LES AMUSEMENS fOI X TdL XR ES, OU POËSIES DIVERSES, D E Mlct'JEANN'E F R A N C 0 I S E GONZAL. A L A H ATE, Cfacz PIERRE AILLAUD, Libraire dans le Hoffiraat. i 7 ."8 2.   A Ü X LECTEURS. f «/e ne crains pas, amis Le&eurs, En voi:s cffrant les vers de ma Mufe ruftique De trouver en vous des Ccnfeurs, Qui voudront m'lionorer d'une Dofte critique, Que je la:flcrois fans repiique. Peut-étre quelques uns, j'entends des plus polis Diront que mes vers font jolis, Une Mufe en cornette, a toujours 1'avantage, De remporter qüclquc fuffrage; Les plus graves cenfeurs lui trouvent des attraits,, Contrc elle rarement leur critique s'irrite, Donc, Meffieurs mes Letteurs, me Iaifl'eront en paix,, JTouir mon petit mérité,, Un procédé fi gracieux, Me fera plus d'un envieux.. Mais s'il eft quelque.DefhaiiIiè're, Qui ne déda'gtie pas d'entrer dans la carrière*. Pour rompre une Lance avec moi; Si d'un ton déeifif, eïle m; dit, tais toi, Ou b;cn, cban'.e comme Voltaire.. Ma. Mufe régondra, je ne veux pas me taire j * * Vons  AütLECTEURS. Vous.aarez pen d>honneur & Vous chantez bien, je chante mal; Dat"inégal' ' bi m3S cbanfons n'ont pas Ie bonheur de vous Pliipe Parmi les chantres du Parnaffe, ' Ui en eft plus d'un qui croaffe L'un touche la Fiüte&J^tre]eHaij[bo.S| Loin de la fatale Trormette, Dont le fon prédit le danger, Je fais rèfonner ma mufette,' A 1'ombre d'un bel Oranger, Contente dans ma fo'itude Je rime en Ibené fans craindre les cenfeurs. Du fucces de mers vers., j« peu ^oiétu* ' Chacun a fes admirateurs, H^iuae, . D'une .pompeufe Dédicace lis ne feront point décorés, Je Iaiffa sux favants du Parnaffe, La moiffon des Lauriers dorés. Mm am: n'eft point mercenaire, Won cceur halt le fafte & J'orgueil Loin de me prévaloir d'un nfage vu'gaire, Sans defir d'obtenir, je.]iVre ce reeeuil. , Je ne reconnfurai peur mes ouvrages que cette éditi- -  AMUSEMENS SOJLI IM JE S: ODE Au Roi de Suéde Guflave III. fur la révo* lution arrivée en 1772. ^^uitte les Hameaux ruftiques, Et le chamrêtre Hautbois„ A des chants plos Héroiques , Mufe confacre ta vuix; Laiffe aux.Nymphcs bocagères Les chanfonnettes légéres, A-ollon va t'infpirer, Ne crains pas Mufe timide, Prend la verité pour guide, Tu ne pourras t'égarer. Que! phénoméne^ m'éclaire, Et me montre un autre bord, Je vois l'Etoi^e Polaire, Qui refp'end:t dans Ie Nord, Guidé par cette bouffole, ïtfcm coeur s'éléve, ÏÏVenvoIe, A Et  a AMUSEMENS Et ma Mufe prend 1'eflör, Vers !a paifjble Contrée, Qui du Ciel rappelle Aftrée, Pour voir régner 1'ige d'or. Sous le fceptre de Gufbve, La vertu reprend fes droits, Tandis que le vice efclave, Tremble &• refpefle fes loix, t Roi jufte , Roi magnanime, Ame pieufe & fublime, L'oint chén de 1'Eternèl', Permets que ma main al 1 urne Le feu faeré qui confume Les parfums fur ton Autel. Quand par le Décret fuprême D'un Dieu jufte & bienfaifant, Tu rc9us le diadême, Ce fut fon moindre préfeat, La Piété, Ja Ciémence, La SagelTe, la Prudcnce , Et la Douceur de T,tus Illullrèrent ta Perfonne, Tout 1'éclat de ta Couronne lïrille moins que tes vertus. Né pour faire les déüces Eu Ptuple que ia chéris, Faut-  SOLITAIRE S. é Faut - il que les artifïces T'y caehent des ennemis! Qu'elle implacable furie S';orrodiiit dans la Patrie, Pour en troubler Ie re('os i Aveugle, fourde, infenfible Aax vjrtus d'un Rói paifible, Qui va la vaincre en Héros, Déjl 1'orsge fc forme Pour opprimer tes Etats , Du complot le plus énorme Vont naitre des attentats; Une cffroyable tempête, Gronde au deffus de ta tête, Tu 1'attends d'un 'ront férein, Appuyant ton efpéiance, Sur Ia fuprêmé puiflance Du Dieu qui te tend Ia main. De David dans fes alarmes II devint le prot^fteur, Sa main eiTuyoit !cs larmes De 1'Homme felon fon cocur, De ce Pnnce débonnaire; En toi, le Dieu qui t'éclaire, Voit rimitateur pieux Dont le coeur jufte, équitable, A z L'ami»  4 AMUSE MENS L'ame grande & charitable, Font un Roi ener a fes yeux. Maïs tandis que des rebelles S'occupent de vains projets Je vols tes Gardes fidelles Se montrer dignes fujets, Chacun vient te rendre hommage, Chacun par ferment s'engage A vivre & mourir pour toi» Dans eet efpoir qui les natte L'excés de leur joie éclate En criant, vive le Roi! O ui, vive Ie Grand Gufcaye, Ce Héros, ce Conquérant, Qui du Peuple le plus brave Triomphe dans un initant, Les vertus, fes feu les armes Pour fes fujets ont des charmes . Qui préfagenr. leur bonhcur: Loin de craincre fa puiffance, Af'urés de fa clémênee, Chacun lui livre fon coeur. Tout s'appaife, tout eft calme, Sous ce- Aftre radieux, .Sénateurs offrez la Palme Au Héros vi&orieux, Sa-  SOLITAIRE S. 5 Savans difciples d'Horace, Des bois facrés du ParnalTe, Préfentez lui le Laurier, La Paix va joindre a Ja Rofe, Pour lui dans ce jour éciofe, Les Epis & 1'Ol.vier. Content "d'un tribut 11 jufte Qui vous foumets a (ba L>ix, Guftave, humblo, tage, Augufte Se foumet au Roi des Rois, Profternés dans fon faint Temp Ie, Sujets, fuivez fon exemple, Rendez grace a i'Etcrncl, Le pieux Roi qu'il vous donne, Lui même en ce jour enronne Le Te Deum folemnel. Que Ia Suéde retenti(Te De vos chants méfódiebt, Que le ciel rrfêrhö applaudifle A vos cantiques pieux , Que la paix & I'innocence, La juftice & Ia prudence, Dans vos coeurs toujours d'accordj Rendent a jamais fameufe La Nation belliqueufe, Sous le grand Héros du Nord. A 3 En  <* AMUSEMENS En vain d'autres fe font gloire, Dc prodigucr aux Guerriers, Dans Ie Temple de Mémoire, Leurs Encens & leurs Lauriers; Pour obtenir mon fufFrage, II faut plus que du courage, Sans vertus on n'efl point grand, Mon Encens eft légitime, Je 1'offre au Roi magnanime, Qui n'a point verfé de fang. 1'Hécatombe magnifique Q j'un riche offre aux imn:ortelsr Et le fimple Agneau ruftique Immolé fur leurs Autels, Tributs de coeurs équitab'cs, Rendent les Dieux favorables Au riche comme au pafteur; Mais jamais en leur préfence, Le tribut de 1'abondance, N'efface celui du ceeur. Une puiflance invifible A conduit ma foible voix, .Grand Roi, tout devient pofllble, A qui chante tes expioits, Si le Dieu du do£le Empire, Ne m'eut accordé fa Lyrc Pour  SOLITAIRE S. 7 Pour exprimer mes tranfports, Jamais ma Mufe bergère , Au dernis de la fougére, N'eut élévé fes records, (a) IDYLLE. ^^ui fuis-je pour ofer par un Criant folemnel, Célébrer la grandeur du Monarqu; Eternel, Puis-je préfumer chétive péchcrclTe, Woi qui ne fuis hélas! que poudre & que foiblcfle, Mais je fens que j'exifte, & que mon Créateur, Pour prix de fes bienfaits, me demande mon cpeur: Oui, ce coeur plein d'efpoir vient avcc coiifiance, Préfentcr le tnbut de fa reconnoiflance, II s'offre a toi Seigneur, d'un faint zèle ariinïé» Daigne te fouvenir que ta main 1'a forntó. Accorde toi ma voix a ma fimple Mufette, Imitons dans nos ehants la timide Alouette, Qui fe cache fous 1'iierbe, & fembie redouter Les CD 1'Auteur a tóché, mais en vain, de faire vuiéïit cette Ode au Roi, A 4  S AMUSE MENS Les hautes Régions, oü I'Aigle aime a monter, Mais lorfqu'elle a-pcrcoit 1'Etoile matinière, Qui de 1'Aftre du jour vient ouvrir la carrière, Soudain prennant 1'clTor, par un p!Us nobie choix , El!e montre fa force, Sc fait ouir fa voix: Loin de fon humble nid, les ailes e'tendues, S'éiévant dans ies airs, pénétrant dans les nues, II femble qu'elle afpire a chercher dans les Cieux, Des fons p]Us éclatans & plus méiodieux. Par un comamh défir, les Hommes & les Angcs S'uniffent de concert pjur chanter les louan^es Du Puiffant'Créateur, 1'Arbitre Souverain, ' Roi qui de tous les Rois, tient les coeurs dans fa main > Elévez vous mes yeux vers cette voute immerile, üü tant d'Allres brilians annoncent fa puiflance, . Examinez leurs cours, leur ordre, leur beauté, Ouvrages merveilleux de la Divinité, Voyez au point du jour, cette riante Aurore, Qui des bords de la Mer que fa lumière dore, Montant fur 1'Horizon, femble dire aux Mortcls, Adorez votre Dieu, dreffez lui des Autels. A ce pompeux fignal, les oifeaux des bocages Font retentir les airs de leurs divers ramages, Et tous s'entr' animant d'une innocente ardeur, Guidés par leur inflin£b, chantent leur Créateur; Mais lorfque fur fon char, fortant du fein de Ponde, Le Soleil radieux vient écjaircr le Monde, Les  SOLITAIRE S. 9 Les plus fombres forêts femblent fe rèjou:r, On voit briller les eaux , les fleurs s'épanouir, D'innombrables eflaims d'Abeilles diligentes Viennent chercher leur miel fur ces fleurs odoKntes,' Les aftives Fourmis prévoyant leurs befoins, Pour remplir leurs grcniers, vont parta^er leurs foins;. A at ordre charmant, a cëtte prévoyance, Je te vois préfider Divine Providence, Mon ame, marqué ici ton admiration Pour le puiffant Auteur de Ia création.. La Déité fe voit dans toute Ia nature, Le plus frêle rofeau, la moindre créature, Que 1'Homme daigne a peine honorer d'un rcgard, Ne font non plus que lui, produits par le hazard,. Incrédule odieux, quclle étrange manie T'empêche d'efpérer une nouvelle vie ! Tu fais qu'il eft un Dieu, tu ne peux 1'ignorer,. Et tufens que ton coeur eil fait pour 1'adorer. Mais ce coeur imprudein au dèfordre fe livre,, Parmi les vains plaifirs dont ton ame s'eniyre, Du foin de ton falut tu ne r'occupes pas;. Et tu dis qu'il n'eft rien au dela du trèpas, Frémis de ton erreur, mortel dont I'arrogancp,. Du Dieu qui fa créé, veut nier rexifbence En projie i tes remords, au crime abandonné„ Dourant de ton falut tu crains d'être damné,. Un Dieu jufter offenfé te paroit redoutable,.. Tg. veux. t'anlantir de-peur qu'il ne t'accabie-j;  ;Io AMUSE MENS Et te mettant au rang des plus vils animiux, Renoncer au bonheur pour éviter les maux. Ah pécheur.' quelle nuit de fon voile funefte,' Peut te cacher un Dieu que 1'Univers atteite? Les fimples animaux, dont tu te dis le roi, Sont plus reconnoiflans, & p'us que toi, L'Agneau luit fon Berger, le Boeuf connoit fon Maitre, Et toi tu méconnois Ia fource de ton Etre; Serviteur inutüe, impie & malheureux , Vil Roi des animaux, va brouter avec eux, Va t'en loin des Cités que ta préfence infefte,. Dans le fond d'un Défert cnfevelir ta fefte, Perfifte, applaudi toi dans ton aveuglement, Mais tes yeux s'ouvriront au jour du jugement» Eloignez vous de moi ténébreufes images, Je veux chanter en paix a 1'ombre des bocages, Mille objets gracieux s'offrent de tous cótés, Admirons a loifir leurs di vei fes beautés. Du fein de ce haut mont, les ondes jailliflantes Qui tombent des rochers en cafcades bruyantes» D'un cours précipité traverfant les déferts, ObeifTent au Dieu qui crèa l'uni»ers; Pour reRipIir fes deffeins, la' fage Providence , Par cent divers canaux, fait couler 1'abondance». Fait crqitre les moilfons qui do rent les guérets, Les rameaux nuancés qui parent les forêts, Ce mélange de fleurs qui parFumsnt les plaines, Et 1'herbage touffus qui borde les fontaines; Tous  SOLITAIRE S. it Tous les hótes des bois qu'un tranfparent ruifleau Invite a s'abreuver au criilal de fon eau, Les fertiles vallons qu'en courant elle arrofe, Les viviers poiflbnneux oü fon onde repofe, Tous célébrent ó Dieu! ta gloire & ta bonté, Tous chantent ton pouvoir & ton immenfité. Tout vit, rien n'elt muet, chaque êtrc a fonlangagc» Lorfque pour t'adorer je viens dans ce bocage , Si mon chant matinal pénétre jufqu'au fond D'un antre, ou d'un rocher, une voix roe répond, ö Vents! qui par 1'Auteur de 1'immenfe ftru&ure,. Ne fütes point foumis aux loix de la nature, Vous qui de fiècle en fiècle, & dans chaque fattori , En Maitres abfoius régnez fur ± Horizon , Les différentes voix que forment vos haleines; Font bruire les Epis, gémiffent dans les plaines, Parient dans les rochers, réfonnent daus les airs. Et font mugir les flots au vafte fein des Mers. Par vos moindres efforts, une forêt s'anime, Les vénérables Pins en inclinant leur cime, Humbiement agités, formant de doux accens, Offrent au Créateur un légitime encens, Lorfque dans les beaux jours, 1'agréable zéphyre, Sur ies prez verdoyans, fe proméne & foupire, Tout 1'herbage fleurj, par fon foulEe agité, Se penche en faluant 1'Auteurde fa beauté. Eternel je t'adore, su haut de ces montagnes A 1'ombre de ces bois, dans les valles campagnes, A 6 - Eclios,  12 AMUSE MENS Echos, bruyans Echos qui rcditcs mes airs,, Fortez mon humble hommage au Roi de i'Univers, Mes yeux, voici pour vous une nouvelle fcéne, Avant que d'admircr les beautés de la plaine, Contemplez ce coteau, des plus beaux fruits orné, De pampres, de raifins, richement couronné, B parolt s'égayer de fa dotice abondance, Oii 1'humble vigneron trouve fa récompenfe, II offre une retraite a mille oifeaux divers, Qui chantent fes bienfaits dans leurs joieux concerts Utiïe *gracieux i tout le voifinage, Loin de caufer jamais , ni crainte, ni dommage, Sa folide hauteur protegeant ce vallon, Garantit les vergcrs des fureurs d'Aquüon Dans ce charmant tableau d'une fcéne champétrc , J'adore. encor ta main, Créateur de mon E;rc, Rois qui' du Roi des Cieux tenez votre grandeur Qui tachez.d'imiter votre Divin Auteur, Péres de. vos fujets, leurs cceurs vous font fidelles, Vos noms feront fameux, vos venus immortelle.;, Vrais Héros couronnés de Lauriers toujours, verds, Vos bienfaits parviendront au bout de TUnivers, Pailibles fouverains, les Peuples vous bonorent, Le Ciel vous applaudit, vos fujets vous adorent,. Parmi tous les plaifirs dont le cceur cil charmé En-eü-ü un plus grand, que celui d'êtrc aimé?- Que  SOLITAIRE?. ij Que vois-j'e/ qnel contrarie! une montagne aride, Des rochers efcarpés dont I'afpeft intimidc, U n'cll point de fcntier pour y pouvoir monter., A pcine les Chamois oferoient le tentcr; On voit fur le fommet une mafure antique, Relles dérigurés d'un batiment Gothique, Jadis d'un coup de foudre en partic abimé, Oü le courroux du Ciel eft encore imprimé, Retraite d'un Tyran, qui, dans ce lieu fauvage,, Vivoit comme les Ours de meurtre & de pillage, Fléau de fes valT'anx , redoutable affaffin , De ce repaire affreux, les miférables reftes, Ne fervent plus d'abri qu'a des oifeaux funelles,. Et fouvent des échts détacbés des créneaux i Tombant dans les vallons, écrafent les Ormeaux;-. Les Bergers a 1'afrcft de cette informc maffe, Détournent leurs troupeaux que fa chüte menacev Ce n'eil plus ce Palais au crime dédié, Le nom du Tyran même cft peut-êcre oublié, Ou fi eer inbumain indigne de mémoire-, Par quelque crime atroce e.1 connu dans l'Hiftóire> A la Pollcrité 1'on a tranfmis fon nom, Avec ccux d'Atiüa, de Tib3re & Noron., - Guenïers fiers & crads,. avides'de carnage,. Qui vantez les fucces.d'un.féroca courage, Lieu qui vous voit verfl.r ie fepg de tanr. d'Humains, Qui, de même que vol;s, font i'ceuvre de fes nnius.:. A1 i N eV  14 AMUSEMENS N'écoutera-t-il pas ce fang dont l'innocence En criant contre vous, lui demande vengeance, Les cris des malheureux qui peuvent le toucher, Ne trouvent point d'accés dans vos cceurs de rocher," Votre ame inexorable , avec rlaifir s'abreuve, Du lang de 1'Epoux mort, des larmes de la veuve, L'hurrjanfté frémit de voscxploits guerriers, AhJ ce n'eft pas pour vous que croiflent les Laurier?. Détournez vous mes yeux, du Héros fanguinaire Dont le crime cft réel, Ia gloire imaginaire, Sur de plus doux objers arrêtez vos regards, Admirez ces troup:aux dans la campagne épars Voyez (bus ce Tilleul oü 1'ombre les raffemble, Les Taureaux & les Cerfs qui repofent enfemble, Le Chevreuil & le Fan, les Brebis, les Agneaux Bondir & s'égayerfous ces jeunes Ormeaux , Dans ics prez, dans les bois paiflant même hcrbage , Sans réclamer entre eux des droits du paturage. O^climsts fprtunés ! que vous avez d'attraits! Le Ciel verfe fur vous 1'abondance & la paix. Dans ce canton charmant dont chaque fcène enchante, Pour les yeux & le cceur voici la plus touchante. Pourra:-je bien traccr de mon foible pinceau Le Berger que je vois au bord de ce ruiffeau , Qui, menant fes Moutons paitre dans la prairie, Porte le tendre Agneau de fa Brebis chirie, Elle ell a fon cóté, tout le troupcau le fuif» Et fon garde- fidelle avec foin le conduit. ( O toiJ  SOLITAIRE S. j5 O toi! du bon Berger doux & naïfcmb.'éme, Pafteur de ce troupeau qui te fuit & qui tajine, Si tes Moutons errans s'égarent dans les bois, Tu vas les appcller, iLs connoiflent ta voix, Pour les garder des loups toi même tu t'expofes, Et la nuit dans ton Pare k peine tu repofes, Veillant fur ton troupeau, tes yeux avec p'aifir Dans le haut Firmament occupent leur loifir, Imitant tes pareils, fameux dans la Chaldée, Et ces heureux Bergers qui veiiloicnten Judée, Lorfqu'un Ange apparut de gloire environné , Qui leur dit, anjourd'hui le Sauveur vous ell né> Par lui vous obtiendrez une vie éternelie, Portez a Bethléhem cette heureufe nouvelle. Cet ordre pour jamais-illuilra les Bergers, De 1'Ange du Seigneur fideiles meflagers,. Aux Pafteurs, de tous temps Dieu fe montra propiec II accepta d'Abel Ie pieux facriace , II vous combla de biens» Patriarches fameux, PuiiTants comme les Rois, vous étiez plus heureux,. .Protégés du Seigneur, admis en fa préknce, Même avec Abraham il fit une Alliance;. Moïfe futPafleur, Dieu lui donna fa Loi, David fon bien aimé de berger devint Roi, Pour le fceptre il quitta les cabancs ruftiques ,. Loua Dieu fur la harpe en chantant des Cantiques s O! Bergers dont 1'état a nos yeux eft abjefi, Votre origine antique eü digne de refpeft, En  . ió* AMUSE MENS En mille occallons, Dieu pour vous ie dédare Le Sauveur des Bergers, au Berger fe compare II s'abaiffe lui même, il va comme un Agneau * S'offrir docilement. & meurt pour fon troupeau.' Ici mon ame, ici deviens plus attentive, Que-ton zèle redouble, & que ta roi foit vive, Epanche toi mon coeur, éléve toi ma voix, ' Rendons grace a Jefus qui mourut fur la Croix Adorons, béniffons le Sauveur charitable , ' Dont ie fang innocent couia pour le coupable • Que le prix infini de cette oblation, Augmente a chaque initant notre dévotion Sur 1'Autcl de mon coeur, qu'ime conllante namme ' Brüle tou;ours pour toi, refuge de mon ame, Tu promets aux péchen.rs de leurs fautes chargés Que par ta main pirffante , ils feron.t foulagés; , Je t'obéis Seigneur, mon ame pécherefie Vient pofcr k' tes picds le fardeau qui la prefle Efface mes forfaits, o Dieu converti moi, On n'eft jamais confus lorfqu'on efpére en toi, Daigne augrn;nter encore ma foi, mon efpérance,. Et pénétrer mon coeur d'une humble repentance; Détourne moi du mal, conduis moi vers le bien , Auteur de mon falut, fans toi je ne puis rien, Pour te glorifier que ton efprit m'infpire, Guide ma main Seigneur, quahd je touche la Lyre,. Mes accordl fe joindront au choeur des Séraphins, Ma voix retentia dans leur» concerts Divins,  SOLITAIRE S. 17 Anges, Hérauts des Cicux, prenez moi fur vos aileSj Purtez moi jufqu'au haut des voutes Eternellesj Eleve toi mon am: avec rapidité, La foi t'intro iuira dans la fainte Cité; Oui, je veux dans 1'excès du zèle qui m'anime, Mc profterner au pied de ton Tröne fub:ime, T'adorer, te Ioucr, Eternel , Roi des Cieux , Tout Sage, tout Puilfant, tout Grand, toutGlorieux, Archanges, Séraphins, fainte & eélefte Arméc, Du Dieu que vous fervez, chantons la renommee, Saint, Saint, Saint, Créateur, Eternel, RoidesRois, Tout dans eet Univers eft foumis a tes Loix, Gloire foit au trés Haut dans le fuprême Empire, L'auteur, le fouverain de tout ce qui refpire. Gioire foit a Jefus le Prince de Ia Paix, Q.d vaittqueur de fa mort, nous fait vivre a jamais, Gloire a toi Saint Efprit dont les Diviaes flammes Confoient les Elus, illuminent leurs ames; Source de tous lesbiens, Augufte Trinité, Fais luire dans mon coeur ta Célefte clarté. ODE  18 AMUSEMENS ODE Sur la naiffance du Prince Guillaume George Frê~ déricfecond Fils de S. A. S. Monfeigneur tz Prince

n coeur abordei'a, Et mon ame s'élév ra Au dcffus de m :s .nfortunes. je ne form rai plus de plauitës imporrunes, J'obtiendrai ie feul bien mie je dols défirer, C'effe mon trifte coeur, cefle de foup rer. A D A P H N E. Enfin dans ce Hameau, je vis & je refpire, Loin Hes attrait.' flatteurs de Ia fociété, Je pafleraj les jours dans Ia tranauTité, Diffimulation, tu ne pcux plus me nuire, Mille pièges tendus a mi créduüté, M'ont fait cqnnolffe enfin c? que i'avois a craindre, Efl ce donè la le prix de ma fincérité, Ah Daphné pourquoi fais-ta .fèindré'? Pourauoi ces airs flatteurs, c?s ditours féduifans, Ne fonr-ils de ton coeur que les faux interpretes, Et iles faveurs que tu ne prêtes, Q ie pour o'vtenir des préfens; Jamaas de 1'amitié tu ne cbnnus lescharmes, A 1'ombre de fon nom tu te crois tout pérmis', La mort de tes parens, celle de tes airds N<* touchent point ton coeur, n*excitent point tes larmes Quelques foüpirs forcés, quelques mots qu'a regret Ta prononces pur bienféance, Pour-  SOLITAIRE 8, a<$ Pourroient éblonir en effet Ceux qui jugent fur 1'apparence. Je ne m'y trompe plus, non Daphné, c'en eft fait, De ton peu de candeur j'ai fait 1'expérienee, Reijois le genéréux pardon D'un coeur qui ne fut jamais feindre, Daphné tu le connois, cefle de te contraindre» Je m'en vais loin de ce Canton. Dans le petit Hameau que ma triile prndenes» A choili pour ma réfidence, J'efpère de trouver le repos & la paix. Sous 1'aile de la Providence, Qui n'abandonnera jamais Un coeur qui vit dans i'innocence. Je ne te craindrai plus difiimulatión, Je fens qu'un doux efpoir fuccède a mes alarmes; Mon coeur au torrent de mes larmes Surnage comme 1'Alcyon. Ruftiques habitans de ce féjour champêtre» Je ne redoute pas vos fimples entretiens, Recueillez les doux fruits que vos foins feront naitre^ Tandis qu'a 1'ombre de ce hêtre, Dans des livres choifis je cueilierai les miens, Petits oifeaux de ce bocage, Accoutumez vous a me voir, R te  2.6* A. M U Si E M E N S' Te m'y prcmenerai Ie matin & Je foir, J'e'couterai votre ramage, : Je ver/ai'vos petirs.cacrrés'fons le.feuiilage, II ne tiendra., qu'a vous de preudrc de ma maia- Dn bied, du chèncvis, du pain, Je ne ferai jamais de.filets pour vous prendre, Mon coeur hait trop la trahifon, Jl lui coüteroit moins d'avuir 4 fe défendre Contre le fer & le poifon. IDYLLE. Tout m'iflvite a réver dans cette folitude, Le murmure des caijiX;, le fdence des bois, La Tourterelle fcule- y fait ouir fa voix, Et de fon deuil pafie fe plaint par habitude, Tous les autres oifeaux fur les arbres perchés, Dormcnt tranqtiillement fous 1'abri des feuiliages, Les Ecbos font muets dans les Antres fauvages, Contrains par le.filence s s'y tenir cachés, Daas le piochain Hamcau tout le monde repo'fe, Seule dans ce jardin, je m'égaye, je vis En refpirant 1'odeu-r da jafmin, de Ia rofe, J'admlro la blancheur des lis. O Nuit! q:.e tu me parois bellej  SOLITAIRE S. 27 Je te préfére air plus beau jour, Et toi qui commenc.es ton tour, Dans le dóme azuré de la voüte Eterneüe, Lane, fans m'ébloinr tu permets i mes yeux D'admirer la pompe des Cieux, Dont Palpeer, réveille mon zéle. Tout Puiflant Créateur de ces Mondes divers^ O uvre mes yeux pour que je liCe Dans le livre de 1'Univers, La DoGrine profondc, impénétrable, CXquïfe, Des merveilles qu'avec furprife, Je vois briller au haut des airs. Pendant le jour, un feul Solcil Eclaire 1'Horizon de fa vive lumière, Mais toi Reine du Ciel, c'eft pendant ta carrière, Que mon ame jouit d'un bonhee,r fans pareil, Des milliers de flambeaux qu'une augufte Puiffaneo Sufpendit dans les airs avec fublimité, Attirent mes regards vers cette voüte immenfe, M'y montrent la Divinité. Je la vois fur fon Tróne, & mon ame ravie Se profterne a fes pieds avec humilité, Je 1'adore en tremb'ant, j'-admire, je m'écrie, C'eft ici ta maifon Monarque glorieux, C'eft ici la porte des Cieux. II n'eft point dc verrous, il n'eft point de barrières B z Qui  AMUSE MENS Qui puiffcnt s'oppofcr aux ardentes prières, Elles ouvrent !e Ciel, introduifcnt le coeur Qui veut s'cntretenir avec fon Créateur. Mortcls, qui, Ltigués par des travaux pènibles, Trouvez dans le repos vos plaifirs les plus doux, Aux beautés que je vois vous n'êtes point fenfibles, Dormer, hélas! dormez fous vos rideaux paifibles, Je fuis plus heureufe que vous. Dans eet humble Hameau, tandis que toutfommeille, Mon coeur n'eft pas le feul qui veille, De nobles Légions au fignal des éclairs, Font briller i mes yeux leurs ailes colorées, Leurs Echarpes de pourpre, & les Harpes dorées, Qui fonnent 1'arpareil des Céleftcs concerts , J'entens des Séraphins la troupe magnifique, Qui fait retentir 1'aj.r d'un chant fpirituel, Je mêlerai ma voix a leur fainte Mufique, Ma Lyre s'y joindra pour loucr 1'Eternel. Ah! ce n'eft pas aflez d'un langage mortel, Pour céiébrer 1'Etre fupréme, II faut celui des Angcs même. Mais hélas! oü m'emporte une imprudente ardeur, Dieu connoit ma foiblcffe extréme, II ne demande que mon coeur, Yoi>  SOLITAI. RES. rp Vouloir me furpafler, c'eft être téméraire, Chantons Mufe, chantons en langagé vulgaire* Eroües de 1'or Ie plus pur, Qui brillez fur un foud d'azur, Formez fous votre döme une danfe Myftique, Collines bondifiez, fleuvcs battez des mains: Choriftes de ces bois, dans un Concert ruftique Chantez le Maitre des Hu mains. Vous que dans ce jardin le Printcmps voit renaitre, Exhalez vos parfums, brillez cbarmantes fleurs Et pour faire admirer le Dieu qui vous fait croïtre, Epanouiflez vous, étalez vos couleurs; Peut-être dans le Ciel en forme de guirlandes, Vous fervez d'ornement au front des Immortels, Et dans les Temples faints, printanières offrandes *>n feftons, en bouquets, vous parez les Autels. Trembles & Peuplicrs qui bordez le rivagc, Que les vents les plus doux parrhi votre feüilfage Soupirent a 1'honneur du Roi de l'.fJrilvers, Et vous fombres forêts, ornement des dèferts, Frémiflez a fa voix, & pour lui rendre hommage, Entrelacez vos rameaux verds. Tonnèresfoudroyans qui Iancez vos carreaux, Sur les Palais des Rols, fur les humbles Celiulös, Voulez vous peuplerles tombeaux, Ne frappez que les incrédules, *3 Re.  3o AMUSE MENS Refpeftez 1'Etemel dans fes Temples facrés, Et les caurs innocens qui lui font confacrés. Vafle & profonde Mer, théatre des orages, FuneRe, ou favorable aux avides Humains, Par combien de malheurs, d'obftacles, de naufrages, As-tu rendu leurs projets vains? N'oppofe tesVureurs qu'k ces Mortcls injurtes, Qui, bravant le pouvoir de Ia Divinité, Sa.ns refpeft pour fes Loix augurtes, N eternifent leur nom que par 1'impiété. Redoutables volcans, dont 1'abyme foufré Ne femble fait qnc pour détruire Ce que 1'Eternel a créé, Appaifez vous, ceffez de nuire, Ou s'i.1 faut a jamais exeroer vos fureurR,. Que vos mugiiTemens n'ébranlcnt que les cceurs* Ne jettcz vos éclats, ne vomiifez vos flammes, Que pour intimider les ames, Et pour convertir les pécheurs. Alpes, dont Ie front fourcilleux Semble vouloir unir Ia Terre avec les Ciei;*, Quand fur votre fommet, 1'augufte Choeur des Anges, Céiébre par des chants , le nom de Jehova, Rocbers, foyez émus, qu'au bruit de fes louanges, Le Choeur de vos échos réponde Alleluja. Que les diverfes voix de tout ce qui refpire,  SOLITAIRE S. 31 S'élévent vers le Ciel en Chorus éclatant, Vous que tous les matins 1'Aurore. fait fourira^ Etres inanimés, incapablcs de bruire,. Votre filence eft éloquent. Et moi, Seigneur, fur cette Tcrre, Q ie fuis-je? hélas! je ne fuis rien : Plus foible qu'un rofëa'g , plas fragile qu'un verre, Mon efpérance e(l mon foutLn. Dans l'admira.tion que ta Grandeur nrinTpire, Mon cceur s'éléve a. toi, ma main touche ia Lyre, Et jufque dans le Ciel ma M jfe prend Pelfor; C'eft au Cjel que mon ame afpire, C'eft dans -le lieu trés faint > dans ie fuprême Empire, Que je verrai des fiècles dJOr. Le temps pour un moment, régne fcrlTIérnifphèro Séduit, trompe & s'envole avec rapidité, Mais vous, mort feuT efpoir, 'heureufê Eternité, Préfentez a mes yeux dans yotrc immenfe- fphère , Le fpedlaele pompeux de la Divi.^ité: O! quand viendra lè jour, qu'au bout de ma carrière, Mon corps dépofera fa robe de pouffière, Pour étre revêtu d'un manteau de fplendeur ? Jevcrrai l'Eterneldans toute fa Grandeur, Mon ame dont la foi fur fon Ancre repofe, Obtiendra fon Apothéofe, Dans les bras de fon Créateur. S 4 HT.  AMUSE MENS- HYMNE DU MATIN. p . ± arois bnllante Aurore, entre dans Ia carrière, Et chaffe devant toi les ombres de la Nuit, Enlève les Pavots qui couvrent ma paupière, Ecarté de mes yeux le fommeil qui me nuit. Lorfque le jour naiflant me rappelle k la vie, Faut - il que le repos en abrège le cours, Précieux temps, tu fuis quand je füjs endormie, Et ma Carrière hélas» fe borne a peu de jours. Déji de tous cótés TAIouette s'éralie, Pour chanter fon Auteur, fa voix s'éléve au Ciel, Et fur les fleurs bientöt, la diligente Abcille, Pour former fon tréfor, viendra cueillir du miel. Rores, Thim, Chévrefeuil tout-brillans de rofée, Exhalez vos parfums pour enbaumer les airs, Mes voeux s'y méleront, mon ame efl: difpofée A louer avec vous, le Roi de 1'Univers. Au pied de ce rocher couronné d'Aube-épine, Je viens te célébrcr par uti Chant folemncl, Seigneur daigne éc'aircr d'une flame Divine, Mon coeur qui s'off.e a toi fur ce ruftique Autcl. Es  SOLITAIRE S. 33 En élévant mes yeux, je fens mon ame émue, Quel trifte fouvenir vient affliger mon cceur? L'épine de ce bois rspréfente a ma vue, Celle qui déchira le front de mon Sauveur. Mai-s en caufant fes maux, tu nefus point coupable, Contraintedc plier fous de prophanes mains, Innocent inftrument d'unc haine implacable, Tu fis couier le fang qui fauva les Hu mains. Tu fus pour les pécheurs une épine bénite, Lorfque tu couronnas mon Sauveur fur Ja Croix, Sois donc a 1'avenir ma branche favorite, 1'Honneur de mon jardin, 1'ornement de ce bois. Harmonieux oifeaux, hótes de ce bocage, Dans un Concert vocal, cbantez le Roi des Cieux, Sur les arbres fleuris qui bordent le rivage Du vivier qui préfcnte un miroir a vos yeux. Et vous êtres muets families aquatiques» Dont le Dieu Créateur i peuplé ce Canal, Puis-jefans admirer fes eeuvres magnifiques, Voir des PoiiTons dorés nager dans le Cryital? Ruiffeaux, béniflez Dieu par votre doux murmure, En baignant de ce bois les arbres toujours vcrdsj Riviéres célébrez 1'Auteur de Ia Nature, Annoncez fa Grandeur juf.;ucs au fond des Mers, % 5 Moo-  .3,4 A M U S E M E N S. Monarque gloricux, qtie-tes ceuvres font belles JQue'tonpouvoir eft grand! que tes ordres. font Kants Chantcza fon honncur, Légions Immortelles, .Admircz, adorez, trcmblez Jöiblcs Humainr. Seigneur daigne écouter 1'Hymne que je te chante Mon cceur au point du jour fe réveille pour toi,. Rccois le foible Encens de ton humble fervante,. Et de tout accident, mon Dieu garanti moi. Dans mes adverfités ta pitié me confole, Quand fur les Hots amers je vogue triitcment, Ta Parole eft mon Port, ton ceiï efb la Boufïble.j.. .Qui parmi les écueils mz guide furement.  S O L I T A I R E S. 35 HYMNE DU SOIR, O Nuit! 6 fombre Nuit,.dé'ji dans ce Hameau» Tout repofe foas tot rideau., Le Qlcnce réldo a .'ombre.de tes aücs , L?s foins ceffent de m'agiter, E'éve toi mon crxar, la Paix yiè.nt t'inviter A chanteï da Trés Haat les bpn'tes immortelle?» O Nait! ó fombre Nuit! le tèleite Flambêau M'éclairera fous ton rideau. Dans cette obfcurité fous mon paifib'Ie tolt, L'Eternel m'entend, il me voit, O Bien heureux momens paffes en fa préfence, Loin du monde & des vains plaifirs, Grand Dieu! tu vois mon ccear, il bornc fes defir'SA confacrer fes jours 'k ton obéiffance. O Nuit! ó fombre Nuit! le célelte Flambeau Vient m'éclairer fous ton rideau. Lorfque du haut des cieux, tes regards PaternelS" S'abaiirent jufques aux Mortels , Seigneur, tu ne vois rien fi digna dc te plaires Que les cosurs pleins d'humiüté, Enncmis de la-fraude & de Ja vanité, Qui fout de léflR falttt leur principale affaire. 