NOUVELLE BÏBL IOTHEQUE BE L GI QU E. Par une Sociêtè de Gens de Lettres. TOME CINQUIEME. ML CCLXXXIJ], A L A H A TE, Chez C. PLAAT, Libraire dans ]e Hoiftraar. Cette BMhtheque qui parolc regulierement tous les trois Mois, fe trouve chez les principaux l.:braires dans les Païs-Bas; & dans les Pays Etrangers, a Paris chez Delalain J'ainé. Lon dres, Elmfiy. Leipzig A.F.BShme, Göttingue, van den Hoek. Hambourg, firfchaux & Jkuve Hcrold. Duisburg, Helmng. Wezel, Rsd^L   NO UVELLE BIBLIOTHEQUE BELGIQUE. TOME ClNQÜIEME) j Première Partie. PoUR LES MO IS DE JUILLET, AOUT, SEPTEMB., MDCCLXXXIII. A LA HAT ^H^j>V Chez C. PLAAT, Lfbraire dans le Hofftraafc. MD CCL XXXiii.   T A B L E DES ARTICLES. Art. Pag. I. Mémoires de la Socié- TÉ DE LlïTÉRATURE hollandoise a LeYDEN. t II. Abregé Chronologique de l'Histoire Universelle, par M. W, Fynje 35 III. Recherches sur la Doctrine d'une vie après la mort, tirées du v. T. par M. Baum. . . 49 IV. l'AfriquëHollandoise. 6j V. mémoires de la SoCIEté hollandoise DE Haarlem, Tom. XX. Part 2. 81 * 2 VI. Ser-  iv TABLE des ARTICLES. Art- Pas. VI. Sermons sur la Doctrine de l'Empire du Demon, par M. Rütz. . ioa VII. collection de PlÈCES Manuscrites , par M. V. D. Spiegel n6 VIII. Dictionnaire Historique, Geogrph. et Geneal. , par M. Kok. Tom. IX. X Is8 lx. Avantures de la Jeune Emilie. ..... 142 x. poesies. . . . . . 156 NouvellesLittéraires. 158 poesies fugitives. . . i72 correspondawce littéraire Secrette. . . . 176 NOU"  NOUVELLE BIBLIOTH EQUE BELGIQUE. POUR LES MOIS Juillet, Aoüt, Septembre. MD CCLXXXIII. ARTICLE PREMIER. Werken van de Maatschappy der Nederlandsche Letterkunde te Leyden. C'eft-a-dire, Mémoires de la Société de Litte- rature hollandoise a LeYDEN. Tom. VI. in 40. de 354 pages, h Leyden chez van der Eyk & Vygh , Libraires 1783. Prix ƒ 4 - iy - o La Société de Littérature è Leyden, jouit dans nos Provinces d'une réputation auffi rare que bien méritée. ConTornt V. Part. 1. A ftaa-  2 Novv. BiBLtoTf*. Belgique. ftante k ne s'aftbcier pour membres que des gens d'un mérite & d'un talent re' connu, attentive a ne propofer que des queftions également intéreflantes & utiles, enfin difficile jusqu'a la févérité dans la difiribution de la palme académïque, cette Société donne 1'cxemple de ce que devroient être toutes les autres. Si la langue Hollandoife étoit auffi gênéralement repandue que ie Frangois, fi nos Comfiatriötes eux-mêmes favoient toujours apprécier dignement les fruits da génie, on verroit la Société de Leyden , êmule de 1'Académie Frangoife, fixerles vrais principes du langage & du goüt, établir une efpèce de Tribunal Littéraire, dont les décificns tiendroient lieu de loix, & 1'on verroit bientöt disparoitrè & s'anéantir cette foyle importune d'Ecrivains ignorans, & cette foule plus grande encore de Poëtes fans verve & fans imagination , qui femblables k la guêpè parafite n'imitent de 1'abeille que fon bourdonnement. Mais, nous ne faurions trop le répéter, tant qu'óö n'accueillira point le vrai mérite, toujours timide 5c circonfpett, tant que le Gou- ver-  JurLLET,A0UT,SEPT.,I783. 3 vérnement même ne s'empreffera poinc a oiFrir des encouragemens & des récompenfes a ceux qui fe livrent a la carrière ingrate des Lettres, furtout, tant que Ton cónfondra 1'ouvrier én brochures avec le Lïttérateur, tant que tous cesabus fubfifteront (ehJ qu'ils font difficiles k déraciner!} on ne doit point fe flatter de faire des progrès fenfibles dansje champ fertile mais"peu cultivé des Belles-Lettres (a). II nous feroit aifé d'étendre ces réflexions, que 1'ouvrage dont (o) Voyez fe fort des gens jde Lettres en Hollande; al'exception de ceux auxquels leur rang & leur fortune affiirent d'ailleurs la confidération publique, combien pea peurent-ils fe vanter d'avoir, comme en France, quelque inflaence fur la manière de penfer & de vivrfc des grands & du peuple, de faire fenfation parmi le beau monde & d'être regus partout en faveur de leur mérite; c'eft qu'en France les gens de lettres font corps, c'eft que malgré leurs querelles d'Auteur a Auteur ils foutiennent mutuellement 1'honneur de oe corps, & que 1'ufage & PIUS encore le goflfc qu'aux yeux de Ja Divinité il n'exlfte proprement rien de ce que nous nommons beauté, puisque devant 1'Etre fuprême toutes les vérités poffibles font telles dans un fens abfolu, & que les perfedlions divines ne font jamais rélatives comme celles dont 1'homme a connoiffance. II en eft, remarque ingénieafement, Mr. B. il en eft, a peu-près , de la beauté comme de la vraifemblauce. Celle-ci nous apprend h connoitre Ia vérité, comme la beauté nous enfeigne a fentir la perfedlion, ou plutót, la beauté eft la vrai. femblance de la perfedlion. La vraifemblance repofe fur certains principes de vérité, la beauté fur certaines perfedlions reconnues, deforte qu'elles ont des rap. ports furs avec la vérité, avec Ia bonté. Soit donc n la vérité & a le nombre des principes de vérité connus, il eftclair, que a: n = eft le rapport de la vraifemblance a la vérité & ~ la mefure de vraifemblance. La définition de 1'Auteur regarde auffi bien 1'Eloquence que la Poëfie. Le but de celle la eft de perfuadtr &non pas d'inA 5 ftrui-  Nouv. Biblioth. Belgïque. flruire, comme Ie prétendent quelqucs Ecrivains. II eft fenfible en effet qu'un Orateur n'en fera pas moins éloquent pour foutenir une mauvaife caufe, & qu'il ne s'agit pas dans cette queftion de rechercher fi 1'on eft obligé entant que homme, entant que membre de la Société d'employer fes talens a des objets utiles: c'eft ce dont perfonne ne doute; mais entant qu'Orateur il eft fuffifant pour lui de perfuader quelque foit 1'objet, vrai ou faux qu'il fe propofe de prouver (O* L'Auteur indique enfuite en peu de mots les rapports qui exiftent entre la Pcëfie & 1'Eloquence, ils font trop con- nus (c~) Un exempla pourra rendre cette vérité plus fenfible. Perforae n'a refufé a 1'Abbé Vériot, qui prononca ie 25 Aout Ie Panégyrique de Sr. Louis dans la Chapelle duLouvre, le titre d'Orateur & d'Orateur éloquent. Cependant on ne fauroit dire, qu'il fe foit töujours , dans ce discours , attaché 3 a'exptimer que des idéés vraies & hSiru&U ves,  Juillet,Aout,Sept.,I78<}' ii nus pour qu'il foit néceffaire de nous y arrêter; il eft plus intéreffant de rechercher ceux qui uniflent celles - ci avec la Philofophie, & c'eft principalement k 1'égard du Poëte & de 1'Orateur que Mr. Bilderdyk fe propofe de conftater ces rap* ports; Son fujet envifagé de cette manière répond mieux aux intentions de la Société de Leyden, que s'il fe fut arrêté a prouver les rapports des belles Lettres. & de la Philofophie a 1'égard du Lecteur, qui rarement étudie aflez profondement les Poëtes pour y découvrir les rapports en queftion, d'ailleurs Mr. Bilderdyk renvoye avec raifon a 1'excellent Traité de Plutarque fur cette matière. Qu'eft-ce que la Poëiie ? demande I'Au- nes. Et fans contredit fon ingenieufe apologie des Croifades, qui a tant été applaudie, n'a juftifié aux yeux de perfonne une entreprife auffi contraire au droit des gens qu'4 la faine Politique. Voyez-ci deflbus Ia Notice de ce Discours dans la Cerrefp. Secretie de Paris. Note du Journalifte.  li NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQÜS. TAuteur, dès I'entrée de fon Discours ? „ de 'aunes verfificateurs me renvoient k leurs produciions, mais le fujet, la manière tout eft fi différent dans leurs 011vtages, qu'ils ne fauroïent me fervir de règle. — J'y découvre unc confórmité , c* ftla rime, maislarime,me*dites vous, n'eft pas eflcntielle k la Poëfie, c'eft le vers qui conftitue fon effence. — Vos vers cependant ne font aucune impreffion fur mon efprit ni fur mon coeur: ils ont tout au plus la faculté de m'endormir, & vous m'avouerez que Morphée ne doit pas empiéter fur les droits d'Apollon." Ce morceau que nous avons de beaucoup éloguê nous paroit un peu déplacé dans un discours académique; Le ton de fatyre & de perfjflage qui y regne eft tout au plus permis dans une feuille périodique, dans une brochure éphemère, ou dans des ouvrages badins; mais dans une grave Diflertation il doit être abfoIument banni. L'Auteur croit découvrir la véritable fien-fication de la Poëfie dans ces vers d'flbracf. Aut  Jüillet, Aout,Sept.,I783. IJ Aut prodtffe voluut, out deleftare Poè'ta, Autjimul &jucunda fcp idonea dicere vita En eJFet voilé ce qu'on trouve rêuni dans les Poëfies des Homères, des Virgi' les, des Pope, des Klopjlockk des Gondels: au contraire les ouvrages de Catulle, de Properce & plufieurs de ceux d'Ovide bien loin d'inftruire , fervent uniquement a eDflammer 1'imagination, a corrompre le cceur, & a entretenir les paffions; mais malgré ces défauts on ne fauroit uier que ces Poëtes ne rempliflent parfaitement leur but qui eft deplaire, voila donc juftifiée la définition que 1'Auteur avoit donnée du but de la Poëfie. 11 s'agit donc de rechercher fi eet art a quelque rapport avec la Philofophie, c'eftadire, li celle-ci & Ia Poëfie fe prêtent une utilité réciproque ? Avant d'aller plus loin 1'Auteur détermine la fignification du (d) Les Poëtes veulent plaire ou inflruire ou bien ils fe propofent è la fois ce doublé but.  %4 Nouv. Biblioth. Belgiquè du mot Philofophie. Selon Wolf, c'eft la fcience de tout ce qui eft ou de ce qui peut-être; les anciens lui donnoient trois parries, la Dialeétique,. Ia Morale & la Phyfique, cette divifion eft encore adoptée de nos jours. Mais dans ün lens plus teftreint & plus applicable au fujet, la Philofophie, felon notre Auteur, n'eft autre chofe que la connoifTance de I'homme; connoifTance inflnirnent utile & néceffaire, pour nous apprendre k diriger notre raifon, k comprendre ce qui peut véritablement contribuer k notre perfection morale; comme au bien-être de notre corps. En un mot, dans ce fens la Philofophie nous enfeigne tout ce qui fe paffe au dedans & au dehors de nous. 11 nous femble que nos Lecteurs fentent, comme nous, la juftefie de cês définitions, & qu'ils s'appercoivent aifé-ment, que Mr. Bilderdyk fe décide pour 1'affirmative de la queftion propoféc. Voici le raifonnement trés clair Sc trés fimple fur lequel repofe fon opinion. La Poëfie a pour objet de plaire - k qui ? — a 1'homme. Or comment eft i! poffible de plaire a quelqu'un dont on ne connoit pas  Juillet, Aöut,Sept.>i7$3« *S pas lesgoüts? Quelle eft Ia caufe de la multitude de fenfations agréables & fa. cheufes que nous éprouvons au phyfique & au moral ? pour la découvrir il faut connoitre la nature de nos fens, le dégré d'irritation dont nos nerfs font fufceptibles, & favoir comment les objets extérieurs agiffent fur eux. La connoisfance de rhomme eft donc d'üne n'éces. flté indiTpcnfable dans la Poëfie, & la Philofophie lui prête tous les fecours dont elle abonde, pour réuffir dans ces recherches", & pour faire arriver le Poëtè au but auquel il tend — de plaire, foit par i'inftruüion, foit par Pagréaient, foit enfin p?r la réunion de ces deux moyens. Ainfi tout eft lié, tout fe tient dans le fyfiême de notre Auteur. II s'agit aetuellement de le fuivre dans le développement de eet intértffant fujet. Mais eft il bien vrai que la feule Philofophie puiffe guider 1'homme dans cette étude, & 1'expérience ne fuffit-elle pas pour apprendre au Poëte les moyens de plaire & d'inftruire? Non fans doute, répond 1'Auteur, ce feroit bannir de la Poëfie, toute imagination, tout efprit, tout  16 Nouv. Biblioth. Belgique. tout feu > tout agrément. Voila néam. 'moins ce qu'on exige d'un Poëte, on veut qu'il parle au cceur, a 1'efprit, a 1'imagination, & s'il ne connoit pas ce cceur, li ces facultés lui font inconnues comment pourra t'-il fe flatter de leur parler un langage convenable. C'eft encore la Philofqphie qui nous indique les moyens néceflaires pour réuflir dans la Poëfie. N'eft-il pas certain que pour exciter dans 1'efprit des fenfations agréables, il faut réveiller en lui des idéés claires, diftinct.es & complettes, & comment fans connoitre profondêment 1'entendement humain eft il posfible de favoir li ce font véritablement de telles idéés qu'on exprime ? L'Auteur réfoud enfuite plufieurs objedtions qu'on pourroit faire contre ce fyüême, mais que les bornes d'un extrait ne nous permettent pas de rapporter: d'ailleurs nous ne foupconnons point que parmi nos Le&eurs il en foit beaucoup du fentiment contraire: il faudroit avoir rare. ment réflêchi fur Ja nature du plaifïr qu'excite en nous de beaux vers pour ne pas s'être apperqu, que les termes va- gues,  juillet, aout, SePT. j Ï783. if ques, qui ne préfentent a 1'efprit aucune idéé diftincte font les plus inconpatibles de tous avec la Poëfie; laLogique, cette première partie de la Philofophie eft donc effentielle même dans des ouvrages de pur agrément. L'Auteur prouve la même chofe è 1'égard de la Morale & des autres parties de la Philofophie , &, felon nous, nou moins vidtorieufement. Mais, dira-t'-on peut-être, les Anciens étoient a coup fur moins avancés qu'on ne 1'eft de nos jours dans la Philofophie» d'oü vient donc, fi cette fcience eft li néceffaire dans la Poëfie, que ces mê* mes Anciens nous ont furpaffé de beaucoup dans 1'art des vers? II eft vrai, lépond Mr. B., que les modernes onc porté plufieurs parties de la Philofophie è un dégré oh jamais les anciens n'eusfentcrupouvoir arteindre, mais en revanche ne connoiffoient - ils pas aufli bien & peut-être mieux que nous le cceur humain & la morale ? Leurs Poëtes étoient d'ailleurs les plus favans perfonnages de ces tems la. Ceux d'entre eux qui depuis ont écritfur la Philofophie, neré* 7em. V. Part. 1. B cla-  r8 Nouv. Biblioth. Belgïqub. dament-ils pas Ie témoignage d'ün Homère, d'un Sopbocle, d'un Euripide. II s'en faut bien que nos Poëtes moderncs puiiTenn jamais fe flatter d'un pareil honneur; tant qu'ils ne furpafferont pas de beaucoup leurs contemporains en connoiflances & en mérite, comme les Anciens Poëtes, ils n'égaleront auffi jamais ceux dont on leur cite 1'exemple. II eft indifférent, pourfuit 1'Auteur, que les objets qu'on préfente dans la Poëfle foient fabuleux ou véritables, pourvu que 1'idée qu'on veuille en donner foit distintte & complette, c'eft ce qui n'eft pas difficile h comprendre, parceque cette affertion repofe fur la Théorie du vraifemblable regu en Poëfie, fur laquelle on a beaucoup écrit de nos jours. Mais pourquoi fi le fyftême de 1'Auteur eft véritable, pourquoi la Philofophie paroit-elle toujours en Poëfie avec tant de désavantage? C'eft que ces Poëfies prétendues philofophiques ne font pour 1'ordinaire ni philofophiques, Ei j>oëtiques. Aux Philofophes, elles ne leur apprennent rien, au vulgaire, — dies font trop abftraites, trop em barras-  Juillet,AouTjSEPT.,1783. f$ taffées de termes techniques, & ne parient ni au cceur, ni a Pentendement. Après avoir ainfl établi & prouvé fa thèfe générale 1'Auteur paffe k des développemens & des détails trés curieux, en appliquant fon fyftême aux diverfes branches de Poëfie , & d'abord k 1'art Dramatique; & certainement s'il eft une partie de la Poëfie qui pu'fle le moins fe paffer de Ia connoiffance de 1'homme, c'eft fans contredit celle qui fait penfer parler & agir I'homme tel qu'il eft & tel qu'il doit-être dans les circonftances oü le Poëte trouve bon de Ie placcr. Pour la même raifon, fi 1'on ignore les resforts fecrets qui déterminent, qui touchent, qui enflamment le cceur, comment fe promcttre quelque fuccès, dans le Poëme Héroique, dans I'Elégie, & même dans !a fimple & naive Romance. Dans la Poëfie descriptive & d'imitation le Poëte ne fera qu'un froid narrateur des ouvrages de la nature que nous avons tous fous les yeux, s'il n'eft pas inftruit du moins en partie de fes admirables opérations. Cette connoiflance B 2 mé-  «O NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQUÏ. métamorphofe pour ainfi dire 1'immenficé irréguliere de la voute des cieux, en un vafte tableau plein d'ordre & de beauté; les brillantes étoiles fe changent a fes yeux, en autant de mondes nouveau»* Et dans les objets qui nous entourent, cette fcience leve, le voile fur cette multitude de plantes, de feuilles, & d'êtres animés qui couvrent notre terre. Tout devient alors pour le Poëte le théètre admirable de variété, d'ordre, de beauté, & de milles preuves de la fageffe & de la puiffance du Créateur. Thréfors ïnépuifables, oü 1'on puife li abondamment des reffources pour élever 1'ame , pour lui donner cette énergie, cette grandeur, qui la rend capable de mille belles aftions, & pour la ramener a la reconnoilTance due a 1'Auteur de tant de merveilles! 6 Nature! qu'ils font heu. 'reux ceux qui te connoiffent 1 que j'aime a me perdre dans la contemplation de tes ceuvres! quelles fources fertiles de jouisfances diverfes ne me découvres-tu pas! mais pour ceux, qui fans te connoitre, s'enhardiffent a te dêpeindre, que tu es muette,inanimée, mortejles malheureux ils  JUILLET,A0ÜT,S£PT.,I783. 2t ils ne trouvent que de Ia confufion, que de Ia monotonie dans cette Nature qui pour ainfi dire s'échappe k leurs princeaux." II eft donc prouvé non lèulement que pour être Poëte il faut être Philofophe, mais il fuit encore de ce que nous venons de dire, que le grand Poëte fera aufü un parfait Philofophe; puisqu'il eft obligé de pofféder, pour ainfi dire, toutes les Sciences, & tous les arts, parceque tous concourent a embellir fes ouvrages. Nous regrettons que dacs cette partie de fa Differtation 1'Auteur ait été un peu avare d'exemples pour appuyer fes préceptes; affurement pour le gros des Lecteurs cette méthode n'eut pas été inutile. M. Bilderdyk envifage enfuite 1'utilité que la Poëfie peut apporter è la Philofophie. II eft jufte après avoir prouvé combien celle - ci eft néceffaire è la première, d'examiner encore, fi cette utilité n'eft pas réciproque & eet examen, la queftion propofée, femble aufii le demander. B 3 » Om  aa Noov. BiBLiOTHi Belgique. „ On a obfervé depuis IoDgtems que tous les hommes naiffent avec du goüt & des dispofitions pour la Poëfie, 1'Auteur croit pouvoir ajouter que Ia Philofophie eft naturelle a 1'homme, &que tous posfédent un fonds plus ou moins riche de cette fcience, & tous quoique trés inégalement nourriffent le defir d'augmenter & d'élargir le eerde de leurs connoiffances. Ce defir fe manifefre furtout dans ceux dont 1'imagination ardente leur préfente 1'acquifition de ces connoiffances comme une chofe fouverainement agréable & bonne: dans ceux qui ont affez de force & d'énergie pour fnrmonter les difficu'tés & les désagremens , qu'une application continuelle, une longue tenfjon d'esprit entrainent après elles, dans ceux enfin, qui ont le jugement affez fain pour faire tourner ces connoiffances acquifes è leur propre félicité. Nous ne parions point ici de ces froids obfervateurs de ces efprits pefans qui ne font nommés philofophes que par ceux qui confondent le manoeuvre & 1'architecie. Tous leurs travaux, toute leur affiduité, quoique louable en foi n'eft rien fans eet efprit  JüILLET) AOUTj SePT. , I783» 2$ fcfprït créateur, qui diftingue le Philofophe, j'allois dire le Pöëcë. Le Poëte? oui fans doute, c'eft a lui qu'appartiennent la force 1'imagination, la vivacité d'efprit, & le jugement. Celui que la nature a doué de ces qualités, celui la eft Je vrai Poëte. Pourquoi donc s'étonner, que dans 1'origine la Poëfie & la Philofophie étoient foeurs;, que les premiers Poëtes étoient des Philofophes & ceux-ci des Poëtes? Et parconféquent n'eft on pas fondé k dire que la Poëfie eft d'un Htilité directe dans 1'étude de la Philofophie?" Sans parler des fecours que toutes les fciences fe prêtent réciproquement il en eft de particuliers que Ia Philofophie regoit de la Poëfie & de 1'Eloquence, & c'eft h ceux lè, comme plus direftement du füjet, que 1'Auteur s'arrête ici. Le Philofophe le plus éclairé & le plus favant n'a aucun droit k la reconnoiffance ni a 1'eftime publique, s'il ne s'empresfe k répandre au dehors les lumières 6c les connoiffances qu'il s'eft acquifes. Mous ne naiffons pas pour nous feuls, la Patrie a des droits fur une partie de B 4 notre  *4 Nouv. Biblioth. Belgiqvé. notre exiftence. Ainfi le Philofophe qui enfouit fes talens & fa fcience mérite moins de fes concitoyens, que 1'utileLaboureur qui è la fueur de fon front retire " avec ufure de la terre les thréfors qu'il Jui a confiés. Le Philofophe eft donc obhgé de communiquer, non pas feulement au petit nombre de ceux qui comme lui fe livrent aux fciences, mais encore k tous les autres indiftinctement Ie réfultat de fes études & de fes recherches. „ Philofophes fublimes vos méditations doivent avoir pour but d'é„ clairer, d'améliorer, d'inftruire le gens, re humain ; de raffermir les nceuds „ qui uniflent les hommes, & de les „ rapprocher de cette égalité primitive, s, de cette perfedlion vers laquelle ils „ tendent tous , ceffez donc de faire s, de votre fcience un mur de fépara„ tion entre le public & vous. £nvain dans une langue inconnue è la s, multitude vous expliquez dans vos „ chaires & dans vos écoles, des vé„ rités que vous ne communiquez „ qu'aux Initiés dans ces myftères. Je „ le fais, toutes les fciences ne font pas « d'une  Juillet,Aout,Sept.,ï783 2 5" '„ d'une égale importance pour le vulgai„ re, il en eft dont 1'étude eft réfervée „ k un petit nombre de cerveaux abftraits „ & profonds. Mais dites moi, s'il eft „ une fcience dont le but ne tende point k nous rendre 1'exiftence plus précieu* „ fe & plus agréable, s'il en eft de tel„ le, pourquoi la cultiver"? — Pour les autres, qui font réellement utiles il faut, continue 1'Auteur, il faut les mettre a la portée de tous les efprits, & c'eft ici oü la Poëfie, ou du moins 1'Eloquence, la Dialeöique qui en eft une partie devient néceffaire, parceque c'eft elle qui fert a communiqucr les fecrets du Philofophe, a les rendre intelligibles au vulgaire, & furtout k faire fentir 1'utilité d'une fcience, d'une découverte par la manière agréable dont elle eft expliquée, manière qui caufe un plaifir dixeCï, & qui dispofe 1'esprit k recevoir les inftruétions qu'on veut lui donner. On fent aifément que nous ne tracons-ici qu'une analife générale des idéés de 1'Auteur, il faut en lire le développement dans Pouvrage même, ce que nous vecons dire eft néammoins fuffifant pour B 5 faire  %é NOÜV. BlBUOTH. BeIGIQUE. faire connoitre Ie fyftême de 1'Auteur & les raifons fur lesquelles il s'appuye. La feule objeclion qu'on puiffe raifonnablemeut faire fur cette matière eft cornbattue ici viftorieufement. La Poëfle dira-t'-on, peut-être, ne peut donner que des idéés vagues & détachées, il eft jmpoffible qu'elle entre dans tous les détails d'une fcience quelconque, or rien n'eft plus dangereux que de s'inftruire a demi, voila cependant ce qui femble réfulter de eet accord fi vanté entre la Poëfie & la Pnilofophie. — Mais, demande notre Auteur, eft il bien vrai, que les plus profonds Philofophes foient d'avantage que des demi favans? Connoiffent-ils 1'effence des corps, la formation de la matière, le méchanisme de la penfée, la féité de la grande & première caufe de eet Univers? Hélas foibles & miférables humains nous ne connoiffons que trés imparfaitement la moindre partie des effets que nous appercevons dans la nature & dans notre arnc , & nous prétendrions rernonter jusqu'aux caufes infiniment au deffus de notre intelligence bornée! D'ailleurs ene demie  JüILLET, AOUT , SePT. , 17 83. ft? demie fcience n'eft-elle pas encore préférable a une ignorance parfaite, celle Ik ne devient jamais dangereufe, que lorsqu'il s'y joint 1'esprit de réduire tout en fyftême, esprit deftrudteur & pernicieux, & qui fert a ébranler tout 1'édiflce de nos connoiffances. Enfin 1'on a vu que 1'Auteur exigeoit de la Pcëfie qu'elle nous donnat des idéés claires, diftirclcs & complettes, hors de la point de bonne Poëfie ; oü donc eft le danger, que la Poëfie que i'Eloquence vienne au fecours de la Philofophie? c'eft-a-dire qu'elle apprenne k celle-ci a exprimer fes idéés d'une facon claire, agréable & intéreffante. Enfin il ne faut pour détruire totaiement l'objeélion que citer en exemple le Poëme de Lucièce , chef d'ceuvre de Poëfie & de raifonnement, & qui confirme encore ce que 1'Auteur avoit dit dans lé corps de fa Diffcrtation , que la Poëfie peut s'exercer fur des idéés fauffes & même abfurdes fans pour cela perdre de fa valeur intrïrféque. M. Bilderdyk auroit pu citer ercore I'Anti Lucrèce du fameux Cardinal de Polig.  zS Nouv. Biblioth. Belgiqub. Polignac, comme un modèle de belle Poëfie & de faine Philofophie. Tel eft le précis de cette DilTertation fingulièrement intéreffante; il nous refte a faire concoitre plufieurs morceaux détachés en forme de notes, auxquelsl'Auteur a donné quelque étendue, & qui pour cette raifon ont du être féparés du corps du discours. Le premier traite de la plaifanterie. L'Auteur entreprend de prouver, que fans parler du mal moraZ, qu'elle caufe fouvent, par 1'ufage inconfidéré que 1'on fait d'une arme fi dangereufe, Ia plaifanterie entraine k fa fuite plufieurs autres inconvéniens. Tel eft furtout celui de faire perdre a 1'esprit 1'a'ptitude & la facilité de diftinguer & de développer fes idéés; en effet puisqu'il eft démontré que les plaifirs de 1'esprit confiftent dans Ia perfeótion des idéés, il eft certain que tout ce qui tend è détruire cette perfedtion, eft par cela même condamnable paree qu'il trouble ce plaifir. C'eit ainfi qu'une exprefiion comique, une plaifanterie quelconque font un mal, lorsqu'elles font déplacées. 11  JüILLET, A0UT,S£PT.,Ï7o*3' 2$ 11 ne faut qu'un exemple, pour rendre la chofe fenfibie. Ceux qui ont comparé les métaphyficiens aux Danfeurs n'avoient affurément pour but, que de faire briller leur esprit par le rapprochement de deux idéés oppofées en apparence, mais dont la réunion produit une effet comique. Cependant il n'a fallu, peutêtre , que cette comparaifon vraie ou fauffe pour jetter un ridicule ineffagable fur Ia plus fublime & la plus certaine partie de la Philofophie, tant è caufe de la liaifon de la métaphyfique avec 1'idèe puérile, que la plupart des hommes attachent h la danfe, que par 1'indication même du point de comparaifon entre ces deux objets. Ce ridicule eft d'autant plus dangereux, que 1'homme conferve d'ordinaire fes jdées, dans le même ordre qu'il les a recues, & qu'on n'en fauroit rêveiller une en lui, fans lui rappeller d'abord routes les autres. Ainfi nous ne répétons jamais un mot, fans nous répréfenter en même tems 1'idée que nous lui avons attachée une fois; mais cette propriété, comme elle eft la fource de plu-  $C NoUV. BlBLIOTH. BeLGIQUE. plufieurs avantages, eft néanmoins auffi trés dangereufe pour la multitude de préjugés & de faux jugemens auxquels elle donne licu; rien n'eft donc plus contraire au développement de nos idéés, & a la juftefle du jugement, que ces comparaifons forcées, ces rapprochemens bi. farres, qui jettent du ridicule fur les chofes les plus férieufes, & qui dénaturent tous les objets. Nous regrettons infiniment qu'il nous foit défendu de fuivre 1'Auteur dans tous les détails oü il entre fur cette macière, on y trouveroit des idéés neuves, des vues extrêmement lu. mincufes, & une févérité de goüt bien rare dans 1'age oü Mr. B. écrit. II s'éleve encore avec force contre ces détestables platitudes, connues fous Je nom de jeux de mots & de pointes, & que les Francois défignent nujourd'hui du nom de Calembourgs & de Charades. Rien de plus faftidieux mais aufii rien de plus pernicieux qu" ce miférable goüt, dont tout Pagrément confifie è donrer aux mots une fignification étrangère au fujet, qui force 1'esprit è des efforts irutilcs, & 1'éloigne plus que jamais deThabitude de lier  Juillet,Aout,Sept.,i7 83. vrage contient le récit des évenemens „ arrivés dans tous les Etats, on les ,, trouve réunis ici & fe prêtant mutuel„ lement de la clarté & du fecours, tan„ dis que cette réunion n'óte rien de la „ fimplicité du plan, puisqu'on demeu,, re toujours maitre de ne confulter „ qu'une feule colomne, c'eft-a-dire, „ de n'étudier qu'une feule hiftoire. Enfin, quelques difficultés que cette j, méthode préfentat pour la partie ty„ pographique, comme les connoilfeurs „ s'en appercevront aifément,nous avons ,, pris foin que les dates des divers évé„ nemens dans chaque colomne fuflent „ toujours placées en face les unes des autres. Par exemple ou trouve a la „ page 222 & la fuivante,'les années „ 990—906, elles contiennent tout ce „ qui s'eft paffé de mémorable durant „ eet intervalle, dans tous les pays du „ monde: Lorsque 1'hiftoire d'un peuple „ n'oftroit rien de remarquable on s'eft „ contenté de ne marquer que les co„ lomnes deftinées aux Etats, qui pen„ dant le même période préfentent des ia faits dignes de mémoire, On fent aifé-  JüILLET, AOUT , SEPT., I? 83 4Jt, „ aifément toure 1'utilité de cette mé„ thode, laquelle eft caufe de la diffé,, rente forme qu'on a été obligé de donner aux diverfes pages de eet ou,, vrage, qui contiennen; plus ou moins ,, de colomnes, en raifon du nombre. de pcuples & d'états dont les Faftes ofFroient dans les mêmes années des évenemens è nóter. Le plus grand „ des avantages de cette méthode eft „ è coup für d'offrir toujours 1'hiftoire ,, contemporaine, ce qui fait éviter bien 3, des erreurs, que nos meilleurs hifto„ riens ontcommifes, faute d'être affez inftruits de 1'hiftoire des peuples con,, temporains de ceux dont ils écrivoient 3, les annales." Après ces éclairciffemens généraux fur la méthode que 1'Auteur a fui'vie, il n'eft pas hors de propos d'examiner avec lui les raifons qui ont motivée la diftribu-, tion des Colomnes , & de rechercher enfuite fur quels événemens Mr. Fynje a trouvé bon de fixer 1'attention du Lecteur. „ A 1'époque oü eet Abrégé commen. s, ce, c'eft-a dire, au tems de ConftanC 5 „ tin  4a Nouv. Biblioth. Belgtqüb. „ tin, la plus grande partie du monde alors connu flêchiffoit fous la dominanation des Romains; les Etats, les Royaumes modernes n'exiftoient point encore. Pour obferver néanmoins dés „ 1'entrée de notre ouvrage 1'ordre que nous voulions établir, nous avons a„ dopté'pour Ia marche & Ie fynchro„ nisme de 1'hiftoire la divifion trés peu ,» poütique que 1'Empereur Tbéodofe fit „ de 1'Empire Romain, & nous avons „ placé en deux Colomnes les événes, mens fucceffifs arrivés dans les Empi„ res ó'Occident & ó'Orient, en rangeant dans cette dernière colomne „ 1'Hiftoire du petit nombre de peuples „ Orientaux, qui ne fubirent point Ie „ joug des Romains, en particulier celM Ie de Panden Royaume de Perfe. „ Sous le nom d''Empire d'Oriënt, ou d'Empire Grec on entend 1'Empire „ des Empereurs Chrêtiens Orientaux, s, qui en fixerent le fiège k Conftantino9, ple ou a Nicée, & qui eft aujourd'hui „ connue fous le nom de Bas - Empire. On comprend fous cette dénominasj tion Y Egypte, Ia paitie la plus méri„ diona-  JüILLET, AoUT, SePT. , I783. 4*J „ dionale de 1'Afrique, toute YAfie, & }, enfin les Colonies que les Européens y établirent dans Ia fuite. On trouve „ cette Colomne jusqu'è la cbute de „ VEmpire Grec, & a la naiffance de 1'Empire Turc, établi fur les ruines da premier. „ Le feconde Colomne eft défignée „ fous le titre A'Empire d'Occident, elle „ dure jusqu'a la chüte de eet Empire, alors elle fe borne a Ylta'ie & aux Etats circonvoifins, tels que la partie' „ de YAfrique qui lui eft oppofée, & „ les Jfles adjacentes, dans la fuite les ,, nouveaux Etats de Savoye, deSuiJfe, „ & quelques autres moins confidéra„ bles, comme Ie Pays des Grifons, „ Genève, la Dalmatie &c. Cette Co- lomne qui eft la quatrième en rang fe „ trouve jusqu'a la fin de POuvrage. „ Les autres Etats modernes ont chaj, cun une Colomne féparée. La pre„ mière eft deftinóe aux Roynumes d'An„ gleterre, d'Ecoffe & d'lrïande. On s'attache dans les commencemens de préférence a 1'Hiftoire d'Angleterre, „ comme plus ictéreflante, moiss ob„ fcure,  44 Nouv. Biblioth. Belgiqub. fcure, & moins enveloppée de fa„ bles que celle des deux autres Royau„ mes. „ Une feconde Colomne retrace les „ événemens de 1'H'ftoire de France. „ Elle eft affez intéreffante, & fertile en traits importans pour mériter un „ article féparé; cependant dans cette „ Colomne eft comprife 1'Hiftoire de tous les petits Royaumes, & des E„ tats indépendans, qui partagerent au. „ trefois cette pujffante monarchie. „ Dans la troifième Colomne on „ trouvera 1'Hiftoire d'Espagne & de Portugal y avec celle du Royaume de „ Maroc & cette partie de YAfrique qui s, regarde 1'Espagne. „ La cinquième Colomne eft deftinée „ a 1'Hiftoire des dix-fept Provinces des Pays-Bas, mais furtou'c è celle des 7 Provinces- Unies , on a donné plus „ d'étendue è eet article qu'a tout au„ tre; on en fentira aifément le raifon, „ 1'Auteur eft Hollandois & il écrit pour „ fes Compatriotes. „ Dans la fixième Colomne on trouvera 1'Hiftoire ÜAllemagne & des Royau. j, mes  Juillet,Aout,Sept.,I783- 4S „ mes circonvoifins, tels que la Polo„ gne, laHongrie, Ia Bohème, hPruJJe „ &c. On s'eft vu forcé a fuivre eet „ ordre pour ne pas multiplier a 1'in„ fini le nombre des Colomnes. La feptième Colomne comprend le Dannemarc , la Suede, la Norvege & „ Ia RuJJie, elle eft défignée au titre „ fous le nom de Nord, 1'Hiftoire de ces différens peuples eft trop liée „ pour les féparerr d'ailleurs elle n'eft pas des plus intéreffantes dans les prc,j miers tems. Enfin lorsque nous ferons parvenu* „ au tems de la découverte de YAmèri„ qut, nous confacrerons une Colomne a 1'Hiftoire de cette immenfe con„ trée." Après ces éclairciffemens généraux 1'Auteur rend compte des raifons qui Pont engagé a adopcer 1'ordre qu'il a fuivi dans la diftribution des Epoques & des Périodes, les feules divifions qu'admettoient un ouvrage de cette nature. Ce Volume eft partagé en dix Epoques que voici. i°. Depuis la Monarchie de Conjtantin jusqu'au partage de eet Empire  46 Nouv. Biblioth. Belgiqüb. pire par Tbêodofe, c'eft - a ■ dire , depuis ï'année 324 jusqu'è 395. 20. Depuis ce partage jusqu'a la chüte de 1'Ëmpire d'Occident, A°. 39J-476. 30. De la chüte de eet Empire jusqu'è Ja fondation du Royaume de Lombardie. Aö. 476-568. 4°. Depuis l'érection de ce Royaume jusqu'è la conquête de 1'Espagne par les vSarrcfins A°. 568-711. 5°. Depuis cette époque jusqu'a la restauration de 1'Emoire d'Occident ou d'Allemaj-ne. A°. 711-800. 6°. Depuis le rétabliffement de eet Empire, jusqu'è fa translation aux Princes Allemands. A°. 800-911. 7°. Depuis ce tems jusqu'a 1'avénement de Hugues Capet au thröne de France. A*. 911-987. g°. Depuis eet avénement jusqu'au tems de la conquête d'Angleterre par Guillaume Ducde Normandie, dit le Conquérant. A". 08-1066. 9°- De ce période jusqu'è la prife de Jérufalem par les Croifés. A*. 1066-1099. io°. Enfin depuis la prhe de Jérufalem jusqu'au tems de la feconde Croifade contre les Infidèles en 1147. II nous paroit que cette diftribution eft parfaitement bien concue > & qu'elle con-  JuILLET} AOUT , SEPT. ,1783. 4J5 contribue beaucoup k jetter de 1'ordre dans dos idéés, furtout pour bieD retenir les révolutions fucceffives dont 1'Hiftoire eft contenue dans ce premier Volume. Outre cette divifion générale 1'Auteur a adopté une fous-divifion dont 1'utilité nous paroit k 1'abri de tout doute, c'eft celle du regne des différens Princes; a ]a fin de ce Volume od trouve une Table Chronologique qui contient Ie nom de ces Princes dans 1'ordre cü ils ont regné. Enfin le refte de cette PréFace contïent des obfervation* fort fenfées fur la manière d'écrire une Hiftoire Chronologique, ainfi que des réponfes fages & modeftes aux objettions qu'on pourroit faire contre celle que 1'Auteur a cru devoir fuivre. Le format de ce Journal ne nous permet guères de donner ici un exemple de la fac^n dont cette Hiftoire eft écrite. II faudroit pouvoir répréfenter exaétement les colomnes telles quelles fe trouvent dans 1'Ouvrage, ce qui eft de Ia dernière dirficulté pour 1'impreffion, & ce qui fait pour  *8 Nouv. Biblioth. Belgiqük. pour cette raiion le plus grand honneur aux preffes qui ont produit ce Livre, & a 1'Auteur qui s'eft donné tant de foins pour cette parcie. On ne lui doit pas moias de reconnoiffance pour l'exécu* tion littéraire, & nous ófons affirmer qu'il n'exiftoit encore en aucune langue une Hiftoire Chronologique auffi complette & en même tems auffi fuccincte que celle - ci; nous espérons que Mr. Fynje ne tardera pasa publier les volumes fmvans, le débit que doit inconteftablement avoir celui dont nous venons de nous occuper 1'encouragera fans doute a perfévérer dans une entreprife auffi pénible que méritoire. ARTI.  Juillet,AouTjSept.,ï783' 40 ARTICLE TROISIEME. De Voetstappen der Leere van 'sMenfchen Leeven na den Dood, in de Schriften van het Oude Verbond, C'eft-&-dïre, Recherches sur la Doctrine d'une Vie après la mort, tirées du Vieux Tejiament, (f dédiées a la Société Théologique de TeyleraHaar* tem; Tome IJ, contenant le recueil & Vexplication des paffages rélatifs h cette Doftrine dans la Bible Hébraique, par Jean Chrêtien Baum, Pafteur de VEglife Luthêrienne k Jmfterdam; gr. 8°. de 437 pages, h la Haye chez Ifaac du Mee, Liloraire i783. Prix f 1 - 6 - o Dans le fecond Tome de cette Bibliotbèque nóus rendimes compte de eet Ouvrage (a), & nous montrS- mes Ca) Tem. II, P. 2. p. 432. Éf fwv. Tome V. Part. 1. D  50 NOUV. BlBLIOT». BeLGIQUE. mes, d'après M. Batjm, que les Juifs avoient adopté lacroyance de 1'immortalité deTame, & que même dans leurs Fables & leurs Traditions on trouvoit des traces de ce dogme; telles étoient les idéés qu'il fe faifoient des hles mortes, & du Scbeol, du Jardin d'Eden, & de la Gebenne. II importoit néanmoins de prouver cette doctrine par 1'Ecriture elle - même, & c'eft a quoi. Phabile Pafteur d'Amfterdam confacrc ce Volume. M. Baum tire ces preuves de trois Livres de Tanden Teftament dont la canonicité eft reconnue de tous les Chrêtiens, nommément le Livre de Job, le Pentateuque, & les Pfeaumes. Suivons 1'Auteur dans ces trois Chapitres, en évitant cependant de nous appéfantir fur des discuffions philoJogiques, qui ne feroient furement du goóc que d'un trés petit nombre de Letteurs. II n'eft pas difficile a un homme tant foit peu verfé dans la lecture de nos Livres facrés, & furtout du vieux Teftament, de s'appercevoir que Ie Livre de Job doit néceffairement avoit été écrit avant la fortie d'Egypte, & même dans Je  Jüillet,Aout,Sept.,i783. fe fiècle oü vécut Moy/e. Le Chevalier Micbaëlis & d'autres favans ont prouvé eomplettement cette affertion, en 1'établiffant fur différentes raifons vidtorieufes, telles que le langage, la poëfie, & les moeurs: & en effet foit que la Parabole de Job n'ait aucun rapport avee 1'hiftoire des Israëlites, foit qu'on 1'envifage avec Micbaëlis comme un emblême de I'oppreffion qu'éprouverent les Juifs en Egypte, il eft néanmoins toujours évident qu'un Israëlite eft 1'Auteur de ce Livre, que les Hébreux ont gardé foigneufement parmi leurs Livres facrés, & qu'ils ont fait paffer ainfi è la poftérité. L'Auteur n'eft pas éloigné d'attribuer le Livre de Job è Moy/e, parceque le même esprit poëtique, qui regne dans les hymnes de ce faint homrne, fe fait remarquer dans eet ouvrage; a la vérité le ftyle de Job eft plus brülant, plus animé que celui des Cantiques, mais on pourroit concilier cette différen. ce,en fuppofant que Moy/e a'écrit le premier ouvrage dans fa jeuneffe ou dans la force de 1'ège, tandis qu'il ne compofa fes Cantiques que dans un age plus D z avan-  52 Nouv. Biblioth. Belgique. avancé. Quoiqu'il en foit, que M-.yfe, ou tout autre Israëüte foit Auteur de ce Livre, toujours eft il certain que 1'Ecri vain étoit profondement verfé dans la connoifTance des moeurs & des ufages non feulement des Arabes, mais encore des Egyptiens, comme il paroit par une multitude d'allufions aux. coutumes de cette nation, que 1'on rencontre presqu'a chaque page du Livre de Job. ■ Dans le premier Volume 1'Auteur avoit prouvé que Moyfe connoiffoit la fable Egyptienne des isles mortes, & qu'il y avoit fait allufion en quelques endroits de fes écrits, comme au Deuteronome XXX. 11,12,13. & au Pfeaurne XC. 10. Aujourd'hui Mr. Baum entreprend de prouver la même chofe par plufieurs pasfages de Job, qui tous regardent inconteftablement la même dodtrine d'Une vie aprcs la mort, & d'oü il fuit, que cette doétrine eft expreffement enfeignée dans le plus ancien de tous les Livres du V. T. Le premier pafrage fur lequel 1'Auteur fe fonde eft tiré du Chapitre XXIV, 18 & 19. - 11 pajfsra plus vite que la fur-  Juillet,Aout,Sept., 1783. 53 furface des eaux; leur portion fera maudite fur la terre, il ne verra point le cbemin des vignes. Comme la fécberejfe fcf la cbaleur confume les eaux de neige, ainfi le fépulcre ravira les pécbeurs. Le texte porte proprement, il eft leger fur In furface des eaux, c'eft-a-dire, il paffe vite fur la furface des eaux. Moy/e s'étoit fervi de la même exprcffion au Pfeaume XC, 10. II s'en va bientöt 6? nous nous envolons. Voyez encore. 2, Sam, II, 18. E/aieXlX, 1. Amos II, 15. Joel IV, 4. dans tous ces ppffages, lemot Hébreu Kal employé ici,fej;rouve dans Pacception de célérité, de vitejfe, comme dans celui-ci; Job veut donc dire: le meurtrier, 1'adultére meurt enfin, & paffe aux Isles mortes, & la vengeance Divine 1'atteint. II ne verra point le cbemin des vignes. Le mot Keramin fignifie non feulement des Vignobles, mais encore des Oliviers & en général des Campagnes agréables, des Jardins délicieux. On peut donc rendre eet endroit, il ne prendra point la route qui conduit aux Jardins. L'Auteur n'adopte point la tradu&ion D 3 du  54 Nouv. Biblioth. Belgioüe. du verfet roe. ainfi le fépulcre ravira les pécheurs. II faut que dans 1'original il fe trouve une omiffion, puisqu'on y Ik é la lettre, le Scbeol, ils ontpêcbé, ce qui ne forme aucun fens. Mr. Baum croit qu'il faut lire, fon pécbé paffe avec lui a 1'Empire des morti, & il explique ainfi la Vulgate. Ad nimium calorem tranfeat ab aquis nivium, & ufque ad inferos peccatum illius; c'eft-a-dire, in terram Jiticulofam êf ad ceftum trajicit Jibi ab aquis nivis, ad inferos (trajicit fc:) peccatum ejus. Pour bien entèndre ce paflage il faut donc fe réprêfenter Ia nature, comme elle exifte en Arabie, qui eft le lieu de la fcene. Quoi de plus affreux que les deferts fablonneux & ftériles de 1'Arabie! Une chaleur infupportable confume tout ce qui fê trouve fur ces fables brulans. Le pécheur pafle vers ces lieux d'horreur; le mot Hébreu Gus exprime 1'action de traverfer 1'eau, comme fi 1'on difoit, le pécheur vogue vers les fables dévorans, & laifle loin de lui les eaux que laneige a formé, quife trouvoient, felon le verfet précédent, prés de ces jardins  JuilletjAout,Sept.,i783. 55 dins remplis de Vignes & d'Oliviers. Cette neige eft celle qui fe trouve éternellement fur la cime des plus hautes montagnes, comme fur le Liban, d'oii elle découle & fefond lentement, en répandant une fraicheur fi agréable aux Orientaux. On dira, peut-étre, que fclon la mythologie des Juifs le Scbeol n'étoit pas fituê k Pextrémité des eaux, defortequ'il fallut psfler Peau pour y arriver; & que cependant le texte porte ici, fon pécbé vogue, navigue avec lui vers le Scbeol, vers Vempire des morts, ce qui regardetoit proprément les Isles mortes. Mais répond 1'Auteur, & le Scbeol & les Isles mortes défignoient également la de» meure des morts, & d'ailleurs le mot traverfer, voguer, qui s'étoit dit en un fens propre, rélativement aux Isles mortes, refte & prend une acception figurée rélativement au Scbeol, & uniquement pour défigner l'aétion du mouvement du palTage d'un lieu 'k un autre. Horace prend une pareille licence daDs ce paffage fi connu, au quatrieme Livre de fes Odes. Qd. JV. D 4 Pul-  $6 Nouv. Biblioth. Bblgiqüe — Pulcber fugatis Ille dies Latio tenebris, Dirus per urbes Af er ut ltalas Ceuflamma per tedas, vel Eurus Per Siculas equitavit undas. Le mot equitavit, qui n'eft appliquable proprement qu'au feul Annibal, défigne également ici au figuré l'adlion du Ventd'Orient, & de la flamme. L'Auteur pour prouver la thèfe qu'il avoit établie, entre dans des discuffions non moins intéreffantes fur les paffages fuivans tirés du même Livre. Comme XI. I7> Le tems delavie fe bauffera plus qu'au midi, ö* fera comme le matin même — XX. 17. II ne verra point les ruiffeaux des fleuves, ni les torrens de miel 0" de beurre — XXXVI, 20. Ne foupire point après la nuit en laquelle les peuples s'êvanouijfent de leur place — XIV. 13. 01 que tu me cacbaffes dans une foffe fous la terre, que tu m'y misfes d couvert jusqu'a ce que ta colere fut pajfée, (f que. tu me donnajfes un terme après  Juillet,Aout,Sept.,i783. S7 après lequel tu te fouvinjfes de moi — XXXI. 33-34. Si j'ai cacbè mon pécbé comme Adam pour couvrir mon iniquiié en me flattant; quoique je piïjfe me faire craindre d une grande multitude, toutefois le moindre qui fut dans les families m'infpiroit de la crainte, £? je me tenois dans le Jilence, &p ne fortois point de la porte. Enfin, pour ne pas tout copier, 1'Auteur cite encore XIX , 23.—27. XXXVI. 20. XXI. 29—33. Nous y renvoyons nos Leclieurs curieux de ce genre de Littérature non moins utile qu'agréable; ils y trouveront autant de détails inftrudlifs, &de conjedtures ingénieufes, que dans Ie paffage que nous venons d'analifer. Le Chapitre fecond contient les preu* ves tirées des Livres de Moyfe, dits le Pentateuque. Voici ceux auxquels Mr. Baum a cru devoir fe fixer. Genef. V, 21-24. Deuter. XIV, 1-2. Nom XXIII, 10. Genef. XLVII, 8-9' Genef III, 15. Genef. XXII, 5. Genef. IV, 9-«o. Exod. XX, 5-6. Ex. od. lil, is. Comme il eft impoffible de s'arrêter è 1'analife de ces différens D 5 pas-  5$ Notrv. Biblioth. Belgique. paffages , on nous permettra bien de n'en choifir qu'un feu!, qui donnera une idéé fuffifante de la manière dont 1'Auteur explique le texte facré. II paroit étrange, & il n'eft pas moins vrai cependant que les écrits de Moy/e contiennent des preuves de la croyance d'une vie après la mort. Mais bien même que le Pentateuque, ou 1'Hiftoire civile & politique & le code des Juifs ne fit aucune mention de cette doftrine, il ne faudroit point en conclüre, que Moyfe ne reconnut point la vérité de ce dogme confolant. Ce qui feroit auffi déraifonnable que de fuppofer que tel Souverain,ou tel Hiftorien ontnié 1'immortalité del'ame, parcequ'on ne trouve ni dans les Loix de 1'un, ni dans les ouvrages de 1'autre des preuves qu'ils Payent reconnue. D'aillears Moy/e inftruit dans toute la fcience des Egyptiens n'ignoroic pas fans doute une doctrine que ce peuple avoit adoptée, comme il eft prouvé par ceux mêmes qui conteftent h Moy/e la conooiffance de ce Dogme , & qui foutiennent que 1'Egypte en fut le berceau. Cette derniere obfervation eft d'un  JuiLLET,AouT,SEFT.,:r783. 5$ d'un grand fecours pour 1'interprétatión de différens paffages, oü. Moyfe fait manifeftement allufion a certains ufages des Egyptiens k 1'égard de leurs morts, & qui par cela même explique parfaitement le vrai fens des paroles de 1'Hiftorien Sacré; fi 1'on vouloit d'ailleurs y trouver de 1'ambiguité. Enfin il exifte dans les Livres de ce Législateur affez,de preuves de fa croyance k 1'égard d'une vie après la mort, tel eft le paffage de laGenefe, Chap. V, 21-24. Mais, comme nous 1'avons dit, bornous nous k un feul paffage. Fous êtes les Enfans de l'Eternel votre Dieu. Ne vous faites aucune incifion, 6? ne vous rafez point entre les yeux pour micun mort, car tu es un peuple faint d VEternel ton Dieu, £? I'Eternel t'a cboifi a'entre tous les peuples qui font fur la terre, afin que tu lui fois un peuple préciwx. Deuteron. XIV, 1-2. C'étoit une ancienne comüme parmi les Juifs, dans des tems d'une affliótion extraordinaire, de fe déchirer les vêtemens, de fe faire des incifions dans le corps, & de fe rafer le front, comme il  6o Noov. BauftTH. Bblgiqtjb. il paroit entre autres paffages par f ob 1, 20. Jérem. VIII, 29. Efaie XV 2. tfzerA. VII, 15. &c. Il importe neammoms de bien diftinguer ces marqucs immodérées de douleur, des incifions & des bleffures que les Prêtres Payensfe faifoient dans leurs extafes religieufes, & dont-il eft fait mention au premier Livre des Rots XVIII, s§. De même il ne faut pas confondre la coutume de fe rafer le front avec celle des quelques Orientaux, qui au rapport d'Hérodote Liv. 3. Chap. 8. fe rafoient la tête eo forme circulaire è 1'honneur du Soleil, ou de quelqu'autre Divinité. Parmi les Juifs 1'ufage des incifions & . celui d'enlever les cheveux ne défignoit que 1'excès de l'afflidlion. La défenfe que Dieu fait aux Juifs dans' le paffage que noas avons en main, revient donc a ceci: Ne vousfaites aucune incifion &c parceqve c'eft un ufage impie &idolatrie] & que vous êtes le peuple qui fervirez le feul & vrai Dieu, d l'exclufion de toutes les faujj'es Divmités. L'ünique fens que 1'on puiffe donner a ces paroles eft donc celui-ci. Vous êtes  JüTLLET , AoUT,SEPT., 1783. 6t êtes les enfant Hen aimés, le peuple pricieux au Jeul vrai Dieu. Mais pourquoi eft il défendu a ces enfans chéris de fe livrer a une trop grande affliótion pour ceux que la mort leur a enlevés? Si après cette vie il n'en exifte point d'autre, li tout eft fini a la mort, n'ont ils pas de bien fortes raifons de pleurer les morts? parcequ'ils font la nation choilïe, le peuple chéri, & qu'a eux a été faite la promeffe de vivre fur cette terre d'une facon infiniment plus heureufe que tous les autres peuples, c'eft pour cela juftement que leur douleur doït-être doublement amére? Leurs morts privés de mille délices inconnues aux autres nations ne méritent-ils pas auffi plus de larmes & de regrêts ? Puis donc que Moyfe défend ces marqués d'une douleur immodérée, & qu'il donne pour raifon de cette défenfe, c'eft que vous êtes une nation cboifie , un peuple faint & précieux, il faut abfolument fuppofer que les confolations qu'on devoit chercher dans cette afflicYion étoient d'un ordre fupérieur, & que Moyfe indiquoit par cette défenfe, & par la raifon qu'il en donnoit, que les morts  $2 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQUB. morts n'étoient point fi fort a regretter, puisqu'une autre vie plus heureufe les attendoitau dela du tombeau, & qu'ainfï la mort n'étoitpas pour eux le plus grand malheur poflible , quoiqu'ils perdiffent par \k le plus grand bonheur temporel, que jamais peuple avoit droit d'attendre de la main d'un Dieu, qui étoit en même tems pour lui le plus tendre des peres. Cette explication nous femble trés ingénieufe, & fans vouloir 1'adopter exclulivement k toute autre, il nous paroit qu'elle léve toutes les difficultés que fait naitre autrement le discours de Moyfe. L'Auteur trouve encore dans 1'expres» fion, vous êtes les Enfans de Dieu une espèce de promefle vague, un indice d'immortalité. Et ce mot eft fans doute trés fusceptible de cette explication, puisque Dieu lui-même fispnofe qu'elle lui a étédonnée; Pfeaume LXXXU, 6. J'ai dit vous êtes des Dieux & vous êtes tous enfans du Souverain, toutefois vous mourrez comme les hommes £? vous qui êtes les principaux tomberez comme un autre. ' Telle doit donc nécefiairement avoir été  JülLLET , AOUT , SEPT. 51783. été 1'idée de Moy/e, en défendant aux Israëlites ces exces fuperftitieux dont nous venons de parler. D'ailleurs comme nous 1'avons dit auffi, les Egyptiens croyoient furement è la doctrine d'une vie après la mort, témoins Diodore de Steile, Chalcidius & autres Ecrivains de 1'aDtiquité. Héliodore fait manifeftement allufion a cette croyance dans les reproches qu'il adreffe a fes contemporains au Livre VII, „ Pourquoi dit-il , pleurer „ Ia mort d'un de vos Prêtres, qui vous 3, a enfeigné la doctrine fainte & célefte, plutót devriez vous faire éclater „ votre joye, puisqu'il eft aujourd'huï „ dans un état de gloire & de félicïs, cité." L'Auteur trouve de nouveaux argu. mens pour fon fyftême dans le vosu de Balaam, Nomb. XXIII , 10. Que je meure de la mort des juftes, èj* que ma jin/oit/emblable d la leur: & dans différens autres paffages qu'on n'auroit pas foupconné communément d'une pareille interprétation. Peut - être h force de vouloir trouver des exemples, 1'Auteur fepermêt-il des conjectures un peu ha- far-  64 Nouv. Biblioth. Belgique. fardées & des explications un peu forcées, mais la plupart des endroits qu'il avance en preuves font trés fuscepcibles de I'interprétation que M. Baum leur donne, c'eft ce dont on ne fauroit disconvenir. Dans une espèce de Supplément è. ce Chapitre, 1'Auteur nous indique encore d'autres monumens de 1'antiquité, qui prouvent 1'exiftence du dogme d'une vie après la mort; tels font les myftères de Cirès Eleujine, myftères qui nous font connus aujourd'hui, au moins en partie, & que nous favons avoir eu pour bafe, pour fin & pour objet la doctrine de 1'immortalité de I'ame, & d'un avenir fortuné & malheureux felon la conduite qu'on auroit tenue dans cette vie. Les cérémonies Lévitiques de 1'offrande d'un bouc en propitiation des péchés oflrande "qui devoit être confumée par le grand - Prêtre pour porter 1'iniquité du peuple, font encore, fi 1'on remonte au but de ce facrifice, une preuve inconteftable pour ce fyftême, & qui vient è 1'appui de celles fur lesquelles 1'Auteur fe fonde. II en eft de même de 1'entrée annuel-  Juillet,Aout,Sept., 1783. 