L A XXXLLE JOUMTÉE OU L E M A R I A G E BE FIGA&O, COMEDIE E N CINQ ACTES ET EN PRO SE. Par Mr. CARON de BEAUMARCHAIS, Repréfentée pour la première fois a Paris par les Comi' disns ordinaires du- Roi, le 27 Avril 1784. EDITION FIDELE D'APRES L'ORIGINAL. cl AMSTERDAM, Chez CESAR N O ë L G ü ERIN, MDCCLXXSV.  A MoTSTSIEUR MlTXTER.»  PERSONNAGES. Le Comte Almaviva. La Comtesse. Suzanniï» femme-de-chambre de la Comtesfe. Figaro, valei du Comte. Bazile, maitre d chantert Le Do&eur Bartholo, mêdecin. Marceline, Gouvernante du Docteur. Cherubin, page du Comte. Bom Gusman Bride oison, juge du lieu. Doüble-main, greffier du fege. Antonio, jardinier du Comte fif onck de Suzannc. FanChette, fille d'Antoniê coufine de Suzanne. P e d rille, courier. Grippe-Soleil, herger, chargé du feu cTartifict. ün Huisser audiencier, Trois Ferfonnages tnuets. Gardes. Troupe de Payfans £? de Payfannes des environs du chè> tcatt i'Agaas • Frescas, a trtis lieues de Sévillt-  L A FOLLE.JOURNEE OU L E M A R I A G E DE FIGA1BLO"; ACTE PREMIER. La Scène reprèfente un fallon damlequel on volt, & droite une pot te de communication dans la chambre de. la Comte sfe, &? une dans celle du Comte. SCÈNE PREMIÈRE. FIGARO, SUZAN NE. FIGARO, mefurant le fallon avec une toife. JQ)ix-heuf pieds fur vingt-fix. S ü Z A N N E. Tiens, Figaro, mon petit chapeau, le trouve-tu mieux ainfi ? A s  4 LE MARIA GE FIGARO. Sans comparaifon, ma charmante Ah! que ce joli bouquet virginal élevé fur la tête d'une jolie fiancée, eft doux le matin des noces, a 1'oeil amoureux d'un époux. S U Z A N N E. Que mefurois-tu donc-la, Figaro? FIGARO, Te voyois fi le charmant lit que Monfeig^eur doit nou» donner, aura bonne grace dans cette chambre. S U Z A N N E. Dans cette chambre ? Je ne veux pas. FIGARO. Pourquoi cela? S U Z A N N E. Je ne veux pas. FIGARO. Mais encore? ... on dit des raifons. S U Z A N N E. Si je n'en veux pas dire. FIGARO. Oh ! quand elles font füres de nous. . S U Z A N N E. Prouver que j'ai raifon, c'eft accorder que je pui.s avoir tort: tiens, Figaro, es-tu mon ferviteur? FIGARO. Asfurément; mais pourquoi cette fantaifie contre la chambre du chateau la plus commode, & qui tient le milieu entre les deux appartemens? La nuit, Madame, fe trouvet-elle incommodée? elle n'a qu'a fonner; zeft en deux pas te voila chez elle: Monfieur a t il befoin de moi? crac ea trois fauts je fuis dans fa chambre. S U Z A N N E. Qui; mais lorfque monfieur le Comte aura bien tinté le matin pour te donner quelque bonne & longue comraisiion, zefi: en deux p«s il eft a ma porte, & crac en trois fauts....  DE FIGARO. 5 FIGARO. Qu'entendez-vous par ces p^roles? S U Z A N N E. Ah! c'eft qu'il faudroit m'écouter tranquilement. F I G A R O. Eh'. qu'y a t il bon Dieu? SüZANNE. Tl v a que monfieur le Comte Almaviva las de courtifer les belles du canton, veut rentrer le foir au chateau; mais ce n'eft pas chez fa femme, c'eft chez la heriné, entendstu qu'il a >etté fes vues, auxquelles il efpère que ce logement ne nuira pas? & c'eft ce que Bazile, 1'honnête agent de fes plaifirs, & mon r.oble maïtre a chanter, me répète cbaque juut en me donnant le9on. FIGARO. Bazile' oh, mon mignon! fi jamais volée de bois vert» appliq^'e fur 1'échine d'un pédant, a duement redresfecla moelle épinière de qnelqu'un... • S U Z A N N E. Pauvre garcon! & cette dot qu'on me donne, crois-t*. que c'étoit pour les beaux yeux de ton mérite ? FIGARO. T'avois asfez fait pour le croire. S U Z A N N E. Mon Dieu que les gens d'esprit font bêtes! FIGARO. On le dit. SUZANNE. Mais c'eft qu'on ne veut pas le croire. FIGARO. On a tort. SUZANNE. Tl 1'a deftinê a obtenir de moi certain moment, certain quart d'heure , feul a feul, qu'un ancien droit du feigneur .... tu fais s'il étoit trifte ? A 3  é LEMAKIAGE FIGARO. Je !e fais fi bien que fans 1'abolition de ce droithonteux, je ne feulTe jamais époufé dans fes domaines. SUZANNE. Eb bien! il fe repent de 1'avoir aboli, & c'eft fur ta fiancée qu il prétend le rschéter aujourd'lmi. FIGARO. Ma tête s'amolit de ftirprife, & mon front fertilifé... ( // fe frotte le front- ) SUZANNE, lui ótant la main. Ne le frotte-donc pas. FIGARO. Quel danger? SUZANNE. S'il y venoit quelques petits boutuns ? des gens fuperftitieux..,. F, i G A R O. Tu ris, friponne ? Ah! s'il y avoit moyen d'attrapper ce grand trompeur en le faifant tomber dans un bon piège, & d'empocher fon or ? ■ SUZANNE. De 1'intrigue, & de 1'argent: Figaro! te voila dans ta fphère. FIGARO, Ce n'eft pas Ia honte qui me retient. SUZANNE. Quoi! la crainte ? .... FIGARO. Ce n'eft pas cela non plus: entrer Ia nuit chez quelqu'un ; lui fouffler fa femme, & recevoir cent coups de baton , ce n'eft pas difficile; mille fots coquins 1'ont fait,- mais conduire l'intrigue a bien, & fauver fes oratie*.., ».. (La comtesfe fonne. ) SUZANNE. Madame Ia comtesfe fonne: elle m'a bien recommandée cPêtre la première a lui parler le matin de mes noces: le  DE FIGARO. 7 berger dit que cela porte bonheur aux femmes delaisfées. FIGARO. II y a encore quelque chofe la-desfous. Tu ne me domie rien, mignonne, avant de t'en aller? Un petit bai. fer? SUZANNE. Un baifer a mon amant d'aujourd'hui? Ah! je t'en fouhaite. Et que diroit demain mon mari? (Figaro Pembrasfe , 'malgré elle.) Ah, fripon / qnand cesfera-tu de me par'ler de ton amour du matin jufqu'au foir ? FIGARO. Quand je pourrai te le prouver du foir jusqu'au matin. SUZANNE, *baifant fes doits réunis fur la bouche, & les déployant enfuite fur Figaro. FIGARO. Ah! mais, ce n'étoit pas ainfi que je te I'avois donné. ( Suzanne fort.) SCÈNE II. FIGARO, feul. (Charmante fiJleJ toujours riante, totijours verdisfante; pleine de gaieté, d'amour, dedélices! mais fage, fage, Ah, monfeigneur, mon cher monfeigneur! vous voul'ez m'en donner a garder! Je m'étonnois ausfi que m'ayant donné la place de conciërge, vous m'eusfiez nommé courier de dépêches. J'entends , monfeigneur, trois promotions a la fois-, vous, compagnon - mini Ure moi, casfe - cou politique; Suzanne , dame du lieu ; & puis fouette courier; Pendant que je courrai d'un cóté, vous ferez faire de 1'autre un joli chemin a ma belle. Moi, mecrottant, m'échinant pour la gloire de votre familie, vous daigneriez concourir a 1'agrandisfement de la mienne: quelle douce réciprocité! Mais, monfeigneur, il y a de 1'abus. Faire a la fois deux perfonnages, celui de votre maitre, & celui de votre valet; repréfenter en mêmé tems, dans une cour étrangère, le roi & moi, c'eft trop de moi»  8 LEMARIAGE tié ... & toi, Bazile, fiïpon rnon cadet, je veux t'ap» prendre a clocher devant les boiteux. Je veux ..-., mais non, disfimulons avec eux, & tachons de les enférer 1'un par 1'autre. Attemion fur la journée , monfieur Figaro, attention. Donner le cha-.ge aux petites pasfions du comte; rompre fes desfeins, & travailler a 1'exécution des miens; empocher les préfens, & écarter une Marceline méchante en diable: étriller ronderaent monfieur du Bazile SCÈNE III. FIGARO, LE DOCTEUR, BARTHOLO, MARCELINE. FIGARO, fe tournant, & voyant le doclteur. JGjH! voila le cher doóteur'. LE DOCTEUR. Eh bien! Après? FIGARO. Sont-ce mes noces avec Suzon qui vous amènent au chateau, doóteur? LE DOCTEUR. Non , mon cher monfieur. FIGARO. Ce feroit trop genéreux. LE DOCTEUR. Et par trop fot. FIGARO. Eh! bon jour donc, cbtr dofteur de mon coeur, LE DOCTEUR. Bavard infernal, laisfez - nous. FIGARO. Vous vous fachez , doéteur ? Seroit-il arrivé quelque chofe ii votre mule? Les gens de votre état font fi dursj  DE FIGARO. f ils n'ont pas plus de piété des pauvres bêtes, que fi c'étoic en vérité des hommes. Eh bien, Marceline, avez- vous touiours envie de plaider contre moi? pour ne s'aimer pas. fant-il qu'on fe haisfe? LE DOCTEUR. Qu'eft ce que c'eft? FIGARO. Elle vous contera cela. (£« s'en allant il dmme une tappe fur le ventre du Doüeur.) Adieu, Doéteur. SCÈNE IV. LE DOCTEUR, MARCELINE. LE DOCTEUR. dróle eft toujours le mème. MARC ELINE. Vous voila donc enfin, éternel doéteur, toujours fi grave & fi compasfé, qu'on auroit le Mms de mourir vingt fois en attendant vos fecours! LE DOCTEUR. Toujours amêre, & provoqüante: Eh bien! qui m'ainène ici? ferok-il arrivé au comte quelqu'nccidem ? & la Rüfine , fa perfide comtesfe, feroit-elle malade , Dieu merci ? MARCELINE. Le comte la négligé. LE DOCTEUR. O! digne époux qui me venge! MARCELINE. Au inoins c'eft ce que m'a dit Bazile. LE DOCTEUR. Cet autre fripon loge ici! c'eft une caverne! & qu'y fait-il? B  I, L E M A K I A' G E MARCELINE. Tout le mal dont il eft capable. Eh bien, doótetir, vous ccmveneZ-Vöu-; du pedt Emanuel , tendre fruit de notre amoür? vous fouvenez-vous" de vos promesfes? vous rap. peliez-vous vos ferments? .... LE DOCTEUR. Eft-ce pour écouter toutes ces fornettes-la, que vous m'avez, tout expres, fait vonir de Séville? MARCELINE. Eh bien! n'en parions plus: mais puisque 1'honneur ne vous porte pas a la juftice de m'époufer, aidez-moi donc a en époufer un autre. L E DOCTE ü R. Ah! volontiers, volontiers, parions.... Mais quel eftle mortel abandonné du ciel, & des femmes?.,.,. MARCELINE. Eh! qui pourroit-ce étre , doóteur? finon le gai, Ie beau , 1'aimable Figaro ? LE DOCTEUR. Ce fripon-la? MARCELINE. Toujours gai, jamais faché: généreux, ge'néreux.... LE DOCTEUR. Comme un voleur MARCELINE. Comme un feigneur. LÉ DOCTEUR. Et la Suzanne? MARCELINE. Elle ne 1'aura pas, la rufée, fi vous vouliez m'aider ï faire valoir la proratsfe de mariage qui! ïrfa faite. LE DOCTEUR. Mais fon mariage eft trop avancé. MARCELINE. On en romp par fois de plus avancé.  B E F I G A R It LE DOCTEUR. Mais le rnoyen ? MARCELINE. J'aurois bien un fecret, mais LE DOCTEUR. Les femmes en ont-elles pour le inédecin du corps? MARCELINE. Vous favez bien que je n'en ai pas pour vous. Toute femme eft galante, mais timide: Elle eüt p!us avanturé fans une voix intérieure qui lui dit: fois beile, fi tu-peux; fage, fi tu veux,- mais, fur-tout, fois confidérée, il le fantT. ... puisqu'il faut donc que 1'on foit au moins con. fidérée; que toute femme en fent rimpqrtance, il ne fera pas difficile de faire adopter ces principes a Suzanne, & lorsque monfieur le Comte voudra la faire entrer dans les vues qu'ila fur elle, ellele refufera, & le Comte faifiraavec empresfement 1'occafion que je lui donnerai de s'en venger, en me faifant époufer Figaro. LE DOCTEUR. Elle a raifon. parbleu 5 le tour feroit bon de faire époufer ma vieille gouvernante au coquin qui me fit enlever ma jeune maitresfe. MARCELINE. Et qui croit ajouter a fes plaifirs LE DOCTEUR. Et qui m'a volé cent écus que j'ai toujours fur le cceur. ïl feroit délicieux de me venger aiafi d'un fcéiérat. MARCELINE. De 1'époufer, dofteurl h x  xi, L E MARIAGE SCÈNE V. SUZANNE, apportant un ruban, & une robe de taffttashlanc, LE DOCTEUR, MARCELINE. SUZANNE, 3L<'ëpouser! 1'époufer! époufer, qui? mon Figaro? MARCELINE. Pourquoi pas ? vous l epoufez bien ? LE DOCTEUR. Plaifant argument de femme en colère. MARCELINE. Sans compter monfeigneur dont on ne parle pas. S U Z A*N N E. Votre fcrvante, madame: il y a toujours quelque cbofe «Tainer dans vos propos, MARCELINE. Bien la votre,. madame: Oü eft donc 1'amertume? II eft bien jufte qu'un loyal feigneur partage un peu la joye qu'il procure a fes gens. » SUZANNE. Qu'il procure! Heureufement que Ia jaloufie de madame eft ausfi connue, que fes droits fur Figaro font légers. MARCELINE. On eut pü les rendre plus forts en les cimentant a la facon de madame. SUZANNE. Ah ! cette facon , madame, eft celle des femmes favantes. LE DOCTEUR, voulant emmener Marceline. Adieu, la charmante fiauqée de notre Figaro.  DEFIGAR9. i3 MARCELINE. Je falue 1'humble fervante des plaifirs de monfeigneur. SUZANNE. Et qui vous eftime beaucoup, midauie. MARCELINE. Madame, me fera-t'elle ausfi 1'honneur de me chérir un p.m? SUZANNE. A eet égard, madame n'a rien a defirer. MARCELINE. C'eft une fi jolie perfonne, que madame. SUZANNE. Eh , mais asfez pour défoler, madame. MARCELINE. Et fur-tout bien refpeftable... SUZANNE. Mais c'eft aux duegnes a 1'être. MARCELINE, (furieufe.) Aux duegnes! aux duegnes! L E DOCTEUR.' Allons, Marceline, allons: (// fa prendpar le bras. c? /' emmène-) MARCELINE. Adieu, madame. SUZANNE. Adieu, madame (Lorsque Marceline eft a la porie, Suzanne conti,,ue.) AUez, pédante: je crams ausfi peH vos efforts, que je méprife vos outrages. S C E N E VI. SUZANNE, feule. \r#-ytz un p8U cette fybille, paree qu'elle a fait quelB 3  l+ i ü MARIAGE qu'étude , & qu'elle a tourmenté la jeun?sfe de madamo, elle veut tout dommer au chrite.iu. . JViai-, je ne fais piu» cc que je venois faire. S C E IN li V I I, CHERÜBIN, SUZANNE. CHERUBIN. J^uMl que je fuis content de te trouver feule, Suzannè: il y a deux heures que je te cherche. SUZANNE. Pourquoi cela?. CHERUBIN. Tu te marie, & moi, ie pars. SUZANNE. Commcnt, tu pars? CHERUBIN. Monfeigneur me renvoye. SUZANNE. Vous avez fait quelque chofe, Chérubin: comment fa peut - il que le premier page de monfeigneur foit tombé dans fa disgrace? CHERUBIN. J'étois hi r chez ta coufine Fanchette, a lui faire répéter fon petit róle d'innocente.... SUZANNE, d*ur. air ironiqtu. Son petit róle d'innocente! CHERUBIN. Lorsque monfeigneur eft entré, ils'eftmis dans une colère.... Sorte-, dit il, petit.... ( Oh je n'ofe pas répéter devant une femme Je gros mot qu'il a dit.) Sortez, & que demain vous ne couchiéz pas au cnateau. Si ma bell» marraiue ue 1'appaife pas, je fuis penis.  DE FIGARO. Mg SUZANNE. Et pourqoui re t'adresfe-tu pas, toi-même, a elle? CHERUBIN, hupirant. Ah! Suzanne! Qnelle eft noble & belle, mais quelle eft Impofautc! SUZANNE. Ah, c'eft-a-dire que je ne le fuis pas, & qu'on peut tout ofer avec moi, CHERUBIN. Tu ftis bien, friponue, que je n'ofe pas ofer. Que tu es heureufe, SuzaufK, de voir tous les jours ma belle marraine, de lui parier a chaque inftant, de 1'habiller le foir épingie a épingle. (Voyant un ruban que Suzanne tient a la main.) Qu'eft-ce que tu tiens donc la? SUZANNE, contrefaifant le ton, pasftonr.é de Chérubin. C'eft le mban, le fortuné ruban ; qui, pendant Ia nuit, ferre les cheveux de cette belle marraine. CHERUBIN. Ah! donne-le moi, mon coeur? SUZANNE, r Son coeur! Mais voyez donc comme il eft familier. ( Cherubin lui arrache le ruban, & f enfuft. ) SUZANNE, cdu ra» t apiès lui. Voulez-vous bien me le rendre, petit voleur? CHERUBIN. On m'arracheroit plutót la vie. Suzanne, tiens, tu diras que tu 1'as perdu: tu diras..-. tout ce que tu voudrasj mais je ne le rendrai jamais. SUZANNE. Je prédis que dans trois ou quatre ans, vous ferez le plus grand petit vaurien.... CHERUBIN. Ah!, laisfe-le moi, Suzon : je te dornerai ma romance; tu la chanteras a ma belle marraine; & quand je n'y fe,-ai plus, elle fervira a te faire penfer quelquefois a moi.  36 L E M A R I A O E. SUZANNE. Taifez-vous, petit voleur, & rendez^inoi mon rubati. CHERUBIN. Tu ne m'écoute-pas, Suzanne. Ta coufine Faiichette m'écoute bien, mais toi.,.. SUZANNE. Celtbien dommage.... Ecoutez-donc, monfieur. CHERUBIN. Tiens, Suzanne: depnis quelque tems j'eprouve a lavue d'une femme un fentiment.... Tout mon fein fe fouléve; mon vifage eft en feu: le befoin que fai de dire a quelqu'un, je vous aime, eft fi presfant, que je le dis a chaque inftsnt a ta maftresfe , a toi: Je le dis tout feul, en me promcnant, aux arbres, aux nuages, auz v=nts qui les emportent avec mts paroles; hier je rencontrai Marceline.... SUZANNE, faifant un gefte de furprife. Marceline.... CHERUBIN. Pourquoi non? N'eft-elle pas femme? N'eft-elle pasfille? Une fille! Une femme! Que ces noms font doux, qu'ils iutèresfans! SUZANNE. Allons, il devient fou... Ah 9a! Me rendez-vous mon ruban ? ( Elle cherche a le lui arracher r mais elle manque fon coup.) CHERUBIN. Ah! Ouitche. (// s'enfuit derrière le fauteuil ) SUZANNE, tottrne autóur du fauteuil, & coure après. Chérubin qui s'arrête enfin. Je le dirai a monfeigneur; je lui dirai: renvoyez-Ie a fes parens; renvoyez ce petit vaurien; c'eft un petit voleur qui fe donne les airs d'aimcr madame, qui embrasfe Fan» chette, & qui veut m'en conter par desfus le marchê. CHERUBIN, voyant venir le comte, Ah! Suzanne, je fuis perdu. (// fe caehe derrière li fauteuil,)  DE FIGARO. 