O E U V R E S H w POSTHUMES d e FREDERIC Iïi R 0 I DE P RU S S E. TOME III. a AMSTERDAM, chez D. j. changuion. 1789.   HISTOIRE DE LA GUERRE DE SEPT JNS, ToME l.   AVANT-PROPOS, I '& vois tracé le tableau des deux guerres que nous avons faites en Siléfie & en Bohème ; c'étoit 1'ouvrage d'un jeune homnie, & la fuite de cette démangeaifon d'écrire qui en Europe eft devenue une éfpèce de maladie épidémique. Depuis la paix de i746j'avois renonce a 1'hiftoire, paree que desintrigues politiques, fi elles ne mènent a rien , ne méritent pas plus de confidération que des tracafleries de fociété; & quelques détails fur Tadminiftration intérieure d'un Etat ne fourniflent pas une matière fuffifante a 1'hiftoire. L'a guerre qui furvint en "1756, me fit changer de fentiment; elle avoit été préparée avec tant d'art & d'artifice; le nombre des ennemis qui nous la firent, étoit fi fupéijeur aux forces pruffiennes, qu'un fujetauffi important ne me parut pas indigne d'être transmis a la poftérité. Pour eet effet, a la fin de chaque campagne je dreflai des mémoires fur les événemens qu'elle avoit produits & dont j'avois le fouvenir tout récent; mais cesfaits fe trouvant fort liés avec la politique, je fus A 2  4 AVANT - PROPOS. obligé de la faire entrer dans mon plan. J'ai eu en vue dans eet ouvrage deux objetsprinoipaux : 1'un de prouver a Ia poftérité & de «ïettre en évidence qu'il n'a pas dépendu de moi d'éviter cette guerre ; que 1'honneur & le bien de 1'Etat m'ont empeché de confentir ï la paix fous d'autres conditions que celles qui l'ont fait conclure: 1'autre de détailier toutes les opérations militaiFes avec le plus de clarté & de précifion qu'il m'a été poffible, pour laifler un recueil authentique des lituations avantageufes ou peu favorablesqui fe trouvent dans les provinces & dans les loyaumes oü la guerre feraportëe, toutes les Ibis que la maifon de Brandebourg aura des démêlés avèc celle d'Autriche. Le fuccès d'une guerre dépend en grande partie de 1'habileté du général, de la connoiflance des lieux qu'il occupe, & de 1'art avec lequel il fait tirer avantage du terrain , foit en empöchant 1'ennemi de prendre des poftes qui pourroient le fivorifer, foit en choififTant lui-méme les plus convenables a fes defTeins; la ledure de ces mémoires en fournira quantité d'exemplcs. Puur peu qu'on y pr&e attention, on appercevra le parti que  AVANT -PROPOS. 5- les Autrichiens ont tirédecertainespofitions, & celui que les Pruffièns ont tirédequelques> autres. A Dieu ne plaife qu'on revoie une feconde guerre ttuffi eompliquée & aufli diffieile que celle que nous venons de terminer! 11 n'eft pas probable qu'un pareil enchainement de caufes ramène de long-temps les mêmes conjonétures que celles oir nous- nous fommes trouvés* Lorsque la Prufle n'aura' pas a corabattre contre tant de puiflances,elle pourra toujours couvrir l'éle&orat de; Brandebourg & la Siléfie, en entrant tout de; fuite avec 1'armée en Bohème. C'eft dans une occafion femblableoüles camps delaSaxe & de la Bohème, dont j'ai parlé avec détaila, pourront être d'ufage, & abrégeront le travail de ceux qui conduiront les armées; car une des chofes les plus difficiles a la guerre,, c'eft lorsqu'on la porte dans quelque contrée peu connue, de favoir s'y orienter d'abord. On eft fouvent contraint.de prendre^ des pofnions au hazard, faute de connoitre: les bonnes-, qui fe trouvent quelquefois dansle voifinageon* ne fait que tïkonner, & Ili. 1'on fe campe mal, on s'expofe aux plus grands risques; au lieu qu'en trouvant de» ■d 3.  6 A VANT • PROFOS. campemens reconnus bons par l'expérience, on a jeu plus fur, & Ton procédé plus méthodiquetnent. J'obferverai cependant que les canrps font bons ou mauvais relativement aux circonftances; par exemple , celui de Torgau eft admirable quand vous avez 70,000 hommes pour le remplir; il eft défè&ueux, fi vous n'avez que 30,00c hommes contre 60,000, paree qu'il vous étend trop, vous affoiblit par conféquent, &que 1'ennemi, s'il veut, pourra percer de cöté ou d'autre a 1'endroit que vous aurez le moins garni. Un camp eft comme un vêtement; il ne doit être ni trop large, ni trop étroit pour celui qui le porte. Cependant, sll faut choifir, il vaut mieux avoir du monde de refte qu'on ne peut placer, que d'en avoir trop peu. II eft d'autres camps qui couvrent «ne partie du terrain, mais qui deviennent défeclueux, fi Pennemi par fes mouveraens change de diredtion ; par exemple le camp de Landshut, tout admirable qu'il eft pour couvrir la baffe Siléfie, devient mauvais & de défenfe nulle, auflitöt que ies impériaux iiennent Glatz & Wartha, paree qu'ils le a^urnent tout a fait. Dans des cas fembla-  AVANT - ?ROPOS. ? bles, le jugement doit difter le parti qu'il faut prendre; il dok empêcher furtout que 1'imitation ne devienne fervile, & par cela même mauvaife; pourquoi? paree que deux hommes ne fe trouvent jamais dans une fituation tout a fait femblable. 11 y aura quelque chofe de comparable dans leurs poütions, je le veux; mais examinez-les bien, cespofttions, vous trouverez des variétés infinies dans le détail, paree que la nature, féconde en tout fens, ne fait pas les mêmespbyfionomies, & ne répète pas les mêmes événemens. Ce feroit donc mal raifonner que de dire: M. de Luxembourg s'eft trouvé dans le cas oü je fuis; il s'en eft tiré de cette man.ière; donc je ferai la même chofe. Lesfaits paffés font bons pour nourrir 1'imagination & meubler la mémoire. C'eft un répertoire d'idées qui fournit de la matière, que le jugement doit pafier au creufet pour 1'épurer. Je le répète donc, les détails de la dernière guerre ne doivent fervir qu'a augmenter le magafin des idees militaires, & a conftater quelques pofitions principales, qui demeureront fixes, tant que les pays ne changeiont pas de forme, & que la nature ne fcra ^4  8 AVANT - PROPOS* pas bouleverfée. II eft trés probablequeies généraux autrichiens ne s'éearteront pas de la méthode du Maréchal. Daun , ( qui eft fans contredit la bonneT) & qu'a la première guerre on les trouvera aufli attentifs a fe bien pofter, qn'ils 1'ont été dans celle-cü Cela m'oblige d'obferver qn'un général aura< tort, s'il fe hate d'attaquer Tennemi dans: des poftes de montagnes, ou dans des terrains coupés. Le néceflité des conjonelures m'a forcé quelquefois d'en venir rtcette extrémité; mais lorsqu'on fait une guerre k puiflance égale, on peut fe proeurer desavantages plus furs par la rufe & -par IV dre.fle, fans s'expofer a d'auffi grands risques. Accumulez beaucoup de petits avantages ; leur fomme en produira de grands.. D'ailleurs 1'attaque d'un pofte bien défendueft un morceau de dure digeftion; vous pouvez facilernent être repouffé & battu. Vous ne 1'emportez qu'en facrifiant des 15 & des 20,000 hommes ; ce qui fait une brèche cruelle dans une armée. Les reeruesf fuppofé que vous en trouviez en abondance,. réparent le nombre, mais non pas la qualité. des foldats que vous avez perdus. Votre.  A V A NT * PROPOS. 9 pays fe dépeuple en renouvellant votre armée ; vos troupes dégénèrent, & fi la guerre eft longue, vous vous trouvez enfin a la tête de payfans mal exercés , mal difciplinés, avec lesquels vous ofez a peine paroïtre devant 1'ennemi. A la bonne freure qu'on s'ëcarte des régies dans une fituation violente; la néceflité fcule peut faire recourir aux remèdes défefpérés; corame on donnejde 1'émetique au malade, lorsqu'il ne refte aucune autre reflburce pour le guérir. Maïs ce cas excepté , il faut felon moi procéder avec plus de méhagement, & n'agir qu'avecpoids & mefure, paree que celui qui a la guerre donne le moins au hazard, eft le plus habile. 11 ne me refte plus qu'un mot a dire fur le ftyle que j'ai adopté. J'ai été fi excédé du Je & du Mot, qr.e je me fuis décidé a parler en troifième perfonne de ce qui me regsrde. II m'auroit été infupportable, dans un aufli long ouvrage, de parler toujours en mon propre nom. Du refte je me fuis fait une loi de m'attacher fcrupuleuferaentalavé-. rité, «Sc d'être impartial, paree que 1'animofité & la haine d'un auteur n'inftruit perfonne, & qu'il y a de la fbibleflè, & de la  IO AVANT - PROPOS. pufillanimité même, a ne pas dire du bien de fes ennemis, & a ne leur pas rendre la juftice qu'ils méritent. Si malgré moi je me fuis éloigné de cette régie que je me fuis prefcnte, la portérité me le pardonnera, «Sc me corrigtïa oü je mérite d'être repris. Tout ce que je pourrois ajouter a ce que je viens de dire, feroit fuperflu, & peut-être qu'un ouvrage fait, comme ce!ui-ci, pour être lu par peu de perfonnes, pouvoit fepaüer tout a fait d'avant-propos. A Potsdam le 3 de Mars 1764.  TABLE DES MATIERES DE LHISTOIRE DE LA GUERRE DE SEPT ANS. To ME I. Chap. -I. Des arrangemens intérieurs de la Pruffe ö? de P'rfutricbe dumnt In p/jix. Page i. Chap. II. De la Guerre <2? de la Politique depuis 1746 jusqtia 1756. H' Chap. III. Caufe de la rupture entre la Fratice ê? VAngleterre; négociation de Milord Holdernefs; al' Hand de la Pruffe & de FAngleterre; ofresde M. Rouilléj ambaffaie du Dtic de Nivernois; la France piquée; guerre déc/arée aux Anglois; le Duc de Richelieu prend le Cap Breton; bateaux plats qui épouvantent les Anglois; ils font venir des Hanovriens & des Heffois; les Ruffes fe retiforcent fur lafrontière de la Prusfe; ies AutrkMens raffemblent deux armées en Bo» hè-  hhne; intetligenct dans les archwes de Dresde, out out le myjlère cTiniquité fe découvre; brouilleries avec VAutriche ; raifons pour déclarer la guerre ; prémière difpofition des troupes} projet de campagne. 37. Chap. IV. Marche en Saxe; fameux camp de Pirna; entrêe cn Bohème; bataille de Lowofitz,- campagne eh. Maréchal Schwérin; fe cours de SchandaubaU tu; prife des Saxons; quartiers duiver; cordon. $ym Chap. V. De Phiver de 1756 èl 1757* 84. Chap. VI. Campagne de 1757. • pour la profufion d'artillerie & de bouches a feu que la mode introduifit bientót dans les armées. 11 auroit fallu le doubler, maiscommecelan'avoit point été ulïté dans les guerres précédentes, & que ces denx bataillons avoient fufB au fervice qu'on en demandoit, on ne fongea pas d'abord a 1'augmenter. Durant la paix on conllruifit les ©uvrages de Schweidnitz, &l'onperfeaionna ceux de Neifle , de Cofel, de Glatz &'de Glogau. Schweidnitz devoit fervir de dépót pour 1'armée, au cas que la guerre fe portat en Bohème fur cette frontière ; & comme les Autrichiens avoient ■ montré peu de capacité dans la dernière guerre -pour 1'attaque & la défenfe des places, on fecon-renta de conftruire légèrement ces ouvrages, ce qui étc it dans Ie fond très-mal raifonné, car les places ne fe conftruifent pas pour un temps, mais pour tuujours, & qui pouvoit garantir d'ailleurs •que flmpératrice Reine n'attirat pas quelque ha■bile ingénieur a fon fervice, qui apportant avec lui un art qui manq'uoit a 1'armée autrichienne, te;  ■BE SEPTANS. 5 lui enfeignat & Ie rendk commun? Mais fi 1'oa fit des fautes, on eut dans la fuite fujet de s'ea repentir, & d'apprendre a raifonnerplus folidement. D'autre pait öri prévit qu'une armée en bon;état & bien entretenue ne fuffit pas pour faire la guerre, mais qu'il faut de groïïes provifions de réferve, pour farmer, pour 1'habtller, & la renouvefcler, pour airifi dife; ce qui donna lieu a faire de grands amas de toutes fortes de fournitures, de felles, étriers, mords, bottes, gibernes, ceintivrons &c. On confervoit dans 1'arfenal 50, 000 fufils, 20,000 fabres-, 12, 000 épées, amant da piftolets, de carabines & de bsndoulières.,- en X» mot tout ce qu'il faut faris cefltr rènouveler, & que le temps ne donne pas toujonrs 1» moyendV voir aflez promptement dans le befoin. On avoit fait fondre de la groffe artillerie, confiftsnt en Ro pièces de batterie, & en 20 mortiers, quifutdépofée dans la forrereffe de Neifle. Les amas, de poudre a canon que 1'on avoit faits,, montoient a. 56,000 qunitaux, répartis dans les-différentesplaces du royaume. Les magafins d'abondance étoient remplis de 36, 000 winfpels de- farine & de 12,000 d'avoine-, de-forte que par ces mefuris & par ces arrangemens préalables tout étoit pré-paré pour la guerre qu'on p évoyoit, & qui ug paroiflbk pas éloigtiée. D^ns 1'année 17-55 leRor fit raëme une augmentation, darts les régimens de garnifon. Ceux do SDéfie fnrent portés i huk bawiltous, ceux de Prufie a trois, ceuxde. la.Mas'-'  jo BIST. DE LA GUERRE ene éleétorale a deux,- ce qui fait en tout 13 battaillons. Dans un payspauvrelefouverainnetrouve pas de reffources dans la bourfe de fes fujets, & fon devoir eft de fuppléer par fa prudence & fa bonne économie aux dépenfes extraordinaires, qui deviennent indifpenfables. Les fourmis amaffent en été ce qu'elles confomment en hiver, & le prince doit ménager durant la paix les fommes qu'il faut dépenfer dans Ia guerre. Ce point, malheureufement fi important, n'avoit pas été' oublié, & la Pruffe fe trouvoit en état de faire quelques campagnes de fes propres fonds ; en un mot elle étoit prête a paroltre dans 1'arèoe au premier fignal, & a fe mefurer avec fes emiemis. Vous verrez dans la fuite combien cette précaution fut utile, & Ja néceffiié oü fe trouve un roi de Pruffe, par la fituation bizarre de fes provinces, d'étre armé & préparé a tout événement , pour ne pas fervir de jouet a fes voifins & a fes ennemis. II auroit fallu au contraire en faire d'avantage, fi les fecultés de 1'Etat 1'a^oient permis ; car le Roi avoit dans la perfonne de 1'Impératrice • Reine Bne ennemie ambitieufe & vindicative , d'autant plus dangereufe . qu'elle «■tok femme, tn.êtée de fes opinions, & impla.de-foitjficauon, de géographie &, d'ruV  BESEPTANS. ji toire, qui formèrent des fujets capables; ce qiü devint une pépiniêre d'officiers pour ion armée» Par tous ces i'oiiis le militaire acquit dans ce pays un degré de perfection oü ifcn'étoit jamais parvenu fous les empereurs de la maffoti d'Autriche, & une femme exécuta des deffeins dignes d'un grand homme. Cette princefle, qni portoit fes vues fur toutes les parties de 1'adminiflration, peu fatisfaite de la maniére dont les affaires étrangères & politiques s'étoient jusques la -traitéesv fit choix du Comte Kaunitz fur la frn de Pannés 1755. Elle lui donna la patente de premier MLniftre, pour qu'une feule tête réunit toutes les branches du gouvernement; nous aurons lieu dans fon temps de faire connoitre plus particulièrement eet homme, qui joua un fi grand róle; il entta dans tous les fentimens de fa fouveraine; il eut 1'art de flatter fes paffions & de s'attirer fa ccn-fiance. Dès qu'il parvint au minillère, il travailla a former des alliances, & a ifoler le Roi de Pruffe, pour préparer les- voies a ce projet que 1'impératiice avoit tant a cceur, de recouvrer !a Siléfie , & d'abaifier ce pjince ;. mais comme c'eft la- proprement la mattere du chapitre fuivant, nous n'en dirons pas d'avantage fur ce lujes, Voila. comment ces deux puilfances durant !a paix. fe préparoient a la guerre, telles que deux athlétes, qui aiguifent leurs. armes,,& qui br.&» lént de l'impatieuce de s'ea fervir. A 7  t4 HIST. DE LA GUERRK CHAPITRE II. De la Guerre & de la Politique depuis 1746 jusqu'a 1756. *74ö- 1L/A paix de Dresde euc Ie deftin de Ia plupart des traités qui fe font faits entre les fouverains; «11e fufpendit les hoftilirés, fans déraciner les germes de difcorde qui fubfirtoient entre 1'Autriche & la Pruffe. Quelque diffimulation qu'employêt la cour de Vienne, elle avoit le cceur trop ulcéré de la perte de la Siléfie, pour que les effets de fon animofité & de fa haine ne lui échappaffent point, & ne fe manifettalTentpasenfia. La guerre entre ces deux puifiances n'avoit donc point été terminée proprement, mais elle avoit changé de forme; & quoique les armées ne fe combatisfent plus en campagne , les Autrichiens continuoient les hollilités du fond de leur cabinet. La rufe, 1'intrigue, 1'artifice, étoient les armes dont ils fe fervoient, pour brouiller les Pmfïïens avec toutes les cours de 1'Europe, & pour leur fufciter, s'il étoit pofïïble, des ennemis jusques aux extrémités de notre globe: nous en rapporterons des témoignages fuffifans; mais pour mettre plus d'ordre & plus de clatté dans cequenous allons dire, nous parcourrons fuccefïï ement les événemens principaux qui arrivèrent dans les diffé entes cours de I Europe. Et comme aptès la paix de Dresde Ia gueire ne laili'a pas de continue?  DESEPTANS. 15 entre la cour de Vienne &l'Angleterred'unepart, & la Franc* & 1'Ei'pagne de 1'autre, nous nous voyons obligés d'en faire un tableau raccourci, pour ne rien omettre de ce qui peut fervit a 1'mtelligence de cette hitroire. Lls armées impériales & alliées ne ProfPe'r*-A^ee; rent pas en Flatidre , oü elles avoient le Maré- u£ chal de Saxe en téte. A la fin de cette annéeFramre. ce Ma échal gagna la. bataille deRocoux. On en attribua la perte en partie au Prince de Waldeck, qui s'étoit mal pollé, & enpanieauxAutrichiens, qui ne fominrent pas les Hollandois. Le Prince Charles de Lorraine , après avoir éié fpeaateur de la défaite des Hollandois, envoya le Prince Louis de Bronfvïic pour couvrir leur retraite; il s'en acqwta fi bien, que les alüës gagnèrent Maftricht, fans que les Francois, qui les pourlüivoient, puflent les entamer. Le Maréchal de Saxe ouvrit la campagne fuivante 174?' par ta prife de la plupart des places de la Flandre hollandoife. Louis XV fe rendit en perfonne a 1'armée. La préfence du roi & de fes miniftres fut un lurcrolt d'embarras pour le Comte de Saxe & une chatge pour 1'armée. Les courtifans reraplisfoknt le camp d'intrigues, & contrecarroienc le général; une cour aufli nombreufe demand^it par jour 10,000 rations pour les chevaux des équipages. Mais ni la cour de Verfailles, ni les ennemis de la France ne purent eropêcher le Comte de Saxe de confeivec la fijpériorité durant cette cam»  16* HIST. DE LA GUERRE pagne. II avoit d'abord forrné le projet d'affiéget Matt-icht', pour en inipofer a 1'ennemi, il feignit d'en vonloir a I5ergen-op-zoom. LeDucdeCumberland- s'appercut de la 1'einte, fe mlt en marche & gagna prornptement les envïrons de Maftricht. Le Comte- fe voyant pré^enu, quitta en hate fon ..camp de Malines, & fe porta au dela de St.Tron fur les hatiteurs de Henderen. Les alliés, qui fè trouvoient dès la veille a lacommanderiedeYons, uégligèrent^ d'occuper cette hauteur importante; hidécis fur Ie choix de -leur champ de bataille, & vacillant dans leurs réfolurions, ils mirent le feu a des villages & 1'éteigrirent, garnirent ces villages de troupes, qu'ils retirérent enfuite; & après avoir embrafé le viliage de Lafeld le matin de 1'action , ils 1'étéignirent encore & y placèrent du monde, quoiqu'a 2,000 pas au devant de letrr front. Ce fut a ee viliage oü la bataille s'engagea. Le Maréchal de Saxe, témoin des mouvemens inconféquens des allie's, crut qtie Lafeld étoit vurde de troupés; il fe propofa de s'en faifir; & le trouva garni d'ennemis. L'attaqué commencafur le champ, & 'a force de la renouveler & de frrcrifier du monde-, les Francois emportèrent le viflage, ce qui décida faétion. Les alliés fe retirérent a MafMcht, fans que te Maréchal de Saxe les pourfuivit, paree que Mr. de Clerraont-Torrwerre fe difpenfa de charger 1'ennemi- avec fa cavalerie, ms'ijré les ordres rértérés qu'il avoit recus; «fitte défobéiflatiee- èÉ fon- généra] lui valttt le brtton  DESEPTJNS. xt de Maréchal de France. Löfcis XV ne gagna donc proprement par cette viftoire que le ftérile avantage de camper fur le champ de bataille, & le Duc de Cumberland, quoique battu, garantit Maftricht d'un fiége. Pour ne pas laifler néanmoïns écouIer inutilement la campagne, le Comte de Saxefe rabattk fur Bergen-op-zoom. II chargea Mr. de Lceweudahl de cette dillicile entreprife. Les excellens ouvrcges de Ca-horn, & 1'art admirable avec lequel il avoit conltruk les mines de cette place, la déféndirent presque feuls. Mr de Cronftrom en étoit Gouverneur; il avoit 90 ans; fon efprit étoit caduc & fon corps infirme. La garnifon n'étoit pas des meilleures , & les officiers fans expérience ne favoient s'ils devoientemployer 'les mines ou 1'inondation pour leur défenfe; ils eurent le fort de eet rine fameux dans 1'école, qu on dit être mort de faim entre deux boHTeaux d'avoine, ponr n'avoir pu faire un' choix. Les Frarcois donnèrent 1'aiTaut ï la place , & 1'emportèrent fans trouver presque de réfiftatice ; a peine le Gouverneur eut-il lé temps de fe fauver en bonnet de nuit & en robe de chambre. Cet exploit tetmina pour cette année les fuccès des Francois en Flandre. La fortune fut moins contraire aux impériaux en Italië & en Proven ce. La révolution arrivée a Gènes fit a la vérité manquer l'expédjtion du Comte de Braun fur Toulon. Cette révolution fe fit par hazard. Les Autrichiens maltraitoient quei-  18 HIST. DE LA GUERRE ques bourgeois-qui travailloient a embarquer de l'artillerie poür Antibes. Le peupie s'ameuta, foutint fes concitoyens infultés, & dans les pre» miers accès de fa fureur chalTa de Gènes le Marquis de Botta & toute Ia garnifon autrichienne. Ce contrecoup fit manquer 1'armêe de Provence de vivres & de munitions , & obligea Mr. de Eraun a vuider cette province. II mit & fon retour le fiége devant Génes; mars cette ville Ie foutint fans fuccomber; la France y envoya des fecours fous Mr. de Bouflers & depuis fous le Duc de Richelieu, ils prirenr tous deux de fi justes mefures, qu'ils rendirent les efforts des Autrichiens inutiles. Les troupes fran9oifes & efpagnoles, combinées fous Mr. de Belle-Isle, voulurent aprés la retraite de Mr. de Braun fe rouvrir le chemin de 1'Italie. Les Francois s'approchèrent les premiers du Col de l'aföette; Mr. de Be!le-Isle trouvant ce pofte foiblement ddfendu, jugea qu'il pourroit 1'lnfuker; il manda les Efpagnols pour 1'attaquer a forces reünies, & les Espagnols diffijrêrenc trois jours avant de le joindre. Cela donna ie temps au Roi de Sardaigne de rerjforcer ceux qui défendoient cette gorge, qu'il lui importoit fi fort de eonferver: fur cela les Efpagnols arrivèrent, & quoique les conjonetures ne fulTent plus les mêmes que lorsque Mr. de BelleIsle avoit mandé cerenfort, il n'eo voulut point avoir le démenti; il attaqua donc les Sardes avec beaucoup de vigueur, & après avoir employé touc  DESEPT/lNS 19 ce que lui pouvoit infpirer le courage & 1'audace , il fe fit tuer en arrachant de fes mains.iine palifïade du retraachemenx entremi ,• ne pouvant furraonter les obftacles que la nature & 1'art lui avoient oppofés, fes efforts ne fervirent qu'a aug* menter fes pertes. Lés troupés des deux couronnes furent partout repouffées , & le nombre d'officiers de coudition & des plus grandes maifons qni périrent, mit toute la France en deuil. Le public, fouvent injufte, rempli de préjugés, & apparemment mal inftruit, taxa cette entreprife de" témérité, elle n'étoit que hardie, & n'auroit pas ihanqué , fi Mr. de Belle - Isle eüt pui «xécuter fon projet lorsqu'il le concut, & fi la leuteur des Efpagnols ne lui eüt pas fait perdre les lauriers qu'il étoit prés de cueillir. • Cependant les Francois fe dédommageoiettt eft 174», Flandre des mauvais fuccès qu'ils avoient eus vers les Alpes. Le génie du Comte de Saxe avoit pris de 1'afcendant fur tous les ennemis de la France. Ce Maréchal ouvrit la campagne en mettant fon armée en marche fur plufieurs colonnes. L'une menacoit Luxembourg, 1'autre Bois-le-Duc, une autre Venlo; leurs mouvemens vinrent feréu-Chai,eUe, nir a Maftricht , dont elles formèrent 1'inveftifiement & firent le fiége. Mais quelques brillans que fuflent les fuccès du Comte de Saxe , fes triomphes même commencoient a devenir onéreux a la France. On en étoit a la huitième campagne , & la durée d'une guerre dont les  «» EIST. DE LA GUERRE commencemens avoient été funeltes, épuifoit la nation. Toutes les puiflances belligérantes s'en laflbient de même , après avoir fouvent changé de caufe , elle n'en avoit aucune a la fin. Le moment de la frénéfie étoit paffé; elles penferent férieufemenx a la paix, & entrèrent en négociation; cbacune fentoit fes plaies fecrètes & avoit befoin de trr.nquiüité pour les guérir. Les Anglois craignoient d'atigmenrer leurs dettes nationales, chef d'renc fes plus puifians motifs. Depuis peu Madame de Pompadour étoit devenne la maitrelle du Roi ; elle appréhendok que Ia eontlnuation de Ia guerre n'engageat Louis XV a fe mettre tous les ans a la tête de fon armée. Les abfences font dangereufes pour les favoris & pour les maitrefles; elle comprit que pour fixer le coeur  DESEPTANS. 01 de fon amant, il falloït écarter tout prétexte qui püt 1'éloigner d'elle; en nn mot qu'il falloït faire ia paix; & dès-lors elle y travailla de tout fon pouvoir. Lorsque Mr. de St. Séverin partit de Verfailles pour Aix-la-Chapelle eu qualité de plénipotentiaire , elle lui dit ces propres mots: „ au moins fouvenez-vous, Monfieur, de fit pas „ revenir fans l.i paix, le Roi la veut a tout „ prix" Le congres s'aflemb'.a donc a Aix-laChapelle. La ville de MalVticht fe rendit & Ia paix fut publiée. Par ce traité ia France rendit a la maifon d'Autriche toutes fes conquétes en Fiandre & en Brabant; moyennant quoi 1'Impératice céda les duchés de Parme & de Plaifance a Don Philippe, réverfibles toutefois a la maifon d'Autriche, puisqu'il étoit ftipulé que lorsque Don Carlos monteroit fur le tróne d'Efpagne, Don Philippe lui fuccéderoit au royaume d> Naples; & II eft remarquable que eet article ainfi concu fut ratifié fans la participation ni leconfentement du Roi d'Efpagne , de celui de Naples , & de Don Philippe. Aufli témoignèrentils leur mécontentement, en proteftant contre TOtttes les mefures prifes a Aix-la-Chapelle, contraires a 1'indépendance de leurs couronnes. Les intéréts de la France & de 1'Angleterre furent réglés dans Ie 7»e article, oüJ'Angleterres'engage a rendre le Cap Breton aux Fran9ois, & oü les deux couronnes fe garantiflent leurs pofleflions refpectives en Amérique, felon la teneur du traita"  22 HIST. DE LA GUERRE «TUtrecht; elles convinrent toutefois de.nommer des comHiilTaires pour vuider quelques différensfur les limites du Canada. Enfin Taaide 22 concient la garantie de Ja Siléfie par toutes les puisfan ces. U eft vifible, pour peu qu'on y donne d'attention,. que cette' paix faite a la bate étoit 1'oiiyrage d'un mouvement précipité , & que les puis(ances facrifioient a 1'embarras préfeut de leurs affaires les intéréts de 1'avenir. Ou éteignoit d'une part 1'incendie qui embrafoit 1'Europe, &del'autre ori amafTo.it des matières eombuftibles, propres a prendre feu a Ia première occafion. II ne falloit que la mort du Roi d'Efpagne pour excker de nouveaux troubles, & les limites indéterminées du Canada ne pouvoient manqiier de mettre un jour les Franco's aux prifes avec les Anglois. Quelquefois une campagne de plus, ou de la fermeté dans les négociations, terminerort pour longtemps les querelles des fouverains; mais on préfère les palliatifs aux ropiques , & une trève que 1'on figne par impatience a mie paix fo« lide. De ia La cour de.Vienne avoit perdu par cette guerVtone? re Ies duchés de Siléfie, de Panne, .& de Plaifance ; elle fouifioit impatiemment cette dimlhution de puiffance; %& comme. elle en rejetoit Ia faute principale fur les Anglois, qu'elle n'accufoit pas fans raifon de facrifier les intéréts de leurs alliés aux leurs propres, cela la dégoutoitde cette  DRSEPT.ANS. 83 alüance & la portöit a fonder le terrain a la. cour de Verfailles, afin d'effayer de détacber cette puiffatice de Ia Pruffe, & en même temps detrouver quelque expediënt pour concilier les intéréts des deux cours. Le Comte Kaunitz, duquel ce projet venpit particulièrement, étant plénipotentiaire de i'lmpératrice Reine a Aix-la-Chapelle, ne tarda pas a en faire les premières ouvertures a Mr. de St. Séveriu, en lui difant par manière d'infinuation, que fi la France vouloit s'entendre avec Ia maifon d'Autifche, il y auroit des enga^ gemens de bienféance a,prendre entre les deux cours, moyennant lesquels Ia Fiandre & le Brabant pourroient demeurer en propriété a Sa Majefté très-Chrétienne, pourvu qu'elle voulüt obliger !e Roi de PrufTe a rettuuer Ia Siléfie a 1'Impératrice Reine. L'appat étoit bien propre a tenter la cour de Verfailles, fi Louis XV, excédé 3é la guerre qu'il venoit de terminer, n'eütcraint d'en recommeucer une nouvelle pour exécuter ce projet; de forte que Mr. de St. Séverih déclina ces offres, tout avantageufes qu'elles étoiént. Le Comte Kaunitz ne s'eu tint pas la; eet hom- De la me, fi frivole dans fes goüts & fi profond dansFraticeles affaires, fut envoyé comme AmbaffadeuraParis. Il y travailla avec une afliduité '& une adresre ^fvnie a faire revenir les Francois de cette haine irréconciliable , qui depuis Francois I & Charles Quint fubfifte' entre les maifons de Bourbon & de Habspourg; il répétoit fouvent aux  34 HIST. DE LA GUERRE mtoiftres, que 1'agrandifTement des Prufliens étoit leur .ouvrage, qu'ils en avoient été payés d'ingratitude & qu'ils ne rireroient aucun parti d'un allié qui n'agilïbit que pour fes propres intéréts; d'autres fois il leur difoit, comme fi la force de la convidion lui eüt arraché ces paroles: „II eft „temps, Meflïeurs, que vous foniez de la tutelie „oü les Rois de Pruffe & de Sardaigne & nombre de petits princes vous tiennent; leur politi„que ne tend qu'a femer la zizanie entre les gran„des puiiTances, ce qui leur procure des moyens „d'agrandiflement: nous ne faifons la guerre qae „pour eux; il n'y a qu'a nous entendre, & a „ nous prêter mutuellement a des arrangemens qui „ en ótant tout fujet de différent entre les premiè„res puiiTances de 1'Europe, fervent de bafe a „une paix folide & permanente." Ces idéés pa, rurent d'abord bizarres a une nation qui avoit pris 1'habitude, par une longue fuite de guerres, de regarder la maifon impériale comme fon ennemie perpétuelle. Quoique le miniftère francois fefenttt fiatté de ritte de ces grandes puiffances qui donneroient des loix a■ 1'Europe, & de cette paix perpétueile, cependant d'autres confidérations le retenoient encore. Le Comte Kaunitz fans fe rebuter, revint fouvent a la charge; a force de répéter les mêmes propos, Ia cour de France fe familiarifant avec ces idéés, vint a fe perfuader infenfiblement que ces deux grandes .maifons n'étoient pas aufli incompatibles que leurs ancêtres rü.  DESEPTANS. Tavoient cru. II falloït da temps a ce germe pour fe développer & pour fe fortifier. Toutefois la doéhïne du Comte Kaunitz fit des profélytes, & caufa quelques refroidiiTemens entre Ia cout de" Verfailles & celle de Berlin. On le remarqua furtout a la miflion de Milord Tirconel a Berlin. Ce Miniftre, effarouché de cette idéé de tutelie que le Comte Kaunitz avoit tant rebattue, parloit fans ceiTe avec affeclation de 1'indépendance des grandes puiiTances. Un jour il tint même des propos affez imprudens, dont le fens étoit: pour peu que le Roi de Pruffe tergiverfe avec nous, nous le laisferons tomber & il fera écrafé. Les Francois confervèrent cependant les dehors d'utie amitié de bienféance vis-a-vis du Roi, quoique la cour de Verfailles ne regardant pas des liailbns a prendre avec flmpératrice Reine comme impoffibles, ne fe fentit plus d'éloignement pour elle. Les chofes reflèrent en France fur ce pied, jusqu'a ce que l les vexations des Anglois obligèrent Louis XV a recourir aux armes. La cour de Vienne ne trouvant pas dans celle De de Verfailles autant de facilité qu'elle fe 1'étoit'a Uli81i* prothis, toujours occupée cependant a lier fa partie, fe tourna vers celle de Pétersbourg, oü elle mit tout en mouvement pour rendre fon union plus étroite avec la Rulïïe, & pour brouiller 1'Inipératrice Elifabeth avec le Roi de Pruffe; un miniflre ruffe étoit fur que la baine contre la Pruffe lui étoit payée, & les Autrichiens en augmentoietjc Oem>. fofth. de Fr. II, T. III, JJ  atf HIST. DE LA GUERRE le falaire, a mefure qu'il y mettoit plus d'aigreur. Ceux qui étoient a la téte du gouvernement, ne cherchoient donc qu'a femer la discorde entre les cours de Pétersbourg & de Berlin, & une chofe innocente par elle-même leur en fournit le pré. texte. La néceflité d'établir une balance dans le Nord avoit déterminé Ia France, la PrulTe & la Suéde a faire une triple alliance. Le Comte Beftuchew affeéta d'en prendre ornbrage; il remplït rimpératrice d'appréhenfions, & porta les chofes au point, que tout de fuite les Ruffes formèrent des camps confidérables en Finlande fur les frontiêres des Suédois, & en Livonie vers celles de la Pruffe. Ces démonftrations fe renouvellèrent tj$o. depuis toutes les années. Dans des conjongures aufli critiques il s'éleva un différent entre la Ruffie & la Suède touchant les limites de la Finlande, qu'on n'avoit pas affez exactement déterminéespar le traité d'Abo. Ce prétexte facheux donnoit aux Ruffes Ia liberté de commencer Ia guerre , lorsqu'ils le jugeroient a propos. La cour de Vien- * ne fomenta ces diffenfions, dans Ie deffein d'inquiéter le Roi de Pruffe, & de 1'induire a quelque fauffe démarche, qui put Ie commettre avec la Ruflïe. Cependant 1'lmpératrice Reine fe contenta de fournir des alimens a 1'aigreur des deux cours , fans précipiter le moment de la rupture. La fituation oü le Roi fe trouvoit, étoit délicate & embarraffante; elle auroit pu devenir dangeïeufe, s'il n'eüt pas eu le bonheur d'ètre informé  DE SE PT A N S. des defTeins les plus fecrets de fes ennemis , en fe procurant toute la correfpondance des miniflres: de Saxe avec les cours de Vienne & de Pétersbourg. Le Comte de *»* fe fentoit hu* milié par la paix de Dresde; il étoit jaloux de Ia puilTance du Roi, & travailloit de concert avec Ia cour de Vienne a Pétersbourg , pour y communiquer la baine & 1'envie dont il étoit dévoré. Ce Minilire ne refpiroit que la guerre; il fe flattoit de profiter des premiers troubles de 1'Europe , pour abaiffer un voilln dangereux de la Saxe ; il comprenoit que eet électorat ne feroit pas épargné, & que les premiers efiforts des Pruffiens s'y porteroient , & toutefois il laiffoit dépérir 1'état militaire. Nous n'examinerons pas fi fa conduite fut bien conféquente, il ne devoit pas ignorer que tout Etat fe trompe, qui au lieu de fe repofer fur fes propres forces, fe fie a celles dé fes alliés. II n'y avoit donc rien de caché pour le Roi, & les fréquentes nouvelles quil recevoit, luifervoient comme de bouffble pour fe diriger au milieu des écueils qu'il avoit a éviter, & 1'empêchoient de prendre de pures démonftrations pour un deflein formé de lui déclarer incefTarament la guerre. L'afcendant de la cour de Vienne fur celle de Pétersbourg augmentoit cependant de jour en jour; il devoit s'accroitre rapLlement, paree *que 1'efprit du miniflre étoit préparé a recevoir favorablement les impreflious qu'on pouvoit lui B a  BIST. DE LA GUERRE donnér des Pruffiens. Le Comte de Beftuchew avoit foupconné Mr. de Mardefeld, Miniftre du Roi, d'être d'intelligence avec Mr. de la Chétardie, pour lui faire perdre fon pofte. Afin de fe venger de ces offenfes particulières , il engagea rimpératrice a conclure une alliance avec les Traité cours de Vienne & de Londres. Ce traité étoit e I74ö'avantageux a la RnfTie par deux raifons ; premièrement paree que 1'union de la maifon d'Autriche étoit converiable a la Ruffie , pour s'oppofer conjointement aux entreprife de la Porte; & en fecond lieu par les fubfides de 1'Angleterre, qui depuis inondèrent Pétersbourg. Les chofes étant ainfi difpofées, il ne fut pas difficile a 1'Impératrice Reine de rompre toute corre'pondance enrre la Prufle & la RulTie; ni les ménagemens que le Roi gardoit dans ces circonftances fcabreufes, ni une conduite toujours mefurée qu'il tint vis-a-vis de la cour de Pétersbourg, ne piirent empêcher que les chofes n'en vinflent bientot a un éclat. i"55. ^n '10mme d'une extraction obfeure, revétu du caraclére de Miniftre de RulTie , fut I'inftrument dont Mr. de Beftuchew fe fervit pour brouiller les deux cours. Ce Miniftre, chargé de faillr la première occafion d'en venir a une rupture , prit le premier prétexte qui fe préfenta pour remplir les intentions de fa cour. Le Roi donnoit des fétes a Charlottetibourg a 1'cccafion du mariage du Prince Ilenri avec la Princefie de Heffe.  