IDÉÉS JETTÉES SUR LA CONSTITUTION D U BRABANT. Poft tenebras lux. 1 79 2.  Nous touchons au renouvellement d'un a&e, que des conjon pour le fond, que les liens pi imitifs de la fociété, auxquel's il eft impoflible, autant phyfiquement que moralement, a la fociété même, de toucher. Les principes conftitu'ionnels doivent être des conféquences tirées de la nature de 1'homme, de fes relations originaires , ou, par une fuite de celles-ci, de fes nouveaux rapports dans la fociété civile. La conftitution lapluspurfaitefera donc celle qui raflemblera le plus grand nombre de ces principes, revêtus des moyens les plus propres a les tenir en aftion. Confidérée fous cette face, la conftitution du Brabant ne fera pas une des plus mauvaifes. Si elle pêche quelquefois dans la forme; li le ftyle en rappelle 1'époque oü elle a pris nailfance, le fond n'en eft pas moins aulfi bon qu'on pouvait 1'efpérer alors. Cet acte, connu fous le nom de jojeufe entrée^ contient plus de cent articles, avec fes additions. De ces articles, les uns font f. Les droits d'entrée & de fortie mis fur les denrées & marchandi.es, étant des charges, il était dans 1'efprit de la conftitution d'empêcher que le Prince en impofat arburairement & ftins le confentement des Etats, Nous ferions heureux fi les chofes fulfent reftées a eet égard fur Panden pied; nous ne verrions pas une armée de gens, trop peu payés pour vivre, fans recourir a tous les moyens de vexations & de furprendre la bonne foi, mais trop payés pour que le fifc puiffe fe réfoudre a diminuer des impofitions , dont le taux élevé invite a les  ( 26 ) frauder. La force des cohortes douanières s'oppofera toujours a la rédu&ion des droits, k le furhauflement de ceux ci entretiendra toujours les contrebandiers,auxqüels il prélente un avantage capable de balancer au moins les rifques d'être pris en contravention. Mais le plus grand mal a tout cela, ce font les entraves oü gémit le commerce, qui ne demande que liberté & proteclion. II eft flipulé par le quatorzième article, que le Prince tiendra les chemins francs & ouverts. •Cela me rappelle ces heureux tems de la feodalité, oü des hobereaux fortaient de leurs nobles donjeons, pour détrouffer les paffans. Baudouin è lahache, Comte de Flandre, n'avait pas trouvé de meilleur .moyen de réprimer ces brigandages, que de pourréndre lui-même les brigands de cette efpèce, par-tout oü il en; rencontrait. 6i par Partiele feizième on n'a pas prétendu exclure des charges municipales & des magiftratures, toutes les perfonnes attachées au fervice du Prince, il faut avouer qu'on pouvait fe difpenfer de donner une exclufion aux fermiers des thonlieux & aux employés des monnaies , a moins que Pon n'ait appréhendé plus de négligence de leur part dans la deffervitude des emplois de la patrie, mais le point capital eft que les Officiers du Prince, & généralement les citoyens liés envers tui par des obligations ou des faveurs particulières, n'aient dans Padminiftration des intéréts populaires & dans Pexercice de la démocratie, qu'une influence relferrée dans les bornes appofées a 1'autorité. C'eft un beau droit que celui d'offrir un afile afluré a Pétrangerqui fe réfugié dans un pays,& de Py faire participer aux franchifes des habitans: rien ne peint mieux la liberté d'un peuple. LeBra-  bancon ne fera jamais trop jaloux du maintien de la loi contiitutionnelle, qui s'oppofe a 1'extradition de toute perfonne arrêtée dans la Province, pour quelque crime que ce foit, & de quelque ration que foit le coupable. II feroit bien a détirer qu'on n'y eüt jamais contrevenu. Je ne puis même voir fans regret,que les periönnes attachées au Gouvernement, au corps & au fervice militaire du Prince, aient perdu le droit d'être waitées fuivant les loix de leur patrie. Quoique le dix-huitième article, qui oblige le Prince a demander le confentement des Etats pour battre monnaie, ne foit pas obfervé a la rigueur, il eft toujours bon de ne le pas rejetter; il peut fe préfenter des cas oü 1'on trouvera avantageux de le faire valoir : c'eft ce qui eft déja arrivé. Mais pourquoi n'eft-il plus obfervé réguliérement ? Je n'en vois aucune raifon plauiible. Le befoin d'ëmettre de nouvelles efpeces monnayces n'eft jamais li