891 B 29   TABLEAU RAISONNE DE ü ÉT AT A CT UEL DE LA BANQUE DE Sr. CHARLES. Le Pays qui tient des fonds d'un autre, ■ eft bien affuré d'obtenir de nouveaux fecours , ou mêrne de plus confidérables , por la crainte de rifquer les premiers. Compte rendu de la Banque de St.Charles, le i9Décembre 1785, traduit de 1'Efpagnol, pag. 138. A AMSTERDAM, De rimprimerie du Compte rendu. Novembre 1786. Dans fes heureufes mains, lc cuivre devient or, Et 1'or devient a tien. Le Joueur, Comedie.   Fa u te s a corriger. Page % de l'Avis, ligne 12, arrêteroit, Ufo arrêroir. Pag. 4, Hg. 7 , profpérité , tif. propriété. Pag. 6, lig. 11 , en nous tracant, tif. en tracant. Pag. i4, lig. ï 2 , exportc, tif exportée. Pag. 21 , lig. 12, après piaftres , ajoutei pan> Ï7,«* iff AfaJVoft, général, /tfgénereux ?8 > 9 , idem, a dix capitaux, comme," Hf. a un capital plus confidérable que, P^. 4 Gg< 11, aient, Uf air. Pag. 76, lig. i$ , étranger, 1'étranger. Pag. 81 , n'en pas, Uf ns pas. P^. 8 citer ces paflions, & les mettre en jeu par tous » les refforts pojjibles: que de ces paffions doivent » éclorre les Fabriques, le Commerce , les Canaux » & tant d'autres établijfemens utiles, qui invoquent » des fecours que le Gouvernement efl dans 1'im» puifTance de leur accorder». Ainfï le jeu de 1'agiotage qui ne crée rien, qui n'en-ichit pas un individu, fans en appauvrir un autre, qui de,to(is les refTorts propres a exciter la cupidité & 1'ambition eft le plus actif; ce jeu fera éclore en Efpagne les Fabriques, le Commerce , les Canaux, &c ! Sans doute paree qu'il a fait éclore la Banque de St. Charles !  ■ '(Ml au rifque des événemens facheux qu'une telle1 conduite hate plutöt qu'elle ne les éloigne? Qu'est-ce qui peut afiurer aux Banques publiques un crédit parfait, une confiance illimitée , fi ce n'eft des capitaux toujours croifians, leuls capables de prouver une adminiftration fage ck intelligente ? N'eft-ce pas 1'unique moyen sur de foutenir le prix des Actions ? Cependant la Direction, qui promettoit au Roi dans une de fes apologies, que les Actions nebaifïéroientpas du prix de deux mille fept eens réaux, a jufqu'ici renoncé a tout accroiflement de capitaux; elle a toujours diftribué jufqu'a la derniere-obole de fes profits. Pouvoit-elle fe diflimuler que cette conduite tendoit a faire defcendre chaque année la valeur de 1'Action au pair des capitaux qui lui reftoient (24) ? On ne peut mieux comparer ceux qui préconifent ainfi 1'agiotage qu'acet Empirique , qui pour mieux perfuader la vertu de fes drogues, montroit la peau d'un Prince qu'il avoitjjjuért. (24) Rien ne prouve mieux le peu d'opinion qu'ont eu de la duree de la Banque de St. Charles, ceux-la même qui la dirigent, que cette infou-  C 47 ) Eftimarion trop avautageufe encore; car le renouvellement des bénéfices devient toujours ciance fur les époques dèfaftreufes, fur les accïdens auxquels il efl impofllble qu'un pareil ëtabliflement ëchappe toujours. S'ils euflent voulu conftruire un èdifice folide , euflent-ils négligé la première condition de la foliditc, 1'augmentatioii des capitaux ? Si pour contredire cette aflèrtion, 1'on citoit les Actions de la Caifle d'Efcompte de Paris, qui fe vendent plus que le capital qu'elles repréfentent. II y auroita répondre: i°. que Ia fixation des Dividendes ne s'y fait jamais fans deftiner une partie des bénéfices a un accroilfement annuei de capitaux. z9. Que fes opérations font d'une toure autre nature que celles de la Banque de St. Charles, puifque la première ne fait qu'efcompter des Lettres de Change, recevoir «Sc payer pour les Particuliers, & que fes Billets ont cours au pair de la monnoie, paree qu'on ell maïtre de les refufer. 5°. On répondroit enfin, que 1'agiptage s'eft aufli exercé fur le prix de fes Actions, mais que fon commencea ferapprocher a ce fujet des eftimations dictees par la raifon & la nature des chofes , & même a fe laffer de 1'agiotage.  