0' E U V' R E* S- POSTHUMES D E FREDERIC m> RO I DE P RU S S Bi Tome II, A AMSTERDAM, chez D. j. CHANGÜiOif» 178-9.-   HISTOIRE D E MOM TEMP S, T£ Q U E S ï C 0 N D.   XABLE DES MATIÈRES D E L'HISTOIRE BE MO N TEMP S. TOME SECOND. Chat. VIII. Evénemens des années 1743 1744 > & ttut ce qui précéia la gusrre des Pruffitns. . Pag. x Chat. IX. Des ticgociations de l'annèe 1744 £f de tout ee jai prêcéda la guerre que la PtuJJe entreprit conti) h «Mi/in d'Autriche. «5 37 C h a ft" X. Campagnes d'Italië, en Flandre, Jut le Rhin enfin celle du Roi. . . • - 5 8 C h a ft XI. pts Autrkhiens font me invajion dans la haute Siléfle £j> dans le comtê de Glatz; ils font repoujjes par le Prince d'AnMt fc? le Gènèral Lehwald. Négociations en France. Mort de Charles VIL Imigw des Fwftis. Nègoskt'vms avtc lu  T AB L E. gitis pour la paix: difficulté qu'y 'met le traité de Varfovie. L'Anglettrre promet fes bons offices. Préparatifs pour la campagne. Le Roi part pour Is Siléfie. Lle jeune EkFceur de Bavière fait en i74 5 la paix de Fuffen avec l'Autriche. Pag. 11e ■ C h A p. XII. 'Campagne d'Lalie. Ceenpagne de Flandre. Ce qui ft pajfa fur k Rhin. Evénemens qui précédèrent les ' «pémtions de l'amée 1745. - . - 133; C h ap.- XIII, Mataüle de Fdedberg. Marche en Bohème; ~ce -^ai s'-y pqjfa. Bataitte de Sorr. Retour des troupes en Siléfie. .... 152 C h a t. XIV. ftèvtlution d'Ecoffe, qui fait quitter 'Hdnovre au Rei i'Angieterre,- £? rallentit les négocintions de la paix. Dejfein des Autrkhiens ,£ƒ des Saxons fur le Brandelourg découvert. ContradiEiions dans le, corfiil des miniflres. Prof ets de campagne, ƒ> Prime d'Anhalt rdffemble fon armée a Hille. Le Roi part pour 'la Siléfie. Expédüion de la Luface. Le Prince d'Anhalt marche a- Meijfen. BiXaille dt Kejfelsdorf. Prife de Dresde. Nègociation £? wnclufion de ia paix. . ioö HISTOIR E  H I S T O I R E D E M O N T E M P S. CHAPITRE VIII. Evénemens des annèes 1743 £? 1744, G* toui ce qui précéda la guerre des Prujfiens. O n dit que c'eft une faute capitale en polkique de fe fier a un efinemi réconcilié,& 1'on a raifon; mais c'en efl: une plus grande encore a une puisfance foible de lutter a la longue contre une monarchie puMTante, qui a des reflources dont la première manque. Cecte réfiexión étoit pëceflaire pour répondre d'avance aux critiques qui cenfuroient la conduite du Roi. Falloic.il, difoic-on, fe mettre a la tête d'tine ligue pour écrafer la nouvelle maifon d'Autriche & laifler enluire reprendre le deflus a cette même inaifon, pour chafler les Francois & lesFjavarois de l'A'.leraagne? Mats quel étoic le projet du Roi ? N'écoit- ce pas de conquérir Ia Süéfie ? Comraenc pouvoit-il 1'exicuter, fi la guerre avoit continué, n'ayanc pas aiféz de reflburces pour fournir aux grandes dépenfes qu'elle entral.ioit de nécoffice'.? Tout ce Qiuy. $ >fih. Ui Ft. U. T. U. A  2 • HISTOIRE qui ck'pendoit de lui, c'étoit d'agir par des négociations &, autant que cela étoit faifable, de conferver 1'équilibre entre les puiflances belligérantes. La paix lui donnoit le temps de refpirer & de fe préparer ii Ia guerre; d'ailleurs Tanimofité étoit fi forte entre la France & 1'Autriche, & leurs intéréts étoient fi oppofés, que Ia réconciliation tntre ces puiflances ennemies paroiflbit encore bien éloignée ; il falloit fe réferver pour les grandes occafions. Les mauvais fuccés des armées fxancöifes avoient fait une alTez forte imprefllon fur 1'efprit du Cardinal de Fleuri pour que Ca fanté s'en reöentit; une inaladie 1'emporta au commencement de cette année. II avoit été ancien Evêque de Frejus, Précepteur de Louis XV, Cardinal de J'églife romaine & depuis 17 ans premier Miniftre. II s'étoit foutenu dans ce pofte, oü peu de mini. lires vieilliflent, par Tart de captivc-r la confiance de fon maitre, & en écartant avcc foiti de la cour ceux doat le génie pouvoit lui donuer de 1'ombrage. II adoucit les plaies que Ia guerre de Succeffion & le fyftèrne de Law avoient faites a la France. Son économie fut auffi utile au royaume que 1'acquilition de Ia Lorraine lui fut glorieufe. S'il négligea le militaire & la marine, c'eft qu'il vouloit tout devoir a la négociation,pour laquelle il avoit du talent. Son efprit fuccomba ainfi que fon corps (bus le poids des années. On dit trop de bitn de lui pendant fa vip , 011 le blama trop aprês fa mort. Ce n'étoitpoint fame altière de Richelieu »i 1'efptit aniflcieux de Mazarin;c'étoierjt des lions  DE MÖN TEMPS. £ qui déchiroient des brebis. Fleuri étoh un pnfteur fege , qui veiltoit a la confervation de fon troupeau. Louis XV vouluc élever a la mémoire de ce Cardijial-un monument, dont on fit un deflein qui ne fut jamais exécuté: a peine fut - il mort qu'on 1'oublia. Chauvelin, que le Cardinal de Fleuri avoit fait exiler, crut du foud de fon exil pouvoir emporter ce pofte vacant; il écrivic a Louis XV, bltimant 1'adininiftration de fon ennemi & fa vantant beaucoup lui-même. Cette démarche.précipitée fit qu'on lui marq'ua pour fon exil un lieu plus éloigné de Ia cour que Bourges ou il étoit relégué. Le Roi de France notifia Ia mort de fon miuiltre aux cours étrangères, a peu pres- dans Ie fiyle d'un prince, qui annonce fon avénement a la Couronne. Voici la lettre qu'il écrivic au Roi; nous 1'avons copiée mot pour mot. „ Monfieur mon frère: Aprés la perte que „ je viens de faire du Cardinal de Fleuri, en qui „ j'avois mis toute ma confiance dans 1'admini. „ ftration de mes affaires, & dont je ne puis „ alfez regretter la fngeiTe & les lumiêres, je'ne „ veux pas différer de renouveler moi-mémea. „ Votre Majefté les aflurances qu'i! vous a „ données en mon nom, & que je 1'ai fouvent „ chargé de vous réitérer, de 1'amitié parfaite ,, que j'ai pour la perfonne de Votre JYTajefté, & „ du défir fincère que j'ai toujours eu de pouvois „ concerter avec Elle tout ce qui peut être de „ nos intéréts communs. Je ne puis douter que „ Votre Majefté n'y réponde de fa part comrac A a  4 III S T 0 1 R E >, je 'e Puis défirer, & Elle peut compter qu'EHe trouvera en moi dans toutes les occafions la „ même difpofnion de contribuer a fa gloire & „ a fon avantage,& a lui rnarquerquejefuis&c." Le'département des affaires étrangères notifia en même temps que le Roi ayant réfolu de gouverner deformais par lui - même(, vouloit qu on s'adrellat directement il lui. Jusqu'alors Louis XV avoit été le pupille & le Cardinal de Fleuri fon tuteur. Après la mort de Mazarin, Louis XIV 'porta lui-même ie deuil de fon minifire; perfonne ne le poita pour Fleuri; il fut oublié avant qu'on «üt prononcé fon oraifon funèbre. Pendant 1'adminiflration de ce Cardinal les différentes lênes du gouvernement aboutiffoient toutes a lui & venoient toutes fe joindre dans fes mains: il étoit le point de raliiement, qui réunilTant les finances, la guerre, la marine & la politiqae, les dirigeoit au moins a un même but. Depuis fa mort le Roi voulut travaüler lui - même avec les miniftres qui étoient a la tête da ces quatre départemens. Son ardeur s'éteignk au bont de huit Jours & la France fut gouvernée par quatre rois fubalternes, indépendans les uns des autres. Ce gouvernement mixte produifit des détails de département ;mais les vues générales qui réuniffenc & embraflent en grand Ie bien de 1'Etat & fon intérêt, manquèrent dans les confeils. Pour fe faire une idéé du choix des miniftres, qu'on fe repréfente un Cbancelier du Duc d'Orléans, rempli de C.jas & de Barthole, qui devient Miniftre de  BÉ MON TE.MPS. 5 1« guerre dans ces temps oü toute 1'Europe étoit en fetï; & «« ancien Capicairre de dragons, nommé Ori, qu'on met a la tête des finances. Maurepas s'imaginoit rendre Louis XV fouveram des mers, & le Roi le feroit devenu, fi les difcours d'un homme mrasWé avoient pu operer ce miracle. Amelot étoit de ces efprits rétréc», qui comme les yeux myopcs diftinguent a peine les objets de pres. Cet aréopage gouverna donc la France ; e'éttoft proprement une ariftocratie, ou bien un vaifleau qui navigant lans bouflfole fur une mer orageufe, ne fuivoit pour fyfième que IMmpulfion . des vents. Les arraées ne profpérèrent pas fous cette nouvelle adminiftraticjn. Quoique 1'armée de Maillebois jointe aux Bavarois fut encore fur les frontières de 1'Autriche , le Prince de Lobkowitz avee 16,000 Hongrois tenoic toujours le Maréchal de Belle • Isle bloqué dans Prague avec 16,000 Fran9ois. Le corps de M. de Belle - Isle étoit presque tout compofé d'infanterie, & celui des Autrichiens de cavalerie. Cette fituation inquiétoit M. d'Argenfon : foit par impatience, foit par humeur, foit par légéreté, ce robin fit expédier au Maréchal de Belle-Isle 1'ordre d'évacuer Prague. Cet ordre étoit plus facile a donner qu'it exécuter. Le Maréchal de Belle-Isle fit fes difpofitions c-n conféquencej il fit fortir la garnifon le 18 de Décembre au foïr par un froid ttès-piquant; il gagna trois marches fur le Prince de Lobkowitz & enfilant un cheinia difficüe qui donnoit peu de prife a la cavalerie-' A 3  6 H 1S T O I R E de rennetnijil continus de longer l'Eger& arriva le dLxième jour de fa marche a Ia ville d'Éger:  >* H 1 S T O r R E diète, des troupes' c-traiigères dans fa patrie» C'étoit tout ce que ce Prince pouvoit faire dans les conjonftures oü il fe trouvoit: il ne pouvoit pas compter fur la France, qu'il avoit indifppfée contre lui par la paix de Breslau ; il ne pouvoit fe brouiiler avec les Anglois, qui étoient les feuls garans qu'il eüt de cette paix. Les chofes-n'en étoient pas ' venues a une extrêmité aiTez grande pour replonger fes États dans une nouvelle guerre; il falloitj^ic fe contenter de Ia promefTe du Roi dj/Ingle terre, qui s'engagea de ne rien entreprenj/f, ni contré la dig'nité de 1'Empereur, ni 'Contre fes États patriinoniaux. Ce n'étoit pas avec les Anglois feuls qu'on négocioir. Le Roi avoit entamé une autre négociation a Fétersbourg pour des intéréts qui le touchoient plus direüement: il s'agiflbit d'obtenir de 1'Impératrice de Ruffie Ja garantie du traité de Breflau. Ce fureut les Anglois & les Autrichiens qui s'y oppofèrent de toutes leurs forces, quoiqiie fous main. Les de,ux frcres Beftuchew, BÏiniftres de l'Impératrice, trouvèrent par les difficultés qu'ils firent naitre le moyen-d'accrocher eontinuellement Ia fin de cette affaire. La Reine de Hongrie regardoit la cefïïon qu'elle avoit faite de la Siléfie comme'un acle de contrainte, dont elle pouvoit appeller avec Ie temps, en rejetant fur la néceffité ce que Ia rigueur des conjonétures favoit forcée d'accepter. Les Anglois vouloient i&lex le Roi de Prufle & le priver de tout anpui,  DE MON TE MP S. " pour 1'avoir endèrement fous leur dépendance. De quelque fa9on que les princes cachent ces fortes de vues, il leur elt bien difficile de les rendre impénétrables. Ce fut alors que la patx de Friedrichsham fut ratifiée entre la Rulïïe ós la . Suède: la pene d'une partie inculte de la Finlande fut le moindre mal dont la Suède eut a fe plaindre; le dcfpotifine que les Rulles exercèrent a Stockholm, mit le comble a 1'opprobre de cette naticm;"un fujet de 1'lmpératrice étoit confidéré en Suède comme un fénateur romain du temps de Céfar pouvoit l'être dans les Gaules. Une natibn malheureure ne manque jsmtis d'ennemis. Les Danois voulurent profiter des calamités de la Suède. La diête de Stockholm étoit sïTembiée pour ratifier la paix qui venoit de Te conclure avec ia Rufïïe & pour nommer un TucceiTeur au tröne ; le Roi de Danemarck, dans le deiTein d'nnir les trois Couronnes de la Suède, du Danemarck ós de la Norvège fur la tête de fon fils Ie Prince royal, excita une rebellion dans la Carélie, fouleva des prêtres, corrompic quelq'ues bourgeois ; mais il trouva tant de dilïïcultés dans 1'exécution de fon plan, que ce plan avorta avanc fa naiffance. Les troupes danoifes & fuédoifes s'alTembloient déja fur les fronrières; la diête de'Stockholm s'empreflbit a trouver des fecours; elle demanda les bon* efïïces du Roi de PrulTe pour moyenner un accommodement avec fes voifins. Le Roi s'intérefla pour eux, Ss Ie Roi de Danemarck lui répondis At>  H I S- T 9 [RE qu'ëu- égsrd a fes exhortations il ne préeipiteroit pas les chores. Mais ce qui paroitra prefque incroyable, c'eft que ces mêmes Suédo.is qui venoient de faire une paix fi déshonorante avec Ia. Rufiie, implorerent Ia proredtion de l'Impératrice contre les Danois. Éüfabetb la leur accorda & elle fit partir le Général Keith fur des galères qui portoient io.ooo hommes de fecours. Ce fut alors qu'a la faveur de ces troupes le Prince. de Holftein, Ëvèque de Lubeck, fut éta, au. lieu du prince danois, fuccefieur du vieux Roi dte Suède, Landgrave de Hefle. AinQ a peu. prës dans le cours de la même annéé Ia Suède fut. öattue., protégée & enfin donuée au Prince de Holftein par llmpératrice de Ruffie. Le Sénat de Stockholm fe confola de tant d'infortunes par des cruautés; il fit périr les Généraux de Buddenbrock. & de Lcewenhaupt fur 1'échafaud.. Gn les accufa de trahifons & deperfidies, mai* rien ne fut prouvé; ils n'étoient coupables que d'ignorance & de trop de foiblefft. Mais il eft temps dequicter ces fcènes tragiques. du Nord pour retourner au Sud, & voir ce qui. fe palfa dans Ja Bohème après que les Frnncoij feurent abandonnée. La Reine de Hongrie fe rendit a Prague pour recevoir 1'hommage de ce royaume, au recouvrement. duquel fa fermeté avoit autant & plus comribué que Ia force de fes a;rmes. Le jour même de fon couronnement elle apprit que le. Maréchal de KhevenhuIIer ayant. maiché o*e Schardiug. a Braunau, en avoit caafia.  DE MON TEM"P S. 13 li Général Minucci, qui comróandoir un corps de 7 a 8,000 impériaux: les détails de cette affaire nous font parvenu; par des officiers pruflïens, qui firenc cette campagne en quaüté de volontaires avec les Autrichuns. M. de Khevenhnller ï'avanfa vers Scharding, place firuée fur 1'Inn, proche des frontières de fAutriche; fes troupes, fortsnt de leurs quartiers d'hiver, s'y rendireut par différentes routes. Malgré les précautions que cet habile officier prit de cacher fes d?fTeins, Ie Maréchal de Seckendorff en fut informé, & il donna ordre a M. de Minucci de fe retirer de Braunau. Ce général peu intelligent ne fut ni difpofer fa retraite pour obéir aux ordres de fon chef, ni choifir un terrain avantageux pour atten. dre fennemi & pour lui réfifler. M. de Khevenhnller fe trouva bientót en préfence des Bavarois;il trouva le front de Minucci inattaquable, ayanr un profond ravin qui féparoit les deux armées; fa dtoite étoit «ppuyée a Braunau, que I'on avoit fortifié en hate durant le dernier hiver. Mais autant ce pufte étoit fort par fa droite & par fon front, autant étoit-il foible fur fa gauclf?. M. da Khevenhuller s'en apper9ut au premier coup d'ceil; il détacha M. de Berlichingen avec ua gros de cavalerie , qui tourna les impériaux & prenant des chemins détouniés tomba fur cette aile qui étoit en 1'air, tandis que Nadafti avec fes houfards attaqua les troupes de Minucci de^^, front. Ce 11e fut point une bataille; les Bavarois s.'anfuirent fans s'être défendus; u«e partie de; AZ  -14 HISTOIRE leur cavalerie fe fauva dans Braunau, leur infan. terie fe réfugia fur les glacis de Ia ville. Minucci, la plus grande partie de fes troupes & Ia ville de Braunau fe rendirent tout de fuite a leur vainqüeur; quelques débris de cette cavalerie prirent le chemin de Burghaufen, oü les impériaux avoient encore un corps de troupes. Les Francois qui étoient a Ofterhofen n'attendirenc pas 1'approche des Autrichiens. Le vieux Urogüo, qui commandoit cette armée avec les Maréchaux de MailleboiS & de Seckendorff, avoit écé vivement preffé par Seckendorff de prévenir 1'ennemi & d'affembler fes troupes avant que M. de Koevenhuiier fut en état de rien entreprendre; mais ce fut en vain. Ses ennemis prétendoienr même qu'il n'étoit pas faché de voir le mauvais fuccès d'une guerre a laquelle Ie Maréchal de Belle-Ifle avoit Ie plus contribué; d'autres fcutiennent, avec plus d'apparence, qu'il avoit des ordres de la cour de retourner en France & d'abandonner 5a Bavière. Quoi qu'il en foit, fa conduite fembla autorifer cette dernière opinion, & la cour ne lui témoigna aucun mécontenrement a fon retour. Les Autrichiens furent profiter de I'avantage qu'ils avoient d'être en corps & d'agircontre des troupes féparées par' bandes. Le Prince de Lorraine arriva au camp, & fans s'arrêter, délogea les Francois de Deckendorff; tout plia devant ^iuh a mefure qu'il s'avancoit, les troupes franSoifes recevoient ordre de fe retirer. Quelques sivières affez. .confidérables, qui Qnt leur fource  DE MON TE MP S. 15 dans Ie Tyrol, qui traverfent Ia Bavière & vont fe jeter dans le Danube, fourniflcnt aux généraux q\ii veulen: fe défendre la faciliré d'eti difputer Iesbords; mais le Prince de Lorraine les palTa fans y trouver de réfifiance. Broglio décampa ' de Straubingen, oü il avoit un gros magafin, en y laiff'ant une foible garnifon, qui fut facrifiée a. 1'enneini. Un fecours de 10,000 Francois étoit déja arrivé a Donawerth pour le joindre; ils devinrent les compagnons de fa fuite; & malgré les plus forces reprérentations de M. de Secken. dorff, les Francois 1'abandonnërent & ne s'arrêtérent qu'a Strasbourg, oü M. de Broglio donna un bal le jour de fon arrivée, apparemment pour célébrer la campagne brillante qu'il venoit de terminer. Le_ malheureux Seckendorff s'occupant a raffembler les débris de fes impériaux qui s'étoient fi mal conduits a Braunau, les joignït au corps qui étoit a Burghaufen & fe retira en hate fur Munich, qu'il abandonna pour fe joindre a 1'armée francoife; mais afluré que ces troupes vouloien: repaffer le Rhin, il écrivit au Maréchal de Broglio que comme les Francois abandonnoient 1'Empereur, ce Prince fe voyoit contrahit de les abandonner de même & de chercher fes furecés oü il les trouveroit. Aufli - tót il demanda au. Prince de Lorraine & a M. de Khevenhuller de convenir avec lui d'une fufpenfiou d'armes, dont il obtint 1'équivalent; car les Autrichiens lui promirent de refpeéter les troupes impériales tanc q.u'elles occupetoient uu. territoire neutre da  V6 HI'STOIRE 1'Empire. Les Autrichiens, aveug'és par iêurs fuccès, méprifoient trop res troupes pour vouloir les défarmer; ils voloient vers ie Rhin, Toutenus de la chimérique efpérance de reconquérir la Lorraine. La profpérité eft a la guerre fouveuc plus dangereufe que 1'infortune; aux uns elle inTpire une trop grande fécurité, & aux autres trop de témérité. Le plus grand général du monde feroit celui qui dans les diverfes fortunesconferveroit un cfprit égal & qui ne fépsreroir jamais i'afttvifë de Ia prudence. Tandis que le prince de Lorraine s'acheminoit vers le Rhin, 1'Allemagne étoit inondée d'une nouvelle armée étrangère, qui fous prétexte de la protéger, con> couroit a fa ruine. Le Roi d'Angleterre avoit envoyé vers le bas Rhin les troupes hanovriennes & angloifes fous le commandement du Lord Stairj, George paflj lui ■ même la mer & vint a Hanovre, pour fe mettre enfuite a Ia téte de fon armée. Le Lord Stairs, qui étoit a Hcechft, rifqua de paif.r le Mein; les Fran9ois qui 1'ëpioient, 1'obligèrent d'abord a reprendre fa première pofition. Ce pas de clerc fit appréhender au Roi d'Angleterre que fon général trop fougueux psr tempérament ne commit q'ielque imprudence plus forte, & il fe hStade prendre lui-même le commandement de fes troupes. Ce corps étoit compofé de 17,000 ■ Anglois, 16,000 Hanovriens & 10,000 Autrichiens, ce qui faifoit 43,000 combattans: 6,000' Heffois & quelque-s régimens hanovrieus éioient: «ncore en marche pour ie joindre. Le Lord Stairs;  DE MON TE MP S. 17 avoit agi avec fi pen de prudence, que fes fo'dats manquoienj de pain & fes chevaux de fourrage. Pour fubvenir a cet inconvénient, le Roi vint fe camper auprès d'Afchaffenbourg; mais ce raoyen ne fuflit pas pour remédier a la négligence qu'on avoit eue de ne pas amalTer aflez de vivres. Le Rhin pouvoit foumir des fecours, & te Roi s'éloignant de cette rivière, fe trouva plus reiTerré qu'auparavant par le Mein & par les Francois qui gardoient 1'jratre bord , & fur fes derrières par les montagnes arides duSpeshard: il ne s'appercut que trop tót de fivfaute. Le Maréchal de Noailles affama le monarque anglois dans fon camp, & comme il prévit qu'il ne pouvoit y refier que peu de jours, Noailles eoucut un delfein digne duplus grand capitaine. 11 prit Dettingen, & fit conftruire deux ponts fur le Mein & préparer a. cóté des guets pour fa cavalerie. Toutes ces chofes s'exécutêrent fans que le Roi d'Angleterre en eüt vent: c'étoit le prélude de la bataille qui devoit fe donner bientót. Pour en avoir une idéé précife, il eft bon de favoir que 1'armée angloife, affamée vers les fources du Mein, ne pouvoit trouver des fubfifiances qu'en prenant le cheinin de Hanau. Sa gauche longeant toujours le Mein au fortir de ces monticules, traverfoit la petite plaine de Dettingen. M. de Noailles en cenféquence tenoit un détachement tout prêt pour occuper AfchafFenbourg au moment oü les Anglois en fortiroient. 11 avoit fait drelfer tout le long du Mein des batteries mafquées dont U  ï8 IIISTOIRE pouvoit tïrer a bout portam fur les colonnes des alliés en marche: la plus forte parjie de fon armée devoit paffer le Mein, pour fe ranger derrière un ruhTeau qui du Speshard coule devant ce front & va fe jeter dans le Mein; ces troupes coupoient précifément le chemin de Hanau. Le Roi d'Angleterre trouvoit donc a ce débouché une armée en face & des batteries en liane. Si le Maréchal de Noailles avoit aulïï exaflement exécuté ce projet'qu'il 1'avoit conpu avec fageiTe, le Roi d'Angleterre auroit été forcé, ou d'atiaquer .1'armée franpoife dans un pofle três-avantageux, pour s'ouvrir 1'épée a la main Ie pafTage è Hanau; ou de fe retirer par les déferts du Speshard, ce qui infailliblement auroit fait débauder les troupes faute de fubfiftances. La faim chalTa les Anglois d'Afchaffenbourg , corame Noailles 1'avoit prévu. Les troupes, qui avoient campé par corps, ne marchoient point par colonnes, mais fe fuivoient par diflances, d'abord les Hanovriens, puis les Anglois & enfin les Autrichiens. Le- Roi étoit dans fon carrofle auprès des troupes de Hanovre ; on 1'avertit pendant la marche que fon atrant-garde étoit attaque par un gros de cavalerie franpoife, & bientót après, que toute 1'armée franpoife avoit paflTé le Mein & fe trouvoit en bataille vis-a.vis de lui. Le Roi monte a cheval, il veut voir par lui-même. La canonnade des Franpois commence; fon cheval prend 1'épouvante, & alloit 1'emporter au milieu des ennemis, fi un écuyer ne fe füt jeté  DE MON TEMPS. \9 en avant pour 1'arrêter. George renvoya le cheval & combattit a pied a la tête d'un de fes bataillons anglois. Les troupes avoient un petit bofquet k palfer; ce qui leur donna le temps d'avertir les autres corps du dnnger qui les menacoit. Le Duc 'd'Aremberg & M. de Neuperg accoururent avec leurs Autrichiens & formèrent leur armée vis-ftvis de celle des Francois, aufïï bien que les circonllances Ie permettoient. Ce champ de bataille n'ayant que 1200 pas de front, obligea les alliés a fe mettre fur 7 ou 8 ligrces. Les Francois ne leur lailTèrent pas le temps de finic tranquillement leur difpofition; la maifon du Roi les attaqua, perca quatre • lignes de cavalerie, renverfa , tout ce qu'elle rencontra & fit des prodiges devaleur: elle auroit peur.être rempor.té 1'honneur de cette journée, fi elle n'avoit pas fans celle trouvé de nouvelles lignes a combattre. Ce? attaques réitérées 1'ayant mife en défordre, le régiment de Stirheira autrichien s'en appercut & la fit reculer a fon tour. Cc-la n'auroit pas fait perdre la bataille aux Francois: la véritabie caufe nedoit s'attribuer qu'au mouvement imprudent de M. de Harcourt & de M. de Grammont. Ils étoient i la droite de 1'armée avec la brigade des gardes francoifes; ils quittent leur pofte fans ordre & s'avifent de prendre en. flanc la gauche des alliés qui tiroit vers le Mein: par cette manoeuvre ils empèchèrent leurs batteries» qui étoient au dela du Mein & qui jncotnmodoient beaucoup les ikiés, de tirer. Les gardes francoifes ne foutin-  ' so HISTOIRE rent pas Ia première décharge des Autrichiens $ elles prirent la fuite d'une manière honteufe & fe précipitêrent dans leMein, oü elles fe noyèrent; ct'autres portèrent le découragemeut & 1'épouvante dans le refte de 1'armée. Le Prince Louis de Bronfwic, qui fervoit dans les troupes autrichiennes, eut toutes les peines du monde a perfuader au Roi d'Angletere de faire avancer les Anglois; ce furent cependant eux qui décidèrent les Francois è Ia retraite & a repaiïer le Mein. Les Francois plaifantérent la-deflus. On appella cette aclion la journée des hdtcns rompus, paree que M. de Harcourt & M. de Grammont n'avoient attaqué que dans I'efpérance d'obtenir le baton de Maréchal eoinme une récompeufe düe a leur valeur: on donna aux gardes francoifes le fobriquet de canards du Mein: on pendit une épéa f rume du Bavarois. Le Roi d^Angle^ aba donna b.entót le caraflere de protecL de 1 Empire qu'il avoit pris ; un ról» h> f. * fot.même. II refuHt avec fierté les dédomma «men. que divers fouverains lui demandoie« Pour e dégat que fes troupes avoient comm dans eur pavs. & rpfnn, j« » ,Ilmls des denré^ S a7 r m&mS ,e P^^nt aes denré.s & des fournges que ces princcs hii avoient livrés. * u fe ferv;r P mccs h11 %uüère dans une piLu' l fit «»c piece qu il fit impnmer pour  DE MON TEMPS. Q3 éluder cos bonifications; il y dit: „ que c'elt le „ moins que les princ.es de 1'Empire puiffenc „ faire que de défrayer 1'armée de leur libérateur „ & de leur fauyeur; que cependant il aviferoit ., a les payer fel cm que ces États fe conduiroient enyers lui." Cette hauteur acheva d'aliéner les efprits. Le inonarque le plus defpotique ne s'exprime pas en termes plus impérieux. Le Roi agiflbit par intéiêt.; Carteret é'.oit violent; ces fortes de caraélères n'emploient que rarement des expreffions modcrées. Pend-antque tous ces événemens s'étoient palTés fur le Mein, le Prince de Lorraine pourfuivoit les- Francois jufqu'au bord 'du Rhin. Son armée étoic panagée en trois colonnes; tandis qu'ella s'avancoit vers les frontières de 1'AIface, lui & le Maréchal de Khevenhuller fe reudirent a 1'armée angloife: ce qui étoit d'autant plus facile que M. de Noailles avoit repatl'é le Rhin a Oppenheim. Lè Roi d'Angleterre voulut établir un concert, moyennant lequel les mouvemens des deux armées feroient fi bien compalTés les uns avec les autres, qu'ils tendroient au même but, qui étoit, felon le projet dont on convint, de reprendre la Lorraine. A cette fin le Roi d'Angleterre devoit pafier ie Rhin a Maïence & fe porter en droiture en Alface, pour faciliter au Prince de Lorrairj? les moyens de pafTer le Rhin a Bale, de preifare la Loiraine, ik enfuite de diftnbuer les troupes viaorieufes en quartiers d'hiver, tant en Bourgogne qu'en Champagne. Ces deifeins étoient  54 HISTOIRE valles, 1'exécution répondit mal a leur grandeur. Le Roi d'Angleterre, qui ne fe voyoit arrêté par aucune difficuité, pafïa le Rhin a Maïénce & fe portafurWorms. Le Prince de Lorraine, moins heureux, fit.pafler quelques troupes dans une 11e du Rhin & quelques Hongrois a fautre bord; celles.la furent repouflëes avecperte: 1'ile du Rhin fut abandcnnée & ce Prince traina languilTamment dans le Brjsgau Ja fin d'une campagne dont les commencemens avoient été fi brillans. Le camp de Worms devint alors par 1'inaftion des troupes Je centre des négocia. tions. Les Francois fe fervirent de toutes fortes de voies pour tater Ie terrain: ils fircnt des ouvertures au Lord Carteret & hazardèrent quelques propos pour fonder le guet & voir a quelles conditions on ponrroit convenïr de la paix. Les defleins du Roi d'Angleterre aüoient beaucoup au delè de tout ce que la France pouvoit lui effrir avec bienféance. Le Roi George , qui favoit que Ie Roi de PrulTe étoit ïnformé de fei pour-parlers, voulut fe fervir.de ces circonflancet pour lui faire illufion. II luj commnniqua un projet de pacification,. par lequel la France s'offroit d'afiifler Ia Reine de Hongrie dans Ia conquéte de la Siléfie, a condition que celle. ci reconnüt i'Empereur & Ie temU dans !a paifibia pofleffion de ia Bsvière. Le Lord Hindfort fe rendit en Siléfie oü Ie Rol étoit alors. pour lui ftire cette ouverture; mais c'étoit d'un air fi «npreffe, qu au iiea de convaincre ce prince de la  BE MON TEMPS. 25 la vérité de la cbofe, on lui fit foupconner que ces propofitions de la France étoient faüffes & controuvées. Les difpofuions du Roi d'Angleterre en vers la Prufle étoient trop connues; fa mauvaife volonté Te manifefloit a 1'égard du Comte de Fincfe. Tout cela confirma le Roi dans 1'opinion que cette communication cordiale étoit un piége que lui tendóit Ia politique rulëe de Carteret;il répondit cependant au Lord flindfort, qu'il étoit trés-fenfible aux marqués d'amirié que Ie Roi d'Angleterre lui donnoit dans ceite occa. fion, mais que comptant fur Ia bonne foi de la Reine de Hongrie, fur la (ageffe du Roi George & fur fa garantie même, il étoit für que ces deux puilïances n'entreroient jamais dans des vues anfü oppofées a leurs engagemens, & dont ï'accomplifiement feroit plus diflicile a effeftuer qu'on ne le panfoit. Le miniftre anglois ne s'attendoit pas a cette réponfe & ne put empêcher que fort inécontentement n'éclatat fur fon 'vifage. Mais quel'e apparence que leRoi de France eut recours a un expédient aufii ridicule pour moyenner- fa paix avec 1'Impératrice Reine, que celui de fa plonger dans une nouvelle guerre & de fe rendre lui-même 1'artifan de la grandeur de la maifon d'Autriche, que les intéréts permanens de fon royaume 1'obligeoient a raboifier? N'étoit-il pas plus naturel de fuppofer que c'étoit une fable inventée par le Lord Carteret, pour indifpofer la Roi de PrulTe contre la France? Carteret ne pouvoit.il pas rcifonner ainfi: Le Roi de PrulTe Oeuv. pojlh. de Fr. II. T. II. B  *g HISTOIRE efl vif, il prend feu aifément; une ouverture pareiüe a celle que nous lui faiions, ie tranfporteni de colère; le Lord flindfort en profitera en 1'aigriffant au point de Ie faire déclarer contre la France, & en ce cas nous aurons acheté ce fecours a bon marché ? II fhut avouer cependanc que cet avis du Lord Hindfort étoit accompagné tie détails fi frécieux, qu'il méritoit qu'on s'en éciaircit avajit que de Ie rejeter tout a fait. Voici ces détails: un certain Hertzei, émilfaire de la France , étoit venu chez TÉleéteur de Maïence pour infinuer a ce prince les propofitions qu'il vouloit fair.e parvenir aux Anglois. Les imrigues des Autrichiens avoient fait élire ce Comte d'Oflein Elefleur de Maïence a Ia piace de Scbcenbcrn .qui avoit couronné Charles VIL C'étoit une créature des Autrichiens; il étoit de plus foudoyé par les Anglois» suxquels il s'étoit vendu fans réferve. On envoya le Comte de Finck a Maïence pour écjaircir ce fait, & 1'on mit tout en mouvement en France pour voir s'il y auroit moven de pénétrer la vérité: toutes ces peines furenr pèrdues. Péut-etré que llertzel avoit tenu de lui .même des propos qui donnèrent lieu a cette hifloire; c'étoit un abyme de niauvaife foi; il auroit fallu un nóu vel Oedipe pour expüquer ce myflére. Une régociation plus importante commencoit a fe lier alors. La cour de Verfailles fe propofoit de faire entrer le Roi de Sardaigne dans les intéréts de la France & de 1'Efpagne. II fubfiftoit a  DE MON TEMPS. 27 ïa vérité un traité provifionnel entre Charles Emanuel & Marie ThérêTe, mais concu avec tant d'ambiguité & en termes fi généraux, qu'on pouvoit le rompre fans ïnanquer de foï. La négociation des Francois avaiicoit h ïurin, & auroit pu fe conclure, fi les" Francois & les Efpagnols n'eufl'ent pas trop marchandé fur da petits intéréts. Le Lord Carteret fut informé de ce qui fe tramoit a Turin. II ne marchanda point: fes oifies, aux dépens des Autrichiens, furpalTèrent celles des Francois, & il 1'emporta aup.ès du Roi de Sardaigne. Par ce traité la Reine de Hongrie lui cédoit le Vigévanafc, IeTortonois & une partie du duché de Parme, & le Roi de Sardaigne lui garaniilfoit tout ce qu'elle polTédoic en Italië, s'engageant a la défendre de toutes fes forces. Ce traité fut ainfi arrangé & conclu a Worms. La cour de Vienne étoit outrée de? ceffions que les Anglois 1'obligeoient de faire fans cefTe: on y envifageoit les Anglois comme de plaiTans garans de la pragmatiq.ie Ssnftiori, qui 1'ébréchoient fans ctfle. Le Roi de PrulTe jugea cette difpofition favorable pour infpirer aux Autrichiens des fentimens plus pacifiques; il leur fit reprêfenter que le röle qu'ils jouoient en Europe ne leur étoit pas convenable; que fi 1'Empereur pafloit pour la marionette de Louis XV, jls pallbient eux pour étre celle de Gaorge 11, & que la paix étoit pour eux le feul moyen da fe tirer de la tutel.'e de 1'Angleterre. Ces rep;é. fentations les piquérent d'autant plus, que les B 2  «8 ËfISTOIRE faits ëtoient véritables; mais cela n'empêöb» pas que 1'efpoir de conquérir Ia Lorraine ne les entraïi.ac a pourfuivre leurs mefures. Le Roi de PrulTe vouloit la paix; il piêchoit la modération * toutes les puiflances; il téchoit d'adoucir les unes & d'arrêter les autres. C'étoit beaucoup que d'empêcher qu'on ne jetat de 1'huile dans le feu, il fe feroit éteint a Ia fin faute d'aliment.. Mais les meilleures inientions ne s'accompliflent pas toujours. Les guinées angloifes commencoient a menre en fermentation la républi-jue de Hollande. Ceux qui étoient du parti d'Orange vouloicnc Ia guerre; les vrais républicains vouloient le maintien de la paix. La force des guinées 1'emporta enfin fur 1'éloquence des meületrs citoyens, & les Provinces Unies épou» fèrent les intéréts de la Reine de Hongrie qui leur étoient crrangers, & les defleins de Carteret qu'ils fgnoroient: ils envoyérent (*) so,ooo hommes pour renforcer 1'armée de Worms, dont 14,000 la ioignirent & le refte fe débanda. Le Maréchal de Noailles, après avoir paffe une partie de cette campagne derrière le Speyerbacfa , absndonna cel te pofition pour fe rapprocher de Landau, & fe trouver a portee de joindre Ie Maréchal de Coigni qui avoit pris le commandement des troupes du vieux Broglio, au cas que le Prince de Lorraine forcat le pafTrge dn Rhin & pénétrat en Alfsce, Le Roi Geoige fuivit lei (») Aoöt.  DE MON TEMPS. *9 Francois jusqn'aa Speyerbach, oü i! termina ta» opérations de cette campagne après avoir fait rafer ks lignes que les Francois avoient fait conftruire fur les bords. II retourna a Hanovre, & ks troupes prirent des quartiers dans le Brabant & dans 1'évcché de Munfter. George, pendant fon fejour a Ilanovre, maria fa fille Marie avec le Prince royal de Danemarck; après quoi il prit le chemin de Londres, pour y faire il fon Parlement, dans une harangue pompeufe, le récit de fes exploits. Pour fe convaincre du peu de fuite qu'il y a dans les adtions -des hommes, il n'y a qu'a faire 1'analyfe de cette campagne. On alfemble une armée fur le Mein , fans pourvoir a fes fubfiflances: la faim & la furprife obligent ks alliés it fe battre; ils font vainqueurs des Francois; ils paflent le Rhin; ils vont a Worms: le Speyerbach les arrête, fans qu'ils trouvent des expédiens pour en dépofter les ennemis; ils avancent enfin fur le Speyeibach , que M. de Noailles leur abandonne, & ils ne recoivent les fecours des Hollandois que pour prendre des quartiers d'hiver dans le Br.ibaut & dans la Weltphalk. Rien n'ell: eonféquent dans cette conduite; elle refiemble a 1'opération d'un chimifte qui, cherchant la pierre philofophale, trouve une couleur dont il pouvoit fe paifer. Ce n'efi: point dans 1'intention de eritiquer la conduite du Roi d'Angleterre que nous faifons ces réflexions, car bien d'autres généraux en ont fait autant; mais feulement pour convaincre les leéteurs que l'efpè:e humaine n'ell B 3  3° iï I ST O I R E pas auflï raifonnable qu'on voudroit le perfuaderv •Le peu de fuccès qu'eurent les Autrichiens & les Anglois dans cette campagne de 1743, donna aux Jraufois le temps de fe reconnoitre & de prendre quelques mefures. Ils avoient a la vérité perdu la Baviêre; mais leur amour.propre étoit flatté d avoir empéché leurs ennemis de pafler le Rhin & de pénétrer en Al face. Si la fortune changea fouvent de parti dans cette guerre, 1'intérét ne changea pas moins la politique des fouverains. Nous avons dit que le Roi de Sardaigne avoit figné le traité de Worms. Ce traité fut publié dans Ie temps même qu'il négocioit encore avec la France & 1'Efpagne, & qu'on s'attendoit a Verfailles a recevoir d'un jour a 1'autre des nou. velles de Ia conclufion du traité. Les miniflres de Louis XV ne furent pas les maitres de diiTï* muler leur relTentiment , & trouvant dans Ia: conduite du Roi de Sardaigne des marqués de dupücité & de mépris, ils éclatèrent. Le miniflre de France fut inceiTamment rapp,elé de Tuiiu; tincorps de io.,ooo hommes de troupes francoifes fe joignit au Marquis de la Mina, qui commandoic foos Don Philippe dans la rivière de Cènes. La Mina, pour forcer les pafl'ages du Piémont, tenta de pénetrer par Chaceau-Dauphin, mais Ie Koi de Sardaigne 1'avoit prévenu; il s'y étoit retranché & occnpoit deux forts qui font fur des collines a. droite & a gauche du palfage. Les Sardes défendirent fi vigoureufement cette gorge, que les Francois et les Elpagnols repoulles de tous cótés  DE MON TEMPS. U Ce retirérent en Dauphiné , après avoir perdu 6 ooo hommes dans cette expédition infrucWe. La facilké qu'eut la cour de Vienne a faire entre le Roi de Sardaigne dans fon alliance,!», perfuada qn'elle pourroit fe procurer un avantage femblable en Ruffie , pour fortifier par fon jjfflhnce Cé qn'elle appeloit Ia bonne caufe. U. France, ie fut & reuvoya le Marquis de Ia Chéiardie * «cenboorg "pour s'oppofer aux defieins de le ennemis. Cet Envoyé, qui par fon adretTe avoit placé Elifabeth fur le tróne, compta de recevoir dans fa miflion des marqués de rcconnoiflauce de cette cour-, il n'en emporta que des témoignages d'ingratitude. Ce pays étoit en grande fermen. tation. Tant, de fouverains dépofés avoieut indifpofé ceux des grands qui avoieut tenu a leur fortune; il ne manquoit qu'un chef a la rebelhou pour la faire éclater. Les puillances qui vouloient a toute force des fecours de la Ruffie & qui ne pouvoient les obtenir, profftèrem da ces gejmes de mécontentemenï qui cemmencoient a fermen. rcr, pour trainer contre 1'Impératrice une confpiration qui par bonheur pour cette Prhicefie fut découverte. Pour développer cette dangereufa intrigue, il faut rappeler que la cour de Vienne avoit vu avec chagrin la cataftrophe qui perdit le Prince Antoine de Bronfwic & fon époufe: c'étoit aflez que la France eut travaillé a cettu révokition pour la rendre odieufe, d'autant plus qu'il étoita préfumer que lTmpératrice Klifabeth n'oublieroic pas le fervice que la France lui avoit reudu, & E 4.  