urgent, li imprévu, que le Prince n'ait pas le tems d'obferver les formes prefcrites a eet égard. Si d'un cöté il eft utile de détruire les abfurdes préjugés qui fletriffent les enfans de 1'amour & de la fragilité humaine, il n'eft pas moins important , de 1'autre, d'encouragér les engagemens légaux. Le mariage a été évidemment intiitué en faveur de la fociété : la difficulté de rompre ce lien eti fur-tout avantageufe aux femmes, dont le plus grand nombre courrait fans cela les rifques de voir leurs maris s'éloigner d'elles, avec la fuite de leurs charmes paffagers. L'homme a cinquante ans peut plaire encore a la jeuneffe, la femme a eet age ne plait pas feulement aux vieux. La conftitution du BrabarU, en exigeant la légitimité de nailfance, pour tous les emplois, invite a un état relpeclable, que le luxe feul fait fuir a bien des gens.  C *3 ) Quant au vingtième article, qui eft un refte, des terris gothiques de la chevalerie, il a des fiècles de défuétudes contre lui. Lorfqu'il arrivé uncombat, les coupables fontpunis, s'ils n'ont pas des moyens d'obtenir leur grace : les inoocens n'ont rien a craindre, ou doivent s'expurger. Rayons donc eet article, lans pitié. La rédaction du fuivant fent 1'on antiquité. Au lieu de dire que le Prince, pour homicide, ne donnera a perfonne le pays, qu'auparavant il n'ait fatiifait a partie léfée, il me iemble qu'a la fin du dix-huitième iiécle , on pourrait fubüituer les mots faire grace 3 ceux de donner U pays. Cela n'eft pas dans le génie de la langue francaife, comme het landt geven eft dans celui du Flamand.Le Prince étant législateur chez nous, c'eft a lui a faire grace aux coupables , fauf dans les cas oü les loix confiitutionnelles y léraient obftatives Cr). Mais la multiplicité des graces que Ton accorde dans ces pays-ci, a ton & a travers, ne tient-elle pas a des principes errovésP Avec des loix barbares,qui n'ont que des peines atroces, je conviens qu'il eft queiquefois conlólant d'avoir la faculté d'y apporter des lénitifs ,• une législation douce impofe au contraire 1'obligation de ne rien changer au chatiment prcnoncé par la loi enfreinte. La rigueur des peines ftatuées eft fans effet, dés que 1'efpoir de s'y fouftraire 1'accompagne. Impofez des punitions légeres avec la certitude de les fubir, je vous réponds d'une diminution du nombre des coupables,- mais il ne faut pas que ceux-ei reftent des années a croupir dans des cachots; ce ("O Tel eft le cas oü quelqu'un ferait coupable d'avoir difputé, enlevé ou faili le pays ou les habitans ( comme s'exprime Tart. 25 J ou d'avoir fciemmeut donné fecours «ro logement aux ennemis du pays.  ( *9 ) qui les fait trouver fouvent affez punis de leurs fautes. Le chatiraent doit fuivre de prés le crime; il doit être celui déterminé par ialoi, fans quoi point d'exemple , point de crainte falutaire, point de quafi-contrat de la part du criminel, A propos de punitions atroces & difproportionnées au méfait, Jean 1, Duc de Brabant, avait ftatué, pour peine du viol, que Ie coupable aurait le crane fcié en quatre avec une fcie de bois. Si ce genre de fupplice n'eüt pas trouvé fon abolition dans fa cruauté même, il n'eft pas douteux que le malheureux Van Kriecken en aurait fubi une épreuve abominable, par un raffinement de férocité digne des barbares qui 1'ont immolé, en 1790, a leur fanatique aveuglement. Le vingt-deuxième article mérite une extenfion. Ce n'eft pas alfez de reftreindre aux maires & aux foreftiers 1'obligation de defLrvir leurs emplois en perfonne, avec défenfe de les réligner, de les vendre, ou affermer, ou engager, &c. La raifon dit qu'il en doit être de même des autres emplois. Les contraventiöns fréquentes que cette loi éprouve, ne fervent qu'a en faire fentir la bonté. Je ne fais comment il y a des gens qui peuvent foutenir que les furvivances ne font pas inconfiitutionnelles en Brabant. L'article vingttreifième ne prelcrit-il pas, que les charges & offices feront delfervis comme d'ancienneté on eft accoutumé de les tenir & deffervir? Or, anciennement les charges de judicature étaient annales, & le Prince s'engageait a ne pas les conférer a vie, a plus forte rail'on a ne pas en donner de furvivances. Les Etats fe font clevés autretois . contre les