LES Vour qulil foit fauvè. Des milliers d'hommes ont été cruellement vexés pour cette abfurdité, & beaucoup le font encore. On emploie pour cela l'autorité du Roi. N'eft-ce pas la déshonorer, que de 1'employer a favorifer ceux qui prétendent «xercer un empire d'une nature aufïi ^étrange, & que la Divinité feule pourïoit exercer, paree qu'elle feule eft infailr 4ible? Une injuftice aufti révoltante, qui dure 'depuis plus 4e cent ans, mérite bien d'être dénoncée aux Etats-Généraux. On obje£tera peut-être que nous paroiffons fuppofer que les Etats-Généraux, indépendamment de l'o&roi de 1'impöt , ont le droit de faire des Loix; ce qui femble enlever au Roi la qualité de feul & unique Lègiflateur. i°. Si les faits contenus dans les Mémoires paroiflbient aflez clairs , aflez décififs, pour réfoudre la queftion, ce ne feroit plus a 1'Auteur ni a 1'Editeur qu'il faudroit imputer cette opinion. Si au contraire ils étoient douteux, équivoques* Incapables de fixer les bons efprits fur ce jpoint de droit public; n'eft-ce pas au, CQtttrake rendre un grand fervice , de  xiv réunir toutes ces autorités, & d'inviter les favans a^ les difcuter & a détromper ceux qui croient y trouver des textes clairs & précis. i°. Si de la décifion de cette queftion dépend le bonheur du Monarque & des Sujets; fi du droit dans la Nation de concourir a la légiflation, il en pouvoit réfulter que le Monarque ne feroit plus en proie aux fuggeftions deTintrigue & de 1'ambition ; que la Nation n'auroit plus lieu de craindre les commotions, qui, deux fois depuis vingt ans, ont ébranlé la ^Monarchie jufque dans fes fondemens; qui pourroit juftement fe plaindre que 1'on eut préparé les voies a un fi grand bienfait? C'eft dans cette vue que 1'Editeur fe propofé de revenir fur cette queftion intéreflante , dans un Mémoire particulier,' dans lequel les raifons pour & contre feront expofées. avec foin. II efpére pouvoir en ajouter un troi* fieme fur le droit des Pariemens, quand la Nation a parlé. Enfin il terminera par m Mémoire comparatif de letat de la France depuis i58p, avec celui contenu dans ces Mémoires.  T A B L E DES MÉMOIRES Contenus dans eet Ouvrage. 1 REMIER MÉMOIRE. De Voppreffion de f'Eglife, des Pariemens, de la Nobleffe, & des killes. Pag. i II. _ MÉMOIRE. De Voppreffion des peuplcs, des impots excejfifsy & du mauvais emploi des finances. 15; III. MÉMOIRE. Les tri/les effets de la puïjjance arbitraire & defpotique de la Cour de France: Que cette pui france eft tout auffi defpotique que celle du GRAND SEIGNEUR. 37 IV. MÉMOIRE. Par quels moyens la Cour de France foutient, & exerce fa puiffance defpotique : trois de ces moyens. éi V. MÉMOIRE. Ou font explique's le refte des moyens dont la Cour de France fe Jert pour maintenir fa tyrannie , & exercer fa puiffance arbitraire. g a VI. MÉMOIRE. Que la Monarchie Franciife-11a. pas été fondée fur le pied de la puiffance arbitraire. Première preuve générale , la Couronne étoit éleclive. Vanité de la Lol Satique. 101 VII. MÉMOIRE. Second moyen généralpiur prouver que la puiffance abfolue des Rois de France eft ufurpée : Les états ont toujours été les principaux dépoftaires de la fouverainete , & font fupèrieurs aux Rois. I2^. irlH. MÉMOIRE. Troi/ieme moyen pour miner les pre'ttnthns de la puiffance arbitraire. Hiftoire  x6 TABLE de Vorigine du Parlement de Paris. 11 fut e'iabll pour reprëfenter les Etats - Ge'néraux , & donner un /rein aux entreprifes de la Cour. 150 IX. Mémoire. Nouvelles preüvts contre la puiffance arbitraire de la Cour de France, tire'es de fhifloire des grandes dignite's du Royaume. Du Grand - Confeil, des Maires du Palais , des Conne'tables, des Pairs de France. Forme ancienne de nos Tribunaux de Jujlice avant Vétabliffement des Prefidiaux. 175 X. mémoire. Nouvelles preuves contre la puiffance abfolue, tire'es de Vhiftoire des Comtes , Ducs , Marquis, 'Barcns & Gentilshommes. Les Grands du Royaume qui font aujourd'hui efclaves, e'toient autiefois indèpendans du Roi , il gémit aujourd'hui des infernales barbaries qu'on exerce dans les mêmes lieux oü il s'eft fait connoïtre fi humain; & 1'on eft affuré qu'il aimera beaucoup mieux régner en pere fous les anciennes loix du Royaume, que de comniander en tyran qui fe met au-deffus des loix. J'ai donc deffein de faire ces quatre chofes dans eet écrit. r. Voir 1'oppreffion & la tyrannie fous laquelle gémiffent tous les Ordres de la France, & la mifere z laquelle ils font réduits fous une puiffance defpotique. 2. Confidérer en fecond lieu, par quels moyen la Cour de France afFermit fon joug, & foutient aujourd"hui fa puiffance abfolue, & 1'abus qu'elle en fait. 3. En troifieme lieu nous verrons combien le préfent Gouvernement de la France eft éloigné de celui fous leqüel a été fondée la Monarchie, & dans lequel elle a fubfifté tant de fiecles. 4. Et enfin nous examinerons par quels moyens on pourroit fe fervir des circonftances favorables du temps préfent pouc ramener la Monarchie a fon ancien Gouvernement. X our comprendre combisn eft grande 1'oppreffion fous laquelle la France gémit, nous n'avons, £ MfriPsce. A ij  (4) jqu'a confidérer la fituation oii fe rrouvent töures Ie* parties qui compofent 1'Etat. L'Eglifc eft aiïurémenc la première, Ia plusnoble, & celle qui a roujours confervé les plus grands privileges & le plus de Jiberté. Mais aujourd'hui en France 1'Eglife eft foumife a la tyrannie du Gouvernement, tout de même que les autres. Les Rois de France fe font faits Papes, Muftis, grands Pontifes, Sc Princes abfolus lur les chofes lacrées. Le nom du grand Pontife &"fon autorité n'y font plus que des tantömes. Les Prêtres de Jesus-Christ font des efciaves; les maifdns falites Sc confacrées a Dieufont expoiées aux flireurs du foldat; la foi même Sc les myfteres dépendent ablblument de la volonté du Souverain. Pour rendre cela fenfible, je ne veux pas remonter bien haut, il fuffit de remettredevant les yeux ce qui s'eft palfé de nos jours Sc de notre propre mémoire. Souvenons-nous , par exemple, de quelle maniere, s'eft traitéei'affaire des cinqpropofitions de Janfenius. La Cour de France a fait définir cette controverfe a Kome comme il lui a plu; après quoi il n'y a pas de violence qu'elle n'ait commife Sc exercé pour foumettre les Difciples defaint Augujlin aux décifions qu'elle avoit par furprife obtenues de la Cour de. Rome. On fait le bruit qu'a fait le Formulaire; comment la Cour fit faire une forme de ferment par lequtl on reconnoilToit, non-feulement que les Cinq Propofitions éfoient hérétiques , mais qu'elles étoient dans Janfenius. C'eft-a-dire, qu'alors la Cour voulut que le Pape fut infaillible , non-feulement dans les chofes de droit, mais dans les choies de fait. Et tous ceux qui ne voulurent pas pafTer par-li, furent dépouiilés de leurs bénéfices, chaffés, exilés piongés dans de noires prifons ; plus de ioixante DotSeurs de Sorèonne furent chaffés, exilés, Sc rélégués; lés maifons des fifles Religieufes qui ne vouturent pas obéir, furent violentées Sc difperfées. II  ( 5 ) y a quarante ans que la Cour fait durer cette perfécurion,& encore aujourd'hui un grand nombre de faints Prêtres font dans'l'exil, dans les prifons & dans la fouffrance, pour ne vouloir pas renoncer a la grace de Jesus-Christ , efficace par elle-niême. C'eft bien lk une affaire dont la Cour fe dut meier ? Et n'eft-ce pas étendre fon empire plus loin que celui de Dieu , qui dans les chofes lefquelles ne font pas de fouveraine nécefllté, veut qu'on fe tolére mutuellement? Au moins c'étoit une affaire a iaiffer vuider a 1'Eglile. Elle eft purement de fon reffort; il ne falloit donc employer la-dedans, niprilons, ri exil, ni violence, ni autorité royale. Après l'affaire des Cinq Propojïtions, eft venue celle de la Regale. C'eft un droit par iequel les Rois de France prétendent être en puiffance de recevoirles fruits des Evêchés vacans, & de remplir durant la vacancè tous les bénéfices & cures d'ames qui viennenr a vaquer & qui font a la nomination de 1'Evêque. L'afïaire fémbloit avoir été réglée dans le Concile général de Lyon, ou il avpit été défendu d'étendre la Regale fur les Evêchés, oü ce droit ne s'étoit point auparavant exercé. Plufieurs Evêchés de France jouifloient de cette immunité. Louis XIV s'eft mis en tête de les foumettre tous a ce joug. Les Evêques d"Alet & de Pamiers, deux des plus faints hommes de leur lïecle, n'ont pas voulu céder aux injuftes Arrêts que le Roi faifoit rendre dans fon Confeil, ou il étoit Juge & Partie , dans une affaire qüi dNivoic dépendre du S. Siégeou d'un Conciie. Et paree que ces faints Evêques fe font adreffés au S. Siége, afin que le Pape employar fon autorité pour maintenir les privileges de 1'Eglife, on ne fauroit dire les cruelles perfécutiöns auxquelles ont été expofées les deux Eglifes d"Alet & de Pamiers. Les Evêques & les Chapitres ont été privés de leur temporel; les biens patrimoniaux des Chanoines & des Evêques I. Mémoire, A iij  (O ont été faifis-, & ainfï on les a réduits a Ia derniers pauvreté, & cela avec tant d'inhumanité qu'il n'étoit pas permis a leurs amis de leur donner 1'aiimöne ; on les a rélégués dans des déferrs, on les a emprifonnés, on les a menacés, on les a condamnés au dernier fupplice. Jufques-la que la Cour a fait rendre un Arrêt par le Parlement de Touloufe, qui condamne 1'un des Grands-Vicaires de Pamiers a avoir la tête tranchée par la main du Bourreau. Ce qui a été exécuté fur foneffigic, paree qu'on n'a pu fe faifir de fa perfonne. Tous ceux qui ont eu quelque iiaifon de parente ou d'amitié avec ces deux Evêques, leurs Grands-Vicaires , leurs Chanoines, & leurs Officiers, ont été traités de même; on les a rélégué aux extrêmités du Royaume, ou bien jerés dans des prifons, cü ils fouffrent encore les dernieres indignités & des miferes e'xtrêmes. Le Roi pour avoir un empire fans bornes fur 1'Eglife , après avoir établi fon pouvoir fur les Evêques, l'a voulu étendre fur routes les maifons Religieufes. On fait qu'il y en avoit beaucoup qui coniervoient encore le privilége qui étoit autretois eommim a toutes les Sociétes d'hommes & de fernines, c'étoit celui de s'élire des Supérieurs & des Supérieures. II faut a préfent que tous les Supérieurs & les Supérieures deS maifons Religieufes foient mis des mains de la Cour, afin qu'ayant fes créatures par-tout, elle domine par-rout. Et comme elle fe donne le pouvoir de mettre des Supérieurs par-tout, elle les révoque & les change quand bon lui femble, afin que l'efclavage foit au fouverain degré, & qu'il ne foit plus permis a perfonne de faire fondevoir envers Dieu qu'autant qu'il plaira au Roi. C'eft en conféquence de cette réfoiution qu'on a perfécuté les filles de Sainte Claire appelées Utbanijlts, la maifon de Charonne, & 1'ordre de Clugni. Dans toutes ces maifons on a introduit avec la der-  CV 5 nïere violence des Supérieurs & des Supérieures de la nomination du Roi. On a brifé les portes, on a violé les afyles les plus facrés, on a enlevé par force les Religieufes, on les a réléguées, on les a emprifonnées, il n'eft point de maux qu'on ne leur ait fait fouffrir. L'abbaye de Clugni, qui eit un chef d'Ordre, avoit toujours confervé le privilége de s'élire des Abbés; mais on a jugé a propos de n'avoir aucun égard a un privilége aufti ancien que 1'Ordre même. Ön a cafle l'éieóhon que les Religieux avoient faite d'un Abbé régulier & d'autorité > on a donné 1'Abbaye au Cardinal de Bouillon, afin que la Cour eik la un efclave qui fut le tyran de 1'Ordre, & qui en répondït a la Cour. Si les choles ont tourné autrement, & fi le Cardinal de Bouillon ne s'eft pas trouvé ami du Gouvernement préfent, la violence n'en eft pas moins grande. Paree que dans lesbénéfices il y a du temporel, les Princes ont au moins quelque prétexte de vouloir être maïtres de la collation ; mais le Roi, fans aucune ombre de prétexte, s'eft rendu maïtre abfolu de ce qu'il y a de plus fpirituel dans 1'Eglife. A préfent la foi de 1'Eglife dépend de 1'autorité du Prince. II fait faire fous fes yeux & dans fa Capitale des affemblées tumultueufes, compofées de fes créatures & des Evêques de Cour; la il fait décider de pleine autorité les matieres les plus importantes & les plus délicates, il foumet le Pape au Concile, il lui óte le pouvoir d'excommunier les Rois, il déclare qu'il eft fujet a erreur. II appuie ces décifïons téméraires de fes déclarations royales-, & fi quelqu'un ofe dire qu'il ne foumet pas fon jugement a ces décifions, il eft 1'objet de la plus cruelle perfécution qu'on puiffe imaginer; ildoit s'attendre a la prifon , a 1'exil, & même a la mort. Ön a toujours regardé 1'autorité d'établir de nou» 7. Mémoire, A iv  ( * ) veauxOrdres, & de ruiner ceux qui font éfablis , comme un droit attaché au S. Siege. Mais le Roi s'eft mis en pofleffion de ce droit. Tout le monde fait comment les filies de VEnfance s eroient établies a Touloufe fous la direction de Madame Mondonville , & par la permiffion du Pape. Paree tjue les Diredeurs de cette maifon étoient foupconnés d'être ce qu'on veut appeler Janfenijïes, on a ruiné les maifons de eet Ordre; on a cnlevé 3'Abbefïe, & on 1'a enfermée dans la maifon des Hofpitalieres ■• pres de deux cents filies de VEnfance ont été chailées de leurs mailons, arrachées de ieurs fanduaires par les foldats & par les archers, Sc réduites aux dernieres extrêmités, Si quelque chofe eft du reflort de 1'Eglife, il eft indubitabie que ce fonr les verfions de 1'Ecriture fainte. La parole de Dieu eft le lait de cette mere par leqtiel elle nourrit feS erifons: c'eft a elle a le difpefifer felon fa lagefie & felon les néceffités, Cepeudant ia Cour de France s'eft mife en poileffion de rêgler nos ledures & nos dévotions particulieres. Paree que la verfion de Mons vient de perfonnes qui ne font pas amies de la Cour, quoiqu'elles foient trés catholiques, il faut que cette verfion foit empoifonnée; que la doctrine du Ciel foit deveime dangereufe; par autorité du Roi on en défend la publication & la ledure fous les dernieres peines, II en eft ainfi de tous les autres livres de piété & de religion. II fuffit qu'ils aient été compofés par des docleurs que la Cour hait, ils deViennent méchans, on leur déf end 1'entrée du RoyaaBie, les Intendants qui les laifient entrer lont difgraciés , & les Eccléfiaftiques qui les recoivent font condamnés a des prifons perpétuelles, 'oü la perte de la liberté eft ie moindre mal qu'on leur fait fouffrir, Quand il plaïc au Roi de fe brouiiler a,vec 1§  H 7 Pape & d'appeler de fes procédures les plus juftes, il faut que 1'Eglife Galiicane adhere a cette révolte. On y oblige tous les Evêques, les Chapitres,les Univerfirés , les maifons Religieufes tarit d'hommes que de femmes: on leur envoie des ordres de fe confbrmer aux volontés du Roi & de les figner. S'ils y manquent, on leur prépare tous les plus rudes chatimens. Neft-ce pas la la derniere violence? & oü eft la liberté de 1'Eglife, & des fuffrages ï Mais qu'eft ce que cela en comparaifon de ce qu'on a obÜgé 1'Eglife de faire dans la perfécution qu'on a excitée contre les Calviniftes ? Je ne dis lien de cette perfécution en elle-même ; le Roi verra bientöt ce qu'il a gagné par cette conduite. II en coute déja la couronne au Roi d' Angleterre. C'eft cela qui a attiré fur la France la plus horrible tempête qui fe foit jamais formée. L'Eglife eft fans doute intéreflee dans ces troubles, non-feulement comme membre de 1'Etat, mais paree qu'en fon particulier elle court rifque de fouffrir beaucoup. Laiffant pourtanr. cela z part, quel fujet n'a-t-ellé pas de fe plaindre de la violence qu'on lui a faire? On la contrainta recevoirceux qu'elle doirregarder comme des chiens & des pourceaux dans la bergerie du Seigneur; on la force de profaner fes plus facrés myfreres, en les expofant z la vue des üicrédules: on 1'oblige , ce qui fait horreur a dire & a penfer, a expofér le précieux corps de fon Sauveurau plus grand de tous les ourrages. On contrahit 1'Eglife de donner la communion a des gens qui font profefllon d'abominer nos myfteres. Qui eft-ce qui fait cela? c'eft lc Roi ; le Roi le veut, les ordres en font donnés aux Evêques, & par-tout oü ils ne s'exécutent pas, les Eccléfiaftiques font dans la difgrace de la Cour. Les Calviniftes ont jufte fujet de fe plaindre de ces violences. Mais 1'Eglife Galiicane en a encore bien davantage de fujet. Les Calyinif.es communient /. Mémoire.  (19 > malgré eux a des efpeces qu'ils ne confidérent que comme du pain & du vin , & ainfi ils ne profanent que des fymboles. Mais 1'Eglife eft obligée de profaner la chair & le fang de fon Sauveur, & de les faire manger par des profanes. C'eft affurément la derniere violence & une fouveraine impiété. Eft-ce une affaire qui foit du relfort'd'un Prince temporel? Le Pape ne devoit-il pas être confulté fur la maniere de la converfion des Calviniftes ? ne devoit-on pas favoir de lui fi, felon les Canons, il eft permis de forcer des Hérétiques a aflïfter a la célébration de la Meffe; ne devoit-on pas favoir de lui pareillement s'il feroit a propos de forcer a la Communion des gens non perfuadés> Au lieu de cela , le Roi de fon autorité décide les cas de confcience les* plus délicats, fans confulter qu'un Confefleur 6c quelques Evêques de Cour, & contraint toute 1'Eglife Galiicane a fe foumettre a fes décifions. Si ce n'eft pas la opprimer 1'Eglife, je n'y entends rien : & après cela on trouve mauvais que le Pape ne faffe pas retentir fón Palais d'Alleluia, 8c qu'il regarde avec aflez d'indifTérence des converfions faites fans fon autorité & contre les loix de 1'Eglife. Enfin pour être perfuadé de 1'oppreuion que fouffre 1'Eglife Galiicane, il n'y a qua jeter les yeux defïlis. On verra que les, prifons font pleines de Prêrres •, que plufieurs d'entr'eux fouffrent dans les prifons des miferes extrêmes; que plufieurs y font morrs de faim, de froid & de toutes fortes de calamités. II faut regarder le trifte état, & la fituatiora abjecte, oüfonttouslesbasEccléfiaftiques. Le Roileve des tailles fous le nomde donsgratutisfur leClergé, qui raffechcnt Sc qui le rendent miférable. II eft vrai que les Evêques, & tous ceux qui tiennent les grands bénefices, trouvent des moyens de fe tirer de deffous ce fardeau, mais il n'en devient que plus pefant au bas-Clergé. Les Curés portent le faix ; on au*  gmente les décimes. Et tel n'a pas Ie quart de ca qui lui conviendroit pour fe foutenir en état de faire honneur a 1'Eglife, qui doit payer une grande partie de fon petit bénéfice pour le Roi. Ce qui fait que lesCurés font pauvres, & miférables, & méprifés. Autrefois tout étoit facré dans 1'Eglife, & biens & perfonnes ; on n'oloit toucher a rien de cc qui lui appartenoit, fans encourir l'excommunication. II y avoit fans doute beaucoup d'excès dans ces Immunités étendues trop loin. Mais aujourd'hui on a poulTé les affaires dans une autre extrêmité. II n'y a plus de caraótere, ni d'afyle inviolable. La tyrannie fubjugue tout. Les Pariemens font la plus augufte partie de 1'Etat, ce font naturellement les Temples de la juftice, lesafylesde 1'innocence perfécutée, & les protedteurs de la liberté publique. Nous verrons dans la fuite quels étoient autrefois leurs priviléges. Aujourd'hui ce font des compagnies fans autorité &C quafi fans honneur, a caufe des bafieffes & des injuftices qu'on les oblige de faire pour plaire a la Cour. Non-feulement tous les jours le Roi caffe les arrêts des Cours {ouveraines; mais il violente leurs avis. Aujourd'hui il ne faut plus ni Code , ni Digefte, ni Coutume, les lettres-de-cachet font tout le droit Francois : quelque injufte que foit une procédure, il fuffit qu'elle plaife a la Cour pour être autorifée. Le Parlement de Paris étoit autrefois un rempart contre la tyrannie; aujourd'hui ileneftle premier inftrument. 11 faut qu'ii vérifie tous les. Edits les plus cruels & les plus oppofés au bien de 1'Etat, a la liberté 8c au repos des peuples. S'ii ofoit fe fervir du droit qu'il a de s'oppofer aux Edits & déclarations injuftes, il feroit affuré d'être interdit le lendemain, &c fes membres enfoncés dans /. Mémoire.  'f «J des cachors. Les Tribunaux inférieurs font tombés dans le uême efclavage : les Inrendans de provinces leur ótent toute leur jurifdi&ion. Ils attirent devanteux toute la Juftice j & quand il faut condamner un innocent, 1'Intendant obtient une commidïon de la Cour. II ramalle de plufieurs préfidiaux les gens les plus dévoués a la Cour, & prononce fuivant les ordres qu'il a recus d'en-haut. Ainfi on fe mocque proprement de Dieu & de la Juftice. On fait des informations , on fait opiner des Juges fur une affaire déja jugée, 8c des proces qui font venus tout faits de Verfailles. On rend les charges vénales, on rire argent de tout: & par ce moyen la Juftice elle-même fe vend, le peuple eft confumé par des procédures fans fin, & c'eft ainfi que ,tout périt. T iA NoblelTe devroit être Ia force & 1'ornefnent de 1'Etat, il eft certain qu'autrefois elle partageoit prefque la Souveraineté avec les Rois, comme nous ïe verrons dans la fuite. Audi étoit-ellè alors la terreur de toute 1'Europe, &c formoit le plus illuftre corps qui fut au monde. Aujourd'hui elle eft dans un abattement qui la rend Ie mépris de toute la terre. Elle eft réduite a un petit nombre; ce qui refte eft gueux & miférabie.#La folie dépendance que les Rois n'ont pas pris foin deréglcr comme ils devoient, peut être caufe en partie de ce défordre. Mais 1'oppreffion & la tyrannie du Gouvernement en font bien davantage Ia caufe. Cette NoblelTe avoit aurrefois de grands priviléges , aujourd'hui elle eft réduite a l'extrêmité comme le refte de 1'Etat, 8£ les priviléges des Nobles ne font plus que des ombres & des toiles d'araignées qui ne les mettent a 1'abri de rien. Leurs Fermiers & leurs terres payent au Roi des impots fi excsfïifs, que tout le revenu  t « i du fonds eft conlumé. Sous prétexte de remédiet a quelques défordres qui méritoient fans doute qu'on ?eüt égard, on a envoyé des Intendans dans les rovinces ,qui exercentfur la NoblelTe un empire infupportable,& qui la réduifent en efclavage. Aujourd'hui il faut qu'un Gentiihomme ait droit & demi, pour gagner fon procés contre un payfan. Un Sergent de ville fait infulte a fon Seigneur, & eft affuré d'être protégé dans toutes fes violences. Les terres & les fermiers des Gentilshommes, bienv loin d'être protégés, font plus chargés que les autres.^Un Gentiihomme ne fauroit plus faire valoir qu une terre entre fes mains : on peut dire que les autres font pour le Roi. Mais hélas! il y a fort peu de Gentilshommes qui fe trouvent dans eet ernbarras par la pluralité de terres. A peine en ont-ils une fur quoi demeurer. Toute 1 ancienne Noblefla de France eft réduite a la mendicité. A la place des anciens Nobles, il vient de nouveaux Nobles, qui tirent leur origine de la Cour & des Finances. Cesgens achettent & poflédentles plus belles terres du Royaume, Sc exercentfur les anciens Gentilshommes une efpece d'empire defporique. Quand ils viennent a la campagne pafler quelques mois, toute la NoblelTe du pays rampe devant eux: & tel qui eft d'une maifon ou 1'on n'auroit pas voulu autrefois avoir un domeftique d'aufli balie naiilance que le nouveau Seigneur, fe trouve tout heureux de pouvoir trouver place a fa table pour profiter de quelques repas. C'eft ce qui a abatardi la Nobieue de France , autrefois fi célebre pour fon courage Sc pour fa bravoure : la pauvreté 1'abailTe. Les nouveaux Nobles n'ont point tiré de leurs ancêtres le fang qui-feit le courage , Sc les anciens'Nobles lont pexdu par 1'habitude d'efclavage, par la mifere & par la baflefle, oüleur état préfent les engagc. D'ailleurs elle eft fi dimirjuée, que dans des can-t 1. Mémoire.  r 14 j ïons oü 1'on tröuvoit cent maifons 'de gentilsKomJ mes qui faifoient figure, on n'y en trouveroit pas aujourd hui dix. Le refte eft comme abimé en terre. On acheve d'altérer les maifons qui fublïftent encore par les moyens qui ont ruiné les autres On ne kille pas de trouver cette miférable Woblelie quand il faut aller a 1'arriere-ban , qui eft un des moyens dont on fe lert pour 1'accabler. II faut que les gentilshommes trouvent ce qu'ils n'ont pas. ^ fl y a des provinces oü1'on ne trouveroit pas entre la nobielfe cent piftoles. II faut pourtant s'équiper darmes, de chevaux, & de valets pour marcher a 1'arriêre-ban. Vous pouvez juger comment une telle troupe peut être équipée, & quels exploits on «n doit attendre. Paree que la NoblelTe Francoife dans la minorité du Roiavoit fait paroïtre quelques bonnes intentions pour le bien public & pour la liberté , on fe promit bien de 1'abaifler. II ne fe faut point flatter, il n'y a que Ie changement de gouvernement qui puifTe faire changer les gentilshommes de condition , & faire remonter 1'ancienne Nobielfe h ce point de gloire oü elle étoit autrefois. J L n'y a point de royaume oü il y ait autant de grandes & belles villes qu'en France : & c'eft ce qui iailoit ia force. Les villes autrefois fe confervöient un peu, a caufe qu'elles étoient le refuge & la retraite de ceux qui vouioient le fouftraire aux charges examVes des impots. La plupart de ces villes avoient de beaux priviléges, & fur-tout elles jouiffoient d exempnon de tailles. C'eft pourauoi auflltot qu'un bon payfan ou un habitant dune petite ville avoit acquis quelque bien par Ion induftrie, ij le réfugioit dans une ville franche pour.y conferver ce qu'il avoit acquis. Aujourd'hui il n'y a plus da.  fyle contre la tyrannie. Les franchifes des villes* aufli bien que les priviléges des autres corps de 1'Etat, ne font que des ombres & des noms. Ce (ont toujours des villes franches, on n'y paye pas de taille; mais on a trouvé mille moyens de les accabler & de les ruiner. Les grandes villes avoient des revenus, elles avoient en main le fonds de plufieurs particuliers, dont elles ne manquoient pas de crédit ; & quand elles ont été obligées a des dépenfes extraordinaires, elles n'ont eu aucune peine a trouver de 1'argent, paree que les maifons de ville payoient très-bien leurs rentes, par le moyen des deniers d'oótroi dont elles jouiflbient, & par le pouvoir qu'elles avoient d'impofer fur leurs bourgeois de médiocres taxes pour 1'entretien du public. Le Roi s'eft faifi de tous les deniers d'octroi, il a pris tous les revenus des maifons de Villes: les particuliers ne font point payés, on leur retranche tous les ans quelque chole, & enfin le' tout fe réduit a iien. On nefauroit compter combien de parriculiers font demeurés ruinés & incommodés par ce moyen. Les villes ont entiérement perdu leur crédit. Elles périroient, qu'elles ne pourroient trouver a emprunter la plus petite fomme ; paree qu'on regarderoit comme perdu tout ce qu'on leur prêteroit. Les villes nepayent point de taille, mais on leur demande des fubfiftances, des quartiers d'hiver, des dons gratuits; on leve les aifés, on met des impots fur les vins, fur les bleds, fur Ja marqué de 1'argent, fur celle de 1'étain, fur le tabac, fur le papier, fur les exploits, fur le fel, fur les bêtes; & tout cela va bien plus loin que les tailles. Le commerce eft ce qui fait la richeffe des Villes &c d'un Etar. Le préfent gouvernement s'eft fait une grande affaire & un grand honneur d'améliorer le commerce de France. Feu M. Colbert avoit pris pour cela de grands foins. C'eft dans cette vue/. Mémoire,  ijuil a fait établir une Cmpagnie des Indes Öriéritales; qu'il a levé des manufaótures de draps, de bouracans, de camelots, Sc d'autres étoftes étran^ geres; afin que 1'on put trouver en France tout ce dont on auroit befoin, Sc que notre argent ne pafiat pas aux étrangers. Mais la mifere n'ell point diminuée pour cela, &le commerce , au lieu d'augmenrer, eft anéanti , paree que le commerce ne fubllfte que par 1'argent qui roule. Or le Roi, par les droits épouvantables Sc exceflifs qu'il a levés fur toutes les marchandifes, a attiré a lui tout Fatgent , Sc le commerce eft demeuré a fee. R n'y a point de rigueurs & de cruautés qui n'aient été exercées par les Fermiers des Douanes fur les niarchands-, mille friponneries pour trouver lieu de faire des confifcations ; des marchandifes injuftement arrêtées fe perdent Sc fe confument. Outre cela certains marehands, par la faveur de la Cour, mettent le commerce' en monopole, Sc fe font donner des priviléges pour en exclure tous les autres, ce qui ruine une infinité de gens. Et enfin bien loin que la défenfe des marchandifes étrangeres ait bien tourné pour ie commerce, au conrraire c'eft ce qui lp ruine. On ne penfe pas que 1'ame du commerce c'eft 1'argent, Sc que la vie de 1'argent eft dans le mouvement. Le commerce ne s'entretient que par le mouvement qui fe fait de 1'argent d'un pays a 1'autre. Nous envoyons aux étrangers nos bleds, nos vins, nos manufaótures ; ils nous envoient leurs poitfons falés, leurs épiceries Sc leurs étoftes, Sc 1'argent roule par ce moyen. Nous avons appris aux étrangers un fecret dont ils fe font fervis. pour nous ruiner. Nous avons voulu nous pafler des étofTes de laine; ils ont trouvé moyen d'établir des manufactures de foie, Sc d'imiter nos étofïes , ce qui eft caufe que ce commerce eft entiérement miné, Sc que de fept ou huit mille métiers qui tra- vailloient  { ij ) vailloient a Tours, il n'en refte pas aujourd'hui huït ou neufcents. Et tout cela par le pouvoir defpotique Sc fouverain, qui fe piqué de faire tout a ia fantailie, de donner a tout un nouveau train, Sc de réformer toutes chofes par un pouvoir abfolu. La perfécution des huguenots, autre effet de cette puiffance tyrannique , a mis la derniere main a la ruine du commerce. Paree que ces gens étoient exclus des charges, ils s'étoient entiérement jetés dans le commerce de bleds, de vins, de manufactures; la perfécution qu'on a exercée contr'eux, les a obli-« gés de fe retirer: Sc comme ce qu'il y avoit dargent étoit entre les mains des marchands huguenots, ils ont eu beaucoup plus de facilité, a fe retirer que les les autres. Et en fe retirant ils ont tiré du Royaume des fommes immenfes qui ont tari la fource du commerce. Ceux qui font demeurés ont fermé leur bourfe, ils ne trafiquent plus, ils penfent a faire leurs affaires peu a peu pour préparer leur retraite. C'eft ainfi que les villes font tombées dans la mifere par la tyrannie du Gouvernement, cftmme Ie refte du Royaume. J. Mémoire*  II. MÉMOIRE. Du i$ Septembre i6"p8. X>£ Voppreffion des peuples, des impots exccffifs , SC du mauva 'is emploi des finances. .A.PRÈS 1'oppremon de 1'Eglife , de la NoblelTe , des Pariemens, Sc des Villes, il faut voir 1'oppreffion du peuple. II eft bon d'apprendre premiérement que dans le Gouvernement préfent tout eft peuple. On ne fait plus ce que c'eft que qualifé, diftindion , mérite , & nailTance. L'autoriré Royale eft monrée fi haut, que toutes les diftinctions difparoilTent, toutes les lumieres font abforbées. Car dans 1'élévation oü s'eft porté le Monarque, tous les humains ne font que la pouffiere de fes pieds. Ainfi lous le nom de peuple on a répandu 1'oppreflion & la mifere jufques lur les parties les plus nobles & les plus relevées de 1'Etat. Cette oppreffion de peuples fe fait premiérement par le prodigieux nombre d'impöts, Sc par les levées exceffives de deniers qui fe font par toute la France. C'eft une fcience aujourd'hui en France que celle des impots Sc des finances, & il y faut être habile pour en parler pêftinemment. Mais il fuffit que nous en difions ce que nous en fentons tous , Sc ce que le peuple en fait, 11 y a taille perfonnelle,  (I?) taille réelle. 11 y a impöt fur le fel, fur les vïns , lur les marchandifes, fur les rentes. Ce fiecle malheureux a produit un volume de noms dont la plupart étoient inconnus a nos ancêtres : ou fi quelques-uns de ces noms étoient connus, ils n'éroient pas odieux, a. caufe de la modération avec laquelle- on impofoit 8c on levoit les tributs. Aujourd'hui mille canaux font ouverts, par lefquels on tire le fang du peuple 8c des fujets, pour le faire couler dans 1'abïme d'e la cupidité infatiable èc de 1'ambition démélurée du Prince. Cela s'appelle taille, gabelle, aides , domaines , douane, taillon , fubfiftance, quartier d'hiver , garnilons , marqués de 1'argent 8c de 1'étain, papier timbré, franc fcellé, impöt fur le tabac, controle des exploits, grtffe des affirmations , aifés, francfiefs, recherches par les Cours de juftice, droits fur les bois , entretiens des Turfies 8c levées, droits des eaux 8c forêts, ban & arriere-ban , dont on ne fe rachete qu'en payant, parties cafuelles ; ventes de charges de juftice, police 8c finance, création de nouvelles rentes, création de nouveaux offices, polette , finances pour la confervation des charges, taxes fur ceux qui ont manié les affaires du Roi, 8c une infinité d'autres qui ne nous viennent pas dans la mémoire, ou que nous ne favons peutctre pas, paree que cela n'eft gueres connu que par ceux qui y font intéreffés. Et il n'eft d'auc uii ufage pour mon but de vous faire connoïtre le détail de ces impots, pour vous en faire fentir 1'injuftice 8c le poids. II fuffira pour la fin que nous nous propofons de vous faire connoïtre 1'horrible opprellion de ces impots. i. Par les fommes immenfes que 1'on tire. i. Par les violences 8c les exces qui fe commettent pour les lever. 3. Par le mauvais ufage que 1'on en fait. 4. Et enfin par la mifere oü font raduits les peuples. II. Mémoire. B ij  («) Premiérement, chers & malheureux compatriotes, vous devez ('avoir que lés impots qui fe tirenc fur vous, font une fomme peut-être plus grande que ce que tous les Princes de 1'Europe enfemble tirent de leurs Etats. Une chofe eft conftante , c'ell que la France paye deux cents millions d'impots, dont a-peu-près les trois quarts vónt dans les coff'res du Roi , öc le refte va pour les frais de la recette, pour ie.s Fermiers, pour les Officiers, pour les Gardes, pour les Receveurs, pour les gains des Financiers , & pour batir de nouvelles fortunes qui fe font prefqu'en un jour. Pour la levée du feul impót du fel, il y a une grande armee d'Officiers öc d'Archers. Or je pofe en fait, & je voudrois prouver fur le péril de ma vie , que tous les Rois d'Efpagne , d'Angleterre , de Suede , de Danemarck , l'Empereur, tous les Princes d'Allemagne & d'Italie, les Républiques de Venife & de Hollande, hors les tcmps de guerre, ne tirent pas de leurs Erats deux cents millions de tributs ordinaires. La chofe eft notoire; & je ne crois pas que perfonne la révoque en doute. Je vous prie, faites attention a ceci, & voyez s'il y eüt jamais prodige de tyrannie qui foit allé jufques-la. II ne faut point dire, c'eft que la France eft aufti grande que le refte de 1'Europe; car elle n'en fait pas la dixieme partie. II ne faut pas dire non plus que c'eft une marqué de fa richeffe. Car la France a fes landes & fes déferts tout comme les autres pays. Elle a de très-bon cantons & trèsfertiles, mais les autres pays en ont auffi. Elle n'a rien qui approche de la fertilité de la Flandres Sz de la Hollande, ou de la Hongrie. Si elle a moins de. terres incultes que 1'Efpagne, elle en a tout autant que 1'Allemagne & 1'ltalie. Ainfï il n'y a point d'autre caufe de ces immenfes revenus de la Couronne-3 .que h violence Sc la tyran*  hïe du Gouvernement. C'en eft Ia une preiiver fenfible, & a laquelle il n'y a rien a répondre. La Cour tire tous les ans du'floyaume, peut-être quatre ou cinq fois plus qu'il n'y a d'argent dans le commerce. Et fi le tréi'or avoit tout-a-la-fois tout ce qui fe tire de 1'Etat, il n'y auroit pas un feul fol dans le refte du Royaume. Ainfi il faut que tout ce qu'il y a d'argent dans la France palfe quatre ou cinq fois, tout au moins, par les mains des Officiers du Roi. Si la tyrannie eft évidente & claire dans les fommes.immenfes qui fe levent fur la France, elle ne 1'eft pas moins dans la maniere de les lever. Les peuples ont établi des Rois pour conferver les perfonnes, la vie , la liberté, & les biens des particuliers. Mais le Gouvernement de Fra.nce eft monré a eet excès de tyrannie, qu'aujourd'hui le Prince regarde tout comme lui appartenant en propre. II impofe des tributs & tels qu'il lui plait fans confulter ni Peuples, ni Grands, ni Etats , ni Pariemens. Je m'en vais vous dire une chofe qui eft certaine , que mille gens favent, quoique Ia plupart de nos Francois 1'ignorent. Sous le miniftere de M. Colbert, il fut mis en délibération , 11 le Roi ne fe mettroic pas en polfeftion a&uelle de tous les fonds & de toutes les terres de France, & fi on ne les réduiroic point tous en Domaine Royal, pour en jouir & les afFermer a qui la Cour jugeroit a propos; fans avoir égard ni a 1'ancienne poileffion, ni a 1'hérédité, ni aux autres droits. Précifément comme les Princes Mahométans de Turquie, de Perfe & du Mogol fe font rendus maïtres en propre de tous les fonds, dont ils donnent la jouiffance a qui bon leur femble, mais feulement a vie. Monfieur Colbert envoya quérir un fameux voyageur (i) qui avoit pafie (i) Bernicr. 11. Mémoire. B iij  (11) plufieurs années dans les Cours de I'Orienr, & Ie" queftionna long-temps fur la maniere dont ces biens s'adminiftroient, Et c'eft ce qui obligea le voyageur a donner au Public une lettre adrefiee a ce Miniftre, dans laquelle il prit a tache de faire voir que cette malheureufe tyrannie eft caufe que les plus beaux pays de 1'Orient font devenus des déferts; perfonne ne ponede plus aucun fonds en propre, c'eft pourquoi perfonne ne penfe ï entretenir les fonds. On en tire autant qu'on peut, & on les épuife, paree qu'on fait qu'on ne les pofiede qua vie. Cela même eft caufe que les hommes fe marient peu, n'ont que des concubines, & fe répandent en mille fales voluptés ftériles; paree qu'ils n'ont point a cceur d'élever des families, auxquelles ils n'ont rien a iaiiTer. Voyez , je vousprie, oü vous enêtes, & quel eft le Gouvernement fous lequel vous vivez. Quand il viendra un Adminiftrateur des Finances qui fera un degré plus hardi que n'éroit Colbert, on vous arrachera en un jour tous vos héritages; vous deviendrez Fermiers, & vous payerez au Prince la rente de.tous vos propres. Le plus fort eft déja fait: déja le Prince s'eft perfuadé qu'il elf en droit de faire cela : les confidérations de confcience font anéanties. II n'a été retenu que par des raifons d'Etat; foyez aflurés que les raifons d'Etat ne font pas des vérités éternelles, & qu'elles changeront quand 1'occafion s'en préfentera. Combien d'cxcès & de violences s'exercent dans la levée des Impots? Le plus petit maltötier eft une perfonne facrée, qui a un pouvoir abfolu fur les Gentilshommes, fur les membres de la Juftice &C fur tout le peuple. Un coup donné eft capable de perdre le plus puifiant des fujets. On enleve des maifons, meubles,bêtail, argent,bleds, vins, & tout ce qui fe trouve. Les prifons font pleines de miférables qui font obligés de répondre des fommes  Lu4 qu'ils ont impofées fur d'autres miférables qui ne fauroient payer ce que fon exige d'eux. Eft-il rieti de plus dur & de plus cruel que 1'impöt du fel? On fait achêter dix ou douze fois la livre une chofe que la nature, le foleil, 6V la mer, nous dónnent pour rien , & qu'on pourroit avoir pour deux liards. Sous prétexte d'exercer les droits du Sel , le Royaume eft couvert d'une grande armée de fcélérats , qu'on appelle archers de la' gabelle , qui vont dans les maifons, percent avec autorité dans les lieux les plus fecrets, & ne manquent pas dê trouver du faux Sel, oü ils croyent qu'on peut trouver de 1'argent. On condamne des milérables a des fommes immenfes, on les fait pourrir en prifon, on ruine des families. On impofe le Sel en la plupart des lieux, & on en donne a chaque familie , plus trois fois qu'elle n'en peut conlumer. Dans les pays du voifinage de la mer, on ne veut pas que le pauvre payfan emporte de 1'eau de la mer; on calTe les cruches, on bat les gens, on les emprifonne : en un mot, il n'y a pas de violences qui ne fe commettentpar-la,aufu bien que par lalevée des autres Impöts, qui fe fait avec des fraïs horribles, des faifies de fruits, des emprifounemens, des plaidoyers devant Les Elus & la Cour des Aides: frais qui vont au-dela du princïpal. On met dans la main des canailles un moyen de fe venger de leurs ennemis &C de mortifier les honnêtes-gens. Un collecteur impofe un homme a la taille deux ou trois fois au dela de fon revenu. Comment fe pourvoir? II faut payer par provifion les trois ou quatre cents écus a quoi eft taxé un homme qui n'en polféde pas la moitié de revenu : après on peut fe pourvoir ?> c'eft-a-dire, monter de barreau en barreau jufqu'a une Cour Souveraine, plaider trois ou quatre ans, confumer en frais de Juftice trois fois autant que ne vaut le principal, & au bout de tout cela ne rien retirer ^ /ƒ. Mémoire. B- 'w  . . . I 24 1 car ceux qui manient les affaires du Roi §è qui exercent fes droits ont toujours raifon. La France eft un des pays du monde le plus abondant en vins, & c'eft ce qui faifoit autrefois fa richeffe. Mais c'eft ce qui fait aujourd'hui fa pauvreté. Les Impöts fur les vins, (tant les vins qui fe tranfportent que ceux qui demeurent) font fi grands, qu'ils abforbenc prelque tout, & le propriétaire n'a rien. Voila comment route la France eft réduite a la derniere pauvreté. Dans les regnes précédens, c'efta-dire , depuis le Miniftere du Cardinal de RicheIieu, & fous celui du Cardinal Mazarin, la France etoit déja chargée de grands Impots. Mais la maniere dont on les levoit, quoiqu'elle ne fut pas tropjufte, épuifoit cependant beaucoup moins le Royaume, que lamaniere dont on les leve aujourd'hui. En ce temps-la, crédit & proteclion avoient lieu. Le Gentiihomme qui avoit du crédit, protégeoit fa parohTe, & fur-tout fes fermiers, &c faifoit diminuer leurs tailles. Le Grand-Seigneur garantilfok fes vaffaux de 1 oppreffion ; le Juge & le Magiftrat avoit fes gens qu'il maintenoir. II y avoic peu de perfonnes riches qui ne fe fiffent des amis pour fe garantir de 1 oppreffion. Ainfi tout le fardeau tomboit fur les gens fans proteclion & fans amis, qui a la vérité étoient tout-a-fait miférables. Mais au moins il reftoit dans le Royaume un grand nombre de gens qui étoient a leur aife, & qui faifoient honneur a 1'Etat. Le Gouvernement d'aujourd'hui a fuccédé a celui-la. M. Colbert a fait un projet de réformation de finances-, & l a fait exécuter a toute rigueur. Mais en quoi confifte cette réformation; Ce n'eft pas a diminuer les impöts pour le foulagement du peuple. »-eft a les augmenter de beaucoup, en les ié~ pandant fur tous ceux qui s'en mettoient autrefois a couvert par leur crédit & par celui de leurs  i n} amis. Le Gentiihomme n'a plus le crédit pour obtenir la diminution de taille a fa paroifle, fes Fermiers payent comme les autres & plus. Les Officiers de Juftice, les Seigneurs, & autres gens de caractere, n'ont plus aujourd'hui de crédit au préjudice des deniers du Roi. Tout paye. Voila un grand air de Juftice. Mais qu'eft-ce que cetre belle Juftice a produit 2 Elle a miné tout le monde. Les miférables que les impöts avoient jeté par terre dans les années précédenres ont été déchargés , mais cette décharge ne peut rien contribuer a les relever. Ils n'ont plus rien, de rien on ne fait rien. Et de plus, les charges qu'on leur a laiflées , quoiqu'un peu moindres, font plus que fuffifantes pour les empêcher de fe relever. Cependant ceux qui avoient de la protection, n'en ayant plus, ils portent le fardeau a leur tour. Et par cette voie tout eft ruiné fans exception. Voila a quoi revient cette grande habileté dans les finances, qu'on a tant vanté dans feu M. Colbert. II a augmenté les revenus du Roi de plus de la moitié. Premiérement il a augmenté les impöts. Secqndement il en a affigné la levée fur tout ce qu'il y a de gens aifés dans le Royaume. C'eft a-peu-près la même méthode par laquelle il a fait rendre aux gens d'afFaires tout ce qu'ils avoient pris dans le miniftere précédent: on a érigé des Cours de Juftice, dans lefquelles on a fait venir a compte le Surintendant Foucquet, tous les Intendans des finances, Tréforiers de 1'épargne, Traitans, Fermiers, Receveurs, jufqu'a de petits Commis. On leur a fait rendre tout ce qu'ils avoient pris , & tout ce qu'ils n'avoient pas pris avec des violences & des injuftices inouies. La feule Juftice qu'il y a eudans cette pourfuite , c'eft que ces Meffïeurs, qui avoient fait de grandes injuftices aux particuliers, ont pa He par les mêmes II. Mémoire.  (i* J injuftices fous 1'autorité du Roi Sc du Gouverne-* ment. C'eft ainfi qu'on exige & qu'on leve les impots , fi cela n'eft la derniere tyrannie, j'avoue que je n'y entends rien. Aprês cela, fi nous confidérons 1'ufage que 1'on. fait de ces fommes immenfes qu'on leve avec tanc d'excès Sc tant d'exactions, on y verra aulïï tous les caracteres de i'oppreflïon Sc de la tyrannie. R arrivé quelquefois que les Princes & les Souverains font des levées qui parohTent exceffives, & qui en eflet incommodent extrêmement les particuliers. Mais c'eft quand ils y font forcés, par ce qu'on appelle les beloins Sc les néceÜités de 1'Etat: en France ce n'eft rien de femblable. II n'y a ni Befoin ni Etat : point d'Etat. Autrefois 1'Etat entroit par-tout; on ne parloit que des intéréts de YEtat; que des befoins de 1'Etat, que de la confervation de 1'Etat, que du fervice de ['Etat. Aujourd'hui parler ainfi , feroit au pied de la lettre un crime de Léze Majefté. Le Roi a pris la place de 1'Etat. ^ C'eft le fervice du Roi, c'eft 1'intérêt du Roi. C'eft la confervation des provinces Sc des biens du Roi. Enfin le Roi eft tout, Sc 1'Etat n'eft plus rien. Et ce ne font pas feulemerit des paroles Sc des termes , ce font cfe réalités. On ne connoïc plus a la Cour de France d'autre intérêt que fin-, térêt perfonnel du Roi, c'eft-a-dire, la grandeur & fa gloire. C'eft 1'idole a laquelle on facrifie les Princes, les Grands, les petits, les maifons, les provinces, les villes, les finances, & généralement tout.^ Ce n'eft donc pas pour le bien de 1'Etat que fe font ces horribles exa&ions; car cYEtat il n'y en a plus. Ce n'eft pas non plus les befoins. Car jamais la France n'en a eu moins, excepté depuis quelques mois. Depuis trente ans, elle n'a eu d'ennemis, que ceux qu'elle s'eft faits de gaieté de cceur. Elle pouvoit vivre dans une parfake tran-  lil) quilité. Toutes les puiflances de 1'Europe qui luf pouvoient faire de 1'ombrage, étoient abaifiees. Les Trönes étoient ponedés, ou par des Princes* enfans, ou par des Souverains d'une capacité médiocre , & dun humeur tranquille, exempte d'ambition.Les traités de Munfter &c desPyrénées avoient étendu fes fronrieres, & mis a couvert les anciennes provinces, par les nouveaux pays qu'on lui avoit cédés. Jamais la France ne vit un temps fi favorable, & fi propre a vivre heureufe, & a devenir riche & puilfante. Et au contraire jamais fa milere & fon efclavage ne font montés a un fi haut point. Ce n'eft dont point a la défendre, & a repoulïèr les invafions de 1'ennemi, que fon argent a été employé. Cet argent eft uniquement employé a nourrïr & a fervir le plus grand amour-propre &c le plus vafte orgueil qui fut jamais. C'eft un abïme fi vafte, qu'il auroit englouti non-feulement le bien de tout le Royaume, mais celui de tous les autres Etats, s'i! avoit pu s'en failïr, comme il a efTayé de faire. Le Roi s'eft fait donner plus de faux encens que les demi-dieux des Païens n'en ont eu de véritable. Jamais on ne poufTa la flatterie a ce poinr. Jamais homme n'a aiméles louanges 8i la vafte gloire au point que ce Prince 1'a recherchée. Unourritdans fa Cour & autour de lui une foule de flatteurs, qui enchériffent les uns fur les autres. Non-leulement il permet qu'on lui érige des * ftatues,, fur le pied defquelles on grave des blafphêmes a fon honneur, & au bas defquelles on' attaché toutes les Nations du monde enchainées. Mais lui-même fe fait mettre en or, en argent, en bronze, en (i) La Statue de la. Place des Fiftoires , avec cette infcription, Viro Immoitali. II, Mémoire.  r (18 5 èuivre, en marbre, en toile, en rableaux, en peirr'J tures, en arcs de triomphes, en infcriptions. II remplic -.tout Paris, tous fes palais & tout le Royaume de fon nom & defesfairs; comme s'il avoitlaifTemille lieues derrière lui, les Alexandres, les Céfars, &tous les Héros de 1'antiquité. Et le tout, pour avoir enlevé a un Prince mineur & foible trois ou quatre Provinces; pour avoir fu profiter des divifions del'Empire , & du peu d'union & d'intelligence qui eft entre fes membres, pour avoir dépouillé un pauvre Duc; pour avoir acheté plufieurs places importantes; pour avoir défolé la moitié de fon propre Royaume par la perfécution du Calvinifme. Voila aquoife réduit la grandeur de Louis le Grand, ceft a un amour-propre d'une grandeur immenfe, & c eft cette palfion énorme qui dévore tant de richeffes, a laquelle on fait tant de facrifices. On emploie donc les revenues immenfes de la Couronne, premiérement a desbatimens fomptueux pour la gloire du Roi. On ne faura jamais ce qua couté Verfailles. Quand on le fauroit, & qu'on le diroit, la poftérité n'en croiroit rien. II ne coute rien de batir & d'élever des mafTes fuperbes avec des fraix prodigieux , puis les jeter parterre, pour les relever fyr un nouveau plan forti du caprice dun ArchirecTe venu de je ne fai oü. Ses ancêtresn'éroient pas aflez bien logés. Le Louvre, Fontaine-Bleau , b. Germain étoif trop petits pourloger un tel Prince. II faut quelque chofe plus grand & plus magnifique" que tout cela. Afin que la grandeur du Roi parut davantage , il a fallu batir ce magnifique Palais dans un lieu difgracié de la nature, & y amener tous les ornemens donrilétoitprivé,avecdesdépenfesprodigieufes. C'eft un lieu fee & fans eau; & pour y amener des eaux , il faut changer la face de la nature , faire des vallées oü il y avoit des montagnes eleverles eaux jufqu'aux nues, détourner le cours  ( 3 ) des riviéres, faire des étangs & des Iacs dans deS lieux oü il n'y avoit que des landes. Qui pourroic conter les millions dor qui ont été confumés, &c les milliers d'hommes qui font péris, au feul travail de la riviere d'Eure? N'eft-ce pas un grand plaifir pour un Etat qui fent tirer de fes veines jufqua la derniere goutte de fon fang, & arracher fes entrailles de fon fein, de les voir employer a ériger des monumens éternels a la vanité du Prince? Ne fera»ce pas un lolide avantage pour le Royaume , quand on diraquelque jour, c'eft un ouvrage de Louis le Grand ? 11 y a confumé deux ou trois cents millions ; il a forcé la nature ; il a enterré plus de plomb dans les entrailles de la terre, qu'on n'en tire des mines en plufieurs années. II n'a rien épargné pour 1'enrichir de marbres, de dorures , de peintures , des riches meubles, de précieux joyaux qu'on a achetés & fait venir de toutes les parties du monde ? Après cela , qui eft-ce qui pourroit avoir regret a fon argent, a fes meubles, a fes fonds, qu'on s'eft vu arracher par les exaótions ? '■ Un fi grand Prince, fi fuperbement loge, ne peut pas faire une médiocre dépenfe dans une fi grande maifon. C'eft pourquoi il faut confumer la-dedans ■ en tables, en officiers, en maitreffes, en erairis qu'on leur entretient, en fortunes que 1'on fait a leurs parents, en fêtes, en opéra, en cemédies, en Ballets; en ce qu'on appelle des appartemens , en préfens a des femmes & a des favoris, en gardes & en penfions; il faut, dis-je, dépenfer une fois ou deux plus qu'on ne dépenfoit autrefois a 1'entretien des armées & des places frontieres de 1'Etat. N eft-ce pas la bien placer 1'argent du Royaume ? Peut-on douter que le Roi ne foit tout, & que fon amourpropre foit la divinité a laquelle on facrifie tout > _ Voulez-vous favoir unautre articlede dépenfesqui confume des fommes prodigieufes ï Ce font les libéra- //. Mémoire,  ( 30 ) lités tmrhenfesquife font aux favoris, c'eft a faire des créatures Sc de nouveaux Princes dans le monde. Une maifon de Tellier poifede peut-être quatrevingts ou cent millions de fonds; la maifon Colbert en a a-peu-près autant, Sc les autres 4 proportion. II y a tel fujet en France beaucoup plus riche que ne font plufieurs Souverains de 1'Europe, qui y font pourtant une trés-belle figure. Si 1'on avoit égard a 1'Etat, Sc a fes intéréts, on ne pourroit pas plus mal placer des dépenfes. Car les nouveaux Grands qui fortent de Ja poulïïere, Sc qui montent jufques prés du Tröne, ne fervent qua abattre les maifons anciennes, Sc a les anéantir. Ce font les tyrans de 1'Etat Sc fes fangfues. fl feroit beaucoup plus utile que le bien fut répandu dans le public, que d'être ramafle chez un particulier. On peut dire que c'eft un bien perdu pour le Royaume; car de ces grands réfervoirs, oü. le Roi fait couler toute la fübflance de fes fujets, il n'en fort plus rien pour le bien de 1'Etat; puifque ces grandes maifons font exemptes de tous les frais. Enfin iiy a de 1'injuftïce a réd ui re tant de families a la mendicité, pour faire vivre des gens d'une balie & d'une médiocre naiffance. dans une abondance royale, & au milieu de mille fuperfluirés. Mais n'importe; cela fait, & cela prouve la grandeur du Prince. Ce font des cfolofïes qui montrent la vafte imagination & la grande capacité de 1'ouvrier. On montrera quelque jour ces fuperbes maifons de nouvelle éreóh'on, & on dira, voila. les ouvrages de Louis le Grand; jugez combien étoit grand celui qui les a faits. Si ce n'eft qu'une maligne étoile ne feleve avec le fuccefTeur, qui verfe fur ces rêtes nouvellement élevées des influences toutes femblables a celles qui ont défolé les Fouquets & fes pareils, ce que chaque particulier efpere pour fa confolation Sc pour fa vengeance. Yenons enfin aux dépenfes qui paroiffent les  ( 3* ) mleux placées. Le Roi dépenfe innniment en penfïons. A pdne y a-t-il un Prince dans 1'Europe, auquel il ne fe foit rendu tributaire. Oü il ne peut gagner le Prince lui-même par argent, il gagne des favoris, des Miniftres, & fouvent la PrincefTe qui dort dans le fein du Souverain; on leur paye de grofles penfions; on leur fait des riches prélens, & par ce moyen on regne par-tout. Le Roi dépenfe infiniment en armées & en troupes. R entrerient au milieu de la paix plus de troupes que les plus belliqueux de fes ancêtres n'en ont entretenu dans les plus cruelles guerres. R fait des guerres a (es voifins qui lui reviennent toujours a profit. Dans les guerres il traïne après lui des armées prodigieules, mais aufll il a augmenté le Royaume de cinq grandes provinces, 1'Alface , la Franche-Comté, la Lonaine, le Luxembourg, Si laFlandres, qui font un Royaume &C rendent la France la terreur de toute 1'Europe. Peut-on faire des dépenfes mieux employées, Sc doit-on avoir regret a ce qu'on a perdu, puifque le public y gagne tant ? En effet, c'eft une dépenfe bien faite en fuppofant le principe fur lequel on batit aujourd'hui a la Cour, que ie Prince ejl toutt que le peuple nejl rien, & que tout doit tendre uniquement a la grandeur du Roi; certainement tout celalerta compofer le fumomdeGrand qu'on ajoute aunom de Louis. Maisfi au lieu de cefaux principe, nous fuppofons levéritable principe, qui eft, que le bien de 1'Etat & du public doit être la louveraine loi, il le trouveroit que ce qu'on appelle la gloirede laFrance, eft le plus grand de tous fes maux. Paree que ces conquêtes (dont on fe fait tant d'honneur) font injuftes odieufes & onéreufes a 1'Etat. EllesJont injuftes : notre argent & nos forces ont fervi a enlever trois provinces a un Roi pupille, fous je ne fais que! titre, & en vertu de certain droit des enfans des premiers mariages, qui n'a vigueur qu'en quelques .// Mémoire,  (3*) lieux du Brabant, qui ne regarde que les partloiliers , & auquel même on avoit renonce en époufant ia fille d'Efpagne, par un acte aufli expres Sc auiïi folemnel qu'on en ait jamais fait. On emploie notre argent a gagner des Miniftres dans les Cours étrangeres, afin qu'il perfuadent leurs Maïtres de nous vendre des places. C'eft ainfi qu'on acquit Dunkerque des Anglois, & Cafal du Duc de Mantoue, qui ont couté tant de millions. On emploie nos Finances a payer des traitres qui nous vendent des villes, ou qui nous en facilitent la conquête. C'eft ainfi qu'on a acquis Strasbourg 8c la plupart des pays conquis. Enfin on emploie 1'argent a entretenir des armées nombreufes, & pour foutenir les guerres injuftes, qui rendent le nom Francois odieux a toute 1'Europe , qui perfuadent que la France tend a la monarchie üniverfeile , & qu'elle y veut arriver par les infidélités, les trahifons, les violences, la violation des traités les plus faints, des paix, des capitulations; par des barbaries inouies, par des incendies , & des défolations effroyables. Quand les conquêtes nous yaudroient quelque chofe, les faudroit-il acheter a ce prix > Mais de plus , qui ne voit que les conquêtes, au lieu de faire la grandeur de 1'Etat, font fa ruine & lui font onëreufes ? Nous fommes fous , & c'eft notre folie qui foutient notre efclavage. Quand le Roi gagne une bataille , prend une ville, fubjugue mie province, nous faifons des feux de joie , & il n'y a pas un petit particulier qui ne s'imagine être monté d'un pied , & qui n'attache la grandeur du üoi a fa propre idée. Cela le récompenle de toutes fes pertes, &c le confole de toutes fes miferes; & il ne confidere pas qu'il perd a mefure que le .Roi gagne. Premiérement la grandeur d'un Prince fait toujours la mifere de fes fujets. Car plus un Princa  (33) Prince eft puiflant, plus il s'abandonne a fes paffions, paree qu'il les latisfait avec plus de facilité. Or 1'ambition , 1'avarice, le luxe, la dépenfe, font toujours les paflions des Grands; plus ils ont de facilité a opprimer, plus ils oppriment. Aufli voiton que les fujets des Princes puilTans en domaines, en argent, en provinces, en armes, font toujours les plus miférables &c les plus opprefïés. Qu'on voie dans 1'Orient comme les gens vivent fous ces puilTans Empereurs de Turquie , dePerfe, &c du Grand Mogol. II eft donc de 1'intérêt des peuples de tcnir leurs Rois dans une rriédiocrité de puiffance, afin qu'ils ne puiflent opprimer leur liberté. Secondement, je voudrois que nos Francois , qui fe font tant d'honneur de cinq ou fix provinces & de plus de deux cents places que le Roi a conquifes depuis Dunkerque jufqu'a Bale, je voudrois, disje , qu'ils me dïlTentau dépens de qui ces provinces ont été confervées, gardées ,j & maintenues ? Les nouveaux fujets font des lions & des loups qu'on tient par les oreilles, ils grincent des dents, & font toujours prêts a dévorer aulfi-rót qu'ils y verront jour. Ils ont en horreur la domination Francoife, & ne cherchent que des jours a fécouer fon joug. II faut donc toujours les garder. Auffi ne s'eft-on pas contenté des*vieilles citadelles qu'on a trouvées dans les provinces conquifes; on en a bati de nouvelles, par-tout dans la Flandres, fur la Sare, fur le Rhin, jufqu'aux portes de Bale. Combien degarnifons, 'combien de Gouverneurs faut-il entretenir ? Je pofe en fait, que le Roi ne tire pas de ces pays conquis le demi-quart de ce qu'il faut pour les conferver. Qui eft-ce qui fournit le refte? N'eft-ce pas landen dqmaine de Ia Couronne? Ne lont-ce pas les anciennes provinces? Voila donc ce que gagnent les provinces de Normandie, de Bretagne, de Champagne, de Guienne, Mémoirt. C  ( 34) 1de Languedoc, Sec. II faut qu'elles trouvent 30 ou 40 millions , pour payer la grandeur du Roi, & pour conferver fes conquêtes. Enfin pour être pleinement convaincu combien ces nouvelles conquêtes font onëreufes al'Erat, voyez la jaloufie des voifins. Quand ces nouveaux fujets feroient bien dompees & accoutumés a obéir au Roi; les voifins s'accoutumeroient-ils i lui voir poneder leur bien Si leur ancien patrimoine\ Ne craindra-t-on pas , en lui laifiant ce qu'il a déja pris, de lui donner le moyen de prendre ce qu'il n'a pas encore ? A aller aulfi rapidement qu a été Ie Roi, dans vingt ans la France feroit maitrefTe de 1'Europe. On comprend bien cela, Sc c'eft ce qui portera toujours nos voifins a faire des iigues, Sc a conjurer notre perte. Vous voyez 1'effet de la prophétie. D'oü vient cette épouvantable ligue de tous les Princes Chrérieris , qui confpirent unanimement a notre perte, que de la jaloufie que leur donne la grandeur du Roi; II faudra donc que la France entretienne perpétuellement de grandes armées. Et qui les payera ? Ce ne fera pas le pays nouvellement conquis: au contraire on le ménagera, afin qu'il ne fe joigne pas a nos ennemis, Sc de plus on ie regardera comme aflez faché, paree qu'il fera le rhéatre de la guerre. Ainfi c'eft 1'ancien Royaume de France qui portera tous les fardeaux , Sc qui déji Ie trouve accablé du poids de ces nouvelles conquêtes. Voila quel ufage on fait de ces Finances Sc des fommes ïmmenfes qu'on tire de vous. Ilreftoir, pourle deflein que j'aide vous faire fentir 1'oppreflion oü font les peuples par les impöts , de vous dépeindre les miferes oü la France a été réduite par la, mais c'eft un obiet fur lequel il eft bon de tirer le rideau. 11 n'en faut rien dire, paree qu'on n'en fa,uroit alfez dire. II faut y être comme nous y fommes pour en bien parler. Le Royaume eft li  : t m dimihue a parler généralement, que 1'on y trouveroit un quart ou un tiers moins d'habirans qu'il n'y en avoit il y a cinquante ans. A 1'exception de Paris, ou tout le monde accourt, comme a un afyle, & qui a caufe de cela augmenté tous les jours, les Villes fons diminuées de moitié en ricliefles & en habitans. Quelques-unes s'étoient enrichies par le commerce. Mais la chute du commerce les entraïne. Les autres villes, fur-tout les petites, font demi-défertes. Telle qui payoit au-Roi trente ou quaranre mülelivres, ne fauroit en trouver dix. La campagne eft défoiée, les bourgs & les viilages fout pleins de mafures, plufieurs terres font incultes faute des gens pour les cultiver; le payfan vit de la maniere du monde Ja plus mifé-' ïable , auffi font-ils noirs & bafanés comme Jes efclaves de 1'Afrique, & tout ce qui eft en eux parle de leur mifere. L'argent ne fe trouve plus dans les provinces, la Noblefïè eftgueufe , le bourgeois eft a 1'étroit. Ceux qui ont quelque argent le cachent, comme s'ils recéloient chez eux un crimjnel d'Etat. On ne voit plus d'argent que celui qui roule pout aller dans les coffres du Roü //. Mémoire, Cij  (J<) III. MÉMOIRE. Les tri/les effets de la puiffance arbitraire & defpotique de la Cour de France t Que cette puiffance eft tout auffi defpotique que celle du GRAND SEIGNEUR. N o u s vous avons fait voir jufqu'ici l'état d'oppreflion oü font 1'Eglife, les Pariemens, la NoblelTe, les Villes & les Peuples de France; les efFroyables impöts par lefquels on épuife Ie Royaume , le malheureux ufage que 1'on fait des finances, & de tant de fang qui fort des veines des fujets. II faut confidérer préfentement la fource de ces malheurs, & de plufieurs autres que nous n'avons point encore touchés. C'eft la puiffance defpotique, & le pouvoir arbitraire, abfoiu, & fans limites, que les Rois de France s'attribuent ; & que Louis XIV a exercé, & exerce d'une maniere, a faire trembler tous les pays qui ont des Rois. Le Roi de France ne fe croit lié par aucunes loix ; fa /crioriri eft la regie du bon & du'droit; il croit n'être obligé a rendre compte de fa conduite qua Dieu feul; il fe perfuade qu'il eft le maitre abfolu 'de Ia vie, de la liberté , des perfonnes, des biens, de Ja religion & de la confcience de fes fujpts. Maxime qui fait frémir &c qui faific d'horreur,  I 37) quand on en confïdére les conféquences, 8c que fous les yeux on en voit les fuites préfentes. Qui ne frémiroit, en penfant que la vie & la mort, la bonne & la mauvaife forme de rant de millions d'hommes, dépendent du caprice d'un feul ? Et qui ne verferoit des larmes, en regardant tout un grand Royaume dans une fi grande oppreffion , & tant de millions d'hommes réduits a une fi pro fon de mifere pour fatisfaiie lespaffions d'un feul homme» Dans la fuite nous vous ferons voir que ce pouvoir defpotique eft fi oppofé a la raifon , qu'on le peut appeler infenfê\ fi oppofé même a 1'humaniré, qu'on le peut appeler brutal, Sc inhumain ; fi oppofé a 1'efprit du Chriftianifme, qu'on le peut appeler Anti-Chrétien. Pour le préfent, il nous fiffira de vous faire voir les triftes cfFets qu'il produit en France, & comment on 1'y exerce aux yeux de toute la terre. C'eft le pouvoir defpotique qui a fait*defcendre 1'Eglife Galiicane dans 1'oppreffion oü elle eft. Tous les Princes Chrétiens fe font toujours fait un plaifir Sc un honneur de fe dire enfans de TEglife , Sc en cette qualité de lui rendre obéiffance!' S'ils en ont été les peres, c'eft pour la protéger Sc pour la défendre, Sc non pour la gouverner, encore moins pour la tyrannifer, L'Eglife fe gouverne par fes Pafteurs, Sc felon les Canons. Mais la Cour de France s'eft élevée au-deflus de tous les Pafteurs. Tous font les efclaves de la Cour, & s'ils ne lui font foumis avec bafTefTe, elle les traite comme fes ennemis. L'Eglife a fes loix 8c fes Canons, felon lefquels elle doit être gouvernée. Le Roi, qui eft Prince temporel, ne prend pas connoiffance des Canons de 1 Eglife , & ne s'y croit pas foumis. II foule aux pieds ces Canons. Quand on lui oppofe le Concile général de Lyon contre 1'extenfion de la Régale , 111. Mémoire. C ii}  ( 3* ) il fe met au-defïus de ce Concile & de tous fe* autres. Pendant qu'il fait tenir des aflemblées pour fournettre le Pape aux Conciles & aux Canons j pour lui il fe place au-deffus de tout, &c de Pape, & de Saint Siége , & de Conciles , & de Canons. Les Canons défendent expreffément les tranflations d'un Siége a 1'autre , a moins qu'il n'y ait de grandes & confidérables raifons : raifons dont 1'Eglife doit toujours être juge. Le Roi , de fon plein pouvoir, autorité tk puiffance abfolue, tranfporte un Evêque d'un petit Evêché a un plus grand, felon qu'il le juge a propos pour fon intérêt, fans confulter ni 1'Eglife, ni le Pape, &C fads aucune forme. Les Canons veulent que les maifons Religieufes foient fujettes, ou au Pape, duquel elles réievent immédiatement, ou du moins aux Ordinaires, felon la réformation du Concile de Trente. Mais le Roi fe rtnd Souverain immédiat de ces maifons pour le fpirituel & pour ie temporel; & nous avons vu comme il entreprend de donner des Supérieurs & des Supérieures a 1'Ordre de Ciugny, aux Filies de Sainte-Claire appelées Urbaniftes : comme il a ruiné la maifon de Charonne : & comment il a aboli les Filies de 1'Enfance. C'eft le pouvoir defpotique & la puiffance arbitraire qui fait tout cela. Le Roi le veut; il n'en faut pas d'autre raifon. Par les Canons 1'Eglife eft mairreüe de fes Sacremens pour les donner a ceux qu'elis en juge dignes, & les refufer a ceux qu'elle en croit indignes. Ce n'eft plus cela a préfent; ie Roi par fa puiirance abfolue eft devenu maïtre des Sacremens, pour les faire donner aux Incrédules &c aux Hérétiqnes. 11 faut que 1'on fafle communier les Calviniftes mécréans malgfé qu'ils en aient, fous peine des galeres, ou d'être trainés fur laclaye, paree que le Roi le veut, C'eft par le même pouvoir defpotique &c arbi*  ( 39 ) traire qu'ont été cafles, révoqués & annullés, ou rendus inutiles, tous les priviléges de la NoblelTe, des Pariemens, des villes & des peuples : ce qui eft caufe qu'aujourd'hui ils font dans l'opprelïïon qui vous a éfé ci-deiïus repréfentée. 11 n'y a point de Royaume,.de Souveraineté , ni d'Etat entre les. Chrétiens, oü les priviléges ne foient eftimés irrévocabies, quand ils ent été folemncllement accordés : a moins que les raifons qui ont fait accordet les priviléges n'aient notoirement ceffé, ou que ceux qui les pollédoient ne s'en foient notoirement rendus indignes. C'eft une loi qui s'obferve dans tous les Etats bien policés, que nul ne peut être priye' de fes avantages, charges, dignite's, bien & privileges, que pour crime. Et cette loi eft fi jufte, que lans elle rien n'eft afluré : la fortune des particuliers fera toujours en Pair. On aura beau être jufte & bonnête, fi ofï ne fait fon devoir : c'eft-a-dire, fi on ne devient erclave de la Cour & de tous fes fentimens, on ne pofledera rien aujourd'hui dont on ne puifle être privé demain. C'eft précifément ce que fait la Cour de France : elle ne connoït ni droit de pofleffion immémoriale, ni conceflions Royales, ni confentement des peuples, ni juftice, ni équité. Elle foule les peuples, les Grands, les petits, les Nobles, par de nouvelles charges.