32 H I S T O I R E marqueroit .plus de prédileeïion pour cette M&> ftnce que pour 1'Autriche, firtout 4 caufe de Ia proche parenté de Ia Reine de Hongrie avec la ftmiIJe détrónée. Cette fuppofition étoit fuffifame P^r que Ie miniftre de Vienne fe crüt en droit de tout entreprendre pour travailler a Ia mine de Umpératrice de Ruffie. Le Marquis de Botta Adorno, Envoyé de Ia Reine de Hongrie a Petersbourg, avoit des inftruflions fecrètes pour ourdir cette tramezil étoit dans cette cour comme im levam qui aigriffoit les efprits de ceux qu'il fréquentoit; il excita des femmes & s'affiocia avec des perfonnes de tout rang & de tout caraftèreil ajouta la calomnie a la trahifon , en aiTurant de la protedion du Roi de PrulTe ceux qui travaillérotent pour fon beau - fiére & pour fon neveu le jeune Etnpereur détröné. L'intention du Marquis de Botta en fe fervant du nom du Roi dans cette intrigue étoit de brouiller ce prince avec Ia Ruffie en cas que Ia conjuration fik découverte Ellê le fut effeétivement; mais le knout apprit l Hm ' Pératnce de Ruffie que Botta en éZn 1'auteTr. La clrofe fe decouvrit par un Ruffe étourdi A> Pleu, de v.n, qui tint quelques propos fédirieS dans un des caffés de Fétersbourg. I, fat££* par lapohce: lui & ceux de fes complices qu'on arrêta avouerent tout par la craihte de, tourmen On arreta 40 perfonnes a Mofcow, dont Ia dép" finon fut femblable a celle des premiers La ComteiTe Beftuchew eut la langue coupée, la femme, dun Beftuchew., fiére du Miniftre, fut rslev  DE MON TEMPS. 33 rtJéguée en Sibérie , & un grand nombre de perfonnss durent les jours jnfortunés qü'elles, pafTérent dans la fuite aux féduftioüs du Marquis de Botta. Ce Miniftre avoit eu la précautión de fe faire relever par un nouveau Miniftre avant que la coujuration éclatat, pour ne point expofer fa perfonne & fon caraétère, au cas que les chofes ne réuffiffent point. II étoit acctédité a la cour. de Berlin, lorsque la conjuration fs découvrit. Le Roi ayant appris ce qui fe paftoit en Ruïne, lui fit défendre la cour, & il fe joignit a 1'lmpératrice de Ruffie pour en demander fatisfaétion a la Reine de Hongrie, paree que Botta avoit également offenfé 1'lmpératrice & la Roi de Prufl'e. Ce qu'il y avoit d'odieux dans Ia conduite de Botta réjaillit en partie fur fa cour. Si les Francois dohnèrent fexeinple d'una femblable entreprife, les Autrichiens ne devoient pas les iraiter. Que deviendroit la fureté publique & celle des Rois meines, fi 1'on ouvroit Ia porte aux rebellions, aux empoifonneraens, aux affaflinats? Quelle jurisprudence peut autorifer de telles entreprifes ? La politique n'a -1- elle pas des voies honnêtes dont elle peut fe fervir, ik faut-il perdre tous les fentimens de probité & d'honneur pour des vues d'intérêt-qui même font trompeufes ? II eft facheux que dans ce XVIII fiècle,plushumain, plus éclairé que ceux qui 1'ont précé.lé, la France & 1'Autriche ayent de femblables reproches a fe faire. La Reine de Hongrie n'avoua ni ne défavoua B5  34 B I S T O I R E fun Miniftre. Cette fauffe démarche de Ia courde V:enne pouvoit foumir a celle de Berlin les moyens de s'unir plus étroitement avec ceüe dePétewboorg. Le Roi en écrivit a M. de Marde feld,. fon Miniftre auprès de 1'fmpératnce. Cet habilenégociateur effaya de donner plus d'étendue autrai.é qui fubfiftoit entre les deux puiflances. Après bien des lorgueurs il ne put obtenir qu'une gaiantie affez vague des E ats prnffiens, concue en termes fi amb'gus, qu'il ne valoit pas la peine de 1'avoir. Quoique ce traité n'etlt aucune for'ce». il pouvoit en impofer aux cours mal intentionnées a 1'égard de la Prufïè: pour faire illufion, un ftras vaut un diamant. C'étoit le Comte Beftuchnv qui diiluadoit 1'Impératrice de conclure une alliance plus intime avec le Roi de PrulTe. M. de la Chétardie, mécontent de ce Miniftre, travailloit a le déplacer; M. de Mardefeld fut autorilé a le feconder: 1'expérience de Mardefeld ne put rien contre 1'étoile de Beftuchew. Nous nous iéfervonsipïrler plus amplement dans lafnitedecetouvrage de fouies les intrigues des miniftres a la cour de Ruftie. Les cours étrangères intriguoientégalement a Berlin. Les Arglois ne quittoient pas leur projet d'engager inrenfibiement le Roi dans la guerre qu'ils faiföient a la France; & les Francoisdefiroienr qu'il \ Int h leur fecours & les affiftar par qoelque diverfion. Sur ces entrefaites Voltaire arriva è Berlin. Comme il avoit quelques protectturs a Verfaillés, il crut que cela fuffifoit pour fe donner Iet airs de négociateur. Son imagination  DE MON TEMPS. 35 ftiltate s'élnncoit fans retenuedans Ie vatte champ de la politique. II n'avoit point de lettre de créaneè, & fa miffion devint un jeu, une fimple plaifanterie. Dans cette paix dont jouiiïöit Ia PrulTe deux ohjets intéreffuns lui étoient toujours préfens, le foutien de l'Empereur, & la paix générale. Pour ce qui regardoit l'Empereur, comme la France 1'avoit abandonné, le feul moyen qu'il y eut pour le foutenir, étoit de forrner, comme nous 1'avons dit, une ligue des princes de 1'Allemagne, qui levaflent l'étendard pour fecourir le chef de 1'Empire germanique. On avoit déja efTayé d'infpirer ces femimens aux fouverains de 1'Aüemngne, mais en vain. Le Roi, pour efiayer par de nouveaux efforts s'il ne pourroit pas les déterminer a ce que leur intérêt .& la gloire demandoient d'eux , entreprit lui-même de s'aboucher avec quelques-uns d'entr'eux. Sous prétexte de rendre vifite aux Margraves de Bareuth & d'Anfpieh fes fceurs, i! fe rendit dans 1'Empire, il pouiïa même jufqu'a M)ben Oett'mgen , feignant la curiofité de voir les débris de 1'armée bavarolfe; mais dans le fond pour délibérer avec le Maréchal de Seckendorff fur les refions qu'on pourroit mettre en jeu pour afliiter l'Empereur. Toutes les tentatives, toutes les repréfentations, toutes les raifons furent inutiles. Les enthoufiaftes da la maifon d'Autriche fe feroient facrifiés pourelle, &ceux qui étoient attachés a l'Empereur, étoient fi imimidés par tant de revers qui accablolent c» B 6  3 6" IJ I S T O I R E P/ince, qu'ils croyoient perdre leurs Etats air moment même oii ils fe réfondroient a Ie fecourir. La Duehefle douairière de Wurtemberg fe trouvoit alors a Bareuth; elle défira que le Roi lui rendit fes fils, dont elle lui avoit confié féducatioii. Le Roi jugea qu'il feroit plus décent que ces Princes paniffent fous de plus favorables aufpices;. pour cet tffet, il obtint de l'Empereur une difpenfe d'êge avant le terme ordinaire. C'étoit unmoyeti d'atiachtr ces jeunes Princes aux intéréts de la Fravce & de.la Baviêre. *74Zi- En penfant a la politique, le Roi ne négügeoit pas le gouvernement intérieur de fes Etats. Les fortifkations de la Siléfie avancoient a vue d'ceil. On fit le grand .canal de Plauen pour abreger la communication de 1'Elbe a 1'Oder. On avoit creufé le port de Stetiin & rendu. navigable lö canal de la Svvine. Des manufaitures de foie s'élevèreutj 1'infeéte qui produit cette matière prëcieufe, devint une fource nouvelle de richeffe pour les habitans de la campagne, & 1'on ouvrit toutes les portes a l'indufhie. L'.Académie des Sciences fut renouvelée 5 les Lieberkuhn , les Pott, les Marggraf en devinrent les oruemens. M. de Maupertuis, fi cé.'èbre par fes connoiiïances & par fon voyagedeLapponie, devint le préfident de cette compagnie. Ainfi finit 1'année 1743. Toute l'Europe étoit en- guerre, tout le monde intriguoit. Les cabinets des princes agiflöient avec plus d'aftivité que Ie>' armées. La guerre avoit ciangé ds caufe. U ue s'agifïbit au com.nien.cem.eiit  DE MON TEMPS. ST que du foutien de la rriaifon d'Autriche; & alors, que de fes projets de conquête. L'Angle« terre coinmencoit a gagner un afcendant dans la balance des pouvoirs qui ne pronoftiquoit que des malheurs a la France; la fermeté de 1'Impératrice Reine dégéneroit en opiniatreté, & la générofité apparente du Roi d'Angleterre en vil intérêt pouu fon éleftorat. Mais la Ruffie demeuroit encora en paix. Le Roi de Prulle, toujours occupé a tenir en équilibre les puiflances belligérantes, fe fiattoit d'y parvenir, foit par des infmuation» amicales, foif par des-déclarations plus fortes, foit même par quelque oftemation. Mais quev font les projets des hommes! L'avenir leur eft eaché; ils ignorent ce qui doit arriver le lendemain, comment pourroient-ils prévoir les événemens que 1'enchainement des caufes fecondes amènera dans fix mois? Les conjonétures les forcent fouvent d'agir malgré leur volonté. Dans ee reflux de la fortune, la prudence ne peut que &'y prêter, agir conféquemment, ne point perdre fon fyftème de vue; mais jamais elle ne pourra tout prévoir. C H A r-1 i t. ia. Dei négociations de Vannèe 1744 & de tout ce qui précèda la guerre que la Prufe entreprit contre la maifon d'Autriche.. Les affaires de 1'Empire s'embrouilloient de plus eu plus. Les fuccès des Autrichiens faifoient  FT I S T O I R Ë Mater leur. ambition. I! n'étoir plus douteu* qu'ils ne vouluffent détrönsr l'Empereur; le Roi d'Angleterre travailloit fonrdemenr au même hut. La foiblefie de Charles VII & 1'éuormité des prétentions de la Reine de Hongrie avertiflbient furtout les princes amoureux de leur liberté, qu'ils ne feroient pas longtemps fpeéïnteurs d'une guerre oü leur intérêt & leur gloire exigeoient de ne paï laifl'er prendre le deflus aux anciens ennemis de ia liberté germanique. A ces conildérations géneKies i! s'en joignoit de plus fortes pour le Roi de PruOe. Ni Ia Reine de Hongrie, ni le Roi d'Angleterre ne favoient afTez bien diffimuler leur mauvaife volonté; elle fe manifefloit en toute rencontre. Marie Thérèfe fe plaignant au Roi George des cefïïons qu'il 1'obligeoit de faire, furtout de celle de la Siléfie, George lui répon. ditr „ Madame, ce qui efl bon a prendre, eftf, bon a rendre." Cette anecdote efl certaine, & 1'auteur a vu Ia copie de cette lettre. Enfin 1'on favoit que I'Angleterre & 1'Autriche fe propofoient de forcer la France a faire fa paix, de maniêre que la garantie de Ia Siléfie n'y füt pas inférée. Qu'on ajoute a ces chofes la conduite du Marquis de Botta a Péte.-sbourg, & ilparoirra ciair que le Roi de PrulTe n'avoitpas tort d'être fur fes gardes, & de fe préparer même a la guerre, fi la nécefiké Ia rendoit néceffaire. Comme le Roi s'étoit toujours défié des ennemis avec iefquels il.avoit fait Ia paix, il avoit eu une attenlion particuliere a fe préparer a tout événemeut.,  DE MON TEMPS. 30 Une bonna économie avoit en quelque manière réparé les brèches de la derniere guerre, & Poti avoit amafTé des fommes qui pouvoient fuffire, en les employant avec prudence, aux frais de deux campagnes. A la véricé les forteroffe» étoient plutót ébauchées qu'en étnt de déffenfej mais les augmentations dans 1'armée étoient achevées, les munitions de guerre & de bouche amaflees pour une campagne. En un mot,l'acqmfition de la Siléfie ayant donné de nouvelles forces a 1'Etat, la PrulTe étoit capable d'exécuter avec vigueur les defieins de celui qui la gouvernoit. 11 reftoit a prendre des mefures pour ne rien appréhender de fes voifins , furtout pour fe conferver le dos libre, fi 1'on fe pröpofoit d'agir d'un autre cóté. De tous les voifins de la PrulTe 1'empire de Ruffie mérite le plus d'atten* tion, comme le plus dangercux: il eft puiflant, & il eft voifin. Le Roi appréhendoit moms le nombre de fes troupes que cet elTaim de Co. faques & de Tartares qui brölent les contrées,. tnent les hnbitans ou les araènent en efclavnge 51s font la mine des Etats qu ils mondeut. D'ailleurs ad'autres ennemis on peut rendre le mal pour le mal, ce qui devint impoffible a 1'égard dela Ruffie, a moins d'avoir une flotte confidérable pour protéger & nourrir 1'armée qui dirigeroit fes opérations fur Pétersbourg même. Dans la vua de fe concilier 1'amitié de la Ruffie, le Rot nut ,0ut en oeuvre pour y parvenir; il poulft même fes négociaüons jufqu'en Suède. Ulmpémxm  r ITISTOIRE Elifabeth fe propofoit alors de raarier Ie Grandi.Duc fon neveu, afin de s'afiurer d'une lignée. Quoique fon choix ne füc pas fixé, fon penchanc la portoic a donnef la préférence a la PriHceflè Ulrique, foeur du Roi. La cour de Saxe avoit delfein de donner la Princelfe Marianne, feconde fille d'Augufte, au Grand Duc, pour gagner du crédit a la faveur de cette alliance auprès de rimpératrice. Le Miniftre de Ruffie, dont la vénalité auroit mis fa maïtrefle a 1'enchère, s'il avoit trouvé qnelqu'un d'afl'ez riche pour Ia lui payer, vendit aux Saxons un contrat de mariage précoce. Le Roi de Pologue lepaya, & n'eut que des paroles pour fon argent. Rien n'étoit plus contraire au bien de 1'Etat de Ia PrulTe que de fouffrir qu'il fe format une alliance entre la Saxe & Ia Ruffie, & rien n'auroit paru plus dénaturé que de facrifier une princelfe du fang royal pour débufquer la faxonne. On eut recours è un autre expédient. De toutes les princeffés d'AUemagne en ége de fe marier, aucune ne eonvenoit mieux a la Ruffie & aux intéréts prufliens que la ' Princelfe de Zerbft. Son père étoit Maréchal des armées du Roi & fa mère Princelfe de Holftein, fceur du Prince fuccelfeur au tróne de Suède, & tante du Grand Duc de Ruffie, Nous n'entrons pas dans les détails minutieux de cette négociation; il fuffit de favoir qu'il falluc employer plus de peine pour lui faire prendre de la confiftance, que s'il fe füt agi de Ia chofe du uioade la plus importante. Le père de laprm*-  BE MON TEMPS. 4* eeffe même y répugnoit': luthérien comme on 1'éioit du temps de la réforme , il ne voulut confentir a voir fa fille fe faire fchifmatique , qu'après qu'un prétre plus traitable lui eut démontré que la religion grecque étoit a peu présla méme que la luthérienne. Err Ruffie M'. de Mardefeld cacha fi bien au Chancelier Beftuchew les reftbrts qu'il mettoit en jeu, que la Princefle de Zerbft arriva a Pétersbourg au grand étonnement de 1'Europe, & que 1'Impératrice la recut a Mofcow avec de fenfibles marqués de fatisfac* Bon & d'amitié. Tout n'éteit pas applani; U reftoit encore une difficulté a vaincre : c'étoit que les jeunes promis étoient parens au degré de coufinage. Pour lever cet empêchement on gagna; les popes & les évêques, qui décidèrent que ce manage étoit trés-conforme aux lois de 1'églife grecque. Le Baron de Mardefeld, non content de ce- premier fuccès, entreprit de transférer la familie malheureufe, de Riga dans quelqu'autre lieu de Ia Ruffie, & il y réuffit. La fureté de 1'Impératrice demandoit qu'elle éloignat du voillnage de Pétersbourg ces perfonnes, qu'une révolution avoit fait defcendre du tróne & qu'une autre révolution pouvoit y replacer. On les raena au dela d'Archangel, dans un lieu fi barbare, que le nom même en eft inconnu. Dans le temps que nous écrivons ces mémoires, le Prince Antoine Ulric de Bronfwic s'y trouve encore. M. de Mardefeld & le Marquis de Ia Chétardie, qui fe erurent forts après 1'arrivie de la. Princeftè dei  42 HISTOIRE Zerbft, voulurent couronner l'ceuvre en faifant ienvoyer Ie Grand Chancelier Beftuchew, ennemi de la France par caprice & attaché a 1'Ang'eterre. C'étoit un homme fans génie, peu habile daas les affaires, fier par ignorance, faux par caractère, doublé même avec ceux qui favoient acheté. Les intrigues de ces miniftres eurent affez d'influence pour féparer les deux fières. Le grand Maréchal Beftuchew fut envoyé a Berlin en qualité de Miniftre pléiiipotentiaire de la Ruffie; mais le Chancelier, trop bien aucré a la Cour, fe foutint comre tous les affauts qu'on lui donna. M. de Mardefeld fut affez habile pour ne point paroitre mSlé dans ces intrigues. M. de la Chétardie, icoins prévoyant, s'y montra adécouvert. Dès-Iors, fans que la cour eut. d'égard pour fon caraétère ni pour les fervices' qu'il avoit rendus, ou 1'obligea de quitter Ia Ruffie avec précipitation & d'une manière peu honorable. Après que 1'lmpératrice fe fat déterminée au choix de la Princeffe de Zerbft pour le mariage du Grand Duc, on ent moins de pein-3 a 2a faire confentir a celui de la Princeffè de PrulTe Ulrique avec le nouveau Prince royal de Suède.. C'étoit fur ces deux alliances que la PrulTe fondoit fa fureté. Une princefle de Pruffe prés du tróne de Suède ne pouvoit être i'ennemie du Roi fon frère, & une Grande DucheiTe de Ruflïe, élevée & nourrie dans les terres prufliennes, dqvant au. Roi fa fortune, ne pouvoit ledefl'ervir fans ingra. Ütude. Quoiqu'on ne put alois reudre 1'alliance.  DE MON TEMPS. 43 de Ia Rulïïe plus foüde, ni remplacer le Chancelier ^ Beftuchew par un miniftre mieux intentionné, öft eut recours a d'autres moyens pour ouvrir un cceur a portes de fer: ce fut - la la rhétorique dont M. de Mardefeld fe fervit jufqu'a 1'année i?45i Pou* tempérer la mauvaife volonté d'un homme auflï mal difpofé. Tous ces faits que nous v'enons de détailier, montrent bien que le Roi de Pruffe n'avoit pas parfaitement réuffi dans fes intrigues & que ce qu'il püt obtcnir de la Ruffie ue répon« doit pas entièrement a fes efpérances. C'étoit toujours beaucoup que d'avoir affbupi pour un temps la mauvaife volonté d'une puiffance auflï dangereufe; & qui gagne du temps a tout gagné. On fit encore un effai pour une affbciation des princes de 1'Empire. On pouvoit compter fur le Landgrave de Heffe, fur le Duc de Wurtemberg, lbr 1'Elefteur de Cologne & 1'Elefteur Palatin; on avoit ébranlé 1'Evêque de Bamberg: mais il falloit acheter leur affiftance; point d'argent, point de prince d'AUemagne. La France ne voulut point confentir aux fubfides qu'il lui ea cüt coüté, & la chofe manqua une troilième fois. II auroit été è fouhaiter qu'on eüt pu s'entendre avec Ia cour de Saxe; mais on y rencontra plus d'obflaclesque partout d'ailleurs. Le Roi de Pologne étoit mécon. teut de ce que la paix de Bteflau ne 1'avoit pas mis en poffeffion de la Moravie; il croyoit conquérir des proviuces a coups de plume. II étoit jaloux. de ce que la maifon de Brandebourg avoit acquis la Siléfie Sc de ce qu'il n'avoit rien gagné a certa  <«■ H i s r O I R E guerre: il croyoic fes prétendons fur Ia fuceeflnn de Charles VI les mieux fondées: ü e„vi0it ia couronne impériale a 1'Elefteur de Eavière & dételtoit les Francois, qu'il accufok de 1'avoir trompé. Des difpofitions auffi favorab'es n'échapperent pas a h cour de Vienne. Ce négociateur ferainin, la vieille Demoifelle Kling,1" étoit toujours a Dresde; elle ménagea fi bien 1'efprk Roi, de la Reine, du Comte *** & du confefleur, qu'elle les amena a Ia réfolution de sallier avec 'la Reine de Hongrie. Bientót Ia negociation ne rencontra plus d'oblracles. On cpnclut une alliance défenfive entre 1'Autriche, fAngleterre & Ia Saxe, dont les articles fecrets furcnt lignes a Varfovie. Les parties contraAames fe gardèrent bien de les publier.' Cela n'empêcha pas que Je Roi de PrulJ-e ?- ^ procur4t un3 copie; & comme ce traité fut une des caufes pnncipales de la guerre que Ie Roi déclara dans la fuite a Ia Reine de Hongrie, il fera néceffiaire que nous en rapportions quelques articles qui juflifieronr. aux yeux de la poflérité la guerre qu elles produifirent. Art. 2. „ Pour cet eftet les " alllés «'eagagent derechef a une garantie toute " exPre(ï"e de tout royaume, états, pays & " domaines qu'ils poffièdent aftuellement ou doi. » vent pofféder en vertu du traité cTalliance » fait a Turin en 1703, des traités de paix >, ^Utrecht & de Bréda, du traité de paix & n d'alliance commuuément appelé la quadjuipSe »> alliance, du traité de pacificaüon & dalliance-  DE MON TEMPS. 45 conclu a Vienne le 10 Mars 173Ü de 1'afte de , garantie donné en conféquence & palTé en loi de Empire le 11 Février 1732, de lafte „ d'accefïïon figné pareilletnent en conféquence a la Haye le 20 Février 1732, du traité de paix " figné a Vienne 1* 18 Novembre 1738, de " racceiïion qui y a été faire & fignée aVerfailles , le 3 Février 1739; tous lefquels traités font „ pleinement rappe'és & confirmés ici, autant qu'ils peuvent concerner les alliés, & qu'ils „ n'y om pas dérogé fpécialement par Ie préfent „ traité." Quiconque Kt cet article avec impartialité, doit y trouver Ie germe d'une aUiance oflenfive préparée contre ie Roi de PrulTe. LaReine de Hongrie fe fait garantir des Etats que e poUcdc.it du temps de ces traüés allégués &qu elle a perdus par Ia fuite. Si cette Princefle & leRoi d'Angleterre avoient agi debonnefoi, nedevoienc ils pas rappeler également dans cette alliance e traité de Breflauï Si nous dépouillons cet article du flile énigmnique dont il efl enveloppé, on V voit une ga-antie formelle des Ecats que 1 tapé* jatrice Retae dolt pofleder ccnformément * la pragmatique Ssnftion, & par conféquent de la Siiéfi» Mn ra-ticle 13 de ce traité de Worms auQuel le Roi de Pologne avoit accédé, exphqoe même les moyens dont la cour de Vienne fe fervira pour récupéier fei provinces perdues; 2 voici : Art. 13. „ Et aulKtot que riral.e fera „ délivrée d'ennemis & hors de dangers aParen d'être enva'nie derechef, non feulement Sa  B I ST O I R E » Majeflé Ia Reine de Hongrie pourra en retirer une partie de fes troupes, mais fi ePe le demande, Ie Roi de Sardaigne lui fournira fes " Z?7 "TeS P0llr ,es e™pIoyer è Ia fureté des Etsts de Sa Majefié Ia Reine en Lombar» die, afin qu'eue puiOe fe fervir d'un plus grand „ nombredes fiennes en Allemagne; tout comme „ a Ia requifition du Roi de .Sardaigne,- la Reine „ de Hongrie fera paflèr fes troupes dans les „ Etats duditRoi,s'il Ie falloit,pour endéfeudre „ les palfages qu'une armée ennemie entreprendroit „ de forcer, & pour délivrer d'ennemis tous les „ Etats du Roi de Sardaigne & les mettre hors -„ de danger d'être envahis derechef." Voila donc la Reine de Hongrie qui vent retirer feS troupes d Italië pour les employer en Allemagne. Contre qui fera-ce? Contre la Saxe? elle a fait une alliance avec Ie Roi, Elefte„ de C£ Contre Ia Bavière? elle a fi bien humilié PEui. pereur, qu elle pofféde fon parrimoine. Ce ne peut donc étre que contre le Roi de Pruffe qu'elle médite une nouvelle guerre. Le Roi d'Angle. terre, felon les engagemens qu'il avoit pris par le traité de Breslau, devoit communiquer fidellement a celui de Pruffe tous les traités qu'ü feroit 11 fe garda bien de rien dire de celui-ci. La ra'ifon en étoit claire Ce qui s'étoit forgé a Worms & ce qu, fut ratifié è Turin & a Varfovi r foit tout ce que le Roi d'Angleterre même avoit, SC?? traké de Brèslau- Ces D°»vei1^ ilhances furent communiquées aux Etats généraux ,  DE MON TEMPS. 47 & ce fut da la Have qu'on apprit ce qui en faifoit ^ teneur. Selon les regies de la fame pohuque les cours de Vienne & de Londres n auro.ent pas du démasquer fi vite leurs delfeins. Ces cours voient encore les armes a la main 6c comoa « toient contre la France & 1'Efpagne de la Lombardie au Rhin & même en Flandre. Ne pouvoit-on pas prévoir, a moins que le Roi Ai Prune ne fut devenu entièrement flupide, quil n'attendroit pas de fang froid -qu'on put des mefures pour 1'accabler, & que plutót 11 tcro«t L derniers efforts poer prévenir les deflems de fes ennemis? 11 efl évident que la Pruffe ne trouvoit plus de fureté dans Ia paix de Breslau, il falloit donc en chercher ailleurs. La fituation étoit critique. II falloit, ou que le Roi s'abandónnlt au hazard des événemens, ou qu'il pnt P ti violent, fujet aux plus grandes vrffitudes Les miniftres repréfentoient a ce ****Jg q^comue fe trouve bien,ne doit pas fe mouvo.r le c'eft une mauvaife affërtion en politique de SVh guerre Pour i'éviter, & q*^ attendre du benefice du temps. Le Roi leur rtpondoit qu* leur timidité les aveuglo.t; que kLt une grande imprudence de ne pas prévenir a temps un malheur, quand on a les moyens de s'en garantir; qu'il fentoit qu'en faifant la guerre il expofoit fa nobleffe, fes fujets, fon Etat & fa perfonne a des hazards inévitables; mais que cette crife demandoit une décifion & qufen pareils caa le plus mauvais parti étoit celui de nen prendr* aucun.  4* // I S T O IR S Pour voir d'un coup d'oeil les raifons que le Ro. crue avoir de déclarer la guerre il la Reine de Hongrie & les raifons que lui oppb'bient fes - miniftre», nous ferons ufage d'un mémoire qu'il leur envoya écrit de fa main, dont voici la copiet „ Pour prendre un parti judicieux, il ne faut „ point fe précipiter. J'ai murement réfléchi fur ,, Ia fuuarion oü nous nous trouvons, & voici „ les remarques que je fais fur ia conduite de „ mes ennemis*, en Ia réfumant pour mieux con„ ftater leurs defleins. i) Pourquoi par la paix „ de Breslau Ia Reine de Hongrie s'eft-elle fi „ obfiinément opintétrée it fe réferver les hautes „ moniagnes de la baute Siléfie, qui font d'un fi „ modique rapport ? Certainement 1'intérêt n'y a „ aucune part. J'y découvre un autre deffein i „ c'eft de fe conferver, par Ia polfefiïon de „ ces moniagnes, des chemins avantageux „ pour s'en afiurer 1'entrée lorsqü'elle le jugera a „ propos. 2) Quelle raifon a obügé les Au tri. „ chiens & les Anglois a s'oppofer fous main a Ia „ garantie du traité de Breslau que Mardefeld „ négocioit a Pétersbourg, fi ce n'eft que ceite „ garantie empéchoit ces puiflances de rompre le „traité? Vous répondez que Ia politique des „ Anglois eft fimple; qu'üs veulent m'ifoler, afin „ que n'ayant d'autre garantie que la leur, je „ dépende uniquement d'eux. J'ofe demander a „ Meffieurs les Miniftres, fi fuppofant aux Anglois „ 1 une ou i'autre de ces intentions, elles nous Ui fom favorables ou défavantageufes ? 3) Pour- » quoi  DE MON TEMPS. 49 i quoi le Lord Carteret ne fe hate-wl de terminer les petits différens au fujet de quelques fron„ tières litigieufes entre le pays de Minden & „ celui de Hanovre, pour un péage des Hino' vriens fur 1'Elbe, enfin pour les bailliages qui „ nous font hypothéqués dans le Mecklenbourg i „ C'eft qu'il ne fe foucie point du tout d'etabhr „ une bonne harmonie entre nos deux cours. Le „ Comte de Podewils fuppofe que la marton de , Hanovre a autant d'intérêt que celle de Brande' bourg a terminer ces difrérens. Pourquot donc „ ne le fait-elle pas? Mais le Roi d'Angleterre „ voudroit envnhir le Mecklenbourg, Paderborn, „ Ofnabruck & 1'évêché de Hildesheim, & u „ voit que ces vues d'agrandiflemeiu font incom„ patibles avec une étroite liaifon entre la Pru le , & 1'Angleterre. 4) Peut-on compter fur les ' promefies d'uïi prince qui manque a fes engagemens? Le Roi d'Angleterre promit, lörsqu il " aflembla 1'année 1743 «mée fur le Rhin, de ne rien entrepreDdre, ni contre les états \' héréditaires de l'Empereur, ni contre fa dignité ; " & a préfent, conjointement avec la Reine de " Ilongtie, il prend des mefures pour le forcer * a 1'abdication. 5) Rappelez-vous les mttt. *' gues dn Marquis de Botta a la cour de Peters"bourg; ne tendoient.' elles pas a remettre la " familie exilée fur le tróne? Pourquoi? Paree qu'il favoit que 1'Impératrice Elifabeth étoit " dans nos intéréts & qu'il s'attendoit que le „ Prince Antoine devant le rétabliflement de fa Qeuv. pofih.de Fr. II. T. II. G  5» HISTOIRE familie a Ia cour de Vienne , il lui feroit a „ jamais dévoué & panageroit fa haine pour tout „ ce qui efl: pruflien. De plus, a quel deflein „ fit- il ufage de mon nora dans cette abominable „ conjuration, fi ce n'étoit pour me brouiller „ avec 1'Impératrice, au cas que fa trame füt „ découverte? C'étoit, dites-vous, par un effet „ de la tendrefle dne la Reine de Hongrie a pour „ fes parens. Hélas! trouvez.moi de grands „ princes qui refpectent les liens du fang. „ 6) Vous croyez qu'on ne doit pas méprifer Ia „ garantie du traité de Breslau qa'a donnée le „ Roi d'Angleterre. Et je vous réponds que „ toutes les garanties font comme des ouvrage» „ de filigiane, plus propres i fatisfaire les yeux „ qu'a être de quelque utilité. 7) Mais je veux „ bien vous abandonner tout ce que je viens de „ marquer. Vous fera-t-il pofllble de donner „ unebonne interprétation au traité de Worms & „ a celui de Varfovie? Le langage des miniftres „ autrichiens eft que ce traité n'a pour objet que „ 1'ltalie. Lifez les deux articles que j'ai cités „ & vous verrez clairement qu'ils regardent en „ général 1'AUemagne & qu'en particulier ces „ articles m'ont direétement en vue. 8) Cette „ alliance avec Ia Saxe efl: encore moins inno* „ cente; elle livre aux Autrichiens un paflage & w des fecours pour ïn'attaquer dans mes propres foyers. Vous foutenez que cette alliance ne „ s'eft faite que pour procurer des préfens réci„ proques aux miniftres qui font i la tête des affaires dsiy les deux cour». En vérité je ne  DE MON TEMPS. $t v m'y attendois pas; il faut avouer que vous „ avez l'èfprk tranfcendant. 9) Voici une autte queflion : Attendra-t-on que la Reine de „ Hongrie foit délivrée de tous fes embarras, „ qn'elle ait la paix avec les Francois, qu'elle „ force l'Empereur a 1'abdication? Attendra-t-on , „ dis-je, qu'elle puiffe fe fervir de toutes fes ..j, forces, de celles des Saxons & de 1'argent de l'Angleterre, pouf nous attaquer avec tous ces „ avantages au moment que nous ferons dépour„ vus d'alliés, & que nous n'aurons d'autrei „ reflburces que celles de nos propres forces? „ Vous foutenez que la Reins de Hongrie ne „ terminera pas cette guerre dans une feule cam„ pagne, que fes pays font minés, fes' revenus „ arriérds de dix ans, & qu'elle ne fentira fon „ épuifement qu'après la paix. Je réponds que „ tout le monde ne convient pas que fes finances „ foient aulïï épuifées que vous Ie fuppofez. De 3, vaftes Etats lui fourniflent'degrandes reflburces. „ Qu'on fe fouvienne qu'a la fin de Ja guerre de Succeffion , guerre qui avoit eng'omi des s, tréfors, l'Empereur Charles VI foutint encore „ toute une campagne contre les Francois fan» „ fubfides étrangers, lorsque Ia Reine Anne fit la „ paix d'Utrecht féparément. FauNil attendre qu'Annibal foit aux portes pour fe déclarer f, contre lui? Qu'on fe fouvienne qu'en 1'année 1733 le Comte de Zintzendorff parioit que les „ Francois ne pafleroient pas le Rhin, pendant tl qu'ils bombardoient & prenoient Kehl. Ea C *  Si HISTOIRE „ fécurité ajoüte que lorsque le feu Roi acquit }, Ia Pomérauie ukérieure, tout le monde crut „ que la Suède feroit revivre tót ou tard fes „ droits fur cette province, & cependant cela „ n'arriva pas. Cette comparaifon eft faulfe, 6c „ ce raifonnement tombe de lui-même. Comment „ mettre en parallèle un royaume ruiné, épuifé „ & démembré comme la Suède, avec la puis„ fante maifon d'Autriche, qui loin d'avoir fait „ des pertes, médite actuellement des conquêtes? „ Les partifans outrés de la Reine de Hongrie „ foutiennent qu'il n'y a point d'exemple que la „ maifon d'Autriche ait cömmencé une guerre pour récupérer des provinces perdues. II ne „ faut citer de tels faits qu'a des ignorans. Cette „ maifon n'a-t-elle pas voulu reconquérir la „ SuilTe ? Combien de guerres n'a-t-elle pas „ faites pour rendre la Hongrie héréditaire? Et „ quelle étoit cette guerre entreprife par Ferdi„ nand II pout -chalfer Fréderic V, EleAeur „ palatin, de la Bohème, dont il avoit été élu „ Roi par les vceux des peuples ? Ne fut - ce pas „ une guerre fanglante que la maifon d'Autriche „ fit a Bethlem Gabor pour lui ravir Ia Tranfyl„ vanie? Enfin qu'eft-ce qui excite a préfent Ia „ Reine de. Hongrie a prefier les Franpois avec „ tant d'ardeur, fi ce n'elt 1'efpérance de recon„ quétir 1'Alface, Ia Lorraine, & de détróner „ l'Empereur ? Raifonnoit - on bien a Vienne „ quand on y difoit: il efl; impoffible que le Roi „ de PrulTe oous attaque, car aucun de fes aleux  DÈ MON TEMPS. 53 „ ne nous a fait la guerre? Ne nous trotnpons „ point: les exemples du palTé, fuflent-ils même „ vrais, ne prouvent rien pour 1'avenir. Cette „ affertion.ci eft plus füre : tout ce qui eft „ poflible peut arriver. io) Pour fortiGer tous „ ces argumens par des preuves plus palpables, „ je n'ai qu'a vous rappeler un propos que M. „ de Molé, Général autrichien pafl'ant par Berlin, „ tint a M. de Schmettau: ma cour n'eft pas „ afTez mal avifée pour attaquer la Siléfie; nous '„ fomraes alliés avec la cour de Dresde; le „ chemin de la Luface mène a Berlin le plus „ directetnent; c'eft-la oü il nous. convient de „ faire la paix. Vous direz que Molé parloit „ au hazard. Mais voyez ce qni confirme que „ le delTein de faire la paix a Berlin étoit celui „ de la cour de Vienne. Le Prince Louis de „ Btonfwic avoit entendu parler de ce même „ plan a la Reine de Hongrie, au fervice de ,,-laquelle il étoit; il en avoit fait confidence & fon ftère le Duc régnant , & celui • la me 1'avoit communiqué. Un aveu de la bouche de 1'enuemi tient lieu d'une démonliration. Je ), conclus que nous n'avons rien ü gagner en , attendaut, mais tout h perdre; qu'il faut donc „ faire la guerre & qu'il vaut mieux, s'il Ie „ faut, périr avec honneur que de fe lailTer „ accabler avec bonte quand on ne peut plus „ fe défendre." Cependant le Roi ne fe précipita point. Le C 3  54 H1STQIRE temp» n'e'toit pas encore venu d'e'clater j il attendoit des conjonclures favorables, pour le faire avec tout 1'avantage poffible. Dans ce tempsla l'Empereur croyant fes affaires defefpérées, envoya le Comte de Seckendorff a Berlin, pour engager le Roi de Pruffe a le foutenir. Seckendorff fe croyoit affez fort pour obliger la Saxe 4 changer de parti. II aflura que les Francois agiroient avec vigueur, que leurs intentions étoient fincères: il prelfa beaucoup le Roi de fe déclarer; 1'heure n'en étoit pas encore venue, & il lui fit la réponfe contenue dans ces points: O Avant de s'engager avec l'Empereur & Ia France, Sa Majeflé regarde comme un préalable que 1'alliance du Roi avec la Ruffie & Ia Suède foit conclue. 2) La Suède promettra de faire une diverfion-dans Ie pays de Bèine, en même temps qu'une armée fiancoife attaquera le pays de Hanovre. 3) La Frn«ce promettra d'agir offenfivement fur le Rhin & de pourfuivre vivement les Autrichiens, lorsque la diverfion que le Roi fe propofe de faire les attirera en Bohème. 4) La Bohème fera démembrée des Etats de la Reine de Hongrie, & le Roi en polfédera le» trois cercles fes plus voifins de Ia Siléfie. 5) Le» puiflances alliées ne feiont point de paix féparée, mais refleror.t conltamment unies pour travaillera 1'sbaiffement de la nouvelle maifon d'Autriche. L'article des conquêtes n'étoit ajouté a ce projei qu'a tout hazard, au cas que ia fortune favorifie  BE MON TEMPS. SS cette entreprife. II étoit prudent de s'accorder d'avance fur un pnrtnge qui dans la fuite auroit pu brouiller les alliés. Ces mefures fe prenoient cependant avec beaueoup de circonfpeaion. Le Roi connoilToit la cllelfe des Francois dans leurs opérations de guerre 6c le peu d'attachement qu'ils avoient montré pour les intéréts de leurs alliés; il n'y avoit que la nécelïïté qui püt amener cette nouvelle liaifon. 11 falloit fe préparer aux oppofuions qu'on éprouveroit de la part de d'Angleterre, gou. vemée par un roi vindicatif 6c un miniftre fougueux. Le Parlement avoit accordé au Roi toutes les fommes qu'il lui avoit demandées: foutenu de ces richeiïes, le Roi pouvoit faire fortir des armées de terre 6c porter la guerre jusqu'aa bout du monde. Cependant ces premières propofitions d'alliance ne furent pas recues i Verfailles avec 1'accueil auquel on devoit s'attendre. On continua néanmoins k négocier, pour conduire cette crife politique a une heureufe fin. Deux pédans, 1'un Francois 6c 1'autre Allemand, s'étoient avifés de former un projet d'aflTociation pour les cercles de 1'Empire; 1'un étoit le Sr. de Chavigni 6c 1'autre le Sr. deBunau; ils y procédèrent avec toutes les reftriftions des formalités, felon les lois de 1'Empire Öc la bulle d'or: cet ouvrage Iourd & pefant fut auflitót oublié que Iu. Au lieu de penfer a cette alfociation la cour de Verrailles prit , moyennant des fubfides , les troupes heflbifes au fervice de l'Empereur. Cela C 4  55 II1 S T O IR E dérangea les mefures du Roi d'Angleterre, qui comptoit de les joindre a fon armée. On elfaya encore de diiluader Ie Duc de Gotha de donner fes troupes aux puilfances maritimes; cela ne réufïït pas, car le Duc avoir déja rec.u des fubff des. Le miniftère de Verfailles étoit nouveau; il s'étoit peu mis au fait des affaires, de forte qu'il attribuoit la paix féparée que le Roi avoit faite avec Ia Reine de Hongrie a la légéreté de fon efprit. Un préalable néceffaire, dès qu'on vouloit fe lier avec la France, étoit de rectifier les idéés des miniftres fur ce point. Le Baron de Chambrier, depuis vingt ans Miniftre de Pruffe a la cour de Verfailles, étant agé, & n'ayant pas affcjs de liaifons avec les gens en place pour fe fervir auprès du Roi de leur crédit, avoit d'ailleurs peu traité de grandes chofes & étoit fcrupuleufemeat circonfpect. Cela fit juger au Roi qu'il falloit envoyer quelqu'un a cette cour qui fut plus délié & plus actif, pour favoir a quoi s'en tenir avec elle. Son choix tomba fur Ie Comte de Rottembourg. En 1740 il avoit pafte" du fervice de France a celui de Pruffe; il étoit en liaifon de parenté avec tout ce qu'il y avoit de plus illuftre a la cour; il pouvoit par ces raifons fe procurer des'cemnois, fauces qui auroient échappé a d'autres, & par conféquent informer le Roi de Ia fac.011 de pen. fer de Louis XV, de fes miniftres & de fes maltreffes ; car il falloit une bouflble pour s'orienter. Le trop grand feu du Comte de Rottèmbourg. étoit temféré par le pbjegme de M- de.  ffP MON TEMPS: 57 de Chambrier; tous deux pouvoient rendre des fervices utiles a 1'Etat. Le Comte de Rottem. bourg partit donc pour Verfailles. II fit faire fes premières infinuations par le Duc de Richeheu & par la DuchelTe de Chateauroux: onl'envoya aM. Amelot, Miniftre des affaires étrangères, qui ne pafibit pas pour partifan de la Pruffe. Mais le Cardinal Tencin , le Maréchal de-Belle-Iste,d'Argenfon, Minifire de Ia guerre, Richeheu & Ia maitreffe du Roi fe déclarèrenc pour le Comte de Rottembou'rg. Les articles propofés au Maréchal de Seckendorff fervirent de bafe a Ia négociadon qui s'entama avec la France. On tafifloit le plus fur ce que 1'armée franpoife de 1'Alfacc pourfuivit les Autrichiens & leur reprit la Bavière,& qu'une autre armée franpoife entrao en même temps en Weftphalie. Le Roi de fon cóté fe réfervoit de n'entrer en jeu qu'après avoir conclu fon alliance avec la Suède & la Ruffie. Ce dernier article lui laiffoit la liberté d'agir ou de n'agir pas, felon que les événemens lui paroitroient favorables ou contraires. 