' 676 F 7   ALLARMES DE LA &EC O N JS! O IS S A N C E.   ALLARMES DE LA RECONNOISSJNCE, O u DÉTAILS HISTORIQUE E T POLITIQUE sur. la HOLLAND E0 p a r. Madame V DE B E R L l N. Aux dépends de 1'Auteur. i 7 8 6.   ALARMES •DE li A RECO N N O IS SAN C E. CHAPITRE L D'une orange , jadis 1'ornemcnt dc fes cliinats, üappui du malheureux, & la terreur du fcelerat, nous comptions retracer les veftus , le génie , Ié mémoire, les bienfaits, Ia valeur, les ex< ploits & la gloire ; maïs on vient de nous arrèter. une dame en pleurs, & très-bien parée, eft entrée dans notre cabinct; fa trifteffe , autant que fes charmes, nous ont frappées & faifies d'étonnement: voici le langage qu'elle nous a tenu. « Je fuis la reconnoiflance, mon * empire autrefois n'avoit point de " hornes, j'étois la divinité de tous le? r> peuples j'.je. croyois avoir un afile A  c % ) r> a-Ia-bri des perfécutions & que r> c'étoit le coenr de chaque Batave * qui me 1'offroit, mais, helas ! je w m'appercois , qu'a 1'inftant de bien « des nations, il y en a parmi eux, « qui me méprife & me fouffre a pei« ne fur leurs levres. je fuis d'autant « plus affligée de leur ingratitude, 1» qu'ils étoient mes enfans chéris, & « que leur félonie femble autorifer la r> gizanie a fcmer des troubles, & la ■n ma'ignité a conduire la plume de fes « écrivains ennemis de la vérité, es" r> claves du menfonge , féducleurs de « la raifon & vils mercenaires de l'arn tifice & de la cupidité. n Quant h vous, nous a-t-clle ajour> té, je loue votre zele; parceque, r> quoique l'héros, dont vous retracez « les vertus , foit mort depuis deux *> fiècles , fa mémoire vivra toujours, ■r> fera digne de l'éloge & de Phomma*. ge des lbyaux Bataves; mais la feule m maniere de s'acquitter de ce devoir  C 3 ) - felon les regies de mes loix (i), " c'eft de prendre Guillaume regnant " P°ur niodele: a fes cótés fiégent Ia " jüflice, la fageffe, 1'efprit, les gra" ees> 1:1 beauté, rhumanité (n), fil» les du ciel, fymbole du bonheur & " de la tiaiflancé 1'éclat, la vraie & " feuIe g^ndeur : óui, en dépit de » 1'envie, les noms facrés de Guillau" me & de Sophie me feront chers; * oui, ils feront, par le génie de la « natiori, gravcs fur le marbre & VsSl" rdn» & en lettres d'or, paree méme « génie, au temple de 1'ïmmortalité, - avec pompe, dépofés; je leur dois " ce>fte tribut(3), iifilut m'en ac*• quitter, ou perdre de mon nom les « titres & les attributs: que dis-je, je « fuis immortelle & tout doit étre ftable « dans mon empire, je ne crains ni le CO C'efl ia reeonnoiflance qui puk. !4"Mu1&udt?ie; niece du C3; C'eft toujours Ia reeonnoiflance qui parle. A 3  c 4 y d tems, ni rinfildélité, nilamalice, ils •n peuvent m'oublier, m'outrager, mais n je n'en fuis pas moins la première r déefie de 1'univers; & pour donner t> une preuve de cette vérité & que je « fais accorder par équité, ce qu'on t> devoit faire par inclination, je veux, r> & mes oracles le répétcront , que •n Guillaume & Sophie foient de nos •n neveux aimés, des peuples adorés, t> & de tout loyal • Batave réfpecté. ■n J'entends déja ceux-ci répéter d'ar prés moi: vivat Sophie, vivat Guilj> laume. Comme leurs bienrairants; lem-s anguTtes aijenx , Ils font fur la terre , le bel image des dieux. O fortunés Bataves! que votre fort » eft doux, qu'il eft heureux pour n vous, de vivre fous le regne de fes n auguftes Epoux. peuples généreux, » remplis d'induftrie & de talens, vous r> fates, par Guillaume premier, les enTi fans de la liberté, ce fut fous fon r> étendard que vous diffipates Terreur  C 5 ) « du fanatisme, que vous enchainates « fon pouvoir, fon glaive & fa fureur. « la viéioire, fecondant votre zele & Ti vos defi'cins, vous couronna de fes n propres mains, & auffitöt votre amin tic & votre alliance furënt briguées n avec ardeur & confiance. aux com» ii bats fanglants , aux troubles , aux n noirs foucis, a la cruelle indigence, « compagnes ordinaires de Ia guerre, n fuccéderent le calme, les fêtes, les » jeux, les ris, les plaifirs, 1'abondanr> ce & la fécurité. le ciel fut le pre« mier moteur de fes prccieux bienT> faits; mais Guillaume en fut Pinftru« ment &_ de votre république le génén reux fondateur. fes fuccclTeurs, en « marchant fur fes traces, vous firent « accordcr, en 1648, le droit, fi grand n & fi beau, de marcher avec les pov tentats de niveau: ce précieux pri« vilége fut dépofé en vos mains ; « vos coeurs fatisfaits , attendris, & « alors foumis a la douceur de mon emI A 3  C 6 ) n pire (i), reconnurent, una voet, r> les princes d'Orange pour leurs libé*> rateurs & leurs chefs; mais fes prin« ces, en peres généreux, vous firent » co-régens de l'autoritd & le droit s'en «• eft transmis jusqu'a vos enfans. * P°ur pi'ix de cettc faveur, vous aviez, » par un ferment folemnel, promis aux * légitimes fucceffeurs de vos fonda« teurs, hommage, amilié, bonne & » loyale fidélité; de ce ferment, vous « êtes-vous toujours acquités y> fur ce point je paffe légércment, « parecque je préfume & je fais, que « des coeurs juftes ne font jamais rev> belles a ma voix (a). „ Alors vos marais changerent de « face. la fortune , la liberté & la vi victoirè firent une triple alliance, & * fefixerent furlesrivesdelAmftel^). CO Celui de Ia recomjoiflsnee. Cs) C'efl la reconnoifl'ance. C3) Petite riviere qui donne fon nom au pavs »1 Amftelland & .ï la ville d'Amfterdam , oh eik ie jette dans 1c golfe qu'on nomrae 1Y.  C 7 ) * La cupi lité & 1'envie , cruelles „ enneniies des humains, furenè bien„ lot jaloufes de votre bonheur & de 3, votre profpérité; on les vit, comme „ des Furies & d'avides financiers, fe „ dispüter la barbare fatisfaftion d'as3, fiéger vos foyers & de vous fusci- ter des adverfaires puiffants, qui Ruis j, avoirla fatigue de vos travaux, vou* „ lurent en partager le fruit; vaia« „ queurs de leur cruél acharnement, „ vous eütes encore la générofité de „ dompter votre jufte reffentiment & „ 1'adreffe de diiTiper, par de fréquens „ & gratids facrifices, les machinations „ dt rintrigue & de 1'artifice. de cetJ? te fage poliüque vous donnates des „ lecons a toutes les nations. on fut, „ & on eft encore.forcé d'admirer, fur „ ce point, votre prudence & vos „ procédés, fi conformes a la raifon „ & a Thumanité ; en cifet on voit „ qu'ils tendent tous a prouver: L.i paixertlc premier, & le plus précieiix bien, u annr elt tuut, 1'acbeter i'A rien. A 4  „ Ah! que ce langage eft magnift„ que, lorsque comme vous, on eft 3, afl'ez fage pour le pratiquer ; mais, „ ü ne fuffit pas que ce foit vis-a-vis „ des étrangers, il faut auffi en ufer „ envers vos compatiiotcs; car quel „ fruit pourriéz vous tirer d'une paix „ étrangere,fi vous citcs contrahits d'a33 voir une guerre intcftine, & d'étre 33 fans ceffe agités par des tioubles do„ mcftiques. Vous dcvez favoir que „ 1'union & Tharmonie font le bonheur des famiiles, comme celui d'une ré3S publique; ce font 1'union & 1'harmo„ nie qui ont pofés les fondemens d'une „ fage lc'giflation ; ce font par _clles que les empires fe font agrandis, „ font devenus puiffans, fleuriffant & „ riches; au contraire les divifions les „ ont anéanü, ellcs ont également „ fait fubir le jong de 1'anarchie, aux „ fciences, aux arts, a Tagriculture, „ au commerce & aux loix. „ La Perfe, la Grece, Rome, fu-  C 9 ) „ rent les premiers empires de la ter„ re, en fuite ce furent la ^"rance & ,1 TEfpagne. tous ces coloiïes de „ grandeur & de puiflance s'évanoui„ rent, leurs branches qui fembloient „ couvrir une pattie cle 1'univers, vou„ loir le gouverner & 1'cnvahir, de„ vinrent de petits ramaux qui a pei„ nc pouvoient ombrager des peuplaM des ; enfin les trois premiers em„ pires furent enfévelis dans le néant, „ au point que c'eft aujourd'hui un „ probléme de favoir ou fut jadis fitué „ lefameux empire deBabylone; tout „ ce que 1'ou fait de plus pofitif fur „ ces révolutions confignées dans 1'his„ toire, eft, qu'elles furent 1'ouvrage „ du tems & des divifipfls inteftines. „ la guerre du déhors fe foutient pen ■ „ dant des fiècles entiers; mais celle „ du dedans eft un poifon violent & „ dont les prog^ès font auffi funeftes „ que rapid.es- la [ ze\ que 1'on ,3 voit aujourd'hui fi fleui C puur A5  3, avoir avalé ce breuvage pernicieux, „ fut fur le point de • disparoitre des „ fafles de 1'univers, c'eft-a-dire d'é„ prouver le fort de Tempire de Baby „ lone: mais pour quoi rt'monter a des „ epoques fi reculécs, tandisque votre fiècle^ vous oftre des excmples », récens. vous n'avez fans doute pas „ encore onbh'e's que le de'membrement „ & le partage de la Pologne n'ont eu „ lieu que parceque les magnats, &: „ le roi or.t ceffés de s'entendre & „ qu'ils ont voulu fe rcferver arbitraire„ ment Pautorité , quoiqu'clle nedüt, 3, felon les cor.fiitutions du pays, fe di„ riger que fous la dircclion du roi, „ comme premier citoyen de la répu„ blique; vous avez encore moins ou„ blies que les colonies angloifes, n'a„ yant pas voulu fubir la loi de la me„ re patrie, fe crurent autorifées de „ former des plaintes, & enfuite de fe „ divifer. eet attentat fut le fruit de „ la niésintelligence, ou felon la vé-  C ii ) „ rite, celui de la politique francoife.' „ quoiqu'il en (bit & faas m'attacher „ aux dénouement de 1'énigme, je vais „ voas offrir ïe fort de fes colons; ils „ ont, foit difant, obtenu ce qu'ils ,, défirorent. de fes fuccès apparens „ qu'a-t-il réfulté ? le vuici: la more „ & les efifans font ruines, ont aug„ mente leurs charges & leurs maux ., & font encore plus malhenreux que a, jamais: peut-cue que les exemples „ ne font plus d'impreffion fur le coeur humain. eh bicn: je vais lui offrir „ uiie comparaïfon fehfible & s'il peut „ la revoquer en doulc, je me foumets „ a fa décifion & - je dirai , comme „ 1'imbecile de pangloze, que tont eft „ au mieux, ce fera dlré , en beaux „ parackxcs, que le mal eft du bicn; „ ccpendant comme je ne fuis pas tout „ a fait de eet avis, je propofe une „ queflion plus rdfonnable, je la crois „ phyfique; car je ne me piqué pas „ d'aprofondir les. fciences 7 je défire A 6  C 12 3 „ feulement reniplir des fonclions qui „ font pour le moins aufiï noblc; puis„ qu'ellcs tendent a rapeller a 1'hom„ me le premier de ces devoirs (i}. mais; quoi c'eft trop en dire, je ne „ dois pas faire mon éloge, je vais „ donc propofer le fait. „ N'eft-il pas certaiu que fi on cou„ pe plufieurs membres du corps d'un „ homme, il languira & finira par pe„ rir? il en eft de même d'un corps ., politique, dès que ces membres font 3, divifés, il perd fa force & finit fou„ vent par s'étéindre; mais au contrai33 re fi les membres reftent unis , Ie „ corps devient plus vigoureux & jouit „ de tous les droits de fa conflitution. „ il eft étonnant que cette véritc phy„ fique & morale n'ait pas encore été „ aflez puiffante pour fe faire enten„ dre, & , que les hommes ne fe „ foient pas appercus, qu'en négligeant CiJ Ia recoauoiflance,  C 13 ) „ d'écouter fa voix, ils méprifoient la „ portion la plus précieufe de leur in„ térét, pour devenir les artifans de „ leur malheur, dans tous les pays il „ y a beaucoup d'invidus 3 je n'ofe „ dire hommes , qui favent allumer le „ flambeau de la discorcte; mais bien „ peu qui foient capable, ou veulent „ 1'éteindre. je n'en fuis point furpris , „ parcequc je fais que la pluspart ai„ ment Èi vivre dans le défordre, com„ me Ie poilTon dans 1'eau. mais je ne „ puis comprendre que dans la maffe „ totale de ce qu'on appelle, peuples, „ citoyens , gouvernemens &c. il y „ ait un membre affez crédule , affez „ timide, pour fe laiffcr féduire par les », apparences, par le nombre; enfin „ par cc maudit dcTorde , parcequ' „ outre le malheur qu'il enfante , 011 „ ne peut fe disffimuler que ceux qui „ ont la cruelle adreffe de 1'alimcnter, ,} font également les ennemis du parti ;, qu'ils foutiennent & de celui qu'ils A 7  C H ) „ veulent perdrc, & il ne faat pas être „ bièn clair-voyant', pour ne pas s'ap„ pcrcevoir que les cabalifl.es rènfer,, ment , fous Tappas d'une conduite „mödériée , des vues fecretes, pcrniM cieufe & dont le but tend toujöürs „ a la dcüruclion des deux partis. „ Je pcnfe que des peuples qui ont la prudencê de faire de grands facrifices, pour ccartcr des discuffious „ entre veifins, doivent aüffi avoir cclle d'en faire de légers en vers leurs „ amis, les fuceeiTeurs de leur fonda„ tcur; parceque fes dignes rejettons „ n'cn veulent point a vos tréfors, ils „ revendiquent de fimple prérogative „ que leurs augufi.es ayeux ont payés „ de leur Ging. ó Bataves ! que ce „ fouvenir doit vous être cher ; que „ dis-je, il ne s'efi. jamais effacé de „ votre mémoire, des cccurs jufics, & „ fenfibles, nepeuvent être ingrats, üs „ ccoutcront, furce point, ma voix (i) c ï ) Cclle ce la recomioiflunce.  