui repréfente Henri IV. dans feize fituations différentes, toutes fuppofées, mais auxquelles il eut convenu d'ajouter la vraie phyfionomie de ce grand Roi. Enfin on ne. peut s'empêcher de s'arrêter avec une eertaine complaifance fur 1'eftampe de la page 84, oü Mr. Hubert s'eft égayé aux dépens du portrait de Mr. de Voltaire. Sans être grotesques, les 33. carricatures de ce groupe font infinimeut faillantes, & décèlent un artifte plein de 1'imagination & de 1'esprit de Hogartb. Elles pouvoient fournir maint fujet de fatyre, maintes applications malignes; mais ce genre n'eft pas celui de Mr. Lavater, quoiqu'il en dife affez peur doneer a entendre que les taches de l'AJlre' ' V 2- d«  308 Nouv. Biblioth. Belgique. de Ferney ne lui ont point échappé. Tant s'en fau,t fans doute que la phyfionomie de Mr. de Voltaire rappelle la bonté, la cordialité, la bonbommic; cependant, & comme fi ce jugement pouvoit paroltre trop févère, 1'Auteur s'applique encore è le modifier par une réflexion qui fait 1'éloge de fa délicateffe. „ Quoiqu'on ne 3i trouve, dit-il, fur aucun de ces vi- " fages 1'expreffion de la bonté du cceur, , d'une noble fimplicité, d'une humeur „ indulgente & facile, on ne fauroit 3, pourtant fe diffimuler qu'il y a dans „ les écrits de cet homme extraordinai3t re des morceaux,qui refpirantla vraie , humanité, excitent en nous les plus 3J douces émotions. Or ce qu'il y a de , vrai dans les écrits ou dans les actions , d'un homme, doit fetrouver auffi dans fon ame; & ce qui fe paffe dans 1'ame ' doit fe rctracer auffi fur le vifage, qui " en eft le miroir. Mais ces traits, ces 3 beaux mouvemens font fouvent fi dél\ licats, & dans les vifages qui ont d'aii„ leurs une grande expreffion ils font fi „ peu fenfibles a cöté des traits forte„ ment prononcés — que ni 3e crayon, „ ni  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 3°$ l, ni le burin ne fauroient les faifir; fur„ tout fi le crayon & le burin font entre „ les mains d'un artifte qui fait des car„ ricatures". On ne fauroit qu'applaudir a I'indulgence que Mr. Lavater montre pour un Ecrivain, qui lui-même en avoit fi peu, & qui dans fes accès de gaietéou d'humeur n'épargnoit ni ami, ni ennemi. Nos Ledteurs feroient-ils curieux de voir comment cet homme célèbre a été apprécié par un étranger impartial & philofophe? c'eft Mr. Herder qui parle, & ce morceau eft a la fuite de celui que nous venons de transcrire. „ Voltaire, cet écrivain centenaire, qui a gouverné fon fiècle en monarque; „ qu'on lit, qu'on admire & qui fait au„ torité depuis Lisbonne jusqu'auKamt„ fchatka, depuis la Nouvelle Zemble „ jusqu'aux Colonies des Indes; léger, „ facile & plein de graces, donnant a „ fes idéés 1'efforle plus étendu, fachant „ les préfenter fous mille formes diyer„ fes & planant fur des fleurs; favorifé „ par fa langue, & furtout né dans un „ pays & dans un temps oü il pouvoit „ mettre è profit le commerce du monV 3 „ des  §io Nouv. Biblioth. Belgique. „ de, fes prédéceffeurS & fes rivaux, les „ circonftances, les préjugés & les foi„ bles dominans ; fachant même faire „ corjtribuer a fa gloire tous les Souve?) rains de 1'Europe — Voltaire, dis-je, „ quelle infiuence n'a-t-il pas eu fur fes „ contemporains! quel jour n'a-t-il pas „ répandu! Comr^e Ecrivain, il eft fans „ doute le premier de fon fiècle. Mais 3, s'il a prêché la tolérdnce & la foi-di3, fante pbilofophie de l'bumanité; s'il a invité k penfer par foi-même; s'il a ,, peint fous des formes aimables au 3y moins des apparences.de vertu - d'un autre cóté combien n'a-t-il pas intro„ duit d'infouciance, de froideur, d'in- certitude & de fcepticisme ! avons.,, nous beaucoup gagné k cette érudi„ tion fuperficielle qui ne reconnoit plus „ ni plan ni régie, k cette philofophie „ qui n'a point pour bafe la morale & Ia '3, vraie humanité? &c. IX. Le Fragment fur les Animaux remplit4.o pages, & n'auroit dü en occuper que trois ou quatre. La patience la mieux éprouvée ne réfifte point è cette faftidieufe prolixité. 'L'Auteur craint pres-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 311 presque toujours de ne pas en dire affez,, ' & femble fe défier de i'intelligence de fes Leéteurs. II discute minucieufement ce qu'il n'auroit dü qu'indiquer en paffant: il entaffe exemples fur exemples pour prouver des faits dont perfonne ne s'eft encore avifé de douter. Quelques obfervations générales auroient fuffi pour faire fentir 1'univerfalité de 1'expreffion phyfionomique parmi les Animaux, & les différeDces caraétériftiques qui les diflsnguent. Nous nous ferions paffés volontiers des rêveries ü'drijtote & de Porta; de cette oftéologie hafardée & recherchée qui anatomife les cranes de la Planche XXI; de toutes ces belles & inutiles vignettes qui doivent nous endoctriner fur la phyfionomie des quadrupèdes, des oifeaux, desreptiles, des infeétes. L'article du finge eft le feul qui méritoit d'être confervé, k caufe d'un parallèle affez ingénieux entre le crane de cet animal & le crane de 1'homme. Cette comparaifon fuppofe du moins un esprit obfervateur habile è failir les nuances; mais au nom du Ciel que fignifie le paffage fuivant fur les abeilles ? Nous le copierons V 4 mot  $tz Nouv. Biblioth. Eelgique. mot k mot. ,, S'il y avojt moyen de dé„ pouiller la tête de la Reine des abeilles „ des poils qui la couvrect, & de tirer „ fa filbouette gu travers d'un micros„ cope folaire — je crois que 1'on n'auroit aucune peine a diftinguer cette „ lilhouette de celle des autres abeilles, ,, & qu'on reconnoftroit fa Royauté & „ fa Supériorité. II eft indubitable que „ ce caratïère Royal doit être vifible ou „ perceptible pour le refte des abeilles, fans quoi elle ne feroit pas reconnue „ exclufivement pour Reine, & fes ri„ vales ne feroient pas expulfées. Les abeilles, bornécs au cercle étroit de leur ruche, appergoivent vraifemblablement d'un coup d'ceil ce furcroit „ de force, que nous ne diftinguerions tout au plus qu'a 1'aide d'un micros. „ cope folaire. S'il étoit polïïble de fixer „ avec plus de jufteffe le rapport des t) contours de la Reine-Abeille k celui „ des abeilles communes, on trouveroit „ peut-être un trait caratlérijlique de la „ Royauté, un chiffi-e phyfiognomoni„ que qui défigneroit toujours la fupériorité d'un individu fur fes femblablis „ &  f d'Avril , Mai , Juin. 1783. 313 & cette découverte nous fourniroit „ peut-être une ligne fondamentale qui „ ferviroiq de règle générale en Phyfio,, gnomoriie. Je me déciderois de pré„ férence pour le profil de la Reine des a, Abeilles, paree que fa fupériorité ne „ dépend pas d'un choix arbitraire,mais „ femble attachée k fa naiffance". Pour éclaircir cette fublime idéé, il ne manquoit plus que d'ajouter Ia filhouette d'un Roi électif & celle d'un Monarque héréditaire. En général on ne fait que penfer ni que dire de cet article, plus qu'extraordinaire. Nous avons été tentés d'abord de le regarder comme un perfifflage, par lequel Mr. Lavater a voulu désorienter fes Critiques; mais la plaifanterïe feroit un peu trop forte dans un ouvrage auffi férieux que le fien; donc il faut fuppo* fer néceflairement que 1'Auteur eft de bonne foi, & dans ce cas nous avouons qu'il n'eft guère pofiïble de pouffer plus loin la Phyfiogno.... manie. D'ailleurs qu'eft-ce que cette Royauté parmi les abeilles? Ne fait-on pas que la prétendue Reine n'eft autre chofe que la mèVj re  gl4 NOUV. BlBLTOTH. BeLGIQTJS. re commune de la ruche ? Sa fupério-' rité ne dépend donc que de fa fécondité, & n'a pas bcfoin d'être expliquée par des lignes fcientifiques. L'inftintl: naturel fuffic aux abeilles pour reconnoïcre celle qui eft 1'ame de leur esfaim ; & c'eft déja beaucoup, fans qu'il foit néceffaire d'en faire des Phyfionomiftcs. Les parties folides du corps étant Ia bafe principale fur laquelle Mr. Lavatér batit fon fyftême, on ne fera pas étonné qu'il attaché une importance particu» fiére au Crane. C'eft le fujet du X. Fragment, qui annonce des conuoiilances anatomiqües très-étendues. Après avoir parié dc Poriginc, de 1'accroiffement, & de 1'afFermiffement des os, 1'Auteur diftingue deux formes pour tous les corps en général; 1'une naturelle, & 1'autre accidentelle. Celle-ci peut varier dans le même individu, felon les circonftances, & 1'influence de Page; mais la forme effentielle eft déja invariablenvnt fixée par la propriété de la liqutur Jêmnale; elle a fes moules internes qu; ne varient jamais. Chaque os con-  d'Avril,Mai, Juin. 1783. 315 conferve fa forme primitive, fans que les progrès de fon durciffement, fans que les accidens les plus violens puiffent altérer ou dénaturer cette forme. De-tè on conclut que cette dispofition individuelle des parties folides doit fe. trouver d'accord avec les facultés internes, & qu'elle devient une marqué infaUlible du caradlère de 1'homme. Un bel-esprit Anti-Phyfionomifte s'eft avifé de combattre ces principes par les armes de la plaifanterie. „ On a trouvé, „ dit-il, dans les catacombes aux envi„ rons de Rome, une quantité de fque- , lettes qu'on a pris pour des reliques " de faints; mais dans la fuite on a foup- , conné que ces mêmes catacombes \\ pourroient avoir été le lieu de la fépuiture des malfaiteurs, Cette diffé- , rence d'opinions a troublé la foi des Fidèles. Que n'a-t-on, ajoutel'Ano„ nyme, fait venir Mr. Lavater , qui „ a la fimple vue & a 1'attouchemcnt, " &uroit fêparé les offemens du faint de ceux du brigand &c"? Mr. Lwater discute fort au long cette failiic, St démontre 'que le raifonnement de fon Cri:i-  3i 6 Nouv. Biblioth. Belgiobtb; Critique porte k faux, puisque Ia for* me du crane n'implique nullèment l'afage des facultés. Mais il n'eft pas moins vrai, felon notre Auteur, que la fimple forme du crane,que fes proportions, fa dureté & fa molleffe, fuffifent pour reconnoftre Yénergie ou la foibleffe du caraótère. Conduifez 1'homme le plus ordinaire dans un charnier ; faites - lui appercevoir la différence des cr&nes, & bientót il découvrira que l'un annonce de 1'énergie, & 1'autre de la foibleffe ; celui-ci de 1'obftination, & cet autre de la lègéreté. II appercevra dans les cranes d'un CéJar & d'un Micbel-Ange, 1'expreslion caractériftique d'une force extraordinaire & d'une fermeté inébranlable.(Nous ne faurions nous refoudre è regarder comme un esprit tant ordinaire, celui qui faifiroit toutes ces nuances). L'Auteur appellé k 1'on appui un trait d'hiftoire con-; nu. On diftingua jadis fur un champJ de bataille plufieurs années après le combat, les cr&nes du Méde efféminê d'avec ceux du Perfe aguerri. On a obfervé la même chofe a 1'égard des Suiffes & des Bourguignons. Ceci prouveroit en effet qu'a la feule infpect-ion du  ö'Avril, Mai, Juin. 1783. 317 du crane on peut reconnoïtre Ia différence du genre de vie entre des peuples différens. Mais il eft loin encore de ces notions générales a la théorie profonde que Mr. Lavater voudroit en déduire. II exige „ que le Phyfionomifte connoiffe les formes individuelles au point de prévoir dans 1'enfant ce que fera Tadolescent; dans Tadolescent ce que fera 1'homme fait; & réciproquequ'il retrouve Tadolescent dans Tadulte, Tenfant dans Tadolescent, celui qui vient de naitre dans celui qui a atteint Ia feconde année, Tembrion dans Tenfant k la mamelle ". Cela s'appelle pourfuivre la fcience jusques dans fes derniers retranchemens, & les exemples qui fuivent ne laiffent pas d'être fort curieux encore. Le crüne d'une fille de trois ans & demi, fait foupconner h TAuteur qu'elle feroit devenue une babillarde. II n'y a rien a repliquer k la différence des cranes relativement au fexe ; elle eft prouvée par TAnatomie. L'on peut admettre hardiment auffi une diverfité de conformation entre des nations différents , furtout lorsqu'on met en oppolkion dea  318 Nouv. Biblioth. Belgique. des peuples fort éloignés les uns des autres. L'eftampe qui eft deftinée è, faire appercevoir ces diftindtions, préfente le crine d'un Allemand, ceux d'un Indien, d'un Africain, & d'un Calmouque. Enfuite elle offre cinq cranes de difFérentes espèces, la plupart défedtueufes;, le commentaire qui les explique, eft fondé fur des paffages tirés de Véfal & de Baubin. Nous ne nous arrêterons pas aux exemples qui terminent ce fragment, puisque fans les vignettes nos citations feroient inutiles. Des lilhouettes de la partie offeufe de la tête, des cranes renverfés , de fimples fommets ou cranes détachés, des contours de têtesnues: voila dequoi exerccr les fpéculations des Amateurs. XI. Fragment. Après avoir parcouru les ménageries & les cimetières, 1'Auteur nous conduit dans la région des ombres; mais les apparitions qui nous y attendent n'ont rien d'effrayant, car il s'agit tout uniment des filbouettes. Mr. Lavater foutient qu'une filhouette bien exadte eft de tous les portraits le plus vrai & Ie plus fidéle, paree qu'elle eft ferfipreinte immédiace de la Nature. Elle eft  to*AvRjL,MAi, Jura. 1783. 3iS eft donc auffi 1'empreinte du caractère, mais elle ne le rend pas toujours pleinement, & voilé pourquoi beaucoup de filhouettes font fi "difficilcs a juger. Pour peu que des qualités extraordinaires foyent cachées, pour peu que les traits foyent gradués avec fineffe, ou que le contour du vifage ait été altéré par des accidens, on a fouvent bien de la peine è démêler le véritable caraétère dans un deffin fait d'après 1'ombre; mais d'un autre cóté il eft mille cas oü ce deffin fi fimple, cette feule ligne extérieure, fournir des indices pofitifs. Les filhouettes les plus marquées font celles qui repréfentent un homme ou fort colère, ou fort doux; ou très-opiniatre, ou trèsfoible ; un efprit profond, ou un efprit fuperficiel; mais en général elles expriment plutót les difpofitions naturelles , que 1'état adtuel du caraclère. Mr. La. ges ". Nous avons lu avec la plus grande fatisfadtion 1'addition de Mr. Herder, qui fe trouve k la page 196. Ses réflexions fur la perfonne & le règne du Grand Fréderic font pleines de jufteife, & refpirent Ia plus noble franchife. Cet Ecrivain occupe aétuellement un des premiers rangs parmi les beaux-esprits Philofophes de 1'AIlemagne. Quel dommage que fes ouvrages foyent dêfiguré9 par un ftyle obfcur & amphigourique, que le Traduéteur femble avoir élagué fort heureufement dans le morceau dont nous parions. ! A la fuite du portrait du Roi de Pruffe gravé par Cbodowiecky, Mr. Lavater a placé une vignette & une filhouette, qui X 3 1'une  $26 NOÜV. BlBLIOTH. BeLGïQUB, 1'une & 1'autre n'ont pas le mérite d'une exacte reffemblance. Le commentaire en eft d'autant plus intéreffant, & il ne faut pas laifier échapper furtout cette idéé ingénicufe qui le termine. ,, Avec „ toutlerefpect, dit 1'Auteur, qui eft 3, dü a un auffi grand perfonnage & h un „ auffi glorieux Monarque, nous ne „ diffimulerons pas que d'après 1'infpec„ tion des traits de fon vifage, 1'iDduI„ gence & la modération paroiffent en „ hii plutöt des vertus acquifes, qu'une „ dispofition naturelle ". Le plus habile courtifan du fiècle de Louis XIV. n'auroit pas mieux dit. II y a une adreffe infinie a faire fortir ainfi 1'éloge de la critique même. Celui qui juge, s'expofe auffi a être jugé; & il faut convenir que Mr. Lavater s'y prête de la meilleure grace poffible. II préfente au Tribunal du Public fon portrait en contour, en filhouette, en taille-douce, & jusqu'en carricature; & a 1'exemple de la gruyère & de Jean ^faaues Rouffeau, il nous tracé lui-même fon caradtère. Un homme auffi véridique qte lui peut en être cru fur fa pa- role,  d'Avril, Max, Juin. 1783. 327 role, & 1'aveu iDgénu qu'il fait de fes défauts, doit fervir en quelque forte de palfeport aux bons témoignages qu'il fè rend a d'autres égards. En général la phyfionomie de Mr. Lavater, & 1'esquifle qu'il nous donne de fon caraüère moral, font très-propres k affermir 1'amour & 1'eftime que fes ouvrages lui ont conciliés depuis long-temps chez tous les honnêtes gens. En eftet, qui ne s'emprelferoit a rendre jultice aux grandes & belles qualités qui le diftinguent. On n'eut jamais un cceur plus fenfibJej ja» mais on ne fut plus paffionné pour la caufe de Ia religion & de Phumanité, pour la recherche de la vérité. Que de chagrins, que d'outrages n'a t-il pas eu a efluyer dans fa carrière littéraire? & il les a fupportés avec une modération qui mérite d'être propofée pour modèle. Tous ceux qui le connoiffent de prés, ne fauroient alfez louer la fimplicité de fes mceurs, fa candeur, fa générofité — & on ne 1'aimeroit pas ? fes écrits atteftent un talent éminent, des connoisfances très-étendues, beaucoup d'esprit, une aüivité infatigable •—& on ne X 4 1'efti.  32? Nouv. Biblioth. BelgiquS. 1'eftimeroit pas? Pour prendre de lui Pidée la plus avantageufe, il fuffiroit peut-être de lire fon code moral, (page 204). Nous nous faifons un de voir d'offrir ce morceau a nos Lefteurs, & nous ofons le recommander comme un chef d'ceuvre de précifion philofophique. „ Sois ce que tu ès. Que rien ne „ foit grand, ni petit k tes yeux. Sois „ fidéle dans les moindres chofes. Fixes ton attention fur ce que tu fais, comme fi tu n'avois que cela feul k faire. 3' Celui qui a bien agi dans le moment a&uel, a fait une bonne aétion pour toute 1'Eternité. Simplifies les objets, foit en agiflant, foit en jouis-. fant, & même en fouifrant. Bornes„ toi au préfent, k ce qui eft le plus ' prés de toi. Reconnois Dieu en toutes chofes; dans Ie firmament, com" me dans le grain de fable. Rends k " chacun ce qui lui eft dü. Donne ton 3' cceur k celui qui gouverne les cceurs. " Sois jufte & exact- dans les plus pe*? tits détails. Espères en 1'avenir. Sa*' ches jouir de tout, cc apprends kte 'it paffer de tout '\  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 3251 II n'eft guère poffïble de ralTetnbler en moins de mots plus de préceptes admirabies. Heureux le mortel qui fait les pratiquer dans toutes les circonftances de Ia vie! Le dernier Article du Fragment des filhouettes eft confacré aux contours des fronts, c'eft-a-dire, on produit 50. demi profils, partagés fur deux planches en rangées, & dëftinés k fervir d'exemples & d'exercices. L'explication qui les accompagne, eft fans contredit trop peu détaillée. II auroit fallu anticiper davantage fur ce Traité des lignes pbyfiognomoniques , que Mr. Lavater garde encore en referve; & fi nous ne nous trompons, cet ouvrage la auroit dü précéder les EJfais de Phyfiognomonie pratique, & en conftituer la théorie. Les XII. Fragment eft confacré 4 YArt du Portrait, que Mr. Lavater appellé le plus naturel, le plus noble & le plus utile, mais en même temps le plus difficile de tous les arts. „ L'amour, dit il, en fut 1'inventeur; fans Tamour il fe réduit k rien; & cependant oü font les amansqui 1'étudient? réflexion galanX 5 te,  $30 Nouv. Biblioth. Belgiquk.' te , qui feroit plus è fa place dans une idylle que dans un ouvrage didactique. Nous ne difputerons point au portrait le rang qui lui eft afiigné dans le paffage extrait de la Théorie des Beaux-Arts de Mr. Sulzer. II eft mis immédiatementa cöté de 1'hiftoire; & celle-ci même, nous dit-on , emprunte de lui une partie de fon luftre ,■ car elle doit recourir a 1'Art du Portrait pour 1'étude de 1'expreffion; mais quelque foit le mérite d'un portrait parfaitement bien fait & parfaitement reffemblant, n'eft-ce pas un fophisme d'avancer „ qu'il eft plus expreffif que t, que la Natüre même, paree que dans 9, celle-ci nous n'appercevons qu'une a, fucceffion rapide de mouvemens va„ riés a 1'infini, au lieu que 1'Art nous „ offre des points de repos qui facilitent 1'obfervation "? Cette propofition furprend d'autant plus dans la bouche de Mr. Lavater, que bientót après il ne ceffe de nous donner la Nature pour un modèle inimitable, dont 1'Art ne fauroit jamais approcher entièrement. Les peints de repos ne prouvent rien d'ailleurs. Pour les fixer, 1'Artifte a dü fuivre la Nature, &  b'Avril,Mai, Jura. 1783. 33* & 1'obfervateur intelligent faura également les trouver & fe les imprimer. Cette branche de la Peinture n'en of- ' fre pas moins de très-grandes difficultés. i Elles confiftent principalemeDt dans le défaut d'une étude philofophique de 1'homme; dans le défaut d'une connoisfance exacte, précife, & en même temps générale de fon être. Pour être Peintrg en portraits il ne fuffit pas d'être boa cop;fte. II faut étudier encore avec le plus grand foin la ftrufture, la proportion, la liaifon, le jeu de toutes les par-, ties' groffières & fubtiles du corps humain , en tant qu'elles ont une influence marquée fur 1'extérieur: il faut appro- : fondir 1'organifation de chaque membre ' féparé du corps & de chaque partie du. vifage; s'attacher tout autant è la con* I noiffance des proportions majeures 6. ; des traits généraux , qu'a 1'ètude des dé? ! tails & a la connoiflance exacte des rap- ; ports qui fe trouvent entre les traits fubtils. II y a beaucoup de vrai dans tout ceci, & les confeils de Mr. Lavater ne 1 font affurément pas a rejeter; mais nous 1 ne yoyons pas la néceffité de rabaiffer fi fort  NoüV. BlBLIOTH. BELGlqUB. fort le mérite de Yexprejfton, & d'établir la bafe du tableau & du deffin uniquement fur les parties folides. Si Ie Peintre infifte trop fur celles-ci; s'il fait trop reflbrtir la cbarpente du vifage, fon portrait deviendra d'une dureté infoutenable; il n'aura plus travaillé que pour 1'Anatomifte & le Phyfionomifte; & è ce prix il fera obligé de renoncer a Tagrément & au goüt qui entrent pourtant auffi pour quelque chofe dans les Beaux Arts. Vérité & facilité; voila les deux points que TArtifte doit têcher de réunir : al échouera toujours, en recherchant Pune aux dépens de Tautre. L'addition de ce Fragment nous a dérou'tés un inftant. C'eft uneéchelle de jugeanens fur les différens mérites & les difféïens défauts que peut avoir Ie portrait. i Kous avons cru d'abord que ces éloges & ces critiques étoient fondés fur des exemples qu'on alloit rapporter; mais il fe trouve au contraire que ce font autant de fuppofitions gratuites&purement idéales; ce qui n'empêche pas que nous aurioDS été trés fachés de les perdre, puisqu'elles renferment plufieurs remarques excellen- tes,  ö'Avril, Mai, Jüim. 1783. 