3 6 O Nuit V  S0 'AMUSEMENS O Nuit! ó fombre Nuit! le Céleue Flambcau Vient m'e'clairer fous ton rideau. Sans crainte & fans regret, je vois couler mes jours Comme un Torrent qt^fuit fon cours, Par mille déplaifirs la fortune ennemie, Du Monde a fu me détacber , O Mort, dans Ie tombeau tu viendras me coucher, Julques au point du jour d'une nouvelle vie Pour repofer en paix dans les bras du fommêil, juiques au lever du Soleil. Pourquoi craindre la mort? que trouvons noits d'af-freux JV ctfler d'être malheureux, De nos adveriités le trépas nous déiivre, L'Univers même doit finlr. jnfonunés Humains, nous naliTons Pour mourir, Humains plus fommés, nous mourons pour revivre- O Mort! paifible Mort, a ton profond fommeil Succède un glorieux réveil. Au fignal éc'atant qui frappcra les airs, Tous les tombeaux fcront ouverts, Je verrai. mon Sauveur environné de Gloire, Les morts il reiTufcitera, Les cieux s'égayeront, Jtfu, triomphera, L'Aichange du Seigneur fonnera la Viöoirc, Le  SOLITAIRE S. 3? Le Temps dans ce grand jour fous fa faux tombera, Et la Mort même expirera. Tourne fur moi, Seigneur, tes regards gracieux, Quand le fommeil ferme mes yeux; Ta main pendant le jour a daigné- me conduire, La nuit elle me gardera, Le grand, le bon Berger, prés de moi veillera, Mon ame efpère en lui, rien ne pourra me nuire. O Nuit.' ó fombre Nuit.' couvre de ton rideau Une Brebis du Saint Troupeau. IDYLLE. Seigneur, lorfque ta main m'afflige, On ne m'entend point mürmürerj Hélas! mon cceur me dit, que c'eft moi qui t'oblige A me punirpour me fauverj Par des coups rigoureus je vois que tu m'éprouves, Ma chalr fent ïa douieur, mais je fats la fouffrir, Hcureufe dans mes maux, Seigneur, fi tu me trauves Digne d'en être atteinte, & de te les offrir. Loin de me plaindre de mon juge, Je rends hommage k fa bonté, II dalgne m'accorder 1'beureufe liberté, De venir 4 fes piedi cherchcr un doux refuge B7 Le  3$ AMUSEMENS Le temps de rnön affli£tio:i Eft ma fcéne Ia plas brldairte, Mon ame docile & conllante Recoit fci chitimcns avec foumiffion. Mais que dii-jj! les ivru::, les chagrins, la fftóri mijne Pour 'les Humains font des faveurs , Plus notre foufFrance efl: extrérne, Plus cHe contribuc a convertir nos coeur*. Mon urne, fouffrons dtttüs fans pcine L'orage dont les flots nous pouflent vers Ie Port, La mort nous y conduit, fans cette heureufe mort, La repentunce feroit vaine. Hélas! dans la profpe'rité, Les Humains trop charmés des plaifirs de la vie, Courant après un fonge oü tout eft vanité, S'expofent aux remords dont cette ombre eft fuivie. Grand Dieu> mon cceur reconnoiffant Te bénit dans la folitude, II goute dans fes maux le plaifir innocent» De vivre fans inquiétude; Ce calme a rafpccT: du danger, Cette foumiflïon, cette paifible joie„ C'eft: toi Seigneur qui les envoie, Touché de mes douleurs, tu veux me foulager. Je  S--OLITAIRES. "9J) Je t'ai conrni dès mon enfance, Ta crias mon cce.a- poTir c'alm.T, D..is fes tendres fiüons il r-c .t Ja il-mncï, Qifauè picu>fo main-f-moit avec prtf&nfcs» Et que ton lleotu:-; fit gcnncr; Eüe y prit par tes foins d; profunde? ricinus, Qu: n'ent point étouffi le Monde & fes ép.nes, Je t'offre eneor le grain que t.i fis profpércr, De ta clarté tou jours un rayon falutairc, En éclairant mon ame, attiroit mon Encens, Et la erainte de te déplaire, Modéroit les plaifirs de mes jeux innocens. Loin des piéges trompei.rs d\.ne gloire faale, Dans une humble profpérité, Je croiflbis fous tes yeux avec rapidité, Les dons que je recus de ta main libérale, Laifierent dans mon cceur régner 1'humilité. Cet amour féiuifant que Ia jeuneffe enc?nfe, Ne me tint jamais fous fa loi, En vain eut-ii voulu partager la conltance D'un coeur qui n'étoit que pour toi, Inftruite des malheurs qu'il caufe dans le monde», Fuyant égalcmcnt fes maux & fes attraits, Une folitude profonde Me mettoit k 1'abri de fes dangercux traits. Dans ces jour* fomjnés, les plus.beaux de ma vie,"  40 AMUSEMENS J'épro'jvai du Deftin le premier coup fataF Soumife aux volontés d'ufie Mère chérie, Je quittai mon Pays natal. Pardonne ce foupir accompagné de larmes, Qu'arrache de mon cceur ce trifte fouvenir; Ah! pour tous les Humains la Patrie a des charmes' D'un fentiment fi doux voudrois-tu me punir? * Fille de Nahomi, tu me tins lieu de Pére, Fidelle comme Ruth j'accompagnai Mara, Seigneur, tu me fis voir cette Terre étrangère, Oü dans fes jeunes ans fon ame t'adora, Eile t'y confacra le reile de fa vie, Jufqu'au dernier moment, Mon Dieu, tu fus le fien Mais avec quel regret, fatale antipathie! Mon cceur adopta-t-il ce Pays pour le mien. La richefle & i'écbt d'une fuperbe ville, A mes trifr.es regards n'offrirent rien de beau, Pour trouver le repos, & pour unique azyle, Je ne fouhaitois qu'un tombeau. Quel tourment pour un cceur quine fut jamaisfeindre D'C'tre obligé de fe contraindrc, Des pleurs prêts a couler arrêter le torrent, Aux regards Maternels déguifer ma trifieffe, Avec un air content répondre k fa tendreffe, Ma bouche fourioit, mon cceur étoit mourant. Enfin le temps vainqticur des maux, & des alarmes, Fit  SOLITAIRE S. 4! FitcelTer, ou plutót, modéra mes rcgrets, Ta main viut elTuyer mes Iarmes, Et dans mon trifte cceur tu rétabiis' la paix: Mais bientót ma fanté jadis fi floriflante, Prête a ni'abandonner fit craindre pour mes jours, Et d'uue Mère en pleurs l arné compatiflante, M'obligea de partir pour trouver du feeours Sur une Rive faine, agréable & riante; Je pris congé de vous, Mére tendre & charmante,' Mais j'ignorois hélas! que c'étoit pour toujonrs. Seigneur tu Ic fa vois , tes Décrets immuables, Pour les Humains impénétrables , Avoient ordonné mon départ, Et quand pour ma fanté je n'eus plus rien a craindre, Je batai mon retour, héias! je vins trop tard, O Mort! cruelie Mort, ta main venoit d'éteindre Les yeux dont j'efpérois un gracieux regard. Souvenir douloureüx, tu me redis fans cefle, Que pour moi dans le monde il n'eft 'plus de bonheur. Seigneur, fupporte ma foibleffe, Mon cceur dans ce moment fuccombe k la douleur De 1'inflcxible mort la faux inévitable, Sur tout ce qui refpire exerce fon pouvoir: ' E'le a frapré pour moi Ie feul coup redoutable, Je craias peu Ie dernier, mon cceur fait le prévoir, Toi  42 AMUSEMENS Toi qui'me parois plus a craindre, Noire & funefte trah fon, Quand tu vcux bleflbr tu fais feindre, Dans les replis d'un coeur tu cacbes ton poifoiu Tes fouris concertés, tes paro.'es flattcufes, Tcndent des plègcs dangereux, Semés d'amorces venimeufes.; C'eft toi monftre, c'eft; toi qui fais des malheureuxi Je né t'entendrai plus , Sirêne féduifante, Qui voulois m'entrainer deflbus les flois amersj Celui qui m'a gardé de la fureur des Mers, Rendit ta fine/re impuiflante; Un Prophéte jadis s'enfuit dans un dèfert, Pour éviter d'Achab 1'implacable colère, Le même afile fut offert A mon coeur alarmé qui s'y tient 4 couvert8 ïn attendant du Ciel Ie fecours qu'il efpére. Sous l'ombrage d'un arbre yerd, Eternel tu voyois Eie, Lorfqu'il te demandoit de termtner fa vie,' Par un faint Ange il fut nourri; Et moi dans ce ce dèfert fauvage, J'ai pour me fecourir prés de mon Hermitage, La Sunamite & fon Mari; Couple agé, fimple, mais fincère, Je puiS me repofer fur leur fidélité , Je m'endormois en paix dans ma retraite auflèrc, J'r  SOLITAIR 'ES. 43 J'y méditois en libcrté, Quand il t'a plu Seigneur de m'éprouver encore, Six fois Ie Soleil s'eftplongé dan.s lesMers, Depuis que mes yeux font ouverrs. Hélas! de ma trifte paupièro, Mes cruelles douleurs ont banni Ie fbmmeil, Quand I'AIouette matinière, Djs Oifeaux de ce bois m'annonce-Ie réveil, Et ie retour de Ia lumière, Son ramage fert de fïgna-l Pour rallumer mon zéie & ma prière, Eteints par 1'cxcès de mon mal. Je ne mets point ma confiance Dans un art toujours incertain , Mon .feul fecours dans ma foufFrance, Grand Dieu, je 1'attends de ta main, Tu peux d'un regard pitoyabie,, Appaifer mes douleurs, rétablir ma fanté, Mon ame, a qui tu rends fon état fupportable, Se foumet a ta volonté. Si dans cette Terre étrangère, La mort doit de mes yeux éteindre le flambeau, Ma cendrc & celle de ma Mére, Repoferont en paix dans le même tombcau, Peut-êrre mes divers ouvrages,. Aux quels même les envieux N'oat  44 AMUSE MENS N'ont pu refufer leurs fuffrages, Bri.'leront quelques temps, plairont encore aux yeux. Mais hélas! d'oü me vient cette vaine penfée? Efl>ce pour les Humains une commune loi D'afpirer a Ia Renommée? De quelques grains d'Ëncens la legére fumée Qui ne peut venir jufqu'a moi, Mérite peu d'êrre éftimée. De mes Feftons de fleurs le brillant coloris, Les points de mon aiguille, & les traits de ma plume, Seront dans peu de temps oubliés & ternis, II n'eft rien ici bas que le temps ne conlurne. C'eft ainfi qu'un Vaifleau par 1'orage entr'ouvert, S'enfonce & laifle encor flotter fa Banderole Pendant quelques momens, mais ce fignal frivole, Frêle jouet des vents, par les vagues couvert, Difparsrit a nos yeux, & fous les flots fe perd. ODE  SOLITAIRE S. 45 ^^^.<^^<^^^<^^<^^^,^,<^^^ ODE Au RoiLouis XVI. Sur le rétablijfement du Parlement de Paris. \^uellc Divinité m'infpira Et s'empare de tous mes fens, Apollon prête moi ta Lyre, Pour exprimer ce que je fens, Si tu veux feconder mon zèle, Je vais quoique fimple mortelle, Par des accords mélodieux, Egaler Ie Chantre de Thrace, Et m'élévant fur Ie Parnaffe, Charmer les Hommes & les Dieux. Sur les bords fleuris de laSeine, On entend les plus doux hautbois, Chaque Bergère de la plaine . Y joint les charmes de fa voix, Pourrois-je garder le iilence, Lorfque de l'Adre de la France, Mes yeux font charmés, éblouis, Non, il faut que 1'Echo redife, Que fur les bords de la Tamife, . Je chante l'Augufte Louis. Grand  4ö AMUSE MENS Grand Roi:, dont Tamc blenfaifante, Imite fon Divin Auteur, Soleil, dont i'Aurore bliïTantè Répand la plus vive fplcndeur, A p.ine entré dans la carrière, Tu fixe de 1'Europe entière, Les regards & 1'attention; Chacun pour les Vcrtus fublimes, Par des louangcs unanimes, Marqué fon admiration. Quand Ia rapide Renommee, Nous entreticnt de ta bonté, Mon ame attentive & charmée, Te croit une Dlviniré: Plus excellent par ta fagelTe, Que par ton Pouvoir, ta NoblelTe, • Ton coeur eit ton plus grand tréfors Toutes les vertus le rempliffent, Et chaque jour elles s'unifient Pour reproduire un Age d'Or. Jufte, vïgüant, débonnaiie, Occupé d'utiies projets, Ton but, ta principale affaire, Efl le bonhenr de tes fujets, Par les réformes les plus fages, Tu les foutiens, tu les foulages, , Aftrée k tes foins applaudit, Lp  SOLITAI-RES» 4? La Francc heureufe & flori/Tante, De ton zéle rcconnoifTante, Te craint, t'adore & te b.nit. Lorfque Thémis te follicite A vciller au maimicn des Loix, Elle proclame le mérite Des Miniftrcs'dont tu fais choix, Tes lumières & ta prudence Donncnt toajours la préférence Aux vertus, aux talens, aux mceurs; Oui Grand Koi, plus je t'examine, Plus je crois qu'une main Divine Te guide &• t'ouvre tous les cceurs. Mais quel fpe&acle niagnifique-! Cieux, vous en êtes réjouis, Qiielle gloire pour le PortiqueJ Thémis triomphe avec Louis, La Paix d'Oliye couronnée, L'Abondance d'Epis ornée, Conduifent la Félicité, La Foi, la Piété conftante, Et la'Charité permanente Accompagnent ta Majefté. Palais Antique & refpefluble, Recois ce Ro! jufte & clément, Qui, par un Edit é^uitable, Vient  48 AMUSE MENS Vient rétablir Ton Parlement: Oui c'eft aujódrd'hui qu'il rappelle Le Corps vénérabie & fidelle Du plus illuftre des Séuats", Rends grace a ton Aügüfté Maitre, France, tu vas voir reparoitre Tes Cfe-rons^ws Mécimt P - -j G. • r; er.< qui ïlk l'Hiftoire Et-K. pr.oA aij premier r:.rg, Lca "L-Siyluri» don: vn is i" itcs gloire, C|||ï'!W:;i' ■ '. ,,,^:l";iilj;;,;...,i . : o.. fjïfpjij- Défendra tout \ iPlfi Obtiendra tout par fes vertus. Delliné pour le rang fuprême, Chéri du Monarque des Cieux, Louis, avant le Diadême Recut un don plus précieuX, Cette Reine toute adorable, Tréfor excellent, admirable Par fes vertus, par fa beauté; Son efprit, fon coeur noble & jufte, En un mot, fa Perfonne Augufte, Annonce une Divinité, Pour  S OLITAIR.E S. 45 Pour célébrer cette Déefie, De conecit avec Apollon, Les Ma les quittent le Peimeffe, Le Pinde, & le facré Valion; Ce n'eft plus dans la TlielTalie, Que les ondes de Caftalie, Infpirent les plus doux accords. Apollon aux eaux d'Hipociène, Préfére les eaux de la Seine, Tout le Parnaffe cft fur fes bords. Silence donc Mufe ruftique, Ne fais plus réfonner ta voix Sur un fujettrop magnifique, Pour être criante dans les bois, La France a de favants Orphées, Qui, guidés par les doftes Fées, Toucbent Ia Lyre d'Amphiüii, Contente toi fimple Driade, De chanter pour quelque Nayade, Dans les Campagnes d'AIbion. C LES  50 AMUSE MENS LES PLAISIRS DE LA SOLITUDE. V-'Oulcz mes heureux jours, mais coulez doueement, Laiffez moi rèflèchir avec rcconnoilfance Sur les biens que jouriiellement, Le Ciel m'accordc abondamment, Par les foins de la Providence; Ces foins a tous momens préviennent mes défirs Dans ma paifible folitude, Elève toi mon cceur, marqué ta gratitude A 1'Etre tout PuilTant, Auteur de tes plaifirs. Plaifirs innoceug & tranquilles, Méprifés, ou plutöt ignorés des mondains, Dont les cceurs agités des foucis les plus vains, Font pour le vrai bonheur des fouhaits inutiles, Pour eux eet Univers n'efl qu'une vifion, Oü fans s'appercevoir qu'ils vivent en efclavcs, Une fatale illufidn, Sous 1'ombre des plaifirs, leur cache des entraves; Le fafte, les grandeurs, la volupté, i'orgueil Sont les Tyrans qui les enchainent, Lours goüts, leurs paffions, leurs richefles les gênent, Et la frivolité les fuit dans le cercucil. Lo;n des vaines grandeurs du biuit de la Ville, Je  SOLIT AIRES. 5? Jc vis dans uri Hameau folitaire & tranquille, 1'Aurora en fe levartt voit finir mon Ibmmeil, Et mon aftivité dévanee Ie foleil, Le matin d'un beau jour me paroimneFête, Mon champêtre réduit me paroit un Palais, Ou la tranquillité vient couronner ma tête D'un rameau d'Olivier, fymbole de Ia Paix. Prés de mon Hermitage afïlfe au pied d'un Hêtre, Je fens mon coeur s'épanouir, Je favoure le plaifir d'être, De penfer & de réfléchir, L'imaginatlon s'égaie & fe promène, Dans fon effcr rien ne la gêne, Perfonne n'eft i.iftruit de mes raifonnemens, Non plus que de mes feminiens ; Mon ame s'applaudit dans un fi beau Domaine j J'appercois des beautés dans les moindres objets, Mes paffions font mes fujets , Jen défir, Seigneur, eft de te plaire, Tu connois mieux que moi ce qui m'eft néceflaire, J'ofe m'en repofer fur toi. Vertus, feul tréfor défirab'e, Soyez toujours a mon cöté, Soumife a tes décrets, Providence adorable, Mon cceur n a plus de voloaté. D O-  S O L I T A I R E S. 55 D O R I S E G L O G U E V^orirme, qai m/offrez un agréablc azyle, Dans ce Hameau tranquiile, , - Je vous offre a mon tour, i'amitié que reuen. Un coeur reconnoiffant. Si je puis obtenir le bonheur que j'efpère, En devenant Bergère, Pan aura pour tribut de mon petit Troupeau, Tous les ans un Agrieau. Le Monde me déplait, je n'y vois qu'injultice, Que fraude, qu'artifice, II n'ell. plus d'amitié, ni de fmcérué, Dans la grande Cité. L'avare, le mondain, I'athée & 1'hypoerite, Difputent de mérite, Aucun n'eft bienfaifant, jufte, hurnble, ni pieux, Mais tous font orgucilleux. Pour avoir des amis, il faut être mondaine, Diffimuk'e & vaine, Savoir flatter, jouer, faire du jour la nuit, Et n'aimer que ie bruit. Aux habits précieux qui couvrent l'ignorance, Oa fait la révérence, C .4 S'ü  5ö AMUSEMENS S'-il eft quelques favants, ils font peu recherchés, Et fe tiennent cachés. II faut déraifonner pour fe rendre agréable, Ou du moins fupportable; Quelques foibles talens qu'on a recu des Cieux, Vous font des en vieux. Quaiïd pour fe repofer mon Troupeau fe raflemble, Sous 1'ombrage d'un Tremble, Mes innocens Moutons ne fe difputent pas, Pour le rang, ni Ie pas: La haine, a fupplanter ma Brebis favorite, Jamais ne les cxcite, Sa fonnette d'argent qu'ils devroient envier, Semble les égayer. Lorfque dans le ruiffeau, la follette fe mire, Chaque Brebis Padmire; Sa guirlande de fleurs, eft le brillant drapeau, Qui guide le Troupeau*. Corinne, prés de vous, fur ces heureux rivages, A 1'ombre des bocages, Mon coeur Sc mes Moutons, innocens & joyeux, N'auront point d'envieux. Quand je viendrai chanter au bord de la fontaine, Les Nymphes de la plaine S'affembleront le foir fous les arbres fleuris, Pour écouter Doris. C'eft lü, que dans le fond d'une grotte fecrète, Les fons de ma Mufette, P^r trois divets Echos, emportés dans les bois, Re-  SOLITAIRE $ 57 Retentiront trois fois. La, fouvent pour tribut de mon ame attendrier Vers ma cbère Patrie, | Mon cceur toujours fidelle, enverra des foupirs, Sat 1'aile des Zépbyrs. Quand ]a Parque viendra me fermer Ia panpière, Dans mon humble chaumière, Les Nymphes qui pour moi daignerent 1'Cmbelür, Viendront m'enfevelir: Au pied de ce rocber d'oü fort une onde pure, J'aurai ma fepulture, Du gazon Ie plus verd , les Bergers du Hameau ' Couvriront mon tombeau. Peut-étre qu'en verfant quelques larmes fincères, Les naïves Bergères, Cueilleront dans les prez, des fleurs de la faifon , Pour orner ce gazon. Silvandre, fur le roe prés du tombeau ruftique, Gravera ce" Diflique, Un cceur humble & conftant, qui ne flatta jamais, Ici repofe en Paix. C 3 E G L O-  SS A M U S E M E N S E G L O G U E. jLa penfive Doris au bord d'une Fontaine, Dont les eaux lentement ferpentoient dans la plainc, Accompagnant leur cours de fes regards diftraits , Difoit en foupirant, coulez, coulez en paix, Rien ne trouble les flots de votre onde argentée, Mais le calme eft banrii de mon ame agicée, Elle craint, elle efpére, & ma trifte raion, En m'offrant des douceurs, y mêlc du poifon; Pour cherchqr le repos j'abandonnc ia viile, Hélas! dans I'Jnivers la paix n'a point d'azyle, En vain je chercherois ce repos qui me fuif, Mon cceur n'eft point content, 1'infortune me fuit, Eft-ce pour mon malheur que la raifon m'éclairc 1 Je penfe & je prévois un fort toujours contraire, Souvent 1'efpoir d'un bien qui flatte mes déiTrs, Etouffe dans mon cceur tous les autres plaifirs; Et li j'obtiens enfin cc bien que je dèfire. En cefiant d'efpèrer toute ma joie expire, Si i"efpoir eft fatal a la pofleffion, Lebonheur des Humains n'eft qu'une illufion , Pour les feuls Animaux 1'Univers a des charmes, La raifön n'eft pour nous qu'une fource de Jannes, Dans des liensdorés qui flattent notre orgueil, Elle nous tient captifs Se nous montre un cercueil, LfiS  SOLITAIRE S. 59 Les tranquüles Moutons prés de !eur Bergerie, Paiffent en liberté parmi I'herbe neurie, Leur bonhenr eft parfait, ils goütent dans les prez, Des piaifirs innocens qu'ils n'ont point efpérés, Puis-je voir fans douleur la nature bizarre, Tendrc Mère pour eux, pour nons Maratre avare, Leur prodiguer des bicns dont nous fommes privés, lis paiffent dans des champs qu'ils n'ont point cultivés» Pour étanclier leur fuif ils ont une onde pure, Et pour fe repofer des tapis de vcrdure ; Leurs corps font revêtus d'une épaiffe Toifoir, Qui brave les rigueurs de Ia froide Saifon, Quand 1'Aquilon glaeé régne fur la prairie, Ils trouvent leur abri dans une Bergerie, Au retour du Printemps, l'officieux Berger, De leur robe d'Hiver, daigne les décharger; Ils vivent fans foucis , fans travail & fans pcines, Ils n'ont point de chagrins, de remords, ni de barnes Leur Chien les garantit de la fureur du Loup, Et fans prévoir ia mort, ils meurent d'un feul coup. Cc n'eft pns fans raifori que notre cceur murmure, O Montous favoris de l*injuïb nature, Eüe pro/rA,f 'H\ -ce 'i je partage ö noWe & fi fage? 0 • croit couronnê, m i; «I^^Blcftinfortuné, 4&nidei #f«!i^^ns, Efprit, Vertus, Sagefle, Que vaas triompfcea mal de 1'H.imaine f dbleffe , Tandis que notre temps fe partage entte vous, Après  04 AMUSEMENS Après tous nos travaux que] prix reniportons - nous ? Mais pourquoi m'abaifler au deflous de I'Infe£te, Des oeuvres de mon Dieu fuis-je la plus abjecte? Imprudente Doris, ofes-tu Ie penfcr ? Leve tes yeux au Ciel, & crains de foffcnfer, 1'Uuivers fut créé par un Etre tout fage, De ce grand Créateur 1'Homme feul eft 1'image, L'Homme feul le connoit, lui feul fait I'adorer, Du nom de fon Enfant Dieu daigne I'honorer, Guidé par Ia raifon dans fa courfe mortelle, Lui feul peut efpèrer une vie Eternelle; De toute Eternité Ie Monarque des Cieux, Sous le Dóme éclatant d'un Palais glorieux, Tint dans fon Sanöuaire un Confeil magnifique, Préfidant au milieu d'une Cour Angelique, Pour y délibérer avec les Séraphins, Et difter un Arrêt fur le fort des Humains: Les Hérauts immortels d'un Dieu ruilfant & jufte, Ouvrirent les rideaux du Tribunal augufte , Et pour fe comformer aux Décrets Eternefs, La Providenee vint au devant des Mortels ; Prêtez moi vos pinceaux, vos couleurs & vos toiles, L'Azur de votre Ciel & 1'Or de vos Etoiles, Archanges glorieux cui veillez prés de nous Je peindrai des Mortels prefou'auffi grans que vous, Ce Pére des Croyans dont 1'ame bienfaifante Avec hrmüïté vous recut dans fa tente , Ses pieux defcendans, ces Prophètes, ces Rois, Aux  S O L I T A I R E S. 65 Aux quels Ie Roi des Cieux faifoit ouir fa voix, Ce Précurfeüf zélé, ces Apótres fidelles-, Qui conternplent déja les beautés Eternelles. Anges qui connoiflez les Saints glorifiés, Et tous ceux qui par eux furent édifiés, Vous voyez mieux que nous de votre haute fphère, La dignité de 1'Homme, & les biens qu'il efpére, Le Dieu qui Ia formé, fut votre Créateur, 1'Homme eft créé deux fois, Dieu fut fon Rèdempteur, Sa défobeilfance en le rendant coupable, Lui fait fentir I'amour d'un Pére charitable, Dans le Dieu qu'il offenfe il trouve fon Sauveur, Glorieufe raifon du rebelle pécheur! Dieu lava de fonfang, nos fautes criminelles, II n'cn a point verfé pour les Anges rebelles, Vous Anges Gardiens, vou? n'êtes .point jaloux De 1'Homme vertueux qui fe compare a vous, Bien heureux Gabriel, envoyé vers Maric, Et vous, dont la fplendcur troublala Bergerie, Hérauts qui proclamiez en chceurs harmonicux, La Paix dans 1'Univers, la gloire dans les Cieux, Vous, dans Gethi'emané, qui foulagiez les peines Que mon Sauveur fouffroit pour les fautes Hümaines, Qui pourroit mieux que vous dépeindre Ia grandeur Des Humains deftinés au fuprême bonhcur? Ces Martyrs innocens dont les ames pieufes , Aux yeux de leur Sauveur furent fi précieufes , Le  66 AMUSEMENS Le Chrift, le Fils de Dieu, dan° le Ciel révéré, La terreur des Démons, des Anges adoré, Ce Chef qui commandoit des Légions Divines, Lié, meurtri de coups & couronné d'épines, Attaché fur la Croix entre d:ux criminels, Ver fa fan fang, mourut pour nous rcndre immortels, Soleil tu fus témoia quand Jefus, mais que dis-je! Tu palis & la Nuit par un afFreux prodige, D'un funébre rideau couvrant le Firmament, Tu rcculas d'horreur dans ce trifte moment, A 1'Afpeft ténébreux de ta face, voilée , La nature frémit & la Terre ébranlée , Voyant fon Créateur mourir fur une Croix, Dont elle foutenoit le fpeQacle & le poids, Treffaillit de regretd'en avoir produit 1'arbrc, Gémit & déchira fes entrailles de Marbre. Les Aftrcs effrayés s'éclipferent du Ciel, Lorfque leur Souverain fut abreuvé de fiel. Aux cris d'un Dieu mourant, les Morts relTufciterent, Le Ciel verfa des pleurs, les Anges foupirerent, La mort menie, la mort laifla tomber fa faux, Et !a reprit enfin pour terminer fes maux. De ce grand facrifice, Homme, tu fus la caufe, Le Sauveur en mourant fit ton Apothéofe. Le Chréticn qui recoit avec hum.lité Ce gage précieux de 1'imtnortalité, Affermi dans la Foi, joyeux dans 1'Efpérance, Attend paifiblement fa lcconde exiilence, Di-  SOLITAIRE S. 6^ (Détaché de Ia Terrc & ne tenant i rien, Son cceur n'eft occupé que du fouverain bien, : Semblable au voyageur, dont le VailTeau fragile, :Brife contre un écueil qui devient fon azyle, :Appuyé fur fon Ancre au pied de ce Rocher, pi voit calmer les flots, appercoit un Nocher IQui pourra furement le conduire au rivagej IDe même le Chrétien fans cbanger de vifage, ' Voit approcher la Mort qui le menace en vain , I II 1'atteud , elle arrivé, il lui donne la main, i Et quitte fans regret tout ce qui 1'environne, Glorieux d'obtcnir la Célefte couronne. Sur des ailes de feu fon ame prend reüor, 1'Ange qui la conduit avec des chaines d'or, Préfente au Roi des Rois 1'innocente Viclime, Et 1'attache humblemcnt a fon Tróne fublime, Indépendant du fort, triomphant, radieux, II vit avec les Saints, & régne dans les Cieux, Perdant Ie fouvenir des Humaines foiblelfes, II foule fous fes pieds Ie Monde & fes richefles. Quel Etre eft plus parfait que 1'Homme en ce moment J Q-uc fon Triomphe eftbeau! que fon b'jnheur eft grand! Pour mon cceur affligé, quel changement de fcène, Mes yeux, ne verfez plus vos pleurs dans la fontaine, Des innocens Moutons, ne foyims point ja'oux, Tout dans eet Univcrs n'eft créé que pour nous. Si nous avons des maux, des chggrins, des alarmes, Si nos biens les plus doux font urrofés de larmes, Le  68 AMUSEMENS Le terme en eft borné, Ie moment da trépas Nous allure dn bonheur qui ne finira pas. Riche & glorieux prix de 1'ame du fidelle! II n'eft point ici bas de bonheur digne d'elle. Paifibles Animaux qui paiffez fans dangor, Sous les yeux attentifs d'un vigilant Bergu-, Défendus par fon Chien, guidés de fa houlctte, Tandis que vos Agneaux aux fons de fa mufette, Sur Ie gazon fieuri célébrent le Printemps; A 1'ombre de ces bois vous êtes tous contens, Jouiffez du préfent, vivez fans prévoyance, Hélas! votre bonheur vient de votre ignorance, Vos biens ne valent pas les biens que nous goütons > Paiffez tranquillement imbéciles Moutons, Si Doris vient demain réver dans Ia Prairie, Elle vous y verra fans vous porter envie, LES ADIEUX DE DORIS E G L O G U E. Ilis prète a quitter ton célébre rivage, J'héfite, je foupire & mon cceur fe partage, De ce cceur fi fidelle aux Loix de Harriftié, Je voudrois fur tes bords laiffer une moitié, Mais  SOLITAIRE S. 69 JMiis 'oin de ces Chnats, loin de cette Ifb heureufe, L'Anr'tié me rappelle aux rives de Ia Me ufo, iAux charmes de fa voix, mon cceur toujours foumis Trifte & gai tour a tour, conftant a fes Amis, Les quitte avec regret, les retrouvc ;vec joie, Et les réunit tous dans un lien de foie. Rofes , Jasmins , Lilas, Oeillets, Myrtes fleuris, Enlacés cn fcftons par les mains de Doris, Des noeuds de 1'amitié préfentez leur 1'emblême, C'eft ainfi que Doris les raflemble & les aime, Précieufe amitié, félicité des cceurs, Tu retiens tes captifs dans des chaines de fleurs, De 1'un a l'autre Pole e'les peuvent s'étendre, Mais pour romprs leurs noeuds il n'eft point d'AIcxandre. Nymphes qui préfidez fur ces fertiles bords, Pour la dernière fois écoutez mes accords, Sur ces brillans tapis brodés des mains de Ffore , Je vieus mêier mes pleurs aux larmes de 1'Aurorc. Echos qui Téfonnez fur les rives d'Ifis, Répétez doublement les regrets de Doris. Damon, Tirfis, Licas, honneur de ces campagnes-, Sortez de vos Hameaux, amenez vos Compagnes, Daphné, Corinne, Iris, Melicerte, Flora, Au bois des cceurs conftans Daphnis nous conduira, C'eft la qu'a 1'amitié, 5ilvandre li fidelle, OrTrira le flambeau que j'allurac pour elle, Sur  AMUSEMENS Sur un Autel d'AIbatre au pied d'un Chêne verd, Dans un Antre facré d'Aube-épine couvert, Les murs en font unis, des fièges de verdure, Un Autei, des Flambcaux, font fa feuie parure, Un iimpide cryftal fourdc au pied de 1'Autet, Et forme dans la Grotte un jet d'eau naturel, Sur les murs font gravés par la main de Silvandre, Les noms de ces Bergers, qui de 1'Amitié tendre Connurent les douceurs, obfervcrent les Loix. Echo, de leurs feuls noms fait retentir le bois, Nymphcs &vous Bergers troapeheurcufe&charmante, Vous qui m'avez premis une amitié conllante, Suivez moi dans ce bois, oü la fidélité Régne loin du tumuhc & de la vanité , L'innocence fe plait fous ces naiffans feuilhges, Or. n'y voit point d'oifeaux incoiiftans, ni voiages, Le tendre Roffignol y chante fon amour, La fidelle'Colombe y fixe fon féjour. Les oifeaux de rapine, ou de mauvais augures Som bannis par Silvandre au bois des cceurs parjures, Mais déja fur 1'Autel il aliume 1'Encens, Approehez mes aims, écoutez mes fermens, Je jure par Pallas, par les Mufes, par Fiore, Et par la Déité qu'en ce temple on ad jre, De vous airrter toujours avec fineérité; Amis cbers & conftans, vous 1'avcz mérité, Dans vos doux entretiens j'ai trouvé mille charmes, J'arrofe en vous quittant eet Autel de mes larmes. Echos  SOLITAIRE S. 7I Echos qui réfonnez fur les rives d'Ifis, ; Répérez y toujours les fermens de Doris. A ce chêne touffu je fafpends ma Mufettè, Je vous laifle mon Chien, mes Brebis, ma Houïetie* Vous me i'avez promis, Bergères tour a tour, Vous paitrez mes Moutons ja.'ques a mon retour, lis font tous beauv Sc fajns, Ia tróupe en elt pet'ite Hélas! j'entends bêler ma Brebis favorite, ' Elle vient fur mes Pas & fon Agneau craintif . La fait &' la rapeile avec un ton plaintif. Deuce Sc chère Brebis, qui toujours la première ! Lorfque tu me voy ;is ouvrir ma panetière, A\ cc un air content vencis baifer ma main', ICorinne déformais te donnera du pain, lEt toi brave Mireau, vigiLnt & fidelle, ICorinne t'aimera, tiens toi toujours pré; d'elle, parde bien Colombine, & conduis mon Troupeau Viens, donne moi la patte, adieu mon cher Mireau, Je t'embraöe, je pars, ma douce Colombine, Prends foin de ton Agneau fois fidelle a Corinne. Echos, qui réfonnez fur les rives d'Ifis, Répétez doub'ement les regrets de Doris. Mais voili le fignal, un coup fe fait entendra Qui m'annonce qu'au Port il elt temps de me rendre Adieu fiére Albion, Reine de 1'Océan, CII-  ?2 A M U S E M E N S Cl'mat "favoriféj de Cérès & de Pan , Mille rameaujf fleurisp.jroju déja ta rive, Mais hèlas! dans tes champs je vois fécher I'olive, Bcllone a déployé les pomneux étendards Que fuivent les Héros de Nepti.ne & de Mars; J'entends le fon fatal des Txompettes Guerrières, Je vois ces Légions fi libres & fi fières Ces glaives argentés & ces foudres d'airain, Que 1'Ocean tranfporte au bord Américain, La Paix en gémifiant dans les bois fe retire, La difcorde triomphe, & mon coeur en foupirel Echos, qui réfonnez fur les rives d'Ifis, Répétez doublement les regrets de Doris. C'en eft fait, du vaifleau je vois labanderole, Tamjfe fur tes flots dé ja la rame vole, La légére nacelle approche dc ces lieux, Nymfhes, que je chéris, recevez mes adieux: Et vous Bergers conftants, lorfque fur ces rivages, Vous les entretiendrez a l'ombre des bocages, Piononcez quelques fais mon nom dans vos difcours , Ditcs leur que Doris les aimera toujours, Puifle le Dieu des Mers & le Dieu des alarmes, Refpefter ce rivage arrofé de nos larmes, PuiiTe Aftrée a jamais protéger vos hameaux, Cérès dorer vos champs, Pan veiller vos troupcaux. Mais déji les zéphyrs m'enlevent de la dune, Ilis  S0L1TAIRE.S. 73 ïlis tu vas bïentót me Jivrer k Neptune, Sur le Dauphin Royal, plus vltejju'Arion, Je m'éloigne du port, je vois fuir Albion, J'appercois 1'Ocèan d'oü naiflent les orages, Source de nos trèforS, riche de nos naufrages, Remonte vers tes bords, adieu charmante Ilis, Reporte avec tes flots,'les larmes de'Doris. A Monjlsur ie Baron de . . CZ/i git notre Correfpondance, Qu'un ennuyeux & loug ■filen.ee Vient de mettre dans le tombeau Ce début n'eft pas affez beau, Pour faire votre apologie, AulS n'eft-ce qu'unc Elégie, Non a deffein de vous louer, Car je ne faurois m'enrouer A contrefaire 1'hypocrite, Je connois tout votre mérite, Mais (ceci foit dit entre nous) II n'eft pas fort honnête a vous, De manquer a votre parole Sur quelqce prètexte frivole, On trouve toujours le loiür D'écrire, pour faire plaifir, A ceux qui taiilent tant de plumes, D Pour  74 AMUSEMENS Pour nous écrire des volumes, A deflein de nous divertir; Je n'en ai point de repentir, Ceci vous foit dit fans reproche, Les traits que ma Mufe décoche, Ne vifent point a vous blefler, Encore moins a vous prefler De m'écrire une feule ligne, Si vous ne m'en croyez pas digne, Vous favez que j'ai trop de cceur, Pour briguer miflive, ou faveur, Je fais gloire d'être Efpagnole, Et je fai tenir ma parole, Je pars aujourd'hui de Schiedam, Pour m'embarquer a Rotterdam, Sur une Frégate ou Chaloupe, J'efpérc avoir le vent en poupe, Je ne vous dis pas oü je vais, Dcvinez pourquoi je me tais, Vous ne pourrez donc plus m'écrire, Et moi je ne pourrai pas lire Ce cue vous ne m'écrirez pas, 11 fe peut que vous êtes las D'avoir danfé de bonne forte, A vous permis, & peu m'importe, Danfez jusques au jubilé Ma Mufe & fon cheval ailé, Ne viendront point troubler la Féte, •Kou* avons autre chofe en tête, Noua  SOLITAIRE S, 75 Nous ne rimerons plus pour vous, Car cc feroit être bien fous Que de rimer & nous morfondre, Pour qui ne veut pas nous répondre, Nous avons des correfpondans Qui ne manquent jamais de tems, Pour répondre a chaque mifïive, Dès le lendemain qu'elle arrivé, Nous en avons dis-je a choifir, Qui fe font toujours un plaifir De dire, j'ai rccu la votre Qui m'amufe plus que toute autre, Et vous, Cavalier fi poli, Vous m'honorez de votre oubü, Par Mahom ! la faveur eft grande ! Permettez que je vous la rende, Ma Mufe donc pour 1'avenir, Vous raye de fon fouvenir, Vous auriez beau prendre une Femme, Vous n'aurez point d'Epithalame, D'Epitre, Chanfon, ni Ballet, Pas même un pauvre Triolet, Si vous partez pour 1'autre Monde, J'irai confoler a la ronde, Tous vos trés honorés Pareus, Jeunes & vieux, petits & grands; Mais vous n'aurez point d'Elégie Tachez donc de refter en vie, Car bien des gens fe moqueroient,  $J A M U S E M E N S l -iK^> cO^?C^> Et les plus ajrogans diroient En ricannaut, & faii'ant piafte, Le Baron n*a point d'Epitaphe, N'appi'étez point a rire aux gens, Vivcz heureux, vivcz iorrg-tems, Adieu Seigneur, & lans rancune, Poiffiez vous faire grand fortune, Ce fut toujours votre- défir, Le fuccès m'en fera plaifir: Ma Mufe fuit, le vent fsi chafTc, Rccevez donc de bonnc gracc , Les fouhaits & le-compliment Qu'elle vous fait erj b'envolant. A Monfieur de G. Je voulus 1'autre jour, mals je n'ofai pour caufe, Vous dire que par fois je rimc de la profe, Craignant avec raifon le deftin de Ragot, Te crus qu'il valoit mieux toarncr sutour du pot, Plus matoiic Gucnon, qu'officieufc Chatte, Te priai mon Coufin de me prêter fa patte, Pour tiener finement d'eferoquer un Marron Du coin de votre feu, trés Dofte Ciceron» L'adrcffc du Matou furpaiTant mon attente, J'a recu le Marron dont je fuis fort contente, P rdoni ' • a Minet de 1'avoir efcroqué , ■ JEi ditos! V rcigncur", fi je. p bien crequé;  SOLIT AIRES. 