DESEPTANS. fio Les miniftres étrangefs y parurent; le fourrier de la cour eut ordre de les inviter tous a fouper; il s'acquitta de fa commiffion, mais il ne put trouver le Miniftre rwffe, qui étoit parti exprès une demi-heure avant les autres. Ce Miniftre déclara le lendemain qu'il ne paroltroit plus a la cour après 1'affront fait a 1'lmpératrice en fa perfonne, èc qu'il attendroit le retour de fon courrier de Pétersbourg pour régler fa conduite ultdrieure fur les ordres qu'il en recevroit; ce courrier arriva , le Miniftre rufle partit fur le champ & furtivement de Berliu, efcorté pendant qu'il traverfoit la ville par les fecrétaires de lógatipn autrichiens & anglois. L'évafion de ce miniftre obligea le Roi a rappeler également fon miniftre de Pétersbourg. Dés que les Autrichiens furent délivrés en RulTie d'un miniftre pruflien qui les gênoit, ils lachèrent la bride a leur mauvaife volonté , & n'eurcut point honte de débiter les menfcnges & les calomnies les plus atroces, pour envenimer 1'efptit de fimpérairice Elifabeth contre le Roi. Ils lui perfuadèrent que ce- prince avoit tramé un complot contre fa vie, afin d'élever le Prince Iwan fur le tröne. L'Impératrice, qui» éroit d'un earaflère indolent & facile, les crut fur leur parole, voulant s'épargner la peine d'examiner la-chofe;& concut pour le Roi une haine irréconciliable. La France n'avoic dans ce temps aucun miniftre a Pé.tersbourg; celui que la Suède y entretenoit, étoit glus ruffe, que. fuédois-, éi. par conféquent pf» B* 3,  3o BIST, DE LA GUERRE propre a fervir Ie Roi; Se fone qu'il n'y avoit aucune voie pour parvenir a TImpératrice, &pour la tirer de Terreur oü Ia jetoiem le miniflre d'Autriche & fes créa;ures. La cour de Vienne, fatisfaite des feminiens de haine & d'animofité dont elle avoit rempli la cour de Pétersbourg contre la PrulTe , étoit trop habile pour poufïèr les chofes plus loin; elle fe contenta d'avoir difpofé les esprits a la rupture, mais n'en voulut pas précipiter i'événement, pour achever fes arrangemens intérieurs, &pour attendre qu'une occafion favorable lui permit de mettre au jour fes valles projets. C'étoit ainfi que la cour de Vienne agitort toute 1'Europe. & tramoit fourdement contre la PrufTe une confédération que le premier événement important devoit faire éclater. Cependant les diffèrens que Ia Suède avoit avec la Ruflïe pour les frontières de la Finlande furenr terminés a Tamiable; mais vers la fin de Tannéo 1756 il fe fit dans ce royaume une efpêce de révolution , dont nous ne faurions nous difpenfer da parler en peu de mots, paree que fes fuites influêrent fur les affaires générales de 1'Europe: voici ce qui y donna Iieu. La cour s'étoit depu'slong. temps brouillée avec les fénateurs du parti francois, a caufe d'une place de major généralvacante,que le Roi deiïinoit a Mr. de Lieven, & le fénat a Mr. de Ferfen. Le fénat 1'emporta. La cour, Tivement piquée de eet affront , contraria depuis dans toutes les occafioira le parti francois»  D E S E PT A N S, 3» Les Comtes de Brahé & de Hora, & le Sr de i75sj Wrange!, avec nombre de feigneurs des premières families du royaume , attachés au parti de la eour, lui firent efpérer la fupériorité aladiète, en faifant élire un maréchal qui fut entièrement & fa dévotion. Cependant 1'événement tourna d'nne manière toute oppofée , & le Comte Ferfen, ennemi de la cour, obtint cette charge par les intrigues & 1'appui de la faaion francoife. Dans cette diète, commencée le 17 OAobre 1755. 'e «nat, fier de fa fupériorité , préfema un mémoire aux Etats, pour décider le grand différent qui fubfistoit entre lui & le Roi au fujet de la diuribmion des charges. Comme les juges étoient a. la difpofition de fambaffadeur de France, le fénar triumpha; il abufa de fa viaoire, & s'en fervit pour diminuer cette ombre d'autorité dont le Roi avoit joui jtiiqu'alors felon les loix du royaume. L'itifolence de ces magiftrats alla même jusqu'a dépouiller la Reine des joyaux de la couronne , & de ceux qui lui avoient été donnés; il s'en fallut peu qu'au mépris de la raajefté fouveraine ces fénateurs féditieux n'entrepriffent de renverfcr letróne. Ces procédés outrageans firent de vives impreffions fur la cour , & fur ceux qui lui étoient attachés, principalement fur 1'efprit des Comtes Brahé & Horn & du Sr. de Wrangel. Ces feigneurs s'affemblèrent dans les premiers mouvemens de leur indignation, & réfolurent de changer par un coup hardi la forme du gouvernement. Le B 4  & X/ST. DE LA GUERRE Roi n'eut pas affez d'afcendant fur eux , pour les engager ft tempérer le parti violent qu'ils avoient pris; leurs mefures, concertées tumultuairement, furent plus mal exécutées encore ; & par un mélange d'audace & de timidité, ils hé/itèrent au moment de 1'exécution. Une entreprife différée eft d'ordinairedécouverte; quelques »mis foibles , auxquels ils s'étoient confiés, les trahirent. Le fénat prit des mefures vigoureufes pour fe mettre a 1'abri de route entreprife. Le Comte Brahé fut arrêté ; le Sr, de Wrangel & quelques autres feigneurs de ee parti eurent le bonheur de fe fauver. Le iiom du Roi parut dans Ia dépofition des conjurés. Enfin le Comte Brahé, & plufieurs perfonnes d'une naiffance obfcure, périrent fur 1'échafaud, & le Roi fut entièrement dépouillé des prérogatjves dont fon prédéceffeur & lui avoient joui felon la forme de gouvernement établie depuis Ia mort de Charles XII. Dès-lors M. d'Havrincourt, Ambaffadeur de France , fut véritablement Roi de SuèdeV il gouverna defpotiquement cette nation, & fengagea depuis dans ia guerre d'Allemagne d'une manière irréguliere, & oppofée aux conftitutions du gouvernement; ce qui ne f,roit pas arrivé, fi Ie Roi légitime avoit confervé 1'autorité dont Ü devoit jouir felon les loix. Tout le fervice que le Roi de Pruffe put rendre ft fon beau-frére , fut de repréfenter ft )a cour de Verfailles qu'il feroit. féant de. faire changer. de conduite au.  8'E'Pf' rfFröX 3$ miniftre arrogant qui mettoit toute la Suètfé èrr eombuflion ; mais la France ahrroit mieux vcir M. d'Havrincourt a la tête de ce royaume que celui qui en étoit le Roi légitime. L'année précédente il étoit furvenuun autre Du na~ démélé, mais moins facheux, entre la Pruïle & 1?5+> le Danemarck'. G'étoit au fujet d'un procés que la Comtefïe de Bentinck avoit avec fon mari. Cette femme-avoit cddé au Comte de Bentinck une terre fituée fur la frontière de 1'Oïlfrife, & depuis elle s'étoit r coup ie mal phyfique dont Lisbonne avoit eprouvé la rigueur. Caufe de la rupture entre la France & fAngleterre; négociation de Milord Holdernefs; alliance de la Pruffe 6? de PAngleterre; offres de Mr. Rouillé; Ambaffade du Duc de Nivertiois; la France piquée; guerre déclarie aux Anglois; le Duc de Ricbelieu prend le Cap Breton j bateaux plats qui êpouvantent les Anglois; ik font vetiir des Hanovriens & des Heffoiv; les R'uffes fe renforcent fur la fronttere de la Pruffe; les Autrichiens raffemblent deux arméés en Bohème; intelligence daus les archives de Dresdè, oü tout le mjftèrg cTiniquité fe dècouvre ; brouilleries avec VAuiriche ; raifons pour déclarer la guerre ; première difpofition des troupes; projet de campagne.. _/\j>rès nous être fait une idee de la fituation oü i7&i fe trouvoiant les puiiTances de 1'Europe au com» mencement de 1'année 1755, il faudra. vous mettre fous les yeux les caufes des diffenfions quidannérent lieu a la guerre entre la France &. 1'Angleterre. Les affaires préfentes tiennent fi fort aux, événeraeos: paffes , q.u'il. faut reraonter au traité BZ CHAPITRE IIL  2# HIST. DE LA GUERRE d'Utrecht pour arriver aux fources de ces brouille■ties. EHes tirent leur origine d'anciens démélés que les Francois avoient eus avec les Anglois fur les limites du Canada. Louis XIV, prelTëdeconclure le traité d'Utrecht, afin de détacher la Reine Anne de la grande alliance, ordonna a fes p!énipotentiaïres de figner fans chicane. Ces plénipotenttaires fefervirent de'termes équivoques, pour marquer les limites du Canade fur lesquelles rouloit le différent. Ce que la France gagnoit par ce traité valoit plus que toutes fes polfeflions dans cette contrée (lérile. Mais dés que les troubles de 1' Europe furent appaifés, les Anglois & les Fran» cois inteiprétèrent chacun a leur avantage farticle des limites de léurs pofTeffions en Amérique. II y eut quelques débats entre les colonies de ces deux nations, fans cependant que ces querelles fourdes dégéneraffent en hoftilités ouvertes. Par le traité de paix d'Aix-la-Chapel!e on auroit dü applanir toutes les difficultési Mr de St Séverin & fes collégues; obligés par les ordres réitérés de la cour de France d'accélérer la fignature des prélirainaires, renvoyèrent la difcuflïon des limites de ces colonies a 1'examen des commiffaffes que les deux cours nommeroient aprés la conclufion de la paix: ces commilïairess'étantaiTemblés, loin que leurs conférences rapprochaffèntlé-sefprits des deux nations, le mécontentement & 1'aigreur n'allèrent qu'en augmentant. L'ambalTade du Duc de Mirepoixj & la négociation qu'il eutama a Ltrn-  DE S E PT A N S. Z9 dtes, ne produifit rien; on fe reprochoit mutueltement de Fft mauvaife foi, les troupes angloifes & francoifes dans 1'Amérique en venoienc a des hoAilités; elles s'enlevoient des forts, & on fe faifoit déja la guerre fans fe 1'être déclarèe. Dans les. 'relations de ces contrées les officiers anglois ne manquoient pas de rejeter la faute de leurs viulences fur les Fran9ois; ils envoyoient de part & d'autre des faftums, pour juitifier leur conduite 5 la villende Londres en étoit inondée. La nation angioife, ftcile a s'enflammer lorqu'elle croit avoir a fe plaiodre de la France, déja mécontente de la. paix d'Aix-la Chapelie, ne rerpiroit que la guerre, la conduite du Duc de Curaberland achevaderendre cette f.rmentation générale. 11 voyoit que le grand age du Rot fon pére 1'approchoit desbornes de la vie; pour augmenter fon crédit, & pour avoir plus d'mfluence dans lerégnefuivant, il avoit formé le deffein de remplir le confeilde fescréatures, & de faire paffer tous les grands emplois de ia couronne a des perfonnes qui lui fuflent entiéreinent dévouées. II s'etoit déterminé dans fon choix en faveur du Sr Fox, qu'il deftinoita la place de chef de la tréforerie, & i tous les emplois dont le Duc de Newcaftle etoit revêtu. Mais cette élévation du Sr Fox ne pouvoit avoirlieuqu'en • déplacant le Duc de Newcaftle, & cela étoit d'autant plus difficile, que ce feigneur jonilToit d'un grand crédit fur 1'efprit du Roi, qu'il étoit confidéré -dans le parlement par fes longs fervices,  40 HIST. DE LA CUElCRE' par fa venu, & par fon bon naturel, qu'il étoit eftimé de la nation a caufe de fesimmenfes richeffes, de toutes les places qu'il avoit a donner, & enfin du nombre de membres du parlement qua fes polTefltous lui donnoient Ie droit d'éiire. Le Duc de Cumberland imaginaquelemeilleurmoyeri pour faire abandonner au Duc de Newcaftle fes grands emplois, feroit d'engager Ia nation dans une guerre avec Ia Franee, par oüilmettroit Ieminiftre dans la néceflité d'ajouter de nouvelles dettes a celles dont le gouvernement étoit déja furchargé; cequi fourniroic des griefs a 1'oppofition: ou bien il fe flattoit de profiter des mauvais fuccés pofïïbles au commencement d'une guerre, pour en rejeter la faute fur Ie miniftre, & Ie détertniner a force d'in* quiétudes & de perfécutions a renoncer de luimême a fes emplois. Ce projet étoit vafte & com» pliqué. Pour le mettre en exécution, il ralloic commencer par envenimer les querelles des deuxnations, & les poner a rompre la paix. Cela fur facile; au feul nom de Francois le peuple de Londres entre en fureur; les matières combuftibres étoient raiïemblées, elles s'èmbrafèrent bien viter ce peuple fougueux obligea Ie Roi George a faire quelques armemens. Une démarche en entraina infenfiblement une autre; on en vint a des voies de fait; des violences donnèreat lieu a-des repréfailles, & dés ia fin de 1754 la guerre entre les deux nations parut irévitabie. Oa remarqua eejesdant que le mkiiftèrg de Verlaüles-agh avec plu*  BESEPTJNS. 41 de mefure & de modération, & que les mauvais procédés venoient tous de la part des Anglois. Les deux Rois fe voyant menacés de la guerre, tachèrent chacun de leur cöié de fortifier leurparti, en refierrant les anciennes alliances, ou en en formant de nouveiles. Le Roi futalors recherché par les Francois & par les Anglois, Son alliance avec la cour de Verfailles n'étoit point expirée; toutefois les poffeffions des Francois aux Indes é oient exceptées des garanties de la prufle; & dans ces conjonctures il paroiffoit que le partage des Pruffiens feroit de demeurer neutres pendant ces troubles, & d'en être les fimples fpectateu?s. Ce n'étoit pas ce que 1'on penfoit a Verfailles; la cour paroiffoit croire que le Roi de Pruffe étoit. a 1'égard de la France, ce qu'eft un defpote de Valachie a 1'égard de laPorte, c'eft a dire; un prince fubordonné, & oblige de faire la gue'rre dès. qu'on lui en envoie 1'ordre. Elle fe perfuadoic de plus qu'en ponaut la guerre dans l'éle&orat de Hanovre, elle feroit mollir le Roi de la Grande Bretagne, & termineroit ainfi au centre de i'Erapire les diferends qui fubfiftoient aux Indes entre elle & les Anglois. M. Rouillé, alors Miniftre des affaires étrangéres, dit un jour a M. deKnyphaufen, dans fintention o'engager le Roi a contribuer a cette diverfion: „écrivez, Monfieur, au ,,Roi de Pruffe, qu'ilnous-aflïftedansl'expédition ,. de Hanovre; il y a la de quoi piller, le rréfor ^.du Roi d'Angleterre eft bien fourni, le Roi n-'*»  42 HIST. DE LA GUERRE ;,qu'a le prendre; c'eft, Monfieur, une bonne „capture." Le Roi lui fit réponrire que de pareilles propofitions étoient convenables pour négocier avec d'autres, & qu'il efpéroit qu'a 1'avenir M. Rouillé voudroit bien apprendre a diftinguer les perfonnes avec lesquelles il avoit atraiter. Ces négociations devinrent plus vivesfurla fin de 1755. Le Roi George, informé du deffein desFranfois, allarmé de 1'orage qui raenacoit fon éle&orat, fe perfuada que la manière la plus füre de leconjurer étoit de conclure une alliance défenfive avr. ia la Pruffe; il favoit que les liens qui unifïbL-nt le Roi de Pruffe au Roi de France étoient fur le point de finir, paree que le terme du traité de Verfaillesexpiroit au mois de Mars de 1'année 1756, & il chargea Mylord Holdernefs, fon Secrétaire d'Etat, d'entamer la négociation avec la cour de Berlin. Mylord Holdernefs, incertain des difpofitions duRoi de Pruffe fur cette alliance, pour ne point expofer fon maltre a un refus direét, en hazarda les premières propofitions par Ie Duc de Bronfwic. Ces ouvertures fe firent fous le prétexte d'affurer le repos de 1'Allemagne contre le danger dont la menacoit une guerre prochaine. On demandoit au Roi d'entrer dans des meftires qui puffent affurer & affermir la tranquillité publique. Cette propofition tiroit a. grande conféquence: dans lafitua. tion oü fe trouvoit alors Ia Pruffe, le parti qu'elle alloit prendre, influoit fur la paix & fur la guerre. Si 1'on renouvelloit le traité avec la France, il fal»  D Ë 'S E P T A N S. 4S Joit attaquer 1'éleaorat de Hanovre; ce qui étoit s'attirer fur les bras les forces des Anglois, des Autrichiens & des Rulles. Si 1'on concluoit une alliance avec 1'Angleterre, il étoit probable que les Francois ne porteroient point la- guerre dans 1'Empire,' & que la Pruffe fe trouveroit liée avec la Grande liretagne & avec la RuiTie; ce qui fetnbloit obliger 1'lmpératrice Reine a demeurer en paix, quelque envie qu'elle eut de reconquérir la Siléfie, & quelques préparatifs qu'elle eftt faits pour agir auffrót que 1'occafion le lui permewroit. Avant que de fe déterminer, le Roi jugea néanmoins a propos dte s'affurer de ia facon de penfer de la cour de Ruffe; mais comme il avoit dans la perfonne du Chancelier Beftuchew un ennemi déclaré, il ne fut pas pofïïble de tirer des é'claircisfemens directs de Pétersbourg même, ou toute intelligence entre les deux cours étoit rompue; ü eut donc recours au Sr. de KlinggradF, fon Miniftre a la cour impériale, &a Mylord Holdernefs lui-même, pour favoit dans quel termes la RulTie étoit avec TAngleierre, & furtout fi c'étoit la cour de Viennè' ou celle de Londres qui avoit plus d'inlluence aPétersbourg. Le Sr.deKlinggrajffréponditqueles Ruffes étant une nation intéreffée,iln'y avoit aucun doute qu'ils ne fuffent plus attachés a ceux qui pouvoient les acheter, qu'a ceux qui n'avoient rien a leur donner; que ITmpératrice Reine manquoit fouvent de reffources pour fes propres dépsnfes ; qu'ainfi les Ruffes &'en tiea-  44 EIST. DE LA GUERRE droient aux Anglois , que des richeiTes immemes .me'ttoient en état de leur payer de gros fubfides. La réponfe de Mylord Holdernefs portoit que Tintelligence entre 1'Angleterre & la Ruffie étantparfake, le Roi George comptokfermementfuri'amitié de 1'lmpératrice Elifabeth. Les informations que le Roi- tiroit de fon miniftre a la Haye, & trouvèrent quadrer fi bien avec ce qu'on lui avoit écrit de Vienne & de Londres , qu'il crut que tant de perfonnes ne pouvoient fe trompet toutes fur le même fujet & que leurs conjectures érant les mêraes, elles devoient êire juftes. Ce fut ce qui le détermïna; il entra en négociation avec 1'Angleterre, & fit répondre a Mylord Holdernefs qu'il n'étoit pas éloigné de prendre avec le Roi de la Grande Bretagne des mefures innocentes, défenfives, & uniquement relatives a. la neutraliré de 1'Allemagne. Ces deux puiiTances fe trouvantd'accord fur les principes de leurs liaifons, elles pacvinrent bientót a la conclufion du traité, qui fut figné a Londres le 16 Janvier 175Ö. Ce traité eontenoit quatre articles, dont les trois premiers. étoient relatifs aux garanties réciproques que ces deux puiiTances fe donnoient pour la fnreté de leurs propres Etats; le dernier regardoit direftement rAUemagne, & portok des engagemens pour empêcher que des troupes étrangères n'y entrafTenr. II y avoit deux articles fecrets; on convenoit par 1'un que les Pays-bas autrichiens feroient exceptés de la garantie de 1'Allemagne, & par 1'autre l'Aa-  DE S E P T A N S 45 g'leterre s'engageóit' a payer 20,000 livres fterlings aux négocians pruflïens qui avoient a prétendre nn dédommagement des prifes non reftituées que les Anglois avoient faites fur eux pendant la dernière guerre. Ce traité arriva figné a Berliu envir'on un rriois après que le Ouc de Nivernois s'y fut rendu. Louis XV envoyoit ce feigneur au Roi, pour renouvel'er 1'alÜance de Verfailles dont le terme alloit finir, & p'us encore pour faire entrer la Pruffe dans le projet que la France roéditoit contre 1'éleétorat de Hanovre. L'argument le plus fort qu'employa le Duc de Nivernois, pour engagerle R.oi dans cette alliance & dans cette guerre, fnt de lui offrir la fouveraineté de 1'lle de Tabago. II faut favoiT qu'après la guerre de 1740 les Francois avoient donné cette ile au Comte de Saxe; & comme les Anglois en parurent très-mécontens, il fut ftipulé qu'elle demeureroit déferte & ne pourroit être cultivèe par aucvrne nation. Cette offre étoit trop fingulière pour être re9ue. Le Roi tourna la chofe en plaifanterie & pria le Duc de Nivernois de jeter les yeux fur quelqu'un qui fut plus propre que lui h devenir Gouverneur de file de Baratariai il décltna de même le renouvellement d'alliance & la guerre dont il avoit été queftion , & pour agir avet la plus grande candeur vis-a-vis de la France, pour la convaincre de 1'innocence des nouveaux engagemens qu'il avoit pris avec 1'Angleterre, il ne fit point difficulté de montrer en original_ au Duc de Nivernois le traité qui venoit d'être fi-  4 & Dippoldiswalda , pour fe rendre a Cotta. .La.'  2> E S E'P 7 ' A~ NS. "' 5^ feeondc colonne, oü fe tfouvoit le Roi. marcha fur Pi'etfch, tandis que le Prince Maurice deDeffau fe rendit maitre de Wittenberg; après quoice dérachement, réuni au refte du corps, paffa 1'Elbe a Torgau, d'oü le Roi fe porta par Strehlen & Lommatfch a Wilsdruf. Ce fut la qu'on apprit avec certitude que toutes les troupes fax onnes s'étoient rendues a Pirna, que le Roi y étoit en perfonne, qu'il n'y avoit point de garnifon aDresde, mais que la Reine y étoit demeurée. Le Roi fit compiimenter la Reine de l'ologne, & les troupes prufliennes entrérent dans cette caphale, en obfervant une fi exacte difcipline, que perfonnen'eut a s'en plaindre. L'armée campa prés de Dresde , d'oü elle s'avanca le lendemain vers Pirna , & fe pofta entre 1'Elbe, Sèdelitz & Zeft. La troifiéme colonne fous le commandement du Prince de Bévern traverfa la Luface, oü ayant été jointe a Elfterwerda par 25 efcadrons de cuiraffiers & de houfards venant de la Siléfie, elle fe porta fur Bautzen, fur Stolpen, & enfin fur La-ha ■ men. Le Prince Ferdinand arriva en même temps ; 3 Cotta, de forte que par la jonélion de ces trois colonnes aux environs de Pirna, les troupes fazonnes fe trouvérent entièrement blcquées. Cependant Ie voifiiiage de tant d'armées ne donna . lieua aucun incident; on ne commit aucune hos- '• tilité.. Les Sashui fouffnrem: avec beaucoup de b eifüité qu'oh' les affimat, 6: chacun de fon eöté d(Ü)a.d'atfureE kjiv établifliment la mieusqu'Uput».C 6  6o HIST. BE LA GUERRE Le Roi de Pologne, dans Pintention dë gagner du temps, entama une négociation; il étoit plus aifé pour les Saxons d'écrire que de fe battre; ïls firent a plufiéurs reprifes des propofitions , qui n'ayant rieu de folide, furent rejetées; leur but étoit d'obtenir une parfaite neutralité; & le Roi ne pouvoit y donner les mains, paree que les en->gagemens du Roi de Pologne avec la cour de Vienne & la Rufiïe lui étoient trop bien connus. Lés Saxons cependant faifoient retendr toute 1'Europe de leurs cris; ils répandoient les bruits les plus injurieux aux PrulTiens fur leur invafibn dans eet électotat: il étoit nécefTaire de défabufer le public de toutes ces calomtiies, qui n'étant point réfutées, s'accréditoient, & rempliffoient 1'Europe de préjngés contre Ia conduite du Roi. Depuis long-temps ii pofledolt la copie des traités du Roi de Pologne & des relations de fes minifkes aux cours étrangères. Quoique ces piêces juftifiaffent pleinement les emreprifes de la PrufTe, on> Be pouvoit en tirer parti. Si on les eüt publiéesi. . les Saxons les auroient taxées de piêces fuppofées< & fbrgées a plaifir, pour aiuorifer une conduiteaudacieufe qu'on ne pouvoit foutenlrquepardesmenfonges. C'efl ce qui obligea d'avoir reeour» aux piêces originales, qui fe trouvoient encoredans les archives de Dresde. Le Roi donna des< ordres pour qu'on s'en faislt velles étoient toutes emballées & prêtes a être euvoyées en Pologne. La Eeine, qui en fut iofoimée, vouiut s'y oppofer?  D E S E P T A NS. ft on eut bien delapeine a lui faire covnprendre qu'elle feroit mieux de céder par complaifance pour le Roi'de PrufTe, & de ne point fe roidir contre une cntreprife qui, quoique moins mefuréequ'onn'auroit fouhaité, étoit cependant la fuite d'une néceflité abfolue. Le premier ufage qu'on fit de ces archives fut d'en donner 1'extrait connu au public fous le titre de Mémoire raifonnè fur les defeins datigereux des cours de Vienne & de Dresde, aveo les piêces juftificatives.- Pendant que cette fcè'ne fe pafToit au chateau' de Dresde, les troupes pruffiennes & faxonnesdemeuroient dans Cina&ion. le Roi de Pologne s'amufant de 1'efpérance des fecours autrichiens qui devoient lui venir, & le Roi de Pruffe ne pouvant riem entreprendre contre un terrain-vis-a visduquel le nombre & la valeur devenoient inutiles. 11 ne fera pas hors de propos, pour 1'kuclligëncedes événemens qae nons aurons 2t rapp'orter dans la fuite, que nous entrions dans un détail circon'ftaficié fur le fameux camp de Pirna, & fur la pofition que les troupes faxonnes y occupoiënt. La nature s'étoit complue,. dans ce terrain bizarre,a- forrner une efpéce de fortereffe,' a laquelle 1'art n'avoit que peu-ou rien a ajouter, A 1'Orient de cette pofition coule 1'Elbe entre desrochers, qui en rétréciffant fon cours la rendent plus rapide^ la --droite des Saxons s'appuyoit a la petite fortereffe de Sonnenftein prés de 1'Elbe; dans un bas-fond, m pied de ces rocbers, eft fituée la ville de Pir« Cl  6*; . BIST. DE LA GUERRE na dont Ie camp tirefon nom; !e front, qui fait face au Nord, s'étend jusqu'au Kohlberg; celuici fait comme le baflion de cette counine, devantlaquelle régne un raviu de 60 a 80 pleds de profondeur, qui de la tournant vers la gauche entoure tout le camp, & va aboutir au pied du Koenigftein. Du Kohlberg, qui foyne une efpéce d'angle,. " une chaine de rochers dont les Saxons occupoienti la ej&e* ayant 1'afpect, tourné vers 1'Occident, va, laiffanr Rottendorf devant foi, & fe rétréciffant. vers Struppen & Léopoldsheim, fe terrniner aux hords de 1'Elbe a Kcenigttein. Les Saxons-, trop foibles pour remplir le contour de ce camp, qui préfentoit de tous cótés des rochers inabordables fg bornérent a bien garnir les paffages diffieiles, & cependant les feuls par lesquels on püt veniraeux;. ils y pratiquèrent des abatis, des redoutes, & des paliffades; a quoi.il leur étoit facilederéuiïir, vu 5es immenfes foréts de pin dont les cimes de ces saonts font chargées. Ce camp, un des plusforts de 1'Europe, ayant êté examiné & recannu en détail, fut jugé a 1'abii des lurprïfes & des attaques & comme le temps & la difette pouvoient feuls vaincre tant d'obftacles, on réfolut de le bloquerétroitement, pour empêcher que.les troupes faxon— nes ne tiralïent des vivres des environs, & d'en nfer, en tout comme dans un (lége en forme. Dans cette vue le Roi deftina une partle de fon mondek faire la circonvallation de ce-camp, & 1'autre fut. employée il foimer 1'armée .d'ofclervat-wa,- GeM  D E S E P T A N S. 63 te difpofition, lameilleure qu'on put imaginer dam» ces conjonftures, étoit d autmt plus rage, que les Saxons s'étant réfugiés en Mfe fur cesrochers, „'avoient pas eu le temps d'amaiTer beaucoup de fubliftances, & que ce qu'ils en avoient, ne pouvoit ies mener tout au plus qu'a deux mois. Bientót les troupes du Roi occupèrent tous les paffagespar lesquels les fecours ou les vivres autoient pu arriver aux Saxons. Le Prince de Bévern avec fa divifion prit les poftes de Lohmen, Wehlen, Oberswaden & Schandau tout le long de 1'Elbe; fa droite communiquoit a la divifion du Roi par le pont qui fut conftruit proche de labriqueterie; jo bataillons & 1° efcadrons, qui campoient auprès du Roi, occupoient remplacement depuis 1'Elbe & le viliage de Sédelitz jusqu'a Zeft, 00 commenCoit la divifion du Prince Maunce, qui. s'éiendoit au dela de Cotta par des détachemens qu'il avoit poufles a Léopoldsheim, MarUersdorf, Hemiersdorf, & Noellendorf: en tout 38 bataillons & 30 efcadrons fervoient a former cette circonvallation dont noitf verons de parler. D'autre' parr le Maréchal Keith eut le commandement de 1'armée d'obfervation; elle confiftoitea 20 bataillons & en 7° efcadrons. Le Ptince Ferdinand de Bionfwic entra le premier en Bohème avec 1'avant-gardej ayant paffé Péters>valde, Urencontra a Noellendorf M. de Wied, Général autrtchieii, avec 10 bataillons de grenadiers &dela, cavalerie a proporcipn; il le délogea du viilage *,  rSj. HIST. DE LA CU.ERRE f'Autrichien prit Ia fuite, & le Prince pourfuivir fa marche. Le Maréchal Keith approcha iromédiatement après d'Auftig;. & fe campa a Johnsdorf, Septem- d'oü il détacha Mi de Mannftein; qui s'empara bre- du cbateau de Tetfchen, pour aflurer la navigation de 1'Elbe. Les chofes en reftèrgnt la en Saxe & dans cette partie de la Bohème jusqu'd lafin du mois. D'un autre cóié M. de Piccolominicampoit avantageufement prés de Kcenigsgrstz fur les hauteurs fituées entre le confluent de 1'Adler &: de 1'Elbe. Sou camp, de fignre angulaire, n'étoit: abordable d'aucun cöté. Le Maréchal deSchwér'm venoit de déboucher avec fon armée par lecomté de Glatz , d'oü il s'avanca dabord a Nachody puis fur les bords de ia Métau & enfin fur Aujeft,. oü il défit M. de Buccow, qui venant au devant de lui avec un corps de cavalerie, fe fit bien battre & perdlt 200 hommes. Le Maréchal de Sehwérm ne pouvoit rien entreprendre fur Mi de Piscolomini dans le pofte oü fe tenoient les Autrichiens; il n'y avoit aucun grand projet a former, ntpour des fiéges, ni pour des baiailles; & eomme la faifon étoit d'ailleurs afTez avancée, il fe contenta de confommer toutes les fubliftances qu'il trouva en Bohème & fourragea jusques fous les canons de 1'armée impériale, fans que M. de Piccolomini fit mine de s'en appercevoir. Un déta- • chement de houfards pruffiens- défit 400 dragon»: ennemis proche de Hohenmaut ■& en ramena la glus grande partie ptifonniers. C'eft a quoi fe  DE S E P T A N S. ÓS bornèrent les entreptifes du Maréchal de Schwérin, par la raifon que M. de Piccolomini fe gardant bien de faire des mouvemens, demeura fcrupuleufement renfermé dans fon camp, qui valoit mieux qu'une infinité de places de guerre. Les grands coups ne purentfe porter cette année que par 1'armée du Roi. Cette armée avoit les Saxons a prendre, & les fecours qui pouvoient leur venir, a éloigner. Les chofes s'embrouilloient de jour en jour davantage de ce cóté-la ; quoiqu'on eut enfermé le camp de Pirna de manière » empêcher fentrée des vivres & des fecours, it avoit été toutefois impoifible d'occnper tous les fentiers qui traverfent les forêts & les rochers des envlrons. Cela faifoit que le Roi de Pologne entreterioit encore, quofqu'avec peine, une correspondance avec la cour de Vienne; & 1'on apprit fbr la fin de Septembre que le Maréchal Braun avoit re9U des ordres de fa cour de dégager a' tout prix les troupes faxonnes que les Pruffiens bloquoient a Pirna. Le Maréchal Braun, qui s'étoit avancé avec fon armée a Budin, avoit troi3moyensd'exécuter ce projet: fun de marcher contre le Maréchal Keith, & de battre cette année, cc qui n'étoit pas facile; le fecond, de prendre le'chemin de Billin & de Tceplitz, & d'entrer en Saxe, foit par le Basberg, foit parNcellendorf; mais ce mouvement 1'obfigeoit a prêter le flanc au Maréchal Keith, & expofoit a étre minés tous les magafins qu'il avoit entre Budin & Prague. Le troifièas  66 BIST. DE LA GUERRE moyen qui lui reltoit, étoit d'envoyer undétachement a la rive droite de 1'Elbe, qui prenant par Bcehmifch Leippa; Schlukeuau, & Rumbourg, fe rendit a Schandau. Cette dernièr'e expédition ne povoit rnener a rien de décifif, paree que les PrulTiens par le moyen de leur pont de ichandau pouvoient envoyer des fecours dans cette partie, & que le terrain du cóté d'Oberrathcn & Schandau , coupé, difficile, & fufceptible de chicanes, fournit des paffages affez impraikables, pour qu'un bataillon y puiffe arrêter une armée entiére. Com-, me ce moment chique aüoit décider de touce la campagne, Ie Roi jugea que-fa perfonne feroit uéceffah-e en Bohème, pour s'oppofer aux entreprifes que fes ennemis pouvoient former. II arriva le 28 au camp de Johnsdorf; les troupes yéroient poltées fur un terrain étroir, dominé par des éminences, le dos appuyé contre un efcarpement da rochêr u ferré, qu'on auroit eu de la peine, dans le cas d'uneaétion, adorter des fecours d'une partie de ce campa 1'autre, fans s'expofer a de grands embarras. Cette pofition fe trouvant telle, qu'il falloït 1'abandonner a 1'approche de 1'ennemi, elle fut quittée le lendemain. On étoit trop éloigné du Maréchal Braun, pour en avoir des nouvelles, & comme il étoit important d'obferver fes mou-. vemens de plus prés, le Roi fe mit a la tête de 1'avant-garde, compofée de 8 bataillons & de 2» efcadrons, & s'avanca a Tirmitz, oü ilappritque le Maréchal Braun pafferoit le lendemain 1'Eger,  DESEPTANS. 67 proche de Budin; c'étoit precifément le temps de papprocher pour éclairer fes démarches, & de le combattremême , li Poccafion s'en préfentoit. Dans la fituation oü fe trouvoient les chofes, Us^epte» projets de ceux qui commandoient ces atmees étoient fi oppofés, qu'il fallait nécefiairement qu'ils en vinlTent a-une déciliun, foit que le Maréchal Braun'voulüt fe frayer le paiTage en Saxe Pépée a a la main, foit qu'il n'agu que par des détachemens. Le 30 1'armée du Roi le fuivit fur deux colonnes; a peine Pavantgarde eut-elle gagné la coupe du Pascopol, qu'elle découvrit un gunp, aans ia plaine de Lowofitz; la droite s'en appuy0it a Wielhotta ; Lowofitz étoit devant fon front i Sulowitz fe trouvoit devant fa gauche, dont l'ex,: ttóttrité fe ptolongeoic derrière 1'étang de Schirkovvitz. L'avant.garde pourfuit fa maiche; elle delogea de Welmina quelques centaines depandoucs; occupoient un pofte d'avertifiement. Ce viliage eft lhtté dans un baflin eniouré de rochersr dont la plupart font taillés en forse de pain tja fucre-, cependant cette hauteur & la baflin méme dominent les plaines desenvirons, Le Roi fit avaucer en diligence fon infanterie, pour occuper les vignes & les débouchés du cóté de la plaine de Lowofitz. Les troupes arrivérent vers les dix heures, & pafferent la nuit au bivouac a peu de diftance derrière 1'avant-garde , qui étoit portee yis a-vis de 1'ennemi. Le lendemain 1 d'Oaobre oaobrs. » fut reconnoit're dès la pointe de jour ce camp'  68 H[ST. DE LA GUERRE qu'on avoit découvert laveüle; unbrouillard épals étendu fur 1b plaine empêcha de dirtingoer les obiets. Ou voyoit comine a travers un crêpe Ia viile de Lowofitz, & a cóté, de Ia cavalerie en deux troupes, dont chacune paroiflbit être de cinq efcadrons. Sur eela on déploya 1'armée; une colonne d'infanterie fe forma par la droite, 1'autre jpar la gauche; Ia cavalerie fe mit en feconde ligne; car le terrain, trop étendupourlapeiitearméedu Roi, 1'obligea d'employer 20 bataillons pour fa première ligne, de forte qu'il ne lui en refta qu'une réferve de 4» Les autres fe trouvoient, ou a Ia garde des magafins, ou en détachemens. Le champ de bataille fur Iequel les troupes du Roi fe formérent, alloit en s'élargiffant par la gauche. Le penchant des montagnes vers Lowofitz eft couvert de vignes divifëes en petits enclos de pierre a hauteur d'appui t qui diftinguent les limites des propriétaires -y M. de Braun avoit garni ces enclos de pandours, pour arrêter les PrulTiens; ce qui fit qu'a mefurequeles bataillons de la gauche fe formoient, ils s'engageoient avec 1'ennemi aulïïtót qu'ils entroient enligne. Cependant ce feu étoii malnourri, & comme les pandours'ne faifoient pas une réfiftance vigoureufe, 1'on fe" confirma dans 1'opinion oü 1'onétoit, que ce détachement qu'on avoit vu la vei(« le campé dans ces environs, fe préparoit a la retraite, &quelespandonrsqui tirailloientdans ces vL gnesèc les rroupes de cavalerie répandues dans la plaine» étoient deftinés a faire 1'arrièrê-gardedes autrej.  DESEPTANS. <+<  to HIJST.. RE JL A. GUERRE qui mèneroit a une. etTufion de fang & a ub mafiacre dont après tout le Roi ne pourroit tiret aucun avantage. M. de Braun fe trouvoit dans un cas aufli embarraffaüt, mais moins facheux ; il avoit devant lui un corps de troupes ptuffiennes, fupérieur en nombre; & comme tou.te communication lui étoit coupée avec le Kcenigftein, qu'il rencontroit des erapécbemens phyfiques dans toutes les entreprifes qu'il pouvoit former poyr dégager les Saxons, et qu'il ayoit a ctaindre que ces troupes fe rendant prifonnières a fon infu, il n'eüt auffitót toute 1'armée pruffienne fur les bras, iljugea la .fituation de 1'armée faxonne défefpérée-». & Q&obre. ne penfant plus qu'a fauver fon propre détacheraent, il fe retira le 14. en -Bohème. Les houfards pruffiens le fuivirent; M. de VVarneri battit fon arrière-garde & paffa 300 grenadier cravates au lil de 1'épée. Cette entivprife 0 mal exécutée donna lieu aux reproches les plus injurieux que fe firent les généraux faxons & les généraux autrichiens;. ils .avoient tort les uns &.les autres. Le général faxon qui avoit fait le piojet de cette évalion, étoit le feul coupable; il avoit fans doute confulté des cartes fautives ; il n'avoit jamais été fur les Jieux, dont la fituaiïon lui étoit inconnue; car quel homme fenfé choifira pour fa retraite un détiié qui paffe par des rochers efcarpés dont 1'ennemi eft le.mahre? Ces lieux tout-«-fait contraires par leur pofition aux manoeuvres :qu.e les Autrichiens & lesiaxons avoient. deffeiu d'y faire, fa-  BE S E P T A N Si 8r rent les vraies caures des malheurs que ces derniers y éprouvèrent; tant 1'étude du terrain eü importante, tant la fituation des lleux décide des entreprifes militaires & de la fonune des Etats. Le Roi de Pologne fut du haut du Kcenigfiein fpecta-teur de la fituation déplorable oü fe trouvoient fes troupes, manquant de pain, entourées d'ennerais, & ne pouvant pas même par uneréfi» lution défespérée fe faire jour aux dépens de leur fang, paree que toute reffource leur étoit ó.