333 tes, dont on eft bien aife de faire fon profit en paffant. XIII. Fragment. L'air de tête, 1'attitude & le jour contribuent beaucoup k faciliter les obfervations du Phyfionomifte. C'eft donc aux Peintres a lui préparer les voyes, mais c'eft de quoi ils fe mettenc peu en peine. Mr. Lavater a de nouveau recours aux exemples pour expofer les principales régies qu'il voudroit faire adopter, & dans cette vue il nous préfente une longue galerie de portraits, la plüpart bien deffinés & bien gravés, & accompagnés chacun d'un commentaire critique & phyöognomonique. Cet examen tourne fouvent k 1'avantage de 1'Art, & presque toujours k la fatisfaction des amateurs. Les images de9 grands hommes intéreffent déja par ellesmêmes, & on retrouve ici avec plaifir celles de Winckelmann, de Mtngs, de Quesnoy,de Thomas Mortis, & plufieurs autres , dont les noms pouvoient être indiqués fans fcrupule; la curioflté du Lecteur n'en auroit éte entretenue que plus agréablement. Peut-être pourroiton defirer aufii plus de variété dans les ca-  3J4 Noüv. Biblioth. Belgiqüe. carsctères. Ceux dont on a fait choix fe reffemblent presque tous, & fatiguent tin peu par leur monotonie. C'eft beaucoup encore que 1'Auceur ait pu diverlifier quelquefois les cadres de fes portraits, & les rendre faillans par des orriemens acccffoires. II nous eft impoffible de détailler ce fragment, qui ne rouIe entièrement que fur des détails; mais nous fommcs obligés de relever le paragraphe de la page 248, oü a 1'occafion d'un portrait du Duc d'Urbin, Mr. Lava-efufe k Rapbaèï, la vérité dans les êétails & la corkectio» du Dessin. Nous convenons avec 1'Auteur que ce reprocheeft extrèmement hardi; & de plus rous défapprouvons trés-fort la guerre ouverte qu'il déclare a differentes repri. fes au plus grand Peintre qui fut jamais. Les excufes & les amendes honorables tic fufrlfent point pour juftifier des critiques qu'i! auroit failu pefer avec beaucoup de prêcaution , qu'il auroit fallu motiver furtout par drs preuves inconteftables. Celles que notre Phyfionomifte allègue, fervent précifément a le confondre. Dans Je portrait que nous avons fous les yeux, il cea-  d'Avrïl, Mai, Juin. 1783. 335^ ccnfure 1'incorrection des détails, la proxi.' ! mité du nez a la bouche, 1'éloignement ! de 1'ceil, une teinte de reffemblance avec : la propre phyfionomie de Rapbaël, défaut qu'il dit être commun a toutes les i tétes de ce Peintre. Nous ne fommes pas de ces Journaliftes qui favent tout, & par cette raifon nous avouons ingénument que nous ne poffédons pas affez la i Théorie de 1'Art pour repouffer pertinemment une attaque auffi vigoureufe; mais quelque ignares, quelque profanes que nous foyons en Peinture, nous croyons que Mr. Lavater fe trompe. II eft très-probable que 1'incorrcétion donc il fe plaint doit être mife fur le compte du Copifte & du Graveur, bien plus qu'a 1 la charge du Peintre. Nous croyons avoir entendu dire auffi que le raccourciffement de la lèvre fupérieure eft un trait de beauté commun a toutes les ftatues anciennes du bon ftyle. Nous croyons encore que cette prétendue reffemblance des portraits de Rapbaël avec fa propre phyfionomie , n'eft pas aufli générale que ' Mr. Lavater fe 1'imagine, puisqu'elle ne fe retrouve déja plus dans le portrait Af... qui  Nouv. Biblioth. Belgiqük; qui fuit immédiatement a la page 249. En un mot il nous femble qu'on ne fauroit être trop circonfpedt, quand il eft queftion de la réputation d'un homme qui a pour lui Tadmiration de tous les connoiffeurs & de toutes les nations. II feroit finauiier que perfonne n'eut appercu jusqu'ici les taches groffières qui choquent aujourd'hui le Phyfionomifte de Zurich. De cet excès defévérité, Mr. Lavater paffe auffitAt k un excès d'indulgence, & après avoir critiqué impitoyablement les ouvrages de Rapbaël, il loue avec beaucoup trop d'emphafe ceux de fon compatriote Henri FueJJli. Nous le difons k regret, mais les morceaux qui ont été gravés d'après cet Artifte, & qu'on nous produit ici, font une affez mauvaife récommandation. Paffe pour les bufles de Brutus & de Marie (p. 252. 253), qui ma^ré la dureté & 1'incorreèion du deffin, ont du moins de 1'expreffion, Faifons grace encore, li 1'on veut, aTeftampe de Salomé page 26r, & aux deux vignettes pages 264 & 265; mais qu'on nous dispenfe d'admirer tout le  0'AvftiL, Mai, Jüin. 1783. 33f le refte. La figure de Saint-Jean eft un horrible boufillage, qu'öD ne pardonneroit pas è un écolief de dix ans. Le portrait de Satan eft le comble de 1'abfurdité, tant pour 1'idée que pour 1'exécution. Qu'on fe reprêfente un toupet en hériffon, de groffes boucles frifées, un front fillonné de rides profondes , des ailes d'oifeau en guife de fourcils, deux gros yeux globuleux, le haut du nez pliiTé, le bas prefque plein d'agrément, la lèvre de deffus raccourcie „ celle de deffous des mieux faconnée, un menton charmant — & voilé le Diable de Mr. FueJJli. Le Magicien Balaam , une fcène d'exorcisme, la Pythoniffe é'Endor, quatre phyfionomies atroces tirées du Dante, font aütant de preuves d'une imagination fougueufe & peu réglée; & le défaut de 1'invention n'eft jamais racheté pat le mérite de 1'exécution. En général nous penfons que Mr.' Lavater auroit pu omettre hardiment toutes ces productions de fon ami Fuejf^ ïi, qui font des hors d'ceuvrcs, & qui n'intéreffent que trés foiblement comme ouvrages de 1'Are. Tm IV, Part. 2. Y H  338 Novv. BiBWom Belgique. II y a de Toriginalité & des vues philofophiques dans !e XIV Fragment, qui établit i'bomogénéité de tous les individus de l'espèce bumaine. Dans tout. s fes organifations la Nature opère du dedans au dehors. E.le forme un tout d'une feule pièce & d'un même jet; une partie tient è 1'autre comme è fa racine; elles font toutes de la même effence, toutes homogene s; elles font toutes femblables a 1'enfemble & en portent le carattère; elles fe trouvent toutes en rap; porc avec le corps auquel elles appartiennent. Jamais la Nature n'apparie des pièces détachées; jamais fes organifations ne furent des pièces de rapport. Ses plans font d'un même moment, & c'eft fur ce principe qu'elle forme la moindre des plantes, comme le plus fublitne des hommes. Cette vérité une fois adoptie, démontre en même temns qu'il doit y avoir une harmonie univerfelle pour les contours du corps humain; mais celle-ci eft négligée par les plus grands Peintres, & dans presque tous leurs tableaux,, les formes du vifage offrent des progres- fions  b5Avril,Mai, Juin. 1783. 33$ fions hétérogènes, qui font autant de diffemblances choquantes. L'Art ne fait donc qu'apparier, & en cela il difFère de la Nature, & par la même il lui eft fi prodigieufement inférieur. Que cette uniformité, que cette belle harmonie ait lieu pour les phyöonomies ïégulières, nous n'en doutons pas un inftant; mais feroit-ceun axiome également indubitable , que même dans les vifages irréguliers, telle forme de nez ne fupporte jamais un front de telle au. tre forme hétérogène ? que telle espèce de front s'affocie toujours k tel nez d'une espèce analogue? Et pour nous en tenir aux exemples cités par 1'Auteur, eft-il bienvrai qu'un front arrondi ne préfente jamais unnez aquilin? qu'un front avancé fait déborder pour 1'ordinaire la lèvre d'en-bas? qu'an front légèrement courbè & retiré en arrière, ne fouffre point un petit nez retrouffé ? Voila des obfervations que tout le monde eft a portée de répéter; mais nous craignons bien que chacune de ces régies ne foit offusöuèe par de nombreufes exceptions. Cependant Mr. Lavater parofc fi ffir Y a d?  340 Nouv. BiBtiOTH. Belgique. de fon fait, qu'il foutient qu'on peut juger de 1'enfemble du profil par une feule de fes parties, par une fimple feétion détachée. Seulement il fuppofe pour cet effet une espèce d'inftincl: & de tadt, fans lequel il eft impoffible d'appercevoir 1'homogénéité & 1'harmonie de la Nature. C'eft ce fentiment auffi qui doit nous donüer pour ainfi dire la clef de toutes les vérités. II fera notre guide dans tout ce qui concerne les ouvrages de 1'Art & les produtlions de 1'esprit; il déterminera nos aétions ,& nos jugemens; il deviendra même une barrière contre 1'irréligion; car celui qui admet 1'homogénéité de la Nature, peutil ne pas reconnoïtre le plus parfait accord, la plus divine harmonie dans la Révélation, dans Ia conduite de J. C. & celle de fes Apötres, dans les préceptes qu'ils nous ont laiffés? Rien de plus refpeftable que ces applications & ces conféquences ; mais pour les trouver, il ne f alloit pas moins que la chaleur dont Mr. Lavater eft rempli pour fon fujet. Les feize additions dont ce fragment eft fuivi, font deftinées a juftifier les rè-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 3** régies qui ont été établies dans Pintroduétion. & a indiquer en même temps les écarts. II faut fuppofer que ces écarts font autant de méprifes du Deffinateur, fans quoi les preuves de 1'Auteur conclueroient contre lui, & détruiroient fon propre fyftême. Parmi les exemples qui doivent Paccréditer, on ne peut guère compter que quatre ou cinq vifages, dont Pharmonie & les rapports foyent parfaitement marqués; les autres . péchent tous par des traits hétérogènes , fans ofFrir cependant de grandes difparates. On diftinguera avantageufement les portraits de Cicéron, de PImpératriee de Ruffie, de Francklin & quelques têtes gravées d'après van Dyk. Le XV. Fragment eft refervé en entier aux ouvrages de Rapbaël. Perfuadé que les tableaux de ce grand Peintre font une excellente étude pour le Phyfionomifte, Mr. Lavater n'a épargné ni foins ni dépenfes pour les faire connoïtre par des gravures. 11 a raffemblé onze grandes eftampes & feize vignettes, qui formeroient un recueil précieux, fi elles Y3 *  34» Nquv. Bibliqth. Belgique. avoient été exécutées par des Artiftes bien habiles. Malheureufement Ia plupart de ces copies font affez médiocres; nous en citerons deux entr'autres, qui ont été négligées au point que le plus miférable des Peintres feroit honteux d'en avoir fourni le modèle. Qu'on jette les yeux fur les Planches LXX & LXXI, & 1'on fe convaincra que nous n'exagérons rien, & i'on ne faura s'étonner affez qu'après le mal que Mr Lavater en dit lui-même, il ait pu fe réfoudre k produire ces croutes déteftables. Ce n'eft pas cependant que les autres gravures foyent toutes 'également chétives; au contraire dans quelques-unes l'efprit de Rapbaïï a été confervé jusqu'a un certain point; mais il en eft bien peu auxquelles on ne reprochera 1'incorreór.ion du deffin & la dureté du burin. Nous avons comparé ces eftampes avec d'autres qui ont été faites d'après les mêmes tableaux par des Maitres Francois; mais quelle prodigieufe différence! Et qu'en arrive-t-il? Mr. Lavater, trompé paria malradreffe de fes deffinateurs. attribue k ^original les  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 34$ les défauts de la copie, & fe permet des critiques qui ne font excufables que fous ce feul point de vue. Encore falloit-il s'y prendre avec plus de mènagement. Presqu'a chaque page on encend accufer Rapbaël, de s'être écarté de la vérité, d'avoir mal copié la nature, d'être incorrect ou vague darts le deffin, d'avoir rendu foiblement les détails, d'avoir cacbé fes défauts d force de génie. Nous demandons au Leéteur impartial, s'il y a moyen de tenir contre de pareüs reproches, quand ils s'adreffent a. un homme tel que Rapbaêl ? Nous demandons encore a Mr. Lavater, comment il peut concilier des ciitiques aufli amères avec 1'admiration exclufive donc il fait profeffion lui-même pour ce PeiDtre immoreel , puisqu'en commeDtaDt fon portrait (p. 318.)» il le met au deffus de tous les Artiftes de fa claffe, & va jusqu'a Tappeller, on ne fait pas trop pourquoi , un bomme Apoftolique ? Nous fom. mes véritablement fachés des torts que notre Auteur s'eft donné dans tout ce Fragment; mais il n'a pas l'air de s'en mettre «op en peine, & croit bonneY 4 menf  '344 Nouv. Bïblioth. Belgiq_üe; ment avoir apprécié fon héros a fa jufte yaieur. Si les connoiffeurs & les gens de goüt fe rangent de fon fentiment, nous fommes bien è plaindre, car nous en diiTérons totalement. Si nous avons cru devoir exercer une cenfure un peu rigide contre le XVe. Fragment, 1'équité yeut auffi que nous accordions les plus juftes éloges au XVIe, dans lequel 1'Auteur parle de la beauté idéale des Anciens, de Ia belle Nature & de fon imitation. Ce morceau porte 1'empreinte du génie & fuffiroit feul pour faire la réputation d'un Auteur. Le principe de 1'imitation, débattu fi fouvent, a trouvéde tout temps fes partifans & fes antagoniftes. Voyons comment Mr. Lavater a rajeuni cette discuffion, qui pour être ancienne, n'en eft pas moins intérefiante. Parmi les ouvrages de 1'Art, Ie premier rang a toujours été affigné aux ftatues Grecques des beaux fiècles de 1'Antiquité. Mais dans quelle fource les Anciens ont-ils puifé 1'idée de cette beauté parfaite? De deux chofes 1'une. Ou bien il faut ' er}  d'Avrtl,Mai, Juirt. 1783. 345 en faire honneur k leur imagination, ou fuppofer qu'il avoient fous les yeux des modèles plus parfaits. Notre Auteur fe déclare pour la feconde de ces opinions. L'homme, dit-il, ne fauroit riencréer; fon pouvoir fe réduit k imiter : c'eft lï fon étude, fa nature & fon art. Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il donne pour ouvrage de fa facon, pour 1'ceuvre de fa main, pour la production de fon efprit» tout eft copié & imité. II ne crée point fa langue: il la parle d'après les autres. II ne crée point une écriture: il en adopte une toute formée. II ne crée point d'images : toute image fuppofe un mo« dè-Ie. De même auffi chaque Peintre copie les Maïtres qu'il a eus, le fiècle oü il vit, les objets qui 1'entourent. II en eft ainfi encore en Sculpture, en Littérature , en Morale. Mais ce qui diftingue les grands maftres, ce qui les fait mettre dans la clasfe des originaux, c'eft qu'ils obfervent euxmêmes la Nature en 1'imitant. Les imitations d'un homme de génie ne font pas ua aiïernblage de pièces rapportées; ii Y 5 re-  546" Notrv. Bibuoth. Belgique. refond fes matériaux, il en forme a« tout homogene, & cette reproduótion paroït fi neuve qu'elle paffe pour originale.. . Les beaux ouvrages de 1'Art fuppofent donc toujours des prototypes encore plus beaux, une nature plus belle encore — & de la part de 1'Artifte, un teil fait pour faifir ces beautés. Le génie ne peut fe paffer du fecours des Jens • il a befoin d'être affeété, d'être entraïné par les objets extérieurs. Croira-t-on après cela que les Anciens n'ont point imité la Nature, & que leurs ouvrages font autant de créations arbïtraires ? II eft bien plus probable qu'ils ont puifé dans Ia fource commune, c'eft-a-dire, dans la Nature, dans les ouvrages de leurs Maitres , dans leur propre organifation, &dans les fenfations qu'elle leur faifoit éprouver. A tous ces égards les Grecs avoientdes avantages & des fecours dont nous fom. mes privés. Le fang étoit plus beau chez eux que chez nous. Nous n'avons pour régie du beau que des ftatues inanimées ; ils avoient £bus les yeux la {Kauté même perfonifiée. Tandis que nos  ö Avril, Mai, Juist. 1783. 34* EO- Artiftes font bornés & quelques madèles, fouvent affez médiocres, les Anciens plus heureux trouvoient a chaque pas des formes élégantes, & n'avoient pour ainfi dire que Tembarras du choix. Nous ignorons d'oü provenoit cette beauté nationale; mais on peut 1'attribuer en partie aux influences du climat, de 1'éducation, du genre de vie. Loin de créer des beautés idéales fans le fecours de la Nature, 1'Art n'y reusfit pas même lors qu'il la prendpour mo. dèle. II a toujours été & fera toujours infiniment au deffous de la Nature, & ce que nous appellons la beauté exaltée des Anciens, n'étoit apparemment par rapport a eux qu'une foible imitation de la J^ature. Cette fuppofitionacquiert le [plus grand degré de vraifemblance, fi Ton juge des Artiftes anciens par les modernes. S'en trouve-t-il parmi nous qui excellent jusqu'a un certain point, qui réuffiffent ua peu mieux que de coutume leura ouvrages font auffitót placés au rang des beautés idéales. Mais qu'il s'en faut que cette production ü vantée enchéris-  '348 Nouv. BiBXiora Belgiqub." fe effea-veroenc fur la Nature, ou feu. lemen t qu'elle 1'atteigne I Et quand même 1 Artifte auroit rempli fa tache avec intell.gence, s'enfuit-il delè qu'il ajoute aux beautés de la Nature? N'en croyez rien. Jamais il n'ira au delè des perfections de Ia Nature. II ne Ia rendra pas feulement dans les objets inanimés. Comparez les productions de 1'Art avec celles de Ia Nature, & je mérite de celles la disparoitra bientót. Si par hazard 1'Artifte téuffit è nous donner un portrait plus beau que 1'original , Ce portrait ne fera quefubftitué, ce fera la copie imparfaite d'une belle Nature différente de celle qu'il avoit fous les yeux, 1'imitation d'un autre modèle qu'il aura eu préfent a l'efprit. Ainfi tout ce qui pafTe pour original n'eft au fonds qu'une copie , modifiée par les idéés habituelles de 1'Artifte. Par une raifoü analogue, les ouvrages des Grecs étoient également des copies. Chez eux la Natureétoit plus belle qu'el. Ie ne 1 eft chez nous, & pArt des Anciens étoit tout auffi éloigné de faifir dans toute fa perfeffion leur belle natu- re,  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 349^ re» que 1'Art des modernes eft éloignê de rendre la Nature moins parfaite qui les environne. Les bornes de ce Journal ne nous permettent pas de pouffer plus loin cette analyfe. Quelque imparfaite , quelque abrégée qu'elle foit, elie prouvera poürtant que Mr. Lavater a traité fa matière avec autant de fagacité que de goüt. Nous ne craignons pas d'être démentis en foutenatit que ce fragment eft la partie la mieux foignée du fecond Volume. C'eft un enchainement d'idées faines & bien digérées, expofées avec ordre & dans un jour agréable. Nous ne hazarderons qu'une feuie obfervation. De ce que la race des Grecs étoit plus belle que la nótre, 1'Auteur conclut qu'ils valoient mieux que nous, & que la génération préfente eft cruellement dé. gradée. Mercuriale violente la deffus eontre les Chrétiens de nos jours, dont on met les vertus fort au deffous de celles des Payens de 1'Antiquité. Cette diatribe fent trop la déclamation, & reffemble un peu è cette morgue philofophiaue qui eft fi fort en vogue depuis quel-  3$"o Nöuv. BiBLiof ö. Belgiqüe. quelque temps, & qui n'eft pas faité pour un Ecrivain auffi doux & auffi modéré que Mr. Lamfer. Horace a déja dit: Mtas parentum pejor avis tulit nos toequiores, & ces plaintes ont été répétées d'age en üge. Chaque fiècle a fes vertus «St fes vices, mais è tout prendre il fe pourroit bien que le nótre ne füt pas auffi méchane qu'on fe plait a le dépeindre; & k beaucoup d'égards peutêtre, valons-nous mieux que nos barbares Ancêtres. Les Additions de ce Fragment foutienfient- parfaitement 1'intérêt qu'infpire le discours préliminaire. Les trois premières s'occupent uniquement de VApollori du Vatiean. La defcription que Winkelmann a donnê de cette célèbre ftatue, retrouve ici une place trés - convenable, ainfi qu'un autre paffage du même Auteur, qui confirme fort heureufement ce que Mr. Lavatet a dit de Ia beauté nationale des Grecs. Enfuite on examine plufieurs buftes & profils gravés d'aorès des antiques. L'A'rticle tfHomère (pag. 343.) eft furtout remarquable; mais c'eft peut-être abufer un ped  d'Avril,Mai, Juin. 17*3- ' peu du quidlibet audendi, que d'appe fe crane du Poëte Grec un ciel poeti oü les images vivifiées des Dieux tranjj tent tout- l'Olympe; le lieu oü babu tous les héros célébrés dans l'lhade. Enfin nous voici arrivés au fragn qui enfeigne VEtude de la Pbyfiogm nie, & qui doit nous fournir par co quent des régies füres pour cette fci( nouvelle. La méthode que 1'Auteur j pofe eft celle dont il s'eft fervi lui-mé Nous effayerons de la faire connt en abrégé. Pour être qualifié a cette étude faut être douê de ce ta£t pbyfiognom que qui fait appercevoir & faifir les rattères de la Nature. II faut du ƒ ment, pour rédiger avec ordre les ob vations, pour les généralifer, & les diquer par des fignes abftraits. II 1 favoirle deffin, pour repréfenter les ra&ères & pour les déterminer avec ej titude. Sans ces dispofirions préalal on eft exclu du fanftuaire de la Phy gnomonie. L'étude même de cette fcienceembi fe le champ le plus vafte. Elle co  352 Nóuv. Bïblioth. Belgiqüe. fte a exercer Ie tact. & Ie jugement; a mettre dans un vrai jour les obfervations qu'on aura faites, a dénoter chaque appe'cu, a le caractérifer & è le repréfenter. Elle confifte a rechercher, k fixer & è claffifier les fignes extérieurs des facuk tés intérieures; k découvrir les caufes de certains effets par les traits & les 'mouvemens de Ia phyfionomiek bien connoïtre & k favoir diftinguer les caractères de l'efprit & du cceur qui conviennent ou qui répugnent a telle forme ou è tels traits du vifage. Elle coBfifte enfin k trouver des fignes généraux, apparens & communicables pour les facultés de l'efprit, ou pour les facultés internes en général; puis a faire de ces fignes une application facile & füre. Telle eft la tache du Candidat en Phyfiognomonie, & certainement elle n'eft pas aifée. Mais ce qui en augmente furtout la difficulté, d'eft Ia marche pénible & tortueufe qu'on lui ordonne de fuivre fi jamais il veut arriver au but. Voici les degrés qu'il doit parcourir. D'abord  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 353 D'abord il apprcndra è bien connoïtre ce qui eft commun è tous les individus de 1'espèce humnine, ce qui diftingue univcrfellement 1'organifation de notre corps de toute autre organifation animale ou végétale. Cette différence unc fois bien établie, il étudiera féparément chaque partie & chaque membre du corps humain, les üaiföns, les rapports & les proportions qu'ils ont ehtr'eux. En mefurant ces rapports, il diftinguera les proportions des lignes droites d'avec^les proportions des courbes; & ce n'eft qu'après avoir acquis ainfi une connoisfance générale des parties- du corps, qu'il paffera a 1'étude des caraétères particuliers. La il commencera par des vifages dont la forme & fe caraétère onc quelque chofe de bien marqué. II étudiera fon fujet individuellement: il fe le dócrira en paroles, & fur cette defcription il deffinera le portrait de la perfonne en fon abfence. L'étude des vifages caraétériftiques lui fera trouver les resfemblances entre les phyflonomies, & ces reffemblances lui découvriront Ie rapport des facultés intelleétueiles. Si 'Tomé IV. Part. 2. Z le  354 Nöuv. Biblioth. Belgiqus. ■le Phyfionomifte fait épier Ie moment décilif oii Ie caraétère prédominant eft mis en activitéj s'il s'attache dans les premiers temps aux caraüèrcs extraordinaires, aux caractères ex crèmes, il acquerra d'autant plus de certitude & facilitera par la fes recherches. 