6s annuelle du grand Prêtre dans le Lieu Saint, & de divers autres rites Mofaïques. Le Livre des Pfeaumes fournit a notre Auteur de nouvc-ux exemples de 1'antique exiftence du do^me ont ii s'agit ici. Ces Paffages fonc Pk urne XXVII, 13-15 XXV, 12-13. XXXIX, 13-14. XLIX , 15—16. LXXII1, 23—24. Le plus faeisFa fsnt de tous eft felon nous, celui du Pfeaume X IX. Ils feront mis au fépulcre comm" les brebis, la mort fe r pditra d'eux, £p les hommes droits auront dommation fur ux au ma~ tin, 6? l'urf rce fera le lépulcre pow les y faire confumer, cbacun d'eux étant transp^rté bors de fon rtomuif£ance du Jépulcre, quand il me prendra d foü Enfin l'Auceur croic trouver la rnême évid^nce dans ce paffage du Peaume XXV. Qui eft Vbomme qui craint VEumel'i. ï:Eternel lui enjeignera le cbemin qu'il doit cboifir. Son ame iogera au milieu des biens, £ƒ fa poftérité poffédera la terre en héntage, & il faut avouer que ces mots fon ame Iogera, qui figni- Jam V. Part, u fi fiene  66 Novv. BiBLrom BelgïoueJ fient un état de calme & de quiétude peuvent trés bien s'cntendre du Scbeol, d'autant plus que c'eft une fac_on de parler parmi les Hebreux, comme dans d'autres langues, de donner au mot dormir la fignification demourir, de l'état des morts. 11 s'endormit avec fes pères &c. pour dire il mourut. Dans un fupplé.nent a ce Traité 1'Aut^ur rcconnoit toutes lr>s obligations qu'il doit au favant Micbaëlis, qui eft fans doute le premier de nos Écrivains modernes qui ait indiquê tant de veftiges précieux de la doétrine d'une vie après la mort parmi les Hébreux, doétrinequi fe trouve non feulement dans lespaffages cités par notre Auteur, mais. dont on découvre encore des traces inconteftabfcs dans différens cmblêmes & dans plufi'urs ufages de 1'aDtiquité, dont M. Baum nous donne dan3 ce fupplément une explication trés fatisfaifante. ARTI-  JuilleTjAout,Sept.,I783. 6f ARTICLE QUATRIEME. L'Afrique Hollandoise, ou Tableau Hijlorique & Politique de VE~ tat Öriginaire du Cap de Bonne Espérance, comparé avec l'Etat Aftuel de cette Colónie, publié fur le Manuscrit d'unObfervateur inflruit; avec cette Epigraphe. Sic vos non vobis mellificatis apes. Virg. gr. in 8°. de 323 pages,- en Hollande 1783. Prix ƒ 1 - io - o S'il eft nêceffaire de faire obferver quelquefois k fes Leöeurs qu'un Journalifte doit fe bomer uniquement a expofer le fujet d'un ouvrage, k en expofer les erreurs &les fautes Littéraires, & a indiquer 1'utilité qu'il apporte k la Société, c'eft fans doute lorsqu'il eft appellé k rendre compte d'un Ouvrage pareil k celui-ei, qui roiilc en grande E 2 paraï  68 Nouv. Biblioth. Belgïque. partie fur un fujet extrêmement délicat, & qui traite de matières fur lesqueües le Souverain feiil eft en droit de prononeer. C'eft auffi !a méthode que nous fuivons conftamment, & dont nous nous écarterons bien moins que jamais dans Panalife que nous nréfentons aux Leeteurs de L'Afrique Hollandoife, ^L'Auteur anoDyme de eet Ouvrage n'eft pas celui qui le pu'blie. Une perionne qui ne fe fait pas connoitre non plas, Pa r^fondu en entier pour la partie Typographiq'te; il y a ajouté quelques réfli.xions, qu'il a cru pouvoir être placées a cócé de celles de 1'Auteur, jl a eu foin de les diftii gurr rar des notes au bas de Ia pag-. Voüa en peu de mots ce que nous apprend 1'avertiffement. . On fe propofe dans eet Ouvrage d'indiquer les excès oü fe portent les Agens de la Compagnie des Indes, dans la direftion des affaires du Cap; excès qui felon 1'Auteur font devenus iDfupportables, & qui pourroient entrainer la perte entière de cette importante Colonie. Pour procéder avec ordre dans ces re- cher-  Juillet,Aout,Sept., 1783. 6"o chercher on développe dans un premier Chapitre le Contrat Social primitif pafte entre la Compagnie & les premiers Colons qu'elle envoya dans cette fcrcile Contrée de l'Afrique. Dans un fecond Chapitre 1'Au'eur tachera de peindre k „ grands traits le régime affreux & de3) ftrudteur de cette Colonie, régime qui „ do't p p0liu Tome. I. S>ag. 198. Ed. de 1775.  JüILLET, AOUT , SEPT., 17 83. 71 Kolbe ( b) qui comme Agent de la Compagn e avoit intérêt a 1'accréditer, eft deftituée de tout fondement. II peut fe faire, dit notre Auteur, que Riebeek ,poüt colorer Puvjuftice, évalua a ƒ 90.000 les bijoux qu'il avoit donné en préfent aux Hottentots, & qu'il en dreffa lui-même un aéte de vente fimu'ée. Au tems oü Riebeek arriva au Cap les acquifitions des Européens dans les Indes ne fe faifoient pas par de vraïs contrats de vente; les Hottentots n'étoient pas encore affez familiarifés avec les Européens pour contraster amicalement avec eux, & Riebeek ne pouvoit pas avoir portè avec lui des bagatelles pour une fi grande fomme, il en auroit chargé un ou deux Navires; Et cinq ou fix cent florirs en bijouteries de Neurenberg, étoient plus que fuffifans dans ce tems lè pour faire des préfens magnifiques aux Sauvagts de 1'Afrique entière. II eft toujours inconteftable que Riebeek s'étoit emparé du rerrein qu'il vou- (6) Befchryving van de Kaap de Gttdt* &top. Tom. I. pag. 64-62. £ 4  7% NOUV. BlBLTOTH. BeLGIQUE vouloit avoir, avant d'en faire le marché, & que parconféquent, s'il le paya, ce ne fut que lorsqu'il voulut, & comme il voulut; d'ailleurs eet achat fe feroit-il fait pour la fomme de ƒ90,000 en marchandifes, le prix feroit toujours bien modique eu égard a 1'espace conlidérable que la Colonie occupe aujourd'hui dans cette Région fertile. Quoiqu'il en foit de ce fait hiftorique la Compagnie eft en poffeffion de ce ter rein, voyons comment elle a fu en tirer parti. II s'aeiffoit d'abord de mettre la Colonie a 1'abri des incurfions des fauvages, & d'éviter ainfi la faute que les Portugais avoienr commife. Les premiers foins de Riebeek fe porterent fur eet objet. II fit d'abord conftruire un Fort au fonds de Ia Baye de la Table. Ce Ciateau fut fortifié & pourvu d'une trés bonne artillerie. Enfuite il fongea aux Habitations des Colons & leur fit conftruire des maifons commodes des deux cótés du Fort; cette bourgade eft aujourd'hui une trés jolie ville & le Chef - lieu de la Colonie. II manquoit encore è Riebeek des  Juillet,Aotjt,Sept.,I783. 73 des outils pour le tabourage & des femences Européennes. II n'avoit pas fongé non plus a fe pourvoir de Femmes, & les Colons n'en purent fupporter la privation fous un Ciel donc la température eft trés favoraöle a la réproduétion de 1'espèee humaine. Riebeek écrivit én Hollande, & on kii fournit bientót abondamment tout ce dont il avoit befoin. II s'appliqua enfuite a donner des Loix fages & avantageufes au bien de Ia Colonie. II avoit recu des pleins pouvoirs & il en fic ufa* ge. Les Colons furent foumis è Ia Sou.' veraineté de la Compagnie, fans que le Souverain drs f pt Provinces Unies perdit fes droits ni fur les poffeffions de Ja Compagnie ni fur les Colons envoyés pour faire valoir ces poffeffions. Dtforte que !a Comnagnie n'eft a proprement parler que Seigneur engagifte des poffcsfions dans les deux Indes. C'i ft de ce principe une fois établi que 1'Auteur tire dans la fuite toutes les conféquences ultérieures fur le régime aétuel des Agens de la Compagnie. Le Gouverneur partagea le terrein a E j fes  74 Nouv. Biblioth. Belgique.' fes Colons. II accorda en pleine propriéré a chaque pere de familie 60 Journaux de terre, a 600 verges le Journal, a condition que dans 1'espace de trois ans le Co'on Pauroit mis en état de prodüire, pour le nourrir lui & fa familie Sc pour pouvoir fournir fon contingent aux befoins publics. Ces Colons cultiverent la terre avec tant de fuccès que malgré la fomme immenfe de ƒ 46,000,000 que la Compagnie a avancé de tems en tems pour mettre la Colonie dans Pétatoü elle eft aujourd'hui, &dont une trés grande partie eft en avances faitcs aux Colons, ceux-ci devoient plus en 1727 que ƒ 40,000 a la Compapnie, pour des avances qu'elle leur avoit faites (o). L'Auteur continue a tracer le tableau le plus avantageux du Gouvernement de Rübeek dans toutes les parties de fon adminiftration. On peut, dit-il, appelIer ce tems, Vdge d'or de la Colonie, mais, pourfuit-il, fes fucceffeurs détruifi- rent (0) Kolbt. Tom. 1, p. 72.  Juillet,Aout,Sept.,i783- 7S rent tout, au p int que 1'on feroit tentê de douter, fi Hgè d'or du Cap n'a pas été aufli chimêrique que celui dont les Pcëtes nous retracent l'image. Après le Gouvernement de Riebeek on ne trouve plus, continue 1'Auteur „ que „ des injuftices criantes h raconter, des „ traits horribles' mais autentiqucs a re- tracer, des exaétions cruelles è rap- peller; en un mot mon pinceau ne va ,, plus être trempé que dans les cou„ leurs les plus coires & le tableau que je vais préfenter ne pourra être cdn„ fidéré qu'avec des yeux d'indigna„ tion". 11 eft néceffaire fans doute pour bien connoitre la nature de toutes ces injustices de fe faire une jufte idéé de la conftitution politique & civile du Cap, aufli 1'Auteur a-t' il confacré un Chapitre entier a eet objet, dans lequel il détaille tout ce qui peut avoir rapport au Gouvernemert & a P.idminiftration. II paffe enfuite aux plaintes des bourgeois de la ville du Cap de Bonne-Espérance contre le Gouvernement & cortre les Agens du Gouvernement, plaintes qu'il tire de plufieurs  ?6 NoUV. BlBLIOTH. BelCIquE. lleurs Mémoires publiés depuis peu de tems fur cetobjet, & auxquels il a été répondu; cette discuffion qu. femble faire l'objet particulier de eet ouvrage en compofe aufli la plus grande partie. Le refte ne paroit qu'un cadre dans lequel VAuteur a cru devoir 1'enchaffer, mais 1'affaire eft encore én litige, & toute cette queftion n'efl nullement de notre reflbrt. Fixons encore un inftant les yeux de nos LeOurs fur le danger imminent, qui felon 1'Auteur ménace la Compagnie . danger qui ne va pas a moins qu'a lui faire perdre tout 1'EtablilTement du Cap. Ce danger procédé de deux caufes principales; i°. 1'état de délabrement oü eft la FortereiTe, Ie peu de Troupes capables de s'oppofer a une descente, & le découragement des Colons; deforte qu'un ennemi de la République peut fe préfenter au Cap, & s'emparer facilement de cette importante poffeflion. i°. L'indignation des Colons contre le Gouvernement. Ils peuvrnt détruire aifément toutes les forces qu'on pourroit leur oppofer en cas d'jnfurreétion & fecouer le joug qu'on leur impofe. En  JüILLET,AOUT,S£PT.,I783. 77 Enfin I'Auteur irdique les moyens dt \redrejfement a prendre par la Compagnie ides Indei-Orientales, tant pour fa propre Ifuretè que pour la prospérué aa Coions | £ƒ des bourgeois du Cup. Pour fa propre ilüreté; la Compagnie doit prendre ces i: quatre moyens. ( C'eft toujours le fysUême de 1'Auteur que nous expofonsj. 11°. Un Gouverneur ne doit pas refter au . Cap plus de cinq ans, après quoi il doit : être foumis en Europe è un examen im: partial & févère fur fa geftion; s'il eft L coupable le punir, s'il eft innocent lui [ donner un têmoignage d'approbation holinorable, tel eft le devoir de la Comj;pagDie. 2°. Le Sous-Gouverneur doic ! monter au premier emploi, lorsque Ie II Gouverneur eft rappellé. 3Q. II faut fupi| primer la charge de Fiscal IndèpendanU \ 40. On doit envoyer au Cap une plus Iforte Garcifon, & y entretenir au moins 1200 hommes de Troupes bien réglées \ & bien disciplinées. Pour la fureté & la prospérité des Colons & des Bourgeois idu Cap il faudroit adopter les propofiI tions fuivantes. i°. Affurer par des I moyens que 1'Auteur indique la libertê civi-  78 NOUV. BlBLIOTH. BELGIQUEi civile des Bourgeois & Colons de I'Etabliffement. 20. Rendre diverfes chambres de juftice & de police, mi parties, c'eft-adire cömpofées d'un nombre égal de membres choifis entre les Agens de la Compagnie, les Conleillers du Peuple ( Burgen aden) & même entre les fimples bourgeois, &c. 30. Ne plus obliger un bourgeois ou Colon, quel qu'il foit, de prendre fervice foit en qualicé de matelót, foit comme foldat, pour quelque raifon que ce puiff être. Dans ce paragraphe 1'Auteur propofe encore plufieurs Changemens dans 1'adminiftration de la juftice criminelle. 4° Abolir entièrement les corvêes & tous les fervices forcés. 50. Et ce qui fuit regarde particulierement la prospérité des habitans, améliorer la facon 4e payer la Dixme è la Colonie. ö°. Fixer un prix pour les denrées qu'elle achete des Co'ons, foit froments, légumes, ou vins. 7». Dimineur les droits & les impofitions qu'on a mis fur toutes ces denrées. 8°. Süpprimer les Fermiers Généraux que la ^ompagnie a établis pour les vins qui fe vendent au Cap par les particulicrs. q». Dé-  Juillet,AoüTjSeft., 1783. 79v tDéfendre trés expreffemenc aux Agens :!de faire aucune espèce de commerce au I Cap, foit par eux-mêmes & ouvertement, iifoit par des prête-noms & clandtftinenment. ioe. MaintenirleColon &le bourgeois dans le privilège conftitutionel de [faire le commerce exclufif des denrées & üautres objets de négoce. n=. Donner de Taftivité au commerce intérieur de la ; Colonie. 12e. Permettre a tous ks Etrangers d'y aborder & d'y commercer avec les Colons. 13=. Permettre aux Colons :1de reprendre le commerce particulier i:pour 1'achat & Ia traite des Esclavts de 11'Isle de Madagascar, des Isles adjacenifes, & de la cóte occidentale de 1'A| frique. Tel eft 1'appercu général d'un ouvrage 1. dont 1'utilité n'eft que rélative, & fur leiliquel il ne nous appartient pas de proij noncer. Abftraftion faite de toute disJicuffton particuliere, il nous paroit que :| les moyens de redfeffement propofés par ijl 1'Auteur pourroient-être trés utiles, & ü ile ton de I'ouvrage ne le faifoit pas fc-up^iconner d'une peu de partialité on ne delf vroit qu'applaudir aux motifs & aux vues qui  Zo Nouv. Biblioth. Belgique." qui 1'ont diöé. Quoiqu'il en foit, eet ouvrage fe fera lire avec intérêt par nos Compatrioces, furtout par ceux qui ont des rélations plus ou moins étroites avec les affaires du Cap, car nonobftant le tirre é'Afrique Hollandoife, 1'Aut.ur n'a point entendu parler de nos autres établ'ffemens dans cette partie du monde, tel' que les Forts Najfau , Sr George de las Minas fur la cóte de Guinée &c. on pourroic donc trouver peu d'exa&itude dans ce titre,d'ailleurs trop faftueux* ARTL  juillet.A0UT.S2PT..1783. 8t ARTICLE CINQUIEME. Verhandelingen, &c. C'eft- k -dire, Mémoire de la Société Hollandoife de Haarlem ; Tom. XX. Part II, a- Haarlem chez Walré, 1783 avec Privilege &c. gr. in 8vo. de 547 pages. Prix ƒ 5 - 5 ■ o Dans 1'Avant-propos de cette fecoDde partie du vingtième Tome de fes Ouvrages, la Société rend un compte fuivi des Savans, que la mort lui a enlevés, & de ceux qu'elle s'eft attachés depuis le 6 d'Oétobre 1781. Ses pertes confiftent en trois Directeurs, Mrs. le Baron van Romdenoort, Le Leu de Wübem, & van Brakel, & fept membres, favoir Mrs. Engelman, Méü-cin, Bilgen, Confeiller de fa Majefté Pruffienlom. V. Part. 1. F « ne,  ti Nouv. Biblioth, Belgique. ne, Gallandat, Médecin k Fleffingue; de Gorter Médecin de S. M. i'Impératrice de Ruffie, Pringle, Médecin k Londres, le Baron delVurmb k Batavia, & Scbim Marchand k Maasfluis. Les nouveaux meinbres font Meffieurs Boers, Avocatde laCompaexiie des IndesOrientales & Amfterdam, Block, Médecin ^Berlin, 1'Abbé Toaldo, Profeffeur en Aftronomie è Padoue, Volta, ProfeiTeur en Phyfique Expérimentale k Pavie, van der Tvleerscb, Profeffeur en Théologie &c, pour les Arminiens k Amfterdam, Paradyt, Médécin dans la même ville, du Pui, Médecin & Leéleur ccc. k Campen, Paats van Trooftwyk, Marchand k Amfterdam, Forften, Profeffeur en Médecine è Harderwyk, Deiman, Médecin k Amfterdam, La Clé, Marchand Sec. k Batavia Metslar, Miniftre dans Ia même ville' Bucboz, ' Médecin de Monfieur, Frere du Roi k Paris, Pailly, Garde des Tableaux du Rot a Paris, Roume de St. Laurent, Creutz, Dodteur en Philofophie, Sr Directeur des Ouvrages de la Ville d'Amfterdam, van der Tooren, No. taire  JüILLET , AOUT, SEPT., 17 83. 83 'taire & Procureur è Alkmaar, ikZillefen Collecteur des Impóts de la Ville & des environs de Schiedam, & comme Directeurs Mrs. Teding van Berkbout Echevia & Confeiller, & van de Kajleele Penfionnaire de Haarlem, Hoof man Marchand dans la même ville , Meerman Directeur de la Compagnie des Indesa Amfterdam, Breton Premier Confeiller du Confeil des Indes a Batavia, & van der Haer, Secretaire de la Haye. Le premier Mémoire, qui fuit immédiatement après les programmes, eft une réponfe a la queftion fuivante: Quels font les meilleurs moyens de gagner, de la manière la moins dispendieufe, du terrein devant les digues qui bordent le ZuiderZée, de le conferver s'il y en a déjd, & contient quelques régies & obfervations théoriques & pratiques fur la fcience hydraulique, fi néceffaire dans ce païs, & fon application a l'objet propofé. H eft de la main de Mr. Mattbieu Smit a Franeker. Le Second, dont on eft redevable a Monfieur J. Senebier, Miniltre du S. E. & Bibliothécaire de la République de GeF 3 nèv©  *4 Nouv. Biblioth. Belgique. nève, traite de Vinfiuence de la Lunefur les Variations du baromêtre, & de Vatmospbère, arrêtons - nous un moment a eet intérefiant article. La iublime théorie de Newton, qui prouve 1'influence de Ia Lune fur le flux & refluxde la mer, ne laifle aucun doute que la Lune n'ait aufli une influence, fenfible fur 1'état de 1'atmosphère. Mais comment déterminer cette influence tant qu'on ne connoit pas la hauteur & la denfité de 1'atmosphère, tant que les baromêtres mêmes font de fi imparfaits inftrumens? Voilé aflurément de grandes difficultés, mais fi les mêmes caufes ont toujours les mêmes effets, fi 1'intenfité de 1'effet eft toujours proportionnée a 1'énergie de Ia caufe; fi on voit au milieu de la difFérence des obfervations une conftance dans la chofe obfervée, alors on avouera qu'il y a une certaine probabilité en faveur de 1'opinion, qui attribue 1'efFet obfervé k Ia caufe , avec laquelle il a du rapport. Ces raifonnemens, obferve Monfieur S., ontdéterminé plufieurs fa vans k reconnoitre 1'icfluence de la Lune fur les van--  Juillet,Aout,Sept.jI783. 85 variations des baromêtres. Lambert avoit même remarquê que la plus grande hauteur du Baromêtre arrivoit ordinairement le jour, qui précède le Périgée, & la plus petite environ le jour qui fuit 1'Apogée.r Toaldo a fait une théorie de 1'influence, que la Lune peut avoir fur 1'atmosphère. D'autres Naturaliftes célébres ont au contraire rejetté cette théorie, comme Meffieurs D'Alembert, Fontana & 1'Abbé Frisi. MonfieurS. nedécidé point fur un faitfi délicat, dont desobfervationsmultipliées peuvent feules prouver l'exiftence,mais il prou ve que ,fi lés calculs desPhyficiens font exacts & leurs conféquences bonnes, ils n'ontpourtant pas compris dans leurs calculs , tout ce qui devroit y entrer naturellement. Ainfi le Pere Fontana & 1'Abbé Frisi, en calculant l'action de la Lune fur 1'atmosphère & par conféqueat fur le baromêtre ont-ils exclus entierement deux puiflances, qui influent néceflairement fur 1'intenfité de 1'action de la Lune, &qui augmentent la grandeur, qui la doit répréfenter. Telle eft en premier lieu ïïnertie de l'air & en fecond lieu fon F 3 êlafti.  80 iMODV. BlBLIOTH. ÜELGIQJJE. élafticité;. M. Toaldo avoit remarqué une marée journaliere dans 1'atmosphère, que le baromêtre indiquoit par une différente d'un dixieme d'une ligne. " Ce ne font pas lè les feules puiffances, que ces Savans n'ont point faii entrer en ligne de compte, Monfieur S. en découvre encore d'autres, qui ne font pas d'une moindre.valeur, quoique plus difüciles a déterminer. Voici ce que 1'obfervation a donné lieu a 1'Auteur de conjeóturer. 1. Les mouvemens de Ia Lune déterminent le courant de 1'atmosphère, car, quand elle va du Sud au Nord, il femble que le vent prenne le même cours, on le voit au contraire communement pasfer du Nord au Sud, quand la Lune prend cette diredtion. Le foleil a, il eft vrai, la même influence, mais 1'intenfité de 1'effet produit eft beaucoup moindre. II eft, probable, par exemple, qu'on aura ün Vent de Sud quand la Lune paffe du Capricorne a 1'Ecreviffe. Le foleil fera le même effet, mais la probabilité en eft moindre. 2. Comme la Lune marche continuellement de 1'Oueft vers 1'Eft, jl femble qu'elle  JuiLLET,A0UT,S£Ft.,ï7&3. qu'elle devroit toujours caufer un ven? d'Oueft, quand il n'y a point d'autre caufe, qui réfifte è fon aftion ou qui la détruit. Mais il faut néceffairement que ce vent fe joigne au lieu oü fe trouve la Lune, par rapport h la Terre, & fe modifie felon 1'endroit, qu'elle occupe. Ainfi, quand elle fe trouve aux Gemeaux & a PEcrcviffe, le vent d'Oueft eft trés fecfible dans ce païs-ci, mais il eft bien plus foible quand la Lune eft dans les fignes du Sagittaire & du Capricorne. 3. Enfin quand on combine le Vent de Sud, dont j'ai parlé, avec le vent d'Oueft, on verra naitre le vent de SudOueft óuNord Oueft, qui devient pres» que Sud, quand la Lune eft au Bélier , presque Oueft, quand elle eft dans le Cancer, presque Nord, è la.Balance & un peu a 1'Oueft en Capricorne. 4. L'influence de la Lune fur 1'atmofphére dépend encore de la latitude de eet aftre & dc 1'arc qu'il décrit. II eft certain, pourfuit 1'Auteur, que. 1'expanfion de 1'air par le foleil eft une des principales caufes des vents. Le F 4 So-  8* Nouv. Biblioth. Belgtque. Soleil, quimarchede 1'Eft vers 1'Oueft cc dilatel'air, doit balancer dans fa marche Ie vent d'Oueft, Bé par les caufes mdiquées, & doit même le modifier, k mefure qu'il eft plus au Nord ou au Sud de 1 Equateur. C'eft peut-être auffi pour cette raifon que les vents tournent fouvent au Sud en été, au Nord en hiver. •Le Soleil avance environ cinq lieues dans une minute & produit par cette viteffe un vent d'Eft affez fort, qui diminuera moins ie vent d'Oueft de la Lune, quand elle eft k 1'Eft, que quand elle fe trouve k 1'Oueft, parceque 1'action du Soleil, pour caufer Ie mouvement d'EO:, augmente, è mefure que Ie foleil va k I'Ouefh Le vent d'Eft durera donc jusqu'è la nouvelle Lune, & durera d'autant plus qu'il eft fort & que le foleil eft moins chaud. Pour approfondir cette théorie & pour pouvoir eftimerces rapports, il eftnéceffaire de faire attention k plufieurs autres circonftances, que Mr. S. continue £ indiquer, & pour Iesquelles nous renvoyons a fon Mémoire. Les conclufions que Mr. S. tire des ob-  Juillet, Aotrr, Sept. , 1783. obfervations citées, font que, quand la Lune eft dans le figne du Verfeau, du Bélier, & du Taureau le vent de Sud doit regner par préférence, & celui d'Oueft fouffler rarement. Quand la Lune eft i dans le Taureau & aux Gemaux, le vent fera moins au Sud & plus k 1'Oueft. Mais la Lune étant dans 1'Ecrevife & •«- dans le Lion, les vents feront affez è 1'Oueft &. peu au JSord; mais lorsque la Lune eft ■£ dans le Lion, la Vierge, la Balance & £ dans le Scorpion, le vent fera beaucoup au Nord & peu k 1'Oueft. La Lune étant \ dans le Scorpion & le Sagittaire occafionera un vent, qui fera peu au Nord, mais plus k 1'Oueft. Quand la Lune eft au Capricorne & dans la moitié du Verfeau, on aura moins de vent de Sud & un peu plus de vent d'Oueft. Le Soleil produira environ le mêmeeifet étant dans les mêmes ügnes, quand on en fépare la dilatation de l'air, caufépar eet aftre; il y a pourtant quelques différences a remarquer que 1'Auteur indique. Après avoir obfervé 1'influence de la F 5 Lune  Cfp NOW. BlBLIOTH. BeLGIQÜE. Lune dans quelques ,autres poütions fur les vents, 1'Auteur envifage 1'acrion de la Lune dans des autres rapports, plus connus & plus fénfibles. Ces rapports font la diftance plus ou moins grande de la Lune a la Terre, fa latitude, fa pofition par rapport au Soleil, fon cours irrégulier; il en conclüt en génèral que les plus grande» latitudes de la Lune donneront des bivers rigoareux, & que les plus petites latitudes donneront des écés chauds on pluvieux, que Papogée de Ia Lune dans 1'équinoxe du printems donne des années feches, mais que 1'année fera humide quand Tapogée eft dans les tropiques. i Les années 1701 & 1718, 1702 & 1719 fc reffembïoient beaucoup ppur Ja températiire del'air, fi on en croit les Mé~ moirés de VAcadémie des Sciences & dans ces années la les fituations de la Lune ont été environ égales. De cette théorie il fuit une régie, que 1'obfervation rend trés probable. Quand 1'apogéede la Lune eft dans 1'équinoxe du printems, è fa moindre latitude, la chaleur ou le froid fera extraordinaire; Les  Juillet.Aout.Sept., 1783 91 Les années 1710 & 1728 étoient feches & Ia chaleur n'était pas exceffive; mais, fi dans 1'une & Pautre Papogée de Ia Lune étoit dans Pèquinoxe du piintems3 fa latitude n'a pas été fort grande. D'après ces principes il fuit de Ia théoiie donnée (& les tables météorologiques ne le contredifent pas) — 1. Que de 1'équinoxe du printems du premier quartier jusqu'è la nouvelle Lune le vent efi communement auSud-Oueft. 2. Que le premier quartier de la Lune donne ordinairement du beau tems dans les quatre mois de Juin , Juillet, Aoüt & Septembre; que le commencement en eft pluvieux & la fin belle dans les mois du printems Mars, Avril & Mai; que le commencement en eft beau & la fin pluvieufe en Octobre & Novembre, mais que dans les mois d'h'ver , Décembre» Janvier & Février, & en général tant qu'il fait froid, le tems eft variable, 3. Que le fecond quartier eft beau pendant les trois mois d'été & d'hi* ver, mais variable au printems & en au* tomne. 4. Que le troifiéme quartier eft égal au  102 NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQUE.' au premier, quand on le prend dans un ordre renverfé, variable en été, & beau en hiver. j. Que le quatrième quartier eft en raifon inverfe du fecond. Mais encore faut-il faire attention. i. Que tant que la Lune eft nouvelle , avant qu'elle vienne dans le tropique de 1'Ecreviffe, du 21 Mars jusqu'au 21 Juin, les jours du premier quartier font indubitablement mauvais, paree qu'elle marche vers le Nord, mais /in 21 Juin jusqu'au 21 Septembre, Ie tems eft plus conftamment beau. Ainfi quand la nouvelle Lune commence au delè de 1'équateur, le tems eft variable jusqu'è ce qu'elle foit venue au tropique; parconféquent Ie commencement de la Lune eft mauvais depuis le 21 Septembre jusqu'au 21 Decembre, mais alors il devient plus beau jusqu'au mois de Mars. 2. Tant que le fecond quartier fe trouve depuis 1'Ecreviffe jusqu'è 1'équateur il eft pluvieux, favoir depuis le mois 'de Mars jusqu'è celui de Juin. Depuis 1'équateur jusqu'au tropique du Capricorne, ou  Juillet,Aout,Sept., 1783. 93 ou de Juin k Septembre, ce quartier eft fuivi du beau tems, mais i! devient mauvais quand le fecond quartier a lieu depuis le tropique du Capricorne jusqu'a 1'équateur, c'eft-è dire, de Septembre jusque dans Décembre, & il rapporte le beau tems, quand il paffe de 1'équateur au tropique duCancer, c'eft-a-dire, dépuis Décembre jusques dans le mois de Mars. 3. Quand Ia pleine Lune tombe dansles fignes inférieurs, elle eft mauvaife, mais elle eft belle dans les fjgnes fupérieurs. 4. Le dernier quartier eft mauvais tant que la Lune paffe du tropique du Caneer k celui de Capricorne, c'eft-è dire depuis le mois de Mai jusqu'au mois de Septembre. j. Obfervez encore que le vent eft variable dans 1'été depuis le dernier quartier jusqu'a la nouvelle Lune; que le tems eft ferein, ou le jour du premier quartier, ou le lendemain, ou bien lorsque la Lune s'approohe du Tropique du Cancer; que le fecond quartier eft ferein au milieu de 1'été, variable au printems, & au commencement de 1'au- tom-  94 N®uv. Biblioth. Belgique. tomne; que Ja pleine lune eft variable Jusqu'au dernier quartier, mais furtout quand après avoir été pleine elle approche du tropique du Capricorne. Telles font en partie les obfervations cc les régies, que donneM. Sennebier, touchant cette matiére fi peu cultivée; iï auroit pu étendre fon Mémoire par 1'expofé des obfervations Météorologiques, qui favorifent fa théorie, mais il laiffece foin aux curicux, qui trouveront dans les bonnes tables la confirmation de ce qu'il a avancé. C'eft ainfi que le travail des obfenvateurs Météorologiques, pènible pendant une fuite d'années , pourra devenir avec le tems d'une utilité continuelle. Les deux Articles fuivans contiannent des Obfervations des calculs fur la conjonStion de Venus 6? Mercure arrivée le 18 Mai 1778. & les produits &? comparaifons d'un grand nombred'Obfervations de l'éclipfe folaire du 25 Juin 1748; ces deux articles font de Monfieur M E- CHAIN. Dans le Mémoire fuiyant le célébre M. Mar-  Jüillet,Aout>Sept.,I783. 9$ M. Marti net donne une description trés détaillée de l'Algue qui croic dans le Zuidtr-zée. L'Algue, dont il eft ici queftion, eft le Zojtera Marina de Linnê, nommé} par Baühinus Alga Anguftifolia Vu triariorum ou fucus angufiifolius ligulas referens; cette plante marine croit dans une merveilleufe quantité dans plufieurs endroits du Zuidcr-Zée, & principalement a Ia hauteur de Plsie appellée IVie* ringen (a); On en voitici une description des plus exadtes,enrichic de lafigure de la plante entiére & de fes parties, en cinq planches, qui font d'aütant plus utiles, qu'on manquoic entiérement de bonnes figures de ce végetal. Le Chcvalier de Linnê en a donné une bonne notice, dont Monfieur Martinet fait ici ufage. La bafe de la feuille, dit-il^ eft en forme de gaine, fe ferme en Iongeur (a) II paroit affez inceitain fi I'isle de Wietingen a donné le nom a cette plante , qu'on nomme tVitr, ou fi elle en a recV ,1e fien.  atf Nouv. Biblioth. Belgique. geur, elle eft découpée è la partie flipérieure de chaque cótê & renferme la tige du fruit, qui eft plate & pourvuë d'un cöté k fa partie fupérieure d'étarnines & a fa partie inférieure de piftilles. On n'y trouve ni calice ni couronne. Les étamines, placées de biais font en grand nombre, fort courtes, & inférées dans la tige du grain au desfus de celle-ci. Les fomtnets font en forme d'oeufs; oblongs, émouffés & fe baiffent, ils font a leur partie fupérieu4 re en forme d'alène & courbés en arrière. Les grains font en petit nombre, en forme d'oeufs, étranglés, k deux tranchans , ils ont un petit pédicule, & font attachés k leur pointe, ils font placés de biais & fe baiffent, on n'y trouve poist de frites; les piftiles font en forme de filets & fimples. Le péricarpe paroit en forme de pellicule, ne change point & fe creve k 1'angle de coté. La graine, fe muriffant au mois d'Aout, commence k tomber, & fournit une nourriture abondante è plufieurs oifeaux aquatiques, qui s'en fervent. La plante fe détache de fa bafe ou de fes raci-  J0illet,Aout,Sept.,I7'83. 97 racines; les petites feuilles flottent fur l'eau; c'eft alors que la récolte commence; leS pêcheurs d'alentour viennent & chargent leur bateaux des débris de cette plante utile, qu'ils vont décharger a 1'endro.t, oü 1'on en doit faire ufage. M. Marti net rapporte ici un phénomène qui paroit un peu étrange au premier abord, mais dont il nous donne une explication auffi fimple que fatisfaifante. Le voici: L'algue chargée dans un bateau fermé commence a fermenter & répand alors une odeur des plus fétides; les vapeurs, qui s'en élevent& qui fe condenfent beaucoup plus dans un bateau neuf & bien fermé que dans un baceau vieux, plein de fentcs, paree que 1'cau de la mer entrant dans le dersier en abforbe une partie, affedtent particulierement les yeux des bateliers, jusques a les rendre entiérement aveugles ,mais avec cette différence ,que quand le vent fouffle contre la prouedu bateau, la perfonne qui fe trouve dans la chambrette du devant, qu'on uomme le coqueron, fe trouvera incommodé de ca mal de yeux, tandis que celui qui eft Tome V. Part. i. G dam  98 Nouv. BrBLioTH. Belgiqjje.' dans Ia chambre de poupe, ne s'en res* fent pas; au contraire, quand „le vent fouffiera en poupe, celui qui eft dans l'arriére partie du bateau, fera aveugle, & celui qui eft fur le de vant, ne fera point incornrrodé. On croiroit d'abord que le vent devroit emporter les vapeurs nuifibles Ie long du bateau & les faire fortir de 1'autre cöcé, & qu'ainfi ceux qui feroienC du coté oü le vent aborde le bateau, ne devroient rien nflentir, & en eff.t cette circonftance a répandu une opinion parmi les baceliers qui pêchent 1'algue, qu'on Croit fans rephque , favoir que les vapeurs nuifibles, qui fortent de cette plante, s'élèvent contre le vent; mais il d'eft pas néceffaire de remarquer que la bonne phyfique doit empêcher d'admettre cette propriété des vapeurs; il faut donc en chercher une autre caufe; la voici tellequeMr. Ma rtinet nous Ia donne. Qjiand Ie vent fouffle contre Ia proue du bateau, il fe divife & ne peut entrsr d'abord dans Ia cavité du bateau; mais 1'air qui paffe au deffus des bords relevés de la proue, va frapper la partie intérieu» re des bords de la poupe, Sz renvoié deli  Jüillet.Aout.Sept., 1783. 99 la il entre dans la cavitê du bateau par les ouvertures & repouffe les vapeurs en avant vers la proue oü elles fe portent plus abondamment; tandis que la partie oppofée du bateau en eft en quelque forte purgée. La même chofe arrivé quand le vent vient du cöté oppofé. Pour ce qui regarde Ia caufe de eet accident, il eft évident qu'on le doit attribuer a une vapeur méphitique, produite par la fermentation de 1'algue entaffée & humide, (a) & en effet il réfulte d'une analife chimique de 1'algue, que Mr. M. a fait entreprecdre, que ces plantes renferment beaucoup de parties falines & inflammables, qui s'en détachent par la putréfaétion & la décompofition de leurs parties & élévent unair phlogiftique & des va« (a) Cet effet n'eft pas particulier a 1'algue; nous favons que des bateliers, qui chargenc les ordures qu'on raffemble dans nos rues, & qui conlïftent en débris de diverfes plantes, font quelquefois attaqués d'inflaramations fur les yeux jusqu'a la cécité. Note du Joumalijie, C 2  ioo Nouv. Biblioth. Belgique: vapeurs corrofives, qui noirciffent 1'argent & attaquent le cuivre. Quant è 1'utilité de cette plante, elle eft infiniment grande pour tout le pays qui borde Ie golfe du Zuider-Zée; c'eft par cette plante marine, qu'on eft en état de réiifter è la fureur de la mer & de conferver un terrein fi précieux è tous égards. L'algue eft le principa! ingrédient, dont on compofe Jes digues de* puis le Texel jusqu'a YTt; on 1'y entaffe par couches, & elle s'y affaiffe tellement qu'elle acquiert une folidité a 1'épreuve de 1'eau & de la marée; elle eft d'ailleurs presque incorruptible étant fous 1'eau tellement qu'on trouve les vieilles couches entaffées depuis plus d'un fiécle dansun état, qui feroit préfumer qu'el. les feroient nouvellement faites. Mr. Martin et nous donne un détail de* tous ces travaux & des maniéres différentes, dont on emploie l'algue, qui fait bien voir, qu'il n'a rien négligé pour fe procurer toutes les informations poffibles au fujet de la plante, dont il vouloit faire 1'hiftoire. Après le Mémoire de Mr. Martinet vienc  Juillet,Aout,Sept., 1783- io-i vient la Description de quelques cas finguliers de Chirurgie, fournie'par Mr. van Gesscher; Tous les cas, rapportés ici fouruiffent des obfervations, qu'on , ne rencontre que rarement & font pour cela bien dignes d'avoir une place dans le recueil de la Société. Le premier contient Ia description d'une blejjure con/ïdérable a la tête; le fecond celle d'une dislocation dufemur; le troifiéme une incrujlation calleufe du'tibia £ƒ du peronê dans unegangrêne, le quatriéme, 1'hiftoire de plufieurs blejjiires, eontujions, fraStures, 6? dislocations dans un même fujet; le cinquiéme traite d'une grande bernie invêterée, & le fixiéme d'un ureire presque eniierement fermé. La fuite ci après. G 3 ARTI-  ï-©2 NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQUÈ. ARTICLE SIXIEME. Leerredenen, &c. Ceft-a-dire, Sermons sur divers Textes de VEcriture Sainte, dans lesquels on prouve, que la Do&rine de V'empire du Démon, comme s'il pojjêdoit quelquefois corporellement les hommes, 6? les induifoit au pêché & au crime eft une Doctrine faujfe, & qui, Ji elle ètoit vraie, n'enferoit pas moins inutile, 6? Jouvent même dangereufe &nuifible. ParMr.F. G.C Rltz Pafteur Memand dans VEglife Luthérienne a la Haye: Ouvrage tra. duit de l'Memand, en Jix Cahiers d'environóo pages chacun, gr. in 8*. h la Haye chez Ifaac Du Mee, LU> Iraire. 1783. ■ptre utile a fes Concitoyens, c'eft Ie jL> devoir de tout homme qui penfe. Mais ce devoir dev,ient d'une néceffité; plus  JuiLLET,A0UTjS£PT.,I783. I03 plus ou moins abfolue, en raifon de 1'emploi qu'on occupe dans la focièté,& des rélations que la Providence nous appelle a y foutenir: Et dans ce fens, l'o* bligation de fe rendre utile eft particulièrement impofée aux Miniftres desAutels. Inftruire, édifier & confoler les humains , voilé fans doute le grand objet de leur miffion, voüè le grand but qu'ils doivent fe propofer dans leurs prédications & dans toute leur conduite. Mais pour réuffir dans une carrière auffi pénible il importe furtout d'écarter tous les obftacles que les préjugés & les pas. fions oppofent fouvent aux progrès de nos connoiffances; préjugés d'autant plus difficiles a déraciner qu'on les fucce avec le lait, & qu'il faudroit une attention & des recherches dont peu de gens font capables, pour remonter a la fource du mal, & pour le détruire jusques dans fes fondemens. Cuiel préjugé, par exemple, plus univerfel & néanmoins plus faux, que celui de 1'aöion & de l'empire des Démons fur les hommes. A combien d'erreurs n'ouvre t'-il point la porte ? Quels obflacles n'apporte il point aux G4 con*  ï©4 Nouv. Biblioth. Belgique. confolations que les Pafteurs de 1'Evangile nous donnent au lit de mort? Quoi de pïus oppofé enfin a Ia raifon, a I'expérience , & enfin au pur Chriftianisme? II eft donc de toute Décefiïté de s'élever contre une erreur auffi dangereufe, c'eft en particulier le devoir des Miniftres Sacrés, & c'eft auffi celui dont Mr. Rütz s'acquitte dans 1'Ouvrage qui va nous occupcr. Ces fermons font tout nouveaux. II les a prêché dans fon Eglife pendant cette année; mais pour en rendre 1'utilité plus générale, pour disfiper quelques faufTes idéés que diverfes perfonnes plus zélées qu'inftruites s'étoient faites de fon fyftême, enfin pour fatisfaire aux defirs du Public, il s'eft réfolu è publier ces fix fermons, en Hol. landois & bien que Mr. Rotz fe foit déja fait connoitre comme Ecrivain Hol< landois, il nous avertit dans fa préface que les fermons dont il s'agit ici, ont été traduits par une main étrangère, qui De nous paroit rien moins qu'exercée; & en effet les connoiffeurs nous affurent qUe cette traduétion eft trés incorredce. . Le texte du premier fermon eft tiré de rEvan>  Juillet,Aout,Sept., 1783. 105 TEvangile fclon St. Luc, XI, 14. Alors il jetta debors un démon qui étoit muet} £? il arriva que quand le démon fut forti, le muet paria, les troupes s'en étonnerent; voici la divifion & le plan général de tout POuvrage. I. Dans une première partie 1'Auteur tache de prouver que la cro< yance de 1'empire des démons a pris naisïance parmi les Hébreux. II. II nous démontre, qu'on ne fauroit donner aucune preuve folide en faveur de cette doctrine. III. Qu'il exifte des argumens invincii bles contre une croyance auffi faufjfe j jV. Qu'enfin cette croyance eft inutile è 1'homme, & qu'elle Pexpofe fouvent aux plus funeftes dangers. Revenons en peu de mots fur ces quatre points. La matière eft neuve & intéreflante, & 1'on ne doit point confondre le fyftême de Mr. Rutz avec les fameufes rêveries de Baltbazar Bekker, qui va dans fon Monde encbanté, jusqu'a nier 1'exiftence du Démon. Notre Auteur reconnoit au contraire en termes clairs & pofitifs qu'il exifte un esprit malin, tel qu'il nous eft connu par l'Ecriture (S. I. pag. zo.) Mais il nie auffi pofitivement tout ce qu'on G 5 dé:  106 NotTV. BlBLIOTH. BeLGIQÜE. débite fur les poffeffions les obfeffions, £? les féduéïions des Démons. (ibid. pag. 21.) I. Ni Les Livres du Vieux Teftament, Bi ceux du Nouveau ne parient de l'aclion du Démon & de fon empire fur les hommes. M. Rdtz alTure qu'on ne peut-citer un feul paffage du V. T. oh il foit queftion des esprits malfaifans, ou des Démons & de leurs opérations fur la terre. Et dans le N. T. on trouve une feule fois le mot Diable(^<«'/3«ao« ) Act. X38. mais eet endroit fouffre une autre explication , comme on le verra dans la fuite. Quant au mort Daemonion qui fe trouve treize fois dans la verlion des Septante, il ne fignifie dans ces endroits que des Etres fantaftiques & imaginaires, tels que des Faunes, des Satyres &c. D'ailleurs dans les Livres du V. T. écrits avant la Captivité de Babylone on.ne trouve nulle part ces. Démons défignés par un nom particulier. Avant cette époque on ne rencontre en aucun endroit des Livres Saints les noms d'Urièï, Ari'èl, Samnièï & autres. Au contraire dans les Livres compofés sprès la captivité on trouve pluGeurs fois  Jüillet,Aoüt,Sept.,i783. fv? fois ets noms & divers autres,• ceci nous apprend donc clairement que c'eft proprement parmi les Babyhniens, ou les Cbaldêens ( car c'eft ainfi qu'on nommoit les Sages a Babylonc) qu'il faut chercaer 1'origine de cette croyance (a). Ces peuples , de même que tous ceUX parmi lesquels le flambeau de 1'Evangile n'a point été allumé, s'appercevoient clairement de 1'exiftence du mal fur ia terre, mais ne pouvant & ne voulant pas attribuer k Dieu la caufe de ce mal, ils fe forgerent une feconde Divinké, qu'ils chargèrent de tous les raaux qui les affligeoient, & fe firent, k l'exemp'.e des autres Payens, des Dieux d'un ordre inférieur, foumis a cette Divinité malfaifante, & auxquels ils donnerent les noms de Samniel, Ariè'l, Asmodi &c. Des (a) On dira peut-être que dans le Livre de Tobie il eft fait inention de deux Anges, nommés Asmodi, & Raphaël. Mais ce Livre, d'après plufieurs Savans, a été originairement écrit en Chaldéen, St. Jérome le traduific de cette langue en Latin. Cette obje&ion con« fitme done le fyftême de 1'Auteur.  ïoS Norjv. Biblioth. Belgique. Des préjugés auffi faux étoient néan, moins regardés comme des vérités inconteftables, dans toute 1'étendue de 1'Empire Affyrien ,. lorsque les Juifs furent transportés dans ce Royaume, environ 600 ans avant J. C. Pendant les 70 années que dura cette Captivité, les Israëlites eurent le tems d'adopter ces Fables, autant qu'elles ne dérogeoient pas entièrement a la croyance d'un feul & unique Diéu. Avec ces fables ils confervereDt auffi les noms Chaldéens qu'on donnoit k ces prétendus esprits malins, fi bien que lors de la venuë de J. C. ce préjugé étoit devenu parmi les Juifs une doctrine populaire & nationale, k laquelle ils étoient attachés, au point que 1'on croyoit alors communement, que le pays de Ccmaan ou la ?M. êée étoit le réceptacle d'une foule d'esprits malfaifans & de Démons, qui fj plaifoient k nuire aux habitans de cette contrée. Cette erreur a fi bien gagné qu'il exifte même de nos jours plufieurs pieux interprêtes des Livres Saints, qui regardent ce préjugé comme un point de Doctrine inconteftable. I!  JüILLET , AOTJT , SliPT., 1783 10$/ II eft conftant que du tems de J. C. la Judée renfermoit un trés grand nombre de Lépreux, d'infirmes, de roalades, & de foi-difant poffédés, maïs ii oe s'en fuit point, comment certains Commentateurs 1'ont prétendu, que Dieu, pour manïfefter la puiffance du Sauveur, rendit le nombre de ces malbeureux plus confidérable alors qu'il ne 1'étoic auparavanti Dans le fait les guérilbns miraculeufès du ! Seigneur fixerent davantage les yeux fur ' la quancité prodigieufe de malades, fit 1'opinion populaire de 1'empire du Démon fur ces infortunés rendoit cette cu> conftance plus remarquable encore. Telle eft donc 1'origine de cette erreur i dangereufe. Les Juifs 1'adopterent du 1 tems de la captivité & la transmirent a " leut poftérité. Mais , dira t'- on fans doute, les Auteurs Sacrés employent eux mêmes, dans divers endroits de leurs écrits, ces mots de poffédés, é'obfejftons &c, ne femble t'-il pas que Terreur, fj : c'en étoit une, foit accréditée par des témoignages irrêprochables, ce qui im• plique contradiétion. D'abord, répond M. Rdtz, il faue fa  TI O NOÜV. BlBLIOTH. BeLGIQUE, fe fouvenir que chaque Peuple a une langue particuliere, différente de toutes les autres, & que les mots ont dans une langue une acception bien différente de celle qu'ils recoivent dans une autre. Que d'ailleurs les ufages, les moeurs d'une nation influent fur ia vraie fignification des mots, qui fouvent ne nous paroiffent intelligibles que paree que nous De connoiffons pas ett'ez le génie'de cette langue. Ainfi perfonne ne prendra t'-il è Ia lettre cette expreffion figurée, Exod. vii j 3. J'endurcirai le coeur de Pba'. raon, & 1'on nes'avifera point de preffer fi fort le fens de ces paroles, que d'y trouver une preuve que Dieu eft 1'Auteur du pêché. Mais cela pofé, ne fent on pas que les figures & les allégories du ftyle oriental ne fouffrent point 1'explication ft-ricle & littérale, qu'on donne è celui des occi dentaux, & que les Auteurs Sacrés dn V. T. qui écrivoient principalement pour les peuplesde l'orient,devoientfeconformer au génie de la langue & aux moeurs de leurs Compatriótes. Quant au Nouveau Teftament il faut re-  IJuillet,Aoüt,Sept.,i7S3« 1JÏ l remarquer que lesEvangéliftes en parlant' L des prétendus poflédés n'emploient jaü mais le mot propre (Ai*P«*«0 le Diallble, mais celui de Démon (a«V*0 ou ii celui ó'Ésprit & alors ils y i ajoutent ordinairement 1'épithète , de .malin, de mécbant, d'impur, quelque'.Ifois celui de maladie, comme dans Ltïc 1XIII, 14. Une femme avoit un esprit i de maladie depuis dix buit ans. Parmi les Auteurs profanes le mot de I Démon fignifie fouvent, ou bien Dieu lui tmême, la Divinité fuprême; ou bien un I ioi difant esprit conducHeur. Dans la ver1 fion de' Septante il prend 1'acception d'un i faux Dieu. Quelquefois ce mot défigne I 1'esprit des grands hommes qui après leur I mort furent êlevés au rang des Dieux. I Dans tout le N. T. ce mot fe prend dans t un mauvais fens.excepté au verfet 18 du : Chap. XVIII. des Alles. Enfin, felon I St. Paul, }. Cor. VIII, 4- un Démon n'eft après tout qu'une être fantaftique, 1 un être imaginaire, rien au monde. En réfumant donc ce que les EvangéÜftes I nous apprement des Démons,ou Esprits,  712 NOUV, BlBLIOTH. BeLGIQUB. & en fe fouvenant que St. Paul nie pofitivement 1'txiftence de ces Démons, il faut raifonnablement conclüre, que toutes ces cxpreffions de Démons, d'Esprits de poffédés &c. ne fignifient rien autre chofe que des maladies, des aflictions extraordinaires du corps & de f esprit, auxquelles no^re nature eft fujctte, & que les Evangéliftes en adoptant ces exprcffions n'ont fait que fe conformer au langage recu, & qu'il fe font parconféquent fervis de ces mots dans une acceptio» impropre & figurée. Ainfl dans le tcxte de ce Discours, le mot de Démon ne fignifie que la maladie dont uq homme étoit affligé. Ce feroit traduire ce Sermon plutöt que d'en donner 1'analife, fi nous infiltions fur toutes les preuves que le favant Pafteur de Ja Haye apporte de cette explication, qui nous paroit a tous égards, auffi fage que fatisfaifante. Le fecond Sermon a pour texte ces pa. roles de St. Paul I Cor. VIII, 4. Pour ce qui regarde donc de manger des cbofes facrifiées aux idoles, nous /avons que l'i- dole  jïriLLET}A0UT,SEPT..I783. "3 Me n'eft rien au monde, qu'il n'y a üïicun autre Dieu qu'un feul. Après avoir expliqué ces paroles par celles des veriets 19, 20 & 21, du Chap. XV. de la même Epltre, & prouvé la vetité du précepte indiqué par PApotre,le Prédicateur paffe, dans une feconde partie,aux discuflions qui font proprement de fon fujet. II y prouve que c'eft bien a tort que 1'on confond ces prétendus Démons qui fe lögeoient dans les corps des hommes avec 1'efprit malins le Diable proprement dit, & dont 1'Ecriture nous apprend 1'exiftence. La matière eft encore développée dans la troifième partie, destinée k nous ccnvaincre que les Livres faints ne font en aucun endroit mention de ces Démons , comme de.véritables esprits malins, mais que tous les paffages'cü il en eft parlé, fe rapportent a des maladies du corps ou de 1'ame & que les Auteurs Sacrés n'ont fait que fe conformer aux tems & au génie du langage en adoptant ces expreflions figurèes. Enfin dans une quatrième partie, 1'AuTome V. Part. I. H teur  114 Nouv. BlBLIOTH. BELGrojJE. teur répond k quelques objections que pourroit faire naare Ia prétendue obfcurité de ces expreffions, en montrant que J. C. & les Apótres ont eu pour objet de s'exprimer d'une manière intelligible a la multitude, & conforme au génie & aux moeurs de leurs Contemporains ; que chaque langue a fes figures & fes métaphores, qui paroiffent obfcures & même ridicules en les tradui* fant dans une autre langue, & que d'ailleurs il ne s'agiflbit pas dans plufieurs discours du Sauveur de combattre la doctrine de 1'erppire du Démon fur les hommes, mais de faire comprendre que les merveilles qu'il opéroit provenoient d'u» Be puiffance infiuimentfupérieure k celle que le peuple attribuoit aux Démons, Enfin que lorsque 1'occafion s'en préfentoit, ni J. C. ni les Apótres, n'ont.poinc paru accréditer ces préjugés, mais qu'ils les ont au contraire combattu victorieufement, comme il paroit par plufieurs paffages du Nouveau Tefta. ment. ft n'exifte aucune preave direfte. ni  jMliET,A0ÜT,SfiET.,i783. *ti fuffifante de 1'aöion des Démons fur les hommes. Tel eft le fecond argument indfqué par Mr. Rdtz, & ddnt-il nous donne le dëveloppemenc dans les fermons fuivans. Lafuittw Trimeftre pmbain.  iió Nouv. Bibliot». Belgique; ARTICLE SEPTIEME. Bundel van onuitgeoeeven Stukken, &c- C'eft- k- dire, Collection de Pieces Manuscrites, pour fervir d'éclair, cijfemens a F Hiftoire. & au Gouvernement des Provinces-Unies, cï? priti' eipalement THiftoire de l' Union d'Utrecht; rajfemblée & augmentée dequelques notes, par M L.P. vak DErStiege l ,Sécrétaire des Etats de Zélande & publiée par M. Ermerins, Sécrétaire de la Ville de Veere. Tom. II. a Tergoes, chez J. Huisman; gr. in 8°. de 328 pages, fans la Préface, le Discours préliminaire &c. &c. 1783. Prix ƒ 2 - 12 - «a Perfonne n'ignore que 1'ünion d'Utrecbt ne foit la bafe de la conftitution & de forme du gouvernement de notre Répu- bli-  JülLLET,A0UT,Sfiï>T.,I783- 117 blique. Rien de plus important parconféquentquede bienconnoitrePcsprit de cette fameufe aiïbciation, dont 1'ótude doit faire le premier objet de tous nos Publiciftes. Les Ouvrages de Mr. Bondt & de Mr. Paulus fur ce fujet font entre les mains de tout le monde; mais qu'il s'en faut néanmoins que cette matière foit épuifée, furtout rélativement a 1'Histoire de ce Traité; les progrès que 1'on afait de nos jours dans cette étude, prouvent qu'il nous refte encore bien du chemin a faire, avant de connoitre parfaitement cette intéreffante partie de 1'Hiftoire de la RéDublique. Mr. Van der Spie. gel déja trés avantageufement connu par plufieurs Ecrits rélatifs a eet objet & furtout par fa Dijfertation fur VOrigine & VHiftoire du Droit de la Patrie, s'étoit propofé, a la vérité, de publier une Hiftoire Politique de 1'Union d'Utrecht, & d'y prouver, que, faute de ltimières, Pon n'avoit pas jusqu'ici approfondi ce fujet. En 1778 ü publia un Effai furle-j premiers Plans de PUnion, y joignant une lifte de quelques Pièces qui n'avoient pas encore vu le jour. Peu de tems après H 3 a  Il8 NOUV. BlBLIQTH. BeLGIQÜE. il offrit au public la première partie de la Collectlon dont nous allons parler, & 1'accueil mérité qu'il recut fit espérer la prompte publication du fecond Volume. Mais de nouvelles occupations & des raifons particulières ne permirent pas k MFan der Spiegel de continuer ce travail, bien que tous les matériaux fuflent préparés; on doit la Colleöion que nous annon* eons aux foins de M. Etmerins, qui n'a fait que céder aux inftances du Libraire '3c aux voeux du public en fe chargeane d'une tache aufli pénible. Ce Volume contient ainfi que Ie preJ pier une fuite de Pièces Autentiques depuis I579-I584j qui n'avoient point encore été publiées. On fent qu'il feroit aufli difficile qu'ennuyeux de donner un Extrait de toutes ces Pièces, qui ne deyiennent vraiement intéreffantes que lorsqu'elles fervent de preuves è certains points hiftoriques, dont la vérité n'étoit pas encore généralement recomme. Mais ce qui doit fixer furtout Patten* tion du Le&eur, c'eft une excellente Differtation de M. V. IX S,. lui même, «ja'il a fait placer k Ia tête de ce Volume, &  JuiLLETyApUT, SEPT. ,1783. 