17 SUZANNE. Ouelle frayenr! (Voyant venir le comte, elle cache defon corps le page qui est derrière le fauteuil en criant:) Ah! SCÈNE VIII. LE COMTE, SUZANNE, CHERUBIN, derrière le fauteuil. LE COMTE, fe tournant vers la coulisfe. ^Te rentre a 1'inftanr (A Suzanw.') Qu'eft-ce que tu as, Suzanne? 'Ion petit coeur paroit bien ému? Au relte c elt bien pardonnable le jour d'une noce. SUZANNE. Monfeigneur, allez-vous-en: fi on vous trouvoit ici. L E COMTE. T'en ferois au défefpoit,1 ma chère; mais je n'ai qu'tm mo' a te dire (II &s$d dans le fauteuil. ) Le roi m'a nommé fon ambasfadeur a Londres . & ie donne un excellent pofte a Figaro Je 1'emmeneiai avec moi & ie le fais courieT d'ambasfade. Tu fuivras ton mari , fans doute ? S U S A N N E. Le devoir d'une femme ... Ah' fi j'ofois parler! L E COMTE. Eh bien! parle, ma chère, parle! ufe d'un droit que tu prends aujourd'hui pour la vie. SUZANNE., Je n'en veux pas, Monfeigneur, je n'en veux pas.... je ne fais plus ce que je voulois dire. L E COMTE. Tu en étois .... fur le devoir des femmes. Qu'en dis-tu? SUZANNE. Lorsque Monfeigneur enleva la fienne de chez le DocC  i8 LEMARlAGE. tem , en renoncant, par amour pour elle , au droit du feigneur, ce druk h .ntetix que vous avez abolj.... LE COMTE, Oui. & qui faifoit bien de la peine aux filles , n'eftce pas, Suzon? ce droit charmant fi tu voulois en jafèr ce foir au jardin avec moi fur la bonje, je mettrois un tel prix a cette legére faveur!... SCÈNE IX. LE COMTE, SUZANNE, BAZILE, CHERUBIN. BAZILE, dans la coulisfe. M onseigneur n'eft pas chez lui, vous-disje. L E COMTE. Ciel '• d'oü vient cette voix! BAZILE. II eft chez madame. SUZANNE. Ciel! c'eft Bazile. Ah.' Monfeigneur,, s'il vous troti. voit ici LE COMTE, cherchant un endroit pour fe cacher. J'eu ferois au defespoir. Quoi! pas un endroit pour fe cacher. Ah '■ derrière ce fauteuil. (II s''avance vers le fauteuil. Suzanne fe met entre lui, & le Page, cache ce 'dernier, qui, a mefure que le comte avance, & que Suzanne recule , toume du cóté oppofé a celui par oü le comte avance, fe cache tout entier dans le fauteuil, pendant que le comte fe cache derrière, Suzanne les couvre tout deux avec la lévite blanche qii'elle avoit apportc ii la fcène cinquième' BAZILE, entrant fur le théatre. Je croyois trouver Monfeigneur ici, mademoüelle* SUZANNE. Qui vous 1'a dit ?  DB FIGARO* 15 BAZILE. Si voïis édez plus raifonnable, il n'y aufoit rïen a'étontrant a ma queition. C'eft Figaro qui le cherche. SUZANNE. II cherche donc Thomme, qui, aprês vous, lui veut Ie plus de mal. LE COMTE, a part derrière le fauteuil. Voyons un peu comme il me fert. BAZILE. Dire du bien d'une femme, eft ce vouloir du mal a fo» mari ? SUZANNE. Non , dans vos affreux principes , agent de corruption..... BAZILE. De toutes les chofes férieufes le manage étant la plus bouffoune, j'avois penfé SUZANNE. Des horreurs.... BAZILE. Que vous demande-t on , que vous n'alliez prodiguer a un autre?^grace, a la douce cérémonie, ce qu'on vousdéfend aujourd'hui, ón vous le prescnra demain. SUZANNE. Mais, allez vous-en, vil agent de corruptiort. BAZILE La, 15, méchante, Dieu vous appaile.... . Figaro n'eft pas le feul obltacle qui nuife au desfein de Monfeigneur: car le page.... SUZANNE. Chérubin? BAZILE» Oui: Chérubin, di amor . ... ik lorsque je voM ai quitté tantót, il ródoit autour d'ici. Dites que cela n'eft pas vrai..... C a  so LE MARIAGE SUZANKE. Mais, allez vous-en , méchant homrae, BAZILE. . On eft un méchant hcmme paree qu'on y volt clair, & la romance qu'il a faite, & dont il fait myftêre?... SUZANNE. Eft pour moi? BAZILE. Oui: a moins qu'il ne l'ait o>rr,pofée pour mad?me: en effet quand il la fert a t. ble, on dit qu'il Ia regarde avec des yeux ... mais, pefte! qu il ne s'y joue pas:" Monfeigneur eft brutal fur 1'article. SUZANNE. Et vous , bien indigne d'inventer mille calomnies pour perdre un malheureux enfant dé, a tombé dans la disgrace de fbn maltre. BAZILE. Eft-ce que je Pin ven te '? Ce que j'en dis, moi, c'eft que tout le monde en parle. L E COMTE, fortant furieux de derrière le fauteuil. Comment-donc ? comment? tout le monde en parle ? BAZILE. Ah! Monfeigneur, que je fuis faché! SUZANNE, prête LE MARIAGE (ils reflent dans des attitudes qui marquent findignation^ & la furpi ife du comte; rétour.ement ftupide de Bazile » & la frayeur de Suzanne: enfin le comte rompant le fi. lence.) Ce tour-ci, vau't Pautre, BAZILE. Encore mieux. LE COMTEK Suzanne. Fort bien; Mademoifelle.' A peine fiancce vous faites de pareils apprêts: ainfi, lorsque vous - vonliez me renvoyer, c'étoit pour entretenir mon page! (a Chérubin. ) Et Vous, Monfieur, qui ne chahgez pas de conduite, il ne vous manquoit plus que de vous adresfer, fans refpeét pour votre Marraine, a fa première camarifte, a la femme de votre ami.... Mais je ne fourfrirai pas que Figaro, qu'un homme que j'eftime, que j'aime, foit viétime d'une pareille tromperie. Etoit-il entré avec vous, Bazile? SUZANNE. II n'y a ici ni viftime, ni tromperie, Monfeigneur. II étoit la (montrant le fauteuil) quand vous êtes entré. L E COMTE. Dans ce fauteuil! Puisfe-tu mentir en le difant. Son plus cruel ennemi n'oferoit lui fiuhaiter ce mal.... Mais c'eft une autre fourberie! Je m'y fuis asfis en entrant. CHERUBIN, toujours dans le fauteuil. Hélas, Monfeigneur! j'étois tremblant derrière, L E COMTE. Rufe d'enfer! je viens de m'y placer moi-même. CHERUBIN. Pardon: mais c'^eft alors que je me fuis blotti dedans. L E COMTE. Mais c'eft une couleuvre que ce petit ferpent-la.... Eh bien! il a tout entendu. CHERUBIN. Monfeigneur, au contraire, j'ai fait tout ce que j'ai pó pour ne rien entendre. {La porte du fond s'entr'ouvre.') B A Z I L.& On vient, Monfeigneur.  DE FIGARO. 23 LE COMTE , arrachaut le page de dedans le fauteuil. II refteroit la devant tout f univers. SCÈNE X. LE COMTE, BAZILE, CHERUBIN, SU^ ZANNE, LA COMTESSE, FIGARO, FANCHETTE, Troupe de Payfans , & de Pay. fannes qui portent le Chapeau de la Fiancée. LA COMTESSE. ^SJ*o v s Ie voyez, monfieur Ie Comte, il me fuppofe un crédit que je n'ai pas. ( montrant Figaro ) II venoit me prier de presfer auprês de vous fon mariage avec Suzanne: leur empresfement eft naturel, & j'espere que vous leur accorderez cette grace en faveur de 1'amour que vous aviez autrefois pour moi. L E COMTE. Et que j'ai toujours, madame, .. & c'eft a ce feul titre que je 1'accorde. FIGARO. En ce cas, monfeigneur, permettez que je vous préfen» te ce chapeau virginal orné de fleurs, de plumes Manches, fymbole de la pureté de vos intentions. Daignez le placer vous-même fur la tête de cette jeune créature, dout votre fagesfe a préfervé la vertu, & que je fois le premier a cclébrer 1'abolition du droit du feigneur, auquel votre amour pour madame vous a fait renoncer. SUZANNE. Monfeigneur, ne refufez pas le jufte tribut d'éloges qui vous eft dü. L E C O M T E , a part, Oh! la traitresfe, FIGARO. Mais regardez la donc, Monfeigneur? & voyez fi ja-  24 LE MARIAGE mais ausfi jolie fiancée montra la grandeur de votre faciifiee. SUZANNE. Ne parions-pas de ina figure, inon ami, parions plutót de fa vercu. LE COMTE,i part. Ma vertu. - • Elle fe moque de moi ( Haut) L'aboli- \ tion d'ui droit.honteux n'eft pas un facrifice, mais 1 acquit d'une dette envers 1'honnêteté U'i feigneur espagnol peut bien chercher a vaincre la beau é par fes foins: mais en exi Monfeigneur n'y met pas tant de facon avec fa fervante : il vouloit m'acheter a beaux, deniers comptans. LA COMTESSE. Et le petit page étoit préïent ? ACTÉ SICOND, La fclne répréfente la chambre d coucher de la Comtesfe, dans luquelle dnnne a droite , la porte de la chambre de Suzanne, & au fond du théutre eft le lit de la Comtesfe. A la droite du lit eft une fenêtre qui donne fur le potager, au bas de laquelle eft un fosfé de vingtdeux pieds de profo deur: d gauche du lit, eft la porte qui communiqué dans Vappartement des femmes de la '"omtesfe. Sur la gauche du théutre, vis d - vis Ie cabinet qui fert d Suzanne de chambre a coucher, eft Ia porte d'cntrée de la chambre de la Comtesfe, on voit fur la droite, un fauteuil & un tabouret fur lequel eft une guittare: vis - d-vis, a la gauche du théatre, eft un autre fauteuil; ily a une chaife d cóté de la fenêtre qui donne fur le potager , & un banc le long de la fenêtre.  BE FIGARO. 31. SUZANNE. ■Non Madame; il étoit caché derrière le fauteuil: il étoit venu me dire de vous prier d'inteicéder pour lui aupres de monfieur le Comte qui le renvoyoit. LA COMTESSE. Mais que ne s'eft-il d'abord adresfé a moi? eft-ce que je 1'aurois refufé ? SUZANNE. C'eft ce que ie kui ai dit: favez vous ce qu'11 m'a répondu? „ Ah! Suzanne, quelle eft noble & belle! mais „ qu elle eft impofante''' LA COMTESE. Eft-ce que j'ai eet air-la, Suzon ? SUZANNE. ' Et puis, il m'a pris votre ruban... LA COMTESSE, riant forcément. Mon ruban! Ah, quelle enfance! SUZANNE. II s'eft jetté desfus avec une rapidité!... j'ai eu beau courir après lui, le ménacant de monfieur le comte & de vous, c'étoit un lion, c'étoit un .. noi: vous ne 1'aurez plus qu'avec ma vie , difoit - il en forcant fa petite voix grêle. & paree que ce petit morveux - la n'oferoit feulement baifer le bas de votre robe, il veut toujours m'erabrasfer par contre-coup. LA COMTESSE, fe levant. Laisfons, laisfons ces fo'ies-la.,.. ouvrez la fenêtre, Suzon, il fait une chaleur ... S U S O N, ouvre la fenêtre qui donne Cur le potager. C'eft que madame parle, & marche avec-feu. LA COMTESSE. Figaro fe fait bien attend-e. SUZANNE. U viendra fi - tót qu'on fera parti pour la chasfe. (Regardant par la fenêtre ) Tënez, tenez, madame, voila. monfefgneur qui traverfe le potager, & pms un, deux, Kois, quatre écuyers.  3S LE MARIAGE LA COMTESSE. Tant mieux, nous aurons du teras pour tout. (On frap* fe a la porte: Suzanne court ouvrir en chantant. _) SUZANNE. Ah! c'eft mon Figaro. &c. , !^)/K. adam1 ie simpatiente, mon arm. FIGARO. Et toi ausfi. Au fait, de quoi s'agit il? d'une mifêre! LACOMTESSE. Eh bien, Figaro ! concois-tu monfieur ie Comte ? FIGARO. Comment, fi je Ie conc;ois? II trouve une Jolie fiancée, il veut en faire fa-maitresfe; qu'y a-t-il la d'extra. ordinaire ? LA COMTESSE. Tu ris, Figaro? FIGARO. Et pour parvenir a fes fins, il m'a nommé courier de dépêches, & Suzon confeiilère d'ambasfade. II n'y a pas la d'étourderie. SUZANNE. Finiras-tu ce badinage? FIGARO. Et paree que Suzanne ne veut pas accepter Ie diplome, il veut s'en venger en me faifant époufer Marceline; rien de plus naturel. SCÈNE II. FIGARO, SUZANNE, LACOMTESSE. SUZANNE.  Ö Ê F I G A R O é" & LA COMTESSE. Commertt! traiter filégérement un desfeinqui hous coute a tous le bonheur. FIGARO. Tout cela ne m'inqüiéte guères. Je veux le faire tömber dans fon propre piège, & pour agir ausfi méthodiquement que lui , tempérons d'abord 1'ardeur de monfieur le Comte fur nos posfesfions, en 1'iriquiétant fur les'fiennes. LA COMTESSE. C'eft bien dit: mais comment? FIGARO. C'eft deja fait, Madame. Un faux avis donné fut v'oüê... La COMTESSE. Y penfez-vous, Figaro? FIGARO. Qui, madame; tenez, pour tempérer 1'ardeur des gens du caraftère de monfieur le Comte, il fauc leur fouetter le fang, c'eft ce que les femines entendent fibien. Apresceiaon les mène oü 1'on veut par le nez.... Dans le guadalquivir. LA COMTESSE. Mais, Figaro, avez-vous perda la tête de jetter ainfi des foupcons fur ma conduite ? FIGARO. Madame, il y a très-peu dé femmes avec qui je 1'eusl'e ofé, de peur de renconter jufte. LA COMTESSE. Vous verrez qu'il faudra encore que je le remercie. FIGARO. Mais n'eft-il pas charmant de lui tailler ainfi tous. lés morceaux pour la journée , & de lui faire pasfer, a furveillerfa femme, le tems qu'il deftinoit a pasfer avec la mienne ? ( Regariunt par la fenêtre. ) Ah ! Voyez , Voyez, voila monfieur le Comte qui force un lievre qui n'en peut-maïs. LA COMTESSE, a Suzanne. La tête lui tourne.  34 IE MARIAGE FIGARO. C'eft a lui quelle doic tourner. Courra-t-il après celuici? Surveillera t-il celui la? LA COMTESSE. Eh bien ! oü tout cela menera-t-il? FIGARO. Le voici: (A Suzanne.) Tu lui donnera un rendez-vous pour ce foir. SUZANNE. Moi! un reudez-vous? F I G A R O. Oh! dame, quand on n'eft bonne a rien, & que Fora n'ofe rien, on n'avance rien. Voila mon mon a moi. SUZANNE. Eh bien! après? FIGARO. Alors tu enverras Chérubin a ta place. SUZANNE. Mais il éft parti. FIGARO, avec chaleur. Non pas pour moi Ah 9a , me laisfera t-on faire'? SUZANNE. Ah! madame j ou peut s'en fier a lui pour conduire une intrigue. FIGARO. Une, deux, trois intrigues a la fois, bien embrouillées, qui fe croifent. . J'érois né pour être courtifan. SUZANNE. On dit que C'eft fi difncile. * FIGARO. Difficile! Savoir prendre, recevoir & demander , 'voila le fecrer en trois mots. Allons, pour ne pas perdre de tems, je f rs & je vous envoye Chérubin pour 1'habiller, Ie coëffer, & puis, faute-moniéigneur.  B E *F I G A R O. 35 SCÈNE IV. LA COMTESSE, SUZANNE, CHERUB I NT. SUZANNE, allant au-devant de Chérubin «ui entrc, ntr e z , monfieur fofficier. CHERUBIN. Qui ce norn m'afflige, madame! II m'apprend qu'il fauc puiteer des lieux fi chéris, & une marraine fi bonne.,. SUZANNE. Et fi belle. CHER-I^BIN, avec un long gémisfemtnf.Ah'- ouj..« E » SCÈNE 11% SUZANNE, LA COMTESSE. LA COMTESSE, fe regardant dans un miroir. de poche. Suzanïje, comme je fuis faite! Ce jeune homme qui va venir. SUZANNE. Madame ne veut pas qu'il en réc' appe. LA COMTESSE. Mais c'eft qu'en vérité mes cheveux font dans un défordre SUZANNE, relevant une boude de la comtesfe, Tenez. 'madame, avec cette bouclé vous le gronderez, bien mieux. Faifons-lui chanter fa romance.  $6 LEMARIAGK. SUZANNE, avec un long gémisfement. Ah.' oui •.. Mais voyez-Ie donc, avec fes longues pau. pieres hypocrites t. . . . Madame , il faut lui faire chanter la romance. ( Elle la lui donne.) Approchez bel oifeau bleu. LA COMTESSE. Dit-on de qui elle eft? S U S A N N E. Voyez la rougeur du coupable; en a-t il un pied fur le* joues ?.. • CHERUBIN. Madame, je fuis fi tremblant. SUZANNE. Gnian, gnian, gnian, gnian, approchez, modefte au«' teur, puisqu'on vous 1'ordonne. Madame je vais, 1'accompagner. LA COMTESSE, a Suzanne. Prends ma guittarre. SUZANNE et CHERUBIN. Pendant la romance la Comtesfe fait une fcèr.e muette en la lifant & jettant de tems en tems les ycux fur Chéfpbin, qui tantót la regarde, tantót ckante les yeux baisfès; Suzanne les regarde tous deux & chante en riant ds tems en tems. ROMANCE: Sur Fair de Marlbourough' Auprès d'une fontaine, Que mon coeur, que mon coeur a de peine, Penfant & ma marraine, jj Sentis mes pleurs couler. Sentis mes pleurs couler. bis. Je gravai fur un chêne, i Qua mon coeur, que mon coeur a de peine, j  J) E FIGARO, 3? Sa lettre dans la miemie, Le roi vient a pasfer. Le roi vient a pasfer, Ses barons, fon clergé. Beau page , dit la reine, Que mpn coeur, que mon coeur a de peine. Beau page, dit la reine, Qu'avez vous a pleurer ? Qu'avez-vous a pleurer bfSt J'avois une marraine, Que mon coeur, que mon coeur a de peine, J'avois une marraine Que toujours j'adorai. LA COMTESSE, ployant la chanfon. C'eft asfez; elle eft bien fake; il y a du fentiment. SU ZANNE,« perffflant. Ah', pour du fentiment, c'eft un jeune homme.,. (Ché~ rubin tire Suzanne par fa robe pour rempêchcr de parlcr. Suzanne, bas a Chérubin.') Ah! je dirai tout, vaurien. CQfi&'i Ah ?a' monfieur 1'officier, pour égayer la journée, il s'agit de voir fi une de. mes robes vous ira bien. LA COMTESSE. Ypenfe-tu, Suzanne? SUZANNE, s'approche de Chérubin , & fe mefure avec lui. II eft de taille: commencons par óter le manteau. (Elk l-óte.) LA COMTESSE, Mais fi on nous furprenoit? SUZANNE. Ehbien! eft-ce que nous faifons du mal, donc?... Ah! mais, je vais fermer la porte... ( Elle ferme la porte.) C'eft Ia eoëffure que je veux voir. E3  38 LE MARIAGE LA COMTESSE. Dans mon cabinet, fur ma toiletce prentte ma baigneu. fe a moi. ( Suzanne fort pour aller c'iercher le bonnet; elle révient; s'asjied fur le tabouret & fait mettre Chêiubin U genoux; elle le coejfe en femme. ) " SUZANNE. Mais, voyez donc, comme il eft joü en fille: ie fuis jaloufe, moi, Voulez-vous bien n'ê re pas joü comme ca? LACOMTESSE, Dégage un peu fon collet, qu'il ait 1'air un peil plus féminin, (Suzanne lui dégage fon collet pour lui découvrir lé cou.) relevons un peu fes manches afin que les amadis prennent mieux ... ( En relevant les manches de la vefle% elle appercoit fon ruban roulé autour du poignet de Ché' rubin.) Qu'eft-ce que je vois donc la? Mon ruban? SUZANNE. Ah ! je fuis bien-aife que madame s'en appercoive : ansfi bien je lui avois die que je vous le dirois: je lui aurois bien repris, fi monfeigneur n'étoit pas venu; car je fuis presqu'ausfi forte que lui. LA COMTESSE, déroulant le ruban. II y a du fang 1 CHERUBIN. Ce matin comptant partir, j'arrangeois la gourmette de mon cheval, il a donné de la tête, & la bosfette m'a etÜeuré le bras. LA COMTESSE.. On n'a jamais vu mettre un ruban autour de fon bras dans une pareille occafion. SUZANNE. Et fur-tout un ruban volé.... Voyons donc un peu ce que la gourmette, Ia courbette, ia corvette. ... Je n'entends rien a tous ces termes -la. Elle lui regarde le bras ) Comme il a Ie bras blanc: c'eft comme une femme : tenez, madame, il eft plus blanc que le mien. LA COMTESSE. Oceupez-vous plutót ?. m'avoir du taffetas gomméi {.Suzanne fort en pousfant Chérubin par les èpaules, 4?  & Ê F t G A R 6. 29 en le faifant tember fur les mains: Chérubin, 6? ta Comtesfe reflent long-tems d fe regarder fün après Vautrefans fe rien dire. La Comtesfe , rompant enfin le filence.) Enfin, voila oü vous ont mis vos êtonrderies. Nereparoisfezpas de la journée aux yeux de mo fieur le Comte. Nous lui dirons que le tems d'expjdier votre brevet... CHERUBIN. Cela eft deja fait, madame: le voila: Bazile me 1'a remis. (// tire jon brevet de fa poche, & le lui donne,) LACOMTESSE. . Deia. On a craint dV perdre un moment. (Elle l'otf vre ) lis fe font tant presfés qu'ils out oublié d'y faire mertre le cachet. SUZANNE, rentrant avec du tafetas gommê. Le cachet! a quoi? LA COMTESSE. A fon brevet. SUZANNE. Deja: LA COMTESSE. C'eft ce que je difois SUZANNE. Et la ligature ? LA COMTESSE. En allant chercher des hardes, preuds le ruban d'un de tes bonnets. SCÈNE V. LA COMTESSE, CHERUBIN. LA COMTESSE. Cl! omme ce ruban étoit celui dont la couleur m'agréoit le plus ie vous avoue que j'étois fort en colère que vous Teusfiez pris.  40 L E MARIAGE CHERUBIN, Celui-la ïn'eut guéri bien plutót. LA COMTESSE. Par quelle vertu ? CHERUBIN. Quand un ruban a ferré la tête, touché la peau d'une peribnne... LA COMTESSE, Etrangère, il a la vertu de guérir les blesfures; j'ignorois cette propriété la. J'en veux faire 1'esfai, & k la première bleslüre... d'une de mes fernmes... CHERUBIN* Et moi, je pars. LA COMTESSE. Non, pour toujours. (Chérubin pleure.) Allons: le voila qui pleure a préfent, c'eft ce Figaro avec fon pro< noftic. CHERUBIN. Je voudrois toucher au terme qu'il m'a prédit. ( Ön en* tend frapper a la porte.) LA COMTESSE. Qui frappe ainfi chez moi ? LE COMTE, endehors. Ouvrez ? LA COMTESSE. Ciel! c'eft mon époux. Oü vous cacher? LE COMTE, dehorst \ Mais, madame, ouvrez-donc? LA COMTESSE. C'eft que je fuis feule. L E C O M T E, en dehors. Mais vous parlès avec quelqu'un, LA COMTESSE. Mais avec vous apparemrnent. ( A Chérubin. ) CaCheztous vite dans ce cabinet.  d E F ï G A R O. +r cherubin. Après l'aver.ture de ce matin il me tueroit s'il nie trouVöit ici. ( II court dans le cabinet d droite qui fert dè chambre a Suzanne f la comtesfe renferme, prend la clef & va oïivrir au comte. ) SCÈNE VI. LE COMTE, LA COMTESSE. lecoMte. V ous n'étes pas dans 1'ufage de vous ertfermer, ma. dame. LA COMTESSE. Je chiffonnois avec Suzanne: elle eft pasfée» •. (Mtntrani Sa chambre des femmes. ) l e COMTE. Vous paroisfez bien drnue, madame? LACOMTESSE. ' Non, monfieur, point du tout, je vous asfuré. Nous parlions de vous : elle eft pasfée eomme je vous le difois. L e COMTE. , Je fuis ramené parl'inquiétude: il faut avouer, madamö, que vous , ou moi , fommes entourés de gens bien méchans! en mon tant a cheval 1'on m'a remis un billet par le. quel on m'apprend qu'Un particulier, que je crois bienloin. dok vous eutretenir ce foir, la COMTESSE. Quelque foit eet audacieux, il faudra qu'il pénétre ici r «ar mon desfein eft de ne pas quitter la chambre de la journèe. ( On entend quelque chofe tomber dans le cabinet oH «jl Chérubin.') l E COMTE. -Tadame, on vient de laisfer tomber un raeuble. f  44 LE MARIAGE. LA COMTESSE. Je n'ai rien entendu, monfieur, L E COMTE. II faut qiie vous foyez furieufement préoccupée... mai» il y a quelqu'un dans ce cabinet ? LA COMTESSE. Qui voulez-voüs, monfieur, qu'il y ait? L E COMTE. Madame, c'eft moi qui vous le demande? j'arrive. LA COMTESSEC'eft Suzanne apparemmïnt qui range. I. E COMTE, montrant l appartement des femmes. Mais, madame, vous m'aviez dit qu'elle étoit pasfée ladedans. LA COMTESSE. La, ou la; je ne fais. L E COMTE. Eh! bien, rraiame, il faut que je la vaye: forteZ, Su« zanne. LA COMTESSE. Mais, monfieur, elle eft a moitié nue: elle esfiye des babiis que je lui donne pour fes noces. (Pendant ce tems - ld Suzanne qui étoit dans la chambre des femmes pour prendre tm ruban. appercevant le comte, écoutt un ■moment ) L E C O M T E, Vêtue, ou non, je la verrai. LACOMTESSE. Par - tout ailleurs je ne peux 1'eiïipêcher : mais chez moi.... L E COMTE. Madame, vous direz tout ce que vous voudrez; flrais j6 Teux la voir. LACOMTESSE. je crois en effet} monfieur, que vous aimez beaucouji & la voir: mais,..  DE FIGARO. 43 LE COMTE, Eh bien, madame', fi elle ne peut pas fortir, au moins peu:-elle parler, (Se tou riant du cêté du cabinet) Suzanne, êtes-vous dans ce cabinet? répondez, je vous Tordonne. L A COMTESSE. Ne répondez pas, Suzanne, je vous Ie défends; mais, monfieur, on n'a jamais vu une pareille tyrannie En vérité , voila bien les foupcons les plus mal fondés.... ( Su« zanne s'eifuit, & fe cache derrière le lit de la comtesfe fans être vue ni du comte, ni de la comtesfe ) L E COMTE. Ils en font plus aifés a détruire. Vous demander Ia clef, ce feroit, je le vois, chofe inutile; mais il y a moyen de jetter en dedans cette légère porte. Hola! quelqu'uu? LA COMTESSE. Mais, monfieur Ie Comte, fur un pareil foupcan, vous allez vous reudre Ia fable du chateau. L E COMTE. f Vous avez raTon, & j'y fufarai bien moi. - même ..« je vais chercher un in ftr urnen t. LA COMTESSE, Enco,r fi c'étqit 1'amour qui vous infpirat cette jaloufie, je vous le pardonnerois en faveur du motif; mais a la feuIe vanité. L E COMTE. Amour, au. vanité, madame, je fauraï qui eft dans 9e cabinet.... mais afin que tout refte dans le même état, & que vous foyez pleinement juftifiee , permettez que je feime la porte de 1'appartement qui conduit chez vos femmes? vous , madame, vous aurez la bonté de me fuivre fans murmure, & fans bruit.... (77 lui donne la main lemmêne. ) Quand a la Suzanne du cabinet elle aura la bouté de m'attendre & le moins qui puisfe lui »rriver.... LA COMTESSE, fortant avec le comte* Mais, monfieur, en vériti... F Z  44 L Ë MARIAGE SCÈNE VII, SUZANNE, CHERUBIN, SUZANNE, fortant de derrière le lit de la com. tesfe, court au cabinet. C^hkrtjbin? ouvrez-vite, c'eft Suzanne, (C'iérubin euvre & fort du cabinet.') Sauvez - vous: vqus n'avez pas xm moment a perdre. CHERUBIN. Oü me fauver? SUZANNE. Je n'en fais rien: mais fauvez-v*»ns toujours. CHERUBIN, courant a la fexétre, & revenanf. Cette fenêtre n'eft pas bien haute. SÜZA'NNE, efrayée le re tenant. II va fe uier. CHERUBIN. Suzon, plutót que d'expofer madame la Comtesfe, je fauterois dans un abyme. (// embrasfe Suzon } court a lm fenêtre, & faute dam le potager. SUZANNE. Ah !... (elle tombe èvanouie dans un fauteuil: enfuite reprenaut fes fens peu a-peu, elle fe léve, rjf voyant Chérubin courir . dans le potager, elle revient re/pirant d peine fur lebord de la fcène. ) II eft déja bien loin...'. le petit garnement eft ansfi lefte que joli. . . fi celui-la manque de femmes... (_Elle court au cabinet.) A préfent monfieur le Comte, frappez tant qu'il vousplaira, brifez les portes, au diantre qui vous répondra.( Elle entre dans. te cabinet, & ferme la porte fur elle.-)  BE FIGARO. 45 SCÈNE VIII. LE COMTE, LA COMTESSE. L E COMTE, mettant, fur un fauteuil, une hacke qifil avoit apportóe pour enfoncer la porte. M adine, réfléchisfez-y bien avant de m'expofer a brifer cette porie. LA COMTESSE. Ah! monfieur, de grace. LE COMTE, fe met en devoir d''enfoncer la porte. Je n entends rien. LA COMTESSE,/; jettant a fes génoux. Eh bien! j'ouvrirai, je vous domierai la clef. L E COMTE. Ce n'eft donc pas Suzanne qui eft dans ce cabinet? LA COMTESSE. Du moins ce n'eft perfonne qui puisfe vous donner de 1'ombrage. L E COMTE. C'eft un homme, je le tuerai.... indigne époufe.' vous vouliez garder la chambre, vous la garderez lonatems je vous asfure. Voila donc les billets expliqués & mes founcons éclaircis! LA COMTESSE. Daignez m'écouter un moment. L E COMTE. Qui donc eft dans ce cabinet ? LACOMTESSE., Votre page, F 3  4<* LE MARIAGE L E COMTE. Chérubin, ce petit fcélérat? ... qu'il ne paroisfe pas k jnes yeux. Je ne m'étonne plus li vous étiez fi éraue tan tóe. LA COMTESSE. Nous dispofions une piaifanterie bien innocente, en Vé-ité. LE COMTE, lui arrache la elef, £? va au cabinet:la comtesfe fe jette a fes pieds. Degrace, monfieur, épargnez eet enfant, & que le de*, fordre oü vous 1'allez trouver.... L E COMTE. Comment, madame, que vqulez-vpus dire, quel défordre? LA COMTESSE. Out, monfieur, prét a changer d'habit, tout décolté, les bras nuds... LE COMTE, court au cabinet, & la comtesfe fe laisfe aller dans un fauteuil en ditournant la téte. Sortez donc, petit malheureux. SCÈNE IX. LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE. LE COMTE, voyant fortir Suzanne du cabinet. TFT JCu/H!. . c'eft Suzanne. (Apart.) Ah! quelle école. SUZANNE. f Jele tuerai, je,le tuerai,,.. Eh bjen! tuez-donc ce mé$ant pag^e ?  DEFIGAROi 47 LE COMTE* d Is Comtesfe, sul, appercevant Suzanne , refle dans la plus grande furprilè. Èt vous ausfi, madame, vous jouez 1'étonnereént. LACOMTESSE. Eh! pourquoi non, monfieur? L E COMTE. Mais, peut-être n'eft elle pas feule dans ce cabinefi voyons. (II entre dans le cabinet. ) SUZANNE, courant d la comtesfe. Madame, il eft bien loin, il eft fauté par cette fenêtre, ausfi léger que les vents. LA COMTESSE. Suzanne! je fuis morte. L E COMTE, (d part) venant du Cabinet. II tfy a perfonne, & pour le coup j'ai tort. (A la couptesfe.) Madame, vöus jotiez fort bien la comédie. SUZANNE. Et moi donc $ monfieur- L E COMTE. Èt vous ausfi, mademoifelle... LA COMTESSE. N'aimez-vous pas mieux Pavoir trouvé que Chérubifittfol générai vous aimez asfez a la rencontrer. SUZANNE. Madame n'avoit qu'a voUs iaisfer brifer les portes; ap* peller les gens... LA COMTE. Oui, tu as raifon; c'eft a moi de m'humilier- En vcnte**' je fuis d'une c nfufion! mais pourquoi ne repondois-tupaSj cruelle fillC, lorsque je t'appellois? SUZANNE. Je m'habillois de mon mieux a grand renfort d'épingles,' & madame, qui me le défendoit, avoit bien fes raifons. L E COMTE. Au lieu de chercher a aggraver mes torts, aide-moi pl«tot » obtenir mon pardon,  48 LEMAR tAGÈ LA COMTESSE. Suis-je donc unie avous pour être èternellement dévoüe'ig h la jaloufie & a 1'abandon que vous feul fayez eoncilier!.. < je vais me retirer aux Urfelines, & ... L E C 0,M T E. Maisj Rofine. LA COMTESSE. Je ne le fuis plus cette Rofine que vous avez tant aimée: le tuis la pauvre comtesfe Almaviva, époufe delaisfée du plus Jaloux époux. L E COMTE. Mais en vérité, eet homme, cette lettre m'avoient tourné le fang. LA COMTESSE. Je n'y avois pas confenti. L E COMTE. Quoi! madame, vous faviez ?... LA COMTESSE. Et c'eft eet étourdi de Figaro, qui, fans ma particW tion.... , L E COMTE. . II;en étoit... - & Bazile qui m'a dit la tenir d'un paffan. Perfide chanteur! c'eft toi qui payeras pour tout le monde. LA COMTESSE. Vous demandez pour vous un pardon que vous n'accordez pas aux autres .... fi je 1'accordois ce ne feroit qu'a condition quel'amneftie feroit générale. I L E e O M T E. Eh bien! madame, a la bonne heure, j'y êbrJfen«..ij ttais je fuis encore a concevoir comment votre fexe fait prendre fi vïte & fi jufte. 1'air & le ton des circonftances: vous êtiez fi troublée. Eh bien! tenez, madame,... «1 vérité vous 1'étes encore ... LA COMTESSE. Les hommes font ils asfez délicats pour diftinguer 1'fndig-  DE FIGARO. 4$ nation d'une ayne honnête, injuftement foupconnée, de la confufiun du crime. L E COMTE. Nous autres hommes nous croyons valoir quelque chofe en politique, nous ne fommcs que des enfans: c'eft vous, c'eft vous, madame, que le Roi devoit nommer ambasfadeur a Londres... oubliez madame, oubliez cecte avanture ; elle eft fi humiliante pour moi. LA COMTESSE. Elle 1'eft pour nous deux, monfieur. L E COMTE. Daignez donc répéter que vous me pardonnez. LA COMTESSE. Eft-ce que je lui ai dit Suzon? SUZANNE. Je ne m'en resfouviens.pas. L E COMTE. Eh bien! que ce mot vous échappe? LA COMTESSE, Le méritez-vous ingrat! L E COMTE. Oui, madame, en vérité, par mon repentir^ LA COMTESSE, lui donnant la main. Que je fuis foible! quel exemple je te donne, Suzanne l on ne croira plus a la colère des femmes. SUZANNE. Laisfez - nous prifonnie.-e fur parole, & vous verrez fi nous fommes gens d'honneur. q  ja LE MARIAGE S C E N E X. LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE, FIGARO. FIGARO, »■ Cl^n m'a dit que madame étoit ineomraodêë. L E COMTE. Ah ! quelle attemion. FIGARO. Et c'eft mon devoir. Ah 9a, monfeigneur, pour quelle heure ordonnez-vous ta fête ? LE COMTE. Et qui furveillera Ia comtesfe au ch&teau? FIGARO. Elle n'eft pas* raalade. L E COMTE. Mais 1'homme du billet qui doft venir, FIGARO. Quel h'omme, & quel "billet ? SUZANNE. Tu épuife-eu vain ton imaginatiou. II n'eft plus tems dé disfimuler. FIGARO.' II n'eft plus temps... de disfimuler ? SUZANNE. Non: Nous avons tout dit. FIGARO. Vous avez tout dit'- dit quoi? ah 9a on ree traite ié comme un Bazile.  