CORRESPONDANCE POLITIQUEj   CORRESPONDANCÉ POLITIQUE SUR LES AFFAIRES PRÉSENTES DE LA HOL.3LAHDE» FEUILLE PÉRIODIQUE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE CE SIÈCLE; TOME PREMIER Je m firs ni Baal Bi te Dieu d'Ifraèl. A AMSTERDAM* M. D. CC. LXXXII.   PaS- & CORRESPONDANCÉ POLITIOUE Sur les affaires préfentes de la Hollande. LETTRE PREMIÈRE. VOila donc enfin, Monfieur, les belles, les piquantes Lettres Hollandoifcs au tombeau. Aprcs une exiftence de trente mois, ces enfans perdus vont rentrer dans le néant, & leur mémoire fera promptement condamnée a. 1'oubli. II feroit a fouhaiter que le mal qu'ils ont caufé dans vocre patrie, put égalcment s'oublier , oufe réparer. Mais ce pecit brtilot politique a allumé un grand incendie, qui embrafera long-temps vos Provinces. Vous m'avez fouvent entretenu , Monfieur , de ce pamphlct incendiaire, remplide bevuesgroffieres, de calomnies atroces, de déclamations féditicufes, de fautes de tour.es efpeces, écrit d'une facon dégoutante. Je me fuis convaincu plus d'une fois moi-mème, en parcourant cette Feuillc, que les faits y font dénaturés; les picccs les plus inaponames altérécs, des démarches toutesfimples empoifonnées, des perfonnages refpeétables outragés, les attentats de Taudace comblés delouanges, & la vérité omife ou dillimulée a deflein. II cft fachcux que la politique croitavoir quelquefois bcfoin de moyens auffi méprifables, pour parvenir a fes fins, & plus facheux peut-ètre encore, qu'elle trouve toujours des hommes difpofésaféTomsLNÏ.L A3 condet.  5 Correfpondance politique. conder fes manoeuvres, au rifque de s'avilir, eux$ 6 leur efprit & leur plume. J'ai trés bien compris quelle fermentation ont dü caufer parmi vos concitoyens, & le libelle hcbdomadaire qui vient de mourir, & tous les autres écrits polémiques qu'il a fait cclore. Tous ces ouvrages paffionnés, fruit de Pmtérêt ou de la vengeance, en flattant 1'amour propre oul'ambition des uns, en rendant les autres odieux ou ridicules, font Paliment de l'oiiïveté , de la malignité chez. tous les peuples, Dans un paysd'efclaves, aflervispar le defpotifme, ils n'occupenc quc^ le défoeuvrement des oififs , incapables de fe paffionner pour des objets férieux. Mais chez une nation librc, oü la difcuffion des affaires publiques appartient aux citoyens, ilsdoivent exciter rerfervefcence, augmenter la divcrfué des opinions, & animer 1'efprit de parti, appanage effentiel des Gouvernemcns Rcpublicains. Ce n'effc pas feulement dans votre pays que ces écrits plats & fatyriques vous ont nuic: c'eftauffi chez vos voifins. Les étrangers qui nc vons apprécient que d'après ces brochures partiales, fe forment de votre nation & de vos affaires, une idee fauffe & peu flatteufe. Ils ne voyent dansles Hollandois, que des hommes dcfunis , pleins d'animoiité, de jaloufie les uns contre les autres, & dans leur Gouvernement qu'une machine détraquée, dont tous les relTorts fe heurtent, au lieu de s'entr-aider, & qui ne fait plus produire de mouvemens uniformes & vigoureux. 11 y a bien quelque chofe de vrai dans ce portrait de votre lituation. Mais ceux qui ne font pas a portée de vous voir de prés, de penétrer dans 1'intérieur de votre conftitution, 1'exagerent encore. Ils s'arrètcnt aux erfets^ fans remonteraux caufes. En voyant des fruits corrompus, ils en concliient que 1'arbre eft vicié. La  Correfpondance politique: / La méchanceté des écrits polémiques qut pullulent dans votre fein, n'eft pas la feule caufe du difcrédit oü votre pays tombe dans l'opinion des étrangers: la maniere dont ils font fabriqués donne une petite idéé du génie dc feshabitans. Lc ridicule de la forme eft aulfi nuifible a votre nation que la perverfité du fond. Vo-.isme dites que vous avez fur vos affaires de fort bons écrits en votre langue. Je le crois. Les hommes inftruits & impartiaux en conviennent. Mais il faut auffi avouer, que ceux qui les font paffer en Francais, femblentêtre payés , pour vous faire refufer égalemenc & la connoiffance de eet idiome & les notions du fens commun. Quelle idéé voulez-vous que l'on concoive & de votre République, & de ce qui s'y paffe, en lifant le récit de vos difculfions politiques, Sc de vos combats inteftins, dans des brochures aulli paffionnées que mal écrites, oü la vérité & le bon fens font fouvent auffi maltraités 1'un que 1'autre? N'y auroit-il pas moyen, Monfieur, d'imaginer un ouvrage qui s'écartat un peu de ces deux défauts, la partialité outrée ,• & la platitude dégoutante; qui fut au moins véridique, & fe fit lire fans répugnance ? Je le penfe. II me femble qu'il ne faudroit pour faire une Feuille fcmblable . que de la droiture dans le cceur, & un peu de jufteffe dans 1'efprit. Pêfez cecte idéé: voyez fi elle ne feroit point utile a votre pays, dans les conjonctures préfentes. En cc cas, je vous offre de correfpondre avcc vous, pour reffeótuer. Nous difcuterons ea* femble les matieres agitées parmi vos compatriotes. Nous pêferons les avantages & les défavantages de votre République. Nous effayeronsdemontrer quels font fes vrais intéréts dans la pontion, a&uelle des affaires politiques. En paffant, nous ietterons un coup d'oeil fur & 4 ccttc  I Comjponddnce politique. cette guerre vivc & animée, que les deux panls fe fontavec lalangue Maplume. Nous érigerons en feeree, entrenous feuls, un petit tribunal ou nous prendrons la liberté de citer les combattans d'apprécier leurs armes & leurs coups, & deiuger leur quérelle. Nous examinerons s'ils mectenttoujours de la bonne foi & de la raifon dans Patta-que comme dans la défenfe. Nous dirons auffi un mot des Puiffances Belligérantes de VEurope, des Américaiiis, & de la confédération armée du Nord; fans oublier, quand nous n'aurons rien de mieux a faire, les brillantes campagnes des flottes combinées , & les moiffons de lauriers cueillis par les héros EJpagnols & Francais, dans les champs tfAlbion. Vous confierez le fruit des délaffcmens de notre loifir a un homme impartial & judicieux,qui donnera nos revèries politiques au public, & aqui vous laifferez plein pouvoir de nous contredire quand il ne fera pas de notre avis, & de nous yeéUfier, lorfque nous nous tromperons, J'ai 1'honneur d'êcre, &c.  Comfpondancc politique. £ R É P O N S E. J'Accepte volontiers, Monfieur, la propofition que vous m'avcz faice. Je confens avec plaifir a difcuter avec vous les objecs qui intéreflent ma patrie: ricn ne me touche plus vivement que Fétat difcordant & défuni oü de mauvais génies 1'ont plongée. Perfonne ne defire plus fonemen t que moi, fa tranquillité au dedans , & fes fuccès au déhors. Vous avez raifon de vous plaindre & de notre faeon d'écrire & de nos produétions. Si vous ne jugez avec le public de notre efprit national que par les déclamations des libelliftes , & des talens littéraires des Bataves que d'après 1'affluencc des brochures infipides qu'on met en Francois fur leur compce, vous êtes excufables, 1'un &l'autre,de n'en avoir pas une fort grande idee. Mais prenez garde de vous méprendre. Ne précipitez pas votre jugement. Vous êtes trop judicieux pour rendre tout un pcuplc refponfable des fautesou del'incptic de quelqucs individus. En attendant que nous puifóons entrer dans des détails plus approfondis fur les matieres que vous indiquez, je vous envoye lesPenfécs d'un franc & ioyal patriote Hollandois, qui pourront vous donner une notion afiez jufte des motifs de nos diffenfions domefliques. Cette petite pièce n'eft pas mauvaife dans 1'original. On en a donné une traduéiion Fran?oife, mais en ftile dcceftable; & quelques périodiftcs 1'ont copiées dans leurs feuilles, avec tous fes défauts. J'en ai corrigé affez pour en rendre la lecture fupportable. Notre édifcur y joindra quelques notes de fa fagon, defti-  io CorreJpQndance politique. nées a 1'éclaircir, ou a apprécier les faits qu'elle contient. Adieu: a 1'ordinaire prochain ,je vousferaiparvenir un morceau curieux, que vous ne connoiffez, pas encore, & qui n'a pas paru, que jefache3 dans ypcre idióme.  Correjpondance politique. Vf PEN SÉ ES d'un franc & loyal PatrioteHoL landois, fur la conduite téméraire & fcandaleufè de plu(ïeurs de fis concitoyens, d Végard de cer~ taines perfonnes irrépréhenfibles. La pure vérité découvre Tinnocence. IL eft vifible que depuis quelques années, eertaines perfonnes, dans ce pays, ont formé le dclTein de rendre aux yeux des bons patriotes, le Prince d'Ou.angë fufpeél, odieux & méprifable. Iln'eftpas moins manifefte, quec'eft dufein de nos Provinces que font partis les premiers Jibelles contre le Stadhouder. Au nombre des plus téméraires , des plus criminels Ecrivains qui fefont déchaincs contre lui, ondoitplacerau premier rang le méprifable auteur des précendues Lettres Hollandoifès (a). Des pamphlets fans nombre , plus ou moins fatyriques, plus ou moins fcandaleux, ont été debités, traduits, répandus avec profulion dans le public; & cela a deux fins fi 00 Notre franc (i hyal Patriote fe trompe ici. II eft bien vrai que les Lettres Hollandoifès font le premier ouvrage polémique qui aic paru fur les affaires prcfentes denotrenation.il eft vrai que c"eft leur aueur qui a fonné le tocfin de la fedition parmi nous; donné le ton a tous nos barbouilleurs de papiers , provoqué cette foule aflömmante de pamphlets inlïpides , plats , méchants ou ridicules, qui nous défolenc & nous ennuyent. Mais il ne 1'eli pas que ce libelle groffier , auffi calomnieux que mal écrit , aic pris naiflance parmi nous , & foit parti du fein de nos Provinces. Son. auteur eft Francois. C'eft un ci-devant Avocat au barreau de Paris, fcanni ou réfugié a Bruxelles. II fe nomme Derival. II falit du papier a tant la feuille Le Libraire Boubers emploie ce faverier Littéraire pour compiler deux énormes fatras qu'il intitule , i'jn, Jii&lonnaire de Commerce, 1'autre , Encyclopédie de Jurijprudence , plagiats informes , compilations fakes lans difcemement & fans goüt. C'cft de cette plume de crocheteur dont le miniftère de Verfülles E'elt fervie, pour vomir pendant environ trois ans tous les menf >nges, routes les impofture$ , toutes les calomnies , qui pouvoient fecondet les manaiuvres de fon agent a la lïaye. Q Note de l'cditem. )  s® Correjpondance politique. £ viüblcs, qu'elles n'ont pu échapper aux yeuxle* moins clairvoyans. Depuis que la guerre a éclaté entre VAngleterre & la République, les calomnies font devenues & plus communes & plus atroces. Des clamcurs fe font elevées de touies parts. On a jetté les hauts cns, & fonné le tocfin. On demandoit des vaiffeaux, & 1'on favoit bien qu'iln'y en avoitpas. Ou cn prendre? Oü en chercher ? Pouvoiton les faire defcendre des nuës, ou furcir du fein de la terre comme les légions de Pompée? Les Provinces étant divifées entr'elles, n'ontpu s'accordcr fur la néceffité d'en faire conftruire. Voila pourquoi nous en manquons. On favoit bien avant la rupture, & que nous n'en avions pas affez pour la foutenir, & la raifon qui nous .empcchoit de nous en procurcr. On pouvoir prévenir cette rupture, par quelquc légere condefcendance pour VAngleterre. Le Princc le confeilloit. II étoir encore temps. Au moins n'auroit-on pas dü rompre en vifière avec un ancien allié, avant d'avoir un nombre de vaiiTeaux fuffifantpour faire face aux Anglois, fans ctreobligé de fe répofer fous 1'égide des Puiffances du Nord. LeS (A) Si quelque chofe doi; aftermir MM. d'Amsterdam & tous nos bons Patriotes dans leur fyftcme, c'eft le pnMènc, 1'eftïcace Jocours que notre pays regoit de cette belle, de cette grande, 4,2 ce"e [ublime Ntutralité armée , conqu , eftöftuée , par 1'immortel.e Carhinne IJ. Queile reconnoiii'ance ne devons-nous pas a cette incomparable confedération , & a fon femel auteur ! Et 1» trance, & \'Efpagne , comment pourrons nous reconnoltre lesimportans fervices qu'elles nous rendent ? Quoi ! durant cette campagne , rg vaiflèaux Francois ne font-ils pas allés rendre vifitea So vaifleaux Efpagnols dans le port de Cadix? N'ont-ils pas etc enlemble raire une promenade fur 1'Occan ? Cetie nouvelle invinttble o'a-t-elle pas faic en notre faveur, une diverfion admirable , Sc apres avoir faic tremfrer les poifiöns du Canal de St.Gtorge> les rédoutables amagonifies de nos ennemis , ne font-ils pas allés Je répofer de leurs glorieux travaux , précifement au moment oü il nous importoit qu'ils tinfent les Anglois en échec, pour faeiliter a nos flottes marchandes leur voyage dans le Nord <; 'eut retour dans nos pores ? ( jVMe de l'Eiheur. )  Correjpondance politique. ig Les avis du Prince & de ibn Confeil ont été inutiles. On n'a agi que d'après la fuppoficion auffi fauffe qu'abfurde, que VAngleterre étoitaux abois, incapable ou trop fage pour s'attirer un nouvei ènnemi fur les bras. Maintenant qu'on voit le contraire, on cherche a fe décharger fur autrui. Et fur qui ? Précifement fur les perfonnes les plus intègrcs & les plus irréprochables de la République. Dans ce temps de crife & d'embarras, on ne peut ricn faire oü 3'on ne trouve pas a redire. Tout eft trahifon, perjidie ou tyrannie. Ne fe trouve-t-il pas affezde vaiffeaux pour faire tête a rennemi? (vaiffeaux qu'on auroic dü conitruire, depuis long-tcmps, foivarit les repréfentations réitérées de S. A.) C'eft Trahison. Le peu de vaiffeaux que nous avons dans nos Ports ne peuvent ils pas être aflez promptcment prêts, quoi qu'on y travaille jour & nuit ? C'eft Trahison. Manque t-on de bons Matelots, de bons Officiers , dc bons Soldats, malgré les plus grands erlorts pour s'en procurer , pour les former & les encourager? C'eft Trahison. Les vaiffeaux font-ils contrariés par les vents contraires, arrêtés dans leur marche par des obftacles auffi impoffibles a prévoir qu'a prévenir ? C'eft encore Trahison. La Mer envoye-t-elle des vapeurs mortelles ? Des maladies contagicufes accablcnt - ellcs nos équipages? C'eft toujours Trahison. En un mot, la mahgnité humaine, qui empoifonne tout, ne voit par tout au milieu de nous, que Trahifon. & Perfidie (c) J De  24 Correjpondance politique'. De même, lorfque nous fumes, il y a quelques muis, inopincment attaqués par les Anglois , & qu'ils firent quelques legers mouvemen» fur nos cótes, on jctta les hauts cris pour avoir des troupes. Elles étoient trop difperfées pour les raiTembler d'un coup de fifflet : elles ne pouvoient être rendues aux endroits ménacés aulli promptement que la peur du péril le faifoit défirer. On vit encore de la Trahison dans les délais inévitables néccfiités par le temps de leur intimer 1'ordre de partir,par la longueur & les difficultés d'une marche pénible, dans la faifon rigoureufe de 1'hyver. Ces troupes furent a peine en marche, qu'on n'en vouloit plus. Elles n'étoient pas encore arrivées a leur dcftination , pour protégcr nos rivagcs, contre les furprifes de 1'ennemi, qu'on ne voyoit cn elles que les inftrumens de la Tyrannie. C'étoit pour affervir la patrie, bien plus que pour la défendre, qu'on les cantonnoit fur nos cótes. Si le Stadhouder , touché de ces clameurs féditieufes , eut renvoyé les Régimens dans leurs garnifons, & que nos cótes dégarnics euiTcnt été infultées par quelques Bataillons, ou quelques corfaircs cnnemis, on n'auroit vu dans cette condcfcendance qu'une négligencc criminelle, ou une coupable collufion avec VAngleterre. De quelque manicre qu'il s'y prenne, ii ne peut donc plus ricn faire, qui ne fourniiTe porrations exceffives qne nos Marchands ont faites des bois de conflruaion , dont nous avons un li preflant beluin ? Le 1 nnce ó'Grange s'eft conftamment efforcé de fufpendre ou de reltreindre ces écoulemens incüfcrets d'une denree neceflaire a notre marine guerriere , iufqu'a ce que nous en fuffions fuffifamment pourvus nous-mêmes; & a ce fujet, la haine n'a, pas maaque da donner a fon oppofition une interprctauon odieufë , en l accufant de favcrifer VJnglcnrre , comme fi on ne pouvoit s oppofer a des envois imprudens, fans trahit lapatne. Qnottduuxte)  Correjpondance politique. ig fourniffe a fes adverfaires le prétexte* de le taxer de Traitre ou de Tyran ? Rien n'eft plus criminel, plus révoltant, que la fureur avec laquelle on fe déchaine en même temps, contre Son Alteffe le Duc de Brunswick Wolfenbuml. Vers la fin de Janvier dernier, des mal-intentionnés, des Agens, des ftipendiaires de la France9 répandirent fourdement dans tous les lieux de la République, le bruit artificieux, que ce Seigneur étoit la caufe des défaftres & des calamités qui fondoient de tous cótés fur 1'Etat. Ils 1'accufélent, d'abord en fecret, puis affez publiquement, d'entretenir depuis longtemps une correfpondance clandeftine avec VAngletcrrc; d'avoir préparé luimême la rupture entre cette PuilTance & Nous ; attiré fur la République le fléau & les malheurs de la guerre & de vendre la patne aux^/i- glois COTour. C d ) Chofe étonnante, avant que Ia guerre euc éclaté, Ie Duc & plufieurs autres graves perfonnages étoient accufés de tenir le parti Anglois , paree qu'on favoit qu'ils étoient d'avis d'éviter la guerre. Maintenant qu'elle eft déclarèe, on chante fur un autre ton: c'eft a préfent le Duc qui attife & alimente le feu de la difcorde entre les deux peuples. Quelle étrange, contradiction ? Eh ! Meffieurs les moniceurs, accordez vous donc ; foyez au moins conféquens , fi toutefois la prévention , la paffion , la haine peuvent 1'etre. Quote du texte~). Q t) On pourroit, non fans quelque fondement, douter que M. le Duc ait été, depuis quelques années, dans une auffi intime faveur avec 1' AnghterTt, que les ennemis de ce Seigneur s'efforcent de le perfuader. 11 a exifté des cas; il s'eft pafic bien des cliofes connues du public, qui pourroient démontrer la contraire. Mais fi dans 1'état de foiblefie momentanée, d'impuiffance volontaire ou la République fe trouve actuellement, il a fait de fon mieux pour prévenir une rupture , qui ne peut que nous ètre funelte , quelies qu'en foient les fuites , n'a-t il pas rempli fon devoir ? Certainement ce Prince ne fauroic vouloic cjue le bien de la na'.ion , qu'il fert depuis fi longtemps. II peuc fe cromper, fans doute , paree qu il elt homme. Mais les avantages des Provinces Unies lemporceronc toujours chez lui fur ïoute autre omfidération. Un homme qui a rendu de fi longs, de fi importans fervices au Pays, ne peut pas ètre acceffible aux vils rautif* que ia calomnie lui prê;e. ( nu te dt ïorlginal. )  io Correjpondance politique." Tout récemment encore, on n'a pas rougï cV&-> vanccr qu'il en avoit regu le prix; qu'il avoic touché une fomme de 20 mille livres fterlings, felon les uns, & de 40 mille felon les autres. Les uns ont dit que le prix de fa trahifon avoit été compté par Boas a la Haye , les autres par Cr.aufurd a Rotterdam, des troifièmes par Hope a Amjterdam. On ajoute foi a ces affertions abfurdes & contradicloires. On jure fur fes grands dieux qu'elles font vraics. On foutient fort & ferme que les preuves en exiilent; qu'on les a en main; qu'on peut les produirc au grand jour (ƒ). De'plus on a débité que M. le Duc étoit fubitcment parti; il y en a mème qui ont porté 1'impudencc, jufqu'a publier qu'on 1'avoit enfermé. Ces calomnics fe font répandues avec une rapidité fiétonnante par les Provinces, Villes & Villages, rn Le franc & loyal patriore faic ici allufion au bruic répand» & accrédite par la ville A'Amflerdam, que les Régens de cette opulente Cité étoient en polVefïion des titres qui conltatent le dclic canital du Duc. On allure en eftét, que ces MM. ont en main un documenc précieux , qu'ils moncrenc miftérieufement a quelques anvs II V a des gens qui pretendent que cette piece a été achetée co 000 florins dans les bureaus de St. James. C'eft, ajoute t-on une lifte de tous les penfionnés ou penfionnaires de YAneleterre • & des méchans , efpèce fort nombreufe ici bas , infinuene ou'a 1'aide d'une petite métamorpliofe d'un F. en L, le Feld Markhal s'eft trouvé de blanc qu'il étoit , touc-a fait noir , & d'inriocent tres coupable. Mais il eft évident que ces infinuations fonC auffi fauflès qn'acvoces. 11 ne tombe pas fous les fens qu'une Pé^ence auffi refpectable que celle d' Amfterdam, foic capable de proftituer cinq tonnes d'ot a corrompie queiques commis du Lord North tandis que.'comme le lui reproche 1 lieodomadaire Cerl. Her dans fon Politique tlollandois, eile paye d'une indifterence, qui approche de 1'ingratirude , fes propres Ayocats ; & bien moins Encore, que des Magi'nats fi amis de la vente , fi zeles pour la natrie fe promettenr h l'aide d'une invention connue ailleursfous lenomde zriffe, d.Wubftituer un L. a un F. pour revTdre Vrijntielun ferviteur tuffi irréprochable par fa conduite , ' que d)iftineué par fa naiflince & fon mérite perfonnel- U tauc donc reietter ces bruks abfurdes & calomn.eux, comme des invention» de eet efprit malin , qui eft le pere du meafonge , 8t qui fe plait a entrecenir fes enïans dans le ttouble & la contufion. (JVsr* it rÉdiuur. ),  Correfpondancc pollsiai.it 'tf Villages, qu'il n'eft pas poffible qu'elles n'ayent partout des échos intérefles a les accrédicer. Ce feu allumé de toutes parts, avec autant d'habileté & d'adrelfe que de raéchanceté & d'infarnie, a été attifé, emretenu avec tout le foin imaginable, par des infinuations verbales , par des lettres, parundéluge de brochures & ae libelles. Rien n'a été épargné pour enllammer, pour aigrir les trop crédules Hollandois , d'ailleurs fi calmes, h* judicieux, & pour leur perfuader que c'eft Jpéciakment, uniquement au Duc de Brunfwick qu'on doit attribuer tous les maux que la République éprouve, & toutes les pertes qu'elle effuie. On a perfidement infmué que ce Seigneur donnoit de pernicieux confeils au Prince Stadhouder; qu'il étoit la caufe de la trifte & déplorable fituation de notre marine; 1'auteur de notre foibleffe & de notre inaétivité acruelles : que lui feut' avoit empêché, qu'il empèchoit encore la République de s'armer par mer, &c. Pour donner un air de vraifemblance a ces imputations calomnieufes, on n'a pas eu honte de nommer un des Régens d'une des principales Villes de la Hollande, qu'on indique comme dépofitaire des documens, d'oü Pévidence fe manifeltera. On va même jufqu'a attefter par des fermens affreux, ces infinuations atroces. II ne manque plus rien a la conviétion du prétendu coupable, que la manifeftation, &, fur-tout, Pexiftence des preuves de fon crime. A la vérité ces infignes calomnies n'en ont impofé qu'aux perfonnes foibles ou paflionnées; elles n'om pas trouvé de créance chez le petit nombre de gens fages de toutes les conditions, qui ont apper?u fans peine la fourberie, & découvert le ftratagême. II n'a pas été difficile aux citoyens fenfés & tranquilles, de pénétrer le véSupplement au A'°. i. du T. 1.  :ö Correjpondance politique, ritable but de cette trame fi adroitemcnt OHrdiV il n eit pas moins vrai cependant, que ces fic- tTrSH'UïagCanteS n'o°nC pu être répanduesavec tant d acharnement & d'artifke, avec des par- ?namer%fVeXtra0rdinaireS' fous Ies couleur. its pius ieduifaiir.es, & accompagnées des proteftat.ons les plus folemndfc,, fans trouver acces , fe s enracmerdans 1'efprit du gros de la nation! £ar la pen te naturelle qui porte 1'homme a croire plus aiiement le mal que le bien, eiles ont dü acquenr, a force de les divulguer & de les répéter , undégréd'apparence, qui les a fait prendre pour des vérités, par la multitude qui examine peu & qui eft peu 4 portée d^re w mftfuite. Auffi n'ont-elles pas manqué d'exciter un cri gencral &des clameurs univerfelles, parmi Jes Ho/landois, qui ont 1'habitudc d'écouter de bonne foi de pareilles rélations, & qui ne peuvent foupconner quelque defTein fecret, enveloppe de ces groffieres& infames impoftures; fur tout quand on négligé de les repoufler, & au'on. iait paroitre afiez de confiance & de magnanimite pour les méprifer. Non femper, r, a . Latei anguis in herbd. £ eit dans eet écat des chofes qu'on entend pubher par tout que, depuis peu de jours, deux Bourguemaitres de la Ville d''Amjierdam fe font rendus en cérémonie chez lePrince Stadhouder, pour fuppher fon Alteile; que, vu les foupcons deshonorafns qu'on avoit coneus du Duc, & la nainc que le peuplc avoit pour lui, elle voulut bien 1 cloigner de fa perfonne & de fes confeil^ Des taits ü peu probables, fi peu apparens, mentent iurement confirmation (f). i'ill CfS faitsfo"r. bien Plns que probable* : ils font 'ynis'ïm. ü AmUerdam ont taic cette demarche éclatante. 11 faUc croiré qu ils onc de quoi la juftifler , ou efpérei qu'ito la répareronc. S  Correfpondance politique. 1$ Pourroit-on bien trouvcr 1'exemple d'un homme honnête & irréprochable, qui aic été condamné fur les premiers indices , fans qu'on les aic mürement examinés ? II parok que non (g) Seroit-il probable que des Régens intègres , diftingués par leurs vertus comme par leurs lumieres, vouluflent donner au monde une auffi iinguliere & fi étrange le$on ? Jufqu'a cc moment il ne fubfifte aucune préfomption, aucun indice a la charge du Duc, & 1'on peut raifonnablement préfumerque, s'ilcn exiftoit, ceux qui les auroient en main, ne manqueroient pas de les produire. Ce feroient des picces trop intéreffantes pour la patrie.... Pourquoi donc ne les feroit-on pas paroitre au grand jour ?... II feroir. inconcevable & criminel de les tenir fecrettes. Si cependant des preuves dont on affirme Pexiftencc par les plus affreux fermens, n'ont point encore été manifeftées d'une faeon précife & lé- 1'objet de leurs plaintes eft coupable du crime qu'on lui impute, fans doute ils font trop bons patriotes pour le laifler impuni: s'it re 1'eft pas , certainement ils f.nt trop équitables , pour ne pas lui donner une ample facisfacticm. Mais ce n'eft ni avec des L. nï avec des F. qu'on peut, ou qu'on doic faire 1'un ou 1'autrc. ( Note de ÏEdlteur ) (g) Pourquoi pas? II paroic que notre franc y hyal patriote n'a pas conlultc l'hiftoire. 11 y auroit trouvé une liftè nombreufe d'hommes de mérire flétris ou immolés avec autanc d'injuHice que de précipitation , fans tormes, & ce qui eft plus affreux encore, avec les formes. Ce font précifement les hommes dc ceite efpece qu'on attaque avec le plus d'audace , qu'on pourfuit avec le plus d'acharnement, qu'on juge avec le plus de légéretè. On crainc les mechans , on outrage les gens de bien. _ Une chofe a laquelle on ne fait peut-ëtre pas aflèz d'attention, c'eft qu'en général on traite les prévaricateurs, en tout genre, avec plus d'equicé & de ménagemenc , que les hommes incorruptibles. Le coupable infpire fouvent de la pitié , & 1'innocenc quelquetbis de la fureur. L'une eft froide & calme, 1'autre violente & emportée. C'eft prefque toujours une preuve certaine de 1'innocence d'un homme en place ou célèbre, que les clameurs populaires qui s'élevent concre lui. Cette vérité doic rendre bien refervé , bien circonfpeét, dans les iugemens qu'on porte furies perfonnages illuftres , en bute a 1'envie, a 1'intrigue , a la caJomnie, furtout lorfqu'ils ne fe font pas plus redouter de la mul«cude qu'eltimer de leurs parcifane. ( Note dc i'Editeur)  So Correjpondance politique. gale; fi, pour que le foupeon de leur réalicé' s'accréditat & fe foutint dans 1'efprit du public, il a fallu employer des infinuations vagues, des fables extravagantes , des contes abfurdcs, quï ont donné lieu a tant d'amplifications malignes & outragcantes; n'eil-ce pas une démonftration de la fauffeté de ces prétendues preuvcs de délit , & une efpèce de certitude qu'elles n'cxiitent que dans la bouche & fous la plume des boutefeux de ces Provinces, qui répiïaient le peuple de menfonges & de calomnies? L'innocence du Duc de Brunswick doit s'inférer du défaut feul de témoignages authentiques pour le convaincre de crime. S'ileft coupable,que fes ennemis en produifent les preuvcs. S'il nel'eft pas, n'elt-ce pas un forfait abominable, que de ternir, par des manoeuvres infames, de propos délibéré, par pure malice, la réputation d'un Prince d'un mérite rare, que fes détracteurs favent n'avoir été attiré, il y a plus de 30 ans, qu'avec les plus grandes difficultés au fervice de la République, & n'y ctre refté attaché, depuis la majorité du Stadhouder, que d'après les alTurances pofitives, & les proteftations folcmnclles de Leurs Hautes' Puijjances, que la continuation de fes fervices feroit auffi agréable qu'utile a 1'état; d'un Prince dont le zèle & la fidélité ont été plufieurs fois fi hautement reconnus, & dont même,lcsSouverains de 1'Europe parient avec eliime & avec éloge Eh ! C'eft pour ce Seigneur qu'on érige un Tribunal inique, effrayant, capable de faire trembler l'innocence & de compromettre lavertu 1 O mala gens humanarum ! Cette Fcuille paroitra une fois par femaine, avec le plus de régularitê qu'il fcra pojfiblc, 6* formera deux volumes par année.  at COB.S.ESPOHDA^CE POLITIQUE Sur les Affaires préfentes de la Hollande. SECONDE LETTRE. j£) N attendant, Monfieur , le cadeau que Vous m'avez promis, permettez que je vous en faffe un-, je vous envoie un Ouvrage que vous ne connoiilex probablemenc pas. II y eit quelquefois queition & de votre République & de lés allaires. Ainli il ne peut manquer de vous intéreilcr. Cet üuvrage, c'eft le Journal Politique4 Civil et Litteraire , a Vinftar des An~ nales du pauvre Linguet, qui loge , comme vous favez, depuis un an , dans le vieux chateau de Charles V., pour expier le crime capital d'avoif fouvent eu raifon, & quelquefois dit de grandes & terribles vérités. II n'eit guère apparent que le fage Charles , en faifant conltruire la Bafiille, penfat que fes fuccefieurs duflent en faire un cachot, pour enfermer les organcs dc la vérité & de Péloquence, qui auroient le malheur de déplaire a leurs Mmiftres ou a leurs MaitrefTes. Mais ce n'eft pas de cela qu'il s'agit entre vous & moi. Si nous voulions citer tous les pervers a notre petit tribunal,& y juger toutes leurs méchancctés, nous aurions trop a faire. Contentons-nous de pafier en revue quelques unes de leurs ibtrifes. Tome I N°. a. v>  22 Correfpondance politique. Le premier volume de POuvrage periodique dont je vous parle, vient de me tomber entre les mains. En le parcourant , j'ai été iürpris de trouver tant de chofes importantes dans un écrit de ce genre. Quoique je ne fois pas toujours de Pavis de 1'Autcur, j'ai pourtant vu avec plaifir, qu'il approche fouvent dc mon opinion & de la votre, fur plulieurs chofes, dont nous nous fommes quelquefois entretenus. J'ignore fi ces feuilles fe pourfuivent; mais elles me paroilTent de nature a méritcr que le Public en defire la continuation; & nous, qu'elles foicnt connues dans votre Pays. Si elles n'y font pas répandues , ce feroit , je penfe, rendre fervice a vos Compatriotes, que de les leur faire connoitre. Vos Politiques y puifcroient peut-être des inftructions, & plufieuis de vos Ecrivains Francois , a coup sur, des lecons. Engagcz donc notre Editeur a en inférer des extraits , dans le ramalfis qu'il fait des épcnchemens de notre amitié. Ils enrichiront le recueil qu'il a fi élégamment intitulé; Correfpondance Politique. Pour 1'engager a faire ces infertions, je joins ici Copie d'un paifage intércffant de ce Journal, qui a fervi de texte a une homélie affez drole , que 'vient de me communiquer, un gentil-homme campagnard , mon voifin , vrai Cazanier, qui écrit peu , lit beaucoup , penfe encore plus, avec qui je caufe fouvent dc vous, & des brouilleries de votre chere Patrie , a qui je fouhaite, comme a vous, paix & profpérité. Sur ce, mon cher ami, je vous embraffe & fuis, &c.  Correfpondance politique. 23 Réfle'xions impartiales d'un Neutre , fur le Traité éventuel, concerté entre la Regence d' Amfer dam, & le Congres Américain. jt Auteur du Journal Politique, &c. me paroic avoir envifagé cette matiere fuus ion vrai point de vue, & 1'avoir traité avec impartialité. Miis il s'en faut bien qu'il ait dit tout ce qu'elle prélénte a dire. Je vais d'abord rapporter fes termes; enfuite, j'ajoüterai mes idéés aux fiennes, plutöt dans la vue de les dévcloppcr, que de les contrcdire. „ La régociation fecrète, dit-il, dont les indices ont aigri la bile du Cabinet Britannique & de fon agent a la Haye, prouve 1'inutilité, le danger méide de cette politique méprifablc , qui s'enféveli dans 1'ombre, pour chcrcher des aVantages équivoqués ou incertains, tandis que la candeur & la droitufe., en procureroient de réels, avec moins de peine fc plus de süreté. Une conduite franchie, courageufe & noble , eut épargné a la Hollande des injuitices & des humiliations; au lieu que des intrigues fourdes, une correfpondance clandeftine avec le Congrès , 1'expofent a des reproches, & lui préparent des calamités. " „ A la vérité, cette démarche peu honorable 'pour ceux qui 1'ont faitc, n'étoit pas de nature a échauffer fi violemment le bilieux miniftere de Londres. On ne voit pas comment les relations fans conféquencc d'un négociant tfAmflerdam, avec un Commiifaire Américain , ont pu lui paroitre intércffer atTcz, elTcntiellcment le repos, ou la djgnité de 1'Empirc Britannique , pour le porter a s'en plaindre avec tant de hauteur, & a invoquer le canon pour en expier Poffenfe." B a  24 Correfpondance politique. „ Eh I qucl mal ont fait aux singlois des Lettres ccrites par un marchand du Zuyder-^ée, a un Agent du Congres ? Le projet d'un traité de commerce a formcr entre YAmérique Angloije & la Hollande, qui ne pouvoit fe confommer fans le concours des Etats-Généraux , ni s'effeétuer qu'après 1'indépendance bien reconnue , bien aftermie des Infurgens , étoit - il capable d'cmpêcher les armées & les flottes Brétonnes de battre, dc remettre les Amdricains fous le joug de la mcre patrie ? Ce ne font certairiement pas des ouvertures évcntuelles , des propofitions préparatoires, qu'on 'ne doit réalifer qu'après , & en conféquence de 1'événement, qui influent fur le fuccès , qui décident du fort d'une querelle , dont la décilion dépcnd des canons & des fufils. S'il n'y avoit pas de grandeur a s'occuper de ces détails mercantiles, pendant que YAmérique n'eft pas encore libre; il y avoit au moins beaucoup de pctitelTe a s'en plaindre, pendant qu'elle n'eft plus efclavc. " „ Que les Magiftrats de la Ville d'1 Amflerdam & leur Penfionnaire foient répréhenfiblcs aux ycux de la confédération Batavique , pour avoir autorifé, fans 1'aveu , fans la participation de leurs coaflbeiés, une négociation clandeftine avec les émiffaires du Congres, cela n'eft pas incompréhcnfible: c'eft aux Etats de Hollande; ou a ceux de la Généralité a apprécier leur conduite , & a les en réprimander, fi elle eft jugée illegale , ou inconftitutionnclle." „ Mais il y a une exrrême mauvaife foi de la part du Miniftcrc Anglois, de faire gronder la foudre peur une fcmblable peccadille nationale ; de prodiguer des injures & des menaces , que 1'irrévérence la plus facrilcge , la violation la plus outragcante motiveroient a pcine " Si le plan de 1'Ecrivain public lui avoit permis  Correfpondance politique. 2$ d'approfondir les objets dont il rendoit compte, il eft probable qu'il ne feroit pas refté en fi beau chemin. II auroit préfenté a les Leéteurs, bien des réfkxions qu'il a omifes. Je vais en fuppléer quelques unes de celles qu'il auroit pu , & peut-être dü faire, fur ie lüjet qu'il avoit ici en main. D'aburd il eit certain que la correfpondance clandeftine de MM. d'Amfterdam avec les braves champions de la Liberté Américaine , & la Convention éventuelle , ou préparatoire qui en eft réiültée , font diamétralement oppofées a Partiele X. du Traité d'Union , qui porte expreffement, qvi'aucune Province ou taille ne pourra conclure de Confédération ou dAlliance avec aucun Seigneur au Pays , fans le confentemenr des Confédérés. Ön diroit envain , pour excufer cette infraction de 1'Union d' Utrecht, que le Traité concerté entre la Ville d'Amfierdam & les Américains , n'a été qu'ébauché, & non pas conclu. II eft certain qu'il a été rédigé dans les formes , autant qu'il pouvoit Pêtre par un Membre individuel de la fouveraineté des Pays-bas, traitant en fon propre & privé nom, avec un Senat de rébellcs, qui s'arrogeoit prématurément, les prérogatives d'une indépendance équivoque, autant qu'illégitime. Pour reifortir fon plein & entier effet, il ne lui manquoit que d'étre promul gué , & ratifié par les parties contractantes. C'étoit donc un vétitable Traité, une Alliance , une Confédération d'amitié ou d'intérêt, entre MM. cTAmJïcrdam & les Américains. S'il eft refté inconnu du Public & des Etats-Généraux ; s'il a fallu la bonne fortune des Anglois, ou la pcrfldie de M. Laurens , pour en opérer la révélation, & en manifefter les preuves, c'eft que les Négociateurs de VAmftel Pont enféveli dans le plus profond abyme du fecret; & ils avoient effectivement raifon de cacher leur jeu, puifqu'ils s'iin  26 Correfpondance politique. miffoient dans une affaire pour laquellc ils étoient incompétens, n'étant pas revêtus par la Généralité, d'un caraiSere légal pour la traiter. Ils ont fait précifément comme les cnfans libertins, qui étant fous 1'osil vigiiant d'un pcre ou d'un maitre, fe dérobcnt a fa vue , & vont en cachette enfreindre fa volonté , ou négüger leur devoir. La Rcgcnce d'Amfierdam , dans fa réponfe cntortillée aux Etats de Hollande & de Wefifnfe, avec fon échapatoire de Cufu quo, a pallié, mais non pas juftifié fon procédé. II n'en eft pas moins vrai qu'elle eft entrée en négociation, avec un Pays quelconque, fans 1'aveu , fans la participation, & a 1'infu de la Confédération dont elle fait partie. Avec qui encore s'eft-elle permis ces liaifons ténébreufes, contre 1'efprit & le vceu de 1'articlc X. du Traité d1'Utrecht? Avec des hommes qui prétendent a la liberté, mais qui ne font point encore libres; des hommes que nos papiers publics appellent des Sr/ons ou des Brutus, & que la vérité caractérife autrement : avec les fujets révoltés d'une Puiffance alors amic, alliée des Provinces-Unies: avec un pcuple, dont 1'indépendance prétendue, n'étoit avouée , reconnue a cette époque, comme apréfcnt, que par la France , rivale & ennemie naturelle de 1' Angleterre , a qui elle étoit bien-aife de donner cette mortification , ou de fournir ce prétexte pour la provoqucr a lui faire la guerre. Avec un Pays, enfin , qui, lors-même qu'il feroit indépendant de fait, ne 1'étoit pas au moins de droic aux yeux des Etats - Généraux , puifqu'ils n'en avoient pas reconnu, & n'en pouvoient pas rcconnoitre 1'indépcrdance. Et fi c'eut été une violation manifefte du droit des gens, & des traités fubfiftans entre 1''Angleterre & la Hollande, que la Généralité prit fur elle de traiter fous main Sc en cachette avec les fujets ré-  Correfpondance politique. 27 belles de George III., avant que d'avoir anéanu i les conventións réciproques qui uniflbient les deux ij Etats, & déclaré publiquemcnt le Congres au rang des Couronnes; a plus tbr te raifon étoit-ce un proj cédé intolérable , de la part d'un Membrc individuel 1 de la Confédération Batave , que d'entamer des néI gociations , que de former des liaifons avec ces j mêmes fujets foulevés contre un Souvcrain uni a la \ République, par des Hens alors facrés & refpcclables. ] A eet égard , & fous ce point de vue, la conduite 1 d''Amfterdam eft donc illegale , inconftitutionnelle j & repréhenfible. J C'étoit fans contredit a la Généralité , comme 'j 1'obferve 1'Auteur du Journal, & non pas a VAnj gleterre, qu'il appartenoit de connoitre de la for] faïture , du crime de lè\e-union , & a le punir fur j une Ville puilTante & refpeétablc, partie intégrante, 3 fans doute, de la Confédération ; mais qui n'en fait | pourtant qu'une portion; qui n'eft qu'un individu J du Corps politique, & qui n'a, comme les autres Membres, que fa voix entre les Confédérés. La Cour de Londres avoit aufli le droit de fe plaindre, il non pas de l'infraétion aux ftipulations d1'Utrecht, mais du délit commis contre fa fouveraineté inconteftable fur les Américains , & d'cn demander aux 3- Etats-Généraux , une réparation proportionnée a fa gravité. L'importance de la Ville d1'Amfterdam dans h République doit lui donner, non de l'empire, ou « de la licence, mais de la confidération entre fes égaux. Cette opulente Cité, pour ctre nombreufe, & fournir un contingent confidérable dans les contributions publiques, n'eft pas en droit dc maitrifer les autres corps ariftocratiques. Elle n'eft pas plus : qu'eux infaillible dans fes idéés & dans fes démarj ches, ni par conféquent, plus qu'eux, a 1'abri de | la cenfurc ou de la contradiction. Elle n'eft pas plus  28 Correfpondance politique. autorifée a enireindre les régiemens de YUuion, ou ji fe difpenfer dc les obferver. II eft hors de doute que la Généralité , a le pouvoir & le droit de venger , par une punition févère, les infraélions que les Membres de la Souvcraineté , qucls qu'ils foient, font aux ftipulations du Traité d''Utrecht. Mais c'eft fur-tout a Partiele XVII. de ce mémorable Traité, que la conduite $ Amfterdam avec VAmérique. feptentrionale déroge, & eft formellement oppofée. Par cette article, il eft expreffément recommandé aux Confédérés, cxéviter avec foin , toutes les occaftons d'attirer Ia guerre a la République , de la part des Puiffances étrangères. Jufte ou non, une guerre fatale, qui plongera peut-être la Hollande dans le précipice, exifte aujourd'hui. Et qui en eft la caufe ? Peut-on décemment nier, que le procédé inconfidéréde la Ville d' Amfterdam , n'ait fervi de motif, ou de prétexte a VAngleterre pour la déclarer ? On a dit, écrit dans le temps de la rupture, que Ja Grande-Bretagne la déclaroit a la République , pour la fruftrer des avantages des Neutres que fembloitvdevoir lui aiTurer fon adhéfion récente a la fameufe Neutrahté armée du Nord. Aujourd'hui qu'on fait que cette belle Confédération n'eft qu'une chimère, ou comme dit le bon Lafontaine, qu'une montagne en travail qui enfante une fouris ; qui fe moque hautement de la Hollande, ibit pour la punir de n'être pas entré d'abord dans cette aflbciation, auffi augufte qu'inutile ; foit pour lui faire fentir qu'on ne 1'avoit pas imaginée pour Py admettre : on doit favoir a quoi s'en tenir fur le véritable motif de la déclaration hoftile des Anglois. Ils n'en ont pas eu d'autres de la faire; ils n'en ont pas d'autres pour la foutenir par des Efcadres, que le defir de chatier Amfterdam de fon audace a traiter avec leurs fujets rebelles; & les Hollandois.,  Correfpondance politique. 29 en général, de 1'impuiifance volontaire oü la République s'eft trouvte , de leur donner une fatisfaction convenable. MM. d?'Amfterdam , s'étant alors pleinement refüfés a tous les moycns de conciliation qui furent propofés de la part de 1''Angleterre, & les Etats- Généraux , ne pouvant, ou n'ofant prendre fur eux de les y contraindre, elle prit le parti de fe venger; ou, fi on peut le dire fans profanation , de fe faire juftice a elle-même. II eft donc palpable que c'eft la fuperbe Amfterdam , qui, en contravention des difpofitions les plus précifcs & les plus folemnelles du Traité d1'Utrecht, eft devenue la caufe immédiate de la guerre défaftreufe qu'cüuie aujourd'hui la Hollande. Ce font les Cape lies , les Neuvilles, les van Berckel, & leurs Commettans, qui femblables a des Conducteurs éleétriques, ont dirigé fut leur patrie , la foudre qu'ils voudroient faire tomber fur l'innocence, & fervir a immoler d'illuftres viótimes, pour juitifier leur démarche , ou s'en difculper. Jamais la Cour de Londres n'auroit rompu avec la République , fi des Membres puiffans de la Souveraineté, enfrcignant des claufes formelles de 1'Union Batave, pour offenfer la Couronne Britannique , n'avoient pas mis cette même fouveraineté dans 1'impollibilité de lui procurer une réparation convenable. Je ne fuis pas 1'Apologifte des Anglois. Dieu me garde de juftifier iamais, ni les Mémoires foudroyans de M. Yorke a la Haye; ni la rédaclion précipitée & la teneur fophiftique du Manifcfte du 20 Décembre 1780; ni les ordres anticipés, émanés du Cabinct de St. James , en pleine paix , a fes Amiraux dans les lades Occidentales , pour y envahir les poffeffions hollandoifès ; ni 1'interception des Couriers de M. de Velderen ; ni le pillage fcandaleux des vailïeaux hollandois , navigant fur la foi des traités au moment de la rupture; ni les exploits glorieux du Flibufücr Rodney, devenu de médiocre Amiral,  30 Correfpondance politique. Huijfier-Prifeur expert a St Euftache; ni, ni, ... Eh ! quel feroit le Hobbe, WMarchiavel qui oferoit de nos jours entreprendre d'excufer les perfides procédés de la Politique , & les abominables exécutions de la guerre , confacres par les Publiciftes, les Pufendorffs, les Grotius, les Monrefyuieux, &c.&c? Ne faudroit-il pas être enragé, ou poffédé du Diable, pour trouver que les Couronnes ont quelquefois des motifs dc s'entredétruire, & de commettre, en parlant toujours é'konncur, de dignite, des injuftices odieulés , & des cruautés barbares, fans pudeur & fans remords t Pour moi, je ne prendrai jamais la plume que pour dévouer cette inconféquence atroce , & cette phrénéfie fanguinaire, a Pexécration pubiique.A Mais puifque les Etres monftrueux, tan tot in* fenfés, & tantöt féroces que nous nommons des Gouvernemens , font fujets a des acces de démence ou de fureur , aux moindres provocations; c'eft une imprudence puniffable , que de les irriter par des agaceries, ou dc les courrouccr par des démarches indifcretes. Le téméraire qui les provoque d'une maniere ou d'autre , eit très-blamable. II mériteroit d'être feul 1'objet & la viclime de leur reffentiment. C'eft fur fa tête que devroient retomber & leur vengeance & leurs coups. Tous fes concitoyens de concert devroient le jetter pieds & poings liés, dans la gueule de ces monftres altérés de fang humain, pour en être dévoré. Ne vaudroit-il pas mieux que les Etats-Généraux euffent facrifié a 1'indignation de P'Angleterre, trois ou quatre citoyens turbulens, que d'expofer leur pays aux malheurs d'une guerre fanglante & défaftreufe , qui expofe tant d'honnêtes marchands a la ruine, tant de braves ferviteurs de PEtat a la mutilation ou a la mort, & qui fera tant dc veuves & d'orphelins malheureux, pour maudir les incendiaires qui ont allumé le llambeau infernal de la difcorde ?  Correfpondance politique. 31 C'eft ici que la raifon (PEtdt exifte véritablement. C'eft dans des cas parcils, que la fameufe maxime, un feul doit périr peur le falut de tous, eft auffi jufte que nécelfaire. S'il faut une viétimc , il y a un coupable qu'on doit immo'.er. Et pourquoi des millicrs d'innocens le feroient-ils a fa place ;' Pourquoi tant de négocians paifibles feroient-ils ruines, tant d'honnêtes citoyens facrifiés, pour expier la témérité de quelques traeaffiers audacieux, qui, du fein de la mollefle , préparent la défolation des families, & entrouvrent des abymes fous les pas de leurs Compatriotes En deux mots, pour généralifer moins ces réflexions , le Miniftèrc Bruannique , comme bien d'autres Miniftères, eft un Être fort malfaifant. 11 a eu tres-grand tort de déclarer la guerre a la pacilïque Hollande, paree qu'on n'a jamais raifon de la déclarer a perfonne. Mais ceux qui 1'y ont provoqué; qui lui en ont fourni le prétextc, par des liailbns fufpeéles avec des fujets qui menacent de lui échapper en Amérique, font encore plus blamables & plus repréhenfibles que lui. Ils devoient au moins avoir en partage la prudence dont il eft difpenfé. Ils n'imaginoient pas fans doutc, (on doit au moins le fuppofer) que le réfultat de leurs connexions prématurées avec les faótieux de l1'Atlantique, feroit d'une nature auffi férieufe. Mais, outre qu'ils n'avoient pas le droit, ni de 1'équité, ni de la force, de les former, ces füneftes liaifons, pourquoi n'en prévoioient-ils pas les fuites? C'eft a eux une imprudence de plus. Ne devoient-ils pas comprendre que les mouvemens fecrets du Lion Batave, dés qu'ils feroient appereus du Léopard Breton, le feroient rugir ? Et paree qu'ils ont fait de mauvaifes combinaifons, qui ne répondent pas a leurs defirs, en font-ils & moins criminels , & moins refponfables des fatals effets qu'elles produilent? Paree qu'ils ont  3 2 Correfpondance politique. cru leur correfpondance illicite cnlevelie pour toujours dans 1'ombre dont ils Pavoient enveloppée , en font-ils moins la caufe effecïive des maux que fa révélation fortuite, ou combinée ;' préparée par le hazard , ou amenée par la trahifon, a fait fondre fur leur patrie ? "Pour fe difculper auxycux'de leurs Concitoyens & du Public de VEurope , diront-ils que les Provinces-Unies auroient pu intimider PAngleterre, alfaillie de^ toutes parts , ou la faire repentir de fa hardieffe a grollïr le nombre de fes ennemis, fi elles avoient été en force , ou voulu s'y mettre? Qui en doute ? Perfonne ne nie que les Hollandois n'ayent encore afl'ez de reffources & dc vigueur, pour fe mefurer, quand ils le voudront férieufement 6 de concert, avec les plus formidables Puiffances maritimes du monde. Les defcendans de ces Marins fameux , qui brüloient les vaiffeaux anglois dans leurs ports , qui foudroyoient les Efcadrcs combinées de France & d''Angleterre, ont encore affez d'énergie & d'héroïfme, pour triomphcr glorieufement des plus redoutables ennemis. Ce qui vient de fe paffer au combat du 5 Aoüt dernier, dans lequel 7 ou 8 petits & maüvais navires ont fait plus en quatre heures, que les 2,00 énormes vaiffeaux Efpagnols & Francois n'ont fait en quatre ans, prouve de quoi feroit capable la Nation Batave fur fon élément , fi elle avoit des motifs d'y déployer fa magnanimité & fa bravoure. Tout cela cependant, ne juftifie point le procédé des individus d'entre ce peuple intelligent & brave, qui ont inconfidérément attiré le fléau de la guerre fur leur Pays. De ce que la Nation hollandoife pourroit punir un injufte aggrcffeur, qui attenteroit a fon exiftence ou a fa liberté, il ne s'enfuit pas qu'il foit permis a des Membres ifolés de fon Gouvernement , de lui fufciter des ennemis, par des démarches indifcrettes, qui pcuvent choquer fes voi-  Correfpondance politique. 33 fins. Dans tous les cas, cc feroit une conduite reprchenfible; dans celui dont'il s'agit, c'eft une imprudence dangereufe. Si la République s'étoit trouvée armée affez fortement pour écrafer V'Angleterre, e'auroit été une barbarie effroyablc de lui chercher chicane, pour avoir le cruel plailir dc 1'humilier & de 1'affoiblir. Concoit-on qu'il puiife entrer dans 1'efprit d'un Magiftrat , décoré du beau nom de Pere de la Patrie, de répandre le fang de fes citoyens , pour gouter la joie cruelle de le mêler a celui d'un ennemi qu'il a provoqué ? Graves Ariftocrates ! laiiTez cueillir a 1'inepte Miniftre d'un defpote imbécille ou furieux, la trifte, 1'abominable gloire d'enfanglanter le globe , pour fatisfaire fes petites & viles palfions. Mais vous, qui connoiffez les droits de 1'hömme & les intéréts de la patrie, n'expofez celle-ci aux calamités de la guerre , & celui-la aux horreurs des combats, que quand un barbare incendiaire viendra menacer les prérogatives de 1'un , & la liberté de 1'autre. Alors c'eft a vous a conduire votre peuple fur la brêche, & a y mourir a fes yeux. Mais vous n'êtes dignes ni de la confiance dont il vous honore, ni des auguftes fonclions dont il vous charge , fi vous employez les loifirs de la paix a conjurer fur fa tête, des orages auxquels vous avez la lacheté de dérober les vötres. Vous n'êtes plus fes peres, mais fes tyrans. De gardiens de la bergerie , vous devenez les loups arTamés qui en dévorent le troupe.au. Voila malheureufement des reproches qui ne font que trop fondés, contre les auteurs de la guerre qu'éprouve aujourd'hui la Hollande. Et combien n'acquierent - ils pas de force , quand on jettê les yeux fur la fituation oü elle fe trouvoit, au moment oü ils lui ont attiré ce terrible fléau ? Dans quelle conjonclure les Négociateurs miftérieux de VAmfiel,  34 Correfpondance politique. onc-ils irrité Porgueü, & provoqué le reiïcntiment d'un voifin altier & redoutable contre leur Pays ? Précifement dans le temps qu'ils favoieat celui-ci aulli peu armé, que celui-la l'étoit puiiïamment: dans le temps qu'ds ne pouvoicnt pas ignorer qu'un ennemi formidable , aétif, aguérie, pouvoit porter a la République des coups turribles, qu'elle étoit hors d'état de parer: dans le temps oü ils avoient la certitude, que toutes les Puiffances maritimcs, jaloufes de Populence des Bataves, en convoitent les fources, & font Pimpoffible pour fe les approprier;foit en protégeant Pinduftrie , fok en ouvrant de nouvcaux débouchés a fes ouvragcs : dans le temps oü ils devoient fcntir, que les plus riches établifleniens, & les principales branches du commerce des Provinces - Unies , pouvoient leur ètre enlevés , avant qu'clles pullent préparer des forces pour défendre les uns, cm pour récouvrer les autres. Car, outre le temps indifpenfablc qu'il faut dans tous les pays, pour mettrc fur picd des forces de réfiftance, proportionnées a celles des aifaillans, quand elles font fi prodigieufes; il ne faut pas croire que les vertus nationales des Bataves , la bravoure, le patriotifme, les facrifices généreux au bien public, dont ils font fufccptiblcs, peut-etre plus qu'aucun autre peuple dc Punivers, puilfent produire les mêmes effets dans tous les temps, & pour toutes fortes de fujets. II faut des circonftanccs particulieres, pour les mettre en adlivité. Dans une République aulli compliquée que celles des Provinces - Unies , les idéés & les fentimens font néceffairement partagés. Les nombreux corps ariftocratiques, n'ayant ni les inêmes lumicres, ni les mêmes vues, les opinions doivent fe croifer, & jetter ou de la lenteur dans les préparatifs, ou de Pincertitude fur leur emploi. II faut de grands intéréts nationaux pour amener de Punanimité dans les réfolutions, & de la vigucur  Correfpondance politique. 35 dans 1'exécution. II n'y a que des avantages gcnéraux, fentis par la mukitude , ou que des dangers prochains, éminens, qui puiffent mettre du concert dans les vceux, & de 1'énergie dans les eftbrts. Dans les Etats defpotiques , tels que la plüpart de ceux de YEurope, oü un fcul homme avec fes premiers efclaves eft tout , & la multitude rien ; oü la Nation n'eft qu'un vil troupeau d'infectes purement paffifs; d'automates complets, deftinés a recevoir au moral & au phyfique 1'impuliion qu'on leur donne, il n'y a d'autrc intérêt que celui du Maitre. Son caprice eft la Loi fuprême. Toutes les opinions , toutes les volontés lui font foumifes, comme les bras & les mouvemens. II figne d'un trait de plumc la mort de deux cent mille hommes, pour plaire a fa MaitreiTe, ou pour foutenir une fottife de fes Miniltres; & fes ordres font exécutés fans examen , comme fans réfiftance. II n'en eft pas de même chez un peuple libre. La perlbnne n'a le droit de plier les opinions des autres a la fienne, ni de diriger les forces publiques au gré de fon ambition, ou de fa vengeance. L'autorité fuprême divifée en plufieurs mains, n'y peut pas être déployéc dans toute fa plénitude, pour fatis■ faire les méprifables paffions d'un homme inepte ou intrigant. II faut de grands motifs d'intetêt public, pour déveloper les reiTources nationales. 11 faut de grands biens a procurer a la patrie, ou de grands maux a éloigner de fes enfans , pour réunir les opinions diverfes , & raffembler dans un même ccntre les forces difperfées. En Hollande, par exemplc , qu'il s'éleve fur la Mer une tempête qui mcnace d'cngloutir le Pays fous les ondes : auiïitót tous les habican's, fans fe confulter, concourront unanimement a prévenir cc danger. Ils oppoferont leur induftrie aux eflorts des vagues en lüreur.  36 Correfpondance politique. De même que dans la politique , élément plus orageux que la Mer, il fe forme un orage férieux fur la tête des Hollandois. Qu'un Philippe II & fon digne Satelite le Duc ü1'Albe portent des atr teintes a leurs privileges, & tyrannifent leurs confciences ; qu'un (Jromuel & un Louis XIV s'uniifent pour les écrafer ; que YAlexandre de la France franchiffent le Rhin pour envahir leur Territoire: alors on verra la Nation unanime dans fes vceux comme dans fesmefures. Les hommes feront autant de Héros, & leurs fortunes dépofécs fur 1'autel de la patrie en péril, feront confacrécs a la fauver. La République entierc s'enfévelira plutót elle-même fous les eaux , que de fubir le joug d'un vainqueur, & de porter les fers d'un Tyran. Mais il faudroit être avengle pour s'imaginer qu'on verra régner le meme Concert, & développer les mêmes eiforts, quand il s'agit d'intérêts legers ou individuels: qu'on fera des facrifices aulli couteux, pour défendre la caufe'de quelques Membres de la fouveraintté , qui, ne confultant que leurs convenances, ou leur reffentiment perfonnel , ont imprudemment jetté leurs Concitoycns dans la confufion , & leur patrie dans le malheur ; pour foutenir des hommes, qui , fans Mifiion politique, fans Caractere compétent , ont formé des liaifons perfides , qui ont fait évanouir le Caducé entre deux Nations unies; pour réalifer de petites fpéculations mercantiles, aulli incertaines que leur utilité feroit circonferite; pour appuier les réfultats d'une négociation ténébreufe, fatal. fruit d'un fyftême criminel, qui ne tend pas a moins qu'a bouleverfcr la conftitution nationale, en expulfant le premier Magiftrat de la République, & en dépouillant la Confédération de fa fuprématie, pour en tranfporter les prérogatives % un des individus qui la compofent. La Juite 1''ordinaire prochain.  37 CORRESPONDANCÉ p O L I TI O ü È Sur les affaires préfentes de ld Hollande* SUITE t>es Réftexions impartiales d'un Neutre. Voüa pourtant les prétentioos de la fuperbe Amfterdam, qui, après avoir mis la patrie lur lö penchant de 1'abyme , voudroit ou 1'y precipiter pour régner fur fes débris, ou facnher la vie fcc la fortune des citoyens, pour foutemr ion im- PrUAuj,ourd'hui qüe 1'explofion de ce fonefte complot a néceffité une guerre entre Y Angleterre & la Hollande, le Sénat ambitieux qui trouble la Patrie, en attendant qu'il puiffe la fubjuguer , voudroit déployer les reflburcesfc 1 energie de la Nation , pour juftifier fes «tenta» , & venger fes reffentimens particuliers.il murmure des obftacles qu'il rencontre dans fa marche i il fe plaint des Sppofuions que trouve le développement de fon plan impérieux. II fait uil crime aux fages pilotes de tenir encore d'une main chancelantp 9 le Gouvernail de la République, agitee par la tempête qu'il a conjurée contre elle. Dans cette fituation, des mefures expedities & vigoureufes ne fe prennent pas, &ne peuvenc pas fe prendre contre les Anglois, paree que c'eft la querelle des infra&aires d$ \ Union, « Tornt L NQ. 3- C  3 8 Correfpondance politique. non la caufe de la Nation qu'il s'agit de défendre. Les perturbateurs du repos de leur patrie 9 fentant que la vindique publique demande des expiations éclatantes, défignent par des infinuations odieufes & des calomnies atroces, artifïcieufement concertées, des têtes illuftres pour être immolées a la haine aveugle & au reffentiment implacable d'un peuple en furie. Le grand, le puiiTant, Punique intérêt de la Nation Hollandoijè, étoit de vivre en paix avec toutes les Puilfances de l'Europe, mais plus particulierement encore avec les Puilfances belligérantes. Ne pouvant point changer le code maritime reeu & en vigueur depuis long-temps, ni anéantir les conventions nationales qui lient les Etats par des traités, fon avantage confiftoit a refpecter 1'un, en éludant les autres , comme elle 1'a toujours fait avec fuccès, fpécialemenr dans la guerre de 1756, & durant les trois premières campagnes de celle-ci. Elle devoit jouir, a la faveur d'une neutralité parfaite, des bénéfices immenfes d'un commerce prodigieux, que favorifoient les diffentions fanguinaires de la France & de 1' Angleterre ; s'enrichir en filence a 1'aide du cabotage & de la conti ebande ,.fi aifée a faire fur un theatre de deux mille lieues de cótes, oü 1'on pouvoit facilement tromper la vigilance des furveillans intérelfés a troubler, ou a reftreindre ce genre de trafic. Voila quels étoient les vrais avantages de la République , au milieu des agitations convulfives qui défolent un malheureux coin de notre infortuné Globe : avantages précieux, inappréciables, dont quelques cicoyens indifcrets, ont privé toute la Nation. Les Auteurs réels de cette privation douloureufe, & des pertcs plus douloureufes encore qui i'accompagnent, au milieu des remords qu'ilt  Correjpondance politique* 3$ «loivent éprouver en fecret, malgré leur conténance affufée en public, n'ont pas même la confolation d'avoir eu pour objet, dans leurs négociations avec le fantóme de Senat Américain ,1e falut de leur patrie, ou feulement 1'utilité de leurs citoyens. Ce n'eft ni pour épargner des cataftrophes a leur Pays, ni pour procurer Paifance a fes habitans, qu'ils ont contracté furtivement avec ce fiongrès éphémère , avecce corps fantaftique , qui fe dilfoudra par la défection honteufe de fes dignes membres, ou qui defcendra au tombeau, chargé du crime d'une rébellion atroce, & de 1'opprobre d'une banqueroute infame. La convention préparée avec eet anias informe de révoltés, fi elle n'étoit pas devenue le fignal des calamités pour la Hollande, feroit la chofe du monde laplus indifférente pour le peuplequi Phabite. Si VAmérique ne devient point indépendante, comme cela fe pourroit bien, malgré^ les progrès que fon indépendance fait chaque jour dans nos Ga^ettes, le traité éventuel de commerce entre cette malheureufe contrée & les Provinces-Unieseft une pure chimère pour faire le bien de leurs habitans : il n'a de réalité que pour leur faire tout le mal qui réfultera de la guerre qu'il a occalionnée. Si au contraire elle le devient6 comme cela fe pourroit bien auffi,dans quelques certtaineS d'années, 1'utilité des liaifons mereantiies* formées avec les hommes qui la ravagent par leurs extorlions, & la flétriffent par leur defpotifme, pourra intéreffer nos neveux. Mais il faut être ternblexnent éloigné de Pégoïfme, ou furieufement prés de la eruauté* pour expofer fes contemporains & foi-même aux hazards d'une guerre furieufe, en faveur des futurs contingens. Je ne fais quelle efpèce de philofophes 00 ont ( a ) Ce font les Economiftes en Trance ; Pays, woirae os fck, tertileen telles chofes. ( 1Y«« 4* VSdittur. ~).  Correjpondance politique. enfeigné depuis peu une doctrine fort raifonnable, & furtout fort falutaire. lis difent qu'il ne faut pas répugner de faire périr de faim quelques millions d'hommes de la génération préfente, pour multiplier les générations a venir. lis prétendent que ce font la de petits maux qui peuvent produire de grands biens. Ils affurent, foi d'am/'j de thumanlté, que ces fouffrances paffagères ne dóivent pas toucher les grands administrateurs , paree que ces légers facrifices ameneront dans les fiècles fuivans, des nchefles immenfes, & une population innombrable. Je n'aime point a faire de comparaifons odieufes: mais ne feroit-on pas tenté de croire, que la Régence d' Amjlerdam avoit fait ce beau calcul, & adopté cebienfaifantfyftême, quand elle fit rédiger le diplome de fes Plénipotentiairesaux conventicules nocturnes , oü s'eft engendré le chef d'ceuvre de la politique, vendu aux Anglois par le plaideur apoitat, M. Laurens rbj? rnJ'.ii en main, fur ce perfon'nage , tant celébre i! y a nn an aujourd'hui fi completement oublié, une piece que le public ne'feroit füremenc pas faché de connoitre. Mais erte eft trop longue pour entrer dans ces feuilles. Si j aimois a debufquer les ufurpatcurs de renommées , de 1'Autel ou la confideration pubnaue les contemple , je pourrois livrer ce morceau a l impreflion , ii en faire une brochure qui ne contribueroit peut etre pas peu, a démafquer ce Canard politique. Mais a quoi bon defabufer les dupes, & facher les frippons? . Cepêndant, lorfque je manquerai de matières plus efientielles . je pourrois bien révéler, dans cetre hebdomadam. quelques traus du caraclère, quelques anecdotes de la vie civile de M. Laurens , feulement pour faire connoïtre le plus va n , le Blus faux des hommes, qui a ruine cent famil es de UmrlesToL r» patrie, par des proces odieux, plus odieufement puurtiïZ 'encore ; qui s'eft élevé , a force d'hypocr.fie ,^ a la rete du Congres , & a tini par le crahir , en vendant & fa défeftion Sc les paperafiès funeftes ï Amfterdam , au Mmiftere Bruanmguc. voila le grand , 1'excellent homme, le zele patnote, le profond po tique, dont d'imbécilles GaXttiers nous ont chamé les louanges &dont ils ne parient plus, depuis qu'avec le prix de la lonv'erfion , ou de fon apuftaf.e, il donne i la Tour , des feftins 4 f« coiivirtifleur» & a fes cendifciples.  Correfpondance politique. 41 En fuppofant même que 1'indépendance des Colonies Angloifes fe confomme aulli prompte„ment que 1'annonce, non pas le§. prouefTes des valéureux habitans du nouveau monde, mais le coquet babillard de leurs aveugles panégyriftes dans 1'ancien ; hé bien, la précaution de préparer des liaifons de commerce avec ce futur peuple Roi étoit encore fupertlue, & le traité éventuel un hors-d'ceuvre. Les Américains qui manquent prefque de tout, de marine guerriere & marchande, de munitions navales & de guerre, de marchandifes & de colifichets, de VÈurope, & d'argent pour les payer, n'auroient-ils pas recu , avec joie,dans leurs ports, les navires des plus habiles , des plus aétifs, des plus économes courtiers de 1'Uniyers , pour en recevoïr les car gaifons en échange de leurs méprifables chiffons qui perdent déja 80 pour 100; fans les follicitudes paternelles de MM. le Marchand Aeuville& le Penfionnaire Van Beregel, les Patriciqns Tanminck & Rendorp ? Allons encore plus loin. Suppofons que Pindé - II femble que le róle de ce tartufe , qui a joué tour a tour1'oppofition, fes compatrior.es & les étfangers , devroit rendre un peu confus les négociateurs de l'Amftel , d'avoir mis leur confiance en iui. Si l'Ëx-Priiödenr,. du Sénat Américain étoit réellernent chargé d'une miffion honorable auprès des Provinces Unies ; i!il avoit intention de la remplir avec lionneur , & de fervir la, caufe de fa patrie, pourquoi remplilVnt-il fon porce- manteau de la correfpondance de la Ville A'Amjïerdam., qui en avoit confe^vé des copies autheatiques Et li fes inllructions portoient qu'il. dut ècre muni de ces iatales paperaflés, d'oü vient qu'a la ren-, contre de la Keftale , il ne s'eft pas défenda en hér»s , ou qu'il, n'a pas abymé fa malle dans les eaux , pour. foufiraire cette mal-, heureufe boete de P.andore ,a ''aclivité du Capitaine Kxppd? Mais, vraiment, le marché portoit qu'on ne tiretoit pohic fur le paque-, bot le Congres, paree, qu'un Plénipotenciaire Ultra .-rnarjeime , ei\ trop poltron pour foutenir le feu de 1'ennemi .; & qu'en retour d» cette actention prudente, il confervetoit précieufement le dépot, qui lui étoit confié ; arrangement qui cpncilioit. tout-a-la fois, la vje , la bonte & la fortune.de M, Ldurens , qui après, avoir fair, *a s fa jeuneflè , des hamois pour les. chevaux , a forgé dans f$ vjeilleffe , des chaines dt» ter poui.fes concitoyens, & u'or peuj hl ( Nee de PEditeur 3.  45 Correjpondance politique, pêndance Américaine étoit complette & légale en 1778, lors de Parrivée ou du départ des pacificateurs Bretons; pacificateurs venus la tout a propos pour fournir a MM. d'Amfterdamxxn moyen de juftification, dans leur entortillage apologitique du 25 Oótobre 1780. (c) Suppofons lanév-. gociation de ces Régens conforme a 1'union Batave, & leur traité éventuel ratifié par L. H. P, ou n'ayant pas befoin de cette ratification , pour produire les heureux effetsdont il eft fufceptible. Imaginons immédiatement après fa conclulicn, les vaifleaux de la République allant dans les ports de VAmérique, & le pavillon du Congres flottant dans ceux de la Hollande, en vertu, &c fur la foi de cette convention de commerce ; quel avantage en reviendroit-il è la nation, qui fut capable de compenfer les dangers & les pertes auxquels pouvoit 1'expofer une femhlable liaifon ? Ne fuffifoit-il pas qu'ellepüt donner del'ombragQ a la Grande-Brétagne, §£ lui fournir un prétexto de rompre avec les Provinces-Unies, pour la faire abhorrer par tous les Membres, de leur Souveraineté? Pouvoit-il réfulter de cette intimité mercantile, avec Ls fujets rébelles d'une PuiiTancc. (O Nos ledeurs liron: probablement avec plaiiir, !e jugemenu que 1'Auteur du Journal Politique , &e. a porte fur le merite littéraire de cette juflification alembiquée , & peu juftifiante- Le voici. " Les gens , dit - il, qui aiment plus la folidlté des chol'ei que les agrémens du ftile ; ceux que la raifon noyée dans un. „ entortillage obfeur & prolixe ne rebute pas, pourront être fatiffaits de la juftitication des Amfterdamois. Cette pièce, dont le fujet prétoit naturellement a l éloquence. a 1'énergie , n*a ni force , ni fel , ni grace , ni clarté , ni précilion. II y régne un lan,, gage d'une péfanteur adbmmante. Des phrafes incohérentes, entre„ coupées de Parentliéfes, font coufues fans liaifons & fans fuite jufqu'au bout. Soit>qu'elle ait été rédigée avec précipitation , oa que la fécondité verbeufe de 1'idiöme dans lequel elle eft écrite „ ne foit pas fufceptible de concifion ni d'élégance ; foit que le rédac„ teur ait manqué de génie , ou que 1'ignorancedu tradufteur 1'aic „ eftrppiée, elle a paru dans toutes les Gazettes fous une forme plus propre a infpirer le dégout, qu'a juftifier les liail'ons clandeftine9 de MMt d' Amfterdam avec les Commiflaires de 1' Aminqut. > Sejtmtnmalt. C Note de l'£diteur. ), „  Correfpondance politique. 43 arme, des bénéfices qui ne duflent être cent fois abforbés, par les fraix de la guerre que devoient néceiTairement amener ces nouvelles rélations? Mais, pour qui encore ces richeffes équivoques devoient-elles couler dans le fein de la République? Hélas» touc au plus pour quelques particuüers. Le public, la multitude n'y pouvoient rien gagner. II n'y auroit pas eu la millieme par£ie de la nation qui püty participer: & c'eft pourtant la nation enciere, qu'il a fallu expofer aux malheurs, dévouer a porter le fardeau d'une guerre ruineufe, provoquée par l'appas de ces profits incertains. Quelques cargaifons de marchandifes d'Europe, exportées aux Américains, payées par des retours compofés de tabac, de riz, d'indigo, fculs objets que ces braves gens-la puilTent livrer a la circulation , ne pouvoient toucher que foiblement la République. II n'y avoit certainement aucune compenfation entre les gains que ce négoce auroit procuré a vingt ou trente négocians, & les maux, les dommages qu'il pouvoit autorifer les Anglois de caufer a tout un peuple. C'étoit donc une fpéculation infenfée & barbare que celle qui expofoit le bicn-être, le repos de la nation , pour fatisfaire la cupidité de quelques individus ? Ce qu'il y a de plus facheux pour les auteurs de ces combinaifons extravagantes, c'eft qu'cn fe trompant fi lourdement dans leurs calculs, ils ont le regrêt d'avoir été les inftrumens aveugles. de la politique infidieufe d'une Cour inquiête & remuante, intérefTée dans cette conjonélure, a jetter la République dans lanace, &; difpoféepar fyftême a 1'y abandonner a fes propres forces , düt-elle y périr, après 1'avoir aidé a écrafer le» Anglois. Si MM. d' Amfterdam, dans, la conduite qu'ils tiennenc depuis trois ou quatre ans, n'avoient  ^ Correjpondance politique. réellement pas, comme ils 1'aiTurent, des vues cachées, mais finiftres contre le Stadhoudcrat, en fufcitant des troubles a la faveur defquels ils fe flattoient de culbuter le Stadhouder , ou du moins, de 1'enchainer: & contre la liberté publique, en jettant 1'Etat dans des embarras, dont ils efpéroient pouvoir profiter, a' 1'aide d'une Puiffance étrangere , pour accroltre leur prépondérance fur la Généralité, & mener les conféderés par les^lifiéres ; ils font véritablement a plaindre d'ètre tombés dans le piége que le Cabinet de Verfailks leur a tendu, en déguifant fes vues perfides, fous le mafque de l'attachement a leurs intéréts, & de s'être rendus les coöpérateurs zélés, efficaces, des intrigues de fon babile & infatigable agent a la/ Haye.' La France ayant formé depuis long-temps le plande vengerleshumiliations qu'elle a regues des Anglois, en détachant leurs Colonies de la Métropole , a trés-bien compris, qu'après avoir préparé cétte fameufe amputation , par fes emifl'aires dans le nouveau monde, elle n'avoit ni la capacité, ni la force de la confommer elle feule, par les armes fur la mer. Elle n'a avoué au public, lii le but dé fa politique, ni fon impuiffance pour ï'effectuer, L'aveu de l*on auroit déconcerté fes projets ambitieux, & celui de Tau'tre répugnoit a fa 'vanité, qui forme, avec la préfomption, fon caraótère diftinélif. Elle a affiché un air de défintéreffement qui en jmpofe, & de générofité qui ébloüit. Elle a crié k la tyrannié, au 'defpotifme contre les Anglois, qui en elfet, abufoient de leur fupériorité fur la mer. Elle s'eft annoncée comme le vengeur du droit des'nations, ménacé par' ce coloffe de puiffance , qui fembloit afpircr a 1'Empire univerfel. Ce n'étoit ni pour écrafer fon voi'fin, ni pour 'l'élGver elle-même fur fes ruines.; qu'-dle prenoit  Correfpondance politique. 0 les armes, mais pour veler au fecours d'un peu. ple Qpprimé. Elle ne vouloic que 1'affranchilïement des mers, 1'indépendance de la navigation & la liberté des Américains. Avec ces fanfaronnades gigantefques, pronees aux yeux de YEurope, par des phrafes de rheteurs, elle eft parvenue a dérouter fur les yrais motits de fa conduite, '«5 hr les vucs fecrètes de la P°~ litique: elle en a impofé a fesalliés, aux neutres & au public; elle a fait fervir les grimaces de 1 nypocrifie aux deffeins de fon amb.ition. Une foule de ftipendiaires a fes gages, employés par fes agens dans toutes les Cours, ont iait retentir par-tout, les élogesde fa modération, & de fon zèle pour les intéréts refpectifs des nations. Les écrivains publics, dupes de les maneges, ou dévoués afa politique; fubjugués par la crainte, intimides par les menaccs , ou capuves par les bienfaits, fe font rendus les échos de la magnanimité, &'les panégyriftes de fa conduite. Les efprits font tellenienc prévenus en fa faveur, les yeux font fafcinés a un point fur fon comptc, cue, ni fes vuescachées, qui tranfpirent detoufes parts; ni fes plans découfus; ni fes operations fansobjet; ni 1'inaótionde fes forces; 01 les. fautes multipliées de ceux qui les. dirigent, ou qut les meuvent, ne pcuvent défabufer fes admira- tcurs. , , .r La vérité eft cependant, que les grands motits de bien public national ne la touchent pas; que le défintéreflement n'eft point fon partage; que les mots fonores Vindépendance des mers , éc liberte du commerce, font employés avec amphafc pour faire Htufion a 1'univers , & l'engagcr a fervir Ion ambition. _ ,. , . . Les Américains, avant leur fouleyemcnt étoient; libres. Jamais aucun peuple n'a jopi d une exü^ence politique auffi ^ouce, Ni les Grecs, ns les  4^ Correjpondance politique. Romains, ni les Hollandois , ni les Suiffès même, ne peuvent comparcr leur liberté, au joug infenlïble de VAngleterre fur fes Colonies. A la liberté qui eft quelquefois un avantage, & plus fouvent un fardeau, le peuple de VAmérique joignoit un bien plus nécelfaire & plusprécicux , 1'abondance & fes douceurs qui n'étoient troublées, ni par les caprices du dcfpotifme, ni par les exactions de la finance. Une politique fanguinaire & turbulente, après avoir incendié la Pologne, mis aux prifes la Ruffie & la Potte, attifé le feu de la fédition a Géneve; eft allé fécouer le flambeau de la difcorde au-dela des mers. Ses émiffaires ont foufflé la divilion parmi les citoyens, armé les Colonies contre leur Souverain , & allumé la guerre civile fur cette terre alors fortunée, aujourd'hui malheureufe. Voila les bienfaits que ce Cabinet intrigant fait procurera 1'humanité. Mais que lui importe,pourvu qu'il parvienne a fon but, ou qu'il exerce 1'inquiétude dont il eft agité? Que trois millions d'hommes au-dela de VAtlantique, au lieu de vivre indépendansfous la domination de George III, gémiffent fous le joug de cent tyrans inep'tes ou cruels: qu'au lieu de jouir de Paifance acquife par un travail modéré,furun folfécond, exempt d'impóts &: d'exaótcurs, ils foient écrafés fous le poids des fubfides, ou contraints de s'égorger ; rien ne le touche, pourvu qu'il les arrache a la Grande-Brétagne. Son but eft d'humilier & d'affoiblir cette PuiiTance. II n'attend que fon abbaiffement pour afficher fans concurrent Porgueil qu'il lui reproche, & déployer fans partage, le defpotifme contre lequel ii feint de fe foulever Ne pouvant réalifer ce vafte projet par elle même , la France s'eft appiiquée a trouver des coöpérateurs. Pour ne donner d'ombrage a perfonne,  Correjpondance politique. 47 ïl a bien fallu qu'elle deguisat fon vcritable but, & cachat fon jeu. Elle a coloré fon plan de domination , des apparences de 1'équité. En s'annoncant comme le défenfeur des Puiilances maritimes de YEurope, elle a trouvé des aides, & poinc de contradiéteurs. Le PaB.e-de-fam.ille , lui donnoit un allié naturel dans le Roi tfEfragne: elle s'en eft prévalu. A la faveur de ce Talifman politique; avec le fecours des retforts fecrets qu'elle a fu faire jouer; elle a entrainé ce Monarque, contre le vceu de fes miniftres & les intéréts de fon peuple, dans une guerre qui ne feroit que meurtriere & ruineufe, comme toutes les autres, fi les bévues en tout genre ne la rendoient.ridicule, en donnant aux poiffons de 1'Océan, le fpeclacle de promenades aulli majeftueufes qu'inutiles. Environ deux cents vaiffeaux de guerre que ces deux Puiffances réunies dirigent contre VAngleterre, ne forment qu'un épouvantail, qui n'a pas même le mérite d'intimider les Anglois, bien loin de porter des coups fenfibles è leur Empire. La jonclion des flottes immenfes de la France & de YEfpagne n'a produit que trois campagnes rifibles, pendant lefquelles elles n'ont pas fu fe procurer Poccafion de tirer un coup de canon. La France , voulant pourtant qu'on en tire contre ces fiers infulaires , pour les tuer ou les affoiblir, en a laiffé le foin aux Bataves. Elle fait bien que ce peuple intrépide ne bornera pas fes exploits a parader fur les mers. Les écervelés de Paris méprifent les Hollandois, & les Miniftres de Verfailles veulent les employer pour humilier le pavillon Britannique. En fe repofant fur la valeur de cette nation fimple & courageufe, auffi crédule que brave, du foin de fa propre vengeance, le Cabjnet adroic qui fe fert habilement de la paue^du chat pour ti-  4? Co rrcfpondanet politique. rer les marrons du feu, ne refte pas oifif. II dé1-" ploye les reflbrts de fa politique en Hollande. II jette la pomme de difcorde au milieu d'un peuple fans défiance , plein de bonne foi & de franchife, qui al'imprudence de mordre ace perfide hame?on. L'agent de cette Cour orageufe & remuante, qui eft deverru depuis long-temps le foyer des incendies politiques, la féconde efficacement dans fes vues. Jeune, aimable , galant comme un Francois; plein de feu & d'aélivité , de dextérité & de génie, il négocie avec un art admirable; il manie les efprits avec une adrefle fupérieure. li gagne les uns par des careffes ; il effraye les autres par des ménaces : en les égarant ou lestrompant tous, il réuffit au-dela de fes efpérances, & prefque de fes vceux. On ne doit pas faire un crime al'habile &heureux AmbalTadeur de France de fes fuccès en Hollande , ni s'étonner des manoeuvres avec lefquelles il les a préparés. Mr. de la Vauguyon a fait fon métier, en négociateur intelligent & zélé pour les intéréts de fon Maitre. II a exécuté les ordres de fa Cour. II a fervi la caufe de fes commettans. II a rempli fon devoir. II eft feulement facheux , que pour Paccomplir dans fon pofte, il faille quelquefois proftltuer un caraclére honorable a mettre en jeu les refforts les plus bas , & avilir les fonctions les plus auguftes a diriger des menées , qui, dans la vie commune, répugneroient a 1'homme le moins délicat. A 1'aide de beaucoup de. manéges & d'une fouplelfe furprenante, il ne lui a pas été difficile de s'infinuer dans 1'efprit d'une partie des Régens , & de rendre les autres fufpec'ts ou odieux. Quand les reiTources ordinaires d'une. politique très-déliée n'ont pas fuffi a fes deffeins, il a recouru a celles del'intrigue. 