^ Elle prétend être toujours en droit de priver fes Sujets de tout ce qui leur a été ci-devant accordé, quotque la concefiion foit dans toutes les formes qui peuvent rendre les graces irrévocables. Et même ce qu'elle a accordé lans réfer've, & fans condhion * au bout de quelques années elle le révoqu; tx 1 anrmlle. Ceft ce qui a fait la vexation &z la lecbercne des nouveaux Nobles, qui a rédu;: tant de families a 1'extrêmité, & ruiné tant de maifons. Ce n'eft pas que dans cetre Nobleffe de nouvelle éreclion il n'y m. Mémoire. C iv  C4° ) exit de grands défordres a corriger. Auflï eft-ce i'ordinaire de la Cour de France de couvrir fes vexations de beaux prétextes. On a raifon d'empêcher que Je corps de la Noblefle, qui doit jouir du privilege des exemptions, ne fe multiplie a la charge du peuple. II eft vrai auflï que durant les troubies %c va^r d" ,re§nes Préc^ens, il pouvoit serre g 11 , Ü,J faux Nol5les dans le corps de la vérirable Nobiefle. Mais quelles perfécutions n'a-t-on pas exercées lous ces beaux prétextes ? Puifqu'on n'en vouloit quaux faux Nobles, pourquoi a-t-il fallu tourmenter les rnajfons anciennes, & dont 1'antiquité & la noblefle étoient notoires a toute la Province; Pourquoi chicaner de bonnes & d'anciennes maifons, lur quelques defauts dans les titres, qui ne venoient év.demmenr que de la négligence & de Ia fécurité ou v.vo.ent des maifons, a qui il n'éroit pas monté dans 1 efpnt qu on put les inquiéter fur leur noblefle ? Fourquo^ revoquer des priviléges de noblelTe, paree quils étoient nouveaux; Oü font les titres qui ne font pas nouveaux; Un homme mange fon bien au fervice du Roi; fouvent pour toute rïcompenfe on le renvoie chez lui, chargé d'années & de plaies, avec un tire de noblefle. Eft il jufte que ce ntre^qu il a acquis par fes fueurs & par fon fane, lui foit ore, ou a fes enfans de la première génért tion , fans qu,l air commis aucun crime qui mérite Ia degradation? Oü eft la bonne foi ? Certaines villes ont des priviléges, felon lefquels ceux qui v ont ete Ma.res ou Echevins jouiifent des exemptions des Nobles. Ces privileges font fi anciens, qu'on a peine a en trouver 1'origine; Jes villes fe les font acquis ou fe les font réfervés, quand elles fe font foum.fes : Quo, qu'il en foit, c'eft leur bien. Un prince n etant pas maïtre du bien de fes fujets, il n eft pas en droit dc le leur enlever quand il le trouve  ( 4i ) bon. Des gens ont acheté des charges, aufquelles étoir atrachée de touc temps 1'exemptiondes Impots. Leur bien eft allé la : on leur öte ces exemptions, c'eft leur ravir leur bien & les tromper; tout cela eft un effet de la puiffance defpotique Sc arbitraire, qui eft une pure tyrannie. Après tout, quel étoit le buC de cette belle recherche de la NoblefTe 3 Vouloit-on diminuer le nombre des Nobles? Point du tout: on vouloit de 1'argent, Sc 1'on a fait plus de faux Nobles qu'il n'y en avoit. Car tous ceux qui ont pü donner de grandes fommes fe font trouvés avoir de fort bons titres. Ainfi c'étoit une nouvelle maltote, qu'on a mife en parti comme toutes les autres ; par laquelle on a ruiné bien des maifons en 1'exercant cruellement, Sc felon le caprice Sc 1'avarice des ïnrendans Sc des traitans. Par ce même pouvoir defpotique & arbitraire, on a révoqué les Edits Sc les Déclararions qui avoient été accordés aux Calviniftes pour le bien & la paix du Royaume-, & par cette révocation on a attiré fur le Royaume les plus effroyables calamités qui fe foient peut-être jamais vues. Ces miférables fe lont tués de dire Sc d ecrire que leurs Edits étoient & devoient être irrévocables. Ms ont raifon : car dans tout Royaume Chrétien notre regie eft rccue , qu'on ne fauroit óter d'un fujet fes biens, fes privileges , & fes dvantages , qu'il ne s'en foit rendu indigne. Le Prince n'eft point Sc ne doit point être maïtre de cela. Mais c'eft parler a des fourds: Ia Cour eft turque & non Chrétienne dans fes maximes. Elle donne quand elle ne peut s'en empêcher. Elle fait du bien précifément quand elle craiht. Elle promet, elle jure, elle emploie les fermens; tout ce qu'il y a de faint entre dans fes engagemens. Mais ce font des cordes de laine. On croit la tenir Sc on ne tient rien : ce qui kille tout dans la derniere incerrkude, ce qui eft la derniere de toutes les mifé- III. Mémoire.  ( 4* ) res. Car I etat d'incertitude eft le plus incommode de tous les états. Après cela, quelies font les fuites de ces manieres defpotiques & arbitraires? Les voici. Le peuple ne demeure pas perfuadé qu'on ait droit de lui öter ce qui lui a été donné. II conferve dans le cceur les deneins de fe venger & de fecouer le joug; & cela devient la femence des révoltes. C'eft ce qui fe voit aujourd'hui dans ceux qu'on appelle nouveaux convertis. On a défolé le Royaume pat ces miférables converfions. On a perdu deux cent mille fujets-, on a ruiné le commerce, on a épuifé le Royaume d'argent, on a fait périr une infinité de pertonnes, dans des prifons, on les a mafïacrées, on leur a fait fouffrir des maux qui ne fe peut imaginer, on les a envoyées aux galeres, on les a réléguees dans 1'Amérique , oü les rrois quarts & demi lont morts de famine & de mifére. Pour faire goürer ces violences, on preche 1'autorité des Rois. Mais on a beau prêcher, on a beau dire a un peupïe que .es Souverains peuvent tout, qu'il leur faut obéir . comme a Dieu, qu'il n'y a pas d'autres voies de fe poürvoir contre leurs violences que la priere & ie recours & Dieu -, perfonne dans le fonds n'en croit nen. On fait femblant d'être perfuadé tout auflï long-temps qu'on ne fe peut relever. Mais quand il ie prelente queïque jour pour retourner a la liberté, on y donne tête baiflee. Les Calviniftes perfécurés ont emu routes les Puiflances de 1'Europe de leur Keligion Ces Puiflances Proteftantes ont fait jouer des machines pour remuer Ie refte de 1'Europe. Le Koi dAngleterre en eft déja tombé par terre; la france en eft émue-, on renferme de toutes parts les nouveaux convertis, on ne fe tient pas aflez aflure de les avoir défarmés, on les emprifonne. Ét jene iai enfin fi on ne les maffacrera pas, dans la crainte qu'ils ne nous préviennent pour fe mettre en lurete. Nous voila donc par cetre Puiffance defpoti-  ( 4? ) que , environnés par dehors des armes de toute 1'Europe, & pleins par dedans de mécontens. S'ils étoient d'humeur a nous rendre ce qu'ils ont re$u de nous , que deviendrions-nous ? Si les ennemis entrent dans le Royaume, & qu'ils fe joignent a ces mécontens, que deviendra 1'Eglife & la Couronne» L'une & 1'autre ne font pas menacées de moins que de ruine. Au lieu de fe fervir, dans 1'extirpation de 1'Héréfie, de cette puilfance defpotique & arbitraire, que le Roi exerce injuftement; il falloit affembler les Etats du Royaume ; avifer aux moyens de ruiner le Calvinifme; examiner d'abord fi 1'on étoit en droit d'óter a des fujets les privileges qu'on leur a donnés; voir enfuite s'il étoit expediënt de faire tant de mécontens tout-a la-fois. Erpeut-êrre on auroit trouvé dans les avis des bonnes têtes, qu'il y a de 1'imprudence de fe faire des ennemis de fes prppres enfans, & de s'attirer des affaires de gaieté de cceur. Si c'avoit été lïntérêt du Roi perfonncliement & de fa Cour, il auroit pu en difpofer comme il a fait fans conlulter perfonne: Mais quelle injuftice eft cela , d'engager tout un Royaume dans de fi étranges malheurs fans le confulter > On ne fauroit nier que d etablir ou de ruiner une Religion dans un Etat, ne foit la plus importante affaire qui ie puiife rencontrer. Quand il fallut donner aux Calviniftes des, Edirs de tolérance & de pacific;:tion , combien d'afi fembiées, combien de confultations, combien d'Etaia ref,uS 5 Aujourd'hui Louis XIV entreprend a tout rifqu. par l'ufage qU'0n a fait contre les Mémoire,  ( 44 ) Calviniftes de cette puiffance arbitraire , inique, injufte, & ufurpée. Le reffentiment, il eft vrai, Tefta-dire Ie chagnn, tombera fur Ia Cour; mais elle ne parragera pas les miféres avec nous. Cela ferok-U a téU,C°rnrra'rf. c * VUe ^1 'aar faire portee Ia peine de fes fohes & de fes entreprifes tyranniques; ce font les peuples qu'il faut décharger de la nufere, pU1fqL11Js n'ont pas de part a la faute. II faut donc rangerla Cour a fon Loir, & c'eft ce SpTde. eiCher0nS leSm°^nS d3nS n°«e^. C'eft par 1'ufage de cette puiffance defpotiaue uiqaemen..ufurpée qu'il /y , plus rJTZ'e dans es charges & dans les emplois. Les Etats bien pohceesontcertams charges fixées, certains emplois Poir /°r^ affignéS reXerdce de la J-^JX Pol.ce , des Finances, & de la Guerre, avec eertains -emolumens, & avec les limites de pouvok Jju. leur font marquées. Mais dans Ie pays oü nous Zr^'xrT ^ & inc"«infl'érat de charges & des emplois dépend du caprice des Miniftres, ou plutót de leur ambidon & de leur avance. Car ce font les deux grands refforts de toutes les acW Quand ils ont befoin d'argent, ils mul tiphent les charges anciennes; le Roi crée de nouveaux Offices, lefquels il vend bien cher aux P™1 jculjers II faIt des Officiers dans les Eaux & Forêt , des Trefoners, des Makres des Comptes, des Se- SSït RP°.'- 11 Tge deS Ba^gL,desElP! tions & des Elus , de nouveaux Tribun-* , & rneme des Pariemens dont il vend les Offices fort ener. Lt il affigne a toutes les charges de gros gages qui fe doivent prendre fur lepargne pour fervir de leurre & de piége. Les affaires viennent elles a dranger; On luppnme toutes ces nouvelles charges, or aboht meme les anciennes. C'eft proprement e' lever le bien d'autrui, & c'eft une injuftice tce  Ï45) femblable a celle d'un Marchand, qui expofe des marchandifes précieufes en vente, qui les débite , qui les vend fort chérement, qui en recoit 1'argent & le paiement comptanf, Sc qui après cela s'en va les armes a la main cher tous les particuliers auxquels il a diftribué fes marchandifes, Sc les reprend avec violence. C'eft exercer un vrai brigandage. Si les Rois veulent être marchands, au moins qu'ils foient marchands de bonne foi. Mais tirer, d'un homme tout fon fonds, Sc fouverjt 1'argent de fes amis aufïï bien que le fien , en lui donnane un emploi qui le peut tirer Sc de la mifére Sc de la banefTe; & cafl'er cette charge quelques années après: c'eft une exadion tyiannique Sc frauduleufe en même temps. Quelquefois ces fupprefïïons de charges ne font qu'un moyen pour faire acheter. deux fois une même chole. Aum-töt que la déclaration de fuppreflïon eft donnée , on voit de toutes parts aborder des malheureux a la Cour. Ils fe plaignent du tort qu'on leur fait, ils repréfentent leur mifére, ils demandent juftice , ils implorent la compaffion du Roi. Enfin, on fe laiffe toucher; on leur dit, le Roi a égard a vos raifons, il veue travailler a votre confolation, il veut bien vous rétablir dans vos charges; mais comme il a befoin d'argent il faut financer; c'eft-a-dire, qu'il faut payer une feconde fois. Ce n'eft pas a la vérité toute la valeur du fonds, mais c'en eft un quart ou un tiers, Sc quelquefois bien davantage. Et ce petic jeu fe réitere fouvent. C'eft ainfi qu'on fait payer aux Juges des éledtions, Sc aux Procureurs des Pariemens , trois ou quatre fois leurs charges. Quelquefois ce n'eft pas feinte, c'eft tout de bon, réellementSc de fait, qu'on fupprime les charges; Sc alors on joint ordinairement de belles promefTes de rembourfer aux inréreffés ce qu'ils onr financé. Mais a quoi reyiennent ces rembourfemens 2 a rien ; U faut voit llLMs'moire.  ( 4< ) combien d'années vous avez joui , dit-on il tauc precompter Ie revenant bon : le Roi ne s?eft ob .ge de voüs faire valoir vorre argent au denier du. ou au denier cinq. Pour une charge de dix mille hvres vous en avez tiré deux mille de rentecinq ou hx ans de jouiflance vous ont rembourfé & de la rente & ducapital. Si ce n'eft ce tour-la, c en eft un autre. Car on peut être allure que la Cour ne fait ,amais de changement dans les charges que pour y gagner, & non pour débourfer. Quoi quil en fo,t, les charges demeurent fupprimées & les particulier* font ruines. Mais ces fupprelïïons ne lont pas pour long-temps; a la première guerre. ou a la première dépenfe folie q„i aura épuifé Ie trefor on rellufcte toutes les charges qu'on avoit enfevehes.Et fouvent comme un grain fort de terre avec multiplication, les charges fupprimées renailTenc plus nombreufes qu elles netoient auparavant. On ne manque pas de fpécieux prétextes pour orner le front des Declarations : il eft vrai qu'on y en meleaufti de ridicules; mais n'importe, tout eft oon pourvu qu'il en revienne de 1'argenr. Cela eft expofe en vente au plus ofFrant. Et ce qui eft furprenant, ceft que tout ie monde y court. Prodiöt que cette nécellité prélente lera pauee, on remettra les choles dans leur premier etat ? Cette folie de nos Francois n'eft pas une marqué qu'ils ont beaucoup d'argent, & qu'ils ne favent qu en faire. C'eft feulement une preuvede leur vamte. Rs veulenc êcre diftingués, ils veulenc  ( 47 ) paroïtre, ils veulent faire de la dépenfe. Void une charge qui leur donnera de diftin&ion & qui leurdonnera de gros revenus, avec lefquels ils auronr de grands équipages & de grandes Maifons. C'eft unetentation a laquelle ilsfuccombent toujours. II eft vraique cerre diftinction & les grands revenus font fort ir.certains, & pourtont bien périr par le même caprice du Souverain qui les a fait naïtre: mais n'importe, faire quelques mois le grand Seigneur, ne laiife pas de tirer de la poudre & donner de la diftinction. Si la Cour n'étoit pas en poffeffion d'une puiffance arbitraire, les charges feroient fixes comme dans tous les autres Etats ; ceux qui les pofiédent, en fe gouvernant bien & fidélement, feroient affurés d'en jouir toute leur vie. 11 re feroit point permis de faire payer rrois ou quatre fois une même chofe. Et ainfi on arracheroit au Gouvernement un des moyens tyranniques par lefquels il ruine 1'Etat & épuife les particuliers. J'ai a-peu-près les mêmes réflexions a faire fur les rentes des Maifons-de-Ville, & fur les Domaines. Les Domaines doivent être inaliénables. C'eft un fonds qui n'appartient pas au Roi, mais au Royaume & a la Couronne. Cependant on les aliéne, on les engage : quelquefois la néceffité qui ne fouffre point de loi le veut ainfi; on a affaire d'argent pour des néceffités preffantes; on engage les Domaines avec liberté de les tirer. Je ne trouve rien a redire a cela. Mais dans ces occafions il faut avoir de la bonne foi. II faut qu'il foit permis de plaider & de difcuter fes droits contre le Roi, comme contre un particulier. Un engagifte a donné fon argenr fous promeffe d'une fidele reftitution. Au lieu de cela, on retire des Domaines par le droit, de la puiffance abfolue, fans faire aucune raifon a ceux qui les tenoient par engagement; & par ce Mémoire.  (4* ) moyen on ruine des maifons, qui par leurs prêts, ont autrefois foutenu les Rois &c leur Couronne. II y a toujours quelque bonne raifon ; ou les Domaines qu'on retire ont été dégradés, & ne font pas en auflï bon état que quand ils ont été engagés; ou les revenus en vont bien au-dela. de la rente, qui pouvoit fe tirer de la fomme qui avoit été prêtée; par conféquent partie des jouilTances doivent être rabattues fur le principal; ou bien c'eft quelqu'autre chofe de femblable. Mais pour conclufion une maifon fe trouve dépouillée d'un bien dont elle jouiffoit de bonne foi , quelquefois depuis plus d'un fiecle; & un Seigneur ou un Gentiihomme , qui tenoit par-la un rang confidérablc dans 1'Etat, tombe entiérement par terre. Si le pouvoir defpotique n'avoit pas de lieu, ces maux n'arriveroient pas. Les Domaines étant k 1'Etat & non au Roi, ce leroit aux Etats, & non a la Cour a les engager, quand les preflantes néceftïtés des affaires le demanderoient; & les Etats qui auroient engagé ces Domaines, les dégageroient auflï avec honneur, & fans ruiner les engagi ftes. Pareillement le Roi, de fa pleine puiffance &C autorité defpotique , fait des emprunts fur les fujets du Royaumeü crée de nouvelles rentes lur les Maifons-de-Ville : il augmenté les gages des Offi ciers moyennant finance; comme il vient de favorifer lesjoffices de fix cent mille livres d'augmentation de gages, & de créer pour un million 'cinq cent mille livres de rentes fur la Maifon-de-Ville de Paris au dernier dix-huit. Ces rentes fe payent quelques années : puis on les retranche piece k piece, quartier par quartier : premiérement un quartier, puis une demi - année, & enfin le tout. Par ce moyen des families opulenres, qui avoient tout leut bien fur les Maifons-de-Ville, fe font trouvé rui- nées.  f 49 ) riées. Si les Etats faifoient ces emprunts, & cue tout 1'Etat en fut répondant, on n'auroit pas fon bien en 1'air, & 1'on ne fe verroit pas tous les jours a la veille d'être ruiné. Si les Etats n'ont de 1'honneur & de la bonne foi aufli-bien que les particuliers, ils perdent leur crédit & deviennent tyrans. C'eft dommage que la Hollande n'en ufe ainfi : que deviendroient les particuliers qui ont prefque tout leur bien en obligations fur 1 Etat 2 Avec toute 1'infidélité dont Ia Cour accompagn» la tyrannie de fon pouvoir defpotique, le Prince ne iauTepas de réuffir, & les peuples incorrigibles fe lailfent toujours tromper. Qui pourroit s'empêcherde rire en voyant les claufes & conditions qus le Roi propofé dans fes Déclarations pour les ernprunts ; Les Contrats feront paffes par devant tel Notaire que voudra V'Acquéreur.On en fera bien plus lür de la fermeté de Ia parole royale. Lef dites rentes ne pourront être retranche'es ni rèduitespour quelque caufe quece foit, ni les Acquereurs depoffcdés, finon en les rembourfant en un feul CV acluel paiement; qui fera garand de 1'exécution de ces claufes? Le Roi demeurant maïtre abfolu , n'en ufera-t-il pas fur les nouvelles rentes comme il a fait fur les autres? Devant qui fe pourvoira-t-on pour lui faire tenir fa parole ? Sans doute la fidélité du paffe fera le garant pour 1'avenir.En véritéces Déclarations en difenttrop , pour qu'on les croie. Elles promettent même aux étrangers, & aux peuples ennemis du Roi, de recevoir leur argent, & de leur payer les rentes exa#ement,^ & de les laiffer paffer a leurs héritiers^en pays étranger, nonobftant toute oppofition, & en renoncant au droit d'Aubaine & a tout autre. On na qua s'y fier, & a porter fon argent en France. Cette claufe ne fert qua découvrir qu'on UI. Mémoire. O.  V;ut trompet ici comme par-tout ailleUrs. Par toutes ces voies que la puiffance defpotique de France emploie pour épuifer les particuliers, il eftclair qu'elle s'eft arrogée un fouverain pouvoir & un plein droit fur tous les biens. Teilement qu'il n'y apas un homme ayant du bien, qui fe puiflê affurer d'en avoir le lendemain, de quelque conditioa qu'il foit. II y a des lieux oü 1'élévation eft un rempart qui met ai'abri de la tyrannie. 11 y én a d'autres oü la bafféffè & 1'obfcurité de la condition fervent d'afyle. En France il n'y a plus rien de femblable. Les plus riches & les plus puilTans, comme les plus en vue , font auffi les plus expofés ; & quand il plaït au Gouvernement defpotique, on les envoie a la Baftille, on les met entre les mains d'une Chambre de Juftice. On leur fait accroire qu'ils ont vo'é le roi. Pour les gens de bafle condition, quelque cachés qu'ils foient, on les découvre fort bien, & 1'on a toujours des impofiteurs des tailles qui les ruinent par les impöts. Ainfi la France fe doit réfoudre a être éternellement miférable, fi elle ne brile ce pefant joug de la Puiffance arbitraire. Encore fi ce pouvoir abfolu & fans bornes n'alloit qu'a la privation des biens, peut-être qu'on s'en confoleroit. Mais les vies ne font pas plus en füretéque les biens. En tout pays, excepté en France éc fous les Princes Mahométans, 1'innocence eft un rempart derrière lequel on vit en toute forte de füreté. Les loix font les protectrices des honnêtes gens: perfonne ne peut fouffrir s'il n'eft coupable. Aujourd'hui en France, il n'y a plus de Loix que la fouveraine volonté du Prince. II ne faut pas être crirninel pour devenir malheureux ; 1'innocence & la protection des Loix ne fervent plus de rien. Qu'un pauvre homme vivedans le fond de fa provincs paifiblemenr, fans remuer, fans agir, fans  écrire, & même fans parler; on Ie vient enlever de fa maifon, on Ie mene de lieu en lieu, de prifcn en prifon, jufqu'a ce qu'il foit arrivé a la plus affreufe. II demande ce qu'il a fait & quel elf fon crime, il prie qu'on le juge , & il demande la more pour grace, on ne lui fair pas feulement la grace de lui répondre, fon impatience ne fait qu'aggraver fon joug, il craint dans fon affreux féjour, il y languit, il y meurt. La caufe de fa dilgrace c'eft un foupcon, un rapport, une relation de parenté cm d'amitié qu'il a avec une perfonne défagréable a la Cour} ce fera quelque parole un peu libre contre le gouvernement, quelque légere répugnance a obéir aux volontés des Miniftres & des Officiers du Roi. Enfin c'eft un rien \ Sc un rien qui fait aurant que fi c'étoit tout. Souvent un pauvre miférable eft réduit a cette extrêmité, non pour le mal ou le bien qu'il a fait, mais pour celui qu'il pourroit faire. II ne faut plus de procés, plus de témoins, plus de formalités, plus de Loix. Combien y a t-il de bons Eccléfiaftiqnes, ou relégués dans des lieux déferts, ou enfevelis dans de triftes Sc fombres prifons, pour des crimes imaginaires , ou P°"r de très-bonnes ceuvres ? Pour avoir dit Ia vérité oü il la falloit dire, pour avoir foutenu les droits de 1'Eglife contre fes oppreffeurs, pour n'avoir pas eu affez de foumiffion pour les Evêques de Cour ? Les citadelles, les conciergeries, Sc les prifons, forit aujourd'hui remplies de pauvres Calviniftes, qu'on a enlevés a leurs femmes Sc a leurs enfans^ fans leur dire aucune raifon, &fans leur en pouvoir dire. Les uns ont de la qualité, les autres ont du bien, d'autres ont de la créance Sc du crédit dans leur canton, tous ont fujet d'être mécontens, c'eft-la leur crime , fans qu'il foit befoin qu'on ait découvert en eux de mauvaifes intentions. Quelle efpece de Gouvernement eft-ce-ia, bon Dieu ? On eft » UI. Mémoire. D ij  ( 5* ) Io difcrétion d'un fcélérac, d'un P**** d'un C**** d'un Jéfuite ou d'un Miniftre furieux, qui fe joue de i'efprit Sc de 1'autorité du Prince, pour en faire ce qu'il veut, contre toutes les Loix de la nature, de Dieu, des hommes, Sc du droit des gens. Y a-t-il moins de tyrannie a pofer des Loix injuftes & violentes, Sc faire après cela des crimes capitauxauxp'us honnêtesgens den'yavoir pasobéi? IlplaïtauRoi que je croie que cinq certaines propotions, que je n'entends pas, font dans le livre de Janfenius , que je n'ai jamais lu. II faut que je foufcrive a cela , & fi je ne le veux pas faire, je perds mon bénéfice, & je fuis envoyé en exil ou en prifon. Quand donc il plaira au Prince de faire une Loi pour m'empêcher de croire que la terre tourne, le lyftême de Copernic deviendra un crime d'Erat; c'en eft déja un d'être Carréfien, paree que les Jéfuites n'aiment pas la philofophie de Defcartes, ou plutöt paree qu'ils haïifent les Théologiens de Port Royal, qui font Carréfiens. Dans tous les Etats libres Sc bien gouvernés, rien ne peut devenir un crime, nel'étant pas de fa nature, que le peuple ne fe le loit défendu a foi-même, Sc qu'il n'ait confenti que le Souverain en falfe une Loi avec peine capirale. Car la vie & la liberté des hommes ne peuvent être juftement foumiles a des peines capitales pour des chofes en elles mêmes indifférentes, que quand les membres de la lociété le veulent bien. Ainfi c'eft une tyrannie de rendre criminelle une ac"tion indifférente par un pouvoir Sc une décifion purement arbitraire. II n'y a plus déformais de limites entre le bien Sc le mal que la volonté du Prince. Hier le Calvinifte pouvoia fervir Dieu a fa maniere avec route liberté, aujourd'hui c'eft un crime digne de mort. Si ce n'eft-la un pouvoir arbitraire, tyrannique Sc tyranniquement «xercé, je n'y enteads plus rien. Quand le Prince  (Si) Votidra fe défaire de ceux qui lui déplfifènt, il na qu'a leur faire des Loix injufles ou impoffibles daas leur exécurion, ^ atixquelles par conféquent il fait bien qu'ils n'obéiront pas, & les faire mourir après cela pour caufe de défobéiffance; par ce moyen il a puilfance de vie & de morr fur tous fes iujets, comme fur des efciaves: c'eft précifé-r ment oü nous en fommes. Pour noicir la mémoire de Louis XI, on a re» marqué qu'il avoit fait mourir quatre mille de fes fujets, & a caufe de cela on Ie fait paffer avec juftice pour un Prince crueL Aujourd'hui on loue la clémencede Louis XIV, & cependant on peut prouver qu'il a fait pendre, brüler, rouer,maffacrer, périr dans les prifons & dans les exils, plus de trente ou quarante mille perfonnes. C'eft dix fois plus que Louis XI. II eft vrai que Louis XIV n'a pas fait mourir des Connétables & des Ducs de Nemours. Maïs c'eft qu'il n'a trouvé aucune réfiltance a fes volontés entre les Grands. De la hauteur dont il prend tout, des Princes qu'il auroir pris armés contre lui, n'en auroientpas été quittes a meilleur marché que fous Louis XI, car il s'eft arrogé un pouvoir faDS hornes fur nos vies. Enfin fi vous voulez voir ce pouvoir arbitraire étendu jufque fur la vie de tous les Francois^ fans qu'il intervienne ni crime ni défobéiffance -y voyez Ia maniere dont les Rois de France engagent1'Etat dans des guerres fanglantes & cruelies, &: qui coutent la vie a une infinité de gens. Ja fais bien que Ie droit des armes appartient proprement aux Rois. Ils peuvent lever des armées &C défendre 1'Etat. C'eft pour cèla qu'ils ont été fairs» Mais ils ne doivent pas entreprendre des guerres» injufles, & fur-tout des guerres qui aillent a Ia ruine de leurs fujers. Un Roi fage ne doit pas* avoir de quereiles particulieres , ni d'intérêr parUI, Münom, D ijl  (54 y ticuïïér. Car il ne lui eft pas permis de répandrö le fang de fes fujets, uniquement pour fatisfaire, Sc fon ambrtion , Sc fa vengeance. Chez tous ceux qui ont défini la tyrannie , c'en eft-la un caraótere, de faire tout pour fon inte'rêt, <5" non pour celui du peuple. En effet les bons Rois ne font la gucrre que pour défendre leurs fujets, & pour repouiïer les injures de leurs ennemis, ou pour rabattre 1'orgueil d'un voifin infolentqui entreprend fur 1'Etat, oupour diminuer les forces d'un ennemi a craindre, qui n'artend que 1'occafion d'infulter, Sc de faire une invafion; ou enfin pour les intéréts d'un allié, a qui on s'eft engagé pour travailler a la commune confervation. Et merrie les plus juftes guerres ne s'enrreprennent pas fans confulter les Grands &c les Sages du Royaume, lans avoir fondé les ïnclinations des peuples, fans examiner fi les Etats du Royaume peuvent ou veulent fournir aux frais de la guerre. On nefauroit dire combien la guerre entraïne après foi de malheurs, Sc fur - tout de crimes; des violences, des pilleries, des incendies, des viols, Sc des meurtres. Un Roi eft bien téméraire , qui veut bien fe charger tout feul de tant de péchés, dont il faudra qu'il rende feul compte a Dieu. Si l'effufion du fang d'un feul homme forme une voix terrible, qui crie contre le meurtrier, qui demande vengeance , Sc qui le précipite dans les enters; que deviendra un Prince, qui paroïtra devant le tróue de Dieu, baigné dans une mer de fang qu'il aura fait verfer? Lorfqu'il fera dépouillé de ces vaines grandeurs qui le déguifent lui-même a lui-même , comment pourra-t-il foutenir la vue de tant de violences, de rapts, de brülemens, de viols, dont il fera répuré 1'auteur devant celui qui impute aux Chefs tous les péchés des membres, commis par 1'infpiration de la têrej II n'y a donc rien en quoi les Rois doivent faire  rnoins ufage de la puiffance defpotique, que dans les déclarations de guerre, & oü ils doivenr moins agir pour eux-mêmes & pour leurs intéréts particuliers. Mais il n'y a rien en quoi le Roi ait agi & agiffe plus defpotiquemcnt. Depuis fa rnajorité il n'a pas entrepris une feule guerre pour 1'intérê de 1'Etat. Après la mort du Roi d'Efpagne il fi chercher des prétextes pour envahir les Pays-Bas.c On lui en trouva un dans la coutume de Brabant , qui pour honorer les premières noces, donne aux enfans du premier lit de grands avantages fur les biens du pere, quoique ce foient des filies. La Reine fille d'Efpagne , que le Roi avoit époufée, étoit fille unique du premier lit. Le Roi d'Efpagne n'étoit que d'un fecond lit. Ce fut un prétexte pour envahir les Pays-Bas, & pour faire périr un grand nombre d'honnêtes gens. Quand il y auroit eu quelque juftice dans ce prétexte, qu'avions-nous affaire de cela ? C'étoit un intérêt particulier du Roi. II nous importoit beaucoup que le Roi füc Duc de Brabant. Les Rois ont les armes en main uniquement pour 1'intérêt 5c la confervation des peuples; 5c nous ne fommes pas obligés de verfer notre fang pour les intéréts particuliers d'un Prince. Cette guerre en produifït une autre qui n'étoit ni plus jfiéceffaire ni plus jufte. Paree que les Hollandois firent faire la paix , 5c donnerent des hornes a cette vafte ambition , qui commencoit a englcutir ie monde par fes défirs 5c par fes vues, cn fe promit bien de les en chatier. Ce fut pourquoi on entreprit la guerre contre la Hollande 1'an 1672, avec tant de frais 5c tant d'apparei! , Uniquement pour Je vertger d'une mauvaife fa'isfa&ion. Cette guerre a duré fix ans, Sc a couté la vie a plus de cent mille perfonnes. Que de crimes accumuiés fur une feule tête ! Nous étions bien obligés de venger le Roi pour la mauvaife fatifIII. Mémoire. D iv  U~4) faiftion qu'il avoit recue des Hollandois, dans une affaire qui le regardoit perfonneilement; ou pour mieux dire qui ne le regardoit point du-tout! Car les Hollandois n'avoient fait que leur devoir, en éloignant untclennemi de leurs frontieres, & enarrêtant les progrès d'une guerre auflï injufte qu'étoit celle de 1672. Comment ces guerres ont-elles été entreprifes ? Sans confulter ni les Grands ni les petits., ni les Princes ni le peuple, fans avoir aucun égard au bien public, mais uniquement pour fatisfaire les paflïons du Prince, avec une puiffance purement defpotique. Ainfi quand il plaït au Roi, Sc qu'il n'a pas de moyen plus commode de nous faire mourir, il nous envoie , fans nous confulter , périr aux pieds d'un rempart, fur le bord d'un fofle, dans une tranchée , ou dans un champ de bataille. Affurément c'eft avoir puiffance de vie & de mort fur les gens, comme on avoitfur les efclaves. Toutes ces preuves font voir que la puiffance defpotique & arbitraire du Gouvernement de France s'étend fans réferve Sc fur nos biens Sc fur nos vies. Je ne vois donc plus rien qui foit a couvert. Dirons-nous qu'au moins la confeience & la Religion font a Dieu Sc a nous; Point du tout: les exemples que nous avons rapportés font voir ie^contraire. R ne m'eft point permis aujourd hui d'être Janfénifte , Sc de croire que les cinq propopofiti ons condamnées par Innocent X & Alexandre VII ne font pas de Janfenius. II n'y a füreté ni pour ma vie ni pour mes biens, fi je fais profeflïon de croire ce que le Roi a défendu qu'on crut fur ces matieres. Sur quelle maxime peut être fondée Ia perfécution qu'on a faite aux Prétendus Réformés qu'on a contraints avec Ie fer Sc le feu a alier a. la Mefle; II faut nécefTa irement que ce foit fur cette maxime : Le Roi eft maltre non-feulement de la vie & des biens s mais aufft dt Vextérieur  (57) 'ie la Religion ? tcllement qu'il n'eft permis h perfonne de faire profef/ion d'aucune Religion que de celle qu'il plali au Roi. Je dis qu'il faut néceflairement que la perfécution des Huguenots ioit fóndée fur cette maxime. Car on n'en peut pas imaginer d'autre, & fans elle la conduite du Gouvernement eft violente & tyrannique. Auflï y a-t-il plus de dix ans qu'on la prcche a ces miférables; Le Roi ne reut quune Religion dans fon Royaume, il en eft le watt re , il faut obe'ir, leur dit-on. Ainfi quand il plaira au Roi, il faut que nous renions Jesus Christ, & que nous nous faffions Turcs. Car je ne vois pas qu'il ait plus de droit fur la Religion des Huguenots que fur la Religion Chrétjenne en général. Voila donc la puifiance arbitraire, qui s'étend a tout: aux biens, a la vie , A la Religion. Les noms de Puijjance arbitraire &C de pouvoir defpotique font demeurés odieux parmi tous les hommes. Les tyrans même s'en défendent. S'e'lever au-deffus des Loix, n avoir pour regie que fa yolonte' même, faire tout pour fon inte'rêt ; temr en fa main la vie des hommes , & la leur öterfins forme de juftice; ravir leurs biens, & s'en rendre mahre ; exercer fur' des perfonnes libres un empire fans bonus , & les rc'duire en efclavage. Tout ie monde frémit de cetts idee , les Rois Chrétiens ne la peuvent föuffrir. Et pour trouver des exemples de cette puilfance, on croit qu'il faut fortir des frontieres du Chriftianifme , & pafïèr chez les Turcs, les Perfes, les Tartares, les Mogols. Mais je vous prie , fans paflion, & fans rien outrer, confidérez ce que nous venons de prouver de la puilfance des Rois de France & de ia mariere dont ils en ufent; & voyez s'ii y a aucune diftérence eflentieile entre la domination Francoife, & la domination du Turc. Le Grand Sei- 111. Jkle'moire,  ( 58 ) gueur, il eft vrai, pour lever des triburs Sc des impots n'a aucun égard a la volonté des peuples: il difpofe du bien de fes fujets comme du fien propre. Mais la Cour de France en ufe-t-elle aurrement; Ne leve-t-elle pas des impöts exceflifs fans conlulter perfonne, Sc fans en demander permiffion aux Etats du Royaume, felon 1'ancienne coutume? Le Grand Seigneur s'eft faifi de tous lesfonds des pays qu'il a conquis. Penfez- vous que le Roi de France ne croie pas avoir le droit de faire Ia même chofe; N'avons-nous pas prouvé qu'on a mis en délibération dans le Confeil, fi le Roi n'annexeroit pas tous les fonds du Royaume a fes domaines; Croit-on que ce foit par déiicatefle de confeience, que^pour avoir de 1'argent, on prend le tour des impöts fur le fel, fur les vins, fur le papier, fur les exploits, & fur cent autres chofes, au lieu d'aller chercher tout droit dans la bourfe des particuliers , compter avec eux, voir précifement ce qu'ils ont Sc leur prendre ce qu'on juge a propos; Nuilement; ce n'eft pas que le Roi ne croie avoir un plein droit fur ce que chacun poffede 5 c'eft feulement pour évirer 1'embarras, Sc pouremployer des voies d'exadion moins criantes. Le Grand Seigneur s'arroge un pouvoir abfolu fur les vies de fes fujets. II leur fait couper la tête fans forme de juftice. On envoie un Chiaoux demander a un homme fa tête 5 on ne lui donne ni moyen de fe juftifier, ni le temps d'alléguer fes raifons. On ne lui produk aucun témoins •, il n'y a ni information, ni dépofition, ni confrontation, ni récolement. Cela ne fe fait pas en France, dit-on , oü perfonne ne paffe par les mains du Bourreaufans avoir été oui , convaincu par fes témoins, & condamné juridiquement. Et voila une grande différence entre le Gouvernement de France Sc celui du Grand Seigneur. Premiérement il n'eft pas vrai  (f9 ) que le Grand Seigneur ufe d'une puiffance fi abfolue fur la vie des hommes. Encore faut-il quefes arrêts de mort foient confentis & foufcrits par le Mufti qui eft le Chef de la Religion. De plus je ne vois pas que les formes foient néceffairesen France pour faire périr un homme. Suppofez qu'on ne faffe paffer perfonne par la main du Bourreau fans forme de juftice; quelle forme obferve-t-on pour faifir un homme, & pour le mettre dans un cachot, oü il périt de mifére, & meurt de mille morts plus mielies qu'un gibet ou que la roue} Je ne vois pas, dis-je, qu'on ufe d'aucune torme de juflice. Car fans témoins, fans récollement, fans confrontation , fans arrêt des Juges, on enferme un milérable dans un lieu affreux pour toute fa vie, uniquement paree que le Roi le veut 8c le commandc. On ne confulte ni Pape , m Mufn, ni Evêque. Le Grand Seigneur difpofe de la tortune de tous fes fujets; il les traïne & les envoie au bout du monde, il les fait maffacrer dans des guerres injuftes & violentes. Je ne vois pas que le Gouvernement de France en ufe autrement, & 1'on me fera bien du plaifir de me montrer la différence. Pour moi j'y en trouverai en faveur du Grand Seigneur. 11 ne s'eft point encore arrogé le droit d'être maitre de 1'exténeur de la Religion. II n'a jamais dit: je veux qu'il ny ait qu'une Religion dans mon Empire, je veux que tous mes fujets foient de ma Religion. Je ne lal s'il croit avoir le droit deparler ainfi, mais au moinS ne 1'a-t-il point fait encore. Enfin, pour donner i tout le monde une juite idee du Gouvernement de France , je fouhaire qu ori obferve que le Cour étend le pouvoir defpotique & arbitraire , généralement fit! tous les pays qui lui font annexés , ou par alliance , öü pa* coficelfion , ou par achat, ou par des traités dc pSK. JU. Mémoire.  C eft Ia pratique de tous les Princes Chrétiens au* quand il leur échet quelque nouveau pay ils^f gavent ce nouveau pays fous leur domfnSon p cifement aux memes ritres & a„v „s* ' gons, fous lefquelles l^lTétowTZSkt Seigneurs De-la vient que les différes Etats S lelquels setend Ia domination d'£fpagn ióuif fent de priviléges tout différens, & £ K^erneM bourfrdTN'^113^ ^ ^ de ^" ' bourg & de Neubourg partagerent la fucceffion du dernier Duc de Juliers & dc Cléves Is r"cu rent les hab tans de ces Etats avec les loix & p ivT leges dont ils avoient joui de tout temps C'eft ce qm fot que des Etats demi - libres vJn fous a domination de Princes qui ailleurs on une puif fance prefque abfolue. Le Roi de France ne con noit pomt cette efpece de droit. Tout ce qui lui revient par traités, alliances, ceffiorïréurionT & tout ce qu'il vous plaira , lui revi" en Te oe membres de 1 Empire. Aujourd'hui eft sllnt ef a ves comme toutes les autres. Par Ja tTlf% "*4.ona cede .au Roi rAlf.ee, Strasbourg,& tant de Pays reums, pour en jouir pendant ans, en confervant ce pays, Villes & Etars S les memes libertés qu'elles avntnf ' * Ia Cour de France slft mo^ «THl- ailSrOn P°^derP^UC ~n,me P.tto« ailleurs On a enlevé au Roi d'Efparme les Pro vinees de Flandres & de LuxembourJCes Pro  { si ) »rands mouvemens. Quand le Roi a été maïtre de ces Provinces, il y eft devenu maïtre abfolu conime ailleurs Ainfi en a-t-il ufé dans la Lorraine, ainfi a-t-il fait par-tout. II eft vrai qu'il a recu les Villes Sc les Provinces fous certains traités Sc capitulations. Les Etats du Duc de Bouillon, fous le miniftere du Cardinal de Richelieu, furent obligés de le livrer » la France fous certaines conditions qu'on a obfervées quelque temps. Mais le Roi s'eft rnoquédes promeftes de Louis XIII .comme il lm moque des fïennes. Tout ce qui eft foumis a la France, fe trouve êtr* du reffort de Paris, on n'y connoic plus d'autre droit que celui de Ia puilTance arbitraire. Après cela doit-on setonnei oue les pays nouvellement conquis , Sc ceux qui craignent de letre, confervent une fi hornble averfion pour la domination de France. On les ménage peut-être un peu aujourd'hui. Mais ilsi iavent fous quelles loix ils vivent, Sc voient bien ce qu'on leur prépare. C'eft pourquoi Sc Flamands, Sc Allemands , Sc Lorrains, Sc Bourguignons , gémiflent fous le joug qu'on leur a impole, Sc rie cherchent que les occafions de le rompre. Quand ils pouuont le faire, affurement ils teront f©rt bien. ui. Mtwim  IV. MÉMOIRE. P'R quels moyens la Cour de France Jouuent, & exerce fa puiffance uefpotique : trois de ces moyens n Francois il n'Jn. and on connoir es Venr'j u'r patien^T Pf * ^ COnCeVoir d'0« tion du mond" ! nl? " ls «» Ceft Ia la lib«ré SSu li? 'e ï'^nt, aimanr tlque de L qr Jlb«tinage. II faut que Ja po]i, par JefqueiJes on J faf °™ remarquer les voies ces voil nïn ^ermic le«r fervitude; car ce fonr  ( H ) Nous avons ci-devant comparé Ia puiffance defpotique de la Cour de France a celle du Grand Seigneur & des Princes Mahometans •, nous les aVons trouvé par-tout femblables. Voici encore un endroit par oü elles fe reffemblent parfaitement. C'eft dans le premier moyen dont on Ie ierc en France pour retenir les efprits des peuples dans 1'efclavage. Les Princes Mahometans ont eu 1 adrefle de* faire un point capital de la religionde leurs peuples, de la profonde foumiffion & de la parfaite obéiflance, qu'ils docent rendre a leurs Werains. Les Turcs font nerfuades que porter fa tête aux pieds du Grand Seigneur, quand il le veut, & la lui envoyer fans murmure &c fans réfiftance, quand il la demande, eft lact.on du plus grand mérite qu'on fauroit faire. Ils font perïuadés que par-la on gagne la couronne du martyre, & qu'on monte dans 1'autre vie au plus haut degré de la gloire. Le Grand Seigneur s eft mis pSément «fans la place de Dieu, 1'obéiffance qu'on lui rend fait partie de a religion. Et Ion ïe lauroit dire combien ce malheureux entetement a fervi a maintenir eet Empire qui devoit penr en peu de temps a caufe de fa violence. Comme le charme de cette fauffe perfualion n eft pas naturel, il fe rompt fouvent, & cela nempeche pas qu'on nevoiedes révoltes affez fiequentes dans 1 Empire Turc. Elles ontétéauffi loin que dans les pays ou la puiffance des Rois a le plus de bornes. On fait une grande honte aux Anglois d avoir coupe la tete a un de leurs Rois par une condamnation de Juftice. Les Turcs n'en ont pas moins fait a lbrahimt pere du Grand Seigneur aujourdhui regnant. On lui coupa la tête par ordre du Divan, approuve & confenti par le Muftr, ceft-a-dire, par un arret de Juftice dans toutes les formes. Mais ces exemples gxtraordinaires n'empechent pas que ce ne loiHa W. Ms'moire.  I ... U4) Ie cours ordinaire, & qae ks Turcs ne fe ÊfT-nf Wmi , &"eur s accordent a nos ntérêrs on nP o\* accordenr pas; que Jes Rois ionVolllT 11 par rapport a Jenrc rw„„\<„ >-i . "Scs d nen Lee des Rn ' r &, * fu,ers ; 1M la puifdu Roi L I r ^«P**» 5 que les devoirs fem me ^ Se & d 7^ ' ^ *"« & de la = , : ,f de 1 enfant, paree aue ie Roi fonas\ ? !rnMnt C" propre' comme les^bienstonds & mobiüers appaxriennenc aUx particuliers' qui  (*s) qui peuvent vencire leurs fonds & leurs meubles, les engager, les aliéner, &c les vendre fans qu'on foir en droit de leur en demander raifon : que les Rois ont le même pouvoir lur leurs fujets ëo fur toutes les parties de 1'Etat, qu'ils peuvent les aliéner & en difpofer comme bon leur femble : que les Couronnes fuccelnves font dans des families comme les autres héritages; que le vivant entre natureliemenr en polfellion du bien laifie par le mort, fans être obligé a aucun ferment ni a aucun traité avec le peuple-, & fans qu'il foit néceffaire que le Prince fucceffeur ait certaines qualités qui le rendent propre a fuccéder; que les mauvaifes qualités du corps & de 1'efprit, les criminelles difpofitions du coeur, 1'ambition , 1 avarice, la cruauté, 1'incapacité de régner, la faulfe religion , 1'impiété, rien en un mot ne peut faire obftacleaux droits d'un Prince légitime héritier d'une Couronne : que la puilfance des Rois vient immédiatement de Dieu, & qu'ils ne«la tiennent poinc des peuples ; c'eft pourquoi ils ne font obligés d'en répondre qu'a Dieu : qu'ils ne doivent pas abufer de leur pouvoir, mais que quand ils en abufent, il en faut lailfer Ie jugement a Dieu : qu'ils peuvenc ravir les biens de leurs fujets pour les employer a tel ufage que bon leur femble : qu'ils peuvent enlever des femmes a leurs maris, attenter a Ia pudicité des femmes impunément; qu'ils peuvent tuer & maffacrer leurs fujets; en un mot, qu'ils peuvent exercer une licence fans bornes, fans qu'il foit permis de fe pourvoir aurrement que par des prieres & des remontrances : que les mauvais Princes font donnés du Ciel comme les bons, que ceux-ci doivent être regardés comme des préfens du Ciel, mais que les autres doivent être confidérés comme les vergés de Dieu, auxquelles il faut fe foumettre , & ne pas entreprendre de les jeter au IV. Mémoire. E  '( 66 ) feu : que c'eft la Ie droit de Dieu, & qu'il lui en faut abandonner 1'exercice : que les lujets opprimés par un mauvais Prince peuvent fe tournet du cöté de Dieu par des prieres 8c par des larmes , mais qu'ils ne doivent jamais employer d'autres armes; qu'il n'y a point de cas oü il foit permis a des fujets de réfifter au Roi : que quand ce qu'il ordonne eft injufte, fi c'eft du mal a fouffrir, il faut le porter patiemment ; que fi c'eft du mal a faire, a la vérité on ne peut être obügé de le faire , paree qu'il vaut mieux obéir a Dieu qu'aux hommes; mais en ce cas il faut mourir, 8c non réfifter, paree que toute réfiftance contre la volonté d'un mauvais Prince eft un crime grand devant Dieu : que même fous prétexte de religion, jamais jl n'elt permis de s'oppofer a un Roi qui devient tyran : que les peuples doivent gémir 8r fe plaindre devant Dieu , mais qu'ils n'ont aucun droit d'arrêter ces horribles excès par des voies de fait. Toutes ces belles maximes ne fe débiterit pas feulement comme des pofitions de jurifprudence^ mais comme des points de Religion, des préceptes de la morale chrétienne, & des arricles de foi; paree que 1'Ecriture appelle les Rois les Ointsde Dieu; qu'elle èxt:obèiJje^ a vos conducteurs ; celui qui réfifte a la. puiffance rêjïfte a la vo Ion te' de Dieu : & qu'il s'y 'faut foumettre , non-feulement pour la crainte du cha[timent, mais aujji pour la confeience • paree enfin que les devoirs des fujets a 1'égard de leur Roi font partie de la loi de Dieu, & de la morale du chrétien. Ainfi, fi Dieu nous envoie en fa colere un Roi qui ruine la Religion Catholique , qui fouille tous fes Autels , qui nous veuille faire tous Turcs, 8c qui emploie les dragons pour nous faire Mahometans, il fera permis de mourir & de iouffrir le martyre. Mais il ne fera pas persxk d'oppofer aucune digue a ce torrent, il faudra  fouffrir la ruine du Chriftianifrae, & voir patiënt ment planter le Mahométifme & arborer le craifianc fur les débris de la Croix de JESUS-CHRIST. S'il arrivé a quelqu'un de faire lentir qu'il h'approuve pas les maximes outrées, on prend un grand foin de 1'enterrer dans un cachot, afin qu'il ne puilïe parler öc ne puilfe être entendu. Et pour ceux dont on ne fauroit fermer la bouche, Sc qui difent que les peuples fe font établis des Rois pour être leurs peres Sc non leurs tyrans; que le droit des peuples ne fe prefcrit pas ; qu'on eft obligé en confcience de travailler a fa propre conlervation contre les opprefleurs, de quelque ordre qu'ils foient: que les Rois nefauroient avoir plus de pouvoir fur les fujets, que les peres en ont fur les enfans, puifqu'ils font établis pour être les peres du peuple : que les Rois ont leurs bornes, non-feulement dans les regies de la juftice Sc de 1'équifé, mais aufli dans les priviléges que les peuples fe font confervés; que les peres font des têtes facrées pour leurs enfans auflï bien que les Rois font les üints du Seigneur, & que néanmoins la puilfance des peres a fes bornes, au-dela defquelles toutes les Loix divines & humaines, païennes Sc chrétiennes, permettent de réfifter a la violence des peres: que le Prince a pouvoir de lever des tributs pour la confervation de 1'Etat, Sc non pour fa ruine : que le fang du peuple ne doit pas être employé aux délices du Prince, a lui batir de fuperbes maifons, Sc a lui procurer un nombre infini de fuperfluités, & de fales voluptés-, que les Rois ont leur domaine, Sc que c'eft beaucoup fouffrir que de permettre que le Prince fafle de fes domaines ce que bon lui femble pour 1'affouviflement de fes plaifirs; mais qu'il eft inoui qu'on ait donné de 1'argent par impót extraordinaire Sc qu'on fe foit épuifé pour fatisfaire aux paffions déréglées d'un Roi. Ceux, dis-je, qui débitent ces maximes font traités en France de gens exécraIV. Mimire, E ij  ( ei ) bles, d'ennemis des Rois, de peftes des fociétés, d'ennemis du genre humain, de gens qui veulenc rejetter tout dans laconfufion tk dans le défordre. Ces clameurs & ce grand bruit étourdiflent les Francois, ils n'entendent qu'une partie, & par conféquent n'entendent rien. Rs fentent bien que leur fens commun & leur cceur réfiftent a ces maximes de tyrannie : mais a force de les entendre débiter avec hardielTe d'un haut ton, & d'un air d'alfurance, ils ne favent qu'en croire. Rs voient le torrent qui va de ce cöté-la, les Eccléfiaftiques & les Evêques qui donnent-la dedans; le Barreau qui ne s'y oppofé pas; les Avocats & Procureurs du Roi dans les Tribunaux qui appuient ces maximes , les Juges qui les approuvent par la pratique & par un honteux filence ; confus de réfifter feuls, ils fe rendent, & ployent fous le joug, réfervant a un meilleur temps de s'inftruire de la vériré. S'ils ne font perfuadés, au moins ils jugent a propos de parler & d'agir comme s'ils 1'étoient. Un pauvre Janfénifte a qui on déchire la foutane en le tirant a la fignature du Formulaire , ou un pauvre Huguenot a qui on met le poignard a la gorge pour lui faire abjurer fa religion , croient faire un grand efiort de liberté en difant ; mes biens & ma vie font au Roi, mais ma confciencc neft qua Dieu. Pauvre miférable, & que veux - tu dire , quand tu dis que ton bien 8z ta vie font au Roi; Si cela fignifie que le Roi s'eft rendu maïtre de tes biens & de ta vie pour en faire ce qu'il veut, tu as raifon. Mais par-la 'ta confcience eft au Roi aufii-bien que ta vie &c res biens. Car, comme il paroïr, il s'eft rendu maïtre de la confcience de tous fes fujets, pour leur faire croire , ou au moins pour leur faire dire tout ce qui lui plaït en matiere de Religion. Si tu entends que de droit le Roi a une pleine puiflance fur ton bien & fur ta *ie pour en faire ce qu'il jugera a propos fans être  t<9) obiigé d'en répondre qu'a Dieu, ou as-tu pris cesmaximes; Eft-ce Dieu, eft-ce 1'Eglife, eft-ce le fens commun qui te les a enfeignées ? Ce n'eft point ici ie lieu dé les réfuter & d'en faire voir 1'abfurdité 5c le ridicule. Cela fe fera quand nous parierons des moyens d'abattre le pouvoir defpotique, & de rétablir les anciennes Loix du Royaume. Pour Ie préfent c'eft aflez d'avoir rapporté hiftoriquement cette bifarre Jurifprudence & cette folie Théologie, qui eft le premier moyen dont la Cour de France fe fert pour loutenir fa puiffance arbitraire'. Voyons les autres. Si ce i. moyen étoit feul, il n'auroit pas grand fuccès, mais la tyrannie s'eft afFermie par plufieurs autres moyens. Le z. moyen, c'eft que le Roi s'eft rendu maïtre de 1'Eglife. Qui tient la première partie, & la principale d'un tout, a bientöt tout le refte. Et les Rois de France fe font rendus maïtres de 1'Eglife en fe rendant maïtres des bénéfices & de tous les biens d'Eglife. Les ufurpateurs ne fe font pas faits en un jour. 11 y a long-temps que les Princes féculiers travaillent a opprimer ia liberté de 1'Eglife , & a remplir avec autorité les chaires, de leurs créaturcs. II eft clair a tous ceux qui font ufage de leur fens commun , que le peuple & le Clergé doivent élsre leurs Evêques & leurs conducteurs. Cela s'eft ainfi fait dès le temps des Apótres. Cela a roujours été pratiqué dans tous les fiecles oü 1'Eglife a pu jouir de fes véritables droits. II eft certain auflï que 1'Eglife Galiicane a été fondée & a été gouvernée longtemps fur ce pied-la. Mais il eft vrai auflï que de-* puis long-temps les Rois ont travaillé a fe rendre maïtres des élecfions. Les Rois de la première race donnoient les Evêchés quand ils pouvoient, & 1'Eglife s'y oppofoit toujours, quand cela fe pouvoic avec füreté. Le troifieme Concile de Paris, tenu 1'an 557 fous le regne de Childebeft, fit la-deffus une IV. Mémoire. E iij  févere ordonnance: qu'on n'ordonnepoint d'Evèque, dit-il, contre le gre des cltoyens, mais celuila feulement qui aura été èlu volontalrement, & d'un plein confentement parlepeuple & par le Clerge', non par le commandement .du Prince. Depuis ce temps-Ia, 1'Eglife Galiicane a toujours été aux mains avec les Papes, & avec fes Rois, pour la liberté des élections. Charles VII Ut faire a Bourges la Pragmatique Sandtion , qui rétablilfoit les élections canoniques en les délivrant de 1'autorité des Rois, & de celle des fouverains Pontifes: Louis XI, pour faire fa cour au Pape, lui livra la Pragmatique Sancïion, & en envoya 1'original a Rome. Ce qui y caufa plus de joie, que n'auroit fait la conquête d'un Royaume a JESUS-CHRIST. Les Succeffeurs de Louis XI rétablirent & anéantirent cette Pragmatique, felon qu'ils étoient bien ou mal avec la Cour de Rome. Enfin Le'on X & Francols 1 partagerent enrre eux le morceau , & donne'rent le dernier coup aux libertés de 1'Eglife Galiicane, en aboliffant pour jamais les élecb'ons canoniques. Le Pape eut les Annates fur les bénéfices & la provifion des Bulles, & le Roi fe réferva la nomination a tous les grands bénéfices. La mémoire du Chancelier du F rat, qui fitce beau coup, en eft demeurée chargée de teute 1'exécration de 1'Eglife. Depuis Francois 1, tous les Rois de France ont exercé ce droit. Mais Louis XIV 1'a fait valoir & 1'a étendu plus loin que les autres : comme il paroït par le grand démêlé de la Régale, & par 1'entreprife qu'il a faire de nommer des fupérieurs & des lupérieures aux maifons Religieufes qui n'avoient jamais été foumifes a ce joug. Or il efr clair comme Ie jour, que ce privilége que les Rois de France fe font acquis par une pure ufurpation , eft un des grands moyens par lefquels ils foucjennent leur pouvoir defpotique & leur puif-  (#) fance arbitraire. On fair combien les peuples fèlaiflent facilement perfuader par les Dire&eurs de leurs confciences. Un Evêque prêche & fait prêcher telle doctrine qu'il veut. II envoie & donne des Confeiïeurs dans tout fon Diocefe. II n'admet aux Cures & ne met dans les ParohTes que des gens qui font dans fes principes. La Cour nomme aux Evêchés des gens qui font a fa dévotion , & ces Evêques demeurent parfaitement foumis a la Cour qui fait leur fortune & de qui leur fortune dépend. Car la même autorité qui les a faits les peut défaire. La Cour nomme auffiaux grandes Abbayes. Et les Abbés Commendataires ne manquent pas d'infpirer a leurs Moines 1'efprit d'obéilTance & de foumidion aveugle pour le Roi qui les a faits. Les Moines font prefque toujours en différent avec les Abbés pour le temporel & pour la cuifine. Mais cela même les oblige a vivre dans une'grande foumiffion pour la Cour, afin d'y partager la faveur... lis entrent en partage de la bslfe complaifance de ■ leurs Abbés pour les "Puilfances, afin de les contrequarrer plus facilement & avec appui dans leurs-■ entreprifes. Outre tout cela il faut confidérer que par ce privilége de difpofer de tous les grands Bénéfices, la Cour le rend maitrelfe de toutes les grandes Maifons du Royaume. Elles ne fubfiftenc toutes que par les biens d'Egiife. Un aïné emportstout le bien. Les tadets ne font riches que par lesEvêchés, les Abbayes & aurres biens d'Egiife que le Roi leur donne. Et ces biens deviennent comme ■ héréditairesdans les Maifons. Lesoncles lesréfignent a. leurs neveux de génération en génération : quand un frere a long-temps pofiedé ces biens d'Egiife,. s'il lui prend envie de le marier, il les réfigne a 1'un de fes cadets, en fe réfervant une grolfe penfion fur ls Bénéfice. II eft aifé de compiendre que toutes les grandes IV,. Mémoire.. £ l*  (f*) Maifons du Royaume, qui ne font rlchei que de ces; biens doivent être dans une grande dépendance, pu.fquelJes ne poffédent crs grands revenus que par Je benefice du Roi, & dépendamment de ia vo onte. Enfin quand Je Roi veut récompenfer quelquun qui ne peur pas recevoir un caractere dSSéT' 11 l1 affig-^^ndespenfions S d.s Renefices qu. font pofledés par dautres. Ainfi les b ens ecclefiaftiq,es font abfomment fécularifés. & ne fervent qua fiJurnir au princc j d> Z ï'ïï f ,£ ,R°yaUm e,efciaVe' «-éconfpe^fe tra reqX f " de fa P^nce arbi¬ traire, & fe gagn ^ vo]x . Ja f] n> a perfonne qui ne trouve bon un Gouverne- EV? °n gag"e ' ^oique tous ]« a«res y perdent. C eft pourquo. toute Ja NoblelTe de France & pamculierement la grande NoblelTe, ne fauroit avoir du chagnn contre ia puiffance arbitraire, qui les Lnur°Xr I 3 k JêSP V/iquefois i mais qui feule felif C V P0^0"^es revenus immenfes de ! Egale Galiicane. Car fi le pouvoir defpotique du Gouvernement fur les biens d'Egiife étoit anéanti les eled.ons canoniques étant établies, ce ne feroit pus ia naiflance, la faveur, la complaifance eTnn ^ ^ ». & 4 fe ™xiL "qu emporteroient les grands Bénéfices 3 ce feroit la La Cour fe fert encore d'un autre moyen trèsefficace pour s arracher les Evêques , & pour rendre par eux toute la Nation efclave. C'eft qu'elle au torife la tyrannie de ces Evêques fur leurs Prêtres & lur tout le bas Clergé. Les Prêtres font les £ fiXt^r/^11"- IJ rie" Ü raiftX 11 aoi.ct & n foule que ce bas Clergé. Pendarr quiin Evéque eft grand Seigneur, Ai t une dépenfe fcandaleufe en cniens, en chevaux, en meu-  (73 ) bles, en domeftiques, en tables, en équipages, les Prêrres du Diocefe n'ont pas de quoi s'acheter une foutane ; les fardeaux des Décimes tombent fur ces miférables, & palTent auprès de Meffieurs les Prélats fans les toucher. Les Evêques traitent leurs Prêtres , non comme d'honnêtes valets, mais comme des valets d'écurie. Ils ne fe couvrent jamais devant leurs Evêques, ils n'ont pas i'honneur de manger aleur table, il faut qu'ils marchent a leur mandement, & qu'ils obéiüent aveuglément aux ordres de leur Prélat, comme s'ils étoient fes fujets, & qu'il^ fut leur Souverain. Dans un Etat libre & fous une Monarchie bien réglée , cette conduite n'auroit point lieu; on apprendroit aux Evêques qu'ils ne font que les Chefs de leurs Prêtres &c non leurs Rois, & qu'ils ne doivent les gouverner que felon les Canons. C'eft pourquoi les Evêques öc les Prélats font engagés a maintenir la puilfance defpotique qui les maintient. Les tyrans le prêtent la mam les uns aux autres , &c les tyrans les plus élevés permettent aux tyrans inférieurs d'exercer tyrannie fur ceus qui font plus bas qu'eux, afin de les engager par-la a conferver un Gouvernement, fous 'lequel ils ont un empire qu'ils ne pourroient conferver, fi les affaires prenoicnt un autre train. LOUIS XIV, le plus impérieux & le plus abfolu de tous les Rois, a bien pénétré cette politique, quoiqu'il ait efficacement traVatllé a réunir dans fa perfonne toute 1'autorité qui étoit répandue en divers Sujets, il a permis aux Evêques d'aggraver le joug des Prêtres •, & même depuis quelques années il a fait rendre un arrêt dans fon Confeil.par lequel lesCurés font deftituables par leurs Evêques ai nutum. C'eft-a-dire qu'un Evêquetranfporte, chafie, bannit un Curé quand il lui plait, fans autre raifon que fon caprice tk fa Volonté. R ne talloit plus' que cela pour abattre le bas Ciergé 5 8c le rendre IV. Mémoire.  i 74 l \LZéP?SAa%F™phs ' & refc,ave d« P^'Iats. Jugez ft des Evêques qui regnent fi defpotique- potiqüe^ 1Vent tCnir P°UI Ia PuilIance def- ™iE|CIr;ERG^ faVn grand CorPs dans 1'Etat; rna.s les Financiers , Gens d'affaires, Traitans, Tré' foners, Receveurs, n'en font pas un moins grand: a tout comprendre depuis le premier Adminiftrateur des Finances, tel qu'eft un Surintendantou tel quetoit M. Colben, jufqu'au plus petit Commis fc /ufqu'aux Archers de la Gabelle. Lmm^aTé un grand myftere de politique d'intéreffer tout le *-orps du Clerge a maintenir la puiffance defpotique, ce n eftpasun coup moins important dengager tout le Corps des Financiers & Gens d'affaires dans le ma.ntien de la puiffance arbitraire: & c eft ce qu on a fu faire dans ce dernier fiecle. Toute j üurope a vu avec étonnement & même avec effroi les prodigieufes & immenfes fortunes qui fe font eTL?!1 ^ frpS- DeS §ens fe font tro^s en etat de faire quelques prêts aux Miniftres dans leurs preftantes n cejfités. Cela leur a été ,me pore pour entrer dans 1'adminiftration des Finances. Et ils y ont fait des maifons puiffantes & riches en moins de rien. Ils fe font rembourfés au centuple de leurs avances. D'autres, de petits Commis, ont S'aZT" *°fa W'ank premiers'emplo s des Finances : d'autres s'y font fourrés par d autres portes Maïs quoi qu'il en foit, quand ils y ont ete introduits, ils y oït fait des ravages ho r bles. Le Peuple a été fucé par toutes fes veines; ü ny a point de violences & de vilainies qui n'aient ete commifes pour 1'épuifer. Les donneurs d'avis font venus a la traverle comme des troupes auxiliaires des gens d'affaires. Une infiniré degens ont eu part au gateau. Tout le bourgeois de^aHs a trouvemoyen de faire valoir fon argent par-la, &c de  \ 75 ) sTntéreiïer pour tirer vingt, trente, quarante & cmquante pour cent d'un argent, qui, felon les Urdonnances.'ne lui en devoit valoir que cinq. Le resne des financiers étoit monré a tel point dans le Royaume, qu'il faifoit un autre Etat dans ltrat, K paroilfoit avec tant dëclat, que tout ce quily avoit. de erand & de brillat» dans le Royaume, en a ete eftacé On voyoit ces Meflieurs acheter les plus anciens hötels des Princes & des Ducs du fiecle pafte, ieter par terre ces beaux & ces grands hotels; batir fur les ruines, des palais a la moderne , plus magnifiques que les mailons des Rois. Ils achetoient les premières terres du Royaume dans les Provinces, & ptofitoicnt des débris des grandes maifons ruinees. Ils avoient des équipages de Souverain, des tables magnifiques & délicieufes, enhn il n'y eut jamais un fi prodigieux abus & uneprotufion de tichelles fid^mefurée. Toute la France a vu a quoi les finances étoient employees du remps du Surintendant touquet : les fommes immenfes qu'il dépenfoit: en iales voluptés, en barimens fuperbes, en fêtes d une magnificence inconcevable , en terres fur lefquels il faifoit alfembler routes les raretés de la nature, i ous les autres gens d'affaires fous lui, a fon exemple, poulToientces exces a toute extrêmité, & ne le donftoient pas de bornes. Et oui fourniiloit a tout cela ? la fubftance du peuple & la puilfance deiponque • ia volonté du Prince de laquelle feule dépendoient les impots. On hauifoit les rallies felon que les traitans fe jugeoient apropos: on faifoit monter les fermesauiii haut qu'il étoit néceffaire , pourfournir aux betoins de 1'Etat, pour aflouvir 1'infatiable cupiotté des Mi? niftres, & pour combler la vafte convoinfe de plufieurs millions de gens sffamés qui dévoroient tout. Un donneur d'avis étoit écouté comme un cracle; on le produifoit a la Cour avec éioges, on le recompenfoit magnifiquement: les récompenfes animoient IV. Mémoire.  