DE FIGARO. St LA COMTESSE. Figaro, le badinage eft confommé. F i G A R O. Le badinage... eft... confommé? L E C O M T EEh, oui, oui, oui confommé, Eh bien qu'en dis-tuf FIGARO. Je dis... je dis que je voudrois bien qu'on en put dire auiant de mon mariage. L E COMTE. Quand on ne me 1'auroit pas dit, ta phifïonomie me die asfez que tu ments. FIGARO. S'il eft ainfi, ce n'eft pas moi qui ments, c'eft ma phifïonomie. L E COMTE. Eh bien! 1'avoueras-tu enfin? FIGARO. Puisquemadame leveut, que Suzanne le veut, que vous le voulez, il faut bien que je le veuille ausfi: mais en, vérité, monfeigneur, a votre place je ne croirois pas un mot de tout ce que nous vous difons. LE COMTE. Toujours mentir contre 1'évidence, a la fin cela m'irrita. FIGARO,i«i Suzanne. Je 1'avertis de fon danger, c'eft tojt ce qu'un honnête? homme peut faire. SUZANNE, bas a Figaro» As-tu vfi Chérubin? FIGARO. Encore tout froisfé SUZANNE, haut. Oh! pécayere. LïCOMTEt Allons, comtesfe, fortons. NG %  LE M ARIAGE SCÈNE XL LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE, FIGARO et ANTONIO. ANTONIO, portant fous le bras un pot de gérofflée dont les fleurt font écrasfées. (L>A, monfeigneur, faitez donc grüler les fenêtres qui O donnent fur mes couches, on y jette toutes fortes de chofes; encore tout-a-l'heure il vient d'y tomber un homme. L.E COMTE. Un homme... & quel eft-il? ANTONIO. C'eft tout ce que je dis: II faut me le trouver d'abord. SUZANNE,i«« Figaro. Allerte, Figaro, allerte. A N T O N I O. Je fuis votre domeftique; c'eft moi qui fuis chargé, du foin de votre jardin ; il y tombe un homroe, & vous fentez bién que :ma. réputation .en eft effleurée. Voyez comme mes gérofflées font anangées. FIGARO. Monfeigneur, il eft gris dés le matin. ANTONIO. Vous vous trompez.- c'eft un petit refte d'hier au foir. Comme on fait des jugemens... ténébreux. FIGARO. Tu boiras-donc toujours ? ANTONIO. Si je ne buvois pas je deviendrois enrageais. L E COMTE, dAntoms. Me répondras-tu, ou je te chasfe?  DE FIGARO. 53 ANTONIO, mettant le doigt fur fon front. Eft-ce que ie m'en irai donc? Si vous n'avez pas asfeZ de 9a ( montrant fa téte ) -.. pour garder un bon domeflïque, je ne fuis pas asfez béte, moi, pour renvoyer un fi bon maitre. LE COMTE. Mais le reconnoitrois tu ce: homme ? ANTONIO. Oui:... fi je l'avois vü pourtant- SUZANNE, bas d Figar». II ne Ia pas vü. FIGARO, a part. Bon. L E COMTE. Eh bien.' après? ANTONIO. J'ai bien voulu courir après; mais je me fuis bailld contre la grille une fi fiére gourde a la maiu, que je ne peuxplus remuais ni pieds ui pattes de ce doigt-la. FIGARO. Eh bien! combien te faut-il pleurard avec tes gérofflées? Monfeigneur, il ne faut pas chercher plus loin: c'eft moi qui fuis fauté. L E COMTE Comment! c'eft vous? FIGARO. Oui, monfeigneur ! j'étois dans 1'appartement des femmes, en veile blanche; il fait un chaud!... J'attendois ma Suzanne, lorsque je vous ai entendu La peur ma prife au fujet du billet de tantót, & je fuis fauté fur fes couches, oü je me fuis même un peu foulé le pied droit. ( II porte la main d fon pied droit, comme s'il fouf. froit.) ANTONIO. Combien te faut-il pleurard?... Vous êtes donc bien grandi depuis ce tems - la; car vous étiez bien plus moindre, & plus fluet. G3  54 LE MARIAGE, FIGARO. Ah! c'eft que quand on tombe, on fe pelotonne.' ANTONIO. M'eft avis qu.e ce feroit plutöt un gringalet de Page. L E COMTE. Chérubin ? FIGARO. Oui: revenu tous expres de Séville, oü il eft peut-être avec fon che\aj. ANTONIO. Non non, je ne dis pas 9a, je ne dis pas ca: je n'ai pas vu fauter le cheval, moi. FIGARO. L'imbécile i ANTONIO, Pis-que c'eft vous qui êtes fauté , il eft jufte que je vpus donne un brinborion de papier qui eft tombé de vótre poche. LE COMTE, prenant le papier. Un pspier! donne? (A Figaro.) Puisque ce papier vous app irtient, nous ferez-vous la grace de nous dire ce quec'eft? lapeurne vousl'auroit pas fait oubli.erpeut-être? FIGARO. Non, certainement; mais j'en ai tant! 11 faut répondre a tout. (II fouille dam toutes feslpoches, & tire plufiew s papiers.) Ccci eft Ia Iettre de Marceline en quatre pages: elle eft belle... Ceci eft 1'état des meubles du perk chateau.... Ne feroit-ce pas la requète de ce pauvr? braconnier en prifon? Ah.' la voila. (II déploye plufieurs ■papiers.) LI COMTE. Eh bien! 1'homme aux expédiens , vous ne devinez-pas ? ANTONIO, s'approc'te vers Figaro, & lui dit d Foreille fort haut. Monfeigneur dit, fi vous ne deviuez pas?  D E F I G A R O. S% FIGARO, le repousfant pour Cihigner. Fi donc le vilain qui me parle dans le ne~ je veux aller faire un tour iar la terrasfe pour y re ver. H 2  6o: LE MARIAGE SCÈNE XV. LA COMTESSE, SUZANNE. SUZANNE, apportant a la Comtesfe Ja canne, & fon masqué. 3El est charmant, Madame, votre projet! Je viens d'y réfiéchir: il rapproche tont, il concilie tont, & quelque chofe qui puisfe arriver, mon mariage est asfiiré, (Suzanne fort avec la Comtesfe en lui baifant la main,) Fin du Second A£ie. SCÈNE XIV. LA COMTESS E,feule. JLl eft bien effronté mon petit projet.' (Appercevant fur un fauteuil fon ruban quelle avoit repris d Chérubin. ) Ah' mon cher ruban, va, tu ne me quitteras plus. Tume. inppelleras la fcène oti ce malheureux enfant... Ah! monfieur le Comte, qu'avez-vous fait? (Elle met le ruban dans Jon fein.~)  DE FIGARO. 61 ACTE T 1 O I S I E M E. La fcène repréfente une falie cVaudience. Le fauteuil du comte est au milieu fur une eftrade: des fauteuils d coiê font pour les confeillers: deux bancs fur les cötés pour les avocats: Au bas de Veftrade du 'comte est la tab Ie & le tabouret dugrtffter. SCÈNE PREMIÈRE. LE COMTE, PED RILLE, en holtes fortes& unfouet d la mailt. L E COMTE, donnant a Pédrille le brevet. 3£?edrille , vole tout d'une haleine a Sèville. P E D R I L L E. U n'y a que trois lieues ,• mais elles font bo nnes. L E COMTE. ■ Informe-toi fi le Page eft arrivé. PEDR1LLE. A 1'hótel, Monfeigneur? L E COMTE. Oui: & remets-lui ce paquet. P E D R I L L E. Et s'il n'eft pas arrivé ? LE.COMTE. Reviens plus vite m'en inftruire.  62 LE MARIAGE. PEDRILLL Je pars. Qll fort.) SCÈNE III. LE COMTE, FIGARO. L E COMTE,./* croyant feul. JL. ach o ns ausfi de découvrir s'il fait mes desfeins fur Suzanne, & fi elle a jafé, je lui fais époufer la vieille... Mais que ferons-nous de la jeune? FIGARO,^ part. Ma femme, s'il vous plait'? LE COMTE. Qui eft la? (Voyant Figaro.) Mais je m'ecarte. FIGARO,^ part. II veutnie fonder; voyons le venir, & jouons ferré. L E COMTE. Figaro, je devois t'einmener a Londres. FIGARO. Monfeigneur a changé d'idée ? LE COMTE. Plufieurs raifons m'y ont détenniné: premiórement tu ne fais pas 1'Anglois. FIGARO. Je fais god dem. L E C O M T E, Qu'eftce que tu dis? FIGARO. Je fais god dem: c'eft une belle langue que PAngiois; il en'faut peu pour aller lom. Avec god dem, en Angleterre, on a rout ce que 1'on veut •., Voulez-vous tater d'un bon poulet gras? cntrez dansnnè taverne, faites feulement ceci, (;7 fait le fig::e de quelqii'ün qui tourne la broche) & dires god dem, on vous apporte un pied de bosuf falé fans pain. Voulez vous goüter. ti'une bonne bouteille de Bonr gogne, Oliede claret? (II fait le gefle de quelq-unn qui débouche üne bouteille ) Dites god dem , . on vous fert un pot de biet-re en bel etat, la mousfe au bord; c'eft charmant. Voyez-vous, a la promenade, unede ces belles qui vonr les yeux baisfés, trottant menu, les coudes en arrière & tortillant des hauches? Mettez mignar.lement les doigts réunis fur la bouche, & dites: god dem, elle vous flanque un grand foufflet de crocheteur, preuve qu'eile entend...  DE FIGARO H Ou fait bien que les Anglois mettent encore dans Ie discours quelques mots par-ci, paria; mais il n'eft pas difïicils d» foir que god dem eft le fond de la langue. LE C O M T E, part. Bon: il a envie de venir a Londres. Suzanne n'a pas •jafé. F I G A R O, d part. Aótuellement travaillons-le un peu dans fon genre. L E COMTE, appelle Figaro du doigt, Figaro approche, G? le tjmte lui pas fe amicalement le bras autour du cou. Figaro, dis-rnoi donc quel motif avoit la Comtesfe pour me traiter comme elle a fait tantót ? FIGARO. Monfeigneur, vous le favez mieux que ffioi. L E COMTE. ■•. CnfVf'elle a me reprocher?, Je vais au-devant de tout ce qui lui fait plaiflr; je la comble de préfens. FIGARO. Oui. mais vous êtes infidele: fait on gré du fupèrflu. ;1 qui nous privé du nécesfaire? L E COMTE. Figaro, autrefois tu me difoi; tout FIGARO. Et maintenant, Monfeigneur, je rie vous cache rien. L E COMTE. Combien la Comtesfe te donne-t'elle pour cette belle affociatiorf? FIGARO. Combien -me donnates-vous 'pour la tirer des mnins du doóteur? Tenez, Monfeigneur, n'avilisfons pas 1'homra* qui nous fert bien, de peur d'en faire un mauvais valet L E COMTE. Mais pourquoi y a-t-il du louche dans tout ce que tu dis & ce que tu fais? ï  ZE M A R ï A & & FIGARO. C'eft qu'on en trouve toujours quand on clierche iz% torts. LE COMTE- Je t'ai.vu vingt-fois courir a la fortune. FIGARO. C'en eft fait, Monfeigneur, j'y ai renoncé* L E COMTE. Ah ! par exemple, voila du nouveau. FIGARO, Que voulez-vous, Monfeigneur? Ia foule eft-Ia, chacrw y court, on fe coudoye, le grand nombre eft écrafé-^oury arriver, & fauve qui peut. LE COMTE. Tu fes fait 1» plus affreufe réputation. FIGARO. Si je vaux mieux qu'elle? y a-ril beaucoup de feigneuf!* qui en puisfe dire autant? L E COMTE. Ainfi tu n'a pas envie de venir a Londres? FIGARO, d part. A mon tour a préfent. (Haut ) Monfeigneur m'a donné te conciergerie du petit chateau ,• 'c'eft un très-joli pofte. 1! eft vrai que je ne ferai pas le eourier étrenné des nouvelles intéresfantes; mais ausfi, tranquille avec ma femme au fond de 1'Andaloufie... L E C O M T E. Qui t'empêche de 1'emmener avec toi a Londres? FIGARO. Je ferois o'bligé de ia quitter fi fouvent... J'anrois bientót du manage... par deslus Ia tête. L E COMTE,* part. Je crains bien que Suzanne n'ait jafe. (Haut) Avec des tflens & dil'esprit, ta pourrois t'avancer dans lesbu' reaux.  D.EFIG4RQ* 67 FIGARO. De 1'esprjc pour s'avancer ? Monfeigneur fe rit du rnieu» jnédiocre cc ranipant, fon arrivé a tout. L E COMTE. D'ailleurs, tu aurois pu apprendre fous moi lapolitique. FIGARO. }c !a fai?. JL, E COMTE, Oui, comme 1'Anglois, le fond de la langue. FIGARO. Oui s'il V avoit ici de quoi fe vanter: mais avoir fair de favcVce que 1'onnê fait pas; feindre d'ignorer ce qü'oh fair paroïtre entendre ce qu'on ne comprend pas; nepomi ouïr ce que 1'on entend; fur tout voir au-dela de fesforces; av'oir pour grand fecret de cacher qu'il n'y en aaucun; s'enfenrer pour tailler des plumes, quoiqu'on ne foit. com. me on dit que vide & creux; jouer un perfonnage bien ou mal - répandre desespions; penfionner des traitres; amolir des cachets; intercepter des lettres; cacher la petitesfe des moyens par 1'importance de 1'objet; voila toute la politique: L E COMTE. • Mais c'eft 1'intrigue que tu définis-la. FIGARO. L'intrigue ou la politique; comme je le crqis un peu germaine?. •. • Au refte, faime mieyK ma mie au gui, comme dit la chanfon du bon roL LE COMTE, apart. Suzanne a trahi mon fecret: je lui fais époufer i* Vieille, FIGARO, apart. Tel'enffle, & le paye en, fa monnoye: il a voul» jouer au fin avec moi, qu'a-t il appris 1 L E COMTE. Ainfi, tu crois gagner ton procés? FIGARO. Puisque Monfeigneur ne fefait pas fcrupule de MUlfouf-  68 LE MARIJQE fier toutes les jeunes, pourquoi me feroiril un crime de ïgfufer une vieille? . • LE C O M TE. Au tribunal , le magiftrat s'oublié , H ne connolt que üordonnance. •. - FIGARO. Oui: indulgent aux grands, dur aux petits. LECOMTE Crois-tu donc que je plaifante? FIGARO. Et qui fait, Monfeigneur? Tempo & galant homo .. di ftaliano; c'eft lui qui m'apprendra.... Efl-ce la tout ce que Moüfeigneur me vouloit? L E COMTE, Vois s'il ne manque rien dans cette falie pour 1'audicnce.' FIGARO. Tout eft prêt le grand fauteuil pour Monfeigneur; les chaifes pour les prud'hommes; le tabouret pour le greffier; Jes deux bancs pour les avocats; le parquet pour les hou,* nêtes gens, & la canaille derrière. SCÈNE IV. LE COMTE, feul. e dróle-la fait toujours prendre fes avantages: il vapg ferre. il vous entortille.. . Ah! fripon & friponne, vous ■vous entendiez pour me tromper! Soyez amants, foyez -amants, foyez amis, foyez tout ce qu'il vous plaira; m?.is parbleu pour époux... *s  Fj E FIGARO. 69 SCÈNE V. LE COMTE, SUZANNE. SUZANNE. • ' M ons e igneur, Madama a fes.vapeurs: je viens volis demander' fvn flacon de iel d'Angieterre: 'je vais vous le rapporter dans un moment. LE' COMTE, d'un air irès-froid. Mademoifelle. SUZANNE., Monfeigneur eft en colère? L E COMTE, lui donnant fon flacon. Tenez, Mademoifelle, gardez-lepour vous même, vous er. aurez bientót befoin SUZANNE. Monfeigneur, eft-ce que les femmes de mon dtat ont des vapeurs? C'eft un mal de condition qui ne fe gagne que dans les bqudoirs L E C Q M T E. TJne fiancée qui perd fon fiancé, & qui le voit dans les bras d'une autre... SUZANNE. Monfeigneur, en payanr Marceline avec la dot que vous 111-avez promife... L E COMTE. Je vous ai promis une dot, moi ? SUZANNE. J'avois cru 1'entendre. L E COMTE. Oui: fi vous vouliez m'entendre a votre tour? SUZANNE. £st-ce que mon devoir n'eft pas d'écouter Monfeigneur? 13  L B M A- R I A G E L E COMTE- Eh! cruelle fille, que ne me le difois-tu donc ce matin $ SUZANNE. Et le Page qui étoit derrière le fauteuil, L E COMTE. Ellearaifon: mais pourquoi étois tu fi rebelie lorsque Bazile te parloit pour moi? SUZANNE. Monfeigneur, quelle nécesfité qu'un Bazile... LE COMTE. Elle a raifon. toujours raifou .... (A part.) Avec un gain de capiice j'eh rafolerai. (Haut.) Ainfi tu te rcndrois ce foir au jardin? SUZANNE. Monfeigneur, eft-ce que je ne m'y prornene pas tous l.s' foirs? ' L E COMTE. Entendons-nous, Suzanne: poiu de rendez-vous: poiat de dot, pointMe mariage. SUZANNE. Mais ausfi, point de mariage, point de droit du feigneur, LE C O M T E. Charmante! mais oü prend elle tout ce qu'elle dit? Vas donc, Suzanne; tu oublies que ta maitresi'e rattend. S U Z A N N E, lui reniant le flacon. Eh! Monfeigneur, pouvais-je vous parler fans un prétexte? LE COMTE,^ part s"en allant Charmante fille.' ft je 1'avois eu fans débats elle aurait été mille fois moins piquahte.  » E P 1 G A R É. ft SCÈNE VIL LE COMTE, feul, ayant entente Suzanne, ** UPlaide tant que tu voudras, tu viens de g.igner ton proces." Ah! je donnois-Ia dans un peau piege. flhl mes infolens! mais je faivrai m'en venger Un bon arrêt, la... bien julle. Oui... mais s'il alloit payer. •. bon payer, avec quoi? & d'ailleurs, n'ai-je pas le fier Antonio dons le noble orgueil doit dédaigner un Figaro , un inconnti pour allié. Dans le vafte charrp de 1'intrigue il faut tout eultiver, jusqu'a la vanité d'un fot. SCÈNE VI. SUZANNE, FIGARO. FIGARO. £])uest-ce donc que tu fais-la, mignpnne? ^» SUZANNE. A préfent, Figaro, plaide tant que tu voudras, tu viens de gagner ton procés: viens, viens, je vais te couter cela. (lis Jortent. y SCÈNE VIII. DOM G t1 S MAN-B R I DE-OI S ON, LE DOCTEUR, MARCELINE. M,A R C E L I N E. «ns iel'r, je viens vous conter mon affaire,  L E M A P f A G E, BRI DE OISON. Êh bien! j'a-fons én verbalement. LE DOCTEUR. O'eft une promesfe de mariage. MARCELINE. Accompagnée d'un prêt d'argent. BRIDE-OISON. j'en-entends, vous avez la-a fomme? MARCELINE. Non, Monfieur; c'eft lui qui me la doit, 6 R I D E - O I S O N. j'eirentends bien; vou-ous voulez qu'il vou-ous paye. MARCELINE. Non, Monfieur., . BRI D E - O IS O N. Mais j'en - entends fort bien II ne veut pas vou-ous payer? MARCELINE. Eh! non , Monfieur; c'eft lui qui ne veut pas m'époufer. B R I D E - O I S Ö N. Eft-eft-eft ce que vou-ous croyez que je ne vou-ous esfends pa donc? MARC E L I N E, bas au DocJeur. Ou fommes-nöus? ( Haut a Bride-Oifon. ) Monfieur', eft-ce vdus qui nous jugerez? BRIDE-OISON, riant. .. Eft-eft eft-ce que ja'i a:acheté rna-acharge poür atf-amre chofe donc? MARCELINE. C'eft un grand abus que de vendre les charges. BRIDE-OISON. Oui: on-on feroit bien-en mieux de nou-ous les donner pou-our rien , n'elt-ce pas? con - ontre qui plaidez- vou-ous donc?  