ée; pour ne les point voir périr de faim &jle mifèrej il fut obligé de confentir qu'elles j£ rendiflent prifonnières de.guerre, & qu'elles miffent bas les armesi Le-Comte Rutowsky fut chargé de dreffêr cettetrifte capitulation. Tout ce corps fe rendit, & les officiers s'engagèrent fut leur.honneur a nepkts fervir contre les Pruffiens durant cette guerre; comme on comptoit fur leur parole, on les reücha. Pour ne poïnt humilier un ennemi vaincu, le Roi fit rendre au Rol de Pologne les drapeaux, les é-endards & les timbales qui apparteuoient a fes troupes; il confeotit auffi d'accorder la neutralij a la fortereffe de Kcenigltein. Mais dant-le temps même qu'il tachoit d'adoscir le fort du Roi de Pologne, celui-ci concluoit en fecret un traité avec Plmpérairiee Reine, par lequel il lui cédoit, i mbyennant un certain fubfide, 4 régimens-de. drar gons & 2 puiks d'ulans, qu'il entretenoir en PoUgne: ces procé-iés ne fervoient qu'a juftitier I?u D 5,  8s HIST. DE LA GUERRE tonduite que les PrulTiens avoient tenus jusqu'alors. Le Roi de Pologne, dégoüté de la guerre plus que jamais après la fcêne qui venoit de fe pafler, demanda le libre paflage pour fa perfonne, afin d'aller s'établir en Pologne; non feulement on le lui accorda, mais on pouffa fattemion jusqu'a faire retirer toutes les troupes pruffienne* «lui fe trouvoient fur fon paflage, pour dérober a ft vue des objets qui ne pouvoient que lui faire de la peine; il panit ie 18 avec fes deux fils & fon miniftre pour Varfovie. L'armée faxonne qui venoit de fe rendre, confiftoit en 17,000 têtes; i'artillerie qu'on prit, pafla $0 piêces de canon. Le Roi diftribua ces troupes , & en forma vingt nouveaux bataillons d'infanterie; mais il commit la faute de n'y point mêIer de fes fujets, a 1'exception des offieiers, qui étoient tous de fes Etats; cette faute influa dans » la fuite fur le peu d'ufage qu'on tira de ces régimens, & fur les mauvais fervices qu'ils rendirent. Après la reddition des Saxons le Roi retourna en Bohème, pour en retirer fon armée. Le Maréchal Keith quitta le 25 le camp de Lowofitz, & fe replia fur Linay, fans que 1'ennemi le fui» ▼!t; le régiment d'Itzenpütz, qui gardoit un gué de 1'Elbe au viliage de Solefel', fut attaqué cette auit même & fe défendit fi bien, que non content de repoufler 1'ennemi, il lui fit encore des prifonniers; de Linay 1'armée coi.-tinua paifible»ent fa sjarche par Ncellendorf, Scheeuwalde,  B E S E P T J'WSi 9$, Gishubel, & arriva le 30 en Saxe; le Roi la fit. cantonner entre Pirna &. les- frontières de la Bohème. En méme temps que 1'armée du Roi entroït ea Saxe, le Maréchal de Schwérin quittoit les environs de Kosnigsgratz & fe retiroiten Siléfie. Comme il étoit en matche vers Skalitz, il fut fuivi par quelques milliers de Hongrois, quiharceloient fon arrière-garde. Le Maréchal, qui n'entendoit mver*p.as raillerie, fé mit a la têie d'une partie de fa bre-' cavalerie, fondit brufquement fureux, les défit, & les pourfuivit jusqu'a Smirfitz; après quoi ii reprit tranquillement fa marche, & fe trouvaavecfon armée le e de Novembre fur la frontière de la SüéQe. La tranquillité dans laquelle fe tinrent les ennemis , permit de faire entrer de bonne heure les iroupes dans leurs quartiers; on forma le cordon pour les quartiers d'niver. Le Prince Mauriceeut le commandement de la divifion qu'on envoya a Chemnitz & a Zwickau, d'oü il envoya des détaehvmens pour garder les gorges de la Bohème, & fit retrancher les poftes d'Aul'che, d'Oelsnitz, étdu Basberg: M. de Hulfan commandoit las brigades de Freyberg & de Dippoldisvvalde, & tenoit les potles de Sayda, de Frauenberg, & d'üinfidel. ■ Le Roi confia a M. de Zallrow la gorgedeGisbu*bel, & le paflage. de llceblendorf; de ia en pasfent 1'Elbe, le cordon prenoit de Dresde par B:fchofswerda- jusqu'a . BautaeD, oü une tête de i®--  IIIST. DE LA GUERRE bataillons & d'autanr Efcadrons étoit préteaporter des fecours oü le befoin te demanderoit. M. de Leftwitz fe tenoit'a Zittau avec 6 bataillons; pour affurer fa communication , il avoit des détacheméns a Hirfchfelde, Oflritz, & Marienthai, Le prince de Bévern avoit les polles de Gcerlitz & de Lauban fous fes ordres, avec 10 bataillons & isefcadrons. M. de Winterfeld & 16 prince de Wurtemburg, qui allérent avec un détachement en Siléfie, continuoient le cordon, en prenant de Greifftnberg &- Hirfchberg, a* Landshut & Friedland. M, de Fouquet couvroit le comté de Glatz; un aütre corps de 1'armée du Maréchal de Schwé'ia hiverna du cóté deNeuftadt, & fervit a couvrir la haute Siléfie contre les incurfions que les Impériaux auroient pu y faire de la Moravie. Ce fut" dans cette difpofition que les troupes pruffiennes palfèrent 1'hiver de 1756 a 1757. CHAPITRE V. Del'biver dt 1756 ü 1757. L/invasion das Pruffiens en Saxe eau fa une vive ienfation en Europe; plufieurs cours n'enfavoient par les raifons, ou ne voulant pas même les corrnoltre, blamoient & défapprouvoient ia conduite du Roi. Le Roi de Pologne crioit contre'la violefice des Pruffiens ,• fes miniflres. dans les cours rftrangères exagèreient les maux de la Saxe, en-  SESEPTANS. $$ yenim:oient '& calomuioient les démarches les plus iunocentes du Roi. Ces 'clatflears retentiflbient a Verfailles-, a Pétersbourg, & par toutei' Europe. Le Roi de France étoit déja piqué de ce que le Roi de PrutTe, au lieu de renouvellet le traité de Verfailles, venoit de conclure avec le Roi d'Angleterre l'alliance de Londres. D'un cóté les miniftres autrichiens aigrilToient l'eïprlt de la.nation francoife; pour 1'entralner dans la guerre d'Allemagne; d'un autre on fe fervoit des larmes de la Dauphine pour émouvolrla corapalTiott de Louis XV, afin qu'il prlt le parti du tloi de Pologne. Le Roi très-Chrétien fe rendit ft d'aufli vives folli. citatlons, & léfolut de1 porter la guerre en Aliemagne. 11 ne fiifpendit les effets de cette démarche que pour la colorer par un prétexte apparent & naturel; M. de Brbglio, Ambafladeur de France en Saxe, eut ordre de Ie fournir, en donnant lieu aux Pruffiens d'infulterafoncaractère. C'étoit 1'homme le phas pmpre qu'on put choifir pour brouiller des cours. La cominiflion dont.il étoiq cbargé ; donna lieu a la conduite bizarre qu'il tint pendant que fcs Saxons étoient bloqués dans leur camp de Pirna; il étoit demeuré ftDresde; ilvoulut ft duTérentes rep ifes fe rendre ft Struppen auprès du Roi de Pologne; quoique cela füt généralement déffenda , il voulut fora r ies gardes , pour s'aitirer des.violences. de leur pan; ö eifaya iuutilemeut de paffe la .c'r.aine des vedettes; on lui? •ppofa, toutes les fois qu'11 tenta de 1?faire, tant D ?  HIST. LE LA GUERRE de poiit. ffe & tant de fermeté, qu'il ne put fe ïgndre auprès du Roi de Pologne, ni trouver uk prétexte léger pour bïouilhr le Roi de PrufTe & Ie Roi de Ftaoce. Cela imparienta la cour de Verfailles , qui faus chercher d'atures déiours renvoya Mc de Rnyphauf.--u, Miniltre pruffien a Paris, ék rappella M. de Valori qui réfidoit a Berlin. Cette démarche d'éclat obligea le Roi, a fon retour de Bohème, de faire fignifiera M. de Broglïo kI>resde, oü le Roi établiffbit fon quirtier, que touteintelligence venant d'être rompue entre les deux cours par ie rappel des miniüres, il n'étoit plus féant qu'un Ambafladeur de France réfidat dans un lieu oü fe trouvoit Sa Majeflé, & qu'il n'avoit qu'afe préparer a parttr inceffammem pour. aller trouver le Roi de Pologne, anprès cmquel il étoit accrédité. M. de Brogiio reeut cette déclaration avec eet air de dignité & de hauteur que les rainillres francois favent prendre lorsqu'ils fe fouviennent des belles années de Louis XIV. Cependant il n'en partit pas moins promptement pour Varfovie. La cour. de Verfailles, qui vouloit la rupture, & qui ayant: perdu de vue !e pointfixedeflipolitiquedepoufTer la guerre par mer contre les Anglois, ne fe conduifoit que par fes caprices &des impulfions érrangères,.décïsra qu'elle regardoit Pinvafion des Pruffiens en Saxe comme une violation de ia paix de Weftphalie, dont elle étoit gaiante; elle crut le préiexte de cette garantie uiffifant pour fe méler de cette guerre, & pour y «trainer méme le».  BRSEPTANS. 87 Suédois. L'Abbé de Bemis, qui avoif érélepro. anoteur de l'alliance coi>clue avec la maifon d'Aatriche, re9Ut le pofte qu'avoit eu M. Rouillé . & devint Miniftre des affaires étram-êres. Enfin 1'impétuofitê francoife, qui pouffe 1'efprit decette nation d'un extréme a 1'autre, 1'inconféquence des miniftres, 1'aninGofité dont Ie Roi de France étoit déja renrpli contre le Roi de Pruffe, la nouveauté & la mode , accréditèrent tellement a la cour cette alliance des Autrichiens, qu'on la confidéroit comme -un cbef-d'ceuvre de politique. Les miniftres impériaux étuient feuls a I!. mode; & ils fe fervirent fi adroitement de 1'influence qu'ils avoient dans le confeil ds Louis XV, qu'au lieu de 54,000 hommes d'auxiliair'squelaFrance étoft ©bligée de donner a 1'Impérarrice Reine, ils intriguérent fi bien, quele printempsfuivant iso.oo© Franco's paffèrent le Rhin. Btentöt les Suèdois furent fomrués par Ie miniftère de Verfailles de remplir ta garantie du traité deWeftpbalie; le fénat de cet'e nation étoit depuis long-temp s aux gages de la France. Quoique les conftitutions du rcvaune défendent en termes exprès & pofitifs de ne point déciarer la guerre fans Ie eonfentement des trois ordres qui forment la diète ou les Etats généraux, les partifans de la France violèrent cette loi fondamentale, & paffant par deiïïis toutes les forraalités ufitées en pareils cas, ils adoptèrcnt aveuglément les mefnres que le Roi de France leur prefcrivok. Pendant, qui la cour de Veriaille*  RIST. DE LA GUERRE préparoit fi Iaborieufement les moyens de bonli^ verfer 1'Allemagne, un fou penfa caufer une révolution en France, c'étoit un fanatique obfcur, qui ayant fervi en qualité de domeftique dans uncouvent de Jéfuites en Fiandre, fe propofa d'affafliuer Louis XV. Ce malheureux; noramé Damiens, fe rendit a Verfailles, pour y épiér lemomentd'exécuter fon abominable projet. Un foir que le Roi devoit partir pour Choifi, eet infenfé feghfledans la foule. approche du Roi par derrière, & lui plonge fon couteau dans ie cóté* II fut arrêié fut le champ; Ia blefiure du monarque fut trouvée légére; le parlement fe faifit du coupable ; les prifons furent remplies de perfonnes qu'il avoit chargées par fes dépofitions, mais qui étant innocent tes recouvrèrent la liberté; & jusqu'a préfent le public n'a été indruk que vaguement des motifs qui ont porré ce monftre a eet attentat atroce. La cour de Vienne, qui agiffbit fi puiflamment a Verfailles , n'étoit pas moins diligente a intriguer chez les autres puilfances de 1'Europe; elle dépeignoit a Pétersbourg 1'entrée des PrulTiens en Saxe fous les couleurs les plus noires; c'étoit une injure faite a ia Rulïïe; c'écoit braver les fo pire; de leur cóté les Francois intimiJèrent la diète par leurs menacesaupoint,.qu'ulleIbufcrivit aveuglément aux volontés de la cour de Vienne: ilfut rétblu par les conclulïons de cette diète que le St Empire formeroit une armée d'exécution, qui s'avanceroit tout droit dans 1'éleétorat de Brandebourg. Le commandement de cette armée fut décérné. au Prince de Hildbourghaufen , Maréchal au fervice d'Autriche. Alors le fifcal de l'bmpir* fe mit fur les rangs; il avanca que les Rois de Pruffe & d'Angleterre devoient êtte mis au ban de. l'Empire: quelques princes repréfeniérent que fi autrefois 1'Elefteur de Bavière avoit été condamné a ce ban, cela ne s'étoit fait qu'après fa défaite a la bataille de Hcechftajdt, & que dès que les arméés impériales en auroient gagné de pareilles, il feroit libre a chacun de procédér contre les deux Rois. La France comprit que fi 1'on fe prée'r pitoit a publier eet arrèt, la cour de Vienne:  •e BIST. DE LA- GUERRE commettroit fa dignité; & qu'il y aurnit acraindre de plus, que les deux Rois & leurs adhérens ne fe féparaflertt entièreinent du faint E mpire romain; ils firent toutes ces repréfentations a Vienne, & cunfeiliérent a la Reine d'attendre les fuccès de la fon une, pour p.-pfer enfuite aux mefures ultérieures qu'elleauroita prendre. Quoique eet avis prévalüt; cela n'empécha pas le (iscal d'agir avec une i'ndécence & une groffiêreté infupportables contre des Rois, envers lesquelsdes ennemis méme obfervent commuuément des procédés bonnétes & refpeéhieux.. Hiauroit été «difficile de répondre aux écrits injurieux & amers de cette diète, fi M. de Plotho, Miniftre du Roi a Ratisbonne, n'eüt pas eu le talent & fadreffe de tremper fa plume dans le méme fief. Le ftyle de la cour impériale n'étoit pa«; plus doux; on le diftinguoit néarimoins des écrits du* fifcal par des infolences pleines de fierté & par quelque chofe de plus piquant, méléu'arrogance & de hsuteur. Le Roi indigné conire ces procédés, fit infinuer a 1'Jmpératrice qu'on pouvoit étre ennemi fans fe dire des injures, qu'il fuffifoit aux fouverains de vuider leurs débatspar 1'épée, fans proflituer leur dignité par des écrits en ftyle des halles: ces remontrances furent long-temps vaines. & n'acquirent du poids qu'après le gain de quelques batailles. Tandis que toute 1'Europe s'armoit contre fes Rois de Pruffe & de la Grande Bretagne, 1'Ao-  D E $E PT A NS. 9i gleterre fe trouvok dans une fubverfion générale, qui engourdiffoit le gouvernement, & feroit deVenue préjudiciable aux intéréts de ia nation, fi des changemens furvenus a propos n'avoient encore a temps redrefTé les chofes. Les diiTenfions doineftiques qui agitoient f intérieur de- 1'Etat , étoient fomentées par le Duc de Cumberland, qui fe flattoit de parvenir a remplir de fes créatures les premiers poftes; c'étoit lui qui avoit i.'hhrer foulevé la nation contre les Francois; c'étoit lui ^\\7^ qui avoit allumé la guerre, .dans 1'efpérance que le miniftère ne pourrok pas fe foutenir en un temps de trouble. Les premières entreprifes des Anglois tournèrent fi mal, qu'ils perdkent PortMahon ; ce fut la le prétexte dont fe fervit le parti de ce prince, pour taxer le Duc de Newcaftle de maihabileté. A 1'ouverture du parlement les efprits s'échaurTerent, 1'animofité- deapartis redoubla, & tant de teflötts furent mis en ceuvre par les inttigues du Duc de Cumberland, que le Duc de Newcaftle, fatigué par la faétion piutót que vaincu, réfigna fes emplois; le parti de Cumberland triomphant, fit donner les fceaux au Sr Fox, créature du prince. Cependant ce nouvel arrangement ne put fe foutenir; M. Fox quitta de lui-même cette place qu'on lui avoit fait obtenir par tant d'intrigues, & le Duc de Newcaftle rentra dans fes charges. Cesdéplacemens de miniftres n'auroient cependant pas tiré aconféqueuce, s'il s'en avoit réfulté une efpèce d'in*.  os HIST. DE LA GUERRE action & de léthargie dans les affaires ,■ les ininifires & les grands étoient plus occupés de 1'intérêt de leurs faftions, que des mefures a prendre contre fa France. Plus animés contre' leurs cornpétiteurs que contre les ennemis de la narion, ils ne prenoient aucune mefu?e pour la campagne prochaine. Perfonne ne penfoit a former des projets pour la guerre de mer jusqu'alors maltieureufe , encore moins pour la guerre qui étoit fur le point d'embrafer 1'Allemagne. Ce qui intéreffoit le plus le Roi dans ce moment, c'étoit de faire prendre aux Anglois desmefures relatives a la guerre du continent; & comme il prévoyoit en gros fur quoi p'ourroierit rouler les opérations de 1'armée francoife dans 1'Empire, il envoya au Roi d'Angleterre un projet qu'il avoit dreffé pour la défenfe commune de 1'Allemagne. Ce mémoire rouloit furies points fuivans: il propofoit de maintenir Wéfel, pour en fairt la place d'armes des alliés, par oti 1'on reftoit le maltre de paffer Ie Rhin; il demandoit qu'on affemblat 1'armée en un lieu convenable derrière la Lippe entre Wéfel & Lippftadt; cette pofition donnoit 1'avan»age de porter les troupes felon le befoin, foit vers le Rhin, foit vers le Wéfer. De plus, fi les Francois marchoient en Heffe, 1'armée de la Lippe, en s'avancant vers Francfort, les obligeoit a «uitter prife, & en attendant que les opérations auroient éloigné du Rhin 1'armée alliée, Ia fortereffe de Wéfel auroit affez occupé les Francois, pour daaner le temps de venir a fon fecours;  DE S E PT A N S. 93 d'ailleurs, tant que cette place tenoit, il n'étoit pas a préfutner que les troupes franeoifes du bas Rhin s'enfoncaffent trop dans la Wellphalie. Le Roi d'Angleterre, qui s'étoit peu appliqué a ces fortes de matières, lut le projet fans en comprendre 1'importance, & comme il y étoit queftion de foutenir Wéfel, il fe défia des raifons dont le Roi de Pruffe fe fervoit; i! avoit en revanche une confiance emière en fes miniftres de Hanovre, qui ne ceffoient de lus repréfenter qu'il falloit fe borner a la défenfe du Wéfer. Cette idee é^oitfauffe en tout fens, paree que ie Wéfer eft presque généralement guéabie 8: que fa rive op.pofée al'électorat de Hanovre domine 1'autre, de forte que la nature n'a pas voulu, quoi qu'en put dire M. de Munchhaufen, que jamais général habile fe fervit de cette rivière dans le fens qu'il propofoit. Son avis prévalut uéanmoins, & tout ce qu'on put obtenir du Roi d'Angleterre, fut qu'il confentit a faire repaffer les troupes hanovriennes & heffoifes en Allemagne. Le manque d'harmonie entre le Roi, les Anglois, & lts Hanovriens mit le premier dans le cas de prendre des mefuresdifférentes de celles qu'il avoit imagirées pour le duché de Clèves & Ia fortereffe de Wéfel; obligé d'abandonner cette place, il donna des ordrespour qu'on ru'inai une partie des ouvrages; il fit transporter par mer a Magdebourg la nombreufe artillerie qui garniffoit les remparts; & la garnifoneut ordre d'évacuer la ville,*& de fe retirer a Biele-  54 I1IST. DE LA GUERRE feld, pour fe joindre au printemps a 1'armée alliée, qui devoit s'y aflembler fous les ordres du Duc de Cumberland. Aprés la preuve que les miniftres de Hanovre avoient donnée du crédit qu'ifï avoient fur 1'efprit du Roi d'Angleterre, il étoit clair que puur aller a la fource d'oCtptnoient les réfolutions, il falioit s'adrefler k eux. On avoit tout a craindre pour 1'armée du Duc de Cumber-, land, moins coromandée par ce prince que par un tas de jurifconfultes qui n'avoient jamais vu de camp, ni lu de livre qui traitat de Part militaire, mais fe croyoient égaux aux MarlboroUgh &aux Eugène. Les intéréts du Rol étoient trop liés avec ceux du Roi d'Angleterre, pour qu'il vft de fang froid le mauvais parti qu'on alloit prendre; fe flattant de le prévenir, il envoya M. deSchmettau a Hanovre. Ce Général fit a ces magiftrats préfomptueux & ignorans les repréfentations les plus énergiques, pour les faire renoncer au projet de campagne qu'ils avoient formé; il leur en démontra les défauts; il leur en prédit les conféquences, mais le tout en vain; s'il leur avoir parlé arabe, ils 1'auroient tout autanr compris. Ces miniftres, dont 1'efprit étoit refferré dans une fpbére étroite, ne favoient pas affez de dialectique pour fuivre un raifonnement militaire ; leur peu de tumiéres les rendoit méfians, & la crainte d'otre trompés dans one matière qui leur étoit inconnue, augmentoit t'opjniatreté natorelle avec laquelle ils fcutenoient leurs opinions: toutes ces raifons ren-  DE S E PT A N S. 9S dirent la miffion de M. de Schmettau infructueufe. Les Francois, plus fins qu'eux, leur avoient perfuadé fermement qu'ils ne vouloient que traverfer leur pays, que leur projet de campagne n'étoit calculé que contre. le Roi de PruiTe; qu'en un mot ils vouloient affiéger Magdebourg, & que pourvu que les Hanovriens fe tinflent fpeétateurs trarquilles de cette fcène dwant le cours des opérations de la campagne, leur tt;i feroit épargné, & leurs perfonnes en coiifidération. Ces mininiftres furent la dupe de leur crédulité , <3r les Francois les puuirent de Ia perfidie qu'ils vouloient commettre envers le Roi de PrufTe, comme on le verra dans le récit de la campagne prochaine. Pendant que toutes ces négociations agitoient 1'Europe, le Roi étoit a Dresde, oü la Reine de Pologne lui donnoit d'autres embarras. Cette princeffe-, en faifanr complimenter tous les jours le Roi par fon grand Maitre le Comte deQueftenberg, en lui prodiguant des afTurances d'amit'é, entretenoit des intelligences fecrères avec les généraux autrichiens, &. les avertiflbit de tout ce qu'elle étoit a portée d'apprendre. Ces menées donnèrent lieu aux précautions que Ton pritpour découvrir la correfpondance. Comme on fouilloit exaélement aux portes tous les ballots, toutes les marchandifes & les paquets qui venoient de Bohème, on ouvrit un jour une caifTe de boudins adreffés a Madame OgiWi, grande MaitrefTe de la Reine, qui avoit des terres auxenvirons de Leut-  y6 H1ST. BE LA GUERRE meritz; en examinant ces boudins on les trouva tous farcis de lettres. Cette découverte rendit la cour plus rctenue dans fes correfpondances, Cependant le même train continuoit toujonrs, avec la dlfféreèee' qu'on-s'y .prenoit avec.plus .de.fineffe. Ce n'étoit pas ft quoi fe bornoit la mauVaife- voionté de la Reine ; cal-elle envoyoit des 'étniffaires dans toütêïïles gatnifons oü le Roifor•mok ces rég'imetWinöuvellementlevés des Saxong pris au' Liiie:1 ftèMi; ef'e les failbit exciter a la féditiën, i li rérol.e & ft la défenion. Elle en débtucba" beauc'oüp\r''&' fut' caufe qu'au cornmencement -de la campagne des corps entiers fe foulevèrent &'paffêrent du cóté des ennemis. Ledesfein du Roi de Pologne & de fes alliés étoit de rétablir ces corps en Hongrie, pour les mettre fur le pied oü ils étoient avant que les Pruffiens les priflént: ils affèmblérent djs foldats,- mais manquant d'officiers, ils eurent recours ft uh moyen -dont l'b'tftofre ne fournir aucun exemple de la part de princes laïques. On difpenfa les officiers faxons de la parole d'honneur qu'ils avoient doimée aux PrulTiens de ne plus fervir contre eux , & plufieurs officiers furenr affez laches pour obéir. ■Dans des fiècles d'ignorance on trouve des papas qui relevoient les peuples du ferment de fidéliié qu'ils avoient prêté ft leurs fouverains, on trouve un Cardinal Julien Céfiirini qui oblige un Ladislas Roi de Hongrie ft violer la paix qu'il avoit jurée ft Soliman. Ce crime, qui autorifa !e parjure, ■'a-  DE SE PT UNS. $f n'avoit été que celui de quelques pontifés ambi-' tieux & implacables, mais jamais celui des Roi» chez lesquels on devroit retrouver la bonne foi, fut-elle bannie du refte de la terre. Si j'infifte fur de pareils traits, c'eft qu'ils caracterifent 1'efprit d'animofiié & l'acharnementopiniatrequirégnoient dans cette guerre: & qui la diftinguent de toutes les autres. Cependant la France & 1'Autriche ne retirèrent pas de ces régimens faxons les fervices qu'ils en attendoient; ils en furentpourleurargent &■ pour leur difpenfe. Dans cette efïervefcence générale les troupes etinemies He furent pas plus tranquilles dans leursquartiers que les négóciateurs ne 1'étoient pout leurs intrigues. Les corps que le Roi avoit en Luface , furent les plus expofés aux entreprifes qu'on forma contre eux. Cetté province fait du cóté de Zittau une "efpèce de pointe qui s'enfonce en Bohème & va toujours en fe récréciffanr. Les Autrichiens environnèrent cette partie de la'Saxe pat de gros détachemens qu'ils avoient a Friedland, a Gabel, & a Rombourg.' Ces détachemens, commandés par de jeunes officiers qui cherchoient avec ardeur les occafions de'fe difting'uer, furent presque pendant tout 1'hiver en campagne. Le Prince de Lcewenllein étoit a la tète de 1'un, & M. de Lafcy, fils du Maréchal, qui avoit fervi avec distiuétion en RuiTie, couduifoit 1'autre. lis entree prirent tantöt fur le pofte d'Oftritz, tantót fur celui de Hirfchfeld ou de Marienthal, & quoiqu'ils 0:uv. $ajlh. At Fr. II, T, UI. E  fï HIST. DE LA GUERRE »e parvinflent point a furprendre les officiers pruffiens qui défendoient ces poftes, ils tuèrent toutefois du monde inutilement. M. de Blumenthal, Major au régiment Henri, perdit la vie dans une occafion pareille, & plufieurs foldats, dont on auroit pu tirer de meilleurs fervices; y périrent. Le corps de M. de Leftwitz a Zittau, celui du Prince de Bévern a Gcerlitz, furent fttigués par des alertes perpétuelles; étant obligés d'envoyer des fecours tantót d'un cóté, tantót de 1'autre, 1'inquiétude & 1'aaivité des Autrichiens lestinrent continuellement fur pied & en action. Mais les ennemis fe fortifiérent dans ces environs des troupes de Fiandre qui venoient joindre leur armée; a la longue la partie feroit devenue inégale, & comme il falloit néceffairement des renforts aux Pruffiens, pour qu'ils fe foutinflent en Luface, le Roi yfit avancer la réferve qui jusqu'alors avoit occupé en Poméranie la partie de cette province la plus voifine de la Pruffe. D'abord la deüination de ces troupes avoit été de joindre le Maréchal de Lehwald, pour le mettre plus en état de réfifler a 1'armée des Ruffes; mais le befoin le plus preffant l'emporta fur celui qu'on në voyoit que dans 1'éloi • gnement; il falloït confidérerqu'enpartageantavec trop d'égalité 1'armée eu trois corps, aucun des trois ne feroit affez fort pour frapper un coup vigoureux & décifif; au lieu qu'en raffemblant une gtofle maffe en Saxe» ou pouvoit efpérer de rem» porter dés le commenceiaent de la campagne u»  DESEPTANS. & avantage affez conlidérable fur les impériaux, pour que leurs alliés en fuffènt étourdis, & que même quelques uns d'eux fe défiflaffènt des deffeins de guerre & de conquéte qu'enfantoit leur ainbition. Les régimens pruffiens qui venoient de la Poméranie arrivèrent vers le milieu de Mars a Gcerlltz; on les employa a fortifier les poftes qui n'étoient pas affez garnis de troupes, & depuis qu'ils furent en Luface,, les ennemis fetinrenttranquilles. Vers ce temps-la le Roi fit un tour en Siléfie, pour s'aboucher avec le Maréchal de Schwérin; ils fe virent a Haynau. On y arréta le projet de la campagne prochaine, & 1'on prit les mefures les plus juftes pour en dérober la connoiffance a 1'armée même; après quoi le Roi retourna en Saxe, & tout s'y prépara; ainfi qu'en Siléfie, a exécuter ces deffeins auffitót que la faifon & les arrangemens rélatifs aux fubfillances pourroient le permettre. Les troupes prufïïennes entrérent en cantonne- Av^ ment fur la fin de Mars; elles étoient partagéesen quatre corps différens. Le Prince Maurice commandoit aux environs de Zwickau; le Roi avec le gros de 1'armée fe tenoit entre Dresde, Pirnaj Gishubel & Dippoldiswalde; Ie Prince de Bevern avoit railemblé aux environs de Zittau le corps qu| £ a CHAPITRE VI. Campagne de 1757.  sas IIIST. DE LA GUERRE avoit biverné en Luface, & Ie Maréchal de Schwérin s'étoit avancé avec fon armée fur les frontières de Ia Bohème entre Glatz, Friedland, & Landshur. Le projet de campagne qu'on avoit formé, étoit que ces quatre coips pénétrant a la fois en Bohème , arrivaffent par difterenr.es directions a Prague , qui leur ferviroit de point de ralliement. Qn pouvoit fe promettre que ce grand mouvement jeteroit une cotifufion étonnante dans les dilTérens corps des ennemis répandus dans leurs quartiers, on pouvoit efpérer d'en furprendre quelques uns & d'avoir occallon d'engager des affaires particulières avec les autres, pour en faiiepérir une partie en détail; ce qui donneroit un afcendant & une fupériorité aux PrulTiens pour le refte de la campagne; & pourroit les menera une action décifive, dont Ie fuccès fixeroit le fort de cette guerre. Rien n'étoit plus important que de cacher ce projet, il ne pouvoit réuffïr qu'en en dérobant la connoiffance & Ie foupcon même aux ennemis, a la cour de Saxe; qui trahiffoit les PrulTiens, & a 1'armée, pout que 1'imprudence ne le divulguat pas. Afin d'en impofer également a tout le monde, on fit fortifier & palliffader la ville de Dresde", pour la mettre en état de défenfe. Le Roi choifit en même temps un certain nombre de camps avantageux a 1'entour de Dresde, comme s'il fe préparoit a Une guerre défenfive. Ces camps furent marqués 4 Cotta , Maxee, Poffendorf, au VVindberg & k Moren. Les chafl'eurs faxons qu'on jemploya,  DESE.PTANS. joï n'cnrent rien de plus prelTé que d'en avertir ia cour, & la Reine de Pologne ne manqua pas aufTïtöt d'en informer les généraux autrichiens. On ne s'en tint pas uniquement a ces faufl'es démonrtrations, & ponr endormir davantage les généraux ennemis, on fit quelques foiblesincurfions en Bohème, comme fi 1'on vouloit fe venger par la des partis que les ennemis avoient envoyés pendant 1'hiver en Luface, pour inquiéter les Prufiiens. Dans cette vue le Ptince Maurice fit une couffe vers Ejer; le Maréchal Keith entreprit a Schlukenau un détachement autrichien, quinel'atteuditpas; le Ptince de Bévein furprit a Boehmifch Friedland 400 fantaflins & pandours, qui fe r'endirenr prifonniers. Toutes ces peiites entreprifes entretinrent les impériaux dans leur fécurité; ils fe perfuadèrent que Ie Roi fe bornoit a leur "donner de petites allatmes, Avi^ & ils nelefoupfonnèrent pas de plus grands defleins Les différens corps de 1'armée pruflïenne fe mirent en mouvement, les uns le 30, les autres le 29 d'Agrir. Le Prince Maurice pénétra en Bohème par le Bnsberg, d'oü i! s'avanca fnr Com- B9| motau. Le Roi fe campa a Ncellendorf; ilpoufla fon avant-garde a Karwitz, d'oü M. de Zattrow fur détaché avec fa brigade, pour occuper Aufïïg, & chalïer les Autrichiens du chftteau de Tetfchen. ■ Le lendemain 1'armée fe rendit a Linay, oü 1c Ptince Maurice, qui venoit de Brix, la joignit. Tous les quartiers autrichiens fe replièrent en deli» de i'Eger a 1'approche des PrulTiens; le chateau E 3  loa BIST. DE LA GUERRE de Tetfchen ne fe rendit que le 27; M. de Zastrow eut le malheur d'y éire tué. L'armée pafl'a enfuite le Bafcopol, & traverfant les plaines de Lowofitz, elle vint fe camper a Trebnitz. On S4. occupa ie Hafenberg & la droite' s'appuya au Pascopol. Cette pofition fe trouva vis-a-vis de celle que le Maréchal Braun venoit de prendre a Budin; on favoit que ce Maréchal y attendoit le lendemain une divifion de fes troupes, qui avoit hiverné dans les cercles de Saaz & d'Eger; on voulut tenter de prévenir cette jonclion, & méme efl'ayer fi 1'on ne pourroit pas combattre ce corps avant qu'il füt a portée du camp de Budin. Pour eet effet il fut réfolu que la nuit méme l'armée pafferoit 1'Eger a un mille & demi au deflus du camp de M. de Braun; & fi 1'occafion ne fe préfentoit pas de battre cette divifion qui étoit en chemin, du moins devoit-il réfulter de cette manoeuvre qu'en tournant la pofition de M. de Braun on 1'obligeroit a 1'abandonner. On établit en conféquence deux ponts a Kofehtitz; ils ne furent achevésque le lendemain mdn, que les troupes parTère|t 1'Eger. •Les houfards qu'on envoya auiïïióta Ia découverte, "rencontrérent prés de Pénitz la divifion qui devoit joindre M. de Braun. Cette divifion étantinformée du paflage des Pruffiens, fe repiia fur Welwarn t fans qu'il fut pofïïble de 1'entamer, paree que la moitié de l'armée avoit a peine paflé la rivièreLe Maréchal Braun ne tarda pas a s'appercevoir que fon pofte étoit tourné; il comprit qu'il ne  DESEPTANS. IOJ •pouvoit fe joindre avec les troupes qui lui venoient qu'en fe retirant a Welwarn, & il fe mit auflitCit en marche pour y arriver; les houfards pruffiens harcelèrent fon aniêre-garde , & firent qnelques prifonniers. L'armée du Roi fe campa a Budin & ernploya le lendemain a réparer les ponts de »•» 1'Eger; pour aflurer la communication de la Saxe; les magafins importans que les ennemis avoient a Martinowe, \ Budin; & a Karwatitz, tombèrent entre les mains des Pruffiens; ce qui facilita confidérablement la fubfiftance des troupes. De Budin l'armée s'avanca fur Welwarn, que 1'ennemi venoit d'abandonner, & 1'on pouffa jusqu'a Tuchomirfitr üne avatu-garde compofée de 40 efcadrons, &de tous les grenadiers de l'armée; Ie Roi qui s'y trouvoit, vit l'armée de M. de Braun, qui étoit en- 8©, core en marche; derrière ces colonnes qui défiloient, fulvoit unearrière-gardedontla contenance mal affurée fit naitre 1'envie de 1'attaquer. M. de Ziethen donna deflus& fit 300 prifonniers. Dés le commencement les ennemis s'étoient pollés fur le Weiffie Berg; ils 1'abandonnèrent Ie a de Mai; Mat 1'avant-garde pruffienne s'en faifit, & vit 1'ennemi paffer la ville de Prague, & prendre un camp-de 1'autre cóté de la Moldau. L'armée du Roi occupa le même jour tous les environs de ia ville, & en forma une efpêce decirconvallation; fa droite s'appuyoit a la haute Moldau, d'oü le camp allolt, en embrafTant St Roe & le couventde la Victoire» s'appuyer a Podbaba a la bafle Moldau. E4  1o4 BIST. DE LA GUERRE Durant cette marche de l'armée duRoi, le Prince de Bévern avoit pouiTé de fon cóté les opérations avec vigueur; il étoit entré le 2» d'Avril en Bohème, en s'avancant par Krottau & Kratzen fur Machendorf; fa cavalerie battit en marche un détachement autrichien , qui s'avancoit pour faire une reconnoiffance. L'enriemi avoit pris a Reichenberg une pofition avantageufe; Ie Comte de Kcenigseck commandoit cecorps, donton évaluoit la force a 28,000 combattans. Ce fut le 21 d'Avril que le Prince de Béverip fe miten mouvement pour 1'attaquer; il s'avanca fn'r deux colonnes, prenant le chemin de Habendorf vers l'armée ennemie; it falioit paifer une chaulTée pour y arriver. Ce défilé , que les ennemis ne pouvoient défendre avec la moufqüéterie, n'airèta guères les Pruffiens. Au dela de ce paflage fe trouvoit le corps de M. de Kcenigseck, auquel il avoit donné la forme d'un cercle. La cavalerie aütrichienne occupoit le centre de ce cercle, & fe trouvoit rangée en trois Hgnes fur une peiite plaine, enchaffée entre les deux ailes d'infanterie qui alioient en avancant, le dos appuyé a d'épaifles foréts, ayant en quelques endroits des abatis devant el'e, & des redoutes garnies d'artülerie dort le feu protégeoit la cavalerie. La droite du Prince de Bévern attaqua Ia gauche de l'-ennemi; 15 efcadrons pruffiens char.gèrent en même temps cette cavalerie impériale dans la plaine, & Ia mirent en dérome. Le Prince de Wurtemberg y fit des prodiges de valeur.  DESEPTANS. 10$ Alors M. de Leftwitz attaqna Ia droite de 1'ennemi, & les redoutes qui couvroient Reichenberg, & quoiqu'il traverfat différens défilés avant que d'y arriver, néanmoins le régiment de Darmftadt, commandé par le Colonel de Hertzberg, forcaces redoutes. & obligea 1'ennemi a prendre la fuite; 011 le pourfuivitdehauteurenhauteurjusqu'aKocblitz & a Dorffel; la difficulté 1de ce terrain montueux, & rimpolTibilité, qu'il y a que des troupes qui. veulent demeurer en ordre, puiflent atteindre un ennemi qui fuit a la débandade, empêcherent le Prince de Bévern de ruinerentiérementce corps. Les Autrichiens perdirent environ 1800 hommes a cette aftion, dont 800 furent pris par le Prince de Bévern. La perte des Prufliens ne palïapas 3C0 hommes, paree que 1'ennemi ne leur avoit pas oppofé une réfittance opiniatre. Le Prince de Bévern fuivit a Libenau M. de Kosnigseck, oüurj défilé lmpraticabie, derrière lequel ce Général avoic forraé fon monde, 1'empécha de tenter de nöu> velies entreprifes. De ce cóté les Pruffiens n'auroient pu pénétrér plus avant en Bohème, fi Ie Maréchal de Schwérin en furvenant ne les eüt fecondés a propos. L'armée de Siléfie fut la première qui entra'en-Bohème le 18 d'Avril; elle déboucha dans ce royaume par cinq différens chemins: une de ces colonnes qui fe dirigeoit fur Schatzlar, penfa y furprendre-les Princes de Saxe, qui s'y trouvoient: celle qui pre» «oit la route de Guldene Els, rencontra 300pau-" E 5  Sotf H1ST. DE LA GUERRE dour» qui d'un rocher efcarpé défendoient lepnfla» ge aux Pruffiens; M. de Winterfeld trouva le moyen de faire gravir contre ces roes quelques troupes? qui prirent ces pandours a revers, & les paffèrent au dl de 1'épée: les trois autres colonnes-, qui débouchêrent par le comté de Glatz, n'ayant point rencontré d'ennemis fur leur cherain, joignirent toutes le Maréchal de Schwérin k Koenigshof, Ce Maréchal ayant des nouvelles de ce qui s'étoit paffé du cóté du Prkice de Bévern, fe porta derrière M. de Kcenigseck, qu'il penfa furprendre dans fon camp de Libenau; les Autrichiens décampèrent «si haie & voulurent diriger leur marche fur JungBuntzlau; M. de Schwérin les y prévint encore, «8e s'empara en même temps du magafin confidé» lable que les ennemis avoient formé a Kofmanos. Ce fut a eet endroit oü Ie corpsde la Luface joignit l'armée de la Siléfie. Cependant M. de Kcenigseck s'avancoit a grandes journée9 vers Prague; le jftfaréchal le fuivh a Bénatek, d'oü ildétachapour talonner 1'ennemi de plus prés M. de Wartenberg, qui défit prés de Alt-Buntzlau 1'artiére-garde autrichienne, forte de 1500 hommes, dont le plus grand nombre fut tué ou pris; mais ce brave Général, un des meilleurs officiers de cavalerie de l'armée, y perdit la vie, & fut univerfellement tegretté, M. de Fouquet marchant alors avec favant garde du Maréchal a Buntzlau, s'y arrêta jusjjj^. qu'au 4. de Mai, pour rétablir les ponts de 1'E1<* le> qua rennend avoit rompus pour aJTurer fa ie.»  