les autres, fout Ie monde donnoit dans une profefïïon LrriayeerT°UCeIa,FranCe ét0it couve»e d «acteurs , &. perfonne ne leur pouvoir rien dire. Si les toi par es Etats du Royaume, les chofes n'auroient gs pu aller ainfi. Cette foule de petits tyrans,qui pro^o;entdelatyrannie,n'auroitpurégneï. Cesgrandes de cetS ne.rJeVT; * faveur &afombre iïnn f" anCe defP°ti(lue' q«i fans réferve, 'I nous plan , noto voulons, & ^ ,7? notre plai/tr. Car o„n a qu a ^ Minift u per le Confeil, pour obtenir une Déclaration ou un lequd \ ~mme avec "«e faux tranchante, on moiflonnoit ou Ion n'avoit pas femé. Voila donc encore une prodigieufe quantité de g ns mtereffés * foutenir.Ja puifffnce arbitraireca! leur regne dependoit uniquement de-la. Et outre que ces gens étoient en grand nombre, ils trouvoient lit Reng3ger T?Ut.Ce ^ y ayoit de Grands dans le Royaume. II n'y avoit pas de financier qui neuta les gages les Gouverneurs des Provinces, Lieutenans de Roi, Commandans des Places , & merne des grands Seigneurs de Ia Province. A 1'un is donnoient cinquante mille livres de penfion, h I autre plus ou moins, afin qu'ils prêtalfent maintortepour 1 etabliflement Sc pour la levée des impöts. Car le peuple n eft point fi efclave d'habitude, qu'il ne fe fouvienne toujours de fon ancienne liberté; Ü le foulevoit, quand il pouvoit, pour fecouer Ie joug pelant quon lui mettoit fur les épaules. Mais les Commandans pour le Roi, les première Maatrats des villes, Sc les principaux Seigneurs du pays, payes par les gens d'affaires, tenoient la main pour contenir Ie peuple dans fon devoir , c'eft-a-dire pour 1 empecher de faire fon devoir, & de faire valoir fes droits. Voyez combien voila de gens engages a maintenir la tyrannie. Nous 1'avons déja  (77) dit, quand on gagne a un Gouvernement, onne fe met pas en peine que les autres y perdent. Aujourd'hui ces Meffieurs qui depuis ont fenti 1© poids de la puiffante defpotique , & qui en ont été opprimés , fentent aulfi bien que nous la pefanteut &c i'injuftice du fardeau. Mais alors environnés de biens, nageant dans les richelfes, il bénilfoient les canaux qui les leur apportoient, & n'avoient garde de tendre a une liberté qui leur eüt été fatale. On n'a plus befoin de donner des penfions aux Gouverneurs des Provinces pour les obliger a tenir la main pour faire obéir le peuple. Le Roi s'elf 'tellement autorilé , & a porté fon pouvoir^ fi loin , qu'a préfent un ordre de la Cour porté par un valet de pied, & produit par un Intendant, fait trembler toute uneProvince. Tout baiuelatête,& grands & petits, & gens du Roi, &C magiftrats^ & peuples. Mais outre que cela ne revient pas a la décharge du peuple, il faudranécelfairemenr, que la puilfance delpotique & les impöts continuant, les Gens d'affaires remontent fur leurs tiönes. Les moyens que le Roi emploie pour tenir le peuple dans lacaptivité, fans dépendre des gens d'affaires, eft plus onéreux a 1'Etat que n'étoitle regne des financiers. Carc'eftcette horrible multitude de troupes dont il couvre le Royaume , & dont nous avons a parler dans la fuite. Le Roi n'a pas autant gagné a réformer les officiers des finances, qu'il confume dans 1'entretien de ces grandes ,armées. La facilité que le Roi trouve dans les exa&ions, vient de ce qu'on appelle la force du Gouvernement. Onpaye, paree qu'on n'oferoit refufer; & 1'on n'oferoit refufer , paree qu'on a fur la tête une autorité qui paroït comme une montagne toujours prête a tomber & a écrafer. Mais les Etats ne fauroient long-temps fublifter dans cette fituation violente : des guerres étrangeres qui réuffiflent mal, des guerres civiles, caulées par les IV. Mémoire,  (7?) • mécontens ; une minorité fous laquelle 1 autoritéroyale demeure comme éclipfée, font auflï éclipler fa terreur, les forces de mer & de terre diminuent, on n a pas de troupes pour être par-tout; les Commandans de ces troupes ne font plus fi foumis, Le peuple alors commence a fentir fa force. Ce temps reviendra mdubuablement. Et alors il faudra que le regne des gens d affaires retourne & qu'il falie régner la Cour précifement par les mêmes voies par lefqueJles ils; l ont fait régner durant le Miniftere du.Cardinal delbchelieu öc celui du Cardinal Marann Lt par confequenc, a moins qu'on n'y mette ordre, ce < miniftere des financiers, & la licence quils ont üe tout prendre fut 1'autorité defpotique du nom de Roi, fera toujours 1'un des plus Auiflans moyens pour ioutenir la puiffance arbitraire. Tout abanies que font aujourd'hui les gens d'affaires par es cours de Juftices, par les taxes prodigieules qu'on leur a fait payer, par la diminution de leurs gains immenfes , i!s ne font point encore revenuf du charme de cette puiffance arbitraire , & ils ne voudroient pas travailler a ia détruire. Ils fe fouviennent des heureux temps qu'ils ont paffes a la faveur de cette puiffance arbitraire , de leur pompe,deleur regne, & Qe leurs plaifirs. Momrot difoit qu'il v avoit trois chofes que le Roi ne pouvoit lui öterla nobieffe, car il etoit de hafle naiffance; fon patrimonie car .1 etoit né gueux, & les bons repas qu'il avoit faits-, la mémoire du paffé les foutient donc dans leurs maximes. Le préfent , quoique facheux, ne la.ffc pas de les y engager ; car ces gens qu'on a vexes,taxes,rumés , ont confervéde bonnes pieces de leur naufrage A 1'un le Roi a emporté quatreou cinq m-llipns a l aurre: deux , a 1'autre quinze cents mille hvres. Mais a ,es cela ils ne Jaiffent pas de yivre encore marnifiquement & dans 1'abondance. Ils Jaiffent bien plus a leurs enfans, que  { 79 ) leurs peres ne leur ont laifle. Ainfi ils n'ont fujets que d'être contens d'une puiffance arbitraire de laquelle ils ont abuié long-temps, & qui dans la fuite ne les a pas fi bien jetés par terre, quils ne fe trouvent encore fur leurs pieds. fantin leipérance de 1'avenir les retient dans les principes de la puiffance arbitraire , par la raifon que je viens CoI?PE<»»*. « n'en voudra prendre aucuus connoiliance. Ainfi Je vérirab'e itirfrfe de laRépublique de Hollande eft de rend4 tou ZnlVt é?an§erS; ma!'S de.ner^boX jamais fes pr0pre fmers, Car ^ j remoourAn te impots qu. fouciennent 1'Etar. Er ellëpeffi  ( 87 ) le frein pat lequel elle les retient dans 1'obéiflance Sc dans la foumiffion. Ce moyen eft donc bon & leginmc dans les Ü.ars libres Sc dans les pays oü les peuples fe gouverneur par eux-mêmes. Cëft un lien qui les unit au corps de 1'Etat. Mais il eft pemicieux dans les pays_ de Gouvernement Monarchique: car il eft impofiible qüune Monarchie ne dégénéré incontinent en tyrannie, quand le Monarque tient en fa main tout lebien des particuliers. Aulïï eft-ce tres-aflurement Tune des chofes qui mettent le plus a couvert la puiffance defpotique de la Cour dc France. Cas ü n'y a point de particulier intéreffe dans les rentes que paye le Roi , qui ne puiffe penfer,/ nous remuons pour réformer 1'Etat , le Gouvernement changera ; & fi le Gouvernement change, le nouVeau Gouvernement ne fe croira pas obhgé de payer les rentes mont ete cree'es par le défordre du Gvuvcrnemcnmmèdtnt. Mais cëft une rjifficulté ,, a%* quelle on peur très-bien répondre, Sc nous ferons voir dans la fuite qu'il feroit très-facile de ram ener la Monarchie a fes anciennes Loix , lans rien taire perdre aux particuliers. Le lixieme appui de la tyrannie Sc de la puilfance defpotique, cëft de rendre la fubfiltanee de teut ce qu'il y a de grands Sc d'importants dans le Royaume déoendante de la Cour. U n'y a Etat-, m Royaume dans 1'Europe , oü les choles aiJlent a eet égard comme elles vont en France. Pat-tÓut les Grands du Royaume vivent de leurs fonds & de- leurs revenus, Sc ne s'attendertt pomt aux penhons & aux bienfaks de la Cour. On fait comme les Grands d'Efpagne vivent indépendans de la Cour. Cette indépendance pourroit aller a lëxces : car cela les porteroit a négliger les affaires de la Couronne & la gloire de 1'Etat. En eftët on croit que cëft de-la quëft venu le changement , ,qu on eze-it V. Mémoire, f W /  ( S8 ) remarqucr dans ce grand & puifTant Etat, qui comprend tant de Royaumes & rant de Provinces, quj poflede auta'nt de terre dans 1'Europe & dans Ie nouveau monde qu'il Cn faudroir pour faire 1'un des plus pulffants Empires qu'on ait vus. Si I'fcfpaene ne fait pas ce qu elle a fait autrefois, cela vient peutêtre de ce que les Grands d'Efpagne ne fe mettent pas aflez. en pemc des affaires du dehors, & fe contenrent de vivre chez éux riches, puiffans, & indépenoans fans beaucoup s'intérefler a la grandeur & a ia gloire de 1 Etat, au moins les en accufe-t-on £^t cette refiexion, pour le remarquer en paffant ' doit faire comprendre que la France ne doit pas fort compter fur la prétendue foibleffe de l'Efpa?ne m ï™nd } fe» Pfeira elle peur devenir auflï forrrhdable qu elle a été autrefois. Deux ou trois Provinces que la France lui a enlevées n'ont pas dhninue fes forccs, & ne font guere de As en compnailon des prodigieux domaines qui Tui reftent Les Grand, n ont qu a fe reveiller & incontinent Ie Gouvernement roulera fur un autre pied. La même obfervanon fe peut faire fur i'Angletcrre. Cëftque les grands Seigneurs ne font pour leur fubfïftance dans aucune dépendance de la Cour. Ils ont de grands biens, ils vivent chez eux en petits Souver'ains. La Cour ne les ténant.ppint par-la , ils ne font pas fes elclaves, & font toujours en état de s'oppoi« r a fes ufurpatioi.s, fans craindre la perte des peniions. C efr toute autre chofe de la France. Le Roi a rrouve moyen de rendre tout miférable, afin qu'on ne puiffe vivre fans lui; & par oonféquent qu'on foit toujours dans leiclavage. L'Angleterre pour 1'étendue n eft poitit comparable ï la France; cepehdant on ytrouvera pent-êrre deux nu trois fois plus de' grands Seigneurs, capables de fe foutenir par euxrnernes quen France; D'ou peut venir cela ? Cda Vient de la pojjtique des Rois de, France, qui rui-  ( 8? ) «ent toute la Noblefle, pat les dépeiffesprochgieufes ïaauelles ils l'obligent, tant pour paroitre z la Cour que pour la guerre. Alors quand les rnailons font ruinécs! le Roi leur tend la mam pour les emScheïïe tomber. On leur donne despenfions on pcc.rci ^KarcTpc & de gouvernemens, d Cour , ils'font fesefclaves, & par conféquent ik font engaeés a foutemr la tyrannie & la puil fcn«-rbK Car fi certe puiffance étoit abattue , ail oonvS dëxiger des fommes ptodigieufes fur mSiïter«é°l« penfions néceflairernent tornbero ent Si la grande NoblelTe de France entendoit ËvSt bl« intéréts, elle vivroit dans les Provinces Grands s'y rendroient confidérables par une Senfe honnête, & par les ferv ces qu lis rendroient & la protedion qu'ils fourniroient aux peuples & L Gen ilshommes-, par ce moyen ,ls fero.ent-la commede petits Rois. Ils iroient a la Cour amant Stot devoir les y engagcroit^our rendre leurs Sim ges au RoiAlais ils ne s'amuferoient pas a Lffit la Cour d'un Prince qu. les oppnme, & ne fe ruineroient pas pour lui faire honneur Sc pour ba r la tyrannie. Par ce moyen confervant leurs Wens & leur crédit dans leurs Provinces, lis feÏiït fou ours en état de s'oppoler efficacement aux «ntreorifes de la puiffance defpotique & .ans bor Z S aiÏfi que la nobieffe de France v.oit au trefois &c avant le Regne des Valais, les Grands ne ven'oifnt a la Cour que quand on les y appelloit. .V rm'on avoit affaire deux. On peut compter poqrun feptieme moyen de conf«S ï tyrannie , de ce qu'on s'eft rendu maïtre de ous les emplois, & de toutes es charges, & de e quon a permis iWoflk», des abus dan cel dont la Coursëft en quelque facon deflailie. Ire niierement les abus qui fe fouffic* dans la poffely, Mémoire,  ((jf ) iion 8c 1'aiiénation des charrros de itifl*» grand appuia la tyrannie. Par^empl f "étlite" ïns8?r,? 5 f'. PUI?ent être ^roduires tes gens, mal habiies, fans connoilWe fan« confcience, fans honneur & fans fd.ÏnVa-rS neceuaires pour faire un bon Juge. Et ces aualirfc ne fe rencontrent pas toujours d°ans le TJtichc öepenu & d acheter cherement le droit de saf- lans merite & fans vertu rempliffe les places, qui ne Ceft vend qUaa méme' ^ a d« 5 C eft vendre proprement la juftice au plus oftfant cher k Edel ^"f* ^f^" achete ">« rnarché i « P d'ftnbucr "e ia don»era P« » bon rnarche. Les Cours fouveraines ne font pas exemntes Pe le\ f r'b"naux inférieurs. Les places y font ccheS7ahkS' °n ks ^ bie-n P^cherf ainf lang io tl de Ia boue, en ont encore 1'efnrit & le« ÏÏBÏS PC7 °nt du bielfd nf de" fo7 & SE?,i^hon*ê&*; H faut reiever la mai! ion, K eftacer hnfamie, en s'acquerant des nla-es d honneur. Ainfi un Parlement fe rempl t de >> un s pavant bS v ^ ' qu? Par for™ & en les vieyTesb ns 2? 'f j*» qui déPendent »» K 'T I' & k fort-l!ne de »«« Royaume. j*ns les I ribunaux intérieurs le plus riche de Ia v^ le q,„ ouvent en eft ,e plus malhonnte hom- prem erë rl « achetanr la première charge ; I„ autres dignités du barreau qui  ( 91 ) font aii-deflbus fe vendeitf de même : tk ces Meffieurs qui ont acheté ces emplois , noubiient rien pour fe dédommager. fis allongcnt les procés, ils multiplient les formalités : ils fe lont adjuger de groiïes fommes pour des vacations, pour des defcentes fur les lieux , tk peur cenr autres chofes. Jugez (i de telles ger.s affis fur le Tribunal font fort propres a corriger les défordres du barreau. Des Juges qui font eux mêmes des hipons, font-ris bien propres a chatier les folliciteurs tk les Procureurs , de leurs friponneries; Au contraire, ils partagent avec eux & les foudennent. De-la vient que de tous les pays du monde, la France eft celui oü la Juftice s'adminiftre le plus mal. On le peut dire, tk fans exagération tk fans exception. Souvent il faut manger la moitié de ce qu'on prétend tk de ce qu'on demande pour avoir 1'aütrè. II y a des families ruinées par 1'injuftice des Juges, par (Ja friponnerie des gens du Barreau , tk par finiquiré des Juges qui" refufent juftice, & qui font durer des proces plufieurs vies d'hommes. Pourvu que 1'injufte ufurpateur d'un bien ait. de 1'argent pour payer des gens habiles en chicane, t il eft óiTuré d'êrre quitte pour le refte de fes jours : ' après lui fes héritiers y aviferont. Si on juge , la brigue, les amis, la follicitation des Grands, & particuliérement celles des femmes belles & galantes, décident de-tout : paree que ceux qui jugent font des ames vénales, baifes, corruptibles, Si agitées par des paffions impures. La ^Cour voit bien tous ces défordres, elle feint même d'y vouloir remédier. II n'y a point de regne oü 1'on ne faffe de nouveaux Codes. Mais tout cela s'en va toujours en fumée, & 1'on n'a jamais aucun deffein férieux de faire finir des crimes qui font utiles a la confervation de la tyrannie. Car qui ne voit que par ces défordres Sc ces abus de la Juftice V. Mémoire,  ( H ) yoici encore une grande partie de ia Nation eneaeée a maintenir une autorité qui tolere fes défordre!> Ne iait-on pas bien que fi les Rois n'étoient pas fouverains comme ils font, & s'ils n'avoient pas fecoué le egirime joug des Etats du Royaume , les Grands öc les lages affembles, comme on les alfembloit autretois, arreteroient Ie cours de tant de maux, abohroient la vénalité des charges, puniroient ieverement les prevarications des Juges, & ne laifleroient aucun lieu a 1'exercice des voleries & des tnponnenes des gens du Barreau? Ainfi 1'impuniré dans cetarticle important, attaché encore une infirure de gens aux intéréts de la Cour, pour la maintenir dans les cruelles ufurpations. Car combien y a-t-ii de JUges , de Cours, de Procureurs, dAvocats; J ne faut pas trouver étrange que les peuples n ofent foupirer, ayant tant de tyrans iur la tete qm fe tiennent par la main, & qui fe maintiennent les uns les autres. i ~ raal,n'eft V™ moindre par les charges dont f u Saft-rffe,rvée Ja Pleine & entiere difpofition II eft a.fe de juger qu'elle ne met dans ces emplois que des efclaves & des ames qui lui font aveuglement attachées. Ainfi, foit que la Cour donne les charges, foit qu'elle les vende, foit qu'elle les aifle vendre; c'eft a-peu-prèsla même chofe; & elle lait fe fervir de tout utilement pour s'afïerüns bornes ?° ^ puifW Arbitraire & Mais comme fi tout ce!a ne fuffifoit pas, la Coup depuis quelque temps a diftribué dans les Provinces & dans toutes les autres Généralités, certaines geus auxquels elle donne le nom d'Intendans. Ce font des 1 lempotentiaires, ce font des hommes revêtus du pouvoir de tout abattre, & de tout mettre fur la pouffiere dans tout le Royaume. Ils s'appellenc Intendant de Jujltce, Palice & Fmance.C'kpat-  ( 93 ) faitemenr bien les définir. Car en efFet ils embraffent Sc raffemblent dans leurs perfonnes toutes les atfaires Sc toutes les Jurifdidions. On les voit tenir féance chez eux pour juger les proces des particuliers , recevcir leurs plaintes Sc les gnefs du premier venu, .Sc particuliérement du bas peupleSC du payfan-, Sc par ce moyen ils ont abaille Ja JNoblefle. II eft vrai qu'ils ont reprimé les exces que les mauvais Nobles commettoient : ce n'eft pas en quoi ils ont tort. Mais fous le prétexte de remedier 1 quelques défordres, d'empêcher i'oppreflion , li n'y a pas de vexation qu'ils n'aient fait Sc qu ils ne faflent a la NoblelTe II faut que les premiers Gentilshommes de la Province rampent devant eux ; les Intendans les envoient quérir par un laquais: quand M. 1'Intendant paffe en un lieu, tout eft en mouvement, le Seigneur de la Paroifle fe ruïne a lui faire des magnifiques réceptions. Et avec toutes les bafleffès qu'on peut employer,un Gentiihomme n'évite pas le malheur d'être maltraité comme Je plus miférable de tous les hommes , s'il vient a manquer le moins du monde a ce qu'on appelle Jon devoir. On ruine fes fermiers par des impots exceffifs. On fait demeurer fes terres fans culture; on fait venir .des Lettres de Cachet pour 1'arrêter , pour le reléguer , ou pour le mettre en pnfon : ou , pour mieux dire, on mamfefte une de ces Lettres de Cachet dont les Intendans ont toujours provifion , & qui font comme des blancs-fignes. Ces eens font encore deftinés a abattre tous les Juges Sc tous les Magiftrats des villes. Car non-feulement ils attirent devant eux les procés des particuliers , mais ils interdifent Sc font interdire les Juges qui ne fuivent pas aveuglément leurs volontes. Quand il y a des affaires importantes a juger , 1 Intendant , de fon autorité Sc de celle du Roi, choint des Préfidiaux de la Généralité tels Membres que V. Mémoire.  bon lui femble , il en compofe un nouveau ConfeiJ 5 & la on juge fuivant les ordres fecrets qu'on a dl Ja Cour. Si les ,ugemens rendus dans les Tribuna'S ordinaires ne leur plaifent pas, ils les callenr „ ou: moms.is en fufpendenr lëffer: ils ouvrenr' les pnfons ilsarrachent, quand il leur plaïr, les cri nnnels des mains de la"juftice. En un mót L o' reuni dans leurs feules perfonnes toute 1'autorité des Ttibunaux Enfin ils font les maïtres abffi des Finances. Ils ont englouti toute fautorité de rreforiers de France qui nele font plus aujourd'hu que de nom lis ont comme aboli toute ia JUrifdicbon des Elus & des Ékctions. lis font les in poutions ils fignent & autorifent les rolles. Ils taxent doffice qui bon leur femble. Ils jugent des proces qui naiffent fur ia levée des impots : tout eft de leur reftort. Cet étabiiffement des Intendans a de beaux dehors. C'eft, dit-on, pour empêcher la prevar.cat.on des Juges qui fe^iflept corrnrnpre, |pour veiiler fur leut conduite : c'eft pour remé! dier a la negligence des Maires, Echevins & autres Juges de Pol.ce qui négligent les affaires des Communaures. C eft pour empêcher 1'oppreffion des foibles , & repnmer la violence des puiflans. Cëftenhn pour repnmer ces petits Juges des Eleótións qui hufoient autrefois les Souverains dans leur «f! lorr,qui afiranchifloient leurs terres & ieursFermiers & ceux de leurs amis, & qui chargeoient qui bon leurfemblo.r. Et tout cela prétexte: car iiy avoit d autres moyens efficaces de «médier a ces défordres prétendus ou véritables. Mais il eft cialr queces intendans ont ete établis & envoyés pour abattre toutes es puiflances fous celle du Roi. Sur les frontieres ils font défefpérer les Gouverneurs des Places ils les contrecarrent, ils leur ótent leur pouvoir, & s engent en Infpecleurs ou plutöt en maïtres fur eux. fit, comme nousaYons vu, ils ont commiftion d'op-  (9S ) primer dans les Provinces rout ce qui s'éleve un peu, &c tout ce qui leroit capable de concevoir des penféesde liberté. On ne le tient pas encore aflez affuré par les moyens que nous avons ci-defTus déduits,des feouverneurs & Lieutenans de Roi des Provinces, des Juges, & de tous ceux qui ont quelque autorité. II a fallu envoyer en chaque Généralité un homme nourri aux pieds de la Cour, rempli de fes maximes, comblé de les bienfaits, & payé tout expres pour exercer immédiatement Ia puilfance arbitraire fur tous les Ordres du Royaume. Cet Intendant a des Gardes comme un Général d'armée, jamais il ne marchs ^ fans eux. Ce font les executeurs de fes volor.tés. Et outre cela, il n'a qua écrire a la Cour, & on lui envoie des compagnies &des régimens.qui fe mettent en garnifon dans les villes, dans les paroiffes \ & dans les maifons des Gentilshommes, pour ruiner tous ceux a qui il eft échappé quelques foupirs tirés par la pefanteur de 1'efclavage, & par quelque refte de fouvenir de 1'ancienne liberté. Cëft ce que j'appelle le huitiéme moyen de foutenir Ia tyrannie, & la puiffance defpotique; & fans doute ce moyen eft des plus efhëaces & des mieux concertés. : Le neuvieme moyen de maintenir la puiffance arbitraire & la tyrannie, cëft le Miniftere, & la maniere dont le Roi compofe le Confeil qui gouverne 1'Etat: les Princes du Sang & les Grands du Royaume font Confeillers nés du Roi & de la Couronne. Cëft a eux a prêter leurs fecours aux Souverains, & ils ont le droit de donner leurs avis, & de faire leurs rémontrances fur les défordres qui fe glilfent dans le Gouvernement, cëft dëux dont devroient être compofés les Confeils, & qui devroient polléder les premières places du Miniftere. La Cour n'a pas garde dën ufer ainfi. Les Grands & les Princes qui fentent ce qu'ils font, veulent être écoutés, ils ne trouvent pas bon qu'on négligé leurs avis, ils s'intéreflent aux V. Mémoire.  ( 9 ) maux de 1'Etat. Ils prennent en maïn la caufe dü peuple qu'on opprime, & quelquefois, quand on les pouffe trop loin, ils fe nnettent a la tête. C'elf ce que 1'on craint; & c'elf ce que 1'on ne veut pas ala Cour« Cëft pourquoion n'ad:net au Gouvernement que des gens propres a faire des efclaves, des hommes d'une naiflance au-dsflbus de la médiocre ; tel eft un monfieur de Louvoi, petit-flls d'un bourgeois de Paris, en fon temps occupant une charge de Judicature au Chatelet; tei étoit un monfieur Colbert, fils d'un marchand de Reims. On éleve ces viës têtes audeftusde toutes celles du Royaume 5 ils regnent pendant que ies Princes du Sang plantent des choux dans leurs maifons de campagne : on comble ces indignes Miniftres de bienfaits, on les rend riches &c puillans au-dela de tout ce qui fe pent imaginer. Aulfi prennent-ils un air d'autorité qui foule aux pieds tout ce qui pafte devant eux. Un monfieur de Louvoy , un Seignelaj, traitent tous ceux fur qui leur autorité serend , avec une brutalité fans pareille , & une hauteur qu'on auroit peine a fouffrir dans le Souverain lui-même. II eft aifé de compren-. dre, comment de telles gens font intéreffés a maintenir une tyrannie & une puiffance defpotique dont ils lont les ouvrages, les inftrumens & les maïtres. Aullï font-ils avec une grande exaclitude tout ce qu'on demande dëux. Et il n'y a crime, oppreffion, violence, brülemens, maflacres, exaiftions, ni fureu,rs qu'ils ne foient capables dëxercer fur les fujets & fur les voifins, pour ce qu'ils appellent le fervice & la grandeur du Roi. Si les chofes alloient comme autrefois, & comme elles devroient aller, les Etats du Royaume feroient faire bonne Juftice de ces tyrans , & fur Ia fimple lifte de leurs biens immenfes & de leurs revenus prodigieux , on les traiteroit fans autre information comme des voleurs du bien public, coupables du plus énorme pécuiat qui fe ibit jamais  ( 97 ) rnais vu. Cette politique de la Cout de France de n'admettre au Gouvernement que des anies fouples, & capables de tout faire pour établir la tyrannie , va fi loin , que 1'on exclut de Ia connoiflance &C de 1'adminiftration de toute affaire jufqu'a Monfeigneur le Dauphin, héritier de la Couronne, & celui qui a plus d'intérêt que perfonne a ce que les affaires foient bien adminiftrées. On aime mieux écouter des Miniftres violens jufqu'a la fureur, qui donnent dans tous les foibles du Prince,que deprendre les confeils d'un fils qui fans doute auroit horreur de la conduite que 1'on tient au-dedans & audehors, & qui tacheroit de remettre le Roi fur des voies de douceur, de bonne-foi, de juftice & de fageffe. Outre l'injuffice qu'il y a a traiter ainfi un Dauphin, qui n'a jamais fait paroïtre la moindre inclination a la révolte, il y a auffi de 1'imprudence. Celt ainfi qu'on rend les Rois fainéans : quand un Prince né pour 1'adminiftration des affaires a été nourri jufqu'a trente ou trente-cinq ansa faire fon affaire de la chaffe du loup, qui fait, fi après cela il pourra fe réfoudie a fe charger du plus pefant joug qui foit au monde, qui eft le gouvernement d'un grand Etat? Auffi eft-ce la vue de ce Miniftre ambitieux qui pofféde & qui gouverne lëfprit du Roi. II 1'entretient dans eet efprit de jaloufie contre Monfeigneur le Dauphin, & éloigne ce Prince du Confeil-Privé, pour 1'accoutumer a ne rien faire, afin que changement arrivant par la mort de Louis XIV, Louis XV fe repofe de tout fur lui, & le laiffe régner fous fon nom. Mais on efpere qu'il fera trompé dans fes vues, & que Dieu ne tardera pas a rompre une tête fi chargée de crimes énormes. Cëft donc la le neuvieme moyen dont la Cour fe fert, pour maintenir la tyrannie, favoir d'éloigner du Gouvernement toutes les grandes têtes qui ont intérêt a la confervation des peuples, &C de n'y recevoir que des miV. Mémoire,. G  ( 5>S ) férables qui font leur unique intérêt de la grandeur perfonnelle d'un Prince ambitieux Sc fier jufqu'a 1'excès. Mais il faut avouer que tous ces moyens de foutenir la tyrannie, feroient encore trop foibles fans un dixieme : cëft la force, cëft la violence, ce font les fuppiices, ce font les armées qu'on entretient en temps de paix, plus nombreufes que les Rois d'autrefois n'en avoient en temps de guerre. II paroït par les motivemens arrivés de ce regne en Bretapie, a Bordeaux , dans le Languedoc , Sc en d'autres lieux, que les peuples n'ont pas tour-a-fait perdu Sc 1'amour Sc le defir de la liberté. Mais a quoi peut fervir cela; Des pauyjes gens qui foupirent Sc qui veulent faire quelque mouvement pour diminuer la pefanreur de leur joug , fe voient incontinent une puifTante armee fur les bras. On roue , on pend, on exile, on relégue, on öte aux villes leurs priviléges, on interdit, on tranfporte les Pariemens. Et qui eft-ce qui pourroit remuer , accablé de ces armées efFroyables qui couvroient la France au milieu de la paix. Déja la Cour entretient 40 ou 50 mille hommes fous le nom d'archers de la gabelle , qui font autant de loldats dévoués a exercer toute forte de violences par ordre du Prince. Et outre cela, on a des troupes réglées répandues par-tout. Un Intendant n'a qu'a donner un fignal, Sc on lui envoie infanterie , cavalerie , dragons , autant qu'il en faudroit pour dompter un pays ennemi. Cëft-la le plus vif caraótere d'un tyran , qui fe puifië trouver. Les bons Rois n'ont pas befoin d'armées pour fe faire obéir , 1'amitié de leurs fujets leur feit de rempart, Sc obtient 1'obéiffance. Autrefois nos Rois n'avoient pjas même d'autres gardes que les officiers de leur maifon. Ces troupes réglées & toujours fur pied font de nou* veile invenrjon; quelque jour nous yerrons quani  ( 99 j * commence cette pernicieufe couturrie, qui a été le plus puiflant moyen dont les Rois de France fe font lervis poor fe rendre Souverains fans böihiSt Quand les Rois avoient des guerres, on leyoit des troupes | la paix étant faire, on les licenrioit toutes lans rjen excepter. On n avoit pas befoin de troupes pour garder les places frontieres: car comme des part ni d'autre il n'y avoit iür Pied aucuns fb'ldars OS ne pouvoir rien crainrlre nulle-parf. Mais même depuis qu'on a pris la coutume de conferver des Corps au milieu de la paix, on n'en réfervoit öu'aurant qu'il en falloit pour garanrir les villes rroff tieres de furprife. Louis XIV eft le premier qui sdt avile davoir toujours 150,000 hommes fur pied; de faire des campemens au milieu de Ia oaix ■ de vexer des lujets par des palTages conrinuels dl gens de guerre & par des logemens. C'eft a \a faveur de ces troupes qu'il a porté la puiffance defpotique plus loin que n'ont jamais fait les Emoereurs en lurquie. F Ce font-li les moyens généraux i outre cela il v en a qm font particuliers au Roi, & qui lui ont iervi a etablir fa puifïance arbitraire. C'eft par exem ple , un grand air de capaciré, des manieres d'autorité & qm font trembler , & enfin une grande apparence de piete & de religion. On fait combien ces fortes de chofes impofent aux peuples. Pn,tetre fe trouvera-t-il quelque jour quelqu'un qrfatrachera le ma que, & qui fera voir que routes ces grandes quahtes du Roi fe réduifent a un fouvétam amour-propre, a une fierté qui n'a poinr d'égale, a un amour extréme pour la grande • %u ration a une confeience épouvantée par ia *ran^ teres & de fes violences 5 Sc qui eifaie dappaifef Dieu en gardant les dehors de Ia religion ,& «£ outrant le fauxzele. Le Roi veut paron-re* tout fairel r' memoirei q ,j ''  ( ICO ] •fi on ten croit, il ne fe laifle pas gouverner. Et jamais il n'y eut au monde Prince plus efclave de fes miniftres. La différence de lui & des autres Rois tonduits par leurs miniftres, cëft que les autres fe Jaiffent conduire par unfeul; & ci-devant le Roi en croyoit plufieurs. II eft vrai qu'il eft auffi aujourd'hui tombé dans les mains d'un feul homme. Quand on connoïtra ce Prince dans fon intérieur, on verra qu'il.a mérité le furnom d'heureux plus que celui de grand. Mais il eft bon de fe fouvenir du mot de Solon , qui difoit, quil ne faut appeler perfonne heureux avant fa mort. II y a aujourd'hui dans 1'Europe deux Etoiles heureufes qui menacent fort celle de Louis XLV. Le temps nous apprendra ce qui en doit arriver. A AMSTERDAM. i La Monarchie eft ainfi fondée : on fait bien que i autorité des Rois nëft pas égale par-tout : 1'ufage & les loix réglent cela; de temps immémorial les Rois de France font maïtres chez eux : la Monarchie a été batie fur Ie fondement de la puilfance abfolue & lans bornes : voulez-vous renverfer 1'ouvrage de tant de fiecles, & remetrre 1'Etat fur un pied fur lequel il n'a jamais été 5 Cëft vouloir ruiner 1'Etat auffi bien que le Roi ; cëft mettre le feu dans les entrailles. Puifque les chofes ont toujours été ainfi, il faut qu'elles continuent. Voila. ce que ces Meffieurs difent de plus fpécieux. Mais il faut voir fi cela eft vrai: cëft juftement ou nous mene notre dcflein. Car nous nous fommes engagés pour rroifieme article de faire voir queile a été la vraie forms du Gouvernement fur laquelle notre Monarchie a éré fondée, pour découvrir comment & en quel temps ces ufurparions fe font faites, & comment enfin de nos jours elles ont été portées au fouverain degré de la tyrannie. Ce nëft pas que je m'oblige a dire ü-deifus tout ce qui pourroit être dit, & tout ce qu'on pourrok tirer de 1'hiftoire de nos Rois, tk de nos antiquités, car on feroit de ce feul chapitre un gros livre, dont la vue feule dégoüteroit la plupart des gens. Au lieu que mon deffein eft de faire un ouvrage qui invite les lecteurs, autant par fa briéveré que par 1'importance de la matiere. Je ne dirai donc fur un fi grand fujet, que ce qui fera d'une néceflité abfolue , mais jën dirai aflez Pqur convaincre les plus opiniatres, que ce qu'oa  (103) avance avec tant de témérité eft rout-a-fait faux; favoir que nos Rois font en pofleffion de tout temps de cette puiffance arbitraire ,abfolue, 8c fans bornes. Le premier moyen que je veux employer pour prouver la faufleté de cette avance, c'eft que Ia Couronne n'a point été fuccefllve , mais élective , au moins durant les deux premières races, 8c affez avant dans la troifïeme. Si cela eft ainfi, il eft bien évident que la puiffance de nos Rois ne pouvoit être d'une fouveraineté fans bornes. Car jamais Nation ne sëft fait un maïtre par éleótion, pour avoir un tyran, & pour lui abandonner leurs biens, leurs fortunes 8c leurs vies. On ne rrouvera point de Couronnes électives, oü les Princesneloient bridés par les Loix. Le Reide Pologne, qui eft élc&if, eft plutöt un Chef de République qu'un Souverain : i'Empereur, qui obtient la dignité par éleótion , regne fur des Princes & des Etats libres, &c a-peu-près indépendants de lui. II eft fi éloigné d'avoir fur 1'Empire une puiffance arbitraire 8c fans limites, que fon pouvoir dans la plupart des affaires nëft qu'un fantöme d'autorité, qui n'a de vie qu'autant que les armes 8c la force lui en donnent. Et cëft pourquoi les Etats de 1'Empire craignent fi fort la trop grande augmentation de la maifon dominante; les Rois de Suede 8c de Danemark ne fe font rendus maïtres que depuis qu'ils ont trouvé moyen d'amener leurs peuples a faire la Couronne fucceifive, detective qu'elle étoit auparavant. Toute nation qui fe fait un Roi, fe conferve le droit de le défaire , quand il va au-dela des bornes de fon devoir, 8c quand ii ruine 1'Etat au lieu de le conferver; & cela même fait voir que les Princes élus ne font point & ne peuvent être Souverains d'une puifiance arbitraire* Caron né pourroit jamais les dépofer après les avoir VI. Mémoire. G iv  { io4 ) faits, fi on leur avoit donné , en Ie élifant, une puilfance fans bornes. Les Allemands ont dépofé I'Empereur Wenceflas, prédéceffeur de Sigifmond. L'hiftoire de Pologne &c celle de Suede eft pleine de ces exemples de dépofition des Rois. Nos Rois étoient dans la même condition ; on les élifcit, & on les dépofoit quand ils ne faifoient pas leur devoir. Or cëft ici un point d'hiftoire important, très-digne de la curiofité des honnêtes - gens, & peu connu de ceux qui ne favent que médiocrement l'hiftoire de France. Paree que dans la première & dans la feconde race auffi bien que dans la troifieme, on voit prefque toujours le trone royal paffer de pere en fils, on fe perfuadé que cëft par le droit de fucceftion. Ceux de nos Francois qui ont étudié l'hiftoire de leur pays, ne font pas dans ce fentiment. Cëft deux que nous apprenons ce que je mën vais dire, car nous ne favons rien par révélation, & nous n'avancerons rien par conjeóture. Ce feront tous faits certains, indubitables; & en même-temps décififs. Car s'ii demeure conftant que durant fept ou huit cents ans on a élu & dépofé les Rois de France, il demeurera évident que la Couronne eft devenue fucceflive par une pure ufurpation , puifqu on ne voit aucun endroit dans notre hiftoire ,- oü la nation ait confenti a ce changement. Par cela même il paroïtra que la puiffance arbitraire des Rois de France nëft point de même age que la Monarchie, & qu'ainft fans yioler les Loix fondamentales, on peut &c on doit renfermer 1'autorité royale dans fes juftes bornes, en retranchant fes excès. Pour prouver que la Monarchie Frangoife a été fondée avec le droit du peuple d'élire fes Rois, il nëft pas néceflaire de remonter jufqu'a la première origine des Francs. Tous ceux qui ont un peu émdié l'hiftoire favent ce qui s'en dit, piucóe  iw) peut-être que ce qui en eft. Car cette origine eft fort obfcure &i fort embarraftee par la diverllré des opinions des Auteurs. II y a feulement trois ou quatre chofes certaines. La première, que les Francs font originaires de la Germanie, qu'on appelle aujourd'hui l'Allemagne, tk qu'ils font venus d'au-deia du Rhin. La feconde, qu'ils avoient donné leur nom a tout ce vafte pays, qui eft depuis 1'Océan Occidental jufqu'a la Hongrie tk jufqu'a laPologne, comme tout le monde 1'avoue, & comme le difoit Nauclerus *. Charlemagne, die-il, s'appeloit Roi des Francois. Ce qui valoit autant que fi on Veut appeLe' Roi de la Gaule & de la Germanie. Car il eft certain quen ce temps-la , toute la. Gaule Tranfalpine , & aujft. la Germanie , depuis les Monts F'yrene'es, jufqua la Pannonie , s'appeloit France. Celle la, c 'eft-a-dire , la France Germanique , s'appeloit France oriëntale • & Vautre, ceft-a-dire , la France Gauloije, s'appdloit France occidentale. La troifieme chofe certaine, cëft que bien que nousnecomptions les Rois des Francs ou des Francois que depuis Pharamond, cependant il y en a eu beaucoup d'autres avanr. Mais pour notre but, il nous fuffit de commencer nos obfervations par ou commence notre hiftoire. Enfin la quatrieme chofe certaine & indubitable, cëft que les Rois des anciens Francs ou Francois fe faifoient par éleclion. Ce nëft pas une chofe qui puhTe être difputée. II fuftfroit pour le prouver d'obferver que les Francs étoient des peuples barbares, & une efpece de Nomades, cëft-a-dire, des peuples errans, qui pafioient de lieu en lieu pour y cherchet des demeures. Or il eft certain que ces fortes des peuples n'avoient point de Rois fuc- (i) Naudcrus Ccncrat. 17. I/I. Mémoire.  ( io£ ) ceffifs. Leurs Rois n'étoienc que des Capitaines, qu'ils élifoienc pour metrre a leur tête; & ils choiliffoienr toujours le plus vaillant, auquel ils ne donnoient point de puiffance abfolue. Au contraire ik e réiervoient le droit de le dépofer, quand fon ag ou fes vices le rehdoient incapable du fervice au iel on 1'avoit deftiné. Le nom feul de ces pe pies eft une preuve de 1'amour qu'ils avoient p< it la liberté. Car tout le monde avoue que le mot Franc fignifle dans leur langue , comme il Iignihe encore aujourd'hui dans ia notre, un homme libre ; &c de-la. eft venu que nous appelons lesafyles des Franchifes; & nous difons affranchir, pour ligmfier mettre en liberté. Cë n'étoit donc pas feulement par rapport aux Romains, dont ils n'ont jamais voulu fubir lejoug, qu'ils prenoient le nom de Francs; c'étoit par rapport a la forme de leur Gouvernement. Ils ont toujours eu des Rois, mais fans prejudice a leur liberté. Car obéir a un Roi ce nëft pas fervitude, quand on fe réferve le droit de le chafler , lorfqu'il devient vicieux, brigand, & bourreau Que Pharamond que 1'on compte pour le fondateurde la Monarchie Francoife, Fait établie iur^ces deux Loix : la première, que le peuple feroit maïtre de lelection de fes Rois; la feconde, que 1 autorité des Rois feroit bornée felon ia volonré du PeuPÏe ; cela, dis-je, eft certain & indubirable. lous les anciens Auteurs en font témoins. Slimomus (a) dit que les Francs, en imitant les autres Natwns, s'élurent un Roi & le mirent jur le tróne. Ces mots, comme les autres Natwns, font dignes d'être obfervés, car ils montrent que rous les Rois des Gaules & de Germanie fe lailoient par éle&ion. Hunibaldus, un Auteur trcs- f^lj Aimolnus , lib, i , cap. 4.  I »7 J ancien, dit pareillement, que Van 405 *ou.r les Ducs, grands Seigneurs & Nobles d'entre les Francs s'ajfemblerent a Neopagus pour faire Véleclion d'un nouveau Roi; & d'un commun confentement ils choifirent pour Roi Pharamond qui étoit de la race Royale. Ces dernieres paroles, que Pharamond étoit de la race royale, font propres a réfuter la chicane des adulateurs de Cour, qui difent que Pharamond fut élu, paree qu'alors les Francois n'avoient pas de Rois , ni de familie royale. R paroït, au contraire, qu'ils avoient des Rois ; que Pharamond étoit de la familie de ces Rois; que s'il y eüt eu un droit de fucceflïon dans la Couronne des Francs, il auroit regardé Pharamond i caufe de ia nailfance 5 8c enfin que nonobftant fa noblefle & fon origine royale, il ne fut Roi qu'en vertu de 1'élection que les Francois en firent. Paroit-il quelque part que Pharamond ait changé cette ancienne Loi des Francois, 8c qu'il ait ordonné , ou que ce peuple ait confenti que la Couronne desFrancs fut déformais fuccefllve? Pourquoi 8c comment auroit-on porté ces peuples idolatres de la liberté, 8c qui en avoient emprunté le nom, a fe rendre efclaves d'un feul homme & de fes defcendans ? Mais au contraire ne paroït-il pas dans toute l'hiftoire, que les Francois fe lont. confervés le droit d'élire de la familie royale celui qui leur paroiflbit le plus propre a les proréger 8c k les défendre, & a les bien gouverner? Grégoire de Tours nous dit ( 1 ) que les Franfois ayant rejeté Chilperic , fe choifirent unanimement Eudcs pour Roi. Et dans un autre lieu il dit, (2) (1) Lil', z , cap. ii, (1) Lïb. 4 , cap. 5 n VI. Mémoire.  't ro-8 J que les Francois, après avoir jetè les yeux fur le vieux Childebert, envoyerent une ambaffade a Sigebert, afin qu'il vïnt a eux, pour être e'tabli Roi , en la place de Chilperic auquel ils renonfoient. Et peu après il dit : toute V arm Je s'affembla aupr'es de Sigebert, & Voyant élevé, felon la coutume, fur un bouclier, ils le fircnt RoL Le meme Auteur dit encore ailleurs que Sigebert confentant a la demande-des Francois jut mis fur le bouclier, fut proclams Roi C> prit^ le Royaume de fon frere Chilperic. Le même Gregoire de Tours dit que les Bourguignons , Us Auflrafiens ayant fait la paix avec les autres Francois élurent Clotaire pour Roi des trois Royaumes, ce qui eft confirmé par 1'Abbé d U/perg en autant de mots ; & il ajoute peu apres , que les Francois ètablirent pour eux Jur le Roi Chilperic, fon autre frere qui régnoit déja, Jur l Aujlrafie. Aimoin dit, que les Francois pnrent uncertain homme du Ciergé, appeléDhmzi.» auquel ils laifferent croitre les cheveux, Vètablirent pour Roi, & Vappelerent Chilperic. L'hiftonen Adon ne parle point autrement , quand il rapporte de queile maniere les Rois de France ie luccedoient les uns aux autres. Sur 1'an 6$ 6 il dit , que leRoiClovis mourut, & que les Francois ètablirent pour Roi fon fLls Clotaire y & peu apres , que Clotaire, après avoir régné quatre ans, ™°u™f, & que les Francois élurent en fa place Theodoric fon frere. Sur 1'an 669 U dit, que les. francais élurent fur eux Theodoric, fils de Dagobert. Gregoire de Tours ne parle pas non-plus autrement (i). Après la mort de Theodoric , dit-il -% les Francois élurent pour Roi fon fils ClovLs (i) Appendix lib. n,cap. i0i>  lm) qui étoit encore petit (i). Et dans la fuite il rapporte que les Francois s'ètablirent pour Roi un certain Chilperic (2). Celui-ei étant mort ils éleverent Theodoric fur le Siége du Royaume. Enfin tous les Auteurs, & de ce temps-la, Sc des ages fuivans, ne parient pas autrement. On peut lire Otthon de Frifngue, Godefroi de Viterbe, Sigebert, Huldric Mutius, Sc cent autres. Souffriroit-on un Hiltorien qui diroit aujourd'hui: après qu'Henri IV ent été aflafliné, les Francois élurent Louis XIII; Sc après la mort de Louis XIII ils ètablirent Ion fils Louis XvV pour Roi ? II eft ïndubitable que ceux qui ont pouvoir d'élire, onr auflï celui de dépoier. Auftï voyons-nous que les Grands de France ont ufé de ce droit de dépofer leurs Rois, quand ils fe font rendus indignes de régner. Pour êtreafluré de cela, il ne faut que voir le XII Chapitre du deuxieme livre de l'hiftoire des Francs de Grégoire de Tours, oü il rapporte la dépofition de Chilperic, pere du grand Clovis, l'élecTion de Gilles Capitaine Romain, Sc le rétabliffement de Chilperic. Chilperic, dit eet Hiftorien , fe plongea dans la plus honteufe débauche , pendant qu il étoit Roi des Francois, il enlevoit leurs filies pour les violer; a caufe de quoisils le mirent a bas du trone. Et luis'étant appercu que non contens de cela, ils le voulurent tuer, s'enfuit en Thuringe. Aprés cela ils élurent Gilles , Romain, qui regna hult ans. Mais paree que Gilles devint cruel & fuperbe, ils le dépoferent & rappelerent Chilperic. L'Abbé d'UJperg SC Sigebert rapportent la même chofe a peu-près en mêmes termes, qu'ils ont tous empruntés de Gre'- fi) Cap. 106. ^z) Cap. 107, VL Mémoire{  ( "o ) goire de Tours (i). Les Francois fe fervireni du même droit contre Theodoric dou^ieme Roi : il voulut s'e'riger en maitre de la vie & des biens de fes fujets , mais les Franpois s-Vleverent contre lui , le de'pojerent, le raferent, & le jeterent dans un couvent, pour mettre fon frere Chilperic en fa place. Enfin les Etats du Royaume dépoferent Chilperic le dernier du nom, & le dernier de la première race, & mirent Pepin en fa place. Après cela il ne doit pas être le moins du monde douteux, que la Couronne de France ne fut élec* tive & non fuccelfive fous la première race de nos Rois. R eft clair pareillement qu'ils n'étoient ni maïtres abfolus, ni Souverains fans bornes, puilqu'on les dépofoit pour leurs malefices; il ne faut point dire que c'étoit par violence, car il eft clair qu'ils acquiefgoient a leur dépofition, & reconnoifibientle droit du peuple. Chilperic, pere du grand Cloyis, demeura dans le Royaume comme particulier après fa^ dépofition, autant qu'il le put avec füreté , ce qu'il n'auroit fait s'il eüt regardé fa dépofition comme une violence. II ne sënfuit en Thuringe que quand il s'apper$ut qu'on en vouJok a la vie. Et même dans fa retraite de Thuringe il n'implora pas le fecours ni de fon protecteur, ni des autres Princes fes voifins & amis pour être rétabli. II atrendit patiemment le retour de la bonne volonté des Francois, & laifia leulement un fidele ami dans le Royaume pour ménager les elprits. En quoi eet ami réulfit fibien , & profita fi heureufement du chagrin que les Francois congurent contre Gilles, Romain, qu'il fit rappeler Ion ami Chilperic. Au refte ce n'étoit point par (0 Aimoimts , lib. 4, cagi 44,  ( Ui ) sendreffe de confcience que Chilperic en ufa avec tant de modérarion. Car il demeura fort mal-honnêta homme dans fon exil. 11 ne profita point du chatiment qu'il avoit recu ; & pour récompenfer le Roi de Thuringe, qui 1'avoit li généreufen;cnt protégé, il débaucha Baline la femme , la fic yenir en France, 1'époula, & cëft dëlle qu'eir ré le grand Clovis notre premier Roi chrério. PoUr détruire ce droit des Francois de pouvoir éiire 8z dépofer leurs Rois, il ne faut point non-plus i ppofer ce qu'on voit ordinairement dans cette première race de nos Rois, les fils fuccéder au pere. Car outre que eet ordre foufFre a rout-coup des interruptions daus notre hiltoire, cela ne prouve rien du - tout. Combien de temps la familie des Jagtllons a-t-elle régné en Pologne; n'y a-t-il pas plus de deux cents ans que la maifon d'Autrïche ponede 1'Empire de pere en fils ? eft-ce donc que la Couronne de Pologne, & celie de 1'Empire ne font pas électives ? Tous les peuples en ont toujours ufé ainfi , quoique maïtres de leurs Couronnes. Quand une familie pollede la dignité royale, on ne 1'en dépouille pas qu'il n'y en ait de fortes raifons : on élit le fils en ia place du pere, autant qu'on le peut. Mais cela ne fait aucun préjudice au droit du peuple. Le grand Clovis partagea le Royaume de France a fes quatre enfans. Theodoric fut Roi de Metz, Clovis d'Orléans, Clotaire de Soifions, & Childebert de Paris. On regarde cela comme une preuve que les Rois de France étoient maïtres du Royaume comme de leur domaine. Mais on fe trompe trés-lort-, car ces partages fe faifoient du confentement des Etats , & par les Etats mêmes. Les Grands du Royaume s'aflerabloient tous les ans au mois de IVïai. comme le favent les moins verfés dans notre hiftoire, & dans cette aflemblée on jugecit de toutes les grandes fi. Mémoire,  ( m ) affaires; on jugeoit le Roi même, comme nous le verrons dans la füite. Cëft-la qu'on aflïgnoit aux enfans des Rois leur partage; qu'on établiifoit, Sc qu'on dépofoft les Rois. Ón le peut voir particuliérement dans l'hiftoire de Gregoire de Tours, Hiftorien digne de foi fur la matiere , Sc paree qu'il étoit Francois, Sc paree qu'il vivoit dans les fiecles dont ü nous donnoit l'hiftoire. Mais peut-être que les flatteurs de la Cour, & de la puilfance arbirraire , fe retrancheront a dire que ces droits du peuple fur les Rois pour les élire Sc les dépofer n'onr eu de_ vigueur que dans la première race de nos Rois. Cëft ce qu'il faut voir. Des lëntrée nous trouvons Pepin élu Roi des Francois après la dépofirion de Chilperic. Les Auteurs de dela les Monrs font ridicules, Sc ne méritent pas d être réfutés, en ce qu'ils prétendent que ce fut le Pape Zacharie qui dépofa Chilperic, Sc qui donna la Couronne a Pepin. Outre qu'alors il n'étoit pas encore monté dans Iëfprit des Papes, qu'ils fuffent les Supérieurs des Rois pour le temporel, & qu'ils puftëntöter& donner les coui onnes I qui bon leurfembloit: outre cela, dis-je, les Francois n'avoient pas befoin d'aller h Rome pour fe défaire d'un Roi tyran , ou fainéant, & pour s'en faire un autre : eux qui depuis la fondation de leut Monarchie, étoient en poileftion de fe faire des Rois, Sc de les défaire, quand ils le jugeoient a propos, comme nous venons de le prouver par tant d'exemples & tant de témoignages inconteftables. Mais pourquoi donc Pepin envoya-t-il a* Rome ? Cela eft aifé a deviner. II étoit prudent & fage^ il favoit que les Francois avoient accoutumé de sëlire des Rois de la familie Royale; quand ils rejettoient le plus prochain héririer, c'étoit ordinairement pour en prendre un autre de la même maifon : il favoit de plus que la nation Francoife étoit  ( in ) étoit fort légere & inconftante : caraclere qu'elle conlerve encore aujourd'hui. II favoit enfin que es nouvelles dominations font long-temps branlantes, avant que dëtre affermies. II voulut donc prendre toutes les füretés : & il crut que c'en étoit une tort bonne de mettre dans fes intéréts le Paoe paree que des-lors les Evêques de Rome, quoiqu'ils Je contentaffent de leur puilfance fpirituelle, fe faif oient fort ecouter fur les affaires temporelies Voila donc deja une preuve inconteftable dans le premier Aureur de la feconde race de nos Rois, que les francois avoient Ie pouvoir de faire & de defeire leurs chefs. Après Pepin nous trouvons Charlemagne, I'honneur & la gloire de cette feconde race, le fondateur de 1 Empire d Occident, qui nous fournit une preuve inconteftable de la vérité que nous foutenons. II laifla trois enfans, auxquelles il partagea fes vaftes Etats. Maïs comment le fit-il ? Avec le confentement öc lous 1 autorité de fes peuples. Ainfi le nD porte Reginon dans le z livre de fa Chronique en ces termes. Charlemagne ayant trois enfans , vouLut aljurer leur fortune durant fa vie. Pour cela il fit unarrêt de Vavis des Grands, & des Seigneurs du royaume pour leur partager fes Etats, & les ayant divifes en trois , il en fit un Teflament qui fut confirme par ferment par les Francois. Voila un fait bien exprès: ce font les Grands du Royaume qui .ont le partage avec le Roi : ce font les Francois qui le confirment par leur ferment. Eginarc, ql\ a eent la vie de Charlemagne, dit, que ce Prince tippella aupres deluifonfils Louis Roi d'AquitairL le feul de fes fils qui lui refioit d'Hildegarde, & qu ayant convoque'lesprincipaux de tout le Royaume de France, de leur avis , il s'afiocia Louis , & partagea avec lui toute ï'autorité Royale fur tout T?yaUnTr ^ fom donc les F^ncois qui choifify /. Mémoire,  ( "4) fent leurs Rois; & ceux qui font déja faits ne peuvent s'en aifocier d'autres, que par le confenremenc des peuples. Mais fi tous ces faits n'étoient pas aflez parlants, voici une regie de droit contre laquelle il n'y a rien a dire. Cëft ie Teftament du même Charlemagne, on le trouve dans Nauclerus & dans Huldric Mutius, & 1'on y lit cette claufe en propres termes : Si Vun de mes trois fils, vient a avoir un fils , que le peuple veuille e'lire pour fuccèder a fon pere dans Ihe'ritage du Royaume , nous voulons que fes oncles y confentent, & permettent que le fils de leur frere regne fur la portion du Royaume e'shue A Jon pere. Je ne fais s'il y aura encore quelque opiniatreté, qui puifTe tenir bon contre cette preuve. Charlemagne dit expreffément que le fils pour fuccèder au pere doit être élu & confirmé par le peuple. De Pepin nous fommes venus a Charlemagne, a caufe qu'étant de grande autorité, fes exemples & fes Loix font de fortes preuves. Mais cependant nous ne devons pas négliger, ce qui fe fit après la mort de Pepin, & avant Charlemagne. Comme Pepin avoit été élu par les Francois, auffi furent élus fes enfans (i). Aimoin dit exprelfément, que Pepin e'tant mort, Charles & Carloman fes deux fils Jurent cre'e's Rois par le confentement de tous les Francois. Le terme de cre'es eft aflez fort pour être remarqué, & 1'on ne sën fervit jamais pour exprimer une fimple cérémonie d'onction ou d'inauguration. Le même Aimoin dans un autre endroit dit encore ; après la mort de Pepin , les Francois ayant fait une affemble'e folemnelle ètablirent pour Roi fes deux enfans, a condition qu'ils partageroient tout le Royaume e'galement. Cëft donc le peuple (i) Lib. 4 , Cap. Cj.  ("J} qui non-feulement élic les Rois; cëft lui qui ordonne la divifion du Royaume. Lorfque Carloman fut mort, les députés de tout le Royaume fe rafïemblerent, felon le même auteur, Charles fon frere fut e'tabli Roi du conjentemtnt de tous Les Francois. La première électien ne fuffifanr pas, a caufe qu'elle n'avoit été taite que pour une partie, il en failuc faire une feconde, pour tout le Royaume. Voila donc de notables preuves du droit des peuples dans le commencement & dans la force de cette feconde race : en voici qui ne font pas moins confïdérables fur le déclin de cette même race. Louis Le Begue Roi de France, mourut 1'an 878, & laifia fa femme grofië d'un Pofthume qui rut appellé Charles le fmple, auquel il donna pour tuteur Eudes fils de Robert, Comte d'Angers. Voila le Royaume entre les mains d'une femme, d'un enfant, & d'un tuteur-, c'étoit une autorité mal affermie, & peu capable de metfre 1'Erat a couvert des infultes des Normands qui en ce temps la déloloient la France. Cela obligea les Etats du Royaume n laiffer-la Charles Le Simple encore enfant , a lui refufer la Couronne pour ia donner a Louis & C anoman, fils naturels de Louis le Begue. Ces deux Princes moururent & laifferent le Royaume a Louis fils de Carloman, qui vécut auffi très-p«u. De forte que voila derechef la Couronne retombée fur un enfant. Cëft Charles le Simple , a qui on l'avoit ótée pour ia donner a fes freres batards, Charles n'étant pas plus en état de gouverner qu'auparavant , quoiqu'il eüt quelques années de plus : & même les Frangois ayant reconnu qu'il avoit lëfprir foible & bas, ils le laifferent encore une fois la, & élurent pour Roi Eudes Comte d'Angers fon tuteur. Quand Chades le Simple fut arrivé a 1'age de douze ans, Herye' Archevêque de Rheims forma un parti contre le Roi Eudes, que le Clergé & la Noblefle avoient Vl. Mémoire. H ij  ( TI* ) élu. ïlconfaCra Charles a Reims; il y eut guerre dviie : Eudes mourur peu de temps après; Charles fut élu , & reconnu Roi de France fans concurrent. Ce Prince jeune, foible d'efprit, & polfédé par un favori nomme Agnaon, choqua par fa conduite tous les Grands du Royaume, lefquels s'étant aflemblés a Soilïons chalferent Charles, Sc le réduifirent a telle extrêmité, qu'il fut obligé de fe mettre en retraite chez 1'Archevêque de Reims fon bon ami, Sc d'y vivre aux dépens de 1'Archevêque, tous fes revenus lui étant retranchés : Sc enfin mourut en prifon. On ne croyoit pas encore en ce temps-la que les Rois de France puflent faire tout ce que bon leur fembloit impunément contre leurs fujets, ni qu'ils eulïent le droit de difpofer des revenus de la Couronne, pour enrichir des favoris. La mauvaife conduite de Charles le Simple obligea donc les Francois a le dépofer, Sc a faire Roi Robert Comte & Gouverneur de Paris. II fut élevé a cette dignité par le choix de la noblefle & du Ciergé : Après fa mort on élut pour roi de France Raoul de Bourgogne gendre de Robert. Après Raoul on élut Louis d'Outremer; après Louis d'Outremer fon fils Lothaire parvin: a la Couronne, mais par la même voie , qui elf. celle d'éleclion, comme tous nos Hiftoriens en demeurent d'accord. Après Lothaire , les Francois élurent le fils de Lothaire, Louis le dernier de la feconde race ; Sc enfin après Louis ils élurent Hugues Capet, au préjudice de Charles frere de Louis, Sc fecond fils de Lothaire, Sc par conféquent légitime héritier de la Couronne, fi elle eüt été fucceflive. Remarquez premiérement que voila lept Rois confécutifs, qui obtiennent la Couronne par voie d'élection. Eudes Comte d'Angers , Robert fon frere Comte de Paris, Raoul de Bourgogne, Louis d'Outremer, Lothaire ,1e dernier Louis ds la race de Pepin f Sc Huges Capet. Obfervez ert  (»7> fecond lieu, que quelques-uns de ces Rois é!us fu» rent élevés au piëjudice des héririers. Eudes fat élu contre Charles le Simple fils de Roi; & Hugues, Capet contre Charles de Lorraine fils de Lothaire. Enfin il eft a remarquer que même ceux qui étoient de la race Royale, monterent fur ie tróne par élection, favoir, Louis d'Outremer, Lothaire, fon fils k & le dernier Louis fon petit-fiis. C'eft une erreur fans fondement de s'imaginer, comme difent quelques-uns, que les troubles , oü fe trouva lors let Royaume , donnerent occafion a ces éledions. Caril ne fe peut faire qu'une nation paffe rout-d'un-coupt d'une-. coutume a 1'autre. Et 1'on ne perfuadera jamais a des gens judicieux, que les Francois fans aucune délibération ayent fait pafler leur Couronna de letat de Couronne fucceffive a celui de Couronne élecfive. L'on ne croira jamais que Louis d'Outremer, Lothaire, & le dernier Louis euffent voulu recevoir la Couronne par élection, fi inconteftablement elle leur eüt appartenu par droit de fucceffion. Après tant de preuves, quel égard dok-on avoir au témoignage du Grec Agathias, qui dier (i) que les Rois de Francerecoivent la Couronne da pere en fils. II nëft pas fort étonnant qu'un Grec aic ignoré la forme du gouvernement des Francois,.,, Mais il eft plus étrange que Theodoric a Niem aitecrit, (2) que Charlemagne avoit ordonne' que déformais les Francois recevroient des Rois la fucceffion. II nëft rien de plus impertinent & de plus fou_ que tout ce que dit eet auteur dans eet endroir. li; eft bon de voir le paffage entier. Paree que Charles^ dit-il, étoit Roi de France, ce Royaume lui étoitz (1) Lib. 1. (2) . In Libro , nemus unionii.trsUl. 5-, VL Mèmsiru.. Hïij  ( xi8 ) e'chupar facceffton. Mais voyant qu'ètant deventi Em^ereur par-la, il dépouilloit Jes héritiers de leur bien propre, favoir du Royaume de France , il ordonna que les Francois auroient un Roi fuccejfif par droit d'he're'dité, qui ne reconnoitroit point de fupe'rieur pour le temporel. II y a li-dedans prelqu'autarit de fautes que de mots. On fait que Charlemagne divifa Sc partagea la France , 1'Allemagne Sc lïtalie entre fes trois enfans, fous les mêmes droits Sc aux mêmes conditions; favoir qu'ils feroient agréés & confirmés par les peuples. Nous avons la dellus les paroles de Reginon, Sc les propres termes du Teftament de Charles lui-même. Un homme fi mal inftruit ne mérite donc nullement d'être cru. On nous oppofera 1'autorité de Pafquier qui appelle He'refe, 1'opinion de ceux qui difent que la Couronne des Frangois étoit éleótive. Nous pouvons répondre que Pafquier ne favoit pas tout, Sc pouvoit n'avoir point vu le Teftament de Charlemagne, ou n'y avoir pas fait attention. Ou plutöt nous répondrons que Pafquier étoit partial, grand ennemi de la ligue Sc des ligueurs, dont étoit le grand principe que quand le Beamois , ainfi appelloient-ils Henri, eut été légitime héritier, il étoit pourtant au pouvoir des Etats de 1'exclure Sc de choifir un autre Roi, paree que la Couronne de France eft originellement éleótive , Sc nëft devenue fucceflïve que par ufurpation. AuftI Pafquier fe contredit-il manifeftement. Car au même lieu, oü il nous dit que cëft une héréfie de croire la Couronne de France éleótive, il nous compte fept Rois élus les uns après les autres, Sc il nous apprend de quelle maniere Hugues Capet Sc fes defcendans ufurperent le droit d« fucceflïon, & firent éclipfer infenfiblement celui dëleótion. Cëft que Hugues Capet durant fa vie fit facrer Sc couronner fon fils Robert du coafentemtnt des Etats du Royaume. Robert en  X "9 ) ufa de même a lëgard de Henri fon fils; Henri fit auffi élire Sc confacrer fon fiis Philippe I. Les Francois trouvant un Roi rour fait après la mort du précédent, n'éroient plus en droit den élire un nouveau. Philippe I crur que le peuple Sc les Grands du Royaume avoient oublié leurs droits, Sc qu'une poffelfion de quatre générations fuffioit pour affermir ce droit de fucceffion. Dans cette penfée il négligea de faire couronner fon fils Louis le Gros. Ce qui penfa faire exclure ce Prince. Car 1'Archevêque de Reims Sc plufieurs Grands du Royaume s'oppofere,nt a fon inlfallation. R furmonta ces difficultés, mais il fe donna bien de garde de faire la faute qu'avoit fait fon pere. Car durant fa vie il fit facrer fon fils Louis le Jeune (i), Sc Louis le Jeune fit facrer fon fils Philippe-Augujle. Ces fages rèfignations admifs des le temps des peres, firent oubiier les e'lections. Ce iont les propres paroles de Pafquier. C'efta-dire, que la Couronne demeura encore éleótive dans la troifieme race durant plus de dix ou douzc générations, comme celle de 1'Empire eft demeurés éleótive dans la Maifon d'Autriche. Les Princes de cette maifon fe fuccédent de pere en fils, mais avec cette précaution de faire élire leurs fils de leur vivant Roi des Romains. Le témoignage de Pafquier nëft donc d'aucun poids contre une vérité fi évidente ; auffi les Auteurs qui font venus du depuis , Sc qui étoient exempts des partialités oppofées a la ligue, ont reconnu la vérité deceque je viensdeprouver. Bernari de Girard, Seigneur du Haillan , célebre hiftoriographe Sc hiltorien de France , pariera pour tous i voici comme il commence la vie de Merouée. Quoi (i) Lib. x. des Recherches chap. f. VI. Mémoire. H i*  I 110 5 qu'il en foit, après la mort dé Clodion le Chèvelu a Meroue'e fut e'lu Roi par les Francois & il faut 710ter que jufqu'a Hugues Capet tous les Rois de France ont ete'éluspar les Francois , qui fe réferverent cette puiffance d élire, bannir, & chaffer leurs Rois. Et bien que les enfans aientfuccédé quelquefois a leurs peres, & lesfreres a leurs freres, ce n'a pas été par droit héréditaire, mais par éleclion & confentement des Franpois, qui fe trouvant bien d'un Roi,youlurent, en recompenfe des biens recus de lm, élire^ & recevoir pour Roi fon fils ou'fon frere. Ce qui fera vu bien amplement au fil de cette Hifioire, encore que quelques-uns fe fcandalifent de ce que nous difons que nos premiers Rois ont été élus & éleclifs, comme s'ils fujfent nés d'euxmêmes de la terre , fans aucune caufe première & mouvante, qui eft 1'éleclion que les peuples ont faits d'eux. Et^ n'y au monde aucune monarchie ou pnncipautéhéréditaire , qui premie'rement n'aitdté e'lective, paree que les Peuples font avant les Monarques , & les ont faits, choifis , & élus; & après, ont rendu leurs Etats héréditaires, ou tont fouff en paria puiffance des Princes élus. II nëft rien plus certain que le fait qui eft ici expofé fur 1'ancienne forme de la Monarchie Francoife , & rien de plus judicieux que la réflexion qu'ajoute Du Haillan la-deffus,touchant 1 origine des principautés héréditaires. Mais fi cela eft ainfi, que deviendra cette fameufe Loi Salique,qui fut faite, dit-on s par Pharamond, pour régler les fucceflions a la Couronne, & qui ordonna quëlie iroit toujours de male en male a lëxclufion des femmes » Nous dirons que cette Loi Salique eft une des grandes chimères que l'hiftoire ait jamais forgées, & la plus grande illufion que la chicane ait inventie dans les procés. Ce nëft point ici le lieu de difputer de fon origine, de fon amiquité, & pourquoi die eft ap*  (lil) pelée Sallque. Je veux qu'elle ait tiré fon nom des Saliens , anciens peuples de la Germanie, habitans au-dela du Rhin , & doiat Ammian Marcellin parle afiëz fouvent. Je veux qu'elle loit fort ancienne; je confens même qu'on la regarde comme un article de landen droit des premiers Francs. Mais je foutiens qu'elle ne regarde en facon du monde 1'hérédité de la Couronne. II ne faut que la repréfenter & la lire pour voir que cëft un coutume regardant fimplement les particuliers. La voici en original. De terra Salica nulla portio hered'itatis tranfit in mulierem. Sed ubi inter nepotes aut pronepotes poft iongum tempus de Alode terrcz contentio fufcitatur, non perftirpes , fedper capita, dividatur. {Nulle portion de la terre Salijue na doit pafter aux femmes, elle doit appartcnir au fexe mafculin. Mais quand après un long temps il arrivé contention touchant les alleuds entre les petits-fils & arrieres-petits-fils , on les doit divifer non par fouch.es, mais par têtes : ) Après avoir In cette Loi, il faut être fans efprit ou fans confcience pour foutenir quëile regarde diredement la Couronne , & la fucxeflion dans la Maifon Royale. Ti Premiérement il eft clair qu'elle a été laite uniquement pour régler les droits des particuliers : car elle ne parle que dëux , & elle ordonne de quelle maniere on doit partager les alleuds entre les defcendans, voulant que le partage fe fafle par têtes & non par fouches. 2. Ce partage entre les petits-fils & arrieres - fils par têtes & non par fouches, ne refiemble-1- il pas fort au droit, felon lequel la Couronne de France fe donne a ceux qui l'hérirent; En quel fiecle a-t-on partagé le Royaume entre les petitsfils & arrieres-fils par têtes & non par fouches ? 3. Outre cela, quand même on voudroit étendre cela jufqu'a la Couronne même, pat quelle ma- VI. Mémoire.  chine y trouvera-t-on lëxclufion des femmes ? Quand Ia Loii dir que la femme ne doit pas entrer en parrage de la terre S'aiique, cela fe doit entendre pendant quil y a des héririers males immédiats & de meme proximité que les femmes. L'ufage explique -a Loi, felon la plupart des coutumes, les femmes ne partagent point avec les males dans les fiefs ou rerres nobles. Mais fi les enfans males manquenc dans Ia familie, les filies héritent les terres les plus nobles , & les peuvent potter en d'autres maifons : les femmes ne feroient donc exclufes par cette Loi de Ia lucceffion & du partage de Ia Couronne, qu'au cas qu il y eut des ei fans males. Ce fut fous Philippe de Valois qu'on produint pour la première fois ce beau titre dans Ie demelé qu'il eut avec Edouard llL , Roi dAnglererre, fur la fuccefilon a Ia Couronne de trance; mais je ne fais a quoi penfoient fes Avocats : car cëft gater une bonne caufe que de la loutcnir par d'auftï méchans titres. D'oü vient , dira-t-on, que jamais on n'a vu femme affife fur Ie Irone des Francois; D'oü cela vient! nous 1'avons aflez découvert, & cëft une nouvelle preuve evidente que la Couronne d.s Francois étoit électrve. Jamais femme n'a été choifie pour remplir un Trone élecïit. Les peuples qui fe font des Rois, fe les font pour tous les ufages , non-feulement pour le cabinet & pour le gouvernement , a quoi les femmes peuvent fervir , mais principalement pour la guerre, pour le combat & pour le commandement; l quoi les femmes font inutiles. Sous les deux premières races, & jufqu'a la dixieme génération de la troifieme , les Rois fe font faits par éleclion. Après cela, les Rois ayant ufurpé 1'hérédité , ils ont continué lëxclufion des femmes. Injuftice qui demeure comme une marqué indubitable de leur ufurpation. Car cette exclufion ne venant pas de  la Loi Salique.eommeon 1'a ridiculement prétendu il eft fenfible qu'elle ne vient que de ce que leut Couronne eft éledive. Tellement que pour remettre les chofes dans leur ordre na:urel, il taudroit que les Rois fe filTent par éleótion, ou fi la Couronne demeure fucceffive , que les filies des Rois Si leurs enfans fuflent admiifibles a la Couronne , au détaut d'enfans males au même degré de proximité. Voila la première preuve générale que nous avons a produire, pour prouver que la Couronne n'a pas été fondée fur le pied de la puillance arbitraire : y falie des exceptions qui pourra. A AMSTERDAM, le 2 Janvier 1690. VI. Mémoire*  ( "4) VIL MÉMOIRE 'Second moyen général pour prouver que la puiffance abfolue des Rois de France ejl ufurpée : Les Etats ont toujours été les principaux dépofuaires de la fouverainetè, & font Jupérieurs aux Rois. V JZjNTee les moyens dont on fe peut fervir pour runner les pretentions de Ja Cour de France au fujet de 1» puiffance arbitraire, il y en a de généraux 8c de particuliers. Nous avons déja employé le premier moyen général, en faifant voir que la Couronne de France nëft fucceftïve que par ufurpaf ar01? 'c * . qu'ils connoiffoient de toutes les grandes affaires, de paix, de guerre, de partage entre les enfant des Rois, qu'ils donnoient les grandes charges de la Couronne, que rien d'important ne fe Faifoit fans eux; tk que le Roi n'étoit pas maïtres des réfolutions pour faire ce que bon lui fembloit, après avoir oui les avis de 1'AfTemblée des Etats; comme un Souverain eft maïtre de faire ce qu'il veut après avoir oui les avis de fon Confeil. Premierement quand nous n'aurions point de preuve de fait de cette vérité , la raifon feule nous en perfuaderoir. Si les Rois avoient été maïtres des réfolutions des Erats, comme aujourd'hui nos Rois fe font rendus maïtres de celles des Pariemens, c'a'jroit été une folie extreme d'affembler un peuple a grands frais de toutes les parti.es. d'un Royaume, feulement pour les entendre tk pour avoir leur avis. La fagefle tk les bons confeils fe trouvent rarement dans la multitude. Vingt ou trente bonnes têtes qu'on auroit fait venir de divers ccVé<;, en auroient autant dit que tout un Royaume alTembié» VIL Mcmoir.e. I iv  &: il n en auroit pas tant coute. II eft évident que tout un Royaume ne s'affémble que pour régler les affaires & pour ordonner avec une autorité fouveraine. Mais nous ne favons pas Tétendue du pouvoir des Etats feulement par cette raifon, nous Ia favons par toute notre hiftoire. II eft vrai que les Rois paroifloient dans ces affemblées comme les maïtres; ils y étoit recus en grande cérémonie, on les revêtoit d'habits Royaux, on lesaffeyoit fur un magnifique tröne. Mais ils y paroifloient pourtant comme les Chefs & les Préfidens d'une affemblée, au jugement de laquelle ils étoient fouIk étoient plus qu'aucun des Membres de 1 affemblée pris en particulier, mais ils étoient moins que tous les particuliers pris en Corps. S'ils recevoient des hommages ils en rendoient auflï. C'étoit la coutume des Rois des Francs, dit (1) Sigebert, de prèjïder tous les mois de Mai fur Vaffemblée de tout la Nation, la faluer & en recevoir les falutations, les hommages & les prejens. Non-feulement ils recevoient des falutations a leurs peuples, mais il lui en faifoient, comme il paroïc par eet Auteur: & la chofe étoit fi certaine, que ia connoiffance en étoit paffee chez les Grecs. George Cedrenus, HiftorienGrec del'onzieme fiecle, dit en termes encore plus forts : Que tous les ans au mois de Mai le Roi de France prefidoic fur toute la Nation, qu'il la faluoit & recevoit la falutation , qfil en retevoit des prefens & leur en rendoit. Et il eft a remarquer que pour exprimerces civilités mutuelles que le Roi & 1'aflemblée des Etats fe rendoienr.il emploie le mêmeterme pouc (1) In Chronico ad anni'tm C6z,  I i.3 7,) II les tidorcit & en étoitadoré.Ccftletevmc de la plus grande foumiflïon , & dont les Grecs fe fervent aufti pour exprimer les hommages qu'on rend a la Diviniré. On doit obferver de plus que non-feulement les falutations étoient mutuelles, comme de pair a pair, mais auflï les préfens. Car Cedrenus dit expreflément que fi ie Roirccevoit des préfens, il en rendoit auifi. Et il ne faut pas douter que dans ces occafions les Rois ne fiflene leurs iibéralités pour fe faire des amis & mettre leurs fujets dans leurs intéréts par toute forte de moyens. Nous avons ci-devant fait voir par des preuves invincibles, que ces aflembléesde toutle Royaume étoient au-dèflus du Roi, puifque nous avons prouvé qu'elles avoient le pouvoir de 1'élire & de le dépofer, & de Ie faire & de le défaire. Nous avons vu les Francois dépofer Chilperic premier, &C mettre en fa place Gilles Romain ; & enfuite dépofer ce Gilles v,cm rétablir Chilperic. Nous les avons vu rafer & jeter dans un Couvent le dernier Chilperic pour mettre fur le tröne Pepin Mattrè du Palais. Nous les avons vu rejeter un atme Chilperic pour donner la Cc#onne a Sigebert fon frere. Nous les avons vu rejeter Charles le Simple fils de Louis le Begue pour élire Eudes fils de Robert Comte d'Angers. Nous les avons vu enfin refufer la Couronne a Charles dc Lorraiue frere de Louis dernier Roi de Sa feconde race, pour la donner a Hugues Capet, le fondateur de la troifieme race de nos Rois. II ne faut donc que remonter a ces exemples ci deflus cirés & rapportés pour juger ce que pouvoient ïes Etats. Car il faut qu'une puiffance foit fans bornes , quand elle va a pouvoir dépofer celui qui eft le principai dépofitairedclafouve- VU. Mémoire.  