C 48 ) plus douteux, a mefure que 1'efTet des mauvais principes de 1'établifTement fe fait fentir. Reprenons le Compte rendu. Nous Pavons dit: rien n'y porte 1'empreinte de la bonne foi. Veut-on nous expliquer pourquoi 1'état des affaires de la Banque n'a pas été mis fous les yeux de la troifiéme Aflemblée générale ? On a recours a la plus pitoyable des excufes (25). (25) Le Teneur des Livres de la DirecLion des provifions, ignoroit comment devoit être employee fur fes Livres une fomme de 22$<5oo liv. dépenfées en frais genèraux fur les provifions de 1'Armée. Ces frais regardoient-ils les provifions déja fouraies, ou les provifions déja exiftantes, ou devoient-ils être partagés entre les unes & les autres ? Telle eft la queftion puèrile, qui n'ayant pu être promptement decidèe, a privé les Aétionnaires du compte rendu de la troilieme année du regne de la Banque. L'efTet eft un peu fort pour fa caufe. II eft remarquable que ce compte non rendu eft celui de 1'annêe ou 1'agiotage fur les St. Charles étoit le plus ardent a Paris, & ou la correfpondance entre les deux Capitales donnoit lieu a des opérations embarrafTantes pour les Teneurs de Livres , Caiffiers, Sec. Faut-il  { 49 ) Faut-iL juftifier la Direction d'avoir exeédé fes pouvoirs , d'avoir défobéï a la volonté déclarée des A&ionnaires, en hauflant le prix des Acrions que la Banque avoit encore a vendre ? On vous dit , tantöt que les Directeurs en ont augmenté le prix pour en mieux affurer un prompt débit; tantöt qu'ils ont voulu empêcher A 1'occafion de cette quefïion, qu'un apprentif fe permettroit a peine, la Direction débite des lieux comnums fur 1'art de drefier les comptes. On pourroit en conclure, qu'en Efpagne on a befoin de la Banque pour y enfeigner a établic des comptes clairs, complets, exempts d'erreurs, & a tenir des Livres propres a affurer une comptabilite fidelle : tl a fallu, dit-elle, toute la. patience & la rigidité de la Dinclion pour faire aimer aux hommes la jirnpluité & Vexaclitude en quelque maiiere que ce foit..... La Banque de SaintCharles rigide! exicte ! fimple! en quelque mattere que ce foit ! Comment efl-il donc arrivé que cette patience & cette rigidité n'ayent pas valu aux Directeurs 1'approbation de leurs comptes des provifions ? 11 feroit curieux d'enrendre les Teneurs de Livres & les Caiiliers fur cette rigidité de la Direction. D  C 50 ) par-Ia les Actions de palier dans 1'Érranger, comme fi cet écoulement miraculeux n'alloit pas droit au but important qu'ils fe propofoient, celui d'une prompte vente; comme fi les Directeurs eux-mêmes ne follicitoient pas les Commilïions des Étrangers. Dans un autre endroit la Direction dit qu'elle a haufie le prix des Actions, pour attirer en Efpagne une plus grande quantité d'argent étranger: elle fe vante même a cet égard, d'une • induftrie qui n'avoit pas encore eu de modèle. Ailleurs elle demande pourquoi la Banque n'auroit pas ellc-même fait fur fes Actions, le profit qu'auroient fait les Commercans Efpagnols en les vendant aux Étrangers ? Enfin, on aura peinea le croire, la Direction embarrafiee par le reproche de rendre PEfpagne tributaire des Étrangers , en leur vendant des Actions dont elle porte le Dividende très-haut, élude cette vérité, en Bant le crédit de la Banque a celui de 1'État; en cherchant a perfuader au Roi que ce tribnt n\R pas un mal ; qu'il efl d'une bonne politiqüe d'être débiteurenvers les Étrangers , paree que, dit-elle, dans ce cas le Pays qui ti'ent les fonds  ( V ) ePirn autre efl bien affurê d'obtenir de nouveaux fecours, ou même des plus confidérables par la crainte de rifquer de perdre les premiers. N'eftce pas dire en d'autres termes : « Vous perdrez » ce que vous nous avez prêté, fi vous ne nous » prêtez pas de nouvelles fommes : nous ne » pouvons éteindre nos dettes , qu'en en créant » de nouvelles (26) »? Quel