119 & dans laquefle il recherche, quelles furent les rélations que Jean, Comte de Naffau & Frère de Guillaume I, etst a foutenir dans 1'Union d'Utrecht, & quelle fut la nature du pouvoir qu'on lui remit alors? II paroitra furprenant peut-être que 1'hiftoire de ce Prince foit encore un objet d'incertitude & de recherches. Rien de plus vrai cependant: il eft de fait que le Comte Jean a rendu les fervices les plus fignalés è la République, & qu'il a beaucoup contribué a affijrer fa liberté & fon indépendance. Pendant le féjour affez long que Guillaume I fit dans le Brabant, ce fut le Comte 3'san qui foutint dans ces Provinces fon autorité chancellante. C'eft lui encore, qui en qualité de Chef & de Directeur de l'Union, a concouru pendant longtems a la direüion des affaires publiques. Plufieurs monumens hiftoriques découverts de nos jours & dont quelques uns ont trouvé place dans ce Recueil, donnent des idéés beaucoup plus précifes du changement qui arriva dans 1'Etat lors de cette époque, que les Hiftoriens de ces H 4 tems  i2o Nouv. Biblioth. Belgique.' tems la n'en ont pu avoir; en fait de politique les contemporains ne voyent que les cffets, la race future démêle les caufes & les motifs les plus fecrets qui les ont produits. Après nous avoir donné un précis dii cara&ère de ce Comte, & juftifié ainfi Guülaume-1, qui s'eft fervi de lui dans les occafions les plus importantes, 1'Auteur nous fait enfuite le tableau de 1'état des affaires politiques de ce tems la, de 1'étendue de 1'autorité Stadhoudérienne, & de la néceffité de fon influence dans les délibérations du Gouvernement, II nous découvre enfuite quels furent les motifs du Prince en fe fervant du fecours de fon Frère, & quels furent les moyens qu'il mit en oeuvre pour 1'élever au point de grandeur qu'il lui deftinoit. Dès 1'année 1572 le Comte Jean avoit donné des preuves de fon attachement ö fon Frère & k 1'Etat en fourniffant è I'un & k 1'autre des fubfides affez confidérables en argent. Ce fervire lui procura cn 1577 1'honorable commiffion d'entamer les négotiations avec 1'Empire, & Guillaume pemploya depuis k favorifer 1'ünion de la  Juillet,Aout.Sept.,ï?83« ïar- la Hollande avec quelques autres Provinces; commiffion d'autant plus délicate que le Prince d'Orange , pour conferver les dehors, devoit feindre de s'en tenir fcrupuleufement a la Pacificatiop de Gand. Celui-ci recofnmanda donc fortement fon Frère aux Députés de la Hollande & de la Zèlande, & peu après il parvint k le faire éllre Stadhouder de la Province de Gueldre, ce qui lui donna le droit de s'intéreffer plus directement aux affaires de la République. ll.neréuffit pas êgalement a. obtenir le Stadhoudérat des Provinces de Hollande & deZélande pendant 1'abfence du Prince d'Orange. Ceci ne 1'empêcha point cependant de travailler au grand Ouvrage de 1'Union. Les premiers Articles de ce Traité fe projetterent fous fes yeux, & notre Auteur fuppofe, que ce fut Ever ar d van Reid\ premier Sécrétaire du Comte qui les rédigea. Jean affifla enfuite aux Séances des Etats de Hollande & de Zélande, ténues è Gorcum, & il figna enfin ce farneux Traité conjoinftement avec les Députés de ces deux Provinces & des Qmmelandts le »3 Janvier 1579. On H 5 tra-  Ut NoüV. BlBLIOTH. BeLCIQUE* travailla de nouveau alors è lui faire corr férer la dignité qu'il ambitionnoit, mais il ne put obtenir que celle de Chef &z de Directeur de la nouvelle Union, que les Etats de Zélande lui accorderent par une Réfolution du 2j Février 1579» Ceux de Hollande ne Tont jamais re. connu dans cette qualité, mais il eft prouvé aujourd'hui, qu'ils lui laifferent le maniement de Ia plüpart des affaires d'importance , & qu'ils avouerent ainfi tacitement fes droits a eet égard. Le Comte de NaJJau fe démit de toutes fes charges en 1581. Mr. V. D. Spiegel développe les raifons de cette conduite, pour lesquelles nous renvoyon3 nos Le&eurs a 1'ouvrage même, oüi ils trou. veront une foule de chofes curieufes & intéreffantés, mais peu fusceptibles d'Extrait. fean palïa Ie refte de fes jours en Allemagne, ou il mourut en 1606, agé de plus de foixante-dix ans. Le portrait de ce Prince , gravé par Pïnkeles, d'après un original tiré duCabinet du Stadhouder, fe trouve k la tête de eet Ouvrage, 1'exé' cution nous en a paru fort bica foisnée.  JOIfcCiftT , AOUT, SfifT. ,1783. *B$ On nous faura quelque gré, peut-être-» de transcrire ici UDe partie d'une Lettre de Pierre L'Oifeleur, Seigneur de Filr liers & de Weftboven, Con/tillef &(Jhapelain du Prince d'Orange, écrite ea Prancois & datée du 17 Mars 1580. Cette pièce n'appartient pas direftement è 1'hiftoire de 1'Union, mais elle a paru trop intérefiante k 1'Editeur pour vouloir la fupprimer. Guillaume avoic deman'dé a fon Ami l'Öifelt ur fon avis fur ces deux points. I. S'il étoit obJigé en confcience de rétablir k Utrecht 1'exercice de la Religion Catholique. II. Si la conduite qu'on avoit tenue avecle Duc d'AIencon étoit conforme aux principes d'un Réformé. La fédition qui. s'étoit manifeftée k Utrecht, oü on avoit inconiidérement prohibé la religion Catholique, donna lieu .a la première demande du Princej qui auroit bien voulu traiter également, les Calviniftes & les CathoÜquesi Mais Ia première effervescence paffée cesderniers s'étoient beaucoup réfroidi pour la caufe commune, &avoient donné, fdon;notre Auteur, desfujétslé;gitiraes de plainte & de défianèe* té-  t«4 Nouv. Biblioth. BeLGIqUE. moin la Mche défedtion de Renneberg & les mouvemens inquiets des Eccléfiaftiques de cette communion. Au refte il faut fe fouvenir du tems oü cette Lettre a été compofée, & de la fituation des affaires, lors de cette époque. Monseigneur, Je leu hier les lettres de V. Exc. "m du 12e du préfent escrites k Madame, „ lesquelles il luy a pleu de me commu,, niquer, ce qu'elle a faift aufli J Mr. s, de Sainér, Aldégonde, & comme il 3, plaicl è V. Exc. d'entendre mon advis fur deux points. Je luy préfenterai 9, fommairement ce que je pourrois des., duire plus au long, fi la commodité „ du tems le portoit. „ Ouand au premier je n'ai jamais trouvi bon de vouloir contraindre les hommes par la voye de la force d quitter leur •„ religion, principalement quand nous „ avons a faire particuliers contre particuliers, & pourtant quand il ne fe •,, préfente aucun danger. Je n'aurois » ja-  Jüillet.Aout.Sept., 1783. 12$ „ jamais voulu confeiller d'ufer de vio„ lence contre ceux de la Religion. Tou„ tefois je fuis bien d'advis, que les „ Princes & ceux qui ont authorité era. „ pefchent, entant qu'en eux eft, que les mauvaifes opinions ne prennenc „ racine & n'accroiffent. Comme cet„ te queftion a efté amplement vuidée „ anciennement par Saint Auguftin*. „ Mais quand 1'Eftat eft conjoinfl: avecq , le différent de la Religion, je penfe bien que c'eft non feulement licite, *' mais auffi néceffaire au Magiftrat de „ s'affeurer; car fi fous 1'ombre de per„ mettre une faulfe religion 1'Eftat eft en „ danger, il me femble fous trés hum" ble correétion qu'espagner celui qui ' eft de contraire opinion & pour ce " moyen mettre 1'Etat en danger, feroit " non clémence en vers les ennemis, mais \[ cruaulté envers les fiens propres, qui „ pourroient par cette cruelle miféri,, corde perdre la vie,, 1'Eftat & la Re- „ ligion. ■ .„ En conféquence VOifeleur confeille au Prince de ne pas rétablir la Religion Catholique a Utrecht, oü d'ailleurs il exis- tO)t  U6 NoüV. BïBLIOTH; BelGI^tju. toit plufieurs perfonnes de cette Eglife ennemis mörtels de V. Exc. & qUj fé déclareront en temps & lieu, & m'as „ feure que les Athéiftes dont-il n'y a s, que trop, ferdnt auffy le fernblable i *»■ Le Chapeiain eft néanmoins d'avis de laifler es chofes fur l'ancien pied dan* toutes les villes oü fe trouvoit établie Ia liberté de confcience, „ fi non qu'on vit il ouvertement 1'Eftat en danger" Ce fi'eftdonc pointpar intolérance, maïs pour des ra.fons dè politique, que l'Oifekut confëilloit m Prince de ne poiDr remettrs U dtEt exercice k Utrecht. Guiüaumi rendit cepeDdant deux Eglifes aux Catholiques de cette Ville, comme on Ie voit dans 1'hiftonen Boa. Liv XIV p. 179. Dans Ia feconde partie de fa Lettre, l'Oifeleur proUve que malgré Ia d-fTérence de religion il étoit expéofent & ut,Ie de traiter avec Ie Duc d'A^om & il réfute en vrai Théologien du fei! aieme S^cle c'eft-a-dire trés péfam. ment, les miférables objeclions qu'on faifoit contre cette alliance; 11*° oni aux traités que fit Ahrabam avec IeTS «feSodorae, è «lui d^avec S  JüiLtET,AoüT,&fT.,r783. **? melecb Pbiliftitl. II cite Jérêmie dispu» tant contre de faux Prophètes , le Souve* rain pontife revêtu a la pontificale allant au devant d'Alexandre, enfin il montre que tous les Princes contemporains ne s'étoient fait aucun fcrupule de traitet avec des Rois Catholiques, & il conclut,' qu'il n'eft pas défendu fimplement de le faire, quand on ne peut s'en pafier, mais qu'il faut feulement pouvoir tant que Ven» tendement bumain le peut permettre. Nous n'avons rapporté cette lettre que pour donner une idéé de 1'esprit de ces tems li, & du point de vue fous lequel on envifageoit alors les affaires politi»' ques. Elles fe traitent de nos jours-un peu différemment, & la fcrupuleufe févérité en matière de doctrine & de reli«' gion a fait place a un relachement de principes dans la morale,auffi pernicieux que 1'excès contraire étoit ridicule. ARTÏ?  tl 8 Nouv. Biblioth. BelgIque; ARTICLE HUITIEME. Vaderlandsch , Geschied > Aardryks , geslagts- kn staatkundig Woordenboek, &c. c'eft-a-dire. jDlCTIONNAIRE HlSTORiqUE , Géo^ GRAPHIQUE, GÉNÉALOGrQUE & Po- litique, contenant C'Hiftoire ancienne moderne) eccléfiajtique & civile des Provinces-Unies, & des Payi de leur domination, avec une Description des Villes, Villages, Seigneuries, &c. ainfi qu'une Notice fur la vie des Hommes c? des Femmes célèbres, qui fe font diftingués dans la Politique, dans la Guerre, dans les Arts (f les Sciences (fc. &c. par Mr. J. Kok. Amfterdam 1783. Tm. IX, 6? X. CA-CT. Prix f 3 - 12 - o Ces Volumes, qui fe fuccèdentrapide' ment, préfentent des Articles trés jfctfreftans parmi un grand nombre qui ne  /UILLET,AoüT,S£PT.,I783. 12$ ne le font guères. Tel eft le fort de toutes les compilations, & même de tous les Journaux. Obligé de parler de routes les nouveautés Littéraires , il eft impoffible de fatisfaire exclufivement les goücs de chaque Letteur; le Théologien paffe d'un ceil de mépris fur 1'article frivole des Romans & des Comédïes, & la jeune Demoifelle fe garde bien de lire Pextrait d'un Traité de Morale, & de Droit Naturel. II en eft de même de tout ouvrage par ordre Alphabétiqus, fans en excepter le eélèbre & volumineux Diftionnaire Encyclopédique. Celui-ci contient encore une foule de noms inconnus, une férie de filiations & de généalogies, qui n'in. tèreffent que les maifons qu'elles regardent, ou peut-être le favant qui travaille a en débrouiller 1'Hiftoire. L'ancienne Maifon des Van der Capel. len occupe un rang diftingué dans ce Volume. Cette familie d'origine Francoife & noble s'établit vers 1'an 1200 dans le pays de Cièves, & dans les Pays. Basy & s'eft diftinguée conftamment de« puis ce tems dans plufieurs charges im. Tom V. Part, l. I pof -  130 NOUV. BlBLTOTH. RELGlQü&i portantes de la robe & de 1'épée. Nous renvoyons nos Le&eurs è eet article, qui comprend plus de 120 pages. Auffi 1'Auteur a t'-il cru convenable d'y inferer plufieurs Discours, Avis & Rémontrances , que les Seigneurs Van der Capellen tot den Poll, & tot de Marscb, ceux la même qui jouent un fi grand röïe dans la crife aótuelle, ont prononcé dans les AÜemblées del'Etat, fur les circonftances préfentes. Ca ll en berg (Gerard) Lieutenant Amiral de Hollande & de Weft-Frife né en 1642 fe diftiügua de bonne heure fur les Flottes de la République, & fut Ie feul artisan de fa fortune & de fa renommee. II apprit fous De Ruiter le grand art de la guerre, & fe trouva Capitaine en fecond fur le Vaiffeau de ce Héros, dans le malheureux combat oü il perdit la vie. Celienberg, après fa mort foutint 1'honneur du pavillon, & continua a donner dans diverfes rencontres les preuves les plus fignalées de courage & d'habiletó. II eut la plus grande part au fiège & è la prife de Gibraltar en 1704. Cbarles Roi d'Espagne lui témoigna fa recoB'  Jüillet.Aout,Sept.,I783« *3£ teconnoiffaöce par une lettre, que nous transcrirons ici. Cher Ckevalier Amiral! Comme c'eft avec plaifir que je vkm d'entendre la prife de la vi'le éf du bavre de Gibraltar, je vous confejfe par la pré fente la grande fatisfaEtion que vous m'avez donné en cette occafion par le grand, zèle que vous avec fait paroüre pour le bien de la cbofe commune cif de mes inté* Hts particuliers. J'en aurai toujours une reconnoijfance proportionnée è votre mérite , que vous avec acquis dans cette beureufe entreprife, & pendant que je defire éf que j'attends encore avant l'accomplijfe'. ment de la Campagne d'entendre plufieurs autres agréables nouvelles de votre bonne conduite 6? de la valeur de vos Officiers £? gens de Marine d lagloire des Etats. Généraux, vos Maitres, fj* de vous en propre, je vous affure de la bonne affeföion É? de l'ejtime que je garde conftamment pour vitre perfonne. d Pombal ce 25 Aoüt 1704. Charles. 1 2 Gaf-  igz Nouv. Biblioth. Belgique. Callenberg quicta le fervjpe dans fes vieux jours & exercea queiques emplois de magiftrature a Vlaardingen, oü il mourut en 1711. Nous ne fuivrons point notre Auteur dans plufieurs Articles, lesquels bien que trés curieux ne devoient point entrer dans fon plan. Tels font les articles Descartes, Cbrijtine, Cbrêtien de Brunswic, l'Evêque de Munfter & plufieurs autres. Ces perfonnages pour avoir été mêlés dsns les affaires de la République, n'en font pas moins étrangers a un Ditïionnai' re de Ia nature de celui-ci. Cocceius ( Jean ) fameux Théologien du dix-feptième Siècle, eft connu par fes querelles avec un autre Théologien nommé Voet, oxxVoetius, celui la même qui perfécuta fi cruellement le philofophe Descartes. Cocceius au contraire accueil. lit cè favant, dont-il goütoit les ouvrages & le fyftême. La célèbre dispute des Cocceiens & des Voetiens qui divife encore de nos jours les Théologiens Hollandois n'eft pas au fond d'une bien grande importance. Cocceius, felon fes enne«ïis, s'écartoit de la doctrine recue —1°. daas  JüILLET, AoüTjSePT. 5I783. i33 tlans la manière dont-il interprétoic 1'Ecriture fainte & furtout les prophécies, 2°. dans les feptpériodes qu'il trouvoitfuus 1'économie de 1'Evangile, 30. dans 1'on explication de 1'Alliance de grace, 4°. dans fes opinions au fujet de la Loi morale, 5°. au fujet de Ia fervitude des Juifs & du joug des cérémonies mofaiques, 6°. dans les idéés qu'il fe faifoit de 1'état des Fidelles fous le vieux Teftament, & de la différence qu'il trouvoic dans la rémiffion des péchés fous 1'aneienne & Ia nouvelle économie, 70 Enfin dans 1'explication qu'il donnoit du quattième commandement fur Pobfervation du Sabbat, qu'il regardoit comme un précepte de la Loi Mofaique, & conféquemment aboli par J. C. Heidanus ami de Cocceius, perdit fa place de Profeffeur en Théologie a Leiden pour avoir défendu fon fyftême. ' La querelle devint bientót férieufe, les Voetiem eurent le deffus pendant trés longtems, quelquefois leurs adverfaires 1'emporterent, felon que les membres du gouvernement d'alors adoptoienc Ja doctrine de 1'un ou de 1'autre parti. 11 1 3 n'y  134 Nouv. BiBLioTH. Belgique n'y eut heureufement point de fang répandu, ce qui eft bien rare dans de pa. reilles disputes.** Peu a peu on rougit des excès auxquels on s'étoit porté. Le Clergé d'Amfterdam propofa un plan conciliatoire qui fut adopté généralement3 enfin on a pouffé la modération dans plufieurs Eglifes Hollandoifes, au point d'y admettre actuellement un nombre égal de pafteurs Cocceiens & VoUiens. Cocceius a laiffé un grand nombre d'Ecrits, qu'on a raffemblé en neuf Volumes in folio. II mourut en 1712 agé de foixante fix-ans; Son Fils lui a élevé un beau monument dans 1'Eglifê de St. Pierre a Leyden. L'Article des Frères V~an der Codde eft affez curieux: A Rbynsboürg, village k une lieue de Leiden s'affemble plufieurs fois dans 1'année une feóte religieufe connue dans bos contrées fous Je nom de Propbètes, & de Frères Affociès (Collegianten). Cette fecte doit fon origine è, trois Payfans de ce Village, nommés, jfean, Adrien & Thomas van dtr Codde. Les Miniftres Rémontrans ou-Arminiens ayant été bannis de la Provincie de la HcJ-  Juïllet3Aout,Sept.,i783. r35 Hollande en i6i9la:ffcrentleur troupeau fans pafteur, & les Van der Codde qui étoient de la même feóte réfolurent dc continuer leurs exercices religieux, & au défaut de Miniftres de lire eux-mêmes I'Ecriture Sainte, & de 1'expliqucr a leurs Auditeurs. Qjuelques payfans & des pécheurs des environ s'unirent a eux, ils formerent ainfi une affemblée affez nom breufe, & renvoyerent les Miniftres, qui malgrê les Edits, fe hafardoient de revenir dans leur ancien troupeau. Vainement Pasquier de Fyne, autre miniftre arminien Ca) voulut - il prendre des arrangemens avec eux. Ils préten - doient ( 17^3' H9 I ian au déféspoir refufe tous les fecours qu'on lui prodigue & ne ceffe de demander pardon au Chevalier. Enfin on parvient a le calmer, & après avoir bandé les playes des deux bkffés, on les port» chez eux. L'Abbeffe è qui cette fcene n'avoit pas donné d'Emiiie les idéés les favorables, ne vit que d'un oeil trés mécontent un fcandale auffi public ,elle fit enfermer Emilie dans la prifon du Couvent, & écrivit a Madame de St Onge, pour la venir reprendre. Cependant la besfure du Chevalier eft déclarée mortel le. II protefte d'une voix mourante è fa Mère , que Ie Comte , qu'Emilie étoient innocents; qu'un malheureux hazard avoit «tout fait. Madame de St. Onge n'écoute que fa douleur & un reflentiment bien injufte. Elle ordonne a PAbbeffe de tenir Emilie étroitement enfermée, de ne lui laiffer voir perfonne, & de lui faire fentir ainfi une partie des maux que fa fatale beauté venoit d'occafionner. La triste Emilie que Pon rendoit refponfable d'un événement auquel elle n'avoit poinc de part, fe.vit traiter avec la derniere K 3 »• i  150 NOUV. BlBLIOTH. BfiLGiqUS; rigueur. On 1'erjferme dans un cachot obfcur, on ne lui donne pour nourriture que du pain & de 1'eau, & 1'on répand au dehors les bruits les plus injurieux fur fon compte. _ On fe doutebien que le Comte, guéri de fes bleffures, fe donnoit tous les mouvemens imaginables pour apprendre des nouvelles de fa maitreffe & de fon ami, mais toutes fes peines furent inutiles. L'Abbeffe avoit fes ordres., & ne laiffoit parvenir aucune lettre k Emilie, & Madame de St. Onge lui avoit interdit la maifon, & défendu même qu'on prononcat ibn nom devant elle. Le Marquis toujours rempli de fon fatal amour & de plus animé par la jalouüe , s'étoit imaginé que s'il parvenoit è fe défaire du Comte il réuffiroit plus aifément auprès d'Emilie. Pour accomplir eet horrible deflein il loua une maifon dans le voifinage du Couvent, & ne ceffoit de guetter le moment favorable pour 1'exécution de fes noirs projets, Malgré 1'état de fon frère, il s'étoit refufé a ve. air le voir dans fes derniers momens, on Jgnoroit fa retraite, de forte que Made. de*  Jüillet,Aout,Sept.,i783- 151 de St. Onge eut la douleur de voir expirer le Chevalier & de demeurer dans 1'incertitude fur le fort du feul fils qui lui reftoit. Elle ne put réfifter a tant de malheurs, & mourut quinze jours après fon fils, fans avoir pu faire connoitre fes dernières intentions. Soit que 1'Abbeffe fe laffat des mauvais traitemens qu'elle faifoit effuyer a Emilie, foit qu'elle fe désabufat fur fon compte, elle rendit peu k peu la prifon de cette infortunée moins dure; lui permit de prendre 1'air pendant quelques heures, & adoucit ainfi la rigueur de fon état. Mais Emilie que tant de malheurs avoit accablée, étoit plongée dans la plus noire mélancolie, qu'augmentoit encore l'indifférence & le mépris de fes Compagnes. Une feule, nommée Soeur St. Ange, & qui joue ici le même role, que St. Agnès de la Payfanne Parvenue, daignoit compltir* k fes maux, & lui prodiguoit toutes les confolations d'une tendre amitié. Mais le deftin préparoit encore de nouveaux chagrins è Emilie. Deux perIonnes chez qui fa Mère avoit placé les K 4 dé-  152 Nouv. Biblioth. Bblgique. débris de fa fortune disparurent en même tems, & laiffjrent'notre Héroïne dans Ja plus trifte indigence, ne confervant pour tout bien qu'une Ferme de 600 livres de revenu. Le Comte, que Madame de Lorme en mourant avoit nommé Tuteur d'Emilie fe dispofa k réparer autant qu'il étoit en Jni les torts de la fortune. Par la mort de Madame de St. Onge, Emilie étoit libre, ou ne dépendoit plus que de d'Oiban; elle donna quelques larmes a une perfonne qui 1'avoit fi cruellement raaitraitée, & quitta le Couvent oü elle ne regrettoit que la feule Soeur St. Ang\: Le Comte étoit venu la chercher dans fon Caroffe, accompagné d'une Dame qu'il préfenta k Emilie en qualité de fa parente; k 1'inftant oü les deux Amans s'expriment mutuellement toute la joye qu'ils reiïentent de fe revoir, on tire un coup de piftolet au travers de la portière, mais Ia balie ne fait qu'efflcurer légerement Pépaule d'Emilie, & entre dans les panneaux de Ia voiture. Le Comte indigné de eet affafiinat faute en bas 1'épée k la main, & trouve le marquis de St, Onge qui  JulLLETjAoUTjSlPT., I783. Ï5$ qui 1'attendoit de pied ferme, il fe pré* pare a punir ce traicre, mais du monde qui iürvinc les fépara, & le Comte ramenc Emilie plus morce que vive è Paris. Elle ne tarda pas a fe remettre de fa blesfure. Par les foins les plus empreffés il lui fait oublier fes malheurs, mais le tendre, le généreux d'Olban ne defiroit plus la main d'Emilie, il formoit des voeux bien plus téméraires. La parente n'étoit qu'une de ces femme* abominables, la honte de leur fexe. C'étoit chez elle que d'Olban dépofa Emilie. 11 lui avoit caché la perte de fa fortune pour lui faire accepter des bienfaits que fa dèlicateffe auroit refufé fans doute; mais il ne put fe contenir longtems. Un jour après un tête a tête forc tendre & que 1'infame hoteffe avoit ménagé , il öfa fe permettre des libertés qui ouvrirent les yeux aEmilie; une converfation que cette infortunée entendit peu après ne lui laiffa plus douter de fon malheur. Auffitót elle prend ion parti; engage le Portier qui avoit des ordres contraires a ne pas s'oppofer a fa fuite, & fe réfugié dans un quartier de la ville K 5 bien  ï5"4 Nouv. Biblioth. Belgique. bien éloigné de celui oü ie Comte habi£oit. Elle eut le bonheur d'y trouver des gens pauvres mais vertueux chez qui elle prit un appartement; elle ne vécut pendant longtems que du foible produit de fon travail. Emilie favoit broder, elle s'y appliqua avec foin, & la bonne hoteffe lui remettoit le leger profit de fon ouvrage. Une année s'écoula; la mifere & le befoin fe firent bientöt fentir; mais notre Héroine aimoit.mieux mourir que de recourir a fon féducteur, enfin, malgré les défenfes d'Emilie, 1'hóteffe fe hafarda a aller découvrir au Comte 1'état de fon Amante. II étoit confumé de la plus afFreufe mélancolie; au nom d'Emilie ilfe réveille de fa létargie, vole chez la bonne hoteffe, & trouve fon Emilie mourante fur un méchant lit, & dans une chambre oü tout annoncoit la plus horrible mifère. On fent aifément qu'il demanda & obtint fon pardon. Emilie fe rétablit & donna enfin fa main & fon coeur è celui que malgré fes crimes elle n'avoit ceffé d'aimer toujours. Les Parens du Comte confentirent k fon bonheur. Quant a 1'infame Marquis, le dé-  Juillet,Aout,Sept., 1783. 15$? défespoir de voir Emilie dans les bras d'un autre lui fit attenter a fes jours , & il vengea ainfi fur lui même tous les crimes qu'il avoit comrjnis. Ce Roman nous a paru intéreffant h bien des égards. On y trouve è la vérité quelques reminiscences, quelques fituations qu'on fe rapelle d'avoir vu ailleurs, mais on ne fauroit affez infifter. fur des exemples de fageffe & de vertu. Nous avons paffé fous filence un affez long épifode contenant 1'hiftoire de la Soeur St. Atige, dans lequel on trouve de 1'intérêt & de Pagrément. ART1.  ïfó* Nöw. Biblioth. Belgique. ARTICLE DIXIEME. P O ïi sie S. I. In Orbem Aerostaticum. Sanguinea armorum non tantum laude triumphat, Sed placidas artes Gallia pacis amat. Necfatis Anglorum faftus domuiffe feroces, Nee populos vinclis expediiffe fuit. Quin pelago regnare parum; tentatur&aether, Et dubium fuperis redditur imperium. Non mini Daedaieas jam Graecia jactitet 'alas; Vatibus antiquis fabula ficta, vale! Verior haec noftro fervata eft gloria faeclo, Sequana regales qua fluit inter opes. Primus inexpertam tu, Montgolfere, per artem Quum nubes doceas & premére aftra pede. Maéte vir ingenio! nunquam slelebüe nomen OfBcii pretium poftera turba dabit. Ipfa tibi Uranie Prieftlyos adnuit inter Inter Franklinos adnuit ipfa locum. Inferuitque tuum caeleftibus orbibus orbem, Splefcdeat aëriis qui Cynofura viis. J> H. HOEUFFT. ii.  JUILLET,A0UT,S£PT., I7S3 Ï5? NOUVEL- II. Pour le Portrait de M. De Mont- g o l f i e r. MoNTGOLFiEft, que 1'Europe entière Ne fauroit affez révérer, A des Arts franchi la carrière, Quand 1'oeil de fes rivaux cherche a Ia mefurer.  J58 NOUV. BlBLIOTn. BelGIQUE. NOUVELLES LTTTERAIRES. Institütiones Juris Eelgici civilis, de conditione bominum &c. c'eft-d-dire, Injiitutions du DroitCivil Belgique; Première Partie qui traite de la condition des hommes; par M. Arntzenius, Profejftur d VAcademie de Groningue £? membre de plufieurs Sociétés Littéraires, gr. jb 8". de 204.. d Groningue cbez Groenewolt fcf Dikama Libraires 1783. Prix ƒ 1 - 10 - o Cet ouvrage utile manquoit encore dans nos Univerfités, oü 1'onne donnepour 1'ordinaire, que des idéés trés vagues & trés fuperficieJles fur Ie droit Civil Hollandois. II mérite conféquemment d'être diftingué de cette foule de Livres Elémentaires dont on aecable Ia jeuneffe, c'eft pourquoi nous y reviendrons dans le Trimeftre prochain. Verhandeling over het aderlaten en deffelfs toevallen c'eft-a-dire. Dijjertation fur la Saignée, &? les accidens auxquetles elle eji fujette , a Vufage des opprentifs Chi- rur-  JüILLET,A0UT,SEPTr, Ï783. 1$$ turgiens', par W. Leurs CMrurgien a Ut* recht, avec des figures; gr. in 8*. de 168 p. a Utrecht chez Van den Brink , 1783. Nous ne dirons pas de eet Ouvrage comme du précédent, qu'il manquoit encore dans les Bibliothèques. II exifte un nombre cofllïdérable de Traités fur la faignée, dont lemeilleur, fans contredit, eft d'un Auteur Francois, nommé üionis..., D'ailleurs quelques années de pratique font infïnlment préférables a toutes les Differtations fur ce fujet. On ne fauroit néanmoins refufer & 1'Auteur beaucoup de clarté & de précifion dans le ftyle; il paroit pofféder Ia matière, cc donne une bonne idéé de fes connoiffances chirurgicales; mais eet ouvrage n'en fera pas moins" toujours au deflus de Ia portée des commencans, & inutile aux autres, parcequ'a un trés petit nombre d'obfervations prèe il ne contienc rien d'abfolument nouveau. Nouvelle Méthode courte &p factie pour apprendre a lire aux Enfans. Nouvelle Edition, augmentée cjf corrigée, a Amfterdam chez J. B. Schneider ]783. Ce petit ouvrage eft d'une utilité généralement reconnue; il a déjè paffé par plufieurs Editions, ce qui, pour des Livres Elémentaires, eft une preuve fans réplique de la bonté d'un Ouvrage. On doit favoir gré. au Sr. Schneider de Fa• 1 voir  1ÓO NOUV. BlBLIOTH. BELGIQUE. voir remis dans le commerce, puisque cette mé'.hode quoique fort ancienne, eft la meilleure pour faciliter aux Enfans une étude auffi rébutante, mais a laquelle on ne fruroit cependant les appliquer de trop bonne beure. On eut mieux fait peut être de fubftituer aux mauvais vers tecbniques qui terminent eet ouvrage, foit quelques morceaux de bonne profe , foit ün choix de vers plus poëtiques. Puisque Ie but de ce Livre eft d'enfeigner de bonne heure aux Enfaias les premiers principes de la langue Francoife, il ne falloit leur offrir que des modèles è insiter, & non pas des exempies a fuir. D'ailleurs, on a dans certaines Ecoles le mauvais ufage de faire apprendre ces vers par coeur aux pauvres Enfants, ce qui en fatiguant inutilement leur mémoire ne fert qu'è leur embrouiller 1'esprit. LeDrélincourt Moderne, Quatrains %lorauxf m le Livre de tous les dges, par M. Sylvain MarÉchal, Avocat au Parlement, è Amfler. dam, che% J. H. Schneider 1783. II n'eft pas adroit peut-être de rappeller le nom de Drélincourt, quand on ofFre des vers au public. Les fonnets de ce digne Pafteur, pour être trés édifians & trés connus n'en font pas moins fort plats quant a Ja Poëfie. JI nous femble que le titre de Pibrac mtiemt eut  JfJILLETj A/DUT, S£PT. , I783. IÖI eut été plus convenable. Quoiqu'i! en foit, M. Maréchal laiffe bien loin derrière lui fon modèle & fes vers furpaffent infiniment ceux de fon prédéceffeur. On en jugera par les morceaux fuivans que nous prenons au hazard, d'ailleurs n'oublions pas que c'eft ici le Livrede tous les ages; ce qui doit faire excufer quelques tournures un peu profaiques. L'Innocence. D'une plante étrangere avez vous connoijjance ? Nee au lever du jour, flétrie a, jon coucker, Comme la fenjitive elle cede au toucher. Un fouffle la détmit: on l'appelle Innocence. Sur le choix d'une habitation. O toi! qui veux bdtir descends de la montagne, Que la foudre filonne & que bat l'Aquihn; Suis les pas de ce fleuve errant dans la campagne, Et choijïs pour féjour ce paifible vallon. La fcience des bienfaits. Dérole tes bienfaits avec autant de foins Qiie l'Hypocrite en met a déguifer fes Vices; Sois humain fans le dire & jufte fans témoins; Le jage agit tout feul; le crime a des complices. Terne V. Part ï. L Des  i6z Nouv. Biblioth. Belgiqüb. Des quatres Saifons de la vie. Notre vie eft un champ qu'il nous faut Cultiver; Les Fleurs font au Printems, les Fruits Jont en Automne, Les Travaiex pour l'Eté, le Repos dans l'Hyver, Des Lauriers du Matin le Soir fait fa xouronne. On trouwe chez le même Libraire, Les Lacunes de la Philofophie, eet Ouvrage impritné a Paris a été analifé, dans le meilleur de tous les Journaux, le Journal Encyclopédique, & y a été jugé affez favorablement. On a traité néanmoins ce Livre avec beau.' coup trop de féverité dans ie Journal de Monfieur, qui en a donné un extrait fort infidelle; nóus fommes perfuadés qu'il trouvera des Leéteurs plus équitables dans un Pays, oü 1'on ne juge pas les Livres d'après leur Auteur, mais les Auteurs d'après leurs Livres. Praecepta Medecinae praüicae in ujum Aca~ demicum digefta a N. G. Oosterdyk, Joann. Fil. gr. 8°. de 293 pages; & Leyd'e chez Honkoop 1783. c-i-d. Lef ons de Médecine pratique a l'ufage des Colléges, £fc. Cet ouvrage de Mr. Oofterdyk, Profeffeur en Médecine a Leyden eftuniquement deftinépour fes Disciples, pm'squ'il explique dans fes L9-  JuiLLET,A0ÜT,S£Ist.,I783. lÓJ Lecons le Livre que nous annongons, & qui n'en eft, pour aiofi dire, que Ie Canevas. Zedekundige en Hiftorifche Befchoüwingen, c-d-d. Contemplations Hiftoriques cjf morilles, fur divers jujets, en forme de Dialogues, ü Gouda, chez Wouter Verblaauw 1783. gr. in 8°. de 100". pages. Des lieux communs fur divers fujets de morale, tels que la vraie & la fauffe amitié, 1'adulation, le fade, le fommeil, la vie folitaire, &c. &c. c'eft tout ce que 1'on trouve dans 24. Dialogues entre deux amis nommés Sagion & Tenexes, perfonnages pureraent imagïnaires, & qui n'intéres. fent ni par le fujet de leurs entretiens, ni par Ia manière d'envifager les chofes. Du refte un ftyle plat & fatiguant, des fautes de grammaire a chaque page, que 1'Auteur nomme dans fa Préface des Fautes d'ortogra • phe, pour lesquelles il demande un pardon que le Lecteur ne fera furement pas d'humeur a lui accorder. Handelingen van het Geneeskundig Genood* fchap, onder de Zinfpreuk, Servandis Civibus, &c. c-i-d. Mémoires de la Société de Médecine; Servandis CivibuF. Tom. VIII. è Amfterdam chez P. Conradi, 1783- in gr. 8". 360 pag. Prix f 1 - 16 - o Ce Volume ccntient quatre Réponfes a Ia queftion prdpofée par L 2 W  264 Nouv. Bibltoth, Belgique la Société fur les efFets du Quinquina & fur Ja.maniere de I'adminiftrer, iorsqu'il ne fuffit pas exdufivement dans certaines maladies. Ces Mémoires ont obtenu Ie prix d'une Société capable de les appréci.r, c'effen faire é oge en deux mots. Comme on ne fauroit renfermer dans un feul extrait le précis de *out ce qu'ils contiennent d'intéreffant, & que d'ailleurs cs Volume eft déja entre les mams de tout le monde il nous paroit inutile de nous y arrêter plus longtems. Les Au. teurs couronnés font M, M. Melen, Ter Horfl, Mhhell & Looft Médecins, dont les trois premiers réfident a Amfterdam & Ie dernier a Groningue. On trouve encore dans ce Volume 1'hiftoire d'une opération dangereufe & dïfficile, exécutée heureufement pat le Profeffeur Munniks, qui enieva Ia pierre dans un endroit extrêmement délicat. Cette obfervation a été communiquée è Ia Société parle Doéteur J. Barlinkhojf. > Luzac £f van Damme, Libraires i Leiden ont itnprimé & débitent Duncan, Cafus Médicinales. ex Anglico idiomate in Latinum verft Obfervatitmes de Febribus remittentibus Indiae Occidentalis, illuftrati a D. R™ ■ in 8o Prix ƒ r - 16 - o . " Ed Sandifon, Exercitatimes Actdemicce, Leid pygh, ^ £ 4°.  JUILLET, A0UT,SEPT., T783. l6$ 4°. avecfig. Cet ouvrage du Prpfeiïour&mifi/orteft digne de toute 1'atti ntion des gens de l'a«$: c'eft proprement une fu'te aux Obfervations Anatomiques £f Pathologiques, qu'i! publia précedemenr. II s'attache particulieremenc dans cette première partie a marq^érles dégénerations qu'il a obfervé dans les os, on fent que cette théorie conduit a de npuvelvelles lumières fur la facon de guérir les maladies des os, & que ce recueil eft en ce fens trés précieux a i'humanité. M. Delfos, babile artifte de Leyden , a exécuté lui-même les gravures, qui repréfentent plufieurs ös finguüèrement dégénérés , & dont les originaux ne fe trouvent que dans le Cabinet Anatomique de i'üniverfité de Leyden. Alle de Werken van Flavius Jofephtts, &c. C - i - d. Traduüion de toutes les Oeuvres de Flave Jofephe, enrichie d'Obfervations, par M. Martinet, Pafteur & Zutphen fjfc Tom. I. trrté de planches nouvellement gravées gr. in 8°. de 390 pag. a Amfterdam, chez Allart £f Holtrop, 1783 II exiftoit déja pluöeu^ Traductions de Jofephe; & tout le monde connoit celle d'Arnuud dAndilly,. qui parut ver? le milieu du dernier fiècle. Cette traduflioa quoique répréhenfible par beaucoup d'inexa£titudes fe fait lire encore avec plaifir, en L 3 b.»  W NoDv.BrBLiom België narP- 7 donna la Peine de com • Parer les anciens manu.crits; d'ailleurMe vr J Z r C ^ COnfeils' mais «* Ouvrage ne fc trouve plus chez nos Libraires »umé.. Celle que nous préfente M Martinet eft rno,ns une feconde édition ouvrage nouveau. II a refondu Ie ftl s eft afiuré du vrai fens de 1'Auteur Grec * «furtout enrichi fa Traduction d'une fóuï d'Obfervations Philologiques & Cr,tiquë. qui rendent cet ouvrage infiniment précLx' Quant aux gravures & 4 1'exécution typosra pbiques, elles ne Jaiffent rien d deilrer & le Libraire Mart doit être compté parmi ie petit nombre de ceux qui foutiennent encore la réputation bien chancellante des prefle. & des éditions HoIIandoifes. Redenvoering over de Gelaatkunde, &>c c & d Dijfartatimfur la Phyjiognomome, prononcé'lê il Avtü 1782, par M. Hennen, Profeffeur  Jüillet,Aout,Sept.,t783. 167 en Philofophie è Utrecht, en quittant pour la feconde fois le Reftorat de cette Académie, traduite du Latin en Hollandois par Mr. J. D. Blajfière, a Utrecht chez V. Paddenburg en V. Vloten , Libraires in 8°. de 46 pag. Nous avons déja fait connoicre cet Ouvrage dans le Tome 3 de ce Journal pag. 380 & fuiv. La Traduót-ion Hollandoife que nous, annoncons eft ttès bien exécutée, & mérite plus que de de 1'indulgence, feule faveur que le jeune & modeite tradufteur demande dans fon AvertnTemement. Mr. Bhjfère, fils du Géomêtre de ce nom, entre de bonne heure dans la carrière épineufe & ingrate de la Littérature, & fes premiers pas font augurêr avantageufement de fes ta'ens. C'eft le même qui donna 1'an palïé les Principes de Géotnê trie Élémentaire dont nous avons parlé dans le tems. (Tom. 3 pag. 234) Nous i'exhortons a publier ainfi fucceffivement le réfultat de fes travaux dans des genres auffi oppo£és en apparence que la Géomêtrie & les BellesLettres , mais qui fe prêrent mutuellemenc du fecours & de 1'agrément. De Bybel verdeedigt &c. c-a-d. Apologie de la Bible par Mr. van Hamelsvdd, Tom.\Jf\& Amfterdam, chez Allart, 1763. gr. in 8Q. de 416 pag. Prix ƒ 2-10-0 Ce Volume foutient 1'idée que nous avions «Jcnnóedu mf.4 rite  i68 Novv. Biblïoth. Belgique. rite de cet Ouvrage, (voyez Tom. iv. PaS- 417). Dans Ie feptième Chapitre, qui ouvre ce Volume, 1'Auteur foutient qu'il ne fe trouve dans la Bible aacune contraduftion quelconque ; dans Ie huitième que 1'Ecriture fatnte ne contient rien de contraire a la faine raifon & en par. ticulier a la Pfychologie; & dans le neuvième 1'Au eur prouve la même thèfe par rapport a la Théologie naturelle. II regnedans £et Ouvrage tant de conviétion de ïimplicité «Sc de clarté, que nöus le rangeons fans diffïculté parmi les meilleurs Ecrits que 1'on zit encore publié en faveur de la Révéiation, Taai-Dicht en Letterkundig Kabinet, c-a-d. Bibliothèque Philologique, Poè'tique £f Littéraire, ouRécueilde Dijfertations fur la Langue, la PoèTie éf la Littérature Hollandoife; redieé 6f publié par Mr. G. Btender a Brandis, Tom. V. n°. I £p II. a Amfterdam chez les Groenewoud 1783. Prix ƒ 1 - 4 - o Le Rédadteur de cet Ouvrage continue a le rendre intéreffant, non feulement pour les JeunesPoëies Bataves, mais eucorepour tous les gens de goüt. Conformement a fon plan, chaque Cahier eft divifé en deux parties. Dans la première on trouve foit des morceaux de bonae profe, foit des extfaits de Discours & de ' -' ' Mé-  ]uli.let,Aout,Sept., 1783. ïc°9 Mémoires rélatifs aux Beaux-Arts. Mr. B. a B. fait faire un choix judicieux de ce qu'on a écrit de mieux fur ces matières foit chez 1'Ëtranger foit parmi nous. II fait ainfi contiibuer tour a tour a la perfeclion du goüt national, le Frangois, 1'Anglois & 1'Allemand. Nous avons difting;;é dans ce Volume n°. 1. une Differtation fur la poëfie didaclique, tirée des ouvrages de Mr. le Batteux, & de Ramler. Dans la feconde Partie , aux préceptes, 1'Auteur fubftitue d'excellens modè'es, tels font entr'autres quelques morceaux de Mlle. Woefihoven, & de Mr. Hazeu. On trouve chez les mêmes Libraires, Harwood, Vrolyke gedagten, Éf c. c-A-d. Pen* fées agréables fur le bonheur d'une vie religieufe traduit de 1'Anglois du Do&eur Harwood, gr. in &vo. Prix f 1 - o - o Cet ouvrage eft deftiné a encourager & a foutenir le Chrêtien timoré, a lui donner de juftes idéés de la religion, en lui prouvant qu'elle feule donne Ja véritable joye & le vrai bonheur. Nederlanfche Reizen, &c. c-a-d. Foyages des Hollandois entrepris dans les pays les plus reculés de l'Univers, pour Vavancement du Commerce £f de la Navigation, ouvrage'dans lequel on trouve les avantures les plus bizarres, £f te recit des dangers aaxquels les voyageurs HolL 5 lan--  tfo Nouv. Biblioth. Belgiqub. iandois ont été expofés; avec des figures, gr. in Evo. Tom. I. a Amfterdam &f a Harlingen chez Cmradi van der Plaats 1783. Prixf 1 -16-a C'eft fous cetitre qui femble plutót annoncer un Roman qu'une Hiftoire, qu'on nous donBe un Extrait de 1'Hiftoire Générale des Voya ges, & d'autres ouvrages fur ce fujet. Ce premier Volume, qui fera fuivi de plufieurs autres, contient le recit i". de la première expédition des Hollandois & des Zélandois, pour chercber par Ie Nord- un paffage a la Chine & au Cathai, 20. de Ia feconde ex» pédition pour le même objet, 3». du troiijètne Voyage vers Ia mer glaciale, avec les avantures de Willem Barendsz & de Jacques van Heemskerk, pendant le terrible hyver qu'ils paflerent 4 Ia nouvelle Zemble, 4». du premier Voyage des Hollandois aux Indes Orientales en 1595. Ie tout eft précedé d'un appergu général fur 1'origine & les progrès de la Compagnie des Indes Orientales &c. &c. On voit que cet Ouvrage n'eft au fond qu'une fpéculation de Libraire. Proeve over de middelen, &c. c-è d. EJJai fur les moyens de protéger la navigation £ƒ le Commerce de la République, comme aufti d'asfurer fes poffeffions dans les deux Indes gr. in Z"i a- Amfterdam. chez van Harrevelt, 1783. Prix  Juillet,Aout,Sept.,I783. 17% Prix ƒ 2 - 4 - o Nous y reviendrons danst le Trimeftre prochaïn. Idea Lingua Belgica, &c. c è-d. Explication générale de la Grammaire, de la Poëjii de la Rhétorique Hollandoife , par un Jnonyme Hollandois, publiée par Mr. E. van Driel, ReEteur de l'Ecole Latine de Goes, a Leide chez les Frères Haak, gr. in 8°. de 138 pagesifZ$Prix ƒ o - 18 - o Cet anonyme eft Mr. Adrian Verwer; connu par plufieurs Ecrits fur la langue Hollandoife. On doit favoir gré i Mr. Van Driel, d'avoir procuré une nouvelle Edition de 1'ouvrage qua nous venons d'annoncer & qui eft fufSfamment connu. L'Editeur a enrichi ce Livre de quelques notes de fa facon, qui nous ont paru dignes de figurer i cóté de 1'ouvrage de Mr. Venver. Hiftoire, &c. ca d. Hiftoire du Cemte de Valmont, ouvrage traduit du Frangois, Tom. ƒ. gr. in Svo. de 32Ó pag. a Delft chez De Groot; 1783. Prix ƒ 1 - 16 - o Ce Roman qui a fait beaucoup de fenfation en France méritoit les honneurs d'une bonne Tra-j duction, on vient de les lui décerner: le Tradudteur a fort bien faiil la manière de fon original, desorte que ce Roman pourra être auffi utile a lajeuneffe Batave, qu'il doitl'avoir été* dans fa Fatrie, oü il eft cependanfc moins  ï?2 NOÜV. BlBLIOTff. BeLGIQUB. moins rare que parmi nous de trouver des Comtes de Valmont. PIECES FUGITIVES, La tombe d'Ismene, romance P ! X loncé dans le deuil, dans les Iaraies; Je revois l'aube du matin. Et je ne trouve plus de charmes Qu'a me rappeller mon chagrin. Soit que le foleil disparoiffe, Soit qu'il éclaire le vallon, Toujours de ma douce maitrefle Ma bouche répete le nom. Souvent fur l'écorce d'un faulé • Ma main tracé un chiffre chéri; Mon tendre coeur qui fe défole, - Par fes maux, hélas! ell flétri. , Qu'elle était belle, mon Ismene! Et comme elle favoit m'aimer! . Tout refferroit I'aimable chaine Qu'amour entre nous fut former. Maislamort, trompant matendrefle, A brifé cet heureux lies. Ismene expire. ..elle me laiffe... . Et fon tombeau n'eft pas Ie mien 1 Ainfi  JüILLETjAoUT, SePT., I783. X&j Ainfi que gémit !a colombe Dont on vola les ceufs fans brult, je m'en irai defl"us fa tombe Et lamenterai jour & nuit. A l'échs je ferai redire Le trifte chant de ma douleur, Et ma voix aura foin d'infiruire Bois & ruifleaux de mon malheur, 1 -J Jusqu'a 1'inftant que plus humaine» La mort terminant mon tourment, Vienne rejoindre a fon Ismene Celui qu'elle aima tendremeut. Peut-être un jour une bergère Gravera fur 1'antique orrneau, Dont le feuillage folitaire Ombragera notre tombeau: „ Ici, fous cette herbe flétrie,! Dorment Ismene & Licidas; Ils s'aimerent toute leur vie; La mort ne les défunit pas". Ainfi chantait dans fa détrefife Le berger tendre & malheureux; Vers Ie tomheau de fa maitreffe II marche en s'effuyanc les yeux. Tout en traverfant les bocages, Le vent mugit avec fracas, Ec le ciel couvert de nuages Eft fombre comme Licidas. Bierw  f74 Nouv. Biblioth. Belgique. Bientót il revoit 1'aube - épine Dorst Ie berceau les tint au frais; Puis il arrivé a Ia colline Oü fon Jsmene dort en paix i II approche... Sa main tremblante Couvre cette tombe de fleurs, Et place un bouquet d'amaraiïte Que fes yeux ont mouillé de pleur*. Affis fur le tombeau paifible, II s'attendoit que le deftin, A fes maux devenu fenfibie, Par un prompt trépas y mit fin: Au jour déja fuccédoit l'ombre Qui par degrés sVpaiflïflbit, Et dans le firmament plus fornbre L'étoile du foir paroüToit. Tout-4 coup Ia tombe s'agite; L'ormeau veifin paroit trembler; Leruiffeau bouilionne... & moins vica Son onde femble s'écouler ; Licidas penfe que fa vie Va fe terminer cette fois, Quand de cette tombe cbérie Sortit doucement une voix. Cefie de pleurer ton Ismene, Confole-toi, cher Licidas; La mort a brifé notre chainej Mins un jour tu me reverras : Ton  JUILLET,A0UT,S£PT.,I783. 17$ Ton Ismene n'eft point perdue: Ce gazon qui fleurit fur moi, Dérobe mon corps a ta vue : Mais mon cceur vole autour de toi. Si, malgré ta triffe aventure, Tu vis fans abréger tes jours, Tu retrouveras, je t'affure, Et ton Ismene & tes amouxs: Mais fi ta douleur téméraire, De ton cceur banniflant Ia paii, Croit qu'il faut mourir pour me plafre, Tu perds Ismene pour jamais La voix fe tut... L'amant fidelle. Touché de ce dom fouvenir, D'efpoir vit luire une étincelle, Et ne fongea plus a mourir. Dès Iors, quand la mélancoiie Attrifte fon ccur ifolé, II vole è la tombe chérie... Puis il en revient confolé. Frog*  176" Nouv. Biblioth. Belgique. Fragmens fur le lac Lèman ou de Géneve. O printems de I'année! ófaifondu bonheur! Je puis donc me li vrer a ton omme enchanteur, Abandonner mon ame aux douces rêveries, Errer paifiblement dans des routes fieuries,Et d'un monde frivole oubliant les dégoüts, Trouveren lequittantles plaifirs les plus doux! Ici, loin de ces murs qu'habite la molleffe, Afixer tous mes goüts Ia nature s'empreffe; Son vafte livre s'ouvre... & mon dsil attentif Ne peut fe détacher dece livre inftruéïif. Sur ces bords fortunés que le Léman tranqm'Ue Carefie mollement de fon onde mobile, Et dont il deffina les élégans contours, Se contemplen: 1'aurore & Ia fin des beaux Jours. Devant moi font ces monts,, ces Alpes fourci'N leufes Qui cachent dans les cieux leurs cimes orageu. fes ; Tantót leur front couvert d'immobües brouil• Isrds, Sous ce voile uniforme évite mes regards. La rive de Savoye échappant i ma vue, L'onde avec le brouillard mélée & confondue, L'ob'  JuIlletjAoüTjSept., 1783. ÏÖ7 L'obfcurité Iugubre oppofant fon rideau, Tout d'une immenfe mer femble ofFrir le tableau. Du profond avenir, ce trifte pay&ge Préfente au naturel la ténêbreufe image: Tantót 1'aftre du jour éclairant les vallons, Colorant les cóteaux, dorant le haut des monts, Releve des fapinsla noire cbévelure, Par 1'éclat de fes feux jouant fur la verdure; Et rèpétant alors dans fes profondes eaux, Les Alpes, les forêts, les villes, leshameauxj Le Léman applani par un heureux miracle, A nos yeux abufés doublé encor ïes fpectacle. Dans le jeune age ainfi le prisrae du plaifir Multiplie une erreur qu'il a foin d'embellir. Quelquefois, quand les vents disperfant les nuages, Les font errer dans l'air fur l'aile des orages, Le foleil tour-a-tour disparoit i mes yeux, Tour-a tour reparoit, plus vif, plusradieur. II fe cache... il revient... 6t par des jeux fans nombre Mélange les efFets & du jour & de 1'ombre» Ici c'eft un vallon dont il dore un cóté, Tandis quel'autre encore eft dans l'obfcurité; La des flots de lumiere inondent les montïgnes, Pendant qu'un voile épais obfcurcit les «ampagnss; Toni. F. Fart.i. M £t  IrS8 nouv. BlBLIOTH. BeLGIQUE.' Et plus loin un nuage éclipfant fes rayons,' Promene lentement 1'ombre de monts en monts; De I'obfcur & du clairlesteintesoppofées, Entre 1'ombre & Ie jour les ondes divifées, Par la mobilité de ce tableau trompeur, Enamufantles yeux, parient encore au cceur. Telle eft, me dis-je alors, Timage de ma vie, A 1'inftant éclairée, è I'inftant obfcurcie. Le flambeau du plaifir me lance mille feux, M'embrafe, m'éblouit, & je crois être heureux. Mais bientót Tinfortune étendant un nuage, M'intercepte foudain fes feux dans leur paffage» Et chaffe demon cceur, trop aifément féduit^ Le jour leplas brillant paria plus fombrenuit. Mais pourquoi s'occuper de ces triftes images ? Pourquoi fous un ciel calme entrevoir des «rages? D'un avenir voilé refpeélons Ie rideau : Joutffons du préfent; Ie préfent eft fi beau I Desrofesdu printems parons encor nos têtes, Et chan tons les beaux jours fans pré voir les tempêtes. Eh quoi! ma lyre échappe, ellegliffe; mes doigts Immobiles, glacés, vont céder i fonpoids. Quels accens! écoutons...i!s me charment. c'eft elle! Dans ce bosquet voifin, oui, j'entends Philomele. Ls  Jitillet,Aout,Sept., 1783. 