11 faut décrirc ét deffiner chaque vifage qu'on veut étudier. II faut obferver chaque partie féparément, & la confidérer enfuite dans fes liaifons & dans fes rapports. Le Phyfionomifte s'occupera férieufement des filhouettes: il apprendra a les faire lui même, a les commenter a les clafijfier. Comme il eft difficile d'étudier le3 hommes fans indiscrétion dans le commerce ordinaire de la vie on doit • tacher d'obferver auffi des per* fonnes endormies. (Mais les occafions en feront plus rares encore, è moins qu'on ne pourfuive les gens jusques dans leurs lits ; ce qui ne feroit pas trop discret non plus. D'ailleurs que dira une femme bien née, fi on lui propofe de ladeffi. ner dans cet état, en mar quant foigneufe•ment les traits, les contours, les attitudes 9 lts rapports qui ft trouvent entre le corps, la  d'Avril.Mai, Juin. 1783. 35*5 la peau, les bras 6? les jambes? D'une facon ou d'autre le Phyfionomifte le plus philofophe pourroit rencontrer des dangers dans ces fortes d'expériences ). Il risquera moins a les répéter fur les morts, qui lui font auffi propofés comme fujet d'écude. II doit s'arrïufer en outre k déchiqueter & k filhouetter des cranes, k copier des figures en platre & des cmpreintes de médailles en' gypfe. Un des principaux objets de fon application fera la connoiffance des langues. II compofera un vocabulaire pour les termes phyfiognomoniques, & un régiftre pour l"s vifages caradtériftiqui s. II s'inftruira par les portraits & les tableaux d'hiftoire des meilleurs Peintres & dés meilleurs deffinateurs. Les préceptes que nous venons de transcrire, auffi brièvement qu'il nous 3 été poffible , lont compris dans la 1 «• Seétion du XVII. Fragment. Dans la feconde, Mr. Lavater confeille a fes disciples de ne pas fe laiffer prévenir par un extérieur rébutant, de ne point négliger les traits acceffoires du vifage, de faire une attention particulière k ceux Z 2 qui  S5<5 Nouv. Bielioth. Bëlgtqub. qui offrent des contraftes. On doit toujours en Phyfiognomonie fe livrer aux premières impreffions; bien entendu cependant qu'il faut vérifier enfuite le fertiment par 1'obfervation. 11 eft effentiel encore de remarquer la feature, la voix; mais d'un autre cóté il faut favoir diftinguer foigneufement ce qui eft nature!, ce qui eft accidentel, ce qui eft produit par des caufes violentes. Dans certains cas, & lorsque les traits particuliers font parfaitement prononcés, il eft poffible de juger en dernier reffort fur un figne unique. Quelquefois auffi un feul moment décifif fuffit pour expliquer teute Ia phyfionomie & tout le caractère. Enfin après quelques autres préceptes de c: genre. Mr. Lavater recommande de nouveau la pratique du deffin & I'étude des peintures a 1'huile. II cite les principaux Auteurs anciens & modernes qui ont écrit fur fa fcience, & il donne une nomenclature des portraits les plus remarquables qui pourront en facilitcr I'étude. Nous n'avons fait, pour ainfi dire, qu'indiquer les titres des paragraphes; car chaque régie comprend encore des dé-  d'Avwl, Mai, Juin. 1783. 357 détails qui vont a 1'infini. Le fimple réfumé de la méthode de Mr. Lavater dé^ montre que pour dcvenir Phyfionomifte, il faut être Phyficien, Logicien, Métaphyficien , Anatomifte, Deffinatcur , Connoiflcur en tableaux, Antiquaire, Philologue, Polyhiftor, & Dieu fait quui encore. La Phyfiognomonie feule eoibraffe donc la plupart des autres Sciences enfemble, & la vie d'un homme fuftiroit a peine aux études préparatoires qu'elle exige. Ces immenfcs difficultés n'effrayeront - elles pas ceux qui feroicnt tentés d'entrer dans la carrière? Ne prouvent-elles pas que le nombre des bons Phyfionomiftes fera prodigicurement rare? L'txemple même de notre Auteur eft quelquefois décourageant; car dans plufieurs endroits oü il eft queftion de trancher le nceud-Gordien, il quitte la partie & en appellé a des Connoiffeurs qui auront plus d'expérience & plus de loifir que lui. Or fi c'eft la le langage d'un Vétéran, qui a pafte une grande partie de fa vie a faire des obfervations phyfiognomoniqucs, qui a traité fa Science fort au long dans plufieurs ouvrages volumiZ 3 . aeux»  358 Nouv. Biblioth. Belgioub. neux, feroit-il furprenant qu'un Novice regaruat cette étude conime exceffivement ingrate? C'eft è 1'expérience è décider fi Ia Phyfiognomonie produira effedtivement dans la littérature & dans la fociété tout le bien qu'on nous en promet. Son utilité réelle une fois étabiie, il eft très-certain que cette fcience ne fauroit être cultivée avec affez de foin, & qil'il importe de furmonter les obftacles qui 1'environnent, pour la mettre a la portée de tout le monde. Quelque problématfque que foit iuS qu'ici cette utilité, c'eft déja un grand* mérite de 1'avoir cherchée: c'en eftun d'avoir tiré une moiflbn abondante d'un champ hériffé de ronces & d'épines Le volume dont nous avons rendu compte eft a plufieurs égards un véritable tréfor d obfervations & de découvertes importantes, qui doivent néceffairement tourner au profit de Ia Philofophie, des belles-lettres & des beaux-arts. Ainfi fous quelque point de vue que 1'on entiiage ces EJfds Pbyftognomoniques, ils mémeront toujours i'atterjtion & 1'eftime de  jb'Avril-Mai, Jum.1783. 359 de quiconque s'intéreffe aux progrès des connoiffances de l'efprit humain. Le grand défaut de cet ouvrage elt la prolixité. Si 1'Auteur avoit évité les détails minutieux, les hors d'oeuvres & les redites; s'il avoit moins infiftê lur des chofes ordinaires; s'il avoit retranché les exemples fuperflus, la ltfture de fon livre feroit moins fatigante, fans ceficr d'être tout auffi inftruétive. On a^ reproché encore k Mr. Lavater trop d'onginalicé & de fingularité. Nous ne 1 en disculperons pas entièrement; mais nous aimóns k excufer ces défauts, qui tiennent au génie, & qui produifent fouvent un trés-heureux effet. ^ - Rien n'a été épargné pour donner a ce fccond volume tous les ornemens, tout le iux2 extérieur dont il étoit fufceptible. Soixante & dix huit grandes planches&plus de 150. .vignettes, concourent en même temps a errtbellir 1'édition & h. cntretenir agréablement la curiofité du Ledeur. On nous a accufé d'avoir loué mal k propos Texécution des vignettes du premier volume, tandis que Mr. Lavater s'en eft plaint amêrcment Z 4' Par  $60 Nouv. BibLioth. Bblgique, par un averciiTemcnt inféré dans notre Journal même. Pour expliquer cette contradiction, il faut favoir que par un hafard heureux ou malheurcux, nous avons eu entre les mains un exemplaire des mieux choifis, dont les épreuves Jaiffoient en elFet peu è defirer. Quant au volume qui paroft aujourd'hui, on a redoublé de foins & de dépenfes pour prévenir les mconvéniecs qui accompagnent une entreprife de cette importante, & il paroit que tout a parfaitement bien réuffi. L'Editeur fe ioue beaucouo de l'exadtitude & de Padreüe du Sr. Ko. ning, Imprimeuren taille-douces èAm" fterdam, qui a été chargé feul de la Dar" tie des vignettes. Le mérite de ia traduétion eft déii décidé par ie premier Tome. On fait maintenant que nous en fommes redevables aux efforts réunis de Madame de la FiTE&de Mr. Renfner, l'un 1'autre avantageufement connus par plufieurs bonnes traduétions. Madame de la Fite ■ ayant été appeliée il y a quelque temos a Ia Cour de Ia Reine d'Angleterre, elle a da *mter la -acne littéraire qu'elle s'étoit  p'Avril,Mai, Juin. 1783. 3<5r s'étoit impofée, & fon Alfocié a continué feul la befogne. Depuis le Fragment des filhouettes tout le travail apparticnt a ce!uï-ci, & nous ofonsdire, fans le flatter, qu'il s'en eft tirê avec honneur. C'eft lui auffi qui a dirigé Pimpreffion & Pédition du fecond volume , & il s'occupe aétuellement du troilième, qui paroitra dans le courant de Pannée prochaine. Nous félicitons Mr. Renfner de fes fuccès: il ne fal'.oit pas moins qu'une aftivité auffi infatigable que la fienne, pour conduire heureufement cette longue & difficile entreprife. Z5 ARTI-  $€z Novv. Biblioth. Belgique. ARTICXE CINQUIEME. DlSSERTATlO PHYSICA ET MaTHCMA- tica de Montiwn altitudine Barometro metienda. Accedit RefraÜionis Aftronomica Tkeoriaik\x&.oï*AvRiL, Maï, Juin. 1783. 37^ même colonne d'air &c. Mr. D. confirme les vérités de ces conjeéturespar les obfervations de M. de Lüc, faites fur les . mines du Hartz, & dont on trouve les détails dans le Vol. LXIX des tranf Pbil. p. 491. Voyez auffi le LXVK vol. du même ouvrage ( a ). Les effets de la chaleur fur Pathmofphère, & celui desfy apeurs qui fe mêlent a l'air,font donc les principales caufes des erreurs oü 1'on Comberoit s fi on n'en tenoit aucun compte dans 1'application des loix ou des formules, qui expriment les mefures baromêtriques. L'Auteur examine en détail la première de ces caufes dans la 3e. partie de cette excellente DilTertation; c'eft dans 1'ouvrage même qu'il faut voir avec quelle clarté & qu'elle précifion il traite ce fujet. Cet article, ainfi que lè 4e., oü on traite de la loi de la di- mi- (a) Nous renvoyons auffi nos Ledteurs au Journal de Phyfique del'Abbé RosiEa.Mars 1780. Tome XV. part. i. oü 1'on trouve un Mémoire de M. de Luc , contenant fes obfervations^ baromêtriqties fur la profendtiir Hts mines du Hertz. Aas  37 & Nouv. Biblioth. Belgiqub. minution de la cbaleur dans Vatmofpbire, font des preuves de fes profondes connoiffances mathématiques; les hornes & la nature d'un extrait ne nous permettent pas que nous nous y étendions. La Ve. partie traite du pouvoir £? de l'efficace des vapeurs dans la variation de la denfitê de Vair. Notre Auteur traite cet article en vrai Phyficien; il y examine d'abord ce qu'il faut entendre ici par vapeurs. Ce ne font pas, dit-il» feulement ces vapeurs épaiffes, qu'on diftingue a 1'oeil, qui troublent la pellucidité de l'air, & qu'on pourroit presque appeller brouillards ; mais plutóc ces vapeurs légères, qui foDt intimément mèlées k l'air atmofpérique, & qui le rendent humide; ces dernières feules contribuent beaucoup k troubler la loi des denfités de l'atmo/pbère, & femblent avoir été jusqu'ici la principale caufe que la loi de la diminution de la chaleur n'ait pu être établie. Les brouillards ne font point descendre 'le mercure du baromêtre; ils n'affecïent pas d'une manière fenfible Phygromêtre placé dans un lieu bien fermé, tandis que  d'Avail, Mai, Juin. 1783* 373 que ces vapeurs légéres ont une grande influence fur l'un & 1'autre de ces inftrumens, Voyez de Luc Recherches &.C Tome II. § 672. fuiv. Enfin ces brouillards ne s'élévent pas a une auffi grande hauteur que les vapeurs legères, ce que prouvent les montagnes les plus élevées du Pérou , dont les fomme* font couverts d'une neige éternelle. Notre Auteur examine enfuite dans le § 23. quelle eft Yinfluence de ces vapeurs dans les variations de Vatmofpbère, & fait mention des recherches de Mrs. de Luc & Roy, avec tous les éloges qui leur font düs. Après avoir discuté ce fujet, il en tire les trois corollaires fuivans: i° que les vapeurs affe&ent peu Pélafticité de l'ajr, fi celuïci eft au deffous du point de congélation. 2°. que les vapeurs n'affeöent que peu, ou point du tout, 1'élafticité de l'air lorsque fa température eft de 320; mais 3". que les vapeurs ont une plus grande influence fur cette élafticité de 1'air, lorsque fa température eft au desfus du point de congélation, & cela en raifon d'autant plus grande que la chaAa 3 leur  §74 Nouv. Biblioth. Belgique. leur devient plus forte. — Notre Auteur renvoye è 1'ouvrage de M, de Luc. Part. IV. Chap. IX. ceux qui defireroient d'avoir des détails furlesqueftionsfuivantes: favoir, fi les vapeurs font plus légères que 1'air, & quelle eft la caufe de .• leur ascenfion dans 1'atmofphère. — Maisil établit commeparfaitement prouvét s les trois propofitions fuivantes.10 que les vapeurs s'élèvent dans 1'atmofphère, parcequ'elles font plus légéres que 1'air. que le feu eft la principale caufe, & le véhicule des vapeurs, ou de 1'eau diffoute en vapeurs, 30. qu'il y a une plus grande affinité entre le feu & l'eau , qu'entre le feu & l'air. „ Ces propriétés des vapeurs, jointes h celles que j'ai êtabli dans le § précédent, dit Mr. D., font le fondement de tout ce que je mé propofe de dire fur les elfets des vapeurs fur 1'atmofphère. L'Auteur examine ces objsts en détail & avec une précifion extrêmément facisfaifante: il remarque encore au § 3's que dans les variations que les vapeurs peuvent produire dans ]amefuredc3 montagnes, ilfautaufli avoir égard a un plus grand degré de chaleur, ....... (je  P'Avril, Mai, Juin. 1783. 371 /de ces vapeurs, ou comme s'expri me Mr. ce Luc,que ces vapeurscontiennent plus da feD que l'air donc elles étoient environnées, car il arrivé fouvent que cette chaleur femble non-feulement détruire 1'efFet de» vapeurs, mais agit en fens contraire; ce que Mr. de Luc a remarqué dans beaucoup d'obfervations. Mr, Dame» croit pour de bonnes raifons, pouvoir conclure que dans toute cette opêration les effets de la chaleur font plus grands que ceux des vapeurs, II eft vraifemblable, continue notre Auteur, que cette métbode de mefurer les montagnes par le baromêtre, fera toujours fujette è quelque petite erreur, car les variations du baromêtre font beaucoup moindres dans les endroits plus élevés, que proche de la furface de la Terre. — Ainfi quoiqu'on fuppofe que tout foit égal dans deux obfervations, faites en différens temps, il n'y aura cependant point d'accord parfait entr'elles a moins qu'on ne fuppofe en même tems que- les variations du baromêtre fupérieur.Sc inférieur, pendant le temps del'obfervation, ayent été égales, ce qui ne s'accorde point avec Fexpérience. A 4 li  Sf ó* NOÜV. BtBLIOTH. Belgiqub'. II fuif, de tout cela que cette matière eft encore fuiette è beaucoup & a de trés grandes difftcultés, fi 1'on veut atteindre a la perfcétion & éviter les petites erreurs dont elle n'eft pas encore exempte. Je ne doute pas, continue M. Damen, qu'on n'atteigne cette perfection fi on fait ufage de 1'hygromêtre, & qu'on en joigne les obfervations a celles du baromêtre & du thermomêcre. D'après de pareijles obfervations on pourra corriger Terreur qui provient de la différente diftance des lieux de 1'Equateur, car on fait que l'air entre les Tropiques eft rempli de plus de vapeurs, que fous des latitudes plus moyennes, & qu'il eft au contraire le plus fee, dans les Régions Septentrionales. Enfin de pareilles recherches pourront répandre beaucoup de jour fur la Théorie univerfelle de la Terre, la détermination de Ia viteffe du fon &c II y a tout lieu d'esperer les plus heureux fuccès, depuis que quelques uns des meilleurs Phyfieiens, tels que M. M. Toaldo, db Luc, Cotte, Van Swinden &c. fe font beaucoup occupés a rasfembler & k comparer entr'elles des ob-  tfAvitiL,Mai,Juin. 1783- 3 obfervations baromêtriques, thern mêtriques & nyfromêtriques. Enfin dans la VI. Parcie de fa Difl tation, M. Damen examine & comp les expériences & les obfervations M. M. S< huckburg & Roy a celles M. de Luc (a). Le Chevalier Schucburc , a répi avec les inftrumens les plus exacts obfervations de Mr. de Lucdans même endroit oü celui-ci avoit fai les fiennes, c'eft a-dire, au fommet d> Montagne de Salêve; il a trouvé que hauteurs calculées fuivant la méthode Mr. de Luc, étoient de 21. 7 pieds mille pieds plus petitcs que les haute i O) Nous fomme* étonnés que Mr. qui paroit d'ailleurs trés au fait des pro tions les plus récentes, ait paffé entièrei fous filence 1'intéreffant Mémoire de M. gellan, ch il décrit un baromêtre nou inventé par lui-même; avec la méthode mefurer la kauteur des montagnes, de bles trés étmdues pour calculer ces mej avec la plus grande facilité. Journal de Jïque de Rczieb pour Fevrier , Mars, 4 & Mai 1781. A a j  078 Nouv. Biblioth. Belgiquk féelles, ou géomêtriques. Mr. Schucsbürg a fiiivi dans fes obfervations ia même méthode que M. de Luc , avec cette feule différence que tandis que le thermométre de celui-ci étoit expofé aux rayons du foleil, le fien en étoit k 1'abri: il a conclu de fes obfervations que Je degré de chaleur dans lequel la hauteur logarithmique (a) s'accorde avec la hauteur trigonométrique ou réelle, «ft de 8°. du thermométre de Fa hjlENHEiT plus baffe que celle que M, de Loc avoit fixé; de forte que la {température dans laquelle la hauteur logarithmique s'accorderoit avec Ia hauteur (o) Si on fouftrait l'un de 1'autre les logarithmes des bauteurs baromêtriques obferyéesdans deux endroits è diverfe diftance de Ia Terre, & qu'on regarde les 4 premiers chif. fres de la fomme comme nombres entiers, sette différence exprlmera la diftance verticale de ces deux endroits, en toifes & milliéme de toifes. Je nommerai dans la fuite pour abréger, dit Mr. D. §. 7. cette élévation, calculée ainfi fuivant cette régie, HauJeur Logarithmique. Voyez une expofition trés ciaire des principes fur lesquels eft appuyé a Fufage des Logarichmes. dans de Luc Rechtr.<•&« Tom. 2d. § 575- & fuiv.  rsAvrïl,Mai, Juin. 1783. 379 teur ïéelle , fe trouveroit fuivant fes obfervations, au point même de !a congélation, c'eft-è dire a 32°. Mr. D. er rendant tous les hommages qui font düs aux obfervations de Mr. S^huckburg, ne peut s'empêcher dé remarqucr que le Phyficien Anglois s'eft peut être un peu trop dépêchê de conclure d'après un petit nombre d'obfervations faites pendant 1'été, tandis que la formule de Mr. de Luc eft fondée fur un trés grand nombre d'obfervations faites pendant quatre années, dans presque toutes les différentes conftitutions de 1'atmofphère poffibles: il en conclut dónc avec raifon que la règle de Mr. Schückburg ne mérite point la préférence fur celle de Mr. de Luc. M. Damen s'arrête plus longtempsdans 1'expofition des expériences de Mr Roy. II rapporte avec beaucoup de clarté le fommaire des Expériences de ce Phyfi. cien , touchant 1'expanfion de l'air fous différens degrés de chaleur, ainfi que les expériences de ce Phyficien pour connoitre fi l'air & le mercure, fous un même degrè de chaleur, fubiffent la méme dila-  380 Nouv. Biblioth. Belgio.it*; dilatation,, c'eft k dire fi des volumes d'air & de mercure égaux, changent également dans un même degré de chaleur. Nous De pouvons fuivre notre Auteur dans ces détails; d'ailleurs ceux qui prennent un vrai intérêt è ces belles recherches de Mr. Roy, peuvent coniulter les Tranfaftions Pbü. Vol. LXVIL part. 2. p. 6Ö4. &c; mais voici les 3 corolJaires que Mr. D. déduit de ces expé. riences. i. Que 1'élafticité de l'air naturel ou atmofphérique eft plus grande que 1'élafticité d'un air plus denfe ou plus rare. 2°. Que la preflïon étant diminuée, les particules d'air peuvent tellement fe féparer d'entr'elles, qu'elles perdent une grande partie de leur élafticité. 3°. Enfin que I'expenfion de 1'air qui auroit un degré de denfité de i p]us grand que la denfité de l'air atmofphérique, eft égale a I'expenfion de 1'air qui a une denfité naturelle. II n'y a point dedoute, dit Mr. D. que fi les changemens de 1'atmofphère dépendoient de la chaleur feule, on pourroit déduire de ces expérien ces la régie qu'il faudroit fuivre dans la corrtction des hauteurs logarithmi- qucs,  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 381 ques , mais puisque d'autres caufes in. flucnt efficacément fur ces variations de 1'atmofphère, ces expériences Ifeulesne répondent point au but défiré; cependant en les comparant avec les obfervations baromêtriques mêmes , elles répandent beaucoup de jour fur ce fujet. Mais puisque ces vapeurs ne fe trouvent pas toujours en abondance dans 1'atmosphère, ou bien lorsqu'elles y font, elles ne troublent que peu la denfité de l'air, a moins qu'elles foyent extrêmémentdilatées par la chaleur,ou condenfées par le froid ,ï(extrêmes qui n'ontpas fi fouvent lieu dans la'Nature ) , il fuit que fi toutes les autres cireonftances font êgales, la règle qu'on aura déduite des obfervations baromêtriques pour la mefuredes hauteurs, fera d'autant plus parfaite, qu'elle s'éloignera moins de la loi des expenfions de l'air, & dela Mr. D. conclut que les conféquences que Mr. Roy a dèduitesde fes obfervations , s'accordent mieux avec les expériences, que ne le font les conféquences que Mr. de Luc a tirées des fiennes. — Mr. Damen avant que d'examinerce fujet plusloin,  3S2 N0UV. BlBLIOTH. BeLGÏOUK. recherche quelles font les diverfités quj fè rencontrent dans la manière d'obferyer de ces deux Phyfieiens: „ c'eft de M ces diverfités feules, dit-il, è moins que i, je me trompe entièrement, que dé„ pend toute la différence qui fe trouve 3I entre la lei établie par chacun de ces Phyfieiens". — Ces différence^ confiftent. i°. en ce que les thermomêtres de Mr. de Luc, poür déterminer les degrés de chaleur ont été expofés directement aux rayons du foleil. 20. que les obfervations faites au foleil levant, ont été négligées par Mr. de Luc comme des exceptions de Ia régie. 3'. que parmi les obfervations de Mr. Roy il n'y en a que trés peu qui ont été faicés dans un air .chaud, aucune du moins dans un air auffi chaud que celui dans lequel Mr. De Luc a faites la plupart des hennes, Hotte Auteur reprend enfuite chacun de ces articles en détail, & il termine ce fu. jet par quelques réfiexions fur les corrections h faire dans les hauteurs logarithmiques, & par réduire la formule qui les exprime k fa plus fimple expreffion: tous «es; articles font traités comme lés précêdens {  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 3*1 cédens, c'efta-dire avec la même prë« cifion mathématique. L'obfervation des hauteurs du baromêtre a été employée non feulement a la mefüre des élévations des montagnes, mais elle a été mife en ufage dans les nivêle* ment. Mr. dé Lüc s'en eft fervi en mefurant 1'èlévation du Lac de Genève au deffus de la Mer Méditerranée, & en nivellant le chemin de Genève a Tu« rin. Quoique les Phyfieiens puiffent fe fèliciter des fuccès de cette opération» il faut avouer cependant dit Mr. D.; qu'on doit y employer diverfes précautions, dont Ia négligence pourroit rendre 1'opération incertaine, & qu'elle n'eft pas encore affez parfaite pour ne pas chercher k la perfeétionner encore davantage. Mr. D. ne fait que toucher en paffant ce fujet, & il revient encore un inftant aux caufes qui erapêchent que la formule qu'il avoit donnée, ne foit exactement vraye dans toutes les partie* du monde, & dans les élévations de la Station inférieure au deffus de la mer: la prenvère caufe eft la diminution de la denfité de 1'air, en allant des Poles ver» VS.  §84 NOUV. BlBLIOTH; Belgiojete" PEquateur; 1'autre eft que 1'équation par rapport a la chaleur a laquclle il faut avoir égard dans les hauteurs logarithmiques, décroit lorsque 1'élévation de la ftation inférieure au, deffus du niveau de ia Mer augmente. Mr. D. confirme ces affertions en alléguant les obfervations des meilleurs Phyfieiens, comme du célèbre Irving ( Voyage au Pole Boréal par Phjpp. p 150.) & le célèbre Bouguer. L'Appendice , ou le Supplément è cette dilTertation, contient une théorie des Refraétions Aftronomiques, fondées fur les principes pofés dans le cours de fexcelientedifiertation que nous veDOns tf'examiner; c'eft une petit? dilTertation féparée du refte, & qui doit faire le plus grand honneur aux connoiffances algébriques de Mr. D. U y fuit furtout les principes du célèbre La Graivge (M<.m> de Berlin,ponr 1772- p. 259.)comme les plus certains & les plus éloigcés des hypothèfes , mais en y faifant p'lufi- urs changemens, que les expériences de Mr. Roy y exigeoient, ou qui rendent le calcal plus faciles, ou bien encore qui fervent k illuftrer toute la matière. Enfin  d'Avril , Mai , Juin. 17 83 3 8y ilrepaffe toujours cette Théorie èlapierre de touche des obfervations. Nous nous voyons encore obligés avec bien du regret de paffer fous filence cet intéreffant morceau paree que les calcuis de la plus fublime Algèbre, qui s'y trouvent,ne fonc pas fufceptibles d'être préfentés en raccourci, d'ailleurs on a befoin de recourir aux figures qui 1'accornpagnent; mais npus renvoyons fans fcrupulea 1'ouvra* ge même ceux qui pourroient 1'entendre, perfuadés qu'il feront bien récompenfés de 1'attention qu'ils auront employé k 1'étudier. l»m. IV. Part. 2. Bb AR-  386 Nouv. Bibltoth.Belgique. . ARTICLE SIXIEME. PROGRAMME, £? PROSPECTUS. PROGRAMME. De la Société de Littérature hollandoise a leide. Pour VAnnèe 1783. La Société de Littérature Hoilandoife è Leyde, dans fon aifemblée annuel • le tenue le 8 Juilleti783,aaggrégé pour Membre Mr. Rhynvis Feith h Zwolle. Elle a propofé la queftion fuivante, dont elle attend la réfolution avant le 3. O&obre 1785. j, Quels font les Principes , d'après „ lesquels il faudroit compofer une Gram„ maire Hoilandoife? La queftion propofée Pannée dernière pour être difcutée avant Ie I. Odtobre 1784. étoit celle-ci, » Quel  d'Avril,Mai, Jüin. 1783. 387 „ Quels font les caractères diftintShifs „ du bon efprit & du faux brillant, & quels font les moyens de fe guarantir „ de celui-ci? La Société fouhaite particulièrement qu'on faffe fentir les différences entre „, lebon efprit & le faux brillant, qu'on „ éclairciffe cette diftinélion nonfeulement „ par des raifons, mais encore par des „ exemples, tirés des meilleurs Poëtes. La Société attend, avant le 1 Octobre „ de cette année les réponfes fur les fu„ jets fuivans, propofés en 1781. ' I. „ Quels font les Tribunaux qui ont 4i rendu la juflice criminelle dans ce „ Pays, depuis les tems les plus reculés, „ fur tout depuis les Rois des Francs, j, jusqu'au quinzième fiècle? Qu'eft-ce qui donnoit le droit de liège, com„ me Juge dans ces Tribunaux ? Qui „ nommoit les Juges? Et comment ia Juftice étoit elle exercée? II. „ Pour former les régies de notre ,, Langue, jusqu'a quel point doit'on „ s'enstenir aux ufages anciens ou fuivre „ 1'ufage adtuel ? jusqu'è quel point doit 5, on avoir recours aux Langues ancien- Bb 2 „ nes,.  388 Noüv. Biblioth. Belgique. „ nes, qui ont la même origine, ou iy aux conféquences, déduites par le rai> „ raifonnement. III. „ Les Villes de Hollande ayant „ continuellement augmenté en confi„ dération & en pouvoir fous le Gou„ vernement des Comtes, au point que dans plufieurs Chartres, concer„ nant des affaires de grande importan„ ce, on voit qu'il eft fait mention d'el,, les, conjointemeDt avec les Nobles, „ & les Confeillers du Comte, tant pour „ ce qui regarde les affaires en elles>mê- mes que pour 1'appofition du Sceau aux „ Lettres; en eft-il refulté quelque di3, minution ou limitation au pouvoir, „ que le Comte exercoit ancienne„ ment?" II eft permis è chacun de concoarir pour le prix, même aux Membres de la Société. Oo n'excepte que les feuls Commiffaires, nommés pour juger les pièces envoyées au concours. La Société offre une Médaille d'or de la valeur de cent cinquante Florins, a celui dont lapièce fera jugée avoir rem* pli de la manière la plus fatisfaifante le but qu'on fepropofe; Les  d Avril, Mai, Juin. 1783. 389 Les differtations doivent être écrites en Hollandois ou en Latin , d'un carattère lifible, par la main de quelqu'un qui ne foit pas Membre de la Société, & marquées chacun par une fentence ou épigraphe. Chaque pièce doit être mife dans uae enveloppe cachetée, portant far 1'adreffe le Titre de la p;èce & fon épigraphe. On y joindra un billet féparé, contenant le nom, les qualités «Sc la demeure de 1'Auteur; fur le couvert on répétéra 1'épigraphe de la Pièce. Le tout enfemble doit être remis fous une enveloppe particulière , avant le terme marqué ci-deffus, entre les mains de Monfieur Jean de Krüyff , Secrétaire actuel de la Société, ou a Monfieur J. A. Clignett , chargé de la Correspondance , tous deux dcmeurans a Leyde. Les Loix que la Société a établi, par rapport au concours pour les Prix, fe trouveDt dans le fecond volume de fes Mémoires. Bb3 0 PLANS  39° Nouv. Biblioth. Belgique. PLANS de la cöte et des ports de l'AmÉrique septentrionale, intitulés le NEPTUNE ATLANTIQUE, exécutés , gravés , et publiés par ordre du GOUV'ERNEMENT, POUR L'USAGE DE LA MARINE ROYALE de la GR ANDE-BRETA G NE, par JOSEPH F. W. DESBARRES , Esqr. sous la direction des TRES HON: LORDS COMMISS. DE L' A M I R A U T E'. Sunt ingtniorum monumenta, queSecuiis probantur. Tit. Liv. Cet Ouvrage, de la plus grande utilité pour la Navigation & le Commerce, eft offert au Public a un prix confidéra- • ble-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 391 blement au-deflus de la valeur & des dépeDfes énormes de 1'exécution, en reiconnoiffance de la protedtion &del'affistance que 1'Auteur a éprouvées du Parlement. La PREMIÈRE PARTIE comprend les Plans originaux de 1'Auteur de la Cöte & des Ports de la nouvelle Ecoffe , avec les Sondes, Remarques Maritimes; &c. fur LXXXIV feuilles papier Royal. La SECONDE PARTIE confifte en Cartes, compofées de différens Plans, Obfervations & Remarques des Officiers de Marine & Militaires employés par le Gouvernement, favoir; La Cöte & les Ports du Golphe & Riviere St. Laurent & dans les Ifles du Cap Breton, St. Jean &c. fur XXXVI feuilles papier Royal. La Cote & les Ports de Connecticut, Rbodelfland, la Baye de Majfatcbufett, New Hampsbire; tkc. furXLVIII feuilles papier Royal. Cartes des Ports & de la Cóte entre New Tork & 1'entrée de la Riviere Mis- MPPii XXVI feuilles papier Roy-aL Le prix de eet Atlas reliê en un vol. Bb 4 eB  392 Nouv. Bibliot». Belgïque. en veau eft de ƒ160- 0 0, & comme cet Ouvrage fe vend pour compte de 1'Auteur; on ne le delivrejque contre de 1'Argent comptant. On s'addrefiera a la Haye chez Pierre-FredericGosse, Libraire de la Cour, & Imprimeur de S. A. S.; feul chargé par 1'Auteur du débit de fes Ouvrages dans les Pays Etrangers. Le Même Atlas. Impression Supérieure. En grand format, fur papier Impérial, augmenté de plufieurs Tableaux fuperbement imprimés en Couleurs, repréfen* tant des Vues des Cótes, des Rivages & des parties intérieures des Pays, des Vues de Villes , Places remarquablcs, &c. le tout accompagné de divers Plans intéreflans & de Vues des opérations ML litaires pendant le Cours de la Guerre dans PAmérique Septentrionale. EN DEUX VOLUMES. Le prix de cet Ouvrage complet en CCLVUI feuilles fur Papier Impérial eft de ƒ 272-0 0 Argentde Hollande, payable comptant. TA-  d'Avril, Mat, JurN. 1783. 393 TABLE DU CONTENU DES VOLUMES DU NEPTUNE ATLANTIQUE» Impression Supérieure. T O M E I. 1-6 T es titres pour l'Ouvrage;Renvois; J_> Explications; Remarques; &c fix feuilles. 7-8 Carte Générale de laCöte de Ia Nou- veile Ecoffe; la Nouvelle Angleterre ; New-York; New Jerfey ; le Golphe & la Rivière de St. Latrent; les Ifles de Terre Neuve ; Cap Breton ; St. Jean ; Anticofty ; Sable; &c. deux feuilles. 9-11 Carte Générale de la Nouvelle Ecosfe. trois feuilles. f Vue des Woives ("amas d'ifles)^ 1 de la Baye de Paffamaquadi. §" j Vue du Grand Manan & Ia par- P 12 4 tiedu fuddeTlfle deCampo- 1 Bello. I & I Vue du Rivage h 1'Oueft de la [ ? Rivière St. Jean. J 13 Carte de 1'cntrée de la Rivière de St. J ean fur le Rivage au Nord de la Baye Eb 5 de  $94 Nouv. Bibuoth. Belgiqjws. de Fundy, avec une Vue, &c. «se feuille. 14,15 Carte de 1'Ifthnie de Ia Nouvelle Écoffe depuis la Baye Verte dans le Golphe de St. Laurent, jusqu'au CaDaldeCumberlanddans la Baye de Fundy ; Mines Canal; Ia Baye de Greyille; le Port des Sept Ifles; la Rivière de Windfor,Rivière de Horton, CornWallis, &c. deux feuilles. fVue de 1'Ifle Haute, portanO NpOè la diftance d'une mile. j VuedesRochersd'OueftduCap 1 B I Dore. | 15 J Vue du Cap Baptifte. W 1 Vuedel'entréeduCanal desMi-1 5 I nes. & I Vue de 1'Ifle Haute. | VuedePOuvertureduCapBlowJ_ medown avec le Cap Split.- fVue du CapBlowmedown por-") tant E. SE. « Vue du Cap Slit. | • Ti 4 Vue de 1'entrée du Canal des ^ *5» I Mines. §: I Vue de 1'Ifle Haute & du Cap I ? l_ Chigneöo. J 38-20 Carte de Ia Baye de Chineöo; Ia Rivière de Percudiac, la BayedeSchepody, Canal de Cumberland; Apple Rivière; Macan Rivière; Napan Rivière;  d'Avril,Mai, Juin. 1783. 39? vière; Memramcook Rivière ;&c. trois feuilles. 21 Plan des environs du Fort Cumberland, unefeuille. 22,23 Carte de la Cöte au Sud-Eft de la Baye de Fundy depuis Annapolis Royal jusqu'au Cap St. Mary; la Baye & le Port Sr Mary; Grand Paffage; Petit Paffage; &c. avec une Vue de Gullivers Hole. deux feuilles. 24. Vue d'Annapolis Royal. une feuille. 25-28 Carte de la Cöte è POuelï de la Nouvelle Ecoffe depuis le Cap St. Mary jusqu'au Cap Sable, renfermant le Port du Cap Fourcbe; la Rivière Jebogue; le Port & Rivière des Ifles Tusket; Poubomcoup; Port Montaguash; &c. quatre feuilles. 29 32 Carte pour Cotoyer le long du Rivage Sud Oueft de la Nouvelle Ecoffe; depuis Ie Cap Sable jusqu'au CapSambro'. quatre feuilles. f Vue du Cap St. Mary portant"") s I NE. a la diftance d'une mile j «» 33 4 Vue de 1'Entrée du Sud du I Grand Paffage. j S. LVue de la Baye de St. Mary. J F" 34>35 Carte du Cap Sable; de la Baye & du Port Barrington ;Boneta Cove,&c. deux feuilles, f\6 Car*  $oö Nouv. Biblioth. Bblgiqcje. 36 Carte du Cap Negro; Port Amherft; Port Haldimand; &c. une feuüle. 37>38 Cartedu CapRofeway; Porc Campbell (alias Port Rofeway); Baye BulIer; &c. deux feuilles. 39-42 Carte du Port Mills; Penton Rivière; Porc Mansfield; Scormont Rivière; Ie Havre Gambier (alias Port Matoou ). quatre feuilles. 43 Carte de la Baye & du Port de Liverpool. une feuüle. 44 Carte du Porc Jackfon C alias Port Metway). une ftuille. 45,46 Carte de Ia Baye & du Port de Lunenburg; King's Bay; Baye de Darmouth ; &c. deux feuilles. £ fVuedela Cöte (Cap Profpeóm 1 ] portant NpE. è la diftance 11 de dix miles; & Cap Sambro il NNE£E, diftance quatorze (miles. Vue du Pays Montagneux de § Haspotagoen portant NC^N *' *> P"feè trois milésduRivage. r> Vue du Fours a 1'entrée de Ia I I Baye de Lunenbourg. "*" i iNWü.a Ia diftance de 2 lieues. Vue de Dito portant NEpN,' L a la diftance de quatre miles J 48,49  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 39? 48,49 Carte de la Baye de Mahone; Baye de Mecklenbourg; Port Princes; Baye Mackworth; Royal Sound; Gloufter Arm; Port Chefter; CumberlandArm; Haspotagoen Rivière ; Dover; &c. deux feuilles. 50,51 Carte de la Baye Charlotte; Port, Sud Oueft; Fitzroy Rivière, Delawa re Rivière; Herdfordshire Canal; Havre des Ifles Strelitz, Port Durham; &c. deux feuilles. 52,53 Carte du Port Leith; Port Profptct; Baye de Briftol (alias Pennant Bay); Havre imuldham ; Port Affleck; Havre Sambro' ; &c. deux feuilles. J4-57 Carte pour Cotoyer le long du RN vage Sud Eft de la Nouvelle Ecoffe , depuis le Cap Sambro' Nord Oueft jusqu'au Cap Canfo. quatre feuilles. 58 Vue de la Ville & du Port de Hallifax, prife du Rivage de Dartmouth. une feuille. 59-61 Carte du Port de Hallifax, avec des Vues , &c. trois feuilles. 62 Plans de la Ville & des Environs de Hallifax. une feuille. f Vue de la Cóte prife au Sud-^1 Eft du Port de Hallifax;les f . j Païs Montagneux de Jedor | por.  398 WOUV. BlBLIOTH. BeLGIQUE. portant NKpE k la diftance de trois lieues. Apparence du Rivage éloignée de trois miles, quatre è cinq a lieus de Haliïfax. » Vue prife a quatre miles du Riva- <^ "! ge, portant au Nord de Hal- r g & lifax Vue duPhare de Sambro',por- * tant O. diftance i| mile. Vue de dito portant SE. k la diftance d'une mile. Vue delaSource de Chebucto, portant N6°E. k la diftance l_ de deux miles. 64 Carte du Port d'Egmond, avec des Vues, &c. «72? feuille. «55,66 Carte du Port Keppel; Port Knowles;Port Saunders; Port Tangier; Port Dean; avec des Vues;&c. deux feuilles. f Vue du Cap Egmont, prife del i 1'Eft. i I Vue de 1'Entrée du Port d'Eg-1 Imont. | § Vue de 1'Entrée du PortKeppel. I «* 67 <{ Vue prife des Chutes de la Ri- r* § Ivière Hinchinbroke. | Vue de 1'Entrée dans le pafla- | ? Ige de Chifercook. Vue du Rivage de Dartmouth j t dans le Port de Hallifax. J 68,69  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 339 68.69 Carte du Havre de Spry ; Port Pallifer; Port North; Port Parker; Port de Beaver; Rivière deFlemming ; avec des Vues. deux feuilles. 70,71 Carte du Havre des White Iflands; Port Stephens; Havre de Liscumb; Port de Houlton, Rivière de St. Mary ; &c. deux feuilles. 72,73 Carte de la Baye de Sandwich; Havre de Country; Port Montague; Port Bickerton; Port Hinchingbroke; Mand Havre; &c. deux feuilles. 74 Carte de Torbay, avec une Vue de 1'entrée, &c. une feuille. 75 Carte de White Haven (alias Havre de White - Head), avec une Vue de 1'entrée; Port Howe; &c une feuille. 76 Carte du Havre de Canfo ; Port George; avec une Vue du méme prife de rifie Binney; Havre deGlasgow , &c« une feuille. 77 Carte du Havre de Crow, paffage de Philippe & Crique de Shalop , avec une Vue de 1'entrée. une feuille. 78 Carte de la Baye de St. Pierre, avec une Vue de 1'entrée, Cap Round por-, tant Oueft a la diftance % d'une mile; une feuille. 79 Carte du Port de Milford, avec une Vuede 1'entrêe, voitM$\.Q.une feuille. 80 Car-  goo NöüV. ElBLtOTH. Belgtqjde^ 80 Carte du Havre de Conway, Port Aylesbury, &c. une feuille. f Vue de la Cöte depuis leHa-") vre de White-lfland, jus. ; qu'è la Rivière St. Mary. Vue de 1'entrée du Port de Miiford. Vue du Port de Bickerton, 1'entrée portant NO. Vue fans 1'entrée du Havre ^ de Beaver Bald Ifle portant § E. 150. N. ** 81.82 *5 Vue' i'lfle de Bald portant r* g" OSO.30. O. a la diftance! !l4 d'une miïe. - I §" Vue de la Cóte a 1'Eft de } ' Capfo,Branberry Ifle portant NpEfrE k la diftance de 4 miles. Vue des Ifles de Beaver Vue de la pointe au Sud-Eft de la Nouvelle Ecoffe, (_ prife de lTfle de Canfo. J 8as Ifles Madam) le Port des Habitans, &c. trois feuilles. 86-88 Carte pour Cotoyer le long du Rivage au Nord-Eft de la Nouvelle Ecosfe, depuis le Creux de Canfo jusqu'è. la Baye Verte, trois feuilles. 89-91 Carte du Creux de Canfo ; Crique Ed-  'p'AVRiio Mai, Juin. 1783. 4or Eddy; Crique Holland; Havre Ship; Crique Plaifter; Paffage de Knighti &c* trois feuilles. 92 Carte du Port Hood. une feuille: 93 Vue de Pentrée du Port Hood. uni feuille. 94 Vue des Rochers de Plaifter au Rivage è 1'Oueft de Georges Baye. une feuille. 95-98 Carte de la Rivière Artigoniashe; Port Lutrell; Havre de Pidtou, paffage de Schooner; Baye de Frederick ; John Rivière; Jofeph Havre; Tatnaegoufche Havre; Rampsheg Havre ;&c^ quatre feuilles. 99 Carte pour Cotoyer depuis Ia Baye Verte, Nord-Oueft jusques Butush. une feuille. 100 Carte de la Rivière de Schediac; Rivière de Cocaigne; &c. une feuille. 101 Vue de 1'Entrée du Port de Louis» bourg une feuille. 102,103 Carte de 1'lfle de Sable , &c. deux feuilles. 'Vue de 1'extrêmité a 1'Eft de") 1'Ifle de Sable , portant Sa°0. a la diftance de quatre miles. Vue de Dito, prife au Sud. Vue prife de la partie du Sud Tomé W. Part. ü. Cc de  ty>i Nouv. Biblioth. Belgioub. de la Barre de Nord-Eft dans I 13 Braffes d'Eau, la partie de 1'lfle portant Oueft a la « diftance de 5* miles. £ 104 ^ Vue prife du Sommet de la i,*-s Barre de Nord-Eft, 1'Ifle • i portant S. 78° O. k la di-1 ? ftanc» de I6j miles. Vue du Rivage au Nord de I 1'Ifle de Sable, Rams Head ' fe préfentant fur le Pays & I portant OSO. a la diftance I de i\ miles. J 105-108 Carte de 1'Ifle de Sable fur une grande échelle. quatre feuilles. fVue de 1'extrémité h~) 1'Oueftdel'Ifledc Sable, I ^ au Nord deux miles de | g diftance: j * 109,110 ^ Vue de 1'Antre de Nau- ^ Ifrages (WreckersDen) 1 S. Vue de la Vallée de Mifere. I * LVue du Rivage au Nord.J 111 Vue des Élévations Sablonneufes è découvert (the Naked Sand Hills) fur 1'Ifle de Sable. une feuille. 112 Remarques fur 1'Ifle de Sable, une feuille. TOME  O'Avril» Mai, Juin. 1783. 403 TOME IL i)2 TPitres , &c. deux feuïllesl 3.5 Carte Générale du Golphe deSt.Laurent. trois feuilles. 6-9 Carte des Ports fur la Cóte au NordEft Ju Golphe, depuis la Rivière de St. Jean, è 1'Eft jusqu'a St. Genevieve. quatre feuilles. 10 Carte de la Baye des fept Mes. une feuille. n-13 Carte de la Baye Gafpey. trois feuilles. 14 Carte de la Baye de Chaleurs. une feuille. ic 18 Carte de la Rivière de St. Lau- rent, depuis 1'Ifle de Bic jusqu'a Que- bec, quatre feuilles. 19 21 Plan des en virons du Canal de Que- bec. trois feuilles. 22-27 Carte de la Rivière de St. Lau- rent depuis Quebec jusqu'au Lac St. Francois. fix feuilles. 28 Carte de la Baye & de la Rivière Miramichi. une feuille. 29 Carte de Rifchibucto. une feuille. 30 Carte des Mes Magdelaine. une feuïllel 31 Carte du Cap-Breton. une feuille. Cc 2 32 Car-  404 NOÜV. BlBLIOTH. BELfllQÜfc. 32 Carte du Cap-Breton & des Ifles de St. Jean. une feuille. 33 36 Carte de la Baye de Hillsborough; Port Joy; Baye Cardiganj les trois Rivières, &c. fur 1'Ifle de St. Jean. quatre feuilles. 37-39 Carte de la Baye deSt. Ann;Brasdor; Rivière Efpagnole (Spanish River)Baye Indien (Indian Bay), &c. fur le Rivage du Cap-Breton. $ feuilles. 40-43 Carte desBayes & Chemins de Morien, Miray, Gabarrus. quatre feuilles. 44 Carte duPortLouisbourg.«7ie feuille. 45 Vue de dito. une feuille. 46,47 Titres. deux feuilles. 48,49 Carte Générale de Conneéticut, Rhode-Ifland, Baye de Maflatcbufet; New-Hampshire, Province de Main , &c. deux feuilles. jo-53 Carte de la Cóte depuis 1'extrémité a rEft de Long Ifland jusqu'au Cap Malabar. en deux parties, quatre feuilles. 54,55 Carte du Port de Rhode • Ifland. deux feuilles. 56 Plan de la Ville de Newport. une feuille. 57,58 Carte du Detroit de Vineyard, Baye de Buzzard, &c. deux feuilles. 59 Vue  d'Avril, Mai, Juin. 1783. +o£ f Vue du Cap Poge, portant") S. 52°. E. è la diftance de deuxmileSjSandy poiBtportant O. S. O. è la diftance de quatre miles. Vue de la Source de Gay, portant N. EiE. & No-mans | Land E^S. .,? 50 Vue de Dito,portant SE. a la f g | diftance d'une mile. E; | Vue de la Source deSantoky, » I portant SpO. a la diftance Ide dix miles. Vue de la Source deSantoky, Iportant SO. quand le ferein ' donne fur le Banc de Sable, (_ è ladiftancedequatre lienes.^ 60,61 Carte de 1'Ifle de Nantucket, Ifle de Martha Vineyard , &c. deux feuület. 62,63 Carte de la Baye de Maflatchufett. deux feuilles. 64. Carte de la Baye de Plymouth. on» feuille. 65,66 Carte de la Baye de Bofton, &c. deux feuilles. f Vue de Bofton, appercue en-") Jtre le Chateau de Williams |. & Governors Ifle, a la di-1! ftance de quatre miles. I Cc 3 Vue*  406 Nouv. BiBLïOTH. Belgique: Vues du PaysMontagneuxd'A-1 67 j gameticus portant NE. j» ff Vue de la Baye de Bofton, le ,*» Phare portant NOpO, a la diftance d'une lieue. g: Vue de 1'entrée dans le Port de F . Bofton. J ö8 Remarques Maritimes & Direélions pour la Carte du Port de Bofton. une feuille. 69,70 Carte du Port de Bofton. une feuille. f Vue de Bofton de Ia Crique de"| a l Willis. j «f 72 I Vue de Nick's mate,a 1'ouver- 1^ 4 ture de Long - Ifland fur le [ ia | cóté du Nord. | f*s l_ Vue du Pays de Dorchefter. J * fVue de Dorchefter. ^ c | Vue du Port de Bofton, du có- » 73 1 té du Fort Huil. ! ^ 4 Vue des Lignes prife des Poftes f g_ j | avancés proche de Browns-! ^ L Houfe. J * 74,75 Carte des Ports de Marble-Head, Salem, Beverly, Manchefter, Ie Cap Ann ,Squam, Jebeka, Ipswich, Newbury, Hampton, &c. deux feuilles. 76,77 Carte du Port de Piscataquar. deux feuilles. 78 Vue du Chateau William, une feuille. 79 Vue  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 40? 79 Vue de Portsmouth. une feuille. 80,81 Carte de la Cöte depuis Newbury jusqu'auCap EIifabeth,&c.deaa;/e«i//er. 82,83 Carte de la Cöte depuis le Cap Elifabeth au Nord-Eft, jusqu'a 1'Ifle Musketo. deux feuilles. 84,85 Carte des Detroits de Portland, Huffey, Broad, Magout, Middle, du Detroit & du Port de Mericonig, Havre de Smallpoint, Rivière Sagadahoek, Baye de Roger, &c. deux feuilles. 86 Carte du Port deFalmouth.«Kf/eut7fe. 87,88 Carte desBayes, Ports & Rivières fur la Cöte depuis Pemaquid Point jusqu'a 1'lfle de Metinick. deux feuilles. 89,90 Carte de la Cöte depuis 1'Ifle de Musketo jusqu'a la pointe deSkuttock. deux feuilles. 91-94 Carte de la Baye deBelfaft; Baye de Penobfcot & la Baye de Great-blueHill, &c. en deux parties, quatre feuilles. 95,96 Carte de 1'Ifle & de la Rivière de Mont-Defart, Frenfchmens'-Bay, &c. deux feuilles. 