J   Ö E U V R E S POSTHÜMES D E FREDERIC II, R O I DE P R U S S E. TOM E IV. a AMSTERDAM, cbez d. j. changüior ? 7 8 Jfc   HISTOIRE DE LA GUERRE DE SEPT AN& TOMS Ik   TABLE DES MATIERES D E L H I S T O 1 R E DE LA GUERRE DE SEPT ANS. To ME. II. Chap. X. Campagne de 1759. Page ï, Chap. XL J)e rhiver de 1759 a 1760. 4$. Chap. XII. Campagne de 1760. 61, Chap. %IU, Dèjhiver de 1760 a 1761 144. Chap. XIV. Campagne de 1761, i"4.>  Chap. XV. De fbiver de 1761 a 1762. 235 Chap. XVL Campagne de 1762- *34 Ciur. XYII. He ia paix. 3«*  II I S T O I R E DE LA GUERRE DE SEPT JNS. CHAPIÏRE X. Campagne de 1759. Les armdes du Prince Ferdinand de Bronfwic & de S. A. R le Prince Henri ouvrirenc les premières cettecampagne. L'armée duRoi, reteuuefurles frontiéres de la Marche & de la Siléfie par le voifinage des Ruffes en Pologne, nepouvoitpasentreprendre d'expdditions qui 1'auroient écartée d'une ligne de ddfcnfe de laquelle il y avoit du risque a s'éloigner; & les Autrichiens différoient leurs opdraiions, pour fermer aux Rulles le temps de fe mettre ën campagne; ce qui retardoit ordinairement le mouve« ment des troupes jusqu'a la fin de Juillet. Les Fraii9Öis agiiïbient fans atliés, 1'armde du Prince Ferdinand n'avoit qu'un ennemi acombattre; de forte qu'ils Te mettoient en aftion auflltót que leursarrangemens dtoient pris, & qu'ils lejugeoient a propos. Cette annde RL de Comades re9ut le coramandement de 1'armde frai^oife, & M. de Oenv. fojlh. de Fr. II. T. IV. A  é HIST. DE LA GUERRE Broglio , qui commandoit fous lui, fe tenoit a Francfort, d'ou il avoit 1'ceil fur les troupes jusqu'a 1'arrivée du Maréchal. Un corps mêlé d'Autrichiens & de troupes des cercles, aux ordres de M. d'Arberg, s'avanca en Thuringe, ou il donna de la jaloufie au Prince Henri & au Prince Ferdinand. S. A R. & Ie Prince de Bronfwic concertèrent enfemble une entreprife, pour déloger ces troupes voifines qui les importuhoienr. M. de Knobloch fut comraandé de la part des Pruffiens & M. d'Urf de celle des alliés pour exécuter ce projet. M. de Knobloch prit Erfurt, & fit quelques centaines de prifonniers dans ces environs. M. d'Urf chalTa 1'ennemi au dela de Vach & reprit Ilersfeld. A peine les Pruffiens & les alliés fe furent-ils retirés, que les Autrichiens & les troupes des cercles revenant fur leurs pas, reprirent leur U Mar», première pofnion.«Ce mouvement déplui au Prince Ferdinand: pour éloigner ces troupes du voifinage de la Heffe, i! porta toute la gauche de fon aimée fur CafleU & s'avanca de-la par Melfungen a Hersfeld. Le Prince héréditaire entra dans la Principauté de Fulde, d'ou il pénétra en Kranconie; il prit Meinungen, Wafungen, & défit trois régimens autrichiens qui fe trouvoient dans ce»environs. M. d'Arberg s'approcha de lui & 1'attaqua dans (on camp de Wafungen. Après un combat de fix heures les Autrichiens & les troupes des cercles furent Avril. repouffés, & obligés de fuir jusqu'eu Thunnge. Alors le Prince Ferdinand raffembla tousfes détfe  DESEPTANS. | chemens a Fukle; fon deflein étoit de détruire les magafins que les Fran9ois avoient a Fri:zlar , * Hanau & dans ces environs , pour retarder, & peiu-être mêrae empêcher les opérations qu'ils mé» ditoient de faire en Heffe; il prit le chemin de Francfort, & furprit en marche plufieurs détachemens fran^ois, qui ne pouvant fe fauver fe rendïrent prifonniers de guerre. En approchant de Ber- |^ gen , il crut n'y trouver que quelques bataillons , qui trop foibles pour lui réfifter feroient obligés de le retirer, ou de mettre les armes bas, s'ils étoient affez téniéraires pour. fattendre. Dans le temps qu'il les faifoit charger, M. de Broglio parut fur. la hauteur derrière ce village, avec les brigades qu'il avoit raflëmblées des quartiers les plus voifins. L'attaque des alliés fut repouffée. Le Prince d'Yfeabourg, qui la commandoit, y perdit la vie. Le Prince Ferdinand fe trouva dans la néceflué de foutenir une affaire qui étoit engagée; il emporta k la vérité le bas du village de Bergen, mais lapanie fupérieure bien fortifiée lui oppofa des obftacles, irtfurmontables. Les troupes franfoifes chargèrenten même temps les alliés a propos & les contraigni» rent a lacher prife. Les Saxons qui fe trouvoient. dans cette armée de M. de Broglio voulureut pourfuivre les troupes; le Prince Ferdinand s'en ap« per9tit; il les fit attaquer par fa cavalerie, qui en détruifit une partie, & leur fit quelques centaines de prifonniers: pendant le refte de la journée on fecanonna réciproquemsnt. Le Prince Ferdiaan^. A a  V HIST. DE LA GUERRE voyant que fon coup étoit manqué , fe retira ia ïnême nuit vers ia Hefl'e, fans que M. de Broglio i'inquiétat. M. du Blaifel le fuivit & entama dans cette retraite 1'arrière-garde d'uiie des colonnes de Tarmée; il s'y comporta fi bien, qu'il fit prifonniers 200 dragons pruflïens. de Finckenftein. Pendant ce temps-la le Prince Henri avoit exécuté avec plus de fuccès un deflein pareil qu'il avoit formé fur la Bohème. II entradans ceroyaume par Péterswald, fans y rencontrer une grande réfis* tance," M. de Hulfen , qui pénétroit avec la f forma fes troupes vis-a-vis de eet angle que faifoit. 1'armée francoife. M. de Contades lui oppofa ua corps de cavalerie; mais 1'ardcur & la fougue de> 1'infanterie angloife 1'emporta. Elle attaqua lacava. lerie francoife. & la mit en déroute; de-la elle fe porta tout de fuite fur 1'infanterie fra-.iyoife le Prince Ferdinand n'eut que le temps de la fouteniï* par d'autres brigades; enfin les Francois prirent la fuite & les alliés fe formèrent fur le terrain qu'ils venoient d'abandonner. Tandis que la fortune fe déclararoit "pour le Prince Ferdinand, M. de Broglio attaquoit mollement le village deTonhaufen; il y eut en même temps deux charges de cavalerie dans cette partie , qui tournèrent toutes deux & l'ava:uage des alliés. La déroute de la gauche des Francois, la fuite de cette cavalerie jointe au peilde fuccès qn'avoient eu les attaques du village ». A5  I© HIST. DE LA GUERRE déterminèrent 1'ennemi a quitter le champ de bataille; ce qui fe fit avec beaucoup de confufior» & de désordre. Le Prince héréditaire battit le même jour M. de Briffac a Gohfeld, & occupa en le pourftiivant un paffage, proche du Wéfer, qui coupoit aux Francois les chemins des pays de Waldeck & de Paderborn. Ce coup fut auiTi décifif que la bataille, paree que 1'armée francoife, envi« ïonnée par les alliés prés de Minden a la rive gauche du Wéfer, fut obligée de repaffer ce fleuve & de prendre le chemin de CalTel, le feul qui lui reftaf Ü. d'Armentières, qui avoit jusques-la ferré de prés Lippftadt, en leva le blocus; il détacha dix bataillöns pour Wéfel; avec les douze autres il accourut a Caffel, oü il fe joignit a 1'armée qui' Venoit d'être battue. Le lendemain de la bataille Minden fe rendit au vainqueur; les Francois perdirent au dela de 6,000 hommes dans cette affaire, «lont trois mille furent faits prifonniers. Pour proSter de eet heureux événement, le Prince Ferdinand s'avanca vers Munden, tandis que le Prince héréditaire pafla le Wéfer a Rinteln a la tête de Vingt mille hommes; il y eut une affaire d'arrièrejarde férieufe h Munden, oü M. de St. Germain par fe bonne 'conduite fauva le bagage de 1'armée ftancoife. Le Prince Ferdinand fe tourna enfuitedu cóté de Paderborn , & M. d'Urf prit a Detmold 1'hópital ambulant des Francois, avec 803 hommes qui 1'efcortoient. A 1'approche des alliés «ie Stadtberg le Duc de Chevreufe & M, d'Armea-  DESEPTANS. u tières & replièrent fur CaiTel, & les allfés ayant tourné de-li vers la principauté de Waldeck, M. de Contades s'imagina que ce mouvement indiquoit une intention du Prince Ferdinand de couper les Fran9ois du Mein. Sur cette fuppofition il quitta brusquement Caflel, oü il laiffaune foiblegarniion, & fe campa a Marbourg. Un partifan des alliés, nommé Freytag, s'approcha de cette capitale, & la reprit par capitulation. Le Prince Ferdinand étoit alors a Corbach; il fit avancer le Prince héréditaire & WolfTshagen & détacha le Prince de HólHein a Fritzlar. Ces mouvemens achevèrent de déronter M. de Contades; fe croyant perdu,. il évacua la Heffe. Le Prince Ferdinand le fuivit & Ernfthaufen; un de fes détachemens prit le même jour trois cents Fran9ois dans la forterefie de Ziegenhain- Les ennemis s'étoient poftés a Amcenebourg furl'Ohm; ils avoient le corps de Fifcher derrière La Lahn; le Prince héréditaire le battit. En même temps'fon oncle s'étant avancé a Wetter avec 1'armée, ce jeune héros fe porta derrière les ennemis a Niederweymar. Cela fit perdre la tramontane a M. de Broglio, qui fe retira a Gieffen & abandonna, Marbourg. Cette ville fut prife par le Prince de Bévern, avec la garnifon de neuf cent hommestqui 1'avoit défendue. Cette fuite d'heureux fuccèsmit le Prince Ferdinand a portée de s'avancer h. Crosdorf. 11 n'y avoit que la Lahn qui féparat le* alliés & les Franfois. Ces derniers retranchèren* leur cainp & portèrent M. de Broglio a Wetzla»», A 6  IS HIST. DE LA GUERRE «ftobre. 12. Le Prince Ferdinand lui oppofa M. de Wangen» heim pour 1'obferver. Les malheurs qu'avoit efTuyéM. de Contades, en dégoütèrent la eour; elle le rappella, & M. de Broglio, déclaré Maréchal de France, prit le commandement de 1'armée. Tandis que les Allemands & les Francois campoient opiniatrement fur les bords de la Lahn les uns vis-a vis des autres, le Prince Ferdinant travailloit fur fes derrières a chaffer les ennemis de 1'évéché de Munfter. llavoit envoyé M.dimhof en Weftphaliepour affiéger Munfter; mais a peine ouvroit-il la tranchée devant cette place, qu'il fut obligé d'en lever le fidge. M. d'Armentidres avoit quitté en hate 1'armde francoife, • avoit pafTé le Rhin a Wefel, accourant au fecours de Munfter. Des renforts joignirent M. d'Imhof, qui fe trouvant en état d'entreprendre quelque chofe, recommenfa te fidge. M. d'Armentidres s'en approcha de nouveau , dans le deflein d'attaquer les Allemands ;mais foit qu'il crüt 1'entreprife trop difficile, foit qu'un échec que fouffrit un de fes détachemens le décourageat, il fe retira derrière la Lippe , & la ville fe rendit a Mi d'imhof par capitulation. L'amour-propre de la nation fran9oife lüi avoit ftit attribuer les défavantages qu'elle effuyoit dans la guerre d'AIlemagne au peu de fupérioritd que fon armée avoit en nombrefurcelledes alliés. La cour, qui penfoit a peu prés de même, pour ob vier a eet iaconvénient venoit d'engager le Duc de WurteraWg a lui fournir 12,000 hommes» moyennant us  DE S E PT A N S. *5 fubfide que la France lui payeroit en fel. Le Üua fe mie lui-même ïi la tète de fes troupes; il s'ea étoit réfervé le commandement, & pour ne point être confondu dans la fmile des géuéraux d'une grande armée, pour ne point fervir fous un Maréclial de France^ ce qu'il jugeoit contraire a fif dignité, il avoit ftipulé que fa perfonne & fes troupes ne feroient employés qu'en détachemens. Ce prince arriva e'n Franconie avec fon corps au mois d'Oaobre. M. de Broglio, qui ne pouvoit pas 1'employer comme il auroit voulu, 1'envoya dans le pays de Fulde, d'uü les alliés tiroient une panie de leur fubfiftance; 1'approche des Wurtembergeois dérangea les livraifons du pays. Ces troupes ifolées pré entoient aux alliés une trop belle occafion, pour qu'ils n'en profitaffent pas. Le Prince héréditaire partit a tire d'aile de 1'armée; il fe préfenta devant les portes de Fulde au moment oü pèrfonne ne s'y atteiidoit. Le DUc avoit préparé pour ce jour un bal, qui fut dérangé. Etonné de la préfence d'un ennemi auflï vigilanr, qui ne lui donnoit pas le temps de raffembler fes troupes, il fe retira vers le Mein avec fa cavalerie. "L'arrieregarde d'infanterie, qui fe préparoit a Ia retraite, fut chargée & pouffée vivement par le Prince héréditaire, qui en fit 1200 hommes prifonniers. Ce ne fut pas le dernier exploit de ce jeune héros* nous aurons encore lieu de parler de lui dans Ie récit de la campagne de Saxe. Les Fiansois avoient tenu cette année la cssk A 7 si  »4 HFST. DE LA GUERRE Campagne du Rei. Mars. pagne plus long-temps qu'a 1'ordinaire. La faiforr, trop oppofée aux encreprifes militaires, les obligea de quitter leur camp le 8 de Décembre; aprésquoi ils fe retireren: a Francfort. Le Prince Ferdinand, après avoir mis le blocus devant GiefTen, fit entrer fes troupes en quartiers, ayant réparé par fa valeur & par fon habileté toutes les injuftices que la fbrtune lui avoit faites au commeneement de la campagne; & les alliés fe trouvèrént a la fin de cette année en poffeffion de toutes les places & de toutes les provinces qu'ils avoient occupés avant la déclaration de la guerre. II s'en fallut beaucoup que la campagne du Roi prit un»tour aufii heureux; ce fut peut-être lapius funefte de toutes. C'en aurnit même été fait des Pruffiens, fi leurs ennemis, qui favoient vaincre, avoient fu de même profiter de leurs viftoires. Nous avons rapporté les raifons qui forcoient le Roi k la guerre défenfive. Contenu par 1'armée du Maréchal Daun, qui fe tenoit en Bohème fur les frontiêres de la Siléfie, il médita une entreprife fur les magafins que les Rufles formoient aux environs de Pofen. Si'ce projet avoit réufli, il anroit retardé les opérations des ennemis; & gagner du temps c'étoit tout gagner. L'armée du Roi s'approcha vers le milieu de Mars des montagnesdeSchweidnitz ; elle fut mife en cantoimemens dans ces longs villages qui vont de Landshut a Friedland. M. deFouquet demeura avec fon corps a Neuftadt en haute Siléfie.. M. de Wobersuow, qui avoit été envoyé avec uadé-  DESEPTANS. i$ tachement dans Ie palatinat de Posnanie, y ruin* quelques magafins que les Rufles comrnencoient a former. L'expédition s'étanc faite de trop bonne heure, dérangea peu les ennemis dans les mefure* qu'ils vouloient prendre. II ne fe palfa rien d'im» portant fur les frontières de la Bohème. M. de Laudon, qui fe tenoit a Trautenau, fans ceffe en mouvement, donna des alertesaux poftes avancés» mais fans fuccés; une feule entreprife réuflït aux Autrichiens. M. de Beek attaqua le bataillon de Duringshofen a GreifFenberg; illui coupa la retraite avec fa cavalerie, & aprés une vigoureufe défenfe, ce'bataillon fut cantraint de mettre les armesbas. Sur la fin du mois M. de Ville, qui commandeit en Moravie, entra en force dans la haute Siléfie» M. de Fouquet, dont le corps étoit tropfoible, ha abandonnaNeuftadt, & prit une pofition avantageufe a Oppersdorf. Le Roi fe flatta que ce mouvement de M. de Ville lui fourniroit 1'occafioa de battre 1'ennemi en détail & d'abymer entiérement ce corps. II fit filerfecrètement des troupes a Neilfe dans cetteintention, &s'yrendit lui-méme» Quelques prêcautions que 1'ön prit pour cacher cette manoeuvre a 1'ennemi, ell s furent inutiles. Le clergé catholique& lesmoines y ennemis fecrets des Pruffiens, qu'ils traitoient d'hérétiques, trouvèrent le moyen d'avertir M.de Villede Ia marche des troupes, & le jour même que Ie Roi vint a Oppersdorf, cë Général autrichien fe retira a Ziegen» feals. Tout ce qu-'on put faire fe réduifu a engage? i Mal  16 HIST. DE LA GUERRE Juin. < Juillet. tine affaire d'arrière-garde avec les pandours qv.i étoient encore en marche; la cavalerie les eutoura dans des roehersefcarpés ,peu propres aux manceuvres des gens de cheval; cependant cette troupe, forte de üoo hommes, fut ou prife, ou paffee au fil de 1'épée. Les Autrichiens, loin de s'arrêter a Ziegenhals, eontinuèrent leur retraitejusqu'cn Moravie, & le Roi ne trouvant plus dans ces environs d'objet qui exigeat fa préfence, retourna joindre fon armée a Landshut. Le Maréchal Daun venoit d'arriver en Bohème; il étabtit fon quartier a Munchengrcetz. Les deux armées demeurérent tranquilles dans leur pofition jusqü'au 28 de Jnin, que les Autrichiens prirentle camp de Jaromirs, d'oü enfuite ils pafférent en Luface & vinrent s'établir a MarckliiTa. Le Roi, qui étoit dans le camp de Landshut, détacha quelques battaillons, qui par Schatzlar pénétrèrent es Bohème; ils s'approchèrent de Trautenau, & le Major Quintus défit un corps dé pandours aux environs de Prausnitz. M. de Seidlitz fut envoyé a Loshn, pour obferver lesmouvemens du Maréchal Daun. M. de Fouquet recut ordre de quitter la haute Siléfie, pour relever 1'armée du Roi du pofte «le Landshut, qu'il auroit été dangereux de laiffer vuide. Dès qu'il arriva, le Roi en deux marches gagna le camp de Schmuckfeiffen, un des plus forts dé la Siléfie. M. de Seidlitz avoit été attaqué la Téille par Laudon; ce partifan fut battu; ilperdit .156 hommes ik penfa être fait prifonnier. Gepen-  DE S E P T A N St 17 dant la cour lui confia un"-corps de 30,00© hommes , deftiné a fe joindre aux RufTes dés que 1'occafion s'en préfenteroït. Le Maréchal Daun le pofta fur les hauteurs de Lauban, précifement a 1'en-. droit oü il avoit été fi mal recu 1'année précédente par 1'arrière - garde du Roi. Cette pofition fut choifie ponr lui donner quelque avance fur les Pruffiens, lorsqu'il recevroit' 1'ordre de fe joindre aux Ruffes. Ces vues des Autrichiens n'étant pas difficiles a pénétrer, le Roi fit obferver ce partifan par deux corps de cavalerie, dont fun fous M. de Lentulus fut placé a Lcewenberg, & fautre fouslö Prince de Wurtemberg a Bunzlau. Pendant que ces mefures fe prenoient vis-a-vis des Autrichiens, on n'avoit pas négligé de penfer aux Ruffes. Durant 1'hiver Mrs de Schlabrendorf & de Hordt les obfervèrent de Stolpe par des détachemens qu'ils avoient répandus Ie long dei» frontière de Pologne. Vers le printemps le Comte Dohna quicta le Mecklenbourg & la Poméranie „ oü il laiffa M. de Manteufel avec un petit corps , pour tenir tête aux Suédois. Le Comte marcha avec ces troupes a Stargard, d'oü il fe rendit a Landsberg: il y fut joint parun renfortque S. A.R. le Prince Henri Lui envoyoit de Saxe aux ordresde Mrs. d'Itzenplitz & de Hulfen. On avoit obfervé que les Rufles traverfoient la Pologne par détaehemens; cela fit naitre 1'idée d'aller a leur rencontre, pour les battre en détail; la chofe étoit três-pos» fible, fi Ton tomboit durant leur marcüe for uue  18 HIST, DE LA GUERRE de leurs divifions, avant qu'elle put étre jointe pat les autres. Pour exécuter ce deflein, il falloit agir avec aétivité & avec réfolution; mais tout le contraire arriva. Les troupes fiirent mal menées, les généiaux manquèrent de vigilance, tout fe fit trop tard, on accumuta fautes fur fautes, & cette malheureufe expédition devint comme la fource de* infortunes dont les Pruffiens furent accablés pendant cette campagne. Le Comte Dohna partit le 23 de Juin de Landsberg; il pafla la Warte le 5 de Juillet a Obernick. Sa lenteur donna aux Ruffes le temps de s'afiembler a Pofcn, & les deux armées s'amufèrent a faire des reconnoiffances qui ne menèrent a rien. Les Rufles firent un mouvement en avant le 14; ils défilèrent proche de 1'armée prus» fjenne, mais dans un tel défordTe, qu'il n'auroic tenu qu'au Comte Dohna d'en profiter , s'il en avoit eu la réfolution. Ses mefnres étoient généralement fi mal prifes, qu'il perdit une partie de fa boulangerie & de fon pare de vivres par fa négligence; ce qui 1'obligea de replier fur Zullichau. Le Roi , informé de Ia confufion qni régnoit dans C»tte armée, & de la défunion qu'il y avoit parmi les généraux, y envoya M. de Wédel, qui en prit Je commandemeijt comme Oictateur, quoiqu'il ne füt pas le plus ancien par Ie grade. Le même foir que M. de Wédel arriva a Zullichau, M. de Soltikow campoit a Babimoft, d'oü il tourna fi bien la pofition des Pruffiens durant la nuit, qu'une partie des Ruffes occupoit déja le défilé de Kay  DESEPTdNS. 19 derrière les Pruffiens, précifément entre leur camp & le chemin de Croflen, fans qne perfonne s'en fut appereir, tant le fervice fe faifoit négligemment dans 1'armée dont M. de Wédel venoit de prendre le commandement. M. de Wédel s'alfura de cette jnarche par fes propres yeux; il alla reconuoitre le «amp de Babimoft, & n'y vit que la queue des colonnes & 1'anière-garde qui fuivoient le chemin de Croflen; il fit d'abord abattre fes tentes, fe mit en marche, attaqua les troupes ennemies qui s'étoient établies a Kay, efpérant de les battre avant que leur armée put les joindre; mais les chofes tournèrent autrement. Les Rufles étoient bien poftés; on ne pouvoit aller a eux que par un front de fept battaillons de largeur, refferré des deux cótés par des marais.' Les Rufles étoient comme en demilune, fur trois lignes, occupant des tertres chargés de fapins. M. de Wédel enfonca leur première ligne; lorsqu'il voulut attaquer la fcconde, fon infanterie fe trouva expofée a un fi grand feu de mitraille, partant de différemes batteries croifantes, qu'elie n'y put réfifter. On fit a trois reprifes de nouveaux eflbrts, mais en vain. Le grand mal étoit que iVI. de Wédel ne pouvoit pas oppofer aflez de canon a celui de 1'ennemi. 11, avoit perdu du monde, & voyant peu d'apparence de réuffir, 31 ne voulut pas facrifier le relie inutilement. II prit la réfolution de fe retirer; les troupes paffèrent le lendemain 1'Oder a Tzicherzig pour fe camper a Sawade. Pour le« Rufles, M. de Soltikow les 13. Jaia.  2a HIST. DE LA GUERRE Juillet. inena a Croflen. M. de Wédel perdit dans cette journée quatre a cinq mille hommes; il n'eft pas apparent que la pene des ennemis ait été confidérable, paree que le terrain étoit a leur avantage. Cet événement acheva de déranger les meCiires que Ie Roi avoit prifes jusqu'alors. Après 1'échec que M. de Wédel venoit de recevolr, ilme pouvoit plus s'oppofer fans de confidérablés renforts aux progrés de M. de Soltikow. Francfort & Kuftrin étoient en danser par la pofition qne ce dernier avoit prife a Croflen, & fi dans peu une armée pruffienne ne s'approchoit de Francfort pour défendre fOder,la ville de Berlin fe trouvoit expofée aux plus grands hazards. L'armée de Siléfie n'étoit pas aflez nombreufe pour qu'on put 1'affoiblir encore par He nouveaux détachemens. M. de Fouquet défendoit les gorges de Landshut contre M. de Ville avec io,ooa hommes ; rAutrichien en avoit 20,900. L'armée du Roi qui campoit a SchmuckfeiMen , étoit de 40,000 combattans; celle du Maréchal Daan de 70,000 hommes. Quelles que fuflent ces circonftances, le cas étoit preflant; il falloit afl'embler une armée pour couvrir la iVlarche de Brandebourg. II y avoit tout üeu de fuppofer que les coups fe porteroient de ce cóté, on bien en Siléfie. D'auire part les Autrichiens gardoient des ménagemens pour la ville de Dresde, a caufe du féjour qu'y faifoit la familie royale. II - étoit donc a préfumer qu'un homme ferme foutieudroit aflez' de temps cette place pendant 1'abfence  DE S E P T /INS. 21 de 1'armée, pour qu'elle put revenir le dégager, s'il étoit attaqué. Après avoir mürement réfléchi fur eet article, il fut réfolu que le Prince Henri viendroit a Sagan-avec i<5 bataillons & 25 efcadrons , auxquels on joindroit le détachement du Prince de Wurtemberg, formé de 15 efcadrons & de 6 bataillons; que Ie Prince prendroit le commandement de 1'armée du Rol , comme étant le feül a qui on p'üt la confier; & que le Roi fe mettroit a la tête du corps qu'on aflemblemit a Sagan, pour le menef incelfamment a la défenfe de fes états. II comptoit de s'y faire joindre par M. de Wédel. S. A. R. arriva pour fa perfonne le 28 a Schmuckfeiifen & le Roi fe rendit le 29 a Sagan. Le Sieur Laudon avoit dé-A lpngé dans cette partie les frontières de la Silé'ie, & quoique le Roi le fit obferver,les officiers pruffiens y furent trómpés de la manière fuivante M. de Haddick a 'oit fuivi le Prince Henri & s'étoit joint a Sorau avec Laudon. Celui-ci continua fon chemin,; un régiment de houfards, qui avoit toujours été affetté a fon corps, d-emeura avec Haddick, Cela fit croire aux officiers qui alloient a la découverte que le corps de Laudon s'y trouvoit en entier; fur quoi le Roi marchant a Chriftianftadt, y appiit qu'on lui avoit donné le ■ cba-nge, car Laudon venoit d'arriver le même jour 4 Guben. Cela 1'obligea de continuer fa marche, & il gagna encore lemême jour Sommerfeld. Lacayalerie pruffienne donna fur celle de.Hadnick, qui fuivoit Laudou & qui fut pouffée jusqu'a Gubeu.  32 HIST. DE LA GUERRE Acüt. M. de Laudon partit le méme jour pour gagner Francfort; le Roi fe campa a ISiimes fur les bords de la Neifle. Vers la pointe du jour on appercut deux colonnes qui venoient de Guben & qui filoient fur le chemin de Cottbus. La cavalerie paffad'abord la rivière; on engagea a la hate une affaire d'arrièregarde , ou le régiment de Wurzbourg impérial, fort de 1300 hommes, fut entièrement fait prifonnier. Les houfards pourfuivirent 1'ennemi, & lui enlèverent 600 caiffons de vivres , dont toute fefcorte fut difperfée. Dans d'autres occafions ces avantages auroient pu avoir des fuites; danscelle-ci c'étoit de la peine perdue, paree que le but de Fexpéditión étoit manqué , & qu'il n'étoit plus poflible d'empêcher la jonction des Autrichiens & des Ruffes a Francfort. Le Roi fe mit le lendemain en marche. M. de Wédel eut ordre de joindre 1'armée a Mulrofe, ce qui lui étoit facile depuis que les Ruffes avoient quitté Croffen , & qu'il n'avoit plus perfonne en tête. Les troupes du Roi prirent le chemin de Reeskow, d'oü 1'infanterie fe rendit en droiture a Mulrofe. Ce prince & fa cavalerie prirent par Neubruck, fur le canal qui communiqué de 1'Oder a la Sprée. II y trouva les ponts rompus, & fur 1'autre bord les dragons de Loewenftein, qui fe préparoient a eu difputer le palfage. Ces obftacles n'étoient pas anfli confidérables qu'ils le paroilfoient. Ce canal eft remplï de gués; Ia cavalerie pruffienne les paffa ; elle foudit ea même temps Tur les dragons autrichieu?  DE S E PT A NS. 23 poftés dans ces bois, ils furent défaits & poullés jusques aux faubourgs de Francfort. De-la le Roi rejoignit fon infanterie a Mulrofe, amenant trois cents prifonniers que 1'on avoit faits du régiment de Loewenftein. M. de Wédel y arriva le 4. M. de. Finck, qui étoit demeuré aux environs de Torgau après le départ du Prince Henri, inutile dars cette partie, & ne pouvant pas couvrir feul la Saxe avec les dtx mille hommes qu'il commandoit, recut également onire de joindre 1'armée. Le Roi raffembloit le plus de fo^ces qu'il pouvoit, paree qu'il étoit obligé de fe dépêcher, II falloit battre les Rulles le plutót qu'on pourroif en veniraux roains, pour accourir a temps a la défenfe de la Saxe, qui étant, aux places prés, vuide de troupes, laiffoit les chemins ouverts a 1'armée de 1'Empire, pour pénétrer jusqu'a Derlin fi elle le vouloit. Pour être donc plus a portee d'attaquer les Rufles, 1'armée quitta les environs de Mulrofe, & prit un camp entre Lebus & Wulkovv. Elle tira fes fub(is« tances de Ruittin, & attendit 1'arrivée de M. de Finck, qui vint le 10 dans ce camp. On fit les préparatifs nécefiaires pour paffer 1'Oder entre Lebus & Kuftrin On fe prefia d'autant plus d'exécuter ce projet, que M. de Haddick venoit d'occuper le camp de Mulrofe que les Pruffiens avoient quitté. Ce Général pouvoit de-Ia fe joindre ,a M. de Butturlin, ou il pouvoit teuter une entreprife fur Berlin, s'il ne trouvoit perfonne pour s'y oppofer. Toutes ces chofes preflbient le Roi d'a§»r  S4 HIST. DE LA GUERRE avec promptitude. L'armée paffa 1'Oder Ie 11 & vint fe mettre en bataille vis-a-vis des Ruffes; s'étendant depuis Trétin oü étoit la droite jusqu'a I Bifchoffée, oü s'appuyoit la gauche. La réferve I de M. de Finck campa devant les lignes fur des hauteurs qui déroboient aux Ruffes la connoiffance des rnouvemens que feroient les Pruffiens. Un ruiffeau bourbeux (éparoit les deux armées. M. de Soltikow s'étoit campé a Kunersdorf. Son aile droite s'appuyoit fur une petite élévation, oü les Ruffes avoient conftruit un forten guife d'étoile; deux branches de retranchemeut, qui occupoient | «n terrain élevé, partoient de-la & alloient aboutir I au cimetière des Juifs, hauteur aflez confidërable | proche de Frmcfort. La droite de ce camp, oü étoit ceue redoute en étoile, étoit dominéé par ( une hauteur que IVI. de Finck occupoit, & au | dela du ruiffeau par une ëlèvetion que lès gens du I pays nomment la Pechftange. De Ia pofition oü fe trouvoit l'armée du Roi il étoit impoflibled'attaquer 1'enncmi; il auroit fallu paffer deux chauffées étroites , couvertes d'abattis & dont les Rufles étoient maitres; il auroit fallu déployer les brigades fous le feu de leurs petites armes, & attaquer un retranchement défendu par des batteries croifées. On trouva donc plu6 convenable de remonter la ruiffeau. Après un détóur d'un demi-railleon arrivé au pont qui eft fur le chemin de Reppen; la fe trouve un autre chemin qui mène par le bois a la hauteur de la Pechftange. Ces connoiflancM  ÜESEPTANS. e$ locales fervirent de bafe aux difpofitions que 1'oïi fit pour Ia bataille qui s'engagea le lendemain. Le corps de M. de Finck fut deftiné a foutenir, fur les hauteurs oü il fe trouvoit) les batteries qu'on y drefla pendant la nuit, & qui pouvoient tirer a bout portant fur 1'étoile des B uffes. Le lendemain Ta« farmée prit le chemin de Reppen & fe forma dans le bois prés de la Pechftange fur cinq lignes, dont les trois premières étoient d'inFanterie & les deux dernières de cavalerie. Pendant ce temps-la M. de Finck faifoit jouer fes batteries de toutes fes forces, feignant de vouloir paffer les chaulfées qu'il avoit devant lui, ce qui fixa fi bien 1'attention de M de Soltikow, que l'armée du Roi gagna Ia Iifière dn bois fans qu'il s'en appercüt. On conflruifitauflitdt de grandes batteries fur deux monticules qui dominoient Ia droite des Ruffes. Cette partie de leur retranchement fut embralTée & entourée par les batteries des Pruffiens, comme le peut être un polygone dans un fiége en forrne. Alors tout étant préparé , M. de Schenkeudorf s'avanca, fous Ia proteflion de 6j bouches a feu, contre Ce fort, & femporta presque d'emblée. L'armée Ie fuivit. Les deux branches du retranchement qui aboutisfoient a ce point étant prifes en flanc, ce ne fut qu'un maffacre épouvantable de 1'iufanterie ruffè jusqu'au cimetière de Kunersdorf, que la gauche des Pruffiens eut quelque peine 4 emporter. Alors M. de Finck, que les attaques avoient deja dépalfé, déblaya fes digues, & fejoignitaux autres Qtnv, At [ojlh. de Fr. II. T. IV. B  A6 HIST. DE LA GUERRE troupes. On avoit déja pris fept redoutes, le cimetière & 180 canons; 1'ennemi étoit en grande confufion, il avoit perdu un monde prodigieux. Le Prince de Wurtemberg cependant, qui s'impatientoit de 1'inaction de la cavalerie , chargea mal i_ propos cette infanterie des Ruffes qui étoit dans des retranchemens au cimetiére des Juifs. 11 fut repouffé a la yérité, mais ce même temps les ennemis abandonaèrent une grandebatterie qu'ils avoient prés de cimetièré. L'infanterie pruffienne, qui n'en étoit qu'a hult cents pas, fit un effort pour S'en faiïir,, (qu'on voie aquoi tiennent les viftoires,) ell» n'en étoit qu'a 150, lorsque M. Laudon s'appercevant de la faute que les Ruffes faifoient d'abandonner cette batterie, y arriva avec fa réferve & prévint les Pruffiens de quelque minutes. U fit auffitót charger ce canon a mitrailles & le fit *»écuter fur eux. Ce feu les dérangea. Quoiqu'on renouvellat les attaques a diffêrentes reprifes, il fut impoflible d'emporter cette batterie, qui dominoit fur tout ce terrain. M. Laudon s'étant appercu que la contenance des affaillans étoit moinsaffurée, leur lacha des corps de cavalerie par fa droite & par fa gauche. Cela rendit la confufion générale dans ces troupes; elles s'enfuirent en défordre. Le Roi protégea leur retraite par une batterie foutenue du régiment de Leftwitz. II y recut une contufion. Le régiment des pionniers fut pris derrière In* L'infanterie avoit d'ailleurs déja repafle les difiues & étoit rentree dan* le camp qu'elle av«it  DE o E -P T d N S. r*f eu la veille; fur quoi le Roi fe retira le dernier, & il auroit été pris par les ennemis, li M. de Prittwitz ne les eüt attaqués avec 100 houfards, pour lui donlier le temps de repaffer le défilé. Le gros de la cavalerie fe retira par le même chemin qu'eile avoit pris le matin. Dans ce premier moment la confternation des troupes fut fi grande, qu'au feul bruit des Cefaques 1'infanterie qu'on avoit formée fur 1'emplacement de fon ancien camp, s'enfuit au dela de mille pas avant qu'on parvint a 1'arrêter. Les Ruffes gagnèrent a la vérité cette bataille; mais elle leur coüta cher: ils y perdirent 24,000 hommes de leur aveu; ils reprirent tous leurs canons & de plus 80 pièces des PrulTiens, & firent 3,000 prifonniers. L'armée du Roi perdit a cette journée 10,000 hommes tant motts que prifonniers & bleffés. Le Roi, qui s'étoit flatté de remporter la viétoire, avoit ordonné a M. de Wunfch de fe faifir de Francfort pendant i'action, pour couper la retraite a rennerai. Ce brave officier s'en étoit reiuiu maltre, &: y avoit fait 400 prifonniers; mais le malheur de cette journée 1'obligea d'abtn» donner la ville &c de retourner a Rcitvvein, ou l'armée fe campa après avoir repaffé 1'Oder. L'on avoit a peine raffemblé dix mille hommes le foir après 1'aétion. Si les Ruffes avoient fu profiter de leur fuccès , ^'üs avoient pourfuivi ces troupes découragées , c'en étoit fait des Pruffiens. Ils don» nèreut au Roi le temps de le remettre de fespertes; Le leudemain 1'aiaiée fe tfouva forte de 18,000 B 2  a* HIST. DE LA GUERRE combattans, & peu de jours après le nombre en montoit a 28,000 têtes. On tira du canon des places ; on fit venir le corps qui jusqu'alors avoit amufé les Suédois au bord de la Peene. Presque tous les généraux étoient bleffés, ou avoient recu des contufions; enfin il n'auroit dépendu que des ennemis de terminer la guerre; ils n'avoient qu'a donner le coupdegrace; mais ils s'arrêterent, & au lieu d'agir avec vigueur, comme le cas le demandoit, ils s'applaudirent de leur fuccès & bénirent leur fortune: enfin le Roi put refpirer, & on lui Iaiffa le loifir de pourvoir aux befoins les plus preflans de fon armée. Toutefois, pour ne pas étre injuftes dans nos décifions, nous nous croyons obligés de rapporter ce qu'alléguoit M. de Sultikow pour colorer fon inaftion. Sur ce que le Maréchal Daun le preffoit de pouffer fes opérations avec vigueur, il lui répondit: „ J'en ai affez fait, „ Monfieur, cette année; j'ai gagné deux batail„ les, qui coütent 27,000 hommes & la RufTie; „ j'attends, pour me mettre de nouveau enaaion, „ que vous ayez remporté deux viétoires a votre „ tour; il n'eft pas jufle que les troupes de ma „ fouveraine agiffent toutes feules." Les Autrichiens n'obtinrent qu'avec peine de lui qu'il paffat 1'Oder a Francfort, & ce fut a condition que M. de Haddik demeureroit dans fon pojle de Mulrofe. Ce mouvement des Rufles fit changer de pofition au Roi; il marcha d'abord a Madelitz, puis a Furftenwaldu, oü U étoit maitre du paflage de la Sprée.  DE S E P T A N S. af Cétoit un objet important pour les circonftaHees préfentes. Les troupes des cercles venoient de prendre Torgau & Wittenberg; on avoit a craindre qu'elles ne tentaffent une entreprife fur Berlin, & on en apprdhendoit amant de M. de Haddick; il fi'avoit qu'a longer la Sprde , qui lui fervoit acouvrir fa marche , tandis que M. de Soltikow auroit contenu l'armée du Roi en s'avancant, & en approchant d'elle. Les affaires des Pruffiens étoient fi défespérées, qu'on auroit été bien erabarraffé dans le cas oü 1'on fe trouvoit, pour prendre un parti fage & conforme aux régies de Tart. Cependant, comme il falloit être préparé a tout événement, le Roi réfolu a facrifier jusqu'au der» nier homme, plutót que de fouffrir que 1'ennemi s'emparat impunément de Berlin , fe propofa de tomber fur le premier qui s'en approcheroit, aimant mieux périr les arme= a la main que d'être brüld k petit feu. Ces embarras oü le Roi fe trouvoit, furent encore augmentés par 1'approche du Maréchal Daun. II étoit venu fe camper a Triebei; il avoit eu une conférence h Guben avec M. de Soltikow. Le Prince Henri ne pouvoit pas empêcher la jone-. tipn des Autrichiens & des Ruffes, encore moins arrèter les détachemens qu'jls auroient voalu envoyer contre le Roi; & lequel-de ces partis q.ue put chpifir le Maréchal Daun, il étoit également funefte. Cependant les affaires tournèrent mieux qu'on ne pouvoit 1'efpérer, paree que tout le maicomaie tout Je bien qu'on prdvoit, u'atrive poinu B 3  3$ HIST. ÜE LA GUERRE Depuis que le Roi avoit quitté Ia Siléfie, les cïofes y avoient pris une nouvelle face, M. de Ville fe perfuada que M. de Fouquet ne pourroit 1'empêcher de pénétrer en Siléfie; il ne tenta point a la vérité de forcer les gorges de Landshut, mais II prit le chemin de Friedland, oü 1'on n'avoit pas jugé a propos de lui préfenter des obftacles, par les raifons que nous allons voir. M. de Ville descendit tranquiüement dans les plaines de Schweidnitz; fur quoi M. de Fouquet établit des corps a Friedland & & Conradswalde, par oü les Autrichiens étoient obligés de tirer leurs vivres. M. de Ville manqua bientót du néceffaire; il fe vit forcé de retourner en Bohème, & attaqua le pofte de Conradswalde , oü il fut repoufl'é avec pene de 1300 hommes & de tout fon bagage ; prenant alors des chemins détournés, il fe trouva heuleux d'avoir regagné Braiinau. Le Maréchal Daun de fon cóté avoit quitté MarckiilTa & s'étoit porté fur Priebus. S. A. R. , qui ne vouloit pas le perdre de vue, marcha a Sagan, d'oü elle détacha M. de Ziethea a Sorau, pour obferver de plus prés 1'ennemi. Le Maréchal Daun, que les Ruffes preflbient d'agir, fe propofa d'eUlever ce corps, en faifant marcher deux colonnes a la droite & a la gauche des Pruffiens, couvartes par de grandi bois, & qui devoient fe joindre a un défilé entre Sorau & Sagan, pour leur couper la retraite. Mais M. de Ziethen prévint le Maréchal; il fe replia a corps fur l'armée de. S- A. R ; fan. fafce de penes.  DE S E P T A N S. 31 Le Prince Henri n'étoit pas dans une fituation a pouvoir rien entreprendre fur les Autrichiens; il convenoit ra'oins que jamais de hazarder une bataille , après en avoi? perdu deux cette année. Soa dfiffein étant toutefois d'éloigner le Maréchal Daun des Ruffes & de 1'éleétorat de Brandebourg , il jugea que le meilleur expédient pour y réufïïr, feroit de détruire les magafins que les ennemis avoient derrière eux. II exécuta ce deffein avec toute la célérite & toute 1'habileté poffibles; il quitta Sagan & marcha par Lauban a Gcerlitz. M. de Ville y étoit accouru en hate: le Prince ayant fait mine de fattaquer, ce Général autrichien, devenu timide depuis 1'affaire de Conrad«walde, fe retira a Reichenbach. C'étoit ce que le Prince défiroit, & il fit partir fur le champ un corps pour la Bohème, qui ruina a Boehmifchfriedland le magafin des ennemis. Un autre détachement fe rendit par Zittau k Gabel, fit prifonniers 600 hommes qui s'y trouvoient en garnifon , & détruifit le confidérable amasqueles Autrichiens y avoient accumulé. L'heureux fuccês de cette expédition fit rétrograder le Maréchal Daun; fi alors la ville de Dresde ne fe fut pas rendue, les impériaux fe trouvoient forcés de retourner en Bohème; mais la réduéïion de cette capital e les mettant en poffeflion des grands> magafins que les Pruffieas y avoient, leur permis de s'établir a Bautzen. Le départ de l'armée autrichienne, la difette de fourrage que les Ruffes commencoient a fentir» B 4  32 fflST. DE LA GUERRE leur fit abandonner leur pofïtion de Francfort; ils aarchérent en Luface & fe campèrent a Lieberofe. L'armée du Roi les fuivit par Beesköw; de Ia elle s'avanca fur Waldau. M. de Haddick, qui étoit en marche pour s'y rendre, fe replia a 1'approche des Pruffiens, de forte que le Roi y prit KnepofJtion avantageufe derrière des marais, d'oü il coupoit aux Ruffes les fubfiftances qui devoient leur étre livrées de Lubben & des lieux circonvoifins. Dresde étoit affiégée alors, fans cependant qu'il y eüt de tranchée ouverte. Sa Majefté jr envoya un détachement aux ordres du Général Wunfch. Cet habile officier furprit Torgau en cheaiin , & il arriva devant Dresde le jour que M. de Schmettau en fignoit la capitulation. II feroit, je penfe, fuperflu de critiquer Ia conduite d'un homqui rend une place fans qu'il y ait ni tranchée ouverte, ui brèche. M de Wunfch ne trouvant plus rien a faire de ce cóté Ja, fe replia fur Torgau; les ïroupts de 1'F.mpire étoient venues pour reprendre cette ville. Wunfch pasfe l'Elbe avec une poignée de monde,-fe gliffe dans les vignes, de-la il fond fur les troupes des cercles, les bat, leur enléve tout leur camp & les met en déroute. Sur cette nouvelle le Roi y envoya M. de Finck avec un renfort de 10 batajllons & de 20 efcadrons, & ces deux corps joints enfemble s'avancérent jusqu'i Meiffen. Ces petits contretemps firent rappeller M. de Haddick de l'armée des Ruffes; il traverfa la Luface, paffa l'Elbe a Dresde, & joint aux troa-  DE S E P T /INS. 3S pes des eercies, il marcha droic a M. de Finck, Uue partie des Autrichiens attaqua M. de Wunfch pofte a Siebeneichen prés de Meiflen; le gros de la troupe paffa la Tripfche a Munzich, & fe préfenta fur le .flanc droit de NL de Finck. Ce Général ne balanca point; il attaqua les ennemis, les battit, leur prit du canon & öoo prifonniers. M. de Wunfch ne refta pas en arrière; il repouffa éga« lement avec perte ceux qui étoient, venus 1'afiallir, & Ni. de Haddick fut obligé de s'enfuir a Dresde» Pendant que M. de Finck faifoit des progrès en Saxe, M. de Soltikow prenoit le chemin de Ia Siléfie par Sommerfeld & Chriftiansftadt. II falloit le prévenir, pour qu'il ne ruinat pas tout le plat pays, & qu'il ne mit pas le fiége devant quelque place. Par ces raifons le Roifeporta fur Sagan, oü il penfa rencontrer 4 regimens autrichiens que M. Campitelü raenoit au fecours des Ruffes. A Sagan il regagna la coramuuication avec Ie Prince Henri, auquel il fit part des avantages que M. de Finck venoit de remperter; il lui demanda quelques renforts, pour remplacer une partie des déta«» chemens qu'il avoit faits pour la Saxe & contre les Suédois, & le chargea en même temps de ga» gner l'Elbe, pour joindre M. de Finck, afin qu'il put tenter tous les moyens polïïbles de reprendrè Dresde. Le Roi de fon cóte marcha a Neulrtedtel, oü il prévint les Rufles. M. de Soltikow en vouloit a Glogau ; il fe propofoit d'occuper les hauteurs de Baune. Le Roi le prévint encore, les • ■■■ V ^ S ï »i BOM Sepa  Oftobre. 54 HIST. DE LA GUERRE colonnes de l'armée ennemie, qui virént la place occupée, s'arrêterent a Beuthen, fans cependant dreffer leurs tentes, Cela fit préfumer qu'ils avoient intention d'attaquer les Prufiïens le jour fuivart, & ils pafierent la nuit au bivouac. Les généraux des ennemis parurent des la pointe du jour, pour faire une recSnnoiffance. Le Roi avoit a peine 20,000 hommes dans fon camp; les troupes a la vérité fe trouvoient bien poftées , mais battues deux fois par les Rufles, elles en avoient la mé moiré encore récente. Les généraux ennemis n'en. trêrent pas dans ces confidérations; ils fe retirèrent a leur armée & biëntót les tentes furent dresfés» Le Prince Henri & M. de Fouquet ayant, chacun de fon c<5te, envoyé quelque renfort au Roi, ces troupes arrivérent le lendemain de cette ïéconnoiflance, & furent poftées a Linkersdorf fur lés bords de 1'Oder, oü elles fe retranchèrent. Les deux armées demeurerent allez tranquillement dans cette fituation. Cependant le corps des Auirichïens fe trouvoit campé a un deini-mille de l'armée RtuTe; on pouvoit d'autant plus facüement battre ces troupes, avant que M. Soltikow füt en état de leur donner du feeours, qu'elles n'étoient point appuyées du tout; cela fit naitre 1'envie d> ï'entreprendre. Le Roi y marcha la nuit du premier d'Octobre; il y trouva le camp vuide; il n'y prit que des traineurs, qai dépofèrent que la nuit même toute l'armée avoit paffé föder k Carolath» Öri s'approcha de ce fleuve, oü 1'ot entendit une cat9H0»de cre>vivei & 1'oa fut extrdnjemem furpris  DE S E PT A N S. 85 de voir que ce feu parcoit de 1'arrière- garde des Rulles, qui a grands coups de canons détruifoit le pont fur lequel ils avoient paffé Ie fleuve. Par ce mouvement Ia rive gauche de 1'Oder étoit mife en fureté; mais comme il falloit couvrir la droite, la Roi fit marcher l'armée a Glogau. Dix bataillons & 30 efcadrons y palfêrent 1'Oder, & fe poftèrent fur une hauteur, pour couvrir la place; le gros de» troupes fe campa proche des ouvrages. M. do Soltikow prit une pofition k Kutlau; il y eut tous les jours des efcarmouches entre les houfards &lee Cofaques, oü les Pruffiens eurent 1'avantage. Tou» tcfois comme la rapidité de la marche du Roi avoie fait manquer Ie coup que les Ruffes avoient piémédité, ils quittèrent les environs de Glogau, & prirent Ie chemin de Gurau qui mëne a Freyftadt. On canonna une de leurs 'colonnes, qui palfa prèa du retranchement Pruffien; on harcela même leur arrière-garde, tandis que le gros de l'armée du Roi décampoit & prenoit Ie chemin de Koeben. Com- # me on manquoit de pontons pour palier 1'Oder, on y fuppléa par des chevalets, & l'armée du Roi s'étant rendue ü 1'autre bord de ce fleuve, prit derrière la Bartfch, rivière a bords marécageux, une pofition par laquelle elle couvroit toute la balTe Siléfie. M. de Dierecke, qui avoit la gauche, occupoit une digue de 1'Oder, & ce moulin que M. d» Schulenbourg rendit autrefbis célèbre par la retraite qu'il fit devant Charles XII. Le gros de* troupes s'étendoit dans les bois de Sophienthal tfas. B 6  S6 HIST. DE LA GUERRE •Ja droite un détachement tenoit un pofte fur Ia Bartfclt, d'oü il étoit a portée de prévenir les ennemisj au cas qu'ils marchaflent fur Herrenftadt. Cette pofition étoit très-bonne & tres-fure,quoique fort étendue; deux digues, paffages uniques fur la Bartfch étoient occnpées par les Pruflïens & fcien retranchées. Les Rufles, outrés de ce que tous leurs defleins étoient dérangès, brulérent Ia ville de Gurau & les villages"des environs, & ayant faccagé tout ce pays, marchèrent a Herrenfladt, oü ils furent encore prévenus. Pour s'en venger, ils réduifirent Ia ville en eendres a force ë'y jeter des grenades roya'es; néanmoins, comme ils étoient extrémement refferrés dans le terrain qu'ils occupoient, & que 1'eau même leur manquoit, ils furent contrahits d'abandonner la Siléfie. te Roi fut alors atteint d'un fort accès de goutte, & comme les opérations contre les Rufles étoient finies, il fe fit tranfporrer a Glogau. Quoique 1'on fut débarralfé des Rufles pour, cette année, il re» itoit encore a craindre que M. Laudon a fon retour ne format quelque entreprife contre la Siléfie. Pour veiller a fes démarches, le Roi donna des ordres 4 M. de Fouquet en conféquence desquels il quilt* fon pofte de Landshut, & cetoya les Autrichiens depuis Trachenberg jusqu'a Ratibor, ce qui obfigea M. Laudon de paffer par Cracovie, & de-la par la principauté de Tefchenrpour regagueï Olmutz. : L'armée du Roi n'étant pas uéceiïaire ea Siléiio^  DESEPTANS. 37 prit fous les ordres de M. de Hulfen la route de la Saxe. Pour renouèr le fiï de tant de divers événemens, nous reprewlrons a préfent la fuite des opérations du Prince Henri en Luface. Nousavons laiffé S. A. R. a Gcerlitz. Le Maréchal Daun s'étoit approché de fon camp dans 1'intention de 1'attaquer, mats le Prince partit la nuit; il paffa par Pvothenbourg, & donna le lendemain fur le corps de M. Vehla, pofté a Hoyerswerda. Ce Général, qui fe eroyoit a i'abri de toute attaque, fut foudairj enveloppé par la cavalerie Pruffienne; elle enfonea fon infanterie, & le fit prifonnier avec 150» Croates, qui faifoient la principale force de fon détachement. 11 avoit recu la veille de fon malheur une lettre du Maréchal Daun, qui lui marquoit qu'il pouvoit être fans inquiétude, & affuré que le Maréchal lui tiendroit bon compte du Prince Henri. Après cette expédition S. A. R. dirigea fa marche fur Elfterwerda. Le bien des affairesauroit demandé que les Pruffiens fejoigniffentimmédiatement a Meiffen; mais le pont de l'Elbe étoic détruit, & 1'on manquoit de moyens pour Ie rétabiir ii vlte; ce qui fut caufe que le Prince paffa l'Elbe a To'rgau. Le Maréchal Daun paflbit l'Elbe en même temps a Dresde ;il s'avanca vers Meiffenj M. de Finck, trop foible pour lui réfifter, fe replia fur Torgau, oft il fe joignit a S. A. R. Les Pruffiens prirent le 4 la pofition de Strehla; les Autrichiens s'avancérent fur eux & fe campêrent «nue RielTa & Qfchatz, s'étendant par des déta* 14 Sept. Oiftobre;  3& HIST. DE LA GUERRE chemens a Dahlen, Hubertsbourg & Gritnma. Le Prince avoit placé un corps a lamontagnedeSchilda, qui fut obligé de fe replier dans les forêts de 6, Torgau. Cela lui donna des appréhenfions pour fes derrières, & il fit marcher l'armée a Torgau pour couvrir le dépót de fes fubfiftances. Le Maréchal Daun fuivit immédiarement le Prince jusqu'a Belgeni. Si celui-ci n'avoit pas a craindre pour fa pofition, qui étoit affez bonne, il avoit toutefois lieu d'être attentif a ce qui fe paffoit a fa droite; il envoya pour eet effet M. de Rébentifch & Duben, pour obferver ce que 1'ennemi pourroit entreprendre dans cette partie. Le deffein du Maréchal Daun étoit effeclivement de tourner le camp de S. A. R., 6t il détacha le Duc d'Aremberg a Domitfch avec 26 bataillons & 6 ré.gimens de cavalerie. Le Prince fit examiner ce nouveau camp des ennemis , & fur ce qu'on le jugea d'un abord difficile, il envoya M. de Wunfch avec un détachement pour renforcer M. de Rébentifch. Wunfch paffa l'Elbe a Torgau, le repaffa a Wittenberg, & joignit Rébentifch a Bitterfeld, ou il s'étoit retiré. Le Prince, importune du voifinage du Duc d'Aremberg, qui's'étoit mis fur fon fianc, partit de fon camp a la tête de 15 bataillons & d'autant d'efcadrons. U arriva a Pretfch précifétnent lorsque 1'ennemi fe mettoit en raatche pour Duben. Alors le Duc d'Aremberg fut «ttaqué en même temps par S. A. R. & par M. de Rébeathch. L'arnère- garde des iinpériaux, forte  DESEPTANS. 39 do 1500 hommes, fut prife avec le Général Geminingen, qui la commandoit. Cet échec ayant ébranlé la conftance des Autrichiens, le Maréchal Daun fe replia le 4 de Novembre derrière la Ketzerbach, oü il prit une pofition entre Zehren & Lomatfch & Ie Prince Henri s'avanca a Hernftein, oü il fiat joint par M. de Huireu. La maladie du Roi, qui favoit retenu quelque temps «■ Glogau, 1'empécha d'arriver avant le 13 dans ce camp. II avoit traverré la Lurace avec une efcorte de 8o« hommes; cependant fa foibleffe, qui étoit encore grande, ne lui permettoit pas d'agir. Le Prince avoit détaphé M. de Finck fur Nollen, par oü il tournoit la pofition de 1'ennemi. Le Maréchal Daun n'y tint point, il quttta la Ketzerbach, & fe campa auprès de Dresde, du Windberg au fond de Plauen. M. de Wédel fe porta aufïïtót en avant, il s'empara de Meiffen & maltraita beaucoup dan» fa retraite 1'arrière-garde des impériaux. L'armée du Roi campa le même jour a Schlettau, & M. de Dierecke, qui tenoit 1'autre bord de l'Elbe avec fon détachement, fe porta fur Zehaila. Les Prus» liens firent le lendemain un mouvement fur Wils> druf, & M. de Ziethen s'avancant a Kefielsdorf, pouvoit obferver 1'ennemi de plus prés. Les malheurs qu'avoit effuyés le Roi dans cett€ campagne, auroient été réparés en partie en repre' nant Dresde. On avoit cet objet d'autant plus i cceur, que Dresde affuroit les quartiers d'hiver. & douneit aux Autrichiens uue jalouüe perpétael' Novemt>ie«  4® HIST. DE LA GUERRE le pour Ia Bohème. La pofition du Maréchal Daim étant inexpugnable, tant a caufe des rochers efcarpés qui défendoient fa gauche, que par les inondations qui convroient fa droite, il ne reftoit d'expédient pour parvenir k fon feut que celui de tourner 1'ennemi par des détachemens, qui en mettant des obftacles a fes convois de vivres, & en facilitant quelques incurfions dans la Bohème, 1'obligeroient d'abandonner Dresde. M. de Finck fut détachc k Freyberg pour remplir ces vues, d'oü il s'avanca fur Dippoldisvvalda, puis fe poila a MaXen ; il poulfa même M. de Wunfch jusqu'au défilé de Dohna. Une cologne des troupe.s de 1'Empire, qui ignoroit apparemment que les Pruffiens fuffent dans cette contrée, s'avanca imprudemment, fe fit battre & perdit 400 hommes. M. de Kleift entra en même temps avec fes houfards en Bohème ; il fit des ravages vers Tceplitz, Dux & Ausfig, d'oü il ramena quantité de prifonniers. Le Maréchal Daun enduroit impatiemmentces infultes, & furtout la pofition que M. de Finck avoit prife. II détacha M. Brentano a Dippoldisvvalda; c'étoit le fignal auquel M. de Finck devoit fe retirer. Ses ordres portoient d'attaquer tous les corps foibles qu'il trouveroit, mais de fe replier a l'appjoche de ceux qui lui feroient fupérieurs. I! fe fia mal a' propos a fon pofte, qui auroit été paffable, s'il avoit eu aflez de monde pour 1'occuper; mais fa fécurité le perdit, car il n'avoit garni que quelques moutagnes de fou infanterie, & ü confia une  D E S E PT A N S. 41 des principales aux houfards de Gersdorf, comme fi Ia cavalerie étoit faite pour défendre des poftes. Le Maréchal Daun, qui fe trouvoit en fureté fur fon efcarpement du Windberg & derrière fon inondation de la Friederichfladt, détacha 40, 000 hommes pour attaquer le corps des Pruffiens qui étoit fi mal pofté a Maxen. Le Roi ne fut point informé de ce mouvement; mais ayant appris que le corps de Brentano avoit marché a Dippoldiswalda, il envoya M. de Hulfen avec 8,000hommes, pour en déloger 1'ennemi, & pour alfurer la communication de l'armée avec le corps de Maxen. A peine M. de Hulfen fut-il a Dippoldiswalda qu'il ap. prit la cataftrophe qui venoit d'arriver. M. de Finck avoit été attaqué le matin par les Autrichiens; quelques coups de canon délogèrent M. de Gersdorf du pofte qu'il devoit défendre; Fin* fanterie de 1'ennemi s'en faifit. Elle y établit du canon; de la elle travailla fur Ie flanc de M. de Finck, pendant que Ie gros le l'armée attaquoit fon front. Quelques régimens de 1'infanterie pruffienne firent mal leur devoir ; 1'ennemi emporta une hauteur qu'ils occupoient: la cavalerie pruffienne fit mal a propos quelques charges mal dirigées; elle fut repouflee a p'ufieurs reprifes. Les Autrichiens mirent le feu au village de Maxen , qui féparoit la ligne de M. de Finck. Cela mit du défordre dans les troupes; la confufion gagna le refte du corps; ils abandonnèrent le champ de bataille avec précipitation. Dans la terreur oü ils étoient ils cour«nt a Dohna, oü M. de Wunfch  42 HIST. DE LA GUERRE venoit de repouffer l'armée de 1'Empire, quelque* efforts qu'elle eüt faits pour 1'enfoncer. Si les généraux pruffiens euflent coufervé 1'ombre de jugement après le défaftre qui venoit de leur arriver, ils fe feroient encore tirés avec honneur du mauvais pas oü ils fe trouvoient; ils n'avoient qu'a prendre le chemin de Clashutte , qui mène par Frauenberg è Freyberg; fi ce chemin, qui leur étoit ccnnu, leur paroiffoit trop proche de 1'ennemi , ils n'avoient qu'a- paffer par Gieshubel en Bohème , d'oü ils pouvoient regagner la Saxe, foit par Einfiedel, foit par Afch, foit par le Basberg. IVlais leur défaite les avoit accablés au point, qu'« excepté M. de Wunfch tous les autres avoient perdu la tramontane. Le Maréchal Daun les entoura le lendemain. M. de Wunfch voulut percer avec la cavalerie; M. de Finck & fes collégues, plus attachés a leur bagage qu'a leur réputation, lui interdirent toute hoftilité. Ces généraux eureat Ia foibleffe de capituler avec 1'ennemi, & de mettre les armes bas. Le corps qui fe rendit fi honteufement, étoit fort de 16 bataillons & de 35 efcadrons. Sur la nouvelle humiliante de cette funeste affaire, M. de Hulfen fe retira de Dippoldiswolda a Freyberg, oü il fut joint par les houfards de Kleift qui revenoient de leur expédition de Bohème. Le Maréchal Daun, fier de fes fuccès, s'avanca quelques jours après a la tête defonavantgarde jusqu'aux potles avancés de l'armée du Roi. ïl voulut éprouver la" conrenance des Pruffiens; il  DE SE P T A N S. 43 vit l'armée en bataille, biett poftée, & bien dispofée a le recevoir, s'ü avoit voulu en venir aux mains avec elle. Cette reconnoifi'ance donna lieu a une canonade aflez vive, afrès laquelle les Autrichiens retournèrent dans leur camp. Le Roi fe rendit quelque temps après a Freyberg, oü il mena un renfort a M. de Hulfen, & il y prit des arrangemens pour la fureté des troupes. U y trouva une bonne pofition pour le corps qui devoityrester. La Mulde, qui coule entre des rochers efcappés, en couvre le front. II n'y a que trois paffages fur cette rivière; ce font des ponts de pierre, derrière lesquels on établit de gros poftes d'infanterie, & pour multiplier les difficultés on chargea ces ponts de fagots, en y laiffaiu un paflage oü un homme a cheval pouvoit paffer pour aller a Ia découverte; ces fagots étoient mêlés de matières combuftibles, qu'on devoit enflammer auflïiftt que 1'ennemi paroltroit, de forte qu'il étoit impoflible de paffer. Les Autrichiens, enflés de leurs avantages, commen?oient a fe croire iuvincibles. M. de Maquiére, qui commandoit a Dippoldiswalda, vint avec 16,000 hommes, bagage & tout ce qui fuit une troupe qui en temps de paix change de garnifon, pour s'établir a. Freyberg; il crut que les Pruffiens n'attendroient pas fa préfence, mais qu'ils fe retireroient d'abord. Sa fuppofition étoit fondée fur quelques mouvemens que M. de Beek avoit eommiffion de faire du cóté de Torgau; mais Ie Roi y avoit pourvu; il avoit déja envoyé dos trou« Dicerabre.  