11 a cabalé/.fourdement. li a vifuó les amis de ia Cour, ou pluiótles ad-  Correfpondance politique. w vcrfaires du Stadhouder, dont fa Cour a toujours vu la dignité & 1'utilité avec chagrin. II a toura-tour fait accorder des privileges, oumettredes entraves au Commerce, objets tout-puiffans fur une claffe de citoyens, pour qui Tappas du gairt eft le grand mobile de l'affe&ion ou de 1'éfoignement. Ses fubalternes ont manoeuvre avec adrcfle pour répandre de la défiance dans les efprits, ou pour leur donner des allarmes. II a échauffé les uns,en leurinfpirant des foupcons fur les perfonnages qui lui faifoient ombrage. II a intimidé les autres , en leur faifant naitre des craintes fur les fu.ites d'une indécifion ou d'une neutralité dont fa Cour s'offenfoit. Infinuations ,promefles, menaces, argerit, ilatout employé, prodigué, avec autant d'habileté que de fuccès, pour arriver a fon but. II n'y feroit cependant pas parvenu, s'il n'avoit été puiffamment fécondé dans la République même, par un parti anti-conftitutionnel, oppofé a la forme aétuelle du Gouvernement. La vüle d'Amfterdam, énorgueillie de fes richeffes, enflée de fa fupériorité matérielle; fe prévalant & de fon importance pour les contributions publiques, 8c de la prépondérance qu'elle lui donne dans les Confeils nationnaux ; ennemie déclarée du Stadhouderat, & de la Maifon tfOrange, élevée a ce pofte éminent; afpirant a la fuprématie fur la Confédération , & peut-êtremême a la domination' fur les confédérés; profitant habilement de toutes les crifes de 1'Etat pour aller a fon but, & les faifant naitre quelquefois pour développer fon fyftême ; cette Rome nouvelle, ne pouvant réalifer elle-mêmefes projets ambitieux, s'eft jettée aveuglement dans les bras d'une PuilTance qui les favorife, & a donné les mains a 1'offre qu'elle lui fait de fon appui, pour fubjuguer la patrie , ou pour en bouleverfer la conftitution,  £ö Correfpondance politique'. Dela les oppofitions éternelles que cette Chê impérieufe & fes partifans ont toujours trouvéle fecret de füfciter aux mefurcs propofées, pour mettre la République dans un état refpectable de défenfe, également impofant aux Anglois & aux Francois. Dela eet art funefte avec lequel ils ont fu élever desdoutesfurla fincéritédes propofttion9 qui tendoient a maintenir les Provinces-Unies dans unèneutralité exacte entre les PuhTances belligérantes, & des nuages fur 1'intégrité des perfonnes qui penchoient pour ce parti modéré, le plus utile & le plus convenable tout a la fois. De la la précaution prévoyante deprépareravecles^méricains un traité illégitime fous tous les pointa de vue, de nature a choquerla Grandc-Brètagnc', & Topiniatreté a ne vouloir ni défavouer raffront fait a cette Coöronne, ni le réparer parunecondefcendance peu couteufe, dont le refus devoit nécelTaifement faire éclater entre les deux nations, une guerre a la faveur de laquelle Amfterdam s'eft flattée,ou de maltrifer la Généralité, oude faire fauter les têtes qui lui déplaifent. De-la les éclats auifi fcandaleux qu'affligeans qu'elle ne ceffe de faire depuis cette fatale rupture, prévue, amenée par des circonftances adroitement cotnbinées, & roénagée pour trouver des prétextes d'en rejetter la caufe & les fuites fur ceux même qui fe fonc elforcés de la prévenir. De-la les foupconsde perfidie, de trahifon qu'elle fait ou laiffe tranfpirer contre 1'honneur &la probitédes membres qu'elle veut perdre, & la hardieffe a s'appuyer contre eux, des bruits femés fous mains par fes émiiTaires; & des clameurs aveugles d'un peuple infpiré cn fecrêt & animé a delfein. Cette multitude furieufe qui n'examtne rien; qui eft fufceptible de toutes les imprcffions qu'on lui donne; qui diftribue aveuglement la louangc & le blame; qui re9oit avec avidité tout cc qui  Correfpondance politique. 51 > flattc fon caractère fougueux & malin; qui eft toujours prête a feconder le premier intrigant quï fait la rémuer, & déguifer fes projets ambitieux fous le mafque du bien pubiic; a été découplée contre les objets défignés a fa haine, & dévoucs a fon indignation. Un déluge de brochures perverfes & inflammatoires, deftinées a laféduire, al'égarer, a 1'aigrir, a la foulever contre eux , a inondé le public. On afeint de voir la liberté en péril, &de plaider fa caufe au tribunal de la nation. Les efprits préparés arecevoir le germedela fédition , & a fe repaitre d'impoftures,ont étéprovoquéspar des allégations indéterminées. Des pafquinades indécentes; des eftampes groffierement fatyriques; des libelles infames, répandus avec profufion, ont exercé la malignité, & difpofé la foule, a faire éclater de toutes parts un mécontentement général. Après avoir indifpofé le peuple contre fes prétendus tyrans, ou contre des traitres fuppofés, on lui a indiqué 1'endroitoüildevoit frapper On s'eft autorifé de fes murmures, pour dénoncer au public les hommes qu'il croit coupables, paree qu'on lui inlinue qu'ils lefont.On a transformé fes plaintes en preuves des prévarications chimériquesdont on les accufe, & armé des cris de cette multitude égarée par le menfonge & animée par la ca™ lomnie, on eft venu demandcr des viótimer pour 1'appaifer. La fin de ce morceau une autre fois. Extrait du Courier de VEUROPE N°. XXFIL D Ans cette grande Feuille, oü il y a tant de chofes a lire, & fipeu qui méritent d'ètre lues, il vient pourtant de paroitre enfin, un paragraphe fenféfur l'Amérique -Septentrionale.Mo\,édïteur de la Correfpondance-Politique, ufantdu pou-  Correfpondance politiqui voit quim'eft dévolu par la nature de mesforfe-1 tions, je vais corifigner ici cepaflage, le feul vrai que mon confrère, le Gazettier Francois de Lo/idres, ait eu la confcience d'imprimer depuis long temps, fur nos braves amis les Américains. Je fu is bien sur qu'on ne le trouvera pas dans les Gazettes d' Amfterdam & de Leyden ,les très-humbles fervantes de M. le Docteur Francklin, & de M. le Duc de la Vauguyon. „ Le Congres Continental & Charles Thomi, fon femblent avoir difparu; nous en entendons „ auffi peu parler que de Cottes d'Efpagne; mais „ la raifon en eit fimple, il n'y a point d'effec „ fans caufe * leur vöte ne peut plus enfanter des „ millions* & lorfqu'ils demandent des efpèces 4, fonnantes, leurs ordres ne font pas auffi ponc„ tuellemertt exécutés que ceux qu'ils donnoient „ aux imprirneurs de monnoyer une nouvelle „ émiffion de papier. Us ont eri conféquence perdu „ 1'autorité qu'ils poffédoient lors de la diftribu* tion de leurs faveurs & promotions. II femble j, même qu'ils n'ont pas alTez d'influence pour ,, pourvoir auxbefoins des Réfugiés de la Caro„ line-Méridionale, car nous voyonsdans un pa„ pier-nouvelle, imprimé a Philadelphie,une no„ tice a 1'effet de mandier 1'emprunt de 38,000; „ piaftres fortes pour remplir eet objet. „ Cette Feuiile parottra chaque femaine avec le plus, de régularité qu'il [era pojjible.  Correfpondance politique g% CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires préfentes de la. Hollande, E XTR AIT du Courier du BAS-RHIJ\', du 6 Oaobre 1781. CyEcte Feuille, la moins mauvaife de toutes les Gazettes, furtout quand le Rédacteur la fait luimême, quand il n'eft pas enchamé par des ordres du Cabinet, baillonné par la plume de fon cenfeur; ou quand il eft affez heureux pourfe débarralfer des entraves que le defpotifme & la pédanterie cenforiale mettent au génie; cette Feuille, dis-je, vient de publier une lettre qu'on ne fauroit trop répandre. Ce n'eft pas alTurément un; modèle d'éloquence, mais elle eft folide. Elle explique affez bien pourquoi les Hollandois ne font pas dans un état de défenfe refpectable aux Francois & redoutable aux Anglois. Elle donne la clef des difputes qui partagent aujourd'hui la nation Batave : elle montre la vérité que mes correfpondans cherchent; cela fuffit pour me la faire accueillir. La voici. „ II nous a été écrit Amjlerdam, dit le Rédacteur , fur la grande qüeftion fi vivement agitée aujourd'hui en Hollande, favoir a qui 1'on doit attribuer le mauvais état de défenfe oü la République fe trouve, une lettre dont la juftice & Pimpartialité exigent que nous inférions ici i'extrait fuivant. „ Tornt l JS/9. 4, D  54 Correjpondance politique „ — Pour prouver mon affzrtion, je m'appuye fur les faits inconteflables qui fuivent. Les Anglois ont dit d la République; fi vous continuez a pourvoir les Francois de bois de conftruction , nous vous regarderons comme nos ennemis, & vous traiterons comme tels. Les Francais ont dit de leur cóté; fi vous ne continuez pas a nous fournir des bois de conftruction , nous vous regarderons & vous traiterons comme nos ennemis. Or, en admettant que le Prince Stadhouder Jou gouverné par Al. le Duc, qu'on dife ce qu'il pouvoit faire dans cette facheufe & cruelle alternative? Ha demandé une augmentation dans la marine pour réfijler aux Anglois, & une dans les troupes de terre pour s'oppofer aux Francois. Qui ofera foutenir enJïiite que c'eft la fait te du Prince ou du Duc, ft ces augmentations n'ayant pas été accordées, la République s'eft trouvée fans défenfe ? Les Provinces maritimes ont vöté pour une augmentation dans la marine, & fe Jont refufées d celle dans les troupes de terre. Les autres Provinces nont confenti d l'augmentation dans la marine, qu'd condition qu'elle auroit lieu aufti dans les troupes de terre. On n'a fait ni Vxin ni l'autre: les chofes en font reflées ld; & d qui en eft la faute ? .. . La Souveraineté de la République appartenant aux Etats-Généraux , quant d cette partie , eft-il au pouvoir réuni du Prince Gr du Duc, d'empècher l'exécution des ordres du Souverain ? Mais fi les Membres qui le compofènt Jont divifés entr'eux mèmes, & que cette divijien mette obflacle a ce qu'on en vienne d des réjblutions pour prendre des méfures falutaires, & que par-ld tout refle dans Pinaclivité , efi-ce encore la faute du Prince & du Duc ? Tout Vejfct que Vinfluence du Duc fur l'efprit du Prince peut avoir , c'eft de la porter d donner tel ou tel avis , de faire telle ou telle propofition, que la Souveraineté peut adapter , ou rejetter. Qit'on a'accufe donc plus ni le Prin-  Correfpondance politique. §g ce, ni le Duc, des malheurs dc la République; ne voit-on pas encore, que fi Von avoit fuivi fes confeils, la République s'en trouveroit mieux? Le bldme ne peut tomber que fur ceux qui ont rejetté fes avis, & qui, au lieu de mettre la République dans un état de défenfe, s'y font oppofés; par des vues particulicres, contraires au bien de la patrie. Une fauffè politique , la préférence des intéréts particuliers & momentanés fur ceux de la République entiere, l'ambition de gouverner , l'efprit de parti s & les hainespetfonnelles,font les vraies caufes de lafitua> tion malheureufe & deplorable de la République „ N'avei-vous pas encore pu appercevoir ledepfous de carte quife trouve dans tout ce manege,qui trouble notre République & fcandalijè /'Europe? Ne voit-on pas que la haine du peuple, que Pon met en avant, & qui en ejfet exifie jufqu'a un certain point, paree qu'on a fu adroitement l'exciter & la fomenter par des libelles, par des écrits fatiriques, des eftampes &c. n'efi que le prétexte, qui cache le deffein, fi non de fe poffer tout-d-fait du Stadhouder, au moins de lui donner un confèil qui le gêne tellement, qu'il foit dans un véritable état de tutel/e; afin que le parti qui pourfuit contre lui des mefures aufii violentes, puiffe gouverner feul, d Jon aife, & feion fes vues &c. „ C'eft, ajoute le Rédacteur , & moi aulli, fans en avoir été réquis , fans motif d'ejpoir ou de crainte, fans autre conftdération que celle de notre devoir, qui exige que nous fajjïons entendre au tribunal du public les raifbns des deux partieS} que nous nous fommes portés d publier la lettre cldejfus, qui n' eft pas anonime pour nous. Elle nous a paru contenir en peu de mots ce que Von peut allêguer de plus fatufaifant en faveur de M.le Duc , & elle fera lue avec plaiftr par tous ceux qui ne s'étant voués m au parti de Céfar, ni d celui de Pompée, ne cherchent en toutes chofes que la vérité^ ou les routes qui y conduifent. D 2  £S Correfpondance politique. CUEVILLES du RédaQeur de cette Feuille. Ï^Endant que mes correfpondans , a 1'imitation denos valeureux Marins, Bretons, Fran$ois, Efpagnols, Américains, Bataves, &c. &c., fe repofent, ou concertent des plans pour la campagne prochaine, il faut que le pauvre diablede rédacteur, qui a fur la parole de ces beaux MM. promis une feuille par femaine au public, s'acquitte comme il peut de fon engagement. En conféquence, après avoir rempli avec un article du Bas -R/iin, une partie de la lacune occalionnée par Tinactivité de mes écrivaffiers, je vaisboucher le refte du trou, avec deux ou trois chevilles , dont le Contröleur-général, M.Joly de Fleuri, le Général M. le Duc de Crillon , & 1'Empereur de Maroc fourniront la matiere. Premierement, toutle monde fait par cceur la fable du Renard & des raifins, de notre inimitable La Fontaine. Le galant en eut fait volontiers un repas , Mais comme il n'y pouvoit atteindre ; Ils font trop vereis , dit-il, & bons pour des goujats. Fit-il pas mieux que de fe plaindre f Or des hommes, qui ne font ni Gafcons, ni ISFormands comme notre Renard, ayant apper$u Minorque, 1'ont convoité: puis fe font mis en poIture de le conquérir. Ils ont fait en fix femaines un trajet de quelques jours. Ils font arrivés enfin fort fatigués ; ont débarqué fans réfiftance, perfonne ne s'oppofant a leur débarquement; ont pris fans oppolition une Me déferte; font allés au fort Philippet, què le Général Marray leur a cédé, pour fe loger, eux & leurs canons. De-la, ils ont contemplé au haut d'une treille, des raifins couverts d'une peau vermeille. Ne pouvant les cueilhr, ils font publier qu'ils ne font  Correjpondance politique. 57 pas mïlrs. C'eft ce qu'on voit par Partiele fuivant daté de Paris du 5 de ce mois d'Octobre, &publié dans tous les papiers-publics. " La Cour cVEJpagne,en faifant occuper 1'Iile de Minorque par fes troupes, ne s'étoit propofée que de fermer aux corfaires qui infeftoient les cótes, le feul afile qu'ils euffent dans la Méditerranée, & furtout d'enlever a Gibraltar fes fubfiftances 8c fes raffraichiffemens. Pour cela il n'étoit pas néceffaire d'emporter le fort St. Plülippe, 8t la première intention n'étoit pas de le réduire par la force : ce n'eft que depuis 1'invaflon faite par fes troupes 8i d'après les confeiis de fes Généraux, qu'elle s'eft déterminée a tenter cette entreprife. Tout ce qu'on voit ici d'Orliciers expérimentés, & principalement ceux qui connoiiïent le fort St. Philippe, n'approuvent pas cette réfolution. „ Ce qui fignifie que nous apprendrons dans peu de jours , que 1'armée Efpagnole a évacué Ma/ion , pour laiffcr aux Anglois le loifir d'en curer le port, comblé par lcsalliégeans. Quand la France 8c l'EJpagne&uwiunt entrepris de donner le plaifir de la comédie a toatcY Europe, il faut avouer qu'elles ne pouvoient pas mieux s'y prendre pour réuffir. Bataves ! puifque les iniulaires cVAlbion vous ont forcés a les battre, gardez-vous d'imiter une feulc des millions de fottifes que leurs ennemis répêtent chaque jour fous vos yeux. Paris n'auroit point d'épigramme affez mordante , ni les folliculaires d'encre affez noire, pour vous couvrir de ridicule. Secondement; tout le monde fe rappelle que, tandis qu'en Efpagne, ou Pon brüle pour Pamour de Dieu, les enfans cYIfraël dans des Auto-da-fés, on appelloit le Juif Paixoto pour manceuvrer les Finances du poffeffeur des mines duMexique Szda Pérou, on culbutoit a caufe dc fa Réligion, un grand adminiftrateur dans un pays, oü la Reli-  §8 Correjpondance politique. gion n'eft ni un rite, ni une croyance, mais une arme a 1'ufage de 1'intrigue & des intrigans. On n'ignore pas non plus que le fameux M. Joly de Fleury, qui eft au moins exempt de la lépre de Calvin, a remplacé le Génevois M. Necker. Dès qu'il fut monté fur le tröne de Plutus, le nouveau Contróleur-Général fit notifier a la Bourfe de Paris qu'il fuivroit les errémens de fon prédécelfeur, ce que perfonne ne crut, paree que fi on avoit été difpofé a ne pas s'en écarter, il auroit étéabfurde de congédier 1'homme le plus en état de fuivre fes plans, nefut-ceque paree qu'il lesavoit congus. M. Necker durant fa geftion de prés d'un luJlre, n'a pas mis un fol d'impöt fur le bon peuple, dont on s'occupe beaucoup en France comme ailleurs. Pour montrer au public qu'on ne vouloit pas fe départir de fes errémens , le Contróleur-Général au bout de fix femaines, a mis fur le bon peuple, un impöt de deux fois par livre, qui doit rapporter plus de vingt millions; taxe effroyable fur une nation dénuée, & qui, par la maniere dont elle eft affife, par les embarras , les fraix & les abus inévitables de la perception , devient un fardeau réellement accablant. Un autre trait de rcffemblance entre 1'ancienne & la nouvelle adminiftration, c'eft que le moteur dc la première a fupprimé les Réceveurs - Généraux, inrermédiaires aulli voraces qu'inutiles, & que celui de la feconde en va retablir, a ce qu'on airure, 40 qui fourniront une finance dc 18 millions , dont on a grand befoin. Tout cela prouve 1'uniformité, 1'invariabilité des principes del'adrniniftration. Le nom & la fignature du Prince fervent également a édifier& adétruire. Mais auffi pourquoi ne gouverne-t-il paslui-même, comme le Roi de Suéde, comme celui de Pologne, comme Fréderic le grand, comme Jofcph II, comme le Grand-Duc, comme le Roi de Sardaigne, comme  Correfpondance politique. 59 PEmpereur de Maroc, &c? Entre tant de modèles, il y a de quoi choifir. II auroit cent fois. moins de peine a fuivre lui - même un fiftême fixe, qu'a légitimcr toutes les variations des météores,quife fuccèdent éternellement autour de lui.Quelquedéfeclueufe que fut fa royale geftion , elle auroit mille fois moins d'inconvéniens que les réformes ou les reftaurations miniftérielles , qu'on le force d'approuver. Le public ne feroit point affommé d'une pilc énorme d'Arrêts , d'Edits , de déclarations, de Lettres-P'atentes contradictoires, qui défont aujourd'hui ce qu'on avoit fait hier; & le peuple n'auroit a fouffrir que des méprifes ou de Pincapackéd'un feulhomme, dont 1'intérêt feroit de lui faire toujours du bien, & jamais du mal. On fait que la Marotte de M. Necker, pour fubvenir aux fraix de la guerre, ou de fon fimulacre, étoit de faire des lotteries ou des emprunts: reffources admirables , paliiatifs falutaires d'un Gouverneme-c cacochifme & obéré par les diflipations de lajeuneffe. Son habile fucccffeur, en dérogeant a fes errémens pour des bagatelles comme celles des Réceveurs-Généraux & des impóts, s'y conforme dans les chofes importantes, telle que la création des rentes. Le premier penchoit pour les viagères : le fecend donne la préférence aux perpétuelles, ce qui revient au même, & eft auffi bon 1'un que 1'autre, En conféquence de cette conformité de befoins & d'expédiens pour y fubvenir, chez les deux adminiftrateurs, celui-ci par attachement aux errémens de celui-la, vient d'ouvrir un empmntde 15 millions a 5 pour cent, ou 750 mille livresde rentes perpétuelles, par un édit donné a Verfailles Ie 3 Septembre, & enrégiftrc fans oppofition le 7 du même mois, parle Parlement de Paris, devenu fort docile pour les enrégiftremens, depuis que  6* Correfpondance politique. les opérations financieres ont befoin de fon concours pouracquérir un caraclère légal , & onc pour objet de ruiner Pétat dont il fe dit le tuteur, & d'écrafer le peuple, des droits duquel il feinc d'être le gardien. Quand le Souverain, ou quelqu'un de fes Miniftres s'avife de faire une réforme utile; de fupprimer un abus dangereux; d'introduire un ordre falutaire , Mejjïeurs crient comme des aveugles, a la fubverfion des loix fondamentales du Royaume , qui n'a point de loix fondamentales. Puis dès qu'on invente une charge publique, qui ne touche point a leurs privileges; un agiotage oü ils placent avantageufement leur argent, ils reftent muets, ils befognent en filence. Dans un cas ils portent la hardielfe jufqu'a la lébellion : dans 1'autre la complaifance jufqu'a la lacheté. Un Parlement eft donc par eilence un Corps audacieux envers le Prince, ou prévaricateur envers la Nation ? II eft néceffairement criminel ou pervers. Linguet, pauvre Linguet \ oü es tu ? Comme tu toucherois cette corde r Comme tu ferois crier au paradoxe, précifement paree que tu aurois raifon. Quoiqu'il en foit de ces inconféquences imperceptibles au milieu des innombrables abfurdités de ce bas monde, voici le début de la rececce que Mr. de Fleury adreffa aux Capitalijles, pour les inviter a vuider leurs bourfes, attendu qu'ils auront moins de peine a les porter. " Louis , &c. Par nos lettres en forme d'édit, du mois v d'Aoüt 1777 nous-avons autorifé les Prévót des Mar■m chands & Échevins dc notre bonne Ville de Paris a « emprunter Six-cents mille livres de rentes perpétuelles « ou viagères , dont Ie produit feroit verfé en notre Trém lor Roya!. L'extiniftion lliccelfive d'une portion des Ren» tes viagères, conftituées en vertu de notre édit,jointe 5» aux économies qui ont été faites 1'ur les dépenfes de no»> tre dite Ville, IahTant libre une parne des fonds qui » étoient deftinés au payement des Arrérages de eet » emprunt; les Prévót des Marchands & Échevins nous « offert d'ouvrir un nouvel emprunt au 1 Oclobre pra-  Correjpondance politique. 6i .) chain , & de le porter jufqiTa Sept-cents-cinqmmen mille Livres de rentes perpétuelles , s'il nous plaifoit n leur alfurer un Fonds proportionné au möntarit des in» térèts, & prendre des engagemens pour contribuer au » rembourfement des Capitaux. Et , comme la durée de » la Guerre nous oblige a des dépenfes cxtraordmaires, » nous nous ibmmes déterminés a accepter une propofmon, m qui ne lëra pas moins avantageufe a nos linances, qu'a, 11 ceux de nos fujets qui auront des Fonds a placer, A 11 CES CaUSES &C. 11 Sans avoir envie de critiquer les opérations, ni les manoeuvres fubalternes du Concröleur-Général, on pourroit faire plus d'une remarque fur 1'exorte de ce prêche Financier. On obferverok d'abord que malgré Pafteétation a fe fervir des tournures queM. Necker employoit dans fes fermons; a préfenter les mêmes amorces au public, en lui parlant auffi cVépargnes, fruits précieux de plufieurs économies ; M.Joly n'a pas des rédacteurs auffi adroits que ceux de fon confrère culbutc. Ils font plus fecs, & moins pathétiques. Ils n'ont pas ce ftile mielleux qui attire les prcteurs, ni ces raifons perfuafives qui leur infpirent la confiancc. Enfuite on demanderoit comment un emprunt de 15 millions , après tant d'autres emprunts diffipés fans avoir ni battu les Anglois, ni pris leurs navires marchands, ou conquis leurs poffeffions , peut être avantageux aux Finances du Roi ? II eft difficile de co'mprendre quelle utilicé elle rerireront de ce nouveau Capital, lorfqu'il fera dillipé en pure perte, comme les précédens, & qu'elles devront fupporter étcrnellemcnt les intéréts d'un fonds évanoui, qui n'exiftera pour le débiteur & les créanciers, que dans le parchemin, dont ceux-ci feront armés contre celui-la. Ou elles économiferont pour anéantir les contrats, en opérant le rembourfement de la dette, dont ils font les fymboles & les titres; & on ne voit la aucun avantage. Ou elles fe borneront a en paycr les arrérages; & on voit-la une charge, ajoutée a tous les autres fardeaux.  02 Correfpondance politique. C'eft fe moquer des gens, que dé dire qu'ua Fermier qui emprunte de 1'argent . pour le perdre au jeu, ou pour Pemployer a ravager la Moiffon de fon voifin , faic une opération avantageufè a fa recette. Si c'étoic pour labourer fon champ , ou pour augrnenter fes beftiaux, qu'il recourüt a eet expediënt, on concevroit comment la récoltede 1'un , la laine ou la chairdes autres pourroient reprcfenter la créance de fes prêteurs, & en acquittcr les intéréts en PenrichiiTant, bien loin de Pobérer. Les emprunts du Gouvernement font-ils du prem^r ou du fecond de ces genres? Eft-ce pour créer , ou pour détruire qu'ils mendient fans honte, ou qu'ils efcamotent avec hardieüe? s'ils n'ont pas de pudeur, comme Pa dit Pannalifte, au moins devroient-ils être conféquens. Oh| Mais , dit-on , les emprunts font utiles au bublic : ils offrent des reflburces avantageufes aux fujets qui ont des fonds d placer. Fort bien : puifque des emprunteurs couronnés font des êtres fi falutaires, pourquoi donc y a-t-il aujourd'hui, en Europe, trois ou quatre cent milles créanciers des Couronnés , qui ne dorment plus la nuit, qui tremblent a chaque inftant du jour, d'apprcndre que leurs auguftes débiteurs ont fait banqueroute? Pour moi je ne vois d'autre utilicé aux emprunts publics, que de débarraffer les riches particuliers dc leur argent, & de leur épargner la crainte, ou que des filoux ne leur coupentla bourfe, ou que des voleurs ne forcent leurs coffres. Refte a favoir fi eet avantage individuel, qui ne touch? que des célibataires ou des fibarites, peut compenfer les nombreux inconvéniens de ces fpéculations infenfées, qui augmentent fi prodigieufement en numéraire fiétif, la maffe du numéraire réel, déja effroyable, qui hypothcquent les races futures,qui font manger 'a la gé-  Correjpondance politique. 63 nération préfente, la poftérité avant qu'elle foit née, & qui préparent le plus grand de tous les dangers, celui d'une fubvcrlion totale des fortunes & des propriétés. Comme il n'y a point de fils de familie libertin capable de faire des affaires fi onéreufes, & fi extravagantes que des Gouvernemens; comme il n'y en a pas qui fe livre a des diffipations auffi folies,auffi étendues, auffi répétées, il n'y a pas non plus de débiteurs moins délicats , &c auffi infolvables. Bientöt, après avoir épuifé toutes les rufes, tous les ftratagêmes, tous les agiotages dont ils ufent avec une prodigalité étonnante, ils verront décliner leur crédit ; & eet être idéal une fois échappé de leurs mains , ils feront réduits a faire une faillite honteufe. Leurs créanciers ne trouveront dans leurs portefeuille , qu'un parchemin defféché , un titre impuiffant contre ces illuftrcs banqueroutiers ; & eux-mêmes mourant de faim. L'hiftoire formera de leurs contrats , des billets de Banquede Lauw , & des haillons fabriqués dans 1'imprimerie du Congres, un recueil d'inftructions a 1'ufagc des fiècles a venir. Le Controleur Général de Paris, femble être imbu de ces craintes, ou avoir eu peur qu'ellcs ne refroidifTcnt la ferveur patriotique des Capitaliftes Francois, puifqu'il invite, par PArticle III de fon homélie fifcale, les étrangers, même ceux qui font fujets des puiffances ennemies de la France, a profiter de 1'ouverture avantageufè qu'il préfente aux régnicoles, de fe débarrafier de leurs efpèccs fuperflues. Cet article au refte, ferviroit de texte a d'intéreffables & bien férieufes réflexions, fi les réflexions pouvoient ellesmême fervir a quelque chofe. On y exempte les rentes des fujets ennemis dc toutes lettres - de-marqué & de repréfailles, dont ou  6"4 Correjpondance politique. fait fur la mer un ufage fi fcandaleux, fi barbare contre les pacifiques commercans; comme s'il étoit plus honnête, plus équitable d'aller dépouiller, tuer avec des boulets ou des micrailles. hacher avec des fabres , ou percer avec des bayonnettes, une claife d'hommes utiles a tous les peuples, refpeétables aux yeux de toutes les fociétés, que de manquer de refpect pour le métaï de quelques riches oififs, qu'il le hazardent par avarice. D'ou vient cette contradiction & cette inconféquence? vraiment, de ce qu'il ne faut pour voler, pour mallacrer fur la mer, que de la force & de la cruauté ; au lieu que pour attirer fur la terre les dupes dans le piège , il faut de la prudence & de la fubtilité. Ce n'eft ni la délacateffe, ni le refpeeft pour la juftice qui établiüent cette différence entre la méthode de piller fur 1'eau, & celle de mandier fur un élément plus folide , c'eft la nécellité , & l'impuiil'ance d'adopter les mêmes procédés. Les Controleurs Géncraux de Paris, de Madrid, de Londres, de Plüladclpliie, fouilleroient avec auffi peu de fcrupulrs dans la poche des riches, que les armateurs en metcent a lacher leurs bordées aux navires Marchands, s'il ne falloit pas plus de ménagement pourpomper le huide politique, que pour amariner un vaiffeau. Mais tandis que le Corfaire infpire la terreur avec fa foudre , l'adminiltrateur doicinfpirer la confiance avec adrelïe. Cecélebre Arcicle III.eft encore remarquablepar un autre endroit. II exempteautli les rentes appartenant aux fujets des puilfances en guerre avec le Roi, de tous droits d'aubaine, batardije, confifcation, ou autres qui pourroient appartenir d Sa Majefté, & auxqitels elle renonce. Mais le droit d'aubaine eft un refte honteux de la féodalité; celui de batardije eit une injultice odieufe ; celui de  Correjpondance politique. 6g confifcation eft un droit de brigands & non pas d'un grand Monarque Augufte. On diroit que les Couronnés de YEurope n'ont fu s'habiller qu'avec les guenilles des bêtes féroces forties autrefois du Nord & des Forêts de la Germanie. Comment olent-elles encore fe parer aux yeux d'un ficcie philofophe , a la fin du X YTHme- fiècle , de ces haillons dégoutans ? Troifiemement : A cóté de toutes ces auguftes ordures, plaeons un trait qui honore véritablement une adminiftration & un adminiftrateur. Maïheureufement pour notre imbécile vanité , c'eft dans les climats brülans de VAfrique qu'il faut 1'allerchercher. Ce font des hommes enfumés comme des jambons qui nous la fourniffent: c'eft un defpote fanguinaire, coéfle d'un turban , qui donne aux têtes couvertes de chapeaux,une leeon de prudence, de juftice d'habileté, de douceur tout enfemble, qui ne fera fürement pas imitée par notre police Gotliique & cruclle. " L'Empereur, difent les papiers publics, fa„ tigué par les rapportscontinuels des Briganda5, ges, qui fe conimettoient fur le chemin dYA„ ^arnor a Salé , a cherché les moyens de le ren„ dre plus fur & de chalTer ces Brigands fans ver„ fer du fang: dans ce deffein il a feu infpirer au principal canton de ces Vagabons allez de „ confiance, pour qu'ils ne fe retiraffent pas felon ,, leur coutume dans lesmontagnes, pendant que le Monarque marchoit avec fa fuite de Maroc a Salé: mais, parvenu prés de la Vallée oü ils demeuroient, il Pa fait envélopper tout-a-coup 5, par quatre détachemens, chacun de 500 hom„ mes, armés le premier en frondes, le fecond „ d'Arcs &c de Flêches, le troifième de Piftolets , 5, & le quatrièmede longsmoufquetsouarquebu„ fes. Etonnés d'une attaque auffi étrange, ces n Brigands, ü féroces d'ailleurs, fefont foumis,  65 Correfpondance politique. 3, en offranc a leur Souverain tout ce qu'ils poffé„ doient, pour obtenir la permiffion de demeu„ rer dans ce diftriét: mais il ne la leur a pas ac„ cordec; Sc , neleur ötant aucuns de leurs biens „ il leur a ordonné de pafferdans la contrée voifi! „ ne des déferts du Saarah, tandis qu'un peu„ ple plus pacifiquc viendra habiter le canton s, voilin de Salé. „ Les Gazettiers qui rapportent ce trait de fageile & d humanité d'une part; de docilité, de de foumiffion de 1'autre, le rapportent fans en obferver la beauté. II eft plus aifé de faire compoler une Gazette ennuyeufe par un ouvrier d imprimerie, que d'en compofer foi-même une jnltructive. Remarquez cependant que ces hommes dont on deplace fi éloquemment 1'efclavage en Europc iur les fers defquels on nous fait de fi jolies la' mentations, confervent alfez de liberté dans la fervitude, pour devenir des voleurs redoutables, & dans le brigandage, affez des fentimens pour redevemr hommes a la voix de leur Maitre. Voyez donc h nos efclaves Européens auroient, comme ces noirs Afriquains , affez d'énergie pour affranchir leurs chaines, ou affez de docilité pour les reprendre, li une fois ils avoient brifé le frein qui les retient. Parmi nous 1'homme écrafé, avili par le defpotifme, végete en lache dans la baflelfe & la mifère; ou s'il s'indigne quelquefois de 1'outrage qu'on lui fait, il périt du fupplice des fcélérats. Chez-nous on ne voit pas les peres des peuples aller tendre des pièges falutaires a leurs enfans égarés. II faut être defpote d'une Nation bazanée, pour porter la follicitude & la vigilance a ce point. II eft bien plus court de dévouer a une mort horrible, des hommes qui oublient un inftant leurs devoirs que de les y ramener par des  Correjpondance politique. 67 précautions fages. On a plutóc fait de lacher contre eux des bataillons ou des brigades de Maréchaulfée, que d'aller foi-même leur faire des exhortations, en les affommant s'ils réfiftent, ou en les rouanc s'ils ne fe défendenc pas, on en eft quitte a peu de fraix. II n'y a guère qu'un Empereur de Maroc, qui puiffe s'amufer a pêcher des hommes, ou prendre le divertiffement de la chaffe au gibier humain, fans effufion de fang. On ne peut pas difputer des goüts. Mais fi cette hiftoire n'étoit qu'un conté ? En ce cas, ce feroit tout comme chez nous. Je ne fais s'il eft permis d'avoir plus de confiance dans un autre roman Africain, dont parient auffi les papiers-publics C'eft une lettre Impériale , écrite en ftile Oriental a YAlcaïde de Tangcr. Elle eft 1'ouvrage d'un defpote, car Sa Majefté Marocaine 1'a écrite elle-même, fans la faire contrefigner d'un Secrétaire d'Etat, ce qui, felon le grand Montefquieu, eft un fymptöme de defpotifme. Au lieu d'employer le jargon barbare & verbiager de nos chancelleries Européennes, PEmpereur intime fes ordres avec clarté, fimplicicé&; précifion. II montre beaucoup d'eftime pour quatre nations de YEurope, YEJpagnole , la Portugaifc , la Suédoijè & la Danoijè qu'il veut qu'on diftingue par-deffus toutes les autres nations Chrétiennes. Sublime Empereur [ pourquoi cette prédileétion de votre noire Majefté ? Des Francois, des Anglois, des Hollandois méritent-ils moins un regard bienfaifant de votre face rembrunie, que des habitans de la Scandinavië & de Ylberie. Tandis qu'on fait ainli jafer le Roi de Maroc dans les Gazettes, 1'Empereur d' Allemagnc & le Roi de Pruffè accédent a la neutralité-arméc. On dit que la Reine de Portugal en va faire autant. Les Francois & les Efpagnols radoubent leurs na-  68 Correfpondance politique. vires de guerre, rongés par les poiffons durant cette campagne. Darby bloque le port de Brefi; ou 1'on prépare un nouvel embarquement. Steivart croife a la hauteur du Texel, d'oü fortent des batimens portant pavillon Prujjien. Les Hollandois conftruifent des vaiffeaux. Fiers & indomptables Anglois ,non moins heureux que braves , ou vous terezrenaitrc pendant Fhyver, Polivicr que vous avez arraché de nos Provinces il y a un an ; ou au printemps prochain nous 1'arroferons de votre fang. On vous Ta prédit, & déja vous 1'avcz éprouvé, vous n'aurez point d'ennemis plus rédoutables que nous. Deux peuples long-temps unis, quand ils fe brouillent une fois, deviennent des rivaux implacables. Vous regardez comme des victories la maladrelfe ou la nullité de vos puilfans adverfaires: vous triomphez paree qu'ils fe promenent & ne fe battent pas. Vous avez eu Pavantage fur nous paree que vous étiez ar'més, & que nous ne Pétions pas. Mais attendez que nous puiffions Pètre, & vous verrez renouveller la fcène de Doggers-Banck. Nous n'avons pas un marin qui ne foit ou qui ne puiife devcnir un Zoutman, un Kinsberg, un Dedel, un van Braam, quand il faudra foutenir 1'honneur de notre pavillon, & laver les affronts qu'il a re2 Correfpondance politique. 9°. Ainfï que des circouftances, oü la République fe trouve rélativement a fon adrainiltration politique intcrieure , de i'impoinbüitó Je lui rendre actuellement aucun fervice en Pays E'.ranger, conformement a mon zele bien intentionné pour Ja patrie, ainfi que de lui être utile avec eet effet, qu'exigeroient mes fentitiments patriotiques & 1'importance des affaires, qui peut ètre feront a traiter a la Cour de S. M. Impériale ; & qu'ainfi il étoit a prélërer pour moi d'être difpenl'é de cette commiflion. J'ai eu Thonneur de communiquer amplement a S. A. Séréniffime, M. le Prince d'Orange, comChef cminentde cette Ré publique, les motifs, qui ont dü me porter principalement a cette réfolution ; & je necrains point d'expofer pareillement a V. H. P. mon grief bienfondé , a ce que je crois, & qui fe réduit principalement a ceei :" Qu'étant, tant a titre de ma naiiTan- 8*. J'ai été néanmoins convaincu , par un examen refléchi de moi-même, 8°. Qtte cette prévoyance eft grande! il eft encore heurcuxqueS.Exc. ait fait d temps eet examen d'ellemême. 9°. Dans toute cettepéridde Son Exc. avoue ingétiument qu'elle riavoit pus eu jufqu'ici un zèle bien intentionné pour la patrie.elle rien avoit pas encore il y a quelques année*, lorfqu'elle follicita Pambaffade de Suede , ni même au mois de Juillet der nier, lorfqu ''elle étoit ddntention d^aller ct Vienne. Ce ft ici qu'on peut fécrier: 6 merveille des mcrveilles ! Rendons gr aces au ciel de ce qu'il a fi miraculeufement envoyi fon efprit patriotique fur fon ferviteur, M. de Lynden. Qtiel bonbeur pour notre pays, dans les con/onSures préfentes, quil paroijfe fi fubitement fur lafcene politique , un patriote infpiró pour inflruire nos Régens / io°. Son Exc. porte ici des coups bien fenfibles a quantité de braves fi? vertueux adminiftrateurs, ainfi qriè plufteurs Membres de P'Etat qui vivoient avant 1750, mais fur tout immédiatement après cette époque , fi? qui font encore en vic aujourd'hui, il trien porie auffi d moi- mcme.Quoique je me regarde uuiqnament comme un ftmple citoyen ,je me fuis néanmoins trouvé d portie plus d'une  Correfpondance politique. 83 ce que de ma charge , fois de confuhcr M. Ie Duc, Membre de la Régence fur des affaires qui conccrde cette République libre, noient la République. Son je fuis obligé d'aider a Exc.ne rougit pas defietrir maintenir fa forme fonda- la mémoire des précédecefmentale de Gouverne- feurs de notre bien aimé ment; favoir, 1'Alliance Stadhouder;dedijfamerces Fédérativede*%>* Provin- illu/lresperfonnages jufque ces Souveraines, ayant a dans leurs lombeaux; d'acleur tête un Prince de la cufer ouvertement, d la faSérénhfime Maifon d'O- cede /'Europe, par lavoie range-Naffau; de récufer des Feuillespubliques, tant au contraire toute injluence d'aiminïjlrateurs éclair és , d'Etrangers, quelque illu- de négligence dans leurs ftre que foit leur naijjance, fonétions, de riavoir auou quelque puiffants qu'ils cun fentiment de patriotiffoient en autorité , fi? de me ni d'aftection bien inoppofer -,afin de confer- tentionnée pour la patrie , ver 1'honneur &Pindépen- puifqu'en requerrant Pavis dance de PEtat.„ de M. le Duc fur une multi- tude d'affaires, ils lui ont donné lieu dinfiuer fur le fuccès: conféquemment, felon M. de Lynden, ils ontfacrifié /'honneur & 1'indépendance de l'Etat; puifqu'il protefte quil fe trouve obligé, comnie membre de la Souveraineté, de s'oppofer d iouts infiuence d'étrangers, afin de maintenir eet honneur fi? cette indépendance. Parmi le grand nombre de calomnies qu'on a vomies contre notre eflimable fi? refpebdable Feld - Maréchal, perfonne riavoit encore ofé infinuer que Son Alteffe avoit déshonoré la République. Ses ennemis les plus acharnés font forcés d'avouer qu'il n'y a jamais eu perfonne, au fervice de PEtat, qui lui ait fait plus d'honneur que le Duc de Brunfwick, qui a peut-être plus a coiur Pindipendance de notre pays, que Son Excellence. C'e/l bien dommage qu'il n'ait pas plu ci la providence de répandre plutot fon efprit de lumiere fur M. de Lynden , fi? de lui tnfpirer des le berceau les fettti■mens patriotiques dont il eft maintenant animé. Quels avantages rien feroient-ils pas réfuhés pour la patrie ? Son Ex., fe feroit fans doute oppofée, dans un temps a l'invitation faite d Mr. Ie Duc de venir dans ce pays , crainte qu'il ne le déshonordt, fi? rien affervït Pindèpendancc; 6» par-ld , elk auroit rendu un grand fervice  8  Correfpondance politique % CORRESPONDANCÉ FOJLITIOUE Sur les affaires préfèntes de la Hollande, Suite de la lettre du Baron de Lynden. ia°V"vEft auffia Elles a décider, fi&jufqu'oü il a été fait par le fufdit Seigneur Duc, lors de lamajoritédeS. A.S.'Mgr. le Prince Stadhouder en 1766, des efïbrts pourfe faire nommer& reconnoïtre Confultant ou Conféiller unique du Chef éminent de cette République,ahn de difpenfer par la S. A. Séréniffime defeformer, d'entre les Régens & les Miniftres del'Etat lesplus capables& lesplusatiidés, un Confeil, oü tous les intéréts de la République , tant a 1'égard de i'intérieur que de 1'étranger, feroient convenablement péfés , confidércs, & préparés, afin d'être mis enfuite a exécutionpar la Puiffance Souveraine & Exécutive; établiiTement qui, approu- 12°. C^On Exc. comprend |3 que cette affaire nJefl point du tout de fa compétence, mais bien de celle de L. H. P.; auffi remarquet- on qriellea traité ce point délicat, avec tout Part. & toute Padrejfe pofjibles. Eile n'affirme pas la cbofe dont elle parle. Elle ne dit pas pofitivement que M. le Duc ait intrigué pour fe faire rèconnoüre Confultant ou Confeiller-unique. Elle efl injlruite du contraire, é? fait bien qu'elle tfauroitpu prouver fon afftrtion. Mais M. de Lynden ayant dans fa lettre, le but louable 6? patriotique de femer la difcorde & la diffention; cberchant a provoquer contre le Duc l'animojité du peuple, qui, au grand regret de S. .^Exc.commencoit d fe tranquillifer, (*) il a donni éi (*) Si la haine populaire contre le Duc de Brunfwick commengoit a re calmer le 21 du mois d'Aoüt, 11 faut que la Let. tre de M. de Lynden, & d'autres brülots pareils foient un lerain bien aelif; "ear elle a teniblement fermenté depuis lors. Au refte, ii faut efpérer que cela panera , comme toutes les épidemies plivfiques & morales. ( Note de 1'Editenr. j Tom I. N9. 6. F  86 Correjpondance politique. vé & recu dans des Gou cette phrafe une tournure vernemens MonarchiqueS proprea fairecrsireaulec& même Delpotiques, pa- leur que la chofepajfoitpour roit être d'autant plus ap- véritable dam l'opinionpuplicab e a cette Républi- blique, tandis que M leBaque, nonieulementa rai- ron de Lynden, a cru fe ion de la forme de Gou- mettre d couvert,en dtfant vernement cornpliquée , quil ne donne pas pour qu'aufii paree que 1'exem- certain, ce quil avance; ple de MM. les Sta ihou- mais qtfil P ez pofe feu lement ders précédens en démon- d la confidiration de L. H. tre fuffifamment la nécef- P- afin qu'elles examinent fité & 1'utilité. fi la chofef étoit effeélivement pajfée de cette maniere. Admirez ici une marqué de la bonne foi de eet adminift'rateur fineer e, qui ne craint point de noircir Up homme refpecrable en tous fens, dans l'efprit des citoyens, par des fuperekerits menfóngeres, en fe ménageant en même temps un fubterfuge pour n*étre pasforcé è prouver ce qu il avance. Je crois pouvoir augurer de tout cect, qu'il fut un temps oü le Duc a eu des difpofitions favorables, pour Mr de Lynden, & qifil lui aura ren du des fervices importans, ce qui eft, d après la fafou de pen/er de plufieurs, un motif de perfecuter aujourd'hui S A. Je pourrois bien, ft c'étoit ici le lieu, citer plus d'un exemple fcmblabh; a? qui plus eft, de perfonnes d qui M. le Duc ria jamais fait la moindre peine. (Juoiqu'il en foit; pour dire mon fentiment fur la phrafe dont il fagit, je erris qifil eft impofftble que le Duc ait détourné S. A S de concerter avec les Regens & les Miniftres les plus éclair és, les plus fideles^ fur les af air es en délibération dam les dijférens départemens; mais je ne vois pas que fi le Prince juge a propos de trailer telle affaire particuliere, foit en converfation , foit dans un confeil privé, prépofé d eet effet, ce qui con vient a eet égard ü S. A. S. puiffe en aucune maniere regarder M. Ie Baroi, de Lynden. Puifqu'il eft libre d Son Exc. de prendre Confeil de qui bon lui femble; je penfe qu'elle rioferoit contefter le même droit au Prince Stadhouder ; & beaucoup moins encore le blamer d'en ufcr, hrfqu'il s'adrejfe a des perfonnes de qui on a fouvent & longtemps recherché les avis dans les af air es les plus épineufes dc la République, £? qui ont rendu des fervices fi-  Correjpondance politique. 87 ghalés h la patrie. II me paroit que, ft le lieu qui a vu naitre ets perfonnes ne petit ni ajouter, ni 6ttr a leur mérite 4 le mot ^'étranger > par lequel on les défigne, efl ici trés mal placé, 13°. Soumetrantcesré- 130. Ceci efl dans Vorflexions, que j'ai faites, dre. Auffi les Supérieurs léau jugemencde mesSupè- gitiraes ont-ils déjdfait» rieurs legitimes. comme nous Vavons remar- qué au commencement de cette Lettre, des réflexions judicieufes de M. _ le Baron , rufage dont elles font dignes. Ils les ont mis dormir, Om te blyven slaepen. 140. Je déclare au refle, que je reconnoftrai touhurs avec gratiude lesfervices fignalés,que le fufdit Seigneur Duc a rendusen fa qualité de Tuteur de S. A. Séréniffime durant fa ifiinorité. 150. Comme auffi fat contribué dans ce temstout ce qui dépendoit de moi, conformément d mon devoir, pour aider a alléger te poids qui lui avoit été impofé, & pour concourir a fa fatisfaction perfonnelle: 160. C'eft ailffi pour cette raifon que j'ai dontié volontiers mon confentement d la Réfolutionde V.li.P. en date du 3 Mars 1766, prife a 1'occafionde la majorité de S. A- S. Mgr. le Stadhouder-Héréditaire , par laquelle V. H. P. ont demnndé a S.M. Impériale , en faveur dudit Seigneur Duc de Brunfv.ick, fa coiitinuatiou au fervice de eet Etat, & Pont obtenue. 14". u la beue reconnoifiance / Dieu préferve tous les hommes d'être les obiets d'une gratitude pareille a celle dont la Lettre de fon Excellence efl un fruit, & un exemple. 150. Cefl ceque Son Excellence fit parohre eneffet, en ajfiftant aux réjblutions qui furent prifes peu de temps après, concernant M. le Dua l6°- Le confentement que M. le Baron de Lynden donna d la Réfolution de 1766 , pour demander d rEmpereur la continuation de fervices du Duc , efl un grand bonheur pour la République ; car fi Son Exc. favoit refufé , quels défordrts ne s'en feroient ils pas fuivis, Juppofé que fon fuffrage ent fuffi pour nous priver de la préfence de ce Seigneur ? Fa  88 Correfpondance politique. 17P. Quoique, fuivantle peu de lumieres que j'ai fur le fyftême politique des Cours de 1'Europe, & a en juger par d'autres circonftanees, il n'y eut pas apparenee que la préfence & les fervices dudit Seigneur Duc feroient requispar la Cour de Vienne. I7«. M. le Baron .de Lynden reconnoijfant ici qu'il ria que de fbibles lumieres fur le fyftéme politique des Cours de 1'Europe , pourquoi a-t-il follicité Vambajftide de Vienne, une des prmcipales de ces Cours, & montre-t - tl tant d'humeur du facrifice que fon patriotifme le force d faire de ce pofte important? Au refle on fent bien que Vaveu que fon Exc. fait de la Médiocritéde fes talenspour la Carrière dip'OmaUque, eft une inadvertance plutót qu'une mode/lie de fa part: fon but étoit de faire indireüement d L. H. P. un réproche irontque d'avoir follicité la continualion des fervices du Seigneur Duc auprès d'une Cour , qui felon M. de Lynden , n avua pa> envie de ie rappeller. Si lorfquil fut queflton de faire des démarches auprès de S. M. I. pour obtenir fon agrément que le Duo refldt au fer vice de la République, M. le Baron avoit desfcrupulesfur la convsnance ést Futiliié de la préfencede S. A. il as,it donc contre fon devoir & fa confeience de ne pas les communiquer d L. H. P. lorfqu'il en étoit encore temps, au lieu de donner fa voix comme il avoue qu'il le fit? Mais après une période de quinze années, efl-il honnête de reléver des chofes femblables? 180. Je déclare pareil i83. M.le Baron deLynlemcnt , que fat pour le den n'a certainement rien ra ng & les talenis militai res de M- le Duc de Brunf •wiek, comme auffi pour fon illuftrc naiffance, la haute eftime, que je crois être due d de! Princes qui font au fervice de l'Etat, £? qui font nés des Maijbns les plus anciennes les plus refpectables des Princes d'Allemagne , comme de celle de Heffe & d'autres, dont la République a fouvent recu les fervices les plus fide- ajouté au rang diftingué, a la naiffance illuflre, aux talens perfonnels de M. le Duc : auffi lui efl - il bien impofftble d'y rien 6ter. On efl d'ailleurs trés perfuadé que le Duc attaché fort peu de prix d la déclara- on d'efttmepourfon mérite , faite par un homme qui s^tfforce de le décrier, 6? de foulever le peuple contre lui. Pour ne pas s'attircrdc  Correjpondance politique 89 19°. Mais m reconnoiffant pour le refle audit Seigneur Duc aucune qualité ni titre pour avoir quelque influence.même indirecte , dans les affaires qui concernent le Gouvernement politique de cette République; & perfuadé qu'il exerce une telle influer.ce, je me vois dans la néceffné de prier par la préfente Vos Hautes Puiffancesdeme difpenfer pour le préfent de toute million dansles Pays étrangers. fur les Régens & les Ambaffadeurs de la République. Au contraire , le public impartial, eft perfuadé que le devoir d'un Co-adminifirateur zélé pour le bien de fa patrie, tfl qu'il s'applique de tout fon pouvoir d écarter des efprits toute opinton fauffe G? fcandaleufe ; d rétablir au dedans Vharmonic £? la confiance réciproques, afin de fe metlre cn état de repouffer avec des forces réunies, les attaques d'ud ennctni étranger & de maintenir ain/i 1'honneur & 1'indépendance de 1'état, pour lefquels M. le Baron li rille d'un feu li 1>ur. 2o9. Tandis que j'en> ployerai néanmoins , dans des circonjlances plus favorables, de très-bon cceur & avec tout le zele poffible, le peu de talents que je puis avoir en telle Commiflion ou Pofte dont V. 200. Comme les circonftances favorables après lefquelles M. de Lynden foupire ne fe préfenteront probablement pas jitöt, il pourra compter fur une longuefufpenfion de travail, qui lui ïaiffera le temps dé 19. Lepublic ne reconwit dM. D.W. van Lynden ni qualité, ni titre pour diffamer qui que ce foit , encore moins une perfonne auffi innoncente & auffi refpecïable que M. h Duc. Son Excellence M. le Baron n'a pas plus de Miffion pour noircir ce Seigneur, qu'elle rien veut accepter pour les négociations étrangeres; perfonne ne fa autorifée d te rendre fobjet de la haine des citoyens, en le repréfentant comme jouiffant & faifant ufage d'une induence danscreufe les & en recevra toujours, a ce quejem'aifure, dans les occafions qui pourront fe préfenter. Maifon de Heffe & autres, au fervice de Pétat, commt une eftime particuliere , & de fan aM>rnhatinn. la part des Princes d Allemagne le réproche de diffamateur, M. le Baron de Lynden a eu la pvlitique d'excepter de fa cenfure la dont itfe trouve des Princes ft fin Exc. avoit pour cux qu'ils duffent être bien flattés  00 Correjpondance politique. H. P. mé jugeront capable, pour la plus grande utiliré de 1'Etat & de la Séréniffime Maifon Stadhouddricnne, dont les intéréts font inféparables, fi? pour lefquels je protefie être animé a la fois , de Pattachement le plus conflant & le plus fidele, fi? d'uzele le plus fincere. Comme auffi je ne ceiïerai jamais de donner des preu vgs de mon amour pour la patrie, & durefpeét avec lequel je fuis invariablement, &c. CSigné} D. W. Van Lynden. AlaHaye le i6Jutlkt 178:. préparer les moyens de mefitre d exécution , tous les projets patriotiques, qu'ila ft généreufement fi? ft tardivement confus. Je fuis fineer ement afjligi pour la familie refpeétable de Son Excellence, dans la • quelle on comptc tant d'hommes inlègres fi? vertueux, d qui des procédés tels que ceux de M. de Lynden ne font rien moins qu'agréabks Tout le contenu de cette Lettre efl une preuve convaincante de /'attachement de fon Auteur, pour PUluflre Maifon du Séréniffime Stadhouder. Courtes Réflexions du Réda&eur, fur ce qu'on vient de lire. (^/ Eux qui, comme moi, pauvre diable de Rédacteur d'une feuille baffouée, ne font pas au fait du deffous de carte, ne comprennent rien a la boutade de M. de Lynden, qui refufe d'aller en Mi/Jion étrangcre, a caufc de Vinfluence imefline qu'il attribue a M. le Duc. Si les grands politiques n'étoient pas plus hommes, & fouvent plus inconféquens que les atómes qui les admirent, on pourroit trouver cette conduite étrange & contradictoire. C'étoit précifement le moyen de fefouftraire a la fatale influence du Duc , que de fortir du Pays. Plus Son Excellence s'en feroit éloignée , moins elle 1'auroit reflentie. h-Vienm cette influence auroit été bien affoiblie; a Cp/i~ flantinople encore plus. Et fi une Ambaffade auprès du fubüme Magiftrat des Ofmanlins, n'a voit pas fuffi a M. le Baron pour fe préferver de la  Correfpondance politique. 9* malignité de 1'influence pucale, il devoit s'en aller aux antipodes , plutöc que de fcandalifer l'Univers entier, ce qui eit hyperboliquy , ou de fonner le tocfin contre le Feld Maréchal^ ee qui n'eft malheureufement que trop littéral. Lecteurs! danc la pièee que vous venez de lire, fi toute-fois vous i'avez lue, vous avez vu bien du Baron & de 1*Excellence^ non de celle des chofes, ou du ftile,mais d'éüquette. Ce protocole de 1'ufage eit une chofe fort infipide au gout des Phüofophes; mais pas au mien. J'aime beaucoup les Barons, furtout quand (ls ont au* tant de bonté que d'Excellence. ft eft vrai qu'ils font faits, comme dilent les Triéologiens , dela même pate que nous autres hommes. Mais ce font pourtant des Barons, & ce n'eft pas peu dire. J'avoue que je pourrois me facher comme un beau diable, quand ils s'avifent de n'être pas excelLnts; d'infinuer des fauffetés; d'écrire des menfonges; de faire circuler dans le public des diffamations en ftile qui m'écorche les oreilles ; de fecouer la torche de difcorde dans le monde; de charger des innoccns de crimes chimériqu. s, pour foulever le peuple contre eux. Alors, j'ai bien de la ptine a convcnir de leur Excellence, Pour en revenir a M. le Baron de Lynden , & a fon Ambaflade avortée, il y a bien des malins qui prétendent que M. le Duc a contribué en effet, a dégouter fon Excellence de 1'envie d'aller a Vienne; non pas en influant fur le Prince d'Orange qui ne nomme pas les Ambafladeurs , ni fur'les Etats -Gênéraux qui nomment ceux qu'il leur plait, pour remplir ces Miflions üans les Cours; mais en faifant a TEmpereur 1'éloge de la profondc politique & des talens rares du Plénipotentiaire que la République alloit députer a Sa Majefté Impériale; & ce Monarque n'aimant point avoir u faire a plus habile que lui, alahTéi F 4  ps Correfpondance politique. dit-on, entrevoir dans la Salie d'Oranec, k 1c lendemain a table , qu'il ne fe foucioit'point de commettre ni fa fagacicé , ni les lumieres du grand Kaïmiti vis-a-vis d'un négociatcur de la Jorce de M. le Baron de Lynden. Ainfi la caufe de la repugnance que fon Excellence a cru rcmarquer pour elle dans le Prince Augufte avec lequel elle a eu 1'honneur de diner, bien loin de lui donner du chagrin, la couvre d'une gloire immortelle. Ainfi foit-il. Fin des réflexions impartialcs d'un Neutre. lVI.Ais n'approfondiffons pas les trames de 1'intrigue. Le temps en mettra les miftères en cvidence. il eit tout fimple que la Régence cX Amfterdam avec ion antipathie pour le Stadhouderat, & fon averfion pour la Maifon qui en eft décorée, cherche a culbuter fes appuis, pour précipiter enfuite, avec moins deliorts & plus de füreté, Ie Stadhouder dans la même chute. II eft tout naturel que ceux qui ont incendie la République, s'efforcent de détourner 1'indignation des citoyens de delfos leurs têtes, & de dinger la foudre fur celles des perfonnes qui ont taché de prévetur 1'incendie, ou qui cherchent a 1'éteindre. Un ne fauroit blamer les auteurs des calamités publiques, d?en faire réjaillir la faute fur ceux qui ont voulu les écarter. Ils aiment mieux , comme de raifon qu'on facrifie le Prince cYOrange & fes amis, que d'etre immolés eux mêmes. Ce qu'il y a de plus facheux dans cette crife violente, ceft que Ia nation fe renden aveugle, 1'inftrument des paflions de quelques individus, qui 1'excitent a 1'emportement, pour la conduire a la ruineot» %J e.'clavage. Dans la pofition oü fe trouve aujourd hui lEurope en général, & en particulier . Ia Répubhque, déchirée par des faétions, a la veille peutêtre d'éprouver les horreurs d'une guerre civile, il ne faut qu'une démarche imprudente de Ia part dij  Correfpondance politique. J>3 joeuple , ou de celle desincendiaires qui foufïïent le feu de la défunion , pour bouleverfer la conftitution nationale, ou livrer le pays au premier raviffeur qui voudra s'en emparer. Qui öl'eroit aflurer que la tonquête des Provinces-Unies n'eft pas méditée par quelque Puiffance voifine? Que le plan de la partager comme la Pologne n'eft pas déja tracé dans les Cabinets des Colofles qui les environnent ? Que les Cours prépondérantes n'attendentpas en filence, qu'il foit parvenu a fa maturité, pour le mettre a exécution ? Qu'elles n'attifent pas en fecret le flambeau de ladifcorde, jufqu'a ce que les Hollandois étant occupés a s'entre-détruire, il ne faille que paroïtre pour les enchainer? Sans croire a la poffibilité d'un dénouement auffi douloureux, il eft des événemens également effrayans, que peut amener la fcene tragique qui fe prepare. Brouillée avec 1''Angleterre, fans être alliée avec d'autres Puiflances capables de la protéger, la République n'a fon ialut a attendre que d'elle feule. Et elle eft divilée, en combuftion, prête a voir ruiffeler le fang de fes citoyens! La patrie eft perdue, fi les boutefeux qui la déchirent font appuyés jufqu'au bout, par le voifin perfide qui les dinge & lesfoutient. 11 ne faut que io mille Francois, foutenus par une efcadre, pour égorger le Stadhouder , éteindre la Maifon SOrange, & livrer le pays a un defpote , ou fes habitans aux iniquités d'une ariftocratie odieufe ; telle que celle qui a été abolie en 1748. Bataves1. Peuples fi fages & fi prévoyans, quand vous êtes de fang-froid; ne voyez-vous pas que c'eft lebutoü tendentcespatriotes altiers, qui vous écbauffent, pour vous empêcher d'appercevoir Pabyme oit vous allez tomber, quiarment votre reffentiment pour fervir leur ambition; qui invoquent la liberté publique pour vous enchainer en détail; & le falut de la patrie, pour mettre plus fürement fes enfans fous le joug de la fervitude? Défiez vous de ces noms impofans, quand on ne lespronouce que pour vous mettre des poignards en mains. Ils n'ont alors d'autre fons dans la bouchedes importeurs, que leur intérét & leur orgueil. N'appercevez vous pas 1'intention des hommes qui vous excitent ? C'eft leur caufe , &non la vötre que vous fervez. En chargeant le Ducdevos  94 Correjpondance politique. imprécations, c'eft au Prince qu'ils en veulent Le tuteur une fois écarté, le pupileferoitbiemüt facrifió Nation genéreule ! Voudrois-tu détruire ton pronre ouvrage ? Voudrois-tu renverfer la conftitution que tu te choifis il y a trente ans, & reprendre les fers que tu bnfas,en t'affranchifi'ant d'une ariftocratie tvrannique & fans pudeur ? Aiinerois-tu mieux voir a la tete de ton armee, le laquaisou le Palfrenier d'un Regent, que le Prince ó'Orange & le Duc deBrunftvick; & la France aider tes Magiftrats a te vexer que VAngleterre redevenue ton alliée ? Qi) ' Je ne fuis pas plus 1'apologifte du Prince & dt» Duc que des Anglois & de leur miniftère. Ni leur naiffance, ni leur dignitc, ni leur pouvoir ne fauroient m'empêcher de leur dire la vérité avecautamde franchife&de nobleffe qu'a leurs adverfaires. Ufo peut que le Gouverneur général s'eft plus d'une fois trompe dans les mefores qu'il a cru devoir indiquer pour le bien public. 11 eft poffible affurément que les hommes honorés de fa confiance ne lui ayent pas toujours donné des avis falutaires pour 1'opérer. Mais qui oferoit leur en faire un crime? Ceux qui donnent les confeils & celui qui les recoit font-ils donc infailbles ? L un, pour être élevé a une dignité éminente, eft-ü a 1' abri des méprifes? Les autres pour 1'aider* dans^ 1'exercice de fes fonétions, font-ils exempts d'erreur? Exifte-t-il dans le monde des admim'ftrateurs dont le Gouvernement ne puiffe pas efluyer des critiques, ou motiver des cenfores ? Hommes comme leurs cenfeurs les plus amers, font-ils inexcufables de participer aux foibleffes de 1'humanité? Dansquel pays transforme-t-on en déüt 1'illufion du cceur, ou le défaut de jufteffe d'efprit dans un homme public ? L'incapacité elle même , fut-elle prouvée, n'en feroit un nulle part. II n'y a que la prévarication qui mé. rite un chatiment, & que la mauvaife volonté reconnue qui juftifie des foupcons flétrilTans. Le Stadhouder & fes Confeillers peuvent fe tromper, eux mêmes , ou être trompés par d'autres, comme tous les hommes, &for-tout comme les hommes en place, fouvent auffi bornés,& plus iujets aTerreur que les Cirons qui les admirent, ou qui les criti' (O La Note de ce morcean une autre fois.  Correfpondance politique. 05 quent. Les Régens d"'Amfterdam font une trifte preuve de cette vérité d'expérience. En font-ils moins eftimables comme individus, ou plus prévaricareurs comme hommes publics, pour avoir fait de mauvaifes combinaifons & de fauffes démarches? Eft-ce d'après leur opinion fur les affaires d'Etat qu'il eft permis d'apprécier leur caraétere moral, & de juger leur conduite politique, quand d'ailleurs cette opinion n'eft pas vifiblement déterminée par des motifs connus, non équivoques, dignes de blame ou de louange? Non fans doute. On peut être imprudent, téméraire même fi 1'on veut, en foutenant un fentiment pernicieux, en donnant un avis nuifible, en faifant une aétion qui a des fuites funeftes; mais on n'eft criminel, digne d'une flétriffure oü d'une punition, que lors qu'on fe porte a faire Pune ou 1'autre dans la voie de nuire ou d'égarer. 11 n'eft ni équitable, ni décent, ni politique d'accabler de mépris & de dégoüts, de dévouer au ri* dicule & a la haine, un homme,qui, par fonemploi ou par fa pofition, eft appellé a foutenir lepoidsdes affaires publiques, oü a affifter de fes confeils, la perfonne fur qui cette péfante charge repofe. Paree qu'un adminiftrateur ne penferoit pas toujours jufte, ou qu'il ne recevroit pas conftamment de fes aides les meilleurs avis? Qu'ils ne lui confeilleroient pas les mefures les plus fages, ou qu'il n'embrafferoit pas le parti le plus utile ; mériteroient-ils pour cela d'être les objets d'un déchainement furieux & d'une averfion implacable. Des vues erronées,des méprifes, des fautes mêmes, fi elles ne font pas volontaires, devroient-elles les faire pourfuivre avec un acharnement que la llcheté & la trahifon motiveroient a peine? Dans la diverfité d'opinions qui partagent depuis quelques années la République, fur le parti qu'il convenoitde prendre pour fa söreté & fon indépendance, dans les conjondtures épineufes, ou VEurope fe trouve, il n'eft rien moins que prouvé encore, que le Prince cVOrange & le Duc de Brunfwick ont adopté un fyftême funefte a la patrie, & qu'ilsn'ont pas des idéés plus faines, une politique plus falu* taire a la liberté & a la confervation de 1'Etat, que Jes détracteurs acharnés, qui empoifonnent leur exi-  9&~ Comjpondanct politique. ftence par des traverfes, comme leurs démarches & leurs principes pardescommentaires outrageans. C'eft layemr, cette pierre de touche infaillible des fpéculations huniames, qui montrera qui penfoit avec plus de fageffe & agilToit avec le plus de droiture, oude ceux qui defiroient de maintenir la République enpaix avec toutes les Puiffances fans la faaifier a aucune; ou de ceux qui ont compromis fon repos, fon bonheur peut-être même fon exiftence, pour fatisfaire SSnelles S P"VéS * °U fignaIer des- vengeances perII eft bien moins prouvé encore que le Prince ou in Duc ont prévariqué, 1'un comme Chef de la République, 1'autre comme premier Officier militaire, juiqu ici il n'y a que la voix confufe & tumultueufe di un peuple animé fous mains qui s'éleve contre eux Jl n a tranfpiré dans le public que des bruits vagues! .deftitués de vraifemblance, plus propres i compromettre leur honneur, qu'a lesconvaincre de prévarication» Un leur fuppofe des intentions perverfes qui n'iroient pas k moins qu'a livrer la patrie aux Anglois, ou a Ja reduire eux-mêmes en fervitude, pour regner fur les débris de la liberté. Mais que voit-on dans leur conduite qui autorife ces foup^ons injurieux? De que) droit fe permet-on de leur faire ce fanglant outrage .^Suffit-il de leur prêterdes vues criminellespour quils loient coupables? Cette maniere de juger des perfonnages illuftres, n'eft pas feulement le comble de 1'injuftice, c'eft auffi celui de 1'abfurdité. II eft encore plus extravagant que cruel, d'imaginer que des hommes qui peuvent fe couvrir de gloire en procurant le bien de l'Etat, s'il étoit en leur pouvoir de le faire, veuillent fe perdre & fe déshonorer gratuitement, pour le vendre ou le fubjuguer. II faudroit qu'ils fuffent auffi faux que leurs ennemis font injuftes pour former un projet également mfenfé & perfide. Pourroient-ils entreprendre d'affervir la nation fans la mettre en fureur, & fans rifquer de devenir les viftimes de fon reffentiment & de fon averfion pour les ufurpateursf' Les hommes impartiaux, les vrais citoyens qui ne font ni Chrétiens ni Mufulmans; qui ne dépendent pas du Stadhouder; qui ne fervent point 1'arabition cVAmfterdam, ne feroient ils pas les premiers a immoler fut 1'AuteJ  Correfpondance politique. 9f ilu patriotifme, les tyrans qui tenteroient d'opprimer la patrie? Leurs plus zélés partifans deviendroient leurs plus implacables ennemis, s'ils en vouloient faire leurs premiers efclaves , pour les aider a enchainer les autres. Mais, diton, c'eft-la précifément la caufe de nos allarmes: c'eft-la le fujet fur lequel nous ne fommes point raffurés. Qui nous garantira que cette portion de citoyens qui ne prennent aucun parti, ne le rangera pas du coté de nos oppreffeurs ? Qui peut nous promettre que cette foule d'hommes dcpendans du Prince, a l'élcvation duquel leur fortune eftattachée, ne feront point les inftrumens de fes entreprifes pout nousréduire enefclavage? Qui peut nous répondreque le Stadhouder, dcpofitaire d'un pouvoir trés étendu ^ k la tête de nos forces de terre & de mer, ne cher. che pas a augmenter notre armee pour étendre fa Puiflance, & nous raviï nos libertés? Voila , je 1'avoue, bien des fujets d'inquiétudes: mais pour qu'il foit permis de s'y livrer, il faudroit au moins quïl tranfpirat quelque chofe dans les principes , dans le caradtère , ou dans les aftions de Guillcaume V. pour donner a ces appréhenfions, un fondement légitime. Sans cela ces inquiétudes ne font qu'une terreur panique & une défiance iojurieufe. Si vousfuppofez au ehef de la République 1'envie ou le deffein de la lubjuguer,fans que fa conduite ou fon cceur donnent lieu a eet odieux foupcon, pourquoi ne lui prêtezvous pas également ledefir ou la tentation d'en égorger les citoyens, avec les foldats qu'il vous demande depuis fi Inng-temps ? L'un eft tout auffi raifonnable que 1'autrC. Et ft 1'événément le juftifioit un : faifani voil qu'il n'a foliicité une augmentation dans votre anuée, que pour prévenir les dangCttqui vnus menaccni, & opérer votre falut; ne OSi urrn • , js pas de douleur & de honte d'avoir calomnic fes intentions avec autant de précipitation que d'cn portcment en vous refufant a les féconder? Rtflilrez vous, tkttavts, le digne rejetton des fondateurs de vinre Etat, n'ambitionnera jamais d'autre gloire que rclle d'cn protéger les libertés. Le fang de vos généreux libérareurs coule encore dans les veide leur fucceflfeur. 11 ne commandera jamais a-  98 Corrcjpondanee politiquti vos' troupes, que de vous défendre. Elles ne lüi obéiront que pour vous fauver. Ne tenez-vous pasle cordon de la bourfe, qui renferme le feul lien avec lequel on puifl'e aujourd'hui enchainer les peuples Jadis c'étoit avec le fer qu'on les gouvernoit; maintenant c'eft avec 1'or qu'on les fubjugue. Votre Capitaine Général a-t il a fa difpofuion les efpèces avec lefquelles on achete des ftipendiaires, ou exerce-t-il fur vos ftipendiaires le pouvoir coërcitif fous 1'impulCon duquel ils fervent a voler de 1'argent? N'êtes vous pas également les arbitres des fubfides & les difpenfateurs des deniers publiés? ChaqueProvince indépendante, chaque Ville libre chez elles,ne peuvent-elles pas toujours ou refufer leurs contributions ou en diriger 1'emploi ? Permettroient-elles qu'on s'en lervït pour les aflujettir ? L'argent eft tout a-la fois larme la plus utile & la plus redoutable. Sa dilpofition fait les defpotes ,& fa privation les prévient Mais, direz-vous encore H ü ce n'eft pas pour notre liberté que nous devons trernbler4 c'eft au moins pour notre ïndépendance, qu'il nous eft permis de craindre. Si le Prince ne cherche pas a nous impofer fon joug, nous ayons heu de redouter qu'il ne nous foumette a celui d un autre. Ses connexions avec une PuilTance voifine; le penchant hautement avoué de fes partilans pour les Anglois; 1'efflcacité toute puiflante des tnaneestout cela nous fait peur & nous chiffonne prodigieufement. Notre Stadhouder n'a peut-être pas envie d'entreprendre fur nos libertés; mais les hommes qui Pentourent pourroient bien avoir la tentation de les vendre. En ce cas, Meffieurs, attendez au moins que le marchê foit conclu, & que vous en ave* la preuve. Alors, fi vous n'en êtes pas fatisfaits, au lieu de piailler comme vous faites aujourd'hui après des gens, contre qui vous n'articulez aucundélit, armezvous de vos poignards pour égorger les vendeurs & de vos canons pour vous fouftraire aux acquéreurs' Maïs tandis que vous n'avez que des peut-être & oppofer aux objets de votre mécontentement; que vous devez- recourir a des fuppofitions chimériques pour alPéguer des grieft; que la baflefle, la lacheté, les vues perfides que vous leur prêtez ne repofent que fur votre prévention : n'avez vous pas a crain-  Correfpondance politique. 99 dre d'être traduits au tribunal du public, & dénoncés a celui de la poftérité, comme des calomniateurs furieux, a qui il ne coüte rien d'infulter l'innocence, & d'outrager la vertu? Dites moi".a votre tour, hommes pafiïonnés & inconlequensfur quoi eft fondée 1'opinion injurieufe a fintegrité du Stadhouder ou de fes Confeillers , qu'ils ont des vues Qniftres fur la République h foit pour 1'avilir en la ibumettant a VAngleterre, 1'oit pour la détruife en s'élévant fur fes ruines? J'ai déjamontré ce que 1'un ou 1'autre de ces deux projets a d'indigne de la délicateffe, de 1'honneur du Prince d'Orange & du Duc de Brunfivick; Pimpoflibilité de la réalifer; les fuites funeftes quïl auroit infailliblement pour fes auteurs; les dangers & la honte qui fe* roient le fruit d'une pareille tentative. Mais enfin, fuppofezces deux Princes affez infenfcs, affez pervers pour en concevoir le deffein; que produifez-vous pont mqntrer qu'ilsn'ont pas fait leur devoir,ou qu'ils font tentés de 1'oublier; qu'ils ne vous ont| pas fervi comme ils le devroient, ou qu'ils le préparent a vous facrifier; en forte que leur conduite paffée juftihe vos réproches, leurs difpofitions adluelies vos foupcons, & leurs entreprifes futures, vos craintes ? Juiqu'ici encore une fois, vous n'avez articulé contre eux aucun fait qui puiffe, je ne dis pas motiver un cbatiment, mais feulement établir une procédure. Vous n'avez produit au public, au tribunal duquel vous les avez dénoncés comme des prévaricateurs, aucune allégation qui puiffe même les rendre fufpects. II n'y a pas encore a leur charge un feul grief précis que 1'équité ne puiffe pas méprifer. Les hommes impartïaux ne voyent pas le moindre indice d'une trahifon confommée, ou d'un attentat formé contre la liberté publique. On n'appercoit même rien qui puiffe en faire foupconner le deflêin,a ceux qui fontvaguement accufés d'en être les auteurs. S'ils en étoient counables, il feroit aifé d'acquérir la preuve de leur délit; dele conftater juridiquemenr, de les iuger & de les punir. 11 feroit permis alors, néceffairé même de le faire. Mais on y procé^leroit diffcr ;mment. On ne fe borneroit point a des déclamations qui ne prouvent rien, telles que celles du mémoire de la Ville d''Amfterdam, contre le Feld-  loo Correfpondance politique. Maréchal, & de cent diatribes qui affurémentne font pas des modeles de bon goüt, & dans lefquelles la logique eft auffi peu refpectée que la vérité. On ne s'arrêteroit pas a des infinuations malignes: on ne fe verrok point réduit a recourir a des ïnterprétations fauffes, que la haine donne a des démarches que des efprits plus calmes & plus équitables interprêteroient favorablement, dans des circonftancesplui heureufes. Ils font accufés des crimes imaginaires dont il a plu a une Magiftrature refpectable, mais inquiette, & a 1'indifcrétion d'une multitude capricieufe, adroitement excitée, de les charger. C'eft un Membre de la Souveraineté a qui ils déplaifent, qui s'eft permis de contröler d'abord leur conduite, de la blamerenfuite, & qui a fini par la dénoncer comme criminelle. Le peuple enhardi par cette démarche inouie a les invecViver; animé contre eux par un déluge de pamphlets calomnieux, n'a plus mis de bornes a fa licence, & s'eft livré a toutes les fuggeftions de la haine & de 1'emportement. ERRATA. Les denx dcrniers Nos. ayant été imprimés en mon abfence, il i'y eft /j/i'/Je des fautes impardonnables , que je ne puis rectifier quen les iiidiquant. Pag. 16 a la note, ;o,oco fl. ; lifei 500,000. Pag. 60 , ligne b7 adrefla ; lifei adrefl'e. Pag. 62, lïs.ne 11 du Gouvernement, UftZ des Gouvememens. Pag. 63 ligne 20, moiirant ; lifei mouriont. Ib:d. 1 gne 34 , d'intereflables ; lifei d'intariflables. Pag. 64 ligne 0. qu'ils; lifei qui. Pag. 65 ligne 2, grand Monarque Augufte , rctranchei grand ou Augufte, comme vms votidre?. Même page , ligne 15 , la , lifei le. Page 66 ligne 17 , deplace', li fez déplore. Ibid. ligne 20, des fentimens, lifei Je fentiment. Ib'id. ligt.es 53 & 24 , aiïranchir leurs cliaines ; lifei s'affranchir de.. Paus 6.8 ikne demiere : rendez la paix; lifei rendez nouS la paix. Page 60, le titre de la Lettre du Baron de Lynden , doit Être ainfi , Eclairciffement fur la Lettre de Mr. le Enron de Lynïjen d L. H. P. en date du 26 Jui/ïet 17S1, ti remife aux EtatsGeneraux le 21 Aoüt fuivant. Page 74 , ligne 12 , éloquences, , lifei conféquences.  Correfpondance politique. 101 CORRESPONDANCÉ POLÏTIOÜE Sur les affaires préfentes de la Hollande. LETTRE QUATRIEME. itH^St-il donc vrai, Monfieur, que 1'aucorité s'arme enfin féricufement chez-vous, pour flétrirles libel] es , & réprimcr leurs féditieux Auteurs? Au mois de juillet dernier les Etats d'{7trecht lancerent un placard, pour défendre 1'imprcflion & la diffémination de ces malheureufcs caricatures, dont vos Provinces font inondées; & on dit qu'ils viennent tout récemment encore de profcrire un tiflu d'horreurs, vomics contre le Prince cVOrange & fes Illuftres Ancêtres, in^ titulé; Au peuple des Pays-Bas. On affure que les Etats de Hollande, juftemenr. allarmés des progrès que fait de jour en jour cette licence dangereufe, s'occupent auffi de la réfréncr; & en vérité, il eft bien temps qu'on cherchc a mettre un terme a ce débordement de furcur, qui ne garde plus ni mefures ni décence, & qui, après avoir mis la patrieen combuftion, finiroit par la baigner dans le fang de fes cjtoyens? Ah ! puilfent vos Souverains intimider, par des régiemens févères , les miférables qui veulent allumerla guerre civile dans votre République J Malheurcufcmcnt on dit que L. N. P. convaincucs qu'elles ne pouvoient punir trop rigoureufement le crime de ces factieux forcénés, Tom. I. N°. 7. G  los Correfpondance politique ont cru ne pouvoir non plus acheter trop cherement les indices qui peuvent les conduire a la découverte des coupables. Pour acquérir la preuve d'un délit digne d'un chatiment exemplaire, elles encouragent la délation , pari'cipoir d'une récompenfe de 14 mille fiorins; fomme bien forte, pour être le prix d'une baffeffe, dont il n'y a que des hommes viis qui puiffent fe rendre rinlirument. Elles auroientfüremem mieux réuffi, en promettant une couronne de caêne au citoyen qui rendroit le fervice qu'elles réclament au nom des loix. 11 n'y a point d'homme honnêtc qui veuille fe déshonorer pour 14 milles Horins. II n'y a point de vrai citoyen qui ne s'honorat d'être un délateur, fi le prix de cette action étoit 1'eltime de fes femblables. II n'y aura donc que des ames de boue qui mettront les Etats fur les traces des Auteurs, ou des diftributeurs du libelle qu'ils ont flétri ? Ce fera peut-être un complice qui leur indiquera les autres : cc fera peutêtre un fcélérat qui leur dénoncera un innocent De quoi ne feroit pas capable 1'homme vil fous les aufpices du fecret qu'on lui promet, & le complice a la faveur de Pimpunité qu'on lui affure? Pour moi, fi j'avois ma voixa donner, ce feroit pour faire jetter le dénonciateur avec le coupable dans le même bücher que je la donnerois. Pourquoi des Ariftocrates plcins de fageffe & de lumieres, fe fervent ils des armes a 1'ufage des Gouvernemens pervers & dépravés ? Qu'ils laiffent a des Miniftres vindicatifs & corrompus , ces vils moyens de fignaler des vengeances pcrfonnelles, & de récompenfer des balfeiïes. II eit digne de ces efciaves tout puiffans, d'encourager la délation chez un peuple abatardi & dégradé, qui fléchit également le genou devant les délateurs & les oppreffeurs qui lespayent. Mais dans une République, ces honteux moyens  Correjpondance politique. 