rameté. II eft aifé de comprendre que ceux qui pouvoient tant fur la perfonne & fur la digniré Royale, devoient avoir la même puiffance par-tout & en routes chofes. Nous avons des exemples dans l'hiftoire que leur pouvoir setendoit même fur la vie des perfonnes facrées & des rêtes couronnées. Dit temps de Llothaire, la Reine Brunehauld accufée &c convaincue de crimes énormes fut mife entre les mains des Etats du Royaume aflemblés , auxquelsle Roi paria ainfi : (i) Mes chers Compagnons a"Armes, premiers Seigneurs de France, ordonné£ a quelle peine doit être expofe'e une femme coupable de tant de crimes. Et par le jugement des Francs, elle fut ccndamnée en préfence du Roi a être déchirée par des chevaux indomptés. En ce temps-la les Rois avoient un ftyle fort différent de celui d'aujourd'hui. Voici comme le Moine de S. Germain fait parler Clothaire a 1'occafion de la demande que lui faifoit Brunehauld du Royaume d'Auftrafie. (2) Elle doit, difoit-il, convoquer T Affemblée des Nobles Franpois, & tradter des intéréts communs par un avis & un confenicment commun, & pour moifobe'irai en toute chofe a leur jugement, %ne tnoppoferai point a ce quils ordonneront. Gregoire de Tours rapporre la^même réponfe de Clothaire a- peu prés dans les mêmes termes. (3) Clothaire re'pondit qu'il obferveroit tout ce qui feroit juge' & régie'par Vaffemblée des Franpois. Cela eft un peu différent du (1) Aimoinus l. 4 , c. i. Adv.atat. 6. (z) Aimoinus l, 4, c. 1. (?) Lib. ii.  ( n? ) Nous voulons, Nous commandvns , Nous or~ donnons, d'aujourd'hui. Mais voyons plus diftindement & par ordre, de quoi jugeoienr les Etats. Premierement ils élifoient & dépoloient les Rois. C'éft un articleprouvé. Secondement ils confirmoient le partage des enfans des Rois; de forre que rien ne pouvoit être bon pour le partage de 1'Etat qu'il nëut été confirmé par les Etats. Lorfque Clovis partagea fon Royaume entre fes quatre enfans, ce fut avec le confentement des Etats du Royaume. Quand Charlemagne voulut auffi faire Ie partage de les Etats entre fes fils, ce fut avec 1'avis & le confentement des Grands de France & d'Allemagne. (•.) Rheginon dit, que Charlemagne tint une affemblée générale appelée Placitum avec les principaux <5* le Seigneurs de France pour établir la paix entre fes enfans & leur partager le Royaume. (i) Le Moine Aimoinus, en parlant de Charles le Chauve , dit, qu'il tint une affemblée générale a farify, qu'il revêtit fon fils Charles d'Armes d'Homme, c'eft a-dire qu'il lui ceignit l'épée ; il lui mit la couronne fur la tête , & lui donna la Neuflrie, & a Pepin VAquitaine : La'ffembiée générale n'avoit pas été convoquée fimplement pour être fpectatrice de 1'action. On fait qu'ils avoient dans ces occafions une pleine autorité d'approuver ou d'improuver le choix du Roi. Ou'Te peut fouvemr de Tarnde du teftament de Charlemagne que nous avons cité dans le chapirre précédent, par lequel il paroit que le confentement de la Nation étoit d'une néceffité abfolue pour confirmer dans la dignité un Prince defigné (iv Lib. i, ai annum 606. (i) Lib. 5 , cap. 17. VU. Mémoire.  I i4o y par ion pere. On peur voir aufti dans l'hiftoire nae t« ■enfans Louis4e-Bébonnaire partag r ntTes Etats de leur pere par 1'avis des De'putéf de tou OuandTv 6 3 —lt danS 13 vi'ie d'A-i-.s SX' few en^^°ient- (!) ^lomal ayant fcette 5lf ' a^0mes > Hugues Je rendit pane df l?èle£ ^e'rale pour demander ceue poiïedée LR yaU"le ^Mfrtre Louis avoit leiZZ Pf\eTg£ment- APrès Ja mort «e « {emagne (i) Loms-le-De'bonnaire ent un démêlé b^otrte T^a" Eratsfure"; aff m! ^es pour tenn.ner leur différent & en iueerent Apres la mort de Charles de-Bel, EdoJaSlol dA gleterre; prétendit être. héririer de la Couronne. ( 3 ; de Valois foutint que la Cou¬ ronne ne pouvoit être donnée a aucun Prince defeendu de la race des Rois feulement par les fem- ceSonPduCeRqc"e 'fT* ^ ^S de ceJiion du Royaume de France. Cë furent les Etats 5" ^'ferenc ce fameux démêlé; & même m êl- jues Auteurs nous difent que Jes deux Rois v comparurent en perfonne. Puifque ces aiïemblée^ £ geolent les R01s il n'eft pas Lnnant qu'ils ju geaftent les Grands du Royaume. (4) SousV Lne HHldeh> ^ToGumhran^ accufe d avoir violé les fépukhres. II fut cité nus d^orT'/Ut C°ndrnéa P£rdre bellus quilpoffedoiren Auvergne. Quand les Prin- (O Aimoinus l. j , cap, 41^ .(2.) Idem, l. S ,c. 10. (3) L'an 13x8. <4) Grégoire de Tours, lib, t, cap. fi\  ces étrangers s'intéreflbient dans les affaires du Royaume, il fallpit que les Etats jugeaffent de leurs demandes. (i) Sur la fin de la feconde race , Louis IV', fils de Charles le Simple, ayant été exclu de la couronne , s'éroit fauvé en Angleterre avec fa mere. Edmond Roi d'Angleterre envoya en France, tk intercéda pour le rétabliffement de Louis. Les Etats du Royaume s'affemblerent fous la direclion de Hugues le Grand, fils de Robert Comte d'Angers, tk on accorda au Roi d'Angleterre fa demande en rétabliffant Louis. Quand les Rois, ou a caufe de leur jeuneffe, ou a caufe de leurs infirmités, ou par 1'abfence ne pouvoient adminiftrer eux-mêmes les affaires, c'étoient les Etats qui nommoient les tuteurs des Rois & les adminiflrateurs du Roy aume, Charles-le-Chauve voulant faire un voyage a Rome qui devoit être long, il ajjembla, dit (2) Aimoinus, les Etats-Généraux a Compiegne au premier de Juin , & fit des articles pour régler comment pendant fon abfence fon fils Louis gouverneroit le Royaume avec les Officiers & les Grands de VEtat. Nous avons ci-devant vu que les mêmes Etats du Royaume, voyant 1'incapacité de Charles-le-Simple lui donnerent Eudes pour tuteur tk pour adminiftrateur du Royaume. Louis étant mort, dit le continuateur (3) de l'hiftoire d'Aimoinus , Charles fon fils qui dans la fuite fut furnommé LE SiMPLE, étoit encore au berceau quand il perdit fon pere. Et les Grands de France voyant fon Age incapable de gouverner un Royaume, prirent confeil furies affaires importantes. Et les Seigneurs (1) VAuteur des Annalas de Reimsfous l'an 546. (2) Lib. J , c. }ƒ. (3) Lib. 5 , cap. +2. VIL Mémoires  . • H2 ) Francois, Bourguignons & Gafcons affemblés en* femble , élurent Eudes pour tuteur de Charles , & pour adminiftrateur du Royaume. Lorfque Charles /"Ttomba dans une aüénation dëfprir, les Erats 4 dffemblerent a (i) Paris, & par leur autorité il fut ordonné que les Ducs de Bern & de Bourgogne feroient les Régens de 1'Etat. Quahd le Roi Jehan fut pris pnfonnier par les Anglois dans la batailie de Poitiers (2), il avoit trois fils, dont 1'aïué avoit lage requis pour gouverner. Cependant les Etats saffemblerent 3 Paris, &.l'on y nomma douze perIonnes de chaque ordre pour avoir foifl du Royaume avec le fils ainé du Roi Jehan (3). En même remos on envoya une ambalfade en Angleterre pour traiter de la paix, & de la déiivrance du Roi : pour la fancon duquél on leva un impöt fur tout ie Royaume, par 1'ordre des mêmes Etats. On ne fauroit douter que ceux qui avoient le droit de donner des tuteurs aux Rois & des. Régens au Royaume, nëufient le droit de création pour les grands Officiers, qu'on appelle Officiers de la Couronne. Nous en avons une notabie preuve dans la vie de Charles-le-Chauve, qui avant que d'avoir été facré Roi, avoit donné les gouvernemens comme il lui avoit plu. Les Grands du Royaume convoquerent une affemblée générale , voulurent choifir un autre Roi , £c ne voulurent jamais couronner Charles, qu'il nëüt diltribué les charges & les gouvernemens de leur avis & de leur confentement ' Les Grands du Royaume, (4) dit l'Hjftorien , indk gnés de ce quhl avoit donné des dignités a plu/tem S (0 L'tb' f 1 cap. 51. (2) L'an 1391. (?) W AppcnJ. Ai-non. lib. < , cap. jg.  ( 143 ) per/onnes Jans leur confentement, a caufe ie cela con/pirerent contre lui, & s'e'tant affemblés a VilleWitmar, ils envoyerent leurs Députés a Louis t & Louis leur envoya les Jiens (l). Rheginon rap-* porte que Charlemagne ayant affemblé les Etats a Compiegne $ il commit au Comte^Robert, de I'avis des Grands , le Duché qui eft entre la Loire & Itt Seine(i). Le continuateur de Gregoire de Tours, rapporte que le Roi Clotaire, ayant aflemblé les Etats a Yroyes, il les prefla pour qu'ils confentiftent a lëlection dun Maire du Palais en place de Warnhier, qui étoit mort depuis peu. Mais ils n'y voulurent pas confentir, difant qu'ils ne vouloient point remplir cette charge. Ce qui fait voir que cette grande charge ne fedonnoit que par les Etats, ou du moins avec leur conf entement. Ce qui paroït encore par ce que dit le même Auteur (5): Que le Roi Théodoric étant mort, les Francois élurent Clovis fon fils qui étoit encore enfant; lequel étant mort peu d'annêes apres, Childebert Jon frere fut mis fur le Tróne ; & en même temps que Childebert fut élu Roi ,011 élut auffi Grimoald pour Maire du Valais Jur les Franfois. Dans toute notre hiftoire on voit toujours une tres claire diftinction entre les Officiers de la Maifon du Roi, & ceux de la Couronne. Et cette diftiuiftion eft encore demeurée aujourd'hui comme ün monument de l'ancienne liberté des Francois. Car on dit, le grand Maïtre d'hotel de la Maifon du Roi, le grand Chambellan , &c. Mais on dit, le Connêtable de France, 1'Amiral de France , le Chancelier de France. Et cesdernieres charges ne meurent point (1) Rheginon, lib. z. (2) Lil'. 11 , cap. 54, (3) Cap. 101. Vil. Mémoire.  ( 144 J avec Ie Roi. Les grands Officiers de la Couronne demeurent dans leurs dignités quand le Roi meurt ■ meme on ne fauroit leur óter ces charges qu'avec la vie. Au lieu que les charges de la Maiion du Roi meurent avec le Roi, & peuvent être changées par fon fuccflTeur. Et Ia raifon de cette différence vient de ce que ce qui eft donné par un Roi peut être öté par un autre. Mais les Officiers de la Couronne étant faits par le Peuple & par le Royaume, ne pouvoient être dépofés par ie Roi feul. Et il eft très-remarquable que ces Officiers de la Couronne, que les Etats du Royaume donnoient & pouvoient feuls öter, s'étendoient a tout, a la guerre, a la Juftice, & aux finances. Car les trois grands Officiers qui font élevés fur tous les autres dans la guerre, dans la Juftice , & dans les finances , portent aujourd'hui le furnom de Fiance & non du Roi. On ne dit pas un Connêtable, ou un Maréchal du Roi. Mais le Connêtabie, oü.-un Maréchal de France. C'eft pour la guerre. Le Chancelier eft ie Chef de la Juftice ; mais on ne dit pas le Chancelier du Roi: on dit le Chancelier de France. Enfin le grand Tréforier eft pour les finances, & 1'on ne difoit pas le grand Tréforier du Roi, mais le grand Tréforier de France, auquel répondoienr tous ceux qu'on appelle aujourd'hui Tréforjers de France. Ce qui eft une preuve que les Etats avoient infpection fur tout ce qui s'ad«: miqjftroit dans ie Royaume. En ce temps-la le Roi & 1'Etat, les Officiers & les Conleillers du Roi 8c ceux de ia Couronne étoient fi diftingués, qu'on ne vouloit point admettre les Confeillers du Roi dans les Etats qui font le grand Confeil du Royaume. U y a un peu plus de trois cents ans que le Roi Jehan ayant été pris par les Anglois, les Etats s'affemblerent a Paris. Les Confeillers du Roi y voulurent prendre place; mais ils en furent exclus. Et on déclara que les Etats' ne s'alïembleroient plus, s'ils ne celfoient de  £ -45 ) de s'y trouver. C'eft ce que rapporte Ia grande Chronique Francoife dans le fecond livre. La puiffance lé'giflative eft affurémenr le plus noble caractere de 1'autorité fouveraine. Or, il eft certain que c'étoient les Etats & le Peuple de France qui faifoient les Loix. Cëft de-la quëft venu Tanden nom que portoient les Etats , Ptacitum. Car proprement ce nom fignifie la détermination de plufieurs peifonnes fur une matiere agitée, cV fur laquelle elles lont un Arrêr, une Loi, & une décilion» Les Arrêts du Sénat Romain commencoient ainii: Placuit Senatui. II a plu au Sénat. Er encore aujourd'hui on opine ainfi dans les Conciles, Piacct, ou non placet. Je fuis de eet avis, ou, je n'tn luis pas. Or que les Loix du Royaume ayent été faites par les Etats, il ne femble pas que cela ait befoin de preuves. Car cesombres d'Erats qui ont été tenus dans le fiecle paflé & dans celui-ci, fe font donné Ia liberté de faire des Loix & des Ordonnances. Nous avons vu une Ordonnance de Charlemagne , qui eft formelle la deftus : Que le Peuple foit confulté fur les chofes qu'on ajoute nouvellement a la, hoi , & que quand tous auront confenti, que la: confirmation s'en jaffe par la foufcription de tous. On lit a la fin d'une ancienne Loi : Ceci a été arrètè pat le Roi ,par fes Princes , & par tout le Peuple €hrétien du Royaume des Merovingiens. Auffi eft-ii certain qu'autretois rien ne pouvoir paffer pour Loi qui nëüt été confirmé par les Etats. Et tout le monde fait, que pour corriger , augmenter ou diminuer le droit local, qu'on appelle Coutume, il falloir affembler les Etats de la Province. Ainfi pour faire des Loix générales il falloit avoir ie confentement des Etats-Généraux. Enfin c'étoit aux Etats i pourvoir a tous les défordres du Gouvernement-, foit que le défordre vint du Roi ou de fes Miniftres, 11 ne faut pas avoir VU. Mémoire. K  t $1) Vmoindte fincérité pour ne pas en tomber d'aceord -aptès avoir iu notre Hiftoire. Un feul exemple i?otable fuftïra pour tous : il eft tiré de Louis XI, 1'un des plus rufés & plus cruels Princes qui ait jamais été; mauvais fils, mauvais pere & mauvais Roi, comme on 1'a défini :& celui qui a donné le coup mortel a la liberté Francoife. Ge Prince gouvertioit felon fon efprit &: felon fon génie. Pour remédier aux maux & arrcter les progrès de la tyrannie, toute la France afpira après une Affemblée dEms , le Roi n'avoit garde d'y donner les mains. Ce que les-Grands du Royaume voyant, ils leverent des troupes , & firent contre Louis XIcette guerre ire, K ij  ( H'5 ) Préfentement raflemblons tous ces arcicles « A AMSTERDAM le 1 Février i6go. VII. Mémoirt. K iij  VIII. MÉMOIRE. Du premier Mars i6po; Troisieme moyen pour ruiner les prétentions de la puiffance arbitraire. Hifloire de l'origine du Parlement de Paris. II fut e'tablipour repréfenter les Etats-Généraux > & donner un frein aux entreprifes de la Cour. . INJous avons déja trouvé deux articles effentiels dans létabliffement & dans le cours de la Monarchie Francoife : la Couronne éle&ive & non fucceffive ; & le fouverain pouvoir entre les mains du Peuple & des affemblées compofées de fes Députés. Ces deux articles prquvés par notre hiftoire, detruilent abfolument la pretention de la puiffance arbitraire des Rois de France d'aujourd'hui. Ce lont les deux premiers moyens généraux que nous avions a produire pour ruiner cette injufte prétention. Nous en trouverons un troiuëme dans l'hiljoire de 1'origine & de 1'autorité des Pariemens. Ces Cours fouyeraines qu'on appelle aujourd'hui iarlemens, érofent inconnues dans les commence-  (*50 mens de Ia Monarchie •, on n'en voit point dé-traces ni dans la première.ni dans la feconde race de nos Rois. Cëft une invention des Rois Cape.tiens , qu'ils ont heureufement avancé ponr 1'étar bliflement de la tyrannie , & pour la ruine de la liberté des peuples. Cette troifieme- face de nos Rois sëft peu~a-peu rendue fouveraine par une polirique tout-a-fait fine, & qui paroït fort audeflus des lumieres des fiecles dans lefquels les premiers Princes de cette race ont vécu. Dans ce temps-la les Italiens fe croyoient feuls favans en* politique. Nos ancêtres ne faYoient pas 1'art da tromper. Cependant la Cour de France a bati fa puiflance defpotique dans les mêmes fiecles de la fimplicité des Francois, & 1'a élevéa avec un grand artifice. Nous avons déja vu comment Capet Sc fes defcendans, par une conduite prudente ÖC fage, felon-Ies?principes des ufurpateurs, trouverent moyen de rendre la Couronne fucceffive,. detective qu'elle avoit été auparavanr. Nous allonst voir comment ils ont peu-a-peu aboli les affem-> blées générales de la Nation , ou réfidoit le fouverain pouvoir, Sc leur ont fubftitué ces Cours, qu'on appelle Souveraines, auxquelles ils rranfporterent non-feulement i'ancien nom des affemblées libres de la Nation, qui eft celui de Parlement? mais auflï quelques-uns de. fes priviléges : ou plu- tót üne image Sc une ombre'de ces priviléges*,. ombres qui pourtant faifoient peur, & qu'a caufa de cela on a prefque entiérement effacées dans ce> dernier regne. Quoique les Pariemens aienr éï& établis pour ruiner peu-a-peu la liberté des Francois» . il eft pouttant certain que nous trouverons dans;, leur origine Sc dans. leur hiftoire une preuve inconteftable que la puiflance arbitraire eft abfolument op-, pofée aux loix de la Monarchie. Aujourd'hui les Pariemens font des Cours tlxc***-. Vül. Mimeitu 5L ba  ( '5* ) oü 1'on juge les proces civils & criminels, & ou 1'on termine les différcns qui divifent les families Sc les particuliers. Mais au commencement ces Cours fixes étoient inconnues. Ces mêmes affemblées que nous avons appelées , Etats, Placita, Curia, & Pariemens, jugeoient des affaires des particuliers auffi-bien que des affaires générales. C'étoient des Cours de Juftice, auffi-bien que des Confeils d'Etat SC de politique. Les Rois y étoient euxmêmes affis Sc jugeoient en perfonne. Ces Etats étoient deftinés principalement a recevoir les hommages des fujets, a écouter les Ambaffadeurs des étrangers, Sc a rendre juftice a tous ceux qui fe plaignoient, ou du Gouvernement, ou des Miniftres du Roi, ou des léfions qu'ils croyoient avoir recues de leurs concitoyens. C'étoit comme une efpece de grands jours oü reflbrtoient tous les Tribunaux rouiants du Royaume. On les tenoit fous Ia première race une fois tous les ans au mois de mai. Dans la fuite iis s'aflembloient deux fois par an , Sc duroient jufqu'a ce que toutes les affaires fuf fcnt vuidées. Charles Martel, qui fe fit élire Prince des Francois, Sc qui régna fous ce nom fous Ie regne des derniers Rois de la première race , recut fa dignité de 1'une de ces affemblées, & fut fort exait a ne rien faire fans le confeil des Etats du Royaume qui l'avoien.t élevé a cette grandeur. Pepin fon Fils, qui régna fous le nom de Roi, Sc qui fit jeter Chilperic dans un Monaftere , continua de ménagcr les efprits de la Nation en lui confervant tous fes priviléges. Charlemagne, Fils de Pepin, quelque puiftant qu'il fe trouvat, ne fit jamais rien contre les droits du peuple, Sc nëntreprit jamais rien de grand fans le confulter. Louisle-De'bonnaire, Fils de Charlemagne, au lieu de diminuer les priviléges de ces alïemblées du Royau-  I 153 ) me, les augmenta, tk voulut quellés fe tiniTent deux fois par an. Charles-le-Chauve fon fuccefleur , nën ula pas tout-a-fait de même , il fut moins exacl: a conferver le peuple dans fes priviléges; il afiëmbloit plus rarement le Parlement général de la Nation, tk les chofes nën alleient pas mieux fous fon regne. Après lui les Pariemens reprirent leur train ordinaire, tk continuerent ainfi, jufqu'a ce que peu a-peu ces Pariemens généraux devenant plus rares, on établit fous la troifieme race de nos Rois ces Cours fouveraines , qu'on appelle aujourd'hui de ce nom i ni le lieu ni le temps de ia durée de ces auemblées générales n'étoient fixes. A la fin de chaque Parlement, 1'alïemblée convenoit du lieu oü elle devoit fe retrouver, & du temps auquel on devoit faire 1'ouverture d'une afiëmblée a 1'autre : ou les caufes demeuroient en fulpens, ou les Rois les jugeoient par des CommilTaires qu'ils députoient, tk quelquefois ils jugeoient eux-mêmes. Egmart, dans la vie de Charlemagne, nous dit, que ce grand Prince , qui ne lailfoit perdre aucun moment de fa vie , jugeoit des proces tout en s'habillanr. Pendant qu'on le chauffoit & qu'on Vhabilloit, dit eet Auteur, non-feulement il recevoit fes amis, mais ft le Comte du Palais lui faifoit favoir qu'il y avoit quelque pro,ès qui ne put être termine'fans fon autorite', il ordonnoit jur-le-champ qu'on fit entrer les Parties, // s'afieyoit fur le Tribunal, il e'coutoit , il jugeoit & rendcit des Arrêts. On trouve encore cette Ordonnance dans fes Capitulaires ; que nos Envoye's jajfent favoir aux Comtes & au Peuple, que npus voulons employer un jour ie la femaine a e'couter^ les caufes & a les juger. Cette coutume n'étoit pas abolie du temps de S. Louis, Ie neuvjeme du nom qui régnoit dans le milieu du treizieme Vlll. MèmoirK  fiecle (i ). Joinville, qui a écrit fa vie , nous dit que le Roi avoit accoutumé de commander au Seigneur de Neilles, au Seigneur de SoilTons & ï lui, de vaquer a connoïtre des caufes, qui par appel Venoient a fa Cour. II envoyoic querir ces Seigneurs, & sënqueroir deux quelle étoit Ja nature de ces procés & 1'état des affaires. Et il arrivoic fouvent, que s'étant fait inftruire des procés, il faifoit entrer les Parties, & leur rendoit juftice. Souvent en fe pronrenanr dans lc bois de Vincennes, dit 1'Auteur, il s'affeoit fur un gazon au pied d'un chêne , il faifoit affeyok auteur de lui fes Confeillers. Et fi quelqu'un avoit quelque affaire il Je faifoit appeler. Et même il crioita haute voix, que fi quelqu'un vouloit avoir juftice , il s'approchac & expofat fon droit. Si quelqu'un fe préfentoit, le Roi 1'écoutoit patiemment & attenrivememr, & prononcoir 1'Anêt felon lequité. Joinville ajoute qu'il avoit fouvent vu Ce bon Roi vêru d'une fimple vefte , entrer dans fon jardin du fauxbourg , faire mettre une table & un tapis deffus, & commander aux Plaideurs de s'approcher pour être ouis & jugés. Ces maximes populaires font a la venté bien éloignées du fafte & de la pompe quir fe voit aujourd'hui dans les adions & dans la conduite de nos Rois. Mais fous de tels Princes &• avec de telles courumes, les peuples vivoientbien plus heureux ; la Juftice étoit bien mieux adminiftrée; & les fujets n'étoient pas confumés par cette epouvanrable multitude de Juges , de Procureurs , d'Avocats, de folliciteurs, qui rafinent aujourd'hui en chicanes, pour multiplier les procés, pour les faire durer éternellement, & pour s'atrirer toute hr lubftance des families. CO Joinville, chap.  'Ce'te manïere de juger & de terminer les diffetens fe continua fort avant fcus la race des Capetiens, comme il paro?t par cette Hiftoire de Saint Louis , qui étoit le neuvieme de cette troifieme race de nos Rois. Huges Capet fut autant exact qu'aucun de ces piédécefleurs a tenir ces allemblées générales qui jugeoient généralement de tout, tk des démêlés entre Ie Roi & le peuple, tk des différens des principaux fujets entre eux, tk de toutes les affaires de Ïaix & de guerre, paree qu'il vouloit fe conferver amitié des Francois dont il avoit affaire étant le premier Roi de fa'maifon. Les premiers fuccefleurs de Hugues eurent le même foin de convoquer fréquemment ces affemblées, qui étoient les dépofitaires de la juftice & de la puiffance fouveraine. Mais paree que ces affemblées générales ne fe pouvoierft tenir toujours, on en tira des membres qui compofoient un Confeil comme perpétuel: au moins étoitjl réglé tk revenoit dans cerrains temps-, ce que nous verrons dans la fuite. On compofa donc un grand Confeil du Royaume tiré du corps des EtatsGénéraux. Ce fénat fe convoquoit tous les ans, & dans le temps qu'il fe tenoit, il marchoit toujours a la fuite du Roi. Et par ce moyen, c'étoit un frein perpétuel qui^mpechoit 1'autorité Royale de s'écarrer. Car les Rois n'entreprenoient rien d important fans 1'avis & le confentement de ces aflembiées racourcies qui connoiffent des affaires d'Etat, auffibien que de celles de Juftice. Si cette inftitution d'un Confeil toujours roulant avec le Roi, étoit utile pour conferver la liberté du Peuple, elle étoit d'autre part onéreufe aux parties qui plaidoient devant ce Confeil. II falloit que les plaideurs fe tranfportaffent tantöt en un lieu, tantót dans un autre, paree que ce Sénat étoit ambulant, tk fuivoit toujours la Cour. De plus les caufes tk les procés des particuliers venanr a fe multiplier , ce Parlement ambulant VUL Mémoire..  fe tumt tccabU d'affaires, & prefque hors d'état de penfer aux affaires d'Etat qui éroient les plus importants. Mais fi dans ia forme de ce Gouvernement & cette maniere de rendre la juftice il y avoit queiquc chofe d'incommode pour le Peuple, il J'étoir beaucoup davantage pour le Roi, dont 1'autonte etoit diminuée par ce Confeil du Royaume perpetueHement aftiftant. Les Rois avoient intérêt de faire quatre chofes: la première d'occuper ce Sénat par des affaires particulieres, afin qu'il eut moins de loilir de s occuper aux affaires générales , & qu'on en remit tout ie foin au Roi & a fes Officiers: la feconde de le compofer de gens qui fuffent i fa nomination, qui unlTent leurs places & leurs dignités du Hoi, afin qu'il fut toujours maïtre de leurs avis • la ttoifieme de les fixer dans un feul lieu afin qu'ils ne fulient pas perpétuellemenr auprès du Roi pour lëclairer : la quatrieme de diminuer leur nombre, afin quon eut moins de peine a les gagner, & plus de iacmtealesinrimider. Les fucceffeurs de Saint Louis entreprirent de fe mettre au large & de faire ces quatre chofes. Rs en vinrent a bout, & fe fervirent pour cela de beaux prétextes qui paroifloient n'étre autre choë que l'.ntérêt du Peuple. C'étoit une chofe trop incommode aux parties de fuivre la Cour: donc il falloit fixer les affemblées de juftice en un certain lieu. li étoit onéreux pour 1'Etar, dëntretenir un fi grand nombre de députés a la fuite du Koi, & faeheux aux parties d'avoir affaire a tant de Juges. Donc il falloit réduire les Pariemens a certain nombre de Préfidens & de Confeillers. R étoit incommode pour ceux qui ont des proces d'avoir un fouveram tribunal de juftice qui ne duroit que quelques mois de 1'année, & dont le temps des feances étoit incertain, il falloit donc faire un Parlement toujours féanr. Enfin il étoit impoffible qu une Compagnie chargée de toutes les affaires de  ( 1*0 ) Noblefle d'épée & celle de Robe. Au lieu qu'autre* fois les Nobles d'épée compofoient le Parlement Sc y étoient prefque les feuls, ou du moins les principaux. II nëft pas néceffaire pour notre but, dentrer dans un plus grand détail de 1'Hiftoire des changemens qui font arrivés dans 1'établiflement de ces Cours Souveraines. L'avarice des Rois en a multiplié les charges, comme on le voir aujourd'hui, car chaque Roi en a créé de nouvelles pour les vendre. No. tre affaire eft de faire fur l'hiftoire abrégée des Pariemens, que nous venons de voir, des obfervations qui prouvent la puiflance du peuple Sc des Grands dans le Gouvernement contre la prétention de la puilfance defpotique. Premiérement il faut obferver que ces Tribunaux qu'on nomme aujourd'hui Parlement, ne font point anciens : ils ne font point de lage de la Monarchie, Sc n'ont pas leur inftitution dans fes Loix fondamentales. Tellement que quand on trouveroit dans l'hiftoire de ces Pariemens Sc dans la conduite que les Rois ont tenu avec eux quelque chofe d'oppofé aux droits du Peuple Sc qui fentït un peu la puilfance defpotique, cela ne feroit aucun préjudice a nos prétentions ; puifqu'il le faudroit confidérer comme une ufurpation Sc comme un abus de la puiflance royale , laquelle a établi ces Compagnies pour en être la maitrefle, Sc pour fe défaire du joug des anciens Pariemens Généraux, qui étoient leurs Souverains. Le Parlement de Paris ne fauroit trouver fon origine plus haut dans notre Hiftoire que fous Philippe-leBel , qui régnoir il y a environ 400 ans. Ce fut Louis Xfurnommé Hutin , fi-'s de Philippe-le-Bel, qui commenca le fuperbe batiment qu'on appelle a Paris le Palais de Juftice, oü les Cours fouveraines tiennent leurs féances. La forme que Ie Parlement a aujourd'hui Sc les diverfes chambres qui le compofent font encore beaucoup plus nouvelles. Et pour Ie?  (1*1) les autres Pariemens, comme font ceux de Dijon , ds Touloufe, & les autres, ils ont des dates beaucoup plus récemes. Ce tut Charles VU, qui établit un Parlement a Touloufe; Louis XI fon fils établit celui de Grenoble. Louis XII en créa un dans la ville de Bordeaux, un autre dans la ville d'Aix en Provence, 8c un a Rouen pour la Province de Normandie. Le changement qui arriva dans ces Siéges de Juftice, tut qu'au lieu d'Efchiquiers ou Grands Jours qu'ils s'appeloient, ils prirentle nom de Pariemens; 8c de Tribunaux fubaltemes qu'ils étoient, ils devinrent Cours Souveraines. L'origine des Pariemens étant donc fi nouvelle, il ne les faut point du tout confidérer comme les dépofitaires d« la liberté des peuples Francois, ni croire que la nation n'ait jamais eu d'autres priviléges que ceux qu» font attachés a ces Cours. La liberté du peuple commencoit déja beaucoup a diminuer quand ces Parlemens ont été établis-, 8C ils ont beaucoup fervi a augmenter 1'efclavage, tant paree qu'ils ont fait oublier les affemblées des Etats, dans lefquels feuls réfide la puiffance fouveraine de la nation fur ellemême, que paree qu'ils ont eu la foibleffe de céder aux flatteries ou aux menaces de la Cour pour lui abandonner les priviléges de la nation. Les Rois fe font attribués un fouverain pouvoir fur ces Compagnies, i!s caffent leurs Arrêts-, ils font vérifier tous leurs Edits par une pure violence. Mais au commencement il nën étoit pas ainfi. La feconde obfervation, que nous devons faire fur cette Hiftoire des Pariemens, cëft qu'ils ont été inftitués pour être les Etats reprélentatifs & pour maintenir les droits du peuple contre les ufurpations des Rois, d'une affemblée d'Etats a 1'autre. Les Grands & le peuple jugerent que ces fréquentes affemblées générales des députés de tout le Royaume, étoient onéreufesa 1'Etat, quand elles étoient VUL Mémoire, L  ( **i ) fréquente*. Cëft pourquoi ils fe laifferent perfuader de tirer de leurs corps certain nombre de membres qui tinlfent leurs féances réguliérement: & les firent dépofitaires d'une partie de leur autorité jufqu'a leur première affemblée. Dans les Etats-Généraux on jugeoit, comme nous avons vu, de toutes les affaires importantes des particuliers & de leurs procés; il eut été trop embarraffant de faire juger ces affaires particulieres par toute i'allemblée générale. On choififfoit donc du corps de 1'affemblée 12 membres des principaux, 6 Confeillers Clercs & 6 Laïcs , qui jugeoient les procés. Ces membres députés faifoient un Parlement raccourci & ambulatoire. Et Ie grand Parlement en fe féparant leur commettoit la protection des droits du peuple; jugcant que ceux qui terminoient les différents & confervoient la tranquillité dans le peuple, étoient aufll les plus propres a maintenir fes droits & fes priviléges. Que le Parlement, qui fut long-temps ambulatoire & enfin fixé a Paris par Philippe-le-Bel, fut le raccourci des Etats ou anciens Pariemens, cela paroït premiérement paree qu'au commencement ce Parlement étoit unique. II n'y en avoit qu'un feul dans tout le Royaume. Cela, dis je, fait voir que ce Parlement raccourci •étoit deftiné a repréfenter le Parlement général. C'elf pourquoi comme le Parlement général étoit unique, auffi ce Parlement raccourci devoit être unique. Si ce tribunal neut point eu d'autre ufage que celui de terminer les procés des particuliers, fans doute on nën auroit pas créé pour un. Et il y a long temps qu'on fe feroit avifé de les multiplier, comme on a fait du depuis, lorfque tout le pouvoir de fa Cour du Parlement de Paris sëft trouvé a-peuprès réduit a juger des différens qui arrivent dans les families. Le Parlement de Paris a encore retenu ce privilége d'être le Parlement général du Royaume. II s'appelle la. Cour de Pairs ; les Grands du  C ««3 ) Royaume y ont leurs caufes liées. Le Procureur-Général du Roi y réfide & y fait fes fonctions, & rouj les autres Procureurs-Généraux des autres Pariemens ne font proprement que fes fubftituts. Cëft enfin ce Parlement qui vérifie les Edits tk des Déclarations des Rois &'leur donne force de Loi. Cela même, favoir que le Parlement eft les Etats repréfenratirs, fe prouve par diverfes obfervations que nous venons de toucher enpalTant, & dont il eft nécelfaire de faire reffouvenir le Leóteur. Par exemple nous avons vu que ces Pariemens raccourcis fe compofoient des plus Grands du Royaume, du Connétable, des premiers Officiers de la Couronne, & des plus illufircs Prélats dëntre le Clergé. Ce qui fait voir que ce Parlement étoit un raccourci du grand Parlement, & que les membres de celui-la étoient des membres de celui-ci, députés & commis par 1'affemblée générale. Nous avons auffi obfervé que les Confeillers de ce Parlement changeoient a toutes les afiëmblées tk nëtoient pas fixes. Ce qui fait auffi voir que le Parlement raccourci étoit une image,&, pour ainfi dire, une émanation dü grand Parlement général, dont les membres tk les députés changeoient tk pouvoient changer a toutes les affemblées. Mais fur tout nous aurons une preuve dê cette vérité dans l'obfervation fuivante. Cëft que quand on inftitua ce Parlement racoürci qui fut au commencement ambulatoire & enfuite fixé a Paris, on lui tranfporta partie des droits qui appartenoient aux grands Pariemens qui font aujourd'hui appelés Etats: favoir de pouvoir juger les Pairs & les Grands du Royaume. Car auparavanr les Seigneurs & Barons du Royaume ne vuidoient leursdifférens que devant 1'aftemblée générale de leurs Pairs. Le fecond droit qui fut tranfporté au Parlement racourci tk repréfentatif, cëft celui de recevoir le ferment de tous les grands Officiers dUj Vlll. Mémoire. I* ij  I ï*4 ) Royaume & de Ia Couronne , avant qu'ils ertraflent en pofleflion de leurs charges. Et enfin le troifieme droit du Parlement général, tranfportéa ce Parlement particulier. C'eft celui de vérifier tk homologuer les Edits du Roi : fans quoi ils ne pourroient avoir force de Loi, ni être exécutés dans le Royaume. II eft ^ clair que ce font Ia trois fleurons de Ia couronne'& trois caracleres de fouveraineté. Les Souverains feuls font en droit de juger leurs Pairs & les Grands du Royaume qui lont indépendans les uns des autres. Le ferment fe prête au maïtre 5c non aux fujets, tk par conféquent ce que les Officiers de la couronne prêtoient leur ferment a ia Cour de Parlement, montre que cette Cour devoit être fouveraine, & que c'étoit originellerhent le Confeil Souverain de 1'Etat diftingué du Confeil du Roi. Enfin le privilege de vérifier les Edits des Rois ,& leur donner Éorce dé Loi, eft un partage evident de la fouveraineté : or fslon les loix fondamcntales de la Monarchie, il n'y a jamais eu quune aflemblée dans 1'Etat qui exercatdes aétes d,e/?,uIeraiReré' &fiui la partageat avec le Roi, c eft 1 aflemblée. du Parlement général ou des EtatsGénéraux. Et par conféquent toute Cour qui exerce quelqu'un des aétes de la louveraineté, ne peut 1 avoir «cue que de 1 affemblée générale. Ce qui fait voir que le Parlement racourci étoit député par i'autre , & empruntoit de lui fon autorité. Le premier des articles regardant la fouveraineté quon avoir. tranfporté au Parlement racourci, favoir le droit de juger les Pairs & les grands Seineurs du Royaume n'a pas befoin de preuve. Car on en demeure d'accord; ce privilége fubfifte même encore en parne : avec cette différeace que les tirands du Royaume ne pouvoient autrefois être juges dans les accufatjons criminelles, Sc en touc  ( ï<5 ) grand démêlée, que dans cette Cour: au lieu qu'aujoürd'hui les Rois le font juger comme il leur plaït, leur donnent des Commiflaires, le font condamner a mort & exécuter par des Juges délégués qui n'ont aucun caraérere ni pouvoir de ce faire que celui que le Roi leur donne par une commiffion particuliere & qui nëft que pour 1'action préfente. Le fecond article , qui eft celui des fermens qu'on prêtoit dans cette Cour pour toutes les grandes charges de la Couronne , nëft pas moins certain entre ceux qui favent notre hiftoire. Dans les anciens regiftres de la Cour on trouve le ferment prêté le neuvieme de Septembre mil quatre cent lept par Jehan Duc de Bourgogne, en qualité de Pair de France. Ce Jehan étoit Prince du Sang de France &c Souverain d'un grand Etat. Ces grands titres ne le diipenfoient pas des hommages & de la fujétion qu'il devoit au Parlement. Jamais un Prince auffi fier & d'un auffi grand caractere nëut rendu cette foumiffion a ce fiége, s'il n'y eut confidéré 1'autorité du Parlement général ou des EtatsGénéraux , dont il falloit bien qu'il fe reconnut fujet. Le feptieme de Novembre mil quatre cent dix, un grand Fannetier piëta ferment. Le fixieme de Juin mil quatre cent dix-fept, un Maréchal de France & un Amiral prêterent fetment de fidélité enne les mains du Parlement; & le feizieme jour fuivant du même mois, un grand Veneur fit la même chofe. Le feizieme de Janvier mil quatre cent trente-neuf, Courtenay eft reen Amiral par le Parlement. Le feizieme d'Avril mil quatre cent vingt-cinq , un Trélorier & général Adminiftrateur des Finances prêta ferment pour fa charge. Cette coutume sëft peu-a-peu comme abolie , le Parlement sëft laifle ravir ce privilége avec plufieurs autres. Nous en avons feulement un exemple dans le fiecle pafte , dans la réception de GafVIII. Mémoire. L iij  ( réê ) pard de Colïgny, Seigneur de Chaftillon , dans la charge de Grand Amiral de France fous Henri II. Tous les Juges exercant juftice dans tous les Tribunaux du Royaume étoient auffi obligés a prêter ferment dans cette Cour; &cela fans doute étoit une preuve qu'elle repréfentoit cette aflemblée générale en qui réfidoit la fouveraineté. Car les Juges ne doivent leur ferment qu'a celui qui les établit. On ne doit pas oppofer a cela que ces fermens qui le prêtoient dans les Pariemens, fe prêtoienc au Roi & non au Parlement. Car cela ne fait aucun préjudice a notre thefe. Les Pariemens d'Angleterre qui partagent 1'autorité & la fouveraineté avec le Roi, font tous leurs aótes au nom du Roi. On prête des fermens par ordre du Parlement 8C dans ie Parlement, mais on le prête au Roi feul. Ainfi quoique 1'on prêtat autrefois ferment dans nos Pariemens au Roi, il nën faut pas conclure que le Roi fut tout & le peuple rien. Mais feulemcnt qu'il eft le Chef du Royaume & non le maïtre abfolu. Et ie Parlement exige ie ferment pour la fidéüré a 1'Etat fous le nom du Roi, paree qu'il eft le chef de 1'Etat & le repréfente; & que le Parlement repréfente ces Etats fouverains qui avoient donné au Roi fa puiflance. Le troifieme & le plus noble caradtere de fouveraineté que les anciens Pariemens généraux avoient tranfporté au Pariemens racourci, c'eft le droit de vérifier les Edits des Rois & le pouvoir de les empêcher d'avoir force de Loi en refufant Ia vérification. Cëft celui qui sëft confervé le plus long-temps, lans doute, paree que cëft celui dont cette Compagnie fouveraine étoit la plus jaloufe. Aujourd'hui la Cour de France a preique entiérement aboli ce beau privilége. Car le Roi ne fait vériher fes Edits a la Cour que par forme : & fanvérification ils ne laifTent pas d'être exécutés. Les  ( i*7) vérificatibns ne font plus aujourd'hui que de pures Borifications. On enregiftre les Déclarations 8è Edits dans les Pariemens comme on les enregiftre dans les GrefFes des Bailliages, pour notihër aux fujets quelie elf la volonté du Prince. Enfin il n'y a plus aucune liberté dans ces vérifications, le Roi fur le refus envoie des commandemens réitérés, & il faut que le Parlement obéiffe. II y a déja du temps que cette violence a commence, &C que les Pariemens n'ont plus d'autre liberté que de faire des remontrances: encore ce patit refte de liberté leur a-t-il été óté dans ce dernier regne. Caril n'y a pas de Compagnie dans le Royaume, quelque' augufte qu'elle foit, qui ofat laifler aller un mot contraire aux volontés du Roi. Mais il eft certain , autant qu'une chofe le peut être, que les Pariemens dans leur premier étabiiffement avoient une entiere liberté de recevoir & de vérifier les Déclarations des Rois , ou de ne le faire pas. lis étoient établis pour veiller fur les intéréts dit peupie, & par conféquent ils étoient en pouvoir de refufer au nom du peuple, tout ce qui étoit injufte & onéreux a la nation. Quand nous n'aurions pas de preuve de cett» vérité dans l'hiftoire, le bon fens nouseninftriiirc.it. Car pourquoi faire dépendre de la vérifkation d'un Parlement, la force des Edits du Roi, fi ce Parlement n'a ni droit, ni autorité de s'y oppofer. Si le Parlement n'avoit autre voie que celle des remontrances , fon refus de vérifkation ne devoit faire aucun préjudice a la Loi du Prince. II n'y a point de petit fiége, ni de Corporation dans le le Royaume qui n'ait le droit de la remontrance, & quï ne puiffe fe pouvoir par-devant le Roi pour le torts & les griefs que lui font fes Déclarations. Mais ces remontrances des Cours fubalrernes jointes avec un refus d'approbatjon cu dënregiftra- VUL Mémoire. L iv  I 174 ) fe rendirent maïtres de leur Parlement. Ce qui ne leur fut pas difficile •, puilque d'abord ils en donnerent les charges, 5c enfuite les rendirent vénales' Sc cela mit cette Cour fouveraine dans la dépendance des Rois. Je kille préfentement au Lecleur la liberté de tirer fa conclufion de tout ce qu'il vient de voir, &c de juger fi la puilfance ablolue 75 ) IX. MÉMOIRE. Du 27 Mars 1690. Nouvelles preuves contre la puiffance arbitraire de la Cour de France, tire'es de l'hifloire des grandes dignités du Royaume. Du Grand- Confeil, des Maifons du Palais, des Connétables, des Pairs de France. Forme ancienne de nos Tribunaux de Juf ice avant l'établiffement des Prifidiaux. Il faut toujours fe fouvenir que nous cherchons Tanden Gouvernement de notre Monarchie Francoife , pour en faire une oppofition a la forme du préfent Gouvernement. Et par conféquent nous ne faurions être trop exacts pour notre but. 11 vaudroit mieux même dire quelque chofe de moins néceffaire que d'oublier quelque chofe dëffentiel. Pourfüivons donc l'hiftoire de ce Gouvernement ancien, & le reprenonsoü nous l'avonslaiflé. Nous avons vu 1'origine des Pariemens judiciaires, SjC IX. Mémoire.  ( -7* ) comment on les forma des Membres rités du Parlement général. Nous avons obfervé qu'on occupa ce Parlement raccourci, des affaires des Grands & des particuliers, pour lui öter la connoifiance des affaires d'Etat, & qu'on lui laiffa feulement le droit de juger les Grands du Royaume , dont le jugement appartenoif. autrefois au Roi & aux EtatsGénéraux , le droit de receVoir le ferment des Officiers de la Couronne, 8c le droit de vérifier 8c d'approuver les Edits du Roi, avec la liberté de re les approuver pas. Mais on ne les confulra plus fur les affaires de Paix 8c de Guerre, 8c fur le Gouvernement. Dans le même-temps que les Pariemens raccourcis celferent d'être le Confeil du Gouvernement, on inffitua un nouveau Confeil , qui s'appelie aujourd'hui le Grand-Confeil, mais qui n'eft plus ce qu'il étoit dans fa première inftitution. Car il fut établi pour être le Confeil du Prince &c de 1'Etat, pour avifer a la conduite du Royaume. II étoit compofé de ce qu'il y avoit de plus grand 8c de plus diftingué en France. On 1'appeloit Grand-Confeil, 8c Confeil Privé', ou , , Confeil ètroii. Cëft ainfi que 1'appelle Charles VI dans une Ordonnance du 28 Avril 1407 , par laquelle il compofe fon Grand Confeil des Princes de fon fang, des Officiers de la Courónne, 8c de vingt-fept autres perfonnes de marqué. Ce Grand - Confeil fut auffi un racourci des EtatsGénéraux deftiné a même ufage; cëft a délibérer de toutes les grandes affaires du Royaume, de Paix , de Guerre , d'Alliance, de Subfides & autres chofes femblables. De forte qu'on partagea entre le Parlement judiciaire 8c le Grand - Confeil les affaires qui fe traitoient autrefois dans les affemblées générales, qu'on appeioit Grands - Pariemens du Iloyaume. On laiffa au Parlement judiciaire la charge de rendre la juftice; & on attribua a ce Grand*  ( 177 ) Grand-Confeil tout ce qui regardoit le Gosvernement. Ce n'étoit donc point alors un Tribunal fixe , & pour ie temps & pour le lieu. On tenoit ces Grands-Confeils felon les occurrences & les néceffités, tantót dans un lieu, tar.töt dans un autre : tout de même que 1'on tenoit les affemblées générales de 1'Etat. Et aulli difoit-on tenir le Grand-Confeil, comme on difoit, tenir le Parlement , ou, tenir les Etats. Alain Chartier dans la vie de Charles VII, dit que ce Roi tint fon Grand Confeil d Vendóme, qu'il avoit auparavant ordonné être a Montargis, ou il ne vint point a Voccafion de la grande mortalité qui étoit en la cité d'Orléans, audit Montargis & 'es pays d'environ. Ainfi ce Grand-Confeil s'alfignoir a cerrains temps & a certains lieux , comme on faifoit auparavant les Pariemens généraux. Les Rois gagnoient toujours de 1'autorité par ces changemens. Ils avoient beaucoup avancé par 1'étabiiffement des Pariemens fixes, auxquels ils avoient attribué les affaires de Jultice en leur ötant les affaires du Gouvernement. Car par la. ils fe délivroient de la néceflité d'affembler fouvent le GrandParlement ou les Etati-Généraux , dont la tenue faifoit éclipfer pour un temps une partie de lëutorité fouveraine. Ils gagnerent encore par l'établiffement de ce Grand Confeil Privé. Ce Confeil connoiflbit h la vérité de toutes les affaires d'Etat; mais il étoit compolé de perfonnes que le Roi pouvoit plus aifément corrompre par promelfes ou par menaces. Et après tout le Prince fouverain demeuroit toujours maïtre des réfokuïons. Cette inftitution n'eft pas plus vieille que celle des Pariemens, & on nën fauroit trouver de tracé au-deffus de trois ou quatre cents ans. Quoique ce nouveau Confeil du Roi fut moins a charge aux Rois que les Etats-Généraux, cependant cela IX. Mémoire. M  (178) "ne laiiToic pas de les incommoder. Car les Princes du fang Sc les grands Officiers de la Couronne éra ftr membres nés de ce Grand-Confeil, leur haiffance Sc leurs emplois leur donnoient 1'autorité de s'oppofer aux volontés des Rois, quand elles étoient contraires aux intéréts de 1'Erat. Cëft pourquoi la Cour peu-a-peu le défit de ce joug comme elle avoit fait des autres. Les Rois attribuerent a ce Grand-Confeil la connoifTance de certains procés, en partie pour être maïtre de toutes les affaires, paree que les Rois difpofoient de tout dans ce Confeil avec plus d'autorité que dans le Parlement : en parrie pour oter au Parlement une partie des caufes dont la connoiffance lui appartenoit, Sc diminuer par-la fa jurifdiction & fon autoriré. Enfin on en a fait une Cour ordinaire de Juftice, Sc ce fut Charles VllL Sc Louis XII qui acheverent eet ouvrage, que leurs ancêtres depuis Charles VI avoient commence. L'on attribua a ce Confeil le droit des évocations, la connoiffance des indults, Sc de toutes les matieres bénéfkiales, avec le pouvoir de juger de la compétence des Juges quand il y a conflict de jurifdiction. Quand la forme de ce Confeil d'Etat a oemmeucé a fe réduire-la , les Princes du fang Sc les grands Officiers de la Couronne, excepté le Chancelier, 1'ont abandonné , & l'on y a mis des gens de Robe pour Préfidens Sc pour Confeillers. Depuis, les Rois fe firent une autre Confeil pour les affaires d'Etat, qui fut appelé Confèil-Prive'. Cëlui-ci comme les autres, eft auflï dégénéré en un Tribunal de chicane Sc de proces. Car on y plaide comme dans les autres Cours de Juftice, fur les caufes qu'il plaït au Roi d'y évoquer. Pour c& qui eft du Gouvernement, il eft entre les mains d'un petit nombre de perfonnes relles que le Roi les veut choifir. Cëft ainfi qu'infenfiblernent les Rois de France ont fecoué tout joug,  & Fe font mis en poffeffion de régfèr eux feuïs toute? les affaires du Gouvernement fans en donner connoiffance ni aux Etats, ni aux Pariemens, ni au Confeil , ni aux Grarïds du Royaume. Après avoir vu quelle étoit Pancienne forme de la Monarchie Francoife par rapport aux Etats, Pariemens & Confeiis, il faut préfentement voir quelles étoient les principalcs dignirés du Royaume, les Chirges, les caraéterës diflërens , & les' droits qui leur conven'oient.' Nous verrons fi tout cela s'accordera avec cette puiffance abfolue, que les Reis de France exercent fur teute forte de pe'rfonnes indiftéremment. En étudiant 1'Hiftoire des Charges' de Maires du Paiais, de Connétables, de grands-Chambellans, de Chancelier & de grands-Pannetiers, qui étoient autrefois les premières dignirés du Royaumet j'y trouve affez peu de chofe qui faffe a notre but, 8c qui donne beaucoup de lumieres aux droits & libertés des peuples de la Monarchie Francoife. C'eft pourquoi il n'eft pas néceffaire que nous nous y arrêtions long temps. I! faut feuièmenr favoir que la charge de Maire du Palais étoit la première du Royaume fous les deux premières races de nos Rois; comme celle de Connétable i'eft devenue dans la fuite fou$ la troifieme race. Mais ni 1'une ni 1'autre n'étoit origineilement ce qu'elles font devenues dans la fuite. Maire du Palais, cëft-a-dire , Maïtre du Palais » & leur charge n'étoit au commencement que cella que nous appelons aujourd'hui Grand-Maïtre de la Maifon du Roi. Son autorité s'étendoit fur tous ceux qui compofoient le domeftique de la Maifon Royale, & ne fortoient point hors de-la. Ce fuc Clothaire ll, qui commenca a donner au GrandMaïtre de fa maifon un degré de dignité fur tous les Gouverneurs des Provinces. Et ce nom devint un nom de Gouvernement. II y eut fous ce regne IX, ffltmoirt, M rj  ( iSi ) irrité, le flattoient au contraire, afin d'être mamtenus dans leur autorité. Car en ce temps-la il n'y avoit point d'armée toujours lur pied , fous le titre de Gardes du Corps, de régiment des Gardes, de Maifon du Roi , dont on fe put fervir pour violenter les inclinations des peuples. Les Rois & leurs Miniftres n'avoient point d'autre füreté que 1'amour de la Nation. Le nom de Connétable eft auffi ancien que celui de Maire, tk la charge a duré beaucoup plus longtemps. Mais ce nom a fort changé de fignification , & cette charge eft fort enflée de dignité : les Connétabies dans la fuite, font devenus a peu-près ce qüétoifnt autrefois les Maires duPaiais, cëft a-dire, premiers Officiers de la Couronne. Mais au commencement ce n'étoit autre ch"fe que ce qui s'appelle aujourd'hui Grand - Ecu ver, Connétable ou Comte de 1'érable , Co/nes fltabuli, maïtre des chevaux & de ceux qui les fervoicnr. Cëft ainfi t\\xAimoimri déhnit Lendegijile ConnéVdWic.ioir* G mtran, Roi d'Orléans, frere de Chilperic. Lendegijiliux Regaliutn prcepojïtus equorum, quem vulgb Conjlabulen vacant. On ne voit pas dans 1 hiftoire par quels degrés les Connétables fe font élevés depuis a la dignité de Chefs de toutes les armées du Royaume: mais il eft certain que cela ne commenca que fort rard. Matthieu de Montmorency qui fut fait Connétable fous fnijit Louis* ëftTtln des plus anciens dont notre Hiftoire nous parle ,fousle titre de Généraliffime des armées du Royaume. La charge de Chancelier eft auffi ancienne que la Monarchie, car cëft un Officier dont un Etatnefe peut pafier.II fauméceffairement qu'il y aitquelqu'impour appofer les fceaux de la Monarchie & du Roi. Au commencement, eet Officier sayTpelox R.eférendaire, &c nous ne voyons pas que fes fbnitions aient fort changé, excepté que quand on a bati les Pariemens 'IX. Mémoire. M ii-j  'des ruin-es de l'afïemhlée des Etats-Généraux, les Chanceüers y ont extrêmement gagné; car ils font devenus Chefs de toute la Juftice & de toute la France, comme les Connétables font devenus Chefs de toute la Milice. Ainfi la grandeur de ces deux charges eft a peu prés de même age. Si nousvoulions examiner 1'Hiftoire de la Chancellerie & des Chanceliers, on y trouveroit aflez de preuves de ceque nous voulons établir. Cëft que le gouvernement de la Monarchie n'a point roulé furie pied d'une puiffance defpotique &c arbitraire, On y trouveroit auffi fans "doute des chofes qui paroïtroient préjudiciet a notre caufe ; car cëft dans leur Chancellerie que les Rois ont fait principalement les maïtres. Mais les Etats du Royaume en qui réfidoit la fouveraine puiflance , ne dépendoient pas dela. Cëft une difcuifion dans laquelle nous nëntrerons point, paree que cela nous meneroit trop loin. La charge de Grand Chambellan & celle de Grand-Echanfon n'ont pas eu le même fort que les deux précédentes •» cëft-a-dire, qu'elles ne fe font point élevées a une grandeur extraordinaire. Cependant elles avoient le privilége qu'on nëxpédiok aucunes lettres fans la connoiffance de ceux qui foutenoient ces caracteres. Sous les fucceflfeurs les plus prochains de Hugues'Capet,commzRoben, Henri, Philippe, Louis-le Gros> Louis le Jeune , Philippe & Augufie , &c. les lettres royaux fe donnoient par le Chancelier, foufcrites de lui, & confirmées par la préfence du Connéïable ,du Grand Chambellan & du Grand-Echanfon, Mais comme en tout cela l'on ne trouve rien qui nous inftruië beaucoup de la forme du gouvernement ancien de notre Monarchie, nous ne nous y arrêterons pas davantage. II fera plus important de chercher & de trouver f origine des pairs de France. II n'y a point dëndroit ou nos Ecrivains d'antiquités paroiffent avo k  (m) ïrtoins de pénétration. II eft arrivé a qiielques-un* de mettre la main fur la vérité lans la fentir. Je nem'amuferai point a réfurer l'.opinion de ceux qui tont cette inftitution auflï vieille que la Monarchie,, ni ceux qui 1'attribuent a Charlemagne. L'opinion de ce? derniers feroit lort favorable a notre but. Cat ils diftnt que Charlemagne créa douze Pairs , fis Laïcs & fix Eccléfiaftiques , avec lefquels il partagea* fon autorité, ne voulant rien faire fans eux, &i ne confervant au-deiTus dëux que i'hommage. Cëft pourquoi ils furent appelés Pairs, égaux , ou comme égaux au Roi. Cela feroit fort propre & prouver que les Rois de France ne sëttribuoient pas une puif£ance abfolue & arbitraire; puifqu'ils sëtoient fait un Sénat tiré du corps des Francois, pour le repréfenter, par les avis duque) ils prétendoient fe gouverner. Mais nous avons aflez ds preuves dans la véricé pour détruire la prétention de la Cour de France pour la puiflance arbitraire, fans en aller chercher dans les fables de nos anciens Hiftoriei s» Tous ceux qui ont étudié notre Hiftoire avec quelque foin , font bien perfuadés que la dignité & Ie nom de Pair de Royaume étoient entiérement inr connus fous les deux premiers races de nos Rois. Ce nom & cette diftinction des Pairs d'avecies autres Membres de 1'Etat, ne fe trouve que danns la troifieme race, & même aflez avant. II eft vrai qu'on trouve le nom- de Pares dans 1'Hiftoire, en des temps qui font plus anciens que Hugues Capet. Fre'~ des,aire dans fa Chronique fur l'an 762, dit : Factum eft ut Aufti aldus Comes & Galemanius itemque Comes curn Paribus eorum ad propna reverterentur. Les Comtes Auftraldus & Galemanius rerournent che[ eux avec leurs Pairs. Ces Pairs font leurs égaux, gens de même qualité qu'eux. Ce nom dans eet endroit & en plufieurs autres femblables, ne fignifie aucune dignité particuliere. La IX. Mémoire. M iv  ( i84 ) plus ancien monument oü l'on trouve le nom da Pairs, Pares, dans la lïgnification oü il fe prend depuis quelques fiecles, cëft peut être celui qui fe trouve en date de l'an 1216, fous Louis le- Gros, dans un Arrêt rendu pour le Comte de Champagne , au fujet du ferment de fidélité que lui devoient rendre fes Vaffaux, qui commence ainfi : ll a ete' jugé par les Pairs de notre Royaume, favoir, 1'Archevêque de Reims, f Evêque de Langres, Guillaume, Evêque de ChSlons, Philippe de Beauvais, Etienne de Noyon, &c. Sur l'an 1224, dans 1'Hiftoire de France de Belle-Forêt on trouve un Arrêt rendu par le Roi, fur undémêléque les Pairs de France eurent avec les Officiers de la Mairon du Roi. Les Pairs de Francedifoient quele Chancelier.leGrand Echan'bn, le Grand Chambellan , & le Connétable , Officiers de la Maifon du Roi, ne devoient pas affi'ter avec eux au jugement des Pairs de France. Les Officiers de la Maifon du Roi foutenoienr le contraire. Et ïl fut jugé par la Cour du Roi que les fuldits Officiers affifteroient au jugement des Pairs, avec les Pairs de France. On trouve un jugement des Pairs de France, contre Pierre Mauclere, Duc de Bretagne, de l'an 1230 , par lequel ledit Pierre Mauclere eft condamné k perdre fes droits fur la Bretagne. Nous Gautier, paria grace.de Dieu ArcheVêque de Sens , Gautier, Evêque de Chartres , Guillaume , Evêque de Paris, le Comte de Flandres, le Comte de Champagne, le Comte de Cha'tres , le Comte de Montfort, le Comte de Vendome, le Comte de Roucy, Matthieu Montmorency, Connétable de France, Jehan, Evêque de Soi(fnns , Etienne, Comte de Sancerre, le Comte de Beaumont, &c. faifons favoir qu en pré f nee de notre tres-cher SeigneurLouis, Rolde France, nous avons unanimement jugé que Pierre , ci-devant Comte de Bretagne, pour avoir forfait contre le Seigneur  ( i/9 « ) affaires, ne pouvoient pas commodément vaqner au jugement des proces des particuliers. Elles députerent donc de leurs corps un nombre de perTonnes notables pour connoïtre de ces caufes 5c les juger. Les Députés étoient tirés du nombre des Pairs. Ainfi tous les autres Grands qui compofoient 1'affemblée générale étoient Pairs comme eux. Mais paree que ces Juges délégués furent revêtus du pouvoir de juger fouverainement, même tous les Grands du Royaume, 6c que le nom de Pairs étoit déja comme confacré aux Juges des Provinces en chaque Comté, ils prirent le nom de Pairs. Et infennblement ce nom leur demeura exclufivement aux autres Grands du Royaume. D'abord le nombre de ces Juges Pairs n'étoit pas déterminé a celui de douze, ic l'on ne fauroit marquer précifément quand il a été réduitla ; mais il y a apparence que cela commenea avec le Parlement ambulatoire dont nous avons parlé. Le grand Parlement ou affemblée générale ne pouvant pas toujours tenir, nomma douze perfonnes, fix Archevêques tk Evêques, 8c fix Ducs, Comtes & Barons, pour allïfter le Roi de leurs confeils, pour ïepréfenter 1'affemblée générale tk pour foutenir fes droits, 5c auffi pour décharger le Roi de la peine de juger les caufes des particuliers, que les Rois vouloient bien fe donner en ce temps - la. Ces douze perfonnes furent revêtues de 1'autorité de tous les Barons, Comtes 5c Ducs, tous Pairs du Royaume, 8c a caufe de cela ils prirent le titre de Pairs par excellence, 5c leur Cour fut appelée la Cour de Pairs. II eft clair par-la que 1'origine des Pairs Sc celle des Pariemens eft abfolument la même , 5c nous avons la vraie raifon pourquoi encore aujourd'hui on appelle les Pariemens la Cour des Pairs. Ce n'eft point comme pn s'imagine, paree que les Pairs du Royaume y  du Royaume , ne leur ait pas été- donné précifêment a caulë qu'ils fuffent égaux au Roi ; il paroiC pourtant qu'ils étoient avec le Roi dans ce point d'égalité, que s'ils ne pouvoient rien faire lans le Roi dans tout ce qui, regardoit le Gouvernement y auffi le Roi ne pouvoit rien faire fans eux. ■ AMSTERDAM, U 7 Mars 1^0.. IX. Miwlre*  ( IS» ) X. MÉMOIRE. Du 2p Avril itToo. Nouvelles preuves contre la puiffance abfolue, tirées de l'hiftoire des Comtes, Ducs, Marquis, Barons & Gentilshommes. Les Grands du Royaume qui font aujourd'hui efclaves,' étoient autrefois indépendans du Roi, & lui e'toient égaux, excèpté l'hommage. N ■L^oixs pourfuivrons l'hiftoire des principales dignirés du Royaume, dans lëfpérance que nous y rrouverons auffi l'hiftoire de notre ancien Gouvernement, & des preuves contre 1'ufurpation de notre Cour qui exerce fur les peuples une puiffance delpotique. L'hiftoire des Etats, des Pariemens, du Confeil d'Etat, des Maires, Connétables, des Pairs & des Tribunaux de juftice inférieurs au Pariemens, nous ont fourni des preuves de la vérité que nous établiffbns. L'hiftoire des Ducs, Comtes , Marquis, Barons, & Gentilshommes, que nous alions faire, nous en donnesa d'au-  (101 ) tres. La qualité de Duc eft aujourd'hui le premier cara&ere de 1'Etat après les Princes, on les joint ordinairement avec celui Pairs, Ducs & Pairs. Autrefois les Ducs n'étoient pas les feuls Pairs du Royaume les Comtes Sc même les Barons 1'étoient auffi. Le nom de Duc ne fignifioit autre chofe que Chef & Conducteur. II eft venu de la guerre , Sc cëft ainfi qu'on appeloit les Capitaines & les hauts Officiers de 1'armée •, même les Généraux s'appeloient ainfi quand ils eurent quitté le nom d'Empereur, que les Souverains de la République Romaine s'approprierent. Dans Ja fuite, on donna le nom de Ducs aux Gouverneurs des provinces. Cëft dans cette fignification que les Francs enfrant dans la Gaule le trouverent, & cëft dans ce fens qu'ils sën fervirent. Le titre Sc dignité de Duc fous la première race de nos Rois Sc fous la feconde, ne fut point héréditaire, comme il eft aujourd'hui dans la plupart des families. Car il ie fut dans quelques-unes, Sc l'on trouve dès le temps de Charles Martel fur la fin de la première race des Ducs de Gafcogne & d'Aquitaine qui avoient rendu ces Gouvernemens héréditaires dans leurs maifons, & sën étoient rendus Souverains. II eft vrai auffi que dès le commencement de la feconde race , on trouve des Duchés héréditaires. Le Roi Pepin donne a Tajfillon la Duché de Baviere , en titre de patrimoine pour le tenir de lui comme fon vaffal après avoir prêré ferment de fidélité; on trouve dans (i)Aimoinus un Grimoald fous Louisle - Deèonnaire , Duc de Benevent qui poffédok en propriété cette Duché , & en payoit fept mille écus de tributs. Mais il femble que cela n'avoit lieu (i) Lib. 4. X. Me'meire.  ( 101 ) que dans les, terres que nos Rois poiTédoient au-deli des Monts,, ou au-dela du Rhin, & que tousles Ducs. entre le Rhin & les Monts ne poilédoient les Duchés qua vie comme des Gouvernemens. Gregoire de Tours, dit (i) qu~E°ric Roi des Goihs. établit Viclorius Duc fur fept cite's. Et que Nicetius exclus du Comte' d' Auv.ergne démanda a- Childebert une Duché ^ & qu'il jut ètabli Duc d'Auvergne , &c. (i) Mais en ce temps-la le pouvoir des Ducs s'étendoit beaucoup plus loin que ne fait aujourd'hui celui des Gouverneurs de provinces j, car ils étoient comme des Vice Rois. Cela fe peut voir par les formules de Marculphe, ou nous avons la formule dont les Rois fe lervoient dans les commiffions qu'ils donnoient aux Ducs, Ia voici. (3) La, clémence royale fè fait remarquer jur- tout dans les foins quelle prend de conferver entrele peuple la vertu & la vigilance. Cejl pourquoi il ne faut pas commettre la dignité de Juges a toute perfonne , // faut auparavant avoir éprouvé fa fidèlité & fon courage. Nous donc connoiffant votre fidejité & capacité, vous commettons Vattion de Comté, Duché & Patritiat en tel lieu que votre predécefleur a exercé, pour la faire cS' la régit , a condition que vous gardie^ une inviolable fidélité a notre Gouvernement , & vous conduifie^ & gouvernie^ tous les peuples la demeurans, foit Francs , Romains, Bourguignons, ou autres Nations, de maniere qu'ils vivent felon la Loi & Coutume. En forte que vous paroijfie[ grand protecèeur des veuves & des orphelins & que vous punijfie^ féverc-. (i( Lib. i , c. 10. (z) Lib. t,c. 18. (3) Marculphe, lib. i, c. %^  '( ) ment les larrons & les malfaitèurs, que fles peuples 'puijjent vivre sürement & avec tranquïllite' fous votre gouvernement, <$* que tout ce qui fe tirera des domaines fera tous les ans apporte' par vous a notre trefor. II paroit par-la que les Ducs avoient 1'intendance de toutes les affaires non-feulement de la guerre, 5c de la police, mais auffi de la juftice 6c des finances. Et cëft ce qui leur facilita dans la fuite les moyens de fe rendre Souverains. Ce qui arriva dans la décadence de la feconde race de nos Rois. En forte que quand Hugues Capet donna commencement a la domination de la troifieme race, il trouva toute la France partagée en Duchés 5c Comtés, dont les poffeffeurs sëtoient rendus les maïtres, ne reïërvant que Thommage au Roi 8c au Chef du Royaume. Mais cette troifieme race a trouve moyen de fe faifir de toutes ces Comtés 5c Duchés 6c de les réunir a la Couronne. Tout de même quëlle a abaiffé les Pariemens ou les Etats-Généraux en formant une nouvelle forme de Parlement entiérement inconnue, ainfi a-t-elle abaiffé tous les grands du Royaume en leur ötant leurs biens 8c leurs Souverainetés fcus divers prétextes, 5c par une longue fuite de violences, La folie des Croifades qui mena la plupart de nos grands Seigneurs dans t'Afïê , fournit a nos Rois un beau moyen de sëmparer des domaines de leurs vaffaux ; car ils ne manquerent pas de profiter de leurs abfences. On a réuni quelques-uns de ces grands domaines a la Couronne par desalliances, d'autres fous des prétextes de forfaiture & de crimes de lè^e-Majefe'. L'an 1361, le Roi Jehan voulut réunir a la Couronne la Normandie, la Champagne, 8c la Comté de Touloufe, que fes prédéceffeurs avoient ufurpés fur les Comtes, fous prétexte d'héréfie du temps des Albigeois •, Charles fon fils réunit au domaine X. Bfie'moiré\  ( "4 ) la ville & territoire d'Auxepre, que - Philippe de Chalons lui vendir. Charles VI, Tan 1401 réunit au domaine la Duché ds Guyenne laquelle il donna au Dauphin, a condition que le Dauphin venant a être Roi ou a mourir, la province feroit réunie a perpétuité a fa Couronne royale. La réunion de toutes les provinces sëft ainjï faire , les unes piutot, les aurres plus tard. Et enfin la politique de nos Rois a fi bien fait qu'aujourd'hui les Duchés ne font plus que de vaines titres; On a öté aux vrais Ducs leurs Duchés, tk Ton a érigé en Duchés des terres particulieres qui ne font fouvent de nulle confidération, tk qui par conféquent ne font pas en état de donner de 1'ombrage aux Souverains : outre que les Ducs dans leurs Duchés, ne poffédent aucuns des priviléges des anciens Ducs. L^hiftoire des Comtes eft a - peu - prés femblable a celle des Ducs. Le nom eft ancien ; il eft entré dans le monde dans les fiecles de la décadence de 1'Empire Romain. Ce nom fignifie Compagnon, ou un homme qui en accompagne un autre demeurant attaché a fa perfonne. Les grands Officiers des Empereurs Romains fe donnerenr ce titre pour niarquer^ 1'honneur qu'ils avoient d'être toujours auprès de 1'Empereur. Je ne fais fi on le trouve dans aucun Auteur plus ancien que Spanten qui dit dans la vie d'Adrien , que quand eet Empereur jugeoit, il avoit avec lui non-feulement fes amis & fes Comtes mais auffi des Jurifconfultcs. On rrouve des inferiptions des fiecles fuivans oü ce nom eft employé : Ami des Empereurs & leur Comte dans tous les expe'ditions. Une autre infeription porte-, le Comte de VEmpereur Theodofe dans toutes^ fes guerres & vitloires. Ce nom dans ces endroit femble ne fignifier autre chofe que le compagnon de 1'Empereur dans toutes fes guerreso  fervateurs- des Provinces frontieres. Ils ont tiré leusnom de Marche , nom qui eft demeuré a divers pays ; on dit la Marche de Brandebourg, la Marche d'Ancone. Dans ia Charte de partage entre les enfans de Charlemagne on lit, qu aucun d'eux n'en* ireprenne- d'envahir les limites du Royaume de fon frere ; ou d'entrer frauduleufement pour troublerfon Etat, VEL MARC AS MINUENDAS , ou diminuer fes frontieres. Dans le partage entre les enfans du Débonnaire dans Eghinart on lit, Marot Hifpanica , Marca Tholofana. Ainfi étoient appelees les frontieres du mot Mark qui fignifioit cheval dans la langue Gauloife, paree qu'on entretenoit dans les Provinces frontieres de la cavalerie pour s'oppofer aux ineurfions des barbares qui faifoient la guerre a cheval. Les Comtes Sc Gouverneurs de ces Places Sc Provinces frontieres furent appelés Marchiones, comme qui diroit Généraux de la cavalerie pour la garde des frontieres. Et de la même fource eft venu fans doute notre Marfcal ou Maréchal, qui fignifie Général d'armée, nom qui eft commun a ces grands Officiers, Sc a ceux qui ferrent les chevaux Sc les gouverneur , paree que Marfcal, en vieux Gaulois, fignifie valet de cheval. Ce nom de Marquis étoit en ufage dans cette fignification dans le huitieme fiecle. Aimoin', dans la vie de Louis-le-Débonnaire , dit que Louis étant appelé par fon pere Charles , il emmena avec lui toute Varmée, laiffa la Guyenne , ne laiffant que les. Marquis pour garder les frontieres (i) :■ reliclis tantum Marchiombus qui fines Regni tuentes , omnes fi forte ingruerent hofium arceren^ mcurfus. Avant que le mot barbare de Marchia füt en ufage, les Romains appeloient cette dignité (i) diwvin, , lik. 5 , *.  { «5 1 Comes-limitis-, Comte des frontieres; Comes lïmïtisr Orientis aut Occidentis , Comte &c gardien des; frontieres d'Orient ou d'Occcident. Ces Comtes, des frontieres ou Marquis.n'ayant jamais eu d'autrete droits dans notre ancien gouvernement que les autres? Comtes, ne doivent pas être. mis dans un autre,rang, ni occuper un autre Chapitre. Au-deifous de ces grands Seigneurs eft Ja fimple. Nobleffe fous le nom cl'Ecuyers &c de Gentilshommes. Je ne, doute pas qu'il ne faille cherchec. 