DE S E PT A NS. ïc? traite. Le même jour le Maréchal fitpaffer la rj. vière a fon armée & fe campa a un mille & demi de Prague. Une partie des troupes que M. de Piccolomini avoit commandées 1'année précédente, n'étoit pas encore affemblée; Ie Maréchal Daun en avoit recu le commandement après la mort du premier. Sur le bruit des différentes invafions des Pruffiens, cc Maréchal recut ordre de raflembler fon armée, & de la mener droit a Prague; M. de Braun rattendoit avec d'autant plus d^mpatience, qu'il voyoit que toutes les forces des Pruffiens alloient inces* famment fondre fur lui. Le Roi étoit inftruit d«T la marche du Maréchal Daun; mais fon armée ne pouvoit rien entreprendre contre M. de Braun, qui étoit couvert par Ia Moldau & par la ville de Pra» gue; d'ailleurs les chofes en étoient venues «li point, que le fort des deux armées devoit nécesfairement fe décider par une bataille; & puisqu'on ne pouvoit 1'engager qu'a 1'autre rive de Ia Mol« dau, Ie Roi réfolut d'attaquer M. de Braun avant fa jonclion avec M. Daun. Pour eet effet on con* firuifft un pont fur la Moldau prés de Selz, & !« Rot Ie palTa a Ia téte d'un détachement de ao bataillons & de 40 efcadrons; c'étoit le 5 de Mai. Ge prince eut le temps de reconnoitre la pofition des ennemis ; il trouva le front de M. de Braun d'un trop difficile abord pour 1'attaquer, & s'ap* pacut qu'en tournant la droite des ennemis leter» ttm préfeatoit un afpeft plus avantageux peur u*  lo8 HIST. DE LA GUERRE engagement. Le lendemain de grand matin les deux armées pruffiennes fe joignirent a la portée du canon des ennemis; on réfolut de les attaquertout de fuite. La gauche des Autrichiens s'appuyoit fur la montagne de Zrska, & fe trouvoit protégée par les ouvrages de Prague; un ravin de plus de cent piéds de profondeur couvroit fon front ; la «droite fe tetminoit fur une hauteur, au pied de laquelle fe trouve le viliage de Sterboholi. Pour rendre plus égal le combat qu'on méditoit, il falloït contraindre M. de Braun d'abandonner une partie de ces montagnes, & de longer dans la plaine. A cette fin le Roi changea fon ordre de bataille: 1'armée avoit défilé en colonnesrompues; on la mit fur deux lignes, & on la fit mareher par la gauche, en prenant le chemin dePoltchermtz. Des que M. de Braun s'appercut de ce mouvement, il prit fa réferve de grenadiers, fa cavakrre de la gauche & fa feconde ligne d'infanterie, avec lesquels il cótoya les Piuffiens, en tenant une ligne parallèle. C'étoit précifément ce qu'on vou„ loit. L'armée du Roi pouffa a Bichowitz par des défilés & des marais qui féparèrent un peu les troupes» la cavalerie pruffienne fiia au travers dece viliage , oü elle trouva une plaine bornée par un «karjg qui lui préfentoit précuémeiu la diltance qu'il lui falloit pour fe former, & embokée entre ce viliage & eet étang, fes flancs fe trouvoient a Tabri d'infulte; elle attaqua vigoureufeinent la cavalerie autrieliienne j aprés trois charges confécu-  D E S' E PT A -ff S. 109 tives, elle i'enfonca, & la rnit entiêrement en déroute. A peine 10 bataillons de la gauchefurentils formés avant que la feconde ligne put les joh> dre, qu'ils attaquêrent 1'ennemi avec plus de pré« cipitation & de courage que de prudence; ils esfuyèrent un feu d'artillerie prodigieux, & furent tepoulfés, mais non affurément avec honte, car les plus braves officiers & la moitié des bataillons étoient couchés fur le earreau. Le Maréchal de Schwérin, qui malgré fon grand age confervok encore tout le feu de .fa jeuneffe, voyant avec indignation des Pruffiens repouffés, & faififfant un drapeau, fe mit a la tête de fon régiment, leconduifit a la charge, & fit des efïbrts de valeur extraordinaires; mais comme il n'y avoit point encore de troupes pour le fouienir, il fuccomba & fut tué, terminant ainfi une vie glorieufe par une mort ■qui la couvroit d'un nouvean luftre. La feconde ligne arriva fur ces entrefaites; le Roi attira encore a lui le Prince Ferdinand de Bronfwic avec ■quelques régimens, & le combat fe rétablit d'autant plus facilement , que M. de Treskow avec fa brigade, qui étoit tant foit peu plus adroite, avoit percé la ligne des ennemis. Le Roi fit alors avancer les régimens de Charles & de jeune Bronfwic, joignit M. de Treskow, & avec ce corps pouffa 1'infanterie autrichienne au dela de fes tentes, qu'elle n'avoit pas eu le temps d'abattre. Dès ce moment la déroute devint générale k la dtoite des ennemis; ou demanda de la cavale* E 7  ito ffïST. DE LA GUERRE rie, pour profiter de cedéfordre,malheureufemenc les houfards & les dragons étoient tombés fur du bagage ennemi qui s'enfuyoit, & ils arrivérent trop tard pour donner dans 1'infanterie, qui fans cette circonltanee auroit toute été prife ou paffée au fil de 1'épée. Cela n'empêcha pas le Roi de pourfui. vre vivement 1'ennemi. On envoya M. de Puttkammer avec des boufards vers la Safava, oü s'étoit fauvée une partie des fuyards, & avec le gros des troupes on s'avanca vers le Wischerad, de forte que Ia gauche des Autrichiens étoit entièrement coupée de fa drolte. La droite de l'armée du Roi n'étoit point deflinée a combattre, a caufe de ceprofondravindont nous avons parlé, qui étoit devant elle, & dudéfavantage que le terrain lui donnoit; mais elle ne iaiffa pas d'étre engagée par 1'jmprudence de M.de Mannflein, qu'un courage trop bouiüant emportoit quelquefois. Cette valeur fougueufe , qui s'etnbrafoit a la .vuede 1'ennemi, le fit avancer fans qu'il en eüt recu 1'ordre; il attaqua l'ennemf tout de fuite. Le Piince Henri & Ie Prince de Bévern, qui en défapprouvant fa conduite ne voulurent cependant pas 1'abandonner, furent forcés de ie foutenir; 1'infanterie pruffienne gravit contre des rochers efcarpés, défendus par toute la gauche des Autrichiens & par wie nombreufe artillerie. Le Prince Ferdirand de Bronfnie s'appercevant aue le combat s'engageoit de & qu'il les pourfuivit demontagne enmontagne. Les vaincus,coupés de la Safava par le corps du Roi derrière eux au viliage de Michéle, ne virent d'autre falut pour eux que de fe jeter dans la ville de Prague; ils tentèrent de fe fauver du cóté du Wifcherad, oü la cavalerie du Roi les repoufTa a trois reprifes; ils es» fayèrent aufli d'échapper du cóté de Kcenigfaal, mais encore ils en furent empêchés par le Maréchal de Keith, dont l'armée occupoit toutes les hau» teurs au pied desquelles ils devoient pafler. O» favoit a la vérité que des fuyards de l'armée irn»périale s'étoient jetés dans Prague; toutefois on en ignoroit le nombre, de forte que 1'on fe con» tenta d'inveltir la ville & de la bloquer aufli bien que 1'obfcurité & 1'efpèce de eonfnfion qui fuit les vicloires, purent le permettre. Cette bataille r qui s'engagea vers les 9 heures du matin, duray y compris la pourfuite, jusqu'a S heures du foir. Ce futune des plus meurtrières de ce fiêcle: les ennemis y perdirent 24,000 hommes, dont 5,00a furent faits prifonniers, parmi lesquels 30officiers; «mi leur prit d'ailleurs 11 étendards & 60 pièce9 de canon; Ia perte des Pruffiens monta a 18,00» combattans, fans compter le Maréchal deSchvvé» rin, qui feul valoit au dela de 10 000 hommes» Sa inoct géuüTou les lauriers de la victoiie» acfct*»  na I/IST. DE LA GUÊRRE tée par un fang trop précieux. Ce jour vit torn» ber les colonnes de 1'infanterie pruffienne: Mrs de Fouquet & de Winterfeld furent dangereufement bleffés: la perdirent Ia vie M. de Hautcbarrnoy, Mrs de Goltz, le Prince de Holffein , M. de Mannftein, d'Anhalt, & nombre de vaillans officiers & de vieux foldats, qu'une guerrefanglante&cruelle ne donna pas le temps de remplacer. Le lendemain le Roi envoya M. de Krockow a Prague, pour fommer Ia ville de fe rendre; ce Général fut bien étonné d'y trouver le Prince Charles de Lorraine, & d'apprendre avecceriitude que 40,000 Autrichiens, fauvés de la bataiile, étoient enfermés dans fes murailles. Cettenouvelle obligea le Roi a prendre des mefures différenres; il s'empara de la montagne de Ziska, oü fe campa la droite de l'armée, d'oü Ie front, en occupant toutes les vignes qui regardent Prague, alloit par Michéle aboutir a Podoli a la Moldau. On y confTruifit un pont, pour avoir la communiestion affurée de ce cöté-la avec le Maréchal Keirh , & on en fit un de même a Branick fur la baffe Moldau. La ville de Prague ne fauroit être confidérée comme une place de guerre; fituée dans un fond, elle eft entourée par des vignes & des rochers qui la dominent également de tous les cótés ; fes foffés font fecs , fes ouvrages revêtus d'une maconnerie légère, les parapets en beaucoup d'endroits trop minces, les courtines trop iongues;' tous ces ouvrages avoient été fi fort né-  DESEPTANS. 113 gligds pendant la paix, qu'en différens endroits ils étoient infuftables ; mais la gatnifon nè 1'étoit pas; 'pour 1'aitaquer en forme, il falloït une armée plus nombreufe que la pruffienne, furtout après les détachemens qu'on avoit été obligé de faire , & dont nous aurons lieu de parler inceffamment. Ces raifons firent que le Roi fe contenta de bloquer la ville, en elfayant de prendre la garnifon par la famine. On fe flatta de mettre le feu par un bombardement aux magafins d'abondance; on fit venir des mortiers & du canon ; on établit trcis grandes batteries, Tune a la montagne de Ziska, 1'autre devant Michéle, & la troifième du cóté du Maréchal Keith vers le Strohhof; mais tout cela fut inutile; la ville avoit des baflions cafematés, oü les vivres trouvêrent un abri contre tous les efforts dé Tartilierie pruffienne. Pendant que ces arrangemens fe faifoient autour de Prague, le Maréchal Daun s'étoit avancé avec fon corps a Teutfchbrodt; d'abord le Roi lui oppofa M. de Ziethen, & peu de temps après le Prince de Bévern, qui fe trouvant a la tête de 20,000 hommes, feportapremièrementaKaurzim, puis a Kuttenberg, faifant toujours reculer devant lui le Maréchal Daun; celui - ci fe retira jusqu'a Haber; mais chaque pas qn'il faifoit en arrière, 1'approchoit de fes fecours, & lui donnoir te moyen d'attirer a lui les débris de la bataille de Prague, qui s'étant fauvés au dela de la Safava, purent Ie rejoindre. D'un autre cóté le Roi fit partir pour  ïi4 HIST. DE LA GUERRE i'Empire le Colonel Mayer avec fes volontaires & environ 500 houfards, pour donner 1'épouvante aux princes d'Alleraagne, retarder la réunion de l'armée des cercles, & en même temps pour allarmer les pédans de Ratisbonne, dont 1'éloquence infultante violoit toutes les régies de la bienféance. Mayer entra dans févêché de Bamberg; de* la il s'étendit vers Nurnberg; il fit déferter de Ratisbonne ces dépuiés arrogans, qui fe croyoient les jugcs des Rois , & de la il pénéira dans le haut Palatinat. L'Elefteur de Bavière & plufieuts princes a qui cette irruption donna de I'inqui étude, députèrent vers le Roi, pour traiter de leurs intéréts; enfin tout I'Empire auroit abandonné Ie parti de 1'Impératrice Reine, fi une de ces révolutions ordinaires a la guerre & qui entre dans les jeux de la fortune, n'eüt traverfé la prospérité des Pruffiens. Nous verrons dans la continuation de cette guerre, combien il arriva de ces viciffitudes qui renverfoient tantót les efpérances des Pruffiens, tantót celles des impériaux. Cependant le blocus de Prague continuoit; on bombardoit la ville; mais les Autrichiens faifoient des forties fréquentes. Un jour ils voulurent attaquer les batteries du Strohhof. Le Prince Ferdinand de Pruffe y accourut & les rechafla jusqu'a leur chemin couvert avec une perte de douze cents hommes. Une autre fois ils tentérent une fortie du cóté du Wifcherad, avec fi peu de précaution & de prévoyance, que prêtaiu le flanc a des batteries prus-  DESEPTANS. 115 fiennes placées vers Podoli, Ie canon les fit rentrer dans Prague dans le plus grand défordre. Une autre fois le Prince de Lorraine fit avec 4,000 hommes une fortie du Petit cóté ; ces troupes prirent une fléche défendue par 50 foldats; mais bientót M. de Retzow les repoufla & les pourfuivit jusqu'auK portes de la ville. Les Pruffiens eu» rent dans ce fiége les ennemis & les élémens a combattre; un orage violent & des nuages qui crevèrent, groffirent fubitement les eaux de la Moldau ; leur impétuofité brifa le pont de Branick, Ie courant 1'entraina vers le pont de Prague ; les ennemis en enlevèrent 24 pontons, mais 20 autres leur échappèrent, & a Podoli on les recouvra. Le grand nombre de bombes que lec PrulTiens avoient jetées dans Prague, avoient confidérablement endommagé certains quartiers de Ia ville; le feu avoit même confuraé une boulangerie des ennemis; les déferteurs dépofoient unanimement que les vivres commencoient a manquer, & qu'au lieu de viande de boucherie, la garnifon fe nourriflbit de chair- de cheval. 11 étoit facheux qu'on ne gagnat rien contre cette ville, ni par la force, ni par la rufe, & qu'il fallüt toutattendre du bénéfice du temps; il n'y avoit que la famine & le défefpoir qui pufTent forcer Ie Prince de Lorraine a fe faire jour l'épée a la main a travers les afliégeans; car ils étoient fortifiés dans leurs quartiets de manière a 1'obliger après quelques eübrts inutiles a fe rendre.  136' IIIST. DE LA GUERRE Le projet de prendre Prague avec l'armée qui Ia défendoit, auroit cependant réuffi, fi on avoit pu lui donner le temps de parvenir a fa maturité; mais il failut s'oppofer au Maréchal Daun, il fallut fe battre, & 1'on fut malheureux. Nous avons laiiTé le Prince de Bévern campé a Kuttenberg, & le Maréchal Daun a Haber; ce Maréchal y fut joint par tout ce que la cour put tirer des garnifons des pays héréditaires & de troupes de la Hongrie, outre les fuyards de la bataille de Prague, en fone que fon armée, compofée au commencement de la campagne de 14,000 hommes, fe trouvoit forte alors de 60,000 combattans. L'accroiiTement de cette armée dérangeoit toutes les combinaifons précédentes des projets du Roi; il falloït nécefTairement renforcer le Prince de Bévern, pour qu'il püt au moins fe foutenir contre une armée du triple fupérieure 4 Ia fienne; d'un autre cótéil étoit dan■ gereux d'affoiblir l'armée du fiége, qui avoit une vatte circonférence a défendre, & qui pouvoit étre attaquce d'un jour a l'autre par 40,000 hommes renfermés dans cette ville. On trouva cependant moyen en économifant les poftes, en fortifiant les uns, en refferrant les autres, de faire une épargne de 10 bataillons & de 20 efcadrons. Ce détachement pouvoit s'éloigner, mais ce ne devoit pas être pour long-temps, ou le blocuseu auroit fouffert. Pour que 1'on prit Prague & l'armée qui la défendoit, il étoit indifpenfable d'éloigner le Maréchal Daun de cette coiitrée, paree  DESEPT/tNS. U7 que ies troupes employécs a en faire la circonvallation, quoique bien poftées pour repouffer des forties, n'étoient que fur une ligne, & ne pouvoient défendre leur,front & leur dos en même temps ;& paree qu'en fe laiffant refferrer autour de Prague, les Pruffiens auroient manqué de fubfiftances, la cavalerie étant déja obligée d'allerchercher le fourrage ft 4 ou 5 milles du camp. Ces confidérations importantes déterminèrent le Roi ft fe mettre en perfonne ft la tête de ce détachement, pour joindre le Prince de Bévern, & juger fur les lieux duparti qu'il feroit plus convenable de prendre. Le jüjn Roi partit le 13 de Prague; M. de Treskow fut détaché en même temps, pour nettoyer les bords de la Safava, que les troupes légères du Maréchal Daun commencoient d'infetTer. Le Roi pourfuiv't fa marche par Schwartz Kofteletz ft Malotitz, oü il fut joint par M. de Treskow, qui avoit pris une route ft droite. L'incention du Roi étoit d'arrivcr ft Kolin, pour fe joindre au Ptince de Bévern ; il trouva devant lui un corps conlïdérable, qui campoit ft Zafmuky; c'étoit M. de Nadafti, qui avoit pris cette pofition, par laquelle ii coupoit déja en quelque manière le Prince de Bévern de l'armée prufiïenne. Bientót on découvrit de loin fur le cherain de Kolin deux colonnes qui prenoient la route de Kaurzim; on appritpareeux qui furent les reconnoitre, que c'étoit le Prince de Bévern qui venoit fe joindre aux troupes du Roi. Le jour tomboit, ia nuit furvint avanc .'ar-,  U* HIST. DE LA GUERRE rivée du Prince, de forte que 1'on fe conténta de faire camper les troupes autant que l'obfcurité voulut le permettre. On fut étonné du mouve. ment du Prince de Bévern , auquel on ne s'attendoit pas; il fe fit a 1'occafion de ce qui s'étoit palTé la veille; il avoit été attaqué le 13 a Kuttenberg par M. de NadafH , qu'il avoit repouffé , en même temps que Ie Maréchal Daun avoit fait un mouvement fur fon flanc qui 1'avoit obligé, pour ne point être tourné, de quitter fa pofition de Kuttenberg, & de prendre celle de Kolin; la il recut des avis que les Autrichiens campés a Wifoka fe préparoit a 1'attaquer le lendemain ; pour n'ep point ccurir le risque, il aiina mieux aller au devant du détachement pruiTien, *s- qu'il favoit en marche pour le renforcer. On voulut le lendemain reconnoitre les chemins de Wifoka, pour juger de la difpofition oü fe trouvoient les ennemis; cependant on ne put y réuflir, acau. fe de 1'épailTeur des foréts, & du nombre des pandours qui les remplifibient. Le même jour 4,000 Cravates attaquêrent un convoi qui venoit de Nymbourg a l'armée; il étoit efcorté par 20c fantaffins aux ordres de M. de Billerbeck, Major dans Ie régiment Heuri; ce brave officier fedéfendit 3 heures contre le nombre qui ralTailIoit, jusqu'a 1'arrivée du fecours qui Ie dégagea, fans avoir perdu la plus petite partie de fon convoi, & fon ne trouva a dire a fon monde que / bleiTés; ce qui eft une perte peu confidérable, fi 1'on fait atv  DESEPTANS. i\f tention au corps qui 1'attaqua. D'auffi petits détails ne deviennent dignes de l'hiltoire qu'autant qu'ils peuvent fervir d'exemple pour prouver ce que peuvent a la guerre la valeur & la fermeté, foutenues par une bonne difpofuion. Le terrain oü les Prufliens étoient campés n'étoit pas asfez avantagenx pour qu'on püt y attendre l»enne« mi avec fureté; le Roi vouloit fe porter avecl'armée a Scwoifcbitz, dont les environs font fusceptibles de défenfe; mais a peine l'armée fe futelle mife en marche pour prendre cette pofition, qu'on vit paroitre celle du Maréchal Daun, quife forma prés de Scwoifch"itz«en une efpèce de triangle, dont la gauche tiroit vers Zafmuky &ladroite vers 1'Elbe; le front vis-a-vis de Kaurzim&de Malotitz étoit couvert par nne prairie bourbeufe, a travers laquelle ferpentoit un ruilTeau marécageux. Ce mouvement des ennemis prodaifit un 17. changement néceffaire dans la difpofuion des Prus(iens; l'armée prit une autre direction; elle gagna plus vers la gauche & s'approcha de Nymbourg; elle fe campa ayant Planiany vers la gauche de fon front, & a la droite Kaurzim, oü 1'on jeta un bataillon pour affurer le flanc de l'armée. On rencontra prés de Planiany un corps d'Autrichiens, dont 1'intention ne pouvoit être que de s'eraparec du dépót que les Pruffiens avoient a Nymbourg; on contraignit ce corps a fe replier, & il prit poste fur une hauieur derrière Planiany, oü ildemeuri la nuit. La fituation du Roi devenoit de jout  120 HIST. DE LA GUERRE en jour plus critique & plus embarraiTante, fa pofuion ne valoit rien fon camp étoii étroit, acculé contre des montagne; fon front fe trouvoit k lavérité inabordable par le marais & le ruiffeau qui féparoient les deux arraées, mais il n'en é:oit pas de même de ia droite, mal appuyée a Kaurzim, & que le Maréchal Daun étoit maitre de tourner dés qu'il le voudroit, en fe portant de Zasmuky fur Malotitz. Si les ennemis euffent fait ce mouvement, toute l'armée étoit prife en- flanc & battue fans reflburce. II fe pré/entoit d'autre part une multitude d'objets a rempiir, trop contraires pour qu'il fut poffible de Ics^concilier tous, & fon ne pouvoit en ncg'iger aucun fans un préjudice confidérable. II faliuit couvrir les magafins de Brandeis & de Nymbourg, d'oü l'armée d'obfervation tiroit fon pain ; il falloit protéger Ie blocusde Prague , en empéchant avec un corps.foible une armée fupérieure du doublé d'y déiacher dés troupes , ou d'en approcher. Plus Tinférkiité des Pruffiens devenoir fenfible, plus i!s avoient acraindre k la longue d'elTuyer quelque échec confidérable; car en fuppofant même qu'ils eufient pu fe foutenir dans le camp oü ils étoient, il ne leur en étoit pas moins impoffible d'empécher ie Maréchal Daun d'envoyer un gros détschement, qui longeant les bords de la Safava, feroit ver.u a dos des corps pruffiens qui campoient entre Branick & MiC.hèle, & cette armée du fiége, attaquée par derrière pendant que de la ville le Prince de Lorraine *tL  DESEPTANS. lat auroit fait une fortie, fe feroit trouvée entre deux feux, ei" auroit par conféquent été totalement battue. Si le Roi prenant un autre parti, eüt trouvé convenable de fe retirer a Koltelétz ou a Teutfchbrodt, il y trouvoit des camps plus avantageux; mais les inconvéniens dont nous venons de parler n'en fubfiftoient pas moins; car en s'approchantde 1'Elbe on couvroit les magafins, en laiffant leche» min libre vers Prague; & en tirant plus vers Ia Safttva, on protégeoit mieux le fiége, & 1'on dé* couvroit les dépots , dont la perte s'en feroit promptement enluivie, fans compter qu'en perdanC du terrain oü il avoit du fourrage, l'armée- en fe retirant fe refi'erroit dans un pays épuifé & oü les vivres avoient été confumés d'avance. 11 fepréfentoit d'autres confidérations plus fortes encore. Le Maréchal Daun commandoit une armée de 60,000 hommes que rimpératr-ice Reine avoit ralTemblée "a granHs frais; étoit-il a préfumer qu'on fouftrit impunément a Vienne, ayant amant de troupes en. Bohème, que les PrulTiens Gffent dans Prague Ie Prince de Lorraine & 40,000 hommes prifonniers de guerre en préfence de cette armée? On favoit méme que le Maréchal Daun avoit ordre de tout rifquer pour délivrer Ie Prince de Lorraine. II s'agifToit donc proprement de fe détetminer, ou a lailf r aux ennemis la Hbetté d'attaquer les troupes pruflïennes dans leur pofte, ou a les prévenir & ales attaquer foi-même. Ajoutons a ces confidérations que depuis que le Maréchal Daun fe trou^ Qtw. i°Jlb. dt Fr. U, T. IIt, p  122 IIIST. DE LA GUERRE voit fort , il étoit impoffible de prendre Prague fins gagner une feconde bataille & qu'il auroit été honteux pour les armes d'en lever le fiége ft 1'approche de 1'ennemi, vu que tout ce qui pouvoit arriver de pis étoit d'abandonner cette entreprife , au cas que 1'ennemi remportat la victoire. Indépendamment de tout ce que nous venons de dire, une raifon plus importante encore ob'igeoit d'en venir ft une décifion ; c'eft qu'en gagnant encore une bataille , Ie Roi prenoit fur les impériaux une entiêre fupériorité. Les Princes de I'Empire, déja incertains & indécis, Tauroient conjuré de leur accorder la neurralité. Les "Francois fe feroient trouvés dérangés & peut-être arrêrés dans leurs opétations en Allemagne. Les Suédois en feroient devenus plus pacitiqrJes & plus circonfpects. La cour de Pétersbourg même auroit fait des réflexions, par ce que le Roi fe feroit vu dans une fituation ft pouvoir envoyer fans risque des fecours ft fon armée de PrufTe, & même ft celle du Duc de Cumberland. Voila quels furent les motifs importans qui engagèrent le Roi ft attaquer le lendemain le Maréchal Daun dans fon pofte. On fe mit en marche le 18 de grand matin. M. de Treskow avec Tavant-garde délogea d'abord ce corps en.nemi qui s'étoit campé la veille fur les haureurs derrière Planiany; ce début étoit néct-flaire pour nettoyer le chemin de Kolin-, fur lequel Tarmée devoit marchet en deux colonnes-.  • DESEPTANS. 123 Elle dcTila fur deux lignes par la gauche vis-avis celle des ennemis. Le Maréchal Daun, qui découviit le mouvement , cnangsa auffitót fort front, & marchant par fa droite, longea la croupc des montagnes qui vont vers Kolin. M. de Nadafti s'étoit placé devant l'armée du Roi avec 4 a 5,000 houfards , qu'un corps de cavalerie pouffoit d'efpace en efpace , ce qui rallentit la marche des colonnes. On continua de prelTer ainfi ces troupes légères , jusqu'a ce qu'on eüt gagné une éminence qu'il falloït occuper nécesfairement pour auaquer 1'ennemi. Comme les troupes n'anivèrent pas aufli promptement pourle bien des affaires qu'il auroit été a défirer, leRoi profita de ce temps pour afl'embler les officiers généraux, & pour convenir avec eux de la dispofition de la bataille. Une anberge fe trouvoit fur le chemin que tenoient les troupes ; 1'on y découvtoit diflinffement 1'ordre dans lequel le Maréchal Daun avoit rangé fes troupes, & toutes les parties du terrain fur lequel il falloit agir. Ce fut dans ce lieu - la qu'on prit les mefures fuivantes: il fut réfolu d'attaquer la droite de 1'ennemi, paree qu'elle é.oit mal appuyée, & paree que c'étoit 1'endroit la plus acceffible , le front des Autticbiens s'étendoit fur des rochers apres & efcarpés , au pied desquels des villagés dans la plaine étoient remplis de pandours; mais plus ils étoient inexpugnables dans cette partie, moins il 1'étoieat 4 leur droite, 1'endroit par lequel la F a  ÏS4 EIST. DE LA GUERRE •gauche des Pruffiens devoit attaquer, étoit une hautenr qu'ils occnpoieut déja; de la fe préfentoit un cimetière ifolé, garni de Cravates cc qu'il falloit emporter; enfuite en tournant un peu plus a gauche on prenoit l'armée du Maréchal Daun a dos & en flanc. Pour foutenir cette attaque, il falloit la nourrir de toute 1'infanterie pruffienne qui fe trouvoit dans l'armée; par cette raifon le Roi fe propofa de refufer entièrement fa droite aux ennemis, & défendit févèrement aux officiers qui la commandoient de dépaffer le grand chemiti de Kolin; cela étoit d'autant plus fenfé, que Ia partie de F armée auuichienne poftée vis - a.- vis de cette droite, occupoitun tetrain inabordable: fi la pofition que le Roi avoit prefcrite a fes troupes avoit été obfervée, il nuroit été maltre durant l'aftion de faire filer felon le befoin des batairlons, pour foutenir les brigades qui avoient lapremiêre ittaque. Outre ce que nous venons da dire, M. de Ziethen eut ordre de tenir téte a M. de TMadalii avec 40 efcadrons, pour qu'il ne troublat pas 1'infanterie pruffienne dans fes opérations; Ie rede de la cavalerie fut placé en réferve derrière les lignes. Lorsque tout fut réglé, M. de Huiren partit a Ia téte de 7 bataillons & de t4 piêces d'artillerie, pour engager 1'aftion; des 24 bataillons qui refioient, 6 formèrent la feconde ligne & les 15 autres la première. Telle fut cette difpofition, qui auroit rendu les Pruffiens victorieux, Q elle avoit été Fuivie ; mais "voici ce qui airiva,  DESEPTANS. laf M. de Ziethen attaqua le corps de Nadafti, dont la déroute fut générale; 11 le pourfuivit jusqu'a ■ Kolin, de forte qu'il fut féparé des Autrichiens, & que de toute la journée il ne fut pluska portée de nuire aux entreprifes du Roi. A une heure après midi M. de Hulfen attaqua le cimetière, & le viliage de la hauteur, oü il ne rencontta pas grande réfiltance; il fe rendit maltre enfuitdedeux batteries, chacune de 12 piêces de canon. Tout fuecédoit aux vceux des Pruffiens dans cette premtère attaque; mais voici les fautes qui caufèrent la perte de la bataille. Le Prince Maurice, qui cenduifoit la gauche de 1'infanterie, au lieu de 1'appuyer derrière ce viliage que M. de Hulfen ve. nok d'emporter, la forma a mille pas de cette hauteur; cette ligne étoit en l'air; le Roi s'enappercut, & la mena prés du pied de cette hauteur; en même temps ou entendit un feu affez vif a la droite. Obligé de fe hater & ne pouvant faire autrement, il remplit les vukes qui fe irouvoient dans fa ligne par les bataillons de la feconde; il fe.rendit auffitót a la droite, pour favoir de quol il étoit queflion; il trouva que M. de Mannftein, qui avoit engagé fa brigade fi mal a propos il la bataüle de Prague , venoit de retomber dans la même faute; il avoit'appercu des pandours dans un viliage proche du chemin que la colonne tenok; il lui prend fantaifie de les en déloger; il entre contre fes ordres dans le viliage, en chafle 1'eunemi, le pouifuit, & fe trouve fous le feu de F 3  *26 HIST. DB LA GURRRE mitraille des batteries amrichiennes ; a fon tour "on 1'attaque , & la droite de 1'infanterie marche a fon fecours. Lorsque le Roi arriva fur les iieux, 1'affaire étoit fi férieufement engagée, qu'il n'y avoit plus moyen de retirer les troupes fans être battu; bientót la gauche entra également en jeu, ce que les généraux auroient pu cependant empêcher. Alors la bataille devint générale, & ce qu'il y avoit de facheux , c'eft que le Roi n'en pouvoit étre que fpeftateur, n'ayant pas un bataillon de refte dont il put difpofer. Le Marécha! Daun profita en grand général des fautes des Prufliens ; il fit filer derrière fon front fa réferve, qui vint a fon tour attaquer M. de Hulfen jusqu'alors victorieux; il fe foutint néanmoins, & fi on avoit pu lui fournir quatre bataillons frais, la bataille étoit gaguée; il repouffa encore cette réferve autrichienne; les dragons de Normann donnèrent alors dans 1'infanterie ennemie, Ia disperfèrent, & lui prirent 5 drapeaux; ils'attaqnêrent enfuite les carabiniers faxons, qu'ils chafTérent jusqu'a Kolin. Pendant ces entrefaites 1'infanterie pruffienne du centre & de la droit avoit gagné quelque terrain, fans cependant avoir emporté d'avantage confidé'able. Ces bataillons, qui tous avoient beaucoup foufïtrt du canon & du feu des peiites a mes , éiant fondu« a moitié , faifoient emr'eux des intervalles au triple plus grands qu'ils ne devoient i'étre, & comme il n'y avoi ni feconde ligne, ni réferve, il fallut y fuppléet  BESEPTANS. 127 par des regimens de cuiraffiers, qu'on placa h quelque diftance derrière ces ouvertures. Le régiment de.Pruffe cavalerie attaqua même un gros de 1'infanterie ennemie , & 1'auroit détruit , fi une batterie chargée a mitraille n'eüt pas joué a propos contre lui; il rebrouffa chemin en confufion , & renverfa les régitnens de Bévern & de Ilenri qui étoient derrière lui ; 1'ennemi s'appercut de ce défordre; il lacha auffitót fa cavalerie, qui profitant de ce moment, rendit la confufion générale. Le Roi voulut faire charger des cuiraffiers qui étoient a portée & qui auroient pu réparer le mal en partie; il lui fut impoffible de les mettre en mouvement: il eut recours a deux ercadrons de Truchfes , qui prirent la cavalerie ennemie en flanc , & la ramenérent au pied de fes montagnes. II n'y avoit de cette ligne d'in* fanterie que le premier bataillon des gardes qui tint encore a la droite; il avoit repouffé quatre bataillons d'infanterie & deux régimens de cavalerie qui avoient voulu 1'entourer; mais un bataillon , quelque bravoure qu'il ait , ne faurbtt feul gagner une bataille. M. de Hulfen , avec fon infanterie , & quelque cavalerie- qu'on lui avoit envoyée, fe maintenoit encore fur fon terrain , favoir fur eet emplacement dont il avoit chaffé les Autrichiens au commencement de 1'action ,• il y rella jusqu'au foir a 9 heures , qu'il fut obligé de ie retirer , de méme que l'armée. Le Prince Maurice mena les troupes a JNym* F 4  ai% HIST. DE LA GUERRE fcourg, oü il paffii 1'Elbe, fans qu'un feulhoufard de 1'ennemi le fuivit. Cette action cotita au Roi 8,000 hommes de fa meilleure infanterie; il y perdit i(5 piêces de canon, qui ne purent être iransportées, les chevaux en ayant été tués. Après que le Roi eut donué fes erdres aux généraux pour la retraite des troupes, il courut au plus preffé, fe rendit il fon armée de Prague, oü il ne put arriver que le lendemain au foir, Sr 1'on fit des difpofitions pour lever le blocus de la ville j que le funefie événement de Kolin ne permettoit plus de continuer. • Ce qu'1! y eut de fingnlier dans l'aftion que nous venons de rapporter, fut que déja 1'infanterie auttichienne commencoit a fe retirer, que la cavalerie devoit en faire autant , lorsqu'un Colonel d'Ayaffas de fon propre mouvement attaqua 1'infanterie pruffienne avec fes dragons, au moment oü les cuiraiTters de Pruffe y mirent Ia-confufion, & oü les fuccès firent révoquer les premiers ordres. Sans doute que 1'embatras oü fetrouvoient les Autrichiens après une affaire auffi opiniatre, les 'empêcha de pourfuivre les Pruffiens; cependant ils étoient viclorieux. Si le Maiéchal Daun avoit eu plus de réfolution &'d'actMté, il eflcertain que fon armée auroit pu arriver le 20 devant Prague & que les fuites de la bataille de Kolin feroient devenues. plus funeftes pour les Prusfiens que leur défaite même. Le 20 de grand matin fes Pruffiens levéren* le blocus de Prague, La  B.E S E P T A N S. wf corps qui avoit campé du cóté de Mictiéle» feretira au dela de 1'K.lbe par Alt-Buntzlau & Brandeis, pour Te joindre a l'armée de Kolin qui campoit a Nymbourg. Le corps du Maréchal Keith devoit fe replier fur Welwarn, afin de eouvrir les magafins de Leutmeritz & d'Anffig; des contretemps s'en mêlèrent, les ponts ne furent pas enlevés affez vite, on fut obligé d'attendre , & le Maréchal Keith ne put quitter fon camp qua 11 heures. Les Pruffiens de Michéle étoient partis a 3 heures du matin. Le Prince de Lorraine, quieuE d'abord des avis de la bataille que le Maréchal Daun venoit de gagner, fe prépara a faire unefortie fur les troupes du Maréchal Keith prêtes a le* ver le piquet. II fortit du Petit cóté & eanonn* vivement les deux colonnes pruffiennes qui fe re-, tiroient par le couvent de Ia Viaoire; les grenadiers de 1'arrière-garde calmèrent I'impétuofitédes ennemis, & le Prince de Pruffe prit une pofition a Reefin, d'oü il protégea la retraite des troupes-. Les Pruffiens n'eurent que 20» hommes tant da tués que de bleffés dans cette affaire; le Prince de Lorraine y gagna 2 piêces de 3' livres dont le» chevaux furent tués, fenl trophée qu'il remporta de fon expédition. Le corps avec lequel le Roi avoit marché a Brandeis, prit le lendemain le camp de Liffa, oü il fe joignit au débris des troupes de Kolin. L'ou fuppofoit que le Maréchal Daun agiroit contre l'armée du Roi, & le Prince de Lorraine contre celle du Maréchal Keith, & l'oa-f? 55  130 HIST. DE LA GUERRE trompa. Les Autrichiens perdirent beaucoup de temps a faire avancer leurs magafïns j au bout de huit jours les deux armées au'riehiennes fe joignifent a Brandeis Le Prince de Pruffe pritlecom• ffiandement de l'armée de Liffa, avec laquelle il inarcha a Jung-Buntzlau, & bieniót a Bcehmifch Leippa. Le Roi prit le chemin de MeInick,.pour fe joindre au Maréchal Keith avec un renfori qu'il lui mena; il paffa 1'Elbe a Leutmeritz: afin de ne pas perdre cependant la communication avec lePrince de Pruffe, il laiffa le Prince Henri avec un détacbement k Trebotfchau k la rive droite de 1'Elbe. L'armée du Roi s'étendoit dans la plaine entre Leutmeritz & Lowofitz; quelques bataillons occupoient le Pafcopol & le défilé de Welinina, les goiges de la Saxe étoient gardées par de nouJ^iillet. velles levées. La ville de Leutmeritz avoit fervi de depót pouricflége de Prague; c'étoit'legrand magafin & 1'hópital de l'armée: cette ville, fituée dans un fond, ne pouvoit fe défeudre que par les camps qui occupoient les montagnes qui 1'environnent; on travailla, auffitót que les troupes y arrivêrent, a la débarraffer des malades, des mu«itions & de 1'artillerie qu'on y gardoit; quelque aétivité qu'on mlt a preffer tous ces tranfports, on ne put les achever que le 20 de Juillet. Au conv mencement de ce mois M. de Nadafli s'approcha de l'armée, fe campa a Galforf vis-a-vis du corps du Prince Henri , & mit tout en oeuvre pour in«terrompre la comgiunicatiou que les Pruffiens en»  DE S E PT' A NS. -31 tretenoient entre le camp de Leutmeritz & celui de Leippa; en quoi il n'eut pas de peine aréuiTir, en répandant fes pandours dans les forêts & dansles défilés en grand nombre qui fe trouvent dans cette partie de la Bohème. A la rive gauche de 1'Elbe il ne parut qu'un petit corps d'Autrichiens commandé par le Sr Laudon. Cepartifan, a la tête de 2,000 pandours, s'étoit polié au pied da Pafcopol , d'oü il infeftoit les grands chemins , inquiétoit les détachemens & faifoit des coupspev* eonfidérables. Celui qui lui réuflit le mieux, devint funefte 'a M. de Mannftein , célèbre pour avoir engagé la bataille de Prague, & avoir caufé la perte de celle de Kolin. Ce Général fe faifoit tranfporter en Saxe, pour y chercher la guérifo» de fes,-bleffures; il étoit efcorté"par 200 hommes de nouvelies levées; Laudon 1'atiaque enchemin,. le défordre fe met dans 1'efcotte, Mannftein fort de fa voiture, prend fon épée, fe défend en défefpéré, & refufant le quartier qu'on lui offre, eft tué fur la place.' La guerre fe faifoit avec plus de vigueur du cóté du Prince de PrufTe. Le Prin» ce de Lorraine & le Maréchal Daun, après s'êtrejoints, quittèrent Brandeis & fuivirent le Prince de PrulTe; tls fe campèrent ii Nimes, oü ils tuurnoient fon flanc gauche, & gagnoientfur les P.usfiens une marche fur Gabel.. Le Général Puttkammer défendoit le chateau de cette ville, oüle Prince de PrufTe Tavoit envoyé avec 4 bataülons, pour iaciliter les convois que fon armée tiroit de. Zit*F 6>  i32 BIST. DÊ LA CUE R RE tau. Si le Prince de Pruffe eut pris le parti de marcher incontinent a Gabel, les Autrichiens n'auroient rlen gagné par leur mouvement; mais le Prince, qui n'èn fentit pas d'abord les conféquences, demeura tranquille dans fon camp , & laiffa faire a 1'ennemi ce qu'il lui plut. Le Maréchat Dann fit partir un détachement de 20,000 hommes, qui attaqua M. de Puttkammer a Gabel; ce Général, après une vigoureufe réfiftance & trois Jours de trauchée ouverte, n'étant point fecouiu, fut obligé de fé rendre piifonnisr dè guerre. Le Prince de Piuffe comprit 1'importance de ce pofte après 1'avoir perdu; le droit chemindefoiv camp a Zittau paffe par Gabel ; ce chemin lui étant interdit, celui qui lui reftoit, paffe parRumfcourg & Kit un détour de quelques miiies; 011 ue peut y poffer que fur une colonne. L'armée fut obligée de le prendre; elle y perdit du bagage, & des pontons qui fe brifèrent dans des cheminsfSroits entre dés rochers. Le Prince arri-a a Zittau en décrivant un are, & le Maréchal'Daun paf la corde. M. de Schmettau, qui commandoitl'aTant-garde des P.uffiens, trouva en approchant de Zittau les Autrichiens établis fur l'Eckartsberg;e'eft le pofte le plus important de cette contrée; il domine fur la ville & commande aux environs. L'armée dü Prince de Prnffé occupa une hauteur ©ppofée au camp des ennemis, la ville de Zittau devant fa droite entre les deux années, fa gauche iXenikie fur 1» moutagne de Hennersdoif. Le  BESEPTANS. m Prince pouvoit foutenir la ville, fans pouvoir néanmoins empêcher les impériaux de 1'infulter. Le Maréchal Daun, excité par .le Prince Charles de Saxe , fit bombarder la ville. Zittau a des rues étroites, la plupart des toits font en bardeau ; le feu y ptit, le bardeau eommuniqua 1'incendieaux différens quartiers de la ville a la fois, les maifons s-'écroulèrent & les paflages furent bouchés par lesdébris. Le Prince de Pruffe fe vit obligé d'en retirer la garnifon ; les troupes qui occupoieni 1'extrémité oppofée, ne purent regagner l'armée, ne trouvant que des Aanwies & des ruines fur leur paflage, de forte que le Colonel Dierke avec 15a pionniers & le Colonel Kleitl avec 80 foldats du Margrave Henri tombèrent entre les mains des ennemis. La ville de Zittau n'étant en elle-même d'aucune conféquence , on ne fut fenfible a ce malheur qu'a caufe du magafin corfidé-able qui s'y trouvoit. Après qu'il eut été confumé par les flammes, l'armée du Prince de Pruffe nepouvantti-.er fa fubfiflance & fon pain que de Dresde, il auroit fallu tranfporter ce pain de 12 milles, pour qu'il arrivat au camp; & comme il fe préfentoic des. difiicultés infurmontables a ce tranfport , le Prince fut obligé de fe rapprpcher de fes vivres; ii décampa de Zittau fans être fuivi par 1'ennemi, & prit une pofition pour l'armée aux environs de Bautzen, Dès que le Rol fut informé de la perte de Galel,, il fe propofa d'évacuer Leutmeritz, pour rej  134 BIST. DE LA GUERRE tourner en Saxa. La ville de Leutmeritz étoit vuide ; les murdtions de guerre & de bouche éioient déja arrivées k Dresde, & comme il n'y avoit point de temps a perdre.le Prince Henripaffa 1'Elbe; aprés qu'il eut rejoint le Roi, l'armée alla fe camper enAoüt. tre Sulowitz & Lowofitz. M. de Nadafti, qui avoit fuivi 1'aniére-garde de S. A. R, attaqua les grands gardes du camp; on le recut vertement,- il fut repoufie avec perte, & repafia promptement 1'Elbe. Les jours fuivans l'armée fe replia fur Linay, de la fur Noellendorf &• fur Pirna. Un detachement de aoo hommes de nouvelles levées qui gardoit le Schreckenftein, fut attaqué & pris 'par M. Laudon ; les pofles d'Anffig & de Tetfchen furent évacués fans pene. Le Roi laiffa le Prince Maurice a Gishubel; il lui donna 14 bataillons .