105 de féduction , ne font dignes ni des hommes qui gouvernent, ni des hommes qui font gouvernés. C'eft avilir la Majefté Souveraine, & outrager le. people , que de s'en fervir : c'eft tendre des pièges a la foibleffe humaine, ou ftimuler fa perveriïté. Les Magiftrats d'une Nation libre doivenc gouverner par la vertu , & ne propofer que 1'honneur a leurs citoyens. Ou Paction qu'ils demandent eft honorab'e; & pourquoi 1'avilir? Ou elle ne Pelt pas ;& pourquoi Pencourager? Les coeurs généreux brüieroient de la faire, fi 1'eftime publiquc en devoit être le prix. Ils font glacés d'effroi , en penfant qu'on les invite a fe déshonorer. Ils aimeroient mieux fauver les coupables, que de s'impnmer une tache ineffacable, & que de s'expofer a ne plus ofer lever le front devant leurs compatriotcs. On ne devroit pas prodiguer 1'argent pour exciter a faire une chofe infame, des coquins qu'on mépriferoit en les payant, & que le public chargeroit d'opprobre s'il les connoiffoit. II vaut mieux le réferver pour d'honnêtes ferviteurs qui rendent a la patrie des fervices importans , qui n'affurent pas toujours du pain a leurs families. Les fcélérats qu'on recherche font peut-être les vils efpions de 1'étranger qui fouffle le feu de la fédition dans le Pays, & qui, pour prix de leur infamie, viendront demander la rccompenfe promife, en craduifant devant la juftice d innocens & d'irréprochables citoyens, pour être immolés a leur place. Ce n'eft pas en encourageant les délateurs de ces faétieux méprifables, qu'on parviendra a en purger la Nation : c'eft en rendant nul le befoin de la délation, ou en 1'honorant. Que 1'argent foit confacré a forger des armes, ou a paycr les hommes qui les portent contre les ennemis dc 1'Etat; & la confidération publique a récora- G s  104 Correjpondance politique. penfer les citoyens non moins courageux, qui dénonceront aux tribunaux les inftrumens de la difcorde, & les criminelles organes de la calomnie: alors on verra difparoitre les brochures inccndiaires, & leurs coupables Auteurs feront réduits au filence, ou punis felon leurs crimes. Malgré les abus énormes, les dangers affreux qu'entraine Tappas des récompenfes pécuniaires, offertes pour prix a la lacheté , ou a la perfidie; on ne peut pas s'empêcher d'applaudir au parti que prennent enfin les Etats de Hollande de févir contre les féditieux, qui troubleiu la République, & animent le peuple contre fes fupérieurs. II eft peut-être facheux que L. N. P. aient différé fi longtemps a manifefter leur zcle pour la tranquilli'e publique. S'il étoit permis de trouver des torts aux hommes qui gouvernent, ce feroit de celui d'une indulgence funefte, & non d'une févérité vigilante, dont on accuferoit vos Souverains. On leur reprochcroit de n'avoir pas faic plutöc éclater leur indignation contre les pamphlets licencieux, qui compromettoient des hommes en place, qui les repréfentoient comme méprifables ou ridicules aux yeux de la Nation. Une rigueur néceffaire, juftifiée par les circonftances , auroit prévu Pémiilion de cette foule de libelles puniffablcs qui ont embrafé votre patrie. Une indulgence dangereufe a enhardi les calomniateurs a vomir leur vénin , & laiffé croire a la multitudc qu'il étoic innocent de le fuccr. Si le Gouvernement de la principale de vos Provinces avoit de bonne heure flétri les plattes, les pitoyables Lettres Hollandoifès, il eit a préfumer qu'elles auroicnt eu moins d'imitateurs , qu'il faudra bien enfin enchainer par la crainte, ou intimider par des punitions éclatantes. Quoiqu'il en foit, Monfieur, je vous fél ici te, vous & vos compatriotcs, fur la réfolution que  Correfpondance politique. iog vos conducteurs paroiffent avoir prife , de faire füccédcr en plus d'un fens, la vigueur a la molcffe. II vaut mieux tard que jamais. Le mal n'eft point encore fans remède. La vigilance au dedans, la fermeté au dehors, pourront réparer vos malheurs. Je fouhaite fincèrement que cc bon augure fe vérifie bien rot. Si les Etats-Généraux lachent des efcadres contre les Anglois; fi les Etats des Provinces lancent des placards contre les libelliftes, vous verrez renaitre la tranquillité inférieure & vous rcprendrez de la confidération parmi vos voifins. La confiance fe rétablira au milieu de vous. Vous rendrez votre République redoutable a fes ennemis. Vous la mettrez dans un état de défenfe refpeétable a toutes les Puiiïances; & vos Provinces, viótoricufes ou paifibles, redeviendront encore un objet d'envie & d'admiration aux yeux des autres peuples. II faudra voir fa M. Cerifier aura la hardieUq de déchirer le placard des Etats de Hollande, comme il a fait celui des Etats d'Utrecht; s'il pouffera la licence jufqu'a contefter aux Souverains de fa Province, le droit de févir contre des ouvrages dangercux, comme il Pa fait aux Souverains d'une Province voifine; s'il ofera encore devouer au ridicule un Sénat qui croitdevoir prendre des mefures extrêmes,mais falutaires, dans descirconftances critiques, pour arrêter des produéiions pernicieufes, & réprimer leurs criminels auteurs. Celui du Politique Hollandois, fans être un libellifte obfeur, un calomniateur ténébreux, comme fon prédéceffeur de Bruxelles, un forcéné, comme les méprifables que Pautorité pourfuit en ce moment; ne m'en parolt pas moins un écrivain dangereux, & fon ouvrage un vrai tocfin de fédition & de révolte dans lesconjonélures préfentes. Vous avez beau entreprendre de Pexcufer : en youlanc faire fon apologie t vous lui faites fon  106 Correfpondance politique. procés.Je ne le crois pas vil non plas que que vous; mais je le trouve trés repréhenlible. S'il n'eft pas dévoué a un parti, il n'en eft que plus blamabie de foulever le peuple contre 1'autre, pour la méprifable gloriole de débiterdes paradoxes, appuyés par des fophifmes; & d'aigrir contre quelques adminiftrateurs outragés dans le public, 1'elpric d'une nation entiere , qu'il auroit fallu calmer , & ramener a des fentimens plus modérés. Vous ne me dites pas, mais vous femblez vouloir me dire que je devrois faire une critique de la Feuille de eet écrivain. Hé bien, Monfieur, de tout mon cceur, je la ferai. Je ne fuis pas en peine de réfuter plufieurs de fes allertions. Sans m'attacher au caraélère moral dePauteur, je m'appliquerai a examincr Pouvrage. Je n'imiterai point fa conduite avec M. Fan Goens : je ne me fervirai point, pour le combattre, des armes qu'il a employées contre fon adverfaire. II a déchiré 1'homme , au lieu d'apprécier le livre. II eft plus aifé de répandre du ridicule fur la perfonne, que d'oppofer de bonnes raifons a des argumens. J'ignore au refte, qui a tort ou droit de ces deux contendans: je ne me méle point de leur difpute.Je ne connois ni M. Fan Goens ni fon livre. Je n'ai pas befoin de les connoitre, pour dire mon avis du Politique Hollandois, que je connois fort bien. Dans 1'examen que j'en ferai, je diftinguerai foigneufement 1'écrivain d'avcc fes opinions. Mais en prenant garde de confondrc ces deux chofes que 1'Auteur du Politique Hollandois n'a pas toujours féparées, avec fes antagoniftes, je n'épargnerai point fa perfonne, quand c'eft fon cceur qui a failli. Je dirai franchement ce que je penfe de 1'homme, lorfqu'il fe permet d'induire contre fa conviétion, les femblables en erreur ; lorfque la paliïon le rend Pécho des calomnies qu'il  Correfpondance politique. 107 devroitrepouffer ;lorfqu'une vengeanceméprifable le porte a outrager des hommes eftimables, qui n'ont rien a démêler avec lui ni avec lbn ouvrage. Cet écrivain tranchant, plein de fuffifance & de hardieife, qui porte fouvent 1'audace jufqu'a la témérité, prête le flanc de toutes parts. Ses éloges des Américains font dénués de fondement & de vérité : ils portent fur des faits altérés, fur des fuppolitions chimériques, fur desrapports faux ou exagérés, fur des relations plus que fufpeéles. M. Cerijier aime les Américains, & faprédileétion pour ces héros de la liberté 1'aveugle. Tout ce qu'on publie a leur louange, lui paroit revêtu du caraétère de 1'autenticité & du vrai. Tout ce qu'on raconte du dénuement & de latyrannie du Congres ; des fouffrances & de la mauvaife volonté d'un peuple opprimé ; des befoins & de la mutinerie de 1'armée continentale; de 1'incapacité ou de 1'ambition de fes chefs, lui femble de toute fauffeté. Avocat de la rébeilion du nouveau monde, il écarté habilement tout ce qui eft a la charge des rebelles. 11 fait valoir avec adrelTe tout ce qui peut fervir fa caufe. La vérité en fouffre: mais qu'importe ? pourvu que 1'erreur triomphe. Son idéé d'une alliance naturelle entre la Hol' lande & VAmérique-Septentrionale eft ridicule. L'appui des Hollandois feroit fans contrédit utile aux Américains, peut être plus que celui des Efpagnols & des Francois. Les fecours de la Répu* blique les ferviroient fans doute mieux que ceux de la France & de YEfpagne. Une fois déclarée en leur faveur, elle agiroit de bonne foi & avec vigueur. Elle rempliroit férieufement fes conventions, li elle en avoit contraéries. Son argeit, fes fiottes, fes troupes, fi elle pouvoit leur en fournir , les aideroient a confommer leur indépendance, qu'ils fonüncapablesde confolider eux«  ioS Correjpondance politique. mêmes, paree qu'il n'y a que les facïieux, a qui elle ieroit avantagcufe, qui le defirent; & quele peuple, a qui leur ambicion coüte tanc de facrinces, ne les leconde qu'autanc qu'il ne peur. pas s en difpenfer, lans ètre expofé aux injuftices & aux perfecutions de ces cruels & avides tyrans Un concoit très-bien comment 1'alliance des Atats-trenéraux pourroit être utile aux EtatsVnis, luppofé que les premiers fuflent dans une poimon a pouvoir aider les feconds. Mats on n appercou pas 1'utilité qu'elle procureroic a la Hollande .Des alliés a deux mille lieues de la République feroient une foible reflburce contre les ennemis qu'elle doit combattrc a fa porie Et quels alhes encore? des hommes dans 1'impuiflance & dans 1'incapacité de le défendrc chezeux , malgré les fecours de la France & de VEfi pagne ; malgré les diverlions que ces deux Puifiances reünies font en leur faveur : des hommes qui manquent de tout, de principes, de fyftême, dc force & de courage; qui n'ont ni efpèces, ni armées, ni marine; qui eproavent tous les mconveniens de la défunion , & toutes les calarmtes de la guerre civile; qui voient leur Pays ravagé tour-a-tour par fes ennemis & fes défenleurs, leur commerce tomber, leur population diminuer, leurs campagnes dévaftées, leurs Villes emportées par des conquérans, ou rendues par des laches; leurs habitans ruinés, & un peuple cntier écrafé fous le poids d'une dette de plufieurs n/ulliards dülipés en folies, ou expoliés par les £>cnateurs & leurs Suppots. L'alliancc avec les Américains feroit donc inutile aux Uollandois : ils n'en retircroient ni fecours, ni avantages. Ces révoltés, qui ne peu\ettt pas défendre leurs propres foyers , iroientils reprendrc les poflblfions Hollandoifès cnvahies par les Anglois dans les hidcs-Ocadentales, ou pro-  Correfpondance politique. 109 téger celles qui ne le font pas encore? Enverroient-ils des llottes , des armces, des munitions dans les ctabliffemens des Indes-Orientales, eux a qui il faut que leurs amis cVEurope, portent des habits, des fufils, de la poudre, des fouliers pour leurs foldats, & jufqu'a de 1'argent pour les foudoyer ? feroient-ils la conquete des établiffemens de la Grande - Brétagne, eux qui n'ont pas encore un feul vailfeau de guerre, ni des troupes en état de conferver les Provinces fouftraites a la Domination Britannique? Enfin, verroit-on le pavillon du Congres s'unir au pavillon Belgique pour chaffer les efcadres Angloifes des cötès de la Hollande, tandis que la France & VEfpagne armées jufqu'aux dents, laiffent, 1'une ravitailler Gi/>/-ü/ror a la barbe de 50 vaiffeaux de ligne , & 1'autre bloquer les fiens dans fes ports? 11 faut être aveugle pour ne pas voir 1'extravagance d'une alliance quclconque entre la République & les Américains, dans les conjonclures préfentes. Non-feulement elle feroit inutile a la Hollande, mais elle lui feroit onéreufe, & lui deviendroit infailliblement funefte. L'art d'embrouiller les idéés les plus fimples & les plus claires, que poffede au fuprême dégré 1'Auteur que je combats, ne perfuadera qu'a ceux qui voudront s'abufer volontairement, qu'il feroit de Tintérêc des Provinces-Unies de s'allier avec un Pays auffi éloigné d'ellcs, avec des hommes qui ne fauroient les aider, & qui leur deviendroient a charge. Dans la pofition ou elles fe trouvent aujourd'hui , il n'eft pas prudent qu'elles s'expofent a faire les facriftces que réclamcroit une alliance offcnlive avec eux. Si elle exiftoit une fois, cette alliance infenfée, il faudroit que les Hollandois volaffent en Amérique, pour y fecourir leurs alliés. La France qui foutient fi mollement leur taufe , la foutiendroic avec plus de moleffe encore.  lio Correfpondance politique. Elle trouveroit bien le feeree de fe répofer fur la République du foiq de ia défendre. Le Congres abandonné ou ma! fecouru par fon ancien ami' attendrok ion fahjt des nouveai • Voire Pays, Monfieur, eft-ii dans une fituation a pouvoir contraéter des engagemens, onéreux s'il vouloit les remplir, fuperflus s'il ne le voulou pas? Eft-il dans un état de défenfe qui lui permette de prodiguer des fecours & des foins a une Nation éloignée, qui ne fera jamais a portee de lui en rendre? Son armee eft-elle fur un Pied rcfpedable a fes voifins, & fuffifante pour leur öter la rentation de 1'attaquer? A-c-il des jaiffeaux affez nombreux, affez forts, affez bien équipes . pour repouffer un aggreffeur formidaDle? Faut-il donc que la Hollande foit liéc par des traités avec VAmérique-Septentrionaie, pour faire tête aux Anglois ? Ehi qu'ont de commun les prétentions des Américains a 1'indépcndance, avec le falut ou 1'honneur de votre patrie Tandis que vous n'avez ni des troupes capablcs d'en impofer aux Puiffances de terre, ni des flottes futiuantes pour combattre vos ennemis maritimes, avez vous beloin de vous attircr fur les bras, lesembarras d'un allié incommode, compofé dkm peuple de pokrons , tyrannifé par un Sénac dopprefTeurs ou de Mendians? II n'y a que des enthoufiaftes de la liberté Américaine, qui puiffent voir dc la convenance, ou de la nécellité, dans des idéés auffi difparates. Puifque les Anglois vous ont cherché querelle, defendez-vous. Ils ont affez compté fur leur bonne fortune pour fe croire en état de braver trois Puifiances refpeétables , pendant qu'ils étoient occupés a réduire leurs Colonies foulevées. Ils ont eu la hardieffe, ou, fi vous voulez, 1'imprudence de ne pas diflïmuler 1'affront qu'ils ont re?us d'une dc vos Cités. Le point d'honneur de  Correfpondance politique. III leur Couronne, ou la prcfomption de leur Miniftère, leur ont fait trouver dans 1'inconduite d''Amfterdam des raifons de vous déclarer la guerre , au moment oü ils avoient a combattre leurs propres fujeis & deux voifins formidables , au moins par les forces qu'ils peuvent leur oppofer. Hé bien! généreox Bataves, faites rcpcntir ces fiers Bretons de leur audace. Montrez leur que fi les Américains ne favent pas fe défendre, vous favez au moins attaquer; que fi les Francois & les Efpagnols font de parades, vous, vous gagnez des batailles. Que vous font les révoltés de VAtlantique , qui n'ont eu ni le courage de porter le jeug de leurs anciens dominateurs, ni celui de s'en affranchir généreufement; qui, incapablesde fervir la liberté a laquelle ils ofent prétendre, vont lui mendier des défenfeurs par toute VEurjopel Bataves! vos ancètres n'en agirent pas ainfi. Ils ne rcjetterent pas par caprice 1'autorité légitime d'un Souverain équitable & modéré. Quand il fallut brifer les fers d'un tyran fanguinaire, ils furent le faire eux-mêmes. D'une main ils renverferent la couronne du defpote; de 1'autre ils confommerent leur indépendance. Abandonnez donc les Américains a leur deftinée. S'ils font dignes de la liberté , ils fauront bien lui élever un temple. S'ils ne le font pas, que vous importe qu'ils rentrent fous le joug d'un Maitre Couronne, ou qu'ils foient livrés a la rapacité de cent ambiticux qui les dévorent, après leur avoir enlevé la fidélité & le bonheur. Laiffez la M. Adams & fon mémoire; fes Avocats & leurs plaidoyers ; M. Cérifier & fon Politique, qui n'eft pas Hollandois. Ne penfez qu'a votre défenfe & a votre süreté. Eteigncz chez vous la difcorde & la fédition. Rapprochcz les coeurs diyifés, & réunilfez vos efforts pour ia caufe com-  H2 Correfpondance politique mune. Réprimez les fadieux qui animent les efprits , & les bavards qui troublent les cerveaux Ne vous repofez ni fur la Neutralité-armce qui pronte de vos diffcntions, ni fur la France qui n en eft pas fachee. Dirigez des efcadrcs impöiantes contre les Anglois, & non des libclles iniames contre le Stadhouder, ou des diatribes incendiaires contre le Prince aue vous lui aviez choifi pour tuteur. Ne comptez pas fur les comDinailons de la politique qui vous a fi cruellement trompés. N'attendez votre falut que de vous-mómes. Ne vous déchirez plus avec la langue & la plume. Si vous voulez vous battre, battez-vous avec des canons. Au lieu de compofer des brochures ou d'en lire, conftruifez des vaiffeaux: * s il vous faut la guerre, fakes la a vos énneinis, & non a vos concitoyens. Ceux d'entre eux que vous outragez par des plaintes injuttes, par des fouP9ons déshonorans par des inlinuadons criminclles, feront fans doute Jes plus ardens a venger 1'honneur de la patrie iniultée , & a feconder vos efforts généreux pour maintenir votre exiftence & vos libertés. Quelques deileins perfides que la malignité leur fuppofe • quelque linilire interprétation que la hainedonne* a leurs démarches & a leurs vues; ils ne peuvenc louhaiter que le bien de 1'Etat, lié avec leur dcvoir, leur honneur & leur confervation : ils ne peuvent agir que pour affermir votre indépendance, & perpétuer votre profperité, inféparables de leur bien être & de leur gloire. S'ils onc tachéde prévenir une rupture entre 1 Angleterre & votre pays; c'eft qu'ils ont penfé que la paix étoit la fource de votre opulence & le garant de votre bonheur. S'ils fe font généreulement expofés a devenir les objets dela faï tire des libelliftes & de 1'indignation aveugle d un peuple abufé; c'eft qu'ils onc affez de pa.  Correjpondance politique. uj triotifme pour foutenir malgré vous, votre République fur le penchant de 1'abyme , oü des génies malfaifans voudroient la précipiter. Dites donc, hommes pleins de préventions & d'emportement, le Prince d'Orange, fon illuftre Mentor, les trois quarts des Régens des Provinces, & tant de citoyens paifibles & impartiaux, ont ils eu tort de croire que la guerre feroit le malheur de votre pays & du plus grand nombre de feshabitans? De penfer qu'on ne pouvoit ni prendre trop de foins, ni faire d'affez grands facrifices pour écarter ce fléau rédoutable? De trouver qu'il étoit de la prudence &de la faine politique, de tenter tous les moyens de faire renaitre la paix, avant que de s'expofer aux calamités que fon éloignement prépare? N'éprouvez-vous pas aujourd'hui que la privation de ce bien jH^ïkux trouble votre repos, altère vos fortunes,& menacc votre vie? Vos pertes multipliées, lesdifferttions qu'elles caufent, lesclameurs furieufes qu'elles excitent au milieu de vous, ne juftifient-elles pas les clfortsqui ont été faits pour les prévenir. Mais ces fages conducteurs qui ont bravé la haine de leurs compatriotes pour les fervir, n'ayant pas été affez, heureux pour réuffir dans leurs projets, paree que leurs adverfaires les onc traverfés; feront les plus zélés défenfeurs de la patrie, s'il n'y a plus d'autre moyen de lafauver, que de déployer fes reffources contre un cnnciai intraitable. Si tout efpoir de conciliation eft perdu ; ft la poflibilité de rétablir 1'harmonie entre deux peuples long-temps unis n'exilte plus; Bataves ! préparez des armes a vos chefs: ils vous conduironc aux combats, Stfurement a la viétoire. lis s'immoleront plutöt que de laiffer périr la République. Vous les avez infultés d'une facon odicufe, & pour toute vengeance ils fe facrifieront au bien public.  1*4 Correjpondance politique. Si les fiers Anglois, enflés de leurs forces innombrables, vous préparentdeshumiliations,difpofez-vous a les laverdans leur fang. Votre Stadhouder applaudira a votre héroïfme: le fageConfeillcr qui eft 1'objet de fa confiance & de vos mépris, Faidera a diriger vos efforts contre eet Empire hautain qui brave 1'univers, & a les rèndre falutaires a votre pays. En un mot ; fi la Grande-Brétagne vous refufe la paix a des con>ditions honorables, durant 1'hyvcr, faites - la rrepentir au printemps , de fa témérité, en lui porlant des coups vigoureux. Mais pour Dieu , ne vous querellez plus. Pendant que vous vouschipotez dans le ménage, les voifins pillent vos champs, & mettent le feu a votre maifon. Quoiqu'en dife M. Cerifier, ne faites point d'alliance avec les Américains, qui ne font ni dignes de votre appui, ni en état de vous fecourir. IS Angleterre ne renoncera jamais a fes Colonies t aant qu'elle y confervera un pouce de terrain. ZEn vous alliant avec elles, vous vous feriez un «ennemi éternel de leur métropole. Vous vous ^>teriez tout moyen de renouer avec une PuilTance «mi peut encore redevenir votre amie. La France dégoutée de la guerre par lallitude, par inconiïance, comme il arrivé toujours a un Gouvernement fans principes & fans fyftême; fujets a des viciffitudes fréquentes; VEJpagne perdant de Vues les flottes Britanniques, pour tirer aux moireaux a Gibraltar, & pour voler au fecours de fes poffeffions, qui fe vengent en ce moment des maux que leur ont faits les déprépateurs du nouveau monde, vous abandonneroient a la merci de Vos ennemis, qui vous replongeroient dans les eaux d'ou vos ancêtres font fortis. Battez les Anglois , puifqu'il le faut: vous vous rendrez refpectables a leurs yeux. Mais ne vous alliez point avec leurs fujets révoltés: vous les rendriez eux-mcmes irréconciliables.  Correfpondance politique. lïg Voila, Monfieur, quelques-unes de mes idéés, fur la lingulière opinion du Politique Hollandois, qui veut unir deux peuples féparés par ia politique encore plus que par des mers immenfes. Je fuis faché de ne pouvoir être de 1'avis de cec Auteur. Cette diverfité de fentiment ne lui öte rien de fon mérite. Je fuis fort éloigné d'en contefter a M. Cirifier. Je ne le regarde pas, il s'en faut bien , comme un mauvais Eerivain, ou comme un homme méprifable. Je crois comme vous qu'il eit de bonne foi lors même qu'il fe trompe, &qu'il foutient des thèfes ridicules, fans: être gagé pour les foutenir. Je fuis perfuadé qu'il effc honnête comme individu , & bien imentioné comme citoyen. II a époufé un parti qu'il croit fans doute le bon. II a entrepris la défenfe d'une caufe qu'il défend de fon mieux, fans qu'elle en foit meilleure pour cela. Adieu , mon cher Monfieur. Une autre fois je vous enverrai la réfutation de quelques autres idéés du Périodifte d''Amfterdam. Vous qui êtes a la fource, vous devriez bien me procurer des eclairciffemens fur 1'impertinente Lettre d'un. Monfieur de Leuwar.de, que le Politique Hollandois a fait paffer dans notre idiöme, & donnée au public dans fes Nus- 34 & og. \[ fauc que PEcrivain hebdomadaire aime furieufemenc a manier des ordures, pour avoir traduit une pièce auffi dételtable en tout fens. Des crocheteurs ivres, ne vomiroient pas des fottifesaulli dégoutantes, en ftile aulli plat. Comment M.Cerifier, qui ne va pas recucillir fes anecdotes d lapoifjonncrie, fe rend il Pécho d'un tas d'injurcs que des poiffardes en colère rougiroient de fe dire? S'il n'eft que le traduóteur de ces impertinences, il faut avouer qu'il choifit mal fes originaux : s'il en eft 1'Auteur, il fauc convenir qu'il eft bien méchant, &, qui pis eft, bien foc. Je fuis trés parfaitement, &c.  ii 6* Correfpondance politique. P. S. A propos; quand vous m'écrircz, mandcz-moi combien vos Amirautés onc conitruk de vaiffeaux depuis votre derniere Lectre, & vos boute-feux compofé de libelles; deux chofes qui ne font pas faites, ce femble , pour aller de pair. Ne pourriez vous pas auffi m'apprendre, pourquoi le Politique üollandois eft fi faché contre le Libraire Gojfe; pourquoi il a la cruauté d'infulter a Tinfortuné Linguet,tk 1'imprudence d'outrager une portion nombreufe & refpeetable de fujets honnêtes de la République, connus fous le nom de réfugiés Francois? II me femble que eet Eerivain porte un peu loin la licence. Vous, mon ami, qui defcendcz d'une de ces families échappées a 1'imbécille fureur de Louis XIV, je ne voudrois pas vous indifpofer contre M. Cmfier, forti de France avec un paffe port du Gouvernement. II ne faudroit pas s'y fier. Mais ne pourriez vous pas trouver moyen de lui faire favoir que , s'il peut impunément turlupiner Gojfe, qui probablcmcnt s'en moque ; ridiculifer Linguet, qui ne peut fe défendre dans fa prifon ; calomnier le Duc de Brunfwick , affez grand homme pour meprifer fes inveétives; il pourroit bien rencontrer dans les rues d'AmJlerdam, quclqu'un des defcendans de ces families franpifes, fonies fanspaffe-port de leur patrie, qui, moins endurant qu'un Pr/nce magnanimc, qu'un Annalifle enfermé & un Libraire pacifique, feroit porté a le pouffer dans un Canal? Ce feroit lui rendre fervice. Je ne voudrois pas la mort du pécheur; c'eft pourquoi je defirc fa converfion. Je ferois mortifié d'apprendre qu'un Eerivain un peu trop audacieux, pour quelques momens dc foiblelTe ou d'oubli, fut expofé a boirede 1'eau faumate,pouréteindre fon feu; oua recevoir quelques applications manuelles énergiques, pour le modérer.  Correfpondance politique. 117 CORRESPONDANCÉ PO L I TIO ü E Sur les affaires préfentes de la Hollande. OBSERVAÏIONS Sur Vaffaire du Duc Louis de Brunfivick. ON eft dans une vive impacience de voir enfin le dénouemenc dela Tragi -Comédie , qui fe joue dans ce pays-ci, è la grande édification de VEurope, & pour le plus grand avantage de notre République. Ce n'eft pas fans étonnenient que les hommes impartiaux voient, d'un cöté , les adverfaires de notre Duc faire de fi puilfans efforts pour Péloigncr; & dc 1'autre, ce Seigneur refter inébranlable, on diroit prcfque, immobile au milieu des oragcs qui fe formenc fur fa tête. Longtemps les armes de 1'envie & les coups dc la haine ont été dirigés contre lui, fans qu'il ait paru, ou daigné y faire attention. Dès les premières réclamations faites a la République de la part dc la Grande-Brétagne, des fecours ftipulés par les Traités; on a commencé a répandre dans la nation hollandoife, & de-la chez. les étrangers , des bruits défavantageux fur fon compte. Ses partifans, ou pour mieux dire , les émiiiaires de la France , dont le nombre n'eft pas petit parmi nous, l'ont repréfenté dans les converfations comme 1'ami de VAngleterre. Alors on pouvoit encore I'être fans rougir. II étoit per- Tome 1. No. H. H  u8 Correfpondance politique. mis de pencher fans crime pour cette Puiffance. Mais on lui en a fait un de fon inclination pour un peuple qui étoit encore notre allié. Les difcours ne frappent que les oreilles voifines de 1'oratcur qui les prononce. L'effet qu'ils produifent ne s'étend pas au-dela de Penceinte oü eft renfermé Porgane qui agite Pair. Cette voie ouverte a la propagation des idéés" eft lente , & fujette a des inconvéniens. On n'énge pas de chaires pour prêcher la fédition , comme on le fait pour enfeigner la pbilofophie. C'eft a 1'ombre du fecret qu'il faut endoctriner fur les matieres politiques. On ne peut parler qu'a peu de perfonnes a la fois. Quand même il ne feroit pas a craindrede rencontrer des faux frères parmi les Néophites, il faudroit trop de temps & de catéchiftes , pour propager ia doctrine qu'on veut faire recevoir. Une voie plus füre que la parole pour y réuffir, c'eft YlmpreJJion. II eft plus expéditif & moins dangereux de parler aux yeux. On n'a pas tant de peine a fe procurer des ieéteurs que des auditeurs. Seul dans fon cabinet, le propagateur des nouvelles idéés n'éprouve pas de contradiétion, &ne courre aucun rifque. II prépare en peu d'heures des aliments a la curiofité de cent roilles curieux a la fois : il les affaifonne du fel de la malignité. Pour quelques perfonnes d'un goüt fain, a qui ces préparations empoifonnées ne plaifent pas, il s'en trouve des milliers d'un goüt dépravé qui les dévorent. C'eft la marche qu'on a fuivie pour flétrir d'aborö & perdre enfuite le Duc de Brunfwick. Les infinuations deftinées a cette fin, ne p&lfant que lentementde bouche en bouche, ne faifoient pas des progrès bien rapides. Pour les accélérer, on a imaginé de les faire circuler dans des feuilles& des brochures, fous le voile de Panonime. Trois  Correjpondance politique. ito ou quatre miférables fe font rendus les organes de leur publicité. Une méchante Gazette en langue nacionale, fabriquée dans la Nord-Hollande; une hebdomadaire écrite en ilile des halles a Bruxellcs ; une autre hebdomadaire , mieux faite , mais non moins inllammatoire , compofée a Amfterdam ; une quantité de libelles dans les deux idiömes, ouvrages d'un cx-Jéfuite & d'un ancien commenfal du Chevalier Torke; ont été les échos des bruits femés fourdement contre le Duc. Bientöt ces infinuations fe font répandues & accréditées dans le public. Quand une fois la Nation a été imbue de préjugés facheux fur fon compte, fes détracleurs , enhardis par le fuccès, n'onc plus gardé de ménagcnient. Ils ont reni forcé d'une teinte plus noire, les foupcons élevés fur fes principes & fur fes fentimens. Ce n'eft plus un penchant hors de faifon , pour {'Angleterre, qu'on lui a reproché; c'eft d'un dévouement criminel aux Anglois qu'on Pa accufé. Des batteries fi bien dreffées, qui jouoient fans oppofuion , au gré de fes adverfaires, auroient dti, ce femble, lui infpirer des craintes fur les fuites, & Pengager a parer, ou a aftbiblir des coups, qui pouvoient lui devenir funeftes. IL paroit , ccpendant, que les complots qui ne tendoient pas a moins qu'a compromettre fon honneur, & a lui enlever fon exiltence politique, n'ont pu ni Pintimider, ni le faire recourir a des précautions. Tranquille fur le préfent, il n'a pas été prévoyant fur 1'avenir. Soit qu'il ait cru que fon innocence étoit un rampart fuffifant a fa füreté; foit que Pabfurdité non moins que 1'atrocité des imputations dont il étoit 1'objet, lui aic perfuadé qu'elles ne nuiroient a fa réputation que dans Pefprit de la canaille, qu'il doit méprifer; foit qu'il ait penfé que les dogues découplés contre lui dans le public , fe lafferoient de H 2  i2o Correfpondance politique. japper, en voyant qu'il nc faifoit point attention a leurs hurlemens; il a laiffé le champ libre a fes diffamateurs. Ou il a feint de ne pas voir le nuage qui menacoit de 1'envelopper, ou il lui a paru au-dcffous de fa dignité de chcrcher a le dilüper. II eft toujours allé fon train. 11 amême montré, au fein de la tempête qui fe préparoit autour de lui, une fécurité que les hommes en place ont rarement dans lecalmele plus profond. S'il n'y a pas beaucoup de prudencc dans cette conduite, il y a au moins de lamagnanimité. 11 eft beau de marchcr le front levé devant des advcrfaires redoutables; de s'envélopper de fon innoccnce, & de braver 1'envie qui cherche a la ternir. II y a de la grandeur d'ame a dédaigner les efforts dc la haine, & a repouiïer par le mépris les attaques de la calomnie. Mais ces armes honorables lont fouvent impuiflantes dans les mains généreufes qui en font ufage.L'excès, même dans le bien , eft un défaut. L'indifférencepoulTée trop loin dégénéré en foibleffe. II arrivé quelquefois , par 1'événement, qu'on eft auiïi repréhenfible de négliger fa propre défenfe, que de nccelliter des aggreflions. II eft bien permis, fans doute, a un grand Seigneur, revêtu d'un emploi éminent; appellé par fa charge & fes lumiercs a exercer desfonctions importantes, de méprifer le croaffement des grénouilles qui s'cfforcent de le troubler. Mais quand 1'audace dc ces rcptilcs méprifables eft porté a un certain dégré ; quand leurs cris peuvcnt étourdir ou égarer les hommes dont il lui importc d'obtenir Peftime, autant que de la mériter : n'eft il pas dangcreux qu'il fe .repofe fur fon intégrité; qu'il négligé de faire ufage des moyens juftifiés par le befoin de fe défendre ; & qu'il attende juftice d'un public , qui donne toujours raifon a celui qui fait le plus de bruit?  Correfpondance politique. 121 II ne parol: pas que le Duc de Brunfmck ait bien réflcchi fur ces idéés. Ccrtaïnement il a mal calculé , en comptant affez fur 1'équitéde lamultkude , pour le vengcr des infukes de fes ennemis. Cette mauvaife combinaifon peut faire 1'éloge de fon cceur ; mais ne le fait point de fa prévoyance. II étoit héroïque de méprifer les efforts obfcurs de 1'intrigue; mais il n'étoit pas prudent de lui laiffer gagner du terrain, fans rien faire pour la défarmer, ou pour Ia confondre.Un filence obftinó lui eft devenu prefque aufii funefte que le crime même. Tant qu'il n'a été 1'objet que du déchatnement de fes détradteurs ténébreux , il auroit pu dédaigner leurs inculpations malicieufes , s'il n'avoit été vifible que ces vils infectes étoient les inftrumens. qu'un parti puiffant formé contre lui ,^ & furtouc contre le Stadhouderat, dont il a été longtems le foutien, employok fourdemcnt pour le pe.rdre dans 1'cfprit de la nation. Mais dès qu'une fois il n'a pu douté qu'ils étoient animés par une cabale qui en vouloit au Stadhouder, & qui ne dirigeoit fes manoeuvres contre fon mentor , que pour mieux déguifer fes complots, il n'auroit pas du négligerle foin de fa juftiiication, ni fournir, par un filence trop long-temps gardé, a fes ennemis un prétexte de 1'accabler, & au public une préfomption facheufe contre fon innocence. II eft fouvent plus dangereux d'être foupeonné de prévarication , que d'en être coupable ; & de méprifer des attaques injuftcs, que d'en provoquer de légitimes. II ne lui auroit pas été difficile affurément d'oppofer une défenfe vigoureufe a fes accufateurs, &defe juftifier d'une maniere fatisfaifante aux yeux de l'Europe, des imputations vagues dont on le chargeoit. L'abfurdité , fi aifée a démontrer , des principes qu'on lui fuppofe, des H 3  122 Correfpondance politique. délits dont on 1'accufe ; un expofé fimple des longs & importans fervices rendus a la République, fans autre récompenfe que des témoignages flatteurs dans le temps , des dcgoüts & de 1'ingratitude aujourd'hui ; des réflexions folides iur les vues finifires de fes antagoniites, fur leurs connexions avec les émiffaires d'une PuiiTance ennemic des conftitutions bclgiques ; des révélations vraies furies agens dc la trame ourdie contre la maifon cVOrange, dont les adverfaires lui font 1 honneur de le croire le-plus ferme appui; une peinture énergique des motifs qui animent les iacheux, des reflbrts avililfans qu'ils font mouvoir pour arriver a leur but; auroient prévenu dans 1'efprit de la multitude les progrès de la prévention; confondu fes calömniateurs, & fait fon apologie aux yeux des hommes équitables. > II n'auroitpas non plus manqué de défenfeurs , s'il avoit voulu en employer. II fe feroit fans doutè trouvé plus d'un avocat, difpofé a lui prêter du, fecours, s'il avoit voulu s'en fervir. II n'ya peutêtre pas un de fes détracïeurs, dont il n'eut pu acheter le filence, & probablement fubjuguer Ia plume. II lui en auroit peu couté pour- Tendre les trompettes qui fonnent le tocfin contre lui, ou muectes, ou fes panégyrifies. S'il recoit, comme on le dit, 5000Liv. iterlings depenfion de VAngleterre, ilfaut avouer qu'il pouvoit en faire un meilleur ufage que de les garder pour lui feul. En alfociant leslibelliftes au partage de cette bonne aubaine, il auroit calmé leur bile ,& difpofé leur bouche a chantcr fes louanges. Quoiqu'il en foit & de la difpofition des piailieursqui leharcèlentdepuis plufieurs années,&de fon mépris pour cette vermine infolcnce; il efl au moins bien certain qu'il a eu le courage de mépnfer longtemps la fatyre & la calomnie ; ce qui eft déja un préjugé avantageux qu de fon in-  Correjpondance politique 123 nocence, ou de fa grandeur d'ame. Si cette conduite eft un tortde plus aux yeux de lamultitude aveugle, ce n'en eft pas un a ceux des hommes itnpartiaux , qui aimeroient mieux voir de la fermeté dans un coupable, que de la pufülanimité dans un innocent. Ce n'eft qu'après les éclats d'une magiftrature refpeétable, qui eft venue articuler, non pas des délits, non pas des faits capables d'appuier les preuves d'une prévarication ; mais des plaintes vagues, des allégations indéterminées, un mécontencement capricieux, une averfion non motivée, peut-être même une dénonciation combinée en filence pour colorer en public un deffein qui auroit révolté la nation contre fes auteurs, s'ils n'avoicnt pas pris foin de diffimuler leur véritable objet; qae le Duc s'eft enfin déterminé a rompre le filence. Dès qu'un Membre de la Souveraineté le dénoncoit publiquement, d'Office, comme 1'auteur des malheurs de la République; comme 1'inftigateur des mefures qui les ont amenés , il ne lui étoit plus permis de refter muet, ni d'envifager avec indifférence des démarches ou des écrits qui compromettoient fon cceur & fa réputation. Auffi n'a-t il pas négligé de s'en plaindre aux Etats-Généraux; de demander un examen férieux de fa conduite, & d'après une enquête faite a fa charge, un chatiment févère s'il étoit coupable, ou une fatisfaétion convenable, s'il ne 1'étoit pas. Par une réfolution provifionnelle, L. H. P. Pont libéré du blame qui réfultoit pour lui, des imputations de mauvaife-foi, de corruption, dont il n'a voit pas même befoin d'être déchargé, puifque ces imputations calomnieufes ne fe trouvoient confignées que dans des libelles diffamatoires & anonimes, qu'il avoit déclaré dans fa réquête, traiter avec le mépris qui leur eft dü; & que la H 4  124 Correfpondance politique. Ville d' Amfterdam dans fon trop fameux mémoire, avoit protelté ne donner aucune créance a 1'opinion outrageante qui 1'en chargeoitdans le public. H n'a pas été, & ne pouvoit pas être fatisfaic d'une réfolution qui fembloit éluder le fond de la queftion, pour le juftifier fur des acccffoires oü il-.n'a pas befoin de juftification; puifqu'il n'a pa? d'accufateurs qu'il ne puiffe recufer, fes partiesa eet égard, étant des diffamateurs obfeurs & une multitude égarée par leurs fuggeftions. II s'eft adreffé de nouveau aux Etats-Généraux, bien moins pour les remercier de Thommage qu'ils rendoient a la jufticc, en le reconnoiffant innocent de trahifon ou de perfidie, que pour leur remontrer la néceffité de pourfuivre les recherches demandées par lui - même fur le fond de fa caufe, afin de s'alfurer , i °. s'il y a de la négligence ou de la malvcrfation dans la conduite des affaires de 1'Etat; 20. fi la mauvaifedireéhon des affaires , fuppofé qu'elle exifte , eft le fruit de fes conseils ou de fon influence; en forte qu'on puiffe raifonnablementl'envifagercomme 1'auteur de la nonchalence réelle ou prétenduedont on fe plaint; lui imputer les mefures fauffes, & le rendre refponfable des fuites. Cette affaire renvoyée fous ce point de vue aux Provinces a qui en appartient la décifion, devoit naturellement produire ces deux effets : Pun, que les Etats refpectifs s'occuperoient uniquement du fond de la caufe; qu'ils feroient un examen rigoureux de la conduite du Duc; qu'ils prépareroient par les procédés d'une procédure réguliere, la matiere d'une fentence définitive, deltinée a venger d'une fa?on éclatante , ou 1'honneur outragé de ce Seigneur, ou celui de la République compromife. L'autre, que les individus. témoins dc cette conteftation célèbre, s'impoferoient un filence abfolu ; laifferoient è  Correfpondance politique. 125 1'accufé le foin de prouver fon innocence,ou a fes juges celui de conftater fes crimes; & attendroient avec conliance un arrêc qui pourroit dcvenir mémorable, s'il étoit préparé felon les regies , & prononcé avec équité. Point du tout. Rien de tout cela n'eft arrivé. D'un cöté, tandis que le Souverain eit faifi d'une affaire trés grave , entre deux compétiteurs illuftres; une des parties eft Pobjct de 1'inimitié & tout-a-la-fois de la fatyre la plus amére. Les pafquinades & les libelles pullulent avec plus de profufion & de licencc que jamais. Comme fi un accufé traduit devant un tribunal, méritoit moins d'égards que le dernicr des hommes, livré a la juitice ; lc Duc de Brunfwick éprouve un déchaincment, dont les annales des peuples fourniifcnt peu d'exemples. Si eet acharnement ne prouve pas fon innocence, il montre au moins jufqu'oü va la rage dc ceux qui ont juré fa perte. D'un autre cöté, la difcuflion de fon procés n'a guère produit, en public & dans les Sénats des Provinces, qu'un tiifu de bavardages inintelligibles, ou de déraifon infupportable. Au lieu de s'occuper du fond de 1'affairc, on a difcuté la compétence du Tribunal oü elle eft pendante. On a elfayé de décliner la jurisdiótion des Etats-Généraux, comme fi une caufe dont la décifion intéreiTe ou 1'honneur ou le bien de l'Etat n'appartenoit pas de droit au Souverain de l'Etat: comme fi un fujet, non d'une Province individuelle , mais de la Généralité entiere, pouvoit être jugé par un des membres de la Souveraineté, &c. Enfin le Duc de Brunfwick, juftement indigné de la fureur qui le pourfuit fans rclache ; encouragé par les réfolutions que quelques Provinces ont déja prifes en fa faveur, vient de publier un Avertiffcmcnt, qu'il eft de notre dcyoir de configner dans ces feuilles, en 1'accom-  116 Correfpondance politique. pagnant de quelques réflexions qu'elle préfente tout jaturehement a 1'efprit. Dans les circonftances douloureufes ou S. A. fe trouve, il ibroit tron cruel de fupprimer les obfervarions, qu p S Ia confolerde 1'injüftice dont elle eft 1'objL tan dis que fes détraéteurs prodiguent celles qu'ils parler ce Fnnce lui-même. »'» LeS°üssiGNE Duc Lours de Brunswick Lu- „ NENBouao, étantdevenu depuis quelques mois „ lobjet.innocent de la plus méchante calomnie , » ü selt adrelfé fur ce fujec a Leurs Hautes » Puissances, les Etats Generaux des Pr0- " Jf TiPSfeSi ?°,nt 11 a re?u fa Commillion „ de Veid-Maréchal de l'Etat; il a eu lafatis „ raction de recevoir provifionnellement , au » moyen de Leur Réfolution du a fuillet de « cette annéei78i une Dcclaration contenant: „ " ^'err. P' n'0nt trouvè aucunes raifons „ qui cujfent pu donner lieu d pareilles accufations „ Cf imputations de mauvaifefoi & de corrupeion „ qu onmet d fa charge dans quelques écrits ano„ nimes, Libclles diffamatoires, & bruits injurieux „ repandus dans le Public; que L, H. P les con/i„ derant comme faux & injurieux, féiriffant L „ honneur & fa réputation ; elles le reconnoiffent en„ tierement libéré du bldme répandu dans ces PaC„ quinades & bruits honteufement divulgués ' Le Souffigné a eu enfuite la fatisfaclion „ que des-a-préfent quelqucs-unes des Provinces „ ont pris des Réfolutions Satisfaétoires, pendant „ que chez d'autres fon affaire eft encore en dé„ liberation. „ " Comme cependant il voit, que nonobftant „ cela, quelques Perfonnes ofent, pour parvenir „ a leurs vues méchantes & pernicieufes, conti„ nuer d'écrire & de répandre des Libclles dilfa„ matoires & menfongers: de les faire même in-  Correfpondance politique. 127 „ férer dans les Papiers publics, pour flétrir fa „ réputation , & pour faire accroire au Public par 11 d'infames difcours , que Lui Duc de Brunfwick „ avoic donné des confeils pernicieux au Prince j „ Stadhouder, au détriment de la République, & J „ qu'il eft en particulier caufe de la prétendue „ mauvaife direclion des Affaires de la Marine ; „ que lamalice eft même montée a un tel point , „ de le faire envifager , comme s'il craignoit „ acluellement de fe purger devant la nation , ] „ du blame , dont ils Pavoientméchamment charf „ gé, quoiqu'il fe fut adreffé dés le 21 Juin de I „ cette année a L. H. P. avec olfre de foumettre „, fa conduite a 1'examen le plus fcrupuleux. „ « II fe croit acïuellement obligé (nepouvant „ fe réfoudre de continuer a garder le filence fur „ cesfauffes accufations, & de les traiter avec „ un Souverain mépris, comme il 1'a fait juf„ ques ici, fe confiant uniquement a la juftice „ dc fit caufe & a fa bonne confeience) de s'op„ pofer aux induclions, dont on fe fert pourfé, „ duire les Habitans de l'Etat, afin de défabufer , „ le Public, & de prévenir toutes les impreffions „, facheufes hors du Pays. „ " De déclarer publiquement, qu'il eft abfolu, „ ment faux, que depuis plus de trente ans , qu'il '. ,9 a 1'honneur de fervir fidélement PEtat, felon ' fon devoir & fon ferment, il fe foit jamais , „ mêlé des affaires, qui concernent le Départe„ ment de la Marine, & cela en particulier dev puis les troubles, & la Rupture avec la Cou„ ronne de la Grande-Brctagne. II s'en rapporte a eet égard a la connoiffance , que S. A. S. le „ Prince Stadhouder, auffi bien que les Miniftres „ de l'Etat, & les Colléges des Amirautés, en " II provoque tous & un chacun , de quelque „ Ecat & Condition qu'il puiffe être, d'artbuler  i^S Correfpondance politique. „ a eet égard , ou a celui des prétendus confeils „ pernicieux au détriment de la République , ou „ toutes autres accufations , au moyen defquelles „ on a taché d'une manière outrée & inouïe de ,, fbuiller fon honneur & fa réputation auprès „ de la Nation, de les détailler&de les corroborer „ par des preuves fuffifantes, comme cela con- vient : étant prêt, conformément a ce qu'il a „ antérieurement déclaré par fon AdrelTe a L. H. „ P. de fe foumettre a tous ces égards, a 1'exa„ men le plus rigoureux. „ " II fe perfuadé, que comme perfonne n'a pu „ prouver jufques ici ces calomnies, qu'auffi tout „ foup9on fera détruit, & que les Pafquinades & ,, Difcours calomnieux ne trouveront plus de ,, croyance, & feront rejettés avec le mépris qu'ils „ méritent. „ f' II fe trouve au refte obligé , de déclarer pu„ bliquement, que , tant qu'il ne paroitra pas „ des accufations fpécifiées , & prouvées juridi„ quement, ilconfidérera tous les Libclles & Écrits „ anonimes diffamatpires , difcours injurieux , „ infinuations direéles ou indirectcs, & tout ce „ qui pourroit être répandu a fa charge, comme „ d'infames Calomnies, & qu'il en regardera les „ Auteurs , & Difféminateurs comme Calomnia„ tcurs & Détracteurs.,, " LaiiTant a la Juftice, & au zèle reconnu de „ ceux qui 1'adminiftrent, le foin d'y veiller & „ dc prévenir pareilles calomnies par tous les „ moyens convenables. „ A la Haye, le 31 Oïïobre 1781. (Étoit Signé~) L. Duc de Brunswick. Cette déclaration eft également prelfante & modérée. II y règne un ton de fimplicité & de bonne foi qui eft ordinairement celui de l'innocence, oude la confiance que le bon droit infpire a un accufé , dans la juftice de fa caufe. Elle  Correfpondace politique. 129 n'eft pas plus éloquente que toutes les autres produétions enfantées dans Tidiöme national, & Iraduites ^ francois. Mais c'eft moins le mérite littéraire ou les talens du rédacteur qu'on recherche dans ces fortes de pièces, que 1 expofe vrat. de 1'état de la queftion & la foUdité des raifons qUDansl tuTe" accufation auffi grave que celle dont le Duc de Brunfmck eft 1'objet, on ne peut pas difconvenir que fa négation ne proave tout autant que 1'affirmation de fes accufateurs. Ce n, eft pas a lui a montrer qu'il eft innocent; c eft a eux a prouver qu'il eft coupable. Tant qu ls fe borneront a le charger, fans accompagner leurs affertions de preuves convaincantes; il pourra le bomer a leur donner des démentis, fans rifquer d'être aufli inconféquent, & de paroitre aulli mécharit qu'eux. lis auront beau crier qu d eft mcapable , ou qu'il a prévarique; qu il n a pas une connoiffance fuffifante de la conftitution, ou ou'il fait de fes lumieres un ufage perfide; qu il a pour les ennemis de l'Etat une inchnation criminelle, ou fur 1'efprit de fon Chef un afcendant funefte; qu'il donne au Stadhouder des confeils pernicieus;, ou qu'il lui fait adopter desmefures dangercufes; qu'il eft étranger & devoue aux Anglois, &c. En criant bien fort, ds pourront étourdir la multitude. Mais lui, en mant ces allégations vagues, abfurdes ou contradidoires, il aura fatisfait a fon devoir, & conten te les hommes impartiaux. Le public de fang- roid, dira toujours a fes ennemis: adminiftrez les preuvcs de vos accufations; ou réfolvez vous a pafier pour des diffamateurs, &, en conféquence, a voir répofer fur vous le blame que vous avez voulu faire retomber fur lui. 11 provuque tous les ordres de l'Etat a fe rendre fes dénonciateurs, & a manifefter les témoi-  I3° Correfpondance politique. gnages qui atteftent clairement ou fon incapacité* ou fa prevar.cation. I] appelledela droicure de £s principes & de la légitimité de fa conduite l la connoiflancc du Pr.nce, des Miniftres & des Colleges d'Amirauté..D'après une pareille provo SSAf è?réfTer *ae f^vcrfaies fe üateronc de produire les preuvcs qui conftatenr fes délits ou qu'ils s'emprefferont^e Ser ie nuages qu' ls ont élevés fur fon honneu , & d'ef! ^repttSn!123 ™ a \ En attendant qu'ils prennent 1'un ou 1'autrcde ces deux partis fes détractcurs ténébreux ne fe lalfent pas de 1'accabler des traits de la fatyre! : Depuis fa declaration, les pafquinades femblenc avoir acqu.s un nouveau dégré d'acruvité ,& leurs quil y a de plus etonnant dans tout ceci ce n eft peut-ecre pas la perfévérance infatigable'de bUnZT a le noi,rcir c,n fecrcC' c'eft ^ foi- bleffe de fes anus a le défendre en public. Que e hommes qui lui doivcnt leur avancement ou leur lortune, etfrayés de l'orage qui o-roHic de pms quelque temps fur fa tète, 1? traÏÏenc oü labandonnent, par la craintc d'étre envéloppés dans fa ruïne; on le con9oit encore. Une défecnon honteule dans un temps d'agitarions, eft le truit le plus commun que les grands recirent des Z m -qU °nt rC"duS dans des j°urs de «ime Mais que ceux dont la confervation oul'independance eft hée avec fon falut , le voyent avec une ef d;i fenflbilicé , ^ du d inad.on en bute a la plus violente perfécution; eelt fans douw ce qui a droit de furprcndre. f,> ^ iCC d °™^par excmple, ne peut pas fe dUlimu er que les efforts dirigés contre le Mentor pour le perdre ne foient autant d'atteintes portees a 1 autorité, ou a 1'exiftence politique de  Correfpondance politique. 131 r'élcve. II eft impoffible qu'il ne voit pas que le même coup qui renvcrferoit 1'un, prépareroit la ruine ou 1'efclavage de 1'autre. II ne fauc pas avoir des yeux biens fins, pour pénétrer le buc des manoeuvres qui agitent 1* République depuis Jquelques années. Comment donc peuc-il refter tranquüle a la vue des dangers qui menacent & fa dignité & fa maifon? S'il laiiibit facrifier un : de leurs plus fermes foutiens & dc leurs plus folides appuis, n'auroit-il pas tout a craindre pour jlui même? On affure qu'après la lecture du fameux mé(moiré d''Amfterdam, S. A. S. ne laiffa pas ignorer a fes auteurs qu'elle pénétroit fort bien leurs Ivues; qu'ils ne lui demandoient Péloignement ' d'un homme en qui elle avoit trouvé un fecond pere, que pour 1'enchainer ou 1'éloigner enfuite elle - même avec moins de peine & de fuccès ; que quand même la reconnoillance & 1'honneur ne lui intcrdiroicnt pas un facrifice qui la couvri* . roit d'opprobre aux yeux de YEurope, fa propre ! süreté devroit Pempêcher de le confommer. Si ) cela eft vrai, comme il paroit affez naturel, pourj quoi donc depuis cette époque, le Prince femble■ t-il laiffer expofé, fans défenfe, aux traits de la 1 haine, un perfonnage aufli important au maintien j de fon autorité? Si le Duc eit coupable des fautes ou des crimes qu'on lui impute, le Stadhouder ne peut pas fe difpenfer de 1'éloigner; alors pourquoi le conferver? S'il ne Pelt pas, il ne peuc pas lui rcfufer une protection éclatante ; & en ce cas, pourquoi ne pas le défendre avec la chaleur que 1'amitié & Pintérêt infpirenr pour un innocent . compromis? II eft affez remarquable que les en, nemis du Veld Maréchal lui reprochent d'avoir, : pour les affaires de l'Etat, trop d'influence fur Pefprit du Prince , & qu'il femble au public qu'il 1 n'en ait pas affez pour les fiennes.  I32 Correfpondane politique Ne feroit - ce pas dans des circonftances auffi cnciques , que la République trouveroit fon falut par le devéloppemenc des prérogatives du Stadhouderat ? Cette éminente dignité a été inftituée , non pour donner un maitre a l'Etat, mais un arbitre a fes membres. Un des plus beaux droits de celui qui en a été revêcu dans tous les temps, ceft de pacifier les troubles, & de cerminer les diiierends eleves entre les confédérés. Et dans quel moment le Stadhouder aétuel pourroit-il dép oyer fon caracïcre public avec plus d'énergie & d utdite qu'aujourd'hui? Dans quellcs conjonctu. res Guilleaume F. pourroit-il imker avec plus de gloire le courage de fes ancètrcs, & la fermeté dc Ion pcrc, que dans celles ou il s'agit d'arrachcr un homme illuftrc a la rage de fes ennemis; de raftcrmir fon autorité qui chancele dans fes propres mams; de calmer Ia fermentation que fon indulgence a peut-être excitée; de réunir les diiicrens ordrcs de l'Etat & les vceux des citoyens vers le bien public, que des conteftations, qui feroient ridiculcs, fi elles n'étoient pas atroces, iont perdre de vue? Cette Feuille paroit deputs le 15 OSobre une fois par fematne&fera conunuée avec le plus de rdgularitdpof jible. Le prix de l abonnement eft de ft. 10- - - de Hollande par an, pour les deux volumes, compofds de « homéros. On peut Pabonncr cn teut temps chez la p% part des Ltbraires des Principales Files des fept Provinces-Unies de même qu'a Mafeyck chez Mrsfdctexpéditiondes Gazetten au Chef Bureau des Po/les Impériales ; a Lmmerick chez Mr. Everfmann, Confeiller & Maitre des Poftes de S. M. le Roi de Prufe; d Francfort sur le Mein , H. I Broenner;aBE{uN,Ê S deaux; «Vienne , Graffer; Libraire de la Cour Impériale; a HamboURG J G Vhchzux ,&en général dans les pnncipales Files de Phurope, ou chez les Directeurs des Poftes, ou chez lts Libraires.  Correfpondance polÏÏVque. 133 CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires préfentes de la Hollande. LETTRE CINQUIEME. RAffuré, Monfieur, fur 1'objet de notre correfpondance; tranqüille fur le but que vous Vuus própofez en la rendant publique ; perfuadé que vous avez. ert vue de la faire fervir au bien de ma patrie, en rappellant fes etifans aux idéés pacifiques qu'ilsfemblent rriéconnoïrre;& dansl'efpoirque 1'eifufion de nos fentimens fur lesmatieres intéreifantes agitées dans notre pays, pourracontribucr a prévenir celle du fang de mes concltoyens , pat les accès d'üne guerre civile que d'odieuxbarbouilleursinvoquent dans leurs écrits , (1) après les avoir employés k en aiguifer les poignards; je reprends la plume avec plaifir, pour fj) Celui de mes correfpondans qui écrit cecte lettre a probablement en vue le fupplément au fiStum pour Mts. les Régen* d*Amfterdam , dans lequel on lit une invocacion jformelle a I* guerre civile. L'auteur qu'oh croit etre un Ëx-Jéfiite , aidé par un Marchand de la Haye , tous deux correfpondans de 1'arbre tranfplanré de l'/f/ie en Europe par le volupiueux Litad/iis : s'exprime ainfi ; La crije eft d fon plus haut point ; ia fermematioiï parott d fon dtnuer période. Faffe le Ciel que l'explofton qu'on vrévoit commt- trés prochainc , ne renverfe que les ennemis de la patrie ! t rt Ces ennemis de la République, 1'avocat de MM. d Amfterdam, dh quatre lignes plus haut , que c'eft le feal homme qu'on a chargé prefatie exclufivement , dé la dtftribution des emplois lucratifs & honorabies, Si les grands qui lui fant leur cour. Elt-ce qu'il y auioit Tom. I /Ve. 9. i  134 Correfpondance politique. vous feconder dans une entreprife, qui fernir encore louable, lors même qu'eüe feroit inuiiie. 1 faut efpércr., Monfieur, que le bon génie de la République, ne permcttra pas que fes ennemis internos continuent a la déehirer au dedans, tandis que fes ennemis publics font occupés a i'affoiblir au déhors. [] viendra un temps, & puiflet il n'être pus éloignéi oü mes compatriotes, ordinairement fi flegmatiques, fe calmeront. Leurs yeux fafciné aujourd'hui, s'ouvriront alors a la lumiere. Ils reconnoitront la faute qu'ils ont fake & 1'imprudence qu'ils ont commifc', en fe laiifant éehauffer par des efprits turbulens. lis appercevront le precipice qu'ils ont creufé fous leurs pas, en fe dépouillant de leur fang froid naturel, pour céder aux fuggeftions des organcs de la difcorde, qui lïfflenc de toutes parts au milieu de nous. Heiast peut-on être d'un fens raffi; avoir un attachement réel pour la patrie, fans gémir fur les maux que notre déiunion lui faic; fans voir que c'eft augmenter le danger qui la menace , que de nourrir 1'aigreur, 1'animofké, les feminiens de yengeancé qui nous animent en ce moment ? Tandis qu'un entêtement ridicule, un faux point d'honneur déplacé, empêchent les partis divifés dc fe rapprochcr, les intéréts divers de fe conciliëren ennemi aétif, entreprenant, profitc de de la témérité k foupgonner qu'un homme qui dèfigne au peuple le Prince & la Noblefiè puur les ennemis Je la patrie, & oui J'invirc fi patheriquement a les engloutir avec ie i/ce.dahs\egoufJre qu'il crie a la multitude A'ouvnr fous nos pieds, pourroit bien être un des auteurs de \' Avis au peuple des Pays Ba.-.? Je ne prn::once rien. Mais quiconque eft allez féditieux pour indiqoer au peuple, les grands & 1 homme qui diftribue les emp'.ois honorairs ou tucratifs comme les premières viclimes qu'il doit immoler . • r fe foul'evant , ne pourroit il pas ctre capable de faire la brochure^ infernale que nos Souvc-mns ont prefcrite ? Ellil moips iriminel de dire a la r.ati.m , ci«r%Q?. le Prince d'Óran"c & ceux qui lui font la cour, que de vpmir'des horreurs contre la memoire de fes illuftres ancctres ? (JVore de l'Lditeur.')  Correjpondance politique. 135 hos divifions; des rivaux jaloux de notre profpérité partagent en iilence nos dépquilles, & s'approprient les fources de notre opülence. A la vue des entreprifes formées contre notre bien être, fi ce n'eft pas même contre hotrfeexlitence politique , ne dcvrions-nöus pas nous réunir pour dëconcertêr les projets de nos envieux, & repouffer avec vigueur, les attaques de nos ennemis*-' Eft-ce quand la patrie eft menacée de toutes paris qu'il faut s'abandonncr a des méfintelligences funeftes , & fe livrer a de vaines ik puériki difcuflions? Malheureux & infenfes que nous fommes, il fauc défendre nos poffeliions en danger, foutenir notre commerce qui nous échappe i ik nous confunions un temps precieux en débats qui leandalifent une partie de VEuro e, & réjouiffent 1'autre; nous ufons 1'énergie dont nous fommes encore capables, a nous déchircr; nous nous affoibliiïons nous-mêmcs doublcment, par des eflbrts fans objet, que le lalut de la patrie nous follicite a diriger contre ceux qui cherchent a 1'anéantir. Un intérêt fi grand, fi preffant, ne devroit-il pas abforber tous les petits intéréts privés, qui ont été jufqu'ici le mobile des principaux acteurs fur le théatrc de nos divifions ? L'alternative terrible qui s'offrc devant nous, ou notre confervation, ou notre ruine dépendent de notre conduite, ne dcvroit-elle pas ouvrir tous les cceurs a la concorde, & difpofer les efprits a 1'union , fans laquelle nous n'avons a attendre que des défaftres & de la honte ? Si la République fe trouva jamais dans des conjondtures ou la voix des paffions düt fe taire pour lailfer parler celle du patriotifme , c'eft aujourd'hui. Plus d'une fois elie s'eft vue attaquée au déhors, & dcchirée au dedans : plus d'une fois des voifins formidables & des faétions acharnées Tont conduite fur les bords Ia  136 Correjpondance politique. de 1'abyme, od des hazards heureux, non moins que la fngeffe de fes chefs & Pintrépidicé de fes défenfcurs, 1'ont empêchéede tomber. Mais de toutes les crifes par ou elle a palfé , aucune n'a préfenté des fuues plus allarmantes, que celle ou elle fe trouve maintenant. Dans toutes les guerres qu'elle aeues a foutenir depuis fon berceau, fucceffivement contre YEfpagne, VAngleterre & la France, elle avoit toujours ou des alliés intéreffes a la feconder, ou des amis difpofés a la protéger. Eile n'avoit a combattre qu'un , ou tout au plus deux ennemis déclarés. Sa marine étoit relativement plus forte & mieux aguérie; celle de fes rivaux moins formidable, oü fouvent même prefque nulle. Alors les trois quarts de YEurope, ignorans & barbares , livrés aux difputes thcologiques, oü a la fureur des combats, lailToient languir ''induftrie, dédaignoient la navigation, accabloient le commerce d'entraves & de gênes. La Hollande, au contraire, remplie de manufaclures précieufes en tout ' genre, poffeffeur des plus riches branches d'un négoce lucratif maitrelfe des établiffemens les plus avantageux dans les Indes; jouilfant d'une navigation immenfe & perfectionnée, n'avoit des concurrens rédoutables que dans les Anghis, dans quelques Villes d' Allemagne & cVltalie. Couvranc les mers de vaiffeaux marchands, même durant Ia guerre; les plus fanglantes tk les plus opiniatres pouvoient bien Pincommoder, mais non pas tarir oualtérer la fource de fa profpérité. Quelle différence aujourd'hui 1 fans parler des changemens furvenus dans fes connexions politiques avec les autres Etats; de fa décadence fur toutes les mers, ou du moins des progrcs prodigieux qu'y ont faits fes concurrens; de la diminution progrellive de fa marine marchande & guerriere, en raifon des accroilieiaens que celle de fes  Correfpondance politique. 137 voifins a regus a ces deux égards: la feule révojution arrivée depuis un demi iiecle dans les idéés du pubiic &des adminiftrateurs, fuffitpour amener des combinaifons dont la République^ fera la victime. Les autres Gouvernemens de YEurope mieux éclairés fur les vrais intéréts despeuples, ont adopté des procédés qui doivent nous deven ir iüneftes, & felivrent a des opérations dont fuccès repofe le fur notre ruine. Nous avons en ce moment toutes les nations de cette partie du monde pour rivales dans la navigation & dans les fpéculations qui la vivifient; & 1'on nous annonce un nouveau concurrent, dans un peuple inconnu jufqu'ici au-dela des mers. Ce n'eft plus avec YAngleterre feule que nous partageons les productions territoriales &induftrieufes de toutes les parties du monde, preGque entierement livrécs a la circulation par nos négocians , dans tous les marchés de YEurope. Outre que les conquêtes immenfes que les Anglois ont fait en Afie ; que les riches établiüemens qu'ils y ont formés, ont prodigieufement arfoibli la plus féconde fource de notre opulence; nous voyonsles Francois , les Suédois, les Danois, & jufqu'a des marchands de Triefte affociés au brillantcommerce de nos compagniesdes Indes, élever ' leur fortune fur les débris de la nótre. En Europe 1'aclivité dc nos voilins liyre è notre intelligence, a notre économie des combats encore plus funeftes. A pcinela fupériorité que nous avons acquife par une longue expérience dans les opérations mercantilles, peut-elle balancer les efforts que les autres peuples font pour rendre cette intervention inutile dans la circulation de leurs marchandifes, & dans 1'approvifionnement de leurs marchés. La France eft déja remplie depuis long-temps de manufaétures & dc fabriques, qui co mme celles de 1' Angleterre, ont acquis une pré- ï 3  '3R Correfpondance politique. pondérance décidée fur les" nötres: la Pruffe tk VAutnchc fe peupienc auffi de ces établiflemens pachques, qui achevent de renverfér le peu qui nous en refte. Ces trois Puiffancps, protegeant I.induftne dans loutes fes partjes, encourageant le coinmerce dans toutes fes branches, augmentent le nombre de nos concurrens. Celles du Nord deviennent infeniibiement induftrieufes , marchandes & guerrieres. Toutes les nacions maritirries ionc aujourd'hui égalemcnc entreprenantes Plus ou moins habiles dans la navigation , cn etat dc la foutenir, ou occupécs a 1'étendrc. |alouies de nos richeffes, convoitant les fources qui nous les procurent, eifayant de diriger fur leurs cotes dans leurs ports, les canaux qui les con.duifoient dans notre feipj dies nous font une guerre lourde, qui portera a notre bien-être des aueintes plus fatales, que les coups d'un ennemi ft; órieu; & implacable.S'il n'y a aucun des voifins puiilansqui nous entourent, qui ait intérêt de nous ecraler, ou de nous voir la proye d'un vainqueur • il y en a d.x intêrciTés a nous priverde la fource de notre profpérité, &, par confequent, a s'appropner le principe dc notre exiftencc. Et c'eft avec une perfpective aulli effrayante devant les yeux, que nous reftons immobiles, ou plutot, q je nous n'avon^de mouvement que pour fuivre des idees & nous livrer a des démarches qui accelcrcront le moment oü elle doic fe réaliler! eit lors que tout concourt autour de nous a preparer notre décadencc & peut-être notre ruine que nous décournons nos regards des entreprifes iormees par toutes les Puilfances contre notre commerce, pour les fixer fur des objecs qui ne ^r°l?n>t lQS déconcer^r, ni en prévenir les ïuues i L eit q-iand tout nous invite a nous réunir conr e les qef<»jn.s de nos ennemis fecrets , plus encore que contre les attentats de nos ennemis  Correjpondance politique. 139 déclarés, que nous nous partageons de fentimens, que nous nous abandonnons a la plus funefte diffentïon! . Tandis que la Frjince réclame contre la domination des mers que nous avons eue quelquefois, qu, nóö&avons toujours partagce avec les Anglois, & fouvent conteftée a 1'audacieufe Albion, 1'indépendance d'un élément fur lequel nous ferons bientöt affervis ou effacés par les autres peuples, fi une Fois il devient libre: nous nous difputons pour favoir s'il eft de notre intérèt de nous en conferver la jouiffance avec le rang que nous y tenons, en dcconccrtant les tentatives qui ont pour objet de nous en cxpulfer: ou d'aider un voi'fin habile&délié a nous en priver. Car enfin, voila ralternative que préfente la conteftation agit.ée depuis quelques années au milieu de nous. La grande queftion, qui nous divift; d'une facon fi préjudiciable, entre le parti de la France '& celui'de'la Grande-B:etagne , fe réduit littéralement a favoir, s'il nous étoit plus avantageux de refter unisaux Anglois, pour partager avec eux 1'empire des mers'& les richeffes du commerce, que de nous joindrc a leur ennemi pour arracher dc leurs.mains & des nöües le fcêprre de Neptune ; de le feconder dans le projet qu'il a formq dele 1'approprier, ou du moins de le rendre commun a tous les peuples , cnvicux d'en voir nous & nos voifins e^iqiivémént en goffeffion,,, Pendant que toutes les Natións du Continent . attirent ou élevent dans leur fein des fabriques qui achevpnt.de tuer.les nötres, ou de fufcitei a nos ouvrages d'induftrie une concurrence qui nous exclura bientöt de tous les marchés de Tanden & du nouveau monde; que les autres Puiffances maritimes que nous avons jufqu'ici approvifionnées, cnvahiffent plufieurs branches importantes de notre commerce; qu'un de nos voifins 1 4  Correfpondance politique. rend fes rivieres navigables, & fes villes autrefois inconnues , marchandes; qu'un autre fait creufer des ports a la vue de nos cótes, qui font chaque jour moins fréquentées; qu'un concert unanime entre tous les peuples qui nous environnent, femble les réunir tacitement pour nous dépouiller de norre induftrie, reftreindre notre navigacion , nous enlever notre cabotage & notre pêche , les plus précieux canaux de notre fubfiftance & de nos richeffes : nous, nous portons Pavcuglemenr. & la démence au point de confumer notre temps & notre aétivité en frivoles débacs & en vaines conteftations : nous tournons contre nous-mêmes des efforts que nous devrions employer a repouffeï les chocs qui nous preffent dc tous cötés : i'attcntion de nos adminiftrateurs & dela nation entiere eft détournée des grands objets de 1'adminiftration & de la politique qui nous touchent effentiellement, pour s'occuper de difcuffions abfurdes & d'altercations fcandaleufes, qui nous couvrent de ridicule aux yeux des étrangers, & fecondent puiffammenc les'deffeins dangcreux des nvaux jaloux de notre profpérité. Dans la pofition critique'ou la République fe trouve, n'eft-il pas affreux que des querclles particulieres forment la matiere la plus importante des débats dans les affemblées fouveraines, & Pobjet le plus grave des délibérations publiques ? Que des reffentimens perfonnels foient envifagés Comme des affaires d'Etat, & traités avec la même importacce'& la même gravité? Que le bien. général compromis par des vengeances privées , fbit perdu de vue, pour complaire a 1'ambition ou a la haine de quelques individus, qui ont faic dé leur propre caufe celle de tout un peuple? La poftérité n'apprendra pas fans effroi & fans mdignation , que notre patrie n'eft aujourd'hui expbfée au-dehors aux malheurs d'une guerre défaf-  Correfpondance politique. 141 treufe, & déchirée au-dedans par des fa&ions acharnées ; que parcequeM.de Cappellen fe plaint que le Prince cYOrange lui a faic manquer un manage brillant; paree qu'il plak au Penjionnaire d'une Ville puiffance de hak perfonnellemenc le Stadhouder, & aune Maghtrarure prépondérante dans PEcat, de ne pas aimer le Stadliouderat; paree que M. de Neufville avoic faic dès le commencemenc des hoftilkés encrenos voifins belligérans, un accord avec le Miniftère de Verfailles, pour fournir a la Marine Francoife, fur des Vaiffeaux Hollandois, ou porcanc pavillon de la République, les bois de conftruétion & aucres muninons navales venanc du Nord; marché ucile uniquequement a ce Négocianc, a qui il affuroic un benefice de 3 ou 400 mille florins, & l'avamage pour fa maifon de recevoir feule les commillions du Congres, donc il s'eft montré en couc 1'Agenc fidéle & le Partifan zèlé. Nos defcendans apprendront avec un fentiment douloureux, rnêlé de mépris pour leurs ancêtres, que c'eft a ces affeétions individuelies que nous fommes redevables de nos diffentions inteftines, de nos embarras mukipliées, & qu'ils le feront eux-mêmes des événemens lïniftres que nous accumulons fur leurs cêces : que ce font ces intéréts privés qui nous ont fait fortir des bornes d'une neutralité parfaite, a la faveur de laquelle nous ferions encore fpe&ateurs tranquilles & fortunés d'une querelle qui va nous confumer: que c'eft avec ces mobiles qu'on a fait mouvoir notre machine politique , & pencher la balance dont il nous importoit de maintenir 1'équilibre au milieu des fecouffes que deux voifins impérieux, abufant de notre foibleffe, nous donnoient pour le renverfer : que c'eft-la la caufe unique des fautes énormes que nous avons faites & du fcandale que nous caufons a YEurope depuis quatre  I42 Correfpondance politique. ans : que ce font ces refforts ténébreux qui ont amene de notre part les infratfions aux traités; dc celle de la Grande-Brétagne les violences qui nous ont fait jetter les hauts-cris : que c'eft par ces moyens qu'on a préparé le traité éventuel avec les Américains, & forcé les Etats-Gcnéraux d accordcrdes convois a une branche de navi?ation indifferente aux Provinces Unies, puifqu'elle étoit pour le comptc des Négocians Francois, dont M. de iVeajville étoit. le Commillionnaire (i) : que ^Zrefe nmTO r aPProvl''°«"e«>=ns. Plus de.5MD.viI pouvoit i l °'da"S ff Porcsde WOerfai & de la AfcacAe , ne f mnibor ;; 1 «"Ployes a aller chercher dans le Nord' & ?re' mun i nf nav?|S ar?naui'„' les bois d? conftruöion & les aurEftSSi fil'J? ' d!e 3VOk ber°in? üne «lliance avec de &il^^^È7?''e; T maïlne gl,erri^e compofée de pres de ïuer dl m 8"r ? de 4° frégates ' de ö° »»««« barimens b S ir^nV? ra,7 arm°e' ' ne lui tacilitoien'-elles pas %^t^rS^ naV'gaCi0n de fe ^terd»»« ^ Ho?lor'^fnpéc!l0ic dontd''' faire ««teer fon pavillon , & dyenvover des efcadres ponr en aflhrer la rote«er Parf" Fiottes MajehWes , quelle onfumoit en parades pucr es ? Ah ' C'elt au'Ln r.iivin? cette marche fim»le & raifonnable. on auroi manquc FoecX. de nous cnmprometwe vis a vis de VAnglaarc : clpa. pu nous porcer a des procédés qu'on la favoit difpoféea enviVier partialite , qui lui a fervj de rretexte pour rompre avec nous ■ rons lesdindons, fi nous ne nous batons- pas d'nuvrir les venx & romml? WM",Mr "0US n'Jl'"''ns i»»*"»» nous'ecart'ef. Comment eft ,1 pofnble que ces idéjs frappanres a>Wt ccBappè « mes jud!cieux eompat ribtes ? Comment n'avons nous pas app'rcu le p.ege groflïer dans lequ,l nous fommes. tombés? cStune conduue qu. etoit tout enfemhie le comble de rinconfiquenre & de la mauvrfft ft* , a-t-ellepn nous éblouir& nous egarer^u puintou nous ommes ? II nefalloit pas ê;re AnghU fans'dou e , pa ce t^r^n^Zut^u ueceiTitéde fe ***di-  Correfpondance politique. 143 c'eft'lale fatal levain qui a faic fermenter ladifcorde au milieu de nous; la difpoficion funefte qui a donné acces aux incrigues , & facilicélefuccès ; des manceuvres des émiifaires d'une Courincérellée a nous brouilleravec /'Angleterre, que nousdevions : regarder*, fi non comme un allié bien affectionné, I au moins comme une Puiffance avec laquelle des - conlidéracions majeuresnous follicitoient de refter ' unis, puifque dc nocre union avec cecce Couronne dépendoic la confervacion de nocre repos, de I nos forcunes & de nocre commerce, donc nous trouvions dans fes fujecs des concurrens pour le : parcager, mais non pas des rivaux pour nous 1'enJ lever, comme dans ceux des aucres nacions qui Quoi ? Aucun de nos patriotes xelés & bien intentionnés n'a pas eu le bon fens de fe diie a foi-même , & le courage de dire a la nation: " la France a befoin des produclions du Nord: hé ,, bien , qu'elle s'en procure elle-mcme ; nous ne nous y oppofons ,, pas. Ses fujets ont affez de navires mardiands quinefont rien depuis le commencemenc des hoftiliiés, pour les cliarrier ;& fon Roi, de vaifléaux de guerre pour les convoyer. Pour 1'obliger, ,, nous nous livrerons a ce commerce . li nous pouvons le faite conformément a nos c.onventions avec notre allié , ou d'une „ faqon qui n'expofe ni notre repos, ni notre bien-être, en ,, oftenlant nos voilins. Notre devoir comme notre'intérêt eft de refter neutres entre les Puiflances belligérantes, & , par conféquent , de ne pas montrer pour 1'une un penchant qui „ puilVe choquer 1'autre. Notre honneur, r,i notre füretè ne nous permettent pas de fournir a une Puifiance qui nous efl indif,, fcrente , des armes qu'elle fait fervir a combattre un voifin „ avec qui nous fommes liés par des traités. Si la France o'ccupée de promenades ridicules fur la mer , & d'incrigues trcs-funeftes au milieu de nous , veut a toure force que nos batimjns voiturent (es munitions navales; nous le voulons biên , mais nous ne répondons pas de 1'cvénement. Ces objet< étanc pour fon compte & pour fon fervice , peu nuus importe que ,, les Anglois enlevent les cargailöns, pourvu qu'ils nous en paienc „ le frêt, & nous rendent nos vaiffeaux. Pour en prévenir la perte, que la France les falie efcurter par les flottes des d'Omilliers , des Gtüchen, des d'Eftaing , des Cordova , qui auffi bien n'onc 3, rien de mieux a faire. Nous, nous n'avons point de vaiflèaux pour eet ufage, & quand nous en aurions, il ne nous piaït , . ni ne nous convienr de les y employer. Maitres chez nous; paifibles avec nos voifins; étrangers a la querelle qui les. a „ mis aux prifes ; n'ayant rien a démcler avec les Américains , 3, perfonne n'a droit de nous faire la loi ; & nous ne ferons pas „ afléz mauvais politiques pour comproraettre le falut de notre patrie, en fervant la caufe d'autrüi.'; ( Note de iEiiuur. ~)  *44 Correfpondance politique. nous. entourent: que les auteurs de ces malbeureules combinaifons qui ontcompromis nocre bien«re & notre süreté, au lieu d'abjurer auiourü nui une politique pernicieufe a 1'Etac; d"e re noncer a des reffencimens privés, pour s'occuper des moyens de reparerles maux publicsqui en font ie rdulcat, s'efforcent d'en faire recomber 1'odieux iur les perlonnages qui onc cherché a les préve] nir, &c. r Quand on réfléchic è tout cela: quand on penfe que «eft a Ia perfévérance a pourfuivre 1'exécunon d un plan qui a pour bafe une ambition particuliere; une inimitié perfonnelle entre des membres de la fouverainecé, quefonc dus les difcors dela K-épubhque; 1'animofné qui exifte entre les eitoyens; la défiance qui regnejufque dans le fein des families; les allarmes qui naiffent de notre poiition ermque ; les évènemens finiftres qui feronc les fuites infaillibles de nocre métincelligenceaüuremenc on ne peuc pas s'empêcher d'admirer a quoi ciennenc fpuvenc la tranquillicé & le deftin des peuples. Je m'arrache, Monfieur, è ces idéés mélancoliques. Par le premier courrier,je vous enverrai les eclairciffemens que vous defirez fur les divers objecs énoncés dans vocre derniere lettre fe vous falue, & fuis, &c. J AVIS DU RÉDACTEUR. AU moment oü 1'on allo.it mettre ceNuntii» ions preffe, je lis dans le Courier du BasKinn N-. 941 Article fuivant, que je m'empreffe de^pubher, avec la réponfe qu'il me femble mé- " Le parti de la Cour, dit le Périodifte de  Correjpondance politique. 145 I Clèves, vient d'acquérir un champion très„ redoutable, dans '"Auteur d'une nouvelle Feuil.„ le Périodique qu'on a annoncée , fous le titre „ de Correfpondance Politique Jiir les affaires pré„ j'entes de la Hollande; avec eette Epigraphe:/e „ ne fers ni Baal, ni le Dieu d'lfraéï. L'Auteur a voulu fans doute faire entendre qu'il feroic „ impartial ; qu'il tiendroit la balance entre les „ deux partis qui divifent la République , k. „ qu'd les jugeroit avec équité : mais aux 5 ou 6 L premiers NÜS- qui paroiiïent de eet ouvrage, il , L, eft aifé de s'appercevoir que le Periodifte Po!„ litique eit dévoué tout entier a Baal ou au Dieu d'Ifraèï, comme on voudra 1'entendre. Au „ reite, ft fa plume a été achetée ou louée, il W„ faut convenir qu'elle méritoit de 1'être. L'Au■ „ teureft digne de fe mefurer avec ceux employés „ a la défenfe du parti adverfe, & fans faire une ,, aulli grande confommation de Rhubarbe que „ les Ecrivains engagés dans la mème carrière ,, que lui, & qui ne parient que de purger, de , „ lavcr ik de blanchir, il contnbuera plus qu'eux , tous a la juftification de fes cliens, du moins „ aux yeux de ceux qui fe payent de raifons fpéI ,, cieufes, audéfaut de bonnes raifons : ik comj bien peu d'hommes font en état de diltinguer I „ les unes des autres ! „ RÉ P O N S E. C'Eft vousprouver, Monfieur, que votre opinion ne m'eft point indifférente que de r-acceuillir dans ces feuilles, & qu'elle ne fauroit me faire rougir, que de me rendre 1'organe de fa doublé publicité. Vous penfez donc qu'il n'eft pas poflible d'è-  I4°" Correfpondance politique. tre un peu en état de griffonner du papier, J d avoir lur les artaires publ.ques de notre Pays. une opinion quelconque, fans être acliaé ou Lui par le parti a qui elle eft favorable ? On bien en vous exprimant d'une fagon fi obligeancê pour 1 Auteur de la Correfpondance Politique auriez-vous eu dcffein de premunir vos Leétöirsi contre le foupgon que la juftice qu'il a cru pcuvoir vous rendre dans fon W. 4., étoit un compliment deitine a fubjuguer votre fuffrage ? Vous lenez-vous défié d'un aveu arraché a fon eftime pour vos - talens; ou auriez-vous fuppofé que la reconnoilfance vous obiigeoit a 1'infulter? Comment trouveriez-vous, Monlicur, ie raifonnement que voici ? Le Rédaóteur de la Gazette de C ivet eit un E:rivain fpirituel & judicieux : la plume eft digne d'êcre confacréc a 'la défenfe d'une caufe céièbre. Or, il 1'employé a faire circuler dans le public, tout ce qui peut indifpofcr contre le Prince, & charger le Duc. Donc il eft loué ou acheté par MM. d'Amfterdam, qui ont en lui un champion capable de fe mefurer avec ceux qui ont entrepris la défenfe du parti adverfe. Cette maniere dc raifonner vous paroicroitelle coniéquente? Paree que vous laiifez fouvent tranfpirer votre prevcntion contre le Stadhouder & le Feld-Marcchal; qu'on voit a chaque page percer votre penchantpour leurs antagoniftes, feroit-il plus de la logique que de 1'équité de vous foupgonner, & I qui pis eit, de vous accufer d'être vendu ou affervi a un parti pour battaillcr contre 1'autre ? L'Ecrivain que vous outragez, ne fe permettroit paj un paralogifme auffi choquant en tous fens, non fculement contre vous; mais pas même contre 1'Auteur du Politique Hollandois, viliblement dévoué a la Ville d'Amfterdam & au parti de la France & des Américains; pas même con-  Correjpondance politique. 147 tre un Marchand de la Haye & un ex-Jéfhhe9 fon fubalterne , tous deux fabricateurs & colporteurs de libellos; ci-devant corrclpondans de 1'Auteur des Lettres Hollandoifès, aétueliement coopérateurs de celui du Politique Hollandois, a leur dévocion , leur organe & leur agent : tous deux Auteurs du facium pour les Bourguemahres, du fupplcment a cette diairibe, de votre aveu remplie de fophifmcs , aulli bien que les obfervations dela fociéfté Amore Patrio:, & d'une poliffonerie , intitulée ; Vcx-Régent Zélandois demafqué ; tous deux formant avec votre idole d'Amfterdam , un triumvirat , conjuré contre la conftitution nationale, & violemment foupconné d'avoir fait & diftribué YAvis au peuple des PuysBas. Quelle idee fe former, Monfieur. d'une affociation de libeiliftes, compofée d'émilfaires dc la France & du Congres, qui foufflent la difcorde Se invoqucnt la guerre civile dans leurs écrits, comme Ta fait f auteur du jiipplémcnt au facium, qui invite la nation a fe révolter, & qui lui indique nommément le Prince cYOrange, le Duc de Brunf wiek, les grands de la République ,& la Nobleffe des Provinces, pour les premières viétimes qu'elle doit égorger? Des auteurs aulli furieux ne peuvent-ils pas être foupconnés ou accufés avec vraifemblance, d'avoir loué ou vendu leur plume 'a une faélion, pour noircir ou écrafer fes adverfaires? Cependant celui de la Correfpondance, qui dit & dira toujours aux deux partis de dures vérnés; qui prêche plus encore que vous la coicprde & la paix a fes concitoyens, l'unanimué dans les mefures , la vigueur dans les effórts contre 1'ennemi de la patrie ; s'eft refpeété affez lui-même, *pour ne pas attribuer la démence ou la rage des féditieux qu'il combat, a leur vénalité ou a leur  148 Correfpondance politique fervitude, paree qu'enfin des injures ne font pa-s des raifons. Quel motif, s'il vous plak, avez-vous de le croire plus vil qu'il ne les foupconne?Eftce que dans votre opinion la bail'eife des fentimens feroit 1'appanage de la hardieffe des idéés , & de la chaleur du itile? S'il défend chaudement le Prince & le Duc, c'eft paree qu'ils font outragés avec fureur. L'équité nefait-elle un devoir de les venger, qu'a des écrivains loués ou achetés? Ou bien n'y a-til que les Avocats des ennemis de ces deux Seigneurs, a qui 1'efpoir de barbouiller du papier fans ètre infukés foit permis, & la liberté de vomir des injures fans danger foit affurée? II eft etonnant, Monfieur, que réclamant avec force le droit de dire votre avis fur les différens qui partagent ma patrie ; fur les conteftations qui la déchirent, vous trouviez ét range qu'un autre en ufe librement. S'il eft permis a un étranger, qu'ils ne peuvent toucher que foiblement, d'en parler avec intérêt, ou avec affeétation deux fois par femaine ; il feroit fingulier qu'un citoyen , qu'ils affeéïent vivemement, ne put en entretenir quelquefois le public, fans être expofé a des fbupeons déshonorans , ou dénoncé par fes confrères , com* me un être méprifable. En cherchant a le rendre fufpeél de partialké, ou a le faire envifager comme coupabie d'un dévouement fervile; auricz-vous eu intention, Monfieur, d'infinuer dans 1'efprit de vos leéleurs, que le Prince cYOrange & le Duc de Brunfwick ne font dignes d'avoir que des défenfeurs ineptesou que des apologiftes ftipendiés? Seroit-cc bien un écrivain eftimé pour fon efprit & fa bonne foi, qui fe rendroit 1'inftrumcnt ou 1'écho d'une prévention également cruelle & injuite? Sujet d'un Monarque célèbre beau-frere de notre Duc, oncle de notre Prince; écrivant pour fon profit & fous 1'infpeétioa  Correfpondance politique. 