expeftatives; ils n'auraient pas mal fait de s'y oppoier avec plus de vigueur, ainfi qu aux rélignations avec réterve de penfion, que le  (so; Prince permet, fans leur confentement. Je ne connais que deux voies franches, celle de promettre & de tenir; & celle de ne rien promettre, pour n'être tenu a rien. Mais il faut fuivre 1'une ou 1'autre de ces deux voies , fans paffer tantót de 1'une a 1'autre, felon 1'intérêt du moment. Le vingt- quatrième article défend a un Brabancon de faire arrêter ou aftionner un Brabancon hors de fon pays, a peine de deux cents marcs d'or d'amende, ou d'autre correétion a 1'arbitrage du Confeil de Brabant. Ceci eft un privilege, & un privilege aboli, du moins en matière d'aclion réelle; néanmoins les coutumes de plufieurs villes font la même défenfe a leurs bourgeois, & leur prefcrivent de s'adreffer a leur juge commun; ce qui prouve que la défènfe ne concerne que les aclions perfonnelles ; car en matière réelle la chofe décide d'une autre manière du for compétent. Si une femme ou fille enlevée refle auprès de fon raviffeur, 1'article vingt - üxième donne les meubles & Ia jouiffance de fes biens au Prince. Si elle le quitte, ce raviffeur & fes complices encourent la peine de confifcation de corps & de biens. II fancfionne la même peine contre ceüx qui enleveraient un enfant mineur. Nous avons d'autres loix fur le rapt d'une femme. L'enlèvement d'une perfonne libre, mineure ou majeure , eft un crime de plagiat, que les loix romaines, fuivies chez nous, ont jugé digne de la peine capitale. Effacons de notre afte conftitutionel tout ce qui peut rappeller 1 'idéé de confifcation, genre de peine odieux, qui retombe fur le feul innocent. Qu'elle foit enfevelie a ja mais fous les ruines du régime féodal, dont elle tenait fon imnlenfe rapacité. Ils ne font plus ces tems honteux, oü 1'avidité d'un Prince ab-  ( 3* ) foki, d'un Baron inhumain voyaient dans le crime un objec de lucre, & avaient un barbare intértt a trouver des coupables, pour s'approprier des biens, que les malheureux vaflaux treniblaierjt continuellement de ie voir enlever. Mais ne bornons point notre réforme aux confifcations que la conliitution autorite nos coutumes , nos édits , nos anciens ufages ne méritent pas en ceci un plus grand refpecf. Abjurons des difpolitions diclées , dans leur origine, par un petit nombre d'hommes habitués a facrifier le bien général a leur intérêt particulier. La juftice adopterait-elle fincérement des principes fondés fur les bafès de la tyranniè la plus injufte? Comme toute notre législation ne peut manquer d'avoir retenu quelque chofe de la barbarie de nos premiers faifeurs de loix; remettons la au creufet: formons-nous un code national général a toute la province, dépouillé de ces bigarures nées dans des tems oü chaque Baronnie était un fantóme de fouveraineté. Tachons enfin que notre adminiftration ne foit plus encombrée de principes qui exhalent une odeur de relan. Je n'ai jamais bien compris en quoi confiftait la facilité que certaines perfonnes prétendent être apportées au commerce des terres & aux alliances des families, par la variété des coutumes concernant les héritages & la difpofition des biens. Mon efprit borné ou mon inexpérience n'y voient qu'une gêne perpétuclle & une fource intariffable de procés. Ferait-on par hafard confifter cette facilité, dans la permiffion qu'une coutume, vous donne d'aliéner ce dont la coutume du lieu voifin vous ute la difpofition ? 11 faut avouer que ce ferait la un plaifant avantage, & bien digne des cgirds de la confervation. Je ne vois pas de néceftfé d'abattreun édifce ancien, &'il eft folide -% mais je trouve une indif-  C 3= ) penfabilité de réparer les outrages qu'il a recu du tems; de corriger les défe£tuolités qu'il tient de Page oü on Ta éle\é; d'y faire des changemens adaptés a 1'état de nos mceurs; enfin de donner une couche de raifon a fes parties enfumées, obfcurcies par les brouillards épais qui ont ernbrumé l'horifon moral, pendant tant de fiècles. II s'agit de décraflerles vieux parchemins fur lefquels font écrits une grande partie de nos loix générales & particulieres, nos coutumes locales , nos recueils d'ufages anciens , nos inftructions de tribunaux, de corps