& 10 efcadrons, pour défendre cette gorge, & fe mit en marche avec le refte de fes troupes, voulant joindre le Prince de Pruffe a Bautzen. Ce Prince, qui étoit tombé raalade, quitta l'armée & ne fit depuis que languir. Le Roi s'a .ancad'abord avec un détachemént de Bautzen a VVeiffenberg; il en délogea M. de Beek, qui ferepliavers Bernftadt. Les arrangemeus qu'il fallut faire pour rétablir 1'ordre dans les vivres & préparer de nouveaux caiflbns , arrétèrent le Roi quinze jours. Ce prince étoit preffé par les progrès des Francoisa fi droite, & des Ruffes a fa gauche; il étoit •bligé de détacher; ce qui-tui infpira le deffeinde «arceer aux Autridiiens, & u'eJayer de s'en deli*-.  DE S E P T A AT S. 135 t/rer, avant que de s'aflöiblir par des détachemens; il fe mie en marche Ie 16 pour Bernftadt; le Roi menoit la colonne de Ia gauche, Ie Prince de Bronfwic celle de la droite. Hs penfèrent entourer M. de Beek fur urne monrasne prés de Sohland , & ce partifan ne fe fauva qu'en perdant une partie de fon monde. On apprit a Bernftadt qu'un détachement des ennemis s'affembloit a Oftriu; M. «le Werner y fut auflïiót envoyé; il fut furie point de prendre M. de Nadafli, dont il enleva le bagage, & les troupes qui 1'efcortoient. On trouva parmi fes papiers des lettres originales de la Reine de Pologne, qui donnoit des avis a ce Général de tout ce qu'elle favoit des Pruffiens, & lui propofoit quelques projets de furprife; leRoi envoya ces originaux a M. de Finek, Commandant de Dresde, pour les- montrer a Ia Reine, afin qu'elle comptit qu'on étoit au fait de toutes fes inenées. Le Roi détacha 5 bataillons de Bernftadt, pour- l7i prendre pofte a Gcerlitz, & avec legros de l'armée il marcha droit aux Aurrichiens. Le Maréchal Daun campoit encore a 1'Eckartsberg; il ne fit faire qu'un mouvement ii fes troupes, pour qu'elles préfentaflent le front aux Pruffiens. Ce pofte éroitinattaquable; a la gauche une montagne taillée en forme de baftion, hériffée de bataillons qu'il avoit dans cette armée , pour les jeter dans Magdebourg, ce qui' fe fit trés-apropos; comme nous le verrons dans la fuite. On voit par le tableau que nous venons de préfemer , que le duché de Magdebourg étoit menacé de 1'invafion des Francois & la ville d'un fiége, que la Saxe alloit devenir la proie de cette "armée qui s'aflembloit a Erfurt, que les garuifons de üresde & de Torgau alloient être perdues , enfin que Berlin, cette caphale fans défenre , étoit fur le point d'être envahie par les Suédois, qui avoient pénéré dans la Marche uckerane, & qui ne trouvoient qu'une poignée de monde qui s'oppofar a leurs progrès. Dans ces conjonaures les raifons les plus preiTantes demandoient qu'un corps de troupes marchat contre tant d'ennemis. Le Roi fe chargea de ce coramandement, & fe' mit a la téte de peu de monde , pour ne point alfoiblir fon armee de Siléfie , qui avoit a combattre 1'ennemi le plus redourable. ■ Le Ptince de Bévern, auquel il refroit 50ba- Ao4t, taillons & ito efcadrons, fe campa après le dé- »>• part du Roi a la Landeskrone prés de Gcerlitz. M. de Winterfeld placa fon dérachement del'aütre cóté dé la Neifle fur le Holzberg proche du viliage de Moys. Le Prince fit tranfporter fon magafin de Bautzen Jt Gcerlitz. Le Maréchal üaua sea*,-  ï+2 HIST. DE LA GUERRE & le Prince de Lorraine fe camp.èrent vis-a-vis de lui a Auffig, & détachèrent M. de Nadalli a Schoenberg, pour obferver M. de Winterfeld. Le Comte de Ka-unitz venoit d'arriver a l'armée autrichienne, por.r s'aboucher avec les géné'aux & régler les opéations ultérieures de la campagne. M. de Nadafti, pour lui faire fa cour, fe propofa d'attaquer le polie de M. de Winrerfeld.au Holzberg. Ce pofte n'étoit garni que de deux bataillons^ les dix au'res du même 'corps campoient a trois mille pas en arrière plus prés de Gcerlitz. Le jour que 1'atraque fe fit. M. de Winterfeld étoit auprès du Duc de Bévern, avec lequel il avoit quelques arrangemens a prendre,- on vint lui dire que 1'ennemi attaquoit fon pofte il y accourut; mais le Holzberg étoit emporté avant qu'il y arrivêtj il voulut en déloger 1'ennemi, s'avanca a la tê;e de quatre bataillons, & eut le malheur d'être, bleffé mortellement. M. de Nadafti, content de fa^antage qu'il veuoit de-remporter, fe retirade. Ui-même a Schoenberg , les PrulTiens perdirent 1200 hommes è cette affaire, & nombre de braves officiers. M de Winterfeld mourtu defa blesfure, & fut d'autant plus regretté dans cescirconftances. qu'il étoit 1'homme le plus uéceffaire a l'armée du Prince de Bévern, & que le Roi n'avoit compré que fur lui dans. les mefures qu'il avoit prifes pour la défenfe de la Siléfie-, Le len-. demain de cette affaire Ie Prince de lsévern leva fon camp; il fe rendit par Catholifca Hennersdorf  JD E S E P T A N S. ■43 & Naumbonrg a Lignkz, & négligea de prendre le camp de Lcewenberg ou celui de Schmutfeifen, par lesquels il auroit couvert la Siléfie; & non content d'abandonner les frontières, il acheva de s'sffoibïir en détachant 15,000 hommes, qu'il jeta dans diffèrentes places. Ces fautes entrainèreut let malheurs qui 1'accabièrent a la fin de la campagne. Le Maréchal Daun fuivit les Prus- fiens; il marcha par Lcewenberg & Goldberg, & fe campa fur les hauteurs de Wahlfiadt. Les Prusfiens étoient dans un fond, Ia droite a Lignitz, la Katzbach a dos, & la gauche au viliage deB ckren; ils avoient tout a craindre dans ce terrain, un ennemi entre prenant en eüt profité; le Maréchal Daun ne 1'étoit pas. Cepen.lam une ap;èsmidi, animé par le vin & par les dif'cours du Chevalier de Monwzet, le Prince de Lorraine voulut emporter quelque a-'antnge fur 1'ennemi; il fit avancer huk a dix bataillons de grenadiers & du canon, avec lesquels il fit attaqu-r Ie viliage de Beckren. Ce détachement étoit trop foible contine armée; il n'étoit point fouteuu; il futrepous* fé par les troupes que le Prince de Bévern fit avancer de la ligne pour foutenir le viliage; le régiment de Pruffe infanterie fe diftingua furtouta cette aftion. Cet elfai fit comprendre au Prince de Bévern que fa pofition étoit mauvaife, foh camp mal pris, la fituation hazardée. Appréheneant d'étre attaqué le lendemain avec des fcrces plus confidérables , il tepafl'a la nuit même la fö»t»  1 144 MIST. DE LA GUERRE bach, & marchant a Parchwitz , il y trouva ut corps d'impériaux qui lui dilpuca le paflage de la Katzbach; il fit des-ponts fur 1'Oder, pafla ce Oöibre. flcuve & fe ren(jjt par fa rjye droite )g j d'0fto. bre a Breslau; ayant repalTé TOder fur le pont de la vilie, il prit pofte derrière le petit ruifieau de la Lohe , oü il fe retraücha;' les Autrichiens fe placèrent vis-a-vis de lui a Lifla. La cour de Vienne avoit négocié des troupes de FEleéteur deN Baviére & du Duc de Wurtemberg, qu'elle envoya alors en Siléfie; ces corps fe joignirent a Ia réferve de M. de Nadafti aux environs de Schweidnitz, dont ils devoient faire le fiége. Nous fufpendrons pour quelques momens Ie récit de la campagne de fiept. Siléfie, pour fuivre le Roi dans fon expédition contre les Francois. Campa- II fe rendit d'abord a Dresde, d'oü il détacha vre les"" M' de Seidlitz avec un régiment de honfards&un yrancois. régiment de dragons pour Leipfic, afin de donner Ia chaffe a M. de Turpin, qui avec des troupes légères rodoit du có:é de Haile. Les Francois fe retitèrent a 1'approche des PrulTiens, de forte que M. de Seidlitz devenant inutile dans cette partie, vint rejoindre le Roi entre Grimma &Rcetha; de Rcetha les troupes marchèreiu a Pégau; 1'ennemi y avoit détaché deux régimens de houfards impériaux, Cedzeni & Efterhafi. Cette ville eft fi. tuée de l'autre cóté de 1'Elfter , fur laquelle un pont de pierre abouti a Ia porte. L'ennemi avoic garni cette porte & quelque? toits des maifons VOl«  DESEPTANS. 145 voifines, pour en défendre 1'entrée. 3M. de SeidJitz fit mettre pied a terre a une centaine de houfards, qui forgèrent la porte; le gros du régiment les fuivit & entra dans Pégau au plein galop; MrsdeSeculi & de Kleilt traverfent la ville en fortant par la porte oppolëe; ils trouvent ces deux régimens ennemis poftés derrière un chemin creux; ils les attaquent, les renverfenr, les pourfuivent jusqu'a Zeitz, & en ramènent 350 prifonniers. Le lendemain l'armée du Roi fe porta fur Naumbourgj 1'avant-garde yrencontra 6 efcadrons de céuxqn'elle avoit battu* la veille; ils furent bientót difïïpés; & perdirent fuftout beaucoup de monde en paffant le pont de la Saaie, proche de Schul-Pforte; on rétablit ce pont, & lesaroupes le paffèrent, pourg, sept, fe rendre a Buttftett. Ce fut la qu'on regut la nouvelle de cette fameufe conveution figuée entre le Duc de Cumberland & le Duc de Richelieu a Clofier-Seven: ce traité fut négocié par un Comte Lynar, Minitire du Roi de Danemarck; il y fut llipulé que les hoflilités cefferoient; que les troupes de Heffe, de Brons wie & de Gotha feroient renvoyées dans leur pays; que celles de Hanovre demeureroient tranquillement a Stade a 1'autre bord de 1'Elbe dans un diftriét qui leur fuc afïïgné; on ne régla rien touchant 1'électotat de Hanovre ; ni contributions ; ni reftitutions ; de forte que eet Esat fe trouvoit abandonné a la dif» crétion des Francois A peine cette convention fut-elle conclue, que fans en attendre la ratificaj Dmv. ttjih. di Fr. II. T. UI. G  14$ HIST. DE LA GUERRE tion., le Duc de Cumberland s'en retourna en'Angleterre, % le Duc de Richelieu fe prépata de fon cóté a faire une invafion dnns la ptincipauté de | •Hatberftadr. Vers ce temps-la onintercepta dans l'arméepruf- | fienne des lettres du Comte Lynar au Comte de Reufs; ces deux hommes e'toient de la feéte*qu'on i nomme Piétiftes. Le Comte Lynar; en parlant j ■a fon ami de cette négociation; lui dit: „1'idée „qui me vint de faire cette convention, étoit une I infpiration célefte, le St Efprit ra'a donnélafor„ce d'arrêter les progrês des armes- francoifes, ;, comme autrefois Jofué arrêta lefoleil; Dieu tout„ puiffant, qui tient 1'univers en fes mains, s'eft „ fervi de moi indigne, j»our épargner ce fang lu„ thdrien, ce précieux fang hanovrien qui alloit êire répandu." Le malheur avoulu que leCom. j te Lynar s'eft applaudi tout feul; nous le laiflerons entre Jofué & le foleii, pour revenir a des objets plus importans. Cette indigne convention acheva de déranger les affaires du Roi; fa foi-difante armée étoit de 18,000 hommes, & il fe trouvoit réduit a faire un détachement pour cou-Vfir Magdebourg; ou pour en renforcer la garnifon. Cependant, comme M. de Soubife fe trouvoir a Erfurt, il voulut tenter les moyens de 1'en '| livBte par des corps détachés , qui veilloieap C 6  tstf HIST. DE LA GUERRE également fur les démarches des ennemis. Le Maréchal Keith palTa le premier cette rivière proche de Halle. Sur ce mouvement, qui ne pouvoit être d'aucune conféquence pour les Francois, M. de Soubife abandonna tous les bords de la Saaie , & fe replia fur le viliage de St Michef. Les PrulTiens employèrent ce jour & la nuit furvante a rétablir les ponts de Weiffenfels & de Merfebourg; le 3 de grand matin le Roi & le Prince ,-Maurice les ayant paiTés, leurs colonnes & celle ■du Maréchal Keith fe dirigèrent fur Rosbaeh , oü elles avoient ordre de fe joindre. Le Roi Te détaeha pendant la marche avec quelque cavalerie, pour reconnoltre Ia pofition des ennemis; el*, le étoit des plus mauvaifes. ' Les houfards par étourderie pouflerent jusques dans Ie camp, & en* levèrent des chevaux de la cavalerie, & des fofdats qu'ils arrachèrent de leurs rentes; eescirconftances , jointes au peu de précautions des généraux fran9ois, déterminerent le Roi a marcher Ie lendemain pour les attaquer. L'armée quitta fon camp avant la pointe du jour; toute Ia cavalerie faifoit l'avant - garde* Lorsqu'elle arriva fur les lieux d'oü on avoit la" vêille reconnu le pofte des ennemis', elle ne les y trouva plus; fans doute que M. de Soubife ayant foit réflexion fur la défectuofité de fon camp, en avoit changé Ia nuit même; il avoit étendu' fes troupes fur une hauteur devant laquelle régnoit un »vio* a droite s'appuyoit i un b0i5 avoit  DE S E PT .A NS. jS7- fortifié d'un abattis & de trois redoutes garnies d'artillerie; fa gauche étoit environnée par un grand étang qu'on ne pouvoit pas tourner. L'armée da Roi fe trouvoit trop foible en infanterie pourbrus.quer un pofte auffi formidable, pour peu que la défenfe ent été opiniatre, on ne 1'auroit emporté qu'en y facrifiant vingt mille hommes. Le Roi jugea que cette entreprife furpaflbit fes forces, & il envoya des ordres a 1'infanterie de pafler un défilé marécageux qui fe trouvoit prés de-Ia, pour prendre le camp de Braunsdorf;~la cavalerie la fuivit faifant 1'arrière-garde. Dés que les Francois virent que les troupes prufliennes fe replioient, ils firent avancer leurs piquets avec de'l'artillerie, & canonnèrent beaucoup, mais fans effet. Tout cé qu'ils avoient de mnficiens & de trompettes, leurs tambours & leurs fifres fe faifoient entendre, comme s'ils avoient gagné une viétoire. Quelque peu agréable que fut ce fpectacle pour des gens qui n'avoient jamais craint d'ennemi , il fallut dans ces circonftances le confidérer d'un ceil indifférent, & oppofer le fiegme aliemand a la pétulance & a Ia gaieté francoife. On apptit la nuit même que 1'ennemi faifoit un mouvement de fa gauche afadroite.; les houfards fe mirent en campagne dés la pointe du jour; ils entrèrent dans le camp que les Francois venoient de quitter, & apprirent despayfans qu'ils avoient pris le chemin de Weiffehfels. Peu après un corps affez confrdérable fe fotma vis-a-vis de la droite des Pruffiens; il avoit fair G7  i5S HIST. DE LA GUERRE d'une arrière-garde, ou d'une troupe qui cöuvre Ia marche d'une armée. Les Pruffiens tenoient peu de compte de ces mouvemens, paree que leur camp étoit couvert, tant le front que les deux ailes, par un marais impratisable, & qu'il n'y avoit que trois chauffées étroites par lesquelles on püt venir a eux. On ne pouvoit donc fuppofer que trois deffeins a Tennemï: celui de fe retirer par Freybourg, dans la haute Thuringe, paree que les fubfiftances lui manquoient ; celui de prendre Weilfenfels, dont cependant les ponts étoient détruits; ou enfin celui de gagner Merfebourg avant le Roi, pour lui couper le paflage de la Saaie. Or l'armée pruffienne en étoit beaucoup plus prés que celle des Francois. Cette manoeuvre étoit d'autant moins a craindre, qu'elle menoit a une bataille dont on pouvoit fe promettre un fuccès beureux, puisqu'on n'auroit point de pofte a forcer. Le Roi envoya beaucoup de partis en cam» pagne, & attendit tranquillement dans fon camp que les intentions des ennemis fe fufiént plusclairement développées; car un mouvement précipité, ou fait a contre temps, auroit tout güié. Des nouvelles, tantót faufles, tantót vfaies, que rapportoient les batteurs d'eftrade, entretinrent cette incertitude jusques vers midi, qu'on appercut la tête des colonnes francoifes, qui a une _cer'aine diftance tournoient la gauche des Pruffiens. Les troupes des cercles difparurent aufli infenfibleraent de leur ancien camp , de forte que ce corps  DESEPTANS. 159 qu'on prenoit pour une arriére-garde, & qui étoit en effet la réferve de M. deSt.Germain. demeura feul vis-a-vis des Pruffiens. Le Roi fut luimême reconnoitre la marche de M. de Soubife & fut convaincu qu'elle étoit dirigée fur Merfebourg ; les Francais marchoient très-lentement, paree qu'ils avoient formé différens bataillons en colonnes, cë qui les arrêtoit chaque.fois que les chemins étroits les obligeoient de fe roropre. II étoit deux heures lorsque les Pruffiens abattirent leurs tentes; ils firent un quart de converfion a gauche & fe mirent en marche. Le Roi córoya l'armée de M. de Soubife; fes troupes étoient couvertes par le marais qui vient de. Braunsdorf, & qui s'étendant a un grand quart de lieue de-la, fe perd a 5,000 pas de Rosbach. M. de Seidlitz faifoit l'avant-garde avec toute la cavalerie; il eut ordre de fe gliffer par des bas-fonds dont cette contrée eft remplie, pour töurner la cavalerie francoife & fondre fur les têtes de leurs colonnes-, avant qu'elles euffent le temps de fe former. Le Roi ne put laiffer au l'rince Ferdinand , qui commandoit ce jour-la la droite de l'armée, que les vieilles gardes de la cavalerie, qu'il mit fur un rang pour en faire montre ; ce qui fe pouvoiï d'autant mieux , qu'une partie du marais de Braunsdotf couvroit cette droite. Les deux années en yfe cótoyant s'approchoient toujours davantage. L'tniée du Roi tenoit foigneurement une petite élévation qui va dtoii a. Rosbach j celle des Fran?  i6o BIST. DE LA GUERRE cois, qui ne connoiffoit pas appareraraent le terrain, marchoit par un fond. Le Roi fit établir une batterie fur cette hauteur, dont les effets devinrent décififs dans 1'action. Les Francois eu établirent une vis-a-vis dans un fond, & comme elle tiroit de bas en haut, elles ne produifk aucun effet. Pendant qu'on prenoit ces a'rangemens de part & d'autre, M. de Seidlitz avoit tour. né la droite des ennemis, fans qu'i's s'en appercuffent; il fondit alors avec impétuofi é fur cette cavalerie; les deux régimens autrichiens formèrent un front, & foutinrenr le choc; maïs fe trouvant abandonnés par les Francois, Éi 1'exception du régiment de Fitzjames qui donna, iis furent presque entièrement détruits. L'infanterie des deux armées étoit encore en marche, & leurs têtes n'étoient qu'a la diflance de cinq cents pas: le Roi auroit voulu gagner le viliage de Reichardswerthen ; mais comme il rettoit 600 pas a faire pour y arriver & qu'on s'attendoit d'un moment a 1'autre avoir faction s'engager, il y détacha Ie Maréchal Keith avec 5 bataillons, en quoi confiffoit toute fa feconde ligne; le Roi s'avanca en même temps a200pas des deux lignes frangoifes, & s'appergut que leur" ordre de bataille étoit compofé de bataillons en colonnes alternativement enlacés dans des bataillons étendus. Cette aile de M. de Soubife étoit en fair, & la cavalerie pruffienne étant occupée i pourluivre celle des ennemis, on ne put fe fer.irii q,ue de 'infanterie pour déborder Paite-f dans.  DESEPTANS. 161 cette vue le Roi mie en ligne deux bataillons de grenadiers qui faifoient un crochet a fon flanc gauche ; ils eurent ordre, au moment que les Francois avanceroient, de faire une demi-converfion i droite, ce qui les portoitnécelïairemer.tfurleflanc de fennemi. Cette difpofuion fut exécutée ponctuellement. Auflï dès que les Francois avancêrent, ils regurent le feu de ces grenadiers en flanc, & après avoir efluyé tout au pius trois décharges du régiment de Bronfwic, on vit que leurs colonnes fe prelToient vers la gauche; elles eurent bientót relTerré ces bataillons étendus qui les feparoient; la maffe de cette infanterie devenoit de moment en moment plus grolfe, plus lourde, & plus confufe; plus elle fe précipitoit fur fa gauche, plus elle étoit débordée par le front des Prusfiens. Tandis que le défordre aiioit èii croiiTant dans "•armée de M. de Soubife, le Roi fut avertl qu'un corps de cavalerie ennemie fe préfentoit derrière fes troupes; il fit raflembler en hare les premiers efcadrons que 1'on put trouver; a peine les eut-il oppofés a ceux qui fe montroient derrière fon front , que ces derniers fe retirérent avec promptitude; alors les garde's du corps & les gendarmes furent employés contre 1'infanterie francoife, qui fe trouvoit dans le plus grand défordre; la cavalerie 1'attaqua & 1'ayant facilement difperfée, elle fit "un nombre confidérable de Francois prifonniers. 11 étoit 6 heures du foir quand ce choc fe donna.; le temps étoit couvert, &l'obfci>  ïéa HIST. DE LA GUERRE rité fi grande, qu'il y auroit eu de 1'imprudencea pourfuivre 1'ennemi, quelle que füt la confufion dans laquelle continuoit fa déroute. Le Roi fe contenta d'envoyer è fa pourfuite différens-partis de cuiraffiers, de dragons & de houfards, dont ancun ne paflbit 30 rr.aitres. Pendant cette action 10 bataillons de la droite des Pruffiens avoient gardé le fufil fur 1'épaule fans cbarger; le Prince Ferdinand de Bronfwic, qui les commandoit, n'aToit 'pas quitté le marais de Braunsdorf, fervant a couvrir une partie de fop front; il avoit chafféles troupes des cercles qui lui étoient oppoféej, par quelques volées de canon, Ör leur avoit fait lacher Ie pied. 11 n'y eut que 7 bataillons de l'armée du Roi qui furent dans le feu, & tout 1'engagement du combat jusqu'a la décifion ne dura qu'une heurc £r d-ü"I'. LZ Ijiiueinain ie Koi partit dés Ia pointe du jour avec les houfard.» & les ^sagons ; il fuik les traces des ennemis, qui s'étoient retirés par Freybourg. L'infanterie eut ordre de prendre le roêmechemin; 1'arrière-garde francoife y étoit encore; les dragons mirent pied a terre & chaffèrent des jardins quelques dérachemens ennemis , enfuite on fit des difpofitions pour attaquer le chateau; mais 1'ennemi n'en attendit pas l'exécution, il repaffa TUnfirut en hate & brüla fes ponts. Les détachemens que le Roi avoit faitsla veille arrivèrent alors fucceflivement; les uns amenoient des officiers, d'autres des foldats, d'autres des canons, enfin aucun d'eux ne revint les mains  D E S E P TA N S. 16% ▼uides. On travailla cependant avec tant de diligence a rétablit le pont de 1'Unftrut, qu'en moins d'une heure il fut en état de fervir. L'armée de M. de Soubife s'étoit répandue par tant de chemins, qu'on ne favoit lequel fuivre. Les payfans afiuroicnt que le plus grand nombre des fuyards avoit piis la route de I'Eckartsberg, & le Roi y marcha avec fes troupes; pendant toute cette journée le nombre des prifonniers augmenta, tous les détachemens envoyés en différens lieux en amenèrenr. w Cependant on ttouva I'Eckartsberg garnt par un corps des cercles, qui pouvoit être de 5 a 6,000 hommes. Le Roi, qui n'avoit d'autre infanterie que les volontaires de Meyer, les embusqua avec, des houfards dans un bois voifin de ce camp, avec ordre d'allarmer 1'ennemi toute la nuit. Les ennemis, mécontens cie ce qu'on trouoioit leur fommeil, abandonnèrent leur pofte, & perdirent quatre cents hommes avec 10 piêces de canon. M. de Lentulns, qui les fuivit le lendemain jusqu'a Erfurt, leur enleva encore huit cents hommes, qu'il ramena au Roi La journée de Rosbach avoit couté 10,000 hommes a l'armée de M. de Soubife. Les PrulTiens en prirent 7,000 prifonniees; ils y gagnèrent de plus 63canons, ïsétendards, 7 drapeaux & une paire de timbales. II eft certain qu'a confidérer la conduite des généraux frangois , on auroit de la peine a 1'approuver; leur intention étoit fans con redlt de chaffer les Pruffiens de la Saxe; mais J'intérêt de leurs alliés  IÖ4 HUT. DE.LA GUERRE ne demandoit - il pas plutót qu'ils fe bornalTent lïtnplement a contenir le Roi vis-a-vis d'eux, pour donner au Maréchal Daun & au Prince de Lorraine le temps d'achever la conquête de la Siléfie? Pour peu qu'ils euflent encore anêté Ie Roi en Thuringe, cette conquête étoit non feulement faite, mais la faifon devenoit de plus fi rude & fi avancée, qu'il auroit été impoffible aux Pruffiens de faire en Siléfie les progrès dont nous aurons inceffamment occafion de parier; & quant a la bataille qu'ils engagèrent fi mal a propos, il eftcertain que M. de Soubife, par fon incertitude, & par fa difpofition, mit de la poffibilkéacequ'une poignée de monde vint a bout dele tfaincre. Mais Ia manière dont la cour de France diftinguoit le mérite de fes généraux parut plus furprenante que IZ ...... uitrees, pour avoir gagné la oatau- le de Hafienbeck, fut rappellé; M. de Soubife, pour avoir perdu celle de Rosbach, fut déclaré peu après Maréchal de France. La bataille deRosbach ne procura proprement au Roi que Ia liberté d'aller chercher de nouveaux dangers en Siléfie. Cette vidtoire ne devint importante que par Firn» preffion qu'elle fit fur les Francois, & fur les débris de l'armée du Duc de Cumberland. D'un, cóté M. de Richelieu, dès qu'il en recut la nouvelle, -quitta fon camp de Halberftadt, & fe retira dans Félectorat de Hanovre; de 1'autre, les troupes alliées, prêtes a mettre les armes bas, reprirent courage, & concu'rent des efpérauces. Un  DESEPTANS, 16$ changement avantageux, arrivé a peu prés dansle même temps dans le miniftère britannique & dont nous parierons bientót, donna un.nouveau nerf au gouvernement anglois. Ces miniftres , honteux de la tache que la convention deClofter-Sevenimprimoit a leur nation, réfolurent avec d'autant plus de juftice de la rompre, qu'elle n'avoit été ratifiée ni par le Roi d'Angleterre, ni par le Roi de France; ils travaillèrent d'abord a remettrel'armée de Stade en activité; le Roi d'Angleterre, dégoiité du Duc de Cumberland, qui avoit perdu la confiance des troupes, voulut metrre un autre général a Itur téte; il demanda au Roi le Prince Ferdinand de Bronfwic, dont la réputation juftement acquife s'étoit répandue en Europe. Quoiqtre les PrulTiens perdiflent par fon abfence un bon général, dont ils avoient befoin, il étoit toutefois fi important de relever cette armée des alliés, que le Roi ne put fe refufer a cette demande. Le Prince Ferdinand panit, fe rendit a Stade par des chemins détournés, & trouva répandu aux environs un corps de 30,000 hommes, que les Francois par inconféquence & par légéreté avoient négligé de défarmer. Le Roi revint'de I'Eckartsberg aFreybourg, en même temps qu'un détachement que le Maiéehal Keith avoit envoyé a Querfurt, retourna de la pourfuite des Francois. Les payfans mêmes des environs amenoient des prifonniers; ils étoient ouKés des facrilèges que-les foldats de M. de Soubife  166 HIST. DE LA GUERRE avoient comrois dans les églifes luthériennes,* les chofes pour lesquelles le peuple a le plus de vénération, avoient été profanées avec une indécence grofliére , & la fougue effrénée des Francois avoit mis tous les payfaus de la Thuringe dans les intéréts de Ia Pruffe. Cependant le Roi étoit fur fon départ, les affaires de la Siléfie demandoient fa prélénce & des fecours; il fe propola de marcher droit & Schweidnitz, pour en faire lever le llêge a M. deNadafli, II partit de Leipfic le 12 de Novembre a la tête de 19 bataillons & de 28 efcadrons. Le Maréchal Keith marcha en même temps avec un*petit co:ps, pour pénétrer en Bohème du cóté de Leutmeritz, afin de faciliter au Roi Ie paflage de la Luface,& d'obliger par Cette diverlion M- de Marshall aqtiitter les environs de Bautzen & de Zittau. Le Maréchal Keith prit un magafin confidérable que les ennemis avoient a-Leutmeritz, d'oü il fit mine de s'avancer vers Prague. Le Roi entra en même temps ea Luface; il délogea M. de Haddick de Groflenhayn, & M. de Maishall a fon approche fe replia fur Lcebau; pendant la marche de Bautzen au Weiffenberg, on fit toumer une tête de colonne vers Lcebau, & a fon afpeét M. de Marshall fe rep'a fur Gabel: le Roi pourfuivit enfuite fa route fans empêchement. En aTivant a Geer. litz il recut la facheufe nou»elle de lareddition de Schweiunjtz. Cette place fut ptife de la maniêre fuivante: M, de Nadafti avoit ouvett la trancbée  DESEPTANS. ió> le 27 d'Octobre entre le fort de Boegendorf & ia tuilerie; fa troifième parallèle étoit achevée le 10 de Novembre. La garnifon avoit fait quelques forties avec fuccès, & quoique les bonibes eusfent ruiné une partie de Ia ville, 1'ennemi n'avoit pas encore emporté d'öuvrage ; impatient d'être aufli peu avancé, M. de Nadafti réfolut de risquer un coup de main; 'a nuit du 11 il fit donner un aflaut général a toutes les redoutes qui eilvironnent le corps de la place; deux furent prife». Ce malheur fit tournet la tête de M. deSeers, qui étoit Gouverneur de Ia place, & a M. de Grumbkovv, qui lui étoit adjoint; ils capitulèrent, & fe rendirent prifonniers de guerre avec leur garnifon, confiftant en 10 efcadrons de houfards & 10 bataillons d'infanterle. Les Au'richiens désarmèrent ces foldats , & comme la plupart étöient Siléfiens , ils leur donnèrent des pafleports &' la liberté de retourner dans leurs villages. Cet événement ne pouvoit pas arriver plus mal a propos, pour déranger les projets du Roi. Toutefois fa jonétion' avec Ie Prince de Bévern ea devenoit d'autant plus néceflaire, qu'il étoit aifé de prévoir que M. de Nadafti ayant pris Schweidnitz, joindroit le Maréchal Daun, pour accab'er ce qui reftoit des PrulTiens prös de Breslau. Le Roi avoit a la vérité ordonné au Prince de Bévern d'attaquer 1'ennemi , & de ne pas fouflik qu'on prit Schweidnitz pour.ainfi dire a fa vue: la chofe étoit ttès Mable, vu la pofition des Autri-  IÖ8 BIST. DE LA GUERRE chiens a Lifla; le Prince de Bévern n'avoir qu'un mouvement a faire poui fe poner Oir le flanc de 1'ennemi, qu'il auroit battu probablement; alors le fiége de Schweidnitz étoit levé, & les impériaux déconcertés: au lieu que fi 1'on demeuroit dans Finaaion, M. de NaJafltne pouvoit manquer ala longue de prendre une place qui n'avoit point de fecours a efpérer, & toutes ces troupes ennemies venant a fondre fur les Pruffiens, auroient enfin forc.é les retranchemens de la Lohe. Le malheur voulut que ce Prince ne comprir pas la force de ces railbns; les généraux le déterminèrent cependant un jour a ten ter cette entreprife; il fortit de fon camp, & battit les troupes légères qui couvroient le flanc droit des Autrichiens: alors au lieu d'attaqucr l'armée, & de la pouflër dans 1'Oder, comme cela feroit arrivé, fon incertitude, le peu de confiance qu'il avoit en lui-même, & la crainte d'une entreprife dont 1'événementn'eft jamais d'une certitude évidente, le retinrent; il crut en avoir fait affez, & il ramena les troupes dans fes retranchemens- Le Roi arriva a Naumbourg furleQueis le 24 de Novembre; il y apprit la vidoire des Autrichiens fur le Prince de Bévern, & la pene de Breslau. Tout ce dont on avoit averti le Prince de Bévern n'étoit arrivé que trop exaétement; M. de Nadafti avoit joint le Prince de Lorraine & le Maréchal Daun, ^ ]es ennemis impatiens d'achever leur conquête, ne perd rent point de temps pour mettre leur pröjet en exéciuion. La uuit du  £> E S E PT A N S. i6f ■in 21 *p 2s de Novembre ils confiruifirent dzvant le front des Pruffiens 4 grandes batteries de grofies piêces de canon; les emplacemens qu'ils prirent ötoient entre Pilsnitï & Crofs-Mochber. Le Piiuce de Bévern fe contenta d'étre fpectateut de eet ouvrage, qu'il leur laifTa achevertrrtnquillement, tandis que ces apprêtï annoncoierft les desfeins du [Vlaréchal Daun fur les retranchemens pruffiens.' M. de Nadnlli longea Ia Lobe&fe forma vers Gabitz; Ie Prince de Bévern ernt que c'étoit p'uir lui venir i dos, quoique cela füt difficile,'& il's'aflöiblit encore par un détachement qui fe rendit ii Gabitz aux ordres de M. de Ziethen, p.Mir goppofer de ce cóté aux entreprifes des enr.emis. Le front du camp pruffien derrière la Lobe étoit couvert par des redoutes, ouvertes par les gorges, mal placées, dont quelques unes mêmes étoient dominéés par 1'autre rive; on n'avoic pas même eu 1'attention d'y faire diftiibuer affez de canon; la plus grande partie de 1'artilletie demeura dans un retranchement que le PriccedeBévern avoit fait faire dans un basfond, pour coiivrir fon flanc de Ia LoheversiefauxbourgdeBreslau. Le Maréchal Daun, qui avoit eu Ie temps de bien voir & de bien examiner toutes ces négli.gences & toutes ces bévues, les fit tourner it fon avantage. L'attsque commenca le 22 it 9 heures du matin; quelques redoutes furent piifes & reprifes alternativement; on fit agir Ia cavalerie prusfienne dans un marais, oü elle ne pouvoit pas üf*v. ttfh. Ai Fr, II. T. UI. H  I7 HIST. DE LA GUERRE combattre, & oü elle fuc foudroyée par 6e canons que les Autrichiens avoient en batterie au dela du ruifleau. Cependant, malgré tantdefausfes mefures, les Pruffiens ne perdoient point encore de terrain. A la gauche vers Gabitz M.de Zieihen non feulement repouffia les attaques, mais pourfuivit M. de Nadafti jusqu'au delè de laLohe , & les ennemis en déroute fe reti érent derrière le ruiftenu de Schweidnitz. Pendant ce temps-Ia les Autrichiens qui attaquoient le Prince de Bévern avoient pafte la Lohe fous la protection de leur artillerie ; ils prirent auffitót les redoutes pruffiennes par les gorges ; les troupes fe défendirent bien, & les Pruffiens les en délogórent a diverfes fois ; le Prince Ferdinand de Pruffe repoufta méme une partie des ennemis jusqu'a la Lohe ; mais ils étoient en trop grand nombre , le camp étoit perdu & la nuit clofe. Quoiqu'il y eüt encore des reflburces, le Prince de Bévern ne les vit pas; il repaffa 1'Oder dans ■ la première confternation , & jeta M. de. Leftwitz avec 8 bataillons dans Breslau ; il perdit ainfi 80 piêces de canons, & prés de 8,000 hommes, que 1'attaque du camp de Lifla ne lui auroit pas coütés. Les Auttichiens prétendirent que cette action leur avoit mis 18,000 hommes hors de combat, & il eft vrai que les villages des environs étoient remplis de leurs bleffés. Le lendemain, ou pour mieux dire la nuit, Ie Prince de Bévern s'avifa d'a'ler reconnoiue le coips  DESEPTANS. 