169 lefouffle du zéphir balancantles rofeaux, Les fons que le berger tire de fes pipeaux, Le murmure de 1'onde arrofant cette rive, Captivererem toujours mon oreille attentive; Mais tout cede a* 1'attrait de ces nouveaux aêcens, J'écoute... Ie plaifir enchaine tous mes fens. Souvent quand 1'ombre regne en nos champs taciturnes, M'arrêtant tout-a- coup dans mes courfes nocturnes , Par les fons variés de fa touchante voix, Philomele me charme & m'attrifte a la fois. Tantót je crois entendre une époufeéplorée, Tenant 1'urne oü repofe unecendre adorée/ Aux cieux fourdsi fes cris redemander en vain Un époux que Ia mort a frappé fur fon fein. Tantót je crois ouïr cette élégie augufte Que chante vers la tombeoü repofe Ie jufte, Un heureux habitant du célefte féjour, Descendu fur la terre au déclin d'un beau jour. Irréfiftible élan du dieu de 1'harmonie, Au-deffus de lui-même éleve mon génie, Comme un torrent fougueux qui furmonte fes bords! Fais que le fentiment doublé encor mes tranfports; Viens, apprends a mes doigts vacillantfur ma lyre Aporter dans les fenscerapide délire, M 2 Qui  I70 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQUE. Qui par des fons plaintifs, par des accords vain • queurs, Charme, émeut, attendrit, & fait couler des pleurs. Oui, c'efU la nature, a fa touchante étude; Que je dois les plaifirs de cette folitude; C'eft elle qui guidoitimes goüts mes penchans, Et qui dès mon berceau préfidoit 3 mes chants. De Tonde du ruiffeaufuyant dan9 la prairie, Et murmurant le long de fa rive neurie, J'appris a cadencer ces faciles accords Qui m'échappent fans peine & coulent fans efforts. Et la voix des oifeaux errans dans les bocages, Gazouillant leur bonheur a 1'ombre des feuillages, M'inftruifit autrefois a chanter ces amours Qui de notre jeune ageembelliffent le cours. Si les cieux irritésépouvantoient la terre Par les feux de Téclair & les coups du tonnerre ■ £t fi le lac battu, foulevé par les vents, Méloit fon bruit lugubre a leurs longs Hf/lemens, Aux fons tremblans & fourds échappés de ma' lyre, Je transmettois 1'effroi que la tempête infpire • Et tous mes fens glacés du friffon de 1'horreur Decetteaffreufe fcene admiroient la grandeur. Quand la nuit fourniffoit fon obfcure carrière, Combiendefois, errantlelongd'uncimetiere', Ou  JüILLET, A0UT,SEPT., I783. I71 Ou triftement affis fur d'antiques tombeaux, De Pempire des morts j'ai troublé le repos! Alors je penfois voir une ombre défolte S'avancer lentement du pied d un maufolée, S'approcher de ma lyre, & gliffant fur fes bords, Former des fons plaintifs, tels que le chant des morts. A Tinftant cet airain, dont le marteau fans ceffe De la perte du tems indruk notre parelTe, Et nous conté chaque heure alors qu'elle s'enfult , Ebranlé coup fur coup, m'apprend qu'il eft minuit. L'oifeaudu deuil fortant du fond d'une mafure, S'agite, bat de 1'aile, & pouffe un long murmure; Et le vent qui frémit dans un arbre entr'ouvert, Siffle, & fe joint encore a ce trifte concert C'eft la, fur ces tombeaux & parmi ces décom. bres, Que d'Young & d'Hervey j'interrogeai les ombres; Un crêpe entrelacé de branches de cypréfc, Ombrageoit leur front pale & leurs fourcils épais. Un charme irréliftible au prés d'elles m'entraine; J'appercois dans leurs mains une lyre d'ébene ; Je m'approche... j'écoute, & leur lugubre voix En fons entrecoupés répete par trois fois: M 3 » La  172 Nouv. Bibliotiï. Belgique. „ La terreur du vulgaire eft le defir du fage; La more n'eft qu'on long calme après un court orage; A descendre au tombeau, mortel, borne tes vceux; Creufer le fien d'avance eft 1'art de vivre heureux". Mes yeux, comme mon cceur, aiment tes voiles fombres, O nuit! viens; fur ma tête accumule tes ombres; Prends garde que Phébé déchirant ton ridean, Sur tes pas malgré toi n'agite fon flambeau. , Mais non, ne la crains point; bien loin de le détruire, Sa préfence par-tout fait chérir ton empire; De ta robe trop noire éclairant les replis, Elle conduit ton char dans les cieux embellis • Et miniftre riant d'un monarque Jéveie Elle adoucit 1'horreur de ton vifage auftere. Déji vers 1'orient, au fommet de ces monts,' Dont la verte ceinture embraffe nos vallons, * Je diftingue... je vois fa lueur vacillante Découper de ces roes la cime blanchiffante. Bientfr fon front tremblant par degrés s'a'r roadit, Se dégage, paroit, s'éleve & s'agrandit. Je te faiue, ó lune! Avance... La barrière ö abBjfle... & devant toi s'ouvre enfin la carriere. Plonge  JuilleTjAoüTjSept.jI^Ss. i?3 Plonge fur le Leman, regarde fes reflets, Multiplier ton luitre « proionger tes traits. Arrêtons-nous; voyons des teintes infenfiblei Nuancer le miroir de ces ondes paifibles. A la noirceur fuccede un bleu qui s'éclaircit; Puis la blancheur coupant Tombre qui 1'obfcurcit, S'étend dans fa courfe argente la furface Ou la lune en paffant fixe & brife fa tracé. Son disque par zéphir balancé fur les eaux, Ebranle en fe jouant fes mobiles rézeaux, Qui disperfant en rond desgerbes delumiere, Frappent, fans 1'éblouir, ma débile paupiersRegardez fe croifer fur ces prismes nombreux Le reflet inconftaut de fon front lumineux. II s'agite , il circule, il fcintille, il ondoie; Chaque flot le recoit, chaque flotle renvoie; Des rayons prolongés aux deux bords du Leman Ceignent ces flots unis d'une écbarped'argent, Qui dans l'éloignement plus étroite & moins vive, S'affoiblit & s'efface en touchant 1'autre rive» Et repréfente a 1'ceil qui 1'admire & la fuit, Un cóne étincelant dont Ia pointe le fuit. O fpeétacle enchanteur! comme dans foflpasfage La lune embellit tout de fa mouvante image! Du fommet des rochers jusqu'au fond des vallons, Sa paiilble lumjere épanche fes rayons. M 4 Voyg2  ?74 Nou?. Biblioth. Bblgiqub, Voyez Jè des ruiffeaux illuminer Ia route, Ducalice desfleurs brillanter chaque goutte; Etdégradant fon luftre a travers leurs rameaux G.ifler de feuille en feuille au bas de ces ormeaux. Mais un nuage approche, & lentement s'avance; Son front è fon afpect treuible & palit d'a, vance. Tu difparois, hélas! Envain par tes efforts Ton ennemi moins fombre a vu blanchir fes bords ; Tu décoches en vain tes fleches lumineufes. Elles ne percent pas ces vapeurs ténébreufes* Si ton disque ub moment en parolt dégagé, II s'éclipfe bientót dans Ia nuit replongé;' Denouveaux ennemis s'accumulent, s'entasfent, Et redoublent encor les onibres qui t'effacent : Mais 1'aquilon rapide arrivé i ton fecours Des nuages vaincus précipite Ie cours, ' Promene en triomphant leur mafle qu'il divife, Les ouvre en cent endroits, les disperfe & • les brife. Je les vois dans les eieux, je les vois dans les eaux, Vainement raffembler leurs flocons inégaux, Dans leur fuite forcée ombrager leur paflagê ?t noircir tour-a-tour les Mots & le rivage. Qu'il  JüILLETj Aout}Sept.jI783. ijs Qu'il eft doux, quand Phébé, reine de \'anivers, Monte avec majefté fur le tróne des airs, D'abandonner fon ame au cranfport qui 1'aniine i Chaque penfer qui nait eft un penfer fublime ; On diroit que le cceur, ému profondément, Aux foux de la vertu joint ceux du fentimeut, De la terreftre argille arrête 1'influence, Et dans 1'éeernité va s'enfoncer d'avance. Un nouvel univers s'ouvre alors a nos yeux, Des plaifirs inconnus nous'arrivent des cieux II femble que, brifant une pefante chaine, Notre esprit plus léger vole & plane fans peine, Et qu'aux champs de 1'éther rapidement portéj fl ne fent plus le poids du corps qu'il a quitté. Mj COR  576" NOÜV. BlBLÏOTH. Bjjlgique.' M. La trabifon eft toujours un crime odieux; mais il eft des circonftances qui la rendent plus ou moins révoltante. Celle qui, par une juftice du ciel ; vient d'oscaQonner 1'emprifonnement d'un cüré de campagne, a la cmciergerie, vous fera frémir d'indignation. Un malheureux déferteur s'étoit retiré chez lui dans Tespoir d'y trouver un refuge inviolable: II lui fait l'aveu de fa fituation, réclame la charité qu'il a droit d'attendre d'un Pafteur de la religion & s'abandonne a fa bienfaifance & a fes confeils. Le curé femble s'intéreffer a fon fort, lui promet de fonger aux moyens de le fauver, & le cache dans un coin de fa maifon. Le Déferteur veut y goüter la tranquillité; mais il éprouve malgré lui Ia vérité de ce qu'a dit le prince & le philofophe des poëtes: Qui tout coufdble ejl timide; & c'eft en vain qu'il invoque les don- CORRESPONDANCE LITTERAIRE SECRETTE.  Juillet, AouTjSept., 1783. 177 douceurs du fommeil. Au milieu des ténébres il entend des gémifTcmens & des imprécations. Le cceur ïui bat, il fe leve fur fon féant, écoute avec inquiétude & s'alTure que ce n'elt point une terreur panique, mais bien une réaliié. Les plaintes & les ais redoublgut, fon agitation s'accroit, il fe leve avec efFroi & va daucement vers 1'endroit d'oii ils paroiflbient venir. II en approche en effet & reconnoit Ia voix de fon hóte & celle d'une femme dans les douleurs de Tenfantemenr. Quelie fut fa furprife, ou plutót le désordre de fes feminiens, d'entendre cette mere gémir fur Ie fort de Pinfortunée créature qu'elle alloit mettre au jour, tandis que ce prêtre barbare lui témoignoit la néceflité de le lui ravir auffuoót. J'enferai comme des autres, lui difoit-il avec férocité. Saill d'horreur le malheureux déferteur fe xetire a petit bruit & n'öfe fe permettre de vair l'iffue de cette fcene criminelle. II doute cependant & ne peut entierement renoncer a" la cruelle conviftion de cette atrocité. Rentré dans fon réduit, ilprête une oreille attentive, ctbientót il croit reconnoitre le moment de 1'enfantement. II re tarde pas enfuite a entendre une potte s'ouvrir & le curé fortir: proritant d'une lucarne qui donnoit fur le jardin, il juge a la marche & au bruit qu'il y entend, que  i>8 Nouv. Biblioth. Belgique. que c'eft la qu'eft dépofée I'innocente viftime. Rempli d'horreur pour 1'indigne fcélérat qui lui fervoit de bienfaiteur, il attend le matin avec impatience pour s'en éloigner. II prend néanmoins toutes les préeautions néceflaires pour ne point troubler fa fécurité. II le prie de lui donner une marche ót des recommandations pour la fuivre fans danger. Le Curé foupconnant peut-être la caufe de cette réfolution fubite & fentant la néceflué de fe défaire d'un individu aufli inquiétant, réfolut de le perdre. II feignit de condes. cendre a fes defirs & lui dit qu'il pouvoit fe rendre i tel bourg prochain, qu'il le chargeroit d'une lettre pour le Brigadier de maréchauffée qui y réfidoit, qu'il le lui recommanderoit comme un paroiflien , & le prieroit de lui donner un pafleport. Cet appas étoit féduifant, le foldat 1'accepta avec joie & partit. II arrivé chez le Brigadier, lui préfente ]a lettre de fon Patron, & fe croit déja muni d'un Pafleport qui va le conduire aux extrêmités de la France. II étoit loin de penfer que cette pritendue recommandation n'étoit qu'un prétexte a la délation Ia plus perfide. Le Brigadier recoit Ia lettre, la lit, regarde avec étonnement Ie porteur & lui demande , s'il tfl en effet le nommé Tel ? — oui M — vtnant de chez le curé Tel — Oui M. Eh  Jüillet,Aout,Sept.,I7o3. i?9 Ek bien, Mon ame, je vous le dis i regret; mon devoir m'oblige de vous arrêter comme déferteur: Ce curé Tel vous dénonce a mon minijlere. Confondu d'une aufli noire trahifon, le malheureux balance quelque tems entre la reconnoiffance & fon indignation ; mais déterminé par 1'espoir de fe fauver en démasquant un traitre fi digne de la févérite des loix, il raconte au Brigadier 1'étrange aventuredont lehafard 1'avoic, pour ainfi dire, rendu le témoin oculaire. L'officier raflemble a l'inftant fa cohorte, vole chez 1'indigne pafteur, s'en faifit, conftate les faits, laifle un gardien a fa malheureufe complice, & configne en prifon 1'odieux fcélérat qui dans un même jour avoit commis les plus abominablesdetous les crimes ,eeux de traitre dedilateur & $ infanticide. Son procés, dlt-on, s'inftruit; mais on peut parier a coup-für qu'il n'en rélultera, tout au plus, que Ie féqueftre de ce monftre. On ne manquera pas de parier pour 1'bonneur du corps, peutêtre pour 1'honneur de ia religion, comme fi le plus bel attribut de 1'honneur & de la religion ne devoit pas être de contribuer è I'épurement de la fociété par le maintien & 1'exécution indiJlinSlive des loix. Cette inégale efficacité des loix dOnne beau jeu aux perfonnages qui fe croyent certains de  r8o Nouv. Biblioth. Belgique. de 1'impunité & dont rimpudence, par cette raifon, eft presque toujours le partage. Un illuftre par fes titres & par fes cordons, fe préfenta derniérement chez fon bijoutier ordinaire: Je voudrois, dit-il, une belle botte de fantaijie. Ou fe profterne, on s'emprelTet on étale tout ce que Ie goüt a de plus exquis. Monfeigneur parcourt avec convoitife cet affembtage d'or; il voudroit de tout fon crsur s'en emparer, mais le moyen d'y parvenir! Qui trep embrajje mal 'étreint. II bor. ne donc pour cette tois fes prétentions a une feule boite, & il conforame aifément cette petite capture. II confidére celle du plus haur prix, la faiiit adroitement après en avoir touché vingt autres avec indifférence» & Ia met tranquillement dans fa poene. Gette opération faite, Mgr. fait appelier fes gens; monte dans fa voiture, prodigue au marchand les plus galans adieux & le laiffe enchanté de fon urbanité. Huit jours paffent, 1'époque de I'inventaire arrivé & annonce au marchand la perte de fa Boite. Qi'eftelle devenue? il fe caiTe Ia tête envain pour le deviner. lorsqu'un beau jour Mgr airive 6: la lui préfente. en lui difant; eette Boite m'ennuie depuis longtems; je veux m'endéfaire : vaut elle bien cinquante kuis! ;Oui M., répond le Marchand, tout ébahi de revoir fa chere boite,  JüILLETj AoUTjSEPT. , I783. igf boïte, & confondu de 1'aifance hardie avec laquelle on s'en arrogeoit Ia propriété & Ja valeur. Le mot étoit laché & le pauvre Marchand donne les cinquante louip. II dé♦oroit intérieurement fon indignation, fachant trop bien qu'envain il s'adrefferoit aux tribunaux, qu'en vain il y porteroit fa réclamation, n'ayant que trop d'exemples récens qu'un Grand parvient toujours non feulement a fe juftifier, mais encore è faire punir quiconque a légitjmcment fuspetté fa bonne-foi. Les gens les plus férieux par état s'amufent ici a faire de ces plaifanteries de fociété qu'on appelle Myflifications, depuis que feu Póinjinet d'innocente mémoire en a été 1'ob. jet. L'abbé Amoud de l'Académie frasgpife a fuppofé qu'un 'jeune homme de province avec leque! il eft en correspondsnce doif venir fe perfeftionner a Paris, dans Ia culture des lettres, qu'en conféquence il fe propofé d'y voir les gens de 1'art les plus diflïngués & entr'autres M. le Chevalier de Mouhy dont il a concu Ia plus grande opinion fur les romans: (vous connoiffcz de réputation le Chevalier de Mouhy; c'eft après le Che. du Coudray 1'être le plus ridicule comme Auteur. ) Le prétendu jeune homme, pour commencer la connoifTance, a envoyé è 1'Abbé Arnaud, des ftances a la louange du Chevalier, & les voici.  ï82 Nouv. Biblioth. Belgique. voici. L'Abbé Arnaud lui-même les i faits & Ifs a lus a 1'idole crédule. Un des flus grande avantages Dont k fiecle ait joui: C"e/ï d'avoir vu les ouvrages Du Chevalier de Mouhy. (Ici le Chevalier tronve de la facilité.) Ils refpirent la NobleJJe; L'esprit en eft ébloui. . Non: nul auteur n'intérejje Cemme Monfieur de Mouhy. Ah! dit le Chevalier en fe rengorgeant mo. deflement , votre jeune homme eft trop honnête. L'on prétend qu il n'eft point htmme, Qui n'ait quelquefois menti, Mais perfonne ne ment comme Le Chevalier di Mouhy. Comment? Qu'eft ce que cela veut dire? Eft ce que l'on fe mocque de moi? i Patience, M. le Chevalier. Non, M. 1'Abbé, je n'écouterai pas davantage cette hupertinence. L'Abbé continue:  JüILLET, A0UT,SePT.j i783. IoJ Le bon goüt, 1'adreJJe extréme Dont chaque ouvrage eft rempli, Font préférer au vrai même Les Menfonges de Mouhy. Qu'entens - je ? c'eft charmant! Quelle louange délicate & quelle adreffe pour 1'amener? avoir 1'air de dire une injure, (fc faire un compliment ? ï)ü pays qui m'a vü naitrt jfe ne fuis jamais forti, jf'en fortirai pour connoitre Le Chevalier de Mouhy. Eh ! qu'il ne fe dérange pas; il me connoit de réputation, cela fuffit. Je ferai pourranc charmé de voir ce jeune homme li; il promet. Taille noble £p jambe fine, Oeil brülant rèjoui; Voila comme j'imagine Le Chevalier de Monhy. (let le Chevalier ne dit mot, parcequ'il eft vieux, boiteux & boffu.) Qu'il doit injpirer d'allarmes A tout amant, a tout mari l Comment réftfter aux charmes Du Chevalier de Mouhy! Tom. F. Part X. N DaftU  ï84 NOUV, BlBLIOTH. Belgique. Dans ms jeuneffe comme un autre, mais avec I'ige on fe range. D'ailleurs il faut de la moraie, & 1'adultere n'en eft pas. Vuifjent donc les deflinéts Conferver gras £f fieuti, Pendant de longues années, Le Cnevaiier de Mouhy! Ici fïnit la myftification qui a beaucoup feit rire aux dépens du bonhomme. Vousfavez, M., fur qui Ie choix de I'Académie eft tombé pour Ie prix d?ftiné par M. de Monthion a 1'aftion Ia plus méritoire parmi le Peuple. La fruitiere du Louvre Sc le Cocher de Fiacre ont été évincés pnr une femme de Chambre qui a nourri fa Maitrefle pendant quatre ans. L'Académie a ignoré ou mal connu un fait fi public, fi bien prouvé, dont les motifs font fi clairs, qu'il 1'eüt emporté fans doute, fi dans tous les genres Tbémis ne dépofoit fouvent fa balance. II s'eft paffé, il y aquelque tems, a" Caen, Un Peintre dégouté de la vie fait le proj'et de fe tuer. II appelle fon domeftique: Tiens, lui dit-il, en lui donnant une caffette, je ne veux pas mourir fans te faire du bien; vas rendre tous mes bijoux & fais toi une rente viage-  Juillet, Aoüt,Sept>,I783. 185 viagere de Pargenc qui en proviendra. Le pauvre domeftique plus attaché a fon maitre qu'a la fortune, pleure & fupplie fon bienfaiteur de reprendre fes dons & de vivre^ mais fes efforts font vains, il eft pouffé hors de la chambre avec Ia caffette. N'ayant point de tems è perdré, il s'éloigne & court dépofer chez un ami dont il eft für, ce qu'on 1'a forcé de garder malgré lui. II revient promp. tement fur fes pas; il voit a la porte de Ia maifon le peuple affemblé ft Ia Maréchauffée qui traine un cadavre. II ne doute point que ce ne foit fon malheureux maitre; il veut le fecourir; il foutient que fes plaies ne fonc point mortelles, mais Ia juftice a des formes a remplir, & les formes s'oppofent è toutce qu'il demande. La Loi d'abord, enfuite 1'humanité. Quelle fituation pour le plus tendre & le plus fidele des amis! ( car peut-on nommer autrement 1'homme capable du dévouement Ie plus fublime?) Mon Maitre n'eft pas mort, s'écriet-il encore une fois, & mon maitre n'eft pas coupable de Suïcide; c'eft vous qui Paffaflinez fi vous ne le fecourez; c'eft vous qui ferez coupables fi vous Je condamnez au fupplice infame de ceux qui s'asfaffinent eux-mêmes: Connoiffez 1'auteur du crime.... C'eft moi; c'eft moi... On 1'arrête, on I'entraine aux pieds des Juges qui Ie Na co».  185 Nouv. Biblioth. Belgiqüb. confrontent avec le corps, mais ce corpS esaminé avec plus d'attention, quoiqüimmobile, ne femble pas tout a fait inanimé; les Chirurgiens (ondent les plaies & ne les trouvent pas mortelles; on espere, on voit i'heureux prngrès des feeours adininiftrés, &fi Ie nialada n'a pas encore, au bout de plufieurs jours, articulé une feule parole, il pariera pourtaat, & l'on compte fur le moment attendu. Cependant, contre toute vraifemblance, on condarane le Domeftique au fupplice des affaflins, & il fera exécuté dès que la voix fera rendue a fon maitre. Elle lui eft rendue, il demande fon fidele Jacques. On Ie croit dans le délire, on ne lui répondpas.— Qui donc a pü me fauver, s'écrie-t-il, fi ce n'eft Jacques; oü eft-il ? ... On le lui amene enfin, mais enchainé. —. Que vois je, celui qui refufoit ma fortune, qui me con- juroit de vivre ! A ces mots le malade s'«vanouit; mais,.Ie prétendu coupable tft iibre, on eft certain de fa générofité qu'il avoue, parcequ'il a vu fon maitre vivant. i[ a voulu fauver la vie a ce maitre fi cher; il vouloit lui fauver au moins 1'honneur au prix de fon propre honneur & de fa propre vie. Tous deux ont vécu & fans doute vivent encore. Croyez vous, M., que l'Académie dut hifi-  JuiLLET, A0UT,SePTo I783. I 87 hénter a prononcer en faveur d'un pareil irait, fi toutefois il n'eft pas au deflus de toute récompenfe. Le fpeftacle de deux enremis, aeharnés è s'entr'arracher la vie, trouvant au milieu de leur rage la fource d'une réconciliation & d'une réconciliation & d'une amitié durable, a fans doute , quelque cbofe d'intéreflanc pour un cosur fenfible je m'empreffe de vous en faire part. Deux foldats du Régiment des Gardes-Franfoifes, aigris par diiFérentes querelles, s'étoient inutilement battus a 1'arme Manche fars parvenir a fe blefler ni 1'un ni 1'autre. Peu fatisfaits de cette première charge, ils convinrent de prendre des armes moins douteufes, & s'armerent de piftolets. Les conventions faites, celui des deux a qui Ie fort avoit accordé 1'avantage de tirer Ie premier, lache fon coup & manque fon adverfaire. Celui-cï a 1'inftant, fond fur lui & lui démontre faci- Jement qu'il eft maitre de fa vie. Tu feux la prendre, répond 1'autre avec tranquillité; je t'ai manqué, venge toi. Auffitót, il tourne la tête. Ce noble dévouement étonne & touche fon camarade: ce n'elt plus fa vie qu'il veut , mais fon amitié: il jette fes armes & le ferre étroitement dans fes bras. Cette belle aftion ayant été connue du Rér N 3 £>•  188 NOUV. BlBLIOTH. BeLGIQTJE. giment. M. Ie Marécha! de Biron en a voulu fimoigner fon contentement, en donnant a fes deux braves & géuéreux foldats des récompenfes & des éloges. La Sorbonne qui ne peut pas disconvenir quelle n'ait quelques dettes a acquitter envers 1'humanité, a eu quelques Membres qui s'en font occupés. II faut mettre de ce nombre ceux qai fe chargent de la trifte & péni' ble fonétion de conduire & d'exhorter a la mort les malbeureux expirant au gibet ou fur Ja roue. L'Abbé Gros de Be/plas, 1'un de nos bons orateurs de la Chaire, ne s'eft pas contenté de porter ces confolations dans I'ame repentante de ceux qui fuccombent au glaive de la Juftice, il a cherché è adoucir leur fort dès les commencemens de leur punition, & furtout celui des innocens confondus avec eux dès qu'ils font accufés. C'eft a un morceau d'éloquence faifant partie d'un de fes fermons fur la cene, qu'on doit le meilleur état des prifons & 1'établiffement de celles de Phótel de la Force. On a gravé fon portrait a cette occafion. S'il eft doux de mériter la gloire par des talens utiles a 1'humanité , il faut avouer que c'eft particulierement dans une carrière oü rien n'eft plus rare. On n'écoute gueres les Prédicateurs que pour critiquer leurs talens: Laijfans les faire hür  Juillet 3 Aout, Sept. ) i 7 8 3. 189 leur métier, difent les gens du fiecle, Ör con» tinuons e&t été que Saint, il eüt été 1'esclave du Clertó ;i eet été Ie jouet d'une NoblefTe entreprenar^ te. mais comme a dit M. 1'Abbé FériotX pmjjance exagerée du Sacerdoce ne lui en im pofait pas plus que les prétentions bautaines des' C-rands S'agiffoit-il de maintenir les dro1 s de Ia Couronne & de protéger Ja tranquS \^bérèrm,fixtitSes réfglutim> h J£ fité  Juillet,Aout,Sept.,I783. 191 ftlé déployoit fon èpée, £S produits des fciences font fondés fur la firaplicité , & que l'air feul, retenu dans ce globe , formoit fa Spbéré-.té. Tout Paris ne paria que du Ballon qui devoit bientót s'envolet dans les airs. Dela les cent & une mille coojeftures tant fur fa deftinée que fur fes propriétés. On vouloit voir les auteurs, & pour les queftionner & pour les complimenter. Cette espece de triomphe préliminaire troubla le cerveau de ces Meflieurs. Cbarles fe livra a la plus abfurde des préfomptions & ne concut rien moins que Ie projet de s'attribuer la gloire entiere que MM. de Montgolfier méritoient a titre & Inventeurs. II infi. nua donc a quelques-uns des Mirmidons qu'il admet dans fon Lycée, que cette découverte n'avoit rien de nouveau pour lui, qu'il y avoit déja plufieurs années qu'il avoit fait quantité d'effais de rair-inflammable fur des boules de favon, & qu'il en avoit obtenules mêmes réfultats. Ces jeunes gens, étourdis de cette captieufe affertion, répandirent que leur maitre avoit prévenu, dès il y a longtems, Mrs de Montgolfier, rélativement a l'expérience qui faifoit tant de bruit, mais qu'il avoit négligé d'y donner de la publicité. Les Souscripteurs, dont l'objet étoit de rendre un hommage a MM. de Montgolfier, inftruits des prétentions de M. C, s'égaierent d'a-  196 Nouv. BiBUOTii. Belgique. d'abord a qui mieux, fur Ie chapitre du Démonftrateur , que!ques-uns ayant pris la chofe plus au grave, exciterent des rumeurs affez vives au Caveau; M. C. y parut; on crut qu'il défavoueroit les propos ha fardés de fes Ecoliers, mais loin d'en rougir, il paya d'effronterie en proteftant qu'il étoit de leur honneur & de leur conjcience , de déclarer & & d'affirmer qu'il avoit découvert & démontré dès il y a longtems, le procédé de MM. de Montgolfier. > A ce compte, lui ripofia le Chevalier D ..., vous êtes donc bien fot ou dien mécbant de 1'avoir tü au public £? aux favans? Certe fortie accablante devint un fignal de fermentation générale; les expres, fions n'enrent plus de bornes: Cb.. n'étoit plus qu'un Manipulateur , qu'un Marchand de phyfique è deux Hards &c., & pour combler la mefure, MM. Robert, peut-être de connivence avec lui, s'oppoferent a Ia clóture de Ia foufcription, qui ne devoit être fuivant le premier plan que de 3 i 4 cent perfonnes & fe trouvoit être déjè poitée a plus de 500 ( *), & prétendoient s'ap^roprier le Ballon (*) Elle a finalement monté a plus de douze eens, & néanmoins le capital, i 1'exception de 15 Louis, en a été abforbé par les mimoi-  Jüillet,Aout,Sept., 1783. 157 Ballon en dédomagement de leurs peines, ce qui contrarioit directement le voau des Sou*, fcripteurs, dont le but étoit ie complément de l'expérience. Indignés de cette cupidité fi peu digne de geus a talent dont la gloire eft le vtai falaire, les Soufcripteurs perfifterent a ce que le Ballon fut abandonné a fon effor, & conclurent è ce que les S. R. fuS" fent payés. En conféquence on leur ailousn 2S Louis d'or, d'après leur demande.... Le calme fembloit devoir enfin fuccéder 4 tant de débats; feulement & de tems è autres, deux ou trois de ces poitrines-volcaniques, telles qua celles des Hu.., des N. & autres, dont les Foyers & le Palais-Royal recoivent fi fouvent les fatiguantes éruptions, ranL. moient encore cette matière épuifée. Enfin le jour tant defité, tant attendu, arriva. CenE mille perfonnes environnerent le Cbamp de mars & les Soufcripteurs y furent introduits. A la vue d'un pubiic auffi nombreux, 1'ima. gination de M. Cb. s'ennamme, fa cervelle fe diftille, fe raréfie, paffe dans la Ballon & 1'abandonne a la violence de fon fang. M. da mémoires des Pbyfico méchaniciens, qu'on ne peut mieux comparer qu'a ceux des Apoticaires.  I98 NOÜV. BlBLIOTH. BELGIQÜEè de Faujas, jusques Ia 1'Agent fe plus zélé> Ie plus utile de cette affaire, fe préfente & préfente en même tems M. de Mmtgolfier, pour entrer dans Penceinte qu'on avoit fortnée autour du Ballon. M. Ch les voit, les méconnoit; ordonne aux gardes dont il avoit escamoté 1'ordre, de repouifer ces dróles-la, & pouffe 1'impoflure jusqu'è leur iinputer» a. la face du public, l'intention diabolique de vouloir faire manquer fon expérience, comme fi Ia préfence ou le fouffle de ces deux perfonnes euffent eu la faculté magique d'óter a un air-fabtil renfermé dans le Ballon, la propriété de s'élever aa deiTus d'un air plus denfe & plus lourd. Malgré fa fui* prife, M. de F voulut oppofer quelques raifons plaufibies aux calomnies du S. C.; i'impertinent d'adjudant lui ferma la bouche, en le menagent du corps-de garde. Les fpectateurs interdits da cette fcenc révoltante, laiffent exhaler Ia jufte indignation que leur caufent de pareils outrages: on honnit le Manipulateur ingrat & préfompteux, dont 'impudence & Ia perfonne euffent mérité d'être affociées a la deftinée du Ballon. L'ex* périeace au furplus fut fatisfaifante, ce qui étoit auffi immanquable que Ia folution conftante que 2 & 2 font 4. Le globe i'eft in. fenfiblement élévé, tracant avec magnificen- ee  r JinLLET,A0üT}SEPT.,I783; Ï99 ce du Sud è lOueft une ligne diagonale, ju», qu'au fein des nuages, du milieu dssquels on 1'a vü reparoitre, montranc a peu prés dans ce lointain, la groffeur d'une lune moyenne. Sa tenue dans 1'Atmosphère n'a été que de trois quarts d'heure, au bout desquel* il eft tombé prés du village de GoneJJe. Soa apparition a tellement effirayé les payfans qui 1'ont appercu, que les plus hardis fe font armés de fourches & de pierres pour 1'attaquer. La fumée qu'occaiïonnoit 1'évaporaêion de 1'air inflammable par un trou qui s'étoil formé, 1'odeur extrêmement forte qui 1'accompagnoit, tout perfuadoit i ces payfans que c'étoit quelque phénomene étrange. A« furplus, deux Bénédiftins qui fe trouverent fur les lieux, ne balancerent pas eux-mêmes a fuppofer que ce pouvoit fort bien être la peau de quelque ferpent monftreux tué par Ia foudre & pouffé dans les airs par la force de quelqu'ouragan, Remarquez que tous ces jolis contes fe faifoient è 4 lieues de cette capitale fi célébre par tant de philofophes fameux, fi zélés, nous duent-ils, è propager 1'immenfité de leurs lumieres. Quoiqu'il en foit, voila donc encore une découverte de plus dans Ier fciences. Doit-on s'en applaudir? les Phyficiens vous diront hardiment qu'oaf; leurs finges vous diront Turnt V. Part 1, P 4»  ïoo Nouv. Biblioth. Belöiqüb. de même: mais des gens fimples & bon*; vous répondront que mn, Les vaiffeaux nous ont conduits è maffacrer des millions d'nomflies; qui fait les maux ou les malheurs que cauferont a 1'humanité, ces machines - Aërndre dato les Indes; Le Poëtne (deM- Morel) a été diftingué, la mufique («Ie M. Mereaux) eftlmée, la légularité du coftume dans les babits, applaudie, la magnificence du fpeftacle adaiirée. Cet ouvrage, auquel on a defiré & indiqué des changemens, paroit affuré d'un rang henorable. La raifon & la vérité entrent rarement póUt quelque chofe dans les disputes les plus graves; a fortiori, dans les futües: La vanité les anime, & 1'entêtement feul les prolonge presque toujours. Je ne reviendrai donc point fur celle qui, depuis un mois, a tant excité de fermentation & de débats parmi les partifans de MM. de Montgolfier & Charles „ qu'on ne défigne plus aujourd'hui que fous le noni de Montgolfiers & de Charlifles: Ce qui vous intéreffera le plus fans doute, eft un détail véridique de 1'exécution qu'a fait enfin M. de Montgolfier lui même de fon expérience, a Verfailles, en préfence du Roi, de la Cour, & je pourrois dire, de 1'élite de la nation: Les dispofitions qu'avoit fait M. de M. répondoient parfaitement avec la magnificence de cette nombreufe & brillante affemblée. Au lieu de Ballon, dont on s'étoit fervi jusqu'alors pour contenir le ftuide, M. de Af. avoit fait conftruire une espece d* O * FaviJ.  402 NOTJV. BlBLIOTH. BeLGIQUE. Pavillon en toile, fond d'azur, réchampi d'ornemerjs dorés, du diametre de 40 pieds fur Code hauteur, pofé fur un échaffautpréparé a cet effet dans la cour du chèteau de Verfailles. On a joui du doublé plaifir de le voir infenfiblement acquérïr fon volume & fortir comme de terre par 1'introduftion de la fumée de paille mouillée qu'on brüloit au deffous; & s'élever auffi-tót, avec la plus grande majefté, jusqu'a Ia hauteur de plus de 250 toifes, oü fon immobilité s'eft maintenue quelques momens, au bout desquels un coup de vent violent 1'a forcé de dériver horizontalement environ 18,00 toifes vers le taillis de VaucreJJon, oü fa chute, forcée par la déperdition de la fubflance qu'il renfer» raoit, a terminé cette fcene vraiment curieufe, dont la durée a été de 15 minutes a peuprés. Ce court intervalle a fait dire a beaucoup de gens, que l'expérience étoit manquée; mais fans prétendre trancher fur Ie dégré de fon fuccès, je vous rendrai fimplément ce que l'on peut alléguer k cet égard. M. de Af. pouvoit nous étonner par un charlatanisme fcientifique qu'il lui étoit facile de mettre en ufage, en faifant parvenir fa machine Aêtt-ftatique a un point d'élevation auffi furprenant que celle du champ de Mars: il  JurLLET,A0UT,SEPT.,I7*83* 20J il lui fuffifoit d'employer un ballon chargé d'air inflammable. II ne 1'a point fait> &j£eft en cela que fon opération en a dü parottre plus intéreflante aux amateurs des moyens les plus fimples. La fumée qu'il a fubftituée au gaz inflammable eft de Ia même péfanteur è peu prés que les vapeurs qui forment les nuages; bien loin de la renfermer hermétiquement, il a laiffé fubfifter a fa Machine, une ouverture de 14 a 15 pieds, ne donnant d'autre fupport a fon Gaz, que celui qui en fert aux nuages, L'air-atmofphérique. II en eft réfulté que cette Machine, péfante par elle-même de 7 a huit-cent liv-, chargée d'ailleurs d'une cage renfermant un mouton > un canard & un coq, n'a pu parvenir a fon dégré d'ascenfion naturelle , d'autant que 1'effort du vent qui fouffloit, a néceflité I'évaporation de fon Gaz, d'oia fa descenfion, eft réfultée. Sa chute a été tellement douce qu'on a trouvé Ie mouton broutant dans fa cage, ce qui a fortement affligé M. PUaftrt du Rofitr, qui avoit propofé, fupplié d'être de cet avantureux voyage, & qui regrette de ne point jouir d'une gloire dont il eft fort jaloux, celle d'avoir été le premier Naviga~ teur aêrien. Au furplus, cette gloire n'eft que trés peu différée pour lui, puis qu'on aflure que fous huit jours, M. de Montgolfier fera O3 U  *04 Nouv. Biblioth. Belgiqur, la répétition de cette même expérience, flt qu'il fe propofe d'y accompagner cet ardeut & hardi Phylicien. Meflieurs les Anglois toujours plaifans , nous fott déja faire avec cette invention, des chofes admirables. On lit dans un de leurs papiers, que leRoi de Francs a ordonnécinq mille Ballons, lesquels doivent porter chacun un grenadier bien armé, & muni de vivres pour 6 mois, & former une petite armée aérienne, dont la deftination eft encore ignorée, mais qu'on fuppofe être pour Conftantinople. Us ajoutent que 2,000 autres ballons les fuivront de prés, chargés d'un train complet d'artillerie & d'Artiileurs. Vous auriez peut être defiré que je vous euffe fait 1'analyfe des différentes critiques, qui ont paru cette année fur les tableau* expofés au Sallon: mais il ne m'en eft point tombé fous les yeux, dont 1'extrême fadeur ou la fatyre outrée ne n'ayent empêché d'en finir la lecture: Ce n'eft point ainfi que l'on dott juger les arts: les fottifes ou les comphmens font également funeftes a leurs pro grès; & ces MM. les Critiqucurs ne mettent gueres que ces deux reflburces en ufage Pour paroltre concis, 1'un vous dit fans ceffe: lhangez.moi mte tête; Pour être piquant, maïs fade, un autre vous dit que Madame le Brun,  JüILLET, A0UT,SEPT. , 1783* 3°S Brun, en peignant une jeune & charmante nayade, en a pris le modele dans fon «iroir. ün autre, en parlant du coloris de quelques peintres, le défigne par Couleur au bewn fort; ils nous régalent de mille autie$ gentil- • leües infigmfiantes. Pour moi qui confidere les arts pour ce qu'ils valent & pour ce qu ils content, je ne m'accoutume point a les voir appréder ainfi; & je rejette avec dédain tout ce que l'affodation trop ordinaire de 1 igno« rance & de la plaifanterie hafarde fi témérairement a leur égard. Je ne dois pas vous taire que le tableau de M. David, annoncé précedemment fous -e nom du YaralfAque, tandis que le fujet eft, Andromaque pleurant fur le corps d Rector , lui a mérité fon admiffion è VAcademie de peinture. Si j'ofois, je vous dirois que ce tableau, de la compofition la plus fimple, m'a paru d'une pureté de deffin exquife, & que le coloris & les acceffoires, peut-etre moins parfaits, annoncent toujours une recherche de ce beau genre qui diftlngue ces grands modeles, dont il faut avouer que nous fommes encore loin. Nous n'en fommes pas tout a fait parvenus la: Les Baüms font encore des joujoux, dont nos Savans & notre peuple s'amufent: 1'hiftoire de la Redoute chinoife n'a pas même O 4 ra"  GS Now- Bibuotb. Belgique: joir fuccéder Une fcene no„ moins Wf 1 "WW. portier du cimetiere des 2 «w. ayant fait l'emplette d'un de ces Bj- ceffaire P0UrV°ri0n d'air' ^mable néfon «r£L "ï"8"' S'avifa d*an"°"cer lieu aul L d,fféte^ entrées de ce defon^,;/ 5.. m'S pour voir ,e départ des v TJ q u 'er: les m"chandes de mo- tóc avoir fait un. ,e/^W|fe trouva b,en, & notre Phyficien i deuX foT^l vo.r de fatisfaire fon monde. II c/»JévS rl Ballon mais ;i i~ u „ clJJterye ion l fond u i Sit^°re: Quelle confufion!. Jcl i, X i /^£"r- fe;  Juillet,Aoüt,Sept., 1783. 437 fe; le public en eft pour fes deux-fols & le pauvre Balltnnijle pour fes coups. On a célébré magniflquement aux Petitt' Ptres, deux meffes de Requiem, pour la Dame Biglioni & le fameux Carlin. On a trouvé affez plaifant que la répétition de ce Saint Oratorio, dont Ia mufiqae eft de M. de Gosfec , füt faite fur le theatre des Italiens. Tandis que nos auteurs courent après 1'esprit, Ie Public court toujours après 1'occafion de rire aux dépens de ceux qui fe confacrent a fes plaifirs. La piece de la Sorciere par hazard finlt par ces quatre vers placés dans la bouche d'une actrice: (Mlle. Colmbe ) Dans le monde on connoit une forcellerie; Cejl Vart de faire des heureux; Celle la, je l'avoue & je m en glorifis, Je m'en fers tant que je peux. Le Parterre fe rappellant Ie caraétere obligeant, Ia réputation de complaifance de la jolie actrice qui prononcoit ce quatrain, 1'a applaudie è tout rompre, & les loges retentisfoient d'éclats de rire. Jugez comme les ris & les applandiffemens ont redoublé quand L'aftrice fur un Bis qui fut laché, eüt la bonhommie de le répéter. Je vous ai prévenu, il y a quelque - tems, O 5 de  SOS nouv. BlBLTOTH. BeLGIQJJB,; de Ia banqueroute, i laquelle avoit été expofé Ie Mufée, par Ie peu de prévoyance flt d'harmoni© de fes membres. Si je ne vous ai point inftrm't des débats qu'avoit occafionné cette crife, des effets & des fuites qu'elles avoit eus, c'eft que la ftagnation dans laquelle depuis lors cette cotterie littéraire paroiffoit plongée, me faifoit fuppofer 1'extinélion procbaine de fon exiftence. Mais il en eft réfulté tout le contraire, & de cette fcifllon s'eft formée une feconde Affociation muféique, qui, quoiqu'encore dans l'obfcurité, n'en dispute pas moins la primauté, conféquemment la célébrité a celle dont elle n'eft qu'un rejetton ingrat. Quoiqu'il en foit, li Mufée Primitif, dont Ie célebre M. Court de Cebelin eft le Préfident, vient de r'ouvrir fes affemblées, avec une pompe & une recherche bien capables d'alembiquer 1'esprit des gens pour qui ces chofes-la font toujours l'objet de cette enfantine ou maligne queftion: Cui lm ? L'ouverture s'en eft faite au fon d'une mufique dtikieufe, exécutée par nombre de Virtuofes de l'un & 1'autre fexe, deftiuée 3 dispofer favorablément 1'attention des auditeurs a la lefture de plufieurs ouvrages en profe & en vers, M. le Préfident après avoir dit qu'un grand défordre avoit produit une grande harmonie, a annoncé qu'il y. auroit tous  JUILLET, AOUT ,SEPT. ,1783* tous les mois ?une de ces affemblées publiques, auxquelles les Dames feroient iuvitées, & dont la mufique & les Discours formero.'ent un mélange varié d'agrément & d'utüité; qu'outre ces affemblées générales, il y en auroit, chaque femaine, de particulieres oü les fouscripteurs jouiroient de i'avantage de pouvoir apprendre toutes les Langues, au moyen des Cours qui feroient formés, de même que pour la plüpart des Sciences, comme la Phyfique, les Machématiques, laGéographie & 1'Hiftoire: & que pour étabiir ua point de ralliement a tous les membres, il y auroit journellement une falie ouverte, oü les Journaux, ainfi qu'une Bibliotheque choifie fourniroient d'ailleurs a chacun d'eux, un délaffement ou des fecours néceffaires. Par cet expofé, vous voyez, M., que ce Mufée s'annonce comme une fource d'inftruc tion & de plaifir pour les étrangers comme pour nous, & que moyennant trois Louis d'or de fouscription par année, 1'individu le plus ifolé va fe trouver a portée de former des fociétés intérefiantes, comme le moins ir*ftruit, a même d'y acquérir des connoiffances aufli variées qu'étendues, & le plus indifférent, forcé de fe dilhaire par cette diverfité d'objets plus ou moins piquans. Difons pourtant que de certains Cenfeurs, dont 1'es-  *ro Notjv. Biblioth. Belgique, 1'espece n'eft pas Ia moins nombreufe parmi nous, ne laiflent pas de traiter toutes ces belles chofes de Charlatanerie;, & il n'eft même pas jusqu'aux Rivaux naiffans du Mufèe-Primitif, qui ne s'avifent den faire la fatyre, & n'attribuent, bien entendu, ladignicé, les talens & les bons principes a leur établiffement, qu'ils appellent, on ne fcait pourquoi, le Premfcr-Mufée, &dont on annonce pour Préfident M. Cailhava. Au furplus, cette rivalité ne peut que contribuer a l'a» mélioration & au maintien de ces établiffemens qui, par leur inftitution, peu vent devenir pour les favans des centres de correspondance d'oü il eft poflible qu'il réfulte pour eux comme pour les Sciences, de trés grands avantages. M. de Ia Blan... avoit entrevu ce but, & avoit cherché a y parvenir, mais il avoit plus de préfomption que de maturité dans fes, combinaifons, plus de péciettx que de déücateffe dans fa marche, & voilé pourquoi, après avoir été déja plufieurs fois ébranlé, il vient d'être totalement culbuté: fon exiftence de Correspondant-Général, a peu furvécu a 1'apothéofe de Vernet. Vous favez la petite fcene du Comte de Turp. ., quelques autres, & pardeffus tout eela,cette clique inétouffable & fi diabolique de gens qui, après être fortis du fuperbe Salhn, ne ces-  JüILLET,A0UT,S£l>T.-I783. «I ceffoient d'en dire Cui-bonol Encore en étoitil qui ne rougiffoient pas de tenir un propos aufli barbare aux oreilles du CorrespondantGénéral! aufli prétendit il un jour chafler 1'un d'eux, qu'il avoit entendu; mais dans cette malencontre, il fut cruellement puni d'avoir trop gravement tranché du Maitre de dans. II s'approche de 1'iodiscret, 1'apoftroche vivement, & lui demande qui il eft, ce qu'il vienc faire dans une ajfemblé refpeüable. J'y viens voir un fot, lui répliqua-t'on, qui a le fecret d'attirer chez lui beaucoup d'honnêtes, gens. Qui refta confus ? je n'ai pas befoint de vous 1'apprendre. Je puis enfin vous annoncer, qu'au lieu d'un, nous avons déja plufieurs NavigaJ teurs - aériens, du nombre desquels eit MV de Montgolfier. Au moyen d'une galerie adaptée a fa machine • aèrojlatique, & d'unt petit fourneau pour reproduire du Gaz a vo-f lonté, on a commencé, la femaine demiere^ diverfes expériences, dans lesquelles plu. fieurs perfonnes fe font élevées è Ia hauteur de 30, 40 & 50 pieds. Ces premières ten-; tatives ayant enhardi & monté les têtes, on annonca le vendredi comme un jour folemnel oü ces téméraires champions-aëriens ne de« voient rien moins que cingler tout droit vers l«s aftres. Une aflemblée nombreufe cc dis» tin.  ai2 Nouv. Biblioth. Bblgioue; tinguée fe rendit fur le lieu, mais foit gau. cherie ou timidité, les plus fortes ascenfions de la Macbint ne paSTerent pas 40 ou 50 pieJs, de manière que chacun s'en fut tres peu fatisfait. Enfin dimanche, jour défigné pnur les dernieres expérience?, M. de Montgolfier fentant la néctF'é de faire des efForts puur ramener les esprit*.^ tellement embrafé fes Proiélytes qu'ils orit iaic des merveil.les, & la machine a monté a une hauteur Vraiment impofante. M. Pildtre du Rofier s'eft ëlevé a. diverfes reprifes, mais il faut dire qu'ap ès avoir tant annoncé qu'il vouloit avoir la g|j:re d'être le premier navigateur-aërien, il cüt dü montrer un peu plus d"ardeur dans fes courfes, & ne point laiffrr a d'autres I'aVaniage de le furpaffer en témérité. Un M. de Vülette eft le feul qui ait, pour ainfi dire, ofé fuivre I'élan des aigles & s'abandonner jusqu'i la hauteur de plus de 300 pieds. a la vérité, fa tête a fortement chaviré dan8 ce point d'élevation, mais ayant eü la précaution de fe coucher dans la petite galerie, après être r<-fté, environ 7 a 8 minutes, en panne a cette hauteur, il en eft infenfi. blement descendu fans avoir éprouvé d'autre incommodité. Quoiqu'ii en foit & quoiqu'on en dife, je ne préfume pas que cette découyeite conduife a rien de bien utile, & j'af. firmerois  JrJILl.ET,A0OT>SEl"r.,I783' *r$ fiemerois au contraire qu'il en réfultera des accidens & peut être des maux. Chanson fur le Globe Aëroftatiqusi Air: Ehl mais oui-da. L'Empereur de ia Chine Attendoit 1'autre foir La burlesque machine, Qu'enfin il n'a pu voir. Eh! mais oui-da, Comment peut-on trouver du mal è ei? Par trop grande viteffe, Dans une heure de tems, Elle fut dans Goneffe Etonner les Savans. Eh! mais, &c. Mais, chofe bien plus dréle! Blanchard, fans s'effrayer, Du Cabinet d'EoIe Veut être le Courier. Ehl mais, &c 11 n'a ponr attelage Qu'un modefte zéphyr. Ah! le jolï voyage! On revient fans partir. Ehl mais, Sec. Sur  «14 Nouv. BiBLiom Belgiqub. Sur un Globe bizarre > Cbacun dorénavant, Plus afluré qu'Icare, Diriger3 le vent. Eh! mais, &c. O fi 1'Académie Peut un jour s'y Ioger, Nul vaifieau, je parie, Ne fera fi léger.' Ehl mais, &c. Les Curés de Village Sauront. par le Journal, Qu'un Globe qui voyage N'eft pas un animal. Eh! mais, &c. Marlboroug rentre en terre. Et nos esprits flottans Vont au fein du tonnerre Chetcher leurs paffe-tems. Eh! mais, &c. Tout Globe eft fait pour plaire; K'en foyez pas furprïs, Ce qu'on aime a Cythére, On 1'aime dans Paris. Ehl mais, &c.  Juillet,Aout,Sept0I783- *iS Je ne prétens point donner ma propre opinion pour regie, & elle ne fauroit me faire enfreindre 1'impartialité que vous avez Je droit d'exiger de moi, ainfi je ne balanee point a vous communiquer lettre fuivante qui m'eft adreffeé au fujet du Magnetisme Animal, que de mauvais plaifans appellent le Cbarlatanisme Animal. En parcourant les Annales des Sciences on voit peu d'importantes découvertesqui n'ayent éprouvé de longues contradiétions, & dont les auteurs n'ayent effuyé des perfécutions» furtout dans les tems de fuperftition & d'ignorance. Aujourd'hui que nous fommes & plus inftruits & plus polis, nous ne contrarions ni ne perfécutons plus ni les nouveautés ni les novateurs; mais nous les dédaignons, nous les méprifons & les livrons au ridicule. Cette manoeuvre immanquable a furtout miraculeufenient réuffi a 1'égard de M. Mesmer & de fa doftrine; il femble même que VAlltmagne, VAngleterre & Ia France fe foient en cela donné le mot. Rejetté de Vienne fa patrie, peu confidéré ïLondres, honni pour ainfi dire è Paris, fon exiftence y eft encore, depuis fix années, obfcute & précaire. Voici pourtant une époque qui femble annoncer une beureufe révolution pour lui. M. Court deGebelin, auteur favant 6; infatigable Tom. V. P^t. i. P d«  2l6 NoUV. BfBLIOTH. BfiLGIQUE. de l'eftimable ouvrage intitulé, !e Monde Primitif, aufli vivement reconnoiflant de la guérifon qu'il doit au traitement de M. Mesmer, que pénétré de la bea«té, de la bénignité, de 1'efficacité de fa nouvelle doarine', Vient de publier en fa faveur une Lettre, dans laquelle il employé toutes les reflburces les plus fenfibles & les plus convaincantes du raifonnement, pour démontrer que la pratique de M. Mesmer, ou fi l'on vtut, Vufage qu'il fait de fa belle (# fublime théorie, tft raifonnée ê? raifonnable; qu'elle eft fondée fur la nature;^ qu'elle rien eft que l'imitation: qu'elle s'ajfortit a Vétat de chaque maladie; & jf s»éleve avec force, avec indignation, avec un jufte courroux contre les détrafteurs & les contempteurs de cette étonnante & admirable decouverte. Cette lettre a fait la plus grande fenfation , & je ne doute nullement que plus elle fera connue & méditée, plus cette fenfation s'accroitra & qu'elle procurera enfin i M Mesmerde nombreux & peut-être d'enthoufiafies Profélytes. J'étois h la mrt, je fuis suéri . dit M. Court de Gebelin; & pou/metfre fc's lefteurs i portée d'en juger, il fait une analyfe fimple & précife de fa fituation, de fon traitement & des effets heureux qui en ont *eïulté: pms ü ajoute; Ais-je été malade ? ÏX-ït  JWLLETaAOUT,SEPT.,I783' 2I7 ais je été guériï fuis je mieux? i qui ou & quoi dois-je ce mieux ? Ces queftions font établies & développées avec interêt & fagacité par M. C. de G en démontrant qu'il n'eft pas plus vifionnaire que M. M. n'eft Charlatan, Empyrique, Impojleur, comme l'ont débité des gens mal intentionnés: qu'au contraire la théorie de ce Dotteur eft conforme aux plus Jaines idéés de la Phyfique, qu'elle eft marquée au coin du génie.. „ N'eft-<;e pas, dit il, un trait de génie fublime d'avoir%>^^„ conné & vérifié qu'il exifte dans 1'hom.^ „ des propriétés rélatives a celles de 1'aimant, „ & d'après cette nouvelle espece de com„ paraifon, d'avoir appercu des vérités ad„ mirables qui en doivent être néceffairement „ la fuite? Parvenu a ce point Iumi- „ neux, ce même génie ne fe feroit-il pas „ manqué è lui même, s'il n'avoit cherchéa „ imiter a 1'égard de 1'homme, ce qu'on avoit „ déja découvert a 1'égard de 1'aimant, les „ moyens d en diriger le Magnétisme, de lp „ communiquer, própager, augmenter: fur* ,, tout de 1'appliquer au rétabliffement des „ forces du corps. Et comme cet Agent eft „ dans une mobilité continuelle d.'employer les moyens les plus analogues i „ cette mobilité, tels «jue la lumiere & „ le feu, les glacés & les inftrumens de mu„ fique pour en accélérer les effet»,." Après P 2 avoir  2i8 Nouv. Biblioth. Belgiqub. avoir rapporté les xxvii Propofitions qu.? font la bafe du fyftême de M. M.; & en avoir montré la liaifon & la jufteffe; après avoir expofé fa conduite i 1'égard des favans, pour les convaincre de la vérité, de 1'utilité de fa découverte; aprés avoir cité les principaux phénomenes qui en réfultent, M. G. ne balance pas a y reconnoitre des rapports intimes avec les tems primitifs... „ Telles furent, „ dit-il, les influences du Magnétisme Ani■ „ mal, qui fe firent fentir certainement aux i, premières fociétés: quoiqu'elles n'en ayent „ pas connu la caufe, & qu'elles n'ayent pu „ leraifonner, elles n'en ont pas moins joui, ,, & c'eft a ces influences que les générations „ primitives durent ces jours longs & heu„ reux fi vantés dans 1'hiftoire, & dont jus,, qu'ici nous ne favions que penfer.. Ea „ effet, la nature étant dans fon Printems, „ & les générations n'étant pas encore dégra„ dées, avilies, détériorées par un fang impur „ transmis de fiècle en fiecle au préjudice de „ 1'humanité entiere , cet Agent admirable de la nature produifoit des effets plus as„ furés, plus conflans, plus fenfibles..." M. C. de g. en conclut qu'on ne fauroit trop inviter les fages 6: les hommes d'Etat a donner toute 1'attention dont ils peuvent être capables è la plus précieufe des découvertes; i une découverte dont les étonnans effets ar- rachent  JUUXET , AÖUT > SEPT. ,I?83« 2 T 9 rachent a la mort fes viétimes; ranimentceux qu'elle faifoit descendre dans la nuit du tombeau; prolongent & foutiennent les jours jusqu'au tems le plus reculé qui foit donné aux mortels; éloigne de nous pendant cette longue duréela langueur & les fouffrances; confervent ainfi aux nations les hommes les plus intéreffans, & empêchent qu'ils ne foient arrachés au bonheur des humains dans la fleur de leur jeuneffe on au milieu de leurs travaux. Découverte en un mot dont leseffets doiventrégenérer 1'univers. Heureux, s'é- crie-t'ü, ceux qui feront témoins de cette " révolution ! plus heureux ceux qui naitront è fa fuite... Heureux, moi même, ü par " 1'expreffion de mes fentimens, quelque " foiblequ'elle foit, je puls contnbuer a ac- célérer ces événemens fortunés...! _ r Tusqu'ici, M. 1 la Plupart de nos Eenvainsl*) du moment fe font, a qu» mieux ïïeux, exercés a vanter la fameufe découverte des Globes aêroftatiques; a montrer les prétendus avantages qu'on en pourroit tirer, f *1 Les critiqueurs du falon dePeinture, les Louangeurs des Ballons, les Comphmenteurs des Grands voyageant, tous vrats Ecrivains du moment. P 3  220 NÓUV. BlBLIÓTH. BELGrQTJBr foit pour enlever des maflês, foit pour donner des fignaur, foit pour enlever dejeunes reclufes, foit enfin pour parcourir Ia région *es Planetes; & perfonne ne s'étoit encore avifé de les contredire, ni de calmer 1'engouement de Ia crédiriité. L'un deux, qui, fans doute connoiffant la légéreté des efprits, a calculé en homme exercé, les avantages de Ia contradiftion, vient d'entreprendre de teétifier les opinions ê 1'égard de ces Globes, par un Pampbkt intitulé: Lettre a M. le Préfident de pour fervir de fuite, a la lettre fur le Poime des Jardins, ce qui femble démasquer M. de Rivarol, ou tout au lnoins donner une grande préfomption qu'il eft 1'auteur de ce nouvel ouvrage. „ Le „ Peuple, dit-il, auffi dur a croire,' que „ difficile è arrêter quand il a une fois don„ né fa confiance, le Peuple fe flatte déjè „ d'un voyage a Ia Lune: c'eft ainfi qu'a „ 1'apparition du Télefcepe, on espéra dele „ perfeftionner un jour, au point de diftin„ guer des maifons & des hommes dans les „ Planetes. Tout a des bornes, II eft dé„ montré qu'avec de la famée, on ne mon„ tera pas bien haut, & qu'avec l'air in„ flammable le plus pur, on ne paffera pas „ de beaucoup le fommet des Cordilieres, t) En fe fiervant de l'air inaammabk, il fau- „ dra  Jüillet,Aout,Sep?.,I783- 221 -l dra fe défier des gros nuages; car il ne ' faut qu'un éclair pour embrafer le Globe, T, en fuppofant qu'il y eüt un contacT. de „ l'air: * cet égard la fumée feroit done ' préférabie. II f-udra auffi dans les coml rnencemens, obferver que le vent ne foit „ pas trop fort: car je préfuine que les tem„ pêtes feront cruelles dans l'air. Le voya„ geur peut être emporcé avec fon Globe, a „ des diftances énormes, jetté au milieu des , mers, ou brifé contre les montagnes. La lapidité avec laquelle.on ira efFrayera l'ima" gination, car enfin l'air oppofera buit " cent fois moins de réfiftance a une machi,', ne volante que 1'eau n'en oppofe a un na„ vire: un Globe ira donc 800 fois plus " vite qu'un vaiffeau qui cingle a pleines „ voiles. D'ailleurs il faut le moins qu'on. „ peut, comparer enfemble les globes & les " vaiffeaux; car ceux-ci font portés a la fur', face de 1'eau, & ceux-li feront toujours „ piongés dans l'air". De ces confidérations & de plufieurs autres auffi féduifantes, 1'auteur tire la conclufion que les raijomemens dêtruifent les .efpérances exagérées qu'on a fondées fur les expériences du Globe. Cépendant 1'ardeur de nos phyficiens ne fe ralentit point, & il fubfifte entt'eux une trés active émulation. M. Charles partiP 4 cu'  222 NOUV. BlBLIOTH. BfiLGIQTJE. cuHerement fe flatte bien d'écrafer fous peu tout: cequafait jusqu'ici M. de Montgolfier, & d offrir a la capitaie les fpeétacles les plus étonnans & les plus intéreffans. Les dé™ grémens que lui a caufé 1'hiftoire du cbamp de mars „-0„t fait qu'ennammer fon * naaon & ceile des deux jeunes méchanSs fes collegae. {MM. Robert.) Qouiqu'ils gardent le plus grand myftere /urVies J "J *" ces qu'ils préparent,* qui font 'obfe d"u" ne fou^cnption de quatre eens Lou -0r 3 Ia tête de '^elle eft M. le m ) °'« airs, cidy parcourir en un clin d'ccil des espaces coBfidérables (x4 iicues pa, daprès leur calcul.) La machine tai pour cette deaination, a Ia f„,m i? Char.oül'un deM-i^X? meilement qu'il s'abandonneroit, bien affi£ dapres quelques premiers eifais deZonZr aux yeux de la France & peut étre dJTff V leier N,vigaeeur-aéS ? 