de jufüce , d'officiers, nos régiemens de compagnies, de communautés , & généralement tout ce que le Prince jure de faire obferver ou de refpefter a h joyeufe-entrée, fans fwoir a qitoi il s'engage S'il avait au contraire la précaution de les foumettre a un examen réfléchi, de porter le flambeau d'une ' fage critlque dans toutes leurs parties , & d'en faire former un corps intelligible & purifié, fon autorité ne fe trouverait pas arrëtées a chaque inftant, fouventfans apparence de raifon. II connaitrait 1'étendue de fes droits & celle de fes devoirs : chacun fe trouvant alors a même de juger lorfqü'il y aurait infraftion, la défiance n'accompagncrait plus les opêrations juftes du Gouvernement. Avec d'autres repréfentans , le peuple faifirait fans doute 1'occaiion préfente pour couronner cette heureufe réforme; mais y parviendra-t-il jamais, auffi long-tems qu'un moine croffé cv ignorant, qu'un noble vain cv inepte, qu'un artifan groffier & ignare, fe diront fes mandataires nés? Avec u-ne conftitution démocratique , nous femblons être hébêtés fous le defpo• tifme monarchique & féodal ,• & par malheur no^s le fommes effeclivement encore un pèu. Si c'eft en vertu du vingt-huitièmë article qüe les juftices fubalternes jugent fans appel, en matière  ( 33 ) riè-e criminelle, il ferait bien ïrtéreffant, qu'on fit main balfe fur une pareille incor.féquence, qui laiffe , en premier & en demier reffort, la vie d'un homme a la difpoiition de gens, du jügement defquels il eft permis d'appeller , lorfqu'il s'agit de biens. C'eft un refte de tour féodal a faire fauter. Quelle idee doit-on fe former de l'ancien gouvernement de ce pays , lorfqu'on voit qu'il a falkt faire un article conftitutionnel ,du droit que chacun a de mefurer & aborner fon bien ? Pourl'honneur de nos pères, fefons difparaitre 1'article trentième du pafte inausural. Oh! qu'il était bien important de faire une mention expreffe des hommes de St. Pierre, dansle trente & unième article , & de ftipuler folemnellement, que 1'on traitera & tiendra ces bienheureux hommes de St. Pierre, comme de droit, 1'on eft tenu de les traiter & tenir Je demanderais volontiers a ces hommes de St. Pierre , fi ceux qui n'ont pas 1'honneur de leur appartenir doivent être traités plus mal qu'eux; s'ils font de pire condition J'infifterais pour favoir, li, au cas que ces hommes de St. Pierre euffent des privileges , nuifibles au refte de la nation, on ne ferait pas tenu de droit a les leur retirer comme abufifs, & fi, dans lafuppofition que ces privileges n'euffent rien de contraire aux droits d'autrui, il ne fuffirait pas de les englober dans ceux dont le Prince jure, en maffe , de maintenir 1'obfervation. Les articles trente-trois, trente-quatre & trente-cinquième peignent a m.rveiüe 'ces tems admirables, oü l'homme a perdu le droit de défendre fes propriétés contre les ravages de ces animaux réfervés aux nobles amufemens de quelqnes oififs. J'avouerai néanmoins que la conftitution a commencé de remettre un peu les chofes dans un meilleur ordre : mais la néoeftlté de convenir C  C 34 ) avec le Prince, que chacun pourra tenir des chiens, pour garder fon bien; que ii les chiens man ,ent une béte fauve qui s'eft cafifé le cou,le maitre de ces chiens ne fera pas puni de leur incongruité ,■ que le Prince fera un ferment particulier, pour s'cnaager a ne pas défendre ou empêcher la cuaffe du gros gibier, dan,' la failbn; cette néceftité, dis-je, ne repréfente-t-elle pas un peuple aux prifes avec la féodalité la mieux conditionnée P Fuifqu'il n'en exifte plus qu'une ombre , & qu'i y a gros a parier que cette orabre s'évanouira . bien loin de reprendre un corps, nous ferions bien, ce me femble, de réferver Ie fe ment particulier du trente quatrième article, pour une meilleure occalion. Multiplier les ferm ns, c'eft diminuer Pimportance qu'on doit y attacher- Je penfe que tout examen fait, on ne trouvera pas grand intérêt, pour le Prince & pour le Pappie,, dans la ftridte coniervation de la judicauive foreftiere, de la cour de Genappe, du ban de Santhoven & de la chambre d'Uccle, fur le picd actuel. Des objets pareils doivent-ils occuper unep'acé diftinguée , dans une conllitution faite pour tout un pays? Ce qui concerne