171 i de M. de Beek qui carnpoit prés de lui; i! étoiï feul, & fe laiffa prendre par des pandours. M. de Kyau, qui étoit après lui Ie plus ancien des généraux, prit le commandernent des troupes, & fans avifer a ce qu'il y avoit a faire , il fe mie en chemin pour G'ogau. A peine M. de Leftwitz fe crut-il ifolé dans Breslati , qu'il perdit la tramontane; les Autrichiens s'approchérent de cette capitale, & M. de.Lefhvitz, qui jusqu'alors avoit eu la réputation d'un brave officier, fans atrendre que 1'ennemi tirat un feul coup de H canon contre les remparts, demanda a capituler, & obtint la libre fonie avec armes & bagages; . il fuivit deux jours oprès avec fa garnifon, dont la moitié déferta fur le chemin que M. de Kyau avoit pris. Le Roi recut a la fois toutes ces nouvelles accablantes; fans s'appefantir fur les défaftres qui veuoient d'arriver , il ne fongea qu'au reraède, & forca de marche , pour gagner les bords de 1'Oder. En chemin il fe détourna de Lignitz , que les Autrichiens avoient fait fortifier, &pousfant droit a Parchwitz, fon avant-garde donna a 1'improvitte fur un détachement des ennemis, qui fut bien battu & dont 300 hommes furent fairs prifonniers ; il arriva a Parchwitz le 28 , ayant fait le chemin de Leipfic a 1'Oder en 12 jours. Le Roi vouioit que M. de Kyau paffat 1'Oder a Koben; mais il ne put pas y réulïïr, paree que la plupart des troupes avoient déja gagné Glo,; II 2 ral ^ " 30  17a HIST. DE LA GUERRE gau. Dans ces conjonftures le temps étoit ce qu'il y avoit de pius précienx, il n'y avoit point de moment a perdre; il falloit ou attaquer incesfamment les Autrichiens a tout prix , & les mettre hors de la Siléfie, ou fe réfoudre a perdre cette province pour jamais. L'armée qui repaffa 1'Oder a Glogau, ne put joindre les troupes du Roi que pécembre. Ie 2 deDécembre; cette armée étoit découragée & dans 1'accablement d'une défaite récente. On prit les officiers par le point d'bonneur; on leur rappella le fouvenir de leurs anciens exploirs ; ou taeha de diffiper les idéés triftes dont l'impreffipn étoit fraiche; le vin fut même une reffource pour ranimer ces efprits abattus. Le Roi paria aux foldats; il leur fit diftribuer des vivres gratis. Entjn on épuifa rous les moyens que 1'imagination pouvoit fournir, & que le temps permettoit, pour réveiuer dans les troupes cette confiance fans laquelle 1'efpérance de Ia viftoire eft vaine. Déja les phyfionomies commengoient a s'éckircir, & ceux qui venoient de battre les Francois a Rosbach, perfuadèrent a leur6 compagnons de prendre bon courage. Quelque peu de repos refit Ie foldat, & l'armée fe trouva difpofée a laver, ausfitót que l'occafion s'enpiéfenteroit.l'affrontqu'elle avoit regu le 22. Le Roi chercha cette occa^ fion, & bientót elle fe trouva; il avanca le 4 a Neumarkt ; il étoit avec 1'avant-garde des houfards, & apptit que 1'ennemi établiflbit fa boulangerie dans cette vijèe> qu'elle étoit gsruie de pan-  DESEPTANS. 173 Jours, & qu'on y attendoit dans peu l'armée du Maréchal Daun. La hauteur fituée au dela de Neumarkt donnoit un avantage conliJérable al'en» nemi, fi on lui permettoit de 1'occuper: la difiïculré étoit de prendre eet endroit; 1'infanterie n'étoit point arrivée, & ne pouvoit joindre l'avantgarde qu"au foir; on n'avoit point de canon; les feul es trorpes dont on pouvoit tirerparti, étoient des houfards; on fe réfolut "1 faire de néceffité vertu. Le Roi ne vonlant pas foufFrir que le Prince de Lorraine vSnt fe camp;r vis-ü'-vis de lui, fit mettre pied a terre a quelques efcadrons de houfards; ils enfoncêrent la porte de la ville; un régiment qui les fbivöit a eheval, y entra au pfein galop; un autre régiment par les fauxbourgsgagna la porte de Breslau, & 1'entrcpriferéuffit au point, que 800 Cravates furent faits prifonniers par les houfards. On occupa airffiiót 1'emplacement du camp, & 1'on y trouva les piquets & les traces que les ingénieurs autrichiens y avoient Iaiffées pour marquer la pofition de leurs troupes. Le Prince de Wurtemberg prit le commandement de 1'avant-gar*' de; on Ie renforga le foir de 10 bataillons, avec lesquels il fe campa a Kammendorf. Le même jour Ia cavalerie patTa encore le défilé; le gros de 1'infanterie cantonna dans la ville de Neumarkt & dans les viliages voifms. De nouvelles pofitives arrivèrent alors au Roi, par lesquelles il apprit qua le Prince de Lorraine avoit quitté le camp de las Lohe. & s'étoit avancé au dela de Liffa; qr^  V+ HIST. DE LA GUERRE fon armée avoit fa droite appuyée au viliage de Nypern , fa gauche a Golau, & a dos le petic tuiiTeau de Schweidnitz. Le Roi fe réjouit de trouver 1'ennemi dans unc pofition qui facilitoit |s. fon entreprife; car il étoit obligé & réfolu d'attaquer les Autrichiens partout oü il les trouveroit, füt-ce méme au Zobtenberg. On travailla d'abord a la difpofuion de la marche, & l'armée fe mit en mouvement le 5 avant 1'aube du jour; cjle étoit précédée par une avant - garde de 60 efcadrons & de 10 bataiiions , a la tête de laquelle le Roi s'étoit mis en perfonne; les quaire colonnes de l'armée la fuivoient a nne petite diftance ; 1'infanterie formoit celles du centre, & celles des ailes étoient compofées de cavalerie. L'avant-garde en approcbant du viliage de Born découvrit une grande ligne de cavalerie, dont la droite tiroit vers Lifl'a , & dont la gauche qui étoit plus avancée s'appuyoit a un bois que l'armée du Roi avoit a fa droite. On crut d'abord que c'étoit une aiie de l'armée autrichienne dont on ne découvroit pas le centre; ceux qui en firent la reconnoiffance, affurèrent que c'étoit une avant-gsrde; on apprit même qu'elle étoit commandée par le Géité'al Nofiitz, & que le corps confirtoit en quatre régimens de dragons faxons, & deux de houfards impériaux ; pour jouer a jeu für , on fit gliffer les 10 bataiiions dans le bois qui couvroit le flanc gauche de M. de IVojfiitz; fur quoi la cavalerie pruflienne, qui s'étoit  DE S E P T /INS. 175 formée, fondic deffus avec beaucoup de vivacité ; dans un moment ces régimens furent diffipés, & pourfuivis jusques devant le front de 1'armée autrichienne; on leur prit 5 officiers & 8001 hommes, qu'on renvoya le long des colonnes a Neumarkt, pour animer le foldat par 1'exempie de ce fuccès. Le Roi eut de ia peine a contenir la fougue des houfards , que leur ardeur transportoit; ils étoient fur le point de donner au milieu de l'armée autrichienne, lorsqu'on les raiTembla entre les viliage de Heyde & de Fi'Qbelvitz a une portée de canon de 1'ennemi; on dittinguoit fi bien de la l'armée impériale, qu'on auroit pu la compter homme par homme ; fa droite, qu'on favoit a Nypern, étoit cachée pa?> le grand bois de Liffa: mais du centre jusqu'a ia gauche rien n'échappoit a la vue. A la première infpeétion de ces troupes & d'aprês le terrain on jugea qu'il falloit porter les grands coups a1'aiie gauche de cette armée: elle étoit étendue fur un terre chargé de fapins, mais mal appuyée ; ce pofte forcé, on gagnoit 1'avantage du terrain pour Ie refte de Ia bataille , paree que de-la il va toujours en descendant & en s'abailTant vers Nypern : au lieu qu'en s'attachaiu} au centre les troupes de 1'aile droke autrichienne auroient pu, en traverfant le bois de Lifl'a , tomber en flanc fur les aflaillans; & après tout il autoit toujoursfallu finir par l'attaque de c« tertre , qui domisoit fijr toute cette plaine. C'auroit été réfervej II 4  *?«■ BIST. £>E LJ.G&&JH& la befogne la plus dure & la plus difficile pour la £n, oü Jes troupes haralTées, & fatiguées du com. bat, ne font plus propres aux grands efforts; aa te» qu'en commencant par i'opérarion la plus mde, on profiroit de la première ardéur du foldat, & le rede de 1'otivrage devenolt aifé. Par un». ftsite de ces raifons on difpofa incelTammeiit 1'er»ée pout l'attaque de la gauffae. Les coioi nea qui étoient dtms fordre du déploiement furent renverfées; on les mit fur deux ligrjes, & les pelstont par quart de converfion fe mirent a défiier I de diftance en arrière les uns des autres, de fone que la ligne étant en mouvement, 1'extrémité de Ia droite fe trouvoit de mille pas plus avancée que Fexttéraité de la gauche, & cette difpofition la mit dans 1'impofiibilité de s"engager fans ordrev ■Sur cela M. de WédeL attaqua le bois oü commar> doit M. Nadafti; i! n'y trouva- pas grande réfiftance, & 1'emporta affez vite. Les généraux autrichiens fe voyant tournés & pris en flanc, eflayèrent de changer de pofition; ils voulurent, mais trop tard , former' une ligne parallêle au front des PrulTiens; tout 1'art des généraux du Roi fut employé'a ae leur en pa.s donner le temps. LesPrusfiens s'éiabliflbient déja fur une hauteur qui commande le viliage de Leuthen; dans 1'infiant oit Feunemi voulut y jeter de 1'infanterie, unefecon* 115  178 nrST. DE LA CUE R RE de batteiie de 20 piêces de 12 livres tira fur* eux fi fort a propos, qu'ils en perdirent 1'envie & fe retirêrent. Du cóté de M. de Wédel Ie* Autrichiens fe faifirent d'une burte voifine da ruifleau , pour 1'erapêcher de balayer leur ligne d'une aile a 1'autre; M. de Wédel ne lesyfouffrit pas long-ternps , & aprês un combat plus long & plus opiniatre que le précédent,, ils furent forcés a céder le terrain. M. de Ziethen en méme temps chargea la cavalerie ennemie & 1* »it en déroute; quelques efcadrons de fa droite - recurent en flanc, des brouflailles qui bordoient le ruifleau , une décharge a mitraille. Ce feu partant a 1'improvktc, les ramena, & ilsferéformèrent auprès de 1'infanterie. Les officiers qui avoient eu la commiffion d'obferver la droite du Maréchal Daun, vinrent alors avertir le Roi qu'elle traverfoit Ie bois de Lifla, & alloit paroitre ineeflamment dans la plaine; fur quoi M. de Driefen recut ordre d'avancer avec 1'aile gauche de la cavalerie pruffienne. Lorsque les cuiraffiers autrichiens commencêrent a fe former prés de Leuihen , la batterie du centre de l'armée du Roi les falua par une décharge de coute fon artillerie; M. de Driefen en même temps les attaqua; la mélée ne fut pas longue ; les impériaux furent difperfés & s'enfuirent a. vau-de-route. Une ligne d'infanterie qui s'étoit formée a cóté de ces* cuiraffiers derrière Leuthen,, fut prife en liane par le régiment de Bareuth,, qui la rejeunt fur les  BE SE P T wp volontaires de Wunfch , en prit deux régimensentiers avee officiers & drapeaux. Alor» Ia cavalerie ennemie étant tout a fait diffipée, leRoi fit avaucer le centre de fon infanterie fur Leuthen. Le feu fut vif & court, paree que ''infanterie autrichienne n'étoit qu'éparp'Ilée entre les roaifons & les jardins; au déboucher du viliage , on appercut une nouvelle ligne d'infanterie que les généraux autrichiens formoient fur une éminence prés du moulin a vent de Ségefchutz. L'armée du Roi eut quelque temps a fouffrir de leur feu; mais les ennemis ne s'étoient pas appercus dans cette confufion que le corps de M. de Wédel étoit dans leur voifmage; ils furent tout & coup pris en flanc &. a dos par ce brave & habile Général, & fa belle manoeuvre, en flxant la victoire , termina cette importante journée. Le Roi ramalTant les premières troupesqui-fe préfentèrent, fe mit a Ia pourfuite deaennemis avec les cuiraffiers de Seidlitz & un bataillon de Jung Stutterheim; i! s'avanca dirigeans fa marche entre le ruifleau de Schweidnitz & la bois de Lifia. L'obfcurité devint fi grande, qu'il poufla onelques cavaliers en avant pour reconnoiire les forêts, & pour donner des nouvelles; de temps a autre il fit tirer quelques volées de canon vers LilTa, oü le gros de l'armée autrichieone s'étoit enfin; a i'approche de ce bourg 1'avantgarde effuya une décharge d'environ deux.bnta'-.lens 3 dons perfoane ne fut bleffé; elle y répoRdiii ÏI. 6  *8o BIST. DE LA GUERRE par quelques volées de canon , en pourfuivant toujours fa marche. Chemin faifant les cuiraffiers de SeMlitz amenoient des prifonniers par bandes. Arrivé a LilTa, le Roi trouva toutes les maifons pleines de fuyards & de gens débandés de l'armée impériale; il s'empara d'abord du pont, oü- il placa fes canons, avec ordre de tirer tant qu'il y auroit de la poudre. Sur Ie chemin de Bresiau, par oü 1'ennemi fe retiroit, il fit jeter des pelotons d'infanterie dans les maifons les plus voifines du ruiffeau de Schweidnitz, afin de tirer fur 1'autre bord pendant toute la nuit, foit pour entretenir la terreur chez les vaincus, foit pour les empècher de jeter fur 1'autre bord' des troupes qui en difputasfent le paflage le lendemain. Cette bataille avoir commencé a une heure de l'après-midr; ilenéroic nuit lorsque le Roi avec fon avant-garde vint a Lifla. Son atmée «toit forte de 33,»oo hommes, lorsquelle engagea l'a&ion avec celle des impériaux , qu'on difoit monter il 60,000 combattant. Si le jour n'etit pas enfin manqué aux Pruffiens y cette bataille auroit été la plus décifive de ce fiècle. Les tronpes n'éurent pas le temps de fe reat pofer; eiles partirent de Lifla qu'il éioit encore nuit, ramaflercnt pendant la marche nombre de • traineurs des ennemis, & arrivèrent vers les dixheures fur les bords de La Lohe, oü malgré une forte arriöre -garde commandée par M. de Serbei1'oni, pollée auprès de Grofs-Mochber, 10bataillons pafletent ce ruifleau;, on les foiïM dan* un  BE S E P f A N S. 181 lavïn a 1'abri du canon des Autrichiens, & 1'on embusqua les houfards derrière des villages & des eenfes, oü ils étoient. couverts & a portée d'agir auffitót que cela deviendroit nécelfaire. M. der Serbelloni hata fa retraite autant qu'il put, & fe replia vers les deux heures de 1'après-midi fur Breslau; M. de Ziethen avec tous les houfards, 20 efcsdrons de dragons & 16 bataillons le fuivit de prés. Une pattie du monde de 1'Autrichien fe jeta fans ordre dans Breslau. Cette arrière-garde , pleine de terreur & fe retirant en confufion, p«rdit beaucoup de foldats dans fa marche. M. de Ziethen pourfuivit l'armée du Maréchal Daun par Borau, Reichenbach, Kunzendorf S Reichenau, oü il fut joint par M. deFouquet; qui venoit avec quelques troupes de Glatz. Ces deux généraux pouflerent les Auttichiens jusqu'en Bohème. Le Roi de fon cótéformale 7'lacirconvallation de Breslau; on prit pofte au fauxbourg de St. Nicolas, a Gabitz, aux Lehmgruben , a Hube & Durgenfch 't & comme la raifon de guerre vouloit qu'on enfer-mat"~la ville également de 1'autre cóté de 1'Oder, le Roi envoya ordre a M. de Wied* qui avoitété malade a Brieg, d'en fortir avee 3 bataillons, auxqueJs on joignit 5 efsadrons, pou: fe pofter fur lagrande chaulTee qui mêne de Breslau aHundsfeld ; il s'y retrancha le mieux qu'il p"ut, pour empècher la garnifon de fe fauvèr en Pologne, au cas qu'elle voulüt le tenter. On fe prépara au flége; le Roï tira les munittons, les canons, les mornet* B7.  jJj* BIST. DE LA GUERRE dont on avoic btfbin, des fortereffes de Brieg & de Neiffe. Le 10 ftx bataillons prirent poffeffion du fauxbourg d'Ohlau; ces iroupes s'établirentau couvent des Frères de la mifeticorde, dont ito chafférent les pandours. M. de Forcade prit pofte au cimetière de St. Maurice, oü 1'on conftruifri une batterie a 1'abri des murailles, & pourdiftrafre 1'attention du commandant & de la garnifon , Ie Prince Ferdinand de Pruffe établit au fauxbourg de St. Nicolas une batterie & un bout de tranchée, qui firent croire a 1'ennemi que c'étoit de ce cótéIa que les Pruffiens vouloient pouffêr leurs attaques , tandis que M. de Balby faifoit fa parailèle depuis le cimetière de St. Maurice jusques vis-a* vis de la porte de Schweidnitz; de cette parailèle deux grandes batteries croifantes dirigeoient leut fen fur le Tafchenbaftion, & fur Ie cavalier qui le commande. Les affiégés fe défendirent mollement. Ils tentèrent par Ie fauxbourg de Pologne ducóiê de M. de Wied une foible fortie, oü ils perdirent 30e hommes. Le 16 une bombe mit par hazard le feu au magafin de poudre du Tafchenbaftion j 3'épaule fauta .& fes décombres formèrent une efpèce de bréche. Le froid devini fi violent, que le commandant craignit que malgré. fes préeautions , les foffés étant gelés, les Pruffiens ne doninaffent un affaut a'la place; Il craignk d'être pr's d'emblée*. il favoir d'ailleurs que l'armée impériale étant reshaffée en Bohème, il 11'avoit aucun fe(tours a ea attendre» Ces différeates,- conutiirs»  DESEPTAN& ils tkms Ie portèrent k capitvrler, & il fe rendit Iui& toute fa garnifon prifonniers de guerre; il fe trouva que 14,000 hommes en avoient affiegé 17,000» Mais il falloit confidérer qu'une partie de cette garnifon étoit compofée des fuyards de Leuthen, & qu'en général ni les fortifications, ni te nombre des foldats ne défendent une ville, mais que tont dépend de la tête plus ou moins forte & du courage déterminé de celui qui y commande. Nous avons rapporté fans interruption lesévénemens de cette expédition de Siléfie • peutétre ne fera-t-on pas faché de trouver ici leréfumé des pertes qn'y firent les deux parties belligérantes. Les Pruffiens ne perdirent la bataille de Leuthen en morts Ör blelfés que 2660 hommes, paree qu'ils trouvèrent, fi 1'on excepte la première attaque , un terrain qui les favorifa. Les Autrichiens y perdirent 307 officiers , ai,ooo foldats, 134 canons, 50 drapeaux, Mrs. de Ziethen & de Fouquet firent 2,500 prifonniers dans la pourfuite. La prife de Breslau coüra aux ennemis 13 généraux, 686 officiers, & 17,635 foldats; fomme totale 41,447 hommes, dont l'armée impéiiale fe trouvoit affoiblie a fon retour en> Bohème. Quoique cette campagne eüt été longue, dure' & pénible- quoique fa fin füt auffi htureufequ'o» e&t ptt Tefpérer, il refiroit encore une expéditiorü a faire , tant les dérangemens arrivés ea SileUe  IS/4 BIST. DE LA GUERRE étoient confidérables; ü falloit reprend're la ville* de Lignitz, oü les impériaux avoient fait des ïnondations & des ouvrages. Le Roi y avoit envoyé M. de Driefen, qui avec un corps de cavalerie tenoit cette ville inveftie depuis le 16. Le Prince Maurice y arriva le 25 avec un détachement d'infanterie , pour en faire le fiége dans les régies. Les apprè't's s'en firent, le canon arriva. M. is Eulow, que le Maréchal Daun y avoit établi en qualité de Commandant, préféra fa confervation de fa garnifon a nne défenfe qu'il n'auroit pu foutenir a la longue; il capïtula, & demanda Ia libre fortie pour fes troupes ,• ce qu'on lui accorda volomiers, paree que les troupes étoient fatiguées a1'excès, & la gelée fi forte, que ies péles & les pïoches ne pouvoient p'us ouvrir la terre. Les ouvrages & les éclufes de la ville furent rafés, afin que fi les ennemis s'en emparoient une feconde fois, ils ne rfulTent pas fi vite la remettre en état de défenfe , & en faire une place d'armes. Toute la cavalerie fut enfuite employee h forM'ëf Ie blocus de Schweidnitz; on réferv-a le fiége de cette place pour le pr-intemps prochain. Le corps de M. de Ziethen forma un cordon qui prit de Schmiedeberg par Landshut, Friedland, Draunau, fe terJanvier» tninant a Glatz. Les troupes entrêrent le 6 de Janvier en quartièr d'hiver, & le Roi demeura a Breslau, afin de veiller lui même a tout, & de préparer ce qui étoit nécefi'aire, pour que l'armée lëtablie & en bon état put de boutje heure ouvris la campagne prochaine.  9ESEPTANS. i%$ Pour terminer 1'hiftoire de tous les événemens Campade cette année, if nous refte a rapporter ce qui fep,^* psfla en Pruffe ëntre Mrs. de Lehwald & d'Apraxin, & ce que firent les Suédois en Poméranie. Le Matéchal Apraxin s'approcha au mois de Juin des frontières de la Pruffe a la tête de 100.000 hommes; le gros de fon armée marcha vers Grodi)0, capirale cie la Lithuanie polonoife. M. de Ferraor, avec un corps de 20,000 hommes, fecondé par Ia flotte rtiflë, mit le fiége devant Mémel. La ville fut rendue par capitulation le 5 de Juillet. M. de Lehwald s'étoit propofé de défendre les bords du Prégel, & s'étoit campé alnfterbourg, d'oü il obfervoit M. d'Apraxin. Après la prife de Mémel l'armée ennemie pénétra en Prusfe, s'approchant d'Infterbourg; M. de Fermor s'avanca de fon cóté vers le Prégel'. 11 femble que c'étoit le moment oü le Maréchal Lehwald auroit du prendre un parti décifif, pour fe battre avec un de ces généraux; il n'en trouva peut-être pas ; 1'occafion favorabie. Le corps de M. de Fennor, qui arriva a Tilfit ,;' lui donna de la jaloufie ; il craignit d'être tourné & fe retira a Wélau. II avoit dans fon armée deux régimens de houfards qui faifoient'au plus 2,4.0© hommes, & ces houfards non feulemènt réfiftèrent a 12,000 Tartares & Cofaques que les Ruffes tralnoient avec eux, mais remportèrent de plus durant toute cette campagne des avantages fignalés fur cê's ennemis. Aptès Ia retraite du Maréchal Lehwald», M. d'A- Aott.  186* HIST. DE LA GUERRE praxin n'étant gêné par perfonne, fe joignkalnfterbourg avec M. cje Ferrnor; ils s'avancèrent tous les deux en cótoyant 1'Aller, & vinrent fe s camper a Ja?gerndorf a un mille & demi de l'armée pruffienne. Le Roi avoit donné carte Manche a M. de Lehwald , pour prendre tel parti qu'il jugeroit a propos , tant a caufe de 1'éloignement des lieux, que paree que des panis qui fouvent rodoient autour'de l'armée du Roi, au* roierit pa iikêrcepter des dépêches de cette conféquence. M. de Lehwald, qui craignoit qu'un corps de Ruffes ne s'approchat de Koenigsberg, dont les ouvrages font trop valles pour être céfendus, & ne prit, pendans qu'il feroit contenu par le Maréchal rufi'e, cette capitale oü il avoit fes magafins , crut qu'il ne pouvoit empècher 1'ennemi de tenter une pareille ent^eprife qu'en lui livrant bataille , & réfolut d'aller 1'attaquer dans fon camp de Jtegerndoif. ïl fe mit en marche le ay, & fe porta dans un bois oü il étoit précifément dan$ le flanc des Fvufles • s'il avoit attaqué cette armée tout de fuite, il y a apparence qu'il 1'auroit fak avec fuccès. Quoique fon corps ne montat qu'a 24,000 hommes , il pouvoit efpérer de remporter des avamages, parceque les Ruffes furent furpris de le voir arriver, qu'ils ne s'attendoient pas a être attaqués, & qu'il régnoit une grande confufion dans leur camp ; ils étoient outre cela mal pollés, & riea. ne 1'empêchok de marcher droit a eux. II efli  DESEPTANS 187 impoffible de dire quelles raifons le retinrent, & lui firent différer jusqu'au lendemain ce qu'il pouvoit exécuter fur le champ. II engagea 1'afTaire Ie 30. D'abord les houfards & les dragons prusfiens firent plier devant eux la cavalerie rufle & les Cofaques qui leur étoient oppofés, & les rechaffèrent jusqu'a leur camp. Les ennemis avoient changé la nuit de pofition, d'oü il réfulta que les •jifpöSripns que le M^cha! de LshivakL zvoil faites la veille pour les attaquer dans le terrain oü il les avoit trouvés, ne quadroient plus avec 1'emplacement oü ils étoient alors ; fa cavalerie de la gauche attaqua néanmoins celle des Rusfes , & la njera derrière fon front; mais elle y efluya un feu fi violent d'artillerie & de mitraille , qu'elle fut obligée de rejoindre 1'infanterie pruffienne. C'étoit dans le moment oü M. de Lehwald attaquoit un bois rempli d'abatis, dans lequel les Rulles avoient placé leurs grenadiers; le bois étoit au centre de l'armée de M. d'Apraxin ; ces grenadiers furent battus & presque tous détruirs; mais le terrain fourré oü cette action fe palTa, cachoit aux Pruffiens une manceuvre que faifoient alors les ennemis, ek qui devint funefte aux premiers» M. de Romanzows'avaticoit avec 20 bataillons de la fecondeligne des Rulles, pour foutenir ces grenadiers; il fe porta en flanc & a dos de 1'infanterie pruffienne; elle perdit infenliblement du terrain & fut enfin obli-. gée de fe retirer. Cela fe fk en bon ordre; les.  188 HIST. DE LA GUERRE dragons & les houfards couvrirent fa retraite. Ce corps, qui ne fut point pourfuivi par 1'erinemi, revint a Wélau reprendre fon ancien camp. Le Maréchal ne perdit dans cette affaire en morts, bleffés & prifonniers que 1400 hommes & 13 canons. M. d'Apraxin d e ra eura encore quelques lept. jours dans fon camp de Tajgerndorf, Le 'f de Septembre il fit mine de paffer 1'Aller, pourfe porter oü drokurc fur Kcer.igsbetg ; mais i! fslloitbie» qu'il n'eüt pas cette expéJition foit a coeur; car ayant trouvé un corps pruffien qui lui difputoit le pafrage de cette rivière, il fe défifla de fon entre- . 17. prife. Dix jours après il décampa fubiteraent de. Jasgerndorf, & fe retira vers les frontières de la Pologne. Le Maréchal de Lehwald lefuivitpour la forme jusqu'a Tilfit, moins dans le deffeind'engager quelque affaire d'airière-garde que pour en impofer au public. La disproportiön des forces étoit trop grande entre ces deux armées , & 1'échec qu'il avoit recu étoit trop récent; d'ailleurs il obtenoit fon but fans courir de risques; car 1'ennemi fe retirant de foi-méme en Pologne, il n'y avoit qu'a le laiffer tranquillement pourfutvre fa marche: M. d'Apraxin évacua toute la Pruffe, a 1'exception de Mémel, dont les* Ruffes'demeurèrent en poffeflion. L'armée pruffienne s'arrêta aux environs de Tilfir, trop 'heureufe de s'être débarraffée dlun ennemi aufli formidable a fi bon marché. Mais fi elle avoit échappé aux malheurs qui la Rienacoient dans eette campagne, il n'étoit pas  DE S E P T A N S. »8o probable qu'elle joule a la longue de la même fortune. Le Maréchal de Lehwald eüt-il poffédé tous les talens du Prince Eugène, comment pouvoit-il dans ia fuite de la guerre réfifter avec «4,000 PrulTiens a 100,000 Ruffejs? Le Roi avoit tant d'ennemis a combatrre, & fes troupes étoient li confidérBblement fondues, qu'il lui étoit irapoflible d'envoyer des fecours a fon armee de Prusfe; il étoit a craindre,' & 1'on pouvoit même le prévoir, que les Rulles, étendant leurs connoiffances & leurs vues, ne corrigeaffent lesfautesqu'ils avoiert frites, & ne détachaflent, en ouvrant la campagne fuivante, un corps confidérable vets la Viftule, qui expofe'roit M. de Lehwald au rïrque d'ètre coupé de la Ppra'éranie. On avoit tout lieu de croire qu'étant entouré par des ennemis aufli nombreux, il auroit le même fort que le Duc de Cumberland, avec la différence que les Ruffes, moins polis que les Francois, 1'auroient conti aint de mettre les armes bas. D'une autre part les Suédois n'avoient fait des progrès en Poméranie que paree qu'ils n'avoient rencontré aucune réfiftance; ils étoient en poffesïion d'Anclam, de Demmin , & du fortdePeenamunde, qu'ils avoient pris après un fiége de quinze jours. La garnifon de Srettin confiftoit en 10 bataillons de milice, que les Etats de la Poméranie avoient levés. M. de Manteufel, a ia tête de 4 bataillons, n'étoit pas en état de former degranies emreprifes. Eu laiffant la diftribution des ar--  ipo EIST. DE LA GUERRE méés telle qu'elle étoit alors, le Roi couroitles plus grands hazards pour celle de PrufTe, & risquoit en même temps de voir la Poméranie envahie par les Suédois. II réfolut donc de concentrer davantage fes forces, pour procéder avec plus de fureté; & d'abandonner les extrémitésde fes Etats, que le nombre de fes ennemis ne lui permettoit plus de défendre. Ces motifs firent rappeller de Tilfit M. de Lehwald avec fon armée; il marcha d'abord en Poméranie contre les Suédois, qu'il délogea promptement d'Arclam& de Demmin ; il les poulTa bientót fous le canon de Stralfund , oü ces troupes ne fe croyant pas cn fureté , fe réfugièrent dans 1'ile de Rugen. Une grande gelée qui furvint enfuite, fit prendre tout le bras de mer qui fépare la Poméranie de cette tle. Le Maréchal de Lehwald auroit pu profiter de 1'occafion , fi fon grand age ne 1'en eut empêché, pour palfer avec fon armée fur la glacé dans 1'ile , oü il auroit détruit toutes ces roupes fuédoifes: au moins un coup pareil auroit-il délivré le Roi pour un temps d'un ennemi qui faifoit une diverfion facheufe. Quoiqne le Maréchal de Lehwald n'eiit pas entrepris tout ce qui étoit faifable , il fit touTefois dans cette courte expédition trois mille prifó'nhiers fur les Suédois. Un détachement qu'il envoya affiéeer le fort de Peenamunde, tie le reptit qu'au mois de Mars de 1'année fuivante. La multiiude d'objets qu'il y avoit a remplir  DESEPTANS. iqï pendant cette campagne, étoit immenfe; & comme on fe trouvoit preiTé de faire de tous les cótés des efforts, on ne pouvoit y réufïïr qu'en employant les [mêmes troupes en différens endroits. Le Prince Ferdinand de Bronfwic avoit trop peu de cavalerie dans fon armée; il lui en falloit néceffairement pour I'entreprife qu'il mdditoit. Comme il importoit au Roi quelesFran. cois fuffent chaffés de la bafTe Saxe & du bas Rhin , pour y contribuer de fa part au tant que fa fituation le lui permettoit, il détacha 10 escadrons de dragons, & 5 efcadrons de houfards de l'armée du Maréchal de Lehwald, avec ordre de joindre le P.ince Ferdinand de Bronfwic k Stade. Ce Prince tenta d'abord une entreprife fur Zeil, qui ne réulïït pas, d'un cóté paree que le Maréchal de Richelieu 1'ayantprévenu, 1'empêcha de paffér 1'Aller, & de 1'autre paree que ce pays aride, oü il n'y a que des bruyères, ne putfournir a fa fubfiftance. Nonobftant cette entreprife manquée, ii fe rendis peu après maitre de Harbourg. Le Roi convint enfuite avec lui du projet de fa campagne. Son avis alloit a ce que les alliés fe portalfent fur le Wéfer, par deux raifons, dont la première étoit de ne point ruiner les capitales de l'éleétorat de Hanovre & du duché de Bronfwic par les fiéges qu'it faudroit faire pour les reprendre; Ia feconde étoit la crainte d'étre coupé' du ilhin, qui poneroit le; Francois aéva•cuer d'eux - meutes ces provinces, funout fi un  HIST. DE LA GUERRE détacheraenc des troupes pruffiennes fe momroit en méme temps du cóté de Bronfwic. Le Prince Henri , qui étoit demeuré en Saxe pour fe faire guérir d'une bleffure qu'il avoit recue a Rosbach, devoit commander ce détachement, Tout futbien concerté. & nous verrons au commencement de ia campagne fulvante les fuccès qui accompagnèrent le Prince Ferdinand dans ü'exécution de c«tte entreprife. CHAPITRE VIL De rbiver Je 1757 a 1758. Jamais campagne n'avolt éé plus féconde en révolutions fubites de Ia fortune, que celle que nous venons de décrire. Cette efpèce de hazard qui préfide aux événemens de la guerre, s'étoit infolemment joué du deitin des parties belligérantes; tantót i! avoit favorifé les Pruffiens de fuccès brillans, & tantót il les avoit précipités dans un abyme de malheurs. Les Ruffes avoient gagné une bataille en Pruffe, & fe retiroient de ce royaume comme s'ils avoient étébattus. Les Francois, fur le point de défarmer le Duc de Cumberland, paroiffoient les arbitres de 1'Allemagne ; mais a peine cette nouvelle a-t-elle le temps de fe répandrè en Europe, qu'on apprend la défaite d'une de leurs «riaées, ck qu'on volt comme refiufciter eet-  DESEPTANS. ijtf' cette armée du Dttc de Cumberland qu'on croyoic n'exifter déja plus. Cette fuite d'événemens décififs & conttaires avoit comme étourdi 1'Europe; on voyoic de 1'incertitude dans les projets, des deffeins renverfés auffitót que concus, & de nombreux corps de troupes presque dé'truits enun feul jour. II fallut quelques momens de ttanquillité pour que les efprits fe recueilliffent, & que chaque puiffance püt confidérer de fang froid oü. elle fe trouvoit. D'un cóté 1'ardent défir delavengeance, 1'ambition bleffée, Ie dépit, le défefpoir remirent les armes a la main aux empareurs &aux rois qui formoient la grande alliancej de 1'autre la néceflité de continuer la guerre & quelques rayons d'efpérance portérent la Pruffe a faire lés plus grands efforts pour fe foutenir. Un nouveau ferment donna un nouveau degré d'aétivité a la politique, & les cours, chacune de fon cóté, fe préparèrent a pouffer la guerre avec plus d'acharnement, de fureur, & d'opiniatreté que par le paffe. Voila en général le tableau des paflïons qui agitoient les princes & leurs miniftres. La nature de eet ouvrage exige que nous entrions dans de plus grands détails, & que nous parcourions fuccefïïvement .toutes les cours de 1'Europe, pour nous reptéfenter diflinftement ce qui fe paflbit dans c lacune. II s'étoit fait dés 1'automne dernière un changement dans le miniftère britannique. M. Fox, qui s'y étoit iutrus par les intrigues du Duc de Cum- Ö.-Ki. Ufih. ie Fr. II. T. III, T  *24 I1IST. DE LA GUERRE berland, s'appercut qu'il ne pouvoit pius fe foutenir dans ce pofte contre la cabale.qui !ui étoit oppofée,- il réfolut de fe démettre volontairement de fes charges, & fut remplacé par M. Pitt, que fon éloquence & fon génie élevé rendoient 1'idole de la nation; c'étoit la meilleure tête de 1'Angleterre. II avoit fubjugué la Chambre baffe par la force de la parole, il y régnoit, il en étoit pour ajnfi dire 1'ame. Parvenu au timon des affaires, il appliqua toute 1'étendue de fon génie a rendre fa patrie la dominatrice des mers, & penfant en grand homme, il fut indigne de la convention de Clofler-Seven, qu'il regardoit comme 1'opprobre des Anglois. Ses premiers pas dans fa nouvelle carrière tendirent tous a faire abolir jusqu'a lamémoire de ce traité honteux; ce fut lui qui perfuada au Roi d'Angleterre de mettre Ie Prince Ferdinand de Bronfwic a la tête de l'armée des alliés, & de le demander au Roi de Prufl'e; ce fut lui qui propofa de renforcer les troupes d'Allemagne par un corps d'Anglois, qui les joignit effectivement dans 1'année 1758. De plus il jugea conveaable a la gloire de fa nation de renouveller les alliances qu'elle avoit contractées tant avec ie Roi de Pruffe qu'avec divers princes d'Allemagne. II conclut un traité avec le Roi; par 1'un des articles le Roi d'Angleterre s'engageoitapayerauRoi de Pruffe un fubfide annuel de 4 millions d'écus, lequel fut continué jusqu'en 1761. Le Roi fe crouyoit dans la néceflité d'accepr.er ce fubfide,  DE SE P T A N S. if$ qui d'ailleurs répugnoit a fa ftcon depenfer, mais les Frarcois 1'avoient dépouillé des provinces qu'il poffédoit dans Ie bas Rhin ; il étoit-a la veille de voir envaliir la Ptuffe par les Ruffes; cequi pouvoit d'antant moins s'empêcher, que le Maréchal Lehwald avoit été conrraint d'accourir en Poméra« nie, pour s'oppofe: aux Suédois. Après tont,ce fubfide étcit le feul fecours qu'on püt tirer de l'Atigleterre, puisq'u'elle avoit décliné a plufieurs reprifes la demande qu'on lui avoit faite d'envoyer une efcadre dans la Baltique. M. Pitt envoya dans ce temps le Cbevalier Keith en RulTie, pour balancer pw fes intrigues celles du parti francois & autrichien, & pour temer de deffiller les yeux a l'Impératrice', aveuglée par lespréventipnsqu'ou lui avoit infpirées contre le Roi de Pruffe. M. Godericlt partit dans une vue a peu prés fembla» ble pour la Suède; mais le parti francois, qui do-', minoit defpotiquément dans le fénat de Stockholm, fit jouer tous fes refforts pour interdire a eet Anglois 1'entrée du royaume; M. Goderick relia en Danemarck, & les fénateurs s'applaudirent d'avoir empêché que 1'argent de 1'Angleterre ne culbutat leur fyfième. Tandis que M. Pitt prenoit de fi julfes mefures pour la politique, les ports de la Grande Bretagne fe rempiifföient de vaiffeaux; les projets pour la campagne de mer & de terre étoient arrêtés , & une aétivité nouvelle ranimoit toutes les branches du gouvernement. Le Chevalier Keith, qui pendant ces entrefaites I i  i# Sans donte que les caufes de Ia maladie n'étoient qu'une tranfpiration arrétée par le froid, & des indigeftions caufées par de mauvaifes nouniutres.; il n'y avoit que de lor»' tes évacuations qui puffent y remédier. Quoique les pertes de l'armée dans les hópiraux fttffent cpnfidérables, on parvint cependant & raffembler pendant 1'hiver la plupart des recrues dont on avoit befoin pour la recompléter; mais il fut impoftible de s'en fervir dês leprintemps, paree que c'étoient. la plupart des payfans, .qu'il f*!?  