97.99 Carte desBayes de Gouldsborough, Dyers, Pidgeon-Hill, Naragnagus,Rivières de Great-Marsh, Pleafant, Indian, Chambers, Little Cennebeck; Baye de Mechias; Petite-Rivière;&c. trois feuilles. Cc 4 100 103  408 Nouv. BlBLIOTH. BELGro^UÏ^ ïoo-103 Cartede 1'Ifle de Grand MarjanIfle de Campobello, Baye de Copscook, Rivière de St. Croix, Baye de Paffamaquadi; Port Etang; Port de Beaver; &c. en deux parties, quatre feuilles. f Vue de 1'entrée de Ia Baye de") | Paffamaquadi, 1'Ifle de Whi- e te-Horfe portant au Nord, I 2 ioa \ la d|ftance de trois miles.! lv* 1 Vue de 1'entrée de la Rivière { g I de St. Jean, Ifle de Patrid- S ï ge portant NEpN, k la di- \ * L ftance de fept miles. J 105-107 Titres &c. trois feuilles. 108-110 Carte de la Cöte de New-York New-Jerfey; Penfllvanie; Maryland» Virginie, Caroline Septentrionale,&c* trois feuilles. in Carte du Port de New-York. une feuille. 112 Vue de New-York, prife au NordOueft. une feuille. f Vue du Pays Montagneux del INeverfinck.NOpO k la di I ftance de quatre miles, / § Vue du Rivage du Sud de Long | 113 j Ifland dix lieues a 1'eft de >^ I Sandy Hook, k la diftance & I de quatre miles. j Vue  d'AvriljMai, Juin. 1783. 40"* Vue de New-York , les Riviè» I res au Nord & a 1'Eft. f Vue de Sandy-Hook, la Phare | portant SE, è la diftance | d'une mile. I Vue des Narrows, portant J L sPo. J 114 Vue du Combat Naval entre lePhenix & la Rofe, le 16 Aoüt 1776. uni feuille. iij.uö Carte du Paffage d'Oueft, proche de la Rivière è 1'Eft dans le Detroit du Long Ifland. deux feuilles. f Carte de Heil Gate. 1 ^ J17 k Carte des Bayes d'Oyfter,J»«. L Huntington, &c. J ~ 118 Plan du Fort de Montgomery & Fort Clinton. une feuille. 119 Carte des Environs de New-York, intitulée: Plans des Opérations de la Flotte & de 1'Armée de S. M. fous le Commandement du Vice-Amiral & Lord Vi-Comte de Howe & le Gén. S. Wm. Howe en 1776. une feuille. 120 Carte de la Baye de Delaware. une feuille. rCarte de la Rivière Delaware! _ Idepuis Bombay-Hook jus- I qu'a la Crique de Ridley. I 5. "l i Plande laRivière de Delaware I" *s* Cc j de  410 NOUV. BlBLlOTH. BELGiquïi f depuis Chefter jusqu'è Phi- I (. ladelphie. j 122 Carte du Port de Charlesftown, dans la Caroline Meridionale, avec une vue de Charlestown prife dei'lfle de James. me feuille. 123 Carte du Port Royal, une feuille. 124 Carte de la Cóte de Georgië, une feuille. 125,126 Carte du Port & EnvironsdeSt. Auguftin. deux feuilles. J27,ia8 Carte du Rivage au Nord du Golphe de Mexique depuis Ia Rivière de Apelofa jusqu'è Penfacola, deux feuilles. 329-132 Carte du Rivage au Nord-Eft du Golphe de Mexique, quatre feuilles- 133» 134 Carte de Penfilvanie. deux feuilles. 135 Plans des Environs de Charlestown. une feuille. 336,137 Plans des Opérations des Ar- mées devant Charlestown. deux feuilles. 138 Plan de la Bataille procho de Camden. une feuille. 139 Plan du Siège deSavannah le 9.8bre 1779. une feuille. 140 Carte de la Baye & du Port dePenfacola. une feuille. 141,142  d'Avril, Mai,Juin. 1783. 411 141,142 Plan de la Rivière Miffifipi. deux feuilles. ;i43,T44 Carte dePort-Royal & des Ports de Kingfton dans 1'Jfle de la Jamaïque. deux feuilles. 14t Carte de la Baye de Montego fur le Rivage du Nord Eft dans 1'Ifle de Jamaïque. une feuille. rVue de 1'Entrée deHavannah^ * TA, \ du cótédu Port. 1 g* 14 < Vue du Port & de la partie de j £: (. la Ville de Havannah. J ? ARTIï  412 NoUV. BlBLIOTH. BELGIOJij?. ARTICLE SEPTIEME. Poêsies Latines. & In Imaginem ^ani Secundi. C; kJi cunétos fuperafle motlis, ut tempore, vates, Quos Latio oflentatterraBatava, parum eft; Glorior hoe uno, quod non audita reclufi, Aufus inacceffam vatibus ire viam. Primus ego, intafta volatus tempore fronde, E gelidü cecini balia nata rofis. Primus ego edocui juvenes tenerasquepuellas Figere miHenis bafia miile modis. Ponere& ambroflis vitam& revocare label/is, Et miscere animas junfta per ora duas. Ergo, dum cupidi libabunt dulcia amantes Bafia. erunt Mufae bafia nota meae. ir.  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 415 ARTI- i i. In Imaginem Ji-ï,ï;-ï- Salve, divino nomen fortita Secundo, Vatis amatoris Julia fculpta manu. Ut ftupeo rofeasque genas tumidasque papillas, Luminaque Eoas vincere nata facest Cedat ab artifici jam Zeuxide pifta Lacaena. Cedat Appelleae jam Venus artls opus; Cedat ab arguto Nemefis celebrata Tibullo, Cedat ab AuCbnio Cynthia Caliimacho. His tantum alterutram conceffit Fama per «rtem Vivere, tu gemina laude fuperba nites. Scilicetambiguum, melius te Mentoris aere, An melius numeris pinxerit iüe fuis. J, H. üosvrtr.  414 Nouv. Biblioth. Belgiqtjb. NOÜVELLES LTTTERAIRES. Verhandelingen van de Koninglyke Academie der Opfcbriften en fraaye WeetenfcbappenteParys, verkort, in Clasfen gebragt, en met aanmerkingen vertykt fifc. c, d d. Mémoires de VAcadémie des In/criptions & Belles-Lettres i Paris abrégés , clajfés & augmentés de notes, publiés en Allemand,/ous la diretlion de Mr. Heyne , Profeffeur È. Gottingue, 6f traduits de l'Allemani en Hollandois. Tome ir in Svo de 595 pages, d Amflerdam cbez Allartö'Hol" trop 1783. Prix f 3.11 • o L'entreprife, dont voici les prémices, eft d'une utilité inconteftable ; Ie plan nous en paroit trés bien concu & mérite d'être expofé avec quelque détail. Depuis longtems Mr. le Prof. Hevne avoit fouhaité de rendre Ie tréfor d'érudition, reiifermè dans 1'Hiftoire & les Mémoires de 1'A«adémie des Infcriptions &c, d'un ufageplus uni-  jj'Avril,Mai, Juin. 1783. 4»S tiniverfel & plus facile, Une fimple traduction des nombreux volumes de ce recueil auroit peu fervi au but propofé. Toutes les matières s'y trouvent confondues, & les Mémoires n'y tiennent d'autre ordre que celui du travail des différens Académiciens. Pour remédier a cet inconvénient, Inévitable dans ces fortes de colleêtions, on a rapporté ici les Mémoires a certaines Clafles, dont les plus générales font celles d'Hiftoire, de Géographie, d'Antiquités & de Littérature. La Clafle des Antiquités fe partage, rélativement aux peuples & aux objets, en plufieurs fousdivifions. On aura fucceffivement les Antiquités Egyptiennes, Pbéniciennes, Carthaginoifes, Etrusques, Grecques, Romaines, Gauloifes, de 1'Orient & de ia haute Afie. Dans cet ordre les Cérémonies religieufes, l'oeconomie civile & domeftique, les monumens & les ouvrages de 1'art, les médailles &c. fourniront une riche matière a plufieurs volumes. La Géographie Ancienne ofFrira une fuite d'exceilens Mémoires, entre lesquels fe di. ilinguent ceux de Mr. Dahville. L'Hiftoire Ancienne fe partage naturellement en Hiftoire Oriëntale, Grecque, Romaine, du moyen age, particulièrement pour la France. Les Mémoires Cbronologiques, & au-  4i6 Notjv. Biblioth. Belgiq^ue; autres qui fe rapportent i lUiftoire, feront pUcés aux endroits qui leur conviendront. La Littérature, la Philologie, Ia Critique &c, fe partagent en plufieurs branches. L'Histoire Philofophique peut fournir, a part, fi on le defire, une fuite de volumes. Reft'ent les Arts Libéraux & Méchaniques, Ie Théatre &c. qui formerönt des volumes plus oa moins confidérables. La briévété, la concifion, & le foin de ne dire que ce quf fe rapporte au fujet étant rarement, dit 1'Editeur, Ie mérite de ces Memoires, il fera fouvent très-utile de n'e» donner qu'un extrait. L'ordre des Claffes auxquelles ces Mémoires ont été rapportés étant affez indifférent, on commence par les Antiquités Grecques, & ce ir. volume ne roule que fur la Religion & les Cérémonies Religieufes des Anciens Grecs. C'eft Ia tiche dont s'eft chargé Ie Profeffeur ScHwiroHAusEa de Strasbourg. Les Mémoires fur la Littérature Oriëntale feront enrichis des remarques du Profeffeur Eichhokn. Mr. Hissman aura foin de cpux qui roulent fur 1'Hiftoire Ancienne & la Chronologie de 1'Afie. On fera redevable a Mr. Flei«chman. Secrétaire de la Bibliothéque de Göttingen, de ce qui rcgarde 1'Hiftoire Littéraire. Oa  o'AvRiLj Mai, Juni. 1783. 411* On voit par cet expofé que 1'exécution d'une fi importante entreprife eft entre les mains d'hommes de lettres, bien au fait des matières dont ils fe font chargés, & de qui 1'on peut attendre la correction, les augmentations & les éclairciffemens néceffaires , ils s'engagent auffi a vérifier & a revoir les principales citations. 11 n'eft pas doüteilx que 1'exécution de ce plan bien confcu ne foit accueilii & encouragé en Ailemagne, & que nos compatriotès ne s'empreffent i en profiter en fe procurant la Traduction Hoilandoife qu'on leur préfente. Le ftyle dtt Tridufteur nous pa. *oit clair & coulant. L'Impreffion, tantpour ie papier que pour le cara&ère,ne laiffe rien a défiter. Dè Bybel verdeedigd door Ysbrand van Ha-' melsveld, e. * tl. Apologie de la Bible par Mr van Hamelsveid, Tom. I, a Amflèrddm chez Jean Mart 1783. 8vo de 58* pages. Pri* ƒ 3-10-0 Cet ouvrage, que fon titre feroit prendre pour original, tfeft cependant,, felon l'avertisfement de Mr. Hamelsveid, que Ia traductio» libte de 1'excellent ouvrage Allemand de feu le Profeffeur Liiicnthil, intitulé, Explicotion Tom, IF. P"t.*. D 4 ,a"  4i8 Nouv. Biblioth. Belgiquk raifomée de la Sible, ou l'honneur "ƒ la virli tê de la Révélathn Divine du V. & du N. T. démontrés défendut contre fes adverjaires, & dép traduit en Hollanduis il y • plufieurs années, avec les notes de trois Théologiens. Pourquoi donc, dira-t'on fans doute, cette Traduction nouvelle ? Mr. Hamelsveid la motive par plufieurs raifons. — La première traduction ayant été imprimée par fouscription, bn n'en a tiré qu'autant d'exemplaires qu'il y a eu de Souscripteurs, & elle eft devenue li rare qn'on ne peut plus fe la procurer- .■■ L'ouvrage de Lüienthal eft trés étendu, ayant déja* 16 volumes de traduction , qui doivent être fuivis de deux autres , ce qui rend trés cher & difficile & acquérir un ouvrage, qui devroit étre entre les jnains de tout le monde. — Le Profeffeur de Cor.ingsberg ne s'eft pas boroé é combattre les Déïftes, mais il eft entié dans plufieurs points de controverfe entre les Chrétiens. & même entre les Proteftins, ce qui I'éloigne du but de l'ouvrage. *— Depuis l'ouvrage de Mr. Lilienthal, de nouveaux adverfaire* dè la Révélation ont fait de nouvelle* attaques , & ont fait reparoitre d'anclennes ob^ jeetions fous de nouvelles formes, qu'on ne doit pas négliger de sombattre & de réfii. ter. ~ Oa a fait dei progrès & dei décou- .wrtes  d'Avril , Mai, Juin. 1783» 41$ vertes dans plufieurs fciences, qu'on peut faire fervir a l'eciaircifleraent & a la défenfé de la révélation Ces motifs qui jufti- Hent pleinement l'entreprife de Mr. Hamelsveid en dirigeront auffi 1'exécution. —— Sans rien omettre d'effentiel, l'ouvrage fera abrégé & réduit i Gx volumes. —— Tout ce qui eft dranger au grand but de l'ouvrage fera 'entièremcnt omis *—- Toutes les difficultés $ objeótions nouveiles feront examinées, & pour les réfuter, leTraduéteur feraufage de ce que les Auteurs du pays, & les Ecrivains étranger» pourruut fournir, en y ajou: tant fes propres r^flêxions. Ce premier volume contient 6 Chapitre»; le ir traite de 1'Exiftence d'une Révélation Divine; le 2d des Carafreres d'une Révélation Divine; le 3e des Vérités qui fe rencontrent dans 1'E S ; le 4e des Myfteres qui y font révélèsj le 5e des Prophéties de 1'E S- en gér;éra'; & !e 6 des Prophéties qui fe rapportent au Meffie en particulier. On re peut que defirer la continuation d'un li utile ouvrage, oh l'oa trouvera réunies & xéfutées, avec autaot de force que de conclCon; toutes les. difEcultés & les obje&ions, que lel adverfaires anciens & modernes de Dd 2 1'E.  420 NOTJV. BlBLIOTH. B&LGIQUB. 1'E, S., ont avancécs dans leurs nombreu* écrits. Verdeediging der Waarhtyd van den Chrijlelyken Godsdienjl door Origenes tegen Celfus fcfc, c-a-d. Défenfe de la Vérité de la Religion Chrétienne par Origene contre Celfe , traduite du Grec £f enrichie de Notes pat feu Mr. G. L. Mosheim, Chancelier del'Univerjité de Göttingen, traduit de l'Allemand par feu A. Millies, Miniftre Luthérien & Deventer, & publié fous la direüion de M. A. Sterk Pajleur de 1'EgliJe Luthérienne A Amjlerdam, a la Haye, chez C. Plaat 1783. 8«. Tome I. 410 pages fcf Tome II. 393 pages. Prix ƒ 3 - 12 - o Le Traité d'Origene contre Celfe eft fans contredit un ouvrage qui fera précieux aux Chrétiens de tous les fiécles. Quand pourra t'on ne pas s'intérefler a entendre un des plus favans Peres de 1'Eglife défendre la caufe de 1'Evangile contre les nombreufes objections d'un de fes plus ardens adverfaires parmi les Payens? Cependant on auroit tort de s'en rapporter aux éloges outrés que des Tnéo* logiess modernes en ont fait. VofGus l'a nommé opus aurtum, nccfacile unquam fatis lau-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 44* laudandum, un ouvrage d'or & au deffus de toutes les louanges. On doit convenir qu'il s'y trouve des morceaux excellens; mais, i eonfidérer l'ouvrage dans fon enfemble, comme une défenfe de la Religion Chrétienne contre les incrédules, fon mérite ne paroitra que trés médiocre, fur tout fi on le compaze avec ce que les modernes ont écric fur cette matière. Ce n'eft pas tant la faute d'Origene, que celle de fon fiècle, incomparablement moins éclairé que le nótre.. Auffi n'eft-ce pas un aveugle enthoufiafme pour cette produétion qui engagea en 1745 le célèbre & judicieux Mosheim a en publier la Traduftion en Allemand. Son deftein fut d'abord de donner une nouvelle édition de 1'Original grec avec une traduction Latine, accompagnée de notes; mais il eut la modestre de regirder fon travail comme fuperflu , après la nouvelle Edition de toutes les ceuvres d'Origene, que le Bénédictin Don Charles de la Rue fe chargea de publier. Cependant , ne voulant pas perdre ce qu'il avoit déja médité fur le Traité contre Celfe, & confidérant que, malgré fes défauts, il pouvoit encore aujourd'hui être d'une grande utilité pour la défenfe de la Réligion, Mr. Mosheim iéfolut de eonfacrer fes momens de Dd 3 loifir  f|22 Nouv. Bxblioth. Belgique. loifir i le traduire avec le pius grand foin en langue vulgaire, pour le rendre d'un ufage plus général, & è examiner ótrectlfier les raifonnemens d'Origene dans de nomb eufes ét favantes notes. Ce travail de Mr. Mosheim fut recu en Allemagne avec empreflèment & reconnoiflance; il ne faut pas douter que les Lecleurs Hollandois ne fafient le même accueil i la Traduction qu'on leur en préfente. Ces deux Volumes ne contiennent que les quatre premiers Livres, & par conféquent la moitié de l'ouvrage d'Origene; ils font précéöés d'une préface trés inté/:-fTante de 78 pages, dans laquelle Mr. Mosheim, après avoir expofé 1'hiftoire & les motifs de fon travail, s'attache è faire connoitre ê fes Lecteurs la perfonne & les fentimens de Cel» fe, & a rappeller, en peu de mots, ce qu'on trouve ailleurs au long du favoir, des talens, des erreurs, des travaux & des fouffiances d'Origene. „ Par rapport aux notes que „ j'ai cru deVoir joindre a cette traduction, „ elles font", ditMr. Mtsheimi la fin de fa Préface, „ d'une nature toute différente de „ celles, dont les favans enrichifletit d'ordi,, nalre les livres des Ancien». Je m'occupe n plus des chofes que des mots & de leurs j, différentes lecons. J'ai pu le faire fans „ dan--  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 4*a danger, tant de favans hommes aiant tra„ vaillé avant moi è la correftion d'Origene. „ Je m'occupe donc a pefer les objeétions & „ les réponfes des deux partis, & je rends a „ chacun la juftice qui lui eftdue. Jeplaide „ pour 1'incrédule même, lorfquefon adver„ faire ne le traite pas avec affez de can„ deur & de généroflté. Serois-je Chrétien» „ ft je manquois d'équité? Quelquefois On„ gene ne répond rien aux imputations de „ Celfe, paree qu'il n'y fait pas attention; ., quelquefois il y répond mal, paree quil „ ne les comprend pas affez bien; ou le fait ,, avec plus d'art & d'efprit que de vérité. „ Dans tous ces cas je prends fa place, S: je montre aux modernes imitateurs de Cel„ fe, que leur Patron n'en eft pas plus a" va'ncé, paree que quelquefois les coups de fon adverfaire ne portent pas. Souvent \ ils parient tous les deux de chofes totaleZ ment inconnues dans les fiècle & les pays oü nous vivons; alors je dois leur fervir d'interprête, & expliquer ce que leurs con'„ temporains entendoient fort bien fans com,', mentaire. Quelques unes de mes remarques fontuniquement i 1'ufage de ceux qui „ n'ont point fait d'études, ou qui ont ou„ Wié ce qu'ils ayoient appris dans leur jeuD d 4 „ neffe;  424 Nouv. Biblioth. Belgiqub» „ nefle; ceux pour qui ces remarques feront ,» fuperflues me pardonneront volontiers d*a„ vo|r penfé a cette claffe de Leéteurs". Qa comprendra facilement combien un tel commentaire & d'une telle main dqit avoir rendu le Traité d Origene intéreffant & ucile. De Denkende Chriflen. Eerjle Stukje, c-i-d. Le Chrétien penfant par lui même,'premier cahier, a Rotterdam chez J. F. Lindenberg 1783. Prix ƒ o • 12 - o Ce font des pièces de différentes mains dont les fujets ont , plus ou moins, rapport avec la Religion & la Morale: Ce cahier en renferme trois; dans le ir on montre, que la ibuveraine béatitude de Dieu ne doit pas lui être attribuée, comme étant inféparabie de fa nature par une néceilité abfolue, mais comme une conféquence de fes perfections tant morales, que naturelles, la 2de roule fur 1'obéifTance aux Souverains, que la Religion Chrétienne commande, la 3e traite de la régénération, & de fa néceffité pour tous les Chrétiens, dans tous les tems. Les matières font intéreffantes & délicates, on ne découvre, dans la manière dont elles font traitées, rien qui démente Ie titre de Chrétien  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 425' tien penfent par iui-mêifce, auaché aveuglément aaucun fyflême Théokjgique, mai- ne «Stëïclïlnt partöut que la vérité qui eft Jeligi la piété.. Ce ir cahier fera fum de plufieurs autres. „ On ne doit pas.craindre", dit 1'Edittur, ,, que i . vragé 'Jovienne trop volu„ mïneux. Dss' Chrétiens penfant par eux „ mêmes font trop rares dans ce pays, pour „ continuer longtems une entreprife de ce „ genre. Ceux t pas faifi Ie véritable point de vue, fous *yi lequel on doit envlfager la doctrine de 1'E. S., au fujet de la mort de notre Sauveur „ comme pleige pour les hommes. Voili „ pourquoi 1'Auteur tèche dans cet écrit de s, mon*  d'Avril, Mai, Jüin. 1783. 4*7 „ mantrtr ce véritaWe point de vue, &fou„ tienc que ie premie; & véritabie hut de la „ mort de J. C. eft f» réfurrection; mais qué la fageOe Didne avoulu faire f?rvir „ en même itms U première 4 être un exem„ ple de puiiitifln propre è tffrayer les péT „ cheuri, h un facrifice expiatoire propre a „ tranquillifer leurs confciences, & cela par „ une déclaration expreffe de Dieu aux hom„ mef. C'eft li ce que 1'Auteur cherche i „ prouver, brievement il eft vrai, mais ce„ pendant avec une étendue fuffifaote, A „ 1'exception d'un petit nombre de propo„ fitions, dont nous n'avons pü appercevoir i'évidence, on ne trouvera dans cet écrit „ que vérité & juftefle, & nous fommes plei,, nement perfuadé.» que perfonne ne lira ce „ petit ouvrage, trés bien écrit, fans fatis", faction". Le Tradufteur confeille, qu© 'pour en juger fainement&charitablement.on fe mette bien au fait de ce qui a été écrit en AUemagne, depuis vingt ans, fur cette matière. Verhandelingen, uytgegeeven door de Maatfchappy ter bevordering van den Landbouw te Amjlerdam. ca-d. Mémoires publiés pat la, Société pour ïencouragement de l'Agricul- ture  4*8 Nouv. Biblioth. Belgïqüe. titre . de 82 pages. Prix / 0 -18 - o La Société avoit propofé en 1778 pour fujet du prix qu'elle diitribue la queftion fuivante: „ Quelles font les propriétés des dif„ férentes fortes d'Equifetum (en Frangois >l Fröle ) ? en quoi confifte la nature & le „ caraétere de fes parties génératives & de „ fa propagation ? quel préjudice apporte „ t'il aux prairies & aux terres labourables ? „ & quel eft le meilleur moyen , confirmé »( P*r 1'expérience, de 1'extirper de la ma„ niere la moins difpendieufe ?" Ce volume contient trois réponfes faites a cette queftion. La première, qui a remporté Ie prix, eft' de Mr. Corneille Nofeman, Pafteur Rémontrant a Rotterdam, qui depuis loagtems a fait fes preuves d'habile Naturalifte. Après avoir répondu dans le Mémoire couronné d'une manière trés fatisfaifante i toutes les parties de la queftion propofée, il n'a rien épargné pour éclaircir la matière par de nouvelles obfervations. II en a fait part a fa Société, qui les a recues avec reconnoiflance, & ne les a pas jugées moins dignes d'être commun iquées au public, Le Mémoire qui  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 42? qui a remporté 1'acceflit & la médaille d'argent n'eft pas imprimé' en fon entier, mais on a donné feulement 1'extrait de ce qu'il renfermoit d'eflentiel. Le volume eft terminé par une feule obfervation extraite d'un, troifieme Mémoire, & que la Société a récompenfée d'un préfent de 10 ducats. On ne fauroit trop célébrer les généreux efforts d'une Société fi utiie, & qui mérite fi juftement le titre de Patriotique. De Lucernis Veterum reconditis &c. c.-i-d. Lettres de J. F. Gronovius, Nic. Heinfitis G. Smetius fur des Lampes antiques trouyées a Nimégue. Nimégue chez A. van Goor 1783. Svo. de ss P"ges- Prix ƒ o • 8 - o Pature pour les Antiquaires, mais qui n'a rien moins que le mérite de la nouveauté. Nicolas Heinfius, fe trouvant 4 Pavie en 1647, ecrivit a fon ami G. Smetius, qu'il y avoit dans cette ville fous prefle une fecon> de édition beaucoup augmentée de l'ouvrage de Fortunius Licetus fur les Lampes des Anciens, le priant de comrauniquer ce qu'il pouvoit avoir de curieux fur la matière, a> fin d'en enrichir cet ouvrage. Mr. Smetius poffédoiAplus de cent Lampes antiqu.es, tou- tea  43© Noüv. Biblioth. Belgiqüb. tes trouvèes dans la ville de Nimégue, il en fait la defcn'ption è fon ami dans une iettre fort détaülée, que celui-ei comoiuniqua a Licetus, qui en fit ufage dans un Chapitre intitulé de Lucernis Snietianis, defoi te qu'on ne trouvera ici rie Comp. 1783. 