44 'UIST, DE LA GUERRE pes pour la défenfe de Ia ville. D'ailleurs cetie démonftration ne pouvoit guères caufer d'i»quié. tudes, paree que M. de Beek paroiflbit a la rive droite de l'Elbe, que Torgau eft fitué a la gauche, & par conféquent ne fauroit étre pris qu'en 1'affiégeant de ce cóté-la. RT. de Maquiére en fut pour fa marche; il trouva les Prufïïens en bataille, qui bordoient la Mulde; il effuya quelques volées de canon, & retourna a Dippoldiswalda, oü il établit fon quartier. Quelque rude que füt Ia faifon, les deux arméés continuoient a camper; on s'étoit baraqué,. on s'étoit accomraodé le mieux qu'on avoit pu, pour réfifter aux injures du temps; tant finflexibilité & l'opiniitreté, pour ne pas céder un pouce de terrain, étoient grandes des deux cótes. Les Pruffiens avoient un pofte a Zehaila, comme nous 1'avons dit. Ce detachement avoit été jusqu'alors en fureté parun pont de communication qu'il avoit fur PElbe; une gelée fubite qui furvint, obligea de Ie lever &* Ia rivière charioit des glacés fans étre encore prife. M. de Beek faifit ce moment pour attaqtier les Pruffiens avec un co-ps nombreux. M. de Dierecke fit repaffer a Meifien fa cavalerie & la moitié de fon infanterie; il n'eut pas le temps de fauver le refte. M. de Beek tomba fur lui avec toutes fes forces, & après un combat fanglant ce brave Général & trois bataillons furent faits pri-. founiers par les Autrichiens. Ce fut-la la derniére raforttme que les Pruffiens effiiyèrent cette-aruiés»  DÉSEPTANS. 45 Tam de comretemps & de revers n'empéchèrent pas le Roi de faire de nouveaux pro;ets pour expulfer les Autrichiens de la Saxe. 11 demanda au Prince Ferdinand de Bronfwic quelques fecours, & le Prince héréditaire arriva fur la fin de Décetnbre a Freyberg avec un corps de 12,000 hommes. Le Roi laiffa ces troupes derrière la Mulde pour défendre fes derrières, & raarcha droit a Dippoldiswalda avec les Pruffiens. II délogea tous les détachemens de 1'ennemi des bords de la Wilde Weiftritz, de Pretfchendorf & de Frauenberg, oü il fit cantonner fes troupes. Sur ce mouvement le Maréchal Daun envoya des fecours a Dippoldiswalda , oü M. de Maquiére fit des retranchemens & des batteries. Si 1'on veut attaquer ce pofte de front, on ne peut y arriver que par un chemin étroit, creufé dans le roe, & qu'enfiloient deux batteries de rennemi. Cela eft impraticable; aufll n'y penfa-t-on point. Reftent deux chemins pour tourner ce pofte; 1'un va par Ramnau k Polfendorf, c'eft fans contredit celui dont on fe feroit fervi, fi 1'ennemi n'avoit eu la précautibn de placet 8 ba;aillons au défilé qu'il falloit franchir pout gagner ia hauteur. Le dernier chemin eft celui qui mène par Glashutte. C'eft un défilé d'un mille de longueur, qui paffe par les-gorges des montagnes, & qui aboutit aux pieds d'un rocher oü M d« Maquiére avoit placé fa gauche. Ce chemin étoit comblé par la neige qui en fe détachant des cimes i'y étoit accumulée. Le canon ne .pouvoit y pas! Janvier. 1760.  4-6 HIST. DE LA GUERRE fer; a peine 1'infanterie même 1'auroit-elle franchi, quand il n'y auroit point eu d'ennemi pour le défendre. Après avoir bien examiné le terrain & difcuté la chofe, on fe convainquit de 1'imporTibilité de tenter de nouvelles entreprifes contre les Autrichiens dans une faifon aulïï facheufe. On enleva donc tous les fourrages des environs, on confuma tous les vivres, pour que 1'ennemi ne ii. püt y'tenir de gros corps pendant 1'hiver; après cela le Roi fe rendit a Freyberg. L'armée de Wilsdruf entra dans des cantonnemens reflerrés dans les villages les plus voifins de fon camp; cependant les tentes demeurèrent tendues, & 6 bataillons, qu'on relevoit, y faifoient journellement la garde. Les Autrichiens agiffoient de même dam leur camp de Plauen, & c'eft peut-être le-premief exemple parmi les modernes , que deux armées auffi proches Tune de 1'ature ayent tenu Ia campagne durant un hiver aufïï rigoureus. Sur la fin de Janvier le Prince héréditaire ne trouvant plas de lauriers a raoiffonner en Saxe, retouma en Weftphalie rejoindre l'armée des alliés. Après avoir expofé les événemens principaux de cette funefte campagne , il nous 'refte k dire deux mots de ce que les Suédois entreprirent en Poinéranie, & dans la Marclie Uckerane. Tant qu'ou avoit eu des troupes a leur oppofer, on les * avoit facilement contenus. Leurs arrangemens étoient fi imparfaits, qu'ils n'avoient ni boulaugerie, ni caiflbns pour Ie pain & Ia farine, & qu'ils  DE S E P T A N S. 4? ne fubfiftoient que par les livraifons qu'ils tiroient des contrées oü ils fe trouvoient les plus forts. De cette négligence pour les mefures les plus indispenfables de la guerre réfultoient les plus grands inconvéniens pour les opérations de ces troupes;de forte que les généraux pruffiens qu'on oppofoit aux Suédois, ne travailloient qu'a déranger leurs livraifons; ce qui obligeoit ces ennemis, qui ne vivoient qu'au jour la journée, a rétrograder inceffamment lorsque les fubfillances leurmanquoient, & a fe rapprocher de leurs frontières. Au commencement de cette année, immédiatement après le départ du Comte Dohna, M. de Manteufel fut chargé du commandement contre les Suédois, & quoiqu'il n'eüt que peu de troupes fous fes ordres, il fe foutint jusqu'au mois de Septembre, oü les malheurs de la journée de Kunersdorf obligêrent le Roi a le rappeHer,pour qu'il joignit fon armée. L'époque du départ de ce détachement fut celle des progrès des Suédois. Ils occupèrent *'abord Anclam, Demmin & Uckermunde. Le Comte Ferfen , qui les commandoit cette année , s'embarquant a Stralfund a la tête de 3,oco hommes, paffa dans L'ile d'Ufedom. II attaqua Ia ville de Swinemunde, défendue par des miliciens. La garnifon fe retira dans 1'lle de Wollin, mais ia ville fut prife ; la Swinemunder-Schanze fe rendit peu après aux Suédois. Une poignée de houfards provinciaux qui fe trouvèrent a Stettin, furent envoyés par le Pttticê de Bévern a Pafewalk , oü les Suédois  48 HIST. bE LA GUERRE avoient un pofte. L'officier qui les concluifoit, npmmé Stulpnagel , les furprit, & en in deux cents prifonniers; les Pruffiens qui les avpient pris, n'étoient pas auffi forts. M. de Ferfen paffa tout -de fuite dans file de Wollin, & prit avec 600 miliciens qui la défendoient la ville qui porte ce nom. Les Suédois reprirent de nouveau poffeffion de Prenzlow; mais comme en ce temps-lale Roi étoit entré en Luface, il détacha M. de Manteufel avec des convalescens de la bataille de Kunersdorf fortis des hópitaux de Stettin; il y ajouta les volontaires de Hordt, les dragons de Meinicke & les houfards de Belling. Ce corps formidable changea d'abord la face des affaires dans cette contrée. M. de Manteufel détacha auffitót quelques centaines d'hommes a dos de 1'ennemi, qui prirent la garnifon & la cailfe militaire que les Suédois avoient a Demmin. L'armée fuédoife fe retira tout de fuite; elle repaffa la Peene a Anclam, & établit fes quartiers dans la Poméranie fuédoife, oü M. de Manteufel lui donna différentes alarmes par leï houfards de Belling, qui jouèrent le grand róle fur ce petit théatre. Les'Suédois, fatigués des fréquentes alertes des Pruffiens, tentérent de furprendre.Ia ville d'Anclam,ils attaquèrent de nuit le faubourg; un bataillon franc, qui devoit Ie défendre, fut mis en défordre. M. de Manteufel, qui étoit dans la ville, accourut; 1'obfcurité étoit fi grande, que voulant aller au bataillon franc, il donna dat» une troupe de Suédois, qui le firent  DESEPTANS. 49 prifonnier; mais !a garnifon pruflienne, non contente de repouffer les Suédois, fit fur eux 150 prifonniers. Cet fut-la le dernier événement de cette année*en Poméranie. Ainfi aprés une campagne aufli fatale aux armes du Roi, ce prince fe trouvoit encore en poffeffioa de tout le terrain qu'il avoit occupé 1'hiver précédent , a 1'exception de Dresde & du fort de Peenamunde. M. de Fouquet, qui avoit efcorté M.Laudon en Moravie, étoit rétournéa Landshut. L'armée pruflienne de Saxe s'óteniloit dépuisWilsdmf jusqu'a Zwickau. Un corps de cavalerie fe tenoit a Colsdorf, pour couvrir Torgau & 1'électorat de Brandebourg, & après une fi longue fuite de revers les chofes étoient encore dans un étac plus fupportable qu'on ne devoit s'y attendre. Le régiment des carabiniers a Zeitz perdit a Ia vérité 150 hommes par une furprife; mais 1'hiver donna le temps de réparer cette perte; & dans cette pofition que nous venons de déerire, les armées attendirent de part & d'autre 1'approche du prin. temps, pour remettre a. la fortune la décifion de leurs intéréts. C II A P I T R E XL De fhiver. de 1759 d 1760. Il arriva cette année un événement qui auroit dV Oeiiv. ffih. de Fr. II T. Ur. C  5o firsT. DE LA GUERRE produire de grands changemeus en Europe, & qui n'en produific poinc. Le Roi d'Efpagne ïnourut fans laiffer de lignée. San royaume retomboit de droic a fon frère Don Carlos, Roi de Naples: jusques-la il n'y avoit, ni difpute, ni contrariété; mais il y en pouvoit avoir pour la fucceflion du royaume de Naples. Les Francois, les Autrichiens , les Anglois avoient fiipulé par la paix d'Aix-la-Chapelle, fans que les Rois d'Efpagne & de Naples euffent été confultés, qu'après que Don Carlos auroit fuccédé a fon frère au tróne d'Efpagne, le cadet des frêres Don Philippe, Duc de Parme, deviendroit Roi des deux Siciles. Le Roi de Naples n'eut aucun égard a ce traité, contre lequel il avoit protefté fonnellement; il régla fa fucceffion comme il le jugea convenable; fon fils alné, qui étoit en démence, fut déclaré inhabile au gouvernement; le puioé fut déclaré Prince des Afturies, & le troifième Roi des deux Siciles. Par cet arrangement Don. Philippe demeura Duc de Parme, & 1'Impératrice Reine n'eut point ce düché. Cent guerres fe feut faites en Europe pour un moindre fujet que celui - la. Si cet événement n'en occafionna point alors, il ne faut pas 1'attribuer a la modération de 1'lmpératrice Reine, car cette vertu n'eft pas ordinairement celle des fouverains; mais aux conjonctures du temps, c'eft-adire a la guerre déja allumée, a une haine violente, au défir plus ardent de-reprendre la Siléfie, province bien autrement importante que les duchts  DE&EPTANS. sr de Parme & de Plaifance. Ainiï 1'Iropératrice Reine, & le Roi de Sardaigne, qui perdoi: de même quelques avantages, diflimulèrent leur mécontentement: la France négocia le mariage de 1'Archiduc Jofeph avec la fille du Duc de Parme; on convinc de laiffer les alFaires d'italie en, fufpens j'usqu'après la paix d'Allemagne, & la France c^.mme médiatrice promit de contenter alors tout le monde fur fes prétentions. Le Roi étoit attentif aux rdvolutions de 1'Italie; rien ne pouvoit lui devenir plus avantageux qu'une diverfion en Lombardie, foit contre le Roi de France, foit contre Ia Reine de Hongrie. Pour favoir a quoi il pouvoit s'attendre, il envoya M. de Cocceji, fon Aide de camp, a la cour de Turin, pour Vonder le Roi de Sardaigne. Ce prince 4gé, donnoit dans la fuperftition, avoit perdu cet inftinét belliqneux par lequél il avoit brilé dans fa ieuneiï'o, & n'avoit lui même ni le délir, ni la volonté de rentrer en aftion. Cependant il étoit encore plus retenu par la pofition oü il fe trouvoit, que par 1'age & par la dévotion. Le Roi de Sardaigne fe trouvoit fans alliés, furtout depuis 1'union qui fubfiftoit entre la France & 1'Autriche, & en faifant Ia guerre il auroit eu contre lui Autrichiens, Francois , Efpagno's, Napolitains & Parmefans; c'eft ce qu'il craignoit. Le défaut d'harmonie entre ces princes, & le peu d'apparence de les unir, firent perdre toutes les efpérauces dont «n auroit voulu fe flatter de ce cóté-la. Cette C 2  5* H1ST. DE LA GUERRE. tentative inutile rferopêcha pas d'en faire bien d'actres. La guerre devenoit de jour en jour plus dif. ficile a foutenir, & les hazards devenoient plus grands. Quelle que fik la fortune des Pruffiens, il étoit impoffible qu'étant obligés de s'y abandonner fi föüvent, elle ne les trahit quelquefois. On ne pouvoit s'attendre a rien du cóté de 1'Italie. Jusqu'alors la Porte ottoraane ne paroiiToit pas difpofée a rornpre avec la raaifon d'Autriche. II ne reftoit donc de reffource que dans les moyens qu'on pourroit trouver de divifer ou de féparer les puiffances qui formoient la grande alliance. Cela donna lieu aux négociations qu'on entama tant en France qu'en Ruffie , pour effayer laquelie des deux on pourroit détacher de la courde Vienne. Le Roi convint avec le Roi de la Grande Bretagne de faire déclarer a toutes les puiffances le défir qa'ils avoient de trouver des voies de conciliation, pour rétablir la paix ■ générale. Le Prince Louis de Bronfwic fut chargé de faire cette ouverture ft la Haye aux miniftres des puiffances belligérantes, en même temps que 1'Angleterre donnoit & la France des affurances de 1'envie qu'elle avoit d'entamer des négociations qui puffent mener a ce but falutaire. 11 y avoit apparence que la France fe trouveroit. dans des dif'pofitions favorables a la paix, paree qu'elle devoit être découragée par toutes les pertes confidérables qu'elle venoit de faire. Les Anglois lui avoient enlevé cette année Ia Guadeloupe, Québec & Niagara dans le Cana.  DESEPTANS. 5* da; 1'efcadre de M. de la Clue avoit été défaite a la hauteur de Lagos, & la flotte de M. de Conflans battue par 1'Amiral Hawke, qui brüla nombre de vaiffeaux frangois échoués dans la Vilaine; 1'efcadre de M. le Fort remporta une vidtoire compléte, fur eux prés de Mafulipatan; ils perdirent le fort de St. David & furent encore battus dans la Mogol, oü les Anglois fe rendirent maltres de leurs grands établilfemeus aux environs de Pondicherï. w Tant de revers devoient donc dégoüter la France d'une guerre oü elle faifoit des pertes, & oü elle ne pouvoit efpérer aucun avantage. Les deux nations étoient cependant bien éloignées de convenir des principes qui ferviroient de bafe a la paix. Le Roi fentoit combien il étoit néceffaire de les rapprocher; car fi on avoit pu les mettre d'accord, la France par fa paix feparée fe feroit détachée de 1'Autriche. On travailla fur ce plan avec d'amant plus de chaleur, que les ennemis venoient de déclarar, après bien des longueurs, qu'ils acceptoient les propofitions qu'on leur avoit faites pour le rétabliffement de la païx, pourvu que fon convint d'alTémbler un congrès a Augsbourg, oü toutes les puiffances puffent convenir de leurs intéréts refpeftifs. C'étoit propofer la voic la plus lente de toutes calles que les ennemis de la Pruffepouvoient imaginer pour trainer en longueur Ia conciufion de la paix felon que leurs intéréts 1'exigeroieut, paree que le conftit de ces intéréts eujtre un C 3  Ki. IIIST. I>E LA GUERRE fi grand nombre de prïnces demandoit de grandes difcuflïons, & qu'on ne pouvoit manquer de prétextes pour faire durer cette négociation aufli longtemps qu'on voudroit. Nous en avons un exem-. ple évident dans le congrès de Munfter, qui confuma huit années avant que d'en venir a la conclufion de la paix de Weftphalie. Cela ne convenoit point au Roi; il devoit défirer la prompte fin de ces troubles, ayant trop d'ennemis a combattre, par la même raifon que la cour de Vienne défiroit de les prolonger, paree qu'elle avoit beaucoup d'alliés, dont rafliftance lui promettoit des conquêtes. La fituation des affaires étant donc telle que nous venons de le rapporter, le Roi envoya un émiflaire en France, pour fonder les difpofitions de la cour de Verfailles, & lui en faire rapport, ainfi qu'au Roi H'Angleterre. II fit choix pour cette commifïïon d'un jeune d'Edelsheiin, dont le père avoit des terres aux environs de Fraucfort fur le Mein, qui ne tenoit a rien, qui lui avoit été recommandé par la cour de Gotha, & qui par coni'équeat pouvoit s'acquitter mieux' de cet emploi qu'un autre, paree qu'il n'étoit point connu, & ne pouvoit donner aucune efpcce de foupcon en fe produifant a Verfailles. Ce jeune bomme partit fans prendre de caraftcre; il fut adreflé au Bail3a de Froulay, Ambaffadeur de 1'ordre de Malthe en France. M. d'Edelsheim fut aflez bien accueilli a Paris; cn lui marqua en termes vagues que fa négociation dépendroit de la fscon plus ou moins  BE S E P T A N S. 55 prompte dont la France pourroit convenir de fes différends avec 1'Angleterre; mais qu'ayant appris que le Roi de Pruffe fe propofoit d'indenmifer le Roi de Pologne aux dépens des princes eccléfiastiques d'Allemagne, qu'il prétendoit fécularifer, on lui déclaroit que le Roi trés- Chrétien n'y don•neroit jamais fon confentemcnt. BI. d'Edetshelm vint rapporter cette répQnfe J.u Roi, qui étoit slurs a Freyberg; il en par it pour aller a Londrcs Ia communiquer aux miniftrei de la Grande Brengne. Préciféinent lorsque cet émllTiire y aniwa, il y parut un autre phénomèr.e politUj-.ie, uu ltominc qu'on n'a jamais pu déchülivr. il IV produifh IbW le nom de Comte de St. Germain. 11 3Voit été an fervice de France, éc même ö avant dans la faveur de Louis XV, que ce prince avoit voula lui don. ner le chateau de Chambord. Cet homme joua le róle de miniftre, il fe mêla de négocier fans raisfion, il tint en même temps des propos injurieux fur Madame de Pompadour & fur le Duc de Choifeul. Les Anglois le traitèrent en aventurier & le renvoyérenr. Soit que le miniftère anglois fe méfiat du Sr. St Germain, foit que fes conquêtes enflaflent fes efpérances, foit enfin qu'il ne füt pas content de la déclaration du miniftère de Verfailles touchant le congres, il chargea le Miniftre de la Grande Bretagne a la Flaye, M. Yorck, de di. re & M. d'Afri, Miniftre de France, que le Roi de la Grande Bretagne étoit prêt a faire la paix, qu'il donnoit les mains a 1'aQémblée d'un congrés C 4  50" HIST. DE LA GUERRE particulier, pourvu que la France acceptat pour article fondamental des préliminaires 1'entière con» fervation de Sa Majefté pruflienne. La France répondit qu'elle ne demandoit pas mieux que de trailer de fes différends avec 1'Angleterre, mais que «'ayant point été en guerre avec la Prufle, elle ne pouvoit pas en confondre les intéréts avec ceux de .Sa Majefté britannique. Cette réponfe fit encore perdre le peu d'efpérance que fon avoit fondée fur cette négociation. M. d'Edelsheim, qui avoit laifle quelques malles a Paris, retourna de Londres par la Hollande en France. II ne fe déguifa point; bien loin de fe cacher il alla chez le Bailli deFroulay d'abord après qu'il fut arrivé a Paris. Cet Ambafladeur, préoccupé de la fincérité des intentions ón Roi de France pour le rétabliflement de la paix, engigea M. d'Edelsheim a dilFérer fon 'départ de quelques jours, pour donner & fa négociation interrompue Ie temps de fe renouer. Quelle fut le lendemain la furprife de M. d'Edelsheim, de fe voir arrêté par une lettre de cachet & conduit a la Baüille! Le Duc de Choifeul s'y rendit le même jour; il aflura le prifonnier qu'il n'avoit trouvé que cet expédient pour s'entretenir ü fon aife avec lui, fans donner de 1'ombrage au miniftre d'Autriche, qui obfervoit tous fes pas; il ajouta que ce lieu étant propre pour une négociation fecréte, il 1'y retiendroit volontiers pour conférer plus fouvent avec lui, & qu'il lui fourniroit les moyens de faire parvenir au Roi fes dépêches avec furesé &  DE S E PT A N S. 57' promptitude. IJ fe répandit enfuite en plaintes contre les Autrichiens,qui éclairoient de prés toutes fes dénarches; car, ajonta-t-il, voila M. de Stahrernberg au fait de toutes les perfonnes qui ont été employées dans cette négociation par le Roi de Pruffe, il vient de recevoir uu courrier de Vien»e, par lequel on finftruit de tout ce qui fe paffe ici. Cettefcéne indécenten'avoitpourbutquedefe faifir des papiers de M. d'Edelsheim, oü M. de Choifeul efpéroit de trouver des itiftruftions du Roi qui lui donneroient des éclairciffemens fur fes deffeius. II n'y. trouva qu'une lettre de. créance dont 1'émiffaire n'avoit pas eu occafion de faire ufage. Honteux de cette découverte ftérile, ce Msniltre en fut pour fes raauvais procédés; il fit relacher M. d'Edelsheim le lendemain, avec ordre de prendre la route de.Turin pour fortir du royaur me. Peut - étre trouvera-1 - on que nous avons détaillé ce fait trop amplement. Sa fingularité nousy a portés en partie, mais furtout la manière dont il caractérife la facon de penfer que la cour de Verfailles avoit alors; quand on obfsrve.avec quelle précaution elle évitoit .de donner des foupcons a la eour de Vienne, on fe perfuaderafacilementderefpèce d'affiijettiffement oü la tenoient les Autrichiens. Les tentatives que le Roi fk i Pétersbourg n'eur rent pas un raeilleur- fuccès. On y employa un' gentiihomme du Holflein ,. qui n'eut p'as inéme oc- ■ cafion d'expliquer de quoi il étoit chargé.. IL fur tependaut plus dcmcement renvoyé par les Rulles; G t  55 BIST. DE LA GUERRE que M. d'E''elsheim ne 1'avoit été par les Franco». L'efprit de 1'Impératrice Elifabeth étoit trop prévenu & trop aigri contre le Roi, poua»qu'on put la défabufer facilement fur fon fujet. Elle étoit gouvernée par fon favori, que gouvernoit la cour de Vienne. Tous fes entours étoient a la dévotion de Ia France & de 1'Autriche. Cette Princesfe, flattée d'ailleurs par 1'acquifitïon du royaume de Pruffe, qu'elle envifageoit comme annexé a la Ruflie, auroit cru perdre tous fes avantages, fi elle étoit enfrée dans la moindre négociation avec Ie Roi ; aufïï trouva-t-on fermés tous les canaux par lesquels on auroit voulu lui faire parvenir des infinuations. Pendant qu'on frappoit ainfi a toutes les portes-, le Danemarck témoigna quelque difpofition a fecander le Roi. Le Roi de Danemarck craignoit f accroiflement de puilfance des Rufles, & encore plus leur voifinage. On favoit qu'ils fe préparoient h faire cette année le fiége de Colberg, & cette ville prife, ils dominoient fur toute la Baltique. Si les defleins préfens de la Ruflie étoient eppofésaux intéréts du Danemarck,lesfuites pour 1'avenir ofiroient un danger plus grand encore, a eaufe des prétentions du Grand Duc de Ruflie fur ie Schleswic,que ce prince devenu empereur pouvoit faire valoir, a. quoi ce voifinage lui donnoit kt plus grande facilité;au lieu que Iorsqu'une puiffance comme la Pruffe fe. trouve étaWie ,entre la Ruflie & le Danemarck, le projet d'uae guerre  B R S E P T A N S. s» dans Ie Holftein devient presque impoflïble dans 1'exécution pour un empereur rufle, quelque puiffant qu'il foit. Ces eonfidérations folides portèrent le miniftère de Coppenhague a faire quelques ouvertures a 1'envoyé du Roi & cette cour. II commenca par offrir des fecours pour la défenfe de la Poméranie; il s'en repentit bientót par timidité & par incertitude; enfuite effrayé du pas qu'il avoie fait, il ne penfa qu'a, s'en retirer, & pour rompre cette négociation, fans que le Roi de Pruffe püt y trouver & redire, il mit fes fecours a un fi haut prix, qu'il étoit moralement fur qu'on ne les accepteroit pas. Tant de différens effais de négociations, dont aucun n'avoit réulli, convainquirent le Roi de plus en plus que dans les conjonctures préfentes il ne falloit s'attendre a rien de la part des cours de 1'Europe. Les pafüons étoient encore trop impétüeufes, & les agitations qu'elles caufoient dans les efprits étoient encore trop violentes, pour qu'il fut poflible de les calmér. II ne reftoit donc au Roi que deux alliés, la valenr & la perfévéranee, par le fecours desquels il püt fortir honorableraent dè cette funefte guerre.. Toutes ces intrigues du cabinet ne regardoienr pas les- r.rmées; auffi n'empêchérent-elles pas les ennemis- de former dilférentea entreprifes durant 1'hiver.. Les Rulfes, dont une partie avoi: Neiffe; 1'ayant attaqué avec toute fa cavalerie, le bataillon fe défendit courageufement, ne perdit rien, lui tuabeaucoup de monde» & eutxacomma ioi trio-mphe dans la forterette de NeiUfe. AvrX  €4 HIST. SR LA CUERKE Mat. Juin, En Pomérante M. de Forcade, détacfré contre les Rufles, avoitpouffé trois corps en avant poor les obferver, M. de Platen a Schievelhein, M. dé Grabow a Goeslin, & M. de Gablenz a Greifenberg. S. A. R., qui avoit le coinmandement général de tous ces corps, fe tenoit alors it Sagan', oü elle avoit raflemblé Mrs. deGoltz& deSchinettau avec leurs détachemerrs. Elle trouva convenable alors de prend-rc une pofition qui la mit plus a portée de s'oppofer aux defleins des Rufles. Marchant a Francfort, elle donna des ordres a M. de Forcade pour venir a Landsberg, qui étoit le rendez-vous général de cette armée. Pendant que ces troupesfe réaniflbient,M.Laudon traverfa le coaté de Glatz & pénétra en Siléfie avec deux corps, dont Fun paffa par Silbesberg & fe rendit a- Reichenbach, oü 1'autre, qui venoit par le chemin de Patfehkau, le joignit. M. de Fouquet, averti de ce mouvement, crut que Fennemi en vouloit a Breslau; il quitta fur cela fesgorges de Landshut & fe porta fur Canth. Les Autrichiens profitèrent auliitót de fon abfenee,pour occuperavec des détachemensles poftes de Grifiaa & de Landshut. Pour M. Laudoa , il rentrsavec fon armée dansle comté de Glatz, & mit le blocus devant cette place. M. de Fouquet, qui fie~ vit abufè par ce revirement fubit des troupes a«trichiennes, retournant a Landshut, n'eut pas de peine a déloger- les ennemis. Sonintention étok: de eonferver'ces débouebs, de la Bohème, & d'aï-  DESEPTANS. 6$ tenor» qu'il Fut renforcé, pour pouvoir entrer par Braunau dans le comté de Glatz, & contraindre 1'ennemi d'abandonner le fiége de la capitale; il placa fon camp fur les montagnes; fa droite occupoit celle de Blafsdorf, fa gauche le Doétorberg. Ce terrain demandoit pour étre bien garni trois fois plus de troupes qu'il n'en avoit; M. de Fouquet pouvoit le remplir moins que jamais, après avoir détaché M. de Ziethen avec 4 bataillons pour lui affurer au Zeiffenberg fa communication avec Schweidnitz. Dês que M. Laudon fut informé- de la pofition des Pruffiens prés de Landshut, il laiffa 12,000 hommes a Glatz pour en continuer le blocus, & avec le gros de fes troupes il paffa par Johannesberg & Wuftengiersdorf, & vint fe camper a Schwarzwalde, dont il délagea les houfards de Malachowsky, qui y tenoient un pofte d'avartiffement. L'occafion étoit belle pour fe faire a. peu defrais une grande réputation; Laudon n'avoic devant lui que 8,»oo Pruffiens qu'il pouvoit attaquer avec 28,000 hommes; il voulut cependant pour plus de fureté joindre la furprife a Ia force. La nuit du 23 il s'empara de deux hauteurs fur lesquelles M. de Fouquet avoit fa droite. Ces poftes importans lui donnèrent la facilité d'établir des bat. teries qui travaillèrent fur le flanc & & dos des Pruffiens. M. de Fouquet défendit vaillamment les potles qui lui reftoient. Aprè» avoir perdu beaucoup de monde, il appercut une colonne de «avaletie autrichienne qui étoit eu pleine march©  66 HIST. DE LA GUERRE pour lui couper Ia retraite. Sur cela il abandonnt fes montagnes, & förma de fon infanterie unquarré avec lequel il fe mit en marche pour gagner le chemin de Bolkenhayn. Ses troupes avoient confumé presque toute leur poudre. La cavalerie autrichienne fattaqua; il la repouffa plufieurs fois; après une noble & généreufe défenfe, le quarré fut enfoncé par fennemi. M. de Fouquet recut deux bleffures & fut pris, ainfi que la plus grande partie de fon monde ; il s'étoit ddfendu depuis deux heures du matin jusqu'a dix heures avant midi, & loin que ce défaftre püt préjudicier a Ia réputation de ce brave officier depuis fi long-temps & fi folidement établte , il en reléve 1'tclat en föurniffant nn exemple de ce que peuvent la valeur & la fermeté coatre le nombre f quelqus fupSrtear qu'il foit. Cette belle aftion ne peut étre comparée qu'a celle de Léonidas & des Grecs qui défendirent les Thermopyles , & qoi eurent un fort ft peu prés femblable au fien. Tout ce corps ne fut pas perdu. Les houfards de Gersdorf & les dragons de Plat-n fe firent jour a la pointe de 1'épée a travers les ennemis, & fauvèrent avec eux 1500 hommes de 1'infanterie, qu'ils ramenèrent a Bresiau. Pour M. de Ziethen, il quitta le Zeiffenberg après ce malheur & fe jeta dans Schweidnitz, pour éviter un fort pareil a celui de M. de Fouquet. Les Autrichiens ufèrent en barbares del'avantage qu'ils vei.oient de remporter, ils pillèrent Ia TÜIe de Landsbvrt par ordre des généraux , qui  D.ESEPTANS. 67 applaudiflbient a leur cruauté & a leurs excès; & le foklat effréné & furieux, encouragé aux forfaits & aux briganaages, u'épargna que la mifère & la laideur. La nouvelle du biocus de Glatz fut la première que le Roi recut en Saxe. Elle auguiema 1'embarras dans lequel il fe trouvoit déja. II étoit auflï cruel d'abandonner cette place, qui eft comme la clef de la Siléfie, qn'il étoit impoffible de la fecourir. II fdloit a'attendre qu'après Ia perte de cette forterelfe on ne pourroit plus tenir les gorges de Ia Siléfie & de Ia Bohème, paree que les Autrichiens , une fo:>s maitres dei paffages de Silberberg & de Wartha, pouvoient prendre a dos les troupes qui occupoient les mentagnes, & qu'il ne reftoit plus de pofition propre i couvrir cette province. 11 étoit aufïï dangerenx d'autre part de quitter la Saxe. Si le Roi s'écoit rendu en Siléfie avec une partie de fes treupes, celles qui feroient demeurées en Saxe risquoient d'être détruites paria grande fupéiiorité du nombre que les impériaux avoient alors fur les Pruffiens. II paroiffoit donc qu'il n'y avoit rien de mieux a imaginer que de conduire les chofes de mauière que le Roi, en entreprenant de marcher en Siléfie, y attirat la Maréchal Daun comme a fa fuite. D'un autre cóté cet expédient étoit accompagné de risques» puisque cette opération expofoit le Roi néceffairement a fé niettre entte M. Laudon, qui étoit déji en Süéiïe, & entre l'armée du Maréchal Daun,,  6S MIST. DE LA GUERRE qu'on fuppofoit le cótoyer. Toutefois, comme il pouvoh fe joindre a M. de Fouquet , (dont la dèfaite étoit encore ignorée,) le Roi réfolut de prendre le parti de marcher en Siléfie préférablement a tout autre. Pour cet qffet il fit paffer l'Elbe a la partie de l'armée qu'il deftinoit a cet ufage. Le pont fut eonllruit a Zehren; on pafla ce fleuve le 15 de Juin. Les troupes furent jointes è 1'autre rive par le Prince de Holftein, qui ramenoit Ie» deux régimens de dragons qui avoient fervi dans l'armée de» alliés. Les ditachemens de M. de Lafcy fe retifêrent tous vers Reichenberg a Fapproche des Pruffiens, qui prirent le camp de Zehaila; vis-avis de M. de Hulfen, dont le corps étoit demeuré a Meiflen, & 1'on établit avec dilt gence des ponts fur l'Elbe pour la cömmunication de ces deux corps. De Zehaila le Roi fe porta fur Radeberg. II rencontra dans fa marcbe Ie campement de M. de Lafcy, couvert par les quatre régimens de dragons faxons annexés au détachement qu'il commandoit. L'avant-garde pruflienne leur donna la chaffe; elle leur prit quatre cents hommes , & ils s'enfuirent en confufion fe réfugier auprès du gros du corps de M. de Lafcy, qui avoit fait halte au pied des bauteuts de Bocksdorf & de Reichenberg prés d'un village nommé Berbigsdorf. L'armée pruffit-nne fit des difpofitions pour attaqner M. de Lafcy le lendemain. Elle attendoit ["'arrivé de M. de Hulfen, auquel le Roi avoit donné 1'ordre de le joindre avec une partie  DB FE PT A NS. 6$ de fa troupe', & qui ne put atteindre le camp de Radeberg que vers la nuit. Le lendemain les chofes avoient changé. Le Maréchal Daun avoit paffe l'Elbe a Dresde avec fon armée qui occupoif le camp de Bocksdorf & de Reichenberg. M. de Lafcy avoit quitté la nuit Berbigsdorf, pour aller couvrir la droite du Maréchal Daun dans la pofition de Laufa. Le Roi occupa le terrain que rennemi avoit quitté \ il placa M. de Krockow avec 3 régimens de hourards, a de dragons & 2 bataillons francs autour de Berbigsdorf. M. de Lafcy les attaqaa la nuit fuivante fans fuccès. Les Prufliens firent a leur tour des tentatives fur lui, mais tout cela ne produifit que des alertes réciproques & rien de réel. On n'apprit qu'alors le défallre qui venoit d'arriver a M. de Fouquet. Ce malheur achevoit de rendre les affaires de la Siléfie défefpérées. L'armée du Roi, qui n'avoit plus de fourrages a Radebourg, prit le camp de Gros Dobritz M, de Krockow fit trois cents prifonniers fuf un détachement qui venant par le chemin de Moritzbourg s'étoit flatté de donner fur les équipages de l'armée; mais qu'étoit-ce que la prife de 300 hommes en comparaifon de tant de corps entiers que le Roi avoit perdus? Cet événement de Landshut, arrivé d'une manière fi inattendue , dérangea les raefures que le Roi vouloit prendre dans ces temps critiques. II pouvoit moins que jamais quitter la Saxe, a moins que ce ne fut de compagnie avec le Maréchal Daim , pour ne point  79 HIST. DE LA GUERRE Juillet. perdre toujours en détail le peu de troupes qui lui reftoient. Les impériaux de leur cóté ne pouvoient fe mettre en mouvement qu'après 1'arrivée des troupes des cercles, dont la lenteur du Prince de Deuxponts retardoit la marche. Elles arrivérent enfin. Le Maréchal Daun les laiffa è Windberg. M. de Hulfen demeura a Meiffen, & les deux armées fe mirent le même jour en marche pour Ia Siléfie. Les impériaux prirent par Bifchofswerder, d'oü ils détachèrent M de Lafcy au Keuienberg pour couvrir leur flanc gauche. Le Roi airigea fa route par Crakau, oü ii réfolut de faire une feritatfve fur M'. de 'Lafcy, qui ne s'y attendoitpas. Les Pruffiens occupèrent Koenigsberg & la nuit même l'armée fe mit en marcha fur quatre colonnes, deux en dela & deux en deca du ruisfeau de la Pulsnitz. L'aTant- garde donna fur les troupes légéres de 1'ennemi; cela donna réveil a M. de Lafcy, qui fe faura avec tant de précipitation, qu'on ne put 1'atteindre & qu'i peine on prit deux cents hommes de fon arrière-garde. L'armée paffa la nuit fur le Keulenberg. Les Pruffiens & les Autrichiens fe cotoyêrent le lendemain; les Autrichiens paffèrent Bautzen & campérent prés de Jurck, & l'armée du Roi au couvent de Marienrchein Le 6 le Maréchal Daun gagna Guerlitz, & les Pruffiens Niederjunck. Il y eut une affaire d'arrière-garde avec les Autrichiens aux environs ie Bautzen au pnflage de la Spr.;e. Le Major Zetmar desJioufards paffa imprudemment unpont,ou  DESEPT/iNS. ji il auroit rencontré fa perte, fi le Roi ne 1'avoit fouxenu a propos. On paffa enfuite cette rivière dans les régies & Ton fit quelques prifonniers fur 1'ennemi. Les chaleurs étoient fi fortes cette journée , que 80 hommes de l'armée tombérent morts en pleine marche. Les Autrichiens firent une perte égale & peut-étre plus forte, paree que leur marche étoit plus longue. Cependant M. de Lascy avoit eu le temps de fe recueillir après l'affaire du Keulenberg. 11 avoit raffemblé fon monde; il fe propofoit de ralentir la marche du Roi & de harceler continuellement fon arriére-garde. Ses coureurs croyant que les impériaux campoient a Bautzen, furent"pris par les vedettes prufiiennes. Cela donna 1'idée de fondre vertem-ut fur les ulans, pour les intimider de facon a leur faire perdre 1'envie d'approcher de l'armée tlu Roi. Ils étoient poftés a Saizfoerftien a un mille du camp. Deux régimens de houfards &• autaut de dragons furent commandés pour exécuter ce defléin. Le malheur voulut qu'ils fe trouvaffent au fourrage, & qu'au lieu de 4,000 chevaux, on püt a peine en ralfembler quinze cents; ce qui n'empècha pas le Roi cependant .de tenter 1'emreprife; on chargea ces ulans, qui au premier choc perdirent 400 hommes; on les pourfuivit chaudement jusqu'a Gcethau. [VI. de Zetmar, qui n'étoit pas tou;ours le maitre de fa valenr, paffa ce défilé. Le Roi fut obligé de le foutenir, paree que toute la cavalerie de Lafcy ,. qui campoit a Rothen-Nauslit-z  yt HIST. DE LA GUERRE arrivoh déja par bandes; on retira cependant M. de Zetmar de ce mauvais pas. La cavalerie prusfienne.commencoit a fe replier fur Bautzen & ce mouvement fe faifoit avec lenteur. Le Roi, qui appréhendoit que la fupériorité de 1'ennemi ne lui donnat de 1'avantage fur les Pruffiens, fit forttr slors un bataillon de Ia garnifon de Bautzen avec du canon. Cet ordre fut exécuté fort a propos, car 1'ennemi commeHcoit a poulfer des efcadrons, & la confufion s'y mettoit, lorsque quelques coups de canon 1'arrêterent; furquoi M. de Lafcy ramena fa ttoupe a Rothen-Nauslitz & la cavalerie pruflienne rentra tranquillement dans fon camp, 11 fallut alors fe décider fur le paiti qu'on vouloit prendre, ou de fuivre le Maréchal Daun en Siléfie, ou de tomber avec toutes fes forces fur M. de Lafcy, pour s'en défaire une bonnefois, paree qu'on auroit été plus embarraffé de fon arriéregarde dans la marche qu'on vouloit faire en Siléfie, que de 1'ennemi qu'on avoit devant foi; on choifit ce dernier parti comme Ie plus fur. S'il réuffiflbit, il pouvoit mener a de plus grandes chofes. Le foir du 8 l'armée s'aflembla a Schmolen. Au lieu de prendre le chemin de Goerlitz, comme on 1'ébruitoit, elle tourna brusquement fur RothenKauslitz; elle rencontra partout des traineurs de M. de Lafcy. En approchant de Bifchofswerder on Terra de prés fon arrière-garde. Quelle que füt fa vigilance, & Ia vitefle de fes rriouvemens, i<* on Ie poufla au dela des défilés deHarta,oü l'armée  D E S E PT A N S. fa méé du Roi paffa la nuk; on Ie pourfuivit encore le lendemain jusques fur les haiueurs de Weiffig, oii l-'on dtablit des batteries pour le dépofter du Cerf blanc. Les canons ne tirèrent pas deux volées> que Tinfanterie gagna ce pofte , d'oü elle vit le corps de M. de Lafcy en pleine fuite, qui repasfoit l'Elbe a Dresde. La iïtuation du Roi étoit tel. le, qu'il devoit tout entreprendre & tout risquer pour fe prccurer quelque fupéïiorité fur les ennemis. La premier* idéé qui lui vint, fut de paffer l'Elbe a Caditz. II faltöit combiner cette opération avec divers préparatifs indifpenfables pour la faire réulfir, & comme il convenoit en pareil cas de donner a 1'ennemi difFérentes jaloufies, Ie Roi ctendit fa gauche vers Pilnitz, & fit mine d'y couftruire un pont, tandis qu'un détachement de l'armée fe failit du pofte d"e Fifchhaus & de celui de Reichenberg, & que M. de Hulfen, en exécution des ordres qu'il avoit recus, s'avancoit a Brisnitz en faifant remonter fon pont de Meiffen avec lui. Cependant afin de.ne pas entièreinent perdre de vue le Maréchal Daun, 500 houfards furent détachés au Weiffenberg & vers Reichenbach, pour óbferver fes mouvemens, & pour en avertir. Les dilférentes mefures qu'on avoit prifes, ne furent parfaitement arrangées que le 13. M. de Hulfen dans fa marche avoit fait 400 prifonniers. Le Roi, après avoir pafl'é fEIbe, le joignit, lailfant néanïnoins le Duc de Holftein avec environ 10,000 hommes fur le Drachenberg proshe de Caditz. Ce§ Oehv. de po/2*, de Fr. II T. Ir. D  f4. HIST. DE LA GUERRE démonftrations avoient. donné 1'allarme a l'armée des cercles auffi bien qu'a M. de Lafcy; ils craignirent qu'un corps ne paffat l'Elbe a Pilnitz &ne ieur tombat a dos, tandis que le Roi les attaqueroit de front;* ils quittèrent donc fubitement la nuit leur camp de Plauen & fe retirèrent, M. de Lafcy a Grofs Sédelitz, & le Prince de Deuxponts a Dohna. Le Roi forma auffitöt la circonvallation de Dresde, dont il fut réfolu de faire le fiége; c'étoit un impromptu; car comme on n'avoit pas jugé cette entreprtfe poffible, rien n'avoit été préparé d'avance. II pofta les troupes depuis Grunau jusqu'a Racknitz. Les pandours fe propofoient de fe foutenir dans le Grand jardin; ils en furerj chaffés; on tmporta même le fauxbourg de Pirna, oü 1'ennemi n'oppofa aux affaillans qu'une foible •& molle défenfe. Tout ce qu'on put amaffer a la bate d'artillerie & de munitions pour entreprencke ce fiége, confiftoit en 12 mortiers, 1200 bombes, 20 pièces de douze & 4,000 boulets. Ou travailb avec aaivité, on prépara des fafcines, madriers o,ooo hommes pour le moins dont lesforces de l'ennemi étoient compofées. Dans la fituatien oü il fe trouvoit, il imagina pas- d'expédient plus convenable que celui d'imiter la conduite d'un partifan qui varie fa pofition toutes lesnuits, pour fe dérober aux coups qu'une arméepourroit lui por ter, s'il mauquoit d'aétivité & de vigilance. Cette atteution devenoit importante & néceffaire par Ia quantirf de chofes difh'cUes qu'ilfalloit combiner pour réuffir; il falloit changer de goftes pour la. furetê de l'armée,, & en même  DE SÉ PT AM S. temps contenir un ennemi plus fort du triple, & ne pas s'en éloigner, pour qu'j'1 ne fe tournat pas eontre le Prince Henri, qui avoit deja en tête une armée de 80,000 Ruffes. Le feul moyen de retnplir tant d'objets étoit donc de changerfouvent de pofition, fans toutefois en prendre aucune trop éloignée de l'ennemi. Cela le déroutoit; il venoir recormoitre le camp qu'on avoit pris, il-faifoit fes difpofitions avec lenteur, & lorsqu'il les vouloit exécnter, ne trouvant plus perfonne devant lui, il étoit obligé de recommeneer ces formalités. En un mot cela fairoit gagner du temps, & comme la force étoit iufuffifante, U falloit réparer ce défaut par 1'adreffe & par la vigilance. En conféquence de ce plan l'armée du Roi fe mit en marche la nuit du 10 au it. Son intention étoit de tourner l'ennemi par Jauer pour gagner Schweidnitz. Lorsque les troupes furent aux environs de Hohendorf, on apprit que M. de Lafcy venoit d'arriver a Prausnitz'. On fit quelque prifonniers , qui confirmèrent la même chofe, Comme il étoit impoffible de paffer la Katzbach vis-avis de ce corps, & des batteries que l'ennemi' avoit établies fur les bord* de ce ruiffeau, l'armée fut obligée de le remonter jusqu'a Goldberg. Ce détour donna aflez d'avance a M. de Lafcy po"ür' fe retirer a temps-, & pour avertir Ie Maréchal dela manceuvre des Pruffiens. Les terrains coupés de cette contrée fervirent utllement M. de Lafcy daas ceue occafion, pour fe dérober habilenaent D 7  M RIST. DE LA GUERRE aux attaques qu'on méditoit contre lui. II y perdit a Ia vérité fon bagage ; mais le Maréchal Daun avec la grande armée arriva a temps pour 1'étayer. En fe placant a Hennersdsrf, il pouvoit couvrir Jauer, & coupoit les Pruffiens du chemin de Schweidnitz. JNéanmoins Mrs. Laudon & Kauendorf demeurèrent dans 1'ancien camp, comme fi le Maréchal Daun leur avoit coufiéla pofition de la Katzbach. L'armée du Roi, arrttée par quatre a cinq défilés qu'elle avoit ft paffer , n'arriva que tard vis-a-vis des ennemis. M. de Wiéd fut obligé de fe pofter k Prausnitz, pour garder Ie défilé qu'avoit le Roi derrière fa gauche, & l'armée fe campa k Seichau. On fivoit pris exprés cette fauffe pofition, pour dérouter l'ennemi; la véritable, celle qu'on avoit choifie, étoit a une centaine de pas en arriére. On ne risquoit donc rten de fe pofter a Seichau, paree que d'un moment a .'autre on étoit maitre d'entrer dans ce camp fort. Le lendemain on detach'a quelques troupes a Potuien, pour effayer de tourner l'ennemi en prenant par les montagnes la route de Jaegerndoif; mais M. de Beek s'y trouvoit déja avec un corps affez confidérable, de for'te qu'on ne jugea point a propos d'eutreprendre cette marche. D'ailleurs les ehemins de ttaverfe par ces montagnes font fi eiroits, que le nombreux train de vivres dont on étoit chargé & la pefante artillerie n'auroient jamais pu y paffer. Cependant dés le lendemain le 3Loi occupa la croupe des montagnes, & gofia  DE S E P T A N 87 fes troupes. Une volée de déferteurs qui arrivérent, dépofèrent unanimement que l' ordre avoit été dooné dans leur camp de fe tenir préparé pour attaquer les Pruffiens vers le midi. On voyoit en effet les- Autrichiensrangés en bataille devant leur place d'armes; & fur le mouvement que te Roi fit faire a fes troupes, on vir non fenlement les ennemis rentrer daas leur camp, mais leurs généraux paroitre bientót, quifemblêrent jnsqu'a-nuit elofe fort attemifs a obferver les Pruffiens. Si le Roi étoit demeuré dans fa pofition pendant la nuit, il' ell indöbitabte qu'il auroit été attaqué le lendemain dés la pointe du jour. Quoique fes difpofitions fur ce terrain fuffent bonnes, 9'auroit été trop hazarder que d'y refter, &il y avoit toujours acraindre qu'il ne fuccombat fous le nombre de fes ennemis. 11 partit iefoir même; les troupes reprirent le chemin de Lignitz, pour occuper le camp' d'oa elles étoient parties la veille-. Le Maréchal n'eut polat connoiffance de cette marche & ne fit aucun mouvement. Le Prince de Holftein^ qui menoit Ia ga'uche de la cavalerie, s'égara pendant fobfcurité, & fe mêla dans la marche des autres colonnes.. Ce ne fut qifau point du jour qu'on put remettre les colonnes en ordre. Si Fennemi avoit entrepris fur les- PrufHens dans ce moment de confulion, il auroit fans doute réuffï; mais il n'y penfa point. Les troupes repaffèrent tranquillcment la Katzbach, & l'armée en fut quitte pour. une bonne canaonnade qu'elle eiïUya e»  U HlSt. DE LA GUERRE ffifant les détachemons que Laudon tenoit a Cotffendau & è Dohna. Peu d'heures après que les Pruffiens eureut tendu leurs tentes, on vit paroitre Ie Maréchal avec fon armée,. fuivi des corps deBeek, de Janus & de Lafcy; il fe placa dans le inême terrain qu'il avoit occupé deux jours auparavant. Le Roi fut alors informé par des voies fecrètes que M. de Czernichef a'la tète de 30,000 Ruffes avoit paffe fOder a Auras, & que les Autrichiens n'attendolent que fa jonétion pour écrafer les Pruffiens. Le Maréchal Daun avoit des troupes de refte, & ce n'étoit pas ce qui luimanquoit, mais il n'avoit pas le talent de s'en fervir avec promptitude & a propos. La fituation dn Roi étoit telle alors, qu'il ne lui relloit de pain & de bifcuit que pour trois jours ; il étoit chargé de 2,000 voitures , tam pour les vivres que pour les munitions, 'qui caufoient un embarras prodigieux dans les marches, & dont il tlcha de fe défaire, pour donner plus de célerité a fes mouvemens. lis ne pouvoit plus tenir auprèsde Lignitz, & caufe que fa droite n'étoit pas affez bien appuyée i Schimmelwitz, & qu'il ne pouvoit pas empêcher qu'on ne la tournat. . II falloit donc repaffer laKatzbach •* Lignitz, envoyer a Glogau les chariots inutiles, en tirer des vivres, marcher a Parchwitz , pour pouffer'en deca , ou au dela de fOder, afin de gagner de facon ou d'autre l'arméedu Prince Henri , a laquelle il falloit fe joindrenéceflairewect, paree que ces deux corps féparéa  DESEPTANS. Sp fe trouvoient chacun trop foible ponr s'oppofer aux Autrichiens & aux Rufles, & qu'on rifquoit a ia iongue, en les laiffant ainfi, de les voir écrafer tous les deux, & alors tout étoit perdu fans reffource. Deux ennemis qui fe font la guerre quelques années de fuite, acquièrent une fiparfaite iutelligence de leür facon réciproque de penfer, d'agir & d'entrepnendre, qu'ils devinent muruellement les deffeins qu'ils peuvent fonner. Celui des Autrichiens étoit alors pofitivement d'attaquer Ie Roi; on pouvoit„juger par la pofition des corps de 1'ennemi que M. de Lafcy étoit defliné a tourner Ia droite des Pruffiens, que le Maréchal Daun fe feroit préfenté fur leur front, & que M. Laudon auroit proba*bIement occupé les hauteurs de Pfaffendorf derrière Lignitz, pour leur couper le chemin de Glogau & la retraite. Ces confidérations firent réfoudre a quitter le camp de Lignitz le même foir, & a repaffer la Katzbach felon le projet que nous avons rappor té plus haut. Cette manoeuvre ne pouvoit s'exécuter de joar a caufe de la proximité du camp autrichien. L'ennemi n'auroit pas manqué d'engager une affaire d'arrière-garde, qui auroit tourné d'une manière défavantageufe pour les Pruffiens, paree que Ie terrain de leur droite dominoit celui de leur gauche, par lequel il falloit qu'ils fe retiraffent. On fit partir tout le bagage fous 1'efcorte de 2 bataillons francs & de 100 chevaux, qui Ie conduifirent a Glogau. Le Roi alla reconoitre avec fes généraux la hau-  oo niST. DE LA GUERRE teur de PfafFendorf :,il vouloit y former fon armée, après avoir paffé la Katzbach a Lignitz , pour diriger de la fa marche fur Parchwitz. Dès que le jour baiffa, l'armée fe mit en mouvement ; on amena au Roi pendant la marche un officier déferteur des Autrichiens, lrlandois de nation; il étoit fi plein de vin, qu'il ne pouvoit dire qu'en bal'nutian: qu'il avoit un fecrct d'importance a révéler. Après lui avoir fait avaler quelques mefures d'enu tièJe , & après quelques évacuations, il dit ca qs'on avoit deviné, que le Maréchal Daun vouloit ce jour mèine attaquer le Roi. Mais les pruffiens n'avoient rien a redouter; ils tranfportoient le lieu de la fcène , & par conféquent ils dérangeoient tout le plan de l'ennemi, fait fur la difpofition du terrain qu'on venoit de quitter. Dès que le Roi eut atteint les hauteurs de PfafFendorf, il envoya M. de Hund faire une reconnoifiance du cóté de Binowitz & de Polnifchildern. Pendant ce tempsla l'armée fe mit en bataille fur le tertain qui lui avoit été affigné. M. de Hund revint bien viie, & apprit au Roi qu'il avoit donné dans deux colonnes d'infanterie & dans deux colonnes de cavalerie de M. Laudon, qui étoit en pleine marche & peu éloigné. II n'y avoit pas un moment a perdre pour fe raettre en état de lui faire tête. Le Roi partagea donc fon armée en deux corps : ft droite , aux ordres de M. de Ziethen & de Wédel , demeura immobile fur la place oti elle s'étoit forméc; elle drefïa des batteries en hate  DE S E P T N S. 91 pour enfüer les deux chemins de Lignirz, les fenls par lesquels le Maréchul Daun pouvoit déboucher pour venir a elle: il fit en même temps changer de pofition a fa gauche, & la forma la droite vers la Katzbach & la gauche vers un étang. Tout ce corps ne faifo.it que 16 bataillons & 30efcadrons. Pendant que finfanterie prenoit cette direction , Ia cavalerie , qu'on avoit pouffée en avant pour ia couvrir , el'carmouchoit vivement avec l'ennemi, ce qui dura jusqu'a ce qu'on eik établi une grofle batteri» fur une éminence qui dominoit tous les environs. Ces arra-gemens pris , la cavalerie recut ordre de fe, retir.er, ce qu'elle exécuta bien. La plus grande partie en fut diftribuée derrière 1'infanterie pour la foutenir, au régiment de Krockow pres & de quelques houfards qu'on jeta fur ra gauche, pour obferver rennemi de ce cóté-la. Cependant M. Laudon ne s'attendoit & rien moins qu'a une bataille. 11 fe doutoit bien qu'il avoit quelques troupes visa-vis de lui; mais il faifoit fi-obfcur, qu'il ne pouvoit difcerner ni les Pruffiens , ni leur difpofïtion. U ne s'étoit point fait précéder par une avant-garde-, paree qu'il fe propofoit de furprendre quelques bataillons francs qui avoient campé la veilie a PfafFendorf, avec le pare de vivres qu'il croyoit y trouver encore. On fit alors exécuter fur l'ennemi la grande batterie qu'on avoit conferuite fur la hauteur. La tfête des colonnes autrichieunes n'en étoit qu'a  pa I1IST* DE LA GUERRE 800 pas; le canon fit beaucoup d'effet fur*ces maffes ferrées. M. Laudon s'appercut en ce moment qu'il y avoit quelque mècompte dans fon ealcul. Voulant former fon monde , il ne put faire qu'un front de 5 bataillons, & les Pruffiens •artaquèrent cette ligne,quifutauflitótrenverfée. 11 fit en ce moment avancer fa cavalerie, pour prendre cnflanc & a dos cettx qui 1'attaquoient; mais il ne connoiffoit pas le terrain, ni ne pouvoir s'orienter dans fobfcurïté. Cette cavalerie culbuta les dragons de Krockow; prifa enfuite en fianc par les cuiraffiers de Friederich, elle fut rechaffée a. fon tour, & difpérfée dans des marais dont elle eut bien de la peine a fortir. Dés 1'aube du jour finfanterie chargea Ia feconde ligne des Autrichiens. Comme on remarqua qu'elle fe dérangeoit , on lacha fur elle quelques efcadrons de cavalerie, qui 1'enfoncèrent & la firent presque toute prifonnière. De petits buiffons dpars dans ce terrain étoient d'un ufage merveilleux pour cacher des corps de cavalerie, qui venoient foudre a 1'improvifte fur l'ennemi & Ie mettoient eu déroute. M. Laudon effaya d'en faire amant; fa cavalerie attaqua 1'infanterie pruflienne, mais la cavalerie du Roi la ramena vertement: enfin après cinq attaques confécutives fur ces 5 lignes des Autrichiens, chacune de 5 bataillons, la confufion des ennemis devint fi générale, que tout le corps fut mis en déroute & s'enfuit vers Binöwitz pour repaffer la Katzbach dans le plus grand désordre. On détacha quelques  DE S E P T A N S. 93 aetiti corps a la pourfuite des fuyards. M. de Mcelleudorf mit le feu au village de Binowitz, oü il fit beaucoap de prifonniers. Le Roi ne voulut pas pourfuivre plus vivement M. Laudon, paree qu'il pouvoit fe trouver dans le cas de fe fervir des mêmes troupes qui venoient de remporter la victoire, pour les joindre a fa droite & les faire combattre contre le Maréchal Daun. Ce Maré« chal avoit paffé toute knuit, avec fes troupes en colonnes, prés du ruiffeau qui féparoit fon armée • de L'ancien camp pruffien. Le Roi y avoit laitfé par précaution quelques hourards, qui faifant les cris des patrouilles & des fentinelles, entretinrent l'ennemi dans la perfuaflon que l'armée s'y trouvoit encore. A la petite pointe du jour Daun & Lafcy fe mirent en mouvement pour attaquer les Pruffiens; mais quelle fut leur fuqirife de trouver le camp vuide, & de n'apprendre aucune nouvelle de ce qu'éton devenue l'armée pruflienne! On eüt dit que Ia fortune avoit décidé que rien ne réufltroit aux Autrichiens ce jour-la; le vent même leur fut contiaire. Ni le Maréchal, nl M. de Lafcy n'entendirent Ie bruit de la bataflte qui fe donnoit derrière PfafFendorf a un demi-mille d'eux, quoique deux cents canons au moins tiraflent de part & d'autre. Le Maréchal fut iong-teinps incertain fur le parti qu'il devoit prendre; enfin, après beaucoup decorifeils & d'avis différens, il réfolut de paffer la .Katzbach a Lignitz & d'attaquer le corps de M. de Ziethea  94 HIST, DE LA GUERRE qu'il voyoit en bataille. 