DE FIGARO. 73 SCÈNE IX. LE DOCTEUR, MARCELINE, B R I D E-0 i S O N , FIGARO. MARCELINE, voyant entrer Figars. ontre ce malhonnête hornrne-la. BRIDE-OISON. Mais, j'ai-ai vu ce garcon que'elque part? FIGARO. A Séville, Monfieur, chez Madame votre époufe, pour ta fervir. BRIDE-OISON. Dan-ans quel tems? FIGARO. Un peu moins d'un an, avant la naisfance de Monfieur Votre rils cadet, qui eft un joii garcon, je m'en vante. BRIDE-OISON. Oui; c'eft-eft le plus jo-oli de tous,... On dit que tu-iï fais de-es tiennes ici ? FIGARO. Ah! Monfieur, une mifére. BRIDE-OISON, riant. Ah! une mi-ifère, une pro omesfe de ma-ariage. A-as tu vu le greiKcr, ce bon ga-arcon mon fecrétaire.? FIGARO. Double-main ? BRIDE-OISON. ©ui: ah ï c'eft qu-'il man-ange a deux rateliers. K  7te LE MARIAGE F I G A R O. II mange '■ je vous garantis qu'il dévore. BRIDE-OISON. Eh bien I'a as tu vu? FIGARO. Si je l'ai vu! & pour rextrak & pour le fu?lément d'extrait; quefais-je, moi? BRIT/E-OISON. Oui: tu a-as rempii la-a forme. FIGARO. Si le fond des procés appartient aux plaideurs, on fait bien que la forme eft le patrimoine des tribunaux. BRIDE-OISON. Cé ga-ar£on-Ia. n'eft pa-as fi béte qr:e je 1'a-avois cru da-abord.... Si bien donc, que tu-u cro-oyois gagner ton-on procés ? FIGARO. Oui: avec mon bon droit & votre équité, quoique vous foyez de notre juftice. BRIDE-OISON.' Oui: je-e fuis de la ju-uftice; mais fi tu-udois, ét que tu-u ne pay-aye pas?... FIGARO. Allons, Monfieur voit bien que c'eft cömme fi je ne de« vois pas. ERIDE-OISON. 11 a-a raifon. (Figaro fe met a rire.)  DE FIGARO. ?s K 2 SCÈNE X. LE DOCTEUR, MARCELINE, FIGARO, BRIDE-OISON, L'tf OISSIE R-A UOIENCIER, LE COMTE, TROIS CONSEILLERS, DOIBLE-MAIN. L'H U I S S I E R-A udiencier., Yoi la Monfeigneur, Mesfieurs. QBride-Oi/on, & ies autres s'avancent pour receroir ie Comte.') . 'le comte. En robe, Bride-Oifon ! c'eft une affaire domeftique , les habits de ville étoient asfez bons. BRIDE-OISON. La-a forme, Monfeigneur. Te-enez tel qui-i fe rit d'un, un iuee en ha-habit court, tremble a 1'a-aspect: d'un pro. ocureur en-en robe. La-a forme, Monfeigneur, la-a forme. L E COMTE. Faites entrer 1'audience. • L'HUISSIER AUDIENCIER. L'audience, Mesfieurs. (Une foule de payfans entrent, Ö? fe rangent derrière les confeillers.) m  L E MARIAGE W^IW^^^ikJï "mink JpyrDsJr^ SCÈNE XI. LE COMTE, BRIDE-OISON, TROIS CONSEILLERS, DOUBLEMAIN, L'HUISIER-AUDIENCIER, LE DOCTEUR, MARCELINE, FIGARO. Le Comte s'asjied dans le fauteuil fur PeflraSe; les Confeillers & Bride- Oifon dans les fauteuils qui font en bas de celui du Comte; Doublé - Main Jur Tin tabouret devant une petite table ; Figaro au bout du banc; les avocats d la gauche du Comte; Mar* celine & le DoSteur au bout du banc d droite. BRIDE-OISON. ou-ouble-Main, a-appellez les pla-acets. L'H U I S S I E R. Silence, Mesfieurs. DOUBLE-M A I N, tenant un placet. Noble, três-noble, infiniment noble, Dom Pedro Georgès Ida!go Baron de Liufalto-Petros-montes ; Aüomontes. Contre Dom Caldérode , auteur tragique. II s'agit d'unf tragédie mornée, que chacun ienie, & rejette fur 1'autre. LE COMTE, lis out raifon tous deux: ordonnons qu'ils en recommenceront une enferable: mais afin que 1'ouvrage marqué dans le grand monde, le noble y mettra fon nom; lepoëte fon talent. D O U B L E-M A I N. Silence donc, Mesfieurs,  BE FIGARO 77 L'HÜISSIER. Silence, Mesfieurs. DOUBLE-MAIN. Dom Petrocio laboureur. Contre le receveur des tailles, II s'agit d'un forcement arbitraiie. L E COMTE. La ferme n'eft pas de mon resfort. Je ferviiai mieux mes vasfaux en les protégeant pres du Roi: Pasfés. DOUBLE-MAIN. Aga , Raab, Juditi, Madelaine, Nicole, Marceline de Verte Allure. Contre ... Figaro, nom de baptême en blanc. FIGARO. Anonime. BRIDE-OISON. A-Anonime: que-el eft ce pa-atron la? FIGARO. C'eft le mien. DOUBLE-MAIN. Contre Anonime Figaro. Qualite's? FIGARO- Gentilhomme. L E COMTE. Vous êtes gentilhomme ? FIGARO. Si le ciel Feut voulu je ferois le fi!s d'un PrinceJ DOUBLE-MAIN. Contre Anonime Figaro, gentilhomme. Le Doóteur Bartholo piaidant pour ladite Marceline de Verte Allure, & ledit Figaro pour lui même, fi la cour le permet, contre le votu de 1'ufage. FIGARO. L'ufage, maitre Doublé-Main , eft fouvent un abus Les partics favent toujours mieux leur caufe que certains avocats qui fuant a fmid, "crient a. tue tête; fachant lout, hors Je fait; s'embarasfant ausfi peu de 1'intcrét de leurs clients, que d'ennuyer 1'auditoire & d'enüormir Mesfieurs; ausfi  jr8 LR MARIAGE bourfoufflés après cela que s'ils eusfent compoféi/Vrf//a pro murena: moi, 1'ai finï en deux mots. (Setournant 'vers le Comte & les Corfeillers.) Mesfieurs... DOUBLE-MAIN. Taifez-vous, taifez vous: en vola beaucoup trop. Vous tfêtes pas demandeur, & vous n'avez que la defenfe. Approchez, Doóteur j & lifez la promesfe. LE DOCTEUR, lifant. , je reconnois avcir re9U de Nicole Marceline de Verte „ Allure, la fomme de deux mille piaftres fortes, que je promets lui rendre a fa première rèquitition t:ans le cha„ teau d'' goas-Frescas, & je 1'épouferai." Mes concluclufious te,ndent a 1'exécution de la promesfe & au payement du billet ... Mesfieurs, jamais caufe plus intéreslante ne fut foumife a la décifion de la cour, & depuis Alexandre le Grand qui fit une promesfe de maiiage a la Reine Taleitris... L E COMTE. Doc"bur, avant d'ailer plus loin; convient-on de Ia va. lidité du biliet? FIGARO. II y a, M-'sfieurs, malice, erreur, ou diftraftion dans 3a maniere dont on a lu le billet,- car il n'y a pas ., que je promets lui rendre dans le chateau d'Agoas-Frescas & je 1'épouferai; mais ou je 1'épouferai" ce qui eft bien différent. L E C O M T E. Comment y a t il fur le billet? LE DOCTEUR. II y a 6? FIGARO. II y a ou. BRIDE-OISON. Dou-ouble main, prenez la-a promesfe, & lifez-la vouous même. DOUBLE-MAIN. Oui: car les panier font fouvent infidèles dans leur lec  DE FIGARO. 79 lure- (Se tournant vers les auditeurs.) Mais, Mesfieurs, un peu de filence, donc ? L'HUI SS1ER-AUDIENCIEP,. Silence, Mesfieurs. DOUBLE-MAIN, lifant pendant que BrideOifon s'endort. „ Je reconnois... Marceline de Verte Allure..» dans le „ chateau d'Auoas-Frescas, &-.. été .. ou. . & ofl „ C'eft fi mal écrit, & puis il y a un paté. BRIDE-OISON, s'éveillant. Un pa»até: je fai ais ce que c'eft. LE DOCTEUR. Eh bien! Mesfieiws< a la bonne heure; point de chicanne : nous voulons bien qu'il y alt ou, & nous 1'uccordons. FIGARO. J'en demaude acte. LE DOCTEUR. Et nous y adhérons: mais je foutiens, que même en Ce cas, le coupable ne peut échapper Mesfieurs, en effet: cette fyllabe eft la copulative, oü , qui joint les deux membres de la phrafe. C'eft ainfi que 1'on dkoit, Mesfieurs, vous vous ferez faigner dans votre lit, oü vous vous tiendrez chaudement; ou dans leque! vous vous tiendrez chau. dement. Vous tiendrez deux gros de rhubarbe, ou^vous mêlerez un gros de tamarin -, ou dans lequel vous mêlerez un gros de tamarin. Ainfi, Mesfi urs: „ Que je lui ren„ drai dans le chateau d'Agoas-Frescas, ou je 1'épouferai.", C'eft comme s'il y avoit. „ Dans lequel je 1'épouferai." FIGARO. Cette fyllabe eft 1'alternative, ou, qui fépare les deux membres au relatif, & je foutiens que c'eft de la phrafe. C'eft ainfi que 1'on diioit, Mesfieurs: ou la maladie vous - tuera , ou la Médecine; oubien, ceferale médecinv Autreexemple: ou n'écrivez rien de bon, ou les fots s'élèverout con« tre vous -, ou bien, les fots s'élèverout contrevous. Ou les mé* ' chans vour dénigreront; ou bien, les méchans vous dénigreront: car, auditcas, fit ou méchant lont les fübftantifs oui gouverneur.. Ainfi c'eft comme s'il y avoit „ que je rendiaia iadite Marceline de verte Allure, dans le chateau d'Agcas-Frescas, ot! „ bien, j'épouferai la donzelle." Rien de, plus clair. MaJ-  f,s L E MARIAGE. tre Bartholo croit-11 donc que j'aye oublié ma fyntaxe? II parle latin; je fuis grec, moi; je 1'extermine. LE DOCTEUR. Ce n'eft pas le fens de la promesfe. FIGARO. Mesfieurs, il n'v a qu*a voir la ponétuation: que je lui promets rendre dans le chateau d'AgoasFrescas, virgule, ou je 1'èpouferai. / LE DOCTEUR. Sans virgule. FIGARO. Elle y eft. LE DOCTEUR. Elle n'y eft pas. FIGARO. Elle y étoit: on 1'aura gratée. Le Comte fe live, & les juges fe rèunisfent pour recueillir les opinions' LE DOCTEUR. Il n'y a que vous ici, qui foyez capable d'une pareille fripponneiie. FIGARO. Mattre Bartholo, défendez votre caufe ,• mais cesfez d'in» jurier Lorsque les tribunaux confide'rant que fouvent les parties perdroient une bonne caufe par 1'ignorance des moyens, on admit des tiers: mais ils n'ont pas entendu qu'il devinsfént des ïnfolents privilégiés: Ce feroit dégrader le plus noble inftitut. LE DOCTEUR. Bafte, bafte. MARCELINE, au Doóteur. On a corrompu le grand jtlge, il corroropt les autre-s, & j'ai perdu mon procés. L E DOCTEUR. J'en ai peur.  DE FIGARO., tl DOUBLÉ MAIN, entcndant Marceline. Ah! c'ell trop fort; ie vous dénonce, & pour 1'honneur du lifge, je demande qu'avant faire droit'fur 1'autre affaire, il foit pronoucé fur celle-ci. L E COMTE, s'asfyant. Non , greffier : je ne prononcerai pas fur mon iir'ure perfonneile Un juge Espagnol n'aura pa> a rougir d'un exces pareil, digne, tout au plus, des tribunaux afiaciques: c'elt asfez drs autres abus, j'en vais corriger un: je vais motiver inon anêt Tout juge qui sy refufe eft un grand ennëfni des loix. Si le défëudéür veut garder fa perfonne, è lui permis. FIGARO. J'ai gagné. ' L E COMTE. Mais comme le texte dit: „ je payerai ladite demoifelle, ou je 1'épouferai.V La cour condamne le défendeur a payer a ladi e demoifellela fbmroe de deux mille piastres fortes dans le jour, ou a 1'époufer. FIGARO. J'ai perdu. Le Comte descend de fon fiège , £>' les confetllers fe livent. ANTONIO. Superbe arrêt! FIGARO. En quoi fuperbe? ANTONIO. En ce que tu ne feras plus mon neveu. FIGARO. D'ailleurs, homme qui époufe n'eft pas tenu de débourfer. L E DOCTEUR. Nous nous marions féparés de biens. F 1 G A R O. Et moi de corps; puisque mariage n'eft pas quittance. L  U LE MARIAGE LE COMTE,* part. Me voila vengé: au moins cela foulage. ( A l'huis/Ier.') Fakes fortir 1'audience. L'HUISSIER-AUDIENCIER. Sortez, Mesfieurs. U huisper, les trois confeillers, £f tous les payfans fortent. SCÈNE XII. LE COMTE, BRIDE-OISON, L E DOCTEUR, MARCELINE. FIGARO, montrant Bside-Oifon, C^/'est ce gros enflé de confeiller la, qui eft caufe que j'ai perdu. BRIDE-OISON, Moi: eft-eft-ce que je fuis un gro-os enflé, moi. FIGARO. Mais ce n'eft pas encore fini; je ne me marierai pas fans le confentement de m s nobles parens. L E COMTE. Eh bien! oü font-ih? il crieroit qu'on lui fait injuflice. FIGARO. Qu'on me donne le tems, je fuis bien prés de les retrou. ver; y a quinze ans que je les cherche. Monfeigneur, quand même les riches étoffes dont j'étois couvert, les langes a dentelles & les bijoux trouvés lur moi par les bandits qui m'enleverent, ne prouveroient pas que j'étois né de parens riches, au moins le caraflère gravé fur mon corps prouve combien j'ctois un enfant précieux, & eet hiéroglyphe a rnou bras droit...  '» E FIGARO. 83 MARCELINE. Une espatïile a fon bras droit ? c'eft lui Dofteur. LE DOCTEUR. Eh'- qui? MARCELINE. C'eft Emanuel. LE DOCTEUR, d Figaro. Vous fütes enlevé , dites-vous, par des Bohémiens? FIGARO. | Tout prés d'un chateau. LE DOCTEUR. C'eft lui. FIGARO. Achevés.... Ah', cher Dofteur, rendez-moi a mes nobles pirens? des monceaux d'or n'arrèteront pas la recauuoisfimce de mon iiluftre familie, LE DOCTEUR, montrant Marceline. Voila ta mére. FIGARO. Nourrice. LE DOCTEUR. Ta propre mére. MARCELINE.Et voila ton père. Figaro témoigne tous les regrets d'un homme au défespoir. LE DOCTEUR, allant s'asfeoir fur le banc des avocats. Oh! haine de moi. (II fe cache levifage dans fesmains.) BRIDE-OISON. C'eft-eft clair, i-il ne 1'époufera-a pas- & ce chateau, cette no-oblesfe, vou-ous vous difiez genilhoaime; voila donc comme vous en impofez a la ju-uftice? L 2  «4 L E M A R ï A C E. FIGARO. La juflice? Elle alloit me faire faire une belle fotrife, elle alioit me faire époufer ma mére , après m'avoir fait vi> gtfois, pour ces maudits Cent écus, manquer d'asfommer monfieur, qui fe trouve aujourd'hui mon père. MARCELINE. Embrasfe-moi, mon fris, Vas, lorsque je t'aimois, c'étoit la nature qui agisfoit en moi. FIGARO. Et moi, fmftinct, ma mère, qui-me faifoit trouver de la répugnance a vous époi.fer. SCÈNE XIII. LE COMTE, BRIDE-OISON, FIGARO, LE DOCTEUR, MARCELINE, ANTONIO, SUZANNE. SUZANNE, amenée par Antonio. 3^dC oNsnzGN"ürt, voila la dot que Madame m'a don wé pour payer Marceline LE COMTE, d part. ■ Au diable ta iraltresfe; de quoi fe mêle-telle? (// fort) ANTONIO, montrant d Suzanne, Figaro qui ernbrasfoit Marceline. Tiens, tiens: les vois-tu comme ils font d'accords? SUZANNE. Ah! le perfide. FIGARO, d Suzanne. Que dis-tu, ma Suzannette?  BE FIGARO. 85 SUZANNE. J'eriaiasfez vu: ta lacheté, & ma fottife. (Elk s''en va. ) FIGARO,/* ramensnt, Avant de t'en aller, envifage-bien cette chère feinme-Ia. SUZANNE, toifant Marceline du ham en bas. Eh, bien! je la vois, F I G A* R O. Et tu Ia trouve ? SUZANNE. Affreufe. FIGARO. Etvive la jaloufie, morbleu: elle ne vous marchande pas. MARCELINE. Ne crains rien, ma Suzannette: le méchant qui te tourmen te eft mon fils- ANTONIO. Son fils'. C'eft donc de tout al'heure? F'i G A R O. Que je le fais- BRIDE-OISON. C'elt-eft clair: voila fa che-ere mère. MARCELINE,* Suzanne. Embraffez-moi, ma fille, & oublions que nous ayons jamais été ennemies. {Elle embrajfe Suzanne.') BRIDE-OISON, pleurant. Que-e je fuis donc béte ' je fuis tou-out attendri. MARCELINE. Et toi, Figaro ? FIGARO. Quoi! ma chère mère vous voudriez voir couler mes yeux comme deux fontainesï Tout a 1'heure je fentoismes larmes ciüler entre mes doigts fans pouvoir les arrêter: mais, va te promener la bonte, je veux rire, pleurer a la L 3  SS t E M, A R I A O E fois, je ne fentirai jamais le méme tems, entre ces deux chères femmes-la, SUZANNE,* Anttnio. Eb bien! mon oncle , aéluellement vous ne refuferez plus?.. ANTONIO. Les parties fe baille„t elles les mains? LE DOCTEUR, fe levant. Que ma main fe deffeche plutót que de la mettre dan» celle d'un tel dróle. ANTONIO. Vous n'ètes donc qu'un père maraire? LE DOCTEUR. O.li, onh ANTONIO. En ce cas, je ne donnerai pas ma niéce a celui qui n'efi 1'enfant de perfonne. BRIDE-OISON. Ett-eftce que 9a fe peut, imbéciie? On-on eft tou-oujours ren-enfant de quelqu'un. FIGARO, retcnant it Docïcur qui t'en v*. Ah' mm père 1 laiffez-vous toucher? SUZANNE , lui pasfant les mains fur les joues. Mon petit papa, nous vous aimerons, nous vous diérirons. MARCELINE. Monfieur le Doéteur n'entendez-vous pas la voix de la nature qui crie au fond de votre cceur? De felprit, de la fig ure FIGARO. Qui ne vous ont pas coüté une obole. LE DOCTEUR, pleuranr, Ouf, ouf, ne voila-t-il pas que je fuis ausfi béte que Mo, fieur. (Montrant Bride- Oifon) Embraffez , moi, mes enfans. (Jls s'embrajfent ) MARCELINE, * Figaro. Tiens, mon fils, voila ta promtfle^ & je te remets ta det».  DE FIGARO. «7 SUZANNE. Tiens, prends aiiffi cette dot; elle eft a toi. (Elle lui donne la bourfe que lui avoit donnée la Comtesfe.) FIGARO. Grand merci. ( Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline le Do&eur, fortent,) Fin du Troifiéme dele. SCÈNE XIV. BRIDE-OISON. v'la-t-il pas que je fuis aufïï béte que Mon onfieur... On-on fe dit bien ce-es fortes de cho-ofes la afoimême; mais... i-ils ne font pas po-olis du-utout , ces gens la. .  