C '5 ) ,, & s'y foumettront, puisqiTclle ne „ leur prefcrit rien que de conforme ïi „ leur inclination & a la raifon. rour fixer du deftirf, & l*órdte & la magie, C'eli d'aimei la vertu, & Guillaume & Sophi». Ainfi tók-ti, A eet endroit la reconnoiffance csfuya ces larmes, parut tranquile & foulagée , elle disparut, après nous avoir prié de publier fes alarmes, il eft fi doux & fi g'.orieux de lui obcir, que nous ayons mis la plus prompte céiéïitc a remplir fes vues-; puiifentnos lecleurs & tous les hommes avoir pour elle la méme ve'néraiion! parcequ'on ne peut fe diffimuler que de toutes les vertus la reconnoilTance eft la première , y manquer , c'eli fe ranger dans unc clafl'e d'animaux jusqu'a préfent inconnus, car jamais ccux-ci n'ont déchires leurs libératcurs , leurs bienfaiteurs , leurs femblables. il eft étonnant que ce malheur foit fi frc'quent parmi les hommes ; cux qui font par_ la nobleffe de  C ) leurs aitributs, au deflus de tous les animaux , devroient égalemcnt y être par leur conduite & leurs procédés. C H APITRE II. D e tous tems rinconflancc, Ia légereté, 1'ingratitude étendirent leur empire fur le cocur de 1'homme. dire la véritc a ccux-ci, leur propofer des chofes utilesy font fouvcnt des moycns asfurés pour en être perfécutés: leur indiquer des chofes qui les flattent, c'eft une recette éficace pour en être accueillis: facriBer fa vie, fa fortune pour conferver la liberté d'un pcuple entier & le faire jouir des prérogatives qui y font attacnées, font des actions héroïqucs, dignes de gloire & d'admiration. i'enthoufiaame & la reconnoiffance fe disputent, a 1'cnvi, 1'avantage de les pu« blier & d'élever des autels a Phéros,  C 17 ) que la fortune a favorifé & que Ie courage a feeondé. mais : helas plus ces fentimens font légitimes, plus ils font vifs & moins ils font durables ; les grands fervices s'oubüent facïkment, & ceux qui font éloignés fe perdent dans La nuit du tems. Rome célébre, Rome triomphante , & gouvernant par la fagefTe de fes loix, presque 1'univers entier, outragea fes libérateurs , fes bicnfaiteurs. et pour ne pas récompenfer les fervices qu'ils avoient rendus a la patrie, elle les livra a 1'injure de 1'oubli, ou a la cruauté des perfécutions. mais laiiTons eet article : chaque fiècle, chaque nation a eu la delfus fes lecons & fes malheurs domeftiques. L'homme avale facilement le venin de la prévention, furtout lorsqu'il eft préparé par les mains de 1'artifice: cette lache pertubatrice du repos des humains, n'employe pas toujours les mê« mes armes pour rcuffir. fon arfenal  ( IS ) en eft rempli, & il y en a de toutes efpcces. mais toutes font meurtrieres, cependant, elles ne peuvent atteindre, m bleffer le oèur du vrai fage; il fait que la prévention, enfant de toutes les iiations , de toutes les réligions , ne doit jamais iniiuer fur aucuncs décifions, & qu'il ne faut point fe gouverner par elle 3 lorsqu'il s'agit de rendre jufiice: il n'importe en quel cas ce foit, parcequ'il eft certain que tout ce qu'ou régie a fon tribunal, porte la livrée de Terreur. Cette vérité eft notoire, perfonne ne peut la rejetter en doutè, ni en faire un problême a réfoudrc, nous difoit, il y a quclques jours, non pas un illuftre de nos académies modernes , mais, un favantj fans prétention & qui n'en étoit que plus eftimable; je fuis furpris ajouta-t-il, que la philofophie quiaenchainé le fanatisme romain , n'ait pas fait fubir le même joug a fa fceur prévention.  C 19 3 Son intentio,n ctoit tclle , lui avons nous repliqué, mais la bonne volonté & 1'équité ne font pas toujours couronnées : tous les hommes font nés avec plus ou moins d'ambition, d'intérét & d'orgueil. bcaucoup veulent être légiflateurSj régir, commandcr 1'univers; mais comme ils n'écoutent que la voix des paffions qui les maitrifent & qu'ils ne confultent que kuis intéréts, quoiqu'ils aient attention de prendre pour cheval de bataille les mots bien général. eet enfant chéiï des peuples, & qui femble étre celui de la raifon, n'efl: fouvent qu'un monftre forti des entraiiles de la dilfention. L'ambiüon & 1'envie font toujours prêt a cenfurer le vrai mérite, jaloufes de ue pouvoir y atteiudre, de ne pouvoir en partager la gloire, elles cher. Chent a la flétrir. les vertus qui font le bonheur de la fociété, font le tourment de 1'envie, & comme Linguet ne pouvant prétendre a IVionneur, cher-  C 20 ) che a 1'óter è quiconque en jouit: peu fatisfait de remplir cette lache miffion, il repend encore des foupcons injurieux & cnfuite s'unit avec dame dilTention. et cette ennemie des hommes , feme le trouble & le défordre partout; néanmoins elle a la précaution de couvrir, cette perfidie, des apparences delanéceOTité, & afin que le peuple puifie prendre ce breuvagc pernicieux , & dont il ne connoit fouvent les effets que lorsque le mal eft fans remede, elle avance hardiment que fii conduite fera toujours réglée fur Téquité & Pintérêt public. Nous ne fommes point furpris qu'avec un pareil langage, elle puiffe en impofer au yulguaire ; mais il eft étonnant que des hommes éclairés, puiffent fe lailfer aveugler par les mots captieux, bien public, maintien des privileges de la nation &c. ne devroient-ils pas s'appercevok que ce n'eft qu'un appat. a h vérité il eft flatteur; mais encore.  C ai ) plus trompeur: des apparences , des préjugés peuvent-ils prévalüir fur la raifon? un mal imaginaire, ne peut-il fe guérir que par les attentats criminels de la discorde? faut-il pour écarter une maladie morale , ouvrir le gouffre affreux des maux phyfiques? ferons nous toujours réduits a la fatale expérience de convenir que partout oü il y a des hommes, il y a des pertubateurs, des ingrats, des brouillons &c. Nous nous donnerons bien de garde de placer en cette claiTe ces braves, ces zélés feigneurs & citoyens qui au 16 ficclc facrifiérent leur fortune & leur vie pour rompre des chaines forgées par le barbare dcfpoftisme; ils méritent au contraire Padmiration de toutes les pollentes & nous devons , en confervant le fouvenir de leurs exploits & de leurs vertus hcroïques, les propofer comme des modeles a imker, des divkiités bienfaifantes & tutélaires. et comme nous ne pouvons plus leur  ( 22 ) payer le tribut de notre reconnoiffance, de notre hommage, nous devons 1'acquiter envers leurs illuftres fucceffeurs; parcequ'en héritant de leurs noms, de leurs hautes dignités, ils ont auffi hérité de leur amour pour la juftice & pour les peuples. nous allons a cette occafion rapporter des fragmens d'une hiftoire, qui fans doute, fera acceuillie par tous les amis de la vérité, les partifans de Phumanité &c. il s'agit d'une orange ( i) mais d'une efpece auffi particuliere, qu'elle eft diftinguée. nous n'anticiperons point fur les éloges qu'on lui doit. la vertu n'en a pas befoin, elle eft a elle-même fon plus beau panégyrique. Nous étions*, en 1'an 156o , dans un pays que les géographes appelloient Belgique: & que la vérité nommoit 0) Guillaume de Naflau pnnce d'Orange, fondateur de la n'puMique ri'Hollaude & sffaffine" i Delft, le ,0 juiDet 1584, par 1'infaine Balcaftr Gerard.  c =3 ; tbéatre dc la cruauté; il étoit gouvcrné par la tyrannie (i), cette maratre de la nature avoit choifi pour fon premier miniftre don Fanatique (2); leurs noms étoient le fymbole de leurs aélions, le peuple murrnuroit & fe plaignoit tout bas, le faire tout haut eut été un crime capital; la moindre réfifiance aux volontés de la cruelle tyrannie h de fon barbare de miniftre étoit punie de la réaüté du facririce d'Abraham. Les fujets de ce beau pays, a 1'imitation des peuples orientaux, portoicnt leur fardeau a la muette; cependant ne pouvant plus en foutenir le poids, il s'aviferent de porter des plaintes au génie idolent ( 3 ) leur fouvcrain. 1'af- ( 1 ) Les plaifans foutiennent qu'etle eft nóe d-ins les fables brftlans d'Afrique; mais les hommes fenfés penfent que fa mere étoit une avauturiere qui a , comme fa (beur la cruauté . parcouru tous les pays & y a laiffë des traces de fon pafïage. (2) Le Cardinal de Grauvel'c. (3) PhiKppe II.  C 24 ) faire de'libérée a Ton confeil, oü préiïdoit le fanatisme romain, il fut arrété que les plaignans auroient en partage 1'obéiffance, le filence & 1'inquifition. La menace d'un pareil établiflement, fit fencir aux peuples la rigueur de leurs maux préfens & 1'horreur de ceux dont ils étoient menacés : ne fachant plus a qui s'adrefler pour obtenir juftice, ils étoient comme de timides agneaux abandonnés dans la foret, fans gardien & qui, n'ayant plus que 1'cfpoir d'être la proie des loups, ou d'être immolés fous le couteau meurtrier des bouchers , frémifient & s'abandonnent a la douleur. La charge , qui abrutit la béte de fomme, réveille fouvent le courage de rhomme. furtout lorsque celle dont on I'accable eft injufte & oppofée a la noblefie de fon exiftcnce , du moins fit-elle ce précieux effet fur 1'efprit d'une partie des Beiges. Ils avoient pour concitoyen une oran-  C *5 ) ge qui s'étoit acquife, par fon génie, fon affabiïité, fon humanité & fa valeur; 1'eftime de fes égaux , l'amour & le réfpeét de tous fes inférieurs, fj) ils eurent recours a elle, & }a fupplierent d'être leur proteéïrice, & de les prendre fous fa fiuivegarde. Cette orange, auffi généreufe qué magnanime, fut attendrie fur le fort de fes malheureux compatriotes; elle calma leur inquiétude & promit d'employer tout fon crédit auprès du prince pour tacher , s'il étoit poffible , dè faire accorder a la néceffité, ce qu'on devoit a la juffice & a ]a raifon. Cette orange déteftoit la félonie , elle favoit qu'un prince fage, & mêml éclairc peut être trompé ; elle favoit qu'on doit réfpeéler tous les fouvcrains & ceux qui les repréfentent, encore bien qu'ils exigeaffent des chofes ia* juftes ; que tout ce que 1'on pouvoit { ) Guillaume de Xaflsu. p,;nce d-0nn^ B  ( 16 ) faire c'étoit d'avoir recours \\ la voie des remontrances réfpeétueufes & de faire-connoitre les miniftres, qui abufoient de 1'autorité & du nom du raaitre. Ce furent les premières armes que cette orange, a jamais mémorable, employa pour réconcilier les fujets avec le fouverain & pacifier tous les troubles. cette conduite étoit fage & digne de fa grande ame, auffi le génie indolent en parut fatisfait. il fit en conféquencc rappeller , en 1564, don fanatique (1) Ie quel fe rendit a Madrid: cette petite fatisfaciion appaifa le peuple jufiement irrité, & fit concevoir d'heureufe efpérance , croire que l'harmonie & la concorde alloient fe rétablir; mais don fanatique , pour avoir quitté le pays des Beiges, n'en étoit pas moins dangéreux & acharné a fuivrc fes pernicieux projets; fon rappel n'avoit fait qu'aigrir fon caraciere altier, vindicatif (1) Le cardinal de Granvelle.  