11 envoya M. de Lafcy pour paffer plus haur le Schwarzvvaffer. Cela 'étoit impofiible, a moins que celui-ei ne fit On détourri'un mille & demi pour trouver un pont; car les bords de ce ruiffeau étant marécageux, il ne fuffit pas de ponts, il faut encore élever des chaullëes pour le paffer au dela de Lignitz. La bataille étoit déja gagnée & le Roi fe rendoit précifément a fa droite, lorsqu'on appercut 1'avantgarde du Maréchal Daun, qui déboucboit de Lignitz; mais Fartiïlérie pruflienne avoit tellement dérangé cette ttoupe, qu'on pouvoir jnger a fa conter.ance qu'elle étoit fur le point de quitter cet emplacement. P< ur terminer cette affaire, pcjür confirmer au Maréchal Daun Ia défaite de M. Laudon qu'il foupconnoit déja, enfin pour accélérer fa retraite . le Roi fit faire une réjouiffance a fes troupes. A peine euton fait le fecond feu roulant, que les colonnes de l'ennemi rebrouffèrent, & repafTérent la Katzbach auprès de Lignitz. II y eut ce même jour une petlte bataille dans la forêt. On y avoit envoyé le Miniftre d'Anglèterre Mitchel, quelques fecrétaires, & le bagage du quartier de la cour, fous 1'éfcorte d'une compagnie de grenadiers des gardes. Cette tronpe fut attaquée par trois cents dragons & houfards Mr. de Prittwitz, qui commandoit ce détachement, fe défendit fi bien, qu'il ne perdit pas la moindxe bagatelle de ce qui lui avoit été confié. L'affaire de -iPfaffeudorf coüta 10,000 hommes a M. Laudon;"  DE S E P T A N S. 95 ie champ de bataille étoit jonché d'Autrichiens. Les Pruffiens occupoient un terrain qui alloit en glacis & toujours en s'abaiffant du cóté d'oü les ennemis faifoieut leur attaque; ce fut ce qui leur donna la fupériorité pour le feu, & des avantages fur les affaillans. Ils firent beaucoup de prifonniers, 2 généraux, 80 officiers, 6,000 foldats; les Autrichiens perdirent de plus dans cette journée 23 drapeaux & 82 canons Cependant 1c fruit de cette bataille auroit été perdu, fi 1'on n'avoit pas incefiarnment paffé la Katzbach a Parchwitz. L'ennemi étoit en con. fufion & difperfé. D'un cóté les débris du corps de Laudon fuyoient a la débandade vers VVahlftadt ; d'un autre Ie Maréchal Daun fe trouvoit dans le camp que les Pruffiens avoient eu la veiile, indéterminé fur le parti qu'il devoit prendre; enfin M de Lafcy erroit a un mille de la, cherchanc inutilement un gué fur le Schwarzwaffer. C'étoitla fans doute le moment dont il falloit profiter, pour ne pas donner a l'ennemi le temps de fe recönnoltre. Le Roi prit fa gauche, qui avoit combartu, & marcha droit a Parchwitz. M. de Nauendorf, qui tenoit 1'autre bord du ruiffeau,fe trouvant trop foible pont réfifter aux Pruffiens, leur abandonna ce pafiage fi long-temps & fiopiniatrement difputé. On marqua le camp pour l'armée au dela de Parchwitz. M. de Ziethen, qui devoit s'y rendre également, ne s'arrêta fur le champ de bataille que le nemps néceffaire pour recueillir lei  $6 I11ST. DE LA GUERRE bleflés pruffiens, dont le nombre montoit a uoo hommes. On apprit a Parchwitz que M. de Czernichef campoit depuis quelques jours a Lifla, ce qui fournit une nouvelle matière d'inquiétude. II pouvoit étre joint par les Autrichiens, il pouvoit prendre une pofition a Neumarck, & il airoif. été facheux de remettre en queftion ce qui venoit d'être décidé la veille. II fallut reuter tous les moyens poflibles de fe débarralTer d'un ennemi qu'on n'avoit aucune envie de combattre. On eufr recours a la rufe: le Roi écrivit ah Prince fon frère qu'il venoit de battre les Autrichiens a plate outure; qu'il faifoit conllruire un pont pour paffer 1'Oder, afin de faire un traiteroent pareil aux Ruffes; qu'il coinptoit d'attaquer M. de Soltikou; & il prioit le Prince de faire alors de fon cóté les mouvemens dont on étoit convenu. On chargea tui payfan de cette lettre, & on lui promit de groffes récompenfes pour que dès le moment même il partit, pour qu'il fe laiffat prendre par les pqftes avancés de M. de Czernichef, & lui remit cette lettre comme par la peur du chatiment. Quoiqu'on ne put deviner fi ce payfan s'acquitteroit bien de fon róle, ni quelle impreffion la lecture de cette lettre feroit fur 1'efprit de M. Czernichef, l'armée du Roi partit le lendemain; elle fe mit en marche fur trois colonnes, plutót dans 1'ordre d'uue efcorte de convoi que d'une marche ordinaire; le Roi conduifoit la colonnade la droite,  D E S E P T A N S. te, & couvroit la marche du cóte des Autrichiens. M. de Krockow menoit une forte avant-garde devant la feconde colonne; il étoit fuivi par les prifonniers de guerre & les canons qu'on avoit pris a l'ennemi, & par les blefles de l'armée pruffienne; le Prince de Holfiein conduifoit la troifième colonne, compofée de cavalerie légere, & foutenue de quelques bataillons, pour couvrir le convoi contre les Cofaques, qui de Leubur, oü ils fe tenoitnt, pouvoient paffer 1'Oder par certains gués, paree que 'es eaux étoient baffes; enfin M. de Ziethen, avec toutes les*troupes qui n'avoient point combattu , faifoit 1'arrière - garde de l'armée. Le Roi trouva bientót M. de Nauendorf fur fon chemin. II s'étoit poflé a Mcetic'nt, d'oü quelques volées de canon le délogèrent. Les houfards pruffiens appercurent en route une colonne de bagage des ennemis foiblerncnt efcortée; i!s donnérent deffus, & firent un butin confidérable. On apprit des prifonniers qne ce bagagè appartenoit au corps du Prince de Lcewenftein & de M. de Beek, qui étoient en pleine marche pour Neumarek, oü ils devoient fe joindre aux Ruffes; outre cela on découvroit environ a trois quarts de mille a la droite des troupes du Boi toute l'armée du Maréchal Daun, qui étoit en marche, fans qu'on püt diftlnguer fi elle fuivoit la route de Neumarck, de Canth ou de Schweidnitz. On étoit dans la fituation peut - étre la plus disgracieu» fe & la plus inquiétante de toute la campagne j Oetiv. Vefth, de Fr, II, T. Tr. E  $$ HIST. DE LA GUERRE rarmée n'avoit plus que pour un jour de pain; G les Rufles empêchoient, d'en tirer de Breslau, & le Maréchal Daun de la fortereffe de Schweidnitz, la viétoire qu'on venoit de remporter devenoit inutile; car comrnent fe battre avec l'ennemi, ayant 6,o©o prifonniers & nocblefles agarder, &quelle cruelle réfolution auroit - ce été que celle de fe replier fur Glogau? Cependant lorsque les têtes des colonnes eurent gagué Blumerode, le Roi pouffa en avant avec quelques houfards, & fe gliffantpar la forèt, il s'approcha aflez prés de Neumarck pour découvrir que de 1'autre cóté il n'y avoit ni camp, ni troupes. On envoya un officier a la découverte; il revint bientót & ramemena au Roi un lieutenant colonel autrichien qu'il avoit pris dans Neumarck même & qui au défespoir d'être prifonnier, dit tout ce qu'il favoit pour prouver que ce n'étoit point par fa faute que ce malheur lui étoit arrivé. II s'emporta beaucoup contre les Rufles; il dit qu'il avoit été chargé d'une commiffion pour M. de Czernichef; que non feulement 11 ne l'avoit plus trouvé, mais que le pont même ayant été abattu, il n'avoit pu paffer 1'Oder pour le joindre. Alors toUtes les appréhenfions s'évanouïrent, & l'armée entra tranquillement dans fon camp de Neumarck. Comme on venoit de regagner la communication de Breslau, on étoit affuré de trouver des fubfiftances, & 1'oit donna quelque repos aux troupes, qui durant neuf jours d'opérations perpétuelles avoient avec  DE S E P T A N S. 99 une conflance héroïque fupporté de trés • grandes fatigues & furmonté toutes les difficultés qu'elles avoient rencontrées. Le payfan qu'on avoit envoyé avec la lettre au Prince Henri, s'étoit bien acquitté de fa commiffion; a peine M. de Czernichef 1'eut-il recue, que Ie foiraiêtne il repaffa 1'Oder, & fe rendit a tire d'aile auprês deM.de Soltikow, appréhendant même d'arriver trop tard. D'un autre cóté l'armée autrichienne avoit pris une pofition fur le Pitfchenberg. M. de Laudon fe tenoit a Striegau, cc 1'on avoit fait avancer Ie Prince de Lcewenftein fur la momagne deWurben» d'oü fon corps refferroit légérement la fortereffe de Schweidnitz. Pendant toutes ces manoeuvres des Autrichiens & des Pruffiens S. A. R. Ie Prince Henri avoit paffé 1'Oder avec toute fon armée & s'étoit campé a Hunern, pour s'approcher des Ruffes. Peu après M. de Soltikow fe retira par Trachenberg & Herrenftadt en Pologne. Le Prince le fuivit jusqua'a Vinzig; mais comme de la part des deux armées pruffiennes il ne pouvoit fe faire d'entreprife importante tantqu'elles refteroient féparées , il fut réfolu que M. de Goltz obferveroit les Ruffes avec un détachement de 12,000 hommes, & qu'il s'établiroit aux environs de Glogau. Le refte de l'armée du Prince repaffa 1'Odec le 29, fe joignit a celle du Roi, qui campoit aux environs de Breslau entre Arnoldsmuhle & Grofs Mochber: il étoit temps d'accourir au fecours de Schweidnitz, dont les ennemis étoient furie point E 2  too BIST. DE LA GUERRE de commencer le fiége. Le Roi fe mit en marche le 30; il découvrit de Wernersdorf le camp du Maréchal Daun au Pitfchenberg & celui de M. de Lafcy fur la montagne de Zobten ; il fit pouffer un gros corps de cavalerie autricfeienne qui venoit a la rencontre de 1'avant-garde, & que la cavalerie du Roi rejeta jusques fous le canon du Maréchal Daun. II n'étoit pas expédient toutefois de défiler avec l'armée entre deux corps ennemis. Le Roi tourna par fa gauche a Rogau, & prit une pofition vis - a vis la montagne de Zobten prés de Ptfchiderwitz; on tendit quelques tentes pour la forme , pendant que M. de Ziethen filoit par des bröuffailles & gagnoit fans brult la gorge de Muhlendorf, qui aboutit a la plaine de Reichenbach & de Schweidnitz. Dès le foir l'armée fuivit ce chemin fur deux colonnes. L'avant-garde a PfafFendorf rencontra 200 dragons de St Ignon, qui allant a la découverte donnèrent a 1'improvifte fur les houfards pruffiens. La confufion fe mit dans les troupes les plus avancées du Roi; mais le régiment de Ziethen vint donner la chaffe a l'ennemi & lui fit 40 prifonniers. L'armée ayant regagné par cette marche la communication avec Schweidnitz, fe campa a Koeltfchen. a un petit mille de cette fortereffe. Dès la pointe du jour le Maréchal Daun apprit qu'il étoit tourné; il abandonna incontinent la montagne de Zobten & le Pitfchenberg, & prit le camp de Kunzendorf. Sa droite s'appuyoit fur la crête de Burckersdorf  DESEPTANS. lui & fa gauche s'étendoit jusqu'k Hohenfriedberg, Le corps de Janus occupoit outre cela les gorges de Wartha & de Silberberg, & M. de NauendorF tenoit les poftes du Spizberg & du Streitberg proche de Striegau. Le lendemain l'armée du Rot prit le camp de Palz, oü elle féjourna; mais comme cet emplacement n'étoit pas favorable pour dépofter les ennemis des montagnes, elle alla fe camper le 3 a Bunzelwitz. On fe battit pendant toute la marche, d'abord avec le corps de Ried a Schcenbrunn, enfuite avec celui de Beek a Jauernick, & comme on ne pouvoit pas foufiïir M. de Nanendorf aStrigau, M. de Ziethen alla lui donner la chaffe; il le pouffa jusqu'a Hohenfriedberg fous les batteries de M. de Laudon, & prit, après avoir fait 400 prifonniers, le camp de Striegau dont il venoit de chaffer l'ennemi. Le Roi défirant d'expulfer les Autrichiens de la Siléfie, pour fe trouver dans la fituation d'envoyer de plus gros détachemens contre les Ruffes. Le meilleur moyen de parvenir a ce but étoit de tourner la pofition des Autrichiens , foit pour ruiner leur magafins, foit pour intercepter les convois qu'ils tiroient de la Bohème. L'exécution n'étoit pas fans difiiculté; car l'ennemi occupoit un terrain trés-vatte, dont il étoit difficile de faire le circuit, paree que le Maréchal Daun pouvoit prévenir les Pruffiens par un petit mouvement de fon centre; il avoit Ia corde & le Roi 1'arc a décrire. Néanmoins, quelque obftacle 1 Sopt.  lOS MIST. DE LA GUERRE que Ton prêvlt, la néceffité d'agir. & le befoia préfent des affaires femportèrent fur toutes ces confidérations, & Ton abandonna févénement a la fortune. L'armée fe mit en marche la nuit du 11 de Septembre, pour tourner les hauteurs de Friedberg, 1'avant-garde gagna la gorge de Kouder. Auffitót que M. de Laudon appercut cette tête, il comprit qu'on avoit defTein de le tourner; il abandonna fa pofition , & fe retira vers le village de Reichenau. Le Maréchal Daun de fon cóté, non moins attentif au mouvement des Pruffiens, vint fe préfenter en même temps a autre bord du ravin qui coupe Reichenau; il fauva par cette marche M. Laudon, qui échappa au danger dont les Pruffiens le menacoient. L'armée arriva dans ■ce camp a jour fermant; le foldat pouvoit a pei«e dreffer fes tentes. Le projet du Roi étoit de détacher fur Landshut, oü l'ennemi avoit fon magafin; on fut obligé d'en différer 1'exécution jusqu'au lendemain. M. de Ziethen fut chargé de cette commiffion; dès la pointe du jour il devoit fuivre le chemin de Flarta & de Ruhbank; mais un contretemps imprêvufit manquer 1'expédition. M. de Beek avoit recu ordre la veille, lorsque l'armée décampoit, de couvrir la droite de M. Laudon. Comme il marchoit de Hohenfriedberg è Reichenau dans 1'obfcurité , il découvrit le camp du Roi, qu'il prit pour celui des Autrichiens, & fe placa fur le flanc gauche de ce camp, par oü, il tournoit le dos a l'armée du Roi. La nuit me-  DESEPTANS. 10$ me le Roi en fut averti. Les Pruffiens ne quitté; rent point les armes, & avant 1'aube du jour on fe mit en devoir de 1'attaquer. Quelques coups de canon mirent fes troupes en désordre. La cavalerie du Roi les chargea dans ce moment, Sr; prit tout un bataillon de pandours de 800hommes; elle pourfuivit le corps de Beek, qui fe fauvant a Hohenfriedberg, fut pouffé jusqu'a Ronftock. I1 auroit été plus mal mené encore, fi le Prince de Lcewenftein ne fut accouru a fon fecours avec des troupes fralches. qui recueillirent les fuyards & couvrirent Ia retraite. Cette canonnade & le bruit du feu d'infanterie firent croire a M. de Ziethen qu'il s'agiffoit de quelque engagement férieux a la gauche du Roh il ne voulut point fe hazarder a quitter l'armée dans un moment oü peut-être fa préfence deviendroit néceffaire, il différa fon départ jusqu'a midi: mais le moment favorable étoit paffé ; il ne put avancer que jusqu'a Harta, oü il fe campa, paree que Laudon venoit de gamir toutes les gorges qui mènent a Landshut, & que M. de Lafcy avoit pris avec 20,000-hommes la pofition de Ruhbauk. M. de Nauendorf, dont le corps étoit demeuré campé a Zirlau proche de Freybourg, fe répandoit pendant ce temps-la dans. la plaine & pouffoit fes partis jusqu'a Jauer & Lignitz. Le Roi envoya M- de Krockow a Wahlftadt, qui furprit un détachement de Nauendorf fort de plus de trois cents hommes, qu'il rsmena tous j>rifonnlers a l'armée. E 4  *04 BIST. DE LA GUERRE Cependant le Maréchal Daun n'étoit pas auffi tranquille qu'il leparoiffoit; il préparoit des chcmins de Landshut a Bolkenhayn,* il faifoit filer •nes troupes ï Ruhbank, & en combinant tous •ces préparatifs, il étoit facile d'en conclure qu'il couvoit le deffein de furprendre par une marche détournée l'armée du Roi, & de la prendre a . dos par le chemin de Bolkenhayn qu'on réparoit. On pouvoit éviter ce hazard; il auroit cté téméraire de s'y expofer; d'ailleurs les Prulfieus valent mieux pour roflenfive que pour Ia défenfive; de plus les fburrages des environs étoient confommés; de forte qu'au lieu de s'expofer a 1'incertitude d'un pareil événement,; Ie Roi fit .le projet de tourner avec fa gauche Ia droite du Maréchal Daun, a contrefens du mouvement qu'il avoit exécuté avec fa droite contre M. Laudon. Dès le foir du 16 l'armée quitta le camp de Reichenau & de Baumgarten. La première tentative devoit fe faire fur la hauteur de Kunzendorf; mais l'ennemi, qui pouvoit s'y rendre plus vlte, prévint les Pniffiens; de plus, comme il falloit traverfer le village de Cider, le Prince de Loewenftein, qui catnpoit prés de la, engagca d'abord 1'efcarmouche, qui bientót fut fuivie d'nne vive canonnade. La direction que l'armée du Roi prenok, étoit a 3,000 pas du pied des montagnes, pour moins expofer les troupes aux effets de 1'artillerie autrichienne; mais l'ennemi, qui defcendoit de fes hauteurs, dérao-  D-ESEPTJNS. 105 gea un- peu les mefures qu'on avoit prifes, M. de Ziethen, qui faifoit 1'arrière-garde , eut a peine quitté le camp qu'il fut continuellement harcelé dans ia route. Comme cela ralentiflbit fa marche, la tête de l'armée fut plus d'une fois obligée de faire halte, pour empécher que les diftances ne fe perdiflèiu, & pour que 1'on fut en état de fe fecourir mutuellement. Auffuöt que 1'avantgarde fut a portee de Kunzendorf, on fit occuper cette hauteur par des houfards & des dragons; L'infanterie pruflienne ne put pas fuivre aflez vite pour les foutenir. L'avant-garde du Maréchal Daün parut en même temps, venant de Furftenftein. Les houfards & les dragons, trop foiblespour foutenir ce pofte important, furent obligés 'de 1'abandonner. L'arrière - garde, qui arrêtoit beaucoup la marche de l'armée du Roi, donna lieu a une nouvelle halte du cóté de Schcenbrunn, pour lui donner le temps de rejoindre la queue des colonnes. Les généraux des ennemis fe flattant de profiter de cette occafion, attaquèrent avec 30 efcadrons 1'infanterie pruflienne; mais i!s furent recus a grands coups de canon, mêlés de beau» coup de feu des petites armes, & rechaffés enfuite par les cuiraffiers de Henri & de Seidlitz jusqu'a leur ligne. Le Roi gagna enfin le village de Bcegendorf, toujours cötoyé par les impériaux. II porta de la fon avant-garde droit fur Ieshauteurs de Hohengiersdorf, on fut obligé d'ouvrirun abattis que l'eunemi y avoit partiqué pour défendre E 5  lo6 BIST. DE LA GUERRE ce chemin dans les montagnes. Le Maréchal devinant a peu prés f intention du Roi, fe mit prés de Hoch Bcegendorf fur cinq ou fix lignes de profondeur, pour occuper par un chemin qui en eft proche la plateau de Hohengiersdorf avant les Pruffiens. M. de Ziethen le canonna avec tant de fuccès, que la confufion devint presquegénéraie dans fon corps. M. de Wied gagna cependant le premier la hauteur de Hohengiersdorf avec uu foataillon du Prince Henri, & un autre de jeune Brons wie j il y trouva 10 efcadrohs autrichiens «jui avoient mis pied a terre & que quelques voJées de canon chaffèrent tout de fuite. De la, comme il s'avancoit pour fe poffer de manière k couper a l'ennemi le chemin de ce plateau, il reneontra la tête de dix bataillons de grenadiers que le Maréchal Daun y envoyoit dans la même intenïion. M. de Wied les attaqua: 1'action fut auffi vive que courte; les Autrichiens furent battus, & perdirent <5oo grenadiers & 14 pièces de canon, l/avant - garde & la gauche de l'armée du Roi ft»« virent M. de Wied, & fe placêrent de ce plateau au Blaueranzen: on fit reconnoitre les hauteurs de Seitendorf ,• que l'ennemi avoit garnies en diligence; la cannonnade, qui avoit commencé au point dü jour, & qui avoit duré toute cette journée, ne Snit qu'a 9 heures & demie du foir. Ce bruit, 'qu*bn avoit entendu a Breslau, parut fi confidéraióle, que les officiers de la garnifon crurent qu'if % avoit eu une bataille i ce n'étoit a la verité qu'«  DE S E P T J N S. 10? jje marche; mais dans les temps paffes on s'étoit battu plus d'une fois fans tirer autant de coups de canon que ce jour-la. On avoit voulu gagner Whalenbourg, oü l'ennemi avoit une boulangerie, mais on avoit fi fort été retardé , paree qu'il falloit toujours fe battre, qu'il fut impoffible aux Pruffiens de pouffer cette fois plus loin leurs avantages. Le lendemain toute l'armée du Roi, k 1'exception des cuiraffiers, occupa les hauteurs de Giersdorf. On fit une tentative pour pénétrer par Neu Reufendorf & le Kohlberg a Wahlenbourg. Durant la nuit M. Laudon avoit pris les devans, & occupoit déja les gorges qui défendent ce paffagej il fuc même joint par M. de Lafcy dans cette pofition, ' de forte que 1'entreprife des Pruffiens n'aboutit qu'ü une canonnade. Le Roi fe rendit en attendant maitre des hauteurs de Beersdorf. La gauche de fon camp s'appuyoit a Kunaft, d'oü la ligne tournoit par Beersdorf & Dittmansdorf, oü étoit le quartier général. De la elle paffoit par Ie Blaueranzen, & le plateau de Hohengiersdorf a 1'extrémité de la droite étoit ocenpé par Ia réferve dont M. de Forcade avoit lecornmandement. L'armée du Maréchal Daun tenoit un terrain plusvafte. Le corps, de Mrs. de Laudon & de Lafcy alloit a Jauernick & Tanhaufen par Neu Reufendorf jusqu'a Seitendorf. Le Maréchal Daun prenoit de la & rempliffoit toute la croupe qui s'étend jusqu'a BiBgendorf. Mrs. de Lcewenftein & de Beek pouvroient fon flanc gauche faifant front ve?3 E f5  ioè HIST. DE LA GUERRE Schweidnitz, 6VM.de Nauendorf couvroitfes derrières a Furftenftein. Ces deux armées s'étoient teltement emboftées dans ces montagnes, qu'elles ne pouvoient avancer ni Tune ni 1'autre, & leurs? camps des deux parts étoient inexpugnables. Ces' camps d'ailleurs étoient fi voifins, qu'il n'eut de» pendu que des généraux de fe canonner réciproquement avec fuccès, mais comme cela ne menoir a rïen, on fut fort tranquille, les vedettes étoient nez a nez, toute tirarllerie fut interdite, on auroïr dit qu'on étoit convenu d'un armiftice; cela etr ▼int au point qu'Autriclriens & Pruffiens remettoient les patrouilles qui s'égaroient pendant fobJcurité de la nuit, dans le chemin qui ramenoit a ïeurs poftes. Tourefois dans ces montagnes meines, dont ia nature s'étoit complue a faire des «fpèces de fortereffes, les uns & les autres fe re«ranchèrent encore pour plus de fureté. La fituation oü fe trouvoit le Maréchal Daun eommencoit a lui pefer. ïl lui étoit infupportable de voir qu'il alloit perdre cette campagne daris Se fuccès de laquelle i! avoit mis fa plus grande efpérance.- Les fourrages des montagnes étoient confumés; il ne pouvcit répandre dans la piainé; que dé petits partis; les chemins rompus rendoient plus difficile 1'arrivée des convois qu'il tiroit de la Bohème; il étoit enfin fur le point d'abandonner la Siléfie, oü déformais i! ne lui reftoit plus d'entreprife a former. Dans fon chagrin il n'imagina: 4'autre reflource pour rétablir fes affaires qu'unj-  DE S E P T A N S. rc# diverfion, qui coupant dans le vif, forcat Ie Roi de s'éloigner. 11 remua ciel & terre pour y dispofer les généraux ruffes' & furtout M. de Soltikow. Son deffein étoit de faire inarcher un corps de Ruffes droit a Berlin, & pour les encourager a cette manoeuvre, il fe propofa de les faire joindre par un détachement de fon armée,- perfuadé que ce feroit-la le feul moyen d'obliger le Roi d'accourir au fecours de fes Etats héréditaires, & par conféquent de quitter la Siléfie avant de pouvoir contraindre les Autrichiens a fe retirer en Bohème. II envoya un officier général dans le camp des Ruffes, afin de négocier cette affaire; la cour de Vienne dépéchoit journellement des courriers a Pétersbourg pour appuyer le projet; on offric aux Rulles fappat du pillage & du butin; & dés qu'ils eurent confenti, M. de Lafcy fut détaché de Seitendorf, pour aider a 1'exécution. Quoique le Roi fut informé de ces deffeins, il ne laisfa pas de détacher M. de Wied avec 6,000 hom1mes pour Ia haute Siléfie. M. da Wied y trouva le corps de Bethlem a Neuftadt; les dragons de Krockow firent une reconnoiffance, otVpar mala* dreile ils perdirent 12.0 hommes; mais cenefont-Ia que des bagatelles. Mrs de Czernichef & de Tottleben s'étoient mis en marche dès le 20 de Septembre avec environ 20,000 hommes; ils avoient pafféfOderaBeuthen, d'oüili Vétoient portés fur Chriftianftadt, tandis que Ml E- 7 Oétobr*i.  tlo HIST. DE LA GUERRE de Soltikow dirigeoit fa marche de Schlichting> heim en Pologne fur Francfort, oü il arriva le 6 d'Oétobre. Les affaires de la Saxe alloient mal depuis le départ du Roi. Les troupes des cercles occuperent d'abord NorlTen; M. de Hulfen, trop foible pour occuper tous les poftes qu'il auroit fallu garder pour empêcher le Prince de Deux20. ponts de le tourner, ne put conferver fa pofition de Schlettau, & fe replia fur Strehla. 11 y fut incontinent fuivi par les ennemis. M. de Luzinsky fe porta fur fon flanc droit, pendant que le Prince de Stolberg attaqua la droite des Pruffiens fur le Durrenberg. M. de Braun, qui commandoit cette brigade , repouffa vigoureufement l'ennemi. Les dragons de Schorlemmer & les houfards de Kleift donnèrent en même temps fur eux & achèverent de les mettre en déroute. Ils fireut prifonniers le Prince de Naffau, Colonel au fervice d'Autriche , 20 officiers & 400 hommes; fur quoi le Prince de Deuxponts fe retira. Mais il fembloit que ce n'en fut pas affez pour M. Hulfen du nombre d'enne- mis qu'il avoit a combattre; Ie hazard lui en fufciioit de nouveaux. Le Duc de Wurtemberg reparut en campagne; il crut être plus heureux en fervant fous les aufpices des Autrichiens qu'eu faifant la guerre avec les Francois; il s'étoit réfervé qu'on 1'employeroit en corps féparé, & s'avancoit vers la ■ fiaxe. Comme il fe trouvoit alors aux environs de Grimma, M. de Hulfen ne trouva pas convenable de prolonger davantage fon féjour de Strehla; il  DE S E P T A N S. fe retira a Torgau, pour couvrir le magafin qu'a avoit dans cette viile, autant que les conjonflures le lui permettroient. Le Prince de Deuxponts fuivit les Pruffiens & vint fe camper a Belgern. Le Duc de Wurtemberg s'avanca de Bitterfeld a Pretfch. M. Luzinsky fe porea fur Dommitfchj il y conftruifit un pont, & paffa l'Elbe Ie même jour. Le Prince de Deuxponts & Mrs. de Haddick & de Maquiérre s'avancèrent alors en mêmei temps fur M. de Hulfen, & vinrent occuper les hauteurs de Suptttz. Ces mouvemens combinés des ennemis & le paffage de l'Elbe du corps de Luzinsky firent appréhender que les ennemis n'eusfent le projet d'affiéger Torgau, ou peut-étre même de pouffer jusqu'a Berlin, oü il y avoit peu de troupes. M. de Hulfen voulut prévenir des deffeins auffi dangereux; pour cet effet il paffa l'Elbe a Torgau & ér^blit fon camp a Ieffen au confluent de 1'Elfter & de l'Elbe. D'abord aprés fon départ les ennemis brülèrent le pont de Torgau. Le commandant de la ville ne fit auctine défenfe; il fe rendit le même jour; fa garnifon forte de 800 hommes, beaucoup de malades de l'armée & un magafin confidérable, tout fut perdu, & tornba entre les mains des impériaux. Le Prince de Deuxponts s'avanca enfuite fur 1'Elfter, & M. de Hulfen ne pouvant rélifter aux ennemis qu'il avoit devant lui & fur fes derrières, fe retira a Coswig, d'oü il fut appelé a Berlin,comme nous le dirons d'abord, b6.  ju HIST. DE LA GUERRE La ville de Wittenberg fut auffitöt affiégee. M, de Saleninon, qui en étoit Commandant, fe dêfendit avec valeur & avec fermeté. Les ennemis bombardèrent la place & en réduifirent les trois quarts en cendres. Les munitions lui manquèrent a la fin; il ne fe rendit toutefois que le 14 d'Oétobre, après avoir fait tout ce qu'on devoit attendre d'un homme d'honneur. Le bouleverfement de la Saxe, les dangers qui rnenacoient la Marche & Berlin, étoient des motifs fuffifans pour engager le Roi a fe porter en diligence au fecours de ces contrées. On étoit déja dans le mois d'Octobre; ii n'étoit pas a préfumer que l'ennemi, fi lentdans fespréparatifs, comniencat un fiége dans cette faifon avancée, vuqu'en Siléfie toutes fes mefures étoient dérangé.s, Toutes les probabilités portoient a croire que le Roi pouvoit quitter la Siléfie fansrisque. Comme donc fa préfence devenoit fi effentiellement nécelfaire ailleurs, il rappela M. de Wied de la haute Siléfie, & partit le 7 d'Oaobre du camp de Dittmansdorf. II dirigea fa marche par Bunzelvvits, Jauer, Conradsdorf, Prinkenau a Sagan, oü M. de Goltz lejoignitle ri. Ce Général avoit détaché M. de Werner pour Colberg dès le mois de Septembre; nous en verrons d'abord les raifons. De Sagan l'armée du Roi marcha par Guben a Gros Mcerau, oü elle arriva le 15. Le projet du Roi étoit de prendre a dos les Rufles, pour abymet tout le corps Q,ui s'étoit ayeuwré jusoji'a Berüa^  DESEPTANS. 113 Mais cela ne fut pas néceflaire; car voici la tournure que prirent les chofes. Mrs. de Czernichef & de Tottleben étoient venus par Ie chemin de Guben & de Beeskow, ils arrivèrent le 3 d'Oflobre devant les portes de Berlin. Le Prince de Wurtemberg , qui. faifoit tête aux Suédois , en avoit eu vent; la guerre qu'il faifoit aux Suédois étoit toujours la même; l'ennemi paffoit Ia Peene, on lui battoit un détachement, il rétrogradoit pour avaucer d'un autre cöte; en un mot il ne fe paffoit rien dans cette guerre qui méritat 1'attention de la poftérité. Le Prince de Wurtemberg fe trouvoit a Pafewalk, lorsqu'il fut informé de la marche des Rufles. II avoit attiré a lui de Ia Poméranie M. de Werner, qui avoit eu les plus brillans fuccès contre les Rufles. La fingularité de fon expédition nous eugage a Ia rapporter, pour égayer un peu la tragique gravité de cette matière. Les Ruffes avoient envoyé leur Amiral Zacharie Danielowitz avec 26 vaifl'eaux de guerre, auxquels fe joignit. une efcadre fuédoife, pour mettre le fiége devant Colberg. Ils ouvrirent la tranchée le 26 d'Aoüt, & continuérent leurs opérations jusqu'au 18 de Septembre. Le commandant & la garnifon y firent a 1'envi des merveilles par leur défenfe & par leurs forties. La nouvelle de ce fiége fit partir M. de Werner de la Siléfie, pour accourir au fecours de Colberg avec 4 bataillons & 9 efcadrons. II vient, furprend l'ennemi a Selnovv, s'empare de 1'important paffage du Kautzenberg, & fe jétte dans la  iï4 HIST. DE LA GUERRE ville. L'ennemi léve le fiége la même nuit, s'embarque fur fes vaiffeaux, abandonna 15 canons, 7 mortiers & fes munitions de guerre. Werner fait 600 prifonniers; il fe préfente le lendemain fur le bord de Ia Baltique, & pat un effet incroyable de la terreur, la flotte léve 1'ancre, met a la voile, & cingle en haute mer. II étoit fans doute réfervé a M. de Werner de mettre une flotte en déroutes avec quelque efcadrons de houfards. Après que ce Général eut achevé d'expulfer les Ruffes de la Poméranie, il fe rendit a Prenzlow, oü il joignit le Prince de Wurtemberg. Mrs. de Werner & de Belling demeurèrent dans ces environs pour s'oppofer aux Suédois, pendant que le Prince de Wurtemberg s'avancoit a grandes journées vers Berlin, oü il arriva le 4 d'Oétobre. Tout le monde avoit pris les armes dans cette capitale; on employoit des invalides & des malades peur fe défendre. Les fortifications de la ville confiftóient en quelques flèches de terre, elevées devant les portes. Ces poftes importans étoient confiés a des généraux de l'armée blefles ou malades, qui fe trouvoient dans la ville. Avec fa cavalerie le Prince de Wurtemberg fortit de la porte' de Siléfie, oü il rencontra l'ennemi, & fut attaqué durant lix heures par M. de Tottleben, qui 1'environnoit avec un corps de 7 a 8,000 Cofaques & dragons. Le Prince non feulement le repouffa , mais le rechaffa jusqu'a Kcepenick. La porte fut attaquée le*lendemam par 2,000 fantaffins rufles.  DESEPTANS. 115 M. de Seidlitz, quoiqu'il ne fat pas guéri de fes blefïures de Kunersdorf, y commandoit; il repouffa l'ennemi. On avoit mandé a M. de Hulfen le péril oü fe trouvoit la capitale; il y étoit accouru de Coswig, & il arriva fur as entrefaites, S'il n'y avoit eu que les RufTes a écarter, on auroit réuili k les chaffer; mais ce qui perdit la ville ce fut 1'arrivée de M. de Lafcy. II avoit déja occupé Potsdam & Charlottenbourg, & s'avancoit du ceté du midi vers Berlin. Cette capitale a trois milles de circuit; or il étoit impoffible que 16,000 hommes défendifl'ent une auffi vafte enceüite, oü il n'y a ni ouvrage, ni remparts, contre 20,000 Ruffes & 18,000 Autrichiens, qui n'ayant rien a ménager, pouvoient tout entreprendre. L'ennemi jetoit déja des bombes dans la ville. Si Ton avoit attendu la dernière extréraité , les troupes cou- . roient risque d'être prifes, & la capitale d'être ruinée de fond en comble. Ces confidérations elfentielles & folides occafionnèrent la réfolution que prirent les généraux de fe retirer, en intimant aux uiagiftrats cfenvoyer des députés aux chefs des ennemis, pour dreffer une efpèce de capitulatlon. Le Prince de Wurtemberg & M. de Hulfen partireut la nuit du 9 & fe replièrent fur Spandau; il n'y eut que le corps des chaffeurs qui fouffrit dans cette retraite. Le même jour les Ruffes entrèrent dans Berlin. L'on convint que la bourgeoifie lèveroit par lmpofition la fomme de deux uaillions, qu'elle payeroit pour fe racheterda  ii<5 HIST, DE LA GUERRE. pillage. Cela n empecba pas que Mrs. de l afcy & de Czernichef ne fulfent tentés d'incendier une partie de la ville, & peut-être y auroit-il eu quelque cataftrophe fans les folides repréfentations de M. Verelft, Miniftre de la république de Hollande. Ce digne républicain leur paria du droit des gens & leur dépeignit leur dureté avec des couleurs fi affreufes, qu'ils en eurent honte. Leur fureur & leur rage fe tourna fur Charlottenbourg & Scheenhaufen, maifons royales, qui furent pillées par lesCofaques & par les Saxons. Le bruit de la marche du Roi alloit en s'accroiffant. II étoit venu des avis a Mrs. de Lafcy & de Czernichef que 1'intention de ce prince étoit de les couper. Cette nouvelle leur fit hater leur départ Ils fe retirèrentle 12. Les Ruffes repaffèrent 1'Oder a Francfort & k Schwedt, & le 15 M. de Soltikow marcha vers Landsberg fur la Warte. Pour M. de Lafcy, il pilla tout ce qu'il rencontra fur fa route, & dans trois jours il eut regagné Torgau. Le Prirxede Wurtemberg & M. de Hulfen, embarraffés de leur perfonne , avoient tourné vers Coswig & s'y tenoient cantonnés faute de favoir oü aller. Ce fut a Grosf Moerau que le Roi apprit ces différens détails. Comme il n'y avoit plus de Rusfes a combattre, ce prince eut la Iiberté de diriger tous fes efforts contre Ia Saxe; ainfi au lieu de prendre la route de Kcepenick; il prit celle de Lubben. Cependant le Maréchal Daun avoit fui-  DESEPTdNS. 117 vi le Rui en Luface; il s'approchcjit alors de Torgau , & comme Ton apprit qu'il avoit laiffé M. de Laudon a Lcewenberg, M, de Goltz eut ordre de retourner en Siléfie, pour s'oppofer de fon mieux aux entreprifes des Autrichiens. L'armée du Roi arriva le 22 k [effen. Les troupes du Prince de Deuxponts bordoient toute la rive gauche de l'Elbe, & il fe tiroit a Prata vis-a-vis de Wittenberg avec la plus confidérable partie de fes forces; il évacua cette fortereffe, auffitöt que la tête de l'armée du Roi parut prés de la ville. Les révolutions fubites qui veuoient d'arriver dans cette campagne, demandoient qu'on prit de nouvelles mefures & qu'on fit de nouvelles difpofitions. II ne reftoit pas un feul magafin. dans toute la Saxe aux Pruffiens. L'armée du Roi vivoit au jour la journée; elle tiroit quelque peu de farine de Spandaü; ces provifions mêmes alloient s'épuifer; avec cela l'ennemi occupoit Ia Saxe entière. Le Maréchal Daun alloit arriver a Torgau, les troupes des cerclessbordoient le cours de l'Elbe & le.Duc de Wurtemberg occupoit les environs de Deffau. Pour fe délivrer de tant d'ennemis le Roi fit marcher M. de Hulfen & le Prince de Wurtemberg a Magdebourg, pour y paffer l'Elbe &pour efcorter les bateaux chargés de farine qui devoient fe rendre a Deffau, oü le Roi réfolut de palfer l'Elbe avec la droite de fon armée, pour fe joindre enfuite a M. de Hulfen. Le Prince de WurtemJicrg reqcontra dans l a principauté de Halberftadt  Ii8 HIST. DE LA GUERRE un détachement, du Duc fon frére, qui fut entiêrement détruit; le Duc s'en retourna d'une traite par Merfebourg & Leipfic a Naumbourg. La droite de 1'armêe du Roi paifa l'Elbe 1'e 26. & fe joignit a M. de Hulfen & au Prince de Wurtemberg proche de Deffau. Sur ce mouvement le Prince de Deuxponts abandonna les bords de l'Elbe, & fe retira par Duben k Leipfic. II avoit laiiTé M. de Ried en arrière dans une forêt entre Oranienbaum & Kemberg, oü cet officier s'étoit placé avec peu de jugement, ayant garni les bois de fes houfards, & ayant pofté fes pandours dans la plaine. L'avant - garde pruflienne 1'attaqua. Ses troupes, qui fe trouvoient toutes éparpilées, furent battues en détail, & fon corps fut pres que détruit: des, 600 hommes, qu'il avoit eus avant faétion, iln'en put raffembler que 1700 a Pretfch, jusqu'oü on le poufia. Dès que l'armée du Roi eut atteint Kemberg, M. de Ziethen, qui avec Ia gauche avoit contenu l'ennemi k Wittenberg paffa l'Elbe , & fe joignit au gros de l'armée. Cependant le Maréchal Daun venoit de joindre M. de Lafcy a Torgau. Comme on apprit avec certitude que fon avant - garde avoit pris le chemin d'Eulenbourg, on ne pouvoit fe figurer autre chofe finon que fon deflein étoit de fe joindre a l'armée des cercles. Sur ce foupcon l'armée marcha fur Duben, pour s'oppofer auneréunion auflï préjudiciable aux intéréts du Roi. En arrivant a Duben,ony trouva un bataillon de Croates, qui futou pris, ou  DESEPTANS. 119 paffe au fil del'épée. Le Roi établit dans cet endroit un dépót pour fes vivres. Ce pofte y parut le plus convenable, paree que c'eft une presqu'ile, apen prés entièrement environnée par -la Mulde. On y conftruifit quelques redoutes, & on y laiffa M. de Sydow avec 10 bataillons , pour la défendre. L'armée du Roi marcha de la fur Eulenbourg. Les troupes autrichiennes qui avoient campé dans cette partie, fe retirèrent par Mochrena fur Torgau avec tant de précipitation, qu'elles abandonnèrent une partie de leurs tentes. L'armée fe campa, la droite a Thalwitz & la gauche a Eulenbourg. M de Hulfen fut obligé de paffer la Mulde avec quelques bataillons; il prit une pofition entre Belzem &Goftevra, vis-a-vïs du Prince de Deuxponts, dont l'armée étoit a Taucha. Dans la fituation oü 1'on fe trouvoit, c'étoit un préalable néceffaire que d'écarter les troupes des cercles, tant paree qu'elles fe trouvoient a dos des Pruffiens, que pour empêcher leur jonétion avec les Autrichiens; il n'en caüta pas beaucoup de peine. M. de Hulfen les fit alarmer; fur quoi elles décampèrent la nuit même, paffèrent la Pleitte, puis 1'Elfter, & fe retirèrent a Zeitz. Le Major Quintus avec fon bataillon franc chargea vigoureufement leur arrière-garde, fur la quelle il fit 400 prifonniers. Après cette expédL tion fi heureufement terminée, les Pruffiens rentrèrent en poflefficm de Leipfic, & M. de Hulfen rejoignit l'armée. Tous les événemens jusqu'alors avoient tournéa Novemr bre,  I2o HIST. DE LA GUERRE t'avantage du Roi. L'irruption des Ruffes & ia prife de Berlin, qui paroifiuient devoir entrainer de fi grandes conféquences, fe cerminèrent d'une manière moins fachcufe qu'on ne pouvoit s'y attendre; il n'en coüta que des contributions & de 1'argent. L'ennemi venoit d'être écarté des frontiéres du Brandebourg; on avoit repris Wittenberg & Leipzic, & 1'on avoit même éloigné les troupes des cercles a une diftance affez conlidérable pour ne point appréhender qu'elles puffent fe joindre promptement aux impériaux. Mais tout n'étoit pas fait, & les projets qui reftoient a exécuter, étoient la plus difficile de 1'ouvrage. Les Ruffes, qui fe tenoient a Landsberg fur la Warte, pouvoient étre de la tranquilles fpectateurs des événe-, mens qui fe pafferoient en Saxe. Cependant le Roi étoit informé que d'autres raifons les engageoient a ne pas trop s'éloigner,leur deffein étant, au cas qué les Autrichiens euffent des avantages fur l'armée du Roi, ou que le Maréchal Daun püt fe foutenir a Torgau, de rentrer dans 1'électoratde Brandebourg, & d'établir leurs quartier le long de l'Elbe conjointement avec les Autrichiens. Les fuites de ce projet auroient été funeftes & défespérantes pour les Pruffiens. Par cette pofition ils coupoient l'armée du Roi non feulement de la Siléfié & de *la Poméranie, mais encore de Berlin, cette mère nourricière qui fourniffoit uniformes, armes, bagage & tous les befoins des troupes: qu'on ajoute a ces comfiderations qu'il ne reftoit de  DESEPTANS. I2t de quartiers a prendre pour 1'année du Roi qu'au dela de la Mulde entre la Pleifle, 1'Elfter & 1'Unftrut. Ce terrain trop relTerré ne pouvoit pas fournir a la fubfiftance de tant de troupes pendant 1'hiver. D'oü feroient venus les magafins pour le printemps? d'oü les uniformes? d'oü les recrues? Cette armée ainfi prefiee & rejetée fur celle des alliés 1'auroit affamée en s'arfaraant elle- même. 9ans avoir de profondes connoiffances militaire*,' tout homme fenfé comprendra que fi le Roi s'en étoit tenu la pour cet autoinne, n'avoit pas formé de nouvelles entreprifes, et il auroit autant valu fe livrer pieds & poings liés a la difcrétion des ennemis. Ajoutsz a tout ce que nous venons de dire, que les provifions dont on avoit formé le dépót de Duben, pouvoient a peine fournir pour quatre femaines a 1'entretien des troupes; que par le froid qui comméncoit a fe faire fentir, leseaux de l'Elbe devoient étre prifes inceffamment; que par confêquent les bateaux ne pouvoient plus amener des vivres de Magdebourg: enfin on fe feroit vu rcdnit ü la derniêre mifère, fi 1'on avoit pas pris alors de bonnes mefures pour écarter l'ennemi, & pour gagner un terrain propre a placer & a faire fubfifter l'armée. Apfés avoir bien mürement examiné & pefé toutes ces raifons, il fut réfolude commeitre la fortune de la F>u(Ié au fort d'une bataille, fi toutefois on ne pouvoit parvenir par des ïnanceuvres a dépofter le Maréchal Daun de Torgau qu'il ' occupoit. II eft bon d'obferver que les efpèces »(kv, fojlh.de r,.U T.IK p  ïit BIST. DE LA GUERRE de jaloufies qu'on pouvoit lui donner, ne rouloient que fur ces deux objets:l'un de gagner avant lui Dresde, oü fon n'avoit laiffé qu'une foiblegarnifon, & 1'autre, de s'approcher de l'Elbe & de lui donner des «pprehenfions pour fes fubfiftances, qu'il faifoit defcendre de Dresde fur ce fleuve; il faut avouer cependant que cette der. „ière manoeuvre ne pouvoit guères lui caufer 'd'inquiétude, paree qu'il étoit maitre de toute ft rive droite de ce fleuve , & qu'il pouvoit faire voiturer par chariots ce que les barques ;ne pouvoient plus tranfporter. Ce qu'il y eut deplus difficile dans 1'exécution de ce plan, fut de concilier deux cliofes presque contra diftoires, la marche de l'armée fur l'Elbe, & la fureté du dépot des vivres. Pour ne point s'écarter des régies, 1'armée du Roi en avangaht ne devoit point s'éloigner de fa ligne de défenfe, par laquelle elle couvroit fes fubfiftances ; & ce mouvement qu'il falloit faire fur l'Elbe, l'écartoit tout a fait a drqite en découvrsnt fes derrières. On tacha cependant d' accorder 1'entreprife fur l'ennemi avec la fureté du depót Le Roi fe propofa de fe porter a Schilda, Lur éprouver la contenance du Maréchal Daun, & de fattaquer a Torgau, s'il étoit obft.nement relblu a s'y maimemr. Comme il n'y avoit qu une marche jusqu'a Schilda, file Maréchal fe retiro.t furce mouvement, il n'y avoit point a cramdre qu'il entreprit fur Duben, & s'il demeuroit a Torgau, en attaquant le lendemain 11 étoit apparent  DESEPTANS. in qu'on lui donneroit tant d'ouvrage, qu'il n'auroit pas le temps de former des projets pour ruiner les magafins du Roi. Tout confpirant donc k confirmer le Roi dans la réfolution qu'il avoit prife, il fit marcher le i de Novembre l'armée a Schilda; il fut pendant tout le chemin avec 1'avant-garde des houfards, pour obferver de qnel cóté fe retiroient les pofte* avancés de l'ennemi, a-mefure qu'ils étoient pouffés par les troupes du Roi. On ne fut pas longtemps en doute; les détachemens fé retirèrent tousa 1'exception de M. Brentano, qu'on attaqua a Belgern, & qu'on prit en un tel fens, qu'il ne put fe fauver que vers Strebla, M. de Kleifl lui fit 800 prifonniers. L'armée du Roi fe campa de Schilda par Probfthain a Langen-Reichenbach, & le Maréchal Daun demeura immobtle a Torgau. II n'y avoit plus a douter qu'il n'eüt des ordres pofitifs de fa cour, de foutenir a tout prix fa pofitiou. On fit les difpofitions fuivantes pour 1'attaquer le lendemain. La droite des impériaux s'appuyoit derrière les étangs de Groswich. Sou centre couvroit la colline de Suptitz; fa gauche fe terminoit au dela de Zinna, en tirant vers les étangs de Torgau. Outre cela M. de Ried obfervoit l'armée pruffienne.du bord de la forét de Torgau. M. de Lafqgpifec une réferve de 20,000 hommes, couvroitHachaufi'ée & les étaugs qui font a 1'extrémité de 1'endroit 0Ï1 les impériaux avoient appuyé leur gauche. Cependant le tetraiu oü fe F 2  I24 HIST, DE LA GUERRE trouvoit l'ennemi manquoit de profondeur, &leuri lignes n'avoient pas 300 pas d'intervalle. C'étoit une circonftance très-favorable pour les Pruffiens, paree qu'en attaquant ce centre de front 6c a dos, on mettoit l'ennemi entre deux feux , 6c il ne pouvoit • qu'être battu. Pour amener les chofes a ce point, le Roi partagea fon armée en deux corps, dont 1'un fut deftiué a s'approcher de l'Elbe, après avoir traverfé la forêt de Torgau; pour attaquer l'ennemi a dos fur la hauteur de Suptitz, tandis que 1'autre, en fuivant la route d'Eulenbourg a Torgau, devoit établir une batterie fur la colline de Groswich & attaquer Ie village de Suptitz en même temps. Ces deux corps agiffant de concert devoient néceffairement couper l'armée autrichienne par le centre; après ouoi il auroit été facile d'en pouffer les débris vers l'Elbe, oü le terrain allant toirours en s'abaifiant par une pente douce , auroit donné beau jeu aux Pruffiens, & leur auroit procuré une viaoire compléte. Le Roi fe mit en marche le 3 dès la pointe du jour; il étoit fuivi de 30 bataillons 6c de 50 efcadrons de fa gauche. Les troupes traverfèrent la forèt de Torgau fur trois colonnes. La route de la première ligne d'infanterie la ^conduifoit parMochrena, Wildenhsyn, Groswich & Neiden; la route de la feconde ligne Ia menoit par Pechhutte, Jiegcrteich, BruckefljÉBf a Elsnich; la cavalerie, qui faifoit la troiïïélrTe colonne paffoit le bois de Wildenh'ayn, pour fe rendre a Vogelfang. ft. de Ziethen fe mit en même temps  DESEPTANS. 125 en marche avec Ia droite de l'armée, confiftant en 30 bataillons & 70 efcadrons, & il enfila le chemin qui va d'Eulenbourg a Torgau. La partie de 1'armée que le Roi conduifoit, trouva M. de Ried pofté a la lifière du bois de Torgau avec deux régimens de houfards, autant de dragons, & 3 bataillons de pandours. On lui tira quelques volées de canon, fur quoi il fe replia vers la droite des impériaux. Prés de Wildenhayn il y a une petite plaine dans la forêt, oü 1'on appercut 10 bataillons de grenadiers bien poftés, qui faifoient mine de difputer Ie paffage aux Pruffiens. Ils firent quelques decharges de canon contre la colonne du Roi, auxquelles les Pruffiens répondirent. On forma une ligne d'infanterie pour les charger: mais ils fe replièrent fur leur armée. Les houfards avertirent en même temps que le régiment de St. Ignon étoit dans le bois entre les deux colonnes d'infanterie, & que même il avoit mis pied a terre, On le fit attaquer incontinent, & comme ces dragons ne trouvoient aucune ifflte pour s'échapper, tout le régiment fut détruit. Ces grenadiers & ce régiment devoient partir ^afemblc pour tenter une entreprife fur Doebeln, & M. de St. Ignon, que' 1'on prit, fe plaignoit amèrement de ce que M. de Ried ne 1'avoit point averti de 1'approche des Pruffiens. Cette. petite affaire ne fit perdre que peu de' momens aux troupes; elles pourfuivirent leur che-' min, & les têtes des colonnes arrivèrent a une h'eure de rapxès-raidl au déboucher de la forêt dans F 3- '  126 HIST. DE LA GUERRE la petite plaine de Neiden. On y appercut des* dragons de Bathiany & 4 bataillons, qui fortant du village d'Elsnich tirèrent quelques coups de canon au hazard, & firent une décharge de petites' armes, fans doute caufée par un mouvement de furprife de ce qu'ils avoient peut-étre appercu quelques houfards pruffiens; Ces troupes fe retirèrent fur une hauteur derrière le défilé de Neiden. 11 y a dans cet emplacement un grand marais, qui part de Groswich & va jusqu'a l'Elbe, au travers duquel on ne peut paffer que par deux chauffées étroites. Sans doute que fi ce corps fe fut établi fur le terrain avantageux oü il étoit, il n'y auroit point eu de bataille; quelque ferme volonté que le Roi eut d'attaquer les impériaux, cela lui dev> noit impoffible; il auroit fallu renoncer a ce projet, & rebrouffer bien vite pour regagner Eulenbourg. Mais les chofes tournèrent tout autremenr. Ces bataillons fehaièrent de rejoindre leur armée,a quoi les invitoit une canonnade aflet forte qullsentendoient eu cóte de M. de Ziethen. Le Hoicrut, comme il y avoit toute apparence, que fes troupes en étoient déja aux^uns avec l'ennemi; cela lui fit prendre le parti de paffer le défilé de Neiden avec fes houfards & fon infanterie; car la cavalerie, qui auroit rü le devancer, n'étoit pas encore arrivé. Le Roi fe gliffa dans un petitbois, & reconnut lui-même la pofition des entiemis. II jugea qu'il n'y avoit de terrain propre a fe former davant les Autrichiens qu'en paffant ce petitbois, qui  DESEPTANS. it? «tettoit en quelque manière fes troupes a couvert, d'oü Ton pouvoit gagner un ravin aflez confidérable pour garantir les troupes, tandis qu'on les formoit contre le canon de l'ennemi. Ce ravin n'étoit a la vérité qu'a 800 pas de l'armée awrichienne} mais le refte du terrain, qui de Suptitz defcenden glacis vers l'Elbe étoit tel, que fi 1'on avoit formé l'armée dans cette partie, la moitié cn auroit péri avant qu'elle eüt pu approcher de l'ennemi. Le Maréchal Daun de fon cóté eut de la peiue a croire que les Pruffiens marchoient a lui; ce ne fut qu'après des rapports réiterés qu'il ordonnaque fa feconde ligne fit volte face, & que la plus grande partie du canon de fa première ligne fütmenée a la feconde. Quelque précautiqn que le Roi prit pour couvrir la marche de fes troupes, l'ennemi, qui avoit 400 bouches a feu en batterie, ne laiffa pas de lui tuer beaucoup de monde; 8oo foldats furent tués, & trente pièces d'artillerie aby. mées, avec leurs chevaux, leur train & leurs artilleurs, avant que les colonnes arrivaflent a 1'endroit oü on vouloit les déployer. Le Roi forma fon infanterie fur trois lignes, dont cbacune de 10 bataillons faifoit une attaque. S'il avoit eu fa cavalerie, il auroit jeté deux regimens de dragons dans un fond qu'il y avoit a la droite de fon infanterie % pour couvrir fon flaiic. Mais le Prince de Hol Hein, dont rien ne dérangeoit le flegtne, n'arriva qu'une heure après que 1'action fut engagée. De la manière dont ia difpoluion des attaques étoit F 4  ii8 f/IS?. DE LA GUERRE réglée, elles devoient fe faire en mème tetnps; tl en devoir réfulter que le Roi, ou M. de Ziethen perceroit le centre de l'ennemi a Suptitz. Mais M. de Ziethen, au lieu d'attaquer, s'amufa longtemps avec un corps de pandours qu'il trouva fur fon chemin dans la forêt de Torgau; enfuite il fe canonna beaucoup avec le corps de M. de Lafcy, qui étoit. comme nous 1'avons dit, pofté derrière les étangs de Torgau; en un mot la difpofition ne fut point exécutée; le Roi attaqua feul, fans étre fecondé de M. de Ziethen, & fans que,fa cavalerie s'y trouvat- Tout cela ne 1'empêcha point de pourfuivre fon deffein. La première ligne du Roi fortit duravin & marcha a l'ennemi en bonne contenance; mais le feu prodrgieux de fartillerie impériale & ce terrain en glacis lui donnoient trop d'avantage; la plupart des généraux pruffiens. des commandeurs des bataillons, & des foldats furent tués ou bleffés. La ligne plia & revint un peu en défordre. Les carabiniers autrichiens en profttèrent; ils la pourfuivirenr, & ne lachèrent prife qu'après avoir recu quelques décharges de Ia feconde ügne; celle-ci s'ébranla aulTitót & après un eombat 'plus rude & plus opiniatre que le précédent, elle fut aufïï repouffée; & M. de Bulow, qui la conduifoit, tomba entre les mains des ensetnis. Le Prince de Holltein arriva enfin avec fa cavalerie fi long- temps attendue. La troifiéme Hgne des Pruffiens étoit déja eugagée; le régiment ia Prince Henri attaquant l'ennemi, fut chargés  D E S E' PT A'N'S. iajh fon tour par la cavalerie autrichienne. Mrs de Hund, de Reitzenftein & de Prittwitz le foutin. rent avec leurs houfards, quelques efforts que les ennemis fiffent pour fenfoncer. Le feu terrible que les impériaux avoient fait de leurs canons, avoit confumé leurs munitions trop promptement. Ils avoient lailfé leur réferve d'artillerie de 1'autre cóté de l'Elbe, & leurs lignes refferrées ne leur permettoieut pas de faire paffer entre deux les chariots des munitions & de les diftribuer aux batteries. Le Roi profita du moment que leur feu commencoit a fe ralentir, pour faire attaquer leur infanterie par les dragons de Bareuth. M. de Bulow les mena avec tant de valeur & impétuofité qu'en moins de trois minutes ils firent prifonniersles régimens de 1'Empereur, deNeuperg, deGies-rock & de Bareuth impérial; en même temps lesouiraffiers de Spaen & de Fréderic donnèrent furr Ia partie de 1'infanterie ennemie qui étoit plus Iti la droite des Pruffiens, la mirent en déroute, &' ramenèrent beaucoup de prifoniers. Pour lePrince de Holftein, on 1'avoit placé pour couvrir le flanc gauche de 1'infanterie. Son aile droite y. touchoit, & fa gauche tiroit vers l'Elbe. L'ennemi fe préfenta bientót vis-a-vis de lui avec 86^ efcadronsjil avoit fa droite vers l'Elbe &fagauchevers Zinna. C'étoit M. d'Odonel qui coiamandoit'. cette cavalerie impériale. S'il avoit eu la réfolutiorü d'attaquer le Prince de Holftein, le Roi perdoit hu bataille. fans reflburce mais il refpecla un foffii.' F 5; '  ï3o HIST. DE LA GUERRE d'un pied & demi de largeur, qu'on défendok aux efcarmoucheurs de paffer, les ennemis le crurent confidérable, paree qu'on faifoit mine de le refpecter, & ils demeurèrent vis-a-vis du Prince de Holftein fans agir. Cependant les dragons de Bareuth venoient de nettoyer la hauteur de Suptitz. Le Roi y fit marcher le régiment de Maurice , qui n'avoit point combattu, & un vaillant & digne •meier , M. de Leftwitz, ramena un corps de iooo hommes qu'il avoit formé de différens régi. mens repouffés dans les attaques précédentes. Avec ces troupes les Pruffiens s'emparèrent de la hauteur de Suptitz, & on les y établfc avec. tout le canon qu'on put rafiembler a la hite. Enfin M. de Zie• then étant arrivé au lieu de fa deftination, attaqua de fon cóté. 11 faifoit déja nuit, & pour éviter que Pruffiens ne combattiffent contre Pruffiens , 1'infanterie de Suptitz battit la marche. M. de Ziethen 1'eut bientót jointe. A peiae commeucoit-oa a fe former avec quelque ordre fur cet emplacement , que M. de Lafcy vint avec fon corps pour en déloger les troupes du Roi; mais il arriva trop tard. II fut deux fois repouflé. Rebuté d'être li mal accueilli, il fe retira vers Torgau a 9 heures & demie du foir. Après Ia bataille les impériaux fe les Prufiiens étoient fi voifins dans les vignes de #uptitz, que bien des officiers & des foldats de part & d'autre furent faits prifonniers en s'égarant dans 1'obfcurité, lorsque tout étoit fini, en ordre & tranquille. Le Roi tnéme, en voulant fe rendre  DE S E P T A N S. i3l au. village de Neiden, tant pourexpédier des ordres relatifs au gain de cette bataille, que pour en publier le fuccès dans le Brandebourg & en Siléfie,. entendit proche de l'armée le bruit d'une voiture. On demanda le mot, & il fut répondu: Autrichien. L'efcorte du Roi donna deffus, & prit toutun bataillon de pandours, accompagné de deux canons, qui s'étoit égaré dans 1'obfcurité de la-nuit. A cent pas de la il rencontra une troupe a cheval, qui répondit fur le qui vive, carabinieri autrichiens. L'efcorte du Rot les attaqua & les difperfa dans la forèt. Ceux que 1'on prit, dépofèrent qu'ils s'étoiem égarés avec M. de Ried darmee bois, & qu'ils avoient cru que les impériaux étoient maitres du champ de bataille. Toute la forêt que l'armée pruflienne avoit traverfée avantla bataille , & que le Roi cótoyoit alors, étoitpleine de grands feux. On ne pouvoit deviner qui ce pouvoit ctre, & 1'on envoya quelque houfards pour s'en éclaircir. Ils rapportèrent qu'il y avoit autour des feux des foldats habillés de bleu & d'autres de blanc; mais. comme il falloit s'informerplus exactement ,. on y envoya des officiers, & 1'on' apprit un fait fingulier, dont je doute qu'on trouve des exemples dans l'hiftoire. C'ètoient des foldata des deux armées, qui avoient cherché un afiledans ce bois; ils avoient paflé entr'eux un accord de neutralité; pour attendre ce que le fort déciderok des Pruffiens & des impériaux, étant réfignés desdeax cités a fuivre le parti de la fortune & 4f« Fa.  13* EIST. BE LA GUERRE rendre aux viétnrieux. Cette bataille cotita 13,00® hommes aux Pruffiens, dont 3,000 furent més, & 3,coo tombèrent entre les mains des ennemis dans les premières attaques que ceux-ci repouffèrent. Mrs. de Bulow & de Finck furent de ce nombre. Le Roi eut la poitrine effieurée d'un coup de feu, ie Margrave Charles une contufion; plulieurs généraux furent bleffés. La bataille fut opiniatreiient difputée de part & d'autre. Cet archarnement couta 20,000 hommes aux impériaux, dont 3,ooo hommes furent faits prifonniers, a'vec' 4. généraux. Bs y perdirent 27 drapeaux & 5» eanöhs. Le Maréchal Dauu fut bleffé dès les premières attaques. Lorsque les ennemis virent plier la première ligne des Pruffiens, trop frivoles dans leurs efpérances, ils dépêchèrent des courriers a Vienne & a Varfovie pour annoncer leur vicloire; mais la nuit même ils abandonnèrent le champ de bataille & repaffèrent l'Elbe a Torgau. Le lende4. main au matin Torgau fe rendit a M. de Hulfen 'r on fit paffer l'Elbe au Prince de Wurtemberg; il pourfuivit l'ennemi, qui fuyoit en défordre , & augmenta encore le nombre des prifonniers qu'on avoit deja faits; les impériaux auroient été totalement défaits, fi M. de Beek, qui n'avoit point combattu Ia veille, n'eüt couvert leur retraite en poftant fon corps entre Arzberg & Trieflewitz derrière le Landgraben. II ne dépendoit que du Maréchal Daun d'éviter cette bataille. Si au lieu de placer M. de lafcy derrière les étangs de Torgau (que ó bataillons  25 E S E PT A NS, ij3 auroient défendus fuffifamment) il 1'èüt pofte derrièreIe défilé de Neiden, fon camp auroit été in expugnable; tant les moindres inadvenances dans ce méstier difficile peuvent tirer a conféquence. Dès que les Ruffes furent informés de la manié* re dont la fortune avoit décidé du fort des Autrichiens & des Pruffiens a Torgau, ils fe retirèrent a Thorn, oü ils repaffèrent la Viftule. L'armée du Roi s'avanca le 5 a Strehla & le 6 a Meiffen. Les impériaux avoient laiffé M. de Lafcy de ce cóté de l'Elbe, pour qu'il püt couvrir le fond de Plauen avant leur arrivée. II voulut difputer le défilé de Zehren a 1'avantgarde du Roi, mais dès qu'il appercut que la cavalerie fe mettoit en mouvement pour le tourner par Lommatfch, il s'enfuit a Meiffen , oü il repaffa la Tripfche, & malgré la célérité de fa marche, fon arrière-garde fut entaraée & perdit 400 hommes. On continua de le pourfuivre, afin de tenter, k Ia faveur du trouble & du défordre oü étoit l'ennemi, de paffer avec lui le fond de Plauen, & de s'emparer de ce pofte important; mais quelque diligence que 1'on fit, on y vint deux heures trop tard; car en arrïvant a Uekersdorf, on découvrit un autre corpsdes ennemis, qui avoit déja pris pofte au Wind. berg, & dont Ia droite s'étendoit au Trompeter Schlsesgen; c'étoit M. de Haddick. Avec le Prince de Deuxponts il avoit en quittant Leipfic marché a Zeitz, puis a Rofswein.. Auffitót qu'iis furent informés du défavantage que les impérian» EZ  •öobre ,34 HIST. DE LA GUERRE avoient eu a Torgau, ils s'avancèrent en grande diligence pour couvrir Dresde,avant que lesPrusGens puflent y venir. Ce fut a Uckersdorf oü fe boruèrent les progrès du Roi, & les fuites de la bataille de Torgau. Comme les blefftires du Maréchal Daun 1'empêchoient de vaquer au commanr dement de fon armée, il en remit le foin a M. d'Odonel. Ce Général repaffa l'Elbe k Dresde, d'ou il envoya les régimens les plus délabrés en Bohème, pour fe refaire dans des quartiers tranquilles. Le Prince de Wurtemberg, qui n'étoit plus néceffaire en Saxe, retourna joindre en Po«éranie Mrs de Wemer & de Belling, avec lesquels il eut bientót nettoyé les Etats du Roi du refte des Suédois qui les infeftoient encore; après quoi il tourna vers- le Mecklenbourg, oü il étar blit fes quartiers d'hiver. Depuis que le Roi & le Maréchal Daun avoient quitté la Siléfie, M. Laudon, en partant de Lcewenberg, avoit pouffé jusqu'a Léobfchutz. 