étrange moyen pour infpirer la confiance ! La Direction penfoit donc qu'unhomme f'enfé, peut accorder fa confiance a un débiteur, qu'il fauroit vouloir conferver fon crédit par une telle politique. La Direétion veut-elle expliquer pourquoi malgré la vente de toutes fes Aftions elle n'a point établi les Caiffes d'Efcompte promifes aux principales Villes du Royaume ? Après en avoir donné pour raifon le projet d'un Canal, (2.6) C'efl pour iüuflrer ce grand fecret de Finance, que de profbnds Calculateurs affirment que plus un Etat emprunte, &c plus fa profperité s'a^croït. Efpérons qu'un nouveau Compte rendu nous développera mieux qu'on ne 1'a fait jufqu'a préfent, cette curieufe théorie. Dij  ( 5* ) elle ne rougit pas d'y ajouter une prétendue néceftité de faire des avances aux Agioteurs. Elle oublie que peu de mois avant d'avoir recours a ces fubterfuges, elle fe montroit aux yeux du Roi, comme appréhendant fur toutes chofes, de manquer d'emploi pour fes capitaux; qu'elle lui vantoir le degré de force, & de puiffancc auquel elk étoit parvenue, les nombreux capitaux qu'elle avoit rtunis en fi peu de tems , ELA k change défavantageux d 1'Efpagne que ce privilége a établi. (pag. 22. ) La Direction prétend juftifierle privilége excluBf de 1 exportation des piaftres, par la ceffation de Ia contrebande, & une plus exacte rentree des droits du fifc. Mais en fuppofant, contre Ia vérité , que cette contrebande ait cette, & qu'elle ne recommence pasj eft-ü bien vrai que ce gain du fifc foit préfè«Me ah perte que fait 1'Efpagne fur fon change avec 1'Etranger ? EiTayons de jetter quelque lumiére fur cette queftion. Le commerce Efpagnol folde avec des piaftres Etranger : il eft donc intérefTe a ne les payer que le moins poflible , car le prix qu'il peut en nrer dans 1'Etranger y eft limité par Ia valeur intrinféque de ces piaftres a 1'Hötel des Monnoies du pays oü il doit payer. II ne dépend pas de 1'Efpagne de changer, fubitement cette valeur. Elle ne  ( 77 ) pourroit la faire hauffer qu'en reiferrant , qu'er» retenant long-tems chez elle les métaux prècieux qu'elle verfe dehors; Sc ce procédé 1'expoferoit a une reaóiion très-prejudiciable a fes vrais intéréts. La valeur de la piaftre étant donc limitée dans tous les pays oii'ie commer chandifes, des denrêes, &c II eft donc évident que dans le cas ou le change  ( 9* ) eft défavantageux a une Nation dans fon commerce avec les autres, elle perd, foit qu'elle leur achete, foit qu'elle leur vende; & fi ce que 1'on entend par la balance du commerce eft en fa faveur ledefavantage du change lui fait perdre une partie' de cetre balance. _ Sans doute que le prix des marchandifes de Nation a Nation fe proportionne a 1'état du charge La Nation qui recoit plus d'or ou d'argent , vend Jiautantmeilleurmarché; & d'autanr plus cher, li elle en recoit moins. Mais cette proportion ne fuir que de loin les vanadons du change: il en eft des grandes vanations comme de la difette; on en fouffre quelque-tems avant que 1'état ordinaire fe rétablhTe. Un change défavantageux ne peur fe manifefter fans que ce foit au milieu d'une multitude d'aiFaires entamees,de marchandifes acherées ou vendues pour une fomme convenue , qui refte a payer: ahabirudes de certains prix qu'on ne change pas facilemem ; en forte que la Nation grèvée touta-coup d'un change défavantageux, fait des pertes itreparables, avant que les proportions qui les font cefler pinfient être rétablies. Deplus,fi les principes que nous venons d'expoferfont inconteftables,il s'enfuit que les métaux nonnoyes de la Nation dont le change eft a fon dé" iavantage, font a meilleur marché que l'or 6> 1'ar-  ( 93 ) gent marchandife; que par confcquent , l'or Sc 1'argent monnoyés tendent a pafter dans 1'Etranger, par 1'appas feul du plus grand prix qu'ils y trouvent. Or il en rèfulre rrois inconvcniens majeurs. Le premier, de rendre très-promptement