77 P 1 crmcttez oher Coufin, qr.e je vous féh'cite, Mon cceur avec plaifir rend juftice au mérite, Connoiffant vos talons, votre eapacué, Dofleur B. . . je n'ai.. jiemui> douté, Que vous ne devinülcz un jour un habile homrn;. J'apprends que vous allez recevoir Ie Diplome Précicux, ou fatal, qui conferve nos jours, Ou par un quiproquo précipite leur cours, Vous poffedcz a fond les taiens d'Efeuiape, De mille maux divers, pas un ne vous èehapp'é Rhume, fièvre,-douleur, tout-ccffe a votre afpeff, Le pouls le pïus muti'n fe caline par refpeff,, J'entends déja crier fur Ia rive Batave, Que vous -égalerez van Swicten & Boerhave, Que vous furpaffercz le fameux Gaüen, Je le crois, que m'importe ? 11 ne m'en reyient rien. Si j'euue été Coufin de Phich'as, d'ApelIe, Chacun, a qui mieux raieux, m'enttémoignéfonzéie, Je pourrois m'app.'audir du don qu'ils m'auroient fait, L'un m'eut offert fort Bufte, Sc 1'autre fon Portrait. Si vous étiez foumis au joug de i'Hymenée, O 3 je  7& AMUSE MENS je pourrois efpérer vers la fin de 1'année, Un petit rejeton du grand I?. . Mon bien ainié Coufin, mon plus intime Ami. Mais vous êtes Do£teur, Dofteur en Médccine! Loin de m'en rèjouir, Hèlas 1 je m'en chagrine; Ma fanté vient me dire, & j'en jurerois bien, Que de vous cher Dofteur, je n'aurai jamais rien. Quoi! gratuitement faut-il que je vous aime? Vous me répondrez oui, ma raifon dit de même; Soit, je vous aime donc, & fuis de tout mon cceur, Votre fincère ami, votre humble ferviteur. E N I G M E. D ans une Ifle fameufe, il eft un animal Qui n'eft Oifeau, Poiflbn , ni béte; En quelques points pourtant il reffemble au Chcva!, Portant des fers aux pieds, & du Crin fur la têtc; Parquinte, il fe laifle flatter, Par quinte, il eft brufque & farouche, Si 1'on parvient a le dompter, Ce n'eft pas du moins par la bouche, Quoi qu'il arrivé affez fouvent, Qu'il fe laifle mettre la bride, Mais  SOLITAIRE S, 79 Mais^a peine bridé, ruant contre fon guide, II caflc fon lien & court comme le vent. Cetanimal, nommé fphinxide, S'admirc, fe donne des airs, Je ne ne fai s'il eft Amphibie, Quoi qu'il en foit, il traverfe les mers, Court par la France & 1'Itaüe, Oü chacun paroit fort furpris De voir que ce ungulier Etre, A dans fa tête, un Thermomêtre, Qui hauffe & baiffe fes efprits: Aujourd'hui, joyeux par caprice, Et demain, trifte fans raifon, II varie en chaque faifon ; Lion , Capricorne, Ecreviüe, Croiffant, pleine Lune, Décours, ï^V'VV Sur lui n'ont aucune influence, Ses efprits fermentent toujours, Quand la gaieté finit, 1'hurneur fombre commgnce. E>4  €o~ A M U S E M E N S ODE A une n;a!-Mc;ïce qui bldmoït fe cflihai ^\ Iphife qui, de 1'Hymenée, Tralnant fa chaïne infórtunée, , Vantes fes plaifirs aigre-doux, Ton irnprucrence fut la caufe, De ta trifte métamorphofe, Pourquoi t-en venges-tu fur nous ? Les traits que ta cö'.ère lancé, Contre 1'heureufe indépendance, Que nos cceurs ont fu conferver, Font connoltre Ia jiloufie Du tien qui fouffre, & nous envie ' • Un bien dont il veut nous priver. C'eft en vain que tu te chagrinos, Et qu'un Trio de tes voifines Ofe blamer ce célïbat, Nous pouvons fans livrer bataille, Repoufler avec une paüle , Les armes dont il nous cofribat. Efope raconte ösè Fa'; 'e Qui  S O L ï T A I R E S. 8 x Qui vous feroit bien applicable, Je vous.la laifle dcviner, Souvent en citant notre exemple, Nous offrons un fujet trop ample A ceux qui veulent nous berner. L'imprudent voyageur s'égare, Ou s'enfonce dans une mare, En voulant fuivre un feu follet; Le Pinfon captif dans fa cage, Chante & féduit par fon ramage, Ceux qui volent prés du filet. Vous chantëz captives Sirèncs, Croyéz vous foulager vos peines, En nons les faüant partager? Nous craignons peu votre artifice, Sans nous attacher comme Ülifie, Nous éviterons Ie danger. Les conquérans peuvent vous dire, • Que 1'on refpefte, qu'on admire, Un fort qui ne fut jamais pris; De même les cceurs imprenables Sont des Monumens' refpeaacles, . Dont Ia conftance fait le prix. Dès qu'une fcrterefle eft prife '■ Elle perd fes droits, fa franchife,, Dj SS-  %t AMUSE MENS Sous Ie pouvoir de fon vainqueur, Expofée a plus d'une injure, Souvent elle devient mafure, Et n'a plus rien de fa fplendeur. Le zèlé, le fidelle Apótre, Qu'a bon droit nous nommons le nótre, Voulant décider entre nous Au poids de fa jufte balance, Nous accorda la préférence, Sans fe déclarer contre vous. Efclaves des foins de la vie, Vous êtes Marthc, nous Marie, Nous ne blimons point votre choix, N'offenfea pas les chaftes Vierges , Eaiflez les allumer les C ierges Allez en paix trainer vos Croix. E-  SOL I&T AIRES. 83 ELEGIE. 1 alons les plus parfaits qu'ait forrrré la nature, D'un cceur indifférent vous avez fait capture, Adorables Talons qui m'avez fu charmer, Hélas! en vous voyant je m'avifai d'aimer, Jufqu'ici les Talons peu fameux dans 1'Hiftoire, N'avoient jamais eu part a la moindre Vi&oirc; On fait que ies Guerriers font réputés félons , i Lorfque dans un combat ils toument les Talons, Antoine triomphoit, mais ceffant de combattre, II tourna les Talons pour fuivre Cléopatre, Ce fut par le Talon qu'Achille fut vaincu , Vulcain pour le couvrir n'avoit point fait d'Ecu ; Comment avint -il donc, .Talons incomparables, Que mon coeur jufqu'ici des plus invulnèrabies , Futpris en tapinois, & ne put échapper, Lorfque devant mes yeux vous vintes vous camper Ce fut un beau matin, ó phénoméne étrange! Que deux pieds revêtus de bas couleur d'Orange, S'avancerent vers moi marchant a reculon, Pour me faire admirer 1'un & 1'autre Talon, L'ainour qui, de mon coeur roéditoit laconquête, Se fervit d'un vieux Rat pour la rendre compléte, D 6 II Sur deux Talons.  8'4 A M U S E M E N Il.grignora fi.bieu qu'a travers les cieux bas,, Je pus voir les Talons avec tous leurs appas, Que ne puis-jc.exprimer l/exces de ma furprife, En voyant deux Talons couverts d une peau grife, Qui pour être crottés n'étoient pas.iraoins charmans , Que -tous les preux Talons des Chevaliers errans, Leur éclat fans pareil me caufa la berlue, Qui fe-palTa d'abord, car je hauffai la viie, Pour voir i quoi tenoient les Talons valeureux Qui talonnoient'mon cceur, &'lu'i'dQnnoient des de^.x tl Chacun d'eux foutenoit une jambe trè; fine, Voifine d'un gigot qui tcnoit i rlcmne, D'un Chevaüer bien fait, le quel s'étant tourne,'^ Me fit voir un minois oü deux yeux & ie ness Confpiroient en Trio d'un.air njatëis & .tcndre, Pour enchainer mon cceur qui s'étoit laiff; prendi e, Sou front jaunc, pointu, fillonné, fale, hagard, Marquoit qu'il vieiliiroit, & plutöt que plus tard, . Sa bouche avoit le don-par une doub'e haleine, D'unir i'odeur du Bojc auxfoupirs de.Sirène, S.es dents blanches jadis, fervoient de Garde-fous, Lorfqu'un rhume incommoue, une facheufe toux,. Le forcoient malgré lui de tirer a cartouche, Car pour topffer a Paife il faut ou.vrïr ia .bouche.. Piir fo'n accent tudefque, & fon bruyant caquet,, ïl énchantoitToréjllè f & par fois un hoquet Qbhgeoit les caufeurs i garder le filence, jyonque le moufqueton.de fa dofte éloquonce . Pyintéiur l'AUditoiréj & yifaht droit aux cceurs, Th  S O L I T A I K E ■ S. 85 Tirpit fur les péchés dc tous fes auditeurs. „Valetrrcux Chevalièr de Talonnerie , Mon cceur'a mes trois doigr's, di£lc cette Elégie, ' Je biillc, je m'ennuie, ah que les jours fontlongs! Dcpuis que mon Phénix m'a tourné les Talons. A Monjteur le Baron de Capel.ee Sci'neur de Schcnauzve, X^'epuis un certain jour que dans certnin Bateau,-.. Je pris congé de vous fur Peau , Onques de vous Je n'eus .nouvelle, Or oien vous en fcrois querelle, Si le temps eut eté plus beau,.. M'aviez promis que votre Seigneurie Viendroit me voir , & le crus bonnement Sans penter-que Seigneurs parient légérement, Non que preniez plaifir a dire menterie, Tant s'en faut, &'corinois Sé votre prud'homrfiis- Le trés louable arrangement. Cependant par fois il .arrivé, Que Mufe pénrlente & vive , Prcnant plaifir a ehamail'er Sans rime, ni raifon', mal -mene un Cavalier, Par,rbrocards & par ïnvcdive, D 7 La-  86 AMUSEMENS La mienne indulgente i 1'excès, Loin de vous chercher noife, ou vous faire Procés» Vous lone a bon efcient, & toujours fe rappelle Que Ja neige, le vent, le verglas, dk la grêle Ne vous fouffrirent nullement Mettre le nez a Pair , & fites fagement, Car vous geler le nez ! pour qui? pour ma perfonne> Ah! Seigneur, ce feroit avoir 1'ame trop bonne, Ma Mufe rechignée auroit beau s'affliger De la perte d'un nez cher a Ia Répubiique, Quatre eens vers chantés d'un ton mélancolique, Ne pourroient vous dédommager. E P I T R E au Méme. N oble Seigneur, qui daignez avoir cure De m'honorer par moult dofte écriture, Ayez en gré de prendre acortement, L'humble Tribut de mon remerciment. Avez requis que dans chaque Miilïve, Dois vous mander portrairure naïve, De quelques faits notés dans le Canton Oü je réüde, ès Royaume Bretoa, Eien  SOLITAIRE S. 87 Bien eft - il vrai, qu'il en elt a ccntaines, Vols, maiencontre, eftrif, noife & fredaines. Je, qui muffe en paifible réduit, N'ois nul méchef, malheureté, ni bruit, Hier, j'iffis hors de mon reclufage, M'ébattant mouit parmi le Voifmage, A concueillir quelque nouvelleté, Pour ébaudir votre férénité; N'y perdis temps, or fus, lifez beau lire, Bien m'eft avis, que d'ici vous vols rirej Si tel recueil vous égaye 1'efprit, Regret n'aurai de vous 1'avoir écrit. Avons ici, RévérendefTe aucune, En tous Comtés faifant caufe commune, Non de vertus, bon bruit, fages propos, Ains de pront, de lieffe & repos; Soit en Palais, en Cités, en retraite, Tous, & chacun, aiment befoigne faite. Or bien favez que le benoit Clergé, En fes travaux faut être foulagé; Te! bon Pafteur, qui de maint Benefice Eft guerdonné, ne peut dire 1'Office, Fors qu'cn un feul, dont lui convient choifir, Manoeuvre, ou Clerc gagé pour le fervir; Puis en tel cas, par fois c'eft Clerc indigne, Qui du Seigneur, doit befoigner la vigne; Croitre on y voit, Epines & Cbardons , Et paturer maints iaids rogneux Moutons, Ot  88 A' MUS E' MENS Or du Troupeau qu'4 travers champs ii'mène, Onc ne recoit lait, fromage, ni laine, A tels pronts, certes ne doit fonger. J'acois, qu'fl n'eft que le chien du. Berger, Si qu'a tel titre il a maigre pitance, Et le Troupeau, moult chétive défence, Contre 1'aguet de maints Loups raviflants, Qui jour & nuit, de toutes parts ilTants, Dans le Bercail viennent querre une aubainc, Sans qu'icelui Matin, s'en mette en peine; Moult depiteux de n'être mieux payé, Brin ne lui chaut du Troupeau mal choyé. Si d'avanture, il a Femme & Mefgnil, Lui conviendra pour telle.compagnie Alimenter, qu'il feme en fon courtil, Salade, choux, pois, féves & perii). Un il en fut en Provinee de Gailles, Qui, haut le pied, faifoit danfer fes Ouaiirés , Fête & Dimanche au fo.rtir dn Sermon, Joyeufement raclant du Violon. Pour tels ébats , au Curé populaire, Chaque Brebis-fouloit baiiler falaire , Et tour a tour, chacun étoit tanfé, S'il avenoit qu'il n'eut pas bien danfé. En eft un autre, &• point il ne s'en cache, Ains prend le fceau,- s'acroupit, trait fa vache, Cs-':: fön Porc, s'il a metier de Lard, Eait  SOL I T A I R E S. 89 Fait fa Baée & piume fon Canard. Entourc fon huis., il balaye la fange. Sur le folier, fes fagots il arrange, Puis tout recru de courre haut & bas,. Va coyement xatapponner fes bas. Si de tout lait, préiat mange la crème, Ne raébahis que ÉS Curé fok blême ; Trop plus le prife en pénibles travaux, Que fon Greigneur, fardeau de üx Chevaux, Gros, rebond;, qui fe rit en carroife, De maints Curès gémiffants fous fa crofle. Si Paradis s'acquiert par tc's moycns, Moult de Curés y verront leurs Doyens, O fiècle! ó temps! jadis les faints Apótres, Furent Prêcheurs plus zèlés que les nötres, Moins péeunieux, ne prifant deuxfécus, L'or, ni 1'argent, ains brilloient par Vertuï; De train nombreux de Variets n'avoient cure ; , Voifoient moult loin fans genet, ni voiture, Fors que leurs pieds, j'd nul lit de du vet Eucourtiné, ni dentelle au ciievet. Onques fur eux ne portqièat brin d'Hcrmine , Ains dans leur coeur 'iimpiefTe Colombine, Sur tels propos; Seigneur, j'allois finir, Lorfque tout fouef, il me vient fouvenir D'un autre Clerc,. 1'Hiitoire feroit grande, Si c!e trctous-, vous contois la Légende. Non  od AMUSEMENS Non ferai donc, fors que d'un feulement, Qui fur pencux, & perdit laidemcnt, Faute d'un faut, la Cure expcftative, Que j'a fon oeil voyoit en 1'autrc rive. Bien fut mary, dont moult fort larmoya, Et du Troupeau, le cceur appitoya. Onc ne faudrai d'avoir en remcmbrance, De maints Curés, la dépiteufe chance. Un trépaffa de maigreffe & d'ahan; Sa Cure tót, fut remi-fe a 1'encan, Par le Prélat, moult dévot Perfonnage, Qui mêmement, fouloit prêter fur gage, Par veuil pieux d'aflifter le Prochain. Lors de Curés on vit nombreux éifaim, Voler üec, dofte, barbon , novice, Pour marchander le vacant Bénéfice; Honteux n'étoient de haut prix demander, Ni le Prélat, de vil prix accorder. En la parfin, après maintes femonces, Moult de refus, d'arguments, de réponfes, Du faint Prélat, le cceur fut confulté, II renfermoit ufure & charité, S'entre-battant, donc ufure plus forte, Bouta tantót charité hors la porte, Difant, onc plus ès cceur n'ébergeras De Monfeigneur, oü caufas grand débatsj Ja, tu ne fis bouillir graffe marmitte, Mieux te convient muffer en cceur d'Hermite. Par  SOLIT AIRES. 9t t Par tel Arrét, fut 1'eftrif accordé, I Et du Prélat 1'liumble cceur décidé. ■1 Pour trcntc écus fut la Cure affermie, i A jeune Clerc de fotfcve renommee, I Sans dèlayer il recut Miffion, Et puis tantót en prit pofleflion , B Moult réjoui de telle préféreuce, S Qui boutoit fin a toute concurrcnee. Or vous dirai que Ie Temple rural, Que cil doit cuidoit defiervir bien-, ou mal, lEft un bon brin éloigné du vil lage, Tout éfleulé, n'ayant pour voifinage, ïFors qu'un Ruifiel, qui moult large & profond, '.Onques n'eut 1'heur de courre fous un Pont. (Donc il avint, le fin'premier Dimancbe, Que le Curé ne trouvant pont, ni planche, jlTout ébahi, s'arrêtant, dit, ha! ha.' Fréres trés chers , comment paffcr en la? ■ Lors un Manant qui porroit longue gaule , «°M L'ayant tout fouef óté de fon épaule, Q Dit au Curé, voici Ie Pont d'ilec, Par tel moven traverferez pied fee, Ui ne manquons d'efprit, ni de méthode, Pour befoigner a rendre tout commode; Fichez la Gaule en la bourbe moult fort, jPuis d'un élan, fautez en 1'autre bord. Las  cyi A M U S E M E N S Las! cc dit-i], bien fais dire 1'OfEee, Orer, Próner, mais pour tel exercice, Ja h'eos métier de faire fai.it, ni bond; Si vous requiers, que veuillez faire un Plint. Neni, neni, ce réprond un NotaLIe, Le bon défunt Curé moult refpefta'ole, Bien que vicillot, alégrement fauta; Si male mort qui i'autr'hier 1'emporta, Nous 1'eut lailfé, fi fauteroit encore. Donc, fi voulez qu'ilec on vous honore, Certes, devrez fauter a bon efcient. Frère dit il, ceci ne me convient, En ce Dercail, s'il eft coutumes telles, Point ne me chaut de piitre fauterelles; Adieu, vous dis, en ca le grand Ruiffeau, Pour vous prêcher, querrez un fautercau. II n'eft Pays nu Moutons paiffent herbes, Qui n'ait fes dits, quolibets & Proverbes. Ici, convient, appliquer un Didton, Puis le muer en langage Breton. On fouloit dire en Langue Gallicane, Faute d'un point, Martin perdit fon Ane. Had jack bln^nlmhle and more u/d to jump, fTe bad bin Curat, büt hé :vjs to Lump. C'eft a favoir, que par male avanture, Faute d'un feut, jeannot perdit fa Cure.  S O L I T A ï R E S. 93 Sur un M- qui ptif une Ftlti pour fecHidtre. ï^aifons parier de nous Alize qu'en dis-t,u? Pour devenir fameux il eft plus d'une voie, Choififlöns le chemiri qui conduit a la joie, Il eft toujours le mieux battu. On dit qu'il en eft un rabotcux & tortn, Difficile a trouver, & qu'on ne c'nercbe g ;ère, Qui conduit a cette chimère Que les 1'ots appellent vertu. Les Barbons de 1'antiquité Feuillctaut leurs bouquins, & vivant en fauy-ages, Obtcnoient quelques fois les pompeux noms de fages, Qui flattoient fort leur vanité, Nous qui nous décidons pour la réalité, Tachons d'en faire un bon ufage, èuivons le grand chemin qui conduit au plaifir, Fuyons 1'auftérité de la Théologie, Et n'employons notre loifir, Qu'a préeher en faveur de la Polye.imie. Le Grand Roi Salomon qui fut homme d'efprit, Marié fept .cents fois, eut trois cents Concubines, Je veux fur ce fujet compofer un écrit, Pour endoctriner mes voifines. Alizc, viens chez moi, la je te diaerai  94 AMUSE MENS Le grand projet que je méciite , Quand tu 1'auras écrit, je le corrigerai, Le dédiant a ton mérite. Chez moi tu feras en Trio En dépit de ma vieille Epoufe Que je n'aimai jamais qu'in-Douze, Mais toi chère Aiizon, je t'aime in-Fotit En cas que nos galanteries Nous attirent des railleries, Je faurai hardiment méprifer le caquet, Me fecouant comme un Barbet; Et qu'importe après tout, un peu de médifance Fait moins de tort que 1'on ne penfe, Tels vivent inconnus dans un fombre réduit, ■ Qui, s'ils nous iafitoient, pourroient faire grand bruit. Vive 1'Amour, Alize, & la Polygamie, Je fuis un doux pencbant que je ne puis régir, Mon front noir & tané ne fut jamais rougir, Et la pudeur du tien fera bientót bannie, Qu'un Collégue cenfeur falTe de vains eflörts Pour troubler nos ébats qui pourront lui déplaire, Nous lui cédons 1'honneur de redrefler les torts, Mais nous nous réfervons le plaifir de les faire. Si les petits efprits veulent g'.ofer fur nous, Moquons nous de leur infolence, Pour fe mettre au deffus des fous, II  S O L I T A I R E S. P5 I! faut avoir de 1'indulgence. De faint Jean au dèfert, & du Roi Salomon, Je riche de fuivre 1'exemple, Car j'ai prêché plus d'un fermon Aux quatre murailles d'un Temple, J'ai Femme & concubine, eh bien! qu'en dira-t-on? L'audace elt un excellent don. LE PAPILLON et L'ABEILLE F A B L E. i\u matin d'un beau jour, une prudente AbeiÜe, Pour compofer fon Mie!, arrivoit fur les fleurs', Un Papilion paré des plus'vives couleurs, Pofé fur le bouton d'une rofe venneilie, iS'admiroit au foleü, étaloit fa beauté: L'amour propre & Ia yanité iEtoient fon unique partage, Trop imprudent & trop volage, Pour prévoir que fon Etre & fa frivolité Difparoitroient avec 1'Eté. Ma commère, dit-il, foyez Ia bien venue, Vous vous occupez trop d'un pénible trayajl, Ve-  gó A M ü 5 E M E N < S . Venez fur mon habit ■'recréer votre vuc, Admirez ce's couleurs, ces franges, eet émail, Rien dans tout 1'univcrs n'égale ma parure, Ma prïfence toujoors aimonce le beau'temt s, Je fuis le Héros du Printemps, Et le mignon de Ja Nature : De ce jard n jc fuis le Roi, Florc 1'embcll't pour me plaire, l I Le beau Colibiï prés de moi Kc yaroii qu'un oifeau vulgaire, Les Guèpes font mes poltillcns, Les Hanetons dorés mes pages, LesMouches, ies Bourdons, me rendent'eurs'hommages , Vivent, vivent les Papillons. Pauvre fot, ton difcours m'irrite, Dit i'Abcille d'un ton railleur, j'admire ta parure St Part de ton Tailleur-, Mais oü loges-tu ton mérite? Je te vois tous les jours promener ton orgueil Sur la Rofe & le Chévrefeuü, Du jardin qu'en rêvant tu nommes ton domaine, Il me conviendroit mieux de m'en dire la Reine, De fes productions je forme un dot.x recneil, Chaque fleur m'accorde une Aubaine. Mais toi vain Papilion, inutile & iégcr, En tout femblable au petit-Maitrc, Ta '  SOLITAIRE S. 9? Tu ne fais rïen que voltiger Autour de chaque fleur que Ie Printemps fait naitre'ï Chétif infefte du bon tori , Tu peux voir ta metamorpböle, En te quarrant fur ce bouton Qui dans deux jours deviendra rofe, Et la rofe a fon tour deviendra grate. . „ Etre frivole, ignores-tu Les mifères de ta familie? Ta Mère fut une Cheni'Ie, Et bientöt par le vent, ton manteau bigarrlj En mille pièces déchiré, Ne fera plus qu'une guéh'ifie. ORIGINE DE L'ORGUEILJ O rgueil exhalé des Enfers, D'oü Bélial t'apporta fur la Terre. Pour rendre les Hommes pervers; Mon cceur te déclare Ia guerre, Comme au Tyran de 1'Univers > Rccois 1'encre que je deftine A publier ton origine. Jadis dans le Chaos, étoit un tourbillon Qui renfermoit un puant gouffre, E fcerfiS  go a m u s e m e n s Rcmpli de bitume & de fouffrc, Qu'un horrible Volcan cuifoit a court bouillon, Ccrrain Ange d'humeur rcbelle, Vint pour goütcr au pot, en prit dans une écuelle, En but (il aimoit 1c goudron) Puis il en emplit un chaudron . • Pour abreiivjr fes.camaradcs, Ils bürent, & foudam devenus orgueillcux, Firent tant de rodomontades, De complots, de fanfaronnades , Qu'ils fc ftrent chaflbr des Cieux. L'orgueil leur infpira la venger.nce & la haine, Les hautains Apolbts voulurent fc venger, Mais leur eatreprife fut vaine. Contraints 3e füir & d'enrager, Lear Chef les affura qu'ils pourroient fans danger, Pcrvertir ane race Humaine, Que 1'on verroit un jour naitre dans un Verger; Ce pro jet fut tramé dans le manoir fuperbe, De Pandemonium que Milten a dépeint, Et pendant longtcms on le tint Comme un Crapaud caché fous 1'herbe. Enfin les Diabics déchalnés-, Chez les Humains Infórtunés, Arportcrent l'orgueil, les fots s'en emparerent, Mais les fiiges le mépriferent, Rien ne paroiffant a leurs yeux Plus  SOLI TAIR.ES. $9 Plus vil, plus fot qu'un orgueilleux. Ce vice par Satan fur la Terre apportl, Doit être un des pais déteftablcs, Puifqu'après en avoir goüté, Des Anges devinrent des Diables; Ninon jadis donce & modelte, Piaifoit par fon humiütè, Son cceur n*avoit jamais goüté De l'orgueil le poifon funelte , Contente prés d'un galetas, C'eft-a-dirc au troifième étage, Elle faifoit un bon repas De pain de feigle, & de fromage, Mais il arriya qu'un beau jour Elle fut placée a la Cour. Ninctte ne fc fent pas d'aife, Elle décraffe fon minois, Se coëffe dans la goüt Chinois, Et fe fait fervir fur fa chaife. ' On peut voir du premier coup-d'ceil, Que Ninette crèvc d'orgueil, Autant elle étoit efliinabïe Dans fa douce fimplicité, Autant fa fotte vanité La rend chétive & méprifable, E 2 LES  Iw amusemens LES BOUDINS. Ci git au grana regret de tous fes bons vdiflns, Damoifelle Margot devote & bien aprife, La feule qui jamais s'avifa dans 1'Eglife, De faire griller des Boudins. Fi donc dira quelqu'un, la chofe eft impoflible, Quoi, griller des Boudins! quoi, pendant le fermon! Qui pouvoit dans ce lieu lui fournir du charbon? Vous fbrgez a plaifir un Conté fi rifible. Moi! je ne forge ricn, je dis la vérité, Par gens dignes de foi, ce fait me fut conté, Si vous ne voulez pas me croire, Informcz vous a 1'Auditoire; Chacun dira, je 1'ai fenti, _ Et 1'on ne vous a point mëhti. Je vais donc vous conter l'Hiftoire Du Boudin digne de mémoire, Que dans 1'Eglife elle grilla, Dont plus d'un galant la railla, Ce Boudin logé dans fa proche, N'importe ladro'te, ou la gauche, ïancüs que Margot fommciiioit,  S O EX TA I R E S. ioï Sur fon cbauffe-peid fe grilloit, Chacun dit a fon camarade, Compère, je fens Ia grillade, Les Dames cachoient leurs minoisT Afin de rire en tapinois , S'cntre-cfifaiit a Ia fourdine, Quelqu'un fait ici la cuifine, La plus voifine de Margot Découvrit oü gifoit le. Rót, Voyant d'oii partoit la fumée Dont 1'Eglife étoit parfuméej Enfin chacun étant forti En s'entretenant du róti, Margot a s'enfuir fut habile, Mais i peine elle eut fait cent pas, Qu'elle eut a fes talons tous les chiens de Ia ville, Qui, féntant te Boudin, accouroient a la file, " Efpérant faire un hon repas. Pour fe débaraffer de la troupe indocile, Margot jouoit de 1'évantail. Tel UlylTe aux Enfers, fit un épouvaotail De cette redoutable épée,. Du fang d'Heftor jadis trempée,: Tel dis-je ce Héros dans 1'horrible Manoir, S'efcrimoit pour charter les Ombres Qui fortoient de leurs Antres fombres . Pour lacher de humer le fang du Bélier noir;, E 3 Bref  lOfc A M U S E M E N S Bref Margot d'eftoc & dc taille, Repouffant les goulus Matins, CafTa fon évantail far 1'un des plus mutins, Ah! dit elle en pleurant, tenez faites ripaille, Puifqu'il fatit vous livrer mes malheureux Boudins, PuilTent ils entre vous caufer une bataüle. On m'a dit que plus d'un Amant, Fameux confeillers de toilettes , Jadis lui conterent fleurettes, Autant en emporte le vent: Enfin Margot eft morte fille, Entre les bras de fa Familie, Dont la douleur s'exprime ainfi, Elle eft heureufe & nous auffi. C'eft donc fous cette tombe noire, Mais non, car c'eft en Purgatoire, Que Marguerite au cceur glacé, Grille des Boudins, ia Paft. E P I-  S O L I T A I R E S. ics EPIGRAMME. Un Barbier Londrain a min uit Quitta fon chevet pour fe pendre, La corde caffe, il tombe, par ]c brnit, Son Frater du grenier fe hate de defccndre, La Femme s'éveille en furfaut, Se leve, allume la cbandelle, Voit fon Mari dans la ruelle, Hé! que fais-tu la gros - Lourdaut? 3'effayois de me pendre avec une ficeL'e, Mais c'eft un trop foible Hen. Voyez le mal - adroit! dit-elle. Jamais il ne fit fièn de bien.' E 4 S P JL  104 AMUSEMENS E P I T R E. A Madame & Mefdemoifelles Ment hen. D e ma réfidence ruftique, Sons i'Athmofphére Britanique, Salut dc par la Libcrté Qui fut toujours ma Déité, Au Trio fage & refpeSable, Dont le fouvenir agréable Fait le plus doux de mes plaifirs. Mais croiriez vous, chers Triumvirs, Que ce fouvenir plein de charmes, Me fait fouvent verfer des larmes, Et dire d'un ton de reclus, Quoi donc! ne les verrai-je plus? Trifte jouet de la Fortune, Faut-il fur le dos de Neptune, Tourbillonner au gré du vent, Pourarriver au Continent, Tandis qu'on voit les Hirondelies En équilibre entre leurs ailes, S'enfuir avec rapidité, Pour jouir d'un nouvel Eté, Et raoi, dans la Grande Brctagne,  S Of L I T A I R Ë k- ior Je batis chateaux en Efpagne. Malgré le périllcux tra jet, Tous les a'ns je fais le projet D'un long & beau Pélérinage, Dont Jaim Jaquts n'eft point 1'objet, Recommandant mon Hermitage A quelqüe Saint du Voifmage, Je mets fous fa proteftion, Ma chattê grife en penfion,- Et tandis qu'ainfi je raifonne, Le temps fc paffe, minuit fonne, Le fommeil jet te des pavots Sur mes yeux, & dès qu'ils font'dos, La Caravane pröjetée Dans ub fonge eft exécutée, Je vogue de Douvre a Calais, J'arrive a Paris fans relais, Je fais tout 1c tour de la Prance, Et de ce jardin de p!aifance,> Je palfe par les Pays Bas, Sans voir Ja Flandre ni le Sas', Puis je m'embarque fur Ia Meuf« ? Di'fant, ó que je fuis heüreufe,, je ferai le tour par Arnhenr, Ce fera IA le Le -Coq m'éveille au crèpafculr,; Hélas! je fuis dans ma- Celluie, je m'écrie en ouvrant les yeux', E * Vains-  IOÖ AMUSEMENS Vains foiïges! voila de vos jeux. Vous me demandez, chère Amie, Si 1'on porte ici la folie Jufques k batir un toupet De la hauteur d'un parapet; Oui, tous les jours un fot caprice Le haulfe, & ce rare édifice N'eft plus 1'ouvrage d'un frifeur, Mais celui d'un Ingénieur, Les têtes de certaines belles Rcffémblent a des Citadclles: Dont le gros mal-pcigné chignon, Eft le Móle, ou le Baftion Garni de boucies, ou guérites Grandes , moyennes & petites, Sur le gigantefque toupet Tapé, frifé comme un Barbet. Trois liyres de cheveux poftiches Servcnt »'e bafe a vingt corniches, Pour les batir fo li dement, L'Ingénicur fage & prudent, A foin d'apporter une écheile Pour grimper a la Citadelle, C'eft ia qu'il fait briller fon art En pofant un fecond Rempart, Pour y fabriquer, non, fans rifque, Un haut & galant Obélifque, Ce«  SOLITAIRE S. 107 Cependant, certains Adonis Qu'on appelle Macaronis, Infcétes galants, petits-Maitres , Les plus falots de tous. les Etres,- Sont les directeurs du bon-ton, Leur téte depuis le menton, Jufqu'au haut de la piramide , Qui couronne leur crane vuide^- A dix neuf pouces dehauteur, C'eit ici que 1'Ingénicur A befoin de nobles idécs Pour coëffer 1'un en Pyrénécs, Un autre en Pic de Ténérif, En Alpes, en Chiviot,'en If. Hélas! la mode étoitpaffee De couper la queue aux Chevaux, Mais depuis que ces damoifeaux Se font irnpofé lacorvée, De porter queue de Cheyal, On écourte eet animal Pour en adonifer un autre, Ah Chevaux! quel fort eft le votre! Vos D. . . font dégarnis Pour coëffer les Macaronis ; Quatre Rouflins peuveut a peine Fournir cette fata'e aubaine, Ni les bras de 1'ingénieur Soutenir ce faix poftérieur, II fe trémouffe, il fouffle, il fue, E6 Pour  XcrS A M TJ S E M E N 9 Pour bien faconner la ïnaflue Qui doit ombrager le gros dos Du Macaronique Héros; Cependant, 1'ouvrage s'achève, Et le petit-Maitre fe ieve, On croit en le 'voyant de loin, Qu'il porte une botte de foin, Son juft-au-corps qui par derrière Eft un pied plus court que devant, Découvrant cuiffe & jarretière, Fait toujours voir flamberge au vent, Mais ce n'eft que pour 1'ornement, Une épingle eft plus meurtriére; Le diminutif d'un chapeaiv Juché fur la haute guèrite, Au moindre zéphyr qui 1'agite, Se tourne comme un Panonceau. C'eft la qu'on peut du jouvenceau Voir voltiger-tout le mérite, Un bouquet, ou plutót fagotDe fleurs bien , ou mal aflbrtics-, Figure parmi les folies Qui fervent a parer Ie fot. Il toufle, il ffedonne, il fe mire,. Flaire fon-bouquet, & 1'admire, Un ami lui donne le bras Pour promener-tout ce fatras, Dès qu'ils paroiflent- dans la rue» 0n.fe;«ioque d'eux, on les-hue, Au-  SOLITAIRE S. m Autant en emporte Ie vent, Ils s'en vont en pirouettant, Au logis de quelque Coquette, Pour affifter a fa toi lette Toilette! ah! fi, rne dira-r-on, Le mot de toilette étoit bon Au temps de la Reine Bcrtrade, A préfent 1'on dit efcalade, Le bon-ton depuis quelques temps, A fait d'utües changemens, O ui, grace au bon-ton, les échelies. Serventa 1'ornement des Belles,, Pour batir corniche & rempart Qui défendent mouehes & fard,. Autrefois 1'amour favoit plaire Sans eet atirail militaire, Aujourd'hui 1'amour du bon-ton Se déclare a coups de canon, Et doit parler pour qu'onl'écoute D'ouvrage a cornes, de redoute, De cric, de demi -Iune en front, De fort, de batafdeau,,.de pont.. Maïs retournons k 1'ëfcalade,. Oü Fhilis pour la mafcarade,, Confulte les Macaronis,. Chacun.lui donne fon avis,. Et. lui conté quelque fornette,, Mais'ü eft tard, la chaife eft prête;, E 7 fifriV  iio AMUSEMENS Phi';s defcend pour s'y placer, Notez qu'il a fa'lu pcrcer L'impén'ale de fa chaife, Pour qu'elle ypuiüe être k fon aiief L'obélifque paffe au travers Pour éviter choc & revers, S'il eft a craindre que la pluie N'en dérange la fymmètrie, Un Laquais le couvre a 1'inftant D'un capuchon de Penitent. J'ajouterai par parenthéfe, Le nom qu'on donne a cette chaife, Uu nom. . vous le dirai-je? un nom- Qui fait 1'éloge du bon ton, On la nomme chaife percéc. Si 1'oreille en eft offenfée, Tant pis, mais je ne fai pourquoi, Car je me fuis fait une ioi, D'éviter toute irrévérence, Honni foit donc qui mal y penfe. EPIGRAMME. XJn joueur de Mufette, Ecoffois Monragnard, Echappé fans facon des mains de la Nature, Ne connoiffant d'antre voiture Qu'un gros baton noueux, conduit par le hazard,  SOLITAIRE S. m En paffant a. Vauxhall, de tous plaifirs Ie centre, Confondu dans la foule, avec la foule il entre, II voit ces hauts toupets, cês horribles plumails, Des Grr.ces,. des Amou'rs, affroux épouvantailsj Cette vifion le rend morne, Mais de fa peur s'étaiït un peu remis, Par fa'mt Anirê\ s*e'eria t-ii Amis, Voiia bien des bêtcs a corne. L'OURS DANSEUR, F A B L E Traduilc de Gellert. U n Ours fut pris & condamné A quitter fon féjour champêtre, Et réduit, pauvre infortuné, A danfer pour fon pain & celui de fon maitrej II s'en acquita de fon mieux A force de coups, de menaces, Brunet plus fouple- que joyeux, Danfoit légérement, brilloit, avoit des graces,' Obfervant la cadence au fignal du baton, II fut en peu de temps un danfeur du bon ton; Ce-  PM AMUSEMENT Cependant un beau jour Brunet rompit fa cfoine S'enfuit avec rapidité, Pour aller vivre en libertév Et reyoir fes amis dans la forêt prochaine. Quel fpeftacle touchant de les voir accourir ? GrommeJier & fe rèjouir Du retour de leur Gamarade,Brunet apres mainte embraffade, Leur conté avec précifion Ses avantures, fon voyage, Les malheurs de fon efclavage, Et fon heureufe évafion,II les entretient de fa danfe, Mais comme il s'appercoit qu'ils- n'ycomprennentrierr,, II fe drefTe gaiment, il falue & commence Un Rigodon Polaque & s'en acquitte bien. Quel fut 1'étonnement de raffcmblée Ourline,. En voyant figurer le galant voyageur, On lui fait compliment, dèja Brunet devine, Qu'il va voir trépigner plus d'un admirateur, O ui ponr le copier chacun faute & s'exerce, L'un tombe fur le nez, un autre a Ja renverfe, Le trop fouple Brunet ne peut être imité, II danfe & fait mille gambades Pour réjouir fes Camarades Qui devenus jaloux de fa légéreté", Se moquent de fes fauts & de fa révérence,  SOLITAIRE S. iis Difant voyez Ie fot, il penfe Etre plas habile que nous, O le gate-méu'er va-t-en cherchcr des fous Pour leur faire admirer ta danfe. A ces mots tous les Ours huerent le Brunet Il fut chafle de Ia forêt. N'étalez pas votre fcience En préfence de fottes gens, Qui penferoient que vos talens Leur reprochent leur ignorance, Craignez de les défobliger. Car fi ce malheur vous 'arrivé, Leur Iangue faura s'en venger, L'ignorance elt vindicative» LA  114 AMUSE MENS LA VISITE OBLIGEANTE, F A B L E, V^ertain petit-Maitre incommode Sot du bon ton, Singe a la mode, Tout fier de favoir bien danfer, Parloit beaucoup pour ne rien dire, Avoit le don de toujours rire, Et d'ennuier fans y pcnfer. Un jour fans fe faire annoncer, Ce babillard chez un Poëte S'introduifit avec grand bruit, En criant du haut de fa tête, Quoi Monlieur! vous êtes réduit A vous ennuier fur un livre, Que je vous plains! ce n'eft pas vivre," 3'ai cru vous trouver feul, <5c j'ai bien rencontré^ Car voui vous endormiez, je gage. je ne fuis feul, lui répondit le fage, Que depuis le moment que vous êtes entré. EE Traduite du même.  