les chatelains tombe tO ;S les jours en d iuétude, depuis que le régime féoda! cherche a fe faire oublier. II faudra bientöt me 're un errata aux articles qui les regardent: en a tendant 1'ervonsn neus de variantes. I 'article quaran e deuxiéme eit un des plus démoci atiques. lllpécihe clairement queles Etats cn corps , ou les membres en particulier, ont le droit de fe plaindre au Prince , des infradlions faues a la conllitution , fans que celui-ci puiffe en témois>n.r le inoindre reffentiment aux plaignans- 11 ftarue que les lettres deconvocation des Etats, doivent précéder de qvinze jours la tenue des  ( 35 ) aflemblées , exccpté dans les cas urgens. Je voudrais qu'il eüt fixé une épÖque ou deux par an pour des affcmblées périodiqu^s. Quoique le Prince (bit dans Pobligation de demander le fublide , tous les ans, pour avoir de Pargent, li cependant il pouvait s'en paffer, comme cela eft tres facile , depuis qu'il n'eft plus réduit a fa petite province de Brabant, le peuple ne ferait guères en fureté contre les infrailions, du padie inaugural. D'ailleurs , 1'influence des Etats doit-elle donc êt e bornée a Paccord ou au refus desfubli/es? Des repréfentans éclairés fur les intéréts de toutesles claffes de tifoyens, choilis librement de toutes, n'auraient-ils "pas tous les ans a s'eccuper de quelque grand objet d'adminiftration publique? de quelque poi t important de 1 giflation oü leurs lumieres ferviraient de guides a Pautofité r Le Prince , quelque légülateur uhique qu il foit, ne portera jamais des loix meilleures que cel'es demandées par le peuple- Au refte , le ferment particulierement exigé lur eet article, eft un peu moins déplacé, que celui qu'ontfait faire fur les articles quarante-quatre & qu irante-cinquieme, apropos des foires de Bruxclks, d'Anvers & de Berg-op Zoom. 11 eft permis, je crois, d'en dire autant de cd ui de 1 article cinquantiemj , pour Pincorporation au Brabant, du-pays & de la ville de Grave , du pays de Cu^ck, de Keffel & d'Oyen. Ne voila-t-il pas un article bien conféquent, que le cinquante-troilicme, qui permet tie pècher dans la Zenne, comme on pouvait le faire du tems du Duc Philippe le Bon? Qu'un ccolier fe foit montré jaloux de Pexercice d'un pareil privilege, pour fes jours de congé & de recréations . paffe encore : mais qu'un peuple faffe inférer dans fa chartre conftitut onnelle le droit de pocher dans une efpèce de rivière böurbeul'e &  C 36 ) riche de quelques poiifons blancs , c'eft , en vérité, abufer de la complaifance du Prince jureur. II n'en eft pas de même du quarante-lixième article. Je lens qu'il était intér,effant d'empêcher, que le Prince accordat a ceux qui cummercent en Flandre , des privileges nuiübles aux Brabancons; quoiqu'il fok bien a délirer que des provinces réunies ibus un même chef, felon toute apparence, pour )ong-tems,fe faffent rLcipioquement & pour leur plus gr,;\nd ihtérêt commun, un facrifice de leurs privileges particuliers & de toutes ces conceflions, qui n'étaient bonnes que fous des Princes différens. C'eft a des abus fëodaux qu'il faut rapporter Porigirte du cinquante-quatrième article , qui s'oppofe a la confifcation des effets volés, lorfque le propriétaire en eft connu. En le paffant fous lÜence, on ne devrait plus craindre de voir renaitre Pabus qui v a donné lieu. Le cinquante-cinquième article parle d'une atrocité, dont, pour 1'honneur de la légiflation, nous ne pouvous affez profcrire même la mémoire. Je frémis lorfque je penfe que des juges de village peuvent,en v'ertu de eet article, faire expirer dans les douleurs affreufes de 1'exécrablc torture un accufé, trop faible pour rélifter, jufqu'a ce que fon innocence leur reproche leur ignorance barbare & 1'abfiirdité des moyens qu'ils emploient pour manquer la vérité. La fin de eet article dit qu'il y a des crimes, dont la connaiffance appartient exclufiyement au Prince oua fon Confeil de Bsabant. De gravcs magiftrats ont pu mettre férieufement en queftion , li cela ne voulait pas dire aufii, que la connaiffance de certains crime-s était r.ffervée au Prince , privativement a fon Confeil. Je leur aurais demandé fi le Prince n'était pas tenu a faire traiter tous & un chacun, conune parle la conftitution, par droit & fen-  tence; & en confëquence s il pouvait le fair? par une autrc voie que celle df s tribunaux légalement conftitués & conltitutionnellement reconnus. 