C =7 ) & crud, il avoit la confiance de fon maitre; il étoit plus qu'auparavant aportée d'abufer de fafoible crédulité. En effet il ne tarda pas a le faire;" il fut de nouveau queflion d'augmenter les impóts, déja trop confidérables, d'ériger quatorze évéchés & d'établir 1'inquifition. Cette inovation allarraa les Flamands, & fit connoitre qUe les procédés de la cour de Madrid n'étoient pas finceres. néanmoins le prince d'Orange C i) fit de nouveaux efforts pour calmer I'inquiétude des mécontens; mais en même tems il pris des mefures éficaces pour leur faire obtenir jufiice: & comme il ne pouvoit fe diffimuler que don fana« tique étoit le principal reffort de la politique espagnole, il crut devoir prévenir les menées fourdes de ce miniftre ( i) Nous avoiis cru devoir, pour la faciliti? £ SSrSLSf r2 „H,e & SS faire. ' * C0US «>«»««»■* i h B a  C =3 ) vindicatif, il confeilla en conféqucncc aux états du pays d'envoyer un député au génie idolent. fon avis fut approuvé & le choix tomba fur le comte d'Egmont. Ce feigneur étoit tres - attaché au prince d'Orange , a la juflice & au peuple ; il fe chargea avec plaifir de cette miffion, il n'en connoifibit pas fans doute 1'importance , & encore moins le péril; quoiqu'il en foit. il s'en acquitta avec le zele d'un citoyen romain, mais il étoit bien éloigné de croire que la perte de fa tête en feroit le prix. II fut très-bien recu du génie, il lui fit même un accueil diflingué & lui donna fatisfadtion fur tous les griefs contenus dans les mémoires qu'il avoit préfentés. Le comte fe rendit en diligence au Pays-bas; & fit part a fes commettans de cette agréable nouvelle, elle fut auflitót publiée, afin de pacifier les troubles; mais ce ne fut pas pour longtems.  C '9 ) Les peuples voyant que 1'on ne leur tenoit point parole , & que les procédés de la'cour n'étoient rien moins que finceres, fe mutinerent. alors les principaux feigneurs dans le deiïein d'arrêter les fifites facheufes d'une fédition, s'aiTemblercnt a Gertrudenbcrg & conclurent entre eux une confédération. Mais avant d'y donner de la vigueur, il fut réfolu qu'on enverroit une députation a Ia tyrannie (i). le comte de Brederode , accompagné de plufieurs feigneurs, ferendit auprès d'elle, le 5 avril 1565, & lui préfenta une requête. La gouvernante qui ne s'attendoit point a une vifite fi nombreufe (a), en fut d'abord très-interdite; cependant le comte de Berlaimont, qui étoit auprès d'elle, voulant la raffurer & faire le plaifant , lui dit d'un con mépri» fant: Madame, raJJure7^-vous ce n'ejl ( 1) La Duchefie de Parme. (a) II yavoit plus de 300 gentilhommes. B 3  ( 30 ) qii'un tas dégueux. ces paroles méprifantes & déplacées ayant été rendues aux confédérés, ils montrerent qu'ils étoient aufii fagcs que braves; ils s'en moquerent & pour prouver combien ils étoient pcu fenfibles a cette infulte témeraire, ils fe nommerent eux mtmes les gueux & fe mirent, en fuitc, une médaille d'or au col , oü 1'on voyoit d'un cóté 1'cffigie du génie idolent avec ces mots fideles au roi (i) & de 1'autre cóté deux mains jointes, & ces paroles jusqWa la beface. Un des confédérés fit faire unebouteille & une écuelle d'or , il y avoit fait graver en flamand vivent les gueux. il portoit ces deux vafes attachés a fa ceinturc comme une marqué de difiinéïion. (i) On voit par ces paroles combien les confédérés étoient attachés a la perfonne facrée du /oi, & qu'ils n'avoient point deflein de fe revolter contre leur maltre, mais feulement d'anéantir les intrigues de ceux qui abufoient de fa foibltflc.  c si ; Quant a la tyrannie, ne fe croyant pas, dans cette crife, en fureté, elle nfa de diffimulation , partage ordinaire des hipocrites, & reent la requête avec des démonilrations affables & fenfibles; elle feignit même d'être touchée des malheurs qui menacolent les Beiges & promit d'envoyer au roi leur requête & de Fappuyer de tout fon pouvoir; elle envoya effeciivement cette'piece a Madrid, mais elle ne tint pas fii. pro» meffe fur le refle , au contraire elle exagéra le danger & noircit la conduite des feigneurs, dont le feul crime confiftoit a montrer beaucoup de réfpeét pour les volontés du monarqtie & un attachement h toute épreuve pour les peuples que 1'on molefloit fouvent fous des prétextes auffi abfurdes quecruels. I Dès que le roi d'Efpagne eut recu la requête , il fit auffitot aflembler fon confeil, Oojafpofé de don fanatiqué, de la prévention, de la cruauté (i ) &c. (i) Le Duc d'AIfae. B 4  C 3> ) ü y fut rcfolu qu'il falloit employer Ia derniere févérité contre les malheurcux Beiges & envoyer aux Pais - bas , la cruautéjc'eft-a-dire Ferdinand Alvares de Tolede , duc d'Albe , comme lc plus propre a remplir cette fanglante mifficJn & dont il s'acquitta a la honte de 1'humanité, & de fa réligion, puis» que celle-ci prêche la clémence. Ses cTdres , felon lui , portoient qu'il ne devoit recevoir les peuples a miféricorde, que lorsqu'ils auroient remis leurs perfonnes & leurs priviléges h la discrétion de la cruauté. on penfe bien qu'un tel refcrit avoit été extorqué au prince & qu'il étoit le fruit de la haine & de la vengeancc du cardinal de Granvelle. Les Beiges, ou Flamands, furent fi confternés & fi alarmés de cette facheufe nouvelle , qUC plus de cent mille ames quitterent le pays, eöiporterent leur argent & leurs marchandifes : les états défirant arrêter ce dé-  C 33 ) fordre des fa ftahTaneë & furtout Peffu« fion du fang entre patriotes , envoyerent de nouveau des de'putés au roi (1), mais il furent arrétés & fait prifonniers. le marquis de Bergues mourut de dcplaifir dans fa prifon & Fin. fortuné marquis de Montigny cut la tête tranchée. Loin que Pon chercha a calmer le peuple juftement irrité, il femble que Pon faifoit tout ce qu'il falloit pour Paigrir & le porter a un foulevement général , cependant les principaux feigneurs avoient fait leur poffible pour appaifer 1'émeute &; faire rent-er tous les fujets fous le joug de Pobéiffance; mais Parrivée de la cruauté ( 2 ), fit perdre le fruit de leurs bons. offices h, jetta la frayeur & le défespoir dj ns !e cceur des Flamands: ce gouverneut barbare avoit fait fon entrée dans le ] ays (1) Les marquis de Bergnes & de Montigny, (2) Le (Ui'; d Albe, B 5  C 34 ) a la tête d'une armee de dix mille hommes & avoit commencé par établir un conreil de douze juges qu'il nomma le tribunal des troubles; mais la jufiice dontcn profanoit le temple & les droits, le nomma le confeil de fang: on ne pouvoit lui donner une qualification moins équivoque. les juges qui compoibient ce tribunal condamncrent dixhuit gentilhommes qualifiés a être cxécutés & ils le furent le i & le fecond juin 1568. Les comtes d'Egmont & de Hornes, qui n'avoieut pas etc auffi fages que le prince d'Orange, & n'avoient pas voulu fuivre fes confeils, eurent la tête tranende fur le grand marché de Bruxelles , Vis-a-visja maifon du roi,' le 5 du dit mois. il eft certain qu'ils fubirent eet injufte fupplicc par leur propre faute & par un excès de confiance que la ciiconflance ne permettoit pas & qui pouvoit être traitée de téméritê ; ijs avoient rencontrés le prince d'Orange,  C 35 ) qui, ayant prévu le danger, le fuioit & leur avoit confeillés d'en faire autant; mais ils mépriferent 1'avis généreux de ce prince, le tournerent en ridicule, ils portercnt même Timprudence jusqu'a le taxer de pufdlanimité & h le railier, en lui difant: adieu prince fans caapeau (i). il leur repondit fur le même ton: adieux feigneurs fans tête & fa prophétie fc vérifia malheureufement pour eux , car ils furent arrêtés le même jour & eurcut quelques tems après Ia tête trar.clic'e. {i) Le jour diftiné pour arrëter tous les feigneurs. le gouverneur les avoit fait prierpourun grand üini fous prétexte de mieux cimenlcr U réconciliation & rharmonie. le prince d'Orangc s'étoit rendu au gouvernement un des premiers, mais quelqu'un ayant découvert la trame, en avoic aufütöt infonné le prince. comme celui-ct n'avoit pas pris fon cliapeau, ni fon épée, pour parler :t cette perfonne, il ne crut pas devoir rentrer dans les appancmens du gouvernement pour les pren» dre, parcequecela auroit donné de la iuspicion. il fut au contraire h 1'endro't oh uh de fes fi* deles ferviteurs avoit fait préparer des chevatis de felle, fur un des quels il monta en hab;i de parade, fanschapeau; la prudencêne Ittipérmet-* toit pas de faire un nouvelle toilette: il valoif ïiiieux cue fans cbapeau que fans téie. B ö  C 36 ) Le prince d'Orange ayant été infordu malheureux fort des feigneurs qui n'avoient point écouté fes confeils, & voyant qu'on^ne pouvoit plus fe fier fur la foi des promefles de la cour de Madrid, fongea férieufement a mettre fa vie a couvert & a défendre les peuples opprimés. il fe rendit pour eet effet en fon gouvernement d'Hollande, °ü il ramalfa des troupes & fit la guerre a 1'Efpagne : on voit qu'il ne pnt ce rigoureux parti qu'a la derniere extrémité, & après avoir mis en ufage tous les moyens de pacification, tenté inutilenient les voics d'obéiflance, de douceur & de réfpeét ; ceux qui ont écrit qlle c'étoit 1'ambition qui le faifoitagir, nepouvoient être que de vils mercenaires, devoués a la réligion du parti contraire , ou foudoyés par ces dévots fanatiques qui croyent faire une oeuvre pie, en inventantdes calomnies attroces fur le compte de ceux qui n'ont point adopté leurs ce'rémonks  C 37 ) fuperftïtieufes, ou en les perfécutant mêtne jusqu'a leur faire fubir des fupplices, dont les barbares ont eu horreur: cette réflexion nous conduit nécefiairement a une autre & qui, maïgrc< quelle foit en partie hors de notre fujct, mérite ici une place. Nous avons rémarqué que les papes ne font plus auffi généreux qu'ils Vétoient autrefois. il faut fins doute que le patrimoine du vatican foit épuifé, ou que les foudres de 1'anatheme, qu'il lancoit fi facilement , fe foient réfugiés en quclques autres fous-terrcins. jadis les évêques de Rome vouloient être les fouverains univerfels de toute la terre, on avoit même fait de ce point un dogme de foi, & tous ceux qui y étoient réfraélaires étoient déchus du droit d'enfans de 1'églife: mais cette discipline auffi abfurde que révoltante, étoit particulierement exigée des fouverains. les rois de France , depuis Philippe I jusqu'a Louis VII. furent B 7  C 38 ) tous folemnellement excommuniés, pour avoir défo'oéis aux ordres du pontit" romain. les empereurs d'Allemagne, depuis Henri IV. jusqu'a Louis de Baviere inclufivement, eurent auffi une part très-honnête a ces dons de la cour de Rome. Les rois d'Angleterre ne furent point oubliés & notamment au 16 tiècle, oü la reine Elifabeth fut gratifiée d'une partd'ainé: tous ces cadeaux fcandaleux, couterent la vie a plus de fix cent mille hommes1, & on fut redevable de ce malheur a rentêtement & a 1'orgueil des ultramontains. il paroit cependant bien étoimant que les miniftres d'une réligion qui prêchent 1'humanité & la clemencc, foient barbares , inhumains, fanguinaires & ambitieux: ils ne croyent donc pas aux dogmes qu'ils enfeignent , car pour croire il faut pratiqucr. C'étoit dit-on, une folie a la mode, mais une folie fainte: fans doute que la folie & la faintetc foqt dénichées du  C 39 ) palais dc St. Pierre, 1'une pour aller aux petites maifons, & 1'autre pour fe cacher. cette heureufe, ou malheureufc émigratiön a rendu les papes plus fages , ou plus avares des préfens de 1'anatheme , car autrement le grand Frédéric II en auroit cté gratifié d'une doublé doze, ainfi que 1'incomparable Catherine, &c. Nous ne pouvons concevoir, aujourd'hui que 1'univers efl: devenu pliilofophe , commcnt les princes des autres fiècles eurent lafuiblclTe de fo'uffrir ce brigandagc inhumain, commis fous le masqué de la réligion, tandis que le vrai motif ïPétoit que 1'intérct pécuuier dont les papes fe trouvoient privés. A&uellement qu'ils ne peuvent plus exconimunier folemnellement les rois, & craignant que les tréfors du vatican, qui font inépuifables en ce genre, ne fe rouillent , ils excommunient les repréfentans des fouverains. ce ne font  C 40 ) pas les ambaffadeurs que nous voulons* dire, mais les comédiens, ils foiit rois & empereurs trois ou quatre fois par femaine pour gagner leur vie. il eft vrai que les bornes de leur empire ne s'étendent pas au dela des planches du théatre & que malgré qu'ils foient excommuniés, ils n'en ont pas moins 1'avantage d'être très-fouvent applaudis, par les condisciples de Pévêque de Rome & par une infinité de petits abbes ferluquets. Nous fommes très-éloignés de vouloir infpirer du mépris pour aucunes réli* gions. rhomme n'efl pas le maitre de fa croyance, & celui qui a vraiment