11 fe propofa de fe rendre maltre de Cofel; il donna deux alTauts confécutifs a la place le 24 & 25 d'Octobre, & fut repouffé deux fois par les bonnes difpofitions de M. de Lattorf, qu» en étoit Commandant. L'appfoche de M. de Goltz obü* gea 1'Autrichien k lever le fiége. 1! fe retira k' Oberglogau & de la fur les hauteurs de Kunzen. dorf. Toutefois lorsqu'il vit que M. de Goltz s'avancoit fur lui a la tête de 32 bataillons & de .36 efcadrons, il piit le chemin de Wartha,, &f«  DESE.PTJNS. ijs retira dans le comté de Glatz, oü il mit fes troupes en quartiers d'hiver, en les répandaut en Bohème dans les cercles voifins. L'armée du Roi s'étendoit de Neilfe par Schweidnitz a Landshut, Lcewenberg & Gcerlitz. Les troupes de Saxe reprenoient par Efterwerda, Coswig, Torgau, Meiffen , Freyberg, Zwickau & Naumbourg. Le Roi établit fon quartier général a Leipfic pour être plus a porté de concerter certaines entreprifes avec le Prince Ferdinand de Bronfwic contre les Francois & les Saxons, qui étoient avancés de fes cótés jusqu'a Muhlhaufen & Duderftadt, Pour comprendre la fuite des expéditions qui fe. firent cet hiver, il fera néceffaire de rapporter Ia campagne des alliés, qui ne fut pas heureufe cette année. Leur armée fut renforcée par 7,000. Anglois, & par un nombre a peu prés égal detroupes légères qui fureat levées durant 1'hiver. Dès le 20 de Mai le Prince Ferdinand.de Bronfwic enna en campagne. II affembla les troupes a Fritzlar; & poulTa en avant Mrs d'Imhof & de Luckner, pour occuper les poltes importans de Kirch. heim & d'Atncejiebourg,. & il détacha fur leur gauche M. de Gilfe,qui s'établit a Hersfeld. Bientót le Prince héréditaire fut obligé d'etitrer dans le pays de Fulde pour piotéger les livraifons de fourragequ'en tiroit l'armée alliée. D'un autre cóté l'armée francoife ne fe raffembla que le 10 de Juin. auprès de Friedberg. M, de Broglio fit avancer aufiitót Ie Comte de Luface dans l'évéch^.de FuU JUHt.  335 HIST. DE LA GUERRE de, pour obferver les mouvemens du Prince héréditaire. Ces premiers pas ne découvroient point aflez les projets de campagne des Francois-, ou ne pouvoit prendre des mefures pofitives pour les contrecarrer. Le Prince Ferdinand étoit d'ailleursdans la perfuafion.que la France feroit cette année les plus grands effbrts du cóté du bas Rhin. Cette iuppofitton dérangea les fuites de la campagne, qui peut-être auroit autrement tourné ,. s'il avoit prévenu les Francais fur 1'Eder. Car 1'intention de M. de Broglio étoit de pénétrer en Heffe, &de-la'dans le pays de Hanovre, autant que cela fe trouveroit praticable. Ce fut fur quoi roulèrent toutes fes opérations, & celles du Prince Ferdinand tendoient a 1'en empêcher, foit en fe faifisfant de quelques pointscapitaux, foit en battant des détachemens,ou enfin,comme il ne pouvoit point attaquer les poftes francois & caufe de leur force & du terrain avantageux dont ils avoient fu profiter en faifant faire une diverfion au Prince héréditaire fur Wéfel, pour affoiblir les ennemis qu' ili avoit en Heffe devant lui. Le premier mouvement de M. de Broglio fut fur Grunberg, & le fecond fur 1'Ohm. Le Prince Ferdinand fe tourna vers Ziegenhain & de-la fur Dietershaufen. Ces premières manoeuvres donnèrent d'abord 1'avantage aux Francois de s'emparer de Marbourg. M. de St. Germain, qui étoit au bas Rhin, devoit joindre le Maréchal Broglio, pour détourner M. deSpcerken, qui lui étoit oppofé; il s'avatiQj d'abord"  DE S E P T /INS. ï37 a Unna; d'oü il tourna fubitement vers la Ruhr, & de-la fur la Dimel. Le Général hanovrien ne donna pas dans- le piége & arriva en même temps fur la Dimel. Pour faciliter la jonétion de M. de • St. Germain, M. de Broglio marcha a Neuftadt, & de-la fur Corbach. Le Prince Ferdinand,^qui étoit encore h Zfegenhain , envoya le Prince héréditaire dans le pays de Waldeck, & le fuivit de prés. Ce dernier s'approcha de Corbach, pour couvrir la marche des alliés qui paffoient le défilé üe saciuenhaufen a un mille derrière fel. L'armée francoife, fort fupétieure en nombre a fon détachement, Fattaqua; il y perdit du monde & du canon; il fe replia fur Sachfenhaulén, oü il rejoignit le Prince fon oncle. Comme toute l'armée frangoife étoit a Corbach , le Prince Ferdinand voulut au moins couvrir 1'évêché de Paderborn; il envoya M. de Spcerken, qui k peine arrivé trouva vis-a-vis de lui de M. de St. Germain, que le Maréchal de Broglio lui oppofoit. Cependant le Prince héréditaire fupportoit avec peine ledéfavantage qu'il avoit eu le jour de Corbach, & ne tnrda pas a prendre fa revanche. II partit du camp k la fourdine & enleva un détachement entier de 3, ooo Francois a Kirchhayn , avec le Brigadier Glaubitz, qui le commandoit; & le Prince de Coethen. D'un autre cóté M. de Broglio ne restoit pas dans l'inaótion; il effaya d'enlever le corps dc M. de Spcerken, & quoique ce Général hanovrien ie retirat a Volkmarfen, & que l'armée des- 8 Juület.  ijS HIST. DE LA GUERRE alliés s'approchat pour le foutenir, fon arrière-garde n'en fut pas moins malcraitée par les Francois. Ap'rès cet échec le Prince Ferdinand prit une pofition a Calben pour couvrir Caffel, le Prince héréditaire & Oberwellraar, M. de Wagenheira a Munchof, & M. de Spcerken a Weftoffelen. L'armée francoife fuivit les Allemands au dela de Freyenhagen, d'oü le Comte de Luface fe porta fur i'Eder, & M. de Muy fur Warbourg. Comme ce dernier corps ótoit aux alliés la communication avec g.f„rt-f-1 j4 Paderbo:':; & ia vi is de LippHadt, le Prince héréditaire & M. de Spcerken furent envoyé» dans cette partie. L'armée des alliés les fuivit immédiatement. Le Prince héréditaire avoit déja tottrné M. de Muy, lorsque le Prince Ferdinand arriva. L'action s'engagea tout de fuite, Les Francois ayant perdu 20 pièces de canon & 4»°°° hommes, fe retirèrent a Volkmarfen, oü peut-être on ne les auroit pas lailTés tranquilles fans un incident qui dérangea toutes les mefures que les alliés avoient prifes. Dès que le Prince Ferdinand fe fut éloigné de Caffel, M. de Broglio chargea le Comte de Luface du fiége de cette ville; & apeine parut il, que cette capitale fe rendit a lui. Elle fut prife par les Francois Ie même jour que M. de Muy fut battu a Warbourg par les alliés. L'armée francoife marcha auflitót a Volkmarfen fur la Dimel, & pouffa M. de Muy a Stadtberg, tanJis que de fon cóté le Comte de Luface perca par Munden dans 1'éleftorat de Hanovre. Le Prince  DESEPTANS. 13S Ferdinand, refté a Warbourg, oppofaM.de Spcerken a M. de Muy, & aflura fa comvnunication le mieux qu'il put derrière la Dimel, & le Prince héréditaire & Luckner paffèrent le Wéfer aHolzmunden. lis s'avancèrent fur le Comte de Luface & le contraignirentd'abandonnerEiinbeck, Nordheim & Gcettingue, & firent au dela de 600 prifonniers dans le détail de cette opératie». Pour le Comte de Luface, il prit la route de Wiuenhaufen, & fit diligence pour regagner Munden. • Le Prince héréditairs ayant isiffé 85. de Wangenheim a Usiar pour obferver les Francois, s'en retourna joindre l'armée de fon oncle. Par 1'elTet des différentes. manoeuvres dont nous avons rendu corapte, les alliés ne tenoient plus qu'une lifiére de la Hefie, & comme ils étoient entièrement coupés de Ziegenbain , cette fortereffe tomba au pouvoir des Francois, qui en firent la gainifon prifonnière de guerre. Le Maréchal de Broglio ayant ainfi nettoyé tous fes derrières & fe trouvant en poffeflion du pays de Heffe, raffembla tous fes détachemens» fe porta fur Durrenberg & fit mine de pénétrer en force dans 1'eleétorat de Hauovre. Sur cette démouftration les alliés fe replièrent fur le Wéfer, prtrent un camp a Bühne, & occupèrent par des déiachemens. les poftes de Beverungen, Bodenhagen & Teiffelberg. Le prince héréditaire demeura a Warbourg, d'oü il furprit de nuit a Zierenberg un détachement de 500 Francois. Peu de 'lfitirs aPr^s ümarcha du cóté de 1'Eder, pourfour Ac»c.  i4o HIST. DE LA GUERRE 14 Sept. tenir 1'entreprife de M. de Bulow fur Marbourg. Cet officier' s'avancja vers cette ville avec la légion britannique; il furprit les Francois & leur ruina toute leur boulangerie, & auroit poulTé fes avantages plus loin; fans le malheur qui arriva au Colonel Ferffen, qui devant le foutenir du cóté de Corbie, pour protéger fa retraite, fe lailfa battre par M. de- Stainville. M. de Bulow , qui n'en fut pas averti a temps, eut bien de la peine a fe retirer & ne gagna le corps du Prince héréditaire qu'aprés avoir eu quelques facheufes affaires ri'nrriére-garde a effuyer. Sur ces entrefaites M. de Broglio étant retourné a Caffel, le Prince Ferdinand prit le camp de Geismar. Cependant, comme les Francois ne renongoient pas au deffein de pénétrer dans 1'électorat de Hanovre, le Maréchal Broglio renforca le corps du Comte de Luface de 16,000 hommes. Son intention étoit de furprendre M. de Wangenheim a Uslar. Ce Général y fut' attaqué Ie 19. La fupériorité de l'ennemi le forcant a la retraite, il 1'exécuta fans faire de perte confidérable. Auffitöt que le Prince Ferdinand fut inftruit de ce qui venoit de fe paffer, il envoya des renforts a M. de Wangenheim, avec lesquels ce Général retourna occuper fon ancien pofte. Le Comte de Luface de fon cóté fe porta fur Lutterberg & reprit Gcettingue, tandis que d'autres dé- • tachemens frangois s'emparérent de Vach, Hers£eld, Efchwege <& Muhlhaufen, oü ils établirent des magafins auxquels les duchés de Gotha ék ^JÉfe  DE S E P T /i N S. 141 fenach furent obligés de fournir les livraifons. D'autres détachemens s'êtendirent de-la dans la Thurin-ge, pour prêterlamainaux troupes de 1'Empire, & a celles du Duc de Wurtemberg , qui s'avancoit alors vers 1' Elbe du cóté de Wittenberg & de Torgau. Le Prince Ferdinand voyoit clairement par lesdifférentes mefures que prenotent les Francois, que le Maréchal de Broglio avoit intention de femaintenir durant 1'hiver tant en Heffe que dans le pays de Hano•• vre ,■ il crut ne pouvoirrompre autrement ce deffein que par une puiffan te diverfion, qui en attirant ailleurs une partie des forces ennemies, lui donneroit jour a former quelque entreprife contre la partie de i'armée ennemie qui demeureroit vis-a-vis de lui. II fepreffa d'exécuter ce projet, & chargea du fiége de Wéfel fon neveu, le Prince héréditaire, qui partit auffitót & la téti de 15,000 hommes pour le bas Rhin. Ce Prince renforca fon corps dans fa marche de tout ce qu'il put tirer des garnifons de Munfter & de Lippftadt, & dés le comtnencement d'Oétobre il inveftit la ville de Wéfel, dont la garnifon confiftoit alors en 3,600 hommes. II paroit que cette expédition devoit étre prompte pour réafiir, & qu'en hazardant un coup de main, en gliffant des troupes pourvues d'échelles du cóté du Rhin, & en faifant en méme temps une faufle attaque du cóté de la porte de Berlin, il auroit été poffible d'emporter la place & la citadelle en même temps. Peut-être que cette entreprife parut trop incertaine & que ie Prince héréditaire eut Oftobre.  i42 HIST. DE LA GUERRE des raifons de lui préférer la manière ordinaire d'at'taquer les places. 11 fit paffer le Rhin a une partie de fes troupes, s'empara de la ville de Cléves, oü il fit 600 prifonniers , de-la fe rendit & Ruremonde, qui fut prife fans faire de réfiftance; après quoiil retourna a Burich, oü il fe retrancha entre cette ville & Ie Rhin, établiffant fes ponts de -de communication fur ce fleuve au deffus & au deffous de Wéfel. La tranchée devant cette place fut ouverte le 1 u D'un autre cóté le Maréchal de Broglio ne demeura pas dans 1'inaétion II devina par la route qu'avoit prife le Prince héréditaire, quelle pouvoit étre la nature de fexpédition qu'il alloit tenter, & il envoya inceffamment au bas Rhin M. de Caflries a la tète d'un corps de 20,000 hommes. Ce Général traverfa la Wettéravie, & fit tant de diligence, qu'il arriva le 14 du mois a Nuys; il s'y fit joindre par 10,000 hommes , qu'il tira tant du pays de Cologne que des garnifons des Pays-bas. Après leurarrivées'avancant a Rheinberg il prit une pofition derrière le foffé Eugène, canal qui va de cet endroit a Gueldre, d'oü il pouffa fa gauche a Clofter Carapen. Le Prince héréditaire, mal informé de la force des ennemis, ne croyant point avoir a faire a fi forte partie, jugea qu'il lui convenoic d'aller a la rencontre des Francois, parca que s'il battoit ce fecours, Wéfel tomboit de lui-méme, & que s'il laiffoit a M. de Caftries le temps d'augmenter fon corps, il falloit fe réfoudrealever le fiége de.cette  DESEPTANS. 143 place fans conibattre. Dans cette Vue ce Prince s'approcha dé"Rheinberg & la nuit du 15 au 16 il marcha a rennemi, pour attaquer fa gauche au de-la de Clofter Campen. Le Prince ignoroit que le corps de Fifcher fe trouvat pofté devant l'armée francoife. Comme il fut obligé de le dèpofter, cette tiraillerie donna 1'alarme au corps de M. de Caftries & Ie combat s'engagea tout de fuite; il fut opiniatre & dura depuis 5 heures du matin jusqu'a 9 heures avant midi. Les alliés poulfèrent une ligne des ennemis, mais le nombre 1'emporta. Les Francois faifant avancer fansceffe de nouvelles troupes, qui n'avoient point encore combattu, débordèrent les affaillans fur leurs deux ailes. Les alliés ne purent y réfifter , & le Prince qui s'appèrcut du défavantage que fes gens avoient dans le combat, prit le parti de fe retirer a Burich. Cette affaire lui coüta 1200 hommes. Les Francois ne le fuivirent point; mais en revenant dans fon camp il trouva fes ponts emportés par les eaux, qui s'étoient accrues. Ce ne fut que le 18 qu'il acheva de les rétablir & qu'il repaffa le Rhin, leva le (iége de Ia place, & fe campa a Brunen , qui n'eft qu'a un mille de Wéfel. De-la Je Prince obferva quelque temps les Fraucois, [qui ne firent p nut mine de le fuivre; après quoi il retourna dans le pays de Munfter, d'oü ayant envoyé une par. tie de fon corps en baffe Saxe, il remit le refte de fes troupes en quartiers de cantonnement. II ne fe paffa rien de confidérabie durant cette  i44 HIST. DE LA GUERRE expédition du cóté du Prince Ferdinand, finon que M. de Wangenheim, renforcé par quelques troupes qu'il avoit recues de la graude armée, chaffa M. de Stainville de Duderftadt & s'y établit. M. da Broglio ayant retranché fon camp de Caffel, renvoya fa cavalerie dans 1'évêché de Fulda; le Prince Ferdinand repaffa le Wéfer alors, & rauforca fes poftes d'Uslar, Moringen & Nordheim. Nous verrons dans peu les refforts que les généraux firent jouer de part & d'aucre, pour reprendre ou pour foutenir Ia Heffe. Cette lutte dura encore les deux campagnes fuivantes, & ne fe termina que vers la paix & 1'avantage des alliés. chapitPyE xiir. De Vbiver de i;6o d 1761. , j_/armee du Roi étoit entrée dans les quartiers d'hiver dés le 8 de Décembre. Elle n'avoit- point èt craindre d'être inquiétée-" par les impériaux; ils penfoient trop vivement encore a Ia bataille de Torgau, & ne s'occupoient que des moyens d'eu réparer les pprtes. II n'en étoit pas de même des Francois. Ils avoient eu fur le Prince Ferdinand des avantages qui les approchoieut des Etats du Roi & des frontiéres de la Saxe. Le Maréchal de Broglio occupoit la Heffe; il avoit pouffé un dé tachementde Saxons & de Francois a Gotha; il te.  DE S E P T A N S. 145 tenoit Gcettingue, & par cette pofition ilrelTerroit également les Pruffiens & les alliés. Pour refferrer l'ennemi a fon tour, le Roi preffa le Prince Ferdinand d'entrer le plutót qu'il pourroit enaction: car les Pruffiens étoient chaque année obligés de fe battre avec les mêmes troupes contre les Rusfes, les Suédois, les Autrichiens & les Francois. Le Prince Ferdinand fe porta fur Gcettingue avec fon armée; des pluies abondantes furvinrent, qui firent enfter & déborder les rivières & abymérent les chemins. On ne put tranfporter a l'armée ni munitions de bouche, ni munitions de guerre; en un mot 1'expédition manqua, & le Prince Ferdinand reprit fa première pofition. On ne fe découragea point; au projet qui venoit d'échouer on en fit fuccéder un nouveau. Le Prince Ferdinand fe propofa d'entrer en Heffe par trois chemins, pour tomber en mème temps fur différens quartiers francois , au moyen de quoi il y av^it lieu de préfumer qu'il rejeteroit l'ennemi fur le Mein, qu'il reprendroit les places de la Heffe & rétabliroit 1'état de la guerre fur un pied plus avantageux pour les alliés. Pour encourager d'autant plus ce Prince Jt cette expédition, le Roi lui promit de 1'affifter d'un corps de fes troupes, qu'il pourroit employer jusqu'aux bords de la Werra & de Vach, & 1'on prit de concert des mefures pour mettre cette entreprife en exécution. En conféquence 7,000 Pruffiens s'avancèrent a Langenfalza, oü M. de Stainville s'étoit pofte avec Ocav. Pajfh. dt Fr. II. T. IK G llXii Fevriar 12.  146 HIST. DE LA GUERRE tra corps de Saxons & de Francois. Le petit ruiffeau de la Salza féparoit la cavalerie francoife de 1'infanterie faxonne. M. de Stainville fe tenoit a la rive droite de ce ruiffeau avec fa troupe, & le Comte de Solms a la gauche, ayant un marais entr'eux. Les Pruffiens dès leur arrivée canonnèrent la cavalerie francoife, qui fe mit incontinent a fuir. Les Saxons fe voyant ainfi abandonnés par M. de Stainville, prirent le parti de fe retirer. Mrs. ó-i Lcellhceftel, d'Anhalt & de Prittwitz failirent le moment qu'ils fe mirent en mouvement, foudirent deffus avec la cavalerie pruflienne, les enfoucèrent, & prirent 60 officiers, 300 hommes & 5 canons, & eurent tout 1'honneur d'une auffi belle aétion. M. de Spcerken furvint avec fes Hanovrieus & fe joignit aux t oupes du Roi pour la pourfuite de l'ennemi. M. de Luckner attaqua de nouveau ces Saxons a Eifenach, puis a Vach, oü il difperfa toute leur infanterie. De la Mrs. de Spcerken & de Luckner s'avancèrent fur Hersfeld. Le Prince héréditaire de Bronfwic s'empara en même temps de Fritzlar & du dépot que les Francois y abandonnèrent. Lö Prince Ferdinand, qui tenoit le centre de ces deux corps avec ie gros de l'armée, paffa la Fulde, & marcha droit fur Caffel. M. de Broglio, pris au dépourvu, ne 1'attendit pas, & fe retira par la ville de Fulde fur Hanau & Francfort. Quelque peu favorable que parut la fairon pour entreprendre des fiéges, il étoit fi impouant de retirer Caffel des mains des Francois,  DE S E P T A N S. qne le Prince Ferdinand réiblut de temer f entreprife. II chargea le Comte de la Lippe de cette opération. La place étoit défendue par une garnifon de 6,000 Francois. Le Comte de la Lippe en fit rinvelliffement avec 15,000 Hanovriens. Pour proliter de 1'occafion qui fe préfentoit & de féloignement de l'armée francoife, le Prince Ferdinand fit affiéger trois places ala fois, favoir Casfel, Ziegenhain & Marbourg. L'inexpérience des généraux & des ingénieurs, le retardement des munitions, les chemins rnauvais & rompus, qui abymoient les chariots, les lui firent manquer toutes fois. Durant tous ces fiéges le Prince héréditaire avoic été poullè en avant, pour obferver les mouvemens des Francois vers Francfort & fur le Mein. Le Prince fon oude étoit un peu trop en arrière avec la grande armée pour pouvoir lui porterd* prompts fecours. M. de Broglio foudit fur ce détachement avec toute l'armée francoife. Le Prince héréditaire perdit 300 hommes a cette aétion, & rejoignit avec les débris de fon corps le Prince Ferdinand. ' M. de Broglio continua de s'avancer eti Heffe. Un détachement des alliés * qui afiiégeoit Ziegenhain, fe retira trop tard & fans difpofuioa enpréfencede l'ennemi, & fut totalement battu er. défait. Pour éviter de plus grands malheurs, la Prince Ferdinand crut que la prudence demandoit qu'il évactiat la Heffe. II dirigea fa retraite avec tant de précaution, qu'il rentra dans le pays de Ilanovre fans avoir fait la moindre pene. M. de G 2  l48 HIST. DE LA GUERRE Broglio ne fe hazarda pas a le fuivre; il fe contenta de ravitailler la ville de Caffel, & d'en renforcer Ia garnifon, de mème que celles de Giesfen, de Marbourg & de Ziegenhain, aprèsquoi il fe replia derrière le Mein. Les troupes dont leRoi s'étoit fervi contre les Francjois & les Saxons, devenant déformais inutiles fur la Werra, furent alors employées contre l'armée de 1* Empire. A peine avoit-on battu un ennemi, qu'il en falloit attaquer un autre. M. de Schenkendorf les conduifit au mois de Mars contre un corps de 4,000 hommes des cercles, poftés prés de Schwarzbourg, qu'il défit, & dont il ramena 1200 hommes prifonniers, & 5 canons. Après avoir mis fous vos yeux les événemens d'une campagne, oü ne refpeétant point les hivers, on affrontoit toutes les faifons , il faudra jeter a préfent un coup d'oeil fur ce qui fe paffoit dans les cabinets des princes. La France commencoit a fe reffentir de la durée de cette guerre; elle s'af • foiblilToit pat 1'interruption totale de fon commerce , par les pertes qu'elle faifoit dans les Indes orientales & occidentales , & par les dépenfes énormes que lui occafionnoit la guerre d'AUemagne. L'alliance avec Ia maifon d'Autriche avoit perdu la fleur de la nouveauté , de forte que le premier enthoufiasme de la mode en étoit paflé. Le pïuple, cet animal a beaucoup de langues & a un petit nombre d'yeux, fe plaignoit de la guerre, dont il portoit le fardeau, & qu'on faifoit pour la maifon d'Autriche. 1'ennemie héréditaire de la  DESEPTANS. 14S France. Une voix plus refpe&able, celle des geris fen ós, s'étevoit de même contre une guerre qui ruinoit le royaume, pour agrandir un ennemi réconcilié, & cette voix commencoit a prendre le delTus. Mais la cour avoit des vues particulières. II y a daus tous les Etats un nombre de citoyens, qui löiii du tumulte des affaires, les envifagent fans paffion, & en jugent par-la même fainement, tandis que ceux qui tiennent en main Ie gouvernail, ne voient les objets qu'avec des yeux fafcinés, ne raifonnent que fur des fantómes que leur imagination leur préfente, & fouvent font en. trainés parlesles fuites d'une fauffe mefure, dauj un enchainement de conféquences qu'ils n'ont pu prévoir. C'étoit a peu prés le cas oü fe trouvoit le miniftère de Verfailles, Au commenceraent de cette année il donna par écrit a fes alliés une déclaration qui portoit, que la France ayant fait depuis quatre ans, conjointement avec fes alliés, des efforts iuutiles pour écrafer le Roi de Pruffe , & n'ayant pu y réuffir elle ne fe trouvoit plus en état de continuer les dépenfes énormes auxquelles elle avoit fourni jusqu'alors; qu'en continuant la guerre on acbeveroit de ruiner & de dévaster 1' Allemagne. qui en étoit le théatre; il concluoit par confeiller aux autres puiffances de renoncer pour cette fois a tout deffein de conquêtes & d'agrandiffement, pour penfer férieufement a rétablir la paix. La même déclaration fe fit en termes plus forts encore a Stockholm. La raifon en G 3  150 HJST. DE LA GUERRE étoit quedansladiétedes Etats affemblés dans cette capitale ie parti de Ia cour avoit vivement attaqué Ia faction francoife, en Ia taxant d'avoir allumé cette guerre, dela fomenter, & d'y avoir entrainé la Snéde pour fa ruine. Ainfi les difpofiiions pacifiques qu'étaloit la déclaration francoife, n'avoient eu pour but que de calmer les efprits agités, de détruire les arguments dont le parti contraire s'étoit f'ervi, & de maintenir les créatures que la France foudoyoit' dans le fénat, Les deux Impératrices & le Roi de Pologne recurent cette déclaration avec les fentimens différens que devoient leur infpiret lenrs divers intéréts. Le Roi de Pologue dans le fond étoit las de la guerre; il commencok a s'appercevoir que fon pays en étoit le théatre, & feroit également ruiné par ceux qu'il appeloit fes amis & par fes ennemis; il fe fkttoit néanmoins encore d'obtenir quelque dédommagement parlavoiede la négociation. L'hnpératrice de Ruflie aimoit la paix & auroit défiré. la fin des troubles, paree qu'elle haïffbit les affaires, Ie travai], & 1'efTufion du fang; mais facile a prendre des impreflïons de la part de ceux qui avoient de 1'afcendant fur fon efprit , excitée par ceux qui 1'entouroient, elle s'étoit perfuadée que fa dignité ne lui permettoit de faire Ia paix qu'aprés 1'abaisfement de la puiffance pruflienne. Pour 1'Impératrice Reine, qui jouiflbit des efforts que faifoit toute 1' Europe pour abattre l'ennemi capital de ia maifonelle auroit défiré de prolonger un en--  DESEPTANS. 151 choufiasme qui lui étoit fi avantageux , & de ne quitter les armes qu'aprés avoir entiérement mis en exécution tout ce qu'elle méditoit contre la Pruffe. Cependant pour ne point indispofer la cour de Verfailles, & pour concilier en apparence des intéréts aufli incompatibles, elle propofa la tenue d'un congrés général a Augsbourg, affurée de flatter ainfi la France, en même temps qu'elle affeaeroit aux yeux du public une conduite pleine de modération \ ce qui dans la réalité ne pouvoit préjudicier en rien ii fes intentions, ni a. fes intéréts, paree qu'elle étoit la maïtreffe de trainer cette négociation autant qu'elle le jugeroit convenable, & da pouffer en attendant la guerre avec vigueur durant la campagne qui alloit s'ouvrir,.& fur le fuccès de laquelle elle fondoit les plus grandes efpérances. La propofition de ce congrés fut faite a Lon. dres par le Prince Gallizin, Miniftre de Ruffie auprés du Roi de la Grande Bretagne. Les Rois de Pruffe & d'Angleterre y dounèrent les mains avec d'autant moins de répugnance, qu'ils avoient eux-mêmes propofé ce congrés 1'année précédente, fans que leurs ennemis euffent alors daigné répondre a cette ouverture. La France cacboit des vues: plus profondes fous des apparences pacifiques, Elle olfrit a 1'Angleterre une ftsfpenfion d'armes & 1'envoi réciproque de miniftres , pour terminer leurs différens a 1'amiable. Ses intentions fecrètes étoient d'amufer 1' Angleterre par cette négociation, pour G 4,  152 HlSr. DE LJ GUERRE retarder les préparatifs immenfes que cette nation faifoit fur nier, pour lui faire perdre cette campagne, remettre fa propre flotte en état, engager 1'Efpagne dans;cette guerre; ou, fi les Anglois fe trouvoient difpofés a la paix, la France efpéroit, fous le masqué de médiatrice, d'être 1'arbitre du congrés d' 'Augsbourg, & d'y jouer un röle femblable a celui qu'elle avoit fait au congrés de la paix de Weftphalie, Aprts quelques pourparlers, le miniftère britannique confentit a 1'envoi réciproque des miniftres, & en même temps déclina la conclufion de la fuspenfion d'armes, jusqu'a ce qu'on fut convenu des préliminaires. Le Roi, qui connoiffoit la faeon de penter de fes ennemis, nomina des miniftres pour le congrés d'Augsbourg. Leur Inftruclion portoit de recevoir toutes les propofitions qu'on leur feroit, fans y donner de réponfe, paree que le Roi fe propofoit de faire uégocier férieufement la paix par fes miniftres a Londres , oü il trouvoit 1'avantage de pouvoir convenir directement de fes intéréts avec Ia France, & de n'avoir point a faire en même temps avee tant de princes a la fois. Le Roi ne pouvoit point, dans les circonftances oü il fe trouvoit, s'oppofer a une paix féparée des Anglois & des Francois; il ne s'agiffoit que de rendre fes conditions les meileures qu'il fe pourroit, & en conféquence on ftipula que les Francois feroient obligés de reftituer les provinces de Ia domination prufi fienue qu'ils avoient envahies pendant cette guerre>  DE S EP T A N S. 152 5c que 1'Angleterre fourniroit au Rol des fubfides & des troupes, afin qu'il püt forcer les ennemis qui lui reftoient a confentir a un accommodement honnête; ou convint de plus qu'aucun ambafladeur de 1'Empereur ne pourroit étre admis a ce congres, paree qu'on avoit fait la guerre a 1'Impératrice Reine, & non au cheFde 1'Empire. CeHe claufe, toute legére qu'elle étoit au fond, ftu caufe que ce fameux congrés n'eüt jamais lieu. Dans ce temps 1'Angleterre perdit le Roi George fecond ; il termina fon régne glorieux par une mort douce & prompte. II eut avant fa fin la fatisfaction d'apprendre la prife de Mont Réal, par oü. les Anglois achevèrent Ia eonquête du Canada. Ce Prince, entr'autres bonnes qualités, avoit une fermeté héroïque, qui faifoit que fes alliés pouvoient prendre une confiance entière en fa perfonne.. Sorr petit-fils lui fuccéda ; il étoit & peine majeur; c'efi celui qui régne a préfent fous le nom de George trois. La négociation qui fe continuoit a Conffantinople de la part de la Pruffe, & dont il a été fi fouvent fait mention dans cet ouvrage , commencoir alors a. prendre une efpéce de confiftance. Le z d'Avril le miniftre prudien figna un traité, d'amitié avec le grand Vizir, & fut admis a fon audience publique. On s'étoit réfervé des deux parts la liberté de refferrer cette union, & de la convertir en alliance défenfive, Quelque peu de réalité qu'il y eut daas ce traité, il ne lailfoit pas de cauferdei G 5 Notï i7êo  154 HlSr. DE LA GUERRE. iaquiétudes a la cour dc Vienne, & même a IaRuflie. Oufoupconnoit que 1'engagement que les deux puiffances venoient de contraéter, étoit plus étroit qu'il n'étoit annoncé. Cependanr comme ies troupes ottomannes ne faifoient aucun mouvement, rimpératrice Reine fe crut pour cette campagne a 1'abri de toute diverfion. Les troupes demeurèrent tranquilles dans leurs quartiers jusqu'a la fin de Mars. Dèsle mois d'Avri) celles de Saxe s'aflemblérent en cantonnemens, & Je Roi transféra fon quartier de Leipfic a Meiflen» 6 Avril. CHAPITRE XIV. Campagne de 1761. T >es fentimens pacifiques que montroient avec tant d'oftentation les deux cours impériales, ne lesempêchèrent pas de hater avec une trés-grande ardeur les préparatifs pour la campagne prochaine. Elles fe propofoient de faireles plus grands effbrts, & de mettre tout en ceuvre pour réduire Ie Roi de Pruffe a 1'extrémité. Le Maréchal Daun prit re commandement de l'armée impériale en Saxe & celle de Siléfie fut confiée a M. Laudon. Ce Général vint fe camper a Seitendorf vis-a-vis de M. Goltz, qui avoit pofté fes troupes a Kunzendorf. Les avantages que le Roi avoit eus dans la dermière campagne contre les. Autrichiens,. n'avoient.  DE S E P T d N S. «55 pas été affez hnportans pour que Ia balance penehat tout a fait de fon cóté. L'Impératrice avoit recruté fes troupes durant 1'hiver, & l'armée rufle, qu'elle avoit a fa difpofition, lui donnoit toujours 1'avantage du nombre, & la facilité de fe procurer des diverfions.réelles, lorsqu'elle les jugeoit convenables. Outre ce fecours, elle avoit encore celui des troupes de 1'Empire & de l'armée fuédoife. Alexandre avec moins de monde & d'alliés boule< verfa 1'empire de Perfe. Voici les diffèrens projets que les puiffances betligérantes formèrent pour cette campagne. La France fefolur d'agir avec deux armées contre le Prince Ferdinand; celle du bas Rhin, aux ordres de M. de Soubife, devoit s'emparer de Munfter; & celle du Mein, que commandoi t M. de Broglio , devoit pénétrer par Gcettingue dans 1'éledorat de Hanovre. M. Laudon étoit deftiné par la cour de Vienne a faire une guerre de fiéges en Siléfie , oü il devoit étre appuyé par les Ruffes... Ceux-ci vouloient porter leurs forces principales fur la Warte, oüilsavoient choifi Pofen'pour leur pofition centrale ; de la M. de Butturlin devok agir en Siléfie, felon qu'il en conviendroit avec les généraux autrichiens, tandis que M. de Romanzow, avec un gros détachement foutenu de flottes ruffe & fuédoife,-affiégeroit Colberg. Le Maréchal Daun fe réferva pour les coups décififs. Son armée étoit comme le magalin d'oü devolen-;' p«Ttir les reuforcs vers les endroits qui en aiwoien?.: Gó  156 HIST. DE LA GUERRE befoin. II détacha effëctivement M. d'Odonel avec 16,000 hommes pour Zittau, d'oü ce Général fe trouvoit également a portée de la Saxe & de la Siléfie. Du cóté du Roi & de fes alliés il étoit impoffible de prendre des mefures fuffifantes pour s'oppofer folidement aux deffeins & aux efforts de cette multitude d'ennemrs. Yoici cependant en gros les arrangcmens dont on convinr. Le Prince Ferdinand chargea le Prince héréditaire du foin de couvrir le pays de Munfter contre les attaques de M. de Soubife, & lui-méme H prit pour point capita! Paderborn, oivil fe trouvoit a portée de foutenir Ie Prince héréditaire, ou bien de prendre a revers M. de Broglio, fi ce Maréchal hazardoit de paffer Je Wéfer & s'aventuroit dansl'éleftoratde Hanovre-, le Roi confia l'armée de Saxe au Prince fon frère, & lui recormnanda d'obferver le Maréchal Daun, & dans le cas oü ce Maréchal prendroic le chemin de la Siléfie, de le fuivre avec une partie de fes troupes, en laiffant M. de Hulfen a Meiffen avec un détachement , pour qu'il fe foutiut en Saxe autant que les corrjonctures le permettroient. Le Roi fe réferva Ia défenfe de la Siléfie; il choifit JM. de Goltz pour couvrir Glogau avec un corps de 12,000 hommes. Le Prince de Wurtemberg, qui avoit hiverné dans le Mecltlenbourg, fut destiné avec les troupes qu'il commandsit a couvrir la ville de Colberg, & 1'on fit travailler avec diligence au camp mranché qu'il deVoft occuper av>  JJ E 6r E F' T A N S. 157 tour de cetre place. L'on prévoyoit que fi les Ruffes manquoient ce fiége, ils pourroient fe porter ou fur la Marche éleftorale, ou vers la Siléfie. Dans le premier cas il fut arrêté que le Prince de Wurtemberg & M. de Goltz fe joindroient k Francfort pour couvrir Berlin, oü des deux grandes armées pruffiennes la moins occupée leur enverroit des fecours ; & daus le fecond cas M. de Goltz avoit des inftruftions pour couvrir Glogau ou Breslau, felon que 1'une de ces deux villes fe trouveroit en avoir le plus de befoin. On commenca d'abord par raffembler les troupes dans les lieux de leur deftination. Le Roi fe^ mit en marche le 4 de Mai; le même jour H paffa l'Elbe a Iiirfchftein , & il arriva le 10 a Loewenberg, fans avoir trouvé d'obftacle fur la route. A 1'approche des Pruffiens M. de Laudon abandonna fon-camp de Seitendorf fe retira en Bohème, & fe retrancha a Hauptmannsdorf proche de Braunau; il garnitoutre cela les potles de Silberberg & de Wartha de troupes fuffiiantes pour défendre ces deux gotges, qui mènent dans le eomté de Glatz. Le Roi choifit fa pofition auprès de Kunzendorf; fa droite occupoit le Zeiskenberg & Futftenftein , fa gauche s'étendoit fur le plateau de Bernsdorf. Outre cela M. de Bulow fut pofte a> Nimptfch avec un corps de cavalerie, pour conferver une libre communication avec Neiffe. M. de Goltz partit en méme temps avec un détachelaeut de 10,000 hommes pour Glogau, d'oüil déG7  tjS HIST. DE LA GUERRE tacha M. de Thadden avec 4 bataillons, pour fe joindre au Prince de Wurtemberg , qui occupoit déja fon camp retranché proche de Colberg. Pendant que ces prépararifs fe faifoient en Siléfie, alnii qu'en Poméranie & en Saxe, les Autrichiens & les Ruffes délibéroient enfemble. Ils eurent de la peine a s'accorder, & changérent k différentes reprifes le plan de leurs opérations; ils convinrent enfin que M. de Romanzow affiégeroit Colberg, & que M. Butturlin marcheroit droit a Breslau. Sur ces entrefaites M. de Goltz toinba malade, & fut emporté en peu de jours par une fiévre inflammatoire. M. de Ziethen, qui le remplaca, fut chargé d'un projet d'expédition en Pologne, qu'on avoit déja. deux fois vainement effayé d'exécuter, & qui encore manqua; c'étoit d'entreprendre fur une des colonnes rufles dans leur marche, & dans le temps oü elles étoient trop féparées pour fe joindre promptement. L'une fe dirigeoit fur Schneidemuhle „ 1'autre fur Schwérin, & la troifième fur Pqfen. M. de Ziethen s'avanca. a Frauftadt, oü il battit un corps de Cofaques; mais il n'ofa paffer outre, les trois divifions ruffes s'étant déja réunies a Pofen depuis deux jours. M. de Butturlin fe mit enfuite en marche ; tl traverfa Ie palatinat de Pofnaniea petites journées,-& pourfuivit lentement fon chemin, en s'approcbant toutefoisde la Siléfie du cóté de Militfch, ce qui indiquoit fes deffeins fur Breslau. M. de Ziethen le cótoya en dirigeant fa. rnarche fur Trachenberg.  DE S E P T A N S, 159 Dès que les Ruffes fe rnirent en mouvement, M. d'Odonel quitta la Luface & vint joindre l'armée de M. de Laudon. La pofition que le Roi avoit prife dans les montagnes de la Siléfie, n'étoit que précaire. Il-couvroit le plat pays contre les incurfions de l'ennemi r autant que les circonffances le permettoient,- mais depuis que M. de Butturlin prenoit le chemin de Militfch, il alloit avoir inceffamment a dos une armée conlïdérable, ayant déja les Autrichiens dévant lui. 11 fallut quitter les montagnes, & placer 1'armée de facon que n'étant attachée a aucune dêfenfe particulière, elle püt fe porter promptement oü il feroit néceflaire pour prévenir les ennemis. Le camp de Pulzen étoit le plus convenable a ce projet; le Roi le fit occuper par l'armée, & fe propofa de tenir autant qu'il le pourroit la ligne du milieu entre l'armée des Autrichiens & celle des Rufles, pour s'oppofer a leur joiiétion; il prit aufl] la réfolution de fe battre contre les Autrichiens, s'il s'en préfentoit une occafionfavorable; mais defe tenir d'ailleurs fcrupuleufement fur la défenfive avec les Ruflèsjparlaraifonques'il remportokune viftoire conté les Autrichiens, les Rufles fe retireroient d'eu.T mêmes, & que s'il avoit le même avantage contre les Rusfes-, cela n'empêcheroit pas M. de Laudon de continuer les opérations de fa campagne. Les- Autrichiens font les ennemis naturels & irréconciliables des Pruffiens, au lieu que des conjonchiresavoien: sendu les Ruffes tels, & que quelque changement.  tóo HIST. DE LA GUERRE Jullïet. 21. ou quelque re'volution pouvoit les rendre amis, ou alliés mêtue; pour étre de bonne foi ajoutons a ces confidérations, que 1'arraée pruflienne ne fe trouvoit pas en état de fe battre tous les jours, & que le Roi étoit obligé de ménager les efïbrts de fes troupes pour les rnomens les plus importans & les plus déeififs. II n'y avoit que peu de jours que le Roi étoit au camp de Puizen, lorsque M. Laudon déboucha des montagnes vis-a vis des Pruffiens par la gorge di Steinkunzendorf. Cette manoeuvre mal-habile découvrit tous fes deffeins, & il fembloit déclarer ouvertement qu'il en vouloit a la fortereffe de Neiflé. L'armée du Roi partit dès le lendemain & occupa les hauteurs de Siegroth , & comme ou avoit vu que les Autrichiens prenoient le chemin de Frankenftein, on réfolut pour les prévenir de gagner avant eux les hauteurs de. Munfterberg. En faifant cette marche, on trouva le lendemain M. Brentano pofté entre Frankenftein &Henrichau, d'oü il avoit jeté quelques pandours dans Munfterberg. Les volontaires de Courbière & lc3 grenadiers de Nimfchewsky forcèrent la ville, & M. de Brentano ayant été expofé a une canonnade affez vlve,. fe retira a quelque diftance du pofte qu'il avoit occupé. M. de Moering, qu'on poulfa fur les hauteurs de Nofién avec fon régiment^ y prit tout le campement de M. de Laudon, qui n'étoit couvert que par 300 houfards. En poftant Vinfanterie fur ces hauteurs, le Roi découvrit du  DE S E P T /INS. lil Cóté de Frankenftein l'armée autrichienne, qui par des tours & retours, & des manoeuvres incertaines donnoit affez a connokre que fes deffeins étoient dérangés. L'intention de M. de Laudon avoit été effectivement de prendre ce camp, pour couper le Roi de Neiife, & de fe pofter eufuite fur les hauteurs de Voitz, de Giesmansdorf & de Neudorf; ce qni auroit formé 1'inveftiffement' de cette place de ce cóté - ci de la rivière, tandis que les Ruffes pafl'ant 1'Oder a Oppeln, feroient venus la rcfferrer du cóté de la haute Siléfie, depuis Billau jusqu'a la Carclau. L'armée du Roi ne s'arrèta que peu de temps a Noffen; elle pouffa encore cs jour-la jusqu'a Carlowitz, & le lendemain ellefe déploya fur cette fuite de collines qui prend d'Ottmachau par Giesmansdorf, & qui va jusqu'a Schilde. M. de Laudon, dérouté dans fes projets, fe cam- aa, pa a Ober Pomsdorf. Soit inquiétude naturelle, foit habitude de commander des détachemens, il changea fix fois de pofition en huit jours, fans qu'il fut poffible d'en donner une raifon valable. Les Ruffes avancoient cependant fur Wartenberg, d'oü ils s'étendirent bientót jusqu'a Namslau. M. de Ziethen, qui les obfervoit, s'approcha d'abord de Breslau, & enfuite il vint pour couvrir Brieg, Peu après fon départ de Breslau le fauxbourg polonois de cette ville fut infülté par les Ruffes; ce qui obligea le Roi de détacher M. de Knobloch avec 10 bataillons & autant d'efcadrons. Pour l'armée autrichienne,  IÖ2 I1IST. DE LA GUERRE elle continnoit d'être dans une perpétuelle agitation; après avoir paffé & repaffé la Neiffe, elle fe campa au village de Baumgarten proche de Wartha. Le Roi faifit ce moment, paffa la Neiffe , & prit fa pofition. a Oppersdorf, d'oü il partit avec un détachement pour Neuftadt. M. Bethlem y campoit avec 6,000 Autrichiens, & 1'on foupconnoit que M. Laudon vouloit 1'envoyer du cóté d'Oppeln, afin de prêter fecours au Maréchal Butturlin, qui a ce qu'on croyoit, fe propofoit d'y paffer 1'Oder, pour fe joindre a l'armée autrichienne. L'avant-garde du Roi, qui eonfiftoit en houfards, donna fur un régiment des ennemis, qu'elle replia & pourfuivit jusques fous les canon? de Hennersdorf, oü les Autrichiens avoient conftruit des redoutes. M. de Ziethen avoit paffé 1'Oder a Brreg & la Neiffe a Schurgaft; il arriva alors de Steinau & tourna le flanc droit de M. de Bethlem, qui fe retirant en h;ite a ' Jatgsrndorf, fut pourfuivi par M. de Loffow, & pouffé de Jajgemdorf par Trouppau au dela de la Mora en Mpravie. L'ennemi perdit au choc de Neuftadt & dans fa retraite 4 a 500 hommes. Après avoir ainfr êloigné M. Bethlem, M. de Ziethen.s'établit a Schnellwalde, & le Roi revint a fon armée, dont Ia gauche touchoit presque au détachement de M. de Ziethen, & dont la droite s'étendoit fur les hauteurs devant Oppersdorf. Après cette expédition la jonétioi des ennemis étant, rendue plus difficile en haute  DESEPTANS. 163 Siléfie, il n'y avoit guères d'apparence que JVI. Butturlin perfévérat dans le deffein de paffer 1'Oder a Oppeln. Les rnouvemens de l'armée du Roi roirent celle des Autrichiens dans une nouvelle agitation. M. Laudon fe campa a Weidenau, le lendemain a Johannsberg, oü il fe déplut bientót; enfin il rapafïïi la Neiffe & s'arrêta aux environs de Camenz. Durant ces difFérentes marches Sc contremarches, les Ruffes s'étendoient fur 1'autre bord de 1'Oder; ils pilloient& dévaftoientle pays; on avoit des nouvelles des cruautés qu'ils commettoient. D'ailleurs leurs manoeuvres étoient couvertes de tant d'obfeurité, qu'il étoit impofTible de pénc'trer (i leur véritable deffeiu étoit de paffer 1'Oder dans la haute Siléfie ou du cóté d'Ohlau* ou s'ils vouloient faire quelques ftéges , en uninot qtielle étoit 1'entreprife qu'ils méditoient. Comme on ne pouvoit compter fur rien avec certitude, le Roi trouva convenable de fe préparer a tout événement, & d'envoyer un corps entre Breslau & Brieg, a portée de fecourir celle de ces places qui en auroit befbin, & en même temps d'obferver 1'Oder. M. de Knobloch partit dans cette inteution pour Grotkau d'oü il pouvoit en peu d'heures arriver au fecours de ces deux villes & même, s'il le falloit, rejoindre l'armée du Roi. Les Ruffes s'étoient avancés a Hundsfeld, qui n'eft qu'a un mille de Breslau , & comme ce mouvement marquoit qu'ils ne penfoient plus a paffer 1'Oder dans la. haute Siléfie , farmée du Roi & !e Aoöt.,  IÖ4 HIST. DE LA GUERRE corps de M. de Ziethen repaffèrent la Neiffe, & arrivèrent le lendemain par une marche forcée 4 Strehlen, pour fe trouver toujours au centre des deux armées ennemies, & empêcher lenr jonaion autant qu'il y auroit moyen de s'y oppofer. On avoit flatté tVT. Butturlin que par le moyen de 4,000 prifonniers autrichiens qui fe trouvoient a Breslau, on furprendroit une des portesde la ville, & que fi les Ruffes attaquoient en même temps le fauxbourg polonois, qui eft au dela 1'Oder, ils pourroieut s'emparer de cette capitale par un coup de main. M. de Czernichef fe chargea de cette entreprife; avec quelques troupes il entra dans ce fauxbourg, qui eft ouvert; mais M. de Tauenzien, Gouverneur de la place, avoit pris de fi juftes mefures, qu'il contint les prifonniers, & qu'il repouffa les Rufles. M. de Knobloch vola afon fecours. Ces deux Généraux firent une fortie vigoureufe fur l'ennemi, & acbevérent de le déloger du refte de ce fauxbourg dont il étoit encore en poffeflion. -Le Roi ne fe contenta point des précautions qu'il avoic prifes; par furabondance il fit partir M. de Platen avec II bataillons & 15 efcadrons pour Rothenfirben, d'oü il pouvoit porter fon attention (ür Breslau & fur 1'Oder, aller au fecours de M. Tauenzien, ou donner des nouvelles de Pendroit oü les Rufles feroient des préparatifs pour paffer ce fleuve. Sur ces entrefaites les pattis du Roi lui apprirent que l'armée autrichienne s'étoit campée a Kunzendorf, & que les Rufles avoieut abaudonné les en-  DESEPTANS. 165 virons de Breslau; fur quoi l'armée quhta fa pofition de Strehlen, & arriva par une marche forcée au dela du Schweidnitzer Waffer & de Canth, oü elle fut jointe par Mrs. de Platen & de Knobloch. Le lendemain le Roi changeala pofition de l'armée & la fit camper a Moys. Des bruits confus fe répandirent dans ce camp aufujet des Ruffes, qu'on difoit avoir paffé 1'Oder du cóté d'Auras. Les uns affurpient que ce n'étoient que des Cofaques, d'autres parloient d'un détachement de l'armée, & quelqnes uns prétendqient même que M. de Butturlin y étoit avec toute 1'armée. Comme cette nouvelle étoit de la plus grande importance, on mit tout en ceuvre pour s'en éclaircir. M. de Schmettau fut détaché a Neumarck , d'oü il chafia une troupe de Cofaques & leur fit quelques .prifonniers; & IVI.de Mcellendorf, envoyé pour faire une reconuaiffance a un villagenommé Rock, enchaiTa demême un détachement d'ennemis; mais on tira peu de lumière des prifonniers qu'ils amenèrent au camp , paree qu'ils avoient paffé 1'Oder a la nage depuis trois jours, & que s'occupam a piller, il ne s'étoient pas même informés de ce qu'étoient devenus M. de Butturlin & fon armée. Uu monvement que M. Laudon fit fur Striegau, occafionna celui de l'armée du Roi pour occuper la colli11e de Leipe avec la droite, & Eisdorf avec la gauche. Mais comme la queftion reftoit toujours fcrefoudre, fi les Ruffes avoient paffé 1'Oder ou non, ilfallut, pour fe procurer des nouvelles pr> 12.  i66 HIST. DE LA GUERRE fitives, détacher un corps affez fort pour fe faire jour, pouffer en avant, & s'affurer par 1'infpection des lieux de la vérité du fait. Le Roi envoya dans cette vue M. de Platen avec 40 efcadrons & 10 bataillons; il fut chargé de reconnoïtre du cóte de Parchwitz. Le Roi fe rendit au régiment de Ziethen, qui campoit a fextrémité de la droite, pour conduire M. de Platen des yeux, & juger s'il avoit befoin d'être foutenu, s'il falloit le retirer, ou quelle mefure il feroit a propos de prendre; mais a peine s'y fut-il rendu, qu'une nuée de 3 a 4,000 Cofaques fondit fur le régiment de Ziethen, avec ces cris & ces clameurs qu'ils ont couturae de pouffer en attaquant. L'on envoya en hite a l'armée pour faire avancer les premiers fcgimens qui campoient a la droite; & en attendant qu'ils arrivaffent, on fe mit en devoirdefe défendre. Les efcadrons fe partagèrent en deux, pour mieux garnir leur front & couvrir leurs flancs; devant chaque troupe on fit avancer unbas Officier avec 10 houfards, qui avoient ordre de demeurer ferrés & immobiles, & de ne fe défendre qu'a coups de carabine en efcarmouchant, auffitót que les Cofaques faifoient mine de fondre fur ces petites troupes détachées, les efcadrons qui étoient derrière elles les foutenoient le fabre a la main, fans cependant s'engager. Cette efcarmouche dura une heure & demie; mais aufïïtöt .que les Cofaques appercurent de loin le fecours qui avancoit, ils prirent la fuite avec précipitation, & fe retirè-  DESEPTANS. 167 rent du cóté de Gros Wandris. O;uiconque fait bonne contenance • vis-a-vis des Cofaques, n'a pas de grands risques a courir; car le régiment de Ziethen, bien inférieur en nombre, fe foutint feul contre eux, fans qu'il y eiit un houfard de pris ou de bleffé. A peine le fecours de l'armée eut-il joint le Roi, qu'on appercut dans Les plaines de Jauer 40 efcadrons autrichiens, qui au grand trot s'avancoient vers Wahlftadt. NL de Platen de fon cóté avoit pouffé les Ruffes au dela de Gros Wandris : le Roi favoit fait fuivre par M. de Ziethen avec 6 bataillons & 10 efcadrons pour le foutenir, & il le fuivit enfin lui-inême. Auflitót que les troupes furent fur Ia hauteur de Wurgen, on appercut la tête de la cavalerie autrichienne qui débouchoit du cóté de Whalftadt. Elle fut accueillie pat une bonne volée de canons, & incontinent après M. de Reitzenftein 1'attaquant vivement avec les dragons de Finck & deux efcadrons de Czetteritz, deux charges confécutives la culbutèrent dans le défilé dont elle fortoit, & 1'on fit trois cents prifonniers. Elle s'enfuit a Jauer a la débandade , & un feul régiment joignit M. de Butturlin, paree qu'il avoit paffé Ie premier. Le hazard fit que les Cofaques mêmes -aidèrent a battre les Autrichiens dans cette occafion. Les dragons autrichiens qui avoient eu Ia tête de la colonne étoient habillés de bleu,- les Ruffes les prirent pour des Pruffiens, & tandis que M. de Reitzenftein les attaquoit, les Cofaques les prirent en liane. Notre cavalerie,  IÖ8 HIST. DE LA GUERRE vittorieufe des Autrichiens, pouffa les Ruffes a leur tour jusques fous le camp pü M. de Butturlin s'étoit retranché. Sou armée occupoit le terrain depuis le village de Kofchwitz jusqu'a celui de Kunzendorf, elle avoit paffe 1'Oder a Leubus, & avoit iravaïllé avec beaucoup de diligence a fe fortifier dans ce pofte. - Les raifons que le Roi avoit de ne point attaquer les Ruffes, étoient toujours les mémes. Leur armée fe'trouvoit poflée de facon, que ce n'auroit été qu'en facrifiant beaucoup de monde qu'on auroit pu la forcer dans ce terrein avSntageux, & nous n'avions pas du monde de trop. Ce qui avoit fuivi le Roi faifoit en tout 24 bataillons & 58 efcadrons , paree que le gros étoit demeuré avec Ie Margrave Charles au camp de Leipe, pour conferver le dos libre aux troupes du Roi, & pour veiller en même temps de plus prés aux mouve. mens des Autrichiens. Cependant les diftances n'étoient pas fi confidérables, que ces deux corps ne puffent fe joindre en moins de deux heures. M. Laudon étoit trop éloigné de Leipe pour attaquer le Margrave a 1'improvifte, quoi qu'il arrivat, celui - ci avoit le temps d'avertir, & d'attendredes fecours. Pour les Ruffes, leur Ienteur permettoit au Roi, en cas de néceffité, d'attirer a lui le Margrave Charles. Sa Majefté prit fon camp entre Klein Wandris & Wahlftadt; elle le fit retraucher avec foin, pour ne point être pris au dépourvu, & fon rétablit une vieille redoute au Wurgenteich, pour  DESEPTANS. 