149 PinfpccVion de fon cenfeur; auriez-vous -voulu . buffer cróire au public , que le grand Fréderic eft infenfible aux oucrages fairs a fes parens,& indifférent fur leur deitinée? Seroit-il poflible qu'un Souverain illuftré par tant de fuccès en tous genres, laHfatla gloire incomplette, en terminantfa carrière, fans avoir, ou interpofé fa médiation pour pacirier nos troubles inteftins, ou déployé fa puiffance'pour prévenir la ruine d'une partie de fa familie ? Apprenez, Monfieur , que le nouveau périodifte que vous avez cru pouvoir compromettre, eft le défenfcur de la conltitution nationale ëbranlée, & non le panégyrifte des pérfonnages a qui elle elf utüe, Quelque défeétueufe qu'elle puiffe ctrc, illa croit preférable mille fois aux fecouifes qu'il faudroit lui donner pour la réfondre. Si vous pouviez douter un inftant de cette vérité , vous n'auriez qu'a jetter les yeux fur 1'Amérique-Sep* tentrionale, ou 1'on acquiert par des maii'acres & des incendies ; par des années de défolation & d'horreurs, le droit d'en changer, „ mes ' eltés muets..., Fuffions - nous rés fujets de Hyder-Aly (6), & connuffions nou? ( comme nous „ ncjs eu flattons") (7) toutes les rares qualitéa de l';m„ mortel Souverain de la France ; nous ne parlerions ( 1) II y paroit. ( 2 ) Ils étoient bien bons. (3) Sont-ce des bafiïs ? en ce cas 1'énuméracion eft modeftt. ( 4 ) Eft ce la faute des Cours ? (5) Cer aitide le prouve arlèz. (6) II fauc avouer que Rytkr-My eft bien placé \i. (7 ) Quand on ne fait pas flacter'les autres, puurquoi fe flatte foi-racme ?  Correfpondance politique. i^! ti pas autrement de Louis XVI(i), paree que telle eft notre idéé, qui eft celle de toute VEurope , qui „ admire eet excellent Prince .„ Nos lecteurs nous dilpenferont fans doute, de les aider a obferver toutes les abfurdités contenues dans eet infipide bavardage. lis font trop judieieux pour ne pas voir a quel point il faut porter le mépris de la vérité & du bon goüt, pour débiter tant de menfonges & de platitudes. • De quelle gaucherie ne faut-il pas être capable, pour dire que Louis XVI eit un phénomène , quand nous contemplons fur le tróue, GujiaveStdnijlas, Frédcric, "jofepb, le Grand-Duc de Tofcane, ies Rots de öardaigne & zV Angleterre, 1'Empereur de Maroc, qui ont la plüpart vieilli dans Tétude & la pratique de Part de règner ? Le Roi de France, fans doute, eft un Prince eftimable par la douceur & la bonté de fon caractère, par fon defirde bien faire , qui n'eft pas toujours feconrié par les hommes qu'on lui indique pour 1'aider. Mais faut-il, pour 1'exalter , ravaler tant de Potentats , qu'il feroit fort heureux d'égaler un jour? Et fi dans 1'idée du barbouilleur Liégeois c'eft être un phénomène que de h'interdire tous les plaifirs, excepté celui de rendre fes fujets hcureux; peut-on fans impudence appliquer exclufivement cette épithète au Monarque des Francoisl On comprendra la bêtife d'un écrivaffier qui affure qu'un époux tonflant & fidele eft -un prodige; un pere bon tktendrc, une merveille. Ces qualités ou ces vertus fe trouvent quelquefois alliées avec des Couronnés, auffi bien que fous le chaume. Louis XVI. en donne un exemple édifiant fous la pourpre. Son grand pere Pa donné auffi, a Pun de ces deux égards durant la moitié de fon règne, a 1'autre pendant toute fa vie. Mais fi ceux qui les réuniflent dans un rang qui en eft fi fouvent 1'écueil, méritentdes éloges;ei!:ce a un Prince marié depuis onzeans, pere depuis trois, qu'il faut les prodiguer, quand George lil en fburnit un modèle précieux depuis fi l0ng temps? CO II faut ccnvemr que voila un galimathia, bien obüeeanc pour Louis XVI. Et qu'importe a ce M< naraue Yidcc d'en bwboteur , qui n'en a pas une de noble, ni d'ejufie? L 2  172 Correjpondance politique Si ces exemples font rares parmi les grands, au moins font-ils affez communs dans les autres clafïes fociales, pour que la conflance & la fidélité conjugales, la bonté & \ztendrefe paternelles, ne foient ni des prodiges ni des mervctlles. Mais que fert de relever les bévues d'un JournaUjle qui, parlant de l'abondance du cwur, eft d'une féchereffe & d'une aridité fans égalesl qui iruuhe tous les Souverain? pour en encenlèr plattement unV qui foutient n'être pas flaneur, en dégobillant des flatreries dégoutantes? Hé! fot, qu'importe que tu fois bas adulateur, ou inepte rapfodifle ? Tu n'es pas plus digne de louer les Potentats, que d'en être remarqué. Ne nous parles donc plus ni de leurs perfonnes ni de leurs vertus, ü tu veux que nous (.hé' riffions les unes, & que nouscroyionsa i'exiftencedes autres. On efl dèihonnrè des fouplrs d'un baudct. Mais non; continuez a débiter des platitudes; a coudre enfemble des mots ltériles, des phralés incohérentes, des tournures grimacieres: cxtropiez le bon fens; écorchez les oreilles; faites gémir la vérité; entaffez tant que vous pourrez des louanges fades cc des menfonges groffiers: ce font la autant de titres de recommandation pour votre ouvrage, en France. Avec ces pafiéports refpedtables, votre ridicule Journal circulera librement par tout le Royaume: vous trouverez ians la nation des ledteurs dignes de le lire. Puifque nous fommes fur le chapitre de Liège , n'omettons pas de faire mention d'une fcènecomi-tragique qui fe paffe en ce moment dans cette ville. Si elle n'eft pas inltrudtive, au moins eft-elle amufante; & c'eft beaucoun. Le fameux t\bbé Raynal, fouftrait aux foudres du faineux M. Seguier, échappé aux célèbres recors du Parlement de Parts, eft allé , accompagné de fon porte feuille & de fa célébrité, fe réfugier furies bords de la Meufe. La renommee avoit précédé fes pas. Déja connu par fon génie; illuftré par trois profcriptions, deux contre fon ouvrage, une contre lui-même; il ne pouvoit manquer de faire fenfation, d'exciter fi curiofité, d'être accueilli & perfécuté. C'éft-la le fruit le plus ordinaire que prodtiifent les riquifanfet & les  Correfpondance politique, 175 arrêts qu'ils provoquent contre les auteurs; fans parler de la vogue prodigieufe quils donnent a leurs livres, ce qui prouve corabien des arrêts & des réquiftioites font des chofes fenlëes & falutaires. A Liège comme aiUeurs, la philofophie a fes enthoufiaftes , & la religion fes fanatiques. Les premiers, comme cela eft jufte, enfencem ,• les feconds, comme cela eft fort chrctien, déteftent 1'auteur de Ybijhire philofopbique, qui ne mérite, en vérité. Ni eet excès d'honneur ni cette indignité. Parmi les momens flatteurs de fon exiftence, Mr, Raynal compte sürement celui oü le Parlement de Paris 1'a profcrit ioleninellement , comme Voïtaire, comme les deux Roujfeau; & oü il s'eft vu honoré, en préfence de tous les buveurs de YEurope, de la compagnie & de 1'entretien de deux Princes célèbres j circonftance véritablement remarquable, & peut-etre non moins extraordinaire que 1'arrêt de profenption qui Favoit amenée. Car enfin, fi eet auteur dans la réviiïon amplificaüve de fa volumineufe hifioire philofopbique, ayant exalté le Roi de Prufe, avoit droit a Paccueil gracieux du Prince Henry; il femble qu'ayant dans cette même amplification revijoire, infulté nommément la Maifon cVAutriche, & cenfuré durement Louis XVI. de ne la pas foupconner ambitieufe, perfide, fans pudeur «Sc fans bonne foi; il ne qevoit pas s'attendre a. en recevoir un auffi obligeant de 1'Empereur. 11 faut que Jofcph II n'eut pas lu la nouvelle édition de 1'Abbé Raynal: ou ce düt être pour le Monaique un grand plaifir de voir la mine décontenancée du Philofophe. . Si les Dieux de YOlimpe fe font empreilés de lui rendre hommage ; les divinités des eaux n'ont pas non plus négligé dw lui offrir leur tribut. La Nymphe de Spa, avertie de fon arrivée auprès de fes fontames bourbeufes, eft fortie de fes ondes, pour chanter les louanges du précepteur du genre humain. Ellea choifi pour fon organe un petit rimailleur, enfant trouvé de la philofophie, nommé Bajfenge, qui n'a pas cru pouvoir louer dignement fon héros, fans outrager la Religion, ni fans dire des iniures aux Eccléfiaftiques & aux Magiftrats, dans des vers paffables. Auffi-töt le zèle du Sanctuaire compromis, s'eft era-  *74 Correfpondance politique. paré del'efprit de fes Miniftres. Allarmcs des fuites d une effervelcence plus ridicule que dangereufe, ils ont pouriuivi 1'avorton du Pamafe,& profcrit les emanations de fon cerveau enflarué. On a vu dans les papiers-publics un Mandement du Prince-Evcque, C titres qui ne s'allioient point encore il y a dix 1'ept Iiecles ) qui flétrit ce batard philofophico-poétique, & ordonne des pourfuites rigoureufes contre fon engendreur. Voici comment le rédacteur du Bas-Rhin, qui avoit parle de ce fingulier événement, avec la liberté & la (pintualité qui caradérifent fes écrits, reétifie dans fon N<\ 95 ce qu'il en avoit dit dans les précédens. r " La juftice & la vérité, dit il, exigent de nous, „ que nous apportions quelques correCtifs a 1'article „ dans lequel nous avons inféré le mandement du Prince Evêque de Liège contre la pièce de vers in„ titulee : La Nymphe de Spa, d l'Abbé Raynal. Ce „ mandement eft 1'Ouvrage du Synode de Liège, & „ non celui du Prince (r), qui eft trop vertueux, „ trop fage & trop éclairé, pour déshonorer la Re,» ligion par des Perfécutions auffi vives qu'elles font „ peu motivces. L'Auteur ayant. refufé de compa„ roïtre devant Ie Synode, alla fe jetter aux pieds du „ Fnnce qui le recut avec bonté; lui dit d'être tran„ quille, &^de compter fur fa proteétion. Le Synode „ furieux n'en a pas moins fait publier le mandement „ qu'il avoit projetté : mais il eit bon de favoir que „ les prmcipaux perfonnages de cette affemblée ont „ hautement défapprouvé cette démarche auffi ecta„ tante, & qu'elle ne doit être attribuce qu'a une Pré„ traille ignorante & fanatique , qui en forme le plus „ grand nombre ? Vraiment Prétraille ignorante & fanatique eft bien place la, pour fournir le texte d'un beau Sermon, farci de pafTages latins, & accompagnés de notes val cohérentes, a ÏEx-Jéfuite de Luxembourg, qui, tan- C,0 Av9C 'a permiflïon de notre confrère dn Rhin ceci ne paroit m vrai , ni vraifemblable : nartouc ce font les Evêqiies qui donnent les mandemens. Eit ce qu'a LUge le Synode feroit audenus de lEveque: d'un Evèque Prince Souverain; comme ea France le Concile eft au-deiliis du Pape ?  Correfpondance politique. 175 dis qu'un de fes confrères cnmpofe charitablement des libelle- a la Haye, lui, défend les maximes ultramontaines contre le Gouvernement dt Bruxelks, qui les proferit, & la vermine Monachale contre ! Lmpereur qui eft occupé a la dcfroquer. Celournaliite doué d'une vcrbofue foporihque, & chargé d'une érudition de col;ege, digne du XJV. fiècle, nou- donne tous les 15 jours , a co e dun fquélette politico-hiftorique , des hoffiénes tout-at ait touchantes, pleineS de citations des Pircs; cequi leroit fort bien fans doute dans une cbaire \ mais qui eft trés ridicule dans un Journal, qui devient une production roonftreufe, dès qu'on y allie le faeéavec le prophane, Je ne fais pas même fi eet alliage li contraire au bon goüt, ne motiveroit pas mieux les fqudres Eccléöaftiques, qu'dne pauvre Nympbe & Ion chantre ; ce queje laifie volontiersi décider aux óynodes, & aux Evêques, Princes ou non. Mais n'eft-il pas bien plaifani d'entenure le Nouvellifte amphibie de Luxembourg; appeller les ópeeRaclet une invention du Démon; les ComédUns des fatellites de Tenfer; & ?Emile de Jean-Jaques une produftion de Satan? Notre bon ami de Cleves, i qui probablemetit nous apprenons ces atiecdotes, auffl curieufes pour la fittérature , que celui qui les occafionne nuit a la Religion par fon fanatilme théologique , rira fans doute, en apprenant aulli , qu'en qualité de prophane & d%Athée, cotnme lont aux veux des Ex Jéfuites , tous ceux qui ont un peu de génie, eft un d >s premières reprouvés , que 1'hermaphrodite LuxembourgcoisvtM faireembvocher par Lucifer. Eft-ce pour le punir d'être du parti ö'Amfterdam , ou pnur confoler le Duc de Brunjzufck d'être perfécuté par un enfant de Jefus a la Haye é C'eft ce qu'il devroit bien nous apprendre. Le pauvre Bafenge & fa Nympbe enrouée, n'echapperont i'urement pas aux cenfures Jélüitiques dudifciple de Loyola, qui nous repait a chaque ordinaire, des fuperfétarions de Ia Scholaftique. Et on ht encore de pareils écrits, en 1781 ! Au refte pour conloler 1'embrion phtlofophique de liège du mauvais fuccès de fon début, nous lui prometrons que D fortune & fa réputation feront bientöt faites. Perfécmé par des prêtres ignorans & E 4  17^ Correjpondance politique. fanatïques; chéri par les philofophes fouvent auffi peu inltruitsöc plus intolérans encore; il fera accueilli dans les coteries littéraires, oü il ne peut manquer d'etrecomblé d'honneurs; & du public ,aux yeux Suquel U ferace-èbre, meme en dépit XAppollln & de Minerve. Combien de grands hommes ne compte t on pas aujourd hui, dont la célébricc n'a pas un fondement phis lohde qu'une pièce de vers plats ou irré- Réjlexions fur la Barrière. LA notification qui a été faite aux Etats-Génerauxdc la part de 1'Empereur , concernanc Ia demohtion des fortilications de plufieurs places tortes dans les Pays-Bas Autrichiens, faic beaucoup de fenfation & de bruit dans celui-ci' La collcctioq d'êtres étourdis & inconfiderés qu'on nomme public , penfe que notre puiffant voifin ne le ioucie plus d'entretenir avec nous, les liaiions quiontfubfiftócs filong-tcmps entre fes ancetres & notre République. On croic que 1'évacuacion de nos troupes, hors des Villes de Ja barrière, fuivra 1'cncan des ruines qui les encourent. On ne peut pas fans doute, empêcher le public de jafer tant qu'il veut, & de raifonner comme il peur. Mais il eft bien permis de le trouver un animal aveugle, & de blamer fon indifcrétion. Attcndons févènement, avant de nous livrer a oes réflexions, qu'il ne iuftifiera probablemcnt pas. Repofons-nous fur 1'équité d'un Monarque qui ie faitchérir par fes vertus, plus encore que redoutcr par fa puiffance; & fur la fageffe dc nos boaverains, qui fe montrcront toujours jalouxde ion eftime fe'dignesdc fon attachement. Tandis qu'ils font occupés d'arranger une afïaire toute lïmple, nous, fi nous voulons en  Correfpondance politique. 177 eaufer , nous en fommes bien les maitrcs, fans ! concredit; mais, parlons-en avec retenue, avec \ prudence, fans prévencion & fans parcialité, fans 1 '\ défiance comme fans allarmes. (1) Pour aider mes compacriotes a fixer leur opi1 nion fur eet objet, je vais leur mettre fous ies jj yeux ce qu'en difoit, il y a un an , l'auteur l d'un ouvrage remarquable , en annoncant la mort 1 de Vlmpératrice-Reine. J'accompagnerai fon texte I de quelques notes , qui me paroilfent néceffaires | pour 1'éclaircir ou le reórifier. 3 Extrait du Journal Politique, Civil & Littéraire, d rinftar des Annales de M. Linguet. Tom. I. N9. 1. pag.. 16 & fuiv. DE tous les propos qui fe font répandus depuis quelque temps dans le public, & qu'une cir' conftance douloureufe (la mort de l'Impératrice-Reine) vient de renouveller , le feul peut être qui ait quelque ombre de fondement, ell celui qui fuppofe des changemens dans 1'adminiftration économique : des valles Etats de la maifon cVAutrichc ( 1 ) Cet article compote & remis aux ouvriers , nous recevons 1 le N». 44 du Politiële Hollandois. Nous avons vu avec dmileur :] la manifere peu ménagée avec laquelle l'Auteur de cette Feuille i s'exprime fur la difculfion entamée enrre 1'Empereur & les Etats i Généraux Eft ce donc que cet Eerivain incendiaire , après avoir j foulBe la difcirde, & fonné le toclin de la rébellion au milieu de t nous , voudroit nous aigrir contre le Chef de 1'Empire , ou lui I fournir des fujets d'indifpofition contre nous ? Ell-ce a un indi1 vidu a apprécier avec emportement la démarche c'un potentac, i quand L. H P. qui en font 1'ob.iet , s'expriment avec tant de I civilité & de vcnération ? M. Cerijïer fi érudit , li verfé dans noi tre hiltoire, n a pas oublié fans doute qu'en 167; Louis XIV tic ! a la République la plus horribie guerre , pour fe venger d'une \ Midailk offénfante frappée dans notre fatyrique Pays. Jofeph 11 \ qui a carefl'é 1'Abbé Raynal , malgré les injures qu'il dit a fa Maifon , eft un Souverain trop éclairé , trop magnanime pour s'appercevoir de 1'indifcrétion d'un periodifte emportc , qui , accoütumé a une violence puniflable envers les principaux perfonnages de l'Etat, croit ne devoir ni menagemeut , ni égards a un Prince voifin. II ne s'appercevra pas fans doute d'une imprudente ceméiké , que la nation enciere défavoue.  178 Correfpondance politique. Parmi les objets qu'on fuppofe avoir befoin de réforme, & qu'on allure devoir en fubir une, on défigne l'arrangement politique entre \>Empereur tk la titltande, dans les Pays Bas Aatricbiens. Le traité de Barrière tombé, dit-on, depuis long temps en défilétilde par des inobfervations, de la part des Hollandois dans leur ref'us de ,é;ablir les fortifications confiées a la garde de leurs troupes, qui n'ont pas fu les défendre ( i ),• de la part de la maifon d'Autricfte dans celui de payer a la République le fubfide ftipulé pour la cónfetvation des fbrtereffes qu'el'e a laijfi décruire, fera révoqué ou regardc comme n'exiftant plus. Voila ce que débitent des gens qui prétendent connoïtre !es vues d'un Monarque qui ne 'es a pas encore manifeftces, & a qui fans doute, ils prêtent les leurs. Quelque chofe de plus sur que ces conjectures, c'eft qu'on ne voit pas un befoin preffant , ni même un befoin quelconoue de' rien changer a cet ancien ordre de chofes. Cette efpèce de jurifdiétion militaire combmée n'a pas d'inconvéniens fenfibles: la réforme n'auroit pas d'avantages réels. Elle ne feroit ni allarmanre pour la Hollande , ni utile a la maifon d''Aturiche. Les Hollandois, ce femble, n'ont pas lieu de la craindre, ni, a ce qu'il paroit, 1'Empereur de la defirer. II jouit de tous les revenus de fes domaines des Pays-Bas, & les troupes Hollandoifès gardent fes places les plus importantes. Elles y répandent 1'argent des Etais-Gónéraux, fans autre avantage pour la République, que le plaifir d'employer lés Soldata a furveiller des maconneries qui lui ont eoüté des milBöns , & qui lui font aujourd'hui auffi étrangeres, 'qta'inutiles. ( t ) N'ont pas fu les défendre.... qnellta laijfé détniire , font des expreffions qui ne font pas jnftes. Elles inlinuenr que c'eft ]a faute de nos troupes, li les Fortificacions ont été démolies , & les Fortereffes_ emportees, Ne feroit-ce pas bien autant celle des Troupes Autrichiennes , nu du moins leur nullité Durant toute la guerre, la Maifon u'Autriche, alors moins opulente qu'atijourd'hui, n'a jamais fourni fon contingent a 1'arméedes alliés. Peutêtte que fi elie 1'avoit fourni, on auroit mieux défendu fes plates de la Barrière.  Correfpondance politique. 179 Quand la Maifon de Bourbon , & Ia Maifon d'Auriche étoient ennemies dcclarées, les Pays - Bas fetrouyoient fouvent expofés a devenir le théatre de la guerre , a éprouver tous les malheurs qui Paccompagnent, & qui la fuivent. Mais a préfent qu'elles font réconciliées, par une alliance qui doit rendre leur réconciliation durable, & leur amitié éternelle; ces fertiles & heureufes Provinces n'ont plus a craindre d'êtreravagées, enfanglantées par les armes Fraucoifes. Lorfque Louis XIV. eut conquis la moitié des Provinca-Unies, & qu'il menacoit d'envahir Pautre , il étoit prudent aux Hollandois de mettre une digue a ce torrent impétueux, pour le contenir, ou du moins de ralentir la rapidité de fa marche, en jettant des obftacles dans fa route, pour donner le temps a la République de fe préparer contre fes débordemens. Elle fouhaita long-temps cet abri a fes Provinces, avant de 1'obtenir. Enfin. en 1713 (13) le Traité d't/irecbt lui affura, dans le territoire Autrichien , des barrières, qui mettoient fes propres frontières a couvert des invafions des Francois. Tournay, Tpres, Menin, Furnes, Namur, &c. recurent garnifon Hollandoife. L'Empereur n'en conferva pas moins la Souveraineté des dix Provinces de la Flandre Efpagnole , & le domaine utile des Villes de la barrière. Les Hollandois ne reriroient de cet arrangement, que la gloire d'ètre les confervateurs ou les gardiens des plus fortes places des Pays-Bas, & que le profit d'avoir, hors de leurs pays, un rempart qui les garantifl'oit en apparence, contre 1'ambition de Louis XIV, & de fes fuccelteurs. Selon le traité de barrière, ils devoient entretenir & même a ce qu'on prétend, conferver les fortifica- C13) Ce n'eft pas a Utrecht en 1713 , comme Ie dit M. de Voltaire , & comme le Périodifte le dit après lui, mais a Anvcrs en 171,5 que le traité de barrière a été conclu. Ce n'eft ni a 1'une ni a 1'autre de ces époques , que la Ville de Namur reguc pour la première fois garnifon Hollandoife : long-temps auparavanc nos troupes gardoient déja cette place.. Dés 1602 elles la défendirenc prelque feules contre Louis XIV. en perfonne. En j<*)5 le Roi Guilleaume & leur tète, la reprit aux Franqois comSijandés par M. de BeutJJlers.  jSo Correfpondance politique. tïons des Villes confiées k Ia garde de leurs troupes & avoir; conftamment dans ces places 12,000 homS de garndon moyennant un fubfide confidérable, que laMailon dAutriche s'étoït engagée de leur naver pour i entretièn des unes & des autres. ' Les chofes refterent fur ce pied la jufqu'a la fin de la guerre de la PragmaiiqueSauciion, que Ia France VEfi pagne,\* PruJ/c , hSaxeëc h Baviere ÜKtit en 1740& '«^neesfui^ la dépou.ller des Etats de 1'Empereur Charles VlTon Pere,dont prelque ces puj(ra anjmé ' partage de cettei nche proie, lui avoient garand la poireiTion mdiviGble (1). 8 ^iln/eU de te,mps toutes Ies P1aces de la barrière, defendues par les troupes corabinées de Hollande \ * Angleterre• & VAutr'uht, furent prifes,& leursfor! tincations démolies. Le peu de réfiftance qu'elles torent a Fontcnoy, a Tournay, a Tprcs f2) CJC. facilita la conqucte de la Flandre aux armées d^ LouisXV commandees par le Maréchal de Saxe. Quand on fit la paix en 1748 a Aix-la-Chapelle, on omit de renouveller les ftipulations du traité d't/trecht touchant la barrière. Les Francois en évacuérent les places, & les Hollandois y rentrerent. l ("O Quand on fonge que la politique eft toute autre chofe qu« la morale, on n'eft pas furpris de voir la conduite de toutes ce* Puiflances envers la Reine de Huiigrie; mais ce qui eft vraimenc lurprenant, c'eft que depuis Charles Quint la maifun d'Autric/ie art toujours été confidérée comme avide, peu fcrupuleufe ; tandis qu'elle n'a cefle de faire des facriBces, & n'aguéres ép'rouvé que de la perfidie. II y a bien d'autres préjugés auffi faux , auffi injuftes , dont elle eft 1'objet. Voyt\ le Journal , N9. VI oae 301 C Nott du texte. ) ' ' s* C2) Le peu de rcjijlance qu'tlles firent ü Fontenoy, tVc. Au rnoïn* celles des Anglois en rirent : plulieurs de nos régimens furent exrermines. Qu'on cite un peu un AutnMtn qui ait écé tué. II n«v en avoit point, ou Ie peu qu'il y en avoit ne virenc Ie feu qu» de loin. Pourquoi nous rendre refponfables des fuites d'une aclion dans laquelle rinfériorité des Alliés n'étoit pas plus notre faute que celle des Anglois") Pourquoi ne pas nous faire égaiement urt crime de ce que les Francois pour nous punir de notre Alliance avec Marie - Thérefe, vinrent, après avoir franchi la Bairiere, abymé ou pris notre armée dans nombre de fiéges & de batailles , oti il n'y avoit point c\s troupes Autricluennes, nous prendre'l'£clufe, Btrg-op-Zoomk Maeftricht ?  Correfpondance politique. iSj Toutes, a 1'exception de Namur & de fon ChüteaU étoient démantibulées (i). La Citadelle de Tournay avoit fauté durant le lïege, par la négligence, ou peut être mêrne, par la trahifon d'un de fes défenfeurs. Les forti fications de Menin , un des chef-d'reudu Marcchal de Vauban, au jugement des gens de 1'art, détruites de fond en comble, n'offroient plus , dans une place trés forte auparavant, qu'une Ville ou*verte de toutes parrs f». II en étoit a- peu -prés de même a Tpres, a Fdrnes &c. II s'agiffoit de favoir qui répareroit tant de ruines, ce qu'on avoit négligé de ftipuler dans le traité de paix, & ce qui niontre bien que les redacteurs des conventions tendantes a affurer le repos des Empires & la tranquillité des peuples, ne font pas toujours les gens du monde les plus attentifs & les plus exacts. 11 ferable pourtant que ce devoir regardoit ceux qui n'avoit pas fu, ou pu les prévenir: puifque la République avoit vivement follicité un rempart qu'on lui avoit accordé, c'étoit a elle, a ce qu'il paroït, d'après les notions communes dc 1'équité, a le conferver, ou tout au moins , a le rctablir, dès que fes troupes avoient été trop foibles pour le protéger. Ce qui prouve combien la guerre eft un ftéau defrruóteur , c'eft que la réparation des dommages caufés en trois ou quatre ans, dans les feules places de la barrière , fans y comprendre Namur, la plus importante , a été évaluée a. douze millions de florins de Hollande, par les Hollandois eux-mêmes, les hommes les plus économes de la terre, en ce genre comme en beaucoup d'autres. En France, le devis de tous ces ouvrages a reconftruire, auroit monté peut- (1) L'Auteur veut dire fans doute, démantelccs; ou bien eftce une faute d'impreffion ? ( 2~) Mais a qui, s*i) vous plait , faut-ü s en prendre de cette deftruAion complette* A la Frame , fans contredit. Craignant qu'j B mix elle ne fut encore obligée de rendre Menin fortitïé . comme Louis XIV avoit eu la mortification de fe voir enlevcr en 170Ö cette Ville autour de laquelle il avoit tant dépenfe d'argent, & déplové les' ralens de fon célebre Ingénieur, rival de notre grand Cohorn ■ les Franqois prirenc le parti d en faire fauter toutes les ftirtifica'tions , pendant qu'elle étoit Tous leur Puillance. Qu'a de commun leur politique défiante on jaloufe, avec notre Répubique toujoür» dupe de fa bonne foi ?  i$2 Correfpondance politique. être a 60 millions de livres Tournoh. C'en eft affuré. ment plus qu'il n'en faut pour batir des maifons folides & commodes a ,deux cents mille families privées d'habitation. Une guerre un peu aclive détruit plus dans une feule campagne, que les malheureux habitans des contrées qui lui fervent de théatre, ne fauroient produire en dix ans. Ainfi les folies d'e la politique, les fureurs de 1'ambition, fineptie ou les tracafferies des Miniftres, qui rendent néceflaire ce jeu cruel & abominable, font quelquefois en peu de temps plus de mal a l'humamté, que les individus qui la compofent, ne peuvent lui faire de bien en un fiècle. Dou ze millions de florins a dépenfer en briques, en mortier, en gazon , pour gater du terrein, dont les pauvres auroient befoin pour cultiver leur fub'fifta nee (1), paturent une fomme effrayante au Sénat calculateur de la Hollande. 11 prétendit ne s'être pas engagé a conferver les baftions confiés a la garde de fes régimens g mais fimplement a les défendre contre les armées de la France, fans être refponlable desbrêches que les boulets, les bombes, les mines de Pennemi pouvoient y faire. II craignit qu'une fomme fi con fidérable , fondue en maconnerjes miütair'es , ne Vanéantit encére au bout de quelques années , par les mêmes cg/üfes, avec auffi peu de gloire, & autant de défaltres. On négligea donc de réparer les fortifications des places dont la République étoit dépofitaire: on a laifi'é ces Villes dans 1'état de délabrement oü elles étoient a la paix. Infenfiblement les garnifons ont cté diminuées; & de 12,000 hommes qu'elles étoient en vertu du traité cVUtrecht, elles font réduites a 4 ou 5000, tout au plus. Lcvénement aprouvé combienles calculsdela politique font fouvent infuffifans & trompeurs, & comment trop de prévoyance eft quelquefois funefte aux combinailbns de l'iötérêt. Depuis 1743 •> ,a Maifon (i~)Jöfeph II auroit-il lu par hazard , le Journal Politique, Civil ii Litteraire oii fe trouve conlignée 1'idée du plan que le Monarque va faire exécuter en partie dans les Pays-Ras; Je dis en partie; car c'eft aux riches, qui peuvent s'en palier , qu'on vendra les décombres & remplacement des Fortifications, & non pas aux Pauvres, qui en auroient befoin , qu'on les donnera.  Correjpondance politique. 183 tfAutricle a difcontintié le paiement d'un fubfide an nuel de 1250 mille florins , par la raifon toute fimple, que les Hollandois n'accompliffant plus la condition qui le motivoit, elle n'étoit pas obligée de le payer (I) • Le, refte l'ordinaire prochain. CO Avec la permiffion du Journalifle , s'il a exifté des intervalles durant lefquels on aic vu de la pare de la Repubiique , des inobfervations aux'fhpulations du traité de barrière, ce n'ell certainemenr pas elle qui en a donné 1'exernple. Eile en accompliffóic a la lettre toutes les condkions en 1743 , lors de la ful'penlion. du payemenc du fublide. Elles les accompüt bien au dela les campagnes fuivautes , & ce n'ell que plufieurs années apres la paix , lorfque le refus de l'autre partie intéreflée d'accomplir une claufe importante du traité, 1'autorilbit ay déroger , qu'elley dérogea en eftet. N'etoit-il pas naturel que ne tiranc plus un foi ue la fomme ftipulée & affignee fur diftcrens comptoirs , elle fe difpensat d'entretenir les fortifications , & le nombre de troupes convenu ? Au refte, ce n'eft que dans les Villes barrières, ruinées par les Francois , qu'elle s'eft permife une dérogaupn molivèe ; cara Namur, par exemple, elle a conftammenr entrecenu les anciens ouvrages , en a faic conltruire de nouveaux a fes fïaix ; & quant a la garnifon, nos troupes y ont toujours e;é jufqu'a I ces detniers temps , dans la proporcion de 13,000 bommes.  1^4 Correfpondance politique. " - ' 1 1 AVIS DE L'EDITEUR DE CET OUVRAGE. QtOus un titre en apparence circonfcrit, cette Feuille »3 hebdomadaire emb'raffe les objets les plus ejfentiels dans les circonflances aStuelles de /'Europe ei? de /'Amérique. Cet Ouvrage fe continue avec beaucoup cle régularité. II en paroü un NQ. par femainc avec autant d,e\actitude que le per met la diftance des lieux oü il parvient. ttfuftit d un coup d'oeil pour s,ajfurer qu'on ne laifle échapper aucunc des matieres inlerefantes, fur lefquelles le public peut defirer les obfervations des Ecrivains périodiftes qui font eu état d'en faire de folidesi II n'eft dunc pas vrai, comme quelques perfonnes mal inftruites ou mal intentionnées voudroient le perfuader, que ces FèUilles foient un Ecrit polémique, uniqüemcni coufacré d ia difcujfiun de la querelle élevée en Hollande entre le parti de la Ville ^'Amfterdam 6? le parti de la Cour. Ceft un Ouvrage confacré d la verité, dans lequel fmt confignés les principaüx événement dufiicle, avec des réflexions impartiales. On doit également raflurer les amateurs de ce genre de littérature , contre la crainte que des envieux obfeurt ou i/icptcs eflaient de leur infpirer fur la durée de cette nouvelle Feuille périodique qui fera pourfuivie réguliérement & avec perfévérance, Perfuadés qu'au milieu de la foule dc Journaux & d'autres Écrits fous différentes dénominations qui aftomen t le public, il manque encore un Ouvrage du genre de celui-ci ; fes auteurs ont pris avec les principales perfonnes chargécs de fa diflribution, des arrangement pour le cmtinuer. 11 ne fera interrompu que par des accidens qu il n'eft pas poffible de prévenir, ni même de prévoir. Les Soujcripteurs acluels peuvent donc être tranquilles, & ceux qui voudront le devenir, avoir de la confiance. On peut s^abonner en tous temps, dans tous les Bureaux des Poftes de /'Europe, de même que chez les principaüx Libraires, dans les Villes oü les Directeurs des Poftes tie diftribuent point cette Feuille. Le prix de la foufcription eft de, to florins argent de Hollande pour l'année complet te , compofée de 52 Nros. non compris les Supplémens quon donne, lorfque l'abon" dance ou Pimportance de matieres l'ixigent.  Correfpondance politique. i$g CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires préfèntes de ld Hollande* SUITE des Réflexions fur la Barrière, Drpuïs la paix cV/lix-laChapclle, il n'y a plus eu de bataillës, ni de fièges cn Flandres. Les fortereüés qu'il auroit fallu réédifier; les baftions qui auroient dü etre reparés, fubfifteroient encore aujourd'hui en entier, & dans toute leur vigueur. Dufant 38 ans, la Hollande auroit continué de jouir de 1250 mille florins par année, ce qui 1'auroit dedommagée au triple de fes avances primitives ; au lieu qu'il Ce trouve que la République a perdu , ou (1) négligé C O On voit Wén qne 1'ficrivain public n'a pas affifté aux conférences du long & inucile Congrès tenu a Bnixelks & a Anvers pendant pres de trois ans , pour remettre en vigueur le traicé de barrière, dont il n'avoit pas été faic mention dans 1'ArcicltIII de celui ó'A'ix la Chapélk. S'il y avoic été préfent il fauroïe que pour balancer ; i«. les 33 millions de florins de Hollande que la République avoit prêtcs a la Maifon d' Autrkhe duranc la guerre de 1'ucceJJi'in ; fomme avouée dans' le traité dé barrière : se, lét arér?gés du fubfile de 1250 mille florins annuels depuis 1743: j». une partie des fraix de la ruineufe & fanglante guerre de la Pragmatique , que la République fupporta pour Mark-Thérefe, dans i'impuiflance de fournir fon contingent en hommes & en argent a 1'armée combinée des alliés ; 40. enfin les intéréts accumulés de ces diverlés fommes; il f?uroit, dis je i que pour compenfer une dette qui monteroic aujourd'hui a plus de rso niilllóns de florins de ITuüande, les cc mmiflaires de la Maifon «' Antrlche oppoferenr aux nOtres ah compte d'Apothlcaire, dans lequel ils nous mettoienc fur le dos les dépredations de toute efpèce commifis par les. Francais durant leur féjour dans des Provinces , que nous r.'avions pas pu préferver de leur invafion & de leurs rapines , paree que le propriétaire r.'avoit pat pu ou ioulu noüs aider a les détendre. S'il y avoit eu a Tonienoy des troupes Autrkhknnes dans la proporüon de trois cinquicmes , comme cel? efl fiipulé par Je traité A'Anve^s ; peut êcre que le Puc de Cumberldnd n'auroit pas hazardé la bataiile par d'épic , ou auroit remporcé la viétoire par le fecours de fes alliés ; tk alors on n'auroit pu itous porter en compte les fuites de 1'impuiffance ou des fautes qui nous font étrangeret. Tom. 1. 12. M  186 Correjpondance politique. de gagner trois ou quatre fois fon capital, précifement pour avoir répugné a i'expofer une. Mais les chofes ctant fans inconvëniens dans cet état, il ne paroit pas qu'il fut ni néceffaire pour elle, ni utile pour 1'Empereur de les changer. Puifque les Hollandois tiennent par habitude,ou par 1'efpérance, a des villes qu'ils ont fi long-temps vivifiées , & quelquefois déténdues, c'eft une preuve que cette difpolition n'eft pas incompatible avec leurs vues d'économieg & qu'ils n'ont pas d'éloignement a veiller a la fécurité des Pays Bas, dont le propriétaire fortuné percoit paifiblement le revenu. S'il étoit permis a un fpéculateur impartial & défintérefl'é, de hafarder fon opinion fur de fi grands intéréts, j'oferois dire que la faine politique , en ce moment, femble invite.- a reflérrer entre la République & fon ancien allié, des nceuds peut-être trop affoiblis, bien loin qu'il foit de leur avantage refpectif de les diffoudre D'un cöté 1'amitié fincere des Hollandois ne peut pas être indifférente a 1'Empereur, aprés avoir étéfilo g-temps utiles a fes Ancêtres. De Pautre , les Mailbns lYAutriche & de Bourbon, alliées par le fang, devenues amies pour leur bonheur réciproque, font également intéreifées a la confervation de la République. Ne feroit-ce pas dans un attachement folide a ces deux grandes & formidables Puifl'ances , que les Provinces-IJnies trouveroient leur falut, & des protecteurs contre les ennemis de leur profpérité? Je ne. fais quelle coufiance il eft permis d'avoir dans ces idéés; mais il me paroït qu'elles méritent d'être méditées. J'aurai peut être quelque jour occalion de les développer. En attendant on peut remarquer que le fyftême politique de YEurope, eft totalement changé, par la réunion des Maifons d' Autriche & de Bourbon. Ce n'eft plus entre la France & 1'Empereur qu'exifte cette grande rivalité établie par Charles-Ojiintlk Francois Premier, & qui a tant de 'fois enfangla'nté cette parrie du monde; ces deux Puifl'ances réunies ont rendu nulles toutes les mefures prifes pendant deux fiècles, pour affurer & maintenir Véyuilibre, auquelon a facrifié tant de viétimes : ce n'eft plus le Continent qui eft, ni qui fera a 1'avenir le théatre des guerres un peu férieufes: c'eft la mer. C'eft fur cet élément mobile, que lédévelopperontdéformais  Correfpondance politique. 187 fcsplus'grands efifortsdeladeftruction: ce n'eft plus pour le point d'honneur, pour de vaines prétentions d'Ambafiadeurs, pour faire des conquêtes, qu'on fe battra ; c'eft pour le commerce, pour la liberté de la navigation , pour piller les négocians. Or, ces diffcrences entre la politique aétuetle & celle du fiècle dernier, doit établir d'autres rapports entre les Puiffances, & amener d'autres liaifons. Au refte, pour en revenir aux barrières, dont la confervation ou 1'anéantilfement influeront peut-être plus qu'on ne penfe fur la deftinée dela Hollande, & même fur la tranquillité de XEurope; fi des confidérations que nous autres cirpns politiques, admirateurs refpectueux des Dieux de la terre, ne fommes pasa portee de pénétrer, ni d'apprécier, mettoient les Provinces-Unies dans le cas de retirer leurs garnifons des places /Jutrichiennes, on peut bien affurer qu'il en réfulteroit momentanément un préjudice réel pour leurs habitans. L'argent , cette Divinité politique, que les Hollandois répandent dans le fein des Villes confiées a la garde de leurs troupes , iroit circuler dans les places frontières de la République :& le peuple des Cités Belgiques, fi longtemps vivifiées par les bataillons Bataves, privé de cet efficacemoyen de fubfiftance , ne pourroit manquerde fouffrir d'une privation qui fefait plusvivement fentir par toute YEurope, a mefure que les fpéculations avides & infenfées de cette partie du monde, multiplient d'une manière auffi inconlïdérée que funefte, cette richeffe imaginaire , qu'on croit trouver dans 1'abondance des métaux, plus nuifibles encore qu'ils ne font précieux.. .** Lettre. A ï'Editcür de la Correfpondance Politique. JE viens de lire, Monfieur, le N°. 10 de votre Correfpondance, qui fait de jour cn jour plus de _ fenfation dans le public. Je vous remercie de tout mon cceur des bonnes étrivieres que vous avez don- M 2  i88 Correfpondance flitiqut. nées a 1'iguorant Gazetier de Cologne, qui perfévere a fe rendre odieux & ridicule. Je ne fais fi vous aurez fait attention au Courier du BasRbin, des 8 & ia de ce moi?. II y a dans ces deux N»»- une piècè cuneuie, oü le fanatique folliculaire de Cologne eft peint d'après nature. C'eft un portait de jefutu. A propos de Jijuite, nous avons ici un homme qui en porton autrefois l'habit,& qui eft devenu un perionnage recommandable, en lè faifant Hbellifte & colporteur de Ubelles.... Alte-la; il y a encore des Ex-Jéfuitcs qui ont les bras longs. II ne faut pas les provoquer. lis lont auffi implacables dans leurs vengeances qu'habiles dans leurs ifitfiguès. Je tremble quils ne vous faffèrit des' affaires'facheufes. Vous les menagez fi peu , & ils font fi vindicatifs l Ne nous parlerez vous donc plus, Monfieur du tranchant & fophiftique Ceri/icr'! v & moi étions, faufrefpeét, Empereürs, n'en ferions nous pas autant? Adieu, Monfieur, ppurfuivez votre carrière avec perlevérance cc avec courage. Ne vous iaiffez ni rebuter par les tracafferies, ni intimider par la crainte. Faites moi la gtace de me croire avec toute Peftime poffible, &c. La Ilaye le 24 Décembre 1781. R É P O N S K IL me femble, Monfieur, que j'ai prévenu dans le N^. précédent, vos delirs fans les connoïtre, puifqu'il roule fur les mêmes objets que le dixieme, & que j'ai taché de les traiter avec autant de modération t£ la même retentie. Si vous aimez fi paflionnément lts coups d'étrivières appliqués fur les cpaules des Gazetiers imbcciles 011 fanatiques, vous devez être fatisfait du Ne. 11 dans lequel les Journaliftes de Liège & de Luxembourg n'ont pas a fe plaindre d'avoir été épargnés. Je fouhaite que cette petiteflagellation vous amufe & les corrige. Quant a la plante exotique venue tf/lfie en Europe fous les aufpices de Luculhis, c'eft bien 1'intention de mes correfpondans d'en reparler encore une fois ou deux au public. En attendant les matériaux qu'ils me préparent a fon fujet, j'ai cru devoir m'élever dans le N°. précédent, contre 1'imprudence avec laquelle il s'eft permis d'apprécier 1'Empereur & fa conduite, dans le N°. 44 de fon Politique Anti-Hollandois. M. Cerifier au refte , eft bien le maitre de juger les Potentats avec rigueur, & de cenfurer leurs démarches ayec amertume. Etranger au milieu de nous; y plaidant la caufe de 1'étranger, il eft fort libre de fe livrer a des exces de témérké que la nation défavoue. Pour moi , quand je parlerai des Souverains, ce fera avec refpect, & de leurs actiuns avec rélerve. Je doute que 1'Émpereur, diftingué comme plulieurs de fes camarades couronnés d'aujourd'hui du vulgaire des Rois, fe foucie beaucoup de mon opinion. Pas M 3  190 Correjpondance politique. moins pénctré de vénération pour les qualités éclatantes de S. M. Imp., je ne laifferai echappèr aucurie occafion de leur rendre hommage, & perfuadé que fa politique eft équitable, je ne la foumettrai a des réflexions qu'avec les égards que méritent les têtes couronnées , & la juftice qu'on doit a tout le monde. J'avoue, Monfieur, que ce font des fujets bieii délicats, que ceux oü il s'agit des perfonnages de ce caübre; furtout lorfqu'on veut en parler avec impartialhé , fans audace comme fans flatterie. L'éloignement oü fe trouve d'eux un Eerivain public, ne lui permet guère de connoïtre leur goüt. 11 ne fait ni quelie matière, ni quel ton peut leur plaire ou les facher. II marche donc a taton, rifquant d'être puni s'il offenfe, & tout au plus de refter ignoré s'il n'offenfe pas. Son embarras augmente s'il réflêchit a ce qui arrivé dans ce monde. Par exemple, quand on penfe que PAbbc Raynal, qui a maltraité la Maifon i?Autriche\ dit des duretés a Louis XVI, a pourtant été choyé a Spa, par le Prince Henry & Jofepb II: que Liriguet qui a ménagé tous les Souverains; défendu les droits ou les prétentions de 1'Empereur; exalté la France & fon Roi, pourrit néanmoins depuis quinze mois dans un cachot , fans même qu'on fache pourquoi: en vérité on feroit tenté de ne plus écrire, ou du moins de ne plus parler de perfonne qu'en ftile du Journalifte Liegeois, ou du Gazetier de Cologne. Je le répete, Monfieur, je ne crois pas que 1'Empereur s'embarraffe ni de mes obfervations, ni de celles d'aucun Eerivain public. Ce Prince eft trop occupé de la pratique du grand art de regner, pour avoir le temps d'en étudierla théorie dans des livres ou dans des feuilles périodiques, oü elle ne fe trouve guère. Je gagerois que Jofepb II ne connoit pas plus VIlifloire pbtlofophique oü il eft infulté, que la ontinuation des Annales fous un autre titre,011 il eft célcbré. Comment voudriez • vous qu'il s'amusat a lire mes feuilles, oü celles de mon confrère Cerifier'l Ce Monarque n'a pas befoin d'apologifte, 6c s'il lui en falloit, trente mille canons, trois cents mille bayonnettes en feroient de bien plus éloquens qu'un pauvre Editeur dont il n?entendra jamais parler. Cela ieul obligeroit a être circonfpect.  'Correfpondance politique. lol Au refte , de quel droit fe permettroit-on de eenfurer fa conduite ? N'eft il pas le maitre de faire chez lui les arrangemens qui lui conviennent 4 Qui a dit a M. Cerifier que S. M. I. en ordonnant la vente des fonifications qu'elle ne trouve plus neceflaires, avoit 1'intention d'annuler ou d'enfreindre le traite de barrière'! Et fuppoi'é qu'elle fe propole de dilpenfer nos troupes de garder ces places, cc de les faire occtiper par les üennes, cette diipoimon ne peut-elle pas s'eftectuer a la fatisfaétion de nos Souverains, & de 1'augufte Chef de TEmpire ? Sans doute ce déménagement , sil a lieu , lera nuifible a beaucoup d'individus, & peut être funefte a plufieurs. Cinquante families de nos compatnotes , dom la fubliftance ou le bien-être dépen ient du pofte qu'el'es occupent dans les Vütes'Barrières ,en leront privéjs en perdant leur place. Mais 1 Empereur n eftil pas trop équitable & alfez riche pour les dedommager d'un facrifice confommé par fa volonte i Attendons la décifion de cette affaire ayant d'en porter un jugement. Alors fi nous fommes lézés, fans doute il nous fera permis de nous plaindre.. . Üuant a 1'incertitude que la rérolutiop de b. M I. peut ietter momentanément dans le fyfteme poutique de L H. P. c'eft a ces auguftes Souverains, pleins de fageffe & de droiture, a s'en expliquer avec leur grand & illuftre confrère; & non pas a un Eerivain tranfplanté des bords de la Dromt fur les rives de \Am/iel, qu'il appartient de reprcfenter cette demarche comme une infraftion odieufe des trares , ou comme Poubli de toute bienféance ; & 1'Empereur lui même comme payant d'ingratitude les obligations qü'ü nous a, ou préparant a la République, a la place de la reconnoiffance qui lui doit, des humiliations & des outrages. Oui, fans doute, les Barrières nous appart.ennent en ver u des traités les plus folemneh d les plus facrés. Traités qui ne font point révoqués; tranes que nous n'avons jamais enfreint. Nous avons acheté au prix de rommes immenfes & de fieuves de fang, répandus pour T?ervictmême dela Maifon dAutriche, ces retrparts oulou s inutiles, fouvent funeftes, qui ont ferv. a diJS les foudre de la guerre contre notre pays bien plus qu'a les en écarter. Mais^ui a dit a M.  19* Correfpondance politique > Cerifier que S. M. I. vouloit nous priver de cett» dangereuk reiïburce, fi elle nous eft encore néceflaire, ou nous 1'enlever ("ans indemnité ou fans compenlation ,s'il ne trouve plus a propos de nous la laifler i beroit-jl plys de la dignité que de la juftice d'un auüi grand Monarque , d'en expulfer fans facon de Uncères cc fidèles alliés, a qui il eft redevable d'une partfe de fa grandeur? La connoiflance du caractere m°n rA£r Pnncipes politiques de Jofepb II, mus rallure luihfamment contre les taches qu'imprimeroit a la gloire, & les atteintes que porteroit a la foi des convemions, le but que le Politique Hollandois lui prete de chercher a nous humilier, ou de s'acquitter envers nous par des affronts. Jufqu'ici il n'eft queftion que de la fémolition & ce qui senfmt, de maconneries militaires , dont M. Cerifier lui même reconnoit 1'inutilité & le danger. Ces expreffions ada vérité font auffi obfeures que la lorme ou le ftyle du mémoire qui les renferme font peu arfables & peu polis. Mais pourquoi , encore une tJ1S) s'obftmer a mettre fur le compte d'un nince qui joint aux vertus les plus brillantes , Ia politelie la plus aimible , Finadvertance ou le manque de lavoir vivre d'un fecrétaire ,qui a mal expiimé les penlées de fon Maitre, dans un idióme qu'il n entend peutetre pas mieux qu'il ne faut? Eft-ce que les Grands ne lont pas déja afTez a plaindre de toutes les onnes que les Gazetiers leur font dire ou faire, fans les rendre encore refponfables de toutes celles que Ion commet en leur nom, ou avec leur attaché? La réponfe des Etats Généraux a la note communicative du Gouvernement de Eruxelles eft aflurément plus affecrueufe, moins équivoque, plus remplie de marqués de confidération. On n'y trouve pas de rcticences volontaires ou d'entortillage apprêté. Mais dans tous ies pays du monde , n'eft-ce pas J'ufage que les Grands aient de la morgue & les petits de 1'humilité? Unie les uns sexpriment comme les Jefuites, avec des releryations mentales ; & les autres comme le Barbouilleur de Liege, ex abundantia cordisï D'après les repréfentations refpectueufes & empreilees de L. H. R la Cour de Eruxelles a daigné leur accorder des éclairci'l'emens. Cette réponfe eft aulfi kien tournée & prefque auffi claire que le texte  Correfpondance politique. 193 quel elle fert de commentaire. 11 femble que le Gouvemement Autrkbkn ait eu peur de s'écorchei la bouche, en réciproquant aux Chefs des Provinces links leurs e>.preffions civiles & cordiales. II feroit fort étonnant qu'on eüt plus de politeü'e & d'affabilité dans un Village de Hollande, que dans le Paris du Brabant. Et ce qui s'enfuit n'eft encore ni expliqué, ni plus intelligibie» dans ce mémoire que dans le précédent. 11 faut toujours que le public & les Etats GénCraux devinent ce que veutdire cette formule incónnüe jufqu'ici dans 1'argot de la diplomatie. Ce qu'on apper■coit le mieux dans cet augufte galiraatbias , c'eft qu'il n'y a aucune place de la domination de S. M. 1. oü fe trouve garnifon Hollandoifè,exceptée dela de'molition 6? ce qui s'enfuit. J'ignore s'il eft plus permis a moi de critiquer les productions des Chanceleries, qu'a mon confrère Cerifier de cenfurer les actions des Souverains & le ton de leurs Miniftres. Mais je ferois tenté de dire un petit mot du ftile de celle-ci. J'en demande humblement pardon a LL. AA. RR. les Gouverneurs-Généraux des Pays-Bas. Mais, en vérité, le Secrétaire qu'elles employent ne fait pas bien le francois. II eft permis de 1'ignorer fans doute : mais quand on 1'ignore, il ne faut pas s'en fervir,- a moins qu'on ne prétende que les hommes diplomatiques ont comme les Académiciens de Paris, le privilege de ï'eftropier impunément. Cette phrafe, aucune place exceptée de la démoliiion & ce qui s'enfuit, liée comme elle 1'eft a la préecdente, eft un Belgifjifme ou plutöt un Barbarifme intolérable. Elle n'a ni fens ni raifon. De la fignifie a cette place, que les Villes de la domination de S. M. I. oü fe trouve garnifon flollandoife, appartienne.it a la démoliiion & ce qui s'enfuit, ce qui feroit abfurde. 11 falloit mettre pour au lieu de ld: encore cet alembicage n'auroit il pas été trop bon. Uuhivtrfalité de ces termes déja exprimée, eft une autre enfigourie oü je délie bien le plus hardi maffacreur de grammaire de rien comprendre. C'eft \'univerfalité des termes qui exprime, & non pas qui eft exprimée. Des terrnes généraux & non pas univerfels, expriment des idéés vagues ou obfeures. Mais leur  T94 Correfpondance politique. généralité & non pas leur univerfalité, eft Yexpreffion ia>id on vent noytr fon chien, on dit qiéil eft enragé. T Amais cet adage trivial n'eut une application plus I yraie que dans le cas dontil s'agit. Le plan avant «' ete forme de fedéfaire, a quelque prix que ce iüt d'un illuftre& ancien ferviteur de l'Etat, il n'eftforte de moyens qu'on n'ait employé pour parvenir ace but. Ses ennemis ont mis tout en ceuVre pour le perdre ; & s'ils n y ont pas rëuffi, ce n'eft furementpas leurfaute, La paflion la haine, la vengeance & Pemportement, font inleparables de 1'efpfit de parti, quand une fois il eft echauffe jufqu'a un certain dégré. Alors il ne garde plus ni rnefures, ni bienféance. II fait arme de tout contre 1'objet qu'il veut facrifier. Dans fon aveuelement, il employé pour 1'attaque, précifement celles qui font deftinees a la défenfe. Auffi iniufte qu'inconfequent, il n'a ni pudeur ni remords. II eft également abfurde dans fes imputations, & furieux dans fes poudmtes. Un Frifon, ou du moins, un homme qui en a nrs le nom, nous a donné une preuve de cet excès de démence & de fureur tout enfemble, dans une Lettre Holandoife datée de Leuwarde. C'eft un tiffii d importures & de calomnies entallées fans choix & fans goüt, auffi révoltant pour le ftile, que par Pim- JLome l. JM9. 13. N  20» Correjpondance politique. pudence avec laquelle il accumule fur la tête d'un Prince dévoué a la haine publique, des torts chimériques cc des crimes imaginaires. Cet amas informe de fulies & de perverfité, n'eft digne fans duiite que d'un fouverain mépris 11 ne mériteiuit pas qu'on y fit attention, fi un Eerivain virulent n'avoit pris la peine de le tirer de fon obfeurité , dans le but honnête de rendre odieux un perfonnage vénérable. En habillant en Frangois cette diatribe grolliere, M. Cerifier s'eft propo.é d'accréditer dans Pefprit des citoyens & des étrangers, les menlönges audacieux dont elle eft remplie. Il ne 1'a conlignée dans les feuilles que pour faire circuler parmi le public, la prévention contre le Duc; pour donner plus de 1blemniré aux griefs dont on 1 accable; pour le noircir aux yeux du peuple, & le flétrir a ceux de la portérité, oü il fe flatte fans doute, que fes écrits parviendront. Ce but dans la traduction & la publication d'un libelle auffi extravagant que coupable, juftirie de relte la peine que n us allons prendre de lui oppoler une réfutation. Puifqu'on n'a pas eu honte de multiplier dans Pidiöme Francois, des impertinences également dégoutantes & criminelles; pourquoi craindrions-nous de les dévouer a rindignation des lecteurs, a qui peut-être elles ont fait illufion, cc en ont impofé? Pour mieux les mettre a portée de les apprécier, nous rapporterons littéralement le texte du Politique Hollandois , cc nous y répondrons, article par article. Cette méthode eft plus fimple, plus conforme au ftile polénfque, & foulage Pattention du leéteur, en même temps qu'elle Paide plus fürement a diltinguer la vérité du menfonge. M. Cerifier, après avoir bataillé contre des fantomes en faveur de la liberté de la Prefe, qui tbrme un des plus beaux privilèges de rhumanité; qui eft un des droits les plus précieux des citoyens; & que nos Souverains veulent, non pas nous enlever, mais reftreindre, pour prévenir 1'abus que des fujets licencieux en font, cite en preuve du courage a détèndre cette piérogative imftimable, 1'audace d'un homme ténébreux, qui profite des facilités qu'elle affure, pour outrager un citoyen refpeftable. Parmi les vrais Républicains, dit il, qui conviennent de mes principes»  Correfpondance politique. 203 ce n'eft pas un des moins zélés, qui efl F auteur de la ' Lettre d'un Mr. de Leuwarde au Duc de Brunfwick... Nous avons ju gé devoir la traduit e ,pour montrer commeni on penfe dans ce Pays & comment on s'exprime dans la langue nationale.... Je vais , moi, la rét'uter , pour montrer comment M. Cerifier penfe a Amfterdam , & comment il s'exprime dans 1'idióme Francais. Serenissime Prince. II eft temps, & plus que temps, qu'on vous apprentie d ■connoïtre ce que c efl qu'une Nation maltraitée. tl eft encore des Beiges libres, qui ne comptant pour rien leur fang c? leur vie, ne doivent pas craindre votre Alteffe. 11 efi un grand nombre de Bourgeois qui font préts d facrifter leurs vies & leurs Hens pour leur Patrie & pour la Maifon d'Orange. II eft temps & plus que temps, M. le Frifon, ou fi vous aimez mieux, M.le Maitre d'école A'Amfterdam, qu'on vous demande qui a maltraité la Nation? Sans doute, il eft encore des Beiges libres, qui ne comptent pour rien leur fang & leur vie: mais qu'a de commun leur patriotifme & leur bravoure avec le Duc de Brunfivickl Son Alteffe a-t-elle peur qu'il y ait de femblables patriotes dans le pays? Eft-ce qu'elle redoute leur dévouement a la patrie? Eft-ce bien une preuve de leur difpofition a fe facrifier pour cette mere commune , & pour la Maifon cVOrange, qui s'honore d'en être le premier enfant, que de fe facher contre un Seigneur , qui fait gloire d'être le ferviteur de 1'une & 1'ami de 1'autre? Si la Nation eft maltraitée, c'eft par les Anglois : le Duc les a t-il invités a lui faire des infultes ? Que ne mettez-votis aulli fur fon compte les humiliations que d'autres Puiffances nous préparent, paree que nous ne fommes pas armés de maniere a leur en impofer ; & qui vont nous dire, qu'en buvant au defibus d'elles , nous troublons leur eau, paree qu'elles font plus fortes que nous? La République eft fur le point de fa chute; tous nos con citoyens doivent donc favoir que ce n'eft ni fur les Membres de la Régence, ni fur notre cher Stadhouder , mais fur vous qu'il en faut rejetter le bldme. 11 n'eft pas d'homme éclairé qui ne voie que fi notre patience extréme ne finit pas, vous aures bitntOt caufé la ruint enticre de la République. N 3  204 Correjpondance politique. Oui, Monfieur, la République eft dans une iltuation facheufe : je le penfe comme vous, & en génfis peut être plus lïncèrement. Mais je ne vois pas auffi clairernent que vous, qu'il faille rejetter fur le Duc la caufe des circonftances embarraffantes oü nous trouvons, & de la peiipective allarmante que nous avons devant les yeux. Vous auriez bien dü nous apprendre comment & pourquoi ce n'eft ni aux Régens ni au Stadhouder, mais au Feld-Maréchal qu'il faut attribuer nos malheurs. Celui-ci eft-il revêtu d'un pouvoir capable de produire feul le bien, ou d'empêcher celui que ceux la ve.dent faire? Sa puiffance eftelle affez grande pour prévenir les maux qui excitent vos plaintes, ou fon influence affez fatale pour les . caufer, quand des mains bienfaifantes s'efforcent de nous en préferver ? Nos maux font grands fans doute: ils juftifient des foupirs, & motiveroient des efforts pour nous en délivrer. Mais fera-ce en mettant un terme a la patience Chrétienne avec laquelle vous fupportez ce Duc, tout en Paccablant charitablement, que vous préviendrez la perte de la République ? Ne voyezvous pas qu'en le facrifiartt, vous la priveriez d'un te.1 qui l'éda;re dans fa détreffe, cc d'un bras qui peut retarder fa chüre ? Vous le fuppofez occupé depuis long temps du trifte & criminel ouvrage de notre ruine. Vous :ui faites bien de 1'honneur de lui croire dans la tête affez de lumieres pour concevoir un tel projet, & dans les mains affez de forces pour 1'exécuter: ceci eft férieux. Par bonheur pour fa gloire & pour notre füreté, vous raifbnnez auffi mal que vous calomniez impudemment. Vous faites une pétition de principes : vous partez d'une fuppofition gratuite, qui n'a de fondement que dans votre cerveau, un peu moins fain que celui du Duc, Vous batiffcz fur cette bafe un fyftême d'imputations malignes & de griefs abfurdes. Votre but étant de noircir fa réputation, & non de prouver vos affertions, vous vous contentez d'accumulcr fur fa tête tous les torts concus dans la vötre, fans vous embarraffer fi vous êtes plus conféquent qu'équitabje. Ne voyez-vous pas qu'en rendant ce Seigneur refponfable des fautes réelles ou fuppofées auxquelles vous attribuez 1'éta de la République, vous outra-  Correfpondance politique, 205 gez les Membres de la Régence & le cher Stadhouder que vous en voulez difculper? Quoi! fi le Duc IV voit conduite fur le panchant de 1'abyme , comme vous 1'en aceufez ; le Prince & les Regens ne feroient ils pas les prevaricateurs les plus coupables , les plus dignes d'un ch3timent exemplaire ou d'un opprobre ineffacable, de lui avoir confié une autorité dont il auroit fi honteufement abufé, ou de n'avoir pas déconcerté fes criminels complots? Ou le Duc eft innocent des crimes dont vous Ie chargez ; & vous êtes un calomniateur puniffable, qui n'échappez a la juftice que par la précaution de vous envelopper du voileCde 1'anonyme : ou les Souverains de FEtatdont il rfeft que le ferviteur, font eux-mêmes les auteurs des maux dont vous vous plaignez. voyez , mon pauvre Frifon , a quoi s'expofe un homme incapable de raifonner, lorfqu'il veut invectiver par la voie de 1'iroprt ffion. Saus nou<, permettre aucune dénomination infurieufe, nous ne fommes pas en peine de montrer que fi votre umque deffein eüt été de facrifier cet Etat d la Maifon de Brunfwick, vous n'auricz paspris des mefures difié- Mais, judicieux Frifon ., puifque vous êtes fi peu en peine de montrer la vérité d'une affertion de cette importance , que ne la prouvez vous donc ? Si, facile comme vous Pêtes a vous perfuader les chofes, en raifon des fcrupules que leur gravitc doit vous infpirer, il vous fuffit d'alléguer une imputation de cette nature, pour ne pas douter qu'elle eft vraie; croyez-vous que tout le monde foit auffi aifé a convaincre ? Pour un Croyant de votre force , n'y a t il pas des milliers d'incrédules qui ne fe rendent qu'a des preuves ? Combien d'hommes qui ont trop de bon (ens pour adopter des chimères, ou pas affez de méchanceté pour recevoir des imprelfions calomnieufes! Je ne veux pas m'efcrimer avec vous fur les talens & les qualités du Duc de Brunfwick. Je n'ai pas 1'honneur de le connoïtre auffi bien que vous , pour être en état de 1'apprécier. Il ne m'arpartient pas comme a vous de le juger fans appel. Mais fuppofé qu'il ait auffi peu de lumieres ou de capacké que vous le prétendez; qu'il ait fait des fautes, ou  206 Correjpondance politique. qu'il ait des torts, comme vous le foutenez;ne fautil pas êtrefou ou enragé, pour infinuer qu'il a voulu facrifier l'Etat a fa Maifon ? MM. cV Amfterdam, fes propres accufateurs, ne 1'ont-ils pas hautement difculpé de foupcons bien moins odieux que celui-la? De quel droit ofez-vous 1'en accufer? Vous ne voulez pas vous permettre de dénominations injurieufes ,• & vous ne rougilfez pas de lui prêter les vues d'un traitre digne du dernier fupplice ! Pourjuger fainement d'un Miniftre , ou dequelqu'un, qui, fans porter ce titre, en exercelesfonüions; il n'eft befoin que de faire attention d Petat de la Nation. Si l'union regne dans le pays, fi l'induftrie profpere, fi l'Etat eft refpe&é au dehors , nous devons prófumer raifonnablement que les affaires font conduites par un homme d'expérience, de talens & de vertu, Mais ft l'on appercoit au contraire la défiance t? le mécontenlement, la dicadence rapide du commerce ,& la perte de la digriitó nationale de la part des autres Puiffances, on peut affurer, fans héfiter, que celui qui tient le timon des affaires, eft inhabile ou corrompu. Si vous faviez raifonner, on emploieroit le raifonnement avec vous. On vous diroit d'aller tenir ce langage a Conftantinople ou a Paris. Dans ces pays-la, un feul homme eft tout, & les autres rien : un feul homme gouverne par lui - même ou par fes agens. Ayant 1'autorité & Ia puiffance réunies dans fes mains, jl doit faire le bien, paree que c'eft pour 1'opérer qu'on Pachoifi , &revêtu du pouvoir fuprême: il peut le faire, paree qu'il en a les moyens, & que s'il rencontre des obftacles dans fa marche , il eft inveili d'une force fuffilante pour les applanir. S'il ne le fait pas, il en eft refponfable a fes peuples,qui ont droit de lui en demander compte, ou du moins, de lui attribuer les maux qu'ils fouflrent. Si le hazard de Ia naiffance, ou le fort des armes y ont placé fur le tröne un defpote imbécille ou pareffeux, qui paffe fa vie a faire du forbet dans un férail, ou a courir après les bêtes fauves dans les bois; il dépofe le fardeau de la Royauté fur les épaules d?un Vifir, quelquefois auffi inepte que lui, toujours chargé de faire paffer fes caprices k la Natiom Ce dépofitaire des devoirs & des fonctions de 1'idple, au nom de qui tout tremble, le repréfente  Correjpondance politique. 207 aux yeux des fujets. On attend de lui le bien que 1'autre Ie difpenle de faire. On le fuppofe cboifi pour le fuppléer ou pour le feconder : on le fait revêtu d'un pouvoir inllitué pour produire ou maintenir 1'ordre : on efpere qu'il remplira fa deftination ; & 011 fe trompe fouvent. Dans ces pays la , pour juger fainement du maitre ou de fon premier efclave; d'un Satrape, ou dt celui qui, fans en avoir le titre, en exerce les fonBions; il n'eft befoin que de faire attention a fetat de la Nation. bi Punion regne dans le pays, ft Pinduftrie profperc, ft Pétat eft rcfpeBé au dehors; nous devons, non pas, préfumer raifonnablement, mais affirmer pofitivement, que les affaires font conduites par un homme d'eipérience, de talens cV de vertu; ce qui n'eft pas un trop bon Francois, mais qui eft inconteftable. Si I on appercoit au contraire la déftance c? le mècontentement, la décadence rapide du commerce & la per te de la dignité nationale , on peut affurer, fans hélder, que celui qui tient le timon des affaires eft inhabile eu corrompu; ce qui n'eft pas toujours fans exception. Mais, mon petit Frifon, ou mon petit Frifé, ce n'eft pa's tout a fait la même chofe dans un Etat Républicain, oü perfonne n'étant exclufivement invefti du beau droit d'opérer le bien public, perfonne ne peut être feul rendu refponfable du mal général. Chez nous , par exemple, y a t-il un maitre unique; & ce defpote impérieux a-t-il un premier miniftre tout-puiffant , qui doive nous procurer l'un , fous peine de paffer a nos yeux pour 1'auteur de 1'autre ? j'accorde pour un moment que votre lamentable defcription foit une peinture vraie de 1'état de la République entiere ; indiquez-nous un peu , dans les Provinces-Unies, un homme qui en foit feul la caufe, par la même qu'il fa occafionné , ayant pu le prévenir. Cet homme vous dit que c'eft le Duc. Mais nous ne fommes pas obligé de vous en croire fur votre parole. A Dieu ne plaife que nous foyons aflez vils pour que vous ayez raifon, ou affez foux pour extravaguer comme vous faites. N'avons-nous pas deuxcents mains employées au maniement des affaires publiques ? Chaque Provinci , chaque Ville n'eft elle pas gouvernée par des Régens dont 1'autorité n'émane pas de celle du Duc? L'adminiftration intérieure» N 4  eo8 Correfpondance: politique. da)£Vdé£fnd le bienêtre ou la mifere d'un peuple, e t divifée entre les Etats des Provinces, fouverains Chez eux, & fubdivifée entre les magiftratures mumcipales , toutes libres dans leur enceinte , & indépendantes de la puiffance fuprême qui réfide dans le corps fedératif de la République. Or pour attribuer au Duc les fautes ou les malver alions de tant de coöpcrateurs dans la geftion partielle de la chofe publique, il faut fuppofer, ou que tous les Regens des Provinces & des Villes font, ou des imbecilles qu'il mène pat le nez, ou des pervers quil a corrompu : en ce cas , tous nos Magiftrats, tous nos Senateurs feroient donc bien ineptes, ou bien mcprifables ? Ou que le Duc a Tart de fubiuguer tant de têtes , de fafciner tantd'yeux, d'enchanter tant delpnts , d'enchaïner tant de mains : alors affurément, il ne feroit pas auffi tnbabiieqae vous le dites Quant a la direction des affaires générales, qui embraüent 1'univerfaltté de la confédération, telles que ia Folutque , la Paix , la Guerre, les Négociatiom avec Jes Puiüances étrangeres, la Marine, les JmpÓts, les tortcrejfes , les Arfenaux , les grandes opérations comme font celles denos Compagnies de Commerce, iiees avec la conftitution de l'Etat , ou dont au moins 1'adminiftration eft dans la dépendance de la -louveraineté : ne faut-il pas être en délire comme un Linltre cVAmfterdam, ou comme un Savetier de LeuV>*rde y>our rejetter fur le Duc les abus reprochés a cesdiffcrentesbranches d'adminiftration publique,tandis que dans les pays oü 1'autorité & la puiffance font reünies dans un point unique, chacune de ces parties lorme autant de départemens feparés, dont le fuccès ou le défordre dépendent d'autant d'adminiftrateurs divers ? Eh! miférable Barbotiilleur, fi c'eft le Duc qui eft Ja caufe de toutes les fautes que ta démence appercoit dans toutes ces ramifications de la puiffance fouveraine ; apprends nous donc par quelle magie il a fu p'emnarer de 1'autorité légiflative & exécutive dépofée dans un fi grand nombre de mains, d'oü émane la portion limitée de pouvoir qu'il exerce au milieu de nous? Dis-nous par quel enchantement il a pu captiver , ou fubjuguer tant d'hommes appellés k pexerqipe de la fouveraineté & a 1'exécution des or-  Correjpondance politique. 209 dres du Souverain, dont il n'eft lui même que le ftijet? Quoi! 1'augufte Scnat de la Nation, cette affemblée de Rois.eompofée des délégués de tous les membres du corps fédératif, ne feroit plus qu'une mafte immobile, ou un elTaim d'automates animés par le foufrle ducal! Le Cunfeil d''Etat, ce bras de la République , ne feroit que 1'inftrument palfif des volontés du Duc ! Les Amirautés dépendantes immédiatement des Etats refpe&ifs de leurs Provinces; les directions des Compagnies des lades, foumifes a 1'infpection des Etats-Généraux, ne pourroient fe mouvoirque par les ordres d'un homme qui nedonne pasd'ordres, & qui n'a pas avec elles la moindre connexion ! Le Prince, tout-a la-fois le chef de chaque confédéré & le premier ferviteur de la confédération qui eft redevable a fa dignité de fa naiffance, de fa fplendeur & de fa folidité, feroit le joUet d'un perfonnage qui lui eft fnbordonné ! Si les chofes en étoient a ce point, le Duc feroit un habile homme. Il auroit autant de génie lui feul, que tous les adminiftrateurs enfemble d'ineptie , & de capacité qu'eux de baffeffe. Mais, dit-on, s'il n'eft pas de droit le chef ou le bras de PEtat, il en eft de. fait 1'ceil. C'eft lui qui guide les conduéteurs de la nation. C'eft fa fatale influence qui donne une mauvaife tournure aux réfolutions , & un . fuccès funefte a 1'exéeution, Son afcendant fur 1'efprit du Stadhouderlui donne la facilité de le nourrir de fes maximes, & de lui infpirer ou une politique dangereufe, ou une réfiftance opiniatre aux mefures falutaires- Les brigues de fes créatures , & celles des efclaves de fon pupile dans les confeils nationaux , font prévaloir fon opinion , ou arrêtent les avis oppofés ; en forte qu'avec 1'apparence de la liberté, nous fommes dans la fervitude. Jemeflatte, mon cher Frifoti ,que vous nem'acculèrez pas d'affoiblir vos objections, ouplutöt celles que vous n'avez pas eu 1'efprit de faire ; mais prenez garde que vous fuppofez gratuitement que le Duc eft un fcélcrat, ce qui eft un peu fort ; que le Prince eft un imbécille, ce qui eft odieux; & que nous avons plus de Régens pervers que de pairïciens intègres , ce qui eft infultant : trois fuppofitions dont le fimple énoncé vous mériteroit une place aux petites maifons. Il faut Pavouer, les déclamations de ceux dont vous vous  210 Correfpondance politique. étes rendu Pécho, donnent une belle idéé de notre nation : & c'eft fans doute pour la rendre plus refpecïib'e aux étrangers, que Ie Politique Hollandois a pris la peine de leur préfenter cette peinture aft'reufe , dans un idiöme connu de toute VEurope. Vous partez toujours de cette fuppofition gratuite, que Ie Duc influe, dirige, cabale, fait mouvoira ion gré, arrête quand il lui plait; que le Prince n'ell qu'une marionette qui reeoit 1'impulfion de fes confeilsi; que les Régens oppofès a vos patriotss font dévoues a fa politique. Que ne fuppofez-vous le contraire? Vous le pourriez avec plus de fondement; mais alors vous feriez un être conféquent, ót'non pas un méprifable diffamateur. J'adinets avec tous les clabaudeurs, vos confrères, que le Duc, par le pofte qu'il occupe dans la République , & par fes rélations avec notre Stadhouder , influe & fur la conduite de Pune & fur 1'efprit de 1'autre. Mais pourquoi ne croyez vous pas que c'eft en bien , & non pas en mal? Pourquoi doutez vous qu'il faife fervir fon influence a la gloire du Prince & a la profpérité de PEtat? Une carrière irréprochable de plus de trente ans au milieu de nous, nevous eft-elie pas un für garant de la fagelfe de fa politique, & de ia pureté de fes vues? Sans doute, s'il ell le flambeau de la Régence fuprême, & le Confeiller de 1'agent exécuteur des ordres du Souverain; fes lumieres & fa probité doivent influer fur la fagefle des mefures, fur les heureufes fuites de Pexécution , tout autant que fon impéritie ou fa perverfité produiroient d'effets comtraires. Il s'agit donc de favoir, t°. s'il e(t revêtu de droit de ce caraétère, ou fi de fait, il fe l'eft arTf)gé ; s'il eft le premier ou le feul Miniftre de la République, ou fi, fans en avoir le titre , il en occupe le pofte, & en exerce les fonétions : a°.fi élevé a cette charge plus effrayante qu'honorable, c'eft uu homme fans talens . fans expérience, fans vertu qui la remplit fans partage comme fans contradidtion. Alors fans doute, fi les affaires ne vont pas bien, on pourra Pen rendre refponfable. Si le vaifTeau de 1' Etat marche de travers, ou s'il fint naufrage, c'eft k la main inexpérimcmée qui tient le gouvernail, oij  Correfpondanee politique, 2IÏ au cosur corrompu du pilote qu'il faudra s'en prendre. Mais la première fuppofition eft une abfurdité revoltante, & la feconde un outrage odieux. Eft-ce bien en Hollande qu'on peut mettre en queftion, li nous avons un Vifir defpotique , & un Hollandois qui puiffe douter que le Duc de Brunfwick ait de la capacité & des vertus ? Ecoutons notre barbier de Leuwarde, qui nous le dira. Jcttons dpréfent, dit-il, les yeux fur la füuation de la République. Eft dl une des fept Provinces, eft-tlmême une Ville oü votre main n'ait femé la difcorde ? N en flvez-vous pas fait tranfporter le germe jufquen Amérique? C Ici le favant Frifon place une note en ces ïermes). ..... II conviendrok de faire 1'hiftoire des expeditions des troupes de l'Etat a la Colonie de Sunnam. 11 talloit qu'un étranger , qui dans un autre fervice , n'avoit qu'un grade fubalterne, y fut revêtu du commandement iupreme, il falloit qu'il répandit la divifion parmi les troupes & les colons , il falloit qu'en revenant ecraie lous fe poids de la haine & du mépris , il laifsat derrière lm des difputes interminables. . i«. Puifque vous avez 1'équité de rejetter fur le Duc les divifions & les difcordes qui regnent dans les Provinces & les Villes, pourquoi ne mettezvous pas auffi fur fon compte tous les crimes qui y ont été commis depuis plus de trenteansque ce Seigneur eft a notre fervice; toutes les fentences ïniques qui y ont été prononcées; tous les vols, les viols , les incendies, les innondations, les banqueroutes, les épidémies qui y font arrivés? Ce font bien-la affurement des défordres, ou des fléaux qui font fouffnr pour le moins autant que la zizanie que vous reprochez au Feld-Maréchal. 11 feroit auffi cquitable, auffi conféquent de lui imputer Pun que 1'autre. a°. Eft-il une Province, cfl-il une Ville ou votre main n'ait femé la difcorde? Èh \ oui,nigaud: y a-t-il de la divifion en Frife, a Amfterdam? Ou bien eft-ce le Duc qui 1'y a femé? Vil détraéteur , a la Haye t oü vous feignez de le croke tout puiffant, pour le rendre odieux , il n'y a d'autre difcorde que celle dont d'infames libelliftes comme vous ont allumé la torche. . _ f. Le diffamateur de Leuwarth fe fouciant auiü  212 Correfpondance politique M ' J • Ces deux éSards- Capo'raZ^l 'eS !T IJ48 étoit C^w, & no„ vooralm/ambour Quand il 1'auroit été, il n'y auroit 5r ces SSL"? k ,cela- Pierr' P™** a bie" S été 0" nénux Vo, rhre m',Ua,1'e' "'°nt Pas tpu'°urs R,,i ( 7 / ' ' bien en ce moment deux fils du Ro d ^W, guLfbnt leur apprentiffage dans la ?r"S ?Ll£uroZe> ^n, y a S»è>-e que celui de LWd^Si?^^ maillot- & deve- uThornm' I" fi'S de^oi-C'étoit unhonnète homme; riï Pn fe. e?tteurde ^.valent bien des dans 17 ^ 11 alIa aux &*»?comme Major, S Ï/LrLde troi,'Pes commandces par le Coloneï £KtS?tteJWpS,tI0n avoit P°ur obiet d'aPPaifn, e e"r des excitée apparamment par n"L ïi -, fasmetm nfü Pas ftm6 la Morde 1 Et .rique ? tlpasfm sporter le germe juffen Amé- en?Z% eJ5PédIitiQ" durant les années 1763 & 1764 eut le fucces le plus heureux. Le Major Fourgeod s y d ftingua par les talens &la bravoure. En 1770 ja rébelhon des Nègres excitée par le Duc de Vrlnl vut, dans la Colonie de Surinam, obligea le Duc ce Jiruns-Mck d y envoyer un corps de troupes, Ce •seigneur, comme onvoit, s'il fait allumer des incendies,soccupe auffi de les éteindre. Fourgeod étoit aiors Colonel; s'étant acquis beaucoup de réputation dans 1 expedmon précédente, il fut chargé dés le canr mencement de la révolte, d'aller étouffer fous la Ligne, \& germe de la difcorde que le Duc y avoit fait iranfporter. II 3 refté plufieurs années dans cette co-  Correfpondance politique. 213 lonie. II étoit entouré d'entraves; il y eut a lutter contre des intrigues & des cabales, comme il arrivé a tout homme qui veut faire le bien. Après des peines inrinies & des fatigues incroyables, il vint a bout de pacifier les tioubles, & de rétablir le calme. II revint en Europe en 1777, avec 1'approbation de fes commettans & des planteurs, malgré 1'envie qui s'attache au mérite comme la rouille a 1'acier, & 1'injuftice qui s'acharne a le perfècuter. Pour prix de fes Jongs travaux & de tant de chagrins, il n'a recu que 1'eftime des honnetes gens & les éloges de fes fupérieurs. II eft mort peu de temps après fon retour dans fa patrie. Voila lesfaits: que le public juge. Qu'on appécie la lacheté du diffamateur, & 1'honnêteté de fon tra« ducleur. Mais quand M. Fourgeod auroit été un fujet médiocre ou un militaire malheureux, eit ce que fon incapacité ou fon infortune motiveroient des reproches amers au Duc de Brunswick? Ce Seigneur ne doit il procurera notre armée que des Héros ou des Dieux ? Et ii le Souverain employoit quelquefois des Officiers poltrons 011 malhabiles, faudroit il pour cela anathématifer le Feld-Maréchal ? Des querelles entre notre Stadhouder fi? les habitans, voila les fruits que vous avez femés dans ce pays. 11 nyy eut jamais dans la République une époque aujfifertile en défiance fi? mécontentement- J'ignore fi c'eft le Duc qui a femé des fruits qu'on feme pas, mais qu'on produit; & des querelles qu'on ne feme pas non plus, mais qu'on occafionne ou qu'on excite. Tout ce que je fais, c'eft que 1'Ecrivain Hollandois eft un imbédlle, incapable de calomnier avec efprit. Son traduéteur n'en montre pas beaucoup non plus. Ce paftage après celui qui le précède, eft d'une platitude infupportable. Suppofé qu'un ftile auffi lache, auffi vuide , puiffe fe tolérer dans la langue nationale, c'eft infulter au bon fens que de le confacrer en Francois, dans des feuilles qui prétendent au mérite d'ètre écrites correctement & avec clégance. Si les mots font impropres, fi les phrafes font dégoutantes; les chofes ne reffemblent rasmala la ma«iere dont elles font exprimées. Comme ce font tou-  214 Correfpondance politique. jours les marnes imputations, nous ferons toujoufs : les mêmes réponfes. 11 y a des querelles entre notre Stadhouder fe? les Habitans: hé bien, prouvez donc que c'eft le Duc qui a femé «es fruits dans le Pays. 11 n'y eut jamais d'époque fi fertile en défiance fe? mécon- • tentement; mais montrez que c'eft leDuc qui en eft la caufe ; fans cela votre tranflateur & vous, rifquez da paffer pour des calomniateurs puniffables. A ce beau texte vous joignez 1'un & 1'autre, une note qui s'y adapte comme un bat fur le dos d'un cheval ou d un ane de Frife. Pour ne rien laiffer perdre du galimathias avec lequel vous avez tous deux 1'art de noircir du papier & des réputations, je veux bien configner ici cette preuve de votie extravagance & de votre méchanceté. Nous ne rapporterons qu'un feul trait. Les écrits dit \ Baron de Chapelle que nous avons devant les yeux , prouvent fuftifamment que vous ne vous êtes jamais piqué de veiller aux privileges fe? libertés du peuple, fe? ft ' Pon veut en voir des exemples, on les trouvera dans Pexcellent mémoire du Greffier van den Heuvel, fur la jurtsdiStion militaire dans la Province ^/'Utrecht. Quel autre que vous a , dans cette occafion , donné lieu aux pafquinades fanglantes que Pignorance du véritable état des chofes fit circuler contre fon Altefle Séréniffime ? Quel autre que vous eft la caufe des idéés défavantageufes que Pon a con$ues hors du pays fur fon Alteffe ? i°. Nous ne rapporterons qu'un feul trait. Que cela eft bien dit ! Ce qui eft encore mieux , c'eft que le Savetier de Leuwarde, pour un feul trait, en rapporte quatre. 3°. Tout le monde fait afl'ez quels motifs dirigent la conduite & les écrits du Baron de Capellen , pour que ni 1'une ni les autres tirent a conféquence, foit pour le Prince, foit pour le Duc. Si ce Gentilhomme a manqué d'époufer une riche héritiere, il a ce malheur de commun avec beaucoup de fes pareils, & ce n'eft ni le Prince qui étoit fon rival, ni le Duc qui Pa fupplanté. En Angleterre les orateurs de Voppofition aboyent après des Jarretieres, des penfions , des emplois, &c. Arléquin diroit-il a cela ? Cejl tout '' comme chez nous. 3°. Je ne fais pas fi Ie Duc s'eft piqué ou non de veiller aux privileges fe? libertés du peuple. Je fais feu-  Correfpondance politique. 215 lement qu'il n'en a ni le pouvoir ni le droit. Sa charge n'eft point inftituée pour cette fonction, ni fa perfonne placée pour 1'exercer. 