S O LIT AIRES. rij LE TRIOMPHE DES POUX, Sar /gj Coiffures de 1775 juffen 1779 ÖV. Petits Animaux fociables, Qui ne fütes jamais chantés, Par les Poê'tereaux crottés, Pouilleux vulgaircs, nüférables, Vous êtes pourtant leurs amis, Car logés prés de leurs oreilles, Vous fütes de tous temps admis A les affifter dans leurs veilles,iPour ne vous point chanter, ils ont eu leurs raifons, Le titre de pouilleux n'étoit pas honorable, I Mais pour vous éléver, la mode eft favorable, sLes Poux font a prèfent, fils de bonnes Maifonsi ■ Auffi pour vous chanter une mufe s'apprête, 'Vous êtes aujourd'bui les Héros de ia fête. SalamaUc, Meffieurs les Poux, ! Soyez les bien-venus dans les haütes criniéres ' lOü ie Frifeur expert a bati des tanières, IDans un goüt tout nouveau, qui n'attendant que vous, Pour devenir des Pouffinières, Vous y ferez en fureté, Du moins pendant quelques femaincs, Au  Hó" AMUSEMENS Au lieu d'un qui d'abord y fut empaquctté, On en trouvera des centaines, Votre mignonne race augmentera toujours, On a beau gratter, & beau faire, Car on dit qu'en moins de deux jours, Un Pou peut devenir grand Père, Poux favoris , Poux du bon ton, II n'eft point de deftin fi plaifant que le votre, Lorfque vous défirez de changer de canton, Sur un peigne crafieux qui vous fert de ponton , Vous paffez d'une tête a 1'autre. Sur les Globes mouvans ou vous futes couvés, Les uns dans les Vallons, d'autres fur la Montagne, Vous avez des Maifons de Ville & de Campagne, Et des jardins bien cultivés» C'eft un vrai Pays de Cecagne. Autour des boulevards que 1'on nomme toupets, On voit de beaux Oignons , Carottes & Navcts, Ananas, Artichaut, Concombre, T)pS hr> IVQn.Tir J« «l-.n.,«„Tr AA. „ A 1 II 1 vu. »viw a k viijyiw + Sur des Matelas faits exprès. Vous pouvez voir bondir auprès; Un troupeau de Moutons épars iür la cnnièrey Et Ie Berger qui court après, Sa houlette a la main, fon Cbien, fa panetière, Rien n'ymanque enunmot.poires, pommes, brugnons, Brouette fur Ie front, chou cabus par derrière J Qui fert de parafol i la Champignonnière, Car  SOLITAIRE S. 117 Car fur ces chauts & gras cbignons, On dit qu'il crolt des Champignons. Au fommet de Ia Fruiterie, S'éléve un beau chanfrein haut de deux pieds de Roi} Eref chacun y trouve de quoi Satisfaire fes yeux, fon goüt, fa fantaifie, Soa odorat fur tout, car un certain fumet Quelque peu différent des parfums d'Arabie, Exhale du cbignon , ainfi que du toupet. Votre fort eft: digne d'envie , On vous admet gratis, au Panthéon, au Bal, Aux Bains, a. i'Opéra, Mafcarade, Vauxhall, Au Concert, a la Comédie. Vous triomphez Meiïieurs les Poux, Parmi lesfruits, les fleurs, les rubans, les bijoux Sur le brocard & la dentelle, Vous voyagcz de belle en belle. Cepcndant quelquefois vous avez du guignon. Par un cruel Frifeur murés dans unchignon, Pap'llotés, pincés, grillés, rèduits en cendre> Il arrivé fouvent qu'un Pou En tombant fe caffe le cou, Ou pèrit dans quelqu'autre efclandre, Métiez vous fur tout du fard, Un vifage verni doit faire tót ou tard Aprpéhender quelque difgrace, On s'y tient difficilcmeut, Pour  ■n8 AMUSE MENS Pour ypouvolr, Meiïieurs, chcminer furement, ■ II faudra vous ferrer a glacé. Groffe tête, peu de ccrvelle, Eft un proverbe alTez connu, Belles votre'goüt bifcornu, A tout moment me le raprelle. MON SOUHAIT. C O'il nc falloit que fouhauer Pour avoir ce que je défire, Peu de chofe pourroit fufEre, Je Tuis facilc a contenter. Voici donc ce que je fouhaite, Un cceur content, fanté parfaite, Petit bien, petite maifon , Petit jardin, petite table, Quelques fruits dans chaque' faifon, Une Chèvre dans mon étable, Et pour Ia traire, une Sufon, Un enclos pour la faire paitre, Une fource pour 1'abreuver, Et pour mettre Ie comble a mon bonheur champêtre, Un petit bofquet pour rèyer, PAP-  SOL ITAIRES. tig D A P H N I S. E G L O G U E, Sur la mon de M. le Baron de Capelle Seigneur de Dorib, A Madame la Baronne de Capelle, Dame de Scbonamve. D aphrifS n'eft plus hélas.' vous Ie pleurez Climene A-t-ou pu Ie connoitrc & ne pas s'affliger? Toi qui fus le Berceau de ce fage Berger, .Zutphen, qui ne pouvois fans peine, Le voir pour quelques jours s'éloigner de la plaine, woo^  124 'AMUSE MENS Non, car le moindre jouvcnccau Apprivoife le plus farouche, ^ Ce ne feroit tien de nouveau, Mon phénornenacit une Mouche. Un certain jour, je m'appercus, (C'étoit le premier de Novembre) Qu'il ne refloit p!us dans rrja chambrc Que cette Mouche uiiique, hélas! je réfolus De lui donner logis & table, Elle étoit famiüére, affable, Auffi ne manquoit-elle pas De partager tous mes repas, A déjeuner fur fon affiette, Du lait, du fucre, une miette, A 1'heure du diner, du thé même Ie fo;r, Ma volaille fe faifoit voir, Cepcndant un matin , je frémis qüand j'y pcnfe, Jc ne la. voyois point venir, Je cours, je cherche en diligenceCe qui Fouvoit *a retenir» Hélas! qüe je fws éff.ayée De voir que dans un verre d'cau, Ma compagne s'étoit noyée, Je la tirai du bain , la mis prez du fourneau, Et bientöt je Ia vis revivre; D'une goüté de vin fucré, S in petit cceur fut récréé, Mais fa têfs n'en fat 'poiiH ivre,  SOL.ITAIRES, L25 Après que pas a pas, elle eut fait quelques tours, La volaille reconnoiffante, Vola fur Ia main bienfuifante Qui s'étoit empreffée a conferver fes jours, Depuis eet accident, bien loin d'être i'arouche, Elle fouffre que je Ia touche, Elle m'entend k demi mot, Quand je yeux diner, je 1'appella, Elle vient auiïïtöt. je la prënds par une aile, Pour la. mettre auprès de fon pot, Je devrois dire, fon aQlette, Car je lui mets fur fa ferviette., Un fou d'argent de bon aloi, . Décoré des armes d'un Roi, Une Mouche reconnoiiïante, Vaut k mes jeux fon pefant d'or, Que dis-je? c'eft un vrai tréfor. Puifle-t-elle être affez prudente Pour ne prendre jamais 1'effor. F ? LES  I2Ö A M U S E M E N S LES DIABLES liLEÜSP) CThacun dit que ie Diablecft noir, D'oü vient ce difton popu'airc ? Jamais fur 1'Horizon il ne fe laifle voir, Jamais hpmme vivant n'einra dans fon manoir, pourquoi donc Ie noircir dans 1'efprit du vulgaire ? Et vous, me dira-t-on, quel eft votre deifein, Pourquoi débarbouiller 1c prince des ténébres, Cet ennemi du genre Humain, Que les peintres-les plus célébres ■Repréfentcnt toujours noir comme un ramoneur, Cornu, Chévre-pied, faifant peur, II eft réputé noir aux deux bouts de. la Terre. Ah! tout beau s'il vous pk.it, cxceptez l'Ang'.ïterre ; Jefoutiens, n'en déplaife a vos peintrcs iamcux, Qu'1 Londres les Diables font bleus, II en eft' par cents & par mille, Cm peut les voir tous les matins, Planer au deffus de la Villc, Ce ne font pas de ces Lutins Légers, brillants, d'humeur fpjatre, Sautant toujours d'un air gailiard , Mais des efprits fournois dou 1'haleine blettstre, Aux (*) C'eft le nom que les Anglols rfonnent a ces rr.éjajico. Hts paila jères qui leurs font j artüuliircs.  SOLI TAIRES. téf Aux yeux des ignorans paffe pour du brouillard, De ces pefa:;ts'B!uets qui ne cfierchent qua nuire,' ' Li 'égion mauffade obfeurcit le foleil, Atfendant le moment de pouvoir s'introduire Chez les gens du bon-ton \ 1'heure du ré-veif, Chaque Belle a le ilen caché fous fa toilette, Si quelque contretems Ltal La privé d'un concert, d'un fpcftacle, ou d'un'bui. Le maifaifant Bluet qui fans ccffe la guettc, 1 ' H Vient fe loger fous fa cornette, Lui foufHe au nez, luicaufe des vapeurs, Lavoila trifte, fombre, elle verfe des picurs, rto . Elle ne fait pourquoi, ccpenrant elle fouffre, Hélas! je le crois bien & cc n'eft pas pour peu, Le foufHe d'un Farfadct bleu 1, ' S'cxhale en bluettes dc foufre, Quoi de plus propre a fuffoquer, On a grand tort de s'en moquer, Ces vapeurs ne font pas dés viiio.:s cornues, ' Leurs caufes par malheur ne font que trt>p «oiuu-.-*. * Oui, dit un Macaron', Primo, 1'oiuveté , Secundo, 1'ignorance & ia frivoilte, Tirtio, la Coquetterie Qui tire a cou; s perdus. . finiffez je vous prle, ' Seigneur Macaroni, vols fakes le raiileur, Mais il n'eft pas nouveau dans votre coterie} " D'abandonner fon cceur k la mélancolie, Qui par degrès devient furcur, " ■• F 4 Quanö'  123 A.M.USE MEN S Quand vous avez au jeu dégami votre bourfe,. Les Bluets viennent s'y niches?, Mon ami difent-ils, a quoi bon vous ficher? Les Héros Macarons out plus d'une rerfource, Vous avez vêcu vlte, (i) il eft tems de raourir Une épéé, une jarctiére, Le piftoiet & Ia rivière, Vous offrent leur fecours, vous n'avcz qu'a choifr, Fuyez tous'vos amis, rcftez dans votre cbambre, Révcz creux , buvez fort jufqu'au niois de Novembre,. Ce mois fi icdouté, fi fombre, fi fameux Vous infpircra'l'héroisme, En dépit du Macaronifme, II produit eet efFet fur les moins coursgeux. Oui, mais qnand 1'un de nous fe brule la cervellé» Ou fmit fa carrière au bout d'une ficelic , Comptant de mourir en Héros, 'Par un Arrêt peu véridique, Une dou?,ainc, ou deux de fots, Le font palier pour Lunatique. O vous! chafte Lucrecc, & vous Caton d'Udquel Que votre fort fut glorieux L Dans votre fa ge Rèpubüque , On fe tuoit a qui mieux mieux, C'étoit un moyen fur pour briller dms 1'Hiflo're, Vos noms étoient écrits au Templc de Mémoirc, Mais par un fort fatal dans nos oiim-tts Bretons fi) Esprsflion Angloifc. Les  SOLITAIR ES. i:p u Les Lucreces & les Catons 9 Se pendent tous en pure perte, i Comme dans une Ifle dèferte. { Qui croiroit maintenant, ténébreufe Albion^ f Que tu fus le Berceau de la Chevalerie, Au tems du grand Arthur, valeureux champiorj ,' \ Ton air n'excitoit point a la mélancolie, O qu'il faifoit beau voir ces 'invincibies Preux f S'égaier a la table rónde, li Ou fur leurs Palefroys errer, courrir le Monde 5 Pour redrelfer lestorts, aider les malheureux, jl Contre d'affreuxGéants protéger les infantes , Qui, montant fagement en croupe derrière eux, I Galopoient a 1'abri de leurs vertus crrantes, 3 Courage, prud'hommie, honneur & chafteté •j Marchoient toujours a leur cóté. ! Hélas .'dans ce Royaume il n'eft plus de veftiges 6 De Chevaliers errans, de redreffeurs de torts, Les exploits merveilleux de ces illuftres morts, jiDans 1'efprit des vivants, paflent paur.des prefïiges, sAu iieu de ces grands Paladins Courtois, généreux, débonnaires,. |On trouve fur les grands chemins Des ChevaJiers patibulaires, . Armés 1'un d'un balai, 1'autre d'un pied dc veau. Du d'un piftolet fans amorce, Bui vous arrête, & crie en baifFant fon chapeau, La bourfe!. je Ia veux, foit de gré, foit de force,- , F 5 Que  J?o A M U S Ë M E N S. Que faire-en ce prcflant danger? Un Homme du bon-ton fie veut point fe cornrnéttre-j Un coup du pied de veau 1'aflbmmeroi: pcut-è:re, Óu bien ie piftolet pourroit fe dècbarger, II vaut mieux être fans rancune, Que de rifquer d'être battu, La Pruejence tft une Vcrtu Le couiage n'en eft pas.utic. (<^«$>4$«S>'4>«£>§ s£«T» E P I T R E. ' . '.siötijaF;-s*ii*sfn'öf -'iy«UiV7''i';irb»*> sföcrüd iïirft 'Tl ' ' Matcu, Chat de Mefdames de Rr^.bitïg Sage & d'Tcret Matou', des Cl'at:«-4* vrai Cr/tfcn Rcctyis ces petits vers d'une baiine Mufe Propre a. chanter ies Chat?, car ci-Je eft r!ui cajrafó? 1 Que celle qut pdis faiibit riixer Searon, Si je voulois charter tout ce cu^IIcWuifi ire, Le plus grave Efpagnol éc'ateroit de füip, Mais je n'en ferai rien-, cfcer Matou, «af j'ai peur Que froncant lc fourcü cotnme da vieux fen steur Tu dirois, taifez vous, ce ton faiot ru'irrite» Cefibz de badiner, & chai.tez mon mérite. Oui Matoa, c'eft Ken dit, ma Mufe va chanter, Affle.d toi fur ta chaife, & daigne m'écouter. Trés  SOLITAIRE S, m Trés Révérend Grifet, 1 ta béate mine, A ton doublé menton a ta douilléte Hermine On te prendrolt pour un Préla't, C'eft Je même embonpoint, le maintien , rencolure* La patte de velours, & la noble fourrure,Tes yeux ronds & dorés, ont cent fois plus d'éciat Que ceux d'un groacafard, mais je te fais injure, En comparant un Chat d'honneur, de probité, Aux Matoux des Couvcnts qui, pleins de vanité, Bailfaut leurs yeux fripons,, faifant les chatemites, Cachent fous leurs bonnets, d'orgueilleux hypocrites:; Humble & fage Matou , 1'on peut voir d'uri coupd're;l j. Que ton cceur eft exempt de malice & d'orgueil, Un chat humble & difcret, paroit toujours aimable, Mais l'orgueil, cber' grifon, eft un vies d&rrinalfeie, Indignc d'un grand cceur, auffi ne règne-t-il Que dans une ame impie, ou .ie cceur le plus. V-l; O que tu dois bénir ton heureufe planette, Qui te fit naitre doux , humble, difcret, henuête. Toutes ces qualités, je les t:en3, diras-tu, Des Dames que je fers, exemples. de. Vêrtu, Elies m'ont infpiré dès ma plus tendre enfanco ' Dojcrur, humilité, dixrétion , prudence , J'ai fuivi leurs lecons & j'ai fagement fait Pulqu'elles m'ont fendu le Chat le plus jarfait, Vous avez- dorc grand tort de me croire affez Bete,, Pour en attribier i'honncuï fv ma p anette, Mon éducatioa cauia- tout mon bonheur-, •1 I F 6 " CcU  133 'AMUSE MENS Celles qui m'ont inftruit en méritent 1'honneur» Oui Matou, j'en conviens ,1'onne fauroit mieux dirc> To/i cceur reconnoiflant mérite qu'on 1'admire, li prouve clairement que 1'éducation Corrige les défauts de 1'inclination. Quand un Chat a 1'honneur de lervir un bon maitre, Malgré fon naturel fripon, voleur & traitre, Il devient humble, fage, en un mot, tel que toj, Vrai Phénix des Matous, Matou digne d'un Roi., JL E H U T I N . A Mo-tfiigneur le Baron de Capklle ' Seigneur de Scbonauvse. O r me convient fans faire lorjg prélude ,. Remémorant a grand follicitude, Pir le menu vous conter le hutin, Prés de ma Café avenu ce matin; Avons ilec, Ghapelie ou mainte vieille,. I.e mercredi, fa piété réveille, Se recordant que cinquante ans paifés , Elle fóuloit fauter larges foifés , Las! dit Rufine, or ne puis fans béquüles Voifer trots, pas, c'eft le tour de mei filles Poui  m m li ta i r e S. i33 Paur fautM dn>, bien onc le jirret fort, Leur chafteté fait tout mon reconfort, J'a. n'ont métier de galante acointance, Ni par maubec ne me donnentgrévance; Maints jouvencels, d'amouren font férus, Si que d'ennui, j'a deux fe font pendus; Avoir bon bruit eft chofe non commune, En ce canton, voire, il en eft plus d'une, Qui haut le pied, fringant par les herbis, Rend mainte fois, fes parens ébaubis. Trop mieux pourrois vous relater 1'Hiftoire De maints brouiliis, or favez que Grégoire, Qui mignonnoit la Nièce de SiftJÖn, Avec Margot s'enfuit a grand randon. Ar foir, tout coy dans mon courtil muflec, A travers 1'huis, vis Jean fous la ramée,' Avec Fanchon qui faifoit fon paquet; Puis, Jean, tout fouef, harnacha fon Genet, : Les vis partir galopant a grand erre. I Point ne voulus en avertir le Père, Et peu m'en chaiit, qu'il bogne & foit mani;. Quand eft- de moi, fous cape en ai mouk ri, • Et ne cuidez qu'onques me garmentoye, -!Quand par encombre un Père fe douloye; !Tel non fachant, fous nonante ans courbé, 'Mal proufitant, qui ne fait A, ni B, !Si comme moi, les pareus avoient cure :D etudier la benoke Ecrkure, . ; . Ee leur Mefgnie lis verroient comme moi, E % Cro>  1?4 AMUSEMENS- Croitre le lot & leurs filles pied coy, Sans fourvoyer, attendre leur fortune; Fnfeignement trop mieux vaut que pécune, C'eft mon difton. Savez que ma Catin, A 1'air mignard, nez bien fait, poil chatain, Bien oculée & bien enfourcillée; Pernette eft cointe & moult bien cmparlée. Ainfi difoit, quand Agathe en courroux, Dit, ah mes foeursï on fe grniffe de nous! Point n'eft ouvert.l'huis de notre Chapelle. A tel fignal, chaque fempnerne.le, Sc prit a b-ruire & boordormer tant dra, Que tel Ht.tin au loin fut entendn,. Si d-dvantdre , onque» vous prit envie,. En un Guepier, d'.émouvoir a furie, Le brufque Pe :-p'e iffant par million , , Bourdonnant moult, poignant de l'aiguL.'ony Pourrez feigneur , jager par telles, uotes , De 1'apre bruit de vingt Guèpes dévotes;. En grand difcord, rechignant, rcn.fiunt, , Par malengin, des narüles foaffiant, Q oi' nuk Curé, nul Clerc d'ici n'appro-^hc, Et toi fiipon , WW Gars, tinteur de c'ccbe, Dorefüaviirit, qnand viendra brmbaiier, Puiffe la cordö a bien peu t'étra'igler, . Vil rer.ègat. Smone, dit, Mcfdamcs, p; r maltakmt, on a'lfe trrcr nos ames, Chieffide Curé; mé'.eau, ma.vais Chretien,. Öijflues re s or r, ni faire tien, B - &nd Eergier n"a cure de fes QfciiHes i ^  $ O L ï T A I R E S. 135 Hélas! hélas f ca n'eft jen de trois mailles, Onc ne nous pais paimi les prez.herbus, Et du Troupeau ne ts chaut deux fétus; Las! que me fert detre. dévote & bonne? Tanuis qu'au Loup, Ie Cdré m'abandonne. Ha! dit Manon, voici Ü brimballecr! Lors le Troupeau mu de fainte fureur, Court è 1'encofitre & Je galfe aux ore'iue.», Puis aux cheveux, voire i'une des vk-tlies, L'alloit frappant de fon ikon féré ; En tel eilrif. arr'tva le -Curéw Avec bon veuil d'affduiager 'a noifer Quand le vieux poing de Datnè difeourtoife, Lui poeha Iteil, dent f,.t nroui? ébahi, Criant las! las! plus ri'y vois qu'a demi ! C»xips de béquillè entour fun dos trotterenr, Et maints caillouK moult fe'rt'-l'agravante-fent',' j fci qu'tn brcf tema, -laidement houfpiJlé* Rabat rompu, pourpont tout débraiüé, «joi fflöii d'ahan , finfaot piteufe mine. Quand Meflagierj vint criant a. Rufinc, Qui par bé-iuilteavo-it moult combattu ; More, venez, venrz, tout eft jk-rJu, ' Deux grands foudarts, eftradeurs, fnauvais dril.'es-, S'en font epfuis èruattë & quant vos deux fillcs. Rufine, lors, ceffa de militer, Clopiu , clopmt, berm il'es de trorter, Criant, broui.lüiit, ju-ant de bonnc forte „ t „ • Maudits foudarts, fèlfti vous emporte s v"! Dan$  ijö AMUSEMENS Dans fon Manoir, ah Pernettc! ah Catinl Ah gourgandine; ah felonnej ah. . . Pour vils foudarts vous ai-je donc bercées? Que fuffiez vous és berceau trépaffées, Orde herpai 11e nvec décevants groins, Adonc ainfi, regraciez mes foins, Par maltalent, ó Mère mal chanceufe! Qui trop prlfbis 1'une & 1'autre coureufe,. Les atournant par gaze & taffetas, Jaune Hongreline & manteau Gorgias j Allez Guenons, aliez courir 1'Armée, Manger pain bis, dormir fous Ja ramée,. De vos foudarts porter le Havre-fac, Et coups de poing, or en bloc, or en blae». Tandis qu'ainfi, Rufine fe douloye,. Le noir EfTaiin s'en rit & s'en gogoye. Ah! dit Agnés , par moult de cbaftetd, Donques parfois, avient malheureté. Voire, dit Earbe, or ai bien vu Pernette,Avec foudarts jouer Cligne- Mufette; Trop mieux auffi-, voyois 1'autre matin, Un Caporal affis prés de Gatin, Tous leurs regards montroient fignifiance;. Or nc cuidez que conté maldifance, Dévotion gard ma langue de mal. Hélas! dit Marthe, en fon parler nazal, De mauvais veuil onquesn'eus 1'ame atteinte, Si vous dirai, . mais j'a la cloche tinte,,. AU  'S O L I T A I R E S. 137 Allons prier, mes fccurs, puis au retour Vous veux auffi relater tour k tour, Tous les ébats, les amours, les querelles, De nos jouvens & de nos jouvencelles; De rire trop, vous ferai larmoyer, Voire, or-la donc, mes fceurs, aüo.is prier. En brocardant par miïdifance telle, Le faint guèpiet entra dans Ia Chapeile. P O S T C R I T. Or en après de,' beaux faits ci deffus, Pour appendix'vous aurez trois pendus; Non des pendus jufticiés, Vulgaires, Faits pour orner de vieux patibulaires, Ains, des pendus de bonne volonté, Qui vont gaiment fe pendre en liberté. De ma maifon, chacun fut voifin proche , L'un fe pendit a droite, 1'autre a gauche, Un vis-a-vis, chacun eut fa raifon, Puifqu'ils n'ont pas aitendu Ia faifon Des noirs defieins qui commence en Noyembre, Et mainte fois va croiffant en Décembre, Voire en Janvier & mêmement plus tard, Selon le temps, i'humeur & le brouillard. PE-  133 AMUSEMENS P E R E T T E E G L O G Ü E. P J. rez d'un Moulin a vent voifin d'une m.ifure, Les Ancs du Meunier pa ffoient k 1'avanture Martin leur conducteur repofoit au foleil, Héias! Hétoittems qu'un gracieus fommeil Vint pour quciques momens lui fermer Ja paup'ère II avoit k gémir palTé.la nuit cntièrc, Il adoroit Pèrette au cceur dur & mutin, Farouche comme un Ours, vive comme un Lutin, Agacant les garcons par quelque mignardife , Mais dès.qu'ils approchoicnt leur faifant mine grifc , Six des plus beaux Manans en étoiem entêtés, E* tous lix tour k tour en étoient rebutés; Le premier jour de Mai, Martin réveur & rriile,La vit aller au bois, il la fuit a la pifte, En lui criant Pérette ah de gracc arrêtez Pèrette j'ai deux mots a vous dire, écoutez. Pourquoi me fuyez vous inhumaine, barbare, L'Echo d'un rocher creux lui repondit taiSSfl Pèrette cependant au travers d'un builTon Jetta deux gros cailioux i ce pauvre garcon Qui las, défefpéré, lapidé, hors d'haleinc, Voyant bien qu'il perdoit & fon temps & fa peine; Sou-  SOLITAI R ES. 129 Soiipirant, fanglotant, maudiifant fon Deftin , . Laiira courrir Pèrette & revint au moulin, Le cceur tout pénétré d'une doiileur amère, L'infortuné Martin s'étoit jetté par terre, Réfolu de mourïr pour Snir fon ennui, Une vieille Bourrique étoit auprès de lui, Qui, voyant, fa douleur er. parut attendric, Jufqu'a braire avec lui, voyez Ia fympathiel Martin y fut fenfible & d'un ton Iangoureux Ah Bourrique ! dit-i', que ton fort eft heureux, Tu pais tranquillement parmi la confrairie, Dernes galants Baudets, vrais Rouflins d'A; cadie, Lorfque gais & fringants , charmés de tes appas, lis te fuivent au trot, tu ne les cbafles pas-, Tu permets a chacun de te braire iieurcttes, Tes yeux qui dans ces prez ont faittant de conquëtes» D'un regard gracieux les favorifent tous; Tu ne peux te réfoudre a faire des jaloux, Tu craitis- de mériter le Iaid nom de cruelie ; Et des cceurs bien placés, ton cceur eft le modélc Mais qu'etle différence entre Pèrette & toi! Si i'ingrate en pafTast jctte un regard fur m n, C'eft un regard moqueur, nn regird plein dc hninc, £t "tel, qu'un coup depoing meferoït moins de peine, Rien ne peut égaler Ia rigueur de mon fort, Meurs, meurs, trifte Martin, Pèrette veut ta mort, 'Que je mourrois content, mon aimable Bourrique, Si tu favois jafer fur le ton pathétique Dont un Baudct paria pour fléchir le Defti;;, Mais  I40 A M U SE MENS Mais j'ai lu queique part, que quand rrous prenpns firr Notre ame va. . . hé! mais. . il s'en fuit que.'que chofe Que 1'on uoinme je crois, méta. . métempfycofe, Or il faut que ce foit un charme fingulier, Par le quel un Anon peut dcvenir Anier, Une ame quitte un corps pour entrer dans le notre Avant que d'étre moi,.,j'étois fans doute un autre,. Je penfe qu'il en elt, de même du parler, Puifque fans être chien, je fai pourtant hurler; Et toi chére compagne, innocente Bourrique, Si tu ne parles'pas c'eft faute de pratique ; Je m'en vais renure 1'ame, elle s'envolera Pour chercher un Iogis oü bon lui femblera, Mais je te Iaifferai, Bourrique légataire, Le don de t'exprimer en langage vulgaire, Quand Pèrette au moulin viendra chercher du fon,. Tu lui feras la moue& fans autre facon, Tu lui diras, fi, fi, Pèrrette rud-aniere, Vous avez. eu grand tort de faire ainfi la fiére, Martin eft trépaffé, grace a votre rigueur, Son efprit a minuit viendra vous faire peur; Affublé d'un drap blanc & tramam une chaine, II vous dira, hou, hou, je reviens inhumaine, Pour caufer avec vous, mais ce n'eft plus d'amour," Vous m'avez tourmenté, maintenant c'eft mon tour; Bourrique tu m'entends, j'en juge a ton filence, Mais je fens que la mort a pas comptés s'avance, Paiffez mes chers Baudets, & vous mes beaux Anons,, Que puifilez vous jamais ne manquer de chardons, Be»  SOLITAIRE S. i4ï Beaux, verts, tels en unmot, que vos ISEnS mé/itent II n'eft bons compagnons enfin qm ne fe quictent,' Hélas! mes beaux Rouffins , je ne vous verrai plus, Bondir dans ces patis, ruer fur ces talus, Non je n'entendrai plus votre ra'uque mullque, Que 1'Echo rebraira dans ce Canton rulique, Pour la dernière fois reccvez mes adietix. Je me meurs. . A ces mots Martin fcrma les yeux, Et dans le même inftant par le benin Morphée, D'un bonnet de pavots fa têtc fut coëffée, II s'cndormit foudain ronfiant d'in fi bon ton, Que fon Père en pafTant, le prit pour un'Anon; L'Amour en murmura, mais malgré fa finefle, Martin, grace aux pavots, affcupit fa triftefTe Tous fes Anes charmés de le voir en repos, Paiffoicnt autour de lui, fon chien rongeo t un os, Ses petits Canetons barbotoient dans la mare, Et fes Chévres formoient une danfe bizane, Ses Cochons a gogo veautrés au margouillis, Ecoutoicnt des oifeaux le piaifant gazouillis, Son Coq fur le paiüer chantoit, drefioit la créte, Ses Poules caquetoient, leur joie étoit compléte, Et les vents n'ofant plus fouffler ni bourdonner, Les ailes du Moulin ceflerent de tourner, Bref,^ du fameux Lignon, le voifinage aimable Jamais n'offrit aux yeux fcéne plus agréable. Les Dieux ne favent point régaler a demi, Heureux eft le mortel donc Morphée eft 1'ami, Des fonges ^raeieux il appelle ia bande, Vou-  142 A M U S E M E ,N S Voili Martin dit-il., je vous Ie recommande. Les fongeai 1'envi charment ce pai.vre amant, Il réve qu'il s'affied fur un grz.n na:ïf;.nr, Que Pérrette 1'al.ordc 5c- lui dit d'un air tendre, Comment, mon cher Mariin, pouvois-tutc mé, rcndre A ma mine pevéche, a mun regard moqueur, Ce n'eft point-par les yeux qu'il faut jugcr du cceur, Telle fait les yeux doux , dont le cceur eft voiagc, Moi je te fais la mine & je t'aime a la rage, Mais je cefle de feindre & fans pu s balaneer, Viens je te le permets, Martin, vieijs m'embrafier; Martin étend les bras, embraffe fa Bourrique Tandis qu'elie gr'gnote un chardun qui le piouc, li s'éveille a demi, que.;'. je ne fuis pas mort! Dit-il, je croyois 1'être & certes j'aurois tort, Pèrette mes amours, puifque ta rigueur ceffe, Puifqu'enfiH tu me reeds carefle pour careire, Content, fidelle, heureux, je veux vivre pour toi, ]e t'ai donné mon cceur, je te donne ma foi, Et ma majn. . A ces mots le pauvre amant s'éveille, Surpris de voir qu'il tient 1'Ancffe par 1'creille. L'inCcnfiblc Pèrette en revenant du bois, Paflbit fur kcolline oü Martin aux abois , S'étant 'iaifle tomber, jouiffoit d'une tréve, Oü fon cceur s'enivrant des vapeurs d\,n beau réve, I baifoit fa Bourrique avec un doux tranfport, VouloitjViyre pour elle, & bèniflbit le fort, Pèrette en 1'écoutajn n'avoit'cefle de rjge> Mar.  