1 origine de ces deux nomsdans iadécadence de ï'Em-»pire Romain. On les trouve tres-fouvent dans Am~ mien Marcellin , fous le nom de Gentiles & de, Scutarii, Gentils &c Ecuyers. En ce temps-la ces deux mots ligniËoient deux efpeces de milice dans. i'armée Romaine, comme font entre nous les Gen-, darmes , fes Cuiraffiers , 8cc. & entre les Turcs. les Spahis &c les Janiflaires. C'étoit en ces deux. fortes de milice que confiftoir la principale, forcede Julien dans la Gaule. Anvnien Marcellin raoporte que ce Prince , qui fut depuis Empereur , 5z: que nous appelons 1'ApoJlat, ayant repris la ville.: de Cologne, il mit fes troupes en quartier d'hiver 8c s'en retourna a Sens. Les ennemis, s'atfrouperent penfant le furprendre au dépourvu (i). Idehconfidentes quednee SCVTARIOS adejje proden-, tibus profugis didicenmt% nee GENTILES, per, municipia di/lributos ut commodiiis verfarentur. Ils avoient appris par des déferteuxs, que les Ecuyersn'étoient nas auprès de lui, & que les Gentils~ hommes avoient été difbibués dans les quartiers de ïafraïchiffement. II eft fouvent parié , & dans Ammïen Marcellin , 8c dans la. Norice de 1'Empire, de lecole des Gentilshcmrnes. En parlant de Salviu&, (i) Lib. 17. X. Mémoire.. O iv  ( 116) & Luphih, deux braves foldats, Ammien dit (i), Scutarius unus, alter e fcola Gentilium. L'un étoit Ecuyer, & 1'autre de ïëcole des Gentilshommes. Et (2) dans un autre lieu il dit qu'on fit un détachement des plus braves des Ecuyers & des Gentilshommes , & qu'on en donna la conduite a Scintula, tribun de 1'écurie de 1'Empereur. De Scutariis & Gentihbus excerpere quemque promptifJimum. Et dans le quatorzieme livre, Scudilon eft appelé le Général des Ecuyers, Scutarlorum Rector. Ces deux fortes de milices étoient affurément difringuées entre les autres, & il y a apparence qu'elles étoient proches de -la perfonne du Général, comme fes Gardes. Les Gentils ou Gentilshommes étoient des Gardes étrangeres, comme font en France les Gardes-EcofToifes & les Gardes-Suiffes. On les appeloit Gentils, du mot Gens,moi dont les Romains exprimoient fouvent les nations barbares , & les Chrétiens , les nations païennes. Ces Gentiles & Scutarii font la fource de nos Ecuyers & de nos Gentilshommes. Les Francs entrans en Gaule y trouverent ces deux noms, & les y laifferent dans le même degré oü ils les avoient trouvés, cVmême les augmenterent. La NoblcTe vient des armes, on nën doute point. Ces deux fortes de milice étant diftinguées entre les foldats, conferverent & augmenterent leurs dilfinctions, & avec le temps porterentle titre de Nobles, par oppofition a ceux du peuple qui sëmployoient dans lëxercice des arts. Mais il eft a remarquer que cette Nobielfe n'étoit point héréditaire, non-plus que les dignités de Ducs, de Comtes & de Marquis. Les gens de guerre étoient réputés Nobles pendant qu'ils fuivoient la (1) Lib. 17. h.) Lib. »o.  ( H7 ) vie de la guerre, fans faire autre profeffion; & quoique pargvieillefleou par bleffure ^^fe fés du fervice.ils étoient réputes; Nobles & jouiffo ent du même privilége de la Nobielfe, moyennant qu'ils nëmbrauafïent pas de profeffion oppofi \qce le de la guerre. Mais fi eux ou leurs enfans venoient a prendre une autre vocaW-n , ceffoient dëtre réputés Nobles; & es enran naiffoient pas Nobles, mais le devenoient, fa le pete leur faiS choifir le métier des armes finon .Is demeuroient dans i'ordre du fimple peup e. Et de- a eft venu que quand les Rois ont rendu la Nobleile héréditaire on y a attaché" la condition de re pornt «ni «'annelle déroger a la Nobletie. 9 AfinPPqu ces perfonnes qui fe deftinoient 1 la euerre & qui en fuivoient la profeffion eulfent Saoi fe foutenir-, outre les gages on leur diftiibuoi des fonds 8c des terres pour leur fubfiftance On voit fouvent dans L'Hiftoire Roma!"^ partageoitcertainspays conquis^aux gens dguene, L-tout prés des frontieres de 1 Empire j & cela sap peloit beneficium , bénéfice. Les terres que 1 on d fïribuoit auïnouvelles Cobnies Romaines por o.en auffi ce nom (i). Si quce beneficia concejja aut aj figZTa ToJdfuerL, in libro fcrib'mus. Les Francs entrant dans la Gaule, con feverll & la chofe 8c le nom Ceux qu, favment 1'Etat par les armes.s appelerent 5c«f«r« 8c Gnule.s Ecuvers & Gentilshommes, & les terres quon leur 1Nobleff^étoit point hérédaaire, ces bénéfices ne 1'étoient pas non-plus. Ces biens étoent po fe dés abfolument comme les Timariots de 1 urquie. (t) Hyginus, dilimitibus agrorum, X. Mémoire.  t **r ) pereür , tk fans fe détacher de 1'Eaipire elles fe mirenr en liberté : voila comme les chofes (e font paffées. S'enfuit il de -la qu'aujourd'hui 1'Empereur feroit bien fondé a réunir a fa Couronne Impériale tous les domaines de 1'Empire ? L'écouteroit - on quand il diroit; autrefois 1'Empereur étoit maïtre par-tout, donc il le doit être au|öUrd'huï 2 11 eft vrai que fous la première race de nos Rois, tk fous une bonne, partie de la feconde , les Comtes tk les Ducs n'étoient pas Souverains tk n'étoient qu'a vie. Mais ils avoient d'autres priviléges, qui valoient bien autant ou plus pour la confervation de la liberté. Ils avoient Je droit dans leur Parlement de faire tout ce que bon leur fembloit * même contre lë^ Roi. Tout de même qu'aujourd'hui en Angleterre, il n'y a qu'un feul Seigneur quï eft le Roi, toutes les Duchés tk les Comtés ne font que titulaires -y ce fut Henri Vil qui abolit toutes cés Seigneuries particulieres. Mais chacun fait que les Seigneurs tk les peuples d'Angleterre nën font pas moins libres. Les troubles de 1'Etat tk les entreprifes des Rois ayant rendu la tenue des Pariemens en France ditnëile tk rare , lc« Seigneurs trouverent un moyen de fe garantir de la tyrannie des Rois, cëft de fe rendre maïtres chacun dans leurs Gouvernemens. De plus ce que difent ces Meiiïeurs, que toutes ces p.etites fouverainetés s'étoient formées par ufurpation fur la fin de la feconde race de nos Kois, nëft pas tout-a-faic vrai. Du Haillan nous alftire qu'il y avoit d'anciens Duchés tk Comtés héréditaires. Ii y avoit 9 dit-il, des Seigneurs naturels , qui de tout temps en avoient la jow.jfance, fans que les Rois les euffènt prive's de la proprit'tè de leur he'ritage : car long-temps devant Hugues Capet (i), les Ducs (i") Dans la. vie de Hugues Capet. X. Mémoire. P  f H3 ) mettroient des gens d'une probité connue, bons 8c folvables, qui en ordonneroient felon leurs inftructions, Sc que ces CommifTaires génératix en nonsmeroient en chaque Province neuf de particuliers, trois de chaque Ordre, du Clergé, de la Nobleffe Sc du tiers-Etat. Le Roi s'obligea par ferment de ne faire employer ces deniers a autre ufage que celui de la guerre. Et les Tréforiers Généraux jurerent auffi fur les Evangiles, qu'ils ne permettroient pas qu'on les employat a autre chofe, quelque mandement qu'ils puflênt recevoir du Roi; Sc en cas qu'on voulut les contraindre de détourner ces deniers a un autre ufage, il leur fut permis de s'y oppofer par des voies de fait, c'eft-a-dire, par armes, jufqu'a demander du fecours aux villes voifines. II fut de plus ordonné que le mois de Mai fuivant, les Etats fe raffembleroient a Paris pour voir Sc examinerie compte de ce qui auroit été levé tk employé. Cela n'a t-il pas bien Fair d'une puilfance abfolue telle que celle dont on fe fert aujourd'hui? on défend aux Officiers du Roi de toucher les deniers de 1'Etat, on fait jurer au Roi de ne les employer qu'a la défenfè de 1'Érat, on donne pouvoir aux Receveurs tk Intendans de ces finances de repoufler par armes la violence que le Roi leur voudroit faire au fujet de ces deniers. II nëft pas néceffaire pour notre fujet de pourfuivre l'hiftoire des impöts plus loin, Dans la fuite , c'eft-adiie, depuis Charles VII, ou ne voitquëntreprifes tk attentats fur la liberté publique : peu-a-peu les Rois fe font attribués le pouvoir de régler lesimpofitions. II les ont fait recevoir par leurs créatures Sc par leurs Officiers. Ils ont érigé des Tribunaux Sc des Cours de Juftice , des charges d Intendans Sc Surintendans des finances , des Tréforiers Sc Receveurs-Géneraux, abfolument dans leur dépendance : 8c enfin ils ont fait pafler comme une loi Sc undroit inconteftable cette énorme 8c déteftable maxlXI. Mémoire. Q ij  ( *44 ) me , que le Roi eft mairre de fous nos biens•, qu'il peu: lever fur nous tels tributs qu'il lui femble bon ; qu'il peut employer les finances forries des veines du peuple , non-feulement a la défenfe de 1'Erat, mais auffi a foutenir les prodigieuies dépenfes de fa Cour, de fon luxe, de fes batimens &c de fes débauches. Cependant il eft conftant par ce que nous venons de voir. i. Premiérement que le droit de lever des impöts fans permiflïon du peuple nëft point attaché aux Rois de France. 2. Que cette coutume eft très-nouvelle. 3. Que ce droit a toujours dépendu des peuples & des Etats. 4. Que les Rois n'ont pü & n'ont dü faire aucun changement dans la quantité de ces impöts ou dans la maniere de les lever que par le confentement des trois Etats. 7. Qu'il n'étoit pas au pouvoir des Rois dëmployer ces deniers felon leurs caprices, & qu'ils en éroient refponfables aux Etats dans la perfonne des Officiers qui travailloient a. ces levées & a iëmploi de ces deniers. Avant Charles Vil ces prodiges d'opinions étoient inconnus , que le Roi peut lever des impöts fans confentement des peuples, & qu'il eft en droir d'en faire ce qu'il veut. Mais Louis XI, 1'oppreffeur de nos Jjbertés , gugnft par crainte ou par bienfairs des efclaves qui débiterent cette maxime , a laquelle on s'oppofa fortemenr. II faut enter.dre la-deffus Fhilipp&s de Comines, qui nous a donné la vie de Louis XI, quoique le paffage foit un peu long (1). Donc pour contlnuer mon propos, y a t-ll Roi ni Seigneur fur terre qui ait pouvoir , outre fon domaine\ de mettre un denier fur fes fujets , fans oClroi ni confentement de ceux qui le doivent payer, finon par tyrannie du violence ? On pourroit répondre quil y a des fai(ons quil {f) Livre 5, chap, 18,  ( 14! ) ni faut pas attendre VaJfemblée, & que la.ehofeferoit trop longue. A commencer la guerre & a I'entreprendre , il ne Je faut pas tant ha ter , & a-t-on affei de temps. Et Ji vous dis que les Rois & Princes en Jont trop plusforts, quand. ris Ventreprennent du conjenttment de leurs fu'yets, (j* en Jont plus craints de leurs. ennemis. Et quand fe vient a fe defendre, on voit venir cette nuée de loin, & fpecialement quand c'efi d'étrangers ^ & a cela ne doivent les bons Juj.ets rien plaindre nircfujerl & ne. Jauroit arriver cas fi foudam ptt l'on ne puiffe bien appeler quelques perfonnages tels que l'on puiffe dire, il n'ejl point fait Jans caufe & en cela n'ufer point de ficlion, ni eniretenir une guerre a la volonté & Jdns propos caufe de lever argent, &c. Notre Roi eft le Seigneur du monde, qui U moins a caufe d'ufer de ce mot ; j'ai privilége lever fur mes fujets ce quil me plaift. Car ne lui ni autre ne Va : & ne. lui font nul honneur, ceux qui ainfi le difent, pour le faire eftimerplus grand, mais le font haïr& crainire aux voifins, qui pour rien ne voudroient être fous fa feigneurie : XL Mémoire.  XII. MÉMOIRE. Du 15 Juin ic5po« Première raifon pourquoi les Francois doivent pen/er a ramener la Monarchie a fa forme ancienne) Cefi quelle court rifque d'être ruinéefi elle nejl reform ée. D ANS Ie commencement de eet Ouvrage, nous nous fommes propofés de faire quatre chofes : fo première de voir jufqu'ou va la tyrannie de la Cour de France, & jufqu'oü eile poufie 1'exercice de fa puiffance defpotique. La feconde de montrer les moyens par lefquels elle exerce cette puiflance & la conferve. La troifieme de prouver que Ia Monarchie Francoife n'a point été fondée tur Ie pied de cette puiffance arbitraire. Et cela pour répondre aux flatteurs de la Cour, qui difent que notre Monarchie a, de tout temps, reconnuune puiffance fans bornes dans fes Monarques t  ( 2f? ) pour réfuter cela, nous avons en fix grands criapitres, donné 1'idée des droits du peuple & du Monarque , & une defcription exacte de l'ancien. Gouvernement de la Monarchie. Nous avons fait ces trois chofes 5 il en refte une quatrieme que nous avons auffi promife. Cëft de voir s'il y auroit des moyens pofïïbles & légitimes de ramener la Monarchie a fon ancienne forme , pour conrenir les Rois dans les juftes bornes de leur puiflance. Ce que nous avons a dire la-deflus fe réduit a ces trois articles. I. Que cela eft néceflaire. IL Que cela eft injufte. III. Et enfin que cela nëft pas impoffible. Pour ce qui eft de la néceffité, il ne paroït pas qu'il foit fort néceflaire de nous y étendre, car elle eft fenfible. II ne faut que repafler la vue fur les premiers chapitres de eet ouvrage pour la comprendre. On y verra un portrait des miferes oü eft réduit le Royaume par cette efpece de Gouvernement, Mais il eft encore plus fur. de jeter les yeux fur le Royaume même, pour voir par foi-même 1'état oü il eft réduit: les provinces font épuifées de longue main par des impots prodigieux. Le peuple y eft réduit a ce qu'on appelle ies dernieres extrêmirés; fins bien, fans argent, fans vêtemens , lans vivres, dénué de tout ce qui eft néceflaire pour la fuhfiftance : ceux qui ont du bien , fe tióuvent chargés de ce que leurs fonds leur rapportent; les uns de bleds; & les autres,de vins; mais avec une fi étrange difette d'argent, que ceux qui ont du vin n'ont f as de quoi acheter du bied, & ceux qui ont du bied n'ont pas de quoi acheter du vin. Paree cue la bourfe dufimple peuple eft épuifée, on eft allé ouyrir la bourfe & les cabinets de ceux qui pouvoient avorr quelque argent en réferve. On a tiré eet argent des lieux oü il étoit par diverfes machines; partie par rufe & partie par violence. Par violence on a impofé destaxes fut toutce qu'il y a de JCH. Mémoire.  ( tjA ) charges dans lc Royaume, grandes & petires. R y a tel petit Officier dans les élections de France, qui a été obligé de vendre fes meubles & dëngager fes fonds pour payer les taxes qui lui ont été impofées. On impofe aux, Couvens des taxes qui vont bien loin au-dela de leurs revenus : on a proprement pillé 1'argent des Eglifes & leurs tréfors. Ces biens ont toujours été réputés facrés, & au moins on n'a jamais entrepris d'y toucher qu'avec des formalités. Mais la Cour qui fait toute chofe de hauteur, & qui fuit fes maximes, n'a confulté la-deffus ni-1'Eglife Romaine, ni 1'Eglife Galiicane. Conduite qui a quelque chofe de furprenant dans les circonftances préfentes. Fuifque 1'imprimeur a trouvé bon de partager & de couper en pieces eet ouvrage qui étoit deftiné a paroïrre entier, il nous fournit les moyens de faire entrer déformais quelques réflexions fur les événemens arrivés depuis que les premières feuilles paroiffent4 Cëft ce quê nous ferons quand les occalïons sën rencontreront. Et trouvanr dans notre chemin la conduite de la Cour de France a 1'égard de 1'Eglife, & celle de la Cour de Rome a Pegat 1 de la France, nous nousy arrêterons un peu avant que de rerourner a notre principal but. Nous difïons donc que le Roi s'eft bien oublié danste defféin qu'il a d'appaifer le Pape, & que ce n'eft pas le temps de faire de nouvelles entreprifes contre fon autorité. Car depuis quelque temps on voit le Roi s'humilier jufqu'a la bafieffe devant le S.,int-Siége. Et après avoir fait paroïtre tant de fferte^ ou comme on 1'apeloit, tant de fermeté für les affaires des franchifes, de la Régale & des av.rres démêlés fous le Pontificat d'Innocent XI, on abandonne tout qualï fans facon au Pape Alexandre VIII. On ie prie a genoux d'être content; on lui demande feulement qu'il donne, ou qu'il laifle donner des cou-  <*J5) leurs; afin que la retrogradation ne foit pas fi hon* teulë, on eft prêt a lui abandonner les lïbertés de 1'Eglife Galiicane, dont on a fait tant de bruit dans les fiecles paffes. Cëft dommage qu'il n'y ait encore aujourd'hui une pragmatique fan&ion, comme du temps de Louis XI, dont on lui put faire un facrifice comme on fit alors. Si les chofes vont en empirant pour la Cour de France, il n'y a pas lieu de douter que le Saint-Siége obtiendra une rétractation formelle des Décrets de 1'affemblée du Clergé de 1682. On avouera que le Pape eft infaillible •, qu'il eft au-deflus du Concile ; qu'il peut excommunier les Rois, & difpenfer les fujets du ferment de fidélité. II vaudroit mieux ne fe pas tant hater de faire les chofes, que d'être obligé enfuite a fe dédire d'une maniere fi peu honnête. Cëft une obligation, quoi qu'on dife, que le Saint-Siége a aux Calviniftes. Car fi les Anglois tk les Hollandois n'avoient caufé la révo lution que nous voyons , 1'Empereur feroit encore feul a foutenir le fardeau de la guerre contre la France & contre leTurc, & les droits duPapeferoient combattus en France, avec autant de violence que jamais. D'oü vient ce changement de conduite qui nous fait ü peu d'honneur' Comment la Cour de France eft* elle devenue fi dévote, ne voulant plus avoir de démêlés avec le pere commun des Chrétiens 5 elle qui a fait de fi grands outrages au précédent Pape reconnu par-tout pour être le meilleur Pontile qui ait occupé Ie Saint-Siége depuis plufieurs fiecles 5 Qn voit clairement que la religion de la Cour de France eft un pur intérêt: quand elle sëtoit rendue la terreur de les voifins , elle ne ménageoit perfonne; le Rqi ne faifoit rien que pour ce qu'il appeloit fa gloire & la grandeur: Catholiques & Hérétiques, faint Pontife, Eglife, & tout ce qu'il vousplaira, étoit ïmmolé a fon grand orgueil. II falloit que tout fut réduit en poudrc fous fes[pieds. On alloit Is XJJ. Mémoire, * ■  grand chemin de mettre en France les droits facréé du Saint-Siége au même étar que les priviléges ac-o:des aux Calviniftes. Mais depuis que les affaires de 1 hurope ont changé de face, lapiétédu Roi 1'a emporté fur tout; il ne peut plus fe réfoudre de vivce en divifidri avec la Cour fainte : il lui accordé tout; il lui rend Avignoh & tout ce qu'on lui avoit cnkvé; il lui veut rendre tous les homrn iges qu'on iui refufoit autrefois; il renonce abföJumentaux franchifes. Pour la Régale, il sën riendra aux décifions du Concile de Lyon : enfin il fera fi fage déformais que jamais ie Pape n'aura fujet de fe plaindre de lui. Cëft quelque chofe que de profiter du chiriment : mais je voudrois bieri quon fit fur ce changement de conduite quelques refiexions. . .... s ... ; w Apiès cette digrefiïön,faifons voir a nós Francois la neceffire oü ils font de pourvoir bienröt aux défordres de ia Monarchie, pour la remertre fur 1'artcien pied, Cette rëcelfitéparoït premiéremenrpar le déplorablö etat oü le Royaume eft réduif, il sën va devenir une vafte folitude, comme tant d'autres pays que ia puiffance arbitraire a entiérement défolés & rendiis déferts, C eft le premier péril oü il eft. Le fecond cëft qu'il ne peut manquer d'être bientöt divifé au-dedans, &i par conféquent déchiré dans fes entrailles par les propres enfans. Car enfin le nombre des mécontens eft infini, & le mécontentement nëft pas médiocre, il eft extréme. La patience de la Nation eft dans un état violent & qui ne peut pas être de durée. Llle ne peut manquer de faire éclater fon mécontentement a la première occafion. Mais cette occafion ne le trouvera pas, dira-t-on , fi le Roi eft toujours heureux comme il a été jufqu'ici; il y ap'parence^ quën effet cette occafion ne fe préfentera pas fi tot: pendant qu'on aura quatre cent mille hommes armés dans le Royaume, il ne paroït pas' qu'on,  ( 157 ) ( qu'on ait rien a craindre des mécontens. Mais fi le Roi ceffoit dëtre heureux , s'il venoit a perdre une bataille ou deux, croit-on que tout le Royaume demeurat dans Ja fituation oü il eft ? y a-t-il quelqu'un qui ne foit parfaitement convaincu que la crainte feule oblige nos Francois a fupporter les horribles fardeaux dont on les accableï Et quand ils cefferont de craindre, nëft-il pas évident qu'ils celTeront auffi de louffrir leur infupportable joug? Or quel lieu y a-t-il d'efpérer que le Roi fera toujours heureux Sc toujours victorieux ? Ce feroit une chofe fans exemple,qu'un Prince foit toujours vainqueur & jamais vaincu. Cela nëft arrivé qu'a ce petit nombre d'hommes que la providence deftinoit a batir les grands Empires qui ont occupé 1'univers ; un Cyrus , un Akxandre, un Ce/ar, Sc peutêtre quelques Empereurs Turcs. Mais encore ces hommes extraordinairement protégés du Ciel, en ont été quelquefois abandonnés. Cyrus fut vaincu par la Reine des Scythes, Cé [ar périt lous 1'épée de fes propres amis. Le fier, 1'orgueilleux SC 1'heureux Èa^a^eik tut vaincu par Tamerlart. Vingt-cinq années de profpérité femblent plus que fuffilantes pour épuffer une éroië de fes benignes influences, on a fujet apres cela dën artendre de malignes. On peut bien ajouter a cela, fans trop fairè le prédicateur, qu'après les horribles violences qui ont été commifes Sc les maux qu'on a faits, il n'y a gueres d'apparence que le Ciel continue a prendre norre parti; puifque nous avons fi fort négligé fes Loix Sc fes ordres. Suppofez donc ce qui eft apparent, quënfin la puifiance du Roi fuccombera fous les efforts de tant d'ennemis ligués enfemble; on ne verra pas plutót le Royaume expofé enproie, que tant de gens du dedans qu'on a épuifés par tant dëxtoifions, fe jeteront fur ce qu'ils pourront attrapper pour recouvrer une partie de ce qui leur a ét* XII. Mémoire. R  ( *5* ) ïavi. Le Royaume fera divifé en cent faétions, Sc peut-être alors verra-t-on la fin de la Monarchie. Mais fuppofé que le Roi ne foit jamais malheureux ; au moins fera-t-il quelque jour vieux. Alors il ceffera d'être craint Sc redoute, car les Princes voient déchoir leur autorité avec les forces de leur corps Sc de leur efprit. Et ce fera aus mécontens un moyen de lever la tête, Sc d'allumer dans 1'Etat une guerre civile ; guerre dont les fuitcs feront bien plus funeftes que celles des mouvemens qu'on voit quelquefois dans les Etats , excités uniquement par Pambition Sc par les refforts des Grands. II n'arrive guere que ces fortes de guerre durent long-temps; paree que les peuples qu'on a trompés Sc engagés dans un mauvais parti, reoonnoiffent bientót les fuites de leurs engagemens, & fentent bien qu'on n'a pas d'autre but que de fe fervir d'eux pour ruiner une tyrannie en faveur d'une autre tyrannie ; Sc ils fe retirent en abandonnant ceux dont ils avoient foutenu les intéréts. Mais quand le peuple entre dans une affaire par fes propres intéréts, Sc paree qu'il fe voit ruiné ou perfécuté, il la foutient comme fa propre affaire Sc y perfévere. Cela fe voit dans les guerres civiles du fiecle paffé, qui durerent pres de quarante ans, Sc qu'on foutint de part Sc d'autre avec opiniatreté. S'il n'y avoit point eu d'autres refforts que 1'ambition des Maifons de Guyfe, de Bourbon, Sc de Coligny, la machine n'auroit pas remué fi long-temps. Mais d'un caté les Calviniftes fe trouverent engagés dans la partie pour leur propre confervation , puifqu'on en vouloit a leur vie; Sc les Catholiques pour la confervation de leur Religion, que les Calviniftes vouloient détruire. Si donc une fois la guerre civile s'allumoit en France, 'ce ne feroit point pour 1'intérêt des Grands, ce fercit uniquement pour celui des ,peuples, lefquels par conféquent ne cefleroient pas  f **9 ) d'agir , ou quils ne fuffént encierement abatcus, oa que l'on ne les eüc parfaitement fatisfaits. Ainfi les Francois ont un grand intérêt a faire celFer une puiflance qui les accable , 6c qui dans la fuite fera occafion de tant de défordres. On dira fans doute que cëft fe jeter dans lëau pour éviter la pluie; que l'on ne fauroit entreprendre de diminuer 1'autorité du Roi, fans fe jeter néceffairement dans une guerre civile. Ainfi ce feroit proprement entrer dans une guerre civile trés-certaine pour en éviter une autre fort incertaine. Je réponds que je nën fuis pas encore aux moyens dont on fe pourroit fervir pour rétablir la Monarchie Francoife dans fon premier état. Cëft pourquoi je ne luis pas obligé a préfent de m'ouvrir de mes penfées la-deffus. Mais on peut être affuré qu'elles ne vont ni a exciter une guerre civile, ni a livrer le Royaume aux étrangers. Si nos Francois vouloient entrer d'une maniere unanime dans des moyens légitimes de rélormer 1'Etat; comme la nation Angloife eft enrrée dans le deflein de favorifer les defleins du Prince d'Orange, quand il entra en Angleterre, il neleroitpas néceflaire d'aller juftement auffi loin que les Anglois ont fait. Mais on pourroit donner des bornes a une puiflance qui nën veuc point, fans repandre du fang 8c fans bruler des villes 8c défoler des provinces, 8c même fans faire defcendre perfonne du tróne. Bien loin que mes penfées aillent a ruiner la Monarchie, elles tendent a fa confervation. Et cëft une des raifons qui me font dire qu'il eft d'une néceffité abfolue de pourvoir au retour de notre ancienne liberté : paree qu'il nëft pas poffibie que 1'Etat fe conferve , fi le Gouvernement ne change au-dedans. Nous avons encore plufieurs autres raifons pour prouver a nos Francois qu'il eft temps de penfer XII, Mémoire, . R ij  ( >74 ) mander ^ de 1'argent ne font pas un grind retardement a une entreprife. S'il s'agit de le défendre , •ou bien on voit venir Ia nuée de loin , ou bien ■c'eft un orage qui creve fubitement. Si la nuée vient de loin , on a le temps d'y pourvoir lans fe dif- fenfer de rendre aux Loix ce qui leur eft dü. Si orage fe forme & tombe en même temps, alors la nécefficé met les Princes au-deffus des Loix. Elle fait ce que faifoit la fageffe des Romains : quand ils étoient preffés , ils faifoient un Didateur Sc mettoient le pouvoir fouverain dans la main d'un feul. Un Prince qui fe voit attaqué par une Puiffance étrangere contre laquelle il n'a eu le temps de fe pourvoir par les voies ordinaires, eft fuftlfamment autorifé de prendre en main toute la fouveraineté qui pouvoit être auparavant partagée, Sc d'obliger tout le monde a laiffer les formes pour courir a la confervation de 1'Etat : quand le feu eft dans une maifon, il n'eft befoin ni de formes, ni de Loix pour appeler les gens au fecours Sc pour les obliger a éteindre le feu. Mais ces cas extraordinaires ne font pas de regie, Sc ne font aucun préjudice aux Loix d'un fage Gouvernement. Le Prince qui eft a la tête & 1'ceil de 1'Etat, Sc qui eft étabti pour veiller fur lui , faura bien quand il faudra courir ou marcher a pas mefurés. Si nous confultons 1'Hiftoire de notre temps Sc les événemens qui font encore fous nos yeux, nous „ne verrrons pas que la puilfance abfolue Sc le pouvoir arbitraire foient toujours néceffaires, & pour la gloire des Princes , & pour 1'exécution de grands defieins. Guillaume , Prince d'Orange , aujourd'hui Roi d'Angleterre , n'étoit rien moins que Souverain en Hollande ; il n'étoit que Ie Gouverneur du pays. ïl n'avoit que fa voix dans 1'Etat. Si les droits de fa charge de Gouverneur Sc de grand Amiral lui donaoient quelque pouvoir de mettre dans une  f ( >75 ) fituation avantageufe les forces de mer & de terre>. certainement il n'avoit aucun droit de s'en fervir fans le confentement, peut-être de plus de mille têtes qu'il falloit confulter. Cependant ce Prince , fans autorité abfolue , eft venu a bout de donner de la terreur a la France, qui jufques-la en avoit donné a tout le monde : il a exécuté la plus grand deflein qui foit jamais monté dans la tête d'un homme ; Sc enfin il a porté la réputation de la République de Hollande par ce coup , j'ofe dire plus loin que notre Monarchie n'a porté la fienne par fes conquêtes depuis vingt-cinq ans. On verra peut-être par ce que ce Prince pourra faire a 1'avenir, qu'il n'eft pas néceffaire de fouler aux pieds les priviléges des Peuples Sc les Loix fondamentales d'un Etat pour fe rendre redoutable a fes ennemis ,&c pour faire parler de foi. II n'eft donc pas néceffaire qu'un Prince ait une puiffance abfolue, & Sc qu'un Etat foit dominé par un pouvoir Monarchique fans bornes pour acquérir Sc conferver de la réputation. On pourroit même dire quelque chofe de plus Sc prouver que la décadence des Monarchies qui font aujourd'hui dans 1'Europe, & la chute de leur réputation n'eft venue que de ce que les Princes fouveraius en ont violé les Loix , n'ont pas eu affez d'égard aux priviléges des peuples ; Sc de leur tête ont fait des coups qui onc ruiné leur Nation. Je ne veux nommer perfonne, raaisceux qui ont de la compréhenfion m'entendront bien. Je ne dirai plus qu'un feul mot fur eet article; c'eft que fans fortir de notre hiftoire & denotre monarchie , nous pouvons trouver des preuves qu'on peut conferver la réputation d'un Etat fans puiffance abfolue. Car il me femble que la Monarchie Francoife a été plus haut qu'elle n'eft fous la feconde race de nos Rois. C'eft Charlemagne, 1'un de nos Rois qui eft le fondatéur de XIII. Mémoire. S ij  f2?6) 1 Empire d Occident, & qui avoit étendu fa den mination depuis 1'Efpagne jufqu'a la Hongrie. II eft pourtant certain qu'il n'y eut jamais Prince plus religiën» a conferver les priviléges de fes PeuP. ^ T,re Paffoit Prefque point d'année qu'il naffernbiat fon Parlement. Et fans entrer dans un plus grand détail, on peut dire que durant pres de mille ?ns que notre Monarchiea duré, depuis Pharamond jufqu'a Louis XI, elle a fubfifté avec beaucoup de gloire & de réputation lans ie lecours de la puiflance arbitraire qui a été inconnue durant tous ces fiecles* C'eft donc un vrai fophifme de politique , que d'avancer & de loutemr qu'on ne fauroit ramener le Gouvernement de notre Monarchie- a fon ancienne forme, lans diminuer fa réputation. Il me femble que tout ce!a n'eft pas a. méprifer, «pendant je penfe avcir encore quelque chole de meilleur a dire la-deffus. Tant s'en faut que e retour de la liberté 8c Ie rétabliffement des privileges du Peuple foit contraire a la gloire de la JNation, 8c a la réputation de notre Monarchie, qu'au contraire il faut néceffairemenr abattre la puilfance abfolue, 8c renfermer 1'autorité de nos Rois dans leurs juftes 8c anciennes bornes, fi nous voulons rétablir la réputation de notre France. Ceft une chofe étrange que les Chrétiens foient fi peu Chrétiens qu? de mettre toujours au* mams leur chriftianifme avec leur politique; la politique veut qu'un Etat foit toujours redoutable a les voifins, 8c qu'il les dé vore 8c les puiffe dévorer toutes les fois que les accès de fon ambition ie faifilient. Et dans quelle morale a t on trouvé que la belle réputation confifte k être craint plutat quaimé & eftirné? Y a-t-il quelques loix ou quelque exemple dans 1'Evangüe qui autorife ces matiere? violentes de fe conferver? Oü font les cor-  ( 477 ) quêtes que Ie peuple de Dieu a faites par fort ordre & par fa permiflïon ? II eft vrai que Dien chaffa les Cananéens pour placer fon Peuple. Mais une fois le tirant d'Egypte, il falloit le pofer quelque part, & le pofer en un bon pays. II n'y en avoit pas de proche qui ne fut occupé. Dieu, qui eft maïtre de tout le monde, peut fort bien arracher une Nation d'un lieu pour y en édifier un autre. Mais après avoir placé fon peuple dans la Paleftine , lui a t il donné ongles & dents pour déchirer fes voifins? Ne s'eft-il pas contenté de le conferver contre leurs attaques, &C de l'empêelïer d'être efclave 3 Et fi Dieu lui a quelquefois fait regarder comme un bien que fes voifins, fuf> fent frappés de terreur, c'eft uniquement pour les faire vivre (en füreté, & non pour augmenter la réputation de leur Etat. Qu'on fafle un peu d'attention a ce que les Prophetes nous repréfentent. ces grands Empires qui devoient porttr leur réputation fi loin dans le monde,, fous les noms &c les figuresdes bêtes les plus redoutables ou les plus fales (i),. 1'un a la figure d'un 1'ton avec des ongles d'aigles, 1'autre a la figure d'un Léopard, une autre relfembloit a un ours, un quatrieme étoit tout cela- enfemble, un lion, un ours, un léopard , & elle étoit épouvantabk, terrible & tresforte, elle avoit'des dents dé fer, elle dévoroit & fouloit a fes pieds les Nations (2) ; un autreeft un bouc. Eft-ce le portrait des Princes qui veulent conferver leur réputation & celle de leursEtats ? Cela n'eft-il pas indigne des Princes Chrétiens, qui doivent conferver leurs yoifms comme eax-mêmes, & ne fe conferver puiflants que pour (i) Daniël, chap. 7; (i) Daniël, chap. 8.- XlIL Mémoire. S üj  ( ) fecourir. ceux que les Etars plus puiffarss voudroiene opprimer ? Dieu n'a pas voulu que les Nations dans lefquelles fon Eglife a légné fufient conquérantes ; 1'Empire Romain n'eft devenu Cbrétien que quand Dieu a voulu lui öter ce qu'il avoit ravï aux autres , tk rendre a chacun le fien. R eft donc néceffaire felon les loix ; je ne dis pas feulement du Chriftianifme, mais d'un honnête Paganifme, ,d'óter a nos Rois le pouvoir fans bornes dont ils fe fervent a la ruine de la gloire de la Nation. La véritable & légitime réputation d'un Etat c'eft celie de la juftice , de ('ér quité & de la fincérité. Per me regnant Reges, dit la fouveraine Sagelfe \ qui eft la même que la fouveraine Juftice. Or notre réputation tft perdue fur ces trois articles, Juflice, Equité & Su/m ce'rite; par 1'ufags que nos Rois font de leur puiffance arbitraire. Ils n'ont point d'autre juftice que les loix de leur ambition. L'an j.667, le Roi fe fit un manteau d'une juftice apparente, de je ne fais quel droit de dévolurion dans les Pays-Bas, & s en alla envahir les Etats d'un Prince mineur fon heau-frere & fon allié : contraint de lacher prife de ce cöté-ia, il fe v.ourne du córé des Hollandois;. & fans avoir égard , ni a la juftictf, ni a la bonne foi, il envahit les Provinces-Unies avec lefquelles la Couronne avoit des traités auffi anciens que les fondemens de ia République ; tk cela fans autre raifon ni prétexte, finon que les Hollandois avoient empêché 1'invafion des Pays-Bas Efpagnols par le Roi, ne voulant pas avojr un fi ficheux voifin. L'Efpagne étant enrrée dans la partie, on lui enlevè la Franehe-Comté tk une grande partie de Ja Flandre : on garde ces conquêtes de haute lurte par la paix : y a-t-il de la juftice h rout cela ? .Avant la guerre , fans autre forme , on s etoit êrnporé de la Lorraine, & oq. Favoit propremen?  ( ) yolée a fon 'légirime Souverain. Après' Ia paix feite , on furprend Strasbourg fur 1'Empire, & on lui en.'sve de grandes Provinces fous le titre de iéunion. Y a-t-il la dedans juftice, équité ou bonne foi; On^fait de nouvelles chicanes fur les limifes aux Efpagnols , on les engage par - la dans une nouvelle guerre , & on leur enleve la ville de Luxembourg & le refte de la Province. Ne vöit-on pas la dedans autant de.frande que de violence } Enfin eft-il rien de plus criant que i'ouverrure de cette derniere guerre, & que Ia maniere dont on la continue au préjudice de la foi des traités tout nouvellement faits. On commence la guerre en pleine paix. On prend Phiiisbourg , on s'empare de Heydelberg , de Manheim, de tout le Palatinat,de Wormes , de Spire, de Mayence & de tout le pays du Rhin \ on traite avec ces Villes, on les recoit a capitulation, & enfuite on les brfile, on les rafe, on réduit tout en cendre & en folitude, fans avoir égard ni aux loix de Dieu, ni a celles de la Guerre, ni aux promeffes, ni aux fermens folemnels. Et l'on Continue a agir fur ce pied-la. En vérité la réputation des Francois eft fi perdue^ qu'on ne les regarde dans le Chriftianifme , pasJautrement que des Mahometans &c des gens fans foi. La puiflance abfolue de notre Monarque, qu'on croit être la fource de la répu' tation de notre Monarchie, eft donc une fource de honte qui ne s'épuifera jamais. Nous paffions autrefois pour une Nation honnête, humaine, civile, d'un efprit oppofé aux barbaries, Mais aujourd'hui un Francois & un Cannibale , c'eft a-peupiès la même chofe dans 1'efprit des voifins. II eft donc clair que fi nous voulons rétablir la réputation de la Monarchie , il faut donner ordre que nos Monarques ne puiiTent pas faire des actions auffi honteufes que celles de ce dernier regne. Si JCHL Mémoire.  cela continue, il n'y aura plus de Nation qui veuille faire des traités avec nous. Et en effet a quoi ferviroient-ils, puifque nous n'y avons aucunv égard; Les plus relachés Machiaveliftes, en foutenant que les Princes ne font obligés a avoir ni Religion, ni bonne foi, & que la fouveraine religion eft 1'intérêt de l Etat, avouent pourtant qu'il eft de 1'intérêt des Princes de paroïtre avoir de la bonne foi & de la religion , paree que c'eft le fondement des traités & des alliances, & que la réputation & 1'apparence de la vertu dans un Prince font les liens de la fidéiité des fujets. Mais aujourd'hui notre Cour ne garde ni les apparences, ni les réalités. Elle a renoncé a tout : nous ferons-nous donc un bonheur de pafier entre les Chrétiens pour des brigands, qui ont perdu toute honte ■> II me femble que quand les chofes fons montées au point oü elles font aujourd'hui, il eft temps de penfer a rétablir fa réputation entre les étrangers. Or certainement cela ne fe peut, que notre Gouvernement ne foit remis fur un autre pied. Car pendant qu'un feul homme qui fe conduit par le confeil de deux ou trois autres qui ont dépouillé jufqu'a 1'humanité, aura tout le pouvoir en main, on peut être afluré qu'il n'y aura aucun changement dans la conduite des affaires. 1 out ceci tend a faire voir la néceffité qu'il y ' a a travailler a la réformation de notre Gouvernement , on en pourroit apporter plufieurs autres preuves. Mais je n'en produirai plus que deux; encore me contenterai -je de les indiquer, & de les laiffer penfer aux Lecleurs qui auront quelque pénétration. La première de ces deux dernieres raifons , c'eft qu'on a déja trop tardé a remédier ace mal. Toutes les. maladies deviennent incura>bies en vieilliffant , particuliérement celks des  (zSi) Etats. L'amour de la liberté s'efface infenfiblement dans les cceurs, les peuples les plus malaifés a tenir en bride, peu-a-peu prennent t'habitude d'être efclaves : Ia poffeffion chez les Princes eft un grand titre : les peuples ont beau dire que leurs droits ne fe peuvent aliéner Sc ne fe peuvent prelcrire •, une très-médioere durée fait prefcription dans la jurifprudence des ufurpateurs. Cela fignifie que la patience de la Nation n'a déja que trop duré. La diminution de fa liberté a con:* mencé depuis long-temps, mais l'appefantilfement du joug n'eft que de trois regnes : du miniftere du Cardinal de Richelieu , de celui de Ma^arin, Sc de la domination de Louis XIV. Si cela fe continue plus long-temps, il fera mal - aifé d en revenir , fus-tout fi l'on perd le temps préfent, on ne trouvera jamais des circonftances aulfi favorables. Louis XIV a befoin de fes peuples , c'eft le temps de le prier d'avoir quelques égards pour fes fujets Sc pour la Nation, s'il veut qu'on en ait pour lui. Ma derniere raifon pour montrer qu'il eft temps de travailler a ce grand ouvrage , c'eft qu'il y va de 1'intérêt de la Religion auffi-bicn que de celui de 1'Etat. On perfuadé au Roi que fon zele mal conduit a fait beaucoup de bien Sc d'honneur a 1'Eglife, par la fuppreffion des Edits autrefois accordés aux Calviniftes, Sc par les miffions dragonnes Sc violentes dont on s'eft fervi pour les converrir. Mais on 1'abufe cruellement : car la conduite qu'on lui a fait tenir n'a fervi qu'a imprimer a fa réputation une tache de mauvaife foi Sc de cruauré qui ne s'effacera jamais. II n'a converti aucun Calvinifte , Sc il a fair une infinité de mauvais Catholiques. II a rempli 1'Eglife Galiicane d'hypocrites, Sc il a donné de 1'horreur a plufieurs anciens Catholiques, qui_ font préfentement XIU. Mémoire  dans des doutes & des préjugés Favorables au Calvinifme. Et pour 1'Eglife, combien rrifte eft I'efclavage oü on 1'a réduite. Je tai monrré , & d'autres 1'ont fait voir plus amplement avant moi. Toute autorité eccléfialtique eft anéantie. On ne fait ce que c'eft que les Canons, que les Conciles ; tout eft englouti dans 1'autorité d'un feul homme qui afflige 1'Eglife felon les infpirations qu'il recoit d'une malheureufe Société. Les chofes h'iront pas autrement, jufqu'a ce que le Gouvernement ait été remis comme il étoit autrefois , entre les "mains des Sages de la Nation, pour le partager avec le Roi. A AMSTERDAM, lepremier Aoüt i 69o. FIN du i 3 Mémoire & de tout VOuvrage.  CHRONOLOGIE t>ES EST ATS GEN ERAVX, O V L E TIE R S E S T AT eft compris , depuis Van MDCXV. lufcjiiej cu COCC XXII. Au Roy Tres-Chreftïen tOYS XIII. par Monsieur iean savaron, Confeiller du Roy, Préfident, Lieutenant General en la Senefchaufiee d'Auuergne, & Siege Prefidia.J k Clairmoat, & Deputé aux Efiats Generaux, £ur Vlmpnmé d Paris en 1615 ,' A CA*EN, tthez G. LE ROÏ, Imprimeur du Roi, è 1'ancien Hotel des Monnoies. M. DCC. LX XX VIII. , AVEC PERtylSSION.   AV ROY. ^^^^^B II eft bien feant $ voirë ^^^S^^1 necejfaire, quvn grand Roy fe duife aux grandes affai¬ res. Les plus importantes fe font traiclees aux E'flats Generaux des . ifois Ordres. Cefe Chronique alregee les reprefente a Vojlre Maieflé, afin qiiEÜe en tire de l'infruclion & dufruicl pour fon Ejlat, vne notice pour fon contentement, & que de cé poinci racourcy Elle voye le pouuoir & dignité'des Efiats Generaux, qui iadis ont conferé les Royaumes > defeté les Regences 3 les Couronnes * Aij  AV ROY. cènfirmé les Rois, leurs loix , Ca~ P%°:;ï:p. Puula"'™ & ordonnances, iugé ï*sl%*?- fa conteniions des Royaumes, & f; lé7?' adiugé les Sceptres , auclorifé les partages de Nojfeigneurs de France , & reglé leurs appanages, pourueu a la manutemion de l'Eglifè i ' Nobleffe, Iufiice, au bien & feulagement des peuples ; ont reformé les abus des Eccléfiaftiques & Officiers , & le debordement des finances , abrogé les Partis. & banny les Lombards & partifans. EMs de Ont fait le ferment de fidelité 1 Toursp. II. /r* ] o ' of re de corps & de biens f la foy t7?'+ & hommage aux Rois leurs fouV&éns Seigneurs , payé les dons so°-101- annuels & oclrois , conclud les traiclei de. paix , treues , guerres. Croifades fous lauthorité de leurs Maiefie^, defquelles ils ont foigné fingulierement le falut & la  A V ROY. feuretéde Leurs facrees Perfonnes , ta conferuation de leur Temporel, fttl & ont arrefié ces maximes , Ne ff ] l'an voveoir SVBIR les LOIX et ^yfdc domination de nvl avtre Vant f*9* qve de DlEV ET dv ROY. Le Temporel dv Royav- EJmdI rans d: me n'estre svbject avx Pvis- tm '3?ï' p. po. O* sances spiritvelles. Le ROY Jf/™, ne LY POVvoir assvbietir. Ibld-&9~* Le serment ( quil fait yne Seym de feule fois ) a son sacre de %*"' garder son domaine , le lier ÏT* d\ > tan i> chofes qui efloient parement & mert fpirituelles. Tellement queftantfeulement quejlion d'ouyr vn Ambajfadsur qui vouloit reprefenter le droicl d'yn ejlranger en nojlre EJlat, d la face & au confpecl des Eflats , contre les loix jondamentales de l'EJlat ; nous ne pouuions prendre vn ejlranger pour Juge , comme ne voulan1 mettre nojlre EJlat en compromis & arbitrage. A quoy auroit ejlé rejpondu par ledit (ieur Legat, » qu il ioiioit granv dement Vaffection des Francois d la, *» conferuation de leur Monarchie: mais aujji quil deuoit croire quil ejïoi* principalement quejlion t au fubjecl qui fe prefente, dufaiclde la Redgion, oü le Pape , duquel il reprefente la perfonne, auoit le principal interejl; par.tant que l'on deuoit pa ff er par Jon iugement, & fe Jouhmettre d iceluy , lequel, comme Pere commun de tous, «j a^porteroit iamais aucune pajfton , ains yt e lenne volonté, pour nous mainierJr , &icon' jeruer noflre Religion ; toutesfois queji BlY  vlij Av Lëctevr. on faifoit quelque fcrupale la. - deffus , tl auoit aduisé que l'on mifl vne ckaire vuide au milieu du dai{ , & qu'il feroit au coflé droicl d'icelle , & Monfieur du Maine au coflé gtuche ; ou qu'il ny eufl que deux ckaires foubs ledit dai^, luy eflant affis d la droicle , edit fieur du Maine au deffoubs , ou bien que l'on continuafl la conference en fon locjis , comme elle auoit eflè commencee. D'autant, dif-je , plus a noter & loiier tout enfemble, que parmy la licence & confuflon des troubles, efelate cefte liberté & fidelité Francoife , loüee mefmement par les eftrangers. Combien a plus forte raifon deuons-nous en pleitte paix , & en pleniers Eftats, a la veue du Roy, eftancher le fang des playes qui faignent encores, & detefter la doclrine fanglante , tendante a la fubuerfion des Royaumes & des puiflances, puifque femblables refolutions y ont efté propofees & arreftees ?  A y L e c t e v r. lx Pour les Eftats, le recueil de tant d'Autheurs faict voir clairement que le Tiers Etat y a efté conuoqué par les Roys, y a eu entree, feance, & opinion , auaat d'eftre compofé des Magiftrats & Officiers du Roy, qu'il a conferé auec pag. n. 6,. les deux Ordres, deliberé, refolu, SaT''** faict porter la parole par fes Deputez , quelquesfois a part, & le plus fouuent par le delegué des trois Ordres. Le commun intereft de tous, le renouuellement des ferments, la veneration des Roys, qui fe fefoient voir fuperbement parés & hauts - montés fur vn PasThrofne doré , receuants les prefents & offrandes de fes peuples ; 1'ordre des Eftats , praöiqué aux pais d'Eftats, la commiffion des Roys adrelfee aux Provinces, pour 1'afiemblee des trois Ordres, la nominaüon des Commiflaires, & f™*** & Efleus de chacun ordre pour  • * A v Lectevr. alfeoir & impofer les octroys & foüages; les comptes rendus par lesReceueursen la Chambre, font premie que le Tiers Eftat a fai& partie des trois Eftats, & que 1'ordre tenu en ces derniers, eft tiré de l'ancien des premiers tenus foubs les Roys des trois families a 1'inftar des anciennes Republiquesbien ordonnees, autrement ce feroit defunir & demembrer ce corps accomply , &perfeöionné da nombre de trois. m.Fauchc, Mais d'autant que quelques ha^:T" ^les homm-s, & doöes AntiÏ£$"A femblent auoir. fondé lb- pinion contraire , fur ce qu'en la plufpart des Eftats ,& Parlements de la première , feconde , & bien auant dans la troiftefme race , ne s y trouuent que les Prélats , Barons & Comtes, comme i'ay rapp-. rié de bonne foy , pour d'autant mieux £.'/c veoir que le Tiers  AvLectevr. fi .Eftat ne delaifle d'eftre entend" f-rj*^ foubs ces noms de Barons & de «*« Comtes, aufquels les mandements £üu»it£ eftoient adreftes pour aüembier w. 333. les trois Ordres de leurs Prouinces & contrees , & emmener auec eux aux Eftats Generaux les Députés , comme Ton faiö encores aux Baillifs, & Sénéchaux, ou, Jeurs Lieutenants fubrogez au lieu de ces Comtes, quirecoiuentlescom- fjfhZ, miftions, affemblent les Eftats Prouinciaux i & font deleguer aux .lil UiULld.UA , CV IKJLlt u.«wi^gv.Lx,i auA 11S9. a Generaux les textes de ces Au-p'lJ9' theurs,marqués en italique dans céte Chronologie, 1'enfeignent aftez. Pouf 1'efclaircir dauantage, la plus grand'partie des Chroniqueurs & Hiftoriens efcriuent, que les Prélats & Barons depoferent Je Roy .Childeric, & inttoniferefljt Pepin ; mais 1'Epiftre du Pape Zacharie au Roy Pepin , & l'hiftoire de Nicole Gilles, y adiouftent le Tiers  XVJ ABREGÉ DE LA CHRONOLOGIE. fBkaramoiiè. EStats tenus a Salifon, pour dreffer la loy Salique, l'an 41 z. ƒ>• ' 8 x Eftats oü la loy Salique fut augmentée de quelques Chapitres , l'an 490. p. 178. Eftats oü Clouis gagne par douceur le cceur de fes Barons & menu peuple pour les conuertir auec lui au Chriftianifme,499. p. 1 S>7« A Soiffons pour partager les butins , & drefler 1'armée , l'an 488. p. '63. & fuiu. Qhi/MfttLj. Eftats pour reuenger les indignitez faites par les Lorrains aux'oftages duRoyd'an ',24. p.161. A Paris pour baftir le fuperbe edifïce de 1'Eglife de Paris, l'an 522. P- 160. A Attiny, Tra eft & Colongne pour dreffer des loix & ordonnances , l'an 534. p. 154. Clotaitz* II. Eftats a Bonneiiil en Brie,oü les demandes des Seigneurs furent enterinees, l'an 620. p. 152. A Troyes  Abrecjè de la ChronoL xvlj A Troyes, oü ils decl.irent ne recognoiftre autre fupérieur que Dieu, & le Roy5 l'an 6i9- P- 153. C/ouic\-, II. A Clichy prés Paris, pourreparer le clommage faiö a 1'Egüfe Sainct Denys , & 1'exempter de 1'ordinaire, du confentement de S. Landry Euefque de Paris, l'an 663. p. 161. Gatiomaru. Eftats a Ratisbonne. p. 151. a Liptine. ibid. Childetic II. Eftats a Soiffons. p, 150. iBepiru. Eftats k Orleans, pour acheuer la guerre d'Aquitaine. p. 150. A Vvormes pour lamefme guerre. p. 149. a Orleans, ou il recent de grands dons & préfens. p. I48. a Neuers. p. I48. A Bourges. p. I47. A Crecy pour fon voyage de Lombardie. p. 148. A Beruac. p, i46. A Mets. p, i46, A Compiegue oü il receut les dons & préfens des Grecs, l'an 757. p. 14e. A Compiegne, oü Taffilon Duc de Bauieres fait hommage, 1'an 758. 77.145. a Vvormes, l'an 764. p, ï44" a Attiny , l'an 765. p, i4j*  Chronologie. xix A Aixpour edifier par S. Mencul vn Mona- ftere de filies,, l'an o 16. p. 19 /- A ingiihein, l'an 8 17. F-l2j' Eflats pour mander fon fils Pepin l'an 817. p. 124. A Theodenhoue. p. 122.124.125. A Aix touchant 1'eftat des Eglifes 5i augmen« talion des loix, l'an 819. p. 124. A Ingiihein. p. 123. A Theourille pour confirmer le partage entre fes enfans, l'aaSii. p- 123. A Aix la Chapelle peur infrinier fon ï.fi's , & refpondre aux AmbafL.deurs Bulgaritns', l'an 824. p 11.x. A Ingiihein pour prendre les dons du Legal du Pape, l'an 825. p.m. A Aix Ia Chapelle, oü furent condarr.nez les Capitaines quiauoient laiffé paficr les S;.r- razins, l'an b'27. p 121. A Vvormes oii le Roy defcouurit des conlpi- rations, l'an #28. p 121. A Noyon oü il condamna les ennemis, l'an 831. p.lXU A Lyon, aufquels affülerent fes fils Loys, Sc Pepin, 117. A Attiny, pour la reconciliaticn du Roy auec fesfreres, l'an 822. p. 116. 190. A Attiny , pour la reftitution des biens d'Egiife, Tan 834. p. 189. A Aix, oü il donna vne pertion de fon royaume k Charles fon fils, piif. ATheodenhoue, oü Ebbon Archeu. de Reims eft dépofé pour fa perfidie, 1'an 83 5./?. 188. ATheodenhoue, l'an 856. p. 115. A Mets, pour la reÜitution de Loys Je Débonnaire , l'an 83 5. p. 189. A Noyon, oü il deftitua du Royaume fon fi!s C ij  xx Abregé de la Lothaire, l'an 838. p.ti-. A Vvormes, pour faire la paix auec Lothaire fon fils, l'an 83 9. />. 114. A Chaalons. „ j ACrecy- p.xiL A Vvormes. , p% j 1 . ACompiegne. p'.iij. A Vlmes, oh i! receut les Ambaffideürs de Loys fon nepueu, l'an 858. P- 113- A A1X- p. 113. A Ratifbonne :l'an761. Pïyi. A Forhhein,ouilmiftpaix entre fes enfans' lSn*72' „ P- in' A Inbiere, 1 an S75. p.iïi. A Franconofurt, l'an 877. »* j, 2\ Chatlej le Cli au:. Eftats a Valenciennes, oü il fut auec fon frere, l'an 853. p% ( A Soiffons, pour la réformation de la Iuftice l'an 8^3. - ' A Poiffy, l'an 863. />. 111. A Nimeghe , pour faire alliance auec Raoul" Fan 87°- . p. 110. A Gondouluille , l'an 871. p.110. A S.Quentin & Dufiac, ou il receut les' dons annuels, l'an 874. p_ llQ, A Compiegne, pour la Régence pendant fon voyage a Rome, l'an 877. p. j ,0. A Aix la Chap., ou l'on difpofe des droifts dii Roy.1"^ de Lothaire ennemy, l'an 84z,P. 187. Qkatles le Simples. Eftats k Vvormes , ou il receut les dons annuels des Euefques , l'an 893. p, 109.  Chronologie. xxj -£oys le J&eijiitJ. Aux Eftats on pouruoit au falut, honneur, & néceffitez du Roi , bien de 1'Eglife, honneur des Nobies , & fou'agement du PeuPle- p. 104. 5.Ó. 7.8. J2oyj oQultte-rner. Eftats tenus a Laon , ou Loys d'Oultremer ell facré, l'an-936. p. ib6. A Vezelay , ou Loys d'UQhre-mer fe cro.fe contre les Infiieies. SRo&etL-. Eftats mandez a Orleans , pour la paix , p. 103. 6- 104. dCuecx^ Gavei_, Eftats pour l'ele&ion de Capet, l'an 981. p. 103. Eftats pour faire Roi] Charles , frere de Lothaire , l'an 987. p- 102. A Compiegne. p. 102. -CoyCL., le [feune~>. A Paris , pour le bien de Ia Iuftice, l'an II45* P' 10!. SEhilippeu^ cAuqufecj. A Paris, ou fut refolu fon voyage de la Terre fainöe, l'an'1188. p. 100. C lij  xxi] Abregè de la A So'nTons , pour Faccord , & appo'nöemerrt du Roy Philippes Aügufte, & de la Royne Ingerberge , Fan izoi. P-99' Xoyt^ VIII. Eftats a Paris , pour la regence du Royaume , & coronnement du Roy, Fan 1226. p. 99. A Paris contre les Albigeois, Fan 1220.p. cjz), & l'an 1225. p. 184. J2oys IX. Eftats , oii fut refoiuë la croiz;;de contre les Sarrafins , l'an 1269. p. qó 9"'. A Paris, pour la réformation de 1'Eftat , &C de la Iuftice , l'an 1255. Eftats , ou fut réfoluë la croizade de S Loys contre. les Infldeles , l'an 1245. ƒ>• 97- A Paris , contre Huës de la Nlarche , qui refufoit 1'hommage a Alphonfe Comte de Poiöiers , frere de S. Loys, Fan 1240. P. 98. SBkilippej te JjeL A Paris, Fan '300 1301. i302.iufques a 96. Que le Roy ne recognoift point le Pape au Temporel , & ne tient fon Royaume que de Dieu feul. p. 87. A Paris, pour la guerre contre les Flamans, l'an 1314. p. 8 j. -Coys OCutirt. Les trois Eftats affemblc-z, le Roy conclud qu'on ne leueroit point de taille fans le confentement defdits Lfiats, l'an 13 s 9. p. 84,  Chronologie. xxüj fBkilifpes le Jlong. Eftats pour approuuer le coronnement de Philippes le Long, l'an 1316. p. 84. JB/iilippej l)e 'Valoh. Eftats, qui retranchent les abus, & Ie luxe des habits , l'an 1329. P- éi. Eftats fe réferuent d'accorder l'impofition des tailles, l'an 1338. p. Ho. a Paris, pour compofer les difFérens d'entre les Eccléfiaftiques & les Iuges , contre les Baillifs & Iuges Royaux,l'an 132.9. p. 181. tJearu. Eftats a Paris ésannees 1355. 1356.1357.13^8. 1359.^.66. iufques a 80. pour la deliurance du Roy. CkatletL^ V. Eftats a Paris deliberent la guerre contre les Anglois, 1'an 1369. p. 64. 65.66. Chatlect- VI. A Paris pour la Regence du Roy , l'an 1380. /M6A Paris, pour leuer aydes, l'an 1380. p. 56. Trois Eftats du Languedoc a Thouloufe, l'an 1381. /M5> Eftats a Paris maintiennent le Roy fouuerain en fon temporel, l'an 1406. p. 64. A Paris, pour reformer la Iuftice, & renouueller la guerre contre les Anglois, Paa 1412. />. 50. ^54. A Paris, dans la falie baffe de Sainft Loys, pour le fait de la guerre, l'an 1420. p.^o. C iv  xxiv Ah ree; è de la Ckatlec^ VIL Eftats du pays de Thculcufe, l'an 1426. p.4$. Eftats Generaux a Orleans, l'an 143 9. p.tf. Aflemblée d'Eitats a Orleans, pour faire paix auecleRoy d'Angleterre, l'an 1439: p.+x. Eftats ï Clairmont, en Auuergne, pour r'amener M. le Daulphin , & autres Princes, & fecourirle Roy, l'an 1441. />3940. A Orleans, pour maintenir la paix, l'an p. 3/. -£oyj XI. A Tours, l'an. 1465.1e 24. Aouft. p. 36. A Paris, pour la réformation de la Iuftice, Sc bien du Royaume, l'an 1466. le 16 Juil- let' A Tours, pour 1'appanage de M. frere du Roy , l'an 1467. en Auril, & 1'ordrey obferué pour la feance de tous les Deputez , l'an 1467. />. .9.&fuiu. Eftats a Tours, pour faire la guerre contre le Duc de Bourgongne, l'an 1470. p, 1 $. piatiej VIII. A Tours , pour la Regence du Roy , bien & réformation de 1'Eftar, Yam^S^.p. 16.17. J8. Xoys XII ATours, pour le mariage de Madame Claude fille du Roy, auec le Roy Francois I. lors Ducd'Angoulefme, l'an 1506. /». 8. iFtancoü I. A Coignac, pour rompre le tratöé de Madril , Fan 15 26. pt  Chronologie. xxv JCenty II. A Paris, pour croiftre la Finance demandée au peuple, l'an 1558. p> 6.7. Fiancoij II. A Orleans, pour pacifier les troubles, Fan 1560. f.4.6. A Meaux, pour refpondre aux plaindes & doleances, l'an 1560. p- 5 • CkatteJ IX. A Orleans, continués a Ponthoife pour accorder les difFerens & prendre garde aux debtes du Roy, l'an 1560. p- J. A S. Germain en Laye, oü fut accordé 1'Edid depuis nommé 1'EdicT: de Ianuier, Fan 15 61. P-A- 5- Forme d'Eftets a Moulins, Fan 1556. p. 4. JCenty III. A Blois, le 16 Oaobre, 1588. ^ p- Amandez aLyon.Pan 1574. tenus h Blois Fan 1576. P-A' AlTembler.aS. Germain l'an 1583. ou fut deliberé d'affeurer la vie des Roys contre les alTafflns & rebelles. JCenty IIII. A Paris 1593. oü fut propofé, & refolupar le Tiers Eftat, que le Pape n'auoit point de pouuoir fur le Temporel du Royaume.  xxvj Abregè de la Chronol. -£oyj XIIL Eftats mandezaSens au 10. Septembre, remïs au 10. Ottobre a Paris, ouuerts le 27. dn mefme mois, & les Cayers prefentez au Roy le 23. Feburier 1615. p.$.  CHRONOLOGIE DES E S T ATS GEN ERAVX, Oü le TiERS ESTAT eft comprls depuis tan MDCXV. iufaues A CCCC XXIL LOYS XIII. fe^föfr'&ouuertsie 16. d'Oaobre. MandezaLjon l'an 1574. &tenus i Bloken Decert&re l'an i< 76 par le Roi Henry III. ' CHARLES IX. *ormed'Eflats a Molins l'an 15 66. Orionnln»,, ^Ux ffenezaux tenus a S —• Germain en Laye par le confentement des Princes, Seigneurs, & £ffi™4IaCouronne> f«ac^f^'a, qui fut depuis nom- -nelEdjadelanuier.permettant | Je Prefche Jw feuxbourgs des vilks, voulant que les Officiers Royauxy affiflaflènt, ace qu'ils pcuflent tefmoigner leur deportemen t, commandant de garder  des Eflats Generaux. 5 les Feftes, & degrez d'afTmité comme les Catholiques , defendant toutes paroles iniurieufes. Au Roy Francois fecond fuc- y«* ceda Charles neufiefme du nom , M- ***** Duc d'Orleans , en 1'aage d'vnze ans , en lanuier 15 60. les Cftats cl> Örlearu. E flats continue? a Ponthoife, ten- »56°- J x * DuTUlit, dants a accorder les differens, prendre garde aux debtes du Roy, & que les Eccléfiaftiques foulageaffent le Roy d'vne charge fi exceffiue. FRANCOIS 11. * Lettres patentesdu Roy du der- Cw°'^nier d'Aouft , au Preuoft de Paris & * *" & autres Iuges, pour affembler yens lie tous eftats, au dixiefme Decembre a Meaux, pour refpondre aux plaintes & doleances , pendant lequel temps on prendroit garde aux plaintes pour les rapporter, afin d'y eflre pourueu, &  8 Chronologie . Le Roy Francois I. preflé daf- Arrejl4. fajres pQur fUpp0rter |"on peUp}e affez chargé d'ailleurs , adnila de procéder a 1'aiienation de fon domaine,a raifon do denier dix,& de ce defpefcha Edi&s, déclarations, &commiffions, qui furent publiees tant a la Cour de Parlement, que Chambre des Comptes, peu aprec^. Tiercement efloient aduertis que pareilles alienations faites par les feus Roys , auoient eflé annullees par faute defdites raifons , & auffi pour ce que Uj ttoh Cftats ny auoient. poinv. confenty , &c. LOYS XII. ^ Audit an mil cinq cents & fix,le if. Guus, i°u^ de 1'Afcenfion Noftre Seir«. 1506. gneur f monfeigneur Francois de Vaüois , Duc d'Angoulefme , feconde perfonne de ia Couronne de France, fienca en la ville de Tours madame Claude fille aifnee dudit  des EJlats Generaux. 11 dumve , vt erat verifimile, ratus, ex cunctij SRec/ni partibuj, Regl£B ftir- pis imprimis, dehinc cseteros Principes, Praslatos infuper , & Proceres complures, ad diem Maij decimum in Turonenrium Metropolim ad fe euocari iubet. Quo niaturius, fi quid majoris momenti poftularetur , refpondere Legatis pofTet. Nee ad diem vocati defuere. Sed & vtbium Jlejati cufRecje auèientia impetrata , animo Vt^ appa~ rebat, fujpenji affuête. Rege igitur fublimi, Regiaque fede locato, Prselatis , Principibufque aflidentibus plurimis, & castéra Nobilitate circumftante , circumque Jiifa muLtituhint- s cu jionte 1'tbium Jfec/ati conftitêrej). Et fllentlO fa&O , nudatij capitibuj , poplitibufque in terram l)efixu * vno, vice Omnium Pariflenflum Legato , verba facie n te , multa de Regis in regnum vniuerfum meritis, de eius etiarri Dij  11 Chronologie erga fubditos omnes dementia , benignitate , indulgentia , pietateque commemorauit. » YaA^niM Difant au premier, que le tresS/foö Chreftien Roy Loys douziefme de ce nom, au commencement de l'an fufdk mil cinq cents & fix, efloit dedans fa vüle de Blois , la Royne auec luy & Madame Claufe leur rille, laquelle eftoit en 1'aage de fèpt a buicl ans, tres-belle & moult bien enfeignee, & la fe paffa le temps en toute ioye & plaifir. Car le Roy eftoit iors tres-fain & en bon poincl, & tous fes pays "heureux en paix, & plantureux en biens. Aduient qu'en ce temps fur la fin du mois d'Apuril, le Roy penfant en fes affaires, s'en alla a Tours , la Royne & Madame Claude auec lui. Et feift venir deuers luy,Louyfe de Sauoye,Comtefle d'Angoulefme , & fes deux enfants, lefquels efloient tant bien  des Eflats Generaux. 13 appris que le Roy les aymoit moult a certes, & tant luy eftoit agreable le fils, qui le plus proche a venir eftoit de la Couronne,que pour ce, & autres raifons apparentes, delibera luy donner Madame Claude fa fille en mariage. Pour laauelle chofe traieler, voulut audit lieu de Tours tenir confeil. Dont enuoy a a tOUS fes fBatlementcx^ de 7ran.ce, & cu toutes fes villes, pour jaite Venir vets luy l)e cliacun^ lieu gens fages & hommes confulter. Et tant qu en peu de temps furent en ladite ville de Tours de chacune Cour de Parlement, Prefidents & Confeillers , & toutes les principales villes l)e ^tancc , hommes facjeCL*. oQonnei, & l)epute^ par lefdictetL^ villes & pays l)e Seances , comme dit-eft. Auffi y eftoient tous les Seigneurs du fang , grand nombre de Prélats, le Chancelier , & tout le grand Confeil, auec la pluf-part Diij  ï 4 Chronologie de la Nobleffe du Royaume de France. Lors que touj les C/tatj furent ld ainfi ajjembléj le Lundy , le Mardy, & le Mercredy des Roifons, dedans la grande falie du PlefTis, le Roy tient fiege Roy al, auquel lieu furent aficmbléj Ucx^ C/tau : C'eft a fcauoir , les Prélats de l'Eglife,les Princes & Seigneurs du Royaume , le Confeil dej SBatlemenu & dej villej c)e Jzanczj*, fur lefquels dudit Confeil, prefidoit Meflire Gui de Roche-fort lors Chancelier de France,& la fut tenu Confeil fur le traifté dudit mariage; & ouy 1'opinion de chacun, oü plufieurs belles chofes furent alleguees & faines opinions propofees,comme faffaire le requeroit,en quoy gifoit 1'honneur du Roy , la feureté du Royaume,& le falut de la chofe publique. Parquoy toutes allegations ouyes, fut vniquement conclu & dit, que pour le bien&  des Eftats Generaux. 15 vtilité du Ro/aume de France, ledit manage fe deuoit accomplir & parfaire. Et de ce faire chacun, l)ef ttb Cfiatj, & tous enfemble prierent le Roy. Et pour faire la propofition au Roy fout lts villes etu pays de fon 4. furent lej Cfiau  'des Eftats Generaux. 17 tentu eu Jours, oü fe trouuetent jjenj !)ef.ecjuei de toutes Les villes SRoyales du SRoyaume, les aucuns pour- l'£ciLife3& les auttes pour La Jfoblejie & lustice , & les auttes pour le peuple commuru. Et efdits Eftats furent ordonnees plufieurs vtiles , & neceffaires chofes : & fut aduifé , pour ofter tout different, qu'il n'y auroit aucun Regent en France ; mais que ladite Dame de Beau;eu, qui eftoit fage, prudente , & vertueufe , en enfuiuant la volonté du feu Roy Loys , auroit feule ment le gouuernement de la perfonne dudi& Roy Charles, tant qu'il feroit ainfi ieune. Et par ce moyen, que toutes les tailles & autres équipolents aux tailles extraordinaires, qui par cy 148,. deuant ont eu cours, foient du tout tollues & abolies; & que de- f"™-™' formais , en enfuiuant la naturelle franchife de France, & la dcftri-  l o Chronologie fang, Conneftable, Chancelier; & Prélats, lequel eftoit au milieu de ladite falie , prés de celuy du Roy , & eftoit plus long que large, & y conuenoit monter vne marche de degré. Le tiers parquet pour les Nobles, Comtes , Barons, gens de Confeil du Roy, & jjetu enuoye7L !)e par les bonnes villes , lequel parquet eftoit grand & fpatieux , & enuironnoit de tous eoftez celuy defdits fieurs du fang. Item , audict premier parquet eftoit aflis le Roy en vne haute chaire , en laquelle falloit monter trois hauts degrez : laquelle chaire eftoit couuerte de velours bleu femé de fieurs de lys en lances d'or, & y auoit ciel & dofferet de mefme; & eftoit le Roy veftu d'une robe longue de damas blanc, brochee de fin or de Chipre bien dru, boutonnee deuant de boutons d or , & fourree de martres  des Eftats Generaux. ï i fubelines,vn petit chapeau noir fur la tefte , & vne plume dor de Chipre. Et aux deux coflez du Roy y auoit deux chaifes a dos, loingdela fienne chacune de fept a huift pieds;Tvne a dextre, 1'autre a feneilïe , toutes deux couuertes de riche drap dor fur velours cramoify ,efquelies chaires cftoient, cëft a fcauoir 1 en celle de main dextre, le Cardinal de fainfte Su{anne, Euefque d'Angers, paré dVne grande robe Cardinale ; & en celle de main feneflre, le Roy de Hierufalem& Sicile, Duc d'Anjou , veftu d'vne robe de velours cendré, fourree de rnartres : & eftoit gardé 1'fiuis dudit parquet refpondant en la falie , par lesSires deBloc , & du Bellay; & 1'autre huis refpondant en 1'hoftel d'vn des Chanoines de 1'Eglife , qui auoit efté fait pour la venuë du Roy, eftoit gardé par les Capitai-  24 Chronologie & ioignant de luy , Monfieur de Treynel Chancelier de France , veflus de robes de velours cramoify : & plus bas d'enuiron quatre doïgts , & au banc mefme , Monfieur le Patriarche de Hierufalem, Euefque de Bayeux, Monfieur 1'Archeuefque de Tours , Meflieurs les Euefques de Paris , Chartres, Perigueux , Valences , Limoges, Senlis, SoitTons, d'Aire , d'Auranches, d'Angoulefme , de Lodeue , de Neuers, d'Agen , de Comminge , de Bayonne , & autres qui comparurent par Procureurs. Item, & audit parquet, deuant mefdits fieurs les Conneftable & Chancelier , efloit Maiftre lean le •Preuofl, Notaire & Secretaire du Roy noflredit Seigneur , & Greffier dejclitj tioij Cftau , afrls fur vne felle & vn buffet deuant luy ; & aux pieds d'iceux Seigneurs du fang,  des Eftats Generaux. % 5 fang , Conneftable , Chancelier , Patriarche, Acheuefques % Euefques, eftoient affis, les autres Notaires & Secretaires du Roy noflredit Seigneur ; & eftoient commis a garder l'huuTerie les Senefchauxde Carcaffonne, &deQuercy , veftus de robes longues de velours noir. Item, & entre ledit parquet du Roy, & celui de mefdits Sieurs du fang, Conneftable , Chancelier, Prélats, & autres, auoit deux bancs parez de tapifferie , regardants vers la face du Roy, efquels eftoient affis: c'eft a fcauoir, en celuy de la main dextre , Monfieur l'Archeuefque & Duc de Reims, premier Pair de France, Monfieur 1'Euefque & Duc de Laon , Monfieur 1'Euefque & Duc de Langres, Monfieur 1'Euefque & Comte de Reauuais, & Monfjeur 1'Euefque & Comte de Chaalons, tous Pairs E  16 Chronologie de France : & en 1'autre banc eftoient Monfieur le Comte de Dampmartin , Grand Maiftre d'Hoftel , les Sires de Loheac , & de Boif-Menard Marefchaux , & le Sire de Torcy Grand Maiftre des Arbaleftiers de France, & apres vient le baftard de Bourbon Admiral de France, qui fut au rang d'eux, & le dernier affis. Item, & au tiers parquet eftoient derrière le banc defdits Seigneurs du fang, les Comtes, Barons, Nobles , & Seigneurs, defquels les noms s'enfuiuent. Et premierement les Sires de Montray, d'Illiers, d'Eftouteuille, de Ferrieres, de Bonneftable , de Clere , de Gaucourt,de Moy , le Vidame d'Amiens, le Comte de Nefte , le Comte de Rouify, les Sires de Gruly, de Reuol, de Tornoelle, de la Fayette, de Treignac, de Monteii, de Soubize, de Dam-  f"? Chronologie fourmroit en penfion par chacun an iufques a fcixante mille liures tournois. Et que pour ce faire , lefdm noh Cfiau promirent de fecourir, & aider au Roy: c'eft a fcauoir, les gens d'Egiife, de prieres & oraifons, & biens de leur temporel: & les Nobles , & SBopulaire , de cotpj & de 6ier?j, & zufquej a la mott inclufiuement. 1467. Les trois Eftats de France affemrÜZ!rf.' k'ez a Tours par commandement dItuiuj, du RoJ LoJs vnziefme, en Auril KtJt ï^7~ ailant Pafques , trouuants t7'lppZ'. raifonnable Foffre dudi& Roy a *%er it Monfieur Charles de France fon Franc,. frere, de douze mille liures de ren- mc. Guus. xf en ti!tre de Duche , fuiuant Cuaguin. 