11 n'eft pas plus a portee de toucher aux privileges , d'enfreindre les libertés du peuple, que de faire refpecter les uns, & de maintenir les autres. Ce dépot eft confié aux Ma giftratures des Villes, aux Etats des Provinces, au Sénat de la Nation. S'il y a de la prévarication & cet égard , c\ft dans les corps légillatifs, & non chez le Duc , qu'il faut chercher les prévaricateurs. Que le Frifoti ait donc devant let yeux ou ailleurs les écrits de M. de Cappellen, peu irnporte. Cela ne preuve que fon imbécillité. M. Van den Heuvel & fon excellent Mémoire fur la jurifdiction militaire dans la Province cVUtrecht ne prouvent rien de plus. 4». Comme on ne fait pas plus ce que veut direle dénigreur Leuwardin qu'il ne le fait lui même, on eft fans cefl'e forcé de ledéviner. Or, imaginons que le Duc , dans quelque difpofition militaire durant la minorité du Prince, aura attenté aux Privilèges & libertés du peuple dans la Province cYUtrecht; que le Baron de Cappellen & le Greffier Van den Heuvel auront fait, 1'un des écrits, Pautre un excellent Métnoire; que Vignorance du tuteur du véritable état des chofes, aura donné lieu ü despafquinades fanglantes contre fon Altefje Sérén-ffime. C'eft ce qu'on peut piéfumer de plus raifonnable, d'après cet entortillage révoltant. Mais quelle réponfe accablante, la raifon & la juftice n'y fourniffent - elles pas ? Miférables ergoteurs, vos aveux trahiffent & votre ignorance & votre malignitc. Puifque c'étoit 1'impéritie du Duc , & fes attentats contre les privileges' & libertés du peuple, qui motivoient des plaintes, des reproches, des pafquinades fanglantes; pourquoi donc leurs laches auteurs portoient-ils 1'audace & Piniquité jufqu'a les diriger contre le Stadhouder ? Si le Duc étoit feul coupable , pourquoi avoir 1'injuftice d'accabler fon innocent éleve des traits percans de la fatyre ? Ce n'eft pas au tuteur que vous devez vous en prendre aujourd'hui des outrages qu'on faifoit alors au jeune Prince ; c'eft aux êtres méprifables dont vous renouvellez a nos yeux les impeninences & la criminelle hardiefte. Depuis quelque temps que les pafquinades circu.  2i6 Correjpondance politique. Ie avec profufion au milieu dé nous; que les Iibelles pullulent fi fcandaleulément dans notre fein ; que YEurope entiere rétentit des injures , des calomnies , des horreurs que des infectes vomiffent contre Ie Prince; eft-ce a la démence ou a la rage des détracteurs ténébreux qu'il faut attribuer ce coupable clébordement, ou a Vignorance du Duc fur le véritabls état des chofes 1 Laches , qui outragez un Prince rempli de douceur, de bonté,de circonfpection, d'indulgen* ce, en feignant de le défendre; qui faites femblant de lui donner des louanges, pour mieux réuffir a 1'accabler de ridicule ou de mépris; c'eft a vos malheureufes diatribes qu'il eft redevable de Yopinion défa* vantageufe qu'en ont con^ue ceux qui ne le connoiffent que d'après vos odieufes caricatures. C'eft par des tifTus d'inf&mies , pareils a celui que je réfute, que les étrangers en prendroient une idéé injurieufe, s'ils n'avoient pas affez de bon fens & d'équité pouf apprécier ces araas de platitudes infipides, & pour en dévouer les auteurs a i'opprobre & a la honte. Hommes ineptes & pervers, cro3r-z-vous que votre fatirique pamphlet, traduit dans une langue entendue de toutes les nations de 1'Europe, & placé a deffein dans une feuille entreprife pour rendre notre Stadhouder odieux, ou ridicule , fera concevoir de fon Alteffe une idéé bien favorable hors du pays ? Et c'eft dans une hebdomadaire oü Pon repréfente ce Prince comme un traitre a la patrie, ou comme un efclave courbé fous le joug , qu'on accueilleune production oü Pon afFecte de le juttifier , en peignant fon mentor & fon ami avec des couleurs hideufes! La fuite l ordinaire prochain.  Correponfdance politique. 217 CORRESPONDANCÉ POLITIOÜE Sur les affaires prefentes de la Hollande. SUITE DES REMARQUES Sur la Lettre écrite de Leuwarde, d Son Altejjè Monfeigneur le Duc de Brunfwick, &publiée cn. Francois, dans le Politique Hollandois ,N0S- 34 6' 35, par le Gentilhomme Campagnard. g~\ Uant d ce qui regarde le commerce, jamais il n'éprouva des atteintes aujji terribles. Danois, Suédo;s,Portugais,Efpagnols, Francois, Anglois , quel peuple dans VUnivers n'a pas outragé la Nation Hollandoife ? D'après ce tableau qu'on. tracé votre caraSère. i°. Que n'ajoutez-vous, érudit Frifon, a cette nomenclature des peuples, qui outragent la nation Hollandoife, les RuJJès, les Prujjiens, les Ojlendois, les Villes Anféatiques, les Vénitiem, les Gcnois, les pirates cYAlger & de Tunis ? Votre lifte fi elle n'étoit pas plus fenfée, feroit au moins plus longue. 20. Avouez que vous êtes un raifonneur d'une force admirable. Comment? a propos des atteintes terribles que recent, & non pas qu'cprouve notre commerce, (car il faut apprendre le Francois, même a votre tradu&eurj) vous trouvez qu'il n'y a pas un feul peuple dans rUnivers qui n'ait outragé notre nation? Mais vraiment, vous avez 1'cfprit bien fubtil, pour appercevoir des rapports dans Tarnt 1. A'°. 14- O  218 Correjpondance, politique. dcs idees auffi difparaces. Et qu elles infultes, je voqs prie, font a la nation Hollandoife, les Danois,' les Suédois, les Portugais, les Efpagnols , les Francois? Je penlbis que nous étions en paix avec tous ces peuples, & que nous n'avions d ennemis pour nous outrager, que les Anglois. 3°. D'après ce tableau qu'on tracé votre caraclère. Non Monfieur, ce ne fera pas le caraétère du Duc qu'on tracera d'après vos incongruités: ce fera le votre ; & nous aurons le portrait d'un fot. Mais il me femble vous entendre dire que ce n'eft pas vous, mais la Ville d'Amfterdam d qui l'on doit attribuer tous'les malheurs de la République. La conduite dc fes Régens a été fi fouvent difcutée , qu'il feroit inutile de s'arrêter davantage fur cette matière : nous nous bornerons d remarqucr qu'en ac■cordant même, ^/'Amfterdam auroit paffe les bornes de la circnnfpeclion ; la caufe en doit ètre attribuée au mépris oü e(l tombé la partie de l'adminiftration oü votre influence s'eft fait fentir. D'abord pourquoi, s'il vous plait, Monfieur, mefurez-vous les autres a votre aune? Vous pouvez, extravaguer a votre aife: mais de grace,foulïrezque le Duc foit un peu moins fou que vous. Paree que vousécrivezdes fottifes, s'enfuit il que vousdeviez ■lui en faire ou en entendre dire? II ne dit pas que Von djit attribuer tous les malheurs de la République d la Ville d'Amfterdam. C'eft vous qui lui prêtez cette abfurdité : plus équitable & plus modéré que fes adverfaires, il n'impute a perfonne les malheurs réels ou enfantés dans votre cerveaü. Traité indignement par vous & par tant d'autres, il n'ufe point de repréfailles; il n'a pas recours aux récriminations. II le pourroit fans doute. Le droit de fa propre défenfe Pautorife a rejetter fur fes accufaceurs les imputations dénuées de preuvcs dont ils le cbargent. Mais il eft trop grand homme pour s'abaiifer au róle de délateur,  Correjpondance politique. 219 qui rie'convicnt qu'a des ennemis acharnés,ou a des diffamateurs obfcurs. il fuffic a fa dignité & a fa gloire de défendre fon innoeence, & de confondre la malignité qui le pourfuic. Enfuite de queldroic, je vous prie, difcucanc la conduite du Duc de Brunfwick, ou plutót la déchirant impitoyablement, pailéz- vous fous filence celle dc la Ville d' Amfterdam ? Vous trouvez qu'elle a été fi fouvent difcutée, qu'il feroit inulilc de s'arrêter davantage fur cette matière. Quoi 5 un polilfon de votre efpèce, qui fait a peine bégayer des injures grolfières, contre un perfonnage illultre, fe permeccra de prononcer fur une conteltation célèbre, fur laquelle les plus grands génies & les meilleurs politiques, font au moins en lufpens? Si je ne craignois pas d'imiter votre légéreté & votre téméraire audace, je vous dirois, moi, que fi la conduite d' Amfterdam a été fouvent difcutée, elle peut 1'être encore, & qu'il ne réfulteroit probablement pas d'une difcuffion approfondie a cet égard, qu'elle foit auffi innocente, nj le Duc auffi coupable qu'il vous le paroit. La force de la vérité vous arrache ici deux aveux bien précieux : 1'un, que la Ville d'Amfterdam a pajfé les hornes de la circonjpeclion ; ce qui prouve au moins qu'elle n'eft ni infaillible dans fes idéés , ni impeccable dans fes démarches. Si le Duc afait-des fautes; s'il a des torts, comme cela fe pourroit fort bien , paree qu'il eft hom- ' me, il a donc des imitateurs ou des complices? Et fi des torts & des fautes juftifient des cenfures, ce n'eft donc pas fur lui feul qu'elles doivent retomber ? Vous cherchez a le noircir & a difculper fes adverfaires. lis ont pajfé les hornes de la circonfpe3ion; on pourroit bien dire de la prudencc& de la juftice: mais la caufe de leur conduite en doit ètre attribuée au mépris oüeft tombéela partit O 2  vlio Correjpondance politiquè. de Vadminift radon oü Pinfluence du Duc s'eft fait fentir. Ce lecond aveu de votre part n'eft pas moins important que le premier, ün en tireroit des conféquences contre vous. fi on pouvoit en ener des difcours découfus d'un .ommeftupide , ou qui eft dans ies accès d'une fièvre chaude. Toute votre' lettre porte fur cette baze^ que le Duc eft la caufe unique de tous les malheurs, de tous les délbrdres, de toutes les iautes dont on fe piaint: conféquemment il eft donc le feul adminrftrateur ou té feul agen; de 1'adminiitration ? Cependant vous convcnez ici qu'il n'a cVinfluence que fur une partie de Padminiftration. Je ne fais pas ce que vous entendez par une par-k tie tombée dans le mépris. Mais je fais bien que le Duc n'eft point chargé d'une partie de 1'admirnltration. En qualité de Feld-Maréchal, il commande notre armée fous les ordres du Stadhouder, qui en eft le Chef, & qui dépend lui-méme du Souverain. S'il commande mal, tant pis : il peut en réfulter des défordres. Mais ne voyez - vous pas qu'en difant que nos troupes font tombécs dans le mépris, vous infultez nos Généraux , nos Officiers, nos Soidats, pïus encore que le Duc ? Non, aud.'cieux Barbouiileur, vous ne voyez rien. Comment ofez-vous dire que nos troupes, le feul objet de radminiftration fur lequel le Duc ait de 1'influencc & de 1'autorité, font tombées dans ie mépris? Les connoilleurs en parient différemment. Tout le monde, excepté vous,eonvient qu'elles font bien difciplinées, bien exercées, bien habillées ; qu'elles ont dela fubordination, des fentimens d'honneur & du courage. Notre armée fans doute n'eft pas compofée de Spartiates & de Scipions ; mais elle n'eft pas fi méprifable que vous le dites. 11 y a quarante ans que les Compagnies étoient données a des flls de Portiers, & les Régimens a des enfans de Laquais  Correfpondance politique. 111 Les Officiers alors étoient la plupart fans mceurs $c fans mérite, plus propres a boire qu'a fe battre. Depuis que le Duc la com mande, elle a évacué tous les fujets qui la déshonoroient. On n'y admet que des hommes qui ont recu de 1'éducation, & qui ont des calens. Nous avons dans tous les grades , depuis celui de Sergent jufqu'a celui de Général, des Officiers en état de le difputer avec ceux des autres Puiffances, pour les lumieres & fur le champ de bataille. Si on remarque des défauts dans cette partie, comme dans beaucoup d'autres, c'eft paree qu'il y a des iniperfeétions dans toutes les chofes de ce monde. II n'eft fürement pas- au pouvoir du Due de les prévenir ou de les corriger; car enfin il n'eft ni un faint , ni tout puiffam. Si nous £v(,.;s des garnifons mal-faines, ce n'eft pas lui q ii donne la falubrité a Pair :fi la moitit denos Régnnens font affligés de fievres maiignes &d'épidëmies meurtrières, ce n'eft pas lui qui eit le difpenfateur de la fanté : fi nos militaires ne font pas ailcz payés pour vivre dans Paifance. ce n'effc pas le Duc qui impofe les taxes, ni qui difpofé de 1'argent. Petit Frifon \ vous êtes donc un animal, qui ne favez ce que vous dites ? Mais vous êtes bien plus inconféquent encore, quand vous affurozque la ville d'Amjlerdamv\\pajfé les hornes dc la circoiijpeciion, que paree que la partie de l'adminijlratïon oü Vinfluénce ju Duc s'ejl fait fentir,eft tombée daas le mépris. 11 faut p >rter la folie ou 1'impudence a leur comble, pour avancer une parcille propofition , après touc ce qui s'eft paffe a la face de YEurope. Eft-ce paree que nos Soldats font malades , par la fatale influence du Duc, ou que notre armée eit mal régie par fon incapacité , que MM. d''Amjlerdam ont préparé un traité avec les Américains , & amené une acceffion a la Neutralué, qui ont portéles Anglois  aai Correfpondance politique. a nous déclarer la guerre ! Habile ou non dans Pexercice de fa charge, le Duc n'a pas motivé la conduite de la Ville d' Amfterdam. Ce n'eft pas en fa qualité de Feld - Maréchal, feul caraétcre public que nous lui connoilfions, qu'il a été inculpé : c'eft comme ex-tuteur & ami du Prince; comme Etranger , fuppofé peu inftruit denos loix , peuaffeétionné a nos conftitutions, penchant pour les ennemis de PEtat , ou influant d'une maniere funefte fur la Régence fuprême , qu'on Pa dénoncé aux yeux des Nations, en demandant fon éloignement au Stadhouder. Mais c'eft trop perdre de temps & de papier pour vouer votre Übelle a Popprobre, & vous au ridicule. Pourfuivons cependant. ISous ne fuivons dans cette obfervation que le tableau que vous faites de l'opinion publique : car , auprès de vos difciples, le Prince le plus vertueux & le mieux intentionné eft chargé dc tout le bldme que vous avei mérité. Tont ce que l'on peut reprodier au Prince , c'eft qu'il ju ge de votre cceur par lefien; paree que par vós flatteries inftnuantes ,vous avei fu cotivrir vos dcffems. Vous avez profité de fa minorité pour ctendre la trame, & peu d peu vous êtes parvenu d l'achever. Mr. dc Rhoon , le Baron Charles Bcntink, en un mot tous les amis de Guillaume IV & de la Princeffe Royale, auxquels 'la Maifon d'Orange eft principalement redevable de fon èièvatïonj ontétèfoigneiifcment éloignés de la perfonne de fon Alteffe. Le Baron Bcntink ne vit pas d'autre refpnirce pour échapper aux embarras que votre influence lui caufoit, que de renoncer d fon emploi. Le Profijfeur Weifs, qui a mérité de tous les Beiges libres pour lés fentimens magnanimes qu'il a infpirés d fon Alteffe, ne fut pas long-tems du goüt de votre Alteffe; il fut obligé dc fe rether en Suiffc. Qiiantité de braves Officiers furent dépofés pour faire place aux créatures de votre Alteffe; &  6 Correfpondance politique. 223 voila la vraie raifon d'un fi grand nombre d''agent titulaire! qui ont mis taiit de défordre dans notre armée, qu'on cherchcroit en vain dans toute /'Eur | rope pour trouver la parcille. Lts honoraires des officiers font régies de facon, que chacun pourroit I vivre d'une maniere analogue d fon rang; mais fous votre conduite, n'avohs-nouspas vu des Majors avec des appointemens de Lieutenans ? Qiie chacun en. tire les confequences. Nous examinerons d cette occafion plus amplement votre conduite cn qualité de Feld-Marcchal. Nous ne fuivons dans cette obfervation. De quoi o"agic-il ? eft-ce de ce qui précède, ou de ce qui fuic ? Eft-ce de 1'ind'fcrétion' avouée de la vill® d1'Amfterdam, ou de la partie de Vadminiflfatiort oü l'influence du Duc fcfait fentir ,ou bien du mépris oü cette partie efl tombée? Je n'en fais rien. Le radoteur de Leuwarde k. fon élégant traducteur n'en favent pas plus que moi. Nous ne fuivons que le tableau que vous faites de l'opinion publique. Eft ce la du Francois ou de VIroquóis? Je défie bien Mr. Cerifier & fon auteur de nous 1'apprendre. Le Duc de Brunfwick devenu peintre, pour faire le tableau de l'opinion publique , eft une idéé neuve affurément. Qu'on eft habile, quand on écrit de Leuwarde des lettres a des grands Seigneurs, ou lorfqu'on les traduit a Amfterdam \ Les Mafcarilles '& les Cathos de Molière, n'ont ni des idéés aulli fines, ni des exprellions aulli nobles. J'admets qu'il foit permis a un Frifon d'injur.ier tant qu'il lui plait, & en ftile de poilfardes , dans la langue nationale. Je confens qu'il foit aulli inintclligible que furieux , dans un jargon dégoutant. Je veux que les frippiers de Leuwarde & tVAmfterdam trouvent ce barbouillage admirable. On ne peut pas difputer des goüts; mais j'admire a mon tour, qu'un écrivain a prétentions j 04  22,4 Correfpondance politique. un politique tranfcendant ait fouillé fes feuilles de ces excrémens. Hé, mon cher Cerifier, fi ces infultes faites au bon fens exiftent en effet dans un imprimé Hollandois , que nó les laifliez-vous mourir dans 1'publi, ou accablées de mépris ? Quel befoin aviez-vous de falir votre plunie, & de déshonorer votre raifon, en les habillant avec les mots d'un idiöme fublime , que vous feriez détefter, paria facon horrible dont vous 1'avez eftropié ? Si votre original eft une platitude extravagante & odieufe, n'auriez-vpus pas pu en faire une femblablc, fans nous donner une tradaétion , qui vous rend auffi ridicule que votre auteur eit ignorant & pervers. Quoi donc i favant orateur, vpus qui nous avez fi modeftement annoncé que nous pouvions vous envoyer des pièces en Hollandois, en Anglois, en Efpagnol, en Italien, en Latin, n'importe en quelle langtje; ftirs que vous les traduiriez fidékment & avec élégance : vous qui nous avez fi faftueufemcnt ennuyé, pour nous prouver que vous aviez fait du mémoire de Mr. Adams une traduétion meilléure que celle de la llaye: vous qui reétifiez' fi charitablement les traduétions des autres; qui en fourniifez fi généreufement au Gazetier cVUtrecht, votre confrère: vous vous amufcz a craduire en langage de crocheteur un amas de bêtifes & de calomnies \ Si votre original eft 1'ouvrage d'un fot enragé, pourquoi 1'imitez-vous? Etiez-voos réduit a aller déterrer des ordures en Frife ? N'aviez-vous rien de mieux a faire qu'a outrager le Duc de Brunfwick , dans un arrangement, ou pour mieux dire, dans un défordre de mots que la Langue Franfoijè réprouve? Car, auprès de vos difciples: voyez, Monfieur, comme ce car fe lie bien avec le tableau que ie Vacfait de l'opinion publique; füremefit ces lot-  Correfpondance politique. 225 tifes-la ne font point dans votre auteur, qui a bien pu eftropier fa langue, mais donc 1'éxemple ne vous aucorifoit point a infulter le fens commun dans la votre. Et vous trouvez que le Manifefie des Etats-Généraux n'eft pas traduit comme il faut 1 Mais, vraiment, vous êtes bien humble. Quelle élégance dans les mots! Quelle liailon dans les idéés! Nous ne fuivons dans cette obfervation que le tableau que vous faites de l'opinion publique : car, auprès'de vos difciples...,. Cela eft raviffant. Après s'être amufé a faire le tableau de l'opinion publique, que braffe donc le Duc de Brunfwick auprès de fes difciples? Ecoutez le barboteur de Leuwarde & fon truchemen t d' Amfterdam, ils vous le diront: le Prince le plus vertueux & le mieux intentionné eft chargé de tout lebldme que vous avez mérité. C'eft-a-dire que le Duc qui eft devenu odieux a la nation , pour avoir fait le tableau de l'opinion publique, fait dans 1'efprit de fes difciples un portrait odieux du Prince. Voila cercainement un talent qu'on ne lui foupconnoit pas. Le Duc a quelques amis, plufieurs partifans & beaucoup de créatures : mais je ne lui connois qu'un difciple. C'eft le Prince. Or, fi c'eft auprés de fon difciple qu'il charge de cout le blame qu'il a mérité le Prince le plus vertueux & le mieux intentionné, il joue la un róle dont le Frifon ou M. Cerifier devroient bien nous donner la clef. Admirez 1'artifice groffier de ces deux diffamateurs, de mêler des éloges pour le Stadhouder, au milieu des traits d'une peinture dcftince a couvrir de ridicule & d'opprobre, le perfonnage qui a prélidé a fon éducation ; a qui on reproche d'exercer un empire abfolu fur 1'efprit de fon élève; qu'on accufe de 1'avoir fubjugué par des fiatteries infuiuantcs , & ébloui au point de  236" Correjpondance politique. lui faire prendre le change fur les plus pernicieus dejjèins : &"voyez fi des hommes capables de porter la malice & la mauvaife foi jufqu'a ce point, font dignes de croyance ou d'égards. Je ne fais pas fi le Duc eft un flatteur : n'ayant pas 1'honneur de le connoïtre, je ne puis apprécier fon caraétère. Les hommes de fon rang font ordinairement les objets & non les organes de la flatterie. Ce font les Dieux , mais non les Sacrificareurs de PAdulation. Expofés fur 1'Aucel aux refpects de leurs adorateurs, il n'eft pas aifé de comprendre qu'ils en defcendent pour faire brüler devant une autre idole, Pencens qu'on leur fait fi délicieufement refpirer. L'amour des louanges eft un foible qu'ont tous les hommes puiffans ou diftingués. Quand on aime a en recevoir, on n'a gueres d'inclination a les prodigucr j & fi le Duc de Brunfwick fait une exception a eette régie, il me femble qu'il mérite plus d'éloges que de cenfure. Mais je doute qu'il foit plus libéral qu'avide de flatteries. J'ai oui dire , moi, a deü hommes qui ne Paiment pas plus que notre morveux de Leuwarde , qu'il traitoit affez durementfon pupile durant la minorité,& qu'il lui difoic encore aujourd'hui fort librement fon avis , fur des chofes trés - délicates; & ces hommes judicieux lui en font un crime. Ainfi, accufé par les uns d'être hautain & impérieux; par les autres adulateur rampant ou perfide , cc perfonragc eft un Protce qui change de forme.au gré de fes ennemis. Vous ave? profïté dc fa minorité pour étendre la trame, & peu-d peu vous êtes parvenu d Pachever. De quoi eft - il donc queftion ? Ne diroit-on pas que le Duc a cherché d'empoifonner le Prince, comme on accufoit autrefois Philippe iVOrléans, dans des libelles, d'avoir tenté de fe défaire du moribond enfantin au nom duquel ij,  Correfpondance politique. 227 exereoit Ie defpotifme le plus fou; ou effayé d'enchainer le Stadhouder par ferment, afin de gouverner a fa place, comme le fit jadis un Wolfert van Borfelen au Comte Jean Premier ; exemple de démence& de tyrannietout enfemble, que notre fociété Amore Patria CO a fi judicieufement al- ( i ) Si quelque chofe eft capable de prouver eombien la prévention , 1'efprit de parti, la haine , peuvent égarer les hommes dans leurs jugemens, ce font les confidérations de cette fociété Amott patrio. Outre 1'exemple de PFolfen, fous un mineur imbécille , exemple qui n'a aucun rapport ni aux circonftances, ni aux perfonnages, ni a la forme de la conltitution acluelle , on y cite celui d'un Concini , Maréchal d'//»cre, Courtifan méprifable d'une femme entêtée , fangfue engraiffée d'extorfions fous un Roi entant; celui c\\maGranvilU , Miniftre farouohé & fanguinaire d'un démon incarné : & par une inconiequence inconcevable, après avoir affimilé le Duc de Brtwfipick a trois fcélérats de genre différent, auquel ce Seigneur ne peut être compare ni par fa naiffance , ni par fa charge , ni pSr fes principes , ni par fa conduite; on lui dit bravement qu'il doit s'en aller, attendu qir^riftides, le plus jufte des hommes, fut autrefois chaffé A'Jth'ines, par les Parificns de 1'antiquité. J'avoue ingénuraent que je ne comprends rien a cette logique. Je 'doute qu'elle foit celle de la raifon , pltis que de Péquité. Au refte, cette Jmore patrio- a effuié de la part d'une' fociété Amore veri une réfutation férieufe , plus folide que brillante , oü il n'y a certainement pas autant de fophifmes & de déraifon, & qui eft auffi modérée que 1'autre eft cruellement mielleufe. A ce:te occalion , je prendrai la_ liberté de dire un mot amical aux écrivains 'en langue nationale, dits du pard de ia Cour. Si ceux qu'on qualifie ainfi en font effeéüvement les Avocats, comme leurs adverfaires les en accufent, il faut avouer qu'ils défendent fouvent affez mal leurscliens , & qu'ils employent quelquefois des raifons qui déshonöreroient la meilleure caufe du monde. On eft faché de les voir, dans prel'que tous les Nos. du Politique Hollandois , dénoncés au public comme des hommes méprifables & des Écrivains également peu judicieux & de mativaiTe Foi. Si pour rendre ces Auteurs odieux & leurs écrits ridicules, M. Cerifier ne défigure pas les paffages qu'il en traduit , on ne fauroit le blamer de s'égayer a leurs dépens. 11 auroit raifon de s'en amufer, & d'en apprêter a. rire a fes leéleurs , s'il n'avoit pas fait lui même la fottife d'adopter les dégoütantes platitudes d'un Mr. de Lot» fVaris, Q Note de Voiiginal, )  328 Correfpondance politique. légué, pour prouver que le Duc devoit décamper. Le mot de tramt que le barbet de Leuwarde emploie ici, cmporte Pidée d'une confpiration contre 1'exiftence ou 1'autorité du Prince. Et ce qui prouve que l'auteur ou fon traduéteur ne fentent pas la valeur de ce terme, c'eft que, quoique le Prince vive & exerce lui-même 1'emploi éminent dont il eit revêtu, ils affurent que la trame eft achevée. Mais comment le Duc s'y eft-il pris pour confommer le complot abominable dont fon détracteur ténébreux 1'accufe ? D'une maniere fort adroite. Pour achever fa trame, il a écarté de la perfonne du Prince, durant fa minorité, M. de R/ioon & Ie Baron Bentink, fon frere; tous les amis de Guiilaume IV tk de la Princeffe Royale , fon Epoufe ; tous ceux a qui la Maifon cVOrange eft redevable de fon élévatton , & le Profeffeur TVeifs, Précepreur de S. A. S. II a dépofé quantité de braves Officiers, pour faire place a fes créatures. Que répondre a des argumens auffi poignans ? i°. Que c'eft un menfonge infigne que leDuc ait contribué a éloigner de la perfonne du Prince M. de Rfioon & le Baron Bentink , fon frere : qu'il feroit poffible que ces deux Seigneurs n'euffent pas été bien dans 1'efprit de feue la Princeffe Royale , fans que le Duc en eut été la caufe; attendu que cette Princeffe portoit fur les épaules d'une femme une tête qui valoic mieux que celle de beaucoup d'hommes, efpèce de fingularité qui n'eft pourtant pas rare , comme le prouve 1'exemple des Sémiramis , des Zénobies, des Elijabeths, des Catherines, des Maries-Thcrèjes: que M. de Rboon qui étoit un des premiers hommes de PEtat, a joui jufqu'a fa mort de la confiance du Prince: qu'il fe pourroit qu'il y eüteu quelquefois du refroidilTement ou des méfencendues entre eux, inconvéniens dont les meilleurs amis ne  Correfpondance politique. ö2q font pas toujours a couvert : que fi M. Charles Bentink a cru devoir renoncer a fon emploi , c'eft qu'apparemment cela lui convenoit mieux que de le conferver : qu'enfin toutes ces altercations obfcures qui occupent fouvent les plus grands perfonnagcs; toutes ces petites intrigues li communes dans les Cours, n'ont aucun rapport a l'état préfcnt de la République , & que quand elles feroient réelles, il y auroit de 1'indécence a les réveil Ier, pour enveninjer des plaies que tout bon citoyen devroit tacher de fermer. 11 n'y a qu'un fatyriqueBarbouilleur, qui puiffe les r'ouvrirpour en faire des griefs contre le Duc, en butte aux traits empoifonnés de la haine , dans un temps ou la calomnie eit montée a fon comble au milieu de nous. 2°. Que le Profeffeur TVeifs, qui a mérité de tous les Beiges libres , pour les feminiens magnanimes qu'il a infpirés a S. A., après avoir achevé Pédacation du Prince, n'étant plus néceffaire, & préférant le calme d'une vie privée au tumulte de la Cour, fe retira dans fa patrie, comblé des bienfaits de fon élève, emportant 1'eftime du Prince & du Duc, & allant jouir au fein du repos du fruit de fes nobles travaux. II feroit bien étonné d'appiendre 1'impudence d'un calomniateur ,qui le compromet pour noircir Ia réputation des perfonnes qu'il révère. 3°.Le reprocheque PEcolier de Leuwarde fait au Duc d'avoir bouleverfé notre armée, en facilitanc Pintrufion d'une foule d'Officiers a papier, eft peut-être le feul, de tous ceux de fa lettre, qui ait une ombre de fondement. II ne faut pas èire du métier , pour comprendre qu'une difpofition qui met preRjue tous nos milicaires hors de leur place, eft un défaut capital qui énerve une armée. La moitié de la folde de nos Officiers eft mangée par ceux qui font retirés du fervice;  230 Correfpondance politique. & ceux qui le font n'ont pas de quoi vivre, paree que fimples titulaires ils ne jouiffent pas des gages aflignés a leurs grades. Mais eft-ce bien le Duc qu'il faut accufer de cette compofition finguliere? D'aburd, en fuppofant que cette quantité de . retraites qui déplacent tout le monde, foit uniquement fon ouvrage, ne peut-on attribuer ce défordre qu'a 1'envie de fubftituer fes créatures d de braves Officiers? 11 me femble qu'un Eerivain qui fe piqueroit d'ctre conféquent, verrok tout le contraire. II trouveroit que des vétérans qui confervent leurs honoraires, pour en jouir dans le repos, relfemblent bien mieux a des créatures, que des Officiers faifant a leur place, & fans les gages attachés a leurs grades, le fervice dont les premiers font difpenfés. Enfuite, eft-il bien vrai que, pour placer fes créatures, le Duc ait dépofé une quantité de braves Officiers? Notre Energumène de Leuwarde, a qui les imputations les plus graves ne coütenc rien , fait-il bien ce que c'eft que dépojér des Officiers, & comment on les dépofe chez nous? Ne I croiroit-on pas a Pentcndre, que le Feld-Maréchal eft un Grand-Vifir qui calle des Janijfaires, quand & de la maniere qu'il lui plait? Eh t Monfieur, tout puiflant que vous affeétez de le repréfenter, il n'a ni le droit, ni le pouvoir de faire cafler un Bas-Officier & fuftiger un Soldat. C'eft pour des crimes, pour des lachetés ou des baffeffes qu'on dépofe les Officiers au fervice de la République : c'eft par des procédures légales & régulieres oü le Duc n'inllue pas, qu'on procédé a leur dépofition : ce font les Confcils de guerre, oü le Duc n'affiftepas, qui prononcent ces fentences eYOftracifme, & toujours le Prince qui les confirme, ou les modifie a fon gré. S'il étoit prouvé que le Duc feul eut caufé le défordre qu'on lui impute ici fans reftriétion,  Correjpondance politique. 2gl qu'en réfukeroit-il? Que cette difpofition même J feroit 1'éloge de fon cceur, plus encore que k fatyre de fa politique. Je fais bien qu'un hommed'Ëtat doit avoir plus de jufteffe dans 1'efprit que de fenhbilité dans 1'ame. II faut qu'il s'arme d'une fermeté qui le metce a couvert des furprifes, & le delende de 1'inlluence des importunités & des follickations; qu'il fe dépouille des fentimens qui dccerminent les actions des individus dans la vie privée; qu'il foit indifférent aux avantages des particuliers, quand leur bien-être perfonnel peur, imcrvertir 1'ordre général, & nuire au bien public. Mais pour être inacceffible aux motifs qui onc tant d'empire fur le cceur des autres hommes, un adminiftrateur doit-il donc êcre un barbare? fautil qu'il n'ait ni équké ni compafüon ? Le Duc de Brunjwick, par exemple, pour ne pas mériter le reproche qu'on lui fait avec tant d'amertume d'avoir énervé notre conftitution militaire, devoit-il öter le pain aux Officiers dont Page ou les infkmkés ne leur permettent plus de fervir, pour en donner a ceux qui font le fervice a leur place? Seroit-il en fon pouvoir de commettrecette iniquité odieufe, quand même il en feroit capable ? Quoi! pour être honoré du fuifrage d'un dénigreur Frifun & d'un périodifte ü Amjtcrdam, il auroit dü priver de leur fubfiftance 4 ou 500 militaires blanchis fous le harnois, afin de' conferver les appointemens de leurs grades aux Officiers en aétivké? Eh 1 pourroit-il fe rendre coupable d'une injuftice auffi criante, quand même il en auroit la volonté ? • Ce n'eft certainement pas la faute du Veld-Maréchal, s'il n'y a pas de penfions de retraite affignées aux anciens ferviteurs de l'Etat: fi les officiers effeótifs devenus par la vieillelfe , les maladies, les accidens, incapables de faire le fervice, & confervanc leur folde duranc leur vétérance ,  Correjpondance politique. les titulaires qui leur fuccédent n'ont pas de gages : li depuis le grade de-Capitaine en pied jufqu'a celui de Lieutenant-Général inclulivement, chacun eil grévé de quatre années maigres, qui n'ont pas toujours le mérite de rellembler a celles de Pharaon, puifqu'elles ne font pas fuivies comme elles ó.'années grajfes : fi les compagnies étant a la charge des propriétaircs, les recruescoütent aujourd'hui le doublé, le triple pour les acheter, les habiller, les équiper de ce qu'elles coütoient autrelbis ; fi les régimens expofés fouvent a des marchés coüteufes pour changer de garnifon , ne recoivent pas un fol pour ces déplacemens, ni mème pour le tranfport des bagages. Voila quelques-unes des raifons qui privent notre armée du dégré de perfeclion ou d'énergie donc elle eft fufceptible. Mais le Duc n'en eft ni la caufe, ni 1'unique, ni fur-tout le principal auteur. Que prétend donc fon détracteur en le rendant refponfable de toutes les plaintes que cette partie peut motiver? Dc décharger fa bile fans doute, meme en faifant frémir le bon fens. N'avonsnous pas vu, dit-il , des Majors avec des appoiw temens de Lieutenans ? Que chacun en tire les conféquences. Nous examinerons d cette occafion plus amplement votre conduite en qualité de Feld-Maréchal. C'eft la un amphigouri qui n'a ni liaifon , ni fuite, & qui ne décèle que le deflein de noircir un perfonnage illuftre que fes ennemis voudroient perdre. La fuite quatid on pourra. N. B. Cette feuille a effuyé des retards bien involontaires. On tüchera de réparer par la diligence & Texactude des délais qu'on n'a pu ni prévenir, ni prévoir.  Correfpondance politique. 233 CORRESPONDANCÉ POL I TIOÜE Sur les affaires préfentes de la. Hollande, Article pour fervir de Supplément aux deux Nm* précédens. | L vient de paroitre dans la Cazette de Clèvesl N°. 7, du 23 du mois de Janvier, un article cxtrait & traduit d'un Ouvrage Périodique d'Aüemagne, intitulc le C/ironologue. Ce rnorceau fort bien fait & trés-frappant, qui nous paroit réumr le mérite du ftyle è la vérité du fond, ne fauroit être trop répandu. Ecrit dans nos principes & s'accordant parfaitemcnt avec l'opinion que nous avons de la difcullion qui en fait le fujet, nous nous emprclTons de 1'adopter Nous y joindrons feulemcnt quelques notes. Parallele Politique. w Si JAreopugt A'Athïnes avoit débuté par laire her & garroter les deux efprits turbulens & faéheux qu, inhftoient fur Pexpulfion de PhodZ & les avoit fait jctter dans la rade deP/7& Démet ruis m feroit peut-être jamais devenule tyran des Athemens. L anarchie dans laquelle la Grhe totnba n'auroit jamais été fuivie de la batai e de Cheronée , qui bouleverfa la République & a foumit au joug des Romains " '  S34 Correfpondance politique. de nos jours dans un certain cas pareil; 1'évlnement 1'apprendra." „ Je me bornerai a faire remarquer feulement que l'Hiftoire ne fournit dans fes faftes aucun exemple plus reffemblant que celui de la lïtuatiort des Grecs après la mort d'Antipater, & 1'étatactuel d'une certaine République moderne. '* „ Antipater que nous pourrions comparer apeu-près au grand JSajpiu , gouverna quelque temps la Grèce, comme fon Iibérateur, fon légillateur & fon père. II mourut & laiifa la République dans une pofition qui auroit pu vraifemblablement lui procurer une füreté & une confidération non-interrompues, fi le gouvernail de l'Etat n'étoit tombé fucceffivement entredes mains communes & peu accoutumées a le manier ; c'efta-dire, fi les principaüx bourgeois, qui fe nommoient les confeillers-d'état de la Grèce , ne fuffent parvenus a s'emparer de plufieurs branches du gouvernement, au préjudice du Stadhoudérat & de la République." „ Phocion, outre les vertus qui peuvent honorer un homme privé, pofféda dans un trèshaut dégré les qualités d'un homme d'état confommé, & d'un excellent militaire. En lui, la politique de Thémiflocles fe trouvoit réunie avec les taiens militaires de Milthiades & avec la probité d'Ariflides. II avoit fervi la République pendant 23 ans en qualité dc Min 1 lire -d'Etat & de Général en Chef. Jamais aucun motif n'avoit pu ébranlerfa candeur, qui dans toutes les occafions parut guidée par les vrais principes de 1'honnêteté. II préféra toujours Ie bien public a fes propres intéréts, la conviélion d'être utile Pemporta auprès de lui fur toute autre confidération ; & il facrifia a l'Etat fa fanté , fon repos & fa fortune. Cette modération fut la caufe de fa perte." „ Sa maxime étoit que les guerres, même les  Correfpondance politique. 235 ; plus juftes & les plus néceflaires affolbliffent un \ Etat; qu'elles étoient particuliérement nuifibles ; a une Nation qui, comme les Grecs, fembloic I avoir été appellée par la nature & par la pofuion ) de fon fol, a 1'exercice paifible des arts & du comI merce; & qui fe trouvoit fans alliance, fans florJ tes & fans armée. II s'étoit prefcric pour régie ï d'être accotnmodant & facile envers les ennemis i de la Patrie (O- Quoique accoutumé a commanS der des armées, Phocion , eu égard aux circonfij tances oü fe trouvoit PEtat, préféra la conferi vation de la neutralité. " „ Jamais Nation ne fut dans un état plus trifte & plus approchant de fa ruine, que les Grecs a cetceépoque.Cen'étoienc plus ces anciens Achéens: i ils étoient entiérement déchus de leur caraclère natiorial. La foibleffe & la difcorde avoient fuccédé au courage & a Punion , qui avoient rendu leurs ancécres fi célèbres. Le goüt des libclles & | des pafquinades avoit remplacé celui des belles i & grandés aétions. La Nation étoit tombée dans I des difcordes intérieures. Les faclions gouvernoient: Parmée confiftoit en troupes mercénaires, jamais complettes : routes les fois que le Géiiïéral propofa dans le Confeil-d'Etat, la néceifité | du rétabliifement & de 1'augmentation des troujpes , iléprouva des contradiétions. " C t )^Akxandre leur ayant mandé, (aux Athïnieus') qu'on lui envoy-it quelque nombre de galeres, les haranguetirs a 1'encontre prêchoien: qu'on n'en devoit rien faire. Le peuple appella nommément Phocion pour en dire fon avis: 1 lequel leur répondit franchement .* » Je fuis d'avis , ou que I» vous donniez ordrê a être les plus forts en armes, ou que vous.tachiez d'être amis de ceux qui le font '*. (Vit dc Phocion par Pllltafque , traduStion d'Amiot. ) Tel eit le larigage que le Stadhouder & le Duc de Bnms\wkk n'ont celfé de tenir depuis les troubles : fei'oit-ce .'peut-être pour cette même raifon qu'ils font eu butte a .Ia haine des brouillons &t de la multitude ? c Note da Texte. P 2  23 6 Correjpondance politique. „ Telle étoic la fuuation de l'Etat,lorfque Démetrius le conquérant des villes parut aux portes de la Grecc. La populace d'Athènes, la plus vile & la plus audacieufe de toute la Grece affaillit la maifon du Général & le tralna au pied de la ftatue d'airain que la nation lui avoit érigée. C'eft la, que deux boute-feux, Ce (lus & Megabates s'élevant dans la foule, chargerent Phocion de tous les malheurs qui menacoient l'Etat, & le dénoncerent au jugcment dela multitude, comme traitre a la pacrie. " „ Qui ne reconnoit la reffemblance frappante qui fe trouve entre ce cas & celui d'un certain Prince de nos jours ? Tant il eft vrai que les tems & les hommes ne ceffent d'être les mêmes a quelques nuances prés. Ce Prince, tant par fa naiffance, que par les charges & dignités émincntes dont il eft revêtu, eft fans contredit un des hommes des ptus illuftres & des plus eftimablcs de VAllemagne ; ancien répréfentant du Capitaincgénéralde Ia République, actuellcment Feld-Maréchal a fon fervice, & par conféquent un des premiers hommes da l'Etat; au déla de 30 ans Minijlre & ami de cet Etat, & a tous égards digne de vénération (O- Ce Prince a Pexemple de P/20- (0 D'S"e & vénération , c'eft très-vrai ; ami de l'Etat, bien J mais Mimjtre, point. S. A. Mgr. le Duc Louis de Bmnrwiek n'eft pas le Miniftre de la République , mais foii premier lerviteur , comme S. A. S. Mgr. Ie Stadhouder en eft le premier Membre. Comme revêtu d'une charge importante dans^ l'Etat, il y tient un rang diftingué? Coniomme dans les affaires, doué d'une capacité rare & poliedant une des tètes les mieux organilees de YEurope. il peut etre le Confeiller de la République • encore n'eftce point a titre de fon caractère public. Ce lont les perionnes a qui les lumières infpirent de la confiance & Semrindent°b''e'LS lel"luels on en a bef°i" . q«i les lui Le ferment qu'il prêta au Souverain en fe charseant  Correfpondance politique. 237 don , fe voit tout d'un coup dénoncé a la nation par d'autres Cefiits & Megabates CO, comme un de la tucelle du Prince, lui interdifoit la faculté de fe mêler de 1'adminiftration & de la politique ; ce qni n'empêcha pas cependant, durant la minorité , les principaüx perfonnages de l'Etat, de recourir a fes avis fur les affaires les plus importantes; & ils s'en trouvoient fort bien. Alors on le regardoit comme 1'Oracle des Proutnqics-Uiiies ; aujourd'hui les' chofes font bien changées. Autrefois on le forcoit de parler , après lui avoir lié la langue : a préfent on lui feroit un crime, même de refter muet. Pour en revenir au titre de Miniftre-d'Etat, la République fous un point de vue abftrait, n'a a proprement parler, point d'Agens revêtus de cette qualité & des fondions qu'elle donne ailleurs le droit d'exercer j a moins qu'on n'applique ce nom au Préfident des EtatsGénéraux, qui feroit alors tout-enfemble le Souverain & le Miniftre. Les parties intégrantes de la confédération ont, a la lettre , des Miniftres : ce font les grands Petifióiwaires des Etats de chaque Province. Celui de la Province de la KAlande, joue fans contredit un très-grand róle dans l'Etat. Mais la généralité n'a pour Miniftre que le Confeil-d'Etar, réuni au Stadhouder; le département de ce Miniftère fe borne a deux des principaüx objets de Padminiftration intérieure , la fiuance & la guerre. On ne peut pas appliquer la dénomination de Miniftre ti la qualité de Ftl'd-Maréchal, comme ayant dans fa dépendance le département militaire. Cette dignité donne le droit de commander Parmée, bien plus que celui de 1'adminiftrer. Elle eft d'ailleurs fubordonnée a celle du Stadhouder, qui eit le Capitaine-Général des Troupes de l'Etat. La Conftitution de la République eft trés-compliquée lans doute, & très-confulé pour les Etrangers. Mais le fameux Auteur dé YEfprit des Loix n'a-t-il pas dit qu'en politique comme en méchanique, le grand fecret de 1'art conliftoit a s'écarter de la nature , eii multipliant les refforcs , les rouages, afin que la machine opère fes mouvemens avec plus de cêlérité & de précifion ? Et quand ce grand homme auroit avancé une grande abfurdité il ne feroit pas encore permis de le contredire. (Nou dl l'Editeur.) (O Voila une qualification outrée , injufte certainement, que les hommes impartiaux n'avoueront pas convenir aux perfonnages a qui on 1'applique. On ne nous accufera pas airurement de prévention contre le Feld Maréchal, puifque ijous n'avons laiffé échapper aucune occafion de prendre £a défenfe , toutes les fois qu'il nous a paru que Pinjuftice &  238 Correfpondance politique. homme chargé de la haine publique. A 1'exem-» ple de ce Grec il a facrifié fon repos, tout enfin a a Ion amour pour cet état „ & au deur de contribuer a fon bonheur. II a quitté une patrie qui lui préfentoit, une perfpeétive au moins auffi brillante & qui avoit fur lui des droits naturels , pour être utile a une nation étrangere qui avoit mis en lui fa confiance (1). Animé par cette noble vocation, il adopte cette patrie comme la lïenne & fe voue a fon fervice avec un zèle, un attachement peu communs , qui lui attirent pendant 30 ans fon approbation & fon eftime. Mais,fup- Ja haine fe réunilToient a 1'indécence pour le noircir 011 le charger. Mais 1'impartialitë , le relpccï pour la vérité ne nous permettent pas de conligner fans réclamations dans notre feuille , un article dans lequel, en juftifiant ce Seigneur , on aiïimile fes adverfaires a deux; miférables boute - feux A^Athiiits. Lui-même fans doute , défavoueroit les élans d'un zèle mal - entendu qui le cpmpromet, s'il étoit confcilté fur des défenfes oü 1'on emploie les armes de la pallion , ou de la calomnie. Je fuis perfuadé , intimement convaincu comme le Chronol'jputur, que les ennemis de S. A. ont des torts très-effentiels envers Elle: qu'ils ont fait des Fautes très-nuifibles a leur patrie; qu'ils ont très-mal-a-propos élevé des images fur 1'intégrité & le zèle d'un perfonnage recommandable fous tous les points de vue, qui mérite del'eftime & non du mépris , de la gratitude au lieu des dégoüts multipliés qu'on lui fait dévorer pour toute récompenfe de fes longs travaux , de fes importans fervices, de Ia confécraticm de tout fon être a la Patrie , qui le traite aujourd'hui en maratre: je n'ai ceflé de le dire; je ns celferai de le répéter. MaLs on neme reprochera pas d'avoir eflayé de les avilir, ou de les calomnier. ( Note de l'Editeur ) (1) Tous ceux qui font fufceptibles de s'intérelTer au fort des hommes perfécutés par la haine ou lavengeance , applaudiront a ce paifage, qu'on ne peut lire fans attendriiïément & fans époiivante , en penfant a quels dange.rs l'innocence & le mérite font queiqne-fois expofés. Quelle fource de réflexions n'off'riroienr pas.réunisen oroupes dans un tableau , Linguet pourrilfant a la Baftille , Mr. Necker congédié , le blïgand Rodney applaudi , Arnold chargé de 1'opprobre d'une'double apofïafie , carelTé , le £>uc de Bruitsmck dévoué a la haine publique ? ( Note ie l'Editeur. )  Correfpondance politique. 239 pofé que les mceurs de cette nation fe foient perverties par le luxe & la molclTe; qu'elle ait perdu fon ancienne fimplicité & fa modération ; què 1'efprit de difcorde, de divifion & de parti ait pris la place de 1'efprit de concorde & d'union qui faifoit jadis fon bonheur ; fuppofé que cette nacion ne joue plus un róle parmi les Puiffances de VEurope; que fon amitié foit dédaignée & a charge a fes alliés; que fes forcerelfes foient dépourvues de troupes, fes arfenaux de munitions, fes ports de vaiffeaux, fa flotte de matelots, fes prétendues places barrières fans en tretien & fans garnifon , fes colonies au dehors mal pourvues, &c. Qu'eft-ce que le Phocion Hollandois auroit pu dire a cette nation dans de telles conjonctures ? Ce que lui dit la voix de toute YEurope. ,, Tenez „ vous tranquilles. Vous nevous trouvez pas dans „ une pofition qui vous permecte d'entrer en lice avec les autres Puiffances, & de vous mêler de „ leurs differends. " „ Si, comme hommes d'état le Stadhouder, ou par fon organe,lc Général ont donné ce confeil, ils n'ont certainement pas manqué d'y ajouter , comme guerriers, Pexhortation d'augmenter les troupes , de rétablir la flotte, dc déploy er les forces de la nation , & de fe mettre ainfi en état de faire face a tous les événemens CO- Envain le petit nombre des yrais amis de la patrie applaudit aux repréfentations du Stadhouder-héréditaire, & de fon confeil, fi la majeurc partie crie avec impé- (1) Oh ! pour cela, c'eit bien vrai. Et quoique depuis quatre ans qu'ils demandenta corps & a ens des troupes & des vaiffeaux pour être en état de faire la guerre, ou pour ne pas être obligé de la faire , les Provinces n'aient voulu ni délier leurs bourfes, ni ouvrir leurs cofFres pour s'en procurer; on n'en débite pas moins avec une alfurance , avec une hardieffe incroyables, que c'elt le Prince & le Duc qui font la caufe de 1'état de foibleiïe oü la République fe trouve. (Nwe de i-Edhsur.) P 4  24Amfterdam, en pronoucant contre elle une interdiction de quelques mois, comme on a vu fouvent votre adminiftration Belgiquc ep ufer envers les Gaz;tes, dont elle jugeoit les principes ou le ton incompatibles avec fes maximes & fes vues. C'eft-la, je crois, Monfieur, la feule fatisfadtion qu'il convienne a un Prince inftruit & tolérant de tirer d'un individu qui s'eft oublié envers lui. Votre Souverain qui fe fait plus aimer que craindre; qui fe diftingue par des procédés généreux autant que par des é'tabliflemeas louables, ne s'abaifiera pas jufqu'a  Correfpondance politique. 245 s'appercevoir de la critique mal-fondée d'un Périodilte indifcret. On rapporte de ce Monarque a ce fujet un trait récent qui fait également 1'éloge de fon difcernement & de fon cceur. Une perfonne s'étant expliquée librement fur les opérations réformatrices de 1'Empereur, & les ayant attaquées vivement; quelqu'un , s'imaginant fans doute faire fa cour, & donner une preuve de fon zèle en dénoncant le Cenfeur, en avertit S. M. Imp. Laiftbns, dit le Souverain, parler cet homme comme il voudra; car il n'eft pas a la tête de 300,000 hommes, Le Roi de Prufte avoit déja fourni le modèle de cette réponfe magnanime. On rapporte de ce Héros une anecdote a-peu prés femblable a celle de 1'Empereur. On dénoncoit un jour a S. M. Pruftienne un Eerivain qui favoit attaquée dans une brochure. Atil 50 mille hommes d Jhs ordres, demanda le Monarque ? Hélas! Sire, lui répondit-on , il na peut être pas un domeftique^ pour le fervir. En cecas, reprit le grand Frederic ,/e ne dois pas me mefurer avec lui. Je n'ai rien a en craindre. Quel contrafte ces traits de grandeur & de générofité ne font-ils pas avec la lache & cruelle vengeance qu'on exerce ailleurs au nom des Rois, contre des Écrivains, ou d'autres particuliers qui hafardent des idéés innocentes! Parmi les régiemens nombreux & pleins de fageffe de votre incomparable Empereur, on en diftingue un fur la liberté de la Prejfe , affervie jufqu'ici dans les pays de S M, I. aux caprices d'une cenfure pédantelque, a des gênes aulli contraires a la liberté naturelle de 1'homme, qu'aux maximes d'une faine politique. Ce Monarque infatigable dans les réformes falutaires & les innovations utiles, en rétabliffant un des plus beaux droits de l'humanité , ne négligé aucun moyen d'encourager dans fes Etats la Librairie devenue une branche efièntielle de commerce. La régénération opérée par Jofepb II a produit un autre inconvénient, qu'il étoit aifé de prévoir, mais qu'il n'étoit pas poffible d'empêcher. De ce que le Souverain a rendu a fes fujets la faculté de communiquer leurs idéés par la voie de Hmpreffion ,fans etre affujettis a des fnrmalités gotbiques, & accablées d entraves gêrtantes, tout le monde s'eft cru en état d ecrire. Les Preffes devenues libres ne font pas li-  446 Correjpondance politique. cencieufes, mais d'une fécondité peut-être auffl nuffj-» ble que la licence. Elles enfantent tous les jours unö foule de productions infipides, de plattes brochures. Le public fe trouve innondé d'écrits pitoyables.L'Em« pereur, pour venger 1'infulte faite au bon fens par leg fots ouvrages, veut,dit-on, punir les fots Auteurs, en les obligeant de mettre leurs noms a leurs livres4 Si cette loi s'exécute exactement, on verra le ridicule prendre la place de la févérité, & le mépris des lecteurs faire la fonélion des Tribunaux. Le public pourra fe dédommager fur tant d'Ecrivains infipides du dégotit & de Fennui qu'ils lui caufent. Les Magiftrats ne pourfuivront plus avec le glaive des loix,un homme qui s'avife de publier des lottifes fans leur aveu : mais les Littérateurs fenfés, en jettant fon livre au feu, imprimeront afon nom une note qui les vengera de fa témérité. Que deviendront alors tant d'Auteurs qui font impunéraent gémir la raifon, a la faveur de Vanonyme, quand leurs mauffades productions devront être décorées de leurs noms, pour circuler librement dans les Etats de S. M. Imp.? Les huit ou dix grands hommes qui fagottent li élégamment le Mercure de France? Les deux ou trois petits Copiftes qui compilent le Journal de Bouillon ? Les rapfodiftes orduriers du ■Pot-pounïl Le baiboteur qui falit tant de papier a Eruxelles? Croyez - vous, Monfieur, qu'en lifant la Lettre fur le Toléranttfme ; les Lettres Hollandoifès anciennes & nouvclles ; les deux énormes plagiats intitulés, 1'un DiBionnaire de Commerce, 1'autre Encyclopédie de Jurifprudence, ce ne feroit pas une fatisfaétion bien pure de favoir, que c'eft a M. Derival qu'on eft redevable des baillemens qu'ils produifent, & du chagrin de voir un impitoyable griffbneur fe jouer d'un public imbécille & dupe? Et quand on lit 1'éloge de cet eimuyeux fatras , dans le Journal de YEx-Jéfuite fanatique de Luxembourg , ne feroit-on pas cnarmc de trouver en tête; par le Pèk.e de Feller, pour lui faire expier, au moyen de quelques épigrammes, fon défaut de jugement & de goüt. Mon confrère M. Cerifier ne feroit pas de même puni par rindifférence ou le mépris, pour manquer de lumières, d'érudition , de capacité. On ne fe plaindroit ni de fes connoiffances ni de fes talens. Mais  Correjpondance politique. 247 on lui reprocheroit un bavardage qui ne finit point; , faire paffer par leur Canal. Du refte elle nous », eend les bras, & n'attend que la plus légere 9, ouverture. Elle eft prête a nous accorder tout, ,, C non pas la confidération au moins ) tout ce qui fera compatible avec la dignité du Roi, „ & le falut du Royaume, &c. " Voila pourtant la Médiation de la Rufjle, qui a été la motricc du fublime code rriaritime, dont V'Angleterre a une fi terrible frayeur;la voila pourtant acceptée par le Cabinet de St. James , malgré fa fïerté, fes dédains & fon audace. Voila 1c Miniftèrc conciliatcur de Pétersbourg, agréé exclufivemcnt a celui de Stockholm, cordialement dévoué a la France , & a celui de Coppenhague , qui n'a pas offert fes bons offices pour échaffauder une paix, dont ces trois Puiffances neutres fe foucient aulli peu que 1'Empereur & le Roi de Pruffe, attendu que, pendant que les autres fe battent pour fe ruiner,ou fe ruinent pour ne pas fe battre, eux & leurs fujets s'enrichiffent. La voila acceptée, cette Médiation puhTante, avec des tlatteries chatouillcufcs pour la Média trice, & une exclufion oifenfante pour la Suéde', manége adroit de la Cour de Londres , pour défunir les confédérés a la Neutralité-armée, & faire dormir la grande confédération dans le port dc Livourne, ou pour la noycr dans les eaux de la Baltique. L'orgueilleufe Albion veut donc, a quelque prix quece foit, renouer avec fes bons amis les Bataves ? Dans le fond elle a raifon. Après lafottife qu'elle a faite de rompre avec eux, malgré tous les motifs qui auroient dü la porter a lesménager, a fe les concilier plus que jamais; elle ne peut mieux en prévenir les fuites terribles, qu'en fe hatant de la réparer par une réconciliation fincère. Quelques facrifices qui lui en coüte, ils font préférables aux expiations que lui attireroit fa réfütance a les confomrner.  Correjpondance politique. 269 II parok que les Etats-Généraux n'ont pas moins de contiance en la Grande Cathèrine, que 1'Angleterre de befoin de cetce Femme étonnante. Ilsviennent aulli d'accepter les bons offices de la moderne Séba, qui, bien différente de 1'anCienne, eft vifitée par les Salomons & les Davids de YEurope. La réfolution de L. H. P. eft auffi douilletce que la réponfe du Miniftre Britannique eft infultante. La voici. . Arrèté des Etats-Gènèraux. « -^Rrêté, que Mr. de ffajèaaer fera chargé de décla rer au Mimftère de Rujjle. en réponfe a la fuldite in vitation. » « Que durant tout le cours des troubles acluels, L. H. P. n'ont jamais laiffé paffer une occalion de donner a S*. M. Imp. les marqués les plus fincères de la contiance la plus parfaite , qu'Elles mettent en Elle; qu'ainfï Elles font fermement convairtcues de 1'intérêt particulier, qu'il lui a toujours plu de prendrea Pétat flonlfant & au bienêtre de la République : que d'après ces principes L. II. P. n'ont pas fait difficulté, dès le commencement, d'accepter avec toute la promptitude pollible les Propolitionj de S. M. Imp. pour terminer, par une Médiation particuliere , les différends, qui fe font élevés entre S. M. B. & cet Etat par la conduite injufte de la Qrande-Brétagne: que S. M. I., toujours animée des mêmes léntimens, n'aura recu qu'avec plaifir la notilication d'acceptation , faite de fa Médiation par S. M. BntaniOqve -. que L H. P. déclarent itérativement, que, de leur cöté, Elles font parfaitement difpofees a mettre fin aux troubles adluels a telles conditions , qu'on pourra regarder comme compatibles avec leur honneur & leur dignité : que Pinterpofition des bons offices de S. M. I. de Toutes les-Rnffies pour cet eftét fera extrêmement agréable a Leurs Hautes-Puiffances, & qu'en conféquence Elles acceptent de nouveau la Médiation offerte dans la conhanee néanmoins, que S. M. Imp. maintiendra' les principes du Traité de Neutralité armée, par lequel Elles & plufieurs autres Puiffances ont 1'honneur d'être unis avec Elle : que de plus L. H. P. font prêtes a concourir avec la Cour de Londres, par Pintervention du Miniftère de S. M. Impériale , pour prendre toutes les mefures, qui peuvent & doivent fe régler avant 1'ouverture formelle des Négociations de Paix : que pour cette fin Elles prendront en conlidération , auffi-tót que poffible la fixation de 1'endroit, oü les Négociations de Paix pourroirt s'ouvrir; & qu'Elles tficheront de répondre aux vues, que S. M. Imp a déclarées , pour autant que le permettront aucunement les cunfidérations, réfultant de K-3  370 Correfpondance politique. la Conftitution du Gouvernement de ces Provinces, &f* grande diftance des lieux, fujette a beaucoup d'inconvénieris, au préjudice de la Négociation même : qu'Elles penlèront pareillement a nommer des Miniftres-Plenipotentiaires pour affiiier aux fufdites Négociations , oz eniin aux conditions, auxquelles Elles feront diipoiées a rétablir la Paix avec Sa Maj. Britannique: qu'en attendant Elles peuvent affurer a cet égard Sa Maj. Impériale, qu'en iixant les conditions , Elles agiront avec une facilité convenable , & ne feront point. de difficulté d'en donner a S. M. Imp. une ouverture fincère , aulli-töt qu'Elles ieront ali'urées par S. M. Impériale, (fur la magnanimité, 1'équité connue, & la bienveillance de laquelle envers cet État L. H. P. mettent une entière conliance ) , que c'eft; 1'intention fincère de la Cour de Londres de fe réconcilier avec la République a des conditions , qui foient cqmpatibles avec fon honneur & les intéréts , & qu'on puiilé juger en conféauence de nature a être acceptées : qu'en outre il fera dbnné Extrait de la préfente Réfolution a M. le Prince de Galiitzin, Envoyé-Extraordinaije de S. M. Imp. de R.u(fie, avec prière d'appuyer de fes bons offices les demandes de L. H. P. » Réflexions fur cet Arrété. IL ne parok pas, Monfieur, d'après cette pièce récente que la négociation foit encore fort avancée. Le lieu des conférences pacificatrices ■n'eft pas encore délïgné ; les Plénipotcntiaircs au futur Congrès ne font pas encore nommés , de part ni d'autre. Votre conftitution embrouillée, pleine de rouages & de refibrts multipliés a 1'infini, pour faciliter fans doute les mouvemens de la machine, felon 1'axiöme célèbre du grand Montefquieu , entrainera des lenteurs dans le choix des négociateurs & dans la préparation de leurs inftruétions. La diverfité d'opinion , le conflit des intéréts , qui divifent les membres de la Souveraineté, mettront des obftaclesa 1'accelération de 1'ouvragedefirable, donton va s'occuper. L'éloignemcnt du théatre de la guerre, aux Antilies, aux Indes-Orientales , & de la Cour Médiatrice placée fous la pplc arclique, produira des équivoques, des événemens peut-être, qui augmenteront les prétentions d'un cöté , & le reflentiment de 1'autre. Notre impcrturbable Mi-  Correfpondance politique. 271 niftère de Verfailles , en pofleflion de St. Eujlache, de Saba, de St. Martin, par le fort des armes, & maitre du Cap, fous prétexte de le protégcr, faura bien faire naitre des incidens, ou articuler des menaces pour déconcerter vos mefures. Infenfiblement le temps fe confumera en débats, au milieu des tranfes & de Pincertitude. Leprintemps arrivera, que les préliminaires ne feront pas encore entamés, gare , alors : fi. votre République n'eft pas armée de facon a contraindre les Anglois a faire la paix, & les Francois a ne pas 1'empêchcr. Si durant la campagne qui va s'ouvrir, vous ne vous rendez pas refpeétablcs par mer & par terre , vous ne la verrcz pas achevée, qu'elle n'ait produic des événemens finiftres pour votre pays. L'Angleterre abimée de dettes, ruinée dans fes Finances & déchue dans fes poffeffions, s'en dédom magera fur les vótres. La France un peu moins obérée, mais non moins ambiticufe, non moins avide , s'emparera du refte de vos colonies, avec 1'air devouloir les défendre des invafions des Anglois, ou en fera la conquête fur eux. Elle gardera vos domaines en ötage, comme des garans dc votre dévouementa fes volontés. Sous les apparences de 1'amitié, elle fe fera mife en état d'être aübciée au partage dc vos dépouilles. Alors vous connoitrcz les belles manoeuvres de vos matadors, qui ont donné accès aux intrigues fourdes d'une Puiffance, dont il falloit ft défier ; vous fentirez 1'imprudence de votre compagnie des Indes, d'avoir appellé comme défenfeurs. des vaiffeaux & des troupes qui peuvent agir en maitres : vous apprécierez a leur jufte vaieur les balivernes de votre Cerifier, dans fon brülor de Politique Hollandois-.vous verrezqui étoient,les meilleurspatriotes, oude ceux qui font dévoué^a la France, oude ceux qu'on accufc d'être corrompus par 1'Angleterre. J'ai 1'honneur d'être, &c.  2 7 2 Correjpondance politique. Réflexions fur le Politique Hollandois, & d ce fujet, fur les fuites de la fcijjlon Américaine. L'Auteur de cette feuille vient d'achever fa révolution annuelle. En terminant fon fecond volume, il fait une récapitulation des principaüx objets qu'il a traités. II faifit cette occafion pour fe défendre, ce qui eft fort bien ; pour fe louer, ce qui ne Peft pas tant ;& pour attaquer, ce qui ne Peft point du tout. 11 n'ejl, dit-il, aucune tentativc qu'on n'ait ef~ fqyé, pour décourager l'Auteur ou phitöt le principal Auteur de ces feuilles. Ses adverfaires, voyant qu'il avoit le courage de les braver ou Vadrejfe de les ridiculifer, ont pouffé la Idcheté du rejfèntiment jujqu'd chercher d lui fermer tous les chemins que fes talens pouvoient lui frayer d la fortune. Sans contredit M. Cerifier a raifon de braver des adverfaires injuftes ou lêchcs , & de ridiculifer des adverfaires méprifables. Cette efpèce de gens ne mérite ni égards , ni ménagement. Quand un Eerivain a du courage, de Padreffe & des talens, il fait très-fagement de s'en fervir, pour écrafer cette vermine, ou au moins, pour la dévouer au ridicule. Mais 1'équité comme la prudence exigeroit, ce femble, qu'un Auteur ne confondit pas tous fes adverfaires dans la même claffe. II peut s'en trouver qui aient, finon des talens, ou de Padreffe, du moins du courage & de Phonnêtcté. II eft poffible qu'il y en ait quelques-uns dans le nombre, qui ne foient pas tout-a-fait des êtres nuls qu'on puiffe dédaigner, ou de vils infectes qu'il foit permis de méprifer. Par exemple, nous, fans nous croire fort  Correfpondance politique. 273 •adroits; fans porter nos prétentions bien hauc, nous croyons mériter que M. Cerifier, faffe une exception en notre faveur. Souvent nous différons d'opinion avec lui. Rarement nous fommes de fon avis. Plus d'une fois nous 1'avons réfutc. Nous aurions pu le réfuter plus fouvent, fi nous n'avions eu rien de mieux a faire. Nous avons relévé plufieurs traits qui ne font honneur ni a fon jugement ni a fon ftile. Nous aurions pu multiplier les critiques de ce genre. Mais nous ne lui avons contefté ni du mérite, ni delacapacité : nous n'avons effayé aucune tentative pour le décourager : nous n'avons pas pouffé la lacheté du relfentiment jufqu'a chercher a lui fermer tous les chemins que fes talens & fon adreffe peuvent lui frayer a la fortune. Nous ne fommes ni affez laches pour lui nuire , ni affez envieux de fes fuccès pour les convoiter. Ccpendant, voyez un peu avec quelle judicieufe équité , qu'elle modération exemplaire, il fe permet de nous confondre parmi la foule de fes antagoniltes. Après une énumération modefte de fon courage, de fon adreffe, de fes talens, de fon défintércffcment, de fon patriotifme, de Pélévation & de la nobleffe de fes fentimens, &c. II pourfuit ainfi. Les Anglomanes, quelque temps affez tran„ quilles, prennent aétuellement un ton de fier„ té, qui ne peut manquer d'étonner. Ils ré„ pandentune multitude de brochures; ils trou„ vent même des gens qui publient qu'elles „ font de vives fenfations fur les efprits, quoi „ que la plupart ne foient connues que par le 3, titre , ou par les citations de ceux qui les pró9J nent „ „ Laijfè^-ld M. Adams & fon mêmoire, s'écrie „ unfaifeur dephrafes, qu'on nous dépeint comme f3 Poracle du temps préfent. Eh mon ami, quelles  274 Correfpondance politique. „ font vos raifons pour parler un langage auffi ridi; „ cule ?Quelle eft votre miffion ? I/Ambaffadeur v d'un Etat, indépendant par lefait, un perfonnage que le fublime Auteur de VHtftoirephilofophi„ que & politique regarde comme un des plus 9, grands hommes d'Ëtat de ce fiècle , qui a 3, tant contribüé a la plus mémorable révolucion s» qui pouvoit arriver fur notre globe, parlanc ss au nom d'une nation qui va formcr un des r> plus puiffans empires de 1'univers, nous pro« pofe une alliance contre un ennemi commun, 5, & de grands avantages de commerce pour Fa95 yenir; & vous, faifeur de phrafes, vous qui, S5 a n'en juger que d'après Ie peu de mots que 99 votre bénévole próneur nous a cités , n'avez 55 pas encore développé le germe d'une feule 5, idéé, vous venez nous dire, laiffcz- ld Af. 53 Adams & Jon mémoire. Monfieur de la Corref5j pondance ïbit-difante politique, je veux bien 99 vous fuppofer Hollandois. Dites dans le temps 59 oü nous combattions contre les Efpagnols; fi 55 la France , VAngleterre & YAllemagne nous 59 euffcnt plantés la avec nos mémoires & nos 53 requêces, que ferions-nous devenus? Lifez ce 3, qu'un des fanatiques de votre parti dit dans 3, fes Reiniers Vxyaarts Brieven, fur les fervices 5, que la France nous rendit dans ce temps-la ; & 5, vous verrez combien il eft indecent a un Hollandois j, de déclamer contre un peuple qui marche Ji s, exactement fur nos traces....'1' Vpfta , Monfieur, qui eft a merveille. On pourroit fculement vous demander, pourquoi vous montrez toujours tant d'humeur, quand quelqu'un vous contrcdit. Cette difpolition irrafcible n'eft pas un préjugé favorable a la bonté de votre caufe ni a celle de votre cceur. Jupiter, tu as tort, car tu te fiches. Tout ce qu'on peut conclure de plus raifonnable de votre évaporaüon-  Correfpondance politique. 275 chagrine , c'eft que vous avez exceffivement de fufceptibüïté & de prétentions. Vous reffemblez a ecs charlatans qui s'exaltent par-deffus tout, pour éblouir une foule imbécille , qui les admire a proportion de leur impudence a fe louer eux-memes, & dc leur eiTronterie a méprifer les véritables medecins. Ek mon ami, quelles font vos raifons pour parler un langage aulli ridicule? Eh mon arm, mes raifons font dans le Nü. oü fe trouve le palfage que vous avez honnêtement altéré dans^ la vue de le rendre ridicule. Qjielle eft votre mijjion ? Ma miflïon, Monfieur, fe trouve au reverfo du diplome qui contient la votre. Unfaifeurde plirafes qtfon nous dépeint...V ous, faifeur de phrafes.... Mon pauvre Cerifier, vous voudriez bien que je ne fcuffe faire que des phrafes : encore votre exceffif amour-propre ne foutfriroit-il pas fans chagrin, que j'en fiffe mieux que vous. Car, notez bien ce car CO i car, entre nous, fublime Eerivain, il arrivé fréquemment que vous n'en favez pas faire vous-même qui aient le fens commun. J'en ai déja cité pluiieurs excmples alfez frappans. En voici encore un qui me tombe fous la main. Dans votre N°. 51 vous avezrapporté des confidérations patrioti'ques (ó), avec 1'airdeles tenir d'une main tiercé, pour avoir 1'occafion de vous donner des louanges, dans les remercimens que vous n'avez pas manqué de vous adreffer dès la (1 ) Voyez ci-devant , N°. 14 , pa"'. 224 & 225 , un emploi élégant & plein dejultelfe de ce car. (2 ) Ces conpdératlqns patriotiquts font un plaifantmorceau: M. Cérifier y chante la palinodie : après avoir précédemment exalté 1'amitié de la France, qui nous a fauvé le Cap, \\ infinue qu'elle pourroit bien s'autorifer de fes fervices , pour nous faire la loi. Pourquoi ces craintes , s'il étoit perfuadé de la fineérité de les prévenances officieufes?  ■ -76 Correjpondance politique. première page du N°, 52. Ce ftracagême-la n'en irapofc a perfonne, & n'eft qu'une bagatelle. Enivre de vos éclatans fuccès, vous vous encenfez d'une facon qui fe concilie, fi ce n'eft pas touc-a-fak avec la modeftie, compagne inféparable du vérib,e genie, du moins avec la préfomption qui eft lappanage ordinaire de la médiocrité (1). J'ai été, dites-vous, autant furpns que üatté de trouver,ckc. Je dis furpris , paree que n'ayant pas l honneur de vous connoïtre, &c. & flat té, non Jèulement de ce qu'elles acquerront un reliëf & une diffémination qu'elles n'auioient jamais eues autrement, mais encore des éloges donc vous daignei en faire. On voit bien , Monfieur, que vous n'êtes pas un faifeur de phrafes; car celle-la eft tres-mal fagoctee. Les grands hommes ne s'amufenc pas lans doute a ces misères-ia. Je vous paffe de bon coeur le reliëf ik la diffémination qu'acquierrent les pièces que vous publiez après les avoir fabriquées: ij y a beaucoup de modeftie dans ces petices ru» fes. Mais le reliëf étant du genre mafculin , & la diJJemmation du genre féminin, vous aviez apparemment oublié votre grammaire , en mettant le participe paffé paflif du verbe au pluriel de ce dernier. Mais cela n'eft rien , ou ce pourroit être une iaute d'impreffion , dont les puriftes les plus exacts ne font pas refponfables. Apprcnez-nous leulemcnt, s'il vous plak, de quel idiöme eft cette phrafe ? Les éloges dont vous daignei en faire. II faut que vous ayez la tête furieufemene r-Sf ),Le C^rlatanifme du Politique Hollandois reiïemble a ZLZ1 ?aiï? d6S L,ettres a" Réia®e"r ■ da"-s lelquelles il tacras, le plus plat de tous les torchons périodiques.  Correfpondance politique. 277 moulée a la cVAlembert, pour aller fourrer la ce dont en faire. Je crois qu'on dok être flatté des éloges que vous daignez faire. Mais au moins quand vous en faites, il ne faudroit pas plus eftropier le Francois que bleffer la décence. 11 ne feroit pas difficile de multiplier les critiques de cette efpèce.Il n'y a peut-être pas dix pages de vos deux volumes qui n'en puiffe fournir la matière. Car, Monfieur, je connois ces deux volumes. Je les ai lu avec attention. Je n'ai pas, comme vous, le don de jugerdes ouvrages&des auteurs fans les connoïtre. Mais paffons a autre chofe. Le Courier du Bas-Rlün n'a parlé jufqu'ici que trois fois de la Correjpondance politique. La première fois, il a infinué que 1'auteur étoit 1'avocat d'une mauvaife caufe; qu'il avoit entrepris de laver, de blanchir. II a dit que, fi fa plume étoit achetée ou louée, elle méritoit de Pêtre. Cet éloge eft bien foible, & ne devoit pas choquer M. Cerifier. La feconde fois , il a rapporté la ripofte de 1'auteur dela Correfpondance, fanslouanges ni critiques. Ce procédé ne pouvoit pas don ner de 1'humeur au Politique Hollandois. A la vérité, la troifieme fois, il en a fait une mention honorable. IIa dit que notre Journal faifoit une vive fenfation fur les efprits, & qu'il contribuoit a ouvrir les yeux fur le danger des brochures ou des feuilles inllammatoires, telles que celles de M. Cerifier. II a rapporté un paffage ou nous invicons les Hollandois a la concorde & a 1'unanimité. Et voila le Politique d'Amfierdam. qui ridiculife fon confrère de Clèves , & qui fe fiche trés férieufement contre fon confrère de la Correjpondance. Comme des injures déshonorent plus celui qui les dit que ceux qui en font les objets, M. Cerifier, plein (Tadrcfje , & furtout d'équité , fe  278 Correfpondance politique. contente de faire des plaifanteries fur 1'Ecrivain de Clèves , & fur 1'Auteur de la Correfpondance. II appelle 1'un un bénévole próneur, & 1'autre un Ij faifeur de phrafes. II attribue au premier une com-1 plaifance baffe, & prête au fecond un dévouement 1 ïervile. Ilinünue que celui-la a la bonté de men-1 tir gratuitement, & que celui-ci eft un A.nglo-\ mane fans mijjion , comme un Eerivain fans idéés. | Nous laifl'ons a M. le Rédacleur du Bas-R/ün f a repouffer, ou a méprifer, comme il jugcra a | propos, les aggrelfions nullement motivées d'un j périodifte tranchant, qui fe regarde comme ParUitre des Écrivains, comme Paigle de la politique; qui ne croit dignes ni de confidération , ni d'indulgence ceux qui combattent, ou qui n'adoptent pas fes opinions. Quand la Gazette de Clèves rapportoit des morceaux du Politique Hollandois, qui en contient en effet qui méritent d'être cités, celui qui la rédige étoit un Eerivain élégant, judicieux, impartial. Aujourd'hui qu'elle ne parle plus de cette .hebdomadaire devenue ennuiante par fa monotonie^ & infupportable par le ton de fuffifance de fon Auteur , le Rédacteur du Bas-Rhin n'eft plus qu'un bénévole próneur, paree qu'il cite d'une maniere obligeante un paffage de la Correfpondance. Mais nous, après avoir donné des le$ons de Grammaire a M. Cerifier, qui en a quelque fois befoin , nous lui en devons AcLogiqueSz d'honnêteté. II eft peut - être nécelfaire de rabattre un peu le caquet d'un homme fi fendant. II faut lui montrer que, fi nous manquons d'idées, lui il poffede au moins Part de les embrouillcr. Le paf- ' fage que nous avons extrait de fon N°. 52, nous } en fournit un exemple rcmarquable. S'il s'étoit piqué de bonne foi en 1'écrivant, I il auroit commencé par s'inftruire des raifons que nous avions de ne pas goüter fon plan d'une  Correfpondance politique. 279 alliance entre la République & les Américains. II auroit vu que nous avions motivé notre opinion fur l'abfurdité de ce fingulier projet, II fe feroit convaincu que 1'invitation adreffée aux Hollandois, de laijfer-ld M. AdamsG" fon Mémoire , étoic le fruit dela conviclion oü nous fommes, que les confidérations les plus fortes doivent lesdétourner de contraéier des engagemens qui feroient utiles a 1'Amérique, mais,fanscontredit, onéreux&funeftes a la Hollande. Nous ne répéterons point ces raifons: elles font développées dans nocre N9. 7. Les hommes qui prennent intérêc a cecte grande conteftation, qui divife les Politiques & les Écrivains , pourront les y chercher. Nous invitons M. Cerifier a les réfuter. Cela fera plus honnéte que de juger nous & nocre ouvrage, d'après quelques lambaux qu'il en a lus dans une Gazecte. Le caraétère moral & les talens politiques de 3V1, Adams ne font rien a nos principes ni a nos réflexions. lis ne peuvent même inilucr pour rien fur les convenances d'une union entre les Bataves & fes commettans, ni cn changer les effets. Ce n'eft pas fur le mérice perfonnel du plénipotentiaire, ou fur la part qu'il a eue a la révolte des colonies Angloifes, qu'il faut apprécier une convencion de cccce nature. II peut avoir de grands talens & beaucoup contribué au foulèvcment de fes compatriotes, fans que 1'altiance qu'il otlïe en leur nom en foit pour cela plus avantageufe, ou moins dangereufe a la nation a qui il eft chargé de la préfentcr. Qu'il foit donc ou qu'il ne foit ^sYAmbajfadéur d'un Etat indépendant par le fait, ou par le droit; un des plus grands hommes de ce fiècle au gré de M. Raynal; quelque part qu'il ait prife a une révolution en effet mémorable, qu'// park au nom d'une nation qui vaformer un des plus puijfansEmpijes de VUnivers : il peut y avoir du vrai & de Phyperbole dans cepompeux étalage exagérateur :  2.8o Correfpondance politique. mais ce n'eft pas de quoi il eft queftion. II ne s'agit pas de favoir fi le Commiffaire du Congres eft un habile homme, ce que perfonne ne lui contefte; ni quelle opinion fe torment de ce perfonnage & de fon role les deux fublimes Auteurs dc Yhifioire philofophique & du tableau de Vhijloire gégénérale des Provinces-Unies : ces acceffoires font abfolument étrangers a la propofition conteftée. II faut examiner s'il convient en effet a notre République de s'allier, dans les conjonéturespréfentes, avec ce formidable Empire compofé de 3 millions d'ames répandues fur une furface de 200 milles lieues quarrées; placé a deux milles lieues de diftance de notre pays; qui n'a encore ni marine, ni numéraire, ni d'autres Finances que du papier décrédité, ni qu'une armée mediocre entretenue aux dépens & par les Puiffances de YEurope ; qui eft dés fa naiffance, au milieu des horreurs de la guerre civile, écrafé de dettes & d'impots, lêpre affreufe, qui ne ronge au moins les Etats Européens que dans leur caducité; dont enfin les fuccès paffageres , quelque décififs qu'ils foient pour fon affranchifl'ement & fa confiftance politique, font dus aux fecours & aux armes de fes alliés, bien plus qu'au courage de fes troupes & au patriotifme de fes fujets. Voila, fi je ne me trompe, le vrai point de vue fous lequel il faudroit en vifager la propolition de 1'Ambaffadeur Amcricain. J'ai prouvé que 1'offre qu'il nous fait d'une alliance avec fa patrie, en devenant avantageufe a Y Amérique-Septentrionale, nous feroit inutile, a charge & funefte : mutileer 1'impuiffance oü les Etats-Unis font de nous aider au milieu de nos embarras; impuiffance qui durera encore long-tcmps, & qui pourroit bien ne ceffer un jour, que pour faire repentir YEurope de ne 1'avoir pas perpétuéc : a charge, par les facrifices que ces connexions politiques, pour con- fommer  Correfpondance politique. a8i fommerPindépendancey/meV/ca/ne néceffiteroient a notre Pays, qui eft hors d' Etat d'en faire, dans une crifedfrayante,ouil a befoin de toute fon énergie, de toutes fes reffources, pour préferverlafienne des dangers qui la menacent -.funefte enfin par les fuites qui en réfulteroient, dont la moins dangereufe peut être, feroit dc nous lailfer expofés au reffentiment implacable des Anglois, qu'une démarche auffi imprudente rendroit irréconciables, en mettant pour jamais entre eux & nous un mur deféparation. II eft aifé de voir qu'une affociation entre la République & le Jongrès, ne peut que nous être onéreufe, fans nous 'faire tmuver de 1'appui & des fecours dans Pamitié d'un peuple nailfant, qui en mendie lui-même par toute YEurope. Une fois liées par des traités, les Provinces Uniet, qui fe font toujours piqué de les obferver, fe trouveroient obligées & par honneur, & par la nature des chofes, de fupporter la plus grande partie du fardeau de la guerre atroce que les adorateurs de la liberté ont allumée en Amérique. II faudroit qu'elles fe facrifiaffent pour confolider 1'indépendance Améiicaine, que les Anglois nereconnoicront qu'a la derniere extrémité. Sages ou non , ces fiers & audacieux infulaires, tant qu'ils auront un pied dans la partie de leur Empire qui leur échappe au-dela des mers, & qu'ils trouveront des hommes & de 1'argent dans leur Ifie, ils ne rénoncerontpas al'efpoir de fubjuguer leurs anciens fujets. La France de fon cöté , qui jufqu'au milieu de la campagne paffee, a dépenfé tant de tréfors & fi mollement foutenue le parti des Américains; qui, fans credit, multiplic des empruns, & accumule fur un peuple déja fi chargé, les impöts pour foutenir cette caufe avec plus de vigueur, ne feroir probablcment pas fachée de voir les Suppl. au N9. 17. S  2S2 Correfpondance politique. riches Hollandois combattre avec elle, & s'offrir a payer une partie des frais que lui caufe cette étrange entreprife. 11 eit apparent qu'elle profiteroit de leur entrée dans la lice, pour s'en re* tirer elle-même; & qu'une fois que la République feroit engagée dans cette lutte terrible, elle la livreroit a la merci de la Grande Bretagne, qui fe vengeroit fur nos poffelfions, de notre témérité a donner les mains , pour confommer la perte des hennes. J'avois a ce qu'il me paroit, prouvé cela d*une maniere affez fenfible. Que mes idéés foient juftes ou ne le foient pas : que mes craintes foient chimériquesou fondées ; toujours eft il cenain que ce ne font pas la firnplement des phrafes. Dansle nombre de mes réflexions, peut-être y en a-t-il quelqu'une qui mérite d'être roéditée par les hommes d'Etat. Qu'ils s'en occupent s'ils n'ont rien de mieux a faire; c'eft-la qu fe bornent mes prétentions. Que mon confrère Cerifier fe fache, s'il y trouve du plaifir; peu m'inporte : qu'en me jugeant d'après le peu de mots que mon bénévole próneur a cités, il affure que je nai pas encore dèveloppé le germe dtui e feule idéé; il n'y a guèresd'apparence qu'on 1'en croit fur fa parole. „ Monfieur de la Correfpondance , foi-difant „ Politique, dit-il, je veux bien vous fuppofer „ Hollandois. Dites, dans le temps oü nous coms, battions contre les Efpagnols, fi la France, „ PAngleterre & VAllemagne nous euflént plans, tés la avec nos Mémoires & nos Requêtes , 9, que ferions nous devenus?,, Oui vraiment, il s'agit bien de favoir ce que les Américains deviendront „ fi nous laiffons-la M. Adams & fon Mémoire, M. Cerifier & fon Politique, qui n'elt pas Hollandois. Qu'ils deviennent ce qu'ils voudront, ou ce qu'ils pourront; ce n'eft pas leur avantage, c'eft le notre que doit confi-  Correfpondance politique. 