l'or & 1'argent monnoyés rares, & cette rareté devient bientöt un mal, paree que le mètal monno>yé eft nccelfaire au commerce intérieur, & que fa rareté le gêne d'autant plus qu'elle eft plus grande. Le fecond inconvénient de ces fpcculations, dont le bénéfice fur le mètal monnoyé eft l'unique obier, eft de 1'envoyer dehors, fouvent fans la certitude d'un retour convenable : d'ou il arrivé, ou qu'il refte inactif dans 1'Étranger, fans utilite pour celui qui 1'a envoyé , en attendant qu'il puifle en être payé par un ècbange convenable , ou que 1'echange s'en fait contre des ob;ets de moindre valeur Le troifieme inconvénient plus rare, eft de provoquer, dans les monnoies, des altcrations fecretes ou publiques , avant que les caufes, qui doivent y dèterminer , ayent pu être parfaitement vërifièes & calculées; ce qui n'eft pas facile , tant il y a d'obfcuritè &c d'accidens paflagers raflemblés autour de ces caufes. Ce que nous venons d'expofer pour éclaircir les eftets des changes défavantageux, fert en mêmetems a démontrer d'autant mieux combien tout ce  f 54 ) qui fe rapporte au Commerce des matietes d'or &c d'argent eftdèlicat: combien ilfaut fedéfier de toutes ces idees de bien public qu'on voudroit attacher a ces operarions qui, par leur nature, fe rapprochent plus ou moins du monopole : combien de lumieres, quel degré d'artention & qosl delïntëreffement font nèceifaires aux Adminiftratsars des Banques publiques, puifqu'il eft en leur pouvoir ou de livrer le change i des variarions facheufes, en favorifant ces grandes fpêculations , qui ne peuvent fe faire lansTarrecter, ou de les prevenir par lerefusdeleur fecours. Ces fpéculations fontregardées comme des parties de jeu entre les Nations, 011 a la fin tout s'égalife. Mais les intervalles entre Ie flux & le reflux, font longs; & les differences, lorfqu'elles font énormes, caufent des dérangemens dans Finduftrie générale qui ne fe réparent pas facilement. La Banque de Londres a donné plus d'une fois des pre.ives de 1'atrention qu'elle porte aux prix du change entre 1'Angleterre & 1'Etranger. Son état ordinaire entre les Nations Européenr.es, dont le Commerce intérieur & exterieur eft conlïdèrable, paroït ne devoir s'ecarter du pair, que de peu de chofe ; c'e't-a-dire, que chaque Nation doit donnet chez elle une qiunrté d'or ou d'argent fin , a-peu-près égaie a cells qu'elle recoit chez les autres. Lorfquela difference eft grande,  ( ) elle indique chez Ia Nation qui en fouffie, quelqu'opération contraire aux convenances generales, j &c fi Ie mal dure, la caufe eft d'autant plus grave, & mérite qu'on s'occupe du remede (b). Mais il faut 1'avouer, le fyftême actuel des monnoies; leur valeur nominale , fans ce/Te en contradiétion avec la valeur marchandë des métaux précieux , s'oppofe a t'établiflement de toute bonne théorie. II e.'t impoflible, dans cet ètat des chofes, de trouver un guide sur pour juger toujours fainement des rapports entre les valeurs, & des caufes qui les font varier, dans ces nombreufes combinaiibns du Commerce intérieur & extérieur. II faudroit préalablement rendre les monnoies invariables , comme doit 1'être toute rnefure générale : car les monnoies font une rnefure qui ferc a juger des rapporrs entre les valeurs , comme ia (i) Pendant q;:e !e change eft défavantageux a une Nation , les Étrangers, dic-on, lui demanden: une plus grande quantité des produirs de fon indufirie. Sar.s doute: &cela même prouve Ie mal. Pourquoi cette plus grande demande, fi ce n'eft paree que ces produits leur couter.t mo.ns par I'effct du bas change ? Ec n'eft- il pas év.dent que , dans ce cas, le gain , procuré aux Étrangers par cette circonftance , eft une perte pour |a N-acion qai lupporte le change défavantageux.  