de la probité. réfpede celle dans la quelle ces pcres 1'ont élevés. la Divinité fuprême eft degagée des préjugés, elle ne juge point 1'homme fur des cérémonies fuperititieufes, qui tiennentvraiment a Panden paganisme: ce ne font point des oremus, ni des prieres malmotées dans une languequePonn/entend  C 41 ) pas, qui lui plaifent; elle exige feulement de nous , que nous ayons de 1'amoür pour la vérité, la juftice &; le travail, un cceur droit, humain, fenfible 3c compatiffant: voila le culte qui peut lui plaire & foit vraiment digne de fa majefté divine. On eft & on fera toujours fcandalifé tant que Fon verra les eccléfiaftiqucs abufer de la réligion pour affouvir leur intérét & leurs pafïions. n'a-t-il pas dü paroitre honteux dans tous les fiècles, de les voir au mépris de Févangile, exiter les troubles , & tirer le glaive. un Sigifroid archevêque de Cologne eut 1'audace, en 1288, d'excommunicr un duc de Brabant, & de lui faire la guerre , a la quelle il fut même en perfonne: quoique ce prince n'eüt vraiment fait qu'une acrion digne d'éloge. en effet il s'étoit oppofé aux rapines , aux vols que commettoient des brigands de la fortereiTe de Waeringhc & de Cologne; il-eft vrai que les hifto-  C 4= ) ricns de ce tems, ont afliirés que Ie prélat partageoit le butin: dès lors on n'eft plus furpris du zele qu'il mit a foutenir le pillage. on fait que Ia plupart des prêtres romains reffemblent aux peuples qui vivoient fous Moïze ; c'eft-a-dire que 1'or monnoié ou bruteeft leur première & feule divinité, car ils ne font rien fans argent & ils ont tant d'amour pour ce metal, qu'au lieu de dire: un feul Dieu tu adoreres 3 ils difent: l"1 argent des peuples convoiteras 3 & celui des ignorans retiendras. Nous n'avons pas moins été faifi d'horreur, en lifant le paffage fuivant: . . . n Le duc d'Albe, retournant » en Efpagne, en 1573, rencontra le n comte de Koninghftein & lui fit *> confidence, qu'il avoit fait mourir, « dans les Païs-bas, par les mains des r> bourreaux, dix-huit mille fix cent •n hommes,"" On peut juger de eet aveu fait par  C 43 ) lui même s'il mérite le titre de cruel, cependant nous fommes moins furpris de fon audace a eet égard , puisqu'ellc eft le partage de tous les hommes cruels , que de voir 1'écrivain qui a rendu comptc de ce fait, avoit ia bafiefie d'ajouter. „ L'amour qu'il „ avoit pour lafoi catholique Pexcufe ,, en beaucoup de cnofes." nous ne pouvons rapporter eet article fans étre émus & faifis de la plus vive ïndignation, nous ne nous y permettrons en conféquence aucunes réflexions , nous laiflbns ce foin a nos leéleurs, parceque nous aurions crainte d'y mettre trop de chaleur. cependant neus ne pouvons nous empêcher de raconter un trait du fils de ce duc; tant parcequ'il fervira a faire connoitre le degré de la barbaric efpagnole, qu'a donner des preuves du caraélere fimguinaire du duc d'Albe. Les habitans de la ville de Harlem fe voyant afficgés par Frédéric deTolede,  C 44 3 fils de ce duc, s'aviferent de porier des pigeons a 1'armée navale du prince d'Orange. loi sque celui-ci vouloit faire part aux afïiégés de quelques avis importans, il attachoit des lettres fous les ailes des pigeons & les laHToit envoler. ils retournoient a leur colombier, les liabitans prenoient les lettres & en faifoient 1'ufiige indiqué ; ils trouverent le moyen, par ce ftratagêmè, de foutenir le fiège plus de huit mois; cependant n'ayant pu regevoir de fecours, ils furent obligés de fe rendre en iS7ï. a discrétion a Frddéric de Tolede. il traita ces malheureux habitans avec la même cruauté que les Turcs traiterent ceux de la vide de Famagufta au royaume de Cypre. ce général a 1'cxemple des infideles, ou pour mieux dire de fon pere , fit noyer, paffer par le feu & la corde les principaux habitans de la ville dc Harlem. eet affreux, ce cruel fpeétacle dura pluneurs jours fans avoir pu afibuvrr  C 45 ) Ia rage da tyran qui les faifoit exécuter. xfe. .-fe ■■a- I^orsque le prince d'Orange eut ramalTé un petit corps de troupes, il attaqua & défit le duc d'Albe en différentes rencontres, ces avantages qui n'auroient dü que lui attirer Feftime des conféderé s, exiterent la jaloufie de plufieurs feigneurs, qui croyoient par leur naiffance & leur talens, pouvoir aspirer au commandement. le prince d'Orange, plus occupé du foin dedéli. vrer les peuples de 1'esclavage, que d'acquérir de vains titres , n'en rella pas moins attachés aux envieux & a ceux qui lui rendoient juftice. Néanmoins la cour de Madrid, peu fatisfaite de la conduite du duc d'Albe & de ces mauvais fuccès, le rappella CHAPITRE III.  C 4 core plus i leur mort, ou les fait maiTaner auiïi facilement qu'on fait une partie de billard. la guerre des Pays-bas fit pent plus de 400 mille citoyens.  ( ?o ) fils de Guillaume , prince d'Orange affiifiiné a Delft. Entre mille adions héroïques & brillantes de ce brave héros, nous croyons devoir en rétracer deux qui nous parailTent faites pour exciter 1'admiration générale. & donner une jufte idéé du courage & de la fidélité des bataves.' Le prince de NaiTau avait refolut de reprendre Breda par Stratageme. pour exécuter ce projet, il fit cacher en 1590. foixante foldats dans un bateau chargé de tourbes, avec deffenfe de toufier, de cracher & de fe moucher. un des foldats preffé par la toux & ne pouvant plus la retenir, pria un de fes camarades de le tuer, afin qu'il ne fnt pas 1'auteur que 1'entreprife manque. Breda fut pris de cette maniere, nous ne croyons pas que les romains qui 0ffrent des exemples en tous genres, puiffent préfenter des traits plus courageux. II fe donna le 2 juillet 1600. proche  C 7< 3 Nieuport une bataille entre 1'armée commandée par 1'archiduc Alben, & celle du prince dc Naffau. la viétoire fut longtems indecife, enfin elle fe déclara en faveur du dernier, mais on prétendit qu'il lui en avoit couté la vie, & cette prétention mal fondée donna lieu a Tanagramme Mauritus mars vivit: tout ce qu'il y a de certain c'eil que le prince de Naffau eut 1'avantage & que 1'archiduc fut blelfé. Nous ne parierons plus des exploits des princes d^Orange & de Naffau, nous dirons feulement qu'ils parvirent, par leur aclivité , leur génie & leur valeur, a fixer héréditairement la fouveraineté fur la tête des états généraux & a la faire authentiquement reconnoitre & approuver de tous les fouverains d'europe en 1648.  ( 72 ; CHAPITRE V. Une refléxion qui n'a pas du échapper aux hiftoriens, aux contemporains de tous les fiècles, c'eft devoir que les meilleurs princes furent perfécutés, ou par le fort, ou par leurs propres fujets, eft ce une maladie climataire, ou eft-elle univerfelle, nous croyons qu'on peut la placer dans cette claffe, parcequ'elle a eót, & a encore lieu dans tous les pays ou il y a des hommes, un Henry IV, roi de France, le meilleur & le plus grand des monarques, le pere & 1'ami du peuple fut alfaffiné, il eft vrai que eet infame forfait fut encore 1'ouvrage. des moints, & que tous les plus grands malheurs font nés dans le fcin du fanatisme, mere de la diffention, de la cruauté & de tous les crimes. Oi»  c 73 ; On fais que le fanatisme fe fit en tous tems & dans tous les pays , un jeu barbare des droits facrcs de la nature & des gens. la réligion qui auroit du encalmer les fureurs , étoit ordinairement le tilTon qui les allutnait; maïs laiffons cette affreufe maladie épidémique; elle parait gnerie, oü, comme celles qui font périodique, elle attend le retour de 1'époque qui lui efl afïignée, pour rétracer de nouveau limage des maux & de la défolation; car, il ne faut pas s'abufer, ce couple efl inféparable & les loix hnmaines font malheureufement dans l'impuiffance de prononcer fa diffolution. au contraire les maux & la défolation favent fe métamorphofer fous des formes familiere & toujours afEiger les bons fans diminuer le nombre des coupables. A cette maladie s'en joint encore une qui n'eft pas moins dangereufe. des qn'un fouverain, ou un grand perfonnage, eft le jouet du fort, il eft D  . (V74 ) bientót malgré fes vertus & fes bonnes qualités, ce lui de fes propres fujets, ou de fes amis; a peine ont-ils levé le masqué, que les écrivains fe disputent a 1'envie le cruel avantage de déchirer & de noircir 1'opprimé. de la viens fans doute ce proverbe; lorsqu'on tft malheureux , tout le monde vous jette la pierre. li quelqucs chofes peut faire excufer les hommes qui oublient ce qu'ils doivent a leurs maitres , a leurs protecteurs, aux fondateurs de leur bonheur , a leurs amis , c'efi que comme hommes ils peuvent & font fujets a fe tromper, & qu'un moment de repentir peut réparer le tort d'un mois d'erreur. au lieu que 1'écrivain ne peut jamais effacer le mal qu'il fait, il en refte toujours de vives impreffions dans le ccsur , que la rétradlation la plus complette ne peut. jamais anneantir ; d'ailleur pourroit-il reparer ce mal, il ne fera jamais excufable , parceque fa qualité d'écrivain fuppofe un homme  C 75- ) inflruit, moderé & fage, tout ce qu'il ccrit doit être pefé dans la balance de 1'équité & enfuite paffé au crible du goüt, de Thonnête & de la bicnféance , fans quoi , on doit le regarder comme un vil faltinbanque monté fur des trétaux pour amufer la populace. Que M. Linguet ce foit attaché \ déprecier les moeurs & les ufages des bataves a contefter leurs droits & a repandre des plaifanteries ridicule fur le Stathouder & foü Augufte familie, nous n'en fommes pas étonné, c'eft lc earaétere dominant de eet auteur, c'efi fon genre favori & il brille, mais c'efl en réjettant tout le ridicule fur fa perfonne. le calomniateur des titus, des la chalotais , 1'apologifte des' neroris^ des d'aiguillons , eft counu , ce qu'il dit, ce qu'il fait font comme ces monnoies profcrites qui ne peuvent- circuler que dans 1'obcurité. les louanges d'un tel homme portent toujours l'empreinrc du Manie & fes injures au contiaiic. D 2  C 76 ) font le tableau de 1'innocence & ouvre la carrière de 1'honneur (1); ainfi les farcasmes qu'il a débité contre la république d'Hollande , en traittant les états généraux de marchands couronnés, tout ce qu'il écrit dans fes annales, au fujet du prince d'Orange, ont d'abord amufés 1'oifive curiofité & font enfuite dévenus 1'objet du mépris du fage. cependant dira -1 - on, les produétions de M. Linguet, font réchcrchées & on les conferve comme des monumens precieux, ce fait eft vrai; mais il en eft de même du poifon; il figure dans une pharmacie a cóté des drogues les plus utiles, comme les mauvais livres font nombres dans une bibliothéque. Si M. Linguet fe fut borné a la jurisprudence, il eut pu mériter le titre honorable de premier orateur de fon (1) M< la Chalotois réconnu innocent, réinregré en tous fes droits & la furvivance de fa place accordée a fon fits.  C 77 ) fiecle, mais, pour obtcnir cette réputation, il faut quelque chofe de plus que de 1'érudition, que des connoisfances fupcrieures, que de 1'éjoquence & du génie; fi faut encore de la fageffe & beaucoup de probité. 1'oracle des loix doit être comme elles, fans prévention, fans ambition & fans détours, alors il a droit a 1'immortalité & a tous fes acceffoires; mais on ne peut marcher qu'a pas Pent dans cette route, la vérité & le vrai mérite ne penvent percer qu'après avoir franchit, par un travail affidu & une conliance a toute éprcuves, les barrières pofées par 1'envie & 1'artifice. Un génie faux fe rébute facilement, il veut toujours obtenir par des paradoxes & des fubterfuges ce qu'il doit attendre du tems & de léquité. il efï. vrai que les crimes & les vices conduifent a la célébrité auffi bien que les plus hautes vertus ; avec cette différence que la première eft une célébrité I>3  c ?