169 pour affurer par Ia d'autant mieux la communiestion des deux arraées pruffiennes, Le lendemain un nouveau camp fe préfenta derrière Jauer. II ne fuffifoitpas de favoirque c'étoient des Autrichiens; il falloit pénétrer dans quellc vue ce corps s'é oic tourné de ce cóté-la. Pour cet cfTet on déguifa en Cofaques un officier & trois houfards qui favoient un peu de ruffe , & ils fe gliflèrent de grand matin dans le camp de Jauer, fous prétexte que faute de conaoltre les chemins ils s'étoient égarés enallant a la découverte. L'officier autrichien qui étoit de garde, leur fit toutes fortes de civilités, & leur dit qu'ils étoient d'un détachement dc6,coo hommes fous les ordres de M.Brentano, epmmandés pour couvrir 1'artillerie autrichienne que M. Laudon avoit fait avancer dans cet endroit, pour 1'avoir plus a fa portée au cas que les Pruffiens attaqualfeut les Ruffes, & qu'auffitótles Autrichiens s'en mèleroient; de forte que le Roi de Pruffe, accablé par deux armées impériales, ne pourroit que fuccomber. M. de Butturlin décampa le jour fuivant; il paffa prés de Lignitz, & prit une pofition prés du village de Klein Eicke. M. de Laudon crut avoir fourni au Roi 1'occafion d'attaquer les Ruffes en marche. Le mouvement de M. de Butturlin fe faifoit a la portée de l'armée, & par un ter.ainqui ne paroiffoit pas difficile; mais üue falloit pas s'écarter de fes principes. Les Ruffes ne furent point attaqués , on ne harccla pas mèraa leur arriêre- •flw. p'Jih. de Fr. II T. Ir. ■ II  l7o DIST. DE Ld GUERRE garde. Après la manoeuvre qu'ils avoient faite, il t'toit impoffible de s'oppofer a leur jonétion avec les Autrichiens. Ceux-ci s'étoient tenus fur leurs gardes; pour ne point donner de prife fur lui, M. Laudon n'avoit jamais quitté le pied des montagnes, & avoit eu 1'adreffe d'expofer dans toutes les occafions les alliés de la maifon d'Autriche aux marches, & aux entreprifes les plus hazardées. Le parti le plus avantageux que le Roi püt prendre dans cette fituation, fut de gagner les hauteurs de kunzendorf par une marche forcée, paree que fi on pouvoit oceuper ce pofte avant M. Laudon, on cöupoit l'armée autrichienne de fes magafins, & les Ruffes, qui ne pouvoient fubfifter que par les vivres que 1'lmpératrice Reine leur fourniffoit, fe feroient vus obligés, fautedepain, de fe rapprocher des amas qu'ils avoient laiffés en Pologne; de forte que ce projet heureufement exécuté auroit changé pour cette campagne toute la face des affaires en Siléfie. L'armée du Roi fe mit d'abord en marche , & le Margrave , pour gagner du temps, détacha d'abord M. de Knobloch pour fe faifiï du Pitfchenberg, par oü l'armée devoit néa6< ceffairement paffer. II ï'occupa dès le foir, & le lendemain l'armée entière déboucha aux environs de Jauernick & de Bunzelwitz. Mais le but qu'ou s'étoit propofé fe trouva manqué. M. Laudon avoit prévenu le Roi, & dès la veille une ving. taine de bataillons de fon armée s'étoit campée a Kunzendorf. Les hauteurs de Kunzendorf for-  DE SEP VANS. 171 inent un poite ou ïes troupes qui s y trouvent ne peuvent étre forcées. II n'y avoit point de coup de main a temer, furtout paree qu'on découvroie l'armée autrichienne en pleine marche pour fe rendre dans ce camp, & le remplir dans toute fon étendue. L'armée du Roi ne pouvant agir orTenfivement, fe déploya de Ia montagne de Wurben au vülage de Zechen, oü aboutiffoit la droite, dont une partie étoit couverte par Ie Nonnenbufch. Rien déformais n'apportoit des obftacles a la jonéïioii des Ruffes & des Autrichiens. L'on prévoyoit que dans peu ces deux armées fe raffembleroient aux environs de Schweidnitz. Dans ces conjonctures le Roi devoit pourvoir a la fureté de fon camp, & a celle de la fortereffe de Schweidnitz. 11 pouvoit prendre une pofition a Pulzen, oü Ia nature a femblé faire tous les frais de ce qui peut fortifier un camp. Mais fi l'armée s'y trouvoit en fureté, on risquoit d'une autre part que Mrs de Laudon & de Butturlin n'affiégeaffent Schweidnitz & la vue du Roi & de toute l'armée, fans qu'il püt 1'empêcher. Ce fut par cette raifon que l'on préféra la pofition de Bunzehvitz, paree qu'elle couvroit la place, & en rendoit le fiége' impraticable. Il reftoit toutelbis a craindre quei'armée des deux Impératrices ne fit un detachement fur Breslau ; ce qui contraignant le Roi de quitter le voifinage de Schweidnitz, auroit donné a fes ennemis-la facilité & les moyens de 1'affiéger. Mais il étoit H 2  1/2 HIST. DE LA GUERRE impoflible de s'oppofer a toutes les entreprifes que des troupes aufïï fupérieures pouvoient tenter, & il falloit abandonner quelque chofe au hazard. Pour affurer cependant la pofition de l'armée pruffienne, le Roi fit retrancher fon camp, tant fur le front que par les flancs & fur les derrières. Ce camp devint une efpèce de place d'armes, dont la montagne de Wurben étoit comme la citadelle. De cette hauteur jusqu'au village de Bunzelvvitz il fe trouvoit couvert par un marais. On fortifia les tètes des villages de Bunzelvvitz & de Jauernick, & l'on y établit de grandes batteries, dont le feu croifé défendoit le front par lequel M. Laudon auroit pu attaquer le Roi, de forte que les Autrichiens étoient obligés d'emporter ces deux villages, avant que d'être a portée d'entamer l'armée. Kntre ces deux villages, un peu en arrière, le front de 1'infanterie étoit couvert par de grandes redoutes, munies d'une nombreufe artillerie. On avoit pratiqué des paffages entre deux, pour donner 1'eflbr a la cavalerie, fi on le trouvoit néceffaire. Au dela de Jauernick, & én tirant derrière le Nonnenbufch,on avoit retranché quatre collines qui dominoient fur tout le terrain, & devant lesquelles couloit un foffé bourbeux Sr impraticable, oü l'on pouvoit par le feu des petites armes empêcher l'ennemi d'établir des ponts; plus a la droite un grand abatis coupoit le Nonnenbufch, défendu par des chafiéurs S; par des bataillons francs. Ce folie bourbeux dont nous avons parlé, fe recour-  DE S E PT A N S.- hoit derrière le bois, & aux pieds des collinesfur lesquelles l'armée s'étendoit. A rextrèmité de la droite commencoit le fianc, qui formant une Ügne parallèle au ruiffeau de Striegau, alloit aboutir a un bois couvert par le défilé qui vient de Péterwitz. Dans ce bois, qui étoit a dos de farmée, l'on avoit établi une batterie masquée, qui communiquoit derrière un abattis a.une autre- batterie qu'on avoit placée a 1'extrémité de ce même bois du cóté de Neudorf, & de la reprenoit un. retranchement qui fe joignoit derrière l'armée aux ouvrages qu'on avoit faits fur la hauteur de Wurben. Les retranchemens avoient égalemeut partout 16 pieds d'épaiffeur, & les foffés 12 pieds de profondeur fur 16 de largeur. Le front étoit envi. ronné de fortes paliffades; les parties faillantes des. ouvrages étoient minées. Devant les mines 011 avoit creufé des trappes, & devant cestrappes, des chevaux de frife contigus & enfoncés en terre faifoient toute 1'enceinte extérieure. L'armée da Roi étoit compofée de 66 bataillons & de 143 efcadrons; 460 pièces d'artillerie bordoient les. difFérens ouvrages, & 182 mines chargées étoient. prètes a fauter au premier fignal qu'on donneroitCes travaux n'avoient pas eu le temps d'être. tout a fait perfedtionnés , que M. de Butturlin parut a la tête de fes Rulfes. l\ vint fe camper 4S> aux pieds des hauteurs de Hohenfriedberg. Deux 17, jours après il changea de pofition. Le gros deces troupes occupi le terrain qui va d'Oels a Strie» H 3  i74 BIST. DE LA GUERRE gau. M. de Czernichef s'étendit du Streitberg vers Nieklasdorf. M de Brentano fe pofta fur la gauche des Rufles a PreilsJorf, & M. de Berg avec fes Cofaques fe pofta fur Lafien , d'oü il paffa le ruiffeau de Striegau & vint a dos de 1'arjnce pruflienne. Pour M. de Beek , récemment arrivé de la Luface, on le pofia entre Oels & le Nonnenbufch, pour affurer la communication des deux armées impériales. La pofition des ennemis ainfi prife formoit une efpéce de ligne de circonvallation, qui entouioit les deux tiers de l'armée pruflienne. M. Laudon crut alors pouvoir impunément quitter fes montagnes. B defcendit dans la plaine, & déploya fes Autrichiens en prenant de Camerau par Arnsdorf jusqu'a Cirlau. ■ Entre Camerau & Arnsdorf il fit travailler a un retranche. ment par lequel il fe propofoit de déboucher pour attaquer l'armée du Roi, & qui pouvoit lui fervir également pour roflenfive, & pour la défenfive en cas de retraite. Cet ouvrage fut fouvent interrompu par Partilterie prufïïenne; cependant ces démonflrations parurent fi férieufes, qu'elles fem. bloient annoncer avec certitude la réfolution que les ennemis avoient prife d'attaquer les troupes prufliennes au risque de tout ce qui pouvoit en arriver. Le même jour M. Laudon fit une tentat-ive fur Ia tête du village de Jauernick. La réfistance qu'il y trouva, furpaffa de beaucoup 1'idée qu'il en avoit eue. B fit fommer Ie Majol' Favrat, qui y commandoit, de fe rendre. Cet officier lui  DE S E P T A N S. '75 répondit fur Ie ton qu'on devoit attendre d'un homme d'hmneur, & M. de Laudon fut contrahit de fe dèfifter de fon entreprife. Dans 1'attente oü l'on étoit d'une aftion prochaiue , on fit toutes les difpofitions néceffaires pour une vigoureulé défenfe. On avoit peu a craindre de jour, paree que le camp étoit d'une force infinie; mais il y avoit beaucoup a appréhender de nuit, a caufe de la grande proxiinité des arraées'. II n'étoit gtières ■ apparent qu'il arrivut du malheur aux Pruffiens, a moins que M. de Laudon, a la faveur des ténèbres & de 1'obfcurité, ne furprit une partie du camp, oü les troupes enfevelies dans le fommeil n'euffent pas le teuts d'accourir a la défenfe. Pour prévenir une pareille cataftrophe , on faifoit détendre les tentes tous les foirs, & l'armée eu bordant les retranchemens paffoit les nuits au bivouac. D'un autre cóté le voifinage oü M. de Laudon étoit de Schweidnitz par les poftes de Camerau, de Schcenbrunn & de Bcecltendorf qu'il occupoit , obligêrent a faire un détachement intermédiaire entre Schweidnitz & l'armée, foit pour fecourir cette place en cas de befoin & d'attaque , foit pour couvrir les convoij de l'armée, qui tiroit uniquement fon pain, fon fourrage & fes fubfiftances de cette fortereffe. M. de Gablenz fe porta dans cette vue avec un détachement de quelques bataillons au dela de Tunkendorf, oü fa droite fe trouvoit protégée par les batteries du camp, fa gauche H 4  i?6 HIST. DE LA GUERRE par 1'artillerie de Schweidnitz, & oü il affura encore davantage fa pofition par de bons retrancheniens dont il couvrit fon front. Le même jour les officiers généraux reeurent la difpofition de la défenfe du camp, & de la manière dont chacun avoit a fe conduire dans la partie dont il avoit le commandement. De quelque étendue que fut le terrain que l'armée pruflienne occupoit, on avoit trouvé le moyen de le réduire a trois points d'attaque. Le premier étoit entre les villages de Bunzelvvitz & de Jauernick. Le Roi fe propofa de le défendre lui-même contre M. Laudon, qui avoit conftruit fon approche ou fon retranchement de ce cóté la. II étoit impoffible aux Autrichiens de Iaiffer ces villages fortifiés derrière eux & de percer au centre, paree qu'ils auroient eu un feu confidérable d'artillerie a efiuyer fur leurs deux flancs. 11 faloit donc préftimer qu'ils s'attacheroient avant toute chofe a emporter un de ces deux poftes. Le Roi réfolut de les y Iaiffer travailler, & de ne lacher fur eux fa cavalerie qu'après qu'ils auroient fait une perte confidérable On pouvoit d'ailleurs foutenir les troupes de ces villages par des corps frais d'infanterie, autant qu'on le jugeroit a propos , fans compter que 6o pièces de candn des ouvrages latéraux en défendoient l'abord. Le fecond point d'attaque étoit eutre le village de Zefclien & le bois fur notre fianc droit; M. de Zieth.Mi y commandoit. Les Rufles, qui campoient vis - a - vis de lui, fe feroient probablement  BE S E P T A N Si 17* chargés de cette entreprife. Pour arriver aux Pruffiens, ils étoient obligés de paffer le ruiffeau de Striegau fous le feu de la mousqueterie & du canon de nos retranchemens, & auroient perdu leur meilleure infanterie a ce paffage, fans compter les obftacles multipliés qui leur reftoient a vaincre pour s'approcher des retraHchemens, de forte que quelques charges de cavalerie que M. de Ziethen et\t fait faire a propos, auroient fuffi pour les diffïper. Le troifième point cfattaque fe trouvoit du cóté de Petervvitz,- & du défilé qui couvroi'; cette partie du camp pruflien. M. de Ramin défendoit cette partie, & 1'attaqtie auroit roulé felon les apparences fur Mrs de Czernicbef & de Brentano, paree que leurs détachemens fe trouvoient le plus a portée. B fut réfolu de Iaiffer pailiblement avancer l'ennemi jusqu'au défilé de Péterwitz , oü il feroit pris en flanc par la batterie masquée du bois, qui pouvoit lui lacher des bordéesentières de mitraille; après quoi M. de Platen avoit ordre de lui tomber a dos avec 40 efcadrons», & pour cet effet 011 lui avoit pratiqué un chemiiv au travers du bois par lequel il devoit déboucher». La plus grsnde force de ce camp confiffoit en ce qu'il privok les ennemis de trois arrnes qu'il confervoit toutes aux Pruffiens. Les affaillans nepouvoient pas fe fervir de canons., paree que tous. lei environs da retranchement étant infiniroent plus* bas que le terrain fur lequel il étoit conflrult r leur artillerie auroit tiré fans aucun effet:- ils as " 5  i;8 HIST. DE LA GUERRE pouvoient pas fe fervir non plus de leur cavalerie; car pour peu qu'ils 1'euflent montrée, elle auroit été abytnée par Ie feu des batteries: & qu'auroientils fait au moyen.des petites armes? auroient-ils. tiré contre des canons a coups de fufil? pouvoientils arracher des chevaux de frife & abattre des palliffades en tirant? On étoit donc affuré d'avoir profité dans cette pofition de tout 1'avantage que Ie terrain & Part peuvent donner a une armée fur Stpt' une autre. Ce fut après ces difpofitions que les Pruffiens attendirent tranquillement les entreprifes de leurs ennemis. '^jy On prit peu nprês Parrivée de M. de Butturlin un officier rulTe qui s'étoit égaré la nuit, & qui croyant approcher des gardes de fon camp , fe trouva au milieu de celles des Pruffiens. Cet homme, qui n'étoit pas fin, dit ingénument que !es généraux avoient réfolu d'anaquer les retrancheroens du Roi le i de Septembre. H étoit vrai que Mrs Butturlin & Laudon étoient convenus de ce;te attaque, & elle auroit eu lieu fans les circonftances fttlvantes. M. de Butturlin, qui faifoit a table de longues féances oü le vin n'étoit pas épargné, avoit confeuti dans un moment de gaieté & le verre a Ia raain -a ce que M. Laudon lui avoit propofé. Les difpofitions des trois attaques avoient été mifes par écrit,- on les avoit envoyées aux principaux officiers des armées qui avoient des commandemens, & M. Laudon s'en étoit retourné chez lui fatisfait des Rulles. M.  DESEPTAJSfS. 179 Butturlin dormit la-deffus, & ayant confulté fa prudence a fon réveil, il contremanda les ordres qui avoient été donnés, paree qu'il craignit avec quelque raifon que les Autrichiens ne facrifiaffent fon armée & ne la foutinffent pas, & que fi 1'entreprife ne réufliffoit point, les Rufles n'en remportaffent que le blame & la honte. Au lieu des grands projets dont on s'étoit occupé a midi, il fe contenta de faire jetter vers le camp prulïïen des bombes qui n'en approchèrent que de quelques centaines de pas. Lorsque M. Laudon apprit ce changement fubit, il en futfurieux; des courriers partirent pour Vienne, les généraux fe témoiguèrent de la froideur, & cependant les chofes en reftèrent la, fi l'on en excepte que M, de Laudon fit approcher de Wartha le corps de M. de Draskowitz, qu'il placa fur les hauteurs de Lud.vijsdorf. Les armées paffèrent le retle du- temps a s'eutreregarder , jusques au 10 de Septembre, qua M. Butturlin decampa- & prit le chemin de Juier, paree que les Autrichiens n'avoient pas des magafins affez confidérabtes, ni des troupeaux aflez' nombreux pour lui fournir le pain & ia viande. M. Laudon, qui fe croyoit expofé s'il reftoitdans la plaine après le départ des Ruffes, fe replia dans les montagnes, & reprit fon ancienne pofition de Kunzendorf. Le Roi détacha te même jour M. de Platen pour Breslau. avec le corps qu'il avoit toujours comraandé, fous prétexte d'amener un convoi a H 6  180 HIST. DE LA GUERRE l'armée. Sa véritable deftination étoit de paffer 1'Oder, & de forcer de marches pour ruiner le grand magafin que les Ruffes avoient dans une petite ville du palatinat de Posnanie nommée Koublin, pour joindre de-la le Prince de Wurtemberg, qui pourroit avoir befoin de fon fecours, & enfin après que la campagne de Peméranie feroit terminée , il devoit aller joindre le Prince Henri en Saxe. M de Platen détruiftt fantas de Koublin; il y prit 5,000 chariots, 5 bataillons, 42 officiers & 7 canons. II s'avanca de-la furPofen, oü il ruina tout ce qui appartenoit aux Rufles; aprês quoi il pourfuivit fa marche vers la Poméranie & vers Colberg. Cette expédition hata la retraite de M. Battm-lin, & lui fit perdre 1'idée qu'il pouvoit 1?. avoir d'entrer dans la Marche éleétorale, II fe preffa de repafler 1'Oder, pour regagner la Pologne» Le corps de M. Czernichef ne fut point de cette marche; il montoit a peu prés a 20,000 hommes, & il étoit demeuré auprès de M. Laudon, 1'Impératrice de Ruffie ayant voulu donner a 1'Impéra. trice Reine cette marqué fingulière d'amitié. Si les fubfiftances avoient permis a l'armée du Roi de fe foutenir dan3 le camp de Bunzelvvitz, la campagne fe feroit écoulée en Siléfie, fans que les formidables appréts des ennemis enffent produit d'événemens remarquables, Maisle magafin de Schweidnitz, qui avoit fotirni des vivres a l'armée pendant une grande partie de cette campagne, ti~ ïoit a fa fin. Les provifions qu'il y avoit encore j  DESEPTAN8. iSl ae pouvdfent fuffire que pour un mois. Depuis le départ de M. de Platen le Roi n'ofoit pas affoiblir l'armée par de nouveaux détachemens. Les grands dépóts fe trouvoient a Breslau, & il ne falloit pas moins de 10,000 hommes d'cfcorte pour conduire de-la en fureté des convois au camp. Ces raifons mürement examinées firent réfoudre ft s'approcher avec l'armée de Neiffe, oü fon trouveroit des provifions & des fourrages en abondance, & d'oül'oa pouvoit donner de la jaloufie ft l'ennemi, tant fur le comté de Glatz que fur la Moravie, pour attirer M. Laudon de ce cóté & éloigner par - la les Ruf- * fes & les Autrichiens de Schweidnitz. En confér qnence de cet arrangemens l'armée prit d'abord le camp de Pulzen, oü elle refta quelques jours. Le Roi laiffa dans Schweidnitz 5 bataillons complets, les convalefcens de l'armée & 100 dragóns. 11 enjoignit ft M. de Zaftrow , qui commandoit dans la place, d'ufer de précaution & de vigilance,pour prévenir toutes les entreprifes que l'ennemi pourroit former dans 1'abfi-nce de l'armée pruflienne. Le Roi prit le e3 le camp de Siegroth, & le 29 celui de Noflén prés de Munfterberg, oü il s'arrèta pour juger par la manoeuvre des ennemis que! parti ils prendroient. M. Laudon détacha aufiitöt, pour renforcer-les poftes de Silberberg & deWartha; mais fon armée, on fe trouvoit M. de Czernichef, étoit fi nombreufe, que 20 ou 30,0^ hommes de moins ne 1'empêchoient pas d'agir comme il le trou» voit a propos. II 7 '  i8a VIST. DE LA GUERRE Cftobre. Le I d'Octobre le Roi apprit a Noiïiüi que par un coup de main les Autrichiens s'éftrient rendus maïtres de Schweidnitz. Quelque incroyable que parüt cette nouvelle, elle fe trouva néanmoinsvéritable. Cette entreprife avoit été concertée & conduite de la manière fuivante. On.gardoit environ 500 prifonniers dans cette place, entre lesquels un Major Roca, Italien & partifan, étoit un de plus confidérables. Ce Major s'étoit propofé de faire tomber entre les mains des Autr* crriens la place oü il étoit détenu. Dans cette vue il avoit eu 1'adreffe de s'infinuer fi bien dans 1'ëfr prit du Commandaat, que celui-ci lui accordoit plus de liberté qu'uti prifonnicr ne doit avoir,furtout lorsque la ville oü on le retient fe trouve en. vironnée d'ennemis. Roca fe promenoit dans les ouvrages; il favoit la place de toutes les gardes & de tous les détachemens; il obfervoit les diverfes négligences qui avoient lieu dans le fervice de la garnifon; il vivoit ouverteiaeut avec tout le monde, & voyoit de plus affez fouvent les foldats autrichiens prifonniers comme lui; enfin 11 intriguoit dans la ville, n'épargnoit pas les corruptions; & informoit exaétemant M. Laudon de tout ce qu'il Voyoit, apprenoit, & imagnoit lui-même pour lui ménager la prife de cette ville, Ce fut fur les lumières que donna ce Major aM.Laudon, qu'il forma fon projet pour furprendre la place, & Ia nuit du dernier de Septembre au premier d'Octobre il i'exécuta comme nous 1'allons dire. 11 di-  DE S E P T /INS. 183 flribua 20 bataillons en quatre attaques, 1'une fur la porte de Breslau, 1'autre fur la porte de Striegau , la troifième fur le fort de Bceckendorf & la quatrième fur le fort de 1'Eau. M. de Zafrrow avoit été au bal; comme cependant il fe doutoi; de quelque chofe, il fit prendre fur le foir les armes a la garnifon & la diftribtta dans les ouvrages ; mais il commit la faute de ne point donner aux officiers d'inftruction fur la manière dont ü devoient fe conduire, de ne point envoyer fa cavalerie a la decouverte a une certaine diftance,de ne point faire jeter des balles a feu pour éclairer la campagne , enfin d'être trop négligent dans tous fes devoirs. Les Autrichiens s'avancoient pendant ce temps-la &parvinrent jusqu'auxpallifadesavant d'être découverts. Pour toute défenfe i! n'y eut que 12 coups de canon de tirés, & le feu des petites armes fut fi-foible, que les ennemis puren: faire ce qui leur plut. La garde de la porte de Striegau fut furprtfe; de la ils pénétrèrent dans les ouvrages. Dans cette confufion les prifonniers autrichiens levèrent le masqué; ils s'emparèrent dela porte iutérieure de la ville & 1'ouvrirent aux premières tronpes des ennemis qui s'en approchèrent; enfin en moins d'une heure les Autrichiens fe rendirent maitres de toute la ville. M. de Béviile, qui commandoit dans la redoute de 1'Eau, fut Ie feul qui tint ferme, jusqu'a ce que toustes les reffources fuffent perdues, & qu'il ne lui reftat plus de moyens pour fe défendre. Un magafin it pon-  i:«4 BIST. DE LA GUERRE dre ayant fauté par hazard dans le fort de Bcecben» dorf, cela fit perdre quelque monde aux Autrichiens; fans quoi la prife de cette ville ne leur auroit rien cotité. Un malheur aufli imprévu dérangea toutes leg mefures du Roi; il fallut abandonner fes projets, changer de plan, & ne plus penfer pour le rede de la campagne qu'a conferver ce qu'on pouvoit maintenir de fortereffes & de terrain contre la grande fupériorité des ennemis. L'armée marcha k Strehlen, oü elle s'érablit a demeure, afin de couvrir également Neiffe, Brieg & Breslau. Le Rol avoit par précaution fait retrancherun camp auprés de Breslau. L'intention première avoit été de s'en fèrvir pour les détachemens qui s'approchoientfouvent de cette capitale; ils auroient pu s'y foutenir contre l'ennemi jusqu'a 1'arrivée de l'armée du Roi. r>ans les circonftances oü l'on fe trouvoit alors,. l'armée pouvoit s'en fervir elle-inême; les Pruffiens avoient une marche de moins a faire que l'ennemi pour y arriver. Dès-lors le Roi fe trouvoit reftreint a une defenfive rigoureufe, m«is il ne falloit pas que M. Laudon püt s'en douter, paree que ce fecret connu lui auroit donné gain de caufe fur les Pruffiens. Pour mieux déguifer fes intentions, le Roi donna des ordres a l'armée pour que les troupes fe préparaffent au combat, pour qu'on rechargeat les fufils, qu'on aiguifat les lames des épées& qu'on diftribuat des mu nitions fuffifantes a 1'aitillerie; enfin on ne parloit que de gtandspré-  DE SEP T AN S. 183 paratifs & de grands projets. Des efpions autrichiens connus. qui étoient dans 1'armée, partirent fur le champ pour en inltruire M. Laudon, & ce qui peut-étre paroltra incroyable a la poftérite , c'eft que cette armée autrichienne & ruffe, cam* pée fur les montagnes de Kunzendorf, a trois marches des Pruffiens, paffe 8 nuits au bivouac, comptaut certaiuement d'être attnquée d'un moment a 1'autre. M Czernichef preffoit fortement le Général autrichien de marcher fur Breslau. La raifon de guerre & des raifons de politique 1'exigeoient aiufi; car M. Laudon, en portant fa grande armée daus la plaine, auroit débordé les Pruffiens de tous les cötés; il les auroit abymés, & auroit eu 1'honneur de terminer la guerre. Il's'cxcufa vis - a - vis de M. de Czernichef en difant qu'il ne pouvoit s'avancer fi loin dans le pays, les vivres lui manquant, ainfi que les chevaux pour le tranlport. M. Laudon cachoit la véritable raifon qui 1'empêchoit de rien entreprendre-; il craignoit de s'expofer dans la plaine, paree que les Autrichiens y avoient fouvent été battus. D'ailleurs, comme il ne tenoit a rien, & qu'il n'avoit point, de proteftion a la cour de Vienne, il ne voulut rien hazarder- il fe contenta de Ia réputaiion que la prife de Schweidnitz lui avoit faite, & continua de fe tenir fur les montagne dans une inaétiou parfaite. Sur la fin d'Oftobre les affaires empirèrent tellement en Pomérauie, que le Roi ne put fe difpen-  186 HIST. DE LA CUERl/È. Nov. Vic. fer d'y envoyer de nouveaux fecours. Jl fit panir M. de Schenkendorf avec 6 bataillons & 10 efcadrons. Nous verrons bientót a quel ufiige ce détachement fut employé. Le Roi fe maintint dans fa pofition de Strehlen jusqu'au 1 o de Décembre, oü les troupes entrèrent dans les quartiers d'hiver. Mi de Laudon avoit dé;a renvoyé en Saxe le détachement d'Odone), & fes troupes fe c'antonnoient dans les montagnes. Les Ruffes étoient entrés dans le comté de Giatz. De Ia part tips Pruffiens le régiment de Bcnibourg fut jeté dans Neiffe; M. da Wied hiverna aux environs de Grotkau auec iobataillons & autant d'efcadrons. Les environs de Breslau furent occupés pas 20 bataillons & 40 efcadrons, & M. de Zeunert fe rendit a Glogau, pour que cette place füt au moins durant fhiver hors d'infulte. Outre cela M. de Schinettau partit avec quelque cavalerie pour Guben , afin d'affurer la communication de Berlin & de l'armée de Saxe. Aprcs avoir rapporté fans interrnption ce qui fe paffa cette année en Siléfie, nons allons jeter un coup d'ceil fur les éyènemens de la Poméranie. Lé Prince de Wurtemberg étoit entré dans le camp de Golberg le 4 Juin, oü M. de Thadden le joignit le 7 du même mois. La pofition des Pruffiens entouroit Colberg de manière que les deux ailes du retranchement aboutifibient a la Baltique. La riviére de Perfante couvroit la droite du camp, & le centré, qui en étoit la partie la plus abordable étoit défendu par de bons re-  DE S E P T A N S. 187 tranchemens. D'abord M. de Werner avoit été détaché a Cceslin, d'oü ilfe retira a 1'approche de M. de Romanzow, qui s'avancoit a la tête de 12,000 Ruffes. M. Romanzow choifit fa première pofition au Gollenberg. Tout futaffeztranquiile jusqu'au 20 d'Aoüt, que les fiottes ruffe & fttédoife combiuées parurent devant Colberg; elles s'approchèrent du port & canonnèrent vivement les batteries des Pruffiens, qui dêfendoient le port & le rivage. M. de Romanzow prit oe tempsla pour s'approcher du Prince de Wurtéraberg, &fe camper a un quart de lieue des Pruffiens. Le Prince de Wurtemberg n'avoit rien b. craindre jusques-la; mais au lieu de fournir les magafins d'approvifionnemens auffi abondarament qu'on le lui avoit re• commandé, il ménagea même les environs de fon camp oü il favoit que les Ruffes alloient arriver; & en général le peu d'attention qu'on eut pour les fubfiftances fut caufe de tous les malheurs qui arrivèrent en Poméranie. La première fuite eu fut qu'il détacha M. de Werner, pour ménager fes vivres, & peut-être encore paree qu'ils ne pouvoient pas s'accorder. M. de Werner fe rendit a Treptow, & eut 1'imprudence de faire cantonner fon monde, les Ruffes le furprirent; il fut fait prifonnier & prés de 500 chevaüx de fon corps eurent le même malheur. Les Ruffes, encouragés paria, tentéren! la nuit du 17 au 18 de Septembre d'enlever un bataillon franc qui étoit pofté devant la gauche des Pruffiens, dans une redoute fi élqi- Sfpt. 4.  m HIST. DE LA GUERRE Oétobre. gnée du camp,qu'on ne pouvoit pas mêmel'atteindre a coups de canon. L'ennemi paiTa par un lieu qu'on avoit cru un marais impraticable, faute de le fond er; il attaqua la redoute paria gorge, & enleva 200 hommes qui la défendoient. M. de Romanzow, enflé de ces petirs fuccès, crut qu'il ne dépendoit plus que de lui d'emporter les retranchemens pruffiens lorsqu'il voudroit 1'entreprendre; il s'approcha de la redoute Verte, qui étoit du. cóté du .centre du Prince de Wurtemberg. II 011vrit les tranchées, établit des batteries comme s'il s'étoit agi du liégerégulier d'une place, 1'aitaqua. en fonnes le iq & 1'emporta. A peine s'y établiffpit-il que le Colonel Kleift a la tête des gre-. nadiers 1'en délogea avec perre de. 1 ioq hommes.. Cette redoute étoit placée contre les régies * 3.000 pas du retraucheraent, dont elle étoit féparée par un ravin. Cependant, quoiqu'eile fut ifolée, & qu'elle donnat prife fur elle, les Ruffes, découragés par la perte qu'ils venoienr de faire, ne Pin-' quiétèrent plus. M. de Platen, après avoir pris- le magafin de Koublin, traverfoit alors Ia nouvelle Marche ,d'oü il fe porta droit fur Coerlin. 11 y prit un détachement de 300 Rufles; mais cela ne fit point d'irnpteflion fur M. Romanzow, qui ne remua pas dans fon camp. Le Prince de Wurtemberg défiroit que M. de Platen fe portat derrière l'ennemi, pendant que lui-même il Pattaqueroit de front; mais par uue fatalité. commune a toutes lesarmées,.  DESEPT/iNS. 189 ces deux généraux différent en tout de fentimens, ne purent convenir de rien. M. de Platen tourna vers Spie & vint fe camper a la droite du Prince, fur le Kauzenberg, & leur voifinage ne fit qu'augmenter leur méfintelligence. Cependant Mrs de Fermor & de Berg avoient fuivi de prés M. de Platen. Berg^ avec 10,000 tant Cofaques que dragons qu'il avoit fous fes ordres, fe pofta a Greiffenberg. D'un autre cóté la faifon, qui devenoit de jour en jour plus rude,empèr:holt la flotte combinée des Suédois & des Rufles de tenir plus long - temps la mer; elle fe retira vers fes ports, fe contentant de Iaiffer deux frégates fur la rade de Colberg pour en bloquer le port. C'en étoit aflez pour empêcher les convois, dont on avoit un befoin preffant, d'entrer dans la ville. Le Prince de Wurtemberg ne pouvant fe procurer par mer de nouvelles fubfiftances, voulut cn faire arriver par terre de Stettin. l\ détacha pour cet effet M. de Platen, afin d'affurer la marche des convois. M: de Platen dirigea fa route par Treptow, Stuchow, •i Gollnow; il avoit dans ce camp un défilé devaut 'lui, qu'il fit paffer a un régiment de houfards & h deux bataillons. Ces troupes furent aufïïcöt attaquées par M. de Fermor, qui s'y trouvoit avec toute fa divifion, & le détachement fut battu & pris. Après ce malheur M. de Platen fe retira fur Darnm, & l'ennemi détruifit le convoi qu'il devoit couvrir. Le Prince de Wurtemberg, qui ne favoit pas ce qui s'étoit paffé a Gollnow, détacha encore  190 IIIST. DE LA GUERRE a Treptow M. de Knobloch avec 3 battaillons & 500 chevausi, pour couvrir le convoi qu'il fuppofoit devoir arri/er & qui étoit déja pris. A peine M. de Knobloch fut il arrivé it Treptow, que p,oco Ruffes i'environnèrent & le prirent faute de munitions de guerre & de bouche, après qu'il fe fut bien défendu pendant trois jours. L'ennemi profita des fautes & des malheurs des Pruffiens ; a fon tour il bloqua le Prince de Wurtemberg, de forte que M. de Platen, qui ne put pas le joindre, fe retira du cóté de Stargard, oü il futfuivi par M. de Berg. Le Roi, informé de la déplorable fituation de fes affaires en Poméranie, y envoya Mrs de Schenkendorf & d'Anhalt, comme nous 1'avons dit plus haut. II n'étoit plus pofïïble déformais de ravitailler les magafins de Coiberg. Le dernier convoi que les Ruffes venoient de prendre, avoit emporté tous les chevauxque les provinces fe trouvoienten état de fournir. D'aüleurs les Ruffes étoient fi fupérieurs en nombre, ils avoient détaché tant de troupes entre Colberg & Stettin, qu'il étoit inoralement impoflible d'y faire paffer un convoi ; il falloit dès lors regarder la place comme perdue, & fauver les troupes du Prince de Wurtemberg, paree que c'étoit tout ce qu'il y avoit de mieux a faire dans ces triftes conjonctures. Quelque diligence qu'eüt faite M. de Schenkendorf, il ne put joindre M. de Platen que le 10 de Novembre entre 'Pyritz & Arenswalde. Ils maïcbérent eo-  DE S E P T A N S. t9l femble fur Greiffènberg, oü ils trouvêrent vis a vis d'eux M. Jacoblef; qui y avoit été détaché de la grande armée. Pendant que M. de Platen le contenoit, le Prince de Wurtemberg quitta Ton camp la nuit du 14 au 15, & longeant le rivage de la Baltique, il arriva a Treptow, fans avoir rencontré d'ennemis fur la route. II fe joignit enfuite au corps qai 1'avoit dégagé. Après leur réunion ils tentèrent encore de déloger les Ruffes du voifinage de Colberg , en fe portant derrière leur armée. Wals ayant remarqué qu'ils ne parviendroient pasa leur but par cette manceuvre, ils s'avancèrent le 12 de Décembre fur Spie, attaquèrent la redoute de Drenow, 1'emportèrent, & prirent les troupes qui la défendoient ,* ils auroient pouffé plus avant, fi toute l'armée rulfe ne fe fut préfentée devant eux dans le même camp que les Pruffiens avoient occupé i & comme ils comprirent 1'impoffibilité d'attaquer l'ennemi dans fes retranchemens, ils fe replièrént fur GreifTenberg, oü ayant appris que la famine avoit oblfgé la garnifon de Colberg a fe rendre, ils fe retirèrent a Stettin. Le Prince de Wurtemberg dra un cordon derrière 1'Oder avec quelques troupes pour couvrir Stettin, & en même temps M. de Thadden parti: pour la Luface, M. de Platen pour la Saxe, & le Prince de Wurtemberg prit le chemin du Mecklcnbourg. Nous avons été occupés d'objets fi importans, que. nous n'avons pas fait mention de l'armée fuédoife , & de M. de Belling, qui lui fit tête avec Dec.  H1ST. DE LA GUERRE. 5 AoClt. 1500 houfards & deux bataillons. M. d'Ehrenfchwerd avoit paffé la Peene le 19 Juiliet a la tête des Suédois. M. de Belling, qui étoit a Malchin, ayant appris qu'un corps de Suédois catnpoit a Bartow , 1'attaqua, & lui prit 100 hommes avec 3 canons; de-Ia il fondit fur M. de Helfenftein, qui étoit a Rcepenack & lui enleva 600 hommes avec 6 canons; une autre fois le même fut encore battu & perdit 300 hommes. Ces petits avantages n'empêchoient pas cependant l'armée fuédoife de s'avancer dans la Marche uckerane; un corps de 6",oo» Suédois, qui venoit de Treptow fur laTollenfée, s'approcha pour attaquer M. de Belling; mais il s'cmbnfqua, tomba fur les ennemis a 1'improvifle & leur prit prés de 600 hommes. Le Prince de Bévern, qni voyoit avancer l'ennemi malgré la vigoureufe réfiftance de M. de Belling, lui envoya un renfort de trois bataillons ; & en même temps il fut joint par M. de Stutterheim & quelques troupes de l'armée du Prince Henri- Avec ces fecours Belling attaqua un corps de Suédois pofté a Rebelovv & lui enleva quelque monde. Le lendemain M. d'Eltrenfchwerd, pour prendre fa revanche ,marcha a Gollnow. M. de Belling, qui s'y trouvoit, ayant été averti du deffein des ennemis, s'embusqua encore, fondit fur eux, les mit en défordre & fe retira a Rebelow, d'oü il fe porta a Kuhblanck & les Suédois fur Friedland. Belling marcha a leur rencontre , entama ia cavalerie de Sprengport, qni fai.  DESEPTANS. 123 faifoit 1'avant - garde de ce corps, & la battit. II tourna fur Lceckenitz , d'oü ce Général infatigable touiba fur les Suédois retranchés a Friedland. II n'attaqua point le retranchement faute d'infanterie & de canon, & fe contenta d'enlever une grande garde de 40 dragons. II fetnble qu'on décrit 1'hifloire des Amadis en parlant des progrès de M. de Belling, qui fe bat toujours & qu'on ne retrouve jamais a la même place. II avoit fon infanterie a Pafewalk & s'étoit pofté en avant a Ferdinandshof. Les Suédois s'avancèrent fur lui. Le Pruffien culbuta leur avant-garde fur leur infanterie, les forca de fe retirer & engagea le lendemain un nouveau combat, oü les ennemis perdirent 500 hommes. Le^ Prince de Bévern , obligé d'envoyer des convois a Colberg, rétira alors les deux bataillons qu'il avoit prêtés a M. de Belling. Ce Général même recut ordre de s'approcher de Berlin, qu'uti corps d'Autrichiens répandu dans la Luface paroiffoit menacer d'une irruption. II partit a la vérité; mais comme il fe trouva dans la fuite que ce bruit n'avoit aucttn fondement, il retourna contre les Suédois, oü il s'attendoit a cueillir de nouveaux lauriers. Cette campagne traina jusqu'au 6 de Décembre, oü M, d'Ehrenfchwerd quitta Demmin & fe rapprocha de Stralfund, & il ne fe paffa aux bords de la Peene que quelques affaires de parti peu importautes. Lorsque le Prince de Wurtemberg marcha vers le Mecklenbourg, M. de Belling prit les devaus. II trouva a Malchin une garnifon, Ochv. Poflh. tic Fr. II. T. ir. I 9, Sept, Oiftobre. Nov.  i$4 MIST. DE LA GUERRE S. Janv. Campagne dc !>axe. qu'il enferma & lint bloquée jusqu'au moment ou le Prince de Wurtemberg furvint. On auroit pu prendre ce bourg 1'épée a la main; mais les troupes étoient délabrées, les régimens fondus & accablés d« fatigues, & d'ailleurs il falloit conferver fon monde pour de meilleures occafions. Par ces raifons on fe contenta de canonner vivement Ia ville, & on 1'auroit prife, fi M, d'Ehrenfchwerd. averti du danger de fes troupes, n'y étoit accouru avec toute fon armée. II retira la garnifon de Malchin & reprit Ia route de Stralfund. Les troupes de part d'autre entrèrent dans leurs quartiers d'hiver, les Suédais prés de Stralfund, & les Pruffiens dans le duché de Mecklenbourg aux environs de Schvvérin & de Roftock. Nous avous dit que M. de Platen étoit en pleine marche pour la Saxe, & il eft a propos de reprendre ce qui fe paffa cette année dnns l'armée du Prince Henri. Nous avons laiffé S A. R. au camp de Meiffen & de Katzenhteufer, le Maréchal Daun a fes camps du Windberg & de Dippoldiswalda, & l'armée des cercles entre Hof & Plauen. S. A. R., qui devoit obferver le Maréchal Daun, & Ie fuivre au cas qu'il marchèt en Siléfie, s'étoit propofé de ne point s'éloigner des bords de l'Elbe, afin de paffer ce fleuve en méme temps que les ennemis. En attendanj. pour tenir les Autrichiens en haleine, & les réduire en quelque forte a Ia défen. five, le Prince fit harceler ou attaquer tous les détach:mens que le Maréchal Daun avoit tant foit  DESEPTANS. igS. peu éloignés de fon armée. M. de Kleilï entr'autres délogea d'auprés de Freyberg les quatre régimens de dragons faxons qui faifoient mine de s'y établir. Aprés les avoir pourfuivis vers Dippoldiswalda, il profita de 1'occafion pour tomber a 1'improvifte ft Marienberg fur le corps de M. Tcerrek, qu'il contraignit de fe réfugier en Bohème. M. de Seidlitz de fon cóté donna Ia chaffe a M. de Ried, qui abandonna fa pofition de Keffelsdorf, & fe replia en h^te fur le camp du Windberg. Les Autrichiens fouifrirent tranquillement ces petites bravades, & les traitant de bagatelles, ils ne penférent pas même ft prendre leur revanche. Le Maréchal Daun continua de demeurer dans finaétion jusqu'a 1'ouverture de la campagne en Siléfie, fe bornant ft óter toute communication directe aux deux armées pruffiennes; il détacha pour cet effet M. de Lafcy, qui paffa l'Elbe & fe pofta au village de Dobberitz proche de Groffenhayn. Le Maréchal Daun y gagna que les couriers pruffiens furent obligés de prendre de plus grands détours, pour remettre leurs dépêches avec fureté. Cet inconvénier.t n'étoit pas alors de conféquence; mais il eu pouvoit réfulter un autre mal plus confidérable, c'étoit que file Maréchal Daun avoit entrepris de marcher en Siléfie, le Prince ne pouvant paffer l'Elbe que plus bas , perdoit au moins une marche, & auvoii troüvé dès fon paffage M. de Lafcy vis-a-vis de lui, pour rendre Ia traverfée de la Luface difficüe. Mais il fuppofa I 2 16 JuK.  l$6 HIST. BE LA GUERRE un autre deiTein au Maréchal Daun; il crut que le mouvement que M. de Lafcy venoit de faire, avoit pour but une jonétion avec les Ruffes, ou quelque nouvelle incurfion dans la Marche éleéïorale. II n'étoit pas polïïble que le Prince s'oppofat ft tant de chofes ft la fois; il fe contenta d'envoyer M. de Roebel avec une troupe de houfards ft Torgau, pour obferver de-la les mouvemens de Lafcy & en faire fon rapport. Pour fe mettre en état de prévenir les deffeins de l'ennemi fur la capitale , il fit cantonner une partie de fes troupes entre Strehla & Leimbach, par oü il gagnoit une marche, en cas qu'il fallüt penfer ft couvrir Berlin. Ces troupes, cachées au Maréchal Daun, pouvoient fervir ft faire ft la dérobée des détache. mens dont il étoit bien difficile que l'ennemi fut inftruit. L'occafion ne tarda pas ft s'en préfenter. M. de Kleefeld avec un corps des cercles s'étoit avancé ft Penig. Le Priace envoya M. de Kleift pour fobliger ft quitter ce pofte. A peine fut-il chatfé qu'il revint, pour fe faire expédier la feconde fois comme la première. Le Roi cependant étoit fi occupé avec les Autrichiens & les Rufles, qu'a peine avec toutes fes troupes pouvoit il fe foutenir contre Ia fupériorité de fes ennemis. Le Prince fon frére crut que M. de Belling avoit befoiu de fecours pour s'oppofer avec plus de fuccès aux entreprifes que les Suédois pouvoient former encore. 11 étoit le feul qui püt faire pafl'er des troupes de ce cóté, paree  DESEPTANS. 157 que jusqu'alors le Maréchal Daun s'étoit temt tranquille. Le Prince fit donc partir M. de Stutterheim le cadet avec 4 bataillons, pour joindre M. de Belling, & nous venons de voir 1'ufage qu'il fit de ces troupes. La railbn principale qui dé-' termina S. A. R. a faire ce détachement, étoit qu'il y eüt des troupes a portée de défendre la capitale, fi cela étoit néceffaire , contre les incurfions de quelques petits corps, paree que la garnifon de Berlin ne confiftoit alors qu'en deux foibles bataillons de milice. \ La petite guerre continuoit en Saxe de Ia part des Pruffiens. M. de Kleift battit une feconde fois un corps ennemi prés de Freyberg, & M. de Seidlitz défit un gros corps de cavalerie prés de Pretfchendorf. Sur ces entrefaites les troupes des cercles fe mirent en mouvement. M. de Serbelloni, qui les commandoit, s'étoit avancé a Rom-' bourg , & comme de-la il lui auroit été facile de tourner le flanc des Pruffiens, S. A. R. envoya contre lui M. de Seidlitz avec 5 bataillons & 15. efcadrons. Ce Général manceuvra avec tant d'art & d'habileté, il donna tant d'appréhenfions a M. de Serbelloni pour l'armée qu'il commandoit, que celui-ci fe crut obligé de fe replier fut Hof ^dans 1'Empire. L'armée francoife faifoit alors quelques progrés. Le corps du Comte de Luface avoit pénétré par Eimbeck dans l'éleftorat de Hanovre & menacoit la ville de Walfenbuttel; & comme la foiblefie de I * ü9 Aoüt,  193 HIST. DE LA GUERRE li ott. te garnifon faifoit craindre que la défenfe ne fut pas vigoureufe , S. A. R. y envoya le Coionel Bohlen avec 1500 hommes. II voulut fe jetter dans la place; mais M. de Stammer, qui y commandoit pour le Duc, ne voulut pas le recevoir. M. de Bohlen fe retira, & deux jours après le Comte de Luface s'en rendit maitre. Dés que lej Saxons eurent pris Wolfenbuttel, M. de Serbelloni détacha'le Général Luzinsky avec 6,000 hommes pour les joindre; il fe pofta vers la Saaie & s'em. para de Halle. Le Prince lui oppofa M. de Seidlitz, qui paffant par Deifau & Bembourg fe mit en devoir de difputer aux ennemis 1'entrée du duché de Magdebourg. Mais le Comte de Luface avoit déja évacué Wolfenbuttel ; il s'étoit replié en Heffe, & M. Luzinsky fur l'armée des cercles, de forte que M. de Seidlitz, inutile dans cette partie, vint rejoindre S. A. R. . Les affaires étoient a peine rétablies du cóté de la balie Saxe, que le départ de M. de Butturlin de la Süéfie fit appréhender qu'il ne marchat droit a Berlin, comme les Ruffes avoient fait dans la campagne précédente. Pour obferver les mouvemens de cette année, le Prince détacha M. de Podewils avec 800 clievaux pour Furfrenwalde; mais 1'expédition de M. de Platen fur Koublin ne permit pas aux Ruffes de fuivre ce projet, fuppofé qu'ils y penfaffent réellement, & la capitale fut raffurée. • Les Autrichiens fortirent enfin de léthargie. Le Maréchal Datui boraa fes opérations a s'étendre  DE S E P T /INS. i?9 dans toute cette chaine de montagnes de Ia Saxe qui continent a la Bohème. Cétoit fe contenter d'un village, lorsqu'on pouvoit avoir un royaume, M. de Haddick partit avec un corps confidérable de Dippoldiswalda, & s'établit a Freyberg, tandis que le Maréchal fit alarmer tous les poftes des Prufiïens fur la Tripfche, pour empêcher S. A. R. de fe porter en force contre M. de Haddick. Le mouvement que les Autrichiens venoient de faire, les portoit immédiatement fur le flanc droit du camp qui occupoit les Katzenh'amfer. Pour ebvier a cet inconvénient, le Prince changea la'pofition des troupe?; il fit préparer un camp retranché au Pétersberg, & en donna le commandement a M. de Seidlitz. Les opérations des Autrichiens fe terminèrent en.Siléfie, comme nous 1'avons dit, paria prife de Schweidnitz. M. Laudon fe fentant affez fort par les troupes ruffes de Czernichef qui étoient a fes ordres, renvoya en Saxe M. Campitelli avec le corps que M. Odonel lui avoit amené de Luface. Ce Général paffa le pont de Dresde le i Novembre, d'oüil fut envoyé a Freyberg, pour renforcer M. de Hiddick dans les montagnes. Le Maréchal Daun quitta fur cela fon camp du Windberg, & s'avanca en force fur le front de l'armée pruf fienne. La journée fe paffa de part & d'autre a fe canonner, & a quelques affaires de détail entre des corps d'infanteiie des deux armées; les Pruffiens repouffèrent les ennemis, qui vouloient les 1 4- Nov»ra bre.  soo HIST. DE LA GUERRE ddpofter des paffages de la Tripfche qu'ils delendoient. Pendant que . le Maréchal Daun alarmoit les Pruffiens, M. de Haddick s'avancoit fur les bords de la Mulde, oh il s'établit depuis Noffen & Dcebeln jusqu'a Rofswein. Ces poftes derrière la Mulde, que les Autrichiens oceupoient, font d'un trés-difficile abord. Les hauteurs règnent dans toute 1'étendue du terrain, & Ie lit de la rivière étant creufé dans Ie roe, empêche de Ia paffer autrement que fur les ponts de pierre qui s'y trouvent a trois endroits. S. A. R. ne fe trouvant pas aflez forte pour entreprendre de déloger un ennemi fupérieur en'nombre d'une pofition aufli avaatagenfe, fe contenta de retrancher les poftes que fon armée occupoit, afin de s'y foutenir durant fhiver. Les Pruffiens furent fi bien fe faire refpecter des ennemis, que tous les détachemens que M. de Haddick poufla au dela de la Mulde, furent repoulfés ou battus. Le Roi s'étoit flatté que Ia campagne des Ruffes en Poméranie ne feroit ni longue ni dangereufe, & avoit deftiné M. de Platen pour la Saxe. Mais les affaires avoient pris une tournure facheufe, comme nous 1'avons dit, & M. de Platen ne put joindre l'armée de S. A. R. que le 11 de Janvier. A peine fut - il arrivé a Altenbourg& aNaunibourg, pour y prendre des quartiers, que l'armée des cercles s'avanca fur les lieux dont il venoit de femettre en pofleffion. II leur céda le terrain qu'il ne pouvoit pas défendre; en fe retirant M. de Sto?  DBSEPTANS. aot jentin, Colonel du régiment de jeune Bronswic, fut attaqué par 4,000 hommes, & il fe défendit fi bien, qu'il gagna Meufelwitz, fans avoir fait d'autre perteque celle de fes malades, qu'ü nepuc emporter d'Altenbourg. Les PrufSens fe foutinrent; dans leur pofition pendant tout 1'hiver; i! y eut, des alertes, que Ie voifinage des deux armées rendit fréquentes; mais quoi qu'il arrivat, il étoit 11 important de conferver la Saxe dans les facheufes conjonctures oü fe trouvoient alors les affaires pruffiennes, que S. A. R. risqua tout pour s'y maintenir, a quoi elle réuffit moins par la force de fon> armée, que par fes bonnes difpofitions,. fa couftance & fa fermeté. . Pour achever le tableau général de cette année, il ne nous refte plus qu'a fuivre les opérations de l'armée des alliés contre celle desFranqoiSi Nous avons laiffé le Prince Ferdinand a Paderborn, IePrince héréditaire a Munfter, M. de Soubife fur le bas Rhin, M. de Broglio a Caffel, & le Comte Luface aux environs d'Eifenach. M. de Soubife ouvrit Ia campagne en fe portam fur Dortmund, tandis que M. de Broglio affembla différens: corps qui menacoient la Dimel, Le Prince Ferdinand laifla M. de Spcerken fur Ia Dimel, avec ordre de fe retirer a Lippftadt, au cas que l'ennemi. vint fur lui en force, & la grande armée des alliéss'avanca vers M. de Soubife. Cette armée du bas Rhin avoit marché fur ünna. Le Prince héréditaire s'approcha de flamm; & le Prince Ferdinand I 5 Campagne du Prince Ferdinand.  HÏST. BE LA GUERRE a. Joiller.' ayant des nouvelles que M. de Soubife avoit pouffé en avant un corps aux ordres du Prince de Condé, fe fit joindre parle Prince héréditaire, attaqua cette avant-garde, & la comraignit de fe replier fur fon armée. Le Prince trouva les Francois trop bien retranchés pour risquer de s'engager avec eux, & marcha fur'Dortmund pour tourner leur pofition. Le foir qu'il arriva au pont de Kurle, il y fut attaqué par les Francois, qu'il repouffa avec perte. La" pofition que les alliés venoient de prendre, auroit donnéde 1'inquiétude a M. de Soubife pour fes fubfiftances, fi M. de Broglio, qui venoit ï fon fecours, n'eüt alors débouché fur la Dimel. A 1'approche des Francois, M. de Sp cerken fe retira avec quelque perte; mais au lieu de fe rendre & Lippftadt, comme il en avoit 1'ordre, 11 fe replia fur Hamm. M. de Soubife n'eut alors rien de plus preffé que de fe,joindre a M. de Broglio, & leurs deux armées fe rencontrèrent a Paderborn. Le Prince Ferdinand fe mit a Ia pourfuite de M. de Soubife; il engagea des affaires, d'arrière-garde, mais qui ne furentpoint décifives. M. de Broglio lailfa 1 e Comte de Luface a Paderborn pour couvrir les dépóts qu'il y avoit formés, & les deux armées francoifes vinrent fe camper a Sceft. Tan. dis que ces armées & les alliés étoient en mouvejaent, un partifan de ceux-ci, nomme Freytag enleva entre Caffel & Warbourg trois convois de ferine deftinés pour les ennemis. Cette perte désangea les Francois au point, qu'ils eunployêreac  DE S E P T A'N S. 203' dfx jours a faire avancer des fubfiftances, & a rétablir fordre dans 1'adminiftration de leurs vivres. Le Prince Ferdinand profita de cette inaftion, pour s'établir folideraent dans fon camp entre 1'Afpe & la Lippe; il pourvut en même temps a la fureté de Lippfladt, en y envoyant a la tête de 6 bataillons M. de Wangenheim, qui bientót après y fut joint par M. de Spcerken. Les deux Maréchaux francois- s'avancèrent le 15 de Juillet fur Ie Prince Ferdinand. Leur armée étendue en demi-cercle embraffa toute la circonférence de fon camp; car ils avoient leurs deux ailes fur la Lippe. M. de Broglio forca d'abord le pofte de Nellen, défendu par des grenadiers anglois, & enflé de ce fuccès,, il fit attaquer un petit bois devant le village de Villinghaufen , occupè par la légion britannique; mais il ne put la déloger d'un pofte qu'elle foutint avec fermeté & avec conftance. Vers les 6 heures du foir le combat parut devenir général, & ill'auroit été, fi 1'obfcurité de la nuit ne 1'eiU fuspendu. Le feu recommenca le lendemain dès la pointe du jour. M. de Soubife entama la partie oü commandoit le Prince héréditaire. B attaqua un village ; mais la vigoureufe défenfe d'une redoute 1'arrêta. En attendant M. de Broglio faifoit des efforts de fon cóté contre le Prince Ferdinand; ce» effbrts étoient foibles, & le Prince s'appereu: dusant le combat d'un certain flottement dans l'infar:■«rie francoife qui déuotoit de riocertuude $e-dts-< hl- -  504 ffIST. DE LA GUERRE découragement. II en profita en grand général; M. de Wangenheim 1'étant venu joindre alors, il fortie de fon pofte avec 16 bataillons, chargea brusquement les troupes de M. de Broglio, les enfonca, & les réduifit ft prendre Ia fuite. Ce coup inattendu obligea les deux Maréchaux ft lacher prife; ils perdirent 6,000 hommes, au lieu que la perte des alliés ne paffa pas 2,000, paree qu'ils étoient bien poftés & viétorieux. Après 1'aétion M. de Soubife fe fépara de M* de Broglio & s'approcha de la Rhur, tandis que fon collègue tiroit vers Paderborn. Le Prince héréditaire fuivit M. de Soubife, & fe porta au Harflrang, pour 1'empêcher de repaffer la Rhur; le Prince Ferdinand fuivit M. de Broglio. Cette armée francoife s'étendoit derrière le Wéfer de Paderborn jusqu'a Hameln» Elle commencoit a fe forüfier a Hcexter & y foripoit un amas de munitions de guerre & de Douche; ce qui fit jugee que fon defTein étoit d'affiéger Hameln; fur quoi le Prince Ferdinand y détacha M. de Luckner, &. comme il ne pouvoit empêcher ce fiége qu'endonHant ft M. de Broglio quelque inquiétude ailleurs, il détacha Mrs de Wangenheim & de; Wuthenow, qui pénétrèrent par le pays de Waldeck & défirent un détachement ennemi prés de Stadtberg. Cette expédition obligea M. de Broglio. d'affoiblir fon centre. Le Prince Ferdinand n'attendoit que cela pour fe porter par Dalbruck & Detraoli ft Reilkirclieiu Les Frangois, furpris gas  DESEPT/1NS. a&y ce mouvement inattendu, fe mirent en marche & arrivèrent au pied des hauteurs de Reilkirchen, fi eélèbres par la défake de Varus. Ils y trouvèrent les Allemands trop folidement établis pour les attaquer impunément, & ils fe replièrent fur Neheim & Steinheim. M. Luckner fe rendit alors dans le Solling, oü il attaqua & battit entre Gcettingue & Hcexter un corps aux ordres de M. de Belfunce. Le.Prince Ferdinand, qai défiroit d'en venir a quelque décifion ,ne fe trouvant pas aflez fort dans la pofition qu'il occupoit, attira Ie Prince héréditaire a lui. Ce Prince fe porta derrière l'armée francoife & obligea le Maréchal de Broglio de lui oppofer M. de Stainville. Les Francois, pour fe dégager des alliés qui les entouroient, attaquèrent la petite ville de Horn devant la droite du Prince Ferdinand , quelques brigades angloifes, qui s'avancèrent pour foutenir ce pofte, leur firent abandon* ner leur projet. M. do Broglio, découragé par, les mauvais fuccès, & dégoüté par les obftaclesj qu'il rencontroit partout, renonca au fiége def Hameln, & ne penfit plus qu'a faire tranfporter fes' provifiens de Hcexter; il y paffa le Wéfer fur trois ponts. Les ajiiés le fuivirent.; mais ils ne purent point avoir de prife fu r lui. La jonction du Prince héréditaire a l'armée des alliés, qui avoit favorifé les affaires de la bafle Saxe, avoit nut il celles du bas Rhin. Sa préfence y devenant néceflaire, ïl fut obligé d'y lêtouEuer. Par fa marche il forca le Prince de 17  soff HIST. DE LA GUERRE Dct< tok Condé a lever le fiége de Hamm. Les Francois fe retirèrent a Munfter, oü ils fe joignirent a M. de Soubife, qui bloquoit cette ville. Pour dégager Munfter, le Prince héréditaire inveltit fubitement la ville de Dorften & s'en rendit maitre avec la garnifon, qui mit bas les armes. Le Prince fe trouvoit par cette prife dans le voifinage de Wéfel, d'oü il empêchoit l'armée francoife de tirer des convois. L'embarras oü cette expédition mit M. de Soubife, le détermina a lever le bloeus de Munfter & a fe retirer par Duimen fur Halteren. Depuis le départ du Prince héréditaire de la bafle Saxe, M. de Broglio fe trouvant plus a fon aife, s'avanca fur Eimbeck & fur la Leine, fur quoi le Prince Ferdinand partagea fon armée; il en Iaiffa la moitié fur le Wéfer, & avec 1'autre il fe mit fur la Dimel, pour tomber de la fur le corps de M. de Stainville. Ce Général francois pénétra les deffeins du Prince, fe retira en hate, & fe jeta dans le camp retranché qui avoit été préparé auprès de Caffel. Ce coup ayant manqué par fk&bi Yué de M. de Stainville, le Prince Ferdinand prit des arrangemens pour s'emparer de Munden. M. de Broglio en fut fi forteffrayé, qu'il y accouru: avecfla moitié;de fon armée: maisja fon[approche ies alliés fe replièrent fur Geismar. M. de Broglio trouvant alors fon monde inutile auprès de Munden , envoya quelques renforts i M. de Stainville, & retourca avec k refle de fes tEoupes-5 Eimbeck»  &ESEPTANS. 2©7 II n'étoit plus a craindre que M, de Soubife püt afïïéger Munfter , paree que la faifon étoit trop avancée, & comme le détachement du Prince héréditaire devenoit plus utile en baffe Saxe qu'en Weftphalie , le Prince Ferdinand lui envoya des ordres pour qu'il joignit fon armée fur la Dimel» Auflïtót qu'il fut arrivé, les alliés s'avancèrentvers M. de Stainville, qui fe retira encore, & pour la feconde fois M. de Broglio accourut a fon fecours avec une partie de fon monde; car il avoit laiffé le gros de fon armée dans le Solling depuis Holzmunden jusqu'a Lamforde. Les alliés voyant leur projet déconcerté , entrèrent dans la principauté de Waldeck, qui pouvoit leur fournir plus de fubfiftances que la Heffe.