283 dérer un Eerivain qu'on fuppofe Hollandois, dans 1'examen de la propofirion qu'on nous faic en leur nom. En qualicé d'hommes & de bons Chréciens, les Bataves doivent fouhaicer beaucoup de fuccès, &c faire tout le bien pollible a ceux qui marchenc de fi loin fur leurs traces en Amérique. Mais puifque c'eft fous des rapports politiques qu'il faut envifager les nations les unes a 1'égard des autres ; puifque c'eft a titre de Peuple, & de Peuple commercant qu'on invite les Hollandois a s'unir avec le Congres; il leur eit permis fans doute de s'affurer , avant tout, fi cette union s'accorde avec Ü'intérêt de l'Etat & du Commerce des ProvincesUnies. Or , c'eft-la , je 1'avoue, ce que je n'ai pu voir encore : il fe peut que je me trompe. Que le Sénat Américain & fes fujets infortunés aient befoin de fecours pour fecouer le joug de P Angleterre, & qu'i s cherchent dans toutes les Cours de VEurope une affiftance qui les aide a s'en aifranchir; on le coneoit a merveille. Que la France, pour faire expier a la Grande-B> j°uë d'une dominaiion arbitraire. Et c'eft a Bruxtlks qu'on outragé ainfi la France , qui eit fi tjénéreufe ; qui fait une guerre fi défuuéreffée...!  Correpmjpctnce poïïtiquè. 301. CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires prd/entes Je la Hollande. SUITE Des Réflexions fur les cjfcts de la fcijjlon Ariiéricaïne. C'Eft ainfi. que dans les.fiècles paffes, les 111anufaélures de laine fe ttanfplan téren t en Angleterre, au préjudice de celles de la Flandres Ej~ pagnole, oü on n'a pu les rappeller après une éraigration néceffitée par ledefpocifme, & qui fera per.-" pétuée par ledéfautde débouchés, dontles établiffemens Bretons fe font emparés. C'eft -ainfi que les fabriques du même genre ont fleuri quelque temps eti Hollande , en arrêtant les p.rogrès des fabriques Angloifes; que durant, & fur-tout après 1'adminiftration du grand Colbert, elles fe Ton t é tablies en France aux dépens de celles des pays voifins; que leur multipücité dans ce Royau'rne , enrcontrariant le fuccès de celles de notre République , & en dim.inuant les profits de celles d'Angleterre, leur a nui les unes aux autres; que celles iïElbcuf & de Loiivicr, par exemple, ont porté des coups très-fenfibles a celles de Sedan & cVAbbevillc, tout comme les établiffemens du même genre, élevés dans la province de Limbourg, leur ont préjudicié è leur tour; comme ceux d'Allemagne, de Prajjè &du AW, ne profpércrqnt qu'a proportion du dépériflèment de ceux &c France, d' Angleterre:& de Hollande, par la raifon'toute fimple qu'un Etac Tornt 1. N°. 19. V  302 Correfpondance politique. ne s'approprie une branche d'induftrie que pour s'affranchir du tribut qu'il payoit a 1'induftrie étrangère, en confommant fes ouvrages; k que s'il faut a la confommation cent mille pièces de drap pour habiller tous ceux qui ont le moyen de fe vêtir, on ne fauroit en fabriquer une de plus dans un pays, qu'on n'en'fabrique une de moins dans un autre (i). Ainfi, quand les mêmes atteliers, en tout genre, s'élèveront fur les rivages Atlantiqucs, ceux de YEurope y rencontreront une rivalité qui opérera leur décadence dans un dégré égal a celui des progrès que feront ces nouveaux venus. Les Anglois, les Francois & les Hollandois, qui ont été longtemps en poffeffion d'approvifionner des fruits de leur induftrie les habitans du nouveau-monde , feront privés de cette précieufe reffource. Leurs manufivtures perdant déja de leur fplendeur, par la concurrence qu'elles rencontrent dans celles qui naiiTent autour d'eux, dépériront encore plus par 1'échec qu'elles cffuieront en Amérique. Elles feront refpectivement réduites a alimentcr la confommation Nationale,puifque chaquc.'nation fe fuffira a foi-même; encore pour leur aifurer exclufivement ce débouché , il faudra que lesGouvernemens multiplient réciproquement les prohibitions; qu'ils accablent les ouvrages de fabrication étrangère de gênes & d'impöts, tyrans & CO En France il y a des hommes qu'on honore du nom de Philofophe , fans trop favoir ce que ce mot fignifie ,' qui fe mocquent des Efpagnols, dont la parede & 1'engourdilfe-. ment, fous un Gouvernement delpotique & fuperftitieux , ne leur.permettent pas de fabriquer les laines qu'ils vcndent aux''Anglois 6c aux Francois. Ces gens-la né voient pasque fi VEIpagne fabriquoit fes laines , les Fan Robais , les Pagnons, ies Ponparcs , les Labauches, devroient fermer leurs atteliers , & que des milliers de families qui y trouvent leur 1'ubfiftance avec de 1'ouvrage , devroient périr de miiére ou s'expatrier.  Correjpondance politique. 303 ■fang-fucs du commerce, qui ne peut profpérer dans les entraves k fans 1'in'iiuence de la liberté. Voila donc 1'induftfic Européeniie contrariée, affoiblic par ia rivalité de rinduftric Américaine, &, Ia confommation des ouvrages de 'la première , c'ircónfcritc par Püfage dè ceux de la feconde ? A cette décadence inévitable, fuccédcroit néceffairement celle du commerce , que 1'induftrie vivifie. Les riches & nömbreufes cargaifons qu'il Voiture aü-dela des'mers y feroient inutiles. Pour obtcnir de ces corttrées les produélions dont les befoins des habitans de YEurope leur ont fait des riéccifités, elle n'aura a donner en échange que fon argent, fon vin k un petit nombre d'ouvrages de peu dc valeur. Cette foible ftlTource même ne durera pas longtemps ,. quand une fois elle fe réduira pour objet d'échangc, a 1'argent & a quelques produélions de nos climats. Les métaux précieux & non moins funeftes, qui , dans l'opinion fuppléertt aux fruits de la terre k aux ouvrages d'induftrie, comme ils les repréfentent en effet dans lé commerce ; ces rnécaux qui ont fait commettrei.\xt'Européens tant dc crimes én Amérique, k qui leur font! faire tartt de föttifcs chez eux ; ces métaux feroient bientöt épuifés, s'il falloit les.reporter a leur fource, pöür,y payer la matiere des befoins :que nous y av'ori's' comraétés, & les remèdes des 'róaladids' dónt nous f a'vons été prendre 'le germe1.' P'.ailicurs,. tcs~rnihcs les plus fédóndes de ces fafötcs. ,'ricÜeiTes de la tefre , auxquelles nous atrachons 'une impdrtan'cc fi peu réfléchie,' fe troui vent dépofées par la nature, préeifément dans la pamè du mondö dont nous allons devenir les t'ributaires. Quand 1'Amérique les ex'ploitera pour fon compte, & pour s'en appropriér le produit, non-feülernent nous ne recevrons plus annuelléinent un tribut d'or k d'argeht pour en entretehir '' Va  304 Correfpondance politique.. la maiTe circulante en 'Europe , & réparer amfi Ia diminution qu'elle éprouve , par Pemploi que lé luxe faic de ces métaux; mais les Américains montreronc moins d'empreffement a repomper des tréfors dont ils auronc la fource dans leur fein. Ils mettronc moins de prix a des efpéces qui abonderonc chez-eux , par la facilité de s'en procurcr la macière; ce qui en diminüera la vaieur a leurs yeux, dans Féchange que nous en préfcnterons contre les denrées a 1'ufage defqueHes nous fommes alfujettis; dc forte que, fans qu'ils s'occupent beaucoup de les faire refluer dans leurs mains, elles tariront bientöt dans les. bocres ; M i'ancien monde s'epuilera infcnfiblement' de numeraire , qui ira acquittcr dans le nouveau-les'früits" qu'on y cultiyera pour nous. ' ' . ''" ' Pour pré.vcnir en Europe .Ftpuilement des métaux, dcvenus d'autant .plus _ neceifair.es que les fpéculations du commerce' y, fpn,Vplus miijtipiiées & les opéracions des GquYernejncns plus étcndues , il ne lui reftcroit que Ia^ftburce 'd4céhanger fes productions contre celles'de 1'Amérique; mais cette reffource ne lui reftcra pas long-tcmpi L'airujettillemcnt de fes habitans:, a 1'ufage des drogues qui croillent dans le nouveau-monde , fans que ceux de ce derniér éprouyent les mêmes befoins des obj'cts de 1'ancien ,■ la,tiéndra dans une dépendance impérieufe ,' &'la contraindra. aux plus grands facrifiees pour les/atisfa'ire. En fuppofant les deux Co.ntinens indépcnjtfans Pun de 1'autre, fous un point de vue, politique; cgaux en.forces, & en,population.J'érh-ules pdur la culture & 1'ind.uitrie ; il s^enfuivra que celui qui aura le moins,befoin des.fecours de 1'autre, acquerra pro nepten) ent. la fupériorité en richelfes numéraires; qu'il tiendra fon concurrent dans Ja dépendance, & qu'a la longue,.il Pépuifera d'efpèces, paree qu'en fe ménageant une baïancé a'vanta-  Correjpondance politique. 305 geufevdans lc commerce qu'ils feront enfemble, on fbldenaiavec de, 1'argent les cargaifons qui n'auront pu êircacquittées avec des retours. ■ Or, dansf,cette fuppofition , qui ne voit que VEurope doitbientót avoir le deffous? Non-feulement paree.que les Américains auront peu de befoin de les productions territoriales & de fes ouvrages d'induftrie; mais fur tout paree que les Européens ont un befoin preifant de tous les fruits que le fol de 1'Amérique & de fes ifles produit. Notre Continent, fans doute, peut le fuffire a lui-même. 11 peut fe palier des productions de Vlade & de celles du nouveau-monde, & être peuplé , riche & puiffant. San -territoire produit affez de fruits, St rccèle dans fon fcin affez dc tréfors pour fournir a toutes les néceffités de fes habitans ; pour procurer le néceffaire au plus grand nombre, & des commodités aux riches ; pour rendre les peuples heurcux & les Gouvernemens refpectables. Cette vérité eft inconteftable dans les vues de la nature & aux yeux de la Philofophie; mais elle ne Peft plus dans Pétat actuel des chofes, d'après les néceflités factices des hommes Sc les opérations de la-politique moderne. Les individus ont des befoins impérieux qui les tiennent dans la fervicude de toutes les parties du monde ; les Gouvernemens ont des principes , Sc fc livrent » des fpéculations qui les empêcheronc toujours d'affranchir leurs peuples de cette dépendance fervile; peut-être même cet affranchiffement fcroit-il aujourd'hui auffi dangereux qu'impraticable. Ainfi d'une part Pempire de 1'habitude chez les fujets ; de 1'autre , Pavidité Sr Pambition chez les maitres, ne permettront pas a VEurope de renoncer a Pufage des productions des climats éloignés qu'elle ne fauroit naturalifer fur fon fol. Dela , il fuif que fi une fois VAfic&cVAmérique rompoient lc til imperceptible Sc trop tendu du V 3  306 Correjpondance politique. dcfpotifme "Europeen qui les affervit a notre coiit de boue , les peuples de ce dernier feroient les efclaves des deux premières, & bientót les plus pauvres & les plus a plaindre de tous les peuples. \j Amérique qui effaie en ce moment de brifer le lien incommode dont notre avarice & notre fenfualité Pavoient chargée, netardera pas a vérifier pour nous ce pronoftic. Mais fuppofons que dans la rivalité qu'elle va foucenir avec fes anciens dominateurs, il y ait de part & d'autre égalité de befoins & de reilburces , de defirs & de richeffes, d'habitudes ou de fantaifies & de moyens pour les fatisfaire, par 1'échange réciproque de leurs fruits & de leurs ouvrages ; que de ce concours de rapports il fe forme, entre les deux Continens, des liaifons précieufes & refpeótables: qu'en arrivera-t-il ? La navigation &le commerce des Européens, exclufivement en poffelfion aujourd'hui dc ces deux canaux de fubfif-r tance, en recevront-ils plus d'aélivité, plus d'étendue & plus de lucre pour eux? point du tout, au contraire. II n'eft point apparent que, dans 1'état de fplendeur oü 1'on imagine que les Américains feront par ven us , ils foient affez foux pour laiffer aux peuples A'Europe le foin & le profit d'être les inr termédiaircs des rélations mercantiles qui fubfifteront entre les deux contrées. Ils ne deviendront même une nation florifiante , qu'autant qu'ils s'cmpareront de la navigation & du commerce , & qu'ils les vivificront par les produélions de leur fol & les ouvrages de leurs fabriques. On ne peut pas fuppofcr qu'un peuple qui fe forme au fein des lumieres, avec tous les fecours de 1'expérience, qui font pour ceux de YEurope le fruit de quinze ficcles de tentatives & d'effais; qu'un peuple, dont la maturité touche a 1'enfance, fi long-temps proiongéepour nous; qu'un peuple inftrujt avant que  Correjpondance politique. 307 d'exifter, qui joindra a la force de la jeuneffe les legons de Page virile , fans avoir les vices donc fes rivaux font infeétés dans leur décrépicude; on ne peut pasfuppoler, dis-je, qu'un tel peuple ait la bêtife de négiiger aucun moyen de fe fortifier, de s'enrichir & de confolider fon indépendance, en tirant de fes relTources tout le parti pollible, & en donnant a fa navigation niarchande toute Pexcenfion dont elle fera fufceptible. Or, il réfultera de fes erforts, fecondés par fon heureufe pofition, des progrès rapides dans le commerce, & ces progrès feront en raifon dela décadence de celui des Européens. Quelles que foienc les Communications qui fe perpétueront entre les deux Continens, il eft vilïble que celui de 1''Amérique s'appropricra au moins la moitié du négoce que font aujourd'hui, fans partage, les puiffances mariumes de YEurope. Ayant beaucoup de produétions a exporter a Pétranger, & peu de befoin d'en imporcer chez eux, les Américains ne fouffriront pas que les courtiers de 1'ancien-monde profitent feuls du gain qui réfultera de fes connexions avec le nouveau. Ils apporteren t leurs denrées dans nos ports. Ils parviendronc peut être a exclure nos vaiffeaux des leurs. Maltres abfolus dans leurs parages , fans que toutes les forces réunies dc YEurope foient capables de contrarier leurs difpofitions, & de mettre des bornes a leurs entreprifes, ils nous feront d'autant plus facilemenc la loi , que nous fommes dans leur dépendance par 1'ufage hahituel de leurs fruits, & qu'ils ne font pas dans le même alTujettiffernent pour les nótres. UAngleterre, entourée d'Etats rivaux, jaloux & puiifans, a bien fu trouvei le fecret de maintenir en vigueur , durant plus d'un fiècle, fon lameux acle de navigation, qui exclud de fes ports tout navire étranger qui n'eft point chargé des V4  göf Correjpondance politique. prèduéTións dn pays dont il porte le pavillon. ÏI fera bien plus aifé a 1' Amérique, fouftraite au joug de YEurope , d'établir & de défendre le Code mamime qui lui conviendra. Et peut-on douter que ceiui qui donnera 1'exclufion aux batimens Europcens dans les mers Atlantiques , ou qui n'y laiffera paroitre que ceux des Puiffances qui accorderont ia réciprocité dans leurs ports aux navires slméricains , ne foit précifement celui qui leur convient & qu'ils adopteront, dès qu'ils en auront la faculté ? Dela qu'on calcule, s'il eft poilible, jufqu'a quel poinc ils mettront des cntraves a la navigation de YEurope, & empiéteront fur fon commerce. Si avec 1'émancipation de YAmérique, qui prépare cette révolution funefte, concouroit la réalifation des proiets qui fe trament du cöté de 1'Qrient, que deviendroient les Puiffances Occidentales de notre Continent? Si les plans qu'on fuppofe concus dans la tête de Jofcph & dans celle de Cathcrine s'eifeéluoient, la moitié du commerce de YEurope fe concentreroit dans leurs Etats: celui de la Perfe, de la Chine, de la Tartarie & du Japon, dirigcröit fa route vers la mer Cafpicnne & vers la mer Noire, pour tranfporter fes tributs dans le cceur dc la liujjie , de la Hongrie & de Y Autriclie, fans le concours des Négocians adtuels : celui dc YEgyptc tourneroit fes regards vers les cótes de la Grèce , délivrée du joug Ottoman ; & qui fait li lc Céfarde YAllemagne, aulli hardi, plus fagc & plus hueureux que les Pharaons, ne parviendroit pas a s'ouvrirdes Communications dans la mer des Indes, en joignant la mer Rouge a la Mcditerrannée, par un canal, ou au moins par un chemin praticable & fur, a travers Pifthmede Sue^, fous la protedtion d'un nouveau Monarque Egypt'mn , qui devroit fon exiftence aux Cours de Vienne & cjc Pétersbourg ?  Correjpondance politique. 309 Alors le commerce de VAfie & de YInde fe feroit par les fujets dc la Czarinc & de 1'Empereur , avec beaucoup moins de peines & de dépenfes de toute efpèee , qu'il n'en coüte a ceux des Puiffances maritimes , obligés de doublcr le Cap pour en aller chercher la matière a Pextrémité oppofée du globe. Les Francois, les Anglois & les Hollandois , exclus de ce négoce , ou n'y participant qu'avec des frais immenfes, par 1'ancienne route, ne pourroient foutenir la concurrence. Privés des bénélices qu'il leur affure aujourd'hui, ils verroient cette fécondc fource de richeffes fe deffécher infcnfiblement, & tarir enfin pour eux, comme il arrivera infailliblemcnt a celle qui leur a jufqu'ici procurétanc detréfors en Amérique. S'appauvriffant peu a peu , a mefure que leur navigation & leur commerce diminueront dans les deux Indes, tandis que le nouveau-monde d'un cöté , la RuJJie &c 1'Empire de 1'autre s'ehrichiroient; ils ne formcroient bientöt plus que des Etats du fecond ordre, contenus paria Puiffance Américaine, & intimidés par les deux formidables coloffes qui s'élèvent au Nord & au centre de VEurope. §. ü. Des faites de P'mdépendance de /'Amérique relativement aux principales Puijfances maritimes de /'Europe , & en particulier aux ProvincesUnies. JUfqu'a préfent je n'ai confidéré les effets probables de la fciffion de P'Amérique, que dans - leurs rapports généraux avec YEurope, & comme fi toutes les Puiffances de cette contrée de la terrene formoient qu'un corps, dont toutes les parties jouiffent également des profits du commerce aétuel, & qui duffent également fouffrirde  310 » Correfpondance politique. fa privation. Mais il s'en faut bien que ce foit fimplement fous cet afpect qu'il faille envifager tous les Etats Ewopéens pour calculer, foit les gains provenans du commerce vers 1' Amérique , foit les pertes de fa décadence ou de fa chüte. Les deux tiers des Puiffances dc notre Continent ne participent point aux uns , & n'auront rien a fouffrir des autres. Les trois Puiffances du Nord ne font prefque pas de commerce avec YAmérique; la Pologne, la Prvjfe, Y Empire, Yltalie n'en font point du tout. \ï leur eft parfaitement indifférent que les Etats qui en font en poilellion le confervent ou le perdent; ou plutöt felon la maxime de la politique, qui fait confifter la force d'un Gouvernement dans la foibleffe des autres, il eft de leur intérêt de voir paffer le négoce aux Américains, comme plus éloignés, & fes richeffes refter ou fe dépofer en Amérique. II n'y a que YEfpagne, le Portugal, la France, 1'Angleterre & la Hollande, qui aient un intérêt direct de le conferver, paree qu'il n'y a qu'eux qui en recoivent immédiatement les tributs. La faine politique confeilloit a ces Puiffances de ne pas fe livrer a des opérations qui les en privcront tót ou tard, par les fuites qu'elles auront infailliblement. Se donner des rivaux „ dans les Américans en les émancipant, dans les autres nations de YEurope en les invitant a prendre part au commerce par la liberté dc la navigation; c'eft de la part de ces cinq peuples la politique la plus inconcevablc , & Pimprudcnce la plus énorme qu'ils puffent commettre. Quand les vaiffeaux de la Baltique & du Sund, en Europe : ceux de la Déla ware & dela CheJapeak, en Amérique, couvriront toutes les mers, avec ceux de 1'Empereur qui fe prépare a forcer la Nature fur les cótes de la Flandres , & a la régénérer fur les bords dela,  Correjpondance politique. 311 Méditerrannée , les Puiffances maritimes du premier ordre nc feront-elles pas balancées par cette rivalité, leur navigation affoiblic & leur commerce diminué par ce partage ? Aufli des cinq nations intércffées a perpétuer la dépendance de 1'Amérique & Paffervilfement des mers , c'eft celle qui avoit le moins a gagner dans l'ancien fyftême, & qui aura le moins a perdre dans le nouveau , qui s'eft avifée d'amener un autre ordre de chofes , en fomentant d'abord la rébellion Américaine, en la foutenant enfuite ouvertement , & en faifant naitre aux Puiffances du Nord , 1'idée d'une Ncutralité dont 1'objec eft d'établir un Code maritime,. qui les affocie a la navigation & au commerce des autres peuples. La France n'ayant point de poffeffions fur le continent de 1'Amérique ; n'en ayanc guères que d'onéreufes dans les Antilies, & ne faifant qu'un commerce médiocre fur mer; ne eourt aucun rifque en affranchiil'ant le nouveau monde, Sc en laiffant la neutralité-armée rendre libre la navigation marchande, fans parler que fes efforts a foutenir la révolte des Américains ötant a PAngleterre fa prépondérance dans les forces navales, feront paffer a la Monarchie Franc,oife le Scêptre de Neptune & 1'Empire des mers. Mais de ce que la France trouve fon avantage & de quoi fatisfaire fon intérêt ou fon ambition dans la fciffion de 1'Amérique comme dans la liberté des mers, il ne s'enfuit pas que les quatre autres Puiffances que ces deux opérations intérelfent, aient des motifs pour en delirer le fuccès. Ce n'en eft pas moins un aveuglement apprqchant de la folie, de la part de YEJpagne & & du Portugal, 1'une de favorifer, 1'autre de ne pas contrarier de toutes fes forces les tentatives (du nouveau monde, pour fe débarraffer des entra-  gr? Correfpondance politique. ves qu'il a recus de 1'ancïcn, & pour fecouer lc joug que eelui-ci lui avoit impofé. Dc la part des Provinccs-Unies , fur-tout, ce feroit le comble de la démence de concourir a la confommation de cette fatale rupture, dont Feft'et eft néceffairement d'aflbcicr toutes les cótes du globe aux fonótions & aux bénéfkes du commerce qu'elles ont jufqu'icj partagés avec un petit nombrede concurrens; c'eft 1'oubli de toute politique, de tout intérêc national, de tout amour pour leur confeïvation , leurprafpéricé & leur indépendance j qui les ompèche de s'y oppofer; non pour fervir les Anglois, qui ne méritent d'etles , ni cette complaifance, ni ces elforts; mais pour próferver la République de la décade-nee dont elle eft menacée, par les fuites d'un conrre-coup qui réjaillira fur elle uniquement. Je dis uniquement, paree que 1'alfranchiflement des mers & ;de VAmérique laiffera aux quatre autres puiiïancCvS maritimes, fur lefquelles il iniluera, des reffouroes dont nous ferons privés : un territoire&des produélions que nous n'avons point; des ArtS'St des Manufaélures que nous n'aurons plus; un commerce quelconque qui s'anéantira pour nous. La 'liberté de la navigation ne nuira qu'a nous & aux Anglois : celle du nouveaunaonde débarraffera de foins péniblcs, de dépenfes onéreufes, les peuples de 1'ancien qui 1'avoient alTervi. L'Angleterre riche & puilfante de fon propre fonds, reftera toujours un Etat refpeciable, qui confervera affez dc forces pour foutenir un commerce avantageux, dont elle aura conftamment la matière dans la culture de fon fol, dans 1'induftrie de fon peuple & dans fa navigation marchande, lors même que fes poffeffions opulentes de VInde lui feroient ravies. UEfpagne , privée des perfides tréfors du Mexique & du Pérou, fc régénéreroit fous un ciel délicicux, fur une  Correjpondance politique. gi£ terre qui n'attend que desmains'vigilah'tes & labo-, rieufespour enrichir fes habitans. La France, forrni'dable fur les deux élémens, poffédancun territoirs immehfe ,fécond&varié dans fes produclioiis', fous' un climat heureux; une induitrië ihópuifable dans le génie & 1'aéï.ivité de fon peuple; fera toujours une. des plus gfandes, dés plus riches Puifla'nc'es de VEurope , k pourra lè livrer aux enwcprifés lés plus hardies, fans au ere péril que de les voiréc'huuei parlejeu des cabalcs, ou de les abandonner^-pa» i'nconftance,J' ' '"''! Nous, au contraire , fubfiftant uniquémeht des'' prorits.du commerce, nous ferons p'rïvés-de toucé! reifoufce, quand celje-la nous échappera.'Quandr nous aurons perdu nos établilTernehs'eri' Amcn~_ ^ue/'par une fuite de Foperation qui' s'y confornmc; quand les Francois , les Autrichiens, &'les fujets des Puiffances du nord , par un'réfultac 'tout fimpie du nouveau Code maritim'e, fe feront emparés de la' plus grande partie de notre pêche , de notre'cabotage, qui ne nous a été fi long-temps lucratifque paree que nouslefailionspreique exclufivemeni; quand les arm'ateurs EJpagnols, ceux de Marfeilles, de Fium, de Triejle, &c. auront envahi tout le commerce de la Méditerraneek des echelles du Levant; de quoi fubliftcrons-noüs ? Avec un fol aquatique & borné ,'qui hé'produit pas pour nourrir le quart des hornnics qui 1'habif.ent; une indultrie relative a ia pêche & a Ia navigation donc les étab'.iiTemens tomberont a mefure.& en propoftiori de la déc^dence de ces deux fources de notre profpérité ; fans denrées, ni matièrc première de.notre cru/,' fans ouvrages'd^rtifans ou d'ouyners nationaux- a livrer a Ia circulation : iiq'us ne pónrron > lutter contre des'rivaux armés d'une, fupériorité fi décifive. II ne i'aüdia pas moins que notre patience, nocre longue expérieuce, notre antique économie , bien'ahéfée par les pro-  314 Correfpondance politique. grès du luxe qui nous travaille, pour nous main-1 tenir quelque temps dans les marchés de VEurope, jufqu'a ce que nos voifins, devcnuspar nos legons aulfi habiles, auffi laborieux que nous t rtous en expulfent pour jariiais. II nous reftera au nioins, dira-t-on, nos Indeförientales , qui ne font pas entamées, & dont: nous faifons le commerce exclulif. Nos épiceries & les autres misères que nous allons chercher dans ces contrées lointaines , pour les répandre dans toute YEurope , fioüs tiendront lieü des matieres premières,& des fruits que notre territoire ne produit pas : elles nous affuferont encore la faculté d'intervenir dans le commerce avec toutes les nations Européennes, a qui nous les porterons, pour les échanger contre leurs produélions territoriales dont nous aurons befoirt. Oui, mais, d'abord pour confervet cette reffource , débri précieux de notre opulence paffee . il faudroit que les grandes Puiffances maritimes, celles qui le deviennent chaque jour, & celles qui ambitionnent dc lc devcnir, refpeétaffent affc/, les propriétés pour ne pas porter d'atteintcs aux nötres : il faudroit que les Américains & les Européens fuffën.t affez délicats pour rie pas convoitcr nos poffeirións, ou que nous fufliorts nous mêmcs affez fofts pour les empecher de nous y troubler. Enfuitc , cc commerce jadis fi. lucratif, eft bien déchu dc fa fplendeür , foit par les fraixqu'entrainent des voyages de longue courfe, qui deviehnent chaque antióe plus coüteux, a mcfure que les denrées & les hommes renchériffent; foit par la diminution des fruits de nos poffellions , dont le fol s'épuife a forcé de les ptoduirc ; foit par la complication d'une régie quife pervertit, en vieilliffant loin de 1'autorité deftinée a la furveiller; foit par la concurrence que nous rencontrpns dans nos voifins, qui fè font appróprié les mêmes pro-  Correjpondance politique. 315 duétions, & affoeiés aux profits de leur débic Enfin , quelque florifiante, quelque durable que puiffe êtré cette branche de notre navigation & de notre commerce, fumroit elle , même en la confervant fans partage , pour nous coofoler de la perte ou de la diminution des autres fources de notre profpérité ? Dans les temps qu'elle étoit; dans tout fon éclat, les plus grands hommes» d'Etat, les vrais patriotes, les meilleurs politiques, en ont vu les avantages balancés par des in-: convéniens, en ont fubordonné 1'utilité a celle de. ontre cabotage, de notre grande &jur-tout de notre petite pêche ; qui , en effet , procurent a la République plus de richeffes; a fes habitans de plus abondans moyens de fubfiftance , que le commerce des deux Indes enfêmble. Ce n'eft donc pas moins- vers .la fupé.riorit.é dans la navigation & dans le commerce de VEu-> rope, que nous dévons diriger toujsmos etforts, que pour la confervation de nos établiffemens que nous devons déployer notre ■ énergie, eq écartant les nouveaux concurrens que 1'émulation nous fufcite , & en arrêtant les tentatives que la jaloufie infpire a nos anciens rivaux ? Toutes nos vues doivent avoir pour objet de nous maintenir dans la poffellion du commerce d'économie, & de nous rendre plus que jamais néceffai'res dans le courtage entre les autres nations, qui ont'a échari^ger des denrées, dont nous fommes privés:toutes nos opérations doivent tendre a ce but, 'Sè notre politique s'efforcer de nous le faire atteindre. Mais ce ne fera ni en iëcondant la révolte Américaine, ni en favorifant le Code maritime des Puiffances du Nord, que nous affermirons une propriété qui chancclle dans nos mains, & qui menace de nous échappcr. Ces deux opérations tendent a nous enlever les plus précieufes fources de notre fubfiftance & de nos richeffes, & ,  fjjifS; Correjpondance politiquti par conféquent, de nocre profpérité & de notré exiftence. II y auroit a prendrc des mefures plus efficaces pour nous préferverdc la décadence que nous préfagent les entreprifes de cous les peuples maritimes , qu'une alliance avec les Américains j qu'un concert avec leurs alliés, qu'une adhéfion completce aux principes dela neutralité-armée: ce feroit de nous décider a des réfolutions vigburcufes & fages , devenues indifpenfables par un concours de circonftances, qui ne nous laiffenB plüs la poffibilitc de jouir en paix & en filence des méprifes & des querelles des autres nations^ mieux éclairées fur leurs véritables intéréts, & qui, fans avoir adopcé notre politique pacifique* commencent a imiter nos opérations mercantilesi & a en- go'üter les avantages. Le développcménc des* forces'dont nous fommes fufceptibles, pour nous maintenit'au rang des Puiffances du premier ordre, eft le feulpréfervatif des défaftres que Paven ir nous prépare. Le refte au -N°. prochain, {©ov?r-rrr.->!eo'f % xoovh c nsisn» ton & viiq.t«i vftuol ï ui—iiü.üutiayitfji . Cette Feuille paroit toutes les femaines, avec autant de régulari'té & d'cxa&itude que le permet la diftance des licux oü elle parvient. On la trouve chci les principaüx Libraires de /'Europe 6" dans la plu-i part des Bureaux des Poftes. .  Correfpondance politique. 317 CORRESPONDANCÉ POLITIOUë Sur les affaires préfentes de la Hollande. SUITE Des Réflexions fur les effêts de la fcijjion Américaine.' § m. Que le feul moyen de prévenir les cffets de la rupture de /'Amérique & de préferver la République de Pefclavage que les Puiffances voiflnes lui préparent, c'eft de régénérerfa marine & d'augmenter fon armée. APrès avoir conjecluré, avec autant dejufteffe que la prévoyance humaine peut le permcttre , les fuites de la fcifiïon Américaine , peur VEurope en général, pour fes principales Puiffances maritimes en particulier, & pour notre République fpécialement, il femble que le vceu le plus patriotique d'un véritable Hollandois, feroit de fouhaicer Panéantiffement du Congres , ou au moins la perpétuité du joua: européen fur VAmérique cntière & fes Mes, & la diffolution d'un code que la rébellion des colonies Angloifés a fait éclore parmi nous ; & que les Puiffances du Nord ont adopté pour s'affocier a nos richeffes, en s'appropriantlescanaux qui nous les procurent' Mais comme ce vceu feroit impuiffant, & qu'il paroitroit aux autres peuples révoltant en raifon de fon impuiffance, il faut fouhaiter aux chamTome I. N°. 2,0. x  giS Correjpondance politique. pions de la liberté du nouveau monde, aux promoteurs de 1'aiïranchiffement des mers de Pancien, beaucoup de fuccès, en qualité d'hommes & de chrétiens, & nous efforcer , en bons poli-" tiques , en vrais patriotes , de retarder leurs progrès , qui ne peuvent que nous être funeftes. La reftauration de notre marine & 1'accroilïement de nos troupes, comme 1'améiioration de notre armée , font les feuls moyens qui nous reftent, pouréluder les entreprifes formées contre notre prolpérité fur la mer, & pour aéconcerter les projets qui fc trament contre notre exiftencefur terre. Ces deux inftrumcns aufli rédoutables que néceffaires, font le vrai ipécifique pour calmer nos allarmes & détourner le danger qui les caufe. Généralement tout le monde convientchez-nous du befoin de 1'efficacité du premier de ces initrumens , égal ment funeftes & utiles : il n'y a guère de Hollandois qui ne fente la nécclfné de faire les plus grands facrifices pour proportionner nos flottes a celles de nos voifins, accrues par des efforts prodigieux; & fi notre marine n'a pas ce dégré de force & d'étcnduc qui la rendoit jadis fi refpeétablc. & fi terrible a nos ennemis, c'eft qu'ü ne fuffit pas de convenir de la juftcffe d'un principe dans la théorie , fi on ne le réalife pas, par des elfets , dans la pratique. L'opinion n'eft rien fi la conduite ne la feconde pas. A 1'égard des forces terrcftrcs, on n'eft pas fi généralement d'accord fur leur nécelfité & leur tttïlité, dans une République commergance, éloignée par fyftême dc toute efprit d'ambition & de conquêtes; qui n'afpire qu'a la gloire de trafiqucr tranquillcment, & au bonheur de jouir en paix du fruit de fes pacifiques travaux. Dela, 1'indiffércnce , 1'averfion qui fe manifeftent contre toutes les tentatives qui ont pour objetdecommuniquer a notre militaire la perfeétion & 1'é-  Correfpondance politique. gip aergie dont il feroit fufceptible; ces clameursqui s'élevent de toutes parts contre les ouvertures d'améliorations & d'augmcntation, feulcs capables d'infpirer aux Puiffances terriennesla confidération qui leur tient lieu d'équité, ou la crainte qui les empêchè d'en nianquer. La profeffion des armes n'eft point affez foignée ; elle eft trop avilie dans l'opinion publique au milieu de nous, pour qu'elle foit falutaire a la République, qui n'a pourtant jamais pu s'en paffer, & qui, aujourd'hui plus que jamais, a befoin de cette reffource, portée a un point effrayant chez des voifins, dont nous n'avions autrefois rien a redouter. Tyr, Sydon , Carthage , étoient, comme les Provinces-Unies , des Etats commercans , qui méprifoient les troupes : ils ont été fubjugués ou détruits par des peuples qui faifoient plus de cas des guerriers. N'eft-il pas a craindre que nous ne nous préparions le même fort, par les mêmes caufes? Ec faut-il être Prophéte, pour pronoftiquer que le moment n'eft pas éloigné,oü nous éprouverons les mêmes cataftrophes , fi nous nechangeons defyftême, en mettant notre militaire en honneur, & notre armée fur un pied refpeólable ? L'éloignement & la répugnance qu'une partie de nos concitoyens témoigne pour les améiiorations & l'accroiffement de nos troupes, eft le fruit de 1'habitude, du préjugé , de crainteschimériques, d'un défaut de politique & d'un manque de comparaifon des circonftances aétuelles avec celles des périodes par oü notre République a paffé. La marine, fans doute, feroit la feule des deux armes avec lefquelles les nations luttent les unes contre les autres, qu'il faudroit entretenir chez-nous, fi nous n'avions que des enne* mis ou des rivaux maritimes. Mais ii s'en faut bien que dans les conjonélures préfentes, nous X 2  320 Correjpondance politique. puiffions nous flatter de n'avoir a craindre, & a nous armer, que fur un feul élément. Jufqu'au milieu de ce fiècle , nous n'avons eu befoin d'être armés que par mer; & s'il y a eu des occalions oü nous avons dü 1'être par terre, c'étoit par des caufes étrangères a la nature des chofes, & par les combinaifons d'une politique momentanée. Jufqu'alors nous n'avions a redouter qu'une feule Puiffance terreftre; la France: encore n'étoit-ce que par des accidens dérivant de nos connexions politiques, qu'elle étoit intéreffée a nous nuire. Nous pouvions aifément 1'égaler, ou 1'cffacer fur la mer : nous étions unis a la Maifon d'Autriche, moins puiffanteSt qui avoit befoin de notre appui. La PruJJe étoit une Monarchie inconnue, ou qui ne faifoit que d'éclore. Par-tout, dans tous les cas, on ne pouvoit former d'entreprifes contre nous, que nous nc puffions trouver dans notre fein", ou dans le fccours de nos alliés, des forces de réfiftance proporcionnées ou fupérieures a celle de 1'attaque. Eft-ce la même chofe aujourd'hui? II s'en faut malheureufement de beaucoup. Cinq grandes Puiffances tefriennes & maritimes ne nous font prcfque plus encrer pour rien dans la balance politique de VEurope; la France nous eft fupérieure fur les deux Elémens : P'Angleterre qui n'a pas été affez fage pour nous ménager, eft encore affez forte pour nous molefter : des deux Puiffances qui nous avoilinent, Pune qui n'exiftoit pas autrefois, ne nous cftpasmerveilleufementattachée; 1'autre, qui mettoit du prix a notre amitié , & dont 1'élévation repofoit fur notre fecours, femble avoir oublié nos anciens fervices, & reconnoitre 1'utilité de notre alliance , par 1'abrogation arbitraire des conventions antiques qui lui fervoient de bafe: la Rujjïe, qui nous a été jufqu'ici indifférente, aquiert chaque jour une prépondérance qui doic nous inquiéter. Seuls, fans forces & fans al-  Correfpondance politique. gftl liés, nous nous trouvons en ce moment ifolés au milieu d'une troupe de lions qui nous guettent, & quiaiguifcnt en filence leurs den ts pour nous manger. Dans cet état des chofes, comment pouvonsnous mettre en queftion , fi notre intérêt, notre exiftence exigent que nous nous armions par terre & par mer ? que nous fuivons le plan tant de fois propofé par la prudence, & autant de fois rejetté par la défiance? que nous portions notre marine & notre armée a un dégré de force , qui nous rende également refpeélables fur les deux Elémcns, & qui, nous faifant reprendre la confidération, 1'importance, le rang dont nous avons joui entre les Puiffances de VEurope, oblige les Couronnés qui nous maltraitent a nous reipeéter, & celles qui convoitent les débris de notre fortune a nous craindre. Croit-on que fi nous avions eu 60 vaiffeaux de guerre bien armés, bien équipés, 60 mille hommes de troupes bien conftituées, bien entretenucs, que la France nous auroit fi furieufement turlupinés durant trois ans, pour nous pionger dans la bagare? que 1'Angleterre après avoir, a 1'imitation de fa rivale, affiché 1'infolencc de nous maitrifer dans nos foyers, auroit eu la témérjté de rompre avec nous; ou que fi elle avoit porté Paveuglement jufqu'a cet excès d'audace , elle ne Pauroit pas fur le champ expié par des humiliations? Publieroit-on aujourd'hui dans les, deux hémifphères que 1'Empereur nous chaffe ignominieufement des Barrières? qu'il applanit leg obftacles que fon ancien ennemi rencontreroit dans fa marche, en portant fon armée vers les frontieres de fes anciens & fidèles alliés ? Non; nous ne ferions ni pillés, ni humiliés. Par quel enchantemenc donc, dans une crife auffi décifive pour notre deftinée politique, fommes-nous incertains fur le parti qui nous refte a X 3  322 Correjpondance politique. prendre ? Quel efprit de vertige s'eft donc emparé des têtes froides & fages des Bataves, capables de combiner les plus vaftes plans, de conjeéturer avec ju Heffe les réfukats des conjonétures les plus épineufes, de pénétrer dans Pavenir, de makrifer la fortune comme les élémens, & de déconcerter pour ainfi dire les arrêts du deftin , comme les attentats de Pambition ? Quoi! a la vue de Porage qui fe forme autour de nous, nous reftons immobiles, ou nous n'agiffons que pour rejetter le feul moyen de 1'écarter t Je ne fuis pas le partifan du fyftême militaire moderne. LeCiel mepréferve de faire 1'éloge d'une difpofition qui doit, tot ou tard , amener la ruine ou Pefclavage de la fociété ; qui parcagera les hommes en deux claffes, Pune compofée d'opreffeurs, 1'autre d'opprimés ; qui privera la terre d'habitans, ou fera gémir fous le plus furieux defpotifme , le peu que ce monftre inhumain n'aura pas égorgés. L'abominable invention des armées nombrenfes & pcrmancntes, doit fa naiffance & fes progrès a Pambition de Louis XIV, le plus yain , comme le plus orgucilleux defpote qui ait jamais écrafé un tröne, & pefé fur 1'humanité. La dépopulation, la mifere, la tyrannie la plus accablante, feront les fruits d'une métbode infenfée, qui multiplic les confommateurs oififs, en diminuant leurs nourriciers. II faut que les adminiftrateurs des nations aient entrepris de les ruiner , ou de les détruire, pour avoir adopté un plan qui met un coin de VEurope dans la nécclfité d'entretenir, en temps de paix, plus de troupes que PEmpire Romain n'en pouvoit mettre en campagne, dans les guerres les plus férieufes. Mais puifque cet affreux fyftême a prévalu ; puifque tous les Gouvernemens le fuivent; ne fautil pas être ennemi de foi-même pour le rejetter? II vaut mieux fans contredit s'épuifer par des dé-  Correjpondance politique. 323 penfes onéreufes , que s'expofer a la conquête par avarice. La République doit opter aujourd'hui entre les facrifkes & la fervitude. II n'y a plus de milieu pour nous. Ou mcttons nous en érat de nous défendre, ou préparons nos têtes a recevoir le joug qu'on nous réferve. Chers B-Jtaves \ c'eft en vous-mêmes qu'il faut chercher votre falut. Tl en eft encore temps. Déploycz les reffources que vos richeffes vous fourniffent: déployoz i'énergie dont vous êtes fufceptibles, pour vous délivrer de 1'oppretlion que vous deftioent les coioffes menaqans qui vous entourent & qui vont vous écrafer, li vous ne vous mettez pas en état de les contenir. N'elpércz ni fecours ni appui des PuifTances voifines. L'honneur , 1'équité , la reconnoiffance, font des mots vuides de fens pour les Couronnés, difpenfées de rougir, & d'avoir de ia pudeur ou des remords, L'intérêt feul les guide, & Pambition les dévore. La politique de YEurope eft bouleverfée aujourd'hui. II n'y a plus dans fes cabinets ni candeur, ni droiture. On s'y joue des fermens& des traités. Un jargon philofbphique & infidieux y a pris la place des exprcllions naïves de la franchife , & la fupercherie a fuccédé a la bonne foi. Au fyftême de YEquilibre, des efprits raffinés ont fubftitué un plan (Yarrondifiement, adopté par les grands Etats, qui fe difpofent a engloutir les petits. O mescompatriotes! vous ferez dupes de votre aveugle confiance, & viólimes de votre fatale fécurité. Vous vous repofez fur des alliances; vous attendez la fin de votre détreffe du généreux appui des alliés. Vain & frivole efpqif{ Voyez un peu comment la Neutralité armée vous protégé. Vous en avez concu le projet: d'autres en recuenlent le fruit a vos dépens. Ces burlefques conventions, fi faftueufement rédigées , font des jouets avec lefquels on amufe les fots, & des liens qui fervent: a garrotter les foibles.  324 Correfponda nee politique N'attendcz plus votre confervation de la jaloufie des Puiffances limitrophes : elles fauront bien fe réunir pour partager vos dépouilles. Le démembrement de la Pologne, fait méthodiquement en pleme paix , fans tirer un feul coup de fufil, fans exciter ni les cris de 1'agneau a qui on arrachoit la toifon , ni les réclatnations des témoins dc cette amputation unique, vous préfage la deftinée qu'on vous mitonne a loifir, fous la cbeminée des bureaux diplomatiques, fi vous ne favez mieux que des Palatins turbulens & un Roi en tutelle, en prévenir les effets. Que faut-il donc faire pour cela ? Rien que délicrles bourfes, & ouvrir les coffres. II faut avoir So ou ioo bons vaiffeaux a oppofer fur mer, au premier audacieux qui nous y infultera, Rujffè, *rancots, Efpagnol , Anglois, n'importe : 60 a «o mille hommes de bonnes troupes , prêtes a repouffer le voifin gourmand, qui tentera de mordrea notre gateau; moyennant quoi, nous ferons en füreté. Les uns n'outrageront plus notre pavillon; les autres ne cabaleront plus dans notre fein : ceux-ci ne viendront plus fourrer leurs nez dans les affaires de notre ménage; ceux-la ne nous parleront plus en jargon d'OJïrogots, avec un ton impérieux que nous ne fommes pas faits pour entendre. Unis au dedans; redoutables audehors, nous reprendrons dans 1'ordre politique la place que nos ancêtrcs nous y avoient acquife. Manes facrécs de ces grands hommes, puiflïez-vous ralumer notre patriotifme qui s'éteint,& foutenir notre courage chancelantiOmbres des Guilleaumes, des Maurices, des Barneveld, des De Wit, puiffiezvous revivre en nos jours, parmi vos defcendans! Les Barrières dans le territoire Autrichien une foisabandonnées, nosfrontières deviennent moins foibles en devenant plus refferrées. Dix a douze places fortes fur une circonférence de quarante lieues, rendue imprenables par la nature fécondée  Correfpondance politique. de Part, dans un pays entrecoupé de rivieres, de bras de mer & de canaux, formcront une enceinte redoutable, qui, défenduepar une bonne armée, deviendra 1'écueil de quiconque entreprcndra de nous entamer(i). ^ Le fameux paflage du Rhin, fi pompeuiemcnt célébré par les rlatteurs de Louis XIV', ne doit pas nous effrayer. C'eft une de ces entreprifes hardies qui réuffiüenc quelquefois a d'heureux téméraires; elles onc plus de brillant que de folide. Celle-la fut exécucée dans des conjondlures qui ne fe renouvelleronc plus fi nous voulons. No\is ne verrons plus 1'Angleterre unie par mer, Cologne & Munfler par terre au plus ambitieux, au plus puiffanc Monarque du monde, pour feconder la conquête de nocre pays , fans autre griefs que les propos indifcrecs d'un Gazetier, une précendue médaille & un tableau innocent. Notre patrie ne fera plus déchirée en deux faétions acharnées , ayant a leur tête, Fune un grand homme fans contredit, mais trop dur, trop opiniatre ; 1'autre un Prince de vingt-deux ans, fupérieur par fon génie, mais borné dans le pouvoir de faire le bien. La République ne fera plus comme alors réduite a n'avoir fur fes frontières aucune fortereffe en étac de fe défendre; 25 mille mauvais foldacs a oppofer a 130 mille hommes des meilleures crou- , CO Au refte , 1'idée de cefvftême défenfif, le feul qui nous convienne , préférable aüx alliances les plus refpedlables, aux traités les plus iblemnels, n'eft pas neuve : ca toujours été celle des plus grands hommes de la République , iur-tout depuis que 1'expériejice a fait voir que les alliances d'un Etat paifible par principes & par goüt , avec des peuples turbulens, des Gouvernemens inquiets & ambitieux ne fervoient ou'a Tentraïuer dans des guerres ruineufes'ei fans objets, dont il ne retiroit pour fruit de fes dépenfes de fes eiforts , de fa bonne-foi, que 1'oubli de fes fervices' de la part des alliés a qui il les avoit rendus. Mr. Van Slingeland , élu grand Peaflomiaire en 1727, étoit dans l'opinion qu'il falloit a la République une bonne flotte une armtc refptitable & point d'alliance.  326" Correfpondance politique. pes; & pour Commandans dc fes places, des tra!tres ou des poltrons, aux plus grands Généraux du fiècle dernier, &c. Mais fi nous augmentons notre armée, le Stadhouder qui la commande , s'en fervira pour nous enchainer. Oh \ pour cela c'eft autre cholé. Si vous avez plus peur du Prince cYOrange que des miniftères morceleurs qui vous convoitent, je n'ai plus rien a dire. Si vous aimez mieux que des étrangers vous partagent , que de remettre a votre Chef des farces eapables de vous protéger; fi vous préferea de devcnir les efclaves des Gouvernemens defpotiques qui vous entourent, a la réfolution courageufe de confier a un de vos concitoyens Ia puiifance de les braver; moi, je le veux bien. N'en parions plus. II en arrivera ce qui pourra. Addition d Partiele précédent. On ptibüe en ce moment, dans quèlques Gazettes, une lettre fort remarquable d'un M.Silas Deane, Réfident du Congrts a Paris, adreffée a un M. Jérémie Wadfiuortb aHcrreforddansle Conneéïicui;&. qu'on dit avoir été trouvée dans une malle de Lettres Américaines, interceptée par les Anglois. Cette lettre , fi elle eft authentique , eft très-fingulière , & quand elle feroit controuvée, elle feroit encore bien curieufe, Sans la garantir , je m'empreffe de 1'adopter comme une piece très bien faite , préfentant des idéés trèu-bien vues & abiblument conformes a celles que nous avons développées dans notre article fur les fuites de la fciflion Américaine. La voici telle que le Courier du Bas-Rhin 1'a rapportée dans fon n L'Empereur & quelques autres nations voifines n'étant point puiffances commercantes, notre indépendance doit leur être affez indifférente. jL'intérêt de la Hollande & celui de toutes -les puiffances du nord eft naturellement contre nous; leurs produélions & les nötres étant les mêmes a tous égards , fi 1'on en excepte les riz & 1'indigo. La Rufjie cultive du tabac, non feulement pour fa propre confommation, mais en débite encore beaucoup k 1'étranger : les deux grandes fources des richeffes Hollandoifès font la pêche & le cabotage; dans 1'une & dans 1'autie, XAmérique doit bientöt devenir leur émule. Les habitans de la Nouvelle-Angleterre ont déja commencé , même avant les troubles , a s y adonner. „ " Si nous jettons les yeux du cöté du midi, le Portugal doit fon indépendance & fa fubfiftance a 1''Angleterre feule ; & fi celle ci fuccombe aux efforts réunis de la France & de YEfpagne, ce Royaume ne peut manquer de devenir töt au tard la proye de cette ( r ) Nous fouhaitons bien fincèrement que 1'événement démente notre prédiclion ; mais nous croions êtré fondes a prévoir , que la France fera la première a fe repentir d'avoir élevé 1' Amérique Septc.ntrioiiale au rang des Puiffances indépendantes. Ce feroit fans doute le comble de Pingratitude; mais la reamnoiffance, cette vertu fi rare entre les particuliers , eft un être de raifon , elle eft même envifagée comme une fottife dans 1'ordre de la politique. On 'ne nous forcera fans doute pas a prouver cette af- fertion par les faitS. (Note du Bas-R/tin. ) (2) Nous avont dit, dès les premiers momens oü la déclaration de 1'indépendance des Etats Unis a été cornue en Europe : « Ces nouveaux venus nous j. Vous me direz peut-être quefelon mes principes généraux, la France ayant aulli des poffeffions importantes aux indes-Occidentales, elle devroit également s'inquiéter des fuites de notre indépendance : point du tout. Ses poffeffions étant des Ifles , elles n'ont rien acraindre; attendu qu'elle pourra toujours avoir une flotte affez confidérable pour les défendre, & que nous n'aurons jamais avec elle que des démêlésde commerce ( 2); mais il en eft tout autrement a 1'égard de YEfpagne. Nous ne fommes féparés d'elle que' par une iiviere. Nosmoaurs, nos ufages & nos inclinations font fi différens , qu'il eit impoffible que nous continuions caufe qu'a la tiëdeur de fon zèle , pour 1'affranchilfement de 1'Amérique, dont il femble la fouptjonner ? Par exemple a 1'appücation de ce principe recu par les Gouvernemens comme par les individus , que la charitè bien entendue commeuce par fii-même; on ne donne pas aux autres 1'argent qu'on eft forcéd'emprunter pour fes propres befoins : cfla crainte d'infpirer de la déiiance par les largefles d'une généroiité trop chaude : a... ? ( Note de l'Editeur.) (r) Non pas certainement: 1'intervention de toutes les Puiffances de VEurope dans la guerre contre VAngleterre ne feroit point inutile aux Américains. La preuve en eft dans les efforts que ceux-ci font pour entrainer celles-la dans leur parti; & fi toutes les Puilianceseuru/ieenwes avoient perdu la tête au point de combattre les Anglois, le Congres n'auroit plus d'autre embarrasque celui de confolider fon indépendance , ou de fe défendre contre les armes Francoifes , les feules qui puffent s'y oppofer , & qui s'y oppoleroient, en fuppofant que leur fecours , comme on le dit, ne foit pas fincère & délintérelfé. c Note de l'Editeur. j (2) Cela eit inconteftable pour le prófent: mais fi les Américains ont une fois une marine guerriere, ne pourroütils pas faire la guerre a la France & lui enlever fes Kies, aulli bien qu a VAngleterre, a la Hollande, a YEfpagae ? Et pms ce n'eft pas-la le motif quiempêche la France de s'inquiéter des lüites de lindépendance des inrurgeus. Quand  33° Correjpondance politique. a vivre longtemps en bonne intelligence avec elle dès qu'une fois nous lerons libres & maïtres de nos actions. Le Congrès a offert les deux Florides a YEfpagne , dans la vue de la porter a fe déclarer ouvertement pour nous. 11 faut convenir quel'offrede donner ce qu'on nepoffedepas eft de bien peu de valeur : mais fuppofé que YEfpagne acceptat ces contrées & s'en mit en poffeffion , il s'enlüivroit uniquement que nous nous avoilinerions davantage, & que nous n'en ferions que plus expofés a nous quereller. UEfpagne re paroit cependant pas futisfaite, &demande encore la Louifianc , pour nous garantir notre indépendance. Le Congrès ne fera probablement pas difficulté de la lui accorder, s'il ne peut obtenir fa demande a meilleur marché. Mais il n'y aura pas de perfonne fenfée , & qui a quelque idéé de la politique, qui croyeque ce foit 1'intention fincère de la cour (YEfpagne. II eft aifé de voir au contraire qu'elle ne cherche qu'a gagner du temps; car elle ne peut ignorer que du jour oü nous nous trouverons dans la poffeffion tranquille de notre indépendance, la perte de toutes fes poffeffions méridionales ne fera pas éloignée ,• & elle doit comprendre que malgré la ceffion de hLouifane, YAllegang ou les montagnes méridionales ne feront, ainfi que le Mefifipi, qu'une foible barrière contre nous. je ne puis vous cacher qüen général on parle aujourd'hui de notre indépendance d'une toute autre maniere qu'on ne faifoit il y a 3 ans. On ne 1'envilage point du même ceil que le Congrès; & on n'eft pas auffi perfuadé que lui, de ce qu'il affure que cette indépendance eft fi certaine, qu'elle peut être rangée dans la claffe de ces évènemens que le deftin, ( fi 1'on peut attacher a ce mot quelque fignification ), ou la providence même ne fauroit changer. Les gens inftruits de ce pais 1'envifagent au contraire comme trés douteufe, & même dans 1'ordre des probabilités trés éloignées. En France même on confidere notre indépendance fous un point de vue bien différent qu'autre fois. L'expérience a démontré que notre attachement aux mceurs & aux ufages des Anglois, ainfi qu'a leurs manufactures, eft tel que nous leur donnerons toujours la préférence , lorfque nous ferons les maïtres de trafiquer avec qui bons nous femblera. Tout Américain qui arrivé en France, brule d'envie de paffer en Angleterre,; & la peine de confifcation  Correjpondance politique. 331 qu'on a dü établir, prouve claireraent la prédileftion des Américains pour leur ancienne mécropole. La France*, quoiqu'en guerre, laiffe a fes fujets la liberté de paffer a Londres quand bon leur femble , avec des paffeports : auffi n'y a-t'il pas de femaine que quelque Francois ne paffe la mer;& 1'on débite quatre fois plus de marchandifes Angloifes ici qu'avant la guerre. On peut affurer que tout ce qu'il y a de gens dilh'rgués a la cour & k la ville, rafolent de tout ce qui porte le nom & le caraótere Anglois ( 1 > L'on m'a dit que M. de la Luzerne a fait des remontrances au Congrès contre notre commerce avec VAngleterre , & 1'introduction de fes manufactures, & qu'en conféquence on les interdira. Je ne puis le croire, car nous deviendrions par li plus efclaves de la France que fes propres fujets ; & je ne crains pas de prédire que ces mefures produiront beaucoup plus de mal que de bien. „ " Nous verrons dans peu quel fuccès auront les négociations de Mr. Danna en Rujfte , & je ferai bien troropé s'il rcuffit. Je ne connois point de puiffance en Europe qui ait plus d'intérêt a la profpérité de 1''Angleterre que la Ruffie, excepté le Portugal. elle feroit certaine de perdre fes poffeffions avant la fin de la guerre, cette perte , en politique, ne feroit-elle pas compenfée dix fois, par le coup qu'elle porte a fa rivale , en opérant le démembrement de l'Empire Britannique 1 ([Note de l'Editeur ) CO Cela eft vrai : a Paris , a Verfailles tout efl: a VAngloife : JVauxhall, courfes de chevaux , combats de Coq , voitures , filles, bottes, éperons , caunes , fracs, pérnques , même celles de .Mr. éCAiembert & des Miniftres font a VAngloife. On s'y pare avec les étoffes des manufaétures éCAngletetre: on n'y voit que des bijoux , des colifichets fabriques a Londres les écuries font peuplées de chevaux , les Palais ornés de meubles vernis de chez les Anglois. Depuis la guerre cette manie s'eft encore accrue. Mais qu'eft-ce que cela prouve , fi ce n'eft Tinconféquence de tout ce qui fe fait ici-bas ? On vent diminuer la Puiffance de VAngleterre, ruiner ia navigation, fon commerce, fes fabriques; & on alimente fon induftrie, les revenus de fon h'fc , par une confommation folie de fes ouvrages, au préjudice des manufactures nationales! JNous autres Hollandois ne pourroit-nn pas nous faire , avec fondement, le même reproche 1 Attendons-nous d'avoir épuifé les magafins de nos fabricans, pour nous pourvoir d'étolfes chez les Anglois ? ( Note de l'Editeur. )  332 Correfpondance politique. J'ai appris que vous vous étiez fortréjouisala nouveile de la rupture entre X1 Angleterre &la Hollande; mais tout bien confidéré, je ne vois pas quel encouragement il peut en réfulter pour nous; tout au contraire. 11 y a plus de 4 mois que les Anglois ont coromencé les hoftilités; & jufqu'ici les Hollandois n'ont ufé d'aucunes repréfailles, ni ne fe font mis en état de le faire. Plus de la moitié de la République repugne a une guerre avec la Grande-Brétagne. Le but de cette derniere en déclarant la guerre a la Hollande a été de 1'exclure de la neutralité-armée, de rompre par la une confédération, qui, de quel cöté qu'on 1'envifage, ne pouvoit jamais être de durée; & empêcher les Hollandois de continuer a fournir des bois de conftruction a la France & a YEfaagne, ainfi que d'approvifionner les Mes Francoifts'': auffi a-t'elle réuffi. La Rufie offre fa médiation, mais refufe de prendre parti pour la Hollande; & le Dannemark a depuis longtemps abandonné cette confédération ? ., « Avant 1'arrivée de Mr. Laurens Als , la France a fait compter au doéteur Franklin 6 millions de livres pqurl'année courante; depuis elle a encore ajouté 4 millions; & a promis, è ceqüon afiure, d'être notre caution en Hollande pour dix millions de livres , fi Pon trouve a les négocier £t 4 pourcent. Dans la fuite on pariera de 20 millions; & peut-être trouvere-; vous encore cette fomme : mais qu'en réfultera-t'il, fi ce n'eft la continuation de la guerre pour une année de pluscar fans une flotte fupérieure a celle de VAngleterre on ne parviendra jamais a travailler avec fruit k la paix. ** Je defirerois , pouvoir vous faire un tableau plus flatteur de notre fituation, ainfi que vous le louhaiteriez; «ïais je ne le puis fans vous en impofer. Et quoique je Ibis perfuadé que vous avez de tout autres informations, ou par des gens qui n'y voient pas clair, ou par d'autres qui prennent a tftche de ne vous écrire que ce qui peut vous flatter, je ne puis en agir de même. En un mot, mon ami, il n'y a qu'une bonne ' paix qui puifle prévenir notre ruine & nous garantir de 1'efclavage : &, quoi que vous puiffiez préfumer de VAmérique, je fuis perfuadé que les conditions que YAngleterre vous a offertes, ne font nullement a rejetter, & fuffifentpourentrer en négociation , &c.  Correponfpance politique. 333 CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires préfentes de la Hollande. LETTRE Au Rédacteur de cet Ouvrage. TTE fuis, Monfieur, un de ces politiques filenI cieux,qui m'amufe a rêver feul dans mon ca*^binct, comme vous & comme bien d'autres le faites en public, par la voie de Pimprefiion. J'interromps quelquefois le cours de mes fonges, pour m'occuperdes vötres & de ceux de vos confrères les fpéculateurs périodiques, hebdomaires ou éphémères. Une des revêries qui m'a le plus fingulièrement plu, paree qu'elle ell la plus conforme a mon inclination pacifique & a mon horreur pour les bouchers d'hommes; c'eft un plan de pacification adrejfé aux Puijjances Belligérantes; idee fingulière, qui ne me paroit ni avoir fait beaucoup de fenfation, peut être, comme il arrivé prefque toujours, paree qu'elle méritoit d'en faire , ni reQu tout le développement qu'elle préfente au premier coup d'ccil a un ami ardent de 1'humanicé , a un pacifkateur des Puiffances, les plus fufceptibles , les plus pointilleux, les plus tracafliers de tous les animaux de ce monde fublunaire. Un jeune homme honnête , déja connu par plulieurs ouvrages férieux, qui ne font. guères des fruits de fon age, & cité avec des éloges mérités dans les Annalcs du célèbre & malheureux Tome I. N°. ai." Y  334 Correfpondance politique. Linguet; après avoir traité le fujet de la guerre pour la fucceillon de la Bavière, & apprécié la paix de Tefchen, s'avifa , il y a environ unan, d'éfquiffer deux des objets les plus délicats de la machine politique occidentale de notre globe : la navigation de CEfcaut & la réconciliation des Puif Jances Belligérantes. Comme vous nous avez promis, Monfieur , de parler de la première de ces matieres, & de nous rendre compte des écrits polémiques que cette controverfe a fait éclore, je re vous entrctiendrai que dc la feconde, a laquclle vous ne paroiffcz pas avoir fait attention, & qui me femble cependant, devoir entrer dansle plan de votre ouvrage. Libre a vous, du refte, de faire ou non ufage des idéés de notre pacificatcur & des miennes. PLAN DE PACIFICATION jldreffée aux Puiffances Belligérantes. "I_iE fujet qui a troublé la paix eft fans doute encore celui qui en empêche la conclufion. C'eft la révolte des Américatns qui a arboré 1'étendard de la guerre ; & c'eft findépendance a laquelle ils prétendent, & que leur refufent les Anglois, qui étouffe 1'olivier que 1'humanité voudroit faire renaitre. Nations belligérantes , n'eft-il pas un raoyen de terminer vos démêlés, de ratifier a VAmérique fon indépendance, de fauver 1'honneur de 1''Angleterre, de préferver fon commerce des plaies que pourroit engendrer cette émancipation, & enfin de laifler jouir la France & YEfpagne des avantages qu'elles attendent de leurs liaifons avec VAmérique ? „ "C'eft cequejecrois avoir trouvé dans une opération bien fimple a exécuter : la voici. Que les Provinces révoltées foient détachées du domaine de la GrandeBretagne , mais qu'au lieu d'en faire unEtat Républicain ^ on en fafle une Monarchie , a la Souveraineté  Correjpondance politique. 355 de laquelle VAngleterre nornrne un des freres ou des 'jfils de fon Roi. C'eft le meilleur moyen de concilier les différents intéréts des parties. „ " Vous autres Américains, c'eft le joug de VAngleterre que vous voulez fecouer? Soit, vous y voila fouftraits. Que vous importe d'ailleurs d'être commandés par plufieurs Rois affociés fous le nom de Congrès, oude vivre fous le Gouvernement d'un feul? L'expérience ne prouve-t-elle pas affez qu'une fermer tationnourrie par des divifions continuelles ne fait qu'agiter nos Etats prétendus libres, & qu'au contraire une douce tranquillité eft le partage des Monarchies ? Cesi mpöts que vous payerez au nom du Roi , ne les devriez-vous pas payer de même au nom du Congrès ? La différence n'eft que dans les mots. Vous autres Généraux , vous êtes a la tête des armées ? Vous y ferez encore. Membres du Congrès, vous formez u n Sénat qui a la direction du Gouvernement politique? Eh bien , votre affemblée fubfiftera: vous fbrmerez le Confeil du Prince, vous ferez fes Miniftres &c. L'intérêt perfdnnel fera donc le même a 1'égard de chaque individu, & la nation confidérce en corps ne perdra rien a ce change. „ " Mais, dira \xx\.Américain, que penferont nos alliés de cet arrangement; les Francois ne craindront-ils pas que notre Roi ne les exclue du commerce de fon Royaume'? Oui, mais votre Roi ne fera point un delpote. On pourroit mettre un frein au caprice de fes volontés, en ftatuant certaines loix fondamentales que chaque Souverain a fon avénement au Tiöne jureroit d'obferver, & au nombre defquelles feroit la liberté du commerce. C'en feroit affez pour rallurer les Nations Européennes. ,, '* Ceft 1'Angleterre qui fut le plus grand facrifice, mais les circonftances exigent que cefoit elle qui le faffe. Ne pourroit-on pas lui en adoucir 1'amertume par les raifons fuivantes ? „ " Quant ti fon honneur , il eft aifé de voir que ce plan lc met a couvert : c'eft beaucoup. Elle ne fera plus, a la vérité, laSouveraine des Américains, mais elle aura du moins la gloire de leur donner un maitre, & qui plus eft, un maitre Anglois. Ce ne fera plus George III qui donnera des ordres en Amérique, mais ce fera du moins fon propre fang qui y domi- Y i  330* Correfpondance politique. nera, & le fceptre ne fortira pas de fa maifbn. Georgb ne fera guères que fuivre 1'exemple des Princes du moyen - age qui partageoient leurs Etats éntre leurs enfans. La portion la plus confidérable eft réfervée a 1'aïnc; mais cette autre part que la nature même femble avoir voulu détacher de la première , il la lache aun plus jeune. Enfin il femble que ce moyen ne peut que flatter 1'orgueil des Anglois qui empêcheront par-la leurs rivaux de fe vanter d'avoir procuré 1'indépendance aux Américains, puifque c'eft VAngleterre qui leur donne un Maitre. „ " Si ce fyftême, dira-ton, garantit 1'honneur de la nation Angloife, il laiffe au moins quelque chofe a defirer pour les avantages de fon commerce, a qui cette féparation ne peut qu'être nuifible. Les Américains n'avoient ci devant de commerce qu'avec la GrandeBretagne; c'étoit dans fes magafins qu'on les obligeoit a fe fournir des marchandifes ctrangeres a leur fol, & c'étoit a fes marchés exclufivement qu'ils devoient apporter les leurs. „ " Cemoncpole, il faut l'avouer, ne pourra plus avoir lieu, mais les Anglois auront dans ces parages pleine liberté de commerce , & a 1'aide de la reconnoilïance & de 1'attachement que le nouveau Roi auroit fans doute pour fa Patrie, ils pourront jouir dé bien des avantages que d'autres nations n'obtiendront pas fi aifément. D'ailleurs toute VAmérique n'eft point perdue pour les Anglois; ils y confervent encore la Jamaïque & plufieurs autres des Aniillcs. Dans le continent même ils ont encore quelques cantons , comme Charles■ Tozun, New-lurk, Savannah &c dont ils peuvent tirer parti. Au fond cette pacification ne leur öte que des contrées qu'ils n'ont déja plus. „ " Enfin les Cours de France & YEfpagne pour goüter ce plan n'ont qu'a envifhger qu'd leur procure tous les avantages auxquels elles ont conftamment ferriblé bomer leurs fouhaits. Les Francois & les Efpagnols ont combattu pour détacher \'Amérique du domaine de leur ennemie;eh bien , voila leurs vceux accompli?: ils ont conclu avec les Etats Unis des traités d'alliance qui peuvent enrichir leur commerce des dé;-ouillesde celui J'avois taché de prouver en peu de mots qu'i!  Correjpondance politique. 339 de voit être indifférent aux Américains d'obéir a un Prince fubordonné iui-même a la loi, ou d'être foumis a une affociation de maitres fous le nom de Congrès , en qui rélideroit la même fouveraineté; que cette opération fembloit remplir les vues des Cours de Bourbon , fauver 1'honneur a XAngleterre & confommer cette douloureufe émancipation le moins défavantageufement poffible pour elle. Malgré cette perte reélle, malgré le delfechement de cette fource féconde de richeffes, des enthoufiaftes ont trouvé que ce plan étoit trop favorable aux Anglois, & douté qu'on put engager les Américains a 1'accepter a cette condition ". „ Eli! qu'ont ceux ci a redouter d'une telle conftitution V lis fe font élevès contre les vexations de leurs dominateurs; qu'on leur crée donc un Gouvernement qui les mette a 1'abri du defpotifme ; que furtout la liberté de leurs perfonnes foit fous la fauvegarde des loix. Loin d'eux a jamais les lettres de cachet , cette abfurde inftitution qui charge de fers également Ie coupable & l'innocent,qui ne rend que trop fouvent 1'honnêteté viétime du caprice dün Miniftre corrompu ou vindicatif, qui abandonne le vertueux citoyen k la merci de 1'autorité furprife par les manéges d'un ennemi puiffant & acharné! " „ Si Fon dérobe un pied de mon terrein, je puis recourir aux tribunaux ; comment fe feroit-il donc chez un peuple policé que la plus précieufe, la plus facrée des propriétés, la liberté perfonnelle, me fut ravie fans leur participation " ,, Avec ce privilège & d'autres de la même efpèce,ils goüterpient fous un Gouvernement Monarchique toutes les douceurs d'un Etat libre & populaire , & feroient exempts des tracafferies, des divifions inteftines inévitables dans tout Etat Républicain. Et que 1'on n'objeéte pas que ces promeffes ne font que des chimères; XEurope renferme dans fon fein des modeles d'une conftitution femblable: témoins les Pays-BasAutrichiens fous le Gouvernement defquels j'ai moimême le bonheur de vivre ". „ Que les Américains réfléchiffent de fang froid fur les noms impofteurs de peuple libre, de peuple roi 9 fur ces grands mots dont on les berce, fur ces apparences brillantes dont on cherche a les éblouir, & ils ne fe refuferont point a cette révolutiom Je leré» Y4  34a Correjpondance politique. pete, que leur importe qu'il y ait a Philadelphie oü h Bofion un Roi ou un Congrès, fi la süreté de leurs perfonnes eft garantie de même, s'ils ont la même liberté de confcience, la même liberté de commerce &c". „ Et qu'importeroit davantage cette même alternative aux Puiffances de YEurope neutres ou liguées contre la Grande-Bretagne ? Toutes les nations indiftinclement aborderoientaux ports des Etats-Unis, y paieroient les mêmes droits, y importeroient, en exporteroient avec Ia même liberté toutes fortes de denrées & de provifions : les privileges en faveur d'un pavillon quelconque y feroient profcrits. Telle feroit la première Loi de cette nouvelle & heureufe monarchie qui deviendroit une corne d'abondance pour toute YEurope. Loi d'autant plus ftable que lünivers entier en feroit Ie garant, puifque toutes les nations auroient le même intérêt a ce qu'elle fut confervée & maintenue ". „ Par quel droit nous autres Européens obligerions nous nos femblablcs en Amérique d s'en temr d ctrtaines loix fondamentales ? Un peuple , 6? fur-tout un peuple d'un autremonde , de concert avec fon Souverain ncpcutilpas quand il le veut, cbanger fes loix fondamcma/es ? A la bonne heure, fi ce changement s'elfectuoit pour lebien-êjre du public; mais comme ces loix fondamentales ne relpireroient que la félicité des fujets, fans préjudicier a la dignité du Souverain, comme elles ne feroient que des barrières contre Pambition , & ferviroient d'appui au Citoyen fans déroger au jufte pouvoir du Tröne, ce concert fuppofé ne pourroit jamais avoir lieu. Les privilèges des Pap-Bas Autrichiens ne font-ils pas aujourd'hui les mêmes qu'ils étoient il y a trois fiècles? Et quand Philippe II s'eft avifé d'y porter atteinte, les fuites-ne 1'en ont elles pas fait repentir.? Les Hungrots & le parti qu'en a fu tirer 1'immortelle Marie-Therese, ne préfentent-ils pas encore une belle lecon fur cette matière? ". „ Oü font donc préfentement ces prétendus grands avantages que devoit trouver V Angleterre dans cette pacification ? Elle voitureroit en Amérique fes productions territoriales & induftrieufes de même que la France, la Hollande, la Rujjie, &c. Tout ce que la nation Britannique en retireroit plus que les autres fe réduiroit probablemcnt a quelques douceurs que Pin-  C orrefpondance politique. 341 tiemité de Religion, de langage & de mceurs lui procureroit. Et ces caufes ne fubfifteroientelies pas de de même au cas que les Etats-Unis formaflènt une République ? „, „ Tout bien compaffé, tout bien analyie , 1''Angleterre feroit a 1'égard de la Monarchie Américaine fur le même pied que les autres Puiffances. Un pere de familie n'a plus d'autorité fur un fils émancipé & établia part : de mêmè la Grande - Bretagne n'auroit déformais aucun ordre aenjoindrea fes colonies. Chez les particuliers, ce fils conferveroit bien encore du refpeci pour la perfonne de fon pere , mais les Couronnés font difpenfées de cette défcrence ; elles n'ont de foumifiion 1'une pour 1'autre qu'autant que la néceffité les force a tenir cette attitude gênante, ou que 1'utilité les y engage. La France pourroit- el ie fe tromper jufqu'au point d'attendre de la reconnoiffance de la part des Etats Unis, fi le Gouvernement républicain y eft continué? Faut-il encore recourir a 1'expérience pour la défabufer de cette chimère ? La France contribua beaucoup auffi a 1'éreótion de la République des Provinces-Unies; quelle récompenfe en regutelle ? a peine cette République fut-elle affermie & ion indépendance reconnue formellement par YEfpagne, qu'eile dirigea prefque toujours fes forces contre ia nourrice. Veut-on un autre exemple? Louis XIV épuila fes finances , ruina fon peuple, vit fa gloire ternie & fa grandeur humiliée, pour placer fon petitiils fur le Trone YEfpagne ; a peine les armées Fran*foifes qui avoient procuré cette Couronne a Philippe V, eurent-elles mis bas les armes,qu'on les leur fit reprendre , & le feu de la guerre éclata entre la France 8c VEfpagne ". „ Peut-on s'aveugler fur des faits auffi frappans? 'Après cela comptez fur la gratitude. La principale regie des Puiffances eft leur intérêt. Auffi le grand art de négocier ne confifte-t-il qu'a faire appercevoir des avantages d'un cöté & des dangers de 1'autre , réels ou apparens. „ „ Et fi dans les guerres dernieres YEfpagne a époufé les querelles de la France, ce n'eft pas tant a caufe que fon Tröne eft occupé par un Prince de la maifon Bourbon, que paree que fes intéréts demandoient qu'elle fe liguat avec la Cour de Verfailles contre celle de Londres qui lui infpiroit des craintes „»  3 42 Correfpondance politique. „ Que les Infurgens foient gouvernés par un Congrh ou par un Monarque, dans 1'un comme dans 1'autre cas, ce fera 1'intéiêt qui guidera leurs premières démarches. Si c'eft la maifon de Bourban qui veut les inquiéter, c'eft a elle qu'ils déchiréront la guerre s'ils en ont la force; & ils la déclareroient de mêmea la Grande-Bretagne , au cas qu'elle attentat a leur liberté ou a leurs propriétés. Or, il ne paroït pas que leur pofition les rende ennemis naturels d'une Puiffance plus que d'une autre ; également voifins des Mes Angloifes, Francoifes &c., auffi contigus a quelques pofieffions Efpagnoles qu'a certains cantons deterre ferme qui pourroient refter a VAngleterre, 1'on ne voit pas aifément laquelle de ces Puiffances tireroit lemeilleur parti de cet Etat naiflant. „ " Ce peu de confidérations fuffit pour dérruire les paralogifmes nombreux qu'un périodifte Francois a oppofés a mon plan dans un journal hebdomadaire qui circule furtout en Hollande. La partialité avec laquelle il eft écrit auroit pu me difpenfer d'en faire mention; mais je faifis cette occafion de montrer dans quelles inconfequences 1'on tombe, lorfqu'on avance des chofes que Pon ne penfe pas; car je ne faurois me perfuader que cet Eerivain , qui d'ai'lleürs eft rém^pli de connoifl'ances , nous expofe toujours fes propres fentimens dans les Lettres Hollandoifès. „ „ Les ports des Etats Ums feroient fermés, dit-il, d toutes les nations de /'Europe , 6? les vaiffeaux Anglois y feroient feul s adtnis, fi nous avions pour Souverain un , Prince Anglois. Par le traité de paix Pentrée feroit accordée tndiflinctement d toutes les nations, mais peu & feu , & fous diférens prétextcs, les Anglois n'en manquent jamais pour couvrir leur injuflice d Fégard des autres nations, l'entrée de nos ports leur feroit fermce . Tomé 7, N'.I.pag. 14". „ Jefoutiens que ji le nouveau plan de pacification s'ef-' fecluoit, /'Angleterre feroit beaucoup plus redoutable qu'elle ne Pétoit lorfque nous étions dans fa dépendance, pag. 9. — En nous forcant d nous féparer d'elle /'Angleterre a perdu tous ces avantages, elle enjouiroit fi on nous donnoit pour Souverain un Prince du fang de fon Roi pag. 11. — Si notre Roi étoit un filsou un frere duRoi ^'Angleterre , il feroit contre toute vaifemblance d'imaginer qu'il put jamais ne pas partager les querelles  Correjpondance politique. 343 'gu auroit /'Angleterre avec la France ou les autres Puiffances. Pag. 7. ÖC 8. „ "• Qui croirott que la nation Britannique put être affez inconfidérée gour refufer toutes ces bonnes chofes ? L'Auteur épiftolaire débute pourtant par aflirmer que ce plan ne fera pas adopté par /'Angleterre , pag. 3. & que s'il faut que /'Angleterre renonce d fes colonies de /'Amérique-Septentrionale, ce nefera certainement pas d la condition que ces mêmes colonies préféreront le Gouvernement Monarchique au Gouvernement républicain quelles ont adopté pag- 4. tw Pour moi, je confeffe humblement n'avoir pas affez de pénétration pour appercevoir la moindre cohérence entre ces affertions qui font néanmoins débitées d'un ton fi décifif. „ " Si de cette pacilication il ne doit réfulter pour le commerce de la nation Angloife dans les Etats-Unis qu'une petite fupériorité fur celui des autres, de quelle importance efl-il donc qu'elle leur donne un de fes Princes pour Roi? Oui, mais 1'avantage de leurs fujets n'eft pas 1'unique impulfion qui fafleagirles Couronnés : il y a un autre point, le point d'honneur, fur lequel elles font un peu délicates, & cette délicateffe leur eft fouvent d'un grand embarras. „ " La Grandê-Bretagne feroit couverte de honte fi elle étoit obligée d'abandonner fes colonies a leur Gouvernement républicain; les têtes Angloifes ne favent pas fe faire a cette idée. On doit être für qu'a cette condition le fléau de la guerre va continuer en core a exercer fes ravages. Vous, qui gouvernezles Américains, & vous Puiffances de VEurope qui les protégèz, quand vous laifferez vous enfin toucher par le trifte fort oü ils languiffent? Jettez les yeux fur les pauvres contrées qu'ils habitent; la veuve y redemande fon époux , Porphelin fon pere , les champs leurs cultivateurs, & les villes leurs artifans. Voyez les campagnes dévaftées, les édifices renverfés ou brü • lés, les armées exténuées; le foldat dégouté demande fa paye & le Congrès n'a que du papier a lui donner. „ ; En quo difcordia cives Perduxit miferos! „ Si vous êtes attendris de ce portrait quj n'eft affurément pas chargé, fi vous cherchez fincérementa Ji mettre fin a ces calamités, laiffezdonc aYAngieterrtte  344 Correfpondance politique. confolatiort de donner du moins un fouverain a fes colons, fi elle doit ceffer de 1'être elle même J'. : „ Pour peu d'attachement que ce Prince Bréton montr&t aux Américains, & d'averlion qu'il f ït paroïtre contre les duretés du miniftère Britannique a leur égard, il fe verroit chéri,adoré de fes peuples ;ils le regarderoient comme leur pére, comme un libérateur qui vient fécher leurs larmes, & ramener parmi eux les délices de la paix ? „ Le reffentiment qu'ils pourroient encore garder, ne feroit pas un obftacle a ce dévouement. Peut-on porter a une nation plus de haine que n'en ont fait éclater les Beiges contre les Efpagnols ? Néanmoins quand 1'inquifiteur Philippe II. failbit gémir les PaysBas fous 1'oppreffion, avec quelle ardeur lesmécontens ne défiroient-ils pas que fon lils Don Charlos vint les gouverner? Auffi le Monarque Cafltllan ufa t-il de précaution : pour n'avoir rien a craindre de 1 Infant bien-aitné , il eut foin dele colloquer en lieu de iüreté ". D'ailleurs il eft bienentendu que pour calmer leurs inquiétudes, le Prince couronné n'emmeneroit avec lui aucun Miniftre de fa nation. II paroit auffi indifpenfable de ratifier les obligations pécuniaires que le Congrès auroit contractées." „ Je ne difconviens pas que parmi les chefs des In. furgens il n'y en ait quelques uns qui s'pppoferoient a cette révolution qui n'accommoderoit pas leurs deffeins ambitieux : mais cela même fait affez voir que les Américains ne font pas auffi libres qu'on veut le leur faire accroire &c " „ Je ne difconviens pas non plus que ce plan ne foit fufceptible de quelques inconvéniens ;& quel mortel a jamais inventéou exécuté le moindre projet ,furtout en politique, qui n'y fut pas fujet? Que ceux qui lè contentent de dire fimplement que celui-ci eft impraticable, en propofent donc quelque autre qü les iutérêts des parties refpectives foient mieux conciliés! „ Un des nouvelliftes les plus fpirituels que nous ayons , a prononcé que ce plan eft inadmifible fous la condition de donner aux Américains un Roi Anglois. 