12°. * 94 PW"' Prixfo-B-o. Nous convenons du mérite de ces Elémens," | ils nous paroiflënt compofés avec toute la i fimplicité, la clarté öc la précifion fi eflenl tielles aux commencans, & renfermer toutes ! les regies & les exemples qui leur font né1 ceffaires; nous remarquerons feulement que 1 1'Auteur de 1'Avant - propos auroit dü «rameneer pat étudier cette Grammaire, avant d'en  43 a Nouv. Bibeioth. Belgiqv* d'en faire i'EIoge, il n'auroit pas dit; „ Nous avons donc tout lieu de croire, que cet abrégé exquis, air la faculté, & „ s'introduire dans les colléges & écoles dé » notre pays, inceffamment." Extrait  d'Avrïl, Mai, Juin. 1783. 433 Extrait du Journal Helvétique. Réflexions fur la Littérature (a). Je ne m'en défends pas; je me livre a la littérature avec enthoufiasme; eh! doiton s'en occuper autrement? Peut-être 1'abondance de mon age paffe-t-elle a mes yeux pour de la facilité, & 1'efFervefcence de mon imagination pour du talent. Mais qu'on ne croye pas que je négligé pour cette fyrene enchantereffe les devoirs que m'impofe 1'état que les circonftances m'ont fait embraifer. Lorsque j'ai rendu è Ia fociété, i la patrie , ce que je dois a toutes les deux & comme magiftrat & comme citoyen, ne me fera-t-il pas permis de confacrer mes loifirs 4 I'étude des lettres, i cette paffion qui me domine? Oui, fans doute ; & j'ofe croire que cet agréable délaflement de mes occupations journalieres ne pourra m'être reproché par ceux qui, comme moi, ft* fon 6 (a) Ces réflexions ont été projetées en 1766. Tm. IV. Part. 2 E e  434- Nouv. Biblioth. Belgique. font confacrés aux travaux de la magiftrature, a 1'augufte application des loix. O étude! ó befoin des ames généreufesl comment fe trouve-t-il des perfonnes qui ayent ófé jetter fur toi une efpece de ridicule? Le nom de favant, Ie nom d'auteur eft devenu, dans ce qu'on appeüe la bonnt compagnie, une dénomination injurieufe. Hélas! ce font le plus fouvent ceux qui ignorent tout, qui ne veulent rien apprendre. L'amour-propre eft le plus grand & le plus dangereux de tous les flatteurs; & ceux-lè prefque toujours s'eftiment davantage, auxquels il manque plus de chofes pour fe faire eftimer. L'ignorant ne fe croit: pas ignorant, tandis que celui qui étudie s'appercoit a mefure qu'il travaille qu'il a befoin d'étudier encore: & rien n'eft plus refpeftable que ce mot de Socrate : „ Je/ais que je ne t, fais rien ". Mais fi les gens du monde, fi les ignorans ont quelques raifons pour s'efforcer a faire méprifer les lettres dans la perfonne de ceux qui les cultivent, peut-on concevoir que de nos jours un célèbre écrivain ait pu chercher lui-même a les avilir, en imprimant qu'elles ont corrompu les mmurs ? Comme fi 1'on n'était pas convaincuau Contraire  •d'Avril, Mai, Juin. 1783. 435 iraire que, bien loin de produire un effet fi pernicieux, elles ont de tout tems humanifé les peuples qui les ont honorées! Comment encore un autre écrivain qui reffemble beaucoup a Jean-Jacques par 1'éloquence & le fophifme, a-t-il pu dire quo ceux qui fe livrent aux lettres deviennent endurcis fur les malheurs de fhumanité?(o). Ce- (a) Les tems de barbarie font paffés, Ia fcience eft en honneur, & les gens de lettres doivent aujourd'hui s'en prendre a eux: feuls, fi 1'on n'a pas pour eux toute Ia con» fidération qu'ils devraient néceffairement attendre. Ils ne peuvent en accufer que ce ton d'animofité & de mépris avec lequel ils parient de leurs concurrens ou de leurrg rivaux, foit dans des libelles clandeftins ou publics, foit dans les cercles oü 1'on fe fait un honneur de les admettre. Ce font eux feuls qui ont jetté du ridicule fur Ie perfonnel des littérateurs par des caricatures théatrales, telles que celle de Defhiafures dans la Fauffe Agnès, comédie de Deftouches, celle de Damon dans le Cercle, comédie de Poinfinet, celle du poëte de la Matinée i Ee z la  43 fets fi inuriles. Du coin de 1'ceil il obfervoit Ie Prince; il lit dans fes regards fatis- faits le fuccès de fon ftratagême. Eb. bien, Mgr.? ■ Combien voulez vous avoir de cette Collection? • ■ Oh, Monfeigneur, je m'en rapporte IV. A., a. fes lumières, a fa juftice. ■ Combien /• Doux vous en avoit-il offert? Cet ara- be, ce juif, ce fripon vouloit avoit tout cela pour"40,ooo lïv. & mon Pere y a mis plus de rco,ooo écus. Votre Pere s'eft laiffé tromper. Si vous voulez 3 mille louis de la totalité , c'eft une affaire faite. . . . Voila le Doux qui fanglotte, qui fe roule par terre & qui bientót fait décrocher les tableaus; onles porte a l'hótel, il touche la fomme & difparoit. Les amateurs arrivent chei Ie Prince ; il leur fait voir fon acquilition. Eh, voila les tableaux de le Doux! tout cela vaut a peine Ie prix des bordures. Le Prince D*** jette d'abord feu & flamrnes, veut plaider, il fe rappelle qu'il a lui-même fixé la fomme qu'il a fi mal employée; U voit Tom. IV. Part. 1. Gg. * *'  466 Nouv. Biblioth. Belgiquev s'évanouir fa réputation de connoifleur; il fïnit par cacher les croutes a tous les yeux, recommandaht le fecret a ceux a qui il s'étoit trop preffé d'apprendre qu'il avoit été duppe. Je crois vous avoir parlé,. M., de la réponfe p'.eine de jugement d'un médecin a qui un avare racontoit fes maux & demandoit des avis dans une fociété oü il 1'avoit rencontré. —- M. lui difoit le Doéleur,.. Mais je vous confeille de confulter vn homme de 1'art. Un proces qui vient d'être jugé dans une de nos provinces, fait connoitre un médecin qui a voulu faire bien [plus que celui-Ia. Cette aventure apprend qu'il faut regarder £ deux fois pour recevoir a tel titre que ce foit, les vifites des gens qui ont Ie droit de fe les faire payer. L'inefficacité des remedes pour difliper quelq'res accidens qui inquiétoient Mad. D*** a Ia fuite d'une maladie dangereufe, déterminerent fon Médecin a la remettre £ la vie commune. On confulta la faculté de Paris, qui fut du même avis. Mad,., ayant pris Ie parti de le fuivre, paya largement fon Médecin, pour Jolde de compte définitif. II continua cependant fes affiduités prés d'elle, fous Ie titre d'ami de la maifon de cette dame, qui n'a point été malade depuis. Ses deux en. fans  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 46? fans ayant eu enfuite Ia petite vérole, ce médecin fut confulté & récompenfé de fes foins par des préfens en linge & en bijoux: II avoit auffi profité de la voiture de la Dame, pour venir avec elle a Paris, oü des affaires perfonnelles appelloient ce Médecin. - Au mois d'Aoüt dernier defirant mettre a profit fes affiduités, il fit affigner les S. & Dame D. * ** pour les faire condamner a lui payer une fomme de 1856 Hv. pour 1667 vifites faites chez cette Dame, dans ia ville oh eft fon domicüe, pour 114 vifites a Ja campagne, diftante de la ville de 4 lieues, £f pour l'avoir accompagnèe dans un voyage a Paris, om elle alloit confulter les Médecins. — II faut avouer que ce Docteur favoit compter ü n'eut pas été mal-adroit fi après avoir pendant prés de 6 ans partagé peutêtre la table de cette Dame , il avoit pu s'en faire payer une fomme conféquente, pour 1'aider & fonder ia fienne par la fuite; mais les S. & Dame D. ***, peu complaifans, ont cru devoir défendre a cette demande par 1'expofé des faits ci-deffus. Ce nombre prodigieux de vifites a paru invraifemblable aux Juges, & au furplus trèsinutile aune perfonne qui, remife a Ia vie ' commune, n'avoit plus eu aucun régime s. garder. Hs ont eftimé qu'il y avoit comGg 2 pen-  468 Nouv. Biblioth. Belgique; penfation des foins donnés aux enfans pen» dant leur petite-vérole avec les préfens recus, & ont débouté le Médecin de fes de? mandes avec dépens. J'ai 1'honneur d'être, &c. N°. ij. Le 12 Mars 1783. Epoques raifonnées fur la vie i'AIbert de Haller. C'eft un hommage que 1'Auteur du Mémorial du Mondain, des Tablettes fantafliques &c. , a rendu a la mémoire du célèbre Haller fon ami. On reconnoit dans ce petit ouvrage comme dans tous ceux du Comte Max. de Lamberg, une touche originale & pbilofophique qui tient beaucoup de celle de Montagne. Ici fon amitié pour un grand homme, fon refpedr. pour les profondes con. noiffances, les talens prefque univerfels d'un des plus beaux génies de ce fiècle, ont guidé fa plume, mais fon imagination agréable & fa prodigieufe érudition ont répandu fur le tombeau de Haller des fleurs plus dignes de lui , que tous les lieux communs des éloges académiques. Allons  d'Avril, Mai, Juin. 1783» 4^9 f? Albert de Haller naquit a Berne, le iö Oftobre 1708. Ses premiers années annoncerent ce qu'il devoit être; a dix ans, il avoit déja fait une prodigieufe moiffon de connoiffances: iln'eiltpeut être point quitté I'étude des fciences abftraites, fi l'dge paffions qui chez lui devanga les années ne feilt rendu poëte Son amour pour les vets éclata a un incendie a Bienne ; il abandonna tous fes eifets, & ne fauva que fes papiers. , Cefar au fiège d'Alexandrie „ s'élanga dans la mer & nagea 1'efpace de „ deux eens pas pour atteindre un navire; , pendant Ie trajet, il tenoit fa main gauche '„ élevée au deffus de 1'eau, afin de ne pas , mouiller des papiers d'importance. EJi-on flatteur, ajoute le C. de 1., pour dire aue deux hommes fe reffemblent par les mêmes traits? , , Le Roi de Pruffe avoit offert 4 M. de Haller la place de Chancelier & Curateur de 1'Académie de Halle. „ C'eft, faire efclave du Prince, du Public , de la ^ renommée, des affaires, que de prendre une charge. " < Le Prince R.... confédéré, avoit deman- dé tous les ouvrages de M. * Haller en hu offrant le titre de Général-Major dans fes üoupes. Cette propofition parut fi ndicu o  4jo Nouv. Biblioth. Belgiqjïe, au Prince de la littérature allemande, qu'il demanda a 1'homme chargé de ce MelTage, li la troupe de S. A, avoit jouée devant le Roi ? Le C. de L. tranfcrit quelques -unes des lettres qu'il a recues de ce refpeccable Ami. M. de Haller lui rend compte ainfi d'une illuftre viQte qui a tourné Ia tête a tant de grands hommes. ,, Le Comte de Falkenflein „ eft enfin arrivé ici jeudi dernier; il n'a „ pas refté tout è fait 24 heures; il n'a vou„ lu ni gardes , ni honneurs quelconques; „ il n'a été voir que 1'arfenal & la grande „ terrafle; il m'a fait une vifite de 40 minu„ tes fur le foir avec les Cavaliers de fa fuite „ il a été bon, familier, facile & d'une con„ verfation agréable : il ne boit point de „ vin; fa diete eft auftere; il ne foupe point; „ il étoit preffé de retourner au camp de „ Styrie. II n'a pas voulu voir votre ami „ Voltaire. Je fuis mauvais raconteur; vous „ aurez la bonté, M. le Comte, de vous „ contenter de ce peu qui eft au moins vé„ ridique; je fuis d'ailleurs dans toutes mes „ lettres fort fuccinft fur cette vifite; je ne voudrois pas, comme l'a fait M. Zimmerv man y publier une converfation que j'au» „ rois eue avec une tête couronnée; je erain„ drois trop d'avoir facrifié è la vanité. J'ai j, placé votre portrait parmi mes plus cheres >i con-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 47* -„ connoiflances..; Le Comte de Falkenftein " l'a remarqué: Prtefenti tibi maturos largil mur honores, „ Le C de L. lui reprochoit dans fa réponfe, cet excès de modeftie:,, „ il y a, lui écrivoit il, facon de tout dire „ fans imiter perfonne: rien n'inftruit mieux „ que les difcours des Rois, & M. de Haller „ étoit fait pour être le Demofthene des uns „ & des autres." Les dernieres lettres de M. de Haller, celles oü il verfe dans le fein de 1'amitié fes réflexions fur les approches de la mort, excitent 1'intérêt & 1'admiration. On y voit toute la fermeté du philofophe & la férénité de 1'homme vertueux. L'ouverture du Carnaval ne pouvoit fe faire fous de plus favorables préfages que par 1'orgie fi ridicule, fi bifarre du S. de la Rey ; auffi, depuis longtems n'avoit-on vü tant d'émulation dans les mafcarades. Malgré Ie tems défagréable, les rues S. Antoine & S. Honori ont été fi prodigieufement remplies qu'elles reflembloient pofitivament a une longue galerie , dont le tfotoir & les balcons offroient le mélange immenfe & varié de mafques & de curieux. On a furtout remarqué Ie Char repréfentatif des Treize-Cantons de YAmériqut, autour duquel flottoient les treize Pavillons des Euti-Unis, & au milieu duquel Gg 4 i»  p 472 Nouv. BiBtrom BfiLGiQtrg.- Ia Liberté fe trouvoit couronnée. Ua or« cheftre animoit ce fpeftacle trainé par quatre beaux chevaur, & la diftinction de fa marche au milieu des files de voitures a fait direr qu'un de nos grands Seigneurs étoit de ce cortege. Dans toutes ces phrénéfies, autorifées par d'anciens ufages, il n'eft pas furprenant que 1'iflue en foit toujours plus ou moins funeste: Douze Mafques ont, dit-on, été vus a la Morgue le lendemain du mardi-gras; mais de ces malbeureux, viftimes de 1'yvrefTe ou de 1'imprudence, 1'aventure d'un feul eft gé. néralement confirmée, C'eft celle d'un Arlequin, qui faifant le facétieux fur le Ponu neuf avec une fouris qu'il tenoit attachée k un fil, s'avifa de la pofer fur le col d'une Dame qui paflbit. Soit mal-adreffe, foitmalice, 1'animal fe gliffa dans Ie fein de cette dame, qui étoit enceinte, ce qui lui caufa une telle révolution qu'elle tomba fans connoiffance. L'impudent Arlequin ofant recourir après fon animal, alloit porter fa main fur cette Dame, lorfque Ie Cavalier qui 1'accompagnoit outré de fa téméraire effronterie, lui paffa fon épée au travers du corps & 1'étendit fur la place. La garde accourt, s'inftruit du fait, & fe montre affez raifonnable pour n'exiger du Cavalier, que fa parole d'hon-  d'Avril, Mat, Juin. 1783. 473 d'honneur de fe repré Penter toutes fois & quantes, & le laiffi donner fes foins a la Daroe. La lecon éioit dure & violente; mais il eft des cas oü 1'homme le plus circonfpeft & le plus humain peut potter jufqaes la fon indignation. üae aver.ture vraiment atroce, vraiment digne de toute Ia févérité des loix, eft celle qui vient d'arriver è Marjeüle. Une jeune Dame, mariée depuis peu de tems au fils de M. de BraJJe, étoit en difcuffion d'intérêts avec fon beau frere. L'affaire pendante aux tribunaux, n'annoncoic pas une iiïue favorable a M. de BraJJe. Un foir, i la fortie du fpeflacle, un homme mafqué fe préfente a la chasfe de cette Dame, ordonne & fes por^ teurs d'arrêter, lui lache auffitöt dans la cervelle, un coup de piftolet chargé de cinq balles & difparoit. La Juftice, informée de cet horrible meurtre, ne fcavoit fur qui jetter fes premiers foupcons; le Public les fit naitre: fur quelques propos qui y tranfpirerent, on crut devoir s'aflurer de M. de-BrarJe, & en conféquence on le fit arrêter. Mais foit qu'il fe foit fait a lui-même juftice, foit qu'il n'ait point voulu furvwre è 1'infamie d'une imputation auffi odieufe , il s'eft coupé la gorge dès le premier jour de fa détention. Cette circonftance ayant accru les ruraeurg Gg 5 Publi-  474 Nouv. Biblïoth. Belgique.' pabüques, le fils a été tellement inculpé luimême, qu'on alloit s'emparer auffi de fa perfonne, s'il n'eüt pris les devans par fa fuite, ce qui le fait regarder comme complice ,de ce révoltant attentat. On trouve quelques raifons de pardonner aux fureurs de 1'amour ou de la vengeance; mais du vil intérêt! Oh, il n'en peut être aux yeux de 1'homme de bien. On attend avec impatience la décilion d'une affaire importante, dent les plaidoyers attirent grande affluence au Palais. II s'agit de la propriété d'un nom. M. le Marquis de Montefquiou, premier Ecuyer de Monfieur, ne ponvant croire qu'un fimple garde-du corps-du Roi fortit d'une fouche affez noble pour avoir le droit de porter un auffi grand nom que le fien, lui a fait connoitre 1'indispenfabilité de le quitter ou de juftifier fes titres. Ce jeune-homme ayant prétendu ne devoir déférer qu'a 1'autorité des loix, Taffaire a été portée dans les tribunaux, oü elle eft aujourd'hui difcutée par deux avocats remplis de talens & de zèle pour leurs parties. II réfulte, tant qu'a préfent, de leurs différens plaidoyers que le nom de Montefquiou n'appartient ni è l'un ni è 1'autre: qu'il fubfifte un vice conféquent fur le régiftre du Baptême du premier Ecuyer de Monfieur qui fem-  d'Avril , Mai , Juin. 1783. 4? S fembloit lui ravir la qualité de rejetton de cette Maifon; & que, quant au Garde-du Gorps-du-Roi, non feulement il devoit décheoir de ce rang, mais même de celui de fimple gentilhomme. Au furplus, c'eft aux mémoires qu'il faut recourir pour avoir une idéé plus précife de cette. affaire, mais il faut attendre qu'ils foient publics. Parmi les détails qui nous font déja parve< nus, de 1'horrible deftru&ion de Mejfine, on regarde comme un nouvel exemple d'une fatalité inévitable, la trifte aventure d'une Da. me de qualité qui vivoit i la campagne aux environs de cette ville. A la vue du bouleverfement qui 1'environnoit & qui ménacoit le chlteau qu'elle habitoit, elle fe bate d'en fortir & de gagner la plaine dans 1'efpoir d'y trouver un afyle plus affuré: mais k peine y fut-elle arrivée, que la terre s*entrouve & 1'engloutit; tandis que fon chateau qu'elle fuyoit, par une bifarrerie finguliere, n'a pas recu le plus petit dommage au milieu de toute cette combuftion générale. La mort de Céfar a eu le plus grand fuccês & devoit 1'avoir. Cette piece eft une de celles oü Voltaire s'eft le plus élevé au deffus de lui-même. Les femmes lui ont pardonné, peut-être parcequ'il eft mort, de s'ètre Daffé d'etles dans une tragédie. Cette intjor vation  4r6 Nouv. Biblioth. Belgique; ▼ation feroit bonne a quelque chofe, fi on 1'imitoit, furtout quand ii s'agit de grands intéréts. On fait bien que les plus grands érénemens font pour 1'ordinaire, produits p« de petites caufes, mais il faudroit quelquefois les cacher, ou du moins ne fe fervir d;s petites caufes que lorfqu'elles devroient p' sduire de grands effets. Je ris d'un auteur qui ayant un beau récit ou plutöt une belle aétion a développer, s'embarafie dans les fils d'une intrigue amoureufe, toujours mauvaife quand elle ne domine pas. L'Opéra de Sacchini a réuffi: cela ne prouve rien; du moins pour le poëme. II paroit décidé que les Cabriolets feront défendus: ils ont écrafé vingt perfonnes depuis trois mois, fans compter celles qui conduifoient ces voitures & qu'elles ont b!esffes, foit en fe brifant, foit en fe renverfant. J'ai Phonneur d'être, &c. N. 12. De Paris le ig Mars 1783. M. La paix n'a fait qu'ajouter aux folies pé- riodi-  d'Avrtl, Mai, Juin. 1783. 47? fiodiques du Carnaval, tems oü le Sage ceffe toujours plus ou moins de 1'être. Je vous en ai donné un échantillon dans ma dermere lettre. J'ai encore a vous parler d'une autre extrava^r.ce qui tient a une frénéfie dont les têtes parifiennes font tranfportées depuis quelques femaines. Nous avons vü promener dans cette ville, le jour du mardi gras, 1'efrWe du fameux Martborougk, accompaj. née demafques des deux fexes. repréfentan: les pages du défunt, & les femmes de fon époufe, qui faifoient rire aux éclats la multitude, en feignant de pleurer. L'air a la mode, celui de la chanfon faite jadi? fur le Général Marlbourougb, menoit la marche. Le tout s'eft terminé par 1'enterrement du mannequin, 6e par la groffe jo'e & 1'yvreiTe des acteurs. Admirez, Monfieur, le génie de la nation francpife & tout enfemble la des-, tinée d'un Général qui l'a battue. L'une , par hazard & feulement parceque la nourrice de Mgr. le Dauphin chante en berecht fonr nourriffon, une vieiile chanfon des rues, & que la Cour & la «111e la répetent oubüanc la honte paffee & 1'igaorant peut-être, s'engoue d'une platitude, va la voir aux théacres forains, dans les places publiques, tourne a préfent en plaifanterie, ce qui autrefois fur. fi férieux, & croit avoir remporté un avan- lage,  47§ Nouv. BlBLIOTH. Belöiqüb. tage, parcequ'elle a jetté un ridicule: 1'autre (Marlborough) de fon vivant, fit trembler la nation, s'acquit de la gloire contre elle, lui a fait refpefter fa mémoire jufqu'a ce 'jour; tout a coup le voilé, pour ainfi dire, exhumé, perfifflé, mylTifié. . . En vérité cette nation, quand elle n'eft pas trés grande, eft bien petite. Mais les Anglois euxmêmes font-ils plus raifonables, quand i!s bruient le Pape? Je vois qu'en fait de folie tous les hommes fe refiemblenc: les Rulles, les Italiens, les Efpagnols, peut-être même les Allemands ne valent pas mieux & 1'on peut appliquer aux nations ce qu'un poëte a dit des individus: Tous les hommes font fous Êf qui n'en veut point voir ' Voit chez lui refter feul cï? caffer fon miroir. Encore un mot du Ca'naval. II donne lieu a une cérémonie annuelle pour laquelle j'ai quelque refpecr. a caufe de fon origine k de fon antiquité, quoique dans nos mceurs & dans notre religion, cette cérémonie n'ait d'autre but que la fingularité & la folie. C'eft la promenade & enfuite la mort du Bceuf gras. Le Bceuf qui eft gros mais qui n'eft point gras r parcequ'on l'a iaifie affoiblir, de erainte  ■-■ d'Avrïl,Maï, Juin. 1783. 470 crainte d'accident, eft conduit par une douzaine de garcons bouchcrs vêtus è la turquo & a cheval. Un enfant eft è califourchon fur la viftime, donc les cornes font ornées de fleurs. Une mufique d'inftrumens è vent (elle jouoit cette fois l'air de Marlborougk) conduit la troupe, qui a Ia fin du jour va faire le facrifice & en dévorer les débris. Cela rappelle les Bacchanales & les Myfteres des Egyptiens, & tranfporte pour un moment dans des tems dont Ie fouvenir plait toujours a l'imagination. La feule différence qu'il y ait entre- les cérémonies antiques & la moderne c'eft que chez les Egyptiens il s'agisfoit du Dieu Apis & que nous ne voyons qu'un Boeuf gros ou gras. Le Mttfée de Paris s'eft aflemblé publiquement, le 6 de ce mois. M. Cailhava, Préfident actuel de cette Société, a dit quelques raots a 1'occafion de la paix, qui a donné lieu a la féance. M. Franklin y affiftoit. Entr'autres leftures, on a rëmarqué celle de M. 1'Abbè Brizard. Son morceau étoit in» titulé: Fragment biftorique de Xenophon, trottvé dans les ruines d'Hercutanum rjf dépoji par un Anglois au Mufée de Londres. Vous devinez fans que je vous le dife, M., que 1'Abbé B. n'a voulu fous ce titre prétendu, que donner des éloges plus adroits & plus dé;  480 NOUV. BlBLIOTH.jBlJLGrQU'lïï dilicats au Gouvernement Francois & aux A<' méricains, en rendant juftice aux Anglois. II a propofé des vues pour les réjouifiances publiques , vues qui devroient d jamais êrre adoptées; favoir, C'élever un monument utile, toutes les fois que la nation auroit lieu de fe réjouir d'un événement, tel que celui de la p3i'x qu'elle vienr de faire. M. FranMin, fous le nom de Thalès, a pu recevoir & a regu en face tout ce que Pnuteur lui adresfoit dans fon difcours, & le Public applaudisfoit. Voila comme il faut louer & non pas dire&eraent. On a dans Ie dernier cas, a rougir pour foi même & pour celui dont on parle.. Je voudrois pouvoir vous citer au inoins un fragment de ce fragment fuppofé, mais mes oreilles étoient trop attentives au tout pour en retenir une partie. A la fuite des leétures , qui ont été nombreufe», foit en profe foit en poëfie, mais non pas toutes auffi heureufes que celle de Pabbé Brizard, la mufique a exécuté une fymphonie qui a été fuivie d'une fcene que 1'on croit avoir été analogue a la circonftance, maison n'oferoit en répondre , attendu que. felon 1'ufage, les paroles n'ont point été entendues. Les acceflbire? étouffent le principal. Les Muficiens du Comte ó'Albaret, cönnus pour ia perfection de leur exécution vocale & in- ftru-  d'AvrHoMai, Juin. 1783. 