- M. de Broglio avoit obfervé que la manoeuvre des alliés ne rouloit que fur des diverfions, pour le détourner de fes deffeins; il voulut faire une diverfion a fon tour, & envoya le Comte de Luface 1avec 8 ou 9,000 Saxons dans le duché de Bronfwic, pour affiéger Wolfenbuttel. Après que cette vil'e fe fut rendue fans grande réfiftanee , le Comte de Luface fe tourna fur Bronfwic, dont il fit 1'inveftiflement. M. Luckner. que le Prince Ferdinand avoit envoyé pour fecourir Wolfenbuttel, arriva trop' tard; mais ayant été joint peu après par le Prince Fréderic de Bronfwic , ce jeune Prince , plein d'honneur & d'une noble ambition, pour fon coup d'efiai forca le pofte que les ennemis avoient auTrillage d'Q»lper, fe jeca dans Bronfwic, en fis  aoS HFST. DE LA CfJEP-RE lever le fiège, & hata 1'évacuation de Wolfenbuttel. Ain.fi Alexandre, au forth-deTenfance, dans 1'armée de fon père Philippe, battit les Athéniens avec 1'aile de cavalerie qu'il commandoit. Les affaires-de détachement n'empêchoient point les grandes armes d'aller leur train. M. de Broglio Nov. avojt fortifié le pofte de Duderftadt; il avoit porté M. de Stainville a Ieffen; quelques brigands gardoient Eimbeck, & M. de Chabot occupoit les gorges d'Efchershaufen avec un détachement de 10,000 hommss. Si le Prince Ferdinand avoit permis aux ennemis de fe maintenir dans cette pofition durant 1'hiv.er,. cela leur auroit donné de trop grands avantages pour la campagne prochaine. Ge fut ce qui le détermina a percer le centre du terrain que l'armée francoife occupoit. Dans cette 5- intention le Prince héréditaire & Milord Gramby paffèrent la Leine & fe poftérent proche d'une hauteur voifine d'Eimbeck , nommée la Huve, Le Prince Ferdinand paffa de fon cóté le 4 le Wéfer ft Tundern & s'avanca fur M. de Chabot, $ui eut le bonheur de lui échapper, & les ennemis furent vivement pouffés de tous les cótés. M, de Broglio crut tout perdu,. lorsqu'il appercut le Prince héréditaire vis-a-vis de la Huve; toutefois lejour fe paffa a fè cannonner réciproquement , & les Francois s'étant renforcés le lendemain, il ne fut plus temps de brusquer 1'affaire; ce qui occafionna le mouvement que tous les corps des alliés firent par leur droite. Les Francois prirent cette marche  DE S E P T A N S. 20$, pour une retraite; ils voulurent harceler les Allemands. ; mais ils furent partout repouffés & battus. Le Prince Ferdinand gagaa par ce revirement les hauteurs de Wangelftedt, d'oü il prenoit la pofition de la Huve a dos. Cela acheva de déconcerter M. de Broglio , qui ne pouvant plus fe maintenir dans cette pofition, fut forcé d'èvacuer Eimbeck, & de fe retirer en Heilè. Ce fut par cette belle manceuvre que le Prince Ferdinand finit une campagne qui le couvroit de gloire, & des deux parts les armées entrèrent dans leurs quartiers d'hiver. Nous avoas vu par les événémens de cette campagne que le Prince Ferdinand de Bronfwic fut le feul des alliés qui la termina fans faire de pertes. Les Pruiltens furent généralement malheureux dans toutes les contrées oü ils foutenoient la guerre. Le Prince Henri avoit perdu toutes les montagnes de la Saxe, & il étoit fi refferré dans le terrain qui lui reftoit, qu'a peine en pouvoit-il tirer lafubfiftance journalière des troupes. La fupériorité des ennemis leur avoit donné les moyens d'occuper les poftes les plus avantageux, & on avoit lieu de tout appréhender pour 1'hiver & pour la campagne prochaine. Mais quelque maVivaife que fut la fituation de S. A. R., elle n'appipchoit pas de celle de l'armée du Roi. La perte de Schweidnitz entrainoit celle des montagnes & de la moitié de la Siléfie. Le Roi ne tenoit plus qu'aux forterefles de Glogau, Breslau, Brieg, Neifle & Co-  aio HIST. DE LA GUERRE fel; il étoit maitre du cours de 1'Oder & des principautês fituées ft 1'autre rive, que les Ruffes avoient ravagées au coiumencement de la campagne , & d'oü il n'y avoit point de fubfiftances ft tirer; il n'en pouvoit point faire arriver de Pologne, paree que 15,000 Ruffes, qui avoient tiré un cordon le long des frontiéres, en interdifoient le paffage. L'armée étoit obligée de défendre fon front contre les Autrichiens, & fes derrières contre les Ruffes. La communication de Berlin avec Breslau n'étoit que précaire ; mais ce qui achevoit furtout de rendre cette fituation défefpérée, c'étoit la perte de Colberg. Rien n'empêchoit plus les Ruffes de faire le fiége de Stettin dès le printemps, ou bien de s'eraparer de Berlin & de tout 1'éleétorat de ■ Brandebourg. II ne reftoit au Roi que 30,000 bommes en Siléfie. Le Prince Henri n'en avoit guères davantage , & les troupes qui avoient fervi en Poméranie contre les Ruffes, étoient firuinées, qu'a peine, le fond en étoit-il refté. La plupart des provinces étoient envahies- ou abymées; on r.e favoit plus d'ou tirer les recrues, d'oü prendre les chevaux & les fournitures, oü trouver les fubfistances, ni corament faire arriver en fureté les munitions de guerre a l'armée. Nous verrons cependant que 1'Etat, qui paroiffoit perdu, ne le fut point; qu'avec de 1'induftrie on rétablit l'armée, & qu'un heureux événement répara toutes les pertes qu'on venoit de faire,- & ceci fert d'exemple pour prouver combien les ap-  DESEPTJNS. siï parencas font trorapeufes, & que dans les grandes affaires il n'y a que la perfévérance qui faffe furmonter aux hommes les penis & les dangers dont ils font menacés. CHAPITRE XV. L\Tbiver ie 1761 a 1762. Pa'r le recit dela campagneprécédentenousavons vu les malheurs dont la Pruffe étoit accablée, & ceux qui la menacoient encore; tourefois dans le temps le plus critique, & oü lefort des armes fembloit lui étre le plus contraire, quelques lueurs d'efpéranee lui faifoient entrevoir des reiïburces quoiqu'incertaines. Dans le mois d'Oaobre, après la perte de Schweidnitz, lorsque l'armée du Roi étoit a Strehlen & que les Rulles affiégeoient en Pomêranie & la ville de Colberg & le corps du Prince de Wurtemberg, le Roi recut une ambaffade du Chan der Tartares. • L'Ambaffadeur étoit le barbier de fon maitre. Cela doit paroitre étrange aux efprits prévenus du cérémonial des cours, & a ceux qui ne jugent des nations étrangêres que par comparaifon de leurs ttfages avec les mceurs eüropéennes; mais ce n'eft point une chofe inufitée chez les peuples orientaux, oü la nobleffe eft inconnue, & oü ceux-la font cenfés les presaiers., qui approchent le plus prés de Ia perfoime  212 HIST. DE LA GUERRE du fo-uverain. Ce barbier, ou cet Ambaffadeur, préfenta fa lettre de créance. Le ftyle en étoit d'un ridicule différent de celui du ftyle de la chancellerie allemande, L'objet de cette mifllon étoit de propofer au Roi 1'alliance du Tartare, & de lui offrir un fecours de 16,000 auxiliaires, moyennant un fubfide dont on conviendroit. Ces propofitions n'étoient pas a rejeter dans la fituation ou les affaires du Roi fe trouvoient; non feulement on les accepta, mais encore pour gagr ner du temps, on chargea le barbier de projets de traités d'alliance & de fubfides; on 1'accabla de préfens pour lui & pour fon maitre, & on le fit accompagner a fon retour par le jeuns M. de Goltz, afin de preffer 1'exécution de ces engagemens, & de conduire ce corps d'auxilliaires en Hongrie, oü l'on vouloit s'en fervir pour faire une diverfion dans les Etats de 1'Impératrice Reine. Le Sieur Bofcamp, émiffaire du Roi a Baciefarai, fut chargé en méme temps d'employer tous fes foins pour difpofer le Chan a faire uiie incurfion en Ruffie, paree qu'après que les premières hoftilités auroient été commifes, la Porte fe trouveroit obligée de foutenir le Chan; ce qui étoit le feul moyen de 1'entrainer dans des mefures pour lesquelles elle avoit marqué jusqu'alors tant de répugnance. Si ce projet réuffiffoit, il dégageoit la Poméranie des Ruffes & préfervoit Ia Marche éleftorale des rifques auxquels elle étoit expofée. A 1'égard de firruption de ces 16,000  DE S E PT A N S. 213 Tartares en Hongrie, il falloit fans doute Ia foutenir par un corps de troupes réglées; mais comme rimpérau-ice Reine étoit obligée d'en détacher deux fois autant des fiennes, elleaftbibliflbitnéceffairement l'armée contre laquelle les Pruffiens devoient combattre au printemps. Toutes les nouvelles qu'on recevoit alors de Conftantinople faifoient efpérer la prompte conclufion du traité d'alliance défenfive que le Roi négocioit a la Porte; H y avoit loin cependant de i'efpérance a la réalité. Le grand Vizir; homme d'un age avancé, n'étoit pas militaire, & craignoit de faire un métier qu'il n'entendoit pas; il appréhendoit furtout d'expofer aux hazards de la guerre fa fortune bien établie. Par cette raifon il s'étoit étroitement uni avec le Mufti, pour contrarier de concert dans le Divan ceux dont les avis violens alloient a rompre avec la maifon d'Autriche, Sr il leur repréfentoit que la trève avec les impériaux n'étant pas expirée, on ne pouvoit la violer fans transgreffer la loi de Mahomet. Toutefois, par une fuite des contradiftions dont 1'efprit humain eft fi fusceptible. la Porte fit partir de gros détachemens de Janiffaires pour la Hongrie. Les forces qu'elle affembla aux environs de Belgrad, montoient a 110,000 hommes. Les Bachas firent avancer ces troupes, & en formèrens un cordon le long des frontières des provinces de flmpératrice Reine. C'étoit beaucoup pour la Porte , mais c'étoit peu pour la Pruffe, a laquelle il falloit des fecours eftectifs. Comme  2i4 HIST. DE LA GUERRE cependant il n'y avoit d'efpoir a fonder en Europe que fur cette puiffance, le Roi fit tenter de nouveau tous les moyens imaginables, tant aCouftantinople qu'a Baciefarai, d'y produire des réfblutions vigoureufes. Pendant 1'hiver 11 arriva un nouvel éiaiffaire du Chan a Breslau. B confirma toutes les promefies que le barbier avoit faites au Roi ati nom de fon maitre: il aflura que Ie Chan raffembleroit un corp de 40,000 [hommes au printemps, comme cela fe vérifiai & qu'il agiroit enfuite fuivant les défirs du Roi, ce qui n'eut point lieu. Nous verrons bientöt que les révolutions qui arrivèrent en Ruflie, firent une impreffion fi étrange fur ces orientaux, qu'elles arrêtérent les mefures qu'ils étoient fur Ie point de prendre, & fufpendirent tous leurs deffeins. L'émiffaire cependant fut renvoyé avec des préfens tant pour lui que pour fon maitre; car tout s'achète chez fes peuples. Le Tartare avoit taxé fes aétions & fes fervices; ou lui payoit tant pour une réponfe favorable, tant pour affembler fes troupes, tant pour quelques démonfirations, tant pour une lettre qu'on lui faifoit écrire au Grand Seigneur. La différence qü'il y a de 1'efprit d'intérét des Orientaux a celui des autres nations eft, ce me femble, que les premiers s'abandonnent a cette infame paffion & fe déshonorent fans en rougir, & que les peuples del'Europe en alfeftent au moins quelque honte. Pendant qu'on tachoit ainfi de fonlever 1'Orient, les affaires s'embrouiIloie,;t di plus ea p us en An-  DE S E P T A N S. 215 gleterre. La France y avoit fait paffer M. de Buffy, pour y négocier la paix. Sapréfence n'endormit pas le miniftère britannique au point qu'on s'en étoit fiatté it Ia cour de VerfaMes. Peut-êtrey eut-il moins d'ardeur pour les armemens que la nation préparoit fur mer. Néanmoins les Anglois prirent file & Ie fort de Belle-ile pendant ces négociations; ils s'emparèrent même de Pondichéri dans les Indes orientales, oü ils ruinèrent les établiffemens importans que la compagnie francoife y poffédoit. La négociation de M. de Buffy n'avancoit donc guères a Londres. M. de Choifeul, pour leurrer les Anglois, donnoit a M. Stanleyles efpérances les plus flatteufes, qui étoient aulïïtót démenties par les explications que M. de Buffy favott leur dotmer. Cette efcarmouche politique l'année 1761, oü les conférences furent ICptffa avec plus de chaleur. j.i Pi "i o:rulon étoit deduperl'An- glctetre, coomaeocoit i i'appercevoir qu'elle ne ItjMhoic pis; elle vouloit ne rien perdre & faire nne paix plus ovaatagcufc que le fort de la guerre no lui permettoit dc l'cfpérer; & comme 1'artifice de la ndgociation r'auitpas fuffifant pour amener les chofe» 1 cc point, elle jeta les yeux fur 1'Efpagne, que M. de Clioifcul eut 1'adrelfe d'engager dans fes intéréts. Cette alliance pouvoit enimpofer anx Anglois , ou fuppofé qu'elle ne fit pas cet effet, raffiftance de cette couronne fervoit toujours a pouffer la guerre avec plus de vigueur tk. de fuc-  aiS HIST. DE LA GUERRE cès. Le moyen dont M. de Choifeul fe fervit pour dispofer leRoi d'Efpagne a embrafl'er les intéréts de la France, ne réuffiroit pas partout également. C'étoit Ie projet de ce fameux pafte de familie, qui, loin d'unir ces couronnes, devoit au contraire éloigper a jamais les Efpagnols de tout traité avec la France. Nous nous contenterons d'en rapporter les points principaux. ,,U y „eft dit, que les deux branches de la maifon de „Bourbon feront déformais regardées comme la „même; que les fujets des deux courronnes joui„ ront réciproquement des mèmes avantages, qu'en „tout temps on fera caufe commune; en confé„quence de quoi Ie Roi d'Efpagne déclarera la ,- guerre a l'Augleterre, fi cette puiffance refufe de „lui faire raifon fur de certains griefs, comme font „la coupe du bois de Campèche & quelques pira„teries commifes par les armateurs anglois; que ,,1'Efpagne en même temps attaquera le Roi de „ Portugal, (& ce qu'il y a de plus extraordinaire) que les deux branches de la maifon de „Bourbon étant confidérées comme la même mai„fon, leurs conquêtes & leurs pertes feront com„munes, de forte que les avantages de 1'une com„ penferont les pertes de 1'aurre.,, A quoi fe réduifoit donc le fens de ce traité? N'auroit-il pas autant valu que la France eüt dit aux Efpagnols. Vous ferez la guerre, paree que cela convient a mes intéréts: j'ai fait des pertes confidérables contre les Anglois,- mais comme 1! y a apparence que vous.  DESEPTANS. 017 vous ferez des conquétes fur eux, & que vous prendrez le Portugal, vous rendrez tout ce pays a fes poffeffeurs, pour obliger les Anglois a nous reftituer les pro vinces qu'ils ont envahies fur nous, & que nous ne pouvons plus leur arracher? Encore pourquoi attaquer Ie Roi de Portugal, qui n'avoit offenfé perfonne, fur le royaume duquel ai 1'Efpagne, ni la France n'avoient des droits? C'étoit le commerce lucratif que 1'Angleterre faifoit en Portugal, que Ia France vouloit ruiner. D'ailleurs elle étoit perfuadée que les Anglois auroient rendu la meilleure partie de leurs conquétes, pour faire reftituer ce royaume au Roi de Portugal. Mais eft-ce une raifon pour attaquer un fouverain qui n'en donne aucuneraifon légitime? Ö droit public, que ton étude eft vaine & inutilef Ce traité enfin, tout bizarre qu'il étoit, fut figné par les deux couronnes. Les Francois en tirèrent incontinent parti, Ik. M. de Buffy eut ordre de deraander au nom du Roi d'Efpagne la reftitution de quelques vaiffeaux que les Anglois avoient enlevés a cette couronne, & furtout qu'ils renoncaffent a la coupe du bois de Campèche. Cette propofition fut comme la pomme de difcorde, qui divifa tout le miniftère britannique. Deux hommes fe trouvoient a la tête de ce gouvernement, différens de caraétère & oppofés en tout. L'un étoit Pitt: il avoit l'ame élevée, ua efprit capable de gTauds projets, de la fermetédans 1'exécution, un attachement infiexible a fes opi- Qikv, fefih. il Fr. II. T. V,\ K  9i8 H1ST. DE LA GUERRE. nions, paree qu'il les croyoit avantageufes a Ja patrie, qu'il aimoit. L'autre c'étoit Bute; il avoit été Gouverneur du Roi. Plus ambitieirx qu'habile, il vouloit dominer a 1'ombre de 1'autorité fouveraine. II avoit pour principe que la trame de 1'honneur devoit étre d'une tiflure groïïière pour tout homme d'Etat; il crut qu'en procurant la paix a tout prix a fa nation, il en deviendroit 1'idole. II fe trompa, & le peuple feut en exécration. Ces deux Anglois envifageoient la propofttion de 1'Efpagne avec des yeux tout dilférens. Pitt, convaincu que 1'Efpagne défiroit la guerre, & que par conféquent la rupture étoit inévitable, vouloit qu'on prit cette puiffance au dépourvu , paree qu'elle n'avoit pas achevé de faire fes préparatifs, & il opinoit pour qu'on lui fit la guerre, pendant que c'étoit le cas de fe battre & non de négocier. Bute craignant que ces nouveaux ennemis ne rendiffent la paix plus difficile a conclure, repréfenta qu'en fuivant-les avis de fon adverfaire, on engageroit le gouvernement dans des dépenfes exorbitantes, & dans de nouveaux rifques, dont on ne pouvoit prévoir la fin; que s'il condamnoit le fentiment du Sieur Pitt, c'étoit furtout paree que dans les conjonctures oü. 1'Angleterre fe trouvoit, il étoit plus factie de négocier a Madrid,que d'aflembier a Londres de nouveaux fonds pour la guerre. L'avis de M. Bute prévalut dans le oonfeil du Roi fur celui de fon antagonifte. M. Pitt en reffentit nn chagrin fi vif, que plein d'indigHation il fe dé-  DESEPTANS. 219 mit 'de fes charges. Son exemple fut fuivi peu après par les Ducs de Newcaftle & de Dévonshire, qui renoncèrent également a leurs emplois. M. Bute profita de leurs dépouilles; il prit dans le confeil la place qu'il voulut, & forraa une nouvelle adminiftration, compofde des Lords Hallifax, Egremont & Greenville, qui fut notnmée le triunivirat; mais Bute en étoit 1'ame. Peu après les événemens prouvèrent que M. Pitt avoit jugé des intentions de 1'Efpagne en homme d'Etat; car M. Bute perdit fon temps a négocier, & il fallut avoir recours aux armes. Les Anglois furent obligés d'aiïifter Ie Roi de Portugal de leurs troupes, & les avantages que leurs flottes remportèrent fur mer, furent encore dus au Sieur Pitt, qui avoit fait les projets de ces expéditions durant fon miniftère. A peine M. de Bute fut-il en place, que Ia froideur qui commencoit a régner entre la Pruffe & 1'Angleterre, s'accrut contidérablement. Le Sieur Bute refufa les fubfides que Ia nation avoit payés jusqu'alors au Roi; il fe flattoit par la de réduire ce Prince par néceffité a confentir aux propofitions de paix que le miniftère britannique jugeroit 4 propos de lui prefcrire. Cet Anglois croyoit que 1'argent fait tout, & qu'il n'y avoit d'argent qu'en Angleterre. Mais a quoi tiennent les affaires du monde, & les projets des hommes! L'Impératrice de Ruffie meurt; fa mort trompe tous les politiques de 1'Europe, &renverfe u«e infinité de plans & de deiTeins arrarigës aveCK 2  220 IIIST. DE LA GUERRE Ibin & laborieufeinent combinés. Cette princefie dont la fanté avoit été chancelante dans les dernières années , fut fubitement emportée par un crachement de fang le 8 de Janvier 1762. Par fa mort le tróne étoit dévolu au grand Duc fon neveu, qui régna fous le nom de Pierre trois. Le Roi avoit cultivé 1'amitié de ce Prince dans le temps oü il n'étoit encore que Duc de Holftein, & par une fenfibilité rare parmi les hommes, plus rare encore chez les fouverains, ce prince en avoit confervé un cceur reconnoiffant; il en avoit même donné des marqués dans cette guerre; car ce fut lui qui contribua le plus a la retraite du Maréchal Apraxin en 1'année 1757, lorsqu'aprês avoir batra le Maréchal Lehwald , il fe replia en Pologne. Durant tous ceS troubles ce Prince s'étoit méma abftenu d'aller au confeil, oü il avoit place, pour «e point participer aux mefures que 1'Impératrice prenoit contre la Pruffe & qu'il désapprouvoit. Le Roi lui écrivit une lettre de félicitation fur fon avénement au tróne, dans laquelle il lui témoigna fans déguifement 1'envie qu'il avoit de vivre en bonne harmonie avec lui, & l'eftime qu'il oonfer veroit toujours pour fa perfonne. M. Keith, Miniftre d'Angleterre a la cour de Ruflie, ne tarda pas a informer ie Roi des efpérances qu'il pouvoit fonder fur les bonnes intentions du nouveau monsrqne. Peu après M. Goudovvitz, favori de 1'Empereur. fut envoyé eu Allemagne fous prétexte de complimcnter fon beaufrére le Prince de Zerbfl;  DESEPTANS. ui mais fes inltructions fecrètes lui prefcrivoient de prendre a fon retour par Breslau, oü le Roi avoir fon quartier, pour 1'affiirer des fentimens d'eftime & d'amitié de 1' Empereur. L'occafion étoit trop belle pour la Iaiffer échapper. Le Roi s'ouvrrt— cordialement 4 M Goudowitz; il lui prouva fans peine qu'il n'y avoit aucun fujet réel de guerre entre les deux Etats , que les troubles préfens n'étoient qu'une fuite des artiüces de la cour de Vienne, qui ne travailloit que pour fes intéréts, & que rien n'étoit plus aifé que de rétablir la bonne intelligence entre les deux cours par une paix folide; en même temps il ajouta comme en paffant', qu'il fe promettoit de 1'équité de 1'Empereur qu'il n'exigeroit pour la paix aucune condition contraire a la gloire d'un fouverain, le Roi ne pouvant jamais y fouscrire. Et comme la conjonflure étoit favorable pour s'afftirer du parti qu'il feroit poffible de tirer des bonnes difpofitions de 1'Empereur, le Roi dit, comme fi cela lui échappoit, que bien loin de conferver le moindre reffentiment de ce qui s'étoit paffe, il ne défiroit rien avec plus d'empreffement que de former avec 1'Empereur les liens de la plus parfaite union. Cette déclaration fut accompagnée d'une lettre pour 1'Empereur, concue a peu prés dans les mêmes termes, afin que «e Prince ajoutat d'autant plus de foi au rapport que M. Goudowitz lui feroit des fentimens du Roi pour lui. A peine M. Goudowitz fut il parti pour Pétersbourg, que M. de Goltz le fuivit en qualité K 3  S22 HIST. DE LA GUERRE d'Envoyé extraordinaire ,ponr compiimenter PErapereur fur fon avénement au tróne, & furtout pour preifer la négociation de la paix, & en hater la conclufion avant fouverture de Ia campagne. On n'étoit cependant pas fans appréhenfionsj car fur quel fondement pouvoit - on • fuppofer que la négociation de Pétersbourg prendroit une bonne tournure ? Les cours de Verfailles & de Vienne avoient garanti le royaume de Pruffe a la défunte Impératrice; les Ruffes en étoient en paifible poffelïïon; un jeune prince parvenu au tróhe renoncera-t-il de lui-méme k une conquête qui lui eft garantie par fes alliés? L'intérêt , ou la gloire qu'une acquifition répand fur le commencemeat d'un régne, ne Ie retiendront-ils pas? pourqui? pourquoi? par quel rnotify renoncera-t-il? Toutes ces queftions difficües a réfoudre remplisfoient les efprits d'incertitude fur 1'avenir. L'événement fut plus heureux qu'on ne pouvoit 1'efpérer. Tant il eft difficile de déméler les caufes fecondes, & de connoltre les différens refforts qui déterminent Ia volonté des hommes. II fe trouva que Pierre trois avoit le cceur excellent, & des fentimens plus nobles & plus relevés qu'on ne les trouve d'ordinaire chez les fouverains. Se prêtant a tous les défirs du Roi, il alla même au dela de ce qu'on pouvoit attendre. De fon pro» pre mouvement il rappela de l'armée autrichienne M. de Czernichef avec fon corps; il n'exigea dn Roi auctine ceffion, quoiqu'il y füt autorifé, fans  DE S E PT A N S. 223 qu'on püt y trouver a redire; il hata la négociation de ia pak, & ne demanda pour tout retour que 1'amitié & 1'alliance du Roi. Un procédé aufiinoble, anilï généreux , aufïï peu commun, non feulement doit être transmis a Ia poftérité» mais devroit être gravé en lettres d'or dans les eabinets de tous les rois. Les vues de 1'Empereur fe portcrent alors particulièrement fur le Danemarck. U reffentoit les torts que les Rois de Danemarck avoient faits a fes ancêtres: il avoit outre cela des injuftices perfonnelles a venger; car duvivant de 1'lmpératrice Elifabeth les Danois avoient a plufieurs reprifes tenté de le dépouiller de la partie du Holftein qu'il poffédoit encore, a quoi il s'étoit toujours oppofé avec fermeté. L'efprie aigri par tant d'offenfes, il méditeït d'en tirer une vengeance éclatante, & s'il terminoit la guerre contre la Pruffe, ce n'étoit que pour la recommencer avec d'autant plus de vivacité contre le Danemarck. Le Roi n'agitfoit point avec 1'Empereur comme de fouverain afouverain, mais avec cette cordialité que 1'amitié exige , & qui en fait la plus grande douceur. Les vertus de Pierre trois faifoient une exception aux régies de la politique; il en falloit bien faire de même pour lui. Le Roi tachoit de le prévenir dans tout ce qui pouvoit lui être agréable, & comme il parat défirer de revoir le Comte de Schwérin, Aide de camp du Roi, (qui ayant été fait prifonnier par les RusK 4  224 HIST. DE LA GUERRE fes a la bataille de Zorndorf, avoit en le bonheur de mériter fes bonnes graces) le Comte entreprit incontinent ce voyage, & ne contribua pas peu pendant fon féjour en Ruflie a la fignature des traités de paix & d'alliance. Le Sieur Bate, qui par mépris pour les autres nations ignoroit ce qui fe paffoit en Europe & encore plus la facon de penfer du nouvel Empereur de Ruflie, rempli des idéés de la paix générale qu'il vouloit faire a toute force, chargea le Prince Gallizin, Miniftre de Ruflie a Londres, de marquer i. fa cour que quelques ceflions que 1'Empereur exigeat de la Pruffe , 1'Angleterre fe faifoit fort de les lui faire obtenir, pourvu qu'il ne fe précipitat point, & qu'il continuat de tenir le Roi de Pruffe en échec, en laiffant le corps de M. de Czernichef auprés des Autrichiens. L'Empereur, indigné de cespropofitions, y répondit comme un miniftre pruflien 1'auroit pu faire. II envoya la copie de Ia dépêche du Prince Gallizin au Roi, pour lui découvrir a quel point 1'Angleterre le trahilfoit. Ce ne fut pas Ia feule perfidie que ce Mini'.ire anglois fit au Roi. Bute, non content de vouloir embrouiller les affaires de Sa Pruffe a Pétersbourg , négocioit en même temps a, Ia cour de Vienne, II vouloit a 1'infu du Roi faire la paix avec la maifon d'Autriche. Libéral des provinces prufliennes, facrifiant fans fcrupule les intéréts du Roi, il offroit fes dépouilles a 1'Impératrice Reiue, comme s'il étoit le raaitre d'ea  DE S E P T /flVS. . 225 difpofer. Dans cette occafion le hazard fervit encore mieux Ie Roi que n'auroient pu faire les plus fines intrigues. Le Comte Kaunitz prit- ces ouvertures de travers; il foupconna que le deffeio de 1'Angleterre étoit de commettre la cour de Vienne avec celle de Verfailles, & il répondit au Sieur Bute avec toute la hauteur & toute la mor. gue d'un miniftre autrichien; il rejeta avec dédain des propofitions- qu'il croyoit captieufes, en ajoutant que 1'Impératrice Reine étoit affez puiflante pour fe faire raifon de fes prétentions, & qu'elle agiroit contre fa dignité en acceptant une paix., quelle qu'elle püt être, dont 1'Angleterre fe rendroit la médiatrice: ainfi avorta ce projet a Ia hoste de celui qui 1'avoit formé. Malgré tant d'événemens heureux & de trames ddcouvertes, le Roi n'étoit cependant pas exempt d'inquiétudes. Les lettres de Pétersbourg faifoient trembler pour la perfonne de 1'Empereur} elles annoncoient toutes un germe de confpiration qui étoit prés d'éclore. Les perfonnes qu'on foup» contaoit entrer dans ce complot, en étoient bs moins coupables. Les véritables auteurs tramoiertt dans le filence & fe déroboient avec foin a la conrroiffance du public. A peine 1'Empereur fut - il furie tróne, qu'il fit des innovations contimtelles dans 1'intérieur de fes Etats; il s'appropriales terres du clergé , felon le projet. de Pierre I; mais il s'en falloit bien que Pierre III fut aufli af» fetui', &. aulfi. refpeclé de cettenation. Le clerK 5:  *26 HIST. DE LA GUERRE. gé étoit d'autant plus puiflant dans cet empire,, que les peuples abruiis y croupiiïbient dans la plus profonde ignorance. Attaquer ces archimandrites & ces popes, e'étoit fe faire des ennemis irréconciliables, paree que tout prétre eft attaché a. fes revenus plus qu'aux opinions qu'il annonce. L'Empereur auroit fans doute puattendre pour faire cette réforme, & encore auroit-il fallu y toucher d'une main délicate. Outre cette affaire qui faifoit crier, on lui reprochoit encore de tenir les gardes Ifmailof & Préobrazinsky fous une difcipline trop rigoureufe, & de vouloir faire Ia guerre au Danemarck, cequi répugnoit d'autant plus aux. -Ruffes, qu'ils difoient ouvertement que leur nation s'y étoit point intéreffée. Des perfonnes mal intentionnées répandoient ces griefs dans le public,, pour rendre odieufe la perfonne de 1'Empereur. L'amitié, la recounoiffance , aufïï bien que 1'eftisie du Roi pour les excellentes qualités de ce prince, leportérent a lui écrire & k entamer cette matiére fcabreufe. II falloit ménager cette extréme délicatetfe qui fait que tous les fouverains veulent qu'on croie leur autorité affermie; il falloit s'ex> pliquer avec une réferve iufinie au fujet des Danois. Pour Ie dilfuader d'entreprendre d'abord la guerre contre le Danemarck, le Roi lui détailöit toutes les raifons qui pouvoient lui faire différer cette entreprife, pour la renvoyer a fannée prochaine; il infilloit furtout pour que 1'Empereur, avant de fortir de fes Etats & de s'cngager dar.;  DE S E P T A N S. 227 «ne guerre étrangére, fe fit couronner a Mofcau, aiin de rendre par fon facre fa perfonue d'autant plus inviolable aux yeux de fa nation, fes prédéceffeurs ayant toujours religieufement obfervé cette cérémonie: il faifoit enfuite mention des révolutions arrivées en Ruflie durant 1'abfence de Pierre premier; mais il gliflbit légèrement fur cette matière, & finiffoit en conjurant 1'Empereur d'une manière aflfectueufe de ne point négliger des précautions eflentielles pour la fureté de fa perfonne, en lui proteftant que 1'intérêt fincére qu'il prenoit it fa confervation, étoit le feul motif qui lui avoit fait prendre la plume. Cette lettre fit peu d'imprefïïon fur 1'Empereur; il y répondit en propres termes: „ Ma gloire exige que je tire raifon des „ outrages que les Danois ont faits a ma perfonne, „ furtout a mes ancêtres. 11 ne fera pas dit que„les Ruffes font une guetre pour mes intéréts oü „je ne me trouve pas a leur tête; d'ailleurs lacé„rémonie demon couronnement exige une trop „ grande dépenfe,• cet argent fera mieux employé „contre les Danois. A 1'égard de 1'intérêt que vous j,prenez a ma confervation, je vous prie de ne „vous en point ir.quiéterj les foldats m'appellent *,leur pére; ils difent qu'ils aiment mieux être gou„vernés par un homme que par une femme; je me „promène feul a pied danslesruesdePétersbourg;. „ fi quelqu'un me vouloit du mal, il y a long-temps „ qu'il auroit exécuté fon deflèin; mais je fais du irbieu a tout le monde, &jemeconfieuniquement K 6  s*t ff/ST. DE LA GUERRE „ a Ia garde de Dieu; avec cela je n'ai rien a „ craindre. „ Cette réponfe n'empêcha pas le Roi de continuer a tacher d'éelairer ce prince fur les dangers qui le menacoient. Mrs de Goltz & de Schwérin eurent ordre de mettre cette matière fur le tapis dans des converfations familières qu'ils avoient avec ce monarque; mais c'étoit & pura perte qu'on lui difoit que dansun paysoü régnoient des meeurs telles qu'en Ruflie un fouverain nepou* voit prendre aflez de précautions pour la fureté de & perfonne, „Ecoutez, répondit-il enfin, fi „ vous étes de mes amis, ne touchez plus cette „matière qui m'eft odieufe." II fallut alors garder ïe filence & abandonner ce pauvre prince a la ït«Hirité qui le perdit.. L"'.<&*x't*r ftrdxe Tvie avctt&l'rrcni nu jrmx. Viig. En. L, a, Ces ehofes n'empéchêrent pas que les négociations pour la paix & pour 1'alliance n'allaffent grand train. Dés le cemmencement de Juin 1'Empereuc «nvoya au Roi le Comte de Schwérin avec le waité de paix.& d'alliance figné, & avee un ordre au Comte de Czernichef, qui étoit h Glatz, de fe raettre inceflamment en marche pour joindre Tarmée du Roi, & faire conjointement avec elle k guerre aux Autrichiens. Les Suédois., qui fe O-ouvoient après ce revirement de fyftème deftitués de leur plus grand appui, furent obligés de faire |» paix, dans la crainte du. mal qui leur en pou-,  Er E S E FT A NS. «35, voit arriver, s'ils tardoient davantage. Le Roi recut une lettre d'apparat de la Reine fa fceur, dictee par le fénat de Stockholm; il y répondlï dans le fens que Ia Reine pouvoit Ie défirer, en lui tdmoignant Ie plaifir qu'il reffentoit de voir fe terminer une guerre entre de fi proches pareus ? que par amitié pour Ia Reine fa fceur il vouloit bien oublier les procédés irréguliers & étranges de la nation fuédoife, fans en conferver de reflentiment; que s'il faifoit la paix, c'étoit uniquemens par confidération pour-elle, a condition toutefois que les chofes feroient remifes exaclement fur 'le pied oii elles avoient été avant le commencemer.t des troubles, Comme la crainte prefToit les Suédois , Ia négociation fut promprement terminéc; Les plénipotentiaires des deux cours s'affemblèrent i flambourg, & ils fignèrent. les préliminaires avant Ia fin du mc*is de Juin. De fon cóté 1'Empereur de Ruffie poufibit vive* ment fon projet contre le Danemarck; cependant pour mettre dans cette rupture-toutes les formalités ie. la juftice, & pour qu'il parut que l'obftination des Danois 1'avoit forcé de rompre avec eux il pr poft 1'affemblée d'un congrés a Beriin, oü les Miniftres des deux partis devoient tacher d'accorr> inoder leurs- différens fous la raédiation pruflienne^ M. de Saldern,, plénipotendaire de 1'Empereur, étoit chargé de demander aux. Danois la reflitutiow de tout le Holftein, qui avoit anciennement ap* ?artenu aux ancêtres de.Sa.Maiefté impériale. Ca  s3o HIST. DE LA GUERRE prince étoit bien perfuadé que les Danpis ne corr. fentiroient jamais a des conditions aufiï honteufes, & c'étoit le prétexte dont il vouloit fe fervir pour fe déclarer contre eux. Une armée de 60,009 Ruffes, qui devoient être joiats par 6,000 Pruffiens, étoit deftinée pour cette expédition. Le Roi de Danemarck, qui voyoit 1'orage prêt a fon. dre fur lui, avoit donné le comtnandement de fes troupes a un officier de réputation-, c'étoit M. de St Germain. 11 venoit de quitter le fervice de France, pour quelque mécontentement que le Maréchal de Broglio lui avoit donné. M. de St Germain fe trouvoit alors a la tête d'une armée indifciplinée, qui manquoit d'officiers généraux capables de commander, d'ingénieurs, d'artilleurs, de train de vivres, en un mot de tout. II füppléa lui feul a ce qui lui manquoit. Comme la caiffe de guerre étoit mal pourvue, il ranconna Ia vilïe de Hambourg, qui lui fournit les fommes dont il avoit befoin. Les. miniflres danois excufèrenr eer étrange procédé fur la néceffité qui n'a point de loi. M- de St Germain s'approcha enfuite de Lubeck, dont il comptoit s'emparer auffitót que la guerre feroit déclarée, & pour en éloigner le thé* atre des frontières de fon raakre, il s'avEnca dans le Mecklenbourg avec une partie de fes troupes, & fe campa entre des marais & des étangs dans un emplacement avantageux, oü probablement il auroit pu difputer aux Ruffes pendant quelque temps 1'entrée du Holftein. Nous 1'abandonnerons  DESEPTANS. i$p au milieu de fes préparatifs, dont il feroit fuperfte de faire un plus long détail, paree que cette guerre que le Danemarck craignoit avec tant de raifon, n'eut pas lieu, & qu'une nouvelle révohttion fit tout changer a Pétersbourg. De toutes les puiffances de 1'Europe, la 'plus confternée des éyénemens arrivés en Ruffie fut la cour de Vienne. Jamais 1'Impératrice Reine n'avoit porté fes efpérances plus haut qu'a- la fin de la dernière campagne. Tout lui préfageoit la fubverfion de la Pruffe, laconquête de la Siléfié, & 1'accomplifferaent de tous fes projets. Sa perfuafion étoit fi forte & fa fécurité fi entière, que croyant pouvoir finir la guerre en fe paffant d'une partie de fes troupes, elle fit une épargne déplacée en ordonnant une réforme de 20,000 hommes. Alors mourut 1'Impératrice de Ruffie; peu après le corps de M. de Czernichef quitta 1'année de Laudon,. pour fe retirer en Pologne. La cour de Vienne voulut, mais trop tard, rafiembler de nouveau ces 20,000 hommes qu'elle avoit réformés, qui s'étoient difperfés dans le monde, & que le temps ne permettoit point de remplacef. Sur cela vint la nouvelle de la paix conclue entre la Pruffe & la Ruffie; bientót celle du traité d'alliance figné entre ces deux couronnes ; enfin celle de la jouction du corps de Czernichef a l'armée du Roi. Pour coinble de disgraces une maladie épidémique faifoit de grands ravages dans l'armée de Laudon. C'étoit une efpéce de lépte, dont les progrès  S33 fflST. DE LA GUERRE étoient fi rapides, qu'ils éclairciffoient fon camp & peuploient fes hópitaux. Pour peu qu'on réfume eeci, on trouve, de compte fait, 20,000 hommes de congédiés des Autrichiens, & 20,000 RtJiTes de moins, qui font 40,000 hommes, & ces 2o,oco Ruffes de plus a l'armée du Roi font entre les deux armées une différence de 6p,ooo hommes en faveur des Pruffiens. Si le Roi avoit gagné de fuite trois batailles rangées, elles ne lui auroient pas procuré un plus grand avantage. La mort de fimpératrice de Ruffie, & les combinaifons nouvelles de politique qn'elle produifit en Europe, firent une impreffion toute differente fur la Porte. Tant de promptes révolutions, ces haines fi vives entre des Etats, qui fe changeoient fubitement en des liaifons étroites entre les fouverains, tout cela parut inconcevable a la politique oriëntale, & remplit les Turcs d'étonnement & de méfiance. II le faut avouer, ils avoient quelque fujet d'être furpris; après avoir été importunés par les preflantès follicitations du miniftre pruffie.:, pour les porter ft rompre avec la Ruffie,- tout d'un coup ce miniftre, changeant de langage, leur offroit les bons offices du Roi fon maitre, pour apaifer certains différens qu'ils avoient pour lears limites avec la cour de Pétersbourg', & ce miniftre ne perfiftoit plus qu'a les animer a rompre la trève qui duroit encore avec 1'lmpératrice Reine. Cela donnoit lieu 'aux Turcs de raifonner ainfi: certainement ces Pruffiens font la nation la plus inconffa»»  9 E S E P T A N S. 233 & ia plus légère de 1'univers; tantót ils vouloient nous brouiller avec la Ruffie , aujourd'hui ils veulent nous raccommoder avec elle; & s'ils nous incitent a préfent a déclarer la guerre a la Reine de Hongrie, qui nous répondra que dans fix mois ils ne foient en alliance avec elle, de même qu'ils le font a préfent avec les Rulles ? Gardons-nous d'entrer trop promptement dans les mefures qu'ils nous propofent, ou notre facilité nous rendra le jouet de leur inconféquence & la rifée des naüons européennes. Leurs réflexions ne fe boruoient pas la, & comme ils avoient d'ailleurs concu quelque ombrage de Falliance que le Roi venoit de faire avec Ia Ruffie, pour diffiper ces foupgons, Sa Majefté par 1'interpofition de fes bons offices parvint a terminer les différends qu'il y avoit entre le Chan de la Crhnée & les Ruffes au fujet du fort Ste Anne; elle porta de plus 1'Empereur Pierre trois a faire déclarerpar fon, miniftre aConftantinople, qu'il ne fe mêleroit en aueune manière des difcuffions que la Porte pourroit avoir avec ia maifon d'Autriche, & qu'au cas que les Turcs lui fiffent la guerre, 1'Impératrice Reinen'auroit aucun fecours a attandre de fa part. Cette déclaration formelle fit une grande impreffion fur les Turcs; elle ébranla même le Grand Seigneur, qui feloti toutes les apparences auroit pris uu parti décifif, fi de nouvelles révolutions. que nous rapporteror.s en leur lieu, n'euffent renouvelé fes inceititudes & réveille fes méfianccs.  fi34 HIST. DE LA GUERRE En rapprochant tous les événemens que nons venons de rapporter, ils nous repréfentent la Pruffe aux abots a la fin deladernière campagne; perdue au jugementde tous les politiques, elle fe relève par la mort d'une femme , & fe foutient par Ie fecours de la puiffance qui avoit été la plus animée ft fa perte. Ce fut ainli que Madame Masham, par fes intrigues contre Milady Marlborotigh ,fauva la France dans la guerre de Succeffion. A quoi tiennent les chofes humaines ? Lbs plus petits refforts influent fur le deftin des empires & le chaugent. Tels font les jeux du hazard , qui fe riant de la vaine prudence des mortels; relève les efpérances des uns, pour renverfer celles des autres. CHAPITRE.XVI. Campagne de 1762. T ja campagne précèdente, comme nous 1'avon* rapporté,.avoit été généralement funefte aux armes prufllennes. Le Prince Henri avoit perdules montagnes de la Saxe, le Prince de Wurtemberg la ville de Colberg, & le Roi celle de Schweidnitz. La pofition des troupes pruffiennes en Siléfie étoit précaire, unmauvais retranchement, qui pouvoit contenir douze bataillons, au faubourg de Breslau, faifoit leur principale défenfe. Deux poftes d'avertifiement les garantiflbient contre les  BE S E PT A N S. 235 iurprifcs de 1'ennemi; 1'un Canth, oü M. de Dal!wich avoit le commandement, 1'autre Rothenfirben aux ordres de M. de Prittwitz. M. de Wied occupoit les environs de Grotkau, d'oü il avoit dctaché M. de Mcering a Strehlen. M. de Moering faifoit fes reconnoifïances vers Frankenftein, M. de Prittwitz versReichenbach, & M. de Dallwich du cóté de la montagne de Zobten & du Pitfchenberg. Glogau étoit couvert par 6 bataillons , que M. de Zeunert commandoit, & pour M. de Thadden, il occupoit Guben & formoit avec Fév' 5' la cavalerie de M. de Schmettau un cordon jusqu'a Lubben, par oü il garantiffoit la communication de Berlin, d'oü l'armée tiroitfes approvifionoeraens. Du cóté des Autrichiens le cordon commencoit a Jatgerndorf, d'oü il tiroit fur Neuftadt, Weidenau, Johannesberg, Wartha, Silberberg, Bceckendorf, la montagne de Zobten , Striegau & Hohenfriedberg. Le gros de leur infanterie cantonnoit dans les montagnes, & les Ruffes avoient leurs quartiers dans le comté de Glatz. II y eut quelques expéditions departis durant 1'hiver, mais qui ne furent d'aucune conféquence. Le Colonel Altone, qui paffoit 1'hiver a Reichenbach voulut furprendre le quartier de M. de PrLtwitz a Rothenfirben. Prittwitz en eut vent; il s'embusqna avec fa troupe fur le chemin par lequel PAutriehien devoit palTer, le battit, & lui enleva 100 hommes. La révolution. arrivée en Ruffie & les difpofki-  si Mars. 236 HIST. DE LA GUERRE ons favorables de Pierre trois i 1'égard des Pruffiens, donnèrent lieu i la féparation du corps de Czernichef de l'armée impériale. M. de Czernichef quitta le comté' de Glatz, paffa 1'Oder è Auras & retourna en Pologne. Cette révolution donna lieu également a la négociation de la paix avec Ia Suède, & comme dès-lorson en prévoyoit 1'heureufe iffue, le Roi fe trouvoit par-la le maltre de difpofer de toutes les troupes qu'il avoit employées contre cette couronne. M. de Belling avec 20 efcadrons & M. de Billerbeck avec 6 bataillons furent deftinés a renforcer l'armée de Saxe. Le Prince de Bévern, le Prince de Wurtemberg & M. de Werner recurent ordre de joindre l'armée de Siléfie, auflitót que les conjonctures leur permettroient de quitter la Poméranie. Le Roi fe propofoit d'ouvrir cette campagne par une diverfion en Hongrie. Selon ce projet M. de Werner devoit joindre les Tartarcs du cóté de Bude, & foutenir les incurfions qu'ils auroient faites & dans ces environs & en Autriche même; ce qui faciliteroitles opérations du Roi en Siléfie • oü il falloit reprendre Schweidnitz, & après avoir termiaé ce fiége, renforcer l'armée de S. A. R. Ie Prince Henri, pour qu'elle püt tenter tous les moyens de reprendre Dresde. Mais ces projets furent changés depuis, a caufe du traité d'alliance qui fe conclut avec la Ruffie. On penfa dès le 15 de Mars a rapprocher iè divers corps qui devoieut compofer 1'année; pour cet effct M. de-  DE S E P T A N S. Schenkendorf quitta Ia Saxe & releva M. de Schmettau & de Thadden a Guben; il fut fuivi par le corps de Platen, qui alors fe trouvoit aux ordres de M. de Krockow. Tous ces détaclisrnens arrivèrent fuccefïïvement a Breslau, favoir Mrs de Schmettau, de Thadden, de Zenuert, Iei5d'Avril; M. de Krockow avec 25 bataillons & 35 efcadrons le 6 de Mai, & M. de Loffow, qui avoit couvert la haute Siléfie contre les Cofaques, releva avec fes houfards & Bosniaques M. de Dallwich a Canth; Ie Prince de Wurtemberg joignit l'arméa Ie 12 de Mai avec 5 bataillons & 6 efcadrons. B paroitra furprenant fans doute que les Autrichiens ayent fouffert avec tant de flegra'e & de fang froid la jonction de tous ces corps pruffiens, fans y apporter le moindre obfracle,- mais leur confternation & leur découragement étoient prodigieux, tant a caufe du départ des Ruffes, furlesquels ils avoient beaucoup compté, qu'a cauTe de la réduction des ïroupes que la cour da Vienne avoit faite fi fort a Contretemps durant 1'hiver. Outre cela une efpèce delèpre, qui régnoit dans leur armée, mettoit la aioitié de leurs régimens hors de combat. Les officiers en leur particulier regardoient les affaires comme perdues; (Tailleurs le commandement de l'armée de Siléfie avoit été conféré au Maréchal Daun, & M. de Laudon fe trouvant fur le point de lui remettre l'armée; ne s'empreffoit pas a travailler pour fon fucceffeur.. ni a risquer fa réputation pour un homme qu'il détefioit dans le fond Avrü. Mai.  S33 HIST. DE LA -GUERRE du cceur. Si Ton confidère attentivement ces différentes raifons, on trouvera moins ftuprenant que le Roi ait réuni fes forces avec aufïï peu d'oppofitlon de la part des ennemis. Pendant que l'armée fe raffembloit aux environs de Breslau. 1'Empereur de Ruffie manda au Roi qu'il avoit donné ordre ft M. de Czernichef de qnitter Thorn, & de venir fe joindre en Siléfie aux troupes pruffiennes. Cetheureux événement, qui influoit fi fort daus les projets pour la campagne , donna lieu de les changer en partie, 11 fut réfolu qu'on affembleroit un gros corps a Cofel, foit pour fe joindre en Ilongrie aux Tartares, au cas qu'ils y vinflent encore, foit pour inquiéter les frontiéres de Ia Moravie, & obliger Ie Maréchal Daun d'y envoyer de gros détachemens. C'étoit-la le point effentiel pour le but qu'on fepropofoit, paree qu'avec 80,000hommes le Maréchal Daun pouvoit fi exa^tément garnir fes montagnes & le pofte de Kunzendorf, qu'il auroit été de toute impoffibillité de 1'attaquer, ou de le tourner. 11 avoit actuellement 70,000 hommes fous fes ordres, diftribués de laforte: 10,000 en garnifon a Schweidnitz, & 8,000 deftinés a garnir les gorges de Silberberg & de Wartha; il s'agiffoit donc de 1'affoiblir encore de 15,000 hommes pour jouer ft jeu fur, & pour fe trouver en état de toumer tous les poftes qu'il pouvoit prendre daus les montagnes, & par conféquent de faire une campagne heureufe & brillante.  DE S E P T A N S. =39 .L'armée du Roi montoit ft 6ó,ooo combattans; M. de Czernichef lui amenoit 20,000 Ruffes; ainfi il pouvoit détacher 20,000 hommes en haute Siléfie, & il demeuroit encore fupérieur aux impériaux. Toutes les manoeuvres que le Roi projetoit pour cette campagne , davoient tendre ft tourner les ennemis dans leurs pofitions, & fa plus grande attention fe portoit ft leur en dérober la connoiffance. Comme cela étoit effentiel, on fortifia les détachemens de Ia cavalerie, pour leur donner de la fupérioiité fur celle des Autrichiens, & pour leur procurerle moyen , en les battant fouvent, de les intimider, de les empêcher d'aller ft la découvcrte & de s'aventurer au dela de leurs grandes gardes. Ce fut Ie 12 de Mai que le Maréchal Daun arriva en Siléfie. II eut ft peine pris le commandement de l'armée qu'il la fit camper; il appuya fa droite fur la montagne de Zobten; fa ligne tiroit vers Domanz, & il pofta M. d'Bllerichbaufen au Pitfchenberg, oü il faifoit la clóture de la gauche» Le Roi ne jugeant pas ft propos de faire camper fon armée vis-a-vis de 1'ennemi, refferra les cantonnemens de fes troupes aux deux bords de la Lohe, & établit le quartier "général ft Bettlern ; avec cela 12 bataillons & 20 efcadrons occupoient Jes retranchemens de Breslau. M. de Reitzenftein fut détaché avec 1500 chevaux ft Neumarck, pjur couvrir le chemin de Glogau, & pour obferver les cötés de Striegau & de Jauer. Le corps n  24© HIST. DE LA GUERRE de Camh, fous M. de LolTow, fut fortifié deiaaniére, qu'outre mille volontaires de Courbière, 8 montoit a 5,400 chevaux. Celui de Mrs de Lentulus& de Prittwitz, qui campoit fur l'Ohlau,non ioin de Borau, faifoit 4,500 chevaux & mille volontaires. Cette pofition de l'armée dn Roi peut paroltre hazardeufe a quiconque ne 1'examine que fuperficiellement; mais elle ne 1'étoit pas en effet; car ces gros détachement de cavalerie avancés vers l'ennemi formoient comme une efpèce de circonvallation autour de l'armée impériale, dont les postes des Pruffiens étoient fi proches, qu'aucun de leurs mouvemens ne pouvoit échapper a la connoiffance du Roi. D'ailleurs le Maréchal Daun avoit deux marches a faire pour arriver d la Lohe, & le Roi n'avoit befoin que de 6 heures pour raffembler fon armee. Et quel projet les Autrichiens pouvoient - ils former? quelle attaque pouvoient ils méditer ? 11 n'y avoit point de pofition de prife ; il étoit libre au Roi de former fon armée en deca, ou au dela de la Lohe & 11 feroit tombé a 1'improvifte fur le camp des ennemis, pour les charger au moment qu'ils s'y feroient le moins attenckis. .11 faut ajouter a ce que nous venons de dïre, que les Autrichiens craignoient la plaine j ils favoïentquc sMls ri^uoient d'y defcendre, le retour aux montagnes pourroit leur devenirdifficile, deforte qu'effectivement l'armée pruflienne étoit commodément «Sc en fureté, ;i. Ce fut durant ces cantonnemeus que M. de Schws-  DE SEP T d N S. «4t Schwérin retourna de Pétcrsbourg avec les traité» de paix & d'alliance conclus avec la Ruflie. La paix fut folemnellement proclarnée, & l'on ne fit point myftère de 1'alliance aux Autrichiens. Cependant le Roi retarda les opérations de la grande armée jusqu'a 1'arrivée de M. de Czernichef. Cela ne 1'empêcha pas de faire d'avance filer des troupes vers la haute Siléfie. Déja M. de Werner fa trouvoit a Cofel avec environ 10,000 hommes; il étoit inftruit du projet formé d'attirer les forces de l'armée impériale dans la haute Siléfie,pour donner de la jaloufie a l'ennemi & lui caufer.des inquiétudes; il s'approcha de Ratibor , d'oü il pouffa M. de Hordt a Tefchen avec 1200 hommes. Celuici enleva un détachement d'un capitaine ik de 60 hommes, & répandit fes houfards jusqu'au dela du paffage de la Jablunka.. Dés que le Maréchal'Daun fut informé de cette incurfion, il envoya, pour s'oppofer aux eutreprifes des Pruffiens, M. de Beek, qui s'avanca jusqu'a Ratibor* c'étoit répondre exaclement aux intentions du Roi. M. de Werner replia aulïïtót fes troupes au dela 6 Ju-», de 1'Oder & s'en revint a Cofel. Le Prince de Bévern arriva vers ce temps a Breslau; il ainenoic 4 bataillons & mille houfards provinciaux avec lui; on joignit les houfards de Mcering & 10 efcadrons de dragons a fon infanterie, avec laquelle ai. il partit pour Cofel, oü il raffembla fon petit corps d'armée. Ces détachemens qui partoient pour la haucï Étwv, Tifih. de Fr. //. T. L n  24i HIST. DE LA GUERRE ii. 14- Siléfie n'empêchéreni pas que la cavalerie du Roi ne commengat a prendre de rafcendant fur celle de l'ennemi. M. de Prittwitz furprit un détachement autrichien prés de Pauthenau au Juhannesberg, & lui enleva 100 hommes. M.. de Reitzenftein, qui étoit a Neumarck, battit le Général Gurci, qui tenta de le furprendre, & lui prit 3 officiers & 70 dragons. Peu après, les mille houfards provinciaux que le Prince de Bévern avoit amenés & qui étoient poftés devant Neiffe z Heydersdorf, furent attaqués par M. Draskowitz, qui de Patfchkau, oü il étoit, ayant eu avis de leur arrivée, tenta de les furprendre. Le fuccès ne répondit point k fon attente; fon détachement futmalmeué, & il fut fait prifonnier lui-rnême avec 170 des fiens, tant dragons que houfards. Ces coups, qui fe fuivirent de prés, commencèrent a rendre la cavalerie, impériale circonfpecte; bientöt elle devint timide. L'avant-garde de M. de Czernichef confistoit en 2,000 Cofaques; elle joignit l'armée du Roi quelques jours plutót que les Ruffes. Le Roi partagea ces deux puiks entre Mrs. de Loffów & de Reitzenftein. Ce dernier s'avanca de Neumarck au pied du Pitfchenberg , par oü l'armée du Maréchal Daun fe trouvoit presque bloquée. II ne pouvoit plus envoyer fa cavalerie fur fes devans. & on lui laiffbit fes derrières libres, paree qu'on ne vouloit pas fe découvrir, & 1'avertir des deffeins que l'on formoit contre lui. Cependant, depuis 1'arrivée des Cofaques, il ne fe paffa prefque  DE SEP T'-A NS. Sj3 pas de jour qu'il n'y eut quelque grande garde de Pennenii d'enlevée a la face de tout le camP» enfin il n'envoya plus a Ia découverte,penonnen'ayant le cceur'd'aller reconnoitre devant la chaïne des vedettes, & la cavalerie demeurant au piquet, ne hazarda plus de fe montrer dans la plaine. Nous laifferons lil pour un moment les affaires de la Siléfie, pour rapporter ce qui 'fe paffoit en Saxe, paree que cette année le Prince Henri fut le premier qui ouvrit la campagne: de la nous pafleroiis en Weflphalie & au bas Rhin, pour rendre compte des opérations du Prince Ferdinand de Bronfwic ; après quoi nous pourrons pourfuivre fans interruption la fuite des événemens qui fe paffèrent en Siléfie. Le commandement de l'armée impériale en Saxe avoit été décerné cette année a M. de Serbelloni; il occupoit non feulement le fond de Plauen, la Windberg & Dippoldiswalda; il s'étendoit encore de-la fur toute la crête des montagnes qui va de Freyberg par Chemnitz a Waldheim. Ayant retrajiché avec foin tous les paff'ages de-la Mulde devant fon front, il fe fioit a ces arrangemens, & fe figuroit qu'il étoit impoffible de le déloger d'une pofition aufli forte & auffi bien défendue. Ces diflïcultés n'arrêtérent pas le Prince Henri. S. A. R. réfolut de percer fon cordon par le centre, tant pour gagner du terrain que pour lui donner de la jaloufie fur la Bohème; car on ne pouvoit reprendre Dresde qu'en attirant Ie gros de l'armée L a  244 HIST' DE LA GUERRE autrichienne en Bohème. Le Prince fufpendit 1'exécution de ce projet jusqu'ft 1'arrivée du Brigadier Billerbeck, qui venoit de la Poméranie pour le joindre. Afin de dérober en même temps ft r«memi jusqu'au foup9on du projet qu'on méditoit contre lui, Ie Prince fit faire différens mouvemens ft fes troupes; il fit quelques démonftrations vers le duché d'AItenbourg & du cóté de Pénig , pour perfuader aux ennemis qu'il projetoit quelque entreprife dans cette partie de la Saxe, Sur ces entrefaites M. de Billerbeck joignit M de Stutterheim le cadet ft Lommatfch. Ce fut le fignal auquel toutes les troupes deftinées au pafi'age de la Mulde fe mirent en mouvement. Elles s'affemblèrent le n au foir, chaque corps fe rendant au iieu qui lui étoit aflïgné. La force du corps entier deftiné ft cette expédition confiftoit en 21 bataillons & en 35 efcadrons. Ces troupes furent partagées en quatre détachemens. Celui de M. de Seidlitz s'affembla derrière Mockerwitz ; celui de M. de Canitz derrière le village de Zernuz, & M. de Stutterheim 1'ainé, qui avoit campé au Pétersberg, s'avanca ft Zocherwitz; pour les houfa'rds & ies troupes légères de M. de Kleift, il les forma entre Zwénig & Hafslau. Ces quatre colonnes Mij. par une marche couverte s'approchèrent la nuit des bords dela Mulde, & s'embusquêrent derrière urr ravin, qui déroboit ft l'ennemi & leur approche & leurs deffeins. S. A. R. avoit choifi les empla«eraens des batteries,- on y avoit mené le canon,  DESEPTANS. 