11 fe flattoit de fufpendre encore Ie-moment de la rupture; mais la tournure que prirent les affaires générales, arnö que les fuccès des arméés autrichiennes en Alface, Fobligèrent bientót a fe déclarer contte la Reine de Hongrie. L'alliance des Pruffiens étoit tout ce qui pouvoit arriver alors de plus avantageux a la France. Son propre intérêt dévoit le plus forte. ment fanimer a faciliter ces arrangemens;: mais f les comman. dent ? Vers 1'été (*) de la méme année , le Comte de Teffin vint a Berlin , en qualiré d'Ambafladeur de Snéde, demander la Princelfe de Pruffe Ulrique en mariage pour le Prince de Holftein, élu fucceffeur au tróne de Siède. tl étoit fuivi par la fleur de la nöbeffé; il avoit toutes lts qualités qu'il faut pour Ia repréfenta'tion, de la dignité, méme de féloquence, mai* 1'efprit frivole ik fuoeificiel. Les nóces fe célébièrent Ct) è Berlin avec magnifkence. Le Prince Guillaume , frère du Roi , époufa la Princelfe par procuration du Prince royal. On rc-marqua plus de magnificence dans ces fétes qua dans les précédentes: tenir un julle milieu enire ]a frugalité & la profufion eft ce qui convient a> tous les princes. Mais pendant qu'on danfoit ik fe réjouiffoit a Ia cour, on travailloit aux prépatatifs de la campagne qu'on étoit fur le point d'ouvrir. CH/IPITRE X. Campagnes a"Italië, en Flandre , fur le Rhi»3 & enfin celle du Roi,. X>a campagne d'Italie s'ouvrit au mois d'Avril par le paflage du Tanaro ik la prife de Nice & de t») Mois de Mai. (f) Aouu.  DE MON TE Mt S. 59 Viüefranche. Les généraux franco's & efpagnol» ne purent s'accorder fur Ijeurs opérations ultérieures. Le Prince de Conti prétendoir que les paiTages qui conduifent de Nice en Piémont n'étoient pas praticables & qu'il falloit chercher d'autres chemins pour y pénétrer. Dans cette vue il enfile le col de T\nde, attaque les troupes favoyardes a Montalbon, force leurs barricades & Ia nature même, prend d'aflaut le fort Dauphin, & pénètre ainfi en Piémont. II faut avouer que ce début de campagne eft un des plus brillarti qu'on ait vns dans cette guerre. Le Prince de Conti avance; H affi'ge Coni. Le Roi de Sardaigne, pour faire lever ce fiége, marche a lui. Conti le bat; mais Ia crue des eaux, la vigoureufe Téfiftance des affiégés & le manque de fubHftances, obüg'.nt ce prince it lever le fiége & a fe retirer en Savoie, après avoir fait fauter les fortifications de Démont. Cette campagne fit plus d'honneur k fes talens qu'elle ne fut utile a la France. Le Prince de Lobkowitz, qui alors étoit en pleine marche pour attaquer le Roi de Naples, itlformé des fuccès du Prince de Conti, fe décontenance: il défefpère de fa fortune, fe retire a MoneRotondo & de la a Florence, toujours talonné par Don Carlos & le Marquis de Gages. Nou» fupprimons les petits avantages que les Francois & les Efpagnols eurent fur les Autrichiens, pour en venir aux expéditions raaritimes. Les flottes franpoife & efpagnole'fortirent au comtnenceroent du printemps de la rade de Toulon: eller C6  tjo, H I S T O IR E' attaquèrent dans Ia-Méditerranée la flotte angloifé> commandée par 1'Amiral Matthews. Après la bataille, les Franpois & lesEfpagnoIs fe retirèrent è Carthagéne & les Anglois a Port-Mahon. L'action fut fans doute indécife, puifque les deux fiottes fe retirèrent: cependant elle ne lailfa pas de faire -honneura 1'Amiral efpagnol Navaro & au capitaine franpois. La cour de France enycya J'Amiral Court en exil,. & en punilfant différens «officiers qui avoient fervi fur cette flotte, elle témoigna fon mécontentement. De leur cóié les ■Auglois traduifirent 1'Amiral Matthews devant le confeil de guerre; le Vice-amiral fut conduit en prifon: les deux partis étoient donc auffi peu fatisfaits 1'un que 1'autre d'une bataille indécife» dont les Franpois & les Ang'.ois eurent la honte & les Efpagnols la réputation. Ces actions de mer n'étoient que le prélude des grands coups que la.cour de Verfailles fe propofoit de frapper dans. cette campagne. Son objet capital étoit d'obliger les Anglois a rappeler dans leur ile les rroupes qu'ils avoient en Flandre. Pour cet effet, ■avant même 1'ouver-iure .de la campagne , le Comte -f"e Saxe conduifit a Dunkerque 10,000 hommes; Je Hls du Prétendant, nommé le Prince Édouard, 1 sty rendit auffi. On fit des préparatifs pour un embarquement. L'Angleterre allarmée appela des Tecours érrangers;. 6jOoo Hollando's & 6,000 Anglois des. troupes du Lord Stairs fu-ent -transjipnés- dans xe royauim?. Les Hollandois, qui jasn.quoienc.de vaifleaux de.guexre, armèremdes  DE' MON TEMPS. 6r nifleauz marchands & les envoyèrent a leurs alliés pour remplir leurs engagemens. Le Roi de la Grande Bretagne, faifi d'épouvame, réclama même le contingent pruffien. Le Roi répondit qu'il fe mettroit a la tête de 30»°°° hommes pour palTer dans cette He, fi le Roi étoit attaqué. George trouva ce fecours trop fort & fe défitta de fes pourfuites. C'étoit pour 1'Europe un problème politique que les intentions du confeil de Verfailles dans cette entreprife. Voutoit-ü établir le Prince Édouard en Angleterre, oü étoit. ce un leurre pour affoiblir les troupes aluées en Flandre? Ces fimples préparatifs d'une defcente produifirent aux Franpois pour le commencement de la campagne tout ce qu'auroit produit une diverfion réelle. Pour ce qui regarde le projet d'établir le Prince Édouard en Angleterre, il avoit été formé par le Cardinal Tencin; it tenoit fon chapeau de la nomination dn Prétc-ndant, & pour lui témoigner fa reconnoiürace, ileffaya, amant qu'il étoit en lui, de procurer a fon fils la couronne d'Angleterre. L'expédition manqua, paree que jes vents flatent contraire*: excufe banale de tous les marins. Ce qu'il y a de für, c'eft que 1'Amiral de cette flotte, nommé Roquefeuille, n'ofa tenter le paflage de la Manche en préfence d'une flotte fupérieure. Les troupes francoifes n'avoient point vu de Roi a leur tête depuis que Louis XtV avoit cefie d'y paroltre. Quelques campagne! malheweufes avoient découragé les armées: on ecut que la préfence du mattre feroic le feul aiguil-  6* JT/STO/RE Ion capabfe de réveil/er dans les troupes rinffinft de 1'honneur & de la gloire. Une femme, par amour pour la patrie, enrreprit de tirer Louis' XV de la vie.oifive qu'il menoit, pour 1'envoyer eommander fes amices: elle facrifia a Ia Fiance les intéréts de fon cceur & de fafortune; c'étoit Madame de Chateauroux. Elle paria avec tant de force, elleexhorta, elle preffa fi vivement le Roi, que Ie voyage de Flandre fut réfolu. Une action auflï généreufe & méme héroïque, mérite d'autant plus dêtre hférée dans les falies de 1'hiftqire, que les maltrelfes qui 1'ont précédée, n'ont employé leur crédit que pour Ie malheur du royaume. Louis XV ouvrit Ia campagne en Flandre par le fiége de Menin. Le gouverneir de Ia place, peu verfé dans fon métier, la rendit aprês ure légère réfilhnee. Immédiaiement après, les Franpois entreprirent le fiége d'Ypres, qui, quoique inieux défendue, elfuya (e même deftin, La force des armes francoifes confifle dans Ie» fièges, ils ont les plus habiles ingénieurs de 1'Europe; 1'artillerie nombreufe qu'ils emploient dans leurs opérations, les allure de Ia réutfite de leurs entreprifes. Le Brabant & la Flandre font le théatre de leurs exp.'oits, paree qu'ils v pèuvect étaler tout 1'art de !eurs ingenieurs. Quanti(é de canaux & de m-ières facili ent Ie tranfport de leurs munitions de guerre & ils ont Ieurs f .«êres a dos. Ils réuffiiTènt mieux dans la guerre de fiéges que dans celle de- campagne. Mais revenons mx mis que nous avot»  T>E MON TEMPS. (■§ quittés pdor un temps. Les troupes que Ie Roi d'Angleterre avoit commsndées 1'année précédente, avoient hiverné, comme nous 1'avons dit, dan» le Brabant & en Weftphalie; Les troupes da Prince de Lorraine avoient pris leurs quartiersdans le Brisgau-& dans la"Bavière. Le Maréchal de Coigni commandoit en Alface. Les débrifi des troupes impériales étoient dilrribués chez dea amis de l'Empereur, la plupart cependant auXenvirons d'Oettingtn, La cour de Vienne perdit cet hiver le Maréchal de Khevenhuller: la Reine de Hongrie honora fa mé moiré de quelquei latmes. Le Maréchal Tiaun le remp'.aca & recut Ie commandement de Ia grande armée, qui povtoit le nom du Prince de Lonaine, mais dont en effet il étoit le chef. Comme ce Prince de Lorraine jouera un grand róle dans cette hiftoire, nous eroyons qu'il ne fera pas inutile de le faire connoltre. II étoit bave, aimé des troupes, polTédoit bien le détail des vivres , étoit peut-être trop facile a fuivre les imp'reflïons que fes favoris lui donnoient, & fe livrant aux charmes de la fociété.paifoitpoiirboirequelquefois avec exces» Ce .Prince époufa 4 Vienne 1'Archiducheue Marianne, fceur cadette de la Reine; il conduifit fa nouvelle époufe dans le Brabant, dont on 1'avoit fait Gouverneur; aprés quoi il revint 4 Vienne recevoir les ordres de la cour pour Ia campagne qui alloit s'ou*rir. Le defleiu de* Autrichiens étoit de reprendre la Lorraine, & de gorter l'Empereur 4 1'abdication de 1'Empire,  54 h r s t o rr e- pour recouvrer par ce ftcrifice fes pays héréditaires. Leur armée s'alfembla a Heilbronrj: de li elle s-'avanpa fur Philippsbourg, oü Seckendojff s'écoit réfugié avec les débris des troupes bavaroifes. A la nouvelle de 1'approche du Prince de Lorraine, M. de Coigni renforpa les troupes impériales de tous les régimens alleraands qui fervoient dans fon armée. Tous les préparatifs du Prince de Lorraine annonpoient qu'il avoit intention de paffer le Rhin; ce paffage lui étoit fïcilité par le " traité que Ie Roi d'Angleterre venoit de conclure avec l'Elefteur de Maïence. La partialité de ce prince pour la cour de Vienne étoit trop marquée pour qu'on s'y trompat, ik lès fubfides qu'il tiroit des Anglois ne lailfoient aucun doute que, malgré fa neutralité, il n'accordat aux troupes de la Reine le paffage par Maïence, fi on 1'exigeoit de lui. Les Autrichiens, qui jouiffoient déja en imagination de leur fortune, ne pouvoient s'empêcher de laiffer échapper de temps en temps des traits de fierté & d'arrogance. lis faifoient conftruire un pont a Manheim & agiffoient defpotiquement dans le Palatinat. L'Éleéteur s'en trouva offenfé, comme de raifon. Cela donna lieu a des-brouilSeries & finit par un raeffage du Prince de Lorraine a 1'Électeur pour lui rignifier que s'il ne donnoit pas fon pont de Manheim furrle champ i il le lui feroit enlever de force. En attendant le Maréchal de Coigni , dont 1'intention i étoit- de/-défendre. les bcrds du Rhin -depuis-  DE MO-N TEMPS. *$ Maïence jW* Fort-Louis, s'étoit pofte avec fes forces priucipales fur les bords de la Que.cb d'oü il s'avanca vers Spire, & pouflia fe dé uchemens jufqu'k Worms & même ju(qu aOppenSm. Ce mouvement fe fit fur ce qu'.l appnt que M. Bawenklau avec un détachemeut de 1'armée de la Reine avoit marché a Germershe.m vers Fribourg. Basrenklau fit jeter un pont fur un bras du Rhin prés de Stockftadt, pour donner le change. aux Francois & les aturer de ce cöté-la. En même temps le Prince de Lorraine fit un mouvement avec fon armee comme s'il avoit intemion de paOer le Necker avec fa droite pour fe joindre a Bwenklau. Le Maréchal de Coigni, trop crédule, fe laiua abufer par ces vaines démonftrations, & commit deux fautes tout de fuite; 1'uhe en. faiftnt. paffer le Rhin a Seckendorff, qu'il chargea de défenare la partie de ce fleuve qui coule entre Spire oLauterbourg; 1'autre en fe portant avec tou armée vers Worms & Frankenihal. U lui étoit facile 'de juger que le Prince de Lorraine avoit Slu de pénétrer en A.face & d'ufer de toutes es rufes de la guerre pour 1'en éloigner le plus Wil lui feroit pofllble. 11 devoit favo.r d ailleurs Le ce prince pouvoit difpofer du pont -de Maïence, a quoi 1'armée francoife n'étoit en etat de porter aucun obflacle. II fémble que fon projet de défenfe étoit défeftueux en tont point. Son armée é;oit féparée par corps, qui n occu. poient pas, même les vrais pofles d'ou ils auroient  (6 ff/STOlRE pu difputer aux ennemis le paffage du Rhin. Les experts ont été de 1'opinion qu'il auroit da raffembler en un corps les troupes tant impériales que francoifes; qu'il devoit fe camper entre la Queich & le Speyerbach, garnir de petits détachemens les bords du Rhin depuis Fort-Louia jufqu'a Philrppsbourg, faire battre 1'eftrade par cette cavalerie, pour étre averti a temps del'err. drott oü les ennemis fe préparoient a paffer, tenir fes troupes prêtes a marcher au premier ordre & attaquer fans balancer avec toutes fes forces Ie premier corps autrichien qui auroit paffé Ie Rhin. Si le Prince Char'es paffoit ce flenve a •Maïence, il reftoit a M. de Coigni a choifir les pofles de la Queich ou du Speyerbach, que Ie Prince n'auroit ofé attaquer; De plus, M. de Coigni coavroit égalemeit par cette pofition la baffe Alface & la Lorraitiè. Ce Maréchal, dont 1'armée n'étoit pas auffi forte que celle des emreatis & qui avoit des ordres trop reftreints, prit des mefures bien d fférentes. Dés que le Prince de Lorraine & .Traun furent informés des faufïes.démarches des Frsn901's, ils détachèrent M. de Nadafli par leur gauche, avec tous les bateaux qu'ils avoient affemblés a la fotirdine, pour jeter des pon.-.s f« le Rh n a un village appelé Schrèck. Nadaffi fit auffitót paffer le Rhin en bateau a 2,000 pandours fous les ordres dn partifan Trenvkj ils furprirent & défirent un déiachemeut de trois n'gimens impériaux, qui par une négjigenee impardonnabla ne a'étoieat en aucune mauiêre précaucionné»  DE MON TEMPS. «7 contre les furprifes. Nadafli lui-même avoit déja pafle Ie Rhin (*) a Ia tête de 9,000 houfards, tsndis que 1'on achevoit tranquillement derrière lui la conftruflion des ponts. Au bruit de ce pafTage, Seckendorff avec 20,000 hommes fe joignit a un corps de Franpois que le jeune Coigni commandoit; ils volèrent au fecocrs de ces trois régimens impériaux dont nous avons fait mention, avant que Ie Prince de Waldeck eüt levé fon camp deRetingheim pour joindre Nadafti. Tous les officiers de cette armée conjurèrent Seckendorff d'attaquer Nadafli, qu'il auroit pu facilement culbuter dans le Rhin; par ce feul coup il auroit anéanti les deffdns du Prince de Lorraine. Seckendorff ne voulut jamais s'y prêter; il fe contents d'engager une légère efcarmouche avec les Hongrois; & comme 11 apptit que le Maréchal de Coigni s'étoit retiré a Landau. il marcha par Germerfheim pour le joindre au plutót. Dés le 2 de Juillet le Prince de Lorraine fe vit maltre du cour du Rhin depuis Schreck iusqu'a A,aïence. Nadafti & le Prince de Waldeck étoient üéji a 1'autre bord. Bierenklau avoit de même paffé ce fleuve du cóté de' Maïence. L5  84' H I S T O I R. E ' Ifle fóutenoit' que Ia faüte de n'avoir pas occupé'ces poftes 1'année 1741, avoit été canfe de tous les malheurs que les Francois & les Bavarois avoient efluyés; mais ce qui eft bon dans une conjonflure, 1'eft-il de même dans une autre? Saus doute que ces poftes étoient nécefiaires en 1741 aux alliés, qui poiTédoient encore laBaviêre & même Ia haute Autriche; mais en 1744 il n'y avoit que des Autrichiens dans ces provinces; d'ailleurs c'étoit donner beau jeu aux ennemis que de ponder une pointe qui, éloignant 1'armée du , Roi de Pruffe de fes fsontières, donnoit aux Saxons la liberté de fe joindre au Prince de Lorraine ou de faire même quelque entreprife fur Prague. De tous les partis le plus fage auroit été de ne point trop s'éloigner de Prague, d'amaffer dans cette capitale, ainfi qu'a Pardubitz & dans d'autres villes, de3 vivres pour les troupes & de voirvenir les ennemis. Le Roi marqua dans ce moment trop de foibleffè; par condefcendance pour fes alliés il déféra trop it leurs fentimeus, & craignant d'ètre accufé, s'il tenoit fon armée clouée k Prague, de n'avoir d'autre objet que de s'alfurer des trois cercles qu'on lui avoit proinis, il entre« prit cette malheureufe expédition. On ne fit pas molris de fautes dans 1'exécution de ce projet. On négligea le tranfport des farines de Leutmeritz a Prague; on ne renvoya point en Siléfie l'artillerie qui avoit fervi au fiége de Prague, & 1'ön ne laiffa en garnifon dans cette ville immenfe que fixbataillons, qui ne fuffifoienc pas pour en  HE MON TEMP SS 83 défendre Ia moitié. Quand vous remontez a la droite de la Muldau, laiflant Prague derrière vous, vous trouvez un pays montueux & difficile, auffi mal peuplé qu'aride. Sr vous avancez onze milles en tirant vers 1'Orient, vous découvrez la ville de Tabor, fituée fur un rocher, batie au quinziène fiêcle par Ziska , ce fameux brigand huffite, qui ravagea fa patrie en combattant pour elle. Dans ces temps reculés Tabof paflbit pour imprenable; de nos jours elle fe prendroit d'emblée. La fnuation efl: avantageufe; mais la ville efl: petite & n'a pour défenfe qu'une mauvaife muraille. De lit en tirant vers Ie Midi vous 'trouvez la Lufchnitzê, petite rivière guéable de toute part, mais dont les bords dans beaucoup d'endroits font efcarpés; après 1'avoir paffée, vous traverfez dans 1'efpace de trois milles des bois & des rochers, au fortir defquels vous entrez dans une plaine abondante & tiouvez Budweis a deux milles devant vous. Cette ville eft Ikuée fur la Muldau, fortifiée d'ouvrages de terre, & d'une enveloppe que d'un cóté 1'on avoit commencée vis-a-vis de Budweis vers le Sud. A trois quarts de mille de 1'autre cóté de la Muldau fe trouve Frauenberg. Ce chateau occupe le ham d'une colline & eft devenu fameux par un fiége de fix mois que les Franpois y ont foutenu. Tel étoit le pays oü 1'armée pruffïenne alloit agir. Comme les Saxons na s'étoient point encore déclarés, 1'armée fe mit en marche le 17 Septem. bre-pour .Conraditze. De Ia le Général de Nafft'u  84 HISTOIRE fut détaché avec -10 bataillons & 40 efcadrons pour faire 1'avant-garde de l'armée, & celle-ci fut partagée en deux colonnes; la droite, fous les ordres du Prince Léopold, cótoyoit la Mulda & fut obligée de fe faire des chemins; la colonne de lagauche, conduite par le Maréchal'Schwérin enfiloit le. grand chemin de Prague a Tabor, en fuivant pied è pied 1'avant-garde. On avoit réglé de plus que ces colonnes ne laifferoient entre Jeurs camps qu'une étendue au plus d'un demijnille d'Allemagne; derrière Ia colonne de la gauche fuivoient les caiffons de farine couverts par 1500 hommes, fous la direétion du Général Pofadow.^ky. Tabor, Budweis & Frauenberg fe rendirent prefqre fans fe défendre au Général PïalTau. L'armée arriva le 26 a Tabor, oü les colonnes fe rejoignirent; mais Pofadowsky n'amena «jue la inoitié de fes caiffons, c'efi a dire pour 15 jours de farine; les chevaux & les bceufs de cet attirail avoient été négligés au point, que la inoitié en avoit péri, fans cependant qu'on eüt vu d'ennemi pendant toute la marche. Ce fut Ia Je principe de tous les malheurs qui arrivèrent depuis. A peine l'armée étoit - elle a deux marches de Prague que M. de Bathyani envoya un détachement de queiques milliers de Croates & de foulards a Béraun & a Keenigfaal; cette derïiière ville efl fituée au confluent de la Béraun dans la Muldau a deux milles au-deflüs de Prague» Ces troupes légères infeflèrent tellement les aveBues» q,u'elles iuterceptêreat toutes les livraifons  DE MON TEMPS. BS toe le plat pays devoit faire, & que les commu. que ie pw w l'armée pruflienne fut „ications étant gj^^^tf* r,fe f£mdr e q i e Palit dans le refte de ïrgUoceni On enïva deüx malles deftinées pour eEr0 'de onfquMMgnoroicnonfeulememla Lcne'des Saxons, mais encore l'armée da Prince de Lorraine. H don paro.tre éu4ng qu'nne armée auffi forte que Ia pruffienne D3 pu'tenir Ie plat pays en refpeft, le contra.ndi aux livraifons nécelfaires, fe procurer des Lfiftances, & avoir des efpions en abondance ~-te^sr;ur=edii ^^^^ i fpeup e auffi flupide que fuperftitieux, & que ,a cou avoit ordonné aux payfans, qu. tous fon fafs, d'abandonner leurs chaumières a 1'approclxe 5 Pruffiens, d'enfouir leurs bleds, & de fe Ï ugfa d£ les forêts voiunes; elle avoit aiouté a ImelTe de réparer tout le dommage qu ib fouffrir de la part des Pruffiens. L'ar* SrrnrtrouUvIit donc que des déferts fur fon (T»«. des villages vuides: perfonne n apportoit ï c mp di denfées a vendre, & le peuple qui craSoit les punitions rigoureufes des Autrichiens, ne SuvoU étre engagé par quelque fomme que ce mt a donner les nouvelles qu'on lu. demandoit des ennemis. Ces embarras furent encore augmen* D7  85 HISTOIRE Jfc< par m corps de l0 000 ho Autnch.ens avoient fait ve„ir de Hongrie & qu couperen: les Communications a l'armée dans un Pays qu, n'etou qü'uri COI5poré de ^s J bo,s de rochers & de tous les défilés qu'un terram peut renfermer: Pennemi avoit, av c cette ftpénonté en troupes légères, 1'avantage de favo r tout ce qui fe faifoit dans le camp 5u Rot, & I s Pruiïïens n'ofoient aventurer leurs batteuTs deftrade, amoins de les compter pour pe dus vn la fupénorité de ceux des ennemis; dllZè que rarmée du Roi, toujours retranchée «an..ne. étoit réduite a fenceiute de fon camp Le manque de vivres joint a cette gêne oü fe trouvoient les Pruffiens, les obiigea de retourn r fur leurs pas. Le Maréchal de Schwérin éto davts de fe porter fur Neuhaus, pour augmenter a jaoufie que Ies ennemis pouvoient loH 1 egard de 1 Autnche. Le Prince Léopoid foutenou quii falloit fe porter fur Budweis, qui étoit occupé par M. de Nafiau. Sur ces entrefaites un efpion apporte la nouvelle que l'armée du Prince de Lorraine étoit a Protiwin. Cet" avis décida fur le part. qu'il y avoit a prendre. L'armée repalfa la Muldau & fs campa furies hauteu^ Wodnian; mais * psins y fut.on JMf reconnut la faufleté de 1'avis: cela mi méfinte .geiice entre M. de Schwérin & ,e Prince Léopoid & Je Roi fut f0UV£n[ d ace tfmterpofer fon autorité pour empêcher q e ïl J3loufie.de ces deux Maréchaux ne mm&l hïm\  DE MON TEMPS. 3? 'néfal M. de Janus, Lieutenant - colonel dans TÈS houfards de Thierry, avoit été détaché pour „refter les Kvraifons que les habitans de ces entrees devoient faire a Tabor: le befoin en étoit d'autant plus prelTant, que es farmes de farmée tiroient vers. leur fin.. Janus injrchr avec 2oo houfards b un village nommé Muhlhnufen fitué au bord de la Muldau. L'ennerai « fat informés un corps confidérable de houfards toraba fur lui; c'étoit un brave homme & il nerdit la vie pour ne point avoir ia réputation d-avot é é battu: toutfoncorpsfutdiffipé. NadalU t de ponts a cet endroit même & s'avanca dunt a Tabor pour 1'attaquer. Le Prince Henn frère du Roi, qui y étoit tombé malade, & le Colonel Kalnein qui y commando», lui firent comprendre qïon neqs'emPare pas d'une ville défendue par des Pruffiens, avec de la cavalenê kgère. Ce fut alors qu'on apprit que le Prince de Lorrame occupoit un camp fort, derrière.la Wounia, a deux milles de Pifek; que les Saxons 1 avoient ioint & que fon intention étoit de couper les Pruffiens de Ia Safawa & par conféquentde Prague, e„ paffant la Muldau derrière farmée. Le manque de fubfiftances, 1'obftacle que Nadafti mettoit a en amaffer, la poffibilité pour les Autnch.ens de faire ce mouvement, détermina les Pruffiens a s'approcher de Tabor: ils paffèrent le 8 d'Odtobre la Muldau fur le pont de Teyn. L arr.èregarde fut vivemeot harcelée par des pandours & L houfardsjais ne-réuffireat point a lemamer  «* H I STO I R g comme ils s'y étoient anendus. Le brave Colonel Rouch des houlTards leur prit un ba tailion de Dalma. t.ens qui s'aventura «op, & rejoignit l'armée, tnomphant d'un corps bien fupérieur au fien, qui 1'avoit attaqué. L'armée reprit le camp de Tabor pour donner au Général Du Mouü'n, qui étoit détaché a Neuhaus, Ie temps de Ia rejoindre. Les Autrichiens étoient fi fürs de couper l'armée prusfiemie de Prague, que par leurs ordres on amalToit des magafins pour eux è Benefchau & même dans le cercle de Chrudim. Le Roi fe repentit trop tard de n'avoir pas mieux garni Ia ville de Prague de troupes. Le projet de prendre des quartiers d'hiver entre Tabor, Neuhaus, Budweis & Frauenberg étoit mal concu; il n'y avoit de la a Prague aucune ville qui eüt feulement des murailles, & dont on püt par conféquent fe fervir pour établir la communication avec Ia capitale. La Muldau étoit partout guéable & couverte a fa riveg^uche de foréts impénétrables, dont des troupes légères pouvoient tirer partï pour harceler fans celTe les quartiers des Pruffiens. Si Cependant les vivres n'euflent pas manqué, Ie Roi auroit pu fe fo^enir entre la Safavva & la Lufchnitz; mais Ie ma'nque de vivres eft Ie plus fort argument 2 Ja glierre V le danger de perdre Prague s'y joignanc, l'armée pruffienne fut obligée de rétrograder. On étoit encore irrefolu fi Pon abandönneroit ou conferveroit les poftes de Tabor & de Budweis, en s'en éloignant eutièrement avec l'armée. Ou avoit fans doute a craiudre que 1'ennemi ne for5;lc ces villes;  DE MON TEMPS. «S> d'autre part il falloit confidérer qu'on avoit été obligé de laiffer a Tabor 30b malades ou bletlés qu'on n'avoit Pu tranfporter faute de voitures. On ne vouloit pas abandonner ces bravesgens; on réfolut donc de lailler garnifon dans ces deux endroits, & 1'on efpéroit que fi 1'on en veno.t a une bataille avec les Autrichiens, comme cela paroifl'oit probable après leut jonaion avec les Saxons', les ennemis battus trouveroient ces poftes fur leur chemin & feroient contraints de fe rejeier vers Pilferf.' Ce raifonnement étoit entièrement faux; car dans un cas prelTant, il vaut mieux perdre 300 malades que de hazarder quelques milliers d'hommes dans des villes oü ils ne peuvent fe défendre. Au contraire, fi 1'on fe prppofoit de fe battre, il falloit raffembler toutes fes forces, pour être mieux en état de battre l'ennemi, & ces deux miférables trous ne pouvoient- pas empêcher.le Prince de Lorraine de faire fa retraite comme il le jugeroit a propos. Mars, difoit-on, le Maréchal de Seckendorff étoit déja arrivé en Bavière; il avoit rejeté Brcrenklau en Autriche; il avoit nettoyé d'ennemis tout cet éleaorat, a la réferve dTngolfladt, de Braunau & de Straubingen. Soit, mais les fuccès des \ Impériaux ne dewient pas empêcher les Pruffiens de fe conduite prudemment, & ces avantages n'étoient pas affez forts pour qu'on put impunément commettre des fautes. Dans cette fituation Ie pofte de Benefchau devenoit de la dernière importance; 11 falloit 1'occuper avant le Prince  90 II I ST O I R E de Lorraine, paree qu'il étoit inattaquable & ou'il pouvoit décider enrre les inains des ennemis du diefthi de l'armée: la feule reiïburee qu'on auroit eue encore, auroit été de pafier la Salaw» a Ilartay, pOUr tirer des vivres de Pardubitz. Le Maréchal de Schwérin fe mit pour cet effet * la tête de 15,000 hommes; il prit non feulemenfle camp dé Benefchau, mais-il s'empara encore des mngafius confidérables qu'on y avoit amalTés pour les Autrichiens. Le Roi le joignit le 14. d'Oftobre; 1'avant-garde de 1'éWmi étoit déja en marche pour s'y rendre. L'armée féjourna huit jours entre Benefchau & Konopitz. O" y apprit la nouvelle défagréable, a laquelle cependant on devoit s'attendre, qu'un détachément de 10,000 Hongrois avoit fait prifonnier 3 le régiment de Creutz & a Tabor celui des pionniers. Ainfi, pour fauver 300 «alades, on perdit 3,000 hommes. . Le Roi, qui fe repentoit d'avoir, pour ainfi dire, aban. donné ces régimens, envoya ordre par huit pet» fonnes différentes au Général Creutz qui commandoit dans Budweis, d'évacuer la ville & de fuivre l'armée; mais aucune n'arriva jufqu'a lui. Budweis fe rendit, après avoir confommé toutes les munitions que les circonftances avoient permis d'y laifier. Tabor fut pris a tranchée ouvèrte par 'une brèche que 1'ennerhi avoit faite a la mu.' raille. La première de ces villes foutint un fiége de 8 jours, Tabor un de 4 & Frauenberg fe rendit, paree que les Autrichiens avoient coupé Ie  DE MON TEMPS. 91 feulcanal par lequel Ia garnifm recevoic fes eanx. Éomme il étoit 4 craindre que les vivres ne msnsqualTent 4 l'armée, M. de Wimerfeld fut détaché, avec quelques bataillons ik un régiment de houfardspour alTurer la communication avec le ma ga. fin de Leutmeriiz. Mais 1'avant garde du Prince de Lorraine dont nous avons parlé, s'étant opperCue que les Pruffiens les avoient prévenus 4. Benefchau, fe retira fur Neweclow & de la fur .Marfchowitz, oü, elle fut jointe par l'armée com■ binée des Autrichiens & des Saxons. Le Roi ' apprit cette nouvelle avec plaifir, dans 1'efpérance que le moment de venger les affronts qu'il avoit recus 4 Tabor & 4 Budweis étoit arrivé. Dans " cette vue, le 24 d'Oftobre après-midi, 11 mit l'armée eii marche fur 8 colonnes, pour attaquer 1'eunemi,après avoir paffé des chemins que jamais troupes 11'avoieiit traverfés; 11 arriva au déclm du jour fur une hauteur qui n'éioit qu'4 un quart de mille de l'armée autrichienne; les Pruffiens s'y formèrent & y paiTéreiu la nuit. Le lendemain le Roi & les priucipaux officiers allerent reconnoltre 1'ennemi dès la pointe du jour. On trouva qu'il avoit changé -de camp & qu'il s'étoit pofté vis-4 vis du flanc droit des Pruffiens, fur • une hauteur efcarpée, au pied de laquelle dans Un terrain maréeageux couloir une eaubourbeufe; ce fond féparoit les deux armées. Ce có'.é étoit entièrement inartaquable. On placa quelques , bataillons de grenadiers dans un taillis d'oü la droite de 1'ennemi pouvoit être vue ; 011 la irouva auffi avantageufement placée que fa gauche»  s>2 n 1 ST O I RE L'impoffibilité de réuffir dans une telle attaque en fit abandonner Ie deiïein, & 1'on réfoluc de retourner au camp de Benefchau. Les 'grenadiers qui avoient fervi a reconnoitre 1'ennemi, firent 1'arriêre-garde. Les Autrichiens, qui s'atteudoienta être attaqués, ne s'appercurent pas de la retraite de leurs ennemis, dont une montagne leur déroboit les mouvemens: il n'y eut qn'une légere efcarmouche ' a 1'arrière-garde, & les Pruffiens reprirent paifiblement leur pofte de Benefchau. Lorsqu'une armée oü il fe trouve 150 efcadrons, féjourne au-dela de huit jours dans le même camp, il n'eft pas étonnant que les fourrages viennent it lui manquer, furtout lorsque c'eft un pays.de montagues & de bois, & qu'il eft impoflible d'obliger Je plat pays a livrer des fubfiftances. C'eft ce qui forca le Roi a choifir un autre camp, oü il put trouver des fourrages & qui en même temps le rapprochat de fa boulangerie. L'armée décampa donc le lendemain, pafla la S afawa 4 Borfchitz & vint fe polier auprès de Pyfcheli. En même temps M. de Naftau fut détaché avec 10 bataillons & 30 efcadrons, pour déloger de Kamerbourg un corps enhemi de 10,000 hommes, tant troupes réglées que hongroifes. M. de Naffau 1'attaqua fur une hauteur svantageufe qu'il occupoit; quelques coups de canon mirent 1'ennemi en défordre; il abandonna fon pofte pour repaftèr la Safawa a Rattay. M. de NaiTau les cótdya & s'appercevant qu'ils vouloient gagner Kolin avant lui,il les pré vint & s'empara de ce pofte. Depuis  DE MON TEMPS. 93 fefcarmouche de Kamerbourg, perfonne n'eut des nouvelle» de M. de Naflau , qui de fon cóté ne put en faire parvenir aucune, tant les troupes légères des Autrichiens avoient par leur nombre la"fupériorité fur celles des Pruffiens: ils étoient dans un terrain fourré, avoient la faveur du pays, étoient inforraés de tout, tandis que les Pruffiens n'étoient inftruits de rien. Les Autrichiens agis' foient de tous les cótés pour fe procurer cette fupériorité furies Pruffiens; ils pensent furprendre a Pardubitz avec fon régiment le Colonel Zimernau, qui avoit dans ce fort la garde du magafin: 1500 grenadiers & 600 houfards, venus de la Moravie, fe déguifèrent en payfans,& fous prétexre de livrer au magafin , ils etfayèrent de s'introduire dans la ville au moyen de leurs cha. riots. La trame fut découverte par un Aumcbien qui lacha imprudemment un coup de pidolet; les gardes des portes & des ravelins firent feu > fur cette troupe , qui perdit foixante hommes. . Ceue défenfe fit* beaucoup d'honneur a 1» vigilance de M. de Zïméfnau , & ^iifa aux ennemis le regret d'avoir inutilement perdu du monde. Peu après que Ie Roi eut pris le camp de Pyfcheli, le Prince de Lorraine prit celui de Benefchau; il avoit le pays a fa dévotion, les cercles lui livroient fes vivres ik il parvint a lubfifter quelques jours encore la les Prull.ens auroient péri de faim S'ils y fuflent reftés: >1 e porta enfuite fur Kamerbourg, oü il pa«a Safawa, dirigeant fa marche fur Janowitz en gar-  H H I S T O ï R R dant ces marais a dos. Le deffein du prince, ou pour mieux dire du vieux Maréchal Traun, étoit d'obliger le Roi d'opter entre la Siléfie ou la Bohème. Si Ie Roi reftoit auprès de Prague, les ennemis lui coupoient la communication avec la Siléfie, & fi le Roi tiroit vers Pardubiiz, Prague & la Bohème étoient perdus. Ce projet étoit beau & digne d'admiration : le Maréchal Traun y ajoutant la lage p.récaution de choifir toujours des camps inattaquables, pour ne point être obligé de combattre ma'gré lui. Si le Roi avoit pu aller aux ennemis au moment oü. ils décampè» Tent, il auroit pu les forcer au combat, ou il auroit gagné fur eux le pofte de Kuttenberg, ce qui auroit ruiné tous le-urs defieins, Le manque de pain, raifon fi fouvent alléguée dans le reeit de cette campague, empêch'a ceite opération. Cependant, pour temer l'impuflible, le Roi avanca le lenderaain avec 1'aile de l'armée; Ie Prince Léopoid devoit fuivre avec le paiu qu'un attendoit de Prague. Le bonheur voulut qu'a Kolteleiz, oü le Roi prit fon camp, il trouvat pour trois jours du pain, du vin & des viandes defiinées aux ennemis; il fit diftribuer ces provi. fions & lés troupes. Son intention étoit de gagner le lendemain Janowiiz; mais il fut trompé par des efpions qui ailuréunt que le Prince de Lorraine y étoit déja. On tourna donc fur la gauche & 1'aimée fe campa a Kaurzim, a un milie de 1'Elbe. Ce na fut qu'alors qu'on apprit que M. de Naflau étoit a Kolin & qu'un couvoi de paia  DE MON TEMPS. 95 «riveroit inceffamment de Leutmeritz a 1'armée; pour en faciliter le tranfport, on gan.it de grenadiers Brandeis & Nienburg. Le lendemam la Prince Léopoid rejoignit l'armée; le jour d'après on fe porta fur Planiany. L'ennem. avou eu deffein d'y venir; auffi y trouva-t-on d'abondantes fobfiftaoces. L'aiie droiie des Pruffiens étoit au couvent de Zafnuky, éloigné d'un quart de mille de la gauche des Autrichiens: des marais & des bois féparoient les deux armées. Cependant il y avoit xout & craindre pour Pardubiiz; les Autrichiens en étoient plus prés d'une demi-marche que les PruSerw. On y cnvoya avec 8 bataillons & 10 efcadrons M. Du Moulin, qui paffa par Koiin ik couvrit Pardubitz & les magafins. Le point principal alors étoit de gigner Kuttenbergi il n'y avoit point de temps a perdre, fi 1'on y vouloit dévancer les ennemis. Quoique les troupes fuffent fatiguées de trois matches comécunves, il "fut réfolu que par un effort on arriveroit le lendemaia a Kuttenberg,.ou que 1'on forceroii le Prince Charles au covr.bat. Ni 1'un ni l'auire narriva. Un brouillard épais qui dura depuis 6 heures du matin jufqu'a midi, fit perdre la moitié de cette journée, & quelque diligence qu'on lit dans la fuite, il fut impoflible d'arriver a la fin du jour plus loin qu'a Grofs - Gubel, oü 1'on drtfla les tentes. L'armée aVoit la ville de Kolin ik 1'Elbe a dos a Ia diftance d'un demit mille; les deux ailes étoient appuyées a des villages ; toe petite plaiae étoit cevant le front  $5 H I S T O I R E bornée par un bois touffu, oü campoit le Prince de Lorraine: ce Prince fe fervit de I'avance que la pofition lui donnoit fur celle des Pruffiens, & dés Ie foir il envoya un gros detachement pour occuper la hauteur de Jean Baptifte, fort efcarpée & qui domine fur tous les environs. Le Roi auroit voulu fe battre avant d'avoir confommé fes magafins; une affaire générale convenoit a fes intéréts; mais elle ne convenoit pas a ceux des Auttichiens, & ils 1'évitérent toujours foigneufement- Tandis que Ie Prince de Lorraine & Traun s'établiffoient fur la cime des rochers, Nadafli vint fe placer fur la droite des Pruffiens avec 6,000 ilongrois; Guilan, avec un corps de Ia méme force, fe mit dans le bois qui bornoit le front de Ia plaine; Trenck & Moratz fe mirent fur la gauche avec leurs troupes légères , pour reflerrer l'armée dans fon camp & 1'empêcher d'en fortir pour aller fourr2ger. II paroïtra peut-être étrange que les Pruffiens n'ayent rien tenté pour déloger ces corps de leur voifinage; mais ces corps avoient des défilés devant eux, & on ne pouvoit vc-nir k eux qu'avec défavantage. La mauvaife nourriture des troupes, la mifère & les fatigues qu'elles avoient fouffertes, occafionne. rent un grand nombre de maladies; il n'y avoit pas ioo hommes par régiment exempts de la dyffenterie; les officiers n'étoient pas mieux; les fourrages du camp étoient confommés; on ne pouvoit avóir des vivres que de l'autre cóté de 1'Elbe; la" faifon devenoit plus rude de jour en jour;  DE MON TEMPS. 