481 ftrumentale, ont chanté les quatre vers luivans, parodiés fur ceux du fommeil d'Atys; Regnez, aimable paix, Regnn Jut tout li mondt; Apportez aux mortelt vos fecouri bienfaifani; Calmez les Rois & les Tyrans; Ramenez le repos fur la terre fit fur 1'onde. Cet S propos a beaucoup réuflï. A la fuite , les mêmes Muiiciens ont chanté en Qu* tuor, (encore fur l'air de Marlborough) quatre couplets que je vous donne fous le fecret, car celui qui les a faits ne veut pu qu'on les répande, & les a refufés par modeftie feulement, 4 toutes les perfonnes qui les lui ont demandés. 11 dit qu'il les avoit brochés 1'avantveille, qu'ils ont été arrangót k veille, & on les a exécutés le jour. Honneur a la Déefle, Qui partout répand 1'allégrefle, Et donne avec largeiTe De felides bienfairs. A ces généreux traits, Connoiffez les Francois! La brillante jeuneffe N'aura point de jours de trlfteüe, Et vous direz fans ceffe, Vive, vive la Paix! Ttm. IV. P«r». »• Hh "  482 Nouv. Biblioth. Belgioue. le CHOEUfi. Vive, vive Ia Paix; vive, vive la Paix! DEUX VOIX. 'L'Amour qu'elle ramene En vainqueur déja fe promene Sur les bords de la Seine Son aimable féjour. II va, vient tour a tour De Ia ville a la Cour. Déjè par fon haleine, Le Printems renait dans la plaine,' Tout chsnte fous fa chaine, Vive, vive 1'Amour! le choeur. Vive, vive 1'Amour; vive, vive 1'Amour! une VOIX Appollon qu'il infpire, Tranfporté d'un doublé délire, A fa voix, a fa lyre Fait rendre un doublé fon. L'écho du doublé mont Répond a fa chanfon. Toat  d*Avril, Mai, Juin. 1783. 483 Tguc eede a fon empire, Et de Mars la fureur expire, Et la beauté foupire.... Vive, vive Apollonl •h! va\ : ■ '-. » S 3 ; '■: f ' 'i • le choeur. Vive,viveApollon; vive, viveApolIoni une voix. Bacchus d'honneur fe piqué, Et d'un air tout patriotique Dans fa coupe a 1'antique. Fait briller les rubis: A fes joyeux amis, II les donne gratis. Le trio pacifique Chante en Chceur pour refrein bachique: Honneur a 1'Amérique; Vivent George&Louii! le choeur. Vivent George & Loüts; vivent Gfc» orgb & Louis! ■ Après Ie concert, M. Franklin a été coniuit dans une falie préparèe pour Ie fouper ^ Hh 2 dit  $84 Nouv. Biblioth. Belgiqüb. des confrères. On a bu 4 fa fanté * 4 It gloire des Etats-unis. Au bruit des inftrumens & des applaudilTemens, on lui a mis une palme 4 la main & une couronne fur la tête. Il 4 proféré ces paroles: Je fuis trés fenfible aux témoignages d'affeüion que je refois: je vous fouhêite toutes firtes de profpéritis & une union étertullt entre les deux nations: puis il s'eft retiré. J'ai oublié de vous dire que, parlant de Ia ftatue que le Congrès fait élever 4 LOUIS XVI, Libirateur de l'Amérique, 1'Abbé Brixard a obfervé fort ingénieufement que c'étoit la première fois qu'une République avoit rendu de pareils honneurs 4 un Roi. Je vous aurois rendu compte d'une épitre Iue 4 Ia même aiTemblée, & intitulée: Les foupers de Paris, par M. Lantier, auteur de Vlmpatient & du Flatteur, fi j'avois pu prendre & retmir i la volée quelques vers de cette charmaate & joyeufe critique de nos prétendus foupers ob 1'on ne foupe pas. Il vaut mieux attendre 1'occaGon de vous la faire connoltre toute entiere, fi je réutBs 4 m'en procurer une copie. Le Comédten Augi, qui avoit quitté le théatre, Pannée derniere, vient de mourir d'ennui & du chagrin que lui a caufé la banqueroute du P... de C.. dans laquelle il étoit  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 48S étoit pour beaucoup comme tant d'autres. Elle a porté fur prefque tous les cèlibataires: beaucoup de filles entretenues vont a pied ou font femblant d'y aller depuis cette époque, en attendant que les Anglois les faflent remonter en voiture. Les fuites de cette banquexoute font ü funeftes & ont tellement irrité les efprits que 1'on difoit dans le tems qu'il falloit faire dans toute YEurope, dans le monde entier, une quête pour les malheureux que le luxe effroyable d'un feul homme a ruinés. Un Chevalier de S. Louis dit publiquement alors qu'il fe feroit bien payer. On lui demanda comment ? En mettant le piftolet fur la gorge è M. de G.. On ne fait ce qu'il a fait, mais il a été payé effeftivement. Un boulanger de Goneffe village prés d'ici avoit envoyé, ces jours pafTés, fa fille i Paris, pour y recevoir 600 liv. Avant fon départ, elle alla chercher fon amoureux, afin qu'il tint avec elle. Tout alla bien jufqu'a fon retour, que 1'ayant conduite fur le bord d'une carrière trés profonde qui fe trouve éloignée de quelques pas du grand chemin, il lui demandt fes 600 liv. La fille croit qu'11 badine, elle refufe: demande réitérée. refus nouveau, enfin il lui dit que fi elle ne donsje pas, il la jettera dans la carrière. Après Bh 3 ' W'*  486 Nouv. Biblioth. Belöi 09a .' v 1000 De Pa ars le 26 Mars 1783» ■ •M. M. 1'Abbé P..., ex-jéfuite, vient de débuter avec édat dans la République des Lettres , par une fable, intitulée; L'Aigle & le Hïbou. Bien des circonftances concourent a Ia célébrité rapide dont a joui cet opufcule; ^erite pour un jeune Prince, dont óri ofoit bijt*  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 487 blamer 1'amour pour les Sciences flt les Lsttres, il a bien fallu lui faire connoitre les philofophes du jour, & je vous laiffe a penfer fi les Francklin, Buffon, A'Alembert, Diderot & autres, qui y font divinifés, auront payé d'ingratitude cet enthoufhfte apologiste: c'étoit peu pour lui de les próner dans fa fable, c'eft furtout dans les notes qui la fui-veat, qu'il s'évertue a en faire des prodiges.Au furplus, 1'excefBve prétention avec laquelle ces notes font écrites, feroit penfer que M. 1'Abbê P... n'a vraiment été poëtequ'on les écrivant, & qu'il n'a été que ver-' fificateur en écrivant fa fable. En effet, a peine aurois-je quelques vers frappans è vous citer, tandis que j'aurois cent pbrafes è puifer dans fa profe, toutes étincelantes d'efprit& d'imagination, mais fourmillant auffi da paradoxes , d'obfcurités ou d'exagérations. N'eft ce pas, par exemple, un violent paradoxe de dire, que dans l'hiftoire prtfane il faut fe bomer aux faits hilloriques. Et n'eftcepas une foule d'obfcurités que d'ajouter. ,,. „ L'Afie a tout criè, la Chine tout recueilii^ „ L'Egypte tout développé, la Phénicie tout 3, répandu, la Grece tout perfeBionné, Rome „ tout conquis, les Barbares tout détruit, les „ moderties tout retrouvê , tout agrandi." K'eft-c« pas de même une exagération de diH h 4 re,  488 Nouv. Biblioth. Bblgique.' re, que l'ouvrage de M. de Buffon (fon histoire naturelle) eft un des phénomenes de l'm nivers qu'il peint. Mais auffi n'eft-ce pas une vérité préfentée fous une image ingénieufe & brillante, que ce que M. 1'Abbé P... dit de Voltaire ? „ Tout fe changeoit en or „ au feu de fon génie; cet or étoit le plus „ ductile du monde; il le travailloit comme „ un artifte, il battoit monnoie comme un „ Souverain, & toutes fes idéés ainfi frap,, pées, font encore dans la circulation pu„ blique." Le portrait qu'il tracé de J. J., eft fi neuf, fi vrai, quant è fes talens,quoique trés infidele & trés hafardé, quand a fon moral, que vous en admirerez 1'élégance & la précifion. „ L'hiftoire des confpirations „ intérefle les hommes même les plus paci„ fiques; c'eft un des charmes qui attachent „ aux écrits de J. J. Rouffeau. II femble „ avoir conjuré contre les vérités établies, & „ avoir formé le projet de détróner la raifon „ publique; la fienne s'eft dérangée dans ce combat perpétuel. Les idéés exagérées , qu'il s'étoit faites des paffions, les idéés noires qu'il s'étoit faites des hommes de fon fiecle, ont plus contribué è fa folie „ que fes malheurs même. II rappelle par j, 1'audace & le délire de fes derniers ouvrar, ges, «e fupetbe Ajax qui demandoit aux „ dieux  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 489 „ dieux de combattre contre lui en plein „ jour, & qui, mécontent des Grecs,perdit „ la tête, fe jetta au milieu d'un troupeau fit „ 1'extermina, dans la penfée que c'étoiens ,, les capitaines de la Grece. Les parado„ xes & les folies de cet écrivain n'empêchent „ pas qu'il ne foit un des hommes les plus éloquens. Son éloquence confifte dans fes „ mouvemens & dans fes defcriptions: tous „ fes mouvemens font paflïonés & toutes fes ', defcriptions magiques; il eft Pinventeut „ du genre fauvoge, qu'il a trop confondu „ avec le genre naturel, & dont il abufa , quelquefois pour furprendre 1'imagination. „ Enfin il couvre par les vérités de détail le „ fond d'erreurs fur lequel il a bati tous fes „ ouvrages. Ils pourroient être comparés a des „ pendules détraquées, mais enrichies d'un „ carillon magnifique & jufte. 11 ne faut pas „ écouter 1'heure qu'elles fonnent, mais l'air „ qu'elles jouent." De tous les tems, 1'Epigramme a fervi le reffentiment des gens de lettres, & vous devez croire que le Chantre des Jardins, tant myftifié dans la fatyre ingénieufe de fon poëme, intitulée, le Cbtu & le Navet (*), n'en aura (*") v n» lettre du 4. Septembre de 1'année dcrpiere. ■ Hh 5  49» Nwv. Bïblioth. Belgiqus. aura pas oabüê I'auteur, qui, comme je vous, 1'ai marqué, eft Capitaine de Dragons.«Saic que i'amour-propre piqué de 1'Abbé Delijls. lui ait fervi d'aiguillon, foit que quelque partifan ds fes talens ait vouiu rompre une lance contre leur détraóleur, les deux vers fui» vants ernpioyent pour le venger tout ce que repigramme peut avoir de plus mordant. Debonnaire en champ clos, brave fur 1'hélicon; Quand Virgile eft Abbè , Meevius eft Dragon. Le nouvel Opéra de Sacchini a réufïï , mais, il n'a qu'un languiflant fuccès. Mlle. le VasJeur y chantoit mal , difoit-on, Mlle. S. Huberti s'eft hatée d'apprendre fon róle, & fes partifans afluroient qu'elle releveroit la gloire de cet ouvrage; pures chimères! Elle a paru, chanté, grafleyé, minaudé, le public n'en a pas moins confirmé fon premier jugemenc, & 1'on peut dire, fans humeur & fans rigueur. Qaelque cas que nous faflïons de la beauté du chant, partie fi précieufe de 1'art mufical, nous exigeons plus aujourd'hui fur nos tMacres, & fi les compofiteurs n'ont une fufiïfante connoiflance de notre langue pour en fentir & en exprimer toutes les nuances, leurs travaux n'auront jamais que des fuccès équivoques ou peu durables. M.  d'Avril, Mai, Juin. 1^83. 491 M. Is Gros & Mlle le Valjeur plus connue Tous le nom de Rofalie, quittent l'opéra a Piqués. ' 11 n'eft pas toujours vral qae les ricbejjes £? les honneurs changent les meeurs. Le Pere & la Mere de feue Mlle la Guerre, qui ont hérité 40,000 liv. de rente de cette chere & refpeftable fille, n'ont pas quitté le Cabaret & n'ont pas ceiTé d'être yvres depuis le moment de fon trépas. Ils veulent finon manger au moins boire le capital de la fucctsfion. Spartacus tragédie de Saurin , remife au théatre, a eu un fuccès d'eftime; mais on dit généralement ce qu'on avoit dit d'abord, que cette piece eft froidemeut belle; qu'il y a un róie digne de la touche du grand Corneille & point d'aétton dans tout le refte. II y a eu, jeudi dernier, une expofition générale de tous les tableaux du fameux Vernet, qu'on a pu rafiembler chez M. de la Blancherie. Le portrait du peintre par Mad. le Brun étoit au milieu de fes ouvrages. Jeudi prochain, il y aura une efpece d'inaugutation: Les Muficiens du Comte XAlbarct font invités. Vous favez déja, M., que les Ctnverfations d'Emilie ont obtenu le prix de 1'académie francoife, fondé par un anonime pour 1'ou7 vrage  49* NOÜV. BlBLIOTH. BbLGIQÜB; vtage Ie plus utile aux mosurs. L'académie eft, dans le deflein de prier le bienfaiteur d'y comprendre les ouvrages utiles qui ont un objet phyfique, comme VJrt de la Boulangcrie, & un autre fur lesmoutonspar M. d'Aubenton; enforte que deformais l'Académie des Sciences fera toujours couronnée par l'Académie francoife. Le public pourra trouver cela plaifant. On parloitchez M.d''Alembert d'utilité phyfique & morale. Une belle Dame qui, du tems de Molière, auroit pu fournir un modele de femme favante, diiTertoit fur cette doublé utilité & Ie faifoit comme une femme qui veut parler de tout. Le philofophe toujours galant mais malin 1'interrompit en lui difant: Madame, je vous ai gardé deux belles ptires ; Un tel (en appellant fon laquais) donntz les j, Madame. Elle vouloit continuer; il répéta fon ofFre, & Mad. S.... fe vit obligée de laiiTer fa dilTertation pour faire des remerclmens. M. d'Alembert garde toujours Ia chambre pour fa maladie de vefliej mais on efpere que par les foins du Dofteur Bartbez, il pourra bientót rendre les nombreufes vifites que la Cour & la ville lui ont faites cet byver. Autant Ia manie de certaines perfonnes eft de vivre obfcures & inconnues, autant celle de quelques autres eft de fe montrer, de fe hom»  d'Avril, Mai, Juin. 178-3. m BOmmër, de s'afficher partout & de eourir après toutes les efpeces de célébrité. Tel eft, felon la chronique fcandaleufe toujoursfufpeéte, un M. de S. Georg.., fameux pat fa fupériorité dans les armes & par plufieur* autres talens. Peu content d'être le premier efcrimeur de Parir, il a prétendu devenir le premier chaffeur, Ie premier danfeur, Ie premier joueur de violon. le premier Compofiteur &c, fit trop fouvent le premier Discoureur dans les fociétés oü il fe trouve.. Pour en venir è fon hiftoire, il vient, diton, d'être affaffiné, oü du moins il a manqué de 1'être. 11 rentroit fur les minuit, un particulier paffe, le regarde & lui demande: n'eft ce pas vous S. Georg.. ? Sur raffirmatlve, on lui campe, mais i faux, un coup de ces cannes perfides qui recelent un dard ou une épée. II étoit fans armes: voyant furvenir deux autres affaillans, il a recours i i 1'agilité de fes jambes & s'enfuit. Cette' aventure s'eft répandue le lendemain dans tout Parir, mais beaucoup de gens n'y or,t pas crü; beaucoup même ont obfervé que c'étoit le fecond ou le troifieme affaffinat auquel il avoit été expofé depuis deux ans, 6c que cela paroiffoit bien fort. L'Hifioire des trois neveux de M de CUItu, quoiqu'un peu plus plaifante d'abord, x pour-  494 Nouv. Biblioth. Belgiojje. pourtant des fuites affez férieufes. Ces trois jeunes gens ont, dit-on, voulu renouveller ou réalifer la fcene du légataire da Regnard, & fe font répartis, fuivant leurs defirs partlculiers, la fortune immenfe de cet opulent financier. Malheureufement, le Notaire, fabricateur de 1'Afte fatal, a jafé dans le public, de qui M. de Chdlus a bientöt appris qu'on avoit déja difpofé de fes dépouilles par un teftament en bonnes formes. Soit qu'il ait eu recours aux Miniftres, ou qu'il fe foit adreffé aux tribunaux, toujours eft il vrai que l'un des trois prétendus légataires eft a YAbbayt; qu'il en a écrit plufieures lettres a différens amis pour fe difculper & les diffuader de cette calomnie. Quand aux deux autres, ils ont fuivi 1'axïome; qu'il vaut mieux ft défendre de kin que de prés. J'ai 1'honneur d'être, &c. N. 14. De Pakis le 2 Avril 1783. Af. Le moyen de vous raffafïer bieniót de cos prétendues nouveautés littéraires, ce feroit da vout  d'Avrtl, Mai, Jura. 1783. 495 vous en entretenir. Je paffe donc fous filence plufieurs petits écrits obfcurs qui, depuis quelque tems , ont cherché for.une dans une partie du public, dont ils prétendoient capter les fuffrages & 1'argent. Meffieurs du Mercure & Meffieurs de la Mufique en font venus a des expllcadons: on s'eft adreffé des lettres anonymes; on a joint le perfifiage & 1'humeur a quelques bonnes raifons, ét 1'on s'eft intétieurement prorois de plus gros mots pour l'avenir. Quelle pitié ! quand on a des fenfations Sdeles & nombreutes, peuton être affez fou pour borner fes jouiffances au gré des critiques ou des Apologiftes, également outrés & exclufifs? On n'a point écrit, mais on a beaucoup parlé d'une petite nouveauté du'théttre des Variétés, intitulée : L''Anglois h ?aris. La première repréfentation fit fa fortune. Un cocher de fiacre arrivoit fur la fcene par une nuit fort noire, jurant contre fon métier, & fe phignant de 1'obfcurité. Les réverberes, difoit-il a peu prés, comptentfar la lune: la lune compte fur les réverberes, ff c'eft ainfi que comptant l'un fur l'autre , le pauvre monde ne fait ou donner de h tête. Ce petit coup de patte fit grande fenfation & fut vivernent applaudi. Auffi fut-il férieufement interdit pour les repréfentations fuivantes. Ce n'eft pas  496 Nouv. Biblioth. Belgiqüb; pas que Ie Cenfeur de la piece ne 1'enc déj'4 profcrit; mais 1'Auteur trouva dans M. Bertin, dont il efl fils naturel, un patron zè\é, qui prit fur lui de faire jouer la piece fans retrancbemens, fe rendant refponfable de tout événement fubféquent. Gette petite piece a cela de remarquable qu'elle a, dit ■ on , donné lieu a une affaire férieufe dont le motif avoit quelque rapport au fond de fon fujet. M. de L... avoit fait fc cour a Mlle de M... fes affiduités auprés d'elle obligerent fes freres dele prierdes'ex. pliquer; & 1'on dit qu'il donna fa parole d'honneur d'époufer cette Detnoifelle. Mats raccompliffement de cette promeffe ne fe réalifant pas, & Mrs de Af... freres, ayant dernierement rencontré M. de L-.. fur le pont-royal, firent arrêter leur voiture & lui demanderent une explication décifive au fujet de leur fceur. M. de L... ayant tergtverfé, Mrs de M.. . lui dtrent qu'il falloit ipoufer ou fe battre. L'alternative étoit délicate ; mais voulant prendre pour défi, oe qui n'étoit peut-être qu'un effet de la néceflité oü les avoit réduit les délais è remplir des engagemens d'honneur, il fe battit. Le fort des armes lui fut fatal, êt le premier des deux freres-qui tira I'épée contre lui, la lui piffa au travers du corps, Scs gens Ie mi. rent  d Avril, Mai, Juin. 1783. 497 rent dans fa roiture, l'emporterent & tout fut, dit. Un anonyme a répandu la piece fuivante dans le Public, efpérant fans doute qu'eile feroit un jour placée a la tête d'une édition des Confeflions de J. J. RouJJeau. Voila cette amende honorable Faite è 1'augufte vérité: Exemple utile & mémorable Qui ne fera pas imité. Après avoir lu cet ouvrage, Oh combien j'en plains le lecteur, S'il admire moins un auteur Qu'il doit eftimer davantage. Quel homme oferoit aujourd'hui, Sans recourir au fubterfuge, Dire è 1'univers: Sois mon juge, En fe confelTant devant lui? Ah, s'il étoit un téméraire. Capable d'un effort fi beau, Sans doute il feroit moins fincere Ou plus coupable que Roufieau. M. de Servan, ancien Avocat-général dtt Parlement de Grenoble, n'eft pas de 1'avisdu poëte. II a fait imprimer dans le Journal encyclopédique, des réflexions qui le prouvent. II eft poffible qu'ils ayent tous deux Tm. IV. Vart. 2 li rai-  498 Nouv. Biblioth. Belgique. raifon, l'un comme poëte, 1'autre comme philofophe, fi toute fois l'un & Tautre ne fe confondent pas ou ne devroient pas fe confondre, furtout dans 1'état de la queftion préfente, favoir; fi Roufleau a bien ou mal fait de fe confefier au Public. Quoiqu'il en foit, & c'eft oü je voulois en venir, nous aurons auifi les Confeffions de Voltaire par lui même, mais bien plus abrégées malheureufement que celles de RouJJeau: !e volume ne fera que de deux eens pages. Il eft, comme le refte, entre les mains de M. de Beaumarcbais, oü je 1'ai entrevu. Mes yeux fe fo»t portés fur ces deux paflages: je crois les avoir fideiement placés dans ma mémoire. „ Avant la bataille de Rosbach, le Roi de „ PruJJe, fur le point de fe voir détróné, „ vouloit fe tuer. Peignez vous la Jituation „ extréme d'un poëte tui va cejjer d'être „ Roil" „ La Metrie briguoit & Ia Cour de Berlin, „ la place d'Athée du Roi. Le bruit avoit „ couru que ce fameux incrédule étoit mort ,, répentant. Frédéric, pour prouver Ie ,, contraire, fit fon éloge en pleine acadé,, mie." A propos de Voltaire, vous me faurez peut-être gré, M., de vous tranferire quelques vers extraits du Poëme des Mois manus. . erit,  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 499 erit, & que Ie Cenfeur n'a pas voulu laiiïer paffer dans Ie tems, parcequ'ils vifoient trop direélement a injurier la mémoire de 1'abbé Terrai & du Cardinal de Roche-Aymon. Les voici: Que disje! ó demon fiecle éternelle infamiel L'hydre du fanatifme è regret endormie, Quand Voltaire n'eft plus, s'éleve & lachement A fes reftes facrés refufe un monument. Mais qui donc réfervoit cet opprobre a Voltaire? Ceux qui déshonorantleurpieux miniftere, En pompe, hier peut-être, aurontenfeveli Un Calchas foixante ans par 1'intrigue avili, Un Sejan fans pudeur qui dans des jours iniques Commandoit froidementles rapines pubiiques. Leur regne a fait trente ans douter s'il eft un Dieu, Et cependant leurs noms gravés dans Ie faint lieu S'élevent furlemarbre & jufqu'au dernier age S'en ront faire au ciel même un magnifique outrage. Celui qui ranima par d'étonnans fuccès L'honneur déja vieilli du cothurne frangois, Qui finit les erreurs de notre longue ent'ance, Qui des perfécutés fit tonner la défenfe, li 2 Vol-  500 Nouv. Biblioth. Belgique. Voltaire n'aura point de tombe oü fes reliques Appellent la douleur & les larmes publiquesl Mais qu'importe après tout a cet homme immortel Le refus d'un afile è 1'ombre de 1'autel! La cendre de Voltaire en tout lieu réverée Pera de tous les lieux une terre facrée. Ou repofe un grand homme un Dieu vient habiter. M. de Fontanes dont on publiera bientót une traduction de YEffai fur 1'homme en vers frangois, fit dans Ia même circonftance qui a donné lieu a cette tirade, des vers pour Ie moins auffi beaux fur le même fujet. Ils font partie d'une piece intitulée: Jugement fur Voltaire, qui eft reftée dans le portefeuille de 1'auteur. On parle du ratour de I'Abbé Raynal: Ie Gouvernement n'eft donc pas devenu, comme on le difoit, 1'ennemi des Philofophes: celui-la, il faut en convenir, 1'avoit un pea offenfé. Le Parlement de Languedoc vieat de juger une Affaire dont les circonftances ont quelque réfletnblance avec celle dont je vous ai entretenu dans ma derniere lettre. Un macon du village de Fons, nommé Pégourié , convoitoit depuis long-tems, une piece de terre  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 501 terre d'un de fes voifins; mais il vouloit en devenir propriétaire, fans bourfe délier. Cela paroic difficile a bien des honnêtes gens: voici le moyen de i'induftrieux macon: il choifit, pour confident, un nommé Débrieu, laboureur de fon voifinage, & fut 1'engager dans fes vues. Les deux amis conviennenc enfemble que Debrieu fe préfentera chez un Tabellion un peu éloigné du lieu, fous le nom du propriétaire du champ convoité, & que la vente fe fera ainfi paifiblement enfr'eux deux. Un fi beau projet s'exécuta fans délai. Nos deux aiTociés vont, le 8 Juin J78r. chez un tabellion: Je Juis moi, Pégourié, qui veut acheter telle piece de terre, ff voila Tyfleyre, propriétaire de ladite piece, qui veut mi vendre. II n'y eut que ces deux mots a dire. Le tabellion drelTa l'aéte, voilé la vente confommêe; & les deux contradans fortent tout joyeux du fuccès. On concoit pourtant qu'il devoit refter quelques petites difficultés fur Ia tradition de 1'immeuble vendu. II n'étoit pas aifé è Pégourié, malgré fon acte en bonne forme, d'aller fe mettre en pofieflion du champ. Le véritable Tyffeyre n'auroit pas été facile a déposféder fans bruit ni querelle. Apparemment que 1'acquéreur, content de la propriété,fe I i 3 Pro-  $o2 Nouv. Biblioth. Belgique propofoit d'en laifler quelque tems 1'ufufruit au pofleffeur, ou fe commandoit la patience d'attendre fa mort, ou enfin, efpéroit de l'avenir ou de fon génie quelque expédient nouveau pour donner a 1'acte fon effet. Un incident fort fimpie vint lui épargner les embarras. Soit indifcretion de fa part ( car les peiits criminels font quelquefois indifcrets par vanité), foit propos écbappés au faux vendeur, la nouvelle de cette fupercherie parvint, quelque tems après, au Tabellion furpris. L'amour-propre de 1'officier fut pi. qué de fe voir dupe; & d'ailleurs 1'intérêt de s'abfoudre lui-même de tout foupcon de complicité avec ces deux fauflaires, lui fit bientót rompre le filence. II rendit plainte contre les deux coupables. Ils ont été condamnés au banniflement par les Juges du lieu, & le Parlement en confirmant cette fentence , y a joint en faveur de Debrieu, la formalité aflez mauflade d'une amende honorable. MORALITÉS. Tantót pour un plaifir, tantót pour une affaire, Nos foins font prodigués, notre tems eft perdu; Et nous fongeons a la vertu Quand nous n'avons plus rien a faire- les  d'Avrïl, Mai, Juin. 1783. 