« ; de mépris, & que la feconde en eft un.e de gloire. comme peUe ci eft plus honorabie que 1'ücrafive 1'orateur francais ne cru pas devoir la briguer; il avoit demeuré a Paris, il s'y fait un débit trés confidérable de diamans ; tant fins que faux, ces derniers ont s pour .'ordinaire, un éclat plus vif & plus apparent que les premiers; mais il eft . moins foutenu. On vend vingt diamans faux contre un fin & en général le premier figure dans la fociété autant & plus que le fecond ; tant il eft vrai qu'on préfere 1'éclat a la folidité. cette découverte parut favorable a M. Linguet, il comprit qu'il pouvait, au lieu d'une noble & fimple franchife, employer les paradoxcs & la magie du ftile & que c'étoit le feul moyen de réuffir; il a eu raifon, il ne s'eft trompé que fur le choix de fes produclions, iln'aurait pas du rédiger des annales hiftoriques, il devoit au contraire fe borner a des  ( 79 ) romans de chevalerie, a des contes de tèes, a des alors il auroit pu créer a fon gré des héros, controuver des coupables & mentir fans nuire a la réputation de qui que ce foit. Pendant que nous fommes fur le chapitre de ce célébre écrivain, nouspenfons que nos leéteurs feront charmés que nous leurs donnions fon apothéofe. la voici telle qu'elle nous a été confiée. Du fat Linguet, leQeurs, voici l*apothéofe. L'efppt de ce mechanc, jamais ne fe répofe, Au mal toujours enclin , il nepeutfommeiller. Los vivans & les morts, tous il l'ais réveiller. De fes trés rares talens, eiïayant le pouvoir, Et, fi je m'en fouviens, au mépris du devoir; Linguet loua , jadis, & tybere & neron, Calomnia trajan, titus Sc marc-aurele. Et, enfuite, il oza, dans un afFreux libelle, Noircir la chalotais & blanchir d'aiguillon; Il fut du parlement, un infame détracleur. Et des loyaux bataves, le Til dépreciateur; Mais on lui affigna , & pour plus d'une ralfon , Au coin de la batiüe, un logement de uifos, r D 4  ( 8o ) Et, dans ce fort chiteau, legrandfrerenicaife, Kepouvanc plusecrire, n'étoit pas a fon aife. Par un manége fubtilj il fit bien d'en fortir Et encor plus vite du royaume déguerpir. Mais, alors i'ingenieux & turbulent auteur A grand flots épancha la bile noire de fon cceur. Son ame trop lbupconneufe.méchante & vénales Inventa des menfonges & forma des annales. L'orateur, confultant fa haine & fQn génie, Infulta fuperieurs, amis, princes & patrie Et, fans pouvoir calmer fa rage & fa fureur, Accabla lïnnocent & foutint I'oppreffeur. Croyant favorifer un monarque trés puiffant, Attaqua de fon roi, les droits les plus conftants. Mais, ayant échoué, dans ce fatal projet, II chsngea de plan & pric un autre objet. Sur 1'escaut il voulut éxercer fes talen*, Y faire n'avïguer hommes, canons &batimens. Enfin eet écrivain, non citoyen du monde, EiTaya . par fa plume legere & trop feconde ' De brouiller & Tempire, la france & 1'univers Tel étoit & fon but, & fes défirs pervers. ' Mais la divinité, fur les trop faibles humains, Etendant fa bonté, fes régards & fes foins A rétabli la pak, le calme & le bonheur. Et lailTé a Lingu«, le nom, pmufouur. '  C 81 ) Lcfteur3, qui le voyés ici trés bien placé, A fa mémoire, dïtes réquiescan in pacé. Que le rédacteur du journal d'herve ce fóit permis de marcher fur les traces de M. Linguet, perfonne n'en eft furpris, on fais que lorsqu'on paffe dans un village & qu'un matin'aboye, tous les petits chicns font la même chofe; d'ailleur que peut-on efperer d'un de fi non des faits analogues a fon premier état, cependant nous ne voyons pas quel a pu être le but de eet auteur éphémere de fe permettre, dans fescahyers, des farcasmes vis-a-vis - fon altefle ferenilfime Mgr. le prince d'Orange & fon augufie époufe, nous ne croyons pas devoir les rétracer, parceque d'un cóté ce feroit nous rendre auffi coupable que 1'écrivain que nous blamons, & que de 1'autre de parcilles affertions n'ont pas befoin d'être réfutée; puisquelles n'ont point trouvés de partifans & que leur invraifem° D 5  C 82 5 blance les a, détruites & fait rétomber tout ce qu'elles avoient d'odicux fur celui qui a eu la noirceur dc les inventer. Tous ceux qui ont le bonheur d'approcher fon alteffe royale, favent que fon attachement , que fa tendreffe & fon amour pour fon illuftre epoux, font auffi dillingués que fincere , & quelle ne peut lui donner que des confeils faits pour maintcnir & augmenter fa gloire. la niece du grand Frédéric, n'a que des fentimens purs, élevés & dignes du fang qui coule dans fes au* guftes veincs. on peut même ajouter, fans flatterie; que fi fa naiffance ne la rendoit pas digne d'un tróne, qu'elle mériterait par fes rares vertus, occuper tous ceux de la terre. Nous nous fommes un peu trop attachés aux rédacteurs des papiers ara» tmlans, nous allons les abandonner a leur fort, parcequ'ils font affez punis de teur audace par 1'approbre don: ils  C *3 ) fc coiment eux-mêmes & affez malheureux d'êtres obïïgés de gagner leur vie par de fcmblables manéges, nous avons fouvent été indignés de leur licence, mais nous n'en avons jamais été iurpris. nous favons que la pluspart font de vils mercenaires a gage & qui ont Fait divorce avec la vérité pour adorer la cupWité leur première divinité 3 c'efl: pour cette raifon que les perfonnes fenfées n'accordent que peu , ou point du tout de confiance aux affertions des papiers publics & que la prudence fe défie de tous les écrivains de partis: adi alteram partem. Nous avons bien pu diffinir les motifs qui conduifent & font agir les ga» zettiers, mais nous fommes bien enibarafi'és de trouver Piffuc par ou la glzanic c'efl introduite en hollande & encore bien moins prevoir les moyeus qu'elle a employé pour y femer des troubles ; nous fommes aü contraire trés furpris qu'elle uit tföüvë de 1'accex D Ó  C 84 ) ches des peuples modefte , fobres & laborieux, nous penfions qu'au lieu de fixer cette pertubatrice du repos public , dans leurs foyers; ils 1'auroient chaffée dans fon empire favori, ïoijiveti. II eft vrai que plufieurs pcrfonnes pretendent que la gizanie eft une fille de la liberté & qu'a ce titre elle a des domaincs en hollande. nous n'avons pas la même opinion, & nous ne voyons pas, quant ce fait feroit vrai, qu'on puilfe lui donncr une application générale; nous penfons que la feule qu'on pourrait cnlirer, eft qu'un trop grand amour pour une liberté illimitée, pourroit dégenerer en fédition & caufer des maux momentané, que la prudence, la raifon & léquité pourroient & devroient réparer. dès lors il eft poffible que les Bataves ayent, dans un moment d'erreur, regu la gizanie dans leurs climats; mais ils auront le courage dc la bannir auffitót qu'ils reconnoiftrons  C s5 ) h perndie de fes complots & les malheurs inévitable qu'elle mene afafuite; cJeft la feule conduite qu'on puiffe esperer de leur part, parcequ'ils feroient faché de bleffer la juftice & de com» promettre leur réputation, cependant, ils ne peuvent fe dilfimuler qu'ils feroient 1'un & 1'autrc s'ils continuoient découter la voix de la méfintelligence; mais nous ne croyons pas qu'ils en ayent 1'intcntion, en effet fur quoi fe» roit-elle fondé"e , feroit-ce ; parceque la voix infidieufe des foupcons s'efi élevée & a ozé, avec fon artifice ordinaire, femer des infinuations défavorable? feroit-ce parceque des écrivains obcenes ce font pernlis des plaifanteries groffiere & condamnable; pourroit-on valablement y donner le moindre dégré de confiance, ni e'couter fes efprits rémuants qui. fous pretexte du bicn de lapatrie, avancent, dans le_ fecret du eabir.et, des affertions auffi fauffe que dangereufe, ou répandent dans le puD 7  C 36 ) blic des doutes outrageant & faits pour troubler lc bon ordre &: banmr 1'harmonie: non, les Bataves font trop prudens pour fe lailfer feduire par de femblablc manéges & par des apparcnees trompeufe ; nous fommes au contraire perfuadés que s'il a regné de la froideur & de mciinteliigence enlre certains membres & Ie Stathouder, que ce ti'a été que fautc de bien s'entendre. pourroit-il fe trouver un feul hollandois capable de celfer d'aimer & de refpeéter. le prince & fon augufie époufe , tandis que tous les étrangers leur payent ce jufle tribut avec admiration; d'ailleur nous le répetons, fi quelques nuages nebuleux, ont pu déranger le jour & 1'enfemble de 1'union, le fouvenir de Guillaume premier, disfipera fes nuages & mettra la reconnoiffance en poffeffion de tous fes droits. Vous ne pouvés génereux Bataves , encore avoir oubliés que votre grandeur, vos richeffes & votre liberté,  font 1'ouvrage de 1'illuftre maifon d'Orange , mais ; quoi eft il befoin de vous rappeller cette vérité, non,nous voyons quelle eft gravée dans vos cceurs; ainfi que fes paroles pieufe & paternelle que Guillaume prononca en expirant: mon dieu ayts pitië de mon ame & de ce pauvre p'euple: ah nous voyons que ce recit vous afflige & que, ne pouvant plus payer^qu'aux mancs de eet illuftre héros, le tribut de votre gratitude & de votre jufte fenfibilité, vous courés, animés de ces nobles feminiens qui vous diftinguent, 1'offrir au Stathouder régnant , a la princeffe fon époufe & a leurs illuftres enfants, & leurs jurer a tous une amitié h. un refpecl iuviolable: ah que cette fcene eft attendrifante : qu'elle eft belle: qu'elle eft digne d'exemple . . . arrêtés; fuspendés votre zele ; non pour 1'éteindre; mais pour en doubler la famme s'il eft pofüble: jettés les yeux fur votre fort; voyés quel étoit celui de vos  C cc ) ancctres au r5 & 16 fiècles; compa. rés,,pefé le tout fans prévention, & c'efl alors que vous ferés en état dc COnnoitre le prix des facrifices que la maifon d'Orange a fait en votre faveur & les grands avantages qu'elle-vous a procurés, commancons a vous en donner une legere idée. Slmjlcrdam, tire fon norifdu mot dam, qui fignifie di£ue, & de la petite riviere nommc'e Amftel. ce n'étoit en 1204 , qu'un petit cbatcau connu fous le nom de cette riviere. Gilbert, qui en étoit feigneur, y fit venir des pccheurs qui 1'ogerent d'abord fous des cabanes couvertcs de chaume. les progrès qu'ils firent exciterent 1'envie des habitans des pays voilins qui vinrent auffi s'y établir & en foimerent un bourg auquel Florent VI. accorda des franchifes en 1233. nn autre Gilbert- fit batir des pon's fur la riviere & élcver des tours, enfin il é.igea ce bourg en ville h la quelle il accorda  89 ) de tres grands privileges, le feigneur d'Amftel ayant été complice du masfacre de Florent comte d'hollande; cenx-ci confisquerent cette ville & 1'unirent a leurs domaines ; elle fut enceinte de murailles en 7470, afin de la garantir des .incurfions des habitan£ d'Utrecht. Amfterdam devint après la raüfication du traité de Munfter de 1648, Pazile & le rendes-vous de toutes les nations enfin cette ville eft parvenue a ce degré de grandeur & d'opulence qui la rendent une des premières de 1'univers, en effet on en trouve peu qui puiffent fe comparer avec elle pour la beauté, la richeffe, la magnificence, & 1'abondance de toute fortes de marchandifes. on diroit que les quatre parties da monde ce font épuifée pour enrichir Amfterdam & amener dans fon port tout ce qu'elles ont de plus rare, de plus curieux & de plus cher. fi Ion compare fon état aétuel a celui du 16  C 9- ) alMer par fa prefence, nous recommanda , comme un tendre pere . au fouverain arbitre & invoqua fon affiftance en nolre faveur: oubliant fon époufe, fes enfans, ne s'occupa que de nous; touché, pénétré & alarmé de notre fort; difoit en expirant: mon Dieu ayeipitié de ce pauvre peuple; ah; il adroit a notre reconnoiffance, a notre amour, a notre fidéle attachement, & qui plus que lui en eft digne. Alors on verra que fi la prudence prend quelques fois 1'échange, que ce n'eft que pour un inftant, & qu'elle répare toujours un moment d'anarchie, par des aftes de vigueur, de raifon, de juftice & de zele. P J- lufieurs écrivains célébrcs, ont pretendus. d'après 1'hiftoire, qu'a ptjjne CHAPITRE VI.  