97 ïcrar; toutes ces raifons obligèrent a repaffèr 1'Elbe a Kolin & a cantonner les troupes pour conferver & rétabür les malades. L'armée décampa le 9 de Novembre &' fit fa retraite en fi bon ordre, que quand même le Prince de Lorraine auroit voulu 1'entamer, on auroit pu fur ce terrain engager avec avantage une affaire générale. Dix bataillons garnirent la ville de Kolin, poftés derrière des murailles qui formoient un retrancheraent naturel; on plcgi les batteries fur des éminences plus prés de la ville, d'oü elles dominoient fur tout le terrain: Kolin & Pardubitz devenoient alors des potles importans, paree qu'ils afiuroient la communication avec la Siléfie comme avec Prague. Entre ces deux têtes on établit des pofte le long de Ia rivière, & derrière cantonno'ient les tronpes. A peine les Pruffiens eurent- ils paffé 1'Elbe que les pandours attaquèrent Kolin; mais ils y furent fi mal' recus, qu'ils perdirent 1'envie d'y revenir. La uuit du 12 les grenadiers de la Reine avec toutes les troupes hongroifes tentêrent une nju. veile attaque & fureut partout repoufles vigoureufementj ils y perdirent 300 foldats tuésjTrenck, ce fameux pillard, y fut bleffé. Le Prince de Lorraine croyoit la campagne finie & auroit voulu donner aux troupes un repos qu'elles avoient bien mérité par. les fatigues qu'elles avoient effuyées en AI face & en Bohème : la cour de Vienne penfa autrement, & elle donna des ordres exprè; au Prince d-3 LorraiNe de continuer les opérations. Le Roi fe flattoit de QtUY.poJlh.de Fr.'J.T. 11. E  j>S HISTOIRE fidée qü"e 1'ennemi prendroit fes quartiers entre 1'Elbe & la Safawa; dans Ie deffein oü i! étoit de tomber deffus par Pardubitz & Kolin & de nettoyer d'Autrichiens les cercles de Gza( pes de la Reine avoient fait des ponts auprès de< Solnitz; que la négligence des patrouiltes avoit5 été caufe qu'on ne s'en étoit appelen qu'a Ia pointe du jour; que le Lieutenant Colonel de' Wedel, dont Ie bataülon fe trouvoic le plus proche, y avoit marché,-»que malgré Ie ffc'd de 50 canons, il avoit repoufté trois fois les grenadiers" autrichiens; que pendant 5 heures il avoit difputéi ce paffage au Prince de Lorraineq'ie le? hou. fards qu'il avoit envoyés a l'armée pour 1'avertT' de fa fituation, ayaiit été tués eiï'chémlh nar 'd';V ulans qui s'étoient gliffes dans les bois voifins, faute de fecours i! 's'étoit retiré en bon, ordre pDf» la forêt de Wifchenjowitz pour rej'oindré l'armée.. Ce paffage de 1'Elbe étoit facheüx, foit q-ie la E 2  loc H I STO I RE uégligence des houfards en füc caufe ou non & cette entreprife décidoit de toute la campagne. Le temps employé 4 fe plaindre du deitin auroit été perdu; on ne fongea qu'4 remédier au mal autant que les circonllances le permettoient. L'armée reput d'abord ordre de fe ralfembler k Wifchenjowitz , qui étoit au centre de fes caujonnemens; on ne lailTa 4 Pardubitz que 3 bataillons fous les ordres du Colonel Retzow. L'armée fe trouva k fon rendez-vous le foir 4 9. heures campée en front de bandiere, 4 1 exception du corps de M. de Nalfau qui e:oit 4 Kolin , & de 2 bataillons détachés, 1'un 4 Brandeis & 1'autre 4 Nienbourg. Le bataillon de Wédel perdit 2 officiers & 100 hommes tant morts que bleffiés 4 4'affaire de Solnitz, qui fera J, jamais mémorable dans les falies pruffiens. Cette belle aétion valut k Wédel le nom de Léonidas. Le Prince de Lorraine, furpris qu'un feul bataillon pruffien lui eüt difputé pendant 5 beures le pafTage de 1'Elbe, dit aux officiers qui 1'accompagnoient: la Reine feroit trop heureufe fi elle avoit dans. fon armée des officiers comme ce héros. . La fituation critique oü fe trouvoient les affaires, porta le Roi 4 raffembler les principaux officiers de fes troupes, pour délibérer avec eux fur le parti qu'il y avoit 4 prendre. La queltion xouloit fur deux objets: marcheroit-oh 4 Prague pour fe maintenir dans ce royaume, ou évacuetoit-on Prague & la Bohème pour fe retirer en  DË MON TEMPS. Siléfie? Chacun de ces partis avoit des inconvé. Diens. Le Prince Léopoid étoit d'avis de marcher a Prague, puisqu'il y avoit encore quelque amas de farine a Leutmeritz, & qu'en abandonnmt Prague on feroit en -même temps obligé d'abandonner la groiTe artillerie que les chemins ne permettroient pas de trainer avec foi, outre le xifque que la garnifon avoit a courir par une retraite, au moins de 3° milles, jusqu'a ce qu'elle püt regagner par Leutmeritz & la Luface les frontières de la Siléfie. Le Roi étpit du fentiment qu'il falloit marcher eh Siléfie, paree que c'étoit le parti le plus ftir. Le projet de fe maintenir a Prague. donnoit a l'ennemi la facilité de couper a .l'armée toute communication avec la Siléfie. Les Saxons en auroient fait autant fur leurs frontières, de forte que cette armée auroit étéruinée avanfle printemps, faute de vivres, de recrues, d'armes, de munitions de guerre, & de chevaux de remonte pour la cavalerie. D'ailleurs les communication fermées, d'oü feroient vennes les fommes pour payer les troupes, acheter des xnagafins &c. ? Comraent le Général de Manvitz avec 22,000 hommes pouvoit - il couvrir les deux Silélies contre l'armée du Prince de Lorraine? Ces raifons décidèrent ppur le retour en Siléfie, oü l'armée trouvoit toutes les refiburces dont elle avoit befoin pour fe rétablir, oü les places fortes étoient remplies de msgafins, le pays de fubfi. flances, oü 1'on regagnoit la communication avec le Btandebourg, oü enfin ni argent, ai chevaux, E 3  fo* // / S-T 01 R E ui reffources ne pouvoient tnanquer. Et pour prendre les.chofes réellement telles qu'elles étoient, le llo.i ne faifoit de perte en fe retirant de la Bohème que celle de fa grolTe artillerie. Tous les généraux fe rangèrent de.cet avis. La réfolution qui avoit été prife fur le champ, devoit é;re exécutée 'de méme. Le Roi fit partir ua homine de confiance & de reflburce, nommé Bulow, fon Aide de camp, pour porter a tous les corps détachis, ainfi qu'a la garnifon de Prague , 1'tgdre d'ëvacuer la Bohème. M. de Naffau fut inftruit de prendre le chemin de Chlumetz ou de Néchanitz pour rejoindre .l'armée, taadis„qu.e le Roi.feroit vis.-.a■ vis du. Prince.de Lorraine les mouvemens les plus convenables pour faciliter cette jonclion. Bulóvv fut affez heureux pour traverfer des détachemens de houfards ennemis, & pour porter fes ordres a ceux auxquels il devoit les rendre. Ce parti devenoit d'autant plus néceffaire, que la garnifon de Prague n'avoit de fubfiftances que pour fix femaines, & que 'la faim 1'auroit contrainte de fe rendre, fi' 1'on avoit attendu ce terme. Le 20 de Novembre le Roi s'approcha de Chlumetz, afin de feconder les mouvemens de M. de Nafiau; il demeura dans ce pofte , pour laiffer a ce dérachemcnr le temps de gagner Bitfchow & Néchanitz. Le 22 l'armée fe mij; einre Pardubitz & Kcenigsgrajtz, au village dé Woititz, qui couvroit le défi é de Néchanitz. Les malades & le bagage Ibus une bonna efcorte prirent les devans pour  DE MON TEMPS. 103 Ia Siléfie, afin  lc,8 H I ST O IR E n'èn fit le Roi dans cette campagne. La premièrefut certainement de ne s'être pas pourvu de magafins aifez conGdérables pour fe foutenir au moins ilx mois en Bohème. On fait que pour batir 1'édifice d'une armée, il lorsque la France fit propofer au Roi de mettre la couronne impériale fur la tête dun ennemi qui 1'avoit fi grièvement offenfe. Si ce prince n'avoit confulté que fon retfentiment , il auroit rejeté bien loin une femblable propofition. II prit un parti plus modéré. La faine politique demandoit qu'il employit tous les moyens poffibles de défunir deux cours qui s'étoient liguées contre lui : au cas que le titre d'Empereur thttat le Roi de Pologne, fes pré. tentions & celles de la Reine de^ Hongrie devoient les rendre irréconciliables; alors»le Roi avoit beau jeu, car en s'acommodant avec la maifon d'Autriché , il pouvoit fruftrer Augulte du tróne qu'il briguoit. Mais ce qui rendoit ce projet de la France impoflible dans 1'exécution, c'eft que la couronne impériale & celle de Pologne ne pouvant pas fe réunir fur Ia même tête, il auroit fallu préalablement. qu'Angufte abdiquat celle de Pologne, ce qui ne lui étoit pas permis felon les lois de ce royaume. Le Tvoi de Prulfe ne fit donc point le difficile, fe prêtant a tout ce que la France exigeoit de lui pour travailler conjointeraent avec elle a ce projet chimérique. M. le Chevalier de Court avoit été chargé de cette négociation a Betlin: H s'étoit attendu a trouver de la part du Roi plus de réfiftance a confentir * 1'élevatiou de fon ennemi, & il regarda fon F a  124 HISTOIRE confentcment comme une marqué de Ia condcscendance de ce prince pour fa cour. Mais le Roi n'eut pas' lieu d'êcre auffi fatisfait des plans que ce miniftre propofoit pour la campagne prochaine. Malgré fes paroles emmieliées, on s'appercevoit que le deflein de la-France n'étoit point de faire des efforts en faveur de fes alliés. On ne voulut prendre aucun arrangement pour les fubfiflances de farmée de Bavière ; on vouloit différer le plus que Ton pourroit 1'ouverture de la campagne. Les Allemands devoieut affiéger Pasfau , les Francois Ingolftadt, & perfonne ne penfoit aux entreprifes que les Autrichiens pouvoient temer dans cet intervalle. L'armée de M. de Maillebois s'étoit retirée de Ia Lahn derrière le Mein; les Franpois vouloien' la renforcer & la laiffer dans l'maérion. Les principaies forces de cette monarchie devoient fe porter en Flandre, oü Louis XV avoit réfolu de faire une feconde campagne; & Ia diverfion dans le pays de Hanovre, ftipulée par le traité de Verfailles fut abfolument rejetée alors par le minifière. Après que le Roi eut épuifé toutes les raifons qui auroient pu faire charger de fentiment Ie Miniftre de France, il drefl'a une efpéce de mémoire, qu'il envoya a Louis XV, dans lequel les opérations militaires des armées étoient adaptées aux vues politiques des deux cours, & leurs mouvemens compalfés d'aprês la fituation aétuellé oü elles fe trouvoient, d'aprês les conjonétures préfentes, & la poffibilité de 1'exécutiou. II y étoit propofé  DE- MON TEMPS. 115 ie porter l'armée de Maillebois au dela de la Lahn entre la Franconie, la Weftphalie & le bas Rhin, afin de brider 1'Éleéteur de Hanovre par ce voifiuage & de l'empêcher d'envoyer des fecours en Bohème pour favorifer 1'élection du Grand' Duc. Cette armée fervoit de plus a tenir tous ces cercles en refpect, de même qu'a protéger 1'Éleéteur Palatin, Ie Landgrave de Heffe & tous les alliés du défunt Empereur. Quand même ce moycn n'auroit pas été fuffifant pour exclure entièrement le Grand Duc du tróne impérial, il rendoit toujours les Franpois maitres de trainer en longueur cette éleftton, & qui gagne du temps a tout gagné. Le Roi infifioit également pour qu'on pourvüt l'armée de Bavière de fubfiftanees, ainfi que d'un bon général & qu'elle s'alïembiat auffitót que les Autrichiens commenceroient k remuer dans leurs quartiers, afin que les Pruffiens & les Bavatois fiffent leurs Lfforts en méme temps contre leurs communs ennemis. 11 avertiffbic aufil fes alliés que la campagne de 1744 1'ayant fait revenir de la maxime de pourfuivre avec ardeur fa pointe, il ne s'enfonceroit plus dans Ie pays de la Reine qu'autant qu'il pourroit être fuivi de fes fubfillances; qu'ayant les Autrichiens & les Saxons fur les bras, étant de plus menacé des Ruffes, il avoit befoin de redoubler de prudence, & que li les Franpois ne prciioient pas de bonnes mefures pour traverfer réleélion impériale, il fe trouveroit néceffité a faire fa paix avec la Reine de Hongrie. Les Franpois envoyèrem fur cela M, F 3  laJS HISTOIRE de Valóri a Dresde, pour perfuader au Roi d& Pologne de briguer le tróne impérial; mais le traité de Varfovie, 1'afcendant des Ruffes a cette cour, & les guinées angloifes lioient les mains aux Saxons. Ce prélude confirmoit la cour de Berlin dans fopiivon que le Grand Duc deviendroit Empereur, que farmée des alliés feroit malheureufe en Bavière, que les Franpois n'auroient a cceur que leur campagne de Flandre & que leurs alliés feroient fagement de penfer a eux-mêmes. B auroit été a fouhaiter qu'on eüt pu parvenir a pacifier tous ces troubles, afin de prévenir une effufion de fang inutile; mais les tifons de la discorde jetoient de nouvelles étincelles fur route 1'Europe, & la bourfe des grandes puilfances n'étoit pas encore épuifée. Les Pruffiens entameren! è tout hazard une négoc'aiion avec les An. glois; ils fe fondoient fur 1'efpérance de troüver alors les efprits plus enclins a la paix, & fur une révolution qui venoit d'arriver dans le miniflere Engloie. Depuis que le Lord Carteret avoit fait le traité de Worms, la nation angloife avoit cha'igé de difpofitions a fon égard. On lui reprochoit d'ê:re emporté & fougueux, & d'outrer tout par un tffet de fa v'vacité. Un mécontentement gênéral obligea le Roi a renvoyer un miniftre qui étoit entré dans toutes fes vues, & qui couvroit fous fiipparence de 1'iHtérét national tous les pas que George faifoit en faveur dé fon éleélorat: ce prince eut la monificatio» de rre pas pouvoir  DE MON TEMPS. "7 difpofer des fceaux, & fot obli-é de les remettre «u Duc de Newcaftle. Le Lord Hartlngton devint Miniflre; le peuple appela ce nouveau confeil la faftlon des Pelhams, paree que ceux qui le compofoient , étoient de cette familie. Ces nouveaux miniftres écartèrent toutes les creatures de Carteret; mais .ils ne pouvoient rompre les traités qu'il avoit conclus, ni changer fubitement le mouvement impulfif qu'il avoit donné aux affaires générales de 1'Europe. Carteret étoic faux , fans garder les ménagemens que les caractères l'es plus malbonnêtes emploient pour déituifer leurs vices. Harrington avoit la réputation d'homme de probité; plus timide que fon prédéceffeur, 11 réparoit ce défant par toutes les qww. tés d'une ame bien néé. Prévenu par le caraftère perfonnel du miniftre, on tenta par 1'on moyen de trouver quelque acheminement a la paix générale. _ Voici quelques idéés efqniffées qu'on lui communiqua: on pourvoira Don Philippe d'un établifte. ment en Italië vla France gardera de fes conquêtes, Ypres & Furnes, moyennant quoi 1'Efpagne pro. longera pour 20 années, ou plus, la contrebande des Anglois; tous les alliés reconnoltront Empereur le Grand Duc de Tofcane; la Pruffe deraeurera en pofflffion de la Siléfie felon la teneur du traité de Breslau. Les miniflres anglois déclinêrent la négociation fur ces articles; c'eft que Ie Roi défuoit la continuation de la guerre & qu'il contrecarra toutes les mefïïres des Pelhams pour la terminer. La caufe de ces fefus obftinés fut F 4  "8 II I ST Q IR B ' enfin découverte a la Have; Le plus beau génia & en méme temps 1'homme Ie plus éloquent de .'Angleterre, Ie Lord Chefterfield, étoit alors ambafladeur en HoIIande : il ne cacha point au Comte de Podewils, miniftre de Pruffe auprès des États généraux, que Ie traité de Varfovie mettoit des entrüves a la bonne volonté des Pelhams; que par conféquent Ie Roi de Pruffe ue pouvoit point fe flatter de réuffir par des négociations, mais devoit s'oppofer vigoureufement aux deffeins de fes ennemis, qui tramoient fa perte. Cela n'empêcha pas que les fréquentes infinuations du miniftre prufïïen a Londres ne conciliaffent enrèrement au Roi de Pruffe 1'affeétion du nouveau miniftère, qui- fit affurer ce prince qu'il n'attendoit que les occafions pour le fervir. Le confeil de Milord Chefterfield étoit Ie meilleur qu'on put fuivre. Gn continua de négocier, mais 1'attentiou principale du Roi fe tourna fur tous les objets qui pouvoient lui affurer d'heureux. fuccès pour la campagne prochaine. Un des "plus imponans fans doute étoit de former en Siléfie de gros magafins; rien ne fut épargné pour les rendre confidérables. On fit des effbrts pour recomplèter les troupes. Le foldat étoit largeraent enttetenu dans les quartiers d'hiver, la cavalerie étoit remontée & compléte; plus de 6,000,000 furent tirés du tréfor pour fournir a tant de frais ; outre cela les États avancètent a titre d'emprunt i,5oo;ooo écus. Toutes ces fommes furent  DE MON TEMPS. 12$ furent dépenfées pour que le Roi pnt réparer en 1745 les fautes qu'il avoit faites en Bohème en 1744. Après avoir mis la derniére main a ces préparatifs, le Roi partit (*) de Berlin pour fe rendre en Siléfie. II apprit en chemin que 1'EIeéteur de Bavière avoit figné avec la Reine de Hongrie le traité de Fuffen. Voici comment cette paix fut amenée. Immédiatement après la mort de l'Empereur, Seckendorff s'étoit démis du commandement de l'armée; mais il en avoit fi mal difpofé les quartiers, que ces troupes étoient toutes éparpillées; le terrain qu'elles occupoient, étoit trop vafle. Les Autrichiens, maitres des places fortes & du cours du Danube, voyoient de quelle importance il étoit pour eux de finir d'un cóté , avant de commencer leurs opérations d'un autre, & jugè« rent par la pofttion des Bavarois & d= leurs alliés qu'ils en auroient bon marché. M. de Bathyani pré vint fes'ennemis, qui étoient trois fois plus forts que lui, mais qui ne vouloient fe raffembler qu'4 la fin de Mar. A la tête de 12,000 h un- ■ mes, qui faifoient toutes fes forces, il parott entre Braunau & Scharding, fond fur les quartiers" difperfés des alliés & leur prend Pfarrkirchen,Wilshofen & Landshut, avec le peu de magafins que les Bavarois y avoient amalfés; en même' temns qu'un autre détachjinent d'Autrichiens paffé.' le Danube a Deckendorff, coupe les Heffois des> CtJ. fc$cMsm*< mm  ff t S T O I R E Bnvarois, les oblige a paffer I'Inn , enfuité i mettre les srmes bas,-& chaffe les Bavarois fugtrirs au dela de Munich. Le jeune Eleétètir, a peine fouverain, eft obügé de quitter fa capitale a 1'exemple de fon përe & de fon grand-père; il fe retire' a Augsbourg. 5VI. de Ségur, avec les Francois & les Palaiins qu'il avoit fous fon coin. mandement, n'e'prouva pas un fort plus favorable; il fut battu en fe retirant auprès de Pfaffenhofen; les Autrichiens occupèrent en même temps le pont de 1'Iim, ce qui le mit dans la néceffué de gagner Donawert avant l'ennemi. Tandis que les Bavarois, fuyant comme un troupeau fans berger, fe fauvoient a Friedberg, Seckendoiff reparut a. Ja, cour de 1'F.Iecteur de .Bavière dans ce boulever. fement total, non point comme un héros qui trouve des reffburces dans fon génie lorsque Ie vil peuple défefpère, mais comme une ciéature de la cour de Vienne & avec 1'intention de féduire un jeune Prince fans expérience & accablé dê malheurs. Les Francois avoient d'éja. dès Ia campagne pre'cédente foupconné ce Maréchal de s?êire laiffé eorrompre , paree qu'en Alface il n'avoit pas agi contre les Autrichiens conformément fl ce qu'on devoit attendre de lui;on 1'avoit trouvé fans énergie lorsqu'il attaquoit l'ennemi, & mou dans la pourfuite lorsqu'il pouvoit Ia détruire. On 1'accufoit d'avair exprès féparé les quartiers des alliés, pour les livrer pieds & poings liés a leurs ennemis. On svancoit même qu'il -svoit retju de la Reine de Hongrie 300,000 üorins éss arrérages qui. lui étoient dui p,ar l'Empereur-  DE MON TEMPS. 13* Ch'ailes VI, pour décider 1'Electeur de Bavière i faire fa paix. II y a apparence que la cour de Vienne lui avoit fait entrevoir des avantages; on pouvoit lui avoir proinis cette fomme; mais alors la cour de Vienne n'étoit guères en état de facquitter. Ce qui dépofe le plus contre lui,ce font les mouvemens qu'il fe donna pour accélerer ce traité de Fulftn. II produifit de fauffes pièces aü jeune Elefteur; il lui montra des lettres fuppofées du Roi de PrulTj , dans lesquelles celui-ci lui faifoit part de la paix qu'il alloit conclure avec la Reine de Hongrie; il relcva des avantages imagi.>?f,:res que les zrmes de cette princelfe avoient' remportés en Flandre & en Italië; enfin il le conjüra de terminer les dilférends avec el'e, pouréviter' fa ruïne totale. L'Eletfteur, jeune Scfansexpé-,rience, fe laifia entralner par les créatures de la cour de Vienne, dont SeckendorfF 1'avoit environné. L'Empereur fon père lui avoit dit en mouiant: ,, N'oubliez jamais les fervices que le „ Roi de France & le Roi de PrulTe vous ont „ rendus, & ne les payez pas d'ingratitude." Ces^ paro'es, qu'il avoit dans 1'efprit, rendirent un moment fa plume immobile entre fes doigcs; mais TVnyme oü il fe trouvoit, les impoftures de Sec* feriidorff & 1'efpéran.ce d'une meilleure fortune, • le déterminerent a figner le Traité de Fulfen' le 22 d'Avril de 1'annnée 1745. Par ce traité 1&> Reine de Hongrie renonca a tout dédommagement fit promit de rétablir l'Ëleéteur dans la pofleffion «itière de fes Etats ; de fon' cdté- rEléftèusf  ï$a ' ff I S T O IR E renonca pour lui & pour fa poftériré h toutes lespiéuntions que la maifon de Bavière avoit aux Etats de la maifon d'Autriche; il adhéra a 1'actfvité de la voix de Bohème & engagea la fienne pour l'életfion du. Gtand Duc a la digniré impériale; il- promit de plus de renvoyer fes auxiliaires, a condition qu'ils ne feroient point inquié.és dans leur retraite, & que la Reine de Hongrie s'engagerok a ne plus tirer de contributions de ia Bavière. Ces derniers articles furent fi mal obfervés par les Autrichiens, qu'ils défarrrèrent les Heflois & les menèrent comme prifonniers en Hongrie, & que fous prétexte- d'arrérages, ils tirèrent encore de groffes contributions de Ia Bavière. C'tft ainfi que Unit la ligue de Francfort» & que les Autrichiens firent voir que, lorsqu'ils font foutenus par la profpérité, rien n'eft plus dur que le joug qu'ils impofent. Mais quel fpectacle pjus inftriiélif pour les bifognofi dt gloria & pour les pplkiques qui fe flattent de détermincr les futurs contingens, que le réfumé de ce qui arriva au commencement de cette année ? L'Empereur déeède, fon fils fair la paix avec la Reine de Hongrie, Ie Grand Duc de Tofcane va de-enir Empereur , le traité de Varfovie ligue la moitié de 1'Europa contre la Prufle, l'a'gent pruffïen retient la Rtflie dans l'-inaétion, 1'Angleterre commence ii pencher pour la Pruffe. Le Roi avoit bien pris fes.mefures pour fe défendre; c'étoit donc de la campagne qui alloit s'ouvrir qu'alloient dépendre.. Ik.répuiaüun &. la fortune. des. Pxuffiens.,.  DE MON TEMPS. 133 CHdPITRE XII. Campagne ff Italië. Campagne de Flandre. Ce qui fe pajfa fur le Rhin. EvittemeKs qui précédèrent les opiratior.s de tannie 1745. Pour ne point interrompre dans la fuite le fil de notre narration, nous croyons qu'il eft a propos de rapporter en abr'gé ce qui fe pafia en Italië, en Flandre & furie Rhin, avant que d'en venir aux opératiuns des troupes pruflienne« en Siléfie. II faut fe rappeler que M de Gage* avoit pris fon quartier it Terny & qu'il établit fes Efpagno's & fes Napolitains des deux cótes du Tibre. M. de Lobkowirz avoit fon quartier a Imola; l'armée dc Don Philippe étoit en paitie en Savoie & en partie dans le comté de Nice. Les Efpagnols ouvrirent la campagne par la prife d'Oneglia. L'armée franpoife & efpagnole s'asfembla aux environs de Nice. Le Prince de Lobkowitz s'avarca alors jufqu'a Céfëne; M. de Gages marcha a. lui, le battit le 31 Mar* auprés de Rimini, lui ptit 700 prifonniers, le pourfuivit jufqu'a Lugo; le Prince Lobkowitz fe retira de la par Bologne, pafla le Panaro & fe pofta i Campo Santo. LVL de Gages paffa prefque en même temps Panaro auprès de Modéne & s'avanca fur'les botds de la Trébie, d'oa il s'ouvrio una communication avec 1'Infant pat 1'Etat de Génes.. *7.  T34 HISTOIRE M. de Lobkowitz marcba a Parme, oü i! afferabla 15,000 hommes, dans 1'eTpérance d'empêcher Ia jonétion des deux atmées; mais M. de Gages paiTa PApennin & la rivière de Magra, fans s'embarraffer des troupes qui harceloient fon arrièregarde; il défila fous les murs de Gèues & gagnala vallée de Polfevero; ce qui engagea les Autrichiens a fe porter fur Tortone. Don Phi ipp» & Maillebois quittèrent les environs de Nice le 1 de Juin, marchêrent le long de Ia mer en remon ant Ia rivière de Génes, & continuérent lêur route, fans s'inquiéter de 12 vsilfeaux da guerre ang'ois qui leur lachérent de grandes bor. dées de canon a leur pafïage & leur tuèrent quel. que monde. Les Efpagnols éprouvèrent alors a la fois les elfets de la bonne & de la mauvaife fortune. Les Piémontois furent affez rufés pour leur brüler huit msgafms aux environs de Ventimiglia; dans ce temps méme les Génois fe déclarèrenc contre le Roi de Sardaigne & joigm'rent leurs troupes, confifhnt en 10,0*0 hommes, a «elles de fInfant.. Les Autrichiens, qui ne counoiffoient ni le mérite ni ie prix des bons généraux, avoient renvoyé le Maréchal Traun,1" qui s'étoit furpaffé l'année précédente, tant en Alface qu'en Bohème: ils choifirent le Prince Lobkowitz, pour le placer a cóté du Prince de Lorraine. Lobkowitz fut donc rappelé dTtalie, & Je Comte* de Schulenbourg.prit fon pofle jufqu'a farrivée du Prince de Lichtenflein, auquel Ia cour avoit déféré le commandement de fon armée. dTtalie.-  25E MON TEMPS. 135 Sch'ulflnbourg ne fut pas plus heureux comre M. de Gages que ne 1'avoit été fon prédéceffeur, tan: le génie de cet Efpagnol avoit d'afcendant fur celui des généraux autrichiens. De Gages poufth fon nouvel adverfaire de Novi jufqu'a Rivalta, tandis que Don Philippe pénétra dans le IVTontfertat par Cairo, s'empara d'Aqui', &fejoignit avec l'année napolitaine & efpagnole a Afti. Schulcnbourg paffa le Tanaro & fe pofta aa confluent de cette rlvlèfe dans le Fó auprès d'un bourg nommé Balfignano. L'Infant faifit cette occafion; il fit inveflir Tortone & marcha aux Autrichiens, qui fe retirèrent au dela dn Pó, brülant & détruifant derrière eux tous leurs.ponts. Tortor.e avec fa citadelie fe rendit aux Efpagnols. Un fecours de 8,000 Efpagnols .& Napolitains arriva de la Romagne fous les ordres du Duc de la Vieüxville, paftk par le grand duché de Florence, prit Piaifance & fa citadelie, 6; ccntraignit les Autrichiens a quitter le territoire de Parma. De Gages palfe auffitót le Pó a Parpanaffb, tandis que 1'lntant quitte Alexandrie, francbit le Tanaro, attaque les Autrichiens le 27 Septembre a Balïïgnano & remporte la viftoire; il met le fiége devant Alexandrie, qui fe fouraet *.' la citadelie prés; Valence, Vigevano & beaucoup d'autres villes que nous fupprimons, recurent la loi du vainqueur. Dans ces conjonaures arrivé le Prince de Lichtenftein, pour prendre le commandement d'une armée battue, affoiblie & découragée. II ne s'agit point d'examiner fi.1*  .136 HTS T O I R E cour de Vienne auroit pu faire un choix de gêné', raux différent; i! eft tóajours für que celui, ci ne porta aucun remède au délabrement des affaires: perfonne ne s'oppofa aux progrès. des vainqueurs; ils prkent Cafal, Afti & Lodi au Roi de Sardaigne. LTnfant entra viétorieux dans Milaa & bloqua avec 18,000 hommes la citadelie de cette ville. Les Efpagnols étoient donc a la fin de cette campagne maitres de prefque toute la Lombaidie, a 1'exception de Turin, de Mantoue & de quelques citadelles qu'ils tenoieut bloquées. Ges fuccès rapides étoient dus au génie de M. de Gages & en partie au fecours des Génois. La profpérité, comme nous 1'avons dit, eft conliante; elle affoupit ces vainqueurs de ITtalie a l'ombre de leurs lauriers. II étoit indifpenfable, pour affurer leurs quartiers, qu'ils poflédalfènt les citadelles de Milan & d'Alexandrie: un peu d'aétiviré auroit fuffi pour les en rendre maitres; mais ils manquèrent d'haleine, lorfqu'il ne leur reftoit que quelques pas a faire pour remporter le prix de leur courfe. Les armes dés Bourbons profpérèrent cette ann^e en Flandre comme en Italië. Louis XV s'étoit mis a la tête de fon armée de Flandre, compofée de 80,000 hommes. Le Maréchal de Saxe commandoit fuus lui. A 1'ouverture de la campagne les Franpois firent de fauffes démon, ftrations fur différentes-places, & ils inveflirenc fubitfinent T-ournay. Cette- ville, une des prin-; eipales places de-' la barrière, étoit défeadue.pac>  DE MON TEMPS. »3? «ne garnifon de o.ooo Hollandois: la bonté de fes ouvrages, & la force de la citadelie, que Vauban avoit conftruite, préparoient aux afïïégeans bien des obltacles & des difficultés a furmonter. Les alliés, fous le commandement du Duc de Cumberland & du Maréchal de Kcenigfeck n'avoient que 50,000 hommes a oppofer aux forces des Franpois; ils s'avancèrent cependmt du cóté de Tournay & vinrent camper dans les plaines d'Anderlech. Ce voifinage n'empêcha pas les Franpois d'ouvrir la tranchée le 1 de Mai. Les alliés fentant de quelle importance il étoit pour eux de fauver Tournay, réfolurent de tout hazarder pour obliger Louis XV a lever ce fiége. Du cóté du Sud, en remontant la rive droite de 1'Efcaut, eft litué le village de Fontenoy, lieu jufqu'alors ob« fcur, mai» qui eft devenu célèbre par 1'évènement qui porte fon nom. Ce fut dans cette conttée que le Maréchai de Saxe cïioifir üh terrein qu'il crut affez avantageux pour renverfer les projets du Duc de Cumberland en s'y préfentant. 11 ne laiffa au fiége qu'un nombre fulfifant de troupes pour Ie continuer:. il appuya fa droite a 1'Efcaut, garnit d'infanterie & de canons le village d'Antoing fitué au boid de cette rivière, forma fes deux lignes d'infanterie en potence vers le mont de la Tnnité, qui le trouvoit a l'extrémité de fa gauche; fa cavalerie rangée derrière fon infanterie faifoit fa troifèmt ügne; de plus Ie village d'Antoing étoit flanqué d'une batterie qui s'élevoit fur 1'autre rive de 1'Efcaut; tiois redoutes lardées  13* II I S T O I R E d'infanterie ,& de canon couvroient ion front de bataille; vers Ia gauche de fon armée régnoit un bois oü les Francois firent des abattis pour le rendre impraticable. Le u de Mai, dès 1'aube du jour, l'armée des alliés déboucha du bois de Bary & fe fonna dans Ia plaine fur deux lignes vis-è-vis de l'armée franpoife. La gauche des alliés engagea 1'affaire. Les troupes hollandoifes devoient attaquer les villages de Fontenoy & d'Antoing; elles s'y portèrent mollement & furent deux fois de fuite vigoureufement repoulfées par les Franpois. Alors les Anglois détachèrent quelques brigades pour s'emparer des redoutes qui couvroient le front de l'armée franpoife. Le général qui fut chargé de cette commiffion, la trouva peut-étre dangereufe & ne 1'exécuta pas. M. de Koenigfeck, jugeant qu'il perdoit du monde en détail & qu'il n'avanpoit pas, voulut brufqnet 1'affaire. II attaqua 1'armt'e franpoife, en laiffant les villages & les redoutes derriè'e lui. Si ce projet lui avoit réufli, tout ce qu'il y avoit de Francois enfermés dans ces poftes auroit été fait prifonnier après la viftoire, ce qui auroit rendu cette bataille le pendant de Ia fameufe bataille de HochflEedt; mais 1'événement ne répondit pas a fon attente. M. de Kcenigfeck forma deux ljgnes d'infanterie vis-ï-vis de Ia trouée qui eft entre Antoing & le bois de Bary; en avaupant il reput le feu croifé qui partoit du village & des redoutes;fes flancs en fouffrireut & fe rétrécirent; foa centre, qui en fouffroit moins, continuoit  DE MON TEMPS. *t* d'avancer, & comme fes ailes fe replioient en arrière, fon corps prit une forme triangulaire, qui par la continuation du mouvement du centre & par la confufion fe changea en colonne. Ce corps, tout informe qu'il étoit, attaqua & ren. Terra les gatdes francois, perpa les deux lignes & auroit peut-être remporté une vidoire compote fi les généraux des alliés avoient mieux fu profiter de la confufion oü étoient leurs ennemis Ils avoient ouvert le centre de l'armée franpoife; 8 étoit aifé de réparer leurs colonnes en deux, & par un a droit & un a gauche ils pienoient en flanc toute 1'infanterie qui ieur reftoit oppofée; ils auroient dü en méme temps faire avancer la cavalerie pour foutenir leurs colonnes ainfi divifées | il eft probable que effen auroit été fait des Frarigois, fi les alliés avoient fuivi ces idéés. Mais dans le temps que ceux-ci vouloient remédier a leur propre confufion , I* Maréchal de Saxe les fit attaquer par la maifon du Roi & pat les Irlandois qu'il avoit mis en réferve, & il fortifia cette attaque par les décharges de quelques batteries formées a la hitte. Les Anglois fe virent ainfi afiaillis il leur tour; on les prefth de tous cótés, en front comme fur leurs ftancs: après une vigoureure réfifiaïice ils pliêrent, fe rompirent, & les Franpois les pourl'uivirent jiiRiu'au bois de Bary. Selon 1'opinion commune cette bataille coftta aux alliés 10,000 hommes, quelques canons, & une partie de leur bagage. Ils fe retirèrent par Leufc fous le canon d'Ath au camp  *4=> HISTOIRE de Lelïïnes, abandonnant aux Francois & Iechamp de bataille & la ville de Tournay. Louis XV & le Dauphin fe trouvèrent en perfonne a cette aétion. On les avoit placés auprès d'un moulin a vent qui étoit en arrière; depuis, les foldats franpois h'appelloient leur Roi que Louis du moulin. Ce qu'il y a de certain, c'eft que 1* lendemain de cette bataille Louis XV dit au Dauphin en palfant fur le champ de bataille tout enfanglanté & couvert de morts: „ Vous voyez m 'c' Ies viftimes immolées aux haines politiques „ & aux paffions de nos ennemis; eonfervez. en „ la mémoire, pour ne point vous jouer de Ia ,, vie de vos fujets, & pour ne pas prodiguer „ leur fang dans des guerres injufles." Le Ma. réchal de Saxe, que I'hydropifie dont il étoit attaqué n'avoit pas empêché d'agir en général, recut du Roi ies éloges les plus flatteurs; il fembloit qu'il s'étoit arraché aux bras de Ia mort pour vaincre les ennemis de ia France. Le Roi de Pruffe le félicita fur la gloire dont il venoit de fe couvrir, regardant fa viétoire comme un engagement qu'il prenoit avec lepub!ic, qui atteudoit de plus grandes chofes encore du Maréchal de Saxe en fanté que du IVJaréchal de Saxe a 1'agonie. L'Euiope fe vit inondée de gazones verfiliées, qui anno: 9oienr ce grand événement; mais il faut avouer qu'en cette occafion le temple de la Viétoire 1'emporta fur celui des ivlufes. La prife de Tournay attefla ia viétoire des Francoi?, La garnifon, qui s'étoit réfugiée dans la citadelie,,  DE MON TEMPS. ifl-i fe rendit le 19 de Juin. La capitulafion fut fignée a condition que les 4,000 hommes qui 1'évacueroient, ne feroient aucun fervice pendant 1'efpace de 18 mois contre les Franpois. Louis XV renforca fon armée de Flandre pat un détachement de 20,000 hommes que lui fournit farmée du Rhin. Le Prince de Conti en prit le commandement a la place de M. de Maillebois, qui fervoit en Italië. Un détachement fait (1 mal a propos, choque également les régies de la guerre & de la politique; mais comme ce qui donna- lieu a cette conduite demande quelque difcuflion, le leéteur trouvera bon, pour fon intelligence, que nous lui en développions les inotifs. La France avoit épuilë tous les reflorts de fa politique pour perfuader au Roi de Pologne d'ambitionner le tróne impérial. Le peu de fuccès de fes intrigues ne 1'avoit point rebutée; au contraire elle continuoit a négocier a Drefde. Le Comte de St. Séverin, qui avoit bien fervi la France dans cette cour , s'étoit attiré la haine du Comte de ***, paree que la fineffe du Saxon ne s'accommodoit pas de 1'efprit clairvoyant du négetciateur' franpois. * * * fit tant que M. de Sr. Séverin fut relevé par le Marquis de Vaugrenant. Celui-ei fe crut plus fin que * * *; toutefois dans cette négociation, Vaugrenant fut Ia dupe du Saxon. *** lui perfuada que pour faire une paix avant2geufe avec la Reine de Hongrie, 1'unique parti que la France eüt a prendre, étoit de öe point s'oppofer a l'éleclion du Grand Duc de  M*.. ffISTOIRE Tofcane, & de tenir dans l'inaétion l'armée que le Prince de Conti commandoit fur le Rhin ,• d'autant plus que la France pouvoit tirer plus d'utilité de ces troupes fur 1'Efcaut que fur le Mein. ■ Les miniftres de Louis XV donnèrent aveuglément dans ce piége; ils n'examinêrent, ni le peu de fincérité de ce confeil, ni, fi le parti qu'on leur propofoit, étoit' conforme aux engagemens qu'ils avoient pris avec leurs alliés. En affoiblilfant ainfi l'armée du Prince de Conti, on Ie mit hors d'état de s'oppofer aux entreprifes de Ia cour de Vienne. Le Grand Duc . fut élu malgré la France, la paix ne fe fit point, & 1'amour-propre du miniftère de Verfailles lui interdit jusques aux reproches. Les troupes tirées de cette arraée arrivèrent en Flandre, lorsqu'après la "réduaion de la citadelie de Tournay l'armée franpoife. en décampoit. Elle fe mit en trois corps, dont 1'un fe pofta a Courtrny, le fecond a St. Gaislain & le troifième a Condé. M. du Chaila battit un détachement de 5,000 hommes fóus les ordres du Général Molé, que le Duc de Cumberland avoit fait partir de fon armée pour fe jeter dans Gand. Ce petk échec répandit la terreur dans l'armée des alliés; elle décampa de Bruxelles; Gand, Bruges & Oude. narde' n'étant plus protégées, fe rendirant aux Francois, & cette campague fe termina par la prife de Nieuport, de Dendermonde, d'Oftende & d'Ath; après quoi Ie Maréehal de Sr.xi fit entrer fes troupes en quartiers d'hiver derrière le  DE MON TEMPS. i45 •Dendre. Cette campagne rendoit aux armes francoifes f honneur que celle de Bohème leur avoit fait perdre. Si Louis XIV fubjugua plus de ter rain en l'année 1672, il le perdit aulfi vite qu'il 1'avoit conquis; au- lieu que Louis XV alTura fes pofleffious & ne perdit rien de ce qu'il avoit gagné. Les Efpagnols & les Franco» avoient ouvert la campagne en ItaHe & en Flandre plus d'un mois avant que les troupes entralfent en aftion en Siléfie. L'armée pruflienne & celle des Autrichiens n'avoient pris des quartiers paifibles qu'a la fin de Février, & elles avoient éga'ement befoin de repos pour fe remettfe de leurs fatigues. Le Roi pouvoit prévenir fes ennemis, il ne dépendoit que de lui de fondre fur les quartiers des Autrichiens en Bohème; mais il rifquoit plus en s'enfoncant dans ce royaume qu'en voyant venir l'-ennemi. Cette confidération fit qu'il refferra fes quartiers de cantonnement au centre de'la Siléfie d'une manière qui 1'approchoit également des. gorges des montagnrs par oü l'ennemi pouvoit déboucher. C/auroit été un projet infuilé que de vouloir difputer quinze ou vingt mille chemins qui conduifent de la Bohème & de la Moravie en Siléfie dans une éter.due de 24 "milles d'Allemagne. Le plus für étoit d'attaquer le Duc de Lorraine au moment qu'il fortiroit de ces gorges, de le pourfuivre en Bohème, de fourrager le pays a 12 milles a la ronde le long des frontières de la Siiefie & d'amener a la fin de 1'anière-faifon les troupes dans  144 HIST01RE ca duché pour leur procurer des quartiers tranquilles. Ce projet étoit fimpie, il étoit proportionné a ce qu'il étoit polfible d'exécuter, il étoit adapté aux conjondttnes; il y avoit donc tout lieu d'efpérer qu'il réulïïroit. L'armée étoit diftribuée de facon que 10 bataillons, 10 efcadrons & 500 houfards formoient une chalne depuis la Luface jusqu'au comté de Glatz. Les patrouilles alloient vers Schatzlar, Braunau & Bcehmilch-Friedlands ce corps étoit fous les ordres du Lieutenant Général Truchfes. Le Général de Lehwald avec 10 bataillons & 500 houfards gardoit le pays de Glatz, fans cömpter 3 bataillons qui étoient en garnifon dans la forterelTe, dont M. de Fouquet étoit Gouverneur. Le Margrave Charles défendoit les frontières de la haute Siléfie avec 16 bataillons & 20 efcadrons. M. de Hautcharmoy avec 5 bataillons & 16 efcadrons occupoit & couvroit la partie de Ia haute Siléfie fituée au-dela de 1'Oder. Le gros de l'armée étoit entre Breslau; Brieg, Schweidnitz, Glatz &„Neifie. Le Roi établit fon quartier dans cette dernière ville; il y régnoit une ma'adie contagieufe; des charbons donnoient la mort en peu de jours. Si on avoit dit que c'étoit la pelie, toute communication auroit été interrompue, ainfi que Ia livraifon des mngafins; & la crainte de cette maladie auroit été plus funelïe pour 1'ouverture de la campagne que tout ce que 1'ennemi .pouvoit entreprendre. On adoucit donc ce nom redontable-, on appela cette contagion une fièvre putride, & tout con. tinua  DE MON TEMPS. 