C 96 ) toifefert aen juger relativement a 1'érendue. Avec le fyftême adtuel , dans eombien de calculs ne faur-il pasentrer, de combien de chofes ne fauc-il pas renircompte,avant d'avoir une réponfeexadte &z jufte, toutes les fois qu'on veut comparer la valeur d'aujourd'hui a celle d'hier, &c rendre*raifon de la caufe des difïcrences ! Et dans ce labyrinthe inextricable, que de refiburces pour Ia fraude! Que de bévues pour 1'ignorance! Que de degoüts pour les adminiftrations bienfaifantes & qui craignent de marcher a tatons! On parviendra facilemenr a rendre les monnoies invariables, en remontant a leur vrai principe , en fe faifant une julte idéé de leur ufage, & en ne fe Iainanr plus égarer dans les confcquences , ni par lesprcjugés, ni par les habirudes , qui jufqu'ici compofent, avec 1'èrudition la plus inutile, la fcience des monnoies- Les États - Unis d'Amérique n'ont pas fixé leur fyftême monetaire. Ils peuvent donnet a TEurope 1'exemple d'une monnoie invariable, quelque foyent les variations du méral précieux, qui en feroit la bafe. N'ayant jamais befoin d'en altérer le titre ou le poids, ils n'auroient pas a fe difputer dans 1'obfcurité, pour determiner fi une altèrarion eft nécefTaire ou non, fi elle eft trop fotte ou rrop petite, fi elle porte 'atteinte ou non aux proprictés: toutes chofes fur lefquelles on ne s'entendra jamais , faute de pouvoir donner de la précifion aux faits,  ( 97 ) NOTE SECONDE. Sur les bénéfices de la Banque de St. Charles. En diminuant même fes capitaux par des Dividendes plus confidérables que les bénéfices , (pag. 41.) S1 les Avis font vrais, les rabais a faire au Roi par la Banque , s eleveroient a trois millions huit Cens quatre-vingt mille liv. Accordons maintenant que ces rabais n'auront pas lieu : accordons encore que la perte de trois millions huit cens quarante mille liv. fur les approvifionnemens de cette année, fera évitée : allons jufqu'a fuppofer que le nouveau bail laiffera du bénéfice, & voyons dans cette hypothéfe favorable, quel fera Ie Dividende de 1786", ou plutót de 1787, car celui de cette année tient a un état ttop équivoque pour en juger, dans ce moment. i°. Nous avons vu, d'après les états fournis par la Banque, qu'elle étoit forcée de con'acrer audela de trente millions de liv. au Commerce de I'Efcompte : comprenons fi 1'on veut dans ce capital le Commerce des lettres de change. Pour que les Aérionnaire; ne perdiflent ni ne gagna/Tent fur cet emploi de leurs fonds ,• il faudroit qu'il rendïc au mo:ns, net de frais, un million èV demi: c'eft Pintere t a cinq pour cent de trente millions.  C 98 ) Mais ces objets n'ont rendu en 1785 que huit cens vingt-deux mille liv. fans dèdutfion de frais. Rien nindique que 1'année i7$6 aura eté plus heu' reufe; au contraire: fuppofons toutefois que le bénéfice fera le même. i°. Suppofons que la Banque gagnera encore comme 1 année derniere, en intéréts furies Billets Royaux, quatre cens quatre-vingt-dix mille liv. 39. Elle employé pour les approvifionnemens & fournitures, dix-fept millions de liv. En fuppofant que cet emploi lui procure par fon forfait une année portam 1'autre , fept pour cent de bénéfice net , c'eft beaucoup : car pour qu'il rendït davantage, il faudroit fuppofer que les cbangemens ordonnés par la Cour, n'onr eu aucun but raifonnable. Ce bénéfice s'éleveroit donc a un million cent quatre-vingt-douze mille liv. 4°. Intérêt d'un an fur dix-huit millions dus par le Roi, fept cens vingt mille liv. 5°. Le bénéfice fur 1'exportation des piaftres a monté 1'année derniere, a pres de trois pour cent fur Ia fomme exportée. Onnepeut plus le fuppofer le même; 1° les exportations de piaftres par la Banque feront toujours moindres; 2°. fon bénéfice eft réduit au moins a la moitië par 1'impöt pour le Canal & en faveur del'Höpital. Suppofons cependant que ce bénéfice s'élevera a un million trois  ( 99 ) cens mille liv. c'eft-a-dire, qu'il fera le même cette année , déduótion faite de 1'impöt. En attendant qu'on puifle connoïtre le bénéfice