5°3 Les Courtifans font des jettons: Leur valeur dépead de leur place; Dans la faveur, desmiil'ons, Et des zeros dans difgrace. J'ai 1'honneur d'être, &c. De Paris le 9 Avril 1783- M. ■ Voici une aventure, qui, la femaine derniere, arriva a M. de la Blanckerie. Ce Correfpondant général des fciences auquel on ne fuppofe pas de correspondances fort étendues ni fort importants, veut a toutes forces jouer le perfonnage. A-t-il réuni quelques morceaux plus ou moins intérelTans , le voila qui remplit les journaux d'amplifications fades & ampoulées fur la richeffe & le mérite des objets qu'il offre & la curiofité des illuftres Etrangers & des curieux amateurs de la Capitale; & ce font des invitations, des petits avis a n'en pas finir. Envain 1'homme titré, 1'homme connu, 1'homme honnête fe préfenteroit-il è fes alTemblées , il faut qu'il lui foit prefenté. Auffi M. de la li 4 B.  504 Nouv. Biblioth. Belgique. B. s'eft-il couvert de ridicule avec toutes ces fauffes grimaces de la délicateffe. Je vous ai déja dit, Mr., que parvenu a raffembler une certaine quantlté de tabieaux & de deffins de M Vernet, il a concu le projet de faire l'Apothéofe de cet artifte Mais pour donner a cette fête plus d'artrait, d'apparat & de variété, M. de la B. a fait imprimer un grand nombre de circulaires pour inviter les Dames & les amateurs diftingués a fe rendre a cette féance extraordinaire qui devoit être fuivie d'un concert & d'un Bal. L'ennui eft fi grand , fi tuant, fi général malgré nos promenades , nos fpeétacles & nos cercles, que 1'affemblée de M. de la B. s'eft trouvée nombreufè & brillante, de manière que fon petit 3mour- propre en a bouffi de moitié. Le Comte de Turpin ayant été annoncé, Ie vénérable Correfpondant s'eft avancé pour 1'introduire: mais quelle a été fa furprife ou plutót fa ftupéfaftion! Le Comte de Turpin ufer de Ia liberté d'un ancien militaire! fe préfenter en fimple frac, une badine a la main, dans une affemblée oü il eft invité pour voir des tabieaux & enteiidre de la mufique ? voila ce qui confond Ia fuprême étiquette du méthodifte ordonnateur. II veut exprimer par fes yeux la perplexité que lui caufe cette paru-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 505 parure négligée: Le Comte de Turpin ne 1'entend point , franchit 1'antichambre & touche bien-tót Ia porte du fallon. M. de la B. i'arrête, & lui dit: M. le Comte, toutes ces dames jont parées; • Eb-bien, m.» tant mieux; le coup d'asil en fera plus char* ^ mant. Mais , M. le Comte... vous avez... * une canne. • Ce n'eft qu'une badine, lui répliqua le Comte en raillant, mais par fois il m'arrivé d'en porter une plus forte,... Et le gefte acheva de faire comprendre a 1'Agent, qu'il ne devoit pas en provoquer 1'u- fage' , . , Nons avions ici depuis longtems un original dont Ia fingularité fixoit 1'attention publique. A le voir aux promenades habillé d'un pourpoint a 1'antique, bordé d'un large galon ou d'un broderie, le chapeau è plumet & toujours fuivi de deux laquais, on 1'eüc. pris pour quelque Prince étranger. C'étoit " un Italien , dont la profeffion étoit de montrer la langue de fon pays. Pour fournir aux dépenfes de ce fafte impofant, il falloit faire payer cher fes legonsj auffi n'en donnoit-il pas a moins de fix livres. Le hazard a favorifé plufieurs années fon charlatanifme; mais enfin tout paffe; & 1'illuftre Italien ayant vü décliner fa vogue, a pris le parti de fe fauver par un mariage avantageux. Les deux va-. Ii s Iets,  $o5 Nouv. Biblioth. Belgique. Iets, les deux chevaux, Ie plumet & les habits dorés ont donc été confervés, grace i la dot. Mais après 1'avoir épuifée, le Sigtior Italiano ayant fenti Ia néceiüté de fubvenir par fon travail, a fon exiftence & a celle de 1'époufe honnête qu'il avoit ruinée, a préféré 1'abandonner , & s'enfuir lachement en Angkterre. L'infortunée fe voyant délaiffée par ce traitre, perfécutée par les créanciers auxquels fon mari s'étoit fouftrait, & ïéduite inopinement è la détrefle & a Ia mifere, n'a pü rélifter a fon défefpoir, & s'eft allée précipiter dans \zSeine. C'eft a regret que ma mémoire me refufe le nom de ce perfide étranger; je me ferois un devoir de Ie dénoncer ici comme un être digne du mépris & de la haine de tous les cceurs fenfibles. Un trait fait pour les déchirer, eft celui dont nous venons d'être témoins & Ia place de Louis XV. Un femme échevelée la traver foit rapidemtnt tenant fon enfant par Ia main. Son maintien défefpéré fait affez d'impreffion fur quelques perfonnes qui la reneontrerent, pour les décider a s'en emparer. Sur ces entrefaites un homme accourt hors de lui même, criant è toute voix: que 1'on fauve ma femme. 11 la retrouve; mais Ie malheureux, 4 peine s'eft-il affuré de fon «iftence, è peine a-t'il vü qu'elle n'étoit plus  b'Avril, Mai, Juin. 1783. 507 plus en danger de pouvoir exécuter le funeste deffein qu'elle avoit formée de fe jette» avec fon enfant dans Ia rivière, qu'il dlfparoit comme un éclair & s'y précipite luimême. On cache a cette pauvre femme un fi trifte événement , on 1'interroge fur la fource de leurs chagrins domefliques, & 1'on apprend que la mifere Ia plus afFreufe les avoit réduits a cette fatale réfolution... Femmes coquettes, hommes fenfuels, & vous Pafteurs, prétendus peres du pauvre, rougisftz, frémifTez a cet affreux récit. Nous fommes fi fincerement réconciliés avec les Anglois, qu'il eft queftion de batir ici a leur manière, fur remplacement du Colifée, une petite ville que 1'on nommera, la Now veile Londres. M. le Comte ó'Artois eft a Ia tête de ce projet; tout le terrein lui appartient; il l'a acheté des Entrepreneurs du Colifée & de M. dt Langeac. On ne doute pas que ce Prince n'obtienne 1'agrément du Roi, s'il ne l'a déja. Les maifons ne s'éleveront qu'a la hauteur d'un étage au deffus du rezdechauffée; de larges trotoirs borderont les maifons dans lefquelles les gens a pied entreront fans danger par de petites portes au niveau de ces trotoirs, & les gens en voiture , par de grandes portes derrière. Chacun de ces charmans réduits ne coutera que mille écus  yo8 Nouv. Biblioth. Belgique?. écus de loyer; les quatre principaux feulernent, qui formeront les quatre coins d'une place au centre de la ville, fe payeront deux mille écus! Je ne fais pas fi dans ce féjour on portera Ie fcrupule de 1'imitation angloife, jufqu'a la manière de vivre; fi les maris y coucheront avec leurs femmes; s'ils boiront avec elles & leurs amis dans la même coape; fi le fto/ïfi'e/remplaceralavolaille, & le Punch Se vin de Champagne; fi nos femmes rede» viendront chaftes.... Jene ferois point étonné que pour un tems du moins, il s'opérat en France, de pareilles métamorphofes, car je connois déja des époux qui, par excés de libertinage, vivent avec leurs moitiés, & i 1'opera on chauffe le public avec du cbarbon de terre. Quoiqu'il en foit, M,, nedoutez pas que la petite ville ne devienne fort a la mode; d'abord parcequ'elle fera petite; enfuite parcequ'elle aura de petites maifons, & puis parcequ'encore une fois elle fera è 1'angloife. Pour éviter une guerre civile entre les concurrens, on propofe d'y batir par fouscription. Ce nouveau projet pourroit faire grand tort a 1'entreprife de M. le Duc de Chartres, dans fon jardin du Palais royal. Elle eft fur le point d'être terminée, & n'en feroit que plus  d'Avril,Mai, Juin. 1783. S°9 plus malheureufe. Les uns ne ceflent de la critiquer, tandis que tes autres 1'admirent. On appeile le grand corps de batimens, le plus beau Trou-madame quijoit dans l'univers entier. C'eft un mot attribué a Sopbie Arnoult qui depuis 50 ans plus ou moins, eft en poffeflion de dire destaots; en effet ce cercte d'arcades retrace affez bien la forme du jeu, de Trou-madame. II fera, dans le fait, un fuperbe Rendez-vous pour les gens d'affaïres & de plaifirs. Ce qui, felon moi, fait tort a 1'architecture des batimens, c'eft une efpece de Calotte, qu'on appellé Manfardes dont on les a couverts. Cette calotte, ileft. vrai, donne 50 mille écus de rente de plug a M. le Duc de Chartres, mais il eüt été poflible, malgré 1'humidité du climat que le fecret de M. tfEtienne nous a appris a combattre, de former une terraffe a 1'italienne, fur laquelle on fe feroit promené dans les belles foirées d'été, a peu prés comme on fe promenoit a Babylone, dans les jardins fuspendus en l'air, dont Quinte-curce &. d'autres auteurs nous font de ti belles defcriptions, & je crois que la gloire qui feroit revenue è M. Ie Duc de Chartres, pour cette magnificence renouvellée des Babylonieus, 1'auroit bien dédommagé dans tous les tems, du facrifice de 50^000 écus. Savez  glO NoUV. BlBLÏOT». BeLGIQUE. Savec vous, M. , comment ce Prince, quand il fe fut déterminé 4'cette derniere entreprife, fe débaraffa de celle des Quinzevingt, dans laquelle il fe trouvoit pour une bonne par;? Ii va voir fes aiTociés, leur demande combien iis croyent que ehacun d'eux gagnera. Les aflbciés exagerent les avanca- ges. Eh bien, leur dit Ie Prince, je retire mes fonds, ff je vous laiffe les profits. Depuis les aiTociés ont fait banqueroute. II ne faut pas crcire tout ce que 1'on mande de Naples & de Sicile, fur les effets auffi finguliers que terribles des derniers tremblemens de terre. Mais de tant d'événemens que ces lettres rapportent, quelqi>es-uns font trés certainement vrais, & c'en eft bien afllz pour épouvanter 1'humanité. La terreur s'eft tellement emparée des efprits qu'elle a fait imaginer ici que 1'on avoit écric d'Angleierre, que 1'Ocean avoit été trois jours fans re' fluer. II eft queftion d'un bien autre bouleverfement du globe. Des Aftronomes, de ceux fans doute qui font les almanacs pour le Peuple, nous menacent de Ia rencontre de deux Cometes, qui fera un ravage terrible. II y aura, difent ils a craindrenon feulement pour nous, mais encore pour les habitans des autres planetes, qui fe' fentiront de ce cboc épou-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. 51* épouvantable, & feront engloutis ainfi que nous dans des fiots de matière ignée. Qui fait fi cela n'ira pas jufqa'a ia deftruftion de 1'univers entier? Convenons fans plaifanter, que ce fiecle eft puiflamment fertile en événemens de toutes les efpeces, phyfiques, moraux & politiques, fans parler de ceux qui doivent néceflairement réfulter de 1'ébranlement univerfel, d'ici a 18 ans. L'ouvrage fameux de M. Fergufon fur la, formation des Sociêtés civiles, eft traduit. II efl froid & prolixe & ne renferme aucune idéé neuve. H eft trés méthodique. mais nos philofopbes ont dit cent fois mieux & plus brievement tout ce qu'il renferme. D'ailleurs il exifte fur Ie même fujet un ouvrage allemand qui dans quarante pages en apprend davantage que 1'auteur anglois dans fes deux volumes. COUPLETS NOUVEAUX. Jouiflbns, 6 ma Bergère, De la faifon des amours l Ce foleil qui nous éclaire, Demain reprendra fon cours: Mais quand la Parque ennemie Tranche le fil de nos jours, A tous les biens de la vie On dit adieu pour toujours. Don-  2fï2 NOUV. BlBLIOTH. BfiLGIQUE. Donne è 1'amant qui t'adore Mille baifers au matin, Le long du jour mille encore, Mille encore è fon déclin! La nuit brouillons les dans 1'ombre; II faut tant les répéter, Qu'enfin trompés par le nombre, Nous ne puiffions les compter. Contre I'amour qui nous lie, Laifibns crier les jaloux! II eft beau de faire envie; Le bonheur en eft plus doux: Que le nótre ait tant de charmes Qu'il irrite les defirs, Et puifle en verfer des larmes Le cenfeur de nos plaifirs.' Par M. Léonard. J'ai I'honneur d'être, &c. Fin du Qjtatrième Volume.  p'Avril. Mai, Juin. 1783. 513 ADDITION A LA NOUVELLE BIBLIOTHEQUE BELGIQUE Cours de Physique. Monfieur Blassiere, DoBtur en Philofophie , Injlieuteur dans la Fondatien de Madame de Renswoude, & plus que tout cela homme vraiment inftruit & trés verfé dans toutes les branches de la Philofophie Naturelle, fe propofe de reprendre pendant Phyver prochain fon Cours de Phyfique Expérimentale. Si des connoiflances profondes, l'art heureux & rare de fe mettre a la portee de t ms les ordres d'Auditeurs, 1'intelligence propre d rendre les féances auflï agréables qu'intéresiantes, peuvent aflurer du fuccès è cette entreprife, certainement le Public s'empreffera i rendre ce Cours nombreux & fuivi. M. Biasfiére n'a fans doute aucun befoin ni d'éloges , ni de célébrité, mais nos Compatriotes font quelquefois fi lents a faifir les occafions qui leur font offertes de s'inftruire, que nous croyons néceflaire d'infifter ici fur 1'utilité réelle de ce Cours de Phyfique. D'ailleurs un homme qui confacré fes veilles au Public mérite bien qu'on lulentémoigne quelque gré. II traitera Tomi IV. Part 2, Kk fu*  514 Nouv. Biblioth. Belgique. fucceffivement i°. de 1'Hiftoire & des progrès de l'EIeétricité, depuis fan origine jusqu'a ce jour, en expofant & en expliquant par des expériences" les principes de cette fcience felon 1'ordre du tems, auquel ils ont été découverts. 2°. 11 fera de nouvelles expériences fur les différens gas, ou airs fixés, 30. II montrera les propriétés de 1'aiman. AVERT1S-  d'Avril, Mai, Juin. 1783. S*S AVERTISSEMENT. De tout tems j'ai fait mon étude favorite de 1'hiftoire naturelle des oifeaux; mes obfervations fur lesvaiffeaux d'air dont ils font doués * me porterent a redoubler particulierement d'attention vis-a vis de cette claffe d'animaux. Dans le deffein de donner plus de perfedtion a ces remarques, je difféquai une grande partie d'oifeaux de cette région-ci, fans vouloir rien 'laiffer échaper dont 1'obfervation püt intéreffer; ce qui m'engagea a en examiner en même tems avec toute 1'exDCtitude poffible les parties extérieures & ïntérièures en détail. C'eft ainfi que, presque fans penf?r a autre chofe, je me fuis occupé pendant un an a anatomifer les oifeaux de ces pays, & que depuis quelque tems j'ai trouvé occafion d'en obtenir des pays étrangers pour le même effet. C'eft ce qui m'a fait naitre le * Voyés laGazette littéraire de Gottingue, feuille 6. de 1782. & le Magazin de Leipfic, pièce 3. page 406. K k 2  $i6 Nouv.Biblioth. Belgiqüe. le defir de compofer une hiftoire générale & particuliere des oifeaux. Je ticherai d'y donner une defcription générale phyfiologique-arjatomique de la forme extérieure, de la couverture, dss os, des muscles, & des inteftins de ces animaux' volatiles, de marquer les diférences qu'il y a parmi les oifeaux par raport è ces parties ; de les comparer chacune en particulier avec les parties femblables des autres animaux, & d'en tirer enfuite des conféquences pour la Phyfiologie. Je , traiterai outre cela dans une introduc tion générale des inftincts & des mceurs des oifeaux, de leur nourricure, de leurs nids & de leurs ocufs, du foin qu'ils prennent pour leurs petits, de leurs paffages & dfe leur féjour pendant 1'hiver, de 1'utilité & du dommagequ'on perten attendre, & de leurs raports au refte des animaux & aux plantes. Dans 1'hiftoire particuliere je ferai è chaque ordre & k chaque genre une courte defcription des parties qui font femblables dans tous les . oifeaux compris dans un de ces ordres, puis d'un coup d'ceil je ferai quelques réflexions générales fur leur manière de vivre,  d'Avril, Mai, Juin. 1783. si? vivre, & j'ajouterai enfin 1'hiftoire & la defcription de chaque efpèce. Que 1'orj ne craigne pas qu'en fuivant ce plan je tombe dans de fréquentes redites; car ce que toutes les efpéces ont de commun ne trouvera place que la, oü 1'on parle du genre; & pour ce qui convienta tous les genres d'un même ordre ne fera raporté que lorfqu'il fera queftion de cet ordre. Des eftampes en taille-douce fans couleur éclairciront l'introdu&ion générale; mais les efpéces feront répréfentées en particulier avec le nid & les ceufs par des eftampes enluminées, s'il eft poffible. j"en puis promettre une grande partie, tirês d'après les originaux; pour les autres je les ferai graver d'après les meilleures eftampes & qui copient le plus fidè'.emert la nature. Je n'apréhende pas qu'on regarde cette entreprile comme fupeiflue, puifque jufqu'ici nous n'avons point de Trairé d'oifeaux, qui puiffe aller de pair avec celui de Buffon ou de Scbreber fur les animaux a mammelles pas même celui de M. le Comte de Buffon. Les defcripKk 2 tion8  5i8 Nouv. Biblioth. Belgiqite. tions y font trés courtes, ne contenant d'ordinaire qu'une énu nération des couleurs, ou manquant même entierement, & les Plancbes enluminées ne répondent que rarement au naturel. Dailleurs k 1'exception de Frisch, Edwards, & Sepp qui eft préférabicment au deffus de tout, nous avons fort peu de bonnes repréfentations d'Oifeaux, & ce font fur tout les oifeaux de chant qui font mal deffinés par la plupart des artiftes. Pour pouvoir donner è la plupart des oifeaux leur grandeur naturelle, on donnera aux eftampes & au texte le format du plus grand median in quarto, ce qui ■me mettra en état de répréfenter de grandeur naturelle tous les oifeaux dont la longueur ne paffe pas celle d'un pié. Je ferai tous mes efForts pour prendre foin que la jufteffe des defcriptions, de même que 1'exaét tudc & la beauté des eftampes & de 1'enluminure puiffe fatisfaire les Phyfieiens, les Anatomiftes, & les Curieux. Pour parvenir plus facilement k ce but je n'obferverai d'abord aucun ordre k Péf^ard des tailles douces, afin de fournir autant qu'il eft poffible des des- feins  d'Avril, Mai Juin. 1783. 519 feins originaux; je ne laifferai pas cependant de faire en forte que tous les oifeaux appartenans au premier ordre foient gravés & repréfentés vers le tems que 1'introduclion générale fera achevée. Les fraix confidérables qu'exige un ouvrage de cette nature me fait fouhaiter de pouvoir 1'entreprendre avec le moins de risque qu'il eft poffible, & c'eft ce qui m'oblige a ne m'y ergager qu'après avoir vu s'il fe trouveroit "»> nombre fuffifant de Curieux qui defiraffent la publication de cet ouvrage, & qui vouluffent en faire 1'aquifition. Pour faeilker plus fürement une foufcription je ferai imprimer le texte en caradteres latins, ou fi plufieurs Etrangers hors de 1'AlIemagne ve« noient k s'annoncer je le publierai en Latin & en Allemand. Le prix de la foufcription pour un cahier de fix Planches & de 4 k 6 feuilles de Texte, eft de z Ecus d'Allemagne k raifon de 5 Ecus le Louis d'or enfuite le cahier coutera un demi Louis d'or. Je compte de livrer tous les trois mois un Cahier, dont Ie premier paroitroit cette année-ci k la foire de Leipfic de la faint Michel, fi d'ici  5^o Nouv. Biblioth. Belgique. è ce tems-lè il allait fe trouver un nom" bre fuffifant de Souicripteurs. Les Mesfieurs qui voudront bien fe charger de recueillir des foufcriptions auront le onziime Exemplaire gratis, ou bien 10 pour cent d'honoraire pour leur peine. On peut s'adrefler ou dire&ement a moi, ou I la Librairie de Vandenhoek. a Gottingae au mois de Mars 1783. B. MERKEM, Dotleur en Pbilofopbie, 6? AJfeJfeur de la Société Royale desSciences de Gottingue. NB, Uae Planche Enluminée de l'ouvrage, fe trouve a la Haye dans la Librairie de C. Plaat, qui recoit les foufcriptions pour la Hollande.