145 •Irma d'aller fon train ordinaire; tant les mots font plus d'imprefiion fur les hommes que les chofes même?. Peu après 1'arrivée du Roi , la petite guerre recommenca avec beaucoup de vivacité. Les ennemis fe fhttoient qu'en harcelant continuellement les Pruffiens, ils les confumeroient a petit feu; 10 a 12,000 Hongrois, fous les ordres du vieux Maréchal Eftethazi, des Généraux Caroli, Feftetifch, Spleni, & Guillani, faifoient des incurfions dans la haute Siléfie & pénétroient le plus avant qu'il leur étoit polfible. Un Major Schafftedt, qui étoit détaché avec 200 hommes dans le petit bourg de Rofenberg', fut attaqué par. eux. Les ennemis mirent d'abord le feu au bourg; Ie Major fit bonne contenance, mais environné de tous cótés, il ne put fe fauver & obtin: une capitulation pour rejoindre fon régiment a Creutzbourg. II failoit réparer cet affront & rabattre la préfomption de ces troupes hongroifes nouvelle, ment levées. Le Roi fit donc des d.étacheme.ns. contr'eux; il fe livra de petites batailles qui fer•virent de prélude aux aftions décifives: & c.imme cet ouvrage efl: delfiné a fervir de monument & Ia valeur & a Ia gloire des officiers qui ont fi bien mérité de la patrie, nous nous croyons, par devoir," obligé d'informerda poftérité de leurs belles aftions, pour 1'engager .par. ces exemples. de magnanimité 2 les imiter. Le rare mérite de M. de Winterfeld le fit-cboifir pour préfider a cette expédition. 0:i lui donna 6 bataillons & 1200 houfards, avec lesquels il; Qcuy. pofih .de Fr. II. T, II. G  14*5 HISTOIRE pafla 1'Oder a Cofel, tandis que M. de Goltz avec un bataillon & 500 houfards paflbit la même rivière a Oppeln, pour attaquer de concert Efler. bazi & fes Hongrois. Winterfeld touiba fur ie village de Slowentzir, oü il fit 120 prifonniers; il entendit un feu aflèz vif Air fa gauche, il s'y porta d'abord; c'étoient 5,000 Hongrois qui entou» roient le détachement de Goltz; ils furent attaqués & Winterfeld remporta un avantage complet fur eux. Spleni fe fauva avec fes houfards, après ovoir perdu 300 hommes & fon bagage. Winterfeld ne crut point en avoir fait affez; il continua fa poutfuite & rencontra le lendemain 2,000 houfards poüés le dos contre un marais; il les jeta dans ce marais, oü la plupart périrent ou furent pris. Ces avantages commencèrent a donner aux houfards prt.fil.-ns un ton de fupériorité fur ceux de la Reine. Le Colonel Wartenberg des houfards battit encore un gros d'Infurgens auprès de Creutzbourg & les diflïpa entiêremeut. Pendant ce préambule de guerre, le printemps s'avancoit, le mois d'avril titoit vers fa fin, il étoit temps de raflembler l'armée; elle entra dans des quartiers de cantonnemens entre Patskau & Franckenllein. On prépara des chemins pour 4 colonnes & des cantonnemens a Jcegemdorff, a Glatz & a Schweidnitz, comme étant les lieux vers lesquels l'ennemi devoit déboucher des montagnes." Les magafins que les Autrichiens avoient formés, les lieux oü leurs troupes réglées commencoient a s'aflembler, dénotoient affez leurs  DE MON TEMPS. 147 deffein!; on comprenoit que ces Infurgens & ces Hongrois qu'ils avoient dans la haute Siléfie, de* voient donner le change aux Pruffiens, pour les attirer de ce cóté, & que leur grande armée pénétferoit en Siléfie par Landshut. Ce projet n'étoit pas répréhenfible en lui-méme; il ne manqua que par 1'exécution. Si les Pruffiens avoient partagé leurs forces pour faire face a l'ennemi de tout cótés, ils auroient été trop foibjes pour frapper un grand coup fur la grande armée du Prince de Lorraine; & s'ils reftoient affemblés, cette inultitude de troupes légères, qui ne trouvoit rien qui 1'arrêtat, les auroit affamés a la longue en leur coupant les vivres. Le plus für parti étoit donc celui de demeurer en force, mais en même temps de hater la fin de cette crife par 1'engagement d'une affaire générale. Les mefures furent prifes pour évacuer Ia haute Siléfie vers la fin de Mai, a 1'exception de Ia fortereff'e de Cofel. Les mcgv fins de Tropp3u & de Jcegerndorff furent tranfportés a Neiffe: M. de Rochow couvrit ce convoi avec 1200 chevaux & un bataillon de grenadiers; 4,000 Hongrois, moitié houfards , moitié pandours, 1'attaquèrent • fans pouvoir 1'entamer; la cavalerie y fit la première expérience de fes nou. velles manoeuvres, & en éprouva la folidité. II étoit néceflaire d'infpirer de la fécurité aux ennemis, pour que leur préfomption les rendit négligens dans 1'expédition qu'ils méditoienr. A ce deffein le Roi fe fervit d'un homme de Schcenbe-g qui étoit un doublé efpion; il le fit largement pay;r, G a  t4S IJIST.OIRE aptès qnoi il itf dit que le plus grand; fervice qu'il pót lui rendre, feroit de favertir it temps de la marche du Prince de Lorraine-, pour pouvoir fe retirer it Breslau, avant'que les Autrichiens euflTent débouché des montagnes: pour induire encore plus cet efpion en. err«r, on fit réparer des chemins qui menoient a Brejhu. L'efpion promit tout; il eut nouvelle de ces chemins & s'empreffa de rejoindre le Prince de Lorraine, pour lui apprendre que tout le monde s'en alioit & qu'il ne trouveroit plus -d'ennemis a combattre. Comme Landshut' devenoit alors 1'objet principal de 1'attention, le Roi détacha le Général Winterfeld pour ób'erver de ce pofte les mouvemens des Autrichiens; on lui donna quelques bataillons & 2 régimens de houfards de Rufch & de Bronikowsky: il ne tarda pas a fe; fignalèr; il défit anprès de Hitfcbberg Roo Hongrois, conimandés par un partifan nommé Putafchitz, & fit 3°o prifonniers. Nadafti , pour veneer cet affront fait k la nation hongroife, marcha ft la tête de 7,000 hommes, dans le desfein d'attaquer auprès de Landshut Winterfeld, qui n'avoit que 2,400 hommes fous lui. Apres «n combat de quatre heures , 1'infanterie honjfoife fut totaleraent battue, & dans le moment que Nadafti fe difpofoit k faire fa retraite,arrivé le Géuéral Still a la tête de 10 efcadrons du vieux Mcellendorff; il fond fur les ennemis, & les Hongrois font défaits & ramenés battant jusqu'aux frontières de la Bohème. Les Autri-,  DË MON TEMPS. 14* chieus perdirent 600 hommes a cette affaire, avec quelques- uns de leurs principaux officiers bleffés, qui furent pris. On fut des prifonniersque M. de Nadifti avoit ordre de prendre pofte a Landshut, & que s'il avoit réuffi, le Prince de Lorraine 1'auroit fuivi infailliblcment. Tant de capacité & une conduite fi lage Valurent a M. de Winterfeld le caraclère de Major-Général. II n'y avoit plus un moment a perdre pour rappeler Ie Margrave Charles de la haute Siléfie. La milice hongroife avoit profné de la levée des quartiers pour infefier de 'partis toute la haute Siléfie;ö,ooo houfards voltigeoient entre Jcegern. dorfF, & Neufladt, dans 1'intention d'empêcher la communication'du Margrave Charles avec farmée. Pour lui faire tenir 1'ordre de fe retirer fur Neilfe.le Roi lui détacha les houfards de Ziethen, qui fe firetit jour 1'épée a la main a travers les Hongrois & lui réndirent fa lettre. Le Margrave fe mit en marche Te 22 de Mai; les troupes qu'il commandoit, faifoient environ 12,000 hommes. Lés ennemis, qui prévoyoient fa retraite, s'é1 toient renfbrcés, jusqu'au nombre de 20,000 hommes, d'un ramas de nations barbares, & de quelques troupes réglées qui leur étoient venues de Moravie: ils occu'pèrent Ia veille toutes les hauteurs qui étoient fur le chemin du Margrave & y établirent'trois batteries qui tiroient en écharpe , dont les troupes prufïïennés furent fort incommodées dans leur marche. Le Margrave, fans s'embatraifer des obftacles que l'ennemi lui G 3  '53 HISTOIRE oppofoit, s'einpara des.hauteurs voifines & des défilés les plus confidérables avec quelques bataillons, & au débouché des gorges, il forma les régimens de Gesier & de Louis cavalerie , qui tombêrent avec toute rimpétuofité polfible fur le régiment d'Ogilvi, en taillèrent en piéces la pltis grande partie , puis fondirent fur celui d'Etterhazy, qui faifoit la feconde ligne, le palfêrent au fil de 1'épée, & après s'étre ralliés attaquèrent les dragons de Gotha, qui devoient foutenir cette infanterie autrichienne, les mirent en déroute & firent un grand malfacre des fuyards. Les ennemis lailfèrent plus de 800 morts fur la place ; leurs troupes irrégulières, qui étoient fpeétatrices de ce combat, ayant vu le trilïe fort des troupes réglées, s'enfuirent dans le bois en jetant des cris affreux. Le Margrave donna dans cette journée des marqués de valeur dignes du fang de fon grand-père, 1'Elecleur Fréderic Guillaume. Le Général de Schwérin, en chargeant a la téte de cetie cayalerie qui défit tout de fuite trois corps différens, s'acquit une réputation d'autant plus éclatante, qu'elle fervit d'époque a celle de la cavalerie prulïïenne. C'elt une chofe étonnante que la promptitude avec laquelle 1'audace ou la terreur fe communiquent a Ia multitude. L'année 174.1 Ia cavalerie des Pruffiens étoit le corps le plus lourd, & en méme temps le moins animé qu'il y eüt dans les armées européennes, en 1'exercant , en lui donnant de 1'adreiTe, de Ia vivacité & de Ia confiance dans fes propres for-  DE MON TEMPS. IS» ces, Ü en fit 1'elTai; il réulïï.t & devint and», cieux. Les peines, les récompenfes, le blème & la louange, employés a propos , changent 1'efprit des hommes & leur infpirent des Tent!, mens dont on les auroit crus peu fufceptibles dons 1'état abruti de leur nature; joignez a cela quelques grands exemples de valeur qui les frappent, comme celui que nous venons de rapporter: alors 1'émulation gagne les efprits, 1'un veut 1'emporter fur 1'autre, & des hommes ordinaires deviennent des héros. Les talens font fouvent engourdis par une efpèce de léthargie; des fecouffes fortes ies réveillent, & ils s'évertuent & fe développent. Le mérite eftimé & récompenfé excite Pamour propre de ceux qui en font les témoins. Dans 1'ancienne Rome les couronnes civiques & murales, & furtout les triomphes, aiguillonnoient ceux qui pouvoient y prétendre. II étoit donc nécefiaire d'exalter dans l'armée la glorieufe aftion de JajgerndorlT. Le Margrave, le Général Schwérin & ceuit qui s'y étoient fignalés , furent recus* «ite-ae en triomphe; Ia cavalerie attendoit avec impatience 1'occafion d'égaler, méme de furpalfer ces héros; tous brüloient de 1'ardeur de combattre & de vaincre. Sous ces heureux aufpices toute l'armée fut rafiemblée le 28 de Mai dans le camp de Frankenftein, a 1'exception des troupes qui gardoient les places & d'un corps de 6 bataillons & de 20 efcadrons avec lesquel* M. da G 4  155 HISTOIRE Ilautcharmoy faifoit face a Efterhazi, pouvant fe retirer dans les foiterefles de Cofel, de'Bricg & de NeifTe, au cas que Ia fupériorité de rennend fy forcat. C H A P I T R E XIII. Bataille de Friedberg. Marche en Bohème; ce qui s'y paffa. Bataille de Sorr, Retour des troupes en Siléfie. H/a fituation du Roi étoit toujours cfitique. La politique lui préfentoit des abymes, la guerre des hazards, & les finances un épuifernent de relfources presque total. C'eft dans ces occafions oü 1'ame doit déployer fa force, pour envifager d'un ceil ferme les dangers qui 1'entourent; oü il faut ne point fe laifter troubler par les fantómes de 1'av'énir, & fe fervir de tous les .moyens poïïibles ou iniagmsbles de prévenir fa ruine, lorsqu'il en eft encore temps; furtout ne .pas s'écarter des principes fondamentaux fur lesquels on a étabü fon fyPème militaire & politique. Le projet de campagne dü Roi étoit réglé; cependant pour ne rien négüger, il s'adrefla a fes alliés. 11 employa dans cette négociation tout Ie feu imaginsble, afin d'elfcyer d'en tirer des fecours. La France -etoit Ia feule puiflance dont il pilt attendie quelque chofe.  DE MON TEMPS. 153 chofe. Le Roi lui fit repréfenter l'impofïïbilité oü il fe trouvoit de foutenir long-temps cette guerre, dont tout Ie fardeau pefoit fur lui: il la fomma de remplir fes traités a la lettre, & comme l'ennemi fe préparoit a.faire,une invafion dans fes Etats, il preffoit Louis XV de lui donner l'aiïiflance qu'il lui devoit dans ce cas, ou de faire une diverfion réelle,' qui lui' • procurat quelqua foulagement. Le minillère franpois parut peu touché de ces repréfentations; il les traita k la légère & voulut que Ia bataille de Fontenoy & la prife de quelques places en Flandre pafTaflént pour une diverfion confidérable. Le Roi s'adrelfa encore direétement a Louis XV; il lui marqua la peu de fatisfaftion qu'il avoit de Ia froidear des ,'miniflres de Verfailles; qu'il fe trouvoit dans une fituation défagréible & embarrafTan.te, oü il s'étoit ■ mis par amitié pour Sa Majeflé Trés. Chrétienue; qu'il croyoit que ce Prince lui devoit quelque retour pour ï'avoir fecondé dans un moment oü ks Autrichiens commenpoient a faire des progrèj en Alface; que la bataille de Fontenoy & Ia prife de Tournay étoient a la vérité des événemens i glorieux pour la perfonue du Roi & avantageux a' la France, mais que pour 1'intérêc direél de la Pruffe, une bataille gagnée aux bords du Scamandre ou la prife de Peckin feroient des di verfrans égales. Le Roi ajouta que les Franpois ocgu.- . poient a peine 6,000 Autrichiens en Flandre, & que le péril oü il fe trouvoit, 1'empêchoit de fe' eontenter de belles paroles , & 1'obligeoknt h G5  ts$ HISTOTRR demand'er inftainraent des effets plus réel". La comparaifon du Scaoiandre & de Peckin déplurent au Roi Trés-Chrétien; fon humeur perci dans la lettre par laquelle il répondit au Roi de PrulTe, & celui-ei fe piqua a fon tour du ton de hauteur & de froideur qui caraétérifoit cette réponfe. Pendant ces altercations, nuifibles a 1'union qui doit régner entre des alliés, les Autrichiens étoient a la veille de commencer leurs opérations de campagne. Leur armée, compofée des trou« pes de la Reine & de celles de Saxe, s'approchöit infenfiblement des frontières de la Siléfie. Les Autrichiens étoient venus de Koenigsgrseiz & des environs de Jaromirrz, & les Saxons de Buntzlau & de Kcenigshoff; ils fe joignirent a Trautenau > d'oü ils avancêrent a Schatzlar. Ils ne pouvoieut guère s'arrêter en chemin; on pouvoit calculer leurs mouvemens a peu de chofe p ès; il étoit donc temps d'avertir a Landshut Ie Général Wintetfeld de fe retirer a 1'approche de rennemi, en fe repliant fur le corps de Du Moulin, & de pourfuivre enfuite tous deux leur retraite jufqu'i Schweidnitz, en femant le plus adroitement qu'ils pourroient Ie bruït des préparatifs qu'on ^ faifoit pour abandonner Ie pied des montagnes & pour fe mettre fous le canon de Breilau. Le doublé efpion dont nous avons parlé d'avance, recueilüt svidement ces bruits, & fe hata de confirmer luimême au Prince de Lorraine la retraite des Prusfieas qu'il lui avoit annoucée quelque temp»  DE MON TEMPS. XS5 auparavant. Les rufes fervent fouvent mieux a la guerre que la force; il ne faut pas les prodiguer, de peur qu'elles ne perdent leur mérite, mais en réferver 1'ufage pour les occallons importantes; & ïorfque les nouvelles qu'on fait parvenir a l'ennemi flattent fes paflions, on eft prefque für de 1'entralner dans le piége qu'on lui prépare. Comme Winterfeld & Du Moulin avoient une marche d'avance fur l'ennemi, ils fe replièrent furSchvveidnitz, fans avoir fouffert dans cette marche. L'armée du Roi quitta Frankenftein & occupa le 29 Mai le camp de Reichenbach, d'oü elle n'avoit qu'une petite marche jufqu'a Schweidnitz; elle paffa cette forterelfi le 1 de Juin; les corps de Du Moulin & de Winterfeld firent fon avantgarde & occupêrent la hauteur de Striegau eu deca du Strigauer-Walfer. M. de Nalfau avec fon corps garnit le Nonnen-Bufch & l'armée fe campa dans la plaine qui eft entre Jatiernick & Schweidnitz, de forte qu'un terrain de deux miU les qui fépare Striegau de Schweidnitz, éroir occupé par une ligne prefque continue de troupes pruffiennes; cette pofition mettoit le Roi a portéa de fe procurer les plus grands avantages. Le Général Wallis, qui commandoit 1'avant. garde des ennemis, & Nadafti furent les premiers qui fe préfenièrent fur les hauteurs de Fribourg. Le Prince de Lorraine avoit pénétré en Siléfie par Landshut; de la il avoit pourfuivi fa marche fur Reichenau, d'oü il fe tranfporta a Hohen-Heanersdorfli II pouvoit de ce camp defcendre dang G 6  .1-5^ H I $ T O IR E Ja plaine. psr quatre chemins, favoir Fribourg, Hohen-Friedberg, Schwinahaus & Cauder. Le Roi fut reconnoitre ces environs, pour examiner les lieux & !e tenain oii il pourroit'placer fon armée, & il employa trois jours a faire préparer les chemins, afin qu'aucun.empêchementn'arrêtit fes troupes, & qu'elles pulTent voler a l'ennemi, lorfqu'il paroitroit dans la plaine; c étoit óter au hüzard tout ce que- la pruden'ce lui pouvoit dérobcr. .Le 2 de Juin les généraux autrichiens & faxons tinrc-nt confeil de-guerre auprès du-gibet . de Horren-Friedberg. Quoiqu'ils eulTent de cette hauteur la vue fur toute la plaine, ils n'appercurent que de petits corps de l'armée pruflienne. La partie la plus confidérable étoit couverte par Ie: Nonnen-bufch, & par des ravinï, derrière lefquels on s'étoit placé exprès pour tenir l'ennemi dans 1'iguorance'des forces pruffiennes, & pour ]e confirmer dans 1'opinion oü il étoit qu'il entroidans un pays oü il ne trouveroit aucune réfiflance. Le Prince de Lorraine choifi-. le village de Langenoels pour s'y camper le lendemain. Wenzel Wallis eut ordre de s'emparer en même temps du magafin de Schweidnitz avec fon avant - garde de ia il devoit pourftrivre les Pruffiens a Breflau. Le Duc de WeiiTenfels avec fes Saxons devoit ■ prendre Striegau & de Ia fe porter fur Glogan, ■ pour en faire le fiége.. Le Prince de Lorraine avoit oublié dans fon projet. qu'il auroit a comb-ttre une armée de70.oo° lammes, bienréfolus 4'ne lui pas abandonner uu pouce de terrain fans  DE M^ON TEMPS. 157- 1'avoir défendu jufqu'a 1'extrémité. Ainfi les desfeins dés Autrichiens & des Pruffiens fe croifoient, comme des vents contraires qui alfemblent des nuages dont le choc produit la foudre & ie tonnerre. Le Roi vifitoit tous les jours fes postes avancés; il étoit le 2 fur une hauteür devant le camp de Du Moulin, dont on découvroit toute la campagne , les hauteurs de Furltenftein &raéme un bout du camp autrichieu prés de Reichenau. Le Roi s'y étoit arrêté affez longtemps, lorfqu'ü vit une nuée de pouffière qui s'élevoit dans les moniagnes, qui avancoit & defcendoit dans Ia plaine & qui alloit en ferpentant de Cauder k Fegebemel & Ronltock; la pouffière romba enfuite, & 1'on appercut diftinaement l'armée des Autrichiens qui étoit fortie des montagnes fur huit gtandes colonnes; leur droite s'appuyoit au ruisfeau de Striegau, & tiroit de la vers Ronltock & HausdorfF; les Saxons, qui faifoient la gauche, s'étendoient jufqu'a Pilgrimshahi. M. Du Moulin recut auffitót ordre de lever Ie camp a 8 heures du foir, de paffer Ie ruiffeau de Striegau & de fe poffer fur un rocher devant Ia ville, oü il y a une carrière de topaze & qui en a pris fon nom. L'armée fe mit en mouvement le foir a huit heu. res filant fur la droite en deux ,ligne s & obfervant le plus grand filence; il étoit même défendu au foldat de f umer. La tête des troupes arriva h minuit auprès des ponts de Striegau, oü 1'on attendit que tous les corps fuffent bien ferrés enfemble. Le 4 * 2 hêures du malin' le G 7  15" RISTOIRE Roi raflembla les principaux officiers de 1'armée, pour leur donner la dü'pofitiorf du combat; nous 1'omettrions, fi tout ce qui a rapport'a une ba. taille decifive, ne devenoit de conféquence. Voici cette diipofition. L'armée fe mettra incesfamment en marche par la droite fur deux lignes; elle pafiera le ruiffeau de Striegau; la cavalerie fe njettra en bataille vis - a • vis de la gauche de 1'eri. nemi du c6té de Pilgrimshain; le corps de Du Moulin couvrira fa droite; la droite de 1'infanterie fe formera a la gauche de la cavalerie vis-a vis de» bofquets de Ronltock; la cavalerie de la gauche i'appuyera au ruiffeau de Striegau * gardant auloin a dos la ville de ce nom; 10 efcadrons de dragons & 20 de houfards qui compofent la réferve, fe posteront derrière Ie centre de la feconde ligne, pour être employés oü il fera befoin; derrière chaque aile de cavalerie un régiment de houfards fe formera en troifième ligne, pour garantir le dos & le flanc de la cavalerie, fi le terrain va en s'élargiffant, ou pour fervir a la pourfuite; la cavalerie chargera impétueufement l'ennemi 1'épée a Ia main; elle ne féra point de prifonniers dans la chaleur de l'action; elle portera fes coups au vifage; aprés avoir renverfé & difperfé Ia cavalerie contre laquelle elle aura choqué, elle retournera fur 1'infanterie ennemie & la prendra en iTanc ou a dos, felon que 1'occafion s'en préfentera; 1'infanterie prusfienne marchera a grands pas h l'ennemi: pour peu que les circonflances Ie permettent, elle fondra fur lui avec la baïonnette;s'iI faut charger.  DE MON TEMPS. t$p elfe ne tirera qu'a 150 pas; fi les généraux trouvent quelque village fur les aües ou devant le front de l'ennemi qu'il n'ait pas ganv, ils I'occuperont & Ie borderont extérieurement d'infan. terie, pour s'en fervir, fi les circonltances Ie permettent, & prendre l'ennemi en ihnc; mais ils ne placeront de troupes ni dans les maifons ni dans des jardins, pour que rien na les gêne, (5£ ne les empéche de pourfuivre ceux qu'ils auront vaincus. Dés que chacun fut de retour a fijn pofte, l'armée s'ébranla. A peine la tête cornmencoit-elle a paffer le ruiffeau, que M. Du Moulin fit avertir qu'ayant appercu de 1'infanterie ennemie vis a-vis de lui fur une éminence, il avoit corrigé fa pofition; qu'il avoit pris par fa droite, pour fe former fur une hauteur oppofée a 1'autre & par laquelle il débordoit même la gauthe de l'ennemi. C'étoit des Saxons qu'il voyoit, qui ayant eu ordre de prendre la ville de Striegau, furent fort étonnés de trouver des Pruffiens devant eux. Le Roi fe hate d'établir une batterie de 6 pièces de 24 fur ce mont Topaze, laquelle fut trés utile par la grande con. fuGon qu'elle mit dans les ennemis. Les Saxona venoient avec tous leurs corps pour foutenir 1'avant-garde qui devoit prendre Striegau; il* recurent cette canonade, a laquelle ils ne s'attendoient pas; en méme temps l'aile droite de la cavalerie pruffienne fe forma fous cette batterie, Les gardes du corps joignant le corps de Du Moulin, & la gauche de l'aüe aboutiffant a ce*  M&o 'H I'-ST 0 I RE bouquets du bois dé Ronflock. Les Prrjflferis* ■ après deux charges confecutives, culbutèrent la 'cavalerie faxonne, qui s'enfuit a vau de route, & les gardes du corps taillèrent en pièces ces deux -bataillons -d^infatwerie qui s'étoient préfentés -au commencement de 1'affaire devant M. Du Moulin. Alors les grenadiers pruffiens & le régiment d'Anhalt attaqtièfent. 1'infanterie faxonne dans ces bou. quets de bois oü elle commencoit a fe former; ils les poufTèrent, & les délogèrent d'une d:gue oü ils vouloient fe réformer; de lit ils traverfèient un étang.pour attaquer la. feconde■ ligne fur un terrain marécageux: ce ctfmbat, plus meurtrier que le premier, fut terminé auffi vite: les Saxons furent encore obligés de s'enfuir; leurs généraux rallièrent quelques bataillons en forme de triangle fur une hauteur, pour couvrir leur retraite; mais la cavalerie pruffiennë de. la droite, déja viftorieufe, fe préfenta fur leur flanc , en même temps que 1'infanterie prufïïènne déboucha du bois pour les affaillir. M. de Kalcklïein vint encore avec quelques troupes de la feconde ligne, qui débordoit de beaucoup les Saxons;,ils virent 1'extrêmïté oü ils étoient, n'attendirent pas 1'aitague, mais prirent bientót- la fuite. . .Les Saxons furent ainfi totalement battus, avant que Is gauche de l'armée fut entièrément fonnée. II fe pafia bien un gros quart d'heure avant que cette gauche s'engageat avec les Autrichiens. L'on avoit averti le Prince de Lorraine a Hausdorf, oü il avoit fon quartier, du feu de canois  DE MON TEMPS. & & des petites armes qu'on entendoit; il crut bonnement que c'étoient les Saxons qui atcaquoient Striegau,-& n'en tint aucun compte; on lui dit enfin que les Saxons étoient en fuite & que tous les champs en étoient parfemés; furquoi il s'babilla h la hdte & ordonna li l'armée d'avancer. Les Autrichiens marchoiant donc a pas comptés dans la plaine entre la ruiffeau de Striegau & lesbosquets: de Ronflock, qui n'eft. coiipée que par des fuffés qui féparent les pofleffions des payfatfs, Dès que Ie Margrave Charles & le Prince de Pruffe furent a portée des ennemis, ils les chargèrent fi viveuieiK, qu'ils plièrent. Les grenadiers des Autrichiens fe fervirent avec intelligente de ces folfés dont nous avons fait mention , & ils auroient pu mettre de la règle dans leur retraite, fi le régiment des gardes ne les eüt chaffés deux fois a coups de baïonnette. Le régiment de H.icke, celui de Bévern & tous ceux qui furent au feu, fe diftinguèrent par des aftions da valeur.. Comme il.n'y. avpit plus d'ennemis devant la droite, le Roi fit faire un quart de converfion, pour fe porter fur le flanc gauche & derrière les Autrichiens; cette droite brofla dans les bois & dans les marais de Ronflock, & lorfqu'elle en fortit pour attaquer l'ennemi, la gauche des Pruffiens avoit déja gagné un terrain confidérable. La cavalerie de cette gauche' avoit efltiyé un contre-temps: a peinc Kiau avec fa brigade de ia efcadrons avoit - il pafl'é le pont du ruilfeau de  10*2 JIISTOIRE Striegau, qu'il fe rompit. Kiau pric le parti d'attaquer la cavalerie ennemie avec la fienne, le Général de Ziethen le joignit avec la réferve, culbuta devant lui tout ce qui voulut lui réfifler, & donna a M. de -Naffau, qui commandoit cette gauche, le temps de la faire palTer a gué. Dèi qne M. de NalTau eut formé fon aite, il donm fur ce qu'il y avoit encore de cavalerie ennemie devant lui & la mit en déroute. Le Général Polentz contribua beaucoup a ce fuccés; il s'étoit glilfé avec fon infanterie dans Je village de Fegebeutel, d'oü il enfiloit la cavalerie autrichienne; quelques décharges qu'elle recut en flanc, Ia mit en confufion & prépara fa défaite. M. de Geiler, qui commandoit la feconde ligne, voyant qu'il n'y avoit la aucun laurier a cueillir, fe tourna vers 1'infanterie prulfienne, & trouvant les Autrichiens en confufion, il fit ouvrir 1'infanterie pour y paffer, & fe formant fur trois colonnes, il fondit fur ces Autrichiens avec me vivacité incroyable, les dragons en malTacrèrent un grand nombre; ils firent prifonniers 21 bataiilons des régimens de Marchal, Graun, Tungen, Traun» Colowrad, Wurmbrand & d'un régiment encore dont Ie nom nous manque: 11 y eut beaucoup de tués; & cependant on fit 4.000 prifonniers & on s'empara de 66 drapeaux. Un fait auffi rare, auffi glorieux mérite d'être écrit en lettres d'or dans les falies prulfiens. Un Généial de Schwérin (coufin de celui de Jasgerndorff) & tule infinité d'officiers que leur grand nombre nous empêche d'indiquer, y  DE MON TEMPS. itfj «cquirent un noin immortel. Cette belle aftion fe fit en même temps que la droite des Pruffiens fe portoit fur Ie flanc du Prince de Lorraine; ce qui rendit Ie défordre de fes troupes complet: tout fe débanda & s'enfuit dans la plus grande confufion vers les raontagnes. Les Saxons fe retirèrent par Seyffersdorf; le corps de bataille des Autrichiens fe fauvapar Kar.der & leur aile par Hohenfriedberg, oü heureufemei.it Wallis & Nadafti étoient venus pour couvrir leur retraite: les Pruffiens les pcurfuivirent jufques fur les hauteurs de Kauder, oü ils s'arrètèrent pour prendre quelque repos. Les trophées que les Pruffiens remportèrent en cette journée furent, en fait de prifonniers: 4 généraux, 200 officiers & 7,000 hommes: en fait de drapeaux, timbales, canons &c. 76 drapeaux, 7 étendards, 8 paires de timbales & 60 canons. Le champ de bataille étoit jonché de morts; les ennemis y perdirent 4,000 hommes, parmi lefquels il y avoit quelques officiers de marqué. La perte de l'armée pruffienne en morts & blelTés alloit a peine a 1800 hommes. Quelques officiers, qui devinrent dans cette journée les viftimes de la patrie, en méritérent les regrets; de ce nombre furent le Général Truchfes, les Colonels Maffow, Schwérin & During. Ce fut.li la troillème bataille qui fe donna pour décider a qui appartiendroit la Siléfie, & ce ne fut pas la dernière. Quand les fouverains jouent des provinces, les hommes font les jetoni qui les payent. La rufe prépara cette aftion.  16*4 H1ST0IRE & Ia vn!eur 1'exécma. Si Ie Prince de Lorraine n'avoit pas été trompé par fes efpions, qui 1'étoient eux-meines, iPri'auroit jamais donné auffi groffièrement 'dans le piége qui lui étoic préparé ; ce qui confirme la maxime , de ne jamais s'écarter des principes que 1'art de Ia 'guerre prerctlt,' & deia circonfpeftion qui doit obliger tout général qui commande a fuivre invariablement les régies que la fureté exige pour Texécution de fes projets. Lors même que tout femble favorifer les projets que 1'on médite, le plus 'für efl: to'ujours de' ne pas aflez méprifer fon ennemi pour le croire incapable de réfiftance. Le 'hazard conferve toujours fes droits. Dans cette aétion même un quiproquo penfa devenir 'funefte aux Pruffiens. Au commencetnent du Combat Ie Roi tira dix bataillons de fa feconde ligne fous les ordres du Lieutenant Général de Kalckfteln, pour renforcer le corps de Du Moulin, & il envoya un de fes aides de camp pour avertir le Margrave Charles de prendre Ie commandement de la feconde ligne d'infanterie pendant 1'abfence de M. de Kalckilein. Cet officier peu intelligent dit au Margrave de rerjforcer la feconde ligne, de fa brigade qui étoit a 1'extrémité de Ia gauche. Le Roi s'appercut a temps de cette bévue, & il la redrefla avec promptitude. Si lé Prince de Lorraine avoit profité de ce faux mouvement, il auroit pu prendre en flanc la gauche des Prusllens qui n'étoit pas encore appuyée au ruilfeau de Striegau. Tant le fort des Etats & la réputa.  Df .MO-N TEMPS. i6> $oïi des généraux,tient a peu de; obofe,s Un fcul indam-décide de ia fortune. . M»s ü faut avouer, yu la va'enr des. troupes qui- combittirent a Fiiedberg, que 1'Etat ne coiroit aucun rifque; il n'y eut- aucun -corps de- reponffé :• de 64 b.-.tai.Ions. 27 fenlement furent au feu & reinportèrent la viétoire. Le monde ne rc-pofa pas pius furement, fur les épaules d'Atias, que la : PrulTe fur une telle armee. II ne doit pas paroitre furprenant que 1'on ne. pour'uivit pas les Autrichiens avec plus d'ardeur., La nuit du 3, au.4 avqit été emplpyée a.m.axc'isr a l'ennemi. La bataille, quoique courte, avoit été une fuite d'elforts continuels; les munitions de; guerre étoient épuifées;les é-puipagas & les muni-: tions de guerre & de bouche étoient a Schweidnitz: il falloit les conduire a 1'arméa. . L'arriéregarde du Prince da Lorraine étoit compofée des' C0/P£tLa3Yallis „& dc Nadafl;' 9ui n'avoient poi.nt. combattu; ils occupoient les hauteurs de HohenFriedbergdont il auroit été téméraire da vouloit les daloger: les Prufüens occupoient la hanteur. de Kaudir; mais celle de Hohen-Friedberg étoic a leur gauche; il ne falloit donc pas perclre pat une fougue imprudente ce qu'on avoit gagné par la fagelfe. Le lendemain Mrs. Du Moulin & Winterfeld furent détachés. a la pourfuite da l'ennemi; ils atteignirent Ie Prince de Lorraine auprès de Landshut. Ce Prince ne les attendit pas; il leva fon camp h leur approche & chargea Nadafti de couvrir fa retiaite. Wiuterfeld attaqua ce der-  Ïtt6* MISTOIRE nier, le mit en fuite & Ie pourfuivit jusqn'anr frontières de la Bohème, après lui avoir tué 200 hommes & pris 130 prifonniers. M. Du Moulin occupa le camp même que les Autrichiens venoient d'abandonner. Après cette victoire le Roi rap. pela Cagnoni, fon miniftre de Dresde. Bulau, accrédité a Berlin de la part du Roi de Pologne, fut obligé d'en partir, ainfi qu'un réfident de Saxe de Breslau. Le Roi déclara qu'il. regardoit 1'invafion des Saxons en Siléfie comme une rupture ouverte. L'armée fuivit le 6 le corps de Du Moulin & fe porta fur Landshut. Lorsque le Roi y arriva, il fut entouré d'une troupe de 2,000 paylans, qui lui demandèrent la permilïïon d'égorger tout ce qui étoit catholique dans cette contrée. Cette animofité venoit de la dureté des perfécutions que les proteftans avoient fouffertes de la part des curés dans Ie temps de la domination autrichienne, oü 1'on avoit óté les églifes aux luthériens, pour les donner a des prétres catholiques. Le Roi étoit bien éloigné de letir accorder une pcrmiffion auffi barbare. II leur dit qu'ils devoient plu'ót fe conformer aux préceptes de l'Ecriture.bénir ceux qui les offënfoient, prier Dieu pour ceux qui les perfécutoient, afin d'hériter le royaume des cieux. Les paylans lui répondirent qu'il avoit raifon & fe défillèrent de leur cruelle prétention. L'avant. g-rde avanpa jufqu'a Starckftadt, oü elle apprit que les ennemis avoient quitté Trautenau & qu'ils défiloient a Jarorairtz; fur cela elle fe pofta  DE MON TEMPS. 167 Scalitï. L'armée pril le chemin de Friedland & de Nachod, qui étoit plus commode pour les fubfiftances; après quoi elle déboucha des moniagnes & fe déploya le long de la Métau, petit ruiffeau dont les bords font efcarpés, qui viem de Neuftadt & va fe jeter dans 1'Elbe auprès de Ple^s. Le camp des Autrichiens étoit derrière 1 Elbe entre Schmirgitz & Jarorairtz. Nadafti, dont le corps étoit environ de 6,000 hommes, fit mine de difputer a 1'avant-garde prulfienne le paffage de la Métau, mais M. de Lehwald chaffa les Hongrois fans effufion de fang, paffa ie ruiffeau & fe campa a un quart de mille a 1'autre bord. Le lendemain l'avan'-garde fut renforcée de 11 bataillons & fe porta h Caravalhota, d'oü le Roi, fe mettant a fa tête, pouffa jufqu'a Kcenigsgistz & occupa le terrain entre Rufeck qui eft vers 1'Elbe & Divetz qui eft fur 1'Adler; ce ruiffeau-ci vient des montagnes de Glatz & fe jete dans 1'Elbe auprès de Kcenigsgraüz. L'armée, fous le commandement du Prince Léopoid, fe campa a un quart de mille derrière 1'avant - garde. Ces mouvemens obligérent le Prince de Lorraine a s'approcher de Kcenigsg'*tz. II fe pofta fur une hauteur au confluent de 1'Adler & de 1'Elbe vis a-vis des Pruffiens; il avoit appuyé fa droite a un marais, fa gauche fe recourboit vers Pardubitz & a dos 11 avoit une forêt de deux milles qui s'étend vers Holitfch: ce prince avolc établi, moyennant trois ponts fur 1'Adler, .a communication avec Kceuigsgrtetz, oü il tenoit  It>3 HISTOIRE un détachement de 8co hommes; il fit éleverune redoute devant la ville fur une petite hauteur qui en défendoit fapproche aux Pruffiens. Sa pofition étoit inattaquable; le Roi fe borna a garnir d'infanterie les villes de Jaromirz & de Smirgirz, pour tenir 1'Elbe par des détachemens de dragons & de houfards, '& pour aifurer & protéger fes fourrages. A voir ces deux armées rangées autour de Koenigsgrastz, on auroit dit que c'étoit un même corps qui en fortnoit le fiége. Cependant 1'avant-garde & le corps de bataille des'Pruffiens étoient fi avantageufement placés, qu'il auroit été jmpoffible a l'ennemi de les cntamer. On auroit pu tenter quelque entrpprife fur Kcenigsgr-e.z, & il auroit été poffible de prendre la ville; mais qu'auroit-on gagné? La ville n'avoit ni fortificatïons, ni magafins, & 1'on auroit été obi'gé de 1'abandonner tót ou tard; c'auroit été verfer du fang inutilement. Ceux qui ne jugeoient que fuperficiellement des chofes, croyoient que dans cette heureufe fituation, le Roi devoit dranger Ie projet de campagne qu'il avoit fait a Neifle & que fes vues devoienf Vétendre avec fa fortune. Il n'en étoit pas ainfi cependant. La bataille da Friedberg avoit fanvé Ia Siléfie: l'ennemi étoit battu; mais il n'étoit pas détruit: cette bataille n'avoit pas appkni les montagnes de la Bohème, par kfqnelles étoient ób'ligês de paffer les vivres pour l'armée. On avoit perdu l'année 1744 les cailfcns des vivres; les fubfifiances ne poinoient donc arriver au camp que fur des cbariots de pay-- fans  DE MON TEMPS. i6>) fans de la Siléfie. Depuis le dépnrt du Margrave de Ia haute Siléfie, les Hongrois avoient furpris la forterelfe de Cofel , & ils écendoieut leurs courfes jufqu'au foifinage de Schweidnitz & de Breslau ; ils alloleut fe porter fur les derrières de rarmée óf en inur. ceptcr les fubfiftances; d'ailleurs le Roi ne pouvoit s'éloigner que de dix ou quinze milles de Schweidnitz, d'oü il ne récèvört des vivres que óe cinq en ciiiq jours. S'il avoit voulu tran. fporter le théatfe de Ia'guerre en Saxe, il auroit abandonné Ia Siléfie it la difcrétion des Autrichiens. Tant de confidérations importantes firent que ce prince refta ferme dans fon premier projet, c'eft a dire cTalfamer les frontières de la Bohème, pour empêcher fennemi d'y pouvoir hiverner. Les Franpois firent encore quelquer tentatives auprès du Roi de Pologne, lui ptéfentant toujours' comme une amorce la couronne impériale, a. laquelle il avoit renoncé pour long- temps. La feule négociation qui convlnt alors aux PruflTens, c'étoit celle avec 1'Angleterre; paree que cette puiflance feule pouvoit ménager ia paix avec la lleine de Hongrie. Le Roi d'Angleterre étoit alors a Hanovre, & il avoit mené le Lord Harrington avec lui. Le jeune Comte .de Podewils, qui étoit Minillre a la Haye , recue ordre de fe rendre a Hanovre pour fonder le terrain St voir dans quelles difpofitions étoient le Lord Harrington & la cour. Ouiv.pojlh, de Fr. 11. T. S. li  i;o HISTOIRE Pour ce qui regardoit les opérations de Ia guerre, i! fut réfolu de fe foutenir le plus long. tems qu'il feroit poffible en Bohème, de choilïr avec foin les meilieurs camps qu'on pourroit trouver, d'expofer d'autant moins les troupes que M. de Naflau alioit être détaché pour la haute Siléfie afin de reprendre Cofel, & d'affetfer en toutes les occafions les démonltrations d'une guerre offenfive, pour en impofer a 1'en. nemi & lui cacher le véritable delfein que 1'on avoit de ne rien donner au hazard. M. de Naflau partit le 25 de Juin avec 12,000 hommes; il pafia par Glatz & Reichesflein , & rejfita c'abord les Hongrois fur Neufladt, dont il les délogea avec perte de leur cóté; il s'avanca enfuite jusqu'a Corel, & fit les préparatifs du fiége. Cette place avoit été prife par Ia perfidie d'un, officier, de la gainifon qui déferta: ce traitre rpprit aux ennemis que le folfé n'étoit pas perfeflionné & qu'il étoit guéable a 1'angle d'un baftion qu'il leur indiqua. Avec 2,000 pandours il palfa Ie folfé, efcalada le baflion & la place, dont Foris étoit Commandant; il y eut quelque monde de maflacré; le relle au nombre de 350 hommes fut fait prifonnier ; cela arriva deux jours après que le Margrave eut évacué la haute Siléfie. Pendant' que M. de Ntffau étoit ainfi occupé dans Ia haute Siléfie, le Roi mettoit tous fes fóins h faire fubfi Ier les troupes. Pour cet effet il détacha fa grofle cavalerie vers Opotfchna,  DB MON TEMPS. 