11 avoue cependant qu'il feroit afouhaiter pour l'avantage général des nations & pour celui des Américains, eux-mêmesique les Etats Unis fujfent érigés en Monar~  Correfpondance politique, chie limitée par des principes fixes & par des barrières que Pambition ne put jamais franchit'. II n'auroit pas dü, ce iémble, en refter la ; je 1'invite donc a nous annoncer quel eft 1'augufte perfonnage qu'il deftine a remplir ce tröne, & videbitur infra ". Vous voyez, Monfieur, que ces obfervations fonc fort raifonnables. On rcgrètte que 1'Auteur, s'écartant trop d'une prolixité naturelle a fon age, fe foit piqué d'un laconifme, qui ne lui a pas lailfé la poffibilité d'étayer fon plan de tous les appuis propres a le foutenir. II me femble, par exemple, qu'il pouvoit le fortifier de plufieurs obfervations de nature a fatisfaire également le Cabinet de St. James & le Sénat de Philadelphie. D'abord , il eft certain que c'eft le Roi d'Angleterre & non le peuple Breton, qui étoit le Souverain de 1'Amérique. Que ce fut de droit ou de fait, il eft fur que c'étoit le confeil du Monarque, & non pas 1'affemblée nationale qui gouvernoit les Colonies. Ce n'eft donc que 1'intérêc perfonnel du Prince, & non 1'honneur de Ia nation ou celui du Parlement Britannique qu'il faut confidérer, dans un arrangement quelconque avec les infurgens. Or, George Hl a une familie nombrcufe, & une Royauté feroit un heureux débouché pour placcr un de fes fils. 11 feroit plus glorieux, plus fatisfaifant pour lui, fans doute, de dominer encore fur les valles domaines qu'il a pollëdés dans lc nouveau monde : mais au moment oü ils s'échappent de fes mains débiles, ou mal adroites , il feroit trés - confolant de les voir paffer dans celles d'un de fes enfans. C'eft apparemment de cette idéé, que notre Auteur n'a pas préfentée CiJ, qu'eft venu a la ( r ) Quoique cette idéé ne foit pas indiquée dans le plan, il fe pourroit fort bien qu'il Teut fait naitre a quelque  34<5 Correfpondance politique. Cour de Londres, celle d'envoyer le Prince Guilleaume-Henri en Amérique, afin qu'au moment oü la fortune obligerales Miniftres du Roi areconnoïtre Pcmancipation de fes i3filles, fon augufte fils foit la tout pret pour les époufer. Ne fcroit-ce pas aulli par une fuite de cette combinaifon, qu'au moment oü le Miniftcre venoit d'arrêter qu'il enveroit Carleton, Cornwallis, & Arnold pour reconquérir les Colonies, la motion du Général Conway, pour nc plus leur faire la guerre, a eu un fuccès fi prodigieux & fi étonnant. Le Cabinet de St. James , fatisfait ou confolé par ce plan, avec 1'exécution duquel fe concilieroient pour la nation Britannique, tous les avantages de commerce que comporteroit Pintérêt de la nouvelle Monarchie, n'auroit pas lieu de fe plaindre d'une fciilion qui ledifpcnferoit desembarras de la furveillance & de la protedtion. UAmérique de fon cöté gagneroit a cette forme de Gouvernement, qui lui donncroit un maitre ou un proteéleur , au lieu de cent tyrans que lui a donné fa révolte. Notre Auteur cite les Pays-Bas-Autrichiens & la Hongrie comme des exemples qui prouvent quele Gouvernement Monarchique tempéré n'exclut pas une jufte liberté civile ni le bonheur du peuple. II en trouvoit un plus concluant, plus analogue a fon objet,dans la conftitution dc la Grande-Bretagne. Si elle n'eft ni plus douce ni plus modéréc, elle eft au moins plus conforme au goüt des Américains, & a 1'efprit qui les anime. Quel aétédepuislongtems le vceu des Colonies? tête du Cabinet de Sr. James } qui s'en fera un mérite. Ce ne feroit pas la première fois que de grands adminiftrateurs fe feroient parés des plumes du Paon , fans dire mot. Je pourrois citer des Miniitres , des. . . . a qui on fait honneur d'opérations remarquables, dont ils ont concu Tidée d'après des plans, qui n'ont pas valu aux Auteurs un bien obligé.  Correfpondance politique. 347 I C'eft celui d'avoir des repréfencans au parlement h d'Angleterre , & lc droit précieux de fe taxer ellesrj mêmes. Ce font la les deux grands motifs, oufi i Pon veut, les deux brillans prétextes qui leur sj ont fait arborer 1'étenctart dc la fédition. Hé bien; I en leur donnant un Roi de la Maifon de Brunf« wiek , qu'on leur forme aulli un Parlement a Pin* fj ftar du Sénat Britannique. Elevés dans les princiij pes des Anglois; accoutumés a regarder la cons Ititution de la Grande Brétagne comme un moi nument de la fageffe de leurs ancêtres, comme J le chef - d'ceuvre politique de 1'efprit humain, )| comme lc palladium de la liberté & des droics les I plus facrés de 1'homme; les Américains nefont1 ils pas tout difpofés a recevoir une forme de gouij vernement pour laquelle ils ont pris les armes, j & ne s'envifageroient-ils pas, a 1'imitation des i Bretons, comme le premier peuple dc 1'Univers, I s'ils avorent le bonheur de la pofféder? Ajoutez au bien chimérique, pour la multii tude , de la conftitution d'Angleterre, les avanI tages inappréciables, pour le peuple, d'une légif& lation fage & douce , qui affure au citoyen fes t propriétés & fa liberté perfonnelle; les prérogaJ tives de Yhabeas corpus; le droit d'être iugé par 1 fes Pairs; la fatisfaction dc n'obéir qu'a des I loix difcutées publiquement, arrêtées par un Sénat, rcvêtues de la fanction du Monarque; la li> bertc indéfinic de confeience, & d'autres douceurs {qui confolent les hommes de la néceffité d'être ilbumisa un pouvoir quelconque : les Américains I jouiroient de tous ces privileges, dans le plan 1 propofé. Quant a MM. du Congrès il feroit aiféde les <:contenter. II eft bien démontré, par les faitsaui! tant que par la nature de la chofe, que c'eft pour is'emparer de 1'autorité , plus que pour affranchir Üeurs Concitoyens, que ces Peres conferits, ces  348. Correfpondance politique. Doges, ces Gonfalons du nouveau-monde, fe font confédérés. C'eft pour dominer a la place du miniftère de Londres qu'ils onc rompu avec leur métropole. Ils onc brifé fon joug pour impofer le leur. Quand rhiftoire du cceur humain ne conduiroit' pas a ces préfomptions, il fuffiroit de jetter un Goup d'ceil fur les conftitutions politiques , adoptées par les Colonies, ou du moins rédigécs par leurs Chefs , pour fe convaincre que leurs prétendus libérateurs n'ont cherché qu'a s'en rendre les maitres. Leur confédération eft une Ariftocratie violente & defpotique par effence, qui préfente a la multitude cent idoles au lieu d'une, a révérer, & qui, armée du pouvoir des loix & du glaive de la juftice, dégénérera en tyrannie, en une véritable inquifition. Les corps en général font des êtres malfaifans & fans pudeur, fans aptitude pour le bien , enclins è la violcnce , incapablesde modération , s'ils ne font pas enchaïnés par la crainte de la multitude , ou fubordonnés a un pouvoir qui les contient. Pour confoler MM. de Philadelphie du rölc des Tarquins, des Dccemvirs, je ne penfe pas comme M. R. qu'il faille en faire les Confeillers, ou les Miniftres de Henri I, furnommé P'Atlantique. On en formeroit les Pairs du Royaume , compofant la Chambre-haute du Parlement Américain. M. Laurens feroit un Duc de Richmond, ce qui ne feroit pas tant mal pour le fils d'un Sellicrde Charles Town; le Doéteur Frankiin, un Archevêque de Cantorbery; M. Adams, un Marquis de Roe kingham ; M. Hankooc, un Comte de Pembroke; M. TVaJirfgton, un Lord Getmain , & ainfi du refte. La Chambre -baffè feroit compofée, comme a Londres, des Députés de toutes les Villes & Bourgs des treize provinces. Le refte au 2V°. prochain.  Correfpondance politique. 349 CORRESPONDANCÉ POIIIIOUE Sur les affaires préfentes de la Hollande. SUITE Des Öbférvations fur le plan dc pacification , adrejfê aux Puiffances belligérantes. A fin de préferver d'urïe part 1'intégrité de cec Augufte Sénat, & d'y prévenir de 1'autre le befoin d'une oppofuion bruyante & verbeufe, le Parlement auroit le droit imprefcriptible dc nommcr le Confeil du Prince, & de lui donner de fon corps des affefleurs au lieu de Miniftres. Pour éviter la jaloufie ou les exceptions entre les Provinces, elles auroient toutes enfemble, ou a tour de róle, un de leurs fujets refpeétifs dans lc Confeil du Monarque. Lc Gouvernement ne feroit pas exclufivement confié a des hommes de Penfdvanit ou de Virginie, comme on voit a St.James, la confiance du Souverain dépofée dans le fein de Miniftres choifis chez la nation Ecoffoife. Indépcndatnment de ce groupe (Vargas , tous lires de la Chambre des Communes, & dont la fonc- [ tion rélative au Gouvernement intérieur, feroit. de veiller avec le Prince a Pobfervation des loix promulguées par le Parlement, a 1'exécution de la Juftice, a la rendre même , comme c'eft le devoir des Souverains, quoiqu'en dife Montefquieu, fufpeét fur cette matière ; on étabiiroit quatre' Tornt l JS°. 22. Z  «5<5 Correjpondance politique. grands départemens, des Finances , de la Guerre 9 de ia Marine & des affaires étrangèrcs, qui feroient conftamment occupés par les quatre plus anciens Pairs du Royaume : & ia Pairie, comme on voit, re feroit pas la plus mal parcagée, tant pour Pinfluence que pour la torture & les honneurs. La feule prérogative du Roi feroit d'avoir deux voix dans fon Confeil, d'éue la fource des graces & des dignités , de donntr fon aveu aux loix, qui re pourroient être telles fans fon fuffrage, depardonner dans certains cas ou la juftice demande une victime & Phumaniié un adoucilTement a la rigueur des Tribunaux. Les fentences fe rendroient en fon nom. On lui fonueroit une l/Jle civile modérée. II ne pourroit difpofer des revenus publics que pour le fervice de PEtat & de Paveu de fon Confeil. Aflii+é de fes Miniftres, il nommeroit les Ambaffadeurs qui le repréfenteroit dans les Cours ; mais qui recevroient ieurs inftruétions de Vjirèopage préfidé par le Prince. La guerre & la paix feroient fenfées fe faire en fon nom , quoique difcutées & approuvées a la pluralité dans fon Confeil. Enfin , ce fantöme de Roi & fes affelfeurs ne feroient que le bras de la République, puiffance exécutivede la nation, dont la fouveraineté réfideroit dans le Parlement, auquel les membres du Confeil feroient comptables de leur geftion & de leur conduite. II n'y auroit que le Monarqae exempté de cette cenfure, paree que la prépondérance que fes deux voix lui donneroient dans Padminiftration , ne feroit pas fuffifante pour le faire prévariquer , tant que fes Confeillers & fes Miniftres refteroient honnêtes gens. II n'y auroit point de noblelfe héréditaire. On 1'accorderoit aux grands hommes , aux Citoyens, qui fe diftingueroient par leurs talens, leur patriotifme, leur utilité pour le bien public. Elle feroit le prix de la vertu, des belles aétions, dc  Correfpondance politique. gjr. la bravoure : & afin que le Roi n'aviïlt pas une xecompenfe fi flatteufe, en la prodiguant a des iujecs ineptes ou indigncs, ces pacenr.es d'annobliffemcnt n'auroient d'effet qu'après la ratification du Parlement, comme les motions du Sénac nacional n'auroient force de loix qu'avec la fanction du Monarque. Mais ce fimulacre de Souverain feroit dans une éternelle tutclle, encouré de furveillans, privé de Ia taculcé de nommer fes coopératcurs i Ah i c'eft vrai. Je n'y penfois pas. II eft facheux en" effec qu on dorve enchainer les lions. Quel bien peucïl réfulter pour un peuple , du droit de choifir fes adminiftrateurs ? N'eft-il pas plus courc que les fujets foient comme des moutons , tondus , tués mangés par des Miniftres, premiers efclaves d'un defpote qui ne tient fa Couronne que de Dieu, qui ne donne pas de Couronne, & de fon épée'qu'il n'a jamais tirée. Au refte, la conftitution intérieure del1'Amérique , eft parfaitement indiiférente a VEurope. L'influence qu'aura fur le fort de cellc-ci, Ie déchirement dc Pempire Britannique, nedépend nullement de la forme de Gouvernement que celle-Ia adoptera. Ce qui intéreffe Pancien-monde, c'eft le fyftême politique que Ie nouveau fuivra, foie pour la navigation, foit pour le commerce, foie pour la marine militaire. Républiques ou Monarchies, 1'efprit pacifique ou de conquêtes qui animera les Colonies, décidera feul des avantages qui réfulteront de leurfciffion pour les Européens. Rome Républicaine, détruific les Carthaginois : Romedéchuée par des faétions, ou fubjuguée par des ufurpateurs, conquit VEgypte & VAfie, & fit trembler le refte de Punivers.' " II eft donc fuperflu de s'inquiéter pour la deftinéc qui attend , dans la fuite des fiècles, la conftitution qu'on établira kPhiladelphieou a Bokon a Z 2  s5a Correfpondance politique. Oue les Wiehs & les Torys s'y cbamaillent comme YLondres; que les Plébéiens y luttent contre les Patriciens, comme a Rome, ou que le peuple y rampe , comme prefque partout le refte du monde, devant un Dieu & les idoles qui le rcprefcntent; peu nous importe : on y prendra également les mefures qu'on trouvera les plus comormes a 1 intérêt du pays, ou les plus propres a nuire a Europe Ainfi 1'idée d'une garantie de toutes les Puiffances maritimes de VEurope eft une chimère. L'Etat Républicain ou Monarchique du nouveaumonue , ne confultera que fon avantage S il en trouve plus a traiter avec une natron qu avec une autre , il ne balan,era pas a fe Paflbrer. Le peuple favorifé au préjudice de fon voiün, nc: voudroit plus étre garant contre Pinfraftion ; i feroit Pappui des inftadteurs. Tandis que Pexclu fe plaindroit, le favori applaudiroit: fi d^apologies ne fuffifoient pas, on feroit des mamfefles & alors comme aujourd'hui, aux manifeftes fuccederoit le ""da , Monfieur, quelques idéés brutes que m'ont fait naitre celles du pacificateur R. . A ces réflexions générales, on pourroit en ajouter de particulières fur fes écrits pacifiques Par exemple, quand il dit qu'il eft égal au*Amerïcains d'avoir un Roi ou un Congres, fi la suretc de leurs perfonnes efl garantie de même; U me femble qu'il devoit tourner cette phrafe de iacon qu'elle préfentat un fens oppofé : fi la surcte de leurs perfonnes n\fl pas mieux garantie par l un que par 1'autre ; car, il faut Pavouer, le Congres eft un étrange garant de liberté individuelle lui qui a décernc la prifon arbitraire contre tout fuic? qui manqueroit d'öter fon chapeau ou fon bonnet, en paifant devant un Sénateur, qui, en fe déguifant, ou en paroiffant parmi dcs_ homir.es . qui nc le connoiflent pas, peut chaque jour rem-  Correfpondance politique. 353 plir les cachots d'hommes libres, d'hommes Rois. L'apoftrophe aux Puiffances de VEurope, eft tout a faic couchance, C'eft bien dommage que les Puiffances n'aient pas plus d'entrailles que de pudeur. C'eft bien, en vérité, avec les tableaux déchirans des malheurs que leur ambition, leur entêtement, leurs bévues, caufene a 1'humanité, qu'il faut effayer de les attendrir. r Lc paffage furies Lettres de Cachet, cette aftrcufe invention du defpotifme miniftériel , doit platte a tous lescceurs honnêces. Ah! puiffe-ton ignorer ces cruels chiffons, a Pufage de la vengeance des Miniftres, dans le pays de 1'Auteur & dans le votre, aulli long-temps qu'on les perpétucra & les abhorera dans le mien! t J'ai 1'honneur d'être, &c Paris , le 16 Février 1782» Camp de St. Roch. 1/uoiQUE nous n'ayons pas comme nos confre^-res, les Rédacteurs des Gazettes, ennuyé nos leéteurs de 1'éternelJournal des opérations, des proueffes EJpagnoles , au pied d'une des coloncs d1'Hercule ; il faut, comme quelques-uns d'eux, les égayer en rapportant des vers forts jolis, a la louange des Grecs modernes. Le fiege de Gibraltar a bien la mine de durer auffi long-temps que celui de Trok. On n'y voit pas autant de belles, de grandes aétions : mais on y entend plus dc bruit, on y fournit plus de rempliffage pour les Gazettes, & pour leurs Auteurs, plus de matieres a débiter des fottifeS. Celui de Leyde, a qui cet accident arrivé quelquefois , faifant, il y a environ deux ans , le récit d'une expédition que les affiégeansavo:ent exécutée contre les pallifades de'la place , détailloit avec  354 Correfpondance politique. précifion les dégats qu'ils avoient caufés fur les glacis & dans le voifïnage. Parmi les traits dc cette dévaftatiön gratuite & inutile , on diftinguoic la ruinc de fort beaux jardins potagers , de vergers remplis de fruits, dont les afliégés n'auroient pas manqué de faire ufage, fi leurs prévoyans ennemis n'avoicnt pas eu la précaution dc les détruirc. A ce fujet lc nouvcllifte de Leyde obfervoit judicicufement que, fi ces jardins n'avoient été que des parterres émaillés de fleurs , les Efpcgnols les auroient refpeélé. II feroit difficile de'faire une remarque plus abfurde, plus cruelle. Si pour être des Héros dans toute 1'étcndue du terme, il faut, joindre la démence a la fureur, foit; cette réunion monftrucufe au courage , a la bravoure , peut être fupportable chez des militaires, inftitucs , deftinés par effence pour affliger Phumanité, & révolter la raifon. Mais il femble qu'un homme paifible , rctiré, qui écrit pour inftruire ou pour amufcr, ne devioit fe rendre Pécho des cruautés extravagantes dont les guerriers font les inftrumens paflifs, que pour les vouer a 1'indignation publique. N'eft-il pas déja affez affreux que lespféparatifs de la guerre épuifent la fociété d'une prodigieufe quantité de matieres deftinées par la nature a fon ufage, fans que 1'excrcicc de cet épouvantable fléau, doive encore porter le ravage fur les fubiiftances que la terrc s'empreffe d'offrir aux hommes? N'elt-il pas bien odieux que Pexécrable droit de la guerre ait confacré chez les nations policccs les mcurtres méthodiques au premier fignal d'un defpote capricieux, ou d'un Miniftre intriguant, fans que la barbarie des exécutcurs fanguinaires s'étendc fur des êtres inanimés, & choififfe précifement pour objet de fa fureur , ceux dont la deftination eit de rendre des fervices a Ja fociété ?  Correfpondance politique. 3££ Guerriers, tuez vos parei's, puifqu'il le faut, quand vos maitres 1'ordonnent; puifque vous ne pouvcz les épargner fans vous expofer a 1'êcre vous même, ou , ce qui eft plus terrible encore , fans courir le rifque de vous déshonorer. Anéantiffez les inftrumens phyfiques ou moraux de deitruction dirigés contre nous; canons, fufils, mortiers, fabres, hiyonnettes, vaiffeaux, munitions dc guerre, foldats, matelots, a la bonne heure ; cela eft dans 1'ordre. Mais que craignez vous du paiftble cultivateur? Quel mal vous ont fait fes champs, fes vignes, fes jardins, fes vcrgers, fa ruftique habitation , pour les réduire en cendre ? Les provifions que vous détruifez aujourd'hui, 1'abri que vous iacagez., vous manqueront peutêtre demain Ne voyez-vous pas que , li Turenne étoit un grand homme en exécutant les ordres de Louis XIV , pour gagner des batailles , il n'étoit plus que 1'abominible incendiaire du Palatinat, cn fe rcndant 1'inftrument de 1'horrible cruauté de Louvois ? Mais fi ces inconféquenees effroyafeles peuvent fe concilier dans le fyftême de la guerre & dans les principes des guerriers , au moins un écrivain, quel qu'il foit, ne peut né^liger, quand il en fait mention, de les accompagner de proteftations qu'il les abhorre , fans s'cxpolér au juftc reproche de les approuvc. Au refte, voicide quoi venger la raifon du tapage qu'on a fait, depuis quatre ans, a Gibraltar & dans les Gazettes. Ei'itre a MM du Camp. de St. Rock. Meffieurs de Sc. Roch entre nous Ceel paffe la raillerie ; ÏEn avex-vous ld pour la vie ? Ou quelque jour puiie^-vous ? We poavc\-vous i la vaillante , Joindre le talent d'abrégcr t z4  356" Correfpondance politique Votre ctemelle patience Ne fe laffe point d'affiéger. Mais vous mettei d bout la nötre j Soyez donc batlans ou battus , M>'ffieurs du camp b du blocus, Terminei de facon ou d'autre ; Terminei, car on n'y tient plus. Fréquentes font vos canonnades ; Mais hUas ! qu'oih-elles produit! Le tranquille Anjlois dort au bruit De vos rwcYurnes pétarrades ; Ou s'il répond de temps en temps A votre prudente furie , C'eft par égard , je le parie , Et pour dire je vous enttnds. Quatre ans cni dü vous rendre fages: Laifjei donc ld vos vieux ouvrages ; Quitte^ vos vieux retranchemcus , Retirei-vous vieux affiégeans. Tin jour ce mémorable fiege Sera fini par vos enj'ans , Si toutefois Dieu les protégé. Mes amis vous le voyt\ bien , Vos bonibes ne bumbardenr lieu ; Vos pétarrades , vos coivettes , Et vos travaux ii vos mineurs N'épouvantenl qui les ledieurs De vos rcdoutables Gazettes. Votre blocus ne bloque point ; Et grace d votre heureufe adreffe, Ceux que vous affamei f"*s ceffe Ne pèriront que d'emboupoint. Ce fiege ennuyeux pourroit cependant fe töfminer par la deftruétion ou la prife de la place, fi les indécis, les indolens Efpagnols vouloient fe réfoudre a faire des effores proportionnés aux difficulcés de 1'entreprife. Si après avoir facrifié des fommes prodigicufes a conftruire de ridicules, d'inutiles ouvrages, foudroyés a 1'inftant par les affiégés, la Cour de Madrid fe décidoit a facrifier beaucoup d'hommes, un peu moins précieux que de 1'argent, & a faire donner par des troupes intrépides 9 fous la conduite d'un Général habile &  Correfpondance politique. 357 heureux , des affauts redoublés a ce rocher aride; il n'eft pasdouceux que la garnifon bientöt harraffée de fatigues, affoiblie par des blelfures & par des morts, effrayée par la vue du danger toujours renaiffant, ne fut enfin contrainte de capituler. II n'en coüteroit guère plus de vingt millions de piaftres fortes & de vingt mille hommes au Monarque du Pardo , pour recouvrer un roe qui ne vaut pas intrinféquement un écu. Si ce facrifice fanglant & pécuniaire tout a la fois, paroit trop fort au polfeffeur des mines du Potofe, pour redevenir maitre de cette terrible bicoque; il ne lui refte d'autre moyen que de le bloquer une bonne fois, & de maniere a neplus y laiffer pénétrer tous ces furêts vivriers, qui , depuis trois ans, portent 1'abondance a des hommes qu'on nous peint dans les Gazettes, nuds pieds & mourant de faim. Le blocus étant complet, lc Général Elliot & fes braves gens privés, comme le Général Murray & les fiens , de raffraïchiffemens, devront töt-ou tard fe rendre de même ; & pourvu qu'on ne rappellat plus a Cadix les vaiffeaux bloqueurs a 1'approche des Rodney & des Darby , Gibraltar deviendroit le pendant du fort St. Philippe. La reddition de celui-ci eft enfin effeétuée. Au moins les affiégeans de Minor que n'ont pas tiré toute leur poudre aux moineaux , comme ceux de St. Roeh. Sans ennuyer fi long-temps le public, ils font mieux parvcnus a leur but. _ Cet événement ne laiffe pas que dc furprendre bien des gens, qui ne s'y attendoient pas fitèt. Les Officiers qui affifterent a la prifc de cette fortereffe, par lc Duc de Richelieu, la rega'rdoient comme imprenable, & avouoient avoir dü fa conquête par les Francois, a un de ces prodiges de témérité, couronnés par le fuccès, qui ne fe renouvcilcnc pas deux fois duns un fiècle. On fait  358 Correfpondance politique, que 1'heureux Maréchal étonné lui-même de Ia réuffite dont fut fuivi la hardiefle audacieufe de fes gens, voulut leur faire répéter la même tentative , ce qu'ils effayerent envain. ^ Comment fe fait il donc que le Général Murray rcputé un des plus braves , des plus habiles Commandans Anglois, ayant fous fes orures une belle & nombreufe garnifon,dans une place hérhfée d'Artillerie, remplie de munitions, fortifiée de nouveaux ouvrages ajoutés aux anciens , fe foit vu forcé dc Ia rendre , avant que les allicgeans aient tenté de 1'enlever par furprife, ou par affaut? On dit que la garnifon étoit fort afibiblie par les morts , les blcffés , les malades, & qu'une épidémie régnoit dans le fort. Mais 1200 homme* bien portans ont rendu les armes, & on en a vu plufieurs les brifer de dépit d'être contraints de les rendre, pour paiTer fous le joug du vainqueur. On ajoute que la place manquoit de viande fraiche. Mais eft-ce donc que les foldats Anglois font des iibarites-, plus que ceux des autres Puiffances , qui font fort contens, ou du moins fort braves, quand ils ont du pain noir? Ec de quoi fe nourriffent donc les marins, fi ce n'eft de pitoyable bifcuit & de mauvaife viande falée , trop heureux encore quand leur radon équivaut par fon volume a Pépace formé par les parois de leur eftomac? II paroit que cette capitulation précipitée eft plutöt le fruit des méfintelligences furvenues entre le Gouverneur & le Commandant, que le défauc de fubfiftances ou de munitions. II eft facheux que partoutouilfe trouve des hommes ,1a difcorde y fomentedes rivalités, des jaloufies , des diffentions. Les Anglois font comme les Hollandois, attaqués de ces cruelles maladies, plus terribles que la pefte , que la guerre , que des ennemis redoutables. C'eft a cette zizanie qu'ils doivent plufieurs pertes, qui fe répécent fouvent depuis quel-  Correfpondance politique. 250 ques mois; & c'eft au même dêfaut d'harmonie & de concern , fi non entre nos Officiers, du moins entre nos conducteurs , que nous dcvrons auffi bien des malheurs que 1'union & la concorde auroient pu prévenir. Phénomène Politique. C'Eft de ce nom, je penfe, que la poftérité , ainfi que les contemporains1, appellera le voyage du Pape a Vienne, fingularité unique en fon genre. On voyoit bien autrefois les Souverains Pontifes lancer les foudres du Vatican contre des Monarques indociles a leurs volontés, renverfer les couronncs de la tête de leurs légitimes poffeffeurs , fouler a leurs piedsla Majefté des Rois, dévoucr des Céfars a Pinterdiétion, & les contraindrc de fe rendre a Rome en fupplians, pour s'y faire relever, après des expiations bien humiliantes, des cenfures de 1'Eglife. II étoit réfervé a la fin du i8me. fiècle, déja remarquable par tant d'évènemens extraordinaires, de voir le chef de la hierarchie-Romaine , entreprendre a un age avancé, dans une faifon rigoureufc, un voyage pénible, pour rendre a un Prince, fuccelfeur de ces Henris , fi cruellcmcnt humiliés par Porgueil Papal, une vifite étonnante, fous quelque point de vue qu'on la confidere. A peine Jofeph II eft-il monté fur le tröne de Maric-Thércfc , qu'il fe livre avec ardeur a mettre 1'ordre & a porter la clarté dans toutes les partics du Gouvernement. II fait éclore coup fur coup, & prefquefans intervalles , les diverfes parties d'un plan de réformes arrêté depuis longtemps dans fon cceur, & préparé a loifir dans un age de maturité, durant les longues années de fon apprentiiTage dans Part de régner. Les temps  360 Correjpondance politique. paroiiïent mürs pour 1'exécution de fes vaftes projets : les efprits fcmblent difpofés a les recevoir avec joie, ou du moins fans oppolïtion. L'emprelfement de 1'Empereur a fignaler le début de fon règne par des changemcns utiles fans doute, mais trop rapidement multipliés peutêtre; n'a pas permis a fa fageffe de calculer les forces de 1'cfprit humain, ni de preffentir jufqu'a quel point on peut étonner par des nouveautés , 1'homme affervi par l'habitude& conduitpar les préjugés. Le defir du bien qui Tamme, s'eft épanché avec une profufion qui empêche d'en fentir le prix. Des torrens de lumières lancées a la fois, doivent blelfer des yeux peu accoutumés a la voir fans nuages ou fans voile? Et la rapidité de la marche que le légiflateur s'eft prefcrite , reifemble au gré de bien du monde , a la pré cipitation. Déja lc Réformateur Germanique a dü revenir fur fes pas & abrogcr un de fes édits, qui remettoit les Juifs au rang d'hommes & de citoyens, A peine ces malhcureux rebuts de 1'efpèce humainc ont- ils eu le temps de fe réjouir de la publication d'une loi qui leur en rendoit les prérogatives, que les voila replongés dans l'aviliffement & le mépris qui les fiétriiTent depuis umtdefiècles. Ils feront exclus dé la tolérancc univerfelle que S. M. I. avoit annoncée a fes peuples. Ils ne peuvent avoir ni cultc public, ni Synagogue; ils doivent refter invariablcment fixés dans les lieux oü la nature les a jettés; ils ne pourront fe déplacer qu'avec des formalités humiliantes , & en payant cette permiffion par une taxe. Ils n'auront pas la faculié dc fe vouer a 1'agriculture, d'acquérir la Bourgeoifie & des Maitrifes, &c. Malgré la précifion qui caraétérife les Ordonnances émanées du tröne Impérial, les Edits fur  Correfpondance politique. 36*1 la tolérance civile accordée aux Protefïans dans les divers Etats de 1'Empereur, ne réuniffent pas cette unilbrmité défirable, qui rend tous les fuiets d'un Souverain participans des privileges attachés a la qualité d'hommes & de chrériens. Ils lont accompagnés de précautions, néccffaires fans doute , mais timides, & de reftnaions qui en détruifent 1'effet : & malgré la fermeté connue du caraftere du Monarque, il s'eft vu nécelfité a altérer fon ouvrage, par des interprétations toujours nuiübles, paree qu'elles ótenta la loi 1'intéo-rité, 1'invariabilité dont elle a befoin pour fe concilier lerefpeét & la fourniffion; paree qu'elles ouvrent la porte aux commentaires arbitraires des Officiers prépofés a 1'exécution des régiemens, le pire , le plus dangereux de tous les ïnconvéniens. La claufe qui attribue la faculte de 1 exercice public du culte a la réunion de ico families de la même communion, Helvétique ou d'Augsbourg% dans une Ville, ou dans un diftriét de peu d etendue , doit néceffairement annuller le benefice de la tolérance, & rendre 1'application de la loi impoflible, dans la plupart des Pays Autrichknsi & celle qui permet aux prêtres de vifiter les maladcs Proteftans , peut donner lieu a des abus très-férieux. . ,' II eft prefque moralement impoflible que, dans des Etats 011 le tolérantifme s'introduit , fans être accompagné, pour les réligions tolérées, de la faculté de faire des prcrélkes, laculté que \ Empereur interdit aux P'roteftans, il puifle jamais fe réunir dans un lieu circonferit par des bornes étroites, cent families dela même croyance, & qui plus eft de la même langue; car il ne fuftt pas que ces 5 ou 600 perfonnes adhérent ïnierieurement a'ux mêmes. dogmes, fervent 1'EtreSuprème avec les mêmes rits; il faut auffi quel-  3 62 Correfpondance politique. les puiffent fe communiquer dans le même idiöme, pour former une communaucé religicufe, donc tous les Membres s'entendent & fe comprennent, dans leurs exercices de dévotion , dont l'elïence eit d'être exprimés en languc vulgaire. Et d'oü viendroient ces 100 families , par exemple, dans une Ville ou un Canton des PaysBas-Autrichiens , dans toute 1'étendue defquels on n'en trouveroit peut-être pas cinquante de non-Conformifles ? Quand a la tolérance offerte parl'Edit de S. M. I., le Gouvernement de Bruxelles joindroit les plus fortes invitations a tous les Protefïans de VEurope , même a ceux de France, privés de la liberté d'exercer leur culte, de venir fe fixer dans les Provinces Belgiques; quand il promettroit des établiffemens, qu'il affureroic des fecours pour les pauvres , des diftinclions pour les riches, &pour tous , la proreétion, les avantages civils; il ne parviendroit pas a raffembler, fuivant les conditions préfcrices dans 1'Ordonnance Impériale , deux communautés , de quelle liturgie & langue que ce foit. La difficulté de les réunir augmentera encore par Pobligation qui leur eft impofée de fournir aux dépenfes qu'entralneroit la formation, & enfuice l'cxiftence d'une Eglife. L'éreétion des Temples & des Ecoles ; 1'entretien des Miniftres & des inftituteurs de la jeuneffe feroit a la charge de ces troupcaux naiflans. Or, en général, les hommes veulent bien faire leur falut; mais peu aiment, ou font en état d'en faire les fraix. D'ailleurs, en fixant le nombre de Membres requis pour compofer une Eglife, fans égard pour leurs facultés, 1'Edit manque fon but, s'il eft vrai qu'il en ait un autre que celui d'une pompeufe oftencacion. Ce font, d'ordinaire, les pauvres qui ont le plus de zèle pour adorer leur Créateur; ce font eux qui ont le plus befoin d'inftruc-  Correjpondance politique. 365 I eions, qui font le mieux difpofés a en recevoir; & & les riches feuls ont le moyen de les payer. Selon ce principe, fuppofons 100 families Projj tejïantes de la confellion liélvétique ou cYAugs)j boïirg, & de la même langue, raffemblées dans 1 1'enceinte prefcrite par la loi, & dont les chefs I font.les uns artifans, les autres manceuvriers ou j laboureurs; vivantchétivement, élevant leurs eni fans avec le fruit d'un travail journalier; il eft 3 poffible que ces 100 pères dc familie ne foienc i pas en état, en fe cotifant, de faire élever feajlement un hangard, bien loin de bacir un TemI ple , ni de pourvoir a 1'encretien d'un Pafteur i & d'un Maitre d'Ecole; tandis qu'une ou deux i maifbns opulentes, telles que celle de Ramberg, ; enrichiepar le commerce & ennoblie par une paj tente Impériale, pourroient conftruire un fuper- be Oratoire, & encretenir magnifiquement leur \ Chapelain. On voit par la, combien la difpoficion qui n'at- •tribue la prérogative d'exercer le culte public qu a des communautés fi confidérables, favorife peu ilcs families fortunées qui font toujours en pent nombre , en même temps qu'elle exclue totale| ment de cette faveur les pauvres qui font partout i les plus nombreux. Ce~te claufe n'eft pas coniéI quentc: elle eft même dure. Elle équivaut a une jprohibition pour les fujets Proteftans de Sa Ma|jefté Impériale dans plufieurs Provinces de fa | Domination. II y en a quelqiües-uns dans le Limibourg & dans le Tournaifu, pour qui la tolérance reiigieufe qu'il établit dans fes Etats eft abfolujment nulle. Ni eux, ni ceux qui peuvent fe troujyer a Anvers, a Bruxelles, iOfïende, ne pourront ^jouir du bénéfice de fon Edit; & ce n'eft afIfurément pas leur faute, ni fi leur nombre n'eft : pas plus fort, ni fi on leur interdit la facultéde ' 1'accroitrc en propageant leur croyance.  364 Correfpondance politique, Pourquoi priver des douceurs d'une tolérance humainc & chrétienne des hommes qui la méritent par la limplicité dc leurs dogmes, par la pureté de leur morale & leur foumiflion a 1'ordre civil,en fixant, pour les en laifler jouir , un point oü il eit moralement impoflible qu'ils parviennent? Pour n'être pas en grand nombre dans un même diltriét, en font-ils moins des fujets dignes de Pattention du Légiflatcur? IIy aplus;la réunion exigée de cent families non Conformifles du même rit pour former légalement une communauté, eft en oppofition avec 1'ufage recu dans la Religion dominante. Ce n'eft pas Ie nombre de Catholiques, c'eft le befoin qu'ils ont d'un culte, qui détermine Péreétion des Paroijfls ; & la plupart de celles de cette communion, fur-touta la Campagne, ne font pas compofées de cent families. En Hollande ,1a majeure partie des troupeaux réformés , défignés par la dénomination d'Eg'ifes Wallonnes, ne comptent pas autant de Membres; ce qui prouve que les Princes, même les mieux inftruits, qui ont les meilleures intentions & les vues les pluspures, manquent fouvent des renfeignemens les plus indifpenfables, & des notions les plus firn-' I pies, pour communiquer a leurs régiemens ce \ caraétère de juftcfle, qui en allure la folidité. La fuite au N°. prochain.  Correjpondance politique. 36S CORRESPONDANCÉ POLITIOÜE Sur les affaires préjentes de la Hollande. SUITE Du Phénomène Politique. INdcpendamment dccette imperfecT:ion%palpable de 1'Èdit de Tolérance, qui doi: en anéantir 1'cffet, il rcnferme deux autres difpofitiorts qui tendent a porter, Tune la difcorde dans les families, & 1'autre lc défordre dans la fociété. Celle qui permet, qui ordonne même, au mari Catkoliqite d'une femme Proteftante ,d'élever tous leurs enfans dans la cotomunion du père , comme un privilège de la Religion dominante; détruit tous les droits de la mère, fait de 1'époux le tyran de fa Compagne, & óte a celle-ci la confolation de travailler a 1'éducation morale de fa familie, a laquelle elle n'eft pas moins deftinée par la nature qu'a 1'éducation phyüque, & n*y eft pas moins propre fouvent que celui a qui la loi en confère le droit exclufu ; car il n'eft pas probable, que 1'intcntion du Légiilateur foie d'armcr le pèred*un pouvoir fuffifant, pour contraindre la mère a inculqucr a leurs enfans communs, les élémens d'une croyance qui lui répugne, ou dont elle n'eft pas imbue. D'ailleurs, comme cette prérogative de 1'époux n'aura lieu que dans le cas oü il fera de la Religion Catholique St fon époufe de 1'une des deux communions tolérées, & qu'elle ne s'étendra pas Tomé 1. N°. 23. A a  366 Correjpondance politique. aux maris Protefïans, dont les femmes feront Ca~ tholiques Romaines, on voit qu'il n'y a point de réciprocité. II en réfultera une bigarure fingulierc dans les families, dont Peffet fera de jetter beaucoup de confufion dans la fociété. II auroit peutêtre été plus convenable de laiffer a ceux qui fe marient une entiere liberté a cet égard, & de les obliger, comme le fait le Roi de Suède CO, a ftipulerdans leurs contrats de mariage, la Religion dans laquelle ils conviendroient amiablement, que leurs enfans feroient élevés. La feconde difpofition qui me parolt devoir produire des conféquences contraires au but du Souverain, eft celle qui défend aux parens d'un Proteftant malade, d'empêcher un Prêtrc del'approchcr, lorfqu'ii le defirera. II n'y a pas d'inconvénient fi le malade eft dans fon bon fens, & demande en effet les fecours du Pafteur Catholique. Mais s'il ne 1'appelle pas , & que fous le prétcxte aifé a imaginer, qu'il Pa defiré , des voifins cruellement officieux, des domeftiques fubornés, & des Eccléfiaftiques trop zélés , vont dénoncer fa familie, comme ayant contrevenua la loi, quels effets terribles n'en peuvent ils pas réfulter ? Qu'on fuppofe un Curé ignorant, animé d'un zèle amer, ce qui n'eft pas rare, ayant dans fa paroiffe des gens qu'il croithérétiques & réfervés a la perdition, ne fe perfuadera-t-il pas qu'il eft de fon devoir de ramenèr au bercail une brebis égarée, & d'arracher au lit de la mort, par toutes fortes de voies , mêmes les plus repréhen- (i) Ce Monarque déja fi cé'èbre parfon méri'e perfonnel & par la fagefifö de ton Gouvernement, vient auih de publier un Edit de tolérance fort détaillé , fort iiuérelfant , digne d'un examen férieux , & dont je defirerois bien parler, ii les bornes de cette feuille & 1'abondance des matieres qui fe préfentent, me le permettoient. J'y revieudrai peut-être quelque juur.  Correfpondance politique. gö^ fiblcs, une victime a Terreur & au Démon ? Ec s'il n'y réuffit poinc, ne fera-t-il pas difpofé a en rejeccer la fauce fur les en cours du moribond , donc il vouloic opérer la converfion ? Qu'on fe rcpréfence alors a quels défordres le fanacifme rcligieux peuc donner naiffance (i) t Je ne fais li je me crompe; mais il me femble qu'il eut écé mieux dc ne rien ftacuer publiquement lur les deux poincs que je me fuis permis de criciquer. II fuffifoic que la fagefle du Monarque dirigeat en feeree les Tribunaux & les Officiers de la Police , &fe repofac fur leurs lumieres, fans aucorifer les époux a violencer la confeience de leurs compagnes, & les Prêcres celle des malades. II me paroïc auffi qu'il écoic plus conforme a Pincencion manifeitée du Légiflateur de procurer a cous fes fujecs les avantages de la tolérance, de ne pas fpécifier le nombre d'individus qui devoient fe trouver réunis dans un efpacc limité pour en jouir, & fur-tout de ne pas les obliger, plus que leurs concitoyens, aachecerles confolations fpiricuelles, qu'ils ne font pas toujours en état de payer. Si Tintarriffable bavard de Bruxelks, M. Dmval, qui, dans une mauffade lettre fur leTolérantifme, a exalté jufqu'aux nues TEdit de tolérance O) En ce moment il paroït dans les papiers publiés une nouvelle lettre circulaire de 1'Empereur , provoquée par les remuntrances du Clergé, fur le tort que la Reli" ion dominante pourroit recevoir des difpolitions de ia precédente , en interpréta'ion fur 1'Editde la tolérance Cette lettre circulaire contient des chofes bien remarquables qui meriteroient un examen particulier: outre laméthodè que le Monarque indique pour conltater lé«-alement Ia croyance des non-confo rmilles ; méthode, qui je ne crains pas de le dire, ne tardera pas a êtrefupprimêe a caule des nombreux abus auxquels elle donnera lieu : S M imp. permet aux prètres Catholiques de viliter les malades Fróteltans , quand même ils ne feroient ni appellés ni tiehres, ce qui eit liijer a de bien plus férieux inconvéniens Aa z  g68 Correfpondance politique. de S. M. I. avoit été capable de 1'apprécier, d'en approfondir la teneur & d'en prévoir les effets; il le feroit moins en thoufiafmé pour un réglement, dont le moindre inconvénient eft d'être inutile pour une grande partie des Provinces de 1'Empereur, & dont le principal fruit eit de montrer a toute VEurope les fentimens d'humanité dont ce grand Prince eft animé. Mais quelque chofe de plus remarquable que tout ce qui précède, c'eft que, comme un Pénodifte Pa remarqué (i), la tolérance univerfelle que Jofeph II introduit dans fes Etats, concoure précifément avec la dcftruétion des feules Eglifes Proteftantes qui exiftaiTent dans les Pays-Bas-Autrichiens. II eft affez étonnan t, que de la même main que ce Monarque a figné Pinvitation aux Proteftans do s'établir dans fes Provinces Belgiques, il ait en memê temps tracé 1'ordre d'abbattre ou de confacrer a des ufages prophanes, dans les places barrières, les Temples qui pouvoient les encourager a s'y fixer. Aulli beaucoup de gens fonpconnent-ils de ce contrafte de la Légillation avec la politique, que 1'Edi: de tolérance a moins pour objet d'attirer les Proteftans dans les Pays-Bas, que d'apprivoifer des voifins Réformés, auffi jaloux de leur liberté rcligicufe que de leur liberté civile. Avec des armées & des canons on force les villes, on conquiert des provinces, on fubjugue les peuples; avec le Tolérantifme on calme ies allarmes & les encore- Le Légiflateur veut que les religionnaires puilTent jivoir des Temples , des écoles , des ]\7inilires , lorfqu'ils feront réunis au nombre de 500 perfonnes, quand même celui de 100 families ne feroit pas cumplet , ce qui eit déroger a la condition prefcrite , fans en adoucir la rigueur , attendu quil eft auffi difficile de raliembler dans un efpace borné 500 perfonnes que 100 families du même rit & de la même langue. On petit prédire que Jofeph 11 fera bientöt forcé de retoucher fon ouvrage , s'il veut le periectionner & le confolider. (1) Voyez le Courier du Bas-Mtin , n°. 12.  Correjpondance politique^ 369 «raintes , que des confciences timorées pourroient avoir a paifer fous une domination, oü en ceffant d'être des hommes libres ,'on peut au moins encore être chrétiens a fa maniere. , Déja des plumes officieufes qui" s'annoncent comme les interprêtes des intentions du Céfar Germanique , effayent de préparer les efprits a voir produire fes prétcntions au grand jour, & commencent par les établir dans des écrits, en attendant qu'il les foutienne avec des foldats & des bayonnettes, les plus irréfragables de tous les argumens. Outre les brochures avec lefquelles on a efcarmouché en faveur de 1'ouverture de VEJcaut, fermé par de vieux chiffons de traités & par des baftions un peu plus refpeótables que des conventions furannées; on annonce en ce moment un pamphlet intitulé , Coup d'oez'Z fur ma Patrie, oü 1'on diicute de nouveau cette matiere, & dans lequel onpretend démontrer les droits de 1'Empereur fur Maeflricht & fur quelques autres diftricts du territoire de la République , comme fi le meilleur de tous les droits n'étoit pas celui de la force , & comme fi un Souverain , qui voudroit envahir le bien d'autrui, avoit befoin d'autres titres que de fa convenance & de fon épée. Je ne fais pourquoi on femble fe complaire a prêter a 1'Augufte héritier de Marie-Théreje des vues finiftres contre un état modefte & paifible, allié utile & généreux de fa maifon, depuis plus d'un fiècle , a qui elle eft rcdevable de fon élévation , de fa grandeur, difons-même de Ion exiftence. II me paroït qu'un Prince fi férieufement occupé de réformes importantes & du bonheur de fes peuples, n'a pas le temps de penfer a faire lc malheur de ceux a qui il a tant d'obligations. Les foins que ce Monarque fe donne pour perfectjonner les différentcs branches de Padminiftration dans fes Provinces, ne fe concilient guère A a 3  37° .Correfpondance politique. avec 1'idce d'un ambitieux , afpirant a des conquêtes fur des amis, qui ont aidé fon immortelle mère a défendre & a recouvrer fes domaines. Les travaux pacilïques du Gouvernement auxquels il eft livré avec une ardeur , une affiduité, une perfévérancc qui n'ont pas d'exemple dans Phiftoire, font incompatibles avec les inquiétudes de Pambition & la férocité d'un Conquérant. En un mot, un Potentat humain, tolérant, qui aime fes fujets, ne fauroit être un farouche & fanguinaire guerrier ; & un Légillateur qui peut fe couvrir d'une gloire pure & folide dans 1'excrcice de la juftice , n'en cherchera pas une fouillée, en couvrant fon front de lauriers teints du fang des hommes & arrofés de leurs larmes. II eft vrai que la première démarche politique dejofeph II femble conduire a des inductions bien dilférentes. L'abrogation arbitraire , impéricufe & non provoquée d'un traité folcmnel , dont fes ancêtres ont rccueilli tout lc fruit, & fes alliés fuportés tous les facrifices, feroit foupgonner qu'il veut renoncer a une alliance, dont il brife le lien , dès qu'elle ne lui paroit plus ncccffaire. La manière furtout dont 1'anéantiffement des barrières s'eft opéré , a étonné toute YEurope, & eft en effet bien étonnante. On n'a pas mis dans ce procédé toute la franchife, toute la dignité , toute la confidération qu'il étoit permis d'atcendre. On a laiffé fubfiftcr une ambiguité qu'cntre particuliers on caractériferoit d'unnom plus fort. Au lieu d'une communication amicale qui exprime de 1'eftime, on s'eft enveloppé d'une obfcurité énigmatique qui annonce du mépris. On a fait une réquihtion du ton donc on intimedes ordres, & dans les termes d'un jargon inintclligible, aulli au-deffous dc Ia Majèfté d'un potentat, qu'injurieux a fes alliés. Tout ce qui a paru de plus clair dans cette négociation d'un tour  Correfpondance politiqite. 37: nouveau , c'eft la dcmande cVördres adreffés au.v Commandans det places de la barrière, pour la démolicion, et ce qui &'en suit. Bien des gêns pcnfenc que cc prétexte de dcmolition n'elt pas lèrieux : que 1'augufte entortillage des termes dont il eit exprimé recè'ie des dell'eins fecrets que le temps dévoilera; que furtout ces mots , & cc qui s^eh fuit, peuvent recevoir une fignification ülimitée, qui pourroit mchcr loin; qu'il eft tout naturel que les barrières de la République dans le territoire^rr/c/z/era, tombent avant que celui-ci recule fes bornes jufqu'aux rivages de la mer d'Allemagne ; & mille autres conjeétuïes auffi judicieufes, auffi vraifemblables. Ëncore une fois, jé né faurois croire aux preffentimens de ces politiques incendiaires, qui s'efforcent d'empoifonner les vues d'un Monarque, que VEurope ne connoit que par des vertus éclatantes, une fageffe confommée , une activité pour le bien peu commune. Quelque étonnement que l'affaire des barrières ait pu caufer, c'eft plutöt la forme qui a lieu de furprendre , que lc fond qui peut très-bien fe juftifier. II eft tout fimple qu'un Prince fier & puiffant, qui a 300 mille hommes fur pied, regarde au-delfous de fa dignité 1'occupation de fes places par des troupes étrangères , & les faffe garder par les fiennes, pour épargner ■4 fes alliés la peine & les fraix qu'elles leur occafionnoient. Sous ce point de vue, 1'évacuation un peu forcée , un peu irrégulière , eft pour la Hollande un fervice & non une ingratitudè. Quant au motif dont elle a été colorée, c'eftè dire, Ia démolition des ouvrages qui Pa néceffitée , il feroit difficile de fuppofcr qu'il n'elt pas ré el. Pour quiconque a une idéé de la fermeté, de 1'élévation du Neftor Germaaique , une telle penfée doit lui paroitre un enfantillage indigne de cc Prince. II pouvoit demander aux Hollandois  37* Correfpondance politique. de retirer leurs troupes, &obtenir également cette demande, fans prétextcr une démolition qu'il ne feroit pas difpofé a effeétuer. Mais ce qui doit confondre les faifeurs de conjeélures, c'eft qu'on a déja mis la main a 1'ceuvre. Dès le < du mois dernier, ona fait fauter 1'angle d'un fortin, dont le dommage, dit-on, en cas de befoin, pourroit être réparé pour 10 écus. A la vérité on ne comprend pas bien le but dc la réfolution prife par $■ M. I. dc rafer les fortereffes de fes Pays-Bas. Dans toutes les querelles un peu férieufes qui ont défolé notre Europe, les Provinces Beigiques ont toujours été le thcatrc de la guerre; elles pourroicnt encore le devenin Les laifler ou vertes de toutes parts , il femble que c'eft les expofer a une invafion auffi rapide que facilc. Le plan du Monarque eft oppofc au fyftême fuivi jufqu'a nos jours. On avoit toujours crujufqu'ici que des villes fortifiécs étoient les mcilieurs remparts pour couvrir un pays. C'étoit une erreur fans, doute. L'art de Pattaquc étant fupérieur a celui de la défenfe, il n'y a que peu ou point de places' imprénablcs. Quelqu'un Pa dit ; les fortcrefles reffemblent aux conducteurs électriques ; au lieu d'écarter la foudrc, elles Pattifbnrj Cependant il y a des poütjons & des cas oü elles font nécelfaires. 11 faut des dépots pour les munitions & les vjvres , des places de retraite pour une armée vaincuc, des abris pour des corps de réferve. Quoique le terrible effet de 1'Artillerie yenverfe dans les fièges les enccintes derrière lefquelles les anciens auroient trouvé la'ffécurité; la méthode dc faire la guerre aujourd'hui, reclame le concours de tant d'attirails de toute efpèce, ou'on a befoin de fortereffes oü ils foient en süreté. Namur par fon locai autant que par fa célcbrité dans les annales milnaires, fembloit réunir tous  Correjpondance politique. 373 «es avantages. Auffi ne concoit-on rien au projec de démanteler cette ville & fon c'hateau. Les gens du métier font confondus. Ils ne comprennent pas comment TEmpcreur peut fe priver d'une place , qui n'a jamais cifuyé de ftègc fans fuccomfeer a la vérité ; mais dont la poffeffion peut tenir longtemps une armée ennemic en échec , & affurer la navigation & le paffage de la Meujè a desfecours. Si la guerre fe rallumoit entre les maifons de Bourbon & d'Autrichc , les Francois n'étant plus arrêtés par les barrières démolies , ni par les armes des Hollandois & des Anglois, dans les Pays-Bas, en feroient, en moins de qninze jours, la concjuê'te fans obftaclc, & peut-être fans verfer une goute de fang. II nc leur faudroit ,pas dix mille hommes d'infantcrie & 1500 chevaux, pour s'en rendre maitres, pour ravager la campagne, mettre toutes les villes a contribution, & remporter chez eux les dépouilles de ces riches Provinces. Une armee de cent mille hommes , dic-on,' vaut mieux que toutes les fortereffes dont on peut hériffer les frontieres d'un pays.L'excmple & les fucccs du Roi de Prujfe montrent affez que le nombre, 1'intclligence & la valcur des troupes 1'emportentfur la force & la multiplicitédes places de guerre. Cela eft vrai. Mais on répond, i°.Quc 1'Empereur n'a pas & ne peut guère avoir une armee li nombreufe dans les Pays-Bas , fans infpirer de 1'ombrage a fes voifins, peut-être même a fes fujets, peu accoutumés au Gouvernement militaire ; i°. pour enrretcnir des forces auffi confidérables dans fes provinces Belgiques, il lui faudroit des places de garnifon affez fortifiées, pour mettre fes troupes en süreté ; & détruirc les fortereffes exiftantes , c'eft s'impofcr la néceffité d'en conftruirc de nouvelles. II n'eft pas néceffaire, dira-t-on , pour défendre les Pays-Bas , d'y tenir conftamment une ar-  374 Correjpondance politique. mée en etat de s'oppofer aux entreprifes d'un voifin qui voidroit les envahir.il fuffira de 1'y envoyer lorfque le befoin 1'exigera. Si l'ennemi s'en empare avant qu'elle y arrivé, elle 1'en chaffera avec d'autant plus de facilité, qu'il n'aura point trouvé dc iorterelfes pour s'y maintenir. II devra combattre cn bataillc rangée, & une viftoire eft moins couteule & plus décifive que des fieges & des villes emportées ou défendues. Cela eft fort bien; mais d'abord fi une Puiflance telle que la France, par exemple, vouloit cnvahir la Flandres, elle auroit compléte 1'invabon avant 1'arrivée des troupes deftinées a lui arracher fa conquête. Probablcment elle. jeitcroit dans-la marche dc fes ennemis, tous les obftacles. capables de les arrêter. Elle s'empareroit de toutes les iffués par oü ils pourroient paifer. Elle commenceroit par prendre Dinant, Namur, Huy K Liege, & par s'y fortifier. Elle feroit, s'il le xalloic, iauter tous les ponts de la'Mcufe ; & maitreile^du cours de cette rivierc, depuis fa fource jufqu'a Maeflricht, par oü pafferoient les Allemands k. les Hongrois, envoyés au fecours des Pays- Bas ? Enfuitefuppofé 100 milleImpériaux arrivés dans le cosur da,Brabant, prêts a repouffer les Francois auffi nombreux.& auffi braves. II n'eft pas dit pour cela qu'ils les cn cbaiferont. Ils livreront bataillc; mais.il n'eft pas sür qu'ils remportent Ia vi&ohe • & s'fis font battus ? ne fcrom_ils pas réduits a fuir devant leurs vainqueurs, a travers la Mcufe & les Ardennes , jufqu'a Luxembourg, la feule place de retraite que la démolition 'de Namur leur allure de ce cêté-la ? Voila les raifonnemens qu'occafionne le fyftême de 1'Empereur, a des gens que ce Prince n'a Uirement pas confuké pour 1'adopter. Puifqu'il le  Correjpondance politique. 375 fu.it, il faut bien qu'il n'ait aucun de ces dangers a rcdouter. II eft trop pénétrant pour n'en avoir pas prévu les inconvéniens , & combiné tous les avantages. Le propre du génie fupérieur, c'eft de faifir les objets en grand , & de ne développcr que fucceflïvement les diverles parties d'un plan général. Chaque opération partielle, empreinte du fceau de la fageiïe , paroit un hors-d'ceuvre au public , qui n'appercoit point 1'enfemble du tout, & met a la torture 1'efprit des fpéculateurs, qui fe perdent en vaines conjeélures. Quoiqu'il en foit des projets de S. M. I. auxquels le temps fervira de pierre de touche, il eft apparcnt que fi le fucceffeur des Céfars avoit borné fes innovations a annuller un vieux traité dont il n'a plus befoin, a faire rafer des baftions dans les Pays-Bas, tandis qu'on cn élève dans d'autres endroits de fes Etats, a réformer des abus dans Padminiftration de la juftice & des finances, a détacher les payfans de la Bohème de IzGlebe, a remettre les Grecs & les Proteftans au,rang des Citoyens , a répandre fur fes peuples d'autres bienfaicsfemblables, qu'un Souverain éclairé, actif, laborieux, qui tient d'une main vigoureufe les rcnes du Gouvernement, trouve toujours le fecret de procurer aux hommes ; il n'auroic pas elfarouché Rome, ni allarmé fes partifans Mais en foulevant le voile que la. fuperftition avoit étendu fur les yeux dc la multitude; en portant une main réformatricc fur 1' Arche facréc, plaftronée dc toutes les fuperfétations engendrées dans des fièclcs d'ignorance & de bigotifme; en fupprimant quelques-uns de cette foule de tombeaux oü Pefpcce humaine alloit s'enfevelir toute vivante, pour mériter le Ciel en fe rendant inutile & onéreufe a la terre; en affranchilfant fes fujets de la fervitude de Rome, ou ils devoient envoyer leur argent pouren obtenirdes difpenfes, crimi-  376" Correfpondance politique. nellcs fi elles étoient contraires aux loix divines, fupertlues fi elles n'y dérogeoient point; en rendant a fon Clergé les droits primitifs dont les ufurpations des Papes Pavoient dépouillé; en rompant le fil d'une fubordination qui affujettiffoit les rcligieux de fes Etats a une autorité étrangère; il ne pouvoit manquer de choquer les moincs & leurs fuppots, d'effrayer le St. Siege dont ils font les plus folides foutiens , & d'exciter les réclamations de cette chaire orgueilleufe , qui , durant quinze eens ans, a précendu dominer fur les nations , au nom d'une Religion ennemie de la domination, du fafte & des grandeurs dans fes Miniftres, appelles a prêcher 1'humilité, la fourfliffibn aux Puiffances , par leur conduite autant que par leurs difcours. Des mefures aulli fages , auffi faiutaires que celles de S. M. I. auroient dü être accueillies avec des applaudiffemens univerfels par fes prapres fujets & provoquer Pimitation chez les étrangers. Scsxribunaux , fes Officiers , les corps ariftocratiques nés dans le fan ge de la féodalité, auroient dfj. fecondcr fes vues réformatrices, & les autres Pays Catholiques s'empreffcr de les adopter. Mais il paroit que 1'Empereur éprouve des oppofitions chez lui ,& qu'il aura peu d'imitateurs chez les. autres. Son clergé, les Etats de fes Provinces font des repréfentations, montrent dc la rófiftance a fes ordres : & les Royaumes. voifins font peu difpofes a fuivre fon exemple. En France il y a longtemps que 1'on crie après des réformes 'également raifonnables & néceffaires. On en fent le befoin; on en entrevoit 1'utilité, & on" manque dc réfolution pour les effecluer. Après avoir fait la.folie, il y a prés d'un fiècle, de révoquer Yirrévoaable, le perpétuel Edit de Nantes, on a, pour la plus grande gloire de Dieu, tpurmenté les Proteftans durant quatre-  Correfpondance politique. 37 vingt ans, & depuis vingt on tatillonne pour les remettre au rang des citoyens, fans avoir le courage de prendre un parti indiqué par 1'humanité , la politique & la Religion. Sous le nouveau règne, annoncé par les plus heureux aufpices , on s'attendoit a voir fe fuccéder les changemens les plus avantageux, les amélioratröns de toute efpèce, dans les différens départemens de Padminiftration ou réellement il y a matière. On s'imaginoit que les tribunaux feroient contenus, la juftice reformée, les loix perfectionnées, le clergé' remis a fa place, les nioines diminués , les religionaircs rétablis dans les droits d'hommes & de citoyens, les prifons d'Etat fupprimées, les Lettres de Cachet brülées, les gênes mifes a la vérité & a la raifon , repquffées dans des climats farouches & fupèrftitieux. Rien de tout cela n'a pas même encore été tenté. Ou n'a encore vu paroitre qu'une défenfe aux Curés des Villes & des Bourgs de s'affembler fans permiflion du Roi, ce qui annonce bien un acte d'autorité, mais non une opération utile, Rien n'égale Pindifférence que les autres Etats Cathoiiques ont a marchcr fur les traces du Réformateur Germanique, a qui ils auroient dü en donner Pexemple , que la fenfation que fes réformes ont occafionné a Rome. Ce n'eft pas une chofe extraordinaire que les allarmes, les inquiétudes qu'elles ont excitées au Vatican. Maisc'en eft une affez remarquabie & non moins édifiante, que la modeftie, la retenue, la modération avec lcfquellcs le zèle religieux du (acre Collége afermenté dans le fein des Lieutenuns de Dieu, & la douceur Evangélique avec laquelle il a tranfpiré en public. Ce ne font plus des foudres, des anathêmes lancés avec un fracas, qui épouvantoit jadis des peuples imbécilles & des Roi.-^ impuiffans: ces armes antiques font rouillées aujourd'hui:  3?8 Correfpondance politique. les mains débiles des fouverains Pontifes ne iauroient plus s'en fervir; & s'ils effayoient de les manier encore, leurs mouvemens exciteroient, a la place de la terreur, le ridicule & les farcafmes. Les Papes ne font pas ce qu'un vain peuple penfe , La foibleffe des Rois fait toute leur Puiffance. Dans une prétendue tragédie, dont le fujet eft la mort de Ganganelli, qui n'eft point tragique, un revenant, qu'on fuppofe 1'ombre de cette défunte Sainteté , tient ce langage, qu'on fent bien n'être que 1'expreflion des idéés d'un Poëte Philofophe. Oui , c'eit moi que la terre Vit s'affeoir un moment au Tróne de Saint Pierre, Non pour y commander aux chefs des nations. Notre règne n'eft plus. D'autres opinions Triomphent aujourd'hui de ce pouvoir immenfe, Qui retint fi long-temps les peuples dans 1'enfance. On a fouftrait au joug les Rois humiliésj Pour nous lier les mains , on nous bailé les pieds. Pour épargner a 1'Empercur la peine de les aller baifer a Rome, le Pape a pris le parti de fe tranfporter a Vienne. 11 a informé de fon deffein S. M. Imp. par un Bief qu'on peut regarder comme une des fingularités qui ca ractéri feront notre fiècjè aux yeux de la poftérité. Cette pièce eft remarquable fur-toutpar le ton modefte qu'elle refpire, par les nombreux paralogifmcs dont elle fourmille , par une logique peu conféquente. Elle eft d'un Itile aulii concluant, mais un peu moins hautain que celui des Bulles unigenitus & in coma Domini, que 1'Empereur a fait rayer des rituels, comme des monumenshumilians de la foiblclfe des prinmes qui les y avoient laiffé inférer. Elle mérite d'êtreconfervée, nclut-ce que par le contrafte frappant qu'elle fait avec les lettres emportées du fougueux Boni face VUL, les prétentions arrogantes  Correfpondance politique. 379 de Fambitieux Sixte Quint, les brefs imprudens dd^faitueux Leon X. En voici une craduéïion telle qu'elle a paru dans les papiers publics. LETTRE du Pope Pie VI, d Sa Majefté 1'Empereur. on cher fils, Francois Herkan , Cardinal de la Sainte-Lghle-Komaine, Miniftre Plénipotentiaire de votre Majeite Imperiale auprès du St. Siege , nous a remis le g Novembre dernier votre lettre très-gracieuiè, en date du 6 Octobre précédent, par laquelle vous répondez a la notre du 26 Aoiït. En la lii'ant, nous avons été vivement affiVés d'apprendre que vous n'aviez eu aucun égard aux'niftances que nous avons faites auprès de vous , pour vous fupnlier de ne point dépouiller le St. Siege Apoftolique du droit dont il a joui dans les temps les plus reculés , de conferer dans vos Etats de la Lombardie-A/ttrichienne les Evecbés' Abbayes & f revotes pour ne 1'attribuer qu'a vous feul Nous ne voulons point notre trös-cher fils en J C eii trer avec vous dans les difcuflions qui s'élevèren't ve'rs le milieu de 1'Ere-Chrétienne , & après lefquelles la naix ayant été rendne a 1'Eglife , elle rentra enïüke dans 1'ancienne poffefbon de les droits & de fa difcipline au! lui avoit ete confirmée par le témoignage- conitant des Conciles , meme ecuméniques. Mon cceur eft bien éloi ' gne de s'engager dans de pareilles difputes : cette tendrefle paternelle qui eft innée & que nous avons réfolü d avoir conftamment pour vous , s'y oppoferoit Né™ tóoins nous vous fuppliuns, de ne pas croire qu'il fok deroge a vos droits & a votre Puiffance royale fi nol = vous aflurons ( ce qui eft abfolument certain & indubitahle 1 cue lorfque 1m Apótres fondoient des Eglifes & v établi foient des Prêtres iVdp« F.uAnnpc ;i< — -— w. " u'"- nmais ete foupconnesen cepqint.de vonloir empiéter fur ies droits de la puiffance civile & féculiere. L'Eglife a adopté & confervé cet ufage, fans qu'il en ait rien refulte au detriment des droits des Souverains A contraire fi la puiffance féculiere s'étendoit a tou' ce m , regarde le Sacerdoce , ce ieroit enlever dans tout i'univers non-leulement au St. Siège, mais encore aux Fvê «nes les droits dontils jouüToient, & anéantir totalement 1'ufage falutaire d'indiquer & d'avoir un concours? ce qui penrer"6 eloiSné de votre maniere noble & pieufe de Quant aux Wens que 1'Eglife a acquis & tient de h mti nihcence & hrgeile des Princes, ai¥qS-deIapié*é3ës  380 Correjpondance politique. \ autres fidèles, votre Majefté n'ignore pas qu'ils ont toajours été regardés comme confacrés a Dieu , & par cetté raifon-la même relpeiités, de ibrte qu'au jugement conftant de nos peres & du peuple lidele , il n'elt pas permis . de diver'ir ces biens a u'n autre ufage qu'a celui auquel ils ont eté confacrés , ce que ne craïgnent pas de faire ceux qui ne favent pas diitinguer , comme dit le St. Cou- . cile de Treme, les biens Eccléliaftiques qui appartiennent a Dieu , d'avec les autres. C'eït pour empêcher que 1'adminiitration de ces biens ne devienne quelquefois fufpecle & ne nuife a la tranquillité des Etats , que le St. Siege , & nous en particulier, avons la plus grande attention de ne point plaeer dans les Cathédrales , a la tête des Abbayes des fujets fufpects, ou odieux aux Princes des pays oü elles ie trouvent. Vos glorieux ancêtres, & en dernier lieu votre trés - augufte Mere n'en ont jamais douté. Cette gracieufe lmpératrice avoit demandé a Benott X1F, pour elle & fes itucelfeurs, le droit de nommer , non aux Evêchés , mais feulement aux Abbayes iituées dans les Etats de la Maifon &" Autricht en Iialie , en laiffant néanmoins, en forme de compenfation , le droit au St. Siege d'y affeoir quelques penfions , en faveur de l'Etat "pontilical : elle employa dans cette négociation notre très-cher fils le Cardinal Mtgaitf, pour lors Auditeur de rote a Rome. II pourra lui-même mettre V. M. au fait de tout ce qui lê paffa. Le Pontife régnant alors témoigna le deur vif& fincère d'établir une vraie & folide harmonie entre le St. Siège & Sa Majefié, & de faifir a\ec ardeur tous les.moyens qui y pourroient concourir , en ajoutant qu'il devoit avoif de grands égards pour tout ce qui concernoit la dignité pontificale , & que ce feroit certainement la négliger , s'il abandonnoit ou aliénoit les droits que fes prédécelfeurs' avoient toujours retenus & exercés, favoir le droit de conférer les Abbayes & bénéfices ; que fon nom feroit bien odieux a fes lüccêUëurs & a la poftérite, s'il accofdolt , ou laillbit diminuer en la moindre chofc ce droit &: cette prérogative pontificale. Puis revenant a 1'oftre qui lui avoit été faite des penfions, & aux fuites qui en réfutteroient dans la fituation acluelle des affaires, les fujets deSa Majefté cn Halie font, dit-ij, admis comme les autres , fans aucune diftinftion , aux principales charges & dignités auprès du St. Siege , & prefque toujours qtielques-uns font recus dans le college des Cardinaux, & quelquefois même elus au Souverain pontificat; mais que ii ce changement qui lui étoit demandé , s'effecluoit, il ne craignoit pas de lui prédire que cette démarche tourneroit entiêrement au défavantage de fes propres fujets , qui feroient dépouillés de tels emplois, ou exclus a 1'av'enir. D'après cette réponfe faite par Benotc Xiv a votre au»ufte Mère, cette glorieufe Souveraine fe délifta de fa  Correfpondance politique. tfa demande , n'écoutant que fon équité naturelle & nous avons connuiflance de ce fait. Le nom de Benoit Xif etoit cher a cette Princeffe , qui le regardoit comme un Poutile tres-fage & plein d'attachement pour la maifon a'Autriche , donc il a donné de fon vivant plufieurs preuves, iur-rout lorfqif au commencement de ion pontificat & lors de votre naiffance , il voulut vous tenir fur les tonds de baptême , & vous attacher par ce lien facré encore plus a lui & au Siège Apoitolique. C'eft en cette confideration que nous voulons être plus racieux a votre egard, notre très-cher fils en J. C. & que nous brülons du delir de traiter avec vous amicalement & comme un pere avec ion fils, de 1'aifaire en queftion & de plufieurs nouveautés qui font furvenues dans les commencemens de votre regne & qU1 nous ont plongé dans la douleur la plus protonde. Mais comme nous favons que le projet de traiter entre nous rencontreroit beaucoup de difficulté a moins que nous ne conférions tête a tête , nous nous lommes propofés de vous approcher , & nous n'aurons nul égard a la longueur & a 1'incommodité du voyage a. laire dans un age avancé , & déja affez affoibli; mais nous trouverons des forces dans la grande & unique confola* tion de pouvoir vous parler & déclarer combien nous lommes difpofés a vous gratifier, & concilier les droits de la Majelie Impériale avec ceux de 1'Eglife : nousfupplions donc inftamment Votre Majefté de rearder cette demarche comme un gage particulier de notre attachement pour vous , ainfi que du delir que nous avons de confervef la meme union. .Nous vous demandons cette grace non pour nous en particulier , mais pour la caufe commune de la Religion , au depót de laquelle nous devons veiller > ,c,T"'1!-rft'Je votredevoir de protéger. Si vous arcordez a 1'Lglile de Dieu cette protedion qu'elle vous demande principalement dans ce temps, ce fera travailler efficace' ment a etablir votre Puifi'ance , votre félicité & votre gloire : & afin que ces réfolutions , ces nobles deffeins germent dans votre cceur par la gface de Dieu , nous tionnons très-cordialement a Votre Majefté Impériale & a toute la maifon d'Jutrkhe la bénédiélion Apoitolique comme un préfage de la même bonté. Donné a Rome, le 15 Décembre 1781. L'Empereur a répondu a ce bref par une lettre laconique & ferme, qui auroit dü, ce femble , porter le Souverain Pontife a renoncer a fon voyage, ou lui faire perdre 1'efpoir de 1'exécuter avec fuccès. Ce n'eft pas avec un Monarque qui fait fi bien apprécier les chofes, qui ne fe décide qu'après müre réflexion, & qui eft inébranlable dans fes réfolutions , que la cour de Rome peut lutter avec fa foupleffe, fa dex- Supplem. au A71'. 03. - A b  382 Correjpondance politique. térité, fon patelinage, & en couvrant fes intriguesdu) voile de la Religion. Pas moins le St. Pere Pie VI. a perfifté dans fon projet de voyager; & après avoir fait conftruire 3 caroffes & 4 calèches, affemblé un confifloire , officié pontificaleroent, affifté a une procelTion pénitentielle du clergé Romain, & donné fa bénédiétion au peuple, il s'eft mis en route pour la porter a Jofepb II. qui ,en qualité de Fils Apojlolique de 1'Eglife, favoit demandée avec inftances dans fa réponfe a Sa Sainteté. Le Pape fans doute, prévoit bien Pinutilité d'une démarche auffi extraordinaire. Mais il a cru qu'il convenoit de la faire pour la décharge de fa confcience, ou pour avoir 1'air peut-être, de feconcerter aveciun réformateur intrépide, dont 1'exemple peut devenir d'une dange» reufe conféquence, pour les intéréts du St. Siege. Quel que foit le fruit de fon voyage, il en réfultera toujours qu'il aura fait fon devoir en qualité de pafteur, & que les fidelles , témoins de fon zèle , feront édifics. C'eft probablement la a quoi aboutira cet étrangepélérinage; a moins qu'on ne veuille dire que le goüt des voyages étant devenu épidémique au point qu'il a gagné les têtes Couronnées, le St. Père participei la contagion,& va a Vienne pour fe débarrafier d'un befoin, fatisfaire fa curiofité , ou s'infttuire. Tandis qu'il eft en marche, YItalie\]& YEfpagne font en oraifons pour lui obtenir la grace d'un bon voyage, fuivi d'un fuccès heureux;ce qui eft affez fingulier, puifque le Pape qui peut ouvrir & fermer a 1'on gré les tréfors du Ciel pour les autres, femble n'avoir pas befoin d'interceffions ni d'interceffeurs pour lui même. L'Empereur au lieu de faire expofer le Viatique & d'ordonner des prières en fa faveur , fait des préparatifs pour le recevoir avec magnificence, comme il convient a un Potentat d'accueillir un de fes camarades, & fe difpofé k ne pas céder le droit de régir fes Etats comme il 1'entend, ainfi que cela eft convenable a un Souverain indépendant de 1'Evêque de Rome, qui eft maitre chez lui, mais qui n'a rien a voir chez les aucres. II porte avec lui 1'attirail un peu mondain du fafte de la Papauté; la Thiare ou triple couronne; deux des Mitrcs précieufes qu'on conferve a 1'arfenal facré du} Chjteau St. 4nge; tous les orneraens Pontificaux, at»  Correfpondance politique. 383 trïbuts du Vicaire de J. C. fucceffeur de St. Pier re; deux Calices d'or, un pour notre Dame de Lorette , 1'autre pour 1'ufage du ferviteurdes ferviteurs de Dieu, 4 barettes de Cardinal \ 800 Médailles d'or de 15 ccus romains chacune , repréfentant d'un cöté fon effigie, & de 1'autre celles des Apötres Pierre & Paul, &c. Nous rions beaucoup nous autres Européens, quand nous iifons dans lesrélations desvoiages, que nos navigateurs ont découvert des peuplades fimples, émerveillces de nos ouvrages de quincaillerie , prêtes a fe dépoui lier des chofes les plusnéceffaires .pour un clou, un étui, un miroir , &c. Les hommes dans tous les temps, dans tous les pays , n'ont-ils pas toujours été des enfans qu'on mêne par les lifieres & qu'on amufe avec des hochets ? Un fauvage ne riroit-il pas auffi des amulettes, des fcapulaires, des chapelets, de mille autres pieufes babioles femblables , qui repaiffent 1'efprit idiot d'un peuple ignorant & fuperftitieux V L'arrivée prochaine du Pape a Vienne y excite la fermentation dans les têtes fanatiques. Pour en prévenir l'effervefcence, 1'Empereur prend les plus fages précautions. 11 défend aux Eccléfiaftiques, furtout aux Religieux & auxReligieufes de prcfenter aucune Réquête au S. Père , durant fon féjour dans la Capitale de 1'Empire. II fait répandre plulleurs Brochures deftinées a deffiller les yeux fafcinés d'une multitude imbécille, qui regardc comme un Dieu fur la terre, un homme élevé fur le fiège Papal, par des manéges & des cabales. II n'ell pas certain que la Majefté Apoftolique lailfe a la Sainteté Romaine Ia confolation d'officier Pontificalement, avec toute la pompe & la dignité poflibles, dans la Cathédrale de Vienne, comme c'eft Ie defir du Pape dele faire, & celui des dévots d'en être témoins. II eft encore moins apparent que le Pontife ait fhonneur d'accompagner le Chef de 1'Empire a Prague & Presbourg, pour 1'y couronner Roi de Bohème & de Hongrie. 11 feroit peut être plus convenable qu'il l'emmenat a Rome, pour le déclarer héritier des Trajans, des Titus, des Antonins, des Mare-Aureis. Une Couronne de plus ou de moins n'eft qu'une bagatelle ; & les Papes ayant donné gracieufement tant de Royaumes, devroient bien difpofer en faveur de Jofepb II, du patriraoine de St. Pierre.  3^4 Correfpondance politique. Ceux qui croient voir dans le foufflet que S. M. 1 donne^ a 1'autorité monftrueufe de la Cour de Rome^ le delir de mortifierle St.Siège, rappellent deux anecdotes de ce Monarque durant fon féjour dans la Capuale de Vhalte , lors du voyage qu'il y fit en 1769. Son parrain Eénoh XIV venoit de mourir. Les Cardinaux étoient afi'emblés, attendant l'arrivée du St. Efprit, pour procéder a 1'élection du SucceiTeur de ce grand Pontife. L'Empereur entre dans le Conclave, 11 demande s'il peut y conferver fon EpéeV On lui répond qu'oui, puifqu'il la portoit pour la défenfe de 1'Eglife : & pour celle de mes Etats, ajouta-t-il. Dans la Bafilique de St.Pterre a Rome, eft le tombeau de la fameufe Comteflè Mathilde, monument en bas reliëf, dont les figures ont deux pieds & demi de haut. La Comteflè y eft repréfentée debout a cöté du Pape, qui, fur un fauteuil & dans 1'appareil le plus orgueilleux, donne 1'abfolution a un Empereur humimilié & a genoux. Lorfque 1'antiquaire expliqua ce m.orceau a 1'Empereur, on vit le vifage de ce Prince fe couvrir d'indignation; il recula un pas en arriere, toute fa contenance annoncoitla fureur: c'eft du moins ce qu'afTure dans les mémoires du temps, un témoin oculaire. Si ce dernier trait eft vrai, il eft aifé de prévoir Piffue du voyage de Pie VI. L'Empereur fe vengera par des politefi'es & la fermeté de 1'imprudence d'une Cour plus mondaine que fpirituelle , qui perpétue le fouvenir de fes attentats contre les têtes Couronnées, dans des monumens expofés a tous les yeux. II eft inconcevable que les Papes de ce fiècle, qui ont vu leur pouvoir diminuer, a mefure que le bandeau facré de la fuperftition fe déchire , n'ayent pas effacé de leurs larmes jufqu aux traces du cruel & faftueux orgueil de leurs Prédeceffeurs. 11 eft feulement facheux que ce foit un Pontife d'un caraétère doux, plein d'humilité & de modcration, qui foit expofé a expier par des mortifications, Parrogance de tant de Papes turbulens & altiers , dont 1'oigueil & les prétentionsextravagantes auroient mieux mérité cette lecon un peu dure a digérer, On regrete que ce ne foit pas un de ces Saints diffolus, de ces boute-feux facrés des fiècles paffés, qui recoive une humiliadon pareiüe.  Correfpondance politique. ggjj CORRESPONDANCÉ POLITIOUE Sur les affaires préfentes de la Hollande. CONTÉ BLEU. Confiaatinople , ie 25 Février 1782. ■>•> Kadileishier, ou grand juge pour !a par- „ tie Européenne dc cet Empire , vienc d'être dé£ pofé, comme accufé & convaincu d'avoir /ecu s, des préfens, lors de 1'adminiftration de la juf„ tice qui lui étoit confiée. „ II faut que les Turcs foient des fouxpourdémectre ainli de fa place un grand jugeur, qui a recu des plaideurs quelques marqués de reconnoiffance, pour leur avoir fait gagner leurs procés. C'eft bien en véricé a des hommes qui enfermcnt & voilent les femmes ; qui ont des Eunuques; qui portent des turbans au lieu de chapeaux; qui n'ont ni Académies, ni Procureurs, ni Corps intermédiairs, pour controler les volontés du Prince, a porter fi loin la délicatcffe, a montrer une vergognedont les fages, les polis Européens ne font plus depuis longtemps fufceptibles. Ces pauvres dévots de Mahomet, que nous traitons de vils efclaves, tremblans a la voix d'un defpote qui n'a d'autre régie que fes caprices, d'autre frein que fa puiffance, & dont le fautillant, le découfu, le fuperficiel Montcfquieu nous peint le Gouvernement comme un monftre; ces Tomé I. A °. 24. C c  gg6 Correfpondance politique. hommes fans prépuces, qui fe tournent vers Lamee pour faire leurs prières au Saint Prophéte, font bien bons, bien imbécilles de rougir encore a un bout de VEurope, de la corruption qui eft devenue a 1'autre extrémité,un des plus puilfans refforts d'une conftitution fublime , objet des éloges de nos Philofophes, & de ne vouloir fouffrir chez eux ni riches corrupteurs, ni juges corrompus. Si les ignorans & brutaux Ofmanlins favoient que, dans un des principaüx Etats de VEurope, la Vénalité des charges de judicature eft un des principes inhérents & conftitutifs du Gouvernement ; que les tribunaux qui s'y décorent des titres pompeux de dépojitaires des loix, de repréfentans de la nation, de barrière entre le pouvoir du Prince & les droits du peuple, ne répugnent pas a mettre au rang de leurs plus belles prérogatives la perception des Epices, dénomination ridicule qui déguife 1'aviliUement oü eft tombée Padminiftration dc la juftice, dont les organes établilfent un impót fur fes oracles; que ces fameux Epiciers , faillirent, il y a quelques années, de bouleverfer le Royaume , paree que le Chet de la Magiftrature vouloit fupprimer la vénalité, affrarkhir le Prince de la tutelle d'une hydre effrayante , Stprocurer aux fujets des arrêts gratis', ne mourroient-ils pas de honte d'öter fon emploi a un juge fuprême, qui a eu la foibleffe de céder aux importunités des plaideurs, empreffés a le convaincre de la bonté de leurs caufes par des offrandes, ou a le remercier par des aftions de graces, de ne 1'avoir pas méconnue ? Ehi de quel fiècle, de quel Pays font donc ces hommes fottement délicats, fuperftitieufement fcrupuleux , qui regardent comme un opprobre Pinclinaifon qu'un cadeau peut donner a la balancc de Thémis? Quoi! tandis que de Livourne  Correjpondance politique. k Dublin, de Pétersbourg a Cadix, les follicinations , les brigues, les obfceflions, les charmes d'un fexe, la perverfité de 1'aütre, 1'abus de 1'autorité, Tinfluence du crédit, la vue enchantferefle ou le fon mélodieux de 1'or, font prefque partout des moyens infaillibles de tirer la vérité du puits de la chicane , & de la faire triompher dans les temples de la juftice; a Conftantinople, pays rlétri par le defpotifme, habité par des efclaves rampans, a ce qu'on nous dit , on regardera les préfens comme des objets doués d'une atcraétion fuffifante pour dirigcr le glaive de cette Divinité aveugle , & un de fes facrificateurs convaincu ou löupconné d'en avoir recus, fera traité comme un prophanateur de fon culte , indigne de rcparoitre dans fon fanétuaire » II iaut avouer que voila des mceurs bien étranges : auffi font-ce des Turcs groffiers & avilis qui en donnent Pexemple. Mais fi la démiffion du Kadiiers hier, ou le motif de fon expulfion du tribunal fuprême, n'étoit qu'un conté bleu. Ah \ ce feroit en Turquie comme dans le refte du monde. Autre Hijloriette. QUclque temps avant que le Gouvernement Ottoman montrat ces fcrupules pueriles pour le maintien de 1'intégrité dans 1'adminiftration de la juftice, 1'Empereur dc Maroc, également fidéle a la Religion de Mahomet , avoic donné une marqué de délicatelle, d'un genre encore plus extraordinaire. Etanc furvenu des bisbilles entre ce Monarque capricieux & le Conlul General Chenier, chargé des aifaires de France, dans fes Etats; il y a eu des explications entre les deux Cours. Celle de Verfadles fe plaignanc B b 5  qS8 Correjpondance politique. que la Majefté Africaine n'avoit pas donné, dans fes lettres , le titre de Sultan a la Majefté Très-Chrétienne j le Roi Maure, verfé dans la fcience des étimologies & grand cafuiftc, nous a appris que ce mot eft Arabe; qu'il fignifie jujle , équitable. " Or, dit ce dévot Mufulman , on ne peut re„ connoïtre celui qui a mérité ce titre qu'au jour „ de la réfurreétion, quand les aélions dc cha„ cun feront vérifiées & jugées. Alors, celui „ qui aura accompli tout ce que Dieu lui a or„ donné fera feul couronné de ce titre: mais dans „ ce monde il n'y a aucune Puiffance, foitChré3, tienne , foit Mufulmane, qui puiffe fe croire dis, gne de le prendre. „ En conféquence S. M. Marocaine déclare qu'elle n'eft pas affez prophane pour le donner a aucun Souverain du monde; patce que, dit-Elle, ce feroit un menfonge , & que c'eft un pêché de mentir. II faut convenir qu'il n'y a guèrcs qu'un Roi de Maroc qui puiffe être aulli confciencietix. 