S O L I T A I R E S. Martin bien éyAÏÓ, Ia regrv'e & foupire, Courage lui ^it-eije, |1 ne fait point de vent, Pour tourneren f^upirc bravement, J ai .e J'aveme a mondre, embdte ta Maïireffe, Qui fa li bien rendu, carefle pour careffe; Ma;s plutót laiffj la jouir d'un doux repos, Pour porter mon avejne, il fufik de ton dos De te; galants Baudets, fidelle camarade, Tu fus Sc tu feras toujours le plus mauffade. »43 Le dêpart & k retour de Tom Chat de MijJ Gore. 1 I^om Thomas Souricroquando I Matou fort eftirné d'une Maitrefie aimable, Qui le nourriffoit a gogo, Des meilleurs morceaux de fa table, Perdrix, poulet, pigeon, lapin, PoifTon, crème , tarte & f/omage pompofoient 1'embonpoint du douillet perfonna,. Sa calotte étoit de fatin , * * Ses pattes de velours, fon mantelet d'bermue De même que Ia palatine ' Que portoit autour de fon cou, Ce fage & courageux Matou, Quant aux attraits de fa Perfonne, iSes pattes de velours, fon mantelet d'uermine,  144 AMUSE MENS Ils étoieiit mignons, féduifans, Le front, les fourcils de Bellonc, De beaux yeux verts, dóux & luifan?, Beau petit nez, belles oreiiles, Et des mouftacbes fans pareiHes , Son air étoit des plus rufés, Sa contenance noble & grave, Jamais ongles mieux éguifés N'armercnt les pattes d'un brave, Sa queue avoit plus d'agrémens Que celles dont les Ottomans, Font leurs bannières Militaircs, Fi, fi, redcutabies Sultans, Renoncez pour toujours a ces fignauï vu'gaircs, Et commandcz a vos Bachas De portcr des queues de Cbats, Item, aux Capres & CoiTaires, D'en orner le haut de leurs mats. Mais revenons a Dom Thomas, Et parions de fa gentiliclfe, Lorfqu'Il efcortoit fa Maitrefle Sautant, fblatrant fur fes pas, Et faifant briller fon adrelfe Dans mille champêtres ébats: Tantót le dróle, en embufcade Sous des builfons en tapinois , Guettoit, pour voir fortir du bois, Mes-  S O L I T A I R E S, j4S Meffir Pierrot (i) fon Camarade Et 1'engager dans un Tournois, Pour faire avec lui la gambade, Puis Te remettant a 1'affut, II attendoit que Juliette (2), Vint pour s'égaier fur 1'h.erbette , Lui faire peur, étoit fon but, En fautant hors de fa cachette. Lorfque les Dames du Canton Venoient vifiter fa MaitrefTe, Chacune de quelque careife Régaloit le fage Caton , L'une admiroit fa patte blanche, L'autre I'appelloit fon coufin, Et Dom Thomas, d'un air benin, Venoit les tirer par la manche : Un beau jour, fon ami Pierrot, Lui dit, vous ferez mon compère, Et parain du joli marroot, Dont Juliette m'a fait Père, Matou Harte du compliment, Dit, en retroufTant fa mouilache, Par 1'amitié qui nous attaché, J'accepte avec remerciment, L'honneur d'être parain d'un marmot fi charmant, Tous les voifins citoient la concorde exemplaire Des (1) Petit Chien. (2J Petite Cbienne O  145 AMUSE MENS Qes quadrupèdes Triumvirs, Qui, toujours emprefles a fc voir, a fc pla:re, Ne pouvoient 1'un fans 1'autre avoir de vrais plaifirs, Et jamais 1'un des trois ne fut d'avis contraire. Cependant un jour, fans raifon, Par je ne fai quei fot caprice, Thomas s^nfuit de la maifon, Peut-être Nicole ou Sufon Avoient laiffé tomber fur lui quelque tifon, Soit par malheur, ou par malie», Quoi qu'il en foit, il difparut, Par les champs & les bois courut Comme un moderne Dom Quichotte, Il fit, & redrefia des torts, Jonchales bofqaets d'Oifeaux morts, Et prit mainte Souris pagnote. Tandis qu'en Chevalier errant, Matou fe fignaloit par mille beaux faits d'arrhes, Tous fes amis fondoient en larmes, Pierrot difoit en foupirant, Ah qu'eft-tu devenu, mon ami, mon compère, Ta fuite eft pour nous un myftère, Aurois-tu quelque rendez-vous A Kenfington fur la terrafle? En ce c<:s, les traitres Matous <-c feront tous iigués pour te donner Ia chalTe. Hé-  SOLITAIRE S. J47 Hélas! dit Juliette, en s'effuiant les yeux, Tu connois mal la prud'hommie De Thomas, il eft vrai qu'il a Ie cceur joyeux Ma;s il eft un Scipion quant a la modeft:e, ' Ecoute, parions bas, notre voifin Mylord Aux chats ne fait quartier, ni graee, Ses vuiets a*ec lui d'accord, Ke ceflent de faire main baiïb Sur les chiens & cbats des voifins, Qui, de cinquante Pas, regardent fes jardins* Pcut-être notre ami grattant dans le parterre, Aura déraciné quelque chétive fleur, Et Myiord en a fait un prifonnier de guerre;' 'Ah! fi je le favois, dit Pierrot en coiére, J'nois le délivrer, tu fais que j'ai du cceur, Mais je ne puis rien entreprendre, Tandis que^ignorc fon fort, Ma Juliette, il faut attendre , II reviendra s'il n'eft pas mort. Enfin au bout de trois femaines, , Notre chevaiier, las de battre les buiflbm; Jugea qu'il étojt tcms de finir fes fredaines, Et de laifler en paix Fauvettes & Pinfons. Tel a Ia fin d'une Campagne, Céfar après avoir fubjugué I'Allemagne, Revint a Rome triomphant, Tel, Dom Thomas en conquérant, G ■ Ar-  148 AM 'U SE MENS Arriva teint de lang, & couronné de plumes, D'un air tout Martial embraiTa fes amis, Leur fit mille joyeus récits, Pour adoucir leurs amertumes, Et dilllper tous leurs foucis. LE SEIGNEUR RUSTICAU. I Dans un certain Pays vivóit un Hobereau , Qui fe nommoit Jean Rufticau, Unique héritier de fes Pères, II poffédoit de bonnes terres, Et logeoit dans un vieux Chateau: 0 Ce Campagnard d'humeur bizarre, Mal élévé, taquin, avare, Par caprice étoit génére'ux, l Rioit bien haut, étoit vulgaire, Grondoit, juroit comme un Corfaire, Mangcoit, buvoit comme deux, H fe plaifoït a voir fa table bien garnie. Sa cave en tout tems bien fournie De liqueurs & des meilleurs vins, Toujours grand feu dans fa cuifmc, Dans fa remife une berlinc, Pour rouler fur les grands chemins; Sivant Rcftcar d'un3 écurie ^  SOLI TAIRE S. 149 Oü les plus beaux jours de fa vie Se paffoient en argnmentant Sur une bride, une croupière , Sur la queue, ou fur la crinière D'un cheval, ou d'une jument: Avec ces beaux talen s- il gagna le fuffrage D'un Maquignon de fon Villagé, Qui devirit fon ami de cceur, Le mauvais air des écuries Caufc de telles fympaihies, Et rend infenfible a 1'honneur, Ge manan qui, partout avoit droit de le fuivre Comme domeftique Anima!, Voyant un jour fon Seigneur ivre , II lui déroba fon feul livre, C'étoit Ie parfait Maréchal, Quand Rulh'cau pren0it la peine De compteravec fon fermïcr, Son ami cependant lui voloit de 1'avcine, Du foin, de 1'orge a plein panier, Tout vient a point qui tient ménage, II fait bon nager en grande eau , Difoit Ie Maquignon, il me faut du fourrage, Pour nourrir ma Vache & fon Veau , Quoi pafTerois-je en vain m0n tems dans ce Chateavj Rufticau dimc le Vilkge, Et moi je dime Ruiticau. Tous les N.jblesdu voilinage, Fuyoient le Hobeieau fauvage, G 3 Le  ity AMUSE MENS Le traitoient d'ignorant, deruftre, de briital, Digne objet de Ia raillerie Des valets de fon écurie , Qui le nommoient leur grand Cbeval, Une meute de chiens pamgeoit dans fon ame, Avec quinze chevaux, fes tendres fentimens, Menelas aima moins fa femme, Priam aima moins fes enfans, O qu'il faifoit beau voir fur fon cheval Tartara, Ce redoutable Rufticau , Coë'ffé d'une perruque noire, Cocarde verte a fon'chapeau, Armé d'un grand couteau de chafle, D'une lancs & d'un vieux moufquet, Kifflant & s'efcrimant d'un fouet, Porfant en croupe tine tiraiTe, Deux bandes de marroquin noir Croifoient fon gros dos en fautoir, L'une portoit fa gibbecière; Son huchet, fon petit couteau, Sa corne a poudre & fon apeau Pendoicnt a 1'autre bandoulière. Efcorté de fes chiens, d'un Furet, d'un Gerfaut, Il rodoit dans les bois, courroit fur labruyére, Faifant Ie courcaillet, criant Taiaut, Taiout, Secondé des abois de fon grand chien Brifaut: Quand les fons de leur voix fonore S'introduifoient dans quelque coin, Echo les emportoit bien loin, DMu--  SOLITAIRE S. i£t D'autres plus é.'oignés les renvoyoient encore. Si parfois il alloit diner dans les forêts, Pour y tendre a loifir des rêts, Son train s'augmentoit d'une Ancfle, Qui portoit un petit cailTni, Décoré d'un noble EcufTon Un chafleur la menoit en leüc, Quand ce train défiloit, les enfans du Hameaii S'écrioient d'un ton d'allégrefle Voici le feigneur Rulticau. Un jour étant dans fa Berline, Avec 1'aimable Maquignon, Son feul & crafleux Compagnon, II trouva Ie feigneur d'une terre voifine, Dont 1'équipage avoit verfé Dans un large & fale foffé, Ha! ha! s'écria-t'il, la rencontre eft heurcufe. Le feigneur Florimon ne vient jamais chez moi Mais il faudra bien par ma foi, Qu'il y vienne fécher fa perfonne bourbeufe, Et fes chevaux fur tout que je plains de bon ccear; Cela dit, il s'avance en criant ferviteur, Cher voifin Florimon, venez je vous en prie, Vous fécher fous mon toit, vous me ferez honneur, Vous verrez ma belle écurie, J'ai de bonne aveine, bon foin, Et vous avez auffi befoin De boire un coup, je vois a votre mine, G 4 Qu5  152 AMUSEMENS Que vous aimez le vin, montez dans ma Berline, Vous en boirez chez moi du mei leur d'Oporto, Vos chevaux feront a gogo, Votre grand Dogue auffi, c'eft une belle bètc J'aime beaucoup les Chiens, vous êtes trop honnête,. Répondit Florimon , certes je fuis confus,. De 1'cxcés de vos politeffes, Je n'ófe en profiter, allons, point de refus, Dit Rufticau riant & faifant des carefTes Au chien qui le Matte i'fon tour, Florimon céde enfin, 1'on entre dans la cour, Un Palfrenier s'avance, & Rufticau lui crie,. Hola ! qu'on ouvre 1'écurie, Et qu'on y faffe entrer Monfieur & fes Chevaux» Je les trouve jolis, mais les miens font plus beaux,, Qu'en dites-vous 1'ami? ca vite de la paille, Allons dépêchez vous canaille, Qu'on garniffe ce ratelier, Détélez ces chevaux, mettez les a la crèches. Puis il faut avec de 1'eau fraiche, Les laver ta'nt & plus & les bien étriller. Tandis que Rufticau s'efcrime de la forte Florimon fe tient a Ia porte, Mouiilé, fale & chagrin, il penfe avec raifon QLi'il feroit mieux dans Ia maifon Mais il n'eft pas temps de s'y rendre, Il devra pour le moins attendre Que .'e potage foit drcffé., Ei  S- O L I T A I R E S. 153 Et Rufticau débarafle Du foin de fa grande écurie, Enfin le marmiton vient a la porte, & crie^ - Hola! Meffieurs on a fervi, Lc Ruftique & fon fale ami, Ne font qu'un faut hors de I'étabie,- Pour aller fe placer a table Avec Tétranger morfondu, Ca vous ne perdrcz rien pour avoir attendu.- Affeyez vous voifiii, voila. de bon potage, Mangez póur reprendre courage, Voila des choux, du lard, aimez vous le gibier* Eh voici du friand, c'eft de ma propre chafle, Lors il empoigne une BécalTe, D'une main qui fent le fumier, . Tenez voifin dit-il, eile eft jeune & dodue, Un de mes Lévriers qui s'appelle Plumet, En la prennant, 1'a tant foit peu mordue Goütez, qu'en dites vous ? fentez vous le fumet ? Oui Voifin, j'en fens deux, mais il faut que je dife Que c'én eft un de trop pour moi, Comment! il eft digne d'un Roi, Dit I'Hóte, en faifarit mine grife', Hé bien! 'mangez du bceuf, en voi'a du falé, II exc.te Ia foif & fi vous voulezboire, Vous aurez dcce vin dont je vous ai parlé, II eft bon, vous pótivez m'en crolre, Afons voifin,.buvons a tïrö-la'rigbt, Voyez vous ce grand cblen qui s^appelle Fricot, Je  15+ A.MUSEMEN&. Je veux vous aonter fon hiftoire, Pendant une heure 1'entretien Roula fur 1'un , ou 1'autre chien , Regardez ce Barbet, il eft de bonne race, Celui-ci fe nomme Tirafle, II chafle trés bien aux Canards,. Celui qui ronge un os eft bon pour les Rcnards,. II s'appelle Tracas, ce Dogjue d'Angleterre Peut mettre feul un Loup par terre, Alons, faute Mylord dit-il, Ievant la main,.. Et jettant nn morceau de pain Au nez de Florimon qui retire Ia té te,. Surpris de ce trait malbonnête De 1'hóte qui, d'un ton moqueur, Lui dit, eh quoi! vous avez peur, Un peu dit Florimon, chez moi c'eft la manière De jetter le rain par derrière, Mais pas au nez des gens. ha! ha! cela n'eft rien,, Dit Rufticau, flattant fon chien , Puis mettant lourdement les coudes fur la table,. II fifile un petit air pour faire Pagrèable, Et dit au Maquignon, allez faire ateler, Je penfe que Monfieur voudroit bien s'en aller,, Peut-être que ce foir nous aurons de 1'orage, Un voyageur prudent & fage Profite du beau tems pour gagner fa maifon , Oui voifin, vous avez raifon, Je vous fuis obligé de votre prévoyance, Et de votre bon traitement, Vous  SOLIT AIRES.- 155 Vous vous acquitez noblement De 1'hofpitalité; j'en fais 1'expèrience, Cher Ami, ma reconnoiffance Ne veut point de retardement Permettez que je vous invite A m'honorer d'une vifite. Ah! de bon cceur, voila ma main, Sera-ce pour diner? oui, quand donc? dès demain, Je n'y manquerai pas, car je ferai bien aife De voir votre Chenil, vos Chevaux, votre Chaife. Adieu voifin, jufqu'au revoir, Bon voyage, beau tems, bonne fanté, bon foir. A peine le foleil commencoit fa carrière,Quand Rufticau muni d'une longue Rapière, Sifflant, ciaquant du fouet, 1'oeil gai, le cceur joyeux, Monte fon Palefroi, galope de fon mieux, Admire les chevaux qui paiffent dans la plaine, Et demande aux paffans combien coüte 1'aveine, Careffe un gros barbet, le fait fauter dans I'eau, Parmi tous ces plaifirs il arrivé au chateau, Florimon qui le voit du haut d'une terraffe, Vient pourle recevoir, le falue & 1'embraffe, Ordonne au Palfrenier de prendre fon cheval, Toutieau dit Rufticau, vous i'entendez bien mal,. Je me fais un plaifir d'entrer dans I'écurie, Je veux voir vos chevaux. Ils font a la prairie, ■ Lui rèpond Florimon. Montrcz moi donc vos chiens, Je n'ai que celui-cl. Voulez vous un des miens, G 6 Vous  15<5 - A M' U S E M E N S Vous n'avez qu'a choifir j'en ai plus de cinquante, Voulcz vou;> Carillon, Moufle, Pierrot, Licante?1 Je vous fuis redevable un me fuffit voifin, Mais ne vouiez vous pas faire un tour de jardin? Tout feigneur campagnard aime 1'agriculture. Ah! montrez moi plutót vos chevaux de monture, On dit qu'ils font-jolis, je Ianguis de les voir, Monfisur, dit Florimon, je fais trop mon devoir,. J'aime mieux profiter de votre compagnie, Je ne puis vous mener moi même a la prairie, Je me fais un plaifir de vous entretenir, Xiaifibns donc les chevaux paitre, ruer, hennir, ■ Nous avons eu du Ciel la raifon pour partage, Tachons mon cher voifin, d'en faire un bon~ufage,. Fréquentons nos pareils, raifonnons avec eux , C'eft.la feule raifon qui peut nous rendre heureux,. Rufticau tout furpris d'entendre ce iangage, N'ofe pas rèpliquer, cependant il enrage,Son Hóte le conduit dans un appartement, Oü le-diner d'abord eft fervi proprement, R en n'y manque, on fe place, & Florimon s'emprcfi"e A faire a fon voifin , grand chère & politeffe, Mais quoi! pour le ruftique il n'eft-point de règal S'il ne voit quelques chiens, s'il ne parle cheval, Hors de fon élément que peut-il faire, ou dire? Mangcr comme un glouton, boire, éclater de rire, Balancer fur fa chaife en fe curant les dents, Ronger fes ongles, bref exercer les talens Dotitles fots- tels que lui, plus, ou moins font ufage; Mais  S OLITAIRE 6. I£7 Mais bientöt grace au vin fa langue fe dègage,.- Et comme un Perroquet jafe a tort & travers Tout eft brouille dit-il dans ce grand Univers, Chacun veut batailïer, piiler , faire 'Ia gue'rre, Et pourquoi s'il vous pjait, ? pour un pouce de terre Ah! ah! le beau fujet pour verfer tant de fang! Ma foi fi j'étois Roi, je tiendrois mieux mon rang, Et n'aurois point de part a cette boucherié, O que de;beaux chevaux ont dü perdre la vie,. Depuis pre « ";,.iq ans que 1'Europe eft en feu,. Pour mqi, je tire mon épingle du jeu,! J'aime trop mes chevaux pour penfer a les vendre-, Et tous les Maquignonsn'auront qu'a s'allcr pendre, Excepté mon ami qui vous baife les mains, Mais je crois qu'il eft tard, le tems paffe & je crain* De voyager la nuit, permettezque je parte J'ai bien bu, bien mangé , fur toutde cette tarte, Eiie étoit de mon goüt, je m'en fuis bien bourré, Je ne vois pas mon .chien , oü s'eft - il donc fourré ? ! Ah!.ah! je 1'appercois, il vient de la cuifine, Le dröle a bien diné je le vois è fa mine, Defcendons dans la cour pour voir ff mon cheval Eft bien fellé, bridé, c'eft un bei anirnai, Mais je. ie vois paroitre, un de vos geus l'amène, Je connois afes fauts qu'il a grugé 1'aveine, li eft toujours fringant eui.nd il a b.cn ma-gé,. Adieu donc,.cher Ami, jc vous ftus obligé, Je m.'en vals galoper jufipues a la montagne. Adieu dit Florimon, le Ciel vous acEompagne. £ 7, E PI-  ï5§ AMUSEMENS E P I T R E. A JEAN. "V^aleureux jardinier d'origine Gafconne,. Radieux Tournefol, honneur de la Garonne , Grand rouleur de gravier, faucheur de Boulingrinj. Second Père des fruits produits dans ce jardin, Régent de mille fleurs qu'étale ce parterre , Terreur des limacons aux quels tu fais la guerre, Chaufle pied de nos choux, bèquille de nos pois, Stentor de mille oifeaux effrayés de ta voix, Grand, fort, bien enjambé, fier, portant haut Ia tête, ■ D'un air de fénatcur tu ménes la brouette, Bacchus, Flore, Cères font charmés de te voir Manier le rateau, Ia ferpe & i'arrofoir, Si quatre champions t'appeilent pour combattre, D'un revers de ta main tu les abbats tous quatre,Un cinquième éclopé d'un coup de ton fabot, Ne pouvant plus marcher "fe traine en Efcargot.. Lors qu'armé d'un baton tu portes ta lanterne, Chacun croit rencontrer faint Chriftophe moderne,; Tous les Henfingtonnois te nomment leur coufin,, Pen excepte pourtant un envieux voifin ,. Chétif planteur de choux, jaloux de ton mérite ,» Malpeigné, parefleux, médifant hypocrite,. Mil-  SOLITAIRE S. 159 (Mille gens font charmés de faire des jaloux, Mais hélas! ce plaifir eft toujours aigre-doux) Or ce gate métier par pure jaloufie, Critique tes talens , t'accufe d'héréfie, Te traite d'idolatre, & dit aux paroifiïens, Que tu gardes chez toi, d»s Dieux Egyptiens, Et fi je ne me trompe il nomme tes ido'es, Echalotes, Poreaux, Oignons & Rocambolles, J'en fois toute inquiéte & c'eft avec raifon, Que je crains de fa part complot, ou trahifon,, Ce Lévrier fubtil dont la dent te menace, A 1'odeur de tes Dieux va te fuivre a la tracé, Et 1'affreux cliqoetis de tes bruyatis fabots Mettra fur tes talons la meute des cagots, Mais pour parer les traits de leur noire maliceMa Mufe a rèfiolu de terendre juftice, En montrant clairement a tes concitoyens t. L'ufage que tu fais des Dieux Egyptiens. Dés que 1'Aube du jour a quitté fa toilette,, Au fignal éclatant du chant de 1'Alouette, Tu quittes ton grabat en te frottant les yeux, Tu mets dans" ton gouflet quelques-uns de tes Dieux 9 Et d'un air empreffé tu cherches ta cafaque, Pour vêtir un mortel plus heureux qu'un Monarque La béche & le ratcau ie croifent fur ton dos, Tu mats ton grand chapeau, tu chauffes tes fabots, Ghef-d'ceuvre de ta main , qui ferviroient de barques». Pour meuer chez Piuton tout le gibier des Parques Die  I6b A M- U- S- E M E N S Démcfurés fabots, dans vos concavités, Les foiiris loin du chat trouvent leurs furetés,. Et pour fe garantir des griffes-de Minette, Les rats toutes les nuits y tiennent leur diéte, En un mot-, grands fabots, vous êtes tout parfaits Et dignes de chaufler celui qui vous a faits, O qu'il fait beau le voir campédans la cuifine, Oü fier comme un Céfar il brave la famine, Et pour mieux foutcnir le poids de fon travail II étaye fon cceur avee trois gouffes d'Ail,. ' D'un gros quartier de pain dont fa main eft arméé, II s'ercrime & bien tót i! part pour fa corvée, Lailfant fes commenfeaux parfunés de 1'odeur . Des Dieux T gyptiens qui foutiennent fon cceur, En traverfant la cour il trouve la Voiaille, Qui vient le renconrrcr en ordrc de bataille, Poules, Dindons, Canards, cbacun vient.a fon tour Béquetcr fes fabots & lui dire bonjour, Le jardinier répond avec grand courtoifie, - Bonjour Liton, Picot, bonjour Poule, ma Mie, D'un air tout Paternel il a'longe la main, Pour leur-diftribuer le refte de fon pain, Enfin vers Ie jardin il dirige fa.courfe, II óte fa cafaque, i! bêche, il fe trèmoufle, II pioche, il plante, il fème, il unit les carreaux,, Tel Hercule jad's achevoit fes travaux, Puis pour fe repofcr f'appuiaut fur la pioche,, Ii-tire gra/cnk-nt un Oiguon de fa poche, Il croque. une Ecbalote, il grignote un Poreau.: . Nou.  SOLITAIRE s. ïöi Nouvcl [conoclafle il devient le [tombeau Des Dieux Egyptiens, ft,- qui, faifant main bafTe, U fignale 1'ardeur de fon zéle vorace, Les fairs ici. décrits font plus que fuffiTans Pour ihipofer filence a tous les médifans ; Trcmblez, repentez vous, difeurs de fariboles, Jean n'eft p,-ls idoatre, il mango les idoles, En vam pour le noircir vous faites vos efforts II trouvera toujours des redrefieurs de torts. O Jean! que n'as-tu 1'art de la grand Pythoniffe, Qui métamorphofa les compagnons d'Ulyflb, Bientót le plapte choux & tous fes compagnons Seroient dans ton jardin plantés en rangd'Oignons A Madame la DucbeJJe De la Vaugion. T Illufhe Vauguion , ornement de la France, Qui depuis quelques temps, brillez dans nosClimats; J'entends louer par tout, vos Vertus , vos Appas, Votre Efprit, votre bienfaifaficc; Vous avez dans nos bois protégé i'innocence, Par vos foins génércux on peut en fureté, S'y promener de tout cö'é. Ce bots oü_ règne ie filence, Em-  362 AMUSEMENS Embelli par votre prèfence, Offroit a mes yeux un fpeftacle enchanté, Si, par 1'avis de quelque Fee, Je pouvois m'y trouver dans ces heureux momens. Si ma Mufe champêtre avoit les agrémens De la douce Lyre d'Orphée, Ou les touchans accords de celle d'Amphion ■ Les Arbres animés aux fons de ma Mufique', Formeroient un Ballet ruftique, * Et viendroient faluer Ia Nymphe Vauguion. Le tendre Roffignol, la légere Alouette, Le Chardonneret, Ie Pinfon Yous feroient tour k tour entendre une chanfbn, Echo la rediroit dans fa grotte fecrète. Mais que peut ma fimple Mufette ? Chanter tres imparfaitement, Ce que Ia lente Renommée Vient de m'apprendre en ce moment. Je me promène rarement: Dans mon cabinet enfermée, Je m'occupe agréablement; Tantöt je cenfure le vice, Tantöt j'encenfe la vertu, Je ne fai point flatter, j'aime a rendre juftice , En fuivant Ie penchant de mon cceur ingénu: Daignez donc, charmante Ducbefle, Accepter quelques vers que mon cceur a difiés, Com-  SOL ITAIRES. i63 Comme un jufte tribut offert l Ia fagefle Par les mains de Ia vèrité. E P I T R E. A Mademoifelle de Reynenburg Depuis prés de troisans, une importune Mufe, La même qui chanta le Doyen des Matotis, Me prcffe de chanter pour vous, Mais j'héfite, je m'en excufe, En avouant de bonne foi, Qa'Une ruftique Mufe & moi, Ferons beaucoup mieux de nous tairej Car Iorfqu'on n'eft pas fur de plaire , Doit-on s'émanciper? elle répond, eh quoi! Avez vous oublié que je fus applaudie , Quand pour chanter Matou, je pris mon chalumeau, Rimons fur un fujet & plus grand & plus beau, Sans attendre.qu'on nous en prie: Chantons de Reynenburg le mérite & I'efprit. Si nous réuflilTons 'dans fon Panégyrique» Ce fera Ie moven de nous mettre en crédit ,. Et de braver toute critique, En joignant nosaccords avec Ia voix publique, Nous aurons 1'approbatien Des  x64 AMUSEMENS. Des favans de la Républiquc, Et de toute Ia Nation. C'eft ainfi que l'orgueil d'une imprudentc Mufe, Cherchoit a triompher de ma timidité; La raifon 1'emporta, je punis fa fierté, Lui tenant ce difcours qui la rendit coufufe. D'oü te vient cette vanité/ Petite Mu.e Campagnarde, L'amour propre t'aveugle 3i fi tu n'y prends garde Ton Pègafe boiteux, indocile, éventé, Prenant Ie mors aux dents & fuyant dans Ia plaine. Te refufera fon fecours; Car il fe plait fouvent a jouer de ces tours, Pour fe débarafTer d'une Mufe trop vaine. Pour chanter Reynenburg il faudroit qu'Appollon, T'enfeignat a toucher la Lyre Mais comment veux-tu qu'il t'infpire, II ne te vit jamais dans le facré Vallon , Va chercher des fujets propres pour ta Mufettc» Dans les bois, dans les champs on en trouve a choifir, Les amours de Lucas, les noces de Lifette, Pourront avec fuccès occuper ton loiiir, Ma Mufe a-ce difcours demeura fans rèplique, Elle baiffa les yeux &. le ton de fa voix, Renoncant au fublime, au grand, a I'héroiquc, Elle prit doucement fa Mufette ruftique Et s'en fut chanter dans les bois. La  SOLITAIRE S. i<5» La Promenade du Matin. Douce Tranquillité, Nymphe de ces bocages, Je viens au point du jour te rendre mes hommages, Errant en liberté, feule fous ces Ormeaux, Je joins un Hymne faint au chant de mihe oifeaux, Dont 1'innocent concert imitant ceux des Anges, Semble du Créateur célébrer les louanges. Quel plaifir en fbrtant d'un paifible fommeii, De voi r fur 1'Horizon paroitre le foleil, Qui, montant doucement au haut de la colline, Eclaire & réjouit la campagne voifine, Je m'arrête en voyant un fpe£tacie fi beau, Et je dis, c'eft ainfi qu'au fortir du tombeau, Mon corps glorifié par un fauveur propice, Recevra les rayons du foleil de juftice-, J'avance vers les bords d'un ruifieau diligent, Qui, parmi ies rofeaux, fur un fable d'argent, Rou.ant fes petits flots, tracé dans la prairie Par fon rapide cours, 1'image de ma vie, Claires eaux, jufqu'ici nous avons même fort, Vous eoulez vers la Mer, & je cours vers la mort, Mais notre fort diffère, au bout de yotre courfe Vous ne retournez jamais a votre fource, Moi je remontrai de mon trifte tombeau, Par 1'ordre de mon Dieu, dans un Monde nouveau. Pous.  166 AMUSE ME NS Pouffimt encor plus loin mes douces rèveries, J'arrête mes regards fur de vallés prairies, J'admire leur verlare & je cueille des fleurs, Dont la diverfité des plus vivcs cöuleurs, Charme pour quelques ternes mes yeux & mespenfées, Mais dans une guirlande a Röine jentrelacées Je les vois •"e faner & leur émail charmant, Ainfi que leur odeur fe perd dans un moment, Que ne dirois-je point favante Defhoulières, Si j'avois votre efprit, vos talens, vos lumières, Pour comparer ici Ia fragiie beauté Avec l'éclat des fleurs & fa briéveté, Votre Idylle fufEt, on ne fauroit mieux dire Hélas! vous n'êtes plus & mon cceur en foupire, Deux fiècles differens nous o;r?ck>nné ie jour A vous loin des Hameaux, a moi loin de la Cour, Votre Mufe chantoit le fimpie & 1'Héroique, Mais la mienne fe borne a fon Pipeau ruftique Je cbante la campagne & mon plus doux plaifir, Eft de lui confacrer mes heures de loifir, Invoquant Apollon en Nymphe bocagère, Mon front n'eft couronné que de fimpie fougère, Pour ofer juftement afpirer aux Lauriers , II faut chanter les Dieux, les Rois & le Guerriers, Cec fujets font trop grands pour ma Mufe champêtre Qui fait fe contenter de fougère, ou de hêtre, Hypocrene jamais ne lui fournit de l'eau, Elle boit a longs traits celle de ce ruifleau, Qui par fon doux murmure 4 méditer m'engage, Me '  SOLITAIRE S. i67 Me conduit vers Ia Mer & me laiffe au rivage, D'oü j'appercóisj fouvent mille flots écumeux, Mugiffant par l'eflört des vents impétueux ; Se jouer d'un vaiileau, le jciter fur la cöte Male ré 1'activité du plus favant Pilote , C'eft ainli que des Grands 1'inconftante faveur Aujourd'hui nous éSéve au comble de 1'honneur] Et peut-ëtre demain ils nous fcront un crime De la même vertu qui gagna leur eflime; Heureux! qui, retiré loin du Monde & du bruit •Cmtive fa raifon, recueille fon doux fruit, Sous un paifible toit il trouve plus de charmes 1 II a moins de foucis, il répand mmis da larmes Que les Rois fur leur tróne & les Grands de Ja"Cour Chez qui tant de momens font perdus fans retour ' Le plus parfait bonheur, qu'ici bas je fouhaite, ' C'eft d'obtenir du Ciel une douce retraite, Oü je puilfe toujours avoir a mon cóté La raifon, les vertus & la tranquilüté, Des livres bien choilis, une conftante amie; Qui partage avec moi le bonheur de ma vie Que mon cceur foit toujours humble & reconnoiftant, Soumis aux ordres faints de 1'Etre tout puiffant, Aimant la charité, 1'honneur Ia juftice Autant qu'il hait l'orgueil, 1'envie & 1'avarice ' Modérément joyeux dans Ia profperité Patiënt dans les maux & dans 1'adverfité; Et qu:arrivant enfin au bout de ma Carrière, Je puiffe lans frayeur regardcr en arrière Re-  i6S AMUSE MENS Réfïéchir fur'les jours que Dieu m'avoit comptés Pour jouir ici bas des dons de fes bontés, Sentir qu'un doux repos régne en ma confcience Et meure en mon fauveur route mon efpérance. La promenade du /oir C^u''l eft doux de rêver au bord d'une 'fontaine, Lors que le blond Phébus pret a quitter la plaine, Modere fes rayons, dont la foible lueur, Nons permet d'admirer 1'agréable rondeur De fa face riante, au moment qu'il nous quitte Pour fe précipiter dans les bains d'Amphitrite, Laiflant flotter encor fur le Ciel azuré, Les plus vives couleurs de fon voile doré. Sur fon cours glorieux chacun réglant fa tache, Déja le Bucheron laiire tomber la hiche Et déja les Bergers ramenant leurs rroupeaux Au fon de la Mufette & des doux Chalumeaux, Ic; des villageois, chargés des fruits d'Automne, Célébrent par leurs chants & Bacchus & Pomone. J'appcrcqis un chalfeur, qui, chargé de gibier, D'un air reconnoiffant flatte fon lévrier, Et plus loin des pêcheufs affis furie rivage, Des poiffons qu'ils ont pris font un jufte partagc. Chacun penfe i quitter les verges & les bois Et  S OLITAIRES. tof Et déja les oifeaux ont fait ccfler leurs voix. Le foir en habit gris , du haut de la montagne, Tire un fombre rideau qui couvre la campagne, La brillante Vénus, füre de fon pouvoir, A travers Ie rideau fe fait appTcevoir, D'abord qu'elle paroit, chaque étoi'e s'emprefTe Pour venir fe placer autour de 'a Déeffe, Qui, fiére de régner fur la Cél fte cour, R''douSle fon éciar pour nous rendre ie jour: Mais que fon régne eft court dans Ia voute Ethérée Des Aflres les plus beaux la courfe eft mefurée, Leur ordre, leurs empïois, 'eurs mouvemens divers Som régies rar I'auteur de ce grand univers: Chaque étoi'e a fon tour doit briller dans fa fphére» Et toi, charma' te foeur, qui fuccède a ton frère, Déeffe des forêts , ton tour va commencer. Planétes, rangez vous pour !« Iaiffer pafTer, La Nuit, la fombre Nuit, fur 1'Forizon s'avance, 'Et fous fon voile noir amène le filence; Sur un Tróne d'ébène, elle artend gravement Que la Reine des Cieux fe montre au firmament: Je la vois qui paroit a travers de la Hue; Plus d'une étoile errante annoncent fa venue, Tout brille fur fa route & d'un air gracieur, Elle écarté fon voile & charme tou* /es yeux; Je 1'admire, & d'abord ma mémoire fidelle Me tracé 1'entretien du favant Fonteneile, Snr la p'uraüté de ces mondes nouveaux. Quoil dis-je, fe peut-il, ó céleftes flarnbeaux," H Que  J70 AMUSEMENS Que vos corps lumineux fbient compofés d'atomes? Etes vous le féjour des Sylphes & des Gnomes ? Si vous étes peuplés, quels font vos habitants ? Sont-ils humains, mortels, malheureux, ou contents? Quand fütes vous créés, qu'elle elt votre origine ? Connoiflez vous 1'Auteur, de qui la main Divine Vous tira du chaos pour vous fufpendre en ('air f Avez vous, comme nous, un printemps, un biver, Des tonnerres, des vents, desfrimats, desorages? Vivez vous fous des Loix? refpectcz vous les 1'ages? Que ne puis-je favoir quel Dieu vous adorez, Si vous 'avez des Rois, fi vous les honorez? Que ne puis-je monter, parle fecours des Anges, Pour vifiter de prés tant de Mondes éttanges ? Que dis-je! hélas! pourquoi mon efprit curieux Va t-il avec plaifir s'égarer dans les Cieux ? A f.n gre quelques fois il peuple les Plauètes, Dans J.,piter, dk-U, les faint, & les Prophètes, Et ceux, dont le falut fut acquis par leur fang, Som fur des trónes d'or, placés felon leur rang; Mars contient les Héros, qui perdirent la vie En défendant les droits de leur chére Patrie; Aflih tranquiliement a 1'cmbre des lauriers, Un doux repos fuccède a leurs exploits guerriers. Saturne des favants eft le féjour tranquille; C'eft la que les efprits d'Homére & de Virgile Jouinent du plaifir de fe voir refpeftés, Par les fameux Auteurs qui les ont imités. .Vais infenfiblement un brouillard qui fe leve, En  solitaire s. i7j En me cachant le Ciel, me tire de mon réve. Une fecrette horreur, compagne de ia nuit Me fait hater mes pas, je tremble au moindre bruit, J'entends plus d'un hibou, dont la voix effrayante Dans le nid des oifeaux, va porter J'épouvante, Eveille les eorbeaux fur les arbres touffus, Qui s'éléverit en 1'air avec un bruit confus : Ce changement de fcéne & mon peu de courage Me preffent de fortir de ce fombre bocage; Je traverfe les prcz, en marchant au hazard, Je trébuche vingt fois & j'arrive fort tard Au logis oü déja chacun s'impatiente, Difanr, oü refle donc notre lifeufe errante? Ah vous voila, venez , le fouper vous attend, Nous craignions que les ïoups, ou quelqu'autrebrignand: Ne nous eu/Tent privez de votre compagnie. D'oü venez vous fi tard, qu'elle bizarrerie Vous oecupe 1'efprit, vous fait courir les bois? Prêchez vous. aux oüeaux, & comme faint Francois Allez vous haranguer les Nations muettcs? Moi! point du tout, je viens depeupler les Planétes,' D'y planter des Iauriers, d'y loger des favans, J'allois y faire encor d'autres arrangemens, Lorfqu'un brouillard épais & mille voix criardes M'ont fait abandonner mes nouvelles peuplades. On rit de mon idee ainfi que de ma peur, Lifandre prend fon verre, & dit d'un ton railleur,' Buvons a la fanté des Héros de Planétes} I'efpére de les voir orner leurs nobles têtes H 2 Des  !fS AMUSE MENS Des verdoyans Iauriers que vous avez plantés, A moins que quelque vent ne les ait emportés. Si le Peuple de Mars n'eft pas une chimère , J'irai m'aüocier i leur troupe guernère; Demain, au point du jour, je m'équipe & je pars Pour cueiilèr des lauriers dans 1'Empire de Mars. Sur Ja mort de Mademoifeüe de Reynenburg I S M E N E {^)uel pouvoir me conduit dans cette folitude, Ou de 1'hiver encor j'apperco's les horreurs ? Ce deTert dépouillé de verdure & de fleurs, Pourroit-il demon cceur calmer 1'inquiétude? Non, d'un trouble inconnu, mon ciprit agité Prévoit un coup fatal, je gémis, je foupire. O Nymphe de ces bois! douce Tranquillité, Qu'avec'des ibns plus doux raa Mufctte a chanté, So. ffrc qu'ici je me retire, Puur y pleurer en liberté Dans ce trifte défert: je crains peu que Thalie Arréte le cours de mes pleurs, Et mon cceur abforbé par la mélancolie, Ne ELEGIE  SOLITAIRE S. -75 Ne connolt plus d'autres douceurs Que les foupirs, mais quoi j'appercois Melpomèue Qui vient me trouver dans ce bois , Mon cceur a fon afpeil Pent redoubier fa peine, Déeffe quel fujet i'amène? Jc te rencontre ici pour la première fois, Pourquoi ce voile noir me cache t-il tes charmes, Parles, que vifns-tu m'annonccr? Tu ne ma réponds pa , je vois coulcr tes larmes, Ton filence ne peut qu'augmenter mes alarmes, Je trembie, je frèmis, que vas-tu prononccr. MELPOMENE Reynenburg ne vit plus, les Mufcs la regretter.t, Tout le Parnaffe en eft en deuil, Les Nymphes de ces bois en gemiffmt apprêtent Des fefti ns de Cyprés pour orner fon cercuei!, Si pour honorer fa mémoirc, Les Dieux pleurcnt fur fon tombeau, Ifmène tu dois faire gloire D'y mêler tes regrets, & d'y joindre un rameau. I S M E N E Qu'entend-jc! Reynenburg a fini fa carrière, Je ne m'étonne pius que depuis quelques jours, Phébus a ce cauton refufe fa luniièw H 3 Et  ?74 AM U S E M Ë NS Et que précipitant fon cours, La Meufe en écumant fe tourmente & s'irrfce- Contre les Aquilons dont le fbuffle 1'agite ». Pourrai-je fur fes triftes bords, Par 1'infpiration d'une Mufe tragique, De ma lyre fimpie & ruftique Tircv des fons & des accords. Déja les Nymphes des bocages Font entendre leur triftes voix, Et par leurs lugubres hommages Réveiiient tour a tour les Echos de ces bois, Dont la voix tremblante & plaintive, Pour mieux fe faire entendre aux Bergers épcrdus,. Répére cent fois fur la rive, Que tout pleure aujourd'hui, Reynenburg ne vit plus, Pleurez Nayades-, Néreïdes Qui fur les bords du Vaart faites votre féjour, Peur célébrcr ce trifte jour, Sortez de vos grottes humides, Venez par vos foupirs agiter les rofeaux, Murmurez avec les ruifleaux. Bergers qui, d'un air gai, conduifiez dans les piainesVos troupeaux bondiffant fur des tapïs de fleurs, N'y venez aujourd'hui que pour verfer des pleurs,. Et mêler aux eaux des fontaines, Le trifte hommage de vos cceurs; Sufpendez aux Cyprés la flüte, & laMufette,, . Bri-  SOL ITAIRFS. 175 Brifez vos chalumeaux, négligez vos hautbois, Triftement appuyé chacun fur fa houlette, Pour pleurer Reynenburg uniflez tous vos voix", Elévez dans ces lieux champêtres Des monumens a fon honneur , Gravez fur 1'écorce des hétres Les vers les plus touchans qu'mfpire la doulcur. Retcnez 'votre douce haleine, Ne foufflez plus charmans zéphyrs, Echo vient vous conter fa peine, RéponJez iui par des foupirs, Mais lorfque le printemps reviendra faire éz'.oro Les fleurs, fon plus riche ornement, Sans craindre Ie courroux de Flore, Allez a Reynenburg d'un fouffie véhément, Agiter les fleurs du parterre, Né.