Br E S E P T A N S\ 2ÖI' 1ott exercer & difcipHner, & que la campagne coromenca de très-boune heure. La maïfon royale pèrdft cette annde IaRefiïe jnère. Le Roi recut cette funefte nouvelle aprés la bataille de Kolin & dans tra temps oit la fortune s'étoit le plus déclarée contre les Pruffiens'; il en fut vivement touché; il avoit vénéré&adoré cette Princeffe comme une tendre mère, dont les gTandes qualités faifoient 1'admiratron de ceuxqüi avoient le bonheur de fapprocher. Sa mortn'occafronn» pas un detril de cérémonie-, mais fut un» calamité publique; les grands régrettèrent fon abord faciie & gracieux , les petits fa débonnaireté, les pauvres leur refuge , les malheureux leur reffour-ce, les gerrs de lettrés Ienr prótectriee, & tous eeux de fa familie qui avoient 1'honneur de lui appanenir de plus prés, croyoiënt avoir perdu une partie d'eux-mèmes, & fe fentoient plus frappés qu'elle du coup qui venoit de 1'emporter. Dans cette méme année le Sultan Osman finit fes jours; fon fusceffeur paffa pour un prince plus hardi & plus entreprenant que luk Le bruiï del* réputation réchaiiEt ó-s fon avérttramt au tróne les intrigues du miniiVe de PrufTe a la Portt. H 5'agiffoit d'êne adrais aux audiences du grand Setigneur. 11 y avoit plus d'un- an que le Sieua d? Rexia poifluloit cette faveur, & il falloit 1'obtenir pour etiamer les Bégocirnious dont il étoit chargé «jvecle-grand Vifk,, & avec tes principa.ua oft>sfass; ds. La. coutoaae,| Kous ve?rons dans la Qyütffi  soa BIST. DE LA GUERRE de eet ouvrage les différentes formes que prit cette négociation, & nous aurons lieu de remarquer fouvent combien peu les nations oriemales font propres a fuivre les principes d'une bonne & faine politique. Ce défaut vient furtout de leur grande ignorance fur les intéréts des princes de FEurope, de la vénalité de ces peuples, 6c du vice du gouvernement, qui aflujettit tout ce qui ett relatif a la paix & è la guerre aux déeifions du Mnfti, fans le fetfa'duquel ii feroit impofTibie de mettre en mouvement les troupes otio~ Mannes. jRvrlêr. ■ se Prince Ferdinand de Bronfwic fut cette année ie premier qui ouvrit la campagne; il avoit une forte tacbe a remplir; il ne s'agifibit pas de moins que de chaiTer 80,000 Francois de la baffe Saxe & de la Weftphalie, avec 30,000 Hanovrien» qui trois mois auparavant avoient été prés de mettre les armes ba;, & de figner un traité honteux. II détacha un corps fur le Wéfer, qui fe rendit aiattre de Verden, & un autre fous le Prince héréditaire, qui marcha des deux cótés de ce fleu» -ve, pour gagner Hoya, dont «e jeune héros s'em«ara par fa valeur & par fa bonne conduite. M.df C II A P I T R E V IIL tampagne de 1758.  DE S E P T A NS. 20J Sc. Germaiti fut a peine inftruit de ces progrès qu'il évacüa Brème .oü il avoit une garnifon de 12 bataillons; avec 14 autres qui hivernoiéntdans le voifinage;- il prit le chemin de la Weftphalie. Tandis que le Prince héréditaire prenoit Hoya, Mar/4 dont Ie pont fur le Wéfer devenoit important pour ies alliés, le Prince Ferdinand de Bronfwic pasfoit 1'Aller avec le gros de fes troupes. M. de Beuft, qui faifoit fon avant-garde, furprit aux ènvirons de Hanovre le régimens de Poieresky, & fé fit prifonnier. Cet accident joint a la marche du Prince Henri, qui par le Mansfeld & le HU» desheim s'étoit approChé de la ville de Bronfwic, déconcerta les généraux francois, & déterminaM. de Clermont, qui venoit de relever Ie Maréchal •de Richelieu, a évacuer a Bronfwic, Wolfenbuttel , & Hanovre en même temps. L'armée du Prince Ferdinand marcha droit a Minden, oü s'étant jointe aux détachemens du Wéfer, elle aftïégea d'abord cettè ville. Le Comte de Clermont ayant paftë le Wéfer a Hameln, envoya M. de Broglio aux environs de Buckebourg, pour f«courir Minden ; mais ce général ne trouvant pas 1'occafion de rien eaireprendre contre les alliés, ne fut que fpeftateur de Ia ptife de cette ville, dont la garnifon fe rendit prifonnière de guene, Après cet évément M. de Broglio tourna vers Paderborn, pour rejoindre le Prince de Clermont, Sz l'armée des alliés marcha k Bielefeld; fur quoi les Francois. étourdis de cette révolution fubiie dixtf I 4  ao4 HIST>. DE LA GUERRE' .leurs affaires , évacuérent JLipplladt, Hamra &* Munfrer. Le Comte de Clermont, qui n'avok plus de pied en AHemagne, repaffa Ie Rhin a Wéfel , & cantonna fon armée a 1'autre bord de ce ^wij, fleuve. Le Prince Ferdinand s'arrêta a, Munller, & répandit fes troupes aux environs, pour,leut donner Ie temps de fe refaire des fatigues qu'elles avoient fouffertes par des. opérations continuelles Mui. dans une faifon rude & peu. avancée. Les alliés prirent u.coo. Francois prifonniers dans cette. courte expédition, qui peut être comparéea cette belle campagne du Maréchal deTurenne,'lorsque pénétrant par Thann & Béfort il furprit les impériaux répandus dans leurs quartiers en Alface, &. Juiih Ies forca de repaffer le Rhin. Ce fut le 2 de Juia que le Prince Ferdinand paffa ce fleuve avec fon.. armée au deffous d'Emmerich; il avoit gagné des, bateliers hoilandois,.qu'il ne put engager néanmoins a.conftruire ce pont que fur le territoire de. la république, derla.il s'avanca bientót dans le. pays de Clèves. Quelques troupes francaifes furent furprifes. dans leurs quartiers; mais le grosi joignit l'armée, qui s'étoit afletr.blée proche de. Ctéfeld. Le Prince Ferdinand occupa la ville de, Clèves ; il laiffa quelques troupes aux ordres. de M. d'Imhof pour couvrir fon pont d'Emmeïich,, & avec l'armée alliée il.remonta la rive gauche du Rhin., oü il fe.trouva vers le 20 du mois, i-; une marche du. Comte de Cletmont; il réfolut-i Attaque/ 1'airaée francoife., -daas 1'efpérance qii&s  3 3 SE PT A N Si mille en arriêre, pour fe rapprocher du Comte de Clermont, qui campoit alors a Nuys;-M.de Clermont le joignit a Vifchern... Ce fut le 23 Juin que le Prince Ferdinand quie» $a fon camp de Haft & de Kempen, pour actaquer M. de Clermont • il divifa fon armée en trois corps, dont 1'un commandé par M. de Wagen» heim fe préfenta fur Ie front de 1'ennemi, pour le contenir,. pendant que le gros des alliés.tournant la gauche des Francois, fe préfenta fur leur flanc entre Vifchern & Anrodt, il y avoit dans cette partie derrière un ruifleau un boulevard ou Land* "jiebr dont les Francois avoient prcSté pour fa pofter; 1'infanterie des ailiés les en délogea après un combat aflez rude. Les sarabiniers ftancoisi volèrent alors au fecours de cette infanterie* & Ie> Comte de Gifors, qui les menoit, attaqua vivement 1'infanterie du Prince Ferdinand; le Comtes fut tué , & fa troupe découragée- prit. la fuite %, alors le Prince de Holftein. donna deflus-avec les. dragons pruffiens, & acheva de la difliper. Pendant ce choc le Prince héréditaire avec. uue.partie. da .la dioiea des. alliés avok g.agué fur les detrièrea-i i.7;  ao5 IIIST. DE LA GUERRE- de la pofition des Francois , ce qui acheva de décontenancef Ie Comte de Clermont , qui fe croyant fiir le point d'être entamé fur fon front par M. de Wangenheim, fe voyant pris en flanc par le Prince Ferdinand, & prés d'être entièrement toumé par le Prirce héréditaire, abandonna le champ de bataille ; il fe retira a Nuys , puis a Weringhen, & enfuite a Cologne. Le" Prince Ferdinand, pour profiter de fa viftoire, détacha ie Prince héréditaire, qui prit Ruremonde par capitulation, & poufla des partis jusqu'aux porte de Bruxelles, tandis que M. de Wangenheim, qui avoit été envoyé avec 4 bataillons dans le duché de Bergen, affiégea Duffeldorf, oü il y en avoit buit, & la ville fe rendit par capitulation le juüler. 8 de Juillet. On y trouva un magafin confidérable, établi pour l'armée francoife. Cependant le Prince Ferdinand apprenant que 1'ennemi raflembloit des forces contre lui, fe fit rejoindre par le corps du Prince héréditaire au couvent de Sr. Nicolas oü il campoit. Le début de M. de Clermont engagea la cour de Verfailles a le rappeller., & il fut remplacé par M. de Contades. Ce Maréchal fit inceiïamment avancer l'armée, pour lui rendre la coniance qu'elle avoit perdue; pendant ce temps-la M. de Chevert, qui étoit a Wéfel, oü les Francois avoient lailfé une nombreufe garnifon, fortit de cette place avec un corps confidérable pour battre' M. dTtnhof, qui gardoit le jjoct des alliés proche d'Emrnejichr Ce Général  DESEPTANS, nof «n eut vent; il fe mit avec tout fon corps ets embufcade fur le chemin que M. de Chevert devoit tenir, Ie battit & lui prit beaucoup de monde. Ces heureux fuccès du Prince Ferdinand auroient empêché les Francois de repaffer le Rhin r & 1'auroient enfin mené a la prife de Wéfel fur la fin de la campagne , fi une diveifiou ne 1'avoit obligée lui - méme a repaffer ce fleuve, pour rétablir les affaires de Heffe & dans la baffeSaxe. Dès le 11 de Juiilet M. de Soubife s'étoit mis en marche; H avoit éré joint a Hanau par 15,000 Wurtembergetis. Le Prince Ferdinand avoit laifl'é dans le pays de Heffe le Prince d'Yfenhourg avec environ 7,000 hommes; celui-ci fe retira de Marbourg a 1'approche de favant-garde francoife, cornmandée par M. de Broglio, cc paffa la Falde; les Francais 1'attaquèrent dans Ia pofuion qu'il avoit prife prés de Sangerhaufes & il fut obiigé de céder au nombre après «n combat qui dura fix heures.; il fe retira a Eimbeck, & s'établit dans les montagnes,- fe bprnant a conferver fa communication avec Hanovre. Lé Prince de Soubife alorsne trouvant nulle part aucune réfiftance occupa Nordhëim, Munden, & Gcettingue. Cependant Ao*r» M. de Contades, qui jugeoit que la diverfion de M. de Soubife obligeroit bientót les alliés a rétrograder , s'avanca fur eux, & occupa même le pofte de Brugen, qui étoit fur leur gauche; mais le Ptince Ferdinand, qui ne pouvoit fouffrir ce Soifinage dsngereux, en fit déloger les Francoi*  s»r HFST. DB LA GlTERRÉ par le Prince héréditaire; il réfoiutenmémetempr de fe replier fur la Niers pour s-7approcher des fecours qui lui venoient d'Angleterre. Les Francois firent la même marche, & furent cependaut prévenus par les alliés. Le Prince Ferdinand,'qui fentoit que le feul moyen de fé foutenir au deü du Rhin étoit de battre M* de Contades, fit des difpofitions pour engager une affaire; mais M. de Contades ne trouva pas a- propos de rifquer !e eomba & fe retira a Dalen, fur quoile Prince Ferdinand fe porta fur Wachtendonk; le Prince héréditaire, qui conduifoit 1'avam - garde, en chafia les Francois, & toute l'armée repaffala Niers. Le Prince Ferdinand ne pouvant plus fe foutenir avec fon armée au dela du Rhin, retira la garnifon de Ruremonde, qui trouva le moyen de fedérober dans le temps même que 1'ennemi fommok la place. Toute cette armée repaffa leRhin fur fon pont de Griethaufen entre le 8 &le iod'Aoój. On fut obligé d'évacuerDuffeldorfenmêmetempsy & M. de Ilardenberg, qui y commandok, fe rer*. dit en diligence a Lippftadt r pour mettre en défenfe ce pofte important. Peu dejours après les Francois paffèrent le Rhin, & s'étendirenfjusqu'a Bortïen, en fe couvrant de la Lippe* Le 14 le Prince Ferdinand fut joint 3 Bceckholt par 12,000 Anglois que lui. amcnoit Mylord Marlborough. M. de Contades fut en même tempi renforcé. dans fon camp de I Jalteren par 5 a 6»ooa t&xous que les. AutrLchAeus avoienü.nffdniblés est'.  SE S E P T A NS. acp Hongrie, & dont le Prince Xavier, fecond'fiisda Roi de Pologne, avoit pris le commandemenr. Le Prince Ferdinand détacha M. d'lmbof a Créfeld, & M. de Poft a Dalmen; mais furies mouveraens que firent les ennemis vers Lunen, le Prince héréditaire fut détaché pour renforcer le corps de Dalmen. Le Prince Ferdinand le fuivit prompteraent avec l'armée, & le Prince héréditaire repoufta les Francois jusques a Hakeren. Dans ces circonftances on trouva bon de détacher M. d'Oberg avec un corps de 9,000 hommes, pour pasfer la Lippe, & fe porter dans 1'évêehé de Paderborn, tant pour interrompre la communication des deux années francoifes, qae pour être a portée dans le befoin de préter la main au Princed'Yfenbourg. Sur ces entrefaites, & pendant que le Prince d'Yfenbourg s'étoit tenu prés d'Eimbtck, M. de Soubife avoit occupé Calïel, GcettinEue, quelques pisces fur la Werraj alors il forma le deffein da s'erpparer de Hameln; mais il fut obli- s=p;. fé de s'en défifter, lorsqu'il apptit que le Prince Ferdinand avoit repalfé le Rhin; il évacua enfuite Munden, Gcettingue, & tout ce qu'il avoit occupé dans le pays de Hanovre, pour fe renforcer fur la Diemei; il refta dans cette pofition jusqu'att 5 . de Septembre, & n'oppofant a M. d'Obergque M. du Mesnil, qu'il lailfa fur la Diemei, il «V vanca fucceflivement de Munden, Gcettingue, a Mordheim. Le Prince u'YTenbourg fut obligé de m qnitter. Eimbeck a 1'approche des Francois, & fa  2io HIST. BE LA GUERRE retira a Copperbrugge, oü il fut joint par quelques régimens de l'armée des alliés; alors il s'avanca en même temps que M. d'Oberg fur Holzmunden. Ce mouvement fit craindre a M. de Soubife, qui étoit a Gcettingue, qu'on ne le coupat de Gaffel, & repliant auffitót fes corps, il fe rendit en diligence dans la Heffe. Les troupes des alliés & des Francois artivérent presque en même temps devant Caffel, oü elles fe campèrent vis-avis les unes des autres. Tous ces raouvemens n'avoient pas influé .fur les opérations du PrinceFerdinand; il fuivoit fon objet, qui étoit d'obftr»er..l'armée de M. de Contades. Les Francois ayant vainement tenté de furprendre le Prince héréditaire a Halteren , & y ayant été repouffés avec une perte confidérable, toutnèrent leurs vues Oft^bre. d'un autre cóté. M. de Contades détacha M. de f' Chevert avec 20,000 hommes, pour joindre M.de Soubife, Sz lui donner paf ce renforc affez de fupérionté pour pouvoir accabier le Prince d'Yfenbourg , & pour occuper en même temps le Prince Ferdinand de maniêre a 1'empêcher de faire des détachemens pour la Heffe-; il fe porta a Hamm avec fon armée & pouffa M. de Chevreufe jusqu'a Sceft. Sur ce mouvement les alliés fe replièrent k 9, fur Jvlunfter, d'oü le Prince héréditaire fut détaché a Warendorf fur 1'Ems & le PrinCe de Holftein a Telgade. M. de Soubife ayant fur ces entrtfaites recu fon renfort, ne perdit point de temps pour s'en fervir. Le Prince d'Yfenbourgy infor-  DE S E P T A N S. sta mé d-i 1'arrivée de M. de Chevert, repaffa la Ftnde, & fe retira .fucceffivement devant- 1'enneqai jusqu'a Lutterberg, pour ne point être coupé de Munden; les ennemis l'y aitaquèrent avec une fi grande fupériorité, qu'il fut obiigé da leur céder le champ de bataille avec une perte de 16 canons & d'environ 2,000 hommes; il fe retira par Dransfeld & Gcettingue a Mceringue. Cet événement obligea le Ptince Ferdinand a quitter Munfter; il y laiffa une bonne garnifon, & arriva le 17 avec fon armée a Lippftadt. Le Prince héréditaire marcha de lendemain pour furprendre M. de Chevreufe, qui étoit a Sceft; la furprife. n'eut pas lieu, paree que les Francois furent avertis de la marche des alliés; néanmoins après un léger combat les Francois fe retirèrent & abandonnéren! toutes les provifions qu'ils avoient amaffées a Sceft. La Prince Ferdinand prit incontinent fon csmp auprès de cette ville, ce qui engagea M. de Chevert a chai> ger de route; il avoit quitté M< de Soubife après 1'affaire de Lutterberg, & ne put joindre M. de Contades qu'on prenant un grand détour. Auffitót que M. de Chevert eut quitté l'armée de Heffe, M. d'Oberg pafla le Wéfer a Holzmunden , & pourfuivanr fa marche il joignit le 21 d'Oftobre a Sceft l'armée des alliés. La pofition oü fe trou-N0vembre. voit le Prince Ferdinand kuerrompit la communi. cation des deux armées francoifes, & quelques fupérieures qu'elles fuflent en nombre a celles des alliés, cela n'eropêcha pas que M. de Soubife Hé  ara HIST. DE LA GUERRE ernt fa pofition aventurée; ilévacuaenconféquenaz. ce Caffel & toute la Heffe, & repaffa le Mein a Hanau avec toutes fes troupes. La campagne auroit été finie, fi M. de Contades n'ent encore esfayé de furprendre Munfter ; M. d'Armentières s'étoit approché de cette ville a ia tête de 15,000 Francois, & avoit pris un camp proche de la place pour ouvrir inceffamment la tranchée; mais M. d'Imhof arriva le 26 a Warendorf, fuivi du Duc de Holftein, en même temps que M. de Wangenheim avec un gros détachement occupa Ie camp de Rhéda. Tous ces mouvemens , qui mena, coient de couper M. d'Armentières de Wéfel, & une petite affaire qu'engagea le Major Bulovv, le firent réfoudre a renoncer a fon projet; il repaffa la Lippe Ie 2 de Novembre, & bientót après l'armée francoife prit le chemin de Wéfel, pour entrer dans fes quartiers d'lüver a 1'autre bord du Rhin. II ne reftoit plus en Heffe que Matbourg, oü les Francois euffent pied; le Prince héréditaire y fut envoyé, & n'employa que peu de 'jours a cette expédition. Après Ia prife de cette place les alliés, maltres de toute Ia Weftphalie & de La baffe Saxe, entrèrent dans leurs quartiers. Durant cette belle campagne du Prince Ferdinand, le Roi n'étoit pas demeuré oifif contre les Autrichiens ; il fe préparoit a tirer tout le parti poffible de la bataille de Leuthen, & des ffutes janvier* ^ue cette bataille avoit eues. Dés le mois de Jan3- vi»sr M. de Werner avoit été détaché dans Iahaute  DESEPTdNS. til Siléfie. Quelque fupériorité qu'eüt Ï'ennemi fur fa troupe, il 1'avoit contraint de fe replier en Mo. ravie, de forte que les Pruffiens occupoient déstors Troppau & Jaigerndorf. Le Roi jugeoit cette avance néceffaire pour pouvoir exécuter fes projets, 1'expédition, qui fe fit au mois de Janvier, ne parut a Ï'ennemi qu'une fuite de labataille de Leuthen, & fervit a nettoyer toute la Silé-fie des troupes autrichiennes. Les chofes en restèrent- la jusqu'au 14 de Mars, que l'armée fe mit Mars. en marche pour commencer les opérations de la campagne.- On favoit que les ennemis n'étoient pas affez avancés dans leurs arrangemens, pour s'oppofer aux deffeins que le Roi formoit, de forte que ce temps fut jugé le plus propre a changeren fiége régulier le blocus de Schweidnitz. Le Roi fe mit a la tête de l'armée d'obfervation, & fe cantonna depuis Landshut jusqu'a Friedland, le Prince Maurice eut le commandement de cette gauche, d'oü il communiquoit par Wultengieisdorf a Braunau, & M. de Fouquet commandoit le corps qui couvroit cette gorge de la Siléfie. Le Roi.établit fon quartier général è Griffau, qui étoit au centre de la pofit'on que fes troupes occupoient. Les gros de l'armée ennemie étoit encore dans fes cantonnemens aux environs de Kcenigsgrtetz & de Jaromirs \ le Maréchal Daun, qui en avoit feul le commandement, avoit pouffé en avant le corps de Laudon a Trautenau, & celui de Deck a Nachod. Les armées étant dans cette AvtU'  2l4- HIST.. DE LA GUERRE pofition , M. de Treskow inveftit de plus prés la ville de Schweidnitz. La trancbée ne put être ouverte que la nuit-du I au 2 d'Avril; 1'auaque fut dirigée fur le fort de la Potence, comme lendroit le moins bien fortïfié, & le plus commode pour y conduire les munitions de guerre. Bientöt 24 canons, 20 mortiers & 16 obufiers furent mis .en batterie. Cet ouvrage, fouvent dérangé par .'artillerie des affiégés , ne put-être entièrement perfeetionné que le 8, & dès le 10 on occupa une flèche que Ï'ennemi fut obligé d'abandonner; cette flêehe, qui nous approchoit a 100 pas du fort de la Potence, donna lieu au coup de main qu'on tenta fur cet ouvrage, pöur terminer d'autant plus prompteraent le fiége; les canons du fort de 1'Eau & de celui de la Potence ayant été démcntés dès le 15, on donna 1'aiTaut a 1'ouvrage après minui t; on le tourna par la gorge & 1000 grenadiers 1'emportêrent avec une perte fi Iégère, qu'elle ne mérite pas d'être rapportée. Le Commandant décontenancé par une aftion aufiivigoureufe battit la chamade; il fe tendit prifonnier de guerre avec Ia garnifon; le Comte de Thierhaimb évacua la viile le 18, & fa troupe, forte de 5,000 hommes , fut difperfée dans les différentes places de la Siléfie & de la Marche électofale. Ce fiége fi heureufement & li promptement terminé foyrnit au Roi la facilité d'exécuter de plus grands projets; fon deflein étoit de pénéuer dans  DESEPTANS. S15 la Moravie, & de prendre Olmutz; non pas pour conferver cette place, car on prévoyoit dès-lorsla diverfion que les Ruffes, qui s'étoient emparés de la Pruffe, fe préparoient a faire en Poméranie & dans les Marches de Brandebourg; mais afin d'amufer durant toute la campagne les Autrichiens dans cette partie éloignée des Etats du Roi,pour avoir le temps & la facilité de s'oppoferen attendant avee des forces confidérables a l'armée ruffe. Pour exécuter ce plan, il falloit de néceffité en impofer au Maréchal Daun, afin de gagner fur lui quelques marches, & le temps de s'établir aux environs d'Olmutz avant fon arrivée. Dans cette intention l'armée du Roi fe retira des montagnes dans les plaines de Schweidnitz & de Reichenbach, fous prétëxte d'y réfaire les troupes des fatigues du fiége, & d'attendre les recrues qui devoieut la joindre. M. de Ziethen avec un corps demeura dans les environs de Landshut, d'oü il tira un cordon jusques a Friedland, & M. de Fouquet entra dans le comté de Glatz, pour engardertous les débouchés. Ces deux corps, qui mafquoient les mouvemens de l'armée derrière les montagnes, avoient encore 1'avantage d'empêcber les Autrichiens de recevoir des nouvelles qui puffent les éctairer fur les intentions des PrulTiens. Pendant m«. que ces difpofitions donnoient le change ii Ï'ennemi, 1'arrhée du Roi marcha aNeiiïe, oü elle fe fépara en deux colonnes, dont une, oü le Roife ttouvoit en perfonne, prit le chemin de Troppau,  «rö HIST. DE LA GUERRE & 1'autre , que conduifoit le Maréchal Keith, celui de" Jajgemdof. Ces deux colonnes débouchérent le 3 de Mai dans les plaines d'Olmutz, Tune par Gibau, & 1'autre par Sternberg; M. de. Fouquet Ie fuivit auffitót qu'il remarqua que 1'en ■ nemi ayant pris 1'allarme , quittoit les environs de Koenigsgrtetz , pour fe porter fur Hohemaut. II prit le chemin de Neiffe, d'oü il convoyanos muniiions de guerre & de bouehe pour le fiége jusqu'a Olmutz. C'étoit le 12, & le ïnêmejour l'armée d'obfervation pafla la Morava a Littau ; le Roi s'avanca jusqu'a Holefchau; M. de Ville y campoit avec 7 régimens de cavalerie ; il fut attaqué par le Prince de Wurtemberg & pouffé au dela de Proftnitz vers Wifchau. Le Prince campa fon corps a Proftnitz , & il y demeura pour obferver Ï'ennemi du cóté de Wifchau & de Brunn, ayant fous lui 4 régimens de dragons, 1 de houfards & 4 bataillons. Le Maréchal Keith ayant fait 1'inyeitiflement d'Olmutz, ouvrit la tranchée le 27 de Mai; il placa de 1'autre cóté de Morava les 10 efcadrons deBareuth, 500 houfards, & quelques bataillons francs, qui fe campèrent proche d'un viliage nommé Dolein. Pour que le Maréchal Keith & l'armée du fiége fufl'ent plus en fureté, on jugea qu'il falloit étoigner davantage M. de Ville; il penfa être furpris dans fon camp, & ne crut trouver de fureté qu'eh fe retirant prés des ouvrages de Brunn. L'armée d'obfervation occupa en même temps toutes les poli- tions  DE S E P T A N S. *!*• tions qu'on avoit euj le temps de lui choifir; en conféquence de quoi le Margrave Charles prit le camp de Neuftadt, le Prince Maurice celui de Littau, M. de Wédel celui de Namieft, & le Roi occupa cette partie des hauteurs qui règnent entre Proftnitz & Hole  a28 HIST. DE LA GUERRE avoit été tout 1'hiver en détachement. Sur ces avis le Comte de Dohna avoit recu 1'ordre dès le mois de Juin de lever le blocus deStralfund, pour s'approcher de 1'Oder, afin de s'oppofer aux Ruffes de quelque cóté qu'ils vouluffent pécétrer dans les Etats du Roi. M. de Fermor s'étoit avancé de Pofen aKcenigswald, Méferitz, & Clofter Paradies, oü il campoit en 3 corps. Le Comte de Dohna détacha M. de Kanitz a Reppen , pour obferver 1'enrjemi, d'oü M. de Malachowsky fit une courfe jusqu'a Sternberg & en délogea les Ruffes. Le Comte de Dohna, qui n'étoit pas affez en force pour répandre de 9 détachemens, attjra a lui M. de Platen , & fe ■borna a dilputer aux ennemis le paffage de 1'Oder; il fe campa pour cet effet a Francfort. La partie cependant n'étoit pas égale ; comme le moindre échec qu'auroit fouffert le corps du Comte de Dohna , devenoit préjudiciable a 1'Etat, & pouvoit entrainer après foi la ruine totale de la Marche ékflorale, le Roi prit le parti de s'y Tendre en perfonne avec un renfort affez confidérable pour donner aux troupes pruflïennes une ' efpèce d'égalité avec celles des ennemis; ce renfort confifloit en 16 bataillons & 28 efcadrons. La plus grande partie de l'armée aux ordres du Maréchal Keith & du Margrave Charles demeura dans le camp de Landshut, pour garder les frontières de la Siléfie. Le Roi dirigea fa marche pat Ronöock, L&aitz, Hiuzeadorf, Pakau.  DESEPTANS. aa$ Wartënberg, Schertendorf, Croffen, Ziebkigen a Francfort, oü il apprit que M. deFermors'étant avancé par Landsberg a Cammin & a Tamfel, avoit fait bombarder la ville de Kuftrin, qui avoit «* été mife en cendres, après avoir rejeté toutes les propofitions de capitulation que le Général Stoffel avoit faites a M. de Scback , qui en étoit Commandant. Ces entreprifes de 1'ennemi avoient engagé le Comte de Dohna a rapprocher fon corps de cette fortereffe, pour la mieux foutemr. Ce fut dans ce camp prés de Gorgaft , le aa Aoüt, que le Roi joignit le Comte de Dohna. Les Ruffes avoient établi leurs parallèles précifément au déboucher de la chauffée qui conduit de Kuftrin a Tamfel , & leurs batteties étoient conftruites de manière que l'armée n'auroit pu débouchet de la place, fans s'expofer a. faire des pertes confidé ables mais inutiles. Le Roi réfolot cependant d'attaquer Ï'ennemi •, il falloit fe battre, afin de fe débarraffer pour un tempsd'une armée', & gagner celui de fe tourner d'un autre cóté. Le Roi pouvoit donc employer trois femaines 'a cette expédkion;. mais comment la terminer fi vite fans en venir aux mains? Le Maréchal Daun, qu'on avoit quitté a Jaromirs, pouvoit dans cet intervalle fe tourner , ou vers la Siléfie , 'ou vers la Saxe , & il Mok pouvoit s'y rendre dans les différens cas , felon que le befoin le demanderok. Le Roi jugea donc qu'il failQic en impofet a 1'ennemi par.de fauffes dé: K 7   s4o BIST. DE LA GUERRE cher de fes vivres, & fe propofa en même temps de choifir un pofte par lequel il put couper les PrulTiens de la Siléfie, pour donner aM.deHarren le temps d'aflïéger & de prendre Neifle. Ce fut Oftobre, enfin le 5 d'Octobre que le Maréchal abandonna les environs de 1'Elbe, & que paffant parKrufe& Neukirch, il fe campa a Kitlitz fur les hauteurs de Lcebau jusqu'au Stremberg. Le Prince de Durlach fut pofté avec fa réferve de Reichenbach & Arnsdorf vers Doberfchutz. Sur ce mouvement de Ï'ennemi M. de Retzow fut envoyé occuper le Weifl'enberg. L'armée macha a Bautzen , d'oü M. de Wédel fut détaché avec 6 bataillons & quelque cavalerie, pour s'oppofer aux Suédois, qui s'étoient avancés jusqu'a Pafewalk. De Bautzen l'armée du Roi s'avanga vers Ï'ennemi, & prit fa 10. pofition entre Hochkitchen & Kottitz, le quanier général a Radewitz. L'armée fe trouvoit alors affoiblie par le départ du détachement de M. de Wédel , & par la grofle garnifon qu'il falloit tenir dans Bautzen, pour couvrir la boulangerie contre les entreprifes de Ï'ennemi. Le projet, du Roi étoit,. en prenant le camp de» Hochkirchen, de cacher aux Autrichiens fou véritable deflein, qui étoit de fe joindre a M. de Retzow pofté a cóté de notre flanc gauche , & de tomber conjointement fur le Prince de Durlach du cóté de Débitfeh, ce qui ne pouvoit s'exécuter que la nuit du 14 au 15, a caufe quel'approvifionnementdes vivrés pour rarmée ne pouvoit pas être arrangé plu-  DE S E PT A N S. 245 plutót. Cependant une partie du convoi nous joignit le 12. Le Maréchal Keith, qui en étoit, fut attaqué en chemin par Laudon; Ï'ennemi fut repoulTé avec perte de 80 hommes. Un Prince de Lichtenftein , Lieutenant Colonel au régiment de Lcewenttein, fut du nombre des prifonniers. Après cette affaire Laudon ayant raffemblé fes troupes difperfées , s'établit avec elles dans un bois qui étoit a un gros quart de lieue d'Allemagne au dela de notre droite vis-a-vis du viliage de Hochkirchen ; un fond marécageux féparoit notie flanc droit de ces hauteurs. La bataille dont nous allons patier incelTamment , nous oblige d'entrer dans un détail plus circonflancié du tetrain que les deux armées occupoient. Le viliage de Hochkirchen, oü s'appuyoit Ia droite du Roi, eftfitué fur une éminence; un cimetière d'une magonnerie épaifle, capable de contenir un bataillon, domine fur toute ia contrée; le viliage s'étendenlong, & formoit le flanc naturel de l'armée; il étoitgarni de 6 bataillons; une batterie de 15 canons étoit conftruite a 1'angle du front & du flanc; devant fa ligne du front coule un ruifleau entre des bords de rochers; aux pieds de la hauteur de Hochkirchen fe trouvent un moulin & quelques caban es, oü 1'on avoit placé un bataillon franc, pour défendre le paflage; ce qui étoit d'autantplus für, qu'il fe trouvoit fous la proteclion de notre canon vers Radewitz, oü étoit le quartier général. Une partie du camp paflbit le ruifleau , a caufe des Qcnv. p°fih. de Fr. II. T. III. L  242 HIST. DE LA GUERRE hauteurs qu'il falloit néceffairement occuper, & de la communication avec le corps de M. de Retzow, qu'on alTuroit & dont on abrégeoit le chemin par cette pofition. La droite du Maréchal Daun , comme nous 1'avons dit, s'appuyoit furie Stremberg; fon centre étoit fur des hauteurs inexpugnables; fa gauche tiroit vers Jauernick & Sornitz. 11 fit préparer en fecret des chemins pour quatre colonnes, qui conduifoient au bois dont M. Laudon avoit pris pofleflion. Son projet étoit d'attaquer l'armée pruffienne par quatre endroits a la fois , favoir par le pofte de Laudon, par Ie moulin qu'occupoit le bataillon franc, par cette partie vers Kottitz qui fe trouvoit au dela du ruisfeau, & Ia quatrième attaque devoit fe faire par le Prince de Durlach fur le potte du Weiffenberg, ou. commandoit M. de Retzow. Ce fut la nuit du 13 au 14 d'Octobre que Ie Maréchal Daun exécuta fon deffein. L'attaque du moulin gardé par le bataillon franc fut la première ; les ennemis 1'emportèrent fans grande peine. En Jnéme temps Laudon ayant trouvé le moyen de fe gliffer avec fes pandours a dos de 1'armée, mit Ie feu au village de Hochkirclien ; ce qui obligea les bataillons qui le gardoient a 1'abandonner. L'ennemi fe faifit dans cette confufion de Ia batterie qui étoit a la pointe du viliage; en même temps le brave Major Lange fe jeta avec un bataHon du Margrave Charles dans le cimetière de Hochkirclien. L'armée n'èut que le temps de prendre les armes, &  DESJLPTANS. 243 non celui d'abattre le* tentes. Le Roi entendic tirer le canon, & quoiqu'il ne füt averti derien, ii prit d'abord trois brigades du centre, avec lesquelles il marcha a la droite; les ténèbres éioienc fi épaifiës, qu'on ne voyoit pas a un pas devant foi. On s'appercut d'abord que Ï'ennemi étoit maltre de notre grande batterie, paree que les boulets de canon voloient dans lecamp, & qu'il auroit été impoffible qu'ils eufl'ent pu y parvenudes batteries de Ï'ennemi. Le viilage de Hochkirclien en fiammes fut le fanal qui éclaita nosdispofitions. Le Roi prit par le derrière de fon camp pour tourner ce viliage; dans la marche ou donna fur un corps de grenadiers autrichiens, dont 300 furent pris; mais dans la confufion du «ombat, 11'ayant pas du monde de refte pour les garder, la plupart s'échappèrenr. Notre infanterie tourna Hochkirchen, & commengoit h poulfer les Autrichiens , lorsque quelques efcadrons ennemis, qu'on ne pouvoit pas diflingner dans 1'obfcurité, la ramenèrent; les gendarmes & le régiment de Vafold firent une charge fort vive; tout ce qu'ils rencontrèrent, plia devant eux; mais ne pouvar.t pas fe diriger dans 1'obfcurité, ils donnèrent fur de 1'infanterie poftée a ce bois que Laudon avoit occupé dès )& veille; tout le canon des Autrichiens y étoit, & 1'infanterie bien & avantageufement éiablie; ce canon tirant a mitraillc forca la cavalerie prufiienne ft fe retirer auprès de fon infanterie. D'un autre cd.é le Maréchal Keith &le Prince L 2  244 BIST. DE LA GUERRE Maurice d'Anhalt voulurent reprendre la batterie qui étoit perdue; ils fe mirent a la tête de quelques bataillons, pour traverfer le viliage de Hochkirclien; le chemin qui paffe le viliage eft étroit; a peine fept hommes de front pouvoient-ils y tenir, & ils trouvèrent en voulant déboucher de Ia, que les Autrichiens les débordoient fi confidérablement, qu'ils ne purent jamais fe former, pour mener leurs troupes a Ia charge; ils furent auffitót contraints de fe replier. Le Maréchal Keith yfut tué, M. de Geilt mortellement blefi'é & le Prince Maurice dangereufement. Quoiqu'a différentes reprifes on teutat de paffer le viliage, il n'y eut pas moyen de réuffir; 1'incendie étoit trop confidérable, & la bataille fut perdue. Pour couvrir la retraite, le Roi envoya des ordresaM. de Retzow de le joindre inceffamment. Ce Général avoit trois fois repouffé le Prince de Durlach. Comme ce dernier ne pouvoit venir a lui qu'en traverfant un défilé, M. de Retzow y laiffa entrer le nombre d'ennemis qu'il lui plut; après quoi illeschargea & les culbuta avec une perte confidérable dans le lieu dont ils avoient débouché; cette manoeuvre, s'étoit répétée a trois reprifes, lorsqu'il fut obligé de rejoindre l'armée. II vint a propos a notre gauche. Le Roi avoit été contraint de Ia dégamir, pour porter des fecours a fa droite; cependant il ne put pas arriver affez a temps pour empècher que Ie bataillon de Kleifl ne füt entouré par rennemi, & contraint de mettre lesarmesbas.  DE S E P T A N S, ü4S La droite de l'armée fe foutenoit, quelque effbrt que fit Ï'ennemi pour dépaffer le viliage de Hochkirclien. La bataille avoit commencé a 4 heures, a 10 le cimetière fut emporté; le viliage & la batterie étoient déja perdus; Ï'ennemi fe trouvoit trop bien établi pour qu'on pitt le déloger; un gros corps de cavalerie venoit a dos de l'armée; M. de Retzow avoit abandonné le WeilTenberg: dans ces circonftances la pofition de l'armée n'étoit plus foutenable, & il ne reüoit d'autre parti a prendre que celui de la retraite. La cavalerie defcendit Ia première des hauteurs dans la plaine, pour couvtir la marche de 1'infanterie. La droite de 1'infanterie prit alors le chemin de Doberfchutz', oü 1'on marqua le camp, & le corps de M. de Retzow fit 1'arrière-garde de l'armée. La cavalerie autrichienne attaqua Ia nótre a dirTérentes reprifes; mais elle fut vigoureufement repoulfée par M. de Seidlitz & par le Prince de Wurtemberg. Le camp que l'armée prit étoit bon, proche de Bautzen, entouré d'un doublé foffé marécageux, & fur des collines qui n'étoient dominéés d'aucun cóté. Le Maréchal Daun retourna le méme jour dans fen ancien camp, & il ne parut pas qu'il eüt gagné Ia viétoire. Les PrulTiens perdirent, comme nous en avons touché quelque chofe, des perfonnes dignes par leur grand mérite d'être regrettées, le Maréchal Keith, le Prince Frangois de Bronfwic , & M. de Geift; presque tous les Généraux eurent des contufions ou des blefluref, L 3  246" UIST. DE LA CUERRE ainfi que le Roi, le Margrave Charles, & tant d'autres qu'il feroit trop long de nommer. Nous perdimes 3,000 hommes; la plupart d'infanterie, & il ne nous refta du nombre des prifonniers que nous avions faits qu'un Général nommé Vittelefchi & 700 hommes. Pendant que tout ceci fe paffoit en Luface, Mrs. de Ville & de Harfch tenoient Neiffe étroitement bloqué; on étoit informé qu'un train d'artillerie de loo canons & de 40 mortiers devoit partir d'Olmutz pour fe rendre en Siléfie. En combinant avec ces préparatifs 1'efTet qu'une victoire gagnée devoit produire fur 1'efprit des Autrichiens, il .