11 paroit que Mohamet-ben-Abdallah n'a pas faic fon cours de politique dans les Ecoles diplomatiques de VEurope. «« Un jour, continue le Monarque, que S M, „ regardoit un Religieux de 1'ordre de St. Fran„ pis , vêtu d'une robe fort groflière, en témoi„ gnage de fon mépris pour les biens de ce mon* „ de; un Maure Saint, qui étoit préfent, lui dit „ a haute voix : Seigneur, que remarquei - vous dans ce Religieux? Le cilice, dont il fe couvre, >■> n'eft qu'un vètement extérieur & non intérieur 3 „ comme devroient le porter les gens qui font vozu „ de pauvreté: mais pour vous, Seigneur, quoique „ vous portiei des habits propres, Dieua mis dans „ votre cozur un véritable mépris & défintérejfement „ pour les biens périffables de ce monde , 6' un dé„ [ird'acquérir lagloirecélefte; & toutes les richefes  Correjpondance politique. 389 3, de France ne font rien aux yeux de votre Ma5» J$é. „ II paroit pourtant que ce Capucin couronne , malgré fon défintércflement pour les biens du monde , & fon delir de ceux du Ciel, n'eft pas indifférent aux richeffes dont les Souverains de VEurope lui fon: annuellement hommage. On ne voit pas qu'il lui foit égal que fes auguftes tributaires acquittent. ou non le tribut avec lequel ils achetent ou fa proteclion, ou fon amitié. Quand ils oubiicnt de renouvoller les marqués de leur fervitude , il a bien fpin de leuren rappelier le fouvenir; & rien n'égale leur empreffement a lui en olfrir le prix, que fon aviciité a lc recevoir. Le Roi de Daiaemark vient de lui envoyerfon tribut annuel de 2.0,000 Piajlre's , -& le Conful Danois ira a ' Maroc , fupplier le Potcntat Barbare fque, de recevoir ce gage de la dépendance & de Pafleétion de fon Maitre. Celui de la République de Vénijè a été depuis peu fingulieremenc accueilli du féraphique Mufulman , 'pu':e qu'il. lui porc.oit la redevance de deux années, confiftant en 20,0.00 Jèquins, une pendule, iflambeaux , 2 rechauds, 2 cajfetieres d'argent, 2 pièces de toi/e fine, & des confitures, pour la bouche de S. M eniüméc. De tous les mets fucrés, feiten patés 011 liquides. Les eltomacs dévots furent toujours avides. II eft étonnant que les Puiffances de VEurope, fi délicatcs fur le point d'honneur , fi jaloufes de leur indépendance, foutfrent qu'un Roitelet de Barbarie leur impofe un pareil tribut. Ou le commerce que leurs fujets font a Tanger, a Salé, a Mogador, a Têtuan eit bien lucratif, pour en acheter la liberté au prix de facrifices auffi humilians; ou il y a bien de la foibleffe a fe foumettrc a des humiliations fi révoltantes, pour affu- C c 3  goo Correfpondance politique rer a leur pavillon la fécurité fur les cótes cVAfrique. Ceux qui ont écrit fur le commerce & les établiffemcns des Européens dans Ylnde , jufqu'a PAbbé Raynal, trouvent de la baffeffe, une avidité lache dans la maniere dont les marchands Hollandois confentent a être traités au Japon pour y trafiquer Mais eft - il donc plus honteux de ramper devant le Kubo a Méaco, pour gagner de 1'argent, que devant 1'Empcreur a Maroc pour en donner? L'efclavage auquel plufieurs Puiffances Européennesfe foumettent envers ce Prince bazanné, n'eft pas ce qu'il y a de plus inconcevable encore fur la Méditerrannce.Lz piraterie que les Africainsy cxercent fur les fujets des nations de 1'autre bord , avec autant d'impunité que d'audace, eft bien plus choquante. Alger & Tunis font des repaires de forbans qui troublent la navigation , enlèvent les vaiffeaux marchands, & en réduifent les équipages cn fervitude. 11 y a des pays qui ont des fondations connues fous le nom de Rédemption , inftituées pour rachetcr les forcats chrétiens , enlevés par ces barbares; & aucun Souverain ne s'eft encore mis en polture d'exterminer ces brigands infidellcs. Tout eft inconféquence, abfurdité dans ce monde, Voila YEfpagne , la France , 1'Angleterre , la Hollande , ( fans parler de la niilUté armée ) qui ont cn vaiffeaux de guerre & en corfaires, plus de mille batjmens deftinés a fe faire les uns aux autres le plus de ma! qu'ils peuvent. Aucune de ces Puiffances ne fonge pas même a purger la mer des miférables flibuftiers qui la défolent. La pufillanimité, la foibleffc, 1'infouciance a cet égard, font portées a tel point, qu'au lieu de fe délivrer du danger par la vigueur, plufieurs Etats formidables cherchent a l'éviter,en mettant leurs fujets fous la fauve-garde d'une Puiffance etrangerc.  Correfpondance politique. góf Pour leur affurer une navigation libre & paifible, ils leur obtiennent des Firmans de la Porte , que les pirar.es de Tunis & d'Alger ne refpeétent pas toujours, comme les exemples réccns de brigandage exercé fur des navires Autrichiens & Tojcans, munis de ces paffeporcs, le prouvent affez. Police des Turcs. Encore une legon a la Turque, dont les Européens peuvent profiter, & dont il ne profiteront pas plus que de tant d'autres, qu'ils rcgoivent de ces efclaves d'un Sultan. Conjlantinople & fes environs font fréquemment ravagés par deuxfléaux deftructeurs , la pefle & les incendies. Soit malpropreté ou négligencé des particuliers, foit indifférence du Gouvernement , ou réfignation aux ordres de la providence, dont la nation Ottomane croyent les arrêts irrévocables ; une maladie cruelle fe manifefte fouvent en Turquie, & y fait quelquefois d'affez forces faignées a 1'efpèce humaine, fans allarmer 1'adminiftration, & fans que la police femble s'occuper des moyens d'en pré ven ir 1'éruption par la vigilance , ou d'en arrêter les progrès par 1'application des rèmedes qu'indique 1'art de guérir, qui parott peu cultivé chez ce peuple imbu de la doctrine de la prédeftination , efpèce de fatalité qui cxclue les préfervatifs & enfante 1'indolence. On ne peut pas faire aux Gouvernemens Euro' péens le reproche d'être négligens fur ce poinc effcntiel a la fécurité des hommes. Les précautions fages qu'ils prennent dans les ports, y ont prévenu depuis long-temps 1'introduélion des miafmes funeftes de cette contagion meurtriere, qui, depuis le fiècle des croifades jufqu'au commencement de celui-ci, y fit de fi terribles ravages. Bb 4  gpa Correfpondance polkiqut. Les peuples de YEurope ont une fi grande fraycur de cette épidémie, dont la virulence fe développe avec un dégré de malignité bien plus effrayant dans nos climats Occidentaux que fur les frontières de VAfie, que, malgré 1'infouciance des adminiftrations en général pour la tranquillité & la vie de leurs fujets, elles apportent une attention affez active pour leur en épargner les dangcrs & les allarmcs. II s'en faut bien qu'elles méritent les mêmes éloges ou autant de reconnoiflance de la part des peuples, fur l'arcicle des incendies. Toutes prennent, il eft vrai, des précautions plus ou moins efficaces, finon pour" prévenir le dévcloppement des flammes, au moins pour les étcindre lprfqu'elles ont manifelté leurfureur par 1'explofion. 11 y a même plufieurs contrées, telles que la Suijjè, la Hollande & quelques autres , oü 1'qn ne fauroit trop admirer la yigilancc & les foins de la police pour décquvrir les premiers indices du feu ; la précifion, ,1a célérité dans la diftribution des fecours lorfqu'il fe manifelte. Mais en général, partout ailleurs, les mefur.es deftinécs a tranquillifer les Citoyens fur ce point, font trop négligées, & les fecours admipiftrés dans les accidens , ou nuls, ou d'une mefquincrie équivalente a la nullité. En France fpécialcmentil n'y a guère que les grandes villes qui jouiifent d'une furveillance inftituée pour annoncer le danger, & de dépots d'oü partent des fecours a l'inftant qu'il s'annoncc, ou qu'il eft connu : encore ces établiffemens fontils formés avec tant d'économic , ou régis avec fi peu d'ofdre, qu'il cn réfulte peu d'utilité. Paris même, li renommé ;pour la vigueur de fa police & pour la multitude de fes inftitudons en tout genre, ne peut êcre comparé fur ce point a un Village du pays de Vaud, ou de la Flandres lluilandoife ? malgré rimportance que 1'adminiitration y  Correfpondance politique. 393 attaché , & les fa.crifi.ces qu'elle fait pour fon efficacité. Aulli ne fe paffe-t-il prefque pas de femaine qu'il nefe manifefte des incendies dans cette Ville immenfe, qui ont eu le temps de faire des progrès avant l'arrivée des fecours deftinés a 1'arrêter, au milieu de la confulïon & par des accès difficiles. La plupart des petites villes , les bourgs, & a peu prés toutes les campagnes font dénuées de réfervoirs, dc pompes , de crochets , cV echelles, de fceaux, agens nécelfaires dans les accidens du feu. Aulli les Gazettes font-elles remplies des rélations d'incendies, qui dévouent tant d'infortunés a la mifere , fans compter les autres malheurs de cette efpèce, qui arrivent dans Pétendue de ce grand Royaume, & dont lc public n'a pas connoiflance. Les Turcs font encore plus expofés que les autres peuples a ces calamités terribles, que 1'on croiroit fe complairc a les accabler par leur fréquence & leur fureur. II n'y a guères de mois dans 1'année qu'on n'entende dire qu'il eft arrivé des incendies confidérabics a Conftantinople ou dans le voilinage; & foit que les habitations conftruites dc macières combuftibles y prêtent davantage au progrès des flammes ; foit que les mous Ottomans, plus indolcns , prennent moins de précautions; foit que les fecours y manquent, ou y'foient mal adminiftrés ; ces facheux accidens y font très-communs & non moins funeftes : ce font toujours des centaines de maifons réduites en cendres , & nombre de perfonnes brülées ou fuffoquées. Au mois de Février dernier il en arriva un a Kcrémit Machalejl un des quartiers dc la capitale de 1'Empire. On affure que 50 malheureux y ont péri, & que 600 maifons ont été la proie des Hammes. Au milieu de ce défaftre, deux perfonnages du premier rang ont donné des preuvcs d'un zèle très-précieux, & des marques d'une humanité bien touchante. Le grand Amiral retira des Hammes  394 Correfpondance politique. trois perfonnes qu'elles alloient confumer. Le Grand-Vifir, en voyant une quantité a moitié nues, errant fur la neige, oü le froid auffi meurtrier que le feu pouvoit les faire périr, courut lui-même leur donner des fecours. II les fit tranfporter dans une mofquèe , oü par fon ordre on leur diftribua de Ia nourriture , des vêtemens , du feu; & ce qui n'eft pas moins louable de la part de ce premier Miniftre, c'eft qu'il ne fouffrit pas qu'on fit aucune diftinétion de Religion ; que les Chrétiens , \esjuifs & les Grecs, furent comme les MuJliltnans, les objets de fa commifération & de 1'affiftance qu'elle produifit. Et c'eft un homme qui poffèdeun férail, qu'on fuppofe livré a la molleffe & au plaifir dans les bras de la volupté ; qui fort ainfi de fon palais, au milieu de la nuit, par un froid rigoureux, pour voler au fecours des malheureux ; II faut ètre Vifir décoré d'un Turban, pour porter fi loin la compalfion & la générofité. De tous les grands de VEurope, Maitres ou Miniftres, il n'y a encore, que je fache , que Jofepb. 11 qui, dans des incendiea ou des innondations arrivés a Vienne, ait donné une fi belle lecon d'humanité 9 oufuivi un fi touchant modele de vertu.  Correfpondance politique. 395 DeJlruSions d'une autre efpèce. Si le feu dévore fur terre les hommes, leurs habitations & leurs meubles, les vents combinés avec les vagues ne font pas moins de dégats fur mer. Depuis quelques années on ne parle que d'ouragans furieux, qui ont caufés des naufrages multiplics & des pertes immenfes. Les élémens fecondent parfaitement les hommes dans leur fureur deftructive. II y a dix-huit mois que des tempêtes terribles faillirent engloutir les Bermudés, firent de grands ravages aux Antilles. La première moitié du mois de Mars paffé , a été marquée par des coups de vent qui ont défolé la Manche & la mer cV Allemagne. Nombre de vailfeaux ont péri: les cöres font couvertes de leurs débris. Ces naufrages nombreux font fur tout funeftes aux Anglois, que la fortune a abandonnés, depuis la cruelle imprudence qu'ils ont faite de déclarer la guerre a la Hollande. Tandis que les élémens déchainés offrent de toutes parts des fcènes affligeantes , les guerriers & les Puiffances qui les emploient font plus occupés d'augmenter les plaies de 1'humanité que de les panfer. S'ils montrent de 1'activité, c'eft pour détruire &non pour créer. Et comment cette terre infortunée ne. feroitelle pas le féjour de la misère, des peines & des privations , quand une partie des Stres qui 1'habitent, eft fpécialement dévouée a renverfer les ouvrages que 1'autre a édifiés ? Voila 1'Empereur qui fait élever a grand frais des fortereffes en BohSmt, & en fait détruire en Flandres, d'autres qui ont coütc des millions a conftruire. Si 1'argent, les bras , les matériaux & le temps employés a édifier ces maffes énormes de maconnerie militaire, avoient été confacrés a pratiquer des chemins , a batir des habitations,a mettre des terres incultesen valeur, il en feroit réfulté des avantages précieux pour la fociété , & 1'on feroit aujourd'hui difpenfé de lui nuire de nouveau , pour réparer les erreurs funeftes des liècles précédens. C'eft ainfi que les peuples, jouets des calculs fautifs des Gouvernemens, vidtimes d>. leurs méprifes, voient tarir les reflburces que la nature leur offre  39^ Correfpondance politique. pour leurs befoins, fans en profiter; & emptover i les rendre malheureux, les facultés qu'elle leur a départies pour leur bonheur. La politique vacillante des admimftrateurs publics , exPofe Je* hommes a des yiciffitudes luneltes, & leurs fpéculations verfatifes a des hcnhces pénibles. 11 n'y a rien de ftable dans nn fyftême qui n'eft pas établi fur les vrais principes fte laKailon , & qui, au lieu d'avoir pour baze la prolpcrne commune des peuples , repofe fur les foFiiiimes de Pambition ,& n'eft étayé que par les caprices , ou la convenance de quelques individus. On trouve aujourd nui jnutjie ce qui étoit néceffaire hier : i laut defane un jour, ce qu'on a fait un autre. Et JOit que les changemens aient pour objet l'édification, JOU qu ils Eendent a la deftrtiction, c'eft toujours en pure pene pour la fociété, fouvent pour fon malheur, qu'ils ont lieu, ' Ceft peu-que les nations fouffrent des fauffes comhinaifbns de leurs régifteurs. Elles font encore exporees a loullrir de leurs vengeances , de leur fureur. -lequel au.tre nom donner a cette manie deftructive qui amme les héros dans Ia guerre? Au lieu de fe Mttre comme des braves en champ clos, ou en rafe campagne, corps a corps, fans tout cet attirail qui epmle la fociété, en même temps qu'il en accableles membres de travaux ; les uns fe renfcrment dans des lorterefles comme des poltrons, pour s'y faire écrafer par des bombes cc des boulets , les autres les attaquent avec furie , & les foudroyent comme des nouveaux Salmonees. Tandis que Ie Cabinet de Madrid fait écrafer le rocher de Gibraltar & ravager fes environs, les Efpagmls & les Franccis combinés a Mahon , après avoir conquis Minor que & rédtiit le fort St, Philippe , vont oit on, détruire auili cette fortereffe. Ah! puiffe-t-nn bientöt anéaniir toutes celles qui font gémir notre iniortunc Globe! Tous ces malheureux baftions, deftincs en apparence a procurer la fécurité aux hommes, ne fervent qu'a multiplier leurs maux, après avoir augmenté, leurs fatigues cc leurs peines. En voila encore un de' moins dans le monde. St. Lbn/hphe eft pi'is , & le fort de Brimjlonellill un monceau de ruines. Dieu en foit loué, fi pourtant on peut le remercicr d'un tiflu d'horreurs & de calami- • tcs. Cette nouvelle pene des Anglois, arrivée fubite-  Correfpondance politique. 397 ment a la fuite de tant d'autres pertes, réjouit leurs ennemis , & n'étonne perfonne. Mais elle doit affliger ces fiers infulaires, qui voient s'accumuler chaque jour fur eux des défaftres qui préfagent leur décadence prochaine, en caraftérifant leur détreffe actuelle. Le Rodomont Sir Samuel Hood , digne fucceffeur de liodmy , pour les gafconnades officielies , n'avoit pas annoncé cette reddition comme une chofe facile, ni même apparente. Dans fa première dépêche du 7 Février dernier , il dit qu'il a criblé plufieurs vaiffeaux Francois, dans trois canonnades fucceffives, qu'il appelle des combats; puis il ajoute plus bas, que quelques jours après ces vaiffeaux criblés reparoiffoient a fa vue. Tout ce que ce Contre Amiral fanfaron a fait de mieux dans fes tentatives pour fecourir St. Chriftopbe, c'eft d'avoir tourné avec ia flotte celle de M. de Gr«^,pour s'emparer de fon mouillage a a la baye de Bafeterre; manceuvre hardie, admiree des ennemis , mais dont tout le mérite fe réduit a celui de la difficulté vaincue, puifqu'elle n'a pas fervi , non feulement a fauver rille, mais même a retarder faprife d'un jour. On lifoit dans fa lettre un trait qu'on prend pour de la grandeur d'ame quand 1'évènement juftifie la hardiellè des expreffions, & qu'on caraétérife auttement lorfque la fortune ne feconde pas la bonne volonté. Un Officier envoyé au fort de Brimftonc ,pour offrir les troupes amenées fur la flotte; rapporta cette réponfe remarquable du Général Frafer, vieux foldat parvenu par fon mérite, au premier grade militaire. „ Puifque le Général Prefcott a pris la peine „ de venir avec fes troupes a mon fecours, je fe„ rois charmé d'svoir 1'honneur de le voir ; mais je „ n'ai befoin ni de fon fecours, ni de celui destrou„ pes a fes ordres ''• Tant de confiance & de réfolution fembloient préparer a Brimjlone, une deftinée plus glorieufe. 11 paroït qu'il a fuccombé par un réfultat de ces combinaifons du hazard, qui a plus de part aux événemens de la guerre, que la prudence humaine & la bravoure des combattans. Les Francois débarqués dans rille n'avoient avec eux ni bombes ni boulets, pour faire le fiège d'une fortereffe qu'oa ne pouvoit pren-  39§ Correjpondance politique, dre fans le fecours de ces agens aftifs. Des deux vaift leaux qui portoient a St. Cbrijlophe ces terribles argumens du bon droit des Puiffances, 1'un «ut cou- VV aUtre P"S P3r une fréêate '^sloife. Les affiégeans trouvent au pied du fort précifement tout ce qu'il leur faut pour le reduire:8canous de fonte de a4 livres, avec 6 mille boulets du rnême calibre, 1500 bombes & a mortiers pour les lancer. Le Gouvernement Anglois avoit envové ces ingrédicns pour la défenfe ; mais les habitans de 1'Ifle ayant relulc d'aider les troupes a les conduite fur la nauteur, les ennemis les ont employés pour 1'attaque. La garnifon eft faite prifonniere de guerre, excebté les deux Généraux ScUrlcy & Frafer qui la commandoient, auxquels le Marquis de Bouilló, leur vainqueur, a permis de fervir, en confidération de leur belle Ufiflanec. Voila, .1 faut Pavouer , une exception conféquemment mot.vée. II femble que c'étoit olutót dans Je cas oppote qu'elle eüt été raifonnable. Plus ces deux Officiers ont de merite, moins il eit coniëquent de eur rendre la faculté de déployer leurs talens contre les ennenvs de eur pays. On peut fans danger per- TZ\ÜS, P°hr0ns de fervir: mais a des hommes de tete & de cceur, cela peut être dangereux. Mais auffi la guerre n'eft qu'une fuite d'inconféquences, cc qui plus eft d'atrocités. * En voici encore un exemple, que le fiege de BrimP. tont nous fournir. Pour reflèrrer ce fort, le Marquis de BoutlléMx occuper par fes troupes un petit bours fituéprès du mole, dans 1'efpoir que les Anglois relpecteroient ce joli endroit : point du tout. Les affiégeans n y font pas plutot entrés , que les affiégés , fans fe fouc.er de ce que deviendront leurs concitoyens & leurs habitations, lont un feu d'enferqui les réduit en cendres. Et la guerre, ce délire enragé des Couronnés , qui egitime tous les forfaits, eft une profeffion honorable & glorieufe ! f ^ ^ Par la même voie qu'on a recu ces détails, eft venu la nouvelle de la reprife de Demerary par les Fratu gou , & des avis particuliers annoncent une defcente lane a la Jamaiquc par les Efpagnols, au nombre de dC)£4,000 hommes, outre 4,oöpFrancois ; expédition quon dxtprotëgée par fix vaiffeaux de ligne aux ordres de M. de Barras, On ne peut difconvenir que les  Correfpondance politique. 399 affaires de VAngleterre ne préfenteni maintenant un afpect bien allannant. 11 faut voir quelle fera 1'iffue de tout ceci. Révolution Mintflérielle. AVec l'arrivée de ces facheufes nouvelles a coneouru la culbute complette du miniffère de la GrandeBretagne, dans toute fa totalité ; événement moins tragique, mais certainement plus extraordinaire que lareddition (Werk - Totsn , de Glocejlre, de St. Philippe, de Brimftone-Hill; que la perte de Tabago , de Si. Eujiache, de ï'AmériqueSeptentrionale, & d'un tiers des troupes de terre du Royaume Britannique qui 1'ont précédé & amené. , Le triomphe de YOppofition eft complet 3 le parti des Torys écrafé; 1'adminiftration entière renverfée. De tcus les agens du Tröne, le Lord Mansfield eft le feul qui refte en place. Les Ecojfois fe trouvent exclus de la direétion des affaires qu'ils ont conduites affez mal; & le Lord Bute, qui , par fon afcendant fur 1'efprit du Roi , faifoit du fond de fa bibhothèque, mouvoir la monftrueufe machine du Gouvernement , va fe trouver nul après la régénération urnverfelle du miniftère. Voila donc les piailleurs éternels de la ChambreHaute & de celle des Communes, élevés au pinacle de la fortune. Les Richmond .les Shtlburne, les Fox, les Burke occupent la place des Sandwich, des Hitsborougb, des Stormont, des North. II faudra voirs'ils feront mieux : on doit au moins 1'efpérer. Ils ont tant cenfuré la conduite de leurs prédécefleurs, qu il neft guères permis de douter qu'ils n'aient un iecret pour éviter les reproches dont ils les acccabloient lans ceffe. II eft prefque également fur qu'ils n'en fuivront pas les errémens, & incertain qu'ils adoptent un meilleur fyftême. Tout ce qui eft vifible ici , c'eft que le mal que ces nouveaux empiriques ont fouvent offert de guenr eft fi dëiel'péré, qu'il n'admet prefque plus 1 application des remèdes. L'ancien miniftère quitte le timon des affaires au moment oü il eft aufli difhcile que dan-  4°° Correfpondance politique. gereux de Ie tenir,- & Ton peut regarder fa retraite précipitée, mais préparée par des refforts fecrets, comme le chefd'ceuvre de la politique miniftérielle. Les Miniftres Bntanniques , s'appercevant depuis long-temps des fautes impardonnables qu'ils avoient faites dans la conduite de la guerre ; voyant prendre aux événemens une tournure finittre, fur-tout depuis leur fottife énorme envers la Hollande, & défefpérant avec raifon de fe tirer du mauvais pas oü leur imprudence les avoit précipités; ils ont eu 1'art de le faire forcer a ne plus combattre les Américaim. Leurs adverfaires, encouragés par ce premier fuccès, entpouffé leur pointe, fans que Padminiftration parut s'en allarmer, Elle a laifi'é gngner du terrein è leur prépondérance dans les deux Chambres, & par ce moyen , ménagé la néceffité d'une retraite il fes agens, qui paroiffent ainfi céder au vceu de la nation en abandonnant leur pofte. On peut dire que 1'ancien miniftère ne pouvoit mieux fe venger des outrages de fes ardens cenfeurs , que de leur frayer ainfi la route au Gouvernement, Par cette manceuvre adroite il fe retire a propos; il affure la fécurité a fes membres , & rendra leurs fuccefTeurs refponfables de riffue de la malheureufe guerre dans laquelle il s'étoit embarqué. Si les nouveaux Miniftres réufliffent a rétablir les affaires , ceux qui les ont embrouillées s'applaudiront d'en avoir quitte le maniement: s'ils éch'ouent contre les écueils au milieu defquels ils vont voguer, leur mauvais fuccès fera 1'apologie des hommes qu'ils remplacent. Enfin il faut attendre: on connoit 1'arbre a 1'on fruit, & 1'ouvrier a fon ouvrage. On ne voit pas que depuis le renvoi de Mr. Necker, les Finances foient mieux adminiftrées en France. N'en fera-t-il pas de même en Angleterre ? C'eft ce qu'on ignore encore. Ce qui n'eft pas douteux, c'eft que George III ne fauroit avoir de Miniftres moins heureux, Lord Nortb de fucceffeur plus habile, plus prodigue de 1'argent de la nation; ni Lord Stormont être remplacé par un homme plus violent, plus mauvais politique, &c.  Correfpondance politique. 401 CORRESPONDANCÉ POLITIOÜE Sur les affaires préjentes de la Hollande. Révolution d'une autre efpèce. Cjr onstantinople eft un théfitre fujet a de fréquentes vicifficudes, du genre de celle dont Londres vient d'être témoin : les Miniftres y font fouvent dépofés de même par 1'inlluence d'une oppofuion proprement dite. Ce n'eft pas dans un Parlement qu'elle s'évapore ; c'eft par le mécontentemcnt de la multitude qu'elle fe manifefte. Quand elle a acquis un certain dégré de vigueur, & que les Vifirs luttent envain pour 1'alfoiblir; le defpote, qui, du fond de fon férail, entend les cris d'indignation s'élever contre Pineptie de fes choix, abandonne fes agens aux vceux du peuple. Une dépolition fimple, ou une retraite fortunée n'eft pas toujours, comme ailleurs, une expiation fumfante a la vindiéte publique , de leur négligence, de leur incapacité ou de leurs prévarications : fouvent un exil rigoureux, quelquefois une mort prompte, vengent la nation du mal qu'ils lui onc fait, ou du' bien qu'ils ne lui ont pas procuré. ^ Outre ces révolutions miniftérielles qui ne différent de celles des Cours de VEurope, que par des nuances falutaires , 1'empire Ottoman en éprouve d'une autre efpèce, inconnues prefque partout ailleurs : c'eft la dépofuion des ViceRois , des Gouverneurs de Provinces, ou pour Tomel. N°. 25. Dd  402 Correfpondance politique. mieux dire, des grands vaffaux du Sultan. Car ce Gouvernement, malgré Pépithete de defpotifme, dont nos Pbilofophes le flétriffent, eft un Gouvernement féodal, du genre de celui qui a longtemps agité la France & PAngleterre, qui dcfigure encore 1' Allemagne ; mais moins diffus , mieux conftitué, plus'Timple, moins turbulent, oti la fuprématie du chef eft mieux définie , oü la foumiffion du vaffal doit-être fans hornes , & la moindre défobéiffance de fa part, eft fuivie de la perfc de fes Etats & de celle de fa tête. Le Pacha & Egypte , le Kan de Crimée , lés Hofpodars de Valachie & de Moldavië, font les •vaflaux de la Porte. C'eft le Dieu afiatique qui véo-ète au milieu des eunuques & des beautés de fon palais, qui leur confère leurs dignités & leurs Etats : ils en regoivent Pinveftiture a fes pieds : ils dépofent en fes mains des otages qui lui fervent dc garans de leur fidélité. Son droit de Suictaineté eft immédiat & abfolu. II furVeijJe conftamment ces defpotes fubalternes, toujours tremblans au nom facré d'un Firfnan du fublime Empereur. II les dépofe fur un fimple foupgon , & au moindre fujet de mécontentement , il envoye un muet leur demander leur tête. Ces procédés expéditifs du pouvoir fimple , unique & fans partage du chef de la hiérarchic féodale, dont 1'exécution fuit toujours fansobftacles la volonté du dépofitaire fuprême , font trèséloignés de nos moeurs & de nos principes alembiqués fur la conftitution des Gouvernemens. Une juftice prompte & dénuée de ces formes pédantefques, inutilcs a 1'innocent, fauve-garde du prévaricateur intriguant ou accrédité , ^n'eft pas du tout polic, & ne fera jamais du goüt des tyrans en fous-ordre, qu'elle pourroit feule contenir ou intimider. II eft bien plus agréable pour eux, plus confolant pour le peuple, qu'armés  Correjpondance politique^ 40^ d'une portion-rde 1'autorité , ils puiflcnt hardimcnt vexer les,, fujets de leur maitre, fans que celle qui refte dans fes mains foit aifez coëreitivc , pour leur faire regorger leurs extorfions , ou expier leurs injuftices. Quelquefois ccpendant les arrêts fuprêmcs du fouverain Magiftrat de 1'empire Ottoman , ne font pas exécutés paifiblcment. II arrivé que le feeree avec lequel ils font prononcés a Pombre du Tröne, tranfptre jufqu'aux têtes dévouées a la fureté publique, ou a la tranquillité de la défiance ombra, geufe. Alors les cols deftinés aux facrés cordons prennent des mefures pour s'épargner 1'honneur d'en êcre décorés : les auguftes Firmans ne font plus refpeétés, & 1'appariteur du defpote coure rifque d'en être la viétime plutót que Pinftrument, C'eft ce qui vient d'arriver tout récemment en Moldavië. Le Hofpodar de cette province étant devenu, on ne fait trop pourquoi ,fufpect a la fublime Porte, legrand Seigneur lui avoit envoyé un Pacha pour lui demander polimenc fa tête. Le valTal inftruit, on ne fait trop comment non plus, de 1'objet de ce meflage, s'eft préparé a le faire échouer : dès la première audience accordée au Pacha , le Hofpodar, au lieu de préfenter humblement le col a l'agent des ordres du Tröne, lui a noblement tranché"le fien. 11 a proprement fallé, empaillé la tête de cet émiflaire mal-adroit, & 1'a envoyée a Conjlantinople , ou elle aura fait moins de plaifir que celle qu'on s'attendoit a y recevoir. Après quoi le réfraétaire Mufulman eft décampé avec fes tréfors & fa familie. On dit qu'il a cherché un abri contre la vengeance de fon maitre , derrière un cordon de troupes Autrichiennes qui lui fera fans doute auffi falutaire, que celui donc le Pacha étoit porteur pouvoit lui être funefte. Peu dc temps avant cette fcène également tragique & plaifante, la Valachie en avoit donné une Dd z  404 Correfpondance politique, du même genre, mais un peu 'moins férieufe. Deux fils du Prince Alexandre Tppanti, Holpodar de cette province, épris du dêfir d voyager, s'étoient évadés de la maifon paternelie , fanslaveu du chef. Ils pafferent en Tranfilvanie oü ils furent bientót fuivis par des Boyards , qui les réclamerent & les preferent envain de retourner chez leur pere. La Porte, dénante & foupgonneufe, ïnformée de cette évafion, crut y voir fans doute la preuve d'une inteliigence fulpeéte, entre on vaffal & la Cour de Vienne ; & quoique la hdelite & la foumiflion du pere lui fuffent connues, le Divan Pa puni, par la dépofition, de 1 imprudence ou de 1'ctourderie de fes fils. Voila auffi le Roi de Pruffe un peu defpotc, c'eft-a-dire , Souverain dans toute 1'étendue du mot, gouvernant un peu a la Turque , ou ce qui rcvienuiu même , ne faifant point de graccs, mais rcndant juftice ; puniffant les néghgences & les infidé;i:cs qui reftent impunies dans beaucoup d'autres contrées, qui honorent même dans plufieurs ; voila ce Prince, qui règne lui-mcme & tout feul, oui donne des loix & les fait executer; le voila qui fournit un de ces exemples deféverité falutaire , préférable mille fois a laclémence qu'on exalte fi fort dans'les Cours, & que d'imbecilles adulateurs regardent comme la première vertu des Rois qui, pour porter dignement cet auguite caraétère, n'en peuvent connoitre d'autres que Pinflexible équité. , Le Miniftre d'Etat, Baron de Gorne, avoit dans fon département la direótion d'une Compagnie de Commerce maritime & du fel, denree neceffaire fur laquelle pluiieurs Gouvernemens ne répugnent pas a exercer un monopole tyrannique & odieux. "La négligence, ou les malverfations  Correjpondance politique. 405 du directeur de cec établiffement, en avoienc ébranlé le crédit, & fait perdre a la Compagnie la confiance des aétionnaires & du public. Le vigilant, 1'intrépide Fréderic, informé bientöt du défordre, en a fait rechercher la caufe, par une commiffion , qui a découvert des abus, & donc le rapport a été fuivi de Pappücation des deux plus effieaces moyens de le réparer, la détention du gérant infidèle,'& la garantie de 1'inftitut, donc le Souverain fe rend caution. Si tout ce qu'on débite fur le compte de 1'exSur-Intendant eft vrai, il paroit qu'il a fait des fautes communes , mais impardonnables, chez tout homme dépoiuaire de fonds publics, que cel uicia détournés, finon a fon profit, du moins a foa ufage. On lui reproche d'avoir donné dans un. falie ruineux , en portant fon argenurie jufqu'a fix ou fept quimaux, & faic en Pologne des acquifuions terricoriales trés - confidérables, deux chofes propres a le ruiner, puifqu'il confacroit a ces opérations un argent mort ou d'un rapport très-modique, tandis qu'il en payoit lui-même un intérêt énorme de 10 pour 100 par an. Comme il eft malheureux, perfonne ne le croit plus digne de pitié. "Mais, dit le nouvellifte cVUireckt ;^quj ignore qu'au moment oü. un homme , même d'honneur , tombe dans la dilgrace de fon Souverain , des milliers de laches calomniateurs s'acharnent a le rendre encore plus odieux qu'il ne reit? ,, Si tous les écrivainss'exprimoie-.t ainfi en parlant des victimes de 1'imprudence ou du fort, ils difpoferoient leurs leéleurs a 1'indulgcncepour les infortunés, & préviendroient la précipicadon a iaquelle ils induifent fouvent le public ma in , toujours difpofé a flétrir comme coupable;» aes hommes dont tout le crime eit d'être. malheureux. A ce fujet le même Gazecier fait une autre réflexion , dont toutes les parties ne paroitfenc pa* Dd 3  4o6 Correjpondance politique. également judicieufes. „Toute VEurope, dit-il, „ a les yeux fixés fur le grand Frédenc, qui fait „ encore mieux pardonner que punir, & qui, dans „ un pere ou un époux coupable, n'a jamais eu „ la barbarie de comprendre une époufe & des „ enfans innocens". II me femble qu'avancer que le Roi de Pruffè fait mieux pardonner que punir, ce n'eft ni faire fon éioge, ni dire la vérité. On ne connoit pas a ce Monarque ce penchant a la compaffion qui précède & difpofé a la clémcnce, qui, chez les particuliers eft toujours une qualité louable ; mais qui, dans un Potentat, eft fouvent une grande & fatale foiblelfc. Pardonner a fes femblables, eft le devoir que Phumanité & la Religion prefcriVent aux individus : mais un Souverain ne doit cn connoïtre d'autre que celui d'une juftice exacte & rigoureufe. II n'eft pas en fon pouvoir de laiffer le crime impuni. La fociété contre qui il eft commis, a feule le droit d'exempter le coupable de 1'cxpiation , & le Prince placé a fa tête, inftituc pour y maintenir 1'ordre, ne peut fans prévariquer, pardonner que les fautes qui Pont pour objet, c'elt-a-dirc, les crimes qui, par une fuite des erreurs que le j bavardage des pbliciltes & des écrivains politiques a confacrées, font précifement ceux qu'on punit avec le plus de rigueur. Mais en puniffanc un pere ou un époux coupable, il ne faut pas envélopper dans fon chatimcnt' une époufe & des enfans innocens. Ils ne font pas obligés, pour me fervir des termes du rédacteur ^Utrecht, de tomber aux genoux du Souverain , pour avoir droit a ces égards. Dès qu'ils n'ont pas fait de fautes, ils n'ont pas d'indulgence ii folüciter. Ils ne peuvent fans outrager le Prince, ni lui demander la grace d'un chef * prévaricateur, qui ne la mérite pas; ni implorcr fa juftice qu'ils méritent, puifqu'ils ne s'en font pas rendus indignes.'  Correfpondance politique. 407 C'eft pourtant ce qui n'eii malheurcufement pas. D'un cöté on penfe qu'il eft permis d'importuner les Souverains pour les incicer a commettre une injultice, en arrachant de leurs mains le glaive que la fociété leur a remis; de 1'autre les loix , ou leurs executeurs , confondent 1'innocent avec le coupable, & punillent une familie infortunée d'avoir un chef ou un membre criminel. Eft-il rien de plus abfurde, de plus contraire au bon ordre, que de prétendre défarmcr le bras levé fur la tête d'un prévaricateur? mais en même temps, eft-il rien de plus criant, de plus odieux que 1'ufage de faire réjaillir fa punition fur fes parens ? Le code des Confifcations , par exemple, efl; une légillation de brigands, qui, au milieu de 1'horreur qu'elle infpire, ne fe foutient que par la difficulté que les hommes, & furtout les gouvernemens, ont a fe défaire de leurs vieilles habitudes, quelque hideufes qu'elles paroiffenc aux yeux de la raifon. Au refte le fujet qui a occafionné ces réflexions eft un exemple de la vigueur avec laquelle le Roi dePruflè gouverne fes Etats, d'autant plusprécieux qu'il eft plus rare. En Angleterre , en France, un adminiftrateur inepte ou infidèle , comme on die qu'eft le Baron de G'órne , auroit été renvoyé avec une penfion : peut-être 1'auroit-on remercié de fes bons fervices , 1 comme autrefois Varus le fut par le Sénat de Rome , de n'avoir pas défefpéré du falut de la République, qu'il avoit expofé au plus éminent péril : il jouiroit paifiblement du fruit de fes malverfations, & infulteroic le public, en fc paranc a fes yeux de fes dépouilles. L'Empereur qui femble avoir pris, a bien des égards, fon voifin couronné pour modèle,&qui Dd4  408 Correfpondance politique. marche rapidement fur les traccs du grand Trêderic, montre aulli, en ce moment, qu'il n'eft pas un Souverain difpofé a laiifer impuni les prévarications des hommes puiffans ou titrés. Un Confeiller- Aitlique, nommé Bol^a, ayant fait beaucoup de dettes, & cóuronné fon inconduite en s'évadant avec un dépot qui lui avoit été confic, étoit allé cacher en Pologne fon crime & fa home. II y a été découvert. On Pa ramené a Vienne, les fers aux mains & aux pieds, fans égard pour fon titre de Conjeiller- Aulïque. Enfin le Pape eft a Vienne. Depuis fon arrivée il a célébré la Meffe aux Capucins^ a vifité 'les tombeaux de la familie Impériale, a fait fa prière devant celui de Marie-Thircfc, a donné plufieurs audiences, a lavé les pieds a 12 pauvres vieillards agés de 1006 ans, & laiffé baifer les fiens aux Dames &: aux Moines. On ne dit pas qu'il ait encore accordé cecte grace a 1'Empereur. II faut efpérer que le tour de S. M. Imp. viendra. Ce n'eft plus qu'ceuvres de piété, cérémonies touchantes, bénédiétions données & regues dans la Capitale de 1'Empire. On n'a jamais vu plus de dévotion. L'Empereur & 1'Archiduc Maximilien ont regu la Communion Pafcale des mains de S. S. Grands & Pctits, la Nobletfe, le Clergé, le Militaire, les hommes, les femmes, les enfans, tous montrcnt un zèle égal pour les faveurs du Ciel, dont le Souverain Pontife eftle difpenfateur. Les Cardinaux qui 1'accompagnent, le fecondent dans la difpenfation des graces fpirituelles. Son Éminence Herkan en particulier s'empreife a les diftribuer au peuple : lorfqu'il fe promene cn voiture dans les rues, il bénit aulli a droite & a gauché. Malgré tant de chofes édifiantes, fi propres a toucher le Ciel & les cceurs en-  Correfpondance politique.' 409 durcis , on remarque que le temps n'eft pas meilleur, & que 1'Empereur eft plus gai depuis 1'heureufe venue du St. Père. Pendant que Pie VI répand des bénédiétions, que jofeph II les recoit, que Frédéric adminiltre la juftice a fes peuples , & que le Grand Seigneur abbat des têces ou dépofe des Princes feudataires; le Roi de Suéde accorde une entiere liberté de confeience a tous fes fujets, & fait traduire furie théatre national,des feétaiïes fanatiques, qu'un auroit traduit fur un échaffaut il y a vingt ans par toute VEurope, & qu'on jetteroit encore aujourd'hui dans un bücher, en Efpagne, en Portugal, a Naples même, malgré les dilfenfions furvenues depuis quelques années , entre ce Royaume & la Cour de Rome. Un ouvrier en foierie , nommé Cellin a effayé dejouer cet hiver a Stockholm ,1e róle du fameux tailleur Jean dc Leyde , qui fut quelque temps Roi a Munjler, dans un fiècle plus propice que le notre a ces efpèces de monftruolités politiques. Jl avoit auffi des difciples; il dogmatifoit de même; il annongoit la ruine du monde, fi on ne fe hacoit d'y incroduire les réformes qu'il propofoit. Mais bientöt intimidés par les Apötres plus éloquens de la police, les fectateurs de Cellin fe font diffipés; lui-même a abdiqué Papoftolat & repris la navette; & pour achever de guérir par le ridicule, des efprits malades que la raifon aigriroit, que la févérité aftermiroit dans leur extravagancc; le Gouvernement a fait compofer une Comédie intitulée la Secle, qu'on repréfente aux yeux de la nation , comme un fpécifique plus lage & moins lugubre, pour la préferver du fanatifme, que des prifons, des bourreaux , des roues, des maréchauffés, des dragonades, & mille  4io Correjpondance politique. expédiens pareils dont les autres peuples ont fi longtemps fait ufage , pour la gloire de Dieu, & la honte du genre humain. Après avoir fait en 20 pages, prefque le tour du globe, revenons d nos moutons, LETTRE HUITIÈME. La Haye , le 10 Avril 1782, Jl y a bien longtemps, mon cher correfpondant, que je n'ai eu le plaifir de vous entretenir. Depuis 3 ou 4 mois que je ne vous ai rien écric, il n'a pas moins fallu que les chevilles de notre Édiieur , pour remplir les lacunes que notre inactivité occahonne fouvent a fon ouvrage. Heureufement que fon porte-feuille n'eft pas dépourvu de ces pièees de rempliffage, qui fuppléent a merveille a notre pareffe. Je ne fais pas trop comment le public, ou fi. vous aimez mieux, nos leéleurs, trouveront fes rêveries fur les effets de la fciflion Américaine , fes remarques fur un plan de pacification adreffé aux Puiffances Belligérantes, fes obfervations fur la courfe Apoftolique du Pape, fur PEdit de la tolérance de 1'Empereur, & ce qui s'enfuit. II eft: probable que les fanatiques de tous les partis ne les gouteront point; & je crains fort que notre bon ami Cerifier, le coriphée des enthoufiaft.es , le champion desTarquins de PAmérique, s'il en entend parler d'après les Gazettes , ne fe fache encore très-férieufement, en apprennant qu'on imprime des idéés qui n'ont pas germé dans fa tête & des phrafès qui ne font pas forties de fa fabrique. Durant 1'intervalle de mon filence, il s'eft paffé  Correfpondance politique, 4r1 dans ce Pays-ci, bien des chofes dont je voudrois vous dire un mot. Mais il y en a tant, que je ne fais par oü commencer. Par exemple, PHötel du Duc de la Vauguyon, PAmbaffadeur de votre Cour , a été brülé , ce qui n 'eft pas fort merveilleux. Quelques jours auparavant, d'honnêtes importeurs avoient fait imprimer a Dort, une lettre fuppofée écrite de Londres, dans laquelle on affuroit que le 6 Mars dernier, il y avoit eu dans cette Capitale de 1'Empire Britannique un foulevement, qui devoit avoir coüté la vie a 20 mille perfonnes. M. Wentworth eft venu palfer quelques Mois ici cet hiver. Lc prétexte de fon voyage étoit de traiter d'un échange des prifonniers, & le vrai motif, dé reconnoicre le terrain & de fonder les efprits. II étoit Pémiffaire de Mylords North & Stormont, qui Pavoient envoyé pour nous endormir , & pour leur rendre compte de nos difpofitions. Mais au moment oü il a recu la nou-^ veile de la débacle opérce dernierement a St. James , il eft décampé. Le voila bien avancé, & nous auffi. Un négociateur moins obfeur , revêtu d'un caractère plus refpeétable, & dont la miffion a un objet mieux déterminé , ou mieux connu, eftM. de Markamv,, adjoint du Prince de Gallitiin , pour travailler a Pouvrage falutaire dela paix.La grande Catherinc nous Pa député pour nous repatrier avec nos bons voifins les Anglois, devenus nos ennemis par leur faute, &po'ur leur malheur encore plus que pour le notre. II faudra voir comment ces deux pacificateurs s'y prendront pour réuffir, ce qui n'eft pas une petite affaire, dans Pétat oü font les chofes aujourd'hui. Au moment oü le Collègue de M. dc Gallit^in eft arrivé, nous étions férieufement occupés des moyens de rendre fa miffion fuperllue, ou  412 Correfpondance politique. du moins plus difficile, peut-être même plus néceffaire que jamais; car on ne peut pas prévoir comment les chofes tourneront. En attendant , que 1'obfcurité qu'elles préfentent s'éclaircilfe , il paroic qu'on ji été décidé a prendre des mefures vigoureufcs contre 1' Angleterre, & a concerter avec la France les opérations navales de la campagne qui va s'ouvrir. C'étoit le feul parti qui fembloit convenir avec la dignhé & le falut de la République. En effet, puifqu'il a plu a la Grande - Bretagne de nous déclarer la guerre la plus inique, la moins provoquée, & de répocdre par des infiiltes pour la nation, aux otfres de réconciliation qui lui ont été propofées par une< médiatrice puiffante , il ne nous reftoit d'autre alternacive que de nous lailfer vilipender plus longtemps en prolongeant 1'irréfolution & la foibleffe, ou de nous mettre en pofture de nous faire refpeéter par la vigueur de nos eftbrts & le concert avec les ennemis de nos ennemis. En ce moment les chofes ont changé de face. Le miniftère aggreffeur n'exifte plus; & aux Miniftres violens qui ont opéré la rupture atroce, plus funefte aux Anglois qu'a nous, fuccèdent des hommes de qui la bouche bruiante a fait retentir fouvent les falies de IVeftminfler de notre apologie & de la cenfure de leurs prédéceffeurs. Les Stormont, les North, les ¥orke , les Rodney, qui nous onr infultés & pillés, ne font plus. Leur place eft cédée aux Fox , aux Riclimond, aux Roking/iam, aux Barrington, qui ont traité la conduite de leur pays envers le notre, de brigandage, de guerre de fiibuftieïs JS& qui, fans doute font prêts a réparcr le mad qu'ils auroient prévenu , s'ils en avoient eu le pouvoir. C'eft ce que femble promettre la première démarche du nouveau cabinet de St. James enversnous. Nos pacificateurs Rujjês ayant écrit a M.  Correfpondance politique. 413 de Simolin, leur confrère diplomatique a Londres, une lettre contenant des ouvertures préalables pour entamer une négociation, leur miffive eft arrivée après 1'expulfion du vieux & turbulent miniftère. Elle a étécommuniquéeaM.Foz, qui, comme on fe le figure bien , 1'a accueillie avec joie. II en a donné connoiffance a fon maitre, qui 1'a chargé d'y répondre d'une maniere doucereufe & tout a fait fatisfaifante. Le fier Léopard qui avoic pris un ton & des airs fi dédaigneux , fi arrogans avec notre modefte & pacifique Lion , commence un peu a s'humanifer : fes inclinations deviennenc de jour en jour moins farouches, & fes geftes moins méprifans. Le Roi cV Angleterre offre d'abord un armiflice, pour condition préliminaire, ce qui n'eft pas fi mal adroit de la part de fes Miniftres, au moment oü la République fe trouvant armée, & prête a déployer des forces refpeélables, pourroit rendre une continuation d'hoftilités bien fatale a fes ennemis. Enfuite il montre de la difpoiition a renouer avec fes bons voifins , fur le pied du traité de 1674, dont la teneur a été fi fouvent réclamée de notre part, depuis le commencement de la guerre préfente. Les Etats-Gcnéraux ayant toujours paru defirer d'entrer en négociation , pourvu qu'on prit ce traité pourbafe, & déclaré notamment dans leur réfolution du 4 Mars dernier, qu'ils accepcoient la médiation de 1'Impératrice de Rujjïe, a cette condition ; il femble que tous les obftacles, qui s'oppofoient au falutaire ouvrage de la paix, font enfin applanis. Mais en voitfi d'autres qu'il ne fera pas fi aifé de lever. Ils naiffent de nos liaifons avec la France. Nous les avons pouffées trop loin, pour qu'elles ne nuifent point a la faculté qu'un peuple indépendantdoit toujours conferver, de confulter fes intéréts dans toutes fes démarches. Nous ne fom-  414 Correjpondance politique. mes plus libres d'agir comme il nous plak, ou du moins comme il nous convient. Ne nous diriU geant que d'après les occurences du moment , fans prévoir les modifkations que la rélipifcence de la Grande-Bretagne devoit bientöt opérer, nous avons cédés a des inftigations preffances, qu'il eut peut-être été plus fage de rejetter. D'une part la fermentation dont nous avons été agités, depuis un an, ne nous a pas laiffé 1'ufage de la réllexion. Le befoin de faire momcntanément la guerre a VAngleterre, qui nous y avoit provoqués, ne nous a fait voir d'autre alternative qu'une alliance , ou au moins des en gamens a contrader avec fes ennemis, intérelfés a la prolonger, & en pouvoir de n'y mettre un terme, que quand leurs intéréts les y invitcront. Les partifansde la France, très-nombreux parmi nous, ont réuffi a nous faire prendre le change fur fa politique & fes vues. A la faveur des griefs fondés que nous avions contre les Anglois, ils font parvenus a nous mettre dans le cas d'en fournir de chimériqucs aux Francois ; & nous fommes arrivés au point de regarder comme une impoffibilité, une réconciliation particulière, qui n'offenfe pas le cabinet de Veifailles, & ne 1'autorife pas a s'y oppofer. II faut avouer d'autre part, que la conduite déliée de^la France , juftifie parfaitement ces craintes. Elle s'eft comportéc de fagon, qu'avec Pak de vouloir affranchir les Américains du joug de leur métropole, elle a concilié Part de nous enchainer au fien. Scs procédés officicux lui ont acquis un empire décidé fur nous. Nos établilfemens aux Indes-Occidentales, cnvahis par les Anglois, & repris par fes armes, la mettent en écat*de nous faire la loi, 011 de nous intimider ; & fans la prudence de notre Gouverneur du CapdeBonneEfpérance , qui a fu éluder Poftre de fecours qui  Correjpondance politique. 415 pouvoient dominer après avoir défendu , nous nous trouverions partout dans fa dependance. Ce qu'il y a de plus fingulier, c'eit que fes admiraieurs, fes apologiif.es, qui exaltent fon défintéreffement, qui la combient d'éloges de fa générolité envers 1'Amérique(1) , font précifement ceux qui tachent de nous infpirer des allarmes a fon égard, & de nous donner des inquiétudes fur fon reifentiment, ii nous effayons de nous repatrieravecï' Angleterre', fans fa participation & fans fon aveu. Après nous avoir chanté feslouanges, pour le Cap fauvé par M. de Sujfren, qui n'a pas lauvé le Cap , & pour la momerie du pavillon Hollandois, arboré a St. Eujlache parM.de Bouillé, qui n'a pas laiffé que de garder cette 111e ; ils peignent comme 1'eifet d'une noire ingratitude, toute tentative de la République pour une paix féparée. Mais ft la politique de la France eft défintéreiTée, comme on 1'affure , cette puiffance doit, par l'affeétion qu'elle nous témoigne , nous laiffer les maitres d'écouter nos intéréts, pour terminer ou continuer la guerre , felon les circonftances; & fi fes panégyriftes font conféquens , ils lui démontreront qu'elle ne peut s'offenfer du parti que nous prendrons , fans les compromettre, & fans démentir fa conduite. Voila, Monfieur, oü nous en fommes avec les Anglois & les Francois. II faudra voir comment cette fufée embrouillée fe dévidera. II ne fera pas moins curieux d'apprendre 1'iffue de 1'enthoufiafme fubit qui s'eft emparé de nous, en faveur des Américains. La politique de 1'ex-Miniftère de Londres, qui s'eft fait forcer par le Parlement a un raccommodement quelconqueavcc 1'Amérique , qu'on fuppofe difpofée a le goütcr , (1) Voyez le Politique Hollandois. Son Auteur, 1'homme le plus exalté lui-mSme , & 1'Ecrivain le moins.conféqueitf, chunte aujourd'hui la palinodie.  4i6 Correfpondance politique d'autant plus volontiers qu'elle commence a fe défier des trop officieux fervices de fon grand allié - a excité une fermentation étonnante dans nos têtes bataves. Nous avons cru voir les colonies prêtes a reprendre leurs anciennes rélations avec la merepatrie, ou du moins a fe reconcilier fous des conditions exclufives pour nous , fi notre République ne fe hatoit pas d'en reconnoitre 1'indépendance, & d'admettre M. Adams comme leur repréfentant au milieu de nous. II eft inconcevable avec quelle chalcur ces idéés fe font développées dans les efprits, & avec quel fiacas 1'explofion qu'elles ont produite, b'eft manifeftée aux yeux du public. En ce moment les Provinces-Unies retentiffent d'une extrêmité a 1'autre du defir de la nation entiere, pour 1'admillion de ce négociateur ultramaritime , & pour 1'inauguration du peuple couronné qu'il repréfente. Tous les ordres de l'Etat expriment leur vceu en des termes qui en marquent lavéhémence, fi ce n'eft pas 1'utilité. Les provinces de Hollande & de Frife ont déja réfolu de mettre 1'Amérique au rang des Courones. Celles de 'Zélande, d'Utrecht, éCOveryffel, fe préparent a imiter cet exemple. Les autres ne tarderont probablement point a le fuivre, & d'une voix unanime Pindépendance des Américains fera avouée par les Etats-Généraux (i). La fuite au numéro prochain. (O Notre Correfpondant écrivoit le to & le igjTindépendance de 1' Aminqm a été reconnue , & M. Adams admis comme le Miniftre des Etats Unis, par les Etats Généraux, avec une folemnité digne de l'impnrtance de cette démarche , & avec des tranfports de joie , qui ne tarderont pas a être lüivis de repentir & de regret. ( Note de l'Editeur)  Correjpondance politique. 417 CORRESPONDANCÉ POLITIQUE Sur les affaires prefentes de la Hollande. SUITE De la Lettre huitieme. ü^ous verrons ce qui réfultera de cette démarche éclatante, dont il eft affez; aifé de prévoir les erfets. On appercoit bien qu'elle a pour but 1'efpoir de former ayec le peuple roi du nouveaumonde , des liaifons de commerce, qui foient avantageufes a notre pays; mais on ne comprend pas trop comment ces relations fe formeront, ni, iur-tout comment elles fe perpétueront. Si la fciffion de 1'Amérique n'eft pas funefte a YEurope, comme notre Editeur a démontré précédemment qu'elle devoit 1'être; eft-il bien certain qu'elle fera utile pour nous ? II s'ouvrira des Communications refpeétives entre les deux Continens ; cela eft für : mais n'elt-il pas a craindre que la France & YAngleterre s'emparent exclulivement de ces canaux précieux, 1'une en faifant valoir les titres qu'elle s'eft acquis fur les colonies, par 1'appui qu'elle a donné a leur infurreétion, 1'autre en fe prévalant de la confraternité & des fimilicudes nombreufes qui exiftent entre les Anglois & les Américains ? De toutes les chofes qui fe font paifées ici depuis trois mois, la principale, celle qui n'eft pas Tomé l 2V°. 26. E e  4i 8 Correfpondance politique. la plus cdifiante, mais celle dont on s'occupe le plus , malgré fon indécence & fa puérilité ; c'eft Parfaire de ce bon & brave Duc Louis de Brunfwick, qui montre , dans ces temps orageux, autant de prudence, de modération & de magnanimité, que fes ennemis font paroitre d'animofité, d'-emportement & d'aigreur. Aifailli de toutes parts par les affauts d'un parti puiffant & nombreux , qui, au lieu de diriger les efforts de la patrie contre les attaques de fes ennemis , détourne 1'attention du public & des adminiftrateurs vers une tracafferie honteufe & méprifable, colorée par leprétexte du bien de l'Etat; ce Prince paroit plus grand au milieu de la témpête, quedurant le calme qui Pa précédée. En préféram le falut du pays, non pas a fon honneur qu'il n'eft pas obligé de lui immoler; mais a fa propre défenfe , a la difcuflion juridique de fa caufe, a la réparation de 1'outrage qu'il a recu; il donne un bel exemple afuivre a fes adverfaires, quiparoillent peu dilpofés a 1'imiter. Le 7 Mars dernier ayant été fixé pour terminer' d'une facon ou d'autre ce fcandaleux procés , le Prince Stadhouder, le feul perfonnage de la République qui put rendre un témoignage pertinent de la conduite du Fcld- Maréchal, rélativement aux deux principaüx chefs d'accufation portée contre lui, avoit fait précéder cette féance remarquable & par Pimportance de fon objet, & par fon inutilité, d'une déclaration deftinée a juftifier le Duc : i". de fon afcendant nuilïble fur l'e£ prit de S. A. S. 2°. de fon influence fur la direéiion des affaires de PEtat. II réfultoit de-la, que Pik luftre accufé n'avoit pas contribué a Pétat de foibleffe ou la République fe trouvoit au commencement de la guerre; qu'il n'étoic pas la caufe de 1'inaétivité ou de la négligence prétendue dont on fe plaignoit, ni Pinftigateur des fauffes mcfure»  Correjpondance politique. 419 fi amèrement reprochées a 1'adminiftration, &c. D'après une déclaration femblable, il écoic naturel d'efpérer qu'il feroit pris une réfolution finale & fatisfaifante pour le Duc, difpofé fans doute, par amour pour la tranquillité publique, a fe contenter d'une juftification en forme, pour toute réparation de i'infulte qu'on lui a faite. Pour- prévenir les difficultés que fes adverfaires pouvoient oppofer a la conclulion de cette affaire, le corps des nobles avoit confenti qu'il fut déclaré, que la ville d'Amfterdam , comme tous les autres membres de la Souveraineté, avoit le droit de faire , pour le bien de la République, telle propofition qu'elle jugeroit bon, foit aux Etats de la Province, foita S. A.S. fans en être refponfable, & fans pouvoir être traduit en juftice; énoncé vague qui préfente un principe inconteftable; mais qui n'enlégalife pas plus pour cela la dénonciation faite contrele Duc, par des individus dénués de leur caractère public,quand ils fe parterent pour fes accufateurs. Enfin , arrivé le 7 Mars 1782. ConformémenC h la réfolution de L. N. & Grandes Puiffances du 20 Février précédent, on procédé a prendrc un parti final. Délibéré fur ia lettre du Duc , en date du 21 Juin 1781, fur la lettre des Etats-Généraux du 2 Juillet fuivant , & fur la converfation du Feld-Maréchal avec le Préfident de L. H. P. Le 4 dudit mois de Juillet, on arrête J "qu'a la ville „ d'Amfterdam , comme a tous les autres mem- bres de la Souveraineté, appartient le droit de s, faire a Paffemblée des Etats ou a Son Alteffe „ Mfgr. le Prince d'Orange, telles propofitions qu'elle croit convenable a la plus grande utilité „ du pays, fans en être refponfable, ni en juf- tice , ni ailleurs "; (ce qui ne difculpe pas les dénonciateurs du Duc du reproche d'illégalicéJ> " & que fous le bénéfice de cette déclaration , E e 2  420 Correfpondance politique. 1'affaire dont il s'agit fera mife de cöté, & ab" folument laiffée hors de délibération ultérieure". " Sur quoi, proteftation formelle des députés de Dordrecht, de Harlem, de Leyden, cïAmfleidam , de Rotterdam , de Gorinckem, contre la derniere partie de la réfolution, comme étant informelle cj manifefiant une indiférence direBc pour le mainticn des droits & de 1'autorité du Souverain, refervant de plus a leurs commettans, l'emploi de tels moyens efficaces qu'ils jugeront en temps & lieu, être néceffairement réquis contre une réfolution fi P^verfe. Autre proteftation particuliere de la ville d Alknar , contre cette affaire mife de cöté, & laiffée hors de délibération ultérieure, & demande de plus, de fa part, qu'on fit dans les regiftres des Etats , infertion de fa fameufe réfolution du 11 Oétobre dernier , dont nous parierons tout a 1'heure. Contre-proteftation de 1'ordre Equefire , de celui de la Noblefiè & des villes qui ont donné leur fuffrage a la réfolution des Etats , contre les proteftations & infertions dont il s'agit. Enfin , déclaration des villes de Gouda, de Schiedam, de Hoorn, de Purmerend, "quelles n'ont point héfité a confentir qu on mït 1 at" faire de cöté; mais nullement fur le picd de *! la déclaration contenue en la rélolution, fe réfervant de faire inférer auffi dans les'regiftres " de L. N. & G. P. les raifons & motifs qui les y ont déterminés ". Tout cela forme, comme on voit, un embrouiiJamini admirable , qui complique mcrveilleu ement la queftion , au point que les plus habues Turifconfultes feront un jour fort embarrallés de la démêler. II faut convenir qu'on ne con?oit pas du tout a quoi peuvent aboutir ces reftnctions contradiótoires, fice n'eft a rendre 1'affaire interminable. Cette diverfité d'opinions qui fe detruifent rendra impoflible une décifion equitable,  Correfpondance politique. 421 qui puiffe fatisfaire une des parties & impofer filence a 1'autrc Toutes deux peucontentes du tempéramment adopté paria pluralicé, fe croiront en droit de revenir contre un arrêt qui ne condamnc , ni n'abfoud aucun des contendans : on fe plaindra de part & d'autre ; on fe fiattera d'avoir raifon , & cependant 1'un des deux a abfolument tort. II eft a remarquer qu'il ne s'agit pas ici du fond même de FatTaire ; mais d'un incident, ou fi 1'on veut, d'une chicane imaginée pour éluder le principal. II n'a pas été queition de décider fi le Duc étoit coupable ou non des imputations articulées a fa charge, dans la dénonciation publique des deux Bourguemeftres d!'Amfterdam ; mais bien , fi, fe trouvantlézé par une attaque directe qui compromettoit fon honneur, il avoit, comme le dernier des citoyens , le droit d'aétionner fes dénonciateurs, de les fommer de prouver leurs affertions diffamatoircs , ou a défaut de produire des prcuves fuffifantes, de les flétrir aux yeux de VEurope entièrc, comme des colomniateurs. Un. des griefs les plus férieux qu'on n'a pas répugné d'articuler contre lui, c'eft la démarche qu'il a faite aux Etats-Généraux, fes Souverains & fes maïtres, pour que ce tribunal fuprême, le feul dont il dépende, dirigedt ( ce font les termes defarequêce) les chofes defacondluiprocurer, par uue examen juridique & févère de fa conduite, ou une punition méritée, s'il étoit coupable des crimes qu'on lui imputoit; ou uneréparation convenable, fi on 1'a voit injuftement calomnié. On s'eft élevé avec des cris d'indignatiort contre un procédé aulli fimple , aulli légal : on 1'a cenfuré avec amertume , comme s'il avoit été extra-judiciaire , inconftitutionnel, tcndant a bouleverfer la conftitution civiie, & a renverfcrl'ordrc établi pour demander & obtenir juftice. E e i  A22 Correfpondance politique. C'eft une chofe bien étonnante que la hurdieffe avec laquelle on s'eft permis & d'empoifonner le but dc la démarche du Duc , en altérant le fens de fa requête, & de décliner la compétence du tribunal auquel il s'étoit adreffé , finon pour obtenir juftice, au moins pour faire procéder a un examen en forme de fa conduite. Quand même il feroit démontré , ce qui ne Peft pas a beaucoupprés, que S. A. nc pouvoit pas attaquer fes dénonciateurs devant L. H. P. fon recours a ce tribunal ne feroit tout au plus qu'une informalité , une méprife, qui ne pourroit ni aggraver fes torts, s'il en a quant au fond , ni altérer fon bon droit, ni par conféquent, lui faire perdre celui que tout homme, quel qu'il foit, a inconteftablement a la prote&ion des loix, qui feules peuvent lecondamner lorfqu'il prévarique, &doivenc le défendre lorfqu'il eit injuftement compromis. Mettons ici de cöté, Monfieur, non pas 1'affaire dont il s'agit, comme les Etats de Hollande & de JVefl Frife, mais la nobleife illuftre & les titres éminens dont le Duc de Brunfwick eft décoré : ne confidérons ce Prince que comme un particulier, & dans les rapports qu'un individu , tel qu'il puiffe être , a avec 1'ordre focial. N'eftil pas vrai que fous ce point dc vue il peut feplaindre quand on attaque fa perfonne, fa propriété, fon état ou fon honneur? Y a-t-il un feul pays au monde oü 1'accès des tribunaux lui fut interdit, lorfqu'il fe croit lézé ? Et cc fera dans une République, oü le plus abjeét des citoyens fe flatte d'être libre, & de répofer a 1'ombre de la loi, garante de fa vie, de fa liberté, de fa réputation plus précieufe que tous les autres biens, que le premier ferviteur de l'Etat fera expofé a un déni formel de juftice, qu'il fe verra accufé dans la partie la plus fenfible de fon exiftence , fans efpoir nide pouvoir fe juftifierpar la manifeftation de fon iu-  Correfpondance politique. 423 nocence , ni d'obtenir la réparation d'un outragé mille fois plus dur que le fupplice, pour une ama noble ( N'elt-il pas affreux qu'il y ait dans un Etat Républicain une claffe d'hommes revêtus de 1'onétion de la Souveraineté, qui puilfent, armés de cette égide redoutable , flétrir impunément quiconque leurdéplait, fans pouvoir être traduits devant les tribunaux inftitués pour prévenir ou venger de parcils attentats ? II n'y a point de citoyen qui ne doive trembler a 1'idée d'un droit auffi monftrueux : certainement le pouvoir tant abhorré du Sultan de Conflantinople & du Sophi (VTfpaham, n'eft ni auffi effrayant, ni pluscruel. Ce n'étoit point aux Etats-Généraux , dit-on, que le Duc devoit s'addreffcr. L. fï. P. n'étanc qu'une affcmblée déléguée par les diverfes Soüverainetés qui compofent la République fédérative, ce Sénat, Souverain quant a la confédération , pour la repréfenter auprès des Couronnés, n'a dans les objets particuliers qu'une autorité fccondaire qu'il tient de fes commettants, qui peuvent la révoquer quand il leur plait, fans pouvoir être eux-mêmes traduits devant une délégation, dont la puiffance réfide dans leurs mains. Ehi que font ces vains fubterfuges dc la chicane au droit inpréfcriptible que tout accufé conferve de fe défendre quand on 1'attaque ? Qu'importe que ce foit aux Etats-Généraux, ou a ceux de la Province de Hollande , que les accufateurs du Duc foient julticiables ? Le grand point, le poinc fondamental, c'eft que fe trouvant compromis, il foit recu a fe juftifier. C'eft ce qu'il a demandé a la Généralité , le feul fupérieur qu'il doive reconnoitre , & qu'il ne devoit pas demander a la Province de Hollande, dont il n'eft pas plus lc fujet, que des autres Provinces en parciculier. En fe préfentant a L. H. P. pour obtenir la. fatisfa&ion de manifefter fon innocence par une E c 4  424 Correfpondance politique. difcufllon juridique de fa conduite, qui le difculpat aux yeux du public de 1'atrocité des imputations vagues & perfides, qui fervent de fondement a la dénonciation dont il avoit été 1'objet; il n'a pu ni voulu porter atteinte aux droits des Souverainetés refpeélives qu'elles repréfentent. Son but étoit de défendre fon honneur , & de fe purger a la face de YEurope de 1'opprobre qu'on avoit effayé de faire réjaillir fur lui, ce qui, affurement, lui étoit bien permis. A qui donc ce Prince en bute aux calomnies d'une multitude aveugle & fans frein , dont les propos indifcrets & cruels fervoient de baze aux aggreffions de fes adverfaires, a qui devoit-il s'addrclfcr pour reclamer la fauve-garde des loix,refuge facré de 1'homme opprimé, 'ou expofé a Tin juftice? Etoit-ce aux Etats de Hollande, dont fes accufateurs font membres; ou ils ont contre les premières notions du droit naturel & les principes les plus communs de la juftice, conftamment été fes juges & fes parties; ou ils ont affifté avec aulli peu de fcrupule que de délicateffe a toutes les féances , oü fon affaire faifoit la matiere des délibérations? Suppofé que le 7 Mars dernier lc Duc de Brunfwick ait été admis dans 1'affemblée des Etats pour y plaider fa caufe, n'eut-il pas été fondé a tenir ce langage ? " Nobles & Puiffans Seigneurs; je comparois „ aujourd'hui devant cet augufte Sénat pour lui „ demander juftice ; je prouverai a vos No„ bles & Gr'andes Puiffances que je n'en fuis „ pas indigne. Pour la rendre, il ne fuffit pas ,, d'en avoir le droit; il faut encore être in„ ftruit & impartial. De mon cöté j'adminiftrerai „ la lumiere a mes juges, en montrant la fri„ volité des allcgations indéterminées qu'on a „ próduites a ma charge. Que du leur, mes ju-  Correjpondance politique. 425 ges fe dcpouillent de toute prévention. Je ne ,, reclame pas la confidération due a ma naiffan- ce, au caraétcre que vos Nobles & Grandes „ Puiffances ont concouru a m'imprimer, aux „ longs & glorieux fervices que j'ai eu le bon„ heur de rendre a une République, dont je „ vois ici une portion des membres les plus dif„ tingués. Autrefois j'ai goüté le plaifir de voir „ mes travaux honorés de 1'approbatioii de cette patrie, a laquelle j'ai confacré trente années „ de ma vie. Maintenant j'ai le malheur de ne „ plus lui être agréable : voila tout mon crime. „ Son fuffrage, quand je Pai obtenu , m'a flatté .„ fon averfion que je n'ai pas meritce, nefau- roit m'abbattre. II eft dür , fans doute, a une „ perfonne de mon rang , d'être vouée a la haine „ publique, fans Pavoirprovoquée : mais jen'in- voque que les égards qu'on ne peut refufer au ,, moindre citoyen. Je vois affis, au nombre des „ Sénateurs qui s'apprêtent a me juger, des hommes qui font mes ennemis perfonnels; j'en „ vois qui fe font rendus publiquement mesdé- nonciateurs. II y en a d'autres qui occupent dans cette affemblée refpeétable , une place en „ vertu d'une commillion , qui leur a été déférée „ par des Villes qui ont juré ma perte, & dans „ le fein defquelles 1'horreur qu'on a congue ,, pour moi , s'exhale avec autant d'indécence „ que d'impunité. Je recufc des juges fufpeéts, „ ou convaincus d'une partialité incompatible avec 1'augulte caraétère d'interprêtes des loix „ & de difpenfateurs de lajuftice. Vos Nobles & „ Grandes Puiffances montreront leur refpecl: „ pour cette divinité , en excluant de fon tema, ple ceux d'entre fes facrificateurs, en qui la „ paffion pourroit prendre la place de 1'équité. „ Quand je n'aurai plus que des juges calmes 9, & impartiaux, je défendrai ma caufe, & j'at-  426 Correjprndance politique. tendrai avec contiance, Nobles & Puiffans Sei„ gneurs, 1'arrêt que votre tribunal va pronon- eer. „ Qu'auroient oppofé les adverfaires de fon Alteffe, a un difcours aulli raifonnable? Quelque chofc de bien fingulier dans cette affaire , c'eft la méprife frappante que la démarche du Duc a occafxonnée. En admettant qu'il s'eft trompé lorfqu'il a reconnu les Etats-Géné raux pour fes Juges, non-feulement 1'ignorance ou 1'inobfervation des formes, n'elt pas un délit capable de motiver, furtout en matière criminelle , ou de point d'honneur, des cris auffi aigres , un foulevcment auffi furieux ,que ceux qui ont fuivi cette faute excufable : ce n'étoit pas même a la ville d1Amfterdam a s'en plaindre, ni a celles de fon parti a en faire un crime de lèzeMajefté a fon auteur Les Etats de Hollande fcüls pouvoient trouver mauvais que S. A, eut méconnu leurs privilèges ou décliné leur jurisdiction. C'étoit a L. N. & Gr. Puiffances a révendiquer le droit qu'elles ont de juger les membres de leur corps, & tout au plus a ceux de ces membres que le Duc avoit traduits a un tribunai incompétent, a réclamer la prérogative de n'être jugés que par leur propre Souverain. Mais quefaifoit cettequeftion aux autres villes de la Province, & fpécialement aux Etats des autres Provinces? Si Pon ne favoit pas que 1'inconféquence eit le pivot des aétions humaines, on trouveroit étrange que les Souverainetés de Gueldre, de Frife, &c. fe foient élevé avec aigreur contre la démarche du Duc , qui leur déféroit 1'honneur de le juger , en rendant plainte a la Généralité, contre fes accufateurs. II y a plus. L'informalité reprochée au Duc ne bleffoit pas même la prérogative d'un membre dela fouveraineté de la Province de Hollande. II fe peut que la Ville d'Amfterdam, en fa qua-  Correjpondance politique. 4*17 lité de membre intégrant de cette fouveraineté , aic comme tous les autres membres le droic de ne reconnoicre pour juge que le Sénat donc elle faic partie. Mais eft-ce ici le cas de fe prévaloir de cette faculté ? Eft-ce la Magiftrature de cette Ville cn corps, qui s'eft portee pour dénonciatricc du Duc? Elt ce avec le caraétère de membre intégrant de l'Etat que la dénonciation a été faite"? Eft-ce a L'affemblëe dc la Province, ou en vertu d'une commiffion fpéciale de la Souverainecé , les deux feules circonitances oü les Magiitrats puiilentfe qualifier du titre de Souverains, que le Feld Maréchal de la République , 1'ami du Prince, Panden ferviteur de la patrie, a été dénoncé comme un étranger ignare & peu affectionné au pays , comme fufpecté de corruption & auteur de confeils dangereux ? Non. Deux hommes fans miffion , fans autorifation , fans titres, viennent de leur propre mouvement, folliciter le Stadhouder d'éloigner de fa perfonne & de fa Cour, un perfonnagedevenu odieux a la maltitude: ils déclarent que le Duc s'étant attiré , fans dire ni comment, ni pourquoi, la haine des grands Scdcspetits, le Prince cYOrange ne peut réfufer, fans s'expofer a la parcager avec fon mentor, fans rifquer de la faire réjaillir fur toute fa maifon , non-feulement de fe couvrir de 1'opprobre de la plus noire ingratitude envers un Seigneur a qui il doit autant qu'a fon père, mais auffi de commettre une iniuftice criante, en ötant arbitrairement & fins formes, fon état* au premier militaire de la République, &, fans contredit, un des plus grands hommes de YEurope. Comme Bourguemeftres ou ancien Penlïonnaire de la Viile d''Amfterdam , les dénonciateurs du Duc font des perfonnages puiffans & refpectables, qui peuvent cxercer fans conteltation &:  4*i8 Correfpondance politique. fans refponfabilité, les fonétions de la charge donc ils font revêtus, dans le reffort oü leur jurifdiétion s'étend. A ce titre & en cette qualité, ils ont le droit inconteftable de faire au Prince Stadhouder, telles repréfentations, & de porter a Paffemblée de L. N. & Gr. Puiffances, telles propófitions qui leur paroiffent avoir pour objec le bien dela patrie en général, oude leur Ville en particulier. C'eft a leurs commettans qu'ils reprêfentent dans Paffemblée Souveraine ou auprès du Chef de la Province, a décider s'ils en onc regu d'eux la commiflion, & s'ils n'ont pas outre-paile leurs plein-pouvoirs. Dans le cas oü ils s'en ieroient écartés, ou qu'ils auroient agideleur chef, ils ne devroient répondre de leur conduite qu'au corps de la Magiilrature qui les a dépurés, & fi quelqu'un fe trouvoit lézé de leurs propos , ou de leurs procédés, ce feroit cette Magiftrature entiere qu'il devroit prendre a partie , fuppofé qu'elle eüt autorifé fes organes alecompromettre, tout comme elle feroit obligée de lui faire rendre juftice, dans la fuppofition contraire. Mais fortis de ce cercle & abftraflion faite dc ces relations , les Magiftrats d'Amfterdam rcdeviennent comme tous les autres de fimplcs particuliers, dignes fans doute d'une conlidération perfonnelle très-diftinguée, mais fans caraétère public ; hors dc 1'enceinte de leur cité ou de celle de fon territoire, ils n'ont plus dc juridiétion : ilsne font plus que des citoyens, des individus comme leurs compatriotes, refpeélablcs en raifon de leur gravité & de leur mérite. Surtout ils ne peuvent fe qualificr Membres ïntégrans de la Souveraineté, que dans Paffemblée Souveraine, oü ils font inveftis du titre augufte de repréfentants de la Nation, en vertu des plein-pouvoirs que leur aconférés Ia Ville votante qu'ils repréfentent; oubien, lorfqu'ils tiennent des Etats, unc commiflion fpé-  Correfpondance politique. 429 Ciale , & qu'ils exécutent lesordres du Souverain. ür, dans Tarifaire dont il s'agit, il eft clair quece n'eft ni comme Membres de la Souveraineté, ni comme agent du Souverain , que M. M. d''AmJlerda/n ont accufé le Duc. II n'eft pas certain encore aux yeux du public, que fes accufaceurs 1'ayent dénoncé deleur chef, oud'après unarrété dc leur Magiftature en corps : mais il eft bien démontré au moins, que ce n'a pas été en vertu d'une réfolution des Etats de la Province ou d'un ordre émané de L. N. & Gr. Puiffances, qu'ils ont fait cette dénonciation. Le Duc a donc été autorifé a les envifager comme de fimples particuliers , qui cherchoient a le tiétrir dans Popinion publique, fans articuler de gricfs précis, mais en s'étayant desclameurs ihjuftes d'une populaceégarée ; & conféquemment, en droit de les pourfuivre comme tels, pour les obliger a prouver leurs aflernons, ou pour les convaincre de calomnie? C'eft en vain que la Ville cVAlkmar , par fa trop fameufe réfolution, citée plus haut, aeffayé de juftifier le trop célébrc mémoire d' Amfterdam , comme étant felon Elle , une conféquence de" la délibération des Etats, oü dans une féance précédente, le projet de former au Prince un confeil fecret avoit été agité dans Paffemblée. Ces deux chofes n'ont aucune connexion entre elles. II n'y a pas de liaifon entre Pidée propofée, débatcue , mais non adopcée, de donner des affeffeurs au Stadhouder, & la démarche éclatante & illegale de lui demander Péloignemenc ignominieux &flécriffantdefon Général, réconnu pourfon ami % & réputé pour 1'afüfter quelquefois de fes avis ou de fes lumieres. Au refte , cette réfolution cVAlkmar, n'eft guère rémarquable que par le bruit qu'elle a faic dans le public ;par le ton méprifant & injurieux qui y règne pour la perfonne du Feld-Maréchal;  '430 Correjpondance politique^ par la confécration des principes les plus dangêreux, fufcepcibles des conféquences les plus terribles pour la fureté des fujets, fi une fois il étoient fuivis par les Magiftrats; par des citations abfolument ëtrangeres a la queftion préfente; & par de nombreux fophifmes , viétoricufement réfutés dans deux brochures en Francois, profondement penfées & folidement raifonnées (*). Nous tranfcrirons de cette réfolution, feulement quelques lignes, propres a faire trembler a 1'idée du danger que des Magiftrats emportés par la paffion , & armés de 1'autorité , préparent a leurs concitoyens. De quelque maniere, dit cette étrange pièce, que des Membres du corps de PEtat puijfent agir envers quelqiPun, de quelque dignité, ordre, rang , ou condition qu'il puiffe ètre, ou s'expliquer fur fon fujet, celui qui Je croiroit ojfenfé, ne pourroit jamais en demandcr fatisfaction; cn le faifant il feroit tenu avoir porte' atteinte a la Majeste' suprème. Sclon ce code cV Antropophages , des Magiftrats inftitués pour le maintien dela tranquillité publique & le repos des citoyens, pourront, dans un pays libre, infulter, battre les fujets, leur enlever 1'honneur, fans leur devoir de réparation, attendu qu'ils font Membres du corps de PEtat. Affurément les décemvirs , ie triutnvirat n'ont jamais porté de décret plus etfrayant pour la füreté & la liberté des fujets. Une idéé que la difcuffion de ï'affaire du Duc ne paroit pas avoir fait naitre a ceux qui s'en font occupés, & qui eft pourtant bien fimple ; (*) Voyez lettre d un confeiller d'Etal & obfervations d'un Hollandois libre . &c écrits qui onc paru pofterieurement a notreft0. VIII , & dans lefquels on porte jufqu'a la dert|onItration , ce que nous avions dit page 125 , de la rompécence du tribunal auquel le Duc s'elt adrefle , & de la légalité de ia conduite. ( Nou de l'Editeur).  Correfpondance politique. 431 c'eft que loin que la ville d'Amfterdam , menie dans fes relations avec la Souveraineté, ait Ie droit de dcmander 1'éloignement d'un perfonnage de cette importance, & de tout autre qui, fans être également éminent, doit être confidéré fous les mêmes rapports ; ;l eft vifible que ce droit n'appartient pas même au Souverain de la Province. Le Duc eft le ferviteur de la confédération, & non d'un des confédérés : il eft le fujet de la République , & non pas celui d'une Province. Or , les Etats de Hollande peuvent bien fans doute , s'il ne leur convient plus , infifter pour fa démillion : mais c'eft felon les formes qu'ils doivent y procéder. Ce n'eft pas auprès du Stadhouder qu'ils peuvent infifter pour exiger la deftitution d'un Citoyen, revêtu d'une charge garantie par les loix, & dont il ne peut être dépouillé que par une fentence juridique, précédée d'une procédure réguliere, ou par les caprices arbicraires d'un defpoce abfolu , ce que ne font pas affurémcnt ni de droit, ni de fait, les Ariftocrates des Provinces-Unies. C'eft dans leur affemblée que L. N. & G. Puiffances doivent propofer une queftion de la na-*ture de celle oü il s'agit d'enlever fon état a un fujet, dont Pcmploi eft lié avec la conftitution de la République : c'eft-la que cette propofition faite felon les regies, doit être difcutée, approuvee, & portée enfuite a la généralité, pour y réunir Punanimité , ou au moins la pluralité dés furfrages des confédérés, attendu que, quand il leroit unanimement réfolu dans les Etats de la Province de Hollande, d'éloigner le Duc de Padminiftration , cette voix , quelque prépondérante qu elle foie, ne fuffiroit pas , fans le concours des autres, pour opérer fon éloignement légal. Toute autre méthode de procéder en pareil cas , nc peut enrantcr que le défordre, la confuüon & la ty-  432 Correjpondance politique. rannie. Quoi! lorfqu'il s'agic de conftruire unc chaloupe pour le fervice de l'Etat, ilfaut que le projet en foit communiqué aux confédérés , & la pétition approuvée par les,Provinces; & quand il s'agira de flétrir un homme illuftre, par une deftitution ignominieufe, on fe croira difpenfé des formes admifes , ppur la rendre au moins légale i Ce n'eft pas tout encore. La demande faite au Prince cVOrange , en fa qualité de Stadhouder, d'écarter le Duc de Brunfwick de fa perfonne, & de lui öter par cette difgrace éclatante & la confiance des Citoyens & la faculté de fervir l'Etat, eft peut-être la démarche la plus inconftitutionnelle, la plus imprudente, & tout-a-la-fois la plus dangereufe qu'on put faire dans une République oü les pouvoirs font limités & balancés les uns par les autres, & oü, par conféquent, il eft fi effentiel de ne pas fournir a 1'un 1'occafion de s'étendre aux dépends de ceux qui lui fervent de frein, ou de contre-poids. Pour en fentir les conféquences , fixons 1'idée des prérogatives dont le Prince eft dépofitaire , & voyons jufqu'a quel degré d'extenfion on 1'invitoit a les porter, en le preffant de commettre une injuftice. La fuite au Numéro prochain. Fin du Tome premier.