245 on 1'avoit masqué de brouffailles, de ferte qn'au. premier fignal il pouvoit étre exécuté contre les redoutes des impériaux. Le détachement de 1'ennemi, que le Prince fe propofoit d'attaquer, étoit commandé par M. de Zettwdtz, Général des Autrichiens ; il pouvoit recevoir des fecours des troupes qui cantonnoient a Freyberg, ft Chemnitz, & a Waldheim. Sa troupe étoit forte de quatre mille hommes; il avoit garni les redoutes des gorges & des montagnes d'lnfanterie & d'artillerie, fous Ia protection desquelles il avoit répandu fes Croates & fes pandours en divers détachemens le long de la Mulde. Ces troupes paffoient régulièrement les nuits au bivouac; on avoit même obfervé qu'elles rentroient tous les matins a la pointe du jour vers 4 heures dans leurs tentes. Le Prince avoit déterminé fur ces remarqnes que 1'attaque ne fe fe» roit qu'a 7 heures du matin. Les chaffeurs pruffiens , qui étoient poftés a Zefchnitz, foit parl'effet du hazard, foit par impatience, fe mirent a efcarmoucher avant le temps marqué. Quoiqu'il ne fut que 6 heures du matin, cela détermina S. A. R a anticiper 1'attaque. Les 4 colonnes paffèrent aufïüót la Mulde au fignal qui leur fut donné, fous la protection de 40 pièces d'artillerie. M. de Seidlitz, qui menoit la cavalerie par le gué de Technitz, trouva au village de Mafterau des Croates en fon chemin, qui fe fauvèrent dans une redoute voifine. M. de Kleift, qui paffoit la Mulde plus bas, prit eu mêue teinrs l'ennemi a dos, L 3 n  146" HIST. DE LA r.UERRE tandis que les colonnes de 1'infanterie gagnoient ia hauteur. Ces raouvemens compotes étonuère t )es Autrichiens, & ils abandonncrent leurs forts. Pendant ce temps-la M. de Kleift avec fes houfards donna fur les cuiraffiers de de Ville & les mit en fuite. Comme il les avoit poufles fa pourfuite lui donna de 1'avance fur 1'infanterie de l'ennemi , qui étoit en pleine retraite. II 1'attaqua de front, pendant que 1'infanterie pruflienne la tallonnoit de prés, de forte que la confufion s'y étant mife, il n'échappa de tout ce corps des impériaux que ceux qui de bonne heure avoient eu la prudence de fe fauver a Waldheim. M. de Zettwitz & 2,oco hommes de fon détachement tombèrent entre les mains du vainqueur. Le même jour S. A. R. fit marquer le camp de fes troupes au village de Keflèlsdorf; & fit avancer Mrs de Hulfen & de Forcade, qui prirent la pofition de Schleitau & des Katzenhteufer. Le 13 l'armée du Prince marcha fur Oedern; elle appercut a quelque diffance de fa marche des troupes autrichiennes, qui venoient de Waldheim , auxquelles s'étoient joints les fuyards de Ia veille. M. de Kleift chargea leur arrière-garde, qu'il mit en déroute; de la il donna fur le régiment de Luzani ik lui prit 500 hommes. M. de Maquire, qui commandoit a Freyberg, apprenant ce qui s'étoit paffé a Rofsvvein, ne voulut pas s'expofer a un fort pareil. II évacua le Zinnewald, Nollen & Fréyberg, fe retirant ii Dip-  DESEPTANS. 247 poldiswalda. S. A, R.prit auiïi:öt le camp de Freyberg. Elle pouffh fon avant-garde a Bobrich, & M. de Seidlitz nettoya tous les bords de la Wilde Weiftritz. Le Prince prit le 16 le camp de Pretfchendorf, d'oü il poufl'a un détachement a Beichsftadt. II etablit des poftes de Sabifchdorf a Frauenflein, pour g.rder tous les paffages par lesquels l'ennemi auroit pu former quelque entreprife lür les troupes. Mrs de Hulfen & de Forcade s'avancörent en mèrae temps que le Prince, & prirent une pofition entre Harte & Conftapel; ilsgarnirent les villages de Braunsdorf, Hane & Wiesdrup de troupes légères, afin d'aflurer la eommunication du camp de Landsberg avec celui de Pretfchendorf. Pendant que les Pruffiens pouflbient ajrjfi leurs avantages contre les troupes impériales , l'armée des cercles, aux ordres du Prince de Stolberg; s'avaneoit vers Tfchopa. S. A. R. qui na pouvoit fouffrir d'ennemi fi proche de fes derrières, fe vit dans la néceffité d'envoyer quelque détachement de ce cöté-la. Elle oppofa M. de Bandemei: a ces troupes avec 1000 chevaux, foutenus de 4 bataillons M. de Bandemer occupa les bords de la Flcehe; 11 envoya M. de Rceder a la découverte. Cet oflicier fut affailli par tout se qu'il y avoit de cavalerie dans l'armée de 1'Empire; il fe feroit néanmoins retiré fans perte confidérable, fi M. de Bandemer ne fe fut avifé trés - imprudemment de paffer le défilé de la Flcehe pour le fecourir, Cette troupe, qui bouchoitle>palfage, augmenta 1'emL 4 n  J Ju n. 248 HIST. 2>£ LA GUERRE barras de celle de M. de Rceder, qui étoit dans la difpofition de fe retirer. Les Pruffiens avoient a combattre contre un nombre füpérienr au leur du quadruple, & le nombre pour cette fois triompha dela valeur; ils perdirent en feretirant4 canons & environ 500 hommes. Ce contretemps obligea S A. R.achangerdemefures. Elle fitpartir M. de Canitz dePrétfchendorfavecdes troupes fraiches, & il fe ' pofta a Oedern, oü il n'étoit qu'a deux milles de l'ennemi, campé a Chemnitz 1'armée du Prince Henri occupoit un grand front; pour obvier aux inconvéniens qui réfultoient des fréquens détachemens qu'il étoit obligé de faire, il fit travaillera fortifier tous les lieux qu'il occupoit; on pratiqua des inondations a ceux qui en étoient fufceptibles; on fit des abattis dans les forêts, & fon retrancha les terrains oü il n'y avoit ni marais, ni ruiffeau, ni bois, dont on püt tirer parti. M. de Serbelloni, las del'inaaion dans Ia quelle il avoit langui jusqu'alors, réfolut d'exécuter un projet qui devoit le combler de gloire. II commencaparfe faire joindre par M. de Stampach, qui avec un corps de 7,000 hommes s'étoit tenu jusqu'alors dans la gorge de Zittau. Avec ce renfort il partit de Dippoldiswalda, pour furprendre les troupes légères de S. A. R. qui campoient a Reichsfhedt. Mais Mrs de KLc-ift & d'Eglofftein fe repliêrent a fon approche fur Ie camp de Pretfchendorf. Le bataillon da. Hordt, nouvelletfient levé, perdit quelque monde en fe retirant. Cette  DESEPTANS. 34j grande expédition fe termina par une canonnade, qui dura toute la journée. Dés le lendemain S. A. R. renvoya Mrs. de Kleift & d'Eglofftein occuper Ie même pofte. Comme cependant ce détachement n'étoit ni néceffahje, ni effentiela Reichsftaedt, on le retira quelques jours après. M. de Belling, que la fignature de la paix avec les Suédois avoit retenu jusqu'alors dans le Mecklenbourg, ne put joindre l'armée de Saxe que le 18 de Juin. Ce ren fort mit S. A. R. en état de tenter quelque entreprife contre l'armée des cercles. II éroit néceffaire & même indifpenfable pour llarmée de Saxe qu'elle fe débarraffat d'un ennemi qu'elle avoit a dos & dont le voifinage dans certaines conjonctures fócheufes pouvoit devenir fnnefte. M. de Seidlitz fut chargé de conduire cette entreprife. H fe porta fur Pénig; le Prince de Stolberg, qui avoit 21 bataillons & 31 efcadrons dans fon armée, fe replia fur Annabourg. Sa retraite de Chemnitz donna la liberré a M. de Canitz de fe joindre k Zwickau a M. de Seidlitz. Les troupes des cercles quittèrent la Saxe, & perdirent beaucoup de monde en feretirant a Bareuth. Pendant ce temps M. de Kleift agiffoit du cóté de Marienberg, dont il délogea le colonel Tcerreck, qu'il rejeta en Bohème; après quoi il rejoignit l'armée. Tandis que le Prince de Stolberg fe réfugioit dans le fein del'Empire, M de Serbelloni méditoit un projet plus important encore que le précédent. 11 fe propofoit de battre M. de Hulfen, en L 5  sso HIST. DE LA GUERRE fe gliflant le long de l'Elbe pour tourner fa pofition. Afin de mieux cacher fon defleiu, il fit alarmer un matin tous les poftes avancés du camp de Pretfchendorf. Une colonne de 7,000 hommes fe préfenta fur la droite du village de Hennersdorf, faifant mine de tenter le'paffage de la Steinbruckenmuhle; une autre colonne fe mit en bataille vis-a vis de Frauecftein. Durant ces feintes démonftrations M. de Ried, qui commandoit un détachement de douze bataillons a Bénerich, ayant été rènforcé la nuit précédente par ió bataillons & par 25 compagnies de grenadiers, fe forma le matin en trois corps fur les hauteurs de Bénerich. La première ■colonne fe porta fur le village de Grumbach, dont elle délogea un bataillon franc, qui fe jeta dans laredoute de Ptarrholz; mais 1'ardeur des Autrichiens fut tempé'ée par le feu des batteries du Landsberg. La feconde colonne.des ennemis s'avanca yeti Cubach, & la troifiéme, qui étoit celle de la droite, délogea un bataillon prullien du viiiage de Weisdrup. Cette derniére colonne fut arrêtés par le feu de la redoute de Conftapel, que défendoit le bataillon de Carlowitz. Après une rétiftance vigoureufe de la part des Pruffiens l'ennemi futfotcé de fe retirer, & les fecours que S. A. R. envoya de Pretfchendorf au Landsberg, n'arrivèrent qu'aprés lafin.de 1'aaion. L'ennemi fe contenta de faire des attaques foibles & mal foutenues; il facrifia inutiiement dans cette occafion des troupes  DESEPTJNS. %Si dont il auroit pu tirer un meilleur parti, s'il avoit fu les conduire avec plus d'audace. Pendant que la fortune balancoit en Saxe les destins des Pruffiens & des impériaux, elle fe déclara entiérement dans 1'Ëmpire en faveur des alliés.'éc du Prince Ferdinand. Les Francois s'étoient bornés cette année a n'avoir qu'une armée en Allemagne, avec une réferve pour couvrir le bas Rhin. Cette réferve., dont le Prince de Condé avoit le .. coramandement,- étoit forte de 46 bataillons & de 38 efcadrons. L'armée fous les ordres de Mrs. de Soubife & l'Eftrées confiffoit en 111 bataillons, & en i2t efcadrons: Ces Maréchauxfe propofoient de pénétrer avec leurs forces dans 1'électorat de Hanovre. Le projet du Prince Ferdinand étoit tout contraire au leur; car il fe préparoit a chafferles Francois de la Heffe. II partagea d'abord" fon armée a 1'exemple des Francois; il détacha 20 bataillons & 21 efcadrons avec le Prince héréditaire, pour s'oppofer au Prince de Condé,.& fe réferva 62 bataillons, 61 efcadrons & 5,000 hommes de troupes légèrcs pour 1'exécution de fon projet. Le Prince de Condé ouvrit Ia campagne au bas Rhin. II paffa ce fleuve Ie 10 de Juin, raflembla fes'troupes a Bockum, & fit mine de fe porter fur Dortmund. Tous les mouvemens des francois & des alliés dans cette partie de 1'AUemagne ne furent relatirs qu'au paflage de la Lippe, que les deux partis fe difputoient réciproquement. Pendant ces préludes le Prince Ferdinand raflembla fon armée L 6 n Campa gne de. alliés. Jjita  It. «53 HIST. DE LA GUERRE fur la "hauteur de Brackel, d'oü il fe porta fur Ia Dimel, & prit le chateau de Sabbabourg; il occupoit en même temps les bois de Geismar & de Liebenau, pour fe rendte le maitre des débouchés de la Dimel. L'armée francoife-, qui s'étoit raffemblée a Caffel , marcha le 22 fur Grebenftein, d'oü elle détacha le Comte de Luface vers Gcettingue. M Luckner fut aufiïtót envoyé par le Prince Ferdinand fur la Leine, pour obferverles mouvemens des Saxons. Le Prince Ferdinand réfolut ■ fur cela d'attaquer les Francois, afin de les réd.uire a ia défenfive dès le commencement de la campagne. M. Luckner fut pour cet effet obligé de fe rapprocher de Sabbabourg avec une partie de fon monde. 11 devoit attaquer la droite de l'ennemi. Milord Gramby eut ordre d'entamer Ia gauche, & le Prince Ferdinand fe propofa de fe préfenter en même temps avec le gros de fon armée devant le . front des Maréchaux. Dès le 24 tous les alliés pasfèrentla Dimel, pour former ces différeutes attaques. Les Francois prirent ce mouvement pour un fourrage général, & n'en marquèrent aucune inquiétude. Cependant le corps de M. de Caftries, qui c'ouvoit la droite de M. de Soubife, fut auflitót renverfé, & les alliés affaillirent le camp même. M. de Soubife, fur ce qu'il fe voyoit attaqué de front, enflanc & a dos, réfolut la retraite. M. de Stainville fe jeta avec i'élite des troupes francoifes dans le bois de Wilhemsthal, pour Ia favorifer, & ce fut-la que s'engagea entre lui & Mi-  DE S E P T A N S. •53 lord Gramby un combat qui décida de la journée. Tout le corps de M. de Stainville fut enveloppé & défait. Cependant Mrs. de Spcerken & de Luckner donnèrent lieu a cequele Maréchal de Soubife püt fe retirer a Hochkirch, ce qui fit manquer Ie coup que le Prince Ferdinand.méditoit fur Caffel. La nuit même l'ennemi paffa la Fulda, & affit fon camp fur les hauteurs qui yont de Munden a Caffel. Les alliés fe campèrent vis-a-vis des Francois & s'emparérent par differens détachemens de quelques chateaux qui 'leur étoient avantageux. Le Maréchal de Soubife, qui craignit pour Ziegenhein, y fit marcher Mrs de Guerchy & de Rochambeau, pour aller & venir de cette place a Melfungen, & pouffer des partis fur les derrières des alliés. Le Prince Ferdinand envoya contre eux Milord Gramby, qüi les battit auprés du chateau de Hornbourg. A mefure que les alliés étendoient leur droite, les Francoisétendoient leur gauche. Cependant les deux Maréchaux s'appercevant qu'ils dégarniffoient trop leur pofition, rappelèrent le Comte de Luface de Gcettingue, pour remplir les vuides de leurs campemens, & ils Ie placérent avec fon corps a Lutterberg. Le Prince obfarvant que les Saxons étoient presque ifolés dans • ce pofte, chargea M. de Gilfe de les y attaquer. Ce Général a la tête de iö bataillons paffa a gué la Fulda. Au commencement de 1'action les Saxons fedéfendirent; mais furce qu'ils s'appercurent qu'une de leurs redoutes étoit emportée, ils lacherent le ■ L 7  254 H1ST. DE LA GUERRE. jHÜlet. pied, & s'enfuirent a vau-de-route. Le Maréchal d'ESrées furvint a leur fecours, & les empêcha d'être entièrement dèfaits. M. de Gilfe repaffa prudemment la Fulda, pourne.point fe compromettre avec des ennemis dont le nombre croiffoit a chaque moment. Ces tentatives diffèrentes firent juger au Prince Ferdinand que le moyen le plus aifé & le plus fur de vaincre les Francais étoit de les obliger a s'c'tendre davantage, & plein de cet objet il détacha M. Luckner du cóté de Hirfcbfeld. Ce partifan pris Fulda, Ameenebourg & nombre de petits chateaux fitués fur la grande route de Caffel a Francfort. Cette expédition promptemenc exécutée eut des effets facheux pour les Maréchaux frat^ois, en les gênant a 1'égard de leuts fubfiilances, qu'ils tiroient en grande partie du Mein. M. de Soubife fe flatta de rétablir fes affaires en portant 40 bataillons fur 1'Eder, pour occuper le pofte de Schwalm. M. de Luckner, foutenu par Milord Gramby, contraignit ce corps a repaffer la Fulda. Sur cela M. de Soubife arriva lui-mème; il paffa'1'Eder & s'établit au Heiligenberg. Comme on ne pouvoit pas attaquer les Francois dans cette pofition , le Prince Ferdinand laifl'a Milord Gramby au Falkenberg, fe portant avec fon armée au confluent de 1'Eder & de Ia Fulda.» Dans 1'embarras oü les généraux francois fe trouvérent par cette manoeuvre , ils n'imaginérent d'autre reffburce que d'attirer a eux la réferve du bas Rhin. Le Prince de Condé, en conféquence des  DESEPTANS. *55 ordres que les Maréchaux lui donnérent, laiffaM.. le Marquis de Voyer avec un détachement fur la balie Lippe, & ayant inutilement tenté pendant la marche de prendre Hamm , il traverfa la Wettéravie & déboucha par Gieffen fttr 1'Ohm. Son but étoit de fe porter fur la haute Eder, pour y reprendre le projet dans Péxécution duquel M. de Soubife avoit échoué. Le Piince héréditaire, qui jusqu'alors avoit obfervé le Prince de Condé, partit auffitót-que lui, & ayant laifle quelques troupes pourobferverM. le Marquis de Vqyer, il traverfa la principauté de Waldeck & gagna les bords de rOhm, avant que la réferve francoife du basRhiu püt y arriver. Pendant ces mouvemens des réferves le Prince Ferdinand auroit défiré d'attaquer; le Maréchal de Soubife, avant que le Prince de Condé le püt. joindre. 11 fe propofa d'alarmer le front de l'ennemi, & de porter toutefois fes plus grandes forces contre M. de Guerchy, qui campoit au dela de la Fulda proche de Melfungen. Le Prince Fréderic de Bronfwic fut détaché avec 6 bataillons & 22 efcadrons, pour faire le tour dela Werra & s'emparer de Wanfried & d'Efchwege, par oü il fe trouvoit a dos des ennemis, On fe difpofa pour faire 1'attaque générale le 8 d' Aoüt; . mais une pluie abondante qui furvint, & qui gonfla les eaux de la Fulda, empêcha que les troupes ne puffent paffer le gué ni fe rendre en même temps aux points qui leur étoient marqués. Cette entreprife aboutit a une canonnade. qui dura trois jours.  256 HIST. DE LA GUERRE Le Prince de Condé pendant ce temps-Ia prit le chateau d'UIrichftein; après avoir tenté le paffage de 1'Ohm a différentes reprifes, mais toujours en vain, il effaya de pouffer un détachement & Hirfchfeld, pour tendre de-la la main aux deux Maréchaux qui commandoient l'armée francoife. Afin de feconder les deffeins du Prince de Condé, le Maréchal de Soubife chargea M. de Stainville de bombarder le chateau de Friedewalde; ce qui ayant réuffi, rouvrit la communication jusqu'alors interrompue de l'armée francoife au Mein. Cette armée étoit alors tellementdifpofée en Heffe, qu'elle formoit comme un grand demi-cercle, dont 1'un des bouts paffant par Marbourg & Gieffèn tenoit a la Lahn, & 1'autre, qui enfermoit Hirfchfeld, Melfungen , Cafl'el & Munden, aboutiffbit a la Fulda. Le Prince Ferdinand brüloit d'en venir a une décifion; il vouloit frapper un coup qui püt lui procurer la fuperiorité fur les Francois pour le reffe de Ia campagne. Dans cette vue il renforca Je Prince héréditaire cte 15 bataillons & de 20 efcadrons. Le projet des alliés étoit d'enlever le corps de M. de Lévi. Le Prince héréditaire y auroit *4. réuffi, fi M. Luckner füt arrivé a temps; cependant peu de Francois lui échappèrent. Après cette expédition il pouffa le Prince de Condé des bords de 1'Ohm au dela de Gieffen a un vieux retranchement des Romaini qu'on appelle le Polgraben; mais cela fe termina par une canonnade. Toutefois M.  DESEPTANS. 257 marche le foiravec fa première ligne, & joignit Mrs de Reitzenftein & de Wied, qui lui fervirent d'avant garde. Dès la pointe du jour cette avant-garde fe trouva proche de Reichenau , oü elle donna fur des poftes avancés de Brentano, qui furent menés grand train jusqu'au pied de 1'Engelsberg, oücampoit leur Général. Brentano avoit pofté fon infanterie fur la cime de trois rochers, couverts par  Z6i HIST. DE LA GUERRE un bon défilé. M de Wied, plein d'ardeur, 1'attaqua peut-être trop chaudement; ces rochers fe trouvèrent d'un fi difficile abord, que les troupes ne pu'rent les gravir. Les Pruffiens firent de vains efforts; ils furent repoufles, & perdirent enmorts, pris & blefies 1200 hommes. Le gros des troupes fe campa k Reichenau; mais M, de Wied pourfuivit fa marche par les gorges de Landshut. Le but de cette expédition étoit d'enlever le grand magafin des impériaux a Braunau. M. Brentano, qui s'en douta, abandonna 1'Engelsberg; & partit a tire d'aile, pour fe rendre la nuit même a Friedland. Le Maréchal Daun, privé de ce detachement, qui couvroit fes derrières, craignit d'être pris a revers par les Pruffiens , & fur cela il abandonna fa pofition de Kunzendorf & fe retira a Dittmannsdorf, d'oü fa gauche s'étendoit a Beersdorf. Outre cela il placa un corps a Thannhaufeu, qui lui couvroit ce flanc, & un autre fur fa droite a Burkersdorf; moyennant lequel il entretenoit fa communication avec la fortereffe de Schweidnitz. M. de Ziethen fuivit immédiatement l'ennemi, & occupa les hauteurs de Kunzendorf & de Furfteuftein. Le corps que le Roi avoit mené dans les montagnes le joignit, & fe pofta de Seitendorf a Bcegendorf dans le même camp que le Maréchal Daun avoit occupé en 1'année 1760. Des/détachemens occupèrent les défilés de Waldenbourg & de Gottsberg, & M. de Manteufel prit pofte avec  DE'SEPTANS. 2S3 6,000 hommes fur le plateau de Hohengiersdorf, au pied duquel, du cóté dela v.a'lée de Schweidnitz , on campa M. de Knobloch avec fa brigade. Pour M. de Wied, qui pourfuivoit fa marche', il rencontra le corps de Brentano ft Friedland, il 1'accueillit par une vivec.anonnade, après laquelle M. de Reitzenftein attaqua l'ennemi. Les dragons de Finck eurent dans cette occafion 1'honneur de battre 3 régimens de cuiraffiers impériaux, fur lesqttels ils firent 180 prifonniers. Brentano fe fauva en Bohème, & fe pofta entre Dittersbach & Hauptmannsdorf dans un camp que l'ennemi avoit faic fortifier d'avance, pour affurer le dépót de fes vivres. M. de Wied fut renforcé le lendemain par 4 bataillons & 3 régimens de cavalerie; mais l'armée entière eut- elle rnarché contre Braunau, elle n'auroit rien pu y entreprendre, paree que cesgorges de rochers font intraitables, qu'on les défend avec peu de monde, & qu'on ne fauroit les tournet-. Le Maréchal Daun y avoit envoyé de Vvartha M. de Haddick avec io,coo hommes de fecours. Comme ces montsgnes, occupées par l'ennemi, le mettoient hors d'atteiute, M. de Wied dirigea fa riiarche fur Trautenau; de-la il laclia en Bohème tous fes Cofaques. foutenus de quelques dragons. Ils fe répandirent dans tout ce royaume, y femant 1'épouvante. Dès le fecond jour de leur entréeune de leurs troupes fe préfenta aux portes de Prague. La terreur que leur préfence infpira , fut fi grande, que M. de Serbelloni fut fur le point de quit-  4^4 HIST. DE LA GUERRE ter la Saxe avec fon armée, pour s'oppofer en perfonne aux défordres que les Cofaques commettoient. II eft vrai que leurs procédés étoient cruels; ils faccageoient. pilloient, brüloient les lieux qu'ils trouvoient fur leur paffage. Cette irruption n'auroit pas été infruftueufe, fi on avoit pu la prolonger. Mais d'une part ces troupes indifciplinables ne s'occupoient qu'a. faire du butin & a le mettre en fureté; d'oü il arrivoitque revenant par bandes fans ordre de leur conducteur, elles fauvoient leur capturepour la vendre en Pologne, de forte qu'au bout de huit jours la Bohème fe vit délivrée fans coup férir; onauroit pu lesemployer a une feconde incurfion, fi d'autre part les affaires n'avoient fubitement changé de face. M. de Wied, qui couvrit leur retraite, affuroit en toême temps fa communication avec la grande armée. Sesdétachemens diftribués par échelons gardoient les gorges des montagnes. M. de Gablenz occupoit derrière lui le défilé de Schazlar; le Prince de Bernbonrg, plus prés de l'armée, celui de Liebau , d'oüilcorft. muniquoit a Conradswalde avec M. de Salenmon, qui y tenoit un pofte intermédiaire. Tous ces détachemens avoient d'autant moins a craindre de la part des ennemis, que 1'appréhenfion de perdre le magafin de Braunau abforboit leur attention au point, que pour plus de fureté ils lefaifoient transporter a Scharfeneck dans le comté de Glatz. Nousvenons de voir que cette diverfiondes Cofaques en Bohème ne produifit aucun effet réel; 11 n'y  DE S E P T A N S. 265 n'y avoit plus de projets ii former fur Ie inagafni de Braunau, que les impériaux transportoient ailleurs, de forte que toute la gauche de l'ennemi ne préfentoit plus de champ fécond en expéditions. Comme 1'objet principal de cette campagne étoit de reprendre Schweidnitz, leRoi fe propofa d'agir fur Ia droite des Autrichiens, & de dépofter les détachemens qu'ils avoient a Burkersdorf & aLeutmannsdorf, pour leur couper toute communication avec Schweidnitz. Ce projet, qui avoit tous les degrés de probabilité fuffifans pour paroitre immanquafcle, le jour fuivant devint incertain & presque chimérique par un de ces événemens inattendus & fubits qui renverfent les mefures des hommes. Une révolution avoit changé la face de la Ruflie, M. de Czernichef en donna la première nouvelle au Roi. II vint une après-midi lui dire que Pierre trois avoit été détröné par 1'lmpétatrice fon époufe; qu'il avoit rec/u 1'ordre du fénat de faire prêter ierment par fon corps a fa nouvelle fouveraine, & de quitter inceffamment l'armée pruflienne, pourfe retirer en Pologne. Dans la fituation oü le Roi fe trouvoit, au milieu des opérations d'une campagne dont les entreprifes étoient fondées furl'afliftance des Ruffes, cette nouvelle fut un coup de foudre pour lui. Quelque cruel que fut ce coup, il falloit prendre. fon parti, paree cue le mal étoit fans remède ; & recourir a fes propres reffources, puisque Ie.« étrangères venoient a manquer. Les nouvelles qui venoient de la Pruffe ou de la Po» 4>.-uk. ?aj-h. ie Fr. II, T. IK M ra  &66 HIST. DE LA GUERRE méranie annoncoient toutes que les troupes ruffes fepréparoientarecominencerleshoftilités. II parut uneukafe(ou édit) dans laquelle le Roi étoit traité d'ennemi héréditaire & irréconciliable de la Ruffie. Déja les commiffaires de Flmpératrice s'étoient faifis de nouveau des revenus de la Pruffe royale; enfinfuivant toutes les apparences, on étoit it la veille d'une nouvelle rupture; mais, comme il arrivé fouvent , ces apparences fe trouvérent crompeufes. Les démarches de flmpératrice rouloient fur de fauffes fuppofitions; elle appréhendoitque le Roi en apprenant la détention de Pierre trois, n'obligeat le corps de Czernichef a fe déclarer pour 1'Empereur, ou, en cas de refus, qu'il ne Ie défarmat. Pour ne point étre prife au dépourvu, elle fe faifit de la Pruffe, pour lui étre garante de la conduite du Roi; elle donna en même temps des ordres a fes généraux de le tenir prèts a recommencer les hoftilités auffitöt qu'eile lc jugeroit a propos; mais fes fuppofitions étoient erronées. Le Roi ne s'oppofa point au départ de M. de Czernichef; la feule complaifance qu'il exigea de lui, fut de différer de trois jours fon départ; aquoice Général fe prêta de bonne grace. Ces trois jours étoient précieux; il falloit les mettre a profit pour frapper quelque coup décifif. La préfencedes Ruffes en impofoit atix Autrichiens, & ils ignoroient encore la révolution qui venoit d'arriver; il falloit reprendre Schweidnitz, ou fe téfoudre a n'avoir des quartiers que le long de l'O-  DE S E.P T A N S. 267 der , comme fannée paffee, Si cette campagne s'écouloit infructueufèment, les effbrts qu'on venoit de faire pour reconquérir la moitié de la Siléfie, fe trouvoient perdus, & les apparences de Ia paix s'évanouiffoient entiérement. Cesraifons déterminérent Ie Roi è donner quelque chofe au hazard ; il agit avec plu* de témérité & d'audace qu'il n'auroit fait dans des conjonétures plus favorables. L'entreprife que les Pruffiens pouvoient former, rouloit fur 1'attaque de deux poftes redoutables & difficiles. Celui de Burkersdorf défend Ia gorge qui par les montagnes vient de Kcenigsberg & aboutit a Oehmsdorf a la plaine. Des deux cótés de ce défilé s'élèvent des monts apres & efcarpés , fortifiés par des redoutes cafematées, paliffadées, & entourées d'abatis; trois des plus voifines de Hohengiersdorf cominuniquoient par un retranchement-qui les joignoit; de - ia reprenoit un autre retranchement, qu: fermoit le fond de Ia. gorge, & alloit en remontant aboutir au fommec d'une montagne fituée du cóté de Leutmannsdorf. M. d'Okelli défendoit ces ouvrages avec 4,00» hommes. Le pofte de Leutmannsdorf, quoique moins fortifié par 1'art, préfente un front de difficile abord, plein & eiitrccoupé de ravins & de chemins creux , & fourniffant tous les obftacles que Ia nature brute peut produire dans un terrain pour fa défenfe. Ce pofte étoit également défendu par 4,oco Autrichiens. Pour mettre l'armée 18. en état d'auaquer ces pollis, il fallut commeucef M 2  2Ó8 HIST. DE LA GUERRE par faire un revirernent de toutes les troupes. M. de Gablenz prit le camp de Trautliebersdorf, afin de mafquer le départ de M. de Wied pour la Bohème. M. de Knobloch quitta !e camp de Seitendorf, & fuivit la route de M. de Wied. Tous deux defcendirent des montagnes dans la plaine a Freybourg; ils firent le tour de Schweidnitz, qui étoit bloqué par la cavalerie du Roi. M. de Wied fe rendit de'nuita Faulbruck, oü il cantonna fes troupes. 11 étoit couvert par M. de Rcehl, que le Roi durant toute la campagne avoit placé avec iooo chevaux dans cette partie pour obferver l'ennemi, de forte que les Autrichiens n'eurent aucun indice de 1'approche des Pruffiens. Pour M. de Knobloch, qui paffa la nuit par Bunzelwitz & Creyfiau, il fe porta le lendemain matin fur la gauche de Polnifch Weiftritz, tandis que M. de Mcellendorf, qui venoit avec fa brigade & 10 bataillons du pied des montagnes de Hohengiersdorf fe porta fur la droite du viltege. Par la jonction de ces deux Généraux le Roi coupoit au corps de Burltersdorf, & par conféquent a l'armée autrichienne , fa communication avec Schweidnitz. Le corps de M. de Wied étoit deftiné a 1'attaque de Leutmannsdorf i ceux de Mrs. de Knobloch &deMcellendorf a celui de Burkcrsdorf. Afin de ne rien ömettre des mefures qu'exigeoit .cette entreprife, nous remarquerons que M. de Manteufel avoit été pofté d'avance fur le plateau de Hohengiersdorf, oü les fortes batteries qu'on y avoit établies, fer-  DESEPTANS. 269 voient a prendre a revers les retranchemeus les-plus voifins de ce pofte, occupé par M.d'Okelli. Pour plus de fureté encore, on avoit détaché le Prince de Wurtemberg avec 20 efcadrons, afin qu'il obfervat durant 1'action les potles des Autrichiens de Silberberg & de Wartha, & que de-la l'ennemi ne put point prendre a dos M. de Wied, pendant qu'il attaqueroit les Autrichiens a Leutmannsdorf. Le Maréchal Daun demandoit encore des précautions; il falloit le contenir durant 1'attaque, pour 1'empêcher d'envoyer des fecours aux poftes qu'on emportoit. Dans cette vue M. de Gablenz fut chargé de faire quelques démonftrations vers Braunau, pour attirer fur lui 1'attention de l'ennemi. M. de Ramin eut ordre d'efcarmoucher avec les poftes des impériaux vers Tannhaufen. La grande armée devoit détendre fes tentes, & fe mettre eu ordre de bataille, & l'on commit a M. de Manteufel le foin de harceler les pandours qui étoient entre fon camp & la droite des Autrichiens. Ces divers objets dont on occupa le Maréchal Daun-, 1'empêchant de pénétrer le projet des Pruffiens, leur en facilitèrent 1'exécution. j A 1'égard des attaques mêmes, il falloit que celle de M. de Wied précédat celle de M. de Mcellendorf, paree que ce Général, en tournant fa pofition de Burkersdorf, devoit nécelfairement prêter le flanc aux Autrichiens poftés a Leutmannsdorf, & que fi M. de Wied avoit le malheur d'être reponffé, le corps de M. de Mcellendorf fe feroit M 3  270 HIST. DE LA GUERRE expofé ft étre ruiné entièrernent. La nuit du 20 au 21 M. de Mcellendorf s'empara du chateau d'Oehmsdorf, oü il fit prifonniers 50 foldats ennemis. On avoit befoin de ce chateau pour s'approcher de plus prés du pied des montagnes, oü l'on ouvrit le foir méme la tranchée; on y conftruifit des batteries pour 40 obufiers & pour 12 canons de 12 livres. Les obufiers devoient fervir ft bom* barder les redoutes, & les canons ft enfiler la gorge par laquelle M. d'Okelli auroit pu recevoir des fecours de l'armée impériale. Ce Général fe croyoit dans un pofte inattaquable; i! étoit dans la plus grande fécurité; il n'attribua les raouvemens des Pruffiens qu'au deffein d'affiéger Schweidnitz, & il envifageoit toutes leurs démarches comme des préparatifs ft cette entreprife. Le 21 dès la pointe du jour M. de Wied fe logea fur un monticule vis-ft vis & proche du pofte de Leutmannsdorf; il y établii une batterie de 30 grofies pièces de canon, fomentie par une ligne de 14 bataillons. Sous la protection de ce feu M. de Lottum avec fa brigade fe gliffa par ïa droite dans un chemin creux ,_qui le menoit a dos de l'ennemi. Ce mouvement fut feconié par une manoeuvre femblable, qui fe fit ft la gauche. La marche du Prince de Bernbourg fut couverte par des ravins & des broufl'ailles; il fe porta fur le fianc droit des impériaux. L'ennemi, pris ft dos & en flanc par les Pruffiens, ne leur oppofa qu'une foible réfiftance; M, de Wied s'avanca en méme  DE S E P T /INS. 171 temps fur leur front, & le retranchement fut eraporté du premier coup. Les vainqueurs pouffè rent de - la les vaincus tout de fuite jusqu'a Henrichau, Heidelberg & Hausdorf. Brentano , que le Maréchal Daun avoit cependant envoyé au fecours de ce pofte,malgré toutes les jaloufiesqu'on lui avoit données, Brentano dis-je, arriva trop tard, & fut entrainé dans la fuite par ceux des; Autrichiens qui venoient d'être battus a Leutmannsdorf. Dès que M. de Wied fut maftre des hauteurs, les batteries pruffiennes d'Oehmsdorf commencèrent ft tirer fur l'ennemi; 1500 chevaux, que M« d'Oltelli a^oit piacés devant fon infanterie dans un fond, qui ne s'attendoient a rien moins qu'ft étre a taqués & qui avoient mis pied ft terre, fe trouvant inopinément foudroyés & bombardés par des batteries qu'ils n'avoient point appercues, culbutèrent leur propre infanterie, la mirent en défordre & Pentrainerênt péle-mêle avec eux jusques vers l'armée du Maréchal Daun. Par la fuite de ces troupes les redoutes de ce pofte ne reftèrent que foiblement garnies. Auffitót M. de Mcellendorf fe jeta par fa gauche dans le bois qui communiqué avec ceux de Leutmannsdorf, & tournant M. d'Oltelli par les montagnes , II délogea 1'ennemf après une médiocre réfiftance. L'infanterie pruffienne mir te feu aux palifTades d'une redoute oü les Au'richietis tenoient encore, ce qui les contra ignit enfin de 1'abandonner. Cependant M. M 4  272 I1IST. DE LA GUERRE d'Okelli, malgré cette attaque , fe foutenoit fur Ie plateau qui eft a la droite du chemin de Polnifch Wèi'ftritz a Kcetiigsberg; pour 1'obliger a quitter encore cette partie de fa pofition, M. de Mcellendorf établit une batterie fur la montagne qu'il avoit emportée , & l'on approcha les 40 obufiers du pied t!e la montagne dont on n'avoit pas ddlogé J'ennemi; M. de Manteufel prit en même temps a revers ces retranchemens, qui étoient voifins de fon pofte de Hohengiersdorf. Ces canonnades par devant, par derrière & en flanc, contraignirent , enfin rennemi a fe retirer. Toutes ces différentes attaques valurent 2,000 prifonniers aux Pruffiens. La garnifon de Schweidnitz fit a la vérité une fortie durant 1'aétion; mais la cavalerie qu'on lui oppofa & quelques volées de canon qu'on lui lira, la firent rentrer dans la place avec aflez de précipitation. Par la manoeuvre qu'on venoit d'exécuter M. de Wied , qui fe trouvoit proche de Heidelberg, coupoit en quelque manière l'armée impériale du comté de Glatz. Le Maréchal Daun , convaincu de la néceffité ou il fe trouvoit de changer de pofition, décampa Ie foir méme; il appuya fa droite fur la Eule, Ia plus haute montagne des environs', d'oü fon front de bataille s'étendoit par Wuften Waltersdorf & Tannhaufen a Jauernick. La réferve de cette armée, fous les ordres de M- Laudon, couvrit la gauche de l'armée, & prit fa pofition entre Wuften Giersdorf & Braunau.  DE S E P T A N S. fl?3 M. de Wied prit u» camp vis a-vis de la droite des impériaux, & occupa cette chaine de montagnes qui va de Tafchendorf ft Heidelberg. RL de Manteufel fut pouffé avec fon corps ft Beersdorf, oü il joignoit M. de Wied par fa gauche , & M. de Ramin par fa droite. Ce dernier continua avec fa brigade ft demeurer immobile fur la montagne de Seitendorf. Outre ces divers camps l'armée continuoit d'avoir des poftes ft Gottsberg, a Waldeubourg, & M. de Salenmon, qui avoit un pofte d'avertiffement, occupoit les gorges de Landshut, pour obferver les mouvemens que l'ennemi pourroit faire dans cette partie. Tous ces corps , quoique campés fur des hauteurs efcarpées, eurent ordre de fe retrancher; on remua la terre, on paliffada les ouvrages, on fit des abattis dans les lieux convenables, enfin on s'établit fi folidement, qu'aucun de ces corps qui occupoient les montagnes n'eut ft craindre ni attaque, ni furprife de la part de l'ennemi. Ces précautions, fuperflues en d'autres circonftances, étoient néceffaires alors, paree que le Roi étoit obügé de s'aftbiblir de 24 bataillons, pour entreprendre le fiége de Schweidnitz, & qu'il falloit fe préparer ft fe voir dans Ie cas de faire de fréquens détachemens; qui n'aairoient pu fe tirer qu'avec risque de l'armée, fi fa pofition n'avoit pas été rendue inattaquable. Ce qull y ïut de fingulier pendant cette opération, fut que le même jour que le Maréchal Daun quitta fon camp de Dittmansdorf, pour fe pofter fur la Eule M 5  S74 HIST. DE Ld GUERRE & ft Wuften Waltersdorf, les Ruffes quittèrent les Pruffiens & partirent pour la Pologne, fans que les impériaux euffenc la moindre nouvelle de leur féparation. Cependant les 24 bataillons & les 30 efcadrons deftinés pour le fiége de Schweidnitz s'atfembloient au pied des hauteurs de Kunzendorf. On envoya au Prince de Wurtemberg, qui étoit en. core ft Kletfchbcrg, la plus grande pan ie de la cavalerie, dont on ne pouvoit tirer parti ni dans les montagnes, ni pour le fiége, & l'on fit des préparatifs férieux pour attaquer une place défendue par une garnifon de onze mille hommes, & un des premiers ingénieurs de i'Europe. On ne pouvoit plus efpérer la diverfion dont on s'étoit (latté de la part du Tartare. Le Chan de la Crimée fe promenoit ft la vérité avec 5 °" 6,oco hommes fur les frontières de la Pologne; mai- tous les changemens fubits arrivés en Ruffie avoient tellement désorienté & Turcs & Tartares, qu'ils ne pouvoient fe décider fur le parti qu'ils avoient a prendre. Ces raifons achevèrent de déterminer le Roi ft rappeler le Prince de Bévern de la Moravie, oü il étoit encore. Pour être en quelque manière futde prendre Schweidnitz, il falloit que tout concourüt ft ce deffein. Le Roi n'avoit pas un homme de trop pour cette entreprife, & dès qu'elle fe trouveroit terminée, il étoit maitre d'employer fes troupes ailleurs. Pour fe perfuader de Ia néceffité de cette réunion de l'armée, il n'y aqu'a compter  DESEPTANS. «75 le nombre des différens corpsauxquels Farméepruffienne devoit s'oppofer. Nous trouvons l'armée du Maréchal Daun, & les corps de Laudon, de Haddick, de Brentano, de Beek, d'Ellerichhaufen, outre les détachemens de Silberberg & de Wartha. Tout cela faifoit enfemble 70,000 combattans. Quoique l'armée du Roi ne füt guères plus foible, il falloit toutefois en décompter les troupes dvftinées au fiége de Schweidnitz, & furtout réflécliir a 1'étendue de terrain infiniment plus grande q.ie celle de l'ennemi, que les Pruffiens occupBient. Le.Roi devoit d'ailieurs s'attendre a des efforts de la part des impériaux pour délivrer Schweidnitz, & il falloit être en état de s'y oppofer avec promptitude, Ainfi nonobftant que M. de Werner eut remporté nombre d'avantages fur M. de Beek en Moravie, il fut obligéde fe retirer & joignit le Prince de Wurtemberg le 1 de Aoüt Aoat. dans le camp de Péterswalde. Le Prince de Bévern , qui le futve.it, arriva en même temps 2 Neiffe, d'oü il couvrit le convoi des munitions de guerre qu'on alTembloit pour le fiége de Schweidnitz. M. de Tauenzien, è qui la direftion de ce fiége fut confiée, partit alors avec un convoi pareil de Breslau, pour fe rendre aux environs de cette place; il inveftit la ville Ie 4 d'Aoüt; la tranchée s'ouvrit le 7; elle prenott de la briqueterie, & tournoit vers Wurben, pour embraffer le polygone de Jauernick, fur lequel fe diiigeoit fattaque. Le M 6  276 HIST. DE LA GUERRE même jour le Commandant fit une fortie, mais qui ne répondit pas a fon attente. M. de Reitzenftein donna avec fes dragons fur cette infanterie & la reconduifit jusqu'aux barrières de la place. Le Roi fut dès-lors de fopinion que fi le Maréchal Daun tentoit de fecourir cette fortereffe, il déboucheroit fans doute par Silberberg, Wartha & Langen-Bielau. C'étoit la voie la plus commode-, il auroit effuyé toutes fortes d'inconvéniens en prenant le chemin de Landshut. II avoit retiré fon magafin de Braunau; ce qui rendoit les tranfports de fes vivres difficiles dans cette partie. Cette ioute eft d'ailieurs la plus détournée, & il étoit plus aifé de le prévenir. Enfin, en débouchant par Silberberg, il couvroit en même tems Glatz, pouvoit faire ufage des détachemens quioccupoient les gorges, & étoit toujours für de fa retraite, paree qu'il avoit deux poftes bien fortifiés a dos. Convaincu par 1'évidence de ce raifonnement, Ie Roi tranfporta fon quartier général a Péterswalde; 31 y fut joint par la brigade de Mcellendorf. Le camp que Ie Roi prit, touchoit pour ainfi dire a la gauche de M. de Wied. La brigade de Nïmfehewsky fut placée fur une montagne des gorges de Steinfeifiersdorf, par oü elle couvroit la brigade de Knobloch, qui faifoit fextrémité du camp de Tafchendorf. L'infanterie du Roi s'étendoit derrière te ravin de Péterswalde, & fa cavalerie occupoit le terrain qui devant Peiskersdorf va vers Faulbruek. Le Prince de Bévern arriva le lends-  DE S E P T A N S. 277 main de Neiffe par une marche forcée, & fon camp lui fut affigné, au dela de Reichenbach fur les hauteurs de Mittelpeile vers Gnadenfrey. La pofition de cette petite armée faifoit comme un angle , dont une ligne defcendant de Steinfeiffersdorf, fe prolongeoit fur la direaion de Rei. chenbach, d'oü 1'autre reprenant par les collines de Peila, alloit aboutir a une efcarpement affez confidérable,- la ville de Reichenbach, fituée entre ces deux camps, en faifoit précifément la pointe de r angle. Cette pofition avoit tous les avantages qu'on pouvoit défirer; elle couvroit M. de Wied par Ie camp de Péterswalde, que fans cette précautron l'ennemi auroit pu tourner, & Ie corps du Prince de Bévern empêchoit les Autrichiens en débouchant des montagnes de fe porter a Ia montagne de Zobten , d'oü ils pouvoient foutenir Schweidnitz, & par conféquent faire lever le fiége de Ia ville; de forte que l'ennemi de ce cóté-Ia étoit rédnit, ou a faire un détour par Nimptfch, ce qui donnoit aux Pruffiens le temps de le prévenir a PfafFendorf, ou a attaquer le pofte de Peila, qui étoit bon, & oü le Prince de Bévern pouvoit fe foutenir avec honneur. D'ailieurs, en fuppofant que les impériaux euflent pris la route de Landshut pour fecourir Schweidnitz, ils ne pouvoient defcendre dans la plaine qu'apres deux grandes marches, au lieu que les troupes du Roi pouvoient fe tranfporter en fix heures de Péterswalde aFreybourg, oül'oti avoit préparé un camp, pour couvrir en cas de M 7  278 HIST. DE LA CUERRE befoin Ie fidge de Schweidnitz de ce cóté. Si le Roi n'occupa point les hauteurs du Hutberg & du Kletfchberg, c'eft que ces terrains ne répondoient pas a fes deux objets principaux, favoir de couvrir le flanc de M. de Wied, & le fiége. Le Hutberg & le Kletfchberg font devant la gorge de Biela, oü l'ennemi avoit un pofte fortifié, & qui tenant a la Eule lui donnoit la facilité d'en débottcher avec toute l'armée derrière la pofition qu'on auroit prife ,• ce qui pouvoit amener les fuites les plus facheufes. Comme d'ailieurs ces collines fe trouvoient trop éloignées de la pofition des troupes pruffienues pour leur nuire, il étoit bien certain que les Autrichiens en les occupant n'y pouvoient trouver aucune forte d'avantage. A peine le Prince de Bévern eut - il joint Ie ccrps du Roi, que M de Beek, qui le fuivoit en 1'obfervant, parut fur le Kletfchberg; il ne trouva pas cependant a propos d'y féjouruer long -temps, & il fe retira a Silberberg. Les houfards de Moering donnèrent fur fon arrière-garde, & lui enlevèrcnt un Iieutenant-colonel, quelque monde & du bagage. Nous avons déja dit que les Autrichiens avoient un pofte retranché dens la gorge des montagnes qui s'uuvre au village de Langen-Bielau. Ce village, dont les Pruffiens occupoientles deux tiers, étoit garni par les volontaires de Hordt, & fervoit de pofte d'avertiffement; on avoit pouffé au de-la des détachemens de houfards fur le Hutberg & le Spitzbergj on prévoyoit cependant que  DESEPTANS. &7Q f ennetni, en débonchant des montagnes-, choifiroit cet emplacement pour fon camp, & comme on avoit réfolu de le tui abandonner, on n'y avoit placé que de légers détachemens, prêts a fe retirer au premier fignal. Tout ce qu'on avoit prévu, arriva pour cette fois. Le i 6 d'Aotit le Maréchal Daun déboucha dans ces vallées fur différentes colonnes. Son avant-garde efcarmoucha avec le détachement de Langen - Bielau , qui fe retira en bon ordre fur .'armée du Roi. Le Maréchal Daun , a la tête de 40 bataillons & d'autant d'efcadrons, prit fon camp, qu'il étendit depuis le Huiberg jusques vers Heidersdorf. M. Beek occupa en même temps le Ktetfchberg avec 12 bataillons & 20 efcadrons. Comme les impériaux avoient confidérablement dégarni leurs poftes des montagnes pour affembler cette année ,on necouroitaucunrisqued'en faire autant, de forte que le Roi attira a lui les brigades de Ramin & de Saldern, avec lesquelles fon corps, y compris celui du Prince de Bévern, frifoit82bataillons & 80 efcadrons; cependant la vérité du fait exige que nous ajoutions que ces deux brigades n'arrivérent le foir qu'aprês la fin de 1'action. Le Roi avoit fait d'avance fes difpofitions pour la défenfe réciproque de ces deux camps; il étoit convenu avec le Prince de Bévern qu'ils fe porteroient mutuellement du fecours. On avoit élargi les chemins & préparé les Communications; ladispofition portoit que celui des deux corps qui feroit aüailli par l'ennemi, fe borneroit a la fimple défeu-  2Ïo HIST. DE LA GUERRE fe de fon camp, tandis que 1'autre voleroit a fon fecours & agiroit offenfivement. Le terrain fe prêtoit a merveille a cette manoeuvre; car en fuppofant que le corps de Péterswalde füt attaqué le Prince de Bévern fe portoit naturellement fur le flanc droit & a dos de l'ennemi; & au cas que le corps de Peila füt affailli, le Roi faifoit une manoeuvre pareille avec fes troupes fur la gauche des impériaux. Vers le midi on s'appercut que Ie desfein du Maréchal Daun étoit d'attaquer le Prince de Bévern. Toutes fes forces fe portoient fur la droite vis-a-vis du camp de Peila; au lieu que s'il eut voulu s'engager avec le corps de Péterswalde, il devoit renforcer fa gauche, & s'étendreaux gorges des montagnes. B n'y avoit point d'infanterie dans cette partie-Ia. Tout ce qui fe préfentoit vers la droite du Roi, ne confiftoit qu'en quelques efcadrons de houfards, qui ne pouvoient attirer aucune attention fur eux. LeRoi, qui étoit certain qa'on auroit ce jour même ou la nuit fuivante une affaire avec l'ennemi, tenoit fon infanterie fous les armes, les chevaux de fa cavalerie fellés& bridés, &fon artillerie légère prés de cette cavalerie. B alla reconnoitre aux poftes avancés; a peine y fut-U qu'on vit détendre les tentes da Prince de Bévern, & qu'on entendit fon canon. Le Major Oftin, qui fe trouvoit fous la main avec un détachement de 500 houfards, fut envoyé in. ceffamment pour joindre le corps de Peila, & le Prince de Wurtemberg fe mit a la tête de cinq ré-  DESEPTANS. a8i gimens de cavalerie avec la brigade d'artillerie legére. M. de Mcellendorf eut ordre d'y tnarcher avec fa brigade. Le RoipritlerégimentdeWerner avec lui fur le champ de bataille. M. de Ziethen prit en attendant le commandeinent du corps de Péterswalde, pour empécher que malheur n'arrivat de ce cóté. Lorsque le Rot eut palfé Reichenbach, il décotf vrit toute la difpofition dans laquelle les ennemis attaquoient le Prince de Bévern. M. de Lafcy avoit dépaffé le village de Peila avec 6 battaillons, qu'il tenoit couverts derrière une collinefur laquel. le il avoit établi une>atterie de 20 piéces de canon. Dix autres bataillons fe préfentoient du cóté de Gnadenfrey; ils avoient pareillemertt formé une grande batterie devant eux. Leurdeffein étoit d'attirer fur eux 1'attention du Prince de Bévern, pour qu'il ne s'appercüt pas de la manceuvre de M. de Beek, qui fe glifibit par les bois pour lui tomber a dos. M. Odonel avoit débouché en même temps avec 40 efcadrons du village de Peila, pour couvrir le flanc gauche de M. de Lafcy. La cavalerie de Lentulus, qui étoit du corps du Prince de Bévern, & les houfards d'Oftin, avoient déja rejeté a trois reprifes les cuiraffiers impériaux dans ce village. Sur ces entrefaites arriva le Prince de Wurtemberg; il fe forma incontinent fur le flanc de l'ennemi, M d'Odonel n'avoit aucune bonne pofition a prendre. S il faifoit front au Prince de Bévern, il prêtoit le flanc au Prince de Wurtemberg; & s'il faifoit face au corps de ce Prince,  282 IHST. DE LA GUERRE. il donnoit z M. Lentulus prife fur fa droite, & de plus il avoit a dos le feu du canon du Prince de Bévern. Dans cet embarras, qui agitoit M. d'Odonel & que fes cuiraffiers reffetatoient, il recut unevoléede 15 pièces de tS livres de fartillerie lègére, dont on avoit formé une batterie a la hate. Cela acheva de répandre la confufion parmi fon monde. Le Regiment de Werner, foutenu de celui de Czetteritz, chargea en même temps cette cavalerie impériale , & après un choc vigoureux, il la rejeta au dela du village de Peila. La fuite de cette cavalerie dégarnilfoit le flanc de M. de Lafcy, qui craignit pour fon infanterie , & fe hata de faire retraite. M. de Beek, qui s'étoit engagé avec Ie Prince de Bévern, lacha prife. La brigade de M. de Mcellendorf arriva, mais trop tard; car l'ennemi fe retiroit déja de tous cótés. Cette affaire coüta 1500 cavaliers aux Autrichiens,- les Pruffiens n'y perdirent que 400 hommes du régiment du Margrave Henri, qui fe fignala dans cette action, ayant lui feul fait tête a tout le corps de .VI. de Beek. Le Maréchal Daun , mécontent d'av oirmanqué fon coup, ne jugea pas a propos de demeurer plus long-temps fur le Hutberg, craignant peut-être pour fes poftes des montagnes qu'il avoit dégarnis; il fe retira le lendemain au foir par Wartha & Glatz a Scharfeneck, oü il demeura jusqu'a fin de la campagne fans donner aucun figne de vie.  DESEPTANS. 283 Le Roi fuivit les Autrichiens; mais comme ce pays montueux & rempli de défilés & de ruiffeaux n'eft guères propre pour les pourfuites, on ne leur fit aucun mal; on fe contenta de pouffer M. de Werner a Habensdorf, pour obferver de la les poftes de Silberberg & de Wartha. Tous ces mouvemens des troupes avoient nui au fiége de Schweidnitz, qui n'étoit pas auffi avancé qu'il auroit dti 1'ètre. M. de Guafco, qui en étoit Gouverneur, commengoit néanmoins a mal augurer de fa défenfe depuis 1'échec que Ie Maréchal Daun venoit de recevoir; tl fit donc une tentative pour obtenir une capitulation avantageufe, & la fortie libre de fa garnifon. Pendant cette négociation M. Laudon faifoit adroitement tomber entre les mains des Pruffiens des émiffaires, chargés de lettres pour le Gouverneur, qui contenoient toutes de grands projets que l'armée impériale vouloit exécuter pour fa délivrance. Mais quelque envie que Ie. Roi eut de prendre cette ville promptement, deux raifons 1'einpêchoient de confentir a li-, capitulation que M. de Guafco lui offroit. La première fe fondoit fur ce que M. Laudon avoit écrit 1'année précédente en termes pofitifs au Margrave Charles , chargé de la correfpondance de l'armée, touchant 1'exécution du cartel, que fa cour fe croyoit difpenfée de tenir fa parole & de remplir fes engagemens vis-a-vis du Roi de Pruffe , tant pour 1'échange des prifonniers que pour quelque objet que ce füt. On fit valoir cette ré-  Sept, 2S4 HIST. DE LA GUERRE ponfe a M. de Guafco, & on lui répondit que la parole qu'il offroit pour lui & pour fa garnifon, de ne point fervir d'une année contre les troupes du Roi, ne pouvoit point être acceptée après la déclaration formel.le de Ia cour de Vienne contenue dans la lettre de M. Laudon. La raifon la plus folide, & qu'on diffimuloit, étoit cue c'auroit été corromettre une faute capitale que de Iaiffer fortir 10,000 hommes d'une place qu'on alloit prendre en fe donnant un peu patience , paree que fi l'on rendoit cette garnifon aux impériaux, Ièur armée fe trouveroit de 10,000 hommes plus forte, & celle du Roi affoiblie au moins par 4,000 qu'il falloit mettre en garnifon dans cette place; ce qui rendoit en tout l'armée pruflienne de 14,000 hommes inférieure a celle de l'ennemi. On rompit cette négociation & le fiége continua comme auparavant. Le Roi s'y rendit en perfonne le 20 de Septembre, pour que les opérations fe pouffaffent avec plus de vigueur. Le Fèvre faifoit de la part des Prufliens les fonftions d'ingénieur en chef; il avoit en tête un des premiers ingénieurs du temps, nommé Gribeauval, qui défendoit la place. Le Fèvre voulut crever les mines des aflïégés, en faifant ufage de la nouvelle invention du globe da compreflion. Gribeauval lui en éventa deux; cela lui fit perdre la tramontane, & le Roi fut obligé de fe mêler du détail du fiége & de la direction des travaux; on prolongea auflitót la troifième parallêle; on y placa une batterie a brèche; on établit  DE SEPT /i N S, 285 des ricochets a la briqueterie; l'on fit encore une autre batterie fur le Kuhberg, qui battoit les ouvrages attaqués a revers; on fit fauter quelques ra« meaux des mines des afliégés. La garnifon fit deux forties , & délogea les Pruffiens d'un entonnoir couronné, dont ils vouloient déboucher par de nouveaux rameaux. Ces chicanes prolongèrent la durée du fiége, paree qu'il falloit faire une guerre fouterraine. Toutefois la plupart des canons de la place étoient ou évafés ou démontés; les vivres commencoient a devenir rares, & l'ennemi fe feroit rendu par cette raifon, fi une bombe en tombant devant le magafin a poudre du fort de Jauernick, dont le hazard voulut que la porte füt ouverte, n'eut mis le feu aux poudres, bouleverfé une partie du fort, & tué 300 grenadiers des ennemis. Cet accident, qui ouvroit la place , obligea le Gouverneur a battre Ia chamade. La ville capitula le 9. M. de.Guafco, avec fa garnifon forte de 9,000 hommes, fe rendit prifonnier de guerre; ils furent envoyés en Pruffe. M. de Knobloch fut chargé du gouvernement de cette place, & M, de Wied païtit pour la Saxe avec un gros détachement t pour y renforcer Ie Prince Henri. Ainfi fe termina la campagne de Siléfie, moins bien qu'on ne put le préfumer au commencement, mais mieux qu'on ne pouvoit 1'efpérer après la dernière révoluiion de la Ruflie. Le Roi donna le commandemem des trcupes en Siléfie au Prince de Bévern; il envoya Mrs. de Ramin, Mcellendorf & Lentu- Ofloljre 8-  Campagne du Prince Henri. Juin. 286 HIST. DE LA GUERRE lus avec leurs brigades en Luface, pour occuper les environs de Gcerlitz, & pour donner aux Autrichiens de la jaloufie furZittau & fur la Bohème , afin de faciliter les opérations du Prince Henri. L'armée de Siléfie entra en cantonnemens prés du camp retranché qu'elle avoit tenu toute la campagne , & que l'on fe contenta pendant 1'hiver de garder par des détachemens, qu'on relevoit tous les huit jours ; après quoi Sa Majefté fe rendit elle-méme en Saxe. Tandis que M. de Wied eft occupé a traverfer Ia Luface, nous reprendrons le fil de la campagne de S. A. R., que nous fuivrons jusqu'a 1'arrivée de ce fecours. Nous avons laifTé ce Prince occupé a déranger les projets de M. Serbelloni, & M. de Seidlitz aux mains avec les troupes des cercles, qu'il pouffa du Vogtland jusqu'au margraviat de Bareuth. S. A. R. voulut tirer raifon des infultes que les ennemis avoient tenté de faire a fes poftes. Comme toutefois elle ne pouvoit les brusquer dans les poftes formidables oü ils étoient folidement établis, elle ft propofa de prendre fa revanche par des diverfions en Bohème. Dans cette vue M. de Kleift franchit le Basberg & répandit la terreur dans le cercle de Saata Le bruit de cette alarrae parvint bientót a M. de Serbelloni, qui envoya M. Blonquet a la tête de 4,000 hommes au fecours de Ia Bohème. Ce Général fit retrancher le chemin d'Einfiedel, oü il placa quelque monde, & s'établit a Dux avec le gros de fa troupe. D'autre  DESEPTANS. 287 part l'armée des cercles s'étoit rapprochée d'Oelstiitz, d'oü elle vouloitprendrele chemin de Sehneeberg , & longer les frontières de la Saxe dans 1'intention de fe joindre a M. Blonquet. M. de Kleift, qui étoit a peine revenu de la Bohème, fut obligé d'y retourner pour faire avorter ce deffein; il rasfetnbla prés de Porfchenftein le détachement qui devoit fervir fous fes ordres, il forca le retranchement d'Einfiedel. &" y prit 400 hommes & un canon. De-la il donna fur les dragons de Bathyani, qui venoient au fecours des troupes qu'il avoit battues, & les mit en déroute; enfuite il pourfuivit M. Blonquet, qui a fon approchefe retirade Dux a Tceplitz. II 1'y laiffa & vola vers le Basberg, oü il fe mit fur le flanc de 1'arméedes cercles, qui fe replia tout de fuite fur Annaberg, puis fur Hof, & enfin fur Bareuth. Le Prince Henri réfolut fur cela d'envoyer en Bohème un corps plus confidérable, & de profiter de 1'abfence des troupes des cercles pour frapper un coup d'éclat. Son deflèin étoit de chaffer l'ennemi de Tceplitz, & de fe rendre maitre d'Altenberg, pour toumer par ce moyen le pofte de Dippoldiswalda; ce qui auroit forcé les impériaux a 1'abandonner. M. de Seidlitz, qui fut chargé de 1'exécution de ce projet, fe contenta de Iaiffer après fon départ M. de Schulenbourg avec 500 chevaux vis-a - vis du Prince de Stolberg & de l'armée de 1'Empire pour les obferver, & avec fon détachement il entra en Bohème, oü ayautfait une marche  288 HIT. DE LA GUERRE Aou armée de Bareuth a Caden- oü le Colonel Tcerreck Ie jpigi il Du cóté des Pruffiens M. de Belling venoit de joindre l'armée de Saxe; il fut auffitót em-  DESEPTANS. 