1W ii- °nde' & Ce,!e-,a fu»o«t matera i»dmir3uon, ,epUis dire la reconnX* des  JUILLET, AoUiySEPT., I783. 2^3 des favans (■■ eft vrai °.u'elle 3 été fuggérée par un Philofophe (*) déjè digne del'un & de 1'autre pour un ouvrage important oü les obfervations les plus multiplieés, les applications les plus frappantes, les conjeétures les plus féduifantes & la diftion la plus animée préfentent un fyftême impofant, fait pour ravir è 1'illuflre Newton, non fa gloire , mais la prédominance dont il jouiffoit) la feconde, dis-je, aura pour objet de provoquer la descenfion & les effets du tonnerre . en dirigeant vers le nuage fulminant, un Ballon armée de pointes éleftriques, qui, au moyen d'un Condu&eur, iroit fe décharger a volonté dans quelque coin ifolé, de 1'effence électrique dont il fe feroit pénétré. Quand i la troifieme expérience; elle aura pour but de conftater les différentes couches d'air de 1'Atmosphere, par les différentes hauteurs auxquelles s'éleveront fix Ballons chargés de Cox mixtioné d'air atmosphérique proportionnément comme d'un a 2, d'un a 3, d'i è 4, d'i a 5. d'i a <5 & d'un a 7. On ne peut fe diffimuler que ces trois belles expériencesnepromettent desréfultats auffi curieus (*) M. Carra, auteur des nouveaux Principes de Phyfiques, en 4 vol. in 8vo. P 5  324 NoÜV. BlBLIÖTH. BfiLGlqUK. rleur qu'tatéreflans; & certainement, elles vengeront pleinement M. Cbarles des petits Quolibets que des mal entendus & l'envie lui ont fait efluyer. Ge feroit bien ici le lieu de rappeller les détails que je vous ai donnés précedemment, pour vous faire revenir comme je le fuis moi ■ même fur les torts de M. Charles; mais toutes ces explications nous meneroient trop loin: dilons feulement un mot de fes adverfaires. Ils avoient ouvert une feconde fouscription au Caveau, a 1'effet de décerner une médaille a M. de Montgolfier. La médaille faite, M. Faujas de S. Fond a été ou s'eft fait défigner pour préfenter cet hommage i M. de M., & 1'offrande lui en a été faite fur le champ même de fes opérations aériennes; enfin cette médaille a été diftribuée en métal a" chacun des fouscripteurs, & l'on y a reconnu avec plaifir fur un des cótés, les deux freres A'Annonay, trés bien gravés par M. Gdteaux, artifte aufli défintéreffé que diftinguéj & de 1'autre, la repréfentation un peu matérielle de l'expérience du Champ de Mars: mais on a juftement honni 1'auteur des deux infcriptions qu'elle porte, en ce que 1'une eft une bitife & 1'autre une impojlure, la iere eft pour avoir rendu Pair navigable: Comme fi M. de Montgolfier eut procuré 4 l'air une propriété qu'il tient de  JUÏLLET, AOUT,SEP*., 178$. 24J de la nature; d'êtte navigable? & la ame. rap> pelle l'expérience du Champ de Mars du 27 ecüt- envertu d'une fouscription foUs la direction de M. Faujas de S. Fond, comme fi le titre de cette fouscription ne démentoit pas forinellement cette allégation menfongere! I yanitas vanitatuml Comment pourrions-nous nous vanter des progrès de la raifon dans cette capitale, après les honteux détails dont a été faivie la mort d'un des plus grands Philofophes qu'elle ait vu naltre, de M. d'Alembert? Ce favantlanguifibit depuis longtems; une maladie cruelle le conduifoit douloureufement au terme de fa carrière; des crifes plus ou moins aigues 1'avoient mis, par différente» fois, è deux doigts de fa mort: Enfin jeudi dernier il expira. Son curé s'y étoit tranfporté la veille; mais il repofoit alors, & M. de Condorcet, qui remplifibit auprès de lui les devoirs de la reconnoiflance & de 1'amitié, fupplia lè Pafteur de remettre au lendemain fa vifite, cc de recevoir quelques aumónes de la part de M. d'Alembcrt pour les pauvres de la paroisfe. Le lendemain le curé reparoit: mais 1'extrême foibleffè oü fe trouvoit en ce moment M. D. obügea M. de Condorcet a fairè de nouvelles répréfentations fur ie danger qu'il y auroit eu de fatiguer le malade dans une cir-  225 JSTOUV. BlBLIOTH. BELGIQUEl circonfiance auffi délicate, Ieconjurant néanmoins d être bien perfuadé du defir qu'avoic M. D. de le recevoir. Malheureufement cette cnfe fut Ia derniere de ce Philofophe & Peu d'heures après il mourut. On en avertit ie curé: grandes plaintes, grand iapage: asfemblée des chanoines oü Ton délibere qu'aucun d'eux ne doit affifter au convoi d'un Géométre honoré pendant fa vie de 1'eftime & de 1'amitié de Prélats & de fouverains & que Ia croix de bois fuffiroit ainfi que d'eux fimples habitués. Survient un ordre de M le Procureur général, qui ordonné un convsi honorabie & enjoint a 12 chanoines d'y aflister. On obéit: mais a peine le fervice eft il fini, que les chanoines fe diffipent & que Ia Bierre eft abandonnée i deux fofïbyeurs qui la conduifent comme a Ia dérobée, accompagnée d'un feul prêtre, au cimetiere des Porcherons& l'y déoofent au comviun des martyrs. C'eft bien la juftifier la vérité de cet ancien Proverbe, qu'un homme mort ne vaut pas un cbien en vie. C'eft vratment une forte de magie que cette profufion de nouveautés Iittéraires que les moindres circonftances font éclore en cette Capitale. Depuis qu'il y eft queftion de M. Montgolfier, & de fon expérience, nous foranies accablés de differtations, de réflexions, d'in  JUHXET , AOUT , S;EPT. , I783. 217 d'inventious &c, toutes rélatives auxMachiues Mroliatiques ainfi qu'a la navigation aérienne, i laquelle i! femble que nous deyons nous livret en toute confiance, d'après la garantie de ces Meffieurs; mais un ouvrage qui, ouoiqu'intéreffant par luimême & dans tous lés tems, femble devoir le devenir furtout par le concours de ces mêmes circonftances, eft la Traiuüion des différentes oh* fervatimsfur l'Air, de J. Prieflley, que Ie Dofteur Gebelin vient de faire paroitre. Une infinité de perfonnes, pour qui cette matiere eft auffi nouvelle que les termes tant ufités maintenant, de Gaz ou d''Air- inflammable i trouveront tous les éclairciffemens poffibles dans cet ouvrage du Phyficien anglois, qui a été un des premiers a cultiver cette branche curieufe, & qui a fait dans cette partie lest expériencts les plus fatisfaifantes. Seroit il donc vrai comme le dit le tradufteur, d'après Magellan, grand phyficien lui-même, que In manie de l'bifiiire naturelle ralentit vifiblement les progrès des connoiffances utiles, & que toute 1'attentlon s'eft aujourd'hui tournéevers la partie morte des Sciences naturelles, par la vanité de pofféder des raretés & de paffet pour favant dans le monde, au moyen d'une nomenclature facile a faifir ? Cependant M. Ramal nous dit de fon cóté, que le goüt de 3 lhis>  2'2« NOTJV. BlBLIOTH. BELOTQVg. Wfloire naturelle eft fur fon déclm, £f que nous fommes tout entiers aux queflions de gouvernement, de législation, de merale, dtp», littque, de commerce. Ne pourroit-on pas dire 4 1'un & 4 1'autre: Fous êtes orfevre, M.Jojfe! Si ies curieux ont 4 s'inftruire dans I'ouvrage de M. Prieflley, ils trouveront 4 s'égayer dïns une lettre qui circuie ici, «Sc qui préfente un itinéraite affez plaifant de la róute que nos Balloniftes pourroient tenir en débutant dans leur prochaine courfe aerienne. En voici 1'extrait. ... Les voyageurs aëreios paroifFant détenmnés a partir la femaine prochaine je les engage a confirmer l'expérience propofée par Fontenelle, dont le fuccés démontreroit la poiT.bilité de parcourir 37S Üeueus par heure fans relayer, ,ni même changer deplace; deforte qu'en partant de Paris 4 fj heures du matin, Ia première pofte feroit 4 Bude en Hongrie, la feconde dans Ia petite Tartarie; Ia troifieme, 4 AUracan prés de Ia mer Cafpienne, qu'on traverferoit pour ra fraicbir; 4 10 heures, 4 Usbeck; remontant" envoiture 4 n heures, on arriveroit 4 midi dans YAfie; & laiflant Pekin fur Ia droite on pourroit s'approvifionner de paille & de laine dans Ia Tartarie-Cbinoife; fouper i9, beu»  JUIU-BT , AOÜT , SEPT., I783. 12$ heures,au Cap-Fatisnce prés duKamfchatka, d'oii, continuant fa route, on rerrcontreroic les pörts de VAmérique feptentrionale, ï une heure; & tout en dormant dans fè tranquille gondolc, on traverferoit le Canada; en s'éveillant a 8 heures on déjeunerojt a Terre> neuvi. Franchiffant enfuite a fee la mer da Nord, on pourroit descendre è 10 heures au port de Mada; mais afin de faire une bonne journée, on iroit diner è Brejl ou a Orléans, d'oü l'on reviendroit entendre pout deffert, ce que les amateurs débiteroient fut cette nouvelie manière de voyager. Si, tandis que tous les favans machiniftei mettent leur esprit a la torture pour parvenir. è diriger la.machine Aërojiatiqut , quelqu'un' trouvoit au contraire le moyen de la fixee dans un point de 1'espace rempli par 1'at-j mosphere, par exemple au Zènitb de Paris, n'eft il pas clair que la terre tournant fans ceffe fur fon axe feroit voir aux nouveaux habitans de ce Zénitk, 1'espace de 6 mille lieues dans 24 heures: or fi, d'après 1'auteur de la Pbyfiqtii du monde, il n'exifte pas d'attradtion entre 1'Atmosphere & le globe, ou fi, d'après le fyflême de M. d'Agoty, 1'électricité eft la caufe de cette attraftion, prions ces Meffieurs d'ifoler leur machine avec le tafietas ciré, & de t'aligner a une étoile fixe pour  230 NOÜV. BiBLÏOTH. BELGiqTJB pour réalifer Ia marche décrite. II ne refters plus qu'a troaver le moyen de fe diriger d'un póle a i'autre; procédé qui fera fans doute peudifficile, excepté a celui qui a 1'honneur d'être {'Extravagant des fociétés baltoniftes, dit \'Anti-gaz-inflammabU. ha fuite au Trimefire procbain. AVIS  JüILLET,A0UT,S£PT.,I?83« 23ï AVIS. BIBLIOTHEQUE CUKIEUSE ET IHSTRUCTIVI D E DAVID CLEMENT, continuée et achevée sur les Manuscripts de l'Auteur. L'efHme générale qu'ont toujours accordé les Savans a cet excellent Ouvrage dei David Clement; ne pouvant êtrerévoquée en doute, nous croïons inutile de répéter icï les juftes éloges que lui ont donné dans différens tems les Journaux & les Bibliographes , &Mr.GuillaumedeBure, entre autres, juge éclairé en cette matière, qui. malgré cette efpece de jaloufie, prefque inévitable entre gens du même métier, n'a pu cependant s'empêcber de rendre a cet Ouvrage, la juftice qui lui eft duë, & paroicre même regretter qu'il n'ait pas été achevé: Voici les termes; On trouve, dit-il, dans cette ColleBion Bibliographique un certain nombre d Articles rares, pré[entés fagement difcutés avec intelligence £? érudition:& plus bas, ilajoute; que/i cet Ouvrage eut été fini, il auroit pu être d'une grande utilité aux perfonnes déja inftrw.tes. Nous nous contentoroi s donc ü'oblerver qu'il faut que cette Bibliotheque jouïiTe en effet d'un mérite Tom. F. Part 1. Q bien  232 Nouv. Biblioth. Belgïque» bien reconnu.puifque malgré le desavantase d'avoir a peine été pouflës jufqu'a la moir;é ~ de. 1 Alpbabet, elle n'en eft pas pour cela moins jecherchée dans le Commerce, oü on ne ia trouve plus facüement; mais feulement dans les ventes, oü elle fe paye fouvent audela de fon prix de premier aeha^t. D'après ces confidérations, toutes fondées fur la vérité , ne devons nous pas avoir que:que raifon de nous flatterque nous ne pouvons que bien ménter du Public inftruit, en lui annoncant que nous avons été affés heureux pour devevir enfin pofTeffeurs du Manufcript entier & complet de la Bibliothequb Curieuse et Instructxve de David Clément, qui fe termine a la Lettre. Z, inclufivement, & dont fa Familie n'a confenti è fe défaifir entre les mains d un Aaii, diftingué par fes connoisfances profondes dans 1'étude des Livres rares qu'il poffede parfaitement, & du quel nousle tenons, de mémé qu'un petit nombre d'Exemplaires qui reftoient encore invendus de la partie imprimée, que fous la condition expreffe d'en achever l'Impreflïon, afin que le Public ne demture pas privé plus longtems du fruit des travaux & des fo'ns infinis que s'eft donné ce favantBibliographe, pour tnricher laRépublique des Lettres,d'un Ouvrage qui y fera toujouis d'une auffi grande utilité. Ainfi donc pour commencer a fatisfaire a nos engagemens, nous avertiflbns des a préfent. i°. Que nouseftimons que ce quirefte encore a imprimer du Manufcript de David Clé-  JuilletsAout,Sept.3i7o3. n% Clement, pourra farmer environ, mais pas au-dela, de trois Volumes in 4°. 4 peu. prés de 600 pages chacun, qui feront impriEiésdans le même furmat, & autart que faire fe pourra, fur du papier & avec descaracteres femblables a ceux des premiers Volumes. 2" Que le ioc. Volume étant déja prêt a mertre fous prêffe , nou* ne tarderonsf pas; i nous occuper de ce travail avec affés d'affiduité, pour que les deux autres Volumes le fuivent de prés. -1° Que l'expérience qu une étude conitante & Miilduë de dix années, a pu nous faire acquérir dans la Bibliographie & ia Connoisfance des Livres dont nous nous occupons autant par goüt que par état, nous aient fourni defréquentes occafionsde raffembler nous même un certain nombre de Notices & remaraues intéreffantes fur cette Matiere, nous les infererons, lorsque le fujet & la c.rconftance fembieront le permettre:, en oblervant néanmoins de diftinguer nos notes de celles de i Auteur, pour ne laiffer aucun douta fur ce qui appartiendra véritabletnent a Davi» Clément. 40 Que les Perfonnes qui defireront complettër leurs Exemp'aires, & fe pncurer la fuite qua nous nous propofons d'imprimer, font priées de le faire favoir avant la fin du mois de Février de 1'année prochaine, en fourniffant leur promeffe de prendre les Volumes, a mefure qu'ils parottront; mais, comme neus 1'avons annoncé, qui n'excederont pas le nombre de «ois \ pa'übles feuleinent Q 2 en  234 Neuv. Biblioth. Belgique* en retirant chacun des Volumes, avec unediminuc/on de 15 pour Cent, fur le prix courant des dits Volumes, en faveur de ceux qui auront fouscript: Avertiffans au furplus qu'on nen imprimera qu'un très-petit nombre au-dela de celui des fouscriptions. 5". Que nous offrons d'ici au terme fusdit de Ia fin de Février prochain, le peu d'Exemplaires reftans que nous avons tous acquis.au prix de/22: 10. les neuf Volumes; & les Tomes 8. & 9. dont il fe trouve aufli quelques Exemplaires féparés, & qui manquent indubitablement i ceux qui ontacquis dan- le tems les 7 premiers Voiume de la Bibliotheque de David Clément, au prix de f 6: 10. les dits deux Volumes; pafTé iequel terme, les neuf Volumes ne fe donneront plus a moins de/27. éclesTomes 8 & 9, a moins de/8: roOn Souscrira tant pour la fuite de cet Ouvrage, que pour fe procurer de> Exemplaires de ce qui en refle encore a vendre, chez les Libraires ci-aprèsnommés. S A V O I R. A Amsterdam: chez DU^AULCHOY, Editeur de 1'Ouvrage &Mrs. Changuion, Heritiers van Harrevelt, van VHJJingen, Guërin, Vlam. La Haye. M. C. Plaat. Leyde: Mrs. Luclttmans, F. de Does. Rotterdam : Mrs. Bennet & Hake, P. Holflein. Utrecht: Mrs. C. Kribber, Wild, Visch. Et chez la pltipart des Libraires des princi pales Villes de 1'Europe.  NOUVELLE BIBLIOTHEQUE BELGIQUE, Tome Cinquieme, i Seconde Partie. Pour les mois de OCTOB., NOVEMB., DECEMB., MDCCLXXXIII, A LA HAYE, Chez C. PLAAT, Libraire dans le Hofftraat. . MDCCLXXXIII.   AVIS. Pour ne point interrompre Ie rédt des Expériences Aëroftatiques & de toutes les *anecdo;.es rélatives k cette intérelTante découverte, on a été obligé de confacrer quelques feuilles de plus qu'a 1'ordinaire a la Correspondance de Paris. Nous prendrons notre revanche dans le Volume fuivant, qui fera deftiné prerqu'en entier a la Littérature Hollandoife, corcformément au voeu de plufieurs perfonnes éclairées & refpeélables. Des circonïlances étrangères k nos Leéieurs ont retardé depuis quelque tems 1'exaéte' publication de chaque Trimeftre. Celui-ci a été impnmé un peu a la hate, & loin des auteurs de différens Articles; Ils nous onc fait remarquer plufieurs erreurs typographiques, qu'on ne pouvoit redres* 2 fer  vr AVIS, fer quê'par des Cartons; mais il étoit trop tard. Nous fupphorjs donc MM. les Abonnés de pardonner ces négligences, aflurés qu'elles n'auront plus lieu a 1'avenir. pog. 348. lig. 14. tdchés, lUezfdckés. 348. lig. 14 francbire, liiez franchir. 349- 1'g. 2. que a, üfez que la, 350 lig. 13 unne, Üfez une. 3«i. Hg. 5. aux, Üfez aux. 362. lig. 3. atira, lifez attira. &c, &c. TABLE  T A B L E DES ARTICLES. Art. ^ Pag I. Mémoires de la Socié¬ té dü Haarlem, 2 Extrait ..... 235 II. Poësies de Mr. van Santen 260 III. Essai sur les Moyens de Rétablir, le Com- MtRCE, &c 294 IV. Histoire du Comte * GuiLLAUME II. i . . 303 V. La Morale de l'Ado- lescence 31^ VI. Introduction A l'Eïis- toire UnivERSELLE. . 333 . * 3 VII. Bi-  vi TABLE des ARTICLES. Art' Pag. VII. Bible de la Nature. 34o VIII. Histoire des Réfugiés en BranDEEOURG. . . 346 IX. PoËSIES. X. Nouvelles Litté- raires. XI. Extraits du Journal Helvétique. . . .387 XII. CoRRESPONDANCE DE Pa-  NOUVELLE BI BLIOTH EQ.UE B E L G I Q U E. POUR LES MOIS d'OÜobre, Novembre, Décembre. MDCCLXXXIII. ARTICLE PREMIER. Mémoires de la Société de Haarlem. SECOND EXTRAIT. L'Article, qui fuccede a celui donc nous avons rendu compte dans notre dernier Journal, eft un Mémoire de Mr. Swagerman , fur une forte de vaisfeaux dans les végitaux, qu'on nomme or. dinairement vaijfeaux aërient. Ce fut Malphig ics qui Ie premier découvrit ces canaux dans les plantes, Tome V. Part. 2. R après  23 <5 NOUV. BlBLIOTH. BKLGIQÜlf. après lui Je célébre Grew en décri'vït plufieurs, & fut fuivi de Leeuwenhoek, quoique la description & les figures de Ce dernier ne foient pas fi exactes, que celles de fon prédéceffeur. Plufieurs autres Naturaliltes célèbres fe font appliqués depuis k reconnoftre ces vaiffeaux & è les décrire, mais quelques - uns d'entre eux ont douté de leur exiftence; quoiqu'il en foit , lespreu. ves qu'ils exiftenc, font trop évidentes pour lailTer quelque doute raifonnable dans un esprit impartial. Mais il n'eft pas auffi certain que ces vaiffeaux fervent uniquement a porter de l'air dans la plante, ou bien qu'ils portent du fuc. M. Swagerman ne discute point cette queftion dans le Mémoire qüe nous avons fous les yeux, il promet cependant d'y revenir, & fait preffentir au leeïeur fon opinion touchant ces vaiffeaux, qu'il neregardepas comme uniquement deftinés a porter de l'air pour la plante. II fe borne ici a renere compte de fes recherches fur la fituatioa ié&uliere de ces canaux dans quel.  Octobo Nov.,Dec. j 1783. 23? i quelques plantes a oignoni; dans un autre Mémoire il nous donnera celles qu'il a faites dans les herbacées, les arbrisfcaux, & les arbres. L'Auteur appercut pour la première fois Ia fituation réguliere de ces vaiffeaux ! dans les ceps de vigne, Cüils font placés a coté de la moëlle; II les trouva enfuitè i dans Ia tige de la fleur, qu'on nommé fleur de la paffion, dans le chanvre, le ! chrevrefeuil, les asperges, dans la ti1 ge del'anaBas, &, quoique plus difficii' lement, dans le bois de plufieurs arbres, : mais comme 1'Auteur avoit deflein de met. tre tout le monde a portée de les décou: vrirparuneopérationanatomique, il vou« I lut fuivre une marche plus méthodique, I & trouva les plantes a oignon les plus 1 propres a cet effet. Ce fut donc fur la Couronne Impériale P que 1'Auteur fit fa première expérience. 1 En Coupant la tige transverfalement, il vit I une grande quantité de pointes blanches, I qu'il trouva être autant de faisceaux de ! ces canaux, placés dans un tiflu cellulaire & vert, embraflant entiérernent ces R z fai-  238 Nouv. Biblioth. Belgique. faisceaux & remplis d'une liqueur, laquelle en s'évaporant les faifoit d'autant plus fortir. En la coupanc en loDgueuil découvrit une grande quantité defibres, de différente épaiffeur, s'étendant lelong de la tige dans le même tiffu cellulaire. Ce furent la les faisceaux, que 1'Auteur prit la peine de fuivre jusqu'a la fin de la tige, oü il découvrit plufieurs faisceaux d'une petite épaiffeur, & même quelques fimples vaiffeaux qui s'étendoient dans le péduncule de la fleur, le germe, & les étamines. Après avoir obfervé le cours des vaisfeaux jusqu'aux parties fruftiférantes de la fleur, il convenoit de les examiner dans leur origine. Pour cet effet 1'Auteur coupa la tige quelques doigts au deffus de 1'oignon dans fa longitude jusqu'è la raeine, ce qui lui fit voir que la conjonction des vaiffeaux en faisceaux avoit déja lieu è leur première origine, mais il ne put jamais découvrir aucune anatomofe immédiate avec le commencement des racines, quelque attention qu'il y put porter, au contraire il lui parut qu'il y  Octob., Nov., Dec, 1783. 239 y a un endroit de féparation entre 1'origine des faisceaux & celle des racines placées dans 1'oignbn, faifant une partie caverneufe toujours remplie de liqueur, qu'y apportent les racines & les autres ouvertures. 11 eft affez évident, par ce que nous venons de dire, que ces vailfeaux font toujours réunis en plus ou moins grande quantité, depuis leur première origine dans 1'oignon jusqu'è la fin de la tige, d'oü ils paifent dans la fleur & fes diverfes parties,& il n'eft pas pas moins vrai, par les obfervations de 1'Auteur, qu'ils ne forment, lè même oü ils font féparês, aucune branche laterale; on obierve la même chofe dans les vaiffeaux fanguins dans le corps des hommes & des animaux. Le vaiffeau eft, è cet égard, depuis fon origine jusqu'è fa fin, toujours égal è foi - même & s'accorde entierement en ceci avec les nerfs du corps des animaux. Les obfervations fuivantes font faites furlatulipe commune, mais comme elles ne différent pas effentiellement des R 3 Pré'  ?4o Nouv. Biblioth. Belgique. précédentes nous les paiTerons fous filetv ce. L'Auteuf termine enfin ion Mémoire par une comparaifon plus exacte de ces vaiffeaux avec les foupiraux des infccies, entre lesquelles d'autres nacuraliftcs ont déja précédemment indiqué du rapport. Obfervations fur la Respiration , nar M. A. Ypey. _ Dans ces obfervations 1'Auteur éclaircit plufieurs points importans & examine diverfes qneftions touchant cette fonction néceffaire du corps animal; il nous eft impoffible de le fuivre dans toutes ces discuffions, ainfi nous ne ferons qu'indiquer les matiéres, qu'on y trouve traitées d'une manière qui foutient a tous égards la réputation de M. Y. Après avoir traité dans le § i. de la respiration en général, après avoir montré qu'elle eft dans une union immédiate avec la vie auffi bien dans les amphibies que dans les poifions, les infedïes& les animaux terreftres, 1'auteur fait dans le § 2. une diftin&ion bien Judicieufe entre 1'utiiïté & la néceflité de la  Octob.,Nov.,Dec., 1783. £41 Ia respiration. II obferve a cet égard que ia néceffité de cette fonclion pour la vie conflfte en ce que la circulation du fang celfe auffi - tót qu'elle n'agit plus ; mais que la folution de ce point ne fuffk pas pour expliquer la vraie utilitê de la refpiration; il faut qu'il y ait encore d'autres caufes, qui rendent cette fonction d'une utilité indispenfable pour nos corps; car fi le feul effet de la refpiration étoit une circulation plus commode par les vaiffeaux pulmonaires, les dangers multipliés3 auxquels nous expofe la forme de nos poumocs, auroient été faciles h éviter par la formation de poumons cartilagineux & d'une plus grande étendue, qui n'auroient pas exigé une dilatation & une contra&ion alternative. L'Auteur fe fert dans la fuite de cette diftincfion pour relever quelques faulfes conclufions du Doéteur Priestley touchant la fonüion des pijumons. Dans le troifième paragraphe M. Ypey donne la folution du problême de H a rvEYj parlequelon demande, pourquoi un anirnal récemment né, qui enfermé R 4 dan* -  242 NOttV. BlBLIÖTH. BeLGIQÜE. dans Ia matrice, vivoit au milieu d'une fiqueur, eft étouffé dès qu'on le plonge de nouveau dans une liqueur, après qu'il a refpiré quelques fois. Dans le § 41'Auteur examine les caufes, qui rendent un air corrompu d'un effet mortel pour tous les animaux. Le § 5 traite de 1'utilité de la refpiration dans 1'économie animale, & le óme des Obfervations du Dodteur Priestley fur 1'utilité de la refpiration & du fan g. Second Ejjaifur la nature £«? la légalité de Vinoculation de la petite verole, par Corneilu Albert Kloekhoff. On trouve le premier Effai de 1'Auteur fur cette matière, dans la première Partie du XIX Volume des Mémoires de la Socié. té. Ils contiennent uue fuite de régies morales & 1'application de leurs principes avoués fur la légalité morale de I'inoculation, que 1'Auteur ne regarde pas comme entierement décidée. On trouve è la fuite de cet EJfai une lettre du célébre G a ub 1 us, Ie fentiment de ce grand homme ajoute beaucoup de poids a l'opinion de notre Auteur. Cet  OeToi.3Nov.,DEC.,i783. 243 Cet EJJai eft fuivi de la defcription de quelques poijjons 6? autres animaux dis mers du Japon par M. Houttuin, que ce Naturalifte a mis en ordre felon le fyftème de L1n n É e ; on trouvera ici la defcription de 42 fujets curieux. Réponfe 4 la queftion: Quels font les moyens les plus propres 6f les plus faciles pour corriger dans ce PaysI''espritt leemt i$ les moeurs des perfonnes debajje condition9 tant dans les villes, qu'd la campagne? particulièrement pour les encourager les accoutumer d une plus grande applicationl par AlexandrR Benjamin Fardon d Amfterdam* II n'eft perfonne, qui du premier abord ne fente toute 1'utilité de cette queftion, en confidérant avec 1'Auteur que le fa» lut d'un peuple dépend en grande partie de chaque Citoyen. En effet fi tous veulent le bien commun & y contribuent chacun avec ardeur, ils rendront la fociété dort ils font membres aufB fortunée qu'il eft poffible. On peüt di« re, avec 1'Auteur, fans crainte d'avaneer des paradoxes, qu'on préviendroic R s ou  »44 Nauv. Biblioth. Bexgiqus; ou qu'on atténuëroit du moins la pluparc des naaux, auxquels le genre hum3in eft fujet, fi des connoiffances fuffifantes mettoient chaque homme en particulier en état de fe conduire de la manière la plus efficace k produire le bien com« mun, tandis qu'en éclairant 1'esprit on corrigeroit le cceur, chacun s'occuperoit avec diligence & avec ardeur des chofes propres a fon état, & la félicité de tout Ie peuple feroit le fruit de ces gfforts réunis. Mais, obferve 1'Auteur, fi, par corrïger 1'esprit, on en tendoit 1'art d'augmenter les idéés, & celui de les enchainer,il ne faudroit pas croirequelacorreétiondu cceur en feroit Ia fuite néceffaire. L'esprit peut être orné de connoiffances, Ia mémoire forte, 1'imagination ardente, Ie jugemcnt fain, tandis que les objets, fur lesquels ces facultés s'exercent, font d'une telle nature, que leur contemplation & leur étude ne contribuentque peu ou point h rendre 1'homme bon & vertueux, II lui faut pour cela des idéés de religion. Sans 1'idée d'une puiffance toute fage, toute  Octob., Nov., Dec, 1783 , te puiffante, & jufte , qui punira le mal & récompenfera le bien, tous motifs qui portent a la vertü, font vains & impuis. fans. En vain en appelleroit t-on a une conviftion interne, a la bienféance, k la nature des chofes pour engager les - hommes k une vie vertueufe & aux ; bonnes aöions, s'ils n'étoient en même ; tems encouragés au bien & détournés du : mal par cette fentence: Chacun fera récompenfé felon fes ceuvrcs. II eft trés certain que la doctrine d'une remunération a venir a beaucoup d'in1 fluence fur les moeurs de ceux qui y , croyent, mais elle n'a pourtant pas tout j 1'effet qu'on en devroit attendre, par 1 plufieurs raifons que 1'auteur expofe ; en partie; il nous eft impofiïble de le ! fuivre dans ee détail; les bornes de notre ouvrage ne nous le permettent pas; nous paflerons donc ces remarques i ainfi que la folution de quelques doutes fpécieux fur les inconvéniens qui pourroient réfulter, fi 1'esprit des perfonnes de baffe condition étoit en général corrigé a un «ertain point. Nous paflerons d'abord I v - au  ï4V NOUV. BlBLIOTK. BELClQÜSr.? peu méritoires, auroient pourtant de trés bons effens; on acquéreroit par la' quelques bonnes habitudes, qui rendroient 1'acquifition d'une vraie vertu, fondée fur la raifon, plus facile. L'-Auteur veut faire fervir k cette fin la lecture de romans moraux, compofés particulierement pour le peuple; des fermons moraux qu'on feroit dans les églifes, & enfin la conduite exemplaire de ceux qui font dans un état au deffus du commun, ce qui fuppofe que chacun fe feroic un devoir de corriger fon coeur & fes mceurs. O Somnia! * On figait qu'en plufieurs endroits de Ia France on a introduit 1'ufage de donner quelques récompenfes publiques a la vertu des gens de baffe condition. On connoit les Rofières. L'Auteur regarde avec raifon un tel ufage comme impraticablb dans les grandes villes; il n'en Concoit pas même 1'utilité. Outre la difficulté de faire un bon choix, outre le dêféspoir, 1'ènvie qu'on fait naïtre dans 1'esprit de celles qui ne font pas couronnées, il y a, dit-il, encore beau- coup  .ÖCTOB., NOV., DEC, I783. 2$$. coup de difficultés, qui rendent un tel ufage impolfible, excepté dans quelques cas trés particuliers ; il eft pourtant trés louable, & même du devoir de chacun de favorifer fans bruit la vertu dans la dispenfation de fes faveurs. Dans 1'indication des moiens pour encourager le peuple d la diligence, 1'Auteur obferve d'abord que ce n'eft pas par le funtiment du devoir, ni pour de la gloire que le peuple travaille; le gain eft le fcul motif de leur diligence, [excepté dans quelques cas trés rares; ce n'eft donc point par des raafonnemens abftraits, ou des exhortations férieufes qu'on le peut encourager au travail, il faut des moiens plus efficaces pour obtenir ce effet.. L'Auteur en propofe quelques uns qu'on ne trouvera pas tous égalérnent praticables. Les perfonnes riches devroient économifer dans les chofes, qui fervent au luxe & être libérales en cayant bien les chofes néceffaires, en dispenfant pourtant leur libéralité avec jugement. Autant qu'on s'appiique de nos jours a procurer du travail au pêuR 3 Ple»  ttff NOUV. BlBLIOTH. ÈELGiqve: ple, autant devroit on tScher de Ie faire travailler avec fatisfaétion; on devroit s'efforcer a procurer au peuple quelques diverdsfemens, qu'il pourroit goüter fans dépenfe, & qui corrigeroient en même tems fon goót. En deux mots, lemanque d'application parmi les gens du commun a fon origine principale dans la médiocrité du gain, dans la trop grande continui'té de leur travail, & dans les incommodités, qui y font attachées, par la mauvaife conduite des maitres. Tant que ces abus ne cesferont pas, on excitera vainement le peuple è la diligence par des motifs de vertu & de fagelfe. Description d'une Budleja Globofa par J. Hope, PmfeJJeur d Edimbourg. On trouve ici la figure de cette plante. Description de deux nouvelles fortes de végétaux du genre des palmiers, orii>inaU res du Japon &du Cap de Bonne E-pér ante avec quelques Obfrvations fur les fleur s desfougères & autres plantes de cette forie, par Monfieur Charles Pierre Thumbje*g. Cette description a été traduite du  Octob.,Nov.,Dec, 1783- *& du latin par Monfieur Houttuin, Membre de la Société. . Parmi les Avis qu'on a fait parvemr a la Société on trouve, en premier lieu, la description d'une bleffure d la tête dans laquelle une grande partie des os du crane étoient d découvert, guérie par Monfieur Brugmans. , , Un païfan ent le malheur de tomber du haut d'une grange defoindans un puits, en tout la hauteur de 48 pieds , & ie bleffa principalement a la tête, laquelle avant gliffée le long des pierres dans le puits, montroit tout l'oa du crane a découvert, dans la longueur de plus de neuf, & de la largeur d'environ cinq pouces. Tout le pericrane avec les muscles d* la tête & les tègumens étoient «noortés. La bleffure avoit fon origine au deffus de 1'os du front & finifioit derrière & au deffus de 1'os de 1'occiput. 11 l avoit encore quelques bleffures dans es Lumensacoté de la tête par lesquelles on diffmguoit parfaitement les futures ^^rifT de° cette bleffure en trés peu deg tems offre un nouvel exemple  &58 Nouv. Biblïoth. BelGtque\ du peu de danger, auquel on expofe un patiënt, qu^nd on veut au befoin découvrir une grande partie du crane. Avis concernant une maladie des yeux, héréditaire dans une même familie, dans •Visie de Wieringen, par J. F. Martinrt. II y a dans 1'isle de Wieringen une familie, dans laquelle fubfifte affez conftamment un vice des yeux qui confifte en ce que la paupiére fuperieure fe trouve en paralifie, deforte que ces perfonnes nefoct pas en état de bien ouvrir les yeux, & qu'ainfi la fente entre les deux paupiéres eft néceffairement trés étroite. Quand ces perfonnes veulent regarder honfontalement ils font obligés de jetter la tête en arrière. Les globes de leurs yeux font ordinairement plus petits que ceux des autres hommes, & font plus enfoncés dans les orbites, mais ils voieut bien ; au refte ils reffemblent affez aux yeux des cochons. On a donné a cette familie un nom analogue a ce vice, (boog-kykers ). La fingularité de ce fait confifte dans la transplantation d'un vice fi léger dans les enfans de cette familie. II paroit affez conftant que de deux enfans il  Octob.,Nov.,Dec.,ï783. »5sè il y en a un dans lequel ce vice a lieu, fans qu'il fe trouve ici quelque mélange. Pour confirmer ces obfervations M. Marti net y a joint une petite table généalogique de cette familie, par laquelle il paroit cependant que ce vice s'évanoüüra a la longue, puisque dans la troifième génération il y a déja une femme, dont les enfans ont les yeux bien organifés. Objervation d'une enterocèle avec élranglement dans le ventre, accompagnée d'une bydrocèle, dans une lettre de Monfieur M. van Güens d Monfieur A. Bouw, Profejjeur en Anatomie Chirurgie d Amfterdam, C'eft la derniere pièce de cette Partie, laquelle eft terminée par les Obfervations Météorologiques pour l'année 1780, R5 ARTI.  Nouv. Biblioth. Belgiqub. ARTICLE SECOND. Laürentii Santenii Carmina. C'eft-k- dire, Poësies de Mr. Laurent van Santen, a, Utrecht chez Bartk. JVüd & h Leyden chez C. A. Koenig, &c. in 8°. Les décifions des Auteurs mfrne les plus cêlébres ne font pas toujours des oracles. Souvent i!s ne prononcent que d'après leurs' goüts particuliers & queïquefois il fuffit qu'un genre ne leur plaifc pas pour qu'ils 1c réprouvent. C'eft ce qu'on a vu dans tous les tems & ce que nous voyons encore aujourd'hui rélativement a la poëfie latine. Plufieurs écrivains, dont les noms font autorité dans la littérature moderne, ont affeclé non feutement de faire peu de cas de ceux, qui nourris de la le&ure des plus grands poëtes de Rome, fe plaifent a les imi- ter,  Octob., Nov.,Dfic.,i783. *6*l ter, mais encore ils fe font appliqués k les tourner en ridicule. Hcureufement leurs opinions ne font pas plus des fentences décifives que leurs railleries des raifons péremptoires. Pour comprendre combien ceux qui cultivent les mufes latines méritent des littérateurs judicieux, il ne faut que remonter h. ces fiecles oü les lumicres du favoir diffiperent les ténêbres de 1'ignorance. La poëfie latine fut comme le premier rayon de cette brillante aurore j & fi 1'Europe fortit enfin du cahos de Ia barbarie oü elle fut fi longtems piongée, c'eft a un poëte latin, c'eft h Pi" trarque, qu'elle eft redevablede ce grand changement de fcene. Formé fur les beaux modeles de 1'antiquité, ce reftaurateur de la langue & de la poëfie Italienne fit en latin un poëme épique fur la feconde gaerre punique & ce poëme foutint toute fa rêputation même après le recouvrement de celui que Silius Italicus avoit compofé fur le même fujet & que 1'avantage d'être écrit par un An- . cien, dans fa propre langue, fembloit devoir eclipfer. L'in-  StJ2 NOÜVi BlBLlOTH. BïïLGIQUK? L'influence univerfelle du génie De s'eft jamais mieux fait fentir. L'exemple de Pétrarque diffipa la léthargie commune, les esprits fe réveillerent; on pafia de rinertie au travail; Ia vraie érudition fuccéda au faux favoir & 1'Italie enfanta des hommes éclairés qui fe diftinguerent dans le même genre & dont les productions ne paroiflent céder en rien a 1'antiquité elle-même. Tels furent les Flamimius, les Mol/a, qu'on peut lire avec autant de plaifir que Tibulle. L'Allemagne produific fes Sabinius, & fes Loticbius. L'Angleterre eut fes Bucbananus &fes Jbonfion: la France fe glorifie encore de fes Santeuils, de fes Rapins, de fes Varderes; elle peut même s'applaudir de Jean Bonnefons qui, quoique d'une latinité moins correcte, a écrit des Baifers qui valent au moins ceux de Dorat. Mais de toutes les nations qui ontcukivè les lettres, aucune n'a été plus fertile en excellens poëtes latins que Ia Hollan.de. Ses Secundus, fes Brouckbufius atteftcront a jamais fa lüpériorité a cet égard, & quoique cette branche de littéra: ure ne flouriffë pius taDt aujour- d'hui,  Octob. , Nov., Dec. ,1783. 26*3* d'hui, nous ófons néanmoins dire que les Provinces - Unies peuvent encore fe vanter d'avoir autant & d'auiïi bons poëtes latins qu'aucun autre pays. Les différens extraits que nous avons déja donné des piéces de .quelques- uns de nos jeunes poëtes fuffiroieEt ponr juftifier cette aflertion; Mais comme ea continuant h en faire fentir toute la vérité , nous pouvons exciter une érnulation également utile & néctflaire, nous analiferons quelques - unes des ncuvelles Poëfies de Mr. Laurent van Santen.' Sa modeftie aufli réelle que rare ne nous permet pas d'ajouter a fon nom. La première des pièces qui compoient ce nouveau recuei!, intitulée, fa Jêlbo Rudolpbi mn Olden', eft le doux épanchement d'une amitié tendre. Rien nepeint mieux 1'énergie de ce fentiment que ces deux vers. O mihi communis fortuns fit utraque tecum! j Te vitae & comitem mortis habere velim. L'Elégie adrelfée h Mr. P. Rend?rp, alors étudiant a 1'Univerfité de Leyde & maintenant Sécrétaire de la Ville d'Ara- fter-  864 NOUV. BlBLIOTH. BBLGÏQÜf. fterdam, eft une invitation a 1'étude de 1'éloquence, oü le poëte joint les excmples auxconfeils, comme le prouvent fes ingénieufes imitations. En voici qudques-uces. Felix Rendorpi! tua fi moclo commoda nöris. Pag. 8 v. 5. O fortunatos nimium, fua fi bona norint, Agricolas ! Virgil. II. Geoe. v. 458, Sunt tibi divitiae, nee es hospes in arte fruendi, Ibid. v. 7. Dl tibi divitias dederunt, artemque fruendi. Hor at. Liv. I. Ep. 4 v. 7. Cette imitation, malgrê le plagiat apparent de plufieurs mots, n'a rien de fervile & ne peut-être trop applaudie. Et Domus a magnis clara refulget avis. Ibid. v. 8. Ce vers rappelle avec bien du plaifir la richeffe pompeufe de ce vers de Properce, dont la maitreffe avoit eu un ayeul favant. Splendidaque a dofto fama refulget avo. Prcp. III. Eleg. XV. III. 88. It  Octob., Nov.jDec, 1783. 26$ Et Licet ereptum non ceffas flsre pareotem. Ibid. v. 11. II nous femble, qu'en fe conformant aux meilleurs auteurs, il auroit mieux valu fe fervir du fubjon&if cejjes après etjk Eft, qua nulla fuit, Mater, amabilior; Ibid. v. 12.' Ce vers a un rapport fcnfible aveq cet aimable vers de Tibulle. Isque pater, quo non alter amabïïjor. Tibul. III, W. Sf|.' Nee tibi fed terrae natum te crede BatavaeJ Pag. 9. 95. Cette idéé eft prife de ce veis, kglo&y ie de Lucain. Nec fibi, fed toti'genitum fe creJefentiïadc^ Lucan, IL «. §83. Jamque, ubi te rebus aetas formaat ageadis, Ibid. v. peaal. Cette derniere fyllabe de Rebus, brève dans le vers, y devroit être longüje. Cette licence étoit facile a éviter; il fuflfoie de transpofer ainfi les mots. Jamque, actag ubi te rebus formMt sgecdis»  i66 Nouv.Biblioth. Bjelgiqub. Le poëte auroit du faire lui-même ce changement. Amftelis urbs. feptem felix regionibus effert Quae caput Hollandi nomen honorque folij Cuipopulo numero, teétorumet molefuperbae Vesper & Eous congerit orbis opes ; Haec, ubi perpetuam legit fibi belgica fedem Libertas, alia ne velit urbe coli; Te manet, ingenio & doétus celtbrata camenis, Amftelis urbs. laudi quanta theatra tuae! Facundo AmfteliuiB teneasfac ore fenatum, Et fle&e attoaitos ad tua verba patres. Pag. 10. v. jg. Cette description d'Amfterdam mérite cTêtre mifè en parallelle, avec celle que le fameux Claude Saumaife fit dans une infomnie & dont voici quelques traits. Una fedante alias urbes bac laude fuperbit» Amfiela, quam junétis Yaque lambit aquis, Divitias gemini quae poffidet aurea mundi, Cui dat Eous opes Hesperiusque fuas. Nobilis imperio rerum.quas continet orbis, Orbis & imperio tollere digna caput. Urbs populis angulia fuis licet aedibus altis. Lucida contemto furgat ad aflra folo. Et  .. Octüb., Dec.,Nov. , 1783. 2Q> Et tantum tamon ima petit, quantum exit in X I auïas, Urbs Ventti cedas ambiciofa maris. Ck. Sulmafius de urbe Amjtelaedamenfi ejus Athenea illuftri. C'eft k bien jufte titre que Je favant G. J< Vojfius, dans fa 249 Epitre, pag. 279, fait 1'éloge de ces vers, les meilleurs, fans doute, que Saumaife ait jamais fait. Laur-. Santenius Rhd. van Olden. . Cette Elégie oü notre auteur s'étend fur fes bccüpations chéries, eft une des plus belles pièces de ce genre qui ait paru dans notre fiècle: elle eft bien propre k prouver que le véritable goüt de 1'antiquité n'eft pas encore perdu. Elle refpire toute la nobleffe du ftile de Pro^ perce. Les deux vers qui terminent Ja pag. 11. offrént une belle imitation d'Ovide & furtout le Pentamêtre: Adde, Hagana mes prajferrem ut commoda Leidas, : . Tm.F.Part.2.' T Ia-  268 Noüv. Biblioth. Belgiojöe. Invitum quod fic nee tarnen ifta capit. Pag. II. v. 15 £ƒ Iö. Ut tarnen optarem fieri tibi Troïa conjux» Invitam fic me nee Menelaus haber. Oviö. XVII. Héroïd. r, 110. Leida vetos, fedec aptifCma, Leida, Camenis, Plena celebratis orbis in ore viris. Degit ubi Lodoïx, degit Ruhnkenia virtus, Graecia quts, totas Roma recluCt opes: Nobile par, Hollanda fibi quo fospite Pallas Antiquum agnofcit non periiue decus; Quos merita Criticae, dofti quos Iaude laboris Salmaöis jaclat Scaligerisque patés. Pag. 12. v. 36". Cette description de 1'Académie de Leyde eft particulierement remarquable par 1'Eloge de Meffieurs Vakkenasr & Rubnkenius ; morceau qui par la même paroit coDtrafter avec un des meiU leurs de Mr. Weftein, & qui fe trouve dans fon poeme Virgn Batavica; le voici. Domus ardua furgit, DignaDea; priscoque nihil debentibus aevo, Ingeniis foecunda diu; quam Scaliger ingens, Quamfama fuper aftra vehic Salmafia laurus; Tum duo, Appollineo prseoidia Numine pleni, Hein*  , Octob., Nov., Dec, 1785. 2 69 Heinliadae; do&ique flupor, Gronovius, orbis; Nu'tfe alias, beu! pafTa vices, retroquerelata, Flebilis umbra fui; ticulos vix praeter inanes Ulla recognoscas veteris veftigia famae. Malgré cette oppofition il faut croire que les deux poëtes font d'accord fur la rareté du mérite de ces deux grands profelfeurs, qu'on peut appellcr des phénix dans leur genre. II paroit feulément que Mr. (Fejlein regrette qu'il n'y ait point k Leyde de chaire érigée pour enfeigncr la poëfie; les fentimens feront probablement partagés fur la justice de ces plaintes. Ante laremqi proprium nocles Sccoena Deo- rum. Pag. 12. v. 17. O nöftes coenaeque Deüm! Quibus ipfe meique Ante larem proprium vescor. Hoe at. II. Seem. FI. 63. Le ftile épiftolaire d'Hor ace eft ici parfaitement bien fondu avec celui de de l'E!égte qui' eft plus poëtique. Lesfix premiers vers de la pag, 13 différencient, avec la plus exacfe précifion, les talens poëtiques de Meffieurs T2 yan  • 2JO NöUV. BlBIIQTK. BeLGIQUE. Van Royen 6? Wejltin. L'art & le fablime de 1'un, le naturel & 1'harmonieux de 1'autre: Eft, quae fubümi Wetfteinia Mufa volatu Aica Papiniaco fidera ftringit equo. Suaviloquoque fenex Royenus ftiliat ab ore Mella, Tibulleo dulcia melle magis. Ut nativa, novis vix uj'telléfta poëtis, Simplicitas,nuild pulcrior arte, nitetr Ibid. v. 5 6. Bien des poëtes auroient dit omni pulcrior arte. Mais Mr. van Santen a mieux aimé' fuivre Properce qui s'exprime ainfi. Litora nativos pellucent piêla lapillos, Et volu.cres nuild dulcius arte canant. Prop. t, Eleg. 2. v. 14, Cette phrafe n'eft point latine, mais grecque.. O frugum inventrix.o legum mater, Athenae, Lis femel aeternis digna faifTe Deis. Semideümque ferax regio, Morumque magiftra, Virtutum genittix,Ingeniique parens; Arti-  . Octob.,Nov., Dec0 1783. 271 Artibus o populos & demeruilTe repertis , Et Sacro, öcgentes Jure beaffe potens; Pag. 14. v. 18. Ce paffage eft de tous ceux des oeuvres de notre poëte le plus travaillé: 11 yfaitéclater tout fon zè!e pour les lettres grecques; il en fait fentir toute 1'excellence & il prouve avec autant de force que de concifion, combien la poftérité leur eft redevable. Le commencement eft tiré de Ciceron : „ Adfunt Athënienfesj unde humanitas, doctrina', refigiö, fruges, jura, leges ortae atque in omnes terras diftributae putantur: De quorum urbis poffeffione, propter pulcritudinem,, cciam inter Deos certamen fuiffe, proditum." Cicer. Orat.pro L. I. Flacco. Cap. 26. \ Cette imitation indique affez la manière dont les poëtes peuvent tirer par'ti des grands oraceurs. C'eft a peu-près celle de Properce k mettre a profit les beautés du même Ciceron. O qui me liquidam Cephifi portet ad amnem, Et dign^ aetbereo fronde Platone tegat! Ibid. V. II. fjf fuiv. T 3 Ces  2/2 NöUV. "BlBLÏOTH. BELGiqüE Gts vers ont un rapport bien frappant avec cet endroit de Virgile. O ubi campi, Spercheosque, & virginibus bacchata Lacaenis Taijgeta: o, qui me gelidis in vallibus Haetr.i Siftat, & ingenti ramorum protegat umbra! Plufieurs poëtes ont imité ce paffage entre autres Flaminius & la Fomaine: Le premier, celui de tous les poëtes dont la verfification douce & moëlleure approche davantage de Tibulle, ou pour mieux dire de la nature, le rend ainfi. O qui pallentes Erebi me ducat ad utnbras, - Et genibus fiftat me, parer Orce , tuis! O quales tibi manarent mea lumina fietus, ïunderet o quantos lingua diferta precesf Elaminius Lib. IV. Carm.XVU. Le fecond dit. Oh l qui m'arrêtera fous vos fombres afiles ? Quand pouront les neuf foeurs loin des cours & des villes M'occuper tout entier. Non ego deftrufto dubitem procumbere templo, Et  Octob.,Nov., Dec, 1783, 273 Et dare tam fanftis oscula relïquiis. Ibid ti. 178. C'eft ainfi qu'il faut emprunter de Tïbulle: Non ego, fi merui, dubitem procumbere templis, Et dare facratis oscula Hminibus. TlBUL. /. V, 41. A Pexemple de ce grand poëte le nr> tre, pour exprimer fa profonde vénération pour 1'antiquité grecque, fe proftejne devant les ruines du temple. Quis fapiens, quis non obliviscatur amorem Inter & haec curas, quas babet ille, malas ? Pag. 15. v. j-r-S. Ces vers décelent toute 1'habileté de 1'Auteur h faire pafler dans 1'EIégie le ftyle de 1'Ode. Quis non malarum, quas amor curas Jaabet, Haec iater obliviicitur ? Horat. Epod. 2. T4 Kpi.  2/4 NoUtf. BlBLIOTH. BeLGIOJUE; EpitAPHIüm: ThEOÖORI DE' S m e t h. • • - Pog. 18. Cette pièce eft de la plus grande précifion & du plus grand fens. Un'des meilleurs poëces de notre tems , aprils I'avoislue, n'a pas balancé a dire qu'il aimeroit mieux avoir fait ces quatre vers', que tous ceüx qui compofent le volume de fesfpoëfies. Cependant uh homme de goüt a obfervé que c'étoit exagérer que de dire bonor patriae d'jan jeune & fimple magiftrat qui, malgré tout fon mérite, n'avoit pas encore eu le tems de fe fignaler dans fa place. Ces deux jugemens font ils également bien fondés? c'eft ce que nous ne déciderons pas. Mais nous ne doutons nullement que Mr. Kan Santen ne réforme un jour la furabondance de cet éloge. L'Elégie qui fe trouve h Ia page 19 eft ' celle'oü 1'Auteur a faifi davantage le ftile' de Tibulle. II eft impoffible de mieux imiter 'un Ancien: on croiroit lire Tibulle lui-même & cependant on ne peut y trouver autre chofe que Ie génie de ce Poëte, Mr. d'Arnau.d en jugeoit füre- ment  Octob. , Nov., Dec. , 1783". Z?f \ ment comme nous, lorsqu'il adreffa a Mr. van Santen ces vers, les plus beauxpeut» être, qui foient fortis de fon Porte-feuiU . le, & qu'un heureux hazard a fait tomber entre nos mains. Nos lectcurs nous t fauront certainement gré de les rapporter ici avec leur adreffe: Vers A Mr. van Santen, Auteur d'E' légies Latines dignes de l'Antiquiti. Dieux enchanteurs, de Tibulle adorés, Graces, Amours, dont jl rtcut fa lyre, Au fombre. ennüi ne foyez plus livrés: Heureux vainqueur du ténébreux empire, Au jour rendu Tibulle encor foupire, Et le front ceint dé vos rameaux facrés II chante encor la beauté qui 1'infpire. Oui, c'eft Tibulle è 1'ómbre de vos bois Qui parmi nous revient fe faire entendre; Tout reconnoit le charme de fa voix; Venus, accours, du trépas !e défendre, Conferve en lui ton amant le plus tendre, Et n'ayons point une feconde fois, Horrible image! a pleurer fur fa cendre.' T 5 C^tte  sytf NOTJV. BlBLTOTH, BeLGIQUE," Cette élégie juflifie pleinement ces éfoges. Cependant on peut lui reprocher Ia trop forte reifemblance de ce vers ; Eaene mihi puero cognitus ipfe puer, Ibid. v. 6. Avec celui ci è'Ovide: Paenemihi puero cognite paene puer. OviD. IV. EX. PoMTO X//. 10. (*) L'Elégïe de la page ai. eft une epithalamefurlemariagedeMr.HoKüFT, Je premier de nos jeunes poëtes latins. I/Auteur lui fouhaite un fils qui apprenne de lui a manier la lyre comme Orpbée Fa appris d'Eumolpe ou Linus de fon pere Apollon. Tout ce que Mr. van Santen dit au fils eft une apologie extrêmement ingénieufe & délicate des talens & des vertus du Pere. Quale (*) Cette Elégis mérite bien d'être compafêe avec eelle de Télégant Sannazar fur les couches de Ja Piccolominée. Lib. I. Mleg. IV.  Octob. , Nov. ,T)ec. i 1783. $7:' Quale Philammoniden Euaidlpum Oiiagrins Orpheus Biftoriiae docuit buxa ferire lyrae. Ce dernier diftique de ja pag. 21, efl un bel exempie d'harmonie. Selon Ovide & d'autres poëtes, Eumolpe a été le discipie d'Orphée; mais Mr. van Santen paroit avoir iuivf p2rticulierement Théocrite, Idyl. 24 v. 107. AAtui meiSlt ïtï)Ki tttt.1 tippet W~e*s ïTAao-W» L'Elégic de la page 23 eft entierement ècrite dans le goüt de Properce: elle prouve que ce Poëte n'étoit pas moins familier k Mr. van Santen qu'a MrBurman, & qu'on ne pouvoit pas lui donner un plus digne fucceffeur , peur 1'éditionde ce Chevalier Romain, qu'il avoit presque fini & que fon discipie a achevé. Cette Elégie en eft la dédicace. L'auteur 1'adrelTe aux mines de Mr. Burman dont il déplore la perte: perte vraiment tirrépaïable pour la République des lettres & des Provinces-unics. L'étudefait teus les jours des favans, mais la nature feule : .  «78 NOÜV. BlBLlOTH. BfiLGIqUB. (feule enfante des génies, & fouvent il lui faut un fiecle pour en produire un Mr. van Santen laiffe a de plus grands .poëtes que lui è célébrer les rares talens de Mr. Barman. U ne vcut que le pleurer Jl fe p|ait k s'attendrir aJ fou. venir des lecons que ce graad-homme lui donnoit, moins en maitre qu'en ami. II s applaudit d'avoir fuivi fon confeil en préferant les lettres au négoce , quoique ( bien moins lucratives pour lui. II j« pleure auffi amerement qu'il a picuré fo~ propre pere: cette piècè eft pleine d'é nergie&defentiment. Quiconque comprend tout ce qu'un discipie doit a ua bon maitre ne la lira jamais d'un ceil fee Elle offre une foule d'heureufes imitations. Nous en citerons quelques-unes. Sed tuusa fuperis tibi quae Santenius oris Mittit Averaales, magne Secunde, domos. Pag. 23. v. 3&4, Thefeus Metnis, faperis teffatur Achilles, Hic Ixioniden , We Menaetiaden. Propert. II. v. 37. iret ut Aefonias aurea Iana domos. i Prop. III. IX, 14. Cer-  Octob.,Nov., Dec.j 1783. 