58 LE MARIAGE ACTE OUATKIEME. La fcène repréfente un grand & Zong falloit: on voit fortir du plafond, huit luftres, fur le bord de la fcène deux fauteuils, & derrière une table d écrire au fond du gallon eft une porte a deux battans ouverte , £? qui dom. e dans un autre fallon. SCÈNE PREMIÈRE. SUZANNE, FIGARO. FIGARO. JLljH bien, ma Suzannette! es-tu contente? tout réuffit au gré de nos vceux- Monfieur le Comte s'eft pris lui-raê. , me dans fes pioptes filets Tu avois une méchante rivale, j'avois un diable déchainé coiure moi, une furie acharnée contre mon mariage, tout cela s'eft changé en la meilleure des inéres : hier j'étois comme feul au monde, & voila que j'ai tous mes pare s aujourd'hui- Hs ne font pas, il eft vrai. aufïï brifans que je me les dtois galonnés ■ mais ne font-ils pas fuffifaos pour nous qui'n'avons pas la vanité des riches- SUZANNE. Le tems a amené des chofes que nous avions préparées, & ce que nous attendions n'eft cependant pas arrivé. \ FIGARO. La rortune, Suzon , nous fert fouvent mieux que nous. même; ainfi va le monde: on proiette. on machine d'un coté, Ia fortuin, exécute d 1'autre; & depuis faveugle mené par fon cliien, jufqu'au monarque qui voudroit  DE FIGARO. 8y «avahir la terre, touc va au gré de fon caprice : encore faveugle au chien eft-il fouvenc mené plus furement que 1'autre aveugle avec tout fon entourage' Pour eet aimable aveugle conduit par la folie ■ • . SUZANNE. L'amour ? FIGARO. Tu veux donc bien que, prenant la place de Ia folie, je fois le feul qui le condtiife a ta jolie mignonne porte? SUZANNE, L'amour & toi? FIGARO. Moi, & l'amour. SUZANNE. A condition que vous n'irez pas chercher d'autre gite. FIGARO. Si jamais c*la m'arrive, que mille milions de galants... SUZANNE. Ah! ,des fermens ■ • ■.. tiens, Figaro, dis-rooi feulement tta bonne vérite. FIGARO. Ma vérité la plus vraie? SUZANNE. Eft ce qu'on en a plufieurs, donc? FIGARO. Eh que oui! depuis que 1'on a vü que quelque foisfolie devenoit fageffe , & que de petits menfonges produifoient de bonnes groffes vériiés, on en i de route efpèce, & celles que 1'on fait fans ófer les divulguer; car toute vérité n'eft pas bonne a dire, & celles que 1'on vante fansyajouter foi; car toute vérité n'eft pas bonne a croire & les fermens pafïïonnés, les, menaces .des mères, les proteltations des buveurs, les promeffes des guis en place, le dernier mot de nos marchands, & •.. cela, ne linit pas. SUZANNE. J'aime ta joie, paree qu'elle elt gaie, vraie, qu'ellemontre la férénité de ton ame,.. parions un peu de uotre rendez vous avec mouüjur le Comte. M  |5 LEMARIAQg FIGARO. Plutót n'eu parions jamais, il a f.tilli me couter $g. zanne. SUZANNE. Et s'il m'attend au jardin ? FIGARO. • Qu'il s'y morfonde, & que ce fok fa punition, SUZANNE. II m'en a plus couté pour 1'accorder qu'il ne m'eu couts pour le revoquer. F I G A R O. Ainfi tu u'iras pas au rendez-vous? SUZANNE. Je te fe promets. FIGARO. Ta bonne vérité ? SUZANNE. Je ne fuis pas comme vous autres favans , je n'en ai, qu une , & je te le promets une fois pour toutes. FIGARO. Et tu m'aimeras un peu? SUZANNE. Ah ! beaucoup. FIGARO. Beaucoup '• ce n'eft guères. SUZANNE, Et comment donc? FIGARO. Tiens, ma Suzon, en fait d'amour, vois-tu, trop n'cfl pas même asfez. SUZANNE. J'e n'entends rien a toutes vos finesfes,' mais je n'aiius|aj jamais que mon mari. FIGARO. Tigns pajoje, & tu feras une belle exccption h rufage,  b E FIGARO pt SCÈNE II. SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE» SUZANNE. n quelqu'endroit que vous les cherchiez , croyez qu'ils fönt ènfemble: allons, Figaro, c'eft voler 1'avenir, & d'ailleurs monfieur !e Comte t'attend: il va te gronder. FIGARO, emmenant Suzanne. Je vais lui montrer mon excufe* LA COMTESSE, faifant figne d Figaro de laiifer Suzanne avec elle. Elle te fuit. (Figaro fort.) SCÈNE III. LA COMTESSE, SUZANNE. LA COMTESSE. tout préparé pour que nous puisfiöns cbanget d'habits ? SUZANNE. Madame j il n'en eft pas befoin, le rendez-vous n'auri ,pas lieu. LACOMTESSE. Comment» le rendez-vous n'aura pas lieu? SUZANNE. Figaro ne veilt pas. M I  t« >- L E MARIAGE LA COMTESSE. Vous me tro'mpéz : Figaro n'eft pas homvne a laisféï échapper une dot r il vous fache de m' avoir averti de l'amour du Comte, & vous votilez aller vous même au rendez-vous ? Laisfez moi. SUZANNE, fe jettant aux pieds de la Comtesfe. Ah! Madame, au nom du ciel, espoir de tout, après toutes les bontés que vous avez eues pour moi & la dot que vous me donnez , pouvez- vous croire... LA COMTESSE. relevant Suzanne- Mais je n'y penfois pas: en allant moi-même a ta place au rendez-vous; perfonne ne feroit compromis, &; ton mariage, quelque chofe qui arrivé, feroit asfuré. SUZANNE. Ah'. Madame, quel mal vous m'avez fait! LA COMTESSE. C'eft que je fuis une étourdie. (Elle embrasfe Suzanne?) Oü eft ton rendez-vous? SUZANNE. Le mot de jardin m'a feul frappé. LA COMTESSE. II mé vient une idéé, il faut ici lui en donner un: écrk» lui... SUZANNE. Moi! lui écrire, Madame! LA COMTESSE, je prends tout fur moi. Suzanne s'asfied devant la tahle qui eft fur la droite du théatre; prend du papier, £? une plume; la Comtesfe dicïe>, „ Chanfon nouvelle, fur 1'air: il fera beau ee foir ftm les grands maroniers,"  DE FIGARO. 93 SUZANNE, répite d me fur e qu'elle ècrit. „ 11 fera beau.... ce foir.... fous les grands.,. mare* niers." LA COMTESSE. Crains - tu qu'il ne Temende pas ? SUZANNE, riant. Ah! c'eft jutte. LA COMTESSE. Cachette ce billet avec une ópingle,- & écris fur le dos du billet: „ vous renverrez le cachet." S U Z A N N E, écrit, & cherche enfuite a fon corfet. Ah! mais '■... je n'ai pas d'épingle a pröfent. LA CO'MTESSE. Tiens , en voila une. \En tirant cette ipingle, qui tenoit attaché le ruban de Chérubin, le ruban tombe par te/re ) SUZANNE, ramasfant le ruban. Mais c'eft votre ruban que vous avez repris tantóc a» petit page. LA COMTESSE. Oui; rends - le moi. SUZANNE. Mais, il y a du fang: Madame ne le portera plus. LA COMTESSE. II eft asfez bon pour Fanchette, quand elle va venir m'apporter un bouquet.  .f4, L Ë MARIAGE* SCÈNE IV. LA COMTESSE, S ü Z A N N É£ F A N C H E T T Ej dix ou douze fit/es du village portant chacune un bouquet, CHERUBIN* habillé en fille portant ausfi un bouquet. FANCHETTE, JMCadame, ce font les filles du village qui viennenï vous apporter des bouquets pour Ia noce. LACOMTESSE, montrant Chérubin. Quelle eft cette jeune e'trangère? FANCHETTE. Madame, c'eft une couflne a moi qui eft venue pour fe fête. LACOMTESSE. Elfe eft jölie... (Elle prend le bouquet de Chérubin.") Ne pouvant porter vingt bouquets, faifons honneur a 1'étrangere. (Elk Pembrasfe fur le front.) CHERUBIN,* part. Voila un baifer qui m'a été bien loin. LA COMTESSE, A Suzanne, Ellearougi! ne trouvez tu pas, Suzanne, qu'elle res» femble a quelqu'un ? SUZANNE, La resfemblance eft frappante.  BE FIGARO. 95 SCÈNE V, Les a&eurs précédens , L E COMTE, ANTONIO. ANTONIO, tenant a la main un chapeau d'officier. gneUr, je vous dis qu'il eft ici, ( Ché. rubin , qui étoit fur le bord du thêatre fe cac he au mi/.' » des autres filles qui l'' environnent.) Les filu s du vi.l i^e 1'ont habïiié en femme chez ma fille, & je viens !e trouver , parmi fes habifs , fon chapLau d'oflicier quelles y avoient laisfé par mégarde. // tourne tout autour des villageoifes pour reconnoitre Ché ubin . il Pap/>ercoit au mi(ieu d' elles, & lui met le chc/peau fur la tête.j Tenez, Monfeigneur, voila votre officier. L E GOMT E. Encore ce maudit Page, il y a un mauvais génie qui tourne tout contre moi.. {Se toumant vers ta Comtesfe.') Éh ! bien, Madame ? LA COMTESSEVous me voyez plus étonnée que vous, Monfieur le Comte, & Suzanne n'étoit pas plus inftruite que moi. L E COMTE. J'avois tort fans doute ce matin quand je difois qu'il étoit chez vous. LA COMTESSE. J'aurois tort fans doute fi je di-fimulois plus longtems. Oui monfieur le Comte , il étoit chez moi lorsque vous êtes entré, nous commencions ce badinage que ces en fans viennent d'achevLi", vous êtes entré je me luis troublée, jl s'eft caché, votre imagination a fait le refte, L E COMTE. Etre enforcelé par un Page! ... mais tu me lepayeras. FANCHETTE. Ah,! Monfeigneur, quand vous venez m'erabrasfer, 6;  la marche commence par VHmfierAudiencier fuivi de quatre gardes por tant pauk ; fidvent quatre confeillers deux d deux , Êf Bridb- ^Étn^'aprt U panier danfeur, enfuiu de»» iwMwfm enfuite, en téte, menie par fon onch oMtÉ'i après Jomant la main jjj^WjS U marche eft tptminêe par fcUoCTlti.R ™k H£j-°; ■ Ursque twïla mrehi 1 défilé deUnt h Comte & U  i«» ZE MARIAGE Comtesfe qui reftent asfis, Antonio améne Suzanne au Lomte. Figaro, Marceline, le Docleur, tj les autres reftent a gauche du théatre. J Le Comte, la Comtesfe, Antonio , Suzanne, tjf les deux danfeufes qut portent le chappeau fcf' le carré au, font a droite. J La danfeufe qui porte le carreau le met aux pieds du Come. Suzanne fe met d genoux dcsfus, cjf l'autredanJeiije remet au Comte le chapeau. Pendant que le Comte attaché le chapeau fur la tête de Suzanne, elle fat fit cette occafion pour lui donner le billet qut contient le rendez-vous. Comme elk eft la dernière & la plus prés du bord de la fcène, que per fonne ne peut l apperceroir,elteglisfe de la main droite, le billet auCom. te. Ce der nier, qui s'en apperph, atfait, fans qu'on le vote, les trois premiers boutons en haut de fon ju/ie-au corps, cjf faifant femblant cPattacher la dernière épinple au cotépar lequel Suzanne lui donne le billet, il le trend adroitement <ü le cache ausfi-tót dans fa vefie. ^ Antonio va en fuit e ramener d Figaro, qui eft placé d l autre coté du théatre, Suzanne qui a le chapeau fur la tête. Figaro vient, d moitié chemin , recevoir Suianm des mxins d Antonio, f? va lapréfenter d Marceline fa mère. Le Comte empresfé de lire le billet le décachete; maïs n ayantpas vu Vépmgk il fe piqué jusqu'au fang. LE COMTE a part, fe presfant le doigt peur faire forttrlejang, er le fecourant pour le faire tomber. Pette foit des femmes! elles fourent des épinries partout. r FIGAR.0, bas a Marceline, '3 Antonio, au Docleur £? d Suzanne. C'eft im billet qu'il aura recu, en paffimt, d'une poulette. Ce billet apparemment étoit cacheté d'une epinele qui 1'aura outrageufcment piquée... Le Comte, iappercevant de ce qui étoit êcrit derrière le billet de Suzanne, cherche partout Vépingle qu'il avoit  DE FIGARO. x»jji jetiie de colère quand il $'étoit piqué, & Payant enfin retrouvée, il la ramajfe. D'un objet aimé tout eft cher : Ie voila qui cherche Ie cachet. ( U amène Marceline devant le Comte , la Comtcfie.) Pendant que le Comte fe prépare a lui mettre un Bonnet Jur la tête, on entend du bruit d la porte. L'H ü I S S I E R-A U D I E N C I E R. A moi, gardes, les gardes, les gardes a moi, ici, a, cette porte. L E COMTE. Eh bien! qu'eft-ce que c'eft? L'HUISSIER AUDIENCIER. Monfeigneur, c'eft monfieur Bazile, accompagnê d'ua village entier paree qu'il marche en chantant. L E C O M T E. Qu'il entre... Seul LA COMTES SE. Monfieur Ie Comte, permettez que je me retire chez moi un inltant. (Elle fait figne d Suzanne de la fuivre.') (Bas d Suzanne.) Allons vite changer d'habits. (Elles fortent.) SCÈNE X. BAZILE, GRIPPE-SOLEIL, les atïeurs précédens. BAZILE, fuivi de Grippe-Seleil, entre en chantant, s'accompagnant fur Ja guittare. Air du vaudeville noté d la fin. oEüss fenfibles, cceursfldèles Qui blaraéz l'amour léger, Nj  !02, t e Mariale Ceffez 'vos plaintes crnelles Eft-ce nn crime de changer?' Si l'amour porte des ailes, N'eft ce pas pour voltiger? (ter.) FIGARO. Oüi, hotre ami, c'eft pour cela qu'il a des ailes au des. a Éh bien! que fignifie cette chanfon ? BAZILE. Qu'après avoir prouvé mon obéiffimce a Monfeigneur,' en amufant Monfieur , CU motitri Grippe - Soleil,} qui eff de fa compagnie, je viens réclamer fa juftice. GRIPPE-SOLEIL Bah.' Monfeigneur, il ne m'a pas amufé du tout avec fès guenilles d'arriettes. LE COMTE,* Bazile* Que demaudez-vous ? BAZILE. La main de Marceline. FIGARO,* Bazile. Y a-t-il long-tems que Monfieur n'a vu Ia figure d'irö fou? BAZILE. Non, puifque je te vois. FIGARO. Puifque mes yeux te fi rvent fi bien de miroir, lis-y 1'effet de ma prédiction. Si tu fais mine feulemeijt, (montrani Marceline) d'ap'proximer Madame .. L E DOCTEUR. Ah! Mesfieurs, faut-il que deux amis fe querellent? FIGARO, regardant Bqzile* Moi, ton ami! paree que tu fais de plats airs dechapeffe BAZILE. Paree que tu fais des vers comme un journal, F I G A R O. Muilcien de guinguette.  BAZILE. Poftillon de gazette. FIGARO. Cuiftre cForatorio. BAZILE. Jockey diplouiatique. L E C O M T E. Eh bien! Me«fieurs 1 s infoients, cesferez - vous bientót de vous tnjurer deva; t moi ? BAZILE C'eft lui , M nfeigneur, qui me manque en toute occ8' Con , 'difant partout que je ne fuis qu'un fot. FIGARO. Eft-ce que tu me prends pour un écho? BAZILE. Peut-on traiter ainfi un homme, qui, parmi tous les Chanteurs brille.,. FIGARO, Brille!... dis-donc, braille. BAZILE. Vous le voyez, Monfeigneur, il le répéte. FIGARO. Et pourquoi non, fi cela eft vrai? eft-tu un prince pour qu'on te fiVorne? fouffre la vérité, coquin, puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur, ou fi tu lacramsd une autre part; pourquoi veux-tu rompre mon mariage? BAZILE,* Marceline. Ne m'avez-vous pas promis a Séviile que vous m'épouferiez dans quatre ans? MARCELINE, Oui ï mais a quelle condition ? BAZILE. Que fi vous rerrouviez un certain fils perdu, je 1'^dojaterois par complaifance. FIGARO. Eh bien! il eft retrouvé ce fils.  *«4 LE. MARIAGE BAZILE. Oü eft-il? LE DOCTEUR, montrant Flgért. • Le voila: le voyez-vous? BAZILE, détoumant la tête avec une espèce d'horreur. Ah! j'ai vu le diable. BRIDE-OISON. Vou - ous n'épouferez don - onc pas fa che-ère mère ? BAZILE. Y a-t-il rien de pis que d'être cru le père d'un tel dróle? FIGARO. Oui, d'être cru ton fils. BAZILE. Je vous déclare que tant que Monfieur fera quelque chofe ici, je n'y ferai plus rien. SCÈNE XI. Les atleurs précédens, exceptè Bazilt. FIGARO. onc, a Ia fin , j'aurai ma femme. ! L E COMTE,* part. Et moi ma maltresfe. BRIDE-OISON. Et-et tout le monde fera fa-atisfait. G R 1 P P E-S O L E I L. Moi, je vais préparer Ie feu d'artifke fous les grands maronniers. L E COMTE. Sous les grands maronniers! quel eft Ie fot qui t'as don. Hé eet ordre 'J & Ia Comtesfe qui eft incommodée, d'oü ie verra t'elle? c'eft fur Ia terratfe devaut fes fenêtres qu U faut le préparer, entends-tu?  