C 90 ) fiècle, on fera tcnté de croire, tant ii eft different, qu'il n'a pu s'operer que par un anchantement bienfaifant : eh bien cette heureufe : cette glorieufe métamorphofe & celle de toute la hollande, eft due au génie , au courage & a la valeur des princes d'Orange; ils 1'ont cimentée de leur Huig, 1'ont affermie & rendue ftable par leur fageffe. pourroit il fe trouver parmi les Bataves un feul homme capable de nier cette vérité? pourroit-il fe trouver un cceur affes ingrat pour refufer au Stathouder une portion du fruit des travaux de fes illuftres ayeux? pourroit il quoi, non, nous appreudrons, par la rénommée , que les hollandais , auffi jaloux de mériter le titre precieux d'hommes reconnoiffant, qu'ils ont êtes ardens d'obtenir la liberté ; diront : 1'héritier du nom & des vertus du généreux fondateur de notre républiqtfe; de ce grand prince qui, jusqu'a fon dernier foupir, ne pouvant plus hous  . C 90 ayoit-on trouvé, dans le cours dc hak fiècfës, un feul roi dans une monarchie, qu'on put taxcr de cruel. de ce fait, üs ont conclud que les gouvcrnemens monarchiques étoient a préfcrcr aux gouverncmens rcpublicains; ils ap. puyent leur opinion de cette maniere. * Ql1oique les citoyens qui compo- * fent & regiffent 1'autorité fouveraine " d'une république , foient pourvus " d'une fomme de vertu bien fupérieu- * re k celle &m fenl homme, & qu'il » foit bien plus dilïcile de les corrom- * Pre' 1ue de tromper un monarque, n il n'en eft pas moins vrai que les vi« ces & les paffions de trente perfon*> nes fotmtnt une bigarrure de fenti- * n,ei,s fréquentes dans les républiques que * dans les monarchies. LUWttée auteur de 1'csprit des Mx ajoute au contraire: il y a plus de.  C 93 ) ■vertu dans une république, & plus d'honneur dans une monarchie, cette diltinétion nous paroit auffi fubtile. que peu concluante, on doit pkttöt la regarder comme un jeu de mot que comme une décifion folide, parcequ'il eft impoffible qu'on puiffe trouver de la vertu fans honneur, ni de 1'honneur fans vertu; quoi qu'il en foit nous ne nous permettrons pas de juger le mérité de ces dift'érentes opinions , nous laiffons ce foin a nos leéteurs, parceque nous ne voulons point prononcer fur les matieres d'état, elles font trop délicates, & nous avons fouvent vus que les plus grands démèles & les plus grands événémens avoient eu des eaufes bien pueriles. On en voit un exemple entre la France & 1'Angleterre. on a prétendu que les longues & fanglantes querelles qui diviferent ces deux nations , avoient eu pour origine une partie d'échecs, entre les cnfans de Henri premier, roi  C 94 } ♦ie France, & ceux de Guillaume. Ie conquerant, Jesquels fe querellerent & fe battirent. cette rixe fut, dit-on,le fignal d'une guerre de plus de trois fiècles & le germe de cette affreufe ri. valité qui fubfifte encore , malgré les apparences extérieure d'une fincere re conciliation; il ne faut pas la regarder comme telle, mais comme nn acte de néceffité diéïé par la politique & 1'éducation. Qnelques autres écrivains ont avancés que cette rixe avait éte occafionnée par un bon mot, ou plutót une legere plaifanterie de Philippe I, fils & fucceiTeur de Henri. cc prince, fi on en crois fes contemporains, haiffait Guitlaume & le railloit tres fouvent fur fon embon point; il porta même la chofe jusqu'a envoycr lui demander a Rouen s'il ne flevoit pas bientót acoucher. Guillaume, cruellement piqué d'un pareil meflage, fit reponfe qu'il iroit faire fes rélevailles dans Paris avec foixante  C 95 ) mille lances qui ferviroient de cierges, il n'entra point a Paris, mais il brüla mantes. On peut choifir entre ces deux eaufes de rupture celle que 1'on voudra; quant a nous , nous penfons qu'une paveille plaifanterie ne méritoit pas une reponfe fi ferieufe, & encore moins des aélions fi oppofce a la raifon & a 1'humanité. du refte on peut juger par eet exemple combien il eft dangereux de mortifier, ou de blefier Tamour propre d'un prince, ou d'une nation, parceque partout ou il y a des hommes, on eft toujours plus portés a la vengcanee qu'a la reconnoifiance. Cette vertu a cependant bien des charmes ; il nous femble qu'elle devroit être le partage de tous les hommes; paree qu'il eft évident qu'aucuns d'eux n'ont êtes formés pour êtres les ennemis les uns des autres. la nature les a aucontraise affujettis a des befoins phyfiques & moraux qui rénaiffent tous  les jours & éxigent que tous les hommes communiquent enfembles, ibient affez prudens & affez indulgens pour s'éxcufer des foibleffes qui font en commun. Cette même nature, en creant des moutons & des prairies , n'a jamais pretendu qne les prairies devinfent un fujet de discordé & de haine entre les moutens. tous y paifent paifiblemefrt fans fe disputer fur la qualité de 1'herbe. . cette belle lecon devroit éclairer les hommes , mais nous craignons qu'ils ne foient pas affez dociles pour en profitter, parcequ'en général, ils fontmoius jaloux de poffeder que d'envahir dans le fein des troubles; ils leurs faut des guerres, ou des procés, des discuffions, des rivalités , des haines &c. &c. le vrai fage a fouvent gémis de ce délire frénetique & il n'a jamais pu comprendre comment des nations entiere peuvent fe laiffer entrainer par la haine, qui eft une des paffions qui d'eshonore 1'hom-  ( 97 ) I'homme & lerend mépriiable, comme étant celle qui porte a des fureurs que les animaux de la même espece n'ont jamais exercées entre-eux. II en eft a peu prés des fouverains, & des chefs d'une nation, comme des fiècles. on donne affés communement la préference aux plus ancien fans fe donner la peine d'éxaminer fi cette préference eft fondée; parceque fuivant un axiome général: le mal paffe ne fe ftntplus, & le bien fugitif efi Houjours régreté. Nous devons rendre jufüce h nos prédeceffeurs, ce fentiment eft louable, noble & légitime ; mais nous devons également 1'accorder a nos contemporains & ne pas nous lailfer prévenir par la critique ; elle apprecie un peu trop rigoureufement les pertes & gliffe trop legerement fur les aquifidons. ce vice a principalement lieu dans la république des lettres & dans le corps des arts ou 1'ancienneté prédomine fur E  ( 93 ) Ia nouveauté, cependant il éxifte de nos jours des écrivains & des artiftes capables d'honnorer les fiècles les plus rénommés; d'ailleur il paroit plus équitable de confulter 1'utilité des productions que leur date. Nous avons vu un écrivain célébre, fans doute occupé de lui feul, foutenir qu'on envioit point a un général fes exploits, a un riche négociant fa fortune, a un fat même fes fuccès ga» lans ; mais fi un écrivain . ajouté le même auteur, fait fixer 1'attention du publie, il fixe auffitöt les régards de la jaloufie , & de tous ceux qui croient pouvoir lui disputer la rivalité, ce n'eft qu'a regret qu'on 1'appaudk, c'eft avec plaifir qu'on le décliire & qu'on le voit déchirer. fa gloire offusque, fon hu« miliation confole & réjouis. Nous ne combatterons point cette opinion ; tous les hommes éclairés verront facilement qu'elle eft trop générale, & fujette a mille & une execep-  C 99 ) tions peremptoire , cependant noua avouerons que eet auteur a raifon feulement en ce qui concerne les favans qui croient ne pouvoir donner de 1'éclat a leur gloire qu'eu couvrant celle de leurs égaux, du voile de Fobcurité, mais, comme nous ne fommes pas de cette claffe précieufe, nous n'en avons point les maladies épidemiques. nous pouvons même ajouter que nous n'avons pas publié 1'apothéofe de Mr. Linguet dans le deffein de lui nuire, que nous avons encore moins ctés jaloux de fon génie & de fes talens, nous défirons feulement qu'il puiffe en faire un meilleur ufage, parceque nous ne penfons pas , comme la pluspart des hommes, que Pesprit foit un domaine banal fur le quel tout le monde peut former des prétentions légitimes; il eft vrai que ce domaine eft trés étendu, contient des branches & des ramaux qui fe multiplient encore dans le fein de la culture; mais on ne peutd y acE a '  ( ioo ) querir des droits & des pofieffions foIides que par un travail pénible, afiïdu, & qu'en réunifant la fageffe au goüt & a 1'équité. Nous ne croyons pas nous êtres écartés de cette derniere, en nous plaignans de la licence que ce font permis plufieurs rédacteurs de papiers publics. en effet, peut-on s'empêcher de montrer une espece d'indignation contre res auteurs éphémeres qui ont la témerité, 1'orgueil & 1'infolence de s'arroger le droit abfolu de jugcr, felon leurs caprices 3 les rois,les princes, les héros, 1'homme d'état, les favans & tout 1'uniVers , & même vouloir y femer le défordre & la confufion. fes échos mercenaires ne fe bornent pas a repeter ce qu'ils entendent , ils ozent (encore le commenter & Finterpreter au gré de la machine qui les fait agir. les manoeuvres de 1'esprit font a craindre, les effets en font toujours dangereux ik funefte, furtoft en matiere de gou-  C «« ) vernement, ou la fageffe la plus confommée h élite elle-mêrae de prononcer. Quelques auteurs ont pretendu que les faétions litteraires étoient 1'image fidéle de celles des républi. ues; cependant nous voyons qu'il n'a de rapport que dans 1'acharnement & nullement dans les elfets. Puisque les premières peuvent durer des fiècles entier fans inconvéniens préjudicable, au contraire on fait couler quelques mille tonaux d'encre, on brouille bien des niifiiards de rames de papier, on nmtile encore plus de plumes , on fait gagner les imprimeurs, les libraires, les colporteurs, on procure des refources aux marchands de tabac, & de 1'amufement, ou de 1'ennui, au public, les combattans, après avoir bien guerroyés, épuifés les rufes de 1'art, de 1'esprit, du génie, & s?étres reciproquement avilit, finisfent par ce taire, ou par capituler fans qu'aucunes des parties ayent les membres brifés, ni payent les frais de la E3  C J02 ) guerre, a moins que Ton ne niette en depenfe le ridicule dont fe couvrent les champions les plus mal-adroit. II n'en eft pas de même des faétions d'une ïépublique ; il ne faut fouvcnt que trois niois dc discorde pour la ren» verfer, ou pour occafionner des mal* heurs, dont les plaies ne peuvent jamais fe fermer, on doit donc éviter de provoquer la défunion d'un corps politique; parceque dans de femblables manéges la maffe des citoyens fe divife en trois portions, le parti pour, ce« lui contre & le neutre. il arrivé ordinairement que le plus fort écarté, ou accable le plus faible & que ceux qui ont, par prudcnce, reftés neutres ont les deux partis pour ennemis. dès lors les hommes fenlés, & même les plu» attachés a leurs droits, preferent de faire quelques facrifïcés, au défagrement & a la douleur de maflacrer leurs compatriottes. la paix eft le premier bonheur, le fage ne craint pas de l'achet«  c -°3 ; ter, il fuis qu'on doit plus redouter les divifions domeltique, que tous les au» tres fieaux enfcmbles , & qu'on doit tout employer pour les écarter au moins de fa patric : que figniffient fes jaloufies pueriles , fes haines cruefles , fes baffes vcngeauces, fes calonxnies attro» ces. fes libelles fcandaleux & infame, il ne faut pas s'y tromper , tous fes travers pourroient avoir des fuittes facheufes & rendre notre fiècle philofo» phe , beaucoup plus barbare que les iïècles d'ignorance. fans doute que le public s'ennuye de fon titre & qu'il veut devenir particulier ? il veut prononce» fur des discufüons dont il ne connoit ni la vraie fource, ni le fond, .ni les détails, tous les libelles lui font plaifir, il les acceuille parceque ce font des libelles & que tout cc qui poite ce caractere eft avidement recherché & encore plus avidement cru & repeté CO. (i) Heli: queftion ici des intéiêt d'un fouverain, ou d'uue rüpublique , nlnfi nos lec"l?urs ne pèuveht pas dirc que nous chantons la palinodie. E 4  ( 104 ) Ne ferait-il pas de Ia dernierer injufiice d'attribuer tous les mauvais fuccéx d'un royaume, d'un état fouverain, a fon chef, ou a un mcmbre, ne peut-il pas arriver qu'il ait été contrarie par des événemens abfolus, ou que de certaine facilité de caraéterc-, quclquerapports d'interêts mal examinés, quelques foibleffes , dont le titre des places ne peut garantir, aycnt dérangés 1'ordre de fes meilleures vues. des maux pasfagers, ne doivent pas faire oublicr des tems plus heureux; il faut pefer, fans chaleur, fans partialité , ce qui s'eft fait, ce qui n'a pu fe faire & enfin, les cas ou la prudence humaine-, ne peut fe garantir des pieges de la fupercherie , il n'eft point de fouverain, d'homme, de compagnie qui nc fó foient quelques fois trompés. Ic fort de 1'humanité, eft de marcher fouvent atatons, comme les aveugles j d'ailleur, il y a des plans fi artificieufcment traCés j qu'ils feduiroient une affemblée  C -05 ) de fages; il n'eft donc pas impoflil. | qu'ün feul homme puiffe s'égarer & Jaiffe furprendre fa réïigion; il eft vrai que la cupidité en fait bientót fon profit; mais on pent & on doit arrêter fes progrès. c'eft de changer de plan , ou d'extirper amicalemcnt les abus qu'on avait trop facilement adoptés: c'eft une vertu de revenu* fur fes pas, & une foibleffe dangereufe de percifter dans 1'erreur. le bien dont on peut encore jouir doit faire oublier des maux qui peuvent fe réparer & furtout écarter ceux qui feroient fans remedies; paree que fi les hommes en placcs'fonï comptables de tout le bien qu'ils ne font pas, on doit auflï leur tenif compte de celui qu'i's ont ftfci ; car s'il failoit effacer les foibtefies pat les vertus, il n'y auroit que peu, ou point du tout de vertu fur térre. et la fomtrré des mies ne pouvant fonner un juite équi; libre avec celle des autres, il faudroit que la plus forte emporte la plus i'oible E 5  C 106 ) & que, fans ceffe le jouet de nos pasfions, nous fuffions encore contraint de nous méprifer & de nous hair , or, dans cette hypothéfe , il paroit plus confolant & plus raifonnable, de nous excufer mutuellement nos torts , puisque nous fommes tous fujcts a nous tromper, & que la douceur & la moderation produifent ordinairement un heureux calme, au lieu que 1'aigreur & la force, loin de perfuader, ne font qu'alumer le tiffon de la discorde. 