27£> Cernis,ut in proprio fulgens accedat ami£tu? Ibid. v. peuult. Nee finere in propriis membra nitere bonis. PRor. I 2—6, Ceperat hac vultus, Cynthia, veile tuos;' Ibid. v. 16. Dein quapridem eculos cepifti vejle Propetti, Indue. Prop. III. Vil. i$. Aut hac Romanas inter conviva puellas. Pag. XXIV. v. r. Ut regnem mixtas inter conviva puellas. Prop. //. xx^, 58' Regnabat, nullis, non ita dives, avis. Ibid. v. a. Quamvis non fanguine avito Nobilis, et quamvis non ita dives eras. Prop. II. XIX, 25. Exfultet, pueris virginibusque legi ? Ibid. v. 4. Haec pueri curent, curent haec icripta puellas Prop. III, VII, 46. Italis "hic, Grajis. fluélibus orta, Venus. Ibid. v. 6. Primus ego ingredior puro de fon te facet* dos, Itala per Grajos orgia ferre choros. Prop. III. I, 4. Gau-  fsS.o Nouv. Biblioth, Belgique. Gaudiaque hic inter falvus amoena pudor; Ibid v. 8. Tune etiam felix inter et arma pudor. Puop. II. Vil, 50. Cynthia fupremus, Cynthia primus amor. Ibid. v, 12, Cynthia prima fuit, Cynthia fin is erit. Prop. I. XII, ïg. Quin etiam ante diem quae raras auxerat urn- bras. Ibid. v. 13. Cynthia rara tnea eft. Prop. I. VIII, 42. ' Rara pour pulcra eft une expreffion ■fi,exquife & teiïement propre h Proper' («, que les plus grands critiques y ont été trompé & l'ont voulu, trés mal a propos, changer en cara. Voyez les notes de Mr. Burman fur Properce I. VIII, 42. & de\Mr. van Santen IV. XI, 51. Formofa humanis ne foret ulla locis, Ibid. v- 14. Pulcra fit in fuperis, fi licet, una tocis. Prop. II. XIX, 51. Cynthia quin etiam pulcrae mon omenta figutae. Petre, videns fcriptis emaculata tuis. 'Ibid, vi 15&1Ó". For-  Octob.,Nov.,Dec., 17S3. tZi Eortunata! meo fi qua es celebrata libello; Carmina erunt formae tot monumenta tuac Prop. III. I, 56V [ Cynthia gaudet in ornatu, teque induit «Inis, Terque caput nivea mulcet et ora manu, Ibid. v. 17 & 18. Cynthia gaudet in exuviis, vixuixque iccurrit, Et mea perveifl fauciat ora manu. Prop. IV. IK, 3S. Scrijnaquidem dextiae iabor h«sc fuic ultimos aegrae. Ibid. v. 19. Hereulis ite boves,noftrae labor ultimeclavaK Prop. IV. IX., 17. Non tua longinquas Santhorftum praebuU uoibras. Pag. XXV. v.yj Multi longinquo periere in amore libenter, Prop. I. VI. 2?* Pro quibus aetemam properavit Parca «póai tem, Faeda repentinae crimine Parca necis. Ibid. v,n & 12. %u«td fi for'e tibi proptrarint fata quic^eus* lila fepulturae fata beata tuae. Prop. XXI, if-...  282 NOUV. BlBLIOTH. BflLGrQUE. Qaisque per hunc pronum au dis adiraus iter $ Ibid. v. 22. Per te immaturum mortis adimus itér. Prop lil. v_ 2, Non tarnen ut mentis referam lon^o ordi'ne dotef. pag. XXVI. v. i. Non tarnen, ut vaflos auiïm temare feones. Pftpp. II. XV, 21. Aut extantGefm' quot bentfatta tui. Pag X'/I. v. 2. Cimbrorumque minas, & bener'acta Mart Prop. II. I, 24. Benefattum pour prudtnter ou/ortiter faSbum eft UQe cxpreffion véritablement antique & belle. Nous croirions que Properce 1'a empruntéecje Sallufte qui faic dire aMaiius, benefatta meaRejpublicae proceduct. Salluft. de Bello Jugurtb. C. 87. Les Grecs ont employé leur dans le même fens. Voyez la harangue d'Aescbine contre Ctejïpbon. Kosdem olim gemitus genitori in funere fudi. Ibid. v, 13. fiosdem habuit fecum, quibus eft elata, capillos. Prop. IV. VII, 7. Noc  Octob.,Nov., Dec.,i78j. 284 Noen'bus a nota mini pendit imagine fomnus. Ibid. v. 15. Noctibus hybernis caftrenfia penfa laboro. Prop. ÏV. 111,33 Cum mihi Jomnui ab exfequiis penderet amaris. Prop. IV. VII, Sic ol fic inopem non onus, effe, puto. Ibid v. ptnult. Ferre ego formofam cullum onus effe puto. Prop. //. XIX, 26 Fleie licet parVus tot boca pulvis habet. Pag. XXVII. v. 2. Ce pentamêtre en réunit deux de Prepèrce : Tot bona tam parvo claufit in orbe dies. Prop. III. XVI, i% Haeccine parva meum funus arena teget. Prop. I.XVII, 8.,. Urna Propertiacam quae tibi fudit aquam? Ibid. v. 14. Ora Philetea noftra rigavit aqui. Prop //. 52. Praedicer ut tantum non degenerafle magis. trum. Ibid. ii. 17. Dl mihi funt tefles, non degenerafle propinquos. Prop. IV, I, 81. Tom V. Part, 2, V Hm  284 Nouv. Biblioth. Belgique, Hoe quondatn fatetit, fi mihi laudis erit. Ibid. v. iS. Roe de me fat erit, fi modo matri; erit. Prop. III V, 18. Dedecori affeffum ne tibi rere meuoi. Ibid. ïi. zo. Turpior adfetlu non erit ulla meo. Prop. IV. XI, 50. Ce mot Ajjeffus nous paroit-être d'une trés bonne analogie. Cependant nous doutoi.s que perfonne autre que Properce s'en foit jamais fervi. Jamque, favilla, vale, ingentis mihi Numinis inftar. Ibid. v. penul. Taliaque illacrimans mutae Jace verba fa. vilhe. Prop. II. ƒ, 87. Terraque fecuro ne gravis offa terat! Ibid. v. uit. Tellus artifices ne terat Osea manus. Prop. IV, 2.62. On pourra peut-être reprocher k Mr. van Santen ce grand nombre d'imitations: mais ce fera k tort: fes imitations nefonc point des plagïafj & tous lés coonoiffeurs les  Octob., Nov., Dec., 1783, 285 ies préfereront toujours a ces poëfies modernes oü l'on ne trouve aucun vestige des grands miitres de 1'Antiquité, & qui, malgré la rèputation qu'elles peuVent avoir, feront toujours des pieces foibles, paree qu'elles font dénuées de cette force que les anciens peuvent feuls donner- Virgile n'a t-il pas imité les Auteurs Grecs ? Ne s'eft il p3S rnême ap ■ proprié des paffages entiers d'iïwwtwi? B!ame-t-on aujourd'hui Boileau d'avoir traduit dans beaucoup d'endroits de fes ouvrages Horace, Per Je & Juvenal? Le grand mérite des poëtes latins modernes c'eft d'adapter le langage des anciens aux idéés de leur fiecle. a d Joachim Rendorp. Dans cette petite piéce nous diftinguons ce pentamêtre qui en fait le dernier vers. Perque tuas artes fic Gutielmus eati Et qui a beaucoup de rapport avec ces V ft vers  286 Nouv. Biblioth. Belgique. vers d'Ovide, oü Penelope recommande de même fon fils Télémaque a Ulyjfe. Eft tibi, fitque precor, natus, qui mellibus annis In patrias artes erudiendus erat. OVid. I. Heroïd. a d ] oachimdm rendorp Conf. Dans cette Elégie on diftingue ce pasfape, auquel des perfonnes de goüt ont vivement applaudi & que nos héros du Doggersbank n'ont pas voulu démentir. Praedatrix noftras fentiet ora manus. Adfpice, defuetae jam vincere, proelia prorae Et refldes poscunt artoa movere viri. Pag- 3l *• 24. II eft dü au Prince des Pcctes. Otia qui rumpet patriae, refidesque movebiê Tullus inarmaviros, & jamdefueta triumphis Agraina. Virgil. VI, Aeneid. v. 814. In  Bi Octob.,Nov.,Dec.,I7o'3. 287 i - I or ludovicum, Galliae Regtm. Nous fommes redevablcs de ces beaux vers a 1'enthoufiasme de Mr. van Sari' ten pour tout ce qui porte 1'empreintede la vertu. On y peut voir combien fa belle ame s'éphauffe & s'exalte au rédt de toute aftion généreufe & magnanime. Epitaphium Kempenfeldii. Tous les connoiffeurs font convenus que 1'inveniion de cette piêce eft fu- blime. ., II a paru, il y a quelque tems, une piéce, fous le même format que les poëfies dont nous rendons compte, lans nom d'Auteur & ayant pour titre : P rotrepticon a d Q u l i e t m V m V. Nous garderons une parfaite neutralité fur les fentimens, qui y font déveiopV 3 r '  &83 Nouv. Biblioth. Belgique. pés a 1'égard des troubles actuels, mais nous croyons, fans être indiscrets, pouvoir donner un échantillon de la verve du pcëte: Telaviri, nunc tela crepant, nunc tela coruscant; Nulla laceffitis Paxve, Quiesve placet. Portubus, expertam pugnis, extrude carinam. Quid finis, ignavas nettere vela moras ? Omine cunétaris cur claffica flare fecundo? Cunétando damnura quid nifi turpe feres? Ocior HippotadeinRoflum(Mars odit inertes) I, gemina offen fae flagra cruenta manus. Jamque ubi perjuras animas petere ima videbis» Transtraque per Morinum fparfa natare vadum, Trajice ,& in propriis Cacum deprende latebris. Barbarie ex ipfa palma petenda duci eft. Tot, numero oppreflbs per jufta nee arma, fodales Aflere. Servitii vincula dara gemunt. Conjugis ante oculos perpeflas ftupra maritas, Virgineas turpat fcaeva catena manus. Affere, quot flevit, concefla merce refertas, Direptas media navita pace rates. Nunc tibi fuccurrat violati injuria pa£li, Nunc tua gens, juffi probra pudenda pati. Neu  Octob., Nqv., Dec, 1783. 289 Neu facibus mitis ferrove abfifte, Britannus Ejuletut, merui, confiteorque nefas. Nemiferere, alias dementia poftulat horas, Nunc pietas fontum ne caput ulla tfgat. Foedera die Turcis: Delenda Britahhia, cenfe. Eft piratarum natio, fige cruci. « Pcrfidiae ultorem quin jufta precare Tonantem, Viribus humanis numinis ad Jat opera! Aequora mentito fibi dans cemmunia jure Infula, vindicibus tota voretur aquis! Icla vel iratO' flagretur fuimine, paenis Ut, quem contemfit, fentiat effe, Deum. GüLIELMO ZELANDO VAN BORSSELLE odelia.m Wulckenitz Domum dueenti. Mr. van Santen dans cette Epithalame, Ja première qu'il ait donné dans ce genre de vers, a le mérite d'avoir parfaitement faifi la manière de Catulle. C'eft h. peu-prés le goüt qui regne dans les chanfons francoifes: preuve que la eravité romaine pouvoit. quelquefois fe dérider & descendre jusqu'a ce ton léger & frivole. V 4 Guujx«  apo Nouv. Bibliotu. Belgique. gülielmo zelando baron! van Borssele Ab Ordinibus Zelandiae Ad Ordinum Generalium Conventum Delegato. Dans cette Elégie en forme d'Epitre familiere, Mr. van Santen fêlicite Mr. van Borfele de la commilfion que les Etats de la Province de Zélande, fes parains, lui ont donné pour les répréfenter, en qualité de Député, k 1'affemblée des Etats-Généraux. 11 y peint de la manière la plus tendre & la plus énergique le vif mtérêt qu'il prend k 1'avancement de ce Seigneur qui a été fon discipie. II lui dit que toutes les couronnes académiques réuniesfurfa tête, qu'une chaire de profeffeur accordée k fes travaux, qu'une retraite honnête affurée k fa vielleffe, ne lui feroient pas autant de plaifir que cette nouvelle, lui en a fait. II lui rappelle avec complaifance les doux inilans oü il lui prodiguoit fes foins, oü il lui communiquoit toutes fes découvertes lit^êraires; il lui retrace ces promenades dé- licieu'  Octob., Nov., dec.,1783. 291 licieufes , infiruétives qu'ils fa'foient enfemble. II appuie furtout fur !'i!;a'.iérab!e amitié que Mr. van Borfjek hu k voué & qu'il regarde comme le tribut le plus flatteur pour un maitic. Après 1'avoircomplimenté fur for; électiop par une tranfition trés ingéniculi. il cé:ébre le patriotisme de la Zélaude, l'acfivité de fon zele, & la bravoure de fes marins; il déplore en même tems, qu'elle n'ait pas été auffi puisfamment fecondée qu'elle auroit du l'étre. Cette. Zélande, lui dit il, confie fes intéréts k votre fidélité & k votre éloquence. Donnez donc 1'effor è votre vertu , déployez^ les aïlcs de votre génie, portez dans les affaires de la République ces vives luniiéres que yous avez pufé dans 1'étude. Il termine enfin cette Elégie par des louanges d'autant plus flatttufes pour Mc.van Borfele que fa conduite & fon caradt re les juftifie pleinement aux yeux de tous ceux qui Ie connoiffent. Copia non curas, levat aut fortuna dolores; Mens homines, vitio libera, fola beat. Ces deux vers, le plus beau diftique de V y cet-  a9t Notjv. Biblioth. Belgiqüz. cette piéce, font une heureufe imitation de ceux-ci: Non opibus mentes hominum, curaeque levantur, Nam fortuna ful tempora lege regit. Tibül. ///. ///, 21. Laffa fuos tandem lacerare Batavia crines, Definat ipfa fibi licibus effe gravis! Imitation de ces vers de Properce: Eïec toties propriis circum oppngnata triumphis Lafia foret crines folvere Roma fuos. liTeve furor focios, neu dividat ifte propinquos, Sed male discordes publica caufa ligett Tournure empruntée de Properce. Polluit ille Deos cognatos fo'vit amicos, Et^ bene concordes triftia ad arma vocat. Prop. II. XXV, v. $. Cette Elégie ainfi que la plüpart des autres poëfies de Mr. van Santen prouvé bien évidemment le faux de cet ancien préjugé, que les poëtes ne font bons qu'a  Octob., Nov., DEC.,1783. 293 qu'a produire d'inutïles bagatelles. II peut, a jufte titre, dire avec Horace. Hic error tarnen, & levishaec infania quantas Virtutes habeat, fic collige: Vaïis avarus Non teraere eft animus: Verfus amat, hoe ftudet unum: Detrimenta, fugas fervorum, incendia ridet: Non fraudem focio, puerove incogïtat uilam Pupillo : Vivit filiquis & pane fecundo. Militiae quamquam piger & malus, utilisurbi. Si das hoe; parvis quoque rebus magnajuvari. Qs tenerum pueri, balbumque PoêSU figurat, Torquet ab objeenis jam nunc fermonibut aurtm , Mox etivm peüus, praeceptis format amicil, Ajptritatïs cjf invidiae correïïer , & irat: Rede fa&a refert: orientia tempira notis fnjlruit exemplis: inopem foiatur £? aegrumi Ho rat. Er. I. L. a. ARTÏ-  194 Noüv. Bibltoth. BelgiqueV ARTICLE TROISIEME. l?ROEVe over de MlD delen, die tot befcherming van de Zeevaart en Koophandel en tot verdeediging van binnen en buitenlandfche Bezittingen i der Republicq in de Ooft.Indien en op 't vafie Land van America zouden kunnen aangewend worden, &c. C'eft- k- dire, Essai sur les Moyens, qu'on . pourroit employer pour la fureté de la Navigation &du Commerce, & pour la défenfe des Poffeffions de la Répu■ blique en Europe & dans les Indes Orientales, comme auffi fur le continent de fAmérique, in 8vo de 256 pages a Amfterdam, chez les Héritiers van Harrevelt, 1783. Prix ƒ 2 - 4 - o L'indépendance de la République Botave , achetée, dans !e feizieme flècle, au prix de tant de fang, eft un Phé-  Octcb., Nov.jDjsc!., 1783. 295 Phénotnène politique dai:s 1'hiftoire, qui demeurera toujours un objtt de furprife & d'admiration pour les adminiftraccurs des Empires & pour la peftérite. Dans un coin presque défert du Riobe on a vu une poignée d'hommes lans troupes, fans armes, fans argent, vaincrc une nation redoutable, fecouer fon joug, tonder un Etat libre & étendre les conquêtes dans les deux Hémisphères. Mais la conftitution militaire de 1'Europe a bien changé de face. Aujourd'hui que toutes les parties de 1'art terrible de la guerre font parfaitement connues, que toutes les nations entretiennent en pleine paix des armées plus nombreufes, que celles qu'on lcvoit autrefois dans les plus éminents dangers; une époque enfin oü des PuiiTances a peine connues au commencement du fiècle font fortir de leurs ports des flottes formidables, on ne fauroit disconvenir que la Hollande feule eft d'une efpèce d'indolence apathique fur fes plus chers intéréts , tandis que fon territoire, fes poffeffions voifines & lointaines font ouvertes au premier occupant. La malheureufe guerre  &$6 Nouv. Biblioth. BsLGiqus. te qu'elle vieut de foutenir, la conduite des Puiffanccs voifines énvers la République, tout attefte cette vérité. Tandis que les Politiques diflercenc fur les caules. de cette etpèce de létargie, que les bons citoyens en déplorent les effets, & que les partifans d'une 'faclion en fejettent tout le blarne fur la facfion oppcfée, qui a fon tour ne demeure pas en refte avec eux, les hommes fages,éclairés,cherchent les moyens de réparer le mal, de nous en préferver pour 1'avenir, & d'affurer la liberté du Commerce, & de la navigation, & de mettre toutes les Poffeffions Hoüandoifes fur un picd rcfpe&abie. Tel eft Ie but que fe propofe 1'Auteur anonime de 1'ouvrage dont nous ailons rendre compte, c'eft aux experts en cetta matière 4 en apprécier le fuccès. Après quelques réflexions préüminaires fur les moyens qui doivent affurer le commerce & les Poffeffions de la République, & qui confiftent en général i tenir fur pied une armée & une Flotte plus au moins confidérablcs felon les circonftances, a connoitre exaétement 1'étendue  Octob. , Nov., Dec. , 1783 297 1'étendue & le local du pays, la force des places frontieres &c, 1'Auteur traite dans un premier Chapitre i° de Varmée de terre 6f des Frontieres, & 20 des For~ ces Navales. 11 paffe trés rapidement fur ce premier objet; on fait qne nos Frontieres font dans 1'état le plus déplorable, & que 1'Armée n'eft rien moins que füffifante pour s'öppofer aux incurfions que pour* roient tenter les Puiffances voifines, d'ailleurs toute 1'Europe a augmenté fes armées, la notre feule ne 1'eft point; & le dépériffement du Commerce diminue les reflbrts de 1'Etat. II feroit donc a defirer, que d'après les plans indiqués autrefois par le General Coeboorn, l'on en tracht de Douveaux pour déterminer en quels endroits on pourroit au befoin inonder les Frontieres de VTJfel, & de la Fiandre Hollandoife; il faudroit enfuite rétablir & amèliorer les Fortifications de Nimegue, Delf zeil, Breda & Maijiricbt, & avant toute chofe concerter un fyftême général de défenfe pour fubvenir aux nécefiités préfentes. Cc n'eft que d'après ces plans qu'il fera poffible de déterminer enfuite  298 Nouv. Biblioth. Belgiqub. enfuite le nombre de Troupes néceffa?.. res pour defendre le Pays. En attendant 1'Auteur confeille d'augmenter 1'armée au moins d'un quart, lorsqu'il s'éleve une güerre en Éurope, ét- de la renforcer encore felon 1'exigence des cas. Quant a la marine il faut préalable* menc tenir toujours fur pied un corps d'Artilleurs, & de Matelots disciplinés, lesquels pourront encore être employés avec fuccès dans une guerre de terre pour la défenfe de nos Frontieres, qui presque toutes font fituées, foit fur des rivières, foit dans le voiflnage de la mer. Dans une guerre navale on peut employer ce même corps fur les Vaisfeaux & dans les Colonies. L'Amirai de Ruiter, & le Penfionnaire de Wit oüt fenti la néceffité d'un pareil corps, & c'eft è cet établiffement qu'on eft redeva* ble fans doüte de 1'illüe toujours honorable de nos anciennes guerres navales. Aujourd'hui cette néceffité eft encore plus preffante, que les Flottes de la République ne font compofées que d'un mélange de gens de différentes nations, que le Patriotisme, cette vertu fi nref quoique  Octob.,Nov.,Dec, 1783. 2931 quoique fi vantée de nos jours, n'aoime pas fans doute, & qui ne fauroient êcre utiles, qu'en les affujettiffant a la plus févere discipline j h un exercice continuel de toutes les fonftions de leur état, & en leur infpirant autant qu'il eft posfible ïbonneur du corps. Ainfi les Régimens de Navarre & de la Vieille Marine fe font toujours diftingués parmi les Trou • pes Fran§oifes par leur bravoure & leur intrépidité, paree que les foldats qui les compofentavec ont, leur propre honneur* encore , è foutenir celui de ces Régiments réputés invincibles. L'Auteur voudroit aufli qu'a 1'exemple de la France, de la RuJJie & de la Suede on établiffe parmi nous une Académie d'Artillerie & de Génie, puisque les Officiers de marine, outre les connoiffances rélatives a la Navigation ^ font obligés encore d'èntendre è fond toute les parties de cette fcience. Ce plan a déja été propofé par le Contre Amiral Van Kinsbergen, & il eft a defirerfans doute, qu'il foit un jouradopté. On fait par expérience combien il eft difficile de conftruire des Vaiffeaux en tems de guerre, il feroit donc nêceffaire Ttmt V. Part. 2. , X dm  3oo Noijv. BiauoTH. Belgïoue: de profiter de la paix pour s'en procurer un nombre fuffifant; il faudroit auffi que les Vaiffeaux de la Compagnie des Indes Orientales, qui au befoin doivent fervir en guerre, fuffent plus grands & plus larges qu'on neles conftruit aujourd'hui; on préviendroit ainfi les inconvéniens des Navires de 54 pièces, dont la première Batterie eftinutile, pour peu que la mer foit agitée; auffi les Anglois ne font-ils plus ufage des Vaiffeaux de ce rang. L'Auteur femble indiquer encore quelques changemens défirables dans les Colléges des Amirautés , mais cette réforme n'eft point prochaine, & ne fera furement pas du goüt de tout le monde. Après quelques autres confidérations, qu'il faut lire dans 1'ouvrage même, 1'Auteur paffe aux moyens propresa aflurer nos Poffeffions d'outre-mer, & en premier lieu 1'importante poffeffion du Cap, de Bonne Enpérance. Les avantages de cette Poffeffion font infiniment précieux pour Ie Commerce de la Compagnie & pour toute Ia navigation Ho landoife; c'eft ceque 1'Auteur prouve avec évidence, & qui d'aillcurs eft  OcTOB.> Nov., Dec., 1783. 301 eft connu de tout le monde; il propofe enfuite les moyens de porter cette Co. lonie fur un pied refpeétable, moyens qui confiftent k faire ceffer les plaintes continuelles des Colons contre 1'administration (a), k établir ün corps de.milice de 2000 hommes tirés d'entre les Colons, qui fuffiroient pour fermer les paffages & les défilés qui conduifent dans 1'intérieur des terres; a élever k -} lieue k 1'eft du Cap une redoute, qui arrêteroit 1'ennemi & lui défendroit 1'entrée de la rivière; enfin en tems de guerre iifaudroic tenir dans ces parages une Escadre de huit k dix Vaiffeaux de ligne, qui contribueroient efficacement k la défenfe du Cap, en faifant éprouver k la République Ia vérité de ce vieil axiome, fi pa. cem velis, para helium. On n'exigera pas fans doute que nous fuivions 1'Auteur dans tous les détails oü il entre fur les différentes Poffeffions de la Co) Voyez un Ouvrage intitulé, VA/riqut Hollandoife, dont nous avons parlé dans ls der<= nier Trimeftre pag. 67 & fuiv. X 2  3©2 Nouv. Biblioth. Belgioüb, Ia République. II eft fenfible, que pour juger de la bonté des moyens qu'il propofe, on doit les confidérer dans leur enfemble, & avoir une connoifTance préliminaire de 1'état a&uel de nos Colonies; c'eft donc a 1'ouvrage même qu'il faut recourir, ce que nous en avons dit fuffira pour donner une idéé générale du plan & des vues de 1'Auteur. Cet EJJai eft terrniné par quelques confidérations fur les moyens d'améliorer la marine de la République; elles font tirées pour la plupart des ouvrages de Mr. le Contre-Amiral Fan Kinsbergen, un de dos meilleurs hommes de mer, & qui a déployé en pluGeurs occafions les talens les plus diftingués; On peut donc en recommander hardiment la lecture & la méditation, non feulement aux jeunes Officiers de marine, mais encore k tous ceux qui ont une influence plus ou moins diredfce dans 1'adminiftration & Ie comman* dement dc 1'armée navale de la République. AR TI-  Octob., Nov., Dfic, 1783. 303 ARTICLE QÜATRIEME. Geschiedenis van Graaf Willem, &c. C'eft-a-dire, Histoire dü Comte Guillaume de Hollande, Roi des Romains, par Mr. J Meerman, Seigneur indépendant de Dalem. Tome I. gr. in 8°. de 406 pages', a la Haye chez Nic. ven Daalen, fc? Melis Wetten 1783. Prix f 2 - p - o On ne fauroit disconvenir que 1'Histoire des Provinces-Uuies, depuis le tems qu'elles ont fecoué la tyrannie Espagnole, n'ait été parfaitement expofée par plufieurs Ecrivainscélèbres. Les Hooft, les Grotius, les van Meteren, les Bor, & furtout Wagenaar ne laiflent presX 3 que  304 Nouv. Biblioth. Belgiquê. que rien a defirer k cet égard. II s'en faut néanmoins infiniment que 1'Hiftoire des Pays-Bas du tems des Comtes ait le même avantage. Jusqu'aujourd'hui nul Hiftorien ne s'étoit occupé particulieremect des événemens rélatifs a la vie des Comtes des quatre premières Maifons, & cette importante partie de notre His* toire ne nous écoit que trés peu familière. Graces k Mr. Meerman il ne nous reftera bientót plus de voeux aformer pour cet objet, & 1'ouvrage que nous annoncons, .en eft un für garant. L'Auteur eft Fils de ce fameux Penfionnaire Meerman,'ü connu par le grand Ouvrage, intitulé Tbefaurus Meermanmanus & par d'autres productions littéraires. Le mérite du Père n'a pas été pour M. Meerman un fardeau trop péfant; les premiers pas qu'il a fait dans la carrière des Lettres ont été marqués par le plus glorieus triomphe. (a ). Notre (a) Mr. Meerman eft Auteur d'une Differtation intitulée , de filutiene vinculi qutd olim fuit inter S. R. £f Belg» foeierati rtfpuhlicas. Lugd. Bat. 1774.  Octob., Nov.,Dec, 1783. 305 Notre Auteur rend compte dans fa Préface des raifons qui font engagé a publier cette Hiftoire; 1'importance du fujet, & la difette de bons écrivains. En effet, dit M. Meerman, les Compilateurs de Chroniques fe contentoient de coudre enfemble fans ordrc & fans choix la vie de quelques uns de leurs fouverains, & paroiffoient plus foigneux de transmettre a la poftérité toutes les fables qu'enfanterent les fiècles d'ignorance, toutes les proueffes vraies ou fausfes de quelques Héros, & furtout 1'histoire des largeffes des fouverains envers les moines, & des dons immenfes qu'ils firent a d'inutiles Monaftères, que de développer avec intérêt la Cocftitution Politique & Civile du Gouvernement des Comtes. Aufli ne connoiffoient - ils pas ces colle&ions précieufes de Chartes & de Pièces originales, fur lesquelles 1'histoire doit s'appuyer, & qui n'ont été découvertes que longtems après. Ceux qui connoiffent un peu 1'Hiftoire politique du regne des Comtes, & qui la comparent a celle de nos jours reconoitront fans peine que l'étude en X 4 eft  3o6* Nouv. BiBLroTH. Belgiqüb. eft indispcnfable pour ceux que leur naiflance ou les circonftances appelleut au Gouvernement de cet Etat, puisque la bafe de notre conftitution polititique fe trouve dans celle qui fubfiftoit du tems des Comtes. L'Hiftoire de Guillaume Second, que M. Meerman nous donne aujourdhui, eft fingulierement intéreflante par les événemens mémorables que nous retrace le regne de ce Prince, dont la courte carrière a été fignalée par plufieurs entreprifes, qui toutes ont eu pour objet la gloire de 1'Etat & le bonheur des peuples. C'eft lui qui le premier a élevé pluficurs anciennes Villes de la Hollande au rang de villes libres, & leura accordé ces pnvilèges fameux, qui font encore regardés de nos jours comme le Palla. diumde nos übertés; privilèges dont la violation fit perdre dans Ja fuite aux Comtes de Ja Maifon de Bourgogne & d Autncbe toute leur autorité dans ces Provmces, & noUs affranchit enfin pour toujours du joug monarchique. Ce premier Volume contient Trois Livres j L'Auteur commence è la mort de  OeroB, jNov., Deg., 1783. 307 de Flor ent IV en 1235, & termine Ie premier Livre par le récit de 1'avénement de Guillaume a 1'fimpire Romain. Nous y trouvons un tableau fidelle de la conftitution de la Hollande dans qe tems lè; L'Auteur y développe 1'état politique & phyfique de ces Provinces & expofe les rélations qu'elles foutenoient avec les puiflanccs étrangeres: ce morceau entierement neuf eft d'un intérêt dirfét, non feulement pour les Hollandois, mais encore pour tous les vrais amateurs de 1'Hiftoire. II importoit encore pour bien faifir les motifs de plufieurs aólions de Guillaume, & pour connoitre les refforts fecrets Ja certains événemens de fon regne, d'être au fait des querelles qui fubfiffèrent vers le commencement du treizième fiècle entre 1'Empire & la Cour de Rome, paree que les Comtes jouerent un grand róle dans ces fameufes divifions de 1'Empire & du Sacerdoce. Aufli M. Meerman expofe-t'il avec beaucoup de clarté & de précifion l'objet & 1'iffue ae ces querelles, dans le § XXVI du premier LiX 5 vre,  jo8 Nouv. Bibliqth. Eelgïque. vre; on nous faura gré, fans doute, d'en donner ici quelque idée. L'ambitieux Hildebrand, ficonnufous Ie nom de Grégoire VII ne voyoit qu'avec douleur la pu:fiance Ecléfiaft> que foumife a celle des Princes Laics, & furtout è celle des Empereurs Allemans qui polfédoient alors de vaftes domaines en Italië. 11 n'épargnoit rien pour ufurper leur autorité, il tèchoit d'accréditer la doctrine funefte que c'é. toient aux Papes feuls è dispofer des Couronnes & des Empires, & il lancoit tous les foudres de 1'Eglife contre les Princes qui refufoient de reconnoitre ce pouvoir. Par un effet de fa politique il fut armer contre les Empereurs les Rois de Sicile, & fatigua ainfi fes rivaux par d'éternelles guerres. Les fucceffeurs de Grégoire adopterent & fuivirent fes principes. Dèslors faatorité des Empereurs disputée en Italië chancella bientöt dans leurs propres foyers. Les Princes Allemands profiterent des fréquentes ab. fences de leurs fouverains pour s'arroger fuccefïïvemsnt plufieurs droits effentiels, &  Octob..Nov.,Dec.,I7o,3. l°9. & cette conduite leur concilia la faveur & la prcteétion de Rome. Les Comtes de Hollande qui relevoierit de 1'Empire ne demeurerent pas fpeöateurs indifférens de ces querelles, dans lesquelles ils prirent part, d'après les circonftances & leurs intéréts particuliers. Ainfi Guillaume I, qui en 1204 avoit époufé Ie parti de 1'Empereur Pbilippe contre Otton IV, paffa a la mort de celui-ci fous les étendarts d'Ottou, & fut fait prifonnier a la bataille de Bovines en 12.14. Fréderic II couronné en 1215 par 1'Archevêque de Mayence ne tarda pas a ramener a fon autorité une grande partie de fes Vaffaux, parmi lesquels ce méme Guillaume 1 fe hata de paroitre. LeRegne de Fréderic fut des plus orageux ;èpeine monté fur le throne, il eut a effuyer de Grégoire IX les plus fanglants outrages; il vit fon Royaumemïs en ieterdit, & lui-même accablè de toutes les excommunications de 1'Eglife. Cependant après avoir terminé la guerre fainte avec quelque avantage, il repaffa en Europe, fc parvint en 1230 a faire lever  3io Nouv. Biblioth. Belgiqub. lever I'interdit & è fe réconcilier avec la Cour de Rome. Ce fut dans des circonftances aufli critiques, que Daquit Guillaume II, & c'eft ici proprement que commence 1'Hiftoire de ce Prince. „ La mort d'un Souverain ("dit notre Auteur) dont les acfions n'ont pas été abfolument celles d'un tiran, a toujours quelque chofe d'impofant, pour le peuple qu'il a gouverné. Celui-ci fe trouve privé d'un Père & d'un défenfeur, de l'objet de fa vênération & de fon amour; il oublie fes défauts pour ne fe rappeller que le fouvenir & le nombre de fes vertus. Accoutumé a fon Gouvernement il craint les nouveautés que pourra introduire fon fucceffeur. Mais lorsqu'un , tel Prince eft enlevé au milieu de fa carrière, lorsque la main fanguinaire d'un Bieurtrier perfide abrège des jours fi préeieux — lorsque par cette mort la régence tombe entre les mains d'un jeune enfant, alors Ia douleur des fujets monte au plus haut période, ils ne fe forment aiors du fort qui les attend que les plus  Öctob.jNov-., Dec, 1783. 3ÏÏ plus finiftres augures. C'étoit néanmoins dans de pareilles circonftances que fe troüvoient les habitans de la Hollande, lorsque la nouvelle du meurtre de leur Souverain leur fut apportée de France Ca)" Un enfant de fept ans, dont on ne pouvoit connoitre encore ni 1'esprit ni le caraétère, dont le coeur étoit ouvert ö toutes les impreffions qu'on voudroit lui donner, fut 1'unique héritier des dignités dont Florent avoit été revêtu, & fuccéda a toute 1'autorité de fon Père. II faut avouer cependant que la conjonc- ture (a) Florent II Comte de Hollande fils de Guillaume I, étoit un Prince qui excelloit dans tous les exercices du corps & qui fe diftinguoit particulierement dans les tournois & les combats finguliers. Ayant été invité un Tournoi, que le Comte de Clermont donnoit 3 Coriie, petite Ville de Picardie, Ia jeuBe Comtefie lui prodigua de fi grandes louanges , tjue le vieux époux, piqué de jaloufie, fit ai< fafliner perfidement Ie Comte de Hoilande,1 Ceci arriva le 19 Juillet 1235.  gr2 Nouv. BiBLiom Belgique. ture préfente ne rendoit pas Ia chofe abfolument défespérée. L'Etat jouifibit d'une paix profonde, & les Princes voifins, qui /aififfoient avidement toutes les occafions d'entrer en guerre avec Ia Hollande étoient pour la plupart alliés par le fang k ce jeune .Comte, & trouvoient leur propre intèrët k lui conferver fa puiffance.. Tel eft le point de vue fous Iequel Mr; Mehrman nous fait envifager 1'Hiftoirê de Guillaume II, & nos Lecïeurs s'appercoivent aifément, que Ia matièreeft on ne peut pas plus intéreffante. Le fecond Livre contient le recit des moyens que Guillaume mit en oeuvre pour parvenira 1'Empire; nous y avons diftingué 1'hiftoire de la Conftitution de 1'Empire au treizièmefiècle, qu'on lira fans doute avec beaucoup d'intérét, puisque 1'AIlemagne joua leplus grand róle dans tous les événemens politiques de cette époque. Dans Ie troifieme Livre & le dernief de ce Volume, 1'Auteur eXpofe avec beaucoup d'exaétitude 1'Hiftoire de Guillaume jusqu'è la mort de I'Empereur Préderic en 1250. émi  Octob.,Nov.,Dec, 1783. 313 Dans un fecond Volume, que Mr. Meerman nous fait espérer bientót, on trouvera la fin de 1'Hiftoire du Comte, a laquelle on joindra les pièces autentiques rélatives a cette Hiftoire, ainfi que ! les planches. Tandis qu'un troifième , Volume qui ne fera pas fans doute le ; moins curieux, nous donnera le tableau ! des moeurs, desufages, des loix, de la 1 religion, du commerce tant de 1'Alle: magne que de la Hollande. Nous exbortons 1'Auteur k remplir ces engagemens, & nous ófons nous croire en ceci 1'interprête des voeux du Pui blic. En effet cet ouvrage eft ud des meilleurs que la Hollande ait produit deI puis bien longtems en ce genre, & fait un honneur infini aux connoiffances & : aux talens de Mr. Meerman. Ces louanges pourront déplaire peut - être è I certains esprits envieux & de mauvaife , humeur, qui déteftent les éloges, par* I cequ'ils favent affez qu'ils n'en feront ; jamais les objets: mais la faine partie de i nos Compatriótes, tous les favans ap: plaudiffent k Mr. Meerman & c'eft avec « un véritable plaifir que nous joignons no« tre  314 Nouv. Biblioth. Belgiqué. tre foible voix a leurs juftes acclamaticns. Au refte, pour des raifons que nous avons eeDt fois répetées, il n'eft pas posfible de donner 1'analife fijelle d'un ouvrage de cette nature, qui d'ailleurs eft déja entre les mains de tout le monde» Nos Concitoyens y verront avec plaifir, que c'eft au Prince dont on y retrace 1'Hiftoire que l'on eft redevable du corps debatiments, appelles ici la Cour, & que Guillaume fit conftruire en 1250. La Haye qui n'étoit alors qu'une fimple maifon de chaffe fe peupla confidérablement en peu de tems, defortc que du vivant même de Guillaume on vit déja ce lieu nagueres défert, changé en un bourg trés peuplé, on batit dès ce tems la les rues, dites le Voorbout, Kneuterdyk & autres, deforte que la Haye peut fe glorifier d'une origine bien plus ancienne qUe celle de plufieurs de nos grandes villes. ARTÏ-  Octob, Nov., Dec, 1783. Jij ARTICLE CINQÜIEME. La Mörale de l'Adolescence, par Mr. Des-Ess arts, Maitrt Privilégié de Mathématiques de Penfion Francoife, dans la Fille & Üniverjité d'Utrecht,avec cette Epigraphe, Animum rege', qui, nifi par et, lmperat, bunc fraenis, bunc tu compesce catend. Horat. Ep. 2. Lib. 2. gr. in 8°. de 194 pages, k Utrecht chez B. Wild 1783. Prix f o - 18 - o Cet Ouvrage fera diftingué avantageu. fement de cette foule de Livres Elêmentaires, dont on accable la jeu. nelfe, & qui ne leur donnent que des idéés trés confufes fur les chofes qu'il Tm, V. Part. 2, Y leuf  3i6 Nouv. Biblioth. Belgique. leur importe le plus de connoïtre. M. des EJfarts , qu'une longue expérience dans 1'art difficile de 1'éducation, a éclairé fur la véritable manière d'enfeigner aux jeunes gens les grands principes de la morale, a partagê fon ouvrage en quatre Parties; dans la première il examine quel eft le fondement des obligations que 1'homme eft tenu de remplir; dans le feconde il indique les qualités du cotur qu'il faut développer dans les jeunes gens: dans une troifième partie, il traite des dons de l'Esprit que l'on doit cultiver, enfin dans uue dernière partie, il nous montre quelles font les facultés du corps qu'il faut perfeElionner. La première Partie eft divifée en XIIp Lecons. C'eft toujours le maitre feul qui parle; quand les principes font expliqués, le Discipie, interrogé par Ie Maitre, répond d'après ces principes: mais la réponfe ne lui eft pas diéfée comme dans la plupart des Livres Elémentaïres, cette méthode, ajoute 1'Auteur, lui aréuflï depuis plus de feizeAns: elle nous paroit aufli trés raifonnable. On feut aifément que dans ua ouvrage  Octob., Nov., Dec.. 1783. 317 ge deftiné a 1'adolescence il ne faut point preifer certains termes k la rigueur^ O leur attacher la fignification firicle que leur donnent les Philofophes. II n'entroit pas dans le but de 1'Auteur de diftinguer exaótement les devoirs parfaits & imparfaits, ou le droit naturel, & la morale. On fait que les premiers font d'une obligation rigoureufe, tandis que les autres ne repofent qüe fut des principes de gênérofité & de bienveillance. Heureux les maitres que parviennent k faire envifager la morale k leur disciples comme contenant des devoirs auffi obligatoires qne ceux que prescrivent le droit naturel, & les Conftitutions humaines! Le but de tous les hommes c'eft d'être heureux, on ne peut le devenir qu'en obfervant 1'ordre établi par une Providence éternelle, puiftante, & jufte. 11 importe donc de connoitre plus particulièrement les différens attributs de cé grand être qui nous a créés, Sc nous a rendus fusceptibles de bonheur. Telle nous paroit, en général, la thèfe, que 1'Auteur établit dans lejs treize Legons de la première Partie. Y ö ?ouï  3i8 Nouv. Biblioth. Belgique. Pour donner une idéé de la manière de 1'Auteur, & pour faire fentir les avantages de fa méthode, nous transcrirons la cinquième Leijon, oü l'on enfeigne que Dieu ejt un être nicejfaire £ƒ éternel. „ II a toujours été abfurde de fuppo- fer un moment oü Dieu n*ait pas exis„ jé & il 1'eft également de fuppofer „ qu'il n'exiftera plus un jour. Si dans „ le paffé, il y avoit eu un inftant oü „ Dieu n'eut pas exifté, jamais cet Etre „ fuprême n'auroit eu 1'exiftence: puis„ qu'il lui auroit été impoffible de fe la 3, donner i lui même, & que pas un „ feul Etre n'exiftant alors, il n'auroit ,, pu la recevoir de perfonne". „ Si, dans 1'avenir, Dieu pouvoit 3> ceffer d'être, ce feroit ou par ce qu'il „ auroit des parties tendantes a Ia défu- nion, des parties, qui en tel ou tel „ tems, auroient été jointes les unesaux „ autres pour la première fois, ou, par „ ce que même avantagé d'une meilleu9, re fubftance, il dépendroit d'un autre „ Etre qui auroit la puilfauce de 1'a„ néantir. Mais Dieu n'eft point com- „ pofé  Octob. , Nov., Dec. > 1783. 3J9 „ pofé de parties, qui, en tel ou tel tems, „ aient été jointes les unes aux autres „ pour la première fois: car, cela fup„ pofé, il y auroit eu un inftant dans ,, le palfé f & je viens de prouver le „ contraire ) 011 cet Etre fuprême n'euc ,, point joui de 1'exiftence. Dieu ne „ dépend pas non plus d'un autre Etre „ qui ait la puiffance de 1'anéantir. Eh j „ quel feroit cet autre Etre? Une créal „ ture ou un Créateur? II répugne a la „ droite raifon que ce foit une créature, „ que la foiblelfe détruife Ia forcs, & „ comme je 1'ai déjè remarqué, il n'y a JS point d'autre Créateur que Dieu". ' Cette Iecon donne lieu aux ttois Questions fuivantes. 1".) Ta- Vil un tems eü Dieu n'ait point exifté? ■ Vienira-t'ü un tems ou Dieu n'exiftera plus ? i 30.) Si Dieu n'avoit pas toujours exi> ftéy oü s'il étoit poftible qu'il cejfdt d'exiJter un jour, exifteroit il maintenant? Le Discipie peut répondre k ces Queftions par les principes expofés dans la Lecon, ainfi 1'on eft fur qu'il ne fera Y 3 P°'nt  320 N©uv. Biblioth. Belgiqub. point de réponfe fans comprendre parfaitement la démonftration même. Cette méthode, pareille a celle que Hubn&r a fuivie dans fon Hiftoire de la Bible, nous paroit a tous égards trés fatisfaifante. La feconde partie traite comme nous 1-avons dit, des qualités du cmr. Après ehaque Lecon 1'Auteur nous donne quelques Traits Hiftoriques rélatifs a la vertu qu'il a recommandée dans le texte, & ces exemples font en général heureufement choifis. Ainfi a 1'appui des motifs qui nous obligent a révérer nos Parens, trouve-t'on ici plufieurs traits oü ce devoir eft fortement prêché. „ Ebufe, Veuve du Conful Menenius dgrippa avoit deux Filles; Pétronie qu'elle aimoit tendrement, & Afranie dont ellé ne faifoit point d*e cas, quoique toutes deux, par leur mérite, fuffent dignes de la tendreffe de leur mère. En t, mourant, elle inftitua Pétronie fon héïitière, & ne laiffa, pour éluder la Loi, qu'une fomme modique au Fils d'Afranie. On propofa è cette Fille, injuftemeiit déshêritée, de faire déclarer par les,  Octob., Nov., Dec. , 1783. 32t les Centumsvirs, qu'elle 1'avoit été fans caufe, ce qui étoit facile : mais elle s'y oppofa, aimant mieux bonorer les derm'ères volontés de fa mère, que de les avilir par une condamnation publique , tout avantageufe qu'elle lui eut été. Elle donna ainfi 1'exemple du refpeéï pour les les Parents, méme lorsqu'üs ne font plus." „ Laurent Celfi, ayant été élu Doge de Venife en 1361, fon Peremontra dans cette occafion une finguliere foibleffe d'esprit. Ce Vieillard, fe croyant trop fupérieur a fon Fils pour fe découvrir en fa préfence, & ne pouvant évïter de le faire, fans manquer a ce qu'il devoit au Chef de 1'Etat, prit le parti d'aller toujours tête nue. Un travers fi fingulier, de la part d!un homme d'ailleurs refpectable, ne fit aucune impreffion fur 1'esprit des Nobles, qui fe contentoient d'en plaifanter: mais le Doge, touché de voir fon Pere fe donner en fpeétacle par cette ridicule imagination, s'avifa de faire mettre une croix fur fa couronne Ducale. Alors le bon Vieillard ne fit plus de difgculté de reprendre le Chaperon <5t, dès Y 4 qu'il  32i Nouv. Biblioth. Belöique. qu'il appercevoit fon Fils, il fe découvroit en difant: c'eft la Croix que je falue & non mon Fils, car lui ayant donné la vie, il doit être au dejfous de moi. Dans Ia quinzième lecon 1'Auteur recommande de vénérer les maitres, & rnême'Iesbons Auteurs vivans, que nous n avons peut être jamais vus, mais dont nous avons lu & étudié les ouvragesPlufieurs exemples juftifient cette maxime. Orj ne fauroit exiger qu'i|s foient tous égalementpiquans, il fuffit que tous appuyent Ia maxime indiquée dans le texte : d'ailleurs pour des adolescents ces anecdote#auront toutes le charme de la nouveauté. L'Article oü 1'Auteur traite de la ius- fZTJTrendre è t0Us ,es h°™, fournit plufieurs traits intéreffans. Nous en choifirons un qui n'eft guère connu ü ven?ïtde Prendre a un Village de Home. Un Payfan courut auffitot porter des fecours aux Iieux oü s étoient néceflaires;fes foinsfurent vains inoen^e fit des progrès rapides. 0n fên. II demande fi celle de fon Voifin eft  Obtob., Nov.. Dêc., 1783. 323' eft endommagée. On lui dit qu'elle biüloit, & qu'il n'avoit pas un moment a perdre s'il vouloit fauver fes meubles. J'ai des chofes plusprêcieufes d conferver, repliqua-t'il fur le champ; monmalheureux Voifm eft maln.de, £3' hors d'étai de i'aider lui même. Sa perte eft inevitable, s'il n'eft pas fecouru £p je Juis Jur qu'il compte Jur moi. Dans le même tems il vole è la maifon de 1'infortuné; & fans fonger a la fienne qui faifoit toute fa fortune, il fe précipite a travers les flammes qui gagnoient déja le lit du malade. II voit une poutre embralfée prête h s'écrouler fur lui: II tente d'aller jusques lè, il espère que fa promptitude lui fera éviter ce danger, qui fans doute eut arrêté tout autre. 11 s'élance auprès de fon voilln, le charge fur fes épaules & le conduit heureufement en lieu de fureté. Pour récompen* lèr cette belle afticn la Ghambre Economique de Coppenhague donna a ce Payfan un gobelet d'argent, remplid'Ecus Danois; la pomme du Couvercle étoit furmontée d'une couronneCivique, aux cötés de laquelle pendoient deux peY 5 tits  324 Nouv. Biblïoth. Belgique. tits Médaillons fur lesquels on avoit gra« vé le fait en peu de moes. La dix huitieme lecon nous enfeigne d'ufer de bienveillance envers nos Amis; elle eft partagée en différentes maximes» qui font toutes foutenues de quelqöe exemple. „ Un Confeiller du Parlement de Paris , perd un ami, qui en mourant lailfe des dettes, & deux Enfans en bas §ge, fans biens, fans reffources & fans espérances. II retranche fon train, fon équipage, & va fe loger dans un Fauxbourg, d'oii tous les jours, il venoit, fuivi d'un feul laquais, au Palais, & y rempliffoit les devoirs de fa charge. II eft auffi-tót foupconné d'avarice & de mauvaife conduite. 11 eft en buttc a toutes les calomnies. Enfin, au bout de deux ans, Ie Confeiller reparoït dans le monde, il avoit accumulé une fomme de 20,000 livres, qu'il placa au profit des Enfans de feu fon ami." „ Le général Gage, Anglois, envoie, en 1775, un Détachement de Troupes réglées contre un corps de miliee Américaine, prés de Worchefter, Les Amé- ricains  'Octob. , Nov., Dbc. ,1783.32$ cains fö dispofent è bien recevoir l'en« nemi. Un Vieillard de 80 ans fe joint a eux, on le prie de fe retirer, vü fon age, mais il répond, . . . „ Ma mort „ peut encore être utile a la Patrie, car „ fi je ne puis plus combattre pour elle, „ je me mettrai du moins devant un plus jeune que moi, afin de recevoir, k „ fa place, le coup dont il pourroit être „ atteint." 11 eut permifiion de combattre ... . Echappa -1 - il au fer de 1'Ennemi ? . . . c'eft ce qu'on ignore. Soa courage mériteroit bien cependant que la Poftérité füt de quelle manière il ter* rnina fa vie." ,, Le Maréchal de Turenne, paflanC une nuit fur les remparts de Paris, tomba entre les mains d'une troupe de Voleurs qui arrêterent fon caroffe. Sur la promeffe qu'il leur fit de cent louis d'or pour coBferver une bague d'un prix beaucoup inférieur, ils la luj laifferentj & 1'un d'eux ófa bien aller le lendemain chez lui, au milieu d'une grande compagnie , lui demander a 1'oreille 1'exécution de fa promeffe. Le Vicomte fit donner 1'argent, & avant de raconter l'ayan-  J28 NOUV. BlBLÏOTH. Belgiqui i'avanture, laiffa au Voleur le tems de s'éloigner, en ajoutant qu'il falloic étre inviolable dans fes promeffes, & qu'un honnête homme ne devoit jamais man^ quer a fa parole, même avec des fripons". „ Le Fils d'Aaron Rqfcbid, Roi de Perfe, vint, dit le Poëte Sadi% fe plaindre d'un homme qui avoit calomnié fa tnère, & en demander vengeance. Obl mon Fils, lui répond Aaron Rafcbidl tu vas faire plus de tart a ta ntêre que le Calomniateur; tu vas faire croire qu'elle «e fa point appris d pardonner". La troifième Partie traite des dons de J'Esprit, qu'il faut cultiver, tels que la Mémoire, VImagination & hjugement. „ Louis XIII Roi de France è force d'exercer fa mémoire, en avoit une «xcelleDte. On le vit dans la plaine de St. Maurice en Savoye, prés de Piquevos, 1'an 1629. Qjioique 1'armée Francoife y eut campé 1'année précéden, cendans gouvernerent Ie Pays jus„ qu'en 1229. Alors Ia Souveraineté „ paffa a la maifon de Hainaut, & de„ la k celle de Bavière en 1350, En „ 1417 Jacqueline de Bavière, fille de „ Gwllaume VI & de Marguente de „ Bourgogne devint Comtejjfe de Hollande; ce fut fous fon Gouvernement que les 1, faftions des Hoekfcbe & des Cabbel. Z 3 » JMVa>  338 Nouw Biblioth. Belgiqjüb. „ jaauwfcbe qui duroient depuis 67 ans „ cauferent de graDds maux a 1'Etat; „ elle moüruc en 1436; mais paria re„ nonciation forcée qu'elle fit de fa di„ gnitéen 1433,1e Comté paffa dans la „ Maifon de Bourgogne, en la perfonne „ du Duc Philippe dit le Bon, qui eüt ,, pour fucceffeurs Cbarles le Hardi, & „ fa fille unique Marie , qui époufa 3, Maximilien Duc d'Autricbe, A la mort j, de cette Princeflë en 1482 la Souve„ raineté paffa a la maifon d'Autricbe, „ qui donna trois Comtes a Ia Hollande. „ Le dernier, Pbilippe II parvint a cet. „ te dignité, par la réfignation que lui „ en fit en 1555 Cbarles V fon Père. „ Ce fut fous fon règne que l'on com „ mit les plus horribles cruautés contre „ les Réformés, ce qui obligea Ja Hol3, lande è fe fouftraire k fon autorité. „ La première Affemblée des Etats eut „ lieu le 15 Juillet 1572; Ia liberté & Pin* „ dépendance des Provinces Unies, as „ furées par 1'Union d'Utrecbt, furent „ enfuite reconnues par VE/pagne, è la „ paix de Munfter en 1648, après une guerre de 80 années"3 4, h'Ac  Octob.jNov., Dec. 1783. 339 „ L'Acbaïe. On prétend que ce Pays „ peuplé, dit-on, par Acheus fiisde Xu„ i^Kr,cxiftoitdéja en corps de peuple „ dès les tems de Saül. Quoiqu'il en „ foit, cette République n'eft gueres con* '„ nue que depuis 1'Année 280, avant J. „ C. Aratus défendit alors courageu. „ fement ce Pays contre les Macédo„ niens mais le Général Mummius ter„ mina cette guerre & foumit VAcha.it „ a 1'Empire Romain. En 1204 Les „ Vénitiens s'en rendirent maitres & „ les places maritimes demeurerent pen„ dant ce tems leur fous domination: „ en 1261 les Grecs s'en emparerent de „ nouveau , l'Acbaie leur fut foumifè jusqu'en 1458, ou les Turcs la fubju„ gerent & lui donnerent des Loix; elle 55 leur eft toujours reftée, excepté en „ 1617 & en 1715 que les Vénitiens la „ retinrent fou« leur ufurpation". Z 4 ARTI-  34° Nouv. Biblioth. Belgique." ARTICLE SEPTIEME. Bybel der Natuur, &c. c'eft-a.dire. La Bible de la Nature; projettée par les fameux Savans J. J. Scheuchzer norée chez le peuple le plus civilifé de 1'Europe. L'Eleéteur devoit prévoir que fa facon dagir ne manqueroit pas de déplaire au fier Monarque de Ia France; mais les plaintes & les ménaces n'étoient guère propres è ébranler une ame comme Ia Sence, Dans quelques occafions il füt même  OCTOB., N0V.5 DEC.,1783. 357- même fe venger par de juftes répréfailles. Louis XIV avoit défendu-aux Proteftans de Paris d'affifter au fervice divin qui fe célébroit chez 1'Envoyé de Brandebou.rg & avoit fait placer des gardes aux portes de la chapelle. L'Eleéteur fit les mêmes défenfes aux Catholiques de Berlin , & on pofta des foldats devant les maifons des Miniftres de France,& d'Autriche. C'eft ainfi qu'avec de la fermeté & de la dignité, un état foible parvient fouvent è repouffer les infultes d'une Puiffance qui lui eft fupérieurei & qui par cette raifon feule fe croit tour. permis. Le Brandebourg, longtemps heureux fous une fuite de Princes diftingués par leur courage & leurs lumières, venoit d'éprouver fous le règne du foible George Guillaume les ravages de Ia guerre de 30 ans. Frédéric Guillaume, lorsqu'il prit les rênes du Gouvernement en 1640, trouva un pays dénué d'habitans & de reffources. II ne falloit pas moins que toute 1'étendue & toute la vigueur de fon génie, pour rémédier è d'aufli grands maux. Déja il avoit attiré dans Ia MarA a y che  358 Nouv. Biblioth. BeloiqüE. che plufieurs Colonies de Hollandois & d'auwes nations; 1'arrivée des Réformés Francois mitdonc le comble a fes voeux. Conquis par les bienfaits de l'EIeéteur, ils apporterent dans fes états, leurs talens, leur induftrie, le goüt des Arts & des Sciences, des moeurs douces & honnêtes: ils ranimerent furtout 1'agriculre, le commerce, les manufattures; & peut-étre ne feroit-ce point un fophisme politique de dire, que les Réfugiés ont contribuéè jetter les premiers fondemens de la grandeur a laquelle la Pruffe s'eft élevée dans la fuite. La Cour de Verfailles perfifta toujours dans fon ancien fyftême. Elle empêchoit les Réformés de profeffer leur religion, & elle redoubloit de févérité contre ceux qui tentoient de fortir du Royaume. D'un autre cöté, & par un rafinement de cruauté, on eut d'autant plus de foin d'écarter les Pafteurs. Au dela de 600 furent obligés d'abandonner leurs troupeaux & leurs families. l|s fe rendirent en Hollande, en SuiiTe, en Angleterre. Dans nos Provinces on en eomptoit 2jo; les Etats affignerent 400 li-  Octob., Nov.sDec, 1783. 35$ 400 livres de penfion a ceux qui étoient chargés de familie, & 250 aux autres. On cite un trés petit nombre de perfonnes de rang pour lesquelles le Gouvernement Francois ufa d'indulgence. L'Amiral Duquesne, le créateur de la marine Fratcoife, fut retenu par la promeffe qu'il ne feroit point inquiété fur fa religion. Le Maréchal de Scbomberg, le Marquis de Ruvigny, la Princeffe de Tarente, la Comteffe de Roye, la mar. quife de Gouvemet, obtinrent la per-, miffion de s'expatrier; ce furent la les feules exceptions qu'on fit a la loi inhu» maine qui forcoit les Proteftans a demeurer dans un pays, d'oii 1'intolérance les avoit profcrits. On fe hata en même temps de pren. dre les plus grandes précautions contre ceux qui auroient pU fe prévaloir de leur crédit ou de leur pouvoir pour fe procurer la même liberté; mais il étoit imposfible d'étendre par tout une égale vigilance. On trompoit, on corrompoit, on bravoit les gardes, & le nombre des fugitifs qui pafferent les frontières eft évalué  36b Nouv. Biblioth. Belgique. évalué affez généralement a huit - cent* mille. Le Brandebourg ne fut pas leur uniqueafile; toute 1'Europe Proteftante fe rêunit pour les recueiilir avec bonté. Ceux qui fe retirerent en Suiffe, furent repartis dans les principa*x Cantons Réformés; on fit h leur profit des collectes dontune feule, ó Zurich, rappprta 19,600. livres. Ce qui eft remarquable furtout, c'eft que les Cantons Catholiques même ne cefferent d'accorder le libre paffage & de fournir des fecours abondans aux fugitifs, malgré les menaces du Réfident de France. Genève, par fa fituation & par fes ïiaifons étroites avec les Eglifes de France, dót néceffairement attirer une foule de Réfugiés de tout ordre: il en vint tant, que dans 1'efpace de quelques mois le nombre des babitans s'y trouva accru du doublé ; mais la ville avoit des ménagemens a garder avec la France, & d'ailleurs fon territoire étoit trop petit pour conferver tous ces étrangersOn fe borna donc a les combler de bienfaits & a leur offrir des facilités pour  Octob.,Nov., Dec, 1783. 