B E F T C At R 0, xö| GRIPPE-SOLEIL, Oui, Monfeigneur. LE CÓMT E. Sous les grands marroniers, la belle idéé! lis alloient in. tendier mon rendez-vous. (Teut le monde fort, exceytè Figaro, Marceline.) scène xii, figaro, marceline. FIGARO. C3ue£ escès d'attention pour fa femmé! je ne le conv> nois plus. MARCELINE. Mon fils, lorsque je te parlois contre Suzanne( c'étoit pure préventioh : car je .la erois vertueufe, èt l'amour dc Monfeigneur ne doit pas t'iuquiéter. F I G A RTO. Ma Mére , he croyez pas que les aftions de vötre fils foient dirigées par ces impullions féminines de la jaloufie. La jaloufie n'eft qu'un fot enfant de forgueil, ou c'eft la maladie d'un fou. Olj '■ j ai li desfus, ma mère, une philofophie imperturbable. MARCELINE. Mon fils, il ne faut jurer de rien. FIGARO. Oh! je défie a la plus rufée de m'en faire accroire, & ü Suzanne doit me trompet un jour, je luipardoune d'avancea süe aura fort a faire auparavrfnt. .O >1 A D I '<  j<4 LE MARIAGE. SCÈNE XIII. FIGARO, MARCELINE, FANCHETTE. FANCHETTE, fans voir Marceline, ni Figaro. \^*oyons s'il n'y a perfonne ici. (Elle va tout pris de Figaro fans le voir.) FT GA R O, a Fancketfe. Eb! mais, ma petite coufine nous écouce, je crois? FANCHETTE. Oh! non, on dit que ce n'eft pas honnéte. FIGARO. Non, mais c'eft quelque fois utile, fc 1'on peut confondre 1'un avec i'amre... Qu'eft-ce que tu cherche ici?... Che'rubïn, friponrre? FANCHETTE. Non, car je fais bien oü il kil; c'eft ma coufine Suzanne que je cherche. FIGARO. Que lui veux - tu? FANCHETTE. Ah! mon petit coufin, je te cinl; c'eft pour lui remettre une épingle. FIGARO. Une épinglel une >i, Mademoifelle, fi jeu ne, vous faites déja de pareils meslages! öf de quellepart, s'il vous plait ? F A N C H E T T E. Oh! je m'en vas, puisque vous êtes en colére. FIGARO, r Nou refte, refte, petite coufine, ce n'eft rien; je ISis ce que c'eft. C'eft Tépingle qui cachetoit le billet qu'elle lui a donné tantót, & que Monfeigneur 1'avoit dit de lui temettre: tu vois que je le (ais»  DE FIGARO. 10? fanchette. Et pourquoi me le demandez - vous donc, puisque vous Ie favez fi bien, FIGARO. C'eft pour voir la manière dont il s'y eft pris pour t'en charger. FANCHETTE. Pas autrement que vous me le dites: Tiens m'a-t'il dit, petite Fanchette , va porter a ta coufine Suzanne cette épingle •, tu lui diras que c'eft le cachet des grands marrouiers. II eft vrai qu'il a ajouté: fur-tout, prends garde que perfonne ne te voye. FIGARO. Allez. petite coufine, & n'en dites pas plus a Suzanne qua moi. FANCHETTE, s'enallant. II me prend pour un enfant, mon coufin. SCÈNE XIV. F I G A R O. | bien! ma mère? marceline; Eh bien.' mon fils? FIGARO. En vérité, ma mère, il eft des chofes... marceline. Eh, bien! qu'eft ce-que cela veut dire? ii eft des cho» fes.,.. FIGARO. Tenez, ma mère, ce que Fanchette vient de dire je 1'ai, la comme un ploiub... marceline. Et pourquoi cela? O a  ï#* LEMARIAQZ FIGARO. Mais, ma mère', cette épingie? MARCELINE. Ah! dg Ia jaloufie! ce coeur fi ferme n'eft donc qu'nn, t>alion gonflé, qu'une épingie fait partir. Oh.' j'ai la des. fus, ma mère une philofbphie iiriperturbable. FIGAROAh! mettez le magifirat le plus glacé a expliquer les loix dans fa propre caufe , & vous verrez comme il les eutendra. m'a rceline. Majs pourquoi tant s'aliarmer fur un fi léger rapport? Qui t'a dit que c'étoit toi qu'on vouloit jouer, plutót que Monfieur le Comte? qui fait fi Suzanne ira, dans quelle intention elle ira, ce quelle y dira, ce quelle y fera?... FIGARO. Elle a-raifon , ma mére raifon . toujours raifpn; mais, snamère, accordez quelque chofe a ia nature, on en eft meilleur après?.. (Ils refienttous deux quelque tems dans fa filence; enfin Figaro le mmpt en difant d'un air fombre.) je fais oü eft le trendez- vous... Adieu, ma mere. (tl fort.) du Quatrieme SCÈNE XV. marceline, feule. J^Ldjbu, mon fils... & moi ausfi, je le fus, & j'y ferai pour y furvejller Suzanne; ou plutót avertisfons - la: elle tft fi jolie créature! nous autres femmes lorsqu'une injure perfonnelle ne nous anime pas les unes contre les autres , nous fommes asfez porties a défendre notre intérét corrimun, contre ce terrible, & pourtant un peu nigaud» de fexe masculirj. •  DE FIGARO io? SCÈNE PREMIÈRE. FANCHETTE, feule, tenant d'une main une lanter, ne , de l'autre une orenge^ deux biscuits. C^'est par ici que Chérubin m'a dit de venir pour me faire répéter mon róle: il m'a dit dans le cabinet a droite; ari! Je voici Mon Dieu que ces gens de I'offioe font méchants» j'ai eu bien de la peine a avoir, feulement deux biscuits & une orange. Paree que monfieur ie ( omte ne veut plus le voir, faut il pour cela qu'il meure de faim •pour qui, mademoifelle? ... qu'eit-ce que cela vous fait, monfieur? .... ah I nous favons bien pour qui. c'eft pour ie petit page. Eh bien! quand cela feroit?... ah! ils m'ont couté un fier baiftr toujours:... mais Chérubin me le rendra. v Appercevant Figaro qui entre, elle fait un qri ) ah! ( elle s'enfuit dans le cabinet a droite.) ACTE C I N Q ü I E M E, Le théatre repréfente un jardin au fond duquel eft une allée de marroniers: du cóté droit du jardin eft un cabinet, & du cóté gauche un pareil: la' Jcène fe pasfe ' la nust.  ito L E MARIAGE SCÈNE II. FIGARO, BAZILE, ANTONIO, LE DOCTEUR, GRIPPE-SOLEIL, £ƒ autrespayfans. FIGARO, couvert d'un chapeau, d'un mant eau rouge, ayant un air très-fbmbre. 3t^0N SOir... mes amis, étes-vous ici? BAZILE. Tous ceux que tu as presfés d'y venir» FIGARO.. Qu'elle heure eft-il ? ANTONIO. is lune devroit être levée. LE DOCTEUR. Quels noirs appréts.' il a Fair d'un conipirateur. FIGARO. C'eft ici, mesfieurs, que vous allez célebrer la chafte Suzanne, & k loyal feigneur qui fe 1'eft réfervée- BAZILE, aux autres d'un air de myftère. Ah! vraiment, je fais ce que c'eft: il s'agit d'un rendezvous; je vais vous conter tour cela: allons nous en. FIGARO. Allez, & au premier fignal accourez, & fi je ne vous fais voir une belle chofe, dites que Figaro eft un Ibu LE DOCTEUR. Mon fils, fouviens- toi qu'un homme fage ne fe fait pas d'affaire avec les grands. Ils ont qtiinze en bisque fur nous par leur état. FIGARO. Sans leur induflrie que vous oubliez : mais fouvenezvous que celui qui marqué de la crainte encourage fon adverfaire, & iui donne avantage fur lui, &que j'ai nam de verte allure du chef honoré de ma mère.  DE FIGARO* rit LE DOCTEUR. il a le diable au corp9. BRIDE-OISON. Lil ra. FIGARO, aux payfans. Et vou^, coquins, illurainez - moi bien ces entoars. Faï la mort. que je voudrois tenir aux dents, fi j-'en prend* un.... (il prend Grippe-foleil par le poignet, & lui tori le bras~) G R I P P E- S O L E I L. Oh ! oh ! oh! le brutal. BAZILE, s'en allant. Monfieur le Comte & Suzanne fe font arrangés fans moi,' ja- ne fuis pas faché de 1'aigarade... Le ciel vous tieuneea paix, monfieur du Marié. SCÈNE III. FIGARO, feul. 0^ FEjsime.' femme ! femmef creature foible, & déce*.vante! nul animal créé ne manque è fon inftinct, , le tien eft-il donc de tromper? elle me réfiftoit lorsque je la presfois devant madame ia Comtesfe, & c'étoit pour mieux me jouer.' Sc le perfide riort en lifmt ce fatal billet 1.. « non , monfieur le Comte, vous ne 1'aurez pas. Paree que vousêtesungrandfeigneut vousvenis croyez tout permis. Un nom, iwrrang, des grandeur?, des richesfes, tout cela rend fier. Qu'avez-vous fait pour tantde biens? vous, vous ëtesdouné la peine de naltre, & rien de pltis: D'ailleurs homme asfez ordinaire, tandis que moi, morbleu, jetté dans fa foUle obfcure, 'A m'a failu déployer plus d'irrtrigues, plus de calculs, fetrlem.nt pour fubfifter, qu'il n'en faut pour gouverner, pendant cent ans, les treize royaumes; & vous voulez jouter?... on vient... (il cherche, il icoute')... ce n'eft perfonne.. la «uit eff noire en diable, & moi, je fais ki le fot róle de mari, quoique je ne fois encore qu'i moitié.;. (il s'asjied fur un banc de gazon, & óte fon manteau, ainfi que fon chapeau, Après avoir faru quel'  t|i L È MARIAGE que tems plongi dans fes réflexions, il rompt lejtlence )... Eft-il un fort plus bizarre que le mien? fils de je ne fais pas qui; volé par des bandics; élevé dans leurs moéurs, je m'en dégoute & veux courir Une carrière plus honnête, & par-tout je fuis repousfé* J'apprends Ia ehymiej la pharmacie , Ia chirurgie , & tour le crédit d'un g:and feigneur fuffit, a ptiiie} pour me mettre a la main une iaucette vétérinaire! Las d'atrritier des bêces raalades, & pour faire un métier contraire , je me jette a corps perdu dans Ie théatre: me fusfai-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les mceurs du férail. Auteur efpagnol, je crois pouvolr fronder en liberté Mahomet; ausfi-töt un en-> voyé de, je ne fais oü, fe plaint que j'infulte dans mapiéce, Ia fublime porte, une partie de la prefqueifle des In* des, toute la Perfe, la Chine, lès royanmes de Tunis* Tripoli, Darca, Maroc & Alger: & voila ma comédie fhmoée pbür plaire aux princes Mahométans, dont pas un, je crois, Be fait lire, & qui nous meurtrisfent 1'omoplatte en nous difant, chiens de chrétiens! Ne pouvant avilir 1'efprit, on le m Jtraite. Mes joues creufoient; mon heure étoit venue, je voyois venir de loin 1'affreux records, la pltime fichée dans la per Urjue... En frémisfant, je m'évertue, lls'élêve une queftion fur Ia nature des richesfes, & comrile il n'eft pas befoin de tenir les chofes pour en raifonner n'ayant pas un fou, je fais un livre fur la validité de I'argent, & fur -fon produit net... Alors, je vois, du fond d'un fiacre, .baisfer, pour moi, Ie pont d'un ebataau fort, a la porte 'tiuquel je laisfe Pefpérance & la liberté.. (il refle comme enfêveli dar.s fes réflexions ■• /'/ fe léve enfuite avec vivacité)... Que je voudrois bien tenir un de ces puisfants de 'quatre jours, fi légers fur le mal qu'ils ordonnent, lorfqu'une bonne disgrace a maté leur orgueil... je leur dirois que les fottifes imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux oü on en gêne le cours; que fans la liberté d'ccrire, il n'eft pas .d'éloge iiatteur , & qu'il n'y a que les petits hommes quiredoutent* les petits écrits... Las de nourrir un penfionnaire obfcur, on me met un jour dans Ia rue, & comme il faut diner, quoique n'étant plus en prifon, je taille de nouveau ma plume écdemande de quoi il s'agisfoit ... on me dit que pendant ma retraite économique il s'eft établi dans Madrid un fyftème de liberté fur Ia veine des produétions qui s'e'tend jufqu'a celie de lapresfe, & que, pourvü que je ne parle ni de 1'autorité, ni du culte, ni de lapolitiquê, ru' de la morale, ni des gens en place, ni des corps en cré*  BE FIGARO, dit, ni de 1'opéïa, ni des autres fpeéiacles, ni des perfon. nes qui tienuent a queique chofe, je puis tout imprimer librement, fous la derection néaninoins, de deux, ou trois cenfeurs .. Pour profiter de ce> te doublé liberté j'éeris de nouveau, & je fais un ouvrage périodique; & croyant ne marcher fur les brifeés de perlbnne, je 1'intitule journal inutile pour rrrrr... je vois s'éiever, contre moi, mille pauvres diables a la feuille , qui fe plaignent que je !es réduits a la beface: on examine ma feuille, on la fuprime, & me voila derechef fans emploi... Le défesDoir m'alloi't faifir; on penfe a moi pour une place; mais malheureufement j'y écois propre; il faloit un calculateur, ce fut rut dstifeur qui 1'obtint. II ne me redoit plus qu a volerje me fis banquier de Pharaon. Alors bonnes gens; je fou' pois en ville les perfonnes, dites comme il faut, me recevoieut chezelles, en retenant, pour elles, les deux tiers du profit. C'eft alors que je vis que, pour gagner du bien, Ie favoir faire vaut mieux que le fa voir. J'aurois bien pu me rernonter ; mais comme chacun pilloit autour de moi, en exigeant que je fusfe honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup ie quittois le monde, & vingt brasfes d eau m'en alloient feparer, lorfqu'un dieu bieiuaifaut me rappelle a mon premier ètat Je reprends matrousfe , & mon cuir anglois , & Iaisfant Ia fumce aux fots qui sen nourrisfjiir, & la honte en chemin comme trop lourde pour un piéton, je retrouve ehfin le bonheur Un grand feigneur paslé a Séville, me reconnoit, je le made, & pour récompenfe de lui avoir donné fa femme il veut intercepter la miemie. Oh! bizarre fuite d 'événemens» lancé dans une carrière fans le favoir, comme j'en ftmira'i fans le vouloir, je 1'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me la pu permettre; encore je dis ma gaieté fans favoir fi elle el! a moi plus que tout le refte,- & qu'eft ce que ce moi dont je ra'oceupe? un compofé de petits aiómes, de molécules organlfées, un petit étre foible que fris je?... Gouyerné par les circonftances, maïtre ici' valet la : orateur felon le danger, poëte par occafion jiiuficien par délasfement, Iaborieux par nécesfitév mais paresfeuxj. avec délices: j'ai tout fait, tout vu, tout parcouru, & 1'illufion s'eft détruite. A ia veii'e de me maner tous mes parens m'arrivent a la fois; grands débats a ce fujet, on ne veut pas me reconnoftre; c'eft lui, c'eft moic'eft lui, non, ce n'eft pas lui, & qui donc?.... ZaSa P  IÏ4 LE'MARIAOS tout s'éclaircit au moment oü je crois être défabufé't..« défabufé! .... Ah ! Sti'.on ! Suzon ! que tu me caufes de chagrins. (IIfe laisj'e aller fur le banc. & demeure enfèveli dans la flus profonde douleur. ) SCÈNE IV. FIGARO, LA COMTESSE, fms les habits de Suzanne, SUZANNÏ, fins les habits de la Comtesfe , MARCELINE. MARCELINE. 'est par ici. FIGARO. On vient. (II remet vite fon chapeau, & fon manie au. ) MAR C E L I N E. Je vais entrer dans ce cabinet , d'oü j'entendrai tout. (fille entre dans le cabinet d droite oü eft dêja Fanchette,) SUZANNE, a la Comtesfe. Marceline nous a dit que Figaro y feroit. LA COMTESSE. Ainfi i'un nous attend, & 1'autre va venir. SUZANNE. Madame tremble, eft-ce qu'elle auroit froid? LA COMTESSE. Oui, je vais me retirer. SUZANNE. Si Madame n'avoit pas befoin de moi je prendroïs Fair. LA COMTESSE. C'eft le ferein que tu prendois.  35 E FIGARO, FIGARO,^ part. Ati! oui, le ferein, elle y eft toute faite. Suzanne fe retire tóuï-b-fatt au bout du théatre, fur la droite au bord de la fcène: Figaro eft tout-a fait fur la gauche, & la Comtesfe eft au milieu. SCÈNE V. SUZANNE, LACOMTESSE, FIGARO, CHERUBIN. CHERUBIN, accourt en chantant. Y kJA ' A r o i s une marraine Que mon coeur, que mon cceur a de peine, J'avois une marraine Que toujours j'adorai, &c» Eh'. mais... eh! mais... voila une femme ,.. £// regarde d travers Fobfcuriré.) C'ell Suzanne (II approche, & prenant, par la main, la Comtesfe qu'il prend pour Suzanne, paree qiielle a fes habits.) Quand je ne t'aurois pas.reconnue auplumage blanc de ton chapeau, qui fe desfine dans 1'obfcurité, je ne pouvais pas te mécounoitre a la douceur de cette main. LA COMTESSE, crue Suzanne. Laisfez-moi, laisfez-moi, Monfieur; Figaro va venir. CHERUBIN. Ce n'eft pas Figaro que tu attends, friponne; c'eft Monfeigneur qui t'a donné ce rendez-vous ce matin quand j'élois derrière le fauteuil F I G A R O, d part. Et 1'on dit qu'il ne faut pas écouter- LA COMTESSE, crue Suzanne, Allez-vous-en. P a  316 [L E MARIAGE. CHERUBIN. Oui, mais avant de m'en aller je veux te donner vings baifers pour toi, & cent pour ma belle marraine. SCÈNE VI. F I G A R"*0 , LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE, CHERUBIN. L E COMTE, venant au rendez-vous , g? voyant li page avec la Comtesfe, qu'il prend pour Suzanne. %^'f. st eneore ce page infernal. Chérubin veut embrasfer de force la Comtesfe, elle fe dé. fend, fi? s'arrache d'ent re les bras de Chérubin. Dans le moment ou ils fe féparent, k Comte fe met entre deux, & le Fage embrasfe le Comte croyant embrasfer Suzanne. CHERUBIN, reeonnoisfantle Comte, & l'embrasfant. C'eft, Monfeigneur. {II s'enfuit dans le cabinet ddroite su étoient déja Fanchette ■ £? Marceline.) SCÈNE VII. FIGARO, LA COMTESSE, SUZANNE, LE COMTE. (Figaro qui avoit entendu toute la converfaticm de Chérubin^ de la Comtesfe , qu'il c rolt ét re Suzanne, s'appro■the, tout prés, pour voir fi Suzanne fe laisfe embrasfer. L E COMTE, donnant un foufflet è Figaro, croyant le donner a Chérubin. UISO.VE vous ne redoublez-pas Ie baifer, recevez celui ci,  DE F f C A R öé FIGARO a part. Ah! ce n'eft pas totft gai., d'écoi.ter. LE COMTE. Le petit infolent! après la défenfè que je lui ai faite Mtntót .. Mais laisfons ces bKivrreries, eiles empoifone. roient le