11 ferait beau de voir le Dnc de Brabant, condamnéa une amen de de dix florins de St. André, enfuite du cinquante-fixicme article , qui lui défend ainti qu'a fes officiers de police ou de juftice, d'arréter quelqu'un pour dette, en vertu d'actes detranfport ou de procuration.On convient, il eft vrai, qu'il y a des ticcles qu'on attend que le cas s'en préfente. Ce n'eft point dans le cinquante-feptièrne article que j'irais chercher, comme on Ta fait, Ia défenfe de charger de peniions le temporel des abbayes & des couvens en Brabant, il ne s'agit la que de ne pas donner les prélatures & les dignités eccléfiaftiques en commende. Mais le Prince n'étant pas plus le maitre des biens des gens d'églife, que de ceux des autres particuliers, dont il fait ferment de refpeder & de garantir les propriétés, il eft bien certain qu'il n'a pas le droit d'impofer des charges fur les monaftères fans le confentement de la nation, lequel doit être intervcnu , lorfque 1'ufage s'eft étabü de les grèver de pareilles peniions a titre d'avénement ou d'inauguration du Piince. II y a deux claüfes bien remarquables dans le cinquante-huitième article. La première, c'eft que le Prince n'y continue & ratifie que les ufages reconnus & fcellés par les anciens Ducs de Brabant. La feconde, c'eft qu'il ne fait ferment de les maintenir ou de les faire obferver que pour autan't qu'ils lont obfervables. De - la lui vient la faculté conftitutionnelie de les foumettre a un examen réfléchi, & de s'entendre avec le peuple, pour y faire des changemens qui feront toujours accueillis, dès qu'on y procédcra  ( 38 ) de concert. La défiance, la crainte des empiétemens de 1'autorité nous donnent feuls eet entêtement li connu pour la confervation de nos anciennes pratiques. L'autorité abfolue peut faire les meilleures chofes; mais 1'expériencc nous prouve, par malheur, qu'elle en a rarement fait de bonnes. Un defpote habituellement jüfte , eft un phénix, un être imaginaire. On n'arttint pas ce haut degré de perfeftion avec des pafiions humaines. Mais fi le defpote eft bon, les agens de fon autorité n'abuferont-ils pas d'un pouvoir que rien ne pourra contredire ? Faire craindre l'autorité, c'eft s'expofer a la faire haïr; il faut qu'elle infpire de la confiance pour qu'on 1'aime. Je ne fais qu'un moyen d'y parvenir, c'eft de la faire fervir a remplir les voeux raifonnablement & clairement exprimés du peuple. Le grand art de gouverner n'eüpas de contraindre, mais de diriger. Jamais notre bonheur n'eft plus doux que Jorfqu'il eft notre propre ouvrage : notre vanité lui prête un charme que la railbn n'a pas. Un chef-d'ceuvre d'adminiftration ferait de rendre identiques lavolonté nationale & celle du Prince, foit que cette heureufe confuiion fe fit par un rapprochement fincère des deux parties , foit que le Prince eüt 1'adreffe de faire palfer fa propre volonté pour celle de la nation. J'ai lu, j'ai relu vingt fois le cinquante-neuvièrae article ; mais je 1'aurais relu jufqu'a trente fois, jufqu'a cent, fans y trouver que le Duc de Brabant y était déclaré déchu de Texercice de la fouverainété, lorfqu'il commettait des infraftions a fon pafte inaugural. 11 y eft dit purement & fimplement, qu'en ce cas on ne fera tenu de lui faire aucun fervice, de lui ob ir en aucune chofe de fon befoin, jufqu'a ce qu'il ait réparé les infraftions commiles par lui. Sur cuoi portaient donc ces beaux manifeftes lancés en  r 39; 1789 contre Jofeph II? En vertu de quel article, ceux qui fe difaient les repréfentans du peu-. ple prés du Prince, ont-ils mi la couronne du Prince fur leurs chefs branlans ? Etait-ce pour fe rendre les jouets honteux d'un brouillon , d'un hypocrite & d'une catin? Etait-ce pour nous montrer mieux leur incapacité a nous repréfenter? Au tems oü la féodalité était dans fa fleur, le Duc de Brabant n'avait pas ces troupes foldées , dont l'autorité peut li aifément égarer le courage : des vaffaux marchant fous les bannières de leurs Barons, des bourgeois fous celles des villes & fous le nom de fermens, compofaient des armées, dont il ne pouvait difpofer que pendant un nombre de jours déterminé. 