1'ordonnance dudit Roy Charles V. en Oaobre 1374. & iufques a 48. mi He liures tournois de penfion snnuelle : requirent que cela ne fuft tiré a confequence  des Eftats Generaux. $ f pour les autres puifnez de la maifon de France , laquelle a depuis efté accreüe , & enrichie de plufieurs grandes feigneuries efcheuës a la Couronne , lors tenues par autres. Et pour cefte caufe y eftoient vernis le Roy premierement, le Roy de Sicile , Monfeigncur le Duc de Bourbon, le Comte du Ferche, le Patriarche de Hierufalem, le Cardinal d'Angers, & plufieurs autres Seigneurs, Barons, Archeuefques, Eu fques, Abbez, & autres notables perfonnes, & gens de grande facon, enfemble aufti les cAmbafia'deutj Venuj audit lieu pout cefte caufe , ~èe ta plufpart- l)e tout ie ^Royaume 3e. Et qü'au regard du Duc de Bretaigne , qui detenoit mondit Seigneur Charles, & qui auoit pris les villes du Roy en Normandie, lequel on difoit auoir intelligence  3 6 Chronologie bre de vingt-vn ne pouuoit eftre ' - rien fait qu'ils ne Ment treize, ledit Comte de Dunois toufiours deuant, & le premier , & les appelloit-on lors, les Reformateurs du bien public. Et fur ladite commiffion ainfi a eux baillee , commencerent a befongner le Mardy , feiziefmeiour dudit mois de Iuillet audict an mil quatre cents foixante-fix, & pour y bien commeneer, & mettre toufiours en leurs faits Dieu deuant, fut fait par eux chanter vne belle Melfe du fainfit Efprit en la fainSe Chappelle du Palais Royal a Paris : Laquelle Meffefutchantee, & celebree par 1'Archeuefque de Reims Iuuenel , qui eftoit efleu & nommé 1'vn defdits CommilTaires. ï465. Le Samedy ( vingt-quatriefme ttduTöy iourdumois d'Aouft ) & conclu*ytXI' rent qu'au regaixUo ttoh C[tau , que requeroient eftre tenus lef-  42, Chronologie de voyages, qui rien n'y valurent: dont ledict Comte euft affez de peine, & a la fin, tant que Meffeigneurs d'Alencon & de Bourbon vindrent a Clermont, oü le Roy eftoit aux Cordeliers, au dehors de ladite ville , &c. i439. Apres la deliurance de ladi&e nSuSk" P^ace du Marche, fe partit ie Roy, üer. & vmt a Paris grandement accom- Vignier. y pagne, & eftoient auec luy Monfeigneur de la Marche , Monfeigneur de Bourbon, Monfeigneur le Conneftable, & plufieurs autres grands Seigneurs : & de Ia vindrent a Orleans , & furent affemblez les Ambaffades des grands Seigneurs de ce Royaume , de ceux qui eftoient en leurs pays, c'eft a fcauoir , l'Ambaftade de Monfeigneur le Duc d Orleans, pour laquelle eftoit Monfeigneur le Baftard d'Orleans, FArcheuefque de Reims Chancelier de Fran-  des Ejlats Generaux. 43 ce> & l)e ceuxj de la ville vlufleuts notables Clercj & Shoutgeois. Pour le Duc de Bourgongne, 1'Euefque de Tournay, le lire de Crefuy, le Bailly d'Amiens,& le fire de Cheuauchy. Pour le Duc de Bretaigne , 1'Euefque de Nantes, 1'Euefque de fainö: Brieu, & plufieurs autres. Pour le Comte d'Armignac, le fire d'Efton , & autres. Pour ceux de Paris, CCuefquel)cj JBeauuais, & plujieuts autiej : & y auoit l)e moult notables gens enuoye^ oe tous les pays & cite^ l)e ce SRoyaum*., & pour le pouuoir mettre en bonne paix , iuflice , & police. Et en ladicle ville d'Orleans le Roy voulut opiner en fon hoftel audit lieu , & fcauoir 1'opinion de tous fes Ambafladeurs deffufdits : & furent tous mandez eftre deuers luy, pour ouyr ce qui feroit dit & demande de par luy, & auffi peur refpondre fur 1'opinion & F ij  44 Chronologie demande au bien de la chofe publique. Apres 1'Aflemblée de tous les deflufdits venus audict hoftel du Roy , vindrent le Roy & la Royne de Sicile accompagnez des Seigneurs, c'eft a fcauoir,^Monfeigneur de Bourbon, Monfeigneur du Maine , Monfeigneur le Conneftable, Meffire Pierre de Bretaigne, les Comtes de la Marche, de Vendofme , & de Dunois. Si fut affis le Roy, & les Seigneurs deffufdits , chacun felon 'on degré. Et pareiliement les Prélats & autres Seigneurs & Ambaffadeurs, dont y auoit grand nombre cc multiplication de peuple. Et lors fut FArcheuefque de Reims , lequel propofa deuant le Roy & tous les autres Seigneurs & Ambaffadeurs deflufdits, le bon vouloir que le Roy auoit au bien de paix, & comme il auoit de tout ion vouloir & pouuoir toufiours  des Eflats Generaux. 45 efté , & eftoit preft d'y entendre : & toufiours pour ce faire , auoit enuoyé fes gens & Ambaftadeurs par tout oü les Anglois auoient voulu conuenir pour labourer, & entendre au bien de paix. Et dernierement en la ville de S. Omer, oü eftoient enuoyez de par luy Monfieur le Comte de Vendofme , Monfeigneur 1'Archeuefque de Reims, & Monfeigneur 1'Archeuefque de Narbonne, Meftire Regnauld Girard, & plufieurs autres notables grands Seigneurs, lefquels auoient deliberé auec les Ambaftadeurs du Roy d'Angleterre , qu'au cas qu'il plairoit aux deux Roys de ce qu'ils auoient practiqué pour le bien de paix, 1'vne partie de 1'autre , & dont chacune des deux porteroit par efcrit deuers le Roy que dedans le premier iour de May enfuiuant, feroit vn chacun audit faincl Omer F iij  4^ Chronologie pour la conclure toute paix , ou toute guerre. Et pour ce le Roy auoit mandé toute la compagnie qui eftoit pour cefte heure affemblée a Orleans, pour tendre vn chacun au bien public, & au recouurement du Royaume, & en dire en leurs confciences chacun fon bon & vray aduis, & afin que nul ne peuft ignorer les demandes que faifoit 1'vne & 1'autre partie , pour demeurer les deux Roys & Royaumes en bonne paix & vnion, le Chancelier de France fit la bailler lefdits articles a tous ceux qui en vouloient auoir, afin qu'vn chacun peuft mieux refpondre, iuger, & parler fur chacun d'iceux felon leur entendement, & fut dit que le deuxiefme iour enfuiuant vn chacun fe comparuft en la Chambre du Confeil ordonné pour cefaire,& y venir tous les iours foigneufement , iufques a tant que  6o Chronologie turn ( minus etiam fortaftis ad cornmunem vtilitatem afTectoruin ) iudicio , Rempublicam tam lethaliter aftli&am ita congruè reformari'pofte exiftimet, ftcut per generalem congregationem totius politia? in vnum colleclse, vbi priuatis repudiatis affeclibus major pars, vt verifimile eft, Spiritu fancis prasuenta, & dire&a, ad publicam patrio falutem afpirabit. De ipfo namque Spiritu fancto , qui fan&is fldelium congregationibus piè pulfatus adeffe confueuit, per Apoftolum fcriptum eft : cV/iicuique damt maniff.ftatio fpizituj advülitatem.EtTUr{\XS in Euangelio: Spitituj fanctuj quem mitteLj SBater in nomine meo, ilte vojDocebiu omnia, & fu.qgezet vobii omnia. Et ifta mihi videtur via magis efficax, & falutaris, magis facilis, & opportuna ad fructuofam Regni ipftus, lapfu horrendo deformati, reformationem.  des Eflats Generaux. 6 r Quid aut fi ternariurn Üiiorum Gerfr. fcrm.. in fuo fcuto regio & diuino Rex nofter ad mores retorquere con- p"s'75s* fiderando volebat ? Videbat enim quaüter liliorum fulgurat color aureus in campo azuro, velut in asthere puriffimo & ferenifiimo. Et nonne poterat per ternariurn hoe liliorum conliderare vel tres virtutes prasnominatas , Fidem , Spem, Charitatem, in anima iurü -ccelica aureo fulgore micantes : vel ipfam attendebata qua originantur beatiffimam Trinitatem , in quo velut intelle&uali fcuto triangulari per circuminceffionem comprehendenter pofitam , vel tres animse vires fpeculabatur,concupifcibilem, irafcibilem, rationalem. Aut li iuftius eft accipere tres partes imaginis, memoriam , intelligentiam , & voluntatem. Aut denique appropriatius Regise Majeftati, tria lilia in fcuto, trafia- G iij  6 % Chronologie tuj in fuo teqno confiderare fas habuit idem Rex nofter, ftatum dico militantium, ftatum confulentium, ftatum laborantium. Hi fiquidem ftatus , & fi in omni politia reperiri habeant, vel mediocriter inftituta, vfurpat tarnen fibi regnum Francia? colorem aethereum ob fingularem Religionis cultum ; colorem veró aureum triplici illi ftatui contulit excellentia meritorum in vtroque. Nam » vbi, quaefo, viguit vfquam terra» rum vel in militibus ftrenuitas po»tentior, vel in confulibus & cleri» cis fapientia diuinior , vel in lawborantibus & fubditis obedientia » propenfior ? &c. » fiLt\Z, Vides ad poftremum, ó anima , PriLpfere regnum quartum fub te, regnum P^n 2. tag. {cilicetpraïclariftimumFrancOrum, cum fuis appeditijs, cuius ad te regimen hsereditaria fucceffione deuoiuitur. Conftituitur autem fub  des Eftats Generaux. 6) te regnum illud in fubjeclione debita trïplïcii ftatuj ptincipalu. Statujvniu eft Militantium , aLus Clezicotum, tertiüi Sóuzgenfium; & nac tziplzchaj nonne congrua ftgnatione riguratur in triplici liliorum flore aureo, fcutum tuum, quod ccelico nitore fulget, ornantium ? Habes « illos de primo ftatu tanquam bra-« chia fortiflima ad corpus tuum« myftieum, quod eft Regalis po-« litia , defendendum. Habes alios« tanquam ocuios perfpicaces ad«< omnia difcernendnm. Habes reli- « quos veiut pedes fixos humi ad« fuftentandum. Vbi placet atten-« dere, quia nihil horum membro- « rum dicere poteft ad alterum, ope- « ra tua non egeo. Errabunt itaque « manus & pedes, fefeque confun-« dent ft deftnt oculi: mambus ve-« rödebilitatis, vel relcifis, quis vel « pedes, vel ocuios tuebitur ? Colla- « bentibus autem pedibus, vt reli- u G iv  ^4 Chronologie »quum omne corpus Reipublïcse »decidat, neceffe eft. » CHARLES V. . L'an mil trois cents foixante & Gr2%ro. neuf> le feptiefme iour de Decem^ bre, le Roy Charles cinquiefme fit conuocation Dej jenj d'Cgtijk , dej veiile de -'Afcenfion, l'an delfufdit, le Roy de France Charles fut en la Chambre de Parlement, en la maniere que le Roy de France a accouftumé a eftre, & la Royne Ieanne affife de cofté le Roy, & le Cardinal de Beauuais Chancelier de France, au deftiis, au lieu auquel fied Ie premier Préfident, & a fe rang Icoitntles Archeuefquesde Reims,  des Eflats Ceneraux. 8 f requeroit , & de Coclroy des gens des Eftats. « Rex PhilippUS per commun em ttium ftatuum confenfum aliquas in- I319« ftituit ordinationes quas bonum ^f/,V eflet feruare, & fortaffis femel in &Re^mfac\ropleno confilio legere, ad minus lj£v£Z darent cogitationem & demonftrarent clarè, qualem in pompam vnufquifque flatus Regni eflet laplus , & decidiflet in omnibus rebus •, interea notetur etiam tempus preteritum, quando & qualiter in Camera compoti computabantur duodecim denarij, aut duodecim folidi pro reparatione tunicarum Regis, aut Domini Delphini. Et fine prolixo proceflii reducatur in memoriam tempus Regis loannis , quem multi videre potuerunt. Quia vt relatione percepi, talis eft modo miles aut ftmplex Comes , qui maiorem ttabet pompam in aureis & argenteis va-  84 Chronologie fut ladite Ieanne deboutee, & fut ledit couronnement approuué en vne affemblée faite a Paris, en la prefence d'vn Cardinal pour ceite caufe enuoy é par le Pape, cc firent tous les Barons du Royaume hommage audict nouueau RoyPhilip—_— pes le Long. Grandccko. En eet an, enuiron la Chandeleur, furent alfemblez en la prefence Deiblay, iadis Cheualier du Roy de France qui nouuellement auoit efté fait Cardinal, plujieuta^ Barons , nobles Prélats, & Bourgeois , én la cité de Paris , lefquels tous enfemble approuuerent le couronnement de plülippej le Long, & luy promirent obedience comme a leur Seigneur, 6c a Loys fon aifné fils apres luy , tant comme vray hoir. . LOYS HVTIN. tf^Gut. Le Roy Loys Hutin conclud , T*n£r de qne l'on ne leueroit tailles lans vr'339- gente necefiité, cc fans le confen- A«. Gillet O '  des Eflats Generaux. 8 5 tement Dej troitt— Cftatcs—. PHILIPPES LE BEL. Pour laquelle chofe iceluy En- guerrant requift pour le Roy aux Bourgeois des ceuures, qui illec eftoient aflemblez, qu'il vouloit fcauoir lefquels luy feroient ayde ou nona aller contre lesFlamans a oft en Flandres, & lors fe dient , iceluy Enguerrant fit leuer fon Seigneur le Roy de France de la oü il eftoit aftis, pour voir ceux qui luy vouloient faire ayde. Adont Eflienne Barbet fe leua , & paria pour ladite ville de Paris, & fe prefenta ■pour eux^, & dift qu'ils eftoient tous prefts de luy faire ayde chacun a fon pouuoir, & felon ce qu'il feroit aduenant, & expediënt a aller a leurs propres coufts & defpens, la oü il les voudroit mener contre les Flamans. Et apres ce ledit Eftienne les en remercia, &  8 8 Chronologie lis Palatij, Parifius coram omni dezo & populo palam & publicè legi fecit, &c. titura mifft Quod fereiiiffimus PrincepsDopp-Bon'frc. mjnus nofter Chriitianiffim9 PhiFranc. lippus, Dei gratiaFrancorum Rex ilruftris : Auditis qua? per venerabilem virum Archidiaconum Narbonenfem Notarium, & Nuncium veftrum, nuper (ibi ex parte vertra relata fuerunt, ac infpeciis Apoflolicis litteris claufis ei per eum-v dem Archidiaconum prasfentatis, & quibufdam iicet paucis, Baronibus luis tune fibi affitlentibus earum communicato tenore , ex his tam Dominus Rex , quam Barones ipfi , ingenti admiratione & vehementi turbatione commoti, rlatim idem Dominus Rex , de Baronum ipforum conrilio , Jhazones cateros tune abjentes , ad nos videlicet Archiepijcopos & Epijcopos , Abbam tcs , Ptïores ConuentuaLes , Decanos , Pr*  des Eflats Generaux. 89 PrazpopZtos , Capitula , Conuentus , at" que Collegia Eccleftarum, tam Cathe-~ dralium , t;iges, ne en, » autres biens: Pr&ïei e 1 n ïn les autres chofes que audit Roy no ftre Sire furent enuoyees par mdtffy faiges & par lettres, il eft Uittel 'i que du Royaume de France, que nop..r< bire li Roy, & les hab'a • 1 iij  94 Chronologie me ont toufiours eflê dit foubjet en temporahtè , de Dieu tant feuletnent , fi comme cefi chofe notoire d tout le mon* de, il en deuoit efire fub jet d luy tempo rellement, & de luy le deuoit, & doit tenir , &c. S"p1iï'£ A vous tres-noble Prince noTran». ftre Sire, par la grace de Dieu Roy de France: Supplie , & requiert le peuple De voftte fRoyaumej» , pource qu'il 1'y appartient que ce foit fait, que vous gardiez la fouueraine franchife de voftre Royaume , qui « efi fttfe 5 que vous ne recognoiffier^ de (i vofire temporel fouuerain en terre , fors (i que fDieu, & que vous fafliez declarer fi que tout le monde le fcache , que le Pape Boniface erra manifeftemcnt, & fit pechié mortel notoirement , en vous mandant par lettres bullees qu'il eftoit voftre fouuerain de voftre temporel , & que vous ne pouuez preuendes donner , ne les frui&s  des Eftats Generaux. 9 5 des Eglifes Cathedrales vacants retenir , & que tous ceux qui croyent le contraire , il tenoit pour hereges. Le Roy Philippes le Bel ayant x3oz. ' leu les lettres du Pape Bonirace £"r„7/ll huitiefme , enuoyees par FArchi- £g* ia diacre de Narbonne; de 1'aduis de fes Barons, conuoqua & affembla 1501. au Mardy dixiefme iour du moys pJZt. d'Auril , en 1'Eglife Noftre Dame de cefte ville de Paris, les cAzcke- uefques , Euefques , Abbe^ , Priours Conuentuels , Doyens , Preuojls , Chamtres , Conuents , Colleges des Eglifes tant Cathedrales que Regulieres & feculieres , Barons & Nobles enfemble , les Vniuerfite^ & Communautés des villes de fon Royaume. Audit iour, SaMajefte' en ladi&e Eglife de Noftre Dame , fift propofer la teneur des lettres du PP. Boniface, que le temporel du Royaume luy eftoit fujeö, au Clez- I iv  des Eftats Generaux. 111 adipifci potent talia faciendo ,<« profecló iram Dei habebit talia<( contérnnendo. C 'iideHs! quis con-" fi iark stuusfuit, aut du&or tuus ? « &c. Imperator Conuentu 1'Empereur Loys declara, & inftitua fon troifiefme fils, nomme Loys, Roy de Bauiere, & puis refponditaitf? c/imbaffadeuul)ej 3ul- gatiem, qui tendoient a fin de bornage, & de limitation de leurs pays & contrees, d auec celle des 814- Francois. Monym. Menfe Februario fequentis hie-  des Eflats Generaux. 12.3 mis Conuentuj habitiu pub/icuj Aquif- grani, vbi cum in alijs turn maximè feruebatres In Marcha Hifpanica nuper damnosè, ignominiosèque peracla. _ Au Parlement tenu a Theouril- ?V' le, 1'Empereur Loys fit confirmer pat UtL^ Sjarom les partages qu'il auoit fai&s de fes Royaumes & Seigneuries entre fes enfans. ~T^T Ludouici Pij Imperatoris Au- *■*■««• gufti Capitula in genetali Conuentu Imperij in Ingilhen habito , Apoftolica authoritate, & Synodali SanCÜone , omnium videticet clezicorum , ac Laicorum generaliter conjénju decreta. ———« Ludouici Pij Imperatoris Augufti Capitula , quas Salicis legibus addenda in Comitijs Aquifgranenfibus condituit , quae & Miffi & Comités habere, & caiteüs nota facere debent. Lij  124 thrvnamgte ~$l9. Conu<%ik/SJ f-*-: habitus eft, AnnaUs m Huo ^^^ib^Ecchfnrum Anonymi. &.fl^ïf^^^s^i traöata , atque or«^ ï SI us etiam Capitula quaedam pemeceflaria, quia deerant, addita funt. 0 0 RecefTus, fiue Decreta Gomitio- Lud.PiM. turn cAquijgranenfium , quas Ludo- uicus Plus Imperator habuit A. D. DCCC XVIII. In Theodonis villam conuenite generaliter fuum populum prcecepiu Ibid. , Sed poft paucum tempus, idem 8l7' ad feftum fancti Martini populum Aimoin.l. 3cneraUm liabuiu Conuentum vu«- Aquifgrani, in quo quantum feruoris circa diuinum cultum in arca peftoris geftaret, toto adnifu declarauit. CH ARLEMAIGNE. —; Quartum iter in Aquitaniam J65- pergens , tenuit placitum fuum & in tres partes regni fui totidem exercitus diuifit. Tune imperator qenetali Comien- I ■ I ■ ' D Idm' tu cstfquij folemnitez liabito , Bernar- dum fiiium Pippini nepotem fuum, in Itaiiam mifit. Deinde habito n/ïquifgtani qenetali idem. Conuentu, filio fuo Ludouico Regi Aquitania? coronam impofuit , & Imperalis nominis fibi confortem fecit. Interieclo tempore vndiq; exer- 795. citibus Regijs Thaffilo conftri- Adun-Ch Qi\lS , aè Conuentum publicum francomm , aliarumque gentium fub ditione eorum iam pofitarum in  132 Chronologie cun&is Francia? Primoribus , decimo Kalendas Maïas Rex folio refidens aureo, hoe apud eos differuit modo. ;# ff^ezale quoque placitum Idib. Iu- nijs in villa Duziaco tenuit; vbi & omnia fua dona accepit. Aimhju 5. Carolus in Purificatione Sanclas Maria? , cum fub Confiliarijj placitum in Monafterio Sancli Quintini tenuit. um'bk 4. ^ex prima veris afpirante temmMU Perie , Nouiomagum profeaus eft, & ad locum qui Padabruno VOCatur, genezalem populi fui Conuentum halitutuj, cum ingenti exercitu Saxoniam profeaus eft. J.1sh.'4' Rex tarnen illorum perfidia? non immemor , Conuentum yenezalem trans Rhenum in villa Cusfe§p (qua? fuper Menum circa Maguntiacam vrbem ftta eft) more folemni habuit. 4. Habito itaque jenczali Conuen-  des Eflats Generaux. 13 3 tu fuper Rhenum.in loco qui Lippia vocatur, ibique in caffris conii- Goare' dens Pontificis ad fe properantis , praefcolatur aduentum. Imperator autem l)uobuj conuen- Jfnjf*4" fi^z/j habitïs, vno apud Niumagum (propter falfas Henrici, filij Godofridi Regis Danorum , pollicitationes , quibus fe illuc ad Imperatoris praefentiam venturum promiferat. ) Altero apud Compendium (in quo & annua dona fufcepit, & ijs qui ad Marcham Hifpanicam mittendi erant , quid , vel qualiter agere deberent, imperauit.) Imperator veró diuerfis occupa- f/7f7'/'4' tionibus vfque ad Kal. Iul. Aquifgrani moratus, tandem ai generalem conuentum Vvormatice habendum cum Comitatu fuo, menfe Augufto flatuit proficifci. Supradi£tus veró Imperator, rug fifleret, & cum omni familiaritate , qualiter fingula reperta habuiflent , referebant, quantaque mutua hinc & inde altercatione , vel difputatione, feu amica contentione decertaffent, apertius recitabant. Sed nee illud prastermittendum , quomodo fi tempus fe; renum erat, extra, fin autem, in- tra diuerfa loca diftin&a erant, vbi & hi abondanter fegregati fe-  des Eflats Generaux. 13 ^ Tnotim , '& ccetera muLtitudo feparatim refïdete potuifent f priüs tamen caeterae inferiores perfonae intereffe miminè potui/Tent. Quae vtraque tamen feniorum fufceptacula fic in duobus diuifa erant, vt primo omnes Epifcopi, Abbates, vel huiufmodi honorificentiores clerici , abfque vlla laïcorum commixtione congregarentur. Similiter Comités, vel huiufmodi Principes fibimet honorificabiliter , cu •cceteza muLtituèine primo mane fegregarentur. Quoufque tempus, fiue praefente , fiue abfente Rege, •occurrerent, & tune praediöi feniores morefolito Clerici ad fuam, Laïci veró ad fuam conflitutam Curiam fubfellijs fimiliter honorificabiliter praeparatis, conuocarentur. Qui cum feparati a caeteris eflént, in eorum manebat poteftate , quando fimui, vel quando feparati refiderent, prout eos traMij  140 Chronologie «dtandae caufae qualitas docebat , « fiiie de fpiritalibus, fme de lecula« ribus , feu etiam commixtis , fimi«liter fi propter quamlibet vefcendi, vel inueftigandi caufam quemcumque conuocare potuiffent, & re comperta difcederet, in eorum voluntate manebat. Hasc interim de his quse eis a Rege ad tra&andum proponebantur. CHILDERIC III. 743> Pipinius miffa Romam legatioAnnai.Ant. ne 5 Zachariam PP. interrogat dé :' A' c' Regibus Francorum ex antiqua Merouingorum fltirpe defcendentium , qui Reges quidem dicebantur , led poteftas regni tota apud Majorem domus habebatur, excepto quod carta? & priuilegia Regis nomine fcribebantur , & in Martis campum , qui R.ex dicebatur , plauftro bobus trahentibus,  667- des EJlats Generaux. 141 ve&us, atque in loco eminenti fedens , femel in anno d populis vifus, publica dona folemniter fibi oblata accipiebat flante coram Maj ore domus, & quse deinceps eo anno agenda effent, popuiu adnunciante: ficque Rege domum redeunte , castéra regni negotia Major domus adminiftrabat. # Q'il ci11r>it pn annin Iipii nar nu- r Grande Chro' cune aduenture , il fe faifoit cha- V^-/;"S. rier en vn chariot a bceufs, ou a /ecf'fuejrU. bugles, ainfi comme vn payfan. UtAinfi allóit au Palais d La commune afiemttee du peuple, qu'vne fois l'an efloit faite pour le profit commun du Royaume. Apres retournoit en fa maifon , & demouroit la toute 1'annee. £Pwfl,i, « Quocumque , inquit, eundum w'tfl Ca•■Mt erat, carpento ibat, quod bubus iuncfis, & bubulco ruflico more agente trahebatur. Sic ad pala- tium , fic aó puUicum populi fui co;i1». t m Hl  I42 Chronologie uentum, qui annuatim ob regni vtilitatem celebrabatur , ire , ftc domum redire folebat. » PEPIN. frucnu, st, Cefte remonftrance , ou haran- Anticj. Franc. n ~ , u6.cKi. gue, elt ious la pcrionne de Boniface , lequel preléntant la couronne a Pepin , luy dift, que les Gaulois du Confentement % 'éus C/rap, par fes mains pofoient cefte couronne fur fa tefte , pour marqué de fa charge & dignité : & le paroient des defpouilles du Roy Childeric , la maifon duquel ils ne hayftbient pas, ne la mémoire de fes anceftres , ains fes mceurs lafches , aymants & portants honneur a la vertu, & luftre de fa race: lefquels^ fi vne fois ils apperceuoient s'eftaindre en luy par orgueil, ou fe ternir par lafcheté; que deuoit-il penfer que feroient  des Eftats G ener aux. 14 3 ceux qui auroient a le iuger, ayans ja donne vn tantfeuere arreft contre celuy qui poffede Ie Royaume de fon chef?? Que Pepin donc apprift a 1'exemple & danger d'autruy , d'eftre, & faire le Roy, c eft a dire, de mettre tout foing & fon entente a procurer le repos & le falut du peuple, portant honneur & reuerence a Dieu qui 1'auoit efieué par deftus le fang Roy al : luy (difoit-il) qui en eftoit totale - ment efloigné. Mais fur la fin d'Efté voulant 767. acheuer la guerre, il vint a Bour- O . . Francs. p-es tenit fon parlement en plaine cam- Da rukt,dtt O J ' T facrcs & eau- paqne , cu la facon dej ^zancou ; Le- ™. ƒ J ' J; J r Fauchct, tl. 6. quel acheué, mena fon armee fur la riuiere de Garonne , ayant pris plufieurs Rochers , Cauernes, ou Chafteaux en Lymofin. Or combien que la guerre de 765. 1 Guiennene fuft eftainte , & que J^v** Pepin fift femblant de ne vouloir M iv  144 Chronologie bouger de fon Royaume, & que cefte annee fept cents foixante & Cinq , U tint vn Patlement jenetal l)e tous les Seigneurs de France, affemblés au palais d'Attigny, A cefte caufe ayant fait aLon- 7<54. glair fes feftes de Noè'1 & Pafques de 1 an lept cents foixante & quatre , il concluè au Patlement- tenu d cVvotmes> de ne fortir point de fon Royaume pour cefte annee. 758t Nonobftant la refiftance de /■««*«./. e. ceux qui le voulurent defendre vaillamment , il les forca , & les battit en plufieurs rencontres, principalement en vn lieu nomme Situia, ou Situmia, ayant toufiours le deftus des rencontres, auec tel eftonnement des ennemis , qu'ils furent contrainös de faire fa volonté , & promettre tous les ans foy trouuer en 1'cAjfem- blee, & Parlement general des Fran- coh pour honorablement luy pre-  des Eflats Generaux. 145 fenter trois cents cheuaux de guerre. , «Tenente placitum Pippino Rege 758. inCompendio , Taffilo Dux Ra- jouariorum ad illum ibi venit , fe- , crue illi in vaflallum commifit, 757atque fuper corpora sanctorum i>  152- Chronologie pnncipatus admoneat, publicis vos confultores rebus aduocare. et™!n i'4' IdcirCO in publico fFrancozum Con- uentu, a. quibufdam Proceribus fecundüm leges Romanas ( quae fanciunt a paterna eos decidere rnereditate debere , qui noluerint necem interfe&i vindicare ) omnibus paternis expoliati funt bo^ nis atque inanes relicfi. » CLOTHAIRE IL L'an fix cents vingt, Clothaire Fauch'tdes tenant un SEarlement & cAfsemblee 'T.l\'.TrcTl a Bonneüil en Brie , accompagné de Berthier Maire de Bourgongne, des Euefques, & plufieurs autres Seigneurs, confirma leurs . requeftes, &c. idem nb.s. Ie trouue que Pepin fift vne eAf* Jemblee , Concile , Sane , ou Parlement a Leptune , c'eft Ie premier iour de Mars , auquel aflifterent les Euefque  des Eftats Generaux. 153 ques, & Seigneurs de France, y preftdant Boniface Archeuefque de Mayence , Legat du Pape. « Clotharius autem potentiores A?cT,"'. h omnes Optimatum Burgundia? , ftecaj conuenire iubenj de ftlCCeflo- re Vvaruarij cum eis agebat follicitus fcrutator , quem vellent Re£torem Palatij a Rege libi praefici. Illis porró dicentibus nullius praeter Dei & Regis fe veile pati dominium , Rex gratanter verba eorum fufcipiens , defiderio quoque fatisfecit. Inter Primores itaque Francia? , qui conuenezant quidam Hermarius Gubernator palatij Ariberti filij Regis, ftmulque bajulus a pueriria Aguiano fuper fe irruente, perimitur. Lex Alamannorum , qua? tem- J^J'tporibus Clotharij Regis vna cum Principibus fuis , id funt , xxxiiij. Epifcopis , & xxxiiij. Ducibus , & lx xij. Cotnitibus , vel cxtero populo , cenftituta eft. N  154 Chronologie CHILDEBERTVS. Cum in Dei nomine , nos omne* Cal. Mat. de quibufcumque conditionibus, vna. cum noftris Optimatib. pertraclauimus, ad unumqucmque notitia voluimus peruenire. f ta Deo auxiliante , cAttiniaco Cal. Mart. anno xx. regninofiriconuenit, Vt ïiepotes ex filio, vel ex fiiia ad auiaticas res cum auunculis , vel amitis , fic venirent in hasreditateraa , tanquam li pater , aut mater viui fuiffent. De illis tamen nepoöbus iftud placuit obferuari , qui de filio , vel filia nafcuntur , non qui de fratre. In fequenti hoe conuenit vna. cum leudu noftth , vt nullus de crinofis inceftum vfum fibi fociet coniugio, hoe eft, ne fratris fui vxorem, nee vxoris fuae fororem, nee vxo-  des Eftats Generaux. 16$ bonnaireté , que de paour , dont ie vous pry par amour plus que par feigneurie , que vous me donniez celuy orcel par defliis ma portion , & ie vous promets que ie vous guerdonneray bien cefte bonté en temps & en lieu , fe ie puis en amour vers vous impetrer cefte chofe , & en bonne grace. Les Barons refpondirent: Sire » noble Roy, nous cognoiflbns » bien que nous te auons fait (er- » ment & hommaige, & que nous » fommes tous prefts de mourir, fe » befoing eft , & pour la proprieté » de ton nom & Royaume, & pour » la fanté de ton corps defendre. » Scaches qu'il n'eft nulle chofe que » tu nous requiers , ne que tu de- » mandes, que nous te doiuons re- » fufer, ne contredire : nous ne de- » mandons nul droiÖ: en toutes ces » defpoüilles , a nous n'en appar- » tient rien: ta voulenté en peut fai- »  i68 Chronologie dre fon efpee que a terre gifoit, le Pcoy tira la fienne , & le ferit fi grand coup parmy la tefte , qu'il le ietta tout mort, & puis luy dift cefte parole ; Ainfi ieris-tu en 1'orcel a Soiftons. Apres ce qu'il fut mort en telle maniere, le Roy departit. fes gens : ft retourna chacun en fa contree. u /. u « Tune Rex Legato praecepit, ditu'12' eens : Sequere , inquit, me vfque Sueftionis ,• ibi qua; capta funt ? forte miffa diuidentur : & ft mihi fors iufta vas, pro quo oras, dederit, in recipiendo eo nulla tibi generabitur mora. Parens ille praecepto iter Regis vfque ad praedeftinatum profecutus eft locum. Quo cum perueniffent, ex SRejh eèicto , fuppellex cundla in medium defertur forte diuidenda. Porró Rex veritus ne fortè forte miffa vrceus ad alterius deueniret dominium, conuocatis Principi- bus  des EJlats Generaux. ijl hinc accipies, ni(i quod tibi vera fors auferre permiferit. Mirantibus casteris , fimulque audaciam viri incufantibus , Rex moleftè id fe ferre diffimulans, vas fupra memoratum , legato Pontificis reddidlt. Cmenfo labentij anni circulo 9 idem Princeps eXercitum adunari praecepit in Campo qui Jyiartiuj dicebatuz , genetale propönenj Cdictum, vt lic adelfent armati, ac Ci contra holtes pugnaturi. Procedit eo loco quo iuntim fuerat exercitus s geftis militise clarus , ac nitore armorum confpicuus. Progreditur & Rex Clodoueus , ordinatam fuorum aciem infpe&urus: circuit toque agmine, deuenit ad eum qui vrceum fuo percufferat mucrone ; quem intuitus, taliter alloquitur : Vniuerfum, inquit, perluftrans exercitum , te. ignauiorerrt non reperi, nee inutiliora gerentem ar ma confpexi: nam nee ha-*  ijl Chronologie fta, aut clypeus, nee galea,aut gladius alicuius funt vtilitatis. Et extenfa manu , Francifcam ejus terrse dejecit(quae fpata dicitur)ad quam reeipiendam cum fe ille inclinaflet, Rex fuam vagina exemit, eiusque ceruici valide» conamine illifit, dicens : Sic tu SuefTionis in vrceo ilio mihi feciffi. Eo itaque mortuo, Rex vnumquemque ad propria redire praecepit. ffnfL %itur de Ecclefia Remenfis vrbis magnum hoflis vrceum abfiulerat cum reiiquis m.inifferialibus , Sanöus, atque Apoftolicus Remigius Pontifex, eiufdem vrbis ad Chlodoueü veniens, poftulat fi aliud de facris vafis recipere non mereretur, faltem vel vrceum illum reciperet. Audiens Rex , dixit; Mitte nuncios vfque SuefTionas; ibi quae acquifita funt, diuidenda erunt : fi mihi fors illud dederit, petitionem tuam implebo. Cum prasda in me-  des Efla ts Generaux. 175 dio diuidenda poneretur, ait Rex , Rogo vt jfaitem mihi vas iftud extra partem concedatis. Haec , Rege dicente, refpondent Franci: (flo- riofe Rex , quce cernimus tua funt, fed & nos tui fumus : Domine , quod tibi placet,fac. Tune vnus leuis, inuidus & facilis, voce magna vrceum impulit, dicens : Nihil hinc accipies, nifi quod tibi fors vera largkur. Rex iniuriam hanc patientia leniuit. Sorte pofita,acceptum vrceum Beato Remigio tranfmkit, feruans abditum fub pe&ore vulnus. Cal. Mattij iufjit omnej armatorum Phalangas oftenfuros venire, vbi cunÖos circuibat, frenk ad vrcei percufforem , dicens ad eum : Inculta eft armatura tua, neque fecuris eft vtilis : apprehenfa fecure eius, terra; dej eek. Et ille cum paululüm inclinatus fuiffet , Rex eleuatis manibus , fecurim in caput eius defixit. Sic , inquit , & tu Suefiio- Oiij  174 Chronologie nis vrceo fecifti. Magnum fibi per hanc caufam Franci timorem fta- tuerunt. — Dehinc adueniens Sueflionas, 489. cun&o onere praeda; in medium Greg. Turo. r • r» T» Wj*»7. pohto, ait Kex : Kogo vos, o fortifïimi praeliatores, vt faltem mihi vas iftud (hoe enim de vrceo fupra memorato dicebat) extra partem concedere non abnuatis. Hasc Rege dicente, illi, quorum erat mens fanior , aiunt: Omnia , gloriofe Rex , quce cernimus , tua funt: fed & nos ipfi tuo fumus dominio fubjugati. Nunc quod tibi beneplacitum videtur, facito : nullus enim poteftati tuce tefifteze valets, Cum illi haec ita dixiflent , vnus leuis, inuidus, ac cerebrofus cum voce magna, eleuatam bipennem vrceo impulit, dicens : Nihil hinc accipies, nift qua; tibi fors vera largitur. Ad haec obftupefactis omnibus , Rex iniuriam fuam patientia? lenitate  des Eflats Generaux. 175 coercuit, acceptumque vrceum Nuncio Ecclefiaftico reddidit , feruans abditum fub pecfore vulnUS. Ifranfacto veto anno , ïufllt omnem cum armorum apparatu aduenire Phalangam , oftenfuram in campo Mauw fuorum armorum nitorem. Pera&o denique anno, cun£tum J^f°R"erm^ fui exercitus apparatum folitö pro- •at*..»-*» dire iubet in campum, vt armorum fpeculetur de more nitorem. Quem conuentum a Marte Martium vocare confueuerant. Rex ergo inftrucfas circumiens rité Phalanges, ad eum, qui dudum percufferat vrceum , peruenit, fprefdque ipfius armis , eius tandem Francifcam projecit in terram. Quod audiens Chlodoueus , J<: quod fcilicet interfe£tus effet Sygibertus, & filius eius, in eundem locum adueniens , convocat omnem popuium ijlum, dicens: Audite quid Oiv  des Ejlats Generaux. i 8 $ flngunt priuilegia, eaque cuiuf- J£fSst dam Romani Pontificis nomine Gfj-*° falio infcribunt, atque deinde fre- 1C "• quentes ad Remenfem vrbem accedunt, ibi turn celeberrimus Procerum Gallias Conuentuj habebatur. Adfuit etiam venerabilis Ambianorum Epifcopus Godefridus. Procedit in medium Abbas cum Monachis fuis, accufat Epifcopum Godefiïdum , quod magna ipfum iniuria affecerit : profert litteras commentitias , nulli, praeterquam Romano Pontifici, ipfos effe fubje&os. • Pag. 105. apteJ cej motj : LeS'^g^.*, grandes Prouinces , &c. chron' Hugo Comes trans mare mittit, pro accerfendo , ad apicem regni fufcipiendum , Ludouico Caroli filio , quem Rex Ethelftanus , auunculus ipfius , accepto priüs iurejurando a Francorum Legatis in Franciam, cum quibufdam EpifP  i 8 6 Chronologie copis, & alijs fidelibus fuis dirigit. Cui & Hugo , & casten Franco» rum Proceres obuiam profecü , mox nauim ingreffo in ipfis littons arenis apud Bononiam feie committunt, Deindeque Laudunum ab ipfis deduöus, & regaii benedictione ditatus, vngitur , atque coronatur a D. Arthaido Archiepifcopo Remenii, prasfentibus regni Principibus , cum Epifcopis viginti, & ampiius. 103. deuant cej mou : Nous auons tefmoignage , &c. 952- Excitatis ad trans marinam ex- fuifffr peditionem multorum animis , OuoFrifing. ^ndem Curia generalij apud Vezelacum Gallias oppidum , vbi B. Monu.nch, Marise Magdalenas offa retondita funt, indicitur , conuocatis ex diuerfis Gallias prouincijs Optimatibus , virifque inluftribus. Ibi Ludouicus Francorum R.ex crucem a Prastexato Abbate , cum  des Eflats Generaux, ï 8 7 niuita meritis alaeritate ruïneus militiam trans marinam profefius eft cum Theodorico Flandrenft , & Henricö Theobaldi Blefenfïs filio, Comitibus, & alijs de regno fuo Baronibus , virifque nobilibus. • Paq, 113. deuant cej motj : LegatOS fuos, Sec In nomine Sanclae & ïndiuiduaa J Tnnitatis, Carolus Dei gratia ta-^Rex inluftris, Epifcopis, & dileclis ftdcübus miflis inluftribus , Comitibus noftris inluftribus, Salutem. Notum fit fidelitati veftra;, quia decimo quinto Kal.. Martij fecundüm facram authoritatem , Synodum venerabilium Epifcoporum, ac Conuentum fidelium noftrorum apud Carifiacum fecimus conuemre , &c. 3fug. ji^. deuant cej motj: Imperator celebrato, &c. O&ingentefimus quadrageft , P ij 42>  INDÏCE DES MATIERES DE CESTE CHRONOLOGIE. A Accord,S: appoint emeat du Roy Philippes Augufte , & dela Royne Engerberge, p. 99 Aiguefperco, V) Alienation da Domaine au dtnier dix, Alphoufe Corrtte dePoiéliers, frere f!e S.Loys voyé dons, 98 Annuel payé par les peuples, ito Archidkcre de Narbonne portcir des lettres du Pape, 88 Affemblée a Roüen , , 3 Affiette des Eftats de Tours, 10. & fuiu. Audience accordee au Tiers EÖat, 9- 11 Ayde requifedesNobles, & Bourgeois, 53 Ayde requife aux Eftats par je R.oy Charles fixiefme, 51 B TJauly aux Eftats, 43 JDBailIiui, 91, 183 Bajuhis Regis, 153 Barons fort efmeus de ce que le Pape Boniface VIII. fe d'rfoit fouuerain au Temporel, 8S La Dame de Beaujeu a le gou-iernement du Roy Charles VIII. 17 Biens de 1'Eglife alienableï par le R.oy , p. 49 Biens de la paix, 47 DeBioc, 21 Bonnes villes conuoquees aux Jfcilats, 20. 28. 64 65. 66. 67.69. 71. 8';- Boniface , V11!. fe dit fouuerain au Temporel , 94 Bortifece , 8 veut abfoisdra du ferment de fideUtè, 96 Bornage des Royaumes , 122 Bourgonrrne a voix & feance apres Paiis , 16 Briaude, 29 C CAMPUS, IJ? Campus Maius, 148 Centena, *5.9 Ce que regarde tous, doit eftre traifté par tous, ia1; Chancelier aux Ettars. 6 73. 80. y propofé. 56. i'agenoüille deuant le Rov, 30 Charles VII. tient des E#ats a Clermont, 40 Charles V. Regent haraneue, 67 " Cheualierfaia Cardinal, 84 Circada;, no Clairrnont, 19-39 Clouis eftoit fauorifé de Dieu , 177. a augmenté la  I N D I C E loi Salique, p. i78 Comités defignati ad placita, „3 Commandement des Roys a lears.enfans, ^ Confugium ad Ecciefiam, 156 Confeillers des Roys doiuent donner bon confeil , 108 Quels doiuent eftre, 135 Conuention, 65 Conuentus Martius, i7f Contentions entre les Eccléfiaftiques & les Baillifs pour la Iuriftlicrion, 183 Ceremonies du Coronnement, I?6 Croifade contre les Albigeois, M8 D Decennalis prafcriprio. |-j Députés des Eftats conterenr enlemble , 52. 138. 139 Députés des villes , 47. 86. demandent audlence, 9. opinent, 47. parient au Roy a genoux* 10. 11 Députés parient chacun pour leur ordre, 73 Députés en chaque Prouince, 77 Deputes generaux aux finan; 78 Deuoirdu peuple , 58. 63 D>es Dominica, 160 DifmesSaladines, 101 Difmeaccordèe parleCIergé & les peuples , ,pi Domainene peut eftre aliéné que de 1'aduis des Eftats , 8 Dons . 75. e^cceffifs blafmés & doiuent eftre repetés des preneurs , %i. aux Eflats, 131. 138. 141. 145. i48. £ Ecclesiastiques .doiuent ayder le Roy , j Eccléfiaftiques & Nobles payent les impoiitkns fai&es aux Eftats , ' 63. 69 Edift de Ianuier , 4 S. Efprit aux Eftats, 60 Enguerrand de Marigni, 86 Eftats refoluent 1'apanage d'vn fils de France , 3 1 Eftais offrent au Roy corps & biens, 32. 34. adiugent le Royaume , 8a. reforment les Officiers. 52. refoluent la Croifade. 97. confirment les loix , 123. empefchent 1'interdiftion fur le Royaume, 96 Eftats contre les Albigeois , 99 Eftats a l'aduenement a la Coronne, 101. decernent adiournemcnf pcrfonel contre le Duc de Bourgongne , 19 orlonnent que Ie Duc de Breagne rend ra des villes, 3 4. font :ontinuer le Parlement, 68 Eftats, de Languedoc pour a deliurance du Roy lean, 71 Eftats prouinciaux, 41.49. & yj Eftats pour la Regence du loyaume, 99. pour auoir paix Si amitié auec les Princes du nefme fang , & parente , 108. :onfirmenr les partages entre es enfans des Roys, 125 Aux Eftats on prend aduis les Theologiens, & Doöeurs n chacun droit, 91. on pour-  DES MATIERE S. uolt aux biens de 1'Eglife, 106. . au falut, honneur, & neceffitez du Roy, 105. aux honneurs & biens de la Nobleffe, 108. au foulagement & delcharges des peuples , 107. a reotretenement de la paix entte les Eccléfiaftiques, & Officiers du Roy, p. 108 Eftats pour rapeller Pepin, 124 Eftats a Aix la Chapelle , 115. 121. 122. 123. 125. 127. 134- 19°- a Attiny, 116. 144.190 aBigargio, 131 a Blois, 4 aBourges, 143 a Chaalons, 114 a Clairmont, 40. fecourent le Roy, 41 a Clichy, 192 a Compiegne, 102.109. 113. 133.145. a Coignac, 7 aColongne, 130 aCrecy, 114 a Euefeftin , 147. 187 a Duziac , 110.132. aForhheim, 112 a Francfort, 112 a S. Germain , 4 a Goudoufuille , 110 aHuculin, 130 a Ingiihein, 116, 122.123. 130 a Leptune, 152 mandés a Lyon. 4. tenus, 117 aLaon, 186 a Majence , 128 mandésa Meaux, 6 a Mets, 146. 189 a Nuueghe , 111 a Noyon, 115. 121.132 a Orleans, 6. 37.42.104.148 150. a Paris ,p. 3. 4. 6.50. 52.54. 56. 64. 66. 69. 71. 72. 79. 83. 85. 86. 89. 92. 95 97. 58 99. 100. 182. 184 a Poiifi, ui a S. Quentin , 110 a Rheims , 104.i8y a Soiflbns, 99 m. 163. 150 a Theodenhoue, 115.1-4.188 a Tours, 9.17.18.32.37. a Tribiere, 112 a Troyes, 1 y-z. 153. a Vuormes , 100. 112, 114. 115. 121. 128. 133. 144. 149. 188. Eftats tenus a defcouuert, 138. Eftats annupls en la première race, 141 Eftienne Barbet, 85 Eflienne Marcel, 74. -9. Excommunication, 155 Exemption de 1'ordinaire I falfifiee, 18 j F FARFALIUS, 157 le fieur de la Fayette aux Eftats, 26 Fidelité du Tiers Eftat, <; 3 Fillaftrefe defdit, yy Financiers taxezaux Eftats, 51 S. Flour, 28 France , & fes loüanges, 62. furpaflé toute autre nation, ,81 Francois I. fiance Claude de France , de 1'aduis des Eftats , 8 Frangois I. bien né, 13 Francois ne fourFriroient que le Roy affubjettift fon temporel, 92  I N D I C E ÏYartcifca, p. 17 5 furiörn Receptor, 159 furti poena , 158 ÏYartcifca, p. 175 Furiöm Receptor, 159 Fujrp-pq»j».; 158 Gi »;S des Trois Efiats dii ' Languedocs afietnblerent k Paris 7j Gens de Confeil aux Eflats, - ■ 35 George d'Amboiie, Cardinal , & Legar du Pape , 16 Gctdefridus Epifcopus Amblanenfis, 185 Gouuerneurs en nombre de 24. defiinez par les Eftats ,75 Gouuernement mauuais575 Gubernator Palati j, 153 Guerre, caufe des malheurs, 47 Guerre refoluë auxEftats,6ó Guy de Rochefort Chancelier , 14 H HOMICIDIJ pcena, 157 HugoRex, 102 Hues Comte de la Marche, refufe l'hommage a Aiphonfe Comte de Pci&iers, frere de S. Loys, 98 I. IEan Roy fort modefte en habits, 8 c lean Balue Cardinal, Euefque d'Angers , 11 lean Bricot porta la parole aux Eftats de Tours, "15 lean le Clerc porte ia parole aux Eftats, 50 Incefte, 155 IndignitezdesLorrains, tót riniuftice fait regner les ennemis publics, 107 Inter tiare, 155 Impoft accordé par les Ei- tats, 80 Iudkifuppetis dandas, 159 Iurer fur les Relixjues des Sainös, 145 iurer ndélité au P..oy,& a fes enfans, 145 Z. T Atronïs pcona, 158 ji—: Leudi crïnofi, 154 Lilia tria in fcuto regni , quid fignifkent, 61 Loco-pofït! , 134 S. Loys comrotnde de ne leuer taüles fans grande nécefiïté, 18 Loys vnziefme Dauphin le réuolte,4. 1. appelle aux Eltats fes fauorits , 18. fuperbenientveftu Cégeaux Eftats, 20 Loys douzieme loué aux Eftats, 10. 11 Loys fait Ernpereur aux Eltars, 134 Loy Salique, 82. augmentee par Clouis „ & Childebert, 178 Loix des Allemands refolues aux Eftats , 153 Loix authoriiees aux Eftats, 131 Luxe de la Nobkffe,, bi M. MAgiftrats aux Eftats, 92 Maions domus poteftas, 140 Mandement du Roy poar  DES MATIERE S. tenue des Eflats , p. 89 Mariages eftrangers font a craindre, 15 Martiae Kalenda:,!^. 156. 158: 146. 151. 173. 187. kkrüus Campus, 140.148. 171. Marrimoniales caufoe fecutaribus reliéke, 117 Merouingorum regnuin , in. 140. 146. Maffe du S. Efprit, 36 M.i.tnoyes altérées, 75 Mort du Roy Frar.cois, « O. CI.Tietliendum Regibus,tao - * Office de Roy de raaintenir fes fubie£rs, 136 OÊïce du Clergé , \y OSce de Ia Nobleffe, 57.63. Oiikier's de Iuftice aux ElUtï,_ 19 OUkkrs & Barons Con'edler- des Régents, 110 Offre de corps & de biens, H '74- Ordonnances des Eftats, 59 Trek Ordres aux Eftats , 7. ieur Seance , 139 Ordres diuifés en quatre, 6 Tous iesOrdres doivët fur- veniraux néceffités duRoy, 6 Giiages violés, 161 P. PAirs de France aux Eftats , a y Paris ville Capitale, 10. 16. Siege Royal , 101. rappelie Monfieur le Duc de Normandie, 70 Parlements appelles aux Eftats, 13. 19 Pauurerè du peuple repréfentee aux Eftats , y 1 Pepin fait Roy par les Eftats, i4, Philippes le Bel irrité de ce que le Pape fe difajt fouuerai» de fon temporel, 88 Piacita duo in anno, 135 S. Poyrcain, m Princes du fang tenus de reformer la Iuftice , j 4 Prinfe du Roy lean, 73 Priuileges des Nobles ordonnés aux Eftats , 1 ij Peuple Francois fe conduit par douceur, tyy QVereSks entre Francois, *i8o RAHÜage des vcfiements Royaux, 8X Raptus pesna, j 0 Re&or Pahtij, 1 ^ 3 Reformateurs, 63. du bien public, 3a Regale, 9? Régence,to9 du Roi Chatles VI. 56. iugée par les Eftats, „7 RegUial de Chartres Chancelier, 42 Regis eft imperare, 169 Religion en France, A Rheims lonöaon des Roys, 8, Rion, ^ Robertus Rex faclus, 104  I N D I C E. Robert le Coc ,: 74 Royne a feance aux Eftats, 64. 65. 66. Roy Tres-Chreftien,88.peut impoïer Tailles, 48. Souuerain de fon Temporel non fuje£r. au Pape , 55. tient fon Royaume de Dieu feul, 90. 94. ne peut affervir fon Temporel, 92 Roys veftus royalementeft aux Feftes folennelles, 134 doiuent donner bon exemple, 136. propofoient aux Eflats, 140. prioyent aux Eftats, 169 S. SAcramentum fideliiatis, 170 Succeiïïons, 154 T. TAille ne pouuoit eftre fans 1'oclroy des trois Eftats , 80. Ieuée iadis de 1'aduis des Eflats, 18. 84. requife aux Eftats eftre tolerée, 17 Taflilo & Theudo condamnez aux Eftats, 127 Teftes feptem vt reus furti peragatur, 15? Tiers Eftat bafes & pieds de 1'Eftat, 58.63. Supplie Sa Majefté de garder la franchife du Royaume, 94 Tours intéreffés a la conferuation de 1'Eftat, 59 Traicté de Madril rompu per les Eftats, 7 Tref-Chreftien, 11.88. 182 de Treynel Chancelier , 24 Tricenaria lex, 156 Trois Eftats, 57. 63. 65.70. 71. 73. 74. 79. 91. fignifiés par les trois Fieurs de Lvs, 62. 63. conferent enfemble, 91. commettent au maniemenr des finances. 77 Villes députées , 28. 66.67. 69.71 72.95. Vniverfité aux Eftats, 52. 53. apart aux grandes affemblées. 83 . Z. ZAcharie Pape, 140. eft confulté, 149 ERRATA. Page 103, Iigne iS, 1'article de Robert doit être placé avant cela» èe Capi.t , page 102. Pege 142 , ligne 11, Pepin doit Être avant Childeric , pag. 140.  ( «J7 ) 1'Etat put vaquer a vuidcr les procés des particulier* qui font fans nombre : donc il falloir la décharger du foin du Gouvernement. Sous ces beaux prétextes , d'abord on commenca a régler le nombre de ceux qui devoient compofer le Parle.rent raccourri. On le réduifit peu-a peu a douze Juges, fix PairS Eccléfiaftiques, & llx Laïcs. qui jugeoient coirr. CommilTaires du Parlement- Générai . tk revêrus de fon autorité. Ce nombre alla quelquefois jufqu'a 24 ou ié, douze Laïcs tk douze Eccléfiaftiques. Et il eft a remarquer que dans cette piemiere inflitution, cesperfonnes qui compofoientce Parlement, & qui proprement étoient les Etats du Royaume repréfentatifs, fe prenoienr des premiers du Royaume. On trouve dans un vieux regiftre des Cbartres da Roi, une Ordonnance oü font nommés pour compofer le Parlement, le Connétable, rArchevqquö de Narbonne, 1'Evêque de Rennes, le Comte de Dreux , le Comte de Bologne, GuïUaumc Nogarec qui portoit ie grand fceau 8c plufieurs autres, tous gens de la même volée. Ce qui fait voir que les Pariemens devenus Tribunaux de Juftice , n'étoient compclés que des pnncipaux membres de 1'aftemblée des Etats-Généraux du Royaume, & jugeoient par conféquent, non-feulement en 1'autoriré du R oi, mais comme autnrifés par les Etats du Royaume. Cette vieille Ordonnance eft de I hilippe-le-Bel, qui régnoit environ l'an 1300, 8c cëft le plus ancien titre que les rarlemens puiftent produire de leur établifTement en l'état oü ils font aujourd'hui. Car ce fut ce Philippe le-Bei qui établit le Parlement dans Paris, 8c qui d'ambulatoire qu'il étok auparavant le rendit fixe. Mais il ne Ie rendit pas perpétuel. Car il ordonna qu'il fe tiendroit deux Pariemens par an; 1'un a Paques & 1'aurre a laTouffaint, & que chacun tiendroit deux mois. A chaque ouverture de ces Pariemens, le Roi décernok ds VIII, Mémoire  (^58) .nouvelles Lettres-parentes en forme de commiffion, &nommoitde nouveaux Juges. Car ceux qui avoient été membres du Parlement précédent nëtoient point membres de celui qui fuivoit, a moins qu'ils ne fuffent nommés dans la nouvelle commiffion. Ce qui fait voir encore, que ces Tribunaux confervoient la forme générale des Etats du Royaume, & nën étoient proprement que 1'abrégé. Car les députés aux Etats-Généraux ne font pas toujours les mêmes: auffi ceux qui compofoient 1'abrégé des Etats changeoïent fouvent. Mais les Rois dans cette nouvelle inftitution fe donnerent un grand avantage : cëft qu'au lieu que les députés qui compofent 1'affemblée générale des Etats, y ont féance, ou par leur naif1'ance, ou par députation; les Rois s'arrogerent le pouvoir de nommer ceux qu'ils vouloient pour compofer ces Etats raccourcis: ce qui les rendoit maïtres de ces allemblées, n'y mettant ]amais que des perfonnes qui étoient dans leurs intéréts & a lejir dévotion. Le même Roi Philippe-le-Bel établit aufti une chambre des enquêtes, qui n'avoit pouvoir que d'inftruire les procés , & ne jugeoit de rien qui fut important fans 1'avis du Parlement qui s'appelle aujourd'hui la grand'chambre. Ces tribunaux devenus fïxes fous Philippe-le-Bel, devinrent perpétuels fous Charles VI. Les fuccefleurs de Philippe-le-Bel y apporterent divers changemens & augmentations. Philippe-le-Long, environ l'an 1319, ordonna que les Prélats feroient exclus du Parlement: les paroles de 1'Ordonnance font : // naura nuls Pre'iats en Parlement • car le Roi fait confcience de eux empêcher au Gouvernement de leurs fpiritualite's, Le même Roi fit 2 chambres des enquêtes, au lieu que Philippe-le-Bel nën avoit fait qu'une. Et même le nombre des membres de ce Parlement fe multiplia a tel point, que Philippe-de-Valois, environ l'an 1344, fut obligé dën fixer le nombre. Car tous les  < M? ) Seigneurs du Royaume fe fervoient de leur crédit' pour fe faire immatriculer entre les Confeillers. Ce qui eft une nouvelle preuve que les Pariemens en ce temps-la n'étoient point ce qu'ils font aujourd'hui : Sc qu'ils étoient, comme je 1'ai dit, le raccourci des Etats du Royaume. Autrement les Grands de 1'Etat n'auroient pas regardé comme un fi grand avantage d'y être Confeillers. JPhilippe-deValois ordonna qu'on ne donneroit des gages qua ceux qui feroient nommés fur la commiflion Royale ; favoir trois Prélidens & trente Confeillers, quinze du Clergé Sc quinze des Laïcs , Sc gue pour les autres qui étoient en grand nombre, ils auroient feulement féance Sc entrée fans gages Sc fans voix. Sous le regne de Charles VI, qui fut plein de confufion a caufe de la folie oü tomba ce Prince, on oublia la coutume de renouveller les membres du Parlement par des commiflïons qui fe donnoient a chaque ouverture de ces aflemblées, de forte que les Confeillers qui avoient été auparavant, furent obligés de continuer, afin que le cours de la Juftice ne fut pasinterrompu. De-la vint que les places de Juges devinrent des charges a vie, & ceflerent d'être des commiflïons a temps. Ce qui fut caufe que les Seigneurs du Royaume, gens d'épée , abandonnerent le Parlement. Car comme leur métier étoit la guerre Sc le Gouvernement des Provinces , ils ne pouvoient pas s'attacher toute leur vie a juger les proces. Ainfi cetnbunal fut abandonné aux gens de robe. Ce changement qui arriva environ l'an 13.S0 ou 1390, diminua extrêmement 1'éclat de cette Compagnie. Le temps Sc la corruption y apporterent encore des changemens qui diminuerent fon crédit, les charges devenues a vie devinrent enfuite vénales, Sc la Noblefle d'épée regarda ces emplois comme indignes d'elle. De-la vient qu'encore aujourd'hui on met une fi grande différence entre la VUL Mémoire.  ( 168 ) ment, n'ont point Ia force doter aux Edits des Rois Ia vertu de Loi. Ainfi il faut reconnoïtre ou que les Pariemens ont toute liberté de s'oppofer aux volontés du Prince, ou dire qu'ils n'ont pas d'autre droit en cela que tous les Tribunaux inférieurs du Royaume: ce qui elf. abfurde. Qui ne voit que ce droit a été attaché au Parlement pour etre un frcin a la puiffance royale, Sc un rempart aux libertés du peuple? Mais fi ce droit ne cbnfifte que dans le pouvoir de faire des remontrances au Roi, quelle efpece de frein eft-ce la ? Quel rempart ? Les Rois narurellement fiers de leur autorité, efclaves de leurs favoris, & encore plus efclaves de leurs paffions , fe moquent toujours des remontrances qui leur font faites,& ie roidiffent contre les oppofitions. Cette précaution de nos ancêtres auroit donc été abfolument vaine: car on nën auroit eu que faire contre les bons qui fe rendent aux remontrances de leurs fujets , quoique faires par des gens fans autorité. Et pour les mauvais Princes, on fait bien que de quelque caraérere que foient ceux qui remontrent, les remontrances lont toujours inutiles, quand elles tont deftituécs du pouvoir de refufer lëxécution Sc lobeilTance. Pourquoi les Rois , depuis même qu'ils ont oppnméla liberté de la Cour des Pairs, prefient-ils avec tant d'inftance Sc tant de violence, la vérification de leurs Edits dans cette Cour fi cette vérification ne donne pas de force a leur Loi? Ils commandent & ordonnent la vérification. li fraut donc qu'ils reconnoiffent que le peuple nëft point obhgé de reconnoïtre pour Loi uneDéclaration qm nëft point vérifiée, & a laquelle il n a pas cionné.. fon confentement par la bouche du Rarlernent qui repréfente Ie peuple. Et en effet cela eft ainfi ■ le peuPie ne recoit Loi que de Iuimeme Sc de fon propre confentement aux volontés  < 1*9 ] du Roi, par la bouche de ceux qui le repréfentent. Enfin qui ne voit que ceux qui ont établi ces Pariemens racourci, les ont revetus au moiits d'une partie de leurs droits 5 or certainement c'étoit la le droit des anciens Pariemens qui étoient nos Etats-Généraux , de pouvoir réfifter a ia volonté du Prince quand elle étoic injufte. Pafquier, quoique d'ailleurs trés jaloux de i'indépendance de nos Rois, le reconnoïr ainfi. (1) De toute ancienneté'j dit-il , en forme d'Ariftocratic mêlee h la Monarchie, furent introduits les dou^e Pairs, fur lefquels nos Rois ne s 'c'tant réfervé que la fouveraineté' & rhomma:;e, femble que par leur confiil comme d'un ancien Sénat fe menaffent les affaires. Ces douze Pairs qui étoient fix Laïcs, üucs, Comtes ou Barons, & fix Prélats, étoient proprement 1'extrait du grand Parlement. Ils fuivoient le Roi par-tout, le Roi ne s'étoit réfervé fur eux que la fouveraineté & 1'hommage ; rien ne fe faifoit fans leur confeil, & üs avoient une entiere liberté de refufer leur approbation a ce qui leur paroiflbit injufte. Pafquier remarque dans le même lieu, que ces Pairs re'pandus dans le Royaume ne fe pouvant trouver en ce commun Parlement d'affaires, laifferent a leurs Confeillers la furintendance de la Juftice , c'eft-a-dire que tout ainfi qu'aupa>davant aux Affemblées les Rois par maniere de dire fe rendoient volontairement fujets a ce qui étoit entre iceux Pairs , avifé, au [ft que de-la en avant ce qui feroit par les Confeillers arrêté pafferoit en forme de Loi ; tellement que toutes les Lettres-Patentes du Roi & fpécialement concernant le fait public paffe roient par leurs avis. C'eft-la naïvement ia vérité. (1) Pafauier , pour-parler du Prince. VUL Mémoire.  1170) Ces douze Pairs, Ducs, Comtes, & Prélats ceflerent de fe trouver eux-mêmes dans le Parlement racourci, Philippe le Long en exclut même formellement les Prélats comme nous favons vu. Les Gens de robe demeurerent feuls dans le Parlement, &C ce fut alors que 1'opprefïïon de eet augufte Sénat commenca. Pendant que les Pairs y étoient euxmêmes en perfonne, les Rois nëulfent ofé leur envoyer des julïïons réirérées & des commandemens abfolus d'enregiftrer des Edits. Mais quand ils nëurent plus affaire qua des Confeillers gens de robe, il les violenterent fans craindre les fuites. Le premier exemple fut fait par Jehan Duc de Bourgogne, qui, pour faire fa cour au Pape, voulur faire fupprimer les Ordonnances qui avoient été faites quelque temps auparavant contre les abus de ia Cour de Rome. II envoya pour eet effet au Parlement un Edit au nom du Roi, révocatoire de toutes ces Ordonnances : la Cour refufa de le vérifier. Le Chancelier, créature du Duc, vint au Parlement avec le Comte de S. Pol, Gouverneur de Paris, & fit publier eet Edit fans ouir le Procureur général & en fon abfence. On y mit pourtant laclaufe Lecla Scpublicata , &c. Mais plufieurs Confeillers de la Cour vinrent au Greffier pour empêcher qu'on ne mït lues &publiées , &c.,8i le lendemain la Grand'Chambre prononca que nonobftant cette publication la Cour ne prétendoit approuver cette révocation. "C'eff pourquoi on mit dans lënregiftrement que c'étoit par le commandement du Chancelier. Celaarriva fous Charles VI, & durant le défordres de fon efprit: exemple digne «fun/egne auffi trifte, fous lequel le Royaume fut déchiré par d'horribles guerres civiles, & livré a la domination de 1'Anglois; Sc digne d'un Auteur auflï malheureux que ce Jehan, Duc de Bourgogne , quï fut fi long temps le fleau dc la France. Depuis te  ( I7i ) remps-la feulement on trouve plufieurs Edits de nos Rois enregiftrés avec cette claufe, de exprej/o & cxprejjijfimo mandato Regis pluribus via bus reiterato. Mais avant ce malheureux temps on ne voit pas d'exemple d'Edits enregiftrés contre la volonté de la Cour. Et même il eft a remarquer que par cette claufe, par expres & tres-expres commandement du Roi plufieurs fois réi tere', la Cour prétcndoit faire une proteftation contre lEdit, ou cette claufe étoit mife, & que cette proteftation ótoit a 1'Edit la force de Loi dans lëfprit du peuple. De forte qu'abfolument parlant, les Pariemens ne pouvoient alors être torcés a donner i un Edit injufte la vertu de Loi contre leur volonté. Depuis que cette oppreffion de la liberté du Parlement fe fut établie, on ne laifla point de voir de temps en temps de beaux exemples de vigueur qui tont voir ces deux chofes; la première que la volonté du Roi ne paffe point en Loi fans le confenrement du Parlement; la feconde, que le Parlement ne peut être forcé a lënregiftrement contre fa volonté. Nous en avons entre les autres un notable fous le regne de. Louis^ XI, & qui eft d'autant plus notable que ce Louis XL avoit tous les caraéteres d'un tyran, & quën effet il a plus ruiné la liberté du peuple & du Parlement, que n'avoient fait tous les prédéceffeurs enlemb.e. Ce Roi entreprit un jour de faire vérifier a la Cour de Parlement un Edit très-injuftc: ce que le Parlement refufa conftamment de faire. II y eut ordre fut ordre, mais cela n'y fit rien. Louis qui étoit violent & cruel jura par fon Dieu que s ils n obéiffoiont, il les feroit tous mourir. Cela tut rapporté a la Vacquerie qui étoit alors premier Préfident. Ce Chef de Juftice en avertit tous les Confeillers, & les ayant aflemblés il les menatous en robe rouge au palais du Roi, Sc fe prélenta ea VIII. Mémoire,  ( m ) eet équipage devant lui. Le Roi furpris de ce fpectacle, sinforma dëux ce qu'ils demandoient. La mort, Sire, répondit la Vacquerie pour tous les autres , a laquelle il vous a plü de nous condamner : paree que tout autant que nous fommes ici préfens aimons mieux mourir que de vérifier votre Edit. Ce prince fuperbe & fier au poilïble fe trouva pourtant humilié & couvett de cor.fufion par cette a&ion. Au lieu de leur donner la mort qu'ils demandoient, il leur donna des bonnes paroles en les renvoyant, Sc leur promit de ne leur demander jamais la vérification d'aucun Edit qui ne fut plein de juftice. II n'y a point eu de Roi qui ait plus tait de violence Sc d'injuftice, mais ne trouvant pas dansle Parlement la complaifance qu'il demandoit pour fes volontés injufles, il nt tout de lïauteur. Contre la violence les plus foibies ne peuvent rien, mais auffi cela ne fait aucun préjudice a leurs droits. Ma derniere obfervation fur l'hiftoire de 1'origine des Pariemens, tk par oü je veux conclure : cëft que quand le;Par!ement général, que nous appellons aujourd'hui 1'aftemblée des trois-Etats, prit la réfolution de tirer de fon Corps un nombre des 1 airs Sc de Confeillers qui le reprélentaflent, Sc qui même fuflent revêtus d'une partie de fes droits, ce ne fut nullement a intention d'abolir 1'ufage des Etats-Généraux; mais feuëment pour n'être pas obhgé de s'aflembler fi fouvent, avec tant de peine & tant de frais de rous les coins du Royaume. Auffi ne tranfperta r-il pasa ce Parlement raccourci, generalement tout le pouvoir du Parlement général. Car nous avons vu comme le Parlement général ou affemblée générale du Royaume avoic droit d'élire & de dépofer les Rois, avoit pouvoir tle changer la forme du Gouvernement, de faire de nouvelles Loix , de confinner le partage entre  . f "73 ) les enfans des Rois, de tranfporter Ia Couronne de 1'un a 1'autre; de créer des Tuteurs aux Rois j de nommer des Régens tk des Adminiftrateurs au Royaume durant la ininoriré des Rois, leur abfence ou leurs maladies; de condamner a la mort des Têtes Couronnées, de chStier les plus grands Seigneurs du Royaume par la privation de leurs biens, de leur liberté, & même par la perte de la vie. De tous ces grands droits qui emportoient plein partage de la fouveraineté avec le Rei , on n'en tranfporta qu'une très-petite partie a ce Parlement raccourci. Et cëft pourquoi depuis l'établiffement des Pariemens, on n'a pas laiffé de tenir des afiëmblées d'Etats-Généraux , qui en ont ufé avec la même autorité qu'auparavant. Et durant la tenue de ces Etats - Généraux du Royaume , toute la puifPmce du Parlement en ce qui regarde les affaires d'Etat étoit éclipfée. Ce fénat n'avoit été revêtu d'autorité, que pour empêcher les Rois de s'échapper d'une affemblée générale a 1'autre. Mais les Rois qui travailloient a 1'augmentation de leur autorité avec plus de foin que les peuples ne veilloient a la confervation de leur liberté, trouverent moyen de faire fervir a I'opprellïon ce Parlement raccourci. Au commencement les Rois fe faifoient un plaifir d'étendre fes priviléges, pour diminuer la néceffité d'affembler les Etats-Généraux , qui ont toujours éré la croix des Princes entreprenans. Ils ne faifoient rien fans confulter le Parlement, & avoient toujours égard a fes oppofitions. Ce qui fembloic rendre inutile raffemblée des Etats. Car fi 1'on trouvoit dans le Parlement un rempart fuffifant pour la confervation des loix tk de la liberté, a quoi bon fatiguer un Royaume par des affemblées générales ? Mais les Rois enfuite, après avoir fait perdre la coutume de tenir fréquemment des affemblées générales d'Etats, VLIL Mémoire.  ■ ( ïio ) un Maïtre du Palais du Royaume d'Auftrafie, & un Maire du Palais de Bourgogne, qui furent comme les Vice-Rois de ces Provinces. Cette dignité s'augmenta encore beaucoup fous les Rois fuivans, qui furent ou imbécilles ou fainéans. Et chacun fait que les Maires du Palais devinrent premiers Miniftres d'Etat tk Rois lous un autre nom. Les Rois nefervant que d'ombre a 1'ufurpation, on les montroit a certains jours, tk toutes les affaires fe faifoient fans leur participation. II n'étoit pas mal-aifé a des Officiers de Ia Couronne, fi maïtres des affaires, de fe mettre en poffelfion de la Couronne même, lorfque leur ambition les y portoit. Auflï a-t-on vu que ce font eux qui ont fait par deux fois changer la Couronne de Maifon. Charles Martel, Maire du Palais, fe fit faire Prince des Francois, tk Pepin fon fils, fe fit élire Roi, en relettant la familie des Merovingiens. Eudes , Maire du Palais, Comte de Paris fous Ia décadence de la maifon de Charlemagne,prit la Couronne, tk enfin la fit palier a Hugues Capet au préjudice de la familie des Carlovingiens. Cette grande charge fut lagement fupprimée par Hugues Capet tk fes defcendans. Dans toute cette grande autorité que les Maires du Palais s'étoient arrogée, il n'y avoit pourtant rien qui fit préjudice aux droits des peuples. Les ufurpations des Maires du Palais nëmpiétoient que fur 1'autorité des Rois, & nullement fur les priviléges des peuples. Car fous les Maires, cömme fous les Hois ,on aflembloit touslesans les Etats-Généraux du Royaume: les Rois y étoient conduits a la maniere accoutumée, tk y Earoifloient comme des flatues de cire qui faifoient onne mine tk ne faifoient rien, les Maires faifanr rout, cëft-a-dire, tout ce que les Rois euffent dü faire. Car du refte, rien ne fe faifoit que de 1'avis de 1'aflemblée des Francois. Et les Maires, bien loin de rogner les priviléges du peuple, cequii'eür.  ( H5 ) Roi ci-mentionné, a perdu fon droit de Baüh de Bretagne , & que les Barons de Bretagne & autres qui lui ont prête' ferment de fidélite & hommage a raifon de ja qualité de Bailli, en font abfous , & font quittes de cette fidélite & hommage. Bien que le nom de Pairs ne foit point employé, dans eet acte, il eft pourtant certain que ce jugement fut rendu par les Seigneurs du Royaume, fous le nom des Pairs, qui dès-lors étoit en ufage. Pour favoir ce que c'étoient que ces Pairs de France, il faut obferver qu'on appeloit Pairs, les Vaffaux fujets d'un même Seigneur, dans la même Comté ou Baronnie. Ces Vaffaux relevans d'un même Seigneur, mais en diverfes Comtés, Seigneuries Sc Bailliages , n'étoient pas eftimés Pairs, par rapport les uns aux autres. On les appeloit Pairs, cëft a dire égaux les uns aux autres , jouiftans des memes droits Sc des mêmes priv'iléges lous un feul Seigneur. Leur privilége étoit de ne pouvoir être jugés que par leurs Pairs , cëft a dire , par les habitans Sc gens tenans des fiers dans le relfort du Bailliage Sc de la Comté. Le Seigneur, Duc, Comte ou Baron, tenoit donc les alfifes a certain temps, Sc tous les Pairs de la Comté , Duché ou Baronnie, étoient obligés de s'y trouver, Sc dïtre aftefTeurs avec le Seigneur pour juger de tous les démêlés Sc proces qui étoient entre les habitans du même reffort. Et il fera bon de s'arrêter un peu dans eet endroit; nous y apprendrons 1'ancienne maniere de rendre la Juftice en France, tout-a-fait oppofée a cette maniere defpotique & tyrannique de décider de la fortune Sc de la vie des particuliers qui a été introduite depuis lors. II faut donc favoir que les tribunaux qui occupent aujourd'hui la France , Préfidiaux , Bailliages, tkc. oü il y a des Préfidens & des Confeillers réglés, SC certains Juges fixes, ne font pas plus anciuis que IX. Mémoire.  ( iS£ ) les Parëmens en qualité de tribunaux fixes & arrêtés. Autrefois toute la Juftice étoit entre les mains du Roi & du Peuple. La Nation s'aflëmbloit en cerrains temps & en cerrains lieux, convoquée par le Roi , & compofoit ces affemblées qu'on appeloit Pariemens-Géne'raux, Plaits, ou Phcita .