17qul étoit a un demi-mille a la gauche des deux corps de 1'armée prufïïenne: toutes les nuits cette cavalerie donnoit 1'allarme au Prince de Lorraine, pour éprouver fa contenance, fouvent affez mauvaife, & pour le confirmer dans 1'opinion que le Roi méditoit quelque grand deffein, qu'il exécuteroit a 1'improvifle. Les Autrichiens furent entretenus dans ces inquiétudes pendant quatre femaines. Le Roi avoit fur fa gauche un détachement è Hohenbruch , & par la jaloufie que ce camp donnoit aux ennemis, ils crai. gnoient d'étre attaqués par derrière. Réeliemenc les Pruffiens pouvoient fe porter fur Reichenau' & fur Hohenmauth, & le Prince de Lorraine fe feroit vu contraint de couvrir la Moravie , d'oü jl tiroit fes vivres. Ses magafins étoient étabüs en échelons; le plus voifin étoit celui de Pardu» bitz, derrière celui-Ia venoit celui de Chrudim, & plus vers la Moravie celui de Teutfchbrod. Si cette marche fe füt exécutée, elle dérangeoit toute 1'économie des Autrichiens; elle mettoie l'armée du Roi en état de tirer fes farines de Glatz, au lieu de les faire venir de Schweidnitz, ce qui étoit égal. Si le Roi préféroit d'agir vers fa droite , il pouvoit paffer 1'Elbe non loin de Smirgitz & prendre le camp de Clumetz, qui étoit bon & trés. avamageux; il avoit derrière lui de grandes plaines, qui fourniffoient des fourrages en abondance: dela il dpnnoit de la jaloufie aux Autrichiens fur Pardubitz, & coupoit en quelque faeon la communiH a  17* HISTOIRE cation des Saxons avec Ia Lu face. Ce dernier parti fut préféré au premier, furtout 'a caufe des Saxons, le Roi ayant eu vent que le Comte de *** méditoit quelque deffein.fur Ia Marche électorale. Pour mieux cacher fes vues a rennemi, le Roi détacha M. de Winterfeld avec 3,oco hommes pour le camp de Reichenau, en même temps que l'armée fit un mouvement fur fa droite pour paffer 1'Elbe non loin de Jaromirtz, oü tous fes détachemens Ia rejoignirent. La grande armée appuya fa droite fur un bois, oü 1'on pratiqua un abatis; fa gauche s'appnyoit a 1'Elbe auprès 8u villsge de Néchanitz, ayant 1'avantage des hauteurs & du glacis d'un bout du camp it 1'autre. M. Du Moulin repaffa la Métau avec 6 bataillons & 40 efcadrons, & fe pofla a Skalitz, pónr affurer la communication des vivres entre Jaromirtz & Neulladt, oü il y avoit un bataillon en garnifon. Peut- être le premier projet dont nous avons parlé auroit.il ére meilleur que celui qu'on exécuta. On a fu depuis que Ie Duc de Weiffenfels n'auroit pas fuivi le Duc de Lorraine vers les frontières de la Moravie. De Reichenau a Glatz H n'y a que cinq milles, au lieu qu'il y en avoit dix de Clum a Schweidnitz , ce qui rendoit le transport des vivres plus d.fficile; mais les hommes font des fautes, & celui qui en fait le moins, a des avantages fur ceux- qui en font plus que lui. Tout le temps que l'armée féjourna a Clum ne fut employé qu'a des fourrages de la part des deux armées, & a poulfer de part & d'autre dés partis  J)E MON TEMPS. *7i pour les empêcher. De tous les officiers autrichiens il n'y eut que le feul Colonol Derchofi qui fe fignalat a Ia petite guerre; il fit quelques prifeÉi que M. de Fouquet vengea par les partis qu'il envoyoit de Glatz fur les derrières de l'armée autrichienne & qui les défoloit nt par de fréquentes prifes qu'ils faifoient fur eux. II y avoit un pofte détaché a Schmirfitz, qui mit un nouveau ftratagème en ufage pour intimider les Hongrois qui venoient tirer fur une redoute & fur une fentinelle placée prés du pont de 1'EIbe; c'eft une plaifanterie qui délaffera le lefteur de la gravité des matières qu'il a fous les yeux. Quelques fentinelles ayant été blelfées par des pandours, les grenadiers de Kalkftein s'avifèrent de faire un manequin , de 1'habiller en grenadier & de Ie placer a 1'endroit oü étoit la fentinelle ; ils falfoient mouvoir cette poupée avec des cordes, "de forte qu'a une certaine diftance on la prenoit pour vm homme; ils s'embusquèrest en même temps dans des broulfailles voifines. Les pandours arrivent & tirent; le manequin tombe, les voila qui veulent fe jeter delfus; auffitót par un feu trésvif des brouflailles, les grenadiers fondeiit fur eux & font prifonniers tous ceux qu'ils avoient bleiTés: depuis ce temps-la ce pofte fut tranquille. Mais revenons a des objets plus importans. Depuis la bataille de Friedberg le Prince de Lor. raine u'avoit celfé d'importuner Ia cour pour qu'elle le renforcat. On lui envoya alors 8 régimens, tirés enpartie de la Bavière, de l'armée du H 3  m u I S T O I R E Rhin, & de Ia garnifon de Fribourg, dont 1'échange venoit de fe faire avec les Francois; mais en méme temps que ces fecours arrivèrent, le Duc de Weiffenfels Ie quitta, ne lui lailfant que 6,000 Saxons, au lieu de 24,000 qu'il y avoit. Voici Ia raifon de cette retraite: le Roi avoit été informé que Ie Roi de Pologne étoit en négociation avec les Bavarois, pour prendre r moyennant des fubfides, 6,000 hommes de ces troupes a fon fervice. Ces troupes auroient pu faire une facheufe diverfion dans le Brandebourg. Les voies d'accommodement étoient fermées en Saxe; la feule facon de contenir cette cour étoit celle de 1'intimider. Pour cet eifet le Prince d'Anhalt ralfembla fes troupes auprès de Halle ; il fut renforcé par 4 régimens d'infanterie & 3 de cavalerie que M. de Gefsler lui mena de Bohème. Les Saxons pouvoient s'attendre que le Prince d'Anhalt agiroit offenfivement contr'eux; ce corps étoit alfez fort pour les fubjuguer. Un manifefte parut en même temps, dans lequel on déclaroit que le Roi ayant devaüi lui rexcmpie de la Reine de Hongrie, qui avoit traité en ennemis les alliés & les 'troupes auxiliaires du défunt Empereur, favoir les Heflbis, les Palatins & les Pruffiens, que le Roi, dis-je, fe croyoit autorifé a traiter également en ennemis les Saxons, auxiliaires de la Reine de Hongrie, & a leur faire éprouver tout Ie mal qu'ils avoient fait ou médité de faire, aux Etats du Roi. Le Prince d'Anhalt avoit déja le bras levé; il falloit frapper, Jorfque ia  DE MON TEMPS. 175 fignature de Ia convention de Hanovre fufpendie Ie coup qu'il alloit porter. II faut fe fouvenir que les Franpois n'avoienc accompli aucun des articles du traité de Verfa.lles; qu'ils refufoient tout fecours aux Pruffiens; que la retraite du Prince de Conti abandonnant le tróne impérial au premier occupant, les Franpois rompoient tous les Hens qui les unilToient aux princes d'Allemagae. II faut joindre a ces raifons une raifon plus forte encore, 1'épuifement total des finances. Ces motifs portèrent le Roi a négocier la paix; la convention de Hanovre avoit pour bafe la paix de Breslau, & le Roi George s'etigageoit de plus d'en procurer la garantie de la part de toutes les puiflances de 1'Europe a la paix générale. Le Roi promettoit de fon cóté de reconnoltre Empereur le Grand Duc. de Toicane. George, après avoir été long.temps balloté entre fes miniftres de Hanovre & le Lord Hartinetdn. figna ce traité le 22 Septembre. 11 paroifibit alors que la pacificatioa de i'Empire fuivroit immédiatement la convention de Hanovre : Bïtt's ft ne fuffifoit pas d'avoir calmé les paflions. du Roi d'Angleterre; il y avoit des enuemis plus irréconeiliables qui vouloient abattre Ia puilfance naiflante des Ptusfiens. ***a Dresde, & Bartenftein k Vienne jugeoient que le moment en étoit venu, & ils vouloient profiter des circonftances qu'ils croyoicnt leur êire favorables. La couronne impériale rehauffoit la fie'rté de la cour de Vienne, H4  l7<* HISTOIRB & le défir de partager les dépouiiles d'un ennemi donnoit de la fermeté a celle de Dresde. U fera peut - être néceflaire, pour 1'intelligence des faits, de rapporter de quelle manière la diirnité impériale retourna a la nouvelle maifon d"'Au. triche. Depuis Ia paix de FulTen, le Comte de Ségur avoit pris le chemin du Necker, pour fe joindre au Prince de Conti. M. de Bathyani Ie fuivit & traverfa 1'Empire, afin de fe joindre au corps du Duc d'Aremberg, qui avoit fon quartier a- Weilbourg. La France auroit dti dans ca moment faire les derniers efforts pour empêcher. cette jonétion ; mais elle n'agifibit pas. Le prétexte de Ia guerre étoit d'empêcher que la dignité impériale ne rentrat dans la nouvelle maifon d'Autriche: la France devoit donc rasfembler des forces aux environs de Francfort, ce qui 1'auroit rendue makreffe de 1'éleéüon; il falloit autorifer Ie Prince de Conti a- chaffer Ie Duc d'Aremberg du voiflnage de cette ville, & em. pêcher furtout fa jonftion avec M. de Bathyani,. qui donnr.it une fupérioti:é marquée aux Autrichiens fur les Franpois. Louis XV & Ie Prince. de Conti avoient fouvent affuré le Roi dans. leurs lettres, qu'au rifque d'une bataille ils s'op. poferoient a 1'éicétion du Grand Duc; c'étoient de belles paroles. La bataille ne fe donna point. Le Prince de Conti fut obligé de détacher 15,000 hommes pour Ia Flandre. Le Comte de Traun eut Ie commandement de l'armée de 1'Empire. II  DE MON TEMPS. 177 11 détacha Ba;renk!au'& lui Sc paffer le Rhin a Biberich. Le Prince de Conti en prit 1'alarme; il fit fauter fon pont d'Afchaffenbourg , rompre celui de Hcechft & fe retira it Gerau fur le Rhin. Le Grand Duc fe rendit en perfonne k fon armée. Traun paffa le Mein. Brerenklan défit quelques compagnies franches du Prince de Conti auprès d'Oppenheim. Sur cela les Francois n'y tinrent plus. Le Prince de Conti repaffa le Rhin a Germersheim & a Rheinrurkheim. Son équipage fut pris par les ennemis, qui 1'inquiétèrent fort dans fa retraite ; il fe campa a Worms derrière Ie ruiffeau d'Ofthofen, fe retira de Ia a Mauterftadt, oii il finit unö campagne peu glorieufe pour les armes fran. coifes. La retraite du Prince de Conti fuc le (ignal qui fit éclater 1'efprit de vertige des princes de 1'Empire & leur attachement pour la maifon d'Autriche. On s'étonne avec raifon, en con. fidérant la hauteur & le defpotisme avec lesquels cette maifon avoit gouverné 1'Allemagne, qu'il fe trouvat des efclaves affez vils pour fe foumettre au jong qu'elle leur impofoit ; & cependant le grand nombre étoit dans ces fen« timens. Le Roi d'Angleterre avoit a fa difpolïtion tout le collége éleftoral; il étoic mattre de la diète de 1'Empire. L'ÉleétBur de Maïence devoit fa fortune a Ia maifon d'Autriche, & n'étoit qua 1'organe de fes volontés. C'eft un tncieu ufage que le doyen du collége éleftoraH 5  17% HISTOIRE inviie les élefteurs a la cfiète d'éleétion. Aprés la mort de Charles VII, l'Êleéteur de Maïence s'acquitta de ce devoir & fixa 1'ouverture de la diête au I de Juin. Le Baron d'Erthal, chargé de cette atnbaffade, fe rendit a Prague & fit la niéme invitation au rcyauine de Bohème qu'aux autres éleéteurs; ce qui étoit contraire aux décifions de la derniére diéte, qui portoit qu'on lailferoit dormir Ia voix de Bohème. On avoit craint au commeucement de l'année 1745, tant a Vienne qu'il Hanovre , que l'armée du Prince de Conti n'empêchat a Francfort les partifans du Grand Duc de Tofcane de lui donner leurs voix , & 1'on avoit jeté les yeux fur la ville d'Erforc pour y alfembler la diète ; cela auffi étoit contraire aux lois fondamentales du corps germanique, furtout a Ia bulle d'or: Ia foibielfe des Franpois fauva cette transgrelfion a la Reine de Hongrie. La diète de 1'Empire s'alTembla donc a Francfort le 1 de Juin. La France donna 1'exclufion au Grand Duc; mais l'armée da Prince de Conti, qui devoit appuyer cette déclaration, ayant déja difparu, c'étoit de la part des Franpois un aveu tacite d'impuilfance, qui leur aüéna le cceur de tous leurs alliés. Les miniftres de Brandebourg & de 1'ÉIeéteur Palatin remirent un mémoire a Ia diète,lequel demandoit 1'examen de trois poins: 1. fi les ambaffadeurs invités par 1'Éleaeur de Maïence étoient admiffibles a donner leur fuffrage? 2. fi leurs cours avoient toute la liberté requife feloala bulle d'or? 3. fi quelque*.  DE BI ON TEMPS. 179 uns ne s'en étoient pas privés eux.mêmes, ou par des proraeiTes, ou par venalité ? Le premier de ces points regardoit l'ambafladeur de Bohème, qui ne devoit point être admis; le fecond délignoit l'ambsffadeur palatin, dont le fecrétaire avoit été enlevé par les Autrichiens aux portes de Francfort; & presque tout Ie collége éleéloral fe trouvoit dans le troilïème cas. Ils finirent en proteftant contre 1'alfemblée da la diète, qui feroit cehfée illégsle jusqu'au redrelfement de ces griefs, & fe retirèrent. Comme une faufié démarche en entralne une autre, la cabale autrichienne palfa par delfus toutes les bienféances; & fans avoir égard a ces proteftations, le jour de 1'éleétion fut déterminé au 13 de Septembre. L'ambaffadenr brandebourgeois & le palatin fe retirèrent a\ Hanau, en protefiant contre cette aiTemblée illicité & fchismatique, dont les réfolutions & les opéritions devoient être regardées comme nulles. Le Grand Duc fut élu Ie 13 Septembre, au grand contentement du Roi d'Angleterre & de Ia Reine de Hongrie. Reftoit a favoir s'il convenoit mieux au Roi de ieconnoïtre purement & fimplement le nouvel Empereur, cu de lui rompra entièrement en vifiêre , en déclsrant qu'il ne reconnoilfoit ni éleétion ni élu. Ce prince tint un jufte milieu entre ces deux partis. II gard* un profond filence, paree que* 10. il ne pouvoit mettre la France tn aétion pour renverfer ce qui s'étoit fait a Francfort, & qu'en fecond' IietI reconnoltre l'Empereur fans nul befoin, c'aurait II 6  itioi H I S T O I R E été fe priver a la paix du mérite d'une complaii fance qu'on pouvoit alors faire valoir. La Reine de Hongrie jouilloit déja paifiblement a Francfort, du fpcdiacle. de cette couronne impériale qu'elle. avoit placée avec tant-de peine fur hrtête de foir époux; elle lailfoit la repréfentation a l'Empereur,. & réi'ervoit pour elle 1'autorité; -elle n'étoit pas même, fachée qu'on remarquat que le Grand Duc étoit le fantóme de cette dignité & qu'elle en étoit 1'ame. Cette pTinceife montra trop de hauteur pendant fon féjour a Francfort ; elle traitoit les .princes comme fes fujets , 'elle fut méme plus qu'impolie a 1'égard du Prince GuilIaume de HeiTe. Elle annon^oit ouvertemeut. dans fes difcours, qu'elle aimeroit mieux perdre. fon.cotillon que la Siléfie; elle difoit dn Roi de Pruffe , qu'il avoit quelques qualités, mats qu'elles étoient ternies par 1'inconflance & par 1'injuftice. Par le moyen d'émiffaires fecrers le. Roi avoit fait lacher a Francfort quelques propos de paix, qui furent tous rejetés. La fermeté de 1'Impératrice dégénéroit quelquefois enopinidtreté ; elle étoit comme enivrée de la. dignité impériale qu'elle venoit de remettre dansfa maifon. Uniquement occupée de perfpeélivesriantes, elle croyoit déroger a fa grandeur en entrant én négociation d'égal d égal avec un prince qu'elle accufoit de rebellion. A ce motif. de vanité fe joignoient des raifons d'Etat plus folides.. Depuis Ferdinand I les principes de Ia maifon d'Autriche tendoienc il établir le defpotis»-  DE MON TEMPS. ritte en Allemagne: rien tfétoir dottT plu* acquit trop de puiffance; qu'un Roi de 1 rulle, fo rifié des dépouilles de l'Empereur CharlesVI, employant fes'forces contre l'ambit.on nut„. 2n7e, routine contre elle avec tropdefficace les übertés du corps germanique. Voila les véritables raifons qui empechèrent Ieour de Vienne d'accéder au traité de Hanovre* Le Rol" de Pologne avoit des raifons differentes. Son objet principal étoit de conferver la co» ronne de Pblogne dans fa maifon, & pour s'en affurer davantage , il efpéroit par cettei guerre gagner une communication de la Saxe en Pologne Var la Siléfie ; il ambitionnoit la poffeffion du duché de Glogau, ou de plus même, s'il pouvoit Pobtenir, &***, qui croyoit le Roi de Pruffe aux abois, ne vouloit point de compofit.oti. Les e'pérances bien ou mal fondées de ces deux cours empêchèrent que la convention de Hanovre ne devint alors une paix entre ces trois puiflances belligérantes. Cependant le Roi d'Angleterre fe flattoit, a force d'infilter fur la même chofe, de ramener enfin 1'Impératrice & le Rol de Pologne' a fon fentiment: les «ffurances qu'il en donnoit au Roi de Pruffe, firent fufpendre lexpedmon de Saxe. Dans ces circonfta'nces d'ailleurs il n'auroit pas été convenabie d'embrouiller les affaires plus qu'elles ne 1'étoient déja, & dentrepreadre une nouvelle guerre. Cette modération le Roi mit dans fa conduite , ne pouvoit HZ  t«* RISÏÖIRE rourner qu'a Ia confufion de fes ennemis, qnr tachoient, en calomniant fes démarches, d'attirer f«r lui Ia haine des fouverains de route 1'Europe. Mais ces mefures que 1'on vouloit garder avec ïa Saxe, n'empêchoient pas de pouffer Ia guerre avec vigueur contre ITmpératrice Reine. On fe trompe lorsqu'on croit fléchir fon ennemi en le ménageant les armes a la main; 'les viétoire? feules le forcent h la paix. C'eft ce qui fit qu'on prelfa les opérations de M. de Naflau. Cofel lui oppof» «ne foible réfiftance; il ouvrit Ia tranchée du cóté de la bafle Oder; le feu prit par acci. dent r* quelques maifons; ce qui obligea ie com. mandant a fe rendre Ie 6 de Septembre. M. de Naffau y fit prifonniers 3>0oo Croates , & De perdu.au fiége que 45 hommes. Ce Général après avoir ravitaillé la ville & y avoir lailTé unê garmfon de raoo hommes, re porta fur Troppau avec fa petne armée: de Ia fes partis mirent . contnbution quelques cercles de la Moravie- il •ut de petites affaires avec les Hongrois, dont i fortrt toujours avec avantage & avec gloire Ma1S tl eft temps de retourner en Bohème, on nous avons laiffé farmée pruflienne au camp de Clum & celle des Autrichiens a celui de KaLs. grsetz. Les ennemis tentèrent deux fois d'em. porter de vive force Ia petite ville de Neuftadt oü commandoit le Major Tauenzien ; mais ils furent toujours repouffés par la valeur d» ce digne officier. Ce pofte étoit trés-important, farce «ju ft afluroic Ia communicaiion de la Siléfie  DE MON TE MES. rtj re Prince de Lorraine, qui fe cToyoit plus fort par les fecours qu'il avoit recus, qu'affoibli paf fe départ des Saxons, pafiTa 1'Adler, & s'établic dans le camp que les Pruffiens avoient en entre Kcenigsgmz & Caravalhota. Les Pruffiens firent m mouvement en conférence; ils m.rent 1 albe devant leur front , leur droite li Schm.rfitz & leur gauche a Jaromirtz. M. DU Moulin garda fon pofle de Skalitz & le Général Lehwald occupa la hauteur de Pies au confluent de la Métau dans 1'Elbe ; de forte que les Pruffiens tenoient ces deux rivières. M. de Valon avoit pris un logement dans le fauböurg de Jaromirtz; on 1'avertit qu'il valoit mieux entrer en ville & il n'en voulut rien croire. Un partifau autrictuen, nommé Franquini, qui entretenoit des intelligen» ces avec 1'hóte du Marquis, tenta de 1'enlever. U fe gliffa par des granges & des jardins; mais par méprife il enleva le Secrétaire au lieu du Miniftre. Ce Secrétaire, nommé d'Arget , eut fefprit de déchirer toutes fes lettres; pour fauver fon maltre 11 dit qu'il étoit Valori, & ne détrompa Franquini que lorsqu'il n'étoit plus temps de „rendre le Miniftre. Par fa pofition 1 armée Lffienne étoit inattaquable. Suppofé même que fe Prince de Lorraine eüt voulu tenter le paffage de la Métau a 1'aide de plufieurs ponts conftruit» fur 1'Elbe, le Roi pouvoit fe porter derrière l'ennemi & le couper de Koenigsgrretz. Franquin» étoit le feul qui donnat quelques inqulétudes pour Ï5S vivresv Mm potó dans une fotêt nommee.  I** HI ST O I R E vulgairemeut Ie Royaume de Silva ; ce boij communiqué aux chemins de Braunau , Starckfladt & Trautenau; il romböit de ce repaire fur les convois qui venoient de la Siléfie. Chaque convoi avoit une petite bataille a livrer; fouvent il falloit y envoyer des fecours ; cela fatiguoit les troupes & 1'on ne fa nourriflbit que 1'épée k la main; L'Impératrice. Reine cependant commenfoft k s'ennuyer de cette guerre, qui ne décidoit rien. Preffée par le Roi d'Angleterre de faire la paix, elle voulut au moms tenter encore la fortune avant' de quitter la partie, & donna au Prince de Lorraine 1'ordre précis d'agir offenfivement, & s'il' lè pouvoit avec avantage, d'cngager une affaire générale avec les Pruffiens. Pour 1'aider dans une entreprife auflï importante , elle lui avoit formé-une efpêce de confeil, compofé du Duc d'Aremberg & du Prince de Lobkowitz; elle les envoya tous deux a l'armée, fe flattant d'avoir pourvu a tout, & que la fortune qui avoit couronné fon époux k Francfort, lui gagneroit des batailles en Bohème. On fut bientót dans le camp pruffien que Mrs. d'Aremberg & de Lobkowitz avoient joint le Prince de Lorraine, & 1'on devina a peu prés les intentions de cette princefTa. Le Prince de Lob. kowitz, d'un tempérament violent & impétueux, vouloit attaquer & ferrailler fans ceflé; il envoyoit tous les jours les houfards a la petite guerre, fouvent même mal apropos, & s'emportoit lors' yis Nadafli ou Franqiuni avoient efluyé quelque  DE MON TEMPS. 1*5 échec. Le Prinee dV Lorraine, qui connoiffoit les Pruffiens pour avoir fait trois campagnes contre eux, auroit préféré la guerre de chicane a celle qu'on lui ordonnoit de faire; il fe feroit contenté de difputer les fubfiftances, de confumer fon enne- , mi a petit feu & d'accumuler beaucoup de petits avantages, qui réunis font 1'équivalent des plus grands fuecès. Pour le Duc d'Aremberg, appéfanti par l'dge, il étoit de 1'avis du dernier;qui opinoit.. Les deux armées n'étoient diftantes 1'une de 1'autre que d'une demi-portie de canon. Le Roi, de fa tente,,gui étoit fur une hauteur, voyoit tous les jours les généraux ennemis venir reconnoitre fa pofition: on les auroit pris pour des aftronomes, car ils obfervoient les Pruffiens avec de grands tubes; enfuite ils délibéroient enfemble ; mais ils ne pouvoient rien entreprendre contre un camo qui étoit trop avamageux & trop fort pour être brusqué. Bientót les ennemis don. nèrent 1'alarme au corps du Général Lehwald; 1500 pandours pafTèreni la Métau pendant la nuit & fe retranchèrent fur une hauteur voifine de celle des Pruffiens; un eflaira de troupes légères devoit les fuivre. M. de Lehwald ne leur en lailTa pas le temps; il marcha a eux a la tête de a bataillons , les chafia la baïonnette au bout du fufil de leur redoute, leur prit 40 hommes & les fit pourünvre par fes houfards. Le pont de la Métau fa rompit pendant leur fuite précipitée & plufieurs fe noyèrent. Cette belle aétion de M..de Lehwalcfempêcha les Autrichiens d'établir une commune  HISTOIRE cation avec Franquini, qui vouloit empécher les convois d'arriver au camp pruiïïen. Le Prince de Lobkowitz ne fe rebutoit pas pour avoir manqué quelques projets; il en formoit fans celTe de noue veaux & tenta pour la troifième fois de prendre Neuftadt. La ville fut invetlie ie 7 Septembre par 10,000 hommes; Je Roi n'en fut informé que Ie 12. II envoya incontinent Du Moulin & Winterfeld a fon fecours. Winterfeld avec 300 fantaiïïns du régiment de Schwérin, forca le pasfage d'un bois défendu par 2,000 pandours; les Hongrois perdirent 2 canoas, & furent jetés dan* une efpêce de précipice qu'ils avoient derrière leur front. A 1'approche des Pruffiens, le fiége de Neuftadt fut levé; ils repasfèrent la Métau & fe retirèrent dans leur camp. M. de Tauenzien, enfermé dans une bicoque fans défenfe, dont la muraille étoit crevaffée en beaucoup d'endroits, avoit foutenu cinq jours de tranchée ouverte contre 10,000 ennemis qui 1'affiégeoient & qui, les deux derniers jours, lui avoient coupé ies canaux qui portoient 1'eau aux fontaines de Ia ville: les murailles avoient été battues par dix piéces d'artillerie, qui en(avoient fait écrouler un pan confidérable. Nous avons vu des places fortifiées par les Vauban & les Ccehorn ne temt pas auffi longtemps a proportion: ce n'eft donc pas. toujours la force des ouvrages qui defend les places, mais plutót la valeur & 1'intelligence de 1'officier qur y commande. Le pofte de Neuftadt ne pouvoit plus fe défendre, depuis que 1'eau y manquoit^  DE MON TEMPS. *8/ taais en 1'abandonnant on perdoit k 1'égard de la füreté des convois : cependant les fourrages étant tous conruraés dans le voifinage, il étoit i propos de changer de pofition, & 1'on ruina les murailles de cette ville. Le 18 Septembre l'armée paffa 1'Elbe auprès de Jaromirtz & fe campa i Kowalkowitz, fans que l'ennemi fit le moindre mouvement pour s'y oppofer. 11 fallut de ce camp détacher Ie Géaéral Polentz avec iooo chevaux & 3 bataillons, pour couvrir la nouvelle Marche & 1'Oder contre un corps de 6,000 ulans que le Roi de Pologne avoit levé , & qu'il vouloit attlrer en Saxe, pour y joindre fe» autres troupes; les autres détachemens rentrèretïl dans l'armée & M. Du Moulin en couvrit la gauche» II fe fit ce jour.lsi un feu de joie dans 1'ar. mée autrichienne, pour célébrer 1'éleétion d* Grand Duc; le nom d'armée impériale réjouifioic les officiers qui la compofoient; deux'jours fe palfèrent en feflins, oü le vin ne fut pas épargné. Peut-être auroit-ce été le moment d'attaquer; mais le Roi ne voulut point s'écarter de fon plan de campagne. H réfolut donc de tranfporter fon camp a Staudentz; le chemin qui y conduit, paffe par une vallée bordée de bois* & de montagnes qui tiennent a la forêt de Silva, Franquini s'embusqua auprès du village de Liebenthal, fur le chemin oü la feconde colonne; devoit paffer. Le Prince Léopoid, qui la couduifoit, détacha quelques bataillons, qui traquè> rent le bois, en méme temps que M. da Mala»  "8 B I ST O l R E chowsky, a la tête de quelques centaines de houfards, grimpant fur ces rochers efcarpés, aida1 infanterie a chafTer ce partifan de fon embuscade: cette aélion, la plus hardie que la cava. lerie puiiTe entreprendre, combla M. de Malachowsky de gloire. II eut cependant 20 hommes de tués &. 40 de blelTés dans cette affaire, L'armée n'e.ntra que fur le tard dans le camp de Staudentz. M. de Lehwald avec fon corps occupa Starckftadt, & M. Du Moulin fe rendit a Trautenau avec fon détachement, pour couvrir les con. vois qui venoient de Ia Siléfie. Les Pruffiens embraffoient ainfi. toute Ia chalne des moniagnes qui cóto'ient les frontières de' Ia Siléfie depuis Trautenau vers Braunau; cette partie fut radicalement fourragée, & 1'ermemi n'auroit pas été en état d'y fuBfifler pendant 1'hiver. Cela formoic une barrière qui mettoit jusqu'au printemps prochain Ia Siléfie a couvert d'incurfions. Les four. rages fe faifoient toutefois avec bien plus de diffi. culté que dans les plaines , par Ia nature du terrain coupé & difficile qui environnoit Ie campj afin de he point expofer les troupes a quelque affront, il falloit des convois de 3 000 chevaux & de 7 a 8,000 hommes d'infanterie pour couvrir les fourrageurs; chaque botte de paille coihoit un combat. Moratz, Trenck, Nadafli, Franquini étoient tous les jours aux champs; enfin c'étoit une école pour la petite guerre. De tous les officiers autrichiens Franquini étoit celui qui avoit la connoiffance la plus exaéle des chemins qui vont-  DE M Ó IV TEMPS. l86 H I ST O IR B pour fuivre 1'infanterie en feconde ligne. Le» gendarmes, PrulTe , Rottembourg & Kiau, qui faifoient ïo efcadrons, furent envoyés a la gauche de l'armée, pour y renforcer cette aile, tandis cue 1'infanterie de la droite prenoit celle de 1 ennemi en flanc, & la menoit battant devant elle en la faifant replier fur la droite des impériaux. Les gardes,qui étoient au centre de la ligne,condu.tes par le Prince Ferdinand de Bronfwic, attaquerent aiors une hauteur que les ènnemis tenoient encore; .He étoit efcarpée & chargée de bots; ell fut emportée cependant: & ce qu'il y avoit de finX , c'eft que le Prince Louis de Bronfw.cla ffioit contre fon frêre. Le Prince Ferdinand fe diftingua beaucoup dans cette occafion. Le *rain d„ combat n'étoit alternativement que fonds & hauteurs, ce qui engageoit fans cefle de Suve.« combats; car les Autrichiens tacho.en d°e fe rallier fur ces hauteurs, mais repodfc. » f 11■« reorifes, la confufion devint générale & IÏSu Sda la fuite. Toute la catnpagne él0ir ouverte de foldats débandés; cavaliers & f n aftns, tout étoit mêlé. Tandis que farmée Sieimé Viftórieufe pourfuivoit a grands pas f Scns les cuirafliers de Bornltedt, qui les vaincus , ies c le COffibrDamni £ un bataln 1 Collowrat, **■ ,oTapeauX & «rent ifco prifonniers. f^rSdlsilv, LeRoiarrêtalapou,  DE MON TEMPS. *9T fuite au village de Sorr, dont la bataille porte la nom; derrière ce village eft la forêt de Silva djnt nous avons tant parlé ; il ne falloit pas y fuivre l'ennemi; c'auroit été risquerrml a propos & fans néceffité de' perdre tous les avantages qu'on venoit d'obtenir : c'étoit bien affez qu'un corps de 18,000 hommes en eüt battu au dela de 40,000, & même il n'y avoit rieu il gagner en fe hazardant d'aller plus loin. Les vainqueurs perdirent le Prince Albert de Bronfvvic; Ie Général Blanckenfée; les Colonels Brédow , Blanckenbourg, Dohna, Ledebour,- les Lieutenant-Colonels Lange & Wédel des Gardes & loos foldats; viftimes illuftres qui facrifièrent leur vie pour le falut de 1'Etat. On comptoit que Ie nombre des blellés montoit a 2,000. Les vaincus perdirent 22 canons, 10 drapeaux, 2 étendards, 30 officiers & 2,000 foldats qui furent faits prifonniers. Le Prince Léopoid fe diftingua dans cette journée, & furtout le Maréchal de Buddenbrock & le Général Goltz, qui avec douze efcadrons en battirent cinquante. Si cette bataille ne fut pas auffi décifive que celle de Friedberg, il faut s'en prendre au terrain oü elle fe donna. L'ennemi qui fuit dans une plaine, doit fouffrir des pertes confidérables: celui qui a le deffous dans un pays montueux , eft a 1'abri de la cavalerie, qui ne peut 1'entamer confidérablement; & quelque petit que foit le nombre de ceux qui fe rallient fur la crête des hauteurs, ce nombre eft fuffifaut pour rallentir la pourfuite du vainqueur, I 3  ipS HISTQIRE Le projet" de cette bataille, concu par Ie Piince de Lorraine, ou par Franquini, auquel d'autres 1'attribuent, étoit beau & bien imaginé. Le pofte des Pruffiens étoit fans contredit mauvais; 1'on ne peut les excufer de n'avoir penfé qu'a leur front & d'avoir négligé leur droite, qui étoit dans un fond doininé par une hauteur éloignée de mille pas feulement. Mais fi les Autrichiens favoient imaginer', ils n'avoient pas le talent de 1'exécution: voici les fautes qu'ils commirent. Le Prince de Lorraine auroit du former fa cavalerie de la gauche devant le chemin de Trautenau & a dos du camp pruflien; en barrant ce chemin, farmée du Roi n'avoit ni terrain pour fe former, ni moyen d'appuyer fa droite. Le Prince de Lorraine pouvoit auflï en arrivant fur le terrain !4cher cette cavalerie, pour donner a bride abattue dans le camp pruflien. Le foldat n'auroit eu le temps ni decourir aux armes, ni de fe former, ni de fe défendre; c'auroit été fe procurer une viétoire certaine. On dit que M. d'Aremberg avoit égaré fa colonne pendant Ia nuit, & qu'il s'étoit formé a rebours, le dos tourné vers Ie camp du Roi: cela reffemble afllz au Duc d'Aremberg, & c'eft, dit.on, ce qui fit perdre du temps au Prince. de Lorraine, qui s'occupa long-temps a réparer ce défordre. Mais lorsque les Pruffiens commencèrent a fe,préfemer fur le champ de bataille, qui empêchoit alors le Prince de Lorraine de les faire attaquer tout de fuite avec fa cavalerie ? Cette gauche auroit fondu d'une hauteur fur des trou-  DE MON" TEMPS. 199 pes occupées a fe former & fur d'autres qui défiloient encore. On trouvoit que le Roi n'avoit pas commis moins de fautes que fon adverfaire. On lui reprochoit furtout de s'être mis par le choix d'un mauvais pofie dans la néceffité de comfaattre, au lieu qu'un général habile ne doit fe battre que lorsqu'il le juge a propos. On difoit qu'au moins le Roi auroit dü être averti de Ia marche des Autrichiens. II répondoit a cette accufation, que fennemi lui étant de beaucoup fupérieur en troupes légères, il ne pouvoit aventurer fort loin les 500 houfards qui lui reftoient après tous les détachemens qu'il venoit de faire. Mais, objeftoit-on, il ne falloit pas tant faire de détachemens & s'afFoiblir fi fort vis-a- vis d'une armée fupérieure. II répondoit que Ie corps de Gefsler & de Polentz qui alla joindre Ie Prince d'Anhalt, pouvoit être regardé comme faifant 1'équivalent des Saxons qui s'en retournèrent chez eux ,■ que le détachement du Général da NalTau avoit été néceflaire pour pouvoir tirer de la Siléfie fes fubllftances, qui auroient manqué tout a fait fi les Hongrois qui infeltoient tout ce duché, n'en euflent été chalTés; que les détachemens de Dn Moulin & de Lehwald avoient été indifpenfables dans les gorges des montagnes, qu'il falloit garder, ou rifquer d'être affamé par l'ennemi. On n'avoit qu'autaut de chevaux qu'il en falloit pour amener , a chaque tranfport, de Ia farine pour cinq jours. Si un de ces convois eüt manqué, l'armée auroit été *4  2O0 H I ST O I R E fans pain & fans fubfifiances. On difoit que le Roi auroit dü fe retirer en Siléfie plutót que de hazarder une bataille en Bohème; mais le Roi étoit dans 1'idée qu'une bataille perdue en Bohème étoit de moindre conféquence qu'une bataille perdue en Siléfie; & d'ailleurs une retraite j.récipitée auroit indubitablement attiré la guerre dans ce duché. Ajoutez a cela que 1'on confommoit en Bohème les fubfiftances de l'ennemi, & qu'en Siléfie on auroit confommé les fiennes ; mais nous laiffbns'au lefteur Ia liberté de pefer ces raifons & d'en juger. On ne peut attribuer le gain de cette bataille qu'au terrain étroit par Iequel le Prince de Lorraine vint attaquer Ie Roi; ce terrain ótoit a l'ennemi 1'avantage de la fupériorité du nombre. Les Pruffiens purent lui oppofer un front auffi large que celui qu'il leur préfentoit. La multitude des foldats devenoit inutile au Prince de Lorraine, paree que fes trois lignes, presque fans diliance , preffées les unes fur les autres, n'avoient pas la facilité de combattre, & que Ia confufion s'y mettant une fois , elle rendoit le mal irrémédiable. Mais heureufemenc pour Ia PrulTe, la valeur des troupes répara les fautes de leur chef & punit les ennemis des leurs. Pendant que les deux armées fe battoient, les houfards impériaux pilloient le camp pruffien, la gauche & le centre n'ayant pas eu le temps d'ar battre les ternes. Nadafti & Trenck s'en prévalurent; le Roi & beaucoup d'officiers y perdirent tous leurs équipages; les fecré:aires du Roi furent.  DE MON TEMPS. 201 Airent même pris, & ils eurent la préTence d'esprit de déchirer tous leurs papiers. Mais covn. ment penfer a ces bagatelles, lorsque 1'efprit eft occupé des plus grands objets d'intérêt, devant lesquels tous les autres doivent fe taire, de la gloire & du falut de 1'Etat? M. de Lehwald, attiré par le bruic du combat, vint encore a temps pour fauver les équipages de la droite & inettre fin aux cruautés affreufes que ces troupes de Hongrois effrénés & fans difcipline exercoient fur quelques malades & fur des femmes qui étoient reftés dans le camp. De telles aétions révolteut l'humanité & couvrent d'iufamie ceux qui les font ou qui les tolèrent. II faut dire a la louange du foldat pruftieu qu'il eft vaillant fans être cruel, & qu'on fa fouvent vu donner des preuves d'une grandeur d'ame qu'on ne dolt pas attendre de gens de balfe cöndition. La poftérité fera peut-être furprife qu'une armée, viétorieufe dans deux batailles rangées, fe retire devant l'armée vaincue & ne recueille aucun fruit de fes triomphes. Les montagnes qui entourent la Bohème, les gorges qui la féparent de la Siléfie, la difficulté de nourrir les troupe.v la fupériorité de l'ennemi en troupes légères, .&' enfin raffoibliflement de l'armée, fournilfenc la folution de ce problème. Suppofé que le Rol eüt voulu établir fe"s quartiers d'hiver dans ce: royaume, voici les difficultés qui fe préfentoient:-' tout le pays étoit entiérement fourragé; on trou- • ve-dans ces comrées peu de villes, encore font-- 1-5.;  S02- H I S T O IR E elles petifes & ont.elles la plupart de mauvaifeS murailles; il auroit fallu, pour Ia fureté, y entalferles foldats les uns fur les autres,ce qui iiuroit ruiné l'armée par des maladies contagieufes; a peine avoit-on des chariots pour les farines, comment en auroit-on trouvé pour amener le fodrrage a la cavalerie ? Mais en quittant la Bohème le Roi pouvoit remonter, recruter, équiper les troupes, les mettre dans 1'abondance & leur donner du repos, pour s'en fervir s'il Ie falloit le printemps prochain-, outre qu'il paroilfoit probable qu'aprés la bataille de Sorr 1'Impératrice Reine feroit plus difpofée qu'auparavant a raccelTTon au traité de Hanovre. Après avoir campé parhonneur cinq jours fur Ie champ de bataille de Sorr, Ie Roi ramena fes troupes h Trautenau. Le. Prince de Lorraine étcit encore k Ertina, prét & retournero Koenigsgmzau bruic de 1'approche des Prulttens. On apprit dans ce camp que M. de NaiTau avoit battu, le jour de la bataille de Sorr, un corps de Hongrois auprès de Léobfchutz & qu'il avoit fait 170 prifonniers. M. de Fouquet avoit auffi trouvé moyen d'enlever 400 houfards entre Grulich & Habelfchwerdt, qui furent conduits a Glatz. M. Warneri, qui étoit avec 3oo^chevaux a Landshut, ayant appris qu'un nouveau régiment hongrois de Léopoid Palfy avoit marché a Bcehmifch. Friedland, les tourna, les furprit & ramena de fon expédition 8 officiers & 140 foldats prifonniers; mais comme 1'inforiune fee mèle fouvent au bonaeur, M. de Chazot, du  DE MON TEMPS. 