-argnez orangers, myrtes, ni chêvrefeuil Que la rofe & 1'oeiliet fe panchent jufqu'i terre Pour marquer le plus profond deuil. Et vous, petits oifeaux dont la douce muflque Formoit de fi joyeux concerts, Sur le haut de ces chênes verds Qui fe font admirer dans ce féjour.ruftique, Perchez vous y , chantez d'un ton mélancoiique, Et dites triftement par vos cris confondus, Que tout pleure aujourd'hui, Reynenburg ne vit plus; H 4 Re*  27<5 A M ü S E M E N S Reynenburg dont l'«fprit fublime Exciroit 1'admiration, Sa Perfonne attiroit le refpeft & 1'eftime, Elle favoit briller fans affeflation Par fon favoir, fa politetTe, Par fes difcours dont Ia juflcfTc Fixoit toujours 1'attentiou: O Mufe! vims m'apprendre a raifonner comme eilej Mes vers Ia rendront immortelle, Mais hélas! mon foible pinceau Ne fauroit dignement exprimer tous fes charmes, Je m'exprime mieux par les larmes Que je répands fur fon tombeau. STANCES. C_?her Neveu , jufqu'ici 1'objet de ma tendreUe Mais hélas! aujourd'hui, fujet de ma triilclTe Et la fource des pleurs qui coulent de mes yeux, Dans ton plus beau printemps tu cefTes donc de vivre, Mon cceur, mon triile coeur sVfforcant de te fuivre, Tache par fes foupirs de pénétrer les Cieux. Oui ce cceur par ta mort plongé dans i'amertume, En plaintes, en regrets tous les jours fe confume, Et lorfque le fommed me prête fon bandeau, Par  SOLITAIRE S. 177 Par une Hlufion flatteufe & confolante, Je fonge que la Mort te raméne a ta tante, Mais mon trifte réveil te recouche au tombeaj A peine réveülée & d'une voix plaintive, J'appeile vainement ton ombre fugitive, Ma main veut 1'arrêter par ordre de mon cceut, Mais bientót ma raifon renouvelle fa peine, L'afTurant qu'il pourfuit une apparence vaine, Qui vient de 1'abufer par un fonge trompeur. Dès que 1'Aftre du jour diflipe les ténébres, J'exhale ma douleur par des plaintes funébres, Je fais mille fouhaits que je n^ofe efpèrer, Ah! pour me confoler il n'eft plus de Prophéte Qui puiffe ranimer le mort que je regrette, Et dire, il eft vivant, cefle de foupircr. Tes voeux font exaucés, paifible Sunamite, Jeune homme de Naïm, Je/ut te reffufcite, Fille de Jaïrus, tu vois encor le jour, Lazare du tombeau, revient a la lumière Mais toi, mon cher Neveu, tu finis ta carrière Sans qu'il me foit permis d'efpèrer ton retour. Quoi je t'ai donc perdu! ton corps eft fous la tombe, Au coup qui t'a frapé , moi même je fuccombe,, ' Ce coup inattendu, fi fenfiWe a mon cceur, T'abbat fubitement, & te réduit en poudre,, H Ain- *  i?8 AMUSE M ENS Ainfi dans un jardm frappé d'un coup de foudre,. Le plas bel oranger éprouye fa rigueur.. Chcr Neven, fi du moins Ia vertu Ia plus rare Pry geoit les Mortels contre la faux barbare 0 li rrai che tes beaux jours par un coup fi crael, Toi, fi pieux, fi bon, fi vertueux, fi fage, De nos premiers Parens tu devois vivre 1'age, Q..e dis jci.mon cb.er Paul, tu ferois immortel.. Mais tu vis dans Ie Ciel, env'ronné de gloire, La mort en t'en'evant t'aff.re la viéloire, La Couronne de vie eft le prix de ta foi, Ton ame a pris i'efffr vcjs la voute Célefte, C3 n'eft qu'i tes parens que ta mort eft funefte, La dpuleur eft pour.nous, le bonheur eft pour toi. SONNET. Sur le même fujet Je defcends fous la tombe & la fleur de mon ige, Sans regretter le mmdeoü tut eft vanité,, A fes tentations mon cceur a rèfiflé, . Au. milieu des dangers, je n'ai point fait naufrage. V.ov  S O L I T A I R E S. m Voguant heureurement je voyois le rivage, P:-é.- d'entrer dans le Port j'ancrois en fürcré, Ouand la mort m'a furpris, il étoit décrêté i Qu'elle m'arrêteroit dans mon pèlèrinage. Ma fanté, ma jeuneffe & mon cceur vertheux Mc promettoient des jo..rs plus iongs & p'us heureux, Mais il plait a mon Dieu de bomer ma carrière. Pour moi ia mort devient un favorable écueil, Qui, fermant pour un tems mes yeux a Ia lumière, Conduit mon ame au Ciel, & man corps au cercueil. IDYLLE. _IN e te verrai-je plus ó ma chére Patrie, Hélas! je n'ofe m'en flatter, . Pourquoi fous ton beau Ciel ai-je reeu la vie? Ou pourouoi-t'ai-je du quitter, Loin de i'Empi'e heureux que 1'Augufte Thérefe Go.iverne avec tant de douceur? Ma raifon tache en vain de bannir de mon cceur, Une douieur que rien n'appaife, ■ Le temps n'en peut être vainqueur. Vafte & belle forêt dans ton centre agrèable, Hó Lc  iSa AMUSEMENS Le fapin, Ie chêne & I'érable Sont nés & ne te quittent pas, Sous tes buiflbns èpais- mSlle animaux fauvagesy Et mille oifeaux ibus tes feuillages, Ne cherchent point d'autres cümats; L'Ours ahne fa tanière & le Liévre foB gite, Ec Cerf fe plait fous fon hallier, Si le Renard bleffé peut dir ger fa fuite, ïl va mourir dans fon terriër. Lorfqu'en rêvant je me promène, Pendant la fraicheur du matin je vois arriver fur le thim Les habitans d'une garenne Pour brouter, mais au moindre bruit,, leur troupe legére s'cnfuit, Chacun rentre dans fon ctomaine*. O vous de ces forêts, pailibles habitans,. Nés pour la liberté, vous êtes tous cortftans; ©n ne- voit que chez nous cette humeur vagabonde,,. L'Homme n'eft jamais fatisfait, Las d'un bonheur conltant, fon Pays iui dèplait,, Il s'ennuie, il veut yoir le monde» L'un pour rè.tablir fa fanté, Bravant tous les dangers, par amour pour la vie, Jufqu'au pied du Véfuve a grands fraix tranfporté, Croit fuir le moment redouté.,, Et le rencontre en Italiei jytólas J: combien n'en yoiNon pas-  sol ITAIRES. ïSi Qui, trop heureux & trop ingrats, Entralnés par de vains caprices, Promenant leur enriui de climats en clfmats, Echangent de i'Or pour des vices. Heureux qui peut vivre & mourir Dans le Hameau qui 1'a vu naitre, Et fous un humble toit tranquillement jouir Des fruits que fes yeux ou vu cróitre. Sombres forêts cru tant de fors Sous 1'ombre de votre feuillage, De 1'Eebo d'un rocher, j'ai réveille la voix,. Hèlas! li le Deflin nr'eut accordé mon choix, De vos oifcaux encore j'entendrois le ramage. Linottes & Pinfons, fous ces rameaux touffus, Vous joaiflez en paix du bonheur que j'envie, Vous chantez, je foupire ó ma chère Patrie!: Ne te verrai-je plus.» m, e. l lv  i8a AMUSEMENS ELEGIE. Sur ld mort de ma Mére. Prends parta madou'eur, foutiensmoi, Rofalie^. Hélas! mon coeur fuccombe a Ia mélaacolie, La mort femble couvnr mes yeux de fon bandeau, Milie noires vaoeurs qui forment un rideau, Bornent tous mes regards & rendent invifible Jnfqu'au moindre plaifir au quel je fus fenlible ,. L'Aurore ne fe leve & ie foleil ne luit, Q ie pour me rappeller 'es fraieurs de la nuit;Hèlas! depuis huit jours mes yeux baignés delarmes, D'un paifiblefommeii nc goütent plus )es charmes, Ou s'il captive enfin mes efprits accablés, Par un fonge affligeant ils font toujouro troublés, Tout me paroit affreux au milieu des ténébres, Je ne voio que tombcaux & que pompes funébres,En un mot, tout confpire a troubler mon bonheur, La joie eft pour jamais éiemte dans mon cceur.. O mort qui me ravis une Mére chérie,, Dont 1'amitié faifoit.lc bonheur de ma vie, Finis mes dèplaifirs, rejoins moi pour toujours A celle dont fa faux vient de trancher les jours, Si tmlgrë ma douleur il faüt uue je furvive, A.ce bien piécieux dunt .ta rigueur mc privé, Mon  S O L I T A 1 R E S. 18$ Mon cce' r reconpoiffmt lui cnnfae-e un Autel, Oü brul ra 1 c icei s d'un arnour éterfiel, Et mes nrof-nds foupirs entreticPdr-nt la flimme Que lbn smit:é. tfi»d*e alluma dam mon ame. Oui, Mère incomrarable, a ce doublé lien, Q i joignit pour to.iiours mon coeur avec le tien, La mort ne peut oter Ie pouvoir de s'éienueJufque dans le tombeau qui renfbrme ta cendre, Fidel'e a m'aequitter de mes devoirs pieux, S'il m'euréré permis de te fermer ies yeux, J'eefle malgré 1'excés de ma douleur amère,. 5 Jöui du doux plaifir de voir encor ma fvtèrc, E'le eut auffi goüté la confolation De mi pouvoir donner fa Bèuèdïction, Cic! qui m'a refufé ces biens fi défirables, Gommande aux Aquüons de m'être favorables. Redoutable Océan qu'ils vienncnt agiter, Je me livre a tes flot.--, rien ne peut m'arrêter, En vain leurs fons bruyans m'annoncent un orage, . Un cceur bien affligé ne craint pas le naufrage, Je pars, & mon efprit a déji pris i'eflbr. Vers Ie feplu'cre oü git mon précieux tréfor, L'amitié le conduit oü fon devoii I'appelle, Par fon e.nprcflement il va montrer fon zéle , D'une Oraifon funébre il didle le difcours, Er donne a fes regrets un jufte & libre cours, Fiottant, trifte,,diftrait, il s'inquiète, il erre, Souf-  i»4 amtjsemens Soufflez fiers Aquilons, enfin je vois la terre. Floriflante Al Won, reegis moi fur tes bords , Je vole vers Ja plage oü repofent les morts, ' Je te revois enfin paifible cimetière, Sous tes fombres Cyprès je viens pleurer ma Mère , Que tout dans ce hameau prenne part a mon deuil Que tout vienne avec moipleurer fur fon cercueil. ' Partagez ma douleur, piaintives TourterelIesr Si vous avez perdu vos compagnes fidelles, Vos cceurs déji bleffés des flêches de ]a mo'rt, Sentiront vivement Ie maib:ur de mon fort, ■Ruiffeaux qui murmurez dans ce Vallon ruftique Pljignez vous aux P?ffans d'un ton mélancolique, * Roulant fur les cailloux imitez mes fanglots, Le tribut de mes pleurs augmentera vos flots". Innoncentes Brebis qui paiffez dans la plaiho, Voyez votre berger qui pleure fous ce chêne ' Oü pendent fa Mufeite & fon plus doux Hautbois,, Qui ne s'accordent plus k fa lugubre voix. L'Aurore qui des fleurs ranimoit totr les charmes, Les fane, les term't les inondant de larmes, Les. Zéphyrs attirés par mes trifl.es regrets, Pouflent mille foupirs au travers des Cyprési Tu  S O L 1 T A I R E S. 185 Tu frémis, tu te plains fcnfible Rofalie, En voyant le cercueil de ta -fidelle Amie, Que nies tremblantes mains ont couronné de fleurs, Uniflbns nos foupirs, nos regrets & nos pleuts, Faifons dire aux Echos dans les tombeaux auftères, Ici repofe en paix la meilleure des Mères, Nymphes de ce hameau redites le cent fois, Mon cceur pour s'exprimer ne trouve plu.s de voix, Précieux fouvenir d'une Mère cflimable, Modérez la rigueur de mon fort déplorable, Et vous, douces Vertus, qui remplifliez fon ccenr,, Poffedez tout le trtien , augraentez fa ferveur, Rendez le plus foumis dans fa douleur extréme, Au coup qui 1'a frappé par un ordre fuprême. Seigneur de qui la main m'a déchoché ce trait, Je ne murmure plus, car c'eft toi qui l'as fait, Abattue & tes pieds je t'adore en filence, Daigne fixer fur moi 1'ceil de ta Providence, Fais fuccèder enfin a mon affliaion Les plus puüTans fecours de ta prateit-ior?, RE-  186 AMUSEMENS REFLEXION S. Sur la Mort de Mlle. de Beyer. Qu'il eft doux de mourir lorfque notre défir Tend a déloger de ce monde , Un cceur en qui la grace abonde, Afpire a fiüvre Cbrifi & garde avec plaifir, Cette part qu'il a fu choifir. Aux pieds de fon fauveur comme une autre Marie, Fidelle jufques a la mort, De Beyer faintenvnt vient de finir fon fort, Et recoit de Jejus la couronne de vie, Son ame étoit pieufe, & fon cceur vertueux, Exemp'e édifiant pour ceux qui lui furvivent, Elle eft morte au feigneur, & fes ceuvres la fuivent? Pour la faire revivre au féjour bienheureux. Patiënte dans fa fouffrance, Elle baifoit la main qui venoit 1'éprouver, En attendant avec conftance Le moment de fa mort Sc de fa déiivrance, Son ame vers le ciel cherchoit a s'éiéver, Quand fon fauveur enfin 1'enleva < & ma fo blefie, Diflïpe eet or.ige, éteins c?s feux ardens, Daigne nous garantir de ces c mps redoutables, Qui femblent eteftinés a pumr les coupables; O Dieu retiens ta ma'.n, épargne tes enfans. Je fais que nos pèchés mèritent ta vengeance, Mais j'ofe cependant impiorer ta clémence, Tu ne prends point plaifir a la mort du pécheur, Tu nous 1'as déclaré, feigneur, Tu dèfires fa repentanee. Mais dans l'immenuté de Ia créatkra, Oü je fuis un grain de pbuffière, Grand Dieu! puis-je efpèrer de ta compafïion, Que tu tecoives ma prière? LaiiTeras-tu monter ma voix 'jufques au Tróne Augufte oü tu juges les Rois? Dieu tout Puiffant! Etre fuprême, Si  roo AMUSEMENS Si tu lis dans ce cceur oü n'en ne t'eft caché, Peut-être en feras-tu touché , Oui, Seigneur, tu fais que je t'Jme. Mes vceux feroient-ils éxaucés, L'orage elt mioins terrible & les airs moins prefles, Les vents impètueux fe declarant la Guerre, Difperfent le nuage & chafient le tonnerre, Qui nous menace encore en s'éloignant de n0us, Le Ciel moins embrafé montre un afpeft plus doux, Une "pluie abondame ironde la campagne j Mille petits ruifleaux tomhent de la montagne, Le calme va renaitre en ce trifie Hameau, Déja de 1'Aft.re Ie plus beau, Une foible lueur au travers d'un nuage, Dore les goutesd'eau qui.tombent du feuillage, Et bientót il paroit triomphant, radieux, Ses rayons rèflèchis forment 1'Arc glorieux, Symhole de ton Alliance, Qui nous annonce ta clémence, Lorfqu'il te plait, feigneur, d'en embellir les Cieux, L'admirable pinceau qui tracé fur la nue, Cet Are enluminé des plus vives couleurs, Rend Ie calme a mes fens en recréant ma vue," Et de l'orage affreux cfface les horreurs, Mai; déja fes traits variables PiliiTent, vont s'évanouir, Hèlas! ils nous font fouvenir Que nos plaifirs font peu durables, Ne  SOLITAIRE S. 191 f)Ne les regrettons pas, nou? paflerons comme eux, fRapides Pélerms, puiffe notre voyage IParmi les biens, les maux, le beau temps & l'orage, iNous conduite au fèjour oü tendent tous nos vceux. O toi dont la feule parole Donna 1'être a eet Univers, Toi de qui la bonté, nous guèrit, nous confole, (Quand nous fummes atteints de mille maux divers, 'Monarque tout Puiffant du Ciel, & de Ia Terre, Augmeme dans mon cceur Ie refpeft qu'il te doit, Et i^rfqu'il te plaira de lancer ton tonnerre, Daigne èpargncr mon humble toit. ODE Feuillages verds que j'ai vu naitre, Avec le retour du Printemps, Hélas! qu'il vous faut peu de temps, Pour éclore & pour difparoitre, Le changement de vos couleurs Prèdit votre chüte prochaine , Feuilles, vous tombez fans douleurs, Sans regret vous quittez ce chène, Et nous qui, naiübns pour fouffrir, Loin de fouhaiter de mourir, Nous nous en faifons une peine, Di-  ips AMUSE MENS Difparóiflèz foibiefle Hamaine,, Mon cceur en elt humilié, El) érance, brifez ia chaine Dont la crainte 1'avoit lié. EP I T R E A. Mik. M. Gojfct. Croffet pour vous chanter j'accorde ma Mufettc, II m'elt doux de rimer fur un digne fujct, A I'ombre de ces bois j'ai formé le projet De fixer les écarts d'une Mufe inquiète, En vous choifiUant pour objet, Peut-elle refufer quand 1'amitié 1'invite, De rendre hommage an vrai mérite. O vous dont les vertus & les talens du cceur, Riches dons de 1'Etre fuprème, Font qu'on vous voit toujours la même, En vous Ia pièté, 1'égahté d'humeur, Sont Ia fource du vrai bonheur, Un cceur toujours content vaut mieux qu'un diadéme. Fille d'un Pére vertueux, Et d'une incomparable Mère, Des  SOLITAIRE S; 103 Dés vos plus jeunes ans vous avez appris deux Tout ce qui peut former Ie meilleur caract-ére, Pour n'avoir rien a délïrer, Et voir couler vos jours dans une paix profonde, Contemplez le tableau des vanités du monde, Dont les charmes trompeurs voudroient vous attirer, Au fond d'un c&binet ma Mufe folitaire, Me fait fouvent paffer d'agréables momens, Et fans avoir delTein de briller ni de plaire, Mille réfiexions font mes amufcmens. Reflexions sur les vanitss du Monpe. Que la foütude eft aimable, Pour un efprit qui penfe bien, Et qui fait par uri doux Iien, Joindre 1'utile a 1'agrèable, Dans un heureux Ioifir par un charme puiiTant, II médite avec fruit, il admire, il contemple Les oeuvres de fon Dieu, luiconfacrant pour Temple Un cceur reconnoiffant. Quand je fixe mes yeux fur lesgrandeurs du Monde, Je nappercois que vanité, 1 Qu'er-  ij?4 AMUS E MENS Qu'erreurs, que vains plaifirs dont 1'inutilité Occupe des momens dont il faut qu'on rèponde, Foibles Humains qui vous livrez A la tentation de-ces plaifirs frivoles, P_-fez les a loifir & vous les trouvercz Auffi légers que vos paroics. Depuis le Roi jufqu'au berger, Du fuperbe palais jufques a la cbaumière, Je ne remarque ii:n qui puifTe m'engager A voir le monde, a nègliger Celui de qui la main limitant ma carrière, M'y guidc fans danger. A quoi fert la grandeur? a quoi fert la Nobleffe? Quand on a la cceur mal placé, Croit-on que ie bonheur dépend de la richefTe? L'avare n'a jamais affez, Nageant dans 1'abondance il fe croit miférable, Et meurt de faim fur fon tréfor: Eft-il fous le foleii rien de plus méprifable Que 1't.vare & fon or. Lorfque 1'ambitieux ébloui de fa gloire, Regarde avec mépris des pauvres vertueux, Sans doute il auroit peine a croire Qu'il paroit a mes yeux plus méprifable qu'eux, L'orgi.ei! peut t-il règner dans des ames bien nées, Les grandeurs des Humains ne font pas des vertus, Par  solit Aires. 195 Par la fortune aveugle e'les leurs font données, Et fi par das revjrs ellea iearé fout otées, Leurs foibles cours font abattus. Regardons les mondains s'aché'niner en foulö| Vers les lieux deftmés pour le bal & le jeu, Sans penfer que le temps s'écoule, Et que ces plaifirs durent peu , Peut-ëüe dans deux joursfinifiant leur carrière, lis repréfenreront en fe donnant la main, Cette danfe des Morts qui, dans un cimetière, Fait encore admirer Je pinceau de Holbein, Si ce tableau lugubre effraye une ame impie, Des pauvres affligés ilfouiage les maux, Leur faifant voir qu'au fortir de la vie, Rois & Bergers feront égaux. O toi mon cceur qui, par tes fentimens, Plus élévés que la fortune, MéprTe les grandeurs & la gloire importune, Je veux t'entretenir pendant quelques momens, Lorfque tu me diftois ce que je viens d'écrire, Plus d'un foupir m'engageoient a ted:re, Tu n'es point criminel, tu chèris Ia vertil, Mon cceur pourquoi foupires-tu? Jufqu'ici peu touché des plaifirs de la vie, Tu ne connois l'orgueil , la haine ni 1'envie, Exempt des p aflions quirendent malheureux, Tu n'as d'autres défirs que d'être vertueux, i 2 n'ac- \*  ïp'tf AMUSE MENS N'accufe point le fort qui te paroit contraire, Dieu connoit mieux que toi ce qui t'eft néceflaire, Ce fort dont tu te plains ne fauroit t'accabler, Pour jouir d'un repos qu'il ne pourra troubier, Aux chagrins paffagers, oppofe t'a conftance, Par ton zéle & ta foi foutiens ton efpérance, Pratique les vertus, aime la vèrité, Attends tout de ton Dieu, tu connois fa bonté. ODE. ITélas! triftes momens, pourquoi Rappeller a mon cceur paifible, Ce que la fortune inflexible, Eut de plus aflligeant pour moi ? A fes rigueurs je veux être infenfible; Quand vous la voyc-z fommeiller, Triftes momens, s'il eft polïïble, Gardez vous de la réveillcr. LE  S O L I T A I R E S. 197 LE BAL-DES C E R F S. F A B L E. jfL/es Cerfs d'une forêt céiébroient unc Fête Dans le.plus charmant des Vallens Tous beaux , grands, bien ramés, & fürs d'uneconquéte, L'ceil gai, le cceur joyeux, l'air fier & haut la tête , Ils faifoient des fauts & des bonds. Pan leur donnoit les Violons Sur les bords d'un ruifleau, parmi la Violette, Ils broutoient dans les prés deftinés pour Ie Bal, En fe mirant dans le Cryftal. La Biche blanche de Diane Conduite par un Cerfde couleur diaphane Arriva la première, & 1'on füt enchanté, De voir briller fon front d'un croiiTant argenté, Car elle étoit Reine de la Campagne, Les Biches, du fommet d'une haute montagne, Voyant fon front fi bien garni, Surprifes, s'entre-regardent, Et toutes a la fois de douleur foupirerent, Chacune s'écria, mon front eft trop uni. Un Satyre malin, voyant leur jaloulie, Réfolut de s'en divertir; 1 3 Bel-  ip3 amuse mens Belles Biches, "dit-il, on vient de m'avcrtir, Q. e vous allez au Bal, mais pourquoi, je vous prie, Dans un jour fi briljant ne vous parez-vous pas? La ramure fans doute augmente les appas, Vous n'en avez point, non, maisil convient aux Biches D'avoir des ram ,res poftiches, Attendez un moment, je vais vous en chercher, ii court dans la forêt, fe hate d'arracher Des rameaux de Gênet, d'Eglanticr & de Sau'es, I' en fait des fagots, les met fur fes épaules, En coè'fFe de fon mieux les Biches du bel air, Un vivier tranfparent & clair Leur fervit de miroir, ellcs furent charmées, En fe voyant fi bien ramées. Ccpendant quelques Cerfs difoient entre leurs dents, Les Biches fe font bien attendre, Pan murmuroit aufli, lorfque 1'on vit defcendre Une Brigade a hauts Turbans, Les Cerfs épouvantés vouloient quitter Ia plaine, Pan tira fa lorgnette, & riant de bon cceur, Leur dit, reftez, n'ayez pas peur, C'eft un Bois enchanté qu'un Faune vous amène , Moins cruel que celui qui marchoit au deyant De Guillaume Je Conquèrant. Mais déja Ie Bofquet s'avance, Les Cerfs lui -font la révérence, On fe range, on fe tait, Pan donne Ie fïgnal, Et Biche blanche ouvre le Bal; Tous les yeux font fixés fur elle, Qu'clle elt aimable! qu'elle eft belle! De  SO LITAIRE S, 199 De fon modeile front, fiège de la candeur, Ses yeux noirs & brillans relévent Ia blancheur, Compagne de Diane, elle cd tout auffi chafle, Difoient les Cerfs, mais quel contrarie! Ces Biches fur leurs hauts toupets, Ont pianté rameaux & bofquets Pour afficher leur infolence, Amis, renoncons a la danfe, Nous ne paroitrions que des Nains A cöté de ces fronts hautains. C'étoit bien dit, avec ces piramides, Les Biches avoient 1'air d'audacieux Géants, Les Cerfs les mieux ramés paroilfoient doux, timides, On les eut tous pris pour des Fans. Diane entre-orvrant une nuc, Pour regarder dans le Vallon, Appercut les toupets de ia la troupc cornue, Elle crut avoir la berlue, Et fit tairc le vio'on, Mais parmi les rameaux de cette Mafcarade, Elle reconnut la Brigade Qu'elle appftropha fur ce ton. Troupe fotte, envieufe, & vaine, Qui venez tenir dans la Plaine Votre ruftique Carnaval, Sachez qu'en voulant plaire on perd fouvent fa peine, I 4 Si  2co AMUSE MENS. Si le front de ma Biche eft orné pour le Bal, Le croiffant lui convient, il vous conviendroit mal, Eh! ne favez vous pas que Biche Manche eft Reine'? Une Rème a fon gré peut décorer fon front, Tout ornement lied bien avec le rang fuprême, Mais qui de fes fujets prendroit.le Diadême, , S'expoferoit k quelque affront, Vous aviez 1'air doux & modefle, Avec ces deux vertus on eft belle de refte, Tous ces ridicules buiffons » Dont Ie Faune a chargé vos têtes, Ces cafques, ces chanfreins, rameaux & hériffons, Feroient fuir des forêts les oifeaux & les bêtes, Débarraflez vos fronts de ces énormes poids, Allez vous cacher dans les bois. Leöeurs, je vous offre ma Fable, Faites-en 1'application ; Le Bal eft une net-ion , Mais le fujet eft véritable. L E  S O^L ITAIR~ES. 201 Le Concile des Chats. Sur le coin d'un vieux toit bordé d'une goutière, i Oü croiflbient a plaifir la joubarbe & le liére , Les Chats de Paddington entre une heure dkminuit, Cités par leur Doyen étoient grimpss fans bruit, Chacun felon fon age obfervant 1'étiquette, Se placa gravement pour former la Diéte, Jamais fur aucun toit oü s'alTcmblent tels Preux, La Lune n'éclaira Concile plus nombreux, Faut il s'en étonner? un fujet des plus graves, Obligeoit le Doyen a convoquer ces braves, Il s'agilfoit d'un meurtre, ah! peut-on fans frémir, L'entendre foupirer, lamenter & gemir? Griset Doyen. Afiaou, Miaou, ha! je me défefpére, Alecton , Tifiphone & 1'affreufc Mégére Ont fignalé leur rage, exercé leur fureur, Sur le charmant objet qui captivoit mon cceur, Elies ont étranglé cette douce Minette, Qui vivoit fagement chez une Anachorète, Minette que fuivoient & les jeux & les ris, fcorfqu'elie s'égaioit a prendre des Souris, Minette qui jamais ne leur fit de dommage, 15 Ne  20* AMUSEMENS Ne gofita de Jeur lard , ne toucha leur fromage*, Peut-être direz-vous qu'elle ne rrouvoit rien, Ghez eet affreux Trio, cela fe pourroit bien, L'bypocr'te Alc&on exemrle d'avarice Vit de jeu, de pain fee, d'envie & de malice, Mégére va 'êcher les plats chez les voifins, Tifiphone au long cou, va fur les grands chemins Agacer les grivois, & vit de fes fredaines, Elle prime déja parmi les plus vilaines, Matous, vous Ie favez, mais pourquoi, direz-vous', Tuer Minette? hélas!-Miaou, Miaou, La caufe en fut, je crois, une haine feerète Que le Trio portoit a cette Anachorette, Dont Minette faifoit le plaifir le plus doux; Or je vous ai mandés, trés courageux Matoi-s,. Bourvous communiquer le fujet de mes larmes. Miton Chat du Juge,. , Ah!-feigneur, difpofez de nous & de nos armes,. J'ai perdu mon Epoufe, & quelques Chats m'ont dit, Que je dois mon veuvage ü ce Trio maudit, Tous les Chats des voifins par un malheur étrange, Meurent dans leur Printemps, ce noir Trio lesmange,,. Rodilardus m'a dit qu'il grimpa 1'autre jour- Sur 'e toit du Trio, pour y faire 1'amour, S'étant prez de fa Mie affis fur les goutières, Il fe Iailfa tomber fur 1'une des forcières, Qui s'éïoit accroupie auprés de la maifon, La  SOL ITAIRFSi 203 La frayeuf qu'elle en eut la mit en pamoifon, Rodilard cependant s'enfuit a la fourdine, Et guidé par fon nez entra dans la cuifuie, Le tournebroche alloit, s'en étant approché, II appercut un Chat qu'on avoit embroché, E; connut a la peau fous le drelfoir jettée, Que c'étoit le beau Chat de Dame Dorothée, D en frémit d'horreur & courut, il faut voir. C A G 0 T Chat du Curé. Mönfiéur 1'Ambalfadeur avoit un Matou noir, Cette affreufe Ale&on, des trois la plus méchante, Ouvrit en le voyant une gueule béaute, Le pauvre Chat crut voir le gouffre deSilla, Un Ramonneur palfoit, Aleflon 1'appella, Lui difant, mon garcon affomme moi ce dröle, J'ai le coeur généreux, tiens, recois cette obole, Auffitöt fait que dit, le Chat fut éreinté, Et dès le même jour elle en fit un paté, Queiques fois on les voit troter dans la Paroiffe, Aleclon porte un fac, Mégére une beface, Tifiphone une corde avec un- noeud coulant, Pour attirer les Chats elles vont miaulant, Un peu de lard grille qui pend a la ficelle, En amorce plus d'un dans plus d'une ruelle, I 6 Eo-  »04 AMUSEMENS Bolus Chat de PApotbicaire. Un jardinier avoit un beau Chat gris, gros, gras, La terreur des Souris, & le flèau des Rats, Les Taupes, les Mulots, les oifeaux de rapine Servoient de rocambolle a fon humeur badine, Un jour étant couché fur le mur du jardin, Alefton 1'appercut, elle étenditla main, Le Grifon, jugeant bienqu'elle vouloit 1'atteindre, Souffla, fit le gros dos, mais bien loin de la craindre, II s'élanca contre elle & lui mordit le nez, Le jardinier furvint, chers amis, devinez Ce qu'il dit en voyant le Grifon intrèpide, JWordant, pinqant, jurant, & comme un autre Alcide Acharné fur un monftre , & pret a 1'aveugler; De plus de fix eens pas on 1'entendoit beug'cr Sur fon nez deTurbot on voi: encor la marqué. Bib eron Chat du Cabaret Puifle Ie vieux Caron 1'emporter dans fa Barque, On ne finiroit pas fi I'on vouloit conter Tous les tours qu'elle a fait' pour nous efcamoter, Elle a mis a la daube, un Chat de notre herbière , Sans doute elle a mangé celui de la laitière, Car il a difparu, la Chatte de Hervé Entra dans fa cuifine, elle en fit un civé, Et tous les beaux Chatons du vieux Maitre d'Ecole^ Ont eu le même fprt, j'cn donne ma parole. Tin.  SOLITAIRE S, 205 Tintin Chat du Trompette, Hier elle vendit quatre peaux de Matous Dont le Fourreur Lucas lui donna'quinze fous, Le manchon qu'A 1'Eglife elle porta Dimanche, Eft doublé de la peau de cette Cbatte blanche Que notre Boulanger apporta de Paris, Chatte qui tous les jours prenoit trente Souris, La pauyre Boulangère en pleure encor la perte. L E DOYEN. Hélas! bientót de Chats 1'Ifle fera déferte, Allons tous de ce pas attaquer le Trio, Nos griffes fur leurs nez joueront a gogo , Vengeons nous, chersamis, oui, quoi qu'il en arrivé Je veux faire carnage, & qui m'aime 1112 fuive, Matous preux & vaillants, parlez, qu'en dites-vous? TOUS LES CHATS. Miaou, Miaou, oui, nous vous fuivrons tous L e Doyen Cbante. Aux armes Camarade, Suivez moi chers Matous, f I 7 Je  206" A M U S E M E N S Je compte fur vous , Aux armes Camarades, La Victoire fera pour nous» Allons chez ces furies Pour les égratigner, Sautons fur ces Harpies Pour les dèvifager, Vengeons 1'Anachorette Et ma chere Minètte, Vengeons 1'Anachorette Sans craindre le danger. A grands coups de pattes Allons les peigner, Faifons les faigner,. Vengeons Chats & Chattes, Courageux Matous, je crois Qu'Alecton, ma foi, Se fouviendra de moi , Je veux faire main ba, a, a, afie Sur fa chienne de fa, a, a, ace, Son ventre a fervi de cercueil Aux Chats dont nous fommes en deuil, je veux du moins lui crever un ceil. MI-  S O L I T A I R E S. 207; M I T O N. Vaillants Efcogriffes,. Eguilèz vos griffes, Et dépêchez vous. TOUS LES CHATS. Miaou, Miaou. La Mariée X la Fortune du Pot. IVIargot vieiliotte & contrefaite, D'un minois peu propre a charmer, Avec un cceur fait pouraüner, N'avoit jamais fait de conquête: Pour comble d'ennui, Ia pauvretteAvoit peu d'efprit, moins d'écus, Caquet bon-bec & rien de plus 3 Par pitié fa proche voifine L'offrit a certain bon ami Qui n'étoit galant, ni demi Laid, cagneux, de mauvaife mine, Au refte bon, gagnoit fon pain, Etoit d'une honnête familie , Et Margot peur de mourir fille,.  2o8 A M U S E M E N S Promit de lui donner Ia main, La voila donc gaie & contente, Du matin au foir elle chante, La belle en un Pays lointain Avoit un Oncle oftogénaire, Riche, avare, brufque & hautain, Elle craignit de lui dèplaire En faifant, agir le Notaire, Avant d'avoir prenv'èrement Obtenu fon confentement; Elle écrit donc en diligence Pour lui faire favoir fa chance . Le Vieiliard fe.mit en courroux, 11 lui repondit de bonne encre, Fi donc Margot, quel pauvre cancre Avez vous choifi pour Epoux, J'ai de meilleurs partis pour vous, Embarquez vous donc au plus vite, Et que ceci lette entre nous, Margot fans faire i'hypocrite, Renonce a fon futur, le quitte, Monte un vaifleau gaillardement, Et Penfe è. fon nouvel Amant, Ce fera dit-elle, je gage, Un trés üluflre Perfonnage , Beau, bien fait, & de mon cöté, Si la jeuneffe & la bcairé Ne brillont point, en rècompenfe, Mon bon Oncie dans la balance Jet-  SOLITAIRE S. sop Jcttera force beaux Louis Dont fes yeux feront ébiouis , Je ferai bientöt mariée, Et qui plus eft fort admirée, En raifönnant ainfi, Margot Vogue a la fortune du pot, Enfin elle arrivé a Vendóme, On la conduit chez le bon homme, li étoit en bonnet de nuit, Logé dans un fale rèduit, Oü bien établi dans fa chaife I! radotoit ne vous déplaife , Bonjour mon Oncle, me voici, Je ne m'appelle pas ainfi, Lui dit la Vieillard; je m'appel'e Jean de Ni, jean de Ni, jean de Ni veile: Ah mon Oncle i vous badinez Ho! ho! dit-il vous lambinez. Mon Oncle jü--fuis votre Nièce, Eh oui vraiment, la bonne pièce, Le tour eft bien imaginé, Cependant je n'ai pas diné, Sortez d'ici ja .vous en prie, Et n'y rentrez de votre vie , Margot eut beau dire fon nom, li lui rèpondit toujours non, Elle eut beau lui montrer fa lettre, 11 ne voulut point la connoitre, Je-  2i0 A M y S E M E N S Je plains cette pauvre Margot, Qui perd Ja fortune du pot, Elies'en retourne au p'us vite, Croyant trouver Je Lièvre au gite, Lui qui fe croyoit oublié, ' De dèpit s'étoit marié, Margot que votre fort eft trifte, De malheur vous Tuit a Ia pifte, Que de brocards! que de lampons, De pafquinades, de chanfons, CéJébreront votre avanture : Vous comptiez de faire capture, Galant par ci, galant par la, Je ne comprends pas bien cela, Cependant, malgré vos mérites, Voustombez entre deux marmites,. Et vous perdez , trifte Margot,, Da doubie fortune du pot, Confolez vous, je vous annonce, Que votre Oncle mourra bientót, Ecriyez par le PaquetrBot, vous apprendrez par la réponfe, Que I'Oncle a payé fon écot; En. effet Ia première Barque Apporte une lettre a Margot, On lui fait favoir que la ParqueA fait partir le vieux Ragot, Qu'il a partagé fon magot, Qu'elle en aura fa ratelée, El-  SOLITAIRE S. 211 Elle s'écrie, ó 'diablezot, Je ferai bientöt mariée, J'aurai des galants tant & plus, Ils fentent de loin les écus, Que de Lèvriers de finances, Me feront d'humbles révérences, Et tournermt autour du pot, Fuffai-je borgne, échevelée, Impotente, ratatinée, Alaigre comme un Efcargot, J'ai des écus par écuellée, De verds galants une volée, Jaquet, Lubin, Cóias, Pierrot, Mathurin, Nieaife au pied bot, Et Blaife a la tête pelée, S'offriront pour goüter au pot.. Nicaife des fèpt le plus fot Vint le premier, bonjour Margot, Je viens pour vous prendre d'embléa, Margot contente, émerveillée, Rèpondit, je -vous prends au mot, Criant comme une écervelée, ■ Je tiens la fortune du pot. La nöce fe fit au plutót, Le familie fut règalée, On y brüia plus d'un fagot, Pour rötir épaule & gigot, Et des marrons une pêlée , On y mangea plus d'un Turbot , Tan-  212 AMUSEMENS Tandis qne ia belle affemble'e, Crioit Margot eft: enroliée, Grace a Ia fortune du pot, Elle ne fera pas voilée, Chacun ajoütoit un bon mot. ' La fête ne fut point troublée Et la falve fut redoublée Des, vive Nicaife & Margot, Pour terminer cette journée, On cbanta fur un ton falot, Hy ó! Hymen! ó Hymenée Vive Ia fortune du pot. LES PINCETTES DE N I Q A N D R E. Dans un Hameau des plus jolis, Le Galant Nicandre & Philis, Faifoient tous deux leur réfidence, Us s'aimerent dès leur enfance, Même bonbon, même hochet, Même jou jou, même fifflet, Et fur tout même reflemblance, Tous deux avoient le nez crochu, Mentons eu chaufle pied fourchu, Bien retrouffés, bouche cnfoncée, Petits yeux lotchcs, frciu poimu, Et  SOLITAIRE S. 213 Et chevelure hèriflee, L'un de 1'autre le vrai portrait, On y remarquoit trait pour trait: Jamais la Nature bizarre Ne forma chef-d'ceuvre li rare, Quand Philis venoit fous 1'ormeau, Efpérant d'y trouver Nicandre, li ne manquoit pas de s'y rendre, S'il oublioit fon chalumeau, lis couroient tous deux pour Ie prendre, Si Nicandre avoit un gateau, Et que Philis eut du pain tendre, Nicandre prenoit fon couteau, Coupoit de chacun un morceau , II n'eft rien tel que de s'entendre, Lorfque Philis dans la prairie Regardoit paitre fes Chevreaux, De Nicandre elle étoit fuivie, Et même au rifque de fa vie, II lui dènichoit des Oifeaux; Un jour en cueillant des noifettes, Nicandre a 1'ombre de» coudrettes, En train de rire & jafer, S'avifa de prendre un baifer, II s'avifa! mais comment faire? Non qu'il craignit de lui dèplaire, Mais de deux mentons retrouftés, Deux nez fur deux bouches baiffés; II faloit furmonter i'obftacle, Ce-  214 AMUSEMENS Cela demandoit un miracle, lis s'y prirent de cent fa^óns, Amour leur donnoit des leeons, A'nour aime a rendre fervice, D'un Aju.'ant il prend le ton, Un dard lui fervant de Laton, II comur.ude ainfi 1'exercice, Par i'Amotir baifiez le menton, Haut le nez! p.