36* pour fe transporter ailleurs. La plupart joignirent leurs fréres du Brandebourg. L'Angleterre, quoique agitée elle même par des troubles de religion, ne fe montra pas moins compatiffante aux. Réfugiés. Jaques II, malgré fa prévention coatre les Proteftans, publia un Edit trés favorable a ceux de France, qui viendroient s'établir dans la Grande Bretagne, & ordonna pour eux des Collectes, donc le produit fut immenie, & dans peu de temps il fe forma dans les trois Royaumes plufieurs Eglifes floriflantes. Cependant elles ne fe foutinrent pas dans la fuite; la plupart adopterent fucceffivement le rit Anglican; & du temps de la Révolution, beaucoup de Réfugiés quitterent 1'Angieterre. „ Un Gouvernement qui ne demande „ de ceux qui lui font foumis que l'o« „ béïifance aux loix du pays, öt nes'en- „ quiert point de la croyance & des opi- „ nións, dès qu'elles n'ont pas fur Ia „ pratique une influence funefte pour les „ vertus du Citoyen; un tel Gouverne- „ ment devoit naturellement recevoir i' »» •  3Ó2 Nouv. Bibhoth. Bblgiqjüe. „ k bras ouverts des hommes dont Ia », religion étoit Ia fienne". La Hollande atira donc Ie plus grand nombre de Réfugiés, elle fe fignala par des charirités presque incroyables; dans les Egli. fês de la Haye on rdfilmbla en un feul dimanche1^- écus pour les pauvres d'entre les Réfugiés. Les Juifs d'Amfterdam fournirent *~ écus pour des CbréHens chaffés par un Roi Trés Cbrétien. L'Etat affigna des penfions aux Officiers, aux Gentilshommes, aux Miniftres. On fonda k la Haye, k Rotterdam & a Harlem des communautés pour les femmes & les filles de qualité. 28 Ejjlifes Wallonnes ou Frang oifes, qui fubfiftoient déjè dans les Provinces-Unies, furent augmentées jusqu'au nombre de 48. Le Prince d'Orange, qui méditoit déja fes projets fur 1'Angleterre, n'épargna rien pour s'attacher cette multitude de Gentilshommes Francois qui fe rendoient en Hollande. Pendant que les Etats délibéroient fur les moyens de leur former des établiffemens, le Stadhouder pourvut a leur dépenfe dans les Auberges de Ia Haye. Cette libéralité hata la réfolution des  Octob., Nov., Dec. , 1738. $6$ des Etats. On trouva des fonds pour faire des penfions aux Gentilshommes, jusqu'a ce que 1'occafion fe prefent at de leur donner de 1'emplci dans les armées. Guillaume III leva des Compagnies d'une jeuneffe d'élite: elles furent la pépinière de ces braves guerriers qui pendant la guerre de Succeffion fe diftinguerent fi glorieufement en Flandre & en Italië. Les Etats Réformés d'Allemagne s'intérefferent également pour les Réfugiés, Plufieurs Families s'établirent dans les Pays-Bas & a Brême; quelques-unes fe joignirent aux Wallons du Palatinat, mais moins heureufes que les autres elles éprouverent bientdt de nouvelles infortunes. La Saxe, & la ville de Francfort n'ad« mirent d'abord les Réformés Francois, que fous de certaines reftriéiions affez gênantes; mais d'autres Etats Luthériens fe montrerènt plus tolérans, Copenhague, Altona, Hannovre, Hameln, Zeil, Bronsvic , Bareith , Anspach , devinrent les rendez-vous de Colonies qui y fleuriffent encore. Le Duc de Wirtem- berg,  30*4 Nouv. Biblioth. Belgiqub. berg, les Princes de Bade, de Naffau^ le Comte de la Lippe, le Duc de SaxeHildbourghaufen, recurent avec empres. fement ceux des Réfugiés que les circonftances amenèrent fur leurs territoires. Un plus grand nombre fe fixèrent en Ruflle: il y en eut qui paffèrent la mer, pour fonder k Batavia & a Surinatn des Eglifes coDÖdérables. II s'entend que les Mémoires dont nous faifons 1'extrait, ne s'occupent point en détail de ces différens établiffemens; les Auteurs fe contement de les indiquer en paffant, & reprennent enfuite, dans le 7e. livre, lc fil des arrangemens adoptés en faveur des Réfugiés par l'EIecfeur de Brandebourg. Ce grand Prince pourvut a tout ce qui pouvoit adoucir le fort de fes nouveaux fujets. A la Haye, è Amfterdam, k Hambourg&a Francfort fes Miniftres eurent ordre de leur fournir tous les fecours néceffaires pour la route. II fit équiper en Hollande un navire pour transporter en Allemagne ceux a qui la rigueur de la faifcn faifoit craindre d'entreprendre le voyage. II envoya dans les Provinces-Unies le célèbre Ab- badie,  Octöb., Nov., Deo, 1783. 3<5s? badie, Pafteur a Berlin, afin de choifir daDS la foule des Réfugiés ceux qui par leur condition, leurs lumières & leurs talens pouvoient être les plus utiles a fes Etats. L'accueil qu'ils regurent dans le pays même fut trés propre è confirmer les efpéranccs qu'on leur avoit fait cöncevoir. On leur affigna des établiffemens folides; on leur accorda & pour le temporel&pour le fpirituel, une conftitution analogue k celle a laquelle ils étoient accoutumés dans leur pays natal. Ils eurent leurs Cours de juftice, leurs Confistoires, oü tout fe traitoit en langue Francpife. Les Réfugiés fe retrouverent dans le Brandebourg comme chez eux, fans avoir befoin de fe plier k des moeurs étrangères, fans ehanger d'habitude ni de langage. 11 falloit néceffairement de förtes dépenfes pour faire fubfifter tant de milliers de nouveaux venus qui la plupart étoient dénués de reffources pécuniaires* On propofa k l'Ele&eur de lever un impót dont Ie produit feroit deftiné aux befoins des Réfugiés. C'eut été les expofer k la haine des anciens habitans, & les Tom V. Papt, 2, Bb faire  $66 Noüv. BiBLiom Belgique. faire regarder plutót comme une charge pour 1'Etat que comme une acquifition avantageufe. Ce projet fut donc rejetté, & on y fubftitua la voye des collectes. La familie Electorale contribua *4 écus, & les Provinces envoyèrent un coicingent è peu prés équivalent, cette fomme, trés confidérable pour un pays & dans un tems oii le numéraire n'étoit pas abondant, fut employée a feconder Tattivité & I'induftrie de ceux qui réclamoient des avances. A ces reffüurces fe joignirent celles qui étoient refiées a quelques - uns des Refugiés. Plufieurs d'entr'eux avoient déja porté leurs biens dans le Brandebourg, avant la révocation de 1'Edit de Nantes. D'autres, quiarrivèrent après cette époque, fauvèrent fucceffivement les débris des fortunes qu'ils avoient laisfées en France. L'Eleéleur acccpta leurs capitaux contre des obligations fur Ie tréfor, k un intérêt de 6. 7 & 8 pour cent. Les fommes ainfi placées dans le courant des années 1686 z= 1691, montent enfernble è 87,058 Rixdalers, & ce calcul fait voir que la France en fe privant d'uM ne  Octoe., Nov.,Dec, 1783. 367 -ne partie confidérable de fes habitansj perdit auffi une quantité prodigieufe d'espèces. On trouve dans le 8e Livre des Mémoires de Mrs. Erman & Réclam, les noms des perfonnes en place qui ont été employées par le grand Elecleur k la direétion des affaires des Colonies ou qui en ont particulièrement mérité par des hienfaits & des fervices importans. Enfin les fupplémens qui terminent le premier Volume contierinent des pièces juftificatives, fervant a 1'éclairciffement de quelques circonftances remarquables. Nous nous fommes étendiss plus que de coutume fur un ouvrage qui ne manquera pas d'exciter la curiofité & 1'intérêt dc nos Leef eurs. On doit favoir un gré infini k Mrs. Erman & Réclam de la tache qu'ils fe font impolée, & on ne peut qu'applaudir è la manière dont ils la rempliffent. lis ont foin de puifer dans les meilleüres fources , les traits font préfentés avec ordre; partout les réflexions naiffent du fujet; partout ellee refpirent la même jufteffe & la même fa* gacité.; Ie ftyle eft aifé & agréable. Ces Bb 2 diffé-  368 Nouv. Biblioth. Belgioue. djfférens mérites juftifient Ie fuccès que les Auteurs ont généralement rencontré, & font defirer avec impatience la continuation de leurs Mémoires. Nous ignorons fi cet ouvrage fe trouve dans les Librairies de la Hollande, mais 1'imprimeur de notre journal s'offre d'en procurer des exemplaires aux perfonnes qui le demanderont. ARTl-  Octob., Nov., Dec, 1783. 369 ARTICLE NEUVIEME. P o ë s i e s, I. Ad Theftylin. Theftyli, perpetuum quid tesqua per avla fylvae, Quid praerupta juvat per juga ferre gradum ? Quid juvat ora feris exponere dentibus apri, Sentibus êt teretes dilacerare pedes? Huc potius mecum platani fuccede fub umbras, Huc ubi dulcifono murmure lympha fluit. Quo fugis, o fjrmofa, mane; non torva leaenji, Non, tua quaë laniet peétora, tygrisadert. Te fequitur Thyrfis, fequhur te mitis atnator, Qui te conjugio divitiisque beët. Adfpice, quem fpernis; mihi pinguiapratavirescunt; Mille mihi tondent pinguia prata boves. Et cano, quae poflïnt vel Pana decere Lycaeum, Ludere feu calamis, feu mihi voce lubet, Quod fi tantus amor praedae, codiitemque du cemque Ne Thyrfin lateri fit grave habere tuo. Non me finitimis, fi nescis, alter in ar vis Bb 3 Notior  3?o Nouv. Biblioth. Belgique. Notior hirfutas exagitare feras. Mecum veloces coges ad retia cervos, Et volucres jaculis capreolosque pete?. Ipfe geram caffes humeris, ducamque molosfos, Ne laedat leneras copula dura manus. Et Veneri fociatus apros proftravit Adonis, Spicula quae puero traderet, illa fuit. ïuDivamucfacie,Divam lic moribus aequa* Sim tibi Adonis ego, tu Cytheraea mihi. NOÜVEL- II: Deo Hortorum Cujlodi. Sanfle Pater, faeva qui terres falce volucres, Intentusque operi noéle d'eque vacas; Accipiasquae libatibi, tibi Hyella corollas Quas dicat, hoe ipfo pomaque hata folo; Muneris & pretium concedas, faepius hortum Denfus ut inroret, nee fine fruge, latex.  Octob.,Noy\, Dec., 1783. 3?r NOU VELLES LITTERAIRES. Spiegel Historiael, of Rymkronyk van Jacob van Maerlandt, &c. c'eft-d dire Miroir Historique ou la Chronique rimée de Jacob van Maerlant, avec des notes de Mrs. ]. A. Cugnett, & J. Steenwinkel, Membres de la Société de Littérature Hollandoife d Leyden. Tom. 1. gr. in 8°. de ^66 pages. Sans compter la Préface, les notes, éf la table £fc., d Leyden cbez F. de Does Libraire 1783. Prix ƒ4:. La Chronique rimée de\Jacob van Maerlant efi de la plus grande utiüté, i la confidérer, foit comme monument hiftorique, foit comme un ouvrage dg fimple Littérature, puisque ce Poëme a été traduit du Latin vers le milieu du treiziètne fiècle, & qu'il eft par conféquent un d*s plus anciens Ouvrages Hollandois qui foient parvenus jusqu'è nous. Mais qu'on ne penfe pas que cette Chroni. que, femblable a tant d'autres, ne foir d'aucun ufage pour 1'hiftoire; le favant Stw b b 4 vi*i  3tf2 Nouv. Biblioth. Belgique. vius (a) en a jugé bien plus favorablement, en difant de ce Livre, Dignijfimum quoi in ufus crkicos vertatur , quippe quoi multa ex fcriptoribus deperditis £f ineditis comprebendat. Quanc a la littérature il eft inutile d'obferver tir. L'affemblage des qualités nécefTaires au panégyrifte de Mad. de Sévigné a'était pas facile a rencontrer, & le mérite de 1'éloge devait beaucoup dépendre de Tidentité de fon auteur avec le modele. Nous ignorons de quelle plume fort celui que nous annoncons aujourd'hui; mais après 1'avoir lu, il nous a femblé qu'il ne pouvait être que 1'ouvrage d'une  56*4 Nol'V. Biblioth. BfiLGrouE* d'une femme de beaucoup d'esprit, & d'une excellente mere de familie. Nous avons cru appercevoir dans 1'auteur bien moins 1'envie de paraitre ^ue celui d'être utile. II n'a rien négligé pour la gloire de fon héros, & fa modeftie 1'a fouvent fait disparattre & fait louer Mad. de Sévigné par elle-mêaie. Une célebre académie lui a donné la palme. L'empreffement du public a fait disparaltre une première édition; & 1'extrait que nous allons faire, prouvera que ni le public ni 1'académie ne fe font trompés dans leur jugement. „ Après les honneurs qu'ont obtenus paraiii nous les talens d'un grand orateur, les vertus d'un magiftrat, le génie d'un philö' fophe, les grandes afti-ms'd'un homme d'état, les exploits d'un génén? d'armée, il en eft un bien doux d'offrir un tribut dVlrniradon a un genre de mérite plus modefte & p]us touchant, & de décerner la gloire è un fexe qui n'aspire fouvent qu'aux hommages du coeur. Tel eft le charme que j'éprouve en célébrant Mad. de Sévigné, &c." 11 était impoffible- de débuter avec une firnplicité plus noble & plus touchante. L'auteur invoque enfuite les contemporains, les amis & la fille de Mad. de Sévigné, & nous regrettons que les barnes qui nous font prescrites ne nous perraettent pas de rapporter ces  Octob. , Nov., Dec. ,1783. $6$ ces deux raorceaux. Voici le commencement de la première partie. „ Marie de Rabutin, d'une familie auffi diftinguée par fon esprit que par fa naiffance, coufine du célebreBuffi Rabutin, perdit fon père a l'ègs de dix - huit mois, & fut élevé» par une mere & un oncle dont elle était tendrement aimée. Elle recut une éducation fupérieure a celle de fon fiecle; des leétures vagues, une étude fuperficielle de 1'hiftoire, une légere connaifiance des langues formaient le plan d'éducation le plus parfait que l'on fuivit en France; ce plan fuffifait néanmoins au petit nombre qui 1'adoptait. Le goüt de diflïpation & de frivolité ne s'oppofait pas aux fuccès d'une méthode encore fi imparfaite; & le tourbillon du monde qui ravit aujourd'hui Ie tems, la réflexion & la fanté, n'ótait point aux femmes les momens qu'elles pouvaient don» ner a leurs devoirs & a 1'étude". Mad. de Sévigné, malgré fes charmes & fes vertus, ne put fixer le coeur de fon époux qui, après 1'avoir rendu malheureufe, périt è trente ans dans un duel, & la laiffa venve avec deux enfans & des affaires affez dérangées. La regie & 1'économie de cette mere eftimable rétablirent bientót 1'ordre dans fa maifon. Elle s'adonna toute entiere a 1'édu- catioa  395 Nouv. Biblioth. Belgique. cation de fa familie, & elle en fut récompenfée. „ lis entrerent & parurent avec diftinction dans Ie monde. Le marquis de Sévigné, 1'un des hommes le plus aimable & le plus recherché de la capitale, fut également diftingué par fon mérite militaire. Mile de Sévigné parut avec éclat i la cour de Louis XIV, oü fa mere la préfenta avant d'êtré mariée... Elle raaria fa fille au Marquis de Grignan, Lieutenant • Général, homme de qualité, d'un age mür & jouifiant d'une réputation bien méritée". Ce mariage, qui femblait devoir fïxer Mad. de Grignan a la' cour, 1'en éloigna, paree que fon mari fut nommé Commandant en Provence. , Cet éloignement qui fit Ia défolation de Mad. de Sévigné, fut ia caufe de fa célébrité, puisque noas lui devons cette correspondance ou l'on trouve des narratious piquantes, des réflexions fines & judicieufes fut les événemens du tems, des détails charmans de fa Tie privéé', & fur-tout un inépuifable fonds de tendreffe pour fes amis & pour fa fille". II était difficile de peindre en moins de paroles & avec plus de juftefle les lettres de Mad. de Sévigné. Nous ne fuivrons pas 1'auteur dans le détail oü il entre des difféiens perfonnages , objets ou fujets de cette correspondance. Les portraits en font bien deffi'  Qctob., Nov., Dbc, 1783 397 «Llfiaés, & avec beaucoup de précifion. Ils gagnerorit a êcre lus dans 1'ouvrage même, qu'il faudrait copier en entier, fi l'on voalait faire connattre tout ce qu'il a d'eflimable. „ Aufli éloignée dé cette perfide indulgence qui approuve les faibleffes, que de cette politeffe timide qui diffimuie les ridicules , Mad. de Sévigné excellait a corriger 1'un & 1'autre. Rien n'échappait, je ne dis pas i la cenfure, mais au zele intrépide de fon amitié. Les petits travers de fes amis, leurs torts même, étaient relevés fans déguifement. Sa fille, qu'elle aimait fi éperdument & dont elle adorait les grandes qualités, recevait fouvent des lecpns ingénieufes." L'auteur remarque que Mïd. de Sévigné était la meilleure amie de fon fils, & qu'elle fut fouvent le ramener a la vertu par la connaiffance profonde qu'elle avait 4e fon coeur & de fes fentimens. „ En louant Mad. de Sévigné, il m'eft permis fans doute de la propofer pour propofer pour modele aux femmes qui veu'ent cuitiver leur esprit. Elle airaa la littérature, mais e!le fe borna aux écrits qu'elle pouvait apprécier. Elle fe paffionna pour les chefsd'oeuvres de fon fiecle; mais fon admiration ne fut jamais aux ordres d'aucun parti. Le Tom. V. Part 2. Dd méri-  398 Nouv. Biblioth. Belgique* njérite des gens en place, celui des ouvrages nouveaux, enfin tout ce qui attirait 1'attention pubiique, était jugé dans fes lettres. Mais quelle prudence, quelle défiance de fes lumieres dans les jugemens qu'elle portel Eh! qu'aviez-vous a craindre. femme illuftre ? La poftérité a confacré presque tous vos jugemens ; & ce n'eft pas daus des écrits faits a loifir, ni dans des differtations méditées.que 1'on trouve ces traits précieux de goüt & de discemement que l'on admire en vous." Nous croyons devoir remarquer ici que cet éloge qui convient a Mad. de Sévigné, ferait propre i peu de gens du monde. Un homme de lettres, dans le filence da cabinet, & avec le fecours de 1'étude & de la réflexion, jugera fans doute mieux un ouvrage, & même un ouvrage de goüt, qu'un homme du monde fouvent peu inflruit, & toujours emporté par un tourbillon renaiflaot qui ne lui permet pas de rien approfondir. Mad. de Sévigné elle-même, avec tout fon esprit, fut quelquefois égarée dans fes jugemens. Mais on lui doit cette juftice, que fes écarts font peu fréquens, & qu'en général elle parait douée d'un goüt afTez für, & d un tact mgénieux & fin, dont on cbercherait inutilement ailleurs Ie modele. L'examen du fïyle des lettres de Mad. de Sévig-  Octob.jNov., Dec, 1783. 399 Sévigné fait le fujet de la feconde partie de cet éloge. L'auteur, après des réflexions fort juftes fur le peu d'écrivains chez qui on puiffe louer le ftyle épiftolaire, paree qu'ils avaient trop 1'habitude d'être auteurs dans un genre oü il ne faut jamais le paraitre, pourfuit ainfi: „ il était réfervé a Mad. de Sévigné de créer un ftyle ignoré jusqu'a elle, & de nous montrer de nouvelles graces plus piquantes que les autres & presqu'inimitables... 11 fallait une liberté douce, une vie tranquil- le, un esprit calme; il fallait enfin le naturel heureux & la pofition finguliere de Mad. de Sévigné, pour mettre dans un aufli beau jour cette imagination brillante & enjouée. II fallait un objet d'afFeélion tel que Mad. de Grignan, pour produire ces élans du coeur, ces expreflïons de tendreffe fi fortes Sc. fi tou» chantes; cet aimable abandon enfin qui fait le charme le plus puiflant de fes lettres." II était difïicile de mieux fentir & d'exprimer d'une fagon plus délicate les fenfations différentes qu'on éprouve en lifant les lettres de Mad de Sévigné. Les différentes citations qui viennent a 1'appui de fes réflexions, justtfient bien le fer.timent de l'auteur. Ces cU tations font enchainées avec beaucoup dV", & celui des tranfitions fi difficile & fi peu connu y eft ménagé avec adrefTe; el.'e? font Pd 2 ch'oi-  400 Nouv. Biblioth. Belgiqub. choi'fies avec goüt, & fi bien liées a Yiloge, qu'on s'appercoit a peine en les lifant qu'elles n'en font pas partie. C'eft fans doute le p!us grand éloge que l'on puiffe faire du ftyle de l'auteur, que de dire qu'il fe marie tellement avec celui de Mad. de Sévigné qu'on a peiue a les teconnaltre. „ Tous les fentimens du coeur de Mad. de Sévigné étaient peints dans fes lettres. Cette ame, oü les grandes chofes s'imprimaient fi fortement, & oü l'expreflion répondait a l'J. mage. cette ame était pleine de fermeté pour fout nir lés maux... Perfonne ne favait mieux qu'elle orner de traits agréables ce qu'elle diftit ou ce qu'elle écrivait; un paffage de Ia Fable, ün vers de ccmédie viennent fe placer a chaque inftant fous fa plume; fon érudition qui était bien loin de la pédanterie, lui faifait tröuver fans ceffe des allufions plaifantes. . . . Le mérite de Mad. de Sévigné était presqu'univerfel. Tout ce qui venait de cet« te femme célebre portait 1'empreinte de fon esprit. Une imagination vive, brillante, fage, des connaiflaoces étendues, un discernement jufte, un goüt exquis, tout ce qu'on peut defirer d'aimable & d'eftimable eft ras- femblé dans fes écrits. . II fallait donc que vous fuflïez viöime de votre amour, ó mere tendre, & que votre fille, en  Octob., Nov.,Dec, 1783. 401 en revenant è la vie, eüt la douleur de vous pleurer pour toujours 1 Si votre renommee n'tüt dépendu que de fes foins, votre nom ferait peut - être aujourd'hui dans 1'oubli. Vous avez vécu fans prétendre, fans penfer è la gloire. Mais votre fille a mieux connu que vous votre mérite & Ie goüt de la postérité. Elle a trahi votre fecret en nous transmettant vos lettres; & fans fon heuret.fe indiscrétion.elle aurait joui feule des titrts de votre immortalité. Mais tant qu'il yaura des coeurs fenlibles, des amis vrais, des lectaurs dignes de fentir la nature, vos lettres feront les délices des ames tendies, & le défespoir des meilleurs écrivains." Quelque cruel qu'il puiffe être pour un journalifle de ne trouver rien è reprendre , nous ne pouvons qu'applaudir encore a cette péroraifon qui termine heureufement 1'éioge de Mad. de Sévigné, écrit d'un bout a Tautre avec élégance. On ne peut s'empêcher dc reconnaitre dans l'auteur un goüt für, une critique éclairée, & une ame fenfible & vertueufe. Nous ne pouvons mieux actiever de faire connaitre cet ouvrage, qu'en transcrivant les propres paroles du cenfeur, M. Lourdet, profeffeur royal. Dd 3 Dans  402 Nouv. Biblioth. Belgiquë. Dans cette produiïion d'une plume feconde £? aifée, je n'ai rien vu qui ne fêt guidé par les lumieres d'une critique judicieufe, £? qui ne juftifidt aux yeux des leüeurs éclairis, les titres qui lui ont récemment mérité la palmedeiéloquence dans une cclelre Académie. t CORRES-  Octob.,Nov.,Djsc.,t783. 4°3 CORRESPONDANCE LITTERAIRE SECRETE. II ne fuffit pas de vous avoir annoncé les nouveautés dramatiques que l'on deltinoit pour le voyage de Fantainebleau , il faut encore vous apprendre le fort qu'elles y éprouvent fucceffivement. On a commencé par 1'opéra de Didon, dont la première repréfentation a eu lieu Ia femaine derniere. On y a généralement reconnu Piccini, du chant & peu d'effets. Le deuxieme acte a pourtant été trés diftingué & fort applaudi: Le ier & & le 3me. ont médiocrement intéreffé. Quoiqu'on regarde ce Poëme de M. Marmontel, comme un des meilleurs qui foit forti de fa plume, il offre cependant matiere a d'affez graves critiques: fans détailier ici celles d'une marche lente & peu naturelle, fon Enée eft un fi pauvre homme, qu'en verlté nos gens de cour croient plus férieufement que jamais, qu'un héros foumis aux Dieux. ne fauroit être qu'un perfonnage fort mausfade. Tonte Ia gloire a donc été pour Didon que Mad. St. Huberti a joué a miracies: & je puis vous citer celui d'avoir intéreffé S. M. Dd 4 qui  4©4 Nouv. Biblioth. Belgiqjjb". qui a daigné 1'en faire complimenter par M. !e Maréchal Duc de Duras, Marmontel & Piccini venant auffi fur ces entrefaices, rendre les hommages dus a Vorgane de leurs talens, M. le Duc de D..leur a impofé la génuflexion devait elle, & tout auffitót vous euffiez vü Pz'c. s'élancer a 1'un de fes cótés, s'y profterner & ferrer tacitement mais amoureufement fa main, tandis que de 1'autre Marm.... quoique plus lent a fléchir Ie genou, employoit les fermens & les exprefllons les plus tendres pour 1'affurer qu'elle avoit excité de vives & nouvelles émotions dans fon coaur. Quel plaifant contrafte de fe figurer dans cette fcene, St. Huberti, couverte encore de Ia Pourpre de Didon, recevoir dignemenr 1'encens des grands & des gens de lettres, & de Ia voir telle qu'un volupteux du fiecle la trouva chez elle, Ie furlendemain a Paris, faifant tête a tête avec fon Jockey, une partie de piquet fur un bout de table dont le tapis étoit un linge auffi groffier que mal propre! 6 Reines de théatre,. voila bien Ie véritable revers de votre médaille. CHANSON. Que digne enfant de Mégere, i üa vil Zoïle en fureur, Dé.  Octob., Nov., Deo, 17 38. 405 Déchire 1'heureux vainqueur Et de Sophocle St d'Homere: Hél qu'eft-ce que ca me fait a moi; J'aime, je lis mon Voltaire. Hé! qu'eft-ce que ga me fait a moi, Quand je cbante & quand je boi. Que Life paffe en caprices L'esprit le plus è Penvers; Qu'aux plus finguliers travers "". Chloé joigne tous les vices: Hé! qu'eft-ce que 5a me fait è moi; Rofette fait mes délices. Hé! qu'eft-ce que ca me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Qu'un riche habit a la mode. Soit le paffe-port d'un fat; Qu'un élégant Magiftrat Des Loix ignore le Code: Hé! qu'eft-ce que 9a me fait i moi; Moi, des plaideurs 1'antipode. Hé! qu'eft-ce que ga me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Qu'une Confeillere aimable Jour a'uner ait pris Laïs; Que d'an tel écart furpris 'Son mari la donne au diable: Dd5 Hél  4o6 Nouv. Biblioth. Belgique. Hé! qu'eft ce que ga me fait è moi; Chacun aime fon femblable. Hél.qu'eft-ce que ga me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Qu'a trente ans, au fond de 1'ame, Mainte fille a qui l'Hymen Ne dira jamais Amen, Contre le fiecle déclame: Hé! qu'eft-ce que ga me fait è moi; Je vis fi joyeux fans femmes. Hé! qu'eft-ce que ga me fait a moi, Quand je chante & qaand je boi. Que fur la Scène divine. Oü fix esprits immortels, Auront toujours des autels, Le goüt des Drames domine: Hé! qu'eft-ce que ga me fait a moi; J'y vois Molière & Racine Hé! qu'eft-ce que ga me fait è moi, Quand je chante & quand je boi. Que tout claque Gabrielle Quand fon cuifinier lui fert, Dans une faufle i robert, Le cceur d'un amant fidele: £Iét qu'eft-ce que ga me fait è moi; Je fiffle une honeur fi belle. Hél  Octob.,Npv.,Dec., 1783. 40? Hé! qu'eft-ce que ca me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Qu'un fot, chez qui 1'or abonde, Soit par-tout chéri, fêté; Qu'un Aftronorne vanté En rêvant creux nous inonde: Hé! qu'eft-ce que ca me fait i moi; Qu'un fou fubmerge le monde. Hé! qu'eft - ce que ca me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Que 1'entretien de Fanchette Coftte au vieux Duc un mont d'or; Que la fine mouche encor Plume un Midas en cachette: Hé! qu'eft ce que ga me fait a moi, 1'Amour m'a donné Rofette, Hél qu'eft-ce que ga me fait a moi, Quand je chante & quand je boi. Qu'un Editeur que j'eftime, En recevant ma chanfon, Ou la brüle fans fagon, Ou dans fon Journal 1'imprime: Hé! qu'eft-ce que ga me fait a moi; Rofette la croit fublime. Hél qu'eft-ce que ga me fait i moi,' Quand je chante & quand je boi. Cov-  408 Notrv. Biblioth. Beloiqüe. Conté. Au tems jadis un bon Curé Gaulois Vouloit prouver a certain Caufidique, Que des enfers Ie préfident inique En ce bas • monde apparoiffqit par fois. Après mains dits, matnte ct mainte réplique: Crane obftiné, dit Ie Pafteur têtu, Acetrait-ci, que répliqueras tu? Hier au foir je 1'ai vü fous la forme D'un baudet noir, portant oreille énorme; Jusqu'a Ia nuit il fuivit tous mes pas; Je me fignai crainte de raai encombre..... » Bon, bon! reprit 1'Eleve de Cu jas, „ Vous eutet peur, je gage, de votre ombre". Quoique Ia corruption des moeurs ait du néceflairement apporter beaucoup d'altération dans les carafteres & leur donner une phyfionomie commune, Ia foctété n'en offre pas moins plufieurs de trés diftinélifs, dont ros poëtes dramatiques pourroient tirer en fcene un trés grand avantage. Ce n'eft donc point d'une difette a cet égard que nous avons è nous plaindre, mais plutdt de 1'infuffilance ou de rinaftivité de leurs talens. II ne tient qu'k eux d'obferver & de peindre; ét quoigu'o» en dife, ce champ eft encore aufli fécoad qu'il le fut pour Molière. Si nous n'avons  Oötob., Nov., Dec, 1783. 409 1 n'avons maintenant que peu de Tartuffes & d'Harpagons, nous avons en quantité, des Egoijles, des Pbilofophes & des Roués de toutes les especes, qu'il eft facile de reproduire fous les mille & une formes qui leur font familieres. Quel effet n'a pas produit l'Homme \ dangereux de M. PaliJJot? il appartenoitfans doute a un Marquis plus qu'è tout autre d'entreprendre le tableau d'un Séduüeur, & c'eft ; ce que M. Ie Marquis de Bièvre vient de faire, on peut dire, avec fuccès. La comédie qu'il vient de donner fous ce titre au Théatre1 Francois, a un mérite de ftile, a quelques disparates prés, qui, dès la première repréfentation, 1'a fait placer par certaines per; fonnes a cóté du Méchant de Grejjet. Si 1'ini trigue & la contexture des fcenes n'ont pas été fi généralement goütées; fi l'on y a reconnu plufieurs détails du Roman de Clariffe 1 & des Liaijons dangereufcs, fi le caraftere du SêduUeur a paru fouvent outré, fe confondant trop facilement avec celui d'un Suborneur, nuance i la vérité diflkile 4 faifir, il faut avouer qu'il eft toujours flatteur d'avoir obtenu les applaudiffemens de la ville pour les trois premiers aftes, & les applaudiffemens de la cour pour les deux derniers-, disparité d'opinions, qui pour l'auteur eft .'équivalent d'un plein fuccès. Un vers de cette piece vous  4io Nouv. Biblioth. Bblgique. vous en fera connoitre le ton, & vous rap. pellera füre,s?ent le premier Cakmbourdier de France. Le Séduüeur échoue dans 1'enlevement qu'ii devoir. faire d'une jeune Refalie, l'objet de fes intrigues; il s'en confole en difant: Jerends graceamon fort; il nem'a rien óté: J'enleve lajagejje au lieu de la Beauté. Si nos gens a talent vont, comme ob le dit, fe remplumer en Angleterre \ il faut convenir qu'avec mcjns d'dftenfation nous rendons bien la pareille a leurs compatriotes. De tous nos fpeftacles particuliers, celui qui, fans contredit, emporte le plus d'argent, eft celui d'JJlley, écuver Anglois. II a fait èon_ftruire dans le faubourg du temple, un Manege fpacieux, dont la circonférence eft garnie de plufieurs rangs de loges, ce qui forme une falie de fpeétacle. Blle eft dispolée & décorée d'une -manière trés piqua'nte. Vingt-huit ou 30 candelabres garnis de -jIufieurs lampes de diverfes couleurs, formant •environ douze eens meches, fervent è en éclairer 1'enceinte. Au milieu eft un théatre deftiné, dans les intervalles des èxercices de chevaux, ê faire des tours de force trés va. riés. Aux deux cótés font les écuries. Dans le  Octob.,Dec.,Nov., 1783. 4" le haut, eft placé 1'orcheftre. Les Exercices des chevaux animés par les bouffonneries d'un Paillaffe trés adroit, confiftent, de la part des Ecuyers, darjs des tours de foupleffe & d'agilité furprenans. On diftingue jfftley pere & rils & deux Angloifes. Les chevaux partagent è jufte titre le mérite de ces exercices par 1'intelligence Ia plus étonnante. L'exécution de la plupart , de ces exercices eft trés curieufe: celle par exemple du Menuet des chevaux, qui confi- : fle dans 1'emploi des pas connus fous les ; noms de paffagtr» terre è terre, pirouettes & piaffes; iè Cheval qui rapporte, offre cela de fingulier, de n'être point drelfé par la févérité. ii prend un mouchoir dans fes , dents, 1'apporte, & les coups de chambriere qui ciDglent a fes oreilles ne 1'intimidenC point. , , Une attitude trés difficile pour le cheval eft celle du ehien qffis, les pieds de dtflbus recourbés, & ceux du devant, le fabot appuyé fur le fol; attitude qu'il prend a commandement. Mais l'exercice qui prouve le plus en faveur de 1'intelligence du cheval, c'eft celui du Tailleur, autrement du formidable Jacques. Les Tailleurs ont en Angleterre, comme aüleurs, la réputation d'être de fort mauvais cavaliers; ils ont aufli urr accou-.  412 Nouv*. Biblioth. Bjjlgique. accoutrement, une efpece d'uniforme, une allure qui les fait aifément diftinguer dé tou. te autre profeffion. Le farmidalle Jacques a été dreffé de manière a redouter tout Écuyer qui fe préfente a lui fous cet extérieur. Docile pour tout autre cavalier, ce cheval ne veut pas fe kuiler aborder par 1'individu qui reffemble a un Tailleur Anglois. II rue des pieds de derrière, fe cabre, combat en quelque (orte le tailleur, court fus, déchire fa rédingote, arrache fon fouet. le prend dans fes dents. Si a ce jeu fuccédoit 1'envie de le monter décidement, le taiileur n'en pour. ioit venir a bout; enforte qu'il exifte une antipathie entre ces deux individus li; mais c'eft furtout a Londres que cela eft plus fenfible. Le dédain que les Anglois afFeclent pour la découverte dont nous nous honorons, des Ballons Airojlatiques, caraéiérife bien 1'implacable jaloufie de cette nation a notre égard. II n'en a pas été, quoiqu'on en dife, fait un feul dans les trois royaumes, excepté fur le théatre de Drury lane, oü l'on a elTayé de tourner en ridicule cette curieufe machine. II faut avouer que le Direfleur de la troupe a totalement manqué fon objet. Les fpedateurs ont été intéreffés malgré eux & le Balion a disparu avec une rapidité i la. quelle  Octob., Nov.. dec..1783. 4ii quelle on ne s'attendoit pas, è travers le ciel du thé'fctre. II eft aflVz dargereux de donner au public des échantillons trop précoces ou trop friwoles de fon talent. Pour avoir d'abord trop peu refpedé fon opinion , il arrivé qu'il s'opiniatre a nous la refufer, quand enfin nous y prétendons tout de bon. M. I'abbé Raynal n'ayant débuté dans la littérature que par des articles au Mercure oubliés, par une hiftoire du Stadhouder at également oubliée, n'a t-il pas rencontré des Sceptiques, des Pyrrhoniens même, Iorsqu'il s'eft annoncé comme auteur de Yhi/ioire philofopbique des deux Indes. La même mortification attendoit M. le Marquis de Bievre. Ne s'étant fait connoltre jusqu'a préfent dans le monde, que par un goüt dominant pour les pointes, les jeux de mots; ou, fi vous 1'ajmez mieux, les Calembours, dont-il peut être regardé comme le renovateur, on rt'a pu foupconner, a plus forte raifon croire qu'è 34 ou 35 ans il débu;at tour. a coup dans la carrière dramatique psr uti ouvrage aufli conféquent, & même auffi .-are èe nos jours, qu'une comédie de caractère eri cinq aftes. Ayant dédaigné 1'appel du Parterre, qui, fuivant 1'ufage, demandoit h voir l'auteur d'un ouvrage qui lui plaifoit, on 1'a vainement nommé dans le foyer. & d&ns i Tome V. Part 2. E e !«»  4ï«4 Nouv. Biblioth. BBLGiqua. les cercles, le public n'a voulu voir en lui qu'un Calembourdijle; & tout imparfaite que füt fa piece du Séduüeur, i'élégance du ftyle & le décri de la philofophie 1'ont généralement fait attribuer è M Paliffot, peut-être le premier de nos Littérateurs en ce genre, comme VAnti philofophe le plus acharné. Cette variété, cette incertitude d'opinions ont donc dicté les vers fuivans a 1'un de nos jeunes poëtes: mais le Marquis de Bievre, en homme piqué, n'y a répondu qu'aiionyme»ent par 1'Epigramme qui leur fuccede. Montrez vous donc Monfieur l'auteur; Pourquoi demeurer fous la toile ? Lorsqu'on a fait Ie fiduEteur, On doit laiffer tomber Ie voile. Sur le dramatique horizon Apparoiüez nouvelle étoile, Et ne cachez plus votre nom. De Paftre éblouiflant du monde Vos vers ont l'éclat radleux, Votre mufe eft ricbe, féconde, Et votre pinceau gracieux. Du volage amant d'une belle QuelJe autre a mieux rendu les moeurs? C'eft avec Ie bout de fon aüe Que Pamour broya les couleurs Dont vous peignez votre Infidele. < Mais  Óctob.-Nov., DEc.,1783. 4l| Mais peindre bien nè fuffit pas. Dans les drames qu'on veut pröduire, Avec art il faut les conduire, Cet art eft des plus délicats ■, Dans 1'intrigae point d'embarras, Et trés fouvent Ie mot pour rire' Une noble fimplicité, De 1'intérêt, de 1'unité, Voilé ce qu'il faut pour féduire. De ces loix êtes-vous inftruit ? Je ne /ais; fans être féveres, Nos ariftarques en crédit Poürrónt Manier vos caracleres, Si le Sédufteur m'a féduii , S'il eft plein de graces rj? d'efprit, Tous ceux qu'il trompe n'en ent gtieres. Votre drgon eft un peu niais; D'en convenir il eft facile, ti'Armonce n'eft pas plus habile, Damis eft un grand inutile, Et furtout crédule a ,1'excès. Il n'eft pas jusqu'a Zérohes , Qui ne foit un franc imbécille Et le.moins plaifans des valets. Le Marquis, en rufes fertile, A compofé certains couplets Q'u'an dit être dès plus parfaits j' S'il fïut pourtant ne vous rién taire, , E ë 2 jV  416 Nouv. Biëlioth. Bklgique. Je vous dirai confidemment Que l'auteur agit prudemment De ne point les lire au Portent. Paflbns a votre dénouement, Pourrott-il craindre la critique? II eft tout plein d'un pathétique Fort a la mode en ce moment, Mais une mere fuppofée Qui feconde un enlévement, N'eft elle pas évidemment Une invention trop ufée? Et plus digne du beau Roman Oü votre mufe 1'a puifée ? Et d'ailleurs pour fa dignité. Et pour completter l'aventure 11 vous falloit en vérité, Un Chapelain dans la voiture. Ma critique ira plus avant. Cette pauvre philofophie, Pourquoi Ia rendre fi fouvent L'objet de votre raiüerie? Des faux fages qu'on fe déffe, Leur jargon n'offre que du vent; Mais la philofophie eft bonne, Je le maintiens & je foupconne Que votre Apollon peu moral, Pour rendre parfait fon ouvrage, En  Octob.,Nov.,Dec, 1783. 417 En eüt dü montrer davantagé. Et n'en pas dire tant de mal. Malgré tous ces défauts, on aime On admire votre tableau, On diroit que GreJJet lui même Vous remit fon brillant pinceau. Certaine veuve fort jolie N'avoit plus d'autels parmi nous: Un noir Ciprès coëfFoit Thalie, De fon Théatre emparez-vous; Difllpez la mélancolie, Et prompt a captiver fes gofits, Vous lui rendrez. je le parie, ' Et fes amans & fes Epoux. II eft fort plaifant & fort digne d'atten-,.. tion, que M. de Bievre pour répondre a cette jolie critique, n'ait eü recours ni au ftyle ni a 1'esprit qu'il a trouvé pour fon Séduiïeur; & qu'il ait eu la nonchalance d'emprunter de fon Ariftarque même 1'idée de fa replique que voici. Malgré tout votre esprit, tous vos charmans diétons Vous raillez Zêrones, quidemandeas'inftruire Dans cet art odieux, que nous appiaudiiïbns; Vous femblez rougir de ces dons, Ee3 Qji  41S Nouv. Biblioth. Belgiqué. Qu'a cbaque mot, Marquis, en vous nous voyons luire. Monfieur !e Séduüeur, j'approuve vos raifons: Certes, il ne faut pas tant d'esprit pour Jé- duire, Quand on n'eft comme vous entouré que d'oifons. Le Marquis de Bievre ne pouvant néanmoins réfifter plus longtems au petit dépit que lui caufoit la méprife obltinée du public, a pris le fpécieux prétexte de parisiaits ifon fujet, pour I'informer bien & duement par la lettre fuivante qu'il a fait inférer dans le Journal n de cette Capitale. Après la première repréjentation du Sédacceur, je me Juis nommé il la comidie ö* dans. le monde £ƒ j'ai <*it a M. Molé, qui eft depuis plus de Jix ans dans mon fecret, qu'il pouvoit juger les paris qui s'étoient faits a mon Jujet a Fontainebleau. Ils ont été payés Jans difficulté: mais j'apprens qu'ils fe renouvellent ici depuis plufieurs jours. Comme ma déclaration n'a été ni publique ni autbentique, je me crois obligé de la configner dans votre journal pour faire cejjer teute incerlitude. ' Je déelare donc ici que je fuis l'auteur iu Séducieur Éf je profiie de cette occafion pour rendre i" v' •' ' ■-■ graces  Octob., Nov., Deo, 1783. 419 graces au public de l'accueü favorable qu'il afait è mon ouvrage. Toute formelle qu'ait été cette déclaration, nombre d'incrédules perfiftoient; 1'un d'eux même a, plufieurs jours après, adreffé les vers fuivants a M. PaliJJot. Envain tu prétends te cacher Sous Ie manteau de 1'Anonyme; Ton ftyle élégant & fublime Sait, malgré toi, te 1'arracher. Ton Stduiïeur, pour s'introduire, üfe de cent moyens divers; Mais Ie plus für pour nous féduire, Eft de nous réciter tes vers. II a donc fallu que M. PaliJJot lui-même entreprit de diffuader le public de 1'opinion dans laquelle il s'entretenoit fur fon compte; & c'eft ce qu'il vient de faire, en adrefiant cette lettre au Marq. de Bievre. 11 eft étrange, M. le Marquis, que l'on s'obftine a me féliciter Jur votre pitce. Je viens de 'lire des vers trés agréables & trés Jiatteurs qui Jeroient capables de faire durer encore la méprife 6f qui m'obligent a- rendre Wn déjaveu public. Je faifis avec empreffcEe 4 ment  4>o Nouv. Biblioth. Belöiqjje. mant cette occafion de vous rendre la juftice que je vous ai toujours reniue au fond dn cceur: votre fuccès ne m'a point étonné, mais fouventz vous du tems oh j'avois 1'honneur de vous dire qu'un jour on vous feroit expier l'abus que vous faifiez de la gaüé de votre efprit. Croiriez vous bien que cette derniere phrafe n'a point été comprife? è mon grand étonnem'ent j'ai vu des poëtes & des écrivains de tous étages avouer qu'ils n'en faifi Ooien t pas !e fens. 11 me femble pourtant qu'elle eft auffi claire que fine, & qu'elle dit en deux mots a M. de Bievre: Vous avez fonciérement de 1'efprit, mais le public n'en veut rien croire; £f' c'eft une jufte punition d,e votre goüt pour le talent frivole de bien toumer un Calembour. Au furplus cette pièce fera honneur a M. de Bievre, en faifant connoitre les qualités de fon efprit, & celles de fon cceur. II a généreufement accordé a Molé, tous les bénéfices qui réfulte. roier.t de fes repréfentations & de fon impreffion, ce qu'on eüime un objet de 10 4 12 mille livres. Pour cette fois nos Balloniftes ne font plus de fimpies enfans que l'on tient a Ia lifiere, & l'on vient enfin de leur donner pour Ia pre»  Octob. ,Nov., Dec, 1783. 441 première fois, ce que nous appetions la clef des cbamps. M. de Montgolfier ayant répété fon expérience veudredi 21 i !a Muette, en préfence de notre jeune Dauphin <£ de fa Cour, le Major i'Arlandes Sl M. Pildtre du Rofier ont bravement accompagné le Ballon qui, pour le coup, comme je vous 1c difqis, a été abandon né, L'adrniration & 1'inquié:ude du pubiic nombreux & choifi , témoin du départ avantureux de ces deux premiers Voyageurs aériens, eft difïïcile è vous eïprimer. On ies a vus d'abord élevés a la hauteur de 20c pieds s'incliner vers leurs fpeêlateurs flupéfaits, & leur donner par des faluts réitérés, Ie llgnal le plus indubitable de leut fang-froid, de leur confiance & de leur intrépidité. Puis bientöt portés a une diftance, oü il n'étoit plus poffible de les diflinguer , & que l'on a appréciée devoir être de 5 a 600 toifes, on a vu la Machine fe rendre, en un clin d'ceil, iPaw.dont elle a traverfé une partie, & dont elle n'a dérivé que par la force du vent qui 1'a entrainée vers un lieu de la campagne connue fous le nom de Clos-Payen, & c'eft la que nos voyageurs Aériens ,1'ont infenfiblemect & volontairement abattue. Elle avoit i Ia vérité pendant leur courfe, qui füt de 20 a 25 minutes, efiuyé quelques .petits événeE e 5 mens,  422 NdüV. BllLIOTH. BeLGIQUE. ou pour parier plus clairement fait quelques vbies non d'eau, mais d'air: & celan'a rien d'étonnant, en confidérant Ia multiplicité d'expériences auxquelles elle avoit déja fervi t*nt a Verjailles qu'è Paris. Du refte, nos deux aventuriers font tous prêts è réitérer cette marche aufli majeftueufe, qu'étonnante & audacieufe. II eft queflion d'élever une Ctlonne i l'endroit oü ils ont pris terre. Ne craignez pas, M., que je me traine fur les pas des journaliftes pour remplir mes lettres de graves extraits ou d'ennuyeufes annonces. Lorsque je me permettrai les uns ou les autres, j'espere mériter que vous me le pardonniez, & je m'efforcerai de plus en plus a rapprocher cette correfpondance de fon véritable objet. Je trouve en* core mon bureau garni d'une foule d'ouvrages dont les autres feuilles è coup fur ne vous parleront point, & de ceux-li, vous en attendez certainement de moi quelque notice. Ce font des Entretitns de 1'autre monde Jar ce qui Je paffe dans celui-ci, ou Dialogues grotesques & pittoresques entre feu Louis XP, feu le Prince de Conti, feu Af. Turgot, feu t'abbé Terrai, feu M dt Clugny, feu le Comte ie May, feu le Comte ie S. Germain, feule Duc de la, Vrilliere, feu le Comte de Maurepas «Sc. &c. — la Gazette noire, — le Souper dts Petits-  Octob. ,Nov., Dec, 1783. 423; Pttits-Maitres, —le Diible dans un binitier, je Portefeuille de Madame Gourdan, — des Lettres pkilofopfjiques fur S. Paul, — une réponfe au Tableau de l églfe de Liege, — les Anecdotes du iSmefiecle, — le Recueil amu- fant, • ■ des Amufeme?:s, gayetés & frivo- lités poêtique par un bon picard, recueil dans le genre des Contes tkéologiques & des Mufei du foyer de l'opera; je pourrai même, comme le ridicule vous amufe quelquefols, vous parier d'une lettre fur les Ballons Aéro/latiques, de M. Joly de S. Valier qui les prétend mal nommés parcequ'ils ne peuvent s'arrêter en l'air (*) & inutiles en ce que l'on ne pourra jamais s'élever au dela de Trente Mil- l e toifes Vous me reprochez le Serieux qui regne depuis quelque tems dans mes lettres; vous infiftez fur le chapitre cbatouilleux des Anecdotes; vous en voulez de fraiches, de variées, d'amufantes; eh! le moyen de vous fatis- (*) Comme M. de S. V. ne veut pas qu'on le prenne pour un grand grec, il fait dériver" le mdt Aero Jlatique, des mots latins air & ftare: ce qu'il y a de plus plaifant, c'eft «ju'il parle quelques lignes plus bas des loix de Vkydrojlatique.  4*4 Nouv. Biblioth. Belgiqjje, fatlsfaire, tandis que le champ en eft on ne peut pas plus ftérile? Depuis plus de fix femaines, on ne parle parmi nous, que de Ballons; on n'écric que fur les Ballons, & l'on ne penfe qu'a des Ballons. La feule exception que l'on fait par fois, eft en faveur de \ Opera. Les Ballons & VQpera font donc la feule pature de nos gens è nouvelles. Les répétitions des ouvrages dramatiques nouveaux, tels que Didon de Marmontel, Chimene de Gullard & Ia Caravane du Caire de Morel, excitent dans les différens centres oü fe rapprochent les fuperfins Nouvelliftes. des differtations faftidieufes oü s'épuife tout 1'esprit de ces Mtftleurs. J'ai beau prèter les oreilles, je n'entends journellement; que: Ceci eft beau. fuperbe, fuhli' me, ou plat, mesquin, mauvais! ou bien; Tel a cbanté comme un fiacre , tel autre , comme un Ange, comme un Dieu; & tous enfemble s'écrier; Mad S Huberti eft une Divinitél Cette éternelle monotonie foporifie, l»i(Te 1'esprit vuide, & contribue fouvent a Ia Iangueur de mes lettres. Pas la moindre hiftoriette! II femble que nos Filles ayent changé de place avec ces Dames prétendues honnêtes; qu'elles foint djvenues tranquilles, rangées, réfervées, tandis que les autres font effrontées, diffipées & fans frein. On dit plus  Octob., Nov., Dec.. 1783. 425 plus même, & l'on allure que ces Demotfclles, j'adis fi dégourdies, fi madrées, fi futées, fi induftrieules, fe laifient maintenant efcamoter par ces Mylords Anglois, autrefois fi fuperbes, fi rnagninquement généreux, Nos Dtmoifelles couvent dans l'intérieur ces petits aftronts, & jouent la plus grande fé* rénité pour écarter jusqu'au moindre foupcon qu'elles ayenc été capables d'éctles aufli flétriffantes pour la Gente-intrigante; mais la délicieufe jouiffance de ces nouveaux Roués d'outre mer, eft d'ajouter la vanterie a ]a fupercherie , & de faire, ce q3e nous appel, lons en langue vulgaire, des Gorges chaudes aux dépens de leurs dupes: c'eft, vous 1'avouerez, le nee flus ultra de la fcéiératefle, & nous devons corjvenir (eft ce 4 notre hon* te?) que ces MeJJieurs ont non - feuleroent fait des pas rapides dans la Rouerie, mais qu'ils nous furpaffent auffi dans tout ce qui fembloit être du feul reflbrt des Franpis, & qui nous avoit acquis chez 1'étranger, chez nos imitateurs mêmes, cette défignation de ridicule connue fous Ia dtnomination de Petit - Maitre. A voir ces MeJJieurs étaler dans nos promenades & dans nos foyers, les habits les plus élégans, piroueter avec la plus grande aifance, & déployer merveilleu» fgment toutes ces graves legons dont le Marquis  42Ö Nöuv. Biblioth. Belgique. quis de Polainville endoétrinoit fon petit novice de Milord Houfey; a juger de la Bation Angloife, par le grand nombre dindividus que nous voyöns circuler ici, |e luxe & la corruption des moeurs n'ont'plus de progrès i y faire; d'oü il faut conclure que ce Peuple fi grave, fi philofophe, ne fera que de plus en plus décliner, fi quelques fages n'accourent du fond de leurs provinces, pour ramener dans la Capitale, ce ton de fimplicité & de rufticité même, inhérent au caracïere naturel de la nation, d'oü Pon a vu jaillir tant d'aéïes d'énergie ét de vertu. Ne faut déféfperer de rien: II n'eft qu un pas du mal au Hen. ' Ne voila t'il pas que, dans l'inffant même oü je differte fur Ia ftérilité des Nouvelles , tout a coup il fe préfente des matériauX afies piquans, mais toujours, obfervez Ié bien, rélativement aux deux grelots du jour les Ballons & VOpèra Un M. Bon— Bordelois, & comme tous fes chers concitoyons, grand frondeur de tous les talens de cette Capitale, frondott hier, dans ie foyer des Menus, i 1'iffue d'une répétirion, cétte même DameS. Hüberti; que tout le public élevoit jusqu'aux nues. ld  Octob., Nov.,Dec., 1783. 4^7 La continuité de fes déclamations, la dureté des expreflïons dont il fe fervoic pour caractérifer le criant, la manière, 1'organe, en-un mot Ia perfonne de S. Huberti, lui attirerent .nombre de paquets dont il ne fit compte, & contre lesquels il tint ferme M„ Li., ft trouvant la, fe contentoit d'abord de hauffer les épaules; infenfiblement il s'en* gage dans la difpute, la fait dégénérer ea querelte, & dit crument a B., quil faut être fol ou fot pour ófer s'arroger 1'impudente fondlion de Détrafleur unique de talens univerfellement goütes & applaudis. B. répond qu'il n'eft ni fol ni fot, qu'il trouve S. Huberti déteftable par tous les bouts j qu'il le dit, qu'il le dira, le foutiendra è la larbs des Athéniens', puis zede, il disparoit. M. L.. ne laifie pas de continuer i pérorer, & a foutenir fon róle de Chevalier; mais, fi l'on n'eft armé de toutes pieces, & toujours prêt a combattre tous venans, ce róle conduit fon homme a d'afiez pénibles épreuves» & c'eft ce que vous allez voir. M. B. en fe retirant, n'avoit pas perdu de vue M. L,; il le voit fortir, il 1'aborde, lui rappelle lec exprelfions de fol & de fot, & ne voit, lui dit-il, d'autre moyen de fe convaincre qus des deux 1'eft d'avantage , qu'en fe tirant rèciproquement des veines une petite palette de  423 Nöuv. BisLioT». Belgiq^uè. de fang. M. L.. fe refufe a Ia preuvej s'éloigne de fon homme, & rentre chez luN M. D. 1'obferve , le recontre & infifte ds nouveau. M. L,. refufe toujours. Enfin , il déclare fa perplexité a fon époufe. Inquiete, allarmée, Mad. L . va réclamer 1'interpofition d'un Prince qui le protégé; mais en fait d'honneur, un Piince Frai.cois ne voit d'autre alternative que celle de faire raifon ou excufe, & c'eft ce qu'il prescrit SM, L, Le dernier parti convenoit a un pere de familie, & a été exécuté. Ce qui concerne les Ballons a compromis plus de monde, mais d'une manière moins férieufe. La manie des Ballons étant pouffée jusqu*i la phrénéfie, les Entrepreneurs de la Redoute Cninoife ont regardé cette reffource comme trés favotable pour racha'ander leur Boutique un peu délaitrée. On a donc fait annoncer, avec grand fracas, un Ballon a la Redoute, & Ie Public toujours benêt s'y eft porté en foule , au point que pour un fi petit endroit il s'eft fait de 8 a 9 mille livres de recette. Enfin , 1'heure fatale efl arrivée; on a préparé & remplit ledit Ballon d'air ir.flammabie', mais on lui en a tant donhé que le pauvre Ballon en a crévé. Grande rumeur de la part du public, chacun veut ravoir  Octob., Nov., Dec., 1783. 