203 corps de Du Moulin, ne fut pas fi heureux dans fon entreprife fur Marchendorff; il fut attaqué & battu par l'ennemi & perdit 80 hommes, ivprès que l'armée eut achevé de confumer les fubfiftances des environs de Trautenau, elle fe prépara z retourner en Siléfie par le chemin de Schatzlar.De toutes les gorges & de tous les défilés de la Bohème, les plus mauvais fe trouvent fur ce chemin: foit qu'on avance, foit qu'on recule, il faut ufer de toutes les précautions pofllbles pour y meuer les troupes avec fureté. Le petit ruifleau de Trautenbach couloir en ligne parallèle derrière le camp du Roi; des rochers & des forêts formoient 1'autre bord. Le 14 d'Oftobre les bagages prtrent les devans fous boune efcorte, pour rendre la marche plus facüe. On pofta le iscinq bataillons fur les montagnes , -pour protéger la retraite de l'armée & lui fervir enfuite d'arrièregar'de. L'armée décampa le 16; elle marcha fur 2 colonnes. Le Prince Léopoid, qui conduifoit celle de la gauche qui pafla par Trautenbach, arriva en Siléfie fans avoir vu d'ennemis. La colonne' de la droite, dont le Roi s'étoit chargé, fut précédée par la cavalerie; 1'infanterie pafia le ruifleau, avant que Franquini, Nadifli, Moratz &c. fufl'ent avertis de Ia marche des Pruffiens; ils accoururent enfuite avec 7 ou 8,000 hommes. Quoique tou-tes les hauteurs fuflent garnies d'infanterie, le progrès de la marche obligeoit fucceflivement 1'arriè'e-garde a les quitter; les pandours profi» torent alors de ces mémeS hauteurs abandonnées j> 16>  »P* II I S T O IR E pour faire feu fur 1'arrière.garde. Cette tirailleriedura depuis huit heures du matin jusqu'a fix heures du foir;ils tuèrent un capitaine & 30 hommes, & en bfedërent environ 80. Tout le corps de. Du Moulin avoit été employé a couvrir Ie dernier défilé qui^ mène a Schatzlar par une vallée. Ce corps arrêta l'ennemi, auquel une attaque dé ca. valerie que la petite plaine de Schatzlar permit de faire, caufa une pene de .300 hommes; U fe mit a. 1'écsrt, & M. Du Moulin défilant a fa droite pafla par les Rehberge & entra dans le camp par la route que le Roi, lui avoit ménagJe. L'armée féjourna a Schatzlar jufqu'au 19, qu'elle vint camper a Liebau fur le territoire de la Siléfie. Le corps de Du Moulin fut deftiné a former un cordon le long des frontières. Le refte de l'armée entra en quartiers de cantonnement entre Ronflock & Schweidnitz; elle pouvoit fe raflembler en fix heures de temps & fe trouvoit au large par Ia quantité de villes & de villages qu'il y a dans cette contrée floriflante. Ce fut-la que Ie Roi attendit Ia féparation de l'armée autrichienne, avant que de prendre des quartiers d'hiver. M. de Naflau,qui vouloit s'en procurerdans la haute Siléfie, furprit un corps de Hongrois a Haftehhn & chafla Ie Maréchal Efterbazi d'Üderberg; lei houfardi.de Wartenberg, qui étoient de ce corps s fe diftiiiguêrent également; ils batrirent les dragons de Gotha, leur enlevèrent un étendard & firent 111 prifonniers; Après cela M. de Nalfau marcha a Ponuba & les Hongrois s'enfuirent ij  DE'MON TEMPS. ao< Tefcneil & de Ia vers Jablunka. M. de Fouquet, qui ne vouloit pas être inutile a Glatz, fit enlever 200 houfards qui' s'étoient imprudemment enfer. més dans Nachod. Cet habile officier donna des marqués de génie & de capacité pendant tout le cours de cette guerre. Nous nous contenterons de dire que quarante partis qui fortirent de fa garnifon durant cette campagne, enlevérent plus de 800 hommes a l'ennemi. Le Roi apprit Ie 24 d'Oétobre que le Prince de Lorraine avoit féparé fon armée en trois corps'; il fuppofa que c'étoit dans Ie deffein de les étendre dans la fuite, paree que la faifon des opéra, tions militaires étoit paffée: il laiffa le comminde. ment des troupes au Prince Léopoid, en lui enjoignant de ne les point féparer davantage ,, avant d'en avoir recu Iss ordres. Le Roi partit pour Berlin, oü fa préfence de. venoit néceffaire, tant pour réchauffer les négociations qui commencoient a languir, qu'aSn de trouver des fonds pour la campagne prochaine, au cas que la paix ne put pas fe conclure pendant. 1'Mver.,  i0(J HISTOIRE CHAPITRE XIV. Révolution d'Ecofe, qui fait'quitter Hanovre au Roi d'Angleterre, & rallentit les négoctations de la paix. Deffein des Autrichiens & des Saxons fur le Brandehourg découvert. Contradiclions dans le confeil des minimes, projets de campagne. Le Prince d'Anhalt raffemble fon armée ct Halle. Le Roi part pour la Siléfie. Expédition de la Luface. Le Prince d'Anhalt marche a Meiffen. Bataille de Kefelsdorf. P.rife de Dresde. Négociation.& conclufion de la paix. S i. durant l'année 1745 les négociations des Pruffiens euffent eu autant de fuccès que leurs armes, ils auroiênt pu s'épargner auffi bien qu'a leurs ennemis une'effufion de fang inutile, & 1'on auroit eu la paix plutöt; mais plufieurs incidens auxquels on ne pouvoit s'attendre, rendirent les bonnes intentions du Roi impuilTantes. A peine le Roi d'Ang'eterre eut-il figné, presque ma'gré lui, la convention de Hanovre, que la rebellion d'Ecofie venant a éclater, elle 1'obligea de hater plus qu'il n'auroit voulu, fon retour a Londres. Un jeune homme, c'étoit le fils du Prétendant, paffe furtivement en Ecoffe , accompngné de' quelques perfonnes fidelles; i! fe tient caché dans une ite vers le- Nord des cótes, pour donner i'  DE MON TEM VS. sof fes partifans le temps d'afletmVer & d'armer leurs payfans, d'ameuter les montagnirds & de former une miüce qui füt au moins 1'ombre d'une armée. Par cette diverfion.la France armoit 1'Angleterre contre I'Angleterre; & un enfant, dibarqué en EcoiTe fans troupes & fans fecours, force 'le Roi George a rappeler fes Anglois qui défendoienr la Flandre, pour foutenir fon tróne ébranlé. La France fe conduifit fagcment dans ce projet, & elle du| a cette diverfion toutes les conqnêtes qu'elle fit depuis en Flandre comme en Brabant. A*i commencement le Roi d'Angleterre & fes miniftres méprifèrent le jeune Édouard, fon foible parti, & cette rebellion naiffante. On difoit a Londres que c'étoit la faillie d'un prêtre Jacobite, (le Cardinal Tencin,) & Téquipée d'un jeune étourdi. Cependant ce jeune étourdi battit & chalfa le Général Cop, que le gouvernement avoit envoyé contre lui avec ce qu'on avoit pu en hdte ralfembler de troupes. Cet échec ouvrit les yeux au Roi; il lui apprft que dans un gouvernement ariftocratique une étincelle peut allumer un ineen, die. Les affaires de 1'Ecoffe abforbèrent toute 1'attention de fon cemfeil: les négociations étratu gères tombèrent en langueur; les alliés de 1'Angleterre Ia croyant aux abois, n'eurent plus pour elle la même confidération. Ce qu'il y avoic de facheux, c'efl que la convention de Hanovre commencoit a -tranrpirer; les- Autrichiens & les Saxons 1'aveient ébruitée, & cela pouvoit pro* duire un mauvais effec chez les Francois , qui  a68' U 1 ST O I RE étoient cependant ies feuls alliés qu'eüt la Pruilt II arriva donc que la diverfion que le jeune Édouard faifoit en Ecofle, en devint une pour la Reine de Hongrie, en ce qu'elle lui procura la liberté de faire contre Ie Roi de PrulTe les derniers • efforts, malgré le Roi d'Angleterre, dont alors a Vienne on méprifoit les confeils. Le Roi, qui fe trouvoit a Berlin, épuifoit tous les expédiens pour trouver des fonds qui le milfent en état de continuer la guerre. Les revenus de la Siléfie ne s'étoient pas percus comme 'en temps de paix; les deux tiers en avoient manqué': il falloit chercher des reflburces, & il étoit bietr difficile de s'en procurer. Cet embarras étoit grand; les dangers que les ennemis préparoient a 1'Etat, étoient bien plus terribles. Voici corament le Roi en füt informé. Depuis le mariage du Prince fuccelfeur au tróne de Suède, avec la Princefle UIrique , fceur du Roi, les Suédois étoient en partie portés pour les intéréts de la PrulTe. M. de Rudenfchild & M. Wolfenftirna, miniftres de Suède, 1'un a la cour de Berlin, 1'autre a Dresde, étoient particulièrement attachés a la perfonne du R oi. Wolfenftirna étoit bien dans la maifon de ***; il faifoit la partie de jeu du miniftre. *** n'étoit pas Üufii circonfpefl en fa préfence qu'un premier miniftre, dépofitaire des fecrets de fon maitre, doit 1'être généralement envers tout le monde. Wolfenftirna découvrit fans peine que le plan de Ia cour de Vienne Sc deDresde étoit d'envoy.er l'armée du Prince de-  DE MON TEMPS. ao? Lorraine par la Saxe, d'oü, joint aux troupes faxonnes, il devoit pendant 1'hiver marcher droit è Berlin: il fit part de fa découverte a Rudenfchild, qui en avertit le Roi le 8 de Novembre, jour oü 1'on fuspendoit dans les églifes les trophe'es de Friedberg & de Sorr. Rudenfchtld ajouta que ce projet avoit été fait par *** » corrigé par Bartenftein , amplifié par Rutowsky, envoyé par Saul a Francfort it la Reine de Hongrie; que *** étoit convakicu qu'on écraferoit la Pruffe par ce coup, & que c'étoit cette ferme efpérance qui avoit empêché la cour de Vienne & celle de Dresde d'adhérer aux feminiens paci« fiques du Roi d'Angleterre; qu'on avcrit de plus partagé les dépouilles de la Pruffe de facon que le Roi de Pologne auroit les évêchés de Magdebourg, de Halberftadt, avec Halle & fon territoire , & que 1'Impératrice reprendroit la Siléfie. II apprit de plus au Roi la eaufe de la haine que *** lui portoit. II avoit été outré* d'un manifefte que-le Roi avoit fait publier, & furtout de ces paffages : „ Pendant que tant „ d'horreurs fe commettoient en Siléfie, & que „ le ciel, jufte vengeur des crimes, fe plaifoit a les punir d'une facon fi palpable, fi éclatante „ & fi févère, on foutenoit froidement a Dresde „ que la Saxe n'étoit point en guerre avec la „ Pruffe; que Ie Duc de Weilfenfels & les trou„ pes qu'il avoit fous fes ordres n'avoient point „ attaqué les Etats héréditaires du Roi, mais „ feulement de nouvelles acquifirions. Le mini»  aio II1 STO I RE „ fiére «3e Dresde fe bercoit de cèTNfortes de „ raifonnemens captieux, comrae fi dji petites „ difiïnftions fcolaftiqu.es étoient des motifs affez „ puiffans pour juflifier 1'illégalité de fes procé„ dés. Rien de plus facile que de réfuter&c." & du paffage fuivant: „ II paroït que c'étoit ,, enfin ici le terme de la patience & de la mo„ dération du Roi; mais Sa Majeft'é ayant com„ pafiion d'un peuple voifin , innocent des „ offenfes qu'elle a reeues, & counoiffant les „ malheurs & les défolations inévitables qu'en„ tralne Ia guerre, fufpendit encore, les juftes „ effets de fon reffentiment, pour tenter de nou„ velles voies d'accommodement avec la cour „ de Dresde. II y a lieu' de préfumer, après ces „ nouveaux & derniers refus qu'elle vient de recevoir, que la confianca du Roi de Pologne a été furprife par Pindigne perfidie de fes minifireï. Les repréfenucions les plus pathétiques, & les offres les plus avantageufes ont été pro. „ diguées en pure perte." II faut avouer que **» étoit vivement attaqué dans ces paffages & que pe'rfonne ne pouvoit s'y méprendre; car les miniftres qu'on nommolt au pluriel, étoient plutót fes commis que fes égaux. Ce rapport parut d'autant plus vrai, que le Roi connoiffoit le caraclère du Comte de *** & la fierté de 1'Impératrice Reine. Si le projet des Saxons étoit dangereux pour la Pruffe, il n'étoit pas moins hazardeux pour la Saxe; mais les paffious & furtout le défir de Ia vengeance aveuglent fi fort les hommes,  DE MON TEMPS. 211 qu'ils font capables de tout risquerdans 1'efpérance de fe fatisfaire. Cette crife -violente demandoit donc un prompt remède. L'armée du Prince d'Anhalt reeut- ordre de s'alfembler incontinent a Halle. Et comme il s'agiffóit de prendre un parti déciflf, le Roi crut que, fans déroger a fon autorité, il pouvoit asfembler un confeil, écouter la voix de 1'expérience, & fuivre ce qu'il y auroit de fage dans 1'avis de ceux qu'il confultoit. Quiconque eft chargé des intéréts d'une nation, ne doit rien négliger de ce qui peut en procurer le falut. Le Prince d'Anhalt fut un des premiers auxquels le Roi fit 1'ouverture du projet de ***. Ce Prince étoit un de ces hommes qui prévenus d'amour - propre abondent en leur fens, & font pour Ia négative lorsque les autre/ affirment. II parut avoir pitié de la facilité avec laquelle on ajoutoit foi a cette accufation contre ***; il dit qu'il n'étoit pas nzs tu'rel qu'un miniftre du Roi de Pologne, Saxon de naiffance , vouitit attirer de gaieté de cceur quatre armées dans les Etats de fon maltre & les expofer a une ruine inévitable. Le Roi lui montra une lettre qui portoit que dans deux jours le Gé. néral Grune arriveroit avec fon corps a Géra, pour joindre les Saxons a Leipfic: il lui produifit diffé. rentej Iettres de Ia Siléfie, qui toutes conflatoient que les Saxons amaflbient de gros magafins en Luface pour les troupes du* Prince de Lorraine, qu'on y attendoit dans peu-: il finit par lui dire qu'il lui confioit Ie commandement de l'armée qui  li» H I ST O I RE s'affembloit a-Halle. Le Prince d'Anhalt perfifta dans fon incrédulité ; cependant on lifoit fur fon vifage qu'il étoit flatté de fe voir h la tête d'un corps-qui pouvoit lui fournir le moyen de rajeunir fon ancienne réputation. Le Comte Podewils entra Tin moment après. Le Roi le trouva tout auffi incrédule que le Prince" d'Anhalt,• ce n'étoit point par efprit de contradiétion , mais par timidité. Ce Miniftre avoit quelques fonds placés a la Steuer a Leipfic; il ctaignoit de les perdrê; incorruptible d'ailleurs, fa foibleffe feule éloignoit de fon efprit toute idéé de rupture avec ia Saxe comme un objet défagréable, & croyant les autres auffi timides que lur,'il jugepit incapable d'un projet fi hardt. Enfin dans ce beau confeil on difcutoit la'faiiffeté ou Ia Vérké'du fait, & perfonne ne penfoit il prévenir Ie mal qui étoit fur le point d'éclater. Le Roi fut obligé d'employer fon autorité pour que le Priiica d'Anhalt fit les difpofitions néceffaires a la fubfiftance de l'armée de Halle, & pour que le Comte Podewils drefl'at les dépêches aux cours étrangères, par lesquelles on les avertiffoit des complots de la Saxe, & de la réfolution oü étoit le Roi de les prévenir. Et comme fi ce n'en étoit pas affez de tant d'embarras, il en furvint encore de nouveaux. L'envoyé de Ruffie vint déclarer au Roi, au nom de 1'Impératrice, qu'elle efpéroit que le Roi s'abftiendroit d'attaquer 'l'éleétorat de Saxe , paree qu'une femblable démarche 1'obligeroit a envoyer fon contingent au Roi de Pologne, comme elle y «  BE MON TEMPS. *J| étoit tenue par fon alliance avec ce prince. Le Roi lui fit répondre que Sa Majefté etoit dans rintention de vivre en paix avec tous fes voifins, mais-que fi quelqu'un d'eux couvoit des deflein» pernicieux contre fes Etats, aucune puiffance da PEurope ne 1'empêcheroit de fe défendre & de confondre fes ennemis. Cependant toutes les lettres de-la Saxe & de la Siléfie confirmoient les avis de M. de Rudenfchild. Pour être encore mieux informé 'des mouvemens du Prince de Lorraine, leRoi forma un corps de troupes mêlées, cavalerie, infanterie & houfards, avec lequel M. de Winterfeld s'avanca vers Friedland fur les frontières de la Bohème & de la Luface, avec ordre , fi Ie Prince de Lorraine entroit en Luface, de le cótoyer & de longer le Queis, qui coule fur la frontiére de Ia Siléfie. Le deflein du Roi étoit de tomber fur les öaxon* d= *** * >» f°'s- L'armée de Siléfie devoit agir contre celle du Prince de Lorraine, Ia furprendre.s'il fe pouvoit. dans fes cantonnemens en Luface; ou la combattre, pour la rechafler en Bohème. Dans ce danger qui Lttoit toute la ville de Berlin en alarme, le Roi affeaa Ia meilleure contenance poflible , afin de raffurerle public. Son.paiti étoit pris; la déclaration des Rufles ne 1'inquiétoit point, car cette puiffance ne pouvoit agir que dans fix mois, & Stoit plus de temps qu'iln'en falloit pont^déc.der 1 fort des Pruffiens & des Saxons: les chofes en étoient a cette extrêmité, qu'il fitlloit va.ncre ou pér r. Le Roi aPPréhendoit l'.ncrédulité & la  HISTOIRE lenteur du Prince d'Anhalt; il craignoit auffi que le corps de Grune, qui étoit de 7,000 hommes effeétifs, ne marchat droit a Berlin. Afin de pour. voir autant qu'il fe pouvoit a la fureté de cette capitale, le Général Haake y étoit refté avec une garnifon de 5,000 hommes ; mais 1'enceinte de cette ville ayant deux milles de circonférence il étoit impoffible de la défendre,'& M. de Haake devoit aller au devant de l'ennemi & le coinbat. tre, avant qu'il en approchat. Cette précaution étoit a la vérité infuffifante; mais les moyens n'en permettoient pas une meiJleure. On fit des arran. gemens pour tranfporter en cas de malheur Ia fa. mille royale,les archives,les bureaux, les confeils fuprêmes a Stetin comme dans un afile, fi la fortune abandonnoit les armes pruffiennes. Le Roi écrivit encore une lettre pathétique au Rpi de France, dans laquelle il lui faifoit une vive peinture de fa fituation & lui demandoit inftamment les fecours qu'il lui devoit felon les traités. II feroit bien difficile de deviner par quelle raifon le Prince d'Anhalt tacha de diffuader le Roi de prendre le commandement de l'armée de Siléfie: il 'pouffa fi Ioin fes repréfentations importunes , qu'enfin le Roi lui dit qu'il" avoit réfolu de fe mettre a la tête de fes troupes, & que lorsque Ie Prince d'Anhalt entretiendroit une armée, il pourroit en donner le commandement. a qui bon lui fembleroit; après quoi il fut obligé de fe rendre a Halle, & le Roi partit le 14 de Novembre pour la Siléfie,- laiffhnt Berlin dans Ja confternation, les  DE MON TEMPS. ais". Saxons dans 1'efpérance & toute 1'Europe attemive a 1'événement de cette campagne d'hiver. Le Roi arriva le 15 a Lignitz; il y trouva le Prince Léopoid , & le Général Goltz, Cqui avoit rinlpeétion des vivres.) Des lettres du Général Winterfeld, arrivées en même temps , apprirent que 6,000 Saxons qui faifoient 1'avant-garde da Prince de Lorraine, étoient entrés en Luface par Zittau, & que les troupes autrichiennes alloient les fuivre. Le Prince Léopoid fut wftruit de toutes les opérations^que le Roi avoit projetées. L'année de Siléfie étoit effeftivement de 30,000 hommes, tous vieux foldats d'élite, accoutumés a vaincre; refaits par quatre femaines de repos, ils étoient difpofés a tout entreprendre. II y avoit cependant des précautions nécelfaires encore avant de quitter Ja Siléfie. On nc pouvoit nfeondonncr la ville de Schweidnitz , oü il y avoit des magafins & qui alors n'étoit pas fortifiée; il fallut donc que M. de Nalfau quittat la haute Siléfie, pour aller vers Landshut s'oppofer au corps deM. dellohenems, qui avoit ordre de fa cour de faire une invafion dans la baffe Siléfie du cóté de Hirfchberg. La fituation du Roi étoit itpeu prés femblable a celle oü il fe vit avant la bataille de Hohenfriedberg; il eut recours aux mêmes rufes, pour attirer les ennemis dans les mêmes piéges. On^ affeéta de refpefter fcrupuleufement les frontières'de la Saxe & de borner fon attention a gsgner Crofién avant ' le Piince de Lorraine. Pour fortifier cette opipion, Winterfeld fit punir quelques houfards qui  216 HISTOIRE avoient commis des défordres en Luface. Oh prépara des chemins a Croffen , on araaffa des vivres fur la route, en forte que les gens du pays, 'il faut toujours tromper les premiers, crurent nnement qu'on n'avoit aucun autre objet. M. Winterfeld venoit d'occuper Naumbourg fur le leis & publioit qu'il n'étoit la que pour cójet 1'ennemi en longeant cette rivière & le 5venir h Crolfen. Le Prince de Lorraine, qui étoit dans 1'idée -.teufe que les Pruffiens fe repofoient tranquilleiht dans leurs quartiers d'hiver, que leurs trou. i étoient découragées, & qu'il n'avoit a redou. qu'un corps de 3,000 hommes qui l'obiervoit, ndormit dans une dangereufe fécurité, & ce me ftratagème réuffit -pour la feconde fois. nt il eft viai vjhc ia Jcfiontc eft la mére de la eté, & qu'un général fage ne doit jamais mé* Ter l'ennemi, mais veiller fur fes démarches, 1 qu'elles lui fervent .de boulfole clans toutes opérations. Pour empêcher autant qu'il étoit fible que les Autrichiens ne fufient inftruits mouvemens de l'armée, le Roi avoit fait der trois rivières qu'il avoit devant lui, le eis par M. de Winterfeld, Ia NeilTe par des :pes légères & le Bober pat d'autres détachéis. Temt ce qui venoit de la Luface avoit le age libre, mais il étoit interdit a tous ceux qui vouloient paffer ces rivières pour aller en Saxe; de forte qu'on fe procuroit des nouvelles & qu'on empêchoit l'ennemi d'en avoir. Bieinót, fur  DE MON TEMPS. *!? fur celles qu'on eut de l'ennemi, l'armée s'avanca •en cantonnant fur le Queis. Le Roi prit fon quartier a Holftein; c'étoit le 22.de Novembre, & il n'étoit qu'a un mille de Naumbourg. Om •fit conftruire quatre ponts fur la rivière, pour pouvoir la paffer rapldement fur quatre colonnes. Le deflein du Roi étoit de fe laiffér dépaffef par les impériaux, puis de les prendre par derrière, pour leur couper les vivres, & les forcer ainfi, ou a fe ba:tre, ou a s'enfuir honteufement vers les frontières de la Bohème. Mais pour fuivre ie projet qu'on avoit une fois adopté, on s'étoit iuterdit d'euvoyer des partis en. Luface, & 1'on ne pouvoit avoir des nouvelles que par des efpions; ce qui n'eft jamais auflï Uk que;ce que rapportent les troupes. De plus 1'expédition étoit fi importante, qu'il falloit préférer fa fureté au Urillant. M. de Winterfeld, inftruit des projets du Roi, i'avertit que les ennemis avancoient par cantonnemens, mais qu'ils s'étendoient fi fort, que leur gauche étoit a Lauban & leur droite a.Gcerliz; il ajouta qu'ils marcheroient le lendemain, felon favis de fes efpions, & qu'il creyoit que le mo. ment d'agir étoit arrivé. Sur cela l'armée marcha le 23 fur quatre colonnes, dont chacune étoit conduite par un Lieutenant-Général. Le rendez. vous de ces colonnes étoit a Naumbourg,- ce fur» lil que le Roi leur dorma les difpofitions ultérieures.- H s'éieva ce matin un brouillard d'autant plus favorable, qii-i 1 cachoit il l'ennemi jusqu'au Oeuv. pjlH. de Ft. 11. T. 11. K  5i8 flISTOIRE moitidre mouvement de l'armée. A Naurnbourg il y a un pont de pierre fur le Queis; a cóté il y avoit deux guets pour la cavalerie: on fit en hate vin pont pour la feconde colonne d'lufanterie. Touc cela étant arrsngé, les comiuéteurs des colonnes, je veux dire les généraux, fe rendirent il Naumbourg & eurent ordre de paffer inceffamment le Queis. On leur donna des guidts pour les conduire a Catholifch Hennersdorf, avec ordre de fe feconder mutueüement, felon qu'une colonne qui donneroit fur les quartiers de l'ennemi, auroit befoin de cavalerie ou d'infanterie pour réufïïr dans fon operaiion; car on manquoit d'informatiöns affez exactes fur les lieux oü l'armée du Prince de Lorraine féjournoit, pour faire des dis. pofitions plus détaillées. Le brouillard tomba au moment qfle les colonnes eurent paffe le Queis. Celles «ie la droite & da la gauche étoient de cavalerie, les deux du centre étoient d'infanterie. Un régiment de houfards ptécédoit la marche de chacune d'elles, pour avertir a temps les généraux de ce qui fe palfoit devant eux. Le Roi étoit it la tête de la premiè-e colonne d'infanterie; elle avoit pour guide un garcon meunier, qui la mena a un marais oü les beftiaux paiffoient en été, & n'étoit guère praticable dans 1'arrière-faifon. On eut de la peirie a fe tirer de la; mais il force de cherchcr, on trouva un chemin qui cótoyoit un bois & par lequel on pouvoit palier. Pendant que les troupes déüloient, les houfards de Zietbeu donnêrent dans le village de Catholifch Henners-  ' DE MO IV TEMPS. 219 dorf, & avertirent qu'il étoit garni de 2 bataillons & de 6 efcadrons de Saxons; ils ajoutèrent qu'ils amuferoient alfez fenneml pour donner a la colonne le temps d'arriver. On fit a 1'inftant avancer a régimens de cuiraiiiers de la 4e. colonne qui étoit Ia plus proche, & M. de ïlochow emmena les régimens de Gesier & de Bornflajdt; M. de Poleniz fut commandé avec 3 bataillons de grenadiers ponr les foutenir. C'étoit ce foit difant marais qu'on croyoit impraticable qui avoit trompé les Saxons; ilsn'avoient aucune garde de ce cótéla, ce qui donna moyen de Jes furprendre. Le village de Hennersdorf a un demi -mille de Iongueur. L'aflion commenca & quatre heures vers la partie oriëntale & finit afix vers 1'extrémité qui efl au Couchant. Polentz prit les Saxons a revers, Rochow les attaqua de front & Winterfeld en flanc. Les régimens de Gotha, de Dalwitz & la plus grande partie de celui d'Obirn furent' faits prifonniers; le Général Dalwitz, le Colonel Obin & 30 officiers furent de ce nombre; en tout les Saxons perdirent 6 canons, 1100 hommes, 2 paires •de timbales , 2 étendards & 3 drapeaux; leurs équipages tombèrent en partage aux houfards, qui avoient bien mérité cette petite rc'compenfe. L'armée campa a Cafholifdi Hennersdorf, & 1'on avertit les troupes que fi 1'on étoit obügé de les fatiguer pendant quelques jours, c'étoit pour ieur épargner des batailles. Quoique la moitié de l'armée raanquat de tentes, que plufieurs régimens a'eufleBt que des culottes de toile, il fe prcterent K. z  250 HISTOIRE tous de bonne grace è ce qu'ils voyoient que 1« néceftué exigeoit d'eux. Cet heureux début fit augurer que le Prince de Lorrame ne tiendroit pas contre lés Prufliens. On Te propofa de profiter de la conflerra'ion que 1'enlèvement d'un de fes quartiers devoit caufer dans fon arméé, & de la tulonner tout de fuite pour ne lui pas laifier le temps d'en revenir. Le lendemain 24 le temps étoit fi cbfcur & le brouillard fi épais, qu'on fut obl'gé d'avancer en tatonnant. On fe campa derr è e le village de Lcopo'dshain, & pour plus de fureté, 1'on piaca 15 bataillons dans ce village. Les coureurs rapporlèrent que l'ennemi fe retiroit partout; qu'on ne trouvoit dans les chemins que chariots dételés, bagages renverfés , chariots de poudre abandonnés, en un mot, tout ce qui pouvoit attelter leur fuite. Les déferteurs, qui arrivcient en grand nombre, difoient que la confufion s'étoit mife dans leurs troupes, a caufe que les deux derniers jours 011 leur avoit donné vingt ordres di-lférens ou contradiétoires. Toutefois on apprit le 25 de bon matin que le Prince de Lorraine avoit raffemblé fon armée a Schcenfeld a une lieue du camp du Roi. Le Roi ne balnnca pas : le jour étoit ferein, il fe mit incontinent en maiche dans le deflein d'attaquer }es ennemis;' Comme il approchoit de Goerlitz, fes partis lui rapportéren! que les ennemis avoient décampé a petit bruit , & qu'ils avoient pris le chemin de Zittau. L'année pruflïenne fe campa auprès de Gcerlitz, qui fe rendit par compofitionj  D3 MON TEMPS. a*1 60 officiers & 250 hommes y furent faits prifonniers de guerre; parmi ces officiers il y en avoit de malades, & quelques-uns qui ayant éié bleflés a Caiholifch Hennersdorf avoient trouvé le moyen de fe fauver. II y avoit a Gosrlitz un magafin qui fut d'un grand fecours pour faciliter cette expédition. Le 26 , l'armée fe porta en avant fur le couvent de Radomiritz, & 1'on mit les troupes en cantonnemen'!. Mrs. de Bonin & de Winterfeld furent commaudés avec 70 efcadrons & io bataillons pour lo.nger une petite rivière qu'on nomme la Neiffe. Ce mouvement, qui menacoit l'ennemi d'être coupé de Zittau, fit que le Prince de Lorraine abandonna fon camp d'Oflritz, pour gagner Zittau avant les Pruffiens. Comme cette retraite fe faifoit a la hate, les houfards prufliens firent des prifes confidérables fur les bagages des Autrichiens. Le Roi s'avanca a Oflritz |e27,& envoya M. de Wmteifeld a Zittau ; 1'arrièic-garde du Prince de Lorraine défiloit précilément par ceite •ville. M. de Winterfeld donna deflus & fit 350 prifonniers; les ennemis perdirent tous leurs bagages, & mirent eux-mêmes le feu a leurs chariots, pour qu'ils ne tombafll-nt pas entre les mains de ceux qui les pourfuivoient. Cette expédition ne dura que 5 jours. Les Autrichiens y perdirent des magafins , leurs bagages , & rentrérent en Bohème affoiblis de 5,000 hommes. On lajffa 10 bataillons & 20 efcadrons dans le voifinage de Zittau, pour gardir ce pofte important, & M. de Winterfeld fut obligé de retourner en Siléfie avec K-3  *22 H1ST0IRE 5 bataillons & 5 efcadrons, pour tomber furies flancs de M. de Hohenems , tandis que M. de NalTau fe préparoit a 1'attaquer de front. Cette expédition fut fi heureufe, qu'en moins devingtquatre heures il ne refla plus d'Autrichiens en Siléfie. Les dragons de Philibert furent défaits par les houfards de Wartenberg, & M. de Hohenems ne le céda au Prince de Lorraine, ni paria promptitude de fa retraite, ni par Ia perte de fes bagages. Les troupes pruffiennes qui étoient en Luface fe mirent en quartiers de rafraichilTeuient aux environs de Gcerlitz, a 1'exception de M. de Lehwald,qui fut détaché avec 10 bataillons & 20 efcadrons pour Bautzen, avec ordre de poufier de la vera 1'Elbe,afin de donner aux Saxons des inquiétudes pour leur cftpitale, & de fsciliter les opérations du Prince d'Anhalt. Le Colonel Brandis, qui avec s bataillons étoit deineuré a Croffen, s'empara de Guben, oiï il prit un gros magafin au* Sax ons. Durant cette expédition de Luface on n'eut aucuue nouvelle du Prince d'Anhalt; mais les Saxons divulguoient que SI. de Grutte avoit patfé 1'EIbe a Torgau & marchoit Jt Berlin. Pendant que ces bruits donnoient lieu a d'étranges réflexions, un officier vint de Halle annoncer que le Prince d'Anhalt s'étoit mis en marche le 30 Novembre, qu'il avoit voulu attaquer les Sa. xons dans leurs retranchemens de Leipfic, mais les avoit trouvés abandonnés; que Leipfic s'étoit •foumis, & que les Sasons fuyoient vers Dresde.  DE MON TEMPS. 22S Le Roi renvoya d'abord cet officier pour prefler le Prince d'Anhalt de gagner Meiflen le plutót qu'il le pourroit, & l'avertir que le corps de Lehwald n'attendoit que fon arrivée pour le joindre. Lorsqu'on apprit a Dresde que le Prince de Lorraine avoit été fi vlte expédié, la conftemation fut fi grande,, qu'on fit fur le chimp rebrouffer chemin au corps de Grune & que le Comte de Rutowsiy fut obiigé de ramener foa armée pour couvrir Dresde. Pendant tme le Prince d'Anhalt marchoit vers Meiflen & que l'armée du Roi demeuroit en pan» ne, celui.ci employa ce temps a renouer avec les Saxons une négociation tant de fois rompue,' & que les conjettures paroiffoient éloigner plu* que jamais. II écrivit pour cet cffet a M. de Vil. liers, Miniftre d'Angleterre . Ia cour de Dresde, lui declarant que malgré 1'animofité que fes enne. mis venoient encore de manifefter li ouvertement contre lui, & les avantages qu'il venoit de remporter fur eux, il perfévéroit dans la réfolution qu'il avoit une fois prife de préfe'rer la modéra. tion aux partis extrèraes,- qu'il offroit la paix au Roi de Pologne, avec 1'oubli du pnlfé, en pofant Ia convention de Hanovre pour bafe de cette réconciliatiou. Ce parti n'avoit été pris qu'après de müres réflexions, paree qu'on peut faire la paix lorsque les armes font heureufes; mais fi 1'on a du deflbus, l'ennemi ne fe trouve guère dans Ia difpofuion de fe réconcilier. La paix pouvoit épargner le fang de taat de braves officiers, qui K 4'  aa4 HISTOIRE slioient !e facrifier pour remporter la viétoire. Ir falloit confidérer, que quelque heureufe que füï ]a g.ierre en Saxe , c'étoit un incendie dans la maifon du voifin qui pouvoit fe communiquer 4 Ia nötre;il falloit outre cela le plus promptement qu'il étoit poflïble terminer cette guerre, afin d'empêcher la Ruffie de s'en mêler. Le Roi n'avoit rien a efpérer des fecours de la France, & fi fon ne mettoit fin a ces troubies pendant fhiver, on devoit s'attendre au printemps que la Reine de Hongrie rappelleroit du Rhin fon armée, qui lui devenoit inutile, pour la joindre a celle de Ia Bohène; ce qui lui auroit donné une grande fupériorité: enfin le prétexte de la guerre ne fubfiffoit plus depuis la mort de Charles VIL Ajoutez en» core que la récolte de l'année ayjnt été mauvaife, elle avoit rendu les blés auflï rares que chers, & q;ie les finances étoient euiièrement épuifées. La paix étoit donc 1'unique remède il tous ces majx. On s'étonnera peut-étre que le Roi parüt fi mode. ré dans les conditions qu'il propofoit pour la paix; mais qu'on obfeive qu'il étoit dnns vne fituation qui 1'engagcoit it calculer toutes fes c'órarchts & a ne rien hazarder légèrement. Premièrem'ent il foutenoit les principes de défintéreifcmeu qu'il avoit annoncés dans des manifcfles de l'année 1/44 & 1745; s''l avoit extorqué quelque ceflion au Roi de Pologne, il auroit confondu les intéréts de ce prince avec ceux des Autrichiens, & feroit devenu 1'artifan d'une union que la bonne politique axigeoit qu'il tacbit de diffoudre. Enfuite 1'Eu. rope_  DB MON TEMPS. 235 fepe n'étoit que trop jaloufe de Pacquifition que le Roi avoit faire de la Siléfie; il falloit effacer ces imprefiions, & non les renouveler. Ajoutez encore que le moven !e plus court de parvenir a la paix, étoit de rétablir 1'ordre des polfelfions fur le pied oü elles étoient avant la dernière guerre. Goraine les conditions propo'ées n'étoient ni dures ni onéreufes, elles pouvoient procurer uns paix d'atuant plus ftable , qu'elle ne laifibit aucune femenca ni d'animofité ni de jaloufie. Ces principes fervirent de loi, & 1'on verra dans U fuite que maigré les fuccès qui couronnèrent les entreprifes de ce prince, il ne s'en départit jamais. Qui n'auroit cru que des propofhions auffi raifonnables feroient bien accueillies par Ie Roi de Pologne ? II en fut tout le contraire cependant. La Comte *•* n'avoit que fon projet en tête. II avoit fait revenir en Saxe le Prince de Lorraine, dans 1'intention de joindre cette armée a celle de Rutowsky & au corps du Comte de Grun; fier dé ces forces, il fe propofa de commettre le fort de fon Uoi & le falut de fa patrie a la fortune d'un combat, facrifiaut ainfi tous les intéréts qui font facrés pour la plupart des hommes, afin de fatisfoire fa vengeance particuliere. Villiers fe rendit a la cour avec fair. d'un hom. me qui annonce une bonne nouvelle; il de man da audience & ajouta aux propofuions dont it étoit chargé, les exhortations les plus pathétiques, pour porter Augufle a éviter les malheurs qui' menae„oien.t fes peuples & fa perfonne. Le Roi lui K5  225-. insroiKE répondit fèchement qu'il aviferoit a ce qn'il y auroit a faire. *** s'expliqua plus clairement avec le Miniftre anglois; il fit fonner fort haut le ■ fecours qu'il attendoit des Ruffés , paria avec' emphafe des grandes reflburces de la Saxe, & finit par lui dire que par déférence pour le Roi d'Ang:eterre il feroit déiivrer au St. Villiers un mémoire contenant les conditions auxquelles le •Roi de Pologne pourroit fe réfoudre a faire la •paix. Le lendemain, I de Décembre, le Roi de Pologne partit pour Prague, & les deux Princesainés pour Nurnberg. Qael contrafte de hauteur & de foiblelfe ! Après le départ de la cour , un des confeillers faxons remit au Sr. Viliiers ce mé* moiré, qui contenoit en fubftance: que le Roi de Pologne accéderoit a la convention de Hanovre, h condirion qu'au moment même les Prufliens feroient cefler toute hoftilhé, n'^xigeroient P!us de contributions , reftitueroient celles qu'ils avoient re?ues, évacueroient Ia Saxe fans plus différer & poyeroient tous les dommages piécédens, & ceux que cauferoit la retraite des troupes. Villiers augura mal d'une paix dont la Saxe dirtoit les conditions avec hauteur. II envoya ce mémoire au Roi, en 1'alTurant des bonnes intentions dn Roi 'd'Angleterre, & il ajouta qu'il ne garantiftoit pas la déclaration des miniftres de Saxe ; c étoit en dire aflez. Le Roi fut informé en même temps que Ie p)ince de Lorraine avoit palfé 1'Elbe a Leutmeïbi & qu'il dirigeoit fa marche vers Dresde. Eo  BE MON TEMPS. S27 combinanc le mouvement de cette armée & la fuite précipiiée du Roi de Pologne & de fes enfan», il paroiiïbit évidemment que *** ne vouloit point la paix. Pour être donc plus a portée d'anéantir les projets d'ennemis anffi öcharnés, le Roi tranfporta fon quartier a Bautzen, & M. de Lehwald fe porta furKcenigsbruck a un mille de Meiflen. En attendant Sa Majefté répondit au Sr. Villiers, qu'elle avoit fait venir le- Comte Podewils auprès de fa perfonne, pour faciliter tout ce qui pourroit contribuer a la paix; qu'elle fe flattoit que le Roi de Pologne voudroit bien également nommer un de fes miniftres, pour qu'on püt mettre la derniêre main a cet ouvrage falutaire, & que les préliminaires fignés mettroient fin aux hoftilités; que pour -partiele des fourrages & des contributions dont on devoit indemnifer , le Rol pourroit évaluer également les dégats que les troupes faxonnes avoient fairs en Siléfiêy mais que le plus Iur feroit de rayer entièrement cet article. Le Roi ajouta qu'il efpéroit que les" miniftres de Ruffie & de Hollande voudroienc bien fe rendre les garans de ce traité dé paix, & fe plaigiiit du départ du Roi de Pologne comme d'une démarche peu amiable, injurieufe il fa fafon de penfer,& de mauvais augurepour' la négociation entamée. *** avoit conduit fon maïtre a Prague, pour 1'obféder plus libreinèn*& 1'empêcher de voir les malheurs de la- guerre & d'entendre la voix de fa patrie gérnifianté; i( Vouloit ls maintenir par le fecours dés Aatri--  *** H IS T O I R K oftieös dans la difpofition oü il étoit de continue? 