-qui font proprement nos trois Erars d'aujourd'hui. La on rendoit juftice a tout le monde & principalement aux Orands du Roy uume. Nous avons vu comment & par quels progrès ces affemblées fe font chan£e" en Pariemens. Dans les Provinces on rendöit Juftice dans la même forme, cëft a-dire , que fans ayoir aucuns tribunaux fixes, on affembloit les No^ bles & les Notables de la Comté, le Comte luimenie y préfidant ou fon Bailli en cas d'abfence du Comte ; précifément felon ce qui fe fait encore aujourdhui en Angleterre, oü il y a peu de tribunaux fixes compofés des Préfidens & des ConleiUers pour vuider les procés. Mais tous les ans deux rois on tient les alfifes de la Province compofees des Notables, fur qui préfide celui qui en a droit. Car plus nous avancerons & plus nous reconnoitrons que le Gouvernement de France & celui d'Anglererre étoient abfolument femblables. La différence eft que les Angëis font demeurés dans leurs anciennes loix & priviléges , & nous avons miférablement laiffé perdre les nötres. Autretpis, cëft-a-dire fous la première race , toute Juftice s adminiftroit en France au nom du Roi comme en Angleterre , &c le Roi envoyoit dans les Provinces des Ducs & des Comtes qui préfidoient aux jugemens, oü en cas d'abfence du Comte ou du Duc, le bailn de la Comté préfidoit. Mais fous la troifieme race de nos Rois, & fur la fin de la feconde, les iJuches &c Comtés écant devenus héréditaires, les p 'n-c Comres & Barons , eurent eux-mêmes des Baiihfs ou Sénéchaux. On les appeloic plutöt Sé-  1187) néchaux que Baillifs, paree que Ie rerme de BalU lis fe réfervoit pour les terres & Provinces du Domaine du Roi oü il étoit Seigneur immédiat; & les Princes , Ducs & Comtes qui tenoient les Provinces en foi & hommage de nos Rois, appeloient leurs Juges Sénéchaux. Cependant ces deux noms de grands Sénéchaux & de grands BaiLlis, fe confondent rrès-fouvent, & dans le fonds ne fignifient aujourd'hui que la même chofe. Ce font ceux que nous appelons Baillis de Robe courte , qui font les chefs de la Noblefle d'un certain refforf, c'étoit eux autrefois, & les Nobles a la tête defquels ils étoient, qui rendoient la Juftice•, en tenant leurs affifes en certains temps de 1'année. Aujourd'hui ce ne font que des noms, & il ne leur eft refté que 1'avantage de commander la NoblelTe de leur Province, quand on convoque 1'arriere-ban. C'étoit donc dans ces affemblées que préudoient ou le Comte ou fon Bailli, & les Nobles qui compofoient l'affemblée s'appelloient Pairs. Sur ces tribunaux de juftice nous ferons feulement quelques obfervations felon qu'elles tomberont fous notre plume. Car notre defiein ni notre affaire nëft pas dën faire Un traité exact. Premiérement 3 ces affifes a-oient droit de fe trouver tous gens tenans Fiefs, dans la Duché, Comté ou Baronnie , & ils étoient tous appelës Pairs, mais tous n'y pouvant afEfrer, au moins il falloit que deux y fuffent fans compterle Seigneur, lelon Philippe-de-Beauma la -France revint a-peu-près dans 1'état ou elle étoit quand les Romains y entrerent. Avant les Romains elle étoit diviféc en plufieurs Souverainetés qui avoient leur corleil commun, qui étoit le liende leur union , & comme 1'alfemblée de leurs Etats-Généraux. Sous la fin de la race de Charlemagne il y eut auffi une partage du Royaume en plufieurs Souverainetés, mais dont le centre étoit dans le Roi, duquel ils vouloient bien fe reconnoïtre vaffaux & non fujets. Et c'eft ce qui apporta en France tant de troubles depuis la mort de Louis-leBegue qui mourut en 87S jufqu'au couronnement de Hugues Capet, qui fe fit l'an 987. Le Gouvernement étant devenu trop foible entre les mains des  { 109 ) ■ des derniers Rois de la feconde race, les Grand> du Royaume, qui fe trouverent prefque auffi indépendans de la Cour qu'ils étoient les uns des autres , difputerent long temps a qui occuperoit le tróne. Eudes , Comte d'Angers, Robsrt, Comte &C Gouverneur de Paris, Hugues-le-Grand, nis de Robert, Thibaut Comte de Biois tk de Chartres , Jt-aoul de Bourgogne, les Comtes de Fiandres, tk les Ducs de Normandie, Hugues Capet, fils de Hugues-le-Grand , tk tous les autres grands Seigneurs de France remuerent 1'Etat, & le firent fi bien changer de forme que quelques- uns fe mirent fur le tróne. Les uns s'afFermirent dans la louveraineté des Duchés & Comtés dont auparavant ils n'étoient qu'Adminiftrateurs a vië, & Gouverneurs pour Ie Roi. Et enfin Hugues Capet hit aflez heureux pour fe faire élire Roi , d'un commun corientement des Prélats & des Grands de France. Mais en forte potirtant qu'il laifla tous ces grands Seigneurs par lefquels il avoit été élu, dans tous les droits, priviléges tk fouverainetés dont ilsétoi»nr en poffcffion. Les Rois de France n'avoient pour domaine que la ville de Paris & les pays voifins, la Picardie, la Beauce , la Sologne, & une partie de la Bourgogne. Toutes les provinces, la Champagne, la Bretagne , la Normandie , Ia Guyenne, le Languedoc, le Berry, &c. avoient leurs Ducs & leurs Comtes qui en étoient Souverains, avec une égalité prefque entiqre avec le Roi. Nous reviendrons a cette égalité tk aux conclufions qu'on en doit tirer . quand nous aurons achevé de parler des autres dignités de France. Après les Ducs tk les Comtes .viennent les Barons! Cëft un nom d'une origine moins noble que celui de Ducs & de Comtes; ceux-ci ont tiré leur origine de la langue Latine ; tk l'on croit que celuiei nous eft refté de Tancienne langue Gaulolfé. D'au- X. Mémoire. O  Itresïe denventd'un mot Grec qui ne fignifioit qu'un goujat darmee, qui eft la plus baflè de toures les conditions. Et de-la eft venu que les Latins 1'ont employé pour fignifier bete Sc ftupide, paree que c eft aflez la le caradtere des gens de cette condition. On le lit en ce fens dans la cinquieme SaT!yre de Perfe. Eheu Baro ? regujliitum. digito terebmre fatinum Contentus perages , fi vivtre cum Jove tendis. Cëft 1'avarice qui parle & qui dit, Sot & ftupide, fi tu veux être honnête-homme & Juivre les commandemens de Jupiter , tu vivras comme un miferable , & fieras oblige de percer la Jaliere , pour regratter quelques reftes. Ce mot demeura dans la bafleflejufqu'au dela du fixieme fiecle : on voit dans Ifidore, auiLivre IX de fes origines , chap. 4, que de fon temps on appeloit ainfi tous les mercenaires: Mercenariifdk Ü,fiunt quifierviunt acceptü mercede, iidem & Barones Graeco nomine , quod fint fortes in laboribus. Mais peu de temps, après ce nom commenca a monter de grade ; & dans les fermens ad jratres in Eremo , qui fe trouvent entre les ceuvres de faint Auguftin, mais qui ne font pas de lui, on y trouve ce mot pour les ferviteurs des Rois, Princes & grands Seigneurs (1). Ubiuam eft corpus Ctejaris prwclanim, &c. ubi caterva Baronum, ubi acies militum ? Et de-la eft venu enfin que tous les Vaffaux d'un Roi , Prince, Duc Sc Comte, furent appelés les Barons; paree qu'ils renoient de lui leurs fiefs 3 condirion de leur rendre hommage & lervice , fur-toutdaus le fait des armes, (0 Serm. ^8,  { 211 Ü toutes liS fots qu'ils en feroieht requïs §ë 'qt'-è ceïa feroit néceflaire. Et même ce nom fut donné particuliérement a ceux qui tenoient leurs terres & fiefs immédiatement du Roi ou du Souverain fans relever d'aucun autre , & qui étoient obligés de l'accompagner a la guerre , & de lui faire autres fetvices femblables a caufe de leUrs fiefs; on lit dans la Charte de Guillaume, Duc d'Aquitaine, Alors mes Barons qui me devoient aider , renoncant a la fidélité qu'ils me devoient •, commencerent a m» nuire. Dans les Statuts & Hiftoires d'Angleterre & d'Ecoffe ce nom fe trouve très-fouvent pour les grands Seigneursqui depuis fureht appelés Pairs du Royaume. Et même dès le temps de Charlemagne on sën fervoit pour fignifier les Grands. Car dans le Titre 15 de fes Capitulaires ils font appelés illujlres & Sdpientes Barones, & il parok qu'Üs faifoient des loix & des régiemens. Hincmar dit: (1} Nam Ji Mi boni Barones pojl mortem Pepini cum duobus fratribus Jic fano conjilio egerunt, ut pax inter fiatres Regis & inter Regni Primores ac po— pulum ejfet. Ces Barons qui avoient accordé les deux: freres enfans de Pepin , entre eux & avec Ie peuple, ce font cetix-la même qui font appelés Primores Sc Proceres, qu'on a dü depuis appeler les Pairs>, Enfin dans les anciennes Hiitoires d'Andeterre Sc de France les Pairs Sc les Barons du Royaume, cëft la même chofe. Notre vieux Fram ois les appeloit Beifi, Sc ceux d'entrëux qui. étoient diftingués par la naifiance, pour les biens & le nombre des Vaffaux, s'appeloient Hautbers ou Haut-Barons. Et cëft de-la , felon toute apparence, quëft venu Ie fief de Hautbert en Normandie , plutót que du {1) Epifl. 1, thctpé 6« X> Mémoire. O ij  («1) mordeHautSsrt, qui fignifieune cuirafle. Laplus ordinaire iïgnification du nom de Baron, & qui enhn eft devenue comme générale en France fous la troifieme race , eft celle qui défigne les affiftans des Ducs, tk des Comtes dans leurs Provinces. Nous avons vu comme chaque Comte ou Duc étoit luimême Préfident de la Juftice dans fon diftrict, tk devoit juger avec fes Barons, cëft-a-dire , les Nobles ÖC les gens tenans fiefs de lui dans fétendue de fa Province. Aufti ils étoient appelés Pairs, comme nous avons vu , de-la vient qu'on difoit: la Pour des Pairs ou des Barons d'une telle Province, les Pairs ou les Barons de Flandres, la Pour des Pairs ou des Barons de Verniandois, de Bourgogne, &c. tk ainfi des autres. Ces Barons étoient obligés d'aflïfter leur Seigneur , non - feulement -dans les tribunaux pour rendre Juftice, mais auflï a la guerre. Mais comme il eft arrivé que les Comtes de fimples Juges ou Baillifs de Robecourte des Provinces en font devenus Seigneurs tk Grands du Royaume, ainfi e;f-il arrivé que plufieurs Barons fe font fi fort élevés ou par leurs fervices ou par leurs grands biens, & le nombre de leurs Vaflaux, qu'ils ont a peu-prcs égalé les Pairs de France, les Ducs tk les Comtes. Dans une ordonnance de Philippe III, pere de Philippe-le-Bel, de l'an 1275 , apres les Pairs de France & plufieurs Ducs 5c Comtes, font rangés comme dans la même clafle/les Barons de Narbonne, de Beaujeu, Scmè Coucy : & peu de gens ignorent qu'il y avoit en France quatre Baronies pr'incipales , celles de Coucy , de Craon , de Sully tk de Beaujeu, lefqUelles avoient féance entre les Grands du Royaume. La Maifon de Monrmorency tenoit a honneur que fes ancêtres euflent porté le nom de premiers Barons de France, comme le prouye du Chejne, 1'Hiftorieo de cette Maifon.  ( mti Les droits des Baronies & des Barons étoient d'a* voir marché , Chatellenies , péage , cS" lige efitige y comme il eft porté dans les établiflëmens de faint Louis, ou l'on trouve auflï (i) que le Bers a toute jujlice en fa terre , ne li Roi ne peut mettre ban en la terre au Baron fans jon afentement. Entre les cas dont le jugement appartenoit aux Seigneurs de Haute-Juftice de Baronie, lont comprés (2) traifon , rapt, arfon, meurtre, encis,& tous crimes oü il a pe'ril de perdre vie ou membre, La oü Ven fefoit bataille , cëft-a-dire , trahifon, rapt, incendie , meurtre, incifion & tous crimes qui emporte mort ou mutilation de membre, pour quoi l'on ordonnoit lëpreuvedu duel. Philippe de Bcaumanoir, dans la Coutume de Beauvais , chap. 58 , compte entre les priviléges du Baron de pouvoir fe fervir en temps de guerre des chateaux & fortereffes de fes Vaffaux pour fa propre défenfe, & auflï de pouvoir obliger fes Vaffaux de 1'accommoder par vente ou échange, de toutes les terres & poffcffions joignant la Baronie qui font a fa bienféance. II y avoit donc autrefois beaucoup d'honneur a être Baron , aujourd'hui perfonne nën veut plus même porrer le nom. Je n'ai point fait entrer ftiiftorre de la dignité de Marquis dans fon ordre, felon lequel elle devoit être devant les Barons & peut-être devant les Comtes; j'ai fait cette omifhon pour deux raifons: la première , que cette dignité eft très-peu connue & rare dans Tanden gouvernement de la Monarchie Francoife. La feccnde , que les Marquis ne doivent pas être diftingués des Comtes; car les Comtes étoient, comme nous avons vu , Gouverneurs, Juges & Con- (1) Lib. 1,0. 3 Comte de nHrri 'l, gen8ralemetK tOLls les au^> étoient jj- tres chez eux, & ne dépendoient en rien d„ des Va"! '"? I CXCePreifl0mmaSe'& 1« devoirs VaffSS L f Se,g"fUrS' Encore ces dr°irS de qu p'ïfoi Tnt f0,rr.mal exercés> & tout autant levoient iur leurs fujets les impöts qu'ils jugeoient etre nece/Taires pour la confer/ation^e I ufE ar en ofatenant pourtant permiffion des Etats de a Province dont ils étoient Ducs ou Comtes Car le partage de Ia Monarchie ne fe fit pas au préfu ice ieSrsté3 F' COnf£rVa rOU'°UrS f« droits PC sSeï J7°Tepa" cou,'ouh le Roi dans r« fis re lui fó hoient Pa* ^«jours fes intéréts, ils ne lui fou mlloient ni hommes ni argent qu'autant que bon leur fembloit. Le Roi n'avoit aucnn Ducou?o ! 'j^0™^ autant que Ie Prince, ce oui Pft de la Pr°T« ,ui en donnoit. Enfin ce qm eft une marqué de pleirie fouveraineté, les  { «O Princes fe faifoient entrëux la guerre, & la faifoient au Roi même quand ils jugeoient que cela étoit de leur intérêt. Toute notre Hiftoire eft pleine de preuves de ce fait. L'an 1032, Odon , Comte de Champagne, & Baudouin , Comte de Flandres , firent la guerre a Henry I, perit-fiis de Hugues Capet, en faveur de fon frere Robert, que le pere & les Etats du Royaume avoient exclus de la Couronne, quoiqu'il fut Taïné. Sous le même Roi Henry t il y eut en Normandie une guerre entre les héritiers du Duc Robert. Guillaume le B.itard^lsdc Robert, fut invefli de la Duché par Henry I; les légitimes héritiers, quoique dans undegré plus reculé, voulurent fe faire raifon par les armes. Henry foutint 1'affaire de Guillaume. Mais les autres, quoique Seigneurs particuliers, & même affez petirs Seigneurs , réfiflerent par les armes au Roi lui même , cV ne céderent que paree qu'ils fe trouverent les plus foibles. Guillaume le Bdtard, qui fut depuis Roi d'Angleterre , mais qui pour-lors n'étoit que Duc de. Normandie , Duché qu'il ne tenoit, pour ainfi dire, que de Henry., fit pourtant la 'guerre a fon_ Seigneur, hattit les Francois l'an 1040; le Roi luimême y fut battu , tk fe vit obligé de faire la paix de pair apair. Sous Philippe 1, l'an 1063, Go defroy Martel , Comte d'Anjou & de Touraine , comme Souverain & maïtre de fes aclions, fit la guerre au Duc d'Aquitaine, le battit, le rendit tributaire, & le fit fon Vaffal, quoique les Comtes d'Anjou tk de Touraine euifent jufques la relevé des Ducs de Guyenne. Robert, Comte de Flandres, l'an 1072, eut une grofïe guerre contre le Roi de France fon Seigneur defief, battit les Francois dans la fameufe bataille de Caflel, tk donna la paix au Roi plutbt qu'il ne la recut. Le même Roi Philippe I, dans fa vieillefle, eut une guerre contre Guy de Rochefort, Etienne, Comte de ChamX. Mémoire.  £agTie,Së Ie Seigneur de Gournay. Louis, Pnncëf de France ,qui fur depuis Roi fous lenom de Louis* le-Gros, termina cette affaire par la voie des armes, Le même Louisle-Gros , au commencement de fon regne , vit une ligue qui fe forma contre lui, de plufieurs Seigneurs , lefquels après la paix faire, ne voulurent point être traités Sc confidérés comme rebelles, Sous ce même regne il y eut une guerre {>our Ia fucceifion de la Comté de Flandres, après amort de Robert Frifon > entre Guy de Bourgogne, & Guillaume, fils du Duc Robert-. Et les Princes ne reconnurent dans le Roi de France aucun caractere •qui lui donnat pouvoir de terminer leurs différens avec autorité. Le même Louis-le-Gros eut guerre contre le Comte d'Auvergne & le Duc de Guyenne; cette guerre finit par la paix de 1132. Ce même Hoi eut auffi guerre contre Thibault , Comte de Champagne , la paix fe fit en 1133. R faudroit copier toute notre Hiftoire pour épuifer les exemples de cette nature. Cela donc fait voir évidemment la fouveraineté des Ducs Sc des Comtes d'alors. Cëft de cette fouveraineté fur les Provinces Sc du partage de Ia Monarchie entre 'plufieurs Souverains , quëft venue 1'aliénation des Provinces Sc la domination des étrangers dans le Royaume. Les grands fiefs de la Couronne pafloient dans d'autres Maifons par des filies & par des alliances , tant on connoiffoit peu alors la Loi Salique, qui exclutles femmes de tout hef noble en France. Et les grands Domaines par des alliances ont pafte dans les mains des Princes étrangers. L'an 1153 , Henry, Comte d'Anjou , fuccéda a Etienne, Roi d'Angleterre , Sc emporta avec lui les Comtés d'Anjou , de Touraine, le Duché de Guyenne , joints au Duché de Normandie. Cëft ce qui mit les Anglois en poflefïlon de prefque la moitié du Royaume, Sc eau fa dans la fuite tant de guerres. Par toutes ces preuves  ( "3 ) Heft conftarit quê les Ducs & les Comfes danScê temps-la étoient Souverains en France des Provinces qu'ils y poffédoieut, ne réfervant au Roi que 1'hommage. Or préfentement comparez ct gouvernement a celui d'aujourd'hui, il eft tout aufti diftérent que le font a préfent celui de rAllemagne & celui de France. Aujourd'hui les Ducs 8c Comtes font devenus de vains titres: leRoi eft maïrre ablolu 8c Souverain par-tout i les Gentilshommes & les peuples de toutes les Provinces lui font foumis. II n'y a plus de fortereffe , plus de droit de faire guerfe que dans fes mains : tout Prince qui oferoit lever la tête & parler de prendre les armes contre le Roi, quelque tyran qu'il fut, feroit coupable de rébellion. Les Princes & les Ducs font auffi foumis & abaiffés fous le Roi, que les plus petits de tous les lujets. Le Roi sëft rendu maïtre de tous les Etats de ces Sou-, verains, 8c les a annexés a perpétuité a la Couronne. On ne peut pas voir un plus grand changement de gouvernement. Et fi aujourd'hui 1'Empereur s'étoit rendu maïtre de tous les domaines des Princes &C des Etats libres de 1'Empire , ne leur laiffant que les vains noms de Ducs , de Comtes, 8c de villes impériales, on fe moqueroit de lui, 8c on auroit droit de Ie faire, s'il foutenoit qu'il exerce le pouvoir qu'il a hérité de fes ancêtres •, qu'il n'a point fondé fa Monarchie fur un nouveau gouvernement, & qu'elle roule fur Tanden pied. Et par conféquent lorfque la Cour foutient que le Roi exerce aujourd'hui fur les Grands du Royaume le pouvoir qu'il a toujours eu, la prétention eft évidemment fauffe. Mais ici les fiatteurs de la Cour diront que nous voulons faire regarder dans l'hiftoire de nos Rois comme le foible, ce qui en eft véritablement le fort. Que cëft une obligation que nous avons alla troifieme race des Rois de France d'avoir réurri les Provinces qui avoient été aliénées ; que fous X. Mémoire^  («4 r les Rois de la première & de la feconde race, les Ducs Sc les Comtes n'étoient que les Gouverneurs de leurs Provinces : que ces Gouvernemens n'étoient pas même héréditaires : que par ia foiblelfe du Gouvernement, les Ducs & les Comtes s'étoient faits Souverains : que les Rois ont été en droit de les faire retourner a leur ancienne origine : que cette multitude de petits Souverains dans un grand Etat en eft la ruine : que cela y entretient des guerres : qu'un grand corps divifé devient foible : que la France durant ce Gouvernement a été la proie des étrangers, & qu'elle allumoit a tout coup le feu dans fes propres entrailles; enfin que cëft le plus grand coup de fagefte Sc de politique qui jamais ait été fait, que cette réunion des Provinces a la Couronne : que par - la le Royaume eft devenu une efpece d'Empire, & que cëft ce qui 1'a rendu fi redoutable aux étrangers. Voila qui eft bien fpécieux. Mais pour faire tornber ce bel édifice, il n'y a qu'a ramener la comparailon de FAiiemagne Sc de la France. II faut favoir que du temps de Charlemagne , le Gouvernement étoit le même en France Sc en Allemagne, fous un feul maïtre. Les Gouvernemens, les Duchés &c les Comtés en Allemagne étoient a vie comme en France, il n'y avoit au-dela Sc au deca du Rhin qu'un feul Seigneur. Cela dura lous les fucceffeürs de Charlemagne, qui eurent quelque vigueur. Mais le Gouvernement au-dela du Rhin s'affoiblir comme deca ; même chofe arriva en Allemagne quën France : les Gouverneurs des Provinces sën rendirent les maïtres Sc les fouverains. Et dela font venus les Ducs Sc Comtes Palatins, de Baviere, de Brunfwick, de Lunebourg, Sc généralement tous les autres : les Villes puiffanres Sc riches que les petits Souverains ne purent dompter , ne demeurerent pourtant pas fujettes de 1'Empereur ,  C. ) Ac Normandle, de Bourgogne & d'Aquita'me , tenoient paifibles leurs Duchés. Et les Comtes de Touloufe , de Flandres, d'Auvergne, de Vermandols, d'Anjou & autres, qui étoient héréditaires en leurs Comtés, les pojfédoient paijïllement. Au moins eft ii certain que cette poftcffion des Provinces du Royaume, en propriété par les Seigneurs, a commence un fiecle ou deux avant Hugues Capet, qu'elle a duré plus de deux »u trois cents ans après lui. II me femble qife cinq ou fix cents ans fuffifent pour une prefcription. II eft vrai qu'il y a des droits qui ne fe prefcrivent jamais; & tel eft Ie droit des peuples. Mais chacun fait que de Seigneur a Seigneur prefcription a • toujours eu lieu. Quant a ce qu'on dit des maux qui venoient de la divifion & de la puiffance de la Monarchie, qui sëft augmenrée par la réunion, j'y répons quën tout Gouvernement il y a du bien & du mal : ii eft vrai qu'il y a de 1'incommodité en plufieurs rencontres dans un Gouvernement, rel qu'étoit celui de France autrefois, & tel quëft celui d'Aliemagne aujourd'hui. Mais ces incommodités du Gouvernement ne donnent point droit A 1'Empereur de fe faire feul Seigneur. Ainfi ces Incommodités n'ont point donné droit aux Rois de France de ravir par violence &c par fraude les biens appartenants a leur Vaffaux. II eft vrai, un Roi eft bien plus puiffant quand il fe rend fouverain de tout, & fait de fes Vaffaux fes fujets. Mais ce nëft pas la puilfance du Monarque qui fait Ie bien de la monarchie & des peuples; au con» traire , cëft ce qui rend les peuples miférables : car plus un Prince eft puiffant, plus les fujets font opprimés, plus nl faut de chofes pour foutenir le luxe & la grandeur du Prince. La France a été déchirée de plufieurs guerres, quand elle étoit divi-  . i u? ) fee en plufieurs fouverainetés il eft vrai. Maïs elle ne Ta été gueres moins depuis les réunions. L'Allernagne, toute divifée qu'elle eft, ne lailTc pas de fubfifter avec gloire ; la Monarchie Francoife fe feroit aufti fort bien confervée, fans que les Rois euflent opprimé fa liberté. Un peu davantage de reputation au-dehors ne récompenfe gueres de la perte de la liberré, & de tant de fang , de biens, de repos , de tranquillité , de paix, que nous ravit la puiffance d'un feul Monarque , qui a anéanti tous les Seigneurs, pour être feul Souverain Seigneur. A AMSTERDAM, le i? Ayril itfpo. X Mcmoire,' P ï\  ( *** ) XI. MÉMOIRE. Du premier de Juin iópo. De l'ancien Gouvernement par rapport au peuple : La France n avoit pas de troupes réglées : quand elles ont commencé. La Nobleffè portoit le fardeau de la guerre. Les impots étoient autrefois inconnus : quand ils ont commencé. Récapitulation & conclujion de tout le précédent. JSfous avons corifidéré Tanden Gouvernement de la Monarchie Francoife par rapport a toute la Nation en général, en faifant Thiftoire des droits du peuple fur Télection Sc la dépofition des Rois, Sc en rapportant fidélement Tétendue du pouvoir des Etats du Royaume affemblés. Nous avons auffi vu la forme de Tanden Gouvernement par rapport aux Pariemens Sc aux autres Xr'bunaux de Juftice, par rapport aux premières charges 'du Royaume, Sc enfin par rapport aux dignités Sc  ( "> 5 a la Noblefle. II ne nous refte plus pour donner une parfaite idee de eet ancien Gouvernement, que de le regarder par rapport au peuple diftingué desGrands &c de la Noblefle. II eft certain que le peuple eft celui quï porte les fardeaux , particuliérement en France. Son joug eft d'une pefanteur, & fon efclavage d'une étendue qui pafte toute imagination; on le peut voir dans les premiers chapittes de eet Ouvrage, II faut voir préfentement li au commencement il en étoit ainfi. Les fardeaux des peuples fe réduifent a deux griefs: cëft le faix de ia guerre qu'on lui fait porter, & celui des tributs qu'on impofe fur lui. Nous allons voir comment autrefois il ne portoit ni 1'un ni 1'autre de ces fardeaux. Premiérement pour celui de la Guerre, il faut favoir que ni dans la première , ni dans la feconde , ni même bien-avant dans la troifieme race de 'nos Rois, on nëntreteiioit point durant la paix de troupes réglées-, troupes, qui non-feulement font 1'accablement des peuples, puifqu'il faut perpéruellement foutenir des armées comme en temps de guerre, mais qui font le plus funefte ihftrurrient de la tyrannie , & le moyen le plus efticace de l'oppreflion de ia liberté. Nos Rois étoient fi fort éloignés d'avoir toujours , comme on a aujourd'hui, des armées fur pied répandues dans tout le Royaume , qu'ils n'avoient pas même de troupes réglées pour leurs gardes-, les régirnens des Gardes-Suifles, Ecoffoifes, étoient inconnus alors , auffi-bien que les Gardes-Francoifes, les Moufquetaires, Gendarmes,^ cV autres troupes réglées qu'on appelle la Maifon du Roi, & qui font la terreur des fujets. Entre tous les caraéieres de la tyrannie , il n'y en a pas un qu'on ait plus remarqué que celui-la. Cëft de fe maintenir fur le Tróne par des armées. Cëft une preuve qu'on regne par violence , &c XI. Mémoire. P iij  quën n'a pas portr foi 1'inclination des peuples auxquels on commande. Les Empereurs Romains qui ufurperent la domination dans Rome, Sc opprimerent la liberté de la République , avoient toujours prés dëux les cohortes Prétoriennes, cëft-adire une armée complette. Mais cëft paree qu'ils étoient tyrans Sc ufurpateurs. Ces Empereurs avoient des légions répandues dans toutes les Provinces, bien moins pour garder les frontieres de 1'Empire, que pour retenir les peuples de leur domination dans lëfclavage. Et le Grand Seigneur a toujours fes Janiftatres qui tont la force de fon Empire, & qui lui font de néceffité abfolue pour contenir fes fujets •, paree qu'il ne regne que par violence Sc par contrainte. Nos Rois nëtoient point ainfi autrefois, paree qu'ils nëtoient pas tyrans : ils. n'avoient autre Garde que leurs Officiers Sc leurs Qomefliques , av«c 1'inclination Sc 1'amour des peuples. On n'a qu'a lire notre hiftoire, pour voir fi l'on y trouvéra quelque tracé de ce grand appareil de guerre, au milieu duquel vivent aujourd'hui nos Rois dans le temps de la plus prafonde paix. On peut prouver ce que nous avancons par cliverfes circonftances qui fe trouvent dans l'hiftoire. Par exemple (i) Grégoire de Tours, Sc (i) Ai' moinus , difent que le Roi Gontran fut averti par un homme du peuple de la ville de Paris de fe donner de garde des ernbüches que lui dreffok faraulphe ; il fe donna des gardes armés qui 1'accompagnoient par-tout, même jufque dans les lieux fa- (i) Grégoire , lik. 7 , cap. 1 $. (ij Ai moinus lib. 3 ,eap. 63.  (*30 «rés, difent ces Auteurs. Si alors les Rois euflenreu dee gardes, comme ils en ont aujourd'hui, Gontran n'auroit pas eu befoin d'en lever & de sën fortifier comme il fit. Alors il n'étoit pas ordinaire aux Rois de marcher entre des gensarmés; aujourd'hui cela ne fe fait pas autrement. Nous avons encore ladeiïus un témoignage bien expres de Guillaume de Brige dans l'hiftoire d'Angleterre. (i) Philippe, Roi de France, appeié Augufie II du nom, étoit en guerre avec Richard, Roi d'Angleterre ; & quoisue ce dernicr fut dans la Paleftine a faire la guerre aux Sarrazains, Philippe feignit que Richard drefioit des embüches a fa vie, par des aftaffins a fes gages. CV eft pourquoi, dit eet Auteur, il ne marchoit jamaisqu'environné'd'unegrojfe garde, contre la coutume de fes préde'cejfeurs. Ce qui fit périr quelques perfonnes qui s'approcherent de lui un peu trop famillérenunt. Plufieurs trouverent cette nouveauté étrange, il ajfembla les Prélats & les Grands du Royaume en Parlement pour les fatisfaire la-deffus , & pour les irriter contre le Roi d'Angleterre. II avanca contre ce Roi plufieurs chofes comme certaines, & entre les autres , quil avoit fait périr malheureufement un grand Seigneur, il produifit des lettres quil difoit lui avoir été envoyées par quelques Grands qui Vavertiftoient quil eut a prendre garde a lui , & que Richard avoit envoyé d'Oriënt des ajfaffins pour le tuer. C'eft pourquoi , ajouta-t-if on nedoit pas s'étonner que, contre la coutume, je mefajfe garder par des hommes armés. Cependant fi ma garde vous paroït indecente ou fuperflue, on la peut congédier. Pourquoi tant de myftere ? & i (i) Lib. 4 , c. i, £1. Mémoire, P ij  (2 J1 ) quoi bon cette apologie, li les Rois d'alors, comrna ceux d'aujourd'hui, avoient toujours eudes armées autour d'eux? Auffi 1'Auteur dit exprelïémënr que Philippe Auguf.e fit en cela ce qui n'avoit jamais été pratiqué par fes ancêrres. II elf bien aifé a juger que fi les Rois n'avoient pas d'armées, & des gardes autour de leurs perfonnes, il n'y en avoit pas beaucoup dans le refte du Royaume. On ne veut pas nier abfolument que les Rois ne tinffent fur pied en tout temps quelque infanterie Sc quelque cavalerie pour la garde des frontieres, mais c'étoit trés peudechofeentempsdepaix. Etces troupes pour être en trop petit nembre, ue pouvoient fervir aopprimer la liberté du Royaume, Charles F7/futle premier qui établit ces Troupes réglées durant la paix. Les horribles guerres qu'il avoit eues afoutenir contre les Anglois, & le péril ou il pouvoit tomberde fe trouver dans des maux lemblables a ceux dont il venoit de forrir , lervirent de prétextes poour rétablilfement de ces Troupes réglées. Rérablit quinze eens Lances &c quatre miile Ai chers, lefquels il diftribua dans les villes du Royaume, pour y être entretenus. C'étoit environ cinq ou fix mille hommes dont le peuple étoit chargé: quëft-ce que cela pour un fi grand Etat; Certe précaurion paroifloit jufte , Sc eet étabiifïement néceffaire. Cependant §'a été la première fource de nos malheurs. Depuis ce temps les Rois ont entretenu des Troupes toujours fur pied, Sc sën font fervis pour opprimer leurs peuples, Louis XI, fils de. Charles VII, fut bien profiter de cette nouvelle inftitution ; & ceux qui ont lu l'hiftoire, favent comment il s'aurorifa par ce moyen , Sc commenca a jeter les fondemens de la tyrannie fous laquelle nous gémiflons-aujourd'hui. li ne fe contenta pas des 7 roupes Francoifes, il eut des Gardes-Suiffes, Sc mit le Royaume entre les mains des étrangers, Mais, dira-t-on, quand même  (lil) il n'y auroit pas eu de Trou pes réglées ayant Charles VU , les guerres étoit extrêmement fréquentes; il 'falloit que le peuple en portat le fardeau. On répond que non , & voici comme la chofe fe faifoit. Dans le temps de lëtabliffement de la Monarchie, les biens, cëft-a dire , les fonds, furent divifés en biens Féodaux & biens Allo al aux, Fiefs & Alleuds. Les fiefs au commencement s'appeloient bénéfices, & furer. tenfuite appelés Feudada mot Fides, paree que ceux a qui on les donnoit, devoient fe reconncitre vaffaux de ceux de qui ils les recevoieut, ils étoient obligés de leur prêter foi ck hommage , & de les fervir a la guerre. Les bénéfices ou fiefs furent au commencement a vie & non héréditares. lis le devinrent fous la feconuerace de nos Rois. Mais ils demeurerent chargés des mêmes devoirs que quand ils n'étoient p-fiédés qu'a^vie. Dans le temps que les Fiefs changeoienr de mar.re par la mort ds celui qui les poffédoit, les polïefieurs étoient chargés du devoir de fe trouver a la guerre toutes les fois qu'ils en étoient requis par leur Seigneur de fief, car c'étoit la condition fous laquelle ces fiefs fe donnoient. Lorfque les fiefs devenoient héréditaires , iïs demeuroient chargés de cette néceffité. Le Roi avoit fous lui les Comtes & les Ducs qui relevoient immédiatement de lui; chaque Comte & Duc avoit fous lui fes Barons.J-orfque le Roi vouloit faire la guerre, il faifoit avertir les Ducs & Comtes de fon Royaume; les Ducs & Comtes faifoient affembler leurs Barons, chaque Baron avoit fes vaffaux , & ii étoit obligé de mener a la guerre tous fes vaffaux tenant les fiefs & arriere fiefs. Si le Comte ou Duc avoit une guerre en particulier contre un autre Seigneur, il affembloit pareillement fes Barons , & les Barons tous leurs vaffaux pour le fervice de leur Seigneur. II y étoient obligés, XI. Mémoire.  & s ils y manquoient ils perdoient leur fief, comme portent expreflément lef anciennes Loix' (TSi TiiTnti ere C°™°^P*rles LoixpourlitZ tite du R0l,fon contre Vennemi ou pour auelaUe l U " ,convocaiions s'appeloient Bannus ti'&Tr *r «^banTd'un mot t ia déc arer V" UfagB' P°»r Palier, öeclarer proclamer, convoquer a cri public Cela «Ppeloit auffi, hojlem denuntiarc, lolemTndl"re , populum in hojlem convocare Et k "on vt canon s appeloit HoJIile bannum. On lit dans les VrlrZaf.°nni Jyerat0«s nemo prtrtermittere ^ co™°q»e contre Vennemi, de méprUer le conitant, & dont toutes les Loix & les hiftoires anaennes font remplies. Or il eft clair felon cïa que le fardeau dek guerre tomboit fur les No & non fur le peuple. C'eft ce que reconnoit Pal fZtl*LT*d ^ ^ f" -^e/de! r,\ , (3i- ^ * /tf difiribution de ces terres beneficiales & allodiales il n'étoit point mennon de taüles ains étoient les NoblesZul dj fupporter h caufe de leurs Seigneuries le fax ZTes-> l\eft vrai£3ueles ^ aiioL J Z rem charges de e*ns & rentes a cette même fin, c'eft. ^-dire pourfoutenir le fardeau de la guerre ces biens Allodtaux étoient les biens propïïs & patr momaux app-artenans a chaque familieZ"£j$5, (0 Lex Ripuar. cap. £y. (i) Cap. 7. Ü) Cap, 13,  I *35 J & qui pafToient aux héritiers fans aucune permif fion du Prince. Ces biens au commencement étoient francs de toutes charges tant militaire* qu'autres.Mai's paree que ies Comtes, Barons tk Gentilshommes, qui A caufe de leurs fiefs étoient obligés de foutetenir la guerre, fe trouvoient fouvent trop chargés , ils impofoient fur les biens Allodiaux des eens &c rentes pour contribuer a iëntretien des armes. Et de-la eft venu qu'aujourd'hui les Alleuds fe trouvent chargés de eens tk rentes, tk que par-la ils font diftingués des Biens nobles qu'on appelle Fiefs, a lëxception de certains fonds qu'on appelle Francs-Alleuds, qui ont confervé 1'ancienne franchife de biens Allodiaux. Mais ces eens tk. lentes dont ces biens furent chargés, n'étoient rien de confidérable, tk ne chargeoient point le peuple, tant paree que cela n'alloit pas loin, que paree que le fardeau tomboit lur toutes les terres Allo diales , en quelque main qu'elles fuflent, loit des Nobles, foit de ceux qui ne 1'étoient pas. Ainfi les Nobles portoient toujours le grand fardeau comme les plus riches. Chaque Comte ou Duc étoit obligé par le ban du Roi de lui mener tant de Barons, &C chaque Baron menoit tant de Chevaliers, 1'un cinq, 1'autre quatre, un autre dix , plus ou moins felon la qualité tk la force du fief qu'il poffédoit. Entre ceux-la il y en avoit qu'on appeloit Bannerets , paree qu'ils avoient alfez de vaffaux pour en faire des compagnies qui marchoient fous des enfeignes & des bannieres; cëft pourquoi on les.appeloit Vexiliarii ou Bannerets. II y en avoit qui menoient jufqu'a deux cents hommes a leur Seigneur pour faire la guerre. Et ces troupes devoient êtrê entretenues aux dépens des Seigneurs de fiefs. Nous avons une preuve certaine de tout cela dans notre ban & arriereban que le Roi convoque quand il le juge h propos. II eft arrivé deux grands changé XL Mémoire-,  ( *30 mens dans le Gouvernement a eet égard. Le premier cëft que les fiefs ou terres nobles après être deyenues héréditaires, font auffi par vente & par aliénatkm paffées dans les rrïains des Roturiers, lefquels n'étant pas de la profeffion des armes, ne pouvoient être obligés a marcher a la guerre daos les convocations des Nobles pour caufe de guerre. Au cqmmencement on s'oppofa a cela, paree que cela diminuoit les gens de guerre fur lelquels le Prince pouvoir compter. Mais dans la fuite la coutume sën érablit, & cela- donna lieu aux FrancsFiefs, qui font des taxes que les Roturiers doivent au Roi a caufe de leurs Fiefs, & en confidération de ce qu'on leur perftiet de pofléder des biens nobles & proprement militairés, fans être obligés a marcher a la guerre. L'autre changement cëft Timpofition des impöts pour lëntretien des Troupes réglées :'les Princes ont trouvé ces Troupes beaucoup plus commodes & plus utiles. Et depuis ce tempsïa on a ceffe de convoquer la NoblelTe a la guerre excepté dans les occafions preftantes; Teüëment que ce qu'on appelle Ban & Arrïereban, qui fe convoquoit toutes les fois que le Prince alloit a la guerre, ne fe convoque auiourd'hui que très-rarement. Ainfi la NoblelTe eft devenue franche, & le peuple a été chargé: la Nobleffe pofféde fes fiefs fans aucune charge &impöt, & le peuple a été chargé de tributs & impöts pour payer des gens a gage , afin de faire la guerre", que les Nobles étoient autrefois obligés de faire a leurs dépens. Et il eft arrivé un troifieme changement qui vient de Toopre'fion &i de Tabaiffement que ies Grands du Royaume ont louffert. Cëft qu'autrefois tous les Comtes & Ducs avoient pouvoir d'affembler Tarriereban de leurs p%ovine« -.Heribannus, convocationdu Seigneur, s'appeloient ces affemblées, paree que toi/Seigriêur de haut fiefle pouvoit faire. Mais aujourd'hui le Roi  T *37 ) sëtant fait le feul Seigneur, il a ufurpé le droit de convoquer feul la Nobielfe du Royaume. De cette difference entre 1'ancien droit & le nouveau il ennait une autre: cëft que le Roi, qui étoit le premier Seigneur du Royaume, n avoit pas lê pouvoir immédiat de convoquer tous les Gentilshommes du Royaume a 1'arriereban comme aujourd'hui. Chaque Comte devoit alTembler fes Barons , & chaque Baron les Vaffaux. Dans toute cette hiftoire de la forme de notre ancienne milice, il n'y a rien qui foit contefté & qui le puifle être. Par-la on voit que le peuple ne portoit point le fardeau des guerres : & que les Troupes réglées font de nouveile invention. Ce changement a rendu notre Nobleffe fainéante, en la déchargeant du fardeau de la guerre qui lui appartenoit propremenr. Et cependant elle nën eft pas devenue plus riche. Car elle a confumé enchiens, en chevaux pour la chaffe, en repas & en vains ornemens, ce qu'elle dépenfoit autrefois en chevaux de guerre tk en armes pour le fervice de 1'Etat. Et elle eft devenue fi incapable de difcipline militaire , & fi peu propre a foutenir la fatigue de la «uerre, que rien nëft plus miférable que ces troupes de ban & d'arriereban. Le Roi nën devroit jamais venir la; car cela ne fert qua montrer le néant & la décadence de la Noblefle Francoife, autrefois d'une fi grande réputation. • Le fecond fardeau qui accable les Peuples par la tyrannie, ce font les tailles, impöts, fubfides, &c Et fur cela il faut pofer comme un fondement certain & indubitable, que fous la première tk la feconde (i), tk bien avant fous la troifieme race de nos Rois, les tailles, fubfides & impöts étoient en- (i) Voyei les Recherches, de Pafquier, liv. 1, chap, 7. XI. Mémoire.  (*3*) tiérement inconnus. Les Princes foutenoient Ia té* penfe de la guerre par le mpyen de leur Noblefle, comme nous venons de le voir ; leurs Domaines, quelques redcvances , Sc tout au plus des dons gratuits lurvenoient aü refte. Dans le Chapitre ou nous avons parié des Etats-Généraux qui s'aflèmbloient tous les ans une ou deux fois, nous avons trouvé qu'un des ufages de ces aflembiées générales, étoit de préfenter aux Princes les'hommages Sc les préfens de la Nation. li ne faut pas s'imaginer que les prélens fuflent des impöts femblables, par exemple, a ceux que le Roi demande aux Etats de Languedoc Sc de Bretagne, qui montent a plufieurs millions, & qui accablent le Peuple tout de mêaie que les tailles perfonnelles. Ou cetoient de petits préfens qui ne fervoient qua témoigner la fujettion & a* faire hommage au Prince : ou cetoient des dons purement gratuits qu'on n'exigeoit point, auxquels on n'obligeoit perfonne, Sc pour lefquels on ne chagrinoit perfonne quand ils ne le payoient pas. Aimoin nous dit (i) que Pepin contralgnlt les Saxons a lui promettre obéijfancc, & que tous les ans ils lui ame'neroient dans le temps du Parlement général trois eens chevaux en préfent, honoris eaufa, dit 1'auteur, par hommage & non comme un tribut. 11 les contraignit, il eft vrai; mais cëft paree que c'é* toient des Peuples nouvehëment conquis, qui fe rebelloient fouveut, Sc contre lefquels il falloit prendre toute lorte de lüretés. Voici donc l'hiftoire véritable des impöts, de leur origine, Sc de la maniere dont on les levoit. Le plus fancien impöt dont on trouve qu'il loit fait mention dans nos Hiftoires , c'eft celui qui s'appeloit droit de Gijle Sc droit de (i) Parag. Lib, 4, cap. 6^  Chevauchic. Quand les Reis vifïtolent leurs Provm*' ces, les Archevêchés, Evêchés &C grandes Abbayes étoient obligés de les défrayer une nuit en paflant 5 les Bénéficiers fe déchargerent de ce joug, 8c fe racheterent par un tribut annuel, qui s'appeloit droic de Gijle, Les villes 8c les villages quand le Roi paffoit, étoient obligés de fournir des chevaux & des charrois pour les équipages de la Cour : on fe racheta de ce droit par un autre tribut, qui s'appela droit de Chevauchèc. Mais ces tributs étoient moins que rien. Un peu de temps avant S. Louis, les Rois commencerent a exiger des tributs de leurs. Peuples fous le nom de tailles , 8c en forme de ca- Sjtations. Mais ce n'étoit qu'en des cas très-extraorinaires, & pour être une fois payés. Cependann S. Louis par fon teftament défendit a fes enfans de lever des tailles fur fon Peuple. Quoique ce füc très-peu de chofe 8c que cela ne revint pas fouvent, le Peuple ne laifTa pas d'en murmurer. Ce qui obligea les defcendans de S. Louis, pour obtenir des lecours de leurs Peuples, plus confidérables dansles befoins, de les demander aux Etats-Généraux. Le Roi faifoit donc favoir a tous les Bailliages & Sénéchauffées du Royaume , qu'ils eufTent a afTembler le Clergé, la Noblefle & le tiers-Etat, pour advifer aux moyens de remédier aux défordres, & de fournir a la dépenfe desguerres, qu'on devoit avoir bientót, ou qu'on avoit déja. Ces Etats Provinciaux députoient de leurs Corps aux Etats-Généraux que le Roi avoit convoqués en certain lieu. Et la le Roi par la bouche de fon Chancelier demandoit le fecours dont il avoit befoin , & prioit 1'alfemblée de remédier aux défordres de 1'Etat, précifément comme cela fe fait encore aujourd'hui en Angleterre. Le. premier qui chargea d'impöts le Feuple, fut Philippe le-Eel. II exigea premiérement le centieme, 8c après, le cinquantieme denier de tous les reyenui, XL Mèmtjire,  ( 240 ) Les villes de Paris, de Rouen & d'Orle'ans fe ré*volterenr a cette occafion, & flrent mourir ceux qui avoier.r été commis a lalevée de ces deniers, Philippe • nefe térnoigna pks de refïèntiment de cerre injure, paree qu'hfentoit bien qu'il avoirtort;il voulut renrer de faire paffer un autre impót, qui n'étoit que de fix deniers pour livre fur le débit des denrées; mais perfonne ne voülut obéir. II reconnut bien par ces deux tentatives quejamais il ne viendroir a tout d'érablir cette nouveauté, fans 1'autoriré des Etats en qui réfidoit le pouvoir Sc les droits du Peuple. II fit donc affembler les Etats a Paris, les harangua luimême, leur repréfenta les néceifités urgentes oü il fe trouvoit, Sc en obtint ce qu'il voulut. Ce ne tut pourtant qu'une levée extraordinaire •, Sc ainfi ce n'étoit point ce que nous voyons aujourd'hui, C'étoit une levée femblable a celles qui fe font en Angleterre par ordre du Parlement affernblé. On revint fouvent a ces levées extraordinaires fous les S'ucceffeurs de Philippe-le-Bel, Louis Huün, Philippele-Long, Charlss-le-Bel, ie Roi Jehan Sc Charles cinquieme, mais toujours avec 1'autorité Sc le confentement des Etats affemblés. Ces impofitions s'appeierent au commencement ai des Sc fubfides, mots " honnêtcs qui fignifient Jecours, & qui expriment la raifon de nécefficé, pourquoi on les levoit. Cela ne duroit qu'un an, & fi les néceffités continuoient, il falloit faire de nouvelles dernandes au Peuple 6c aux Etats. Ces fubfides qui n'étoient au commencement que pour un an. s'accordcrent pour deux ans, puis pour trois, Sc ainfi de degré en degré on eft venu z les rendre perpétuels. Les marchandifes étoient chargées de ces fubfides. Ainfi celui qui achetoit te plus de chofes en payoit le plus. Mais peu de temps après on obtinr des Etats une levée par tête Sc par feu , qui fut appelée premiérement fouage , Sc puis taille, du même nom qu'on lui donne encore aujourd'hui.  JourcThui. Ce n'étoit rien, carles forrimës quori léVoit fur chacun étoient très-perires, encore 'cela né fe payoit qu'une bis. Mais ious Charles VII, qui eut tant d'affaires avec lesAngloiSj ceia fut rendu perpétuel. Et c'eft de ces petits germes que font ve-> hqs les effroyabies fardeaux qui accablent la France. Lan i 349, Philippe-de- Valeis obtint de la ville dé Paris feule un impor de fix deniers pour livre, fur les denrées pour un an feulement. Cct oitroj ne fut point exécuté, paree que Philippe-de-Valoismoürutj mais fon fils Jean en profira; & dans les années 13 5 2 & 13 5 3 , le même Roi Jean mit le même impöt fur les Sénéehauflées d'Anjou, du Maine, Sc fur le Bailüage de Senlis : mais avee permiffion Sc Confentement des Etats de ces Prövineesi La Reine de Sicilequi étoit alors Comteffe d'Anjou & du Maine, s'oppofa a cela, foutenant queleRoin'avoit pas droit de lever des tributs dans fón pays, Le Roi Jean traita avec elle, & pour la faire faire lui e$ donna Ja moitié. Le Roi Philippe-de-Valols y l'an 1342, avoit, par confentement des Etats-Généraux, mis un très-petit impót fur le Sel. Les Etats du Royaume affemblés l Paris fan 1354, accorderen! au Roi Jean augmentation de la gabelle du Se!, & outre cela hüit deniers pour livre de chaque marchandife qui feroit Vendue, Cë qui eur lied danS tout le Royaume. Voila comme infenfiblement le mal croït. En 13 j j & 'i 3 5 8 , a 1'occafion de la prifon du Roi Jean prifonnier en Angletérfe, il faüut lever de grands fubfides fur tout le Royaume, pour la rancon de ce Roi Si pour les frais de la guerre. Les Etats furent pour celatrès-fouvenr&rrès-long-temps affemblés, Si enfin on cotivint de donner au Régent , qui fut depuis Roi fous ie nom de Charles V, les fecours qu'il demandoit, Sc qui étoient néceffaires. Ce Charles V, qui fut furnommé le Sage, établit le droit de fouage , 011 tant par fsu * XJ. Mémoire. Q  ( *4* J S'oü font venues nos tailles lelquelles on impoTe par tête, cëft-a-dire , par familie : il nëut pourtant pas le crédit de rendre eet impöt perpétuel; il laifla eet ouvrage a faire a fes Succefleurs qui sën acquiterent bien. Durant les confufions du regne de Charles VI fon fils, & durant les horribles guerres civiles que cauferent les deux factions des Bourguignons & des Armagnacs, il eft aifé de juger que les affaires fe firent avec un très-grand défordre, & que chacun en prit par oü il put. Cependant ce ne fut pas encore fous ce regne que sëtablit la taille perpétuelle , ce ne fut que fous le fuivant. L'an 1388, Charles VI ordonna que quand on impoferoit des tailles , tous contribueroient, excepté les Nobles qui porteroient les armes, les Eccléfiaftiques & les mendians. Alors les Nobles fainéans & qui vivoient hors du fervice n'étoient donc pas exempts. Voila la fource des impöts d'aujourd'hui. L'impöt fur les marchandifes commenca par Philippe-le-Bel, environ l'an 1300. L'impöt fur le Sel fut commencé par Philippe-deValois , l'an 1342 , & les taiiles par tête commencerent fous Charles Vl'an 1376. Ces trois fortes d'impöts furent accordés par les trois Etats du Royaume, & devinrent perpétuels par leur confentement. Mais les Rois, qui ont régné depuis environ deux a trois eens ans, fe font donnés la liberté de les augmenter felon leurs prétendus befoins : & enfin les chofes en font venues aux extrêmités oü nous les voyons aujourd'hui. Ce nëft pas que les Etats en accordant les impöts ne cruflent avoir bien pris leurs mefures pour arrêter la tyrannie, les excès &C les mauvais ufages de ces finances deftinées uniquement pour le foutien de la guerre : car dans les Etats de l'an 1355, il fut ordonné que nul Tréforier ou Officier du Roi n'auroit la direction & le ma^ niement de ces deniers, mais que les trois Etats cona«  I ito ) I la réformation de 1'Etat fans pourtant travailler a le renverfer, & faire aucun préjudice a la familie régnante, ni même au Roi. Mais elles font trop impoitantes pour les propoler légerement & en peu de mots. Cëft pourquoi nous les remettrons a une autre fois. A AMSTERDAM, U 15 Juin i699.  I ) XIII. MÉMOIRE. Ru premier d'Aoüt Nou F ELLES preuves de la néceffité quil y a de reformer 1'Etat. Les dominations violentes ne fauroient être de duree. La gloire & la reputation d'un Etat ne depend pas de la puiffance arbitraire de fon Souverain : la reputation de la France ejl perdue. INJous avons deflein de faire fentir a tous les bons Francois combien il eft néceflaire de fe reveiller pour travailler au falut de la Narion, & de leur faire connoïtre qu'il eft impoffible d'y travailler avec efficace que par une réformation du Gouvernement. Nous avons déja fait voir que la tyrannie qui s'exerce aujourd'hui en France, met le Royaume dans un péril évident de defertion par les rerribles charges, dont le peuple eft accablé, de divifion & de guerre civile par la multitude infinie de mécontens , & enfin d'être partagé entre les étrangers par 1'union de tant de Puiflances qui concourent aujourXUI. Mmoire. R ijj  (***} d'hui a fa ruïne. A ces raifons qui prouvent Ia néceffité d'une prompte réformation, nous en avons d'autres a ajouter aujourd'hui. Sans avoir égard aux circonftances du temps préfent qui méritent pourtant qu'on y falfe attention , on peut dire que lëxccs oü le gouvernement eft rnonté en France depuis un fiede, & particuliérement fous" ce dernier regne, menace Ia Monarchie d'une prompte ruine : paree que les chofes violentes ne peuvent être de durée. Un gouvernement pour fe conferver doit être moderé : puifque les fujets doivent concourir a la confervation d'un Etat; 8c ifs n'y peuvent être engagés que par la perfuafion oü on les fait entrer que la félicité du Peuple dépend de la confervation du Gouvernement dans 1'état oü il eft. Mais comment féroit-il polïïble qu'une Nation entiere put entrer dans la penfée que le Gouvernement defpotique , tel qu'il s'exerce aujourd'hui en France, fut le meilleur pour la félicité du Peuple & des Sujets; Les plus prévenus, & les plus aveuglés partifans de la Cour de France tombent d'accord que les Sujets du Royaume font dans la fervitude, qu'ils n'ont rien a eux , que leurs biens & leurs vies font toujours comme en fair, dépendans du caprice d'un feul homme; que les particuliers font ruinés, & que rien nëft alfuré que leur mifére préfente, & ceile qui eft a venir, a moins qu'un changement n'arrive. II eft vrai que pour les confoler on leur repréfente que fi le Gouvernement arbitraire a fes incommodités, il a fes avantages qui prévalenr. On leur fait remarquer la promptitude deS expéditions de la France qui a fi fouvent achevé fes deffeins & fes conquêtes avant la faifon ordinaire de mettre les Armées en campagne, & qui eft toujours prête a tout: au lieu que fes ennemis font lents, prenent mal leurs mefures , concertent mal leurs deiTeins 8c les exécutenc avec une lenteur qui  ( *<3 ) les rend inutiles. Cela vient, dit-on, de ce que lesennemis ne font pas maïtres chez eux, & de ce que leurs réfolutions dépendent de tant de têtes: au lieu que le Roi étant maïtre abfölu il i\'a qua commander, &lëxécution fuit. Mais les Peuples ne trouvent la dedans qu'un très-miférable fecours pous foutenir la pelanteur du joug. Premiérement ite difent que la promptitude avec laquelle le Roi exécute fes defleins ne vient pas tant de ce pouvoir abfolu avec lequel il commande a fes Généraux 8c a. Officiers que de 1'abondance de 1'argent qu'il a eu jufqu'ici. Car fans argent il auroit eu beau commander, il n'auroit pu faire ces campagnes avancées 8c fouvent au ceeur de 1'hy ver qui coutent le doublé des autres. Mais cette abondance d'argenr qui donne au Roi tant de facilité pour 1'accompliflement de fes defieins eft ce qui fait la défolation du Royaume, Car c'eft Ie fang du Peuple , on 1'a tiré de les veines , le corps demeure donc afTecbé. Le Roi a tout les Peuples n'ont rien. Or il faudroit réfondre les hommes pour les amener ice point de défintéreffement de fouffrir fans murmure d'être dépouillés de leurs biens, paree qu'il en revient de la gloire & du plaifir au Souverain. De plus ils difent que ces viétoires du Roi 8c la facilité qu'il trouve a exécuter fes deifeins, ne venant que de ce que par une puiffance abfolue il exige des fujets tout ce qu'il lui plaït , quand il aura tout exigé Sc qu'il n'y aura plus rien , il faudra néceflairemenc que lui-même demeure dépourvu , 5c. foit expofé a un revers de fortune. Alors n'ayant plus ce reflort qui fait mouvoir , il ne fera plus fi promptement obéi, 6c le Royaume après avoit été épuife par le Maïtre, fe trouvera expofé a être mangé par les ennemis. Enfin le Peuple dit qu'il eft foit peu intéreffé dans la glbire d'un homme, lequel ne batit cette gloire que fur les ruines de leurs maifons t. XllL Mémoire, S W  t *'4 ) que les Provinces du cceur du Royaume qui compofent 1'Erat, n'en font pas mieux, paree que le Roi étend fes frontieres : qu'au contraire, plus le Roi devient puiffant, plus il aggrave le joug, 8c plus il eft en état d'affèrmir la tyrannie. II eft vrai qu'il y a bien des gens dans 4'Etat 8c dans les armées qui gagnent avec le Roi , 8c qui par conféquent ont intérêt a le foutenir dans la répuration de Conquéranr. Mais ces perfonnes ne penfent pas que leurs families 8c leurs enfans fe verront ravir par le fuccefteur & par le fils ce qu'ils auront acquis fous le pere. De plus ceux qui fervent le Roi dans fes armées, & qui par conféquent font les principaux Miniftres de fes conquêtes, n'y acquierent pour leurs maifons qu'une vaine reputation , mais ils y ruinent leurs enfans. II faut compter & voir s'il y a beaucoup de grandes maifons qui fe foient faites par Ia guerre : on en trouvera très-peu ; au contraire on en voit un grand nombre qui s'y font ruinées. Les fortunes qui fe font par les finances font a la vérité plus füres &plus communes ; mais on voit pourtant a quelles révolutions elles font fujettes. On verra avant que ie regne préfent foit fini, s'il reftera beaucoup de richeffes dans ces Maifons qui setoient faites fous les minifteres de Richelieu 8c de Ma^arin. Et dans le regne fuivant, on verra fi les maifons qui le font aujourd'hui fous Louis XIV auront le bonheur de fe conferver fous Louis XV. Et ainfi a bien compter tout, on ne voit pas que les financiers & les gens d'épée aient un grand intérêt a ' conferver le Gouvernement dans ce degré de puilfance abfolue oü il eft aujourd'hui. Mais fuppofons que les financiers & quelques Officiers d'armée aient intérêt a conferver Ia puiffance abfolue ; le peuple 8c le refte des fujets péuveht-ils entrer dans ces intéréts ? Que leur importe que le  . : *<5 ) Roi foit maïtre de la Lorraine, des Pays-Bas, de la Franche-Comté, qu'on lui compte cinq Provinces 8c plus de cent places ibumifes a fa domination ? en font-ils moins miférables > II eft vrai que les peuples a 1'abord fe laiffent furprendre par la gloire du Roi, ils content qu'ils ont parr a cette gloire, & l'on fe fait un plaifir d'être membre d'un Etat qui prend le deflus par-deffus fes voifins d'une lï grande hauteur; mais comme c'eft un plaifir purement chimérique 8c d'imagination, le charme ne dure pas long-temps. II pourroit durer fi tous les avantages qui reviennent proprement au Roi ne coïitoient rien aux fujets. Mais quand un peuple fe voit réduit a la derniere calamité, Sc privé de tout ce qui fait les douceurs de la vie, il perd bientöt le goüt des plaifirs imaginaires que la grandeur du Prince lui donne. Tout cela fait voir que des fujets ne fauroienx jamais être contens, s'ils ne font heureux. Et cela me conduit oü je veux aller, c'eft qu'il eft abfolument impoflïble qu'un Gouvernement fubfifte, long-temps quand il eft violent; paree qu'un Etat ne peut être confervé que par le concours unanime de tous fes membres pour la confervation. Quand il y a un fi grand nombre de mécontens, quelque peu confidérables qu'ils foient chacun en particulier, ils font toujours a craindre, & il eft impoflïble qu'ils ne caufent la ruine 8c la diflïpation d'un Etat par quelque cöté. Au lieu que les Gouvernemens modérés réuniflènt tous les cceurs, réjoignent tous les intéréts , Sc font que tous les membres du corps font prêts a fe facrificr peur conferver ce Gouvernement qu'ils éprouvent fi heureux Sc fi doux. II eft impoflïble qu'un Etat ne foit quelquefois troublé par des efprits inquiets Sc turbulents; mais ces efprits font incontinent Sc réprimés Sc accabiés par la muStitude. Qui eft-ce XIIf. Mémoire.  () qui fait 1» füreté de la République de Venife, St qui la fait fubfifter depuis mille ou douze cents ans au mdieu de tant d'ennemis & de tant de jaloux ? C'eft fon union; car il n'y a jamais eu dhtat dont les membres foient fi parfaitemeut unis , & ou les rébellions & les conjurations foient fi rares. Et doü vient cette uniou 3 Elle ne vient que de la douceur du Gouvernement : chacun s'intéreffe a conferver un Etat oü la profpérité & fon bonheur trouvent un port affuré. Au contraire nous voyons que les Monarchies oü le Gouvernement eft defpotique, & oü la puiffance eft arbitraire , ne peuvent durer. L'Empire des Chaldéens n'a pas dure cent ans dans fa grandeur. Car depuis Ciaxares ou NabopolaJJar, quiravirent 1'Empire aux Affyriens jufqu'a Darius de Mede qui fut le dernier Roi Babylonien, on ne compte qu'environ foixante-dix ans; depuis l'an du monde 3380 jufqu'a l'an 3450 ou un peu plus. Cyrus dans ce temps-la fe rendit maïtre de toutl'Orient par la conquête de 1'Empire des Chaldéens & des Medes. Mais ce grand & vafte Empire ne fubfifta gueres plus de deux cents ans; & Alexandre paffant en Afie l'an du monde 3 666, le détruifit en peu d'années. Mais eet Empire des Grecs lui-même ne dura pas cent cinquante ans dans quelque éclat. Les fuccefleurs d'Alexandre fe eonfumerent les uns les autres. Plufieurs Peuples reprirent leur liberté; les Parrhes enleverent aux Grecs toutce qu'ils avoient au-dela de 1'Euphrate,|& les Romains fe rendirent maïtres desRoyaumes des Seleucides & des Ptolemées. En moins de cinq ou fix cenrs ans , voila trois ou quatre Empïres paffés. Penfe-t-on que cette petite durée venoit uniquement de la puiflance des conquérans ? Ciaxares ou Nabopolajfar ruina 1'Empire de Ninive & des Affyriens, paree qu'il fut le plus fort. Cyw abattit 1 Empire des Chaldéens, paree que fon étoile fut  (**7) frpérietire a cclle de Babylont. Les Grecs viennent & détruifent 1'Empire des Perfes, paree quils font ou plus braves ou plus heureux. Les Romains viennent & fe rendent maïtres des biens des iucceffeurs SAlexandre , paree que les Grecs perdirent leur ancienne valeur par leur commerce contagieux avec les Afiatiques, & par 1'ufage des deiices de 1'Afie. C'eft bien la une partie de la vente, mais ce n'eft pas tout. Eft-il conftant que ces grandes 5C promptes révolutions venoient de la difpofinon des Peuples. Ces anciens Roi. de Ninive, de Babylone , des Perfes , & en général tous les Rois de lUrient étoient des tyrans, fous lefquels les Peuples étoient efclaves. Ce qui étoit caufe que les fujets nesintéreffoient pas dans la confervation de 1 Etat. 1 yran pour tvran il ne leur importoit guere qui lis euilent. Au contraire comme le préfent étoit ncs-incommode, ils efpéroient trouver mieux dans le changement & dans 1'avenir. II ne falloit en ce rempsla que gagner deux ou trois bafailles pour iubjuguertoufe la terre. Cela fe feroit-il pafte de cette maniere, fi les habitans d'un pays opiniatres a le conferver fous leur ancien maïtre , setoient cantonnés & retranchés par-tout, & avoient combatm jufqu'a 1'extrêmité ? Ils 1'auroient fait Tans doute. s'ils avoient combattu pour la liberté. Mais omfqu'ils étoient deftinés a avoir de facheux Maïtres, il leur importoit fort peu d'ou ils vmflent, ou de Ninive , ou de Babylone , ou de Perfe , ou de la Grece , ou de Rome. Qu'eft-ce qui a rendu les conquêtes fi difficiles aujourd'hui & qui les rend li rares ? C'eft cela. C'eft que chaque Nation a fes maïtres, elle s'en trouve bien , & ne s en veut pas défaire. ... f Contre ce que nous venons d etabhï , que les Monarchles oü le Gouvernement defpotique a lieu , ne peuvent pas être ds durée , on oppolera lans XIII. Mémoire.  (i6t) doute, k domination des Romains qui a duré lï ong-temps & celle des Turcs qui^ure depu S tant de fiecles. Pour ce qui eft de celle des Ro- Z'nP'eraieremeflt,elle n'a Pas duré auffi longan-Pfn? l' °" "P°Urr0IC, leJCr°ire- Home avoit cenTs an, iur ja tere que fa domination ne s'étendoit pas encore fort loin, & fa grandeur n a pas dmé plu & fix cents ans. De ces fix cents ans\ il y en a environ deux cents fous la République & quatre ce,nts fous les Empereurs Cp n'„a Sud«e «ni i j mPf,reu,rs- nelt pas une durée qm approche de celle de nos Monarchies qui compofent aujourd'hui le Chriftianifme. Deplus il n'eft Pas vrai que la domination des Romains quoiqu'étendue fort loin , fut pefante aux Peuples conqufs wTra're kS P-P!es-™ Plus LureuxloS ! n°fear maitr" qu,ls navoient 'es Tn eomn f GTeTer deS Provinces indolent wn compte exacte de leur conduite, ou au Sénat ou aU, ^ On n'y fouffroit' pas I'S comm? il TT f3"5 harallSU" de ^™ comme ü a defendu la caufe des Provinces qui de- «ando.ent juftice de la violence de quelques^GouÏllir1'^' drok de bowgeoifie de Ia P nvin Trc y 3VOit d'ilUlftre dan* 1" m ' 1 lf' 1 nmpire- Ainfi t0l,te la <™ ne devint eut „,7 S' danS leS mêmes intéréts , eut par aux memes priviléges, & jouiffoit paifiblernent d une affez grande liberté fóus la ville dl E fmnri, 'f* Ie\Romains entretenoient dans les frontieres de grandes armées, & une autre auprcs de la perfonne de 1'Empereur quelque part quil fut:cequi fupprimoit & emoêchoit tous les ZZTcI* ^-nftances ne fe trouvent p£ £ £I> A Pvvqü01 °5 nS doit l'ien conelure de la duree de i Empire Romain, en £aveur des  ( «* ) Monarchies d'aujourd'hui oü la puiflance defpotique a lieu. Pour ce qui eft de 1'Empire Turc, il eft vrai qu'il n'en eft pas comme de 1'Empire Romain. La domination des Romains étoit affez douce pour faire aimer leur gouvernement a leurs fujets. Mais celle du Turc eft violente , cruelle &c inlupportable : comment donc cetre Monarchie a-t-elle duré li longtemps ? Premierement il n'eft pas vrai que cette Monarchie ait duré fort long-temps: Ottoman le fondateur de eet Empire, ne commenca fes conquêtes qu'au commencement du quatrieme fiecle , & mourut l'an 1326; avant cela les Turcs étoient des voleurs qui étoient partagés en plufieurs bandes, qui pilloient 1'Orient. De plus la lubfiftance de eet Empire violent ne peut être tirée a conféquence •, paree que c'eft évidemment une oeuvre de la Providence qui veut affliger les Chrétiens & monifier 1'Egiife. Car autrement il femble que fi Dieu lailfoit aller les chofes dans leur cours naturel, eet Empire n'auroit pu durer long-temps a caufe des féditions & des révoltes, qui y font, & plus terribles & plus fréquentes que dans aucun autre Etat qui fut jamais. De plus eet Empire s'eft affermi par une voie qui aftbiblit tous les autres , c'eft en dépeuplant la terre de fes habitans. Les pays occupés par le Turc font de vaftes folitudes. Les Chrétiens nont garde de fecouer fon joug, car ils n'ont pas de forces pour cela. Ceux qui font reftés, font dans un abaiffement fort inconcevable, fans biens, fans armes, efclaves, & dépouillés de tous les aides qui foutiennent, ou qui relevent le courage. Outra cela le Turc s'eft rendu leul Seigneur de tous les fonds: il les donne en commanderies & en timariors a fes Janiflaires & a fes Spahis, qui font fes foldats &C fes Gendarmes. Enfin- le Turc domine; & la domination dure par la violence , paree que toutes XIII. Mémoire.  ( *7o J les Provinces font couvertes de grandes armées qui les défolent, qui les dévorent& les retiennent dans 1'efclavage. Ce n'eft pas ainfi que les Rois Chrétiens regnent 8c doivent régner. Les inclinations de leurs Peuples doivent être leurs principaux remparts. Auffi voit-on que les Monarchies Chrétiennes font bien plus anciennes que 1'Empire des Ottomans. La Monarchie Francoife a douze cents ans, & 1'Empire Turc n'en a pas quatre cents. Et felon toutes les apparences il roule du cöté de fa fin. Et il y a apparence qu'il fervira bientöt de nouvelle preuve a notre thefe; c'eft que les dominations violentes ne fauroient durer long-temps. Contre cela on oppofera peut-être la Monarchie Francoife qui eft fi ancienne nonobftant la puiffance defpotique qui y eft établie. Mais nous avons répondu a cela,en faifant voir que la Monarchie n'a pas fubfifté fous ce gouvernement, de fon origine. Ii n'y a pas quatre cents ans que Ia Nation Francoife étoit encore la plus libre qui fat dans 1'Europe. Son efclavage n'a proprement commencé que fous Louis XI, Sc n'a été porré a fon comble que fous Louis XIV. Ainfi on ne doit compter toutau-plus la durée de la tyrannie que depuis deux cents ans; encore y a-t-il eu depuis ce temps-la des regnes oü la liberté a pris le deftus, ou par la bonté des Princes fages, comme fut Louis XII, ou par les minorités Sc la foibleffe des autres. Ma propofirion demeurant ferme, c'eft que les Monarchies d'une puiffance defpotique ne peuvent durer, tous les Francois , qui aiment comme ils doivent, cette Monarchie fi glorieule par fes actions,& fi vénérable par fon antiquité , doivent pour fa gloire Sc pour fa confervation , ramener le doux gouvernement fous lequel ellea fubfifté tant de fiecles. II ne faut pas fe perfuader .que toutes ces Provinces nouveliement conquifes, puiffent parfaitement s'unir Sc s'incorporer avec nous.  ( 271 \ , Elles auront toujours leurs intéréts différens des notres, Sc des inciinations oppofées a celles de nos Monarques. C'eft pourquoi, fans avoir égard a conferver fes parties étrangeres Sc nouvellement coufues au corps, il faut penfer a la confervation du corps de 1'Etat. A tout cela les politiques ne manqueront pas d'oppofer qu'un tel changement ne pourroit arriver fans faire beaucoup baiffer la reputation de la Monarchie , que le gouvernement arbitraire eft infiniment plus propre pour la gloire de la Nation; que les particuliers en fouffrent, mais qu'il eft plus propro a faire des conquêtes Sc a. les conlerver. Mais je dis premierement la-dellus , que cette gloire de la nation Sc la reputation de cette Monarchie eft une vraie chimère. Suppofez que la terreur qu'une Nation imprime dans les efprits de fes voifins , Sc la facilité qu'elle trouve de les foumettre quand fon ambition le veut, foit la gloire Sc le bien de quelqu'un > En vérité ce n'eft ni le bien , ni la gloire du Peuple & des particuliers, c'eft uniquement le bien Sc la gloire du Monarque , qui par ce moyen regne fur ceux qui ne font pas fes Sujets, & qui agrandit les bornes de fa domination, Sc fe rend maïtre du bien d'autrui. Mais je vous prie,qu'en revient-il au Peuple > En eft-il moins miférable ? fon joug en eft-il moins pefant ? en a-t-il plus de biens & plus d'honneurs 3 ne languit-il pas dans la mifére Sc dans la baffeffe , & par conféquent dans la honte ? Pour moi je n'ai pas encore compris qu'un Hollandois honnête homme, riche Sc vivant dans la jouiflance de fa liberté, fut moins heureux & dans un état moins glorieux qu'un Francois miférable Sc efclave: a caufe que le Souverain du Hollandois fe contente de conferver 1'Etat , Sc que celui des Francois fait des conquêtes, Sc le piqué d'être Ia terreur de fes voifins. II eft vrai, c'eft une maladie XJU. Mémoire.  ( *7* ) des petits efprits ; un foldat eft tout fier des victoires que fon Général aura gagnées, pendant que lui aura été caché dans le bagage. Un fujet fe fait honneur de Ia gloire de fon Prince, pendant que d'aiüeurs il eft dans la honte de 1'efclavage. Mais puifque c'eft une maladie des petits efprits , les gens Pages s'en doivent garantir. Non-feulement c'eft Ja maladie des petits efprits, mais c'eft une maladie d'efprit. 'Car c'eft une vraie folie : elle eft utile aux Princes, c'eft pourquoi ils eflaient de la nourrirdans les Peuples : maïs a caufe de cela même nous devons nous en guérir & y renoncer , car c'eft un des Hens de notre efclavage. En lecond lieu je foutiens que quand même on fuppoferoit que ce qu'on appelle la gloire de la Nation devroit être comptée pour beaucoup au lieu qu'on la doit compter pour rien ; cependant la raifon de nos politiques ne voudroit tien pour empêcher la réformation de 1'Etat, & le rappel de la liberté Francoife depuis fi long-temps exilée. Eft-ce donc qu'il eft impoilible qu'une Nation foit libre & victorieufe & même conquérante en même temps ? la République Romaine n'at-elle pas jeté tous Jes fondemens de fa grandeur durant fa liberté ? N'étoitelle pas maitreffe de 1'Afie , de J'Afrique & de 1'Europe, avant q\ïs2ugu/le l'eüt réduite'en Monarchie > les Empereurs qui fe rendirent fi abfolus, n'ont fervi qua ruiner 1'Empire, & depuis Trajan il eft toujours allé en décadence jufqu'a fa totale ruine. La République de Venife toute libre qu'elle eft , n'a-t-elle pas porté & fa réputation & la terreur de fes armes jufqu'aux extrêmités de 1'Europe, & même jufque dans 1'Afie ? La Nation Angloife , qui a toujours confervé ce fage tempérament de ■ Monarchie & de liberté , n'a-t-elle pas porté autrefois la réputation de fes armes jufques, dans la Terre-fainte? & dans les Croifade*,. les Anglois fous la conduite de  ( *73 ) > de Richard cceur de Lion, n'ont-ils pas fait dei aöions qui vivront éternellement dans 1'Hiftoire? Ne seft-elle pas vue maitrefie de la moitié de la France ? & même n'a-t-elle pas afFujeri prefque tout le Royaume fous Charles VI tk Charles VII5 fon crédit & fa réputation diminuertnt-eiles. quand Cromwel la réduifit en République , il y a trente ou quarante ans ? II eft certain que eet homme fit trembler toutes les Puiflances de 1'Europe , & porta la gloire de la Nation Angloife plus loin qu'elle n'avbit été portée depuis plufieurs fiecles. Pourquoi ne veut-on pas qu'un Prince,qui eft de concert avec fa Nation, & qui ne fait de grands fhouvemens que de fon confentement, foit moins propre a fe rendre redoutable qu'un Prince qui fait tout de hauteur} Les fecours d'argent ne font pas fi prompts , dira-t-on , quand il les faut obtenir avec le confentement du Peuple. Cependant nous ne voyons pas que les Rois d'Angleterre aient manqué d'argent quand il leur a plu de faire de grandes & prodigieufes forties fur nos Provinces maritimes. On les a yu venir quelquefois avec neut cents vaiffeaux. Peut-être que lë Roi avec route fa puiffance abfolue auroit bien de la peine a faire un pareil armement de mer. II y a des rencontres oü 1'argent ne vient pas fi prornptement, quand il le faut tirer avsc le confentement du Peuple. Mais ces occafions oü la diligence eft d'une fouveraine néceftïté, fonr rares. Des mefures qui font prifes de loin n'en font que meilleures & plus lüres. Et un Prince fage qui menage fes deffeins & leur exécution avec prudence, ne fe trouve jamais dans fembarras de manquer de fecours dans fes entreprifes; paree qu'il a pourvu a tout quand il étoit temps. S'il [s'agit d'attaquer , trois ou quatre mois employés a confulter la Nation & a lui deXIII. Mémoire, • S  AV ROY. ment, & des threfors de Charle- Magne fon pere, les d'ijlribua ef- galement, donna aux Eglijes , pau- ures , eflrangers, veufues & orphe- lins fa ponton & aduenant. LOYS SON PETITJTC on regne fut P. io4, ~, 105. exhorté par Hincmar Archeuefque de Rheims, qui le facra Roy , de conuoquer les Eflats pour defcharger les ordres des crues impofees par le Roy Charles le Chauue fon pere , de reduire fexce^ au pied qu'elles efloient vingt ans auparauant fouhs les regnes de Charle-Magne , & Loys le Débonnaire, en reprenant les erres duquel, il fut liberal enuers tous , & fur tous enuers les pauures. LOYS LE GROS difperfa sugarius de Ludoiu- liberalement tout fon or, argent, «> Crafo. J . a Grand. vaij/elle , meubles, wyaux , vejte- chronh$, Aiv  AV ROY. ments Royaux , iufques a fiche, mife aux Eglifes pauures, necef fueux, & obligeafon Fih,mrinueftiffant du Royaume par lanneau , dentretenir fa derniere volonté & fis Subie&s. te ** . LOY S LE LEF NE, débonnaire & pitoyable , fignala les aufpiees de fin , regne dvne tenue dEfiats , ou fon inclination a pieie , iufiice , ê compa ffion des paui ures, parut_ en forte, quen ayant fan les atfes , il a remporté k tiltrc de PlTEUX ET DE ÏVSTE. LOYS LY ON & la RoyLudouid. ne Blanche riaiioient point dautre contention que de combattre a qui mieux mieux feroit aux pauures , & foulageroit \urs Subiecls. Dien benit leurs atlions, en leur donnant un digneftccejfeur\ l"honneur, perpétuel de leur Hgnage.  