1'homme eft né avec de la prefomption, on doit éviter de trop blelTer fon amour propre; il eft plus prudent de mettre un voile leger fur fes foibleffes, que d'en faire un tableau hideux , paree qu'en ufant de mênagement, on parvient peu a peu a le ramener dans le fentier de fes devoirs & a les lui faire cherir, toute autre route eftoblique & peut donner des armes a la diilention.  ( 107 ) Dc tous tems Funion fut Fame des corps politiqucs , le feul reffort du bonheur & le germe de Ia profperité. nous allons rctraccr un exemple qui, en doncant la preuve de cette vérité, pourra fervir de lecon aux peuples éclairés; paree qu'ils favent toujours fe garantir des maux phifiquos en appliquant les remedes falutaires que 1'expérience leur a indiqué. t> Plufieurs families s'étoient étabués n dans une grande filé; le premier foin « des chefs fut de bien cimenter 1'har» monie & 1'amitié entre tous leurs « enfants & enfuite de faire des régie■n mens rages & capables d'en refferrer r> de plus en plus les nccuds & d'affun rer la tranquijité au dedaris & aux' ■» déhors de 1'ifle, E 6 CHAPITRE VII.  ( io8 ) » Le plus infiruit, le plus fiige & '» k plus courageux des peres de fair) mijle, comme ayant déja rendu des *> fervices^effentiels, fut élu gouverneur » général & héréditaire de 1'jfle, & « les autres chefs de families, avec les ■» enfans qui étoient en tres grand nomr> bres , furent employés felon leurs » ages, leur capacité & leurs talens & r> divifés en plufieurs claffes. la prey miere comprenoit tous les paftcurs » du culte facré de la divinité, la fe*» conde les membres chargés de 1'adr> miniftration générale des affaires y> étrangeres & intérieures, la troifieme fi les cultivateurs en tous genrtrs , Ia *) quatrieme les commercans, la cin*i quieme la main d'ceuvre de toutes. »> especes, la fixieme les militaires, la. r> feptieme les magiftrats chargés de n proteger les citoyens & de faire ob» ferver les régiemens, lahuitieme les ■» favans ....". * Chaque dafje ayoit un directeur  C 109 > n & c'étoit le plus agé , ou le plus •1 fage de fes membres; mais, comme Ti ils étoient tous freres & amis; ils » s'aimoient fans que le degré de fu> •o periorité exitat d'une part de 1'or•n gueil, de la hautcur, & de 1'autre » de la jaloufie ni des murmures , tous -i étoient utilcs, aimoient, cherifoient •.1 & refpectoient leurs fuperieurs, coru> w me étar.t les chefs que le del & la, d nature leurs avoient donnés: 1'inegan lité d'état, ou de mérite, ne les °- afliigeoit jamais, ils s'avoient que la 11 première étoit néceffaire & faifoit le r> bonheur de la maffe fociale, & que n la feconde étoit un prefent du ciel « dont il auroit été trés ridicule de » vouloir partager les fruits, ou pour n mieux dire de fe les attribuer en » totalité". •n Le gouverneur fut. enfin contrahit n de payer le tribut final auquel la 11 nature entiere eft foumife fans exn ception de rangs. avant de l'acqui» E 7  C tio ) * ter; il fis venir fes enfans & tous les r> habitans de 1'ifte & leur paria de la w forte". Continuez d'adorer le fouverain arbitre de toute chofe, d'ëtres fages, fobres, juftesj de vous aimer & de vous affifter dans vos bcfoins, de rendre fervice avosvoifins, d'obliger tous les malheureux fans diftinétion de croyance; paree que fi la difference de culte eft une erreur réprobative, elle elt inée en beaucoup d'individus & qu'il feroit dès lors trés injufle de les punir d'un acte que Ia probité & la raifon femblent autorifer, enfin ce n'eft pas a Ia réligion qu'on doit donner des fecours, mais a 1'individu que les rexlanient & en a réellement befoin. Phumanité eft une vertu qui raproche le plus 1'homme de la divinité. cette vertu eft comme une rofée douce «Sc bienfaifante qui reverdie 1'herbe que les rayons brülans du foleil avoient deïechée. rhumanité confole & rétablit la Üntë  & les forces de celui en qui la mifere & les malheurs, les ont alterées, ou épuifées: ne rendés jamais les fecours plus cruels que les. befoins • faites au contraire ce que vous feriés charmés qu'on fit pour vous, fi vous étiés dans le même cas. Ne perdés jamais devue que vous devez proteger 1'innoccnt & 1'oppiïmé encore bien qu'ils fufient étrangers, au contraire, ils n'en ont que plus de droit a votre proteétion. Voici mon fils ainé, je 1'ai choifis pour vous gouverner, après mon deced, je vous prie & vous recommande de lui obeir en toutes choies, & d'en ufer de même envers le iucceffeur qu'il fe choifira. S'il furviens quelques dhïerens entre vous, ce que vous devés éviter avec foin, tachés de les terminer a 1'amiable & fans le fecours de vos voifins, il eft toujours dangereux de les inté*: refler furtout dans les querelles dome-  fiiques, parceque ce ne font fouveat que des mercenaires qui ranconnent les deux parus & iinilTent par s'unir avec celui qui met un plus haut prix a leur aquifition ? ce font dis je des incendiaires qui, au lieu d'etcindre le flambeau de la discorde, entretienncnt le feu qui doit 1'allumer, & profittent enfuite des défordres qu'ils ont eu 1'adrefle, & la perfidie d'alimentcr. Aux premiers nuages de més intclligence qui s'éleveront entre-vous, que les plus anciens & les plas iages s'as • femblent & arrétent. fans fcandal , le mal des fa naiffance. ceci doit fe faire par les chefs de chaque claffe; parcequ'ils font vos gardiens legitimes: les loix que je leurs laiffent, fervirons a vous garantir de Poppreffion & de la dent meurtriere de 1'envie. Ce font les derniers confcils que je vous dornerés ; ils ne font print le fruit d'une aveugle piédileétion; ift font au contraire 1'ouvrage d'une pé-  ( i*3 J nétration réflechie, elle ma fait prevoir ks maux qui vous ménacent, & fug» geré les moyens de les écarter & de vous rendre heureux. lors même que je n'éxifterai plus. Votre bonheur eft entre vos mains, tachés d'en bien connoitre le prix, d'en a croitre la valeur & furtout de confervar Ia portion que je vous laiffe. vous le pouvés, c'eft de remplir réligieufement tous les devoirs que je viens de vous tracer, car, fi, pour vous ériger en nonveaux légi/lateurs, vous allez les négliger & prêter 1'oreille a la voix infidieufe des foupcons , de la jaloufie, del'orgueil, de 1'envie, vous ferés les artifans de vos malheurs, vous attirerés les troubles. la diffention &■ la défolation dans vos climats &, qui pis eft, en provoquant votre chüte, vous perdrés votre gloïre, ferés frappés de la vengeance celefte & mériterés le mépris & 1'indignation de toutes lc5 cations.  C "4 ) Tous les enfans de ce vén&able veillard , ainfi , que les habitans de 1'iflc, pénétres de vénération & d'un feint refpeéï pour des confeils ü fage, promirent de ne jamais les enfreindre & même en firent ferment, il eft vrai qu'il leur coöta peu, parceque la reconnoiffance étoit de la partie & que le gouverneur défigné avait désja rendu de grands fervice a toute les families & joignait aux qualités du cceur, des conuoiffances profonde & une prudeace confommée. On fuivit pendant plufieurs fiècles les préceptes du fondateur. la population étoit fi multipliée que les habitans de 1'ifle pouvaient plutöt former une grand* république qu'une peuplade; ils avoient faits des progrès confidérables en tous genres, les arts & les fciences avoient acquis une célébrité auffi univerfelle que méritée. le commerce étoit fi fleurifant qu'il pr0. curoit une abondance intariffable &  C "5 ) toujours rétroactive, 1'agriculture & les métiers portoient le caractere de la perfection & de la richeffe. Tant d'avantages avoient nécelfairement fixés les régards de 1'admiration & de 1'envie; le bonheur dc fes colons, leurs grands biens, & leur indufüie fpéculative & produétive, armerent 1'impitoyable jaloufie de leurs voiüns; ils voulurent mettre des entraves au commerce & enfuite en partager le produit, le gouverneur leva toutes les difficultés. mais on tenta de depouiller les peuples de leurs biens & de les faive palfer fous un autre domination, la prudence des chefs & le courage des fubordonnés écarterent encore eet orage; parcequ'ils n'avoient pas ceffés d'êtres unis. a cette époque fes colons avoient affermis leur autorité & rendu leur réputation & leur gloire immortelle. Deux fiècles s'étoient écoulés. fans - qu'il leur fut jamais venu dans la pe*>  C u 6 ) fée de rien changer dans leur gouvernement, mais des émigrans fubtils & adroit s'y étant établis , y fömërent péua peu les troubles, la divifion & la discorde; pour remplir leur but perfide , ils commancerent par infinuer, dans 1'esprit des chefs de chaque clasfe, que 1'autorité du gouverneur étoit tropétendue, qu'il falloit Ia refiraindre, que fon fuffrage dans les déliberation devait compter comme celui d'un membre ordinaire, que les prérogativcs dont iljouiflait étoient onerenfe &c. &c. ce langage, qui flatte toujours ceux qui n'aiment pas la fubordination, fit une vive impreffion fur un grand nombre des membres & fut enfin goüté, & cequi n'avoit d'abord été que de la jaloufie degénera en haine , au point qu'il fe forma deux fadions dans 1'ifle; elles commirent chacune de leur cóté des craautés barbares. les voifins, qui avoient toujours vu avec peine la prospérité de ce peuple laborieux , &  C ri7 ) avoient fecretement ourdis la trame des divilions, en profiterent pour fubjuguer les deux partis, s'emparer des riches» fes & de 1'autorité dans le pays. tel fut le rcfultat de la mésintcliigeucc & des divifions. Nous avons beaucoup laconifJ ce recit, parceque les bornes de eet ouvrage ne nous permettoient pas de nous étendre d'avaniage; cependant ,nous croyons en avoir affez dit pour prouver les inconvéniens des divilions do» meltique d'un état fouverain & que ce font elles qui procurent l'extinction des corps politiques, au lieu que 1'union & la concorde leurs donnent de la vigueur & les rendent capables de ré? poulfer les attaques étrangeres. En rapportant eet exemple nous ne prétendons pas donner des lecons , ni pénétrer des caufes qui nous font cacliées, cette miffion n'eft point entrée dans nos vues, d'ailleur nous croyons qu'elle eft au deffus de nos lumieres  C 118 ) & oppofée a Ia prudence qui r.e permet jamais de prononcer fur les matieres d'état , mais feulement d'offrir des exemples afuir, ou a foivre, & c'eft a quoi nous nous fommes attachés, li ceux que nous avons rapportés & les obfervations que nous avons faites ne font point, contré notre attente, d'impreflion fur le cteur des