délicieux moment que tu m'accordes. LA COMTESSE, crue Suzanne. Ainfi, 1 amour .., L E COMTE. L'amour n'eft que le roman du coeur , c'eft Ie plaiiir' qui en eft i'Ii irtoiré.... (Lui prenant la main.) La Comtesfe n'a pas le bras ausfi potelé, la peau fi douce, de ft jolis peiits doigts pleins degraces... (//Vembrasfe trois, su quatre fois.) F I G A R O, fe dé fespér ant. Oh! Ia coquine! LA COMTESSE, dèguifant fa voix. Mais quelle différenee trouvez-nous entre moi & ls Comtesfe? L E COMTE. Je ne fins. LA COMTESSE. Mais, dites-donc? L E COMTE. Moins d'uniformité peut-être dans les tnits, plus de piquant dans les manières, que fais je moi? & puis trois aus d'imion rendent le mariage fi refpeétable! nos femmes croyent avoir tout fait que de nous époufer, après cela eiles iiousaiment, nous aiment.. .quand elles nousaiment, toutes fois- Elles font fi compiaifantes , & fi conftamment obligeantes, & toujours , & fans relache qu'on eft tout furpris, un beau jour de ne trouver que la fociété oü 1'on ne cherchoit que le plaifir. LA COMTESSE. Le moyen d'y remédier ? L E COMTE. C'eft ï nous a vous obtenir, & nous faifons cè qua P 3  L E MARIAGE nous pouvons pour cela: mais c'eft a vous a nous retenir, cc c'eft ce que vous femblez oublier. L A COMTESSE. Ce ne fera pas moi. SUZANNE, part. Ni mol. FIGARO,^ part. Ni moi. LE COMTE. II y a de 1'écho ici... Un Caflllan n'a que fa paroles voila d'abord mille écus pour le rachat du droit que je n'ui plus. (II lui donne une bourfe.) Enfuite, comme la faveur que tu m'accorde eft fans prix, voici une bague que je te prie d'accepter pour l'amour de moi. (II lui met la bague au doigt.) LA COMTESSE. Suzanne aceepte tout. F I G A R O, d part. On n'eft pas plus coquine que 9a. LE COMTE, d part Elle eft intéresfée, tant mieux! (A la Comtesfe qu'il prend toujours pour Suzanne.) Entrons-nous un inftant dans ce cabiner? LA COMTESSE. Sans lumiere? L E COMTE. Pourquoi faire? nous n'avons rien a lire. (Le Comte prend la Comtesfe par le bras, £? la méne au cabinet d gauche. Pendant ce tems Figaro les fuit, & le Comte, enfendant marcher quelqu'un, crie,) Qui pasfe-la? F I G A R O. On ne pasfe pas, on vient expres. L E COMTE. C'eft Figaro. (Le Comte, & la Comtesfe s'enfuyent dans tobfcuriti fans favoir oü ils vont. La Comtesfe entre dans le cabinet. d gauche. le Comte pasfe d cóté du cabinet & ■va plus kin dans le jardin.  I) E FIGARO. u9i SCÈNE VIII. FIGA RO,SU,ZANNE, crue Ia Comtesfe, FIGARO,/*? croyantfeul. ÜSlle eft entrée!... Eh bien! vous autres époux qut payés des efpions pour furv.'iller vos femmes , & qui tournés des mois entiers autour d'un foup9on ) imitezmoi : dés le premier jour je vellle ma femme , je la fuis, en un tour de main on eft au fait ; c'eft charmant .... Heureuièment que je ne m'en foucie guère, & que fa trahifon ne me fait plus rien du tout. (Pendant que Figaro dit tout cela Suzanne, è l'autre bout du théa. tre, fe tort les mains d'impatience de battre Figaro pour le punir de fes foupcons. Figaro approche vers le cabinet a gauche oü la Comte.fe eft entré! SUZANNE, bas. Ah! tu vas payer les foup9ons. (A demi-voix, & con. tref ai faut la comtesje.) Qui va la? FIGARO. Qui va 14... quelqu'un qui voudroit que la pefte feut étoulfée en naisfant. SUZANNE. Mais je crois que c'eft Figaro ? FIGARO , croyant reconnoitre la voix de la Comtesfe. Madame la Comtesfe.'.: Ah, Madame! oü croyez-vous que foit Monfieur le ComteV SUZANNE. Peu m'importe!,, un ingrat. FIGARO, s'emportant. Et Suzanne, cette vertueufe fille qui faifoit tant la réfervée? .. Pendant toute cette fcène SuZaxne frappe fes den» mains, Tune dans l'autre, brülant de battre Figart.  lao LEMARÏAOE SUZANNE. Parlez bas. FIGARO, d part reconnalsfant Susan?: t. C'eft Suzanne! god dem. SUZANNE. Jls font enfemble. FIGARO. Oh! la traitresfe qui veut me furprendre. SUZANNE. II faut nous en venger, Figaro. FIGARO , d part. Oh! qu'il feroit doux qu'avant la noce... Oh, madamel en feutez-vous le vif defir ? SUZANNE. Je ne ferois donc pas dj mon fexe; mais les hommes en ont mille moyens FIGARO. Nous ne fomtnes pas de trop ici, madame; celui des femmes les vaut tous. SUZANNE. Oui, mais qu-'eft-ce qu'une telle vengeance qu'un peu d'amour n'asfaifonne pas? FIGARO. Madame partout oü vous n'en voyez pas, cr'oyez que le refpecf disfimule. SUZANNE. Je re fais fi vous Ie penfez de bonne foi: mais vous ne le dites pas de bonne grace. FIGARO,/* jettant aux pieds de Suzanne qu'il fait fembfdvj de prendre pour la Comtesfe. Ah! Madame, je vous adore. SUZANNE, Y penfez-vous, Figaro ?  DE FIGARO. ut FIGARO. Oui, Madame, confidérez le tems, le lieu, les circofiftances, & que votre main... SUZANNE, ne digufant plus fa voix donne un foufflet d Figaro. Tiens, voila pour tes foupcons... (Elle lui donne des coups d we/ure. Voila pour ta (aloufie... (Et pendant ce tems Figaro fe frappe lui même.) C'eft-il la de l'amour? FIGARO, fe relèvaut. Samfta Barbara: oui, c'en eft, frappe, continue, frappe fans relache; mais quamd tu m'auras meutri tout Ie corps de coups, regarde d'un ceil de faveur le mortel le plusheu. reux. SUZANNE. Bon frippon, vous n'en fëduifez pas moins Ia Comtesfe, avec un fi trompeur babil, que, m'oubliant moi-mêine, c'étoit pour elle que je cédois. FIGARO. Aurois-je pu me méprendre a ta jolie petite voix 9 SUZANNE. Quoi! tu m'avois reconnu? FIGARO. Oui. . SUZANNE. Ah! comme jejm'en vengerai, FIGARO. A bien battre, & garder rancune , (c'eft ausfi pas trop féminin... Mais , dis moi-donc, commeut tout ceci eft arrivé ? SUZANNE. Eft-ce ma faute a moi, fi voulant mufeler un renard, flous en attrapons deux ? FIGARO. Qui donc? a pris l'autre? SUZANNE» Sa femme. Q  129 LE MARIAGE FIGARO. Sa femme! pends toi', Figaro, tu n'as pas devinéceluiIa, fa femme. -. ó douze ou quinze mille fois fpirituelles femelles... Ainfi, c'eft avec fa femme qu'il eft entré dans le cabinet? SUZANNE. Oui. FIGARO. Et les baifers de tout a 1' heure, a qui ont-ils été donnés ? SUZANNE. A fa femme. FIGARO. Et cèlui du petit page? SUZANNE. A Monfieur. FIGARO. A Monfieur, oh ! la bonne téte! & celui de tantót der» rière le fauteuil ? SUZANNE. A perfonne. FIGARO. En êtes vous bien füre? SUZANNE, s'apprêiant a lui donner un foufflet. Tiens, Figaro, il pleut des foufflets. FIGARO. Les tiens font des bijoux; mais ceux du Comte font de Tson aloi. SUZANNE, fe relevant un pèu en t/rrierè fi? lui faifant figne du doigt de fe mettre d genóux dei'antelle. Allons, humilie toit, fuperbe. FIGARO, fe mettar.t a genoux. C'eft trop jutte, Allons, a genoux, bien courbé, (il fe courhe davantage, ) ventre a terre. (II fe projlerne tout- èfait ) SUZ ANNE, riant. Ah! ah! ah! le pauvre garcon!  DE FIGARO) n3 SCÈNE IX. LE COMTE, FIGARO, SUZANNE. Figaro toujours un genoux en terre & haifant ia main dt Suzanne Jous les habits de la Comtesfe LE COMTE bas, chtrchant la Comtesfe qu'il croitêtre Suzanne, fi? qui étoit entree dans le cabinet d gauche. ^uzaïKe, Suzanne? FIGARO, bas d Suzannei Voila Monfieur le Comte: veux-tu continuer le badinage? SUZANNE. Oui.. ( Figaro lui baife les mains avec plus d'ardeur.) LE COMTE, fe retournant appercoit Suzanne qu'il prend pour la Comtesfe. Un homme aux pieds de la Comtesfe'- (allant pour tirer fon épée, il s'appergoit qu'il ne fa pas,~) Ciel! je fuis fans armes!.,. FIGARO, d Suzanne contrefaifant fa voix. Madame, Madame, voyez mon amour, donnez lui fa récompenfe? & réparons le tems que nous avons perdu lorsque j'ai fauté ce matin par la fenêtre. L E COMTE. C'eft I'homme du cabinet: tout fe découvre enfin. // court fur Figaro: Suzanne le voyant venir fe réfugié dans te cabinet a droite -oü font les précédens: le Comte met la main fur le collet d Figaro, fi? crie. vengeance hola, quelqu'un. Q *  a«4 LE MARIAGE SCÈNE X. LE COMTE, FIGARO, P E DRILLE. PEDRILLE. M e voila, monfeigneur, arrivant de Séville. LE COMTE. Es - tu feul. PEDRILLE. Oui, Monfeigneur. LE COMTE. Approchez, & ci iez bien fort. PEDRILLE, criant de toutes fes farces. Pas plus de Page que fur ma main; voila Ie paquet. L E COMTE. Eh! Fanlmal.,. hola quelqu'un? accourez toui, fi vous «'entende?? SCÈNE XI. BRIOE-OISON, BAZILE, ANTONIO, L E DOCTEUR, des payfans dont plujïeurspertent des flambeaux. L E COMTE. p: dnille , gardez bien cette porte, & vous, mes vasfaux , entourez moi eet homme, & m'en répondez? (A Figaro.) Et vous, l'homme de bien, préparez- vous a lepondres a mes quefiion t  DE FIGARO. i2$ FIGARO. Pourquoi ferais-je difficulté, Monfeigneur? vous com» mandez a tous ici, hurs a vous même. L E COMT E. Si quelque chofe pouvoit m'irritcr davantage ce feroit le ftng froid qa'il affefte. FIGARO. Sommes nous des foldats qui tuent, & fe font tuer pour des intéréts qu'ils ignorent? je veux favoir pourquoi je me fache moi, L E COMTE. Nous direz-vous d'abord quelle eft la dame que vous avez amenée dans ce cabinet? FIGARO, montrant le cabinet ou eft la Comtesfe. Dans celui la? L E COMTE, montrant le cabinet oü eft Suzanne fius les habits de la Comtesfe. Dans celui - ci. FIGARO. Ah! c'eft bien différent. C'eft une jeune perfdtine quï m'uonore de fes bomès particuliöres. L E COMTE. Vous 1'entendez, Mesfieurs. BRIDE-OISON. Nou- ous Pen-entendons. L E COMTE. Et cette jeune perfonne avoit-elle d'autres engagemens, que vous fachicz? FIGARO. On dit qu'un grand feigneur s'en eft occupé quelque temps: inais fok qu'il fait négligée, foit qu'elle m'ai-mat mieux qu'un plus aimable, elle m'a donné la préférence. LE COMTE. La préf... au motïis, il eft naif.. . Eh bien! Mesfieurs; ce que Vous venez d'entendre, je 1'ai oui, je vous jure, de la bouche de fa complice. Q3  1*6 L E MARIAGE. BRIDE-OISON. De fa-a complice. LE COMTE. Mais comme 1'outrage eft public, il faut que Ia vengearf ce le foit. (II entre dans le cabinet pour prendre la Comtesfe qifil crpit y étre.) Sortez Madame, votre heure eft bien arrivée: quel bonheur qu'aucun gage d'une union fi déteftée (Comme on n'y voitpas dans le cabinet, le Comte améne la première perfonue qu'il y trouve : il tombe fur Chérubin, & jette les yeux fur'lui: après favoir tiré du cabinet, il le repousfe avec une jurprife mélée de dépit.) Et encore le maudit Page! qu'eft-ceque vous faifiez-la? CHERUBIN. ]« me cachois, Monfeigneur, comme vous me 1'aviez ordonné. L E COMTE. Mais il n'étoit pas feul, fans doute? CHERUBIN. II eut été trop dur, Monfeigneur, fi quelqu'ame charitatable n étoit veuu adoucir mon ennui. PEDRILLE. C'étoit bien la peine de crèver un chéval. L E COMTE, montrant l» cabinet. Entres-y toi, Antonio, & conduis devant fon juge 1'infame qui m'a dèshonoré. ANTONIO.On diroit qu'il y a une providence,., Vous en avez tant fait ausfi, Monfeigneur... L E COMTE. Eh, va donc- butor? BRIDE-OISON. Mais qu'eft- eft - ce donc qui a • a pris Ia - femme de d* £ autre ? FIGARO. Psrfonne n'en a eu 1'avantage.  DE FIGARO. is? ANTONIO. Sortez, Madame, fortez. II n'eft pas befoin de vous faire tant prier puisque 1'on fait que vous y êtes. (// amèn* fa fille Fanchette.) L E COMTE. Eh!... c'eft Fanchette. ANTONIO. C'étoit bien la peine, Monfeigneur, de me faire entrer pour faire voir a la compagnie que c'eft ma fille qui caufa tout ce bruit la. L E COMTE. Je faurai bien la trouver, ( // s''avance vers le cabinet t & va pour y entrer.) LE DOCTEUR. Monfeigneur, ceci n'eft pas trop clair. Je fuis de fang froid moi, je vais y entrer. BRI DE-OISON. C't'afFaire la eft au-ausfi trop em-embrouillée. LE DOCTEUR, amène Marceline, & la voyant. Quoi! Marceline? FIGARO. Tiens, ma mère en eft. L E COMTE, parlant a la Comtesfe. Elle y eft, je 1'ai vu entrer. (Elle comme il s'appreche du cabinet pour y aller cherc'ier la prètendue Comtesfe, Suzanne fort, & cache fon vifage avec fon éventail.~) Ah! la voila... que croyez»vous, Mesfieurs, que mérite une indigne époufe? (Foyant Suzanne, tout le monde fe jette d /'es genoux comme pour demandsr la grace de la Comtesfe!) Non, non, non, non, & fusfiez-vous un cent. LA COMTESSE, fortant du cabinet d gauche avec les habits de Suzanne , fe jette d genoux ausfi au cóté droit du Comte en difant. Au moins, je ferai uombre. BRIDE-OISON, riant de toutes fes forces. Ahl c'eft ma a a-a-a-a-a-a-adame Ia com-omtesfe.  128 L E M A R I A G E L E COMTE, reconnoisfant la Comtesfe fous les ha. bits de Suzanne, tient long-tems contenance la plus ent' barasféej enfin il dit; Quoi' c'étoit vous, Comtesfe? ... ma foi il n'y a qu'ua pardon bien généreux... LA COMTESSE. Si c'étoit vous, vous d-iriez non, non : & moi . pour k troifième fois d'aujourd'hui je vous pardonne, & fans condition. L E COMTE, Je n'oublierai jamais cette généicfitéSUZANNE. Ni mol. LA COMTESSE. Ni moi. FIGARO. Ni moi, il y a de 1'écho ici. L E COMTE. J'ai voulu rufer avec eux, ils m'ont traité comme m enfant. FIGARO. Une petite journée comme celle la forme bien un ambasfadeur. LA COMTESSE, II faut que chacun ait ce qui lui appartient: tiens, Suzanne... f Elle lui donne la bague.) Mi toi, Figaro, ceci eft a toi. ( Elle lui donne les mille écus.) FIGARO. Et de trois... celle-ci fut dure a arracher. GRIPPE-SOLEIL, Et la jarretiêre de la mariée, 1'aurai-je? LA COMTESSE, jettant fur la fcène le ruban quelle avoit pris au bras de Chérubin. CHERUBIN, la ramasfant, c=? voyant plufieurs pay* fans s'avancer pour la ramasfer. Celui qui voudra me la difputer n'a qu'a s'avancer.  DËFIG AROi L E COMTE. Pour un Monfieur fi chatouilleux, qu'avez-vous tfouvé de plaifant au foufflet de tantót? CHERUBIN, mettant la main fur la garde de fon. épée. Moi.' mon Colonei? FIGARO. C'eft fur ma joue qu'il l'a recu: voila comme les grands font juftice. LE COMTE. Et vous, Bride Oifon , que penfez-vous de Ceci? BRIDE-OISON. De-e tout ce que je vois, Monfeigneur? LE COMTE. Oui. BRIDE-OISON. Ma-a foi je-e ne fais que vous en dire. Voila-a ffia-afar acon de pen-enfer a moi. FIGARO. J'étois pauvre, on me mêprifoit: me voila fiche... LE DOCTEUR. Les cceurs vont te revenir en fonle. FIGARO- Croyez-vous ? LE DOCTEUR. Je les connöis. Fin du cinquihme & dernier aiïe.  YAtTDEVILLE. BAZILE. ceurs ferfibles, cceurs fidele* Qui blamez Farao.ur léger , Cesfez vos plaintes cruelles! Est ce un crime de cbanger? Si l'amour porte des ailes, JN'eit ce pas pour voltiger, H$t L E COMTE. D'une femme de province: A qui les devoirs font chers, Le fuccès eft asfez mince: Vive la femme aux grands airs! Semblable a 1 écu du prince, Sous le coin d un feul époux, Elle fert au bien de tous, èts, SUZANNE. Qu'un mari fa foi trahisfé, II s'en vante , & chacun rit; Qu'une femme ait un caprices S'it 1'accufe on la punit: De cette abfurde injuftice Faut-il dire le pourquoi? Les plus forts ont fait la loi, ANTONIO. Chacun fait la tendre mère Dont il a recu le jour, Tout le refte eft un royflère»  C'eft le fecret de l'amour s Ce fecret met en lumiere , Comment le fils d'un butor, Vaut fouve t fon pefant d'or, BAZILE. Jean Jeannot, jajoux rifibl© Veut uur femme & reposi II achette un chien terrible Et le lache dans fon enclos: La nuit quel vacarme horrible» Le chien court, tout eft mordu8 Hors 1'amant qui fa vendu. FANCHETTE. Robin me dit en cachette; Si l'amour t'etoit connu, Que ton fein, jeune Fanchette, De plaifir feroit ému. Dans tous les yeux il te guette. Je 1'ai donc vu cher Robin, Dans les yeux de Chérubin. FIGARO. Quand le mal n'eft pas extréme, Fermons 1'ceil a la rigueur , Sur les torts de qui nous aime; Et difons , dans notre cceur: Si chacun renrre en foi-même, Nul mortel, de bonne-foi, N'eft homroe de bien pour foi. BAZILE. Triple dot, femme fuperbe, Que de biens pour un époux ! D'un feigneur, d'un page imberbe Quelque fot feroit jaloux. Du latin