11 fallait encore que la guerre a laquelle on voulait les faire marcher, concernat les intéréts du pays , & qu'elle eüt le confentement de la nation. Dans cc cas mcme, il n'était pas permis au Duc de les contraindre a paffer les limites du Brabant. Le même confentement eft encore requis par la conftitution; & fi les fermens des villes étaient dans le cas de marcher a la guerre, ils ne fortiraient de la province , que fuivant leur bonne volonté. Mais depuis que la fouveraineté eft exercée aux Pays-Bas par la Maifon d'Autriche, & que le régime féodal a lübi des altérations füccefïives, des fecours pécuniaires ont remplacé les fervices que 1'article cinquanreneüvième permet de refufer en cas d'infraétion. Le refus des fublides eft le moyen lé^al & conftitutionnel, accordé au peuple, pour obtenir du Prince 1'accomplifiement des engagemens contraclés a fon inauguration. Je ne lens que trop combicn un pareil moyen eft faib'te envers un Prince qui gouvérne cinquante provinces, plus puiffantes que ccllè du Brabant. Le dang-cr d'im  ( 4° ) femblable refus eft encore bien plus grand par la politique deftructive du fiècle, qui a mis dans les mains du Prince des armées toutes dévouées a l'autorité qui les commande, fans penfer aux intéréts de la nation qui les paie: voila le grand abus du paiement des fervices en argent. Autrefois, lorfque le Prince avait befoin d'hommes, il en demandait, & ils lui étaient accordés, fi fa demande était jufte : ce befoin finiffait avec la guerre. Aujourd'hui le befoin des fublides eft perpétuel: des troupes permanentes a entretenir motivent des pétitions qui fe font tous les ans. L'ambition de quelques defpotes, qui écralent les peuples fous le poids de ces forces armées, s'oppofe au licenciement de celles dont on voudrait fe débarraffer. Autrefois , en refufant le fervice au Prince, on atteignait vifiblement le but qu'on fe propofait. Aujourd'hui on nfque d'accroltre le mal : car il eft a remarquer que Partiele dont il s'agit ne prononce pas la diiiolution des liens qui attachentle peuple au Prince , lorfque celui-ci manque a fes engagemens; il n'en conferve pas moins Pexercice de tous les droits de ia fouveraineté; les loix portées par lui reftent en vigereur; fes officiers de police & de juftice demeurent en ae^ivité de fundions. On ne peext donc lui refufer que le fervice de guerre & Pentretien de fa maifon , ou comme s'exprime fade conftitutionnel, on ne peut lui refufer, obéiffance que dans les chofes qui font de fon befoin. A quoi fert alors la faculté de refufer fi Pon prouve que le fubfade eft demande oour les befoins indilpenfables de PEtat ? Je ne vois qu'un parti a prendre : c'eft celui de payer , qu'il y ait infraaion oupas. On medira peut-etre cu'on veut bien payer, mais que ce fera entre les mains des Etats ou de leurs commiffiures;au.fi qucela s'eft praüqué fous le Duc Phihppe, fiere  C 41 ) de Jean IV , a qui 1'on n'accorda un fubfide , qu'a condition que les deniers en firaient adminiftréS par quatre membres de 1'Etatnoble & par deux: du tiers-Etat; de cette manièreon ferait fur que les contnbutions publiques ne töurnefaient pas aux beloins particuliers du Prince, mais qu'elles feraieut employées uniquement a ceux de 1'adminiftration. A la lüite de facie de la joyeufe-entrée viennent encore. quatre autres actes connus fous le titre d'additions, & qui ont la même fofce conf* titutionnelle. Les deux premiers lont de Philippe-le-bon & les deux autres de Charïès V. 11$ prêtent matière aux mem es obfervations que facie conftitutionnel, dont ils ne font qu'une répétition incomp'ette. C'eft dire qu'on doit attacher peu d'importance a leur tranfcription de mot a mot, dans le nouveau padie inauguraf je remarquerai cependant, qu'au tems oü ces lettres additionnelles ont été données, les denies des aides étaient verfés dans les mains des receveurs du Prince, ce qui n'a plus lieu; que les iuges eccléfraftiques ne prenaient alors connaiffance que de la validité des teftamens , des contrats de manage & des amortiffemens de biens, ce qui eft changé; que perfonne ne pouvait être contraint civilement ou criminellement, en vertu de lettres de fauve - garde du Prince , ce que 