étoit facile de prévoir que le fiége de . Neiffe en feroit la fuite. Cette place étoit trop impofrante pour que le Roi n'eraployat pas tous les moyens imaginables de lafauver; cependant on ne pouvoit en faire lever le fiége qu'en marchant en Siléfie avec une armée. La ditTiculté étoit de ne point déranger les affaires d'un cóté pour les rétablir de 1'autre. Enfin fur la nouvelle que les Rufles avoren: abandonné Stargard, & dirigeoient leur marche par Reez & Calies fur la Pologne, le Roi prit les mefures fuivantes: il atiira a lui le Prince fon frére avec 10 bataillons, & du canon, pour remplacer celui que 1'on avoit perdu: le Comte de Dohna regut ordre de fe rendre en Saxe & de ne laifler en Poméranie qu'un corps fous M, de Platen , pour fecourir Colberg, que M. de Palm', ach afTiégeoit avec 15,000 Rus-  DE S E P T A NS. H7 fes : il fut averti de diriger fa matche fur Torgau, pour pouvoir de la fe tourner du cóté qui auroit le plus befoin de fa préfence: M. de Fink. prit le commandement du rede du corps du Prince Henri, qui tenoit le camp de Gamig. Tandis que ces ordres partoient, le Maréchal Daun s'avanca, & vint fe camper proche de l'armée du ■Roi. Un détachement couvroit fon flanc a Buchwatd; fa droite s'appuyoit a Cannewitz, d'oü ia ligne prenoit par Belgern, Wurchen, DrelTa, en forme de demi -cintre convexe par Gtubfchutz & Strela ; fa réferve prit le pofte 'de Ilochkircben. Queique formidable que füt 1'afpeft de ces troupes , les PrulTiens en avoient d'autant moins a craindre, qu'a peine les Autrichiens eurent-ils pris cette pofition, qu'ils fe retranchèrent jusqu'aux dents. Les deux points qui méritoient uneattention férieufe, étoit la confervation de Bautzen, oü fe trouvoient les vivres & la boulaugerie de l'armée, & le moulin de Malfchwitz, qui eft fur une hauteur, dont il ne falloit pas fouffirir que Ï'ennemi s'emparat. Le Roi garantit Ia ville de Bautzen contre les cntreprifes des Autrichiens par un corps intermédiaire, qu'il placa entre cette villa & fa dtoite, & pour le moulin a 1'cxtfémité de la gauche, il n'y mit que des vedettes de houfards, pour que Ï'ennemi ne s'appercüt point de 1'importance dont nous étoit ce pofte. La raifon d'en ufer ainfi étoic que le moulin fe trouvoit a la diftance d'un quart de mille de la gauche, delbrte L 4.  248 ItlST. DE LA GUERRE qu'en gardant la pofition de l'armée, on ne ponToit pas le foutenir a caufe de fon éloignement; & 1'importance de ce moulin confifioit en ce que dans la marche que le Roi méditoit de faire, ilne pouvoit pas gagner Gcerlitz avant le Maréchal Daun, fi les colonnes ne paffoient au pied de ce moulin; de forte qu'au cas que Ï'ennemi y eüt placé des troupes, il falloit paffer la Sprée derrière 'le camp & la repaffer plus bas, ce qni faifoit un circuit de deux miiles de détour pour les troupes. Le Maréchal Daun de fon cóté fuppofoit que le Roi, lorsqu'il apprendroit le fiége de Neiffe, ne trouveroit aucun autre expédient pour fe rendre en Siléfie que celui de 1'attaquer, &ce fut-li la raifon qui lui fit prendre cette pofition de Cannewitz & de Wurchen , & qui lui donna 1'ldée de fe retrancher. Cela parut même par une lettre qu'il écrivit a M. de Harfch, dans laquelle il dit: „faites votre fiége tranquillement; je tiens „Ie Rei; il eft coupé de la Siléfie, & s'il m'at„taque, je vous en rendrai bon compte." 11 en arriva tout différemment de ce que 1p Maréchal imaginoit. Le Prince Henri partit avec fon détachement de Gamig; il paffa par Marienfchein, & arriva le 21 a l'armée du Roi, fans rencontrer d'ennemis fur fa route. Tous les préparatifs de la marche ne purent être achevés que le 24, & le même foir l'armée fe mit en mouvement. La garnifon de Bautzen fervit d'efcorte aux vivres de l'armée; ce corps prit les devans dès la nuit pré-  DÉ S E P T A N & a'4S? cédente, & paffa par Kumerau, Neudórf, Traaben, & Culmen. L'armée marcha fur deux colónnes. On forma 1'arrière-garde fur Ia hauteur du moulin a vent, d'oü 1'on prit par Leichnau, Ifchmitz, tournant entièrément la droite de Ï'ennemi ; enfuite on fe porta fur VVeyersdorf, & de Ia fur Ullersdorf, oü l'armée campa. M. de Moering, • qui avoit eu 1'avant-garde du bagage, furprit prés d'Ullersdorf 300 cavaliers auttichiens, dont péu fe fauvérent, & la colonne du Roi ayant dontté prés de VVeyersdorf fur un bataillon de pandours sS. qui ne fe croycii pas expofé a Ï'ennemi, ce bataillon fut totalement dérruit. Le lendemain 20" l'armée dévanca le jour, pour gagner Gcerlitz avant le Maréchal Daun. L'avant-garde, compofée de houfards & de dragons, y arriva la première; elle trouva d'abord un corps de cavalerie pofté derrière un défilé du cóté de Rauchertswalde; il n'étoit pas poffible de 1'attaquer dans cette pofition avantageufe; on fit en efcarmouchant ce que 1'on put pour 1'engager a combattre, - mais inutilement. On apprit enfin paf un ttansfuge' que c'étoit le corps des carabiniers & grenadiers4 a- chevaf, commandée par un Général efpagnol nommé d'Ayaffas, & fur cet éclaireiflement'on •réfolut de choquer la fierté efpagnole, pour engager ce Général a palier le défilé & a fe laiflfer' battre ; pour cet effet des houfards le provoqóè- ■ rênt; il pafla le défilé en fureur & fondit^fun' c«ux doiu il-fe croyott infuké; Auffitót'les dra-L 5. .  350 HIST. DE LA GUERRE .gons le chargèrent & culbutèrent fa troupe dans le même défilé qu'il avoit paffe avec tant d'imprudence. II y perdit 800 hommes, quelesPrusfiens firent prifonniers; d'Ayaffas fe fauva fous Ia montagne de Landskron, oü le Prince de Durlach venoit d'arriver avec la réferve qu'il commandoir. L'infanterie de 1'avant-garde pruffienne arriva en méme temps; on s'en fervit pour s'emparer de Gcerlitz , qui fe rendit fans grandes difficultés. L'armée du Roi y appuya fa gauche; fa droite fut pouffée a Girbiesdorf & Ebersbach. Ce flanc étoit couvert par un ruifleau bourbeux, qui coule dans un fond dont le revers du cóté des PrulTiens étoit efcarpé. Les Autrichiens arrivèrent 1'aprésmidi; Ie Maréchal Daun étendit fon armée derrière ia Landskron , d'Offeg vers Marckersdorf. Le Roi fut obligé de refter dans ce camp, pour donner quelques jours a 1'arrangement desvivres, de forte que l'armée ne put fe mettre en marche que le 30. Les troupes décampérent de nuit, pour paffer la Neiffe avant que Ï'ennemi en put être informé. On trouva M Laudon embusqué dans le bois de Schoenberg. Les Pruffiens faifoient cette marche Iéfeêrement, paree que les bagages & les vivres avoient pris la route de Naumbourgam-Queis. L'arrière-garde fut toutefois attaquée proche de Schoenberg, & ce ne fut qu'unebataille durant toute la route; M. Laudon y étoit en« couragé par un renfort de 12,000 hommes que le Maréebai Daun lui avoit envoyé; de fon cóté S.  DE S E P T AN S. A. R. le Prince Henri , qui commandoit cette arrière-garde, fit de fi bonnes difpofitions en foutenant les brigades réciproquement , en poflantd'autres fi a propos, afin de recevoir celles qui fe retiroient pour continuer leur chemin, qu'il n'y eut que du temps de perdu. A la vérité M. de Bulow, Lieutenant Général & environ 200 foldats furent bleffés ; il n'y eut d'ailleurs de tués -que 15 hommes tout au plus. A Lauban il fal■lut préparer des ponts fur le Queis; ce qui fit perdre un jour. Le 1 de Novêmbre 1'année prit laNovembre. route de la Siléfie; on fe prépara furtout a bien recevoir Ï'ennemi a 1'arrière - garde ; car fa force fe trouvoit affez confidérable- pour mériter cette attention. Le camp pruffien avoit fes deuxailes fur deux croupes de montagnes, qui aboutifToient chacune vers le Queis ; plus on approchoit de Lauban , plus les hauteurs dominotent celle du camp. On forma fur chaeune de ces hauteurs me arrière - garde féparée. Le Roi fe trouvoit a la croupe de la droite, le Margrave a celle de la •gauche, des houfards furent placés dans le fond entre ces deux corps d'infanterie pour agir felon ■le befoin. Derrière ces premiers corps, des brigades d'infanterie & d'artillerie en échelons occupoient les hauteurs dominantes, pour que chaque corps qui fe replioit, püt fe retirer fous la protec'tion d*un autre. Au premier mouvement rétrograde que firent les troupes pruffiennes, M. Laudon accourut plein d'ardeur pour entaraer cetse L 6  a$n BIST. DE LA GUERRE arrière-garde; il ne s'en fallut presque rien que les houfards ne le fiffent prifonnier. II voulut occuper le premier emplacement que le Roi venoit de quitter; il y menott déja fon artillerie; mais le feu préparé des batteries prufliennes démonta fon canon , mit fon infanterie en défordre , & Fobligea de s'enfuir. II tacha de renouveler cette manoeuvre a trois reprifes , & toujours inutilement; car des feux préparés de même que le premier lui firent eiTuyer la méme chofe. Les houfards de Puttkammer,. embusqués dans un bois, donnèrent enfin fur fon monde, & iedégoüterent pour ce jour-la d'inquiéter la marche des Prusfiens. S. A. R., qui étoit poflée a 1'autre bord du Queis, y regut 1'arrière-garde, après quoi Ie Roi & fon frère fe féparerent; Ie Roi marcha par Lcewenberg, Pombfen, Jauernick & Girelsdorf 4 *■ Nollen ; le Prince Henti fe rendit a Landshut, oü il releva M. de Fouquet, qui vint joindre le Roi fur la route de Neiffe. M.. de Harfch afiiégeoit Neiffe depuis le ao d'Octobre. Son attaque étoit dirigée fur le fort de Pruffe du cóté de Heidersdorf. La feconde parailèle achevée fe trouvoit k 30 toifes du chemin couvert, & toutes les batteries étoient mor.» tées. Quoique le Maréchal Daun y eut envoyé des fecours par le chemin de Silberberg, fur le bruit répandu de 1'approche du Roi les Autrichiens levèrent le fiége. M. de Treskow, Comsnandarst de. la place, faifit ce moment, & fit une fonie  BE SE FT ANS. 15$ oü 1'ennemi perdit 800 hommes; Mrs. de Harfch & de Ville fe retirèrent en hate, ils paffèrent la Neiffe & fe replièrent par Ziegenhals a Jajgern» dorf, en abandonnant aux environs de Neiffe des amas confidérables de munitions de guerre, qu'on ne leur donna pas le temps de tranfporter. M. de Fouquet fuivit les ennemis dans la haute Siléfie, & s'établit a Neuftadt, d'oü il pouvoit le miettx les obferver. A peine les troupes furent» elles arrivées prés de Neiffe, que le Roi entrepris une nouvelle expéditionr Après le départ des PrulTiens de la Luface, le'Maréchal Daun avoit ptis le 4 d'Oétobre le chemin de 1'Elbe; le 7 ii paffa cette rivière a Lohmen, & prit le camp de Pirna j M. de Finck, qui étoicdemeuréaGémich (Gamig) depuis 1'abfence de S. A. R., ne put maintenir cette pofition contre un nombre aufS fupérieur d'ennemis; il fe replia sur le Windberg , & de la fur Keffelsdorf, pendant que le- Maréchal Daun détacha les troupes des cercles vers Eulenbourg, Torgau & Leipfic. Le Comte de Dohna étoit en marche de ce cóté - la. Les Ruffes', comme nous 1'avons dit, avoient pris le chemin de la Pologne , a- 1'exception de M. de Palmbach', qui avec un détachement de quelques- milliers d'hommes avoit entrepris Ie fiege de Colberg. Ge Général ruffe avoit ponffé fes travaux avee force le s6 & le 27 d'Oétobre ;• il donna des asfauts confécutifs au chemin couvert de la place', fit fut chaque fois vigoureufement repouffé ; .il L 7  254 BIST. Ï>E LA GUERRE préparoit un nouvel affaut pour le 29, & le» Ruffes avoient même arrangé des bateaux , au moyen desquels ils fe flattoit de paffer le foffé capital , pour emporter la place d'emblée. Le Comte de Dohna ayant envoyé M. de Platen au fecours de Coiberg, ce Général battit auprès de Greiffenberg un corps d'obfervation que les Rusfes y avoient placé; après quoi il s'avanca.jusqu'a Treptow. Son arrivée dégoüta M. dePalmbach de fiéges & d'affauts; il fe retira par Coefslin & par Bublitz en Pologne. La tranchée fut ouverte le 3 & la place dégagée Ie 29 d'Oétobre. Le Sr. de Heyden, Commandant de la place , fe diftïngua durant ce fiége par fes bonnes difpofitions, fa vigilance & fafermeté. Le Comte de Dohna attira a lui M. de Wédel, qui avoit agi contre les Suédois, qui les avoit battus a Fehrbellin, pouffé par Ruppin au dela de Prenzlow, qui avoit enlevé le détachement entier de Hesfenftein dans la feigneurie de M. d'Arnim , & que la viétoire avoit fuivi partout. , M. de Manteufel le releva avec moins de troupes, & pendant la marche de la Saxe M. de Wédel conduifit 1'a- •2, vant-garde du Comte de Dohna. LorsqueM.de Haddick arriva prés de Torgau , favant-garde 15. .pruffienne y parut en méme temps; M. de Haddick fe replia par le bois fur Eulenbourg; M. de .Wédel le fuivit a la tracé, & quoique les ponts de 1'Elfter fuffent rompus, Ia cavalerie pruffienne pafla la rivièie a gué, & donna fi a. propos fm  DE S E P T A N S. 255 f ennemi, que M. de Haddick perdit 200 hommes & 3 canons. Le Comte de Dohna fuivit M. de Wédel d'Eulenbourg; il s'avanca vers Leipfic, que l'armée des cercles avoit invefti. Le Prince de Deuxponts, intimidé par 1'échec que M. de Haddick venoit d'efliiyer, n'attendit pas 1'approehe des Pruffiens; le fiége fut levé; il fe retira en hate fur Colditz; de-la il tourna vers Plauen, & alla prendre dans I'Empire des quartiers du cóté de Hof & de Bareutb. Pendant que le Prince de Deuxponts & M. de Haddick fuyoient vers I'Empire , le Maréchal Daun s'approchoit de Dresde. Le corps pruffien, trop expofé a KeiTelsdorf, paffa 1'Elbe, & fe campa au fauxbourg du nouveau Dresde, entre le Fifchhaus & les Scheunen. M. de Schmettau , qui étoit Commandant de Dresde, voyant que les Autrichiens fe préparoient a s'emparer du fauxbourg de Pirna, y fit mettre le feu. Le Maréchal Daun ménageoit Ia jeune cour qui étoit dans te ville; il eft h préfumer que fans elle il auroit été plus entreprenant; cependant les folfés de la place étoient bons. Le Roi avoit quitté la Siléfie ; fon avant-garde fe trouvoit au Weiffenberg, de forte que le Commandant pouvóit en toute fureté attendre 1'arrivée de ce fecours. Le retour du Roi acheva de déranger les projets du Maréchal Daun. Le Comte de Dohna avoit expédié l'armée des cercles; la faifon éroit avancée, & l'armée du Roi pouvoit dans trois matches être a  *56 BIST. DE LA GUERRE Dresde $ toutes cas confidérations infpirèrent au Maréchal Daun le deffein de fe retirer. II décarnpa le i£ de Grunau & de Leibnitz, & rentra en Bohème, oü il mit fes troupes en quartiers d'h> ver. Sur la nouvelle de'fon départ, le Margrave Charles, qui étoit avec le grös- de l'armée a Gcerlitz , regut ordre de ramener les troupes en Siléfie. Le Roi, qui étoit au WeiUenberg, pouifa jusqu'a Dresde, oü les arrangemens fe firent pour les quartiers d'hiver. Le Comte de Dohna retourna dans la Poméranie & le Mecklenbourg; M. de Hulfen s'établit a Freyberg furies frontières de la Bohème; M. d'Itzenplitz commanda a Zwickau, & en Siléfie on tira un cordon le long des frontières de la Bohème, de Greifenberg a Glatz; pour M. de Fouquet, il occupa Jaïgerndorf, Léobfchutz, Neuftadt & les environs. Nous n'avons fait qu'une légere mention de la campagne des Suédois, auxquels on n'avoit oppofé que des détachemens de la garnifon de Stettin, jusqu'a ce que le Roi détacha M. de Wédel du camp de Ramnau en Luface. Les proueffes des Suédois confiftoient a pénétrer dans le plat pays, lorsqu'ils n'y trouvoient aucuneoppofition; un foible détachement les réduifoit a la défenfive,& bien loin d'avoir fait des conquêtes, ils fetrouvèrent trop heureux qu'on leur permit pendant Fhiver de fe cantonner aux environs de Stralfund» Nous avons également paiTé fous filence quelques détachemens que- S, A. R= -fit au ccmmencemait  'DE S E PT A N S. 257 du printemps vers Bareuth & Bamberg; Mrs. de Driefen & Meyer furent chargés de ces petites expéditions, dont le but étoit de ralentir les opérations de l'armée des cercles, & de répandre la terreur chez les princes d'Allemagne qui s'étoient déclarés contre le Roi. Vous trouverez, en confidérant le total de cette campagne , qu'elle fe diltingue des autres par la quantité des fiéges qui furent leyés; il n'y eutque deux places de prifes, Schweidnitz par les Prusfiens, & le Sonnenftein par les troupes de I'Empire. D'ailleurs le Roi leva le fiége d'Olmutz, les RufieS ceux de Knffrin & de Colberg, les Auttichiens ceux de Neiffe & de Dresde , Sc les troupes des cercles ceux de Torgau & de Leipfic. Après la fin de cette longue & fatigante campagne le Roi ayant fait rafer les ouvragesdu Sonnenftein, retoutna en Siléfie, oü il établit fon quartier général a Breslau. CHAPITRE IX. De l'biver de 1758 a 17S9- L/a familie royale perdit cette année deux perfonnes illultres ; 1'une fut le Prince de Pruffe, tombé en langueur, qui fut emporté dès le commencemem de Juin par un caiarre fuffoeatif, dan»  a58 HIST. DE LA GUERRE le temps que les Pruffiens affiégeoient Olmutz. Son bon cceur & fes connoiffances, qui annoncoient pour 1'avenir un gouvernement doux & beureux , Ie firent regretter. La Margrave de Bareuth fut la feconde. C'étoit une Princeffe d'un rare mérite; elle avoit 1'efprit cultivé, & orné des plus belles connoiffances, un génie propre a tour, & un talent fingulier pour tous les arts. Ces heurcux dons de la nature faifoient cependant la moindre partie de fon éloge. La bonté de fon •cceur, fes inclinations géhéreufes & bienfaifantes, la nobleffe & 1'élévation de fon ame, la douceur ce fon caracrère, féorriSöfeiit én eiiê ies avanrages brillans de 1'efprit a un fond de vertu folide, qui ne fe démentit jamais. Elle éprouva fouvent 1'ingratitude de ceux qu'elle avoit comblés de biens & de faveurs, fans qu'on pilt citer un exemple qu'elle eut jamais manqué a perfonne. La plus tendre, la plus conftante amitié uniffbit le Roi & cette digne fceur. Ces liens s'étoient formés dès leur première enfance; la méme éducation & les mêmes feminiens les avoient refferrés; une fidélité a toute épreuve des deux parts les rendit indiffolubles. Cette princeffe, dont la fanté étoit foible, prit fi fott a cceur les dangers qui menagoient fa familie, que le chagrin acheva de ruinet fon tempérament. - Son mal fe déclara bientót; les médecins reconnurent que c'étoit une hydropifie formée ; leurs remèdes ne purent point la S758. fauver; elle mourut le 14 d'Odtobre avec un cou-  DE S E P T A N S. 259 rage & une fermeté d'ame digne des plus intrépides philofophes. Ce fut le jour même oti le Roi fut battu' a Hochkirchen par les Autrichiens. Les Rotnains n'auroienc pas manquéd'attribuerace jour une fatalité, a caufe de deux coups aufli fenfibles dont le Roi fut frappé en même temps. Dans ce fiècle éclairé on eft revenu de ces ftupides erreurs qui faifoient croire a des jours heureux ou finiftres. La vie des hommes ne tient qu'a un cheveu; Ie gain ou la pene d'une bataille ne dépend que d'une bagatelle. Nos deftins font une fuite de rtnchainement général des caufes fecondes, qui datisja foule des évènemens qu'elles amènent-, en doivent néceflairement pcoduire d'avantageux & de funeftes. La même année termina le pontificat du Pape Benoit, le moins fuperftitieux & Ie plus éclairé des pontifes qui depuis long-temps euflent occupé le fiége de Rome. Les faétiors francoife, efpagnole & autrichienne lui donnèrent pour fuccefl'eur le Vénitien Rezzonico, qui prit le nom de Clément XII!. La différence du génie de ces deux papes ftappa d'autant plus le pnblic, que Clément, peut-éire bon prêtre, manquoit des talens néceffaires aux fouverains de Rome pourgouverner leurs Etats & 1'Eglife univerfelle. Ses premiers pas dans le gouvernement poniifical furent de faufles démarches; il envoya au IViaréchal Daun une toque & une épée bénites, pour avoir battu les Pruffiens a Hochkirchen, quoique de tels préfens, felon 1'ufage de la cour romaine, ne  sob HIST. DE LA GUERRE fe fafTent qu'a des généraux qui ont vaincu des nations infidelles, ou dompté des peuples barbases. Cette conduite le brouilloit donc néceffairement avec le Roi de PruiTe, qu'il devoit ménager a caufe du grand nombre des fujets catholiques établis dans les Etats de fa domination. Ce Pape eut avec le Roi de Portugal des démêles plus importans au fujet des Jéfuites. Ces péres avoient fait la guerre aux Efpagnols & aux Portugais dans le Paraguay & les avoient même battus. Depuis ces brouilleries le Roi de Portugal ne jugea plus convenable de confier les fecrets de fa confcience & de fon gouvernement a des membres .d'une fo ciété qui avoit agi comme ennemie dé fon royaume. II renvoya le Jéfuite dont il s'étoit fervi, & choifit un confeffeur d'un autre ordre de religieux. Les Jéfuites, pour fe venger de eet affront, qui tiroit d'autant plus & conféquence que la conduite du Roi pouvoit être imitée par d'autre fouverains, cabalèrent dans 1'Etat & excitèrent contre le gouvernement tous les grands du royaume fur lesquels ils avoient du crédit. Le père Malagrida, animé d'un zèle plus ardent, d'une haine tbéologaleplus vive que fes confrères, parvint par fes intrigues a tramer une confpiration contre la perfonne du Roi , dont le Duc d'Aveiros fe déclara le chef. Ce Duc fcchant que le Roi devoit fe promener en carroiTe, embusqua des conjurés fur le chemin oü le prince devoit paffer. Le cocher fut tué du premier coup-, & du fecond le Roi eut le bras cafié. Long-temps  » E S EPT A NS. tgt après le fecret de la conjuration fut découvert par des lettres que les chefs du parti écrivoient au Bréfil pour y caufer un foulevement. Le Duc d'Aveiros & fes complices furent arrêtés; ils dépofèrent unanimement que cet attentat leur avoit été fuggéré par les Jéfuites, infligateurs de tout ce qui venoit d'arriver. Le Roi voulut faire unepunition exemplaire des auteurs de cet abominable complot. Son jufle reffentiment, armé des loix, foutenu par les tiibunaux, devoit éclater contre les Jéfuites. Le Pape prit leur défenfe & s'y oppofa ouvertement. Toutefois ces pêres furent bannis du royaume; iis allèrent aRome, oü ils furent recueillis non comme des rebelles & des tra'i. tres, mais comme des martyrs qui avoientfouffert héroïquement pour Ia foi. Jamais la cour de Rome n'avoit donné un tel fcandale. Quelque vicieux que fuffent les pontifes que les fiècles précédens avoient déteftés, aucun d'eux cependant ne s'étoit ouvertement déclaré le protecteur du crime & des affalTinats. La conduite peu judicieufe du Pape parut influer fur tout le clergé; la toque bénite qu'il avoit envoyée au Maréchal Daun, excitaune effervescence de zèle bizarre chez les fouverains eccléfiattique d'Allemagne. L'Elefleur de Cologne entr'autres publia un édit dans fes Etats, par lequel il défendoit a fes fujets proteftans, fous de grièves peines, de fe réjouir des avantages que les Pruffiens ou les alliés pourroient remporter fur ieuts ennemis. Ce fait, qui par lui-mêmemérite  2Ó2 HIST. DE LA GUERRE peu d'étre rapporté, doit pourtant être cité, par-, ce qu'il caraétérife 1'abfurdité des raceurs d'un (iècle dans lequel Ia raifon a fait d'ailleurs tant de progrès. Mais ces farces qui fe paffoient aux petites cours, n'attiroient fur eiles que les fiffleis du public; au lieu que les pafïïons qui agitoient les grandes cours de 1'Europe, produifoient des fcènes plus funeftes & plus tragiques. Nous avons vu il n'y a pas long-temps a Verfailles 1'Abbé deBernis devenir Miniftre des affaires étrangéres, & bientöt Cardinal, pour avoir fignéle traité de Vienne. Tant qu'il fut queftion d'établir fa fortune, toutes les voies lui furent égales pour y parvenir; mais auffitót qu'il fe vit établi, il tacha de fe maintenir dans fes emplois eu fe conduifent par des principes moins variables & plus conformes aux intéréts permauens de 1'Etat. Ses vues fe tournêrent toutes du cóté dela paix, afin determiner d'une part une guerre dont il ne prévoyoit que des défavantages, & d'une autre pour tirer fa nation d'une alliance contrainte & forcée, dont la France portoit le fatdeau, & dont la maifon d'Autriche devoit feule retirer tout le fruit & toute 1'utilité. S'adteiTant a 1'Angleterre par des voies fourdes & fecrètes, il y entama une négociation pour la paix; mais la Marquife de Pompadour étoit d'un fentiment contraire, & auffitót il fe vit arrétédans fes mefures. Ses aétions imprudentes 1'élevêrenr, fes vues fages le perdirent; il fut disgracié pour avoir parlé de paix, & envoyé en exil dans 1'évé-  DESEPTANS. 263 ché d'Aix. M. de Choifeul, Lorrain de Nation, Ambafladeur de France a ia cour de Vienne, fils de M. de Stainville, Ambafladeur de 1'Empereur a Paris, devint Miniftre des affaires étrangères a la place du Cardinal disgracié. II fignala fon entrée dans le miniftère par un nouveau traité d'alliance qu'il conclut avec la cour de Vienne ,& dont nous donnons la copie h la fin de ce chapitre, pour ne point interrompre le tableau général que nous offrons au leéteur. En le parcourant vous vous appercevrez de 1'afcendant que la cour de Vienne avoit pris fur celle de Verfailles, & qui n'alla depuis qu'en augmentaut. M. de Choifeul, non content du traité défavantageux qu'il venoit de conclure avec 1'Impératrice Reine, ordonna au nom du Roi a 1'Académie des infcriptions de frapper -une médaille qui éternifat la mémoire de cet événement. Ces deux cours ne s'en tinrent pas la; elles employèrent leur commun crédit ala cour de Pétersbourg pour ranimer la haine de 1'Impératrice Elifabeth contre le Roi de Pruffe;*elle lui repréfentèrent qu'il conveno't de laverlatacheque fes troupes avoient re?ue a Zorndorf, en mettant le printemps prochain une armée plus nombreufe en campagne. Son favori ne ceffoit de lui répéter que pöur chauger en terreur le mépris des Prusfiens pour les Ruffes, il falloit ordonner aux généraux qui commanderoient ces troupes , d'agir avec la plus grande vigueur, & de fuivre en tout les impulfions qu'ils recevroient des puiiTances al-  20+ BIST. DE L'A GUERRE Hees. Toutes ces infinuations menoient au but qu'avoit la cour de Vienne, de charger fes alliés des hazards de Ia guerre, & de fe raénager pour en retirer feule 1'avantage. Le Roi de Pologne étoit mélé dans toutes ces intrigues; non feulement il aigriflbit lacourdePé-. tersbourg contre celle de Berlin, mais voulant encore tirer de 1'amitié de 1'Impératrice Elifabeth des avantages pour fa familie, il lafollicitadeprocurer par fon afliltance le duché de Courlande a fon iroifième flls, le Prince Charles. L'Impératrice, favorable aux Saxons, confentit a cet établilTement, & Augufte II. inveftit fon fils de ce duché. Le nouveau Duc alla aPétetsbourg.pour remercier 1'Impératrice de cette faveur. Ce prince inquiet & ardent prit part a toutes les intrigues de la cour; fes procédés le brouilièrent avec le grand Duc ^ fon époufe; il s'attira leur inimitié, & cette haine le perdit dans la fuite. Tandis que 1'Impératrice de Ruflïe donnoit des duchés'& s'approprioit des royaumes, elle n'étoit pas elle-méme fans appréhenfion; elle craignoit que les Anglois, alliés des PrulTiens, & raécontens de la conduite des Ruffes envers eux depuis le commencement de la guerre, n'envoyaflent une flotte dans la Baltique , pour brüler Ie port de Cronfchlott. Pour prévenir de parailles entreprifes , fes miniflres négocicrent un traité d'afl'ociation avec les couronnes de Suède & de Danemarck , afin d'iaterdire le paflage du Sund aux flor-  DESEPTANS. &$$ flottes étrangères. Cette convention, oü les Suédois trouvoient leur compte, & a laquelle lesfub» fides de la France obligeoient les Danois de fe conformer; fut promptement conclue enire ces trois puiiTances. L'Angleterre ne s'embarraflbk guères des mefures que prenoient les puiiTances du Nord, pour défendre a fes efcadres 1'entrée de la Baltique; elle dorainoit fur 1'océan & fur toutes les autres rners, fans s'inquiéter de la Baltique, ni du Sund. Ses Amiraux Bofcawen & Amhorft avoient pris le Cap Breton : le Sieur Keppel s'étoit rendu maitre de 1'ile de Gorée fur les cötes d'Afrique. Les Indes leur offroient de conquêtes; les cótes du Danemarck , de la Suède, de la Ruflïe ne leur en offroient aucune. Ces grands progrês des Anglois ne foulageoient point le Roi du fardeau qu'il portoit & des rifques que fa couronne avoit a courir. II avoit demandé en vain aux Anglois une efcadre, pour couvrir fes port6 de la Baltique, menacés par les armemens des flottes rulles & fuédoifes. Le Sieur de Rexin, Miniftre du Roi a la Porte, fut fatis ceffe traverfé dans fa négociation par le Sieur Porter, Miniftre de la Grande Bretagne. D'ailleurs le nouvel Empereur des Turcs , fans éducition, étoit ignorant dans les affaires, &l d'une timidité extréme, tant par la crainte d'être détróné que par celle du mauvais fuccès de fes armes, s'il s'engageoit dans une guerre avec la maifon d'Autriche. Quelques grandes que fuffent les fommes qui paffbient a cette cour, quelque voie decor0*w, Ujib. ie Fr. II. T. III. ]\J  366 HIST. DE LA GUERRE rnption qu'on tentat. les affaires n'en furent guères avancées, a caufe que les Autrichiens & les Francois répandoient de 1'argent & faifoient des largeffes avec la rnêtne profufion , & que les Turcs trouvoient plus leur compte a recevoir des récornpenfes pour ne rien faire que pour entrer en action. Les efTorts inutiles que Ie Roi avoit faits a la Porte, le perfuadèrent de plus en plus que n'ayant aucun fecours étranger a attendre, il ne devoit recourir qu'a fes propres relTources. Son attention fe tourna uniquement fur fon armée; on Ieva autant de monde que 1'on put, on arma, on remonta, on approvifionna les troupes, afin de s'oppofer dans la campagne prochaine avec une armée bien conditionnée & nombreufe a la multitude d'ennemis que les Pruffiens auroient a combattre. Extrait Ju traité d'alliance conclu a Verfailles le 30 Dècembre 1758 entre 1'Impératrice Reine & le Roi de France. Ce traité paroit avoir été conclu en oppofition de la conveniion de fubfides qui avoit été fignée le 11 d'Avril de la même année entre les cours de PrulTe & d'Angleterre. II en "*eft fait mention dans le préambule, & il y eft dit en autant de termes: Que comme on ne pouvoit efpérer 'de rétablir la tranquillité de l''Allemagne quèparlaf' foiblijfement de la puijfance pernicieufe du Roi de Pruffe , le Roi tres - Chrétien & f Impératrice Reine avoient jugé a propos de refferrer les nosuds  DE S E P T A N S. 267 de leur union par un traité cotifirmatif du traité de Verfailles du 1 de Mai 1756, & de convenir des moyens les plus propres pour forcer Vagreffeur de donner fatisfaüion aux léfés fi? fureté pour favenir , & pour établir folidement le repos de 1'Allemagne, en réduifant le Roi de Pruffe dans des hornes qui ne lui permiffent plus de trouhler au gré de fon amhition & de celle de fAngleterre, la 'tranquillité générale & celle de fes voifins. On paffe enfuite au traité même, qui eonttent les articles fuivan3: Art. 1. Les deux parties confirment le traité de Verfailles du 1 Mai 1756 & Ie prennent pour Dalé de la préfente convention. 2. Le Roi de France promet de fourniral'Impératrice Reine, pendant tout le cours de !apréfente guerre, un fecours de 18,000 hommes d'infanterie & de 6,000 hommes de cavalerie , foit cn troupes, foit en argent, au choix de 1'Impérauice Reine. 3. Ce feco.i s ui argeut eft évalué a 3 millions 4$5,oco fiorins pu aru 4. Le Roi de France fe charge feul du fubfide ft payer a la i'uède. 5. 11 promet de foudoyer le corps de troupes fixonnes , cc du ie renvoyer a la difpofuion de 1'lmpératrice Reine, dès qu'elle le demandera. 6. Les deux parties s'engagent de procurer atv Roi de Pologne, Eleéteur de Saxe , non feulement la reftitution de fes Etats, mais aufli un dédommagement proportionné.. M 2.  aó8 IlIST. DE LA GUERRE 7. Le Roi de France promet d'employer cent mille hommes en Aliemagne , ponr couvrir les Pays-bas autrichiens & les Etats de fEmpire. 8. La fureré des cótes de Flandres ayant exi£é que les places d'Oftende & de Nieuport fusfent mifes a 1'abri de toute infulte, &!eRoitrcsCbréiien ayant voulu fe charger de la défenfe de ces deux places, elles demeureront confiées a la garde de fes troupes pendant tout le temps que durera la préfénte guerre entre la France & 1'Angleterre; mais cet arrangement, uniquement relatif a la fureté desdites places, ne doit porter aucun préjudice au droit de fouveraineté de 1'Impératrice Reine. 9. Le Roi de France promet cependant de restituer les p!aces de Nieuport &,d'Oftende méme avant fa paix avec 1'Angleterre, fi on en convertoit ultérieuremenr. ie. Les pays eonquis fur le Rot de PrufTe feront gouvernés & adminiilrés au nom & par les commiffaires de 1'Impératrice Reine; mais les revenus publics appartiendront au Roi trés-Chrétien, a 1'exception de 40,000 florins prélevables pour les frais de 1'adminiilration. 11. Les deux parties s'engagent a terminer a 1'amiable les difcuffions particuiières qu'elles pourroient avoir. 12. Le Roi très-Chrétien promet de faire tous fes efforts pendant la guerre, & d'employer aux conférences pour la paix fes bons offices les plus  9 E SE PT A N S. zég eriïicaces, pour qu'au traité a. conclure entre 1'Im. pératrice Reine & le Roi de Pruffe , Ie duché de Siléfie & le comté de Glatz foient cédés & aÏTurès a la maifon d'Auttiche , & il fe charge d'avance de la garantie de tout ce qui fera ftipuié a cet égard entre 1'Impératrice Reine ScleRoi de Pruffe. 13. Les deux parties s'engagent a ne faire ni paix ni trève avec leurs ennemis communs, que d'un pa>fait concert. Le Roi de France promet de ne faire ni paix ni trève avec le Roi d'Angleterre, fans convenir avec lui qu'il fera tous fes efforts pour engager le Roi de Pruffe a accorder a Sa Majefté impériale des conditions juftes & honorables , ou du moins fans obliget le Roi d'Angleterre a promettre qu'il ne donnera plus de fecours au Roi de Pruffe, & 1'Impératrice Reine s'engage a ne faire ni paix ni trève avec le Roi de Pruffe qu'aux mêmes cenditions. 14. Pour rafiurer les Eta's proteflans, on congrme le traité de Weftphalie , & on s'accorde d'inviter la couronne de Suède d'aecéder au préfent traité. 15. L'Impératrice Reine renonce a fon droic de réverfion des duchés de Parme, de Plaifance & de Guaftalle, en faveur des defcendans males de 1'Infant Don Philippe. 16. Les deux parties s'engagent d'agir de concert avec le Duc de Parme auprès du Roi des deux Siciles, pour fixer Tordre de fucceiTion dans le royaume des deux Siciles. M 3  a/o HIST. DE LA GUERRE 17. En retour.de la renonciation énoncée dans Tarnde 15, le Roi très-Chrétien promet d'employer fes bons offices pour déterminer le Roi de Naples a céder a 1'Empereur fes prétenticms fur les biens allodiaux des maifons de Médicis &de Farnèfe. 18. L'Infant Duc de Parme renonce a. fes prétentions fur les biens allodiaux des maifons de Médicis & de Farnèfe, aufli bien que fur les villes de Bozzolo & de Sabionerta. 19. Le Roi très-Chréiien promet de concourïr par fes bons offices pour que 1'Arcbiduc Jofeph foit élu Roi des Romaius , d'une manière conforme aux confliturions de I'Empire. ao. Les deux parties co;;vien»ent de ne prendre aucunes mefures par rapport a la future élection d'un Roi de Pologne, que d'un concertcommun; & leur but n'étant que de maintenir la libené de la nation polonoife, elles déclarent dèsa-préfent, que fi le choix libre de la république venoit k tomber fur un prince de la maifon de Saxe, elles 1'appuieront de leur mieux. si. L'Impératrice Reine étant convenue avec le Duc de Modène du mariage de PArchiduc Léopold avec la Princeffe de Modène, & voulant demander a 1'Empereur & a I'Empire 1'expectative a la fuccefïïou féodale de Modène, enfaveur de 1'Archiduc Léopold , a condition que les Etats de Modène ne foient jamais unis a la maffe des Etats de Ia maifon d'Autriche, le Roi.  DE S E P T A N S. 271 de France promet cTy concourit par fes bons offices. 22. On invitera d'accéder ace traité, 1'Empereur, Pimpératrice de RulTie, & les Rois deSuède & de Pologne. Les deux derniers articles, ainfi que les trois articles féparés ; ne roulent que fur de fimples formalités.  é