èfentez Ia jouc, Apurochez vous, faites la moue, A uroite, a gauche & Ccctera. Br f 1'amour fi bien opéra, Qu'cn*in les bouches s'approchcrent, Les nez, les mentons s'acrochereut Au gré des amans fortunés , Malgré les mentons & les nez, Malgré les vaines tentatives Qa'avoient fait leurs bouches captives, A la fin ce couple charmant, Se baifa, je ne fai comment, Puis Nicandre dit a la belle, Ce jeu ne vaut pas la' chandelle. L'^mour m'infpire en ce moment, L'art de baifer plus limplement, II eft nouveau, mignon, commode, Nous en introduirons la mode Parmi les galants du bon ton, Sans acrocher nez ni menton, Quand nous viendrons fous ces coudrettes, Ba»  SOLITAIRE S. iïS Baifons nous avec des Pincettes, L'expédient fut approuvé, Et depuis toujours oblervé, La mode en eft dé ia comm ine, Les Orfèvres feront fortune, Mais par un fatal comre-c >up , Les FourbiiTeurs perdent beaucoup, Plus de rapières, plus de brettes, Ces ornemens font trop guerriers, Les Macaronis de toilettès Ne veu'ent cueiller des Lauriers, Qu'avec les nouvelles Pincettes. GRISETTE A LONDRES. X Minette cotjrte oreille X Schiedam, Salut ma nouvelle coufme, A juger des gens fur la mine, On pourroit faire affürémenr. De vous un mauvais jugement, Etre fans queue & fans oreille, Nous annonce au premier regard, Que vous avez mangé le iard, Cafle porcelaine,eou bouteille, Renverfé marmites ou corbeille, On  216 AMUSE MENS Ou fait quelqu'autre coup pendard, Chez quelque inexorable vieiile Qui vous envoya fans retard, Sur les Galéres de Marfeille, Et qu'enfin quelqu'heureux hazard Vous dèlivra de la Galére. Ceci foit dit fans vous déplaire, Car je me piqué d'e'quité, ' Sur-tout en des cas d'importance, J'écoute peu la médifance, Et vois tout du plus beau cóté, Je juge donc ne vous déplaife, Que vous pourriez bien être Angi0ifej Je vois des Cliattes & Matous, Aufli difgraciés que vous, Nous étaler Ia barbarie Qu'on exerce dans leur Patrie, Têtes de Reines & de Rois, Queues de Chevaux & de Chats, Ont rendu cette ifle célébre De Ia Tamife jufqu'a 1'Ebre, De 1'Ebre dans tous les climats. Mais enfin grace a votre étoile, Embarquée avec le Patron D'une vieiile Barque a charbon, Qui comptoit de mettre i la voile Dabord que le vent feroit bon, Et  solitaire» 217 Et d'exercer Ia contrebande Dans nos Ports, & dans ceux de la Hollands, Le vent feconda fon projet, Lui foufflant un heureux trajet, La Barque arriva fans dommage A Schiedam dont /heureux rivage, Vous parut beau, vous invita A déferter avec courage, La Barque qui vous apporta, Voila, fi j'ai bonne mèmoire, Comme on m'a conté votre hiftoire, MINETTE COURTE OREILLE au beau Damis a la Haye. C^ber Damis, 1'autre jour je rodois fur les toits, Parmi des tourbillons d'une épaiffe fuméc, Lorfque 1'agile renommee Vint me raconter vos exploits, Pour mieux écouter ia courrière, Je m'affis gravement au bord d'une gouttière, Après qu'elle eut fonné trois fois De fon Héroique trompette, Elle me dit, douce Minette, J'ai quitté ce nwtin la Haye ën tapinois, k ta.  21-8 A M TJ S E M E N S Hute toi d'aceorder les fons de ta Mafette Avec ta miauiante voix, Pour chanter un Matou Ie plus beau, le plus brave, Dc Ia République Batave: Refpectablc fur tont pour Ta fidéifté, ih Jamais chez les Romains il n'en fut un plus graye, Le Chat dc rEmpercuc O&ave ■ Avoit moins de taiens & moins de probité, Oui, le vailiant Damis par fon aftivité Garantit Ie jardin, le grenier & la cave, Des attentats ratiers de ce Peuple indomté, Connu par fa malice & fa voracité, Qui, bloqué par Damis, eft maintcnant efclave. Pour tenir ce Peuple cartif, Dans la vafte Bibliothèque, On le voit feuillctcr d'un air mé.'itatif, Virgile, Ciccrqn, Tite-Live , Seï.èque, On dfl hteme tout bas qu'il fait ia iahgue 'Grecque, • Et parle Kèbrc'u comme un vieux juif. Si dans Ie cabinct il eft fpëcdlafif. Dans Ia falie a mangcr fa gaité fe réveille, Aux attraiti du roti bien loin d'êtré rétif, Ji admire de 1'ceil, applaudit de 1'oreille, Oui, Damis eft des Chats Ia huitième m/rvei'le, En un mot comme en cent, il n'eit jamais oifif; ï^e t'étonne d^nc pas Minette 'faflVpareilIe, Si poü/ le dorioter chacun eft attc-ntif, Sou-  S O L I T A I R E S, 21| Soumis a fes gracieux Maitres, Av c un air modefte i] ies fuit pas £ pas, On dit comraunémeric que tous ies Chats font traitrcj, Mais je jurerois bien que Damis ne 1'eft pas, Lorfque fa charmante Maitrcfle Le fiat te d'un air careïïant, Le beau Dimis reconnoiflant Lui rond carèfle pour carciTe, II farpaffe en fidelité, Les Pigeons atteiés au char d'une Déefie, Du Lion de Némée il a la majefté, D'un Tigre la figure & Ia férocité, Quand il va conquerir une race traitrefle, Plus fier que 1'Aigle fi vanté Du Dieu qui lance le tonnerre, Egal par fon courage & fa tèmérité Au terrible Dieu de ia Guerre, Qu'Homere a do£temerrt chanté, Pour avoir dépieupié la terrc, Bref le brave Damis en dévot Mufulman Alfis prés d'un bon feu répéte 1'Alcoran. Ainfi paria Ia Renommee, Qui prit 1'eflor-en s'élévant ' • • )I n Sur 1'aile d'un moulin a vent^ : Quant a moi, beau Damis, 'je-demëurai channée, Et fur ma Mufette enfumée, Jc ohantai vos explojts avec des fons fi doux, K 5 Que  =50 A M U S E M E' N S Que fix de nos plus beaux Matous En moururent de jaloufie, Mais duflent-ils en mourir tous, Courte oreille jamais ne chantera que vous, je veux vivre a ma fancaific, Adieu fage & vaillant Damis, Daignez me recevoir au rang de vos amis, J'attends cette faveur de votre courtoifie. Ecrit au haut d'une Gouttierre, Dans la ville Genévrière, Oi quarante moulins a vent, A tout bon Chevalier errant, OfFrcnt fur les bords de la Meufe, Mainte avanture périlleufe. R O N D E A U. Damis cfl mort, pleurez belle Minette, Pleurez Matou, courte oreille & Grifette, Sur le tombeau du grand Moufti des Chats, Quel accident a caufé fon trepas ? li jouilfoit d'une fanté parfaite. I' fut fidelle & d'une humeur difcrette, C'eit  SOLITAIRE S. 191 C'eft i bon droit que chacun-le regrette, Il méritoit de vivre, mais hélas 1 Damis eft mort. Chez les Souris un Bal paré s'apprête, Chaque Moincau chante & drefle la c/êce, Dans tous les coins 1'on voit rire les Ruts, Pour moi je pleure & ne m'en cache pas, Et de dépit je brife ma Mufette, Damis eft mort. E-PJÏAP H E. O Souris! qui n'ofiez efcroquer un feul pois, Grismotez maintenant, Ie iard & les chandelles; Vous Moineaux, qu'il eut pris en dépit dc vos ailes, Dites, Damis eft mort, & chantez fur les toits. Avis mtx Mard'rcs Que je plaine vos enfans! Méres dénaturées, Qui donne? tous vos foins a dc vains orncmens Au Üeu de vos chiffons de gaze & de rubans, Acquerez des \'ertus, vous f.-rez mieux parées, Et mirez vous dans vos enfans, Banniflez la coqucttcrie , K 3 EI-  222 AMUSE MENS Elle eft 1'affreux fignal de la galanterie, Qai mène a. 1'infidélité; Croyez vous en donnant dans les modes nouvelles, Paroitre plus jeunes, plus belles, Non, trop d'ajuftement efface la beauté. Mais h qui cherchez vous a plaire, Avec votre parure & votre air affecté ? Seroit-ce i vos Epoux.' non c'eft tout ie contraire, Pour confervcr leur cceur, il eft plus néCiffaire D'avoir de la vertu, que de la vanité. Vous me citercz Paul Emile, Dont la bizarrerie étonna les Romains. S'il eft dans notre fiècle , au nonibre des Humains, Un Mari dans ce goüt, il en eft bien cent milie, Dont la poftérité n'apprcndra pas le nom, Si eet honneur n'eft du qu'a rout Mari docile, Qui préfente fa tête, & comme un imbéeile, Veut être déeoré de 1'ordre d'Acteon. Emile le voulut, certes ce fut dommage, II avoit des vertus, de 1'cfprit, du courage, Mais ce Héros vainqueur, ce fameux Ginéra!, Suivi d'un Roi captif, rentre dans fa Patrie, II triomphe, on 1'admire, & que fit Servi..e? L'indigne libertine aila courir le bal. Deux- enfans qu'il avoit eu d'clle , Négligés par cette cruelle, Dont les Efclaves même avoienrla dureté, ■ Ces  SOLITAIRE S. 221 Ces deux innocens dis-je, avoient ceifé de vivre, L'un prefie de la foif, tomba dans un fceau d'eau, Le plus jeune encore au berceau, Fut étoiiffé par une nourrice ivre , ' Le Ciel vous vengera petit* infortunés, Qui de Msratras êtes nés. ( -e>^-<.>><=> ^<^<£.<^c>) EPIGRAMM È. iS« icaife, un jour dit a Martin , Ne dites pas a ma Catin Que le Chat a pris fa Pèruche, Car elle pourroit en mourir, Ou tout au moins s'éyanouir, Et tomber la, comme une buche. O vraiment! dit Martin, je crois que eet Oifcau, Pour la voifine avoit des charmes; Mais fi le Loup prenoit fes Enfans au berceau, La Maratre en riroit, loin de verfer des larmes. E P I T A P II E. Ci git Leandre & fes deux fils, Ses deux filiès, deux petits fils, Deux tantes, deux neveux, deux mères. Deux coufins germains cjnq fois frères, K4 L'un  -24 AMUSE MENS L'un fut oncle de 1'autre, & l'autre fut auffi L'oncle de celui ci.. Si je fai bien compter, en voiia quinze, oui, Mais rabattez en dix & vous aurez ieur nombre, Hs ne furent que cinq, ils dorment tous ici, Sous cette voute fombre. ODE A fa' Majejlé Impériale J O S E P H I I. Sur fon arrivêe a, la Hayt. IR. èveille toi ma Mufette, Qui fommeilles dans ce bois, J'entends fonner Ia Trompette De la Déelfê a ux cent voix, Elleapporte fur fon aile, La plus heure ufe nouvelle, Qui jamais tou cha mo n coeur; J'apprends que fur cette rive, L'Augufle Jo feph arrivé , Mon Héros, mon Ernpor?jr . Cm-  SOL I T A I R E S. $2$ Comme un Aftre favorable, Tu parois dans cés Ch'mats, Oü Mar>- d'un ton redoutable, Vient d'aniioncer les combats, Sois notre Dieu Tutelaire, La fagcfle qui t'éc'aire,Pourra détourner fes coups , Je vois Ia Paix a ta fuitc, Bellone prendra Ia Fuite, Mars caimera fon courroux,- Ton abord m'eft un prèfage Qui coyxonne tous mes vceux,Tu ne viens fur ce rivage, Que pour faire des heureux, Un Jofeph par fa prudence, Sut procurer 1'abondance A des Peupies étrangers, Animé du même zéie, La Providence t'appclle,Pour éioigner nos dangers, Si la même Providence • Te conduit vers Albi^n, Ta voix aura 1'influenceDe la Lyre d'Amphion, La fageffe par'ta bouebe, Peut domtèr ie pliis farouche, - 'T Et le rendre-nurnble & fcumis. ■ ffOtÈ ' K 5 Le  2z6 AMUSEMEN SS Le fier Peup'e Britanique, Dans les fujets d'Amèrique, Ne verru plus d'ennemis. Par cette douce influence Qui fait chèrir ta grandeur ,' Toi feul, du foleil de France, Pourrois modérer .'ardeur, Du fage Louis Augufte, Le cceur pacifique& jufte, Fut nourri dans les vertus, Bientót la guerre allumée, Par lui fera renfcrmée, Dans le Temple de Janus Sur les Mers & fur la Meufe, Nos vaifleaux en libcrté, Dans leur courfe périlleufe, Te devront leur füreté, Par toi les marchands Bataves, Ne fe voyant plus efclaves, De la puiiïante Albion,, Oferont fans défiance, Avec 1'Efpagne & la France, Arborer leur Pavillon.. Jadis lepinceau d'Apelle T'eut peint en traits immortels, Entre Tjte & Mare Aurele,  SOLIT AIRES 227 v On t'eut drcffé des Autels, Si ma Mufe avoit les graces Des Virgiles, des Horaces,Elle oferoit te chanter, Mais de ma Lyre vulgaire, Les fons pourroient-ils te plaire? Non, je n'ofe m'en natter. Ton heureux, ton vafte Empire, Fut 1'abri de mon berceau. Hélas! en vain je déiire, Que 1'on m'y creufe un tombeau j. Du moins, ton humble fervante, Mourra tranquille & contente, Si fes yeux peuvent te voir, Mon coeur ofe fe promettre, Que tu voudras le permettre, Puifqu'il eft en ton pouvoir. K 6 Sten-  22-8 AMUSE MENS ST A N C E S. Sur PEle&ion de PK 'W W ... Auteur d'un coupable Ecrit-, Odie.ux-, détefté, profcrit, Ofe-tu revoir ta Patrie Sans ordre, ni permiffion, Poirr tacher par la fourberie, De fouiever la Nation. Pour tromper fa crédulité , Tu )ui" promets la Jiberté, Quand tu'-mèdites Ie contraire , Vil traitre, 1'ou te connoit bien, Hèias 1 li 1'on te laiiToit faire, Tu ferois un nouveau Damicn. Bravant Je plus jufte des Rois, Tu te mets au-deftus des Loïx, Troublant Ia Campagne & la Ville, Tu forces les plus vertueux, D'appiaudir aux tranfports fougueux D'une popu ace indocile. Qü. git donc cette Jiberté ? Je  SOLITAIR' ES 22£ Jc ne vois qu'animofité, Clatneurs, tumulte, bricandagc; Par un defctifme arebours, La libcrté depuis deux jours,. Paroit foumife Ll'efclavage. Quoi! n'eft-il donc pius de moven, Po.uri protéger ie Citoyen,. Contre le pouvoir arbitraire Du rebut.de Ia Nation,. Qui célébre 1'élection , D'un infdlent, d'un témérairej Toi qui parois fi glorieux, De voir allumer tant de feux, Pour un banni, pourun coupable, Sache que dans un jour fat&l. Tel pour Te garantir de mal,. AH urne une chandelle au Diable. Plus d'un voteur intimidé,, De crainte d'être lapidé , Ecrit ton nom fur fa tocarde, Le nombre de ton Nord Breton, Eft marqué fur chaqee mai'bn Ah! qu'eilè indigne fauvegarde!' Qitarante cinq, foi'" éftucé Des portos oü 1'oivi'a tracé, K 7 Sur  230 AMUSEMENS Sur W.. i! faut me Fon timprime, Lui feul mérite eet affront, Quand tu paroitras fut fon front,On pourra lire fon crime. LE PANTIN. Chant premier. jM"ufe qui chantes les Ballades, Les Lampons & les Algarades, Viens chanter fur un ton badin,, Jeannot ie moderne Arètin, Ce faóticux, ce tèmèraire, Qui, doué d'un efprit malin , S'enró'a fous MaitreGonin, Dont il devint le fecrétaire, Le Factotum & Ie Pantin ; Voici comme arriva 1'affaire. Un jour Satan dans fon manoir S'ennuioit, faifoit grife mine, A quoi me fert dit-il ma rufe & mon favoir ? Satan n'eft plus qu'un nom dont Ie Peuple badine, Hèlas / mes beaux jours font paües,, Amés & féaux émiffaires, Preus  SOLITAIRE S. £31 Preux Jèuiites mes confrères, Depuis que vous êtes chaffés, Errans, vagabonds , difperfés, Diables & Diablotins font tous de pauvres héres.1 Que dcviendrai-je moichétif; Tapi dans mon manoir, je veux s'il eft poffible M'endormir, mais que dis je! & quel projet rifible? Le Diabie peut-il être oifa ? f Non, non , ne perdons point courage, Bélial m'a dit aujourd'hui, Qu'a Londres un certain Jeara, écrit, jure, fait rage , Qu'en un mot, je ne fuis qu'un fot au prix de lui, Courons chercher ce camarade , Déja je médite un projet, Vailiamment fecondé par ca brave f li jet, Nous ferons plus d'une incartade, Pantin fera le mot du guet. Allons réveiller la difcordre, pir le Stix! il n'eft rien de te!, Mordons, de peur qu'on ne nous morde, J'en vais publier le cartel. A ces mots le Démon vole vers Clerkenwell, Entre dans la diltilcrie, Antique brandevinerie, Oü_ diftiloit le brandevin,, Et-  532 A M U s E M E N S Et la Noblefie de Panr'n, Garde Surare jufqu'è Rome, Ou fait qu'un certain Gazetier, Barbouillöit toujours fon papier', Du titre de (ce Gentilhomme), Depuis fon defnïer atientat, li dit, ce Prifonnier d'Etar.. Mais laifibns cette paren thèfe, Et retournons ne vous dèplaife,. A Clerhenweiii oü le malin Gherchoit fon fidelle Arètin.. Derrière une grande chaudiére, 2v*p/.7 Bené, Gentilhommiére, II le découvrit a Ia fin, Tenant une corde en fa main. HuzzaX coufin., que je fuis aife'i' Approche toi que je te baife Ailnns, bras deffus t bras derous, Mon cherco.iègue, embraflons nóus, Par ce cot qu'il faut que je torde Tót ou tard. . ah! mifèricorde! Dit Ie panvret tout éperdu, A'ttendcz 'pg je fois pendii, Daignez m'aider, vcici Ia cordc.. Maltre Gonin tout ébanbi,  SOLITAI RES. 233 Lui dit, hè pourquoi, mon ami, Voudrois-tu jouer de ton refte ? Toi fi beau, fi bien fait, fi lefte, Toi Ie plus babiie garcon,. Qui jamais de moi prit 109011, Tu veux mettre fin a ta vie! D'oü te vient cette frénéfte? Ah! dit Arètia en pleurant, Je fuis un Chevaüer errant, J'ai danfe", joué, fait g igaille, II ne me refte fou, ni maille, En un mot, mon trés chcr coufin, J'ai mangé tout mon faint Crépin, Me voila donc a la beface, Un créancier gronde & menace, Un autre eft prêt a m'arrêter, Bref, je ne puis plus fupporter Les caprices de la fortune, C'eft, pourquoi, ce foir vers Ia brune, J'ai dit 4 ma fille Fanchon, II faut mourir petit Cochon, Car votre Père n'a plus d'orge, Adieu Fanfan, ne pleurez pas, Pubüez aprés mon trépas, Qae je fuis mort d'un mal degorge, II me reftoit un pauvre fou, j'ai donc acheté ce Jicou, Jg  234 AMUSE MENS Je ne faifois que de de.fcendre, i Et cberchois un clou pour me pendre, Lorfque votre Satanité, M'a fi bonncment arrêté, Aviez vous donc prèvu Ia crife? Vraiment il faut que je te dife, Reprit Satan tout courroueé, Que je me tiens fort offenfé De ta téméraire entrepnfe Car tu favois en bonne foi, Que tu pouvois compter fur moi, Qui fuis la dcrm'ère reflburce De ceux qui n'ont rien dans leur bourfe, Sur tout quand leurs exploits divers, Ont fait du bruit dans 1'Univers, Toi, dont le cceur plein d'artiiices, Vrai magafin de maléficcs, Couve quelque pro jet cornu, Pour t'affurer un revenu , Approche que je te découple, Tu me parois adroit & fouple, J'efpère pouvoir de ton corps,. Faire jouer tous les reflbrts. Lors Satan le prend par la tête, Lui fait faire la pirouette, Le fait mouvoir comme un Pantin , Depuis minuit jufqu'au matin, A-  S 0 L I T A I R E S. 235 Après cette première taehe, Son ambulant maitre Ie lache, Tu te tremouffes mieux, dit-il, Qu'un Pantin qu'on tient par un fil, Acheve ta mitamorphofe, Sous ia griffe que je t'impofe, Traltre a quarante cinq carats, Fais tout le mal que tu pourras, Tu fais qu'Abfalom fit ia Guerre, Au bon David fon Roi fon Père, (a) Imitece Prince, crois moi, Ne crains point d'offenfer ton Roi, Ni de dèchirer ta Patrie, Trouble 1'EcoiTe & 1'Hibernie, Fais leur favpir que Clerkenwell A produit un nouveau Cromwell, Plus difïïmulé que Tibère, Moi qui connois ton caraflère, Moi qui lis au'fond de ton cceur, Je jure que eet Empereur, Etoit moins débauché, moins traitre Que toi qu'ü eut pris pour fon Maitre , Et t'eut fait fon favori Jean , Au prejudice de Sèjan, Si le Deltin t'avoit fait naitre Contemporain de ce Tyran. Suis moi viens fignalcr ton zéie, Je (3} Voltaire dit q'ae Père rime avec guerre.  235 AMUSEMENS Je vais te difter un libelle, Qui terendra fort odieux Aux Patriotes vertueux, Mais nimporte, vaille que vaiHev Tu feras chef de la canaille, Dont la fubordination Flattera ton ambition; Quand tu paiferas dans les rues, On verra fortir des cohues De goujats & de libertins; Vrai régiment de calotins Sautant, faifant la cabriofe, En s'écriant d'un air mutin, Huzza! vive Jeannot Pantin, Notre marmoufet, notre idoie, Qui nous promet fur fa parole, De faire ramender Ie pain-. Outre eet infolent Libelle, Je veux te difler un Ecrit, Oü brillera tout mon efprit, Ce jeu vaudra bien la cbandelle, On pariera de te punir. Si I'on ne fait que te bannir, Traite cela de bagatelle Pour peu que le Diable s'en mlle, Tu pourras bientöt revenir, Va donc oü mon efprit te gu de, Griffbnne, & par maints attentats, Fais  SOLITAIRE& 237 Fais toi bannir de ces Etats, Or fus, je te laehe Ia bride. A ces mots Ie preux champion, Faifant humblement ia courbette, Partit comme un trait d'arbalette, Pour commencer fa miffion. LE PANTIN, Cbant Second. IJola! Palfrenier du Parnaffe,' Pègafe eft - il fellé, bridé, Partons, car il eft décidé Que nous devons fuivre a la tracé, Le traïtre, le fèlon Pantin Qui, pour remplir fon noir deftin, Complote, écrtt, jure & menace; Déja lbn Nord Breton maudit, Chez fes partifants en crédit, Nous annonce un Auteur rebelle, Mais je prèvois que ce brouillon, Plus étourdi qu'un papillon, Va fe brüler a la chandelle. Sa-  238 AMUSE MENS Satan le voyant en danger, Lui tend la griffe, le coniöle, Quitte dit - ïl la Mètropole, Camaradë, va voeger, Pour te fouftrairea la juftice, Tu pourrois me fijivre en cnfer, Mais va t-en plutót outrc-Mcr, Tu pourras m'y rendre fervice, Va montrer a Paris, le plus hideux mortel, Qui jamais fortit d'Angleterre, Etabli toi dans un Hotel , Joue gros jeu, fais bonné chère, Prends des Hommes chez le Banquicr, Trompe tailleur & jouailler, En un mot, fais Ie Diable a quatre, Mais ne bleffe pas I'officier, Qui t'appeilera pour cOmbattre, LailTe toi bleffer galamment, Tout poltron doit ufer de rufe, Quand tu feras cité devant le Parlement, Pour répondre des faits dont H. . . t'accufe, Tu refuferas prudcmment, Ce duel fera ton excufe, Quand tu n'auras plus de crédit, Affamé, bicffé-, fans reffóurce, Vole un cheval grand, ou petit, Saute deffus & prends la courfe, Galope jufques a Sedan, i I Puis traverfant toute la France. Ca-  SOLITA IRES. 239 Cache toi dans le Gévaudan, j, Je t'y donnerai bonne chance, Voici comment tu t'y prendras, Pour te tirer de Ia mifére, Sans doute tu n'ignores pas Que les voleurs en Angleterre, Attaquent fur le grand chemin, Ceux qui trop tard . ou trop matin, S'ofent rifquer dans la campagne, Cours donc les grands cbemins, crois moi, Bientót Ie Gévaudan pour toi, ' Sera le Pays de Cocagrie. Pour marauder avec fuccés, Sans craindre juge, ni procés, Moyennant quelques tours d'adre£fs, Tu pourras voler les paffans, Mordre & piller les Payfans, Comme Animal 'd'une autre efpéce, AfFublé de la peau d'un Loup,- Jeannot tu pourras dans tes courfes, Sans même t'expofer beaucoup, Voler des montres & des bourfes-, Ton minois a demicaché, Aura l'air terrible & faróuché, H A peu prés Qomme un "Chat 'fiché, Tantót on verfa ton oeil louche', Tantót tu grinceras les dents, Puis hurlaut & tordant Ia bouche,' Tu feras trembler les enfans, C'eft  240 AMUSEMENS C'eft bien dit, rèpond fEmiffatre, J'approuve fort votre projet, Mais je crains un peu le trajet, Car le vent me paroit contraire. N'importe dit Maitre Gonin, Je te promets un bon voyage, Déja certain Diable Marin, S'offre a te condtiire a Ia nage, Satan en achevant ces mots, Exhaie un tourbillon de foufre, Et conduifant Jcannot jufques au bord dn gouffre, Le précipite dans les flots; Le vieux Diable Marin lui préfentc Ia croupe, Et quatre Diablotins lui fouffient vent en poupe, Il aborde, & Satan qui ne le quitte pas, Lui procure mainte avanture, Trompeur, joueur, fripon , parjure, Il le feconde en tout Sc le fuit pas a pas, Aprés s'être k Paris fignalé de la forte, Et ne trouvant plus de crédit, Il enleve un bidet & ce bidet 1'emporte, Comme Satan I'avoit prèdit, En arrivant dans les Cévénes, Le Diable lui donne k choifir Pcaux de Loups. de Tigres, d'Hyènes, II les accepte avec plaifir, Le nouveau Loup Garou s'en va battre 1'eftrade, Guidé par fon ami Satan, IJ  S O L I T A I R E 8. s4t I! court de Bourgade en Bourgade, Et rèpand Ia terreur' dans tout ie G.vaudm, De Lang^ade a la Ivlude'cine I n' ft bruit que du Loup G na, A lourd'hui Lo: p, demain Hyéoe, Arrivé de je ne fai oü , Ou rencontre partout la bete carnaffière ,' Rien n'échap>: dit-on a Ta dent mei nrière, Enfant, Chèvrëaü, F'mm.-, Mouton , S rv tu de | a ire au g:outon. Pour découvHr ron origine, O ) eotjje&ure, on examine, L'un dit, c'èft une Hyène & i'autre c'eft: un Loup, On invente fable fur fable, Mais qui diroit cue c'eft un Diable , Ne fe tromperoit pas beaucoip, Enfin après deux ans de vols, de brigandage, Commis Par Dom Diable & Dom Jean, Le Lieutenant Antoine Homme de grand courage,' Parti de faint Germain amve au Gévaudan, Bat la forét & la campagne, Mais le Diable qui ne dort pas, Dit a fon compagnon, retournons fur nos pas, On a befoin de nous dans Ia Grande Bretagne, D'ailleurs, il fait trop chaud ici, Et je me perfuade auffi, Que ce fier Lieutenaizt aenf te donner la chafie, E Ha-  2.12 AMUSE MENS Hate toi donc de t'échaper, Et tout en évitant celui qui te menace, Je veux t'aider a Ie tromper. Lors d'un coup de fifHbt, Ie Diab'c Attire hors du bois un Loup époüvantable, Tandis que Jeannot fuit pour éviter le coup; Le Chafleur voit k béte, il Ikttend, il Ia yifc, I! tire, il tue, il court, mais quelle eft fa furprife! De voir qu'il n'a tué qu'un Loup. Antoine, jamais coup n'eut été plus utile, S'ii eut tué Jeannot béte du Gévaudan Qui s'en va tout gaillard, glorieux comme un Pan, Pour toürmenter encor & Ia Cour & Ia Ville, Juché fur le Diable Marin, Déja ce faftieux en Angleterre arrivé, Pégafe court, galope, il faut que je le fuive, II defcend & Maitre Gonin, A Ia tête d'üne cohue, Pour lui faire Ia bien-venue, S'écrie en lui tendant la main : Ah! te voüa! cher camarade, Sois fur de ma protedtion , Je fai que ton ambition , Te fai vifer t certains grades, De tes amis la fafiion, Népargnera coup ni gourmades, Pour  SOLITAIRE S. 243 Pour hiter ton Election, Repofe toi, reprends haleine, Je compte que dans la quinzaine, Nouveaux complots, nouveaux exp!oits? 'T'apporteront nouvelle aubaine, Cependaut on n'a rien fans peine, Il te faudra briguer des voix, L'un t'en donnera deux ou trois, TFautres t'en offrent par centaine, Tes amis pourvoiront a tout, Pour toi leurs bourfes toujours prêtes,' S'ouvriront pour payer tes dettes, Et te foutiendront jufqu'au bout, Va préparer tes batteries, Tes cabales , tes menteries, A minuit je te viendrai voir, Quelques foudaines brouilleries, Me rappellent dans mon manoir, J'y cours, ya te coucher, bon foir. L i  =44' A-MUSEMENS LE PANTIN. Cbanl troijVme. 3V-Tufe tu dors quand tout s'appréte, Pour TEleftion de Jeannot, Rèveilietoi, drefle la crête, Viens chanter fur Ie ton falot, Partons pour aller a la Féte, Oü plus d'un dos, plus d'une tête, Recevront des coups de tricot, Mais quel brouillard! quelles ténébres, Les Hiboux, les Corbeaux funèbres, Annoncent par des cris hidenx, Qu'un calotin des plus célébres, Va caufer un défordre affreux. Vqis-tu ces Légions crotées, De patibu'aires croquatirs, Ces haridelles empruntées, Ces carioles délabrés, Et ce.s Magots qui font dedaris, Que de grigous! de claquedents! Que de iambeaux! que de guenilles Qui couvrent tous ces vilains drilles, Et  SOL I T A I R E S. a45 Et logent des milliarts de poux, Ah quelle horreur! détournons nous , De crainte que dans la rnêlée, Le vent ne nous en £;lTe part, Mufe tirons nous a 1'écart. Mais la rrcupe dégingandée, Se renforce k chaque moment, Si le Diable en cette contrée Faifoit une pubüque cnirée, II ne pourroit afiurément, Choifir une efcorte plus lelie, L'un fans habit, 1'autre fans veile, Parés d'un ruban bleu mourant, Qui joue & flotte au gré du vent, Pendant de 1'oreille a 1'épaule, Chacun brandiiTant une gaule, Un baton, maflue, ou gourdin. Mais chut voici Maitre Gonin, Qui monte dans unevoiture, Avec fon confrère Pantin, Héros de la trifte figure, La cavalcade part enfin,, Et tout Ie cortége s'avance, A petits pas vers la potence,, Par un caprice du deftin, Jeannot donne la préférence. La Au  24°" AMUSE MENS Au patibulaire chemin. Satan lui dit d'un air malin, Tu fais mouvoir toute Ia Ville, Chacun court fans trop favoir oü, On dit bien qu'il ne faut qu'un fou, Pour en faire courir dix mille, Tu mets ce proverbe en cre'dit,. Plus on eft. de fous, plus on rit, Au Nord il eft une contrée, Notable entre les nations, Par les confédérations, Dont elle eft aujourd'hui troublée,, Jadis ces braves champions , Se préfentoient dans 1'affemblée, Pour voter aux Eléctions, A cheval & la main armée, D'un cimetère, ou d'une épée, Pour trancher les objeajons. Ici Ie courage intrépide, De ton Régiment Nord Breton, Se mon te fur un autre ton, Chaque goujat eft un Alcide, Qui, dans la fureur qui Ie guide, Prend fon voifin pour un dragon, Sa mafiue affomme, intimide , Qfiiconque ofe lui dire non, Dans  S O L I T A I R E S. £|7 Dans toute émeute oü je préfido, L'EIedt-ion la plus valide, Se décide a coups de baton,. Ge timbre la rend plus folide. En voyant dénier ton train, Je gnge qu'il furpaffe en nombre, La fuite d'un Conful R omain, Leur triomphe n'étoit que l'ombre De celui que nous allons voir, Foucte cocher ii va pleuvoir, Le tc.ns fe couvre, ah! qu'il fait fombre Ton Triomphe eft tendu de noir. Mais quel tapage! quel efclandre Entre la yille & Kenfington, A voir courir maint peloton, On croiroit que 1'on te va pendre, ' Sur le chemin de Paddington, G'eft Ia qu'on donne le cordon, Et la redoutable accolade, A maints chevaliers pantalons, Qui font en jouant d:s talons, Leur dernière pantalonnade, Tyburn eft le non plus ultra, Oü quelques jours on te pendra, Plufieurs en auront de la joie, Fais Salamalec en paffant, Coufin en un mot comme en cent, L 4 Le  M A M U S E M E N S Le gibet ne perd point fa prove. Quoi! mon difcours t'efraye „n peu, Je te croyois plus de courage, Allons, bon pied, bon ceil.Je'ga^ Qu'a Br.-nfbrd on verra beau jeu, ' Tes calotins au rü&an bleu, Ne refpirent que le carnage, DéjA maints caroffes brifés, Maints bons fujets tyranifes, Font place a Ia vile fequelle, Uuzza\ courage mes anus, Ne vous avois-je pas promis Que Ie jeu vaudroit la chandelle, Battez, roflez chaque mèchant Qui vote pour C. . k. & B. c. . p; CarTez lui bras, jambes &; tête, Tout caroife foit attaqué Oü quatre & cinq n'eft point marqué, Gar c'eft la marq ue de la Béte. Nous nous fommes bien efcrimés, Quoi que guerriers trés affamés\ Nous avons gagné la viftoire, Mais le cceur nous manque a la fin, Hola .' qu'on nous donne du vin, Nous ne nous battons que pour boire Ghapeaux en 1'air, Ie verre en main,. ffuzzal vive Jeannot Pantin, Le  S O L I T A I R E S 249 Lc vrai charlatan de la foire. ' Vivat! mais gare Ie fcrutiny O peut faire tourner la chance, Non , nón, rèpond maitre gonin, • Jempêcherai bien qu'on y penfe, Vous favez que Ie Diable eft fin, Vivez toujours en efpérance. Oui, dit Jeannot, mes chers enfans,1 • Entrons dans Londres triomphant, Voions oü 1'honneur nous appelle, • Je fuis élu légalement, J'aurai féance au Parlement, Cè jeu vaudra bien la-chandelle. A ces mots 1'Efcadron fougueux, • Avec des hurlemens affreux, S'avance vers la Métropoie, Jeannot d'un ceil louche &'fripoiï, < Lorgne fon coufin Ie Démon Qui pofiede Ia troupe folie. • Ami, dit-il, grace au deftin,' Notre Régiment calotin Se prépare a jouer fon röle, Et moi votre fouple Pantin,Je compte fur votre paroie-, - L 5 , Pro--  AM ÜSEMEN Protégez ces braves mouchards, Membres choifis de votre école, Réunis fous vos étendards. Oui, dit le Pére de men fon ge, Nous allons faire un coup de main,. Qui te rendra fameux & vain, Bannis le fouci qui te ronge, Sois fur que ce foir & demam, Nos goujats feront fi beau train, Que chacun croira faire un fonge,. La ville on illuminera, Pour éclairer ta félonie, Les fenêtres on caflera, La racaille criaillera, Chacun felon fa fantaifie, Par. des ckimcurs proclameraLe Pantin ,.le Caligula, Le vrai fléau de la patrie. Mais bafte, k propos d'Empereur-,. Défunt Nèron fut galant honime, Tu fais comment il brüla Rome, Pour Cgnaler fa belle humeur, Imite ce grand bateleur. Du moins par quelque parodie, Coufin, ce foir a ton honneur, On brülera fuif & bougie, Perche toi fur le monument,  SOLITAIR E S. 251 Fais trois tours en me réclamant, ■ Et jouant de ta chalemie, Tourne ton ceil obliquement, Ta croiras voir une incendie, Si ta femme vient t'y trouver, Pour te prier de te fauver, Qu'un coup de ton pied l'avertifle Qu'ainfi mourut 1'Impératrice, Qui s'avifa mal a propos De vouloir fléchir un Héros. Pour couronner ton brigandage, Et me confülter a loifir, Tu marqueras un grand défir De te laiifer ioger en cage, Les uns diront, Pantin eft fou, D'autres diront, Pantin eft fage, II a foif, il a faim, mais il n'a pas le fou, Quand il fera coffré, tous fes amis je gage, Lui fourniront abondamment De quoi vivre joyeufement, Vin de Rhm, de Franc'e, de Porte, Punch & Liqueurs de toute forte, Gibier tout du plus favoureux,, Roti, Grillades, Fricaffées, Turbot & Soles deux a deux, Gar il n'eft fête que de gueux, Quand les bribes font ramaffées. L 6 Les  *J2. A-. Ms U S E M E N S Les calotins dans ta prifon , Viendront en corps te rendre- hommage, Criant Huzzal vive la cage, Ou les biens pleuvent a foifon, Ami te voila dans ton centre, Boire & manger eft ton vrai lot, Car chacun. fait bien, cher Jeannot, Que tu fais ton Dieu de ton ventre. Pour tes forfaits ainfi reclusTu jouiras dans ta celluie Des plaifirs de Vitellius, De qui tu fus toujours I'émulc, Au furplus fi tu vifes bien, Tu pourras malgré ton ceil louche, Tranfpercer quelque pauvre mouche, Pour imiter Domitien:. Réjouis toii fais bonne chère Vis fans honneur, fans foi, ni'loi Mon cher - Pantin, compte fur moï, Qui fuis ton-ami, ton confrère, Eiï.qui fuis toujours prés.de toi.. L.E,  S O L I T A I R E. S. 253 LE PANTIN. Cfiant Quatrième. Satyres, fórtez de vos bois, J Sautant, faifant mille gambades, Accordez 1-vos-rauques voix Le Larigot, le Claquebois, . Pour célébrer par des aubades , Le plus laid de vos camarades. C'eft aujourd'hui grace a Satan, . Que la Béte du Gévaudan , Pour fon Triomphe fe prépare, Orphelins, Sylva, jouaiiler, Venez voir Jeannot qui fe qnarre Comme un vieux Coq fur un pailler. Par Mahom! le fpeetacle eft rare, Le plus fameux des libertins . Va gouverner les Citadins En qualité de Mylord Maire! Fi donc, Mufe, veux-tu te taire, , Ton début eft peu cireonfpeft Tu devois dire avec refpect, Londresl vilie fortunée, L 7  254 AMU SEME NS. Que tu feras bien gouvernée, Par 1'écriyain du N.rd Breton, Mécharrt, trompeur, traiire, glouton, Qui de la Tamife a la S-mbre, Des gens de bien eft détefté, C'eft lui qui Ie neuf de Novembre, Sera Ie Chef de la Cité, Oa 1'honneur Sc la probité, N'ont point accordé leur fuffrage, A eet infolent perfonnage, Sans doute Heroftrate jadis,. Eut fes partifans, fes amis, Comme Ruvaillac, &■ Cartouche, Jeannot de même a fes fupots, II fait attirer les plus fots, Par un regard de fon ceil louche, Oui, ies nigauds Sc les pervers, Admirent fon ceil de travers, Comme ennemis de la droiture, Mais au jugement des cceurs drolts, Jeannot Sc fon ceÜ deguinguois, Soutune tache a la nature, C'eft pourtant ce vil citoien, L'épouvantail des gens de bien; Que, par un fïngulier caprice, Les Ciradius ont décoré, D'""char, & d'un licou doré, iour adminiftrer Ia juftice. % Or  SOLITAIRE S. 255 Or fus; faites attention» Je vais conter 1'ordrc baroque De la fale'proceffion, Qui pour TA. . . nation, Eft une trés honteufe époque. Le neuf de Novembe, Pantin Se leva de fort grand matin, Pour adonifer fa figure, Le frifeur le papil lotta, Et fi plaifamment 1'ajufta,. Que jamais Calot, je vous jure, Tel magot ne repréfenta, Aprés qu'il eut fait fa toilette, Et revu des gans parfumés, Ses a*u's qui,font clair femés,. Vinrent lui faire la courbette; Pour répondre a leur compliment, Jeannot faifant 1'air agréabie, Ricanoit fi matoifement, Qu'on eut cru voir pleurer le Diable, Enfin Criquet vient 1'avertir , Que le carofle de parade, N'attend plus que lui pour partir. Mylord vient a la baluftrade, Ghacun s'écrie en le voyant, Ah qu'il eft laid! qu'il eft mauiTade,. Les chiens fuyoient en aboyant, Deux  AMUSE M E N- S Deux de fes chevaux fe cabrerent Un s'abattit, &. deqx ruerent, ' Le fixième ferma les yaux ' Henniffant d'un ton furieux', Et tous les harnois fe crottérent.' Ah quel malencontreux fabat.'