bataves, & ne font pas capables de les engager ii bannir jusqu'au apparences de la mésintelligence, nous les exhortons de venir a Delft, d'y fixer ce fuperbe t»3mbeau ou repofent les cendres de Guillaume fondateur de votre république & de votre bonheur: voyés fon fang; il coule encore, le tems n;a pu fermer des plaies faites par la main d'un infame affahm: écoutes les manes de ce héros; elles revendiquent le droit qu'elles ont a votre reconnoiffance & elles vous conjurent de le payer a leur légitime fucceffeur; pourriés-vous réfifter a une fi douce invitation, c'eft Guil- s i  C "9 ) faume premier qui vous la fait; écoutcs c?efe lui qui vous parle. n ó! Bataves; mes anciens amis k. n concitoyens; avec vous je domptai „ le fanatime, je fixai la liberté dans n vos climats & je vous aimai jusqu'a n expofér ma vie pour vous & & roti pandre mon lang. je crois que le n fouvenir en eft gravé dans votre mé* moiré, mais, afin d'en renouveller n les vives impreffions; jettez les yeux ii fur cc lieu lugubre & funébre, mon n image & mes ctndres y repofent & -> vous demandent que vous ayés la vi pieufe & la généreufe reconnoiffance ii d'aimer mes enfans & de leurs conn fervcr des droits qu'ils tiennent du ii ciel, de la bravoure de vos ancêtres » & de ma valeur". « Et vous tres hauts & tres puiflants ,i feigneurs les états généraux ; n'oiv ii blies par que je fut un de vos memii bres, & que ce n'eft qu'en donnant n 1'exemple de la modération, de la  C «O ) « fimpticité dans les mceurs, du refpect * pour les loix, «Sc de la plus fincere " réconciliation , que vous pourrés « maintenir votre autorité , y donner * un nouvel éclat «Sc la faire cherir. « Songés que vous ne mériterez » cette confiance fans referve, qu'on « doit a votre fageffe & a vos vertus, » qu'en juftifiant le choix des hommes *» que vous avés conflitués en dignité. » et qu'en leurs faifant rendre les hon" neurs qui leurs font dus; paree que « fes honneurs rétombent néceffairer> ment fur vous mémes. nul d'entre» vous n'ignore qu'ou ccffe la vigueur * des loix & de 1'autorité de leurs def■> fenfeurs, il ne peut y avoir ni fui reté, ni liberté pour perfonne. « II ne fagit entre vous que de faire » de bon ccsur «Sc avec une jufte con" fiance , ceque vous ferés toujours » obligés de faire par un véritable infl térêt, par devoir & par raifon. une » coupable & funefte indilférence ne n doit  ( Mï ) ti doit pas vous faire négliger au befoin n les fages avis des plus éclairés & des t> plus zelés d'entre-vous; mais il faut r> que 1'équité , la modératien & une t> réfpeétueufe liberté continuent de •» regler vos démarches & de montrer r, en vous a tout 1'univers, 1'exemple -) d'un peuple laborieux, & plus ja•> loux de fa gloire que de fa liberté i « furtout gardez-vous d'écouter des r> interpretations finiftres & des disr> cours envénimés dont les motifs fen crets font fhnvent plus dangereuX r> que les aélions qui en font 1'objet. ,, Toute une maifon féveille & le „ tient en allarmes aux premiers cris „ d'un bon & fidéle gardien qui n'a„ boye jamais qu'a 1'approche des va,, leurs, mais on haït 1'importunité de „ ces animaux bruyans qui troublent „ fans ceffe le repos public, Sc dont les avertiffemens continuels & dépla„ cés ne fe font même pas écouter au „ moment qu'ils font néceffaire. F  f 122 } Vous dignes & refpeétables mS« gifirats d'un petiple fier & libre, nc „ perdés jamais de vue que s'il y -j dans le monde un rang propre k „ illufirer ceux "qui 1'occupent, c'efi „ fans doute ce lui que donnent les „ talens & la vertu, ce lui dont vous „ vous êtes rendus dignes & auqueJ «, vos concitoyens vous ont élevés ., leurs propre mérite ajoüte encore au », votre un nouvel éclat. Choifis par des hommes capables «. d'en gouverner d'autres , vous devés 35 'es gouverner enx-mêmes. en ce la votre miflion en eft plus noble & „ vous rend d'autant plus audeffus „ des magiftrats des autres nations, „ qu'uppeuple libre, & furtout celui „ que vous avés l'hoisneur de conduis> re, eft par fa fobriêté, fon aétivitd «Sc fa raifon audeffus de la populace des autres états. ,, Les citoyeus & même les fimples « lubitans nés' dans ce lui que vous  C «3 ) „ gouvernés Tont fenfes ; les noras ,, d'ouvriers & de peuples, n'y font ., point avilit } ni méprifés comme „ ches les autres nations. vous favés ,j partager , avec fageffe, les égards „ qu'on doit a chaque citoyen; il y j, en a qui font vos égaux par 1'édu,, cation ■ ainfi que par les droits de la nature & de la naiffance, & vos „ inferieurs par la préference qu'ils ,, doivent a votre mérite & qu'ils lui ont volontairement accordée ; mais „ vous leur devés a votre tour de la „ reconnoiffance. vous favés fi bien „ orner cette precieufe vertu; qu'on „ ne peut s'empêcher d'admirer, avec „ fatisfaélion , la douceur & la con,, defcendance avec lesquelles vous „ temperés la gravité convenable aux miniftres des loix. vous rendés aux „ citoyens en eftime & en attentions, „ ce qu'ils vous payent d'obéilfance „ & de refpeél tant que cette con* „ duite, pleine dc juftice, fera 1'ame F a  C «4 ) '„ du gouvernement & les feuls reflbrts „ qui dirigeront la contiftution fonda,, mentale, on verra éioigner de plus en plus, la mémoire des évcnémens „ malheureux, & la mésintelligence fe brifer fur le rocher de la pru., dence". ■Actuellement que Guillaume a fait entendre fa voix, nous esperons qu'elle opperera un heureux effet fur 1'efprit des bataves- ils font équitables; ils aiment a remplir leurs devoirs; ils font uaturcllement portés a honorer ceux qui les gouvernent & les protegent : on peut même ajoüter que les plus ardens a foutenir leurs droits, font les plus refpeêlueux envers leurs chefs, il ne parait pas étonnant que ceux d'une foeiété civile en aiment la gloire & cherchent a en faire le bonheur ; mais il eft trop rare pour le repos de la grande familie, que ceux qui fe regardent comme les maltres cc les dépofitaires de la patrie celefte, foient affés chari*  tables pour témoigner un véritable atnour pour la patrie terreftre qui les nourrit ; cependant il nous eft bien doux de pouvoir faire cette rare exception en faveur des pasteurs des fept provinces & de pouvoir les placer au rang des meilleurs citoyens. en effet Ors zelés dépofitaires des dogmes facrés autorifés par les loix, dontlavive & la douce éloquence portent, d'autant mieux dans les cccurs les maximes purs de 1'évangile ; qu'ils commancent toujours par les pratiquer eux-mêmes, ne fe bornent pas aux feuls foins de la culture de la cliaire. ce grand art eft porté en hollande a un degré de perfedlion qui honore la religiën & fes mMftrès. trop accoutumés ,• dans ce vaste univers, a voir drre d'une manierc & agir d'une autre, peu de perfonnes peuvent comprendre jusqu'a quel point l'cfprit du chrifliamme, la fainteté dis mceurs , la févcrité pour foi-même & li douceur pour autrui, F3  C x*5 ; regnent dans le corps réfpeétable des pafteurs. peut-étre eft -il réfervé aux provinces - unies de montrer 1'exemple édifiant d'une auffi parfaite union entre une fociété de théologiens & de gens de lettre. c'eft en partie fur leur fageffe & leur moderation réconnues,& leur zéle pour la prospérité de l'état, qu'on peut fonder 1'éspoir de fon eternelle tranquilité. Nous remarquons , avec un plaifir mêlé d'étonnement, ce zele ardent & cette pieté paternelle, avec lesquels ils pratiquent, fans diftin&ion d'état, ni de réligion, Ia première de toutes les vertus, Vhumanitè\: nous pourrions rapportos a eet égard plufieurs traits des pafteurs de Maeftricht ,Bois-le-duc, la Haye, Amfterdam &c. &c. qui, en donnant une jufte idéé de leurs hautes vertus ferviroient de lecons a fes prêtres qui affichent 1'infenfibilité; nous ne nommons point ces dignes en refpeftables pafteurs ; parceque nous craignons d'un cóté de blefler leur  C X*7 ) modeftie & de 1'autre, de mettre leui pieufe fenlibilité a contribution. Peut-être que 1'on nous obfervera que les pafteurs des églifes réformées, ne donnent pas des fecours aufü étendus aux infortunés qui ne profcffcnt pas leur réligion, qu'a ceux qui la pratique. ce fait, que nous ne conteftons point, ne diminue en rien le mérite de leurs procédés, au contraire il y ajoüte le precieux caracTcre de la juftice & de la prudence ; parcequ'il ne feroit pas naturel qu'on fruftat des agneaux du paturage legitime de leur bercail, pour le diftribuer a des brebis errantes. cependant on ne peut fe diflimuler que fes pafleurs obligent , amant qu'ils le peuvent, tous les malheureux & qu'au lieu de les méprifer & de les rébuter, comme font la pluspart des eccléfiaftiques romains ; ils alegent ceque leur état a de cruel & d'bumiliant, par une douce affabilité, lc une infinité d'égards qui font en F4  C 128 ) quelque facon oublier ce que 1'indi. gence a d'affVeux. leur conduite, dans cette occafion. eft d'autant plus digne déloge, qu'elle eft trés rare chez les miniftres des autres réligions, & enfin qu'elle eft conforme aux droits facrés de la nature. En effet, on ne duit examiner, pour foulager 1'indigent. que fa conduite, fes* malheurs, fon état & fes befoins, tout autre examen fait perdre le fruit du bieofalt, parceque celui qui n'eft distiibue' qu'a la faveur de la croyance & des récommandations, n'eft plus un acte d'humanité , mais feulement d'égards & de politique dont le fuprême arbitre ne tient qu'un comte tres leger, en matiere de jtsftice on admct pour principe: il faut plutót faire grace a 20 coupables que de faire mourir un. innocent, et en matiere d'humanité': il faut plutót affifler 100 perfonnes qui abufent des dons de la efotritê  C "9 ) que d'en refufer une feule accabUt fous le poids de la mifere. Avant de finir eet ouvrage nous croyons devoir rendre jullice a ce fexe charmant qui fait la moitie la plus precieufe de la république & le bonheur de 1'autre, fa douceur & fa fageffe y maintiennent la paix & les bonnes mceurs; aimables & vertueufes citoyennes , le fort de votre fexe fera toujours* de gouverner le notre. beureux ! quand votre chafte pouvoir exercé feulement dans 1'union conjugale, ne fe fait fentir que pour la gloire de 1'état & le bonheur public, c'eft de cette maniere que les femmes commandoient a fparte «Si que vous mérites de commander dans les provinces unies, quel homme barbare pourrait réüfter a la voix de 1'honneur «Sc de la raifon dans la bouche d'une tendre époufe entourée des fruits precieux d'un amour légitime, & qui ne mépriferoit un vain luxe, eu voyant votre fimple & modefte parure.  C 130 3 qui par 1'éclat qu'elle recois de vous femble être la plus flivorable a la beau! te, & vuus met au deffus de ces prétendues déelTes des autres nations, dont * vraie divinité concilie dans 1'éleganee & la magnificence des habillemcn* C'eft donc a vous citoycnnes bataves de maintenir par votre aimable & doux empire & par votre esprit infiWmt k refpeftde la réiigion, 1 'amour Hes loix & la concorde parmi les citoyens, c'eft a vous deréunirpar d'heu*m. mariages les families divifées Soyés d0flC toujours ce que voug M* étcs, les chaftes gardiennes dcs mceurs & les doux liens de la paix & continués dc faire valoir en toute' occafion, les droits du cceur & de la nature au profit du devoir & de Ia vertu. pour arriver ififeiHiblement a ^ but, c'eft dc fuivre 1'éxemple de fon altelfe royale Paugufte époufe du Stathouder nous nous flattons que nous ac ferons point déinenüs par des évé-  C 131 ) némens contraire & qu'en fondant, fur de tels garans, 1'espoir du bonheur & de la gloire de la rdpublique, nous ne pourrons qu'en voir a croitre la grandeur, la prospérité & réiTerrer deplus en plus les nceuds d'une fincere union , d'un heureux calme &r d'une parfaite harmonie. Ainfi-foit-il. F I N.  ERRATA. 2. 4. qu'a I'inftant . 37.i4.autres . . . 43- ó.avait . . . 47. s.ne firent . . 49.2s.dene . . . 56. 4.claudeflinement —■ i8.taus . . . . 77. 5 encalmer . . 84. iS.entierer . . 86. 8.deméfintelligenc Hzet. qu'a 1'inftard antres avoir ne firent de ne clandeftinemcnt tous en calmer en tirer :delaméfiintelligence   7