1'on ne comprend plus; que le Prince n'avait la faculté d'accorder qu'une fois des lettres de répit, ce qui fe fait maintenant plus d'une fois; que fargent payé pour les ponts & chauffées devait être emplové exclufivement a eet ulage, cê dont on s'eit relaché. L'on voit par la qu'il ne ferait rien moins qu'inutile de refondre , dans Pade même de la conftitution, ce qu'il eft important de conferver de ces lettres additionnelles,  ( 4* ) & d'en écarter le fuperflu. L'on ne me rendrait affurément pas juftice , li l'on pouvait me traiter de novateur, pour exiger ces changemens. Jufques au tems de Philippe II, il n'y a pas eu deux ac~r.es de joyeule entrée temblables : des articles, a chaque nouveau regne, y étaient ajoutés, ou en étaient retranchés; ce n'eft que de-r puis qu un certain ei'prit de machiavélifme s'eft emparé des Gouvernemens, que l'on a forcé le peuple de garder ces vieilles chartres, comme des hochets deftinés a perpétuer fon enfance, & qu'on 1'a amené au point de pleurer ftupidement dès qu'on veut y toucher. Les Gouvernemens fentant bien qu'un nouvel ordre de chofes favoriferait faiblement leurs prétentions, ont fait tous leurs efforts pour canonifer 1'ancien. S'ils ont quelquefois tenté des changemens, c'a été pour ramener les chofes au point oü le Prince était tout & le peuple rien. Une pareille conduite n'a pas manqué de produire une défiance fenfible pour tout ce qui était changement, & un invincible attachement pour tout ce qui était ancien \ifage. Remarquez au refte que je parle des Gouvernemens & pas du Prince; car il eft fouvent bon de les féparer, quoique fouvent ils foient d'accord: mais, fi le Pnnce ne doit pas avoir tin inté êt different de celui du peuple, il eft quelquefois des Gouvernemens qui peuvent avoir un intérêt différent de celui de tous deux, & contraire a tous deux. Pour que la compofition de nos Etats füt bonne , il faudrait qu'elle n'eüt pas été 1'ouvrage da circonftances qui tenaient a* de maur vais principes; le régime féodal était un monftre, tout ce qu'il a produit a dü participer a fes vices: 1'intérêt particulier en était le premier mobile; le bien-être public n'a donc infiué qu§  ( 43 ) faiblement dans ce qui en eft forti de meilleur. Aufti nos Etats ne font que des eorporations, dont 1'efprit eft borné par leur avantage particulier : lorfque le voeu général eft exprimé par elles, ou lorfqu'elles fe réfoudent a propofcr quelque chofe de moins circonfcrit dans les li* mites de leur utilité privée, il faut,le plus fou» vent, que ce luit l'autorité elle même, ou les parties les plus direCtementintéreffées,qui les pouffent a l'effeftuer. Lorfque le Prince , au commencement du üècle dernier, augmenta les droits de reliëf de lief, on objecla d'abord que c'était contre farticle onzième de la feconde lettre additionnelle a la joyeufe - entrée de Charles V : mais dès que 1'ordre de la nobleffe s'appercut que les droits de reliëf des arrière-fiefs pouvaient être augmentés proponionnellement en fa faveur, les oppoütions cefsèrent, & les deux autres ordres ne crurent pas y devoir prendre part. C'eft ainü que cette feconde lettre additionnelle fut donnée a la demande du peuple, non-feulement fans la, participation des deux premiers ordres des Etats, mais 'au milieu de leurs proteftations. Les privileges ou les droits qu'elle alfurait, bleffaient en quelque forte leurs petites vues. L'ordre eccléliaftique fur-tout fe fcandabfa de ce qu'on mettait des bornes a fa jurifdi£tion & a fes envahiffemens de biens ou de pouvoirs. Je citerais vingt exemples aufti concluans , ii les perfonnes inftruites & bien intentionnées n'étaient pas intimement convaincues des défauts de 1'organifation de nos prétendus repréfentans-nés, & s'ils n'avaient pas fait eux-mêmes tout ce qui ét^it en leur pouvoir, pour nous convaincre qu'ils pe favent travailler que pour leur propre intérêt. Je demande humblement pardon a mes lecleiirs de p'avoir pas mis plus d'ordre dans. ces idéés,  C 44 ) & d'avoir fi peu chatié mon ftyle, que je pou* vais rcndre plus travaillé, plus poli, mais je n'en ai, ni le loilir, ni beaucoup la volonté. P'ailleurs, a mefure que ces lignes fortent de ma plume, la prefle s'en empare, & les corrige qui voudra. F I N.