AV ROY. LOYS. HVTIN conclud cw aux EJtats , que fon ne pourroit 8* tmpafer , ny leuer Taille fur le peuple fans vrgente necejfite'',, & de l'oclroy des trois Ordres. LOYS XI. fe vit •bowrelU^f d'vne fynderefe de la foule & fur-: %ï?\7% charge des peuples , qui luy ft charger le Roy Charles VIII. fon ftccejfeur dexpier tefe faute , lequel a fon auenement, & prefque en pareil aage que Vofire Maie- Eflau de rt ' ' J T n Tours de jpi, tint aes hjicts generaux, ouyt ?m ;4s3. leurs plaimes & requefes, & re-P'11J' in.it de cinq deniers les trois. Les Depute% remporterent ce contemement en leurs Prouinces, qui remplirent fon regne de benediciions. LOYS XII. ne sfjl pleu qua, fym: bien faire a fes peuples , & ne sefl&4£ft paffe annee de fon regne , quils pas-ïUlu ii ayent 'rejjemy fes liberalite^ a &  AV ROY. de/charges inefperees. Conjideré les guerres foujlenues dedans & au dehors du Royaume , le Ciel, & les benediclions des peuples , fauorifant fes armes , & comblant fon Royaume du bon-heur de la paix, & Sa Maieflé aux Eflats de Tours des tiltres de IüSTE ET DE PERE du Peuple. Ie riay fait que courir fur ces Roys du nom de L O YS , pour venir a ce Patron de la France vojlre progeniteur St LOYS, neufiefne de ce nom , neufiefne en rang, & le premier en charité enuers fes Subiets , lequel apres auoir accoifé les troubles & mouuements de fon Royaume, y efiahinujh., l,fct je lonnes loix & k voyant cn. 10. f ■/ affligê de famine , rechercha tous les moyens dont il fe peut aduifer, recourut a Dieu, aux prieres pu~  AV ROY. bliqucs & paniculieres, aux proc0ons .fi mit a faire ieufnes & abftinence , a macerer fa chair , ■k endojjer la haire, prendre la difcipline, d fe battre de verges , bvefne laijfarien dfaire pour ap* paifer Lire de Dieu, defacon que cefoing plus que paternel du (aha de fon peuple, ft que le populaire ïappelloit vray Vere, la Noblefe lufte Prince , & Conferuateur des loix , la France Roy ventable, dans les terres, que trois iours apres la jnoijfon. ioinwiu. Combien (CHof els - Dieu a il c.84. ld. c.j"onje^ i g jote^ v Ponthoife 9 Vzrneüil, les Quinze vingts de Pans ; fix vingt pauures ordinair res a. fa fuite, douye vingts en Carefme } qu il viftoit, pahjoit , & penfionnoiu Ses exereiees efoienr de voir les Hofpitaux , Maladenes , de donner largcment aux pauures Gentilshommes , veufues, & pauures filies. TomuMc ch. Enfin par fon Teftament il or* donna , & commanda de puiffance Paternelle & Roy alle , a Philippes leHardy, & utous les Roys fes fuccejfeurs. AYES LE C(EUR DOIZX& PITEVX AVX PAVVRES , ET A CEVX QVI SONT EN NECESSITE, ET LES RECONFORTE ET AYDE EN TOVT CE QVE TV POVVRAS,  AV ROY. ET NE METS PAS SVR Törf PEVPLE TROP GRANDES TjlLLES , ET SVBSIDES : SI CE N^EST POVR LA GRANDE NECESSIlÉ DE TON ROYAVME. Le Proces verbal de fa Canonifation, & Apotheofe , 11 oublie pas cefe propen/ion , & charitable naturel euuers fes pauures Subiets , qui luy ont redonnè le Ciel pour leur auoir donné du bien en terre. SIRE , ces refolutions & arref tes des Ejlats Generaux, marqués en Capitalcs , feruirönt de modele pour arref er les contentions nees en vos Efats , en drefjant la ref ponfe promife d tarticle tant agtté, & fuiuant tex^mple des Roys, de loüable mémoire, vos deuanciers , Clotaire II. aux Efats de p^T^°f Troyes. Philippes le Bel, & Char- J;g;"0' les VI. aux Efats de Paris. De  AV ROY. J%7- LOYS XII. aux E flats de Tours, de s. Gttr fa Francois I. aux E flats de Col- main en . J J Layei'm giwc s jcauoir bon gré a vos tresfideles Subiets heritiers , de la Jidelité de leurs maieurs ; li naturelle aux Francois , que les gens de bien Jeront tres-contents de voir rafrefchir publiquement la mémoire de ce quils approuüent , é obferuent par vne inclination nee auec eux f & qui ejl tiree des loix fondamentales de France , cbferuees par Tvfage commun de ce Royaume, violees puis nagueres aux depens de la vie de deux de nos Roys, d'heureuje mémoire. L'honneur, SIRE , de tant de Roys , & ta mémoire glorieufe de ces LOYS , Debonnaires , Pitevx , Ivstes , Peres dv PevG*,é ple, Saincts et Patrons ,fichap.\\, gnamment de S. LOYS 9 Souuei  AV ROY. min Prince de toute iuftice , dok toucher viuement Voftre Maieftê, & la mouuoir de pitëé enuers vos pauures Subiecls , aufquels il refte encores la langue pour la fuppher tres - humblement , & reclamer la iuftice de celuy, que la voix, & les vceux publics proclament le JVSTE.  PERMLSSIO N' 'SIMPLE. JeaN-JACQUES DE FIDAUD, Marquis de yELLER0N 5 Comu de la -Ë Mognenzn%..Sergncurde Fdrguts yCairanne Bivier , La Maifon - font de Mombzvcs & autres Places , Confiillet dttat ordinaire & au. Confeil privé Directeur ginérai dc la Libralrie ,' & Docleur d honneur de la Faculté de BröU; V V MkS VII de FArrêt du Confó! du ^ &Vr ArrêT*'en VCrtl' d6S P°l,V0irs * bonnes, * «rret. JNous permeicons au fieur Lf R o v t„ • laquelle édirion ^'i^i^t^^^ un volume iormat iri-il , & fera finie danPs 1 Infpefleur de la Chambre Syndicale de Cacn la quit" nee «,gce par les articles VIII & IX du même te* yerur led,. Infpcöeur du jour ou Pon commVncera l,mpreffion dudit Ouvrage, au defir de 1'artTcTe XXt de 1'Arrct du Confeil du 30 Aoüt ,777 porwnt fu„ preffion& création de d.krenres oLmbfe" le ; de faire ladlte édition abfolument conforme" tet du Confeil du 16 Avril 1785 , neuf Pxeronl-,;™» d,mprmer la prefc ,e permiffion j ,a fin «. & de Ia faire enregiftrer dans deux mois , pour tout' Caen' t „eSfreS'ftreSde'3dlte Chambre SySdicalé de «-aen , le tout a peine de nulüré. Donné a Paris, le ? Aoüt i7SS. V I D A U D. Far Monfeigneur, D u m 1 r a 1 r. fawgi/W fur Us regl/ires de la Chambre Syndicale Jts Libwres-RclteursS- Imprimeurs de la Ville de Caen ' toliofverfo , conformtment aux Régiemens. A Caen cl 11 Aout I7SS, Cahjlot, Syniic.  AV LEC TE FR. V i s Q v E la tenue des Eflats eft droict Royal f & vn poincl de Souueraineté & a?7$ï* de quelque qualité & que nul condition qu'il foit, ne peut con- uoquer, ny afiembler hftats Generaux ou particuliers des prouinces de ce Royaume , fans expre (ïe permiffion du Roy, portee par lettres patentes , ou clofes. Que le Roy Pepin a iugé ces Affemblées de tel poids & importance a FEftat, que l'an quatriefme de fon regne , 1'vnziefme iour de Iuillet , il a bien daigné auoir ce foing de deuifer les tenues de fix en fix mois, & pour le bien B C. in. apud Vamerite.  ij Av Lectevr. & commodité de fes fujets, du icr de Mars les remettre au mois de chronologe, May. Que 1'Adalhard parent du Roy Charle-Maigne, vieux & aduifé perfonnage , a pris la peine de mettre par efcrit la forme des Eflats, 1'ordre qu'on y tenoit, les matieres qui s'y trai&oient. ar.,*ii7. Que Hincmar Archeuefque de Rheims , doöe Prélat & bon Francois , en le fecondant a tranf- tap. .29. • 0 r 1 cnpt öc conierue ces formulaires & anciennes ceremonies. Que p.g.1*. 20. les vieux &nouueaus hiftoriens fuiunu. plus exaaes ^ Chartres & Re. giftres en ont laiiTé des monu-( ments a la pofterité pour y auoir recours au befoin. Ces confiderations , & les contentions nees aux Eflats , touchant nos loix & maximes employees en 1'Article premier du Tiers Eflat, & en plufieurs autres des Gouuernements, les diuers  Av Lectevr. ii] difcours fur ce tenus ; que c'eftoit introduire vne nouueauté, & vn fchifme en 1'Eglife : Qu'elles n ont efté cy-deuant propofees ny refoluës aux Eflats Generaux. L'opinion conceuë par aucuns, que le Tiers Eflat n'eiloit jadis auant le Roy Charles VIII. appelle aux Eflats Generaux , qu'il n'y auoit entree , féance, ny voix deliberatiue , & refolutiue, ne failant que requerir 1'ordre du Clerge , & de la Nobleffe , m'ont faiet auancer eet affemblage pour 1'inflruction du Roy fur ces poin&s, conferuation de Sa Majeftc , & autborité Roy alle , & de ia dignité ancienne de fes Eilats : & abreeer cefle Chronologie , n ayant creu la deuoir eftendre , d'autant qu'a l'ouuerture de ces Eflats , on a faiel: vn liure de ceux de Paris de l'an J4ix. de Tours, 1483. d'Or- B ij  tv Av Lectevr. leans , 1560. & 61. & de Blois, 15 76. & que les Ordonn. les fourniflent prefque tous entiers. Quant a nos maximes touchant la vie & le falut du Roy , d'oü dépend la feureté publique , il fe trouue aux Eftats de Troyes te- Chron. pag. nus foubs le Roy Clothaire II. de Paris foubs le Roy Philippes le j*. 90.9*. Bel, & foubs le Roy Charles VI. ces queftions auoir eflé agitees, & concluës, Que le Roy eft tres-fouuerain , Que fon-temporel eft affranchy de toute domination, autre que de la diuine: Et ceft.chofe remarquable , de ce que les trois r. I9J. Eftats ont touftours tenu la perfonne de leur Roy fi faïnete , & fi facree , qu'en premier lieu , & deuant toutes chofes , l'on y foignoit 1'honneur, & le falut du Affmiiudc Roy. Mais bien plus remarnuahle. LaycTsZ de ce que les Princes, les principaux Officiers de la Coronne ,  xi] Av Lectevr. 'thro. p. i,a. Ordre, 1'vn, en ce qu'il dit que Ve* pin fut elleu Roi, du confentement *>*i. H9- omnium ordinum \ 1'autre , par le confeil & adu'u de plufieurs liautic~ fBtinces 3 Seic/ncuis, Sbazons, fEielats , ^ & autres du SRoyaume de fFrance. mi*. ' A la conuocation des Eftats de l'an ii88. ne s'y tröüuent nommez que les Prélats, Barons, & Comtes; toutefois les peuples la prefents, fe croifent & accordent la difme Saladine. Mathieu Paris, ancien hiftorien, ne parle que des Prélats, & Barons? aflemblez en la *'*99 ville de Paris, du commandement de la Royne Blanche, Regente en France : nos Autheürs adiouftent, les Deputez des bon nes Villes, & S. Loys par fon Teftament rend ce tefmoignage que fes bonnes Villes & Citez Pauoient aftifté contre les|Princes qui affe&oient lafRegence ,?& les Barons de leur fa&ion. Dans les Grandes Chroni-  Av LECTEVR. xiij tjues de S. Denys aux Eftats de Paris de l'an 12.40. ne s'y trouuent ■que les Pairs, Barons , & Prélats, & Nlcole Gilles faict fuiure les gens des bonnes Villes. Villani Ita- p ? lien, le Continuateur des Annales. 'J' de Stheron l'an 13 o 1. les Grandes Chroniques ; & Platine , en parlant des Eftats de Paris de fan b™!!™.». 1301.& 1303. obmettent les Deputez des Villes tk Communautez, *v- s*- * neantmoins les lettres des Euefques & Prélats de France au Pape, des Barons au College des Cardinaux, la tres-humble fupplication du peuple au Roy Philippe le Bel, & la pluf-part des hiftoriens, y comprennent en mots exprès & fouuent reiterez, lesDeleguez, Procureurs & Syndics des Villes, Communautez & Vniuerfitez, qui concerterent auec les Eccléfiaftiques & Nobles, contribuerent leur voix ***** & prindrent refolution auec eux.  xlv A v Lectevr. pap. U. j. tó. Le Roy Philippe de Valois conuotZf.^' qua aux E^ats a Paris, les Prélats, Baiilifs & Barons, neantmoins il eft certain que lesDelegués des Villes s'y rendirent auec eux & yaliifterét. L'autre raifon fur laquelle eft fondee 1'opinion contraire , eft, que le Tiers Eftat a efté adjoinct aux autres, pour fur ces appas de vain honneur & entree aux Eftats luy faire plus aifement aualer la pilluie, & accorder les leuees & impofts: mais les dons annuels, & oclroys que les 3.Ordres payoient au Roy, ïefecours qu'il fourniftbit a Sa Ma'efté en fes neceffitez, les oftres fouuent faits, & aftermentez par les Ecclefiaftics aux Eftats Generaux d'ayderle R.oy de leurs prieres & de leur Temporel, & par les Nobles & Bourgeois de leurs cheuances, cceur, corps, iufques a la mort inclufivement, le fecours que continueilement ils ont don-  Av Lectevr. xv né au Roy iufques a l'an 1408. que le Roy Charles VI, affranchit les deux premiers, & rejetta le faixmr 1'autre, eludent ces raifons, & la letture de cefte Chronologie fait cefter tous ces doutes & difficultez , laquelle vous confirmera en la fermeté de la fidelité , obeyffance , honneur , & refpect que les Eftats doiuent, & ont toufiours rendu au Roy leur fouuerain Seigneur , & en la cognoiffance de 1'authorité des Eftats affemblez de la permiffion deSa Majefté, qui ont toufiours foutenu les bonnes Maximes, les libertez de 1'Eglife Galiicane, & les droifts de la France ; Vous fuppliant de 1'agreer & prendre en bonne part, comme venant de celui qui ne defire rien tant que fèruir le Roy, 1'Eftat, Öi vous, de pareil zele , qu'il eft, Vojlre humble , & afeclionné feruiteur, SaVARON.  xviij Abregé de la QkatUmaigncj. Eftats è Aix pour le Coronnement de Loys fon fils. p, i3j. 134. A Compiegne pour prendre les dons annuels. A Lippie. p. 132. A Cusfeftin. p. 1 ? 2. A Noyon. p. 132. A S. Quentin. p, ïyz. A Duziac, oü il receut les dons annuels./>.i3 2. A Bigargio. p. 13 f. A Aix. p. 131. A Padnbrun, pour confirmer les priuileges des Nobles , l'an 777. />. 131. A Colongne , cü vindrentles Ambaffadeurs de Sigofréde Roi des Normans. p. 130. A Ingiihein, 011 furent condamnez Tafiillo 6c Theudo, l'an 796. p. 129. A Aix, pour enuoyer Bernard fils de Peoin en Italië. p, 129. Eftats pour faire la paix , & partager entre fes enfans. p. 1 tg. A Maïence. p. 128. A Vvormes. p. 12%. A Duric. p. 1 27. A Vvifors. p. 126. A Aix. p. 126. A Neuers, l'an 765. p. 12.6, -£oyj le ü)ehonnaire->. A Aix pourle foulage.ment du peuple, & réformation de la Iuftice, l'an 814. ^.nt. A Aixoüil defcouurit des confpirations, l'an 814. p. 12.J;  des Eftats Generaux. 9 dudit R.oy Loys , & de Madame Anne Ducheffe de Bretaigne : pour lequel mariage faire furent aiTemblez les Cfiata^ en ladite ville de Tours. Quoy entendant, & prefuppo- Cl. SiiJfA fant que fefdits fubjets luy vou- ££xu* loient parler de quelque grande rünl5°6, matiere, comme il efloit vray-femblable , incontinent efcriuit a tous les Princes, & Seigneurs de fon fang , & a ia plus grand part des autres principaux Prélats , Seigneurs , & Barons de fon Royaume , qu'ils fe duifent trouuer par deuers luy au dixiefrne iour du j mois de May dernierement paffe , en ladite Cité de Tours, lefquels ne faillirent point a eux y trouuer. Ct auffi tefdits cAmoaffacleuis des villes y eftoient dejia azziue^ , & auoient demande audience audit Seigneur qui la leur auoit accordee. Ledit.iour aduenant, fut iceluy m. D  I o Chronologie Seigneur affis en fon fiege Royal, & luy affiftoient lefdits Princes & Seigneurs de fon fang , & autres Prélats, & grands perfonnages. Autour de luy eftoient plulieurs grands Barons , & nobles hommes de tous coflez , jtanècj mulütuèz. de peuple.. Ct au cleuant Dcj luy fuzent lefdiu s/Lmbajfaiïeuzs dect^ villej. Lefquels apres quil fut commandé faire filence ; & qudj fe fureni^mh mie tefte, & cu yenoux^^ 1'vn d'entre eux enuoyé de par la Cité capitale de Paris au nom de tous les autres, ramenteut tres-elegamment , & commemora plufieurs grands biens, & loüables chofes , que ledit Seigneur auoit faites au pront & a la gloire d'iceluy Royaume , auffi 1'humanité & benignite qu'il auoit vfé enuers fes fub'ets. 1506. (i Quo comperLO, grande aliquid ab nis proponeiidum , poltulan-  des Eftats Generaux. zy pierre, de Rochechoüart, de Brefïuire , de la Floceliere, de Mortemar, de la Greue , de Ruffec, de Pruüly, de Mailly, de Criffe, &de Thufle , & autres en grand nombre , qui comparurent par Procureurs. Item, & audit parquet, meimes derrière le banc defdits Conneftable , Chancelier , & Prélats t eftoient les gens du Confeil du Roy, &Ambafïades qui enfuiuent: c'eft a fcauoir, les Sires de Taille bourg, de Maupas, de Moy, & de Monftreuil, Maiftre Pierre de Riole , lean de Poupaincourt, Charles de la Vernade, Adam Funiee , Guillaume Compains 4 Pierre Clutin* lean Viger, lean Choart, lean de 1'Anglee , Mathurin Baudet, & plufieurs autres en grand nombre, tous Confeillers du Roy noftredit Seigneur, les Cheualiers ou Gardes des feaux du Roy de Eij  % 8 Chronologie Sicile, & du Duc d'Orleans, & autres Ambaffadeurs , tant dudict Duc d'Orleans , que du Comte d'Angoulefme. Et au bout d'embas dudit parquet auoit plufieurs felles & tormes , oü eftoient affis plufieurs notables perfonnes \ tant gens d'Egiife , Sjoutqeoü, Nobles, quautzej quillec eftoient veniu , cjuinij de poüuoiz fujffant, faifantj , & zeprefentanu la pliu cjtanèe & faine paztie l)ej bonnes villes 3 & cite^ de ce SRoyaume: lefquelles villes les noms s'enfuident. Et première ment la ville de Paris, Roüen, Bourdeaux,Tholofe, Lyon, Tournay, Reims , Troyes, Carcaffonne , Befiers, Bayonne , Rodez , Alby , Nifmes, Senlis, Xaintes , Angoulefme, Orleans, Angers, Poittiers, la Rochelle, Bourges, Limoges, Montpellier , Tours, fainft Flour, Mande, Aix,  des Eflats Generaux. 29 Tulle , Cahors, Perigueux , Soiffons , Agen , Condon, Narbonne , Beauuais , Laon , Langres , Chaalons , Sens, Chartres , Compiegne, Dieppe, faincr Lo, Falaife , Vire, Carentan, Vallongnes., 3V1 onderrand , fainö Pourcain , Briouide, le Mans , Noyon , Eureux, le Puy , Clairmont en Auuergne , Neuers , M eaux, Yffouldun , Niort, fainö: Jean dA.11gcly, Blois, Sauimur , Milhan, & 'èe c/iacune ville y auoit Vn hommel) £~ glife , & "~èeux -Cayj. Item,leRoy affis en fadite chaire, & lefdits Roy de Sicile & Cardinal enfemble , rnefdits fieurs du fang , Meffieurs les Pairs Eccléfiaftiques , Prélats, Nobles,jem dej bonna villa, & autres defiufdi£ts , afiis en leurs chaires & fieges, chacun par ordre , comme dit eft, fe leua Monfieur le Chancelier de fon fiege3 & alla deuers le Roy no- E iij  3 o Chronologie « ftredit Seigneur , & /ageneuilla d « fon cofté dexne, & quand iceluy Seigneur luy eut dit aucunes paroles, s'en reuint feoir en fondit lieu & fiege , & fit vne tres-belle propofition en remonftrant, &c. Et en fin le Roy fe condefcen^1467.^ rJitque fejtcoij Cfiau fe tiendroient lZ'xl & affembleroient. Et pour ce faiffaitr, re fut \[eu afligné en la ville de Tours, pour illec eux y trouuer au premier icur d'Auril mil quatre cents foixante-fept. Et puis fut fafjembUe defditj tro'u Cftaa tenue audit lieu de Tours, qui pour cefte caufe y eftoient allez. Et illec le Roy prefent, fut pourparlé & conclud fur la queftion pour laquelle ils eftoient affemblez audit lieu de Tours, iufques au iour de Pafques, qui fut mil quatre cents foixante-huicl, que chacun deux illec venus s'en retournerent a leurs maifons , a*-  des Eftats Generaux. 31 pres la conclufion par eux prife fur le fait de ladite affemblée. Et pour cefte caufe y eftoient venus le Roy premierement, le Roy de Sicile , Monfeigneur le Duc de Bourbon, le Comte du Perchè, le Patriarche de Hierufalem, le Cardinal d'Angers, & plufieurs autres Seigneurs, Barons, Archeuefques, Euefques, Abbez, & autres nota* bles perfonnes, & gens de grande fa£On, enfemble aufü Les cAmbapadeurJ Venuj audit lieu , poui cefte caufe ft)e la plufpazt!)etout letfioyaumelle fFiance. Et par tous iceux ainfi affemblez a grande& meure deliberation fut dit & conclud , quau regard de la queftion d'entre le Roy & mondit Seigneur Charles , touchant fon apanage , & de ce fe tiendroit pour bien content , douze mille liure tournois en afiiette de terre par an, & tiltre de Comté ou Duché: & en outre, que leRoy luy Eiv  des Eflats Generaux. 37 dits Princes & Seigneurs, dirent, que leur requefte eftoit iufte. \ Et puis fut l'auemblee defdi&s ttou Cftaa tenue audi£t lieu de Tours, qui pour cefte caufe y eftoient allez. CHARLES VIL _ Orleans du Roy, Chambre \ffiption première, r:r ,iV',ht 1 7 de l'horologe Eteftmon nom propre le cceur de Lys, Ainfi nommee en 1'afiemblee pleniere SDej tto'u Cftav oü eftoient maints d'Elys. Lé Conneftable ma ce nom icy mis, Et pluiieurs autres Princes pleins de fcience , Pour bien commun aifemblés & commis, Et maintenir la bonne paix en France.  4 o Chronologie pour le Duc de Bourbon ( le Roy delibera de partir, & de s'en aller audit Clermont dudit lieu d'Aigueperfe , oü il fut grandement receu & bien venu, & y fut enuiron quinze iours: & vindrent par deuers luy lej S^atons & nou Cftats d'tJÈuueiane., qui lui firent grande feite & grande reuerence , & wil. le Uioy jon Confeil public , & paria pour luy Monfeigneur 1'Euefque de Clermont, en remonflrant la maniere comment les Seigneurs deflufdits auoient procédé en leur mauuaife volonté , contre la volonté du Roy,& comment le Roy auoit mis ordre auec fes Capitaines & gens de guerre, pour les tenir en frontiere > afin de les garder de defrober & deftruire fon peuple , quand les Seigneurs deflufdits manderent lefdits gens d'armes qui le deuoient tenir és frontieres > comme dit efï,ck auffi auoient pris  des Eflats Generaux. 4Ï prins Monfeigneur le Dauphin fon fils, & luy auroient donné a entendre paroles , & chofes plaifantes a fa volonté, afin de le mettre en parole & en fait, a rencontre de fon pere : lefquelles chofes eftoient contre Dieu , raifon, & nature. Et pource requeroit le Roy, lef dm Sdaronj, & genj l)ej ttqij Cftau , qua fon befoing luy vouluftent ayder de corps & de cheuance : fi luy firent refponfe Ufdïts Jiatonj , & autm Dej tiois CfiatCL^t qua fon befoing luy vouloient ayder notablement , & fi grandement , que le Roy en fut content , & donnerent au Roy les gens defdits pays certaine fomme de deniers. Monfeigneur le Comte d'Eu trauaiila moult deuers Monfeigneur de Bourbon , pour voir fi on pourroit trouuer bonne vnion entre le Roy & Meflei•eneurs delfufdits, & y fit moult F  des Eflats Generaux. 47 la chofe euft pris fin & deliberation. Et furent huiS: iours auant que la matiere fufl deliberee , & la furent ouys tous, ou la plufpart des Seigneurs de ce Royaume qui la eftoient prefents , & auffi 1'opinion des Ambaftadeurs & Seigneurs, qui eftoient abfents, & auffi 1'opinion de tous ceux^ des bonnes villes. Et en la prefence du Roy de France , & de la Royne de Sicile, furent propofez de tous ceux de ce Royaume la eftants, moult de belles chofes hautement & fagement, en demonftrant la defolation, maux, pilleries, meurtres, rebellions, roberies, & ranconnements, qui eftoient perpetrez & faits fous ombre de la guerre. Et aufti les biens, la ioye, & les plaifirs qui viennent & font par les pays oü paix eft : & plufieurs autres hiftoires anciennes, & moult F iv  4 8 Chronologie belles, feruants a la matiere , laquelle matiere, & les paroles dites audit Confeil % feroient trop longues a efcrire. Conclufion, fut dit que le premier iour de May retourneroient lefdits Ambaflkdeurs audit fainct Omer, pour conclure , & fermer kbefongne de tout poinö , au cas qu'il feroit ainfi que les Anglois y voudroient entendre. ' M39~ ^e ^ a donné fubiect a Charv< se™, les d'affembler a Orleans lej Cfiats gaiezaux^ oü notu jculement^ touttcX, les Villes enuoienu leuzs depute?l felon, lecx~ couftumea^, mais tous les grands Seigneurs qui n'y peurent aller en perfonne,leurs Agents en grand nombre. rfjs'^'ï* Ro7 ou Pn*nce pourvrgente "* * ' *' neceffité,peutimpofer tailles a fes fubie&s , felon la difpofition de Cynus in l. ad infizuctionem C. De faciof. Ccclef. & auffi aiitner les  des Eftats Generaux. 49 biens de 1'Eglife, pour la garde, conferuation & deffenfe des fortifications. Vray eit que fur ce , feroit paraduenture requis le confentement Dej nou Cj'tatj ; c'eft a fcauoiz de la JsQjblefie , Du Cletc/é , & du J%tJ Cfiat , ainfi qu'il eft accouftuméd 'eftze faict. ' 1 z6 ' « Ex parte dile&orum & fidelium Sty[us Car> Confiliariorum , ac aiiorum offi- j£f**5' ciariorum noflrse Curise Parlamenti Occitani, nobis fuit expofitum , cüm tam ad caufam ipforum quam vxorum fuarumiprl, autpluresex eis habeant aliqua haereditagia in pluribus, & diuerfis locis Occitanse , quorum occafione quamuis quieti, franchi, exemptique efle debeant ab omnibus talbjs, iuuaminibus, & fubfidijs nobis conceffis & concedendis per gentes trium ftatuum prsedi&se patrice, uel alias, attento ftatu in quo nobis continuo deferuiunt. »  51 Chronologie fouftenir fa guerre, en employant ce qui auoit efté dia par lefdits Gentian & Pauilly. Or eft ainft quele Roy de Fran- ce lenhort & folicitude du 141*. Duc de Bourgongne , manda lors Monjirclei. \ ' * 11 ' t r«i.i.thsp. a venira rans laplus grande partie Des JBtmcej de fon iRoyctume , auec les &zelatj,c\?niuetfit[eine. Item, le Vendredy matin enfui- • r 1 • 1 Charles P~. uant, vnzielme iour du mois de May , le Roy , ladite Royne, les SDzelau} Uj eJ^oblej 3 & iej bcnnej vil- lej furent r'affemblez en ladi&e Chambre de Parlement, & furent tous cTvn accord par la maniere qu'ils auoient efté le iour precedent a la releuee.  68 ' Chronologie noms que autrefois eftoient vernis aux affemblées , & fe affemblerent aux Cordeliers par plufieurs iournees, & firent tant que le Parlement qui auoit efté ordonné a eftre le lendemain de la fainct Martin, & auoit efté mandé par les Bailliages, fut continué, quant aux plaidoiries, iufques au fecond iour de Ianuier, & depuis^ conti»> nuèpar leuzj crdonnancej , iufques au »lendemain de la Chandeleur. » Enuiron la Magdelaine en en- I357 fuiuant, les ordonnez par les tzois a"" £fcatJ»tant du grand Confeil des Generaux fur le fai£l du fubfide , 'comme les reformateurs commencerent a decliner, & leur puiffance a appetiffer -: car la finance qu'ils auoient promife, ne fut pas fi grande de plus de dix parts ,. & les laifferent les Nobles, & ne voulurent pas payer ne les gens d'Egiife aufti, 6c aufti les gensj.etL~  des Eflats Generaux. 69 bonnes villes, qui cogneurent, & apperceurent imiquité defdi&s Gouuerneurs prinopaux. Le Dimanche deuant Carefme- 1357. prenant, fixiefme jour de Feurier, g ranêc Chnlè aiïemblerent a Paris plufieuu des mi''e' bonnes villes & du Clezqè; maïs iln'y vint nul Noble , & par plufieurs iours s'affemblerent a Paris flu- jieuzsDes bonnes villes ,(5 Du Qlezgi.^ comme dit eft. Et finablement or donnerent que les gens d'Egiife payeroient demy dixiefme pour le temps a venir pour vn an. Ceux qui n'auoient aucune chofe payé pour l'an pafte , payeroient auffi demy dixiefme , & les villes fermees feroient de foixante - cinq feux vn homme armé , ou dix fois Parifis pour le iour, & leplat-pais feroit de cent feux vn homme d'armes. 1J57 Item , enuiron la faintl Remy c«tócwenfuiuant fe reconcilierent ceux  72- Chronologie T£f*ra. femblerent en la ville de Thouloufe par Fauthorité du Comte d'Araiignac, Lieutenant du Roy au pays, pour traitler enfernbie , pour faire ayde conuenable pour la deliurance du Roy. Le Mercredy enfuiuant^qui fut ■'^ le lendemain de la Touffaincls , ' ' ledit Monfeigneur le Duc manda au Louure plufieurs du Confeil du Roy & du fien, & aucuns de ceux dej tto'u Cfeav, dont deifus eft fake mention. Le vingt-cinquïefme iour du i3s& moys d'Otlobre, qui fut le Same- Graadc chr. dy, vindrent a Paris plufieurs gens d'Cqlïfe , cNoólej & genj de bonnej villej de Languedoc. Et pour ce, le lendemain DeJclitj »356- tro'u Cftatj qui eftoient encores a Grande ar. paris ,% lediö: Monfeigneur le Duc eftantaMontleheri,laoüilalia celuy iour au matin, s'affemblerent en Chapitres defdits freres Mineurs. Le  des Ejlats Generaux. y 3 ' Le 15. iour dumoys d'Oclobre, qui fut le Samedy, vindrent a Pa- »<2a«ris plufieurs jenj D" Cqlifie, oVobles etL> t 3^ bonnes villes de Languedoc , & le Lundy enfuiuant furent affemblez en la Chambre de Parlement par le commandement de Monfeigneur le Duc de Normandie qui la eftoit prefent, en la prefence duquel Pierre de la Foreft: Archeuefque de Roüen, & Chancelier de France, expofa en la prefence ds/dits tiois C/tats a dont def fus eft faite mention, la prife du Roy, & comment il s'eftoit vaillamment combattu. Lefquels Des ttois C/tats, c'eft a. ^mmmm fcauoir , les gens d'Cglife , refpondirent par la bouche de Monfeigneur lean de Craon Arch euefque de Reims. Xes JVoblej, par Ia bouche de Monfeigneur Philippes Duc d'Orleans, & frere germain du Roy: & les jenj Des bonnes H  ~ 74 Chronologie villej, par la bouche de Eftienne Marcel bourgeois de Paris, & lors Preuoft des Marchands, que ils vouloient faire tout ce que ils , pourroient faire aux fins deftifldites. 13 56- Le Vendredi troifiefme iour Grande Chr. J 1 -\\ r • r du rnois de Mars enluiuant, furent affemblez au Palais Royal en la chambre du Parlement, & en la prefence de Monfeigneur le Duc de Normandie, du Comte d'Anjou, & du Comte de Poictiers, fes freres, & de plufieurs autres gens tJfbblej , genjD'Ccjlife, & qetu Dej bon- nej villej, iufques a tel nombre que toute ladite chambre de Parlement eftoit pleine , & prefcha Maiftre Robert le Coq Euefque de Laon, & dit que le Roy, & le Royaume de France auoient efté au temps pafte -mal gouuernez , dont moult de mefchies eftoient venus tant audit Royaume, comme aux habitants dudit lieu, tant  des Ejlats Generaux. en mutation de monnoyes, comme par prifes, & auffi par mal adminiftrer , & gouuerner les deniers que le Roy auoit eus du peuple , dont grands lom mes auoient« efté donnees par plufieurs fois a <( plufieurs perfonnes, qui. mal 1'a- « uoient deferuy. Et toutes ces cho- h fes auoient efté faites, ft comme difoit ledit Euefque, par le confeil des deftiifnommez Chancelier & autres, qui auoient gouuerné le Roy & le Royaume au temps pafte. Et dit lors encores ledit Euefque, que le peuple ne pouuoit plus fouffrir ces chofes, & pource auoient deliberé enfemble, que les defliis nommez officiers & autres qui nommerent lors, tant que fur le tout furent vingtdeux, dont les noms s'enfuivent: Maiftre Pierre de la Foreft, lors Cardinal & Chancelier de France; Meflire Simon de Bufly, Mai- Hij  y 6 Chronologie ftre lean Chamelart, Maidre Pierre d'Orgemont Préfident en Parlement, Monfeigneur Nicolas Braque, lean Poilleuiiain Maiftre de la chambre des Comptes, & fou■uerain Maiftre des monnoyes: Enguerrant du petit Celier , Bernard de Fremant Threforier de France , lean Chauueau, lacques 1'Empereur Threforier des guerres, Maiftre Eftienne de Paris, Maiftre Pierre de la Charité , & Maiftre Ancel Choquard Maiftre des Requeftes de 1'hoftel du Roy , Monfeigneur Robert de Lorris Chambellan du Roy, Monfeign. lean Turpin de la chambre des Requeftes , Maiftre Robert de Preaux Notaire du Roy , Maiftre Regnauld d'Acy AduocatduRoy en Parlement, lean d'Auxerre , lean de Bechaiguë, le Borgne de Beaufe Préfident en la chambre des Enqueftes, Geoffroy le Mafu-  des Eftats Generaux. 77 rier Efchanfon, feroient priuez de tous offices Royaux perpetuellement, & aucuns Maiftres des Requeftes de 1'hoftel du Roy, & aucuns autres officiers dudict Monfeigneur le Duc , fi comme deffus eft dit. CarilfutordonnéquenulThre- 1J55. forier, ou Officier du Roy n'auroit la charge , direftion , & maniement de ces deniers; mais que ^4. la ttoh Cfiau commettroient certains perfonnages, bons , honneftes, & foluables, pour en eftre les ordinateurs felon les inftru&ions qui leur en feroient prefcrites, & qu outre ces Commiflaires generaux ils en efliroient encores en chaque Prouince neuf particuliers , trois de chaque ordre, defquels les trois du Clergé iugeroient les Eccléfiaftiques, les trois Nobles ceux qui feroient de leurs qualitez, & les trois Roturiers gens de Hiij  7 8 Chronologie condition roturiere , appellèz toutesfois chacun en leur endroi£t leurs autres compagnons au iugement des procez. Et au cas que l'on appellaft deux, on auroit recours aux Deputez generaux, qui en iugeroient en dernier reflort. Le Roy iura de ne faire employer a autre vfage fes deniers, que pour le fait de la guerre , comme aufti ces Deputez generaux iurerent fur les faincf s Euangiles qu'ils ne les conuertiroient ailleurs , nonobftant quelques mandements qu'ils en euflent du Roy. Et s'il aduenoit que foubs ombre de quelques impetrations les Ofticiers du Roy les vouluflent contraindre d'interuertir en autres vfages ces deniers, permis aux Deputez generaux de s'y oppofer par voye de fait, voire d'implorer tout confort & ayde des bonnes villes circonuoifines a eet efTe£t. Et au  des Eflats Generaux:. 79 furplus , ne pourroient rien ces Peputez & Superintendants generaux dej ttoij Cjtau , au faiö: de leur charge & adminiftration , s'ils n'eftoient tous d'accord enfemble. Ce neantmoins en cas de difcord , la Cour de Parlement les pourroit accorder. Lefquels refpondirent, c'eft a ^ fcauoir le Cletgè pat la bouche de Granie chf. Monfeigneur lean de Craon , lors Archeuefque -de Rheims , les Nobles par la bouche du Duc £ Athene s , & les bonnes villes par la bouche de Eflienne Martel, lors Preuoft des Marchands a SBarü , qu'ils eftoient tous appareillez de viure & mourir auec le Roy, & de mettre corps, & auoir, en fon feruice, & de parler enfemble. En celuy an mefme ya la fefle faincl ' Andry , furent affembler et Paris par ^J^an le mandement du Roy lej fBielau ? les Chapitres, les Barons de France, & H iv  $ö Chronologie O leur fifl le Roy expo/er Ütftat des guer* res le Mer ere dy apres la fejle fainS Andry en la chambre de Parlement par Maiftre Pierre de la F ore ft, lors Archeuefque de Roüen & Chancelier de France, & leur requift ledicl Chancelier pour le Roy , quils eujfent aduis enfemble, quelle ayde ils pourroient faire pour le Roy. Le Roy de Nauarre fit tanten- ,3^5. uers le Roy, qu'il s'accorda de ne Tuuï?' du prendre point le dernier iour de Nouembre , limpoft qu'il demandoit aux tioh C/tatj , finalement toutefois il fut oétroyé au Roy. PHILIPPE DE VALOIS. Enuiron ce temps en enfuiuant le pri^ uilege de Loys Hut in Roy de France KhoU au ^ ^e Navarre, fut conclud par ies ' *• gens des Eftats de France , prefent le- dicl Roy Philippe de Valoys qui s'y i3?9- accorda, que l'on ne pourroit impofer ne t'wJif d' leuer taille en France Jur le peuple , ft vrgente necejfttè ou euidente vtilité ne le  9*» Chronologie gé, Nobleffe, Syn ücs & Procureurs den Communautés & des villes. Et apres ce, a la mi-Carefme fraude chr. fuhiante , iceluy fRoy afiiemblcu c\j Paris tous les Baron f , Cheualiers, & Maiflres du Royaume , & tous les Pre* lats , & les meneurs, &c. franl^uï APres lequel partement, affembla le Roy a Paris toto lej fBtelau, Barons , Docleurs & Vniuerfite^ de fon SRoyaumzj , pour pouruoir a ce qu'aucune interdiclion ne peut mettre au Royaume ledicl Boniface , &c. Ce que pour faire arrefler aux fuut? du £fau, en femble les abfoudre du ferment de fidelité qu'ils auoient a leur Prince , il enuoya vn Archidiacre de Narbonne , Legat en France ? &c. LOYS IX 12.69. Guaguinus. Conuocato enim ex toto Regno conci* tt §i 4 4e- lia , pcfiquam Legatus rei Chrifiiati.cz  des Eftats Generaux. yy in Syria Jlatim longa oratione patefecit , omnes pari voto jïdei caufam ampleclentes vncï cum Rege cruce fe infigniunt. Gum Parifium veniffet Ludouicus, ^ Conuentu Generali habito Rempublicam u G ^ reformauit , flatutis optimis legibus de iure d Iudicibus dicendo , & de offïcijs non e mendis , &c. Quand il fut venu, le Roy le re- I14?> ceut moult honorablement, & af- Gn nit ChrOr. fembla tantoft qza/u) Pailemenu n'1"e' Barons , cTArcheuefques , d'Euefques , D'cAbbéj, le Legat admonnefla en fa Predicationles Barons & le peuple, de fecourre la terre d' oultrc-mer , l''Archeuefque de Bov.rges fe croi/a , & celui de Rheim,s , 'CEuefque de Beauuais , 1'Euefque de Laon , 1'Euefque d'O diens , Robert Comte d'Artois , Huë de CaftiU Ion , le Comte de Saincl Paul, ie Comte de Blois , lean des Barres , le Comte de la Marche , le Comte de Mom fort, jRaoul le Seigneur *de Coucy, & moult  ioo Chronologie rons , qui dura par quinze iours , & autant lappoinaement du Roy' &de la Royne: mais le Roy qui hit ennuyé de la longue demeure, & de la longue difputoifon Des fages & des Clercs qut ld ejïoiert , s en alla au matin , & emmena auec luy Ingembourg fa femme fans prendre congié, & lanTalesLegats, & les Prélats, & le Confeil tout planier. "TTT Au mois de Mars cmmy la quaGrmtit 'Ch, f n^aine>fiflle Roy affembler tous NR0fiL"d\t „ tS def°n R°y™™ en U Cué de guerZ " Paris, & tous lés Princes & les Barons. La furent croifez une grande multitude de Cheualiers , & de gens a pied. . « Anno Domini millefimo cente- ii 88. fimo oftogefimo oöauo , menfe Jifsïuf. ^artio > media quadragefima Par A*,*, rifijs celebratum eft generale Concilium a Philipo Rege , tmuócmh omnibus Archief ifcopis, Epifcopis, Aè*  des Eflats Generaux. 101 lalibus , & totius Regni Baronibus , in quo innumerabilis militum multitudo , feu peditum , facratiflima cruce infigniti funt. Et propter hanc inftantem neceflitatem , oppidó enim iter Hierofolymitanum Rex affe&abat , cum ajjenju cUü & popuii, quafdam decimas ab omnibus accipiendas effe eo tantum anno decreuit: qua? di£ta?, fan£ta? decimse Saladini , quas in pra?fenti libro pofuimus.» LOYS LE IEUNE. D'Orleans s'en vint a Paris, qui eft ftege Royal : car la fouloient Gr"i^ les anciens faire'leurs affemblées & Parlements, pour trai&er de f^Lb1'ordonnance du Royaume , & de uki w'* 1'Eglife , ft comme 1'en trouue és anciennes hiftoires. Et celui nouueau Roy le fift ainfi, felon ce que le temps, & fon nouuel aage le requeroit.  104 Chronologie folernnitate Natalis Domini Cotifi* hum habiturus fis cum P/mcipibus Regni, de pace componenda ; gaudeo. Sed audito quód Aureliana Ciuitas , videlicet incendio vaftata , facrilegijs profanata,& infüperexcommunicatione damriata, nee poft reconciliata , miror, & paueo. Excrefcente denique difcordia tloioar. Ec- ' t-x _ 1 chf w r inter Kegem Carolum , & Rober- hifi. I. 4. cs. \ , _L 17 tam , Clim pene cuncti JÏejni Proce- res ad conflituendum Regem Robertum, cpudfanclum Remigium congregati effent, idem Archiepifcopus langore depreftus , vita deceftit , tertia die feilicet poftquam Robertus Rex fa&us fuerat, quarto veró die artfequam viceftmum fecundum fui Epifcopatus expleret annum. » LOYS LE BEGUE. 879. Credo etiam quia pater vefter f poftquam fciuit fe de fua infirmitate non pofte conualefcere , non dimiftt  des EJÏats Generaux. f ö'l dimifit vt vobis de regni difpofitione , qua? ad Dei voiuntatern, 6c' fan£be Ecclêfiès ftatum, cc veftr ;m honorem , ac primorum regni 6c populi neceflitaterri, & vtiiitatem fcimt, qusedam fpecialiter non mandauerit. Propterea neceffe eft , & bonum videtur, vt illi etiam inter^ fint, qui cum illo fuerunt, cc omnes communiter de communi neceftitate & vtiütate traetent. Ego etiam, licet minimus illörum , 6c debilis, ac iniirmus, in Dei, 6c veftrum feruitium, 6c illorum obfequium , Domino annuente , libenter cortueniant j & fi aliquid vtilitatis valuero conferre, voluntariè faciam , quia neceffe eft vt cum Dei, cc veftris fidelibus traöetis, 6c difponatis. Primo quali.er nos in rëgiminé** regni cum bonore & faluamentö^tf ac fupplemento de his qua? necefi-» faria funt, cum regno , ac domd» K  ïo6 Chronologie vertra poflitis, confiftere. Secundó vt praefatum Capitulum a patre veftro nuper in Carifiaco denunciatum de honore fan&a? Ecclefia? , & Sacerdotum, ac feruorum Dei debito priuilegio ad effeclum perduci poftit: & vt Ecclefia? in ifto regno per occafionabiles circadas, & per indebitas confuetudinarias exaöiones , qua? tempore Pippini , Caroli , &Hlvdowici, non fuerunt ante annos viginti impofitas , non aftligantur. Tertio , qualiter regni primores cum debita fecuritate , ac honore erga vos confiitere pofiint , & casten nobiles homines in regno fecuritatem habeant, ne per diuerfa ingenia a fuis opibus, quas habere potuerint , defpolientur , quia poftquam radix omnium malorum cupiditas, in regno ifto exarfit, vt nullus, aut penè nullus, honorem, aut aliquod bonum fi-  des Ejltits Generaux. 107 ne pretio poffet adquirere, aut tenere, aut ïècuritatem habere, pax, & confilium, & iuftitia, atque iudiciurn , ficut neceffe fuerat, locurn in iffo regno non habuerunt. Quartö, vt inueniatis cum Dei, & veffris fidelibus, qualiter ifla? rapinae, & depradationes in iffo regno ceffent, & mifer iffe populus qui iam per plures annos , per depraedationes diuerfas & continuas, & per exacliones ad Nortmannos repellendos affligitur , aliquod remedium habeat, & iuffitia & iudicium, qua? quafi mortua apud nos fiint, reuiuifcant, vt virtutem nobis Deus reddat contra Paganos : quia vfque modo iam ante plures annos locum in iffo regno defenfio non habuit, fed redemptio , & tributum , & non folüm pauperes homines, fed Ecclefias quondam diuites , iam euacuatas habent. Quinto, vt con- Kij  io8 Chronologie cordiam , qua? fecundüm Deum eft, qua nuper in Carifiaco pater vefter mentionem habuit inter fideles Dei, & veftros haberi, & vigere quantum potueritis, fatagatis, & vos talem erga eos praeparetis, ut verum confilium vobis dare pcftint & audeant: Quia ficut per muitos audiui , multüm deperijt de vtilitate in ifto regno, « pro eo, quia Confiliarij quod fcie<( bant bonum & vtile , non aude<( bant dicere , nee vt dicerent, lort cum habebant. Nullus enim homo eft fic fapiens, vt alterius non indigeat confilio , ficut fcriptum eft : Audiens fapiens , fapientior erit , & intelligens gubernacula poftidebit, & qui confidit cogitationibus fuis , impiè aget. Sextö, vt inueniatis cum Dei & veftris fidelibus qualiter pacem & amicitiam fecundüm Deum cum veftris fobrinis patrui veftri filijs ha-  des Eftats Generaux. 109 beatis , & mutuum adiutorium vobis ad Dei voluntatem , & fanöas Ecclefias , ac veftrum honorem , atque communium fidelium veftrorum faluationem exhibeatis. » CHARLES LE SIMPLE. Charles entendant le retour du ' Roy Eude, auoit enuoyé demander fecours au Roy Arnoul, lequel xj. C. 4. €X party de Bauieres & venu a Franc- Rei""""' fort , eftoit pafte de^a le Rhin pour venir vifiter les Cités du Royaume de Lotheric , oü encore s il n'eftoit entierement recogneu; la il receut de grands dons & prefents des Euefques de ces quartiers. Puis ayant affembié un fBademenLj cu^Juozmej , Charles fy vient trouuer, & par prefents Ie tira de fon party, moyennant qu'il luy fit hommage du Royaume par luy vfurpé. Küj  ito Chronologie JrT CHARLES LE CHAUVE. Vignur. Recefius Comitiorum Compendianorum. « cTn placito qenezali apuè Compendium Jial. Iunij habito , DominilS Carolus Imperator , per Capitula, qualiter Regnum Franciae filius fuus Ludouicus cum fidelibus eius & Regni primoribus regeret, ufque dum ipfe Roma rediret ordinauit.» -—— Le Roy Charles qui auoit faiét tauKku, ux. le Noël de eet an huict eens feptante quatre a fain£t Vuaft d'Ar- ras, vint tenir le Parlement^ dej> Chandeleur d S. Quentin , & depuis vn autre (fenezal d SDuiiac, le treiziefme Iuin , auquel il receut les dons annuels que fon peuple a- ——— uoit accouftumé de luy faire. Fauchct. l.x. Les affaires de Bourgongne ordonnees, le Roy vint a Gondouluille, oü le Parlement eftoit ajftgné au premier Septembre.  des EJlats Generaux. 111 Puis retourna au Palais d'Aix faire la feite de Noë'I, de l'an huict B 8-7°- p • r> 1 • i Fauchct. I. x. cents loixante & dix, laquelle paf- v- fee il alla tenir vn fBarlement cu c^Vl- meghe, & faire alliance auec Roric ou Raoul Normand» Caroli Calui Imperatoris Au- U'' gufti ReceiTus fiue Capitulare Co- mitiozum fBiftenfium. A. C. Dccclxüj Car les Normans s'efforcants de 8ó7~" touscoftez, & fan huici cents foi- F^t.i.ix, xante trois arreftés pres Poiiii, lors appelle Pifiis ( comme encore eft nommé en 1'Eglife de Chartres Archidiacre de Pincerais,celuy qui a la charge de ce quartier ) le Roy y fit affemblez vn SBazlement, & baftir vn pont, fortifié de deux Chafteaux aux deux bouts , qu'il fit garnir de bons gens darmes. w—■— Caroli Calui Regis Franco rum Vj"s5 z. Capitulare de ftatu Ecclefiarum & i rerum Ecclefiafticarum corrigendo fancitum ac promulgatum in Comitijj SueJJionenJibuj*  ï 12, Chronologie * La mefme armee , 1'Empereur s?' Charles & Ten frere, fe veirent a f, ]x. c. xuj. Valenciennes en vn -lEatUment temt au commencement de Nouembre. LOYS leDebonnaire, * 877. Ludoukus Rex menfe Ianuario , Animus, jjenetdli Conuentu liabito apud Fran- conofurt, qüos de regno Karoli tenuit captiuos remifit in Galliam, Inde rediens circa Kal. Iunij ve- 875. nit ad Tribuere, ibique genctale Anonymus. jplacitum habuit. Rex veró mediante quadrageftg7ï> ma apud villam Forhheim, jjene- Anonymus. taU' Conuentu liabito filios fuos de regni partitione inter fe diftidentes, pacificauit, & quam quifque partem poft obitum fuum tueri r~—*rr deberet, liquidó defignauit, r'flir. LudoUlCUS Rex liabito SRatijbonce c.nt.adus. Co!m,mtu 5 aliquot Primates fuos , mfidelitatis accufatos, &c. Anno ab incarnatione Domi^  des Eflats Generaux. 113 m octingentefimo fexagefimo , Indi&ione vrij. mediante Februario & 2e'** menfe, decernentibus gloriofis Regibus Hludouico Karolo , atque Hlothario Iuniore ia gtneralt Conuentu Optimatum ex regno alrni Hlotharij a&um eft Concilium Epifcoporum Aquifgrani palatio, bic. Inde condiclo placito, & defiana- stf. tij ad hoe fpecialitet Lomitibuj , in Villa Alamanniae , quse vocatur VIma : Notingum Epifcopum , & Eburhardum Comitem miflos Ludouici nepotis fui fufcepit, & audiuit. Legatos iuos ad fratrem fuum 848, Blotharium in Theodonis villa An""ym' placitum habentem pro Giflaberto, qui eodem anno ad fidem eius venerat, reconclliationis gratia direxit. Sed & conuentum pepulo Compen- ^ dij indicens, Vofagum per Mauri 4  116 Chronologie portionem regni bis terminis notatam Karolo dedit, id eft, a mari, per fines Saxonise, vfque ad fines Ribuariorum. negan. ;n Ano anno regm &i habuit geneVn*Uioui. rale placitum fuum in partibus Saxo- nia», & ibi multa bona confti- tuit. u.Theg. Eodem anno Ingilheim villa regia genetale placitum Juum habuit. u.ThcS. Sequenti anno habuit genetale placitumjuum'm Attiniaco Palatio. IrtTwoii' Q,Joniam quidam noftrum tem- & T«b. pore fan&ae memoriae Domini Hludouuici Pij Augufti in Attiniaco Palatio tune fuerunt, quando in vniuerfali Synodo totius Imperij , etiam cum Sedis Romancrt Levatis & m genezali placito fcemina quaedam non ignobilis genere , nomine Northildis , de qubufdam inhoneftis inter fe , & virum fuum, vocabulo Agembertum , ad Imperatoren* publicè proclamauit, cjuam  des Eflats Generaux. lij Imperator ad Synodum deft'nauit, vt inde Epifcopalis authoritas quid agendum eflet, decerneret. Sed Epifcoporum generalitas dd« laïcorum, ac coniugatorum eam remi(it L«"i"* ma Pt/. mularentur deuotionis in patrem , defectionis in filium ; quidam verbis fimplicibus , quidam iuramentis objecla diluerunt. Imperator, cum filijs Pipino , Comraaas' & Llldouico, Lugduni magnum ka- ouit Qonucntum. » , La faifon fut ia fi auant pafTee , r 8p- ' l ' Grande Chro. que la Septembre approcha. En- tour les Kalendes d'O&obre re- Dehm"irt'  i zó Chronologie t> tionem reddifti ei f Fecit te libéru-n , non nobilem , quod impoffibile eft, 'poft libertatem. Veftiüit te purpura & pallio, & tu eurrt •induifti cilHo. llle pertraxi - te immeritum ad culmen Po tiiica'e , tu eum falfo iudicio volu'fti expellere a folio patrüm fuorum. » Crudelis cur non intellexifti pra> » ceptaDömini, J^onelt fetuuj fupuu >> IDominum fuum ? Quamobrem con»temp{ifti praecepta Apoftolica il»lius qui ad tertium ccelum raptus » erat, vt inter Angelos difceret quod "hominibus ille ftc praeciperet : 5> Omnibus poteflatibusfub'imloabusfub»jecli eflote : Non eft poteflas hifi d *> iDeo. Et iterum alius dicit: SDcum timete , Regem honorificate , ferui fub» diti ejlote in omni ümo>e, non tantum j> bonis & modejlis , fed etiam difcolis, » hoe eft envn jtatia. Tu veró DèUm » non timuifti, nee Regem honoraj) ftL Si vnufquifque gratiam Dei adi-  Chronologie . Plufieurs croyent que ct/k cAf- J'mhUe de ComFie9ne fok IWine de nos Parlements, & le premier tenu en France. Mais Gregoire de lours nous a monftré le contraire par tant d'afTemblees tenuès fous les Roys Merouingiens. Cefte opimon poffible vient de ce que durant.Ie gouuernementdes Maires, Ion n'en faifoit point, ou ilsueftoient pas libres. " ReCèffus ' flue Capitulare Co• mmozum Mettenfium, a Pipino Francorum Rege , & Patritio Romanorum defenfore fanaa? Dei Ecclefiae celebratorum. —- CJum P^diöus Rex Pipinus 'ar ^ . P£r Legatos fuos petierat 'ST™' nonimPetrafTet, & Aiftuïphus hoe facere contempfuTet , euoluto anno Rex a Kal. Martij omnes Francos, ficut mos Francorun, ejl, ia Bernaco Vtlla publica adfe venire pr(ecepit ^ mitoqjconfilio cum Procerib. fuis,  des Eflats Generaux: 147 eo tempore quo foient Reges ad bella procedere, Stephanus Papa, & reliquse nationes, qua; nationes, quas in fuo regno commorabantur, & Francorum agmina ad partes Langobardise, cum omni multitudine, per Lugdunum Gallige, & Viennam pergentes, vfque Mauriennam pcruenerunt. Les folemnitez paffees, le Pape, ?H & le Roy vindrent a Crecy tenir ^-L6%>n , SPatleme/iL- , pour auoir 1'aduis des Seiqneuts francois , fur le VOya- ge de Lombardie , dont le Pape P y \ Grande Chro. Puis retourna par Vienne. La « u «•« * celebra la folemnité de Pafques. cp"1' Tant oftoya a mont & a val, que la faifcn fut prefque paffee. Son oft qui trauaillé elioit, fift fejourner. Puis vint ou mois d'Aouft pour faire le demourant de la guerre d'Aquitaine. Par Bourges retomnd.>$tjïjc£ france, enuoyerent a Rome Bouchard Archeuefque d'Vvifebourg, & Foulques Abbé de S. Denys en France , & autres folemnels meftagers, deuers le Pape Zacharie qui lors eftoit, pour luy remonftrer les chofes deflufdites, afin de fcauoir, & auoir confeil a luy : lequel de raifon deuoit mieux eftre dit & appelle Roy, & porter le fceptre & la couronne, &c. « Rex Pipinus diftraÊto indiuer- {. 1111 * J Aimoin. l, 4. aanimo, propter duobella, vide- ea.$6. licet Aquitanicum iam olim fufceptum, & Bajoaricum, propter TaftilonisDucisdefecfionem fufcipiendutn , poputi fui generalem conuentum habuit in Vvormatia ciui tate.  15° Chronologie ti**.au. Pipinus Rex ad conficJendum Aqukanicum beihim , comtenm csturetianb kabuo, m Aquitaniam profe&us eft. CHJLDERIC II. Childedci II. Regis Francorum, & Pipini Maions domus, Decretum in Comitijs Suejfionenfib us. In Dei noinine, & Trinitatis. c*/2L %tingentefimo quadra- quarto ab Incarnatione Ghnfti, fub die fexto Nonas Martij , & kina vxj. in anno fecundo ChiJderici Regis Francorum. Ego Pipinus Dux& Princeps Francorum, dum pluribus non liabetur mcognitum, qualiter nos in Dei newnine; vna cum confenfu Epifcoporum, fiue Sacerdotum , vel iemorum Dei concilio, feu Coimtum,& Optimatum coiloquio  des Eflats Generaux. icc rem patris fui, aut parentis confanguinei. Si quis vxorem patris acceperit, mortem incurrat. De praeteritis veró inceltis coniunctionibus per prsdicationem Epi£ coporum iuffimus emendari. Qui veró Epifcopo fuo noluerit audire, & excommunicatus fuerit, perennem condemnationem apud Deum fuftineat, & infuper de palatio noftro fit omninó extraneus , & omnes facultates fua? le* gitimis parentibus perueniant. Similiter Jra/ecti conuenit nobis Campo, vt quaflibet res ad vnum Ducem , vel Iudicem pertinentes , per decem annos quicumque inconcufTo pofTidebit, nullam habeat licentiam intertiandi, nifi tantum caufa orphanorum vfque ad viginti annos licentiam tribuamus. Si quis fuper hoe iudicium przefumpferit intertiare, fol. XV. foluat, & rem intertiatara Nij  i$6 Chronologie amittat. De reliquis veró condi^ tionibus , omnes omninó caufas , »tricenaria lex excludit, praeter id quod in alia regna hucvfque de- tenuit. Pari conditione conuenit Cal. lM.au. omnibus adunatis, vt quiCUm- que raptum faeere praefumpferit, pericuïum mortis incurrat , & >> nullus de Optimatibus noftris de »tam turpiffimo vitio praefumat m rogare, fed inimicum Dei vnuf» quifque a modo perfequatur. Qui veró ediclum noftrum aufus fuerit irrumpere , Iudex loei illius folatio colleoto, ipfum raptorem ' occidat, & iaceat forbattutus. Et fi ad Ecciefiam confugerit, reddatür ab Epifcopo , & fine vlla precatione exinde feparetur. Et fi ipfa muiier poftea raptori confenferit, ambo pariter in exilio tranfmittantur. Et li foras Ecciefiam " capti fuerint, pariter occidantur >  des Ejlats Generaux. 157 & facultates illorum parentibus legitimis dentur , & quod fifco noftro debitum eft, acquiratur. De homicidijs veró ita iuflimus obferuari, vt quicumque aufu temerario alium fine caufa occiderit, vitse periculoferiatur, & nütlo precio fe redimere vnquam valeat. Et fi conuenerit, vt ad compofitionem quis defcendat, nullus de parentibus, aut de amicis ei quicquam iuuet. Quifquis fecerit fuum Vveregildum, omninó componat, quia iuftum eft, ut qui injuftè nouit occidere, difcat iuftè mori. De farfalio ita coriuenit , vt quicumque in malo prasfumpferit, farfalium minare fine dubio fuum Vveregildum componat, quia omninó volumus, vt farfalius reprimatur. Et fi forfitan, vt adfolet, Iudexhoc confenferit, & fortafle adquiefcet iftum farfaN iij  t 5 S Chronologie lium cuflodire, vitaspericulum per omnia incurrat. De furibus & malefa&oribus ita decreuimus obferuare , vt ü quinque, aut feptem bonse fidei homines, abfque inimicitia interpofita criminofum cum facramenti interpotitione efTe dixerint, quomodo contra legem furtum perpetrauit , fecundüm legem moriatur. Et fi Iudex comprehenfum latronem laxauerit , vitam fuam amittat, & haec difciplina in populo modis omnibus obferuetur. Similiter Cal. SHatt. Colonice conuenit, & ita banniuimus, vt vnufquifque Iudex criminofum latronem , vt audierit, ad cafam fuam ambulet, & ipfum ligare faciat, ita vtflFrancus fuerit, ad noffram praefentiam dirigatur. Et üi debilior perfona fuerit, in collo pendatur.  des Eftats Generaux. 15 9 Si quis centenarium, aut quemlibet Iudicem noluerit fuper male fa clorem ad prindendum adjuuare, foi. fexaginta omninó condemnetur. Et quicumque feruum ctiminofum habuerit , & Iudex rogauerit ipfum prasfentare, & noluerit , fuum Vveregildum omninó componat. Similiter conuenit, vt fi furtum fa£tum fuerit capitale, de prasfenti centena refiituat , & caufator centenarium cum centena requirat. Pari conditione conuenit, vt Ci vna centena in alia centena veftigium fequuta fuerit, & inuenerit, vel in quibufcumque fidelium noftrorum terminis veftigium miferit, & ipfum in aliam centenam minimè expellere potuerit, aut conuictum reddat latronem , aut capitalejie praefenti reftituat, N iv  160 Chronologie & cum duodecim perfonis fe ex hoe facramento exuat. Si ferui Ecclefiarum, aut fifcalini furtum admiferint, fimilem pcenam fuflineant, ficut 6c reliquorum ferui Francorum. Diem Dominicum fimiliter placuit obferuare, vt quicumque ingenuus, excepto quod ad coquendum, vel ad manducandum pertinet, opera alia prasfumpferit, ii Francus fuerit, fol. xv. componat, fi Romanus, vij. fol. feruus autem tres folidos reddat, aut dorfum fuum componat. De Chrene chruda, lex quam Paganorum tempore obferuabant, deinceps nunquam valeat, quia per ipfam cecidit multorum poteftas. Datum pridie Cal. Mart. anno vigeJimo regni Domini nojlri. Colonice. Ego Childebertus Rex, vna Aimoin. I. j. r r c i r- tha, 20. eum conjenfu, G* voluntate franco- tum3 & Neuftrafiorum, 6c exhor-  des Eflats Generaux. 161 tatione Sanai Germani ParrhifiorumvrbisPontificis, vel cónfenfu Epifcoporum ccepi conftruere templum in vrbe Parrhifiaca. Quae Childebertus & Clotha- ajgt rius cum Proceribus, & omni populo Fzancotum, habuerunt. CLOVIS. Anno enim decimo fexto, ex - • Aitntitt* lm 4* quo fceptra fufceperat regalia , «P.4t. Pontifices , & totius gentis Principes Clippiacum conuenize iubenti^ , mediufque inter eos folio refidens, hoe habuitfermonis exordium^'" Conuocatis iqituz fzanc'u , dicit ad eos : Indignamim , quxio , tam G»g. meam iniuriam, quam interitum parentum veftrorum , ac recolite Thoringos quondam, fuper parentes noftros violenter adueniffe , ac multa illis intuliffe mala. Qui datis obfidibus, pacem cum his inire voluerunt: fed illi obfides ipfos diuerfis mortibus pere-  1 &4 Chronologie pource qu'il fe doutoit que vn autre eufï celuy orcel , & qu'il ne luy efcheuft pas a fa part,. il appeila fes Princes, & desplusnobles Cheuahers qu'il euft, & leur dift ainfi: Seigneurs mes Cheualiers, & Compagnons, quand Prince, ou Roy veut accomplir fa voulenté d'aucune chofe enuers fes gens, « il eft mieux droia & raifon felon » la dignité , qu'il face par comman» dement, que par priere; mais tou» tefois ie ayme mieux requerir aucune chofe de vous par debonnaireté & par grace , que par autho» rite & feigneurie : car ii appar» tient a Tyran d'accomplir fa vou» lente par cruauté , a bons Princes par debonnaireté, & par douceur de paroles , ia dignité de mon nom doit enfuiure les exemples de mon débonnaire pere. Si i'ay plus chier que 1'en me porte honneur & reuerence par la raifon de de-  des Eftats Generaux. i6& bus, faac eos alloquitur oratione : Cum rationis ordo expofcat Principem imperare potiüs fubditis , quid velit, quam prece depofcere : Ego tamen, fortiflimi commilitones, malo cum gratia, quam cum aufteritate quicquam a vobis exigere: Tyrannorum quippe eft le- <( uia quasque cum vi&feritate füb-rt jectis praecipere ; bonorum veró ^ Principuin ad grauia etiam , atque <( difticilia toleranda, fola lenitate <( inuitare verborum. Regij itaque^ dignitas nominis, pij patris debet exempla feclari , vt plus reuerentiae ftbi ex benignitate, quam timoris exigat ex crudelitate. Re*(C clius igitur duxi, manfueti animi beneuolentia id vos rogare quod poffem Regia vfus authoritate inconfultis vobis praeripere. Vnde oratos vos omnes effe volo } vt vas ïftud, ( vrceum demonftrans, ) veflra mihi munificentia extra fortjs O  17° Chronologie meae portionem tribuat, deque remunerationis premio nullus veflrum ambigat, cum me retributorem profitear , fi hoe cum bona quiuero impetrare gratia. Ad hsc Regi refpondentes Franci dixe« runt: aut mergifluminibus, autjlammis « iubeas tradi voracibus , nihil ad nos at« tinet , tantum vt tuo fatisjiat defiderio. Tam deuotam totius erga fe exercitus voluntatem Rege admirante , atque laudante, vnus ex Francis, leuitate animi commotus, gladio vrceumpercutiens, ad Regem dixit: Tu , inquiens, Rex , nihil  J7^ . ."/ Chronologie contiprit. Dum ego, inquit, per öcaldemfluuium nauigarem, Chlodencus filius parentis mei, patrem fuum ïnlequebatur, verbo ferens, quod ego eum interficere velim! Cümque ille per Buconiam fyluam fugeret, immiffis fuper eum latruncuhs morti tradidit, & occidit.Ipfe quoque dum thefauros eius aperit, a nefcio quo percuifus intenjt. Sed in bis egonequaquam confcms fum : nee enim poffum fanguineni parentum meorum effundere, quod fieri nefas eft. Sed quia haec euenerunt , confilium vobis prasbqo, fi videtur acceptum, conuertimini ad me , vt fub mea fitis defenfïone. At illi ifta audientes , plaudentcs tam palmis, quam vocibus, cum clypeo eueöum fuper fe Regem conftituunt , Regnumque Sygiberti acceptum cum tnefauris, ipfos quoque lüas dirioni adfciuiu « Profternebat enim  des Ejlats Generaux. ijj quotidiè Deus hoftes eius fub ma-« nu ipfius, & augebat regnum« eius, eo quód ambularet reclo« corde coram eo , & faceret quas <•< placita erant in oculis eius* « Rex quoque veritare cognita , vni fe Deo famulaturum deuotus ^u". fpondet, Procerum fanè regni, atq'ue exercitus fe tentaturum fententiam. Placet conditio , & ex Regis Edi£tO , fit puhlica popidï con- ttocatio, conueniunt regni Primates, nee militaris quoque manus defuit. Apres il dift a Saincl Remy, & a • la Royne, qu'il tenteroit, & ef- 1 fayeroit le cceur & la volonté de c-rw/a™. fes Barons , & du menu peuple: Car c^U ''dc ils fe conuertiroient plus deuotement, & plus debonnairement par belles paroles, que fe il faifoit a force, Cefte' condition pleuft moultaSainct Remy, &a la Royne. Le peuple & les Barons furent  iSo Chronologie. a dire pays des Saliens, Bodiens, & Vvindiens : afTemblerent lecc- Eftats, & par l'aduis d'iceux arreflerènt , & firent cfcrite ladicïe Loy , comme de nos iours a efté obferué pour reformer & rediger en preuue litteratoire , les couftumes de ■ France , &c. stgéJL. "1° Comitijs quondamSalizenfiDUS Per Francos & eorum Pro- t!esc Saü' ceres decreta; j & per Regem poriea , cw/k eifdem fFzancij, & -toto coetu populi, confirmatie & fancitie. * Anno Domini cccc xxiiij. 410. Regem veró casterarum more naöohum , Franci fibi eligentes f£f Faramundum, Marchomiri filium, Augg profitr. f0ü0 fublimant Regio. in Chro, ö Placuit , atque conuenit inter Francos, & eorum proceres,vt Frobgu* u- ProPter fieruandum inter fe pacis fh saik*. s fiudium , omnia incrementa veterum rixarum refecare deberent , & quia ceteris gentibus iuxta fe  des Eflats Generaux. i 8 i pofitis, fortitudinis brachio praerninebant , ita etiam legum authoritate praecellerent, vt iuxta qualitatem caufarum , fumeret criminalis a£tio terminum. Extiterunt igitur inter eos elecli de pluribus , quatuor viri his nominibus, Vvifogailus, Bodogaftus , Salogaftus , 6c Vvidogaftus , in villis quae vltra Rhenum funt, Salehaim, & Bedohaim , & Vvidohaim , qui per tres mallos conuenientes, omnem caufarum originem follicitè difcutiendo , traclantes de finguiis iudicium decreuerunt hoe modo, F I N.  184 Chronologie Pag. yy. deuant cej motj ; En 1'an ' de, &c. £;2fe- Statimque Rege in Franciam remeante, & Pariamentum Parilijs conuocame in vigilia Beata; Maria; Magdalenae, Vicecomes Tóaroij Parifios veniens coram Legato , & Regis Anglia; Nuncijs praefentibus, homagium Regi fecit. K»4. Anno Domini millefimo du%TLtf centefimo vigefimo quarto , Ludouicus Rex Francia;, tertio Nonas apud PariflOS Pariamentum genetaie tenuit, in quo Honorius Papa indulgentiam qua; in Lateranenfi Concilio contra Albigenfes haereticos fuerat inffituta, authoritate propria ad tempus reuocauit , & Raymundum Comitem Thoiofanum fide Catholicum approbauit. 103. deuant cej motj \ Inter multas, &c. I0I3- Porró Monachi commentitia fin-  I 8 8 Chronologie mus fecundus fequitur Redemptoris annus , indttione quinta , quo Gallorum Epifcopi Conuentum habent Aquifgrani , in quo ex petitione Regum Francorum Ludouici & Caroli, decernunt de Iuribus regni in Gallia hoffis ipforum Lotharij Imperatoris. Pag. 116. deuant cej motj: Eodem anno Ingiihein, &c. 835. " Addunt veró his quod ad res politicas pertinet, eumdem in Vvormatia alium hoe eodem anno habuiffe Conuentum. 83S. Sequitur Redemptoris annus Ex Baron. o£tingentefimus trigefimus quintus, indiöione decima tertia, quo in Theodonif-villa habitus eft Conuentus Epifcoporum , & aliorum , • vbi Ebbo Remenfis Epifcopus , qui author fuerat vt Imperator Ludouicus priuaretur imperio , fuaftone Epifcoporum , feipfum iudicans Epifcopatu indignum , eo fe abdicauit.  des Eflats Generaux. 189 Sequenti veró Dominica, quse facrae Quadragefimae initium pras- 835. cedebat ( addit author in vita Ludouici) in Metis ciuitatem Dominus Imperator , fed & Epifcopi , & popuius vniuerfalis UUuj conuentuj venit, & inter MüTarum celebrationem feptem Archiepifeopi, feptem reconciliationis Ecclefiafticae orationes fuper eumdem Imperatorem cecinerunt, atque omnes populi , hoe vifo pro plenaria reftitutione Imperatoris , multas Deo gratias reddiderunt. Pa$. nj. deuant cej motj : La faifon fut, &c. His ita difpofitis tempore Miffae — Sancli Martini, Ludouicus cum 834. J Lx ftarvn. fuis habuit generalem Conuentumin Attiniaco palatio , vbi inter alia haec memoriae digna facta leguntur. Mandauit filio Pipino per Eumoldum Abbatem , res Ecclefiafticas, quae in regno eius erant, P iij  19° Chronologie quas vel ipfe fuis attribuerat , vef ipfi fibi perceperant, abfque cunöatione Ecclefijs reftitui. Pag. izi deuant ces mots : Impe.• rator generale m , &c. 830. Sicque Conuentum publicum inBaron, dici ïufiit ex Imperatoris fententia Neomagi, ad quem veniret ipfe Imperator, non armata manu , fed fimplici comitatu: quod faciendum aequè filio perfuafit. Pag. izi. deuant ces mots: Au Parlement tenu , &c. Imperator Ludouieus eo tem- 8*8. pore Aquifgrani Palatio confif£0 B,ron. tens ? Conuentum Procerum ibi fieri media ferè hieme praeceperat, Pag. /2J. deuant ces mois : Au Parlement tenu , &c. 822. Anno hunc fequenti Imperator & Ba™, generalem Conuentum coïre iuffit in loco , cuius vocabulum eft Attiniacus, in quo cohuocatis ad Conciiium Epifcopis, Abbatihus.,  des Eftats Generaux. 191 fpiritualibufque viris , necnon regni fui Proceribus , primo quidem fratribus reconciliari Ituduit, quos inuitos attonderi fecerat , deinde omnibus quibus aliquid laefurae videbatur. P. 125. deuant ces mou : Imperator veró , &c. ^7*"" Hoe anno tertio Ludouici, ab 8l6, eo celebratum conftat Conuentum £*fl<"""; prouincialem Aquifgrani, in eoq; . S. Menulphum accepifle licentiam asdihcandi Monaiterium virginib.9 canonicis regularibus: habent vit» ejus acta a Gobelino confcripta. Pag. l%6. deuant cej motj : Quar- tum iter in , &c. y, Porró hoe anno ab eodem Ca- ExBar^ rolo magno habitum elTe generalem conuentum Aquis, veteres Francorum teftantur annales. Pag. 1 5 I. deuant cej motj ; Quarnquam , inquit Rex , &c. -0^_ Anno enim decimo fexto , ex 655. Piv  19 * Chronal. des -Efiats Gen. quo fceptra fufceperat regalia,Pontmees,, & totius gentis Principes, Chppiacum comienke iubens, mediufque inter eos folio refidens, hoe habuit fermonis exordium. — ( Anno quarto regni Chlodouei, Fre4l:*s. cum Nanthildis Regina cum filio •fuo Chlodoueo Rege poft difceffum Jiganae Aurelianis in Burgundias regnum veniffet, ibique omnes feniores, Pontifices, Duces , & Primates de regno Burgundiae ad fe venire prscepit, ibique cunaos Nanthildis figillatim attrahens Flarchatum genere rrancutn maiorem domus in regnum Burgundiae eleöione Pontificum & cunaorum Ducum a Nanthilde Regina in hunc gradum honoris ftabiliunt , qui neptem fuam nomina Ragimbertam f larchato delponfauit.  T A B L E DES AUT H EUR S. A AcT A inter Phitipjh £. & Bonifac. PP. page 8 8 , & feq. Adalardus, p. 135. Aio , p. 129. 145. Aimoinus , 101. 115.124. 131. 132. 133. I49 151. 152. 153.161.168. 177. 180. 187. Anonymus, ÏIl. 113.122. 124. I25. 126.128,129. 130. 131. 132. AntiquitefÏÏAnjou, 182. Antiquiteit? Auton , 12. B. Daronius, 189.190.192. du Bellay, 21. Berttandus Lardinalis, 18 2. C. Capitulare Car Mag. Ch.ijfantus, 16. Chronique de Loys vnziefme , 30. 3 5. 36. Chronique MS. 96. Claudt Seyjfel, 6. 9. 10. de Clemenyis , 57. 581 Philiyp. de Commines, 18. Coniraclus , 112. 149. Eginardus, 141. E fiats de Tours , 17. F. Fauchet, 109. IIO £m. iz/ £>is. 142. 143. I44. 145. 147.152. Flodoardus , 104. 121. 17 5. 185. Fredegarius, 192. Fulbertus, I03 • G. Gêz/o, 6.61.62.81. Gerbertus, 102. bis. Cefia Ludouici lunioris , ioi. 186. N.Gilles^.16 32.80.83. 84.^.85.98.99. IOO. Goldaftus, IIO. 130.178.180. Grindes Chron iques, 8. S2. A/. Paris, ra. PafjuUr, 77. Platina, «u. Ragueol t ra. Rigorémst xa&. K-obertns de Menie , t ;- 6. kofïer de Frnéce, J 2. 8 a. 04. 100. ScyjTd, g.'jj 10. i'igeberius , 10:. ;Xa. Stilus Curia: ParLaiu. 49. r. Thcganus* n6.K8.Ji9. ^« TUltt, 4. *6.7.19. 32. 56. 66.80. 82», 96. 143. iói. 179. Thom. Vvaljlng , S'y Toronicus, 146. 148. F. Vignitr, 16. 17. j 8. 3 o. 35.42.82,83,103.110. in. 112. ^vanddbtrtus , 1 ij. 133.