que rapporreront les Aótions de la Compagnie des Philippines, nous ne favons oü prendre d'autres profits pour cette année: ceux que nous fuppofons ici, réfultent même d'un emploi de capitaux plus confidérables que les fonds a&uels de la Banque ne le permettent. D'aiüeurs nous ne fuppofons aucune perte, aucun frais exttaordinaires de circulation , Sec Les bénéfices ci-deffus mentionnés s'elevent donc a quatre millions cinq cens vingt -quatre mille liv. Veut-on y aiouter le demi pour cent dont Ia Banque ,/ipiujfante ,fi généreufe Jl nationale , aura cependant renchcri l'Efcompte cette annee? Les bénéfices iront alors a quarre millions fix cens feize mille liv. II eft jiifte d'en dëduire les frais. Ils montent a trois cens cinquante-fept mille liv. Reire a parrager enrre cent cinquante mille Aétions, quatre millions deux cens cinquante-neuf mille liv. C'eft un peu moins de vingt-huit liv. huit fols, pour chaque Aótion. Le Leóteur fe rappellen. i°. Que nous ne fuppofons aucun rabais, fait a la Baique par le Roi, quoique le nouveau matchë ait ete pccafionnë par'rimpoiTibilitë de foutnit Gij  ( ioo ) des pieces juftificatives, & par conféquent, pour terminerlesconteftationspardes prix fixés pour lepalTe, comme pour 1'avenir. Or ce prix donne de la perte. i°. Que nous fuppofons fept pour cent de benefice fur la fourniture des vivres , quoique ce benefice fort phyfiquement impoflible aux prix convenus. r 3°. Que nous fuppofons le fyheme abfurde, obferVrttre aUCU" Pr°fiC Cn rèfeCVe' fidéIemei" NOTE TR O IS IE ME. Sur les Billets de crédit. NE préfenteront jamais la même Jbüdité, &c (Pag. 65.) Il a,dit-on, été propofe que la Banque retirat de la circulation tous les Billets Royaux porcant interer, & qu'elle mit en place des Billets comme ceux de la Gaine d'Efcompte de Paris Mais alors que repréfenreroient ceux-ci? Une créance nouvelle de la Banque fur le Roi, pour la valeur de tous les Billets Royaux qu'elle auroit retirés • opération qui rendroit la Banque plus odieufe , Ia difcrediteroit, Sc priveroit les créanciers du Roi  ( ioi ) de 1'intérêt qui leur eft du , fans leur donner une sürêté de plus C'eft précifement ainfi que Law perdir fa Banque, & qu'il en fit le plus terrible fléau que Ia France ait éprouvé. Des faifeurs de projets, confondant les emprunts des Souverains avec le papier monnoie, en concluent que le Souverain qui emprunte, peut, a plus forte raifon, créer du papier-monnoie , paree que ce papier eft au fond un emprunt. Mais les emprunts n'obligent perfonne a prêter, tandis que perfonne n'eft exempt du papier monnoie- Cette feule diffcrence exclut toute comparaifon entte le papier-monnoie & les emprunts, lors même qua d'aurres égards , la comparaifon ne feroit pas abfurde. Point de Banque, point de CaiiFe d'Efcompte qui mérirent d'être accréditëes fans deuxconditions principales. La première , qu'aucune émiftion de Billets n'ait lieu fans la remife a la Banque de leur valeur fpéciale & difponible : 1'autre, que perfonne ne foit contraint de recevoir les Billets en paiement, c'eft-a-dire, qu'ils ne puiffent jamais être appellés papiers-monnoie; car ce nom ne convient qu'aux Billets dont la circulation eft forcée par le Souverain. La derniere de ces conditions, c'eft - a - dire, la non-contrainte , garantit 1'exècution intègre de la  C I02 ) première; car 1'intérêt de Ia Banque a foutenir Ia circulation de fes billets, 1'oblige i ne jamais lai/Tercraindre, ou foupconner qu'elle en répande fans en avoir recu une valeur facilement difpomble. t Or, Ia Banque de St. Charles a été fondée fur dB principes differens. Les Billets rovaux, dont elle s eft obligée de foutenir le crédit, font un papier-monnoie, un papier contraint , qui peut tres-bien produire un engorgement par ledifcredit auquel ces fortes d'eftets font expofcs. C'eft fans doute faute d'avoir pu s'attachet i ces deux condirions