289 employé, & envoyé dans Ie Vogtlaud, d'oü ce Général profitant de 1'abfence du Prince' de Stolberg, fit une incurfion en Bohème, dans Finten* tion de 1'y rappeler. II arrivé a 1'improvifte devant les portes d'Egra, fait tirer quelques coups de canon contre la ville, & il s'en faut peu que la foible garnifon qui défend la place, ne fe rendè a fes houfards. Mais S. A. R. eut bientót befoin de fon corps ailleurs, & il fut obligé de paffer es Luface, pour s'oppofer a M. Luzinsky, qui ródoit avec fon corps du cóté d'Elfterwerda & de Senftenberg, & auquel on prêtoit de plus grands deffeins. Quetque peu de progrès que les Pruffiens euffent faits jusqu'alors, ils n'en avoient pas moins irrité la cour de Vienne, qui mécontente au fuprême degré des incurfions qui s'étoient faites en Bohème, en rejetoit toute la faute fur fes généraux. L'Impératrice étoit furtout indignée de ce que M. de Serbelloni ne feifoit rien avec la nombreufe armée dont il avoit le commandement. On s'en prenoit a lui de ce que qu'il n'avoit eu ni affez d'habileté , ni affez de vigiiance pour cou. rir le royaume de Bohème. Ce mécontentement donna lieu a fon rappel, & la cour le rernplaca par' M. de Haddick, que le Maréchal Daun avoit mis en crédit. Le Prince de Stolberg, qui durant ce temps-la continuoit toujours fa marciie, paffa par Tceplitz, par Gieshubel & joignit l'armée impériale auprès de Dresde, otuv. e«jiK. it Fr. r, r. ir. n  teoo HIST. DE LA GUERRE Scpc. \ peu prés dans le même temps cm M. de Haddick en prit ie commandement, Ce nouveau Général voulut fignaler fon arrivée par un coup d'éclat; il ordonna qu'on fit le 27 de Septembre une attaque générale fur tous les poftes détachés du camp de Pretfchendorf. M. de Buttler en effet forca quelques poftes retranchés dans le bois du Tharand, défendus par des bataillons francs, tandis que le Prince de Lcewenftein, dont le corps venoit de la Bohème, contraignit M. de Kleift a fe replier fur Seyda. Le lendemain S. A. R. fit chaffer M. de Buttler des poftes dont il s'étoit emparé, & M. de Seidlitz obligea 3,000 Autrichiens a quittcr Ie fond de Frauenftein. oü ils s'étoient logés la veille. Les avantages qu'on gagnoit de ce cóté-la, n'empêchèrent pas que M. de Lcewenftein ne poulfat encore les troupes de M. de Kleift, & qu'jl ne s'établit avec fes Autrichiens a Seyda. Cette pofition qu'il venoit de prendre, expofoit la boulangerie pruflienne de Freyberg a être enlevée, & le Prince Henri fe trouvoit avoir en même temps un corps d'ennemis a dos. D'ailieurs le terrain que ce Prince avoit a défendre étoit fi étendu, que de quelque cóté que l'ennemi fe füt porté en force, il auroit eu le deffus. Ces motifs portèrent S. A. R. a quitter les environs de Pretfchendorf, & z prendre fon camp a Freyberg derrière la Mulde; ce qui s'exécuta le 31 Septembre. Le même jour Mrs. de Forcade & de Hulfen reprirentle  DE S E P T A NS. 291 camp de Meiden & des Katzenhajufer. M. de lielling, qu'on avoit fait revenir de la Luface, fut détaché avec M. de Kleiit au village de Hartmannsdorf, d'oü ils poudérent a Grofs Schirna, pour en défendre le gué contre M. de Lce.venfteiti, qui s'étoit pofte derrière le ruiffeau & le village de Chemnitz. Le camp de Freyberg que S. A. R. avoit pris, avoit encore le défaut d'être trop étendu, ou pour mieux dire, l'armée avoit celui de n'être pas affez nombreufe. Enfin on avoit a défendre tous les gués de la Mulde, & furtout le flanc droit, qui fait front au village de Brand & vers la Rathsheide. Outre ce grand emplacement a défendre, il falloit aflurer la communication avec le corps des Katzenhteufer & de Meiffen, en occupant le pofte de Noflen. Mrs de Hulfen &" de Forcade n'avoient a eux deux que 14 bataillons pour foutenir les bords de la Tripfche, de forte qu'il ne pouvoit plus détacher, pour ainfi dire, un homme fans fe dégarnir entièrement. Le Prince réfolut de retrancher fon camp-, mais il ne put raffembler aflez de travailleurs, ni ramaffer des inftrumens en aufii grand nombre qu'nn travail aufli étendu fembloit le demander, de forte que les ouvrages qu'on avoit projetés,ne furent qu'a peine ébauchés. Telle étoit la fituation des affaires, lorsque le 14 au matin M. de Ried parut avec 15 bataillons vis - it - vis de M. de Hulfen fur les hauteurs de Seligenftedt. Le centre de l'armée de M. de N a a Getob-6  202 H1ST. DE LA GUERRE Haddick fe porta en même temps fur Niederfchcene; les troupes des cercles fe campèrent au village de Chemnitz; M. de Campitelli fe forma au village de Weiffenborn a 1'extrémité de la droite de S. A. R ; & outre les corps dont nous venons de parler, M. de Klefeld fe porta avec 5,000 chevaux contre M. de Belling, pour Ie déloger de Hartmannsdorf. Belling fit mine de fe retirer; mais faifant foudain volte face , il chargea l'ennemi avec tant de furie, qu'il le mit en fuite & reprit fon pofte. Les deux armées paffèrent la nuit au bivouac. Le lendemain l'ennemi attaqua férieufement tous les paflages de la Mulde. 11 fut repoufle par les Pruffiens de tous les cötés. Immédiatemer.t après que les affaillans fe furent retirès, S. A. R. fe rendit a fa droite. C'étoit fur Ie foir, il faifoit déja obfeur; mais avec quelle furprife n'appercut-elle pas la confufion qui y régnoit! M. de Belling avoit été chatfé de fon pofte* Le Prince de Stolberg avoit profité de ce moment pour occuper le Rathswald, par oü il fe trouvoit fur le flanc & a dos des Pruffiens. Ce dérangement confidérable obligea S. A. R. d'abandonner fa pofition , qui dans ces circonflances n'étoit plus tenable. Elle partit a minuit, fit marcher fon armée fur trois colonnes & gagna le Cellifche Wald, fans. que l'ennemi s'en doütat, ou fit mine de 1'inquiéter. Les troupes fe baraquèrent dans la forêt pour fe garantlr contre Ie froid. Le lendemain on prit une pofition plus avantageufe eutre Reichberg  DESEPT/INS. 293 & Voigtsberg. M. de Haddick demeura avec Ie gros de fon année fur le Landsberg, & les troupes des cercles, renforcées par M. Campitelli, fe retrancheren: a 1'entour de Freyberg , oü M. de Maquire devoit les joindre dans peu. D'un autre cóté M. de Wied étoit en pleine marche; il s'approchoit de Bautzen , & devoit occuper les hauteurs de Weifïïg, pour s'avancer fur le Cerf blanc, par oü il fe trouvoit a dos du pofte de Bocksberg , & pouvoit bombarder la nouvelle ville de Dresde. Cette diverfion lu1 avoit été preferite, pour obliger M. de Haddick a faire un gros détachement au dela de l'Elbe, afin de donner au Prince Henri le temps de refpirer, & de pouvoir rétablir fes affaires. Mais le Maréchal Daun , qui avoit trés bien pénétré 1'intention du Roi, pour que M. de Haddick confervftt la méme fupériorité en Saxe , avoit fait cótoyer M. de Wied par le Prince Albcrt de Saxe avec un détachement de 12 bataillons & de .15 efcadrons. Ce Prince traverfa Zittau, & gagna les hauteurs de Weifïïg avant les Pruffiens. M. de Wied ayant ainfi manqué fon coup, fe replia fur Radeberg; il tourna de la fur Grofs Dobritz, pour s'approcher de l'Elbe & fe joindre a l'armée de S. A. R. après avoir paffé ce fleuve. Pendant que ceci fe pafloit en Luface, le Prince méditoit un coup par lequel il fe promettoit de prendre fa revanche fur les ennemis. Il étoit obligé de rechafllr les impériaux & les troupes N 3  394 HIST. DE LA GUERRE des cercles des montagnes de la Saxe, tant paree qu'il en avoit befoiii pour faire fubfifter fes troupes pendant 1'hiver, que paree qu'il étoit important de ne pas perdre de tertain a 1'approcrie de la paix; ne devoit-il pas d'ailieurs vniger 1'honneur des armes prufïïennes, & ne pouvoit-il pas appréhender avec fondement, que s'il laiffoit le temps au Prince de Stolberg de recevoir fes fe. cours, ce Prince n'entreprït lui-même une expédition contre les Pruffiens? Laprudence. 1'honneur, 1'intérêt, la politique , tout fe réuniflbit pour 1'engager a prévenir les ennemis. S. A. R. ne retarda pas 1'exécution de fon projet. Elle fe mit en marche Ie 28 d'Oétobre. Sa droite paffa par les villages de Braunsdorf & de Hennersdorf; fa gauche, après avoir paffé Ie défilé de Grune, fe fépara en deux corps, dont 1'un s'arrêta a Hennersdorf & 1'autre a Grofs Schimn. Ces troupes fê tnirent en mouvement le 29. L'extrémité de Ia gauche, qui devoit attirer fur elle 1'attention de l'ennemi , fut rangée' par M. de Forcade fur la hauteur de Grofs Schirna. M. de Belling chaffa les impériaux du bois de la Struht & s'y éiablit avec 2 bataillons & 10 efcadrons. Cette pofition fournit a M. de Stutterheim Paine" la facilité d'établir des batteries contre les- redoutes que l'armée des cercles avoit prés de Waltersdorf. La droite du Prince continua fa marche, & laiffa cette batterie & le bois de Ia Struht a gauche. M. de Kleift avec fon avant garde fut obligé de dé-  DESEPTANS. 295 barraffer deux abatis foutenus de Croates, & d'en déloger les troupes, pour en ouvrir le chemin ft la colonne de S A. R. Cependant le Prince de Stolberg & M. de Campitelli s'étoient mis en bataille autour de Freyberg. Leur droite s'appuyoit a Tutendorf; leur gauche, qui s'étendoit derrière le défilé de Waltersdorf, alloit aboutir au Spittelwald ; outre cela ils avoient fait conftruire des redoutes fur les hauteurs de Curbitz, qu'ils avoient entourées d'abatis. La marche de S. A. R. la conduifit dirsétement derrière cette pofition. Aufïïtót que le Prince de Stolberg s'en appercut,il fitufage de la feconde ligne, pour en remplir lefvuide qui reftoit entre fa gauche & la hauteur des drey Creutzer. A trois mille pas de cette armée, entre le Brand & Erbisdorf, on appercut encore un corps d'a peu prés 6,000 hommes, qui fe préfentak fat ces hauteurs, commandé par un Général Mayer. Les Pruffiens étoient déja arrivés au Spittelwald; ils 1'attaquèrent vigoureufement & y prirent tout un bataillon impérial de Wied. Mrs. de Duringshofen & de Mannftein furent pofiés ft ce bois entre le village de St Michel & le Spittelwald avec 4 bataillons & 6 efcadrons, pour tenir en échec le corps de ce Général Mayer. Ces précautioua prifes, les grenadiers pruffiens paffèrent la partia de ce bois la plus voifine du village de St Michel, & fe mirent en bataille vis-ft- vis de la hauteur des drey Creutzer. Ces grenadiers, foutenus de cui« N 4  sp5 HIST. DE LA GUERRE raffiers & de dragons, attaqueren* l'ennemi, & après un feu qui dura a peu prés une heure & demie, ils remportèrent la vicloire. M. de Seidlitz alors avec fa cavalerie donna fur les fuyards & fit des prifonniers jusqtfaux portes de Freyberg. Les troupes des cercles abandonnèrent fur cela les redoutes du cóté de Waltersdorf. M. de Stutterheim faifit ce moment pour paffer ce défilé & Ia. ener fa cavalerie fur les fuyards, ce qtti augmenta la confufion & la déroute des vaincus. M. de Buttler, qui n'avoit point paffé ia Mulde, n'ayant été jusqu'alors que fpectateur del'aétion, voulut y étre pour quelque chofe; il envoya (mais trop tard) le régiment de Jufeph Efterhazy au fecours des troupes des cercles, & tout ce régiment fut fait prifonnier; enfin le Prince de Stolberg, Campitelli, Mayer & Buttler même, tous s'enfuirent jusqu'a Frauenftein, oü a peine ils fe crurent en fureté. Ils perdirent dans cette bataille 30 pièces de canon, 66 officiers & prés de 8,000 hommes, dont 4,000 furent faits prifonniers par S. A. R. La perte des Pruffiens ne monta pas a mille hommes, paree qu'ils n'éprouvèrent pas une réfiftance bien opiniatre; ils n'étoient forts que de 20 bataillons & de 60 efcadrons. L'ennemi qu'ils eurent a combattre, outre 1'avantage que lui donnoit le terrain, s'il avoit fu s'y défendre, avoit 49 bataillons & 78 efcadrons. Mais les fuccès des armées dépendent plus de 1'habilité du général qui les commande, que du nombre des troupes qui  DE S E P T ti N S. a97 les compofent. II feroit fuperflu de faire ici lepanégytïque de S. A. R.; le plus bel éloge qu'oa puiffe en faire eft de rapporter fes aétions. Les connoiffeurs y remarqueront aifémeut ce mélange heureux de prudence & de hardieffe fi rare & fi défiré, qui unit & raffemble le plus de perfeélions que la nature puiffe accorderpour former un grand homme de guerre. Après cette victoire le Prince fit nettoyer les bords de la Wilde Weiftritz du peu d'ennemis qu'il y avoit encore; ce qui caufa une fi vive alarme i M. de Haddick, qu'il fit paffer l'Elbe fur le champ aux troupes du Prince Albert, & qu'il envoya un reufort confidérable au Prince de Stolberg, pour le mettre en état de foutenir fa pofition de de Frauenftein. M. de Wied arriva le i de No. Novi vembre au camp de Schlettau, pour relever M. de Hulfen, dont le corps fe joignit a l'armée de S. A. R. M. de Platen fut pouffé en avant & paffa la Mulde avec un corps de 9,000 hommes. M. de Belling s'avanca entre Saffelbach & Burkersdorf, oü il alluma la nuit des feux comme ceux d'une grande armée. En méme temps M. de Wied fit un detachement aNaukirch, pour alarmer le camp de Plauen. Ces mefures prifes avec tant de jufleffe produilirent 1'effet qu'on devoit en attendre; car ie Prince de Stolberg fe replia la nuit méme fur Altenberg vers les frontiéres de la Bohème. Sur quoi M. de Belling occupa les environs de FrauenMn, & M. de Platen fe carspa a Porfchenitein, N t  2p3 HIST. Z>E LA GUERRE 6. 3 Nov, 3 VirfaiI«S. pour couvrir le corps de M. de Kleift, qui entra en Bohème par le chemin d'Einfiedel; il ruina Ie magafin confidérable que les impéraux avoient & Saatz, fit des incurfions jusqu'a Leutmeritz, & rentra en Saxe par le Basberg. Le Roi arriva vers ce temps a Meiffen; 11 fit, avancer M. .de ;Wied vers Keffelsdorf. Ce Général rencontra un pofte d'avertiffement de M. de Ried au Landsberg. Mrs d'Anhalt & de Prittwitz 1'attaquérent, & y prirent 4 canons & 500 hommes. Ce M. d'Anhalt eft le même qui avoit le plus contribué a 1'aftaire de Lüngenfalza & a eelle de Leutmannsdorf. Cette belle action fit la clöture de la campagne. La fai-. fon, qui devenoit fortrude", obligea d'affigner des quartiers de cantonnement aux troupes. Les préliminaires de la paix furent fignés vers ce temps-la entre les Francois & les Anglois. Les Anglois, dont la conduite avoit été fi odieufe depuis que M. Bute avoit eu 1'adminiftration des affaires, abandonnéren! entiörerement les intéréts, dti Roi dans le cours de cette négociation; ilsconfentirent même a ce que les Francois demeuraffent en poffeffion du duché de Clèves & de la principauté de Gueldre. Cet abandon obligea le Roi a chereher des moyens de réduire la cour de Vienne a faire une paix équitable. Les princes de 1'Empire étoient las de la guerre; ils voyoient l'armée francoife prête a repaffer le Rhin. II parut que ce feroit Ie temps de les réduire a la neutralité, & par conféquent d'ifoler tout a fait flmpératrice  DE S E P T /INS. 2p9 Reine. Dans cette vue M. de Kleift fut envoyé dans 1'Empire avec fon corps. II s'empara de Hamberg, inquiéta Nuremberg. Ses houfards paruren*, aux portes de Ratisbonne ; la diète en fut troublée dans fes délibérations. Plufieurs députés remplis d'e'pouvante prirent la fuite. Le Duc de Wurtemberg fut fur le point de fe fauver en Alface. En» fin les effets de cette incurfion furent tels, que les Elefteurs de Baviére & de Maïence, & les Evêques de Bamberg & de Wurzbourg demandérent la paix, promettant de retirer d'abord le contingent qu'ils avoient a l'armée des cercles. Le feul moyett d'éteindre 1'embrafement de 1'AUemagne étoit d'écarter les matières combuftibles qui pouvoient nourrir cet incendie. M. de Kleift, après cette belle expédition, ramenaau commencementde Janvier fes troupes en Saxe: on tiraun cordon le long de la Tripfche & dela Mulde, qui s'étendok de Seyda a Meiffen. D'autres corps furent répandus a Chemnitz , Zwickau & Gérale long des frontiéres de Ia Bohème, & le gros de l'armée fut dififibué depuis Sorau jusqu'aux extrémités de la Thuringe. N 6*  Soo HIST. DE LA GUERRE CHAPITRE XVII. De la paix. L/Es troupes comrnencoient a cantonner, queM. de Fritfch, Confeiller du Roi de Pologne, fe rendit a Meiffeh, oü étoit Ie quartier général. II avoit des terres dans le voifinage, de forte que fon arrivée ne parut point extra - ordinaire. II demanda audience au Roi, & débuta par quelques lieux cornmuns fur les malheurs de Ia guerre & fur les avantages de la paix; a la fuite de quoi il s'ouvrit davantage, en ajoutant que la paix étoit peut être moins éloignée qu'on nele penfoit, qu'il étoit même chargé de certaines commiffions, dontil netardoit a s'ouvrir que pour favoir préalablement fi elles ne feroient pas mal recues. Le Roi lui réponditquefes ennemis 1'avoient forcé a faire la guerre, que c'étoient eux qui jusqu'a préfent s'étoient oppofés a la paix, ou 1'avoient éludée fous différens prétextes; que ce n'étoit pas a lui qu'ilfallojt demander s'il défiroit la fin des troubles de 1'AlIemagne, mais bien a ceux qui les avoient fomentés& entretenus jusqu'alors, dont 1'animofité & 1'acharnement avoient augmenté a raifon de 1'oppofition & de la réfiftance qu'ils avoient rencontrée dans 1'exécution de leurs pernicieux deffeins. Alors 1T. Fritfch préfenta au Roi uue lettre du Prince élefto-  BESEPTANS. 301 ra!, qui portoit que ce Prince ayant a cceur la tranquillitê de F Europe, avoit employé tous fes foins pour la rétablir, & que pour cet effet il avoit fait fonder les intentions de flmpératrice Reine, & 1'y avoit trouvée toute difpofée; que ne s'agiflant que du concours de S. M. pruflienne pour terminer les différeus des puiffances belligêrantes, il prioit S. M. de vouloir s'expliquer avec lui fur ce fujet. Après cette leóture le Roi retraca toute la conduite que la cour de Vienne avoit renue pendant cette guerre, & dit que fes anciens ufages étant de faire toujours la paix après fes alliés , comme fhiftoire en fourniflbit tantd'exemples, il n'étoit point apparent qu'elle en eut ft préfent 1'intention fincère ; que cependant, pour ne point avoir ft fe reprucher d'ayoir réjeté des ouvertures qui pourroient mener ft terminer cette funefte guerre , par cette confidération feule le Roi lui déclaroit, que quelques raifons qu'il eüt de demander des indemnifations qu'il éüt de demander des iudemnifations pour les cruautès & les ravages qu'on avoit commis dans les provinces de fa dominfttion, il s'en défiftoit par amour pour la paix, ft condition toutefois qu'aucun de fes eunëmis n'inflfteroit de fon cóté fur de pareilles indemnifations, paree qu'il étoit trés-réfolu de ne point perdre par un trait de plume ce qu'il avoit dèfendu jusqu'alors, & ce qu'il étoit encore fort en état de défendre par 1'épée; &ilajouta; „Si donc la maifon d'Autriche f,a réelleiuent deffein de négocier avec moi, il N 7  Soa HIST. DE LA GUERRE „ faut, pour prévenir toute e'quivoque & toute iff. „teprétation ambigue, que nous convenions pre'a. „ Iablemeiït des principes que nous adraettrons de „ part & d'autre , & je n'en vois que trois qui „pu flent conduire cet ouvrage a une fin défirable, „favoir: qu'on faffe une paix équitable, oü au„cune des parties contraflantes ne foit léfée; que „ les conditions en foient honcrables pour Ceux „qui y concourent; & qu'elle foit cimentée par „ des mefures affez folides pour qu'elle puiffe être „ durable".^ M. Fritfch comprit par la réponfe da Roi qu'il devoit furtout guérir 1'efpris dece prince de la mèfiance qu il avoit au fujet de fincérité des intentions de la cour de Vienne. Pour achever de Ie convaincre des bonnes difpofitions oü 1'Impératrice fe trouvoit ft 1'égard de Ia paix, il lui coromuniqua uue relatïon que le Sieur Saul, émiffaire ft la cour de Vienne, venoit d'envoyer au Prince électoral. Cette relation contenoit des affurance's que le Comte Kaunitz avoit donnés au Sieur Saul du défir de flmpératrice de terminer promptement cette guerre, & portoit aufïï que Ie Comte Kaunitz avoit aflüré I'émiffaire qu'ft deux reprifes 1'impératrice Reine avoit offert Ia paix au Roi de Pruffe, la première fois par le canal de la France & la feconde par celui de 1'Angktterre, & que les refus du Roi jufüfioient les mefures que la Reine fe trouvoit obligée de prendre pour Ia continuation dela guerre. CVtoient-lft des faits notoirement faux; car jamais il ne s'étoit fait d'ouverture au  DE S E PT A N S. 303 Roi de la part de la cour de Vienne, ni par la France, ni encore moins par 1'Angleterre. Ce début paroiffoit de mauvais augure; quelle efpérance pouvoit. 011 fonder fur une négociation qui s'entamoit pas des fauffetés ? Toutefois, comme les bagatelles nuifent fouvent aux grandes chofes, fans s'arrèter aux propos que le Comte Kaunitz avoit tenus a un émiffaire faxon, il ne falloit qu'entrer* dans 1'examen des raifons que 1'Impératrice pouvoit avoir de faire la paix, pour fe convaincre que leur folidité & leur poidsdevoientfaire impreffion fur fon efprit. Cent mille Turcs fur les frontiêres de la Hongrie étoient un argument trés - capabled'infpirer des fentimens pacifiquesauconfeilct'Etatleplus acharné a la guerre. Ajoutez a cette confidération la défeftioii des Ruffes & des Suédois, dont les premiers avoient même fait une partie de Ia dernière campagne avec les Pruffiens; & quand on n'auroit pas eu de nouveaux ennemis a craindre en eux, c'étoient toujours d'anciens amis, & par conféquent autant de diverfions de moins contre la Pruffe. Ne devoit- on pas faire atténtion a Vienne a la paix féparée que les plus grands fouverains d'Allcmagne venoient de conclure avec la Pruffe? Car de quoi étoit compofée l'armée de fEmpire ? n'étoit-ce pas de leurs troupes ? D'uu autre cóté les préliminaires entre les Francois & les Anglois étoient fignés, & les Francois s'étoient engagés k retirer inceffamment leurs troupes d'Allemagne; il  304 HIST. DE LA GUERRE ne reftoit donc de toutes les parties belb'gérantes que 1'Impératrice & Ie Roi de Pruffe fur le champ de bataille, comme a peu prés deux champions abandonnés de leurs feconds dans nn combat a outrance. Voila' pour les raifons politiques. Celler que 1'intérieur de 1'Etat fourniffoit, n'étoient pas moins fortesr: c'étoient le déco.uragement produit •par les mauvais fuccès de la detnière campagne, les difficultés infinies qu'on rencontroit pour ramaffer les fonds nécelTaires aux frais de la guerre, la méfmtelligence des généraux, les brouilleries des miniftres, les diffentions dans la familie impériale, la fanté chancelante de 1'Empereur, & peutétre encore ce problème, fi Impératrice n'ayant pu réulïïr avec tant d'alliés a rabaitfer & a détruire la Prulfe, il n'y avoit pas moins d'apparence que jamais d'en venir a bout lorsqu'elle étoit feule & privée de tant de fecours. Les raifons de guerre étoient tout auiTi puiffantes que celles que nous venons d'alléguer. La ville de Dresde étoit mal approvifionnée, les magafins de la Bohème fe trouvoient en partie vuides, ou ruinés parl'incurfionde M. de Kleift. Cela devoit faire craindre naturellement, a Varfovie auiTi bien qu'a Vienne, que la ville de Dresde ne fut reprife par le Roi désle commencement de la campagne prochaine, & parconféquent que la Bohème nedevlnt, finon le théatre de Ia guerre, au moins celui des incurfions des troupe;. pruffiennes. Toutes ces raifons perfuadêrent le Roi que la cour de Vienne défiroit fincère-  DE S E P T A N S. 3°5 ment que la paix füt rétablie. Après y avoir mtirement réfléchï, il donna au Sieur Fritfch uneréponfe favorable, & le chargea d'une lettre pour le Prince électoral, dans laquelle il le remercioit des foins qu'il s'étoit donnés pour concilier les efprits, en 1'affurant que de fon cóté il contribueroit avec plaifir, autant que le permettroit fa gloire, au rétabliffement de la paix. Peu de jours après le Roi partit de Meiffen; il fit la toumée de fon cordon fur les frontières de la Bohème & de 1'Empire, d'oü il ferendit a Leipfic, pour y établir fon quartier durant 1'hiver. M. Fritfch s'y préfenta peu de jours après 1'arrivée du Roi; il y vint muni de la répi nfe que la cour de Vienne avoit donnée furies principes que l'on vouloit établir pour bafe de la négociation. Ce mémoire étoit cha'gé» de plufieurs expreffions emphatiques, énigmatiques, obfcures & inintelligibles paur tout autre que pour Ie Comte Kaunitz. Ileureufement le Comte Flemming. Miniftre de Saxe a Vienne; avoit commenté ce texte par une longue lettre, oü il expliquoitle ftyle ténébreux de la chancélerie autrichienne; il donnoit de foites afl'urances dela droiture des fentimens de flmpératrice, & du confentement qu'elle accordoit a toutes les reftitutions qu'on pouvoit exiger d'elle, en coufidération de 1'état déplofable oü 1'éleétorat de Saxe fe trouvoit réduit: il avertiffoit cependant par précaution , qu'on devoit s'attendre de Ia part des Autrichiens a quelques chincanes, & a quelques  3o6 MIST. DE LA GUERRE circonlocutions pour la forrae. Les parties étoient d'accord pour le fond, & la paix pouvoit fe conclure de la manière dont le Roi le défiroit. De fon cóté bien des motifs concouroient a lui faire préférer des conditions de paix modeffes & modérées a d'autres plus avantageufes, II étoit diamant moins a propos de rehauffer ces conditions dans 1'état oü fe trouvoient les chofes, qu'on n'auroit obtenu des dédommagemens que par des viftoires, & que l'armée fe trouvoit trop dégénérée pour qu'on püt s'en prbmettre des exploits éclatans. Le nombre des bons généraux avoit diminué, & l'on en manquoit pour conduire les détachemens. Les vieux officiers avoient péri dans un grand nombre d'occafions meurtrières oü ils avoient combattu pour la partie. Les jeunes officiers étoient d'un age a ne point promettre dé grands ferviees. Ces vieux foldats refpcaables, ces chefs de bandes n'exiftoient plus, & les nouveaux dont l'armée étoit compofée, cenfilroient pour Ia plus grande partie en déferteurs, ou en de jeunes gens foibles, au deffous de dix-huit ans, incapables de foutenir les fatigues d'une rude campagne; d'ailieurs bien des régimens, r^inés « dl* férentes reprifes, avoient é é jusqu'a trois fois ré« tablis pendant Ia guerre; de forte que les troupes, dans 1'état oü elles étoient, ne pouvoient s'attirer la confiance de ceux qui devoient les commander. A quels fecours enfin le Roi pouvoit - il s'attendrc en continuant la guerre? 11 fe trouvoit entiérement  DE S E P T A N S. 307 ifolé & fans alliés. Les fentimens de 1'Impératrice de Ruflie a fon égard étoient équivoques; les Anglois agiiToient envers lui moins en amis qu'en ennemis déclarés; les Turcs, étourdis detantderévolutions arrivées en Ruflie, incertains du parti qu'ils devoient prendre, déclinoient 1'alliance défenfive qu'on leur propofoit depuis fi long-temps; le Chan méme des Tartares venoit d'obliger le réfident pruffien a quitter fa cour. Indépendamment de toutes ces circonftances, il étoit fort a craindre que la prolongation de la guerre n'occafionnat la pefte en Saxe, en Siléfie & dans le Brandebourg, paree que la plupart des champs demeurant en friche, les vivres étoient rares & a un prix exceffif» & les campagnes dépeuplées d'hommes & de beftiaux, de forte qu'on ne voyoit dans toutes ces provinces que des traces affreufes de la guerre, & des prcetsff&Brs de plus grandes calamités pour 1'avenir. Dans des conjonétures auffi cruelles onn'avuitriena efpérer en continuant la guerre, Quand on auroit commencé la campagne qui étoit prés de s'ouvrir, 011 n'auroit pas obtenu pour cela demeilleures conditions; par un cercle vicieux & après une défenfe inutiie on auroit été forcé d'en revenir a celies dont on convenoit dès-lors. Les Autrichiens propoférent Ia tenue d'un congres; le Roi 1'accepta d'abord. ils nommêrent de leur part le Sieur Collenbach IVliniftre plénipotentiaire, & le Roi notnma du fien M. de Hertzberg, fon Conféiiler du cabinet: on convint de plus, que les  308 BIST. DE LA GUERRE conférences fe tiendroient a Hubertsbourg, & par un acte public ce lieu, ainfi que fon terriroire, fut déclaré neutre. Les conférences commencèrent le 31 de Décembre felon les formalités ufi« tées Ainfi dans ces temps heureux les efprits échauffés & irrités par la guerre fe calmèrent tout d'un coup du Nord au Sud de 1'Europe. Nous avons vu les préliminaires fignés entre la France & 1'Angleterre. Le mauvais fuccès de fes armes tant aux Indes qu'en Europe y avoit déterminé le miniftère de Verfailles; car dès le printemps de cette année les Anglois avoient conquis la Martinique, & durant 1'été ils avoient enlevé la Hava'ne aux Efpagnols, dont ils avoient entiêrement abymé la flotte. Ces malheurs, joints aux dépenfes exceffives dela France & a 1'impoffibilité de trouver de nouvelles reffources, avotefit enfin détenniné le ccr.fei! a la paix. Les Angleis de leur cóté, au lieu de faire une paix glorieufe, dont i!s pouvoient diéter les conditions a leurs ennemis, gouvernés par le Sieur Bute, facrifièrer t les intéréts de leurs alliés; ils avoient confenti que les Francois rèfhffent après la paix en poiTeffion desplaees de Wéfel, de Gueldre, & de leur territoire. Non content de fouler aux pieds les engsgemens & Ia bonne foi des traités, le Sieur Bute intriguoit encore a la cour de Pétersbourg, & y femoit des germes de méfiance & de fouppons contre le Roi, de forte que celui-ci ne pouvant compter fur aucune des puhTances de  DE S E P TA N S. 3 op 1'Europe, avoit tout lieu d'appréhender de nouvelles brouilleries-avec les Ruffes. Au milieu de cette agitation générale, oü fouvent on prenoit des réfolutions peu réfléchies, il arriva, fans doute contre 1'intention du miniftère britannique, qu'il rendit un fervice important a Ia Pruffe, & voici comment. A peine les préliminaires furent-ils fignés , que par un efprit d'é» pargne ce miniftère caffa toutes les troupes légères qui avoient fervi dans l'armée du Prince Ferdinand. De ce nombre fut la légion britannique,&cecorps de 3,000 hommes paffa au fervice du Roi,- il fut joint par t!oo dragons pruffiens de Bauer & par autant de volontaires de Bronswic que IeRoiavoit engagés. Ce détachement, qui formoit entre 5 & 6,000 hommes, eut ordre de fe porter incefiamment fur les frontières du duchè de Clèves, ce qui donna une étrange appréhenfion aux Francois. Bs s'imaginèrent que Ie Roi projetoit de faire une di« verfion ou en Flandre, ou dans le Brabant. Bs communiquèrent leurs foupgons aux Autrichiens, qui firent fur le champ partir 10,000 hommes, pour gagner les bords du Rhin. Le miniftère de IlaJ novre a fon tour fe figura, que le ccetir ulcéré de la conduite des Anglois, le Roi s'en vengeroit fur Téleclorat de Hanovre. En Angleterre on crut que le Roi en vouloit a l'évèché de Munfter,pour s'afiurer par-la la reftitution des duchés de Clê*' ves & de Gueldre; & comme le Sieur Bute étoit en traiii de donner en toute occafion des marqués  3io HrST. DE LA CUERRE de fa mauvaife volonté aux Pruffiens , il fit doubler la garnifon de Munfter, avec défenfe d'y Iaiffer entrer aucun Pruffien. Ainfi un événement fimple & naturel échauffa tout d'un coup 1'imagination des miniflres, & fit extravaguer la moitié de 1'Eutope. Cette démence tourna cependant a 1'avantage du Roi; ce prince n'avoit penfé ni a ces diverlions, ni a la ville de Munfter; 1'uniqne deffein qu'il avoit, étoit de furprendre la garnifon de Wéfel, pour s'en remettre en poffeffion. Cependant les Frangois, fortement frappés de 1'idée qu'une nouvelle guerre pouvoit fe rallumer en Flandre, & craignant d'y être enveloppés, propofêrent par le Duc de Nivernois au miniftre du Roi a Londres, un traité de neutralité pour la Flandre, moyennant lequel ils le remettroient en poifeffion des provin. ces qu'ils avoient envahies. Cette propofition fut auffitöt acceptée que faite j mais 1'éloignement des lieux, & la difficulté du trajet d'Angleterre dans cette faifon rude, furent caufe que la paix de Hubertsbourg fut fignée avant que 1'autre traité par: vint a maturité. Nous allons donc reprendre le fil des négociations en Saxe, oü fe réglèrent effeaivement tous les intéréts de Ia Pruffe qui reftoient a difcuter. Dès qne les plénipotentiaires fe furent affemblés k Hubertsbourg, le Sieur de Collenbach diaa un mémoire dont la fubftance étoit a peu prés telle. „Le Sieur de Collenbach, autorifé par fes pleins pouvoirs, déclaré que S. M. 1'Impératrice Reine,  DESEPTANS. 311 pour convaincre tout le monde qu'elle défiré fincèrement de voir la paix rétablie, nebalance point a faire les premières propofitions, & comme de part & d'autre l'on eft convenu de rétablir la paix fur des principes juftes, honorables & durables, pour qu'aucune des parties contraétantes ne fatre des pertes réellcs , ces trois qualités exigent les conditions fuivantes: 1) que la cour de Saxe foit comprife dans cette paix fur un pied convenable & réciproque; 2 ) qn'on ait de juftes égards pour les Etats de 1'Empire, nommément ceux de Franconie, ainfi que pour le Duc de Mecklenbourg & le Prince de Zerbft; 3 ) qu'on fe prête a ce que la paix puiffe étre rétablie dans 1'Empire d'une manière honorable a 1'Empereur; 4) qu'il y ait une amniftie générale, dans laquelle 1'Empire romain foir compris; 5) qu'en conféquence de la convention patfée entre le.Roi & 1'Electeur palatin au ïujet de la fucceftion de Juliers &deBergue, ce traité reprenne fa force après Ia paix & foit renouvelé fur 1'ancien pied ; 6) que pour rendre cette paix durable, le comté de Glatz, dont la fituation couvre la Bohème, refte a flmpératrice Reine; 7) qu'afin d'écarter toute tentation d'agran» dilfement & tout ce qui pourroit exciter de nouvelles idéés d'ambitivn, i'lmpératrice difpofe 1'Empereur a détacher la Tofcane de la fucceftion primogéniale de fa maifon, a condition toutefois que le Roi prenne les mêmes engagemens pour la fuccefiion des margraviats de Bareuth & d"Anfpach,  312 HIST. DE LA GUERRE poffédés jusqu'en ces temps en feconde géniture; 8} qu'en faveur des provinces que 1'Impératrice reftitue au Roi, ce Prince veuille accorder fa voix pour l'éleétion de 1'Archiduc Jofeph en qualité de Roi des Romains; 9) & pour i'expeftative a Ia fucceffion féodale du duché de Modéne en faveur de 1'Atchidiicpuiné, qui époufera 1'héritière de ce duché ; 10) & qu'enfin on renouvelle les paix de Breslau & de Dresde au fujet du mainüen de la religion romaine, a 1'égard des dettes de la Siléfie, & des garanties mutuelles , que le Roi voudra bieu étendre au dela des bornes de ce traité; qu'on fe rende des deux parts touts les prifonniers de guerre, & qu'on renonce a toutes les contributions arriérées. Ces propofitions, dont plufieurs étoient captieufes, furent examinées avec toute 1'attention que méritoit 1'importance de la matière; on éplucha les articles contraires par le fens et par les tettermes aux principes fondamentaux dont on étoit conver.u pour réiabiir la paix ; il fut furtout facile de prouver que la ceflion d'une province, quelques couleurs qu'on lui donnat, étoit toutefoisune perte très-réelle, qu'un fensforcé, ou un terme interprété d'une manière équivoque ne pouvoit en aucune facon faire changer de nature; on y fubftitua 1'article fuivant: que la reftitution entière des Etats appartei.ans aux puiffances belligétantes ferviroit de bafe au traué qu'on "ouloit faire, par couféquerit qu'on promettoit de rendre au Roi de Po-  DE S E P T 4 N S. 313 Pologne fon électorat de Saxe & les provinces qui y appartenoient; dès qu'on reftitueroit aux Pruffiens les provinces qu'on leur avoit enlevées. On demanda enfuite 1'explication de certains termes vagues contenus dans le mémoire autrichien, paree qu'il falloit des définitions pour les comprendre. Que pouvoient Ggnifier les juftes égards qu'on demandoit au Roi pour les princes de 1'Empire ? On fit obferver en méme temps aux Avurichiens, que les différens que le Roi avoit eus avec les princes de 1'Empire venant a ceffer par cette paix, il étoit fuperftu de ftipuler quelque condition particuliére a leur égard, a moins que par le même article & par une réciprocité parfaite il ne plüt a flmpératrice Reine de contracïer les mèmes obligations envers les alliés du Roi, lesquels on nomina, favoir flmpératrice de Ruffie, le Roi d'Angleterre, Eleéteur de Hanovre, le Landgrave de Heffe & le Duc de Bronfwic. On propofa, aü lieu du troifième article, 1'amniftie pour le paffé & le renouvellement de la paix de Weftpbalie. L'article 6, contenant la ceffion ducomtédeGlatz, fut nettement rejeté comme contraire aux princi. pes fondamentaux dont on étoit convenu. On déclina l'article 7 en expofant 1'indécence qu'il y a qu'une puiffance étrangêre fe mêle des lois & des arrangemens domeftiques qu'une autre puiffance abroge oü établit dans fa familie; & pour donner un tour plus bonnête a ce refus, on y ajouta que le Roi ne prétendant avoir aucune iufluence dans Oiuv. ft/ti. dl Fr, II. T. IV. Q  314 HIST. DE LA GUERRE les arrangeinens que 1'Empereur trouveroit a propos de faire daus la fucceffion de fa familie, Ie Roi fe flattoit de même que ni 1'Empereur ni 1'Irapératrice ne voudroient penfer a dispofer des héritages qui revenoient Iégitimement & de droit a la branche ainée de la maifon de Brandebourg. A 1'égard de 1'élection de 1'Archiduc Jofeph en qualité de Roi des Romains, & de la fucceffion féodale du duché de Modène, le Roi. qui ne pouvoit empêcher ni 1'un ni 1'autre, prit le parti d'accorder fa voix de bonne grace, pour s'en faire un mérite, & cet article ne fut point chicané du tout. Ce contreprojet fut envoyé a Vienne par le Sieur Collenbach; la réponfe revint aflez promptement, & les Autrichiens fe relachèrent fur Ia plupart des articles; ils n'infiftèrent proprement que fur deux points, la ceffion du comté de Glatz, & le traité provifionnel a conclure, qui régleroit la fucceffion des margraviats de Franconie. On eut donc a combattre des argumens déja a demi réfutés. Les Autrichiens foutenoient que Ia forterefle de Glatz n'étoit qu'une place défenfive entre leurs mains,& qu'elle étoit oflëufive entre celles des Pruffiens; ils offroient de dédommager le Roi par la partie de la principauté de Neiflé dont ils étoient en poffeffion, & de payèr 1'escédent en argent comptant, pour amortir les.dettes hypothéquées fur la Siléfie. On fe contenta de rétorquer contr'eux les meines raifons; on leur prouva par la fuuationdes  DESEPTANS. 315 lieux qu'il y a fur cette frontière de la Bohème plufieurs poftes qui en défendent 1'entrèe au Prince qui poffède Glatz, comme font ceux deBergicht, Politz, Opotfchna, Nachod, Wiflbka&Neuftadt, fans compter Kcenigsgrastz; le moindre desquels bien défendu, arréteroit une armée comme celle de Xerxès, paree qu'ils valent bien les Thermopyles; au lieu qu'en Siléfie & en dega de Glatz, dans les plaiues de Frankenftein & de Reichenbach, il n'eft aucun pofte oü une armée puiffe. difputer 1'entrée a 1'ennemi; d'oü il réfulte évidemment que Glatz entre les mains des Auttichiens devient une place offenfive , qu'il leur fournit les trois débouchés de Johannesberg, de Wartha & de Silberberg, pour defcendre librement dans la' baffe Siléfie, par oü ils peuvent dès-le commencement d'une rupture établir Ia guerre au cceur de cette province; au lieu que Glatz entre les mains du Roi de Pruffe ne peut étre qu'une place défenfive, ne donnant point de libre entrée dans le royaume de Bohème; & comme cette difculTiou devenoit toute militaire, le Roi en appelaauxlumières du Maréchal Daun , qui ne pourroit difcotïvenir de la réalité de ce qu'il avancoit. Cependant pour adoucir la chofe parun compliment obligeant, le Roi ajouta que s'il ne s'agiffoit que de la ceffion d'une province pour gagner 1'amitié d'une princeffe d'un aufft rare mérite que flmpératrice, il ne eroiroit point la payer trop cher par un tel facrifice; mais qu'une ville auffi importanteque O 2  S'6 hist. de la guerre. Glatz ne pouvoit fe céder que par un entier oublt de ce qu'un fouverain doit a fa poftérité; furtout la fituation du Roi ne le mettant pas dans le cas de recevoir la Ioi de fes ennemis, puisqu'il pouvoit rendre le doublé de ce qu'on avoit a lui reftituer. L'autre article concernant la convention propofée par les Autrichiens pour régler Ia fucceffion des margraviats de Franconie, étoit trop contraire aux intéréts de la maifon royale pour étre accepté; on s'en défendit en alléguant premièrement les mêmes argumens qu'on avoit déja employés• fecondement, en les fortifiant de confidérations tïrées des exemples qui prouvent par leur inexécution 1'inutilité des traités qu'on fait d'avance: il fut facile de prouver cettepropofition aux Autrichiens, paree qu'ils avoient encore le fouvenir récent du peu de validité de cette fameufe Pragmatique par laquelle 1'Empereur Charles VI avoit réglé la fucceffion de fes Etats. La cour de Vienne répliqua encore a ces deux articles* & après avoir fait quelques tentatives pour le comté de Glatz, elle abandonna fes prétentions, en déclarant qu'elle rendroit la place & 1'artillerie dans 1'état oü 1'une & l'autre fetrouvoient actuellement; elle ferelacha également fur Ie traité provifionnel au fujet des fucceffions de la Franconie. La négociation avec les Saxons marchoit de front avec celle des Autrichiens; elle ne rencontra pas de grandes difficultés, paree que le Roi de Pologne fe trouvoit trop heureux de ce que le Roi vouloit  DE S E P T A N S. bien lui rendre fon électorat. Les Saxons fe bornérent a demander qu'on s'employat a procurer des établiffemens aux enfans du Roi de Pologne & principalement au Prince Charles, a qui 1'Im. pérarrice de Ruffie venoit d'óter fon duché de Courlande. Ainfi finit cette guerre cruelle, qui penfa bouleverfer 1'Europe, fans qu'aucune puiffance, a 1'exception de la Grande Bretagne, étendit le moins du monde les limites de fa domiuation. La paix entre la France & 1'Angleterre ne fut fignée que quelques jours plutót que celle de Hubertsburg. La France par ce traité fut dépouillée de fes prlncipale3 poffeffions en Amérique. Les Anglois lui rendirent la Martinique, la Guadeloupe, lefort de Belle-ile & Pondicheri; & la France reftitua file de Minorque aux Ataglois. Nous ne faurions nous empêcherd'ajouter quelques réflexions fur tant de faits que nous venons de narrer. Ne paroit-il pas étonnant que ce qu'il y a de plus raffiné dans la prudence humaine jointe a la force, foit fi fouvent le jouet d'événeraerii inattendus ou des coups de la forfune? & ne femble t-ilpas qu'il y a un certain je ne fais quoi qui fe joue avec mépris des projets des hommes? N'eft-il pas clair qu'au commencemènt de ces ces troubles tout homme fenfé devoit fe tromper dans le jugement qu'il portoit fur le denouement de cette guerre? Qui pouvoit prévoir, ou fe figurer, que la Pruffe, attaquée pai les forc«s de O 3  3i8 HIST. DE LA GUERRE ï'Autriche, de la Ruflie, de la France, de la Suéde & de tout le St. Empire romain, réfifteroit a cette ligue formrdable, & fortiroit fans perdre aucune de fes pofieffions d'une guerre oü tout annoncoit fa ruine? Qui pouvoit fe douter que la France, avec fes forces intrinféques, avec fes grandes alliances , avec tant de reflburces , perdroit fes principales poflefllons des Indes orientales, deviendroit la viétime de cette guerre ? Tousces faits devoient paroitre incroyables en 1'année l757' Cependant fi nous examinons après coup les caufes qui ont tourné les événemens d'une manière fi inattendue, nous trouverons que les raifons fuivantes empéchérent la, perte des Pruffiens i i) Ie dèfaut d'accord & le manque d'narmonie entre les puiffances de la grande alliance; leurs intéréts difFérens, qui les empêchoientde convenir de certaines opérations; le peu d'union entre ,les généraux rufles & autrichiens, qui les rendoit circonfpecls, lorsque 1'occafion exigeoit qu'ils agisfent avec vigueur pour écrafer la Pruffe , comme ils 1'auroient pu faire eflëctivement: 2 ) la politique trop raffinée & quinteffenciée de la cour de Vienne, dont les principes la conduifoient a- charger fes alüés des entreprifes les plus difficiles & les plus hafardeufes, pour conferver a la fin de Ia guerre fon armée en meilleur état & plus compléte que celle desautres puiffances; d'oü a differentes reprifes iWréfulta que les géiiéraux autrichiens, par une ciiconfpection outrée, négligérene  DE S Ê P T A N S. 3:y de donner le coup de grace aux Pruffiens, lorsque leurs affaires étoient dans un état dêfefpéré: 3) la monde 1'Impératrice de Ruffie, avec laquelle 1'alliancede 1'Autriche fut enfevelie dans un même tombeau; la défeftion des Ruffes & 1'alliauce de Pierre trois avec le Roi de Pruffe, & enfin les fecours que cet Empereur envoya en Siléfie. Si nous examinons d'un autre cóté les caufes des pertes que les Francois firent dans cette guerre, nous obferverons la faute qu'ils commirent defe mêler des troubles de 1'AUemagne. L'efpéce de guerre qu'ils faifoient aux Anglois étoit maritime; ils prirent le change, & négligérent cet objet principal, pourcourir après un objet étranger, qui proprement ne les regardoit point. Ils avoient eu jusqu'alors des avantages fur mer contre les Anglois; mais dès que leur attention füt diftraite par Ia guerre de terre ferme, dès que les armées d'Allemagne abforbèrent tous les fonds qu'ils auroient dü employer a augmenter leurs flottes, leur marine vint a manquer des chofjs néceffaires, & les Anglois gagnèrent un afcendant qui les rendit vainqueurs dans les quatre parties du monde. D'ailieurs les fommes exceffives que Louis XV. payoit en fubfides, & celles que coütoit 1'entretien des armées d'Allemagne, fortoient du royaume; ce qui diminua de Ia moitié la quantité des efpèces qui étoient en circulation tant a Paris que dans les provinces ; & pour comble d'hnmiliation les généraux dont la cour fit choix pour commander O 4  3*0 H1ST BE LA GUERRE. fes armées, & qui fe croyoient.des TuïenneSj firent des fautes tres grofiiéres. Que ces exempies inftruifent au moins les potitiques a vaftes deifeins, que qneique écendu que foit 1'efprit humain, 11 ne feft jamais affez pour pénétrer les fines combinaifons qu'il faudroit pouvoir développer pour prévoir ouarrangerles événemens qui dépendent des futurs contingens. Nous expliquons clairement les événemens. paffés, paree que les caufes' s'en découvrent ; mais nous nous trompons toujours fur ceux qui font a naitre, -paree que les caufes fecoades fe dérobent a nos téméraires regards. Ce n'eft point une fingularité aflèctée a notre fiécle , qu'il y ait des politiques abufés; il en a été de même dans tous les ages oü 1'ambition hutnaine enfanta de grands projets. Pour s'en convaincre il n'y a qu'a fe rap. peler l'hiftolfe de la; fameufe ligue de Cambray, 1'armement de la flotte invincible, la guerre de Philippe fecond contre les Hollandois, les vaftes deffeins de Ferdinand II a 1'ouvcrture de la guerre de 30 arts; les différens projets de partage qui précédèrent la guerre de Succeflion, & cette guerre méme. Toutes ces grandes eutreprifes eurent une fin presque oppofèe a 1'intention de ceux qui en étoient les promoteurs. C'eft que les chofes humaines manquent de folidlté, & que les hommes , leurs projets , & les événemens font affujettis a une viciflïtude perpétuelle. Les puiflances belligérames, au fortir de 1'arénfr  DESEPTANS. 321 oü elles avoient combattu avec tant de haine & d'acharneinent, commencèrent a fentir leurs plaies & le befoin qu'elles] avoient de s'en guérir; elles foufFroient toutes, mais de maux difFérens. Nous les pafferons ici comme en revue, pour avoir un tableau précis de leurs pertes, & de leur fituation actuelle. La Pruffe comptoit que la guerre lui avoit confumé 180,000 hommes; fes armées avoient combattu en feize batailles rangées; les ennemis lui avoient détruit outre cela trois corps d'armée presque en entier, celui du convoi d'Olmutz, celui de Maxen, & celui de M. de Fouquet a Landshut; de plus une garnifon de Breslau, deux garnifons de Schweidnitz, une de Torgau, & une de Wittenberg furent perdues par la prife de ces villes; on comptoit d'ailieurs qu'il étoit péri so,oo» ames daus le royaume de Pruffe par les ravages des Ruffes, 6,00e- en Poméranie, 4,000 dans la nouvelle Marche,& 3,000 dans 1'électorat de Brandebourg. Les troupes Ruffes s'étoient trouvées a quatre grandes batailles; & l'on comptoit que cette guerre leur avoit emporté 120,000 hommes , y compris les recrues qui périrent en venanten partie des fnr.tières de la Perfe & de la Chine, pour joindre leurs corps en Alleraagne. Les Autrichiens avoient tivré dix batailles rangées; ils avoient perdu deux garnifons a Schweidnitz & une a Breslau, &' ils évaluoient leur perte k 140,000 hommes. Les Francois faifoient monter la leur a 209,000 O 5  3*3 HIST. DE LA GUERRE combattans,les Anglois avec leurs alliés a 160,000, les Suédois a 125,000, & les troupes des cercles a 28,000. La maifon d'Autriche fe trouvoit au fortir de cette guerre avec 100 rnillions d'écus de dettes;les frontières de la Bohème & dela Moravie avoient été endommagées, fans cependant qu'il fe füt confervé des traces de ruine ou de dévaftations. En France le gouvernement fe trouvoit fans crédit par le brigandage des financiers & les malverfations de ceux qui étoient prépofés a 1'adminiftration des dépenfes ,• on en étoit venu a iüfpendre les intéféts des capitaux empruntés; le peu qu'on en,acquittoit, fe payoit irrégulièrement, le peuple gémiflbit fous le poids des impóts qui 1'accabloient, & quoiqu'aucune incurfion ennemie n'eüt ravagé les - provinces, 1'Etat n'en fouft'roit pas moins, paree que le commerce des deux Indes étant détruit, les fources de 1'abondance publique tariffbient. D'ailieurs les dettes nationale? s'étoient accumulées, & montoient a des fommes fi énormes, qu'après la paix les impóts extraordinaires furent prolongés pour dix ans, afin de fervir a payer les intéréts & de créer un fonds*d'amortilfement qui püt les acquitter. Les Anglois, viftorieux fur terre & fur mer, avoient pour ainfi dire acheté leurs conquêtes par les fommes immenfes qu'ils avoient empruntées pour la guerre & qui les rendoient presque infulvables. L'opulence des particuliers pafibit toute imagination. Cette richelfe & ce luxe d»  DESEPTANS. 333 peuple provenoient des prifes confidérables que tan: de particuliers avoient faites tant fur la France que fur l'Erpagne, & du prodigieux accroiffement du commerce , dont pendant la guerre ils avoient été presque feuls en poiTefïion. La Rufïïe avoit a la vérité dépenfé des fommes confidérables; mais elle avoit plus fait la guerre fur le compte de Pruffiens & des Polonois que fur le fien propre. La Suéde fe trouvoit fur le point de faire banqueroute. Elle avoit non feulement entamé les fonds de la banque, mais par une opération maladroite de fes financiers, elle avoit encore trop multiplié les bilIets; ce qui détruifit 1'équilibre que tout Etat bien policé doit tenir entre le papier & 1'argent monnoyé. La Pruffe avoit le plus fouffert. Autri. chiens, Francois, Ruffes, Suédois, troupes de» eercles, jusqu'au Duc de Wurtemberg , tous y avoient fait des ravages; auffi 1'Etat avoit-il dépenfé '25 millions d'écus pour 1'entretien des armées, & autres dépenfes miütaires. La Poméranie, la Siléfie & la nouvelle Marche demandoient de grandes fommes pour fe rétablir. D'autres provinces, comme le duché de Croffen, la principauté de Halberftadt & celle de Hohenftein, exigeoient également de grands fecours, & il falloit des efForts, foutenus de beaucoup d'induftrie, pour les remettre dans 1'état oü elles étoient avant les troubles , paree que Ia plupart des champs n'éïoient pas cultivés,- faute de femences ck de bes-  324 HIST. DE LA GUERRE tiaux; & tout ce qui fert a Ia fubfiftance d'ua peuple y manquoit également. Pour fubvenir a tant de befoins , il fut diftrifjué dans ces provincesfelonunejufterépartition 25,000 mefures de blé & de farine, & 17,000 d'avoine; 35,00» chevaux tant des régimens que de 1'artillerie; & des vivres furent donnés aux gentilhorames & aux payfans. Outre ces fecours lê Roi donna a la Siléfie trois millions pour fon rétabliffement, 1,400,000 écus a la Poméranie & a la nouvelle Marche, 700,000 & 1'éleéiorat, & 100,00». au duché de Clèves, outre 800,000 que recut le royaume de Pruffe; l'on réduifit a la moitié les contributions du duché de Croffen , des pays de Hohenftein & de Halberftadt; enfin le peuple reprit affez de courage pour ne pas défefpérer de fa fituation, pour travailler, & pour réparerpar fon aétivité & fon induftrie les maux que 1'Etat avoit fouiferts. II réfulte de ce tableau général que nous venons de crayonner, qu'en Autriche,en France, & même en Angleterre, les gouvernemens accablés de dettes étoient presque fans crédit, mais que les peuples u'ayant pas directement fouffert par la guerre, ne s'en étoient reffentis que par les impóts prodigieux que leurs fouverains avoient exigés d'eux; au lieu qu'en Pruffe Ie gouvernement fe trouvoit en fonds, & que les provinces étoient détériorées & abymées par la rapacité & la barbarie des enne-  SE S E P T A N S. 325 mis. Après la Priilfe, 1'Electorat de Saxe étoit des provinces de 1'Allemagne celle qui avoit leplus foufFert; mais elle trouve dans la bonté de fon fol & dans finduftrie de fes habitans des reffources que la Pruffe, a 1'exception de la Siléfie, ne trouve point dans le refte de fes provinces. Le temps, qui guérit & qui efface tous les mauac, rendradans peu fans doute aux Etats pruffiens leur abondance, leur profpérité & leur première fplendeur; les autres puiffances fe rétabliront de même ,• enfuite d'autres ambitieux exciteront de nouvelles guerres & cauferont de nouveaux défaftres: car c' eft-la Ie propre de 1'efprit humain, que les exemples ne corrigent perfonne; les fottifes des péres font perdues pour leurs enfans; il faut que chaque génération fafle les fiennes. Nous n'ajouterons qu'un mot a cet ouvrage, Cpeut-être déja trop long & trop diffus) pour fatisfaire la poftérité, qui fans doute défirera de favoir comment un prince auflï peu puiffant que le Roi de Pruffe a pu foutenir une guerre ruineufe pendant fept campagnes contre les plus grands monarques de 1'Europe. Si la perte de tant de provinces le mettoit dans de grands embarras, s'il falloit fournir fans ceffe a des dépenfes énormes, il reftoit cependant quelques relfources qui rendirent la chofe poffible. Le Roi retiroit 4 millions des provinces qui lui reftoient. Les contributions de la Saxe montoient entre 6 & 7 millions; les fubfides de 1'Augleterre, qui en faifoient 4, étoient  32tf HIST. DE LA GUERRE convertis en 8 millions; lamonnoie, qu'on avoit donnée a ferme, en diminuant les efpèces de la moitié rendoit 7 millions, & outre cela on avoit fufpendu le payement des penfions civiles, pour appliquer tous les fonds aux dépenfes de Ia guerre. Ces fonds différens que nous venons d'indiquer, faifoient par an fomme totale 25 millions d'écus en mauvaifes efpèces, ce qui fuffifoit a 1'aide d'une bonne économie pour le payement $n 1'entretiea de l'armée, & pour les dépenfes extraordiuaires qu'il falloit renouveler a chaque campagne. Veuille le ciel (fi la providence abaiffe fes regards fur les mifères humaines) que le deftin inaltérable & floriffant de cet Etat mette les fouverains qui Ie gouverneront, a 1'abri des fléaux & des calamités dont la Frufl'e a foufFert dans ces temps de fubverfion & de troubles, pour qu'ils ne foient jamais forcés de recourir aux remédes violens & funeftes dont on a été obligé de fe fervir, pour foutenir 1'Etat contre la haine ambitieufe des fouverains de 1'Europe , qui vouloient anéantir la maifon de Brandebourg, & exterrniner a jamais tout ce qui portoit le nom Pruffien! A Berlin ce 17 de Décembre 1753-