429 ravofr fon a-gent, on veut affiéger la caifTe; Patience, Meffieurs, Mesdames, vous feres fatisfaits, & l'on va vous donner, au lieu du Ballon, 1'intéreiTant coup-d'csil d'une vejjie de cocbon s'élevant dans les airs: en effet, la vejjie a pris fon efTor & s'eft allée majefteufement nicber dans une petite lucirne d'un des Pavillons Cbinois de la Redoute Cbinoife. On mande de Peronne, qu'un marchand de Bruxelles avoit commandé 50 Ballons d'air inflammable, a fon Commiffiunnaire de Paris, qui les lui a expédiés auffitót par une voiture publique. Etant arrivés au bureau des fermes du Roi; de cette ville, les comtnis voulurent s'affurer fi la caifTe qui contenoit ces Ballons ne receloit rien qui düt payer les droits prcscrits dans leur Tarif. Le facteur de la voiture eut beau leur dire que c'étoit des Ballons d'air Inflammable, ils ne voulurent point le croire fur fa parole cc ouvrirent la caifTe: dans l'inflant les Ballons commencerent a s'ébranler, prirent leur esfor, & s'éleverent dans les airs, en rempliflant de frayeur les braves prépofés a la vifite. De la, dit-on, procés en dommages & intéréts, 11 feroit difficilede vous exprimer, de vous peindre le raviffement & 1'enthoufiasme qu'a Tom. F, Part,2. Ff pro-  43° Nouv. Biblioth. Belgique. produit dans cette Capitale le fpectacle mefveilleux dont MM. Charles & Robert wiennent de Ia faire jouir. O la journée mémorable! vraiment il faudroit être Homere ou Pindars pour la folemoifer dignement. Que le compte que je vais vous en rendre juttifie, s'il eft poffible, cedébut, qui fans doute vous femblera , comme & tous ceux qui n'ont pas vu, rempli d'emphafe & d'exagération. Je vous avois annoncé Ie projet formé par ces ardens Artiftes, de faire inceflamment plufieurs expériences auffi curieufes qu'intéreflantes, & qui devoient être terminées ou précédées d'une courfe aërienne ad Providentiam Cette dernière eft la feule, è la vérité, qu'ils ayent encore exécutée; mais la certitude oü l'on eft qu'ils reviendront fur les autres dans une faifon plus favorable, & d'ailleurs 1'appareil impofant & rare au milieu duquel ils 1'ont faite, ainfi que quelques circonftances affez particulieres, ont probable. ment accru cet extréme intérêt, cette forte d'yvreffe qu'elle a généralement infpirée. Depuis plufieurs jours on avoit tranfporté dans le jardin des Tuileries un fuperbe Globe de 26 pieds de diametre, devant contenir douze- mille pieds cubes, ainfi qu'un petit Cbar qui devoit y être appendu, pour enlever nos hardis voyageurs. Malgré i'acïivi- lé  Öctob. , Nov., Dj-c., 1783. 4.31 téquiregnoit dans les prépara'ifs, tant pour étabür un théatre fur le baflln du milieu du jardin, que pour faire le gaz inflammMe & 1'introduire dans le Ballon, le public toujours indigné de 1'outrags fait a M de Montgolfier au Champ de Mars, choqué de la recette énorme que la Société Charles fcf Robert faifoit par la diftribution de biltets d'entrée; indignée de voir une promenade publique devenue priviiégiée pour de fimples particuliers, crioit ou plutót hurloit au Charldnatisme! On citoit cet homme de Londres qui devoit entrer dans une bouteille, maints iutres effrontés dont Ie public avoit été duppe, & l'on proteftoit hautement contre Ia bonne foi des Cbarles & des Robert: Les Calembours alloient leur train, & l'on poufToit la fcience jusqu'a en fabriquer de Latins; de Ik Cdrole expeüa pour Charlatan (Charles atiens); Ie Public,difoit-on,étoit un Dindon qu'on mettoit a Ia Sauce k Robert, & beaucoup d'autres jeux de mots auflG délicats que fpirituels: Les Charles & les Robert en un mot, n'étoient que des fripons impudens mais adroits qui, pour fe fouftraire i leur promeffe de fuivre Ia machine dans les airs, fauroient ou la crever è propos, ou fe faire donner un ordre fupérieur pour les arrêter & couvrir leur ignorance & leur fupercherie. Pour furcroit encore * le Ff 2 iét  432 Nouv. Biblioth. Belgiqub. ier jour fixé pour eux avoit été remis a hier lundi, & quelles rumeurs, quelles clabauderies cé déiai n'a t'il pas caufé? Enfin, pour cette fois on n'a plus reculé. Dès le matin on s'eft tumultueufement porté vers les Tuihries: Les femmes les plus frilleufes, qui, tout en préconifanc leur Incrbyable fenfibilité, fe croiroient fuicides de leur petit individu fi, pour remplir un acte de bienfaifance, elles hatorent d'un quart d'neure le moment de leur réveil, étoient li des premières, bravant lefroid, Phumidité, le brouillard, mais parlant, jabotant d'air, de gaz inflammable, citant fans ceffe & prónant indiftinétement les noms de Montgolfier, de Faujas, de Darlandes, de Pildtre, de Cbarles & de Robert, ce qu'au refte pourroient leur disputer nos cuifinieres & nos laquais dont les entretiens ne roulent plus maintenant que fur la phyfique & les phyficiens. Bientót le cortege favant a patu: on y a cherché Cbarles & Robert; quelles fenfations diverfes leur préfence a caufées! S ils ne par' tent pas, difoient les uns, il faut les pendre... S'ils partent, difoient les autres, que deviendront - Ut ? On a remarqué dans leur contenance une forte d'anxiété, mais on en ignoroit la vraie caufe, & Ie public, toujours fuupeonneux & décourageant, ne balangoit pas  Octob. > Nov., Deo , 1783. 433 pas a 1'attribuer a leur irréfolution , lorsqu'on a feu qu'un Ordrt émané de la bonté du cceur du Roi, s'oppofoit è leur départ. De ce moment on a plus que jamais défespéré qu'il eüt lieu. Mais le défespoir de Charles, les repréfentations qu'elles lui ont diétées devant plufieurs trés grands Perfonnages qui fe trouvoient dans Penceinte, ont porté ceux ■ ci a fe charger de leur caufe auprès de S. M. Raflurés fur une circonftance aufli délicate, que cejle de fe diffamer aux yeux de la nation, ou d'encourir momentanément la di> grace du Prince, ils fe font livrés avec autant de férénité que de zele aux dispofitions de leur départ. Un petit Ballon verd lancé fur ces entrefaites a ranimé les espérances, & furtout caufé le plaifir le plus vif aux fpe«tateurs par 1'efFet charmant de fon ascenfion. Le foleil dardant a plein fur le taffetas vernis dont il étoit formé, le faifoit paroitre dans la plus grande hauteur tel qu'une étoile la plus imperceptible. Comme il étoit porté par un vent Nord-Oueft, & qu'il a pour ainfi dire, cerné les Tuileriet, de bons yeux l'ont vu, malgré fon ascenfion progreflive, pendant 1'espace de 25 minutes, & de 53 avec des Lunettes. Ce fignal a, fi jofe le dire, été pour M. Charles celui du recouvrement de 1'eftime publique, & une circonftan. Ff 3 ce  434 Nouv. Biblioth. Belgique. ce follicite trop en fa faveur pour ne pas ici lui en faire honneur. B'en loin d'avoir cette fois ci repouffé M. de Montgolfier de fon enceinte, il 1'avoit invité d'y prendre part a fes opérations. Ayant donc dispofé le petit Ballon en queftion, & ne le retenant plus qu'a une ficelle, M. Charles eft allé le préfenta a M. de Montgolfier comme un hommage qu'il rendoit a fa découverte, & Pa prié de lui donner Ia volée; ce qu'a fait M. de Montgolfier an embraffant étroitement M. Cbarles. Cette réparation autentique éi pleine de grace a finguliérement dispofé les esprits en faveur du dernier, & autant on avoit deflré, infifté même fur Ia néceffité de fon départ, autant on paroiffoit s'y oppofer. Mais toutes confidérations euffent été vaines; il faj. loit partir: il le falloit pour fa gloire, il le falloit pour la fatisfaction du public, il !e falloit pour démontrer Ia juftefie & 1'exactitude des combinaifons & des calculs fur lesquels il afïïrmoit avoir aflis le fuccès de fa machine. L'inftant en eft enfin arrivé: Charles & Robert le jeune font montés dans leur Char; le Duc de Cumberland & plufieurs feigneurs de cette claffe ont daigné leur fervir d'Ecuyers de main, & Mad. la Duchefie de Bourbon a tranché le feul fil qui retint cette fu. perbe Machine, luttant fiérement pour fa li- berté...  Octob., Nov-, Dec, 1783. 43S bené... óciell.. On a peine è le croire... Oui, les voiliI.. Chacun frémit en les voyant s'élever infenfiblemeut & majeftueufement vers une région nouvelle dont on n'ofe ni mefurer ni calculer les dangers. Eux feuls eonfervent & témoignent la fécurité la plus parfaite, ils faluent un public immenfe qui d'abord les obferve avec filence & terreur, & leur annonce tout a coup, par les applaudiffemens, par les fignes les plus expreffifs, & fa furprife & fon admiration & fon yvresfe. Les uns élevoient leurs chapeaux , le* autres leurs mouchoirs; les Suiffes pofés pour la garde, émus par ce fpeétacle impofant, agitoient leurs armes en l'air avec une forte de phrénefie. A la vue de ce peuple innombrable, les yeux fixés fur ces deux intéreffans perfoncages, mon imagination s'eft tranfportée dans ces beaux tems romanesques de la chevalerie, & je me perfuadois voir une nation antique affemblée pour délibérer fur le choix des deux chevaliers les plus dignes d'être chargés d'une députation ou d'une expédition valeureufe, & cette idéé noble & touchante m'a fait verfer des larmes ... Enfin nos deux Avanturiers, après avoir infenfiblementmonté jusqu'è la hauteur de 3 è 4 eens pieds dans l'atraofphete, ont paru, 1'espace de 3 a 4 Ff 4 minu-  43Ó" Neuv. Biblioth. Belgique. minutes, y conferver une immobilité parfarte, & c'eft de li qu'un nouveau fignal de leur part, a produit la plus agréable émotion,en interprétant les banderoles qu'ils ont abandonnées, comme une doublé expreffion de leurs adjeux & de leur confiance. M leDuc de Chanres Sl quantité de Seigneurs francois & étrangers les ent fuivis a la pifte. M. le Duc de Chartres & le Duc de Fits-James ont été les plus conftans & les plus heureux, & font parvenus, deux heures & un quart après le départ, dans les prairies de Nelle environ a 9 lieues de Paris, fur ï'IJt, oü les Voyageurs - Aëriens avoient fait une halte, & d'oü, après une courte ftation, M. Charles eft remonté dans fon Cbar, avec le deffein de poufler fa marche jusqu'a la nuit Com- bien on aspire après des nouvelles de fa feconde tentative! bien des gens la désaprouvent; car enfin, puisqu'au moyen du Lejl dont ils avoient chargé la Machine pour en modérer la marche & l'ascenfion, ils étoient parvenus i faire 9 lieues en moins de deux heures, dans une direction horizontale feulement gouvernée par le vent, ce réfultat n'étoit il pas fatisfaifant pour aflurer leur gloire & celle de leur machine ? —— Vous voulez favoir ce que c'eft que ia Ga- z et-  Octob. , Nov., Deo , 1783. 437 zette Noire (*). Un titre qui annonce un Libelle diffamatoire, fait a coup für la fortune d'un ouvrage: aufli celui - ci eft - il énormement cher & fort recherehé; je vais vous en rendre compte en gros. II paroitde la même main que le Procés des trois rois & beaucoup d'autres brochures qui depuis quelque tems ont deshonoré 1'imprimerie; 1'Auteur ou le Compilateur intéreffe dans les premières pages. Retranchez du refte quelques anecdotes anciennes ou du moins fort connues, des chapitres entiers extraits del'Espion des Boulevards, de la brochure des Joueurs & M. du Saulx & de quelques autres, il reftera peu de chofe, mais de 1'originalité & beaucoup d'audace. L'Introdtftion eft un éloge de X'Angleterte & une fatyre hardie de 1'intolérance des Gouvernemens ,, Montesquieu dit que lesScythes „ crevoient les yeux è leurs esclaves, afin „ qu'ils fuiïent moins diftitits en battant leur „ heur- (*) La Gazette noire, par un homme qui n'eft pas blanc; ou oeuvres poftbumes du Gazetier cuiraffé. Imprimé a cent lieues de la Bastille, a trois eens lieues des Préfides; & ctnf eens lieues des Cordons; a mille lieuts de la Sibérie.  438 Nóuv, Biblioth. Belgique. i, beurre; c'eft ainfi qu'on en ufe en France „ oü avec de trés bons yeux, il eft défendu „ de voir clair. On a deux yeux depuis plus „ de cent ans en Angleterre; les Francois „ comraencent a ouvrir un «il; mais trop „ fouvent il fe trouve des hommes en place *, qui ne veulent pas même permettre que ,, l'on foit borgne. Ces pauvres gens en n place font comme le Dofteur de la Coméii die Italienne, qui ne veut être fervi que » par le Balourd Arlequin, & qui craint d'a>i voir un valet trop pénétrant," Viennent après 1'introduction, des diiïertations plus on moins graves fur les limit es de la prèrogative dts Rois fc? de la lïbertt des Peuples, ainfi que fur d'autres points de politique auxquels Ie ton du Gazetier noir conVient auffi peu; des apologues , des plaifanteries indécentes fur les premiers Perfonnages de l'Eunpe & des éloges aufli peu faits pour les flatter que les fatyres qui les enrremelent ne doivent les irriter; enfuite trois hiftoires: Yune, dit l'auteur, tient un peu. dufcandale; elle m'a pourtant fait rire; 1'autre tient du maffacre, elle a fait faigner mon tceur; la troifieme tient de l borreur, elle a pinétré mon ame dindignatian. La première eft 1'hiftoire d'un procés que les Capucins de notre bonne ville ont eu en 1764: on rap-  Obtob., Nov.,Dec., 1783. 439 rappelle a cette occaiion que, „ fuivant un „ mémoire imprimé dans cette affaire, il ,, faut 1200 liv. de pain par femaine au „ Couvent des Capucins de la rue S.H&nart, „ de Ia viande, du vin, du bois a propor„ tion, & qu'il y a quatre quêteurs en titre ,, d'office, chargés de lever ces contribu„ tions dans la ville,... Quel fcaudale épou„ vantable, s'écrie le Gazetier'. 1200 liv. „ de viande, 1200 liv.de pain par femaine „ pour quelques.... Capucjns, tandis que „ tant de braves gens accablés de vieilleffe ,, & tant d'honnêtes veuves font expofés „ tous les jours a périr de faim l... Ce font „ les pauvres qui payent la taxe impofée „ fans Lettres patentes, par les moines men„ dians.... Si j'avois affez de crédit & de „ confïance, j'oferois propofer aux ames „ bien nées, de répandre dans la Capitale „ ét dans les Provinces, un régiment d'An„ ti-Capucins, d'Anti-Cordeliers, d'AntiRecollets, d'Anti - Picpuces & d'Anti -Car„ mes, qui iroient de maifon en maifon „ recommander aux peres & aux meres d'ê?, tre bien vertueux & de garder leur argent „ pour 1'entretien de leur familie & le fou„ tien de leur vieilleffe; d'aimer Dieu de „ tout leur cceur & par deffus toutes cho„ fes, & furtout de ne jamais rien donner „ aux.....  440 Nouv. Biblioth. Belgiqüb. » aux moines". Cette riche tirade è 1'occaiïon d'un frere Doroihie , Capucin, qui s'étoit fait mille écus de rente, vous donnera une idéé du ftyle & du ton de la Gazette Noire, Au refte fes nouvelles ne font pas plus fraiches que fa manière n'eft impartiale. La fecpnde hiftoire eft celle du Chev. de la Barre exécuté a Abbeville en 1766, événement qu'aucune perfonne fenGble ne peut avoir oublié, & la 3me celle de Mad. d'Qppy, avec la Gourdan. Je vous ai dans le tems raconté celle ci: dans la verfion du Gazetier Noir, Mad. d'Oppy parfaitement innocente a été perfecutée avec barbarie: II donne è cette occalïon des détails trés piquans fur 1'établiflement de la Gourdan. Les titres des autres chapitres de la Gazette Noire, vous en indiqueront fuffifamment le contenu: Coup d'ail biftorique jur la généalogie des principaux Pairs modernes de France; Notices curieufesfur quelques unS dos plus renommés Plutus de France, morts ou vivans; Dialogue pittoresque entre le Conté de Lauraguais {*? un Mylerd, au fujet des Filles les plus célébres de 1% Capitale; les Délices £-? les plaifirs du Boulevard; Hiftoire des Tripots, &c. &c. &c. de Paris, pour finftruQitn de la jeunejfcfranpife £f ètrang*re. Li  Octob, Nov., Deo, 1783. 441 La lecture de beaucoup d'ouvrages dont fouvent je dévoie l'ennui en illence, m'a fug. géré bien des réflexions; elles me reviennent a l'occalion de la lettre adreflée a Mad. la Princejfe de *** a Petersbourg, fur les Ballons aèroftatiques. Je vous ai déjè obfervé, M. > que l'auteur n'entend feulement pas la dénomination de la machine dont il veut parier* II traite d'abord avec un dédain tout a fait curieux le mot célébre de M. Francklin au fujet du Ballon ( * ), & décide magiftralement que le Ballon eft un enfant déja parvenu a fon dge de maturité &f qui ne Jera jamais qu'un joujou d'enfant. Depuis que cette élé. ganie fentence a été prononcée, \'enfant a grandi & au bout de quelques femaines il avoit des bottes ie fept lieues; mais 1'événement n'étoit pas néceffaire pour prouver 1'abfurdité de ce jugement. Si l'on a été quelques milliers d'années è trouver Ie moyen de s'élever dans l'air, on peut bien attendre da tems l'art de s'y conduire. ó La belle merveille, s'écrie M. de S. V.! jettez dans 1'eau une veflie remplie d'air, elle furna- (*) Ce n'eft encore qu'un enfant: peut-être ne fergt-il qu'un imlécille, peut-être ievienira t-il un grand homme.  442 Nouy. Biblioth. Belgique furnagera; Peffet du Ballon dans l'air eft abfolument le même, rien n'eft plus naturel... — Eh , perfonne ne prétend, je penfe, qu'il y ait rien de furnaiurel dans ces courfes aëriennes; on fait, comme le dit M. Pingeron (*), que c'eft abfolument lxeuf de Cbriftophe Colomb (**), mais avouez de bonne foi qu'il y a 3 mois vous tfaitiez d'imbécille qüiconque fe flattoit de parcourir les airs, comme on le peut fa're maintenant. Le premier qui a remarqué un morceau de bois flottant fur i'eau a pü concevoir 1'idée d'un navire ; l'inventeut de la navigation en a-t-il moins de gloire ? La découvefte des propriétés de l'air inflammable , & des moyens de l'extraire de diverfes fubftances ( entr'autres non pas de l'a- cide (*) L'art de faire foi-méme les Ballons aê* rtliatiques. (•*) Les ennemis de CHr. Colomb dans Ie Confeil de Caflille traitoient fa découverte comme on traite ici celle de M. de Montgolfier. II fe fit apporter un ceuf: rien n'eft fi fimple, fi factie, dit-il, que de faire tenir cet auf fur fa pointe; qui de vous y réuftira? on cfTaya vainement; il brifa la pointe de 1'oeuf qui fe foutint alors de lui-même.  > Octob. , Nov., Dec. ,1783. 44$ cide vitriolique, comme le dit M. de S. V., mais des matieres minérales qu'il mee dans un état de décompoiltion ) devoit de même conduire a celle du procédé de M. de Montt golfitr; je dirai plus: en voyant la futnée renverfer des obftacles pour s'élever en l'air, on devoit reconnoitre Ia pofllbilité de s'en fervir pour vaincre cette maudite attraétion qui en nous tenant attachés fur Ia furface de la terre, a toujours contrarié notre imagination fi facile a s'exalter. Aucun favant fit M. de S. V. lui-même n'y avoient cependant encore penfé, & même 1'idée heureufe de Cy, rano Bergerac dans fon Voyage a la lune (***) » avoit été confondue avec les fruits de fon iniagination burlesque. Une des objeétions a 1'utilité de la Machine airO' (**■*) Cyrano dit que Toyant la rofée s'é- lèver le matin d'elle-même, en remplit de petites bouteilles au moyen desquelles il monta dans 1'atmofphere avec cette légere vapeur. Cette idéé m'a écbauffé fortement i'imagina» tion dans ma première jeuneffe. Elle n'a pas plus fervi è guider M. de .Montgtlfier dans fa découverte, qu'a fes détraéteurs pour en rabaifler Ie mérite, mais il faut convenir que la voilé réalifée.  444 Nouv. Biblioth. Belgiqüe. aèrojlatique, fur lesquelles M. de S. V. s'arrêce avec le plus de complaifance, a laquelle , dit il, on n'a feulement pas penfé qui eft ccrtainemtnt la première dont on auroit d& s'occuper, c'eft qu'a une certaine hauteur de 1'atmosphere, l'air devenant plus léger, le Ballon ceffera de s'élever & le voyageur aërien ne refpirera plus. Je ne fais pas fi M. de S. V. croit bien férieufement être le feul a qui cette idéé fe foit préfentée, mais celle de fe fervir du Ballon pour aller jusqu'a la lure, n'a certainement pü venir qu'è lui. Les difficultés qu'il trouve a y réunir la force dirigeante a la force afcendante ( pour me fervir de fes expreffions ) font plus raifonnables. Je ne vois, dit-il, aucun moyen de donner cette force dirigeante a la merveilleufe Machine aë • roftatique, £? je fuis bien ajjuré fue nos trés illuftres n'en favent pas plus que moi la deffus. Je fuis trés convamcu que M. de S. V; en effet ne fera pas cette découverte; je vois avec lui de grandes difficultésé ajufterau Ballon les mêmes agrêts qui fervent a la navigatlon, mais j'aime è croire que de plus hablies gens que nous deux trouveront d'autres moyens, & j'en connois qui s'occupent de cette recherche avec apparence de fuccès. Je n'imagine point qu'il ne fe trouve rien au dela des limites de mon intelligence. Celui |  ' Öctob.,Nov., Dec, 1783. 44j a qui la vue d'une vellie remplie d'air s'élevant i la furface de 1'eau, n'a point fait faire la découverte de M. de Montgolfier a peut être fous les yeux fans y penfer, 1'exemple d'un moyen fort fimple de gouverner a fon gré le Ballon aèrojlatique. Lestempêtes, les vents qui fe croifent, les courans feront fans doute des obftacles que les voyageürs aëriens auront a vaincre, comme les navigateurs: peut être ces dangers feront-ils plus redoutables dans l'air que fur la mer, mais efl-il vrai qu'il y foit plus difficile de les éviter, parcequ'on ne pourra jetter l'ancre £ƒ abattre les voiles? 11 n'y a certainement point de navigation oü l'on püisfe prendre terre plus facilement; j'avoue que li l'on veut planer au deffus de 1'ocean, 1'obfervation de M. de S. V. refte dans toute fe force. C'eft une tiche fort désagréable que de combattre ce qui fe réfute de foi même,mais comme il n'eft point d'opinion qui ne trouve fes partifans, il n'en eft point de déraifonable que l'on ne doive chercher i détruire. La Machine airofiatique a enlevé dans les airs les objeftians de M. de S. V., dont je ne vous parle pas, & elles s'y font évanouies: ilmè refte a vous dire un mot de 1'explication qu'il donne des Brouillards fecs qui ont regrié fur Tomé V, Part 2'. Gg cet  446 Nouv. Biblioth. Belgique. cet hémisphere & jusqu'en Afi.e, pendant quelques femaines de 1'été dernier. Ces Brouillards ne font, felon lui & d'autres encore, que Ia fumèe des Volcans qui fe font ouverts en IJlmde. J'abandonne a votre fagacité, M., la discufïïon de cette hypotbefe. Je ne jugerai point le ftyle de M. de S. V. H dit naïvement que, felon quelques perfonnes, il ne fait feulement pas écrirs. Au moins développe -1 • il è cette occafion une modeftie rare, vertu dont tous fes ouvrages portent 1'empreinte: Que ces critique s, dit il, apportent le morceau le'plus ïïéi gant de leurs travaux, qu'ils le mettent a cêté. du morceau le plus fimple que j'ai icrit ? C'ejl ia oüje les attens, cjf je me charge alors de ma juftification, s'il en eft befoin. Le retour de M Charles a Paris a dü lui paroitre une entrée triomphale. Un peuple confidérable étoit devant fa maifon; les Poiffard'es couvertes de rubans & portant des branches de laurier s'emparerent de fa perfonne , & ne s'en défaifirent, bien entendu, qu'aprés en avoir recu de quoi boir eVrogome & amplement: dès le lendemain, tout Paris s'empreffa de Ie queftionner, de le féliciter, & VAcademie des Sciences elle-même I'a fait inviter d'aflifter d fa derniere aflemblée, pour y  Octoq., Nov., Dec, 1783. 44? y récevoir ainfi que M. de Montgolfier les témoignages de 1'admiration de ce corps. M. Cbarles aiüs & une place d'Académicien, a rendu compte a cette Compagnie 'de fon voyage aërien. Son récit achevé, 1*Académie a répondu par les plus vifs applaudiffemens, témoignage qu'il eft fiatteur d'obtenir dans ce fandtuaire des fciences, oü l'on ne doit s'enthoufiasmer que pour les chofes de génie. L'Académie a préienté les jettons de la féance $ M. de Montgolfier & è M. Cbarles & en a deftiné è chacun de MM. Robert. Si vous me demandez pourquoi MM. a'Arlande & Pildtre ont été oubliés ? Je vous répondrai que je 1'ignore; & j'ajoü erai, avec mon fimple bon fens naturel, que cet oub'.i de la part dé MM. les Gens acddémiques, eft une gaocherie, que la portion impartiale du public taxe & taxera toujours d'injuftice éi d'indécence: car enfin, il eft de fait qu'au milieu de tontes ces chofes fi dignes de notre admiration, la feule qui foit nouvelle par fon application, eft 1'ufage d'un Gat quelconque pour élever des corps dans les airs; & que les promenades plus ou moins longues entreprifes par ces Meflïeurs en plein vent, n'ont été que le réfultat de la conviclion que diver eflais leur ont donnée de la puiffance de leur Agent, ce qui émerveille tant Ie Gg 2 vut-  448 No;:v. Biblioth. Belgique. vulgaire, eft, j'ofe 1'aiTürer, aux yeux da Phyficien & même du fimple esprit jufte bien moins périlleux que le plus petit trajet fur mer. «En écartant tout le preftige inféparable de la nouveauté de ee fpeétacle, en confidérant de fangfroid ces c0ljrfes-sëriennes, on reconnoitra qu'elles n'offrent pas même le quart des dangers de la navigation. Si Ie Globe demeure intact, 1'agent qu'il renferme conferve, au gré du voyageur, toute foi énergie; & s'il éprouve quelque déchirure, toujours eft il certain que fa desceafion ne fera proportionnée qu'a la déperdition de Gaz qu'il éprouvera, ce qui ne peut-être brusque & conféquemment dangereux pour le voyageur. Dans tous les cas, MM. Darlandes & Pilitre ont été les premiers è s'abandonner dans les airs . & qu'il y ait eu pour eux des risques ou non è courïr, ils ont des droits inconteftables i Ia bienveilleance & è 1'admiration de leur concitoyens, & c'eft une injuftice, une indécence de la part des Académiciens, de ne les avoir pas fait participer aux marqués publiques qu'ils en ont données i MM. Cbarles & Robert. J'ai eu plufieurs fois 1'occaïion de vous parier des diverfes opinions de ceux qui fe font tourmentés a deviner quel étoit ce perfonnage important connu fous le nom de VHom-  Octob., Nov., DBC.,1783. 449 YHomme au masqué de fer. Dans une brochure qui vient de paroitre, on prétend que c'étoit un frere ainé de Louis XIV, fils du fameux Duc de Bukingbam, que 1'hiftoire du tems nous répréfente en effet comme bisn venu prés de la Reine Anne d'AutricbeL'auteur dit que ce fecret a été confié par le Marquis de Barbefieux a Mlle. de S. Quentin fa maitreffe, qui 1'a.raconté a quelques perfonnes après la mort de fon amant. Je n'ai pas befoin de vous dire que la brochure : oü elle eft maintenant confignée ne fe vend I que fous un triple manteau. Le recueil qui paroit fous le titre d'Anec- 1 dotes du time ftecle, dont je vous ai annoncé la première partie, eft une compilation faite ; fans goüt, de morceaux pris dans les Mémoires fecrets de Bachaumont, & dont l'étendue plutót que le genre femble avoir indiqué : le choix: il s'y trouve des letm s, des pie- : ces de vers, des épigrammes &c., beaucoup plus que des anecdotes: celles-ci ont maintenant perdu Ia plus grande partie de leur in- 1 térêt, & celles qui valoient la peine d'être i confervées, fe trouvent presque toutes con- i fignées dans mes lettres» Les fuivantes m*a- ; voient échappé: „ Extrait d'une lettre de Rome: 1'Erape- • „ rtur eft entré dans Ie conclave, les arrariGg 3 » 6emens  45° Npuv. Biblioth. Bblgique. „ gemens ayant été pris pour laiiTer la porte „ ouverte. A fon arrivée, il a demandé s'ii „ pouvoit confejver fon épée: on lui a dit „ qu'oui, puice Phyficien rélativement 1 l'expérience de la Muette.  *\S6 Nouv. Biblioth. Belgique. » honneur auquel ne peuvent pas plus préten. „ dre e~n quelque forte, les ballons de taffe„ tas, que les Bulles de favon que nous „ avons fait enlever dans ce pays, au mo„ ment qu'on découvrit l'air inflammable. „ On a fait partir ici le 25 Novembre, un „ Ballon de 10 pieds de diametre, en taffe,, tas huilé. dont les coutures étoient cou„ vertes de goudron, M. Zambelleri & M. „ d'Ytgtry étoient les Ouvriers de cette „ machine. li eft parti avec un tems fnper„ be; & fut tomber, avant la nuit, è Peta„ work, i 48 milles de Londres: il fit ce „ trajet en moins de 5 heures". II réfulte trés clairement de Ia lettre du Dofteur anglois, que Charles ainfi que MM. Zambelleri &d'Yogeri, quelque bien qu'ils ayent pu faire des Ballons de taffetas, ne participent nullement a la découverte de M. de Montgolfier. De tant de prétentions il refte donc de légitime a M. Ch,, celle d'avoir été 1'un des premiers voyageurs-aèriens, encore a t il été devancé par MM. d'Arlandes & Pildtre du Rofier: ces vérités font fi claires, fi fenfibles, que je croirois fort inutile de vous prémunir contre tout ce qui tente i les dénaturer, mais on y eft tellement parvenu parmi nous, qui pourtant avons été témoins oculures, de cette efpece de Révolutien phyfique;  OctoBo Nov., Dbc., 1783. 337 pTiy/jjuff; & d'ailleurs, les prétentions de Cb., toutes folies, toutes extravagantes, toutes erronnées qu'elles foient, ont tourné tant de têtes, qu'il n'eft pas mal de vous mettre en garde contre leur influence, déjd trop générale. Ce n'eft pas que Ch n'aic recu d'affëz piquantes petites mortiïcations, mais que fait au cheval fier & fougueux le fouet dont on le frappe, fi ce n'eft a le rendre plus vicieux & plus vain? Le lendemain de fa Courfe aërienne, Cb., fe préfente, fe montrea 1'Opéra. Le Publicq, encore tout rempli de 1'admiration que lui avoit caufé 1'impefante magie de fon départ, lui proftitue les applaudiffemens & les Bravo, qu'indiftinclement & fi légerement il accorde i Maurice, a Voltaire, a Jemnot. Le lendemain il fe montra aux Franpois, & la même farce y eut lieu, mais la finale en fut afiez humiliante, un mauvais plaifant s'étant mis a crier a pleine voix: Meffieurs ademainaux Itauens; M. Charles y fera: pour le coup notre triomphant devint foit confus, mals dès le foir même, il fut bien s'en venger. Se trouvant chez une jeune Seigneur qu'un peuple libre a honoré de fon eftime, on le complimenta fur la beauté de fon expérience des Tuilerits: on le félicita particulierement fur la grace avee laquelle il s'étoit rapproché de  45 8 Nöuv. Btblioth. Bjslgique. de M. de Montgolfier & la face du public. — Ah par ma fox, dit il, ( affuret • on ) c'eft une efpece de Pasquinade que quelques amis ïntervtediaires m'ont fait faire ld, £f je n'en confois pas la néceffité; car je ne vois rien dé commün entre nous deux.,. au refte, notre liftoire eft comme celle o"AchilIe £f rf'Hsftor, Êf j'imagine qu'elle ne finira que quand je ï'aurai trainé d mon ckar... C'étoit bien le cas de dire: Vous ientendez, grands Dieux, £f vous ne tonnez pas! On vient de donner / aux Franpois, la i fepréfentation des Brames, piece dont M. de la Harpe avoit, dès il y a longtems, régalé fes admirateurs. C.eft un affez beau morceau d'éloquence, de poëfie même, mais pour une tragédie je n'oferois vous en affarer. Un fecond examen me mettra dans le cas de vous en parier d'une manière moins équivoque. Je loue avec plaifir & blame avec courage: Telle eft & telle fera toujours ma devife. Si donc j'ai montré, j'ai blamé ce qui m'a paru condampable dans la conduite de l'Aca- mis  Octob.,NoV.,Dec.,ï783 459 mie des Sciences a 1'égard de M. de MontgeU fier; jedois auffi vous faire connoltre laréparation qu'Elle vient de lui faire (au moins peut-on lui en fuppoler 1'intention,) en fe 1'affociant d'une manière auffi diftinguée qu'honorable, Dérogeant, en faveur de MM. de Montgolfier, a 1'ufage de n'élire fes Correspondans qu'a une feule époque de 1'année, au mois d'aoüt, 1'Académie leur a donné ce titre dans fa derniere affemblée. Ce bel Exemple méritoit d'être fuivi; öt 1'Académie de Lyon s'eft empreiTée de le faire, comme ayant pour ainfi dire, autant participé que Paris, i la naiiTance & aux pro» grès de cette découverte: car fi 1'un des frères Montgolfier en a réitéré les expériences dans cette capitale, 1'autre ne les a pas moins réitérées a Lyon. Voila donc enfin, ce que les gens juftes ét fenfés ne ceflöient de faire & de demandér; une diftinétion marquée entre l'auteur de la •lécouverte & fes imitateursl mais il fubfifte encore néanmoins, une fi étrange confufion d'idées fur ce point, qu'on ne fauroit trop fouvent en faire faire la remarque. II n'y a pas jusqu'a 1'un de nos plus fameux Clubs9 compofé de prés de deux eens de ces Perfon« nes qu'on appelle fi vaguement ici, comme il faut, qui, par une influence de cette confufion  4^© Nouv. Biblioth. Belgiqub. fion ou du mauvais exemple que 1'Académie des Sciences en avoit donné, lors de la diftribution de (es jettons, n'ait commis la même inconféquence, en aggrégeant MM. de Mont* golfier & Charles, par une même délibération, dérogatoire aux rég'emens fondamentaux qui veulent que tout aspirant foit propofé par la voie du ballotage; faveur que M. le C. de Rochambeou, revenant vainqueur d'Amérique, & plufieurs autres üluftres n'ont pas même obtenue. II eft vrai de dire que quelques uns des esprits bien faits de ce Club, n'ont pas trouvé beaucoup plus de décence a cette -espece de coalition qu'è celle des deux mihisJtres anglois, qu'ils ont trouvé fort plaifant que M. Charles lors de fon entrée, ait porté Ja jaftance jusqu'è parier de M. de Mtntgol. fier, comme avec bonté, tandis que celui-ci avoit montré autant de modeftie que de firnplicité. Au refte, on a tout lieu de penfer que 1'Académie des Infcriptions chargé» de trans» mettre Ia vérité, claffera MM. de Montgol. fier, Chirles & Robert chacun è la place qui Jui convient. On dit dans le monde, que MM. Robert ne prétendent pas è Ia moindre; qu'ils s'attribuent tout Ie mérite de la Machine des Tuileries, & ne laiffent è M. Charles qui celui d'avoir procédé i fon charge*  OCTOB., N0V.,DEC.,I783*. 461 gement, difant que quant k la Coürfe aërien. ne, il n'en a que partagé les risques & U gloire. Peu de découvertes, au furplus, auronc été autant célébrées par la plume & par le cifeau: outre les différentes Médailles, Colonnes ou Pyramides projettées & annoncées pour en conferver les diverfès circonftances, M. Ie Duc de Balincoun, propriétaire de li terre le Nefle, oü s'eft fait la preniiere Haïti du Globe des Tuileries,a ChargéM. Liegeron, 1'un de nos Architedtes dont les talens & la perfonne méritent leplus d'être connus& employés , de faire élever un monument rélatif, pour confacrer cetté particularité du 2 Décembre. '. Nos écrivains voyent tóütës ces chofes li, chacun è leur manière. L'un d'eux, homme' d'esprit, vieht de faire la plaifanterie fuivante, fous le nom d'nnAdepte, qui depuis s'eft déclaré le Marquis de Villete. „ J'ai fix mille ans, & certainement jé n'ai pas l'air d'en avoir plus de deux mille. Vous" n'en feretf pölnt étonnés, en apprennant que' jé dois mon grand age au grand-ceuvre. J'ai fait, en ma vie, quelques éleves qui mè font honneür, Hermis en Egypte, Nkolas Flamel i Paris, & de vos jours, le Comté de Gig- Totii. V. Part 2. Hh Hofih'  462 Nouv. Biblioth. Bblgique. Ikflro. J'ai tant vécu, j'ai tant vu de chofes, qu'en vértté i'efpece humaine m'étoit devenue entierement indifférente. II ne fal. loit rien moins que ce qui fe paffe aujourd'hui, pour me tirer de mon apathie, pour me forcer de parier. Je ne puis donc diffimuler la peine que me fait 1'enthoufiasme avec lequel je vois le public accourir a vos expériences aërojiatiques. Autant vous êtes épris de 1'amour des nouveautés, autant j'en fuis 1'ennemi. J'ai bien Iü, j'ai bien médité votre Jean-Jacques; S lorsqu'il déclame contre lts fciences humaines , contre les connoiffances acquifes, certes ii a grandement raifon. Le premier age dont vous ayez le fouvevenir, eft l'dge dor, Alors abandonnés a la bonne nature, les hommes s'étayoient de tous les appuis qu'elle leur fournit, ils raarchoient a quatre pattes. Mille ans après, je fus témoin d'une étonnante révolutlon. Je vis un novateur afficher partout qu'il vouloit marcher a deux pattes; qu'il prendroit feulement Ia précaution de s'entourer Ia tête d'un bourrelet, & de fe faire tenir par des lifieres; qu'enfuite on couperoit les lifieres, & qu'ii courroit dcorps perdu. Vous croyez bien qu'il eut tout le monde  Octob. , Nov., Dbc. , 1783. 4Ö3 inonde contre lui; on s'écrioit: cet homme trompe le public, il ne partira pas, ou s'i! part, il fe calTera le nez. On prend jour pour l'expérience. Grande affluence de fpectateurs: nous voilé tous ao croupis fur les talons, & les yeux levés. L'inventeur fe préfente avec la fécurité d'un homme für de fon fait. Le fuccès ne répondit que trop a fon audace: on fait ce qu'il en réfulta: on 1'a imité de toutes parts; les hommes ont parcouru^la terre; les voilé au Jiecle d'drgent. Mille ans après, autre révolution. Un fecond novateur imagina d'aller fur 1'eau, porté feulement dans un tonneau, en fe faifantre» tenir du rivage par des cordes; enfuite de faire couper les cordes, & de fe laiffer aller è tonneau-perdu. Alors tranfports, engouement de tous fes concitoyens. Chacun de s'écrier: il ne partira pas, ou s'il part, il fe noyera. Pour jouir d'un auffi brillant fpeétacle nous accourons en foule fur les bords d'une grande riviere. L'audacieux Phyficien tint parole. II part aux acclamations d'une multitude ira» menfe, & fe laifle intrepidément emporter par le courant, è plus de dix toifes au loin. L'ivreffe eft générale: on Ie coüronne de laurlers & dn le porte en triomphe chez lui. Ce Hh 2 ma.U  4Ö4 Nöuv. Biblioth. Belóiqüé. malheureux eflai d'un feul homme fut un trait de lumiere pour tous les autres. Ils apprirent bientót a dompter un nouvel élément; ils trouverent de nouvelles jouiffances, & furent au fiecle de cuivre. Mille ans après, vinrent ce que vous appellez les tems héroiques de la Grece. Hercule, fur un canot, ófa pénétrer jusqu'au bout de la Méditerranée; & la, tout fier de fon voyage, voulant éternifet lui même le fouvenir d'une aftion inouie, il pofe au beau milieu du jardin des Hespérides, deux colonnes avec cette infcription: Nee plus ultra. Oh! pour le coup, je défie les hommes d'aller plus loin. Nouvelle fermentation dans les esprits, le commerce enfante la marine. Les peuples trafiquent entre eux, de tout ce qui tient aux douceurs de ia vie, aux illufions du luxe. Voilé les hommes couverts de poupre & d'or, & les voilé au fiecle de fer. Trois mille ans après, unGénois, honteux de ee que l'on n'avoit encore fait que louvoyer autour des trois parties du monde connu, entreprit lui feul de franchir Ie vafte ^céan. Même furprife, même incrédulité, murmure général. On s'écrioit: il ne partira pasou s'il part il ne reviendra point. Le ciel ne le punit que trop de fa hardiesfe. II eut la gloire de découvrir, de créer pour  Octob., Nol*. ,Dec., 1783. 465 pour ainfi dire, un nouvel univers; dèslors un vaiffëau eft devenu la boete de P andore, d'oü font fortis le fucre des Isles, le Mok» de VArabie, les mouflelines des Inies, les Perles d'orient, lesdiainans de Golconde, les tréfors du Pérou. Quel nom donner au fiecle qui a produit tant de fléaux ï jusques la, vous en conviendrez, les cho. fes vont évidemment de mal en pis. C'eft donc en tremblant que je vois ouvrir une nouvelle carrière au génie. Vous voila parvenus a vous enlever par deux procédés différens, a deux lieues, a dix lieues: demain vous allez rendre l'air aufli navigable que 1'eau : demain vous allez parcourir tout 1'atmosphere. Plus heureux & non moins téméraires que Cook< vpus ne ferez pojnt arrêtés par les barrières de glacés éternelles que lui oppofoient les mers du midi: vous volerez aux terres auftrales. Qa'espérez- vous dans un monde plus grand que votre Europe? non contens d'avoir trouvé les rubis, les topafes, les faphirs, les émeraudss dans 1'eau condenfée, croyez vous trom/er la lumiere criftallifée dans de nouvelles régions? Ah! cioyez-moif brifez vos globes; n'em. prifonnez point l'air vij\ammable loin des fpheres oü Dieu 1'a placé. Brulez vos journaux_, anéantiffèz bien vite tous les monu$ h 3 mens  466 Nouv. Biblioth. Belgique. mens de ce beau fecret. Renverfez auffi vos aignilles électriques; laiflez faire au tonnerre tout ce qu'il lui plaira; & ii vous ne voulez pas mettre le comble a vos fottifes, empéchtz furtout que l'on pajje les itvicres & pied fee " La belle découverte que le Marquis de V... rappelle ici, eft tombée au fond de 1'eau avant de parvenir a la furface. Quand une fois les esprits font dispofés a la crédulité, on peut hardiment annoncer les merveilles les plus furprenantes, avec la certitude de faire aifément des dupes. C'eft ce qu'un M. de Combles de Lyon a probablement voulu démontrer en faifant impudemment annoncer ''expérience dont il s'agit: de marcher d piei fee fur 1'eau; ce qui fe trouve aujourd'hui n'être rien de plus qu'un beau rêve. Ce M. de Combles, quoique, dit-on, ancien magiftrat, a fans doute trouvé fort poli, fort fenfé, fort plaifant d'exciter une diverfion a la fenfation qu'a fait la nouveanté des Globes oscendans, en captivant, par une adroite impofture, ce qu'on peut dire , la cour & Ia ville. Soit piqué, foit raifon, nous trouvons ici ce M. de Combles fort béte, fort fot & fort impertinent. Non feulement les deux eens huis d'or qu'il demandoit pour fon pré'teridu méchanicien, Horloger, j'atten- doient,  Octob.,Dec.,Nov., 1783. 467 doient, mais le doublé & plus, tant on eüt defiré de récompenfer 1'Auteur d'une invertion (I curieufe & fi intéreffante. Au furplus, on eft bien loin de la croire impoffible, puisque nous en avons déjè vu des effais fort fatisfaifans ; & uous avons des Paris ouverts, qu'avant fix mois elle fer3 réalifée. Si les corps Académiques donnent diflïcilement accès dans leur iein,, il paroit qu'ils ne s'oppofent pas moins vigoureufement a la défertion des Adeptes qu'ils y ont une fois admis. M. de Choifeul-Gouffier étoit membre de 1' Académie des Jnfcriptions: Les places de M. D'Alemiert & du Comfe de 'Treffan fe trouvant vacantes a 1'Académie franpoife, il ■ s'eft mis fur les rangs. M- Anquetil, Sécrétaire de la première compagnie, inftruit de fes prétentions & des démarches qu'il faifoit pour y parvenir, lui repréfenta d'abord que les régiemens , en vertu desquels il étoit engagè dans la dite Académie lui donnoient 1'exclufion de VAcadémie francoife; & fur la perfévérance que M. de Coujfier lui témoigna, M. Anquetil fe hata , non feulement d'écrire a tous les Choifeuls du monde, mais encore, de les prévenir que, fi leur parent s'obftinoit a prétendre a 1'Académie francoife en dépit de fes repréfentations, il étoit pret a Hh 4  468 Nouv. Biblioth. Belgique. 'e citer au tribunal des Maréchaux de France, comme violant fon ferment de réception a 1'Académie des Infcriptions & transgreffant ies régiemens qui l'y attachoient. M. de Cboijeul - Gouffier ayant été nommé fur ces entrefaites, Ie rigorifte fecrétaire a dénoncé )e Délinquant a fa compagnie , en conciuant & fon exclufion: mais les déliberations orit été furfifes par un ordre de S. M. qui a ordonnéa MM. les Gens de Lettres, de lais'er les chofes in ftatu quo. Je vous avois promis de revenir fur la nouvelle tragédie de M. de la Harpe, mais je ne le ferai point par une bien bonne raifon, c'eft qu'elle n'a eu que deux repréferitations. ' Eft ce le public ou l'auteur qui 1'ont voulu ainfi? Je n'en fais rien. Ce que je fais, c'eft que Ia feconde repréfentatiori étoit déferte, & que le lendemain M. de la Harpe a dit & éc'rit, que des circonftances particuliêres iengageoient a retirerfa tragédie des Brames... qu'il remercioit le public des applaudiffemens dont il avoit konoréfon ouvrage Des gens purement méchans, & ja- loux des talens vraiment dramatiques de M« de la Harpe, ont rapporté comme un jugement irrévocable, ce Calembourg écbappé a un homme d'uri tact für, lors de la pre* tniére repréfentation. Si les Brames rèuftis- /ent,  Octob.jNov., Dec, 1783. 469 Jent, les Brames tombent. (Les bras me tombent.) Pourquoi les plaifanteries angloifes transportées dans notre langue réuffiffent-elles rarement? Ce n'eft pas feulement parcequ'elles font plus philofophiques que gaies & que malgré notre étalage de philofophie nous luï préférons la gatté. 11 eft certain que fe livrant dans leurs écrits comme dans toutes les actions de la fociété a cette énergie qui repoufle toutes les entraves, ils ne peuvent fe foumettre a celles qu'impofe le goftt, divinité féverea laquelle tout écrivain doit parmi nous faire fans ceffe de douloureux facrifices. Le génie même s'il ne fe montre point fous fes auspices, eft mal accueilli, & tel a été le fort, a trés peu d'exceptions prés, des traduftions de journaux & de papiers anglois qu'on a plufieurs fois effayé vainement de nous faire goüter. Ne devroit-on pas renoncer & nous transmettre littéralement les tableaux auxquels font perdre tout leur effet, une difFerence extréme dans la véritable acception de celles même des expreflions des deux langues qui fe correfpondent le mieux, dans les mceurs on les ufages qui fervent de bafe aux idéés que l'on veut rendre, & dans Ia facon de voir & de penfer des leéteurs ? II eft une inH h 5 finité  47° Nouv. Biblioth. Belgiqtje. fïnité de paffages qui ne peuvent jamais être mieux traduits que lorsqu'on s'éloigne davantage du texte. Ceux qui n'ont point oblervé les Anglois chez eux & qui ne poffédent point leur langue fe flatteront vainement d'apprendrea connoitre ces peuples & leurs écrixj dans les livres francois. On lira cependant avec plaifir une nouvelle traduftioB de journaux anglois qui vient de paroitre, mais c'eft un choix des morceaux qui pouvoient le moins perdre au traveftisfement. Le titre 1'indique: Variétés morales amufantes, tirées des journaux anglois. On y trouve beaucoup de traits fort plaifans et furtout cette originalité dont chaque claffe de la fociété offre des traces plus ou moins marquées dans un pays oü il n'exlfte point comme ailleurs de moule commun pour tous les individu?. Un Caporal condamnê a mort voulut mander a fa femme cette trifte nouvelle. II écrivoit le jeudi; or comme il devoit être exécuté le lendemain & que fa femme ne devoit recevoir fa lettre que le famedi, il fongea qu'il valoit mieux lui mander ce qui feroit vrai ce jour la que ce qui étoit vrai le jour qu'il écrivoit. Ainfi il lui envoya la lettre fuivante. Ma cberefemme, après t''avoirfouhaité une fanté  Octöb. > Nov. - Dec. «1783. 471 fanté auffi bonne que la mienne l'e(i quant i préfent, 'je te dirai que j'ai été pendu hier entre ome beures midi. J'ai fait, graces au ciel, une affez belle mort, 6? j'ai eu le plaifir de voir que toute iaffemblée me plaignoit. Souviens toi de moi , g? fais en rejjouvenir mes pauvres enfans qui n'ont plus de pere. Ton aff:£lionné mari jusqu'a la mort, Malgré toutes les précautions de Ce bonhomme pour écrire au jufte ce qui en étoit, fa nouvelle fe trouva fauffe, car il eut fa grace: il ne fut pas auffi exaft è en infiruire fa chere moitié; celle-ci s'étoit batée de fe remarier, & le bon Caporal ne crut pas devoir proteller contre ce mariage, ayant fourni lui-même fon certificat de mort figné de fa propre main. j'ai vü des leéteurs trouver bifarrè, invraifemblable, un trait de ce Recueil, fur/* fierté finguliere d'un curé de campagne, qui n'eftimoit les gens qu'è proportion de leur fanté, qui méprifoit un homme malade, & rougiflbit de lui accorder le falut, difant: Moi, j'óterois mon cbapeau a un homme de cette especel Fi donc, il n'a pas fix mois a vivre, II faut n'avoir jamais obfervé pour né pas favoir qu'une infinité de gens prennent pour mefure de leur eftime la fanté, la vigueur de conftitution de ceux a qui ils ont a faire:  47* Nouv. Biblioth. Belgtqub. Ja feule difFérence que je vois entre eux & le Curé, c'eft qu'ordinairement on ne montre point aufli cruement une facon de penfer désobligeante. Au refte elle eft fouvent fondée; la conftitution phyfique eft 1'enfeigne des qualités de 1'ame; & cette énergie furtout que les Anglois prifent pardeflus toute autre, fe trouve rarement dans un corps débile & malfain. Ignore t-on que les fouffrances de 1'individu, les foins de la fanté, 1'imperfedtion des fenfations, le dérangement des organes nuifent infiniment aux facultés morales ? Un contretems hien piquant eft celui que nous éprouvons depuis quelques jours, quM neige & gele fans relache. La plus importante des caravanes aëriennes devoit s'exécuter; & la rigueur de la raifon fait juftement appréhender qu'elle ne puiflè avoir lieu. C'eft grand dommage; car il ne s'agiffoit plus de fimples courfes, mais bien dun voyage d'affez long cours pour ne vous paroitre peut-être qu'une gasconade, puisqu'il n'étoit pas queftion de moins que de venir de Lyon a Paris, ou d'aller de Lyon a Marjeiüt, Telle étoit la ferme réfolution dans laquelle font partis M. Pilatrs du Rofier & M. le Comte de Govffier en quittznt cette ville, il y a 4 jours, pour aller joindre M. de Morst- golfiir  Öctob. , Nov., Dec. , i ? 83. 47$ ; golfier 1'ainé, qui n'attendoit qu'eux pout hafarder une grande & courageufe entreprife. Si, comme on n'en doute point, d'après 1'intrépidité que l'on connoit a ces hardis Argonautes, les inconvéniens du tems ne font pas des obftacles capables de les effrayer nl ! de les arrêter, nous devons chaque jour nous attendre a ies voir arriver, fi le vent les feconde , ou tout au moins, i apprendre leur glorieufe descente dans quelques coins éloignés du royaume. Le Ghbe que M. de Montgolfier a préparé 1 pour cette grande expérience, a, dit-on, , ïoo pieds de diametre, fur une hauteur proportionnée. Au lieu de la galerie que fon frere avoit fait adapter è fes Ballons, il y a fait fubfifler une efpece d'appartement au I milieu duque! eft une cheminée dont le foyer ; doit échauffer les Voyageurs , & dont le tuyau procurera Ia chaleur convenable i 1'intérieur de YAlroJlate pour y entretenir ia dilatation néceffaire i fon afcenfion. Et comme M. de Montgolfier a fuppofé qu'un : courant de cet air raréfié contenu dans le i Ballon, en accelëreroit la marche fans y ; caufer une déperdition nuifible, d'autant i qu'il y aura nutrition de la part de la cheminée , il a, dit-oh , fait pratiquer a cette grande  474 Nouv. Bibliot». Belgique. grande Machine une forte de Wafifids, dont on fe promet beaucoup d'avantages. Quant a ia Direcïion, point fi effentiel, & dont dépend la perfecïion des machines aïroftatiques, il paroit que, foit que M. de Montgolfier ou les Phyficiens parviennent ou ne parviennent pas a déterminer fes moyens la décöuverte en eft faire, & qu'on en fera fedevable, ainfi que de celle de YAëroftate, a un homme, pour ainfi dire, étranger a Ia Phyfique, a un avocat. M. C.. 1'a, dit-il, concue par un de ces traits heureux de lumiere, qu'on ne peut regarder que comme Je réfultat de réflexions & de combinaifons laborieufes, mais qui n'en offrent pas moins le procédé le plus für & le plus fimple': il affure qu'auflitót qu'il l'aura fait connoltre au public, il en fera comme de I'Expérience de Mrs de M., & que chacun dira: Quoi ce riejl que cela, nous n'y avons pas fongé plut&t!.. M. C.. ne paroilTant attacher aucune prétention a cette décöuverte, & ne voulant pas ravir aux favans le plaifir de participer a cette gloire, i! s'eft contenté d'annöncer qu il 1'avoit faite, & qu'il iaifferoit écouler 4 mois; que feulement pour prendre afte de fa déclaration autentiqüe, il avoit remis è M. de Condorcet, Sécrétaire de  Octob., Nov., Dec.3 1783. 4f$ de 1'Académie dcs-fdiences, un mémoire, dans lequel il avoit configné fes moyens. D'après la confiance que mérite M. C. & fur ceque je lui ai oui dire moi - même, je crois pouvoir vous affurer qu'è 1'époque fixée par lui, il n'eft nullement douteux que i'on fe dirigera vers tous les points dans les airs, avec autant de facilité qu'on le fait maintenant fur les eaux. M. de Beaujon avoit raffemblé chez lui beaucoup de monde, le jour de S. Thomas fon patron. II voulut fégaler fes convives du fpectacle d'un Ballon garni d'artifice. M. de Montgolfier lui - möme s'étoit chargé de le préparer , & l'on devoit s'attendre a un coup de maitre. Malheureufement, 1'une des fi. celles qui retenoient le Ballon n'ayant pas été coupée è tems, il s'eft acroché è 1'una des perches qui lui fervoient de fupport & n'a pu en être détaché affez tót, de forte qu'il a brulé au lieu de s'élever. M. de Montgolfier a été d'autant plus affeété de ce contretems, qui pourtant ne porte aucune atteinte è fa gloire, que la Reine s'étoit transportée è la Muette pour jouir de ce joli fpeftacle. On a rendu dans Ie quatrain que voici, le bon mot d'un Anglois fur la décöuverte de M. Montgolfier. Lts  476" Nouv. Biblioth. Belgiqujï» Les Anglois, Nation trop fiere, S'arrogent 1'Empire des Mers: Les Francois, Nation légere, S'emparent de celui des Airs. M. de Montgolfier n'a pas obtenu les honneurs de l'apothéofe que l'on décerne dans les vers fuivans a MM.Charles & Robort. II a fait une décöuverte a jamais glorieufe, mais il n'a pas frappé les yeux par un fpefUcle auffi impofant que celui de 1'appareit magnifique de la courfe aërienne du 2 Décembre. Quand Cbarles éf Robert, pleins d'une nobls audace, Sur les ailes des vents s'élevent dans les cieux, Par quels honneurs payer leurs efforts glorieux? Eux mime ils ont marqué leur place Entre les hommes les Dieux.