fondamenrales, que les Américains libres ont rencontré de grandes dirficultes dans 1'ufage qu'ils ont voulu faire des papiers de credit, qui d'ailleurs feroient fi uriles a leurs developpemens, vu la rarete de numéraire que les déftichemens y entretiendronc long - tems , paree qu'ils en demanderont toujours davanrage.' f Ces difficultés font moins étonnantes dans des Etatsnouveaux, & dans des circonftances oii les propriétés n'avoient Pas encore pu acquérir tout ce qui les rend facilement difponibles. La fécutitè 2 cet egard eft 1'effet de la Légiflation ; & Ja plus parfaire a encore befoin d'être èprouvée, pour que 1'cpinion publique regarde enfin les propriétés , comme une caution süre des engagemens.  ( ïo3 ) On doit au refte peu s'inquiéter du bavardage des Papiers publjcs fur tout ce qui fe pafte a ce fujet en Amcrique. Les Américains connoiflent les vrais principes, & s'y rangeront. SUITE de la Note 23 , pag. 45 , fur F apologie que les Directeurs de la Banque de St. Charles ont fait de ÜAgiotage. L e s Directeurs de la Banque de St. Charles voudroient introduire 1'Agiotage en Efpagne. En France, l'Adminiftration voudroit le rèprimer. Ces deux intentions a remplir font également difficiles. En Efpagne, les> habitudes, nées du climat, mettent trop d'oblhcles a la grande activité que 1'Agiotage exige, pour qu'il y foit jamais bien animé. En France, le caractere national favorife trop cette activité, pour que, dans 1'état actuel des chofes, il foit facile d'jr renrërmer 1'Agiotage dans des limites raifonnables. Le Gouvernement Efpagnol n'auroit rien a faire pour prèvenir cette maladie chez lui. II femble au contraire que 1'intervention du Gouvernement Francois foit indifpenfable pour la guèrir en France. Mais le meilleur moyen de guèrifon n'eft pas encore trouvé. Les convendons que la liberté  ( TC4 ) naturelle autorife d'homme a homme; les renoncemens a la loi que les contradans peuvent toujours fa,re entr'eux ; la liberte dont les opérations de commerce doivont fouir; Ie danger d'afFoiblir le re-ped ü ncceffaire pour la foi des ern^emens; lavantage que les ^oix prohibinves en paredle mariere donnent aux gens de mauvaife foi, ^ Iesgens delicats; & plus que tout «la, Ia vanete des négociations qui ont les empr „ pubhes pour objet; négociations que Pabondanc de ces emprunrs nécemte, ne fur-ce que p0Ur en rendre Ie fardeau aifé ; toutes cl chofes üffhronr toujours a la Légiflation des difficulrés II fiut en ccnvfnir. On ne peut tempérer lAgiotage quen I'abandonnant a fes propres exces , a moms qu'on ne veuille ouvrir Ia concurrence aux dbjets qui le fiourriflenr & 1'excitent. Ce dermer parti feroit rout-a-Ia-fois Ie plus sur, Ie plus prompt, & peut-être le plus fage ,rZSTnenCe m°mre qUC ,es Privil«?es,ou les poted!0ns qur en riennent lieu, fervent bien Plus aujourd'hui a favorifer 1'Agiotage, qua aucune efpece de bien pumic. Que les privileges ceücnt; que ia concurrence foit encouragee, en  ( ">< ) laiflant la plus grande liberté a 1'induftrie, & 1'Agiotage fera bientöt entièrement renfermc • dans les Effets publiés provenans de la dette nationnale. Ce ne font pas ces Effets qui ont porté 1'Agiotage au degré effrayant auquel il eft parvenu. Excepté aux epoques, oii les apparences de guerre ou de paix font craindre ou efpérer de grandes variarions-, la renre fixe & connue des fonds publiés , c'eft-a-dire, la bafe de leur valeur, ne laifle rien a faire a 1'imagination pour exciter les Joueurs de tout ordre. La maffe de ces Effets eft d'ailleurs trop coniïderable pour permettre ces accaparemens, ces achats excefftfs, qui ëtonnent par leur hardiefie, & occafionnent promptement des variations fi exrraordinaires. II arrivé même, quand le crédit de la Nation fe fortifie par 1'efpoir d'une longue paix , que le prix des Effèrs royaux s'cleve beaucoup , & que par confequent la rente en devient trop petite pour promettre