1» guerre. C'eft ainfi que * ♦ * facrifioit tout aux intéiéts de la Reine de Hongrie. Le Roi vit bien qu'il ne falloit déformais négo* der qu'il la faveur des vicloires. II étoit temps de reprendre avec ardeur les opérations de la campagne. La Lufaee étoit conquife; tout-alloit dépcndre des entreprifes que l'armée du Prince d'Anhalt pourroit exécuter. II y avoit huit jours que le Roi n'avok recu des lettres de ce prince. Getre.incertitude Pembarraflb.it d'autant plus, .qu'il n'y avoit pas un moment a perdre pour être it portée d'agir de concert. Le pont de Meiflen étoit de la derniêre importance; i! fadiok s'en faifir avant que l'ennemi penfat il le ruiner; mais M. de Lehwald ne pouvoit s'emparer de la ville ^ fituée. fur la rive gauche de 1'Elbe, qu'a 1'aide du Prince d'Anhalt. Faute de nouvelles^ le Roi fupputa les jours de marche de ce prince, & calcula qu'il pourroit arriver il Meiflen le 8 oh de.Décembre au. plus tard. Lehwald s'y rendi: vers ce temps. lil-; le Prince d'Anhalt n'arriva point:. la rivière, qui charioit des glacésj empêchs M. de Lehwald d'y conflruire un pont avec des pontons; tous ces incideus retardèrenc cette expédition. Le Sr. de Villiers, qui étoit a Prague, expédia un couriêr au Roi, dont les dépêqhes portoient, que.le Roi de Pologne n'enverroit aucun iriniftre avec des pleins-pouvoirs; que bien ioia de. laai attendoit denomhreuxfeconrs.de fes alliés,  DË MON TEMPS. sbjJH avec lesquels il fe vengeroit dans 1'éleclorat de Brandsbourg des dégats qu'il prétendoit que les Pruffiens avoient faits en Saxe; qu'il avoit penfé devoir quitter Dresde, s'attendant a être moins ménagé encore dans une guerre ouverte qu'il ne 1'avoit été dans les écrits qui 1'avoienr précédée. On voit qu'il s'agit bien plus de *** dans ce dernier article que du Roi méme. Le Roi répondit en lubilance au Sr. Villiers: qu'il admiroit la hau" teur & 1'inilexibiiité du Roi de Pologne; que fans avoir d'animofité contre ce Prince, il étoit impoffible de nourrir une armée de 80,000 hommes dans un pays, fans lui faire éprouver des calaroités; que fi les ennemis avoient eu la fortune propice, comme elle leur étoit contraire, ils n'auroient pas ufé d'autant de modétation dans le Brandtbourg que le Roi en montroit en Saxe; qu'ils auroient tout pillé, brülé, abymé, comme on en avoit eu des exemples en Siléfie: mais que puisque le Roi de Pologne vouloit Ia guerre, on la lui feroit plus vivement que jamais. Le 9 arrivent des dépêches du Prince d'Anhalt datées de Torgau. II mandoit qu'il avoit fait 200 prifonniers dans cette ville, & rejetoit Ia lentenr de fa marche fur les diffieultés d'amaffer des vivres & des chariots; c'étoïent des prétextes pour ex. cufer fes délais; il employa neuf jours a faire neuf milles. Sa conduite étoit d'autant moins excufable, qu'il avoit un magafin a fa difpofition a Halle, qu'il en avoit pris un aux ennemis a Leipfic, qu'il nVtvoit point d'enuemi devant lui, & que par  S3& H IST O I R E conféqnent 11 étoit mattre des fourrages, des vis vres, des chevaux & des livraifons du pays. Sa lenteur ne peut s'attribuer qu'a fon efprit de contradiétion & a fon age; il n'auroit pas été fiché de faire paffer 1'expédition de la Luface pour 1'heureufe étourderie d'un jeune homme; il affec» toit un air de circonfpe&ion & de fageffe, qui, joint a fa longue expérience, devoit former un contrafle avec le feu que le Roi mettoit dans fes opérations. ■ Le Prince d'Anhalt ne fut point loué de fa lenteur. Le Roi lui écrivit qu'elle étoit très-préjudiciable au bien de fon fervice, par Ia raifon qu'il avoit donné aux Autrichiens le temps de fe joindre aux Saxous & de détrnire le pont de Meiffen; ce qui rendroit Ia jonftion des deux armées presque impoffible; il lui enjoignit d'ufer de diligence pour s'approcher le plus prompte, ment qu'il pourroit. Le Prince promit dans fa réponfe qu'il feroit le 12 Décembre a Meiffen,Sur cela tous les quartier furént raffeinblés. Le Roi ne laiffa que 4 bataillons & quelques houfards è Zittau, 1 bataillon a Gcerlitz & 2 il Baurzen„, Ces troupes fe joignirent Ie 13 a Camentz, a 1'exception de M. de Lehwald, qui étoit déja vis avis de Meiffen; le Prince d'Anhalt y arriva le 12; mais la garnifon faxonne s'en étoit fauvé par une poterne, & avoit regagné le gros de l'armée. Pendant que 1'infanterie du Priuce entroit dans Meiflen, les cavaliers, qui avoient un chemin' creux a traverfer, ne le paffoient qu'un a un. Lesekux demiers régimens, favoir les dragons da  BE MON TEMPS. 23. Rcehl & de Holftein, mirent pied a terre pour atcendre leur tour; Sibilsky s'en appercut; il fe gliffa avec fes Saxons dans un bois épais, d'oü Tl fondit a 1'improvifte fur les dragons pruffiens, leur enleva 2 paires de timbiles, 3 étendards & 180 hommes ; d'autres efcadrons montèrent h cheval & rechaffèrent 1'eunemi; mais 1'affront étoit reeu & le remède vint trop tard. II en coüta Ia vie au Général Rcehl, qui étoit malade, & qui fuivoit la colonne en carroffe. II faut convenir que le froid étoit exceffif, que la cavalerie avoit été douze heures h cheval; mais on pécha en paffant un bois que 1'on n'avoit pasfait reconnoitre d'avance. Les moindres fautes St Ia guerre font punies, car l'ennemi ne pardonne pas. Le 12 fut employé a réparer le pont de 1'Elbe, & le 13 le Général Lehwald fe joignit au Prince d'Anhalt. C'étoit ce pont de Meiffen pour lequel on eraignoit tant, que les Saxons auroient dü détruire. Mais le miniftère faxon: qui dominoit les généraux, ne comprenoit pas qu'un pont peut conttibuer a la perte d'un pays; ce pont étoit en partie de pierre de taille, il avoit coüté 150,000 écus a conllruire; on ne voulut jamais confentir qu'il füt démoli. Le confeil étoit compofé d'un mélange de pédans & de parvenus. Henecke, qui étoit a leur tête.élevé par la fortune de 1'état de valet de pied au grade de miniftre, joignoit au talent d'un financier .'art de^ fouler méthodiquement les fujets. Sos  -Rar BI S T O I R E économie fourniflbit aux prodigaliiés dü Roi', comrnè aux difïipations de fon favori ; avec oe crédit il gouvernoit la Saxe en fubalteine fous le ■ Comte ** *; de lui émanoient les ordres ft l'armée, il en dirigeoit les opérations , & c'eft a fon incapacité qu'il faut attribuer les fautes groffiéres des généraux faxons dans cette campagne d'hiver. L'armée du Roi arriva le 14 it Kcemgsbrucls, & ü force d'aiguillonnei' le Prince d'Anhalt, il s'avanca le même jour a Neuftadt, ou. les troupes furent obligées de camper malgré Ie froid percant qu'il faifoit aiors. Le Prince de Lorraine étoit arrivé le 13 Décc-mbre avec fon armée auprès de 'Dresde. Henecke, qui régloit tout, étendit fi fort les quartiers des Autrichiens, qu'il leur auroit fallu vingt-quatre heures pour fe rafTembler. Le Prince de Lorraine fit des repréfentations convenables pour qu'on changeêt cette difpofition; mais Henecke,accoutumé a donner la loi aux fermiers & aux traitans,n'en tint aucun compte. Le Prince de Lorraine, qoi prévoyoit que le Comte Rutowsky alloit être attaqué, le pria de 1'avertir a temps s'il avoit befoin de lui, paree qu'il lui falloit du temps pour rafTembler fes troupes difperféesj mais le Comte répondit qu'il n'avoit pas befoin de fecours, qu'il étoit afTez fort dans le pofte qu'il occupoit & que jamais les Prufliens n'auroient 1'audace de 1'attaquer. Depuis Ia bataille de Fon. tenoy,. que Ie Comte de Saxe avoit gagnée par la fupériorité de fon artillerie, oa vit beaucou? généraux fuivre cette méthode. La difpofitioa-  DE- MON TEMPS. *3S des Autrichiens a la bataille de Sorr en devoit étre une copie, & le pofte que le Comte Rutowsky avoit - Kefielsdorf étoit de même modelé fur celui de Fontenoy. La différence du- Comte de Saxe a fes imitateurs mit de la différence dans leurs fuccès. Cependant les deux armées pruffiennes fe mirent en marche-, celle du Prince d'Anhalt pour, s'approcher des ennemis, & celle du Roi pour paffer 1'Êlbe a Meiffen. Le Roi fit entrer 14 bataillons dans cette ville; le refle de 1'infanterie & He la cavalerie étoit cantonné a Ia rive droite de 1'Elbe, de forte qu'au befoin, en raffemblant fes troupes , le Roi pouvoit fecourir le Prince d'Anhalt, & en cas que les Autrichiens euflent paffé 1'Elbe a Dresde, le Roi leur faifoit tête de ce cóté. II recut en arrivant h Meiflen une Iettra de M. Villiers , qui lui apprenoit que le délabrement extréme des affaires d'Augufte III, & la néceffité oü il étoit réduit, 1'avoient enfin déterminé & donner les mains a. un accommodement; que Sau!, le mercure de ***, alloit partir pour Dresde avec des inftruétions & des pleins-pouvoirs pour les miniftres, afin qu'ils puffent travailler avec les miniftres pruffiens au récabliflement de la paix ; que la Reine de Hongrie vouloit y accéder auffi, moyennant quelques adoucilfemens a la conven. tion de Hanovre; que lui Villiers. fe rendroit au plutót a Dresde, pour intervenir entre les parties au cas qu'il en füt befoin, & rendre leur réconciliatiou plus facile. Le Roi avoit a peine achevé  •Ï4- 11 I S T O I R E de lire cette Iettre , qu'on vint 1'avertir que dir cóté de Dresde toute l'atmofphère paroiffoit em. brafée & qu'on entendoit le bruit d'une canonnade terrible. Le Roi fe douta bien que le Prince. d'AnhiIt étoit engagé avec les ennemis. Incontinent la cavalerie eut ordre de feller, 1'infanterie de fe mettre fous les armes, & le Roi courut avec unecentaine de houfards furie chemin de Dresde; jl envoya de petits partis de tous cótés;l'un d'eux lui amena fix fuyards du corps de Sibilsky qui siflii èrent que les Saxons étoient battus: ce qui fit ajouter foi a leurs difcours , c'eft qu'on ne vit paroitre aucun Prufïïen, & cela feroit arrivé fi le» affaires étoient allécs mal. Mais la nuit qui türvint, obligea le Roi a retourner a Meiflen, pour ne pa» 5'expofer a quelque affront, fatisfait d'a»oir de» probabilités de la vi&oire du Prince. Si la fortune n'avoit pas fecondé le Prince d'Anhalt , le Roi avoit réfolu de rafTembler fes troupes fur les hauteurs de Meiffen, pour aller au devant des troupes battues', de mettre celles-ci en feconde ligne, fon armée dans Ia première,d'attaquer de uouvearj les ennemis & de les vaincre a quelque prix que ce füt. Le Prince d'Anhalt lui épargna cette peine : le foir même un officier de cette arméearriva, & rendit compte au Roi des circonfiancer fuivantes de cette glorieufe bataille. Le Prince d'Anhalt avoit 'décampé le 15 de grand matin, & avoit pris parWilsdruf le droit chemin de Dresde. Ayant paffé Wilsdruf, fes houfards dounèrent ftirtin gros d'ulans, qu'ils pouffêrent devant eux  BE MON TEMPS. «35 jusqu'a Keflelsdorf, oü ils appercurent toute l'armée faxonne rangée en ordre de bataille, ils en avertirent incontinent le Prince d'Anhalt. Un profond ravin, dont en certains endroits le fond étoit marécageux, couvroït-le front des ennemis: fs grande profondeur eft du cóté de 1'Elbe; il v* toujours en s'applaniffant vers Keflelsdorf & fa perd entièrement au-dela vers la forêt du Tarrant. Les Saxons avoient appuyé leur gauche a Keflels» ' dorf; le terrain y étoit, comme je 1'ai dit, entièrement uni; ce village éroit défendu par tous les grenadiers de leur armée & par le régiment de Rutowsky ; une batterie de 24 pièces de gros canon en rendoit 1'abord meurtrier. Le corps de Grune étoit a 1'atle droite de cette armée , qui s'appuyoit a Benerich proche de 1'Elbe. Ce lieu étoit inattaquable, l caufe des rochers & des précipices qui en interdifent 1'abord. Avant la bataille la cavalerie faxonne étoit a Ia gauche de KeiTelsdorf, rangée en ligne avec le refte de l'armée, la gauche vers le Tarrant. On ne fait pourquoi le Comte Rutowsky la déplaca & la mit en troifièmeligne derrière fon infanterie. Lorsque le Prince d'Anhalt arriva Tur les lieux avec la téte de fon armée , il jugea d'abord que le fuccès de cette journée dépendoitde la prife du village de Keflels.' dorf, & il fit fes arrangemens pour 1'emporter. H commenca par former fes troupes vis-a-vis celles de l'ennemi; 1'infanterie deftiuée pour donner fur le village fut mife fur trois lignes & les dragons de Bonin formèrent la quatrième.- Des que fgs  -3<* IIIS T G 1 R t troupes furent ainfi difpofées, 3 bataillons ds grenadiers avec 3 de fon régiment attaquèrent le village de front, M. de Lehwald le prit en flanc} 04 canons chargés de mitraille ,- les grenadiers faxons & le régiment de Rutowsky firent reculet les aflaillans. La feconde attaque ne fut pas plus heureufe; car le feu étoit trop vioLnt; mais le régiment de Rutowsky forrit- du village & voulut pourfuivre les Prufliens; il fe mit donc devant fes batteries , qu'il empêchoit de titer. Le Prince d'Anhalt profita de ce moment, & ordonna aa Colonel Luderi;z,qui commandoi: les dragons, de charger; celui-ci fondit alors avec impétuofité fuf les Saxons; tout ce qui séfifla, fat pafl'é au fil de 1'épée; Je rede fut pris ; 1'infanterie s'erapara en même temps du village, y entra de tous les cótés & prit la batterie qui avoit rendu ce pofte fi formidable. Le Général Lehwald mit le comble a cette viétoire, en obligeant toutes les troupes qui avoient défendu le village a mettre les armes bas. Le Prince d'Anhalt profita de ce premier fuccès en habile capitaine , il gagna auflitót le flanc gauche de l'ennemi; la cavalerie de fa droite ren. verfa d'un feul cboc la cavalerie faxonne & la diflipa de maniêre qu'elle ne put fe rallier. Tout ■prit la fuite avec affez de promptitude pour échapper a des troupes accoutumées a confèrver l'ordre ik a ne point fe débander. La gauche des Prusfiens, fous les ordres du Prince Maurice , fe canonna avec l'ennemi, jusqu'a ce que le village de Keflelsdorf füt emporté j. mais impatiente alors  DE MON TEMPS. 237 d'avoir part a Ia g'oire de cette journée , elle marcha sux Saxons en bravaiït tous les obltacle»; des rochers a gravir, des neiges qui rendoient le terrain gliflant, la difficulté d'aflaillir & de forctr les ennemis qui combattoient pour leurs foyers, tout cela fut entrepiis, & tout céda au courage des vainqueurs. Les.Saxons & les Autrichiens furent chaffés des rochers efcarpés de Bentrich. Les Prufliens ne purent conferver ni 1'ordre des bataillons ni même des pelotons formés, tant cesbauteurs qu'ils efcaladoient étoient efcarpées; Ia cavalerie ennemie les actaqua ainfi difperfés. II eft certain que li les Saxons avoient éié va'eureux, 1'infanterie priflienne auroit dn être taillée ea pièces ; mais cette cavalerie artaqua fi mollement & fut fi mal foutenue, qu'aptès quelques décharges que les Prufliens firent fur elle, elle difparut & céda le champ de bataille aux vainqueurs. La cavalerie de la gauche des Pruffiens n'avoit pu agir pendant tout le combat, a caufe des précipices impraticab'es qui la féparoient des ennemis; le Prince d'Anhalt 1'envoya a la pourfuite des fuyards, fur lesquels M. de Gesier fit encore un bon nombre de prifonniers. Le Prince d'Anhalt donna dans cette aftion de grandes marqués de fon expérience & de fa capacité, Les généraux, les-officiers & les foldats, tous s'y diflinguèrent: leur fuccès juflifia leur témérité. Du cóté des Saxons il refta 3,000 morts fur la place; on fit prifonniers 215 officiers & 6,500 foldats; ils perdirent de plus 5 drapeaux, 3 étendards, 1 paire  33.3 SISTÜ1RE de timbales & 48 canons. Les Pruffiens eurent 41 officiers & 1Ö21 foldats de tués, & le doublé de bleffés. Si nous examinons les fautes commifes des deux parts dans cette bataille, nous trouvons prenrère. ment que le Comte de Rutowsky n'avoit penfé dans fon pofte qu'a la fureté de fa droite; la gauche étoit en 1'air & 1'on pouvoir tourner Ie village de KefTelsdorf. Si les Pruffiens avoient plus pris par leur droite, le Prince d'Anhalt auroit pu tourner entièrement le village & 1'emporter it moins de frais; mais il ne faifoit que d'aniver, & n'ayant pas eu le temps de reconnoirre le terrain, cela feul fuffii; pour lui fervir d'excufe. La plus ■grande faute des Saxons fut fans doute de fortirdu village; car ils empêchèrent leur propre canon d'agir contre les Pruffiens & c'étoit leur meilleur» défenfe. Une faute non moins confidérable fut que cette infanterie poltée de Keftelsdorf a Bene. rich n'étoit pas fur la crête des hauteurs, mais en arrière de plus de cent pas, de forte qu'ils ne défendirent pas avec les petites armes le paffage du précipice & le laiffèrent efcalader, fe réfervant a tirer, lorsque l'ennemi auroit vaincu la plus gran» de difficulté. Mais de pareilles remarques peu vent avoir lieu fur Ja plupart des aftions des hommes; ils font tous des fautes, paree qu'aucun d'eux n'eft parfait, & fi nous réfumons celles qui fe font commifes dans cette bataille, c'eft pour que la poftérité apprenne a n'en pas faire d'auffi gros. fières que celles des Saxons,  DE MON TEMPS. Le Comte Rutowsky & toute fon armée arrivèrent a Dresde en pleine courfe; ils y trouvèrent le Prince de Lorraine occupé a raflembler fes troupes éparfes. 11 öfFrit au Comte d'attaquer le lendcmain les Prufliens conjointement avec lui i mais le Saxon en avoit de reite. 11 allégua pour excufe que fon infanterie étoit presque détruite, qu'il avoit perdu io,oco hommes, qu'il manquoir d'armes & de munitjons, & que fes foldats n'é« toient pas encore revenus de leur terreur: il ajouta que le Roi de Pruffe alloit fe joindre au Prince d'Anhalt, que Dresde manquoit de provifions de bouche & de munitions de guerre , que pour fauver les débris de Keflelsdorf, il falloit fe fauver a Zeft, village voifin des montagnes qui regardent la Bohème. Ce projet fut exécuté. Les Saxons évacuèrent Dresde & n'y lailf rent que des iniH. ces; le 16 ils fe campérent auprès de Kcenigftein & renvoyèrent leur cavalerie en Bohème, faute de moyens pour la nourrir plus long-tems fur le territoire fexon. L'armée du Roi avanei le 16 jusqu'a Wilsdruf, & le 17 fes troupes formèrent Ja première ligne & fe portèrent fur le ruiffeau de Plauen. L'heureux fuccès de cefte expédition fit oubiier Ia lenteur que le Prince d'Anhalt avoit affectée a fon début; la journée de Keflelsdorf avoit jeté un beau voile fur cette faute. Le Roi lui dit les chofes les plus flatteufes fur Ia gloire qu'il s'étoit acquife, & n'omit rien de ce qui pouvoit cajoler fon amour-propre. Ce Prince mena le Roi fur le champ da bataille. L'on fuï  «40 H I ST 0 I RE moins furpris des difficultés, quoique grandes, que les troupes avoient eue's ii furmonter, & du -nombre confidérable des prifonniers, que de voir toute cette campagne couverte d'habitans de 'Dresde, qui venoient tranquillemem it la rencontre des Prufliens. Lorsque le Roi iraverfa fa Ssxe en 1744, le Duc de Weiffenfels avoit jeté 10 bataillons dans Dresde; on y élevoit des batteries, on faifoit des coupures dans les rues, on mettoit des paliffades partout oü un pieu pouvoit enirer en terre, aucun Pruffien n'ofoit mettre le pied dans cette capitale; & en 1-45, lorsque le Roi entra dans le pays it la tê e de 80,000 hommes, que les troupes faxonnes venoient d'étre battues, les portes. de Dresde reflêrent ouvertes, ik les princes cadet, de la familie royale, Jes miniftres, les confeils fuprêmes dn pays, tout fe rendit a difcrécion. Telles font les contradicYtons dont 1'efpyt humain efl capable, quand il n'agit pas fyfiématiquement, & que ceux qui Ie gouvernent, ont une mauvaife dialeétique. II efl vraifemblab-le que la ville étoit dépourvue de. provitions, & que des délibira. tions confufes, & la conflérnation qui régnoit parmi les principaux miniflres du Roi de Pologne, caufêrent cet abandon général. Les Princes pouvoient fe fauver, les miniflres également; il n'y avoit qu'a faire quatre milles pour gagner la TSohème. Une chofe non moins éto.nnante efl que ces Saxons qui vouloient abandonner Dresde, y jetèrent 6,000 hommes de leurs miliciens, dont ils  DE MON TEMPS. 241 ils anroient pu fe fervir pour recompléter leurs troupes. Bientót le Roi fit occuper le faubourg de Dresde. Le commandant fut fommé de fe rendre; il répondit que Dresde n'étoit point une place de guerre; & les miniftres envoyèrent un mémoire qui devoit tenir lieu d'une efpèce de capitulation. Le Roi en régla les conditions felon fon bon plaifir. Le 18 les Pruffiens entrèrent dans Ia ville. La milice fut défarmée & fervit a recruter les troupes; on y prit 415 officiers & 1500 bleffés de Ia bataille de Keflelsdorf. Le Roi établit fon quartier a Dresde avec 1'état- major des deux arraées. On divu'gua dans le monde les bruits les plus injurieux au fujet des intentious du Roi fur cette capitale. On difoit que le Prince d'Anhalt avoit demandé le pillage de Dresde pour fon armée, a laquelle ie fac de cette ville avoit été promis pour 1'encourager pendant 1'aCtion. Le penchant des hommes a Ia crédulité pouvoit feul accréditer de telles calomnies. Jamais le Prince d'Anhalt n'auroit ofé faire au Roi une propofition auffi barbare; & d'ailleurs ces fortes de proraefles peuvent fe faire a des troupes indifciplinées, 8c non a des Pruffiens qui ne combattent que pour 1'honneur & pour la gloire. Le principe de leurs fuccès doit s'attribuc-r uniquement a 1'ambkion des officiers, comme a 1'obéifl'ance des foldats. A peine le Roi fut-il a Dresde qu'il rendit vifite aux enfans du Roi, pour calrner leur crainte & les rafl'urer entiêrement. II tacha d'adoucir leur infortune, en leur faifant rendre fcrupuleufe- Qetty.poJlhKde Fr. II. T. & L  24* HISTOIRE ment tous les honneurs qui leur étoient düs; h garde du chateau fut méme foumife a leurs ordres. Le Roi répondit enfuite au Er. Villiers, qu'il avoit été affez étonné de recevoir des propofitions de paix un jour de bataille; que pour abréger les négociations 11 s'étoit rendu lui. même a Dresde;quela fortune qui avoit fecondé fa caufe, 1'avoit mis en fituation de reffentir vivement les mauvais procédés, la duplicité & la perfidie dont Je Comte de *** avoit fait ufage dans toutes fes négociations; qu'éloigné cependant d'avoir une facon de penfer aufli balTe, il offroit, mais pour la dernière fois, fon amitié au Roi de Pologne ; qu'il attendoit que les Sieurs de Bulau & de Rex euflent recu leurs pleins-pouvoirs, pour, qu'on püt conclure avec eux fans autre délai; qu'enfin il ne fe départiroit en rien des engagemens qu'il avoit pris avec le Roi d'Angleterre par la .convention de Hanovre; que pour lui, loin d'être aveuglé par la fortune, il ne haulferoit ni ne baifferoit fes pré» tentions, & qu'ainfi la Reine de Hongrie ne devoit pas s'attendre a Ie faire changer de réfolution* le Roi finit en recommandant a M. Villiers de lui rapporter exadtement le dernier mot du Roi de Pologne, afin que dès ce moment rien ne mit de nouveaux empéchemens a Ia pacificatïon de 1'AlIemagne & du Nord. Bientót le Roi fit invi-" ter chez lui tous les miniflres faxons; il récapitula> tout ce qui s'étoit palfé, leur expofa avec vérité fes fentimens & les conditions de paix modérée* qu'il offroit. a.. fes. ennemis;. il fut afiez: keuretix  DE MON TEMPS. 243 pour les convaincre que ces conditions étoient telles qu'ils auroient pu les fouhairer ou les diéter eux.mêmes, & que leur Roi n'avoit d'autre parti a prendre que de les figner. On fit auffi des arrangemens pour que les troupes obfervaflent un trésgrand ordre. Le Roi mit dans fes procédés toute la douceur poffib'e, afin que ce pays voifin & malheureux ne fe reffentit que légèrement des fléaux d'une guerre dont le peuple étoit innocent. Pour s'accommoder a la coutume, on chanta dans les églifes le Te Deum, accompagné d'une triple décharge de fartillerie de la ville, & le foir on fit repréfenter 1'opéra d'Arminius. On ne fait men. tion de ces bagatelles qu'a caufe des anecdotes auxquelles elles tiennent. Tout jusqu'a 1'opéra devenoit entre les mains de *** un. reflbrt pour gouverner 1'efprit de fon maïtre; il avoit fait repréfenter la clémence de Titus au fujet de Ia disgrace de Sulkofsky & des prétendus crimes que le Roi lui pardonna. Anninius fut joué pendant cette dernière guerre; ce qui devoit faire allufion au fecours qu'Augufle III donnoit a la Reine de Hongrie contre les Franpois & les Prufliens, qu'on ' accufoit de vouloir tout fubjuguer. Les Iouanges iiatteufes de la poëfie italienne, rehauffées du charme de 1'harmonie , & rendues par le gofier flexible des chatrés, perfuadoient au Roi de Pologne qu'il étoit 1'exerople des princes & un modèle d'humanité. Les muficiens fupprimèrent un chceur de 1'opéra, qu'ils n'ofèrent produire en aréfence des Pruffiens , paree que. les paroles. L- &  244 II l ST O I R E pouvoient être juftement appliquées après ce qui venoit (i'aniver en Saxe; les voici: Stille rovine altrui alzar non pcnp il foglio Colui che al ful" orgoglio rtiuce ogni yinü. Les chceurs des opéra d'Avgufte valoient les prologues de ceux de Louis XIV. . Pendant qu'on chantoit a Dresde des Te Deum & des opéra, M. Villiers, qu'on y attendoi: avec impatience, arriva de Prague avec les pleinspouvoirs & toutes les autorifations nécefl'aires aux miniftres faxons pour conclure la paix: il fut fuivi par le Comte Fréderic de Harrach , qui venoit de Ia part de 1'Impératrice Reine pour le même fujet. Lorsque tout fe préparoit a Dresde a pacifier les troubles de 1'Allemagne, le Roi reent la réponfe fuivante de Louis XV a la lettre touchante qu'il lui avoit écrite de Berlin pour lui demander fort aïïïllance. Cette réponfe avoit été minutée par les miniftres; le Roi n'avoit prêté que fa main pour la tranfcrire, la voici : „ Monfieur mon frère, Votre Majefté me confirme, dans fa lettre du 15 de Novembre, ce que je favois déja de la convention de Hanovre du26d'Aoür. *' |'ai da être furpris d'un traité négocié, conclu, " figné & latifié avec un prince mon ennemi , fans m'en avoir donné la moindre connoilfance. " Je ne fuis point étonné de vos refus de vous prêter a des mefures violentes & a un engagement direct & formel contre moi; mes ennemis '„ doivent connoltre V. M. .C'eft une nouvelle  DÈ MO N TEMPS. HS „ injure. d'avoir ofé Lui faire des propofuions „ indignes d'Elle. Je comptois fur votre d:ver. „ fion; j'en faifois deux puiiïantes erl Flandre & „ en Italië; j'occupois fur le Rhin la plus groffe „ armée de la Reine de Hongrie. Mes dépenfes, „ mes efforts ont été couronnés des plus grands „ fuccès. V. M. en a fort expofé les fuires par „ le traité qu'EUe a conclu a mon infu. Si cette „ princefle y avoit foufcrit, toute fon armée de , Bohème fe feroit fubitement tournée contre „ moi; ce ne font pas la des moyens de paix. Je „ n'en reflens pas moins 1'horreur du péril que „ vous courez ; rien n'égalera 1'impatience de „ vous favoir en fureté, & votre tranquillité fera „ la mienne. Votre Majeflé efl: en force & la „ terreur de nos ennemis, & a emporté fur eux „ des avantages confidérables & glorieux;l'hiver „ avec cela ,qui fufpend les opérations militaires, „ fuffit feul pour La défendre. Qui eft plus „ capable que V. M. de fe donner de bons confeils it Elle-même ? Elle n'a qu'a fuivre ce que „ Lui dictera fon efprit, fon expérience, & par deflus tout fon honneur. Quant aux fecours qui de ma part ne peuvent confifter qu'en fubfides & en diverfions, j'ai fait toutes celles „ qui me font poftibles , & je continuerai par les moyens qui alfureut le mieux le fuccès. J'aug„ mente mes troupes, je ne négligé rien , je prelfe tout ce qui pourra poulfer Ia campagne „ prochaine avec la plus grande vigueur. Si Votre „ Majefté a des projets capables de forcifier mes L 3  246 H I S T O I R E ,, entreprifes, je La prie de me les ccmmuniquer „ & je me concerterai toujours de grand plaifir „ avec Ellê, &c." D'abord cette lettre paroït douce & polie; mais quand on confidère les circonftances facheufes oü fe trouvoit le Roi de PrulTe & les diffVrentes négociations avec la France qui 1'avoient précédée , on y retnarque un ton d'ironie d'autant plus déplacé , que 1'on n'étoit pas convenu de remplir par des épigrammes les engagemens réciproques coniraétés par le traité de Verfailles. Dépouillons cette lettre de tout vetbiage, & exaininons ce qu'elle dit réellement: Je fuis fort fiché que vous ayez conclu le traité de Hanovre fans m'en avertir, car le Prince de Lorraine reviendroit en Alface, fi la Reine de Hongrie 1'acceptoit. Ne voyez-vous pas que la guerre d'Italie & de Flandre que je foutiens, eft uua diverfion que je fais en votre faveur? Car je n'ai nu) intérêt a la conquête de Flandre, & 1'établilfement de mon gendre Don Philippe en Italië, me touche peu. Conti fait fi bien contenir les forces principales de la Reine de Hongrie en AUemagne, qu'il a repalfé le Rhin, laiiTé faire un Empereur a qui Fa voulu; que Traun a pu détacher Grune pour la Saxe & pourra le fuivre avec le refte de fes troupes, fi la Reine de Hongrie trouve a propos de 1'employer contre vous. J'ai fait de grandes chofes cette campagne: on a auffi parlé de vous. Je plains la fituation dangereufe oü vous vous êtes mis pour 1'atnour de moi; on n'acquiert de la gloire qu'en fe facrifiant pour la  DE MON TEMPS. '247 France ; témoignez da la conftance & fouffrez toujours; imitez 1'exemple de "mes autres alliés, que j'ai abandonnés a la vérité, mais auxquels j'ai domié 1'aumóne lorsqu'on les avoit dépouillés de toutes leurs poflelfions. Prenez confeil de votre efprit & de Ia prélbmption avec laquelle vous vous êtes ingéré quelquefois a me donner des avis; vous aurez fans doute affez d'habileté pour vous tirer d'ernbarras; d'ailleurs Ie froid de 1'htver engourdira vos ennemis, & ils ne pourront vous combattre. Si cependant ilvous arrivoit malheur, je vous promets que 1'académie franpoife fera 1'oraifon funèbre de votre empire , que vos enne. mis auront détruit. Votre nom fera placé dans le martyrologe oü fe trouve le nom d;s enthoufiaftes qui fe font perdus pour le fervice de la France & celui des alliés qu'elle a daigué abandonner. Vous voyez que j'ai fait des diverfions; je vous ai offert jusqu'a un milliou de livres de fubfides. Efpérez beaucoup dans Ia belle campagne que je ferai 1'été prochain , pour laquelle je pré0e tout dés a préfent, & comptez que je me ^jtterterai avec •vous fur tous les fujets oü vou^voudrez fuivre aveuglément mes volontés, & vous conformer a tout ce qui s'accorde avec mes intéréts." Dés que ies négociations de la paix furent afTez avancées pour être fur de leur réuflite, le Roi répondit au Roi de France par cette lettre, dont nous rapporterons Ie contenu, paree que Ia ma. tière dont il s'agit étoit auflï importante que délicate. „ Monfieur mon frère, aprês Ia lettre qus L 4  248 Hl-STOIRE „ j'avois écTite a V. M. en date du 15 de Novembre, je devois m'attendre de Sa part a des „ fecours réels. Je n'entre point dans les raifons „ qu'EIle peut avoir d'abandonner Ses alliés aux „ caprices de la fortune. Pour cette fois Ia ,, valeur feule de mes troupes m'a tiré du pas fcabreux oü je me trouvois. Si le nombre de mes „ ennemis m'eüt accablé, Votre Majefté fe feroit „ contentée de me plaindre, & j'aurois été fans „ reffources. Comment une alliance peut.elle ,, fubfifter fi les parties contraftantes ne concourent pas avec une même ardeur a leur conferva„ tion commune? Votre Majefté me dit de me confeiller moi.même; je le fais, puisqu'Elle „ le juge a propos. La raifon me dit de mettre promptement fin a une guerre qui „ n'a plus d'objet, depuis que les troupes au» ,, trichiennes ne font plus en Alface, & depuis „ la mort de l'Empereur. Les batailles qu'on donneroit déformais, ne produiroient qu'une „ effufion de &ng inutile. La raifon m'averat de „ penfer ajapropre fureté, & de confidérer le „ grand armement des Ruffes , qui menace le , royaume du cóté de la Courlande ; l'armée que M. de Traun commande fur le Rhin,qui pourroit aifément refluer vers la Saxe; l'inconftance de la fortune; &z enfin que dans la j, circonllance oü je me trouve, je ne puis m'at„ tendre a aucun fecours de la part de mes alliés. „ Les Autrichiens & les Saxons viennent d'en„ voyer ici des miniftres pour négocier la paix;  DE MON TEMPS. 249 „ je n'ai donc d'autre parti a prendre que de la „ figner. Après m'être acqaité ainfi de mon de„ voir envers 1'Etat que je gouverne & envers „ ma familie, aucun objet ne me tiendra plus a „ cceur que de pouvoir me rendre utile aux inté„ rèts de Votre Majefté. Puilfé-je être affez „ heureux pour fervir d'inftrument a la pacifica„ tion générale! Votre Majefté ne pourra confier „ fes vues a perfonne qui Lui foit plus attaché que je ne le fuis, ik qui travaillé avec plus de. „ zèle a rétabiir la concorde & ia bonne intelli„ gence entre les puilfances que ces longs démê» „ lés ont rendues ennemies. Je La prie de me „ conferver Son amitié, qui me fera toujours pré„ cieufe, & d'être perfuadée que je fuis &c." C'étoit fe congédier honnêtement, & alléguer des raifons fi valabies, qu'il auroit été impoflïble au Franpois d'y répondre. Cependant les Autrichiens & les Saxons étoient encore aux environs da Pirna; il falloit les éloïgner davaiuagc, puui travaUlcr plus irauquillemenc ji ia paix. Dans cette vue M. de Retzow fut détaché avec 5 bataillons & quelque cavalerie da cóté de Freyberg; la jaloufie qu'il donnoit de ce cóté, accéléra la retraite des alliés en Bohème.Les troupes faxounes faifoient a peine 15,000 hommes. Le Roi de Pologne, privé de fes revenus, n'avoit plus d'argent pour payer fes troupes; jl ne pouvoit pas attendre jusqn'aj printemps que les Ruffes fe miffent en mouvement; il fentoit la uullué de ce fecours; enfin la néceffué du momeut L 5  250 H I ST 0 I RE le forcoit a coufentir a Ia paix. Sur ces entrefaites le Comte de Harrach arriva a Dresde. II fuppofoit que, fier de fes fuccès, a 1'inuar des Autrichiens, le Roi en rehauITant fes prétentions les rendroit excelïïves; mais bientót détrompé de ce préjt'gé, il remercia même ce prince ds la facilite avec laquelle il fe prêtoit it cette négociation. Le Roi lui répondit que la caufe de la guerre ayant cefTé par la mort de Charles VII, il avoit été de•puis ce moment dans les mêmes difpofitïons oü il Ie voyoit aujourd'hui. M. de Harrach lacha quel> ques propofitions fur une entrevue entre le Roi & la Reine de Hongrie: elles furent éludées par 1'exemple de Pinutilité & des mauvaifes fuites de femblables entrevues; mais les louanges de cette princelTe adroitement mêlées aux refus parurent fatisfoirc le Comte. La paix fut fignée le 25 Décembre 1745. L'acceffion de la Reine de Hongrie a la convention de Hanovre n'étoit qu'un ïenouvellement pur & fimple de la paix de Breslau. Les Saxons promirent de ne jamais accorder de palTage par leur pays aux ennemis du Roi , fous quelque prétexte que ce püt être. Ou convint d'échanger le péage de Furfienberg contre quelques terres de la méme valeur. Le Roi de Pologne garantit le payement d'un million de contributions auquel 1'éleétorat s'étoit engagé ; il reuonca par le même article a toute indemnifation des frais de la guerre. Le Roi promit en revanche de faire cefier les contributions du jour de la fignature & de retirer inceflamment fes troupes de  DE MON TEMPS. 251 la Saxe, a Pc-xcepiion de Meiflen, oü étoïr Tliöpita! prufïïen-, ce qui lui fut accordé jusqu'a la guérifon des bleffés. Ainfi fioit cette feconde guerre, qui dnra en tout fejze mois; qui fe fit de part & d'autre avec un acharnement extréme; oü les Snxons découvrhreiU toute la haine qu'ils avoient contte la Prnffe & 1'envie que leur infpiroit ragrandiifement de eette puidiince voifine; oü les Autrichiens combattoient pour 1'Empire & pour Tinfluence dans les affaires de 1'Empire, dans lesquelles ils craignoient que les RufTes n'etl gagnaffent une trop grande; oü 1'on vit la PrulTe expofée a des dangers imminens, dont elle triompha par la difcipline & la valeur héroïque de fes troupes. Cette guerre ne donna pas lieu il ces grandes révoiutions qui ch.ingenr 1» deftmée des empires; mais elle empêcha que de pareils boulevcrfemens n'arrivaflènt alors, en obligeant le* Prince de Lorraine d'abandonner 1'Alface, La mort de Charles VII fut un de ces événemens qu'on ne fauroit prévoir. Elle dérangea le projet d'arracher pour jamais la dignité impériale a Ia nouvelle maifon d'Autriche. Ainfi en appréciant les chofes a leur jufte valeur, on efl obligé de convenir qu'a certains égards cette guerre caufa une effufion de fang inutile, & qu'un enchainement de viftoires ne fervit uniquement qu'a confirmer la PrulTe dans Ia pofTeffion de la Siléfie. Si nbus n'envifageons cette guerre que relativement a 1'accroilTement ou a 1'affoibliffement des puiflan-  252 HISTOIRE ces bellïgérantes, nous trouvons qu'elle couta aux Pruffiens huit milüons d'écus, mais qu'a la fignature de la paix il leur retfoic pour toute reflburce 150,000 écus pour la continuation de la guerre. Les Pruffiens firent dans ces deux campagnes 45.666 prifonniers fur leur* ennemis: favoir 12,000 hommes a Prague; 1739 par de petits partis; 250 aux affaires de Plomnitz & de Reinertz du Général Lehwald; 7136 a la bataille de Friedberg; 3,000 it la prife de Cofel, & 5,000 en différentes occafions par le Général Naffau; 250 par les houfards de Ziethen; 2,030 i la bataille de Sorr; 400 par les troupes du Margrave Charles dans la haute Siléfie; 427 par les partis de la garnifon de Glatz; 1342 par le Général de Winterfeld; 271 par Ie Major War- nerii i^y* & Ctholifeh Hennersdorff; 6,658 a, la bataille de Keffelsdorf & 3,758 a la prife de Dresde. Voici ce que prirent les Autrichiens: Ie régiment de Cr?nt7. k Rudiveis 14.00 Vinmmes; un bataillon de pionniers a Tabor 700, & de plus 400 malades de l'armée; 300 hommes a la fonie de Prague; 300 it Cofel, & 1340 dans diverfes petites affaires. Somme totale 4440; nombre bien inférieur aux pertes que les Autrichiens avoient fiites. La haute Siléfie fouffrit le plus de cette guerre, ainfi que quelques parties de la baffe, voifines de la Bohème, comme" les cercles de Hirfchberg, de Striegau & de Landshut. Mais c'étoient de ces maux qu'une bonne adminiflratiou répare facilemenc. La Bohème & ia Saxe fe res-  DE MON TEMPS. 253 fentirent également du féjour de grandes armées; cependant rien n'y étoit toulement ruiné. La Reine de Hongrie fut obligée d'euiployer tont fon crédit pour fe procurer des reffources qui la mis. fent en état de continuer la guerre: e'.le tiroit a la vérité des fubfides de la nation angloife; mais ils n'étoient pas fuffifans pour findemnifer des fommes que lui coütoient les opérations de fes armées en Flandre, fur le Rhin, en Italië, en Bohème & en Saxe. La guerre couta au Roi de Pologne au dela de 5 millions d'écus. 11 paya. fes dettes en papiers, en créa denouvea'ix; car •** pi fledoit 1'art de ruiner méthodiquement fon maitre. Le Roi de PrulTe donna fes premiers foins au létabliflement de fon armée; il la recompléta en grande partie par les prifonniers autrichiens & faxons dont il avoit le choix. Les troupes furent ainfi recrutées aux dépens des étrangers , & il n'en couta que 7,000 hommes a la patrie pour réparer les pertes que tant de batailles fanglantes avoient occafionnées. Depuis qu'en Europe 1'art de la guerre s'elt perfeftionné , depuis que la politique a fu établir une certaine balance de pouvoir entre les fouverains , le fort cotnmun des plus grandes entreprhes ne produit que rarement les rifets auxquels on devroit s'attendre : des forces égales des deux cotés & 1'alternative des pertes & des fuccès font qu'a la tin de la guerre Ia plus acharnée les ennemis fe trouvent chacun a-  254 HISTOIR.E DE MON TEMPS. peu prés dans 1'état oü ils étoient avant de 1'entreprendre. L'épuifement des finances prodnit enfin Ia paix, qui devroit être 1'ouvrage de 1'humanité & non de la néceffité. En un mot, fi Ia corfidération & Ia réputation des armes méritent qu'on faffe des efforts pour les obtenir, la PrulTe en les gagnant a été récompenfée d'avoir entrepris cette feconde guerre; mais voila tout ce qu'elle y acquit, & cette fumée encore lui fufcitoit des envieux. & l Pk