. S'écria Ie grand Magiftrat, Sa robe fut éclabouffée, Et fa frifijre hérilTée,. Enfin les chevaux ébahrs, Qui s'étoient tous évanouis,. L'un après 1'autre fe leverent, Jeannot & fa fille monterent, Et puis au fignal du cocher, Tout Je train fe mit a marcher, Le tambour & la faqueboute, L'efcortoient le long de Ia route, . Un Calotin crafTeux, hagard, Faifoit vo'tiger i'étendard, Les Ancs fermettoient a braire,., En regardant Ie Mylord Maire,'," On entendoit de tout cöté, Vive W... & Ia-liberté. . Des ramoneurs la troupe noire,-. Préce'doit Je char de Mylord, Faifant fonner tout d'un accord Lebalai., la pellefc racloire» .  SOLITAIRE S. 253 Les bonchers fur leurs os de Bceuf, Faifoient carillon a merveille, Ayant fait emplette la veille, Chacun d'un couperet tout neuf, Cette redoutab'.c Mufiqne Si boucaniëre, fi-ruftique, Semble annoncer quelque danger, Auffi le timide étranger En eft faifi de Ia colique, Tels étoient les nobles concerts, Qui faifoient- retentir ies airs, Dans cette allégreffe publique. Une forcière de renom, Sur fon baiai bien affourchée, Portoit en croupe le poêlon, Avec fa cuiller ébréchée, Dont elle braffe le bouillon Qui produit grêle & tourbillon, Cette PytoniiTe fameufe Efl dit-en, première chanteufe De 1'Opéra de Bélial, Et fait les honneurs de fon bal, Lorfque dans fa caverne affreufe, Il tient le fabat général. Lord Jeannot 1'avoit invitée, Pour publier a haute voix Ses fales, fes honteux exploits, Da  =58 A M U S E M E N S La fabatlère renommée, Pour s'acquiter de eet emploi, VoJtigeant fur fon palefroi, Rioh a gorge dépJoyée, Eu cbantant fur 1'air des pendus, Ces'couplets pourêtre entendus. Accourez braves citadins, En fifflant & battant des mains, Venez voir votre Mylord Maire, Son ceil louche pourra vous plaire, Qui, iorsqu'on boit a fa fanté, Regarde d'un autre cöté. C'eft un Magiftrat du bon-ton, Traitre, jureur, fourbe, glouton, Connu par ces noirs artifices, Père & fuport .de tous ies vices> De PAurore jufqu'au Couchant, II n'en eft point de plus méchant, Maitre Gonin fon compagnon, Et la donzelle Champignon^ D'accord tour a tour le poiTédcnt, Et tour a tour ils fe le cédent, Mais en dépit de leur accord, Le Diabic fera 1c plus fort. Il a prédit que fon Pantin, Se-  SOLIT AIRES 259 Sera conduit un beau ma-tin , A Tyburn & qu'a. la potence, Il haranguera Tafljftance, Puis s'envolant comme un éclair, II finira fes jours en 1'air. Tout ce tumulte triomphal, Prenoit le chemin de Guild-Hall, Au fon des cloches,. des fanfares, Et de mille clameurs bizarres, La chalteNymphe Champignon, A haut toupet, a gros clrgnon, Se panadoit, faifoit la roue , Lorfqu'un vilain fiacre indifcret, Jurant, facrant, claquant du fouet, Lui farda 1'une & 1'autre joue D'une noire & puante boue. Mylord Jeannot tout courroucé De voir fon foleil éclipfé, Dit en jurant par cinq & quatre, Gros lourdaut Ton te punira, De TofBce on te rayera, Et de plus je te feiai battre, Quoi dans ce jour fi glorieux, Le faquin barbouille a mes yeux, Le charmant objet de ma flame, Noble champion de mon ame, Jamais champignon fricafie,  260 AMUSE MENS. Ne fut plus amplement faucé, Pefte foit de ton algarade. Ici finit Ia cavalcade, Le chef du Sénat citadin , Va dans la falie du feftin , Suivi de ce corps vénérable, Quand Mylord fut prés de Ia table, La cloche fe mit a fonner, Et chacun s'affit pour diner, A peine eut-on mangé Ia foupe, Que Ie Sénat a pleine coupe, Ent a Ia fanté de Mylord, Qui fit raifon d'un rouge bord, Mais comment pourrois-je décrire Les bons mots, les éclats de rire,. Tout Ie bruit qui fut entendu, Et le vin qui fut répandu, Les bouteilles qui fe caflerent, Les chaifes qui fe renverferent, On fait que la profufion Augmente Ia confufion, Enfin j'cntends crier filence, Place au Roaft Beef pour qu'il avance. Un Boeuf Nord Breton , tout entier , Fut voituré fur un chantier, Pour être placé fur la table , On croira que c'eft.une fable, Point  SO -LIT AIRES. 261 Point du tout, m s voiei ie Hk, Un marm.tou por oit un cric Et ;'on die q ;e plus d'une Grue, D >nt la falie étoit bien peur. ue Placerent fans beaucoup d'orf rc, Lt- B ieuf róti divan* My'ord, U Pudding de groffei» en arme, bi n cun d'agréabie farme, Par quarre marmitons po: é , Vint .-'étabür a Ton cdré, Un'paié que .'on m'a dit <:'tre, Dc quatre pieds de duimen e, Logeoit quarante cinq Oifbns, Quarafite cinq gros, gras jambons, Furent rangés en fimetrie Devant Ja noble compagnie. feannot fourit, & dit, voila De quoi bien règaier Sy va, S'il vient prendre part a la fëte. Ah! dit G. . n. feriez vous fi béte, Que de convier a foupé , Ce juif que vous avez trompé, Pour le bon jouaüler de France, S'il vient il faudra bien qn'il danfe, Et les pauvrei enfans trouvés, Qu'on fait que vous avez privés, D'une fomme confidèrabie, Vous  2Ö2 AMUSE M ENS Vous pourrez les dédommager, Lor'que nous fortirons de table, Donnez leur les os a ronger, • Appaifez aufll le murmure De votre Nymphe Champignon, Elle vous traite ce parjure, Qui payez mal fa penfion, Et puis certaine gouvernante Qui fe dépite & fe iamente, Se plaignant a tous ces arms, Que vous lui dcvez cent Louis, Dont elle ne voit fou ni maille. Ah! pefte foit de Ia canaille, Répond Mylord tout courroucé, Votre difcours eft déplacé, Je n'y vois pas Ie mot pour rire," Ne rappellons point Ie paffe, J'ai bien d'autre poiffon a frire. Le feftin fut fuivi d'un bal, Oü chacun danfa bien, ou mal, Je fupprime les bagatelles, Les injures & les querelles, Les cris, les coups, les attentats Des calotins, & des goujats, Qui, pour avoir une lippee, Firent main baffe fur les plats; Certain quidam tira 1'épée, Que  SOLIT AIRES. 262 'Qui fit moins de mal que de peur, Et qui, par un trés grand bonheur, Claire & nette, fut rengainée. Telle fut Ia grande journée, Qui de Jeannot fit un Mylord, Sa vagabonde galiote, Vogua malgré ie vent du Nord, Ne nous étonnonspas qu'elleentra dans Ieport, Puifque le Diable étoit pilote. APPENDIX. ^u'a fait Jeannot pendant 1'année, Qui grace au Ciel eft terminée? II a fait en mauvais chrétien, Beaueoup de mal & peu de bien, Montrant fon batonnable zèle, Pour une faftion rebelle , Chacun fait que les Calotins ■Protegent les Amèricains, Maitre Jeannot fur tout fait rage, Les excite, les encouragc, Leur dit que la fidéfité, Gêne trop Ie libertinage, Que  2(54 AMUSE MENS Que Ton 1* mme 'ici üborté., 0 ;tre ce confeil dèrefiabie, li fait de la foupe portal 1 , P.'iT fortifit-r ces m.itms, On voit chez mi t.,.Us légniatin*,, Des marmitons, dés cm'finWes Ecuner ehaudrom , & cha.dièrcs tandis qu'jJ difle aux Ciradins, * Des in'olentes rémontranées, Et s'enivre dans ie.* fefiins, Ayèc des gjputons, des c tins, Qü'il entret! nt d'impert.iiences, Mais je üe finirois jamais, S je contois tous fes forfaits. Vous -a-rez que >e pauvre hére, En ceffant o'être Mylord Maire, Av litformé le noble plan D'être proclamé ChambelJan De Ia Cité.. ne vous déplaifo, Que je fuis fier! que je fuis aifet Dit.il, ce noftc lucratif Fera bien voguer mon eiquif. Mais la Fortune Citadlne, Tourna Ie dos, lui fit ia mine, En difant, va te promener,  SOLITAIRE S. i.65 Je fuis laffe de te. donner, Jeannot, tu ne dois rien attendre De la Fortune, va te pendre. On compte qu'il obèira, Et que bientöt il fe pendra, C'eft tout ce qui lui refte a faire, Anfi ma Mufe va fc .tairc, En attendant que le Pantin Prennc congé de fa Catin, Lui difant adieu Minaudière, A dorab! e C ham pi gnonn iè re, Je m'en vais faire le grand faut, Ce n'eft pas le faut du Crapaud, S..ut de Mouton, ni faut de Carpe, Mais faut de Breton en écharpe, Je grimperai le chevalet, Pour danfer mon dernier ballet, 0:i, mon a'mable Champignonne, Sainte Cordule eft ma patrone, Saint Potencien mon patron, Daignez donc par faveur dernière, Détacher une jarretière De votre jambe de Héron, Hélas! ma main vous en fit don, Après 1'Election burlefque, Ou mon projet réufilt prefque, Ce ruban bleu mourant, fi beau, Que je portois fur mon chapeau, Doit briller a plus d'une fête, M J'en  =66 AMUSE MENS J'en vais faire une efcarpolette, O que mon fort eft glorieux! Jeannot njalgré fes envieux, Devient au bout de fa Carrière, Chevalier de ia jarrctière. Par ces adieux anticipés, Lcfleurs ne foyez point trompés, Jeannot eft encor plein dc vie, Prét a faire queique folie, Quand Ie Calotin fe pcndra, Comptez qu'on vous i'ann0ncera Par une Epitre convenable, Regardcz d'un ceil favorabie,' Ma Mufe qui vous dit bon foir, Arms Leaeurs, jufqu'au revoir. Sur le Vayagt de Pantin apris qu'il eut manqué la Place de Chamesllan. IV 1^ on Mylcrd, ce n'eft pas Tinfenfibilité Qui foutient de jeannot la belie humeur friponne, L'ernemie de Ja Veritè, Dans fes bras enfurriés Je berce, le mitorme, Lui diae de nouveaux pro jets, Pour  S'OLIT AIRES. s$7 Pour étouffer fes vains regrets, II lui fait endoifer 1'atirail Militaire, Eu lui difant, fuis moi, courons par 1'Angleterre, En Parti bleu, tambour battant, Allons lever un Régiment. Un Régiment! eh pourquoi faire ? Rèpond Jeannot tout ëbaubi, Tu te moques, mon cher a;ni, Non dit Satan, point de rep'ique, De tes projets manqués je veux te confolar, Avec le Régiment que je vais enróier, Tu partiras pour 1'Amèrique, Tout le Congres anti-Royal Te tend les bras, t'aime, t'eftïme, Washington n'eft que Général, Tu leras Généraliffime, Ton Régiment en vaudra deux, Tes foldats Nord-Bretons, com ne toi feront louche*, Un Forgeron d'Enfer fait des mcufquets pour eux, Qu'ils chargeront de deux cartouches, Les deux canons d'abord, prés de la croflc joints,* S'éloignant vers le bout, formeront des fourchettes, Et les yeux du foldat, ceffant d'être voifins, Vifant des deux cötés, feront cafler deux têtes, Quand fur le haut d'un baftion, Tes braves feront fentinelle, Inftruits par doublé vifion, M 2 Ils  255 AMUSE MENS Ils pourront au Congres porter doublé nouvelle* te.zèbut, te deftine.un beau fabre crochu Ton Régiment par lui fera nommé, je pcnie Régiment 4 fa Fourche, ou Régiment FourchuCe nom en marquera la valeur,. 1'importance. Tour a tour pour Ie mot du Guct, Tu donneras ceux ci, Trahifen, Infolencé, Blafphêrne, Champignon, Contrebande, Projet, Fourbc, ivrogne, joueur . quarante cinq, Potence JIuzza, grand Général, courageux Squintington ' Pars, va trouver Hancock, Putnam, & Washingl0n. CHANSON. Sur M Remonirance des Citadins ' en 17Ó0. Cxertains Matous audacieux, • Sur un toit s'aflemblerent, 'Iit fur un ton féditieux, 1 Eongtemsils miaulerent, Enfui leur Préfident Raton La faridondaine, la faridondoa, Eut i'art de s'exprimer ainfi, Beribi, A  SOLITAIRE S. Ü6s> A la fa9on de Barbari, mon ami, Chers amis de Ia Libené, Matons prudents & fages, Nos ennemis ont attenté D'efcroquer nos fromagès» II faut en deman der raifon, La Faridondaine &c. Ne nous lailfons pas tondre ainfi, Beribi, A Ia fa9on &c. < Ceil bien dit, répond Croqnelard, Si nous faifons les laehes, L'cnnemi viendra tót ou tard, Nous couper ies mouftaches, Afiemblons tout notre Efcadron, La Faridondaine &c. Nous avons un puifiant parti, Beribi, A la fa9on &c. Faifons d'abord dc nos griefs, Une capilotade, Les Francs Matous teneurj de Fiets t Feront ia carbonnade, Et notre droit d'Eleftion,- . La faridondaine &c. Servira de faimigond's, M 3 Eo-  570 A M U S E M E N S Beribi, A la f39011 &c. Toas ces ragouts affairbnnés, De beaucoup d'infolence, Seront dreffés & décorés, Du nom de Remontrance , Si vous trouvez eet avis bon, La faridondaine &c. Approuvez par un miauli, Beribi, A la facon &c. En iigne d'applaudiiTement, De la Diéte entiére , Un horrible miaulement, Pit trembler la goutière, Mais le brave Huiuier Chatapon, La faridondaine &c. Cria que 1'on fe taife ici, Beribi, A la facon &c. Alors le Prèfident Raton, Mit la patte i la plume, Griffonna comme on Cicc-ron, Et felon fa co uturne, Cita plus d'un Héros Breton, La faridondaine &c. Qui  SOL ITA.IR.ES. 271 Qui redrefla les torts jadis, Beribi, A Ia faföri &c, Quand ce chef-d'oeuvre fut figné Par toute i'afiiuance, Le Préfident fut défigné, Porteur de Remoii trance, Accorapagné de Bianc Minon, La faridondaine &c. Et du pétulent Grisbouri, Beribi, A la facon &c. Le fier Trio s'étant nichë Dans un bel équipage, L'Efcadron fur le toit perché, Leur cria, bon voyage, Vous allez griller le Marron, La faridondaine &c. Et tous le crcq.erez aufTi, Beribi, A la facon &c. Chicun difoit en les voyant, Ah que les Chats font traitres! Ils moment la griffe & la dent, Pour attaquer leur Maitre, Puiffent-ils tourner le cordon ^ M 4 Da  |7« AMUSE MENS La faridondaine &c. Et n'avoir jamais de róti, Qu'a Ia fajon &c. Bref Ie Prèfident & fon train, Vers le Palais s'avance, II fe préfente au Souverain Avec fa remontrance, Mais notre Augurte Roi dit-on, •La faridondaine &c .Rejut les Raminagrobis, Beribi, A Ia facon. &c. Tous ceux qui vïrent les Matous Sonir de 1'audience, S'apper9urent que leur courroux, Eto u ffoi 11'arrogance, Voyez comme ils ont 1'air poltron x La faridondaine _&c. Leur AmbafTade a rèuffi, Beribi, A la fa9on &c. Les trois Députés de retour, Sont recus de la bande, Chacun les falue a fon tour, Et chacun leur demande, i U, Le  SOLITAIRE 27? Le voyage a t-il été bon, La faridondaine &c. Raton en foupirant dit oui, Beribi, A la facon &e. Fuyons, allons nous retrancber, Au haut de la goutière, On a parlé de me nicher, Dans la grande ratière, (») Don Grifbouris & blanc Minon, La faridondaine &c Scroiit logés fans doute auffi, (b) Beribi, A la facon &c. Pour éviter ce trifte fort,Je fuis prët a combattie, . Vous favez que j'ai le bec'fört, Et mordant comme quatre, J'en prends è tèmoins malnt Oiforr La faridondaine &c. Que mon cuifmier a röti.,. Beribi, A la facon- &c. Je ( a) La Tour dc Londres. (.b) La. grJXon de yewgate- M5  274 AMUSE MENS Je fuis en dépit de 1'Hymen, Pére d'une Peuplade, II ne tient qu'a moi dés demain , D'en faire une brigade, De mes batards Ia Iégion, La faridondaine Ac. Fera trembier nos cnnemis;,. Beribi, A ia facon &c. Huzza! s'éeria Grimaldu-tv Si vous voulez m'en croire, Amis, plus les coqs font battus, Plus ils chantent viftoire, Donnez'nous donc un violon, La faridondaine &c. Et nous danferons tous Jeudi, Beribi, A Ia fac-on &c. Hé bien! faifons tréve au combat, Dit Raton d'un air grave, ' Je vous invite a mon fabat, II fcra dans ma cave,. Tous mes batards y danferont, La faridondaine &c. Et mon anti-Lucrece auffi, Beribi, A la fac-on de Barbari mon ami & CHAN- o  SOLITAIR/! 8. 275 CHANSON, DU CAPITAINE STOURMSACK, Sur I'air: réveülez vous belle endormie* V^hantille Margoton bruyere, Moi-li crevir d'amour pour vous,Pourquoi 1'être fi beaucoup fiére, Quand moi li faire les ceils doux. Li foir tandis qu'on 1'être i table, Oü chacun mangir tout de bon , Moi-li foupirer comme in tiablc, Pour vous mon pelie Margoton»- Sti-pelie Aurore matinale, De Procris enlevir 1'Epoux, Hercule fif-ir pour Omphale, Moi li cafifiT des noix pour vousi- Mes ceils li dex-enir fontairte , Mon nez couiir comme in ruiffeau, Mais vous li rire de mon peine,Quand moi li pleurir comme in vean. M 6 Si  t?i AMUSEMENS Si vous Ji point devenir tendre, Moi vous li jurir par mon foi, Qu'in bean matin moi m'allir pendre, Pour que vous plus rire de rupi. * O Margoton pelie infenfible, yotrc cceur 1'être fait d'in roe, Moi li trouvir plus qu'impoffible, De l'emportir di premier choc L'amour fti malih camarade, Dans vos cei's 1'ètre en garnifjrj. Mon creur li battre la charnade, * Mon liberté 1'être en prlfon. Moi 1'être in prave Militaire, Qui 1'avoir peaucoup vu 1c Loup, Commem fti marmot de Cythère, M'avoir t-il vainquir tout d'in coup*. Braqué fur Paffut de vos charmes, Li faire in grand pompardement, Pour que moi métir bas les arme», A vos deux pieds humblemeut. Mon PEpée & mon Halebarde, L'être faits pour fervir a vous, Et-moi- li faire ponne garde, Si li deyenir votre époux. J'»  SOLITAIRE S. 277 J'avoir in fier vaillant courage, Pour pien regalir in rival, Peaucoup pluS mieux que tavantage, Li roifir pour li faire mal. O Marguerite indifférente, Rendir mon pauvre cceur content, Vous 1'être déja conquèrante, Laiflir moi 1'être conquèrant. De mon cceur accepter 1'hommage, De mon main recivoir ili don, L'étre in pius que meilleur fromage,, Qui 1'être fait dans mon canton. Si vous Pépoufe in Capitaine, Vous li vivre joyeufement, Nous li courir la pretantaine, En parti bleu tambour battant. Moi li frifir mon pel Mouftoche,. Et mettre in Iraile blanc & net, Puis li plaritir in pel Panache , Del quu d'in. Coq fur mon bonnet. A 1'ombre de fti vert poufcage Al fon di fifre & di tambour, Nous daulir plus que tavantage, Jufqu'al finiffement di jour, M ? E G-  273 AMUS EMENS. E G L O G U E. A Mademoifelle Royer. f\- 1'ombre de ce bois dont vous êtes voifine, Je viens me repofer, aimable Pbilippine, Mes jours les plus «reins, mes momens les plas doux Som ceux que dans ce Bois je paffe auprès de vous. D'un ciimat éloigné j'ai quitté le rivage, Pour venir habiter cette paifible plage, Mon cceur ne refpiroit que Ia tranquillité, Tout fcmbloit m'y promettre un féjour enchanté, Mes yeux n'appercevoient que Palès & Pómoné, Je n'y redoutois point les rigueurs de Bellone, Tandis que iburdement. elle aiguifoit fes dards, Pour teconder Taudace & Ia fureur de Mars; C'en eft fait, nos Guerriers vont tenter la fortune, Efpérant tout du Ciel, d'Eole & de Neptune, Déja dans un combat ils fe font fignalés, Des morts & desmourans confufément mêlés, Le Tang des deux Partis, en rougiffmt ies ondcs, A porté la terreur dans les grottes profondes, Les Guerriers entrainés deffous les flots amers , Ont fait fair les Tritons & les Nym;.hes des Mers, Thétis de fes Dauphins, laiire fiotter les rênes, On entend fuupirer ies piaintives Sirèues, Ne  SOLIT AIRES. 279 Neptune voit frémir tout 1'Empire Marin, II tremble, & le Trident lui tombe de Ia main, Contre Mars en courroux il s'anime, il s'agite, II bate fes Chevaux, fa fureur les excite, Les vents de tous cötés viennent le fecourir, Ils foulevent les flots, on les enteed mugir, Jupiter a fon tour obfcurcit les nuages, La foudre & les éclairs annoncent des naufrages, Il femble que le Ciel contre Mars irrité, S'arme pour le pnnir de fa témérité, Bataves & Bretons, laiiïez tomber les armes, Déja leurs coups mortels ont trop coüté de larmes-, Un Père vénérable ici pleure fon F;ls, Mille cceurs affligés regrettent leurs amis, Au rivage de i'Y, la trifte Melpoméne, Gémit fur le tombeau d'un-vaillant Capitaine,- D'une Familie illuftre, il faifoit le bonheur, Il fembloit n'étre né que pour être vainqueur, De Heeemskek, de Piet Hein il mont roit ie courage-, A Pafpecl des combats, des écueils, de l'orage. Pour couronner ton ftont, Noble & jeune Guerrier, Les Nymphes du Texel préparoient le Laurier, Lorfqu'un tube fatal pointé contre ta vie, A la fleur de tes ans, t'enleve a ta Patrie, Ton courage n'a pu défarmer Atropos, Mais tu meurs comme Tromp, c'eft mourir en Héros. Oui, Bentinck, dors en paix, ta valeur Héroique, Fera toujours honneur 4 cette Répubiique, Elle  280 AMUSEMENS Elle t'offre des pleurs, des Lauriers, des remets Accepte de ma Mufe, un rameau de Cyprès. ' Faut-il pour votre caufe Amèriquains rebelles, Voir répandre le fang des Bataves fidelles? Reviens, charmante Paix, régner dans ce ver^r Fais-y toujours fleurir le Myrte & 1'Orarrger, ' Sous leur ombre, il eft vrai, „ous jouiffons encore, Des douceurs de Pomone, & des parfums de Florc Le fang n'a point rougi nos fertiles gnèrets, ' Le plomb n'a point encor dépeuplé nos forêts Les troupeaux/bondiiTans, couvrent le piturage Le pêcheur ofe encor s'éloigner du rivage ° " On entend dans ce bois, la flüte du bergér Ses Moutons fur les fleurs repofent fans danger Et loin de nos autels nous n'errons point fans guides, Nous entendons la voix de nos fages Druides Efpérons tout du Ciel; il peut nous garantir.' Efpérons. . mais hélas! s'il vouloit nous punhv Nous I'avons mérité, nous n'oferions nous plamdre Interrogeons nos cceurs, nous avons beu d* eraindré. Reviens , charmante Paix, règner dans ce verser, Fais y toujours fleurir Ia Myrte & 1'Oranger, A leur cóté je vois un Laurier refpeöable, Elévé par fon rang, fa feuille involnérable, Des foudroyants éclairs fait garantir fon front, L'bonneur n'en laifle point approcber un affront ,. En  S O L I T A I R E S. 18* En vain pour 1'ébranler !a noire ealomnie, Veut rèpandre fur lui les poifons de 1'envje. Par un Chcval fougueux qui francbit un foffé, Le plus vaillant Héros peut être éclaboulfé, Mais fur fon front férein, la fange la plus noire, Ne flètrit point 1'honneur, ne ternit point la gloire, De tous temps le mérite a fait des envieux, Plaignons les cceurs atteints de ce vice odieux. Ne te verrons nous plus, Sage & Dmne Mrée, Tu gouvernas longtems cette heureufe contrée, Reviens, 1'on t'y r'appelle, on t'y révére encor, Defcens file dn Ciei, ramène 1'age d'or, Et s'il te faut du fang pour expier nos crimes, Le fier Dieu des combats t'immole des viöames. Reviens, charmante Paix, régner dans ce verger, Fais y toujours fleurir le Myrte & 1'Oranger. Joignez vos vceux auxmiens,FilledugrandDruida, Refpeclé dans ce bois prés du quel il réfide, Longtems avec fuccès il guida les troupeaux, II greffa de fa main les arbres les plus beaux, Et le Noble Orangee d'immortelle verdure, Dans fon heureux printems en recut la culture. Vous de qui le Berceau fut toujours fous fes yeux, Vous, d'un heureux Hymen le gage précieux, Ob-  25z AMUSEMENS Objet des tendres foins d'une Mére excellente, Attentive aux Lec-ons d'une pieufe Tante, Leurs préceptes pour vous furent toujours des loix, Vous frites aujoi rd'bui 1'ornement de ce bols Les plus douces vertus de céleite origine, Règnent dans votre cceur, modefte Philippine, Pour guider ie Pince.u qui tracé leurs P.,rtraits, II ne faut que vous voir Sc copier vos traits, Je voudrois exprimer tout ce que mon cceur penfc, Mais votre humiiité nVimpoferoit fiience-, Je me tais, ii ft]ffit, mon cceur vous eft connu, II fe fait un devoir de louer la vcrtu, II défire la Paix . il chérit la juftice, Et fait des vceux au ciel pour le rendre proprice. Reviens, charmante Paix, régner dans ceverger, Fais-y toujours fleurir le Myrthe & I'Oranger. Mais déja les Moutons quittent le paturage, Les ailes de la Nuit planent fur le Bocage, Leur ombre a fait cefler le concert des oifeaux, Le feul Zéphyr encor agite les rameaux, A travers ces Peupliers je vois briller Diane, Je vais a fa clarté regagner ma cabane, Puiffe la Nuit tranquille & le Dieu du repos, Couronner votre front de leurs plus doux pavots. EPI-  SOLITAIRE S. 283 E P I T R E A h Mimi. N e vous verrai- je pas, charmante Philippine, Un feul de vos regards calmeroit ma douleur, Venez voir un moment votre trifte coufine, Mais non, ne venez pas, je connois votre cceur, II eft compatiflant, il fouffre, il fe chagrine, Les douleurs du prochain excitent fa pitié, II connoit les douceurs de la tendre amitié, Mais cette Rofe, hélas! produit plus d'une épine, Vous les fentez fouvent, Sz mes yeux font témoins Dc vcs larmes, de vos foins, Pour ceux a qui le fang vous lie,. Et même pour tous ceux dont vous étes ckérie, Je fai que le nombre en eft grand, Mon propre cceur en eft garant, Voudrois-je vous caufer une nouvelle peine, Vous ignorez mon accident, Pu'ffiez-vous 1'ignorer encore une quinzaine, Chaque jour je me trouve mieux, Par les foins affidus d'un favant Efculape, f» (a) Mr. Eikendal.  z§4 AMUSEMENS. IIne voit point couler de larmjs de mes yeux Aucune plainte ne m'échappe , Seulement, je foupire en regardant les Cieux, C'eft de Ia que j'attends ma guérifon parfaits, Et dans ma paifible retraite, Je lis, j'écris, je penfe a vous, Je me promène dans I'Hiftoire, Mon état n'eft pas des plus doux, Mais mon coeur eft content, je n'ai pasI1ium3urnoire Quelques fois même j'ofe croire, Que mon fort feroit des jaloux, Parmi ces ame» ténébreufes, Riches efclaves de Plutus, Qui leur donne avec des écus, L'art de fe rendre malheureufes, Un riche accabïé fous fon or, N'eft jamais a fon aife, il calcule, il foupire, Entend-il quelque bruit. il craint pour fon tréfjr, Eft-il gouteux, fièvreux, fon mal augmente encor, Et grace i Plutus il expire. Jadis Ie benoit faint Martin, Etoit plus heureux, je m'aflure, Quoiqu'il n'avoit pour tout butin, Que fa cafaque Sc fa monture, Avec un cceur content il faifoit fon chemin, Comme bon Chevaiier de modefte figure. Je ne fuis pas non plus de l'ordre Fantaiïïn, Mar-  SOLITAIRE S. o§5 Martin eut un Baudet, moi j'ai Ie beau Rouflin, Qui, dans certain vallon, va chercher fa pature, II fait, lorfqu'il rencontre une trifte avanture, Se cabrer contre le deftin. Par Ie deftin , j'entends cette chimère, Qui fait du mal, qui fait du bien, Qui pourtant n'eft, ni ne fait rien, A-t-on quelques douleurs, quelque facfieufe affaire, On s'écrie aufii tót, Ie deftin m'eft contraire. On dit, chacun a Ie fien, Si je n'ai pas fujet de me louer du mien, Jele Iaiffe du moins fans lui chercher rancune, Courir avec Ie fort, & 1'aveugle fortune, Trio fabulcux, aé'rien, Je puis me palfer d'eux mieux que de Galien, Et pour adoucir ma fouffrance, J'appelle a mon fecours, la joie & Ia conftancc, Ce font deux arbres toujours verts, Qui ne craignent point les bivers. F I N.  iS6 TABLEdbs MATIERES. Ode au Roi de-Suède Guftave UI. fur la révolution arrivée eri 1772. - Page 1 Idylle. - - - - _ - 7 Ode. fur la naiflance du PrinceGuillauroc Geor^c Fredéric, fccond 111 s de S. A. S. Monfcigneur lc Pricce d'Orarjge - - ij Ode. - - - - - st Idylle. - - - - - - ibid A Daphné. - - - - - 24 Idylle. - - - - - - 26 Hymne du Matin. - - - 32 HymneduSo.-ït. - - - - 35 Idylle. - - - - - - _ «7 Ode au Roi Louis XVf. fur lere'tablif- femcnc du Parlement de Pa-is. 45 Les Plaisirs de la Soutude. - 5a Doris Eglogue - - - - 55 Eglogue. - - - - - - ^ Les adieux de Doris Eglogue. - - 68 A Monficur le Baron de. . . - - - 73 A Monfienr de G. . , - - - - 76 Pour Mr. e. a fon coufin B. - - 77 Enigme. - - - - - - 78 O de a une mal-Mariée qui blamoit lc cé- libat. * 'go , Elégie fur deux '1 alons. 83 A Monfleur lc Pauon de Capelle Seigneur de Schonaiivve. 85 , e p 1 t r e au Même. - - - - gó \ Sur un M. qui prit üneFille pour Secrétaire. 93 ! Le Papillon et l'Abeille Fable. 93 j Origine de l'Orgueil. - - - 97 | Les Boudins. - - - - 100 e p ig r a m m e. - - - - - 103 Lpitre a Madsme &MefdcmoifellesMEN- XBEK*  TABLE des MATIERES. 287 t h e n io4 Epigram me. - - - - _ 1io L'ours Danseur, Fable, traduite dc Gellert. - - - _ - jjj La Visite Obligeante, Fable, traduite du même. - - - _ -1x4 Le Triomphe de Poux fur les Coiffures de 1-75 juj'gu''en 1770 &c. _ ri5 Monsolhait. - - - - Ixg Daphins Lglogur, fur la mort de Mr. le Baron de Capelle", A Madame la Barouhc ^Capslle, Damè djeSchónagvye. 110 LaMouchk h ta merrie. - _ X22 Les Diables Bleus. - i2oE p 1 t k E A Ma-ou Chat de Mefdames de Keynenbukg. - - - _ j,0 Le Hut in. A Monfefgneur le Baron de Capelle Seigneur de Schonauwe. - i92 P e r ett e Eglogue. - .jL Le départ & le retour de Tom chac de mifs Gore. - - - _ | Le Seigneur Rusticau. - - r.a EpitreaJean. - - « li» A Madame la DnchcJle dcla Vaugion. i*? Epithe. A Mademofeile de Reinenburg. 16, Les Pommade du matin. _ A Les Promenade du foir. \ A Elegie fur la mort de Mademoifelle de reinenburg. - - _ stances - j"3 Sonnet fur le même friet. - 2 2o Idylle. - _ _ . _ " l7° Elegie. Sur la mort de ma Mére. " Rlflexions fur la mort de M»* de Beyer. s< Sur un Qrage. - ■ _ * Ode. - _ _ _ ~ 2 -188 Epi-  288 TABLEdesMATIERES Epitre a W{' Gotjsset. - - 192 Réflexions fur les varmes da monde. 19? Ode. i96 U Bai des Cerfs Fable. - 107 Ll Concile des Chats, - - 201 La mariée a la Fortune du Pot. - 207 Les Pincettes de Nicandre. - 212 Grisette a Lonores. A minette courte oreille a Schiedam. - 215 Minette courte oreille au beau Damis a la Haye. - - 217 R.ondeau. - - - - - o zo Epitaphe. - - - - - 2:1 Av is au Maratres. - ibid Epigram me. - - - - - 223 Epitaphe. - - - - - ibiii Ode. d fa Majejlé Imperiale Joseph II. fur fon arrivé'e a la Haye - - 224 Sta n ces fur 1'élcétion de W. - - 228 L e Pantin. Chant premier - - 230 Le Pantin. Chant fezand. - 137 Le Pantin. Chant troijième. - - 24$ Le Pantin. Chant quatrième. - - 253 Appendix. - - - - - 263 Sur le voyage de Pantin après qu'il cut manqué-la place de Chambellan. 2ö5 Chanson fur la Remontrance des Cüadins en i']6c>: ------ 26? Chanson du Capitaine Stourmsack , fur 1'air: réveillez vous belle endormie. - 275 Eglogue, d Mljs ;Royeh, - - 278 L'pitrk d la même. - ' 28^ F I ~N. de la TABLEdesMATIERES,  ERRATA. J2 Auteur ayant étê trés indifpofée pendant Pimprefjïm n'a pu corriger les fautes fuivantes, ni effacer lés titrcs d'Ode &c, donnés aun. Huitain-, Dixain, &c. Errata. Page 7 vers 3U/ez Pais-je Ie préfumer. Page 10 vers 6 —■ & plus cenfé que toi. Page 13 vers 11 Fleau de fes vafiaux, redoutable voifin. Du voyageur paifible odieus aflaffin. Page invers 17 Page 43 vers . 3 Page 80 vers 15 Page 91 vers 10 • Page 103 vers 3 Page 115 vers 18 P^e zal.vers 24, Pailfant Ie méme herbage. fiz fois j'ai vu lever 1'Aurore. Et lix fois Ie foleil s'efi; plongé dans les mers. ■ Ie Célibat. Que cil cuidoit. éveillé par le bruit. qui n'attendent que vous. il échangea. Page  2 ERRATA, Page 122 vers 18 li/ez Aragne. Page 135 vers 8 & la gripe aux oreilles. Dito — vers 28 — criant braillant. Page 14S vi rs 16 — Mangeoit & buvoit. Page 157 vers n — Pour moi je fais tirer* Page 167 vers 24 — 1'honneur & Ia. juftice. Page 276 vers 20 — A vos deux pieds bien humblement. Page 283 vers 10 — De vos alarmes.. Page 285 vers 10 — O11 dit que chacun.