de grands profits. Alors ils fe concentrent dans les mains des Capitaliftes, & 1'Agiotage fur ces Effets s'éteint jufqu'a de nouvelles circonftances. Mais les entreprifes, dont le profit eft dans leur fuccès , laiffent a 1'imagination, tant qu'elles durent , toute fa liberté ; & bientöt, elle fe monte, jufqu'a voit d'abondantes moiflbns fur. les  ( iocS ) mchers les plus fiériles. Qu'au mayen des Actions Ponpuifle mertre en circulation tous les intéréts dans ces entreprifes, & qu'un priviiege ou des proteciions garantiflent celles-ci de toute concurrence , & I'on peut s'attendre dorefnavanr que toutes deviendront autant de foyers de 1'Agiotage le plus abufif* ° Cette afiertion n'eft pas gtatuite. Tout Obfervateur a pu fe convaincre que 1'Agiotage actuel ne feroit pas même connu, fi les entreprifes , dont il elt 1'objet, n'étoient pas toutes privilégies, foit expreflemenr , foit par la nêcefliré dobtenir des permiffions pour en faire de pareilles ou dont le but feit Ie même; car Ia concurrence ' ne laiflant pas long-tems fubfifter les profits extraordinaires, reels ou efpérés, fa feule poflibilité fuffit pour arrêter toutes les exagérations de ÏAgiotage; ou pour le décourager par le grand nombre d'entreprifes, dont il feroit forcé de soccuper, s'il vouloit y porter fon atcention. L'Agiotage s'éteindtoit donc de lui-même & fans prohibitions , fi les priviléges de droit ou de fait etoient abfolument fupprimés: fi Je Gouvernement, attentif uniquement a pourvoir aux loix générales, iaiffbit le champ libre i la concurrence: s'il laiflbit a 1'expérience des particuliers, & a I'etendue naturelle des affaires, a pofer  ( i°7 ) les bornes que doit avoir toute entreprife util« a la fociëté; fi les Charlatans, & les Entrepreneurs inconlidèrés reftoient auffi expofés, comme jufte aux mauvais fuccès- Car, aujourd'hui, il n'y a pas une Compagnie, dont les Auteurs ou les Adminiftrareurs , ne püifterit tirer de très-grands bénéfices par le feul Agiotage , puifque fon mouvement principal eft, pour ainfi dire , dans leurs mains. Cet henreux efTet de 1'anéantiiTement des priviléges feroir certain; les raifons en font fenfibles. Or il vaut d'autant plus la peine de le prendre en confidération , que le remède ne fauroit être pire que le mal. Depuis long-tems , fur-tout chez une Nation populeufe, puiflante, riche, acrive, éclairée , portée a 1'induftrie, les privilèges font, en matiere d'induftrie , condamnés fans appel, comme 1'intolérance 1'elr en matiere de religion; & fi 1'un & 1'autre exiftent encore , c'eft par des circonftances ètrangéres au fond, que le tems n'a pas encore pu changer. Ainfi le mal de 1'Agiotage produiroit le grand bien de por ter le dernier coup aux privilèges. II a évidemment détruit le motif fpécieux qui les a fouvent fat accorder, celui de rendre un plus grand nombre d'individus participans aux profits des grandes entreprifes. Quand les Agio-  e 108) teurs achetent & vendent routes les fortes d'Ao tions par milfiers, quand ils en vendent au-deU de ce qu'il en exifte, comment veut-on qu'elles fe partagent entre un grand nombre de vrais Aclionnaires ? Comment veur-on que les Commercans, privés de leur objer par le privilege, s'en dédommagent par des inrercts dans le privilege même, a moins qu'ils ne deviennent Agioteurs; ce qui cauferoit, fans contredit, bien plus de mal, que jamais privilege ne peut produire de bien. Eh ! ne voit-on pas qu'il eft impoftible, dans Ie mouvement rapide & varié de 1'Agiorage, que les privilégiés ne deviennent bientöt tous Agioteurs; qu'alors ils ne s'occupent plus qua créer des efpérances, & que les privilèges caufent enfin aux Gouvernemens une fatigue intolérable par les prètentions abfurdes des Agioteurs, les fopbifmes dangereux qu'ils cherchent a faire ptévaloir, & les enrraves qu'ils font naïtre dans le chemin de toute véricé utile qui leur feroit contraire ? F 1 N.